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Full text of "Traité de l'instruction criminelle, ou Theéorie du Code d;instruction criminelle"

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TRAITE 


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L'INSTRUCTION  CRIMINELLE. 


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PAkis.  —  Typog.' iûisso»  if'éojip.,  rue  (la  Kour-St-^Geriuain,  k^. 


/ 


TRAITÉ 


DE 


OU 


THÉORIE 

DU  CODB  D'INSTRUCTION  GRINIILLE, 


PAR 


M.  FACSTm  piLIE, 

COKSEILLKII   A   LA    COUB     DB  CASSATION  ,    HBMBRB     DE     L*1MSTITUT. 


APPELS   CORRECTIONNELS, 

ORGANISATION  DE  LA  COUR  D'ASSISES  ET  DU  JURï, 

PROCÉDURE  DEVANT  LA  COUR  D'ASSISES. 


HUITIÈME  VOLUME. 


PARIS, 

CHARLES  HINGRAY,  LIBRAIRE-ÉOITEUR , 

'  !20.  RUE. DES  m\rai.s-saint-{;ek.majn.„,,„t        « 

'  1858. 


fiaà'l 


Suite  da  litTre  septtème. 


CHAPITRE  VII. 

DE  L'APPEL  DES  JUGEMENTS  CORRECTIONNELS. 

S  S69.  I.  De  Tappe!  en  malière  correctionnelle.  —  II.  Principe  de 
celle  insiitttlion. — 111.  Appréciation  de  son  milité. 

§  ino.  I.  De  quels  jugements  on  peut  appeler.— II.  Il  faut  que  les 

^   iugemenu  soient  débnitifs.— lU.  Quels  jugements  sont  définitifs.  -  - 

Iv.  Exception  à  Tégard  des  jugements  qui  statuent  sur  des  contra- 

*    Tentions.-- V.  Fant-il  excepter  également  ceux,  qui  statuent  sur  les 

'  témoins  défaillante* 

S  571.  I.  Qui  peut  appeler.— ^11.  Appel  du  prévenu.— 111.  Des  parties 
^    responsables. — IV.  Des  parties  civiles. — V.  Des  administrations  pu- 
bliques.— VI.  Du  ministère  public. 

{  372.  I.  Délais  de  Tappel  en  ce  qui  concerne  i*  les  jugements  con- 
tradictoires ;  2*'  les  jugements  pi^r  défaut.— II.  Mode  de  computatîon 
du  délai. — ^III.  Son  point  de  départ.  —  IV.  Déchéance  des  appels 
principaux  ou  incidents  formés  hors  des  délais.  —  V.  Exceptions 
an  délai  de  dix  jours  quand  l'appel  est  formé  l*"  par  le  procureur  gé- 
néral ;  — VI.  2*  en  matière  de  contributions  indirectes.  — VU.  3<>  en 
matière  d*appel  des  jugements  sur  récusations. 

..J  573. 1.  Formes  de  l'appel.  — 11.  Déclaration  d'nppeler.  —  IIÏ.  Re- 
quête contenant  les  moyens.  —  IV.  Quelles  personnes  peuvent  si- 
gner la  déclaralion  et  lu  requête.  —  V.  Formes  exceptionnelles 
!•  de  rappel  du  procureur  général  ;  — VI.  2"  de  Tappel  en  matière 
de  contributions  indirectes. 

{  574.  I.  ElTets  de  Tappcl.  —  IL  Dans  quels  cas  il  y  a  lieu  à  sursis. 
— m.  Application  aux  jugements  de  condamnation  et  d*acquitle- 
ment.  — -  IV.  aux  jugements  qui  staïuent  sur  des  incidents  ou  des 
exceptions.  —  V.  Conséquences  du  sursis.  —  VI.  Exceptions. 

}  575.  1.  De  quels  faits  le  juge  d*appe1  est  saisi.  —  IL  II  n'est  saisi 
que  des  faits  qui  ont  été  sounHS  i-ux  premiers  juges.  —  111.  Il  peut 
seulement  leur  donner  une  qualification  nouvelle.  —  IV.  11  n'est 
saisi  que  de  Taclion  portée  devant  les  premiers  juges.  —  V.  Mais  il 
est  saisi  de  toutes  les  citconsiances  de  ces  faits.  —  VI.  Il  est  saisi  de 
tontes  les  exceptions  à  opposer  à  Taction,  lors  même  qu'elles  n'au- 
nientpas  été  proposées  en  !>'« instance,  et  de  tous  les  moyens  nou- 
veaux.— ^VIL  11  est  saisi  du  préjudice  souffert  depnis  le  jugement  et 
provenant  des  mêmes  faits. 

i  576.  I.  Mesure  de  la  compétence  du  juge  d'appel.  —  II.  Quand  il 
est  saisi  par  le  orcvcnu;  —  111.  par  la  partie  responsable  ;  —  IV. 

VIII.  i 


^cJvY 


3Hf 


Z  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNRLS. 

par  la  parlie  civile;  —  V.  parle  nilnisière  public  ;  ^  Yl.  par  plu- 
sieurs parties  à  la  fois. 

§  577.  I.  Comment  doit  statuer  le  juge  d'appel.  —  H.  Lorsque  les 
premiers  juges  ont  statué  régulièrement  sur  le  fond  ; — lit.  Lorsqu'ils 
ont  statué  sur  le  fond  irrégulièrement;  — lY.  Lorsqu'ils  n'ont  pas 
statué  sur  le  fond.  — V.  Exceptions  à  la  mesure  de  l'évocation.  — 
VI.  Formes  de  cette  mesure. 

§  578. 1.  Formes  du  jugement  de  l'appel,  —  II.  De  Tiostruction  préli- 
minaire. —  111.  Du  rapport  k  l'audience.  —  llï  De  l'inlerrogatoire, 
IV.  De  l'instruclion.  —  V.  De  Taudition  des  témoins. — VI.  Des  cas 
où  il  y  a  lieu  à  une  instruction  supplémentaire.— VIL  Du  jugement. 

$  669. 

1.  De  rappel  en  matière  correctionnelle.  —  Il  Principe  de  cette  insti- 
tution. —  111.  Appréciation  de  sou  utilité. 

I.  Nous  avons  vu  quela  police  correctionnelle  a  deux  degrés 
de  juridiction  :  nous  avons  exposé  rorganisation,  la  compé- 
tence et  les  formes  de  procédure  des  tribunaux  correction- 
nels de  première  instance  ;  mais,  en  ce  qui  touche  les  tribu- 
naui  d'appel,  nous  n'avons  encore  examiné  que  leur  orga- 
nisation. 

Il  nous  reste  donc,  pour  achever  cette  matière  et  pour 
compléter  le  7®  livre  de  ce  Traité,  à  tracer  les  attributions  et 
les  régies  de  la  procédure  de  ces  derniers  tribunaux,  c'est-à- 
dire  à  déterminer  les  cas,  les  formes  et  les  effets  des  appels 
correctionnels.  Tel  ist  l'objet  de  ce  chapitre. 

II.  Avant  d'entrer  dans  les  détails  do  cette  matière,  il  est 
peut  être  nécessaire  de  rechercher  le  principe  do  ce  second 
degré  de  juridiction  et  d'en  apprécier  les  effets. 

C^est  d'abord  une  chose  digne  de  remarque  que,  lorsque 
la  voie  de  l'appel  n^existe  ni  dans  la  matière  du  grand  orimi- 
nel ,  ni  même  dans  la  justice  militaire  ou  maritime^  lorsque, 
dans  la  juridiction  de  la  simple  police,  elle  est  réduke  au 
seul  cas  d'une  condamnation  excédant  un  certain  taux ,  la 
juridiclion  correctionnelle  en  a  seule  Tentière  et  pleine  pos**' 
session. 

Pourquoi  cette  sorte  d^exception  dans  notre  organisation 
judiciaire?  Pourquoi  ce  double  jugement  dans  une  matière 
qui  n'est  pas  la  plus  grave?  Pourquoi  cette  prolongation  de 
la  procédure  pour  l'appréciation  de  faits  qui  doivent  être  ju« 
gés  avec  célérité? 

Faut-il  croire  que  notre  législataur  ait  été  entraîné  |)ar 
les  souvenirs  et  jles  traditions  de  anciennes  législations  et 


DE  L*APPKL  DKS  JUGElEUtS  CORRECTIONNELS.   §  369.  3 

qu'iJ  n'ait  fait  que  reproduire  les  formes  d'une  înslructtoa 
séculaire  dont  il  reprenait  d'ailleurs  plus  d'un  élément  f  Nbn, 
car  les  motifo  qui  a?aîent  créé  les  appels  soit  dans  les  ibis  ro-^ 
liiaiûcs,  soit  dans  nos  anciennes  ordonnancés,  b'ëxistaient 
phis>  et  cette  institution^  transplantée  hors  des  circonstaneeB 
qui  font  suscitée  et  maintenue,  n'avait  plus  lesmèitiësbarne- 
tères  et  le  même  but. 

L'appel,  en  France,  nous  l'avons  déjà  dli,  fut,  comme  il 
l'aTait  été  â  Rome,  une  institution  politique  bien  plus  qtio 
judiciaire.  Sbus  la  république  romaine,  l'appel  au  peuple  d'a^ 
vail  eu  d'autre  objet  que  de  placer  l'autorité  des  magistrats 
soas  l'autorité  inquiète  et  jalouse  des  comices  *.  Sousl'lsilk- 
pire,  le  recours  nu  prince  n'était  qu'un  instrument  de  la  cen^ 
tralisation,  une  base  de  la  hiérarchie  administratit^,  prinoi- 

K«x  éléments  "du  gouvernement  impérial  2.  En  France, 
ppei»  dont  les  justices  ecclésiastiques  avaient  d'abord  pris 
ridée  dans  la  loi  romaine  ^,  fut  mis  en  pratique  avec  le  mémo 
esprit  et  dans  le  même  but  Nous  avons  démontré  qu'il  ne 
fut  point  une  institution  féodale  ;  la  féodalité  ne  le  connaissait 
p^  :  les  appels  de  défaut  de  droit  et  de  faux  jugement  n'é- 
tuent  point  des  appels,  dans  le  sens  juridique  de  ce  mot.  Ce 
n'est  qu'Hii  moment  où  la  puissance  du  régime  féodal  com- 
mençait à  décliner,  que  l'appel  vint  en  hAter  la  chûtâ  eh  lui 
fispstant  ses  plus  utiles  attributions.  Sous  notre  monarchie, 
eomme  sous  l'empire  romain,  il  n'eut  qu'un  but,  c'est  de  ra- 
mener au  centre  de  chaque  province  les  pouvoirs  disséminés 
tar  sa  surface,  c'est  de  soumettre  à  la  justice  royale  toutes  les 
justices  qui  couvraient  le  sol.  Cette  institution  dut  sans  doute 
servir  en  même  temps  les  intérêts  de  la  justice  ;  car  il  y  avait 
phis  de  lumières  et  d'indépendance  dans  les  juges  supérieurs 
qne  dans  les  juges  des  seigneurs  ou  des  communautés  ;  inais 
ce  D^était  là,  ainsi  qu'on  l'a  déjà  remarqué,  qu'une  de  ses 
conséquences,  ce  n'était  pas  son  but  principal.  Nous  avons 
précédemment  établi  la  vérité  de  tQUtes  cei  assertions  K 

Ce  n'est  donc  point  à  l'histoire  qu'il  faut  demander  la  rai- 
son de  l'établissement  de  l'appel.  Sans  doute  notre  législateur 
a  dâ  en  puiser  la  pensée  dans  les  institutions  qu'il  avait  souS 
i»  yeux  et  qui  fonctionnaient  encore  lorsqu'il  préparait  sds 
réformes;  l'appel  était,  dans  notre  ancienne  législation,  tiné 

«  Voy.  1 1,  p.  4i,-»Vo)r4t|I,  pi45».-  «Voy^t.  Ii  |i|»0».-*Voy. 


4  DBS  TRIBUNAUX  COASCTIONMBLS. 

voie  oommune  de  recours,  non-seulement  contre  les  sentences 
définitives,  mais  même  contre  leg  jugements  préparatoires  et 
les  simples  ordonnances  du  juge  i  ;  il  était  institué  dans  tou- 
tes les  juridictions  et  en  formait  l'un  des  éléments  essentiels  ^.U 
était  impossible  qu'une  institution  si  générale  et  qui  constituait 
l'un  des  principaux  ressortsde  la  justice,  n*attiràt  pas  Tatten- 
tion  des  légistesqui  siégcaientà  rassemblée  constituante*  Mais 
iifautdistinguerla  formedela  procédureet  leprincipedesonap- 
plication,  l'instrument,  pour  ainsi  dire,  et  la  pensée  qui  le  diri- 
geait. La  loi  moderne  n'avaitpoint  à  faire  revivre  une  institution 
dominatrice  destinée  à  faire  rayonner  la  souveraineté  de  la  jus- 
tice royalesurtouteslesjustices  privées;  ellen'avaitplus  à  débat- 
tre les  territoires  et  les  attributions  de  toutes  ces  justices,  puis- 
qu'elles avaient  été  complètement  balayées.  Elle  a  donc  pu 
reprendre,  non  la  pensée  qui  lui  devenait  inutile,  mais  l'ins- 
trument auquel  elle  pouvait  donner  une  destination  nouvelle, 
non  l'ancien  principp  qu'elle  répudiait,  mais  la  forme  de  pro- 
cédure qui  pouvait  être  appliquée  avec  un  autre  but  et  dans 
d'autres  conditions. 

Quelle  est  l'idée  nouvelle  que  l'appel  a  eu  pour  objet  de 
faire  entrer  dans  notre  législation?  C'est  celle  d'une  garantie 
plus  efficace  assurée  à  la  justice,  la  garantie  qui  peut  résulter 
'du  double  examen  d'une  môme  procédure,  de  deux  instruc- 
tions successivement  édifiées  à  raison  d'un  même  fait^  de 
deux  jugements  intervenus  l'un  après  l.'autre  sur  la  même 
question,  sur  la  même  affaire.  Tel  est  le  seul  motif  dudouble 
degré  de  juridiction  dans  notre  législation  moderne,  le  seul 
•principe  de  Tinstitutiondes  appels.  Ilestfacilede  le  démontrer. 

L'art  1.  tit.  5,  de  la  loi  du  16-24  août  1790,  sur  Torga- 
nisation  judiciaire,  pose  comme  une  règle  générale  que  «  les 
juges  de  districts  seront  juges  d'appel  les  uns  h  Tégard  des 
autres.  »  L'une  des  conséquences  de  cette  règle,  que  nous  ne 
voulons  considérer  ici  que  sous  ce  seul  rapport,  c'est  que  l'é- 
galité politique  est  établie  entre  les  tribunaux  de  première 
instance  et  les  tribunaux  d'appel;  c'est  par  conséquent  que 
l'appel  ne  prend  plus  sa  source  ni  dans  la  domination  d*une 
juridiction  supérieure,  ni  dans  le  besoin  d'amoindrir  les  jus-> 
tices  inférieures,  ni  dans  la  souveraineté  d'une  autorité  cen- 
trale ;  la  seule  raison  do  cette  voie  de  recours  est  donc  uni« 
quemcnt  et  nécessairement  la  nouvelle  discussion  qu'elle 

*  Voy.  t.  î,  p.  ôfîS.  —  *  Voj,  t.  î,  p.  SÔîJ  ei  suiv. 


DE  l'appel  des  JUGEHCNTS   G0RRBCTI0NNIL8.   §  569.  S 

proToqoe  quand  la  première  est  close  ;  dès  que  les  deux  juri- 
dictions existent  au  même  titre  et  sont  égales  Tune  et  l'autre, 
il  est  clair  que  Tappel  ne  peut  avoir  d'autre  objet  que  la 
deuxiènie  instruction  qui  en  est  le  résultat.  Il  serait  impos- 
sible de  lui  en  assigner  un  autre. 

Cette  disposition  néanmoins  n'a  point  été  littéralement  re- 
produite en  matière  correctionnelle.  Mais  les  différences  que 
nous  allons  noter  ne  sauraient  altérer  le  principe,  qui,  au 
fond,  est  identique. 

Dans  le  système  de  la  loi  du  19-22  juillet  1T91 ,  le  tribu- 
Dsl  de  police  correctionnelle  était  composé  do  trois  juges  de 
paix  et  rappel  de  ses  jugements  était  porté,  non  point  è  un 
tribunal  identiquement  composé,  mais  au  tribunal  de  district 
où  siégeaient  trois  juges  (tit.  2,  art.  61). 

Dans  le  système  de  la  constitution  du  5  fructidor  an  m  dé* 
Yeloppé  par  le  code  du  3  brumaire  an  iv,  le  tribunal  de  po-  - 
lice  correctionnelle  était  composé  d'un  juge  du  tribunal  civil 
président  et  de  deux"  juges  de  paix,  et  Tappel  était  porté  de- 
vant le  tribunal  criminel  du  département  composé  de  cinq 
jages  (G.  3  brum.  an  iv,  art.  198  el  266). 

Enfin,  dans  le  système  du  G.  d'instr.  crim. ,  les  apnels  sont 
portés  des  tribunaux  d'arrondissement  au  tribunal  au  cbef- 
lieu  de  département  et  du  tribunal  chef-lieu  au  tribunal  dief- 
tiea  du  département  voisin  ;  dans  les  départements  où  siège 
me  oour  impériale^  les  appels  sont  portés  devant  cette  cour, 
et  il  en  est  encore  ainsi  &  Tégard  des  appels  des  tribunaux 
cbefs-lieux  des  départements  voisins,  lorsque  la  distance  n'est 
pas  plus  forte  que  celle  du  cbef-lîcu  d'un  autre  département  ' 
(art.  200  et  201). 

Il  est  clair  que,  dans  ces  diverses  organisations,  la  seule 
pensée  de  la  loi  a  été  d'instituer  une  révision  sérieuse  et  com- 
plète du  premier  jugement  :  si,  dans  quelques  cas,  le  tribu- 
nal d'appel,  soit  par  les  éléments  qui  le  composent,  soit  par 
le  rang  hiérarchique  qu'il  occupe,  est  supérieur  au  tribunal 
de  première  instance,  cette  supériorité  ne  change  rien  à  l'c- 
galité  des  attributions  ;  ils  sont  établis  et  délégués  par  le 
mtee  pouvoir;  ils  sont  investis  de  la  même  autorité.  Il  se 
peut  que  le  nombre  plus  grand  des  juges  et  leurs  services 
plos  anciens  supposent  dans  le  tribunal  d'appel  plus  de  lu- 
mières et  d'expénence:  qu'en  résulte-t-il?  une  discussion  plus 
approfondie,  un  examen  plus  éclairé  ;  c'est  làleseulbut  deb 
loi  :  elle  ne  trahit  aucun  sentiment  de  déSance  contre  les  ju- 


T  9SS  TRIBUMÀCX  GORHECTlOîUiKLS. 

gesde  première  instance,  aucun  désir  d'envahir  Imr  juridic- 
tion pour  Tabsorber  dans  la  juridiction  supérieure.  Elle  ne 
cherche  qu'à  constituer  une  deuxième  instruction  ^  indépen- 
dante de  la  première,  et  qui  contienne  tous  les  moyens  d'ari- 
river  à  la  constatation  de  la  vérité. 

La  loi  du  13  juin  1856,  qui  a  centralisé  tous  les  appels 
eutre  les  matQ3  des  cours  impériales,  a-t-elle  modifié  ce  prin- 
cipe^Oa  trouve  dans  Teiposé  des  motifs  de  cette  loi  quelques 
paroles  qui  pourraient  faire  croire  à  une  certaine  déviation  : 
a  ha  droit  d'appel,  est-il  dit,  ne  s'exerce  réellement  avec  des 
garanties  sérieuses  que  lorsque  le  tribunal  qui  est  chargé  du 
sejCODd  examen  des  affaires  est  incontestablçjivîQt  supérieur, 
ckitf  l'ordre  des  juridictions,  au  tribunal  qui  statue  en  pre- 
mier ressort.  Cette  condition  n'est  qu'imparfaitement  remplie 
par  les  tribunaux  siégeant  aux  chefs-lieux  de  département... 
La  supériorité  des  cours  impériales  eçt  au  contraire  incontes- 
table; elle  se  manifeste  non-seulement  par  le  nombre,  mais 
en  outre  par  le  titre,  le  costume,  la  préséance,  l'étendue  et  la 
vai iéU^  des  attributions,  les  lumières  et  rexpérience  des  mil- 
gistrats,  surtout  p^r  ce  pouvoir  qui  leur  est  donné,  d'ivie  ma* 
iMièra  générale  et  qui  est  l'essence  mémç  de  leur  inMitutiou, 
démettre  à  néant,  comme  le  disent  leurs  arrêts,  les senlencûs 
4^  tribunaux  de  première  instance.  «  Ces  paroles,  néan- 
Niioins^  altentiveinent  examinées ,  n'expriment  qu'un  argu- 
DBent,  contestable  d'ailleurs,  à  l'appui  de  la  loi;  elles  n'en 
conlienm^al  point  levraimotif  ;  quel  est  cemoiif?  C'est  d'insti- 
tuer ruuité  dans  la  juridiction  qui  statue  sur  Icsappels,  c'est  de 
réMMii;  une  règle  que  la  difilculté  des  communications  avait 
fait  fléchir  en  1810  et  qui  reprend  son  empire  à  i:aison  de 
çe$  Q)^mes  communications  devenue^  aujourd'hui  Caciles. 
<  Le  gouvernement,  dit  rexppsédc^uiotils^,  attentif  à  cesmer- 
TeUeux  ckangemeuts  survenus  dans  TéUt  do  la  viabilité  ^t 
dam  les  moyens  de  locomotion»  a  jugé  qu'il  était  sage  et  op- 
pOivUiaderendreà  rorganisalion  judiciaiie,  pour  les  matières 
eor^ectiannelles,  le  caractère  d'unité  et  de  siiçplicité  qu'il  a 
et  qi^'il  a  toujours  eu  pour  les  matières  civiles.  Le  projet  de 
loi  qui  vous  est  présenté  est  l'expression  de  cette  pansée.. .^  ia 
Tolonté  de  ne  pas  trop  éloigner  le  juge  du  justiciable  i^ut»  lors 
de  la  puè^cation  du  code,  la  çonSbidér^tioadéb^minsM^itu;  elle 
n'iluiaH  pas  eu  cette  influence ^r  lesprit  du  iégislalenr,  si, 
«brs  eoome  aujourd'hui,  il  y  avait  eu  des  routes  uomWeMses 
et  bie^n  eatretenueSi  des  bateaux  à  vape\ir  et  ieSi  cbemin^^de 


DE  lVpFBL  des  jugements  CORREeTIOMNBLS.   §  569.  7 

fer.  •  Et  comment  le  législateur    essaie-t-il  de  jusliGer 
cette  transposition  de  juridiction  qui  place  le  justiciable  si 
loin  du  juge?  H  invoque  le  petit  nombre  des  appels  :  «  il  ré- 
sulte des  comptes-rendus  de  la  justice  criminelle  qu'en  ma*^ 
ttérc  corfectionnelle  les  appels  sont  approximativement  dans 
la  proportion  de  cinq  pour  cent  avec  le  nombre  des  jugements, 
et  les  affaires  où  les  témoins  sont  de  nouveau  entendus  dans  la 
proportion  de  trois  pour  cent  avec  le  nombre  des  appels.  » 
Vùnc,  ce  n'est  point  la  pensée  d'exercer  une  sorte  de  domina- 
tion sur  les  premiers  juges  ;  c'est  la  penséie  exclusive  d'une 
juridiction  unique  à  laquelle  tous  les  appels  sont  dévolus.  Il 
est  certain  que  la  loi  croit  trouver  dans  cette  juridiction  une 
plasmAre  expérience  et  de  plus  hautes  lumières  :  Texposé  le 
déclare  plus  loin  en  termes  formels  ;  mais  de  ce  que  les  juges 
d'appel  sont  entourés  de  toutes  les  conditions  qui  font  les  ju* 
gcs  éclairés^  il  ne  s'ensuit  pas  qu'ils  doivent  dominer  et  an- 
nihiler les  juges  inférieure.  Il  n*est  pas  sans  doute  mauvais 
que  le  juge  d'appel  soit  placé  dans  une  position  hiérarchique 
snpérfeure  au  premier  juge;  mais  «e  n'est  point  là,  comme 
l'affirme  rexposé  des  motifs,  une  condition  de  son  institution  : 
te  deuxième  degré  de  juridiction  n'est  pas  autre  chose  qu'un 
deuxième  examen*  ilinstruit,il  juge  comme  avait  instruit  et  ju- 
gé le  premJer  ;  il  a  les  mêmes  attributions^  le  même  pouvoir  ;  il 
peutmettre>i  lavérité,  lepremier  jugement  &  néant;  mais  ce 
n'est  pas  en  vertu  d'un  pouvoir  supérieur»  c'est  parce  qu^il 
exercé  une  seconde  fois  le  pouvoir  exercé  déjà  par  le  premier 
juge,  c'est  parce  que  le  jugement  ne  peut  exister  dés  qu'il  en 
rend  un  nouveau. 

Maintenant,  de  ce  que  l'appel  n'est  qu'une  garantie  de 
justice',  UA  moyen  d'arriver  à  la  vérité,  en  soumettant  le  même 
procès  i  l'épreuve  dTune  doubie  discussion,  on  doit  déduire 
plusieurs  corollaires  importants. 

n  en  résulte  d'abord  que  la  différence  qui  Eiépare  à  cet  égii^d 
la  inatière  correctionnelle  des  autres  matières ,  se  trouve  clai- 
rement exnliquée  :  si  l'appel  n'a  point  été  appliqué  avec  la 
mêoie  généralité  en  matière  de  police,  c'est  que  cette  matière 
n'exigeait  pas,  surtout  en  ce  qui  touche  les  petites  contra- 
ventions ^  une  mèqie  garantie  ;  c'est  qu'à  mesure  que  les  in- 
térêts deviennent  plus  gravesi  une  plus  haute protectiondoit 
Tes  environner.  Si  l'appel  n'a  point  été  établi  en  matière  de 
grand  criminel,  c'est  que  cette  matière  a  pour  unique  garan- 
tie l'institution  du  jury,  la  plus  puissante  de  toutes  les  ga* 


8  DSS  TUBCNAUX  CûtRECTIOMNIU. 

rantios  de  la  justice  pénale ,  et  ce  n'est  que  pour  suppléer  k 
rimperfection  des  juges  permanents  qu'il  a  paru  nécessairede 
pern^ettre  la  réitération  de  leur  examen. 

Il  en  résulte  en  second  lieu ,  que  TinstructioD  des  premieis 
juges  doit  être  reprise  tout  entière  en  appel  ;  car,  puisque 
le  second  degré  de  juridiction  n*est  qu'un  second  eiamen  de 
la  prévention ,  il  s'ensuit  que  cet  examen  doit  être  complet  ^ 
qu'il  doit  s'étendre  i  toutes  les  parties  de  la  cause,  (|u'il  doit 
être  en  tous  points  le  même  que  le  premier  ;  et  j^uisque  ce 
nouvel  examen  n'est  qu'une  garantie  judiciaire,  il  s'ensuit 
qu'il  doit  employer  tous  les  moyens  de  vérifier  ou  de  décou-* 
vrir  la  vérité. 

Il  en  résulte,  enfin,  que  les  mêmes  formes  de  procédure 
doivent  être  appliquées  en  première  instance  et  en  appel  :  car 
le  second  examen  n'est  efficace  que  s'il  est  soumis  aux  mêmes 
régies,  aux  mêmes  conditions  que  le  premier.  S'il  en  était 
autrement,  ce  ne  serait  plus  une  nouvelle  épreuve,  un  nouveau 
débat  ;  ce  serait  seulement  une  espèce  de  révision  sommaire 
qui  s'attacherait  aux  formes  de  la  procédure,  plus  qu'au  fond 
de  la  prévention.  Dès  qu'il  s*agitd'unsecond  degré  de  juridic- 
tion ,  il  faut  que  Tinstruction  passe  par  les  mêmes  phases  ; 
dès  qu'il  s'agit  de  la  garantie  d'un  double  jugement,  il  faut 
que  toutes  les  formes  du  jugement  soient  appliquées  en 
appel  somme  en  première  instance. 

Nous  nous  bornons  à  poser  ici  ces  règles  générales  ;  elles 
nous  serviront  tout  à  Theure  à  résoudre  plusieurs  des  ques- 
'tions  de  cette  matière. 

m.  Nous  sommes  amené  maintenant  par  ce  qui  précède 
à  parler  de  l'un  des  problèmes  les  plus  graves  de  notre  orga- 
nisation judiciaire  :  la  voie  do  l'appel  est-elle  réellement 
utile  en  matière  correctionnelle  ?  apporte*t-elle  à  la  justice 
une  indispensable  garantie  ?  , 

L'institution  de  l'appel  en  matière  civile  a  donné  lieu  à  de 
sérieuses  objections.  Quel  est  le  but,  a-t-on  dit,  de  toutes  les 
formes  de  la  procédure  ?  C'est  d'assurer  au  juge  la  connais- 
sance de  la  vérité  judiciaire.  Or,  peut-on  dire  qu'il  y  ait  dIus 
de  probabilités  de  la  connaître  dans  le  juge  d'appel ,  que  dans 
celui  de  première  instance?  La  seule  base  des  jugements» 
n'est-ce  pas  la  conviction  du  juge  ^  Or ,  pourquoi  cette  con- 
viction ,  qui  n'est  que  l'impression  laissée  dans  sa  conscience 
par  l'instruction,  aurait-elle  d'autres  cléments  à  un  degré  de 


DB  l'appel  DBS  IVGBMElfTfi  COKIlECTlONltELS*  §  969*  ^ 

juridiction  qa'à  l'autre,  quand  l'instruction  est  la  même  t  On 
prétend  c[ue  les  juges  du  second  degré  sont  plus  éclairés  que 
ks  premiers.  Alors  pourquoi  ne  pas  transporter  tout  de  suite 
iesnAflses  garanties  au  premier  degré  ?  Multiplier  les  degrés 
de  juridiction  n'est-ce  pas  prolonger  les  procès  au  détriment 
detops  les  intérêts;  n'est-ce  pas  même  ébranler  l'autorité  que 
la  loi  a  Toulu  attacher  à  la  chosejugée7«A-t-on  assez  réflécni, 
2  dit  un  éminent  magistrat,  à  tout  ce  qu'il  y  a  de  périlleux 
dans  cette  faculté  d'appeler  d'un  tribunal  &  un  autre?  a-t^n 
asm  remarqué  combien  Tautorité  des  jugements  s'en  trouve 
affaiblie,  combien  la  justice  elle-même  en  est  déconsidérée  ? 
ce  droit,  conréré  à  chaque  citoyen ,  d'attaquer  l'autorité  de 
hchose  jugée,  ne  détroit-îl  pas  tout  respect  pour  elle? car 
si  ladédsion  du  premier  tribunal  n'est  pas  une  chose  sacrée» 
comment  celle  du  tribunal  plusélevé  le  serait-elle*?  »  L'appel, 
en  effet,  proclame  la  fragilité  de  h  justice,  frappe  les  juge- 
ments d'incertitude  ,  et  les  range  parmi  les  événemenis  qui 
sont  le  résultat  d'une  chance  plus  ou  moins  heureuse  ;  il  en 
détruit  la  souveraineté  ;  il  fait  plus,  il  contient  en  lui-même 
une  sorte  d'injure  pour  le  juge  dont  émane  la  décision  frappée 
d'appel.  Ce  n'est  pas  tout  :  par  une  inconséquence  étrange , 
la  loi  n'admet  l'appel  en  matière  civile  que  dans  les  affaires 
importantes  ;  le  plus  grand  nombre  des  procès,  les  plus  mi- 
nimes à  la  vérité,  n'ont  qu'un  seul  degré  de  juridiction.  Est- 
ce  à  raison  de  la  moindre  valeur  des  intérêts  qu'ils  agitent? 
mais  oette  valeur,  dans  son  rapport  avec  les  personnes  qu'elle 
concerne,  peut  avoir  une  importance  égale  à  celle  des  procès 
les  plus  considérables-,  c  carie  citoyen  pauvre,  dont  une 
petite  somme  est  toute  la  fortune,  à  un  intérêt  aussi  puissant 
à  être  bien  jugé  que  l'homme  riche  dont  le  patrimoine  en  li- 
tigea  une  valeur  centuple.  Or,  si  l'appel  est  fondé  sur  la  possibi- 
lité d'une  erreur^  pourquoi  priver  les  parties  intéressées,  dans 
les  250,000  causes  civilesqui  sont  jugées  souverainement  cha- 
que annéc,des  moyens  de  la  faire  réparer,  etpourqûoi  n'accor- 
dcrce  privilège  qu'aux  personnes  intéressées  dans  les  10,000 
causes  pour  lesquelles  la  voie  de  l'appel  est  exclusivement  ré- 
servée*. » 

Cette  haute  critique,  dont  nous  ne  présentons  que  quel- 
ques traits,  appelle  les  méditations  du  législateur  et  pourra 
quelque  jour  exercer  sur  notre  organisation  judiciaire  une 

'  M.  Béreoger,  Mémoire  de  racadémie  des  sciences  morales  Cl  politiques  « 
3*  série,  U  I ,  p.  472.  —  *  H.  Bérenger  ;  Eod.  loc. 


40  $U  ttMVHAVX  GOlilUBCTteNMIU. 

DOteble  influence.  On  sait  au  resic  les  misons,  \\m  moins 
paves  peul-ètre,  qu'on  lui  oppose:  c'est  d'abord  celle  orga- 
DÎcmtion  elle-même,  la  grandeur  de  Tédifice  judiciaire^  Texish 
tei^oe  des  grands  corps  qui  en  sont  la  base  et  rautorité  hié- 
rarchique qui  en  est  la  conséquence  '  ;  c'est  ensuite  la  aécessîlé 
4e  laisser  à  chaque  cause  un  moyen  de  redressement,  puisque 
dans  cirque  cause  il  y  a  pos^^ibilïté  de  méprise  ou  d'injustice  '  ; 
c'est  enfin  les  plus  vives  clartés  que  projettent  sur  une  affaire 
son  instruction  reprise  à  deux  foi<,  une  discussion  réitérée  des 
Maies  questions,  la  garantie  d'une  juridiction  plus  éclairée, 
d'0B«  vérification  plus  attentive,  d*un  eiamen  plus  mûr  :  teiU 
sont,  tels  doivent  être  du  moins  les  résultats  du  double  degré 
de  juridiction.  Ce  n'est  pas,  au  surplus,  sur  ce  terrain  géné- 
ral qu'il  nous  appartient  de  placer  le  débat. 

Exk  matière  correctionnelle  ,  la  question  se  complique 
d'un  autre  problème,  celui  des  attributions.  Quelle  que  soit 
la  force  dés  raisons  invoquées  contre  Tappel,  il  est  certain 
que,  si  la  jucidiction  correctionnelle  doit  conserver  ses  attri- 
butions actuelles,  elle  doit  conserver  en  môme  temps  cette  vcée 
de  recQurs}  car  c'est  la  plus  puissante  des  garanties  <)ue 
notre  code  lui  ait  assuréesen  la  constituant. 

On  peut  alléguer^  à  la  vérité,  que  cette  garantie  peut  ne 
1^  être  très  efficace,  puisqu'il  est  impossible  dWfirmec  que 
la  manifestation  de  la  véritésera  pluscomplèle  en  appel  i|u'eu 
pr^ière  instance;  et  cette  objectiofi  semble  se  forlitier  au- 
jourd'hui depuis  que  la  loi  du  15  juin  1S56  a  éloigné  le  juge 
4*appel  dest  justiciables,  et  par  là  Daéme  rendu  les  élénieats 
de  l^vrtruçtWa  plus  difficilea.  Cependant  c'est  quelque 
çbose,  qp^i  il  s'agit  des  intérêts  les  plus  précieux  de 
rhc^me,  <^nd  il  s'agit  de  son  honneur  et  de  sa  liberté,.quand 
a  s'agit  de  Le  défendre  contre  une  prévention  qui  peut  faire 
peser  sur  Iv^JHsqu'À  dix  anad'emprispnnement,  c'est  (pielque 
ç)|o^  qu'une  voie  de  recours  qui  reprend  cette  prévention 
tout  eutière,  qui  la  soumet,  nous  ne  dirons  même  pas  à  une 
instruction,  mais^  une  discussion  nouvelle,  qui  permet  le 
r«dresS6n^iM  des  er^euss  et  une  autre  appréciation  fuite  par 
d'autres  magistrats  des  mêmes  actes.  Assurément  il  y  a  dans 
oette  (acuité  <|'9ttaquer  le  premier  jugement,  de  |o  traduire 
dâvant  une  uwvelle  juridiction,  de  faire  valoir  tous  les  griefs 

'  M«  PorlalÎB,  Mémoires  de  Tacadénûe  des  sciences  moritles  et  poIiUqucs, 
i;  m»  p*  àSa»  ^  ^  Benituim>  jd^  l^oi^au.  jvuiidsnrc»  c\\^  26. 


DE  L*A»PEL  DES  IC6EMENTS  CORUÇHOVaLS.  §  S69.  I| 

dooifl  est  susceptible^  une  puissante  gnr^ntieda  bonne  justioe. 
Il  est  certain  que  les  juge^  du  second  degré  peuvent  se  tr^9i- 
per  çompoe  ceux  du  premier,  mais  il  est  également  certain 
qu^ils  ont  peut-être  moins  de  chances  de  s* égarer  y  puisque 
tons  les  éléments  du  premier  débat  sont  contr&lés  dans  le 
second,  que  toutes  les  critiques  viennent  s  y  faire  entendre 
et  qu'ils  se  trouvent  à  la  fois  en  présence  du  jugepixent  des 
premiers  juges  et  de  tous  les  moyens  qu'on  lui  oppose. 

On  peut  alléguer  encore  que  cette  voie  de  recours  est,  en 
général,  peu  usitée.  Il  résulte  des  comptes  de  la  statistique 
que ,  de  1826  à  1830 ,  il  n'y  a  eu ,  sur  1 ,000  procès  cojrre&- 
tionnels,  que  46  appels;  de  1831  à  1835,  44;  de  ^836  i 
1810,  49;  de  1841  à  1845,  47;  de  1846^  1850,44;  en 
1851,  52;  en  1852,  49;  en  1853,  49;  eu  1854,  48;  ep 
1855,  46.  Ce  chiffre,  qui  n'équivaut  pas  tout  à  fait  i  5 
appels  sur  100  affaires,  est  assurément  minime.  Cependant  il 
faut  remarquer  que  la  totalité  des  affaires  étant  en  1851  de 
171,177;  en  1852,  de  197,394;  en  1853,  de  208;699;  en 
1854,  de  206,794;  en  1855 ,  de  189,515,  le  nombre  des 
appels  s'est  successivement  élevée  9,174 f  9,677, 10,141^ 
9,973  e(  8,771,  dans  chacune  de   ces  années;  or,  si  Ton 
élague  du  nombre  total  des  affaires  de  chaque  année  toutes 
les  contraventions  fiscales  qui  y  tiennent  une  si  grande  place, 
et  qui  jugées  sur  procès^verbaux  ne  donnent  lieu  à  aucun 
appel  9  tous  les  délits  qui  comme  la  rupture  de  ban ,  la  men- 
dicité, le  vagabondage,  consistent  presque  exclusivement 
dans  un  fait  matériel,  enfin  tou^  les  petits  délits  dont  la  té- 
nuité ne  permet  pas  de  les  conduire  çn  appel  »  les  neuf  ou  di  x 
mille  a\ppels  qu^se  produisent  ^nuellement,^  s^ attaquent  évi- 
demment aux  délits  réellement  graves,  aux  délits^ susceptibles 
d'une  appréciation  diverse,  à  ceux  qui  menacent  les^  prévenus 
on  d'un  emprisonnen(iefkt  plu$  ou  moins  long  pu  dV'l® 
lourde  amende.  Il  n'est  donc  pas  exact  de  dire  que  cette 
voie  da  recours  est  rarement  employée  ;  elle  est  employée 
toutes  les  fois  qu'un  intérêt  sérieux  est  en  cause.,  tquiesles 
(bis  qu'un  nouvel  examen  des  éléments  des  procès  pçut  être 
utile.  On  en  trouve  la  preuve  dans  le  résultat  même  de  ces 
ap^ls  :  de  1826  à  1830,  sur  1,000  jugement  de  première 
îaAance,  537  ont  été  maintenus,  463  infirmés;  de  183$  à 
1835^  553  ont  été  maintenus  447  infirmés;  de  ^836  à  1^40, 
58é  maintenus,  415  infirmés;  de  1841  à  1845 ,  604  main- 
tenus, 396  infirmés;  de  1846  à  1850,  %M  ipmiw}^  390 


12  DES  TRIBUNAUX  CORIlfiCTlONNCLS. 

infirmés;  en  1851,  627  maintenus,  373  infirmés;  en  1852, 
6&7 maintenus,  353 infirmés;  en  1853,  62&  maintenus,  376 
infirmés;  en  185&»  630  maintenus,  370  infirmés;  en0B  eu 
1855,  620  maintenus,  380  infirmés. 

L'appel  n^est  donc  point  un  recours  qui  puisse,  sous  quel- 
que rapport  que  ce  soit,  paraître  inutile  ,  puisqu'il  fait  tom- 
ber annuellement  3  à  &-,000  jugements  de  première  instance. 
Ses  efiels  seraient-ils  moins  considérables,  il  ne  faudrait  pas  le 
juger  inulile  encore  ;  il  suffirait  qu'il  fit  opérer  le  redresse- 
ment de  quelques  jugements ,  qu'il  permit  la  réparation  do 
quelques  erreurs,  de  quelques  méprises^  pour  que  son  utilité 
fût  incontestable  -Toute  garantie  dejuslice,  quelque  restreint 
que  soit  le  cercle  où  elle  s* exerce,  est  trop  précieuse  pour 
qu'il  soit  possible  d'y  toucher,  à  moins  de  la  reproduire  sous 
une  autre  forme.  Il  ne  faut  pas  d'ailleurs  perdre  de  vue  que 
cette  juridiction  est  chargée  de  quelques  délits,  dont  la  gra- 
vité égale^  sFelle  ne  surpasse  pas  celle  de  certainscrimes,  qu'elle 
prononce  des  pénalités  considérables,  et  qu'il  importe,  par 
conséquent,  lorsque  ^es  attributions  ont  été  aussi  étendues , 
de  ne  pas  lui  enlever  les  formes  qui  constituent  sa  principale 
force. 

Que  si  la  compétence  de  la  police  correctionnelle  était  ra- 
menée dans  les  limites  que  nous  avons  indiquées  ',  et  qui 
sont  la  stricte  application  du  principe  de  son  institution,  si 
ses  attributions  se  bornaient  aux  contraventions  fiscales^  aux 
délits  légers  et  à  tous,  ces  faits  qui,  suivant  l'expression  de  la 
loi  des  19-22  juillet  1791  qui  l'a  constituée ,  sont  plutôt 
des  actes  dangereux  que  des  actes  intrinsèquement  criminels, 
notre  opinion  ne  serait  plus  la  même;  à  toutes  ces  catégories 
de  délits  qui  sont  jugées  sur  le  vudesproeès-verbaux  ou  sur  la 
constatation  matérielle  des  faits  qui  les  constituent,  l'appel 
n'est  pas  nécessaire;  la  preuve  en  est  que  cette  voie  de  re- 
cours ne  s'y  applique  nullement  aujourd'hui;  et  que  servi- 
rait-elle? le  jugement  ne  consiste  plus  en  général  dans  une 
appréciation  morale,  mais  dans  une  simple  constatation  des 
faits  ;  le  second  degré  de  juridiction  ne  peut  donc  à  peu  près 
dans  aucun  cas  en  modifier  les  éléments.  Dèstors  l'appel  cesse 
d'être  une  garantie  réelle  ;  il  n'est  plus  qu'une  inutile  com- 
plication de  notre  ordre  judiciaire. 

A  ce  point  de  vue  donc,  mais  à  ce  point  de  vue  seuleralent, 

*  Voy.  u  VII,  p.  w. 


DE  lVppkl  dés  jvcements  correctionukÙ.  §  570.  13 

des  réformes  corrélativeset  qui  neseraîentd'ailleursque  l'ap- 
piicationdes  idées  quenousavons  précédemment  exposées  % 
poorratent  èlre  simultanément  réalisées  :  d'une  part,  la  res^ 
friction  da  cercle  de  la  compétence  correctionnelle ,  d'une 
autre  pari,  la  suppression  du  2»  degré  de  juridiction.  Il  est 
visible  que  si  les  vices  incontestables  de  cette  institution  n'a- 
raient  pas  pour  contrepoids  Tappui  qu'elle  apporte  dans  un 
certain  nombre  de  cas  i  la  justice,  elle  ne  serait  qu'un  rouage 
plus  funeste  qu'utile:  éliminez  ou  restreignez  cescas, faudrait-il 
mainteDir  encore  un  recours  qui  n'aurait  plus  d'autre  effetque 
de  briser  la  chose  jugée,  d'affaiblir  l'autorité  des  jugements, 
de  prolonger  indéfiniment  les  procès,  et  d'apporter  dans  l'or- 
ganisation de  nos  tribunaux  une  regrettable  complication  ? 
Si,  pour  le  soutenir  il  n'était  possible  que  d'invoquer  Tavan- 
tagede  conserver  les  proportions  de  rédifice  judiciaire  et 
l'utilité  facultative  d'une  voie  de  réformation  qui,  les  at- 
tributions eiceptionnellcs  de  la  juridiction  correctionnelle 
écartées,  n'aurait  qu'une  très  rare  application,  il  est  douteux 
que  ce  recours  eut  une  raison  suffisante  d^exister. 

§  570. 

I.  De  quels  iagomenls  on  peut  appeler.— II.  Il  faut  que  iesjugemonts 
soient  dénnitifs.-— ni.  Quels  jugements  sont  définitifs.  —  IV.  Ex- 
ceplioa  pour  les  jugements  qui  statuent  sur  des  contraventions.— 
V.  Faut-il  excepter  également  ceux  qui  statuent  sur  les  témoins 
défaillants? 

I.  En  général,  tous  les  jugements  rendus  en  matière  cor- 
rectionnelle peuvent  être  attaqués  par  la  voie  de  l'appel.  No- 
tre CkHle  n'a  point  exigé  pour  ouvrir  ce  recours,  comme  il 
Ta  fait  en  matière  de  police,  la  condition  d'une  condamna- 
•  tion  à  telle  ou  telle  peine  :  il  a  paru  que  toutes  les  poursuites 
avaient  en  cette  matière  une  importance  assez  grande  pour 
leur  assurer  la  garantie  d'une  double  juridiction. 

L'art  199  du  C.  d'inst.  cr.,  qui  n'a  fait  que  reproduire 
Tart.  192  du  C.  du  3  brum.  an  iv,  est  ainsi  conçu  :  «  les 
jugements  rendus  en  matière  correctionnelle  pourront  être 
attaqués  par  la  voie  de  Tappel.  « 

Le  droit  de  faire  appel  est  donc  général;  il  s'étend  à  tous 
les jageoients  rendus  en  matière  correctionnelle;  il  n'ad- 

*T.  VII,  p.  523etftuiv. 


met  ûucuiit;  rcslrlcliôn ,    aucune   limile.   Voilà   le   jirîn- 
eFpe. 

Mais  qù*est-ce  ^u^titi  jtigcment  dans  le  sens  de  cet  ariiclc? 
fiiut-il  étendre  cette  qualification  même  aux  jtigements  pu- 
f ètnént  pKparatoires  ?  ne  faut-îl  pas  distinguer,  comme  en 
matière  citlie,  entre  les  jugements  qui  ont  un  caractère  défi- 
nitif lit  ceux  qui  li'bnt  pas  ce  caractère  ?  L^art-  461 C.  de  pi-, 
cîv;  porte  :  «  l'appel  (l'un  jugement  préparatoire  ne  pourra 
être  Interjeté  qu'après  le  jugement  définitif  et  conjointement 
arec  l'appel  de  ce  jug(*ment.  Cet  appel,  sera  recevable,  en- 
core que  lé  jugement  préparatoire  ait  été  exécuté  sans  ré- 
serves. L'appel  d'un  jugement  interlocutoire  pourra  être  in- 
terjeté avant  le  jugement  définitif...  »  Cette  disposition  doit- 
elle  être  appliquée  en  matière  correctionnelle? 

M.  Legraverënd  enseigne  la  négativiB  :  c  il  faut  remar- 
quer, dit  cet  auteur,  que  la  procédure  en  toute  matière  de 
répression  est  essentiellement  distincte  de  la  procédure  eh 
matière  civile^  et  que  les  règles  applicables  à  Tune  ne  peuvent 
être  étendues  à  Tautte  ;  et  comtne  le  Code  d'inst.  crihfi.  n'é- 
tablit aucune  restriction  au  droit  d'appel  des  jugements  cor-- 
rectionnels,  on  doit  en  conclure  a^ecassurance  que  la  dispo- 
sition de  ce  code  s'applique  à  tout  jugement  en  matière  cor- 
rectionnelle ».»  Cette  opinion,  assez  vaguement  motivée,  né 
résisté  pas  à  un  examen  attentif. 

Quels. sont  les  motifs  qui  ont  fondé,  dans  Tart.  451  C.  de 

f»r.  civ.,  la  distinction  entre  les  jugements  interlocutoires  et 
es  jugements  préparatoires7<tLaloi^disaitM.  Bigot  de  Préa- 
meneu,  veille  non-seulement  à  ce  qu'il  n'y  ait  point  d'ap- 
pels irréfléchis,  mais  encore  à  ce  qu'il  n*y  en  ait  pas  de  pré- 
maturés ou  d'inutiles.  Tels  seraient  les  appels  des  jugements 
qui  ne  font  que  régler  la  procédure  ;  ces  appels  peuvent  être 
fondés  sur  ce  que  les  premiers  juges  auraient  ordonné  une 
procédure  ou  entièrement  inutile  ou  trop  longue  ou  même 
contraire  à  la  marche  indiquée  par  la  loi.  Mais  si  ces  moyens 
d^appel  ou  d'autres  semblables  pouvaient,  avant  que  ie  juge- 
ment fût  rendu,  être  portés  devant  le  tribunal  supérieur,  on 
verrait  autant  d'appels  que  àe  jugements  d'instruction,  et  il 
en  naîtrait  un  désordre  qu'il  serait  impossible  d^arrèter.  Il  en 
doit  être  autrement  lorsque  les  premiers  juges  prononcent  un 
interlocutoire  qui  préjuge  le  fond.  La  partie  qui  dans  ce  cas 

A  UsiiliCriin«^t.n»p«M6» 


DE  l'appel  MS  JOCEVfSim  GOUmECTlORlfCU.   §  S70.  iSi 

se  croit  lésée  par  un  jugement  dont  elle  a  les  suites  à  redou- 
ter, ne  doit  pasètre  obligée  d'attendre  le  jugement  définitif.  » 
Or^  est-ce  que  ces  motifs  ne  s'appliquent  pas  à  la  matière 
correctiiMiQelle  aussi  bien  et  plus  fortement  encore  qu'à  la 
matière  civile?  Est-ce  que  ce  n'est  pas  surtDutdans  la  pour* 
suUe  des  délits  que  la  loi  a  voulu  éviter  les  formes  qui  sus* 
pendent  et  retardent  la  marche  de  la  procédure?  Quedevten-* 
drait  la  justice  répressive  si  chaque  jugement  d'instruction 
pouvait  être  frappé  d'un  appel  qui  forcerait  à  surseoir?  Et 
dans  quel  intérêt  cet  appel,  puisque  les  jugements  d'instruc- 
tion ne  peuvent  ni  préjuger  le  fond  ni  causer  aux  par- 
ties un  préjudice  irréparable,  puisqu'ils  ne  décident  rien 
et  ne  font  que  préparer  la  cause?  D'ailleurs,  dotreCode, 
loin  qu'il  soit  contraire  à  cette  distinction  ,  t'a  nette- 
ment consacrée  dans  son  art.  &16  relatif  aux  demandes  en 
cassation;  or,  pourrait-on  admettre,  à  Tégard  des  juge- 
ments préparatoires,  deux  régies  différentes.  Tune  qui  lesdè- 
clarerait  susceptibles  d'un  appel  distinct,  l'autre  qui  lesdé« 
clarerait  non  susceptibles  de  pourvoi  avant  le  jugement  dé^ 
finitif? 

Cette  doctrine  a  été  suivie  par  la  jurisprudence,  qui  a  sana 
catôe  décidé  «  que,  dans  le  silence  d'une  loi  spéciale  qui  ré- 
gisse la  matière,  iesdispositionsderart.451duC.de  pr.  civ.^ 
qui  établissent  le  droit  commun,  doivent  recevoir  leur  appli- 
cation de  la  part  des  tribunaux  correctionnels  \ 

L'appel  ne  s'applique  donc  qu'aux  seuls  jugements  qui 
sont  définitifs^  mais  il  s'applique  à  tous  les  jugements  qui  ont 
ce  caractère,  quelle  que  soit  leur  teneur,  et  sur  quelques 
points  qu'ils  aient  statué.  Cette  seconde  proposition  appelle 
quelques  explications. 

ÏI.  Les  jugements  définitifs  peuvent  se  diviser  en  trois 
classes  :  ceux  qui  statuent  sur  toute  la  cause  et  la  terminent* 
ceux  qui  statuent  définitivement  sur  des  fins^de  non-rece- 
voir.  des  exceptions  bu  des  demandes  incidentes  indépendan- 
tes du  fond;  enfin,  ceux  qui  ordonnent,  avant  dire  droit,  une 
preuve,  une  vérification  ou  une  instruction  qui  préjuge  le 
fond. 

La  première  classe  de  ces  jugements  comprend  tous  ceux 

♦Cass,  11  ioCtt  iSJe,  rapp.  M.  de  Mertillc,  Bail,  n»  157:  î  août  1810, 
rapp.  M.  Guîeu.  Buil.  u.  90  i  22  janr.  1825|  rupp,  M.  de  Gardoiineli  Bull, 
11.15« 


iS  Mfl  TRIMJMAVX  COKMCTIONNILS. 

qui  prononcent  sur  le  fond  de  la  prévention,  soit  qu^ils  con- 
damnent ou  acquittent  les  prévenus.  Tous  ces  jugements 
sont  définitifs,  et  quand  ils  ont  été  rendus  en  premier  ressort, 
peuvent  être  frappés  d'appel  '•  Il  importe  peu  que  le  tribu- 
nal de  première  instance  se  soit  trompé  lui-même  sur  le  ca- 
ractère de  sa  sentence  :  ainsi,  le  jugement  qui  déclare  un 
partage  d'opinions  est  définitif  et  susceptible  d^appel,  bien 
que  le  juge  ait  en  même  temps  renvoyé  à  un  autre  jour  pour 
vider  ce  partage  :  c  attendu  qu'un  jugement  de  partage 
équivaut  à  un  acquittement;  que  dès  lors  le  jugement  rendu 
était  définitif  entre  les  parties,  et  n'était  pas  un  jugement 
préparatoire  ni  d'instruction  *.  »  Il  importe  peu  encore  que 
le  jugement  ait  été  inexactement  qualifié  en  dernier  ressort, 
puisque  les  tribunaux  correctionnels  ne  peuvent  juger  qu'à 
la  charge  de  Tappel  ;  il  a  d'ailleurs  été  reconnu  que  l'art. 
453  G.  de  pr.  civ.  qui  déclare  «  sujets  à  l'appel  les  ju- 
gements qualifiés  en  dernier  ressort,  lorsqu'ils  auront  été 
rendus  par  des  juges  qui  ne  pouvaient  prononcer  qu'en  pre- 
mière instance,  9  était  applicable  en  matière  correction- 
nelle K  Enfin,  il  importe  peu  que  le  tribunal  ait  prononce  en 
vertu  d'une  attribution  spéciale  qui  n'a  pas  réservé  le  droit 
d'appel  :  il  a  été  jugé  avec  raison  «  que  dans  tous  les  cas  où 
la  loi  n'a  pas  attribué  personnellement  à  une  juridiction  le 
pouvoir  (Je  juger  en  dernier  ressort,  la  faculté  de  l'appel 
subsiste  à  Tégard  de  ses  décisions  et  peut  être  utilement 
exercée  ;  que  l'art.  16  de  la  loi  du  25  mars  1822,  qui  attri- 
bue aux  cours  et  tribunaux  le  droit  d'appliquer  directement 
les  disposilioitô  de  Tart.  7  de  cette  loi  au  compte  rendu  in- 
fidèle de  leurs  audiences;  n'a  point  dérogé  à  ce  principe  ;  que 
les  jugements  intervenus  en  vertu  de  cette  attribution  spé- 
ciale restent  donc  régis  par  les  dispositions  générales  du 
droit  commun,  qu'ils  sont  conséquemmcnt  suscrptibics  d'ùtre 
attaqués  par  la  voie  de  l'appel,  qu'ils  no  sauraient  des  lors 
être  rendus  en  dernier  ressort  >.  » 

La  deuxième  classe  de  jugements  définitifs  comprend  tous 
ceux  qui,  soit  qu'ils  dessaisissent  ou  non  la  juridiction,  pro- 
noncent sur  des  fins  de  non-recevoir,  des  exceptions  ou  des  de- 

«  Cass.  14  mal  482i,  rapp.  M.  Aumonl.  J.  P.,  t.  XVIII,  p.  708 *  Caw. 

2A  août  1898,  rapp.  M.  IsatiiberU  Bull.,  n«  521.  — 'Cass.  26  nov.  1813, 
•  rapp.  M.  Busschop,  J.  P.,  U  X,  p.  833,  1"  fév.  1821,  rapp.  M.  Busschop, 
BuU.  n,  25  ;  et  Conf.  23  mess,  anxii,  rapp.  M.  Minier.  Bull.  n.  176.—*  Cass. 
23  noT.  1883,  rapp.  M,  Dchaussy.  J.  P.,  t,  XXV,  p.  966. 


w  l'APm  DBS  jvomsfs  coutcnomuLs.  §  870,  17 

Zi^  ^S"?/-  "^"''.r*  ••  *•  tous  les  jugements  rendus 
rJt  ûîS^l  ^.«"P^tence ,  lora  môme  que  le  tribunal 
fSe  rj"''?*;!^P«^^°»t™«  l'instruction  de 
L„n.  .  \'a?  """  ^î".'  *'^«^«nt  q"'""  agent  du  gouTerne- 
S^nirt''  ^^''T  "'**  «"  «"«^  autSrisation  du  conseil 

S.  o*  TK  .?"•  "««'«ïent  ou  refiisentanx  préyenus  leur 
Sts  Se  d2  -A  r?'*'"  'î   *•  ^"^  qnl  décident  des 

nSleTSo?,?-'*"!.**''»"**''"  «»  "«"'*™  correction- 
S^Lt;.!  ^'"' •*^*'""''*  «"^  '«s  conclusions  des  parties, 
déclarent  la  composition  du  tribunal  légale  et  régulièJe  «. 

iuapmï^îf^.*'T.'^*J"8*"«°t»«**fi«iti'^  «Snprend  les 
SSuden^'^T'^'T-  ^m^^^^>  q»e  notre  ancienne 
ïlSrï"  f^n'^*'*.*'"  '*«  jagcments  purement  pré- 
paratoires %  et  qu'il  est  difficile  de  distinguer  encore  de  ces 
derniers  .ugemeuts  malgré  la  double  défiSilion  dTvlttkZ 

mnn  :  .'If""*  f  "'*  **"*  *'«''    <*"*-«'  "°  ««"«»*'«  W>m- 

Zî^'Hpt  ''"^.'f  """  «*  '«*  «"''«''  ««"^  "•«»''««  dans  le 
^TJ!  ^»  P^fJH^epour  l'instruction  de  la  cause  et  pour 

oïttrôiîil!  5'^""'"  ?."*"■"  les  jugements  interlocntSres 
fa"  e  î^ro?„«if  "'-r  '*'"  "*»"'  P^P"''*  «t  <!«*  «*o'^«»»  'e« 
Mr l^^f«  ?  '."  **"*  P""  o'^J^t  "»«  instruction  faite 
J?ii?^P.vïpT'.*'"^"«""^'*'  ^«"*'  î  ^'>'t  1«'''«  admettent  soit 
quils  rejettent  la  preuve  offerte,  ils  prononcent  définitire- 
ment  sur  cet  mcideui;  cu«n,  ils  peuTeut  causer  auî  parties 
à£liSZ^r  '"IP^-^We.  C'est  en  se  fondant  sur  ces 
r„?prw  .  ?  ''""  "  J""sprudencea  considéré  comme  des 
nlerloculo.rcsdont  il  doit  être  fait  immédiatement  appel  : 

L^l^F"T  "^l''  *"  •"<•*'«"'  forestière,  ordonne  lom^u- 
LS.nZ"'-''"'*^""'''  puisque  ce  mcsùrage,  qui  ne  peut 
?r^„/T?"*^**"*  P*"'  •PP'***'^'-  »e  mont»"»  de  l'ameSde, 
£«^  Si*  ^'"^  '  '.  ^V*"  J"««'»«»t  q»*'  «"  «"«tiére  de  doua- 
nes, ordonne  que  les  frais  d'une  expertise  seront  avancés  pour 

m^  "j^^^  ^'  "PP-  *••  SeigneUe.  BuK.  n.  185;  S5  fév.  1818. 
îtn,».  ^"'""-"•«^'«•.  "•  «6.  Merlin,  Rép.  »•  Appel. 'secU  J,  u"  3, 

»^  *iL"""  "f '•  '"PP-  "•  Mangin,  Bull.  n.  6Î. 

•  Si  iî  si*  ,*?l?'  !*PP-  îî-  BuKf  hop.  Bull.  n.  M. 
•oS^lOT^i-if"^.*  IT\  *••  '"'  Glo».  Bull.  n.  73.        . 


;O«l.ia70,UL3i:«r2. 
t«<.  J  août  lWO,rapp.  M.  Guieu.  BuU.  n.  «0. 

Tlll. 


2 


48  DES   TRIBUNAUX   CORREfcTIONnfeLS. 

moitié  par  la  régie,  puisque  cette  disposition  est  vérîtable- 
ment  définitiTe  ^;  3»  le  jugement  qui  admet  la  preuve  contre 
un  procès-verbal  de  récolement  dressé  contre  un  adjudica- 
taire, sans  avoir  recours  à  la  voie  de  l'inscription  de  faux  »  ; 
***  le  jugement  qui  admet  ou  rejette  des  moyens  de  repro- 
che proposés  contre  des  témoins  '  ;  S""  le  jugement  qui  ren- 
voie à  fins  civiles  la  décision  d*une  question  préjudicielle  de 
propriété  ^;  6^  le  jugement  qui,  sur  la  demande  du  prévenu, 
surseoit  à  statuer  sur  la  prévention  jusqu^à  ce  qu'il  ait  été 
prononcé  sur  une  accusation  criminelle  dirigée  contre  le 
môme  individu;  car  ce  jugement  porte  sur  un  point  défini- 
tif et  engage  l'intérêt  des  parties  ^  ;  7«  le  jugement  qui  or- 
donne la  preuve  des  faits  de  prescription  articulés  par  le 
prévenu  6. 

On  considère  au  contraire  comme  purement  préparatoi- 
res et  de  simple  instruction  :  1"*  le  jugement  qui  ordonne 
une  expertise  '^j  à  moins  que,  cette  expertise  étant  contestée, 
il  n'en  résulte  un  préjugé  sur  le  fond  *  ;  2*»  le  jugement  qui 
joint,  comme  connexes,  deux  plaintes  portées  par  des  per- 
sonnes diflérentes  contre  le  môme  prévenu  ^  ;  3^  te  jugement 
qui  ordonne  purement  etsimplementrapport  d'une  pièce  ^o  ; 
4^  le  jugement  qui  donne  acte  de  la  déclaration  faite  par  un 
piùévenudc  s'inscrire  en  faux  contre  un  procès- verbal  **; 
5o  le  jugement  qui  désigne  un  expert  ou  qui  rej»îlte  la  ré- 
cusation proposée  contre  cet  expert  *•;  6®  le  jugement  qui 
admet  l'intervention  d'une  partie  civile  '•;  7°  le  jugement 
qui  donne  acte  à  une  partie  de  son  intervention,  et  ordonne 
que  les  pièces  d'un  procès  civil  existant  entre  cette  partie  et 
la  partie  poursuivante  seront  produites  »*,  Dans  toutes  ces 

•  Cass.  1"  fév.  4814,  rapp.  M.  Rataud.  Bull.  n.  9. 

•  Çass.  14  mars  18H,  rapp.  M.  Favard  de  Laoglade.  J.  P.,  t.  Iîl,p.  17«. 
'Cass.  20  mars  1817,  rapp.  M.  Aumont.  J.  P.,  L  XIV,  p.  138. 

Cass.  25  nov.  1826,  rapp.  M.  Chaniereyne.  Bull.  d.  237. 
'Cass.  23  oct  1840,  rapp.  M.  Ricard.  Bull.  d.  818. 

•  Cas?.  25  mai  4850,  rapp,  M.  Rives.  Bull.  n.  174. 

'Cass.  5  brum.  an  viii,  rapp.  M.  RîUer.  Bull.  n.  65;  5  avril  1845.  rapp. 
M^Isambert,  Journ.  crim.  L  XVII,  p.  153. 

•  Cass.  16  mars  1846,  rapp.  M.  Romiguières.  Bull.  n.  102. 

Cass,  22  janv.  «825,  rapp.  M.  de  Cardonnel.  Bull.  n.  15;  8  îiilii  1826. 
rapp.  M.  de  Cardonnel,  J.  P,  t.  20,  p.   536. 

"  Cass.  11  aoatl82e.  rapp.  M.  Marville.  Bull.  n.  167. 
**  Cass.  17  féf.  1887.  rapp.  M.  de  Gartempe.  Bull.  n.  52. 
"Cass.  20juid  1834.  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.   195. 
««  Cass.  17  juill;  1841.  rapp.  M.  Mérilhou.  BuU,  u.  213. 
**  Cass.  13  sept.  1850,  rapp.  M.  Qu^uaulU  BttlL  n.  308i 


DB  l'appel  DBS   JUGEMENTS   CORRECTIONNELS.    §   570.  19 

espèces,  dans  lesquelles  les  mesures  prescrites  ont  unique- 
ineot  pour  objet  de  mettre  le  procès  en  état  de  recevoir  une 


jugement,  sans  que  l'exécution,  môme  volontaire,  de  ta  mpr 
sure  préparatoire,  puisse  être  opposée  comme  fin  de  non- 
recevoir. 

Deux  remarques  générales  s'appliquent  h  Tapp**'  de  tous 
les  jugements  définitifs  : 

I-a  première  est  que,  lorsqu'un  jugement  se  compose  de 
plusieurs  dispositions  distinctes,  indépendantes  i^upe  de 
l'autre,  la  partie  qui  a  succombé  sur  un  chef  et  obtenu  gain 
de  cause  sur  un  autre,  peut  appeler  de  la  disposition  qui  lui 
est  contraire,  et  poursuivre  en  même  temps  l'exécution  de 
c«He  qui  lui  est  favorable  '. 

La  deuxième  est  que,  dans  tous  les  cas,  on  ne  peut  in- 
terjeter appel  des  motifs  du  jugement,  mais  seulement  de 
son  dispositif.  La  raison,  clairement  indiquée  par  un  arrêt» 
est  c  que  les  motifs  ne  constituent  pas  le  jugement  ;  que  lo 
jugement  est  tout  entier  dans  le  dispositif  ;  que  les  motifs 
des  jugements,  qui  ne  sont  autre  chose  que  des  raisonne- 
ments et  des  opinions,  n'ordonnent  rien,  ne  jugent  rien,  et 
conséquemment  ne  disposent  ni  de  Phonneur  ni  de  la  fortune 
des  dtojens;  que  cependant  si  les  motifs  d'un  jugement 
étaient  de  nature  à  constituer  un  véritable  délit,  la  partie 
lésée^aurait  le  droit  de  se  pourvoir,  mais  contre  le  juge,  et 
non  contre  le  jugement  ^.  »  C'est  par  voie  de  la  plainte  ou 
de  la  prise  à  partie  qu'il  y  a  lieu  d'agir  dans  ce  cas,  et  non 
par  voie  d'appel. 

I|L  La  règle  qui  déclare  tous  les  jugements  définitifs  su- 
jets à  rappel  n'admet  qu'une  seule  exception  :  l'art.  192, 
qui  réserve  cette  exception,  est  ainsi  conçu  :  «  Si  le  fait  n'est 
qu'une  contravention  de  police,  et  si  la  partie  publique  ou  la 
partie  mile  n'a  pas  demandé  le  renvoi,  le  tribunal  appli- 
quera la  peine  et  statuera,  s'il  y  a  lieu,  -  ir  les  dommages- 
iolérèts.  Dans  ce  cas,  son  jugement  sera  en  dernier  jq^- 
sort.  j> 

*  Gass.  19  déc.  1845.  rapp,  M.  Brcsson.  Bail,  n.  825. 

•  Cas?.  29  janf.  182-1.  rapp.  M.  Lasagni.  J.  P.  l.  XVIII,  p.  405  j  7  mars 
1828.  rapp.  M.  Maugia,  t.  XXI,  p.  124V  ;  2i  jOQT.lSdô ,  rapp.  M.  Bros^D. 
B«U«  D*  92é 


iO  DE8    TRIBUNAUX    CORIIEGTIONNELS. 

Nous  avons  examiné  la  première  partie  de  cet  article  *  : 
il  nous  reste  à  rechercher  dans  quels  cas  le  jugement  doit 
4tre  réputé  en  dernier  ressort. 

Le  jugement  est  en  dernier  ressort  si  le  fait  a  réellement  le 
caractère  d'une  contravention  et  si  aucune  des  parties  n*a  de- 
mandé le  renvoi  de  la  cause  devant  le  tribunal  de  police  \ 
Mais  il  cesse  d^ètre  en  dernier  ressort  et  devient  sujet  à  l'ap- 
pel ,  bien  qu'il  ne  prononce  qu'une  peine  de  police»  si  le  fait 
3u'il  a  qualifié  de  contravention  a  en  réalité  le  caractère  d'un 
élit,  ou  s'il  a  jugé  quoique  le  renvoi  ait  été  formellement 
demandé.  En  eiïet,  les  tribunaux  correctionnels  ne  peuvent 
juger  en  premier  et  en  dernier  ressort  que  lorsque  le  renvoi 
de  raffaire  n'ayant  été  demandé  ni  par  la  partie  publique  ni 
par  la  partie  civile  ,  le  fait  se  réduit  à  une  contravention  de 
police  :  dans  tout  autre  cas,  les  jugements  qu'ils  rendent  en 
première  instance  sont  de  droit  sujets  à  Tappel,  et  l'art.  kiZ 
du  G.  de  proc.  civ.  qui ,  par  l'identité  des  motifs ,  est  appli- 
cable à  la  procédure  en  matière  de  police,  soumet  à  Tappel  les 
jugements  qui,  quoique  qualifiés  en  dernier  ressort,  ont  été 
rendus  daos  des  cas  où,  d'après  la  loi ,  les  juges  ne  pouvaient 
prononcer  qu'en  première  instance  et  à  la  charge  de  l'appel  •. 
Il  y  a  donc  lieu  de  vérifier  si  les  faits  qualifiés  contraventions 
ont  été  exactement.qualifiés  :  en  cas  d'mexactitude,  la  voie  de 
l'appel  est  ouverte. 

Le  jugement  qui ,  après  avoir  réduit  le  fait  aux  proportions 
d'une  contravention  de  police,  permet  de  statuer  sur  cette  con- 
travention, quoiqu'aucune  des  parties  n'ait  demandé  lé  ren- 
voi ,  est-il  susceptible  d'appel?  L'affirmative  ne  peut  être  dou- 
teuse, puisque  le  tribunal  n'ayant  pas  statué  comme  juge  de 
police,  a  conservé  à  la  prévention  son  caractère  correctionnel; 
il  a  prononcé  comme  tribunal  correctionnel,  et  par  consé- 
quent son  Jugement  est  sujet  à  l'appel  *.  C'est  par  le  même 
motif  que  le  jugement  qui  déclare  que  le  fait  ne  constitue 

«T. vu,  p.  175. 

^  Cass.  16  août  1811,  rapp.  M.  Batire.  Bull.  n.  110}  a  mara  1818»  rapp. 
M.  OlIWIert  n.  89$  32  jaiti  1891 ,  rapp.  M.  Ollivier,  n.  102;  i  août  1832, 
rapp.  H.  Ollmer,  n.  29A;  10  juillet  1834,  rapp.  M*  lambert.  J.  P.,  u 
XXVI;  p.  788. 

'  Gasf.  26  no?.  1812,  rapp.  M.  Busschop  J.  P.  t.  X,  p.  833;  31  août  4815, 
rapp.  M.  Audier-BIassilloii.  J.  P.  t.  XIII,  p.  60  ;  6  mars  1818,  rapp.  M.  OUi- 
vier.  Bull.  n.  25  ;  2oct.  1828,  rapp.M  Brière.  J.  P.,  t.  XXII,  p.  302  ;  24  a\Tîl 
1829,  rapp.  M.  Gury.  J.  P.  t.  XXII,  p.  930. 

*  Cas».  1*'  juill.  1853,  à  Dotrerapport.  Bail.  n.  336. 


Dl  l'aPKL    DBS  JDGBMKNTS  COKEICTIONHKU.   §  570.  2i 

ni  délit  ni  contniyentioD  peut  être  attaqué  par  voie  d'appel  : 
c  attendu  ^qne  ni  le  Gode  ni  aucune  autre  loi  n'ont  déterminé 
de  faits  ayant  caractère  de  délits  sur  lesquels  les  tribunaux 
correctionnels  aient  le  pouvoir  de  prononcer  sans  appel  ;  que 
le  seul  cas  où  les  jugements  de  ces  tribunaux  sont  en  dernier 
ressort  est  celui  que  prévoit  Tart.  192  ;  que,  dans  ce  cas,  ne 
jugeant  que  des  contraventions,  ne  pouvant  prononcer  que 
des  peines  de  police,  les  tribunaux  correctionnels  ne  jugent 
pis  en  leur  qualité  de  tribunaux  correctionnels,  mais  comme 
tribunaux  de  police  ;  que  le  tribunal  correctionnel  qui  avait 
i  juger  une  prévention  de  délit  et  qui ,  par  le  dispositir  de  son 
jugement  a  déclaré  le  prévenu  non  convaincu  de  délit,  n'a 
pu  juger  ainsi  que  comme  tribunal  correctionnel  ;  qu'ayant 
jugé  comme  triounal  correctionnel ,  son  jugement  était4ié- 
œssairement  rendu  en  première  instance  et  noa  en  dernier 
ressort  i  » 

Que  Taut-il  décider  si  le  jugement ,  après  avoir  régulière* 
ment  quali&é  le  fait  de  contravention  et  avoir  prononcé  une 
peine  de  police,  déclare,  par  une  disposition  qui  ne  peut  être 
appliquée  qu'en  matière  correctionnelle,  que  tous  les  prévenus 
seront  tenus  solidairement  des  condamnations  prononcées 
eoQtre  eux?  II  a  été  reconnu  que  dans  ce  cas  c'était  par  la 
voie  de  la  cassation  et  non  par  celle  de  Pappel  qu'il  fallait  faire 
repousser  cette  illégale  application  de  la  loi  :  t  attendu  que 
ee  jugement  était  en  dernier  ressort,  aux  termes  de  Fart.  192, 
le  bit  n'étant  qu'une  contravention  de  police  ;  que  s'il  déclare 
solidaires  toutes  les  condamnations  pécuniaires  prononcées , 
ce  qui  serait  une  violation  de  Tart.  55  du  G.  de  proc.,  à  Té- 
gard  du  demandeur  condamné  pour  simple  contravention,  la 
seule  voie  ouverte  pour  faire  réformer  ledit  jugement  ayant 
le  caractère  du  dernier  ressort,  était  le  recours  en  cassation 
et  non  l'appel  '•  »  Gette  solution  est  fondée  :  dès  que  les  élé- 
ments du  dernier  ressort  exigés  par  Tart.  192  se  trouvent 
réunis ,  ce  serait  ajouter  i  la  loi  que  de  dénier  au  jugement 
le  caractère  du  dernier  ressort  à  raison  d'une  disposition  er- 
ronée qui  ne  touche  ni  le  caractère  de  la  contravention,  ni  le 
taux  de  la  peine  de  police. 

lY.  Faut-il  admettre  une  seconde  exception  à  la  règle  de 

«  Casa.  14  mai  18X4.  rapp.  Bf*  AufflonU  J.  P.  U  XVIII,  p.  708. 
>  Cm.  sa  aoû;  1850.  rapp;  M.  de  Glos.  Bull.  lu  S78. 


22  »ES  TRIBUNAVX   COBRECTlONrfELS. 

l'appel  en  ce  qui  concerne  les  jugements  rendus  contre  les 
témoins  défaillants? On  a  soutenu  cette  exception  en  s'ap- 
puyant  d^abord  i»ur  le  texte  de  l'art.  80  du  G.  d'inst.  cr.  qui  > 
dans  une  hypothèse  analogue  «  attribue  au  juge.d'instruction 
le  dff^it  de  prononcer  une  amende  sans  appel  i ,  ensuite  sur  la 
nécessité  de  ne  pas  retarder  l'instruction  par  un  appel ,  néces- 
sité qui  serait  attestée  par  les  voies  coercitives  que  la  loi  a 
ouvertes  contre  les  témoins  non  comparants  *.  Nous  ne  pou- 
vons adopter  cette  opinion.  La  règle  qui  soumet  tous  les  ju- 
gements des  tribunaux  correctionnels  à  l'appel  n'admet  qu'une 
seule  exception  que  la  loi  a  pris  soin  d'énoncer  nettement  dans 
Tart.  192.  L'art  157,  dont  l'art.  189  a  rendu  les  dispositions 
communes  aux  tribunaux  coirectionneU,  contient-il  Une  ex- 
ception semblable  ?  H  n'en  contient  aucune  ;  il  autorise  à 
prononcer  contre  le  témoin  défaillant  l'amende ,  et  en  cas 
d'un  second  défaut,  la  contrainte  par  corps;  il  n'ajoute  point, 
comme  l'art.  192,  que  ce  jugement  sera  en  dernier  ressort. 
Oh  se  reporte  à  l'art.  80,  qui  dispose  que  l'ordonnance  du  juge 
d'instruction,  laquelle,  dans  un  cas  analogue,  peut  prononcer 
également  l'amende  et  la  contrainte  par  corps,  sera  rendue 
«  sans  autre  formalité  ni  délai  et  sans  appel.  •  Mais,  d'abord, 
dès  que  ces  mots  sans  appel  n'ont  pas  été  reproduits  dans 
Part.  157,  ne  faut-il  pas  conclure  que  la  loi  n'a  pas  voulu 
soumettre  ces  deux  cas  à  la  même  forme,  et  qu'elle  a  laissé. à 
la  juridiction  correctionnelle  les  règles  qui  lui  sont  propres? 
que  l'on  recoure  à  l'art.  80  pour  y  trouver  le  taux  de  l'a- 
meade,  que  Tart.  157  n'a  pas  6xée,  on  le  comprend  ;  mais , 
quant  aux  forrmes  de  la  procédure,  chaque  juridiction  n'a-t-elle 
pas  celles  que  la  loi  lui  a  départies) Et  dès  qu'aucune  déro- 
^J  *!(^n  n'a  été  faite,  ne  sont-re  pas  ces  formes-là  seulement 
qu'il  lui  est  permis  d'observer?  Voyez  quelles  seraient  les 
conséquences  de  l'appîicatîon  de  l'art.  £0  :  la  jurisprudence 
a  admis,  par  une  interprétation  que  nous  avons  d'ailleurs  com- 
.    battue  »,  que  les  mots  sans  appela  qui  se  trouvent  dans  cet 
article,  ne  s'entendent  que  de  l'appel  du  témoin ,  et  que  le 
ministère  public  conserve  le  droit  d'appel  -,  or,  en  transpor- 
tant l'art.  oO  dans  la  procédure  correctionnelle,  il  faut  néces- 
sairement maintenir  cette  interprétation,  car  les  mêmes  mots 
De  peuvent  changer  de  sens  parce  qu'on  les  applique  à  une 

«  Nancy,  16  nov.  A842.  S.  V.  43, 2,  928,  —  '  Berrut-Sl-Prix  n.  15«U 


DB  l'appel  DBS  JDGEMKNTS  COBBEajlOSIJiUU.    §  571.  23 

espèce  plutôt  qu  à  Tautre.  Il  faudrait  donc  admettre  en  ma- 
tière correctionnelle  une  classe  de  jugements  définitifs  »  que 
les  parties  condamnées  ne  pourraient  Trapper  d'appel ,  ce  qui 
serait  une  première  anomalie  dans  cette  juridiction ,  et  dont 
néannjuDJDS  le  ministère  public  pourrait  appeler,  ce  qui  serait 
une  seconde  anomalie  plus  inexplicable  encore.  Pourquoi 
donc  sortir  des  textes  de  la  loi?  Pourquoi  ne  pas  suivre  fidèle- 
ment les  différentes  règles  qu'elle  a  tracées? Si,  suivant  Tar- 
ticle  8O5  Tordonnance  du  juge  d^instruclion  est  sans  appel , 
c'est  que  dans  une  instruction  criminelle  il  importe  de  recueil- 
lir immédiatement  les  dépositions  des  témoins ,  c'est  que  le 
moindre  retard  pourrait^  au  moment  où  commencent  les  in- 
vestigations, avoir  de  graves  conséquences.  Si,  au  contraire 
suivant  Fart.  157,  le  jugement  du  tribunal  correctionnel  de- 
meure soumis  à  l'appel ,  c'est  que  la  môme  urgence  n'existe 
plus  :  â  le  tribunal  a  été  saisi  par  un  renvoi ,  les  té^noins  ont 
été  entendus  dans  Tinstruction  préalable  et  si  l'appel  retarde 
le  jugement,  il  ne  met  point  la  justice  en  péril  ;  s'il  a  été  saisi 
par  simple  citation,  Taffaire  n'est  pas  assez  grave  pour  qu'un 
délai  inquiète  Tordre  social.  Il  n'y  a  donc  point  de  motif  sé- 
rieux de  priver  les  témoins  de  la  garantie  des  deux  degrés  de 
juridiction  que  la  loi  a  voulu  assurer  à  tous  les  citoyens  qui 
sont  jugés  par  le  tribunal  correctionnel.  Les  voies  coerciiives 
de  l'amende  et  de  la  contrainte  sont  faites  pour  vaincre  et 
pour  cbitier  la  désobéissance  ;  mais  à  côté  de  la  désobéissance 
il  peut  j  avoir  des  causes  légitimes  d'absence  ,  à  côté  de  la 
contravention  le  droit ,  et  nous  ne  voyons  pas  pourquoi  les 
formes  tutélaires  qui  s'appliquent  à  la  poursuite  de  toutes  les 
infractions  que  ie  tribunal  correctionnel  est  chargé  de  punir 
ne  s'appliqueraient  pas  à  celle-ci ,  lorsque  la  loi  n'a  établi 
aueune  exception  à  son  égard. 

S  5îi. 

I.  Qui  peac  app^er.  —  II.  Appel  da  prévenu.  —  lil.  Des  parties  res- 
pmal^les.  —  iV.  Des  parties  civiles. —  Y.  ûesadmiDistrationspa» 
bliqaes. — Vl.  Da  mioislere  public. 

L  L'art.  102  du  G.  d'instr.  crim.,  rectifié  par  la  loi  du  13 
juin  1856,  est  ains  conçu  : 

«  La  faculté  d'appeler  appartiendra  :  1*  aux  [>arties  prévenues  ou 
responsables  ;  3*  à  la  partie  civile ,  quant  à  ses  intérêts  civils  seule- 


S4  9MA  TKIBVNAVX  CnRBCTIONNELS.  • 

ment;  3*  à  radmÎDistration  forestière  ;  4'>  au  procureur  impérial  orês 
le  tribunal  de  première  instance  ;  5*  au  procureur  général  près  la  uour 
impériale.  » 

Telles  sont  les  personnes  qui  ont  le  droit  d'appeler.  Il  faut 
examiner  dans  quelle  mesure  chacune  d'elles  peut  exercer  ce 
droit. 

IL  La  loi  consacre,  en  premier  lieu ,  le  droit  d^appel  des 
prévenus. 

Il  y  a  lieu  de  remarquer,  d^abord,  que  Part.  193  du  G.  da 
3  brumaire  an  iv  n'  ouvrait  la  voie  de  Tappel  qu^aux  con-- 
damnés.  Notre  Code  a  substitué  à  ce  mot  celui  de  partieê 
prévenues  ;  de  là  il  suit  que  le  droit  d'appel  appartient  dans 
tous  les  cas  aux  prévenus ,  soit  que  les  jugements  por- 
tent ou  non  sur  le  fond,  soit  qu'ils  aient  été  condamnés  ou 
ne  l'aient  pas  été;  et  il  existe  môme  un  cas^  celui  prévu 
par  Tart.  191,  où  le  prévenu,  quoique  renvoyé  des  fins  de  la 
plainte,  a  intérêt  à  former  appel  du  jugement  qui ,  en  Tac- 
quittant,  ne  lui  a  pas  alloué  les  dommages-intérêts  qu'il  de- 
mandait contre  la  partie  civile  *• 

Le  prévenu  peut  appeler ,  lors  même  qu'il  aurait  fait  dé- 
faut %  lors  même  qu'il  n'aurait  pas  obéi  au  mandat  décerné 
contre  lui  *  ;  car  aucune  disposition  de  la  loi  ne  prononce  dans 
ce  cas  de  fin  de  non  recevoir* 

Il  peut  appeler  lors  même  qu'il  aurait  acquiescé  au  joge- 
ment  de  première  instance.  Dans  notre  ancien  droit ,  il  n'en 
était  pas  ainsi  :  l'accusé  pouvait  acquiescer  au  jugement  et  cet 
acquiescement  était  valable  et  le  liait  La  raison  en  était  que 
la  faculté  d'appeler  ne  se  prescrivait  que  par  vingt  ans,  et  que 
dés  lors,  comme  il  était  impossible  de  suspendre  indéfiniment 
l'exécution  des  condamnations,  il  fallait  bien  qu'il  pût  renon- 
cer ou  qu'il  fût  présumé  avoir  renoncé  à  l'exercice  des  voies 
de  encours  ^  .  Dans  notre  droit  actuel ,  la  brièveté  du  délai 
d'appel  a  fait  disparaître  ce  motif,  et  par  conséquent  la  dé* 
châince  elle-même.  Le  prévenu,  à  la  vérité,  dispose  de  l'ap- 
pel dans  son  intérêt  ;  l'exercice  lui  en  appartient  et  il  peut 
laisser  le  délai  s'écouler  sans  le  former  ;  mais  tant  que  ce  dé- 
lai n'est  pas  épuisé,  tant  que  le  droit  subsiste ,  il  ne  peut  en 
être  décbu  par  le  seul  fait  d'un  acquiescement  prématuré. 

«  Gonf.  Boitard,  n.  817,  7*  éd. 

s  Art.  SOS  G.  insu  cr. 

"  Gasft.  19  ventôM  an  ii,  rapp.  If.  Lachèn  Dalloi.  t*  Appel»  n.  S71« 

*  T.  II,  p.  407. 


DB  L'aPPBL  des  JTCEMfcNTS    COBMCTIONNELS.  §  S71.  » 

L'appol ,  en  effet ,  nous  l'avons  dit,  est  une  garantie  de  jus- 
tice, un  moyen  d'assurer  la  découverte  de  la  vérité  ;  or,  est-ce 
qu'il  change  de  caractère  parce  qu'il  est  entre  les  mains  des 
parties?  Est-ce  qu'il  cesse  d'être  employé  dans  Tintérèt  de  la 
vérité  parce  qui!  est  exercé  par  le  prévenu  ?  Qu'importe  que 
l'intérêt  personnel  de  celui-ci  en  dirige  l'exercice  ;  à  cet  m- 
térêt  se  mêle  nécessairement  un  intérêt  général  qui ,  dans  le 
recours  même  du  préyenu,  peut  trouver  un  moyen  de  justice. 
La  garantie  de  l'ordre  s'identifie  avec  la  garantie  de  la  dé- 
fense, et  la  forme  de  la  procédure  pénale,  quelle  que  soit  la 
partie  qui  l'invoque,  protège  Tune  et  l'autre.  C'est  parce  que 
son  droit  peut  servir  à  la  société  en  lui  servant  à  lui-même, 
qu'il  ne  peut  l'abdiquer.  11  peut  sans  doute  consentir  à  une 
exécution  prématurée,  il  peut,  si  l'on  veut,  acquiescer,  mais  k 
la  condition  qu'il  ne  sera  pas  lié  par  cet  acquiescement  et  qu'il 
pourra  exercer  encore,  s'il  le  juge  à  propos,  le  droit  qu'il  tient 
de  la  loi  pendant  tout  le  temps  qu'elle  l'a  mis  entre  ses  mains. 
Comment  abréger»  en  effet,  le  délai  que  la  loi  a  fixé?  corn- 
meot  le  fait  personnel  du  prévenu  pourrait-il  modifier  une 
règle  légale?  Ce  délai  de  l'appel  n'a-t-il  pas  été  donné  pour 
qu'il  pât  rassembler  ses  moyens  de  défense  et  faire  tomber 
une  condamnation  qui  peut  être  injuste  ?  Lui  opposer  un  ac- 
quiescement prématuré  quand  le  recours  n'est  pas  encore 
fermé  et  qu'un  nouveau  témoignage ,  la  production  d'une 
pièce  peuvent  changer  la  face  de  l'affaire  .  ne  serait-ce  pas  à 
la  fois  enlever  à  la  justice  Tune  des  ses  garanties  et  s'écarter 
arbitrairement  du  texte  de  la  loi? 

La  jurisprudence  aémis  surce  point  une  «olution  qui  n'est 
pas  la  même,  suivantqu'il  s'agitde  la  police  simple  ou  de  la  po- 
lice correctionnelle.  En  matière  de  police ,  l'acquiescement  des 
parties  est  valable  et  forme  une  fin  de  non-recevoir  contre 
l'appel  :  la  Cour  de  cassation,  appliquant  à  cette  matière  les 
règles  de  la  loi  civile,  a  considéré  les  jugements  volontaire- 
meot  exécutés  comme  protégés  par  une  présomption  légale 
qui  les  rend  inattaquables  ' .  En  matière  correctionnelle,  au 
contraire,  elle  a  déclaré  que  l'exécution  du  jugement  nVait 
pu  établir  contre  l'appel  du  condamné,  interjeté  dans  le  délai 
de  dix  jours,  une  déchéance  fondée  sur  son  prétendu  acquies* 

*  Catf.  IS  mal  1809.  rapp.  M.  GarnoU  J.  P.  t  VU,  p.  556  ;  5  dot.  i8S9» 
rvpp.  M.  Ghanterejne^t.  XXII,  p.  1483  ;  16  janvier  1856,  rapp.  M.  BressoD. 
BttU.a«35. 


26   ^  DES  TRIBUNAUX  CORRECTIONNELS. 

cément  :  «  attendu  qu'il  n'en  est  pas  de  même  des  jugements 
en  matière  civile  et  d'un  intérêt  privé,  qui  ne  peuvent  plus 
être  attaqués  par  la  voie  de  l'appel  après  qu'ils  ont  été  vojon- 
tairement  exécutés,  et  des  jugements  en  matière  correction- 
nelle;  qu'à  l'égard  de  ceux-ci  et  des  peines  qu'ils  pronon- 
cent, l'appel  est  d'ordre  public,  et  qu'une  exécution  préma- 
turée, même  avec  le  consentement  du  condamné,  ne  saurait 
lui  fermer  un  recours  que  la  loi  lui  accorde  lorsqu'il  l'exerce 
dans  le  délai  qu'elle  a  fixé,  ni  donner  au  jugement  le  carac- 
tère définitif  et  irrévocable  qu'il  ne  doit  tenir  que  de  l'expi- 
ration du  délai  pendant  lequel  il  demeure  soumis  à  Tappel  ' .  » 

IlL  La  partie.ci vilement  responsable  peut  appeler  comme 
le  prévenu.  Elle  peut,  comme  celui-ci,  appeler  lors  même 
qu  elle  n'aurait  pas  été  condamnée  en  première  instance,  si 
elle  y  a  conclu  en  des  dommages-intérêts  contre  la  partie  ci- 
vile et  que  cette  demande  n'ait  pas  été  accueillie.  Mais',  à  la 
différence  du  prévenu,  elle  ne  peut  plus  appeler  si  elle  a 
aoquiescé-au  jugement ,  car  son  intérêt  étant  purement  civil 
il  y  a  lieu  d'appliquer  les  règles  du  droit  civil.  ' 

L'intérêt  du  prévenu  et  de  la  partie  responsable,  quoique 
le  même  au  fond,  s'exerçant  sur  un  objet  difféient,i|  s'en 
suit  que  l'appel  de  l'un  est  indépendant  de  celui  de  l'autre. 
Ainsi  Je  maître,  civilement  responsable  du  délit  de  son  pré^ 
posé,  peut  appeler,  bien  que  celui-ci,  condamné  par  le  juge- 
ment, n'interjette  aucun  appel.  De  même,  Facquiescement 
du  premier  ne  fait  aucun  obhiacle  à  l'appel  du  second. 

On  a  demandé  si,  dans  le  cas  où  Je  jugement  aurait  con- 
damné la  partie  responsable  sans  qu'elle  ait  été  citée,  elle 
pourrait  appeler.  M.  Carnot  lui  dénie  le  droit  d'appel  et  lui 
ouTre  la  voie  de  la  tierce  opposition  ".  Nous  avons  déjà  vu 
que  la  tieroe  opposition  n'ejst  pas  admise  dans  la  procédure 
pénale  «  attendu  que  les  délits  sont  personnels  ;  qu'il  en  est 
de  même  des  condamnations  qu'ils  entraînent;  qu'en  matière 
criminelle,  un  jugeaient  n'existe  que  vis-à-vis  de  ceux  avec 
qui  il  a  été  rendu  ;  que,  dans  cette  matière,  la  tierce  opposi- 
tion ne  peut  donc  ^tre  admise  ^  »  U  faut  distinguer,  dans 

*CaM.  10juinfS3S,rRpp.  II.  Voyrin  dcGarteinpe.Ball.  n.188.: 

'  Insu  crim.  t.  II,  p.  98, 

»  Cass.  a  juin  1808,  rapp.  M.  Lombard,  J  P.,  t.  Vï,  p.  726;  25août  1808. 
rapp.  M.  Lmnbard.  U  VII,  p.  116  ;  19  fév.  1885,  rapp.  M.  Rives  Bu!l.  n.  60. 
Voy.  aussi  noU«  t  VII,  p.  498. 


DE  l'aP^BL   »Bft  «V«EMBNTS    GOURECTtOMNELS.    §    571.  tf 

Yhjf(Àhèse  proposée»  si  les  personnes  responsables  ont  élé 
rèelleaient,  quoique  irrégulièrement  condamnées  par  le  ju- 
gement, ou  si  ce  jugement  s*est  borné  Â  poser  le  principe 
d'ttne  responsabilité  qu'il  n'a  pas  appliquée,  è  réserver,  par 
exemple,  Taction  récursoire  contre  ces  personnes.  Dans  le 
premier  cas,  il  nous  semble  que  les  personnes  ainsi  condam- 
nées peuvent  se  pourvoit  par  opposition  ou  par  appel  ;  en 
elTet,  si  elles  n'ont  pas  été  mises  en  cause  par  une  citation,  ne 
9)nt-elles  pas  devenues  parties  au  moment  où  le  tribunal  a 
prononcé  contre  elles  une  condamnation)  Les  condamner, 
n'est-ee  pas  les  mettre  en  cause  et  staturr  à  leur  égard 
comme  si  elles  étaient,  parties  au  procès?  Et  comment  ^se- 
raient-elles parties  quand  le  jugement  prononce  contre  elles, 
et  ne  le  aeraient-elles  plus,  quand  elles  appellent  de  ce  juge- 
ment? Il  y  a  là  sans  doute  un  excès  de  pouvoir  du  jugc,^ 
nais  c'est  dans  cet  excès  même  qu'il  faut  chercber  le  moyen 
de  recours  :  il  a  considéré  les  personnes  responsables  comme 
étant  en  cause,  elles  doivent  agir  dans  la  qualité  qui  leur  a 
étéindûment  attribuée  ^  Dans  le  second  cas^  au  contraire^-noua 
crojons  qu^ aucune  voie  de  recours  ne  peut  être  ouverte  ;  car, 
noB-seulement  les  personnes  responsables  n^ont  pas  été  appe- 
lées au  procès»  mais  elles  n'ont  pas  été  condamnées  ;  elles  ne 
.peuvent  donc  être  considérées,  ni  comme  parties  principales, 
ni  comme  parties  intervenantes;  à  la  vérité,  l'action  en  res- 
poasabilité  4i  été  réservée  contre  elles  ;  mais  cette  réserve, 
qui  ne  lait  qu^ajourner  devant  une  autre  juiàdiction  les  ac- 
tions et^oite^ui  peuvent  résulter  du  procès,  peut^ella  avoir 
pour  eiDet  de  mettre  les  personnes  responsables  en  cause?  Si 
eiie«emà))e  but  Résumer  leur  responsabilité,  elle  ne  Ja  dé- 
clare-pas ;  «lie  pr^uge  Texistence  de  Pactio»,  elleue  Ja  ju§e 
peint  «Ue-mème  ;  iwmfflent  donc  pourraient-elles  iaire  appel 
d'^iikjttgeinent  lorsqu'elles  n'ont  été, ni  cilées^ni  miseaen  cause, 
lû  condamnées?  Cejpendant,  si  la  personne  responsable  avait 
été  admise  è  prendre  les  fait  et  cause  du  f  révenu,  le  juge- 
ment qui,  eit  condamnant  celui-ci,  aurait  réservé  son  recours 
contre  1  intervenant,  pourrait  être  frappé  d'appelpar  ce  der- 
Qier)^ear  Tintervention  Ta  iait  partie  au  procès  \ 

lY.  L'appel  de  la  partie  civile^  quoiqu'elle  n'exerce  qu'une 
^Can. U  jttin\8di,  i^pp.  Rives,  h  P.,  t  "iZ^ l^TS. 


2S  his  TRIBUNAUX  correctionnAls. 

action  civile,  est  soumis  à  toutes  les  formes  de  la  joridiction 
correctionnelle  :  peu  importe  donc  le  chiffre  de  la  demande 
en  dommages-intérêts  qu^elle  a  formée  ;  son  appel  n'est  point 
subordonné,  comme  devant  les  tribunaux  civils,  à  la  quotité 
de  la  demande  :  tous  les  jugements  correctionnels,  comme 
on  Ta  vu  dans  le  §  précédent,  sont  sujets  à  Tappel  '. 

L'appel  de  la  partie  civile  est  indépendant  de  celui  du  roi* 
nistêre  public  ;  elle  peut  donc  appeler  lors  même  que  celui-ci 
garde  le  silence  et  acquiesce  au  jugement  Ce  point,  qui  n'est 
que  Tapplication  textuelle  de  l'art.  202,  a  été  consacra 
par  plusieurs  arrêts  qui  déclarent  c  qu'il  résulte  des  art.  182 
et  202  que  la  faculté  d'agir  par  action  directe  et  celle  d'appe- 
ler dans  son  intérêt  sont  accordées  par  la  loi  à  la  partie  civile, 
comme  au  ministère  public  dans  l'intérêt  de  la  vindicte  pu- 
blique dont  la  poursuite  lui  est  confiée,  et  «ans  que  la  pour- 
suite de  la  partie  civile  soit  en  aucune  manière  subordonnée 
à  Faction  du  ministère  public;  que  lorsque  le  ministère  pu- 
blic ne  se  rend  pas  appelant  d'un  jugement  de  première  in- 
stance favorable  au  prévenu,  il  en  résulte  seulement  que 
rappel  de  la  partie  civile  ne  peut  donner  lieu  à  l'application 
d'aucune  peine,  mais  non  pas  que  son  action  civile  soit  éteinte 
ni  altérée  dans  ses  rapports  avec  son  intérêt  personnel  *•  » 

Mais,  pour  que  la  partie  léséô  puisse  exercer  ce  droit,  il  est 
nécessaire  qu'elle  ait  été  partie  dans  le  jugement  de  première 
instance^  car  les  voies  de  droit  n'appartiennent  qu'aux  per- 
sonnes qui  ont  figuré  comme  parties  dans  les  jugements  con- 
tre lesquels  elles  sont  dirigées.  De  là  il  suit  que  le  plaignant, 
qui  ne  s'est  pas  constitué  partie  civile  en  première  instance, 
n'est  plus  recevable  i  intervenir  devant  le  tribunal  d'appel , 
car  il  ne  peut  Aire  indirectement  par  voie  d'intervention  ce 
qu'il  ne  peut  faire  directement  par  voie  d'appel,  et  d'ailleurs 
l'appel  relevé  par  le  ministère  public  ou  par  le  prévenu  ne 
saurait  lui  profiter  pour  ses  intérêts  civils  ;  enfin,  il  ne  peut 
priver  le  prévenu  d'un  degré  de  juridiction  sur  l'action  civile. 
Ce  dernier  motif  a  été  plus  particulièrement  énoncé  dans 
plusieurs  arrêts  qui  portent  a  que»  d'après  l'art.  67  du  C. 
d'inst  cr.y  on  peut  se  porter  partie  civile  jusqu'à  la  cléture 

'  LeMylHer,  n.  404;  Dallos  t«  Appd  n.  167. 

>  Cass,  n  mars  4814*  npp.  If.  Dunoyer  ;  5  juill.  1816,  rapp,  M.  Audier; 
A  oct  1816,  rapp.  M.  AnmoDt;  Dali.  t«  Appel  n.  168;  19  mai  1815.  rappw 
M.  Aadier«  J.  P.,  t.  XII  p.  788;  1  mai  4818«  rapp.  If ,  Lecontour.  t  là, 
p.  784. 


DE  l'appel  Dès    JUGKIIRNTS    COaRtCTtONNELS.   §   571.  29 

des  débats  ;  que  ce  principe  établit  uq  délai  après  lequel  on 
n'est  plus  recerable  i  se  porter  partie  civile  ;  qu'en  matière 
correctionnelle  les  deux  degréstle  juridiction  constituent  pour 
le  préyenu  un  droit  dont  il  doit  jouir  tant  sous  le  rapport  de 
Tapplication  de  la  peine  que  sous  celui  des  dommages-inté- 
rêts ;  d'où  il  suit  que  par  ces  mots  :  jusqu'à  la  clôture  des 
débals,  il  Tant  entendre  :  jusqu'à  la  clôture  des  débats  devant 
les  premiers  juges  ;  et  qu^après  le  jugement  de  première  in- 
stance, les  choses  n^étant  plus  entières,  le  procès  doit  finir 
comme  il  a  commencé,  c^est-à-dire  avec  le  ministère  public 
seul,  et  celui  qui  se  prétend  lésé  ne  peut  plus  agir  que  par' 
action  séparée  devant  la  juridiction  civile  '.  » 

]|<?st,  en  second  lieu,  nécessaire  que  le  plaignant,  lorsqu^il 
s^est  constitué  partie  civile  en  première  instance,  n'ait  point 
acquiescé  au  jugement  ou  ne  se  soit  point  désisté  de  sa  pour- 
suite; car  nous  avons  vu  qu'il  peut  renoncer  à  son  action  et 
que  cette  renonciatfon  régulièrement  faite  le  rend  inhabile  h 
toute  poursuite  ultérieure  •. 

y.  Les  administrations  publiques  sont,  en  général,  assimi- 
lées aux  parties  civiles,  et  elles  n'exercent  d'autres  droits  que 
les  droits  de  celles-ci  :  cette  règle  est  explicitement  consacrée 
par  l'art.  158  du  décret  du  18  juin  1811. 

Cependant  cette  assimilation  n'est  pas  complète  et  admet 
quelques  exceptions  '.  En  ce  qui  touche  le  droit  d'appel  Tad- 
ministration  des  eaux  et  forèls,  celle  des  contributions  indi- 
rectes et  celle  des  douanes  sont  investies  de  prérogatives 
spéciales. 

L'administration  forestière  est  particalièrcmont  investie 
du  droit  d'appel  par  Tart.  202  du  G.  d'inst.  cr.  et  il  a  été  dé- 
cidé par  la  jurisprudence  «  que,  d'après  cet  art.  202,  le 
droit  d'appeler  des  jugements  rendus  en  police  corre(!tion- 
Delle  peut  être  exercé  par  l'administration  forestière  d'une 
manière  indéfinie  et  sans  restriction,  à  la  différence  des  parties 
civiles  qui  peuvent  aussi  l'exercer  d'après  le  même  article, 
mais  seulement  quant  à  leurs  intérêts  civils  ^.  «  Cette  inter«» 


^Cass.  i7juil]«  1841,  rapp.  M.  Mérîthou.  But),  n.  218.  8  prair.  an  xr, 
rapp.  IC  Dntocq.  J.  P.,  t.  3,  p.  802;  21  mai  1883.  rapp  M.  de  Ri- 
evd,  t  25»  p.  503;  8  août  1845  rapp.  M.  Mérilliou.  Buli.  u.  S56. 

*  T.  II,  p.  A5t  el«uiv. 

*T.Ji»p.  â32elsajv. 

'  Cm»  H  jaovt  1817,  rapp.  M.  Baiire*  Bull.  n.  7* 


30  hf»  TftlBVKAUX  CQIftSCTlONIlKLS. 

1)rélationa  élc  maintenue  par  les  art.  183  çt  184  du  G.  fqr, 
wa  même  règle  s*appli<)ue  h  radministration  des  forêts  dç  ){i 
couronne ^ 

Les  administrations  des  contributions  indirectes  et  d^ 
douanes,  en  ce  qui  concerne  Tappel ,  ont  le  même  droit  que 
radministration  forestière  :  nous  avons  précédemment  rap- 
pelé les  textes  qui  établissent  ce  droit  et  essayé  dfi  poser  Ii  s 
limites  dans  lesquelles  il  doit  s'exercer  •. 

On  a  vu  tout  à  Theurc  que  la  partie  lésée  ne  peut  ni  fajrp 
appel  ni  intervenir  dans  l'instance  d^appcl,  lorsqu'elle  D'ap.a^ 
'  figur;'  an  première  instance.  Celte  règle  doit-elle  être  applf\- 
quée  aux  administrations  publiques?  Elle  doit-être  sans  au- 
cun doute  appliquée  à  celles  qui  n'exercent  que  les  droits  des 
parties  civiles  ordinaires  '.  La  question  ne  peut  naître  qu^cn 
ce  qui  concerne  les  administrations  des  forets,  des  contribu- 
tions indirectes  et  des  douanes.  On  dit,  en  effet,  relativ.o*r 
ment  à  ces  trois  administrations,  ^ue,  si  elles,  n'ont  pas  Qr 
guré  personnellement  en  première  instance,  elles  ont  été  re- 
présentées par  le  ministère  public  qui  a  entamé  la  poursuUe» 
et  que,  quand  le  ministère  public  n'appelle  pas,  elles  peu- 
vent reprendre  alors  elles  mêmes  cet  appel,  puisqu'elles  ne 
font  que  continuer  une  instance  commencée  dans  leur  inté- 
rêt. Telle  est  la  doctrine  d'un  arrêt  qui  à  la  vérité,  D*a  été 
rendu  qu'en  matière  de  saisie  à  Tintérieur  de  tissus  prohibés, 
et  dans  lequel  on  lit  :  «  que  s'il  est  des  circonstances  où,  d'a- 
près les  dispositions  formelles  de  la  loi,  la  partie  publique  a 
seule  qualité  pour  requérir  certaines  condamnations,  hors  ces 
cas  particuliers  et  dans  toutes  les  affaires  de  douanes,  la  ré- 
gie ayant  un  intérêt  direct  à  faire  prononcer  des  condamna- 
tions et  amendes  dont  elle  profite»  et  k  empêcher  que  des 
marchandises  saisies  à  raison  d'une  présomption  d'origine 
étrangère  et  reconnues  depuis  provenir  de  fabriques  fran- 
çaises, ne  donnent  lieu  à  des  indemnités  qui,  aux  termes  de 
la  loi,  seraient  prises- dans  les  caisses  de  la  douane,  a  consé- 
quemment  le  droit  de  poursuivre  aussi  bien  en  appel  qu>u 
première  instance ,  les  peines  pécuniaires  encourues  par  jes 
contrevenants;  que  l'initiative  delà  poursuite 5  nécessaire- 
ment attribuée  au  ministère  public  dans  ile^  ^épaf\fija^jx\&  de 

'  Cass.5nOT.  1829,  rapp.  M.  Chanlereyiie.  BalU  n.  2â7. 

'TU, p.  2ôà  Cl  242. 

*  Uss.  là  mari  it^oo,  rapp.  M»  UcMiei  J,  P.,  U  V|  p. ^28. 


DK  l'appel  des  JOGEHENTS  CORRECTlO.'fNELS.    §  571.  31 

Tintérieur  où  radrnioistration  des  douanes  n'a  pas  d'agent 
en  cause,  et  sa  confiance  dans  le  magistrat  chargé  par  la  loi 
de  veiller  à  sa  défense,  peuvent  bien  la  déterofiiner  à  ne  pas 
intervenir  dès  le  principe  dans  une  instance  où  ses  intérêts 
sont  confondus  avec  ceux  de  TElat  ;  mais  que  ce  n'est  pas  une 
raison  pour  qu^elle  ne  puisse  attaquer  etisuite  i>^r  la  voie  de 
rappel  un  jugement  qui  lui  cause  un  véritable  préjudice  '». 
Que  si  cet  arrêt  doit  être  enfermé  dans  Tespèce  spéciale  où 
il  est  intervenu,  nous  n'avons  rien  à  dire;  mais  il  serait  peut- 
être  dinîcile  d'y  voir  une  règle  applicable  aux  administrations 
auxquelles  a  été  déléguée  une  portion  de  l'action  publique. 
Il  faut  d'abord  écarter  celle  des  contributions  indirectes  à  la- 
quelle la  jurisprudence  a  refusé  la  faculté  d'être  représentée 
par  le  ministère  public  \  Mais,   lors  même  que  le  ministère 
public  agit  dans  l'intérêt  d'une  administration^  peut-on  dire 
qu'il  représente  ses  intérêts  particuliers?  peut*on  dire  que 
l'action  publique  soit  présisément  celle  de  l'administration? 
Celle-ci  ne  contient-elle  pas  a  la  fois  l'action  pour  l'appli- 
cation de  la  peine  et  l'action  pour  les  réparations  civiles  ? 
N'est-ce  pas  à  raison  de  cette  différence  que  la  Cour  de  Ca^ 
salion  a  jugé  que  racquiescemcnl   de  l'administration  des 
douanes,  qua^id  cet  acquiescement  n'a  pas  les  caractères  d'une 
transaction,  ne  fait  pas  obstacle  à  l'appel  du  ministère  pu- 
Wic  •.  N'est-ce  pas  à   raison  de  la  même  distinction   que 
l*arl.  184  du  C.  for.  réserve  l'appel  du  ministère  public  lors- 
que l'administration  forestière  a  acquiescé  qu  jugement? 
L^P^I  de  l'administration,  quand  le  ministère  public,  qui 
a  seul  figuré  en  première  instance,  n'appelle  pas,  apporte 
donc  quelque  chose  de  plus  dans  la  cause  que  l'action  du 
ministère  public  ;  il  apporte  l'action  civile  qui  se  trouve  con- 
fondue dans  ses  mains  avec  l'action  publique  et  qu'il  est 
difficile  de  distinguer,  puisque  les  confiscations  et  amendes, 
d'après  la  jurisprudence,  n'ont  que  le  caractère  de  répara- 
tions civiles.  Il  n'y  a  donc  pas  indivisibilité  entre  le  ministère 
public  et  l'administration  comme  entre  deui  membres  du  mi- 
lisière  public  ;  il  est  donc  impossible  d'identifier  les  deux  in- 
^fèts  et  les  deux  parties  poursuivantes,  et  par  conséquent 
l'Appel  de  l'administration ,  dès  qu'elle  ti'était  pas  partie  en 

'  Cass.  5  ocr.  1882,  rapp«  M.  Gbantcreyne.  J.  P.,  t.  24,  p.  1496. 
•T.  2,  p.  234. 
Cas».  2i  nov.  1828,  rapp.  M  Cliantereyne.  J.  P,|t.  XXIJ,  p.  868. 


32  :]»ES  TmBUNAOX  CORRECTIONKKU. 

première  instance,  est  une  TÎolation  de  la  règle  des  deux  de- 
grés  de  juridiction  ^ 

Ces  administrations  peuvent  comme  les  parties  civiles  or- 
dinaires se  désister  de  leur  action  ou  transiger  sur  leurs  droits, 
et  cet  acte  de  désistement  ou  de  transaction'  constitue  une  fin 
de  non  recevoir  contre  leur  appel.  En  matière  de  douanes, 
la  transactiSn  est  un  obstacle  à  l'appel  même  du  ministère 
public  '.  Mais  il  faut  prendre  garde  que  Tacquiescement  ne 
se  présume  pas  etqu^il  ne  peut  résulter  que  d'actes  formels  et 
émanés  d'un  agent  ayant  droit  d'acquiescer.  Ainsi  le  délin- 
quant qui  a  versé  dans  les  mains  du  receveur  des  douanes 
le  montant  de  Tamende  à  laquelle  il  a  été  condamné  en  pre- 
mière instance  ne  peut  pas  opposer  à  T  administration  forestière 
qui  a  interjeté  appel,  la  quittance  de  ce  préposé  comme  une 
fin  de  non  recevoir  contre  Tappel  :  «  attendu  que  les  diverses 
branches  de  l'administration  publique  sont  conférées  à  des  ad- 
ministrations distinctes  qui  en  exercent  les  actions  séparé- 
ment les  unes  des  autres,  et  que  le  fait  de  l'agent  de  Tune 
d'elles  ne  peut  produire  contre  les  poursuites  de  l'autre,  et  à 
jaison  de  circonstantes  qui  lui  sont  entièrement  étrangères, 
la  décbéancedes  actions  dont  l'exercice  est  réservé  par  la  loi  ; 
que  si  la  direction  générale  des  forêts  peut  seule  acquiescer 
aux  jugements  rendus  contre  elle  et  se  désister  des  appels  in- 
terjetés en  son  nom,  la  direction  générale  des  domaines,  char- 
gée de  percevoir  seulement,  quand  il  y  a  lieu  ,  et  de  recou- 
vrer par  ses  agents  lesamendesauxquelles,  en  matière  fores- 
tière, sont  condamnés  les  délinquants,  ne  peut  du  reste  avoir 
aucune  influence  sur  des  poursuites  qui  sortent  du  cercle  de 
ses  attributions,  et  que  ses  agents  sont  sans  caractère  pour  re- 
présenter la  direction  des  forêts  *. 

YI.  Le  droit  d'appel  du  ministère  public  est  général  et 
s'applique  à  tous  les  jugements  rendus  en  matière  correction- 
nelle, à  Texception  de  ceux  qui  ne  statuent  que  sur  des  inté- 
rêts civils. 


«  Conf.  cass.  7  fév.  1809,  rapp.  M.  Minier.  J,  P.,  u  V,  p.  167, 

•  T.  2,  p.  Î42. 

*  Cass.  29  cet.  1824,  rapp.  M.  Ghaolereyue.  Bull.  n.  152  { et  Gouf.  4  juin 
et  81  d<^c.  1824,  ni(:me  rapp.  BuIL  ii.  :!06;  22ocU  1829,  rapp.  M.  Dupaiy. 
Bail,  u.  Uk  ;  1"  m.irs  1839,  rapp.  M.  iiéUau,  Bull.  n.  73. 


M  L*à9nL  Ml  If cntm  cMAMnamBU.  g  871«        SS 

Il  peutdoDc  appeler  des  jugements  rendus  sur  la  eitatioa 
direeie  de  la  partie  civile  et  lors  même  que  cette  partie  an- 
raUdéjà  appelé  et  qne  son  appel  aurait  été  déclaré  non  rece* 
vable  :  «attendu  que  ractionconféréedans  ce  cas  au  ministère 
public  est  essentiellement  distincte  de  Faction  qui  peut  ap- 
partenir à  la  partie  civile,  laquelle,  aux  termes  de  Fart.  iOi» 
ne  peut  appeler  que  quant  à  ses  intérêts  civils  seulement  ; 
que  dans  aucun  cas  Paction  du  ministère  public  ne  peut  être 
entravée  dans  son  exercice  par  Taction  de  la  partie  civile»  et 
que  la  décision  intervenue  t^ur  Tiine  de  ces  actions  ne^ieul 
pas  être  un  obstacle  à  Texercice  de  Tautre  '.  » 

Il  peut  appeler  lors  même  que  le  prévenu  s*est  désisté  d'un 
appel  antérieurement  Tormè  «  atlf»ndu  que  les  art*  202  el 
SOS  ne  confèrent  point  au  procureur  général  un  simple  droit 
d'appel  incident  subordonné  k  Tappci  du  prévenu,  mais  bien 
un  droit  d*appel  principal  qui  n'est  soumis  à  d^autres  eondi* 
tiens  que  celles  qu'ils  prescrivent;  que  le  prévenu  ne  peut 
pas,  en  se  désistant  de  l'appel  qu'il  a  d'abord  interjeté,  pa- 
raljscr  le  droit  du  procureur  général,  auquel  il  resterait  sou««  * 
mis  s'il  n'avait  pas  appelé  *•  » 

Il  peut  appeler,  même  pour  cause  d'incompétencci  lors 
qu'il  n'a  pas  formé  opposition  contre  l'ordonnance  qui 
a  saisi  le  tribunal  correctionnel  :  «  attendu  que  le  ministère 
public,  par  son  défaut  d'opposition  contre  Tordonnance  de 
renvoi  ne  pouvait  pas  être  lié  relativement  au  jugement  rendu 
par  le  tribunal  correctionnel  postérieurement;  que  ce  défaut 
d'opposition  rendait  nécessaire  rexéculion  de  ladite  ordon* 
nance;  mais  que,  son  effet  étant  consommé  par  Tinstructioa 
faîteau  tiibunal  correctionnel^  le  ministère  public  était  rentré 
dans  tous  ses  droits  pour  exercer ,  même  relativement  i  la 
compétence,  le  droit  d'appel  que  Fart.  202  lui  donne  d'une 
manière  absolue  contre  tous  les  jugements  correctionnels  ^.  » 
li  peut  appeler  dos  jugements  rendus,  soit  en  matière  fo* 
restière  ^,  soit  on  matière  de  douanes  ^  ;  quoique  ces  adminis^ 

Uations  n'aient  pas  appelé. 
Enfin,  il  peutappeier  des  jugements  rendus  sur  lesdélits  qui 

De  peuvent  être  poursuivis  sans  une  plainte^ lors  mime  que  1 1 

*  Gm,  s  rév.  tSA&,  rapfi.  M.  Brière-Valigoy.BiilU  a.  SI. 
sCa».  43  tèf.  184(^  rapp,  M.  Vinoena-SlrLaoKiiU  BiiU»  a.  St. 

*  Can.  A  sepu  1818.  rapp.  M.  Sefaweodt  J.  P.,  U  XI,  p.  099. 

*  G».  S7  jaav.  1887,  rapp.  If*  Vo|iin  de  Gartempe.  BuU.  o.  SI* 

*  Cus.  Si  nof.  1838,  rapp.  U.  Cbanlerrync,  I.  P.  U  XXII,  p.  8SS« 

fiil.  3 


SI  DI9  TRIBmArX  CORRECnONmi. 

ptalgnant^après  avoir  saisi  la  justice,  ne  forme  lui-même  aucun 
appef  ^/La  raiscfn  en  est,  ainsi  que  nou^ravons  déjà  dit  *,  que 
raation  publique,  une  fois  mise  en  mouvemeot  par  la  plainte* 
ne  dépend  plus  de  la  coopération  de  la  partie  qui  a  provoqué 
son  exefeice  ;  elle  n^est  point  Texécution  d^un  mandat  qui 
aurait  besoin  d^étre  renouvelé  ;  dès  qu'elle  a  pu  être  exercée, 
elle  doit  continuer  son  cours  jusqu'à  ce  qu'elle  soit  épui- 
sée, tl  doit;  en  être  ainsi  même  en  matière  d'adultère  3. 

L'appel  peut  être  interjeté  soit  par  le  procureur  impérial 
p#ds  le  tribunal  de  première  instance,  soit  par  le  procureur 
général  prés  la  cour  impériale. 

Ayant  la  loi  du  13  juin  1856,  qui  a  rectifié  sur  ce  point 
Fart.  302  du  G.  d'instr.  cr.,  Tappel  pouvait  être  formé,  en 
ontre,  par  le  ministère  public  près  le  tribunal  qui  devait  pro- 
noncer sur  rappel^  lorsque  ce  tribunal  n'était  pas  la  cour  elle- 
même.  La  loi  nouvelle»  en  portant  tous  les  appels  à  la  cour^ 
a  supprimé  le  recours  de  ce  troisième  membre  du  ministère 
public. 

Le  droit  d*appel  du  procureur  impérial  près  le  tribunal  dé 
1**  instance  et  celui  du  procureur  général  sont  distinct  et 
personnels  à  chacun  de  ces  magistrats,  puisque  la  loi  Ta  sé- 
parément attribué  à  chacun  d'eux  ^ 

Le  procureur  impérial  doit  donc  apprécier,  dans  sa  cons* 
cience  et  après  ihi  examen  approfondi  du  jugement»  s'il  doit 
oil  non  en  former  appel,  sans  attendre  les  instructions  de  son 
chef  hiérarchique  :  c'est  un  droit  que  la  loi  lui  a  personnelle- 
ment délégué,  c'est  la  conséquence  de  Tinvestiture  qui  lui  a 
été  faite  de  l'action  publique  ^«  Les  substituts  ont  le  même 
droit  que  le  procureur  impérial  6.  Ce  droit  ne  reçojt  aucune 
atteinte  de  Tacquiescement  prématuré  que  ce  magistrat  au* 
refit  donné  au  jugement  ;  car  nous  avons  vu  que,  dans  notre 
droit  moderne,  diiïérènt  en  cela  de  notre  ancienne  jurispru- 
dence 7,  le  ministère  public  peut  agir  ou  demeurer  inactif,  il 
peut  exercer  ou  ne  pas  exercer  son  droit,  mais  qu'il  ne  peut 
renoncer  à  une  action  qui  ne  lui  appartient  pas  s.  C'est  par 
application  de  cette  règle  qu^il  a  été  jugé  qu'un  procureur 

*  Cass.  S3  Janv.  dsis,  18  aYiil  i820,  81  Juill.  *1880  et  0  juin  1SA6,  rapp. 
t.111,  p.  STetes,  ''^ 

•  T.  III,  p.  87. -i«  T.  m,  p.  80. 

«  Cass.  8  lili.  1837.  M.  Gardoimel  J.  P.,  t.  21,  p.  114. 
•T.  II,  Pi  U9.  --^T.  II,  p,  8S8i  -  \%  U,  p.  M7i  -•  T*  II. 
p.  119» 


ÎMfMrial  fictH  appâter  d'un  jappement  renda  conformétnetit  à 
«s  oondûsient,  ou  qtTTà  a  déjà  fait  exécuter  soit  on  ortfott- 
Mttt  réiargiifieinent  du  prëvenu,  soit  eu  le  faisant  notifier  vréc 
sormnatioQ  de  Texécuter  *• 

Le  procureur  général,  à  plus  farte  raison,  peut  exercer 
SM  droit  d'appel,  lors  mècne  que  le  procareur  impérial  au- 
rait aequieseë  au  jugement  et  consenti  à  son  exécution  *•  Il 
le  feoî  également  exercer,  lors  même  que  le  procureur  ioi- 
|)énal  aurait  appelé  déjà,  et  surtout  si  celai-ci  a  restreint  son 
reootirs  à  certains  chefs  du  jugement.  La  Cour,  dans  ce  cas, 
est  tenue  de  statuer  sur  les  deux  appels  ^,  Noud  aTons  eta- 
wiié  aiicniB  les  diverses  questions  qui  s^élèrrent  à  ce  sqjét  ^. 

$OT2.Î 

f.  nélâts  4e  rappel.  —  11.  Mode  de  oomamsllMi  da  délai.  -^  III.  San 
^iat  de  départ  en  ce  qai  concerna  les  îagtmeau  «ootradittoirts 
et  les  jugemeais  par  déutut»  —  IV»  Déchéance  des  appels  jprinci* 
panx  ou  incidents  formés  en  dehors  du  délai.  —  V.  Exceptions  au 
délai  de  dixjoars-  r  à  Végard  de  l'appel  do  procureur  général  ;— Vl. 
2*ea  ttatièredecontnbntion8indiroetes;*-TH«^  en  matièredaté* 
cusallons. 

I.  Le  délai  pour  appeler  des  jugements  correctionnels  est 
de  dix  jours  qui  courent,  pour  les  jugements  contradictoire!^ 
du  jour  de  leur  prononciation,  et  po«r  les  jagemente  par  dé- 
faut, du  jour  de  leur  signification  à  personne  ou  doMoHe. 
Telleesi  la  dispoailioa  de  Tari.  SOS  : 

«  Aft.  n3. 1!  7  aara,  sauf  Texcepiion  portée  en  l'art.  tOS  ci-aprèl, 
déchéance  de  Tappel,  si  la  déclaration  d'appeler  n*a  pas  été  f**te  nni 
greffe  du  tribnnaàqai  a  renda  le  îugeawm,  dis  jeors  au  plus  Urd  après 
celui  ou  il  a  été  prononcé;  et  si  le  jugeneuia  été  rendu  par  défam^dix 
jours  .111  plus  tard  après  celui  de  la  significaiion  qui  en  aura  é\é  faite 
a  b  partie  Condanméc  ou  i  son  domicile^  outre  un  jour  par  trois  my- 
tfUMStes.» 

IL  Ce  délai  doit  être  rigoureusement  renfermé  dans  les 
termes  où  k  loi  Ta  établi.  L'art.  194  du  G.  du  3  bruA.  aniv 
portail  :  «  le  10'  jour  au  plus  tard  après  celui  qui  $uU  la 
prononciation  du  jugement.  »  De  là  la  conséquence  qu'un  ap- 
pel relevé  le  li«  jour,  par  exemple  le  19^  d'un  jugement 

^Vfqwlesareêlifttiaiitjugéeneesensit.  n,  p«W*  j.^.« 

*  Cass.  15  janr.  1807,  rapp*  M*  Csraot»  f*  P*»  t»  V»  p«  tîi% 
•TfU.P*a4«lMilf. 


96  »ii  TiiMmAn  <soiiicTioimBU« 

rendu  le  1^,  étét  ttlabie  '.  Noire  Godet  retrandié  un  jour 
k  ce  délai  en  substituant  cette  formule  «  dix  jows  après  celui 
où  il  a  été  prononcé  »,  à  celle-ci  «  après  celui  qui  soit  la  pro- 
nonciation. »  On  a  prétendu  néanmoins  qfxe.  le  jour  de  TA- 
chéance  du  délai  ne  devait  pas  être  compris  dans  Le,  délai,  et 
que^  comme  en  matière  civile,  il  fallait  en  déduire  le  jour 
ad  qttem  aussi  bien  que  le  jour  à  quo.  Mais  cette  interpréfai» 
tion  se  brise  devant  les  termes  de  Tart.  203,  <|ui  déclare  la 
déchéance  de  Tappel  qui  n'est  pas  interjeté  dix  jours  au  pluâ 
tari,  après  celui  où  le  jugement  a  été  prononce  Le  11*  jour 
est  donc  exclu  du  délai  fixé  p^r  la  loi  ^* 

Cette  règle  est  applicable  lors  même  que  le  10*jour  est  on 
jour  férié  3.  Les  actes  de  la  procédure  criminelle»  en  eOet^ 
peuvent  être  faits  même  un  jour  férié. 

Elle  est  applicable»  quetle  que  soit  la  distance  de  la  rési- 
dence des  parties,  lorsque  le  jugement  est  contradictoire.  Il 
résulte^  en  effet,  du  texte  de  fart.  203,  tel  qu'il  a  été  publié 

Ïar  les  éditions  olTicielIesde  1808  ei  1816,  qu'il  se  compose 
e  deux  dispositions  distinctes  et  séparées  ^  :  le  délai  des  dis- 
tances n'est  point  admis  par  le  législateur  pour  les  jugements 
contradictoires,  lors  de  la  prononciation  desquels  les  prévenus 
sont  présents  ou  dûment  représentés  ;  il  n^est  accordé  qu*au 
cas  où  la  condamnation  est  rendue  par  défaut  ^. 

III.  Le  délai  ainsi  réglé,  il  faut  déterminer  son  point  de 
départ. 

Ce  point  de  départ  n'est  pas  le  même,  ainsi  qu'on  Ta  vu, 
pour  les  jugements  contradictoires  et  pour  les  jugements  par  ' 
défait. 

En  ce  qui  concerne  les  jugements  contradictoires,  le  délai 
court,  pour  toutes  les  parties,  du  jour  du  prononcé  :  ileu^t 
ainsi  non*seulement  pour  les  jugements  définitifs,  mais  encore 
pour  les  interlocutoires  dont  l'appel  doit  être  relevé  dans  les 
dix  jours  de  leur  prononcé  sans  attendre  le'jugement  du  fond. 

*  Gaii,  sa  vend,  an  is,  rm.  BL  Dttlooi|.  J.  P.,  t.  II,  f»  iSt  UreoL 
an  xji,  rapp.  M.  Miuier,  U  lit,  p.  654;  9  frim.  aD  xiy,  rapp.  M.  AhomniI, 
t  V,  p.  47. 

^Oêm,  S9i«lii  i817,  rapp,  M.  Rataud.  BuU.  n*  57;  18  Juin.  1817, 
rapp-  ^  Baûrcw  BuU.  i»«  S»;  S  oct.  18^  npp.  M.  iMeau.  BoU. 
D.  4t8. 

*  Caat.  98  aoûtiSIS,  rapp.  M.  Audiet^MaMilkui.  h  P.«  t.  X,  p.497« 

*  Dans  cet  édilkma.  Tan.  903  admet,  après  le  moi  prononcé/  ao  paiai  et 
une  tirgok,  et  non  pas  une  viif  ule  seulement. 

■  GaM.  IS  oct.  I850;  rapp.  M.  Tsambert.  Bull  o.  SSS» 


M  L*A»Mi  BU  ivoiMiint  coàtKnmmu.  §  57t.  81 


tir  Al  joor  du  prononcé  do  jugement  définitif  *• 

Bn  ce  qni  concerne  les  jugements  par  défaut,  le  délai  ne 
court  iPégard  des  parties  condamnées  que  du  jour  de  la  si- 
gnification qui  en  a  été  faite  à  ces  parties  ou  à  leur  domicile, 
ont»  un  jour  par  trois  myriamôtres. 

Une  difficulté  se  présente  ici.  La  signiCcation  du  jugement 
par  défaut  ouvre  deux  voies  de  rqco'urs  k  la  partie  condamnée  : 
roMOsttioli,  qui  îa  renvoie  devant  la  même  juridiction»  et 
<|ireNe]pe«t  eiercer  pendant  le  délai  de  cinq  jours  %et  Tappel, 
qui  la  transporte  devant  la  juridiction  supérieure,  et  qui  lui 
est  ouvert  pendant  le  délai  de  dix  jours.  Sous  le  Code  du  3 
bnimaire  an  iv ,  qui  ne  contenait  aucune  disposition  sur  Pop- 
pontion  et  Tappel  des  jugements  par  défaut,  la  jurisprudence 
iTiitadmiSy  comme  Ta  ait  depuis  notre  Gode,  que  ces  deux 
roies  de  recours  pouvaient  être  exercées  &  compter  du  jour 
de  la  signification  :  <  attendu  aue  la  justice  et  la  raison  veu- 
lent que  nul  ne  puisse  être  condamné  sans  être  entendu  ;  que 
e'ast  néanmoins  ce  qui  arriterait  si  le  délai  pur  appeler  comp- 
tait de  la  prononciation  du  jugement  en  défaut,  puisque  dans 
ce  cas  le  condamné  est  jugé  avant  d'avoir  pu  proposer  des 
.  défenses  et  qiie,  d'un  autre  côté,  on  ne  peut  pas  lui  reprockcr 
d'avoir  négligé  d'appeler  d'un  jugement  dont  il  est  censé  avoir 
iijîiioré  jusqu'à  l'existence  tant  qu'il  ne  lui  a  paa  été  signirr 
fié  4.  •  Mais  un  avis  du  conseil  d'État  du  18  février  180$| 
après  avoir  essavé  de  suppléer  à  la  lacune  du  Gode,  en  ou- 
Trant  la  voie  de  l'opposition  contre  les  jugements  par  défattt> 
dêdaira  :  «  que  Vappel  étant  une  voie  introduite  pour  faire 
réformer  les  erreurs  des  premiers  juges»  on  ne  doit  j  recourir 
qo^  lors  que  )a  partie  lésée  n'a  plus  les  mojens  de  les  faire 
révenir  eux-mêmes  sur  leur  jugement  ;  que  l'appel  ne  doit 
donc  être  ouvert  que  lorsqu'on  a  perdu  le  moyen  plus  simple 
deropposition;  iqne  c'est  pour  cela  que,  dans  le  projet  du 
Cedède  proc.  dv.  (art.  kkS)^  il  ealdit  que  le  délai,  pour  in- 
terjeter appel  des  jugements  par  dâTaut  ne  court  que  du  jour 

<  tefc  sa  mai  iSSd,  npii,  tt.  lUves.  Bail.  a.  17A. 
*  Oêêê*  Il  janv.  tSSS»  raftp,  M.  Cardonoel.  J.  P.,  t.  XIX,  p.  85  Voir*  au 
nrplin.  pour  la  définitUm  de  ces  dURrenU  jugemeaU,  $uprd,  p.  iS 
^Voy.  t  7t  p.  819. 
*CaM.  7  nir.  hu  is,  rypp.  H.  Genevois.  J.  P.»  t.  II,  p.  7i, 


88.  tu  tïïOmkWt  COBKEGTlONMELf  •  » 

oiji  l'opposition  n^^est  plus  recevable.  »  La  question  est  dono 
de  savoir  si,  conrormément  à  cet  avis,  ledélai  d^appelne  doit 
cotrrir  qu'après  l'expiration  du  délai  d^opposition,  ou  si  ces 
deux  démis  doivent,  au  contraire,  se  confondre  et  courir  k 
la  fois. 

Cette  question  a  longtemps  occupé  les  jurisconsultos  : 
llf.  Legraverend  i  et  IL  Bourguignon  *  prétendent,  confoc^ 
mément  &  Tavis-  du  conseiT  diStat  qtit  Teur  parait  consacc&r 
un  principe  de  droit  commun,  que  la  voie  de  Topposition  est 
lerecours  ieplus  simple  et  Te  plus  naturel  contre  les  jugeoienls 
par  Aèfcut,  et  que  ce  n^est  que  lorsque  ce  recours  est  ipujséi» 
qu'il  y  a  lieu  die  recourir  à  rappel.  M.  Carnot  divise  en  dimx 
partielle  délai  die  dix  jours:  il  réserve  lescinq  premiersjouvs  i. 
l'bppesil'on  et  réduit  le  délai  de  Tappel  aux  cinq  jours  qui 
suivent  ^.  H  est  évident  que  ces  légistes  ont  fait  une  compléta 
abstraction  du  texte  de  l'art.  203  du  G.  d'instr.  cr.  Sans  aucun 
doute,  en  théorie,  il  peut  sembler  étrange  que  le  même  délai, 
épuise  deux  voies  de  recours,  et  que  le  prévenu,  auquel  la  loi 
garantit  un  délai  de  cinq  jours  pour  faire  opposition  et  un  délai 
de  dfx  jours  pour  appeler,  soit  circonscrit  dans  un  laps  de  dix. 
joufsseulementpour  délibérer  sur  l'un  et  rautrerecours;il  peut 
seiBfiter  étrange  que^  tandis  qu'en  régie  générale,  le  jugement 
n'tet  siqet  à  Tappel  que  lorsque  la  juridiction  du  premier  juge 
est  épuisée,  Fappel  vienne  ici  dépouiller  ce  juge  avant  qu'il 
n'ait  AAfinitiTement  statué.  Mais  l'art.  203  déclare  nettement 
que,  si  te  jugement  est  par  défaut^  l'appel  doit  être  interjeté 
9  dix  jours  au  plus  tard  a^és  celui  de  la  signification^  d  Or», 
ce  texte,  aqssi  explicite  que  possible,  ne  permet  aucune  hési- 
tation sur  h  volonté  du  législateur,  et  il  faut  reconnaltre:ayec 
la  Cour  de  cassation  c  que  les  délais  de  l'appel ,,  en  matière 
correcttonnelle,  sont  réglés,  non  par  Tavis  du  conseil  d^Etat 
du  tS'fl&Vrièr  1806,  dont  le» dispositions  ont  été  virtuellement 
abrogées  par  k  G.  dMnstr.  cr.^  ni  par  l'art.  hh3  du  G.  de 
pr.  civ.,  lequel  est  étranger  à  cette  matière,  mab  parTarti* 
de  908  du  Q.  d'instr.'  cr.  ;  qu^aux  termes  de  cet  article,  la 
dielanilio*!  d'appeler  dbit  être  faite  au  greffe  dti  tribunal  qui 
arendtrh  jugement^  dix  jours  au  plus  tard  après  celui  oùil 
a  étèprenoncé,  et  si  fe  jugement  a  été  rendu  par  défaut,  dix 
jours  au  plus  tard  après  celui  de  la  signification  qui  en.  aura 
ét^  faite  à  la  partie  .cond«)mnée  ou  à  son  domicile  ;  que,  pour 

«  T*  Xlf  Pt  Si&f—*  ]i«ntt«l,  ittr  rart,  if^Q^^^  T,I,  p.  56$. 


DB  l*AfPBL  DBS  iUOEKBMTB  CtlBBOTIOmiBLI.  g  !(72.  90 

!èd  Jugements  par  défaut  comme  pour  f es  jugements  contra* 
dictûjres^  chacun  des  dix  jours  accordés  pour  l'appel  peut  donc 
être  utilisé,  et  la  déclaration  d'appeler  /aite  aii  gretife,  sans 

3[U6  la  partie  concïaiûnée  soif  tenue  dTattendre  Texpiration  des 
éfàis  de  T'opposition  '.  i»  .  '^ 

Dâ  ta  même  régte^  il  faut  déduire  qiie  la  pjarti^  condamaée 
ù^est  pas'  obligée  non  plu^  d^attenc^re  pour  inierjeter  appel 
(p[6  la  si^fîcation'  du  jugement  ïui  aii  été  faite  :  dans  Tijn 
eotome  dtfns  i^éutre  cas,  elle  est  présumée  avoir  renoncé  vp- 
loDiài^eàienf  au  bénéfice  de  roppositîon,  et,  par  conséc^uenti 
àt^ premier  degré  de  juridiction  . 

La  partie  à  la  requête  de  laquelle  le  jugement  par  défait 
a  été  rendu  pent,  aussi  bien  que  la  partie  condamnée*  en 
former  appel  ;  mais  comme  ce  jugement^  par  défaut  à'I^'égaird 
de  cette  dernière  partie ,  est ,  au  contraire ,  contradictoire 
vîé-à-vis  d^elle,  if  s'ensuit  que  le  délai  de  dix  jours  court  .à 
son  égard,  non  plus  du  jour  de  la  signification^  quoique  je 
JDgement  soit  par  défaut,  mars  du  jour  même  de  la  pronon- 
ciatîoD.  En  effet,  ce  n'est  qu'à  Tégard  du  défaillant  que  Tar- 
ticle  203  transporte  le  point  de  départ  au  jour  de  la  signifi- 
éatiôn  (fai  lui  en  est  faite.  S'il  en  était  autrement,  ce  serait 
c^rèer  en  faveur  du  ministère  public  un  délai  illimité,  puis- 
<|Q*iI  dépendrait  de  lui  de  ne  pas  signifier  le  jugement  et  de 
hisser  l'appel  suspendu  sur  la  tête  du  prévenu;  ce  serait  ad- 
mettre que  le  délai  du  procureur  impérial  peut  durer  encojce 
^nd  le  délai  du  procureur  général  aurait  cessé  d'exister. 
Ob  peut  objecter  quun  jugetnent  ne  peut  être  à  la  fois  con-- 
tf^dficfoire  et  par  défaut,  qu*if  est  un  et  doit  avoir  le  niême 
<îal^ctère  à  Tégard  de  tous.  Nous  répondrons  que^rien  ne 
s'oppose  à  ce  que  le  jugement  soit  réputé  contradictoire  à 
fégiard  de»  parties  présentes  et  par  défaut  &  Tégard  de  cellçs 

30!  étaient  absentes  :  loin  que  cette  distinction  soit  une  sub* 
Uté,  elle  ne  fait  que  constater  la  vérité  des  choses.  Gê  qui 
fait  courir  le  délai ,  c'est  la  connaissance  du  jugement  :  il 
court  doué  contré  le  ministère  public  du  jour  de  la  pronon- 
ciation, parce  qu'il  est  présent  ;  il  ne  court  contre  le  prévenu 


*  Casa.  2a  sept.  i8&i,rapp.  M.  Bressoo.  BiiIL  n.  287,  et  Gont  Ca««.  27  a?. 
et  Si  mai  iSSlÇ  rapp.  M.  ^card  et  M.  Tbil.  J«  P.,  t  XXV,  p.  d90  et  ôià  i 
23  janv.  1825»  rappi  M.  GardoBùel,  t.  XIX,  p.  86. 

*Ctm,  6  BMi  «920»  rapp.  M,  CNUTier  Bull.  Q.  9&;  23  sept  1941  '  dt 
«pro. 


•is  miioRAvi  cMMcrfoimu. 


déTaiiltni  que  du  jour  de  la  giguificatioD,  paroQ  qu^il  pe  le  cm* 
nattqmdecejour. 

MabeoRHnetit  pourn-t-il  exercer  ce  droit  d^appel?  Est-ce 
que  la  partie  condamiiée  sera  privée  de  son  droit  d'opposr* 
tion?  On  le  jugeait  ainsi  sous  le  Code  du  3  brumaire  an  it» 
€  attendu  que  l'opposition  au  jugement  rendu  par  défaut  en 
matière  eorrectionnelle  n*est  que  de  simple  tolérance:  qu'dle 
ne  se  trouve  fondée  sur  aucun  article  formel  du  GoaCi  tan- 
dis que  Pappel  est  la  voie  légale  d*attaquer  les  jugemen^; 
que  de  fà  suit  quet  quand  il  existe  cumulativement  appel  et 
opposKion,  c'est  toujours  sur  Tappel  qu'il  faut  procéder;  que, 
si  eela  est  vrai  en  thèse  générale,  cela  doit  Fètre  à  plus  forte 
raison  lorsque  Topposition  n*est  encore  qu'éventuelle  '»  s 
Hais  cette  doctrine  ne  pouvait  plus  être  mise  en  avant  de* 
puis  que  notre  Code  a  placé  Topjposition  à  côté  de  Tàppel  et 
a  déOni  les  effets  de  ces  deux  voies  de  recours  ;  la  Cour  de 
cassation  a  donc  déclaré  :    «  que  de  la  combinaison  des 
art.  187  et  203  il  résulte  que  Tappel  des  jugements  ren- 
dus par  défaut  en  matière  correctioanelle  ne  peut  jamais  pré- 
jddicier  à  la  voie  de  l'opposition  yii  est  ouverte  par  la  loi  au 
prévenu  défaillant  :  lorsque  la  loi  donne  un  droit  i  une  partie, 
ce  droit  ne  peut  loi  être  ravi  que  par  un  moyen  reconnu  par 
la  loi  elte-méme,  et  non  par  le  seul  fait  de  la  partie  adverse; 
et  te  seul  moyen  reconnu  par  la  loi  pour  ôter  le  droit  de  Top- 
position  envers  nn  jugement  par  défaut  est  la  négligence  du 
condamné  d*user  du  droit  dans  le  délai  prescrit  *•  »  Faut^il 
dènc  ouela  partie  poursuivante»  qui  peut,  à  la  vérité,  signifier 
immédiatement  le  jugement,  attende  l'expiration  des  délais 
de  l'opposition  ?  Non  encore  ;  car,  «  s'il  en  était  ainsi,  et  ai  la 
partie  à  l'égard  de  qui  le  jugement  est  contradictoire,  était 
tenue  d'attendre  l'expiration  des  délais  do.  l'opposition  oup 


.  ippel»  la  seule  qui  lui  soit  ouverte  pour 
la  réformation  du  jugement  ^,  »  Cette  partie  doit  donc  for- 
mer aj^l  dans  les  dix  jours,  mais  cet  appel  n'est  relevé  que 
conditionnellement,  et  le  juge  devant  lequel  il  est  porté  n'en 


i  Cstf.  17  m»  iSM,  np^  Bf .  GanioC.  I.  P. A.  Vl,  p.  561. 

*  CMi.  50  aoftl  laai,  npp.  M,  GanloQiiel.  BiUÏ.  o.  137. 

*  Cms.  S5  joiUet  isas,  rapp.  M.  Vojnn  ils  Gar(«iiWf.AulUa.44U  â^acU 
I6S4,  rapp,  llr  Tliii.  BoO.  ima»   . 


M  LAmi,  »g8  JVCBMBMT8  COtMCTIOMMELS.  §  57î.  41 

lui  ^'autant  que  le  défaillant  a  laisié  passer  le 
délai  de  Toppûaitioii  sans  réclamer.  En  effel,  «  l'efficacité  ou 
PfajèliiaeitSié  l^appel  relevé  pendant  le  délai  de  Toppogition 
dHÉMtie  eimitieHement  subordonnée  au  caa  où  le  prévenu 
reMe  Mue  Ibrme  pas  son  opposition  :  Fappel  ert  e&aoe  si 
kf  prêfiettD  laisse  écouler  les  délais  de  Topposition  sans  la 
UMéf*  il  est  au  contraire  ineflicaf  e  et  doit  être  réputé  comme 
fiM'avenu»  s*il  forme  son  opposition  dans  le  délai,  cette  op- 
IMfÉKbrtfélant  que  l^exerçice  d*un  droit  légal  qui  fait  tom- 
ber le  j^ffcment)  et  par  suite  tout  acte  de  procédure  inter- 
ariAire  *.  Comment  doit  donc  procédera  dans  ce  cas  le  juge 
A^f  a  Pour  concilier  entre  eux  les  art.  187  et  203  et  aa- 
sarer  f etereice  des  droits  qu'ils  conrérent,  il  faut,  dans  le 
cisj^m  jugement,  contradictoire  à  Tégard  de  la  partie  qui  a 
ialnjlslé  appel  et  par  défaut  pour  Tautre  partie,  surseoir  à 
ststoar  siir  rappel»  le  cas  écbéant,  jusqu'à  ce  que  les  délais 
d'èflposRioii  soient  expirés  *.  » 

Quel  est  le  |)ointde  départ  du  délai»  lorsque  l'appel  frap{|e 
le  Jugement  qui  déboute  là  partie  condamnée  de  son  opposi- 
tioii  au  prenuer  jugement  par  défaut  ?  Il  a  été  jugé  que  •  tous 
kiju|tment8  de  débouté  d'opposition  produisent  les  mêmes 
flMi/qn*its  interviennent  faute  par  les  opposants  de  se  pré^ 
Kfller'pour  soutenir  leur  opposition,  ou  qu'ils  soient  rendjBS 
apis  un  nouveau  débat;  qu'un  tel  jugement  se  confond  avec 
leji%enieiit  par  défaut  et  que  Tappel  qui  en  est  interjeté  re** 
mn  tort  en  question  V  «Mais  si  tous  ces  jugements  ont  les 
mèétt  efiets,  ifs  n'ont  pas  le  même  caractère  :  ceux  qui  sont 
réoAkS  i^rès  débat  deviennent  contradictoires  et  le  délai  d'ap- 
pel eeèrt  du  jour  où  ils  sont  prononcés  ;  ceux  qui  sont  reujdus . 
isale  par  les  opposants  de  se  présenter  sont,  comme  les  pre* 
nrieiB  ji^gementSa  par  défaut,  et  par  conséquent,  l'appel  n'est 
oBfcM  quedii  jours  après  que  la  signification  en  a  été  faite. 

Hmtajcioter,  iltlliiivement  aux  jugements  par  défajat, 
(|âelà  loi,  après  avoir  stipulé  h  leur  égard  le  délai  de  dix 
jimnapir^  celui  delà  signification,  porte  «  outre  un  jour  par 
trôiëmjrianiélres.  »  La  question  s  est  élevée  de  savoir  s'il 
faatleiifr  compte  dés  fractions  en  dessous  de  trois  mjriamè- 
(rei.  Il  serait  équitable  de  le  faire,  car  puisqu'une  distance 
de  tiois  myriamëtres  rend  nécessaire  une  pnnogatîOB  d'âd 

'MiSi^aR'élii-^^llèitaés  arrêts.  /  y    . 

*  Cm,  14  été»  iSaS,  J^p»  H.  VinceDsSt-tàuteôn  Bail.  n.  186. 


42  DU  TlNMNAm  eMWCTlOMIBUI. 

jour,  une  dislaiice  de  qoatre  ou  oin^  inyrhnék€sd«viaiiaé« 
cessaireoieiiit  motnrer  une  prorogation  de  pltia  d^UQ  ^ar  ^ 
Cependant,  pour  ne  pag  entrer  dans  un  finetknnaiiieiii  lies 
distances  qui  rendrait  le  eàitvi  do  délai  dîfiioiloy  la  G^ur  de 
cassation  a  décidé  :  «^  qiu'il  résulte  de  Tart.  203  que  o^esi  la 
distance  de  trois  myriamétres  et  non  une  distanoe  voiadre, 

3ue  la  loi  a  considérée  Gonune  devant  foire  ajouter  un. jour  au 
élai  ordinaire  ;  qu^ainsi  si  l'appelant  est  domicilié  à  moins 
de  trois  myriamètres^  il  b'«  droit  &  aucune  augmentation  4e 
délai  ;  que,  de  même,  lorsque  la  distance  est  de  plus  de  trois 
myriamétres,  il  n'est  d6  un  second  jour  d'augmentation  qu'au- 
tant qu'elle  atteint  six  myriamâtres;  en  sorte  que  ks.lrae- 
tions  au-dessous  de  trois  myriamètres  doivent  toujoui»  être 
négligées  •. 

IV.  H  y  a  déchéance  de  Tappel,  suivant  les  termes  de  Par- 
ticle  203,  si  la  déclaration  d'appeler  n'a  pas  été  faite  dans  les 
délais  qui  viennent  d'être  déterminés. 

Cette  déchéance  est  de  plein  droit  ;  elle  doit  donc  être  pro- 
noncée dans  le  cas  même  où  elle  n'aurait  pas  été  proposée  à  la 
première  audience  3,  et  même  d'office  par  le  juge  ^.  En  effet, 
il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  exception  qui  puisse  être  couverte 
par  le  silence  des  parties  ;  elle  est  d'vprdre  public  puisqu'il  est 
impossible  de  permettre  à  une  partie,  par  son  fait  ou  son  si- 
fence,  d'attribuer  au  juged^appel  une  juridiction  qu'il  a  per- 
due de  plein  droit,  au  moment  où  le  jugement  de  première 
instance  a  acquis  l'autorité  de  la  chose  jugée  ^. 

L'appel  d'un  prévenu  ne  profite  point  à  son  coprévenu  qui 
a  laissé  passer  le  délai  sans  faire  une  déclaration  d'appel  ^. 
Mais  la  signification  du  Jugement  par  défaut  faite  à  la  requête 
de  la  partie  civile  profite  au  ministère  public, «  attendu  que 
Taft  203,  en  prononçant  la  déchéance  de  l'appel,  s'il  n'a  pas 
été  déclaré  dans  les  dix  jours  de  la  notification  du  jugement 
par  défaut,  ne  distingue  pas  si  celte  notification  a  été  faite 
par  la  partie  publique  ou  par  la  partie  civile  ;  qu'il  n'exige 

«Dalloz.  ▼•  Appel,  n.J23. 

»  Case,  il  nwd  1849,  rapp.  M.  ViDeensSt-Laurent.  Bull.  n.  1<>B. 

>  Gass.  20  mars  ISIS,  rapp.  M.  Aodier-Masullon.  h  P.i  t.  X,  p.  238. 

*Cass.  12  avril  1817,  rapp.  M.  Audier-Massillon.  J.  P.,  U  XIV,  180; 
H  mai  1855,  rapp.  M.  Rives.  Bull.  n.  163. 

*Ca89.  Ch.  civ,  7  août  1849  et  2  avril  1850.  (S.  V.  50,  1,  417 
et  419. 

*  Gaw»  16  iDBfi  181^  rappi. M.  BitMohop,  h  ?•%  U  XUrP*  887» 


M  L'AmL  DBS  JOUMOm  aOUMTiMOItM.  S  ^^2.  ÂI3f 

pasqii'eUalasoH  par  Tone  et,p«t  rantea;  qo'iVMii  delàffw 
lasigniEGation  farte  à  b  requête  de  Toiie  fait  oowit  lea  déms 
de  VvgifA  au  i^ofit  de  toutes  les  deux  ^  » 

Ota  a  eisajé  de  lelever  les  parties  de  cette  déchéance  dans 
deo&eas  :  1*  kff8<|a'eltes  auraient  pris  pendant  le  délai  des 
réstnesd^appeler  uMrieMemeDl;  2<^  lorsque  leur  appel  se- 
rait facBié  inddeaDineBt  è  un  appet  interjeté  par  une  autre 

Dans  te  premitre  kypotbèae,  la  Gbur  de  cnssatibn  a  Jugé 
qft'anarvéaecfepevt  équivaloir  à  !'appel  :  <k  attendu  qu^avant 
Texpration  du  défai,  le  ministère  public  avait  demandé  acte 
à  liGoor  de!t  la  léseirre  qu^il  faisait,  pour  couvrir  Téchéance 
da délais  et  déclarer  appel  du  jugement  de  première  instance 
à  raaiime  ou  aeraieiil  entendus  les  témoins  ;  que  cette  de- 
maaAftfîii  piéseniéepar  \\A  et  accueilHe  par  la  Cour  à  Tau- 
difose  pidUique^  en  présence  des  prévenus  et  de  leurs  dé- 
rensonSy^qui  ne  s'y  opposèrent  point  ;  que  dès  lors  elle  forma 
à  leur  égnrd  une  déctairation  et  notiGcation  d'appel  faite  à 
teBBf»  uàe»  et  d^iprés  laquelle  la  Cour  a  pu  régulièrement 
statiwf  *•  »  H  semble  difficile  d'amettre  cette  solution.  Il  ré- 
soUedesait.  i03  et  305  que  Tappel  n'est  valable  qu'autant 
qu'il  est  formulé  dans  les<  déhis  ou  par  une  déclaration  au 
grsffeoa  par  une  notification  au  prévenu  ;  or,  si  la  déclaration 
k  TaadieBee  peist  ètse  considérée  comme  une  notification, 
cQMDflDt  assBoailer  une  simple  réserve  d'appeler  avec  Tacte 
mtee  do  cet  appel  ?  Qu'est-ce  donc  qu'une  réserve ,  sinon  la 
mapifeatatioiiî  de  TintentioB  d'accomplir  ultérieurement  un 
actequflcoflipet  Or^  estnse  que  ^intention  d'accomplir  une 
romaané  pooàtenir  lieu  de  cette  formalité T  Est-ce  q^c,  par 
eieapfe^  la  néserve  Eaite  de  diriger  une  poursuite  à  raison 
dm  Uk  révélé  à  une  audience*  pourrait  être   considérée 
ooflUM  un  acte  de  poursuite  interruptif  de  la  prescription  ?  Les 
râfSQfêftBfônt  par  eliesHnèmes  aucune  valeur  firidique  ;  elles 
sont  SQUient  ulîles  en  ce  qu'elles  dégagent  l^s  procès  dés  faits 
aeéSMÎmqui  pouvant  les  embarrasser,  ou  tracent  à  la  procé- 
due  la.  marcbe  qu'elle  doit  suivre;  mais  elles  ne  peuvent 
ramplacer  lra> actes  qu'elles  annonr<»nt  :  la  rA«îcrve  de  faire 
appel a'indique  que  l'intention  d'en^ploycr  cette  voie  de  re- 


*  Gw.  ii  mai  iSAS,  rapp,  M.  Vincens-St  LaoronU  Bull,  n*  tOS» 
^^ÊÊH  >«a«t ftOH, mpp.  M,  OUivler,  U  f,,U  XVi,  p.  823. 


H  MB  TftlBOltAtX  COmiBCllONIICLB. 

Goim.;  or,  il  ne  suffit  |ms  que  l'Intention  se  manifeste  dtDslei 
délais  il  bot  que  Taete  iiii-nième  intènrienne. 

La  seconde  hypolhdse  ne  présente  (mis  plus  de  difficolté. 
Nous  supposons  qne  le  prévenu,  condamné  à  une  peine  lé- 

Sére,  n^ait  point  appelé  ei  que  le  ministère  pidrfic»  soit  i  la 
emière  heure  du  délai  fixé  par  Tart  203,  soit  en  osant  du 
délai  plus  long  de  l'art  205,  ait  interjeté  un  appel  à  mêfuimà  : 
le  prévenu,  enchaîné  par  son  silence,  pourra* t-il,  aw  moyen 
d'un  appel  incident,  en  se  fondant  sur  rart.  hkZ  du  G.  de  pr. 
civ.,  attacfuer  devant  le  juge  d'appel  la  peine  même  ^  lui 
a  été  appliquée,  soit  parce  qu'il  n'a  pas  commis  iedèht,  soit 
parce  que  le  fait  ne  constitue  pas  un  délit?  On  dit  pdtar  Tat* 
firmative  que,  en  matière  correctionnelle  comme  en  matière 
civile,  la  renonciation  à  l'appel  est  un  ac^uiesoemenl  qui 


•équité  ^ 

prévalu  dans  l'art*  443  dn  C.  de  pr .  civ.  ;  il  est  juste  qu'an 
prévenu  qui  s'est  résigné  à  subir  une  condamnation»  pour 
éviter  soit  les  frais,  soit  Féclat  d'un  nouveau  débat»  pui^e 
attaquer  cette  condamnation  même  lorsque  T^pel  du  mi- 
nistère public  lui  impose  ce  débat.  Hais  s'il  est  à  désirer 
que  la  défense  ait  ce  droit,  ee  n'est  pas  par  la  voie  d'un  ap- 
pel incident  qu'elle  peut  l'exercer  :  l'appel,  qu^il  soit  inter- 
jeté principalement  on  incidemment  n^est  valable  qu'autant 
qu'il  a  été  formé  dans  le  délai  ;  le  délai  expiré,  il  y  a  dé- 
chéance, et  l'appel  de  la  partie  poursuivante  ne  saurait  faire 
revivre  un  droit  éteint.  L'appel  incident,  aux  termes  des  arti- 
cles 194  et  19&  duC.  du  8  brumaire  an  iv  maintenus  par 
Tart.  203  du  G.  d'inst.  cr.,  est  inadmissible  toutes  les  fois 
que  la  partie  qui  le  forme  n'est  pins  dans  les  délais  pour  le 
former  principalement  :  l'art.  303  du  G.  dMnst.  cr.  n  a  point 
reproduit  le  8*$  de  l'art.  443  du  G.  de  pr,  civ.  V  Hais  il  ne 
faut  pas  exagérer  les  conséquences  de  cette  innovation  :  nous 
verrons  tout  k  l'heure  que  l'appel  seul  du  ministère  public 
saisit  le  juge  d'appel  de  la  cause  entière  et  par  consëiquent 
le  prévenu,  qu'il  ait  ou  non  appelé,  peut  faire  valoir  tous  ses 
moyens  de  défense  et  tontes  ses  exceptions,  mémo  les  moyens 
qui  tendraient  à  faire  tomber  la  condamnation  prononcée 

«  Gin»  14 JuiH.  â8iS.rap.  H.  AQmoot« h  P^U  XIY,  ]^.  94S}  âS  fliaiiSJ» 
npp.  H*  Rives.  BulL  n.  les* 


M  L*Ami.j»ftjiifiaMWTs  GOilionomiu.  §  872.         45 

€(ttlr9  lai.  M«a  questioo  oe  présente  done  qa^un  întérAt  se- 
êûfi^e,  paisqu'elie  coofiste  d«nt  Keiierdce  d'im  droit  qui 
ii*|^|!^t  une  utilité  réelle*  Nous  exaffiineroiis  to«l  à  Theure 
b'^tei^  questioQ  eu  ee  qui  eooeenie  le  minislèr»  pubNc. 

'.  Tj  *La  f^le  qtà  fixe  &  dix  jours  le  délai  de  Tappel  admet 
tiMl>  9Boeplions. 

lifraorière  est  prévue  par  Tart  205  du  G.  d'iost.  cr. 
njMé  fir  la  lor  du  IS  juin  i  856  : 

f  IPK.  Ld  prociraar  général  près  It  Gonr  impériale  devra  noliier 
JMJemfi»  foiftaa.préfemiv  aaii  â  1»  peMenne  eÎTtleineot  responsa- 
Hslb  (délit,  dans  les  denr  mois  à  covpier  da  jour  de  It  pranoncis* 
Mèi'joifeaieDt,  oo,  si  le  jugement  lui  a  été  lég»lementsipri4é  par 
tafféet^artiety  dans  le  mois  du  jour  de  cette  notification  ;  sinon»  il 


Ùart*.  197  du  Gode  du  3  brumaire  n  it  n'avait  accordé 
an  Vfjpistère  public  supérieur  qu'un  aenl  mois.  Quels  ont  été 
Ies'iDofi{ji,dea  rédacteurs  de  notre  Gode  pour  doubler  ee  dè- 
lajP'On  ne  trouve  aucune  lumière  sur  ee  point  dans  les  déir- 
béciifions  qui  ont  pr^aré  ce  Gode.  L'art.  349  veut  que  te 
procureur  impérial  envoie  tous  les  huit  jours  au  procureur 
général  une  notice  de  toutes  les  affaires  de  police  correction- 
nelle. Le  procureur  général  peut,  «ux  termes  de  Tart.  250, 
ordoon»  rapport  des  pièces  si  leur  examen  est  nécessaire 
pour  qu'il  puisse  prenare  une  détermination.  Est-ce  que, 
pour  ces  transmissions  de  pièces  et  poi»  cet  examen,  le  délai 
rua  mois  n'eût  paa suffi?  Fallait«^il  prolonger  pendant  deux 
mois  entiers  TincerUtude  une  l'ouverture  des  voies  de  recours 
jette  sur  les  jugements?  lallait-il  ou  suspendre  pendant  uii 
temps  si  long  leur  exécution,  ou,  par  une  rigoureuse  in- 
terprétation, exposer  les  parties  condamnées  é  subir  deux  fois 
la  même  peine? Le  droit  d'appel  du  procureur  général  eat  la 
cooséq|Uf nce  néc^saire  de  la  direction  de  Taction  publique 
qui  Im  appartient  dans  chaque  ressort  ;  mais  pent-*4tre  en 
étendant  au  delà  d'une  juste  limite  l'exercice  de  ee  droit) 
oVt-on  pas  servi,  autant  uu'on  Ta  pensée  l'administralion 
de  ta  justice:  on  a  aflaibli  1  effet  des  peines  en  faisant  aur--* 
seiNr^  dans  Ta  plupart  des  cas,  à  leur  application  ;  ona  détruiè 
au  faite  de  la  procédure  le  principe  oe  la  célérité  qui  avati 

'  CMC  18  maniSOW  m».  U,  CarnoL  J.  P»,t.  YU,  fw* 49l|  l^acu  i(M, 
nppiV  €fattt9re7Qe,tXVIir,>,  iOCe. 


46  M»  1«âlH!NMn  ^WMPeuOWWMg. 

été  foié  usa  base^  on  a  placé  une  regrettable  iKstaiice  entre  la 
perpétration  du  délit  et  sacondamnation  défintire,  enfin  on  a 
attribué  au  ministère  public  un  droit  que  le  délai  dans  leqael 
il  peut  l'exercer  rend  exorbitant  si  on  le  compare  au  délai 
laissé  au  prévenu*  La  Cour  de  cassation^  pour  abié^er 
les  détentions  préalables  et  les  lenteurs  des  procédures,  a  du 
reconnaître  elle-même  à  ce  magistrat ,  conlniireoaeQl  au 
principe  qu'elle  maintient  partout  ailleurs,  le  droit  de  renoA- 
eer  à  Tappel  avant  l'expiration  des  délais  dans  les  cas  de  rè- 
glement de  juges. 

Ces  deux  mois  doivent  se  cakuler  de  quantième  A  quan- 
tiéme  d'après  le  oalendner  grégorien  et  non  par  périodes 
égaks  de  80  jours.  Telle  est  la  règle  posée  par  4Ui.arrèt'qtti 
d^larcj  dans  une  espèce  où  le  prévenu  avait  été  renrayè  da  la 
plainte  par  un  jugement  du  18  décembre,  a  qu'après  la  pro- 
naociation  de  ce  jugement,  il  s'est  éooolé  deux  mois  entiers 
«ns  qu'il  y  ait  eo  aucune  notification  d'appel  i  la  requête  du 
jaînÎBtère  public; que  ces  deux  moîseupiraient  le  18  février  ; 
et  que  ce  n'est  que  le  19  du  même  mois  que  le  ministère  pu- 
blic a  fait  notifier  son  appel;  que  la  déchéance  de  cet  appel, 
étaai>prononcée  par  la  loi,  était  opérée  de  plein  droit  Savait 
son  effet  par  la  seule  expiration  du  délai*.  »  Cette  règle, 
ouatoatée  par  quelques  interprètes*,  qui  intoquent l'art  kO 
du  G.  pén.,  a  été  universellement  adoptée  dans  la  pratique, 
et  nous  croyons  qu'elle  est  préférable  à  raison  de  sa  facile 
application;  l'art  40,  d'ailleurs,  n'a  trait  qu^è  l'exécatioa 
dea  peinea  et  nullement  à  la  mesure  des  délais  de  la  pro* 
«édure  *. 

Le  délai»  d'ailleurs,  est  le  même,  soit  que  le  jugement  ait 
été  rendu conlradictoirement  ou  par  défaut;  l'art  205,  en 
effet,  ne  distingue  point  ^  ;  il  y  aurait  lieu  seulement,  dans  le 
cas  d'un  jugement  par  défaut,  à  surseoir  à  statuer ,  comme 
noua  l'avons  déjà  remarqué,  jusqu'à  l'expiration  des  délais 
de  l'opposition. 

Le  délai  est  également  le  même  quelle  que  soit  la  dis- 
!  :  la  loi  n'a  stipulé  aucune  augmentation  dans  ce  cas. 

Le  procureur  général  qui  n'a  point  appelé  d'un  jugement 

*  Cass.  iî  avril  1817,  rapp.  M.Audier-Massillon,  J,  P.,  L  XIV,  p.  180, 
'  Carnot,  t.  II,  p.  125  ;  Legr^verend,  1 1,  p.  08. 
s  Cont.  Mai^o,  acU  pubL,  t.  It  p.  255  $  BenTat-St-Prix,  m  107$. 

*  Ca«8«  17  àtus  l808t  r«pii«  M»  GaravU  J«  P«t  t  Vit  p.  5^2. 


DK  l'appel  pgg  JOMBHn»  iC^KiMMonctu.  §  572.  47-^ 

mnxAÊim/A  dans  }•  délai  dei  decii  noîs,  tm*il  racovâble  & 
fomgr  «B  aff^l  ia^klpol  «ur  ]'appd  énû  daas  le  délai  légal 
piirb|«r^  condanaée?  U  but lépondce,  eomme  nom  i^a- 
Toas  déjà  fiit  m  oe  qui  oonoerne  l'Appel  i&cidant  du  prévdiHi , 
qa9.toiMt«pp9l  Corme  aprèa  respiration  des  délais  est  frappé 
de  Mehéuiae;  que  Tait.  20&  déelare  spéeùdea^nt  que  si  le 
piocwr^r  ipânérai  a'a  pai^  motivé  son  recours  dans  tes  délais 
qu'il  ifiie,  «  il  sera  déchu  a  ;  qu'il  importe  peu  qv'ii  aoit 
laudà  par  aeie  prkieîpal  «i  mcidemaseui  à  m  autre  appel  ; 
qiiab  Iprae  de  Tappel  ne  peut  fonder  une  exception  à  me 
règle  qui  cafc  ahselua  ;  qu'un  dmit  qoi  est  éteint  ne  peut  le- 
mie  pat  le  fait  d'un  tiers,  &  moins  que  la  loi,  comme  t'=a  fait 
i'iit.  148  dnCL  de  pr.  ci?*  en  msrtière  ehriie,  ne  l'ait  permns  ; 
qae  le  jagevent  a  viadHW  du  minislire  pnblic  l'autorité  de 
h  çhoae  î/mée^  en  ce  sens  -qu^il  tie  peut  Tattai^er  ;  qu'au 
sQijflm^il  a  eu  coanaiisance  de  Tappel  en  prévemi  pendanU 
qttÙpeoiaît  appeler  encec-e,  et  que,  s'fl  ti'apas  usé  de  cette 
fa«iiité»ila'exasle  aimm  motif  pour  lui  pemettre  d'en  user 
twKwDeDt'. 

IhJSy.loas  méiwe  qa«e  le  délai  de  deux  mois  n'est  pas  expiré, 
le  éooit  d«  'procureur  général  est  éteint  si,  avant  que  son  re- 
en»  n'ait  été  déekaré^  le  juge  d'appel  a  épuisé  sa  juridic- 
tioo  en  statuant  sur  Tappel  du  pré?emi«  Gomment,  en  effets 
€6  jage  pou«rait«/j  juger  une  seconde  fois  un  procès  qu'il 
tarait  déjà  fugè*?  comaroat  seratt-^il  saisi  deux  fois  d'une 
Qitee  poursuite  engagée  entre  les  mêmes  parties?  Si  Tinté* 
lètqui  s'agite  dans  ce  double  appel  n'est  pas  le  même,  la 
cause  changeH»  -elle  de  nature  parce  que  c'est  sur  la  demande 
de. l'une  ourde  l'autre  de  ces  porties  qu'elle  s'engage?  N'est- 
ce  pas  pour  a^la  que  l'art.  443  du  C.  de  pr.  civ.  n'admet 
l'af^ÎMider  li qu'en  tout^Ut de  cause,  c'est-ànlire  jusqu'au 
jagement  df  )  l'appel  principal?  Ën&i  si  le  mioistère  public 
«t  frappé  d)  une  déchéance  prématurée,  n'a-t-ii  pas  été  dour 
hlenaent  av  erti  par  Tappei  du  prévenu  et  par  le  jugement  de 
ot  appel  ^«ans  kqael  il  était  partie?  Cette  doctrine  a  été  ap- 
piifMads  .na  i'espéoe suivante  :  un  prévenu,  ayant  formé  ap- 
ptlaaalrird  un  premier  jugement,  avait  été  débouté  par  un 
JB^tteori  par  &faut  du  triiMUial  d'appel;  il  forma  opposî- 

*  Qmb.  ^7  liée  iSlJ,  rapp.  M.  Schwendl.  J.  P.,  t.  IX,  p.  803  ;  et  Conf. 
fiowguigitoo^  Uhp.  46S  ;  Caruot,  U  il,  p.  116  sL^rawrend»  U  il|  p>  404? 
Moiiiiiquesc^T*  Appel  iociacnt  SHi^oyi  att99li«prO|  p.  44* 


49  '   '        ttÈ-^tktimkti  cùtKUfiomutf. 

tm  et  t'en  désirta  aossitdt;  le  Jugemeol;  |pAr  déC^d^ 
ft'élâit  «Uaqué  par  atfeùne  voie  légale,  acamt  doue  M  Amoi 
dechoM  jOyte.  Gependài^tte  ttainistèrie  publie,  qui  se  U^ifmii 
encore  diii§  le  Afcltt  de  deux  mois,  aTaii  forni^,  avIérieiiMfT 
nwt  à  oe  déiiatemeiit»  ^ppel  du  jugement  de  pneniiN^iin 
staoce  :  cet«ppelétaii-i!  receTable?La  Cour  de  pW9tio»>à 
décidé  négatif emeni cette  question:  «  attendu  qu^ IV|ipii^ 
da  ministère  publie  du  aS  janvier  contre  le  jngem^lim» 
tribunul  de  Tovrnoa  du  ST  novembre  a  bien  ététiinteiî^. 
dans  les  deux  mois  de  ce  jugement^  mais  est  ^postéiiMVi 
au  jugement  da  tribunal  de  Privas  du  15  janvier  y  i^piiy' 
quoique  par  défaut,  avait  épuisé  le  droit  du  juge  d'appel; 
qu'il  est  de  principe  qMo>  le  joge  anpérieur  ne  ^ut  cbnn^ure 
deux  fois  du  même  appeLt  si  ce  n'est  par  sufité  dV>ï^siti(>n  è. 
un  jugement  par  défaut,  midu  par  mk  jttge  d-appel|4|Wil 
importe  peu  que  l'appel  dn.iiiinialiéTefrablie  soit  du  25  ^^ii^ 
vier  et  qu*il  ait  été  signifié  te  mémB  jour  au  prévenu  qui  né. 
s'est  désisté  de  son  qppositiwqu^  quatre  jours  aprés^'  c^est-a- 
dire  le  27  janvier;  que,  par  «et  appef  lardif,  le  ministère  pur 
blic  n*a  pu  faire  renaître  In  joridielioii  du  tribunsA  d'af^l  ; 
que  le  jugement  du  1 5  janvier  était  susci"plible  d^une  retrâb- . 
talion  sur  Topposition  de  la  parlie  ootidaninée  éf  défaillante, . 
mais  non  sur  la  demande  du  minislère  pub.  lie  ^.  -^ 


Mais  si  le  juge  d'appel,  bien  que*  saisi  die  l^appel  du  pré- 
venu, n'y  avait  point  statué,  ai  ce  recours  av  ait  été  suivi  d'un 
désistement  dont  il  aurait  simplement  donné  acte,  il  n^aurait 
point  épuisé  sa  juridiction  et  serait  compétent  pour  couuattre 
de  rappel  interjeté  ultérieufement  et  dans  lé  S  délais  par  le 
ministère  public.  G*esi  ce  qui  a  été  jugé  par  uii  arrêt  du  13 
février  1840  dont  nous  avons  dé^  rapporté  te  ti  'xte  '. 

La  question  s'est  élevée  de  savoir  à  quel  acte .  de  la  propé- 
dure  d'appel  le  procureur  général  se  trouve  foi  clos.  Cette, 
forclusion  doilHîlle  avoir  lieu,  comme  le  veut  rart.  87  en  ce 
qui  touche  Tintervenlioa  de  la  partie  civiTe*  au  n  loment  do 
la  clôture  du  débat,  ou^  comme  le  permet  rart.  &'59,  ^ur 
les  demandes  en  dommages-intérêts  devant  la  cour  i  d^assises, 
au  moment  seulement  du  prononcé  du  jugeinent?l4i^  Cffat  de 
cassationa  jugé,dans  une  espèce  où  lejuge  d'appel  ava  il  mîsia 
cause  en  déiibéré,que  jusqu^aujugementy rappel  du  pif  ^tireur 

I  Cm.  n  VBOà  i%k%  rapp.  U.  MérfllioQ.  9uU.  n.  tiS. 
■  Voy.  iuprà^  p.  S3. 


»«  L'mu  MS  IDGtMINTS  .eoMlIGTIjMliaj.  §  678,  41 

j;j«2rt  être  admises  à  produire  drnoureaui  dScu- 
rouîSfTSii     '"^"'festal'on  de  la  vérité,  s/tafau  juge  A 

ÎToiTZriL  r»  P'°^"Ft''»'«  i»«qu'au  jùge,nenl,  pour- 

"fpaientr  La  procédure  n'esi  terminée  que  par  le  iuee- 
"1:  ^""^  ''  "  •''*  ^''■"^   permis  d'en  ïvoquerY,, 

drx'îonlî'LÎ "'*'!!'*"'  t.'"  '*«'"  1"'"  «"«  '«  •'^•«i  d'appel  à 

«in  e^^"ÎT''î'*'  '  "«;  32*'«  i^"et  du  1" germinal 

wiS  a«r  ^•'*'f /**  contribution*  indirectes.  Cet  article 

ïïtei"  J"ï«nent.  »  H  .^ulte  de  cette  disposition 
ïn^v  .tn,       ^?*^'?*'"*'  ***  *•»  C.  du   3  I,  umaire 

iTiÏÏeSLT"  •.'''  n'^r  *•*  ***»*"'»  ''«  ^«  '^*'«i.  qui,  ««oit  que 
ffiS  T'  Pf' .*'*'^'"î  **•»  «ontradictoire,  court  du  Ir 
Ïé&  ^^^^^^  ;  ^  J«"'ÎP'Î^"«  •  -"«inlenu  cette  forme 
Su,  .;  .^"^•"'  *"  P"*""»^'  ^"*  <*«  '»'»  o"  règlements 
rSS  „  P*L^fl''^"'  r*  *«l^  o"  telle  matière,  ne  peu-  ' 
vCDt«r<,  considérés  par  les.  tribunaux  comme  étant  abrogés 

d'lS-^'''''""f"^'^^'*'"»P*«*'''°°«  formelles  et  expresses 
dSKÏ*"''.  î"*  '*""^n*.  "'«"écution  S'multanêc  des  uns  et 
e iml^f  "^^  «»c<>ncil.able ;  que  ce  principe  a  été  consacré 

Si»  I  P^'f^'f "'«.  «si  iMintena  dans  toute  sa  force  et 
qj6l»t|c  sepl  règlement  aur  la  forme  de  procéder  en  ma- 

"EféC  ^^'"^""*''***^'  "  *'*''^''«  religieusement 
Vi?at.  m!*  *•  ^'\  '•"»»'•«•  Ca«.  «  "..i  «57,  «pp. 


ISO  DK9   TEIBUNAUX  COlAICTlOinflU. 

YII.  Une  3*  exception  est  relative  aux  jugetnenls  rendas 
sur  récusations.  L'art.  392  du  G.  de  pr.  civ.  porté  :  «  Gehii 

Îui  voudra  appeler  sera  tenu  de  le  faire  dam  les  cinq  J0ur$ 
u  jugement.  »  Il  est  de  principe  que  les  règles  suivies  pour 
la  récusation  en  matière  civile  s'appliquent  également  en 
matière  criminelle  S  et  il  a  été  plusieurs  fois  reconnu  «que 
le  Code  d*inst.  cr.,  ne  renfermant  aucune  disposition  relative 
à  rinstruction  et  au  jugement  de  la  récusation  formée  contre 
un  membre  d*un  tribunal  ou  d'une  cour  en  matière  correc- 
tionnelle, il  doit  être  statué  sur  ces  sortes  de  récusations 
d'après  les  règles  suivies  par  les  art.  378  et  suivans  du  G.  do 
pr.  civ.  2.  »  A  la  vérité,  quelques  arrêts  ont  ajouté  :  «  en 
tant  que  ces  dispositions  se  concilient  avt'C  la  nature  des  ac- 
tions portées  devant  les  tribunaux  de  répression  et  avec  les 
règles  qui  leur  sont  propres  3,  »  Mais  l'abréviation  du  dé^ai 
dans  ce  cas  spécial  se  concilie  facilement  avec  les  formes  de 
la  procédure  correctionnelle  :  la  nature  de  l'incident  expli- 
que l'exception,  et  la  règle  qui  veut,  en  matière  correction- 
nelle plus  qu'en  matière  civile,  la  rapidité  de  la  procéduire, 
ne  permet  pas  de  ta  rejeter  ^. 

S  573. 

I.  Formes  de  l'appel.— IT.  Déclaration  d'appeler.  —  III.  Requéie  con- 
tenant les  moyens.  —  IV.  Quelles  personnes  doivent  signer  la  décla- 
ration et  la  requête.  —  Y.  Formes  exceptionnelles  !•  de  L'appel  «iu 
procureur  général  ;—  VI.  2«  De  Tappel  en  maiière  d*  comvibations 
indirectes. 

I.  Les  formes  de  l'appel  sont  très  simples  ;  elles  sont  ré- 
glées par  les  art.  203  et  204  du  C.  d'inst.  crim, ,  qui  n'ont 
fait  à  peu  près  que  reproduire  les  art.  194  et  195  du  CaUe 
du  8  brumaire  an  iv.  L'art.  203  déclare  que  Tappel  est  fui  uié 
par  une  déclaration  faite  dans  le  délai  aju  greffe  du  tribunal 
qui  a  rendu  le  jugement.  L'art.  204  ajoute  qu'uiic  rcquûle 
contenant  les  moyens  d'appel  pourra  être  remise  d^ns  le  iuéine 
délai  au  même  greffe. 

Il  faut  distinguer,  comme  l'a  fait  la  loi ,  la  déclaration  d'ap- 

*  Voy.  t.  V,  p.  400,  et  t.  YII,  p.  542  et  suîv. 

■  Cass,  8  oeL  1885,  et  1»  fév.  i846,  cités  t.  VII,  p.  $44. 

•  Cass.  8  ao&t  1838,  cité  t.  VII,  p.  544.     ^ 

\9S^  ■"•  MonipeUler,  14  aoat  1848. 1»  cr.»  «rt.  M9t  Berrmi  S^Mi, 
n.^ia77« 


DK  L*APPEL  DBS  JC6EIIËKT8  CORABCTlOKHfiU.   §  573.  51 

péier  et  la  requête  produite  à  Tappui  de  Vappel.  Occuponâ*^ 
U0U8  d'abord  du  premier  de  ces  actes. 

n.  Aucune  forme  spéciale  n'est  impoiée  à  la  déelaratioa 
d'appel  ;  il  suffit,  d'une  part,  que  la  partie  intéressée  déclare 
sa  volonté  d'appeler,  et,  d'une  autre  part,  que  isette  déclara* 
tion,  faite  au  greffe  du  tribunal  qui  a  rendu  le  jugemont , 
soit  reçue  et  constatée  par  le  greffier.  L'art.  203  ne  prescrit 
aucune  formule. 

II  suit  de  là,  d'abord,  qu'il  n'est  pas  nécessaire  que  la  dé- 
claration énonce  les  moyens  qui  fondent  le  recours  ;  la  loi  ne 
l'exige  point,  et  c'est  en  tous  cas  dans  la  requête,  s'il  en  était 
produit,  quUls  devraient  être  exprimés.  La  déclaration  n'a 
d'autre  objet  que  de  manifester  la  volonté  d'appeler. 

Il  suit  de  là,  en  second  lieu,  que,  quoiqu'il  soit  d  usage 
qu'elle  soit  consignée  sur  un  registre,  la  déclaration  serait  va-, 
lable  si  elle  avait  été  reçue  sur  une  feuille  volante,  car  la  loi 
ne  prescrit  rien  à  cet  égard.  Il  faudrait  décider  encore, 
comme  sous  le  Code  du  3  brumaire  an  iv,  a  que  la  loi  n'exige 
point  que  la  déclaration  soit  faite  sur  le  registre  du  greffe, 
qu'elle  prescrit  seulement  de  la  passer  au  greffe  et  qu'il  suf- 
fit qu'elle  ait  été  faite  et  reçue  dans  les  délais,  dans  quelque 
forme  que  ce  soit,  pour  que,  de  la  part  de  la  partie  appelante, 
il  ait  été  suffisamment  satisfait  au  vœu  de  la  loi ,  l'inscription 
sur  le  registre  étant  une  formalité  qui  concerne  le  greffier  et 
dont  l'omission  ne  peut  nuire  au  déclarant  * .  » 

Il  snit  de  la,  en  troisième  lieu,  que  l'appelant  n'est  pomt 
tenu  de  produire  une  expédition  de  sa  déclaration  :  «  attendu 
que,  lorsque  la  partie  a  déclaré  son  appel  au  greffe  et  dans 
les  délais  voulus  par  la  loi,  elle  a  fait,  en  ce  qui  la  concerne, 
loQl  ce  qui  lui  est  prescrit  de  faire  pour  éviter  la  déchéance, 
et  qu'on  ne  peut,  sans  ajouter  à  la  rigueur  de  la  loi  et  sans 
cohtrevenir  à  ses  dispositions ,  déclarer  cette  partie  déchue , 
1  iUle  par  elle  d'avoir  produit  une  expédition  qu'elle  n^est  pas 
chargée  de  produire  ».  »  Cette  expédition  doit  être  requise 
par  le  procureur  impérial ,  jointe  au  dossier  de  la  procédure 
^t  transmise  au  greffe  de  la  Cour  saisie  de  l'appel. 

il  soit  encore  de  la  mèmerègle,  qu  il  importe  peu  que  rap- 
pelant soit  désigné  sous  ses  véritables  nom ,  prénom  et  pro- 

'  Gaas.  28  nov.  1806, rapp.  M.  RaUud.  BÙU.  a.  199  ;  S6  fruct.  ta  O* rapp* 
ll.Geoefoift.Bull.  D,  aa4. 
*  Gui.  ii  jtnv»  4917»  rapp.  M.  Basire.  J.  P.»  (•  XIV»  p.  îl. 


9t  MA  TftlNRAIW  C01JkECTI0Mll|U«. 

fession;  il  suffit  que  son  identité  avec  la  partie  condamnée  par 
le  jugement  ne  puisse  ôtre  contestée  ;  \e»  désignations  ne 
sont  nécessaires  en  matière  pénale  que  pour  constater  Tiden- 
tilé  :  c'est  Tauteur  de  tel  ou  tel  fait  qui  est  en  cause  ;  ses  noms 
et  prénoms,  sMls  ne  sont  pas  indifTérents,  parce  qu'ils  servent 
à  reconnaître  s«s  antécédents ,  ne  sont  pas  indisponsal)lcs  ;  et 
il  a  pu  être  jugé  que  l'appel  d'une  personne ,  dont  le  nom 
était  inconnu,  était  recevaMo,  «  atteVidu  que  la  dénomination 
de  la  prévenue  dans  son  acte  d'appel  est  conçue  dans  les  mê- 
mes  terweê  que  la  désignation  faite  de  sa  personne  auiugc- 
mcnt  de  condamnation  duquel  elle  appelait ,  ce  qui  suffisait  à 
la  régularité  de  cet  appel  K  • 

Enfin,  une  dernière  conséquence  delà  même  règle  est  qu'il 
n'cat  point  nécessaire  que  cette  déclaration  soitnoiifiée  èla  par-* 
tic  contre  laquelle  rappel  estdirigé,  lors  mémeque  cette  partie 
est  le  prévenutEn  effet»  il  résulte  delà  combinaison  des  art.âOS 
et  205  que  Tobligation  de  notifier  au  prévenu  le  recours 
formé  contre  le  jugement  de  preanière  instance  n*est  pas  im- 
posée au  procureur  impérial  près  ce  tribunal  qui  doit  relever 
son  appel  »  comme  le  prévenu  lui-même»  pnr  déclaration  au 
greffe  ;  cette  obligation  ne  concerne  que  le  procureur  gêné-* 
rai  qui ,  ne  pouvant  laire  de  déclaration  au  greffe  du  lied  » 
supplée  à  cette  di^claration  par  un  acte  d'appel  contenu  dang 
un  exploit  d'huissier,  lequel,  n'étant  pas  consigné  sur  un  re~ 
^istrepublic,ne peut  être  connu  du  prévenu  queparlanotificaH 
tionqui  luienestfaite  \  Le  prévenu  oonoattrappel  du  procu- 
reur impérial  ou  par  la  vérification  qu'il  peut  en  faire  an 
greffe,  ou  par  la  citation  qui  lui  est  ndreesée. 

Mais  si  aucune  forme  ne  doit  are  exigée  en  dehors  des  ter- 
mes de  la  loi ,  il  Tant  au  moins  que  celles  qu'elle  a  prescrites 
M)icut  appliquées  :  la  loi  exige  une  déclaration  faite  au  greffe, 
et  cette  déclaration  ne  peut  être  remplacée  par  avH^un  acte , 
mCmc  par  une  notificaiion  ;  car  son  texte  est  formel  ;  il  dé- 
clare la  déchéance  de  l'appel,  si  la  déclaration  n  a  pas  été  faîte 
au  greffe  du  tribunal.  Il  a  été  décidé  d'après  ces  termes  quu 
rnppcl  fait,  même  dans  les  dix  jours,  par  voie  de  noliUoatioii, 


«  Cas$.  15  ftv.  18  i9,  rapp.  M.  Legagneur.  BuU,  n,  3a, 


M  h\jftl  MS  JCCE1IENT3  CÔHhfcCtlONNÈLS.   $  573.  Îi3 

soît  par  le  ministère  public ,  soit  par  lo9  parties  civiles  ou  le 
prévenu,  est  entaché  de  nullité  *. 

Cependant,  comme  la  loi,  ainsi  qu'on  vient  de  le  voir, 
n*é  point  déterminé  les  formes  de  la  déclaration  ,  on  pourrait 
considérer  comme  une  déclaration  suffisante ,  soit  la  remise  au 
greffe  dans  Fe  délai  légal  d  une  requête  coDlenantl^  moyens 
d'appel  *,  soit  même  Tadhésion  déclarée  à  Tappel  déjà  inter- 
jeté'par  une  autre  partie  3. 

IIF.  A  côté  de  la  déclaration ,  la  loi  a« placé  la  requête. 
I/ar4  a04,  TeetiHé  par  la  loi  du  ta  juin  18i6,  porte  que 
I»  requête  contena^nt  les  moyens  d^appel  pourra  être  remise 
dans  le  même  délai  au  même  greffe  t  elle  sera  signée  de  Pap  • 
pelant  ou  tl^un  avoué,  ou  de  tout  autre  fondé  de  pouvoir  spé- 
cial. Da«s  ee  dernier  cas,  le  pouvoir  sera  annexé  à  la  requête. 
Cette  requête  pourra  aussi  être  remise  directement  au  greffe 
de  la  Cour  impériale.  » 

.Sous  le  Code  du  3  brumaire  an  iv,  le  dépôt  de  cette  re- 
quête devait  avo'r  lieu,  aux  termes  de  l*art.  195,  «  à  peine  de 
défèénnee  de  Tappel.  »  L'art.  204  de  notre  Code  n'ayant  pas 
reprfsduit  «es  mots ,  et  sa  rédaction  pouvant  emporter  Tid^ie 
d'une  simple  faculté ,  la  Cour  de  cassation  a  décidé  «  que  la 
production  d'une  requête  à  Tappui  de  Tappel  est  puremo;'^ 
facolUitive  ^.  »  Il  nous  semble  que  la  jurisprudence  aurait  |..« 
faire  ici  une  distinction.  Assurément  il  eâtété  difficile,  en  fncc 
(les  termes  de  l'art.  204,  de  prononcer  la  déchéance  de  Tsp- 
pel ,  puisque  eei  article  oe  prévoit  pas  oette  mesure  qui  est  au 
contraire  formellement  autorisée  par  les  art  203  et  205. 
Mais ,  de  ce  que  Tappel  n'est  pas  hu\  faute  d'une  requête  . 
s'en$uii-il  que  oette  requête  soit  inutile  et  que  Tart.  204,  '|ui 
l'a  prescrite,  doive  être  réputée  une  lettre  morte?  Elle  n'est 
poiat  inutile^  car  comment  la  partie  intimée,  soit  le  pié- 
venuy  joit  le  ministère  public,  connaltra-^-elle  les  griefs, 
élev^  contre  le  jugement ,  si  ee  n'est  par  la  requête  ? 
La  défense  est-elle  po.ssible  ,  l'action  publique  peul-cllc 
être  valablement  soutenue,  si  Tune  et  Tautre  sont  pri- 
vé^ de  toute  connaissance  antérieure  des  moyens  contre 
lesquels  elles  se  débattent  ?  Et  quelles  lumières  doit  trouver 

*  Casa.  9  juin  1809,  rapp.  M.  Basschop.  J.  P.^  t.  VII,  p»  614;  33  mai 
4885,  rapp.  M    de  Ricard,  Boll.  lu  SOO  ;  S9  no?.  ^844»  non  imprimé. 

>  Cass.  19  juin  1808.  rapp.  M.  Seignette.  J.  P.,  t.  V,  p.  381. 
"Case  28  nW.  anxi,  rapp. M.  CamoUBull.D.  69. 

*  Ca»,  29  juin  fWS,  rapp.M.  Baiire.  h  P.  1. 12  p.  786. 


V 


91  PCI  rniNRAUX  CORHECTIOIflfBLS. 

la  justice  dans  une  discussion  qui  n'a  point  été  préparée  et 
dont  les  éléments  n'ont  pu  être  Tobjet  d'aucun  examen?  L'ar- 
ticle 20i,  qui  a  voulu  la  requête,  pui$;qu'il  en  fait  Pobjet  d'*une 
disposition  expresse,  a  laissé  à  la  vérité  aux  parties  la  faculté 
de  la  remettre  au  greffe  de  la  Cour  ;  mais  sa  rédaction  facul- 
tative ,  le  mot  pourra  répété  deux  fois ,  ne  concerne  que  le 
modo  de  dépôt  et  non  le  dépôt  lui-même  ;  il  suppose  la  remise 
de  la  requête  dans  tous  les  cas ,  et  la  preuve  en  est  dans  l'ar- 
ticle 207  qui  en  prescrit  Penvoi,*  si  elle  a  été  remise  au  grefife 
du  tribunal  de  première  instance.  »  Ainsi ,  d^une  part^  od  ne 
trouve  point  do  déchéance  si  la  requête  n'a  pas  été  remise, 
mais  d^une  autre  part,  on  aperçoit  Tobligation  formelle  , 
la  nécessité  do  la  remettre.  Que  faut-il  conclure  ?  que 
le  défaut  de  la  requête  ne  doit  point  entraîner  la  nullité 
de  rappel ,  mais  doit  commander,  si  Tintinié  le  demande,  un 
sursis  au  jugement  de  l'appel  jusqu'à  sa  production.  C'est  un 
élément  toujours  utile,  souvent  indispensable  du  débat;  il 
appartient  sans  doute  à  la  partie  défenderesse  d'en  apprécier 
la  nécessité  et  d'en  réclamer ,  si  elle  le  veut,  la  communication  ; 
mais,  quand  elle  fait  cette  réclamation,  comment  n'y  seraît-il 
pas  fait  droit,  puisque  la  loîTordonne^  puisque  la  justice  elle- 
même  y  est  intéressée  ^  ? 

lY.  La  déclaration  d'appel  doit  être  faite,  et  la  requête 
signée  par  l'appelant. 

Si  c'est  le  ministère  public  qui  appelle,  il  importe  peu  que 
ce  soit  le  procureur  impérial  ou  son  substitut,  il  importe  peu 
môme  que  le  magistrat  qui  forme  le  recours  ait  tenu  ou  n*ait 
pas  tenu  Taudience  où  le  jugement  a  été  rendu  :  noijs  avons 
établi  précédemment  qu'il  existe  entre  tous  les  membres 
d'un  même  parquet  une  communauté  de  fonctions  et  une 
véritable  indivisibilité  *. 

Si  l'appel  est  interjeté  soit  par  le  prévenu,  soit  par  la  per- 
fonne  civilement  responsable,  soit  par  la  partie  civile,  ils 
peuvent  le  former  ou  par  eux-mêmes,  ou  en  se  faisant  re- 
présenter par  un  mandataire. 

S'ils  se  font  représenter  par  un  mandataire,  ce  mandataire 
doit  être,  suivant  les  termes  de  l'art.  âOi,  ou  un  avoué  ou 
un  fondé  de  pouvoir  spécial. 

Cette  règle  s'applique  non-seulement  à  la  signature  de  la 
requête,  mais  aussi  à  la  déclaration  d'appel;  si  1  art.  204  ne 

«  GooC  Dalloi»  V  Appel,  n.  170.  -  ■  Yoj.  t.  II,  JMU  et  |tti?« 


PB  L*ArPBL  OM  lUOBMim  ooiiicnoifNBLS.  |  878.  55 

rapplique  qu'à  la  re<iuéte,  c'est  quMl  n'a  pas  pensé  que  cette 
requête  pAt  être  oimse  et  que,  dans  sa  peneée,  elle  complé- 
tait la  déclaration.  Mais  comment  pourrait-on  soutenir  qu'un 
mandat  est  nécessaire  pour  le  seeotid  de  ces  actes  et  non 
pour  le  premier?  Comment  ne  serai t-il  pas  nécessaire  pour 
la  déclaration  d'appel ,  qui  est  l'acte  le  plus  important,  celui 
qui  engage  l'action,  et  dont  la  requèle  n'est  que  l'acces- 
soire T 

Si  rappel  est  releyé  par  un  avoué ,  il  est  valable  ,  sans 
qu'un  mandat  spécial  soit  nécessaire,  lors  même  que  Cet 
avoué  n'aurait  pas  occupé  dans  l'instance  correctionnelle 
pour  celui  au  nom  duquel  il  interjette  appel.  Sa  qualité  d'a- 
voué près  le  tribunal  qui  a  rendu  le  jugement  suppose,  jus- 
qu'à désaveu,  le  mandat  spécial  d'appeler  *.  Mais  cette  pré- 
somption n'a  point  été  étendue  par  la  loi  il  Varocat,  même  à 
celui  qui  a  défendu  l'appelant  ». 

Si  l'appel  est  relevé  par  tout  antre  mandataire  que  l'a- 
voué, il  faut  qu'il  soit  muni  d'un  pouvoir  spécial.  Un  pouvoir 
général  de  représenter  l'appelant  en  justice  ne  suflSt  pas  •  :  il 
faut  ou  que  ce  pouvoir  soit  donné  pour  représenter  spéciale- 
ment rappelant  dans  Taffaire,  ou  qu'il  délégèeJ*  ineodat 
d'appjBler  de  tous  jûgeittenta,  car  Je  pouvoir  général  de  faire 
des  actes  d'une  certaine  nature  ^  équivaut  au  pouvoir  spécial 
de  faire  un  de  ces  actts. 

Un  mandat  verbal  ne  suffit  pas,  puisqu'il  doit  être  annexé 
à  (a  requête  ^  ;  il  faut  qu'il  soit  écrit.  A  plus  forte  raison,  ne 
peut^on  |)as  présumer  ce  mandat,  et  reconnaître,  par  exem- 
ple, à  un  prévenu  le  droit  d'appeler  pour  son  coprévenu  ^. 
Mais,  dès  que  Tcxistence  du  pouvoir  est  constatée,  il  n'est 
piff  nécessaire,  à  peine  de  nullité,  qu*il  soit  annexé  à  l'acte 
d'appel  :  ee  n'est  là  qu'une  mesure  de  précaution  qui  n'a  rien 
de  substautieP. 
La  jurispradenée  a  cependant  introduit  quelque  te mpé- 

*  Cmi.  jajanT.  «.«i5,rapp.  M-Basire.  J,P„  t.  XI,p.  69  ;  18  mai  18  Jl,  rapp. 
M.  GaiUard.  BulL  d.  78;  17  août  1821,  rapp.  M.  Chanlereyne,  n.  ISl, 

«  Cae.  15  mai  1812,  rapp.  M.  Benfenuti.  J.  P.,  L  X,  p.  401  ;  bwAt  4829, 
rapp.  M,  MeyroQUCt  de  Sl-Marcs,  l.  XXU,  p.  1467. 

*  Casa*  12  segU  1812,  rapp.  M«  AumooL  J.  P..  t,  X,  p.  725. 
'  Gasi.  28  janT.  1813,  rapp.  M.  Basire.  J.  P.,  L  XI,  p.83t 

*  Cass,  19  iév*  1836,  rapp.  M.  Fréteaa.  Bull.  u.53. 

*  CaiB.  16  maM  1815,  rapp.  M.  Bas^schop.  h  P.,  U  XII,  p.  637, 

'Cask,  13  avril  1839,  rapp.  M.  Vioceiw  St-LaurenU  Dalioz,  v  Appel, 
n.25i. 


9(6  MS  TRIBUNAUX  GOMKGTifOIIIIELS. 

raoKcul  à  la  rigueur  de  dette  règle  :  il  a  été  admis  qu'i^io^i^ 
a  qjualiié  po^ui^  apf^dtr 'd'un'jti();<einent  rendu  contre  sa  feipipe  \ 
qu*un  père  ou  tuteur  a  le  même  droit  è  l'égard  de  se»  e^i(n^ 
oa.4ç,^  sçft  pupiltea  QMeBr»  • ,  qU'urre  hrière  même  peut  ^ . 
peljerc^jfjlfn^nt  au  roomde  Bea^nfltitsr  détenus  Vi  éi^.^L,. 
d*^sa^  49i^s  .queutes  parqueff?,  notamment  au  paTqu'ql;4i9, 

toutes  Ic8lc)i»q4i'il  est  afverli  soit  par  une  teltrc^  soit  '^ffi.fiS'^ 
mèniy  qu'w  prévami  illéUnft'tPù  nbsent'â  manifesté  léliV.^jmt^  . 
d'appeler..  •.      •     ..•       ■  i-'     .       ■   ■-    *     '      ^"     ^  ^,.,  jk;,.- 

^  R)atitère«fore9tière,  le  dfort  d'appeler  appartient, \îiîii|Lv 
termes  de  .rMi«  i83  é^  C.  for/,  aux  agents  de  radiaijoistr^* 
tion  :  le^  absents  foneflftiers^sont,  «suivant  Tart.  *lt  de  i*ord.  Ai  . 
1^'  août  i9'27»  les  •oniiierfatéurs,  itispecte\ifs^'  s()us-inspi)icj<^ 
teurs  et  gaEdM^Défau]iitlJe»simpli9S  gârdc^,  soit  i  pied  sf^t ., 
à  cheval^  n'ont {)a6>cel!le'qU9ilité  A.  ,.. 

En  matière  de  dkûBiies^'  t^appel  paît  être  relevé,  au  .99911 
du  directeur  géoséFti^'  për-^un  receveur  prrdcipal  ^  "^  par  ui) 
premier  tfPinmi^  àl»ffQoet|0'd'uti  bureau' ^^  par  udcohudi^. 
de  directioQ  OAt  par  tout  mitra*  agent  local  ^.'  ]\  .     -   - 

Ea  flii^tière  deeonlribiMion^îiidireètes/  rappélest  foicipé,.,. 
aux  tarmcs.de  fart  i9  dudéorel  dtf'l^'  ^ermlnaf  au  J^)|,:..., 
par  /p  .direcAeuf  ^a  ^éfiarteiiiewt,  Mi'^W  soti  non),  jMir'tti> ,... 
préposé  auquel  il  donne  pouvoir  à  cet  effet  '. 

.    , .    '  .>  •'»».':  '■•  '.  '*'  '        '  ."' 

ly.  Lès  formes  qui  viennent  d'^tra  «eiposêet  «diMttent  :' 
deux  exceptions*  -      ,,  'l 

La  première  est  prévue  par  iWt.  206^ïqvî<dispoie»q«e  à  l« 
procureur  général  près  la  Cour  ioipfàxialâ  devra  notifier  son*^' 
recours  soit  au  prévenu,  soit  ^  la  personoe  .civilement tes- 
ponsaMé  du  délit.  »  .         .  ;...•»•>• 

Ld' notification  remplace  ici  la  déclaraiÎQn  :»le  praMRreiVr-' 
généi4il.ne pouvant  faire  sa déclaratioa  ^p^^gir^edùtcibunil  ' 
qui  a  rendu  le  jugement,  déclare  son  «ppi^l  iUfW  un  eoiploir^** 

*  CaBft  «a  THil.  aa  n,  vapf .  VL  Dntocq.  7.  P. ,  f.  il,  p.  h^>  .       . . . , , 

*  Ca^s  2  iuf n  i  831»  rppe.  M.  Bancbop.  S.  Pm  U  XYI,  t».^ii$; 
•lieu,  31  jany.  1820.  J.P.,  I.  XY^  p. 743.        '    >  ♦     •"'•]  "" 
*M.BerryatSt-Prîx,  n.i085.                      .^,,   «.   ^         .    .Ji%  •:  •     '    • 

*  C^m,  H  juiii«83f,  vëpp. «.  4e  Rltard.  J,Pl\%  XJtlI,  p.  ilSl  f Jt  9^U  ,, 
1830,  rapp.  M.  àp,  lUfeanl,  t.XXUl,  p.  79fc  ' 

*  Cass.  25  juill.  ISOé,  rapp.  M.  Audicr-Massillon.  J.  P.,  LiV»  p.4SS« 

^  Cats.  d  juin  1811,  rapp.  M.  Rataad.  J.  P  ,  U  IX»p.  S72.  .,.  >  ^  , 

*  CasSiriA  :aoafil«3S»  Tapp.  M.  ilhaMerfyVie.' J.  I».,  U  XXV»  p.  SOI. 

*  Cas».  20  men.  aa  xi,  rapp.  M.  SeigneUe.  J.  P.,  .t  lll^p.  a&7.  '  -.t  > 


n  L*A»»EL  M8  IVGUIBNTS  GORIlBCTlOIlNeU»  §  578.  9/7 

Pi  râmfne.cet  exploit  n'ert  p«s  <^o<i0Îgné  dans  on  r^'stre  pu- 
blic,'»-!! wt  fëno  de  le  notifier. 

Vwfl.  205  ne  détermine,  non  plus  i|0€  l'art.  204.  pour 
la^fiMlion,  aucune  forme  particiiliàre  pour  la  nottfieatîon 
de^l*h|l|^èr  du  procureur  général.  De  \k,  la  jvriaprudence  a 
eoMèlti  "û  qu^  t  appel  est  régulier  et  saisit  valaMement  le  tri- 
bimit  îàu  la  Cour  qui  doit  en  conimHre,  par  oela  seul  qu*îl 
pstéU^ti  que  rintimé  en  ^  été  instruit  par  le  fait  du  ntinîs- 
tèrt'''piiWitf,  dans  le  délai  que  détermine  cet  article,  et 
qu*ainsi  il  a  été  mis  à  même  de  produire  el  faire  taloir  ses 
oio^s.  de  défense  \  n  Mais  qu'e«t-Cf  que  veulent  dire  ces 
motlV'qtrlIsuffil  €  qu'il  soit  établi  que  Tintiméa  été  instruit 
<|e  f^ppe[i?  i>^  Si  la  loi  ne  règl^  pas  la  forme  de  la  notifica- 
tioff,'éfie  teut.  cffpendant  qu'il  y  ail  une  notification  ;  or,  la 
DodRâitidb^y  quetlequc  large  que  soit  l'acoêption  dans  laquelle' 
00  prend  ce  mot,  ne  p^ut  s'entendre  que  d^un  acte  juridique 
qui'Biftte^giilièrèment  connaître  à  l'intimé  le  fait  de  Tappel. 
L'art.  â05,  après  a?oir  dit  que  le  procureur  générai  de- 
vra'itfM/lèr  son  recours,  ajoute  que  le  délai  de  l'appel  sera 
f,'^^'.^^  le  jugement  lui  a  été  légalement  notifié  par 
rQDe'désf  partiesl/p  Or,  ou  ne  peut  admettre  que  le  même 
not-Hl^të  deui  {aiin  d»os  le  aoème  article,  j  prenne  deux 
«enrfUWSfiièots. 

Ainsi,  lassignation  donnée  au  prévenu  de  comparaître  de- 
^^>>lt!(ilj«Se! d'appel  pourétre  entendu  dans  ses  nio;ehsde 
défense,  peut  équivaloir  à  la  notification  de  l'appel^  quand 
die  (lit  eeoffiallr»  le  racc^irs,  et  qu'elle  laisse  le  temps  né- 
cf^ins  pour.pràpairer  la  défense  *.  Mais  si  l'assignation  ne 
fait  avavne  mentrôi  dti  t^appel,  peut-on  y  voir  encore  une 
notification?  Un  arrêt  rejette  un  pouvoir  fondé  sur  le  défaut 
de  n^Mndîoq  ^i«  attendu  que  devant  la  Cour  de  Poitiers, 
Debohifn'aipasiAettitetiâélë  renvoi  de  Taffaireà  une  auUe  au- 
dience pbpir»  rdpOMlfe  à  9'appel  du  ministère  public  qui  ne 
lui  avait  pas  été  ^ptifi<V,  et  qui  n'était  pas  mentionné  dans 
Tassignation  à  lui  donnée  ;.  qu'en  acceptant  le  débat,  il  a  re- 
noncé il  se  prévaloir  de  cette  irrégularité  s.  »  ïlst-ce  donc  une 
simple  irrégularité  que  l'omission  de  la  mention  de  l'appel 
Tis-à-vfiTàu  prëvchu?  LWignation  donnée,  dam  le  cas  de 

* «< GiMA,  15  mal  18:3, ripp.  M.  Aoami.  J.  P.»  U  X»  ^  ttOi  fO  ftv« 
«SlS,iip|i.  1<.  dihbo1,y  Xt  I».  137. 
'C«i,SSiiof.  i^Â*  rapp.  M.  Aaf.Morfau»  Bull,  n,  319. 


88  DES  TaiBUNACX  G0nilRCT10!fMEL8. 

l'art.  203>  sans  qu'une  déclaration  d'appel  ait  été  faite  au 
greffe,  aurait-elle  donc  quebue  effet?  Et  qu^est-ce  donc 
que  la  notification  exigée  par  l'art.  305,  sinon  une  déclara- 
tion d'appel  signifiée  au  prévenu?  Que  si  la  loi  n'en  a  pas  rè*- 
glé  la  forme  ,  s'ensuit-il  qu'elle  puisse  être  supprimée?  Car, 
n'est-ce  pas  la  supprimer  que  de  la  remplacer  par  une  simple 
assignation  qui  n'indique  pas  même  Tappel,  c'est-à-dire,  la 
cause  de  l'aiournement  qu  elle  donne  7 

L'appel  fait  à  l'audience  de  la  Cour  impériale,  déjà  saisie 
par  Pappel  de  Tune  des  parties,  en  présence  de  ces  parties, 
doit- il  être  réputé  notifié  dans  le  sens  de  Tart.  305?  On  peat 
objecter  que  cette  communication  verbale  n'est  pas  une  noti- 
fication juridique;  que  la  loi,  en  prescrivant  que  Tappel  fui 
notifié»  a  entendu  qu'il  en  fût  donné  connaissance  par,  acte 
signifié  par  huissier  à  personne  ou  domicile  ;  que  cette  signi- 
fication préalable,  qui  met  le  prévenu  en  mesure  de  préparer 
sa  défense,  ne  peut  être  remplacée  par  un  appel  fait  à  la  barre 
qui  surprend  le  prévenu  sans  aucune  préparation,  puisqu^îl 
ne  se  présente  à  l'audience  que  pour  se  faire  décharger  des 
condamnations  qu'il  a  encourues^  et  qu'il  se  trouve  tout  i 
coup  appelé  à  se  défendre  contre  des  conclusions  tendant  à 
des  peines  plus  rigoureuses;  que  s'il  peut  demander  un  délai, 
ce  délai  peut  lui  être  refusé,  puisque  la  Cour  a  un  pouvoir 
discrétionnaire  à  cet  égard  et  qu'ainsi  le  droit  de  la  défense, 
maintenu  par  la  loi,  se  trouve  à  peu  près  étouffé  par  cette 
pratique.  Mais  ces  objections  n'ont  point  arrêté  la  jurispru- 
dence qui  a  reconnu,  comme  une  règle  constante,  le  droit 
du  procureur  général  d'appeler  incidemment,  à  Taudience 
même  de  la  Cour,  pourvu  qu'il  (ùt  dans  le  délai,  du  juge- 
ment déjà  frappé  de  l'appel  du  prévenu  :  f  attendu  que  cette 
notification  faite  par  lui  au  prévenu  à  Taudience,  et  consta* 
tée  par  le  jugement,  remplit  complètement  le  vœu  de  Parti* 
cle  205,  qui  ne  prescrit  aucun  mode  de  notification  à  peine 
de  nullité.  *»La  Cour  de  cassation  a  même  ajouté  :  «  qu'il  en 
doit  être  ainsi,  soit  qu'il  s'agisse  d'^un  appel  incident  à  Tap* 
pel  {principal  de  la  partie,  soit  que  le  ministère  public  près 
le  tribunal  supérieur  étende  à  d^autres  chefs  V^PP^I  inter- 

«  GftM.  sa  fér.  1812,  rapp.  M;  OndarU  J.  P.,  t.  X,  p.  18$;  il  juin 
iSiZf  rapp.  M.  OadarU  Bull.  n«137;  14  jaill.  1815,  rapp.  M.  Lecoutour. 
J,  P.y  U  XJil,  p.  6  ;  21  avril  1820,  r^p.  M.  Âumont  BuU.  d.  54; 
6  juin  1822,  rapp.  M.  LouvoU  Bull.  u.  85  ;  2  &v.  1827,  rapp.  M. 
Cardonnel.  Bull,  n.  21  ;  7  d^  1888 1  rapp.  M*  Iwnbert.  BalK  n»  ia8« 


DI  lVpPBL  »ES  JUOtWSNTS  aOIRECnONNfiLS.   §  573.  59 

jeté  par  le  mÎDistère  public  de  pr^Mnière  instance  ;  que,  dans 
runcoœoiedaDS  l'autre  cas*  ce  qui  seul  importe,  c'est  que  la 
faculté  impartie  par  l'art.  205  soit  subordonnée  dans  son 
exercice  à  robscrvation  du  délai  qu*il  détermine,  sauf  au 
tribuDal  d'appel  i  accorder,  s*il  y  a  lieu  9  au  prévenu  le 
temps  nécessaire  pour  proposer  utilem(3ntsa  défense'. 

Toutefois  une  double  observation  doit  prendre  place  ici. 
En  premier  lieu,  l'appel  interjeté  à  Taudience  ne  peut  valoir 
notification  que  si  le  prévenu  est  présent  ;  c'est  ce  qui  a  été 
nettement  reconnu  par  un  arrêt  qui  porte  «  que  les  disposi- 
tions de  Tarticle  205  sont  générales  et  absolues  ;  qu'elles  oxi-< 
gent  la  notification  au  prévenu  de  Tappel  formé  par  le  minis- 
tère public  près  le  tribunal  qui  doit  connaître  de  Tappel  ;  que 
si  cette  formalité  est  sans  objet  pour  les  appels  déclarés  i 
raudience^  quand  le  prévenu  est  présent,  elle  devient  indis* 
pensable  lorsque  le  prévenu  faisant  défaut  n'a  pu  avoir  connais- 
sance ni  de  Tappel  ni  dos  réquisitions  prises  contre  lui  ^.  » 
£n  second  lieu,  il  ne  faut  pas  confondre  avec  un  acte  d'appel, 
qui  eiige  iine  déclaration  formelle  et  expresse  ,  de  simples 
loncinsions  prises  à  Taudience  par  le  ministère  public  contre 
le  prévenu  :  ces  conclusions  tombent  d'elles-mêmes  si  elles 
n'ont  pas  élé  précédées  d'une  déclaration  d'appel  qui  peut 
seule  donner  le  droit  de  les  prendre.  Ainsi,  dans  une  espèce 
où  le  procureur  général  avait  requis  que  la  Cour  se  dédaràt 
incompétente,  il  a  été  décidé  a  que  cette  réquisition  ne  pou- 
vait se  soutenir  et  être  accueillie,  s'il  y  avait  lieu,  qu'autant 
qu'il  j  aurait  eu  un  appel  du  ministère  public,  et  qu'il  n'v  en 
a  point  eu,  quoique  les  détais  ne  fussent  pas  expirés  ;  que  oans 
aucun  cas  un  moyen  d'appel  ne  supplée  un  appel  qui  n'existe 
pas  et  dont  le  condamné,appelant  dans  son  intérêt  particulier, 
u  a  point  eu  à  se  défendre  ^.  » 

Quelle  doit  être  La  forme  de  l'appel  lorsqu'U  est  interjeté 
sprés  les  dix  jours  par  le  procureur  impérial  au  nom  du  pro- 
cureur général  ?  Il  faut  d'abord  qu'il  justifie  de  Tordre  du 
magistrat  supérieur  ;  car  l'indivisibilité  des  fonctions  du  mi- 
nistère public  ae  fait  pas  que  chacun  de  ses  membres  puisse 
remplir  les  fonctions  spécialement  déléguées  au  chef  de  ce 
niimstàre.  Qua^d  le  procureur  impérial  interjetteappel  après 

I  Cas,  15  ect  18A>.  rapp;  M.  Rocher.  Bull.  n.  281. 
1  rgsfl.  32  août  1846,  rapp.  M.  de  CrouseiUies.  Bull    n.  220. 
>Cai8.22iajn.  iaso^rapi).  M.  Brière.  J»  P^  U  XXIiit^7AOil9  aofttiSSl, 
np^  M*  ^''^  ^  XXIVp.  1(8. 


M     '  BES  TmBVNAUI  oomictioumbls, 

Irt  10  jonrs  îr exerce  un  droit  personnel  du  pijoeufeQr  gfiMié- 
rél,  il  doit  donc  agir  en  vertu  dUin  ordre  spécîeK  Aufmtiëiit 
il  soffrfâit  de  mettre  dans  Pacte  d*appel  1q  formuie  banale 
qu'il  Bç^h  au  nom  du  procureur  g<^nérai  pour  étendre  eii  rén- 
lihèà  imitnitv^  te  délnîqui  a  été  Oxè  à  10  jours»  Cehfiosé, 
c»  fhagistrà!  doît-ll  «suivre  la  forme  de  I9  déclaration  indiquée 
parKerf;  ses  ou  celle  de  la  notification  indiquée  par  l'^rï. 
206?  C'est  évidemment  cetfe  dernière,  car,  après  rexpir^liqn 
d^j^élai  d^iNx  joursfité  par  Tart.  203;le  prévenu  ne s^ppail 
étproileBu'd^alI^r  vét'ifier  au  grelff^  Vèxistpricc  de  î\n|)j>el  du 
pwcwwofgéiilérftl,  puisque  ce  n'est  plus  fi  ce  greffe  qtie  pet 
apl^el. doit  être  fet-mé  ;  il  nfe  peut  donc  en  avoir  connaissance, 
comme  Vûpfeèttk  VstrU  205,  que  par  la  voie  de  la  notifica- 
tion, C  Val  dui^ri  ilans  ce  ^ens  que  cette  question  parait  avoir 
été  résolue  par  Ja  Jurisprudence.  Cn  premier  arrêt  iéfUare 
val«Ue  un  <rppël  in'tëf  jeté  par  le  substitut  d'un  procureur  du 
roi,  au  nom  du  pro^ùr^r  général,  parce  que  «  dans  1e  délai 
de  j&  moiS;,  le  procurer  du  roi  di»  siège  iupérlcuf  avait  noti- 
fiée Taudis  née  db  ce  Crilïunal  au  pf é»reîwi  présent  l"appelcjuM 
interjetaii  du  môme  jogevuetlt '.  k»  Un  second  arrêt ,  dan*; 
une  espèce  où  la  déclaration  avait  éfè  faite  au  greffe  par  le 
procureur  impérial,  au  nom  du  procureur  général  après  les 
dix  jours  expirés,  a  décidé  ?  «  que  le  procureur  impérial  près 
le  tribunal  supérieur  a  donné  au  prévenu  assignation  à  com- 
paraître fiard^aut  ce  tribunal  pour  voir  statuer  sur  f  appc  1 
interjelé  par  le  procureur  général  ;  que  sî  la  notification  à 
Tintimé  de  Tappel  du  procureur  général  est  exigée,  sous 
peine  de  déchéance  ,  par  l'art.  305  ,  cette  notification  nVst 
soumise  toutefois  à  aucune  forme  particulière  et  spéciale  et 
qu'elle  résulte  suffisamment  de  tout  acte  interpellant  dirce^ 
tement  la  partie  intéressée,  et  d'où  résulte  nécessairement 
pour  celle-ci  la  connaissance  de  Tappel  interjeté;  que  dans 
l'espèce,  l'assignation  atteint  ce  but  et  accomplit  toutes  ces 
eonditions*.  » 

Si  rappel  du  procureur  général  se  trouve  entaché  de  nul- 
.  lité,  aoità  raison  de  quelque  omission  de  l'exploit»  soit  à  rai- 
son de  ce  que  l'huissier  n'avait  pas  le  pouvoir  d* instrumenter 
dans  le  lieu,  il  peut,  s'il  est  encore  daiis  le  délai,  en  formuler 
un  second ,  soit  par  une  autre  notification  par  exploit ,  soit 

«  Cais.  7  dée.  1838»  rapp.  M.  Isambert.  J.  Pr,  U  XXY»  p.  18A0» 
*  Gass.  18  fév.  1854*  rapp,  M.  AyGes.  BulK  n.  iA. 


DE  l'apWI  des  JUÛBiriIITS  CORfcECTIOSrfEU.   §  {$74.  61 

par  une  déclaration  à  la  barre  en   présence  du  prévenu'. 

V.  La  deuxième  exception,  relative  è  la  matière  des  cod- 
lutotipiis  indîroctps,  est  prévu  par  l'art.  32  du  décretJdi^  l^' 
geimtoalan  xiii  qui  veut  que  Tappel  soll  interjeté  par  wnQïe 
w*fié  et  contenant  assignation  à  trois  jours.  r 

la  forme  àt  h  notiJicalion  né  peut  ôtce  suppléée  par  ùèe^' 
dédaiialbh  feite  au  greffe  *  :  mais  Ja  nullité  de  cette. dArta-  ■ 
r»hoD  ti^est  pas  un  obstacle  à  ce  que  la  régie,,  si  elle  ef)t  dans 
le  4el3i,  pniâse  appeler  de  nouveau  \  .  , 

Il  a  êié  reconnu  que  Kacle  d'oppeU «il a  é^é ttotifié  dans 
ledélâ^prcscrit,  nVsl  pas  lïulsûil  parce  qu'il  Q^ophtiettdriil 
pasassî^Kidon  *,  soit  parce  que  rexplgît  ne  iieaierfnePMt  pad 
t(»ul(?stés  énoriciations  exigées  par  l'art.  61  C;  de  pr.  civ.-^, 
soil parée  qoer<jssignalion  serait  donnée  a  plusdiatroisjoursS 
soit  même  parce  qu^elle  serait  donijée  à  moins  di^tr^ts  jours 
^ieedélai  est  écoulé  à  l'audience  où  le  prévenu  eoniparait  % 
soîl  enfin  parce  que  la  notification  aurait  été  fqita  a  un  dorni* 
cile  éhr  au  lieu  de  Tètre  au  domicile  réel  3. .  . 

Au  surplus,  la  Torme  cxc^ptioAnetloélablie  par  le  décret 
du  1  germipal  anjf^jLii  n'est  pkis  applioabte  quand  il  s'agit  de 
conlr^vei^UûRS  à  j^  garantie  des  nwUièf  as  d'or  et  d'argèn^y  ou 
dccontrav^ption^  en'miitière4'ûctroi  *^.  ,      ^ 

1  Ûfels  derappeU—ll.  Da  suraia.— lU.  Jugemeots  de  coadaainàtioD 
ou  a^âù»}uîttement.  —  IV.  Jugemenls  sta^iuat^ur  des  incideiits  oa 
<ln  èïecptioiis.  —  V.  Conséquences  du  sursis.-^ VI.  £Kceptioj)«^  ,, 

I.  Le  premier  effet  de  l'appel  eét  de  suspendra  rexécution 
<l«  jugements. 

L^aortttleSOS^  après  avoir  fixé  le  délai  de  rappel,  ajoutai 

'  CatA.  2d  tè^,  et  15  mai  i8i2,  cités  suprà. 

•CMs.'ïf  jtfhilfelO,  rapp.  H.  Chaslc.  J.  P.,  t  VIII,  p,  419.    . 

'  Cass.  limars  1808,  rapp.  M.  Basschop.  J.  P.,  t.  VI,  p.  556. 

*  Cass,  ifi  9y;n|  1  ai$),  i;app..  M.  CbasW,  J.  P.,  t,  XV,  p.  m. 

'  Oisis.  Ittàov.  UiO,  rapp.  M.  Busscbop.  J.  P.«  U  Vill,  p.  (955. 
*eiHt  l54dBL  «S68,  raj^p.  M.  Basschop.  J.  R,  t.  Vn,  p.  261. 
'  Cas«,  aaTribiaiai  rapp;  M.  Clnsle.  I.  P.,  U  Xl«  I,  p.  979.  ^ 

'  Çaïf .  3>3  mars  1809,.  nipp.  ftf.  Vergés»  J.  P.»  t.  VU,  p.  44i9. 

•  Câfs.  9^ juiû  1*81  Ô,  rapp.  M.  Busscliop.  J,  P.,  t.  Vi  p,  64.  r    , . 
"  C»<.  27  -««ti*.  1  «^M,  Ripyi.M.  OnWîer  J.  P.,  f.  XXIÎ,  p.  30D. 


02  DES  TRIBUNADX  CORRECTIONNELS. 

«  pendaut  ce  délai  et  pendant  Tinstancc  d^appel,  il  sera  sursii 
à  l'exécution  du  jugement.  » 

Il  faut  remarquer^  d'abord,  que  cet  article  ne  dit  point, 
comme  Tartiole  457  G.  depr.  civ.,  «  l'appel  des  jugements 
sera  suspensif.  »  En  effet,  ce  n'est  pas  seulement  l'appel, 
comme  en  matière  civile  y  qui  est  suspensif,  c'est  liC  délai  :  le 
sursis  commence  au  moment  môme  du  prononcé  du  jugement  ; 
qu'il  y  ait  ou  qu^il  n'y  ait  pas  appel,  le  jugement  ne  peut  éite 
exécuté  pendant  toute  la  durée  de  ce  délai  ;  il  suffit  que  l'ap- 
pel soit  possible  pour  que  tout  acte  de  cette  exécution  soit 
interdit.  L'appel,  lorsqu'il  intervient,  ne  foit  que  contiBoer 
ce  sursis  qui  se  prolonge  alors  pendant  toute  l'kistaoce 
d'appoK  La  raison  de  cette  différence  est  que  le  préjudicoque 
peut  occasionnrr  une  exécution  prématurée  en  matière  civile 
est  Toujours  réparable,  parce  qu*il  est  toujours  pécuniaire, 
tandis  qu'en  matière  pénale»  il  peut  être  irréparable,  lorsque! 
s'agit,  par  exemple,  d'une  condamnation  à  l'emprisonnement. 

II.  Le  sursis  frappe  toutns  les  parties  du  jugement,  tant 
celles  qui  concerneuli'action  civile,  que  cellesqui  concernent 
Taction  publique,  Il  y  a  cependant  entre  ces  dispositions  une 
différence  quant  à  sa  durée. 

Le  sursis,  quant  à  Pexécution  des  dispositions  civiles,  ne 
peut  se  prolonger,  s'il  n'y  a  pas  appel,  au-delà  des  dix  jours 
énoncés  dans  l'art.  203.  Ce  délai  expiré,  il  est  clair  que  le 
jugement  a  acquis,  en  ce  qui  touche  ces  dispositions,  force  de 
chose  jugée. 

Il  n'en  est  point  ainsi  en  ce  qui  concerne  l'exécution  des 
dispositions  pénales  :  le  délai  de  dix  jours  >  pendant  lesquuls 
Tart.  203  ordonne  le  sursis,  doit  nécessairement  se  prolonger 
pendant  tout  le  temps  donné  au  pourvoi  du  procureur  géné- 
ral. En  effet,  tant  qu'un  délai  ouvert  pour  rappel  court  en- 
core, tant  que  Tappel  est  possible,  comment  procéder  à  Texé- 
cution  d'un  jugement  qui  n'a  qu'une  force  provisoire? 
comment  commencer  l'application  d'une  peine  qui  peut  ôtre 
modifiée  ou  même  effacée  par  le  juge^d'appel  ?  Il  importe  peu 
que  le  jugement  ne  puisse  plus  être  attaqué  ni  par  la  partie 
civile,  ni  par  le  prévenu,  ni  même  par  le  procureur  impérial, 
il  suffit  qu  il  n'ait  pas  acquis  force  de  chose  jugée,  pour  qu'il 
ne  soit  pas  exécutoire.  A  la  vérité,  l'article  203  n  ordonne  le 
suriiis  que  pendant  le  délai  de  dix  jours;  mais  ce  n'c^tlâ 
que  l'application  d'une  régie  générale,  que  Tart.  373  ex- 
prime en  termes  plus  explicites^  et  qui  ne  permet  en  aucun  cas 


BK  L*AP1»EL  D«8  lUGmniTS  COMCCTKHflOU.   §  574.  63 

en  onâère  pénale  l^exéculioo  d'un  jugement  contre  lequel 
QD  recours  est  possible.  La  preore  d'ailleurs  que  l'art.  SOS 
B*B  ntillenient  entendu  exclure  le  délai  de  Tart.  M5  se  trouve 
dans  le  texte  de  Tancien  art.  806^  que  la  loi  do  28  avril  1889 
a  modifié.  Cet  article  portait  que  «  la  mise  en  liberM  du  pré*  ^ 
tenii  acquitté  ne  pourra  être  suspendue  lorBqu'aucun  appel 
D*aara  (âé  déclaré  ou  notiflé  ddnsfesdto/oicfsde  la  notifica- 
tion du  jugement.  c<  Donc,  hors  les  cas  d'acquittement  Teié^ 
cation  du  jugement  devait  être  suspendu  même  après  les  dix 
jours;  donc  la  règle  du  sursis  enveloppait  non  seulement  le 
délai  deVart.  203,  mais  encore  celui  de  Tart.  fi05.  C'est  ali 
surplus  dans  ce  sens  que  la  jurisprudence  est  fixée  \ 

Il  faut  faire  cependant  une  distinction  entre  les  juge^ 
mênt^  portant  condamnation  et  les  jugements  portant  ac<- 
qaitteiDent. 

Dans  le  premier  cas ,  il  y  a  lieu  de  surseoir  pendant  tout  le 
délai  soit  en  ce  qui  concerne  les  condamnations  pécuniaires, 
soit  en  ce  qui  concerne  les  condamnations  corporelles  :  la  loi 
nefeîlà  cet  égard  aucune  distinclion.  Mais,  relativement  à  la 
peine  corporelle,  deux  hypothèses  se  présentent:  ou  le  pré- 
venu est  en  état  de  liberté,  soit  qu'aucun  mandat  n'ait  été 
décerbé,  soit  qu'il  ait  obtenu  sa  mise  en  liberté  provisoire,  ou 
il  se  trouve  en  état  de  détention  préalable.  Dans  la  première 
lypolhêse,  le  sursis  est  tellement  nécessaire  que  Texéculion 
prématurée  n'aurait  aucun  effctlégal,  au  moinsau  cas  d'appel 
ultérieur,  et  il  a  été  décidé  en  conséquence  :  «  que  si  le  pro- 
cureur du  roi,  usant  irrégulièrement  de  ses  pouvoirs,  veut 
faifaexécutcr  [»réinalurément  une  condamnation  prononcée  en 
premier  ressort,  le  condamné  a  les  voies  de  droit  pour  s'y 
opposer;  que  si  le  condamné  provoque  lui-même  celte  exé- 
cutioo,  et  si  le  procureur  du  roi ,  par  connivence  ou  autre- 
ment, y  conserrt,  de  ce  fait  \olontairedu  condamné  il  ne  petit 
résulter  aucun  préjudice  au  droit  d'appel  du  ministère  public 
près  le  tribunal  ou  ta  Cour  d'appel,  ni  à  la  juridiction  de  ce 
tribunal  ou  de  cette  cour  \  »  Dans  la  seconde  hypothèse 
il  n'y  a  point  de  sursis,  au  moins  quand  le  prévenu  n'a  pas  lui- 
uièmé  appelé,  car  Part  24  du  C,  pén. ,  dans  une  pensée  d'bu- 
Dwnilé,  et  précisément  pour  que  le  prévenu  en  état  de  déten- 
tion ne  souffrit  pas  du  délai  laissé  à  Tappel  du  procureur 

•  Cm.  i5  déc  18i4,  rapp,  M.OudarU  J.  P.,  t.  XII,  p.  491  ;  17 juin  1819, 
rapp,  li.AaiDûoU  t.  XV,  p.  888* 
^Cua^  10  dée.l8i49 dté Mpr4 


64 


»BS  TltWUNAUlL  CORftKCTlOfCIfELft. 


général',  a  décidé  que  «  à  Tégard  df^fi  condamoations à Vt 
prisonnemont  prononcées  contrcdesindividos  en  état  dedéten- 
tion  préalable  Ja  durée  de  la  peine,  si  le  oondMmé  m  s^oat 
pas  pourvu ,  comptera  du  jour  du  jugement  ou  de  TanCft^ 
^nonobstant  Tappel  ou  le  pourvoi  du  ministère  public,  et  quel- 
que  soit  le  résultat  de  cet  appel  ou  de  ce  pourvoi .  » 

Dans  le  deuxième  cas,  c'est-à-dire  au  cas  d'acquitte- 
ment, les  effets  du  sursis  se  modifient  également.  Lorsque  le 
prévenu  acquitté  so  trouve  en  état  de  liberté,  il  n'^  a  point 
de  question  de  sursis,  puisqu'il  n^y  a  point  d'exécution  possi- 
ble. Mais  lorsqu'il  est  en  état  de  détention  préalable,  Taut-il 
qu'il  attende  pour  être  élargi,  après  le  jugement  d'acquitté- 
ment,  Texpiration  de  tous  les  délais  de  l'appel?  Il  était  im- 
possible que  le  législateur  voulût  pousser  le  principe  du  sur- 
sis jusqu'à  cette  extrême  conséquence,  et  Tari.  206  du  Code 
de  1810,  faisant  une  exception  pour  ce  cas,  avait  déclaré 
<  que  la  mise  en  liberté  du  prévenu  acquitté  ne  pourra  être 
suspendue  lorsqu'aucun  appel  n'aura  été  déc'aré  ou  notifié 
dans  les  dix  jours  de  la  prononciation  du  jugement.  »  Ce  dé- 
lai de  dir  jours,  déjà  contesté  par  M.  Berlier  dans  les  délibé- 
rations qui  préparèrent  le  Code',  était  bors  de  proportion 
avec  son  objet  :  la  loi  du  28  avril  1832  Ta  ramené  à  une 
plus  étroite  limite.  La  commission  de  la  chambre  des  dépu- 
tés, lors  de  la  discussion  do  cette  loi,  avait  proposé  de  rem- 
placer l'art.  206  par  le  texte  suivant  :  «  le  prévenu  qui  aura 
été  acquitté  sera  mis  en  liberté  immédiatement  après  la  pro- 
nonciation du  jugement,  t  On  alléguait  à  l'appui  de  cette 
disposition  quMi  y  a  présomption  d'innocence  pour  le  prévenu 
lorsqu'il  est  acquitté  en  première  instance,  qu'il  est  injuste 
de  le  détenir  encore  par  la  seule  volonté  du  ministère  public 
et  que  sa  mise  en  liberté  immédiate  est  la  conséquence  du 
jugement.  La  chambre  des  pairs  n'adopta  pas  cet  amende- 
ment; elle  rétablit  l'art.  206,  en  substituant  seulement  le 
délai  de  trois  jours  à  celui  de  dix  jours.  Cette  disposition, 
qui  Torme  le  texte  actuel  de  l'art.  206,  se  fonde  sur  ce  qu*il 
serait  quelquefois  difficile  de  ressaisir»  pour  les  traduire  de- 
vant le  juge  d'appel,  des  individus  qui  auraient  été  mis  immé- 
diatement en  liberté  ;  que  le  droit  d'appel  du  ministère  pu- 
blic se  trouverait  donc  anéanti  par  ccttu  mise  eu  liberté  ; 

t  Théorie  du  Code  pénal,  t.  î,  p.  25 1,  8*  éd. 
•  ï^rré,  t.  XXV,  p,  307. 


M  L*AFPE1  htS  JOGlilBNTS  CORRKCTIONNEU.   §  Î574.  .,  G5 

^eir  tëàdikâfd  déùi  ces  cas  h  trois  joprs  le  sur$fSji^  coft< 
«Iléto^dlîdH/^dcractibnpubliq^^^^^  de  la  détfeose  ;  quo 

M  dihi  iddil'^tjrffire  ati  fîimîstère  public  poijr  réglçr  son  «or 
tièiW^iqô^fe'sidîét?  lésée  et  los  prévenus  twpwntwo.gft* 
nfllicfsBflEttkAië'dè  leurs  droîfe.  îl  çst  mutile  d'ajqiJitar  4119 
la  mise  eu  lîfcertSé  Ai  ptréveriu  acquitté  ne  prcjudicie  eu  au- 
arfÀi»'B*^#è  àd'^roijt,  soit  du  procureur  flénéml,  sait  r^èCM 
mpotnkdriiiipêtin\,  d'intérieter  appel  dans  les  délais  /Ooi 

tedrtohtértdMrlîs.'   '  ...       ! 

ilfLjIia.tèè^^^  hon-spulcïûçnt  aox  jtfn 

gB*ënts?|iôrtilrrt  feondamaalion  ou  acquittcmeat,  mki  -enr 
<^è*tèU^  |(^'Jtigemehls  définitifs  qui  statuent  sur.  des  in*^ 
cktenty'èù!  stir'dcs  exceptions.  Dès  qu  ils  îjou.t  susceptiUea 
dlitoel- Pàpùèl'  a, nécessairement  Yis7à-vis  dW  les  oiAmes 
e<lw  ^U'àf-eg^rd  des  autres.  Dans  une  espèce,  ou  Tappei 
avwljnappé'ûn^û^emcnt  intervenu  si^rdesCms  do  non-reçe* 
^,feeô<lrdetassation  a  déclaré  :  c  quelVt.  199  nulorUe 
Pap^l  dëija^enients  correctionnels  sans  distinguer  ceux,  qui 
sont  définitifs  k]xr''Sçï  exceptions  de  ceux  qui  sqnt  définitifs 
sur  le'fctidj^ijia^aui^  terbies  deiyrt.203>  Tappel  est  suspen- 
sif; ijtr'll'èàit  d^  ïâ  que  ^  demaQdeuc  s' étant  rendu  appelant 
do  jttgëMjptit' djLil  rejette  les  fins  de  non-rccevoir  qu'il  op^pose. 
arfrpôwVMiiles^dlHèiécà  contre  ïuî,le.tribunal  n -aurait  pas  dû 
refuser  rfè  sdViëôit  â  statuer  sur  le  fond  j.usq^!à  ce.  qu'il  ait 
éW'ffrdtfètaidè'suf  Tappel;  que  iVrét  attaque  aurait  duréfor- 
merite'^gemèÀf  cl  ne  point  consacrer^  enirc  Tappel  des  j.u-  • 
g^tihcbtk  sur  ¥e  fond  et  Tappel  des  jugements  sur  les  ex<?ep- 
tions;  dne  distînétion  que  ta  loi  n*a  point  faite  V.  »  Dans , une 
aulwîèlspécé,  îl'îi  été  reconnu  dans  des  termes  plus  généraux 
ed^è^  que  le  sursis  ^^applîque  à  tous  les  jugements  définitifs 
qai  sont  frappés  d'appel  :  «attenduqu'en  matière  correction* 
ueBé  rappel  est  sBspensîf  lorsqu'il  est  émis  contre  un  juge- 
niÀ)(  i]ùf  tiVst  pas.  de  simple  instruction  et  qui  engage  quel  - 
quèiiitië^él des  parties  ;  que  Pinlervenante,  endemandantau  tri'< 
bnnalcôi^réctionnel  deBrivesde surseoir  jusqu'2\ce qu'il  aitété 
stattré  sur  ïe  crime  d'empoisonnement  dont  elle  était  prévenue, 
ne  demandait  pas  un  délai  pour  Tinstruction  de  l'affaire  cor- 
recUonYieffô,  elle  demandait  qu'il  ne  ne  fût  pas  procédé  avant . 
ladéeisîott  à'  intervenir  au  criminel  ;  que  cette  demande,  qu'elle 
Tût  fondée  ou  non,  portait  donc  sur  un  point  définitif,,  et. que 

'  Cass.  12  inai-5liS29»  rapp.  M.  Man^în»  Bull.  n.  «î. 

■    viii,  .^» 


66  M(8''t1IIBCMAUX  COMICTIOMNELS. 

l'appel  du  jugement  qui  y  statuait  était  suspensif.  «Enfin, 
dans  une  poursuite  en  adultère  où  le  jugement  ayait  rejeté 
Texception  tirée  de  la  réconciliation  dés  époui,  ii  a  isncore 
été  jugé  «  que  l*appel  contre  un  jugement  de  cette  natare 
emportait  suspension  de  l*cxamen  du  fond  jusqu'à  ce  qu'il 
eût  été  statué  sur  cet  appel  par  la  juridiction  supérieiife  *.  » 

Y.  Il  résulte  des  règles  qui  précédent  :  1^  que  les  tribu- 
naux ne  pourraient  sans  excès  de  pouvoir  ordonner  Texé* 
cution  provisoire  de  leurs  jugements;  car,  sauf  Texcép-^ 
tiop  contenue  dans  Tart.  188,  ils  violeraient  directement  par 
là  la  disposition  qui  suspend  cette  exécution  ^  ;  2**  que  si,  non- 
obstant cette  disposition,  quelque  acte  d*exécution  a  été  or- 
donné ,  le  juge  d'appel  doit ,  en  infirmant  cette  partie  du 
jugement»  ordonner  que  les  choses  seront  remises  en  l'état  où 
elles  étaient  avant  Texécution,  ou  allouer  des  dommages- 
intérêts^  ;  3^  cnGn*,  que  si  le  jugement  avait  ordonné  quel- 
que mesure  propre  à  faire  disparaître  le  fait  incriminé,  par 
exemple  la  fermeture  d'un  établissement  illicite,  l'existence 
de  cet  établissement  pendant  la  durée  du  délai  d'appel  ne 
peut  constituer  un  nouveau  délit  et  motiver  une  poursuite 
nouvelle  s. 

YI.  Il  y  a  cependant  deux  exceptions  à  ces  règles.  La  pre- 
mière est  relative  aux  condamnations  à  des  peines  de  police 
que  le  tribunal  prononce  dans  les  cas  d'irrévérence .  injures 
ou  voies  de  faits  commises  à  son  audience  :  l'art.  12  du  G.  de 
pr.  civ.  et  l'art.  505  du  G.  d'inst  cr.  permettent  dans  ce  cas 
Texécution  immédiate 6.  La  seconde  est  relative  aux  juge- 
ments purement  préparatoires  qui  doivent  nécessairement  être 
exécutés,  puisqu'ils  ne  sont  susceptibles  d'appel  qu'en  même 
temps  que  le  jugement  qui  statue  au  fond^ 

*  Gass.  S3  oct.  1840,  rapp.  M.  de  Ricard,  Bull.  d.  313. 
'  Gass,  19  janv.  1854.  rapp.  M.  Foucher.Bull.  d.  12. 

*  Gass.  Si  tlierm,  an  xu,  rapp.  M,  Lacbèie.  J.  P»,  U  IV,  p.  148  ; 
10  avril  1806,  rapp.  M,  Delocoste,  t.  V,  p.  291  ;  2  juîll.  1807,  rapp,  M.  Car- 
not.t.  VI,  p.  1^8. 

*  Gass.  11  juin.  1850,  rapp.  M.  ViacensSt-Lfiiureiit  BuD.n.  2t8. 
^  Cass.  liomai  1844.  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  187. 

*  (:a:>s,  25  mars  1813,  rapp.  M.  AumbnL  J.  P.,  t.  XI,  p.  3a3. 

^  Gass.  22janv.  1825,  rapp.  M.  dcCardonnel.  J.  P.,tXrX,  p.  85;  11  Téf. 
184li  rapp.  M*  Romigaière^,  Bull,  n*  42;  15  mars  1845»  rap(<.  M.  Rotni- 
gatèreféBull.Di  iOS» 


01  l'aFPLL    bLS    JLGEML.NTS   COnBECTIONMBLS.   §   575.  67 

$  676. 

I.  De  qaels  f^its  le  juge  d*appel  est  saisi.  -*-  II.  il  n*e$t  saisi  que  des 
faits  qui  ont  été  soumis  aux  premiers  juges.  —  III.  Mais  il  peut  les 
qualifier  autrement.  —  IV.  Il  n^esi  saisi  que  de  raciion  portée  de- 
vant les  premiers  juges.—  V.  Mais  il  est  saisi  de  toutes  les  ciroOBB- 
taacesdeees&itt.  —  VI.  Il  est  saisi  de  toutes  les  escfptioBS  à  op- 
poser à  raclion  lors  mémequ*elles  n'auraient  pas  été  prc^oséesen 
l'*  iiistaiice. — VU.  Il  est  saisi  du  préjudice  souffert  depuis  le  juge- 
el  provenant  des  mêmes  faits. 


I.  Le  jage  d^appel  ne  peut  être  saisi  que  des  faits  qui  ont 
d^  ëtë  portés  devant  les  premiers  juges,  que  de  l'action 
qui  a  déjà  subi  Tépreuve  d'un  premier  jugement.  Il  n'est 
qu'an  deuiième  degré  de  juridiction  :  sa  compétence  ne  s^ou- 
Yre  qu'après  que  le  premier  degré  a  épuisé  la  sienne  ;  elle 
ne  peut  s* ouvrir  que  pour  les  actions  et  les  faits  qui  ont 
déjà  traversé  ce  premier  degré.  Elle  ne  consiste  que  dans  un 
second  examen,  dans  une  nouvelle  appréciation  de  la  pour*- 
suite  correctionnelle  déjà  une  première  fois  appréciée  :  elle 
ne  peut  s'étendre  à  aucun  fait,  à  ^aucjin  acte  nouveau. 
Telle  est  la  règle  générale  qui  a  déjà  été  indiquée  *  j  et  qu'il 
faut  maintenant  développer. 

II.  Une  première  proposition  est  que  le  juge  d'appel  ne 
peut  être  saisi  que  des  faits  qui  ont  été  soumis  au  juge  de 
preiBÎère  instance.  C'est  la  conséquence  de  la  règle  qui  veut 
que  toutes  les  poursuites  en  matière  correctionnelle  soient 
portées  devant  doux  degrés  de  juridiction  ;  il  faut  donc  que  le 
tribunal  de  première  instance  ait  été  saisi  pour  que  la  Cour 
puisse  Tètre  à  son  tour  ;  il  faut  que  le  premier  degré  ait 
épuisé  sa  juridiction  pour  que  le  second  puisse  appliquer 
la  sienne;  c'est  là  une  garantie  qui  tient  à  la  constitution 
mftffle  de  la  juridiction  et  qui  ne  peut,  dans  aucun  cas,  être 
enlevée  à  la  justice. 

Ainsi,  le  juge  d'appel  ne  peut  statuer  sur  un  fait  quji  bien 
que  compris  dans  un  procès-verbal  avec  un  autre  délit,  n'a 
point  été  déféré  par  la  citation  aux  premiers  juges  ;  car,  a  si 
les  tribunaux  sont  obligés  d'examiner  et  de  juger  les  faite 
qui  leur  sont  déférés  dans  tous  leurs  rapports  avec  les  lois 
pAuaks,  ils  ne  peuvent  d'office  stiUuer  sur  des  délits  qui  ne 
sont  point  la  matière  des  poursuites  et  prononcer  sur  des 
faits  distincts  et  d'un  ordre  différent  de  ceux  qui  leur  sont  sou* 
mis  par  la  citations  » 

'Voy. Suprà^  p.  S.  'Gass.  5  àéc.iDS8,rBpp.M.lfaiigio./,P.,t.XXlI,  p.AdS» 


M  DES  TBIBVNAUX  CORREâTIONNE^S. 

AiBsi,n  ne  peut  condamner  pour  infraclion  au  ban  do  surveil- 
lance le  prévenu  qui  n'aété  poursuivi  que  pour  vagabondage: 
«attendu  que  l'observation  des  règles  posées  par  les  art.  182 
et  379  C.  inst.  cr.  intéresse  la  liberté  de  la  défense  aussi  bion 
que  la  vindicte  publique  et  qu'il  n'y  a  d'exception  que  pour 
les  faits  qui  sont  virtuellement  compris  dans  la  qualification  dp 
fait  objet  primitif  de  l'action;  que,  dans  Tespèce,...  ce  fait 
rentre  d'autant  moins  dans  celui  qui  était  Tobjet  de  la  pré- 
vention que  les  individus  soumis  à  la  surveillance  peuvent 
avoir  une  profession,  un  domicile  et  des  moyens  de  subsis- 
tance, et  ne  sauraient  tomber  sous  Inapplication  des  art.  270 
et  271  du  €•  pén.  '.  )>  Un  second  arrêt,  rendu  dans  le  même 
«ens,  ajoute  :  «  que  d'après  l'art.  379  du  C.  d'înst.  cr.,  le 
ministère  public  doit  se  borner  à  faire  des  réserves;  que  le 
droit  de  la  défense  établi  par  l'art.  182  et  le  principe  de> 
deux  degrés  de  juridiction  s'opposent  à  ce  que  des  réquisi- 
tions tendant  à  l'application  des  lois  pénales  soient  admises 
pour  des  faits  autres  que  ceux  compris  dans  la  citation  ori- 
ginaire et  soient  introduits  sur  l'appel  *.  » 

Ainsi,  le  prévenu  d'enlèvement  de  titres  ne  peut  être  con- 
damné en  appel  pour  destruction  des  mêmes  titres  :  o  attendu 
que  c'est  seulement  à  raison  dufaiténoncé  dans  la  citation  que 
le  prévenu  est  averti  de  préparer  sa  défense  et  peut  par  consé- 

Suent  être  condamné  par  le  jugement  à  intervenir  ;  que  sans 
oute  le  tribunal  correctionnel  peut,  en  examinant  toutes  les 
circonstances  qui  accompagnent  le  fait,  le  qualifier  autrement 
u'il  ne  Ta  été  dans  la  citation  et  appliquer  un  autre  article 
le  la  loi  pénale  que  celui  qui  était  invoqué  ;  mais  qu'il  ne  lui 
est  point  permis  de  prendre  pour  base  de  la  condamnation 
qu'il  prononce  un  fait  qui ,  au  lieu  d'être  une  circonstance 
accessoire  deceluide  la  citation,  en  e>t  entièrement  distinct; 
que  le  juge  d'appel  n'a  pas  d'autres  pouvoirs  à  cet  égard  que 
le  premier  juge  et  qu'il  est  soumis  aux  mômes  obligations, 
sans  quoi  il  y  aurait  violation  de  la  règle  des  deux  degrés  de 
juridiclioQ  '.  > 

Ainsi  enfin,  le  juge  d'appel  ne  peut  statuer  sur  un  délit  de 
pêche  avec  engins  prohiba  quand  le  premier  juge  n'a  été 
saisi  que  d'un  délit  de  pèche  dans  une  rivière  navigable  *;  il 

>  Cass.  23juiD  1896,  r»pp.  M.  Isambert.  BuU.  n.  205. 

>  Casa.  S3  iiov.  1837,  rapp.  M,  Isambert.  d.  A08. 

■  Tass.  26  jain.1847.  rapp.  M.  Vinceus  St-Laun>nt.  Bull.n.  9. 
*  Cass.  29  avril  1830,  rapp.  M.  Brièrc.  J.  P  ,  U  XXIII,  p.  435. 


3, 


Dl    L^Amt  DES  JUGEMENTS   CORRECTIONNELS.   §    575,  69 

ne  peut  prononcer  la  démolition  d'une  ancienne  constraotion 
élcTée  sur  le  sol  foreslicr,  quand  le  premier  juge  n'a  été  saisi 
que  d'une  demande  en  démolition  d'une  construction  nou- 
velle adossée  à  celle-cî  *. 

Néanmoins  si  le  délit  se  compose  ou  d'une  habitude  ou  d'une 
succession  de  faits,  Icjuged'appcU  qui  en  est  sai:»!,  peutappré- 
cier  tous  les  faits  qui  en  sont  leséléments,  lors  même  que  le 
premier  juge  n'en  aurait  pas  relevé  quelques-uns,  pourvu 
qu'ils  se  trouvent  compris  dans  la  même  incrimination;  car  il 
est  saisi  de  l'ensemble  dcsfails  qui  constituent  le  délit.  Ainsi, 
en  matière  d'usure,  le  juge  d'appel  «ne  peut  se  dispenser  d'ap- 
précier, par  rapport  à  la  fixation  de  l'amende,  les  nouveaux 
faits  d'usure  résultant  des  dépositions  des  témoins  entendus 
en  instance  d'appel  •.  »  En  matière  de  presse  périodique,  il 
peut,  pour  savoir  si  le  journal  a  traité  des  matières  politiques, 
^ft  fonder  sur  des  articles  que  le  premier  juge  n'a  pas  appré-* 
•  lés*.  En  matière  d'adultère,  il  peut  encore  relever  des  faits 
d'adultère  que  le  premier  juge  n*a  point  examinés  *.  ^ 

III.  Cependant  il  importe  de  ne  pas  confondre  avep  les  faits 
nouvetux  les  nouvelles  qualifications  données  aux  mêmes 
faits.  Nous  avons  précédemment  établi  que  l'ordonnance  de 
la  chambre  du  conseil  (aujourd'hui  du  juge  d'instruction)  et 
l'arrêt  de  la  chambre  d'accusation,  à  plus  forte  raison  la  sim- 
ple citation  directe  ne  lient  point  la  juridiction  correction- 
nelle en  ce  qui  concerne  la  qualification  des  faits  ^.  La  même 
règle  s'applique  au  juge  d'appel  :  il  ne  peut  pas  être  plus  lié 
par  les  qualifications  données  aux  faits  par  le  juge  de  pre« 
miére  instance  que  celui-ci  ne  l'est  par  les  qualifications  de 
Tordonnance  ou  de  l'arrêt  de  renvoi  et  de  la  citation.  Il  exa- 
miae  les  bits  qui  lui  sont  déférés  et  pourvu  qu'il  se  renferme 
dans  ces  faits  et  qu'il  n'y  joigne  aucun  fait  nouveau,  il  a  le 
droit  de  les  apprécier  et  de  les  qualifier  autrement  que  ne 
l'avait  bit  le  premier  juge* 

Cette  règle  restrictive  a  été  consacrée  par  un  grand  nom- 
l)red*arrêts.  Il  aété  jugé  : — que  le  prévenu  qui  a  étécondam* 
^  en  V*  instance  pour  outrage  envers  des  agents  de  la  force 

*Caii.  S3  mars  iSiO,  rapp.  M.  Favard  de  Langlade.  J.  P.,  U  VIII, 
p.  20L 
'  Cai$.  26.f«?.  i825,  rapp.  M.  OllWier.  J.  P.,  t.  XIX,  p.  288. 
'Ca88.i7C^.  18^4,  rapp.  M.  Vincens  St-Lanrent.  BuU.  n.  50. 

*  Ctts.  2Aiiiai  1861,  rapp.  M.  Moreao.  Bail.  n.  192. 

•  Vfty,  notre  I.  VI,  p.  168  at  583. 


70  PESTRIBUNADX    CORRECTiONNELS. 

publique  dans  leurs  fonctions  peut  Tétre  en  appel  pour  ré- 
bellion *  ; — que  celui  qui  a  été  condamné  pour  dénonciation 
'calomnieuse  peut  Tétre  pour  diiïamation  *  ;  —  que  celui  qui 
a  été  poursuivi  pour  outrage  public  à  la  pudeur  peut  être 
condamné  pour  attentat  aux  mœurs'  ;  —  que  celui  qui  a  été 
poursuivi  pour  outrage  envers  la  religion  peut  être  condamné 
pour  avoir  tourné  la  religion  en  dérision  *  ;  —  que  celui  qui 
a  été  poursuivi  pour  débit  de  médicaments  au  poids  médici- 
nal peut  être  déclaré  coupable  de  vente  de  remèdes  secrets^  ; 
.^que  le  prévenu  d'escroquerie  peut  être  condamné  pour 
abus  de  confiance  ou  pour  vol  6;  — que  le  prévenu  d'abus 
de  confiance  peut  également  être  condamné  pouF»vol7. 

Le  juge  d'appel  peutr-il,  sous  le  prétexte  de  rectifier  la  qua- 
lification,  relever  une  circonstance  aggravante  que  le  juge- 
ment de  première  instance  ne  mentionne  pas?  L'affirmative 
a  été  jugée  par  un  arrêt  qui  porte  c  que  si  les  tribunaux  cor- 
rectionnels ne  peuvent  statuer  que  sur  les  faits  qui  leur  sont 
dénoncés,  soit  par  Tordonnance  de  la  chambre  du  conseil  9 
foit  par  «la  citation  donnée  au  prévenu ,  il  leur  appartient 
néanmoiiis  de  les  apprécier  dans  leur  rapport  avec  les  lois 
pénales  et  de  leur  attribuer  leur  caractère  légal  ;  que  Tarti— 
èle  311  du  C.  pén.  punit  les  coups  et  blessures  volontaires 
et  prononce  une  aggravation  de  peine  s'il  y  a  eu  prémédita- 
tion ou  guet-apens;  que  k  préméditation  ne  constitue  pas  un 
fait  distinct  et  indépendant  des  coups  et  blessures,  qu'elle  s'y 
rattache  intimement  et  devient^  lorsqu'elle  est  établie,  un  des 
éléments  du  délit;  que,  dans  l'espèce,  la  demanderesse  était 
prévenue  d'avoir  volontairement  porté  des  coups  et  fait  des 
blessures  ;  que  le  silence  de  l'ordonnance  de  la  chambre  du 
conseil,  de  la  citation  et  de  la  décision  des  premiers  juges  sur 
la  préméditation  qui  a  accompagné  ces  coups  et^blessures,  ti'a 
pu  faire  obstacle  à  ce  que  cette  circonstance  lût  relevée  par 
l'appel   du  procureur  général  ;  qu'en  appliquant  la  peine 
qu'elle  oomporte,  la  Cour  n'a  pas  changé  la  prévention  cri- 

«  Cuk  16  mil  1817.  rapp.  M,  Âamont  J.  P.,  t  XIV,  p.  280. 
t  Gass.  18 juillet  1838,  rapp.  M.  Mangin.  h  P.,  tXXII,  p.  98. 

*  Cm,  17  jaoT.  1829,  rapp.  M.  Mangio.  J.  P.,  t.  XXII,  p.  $89, 

*  CaSB.  15jaDT.  1880,  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  l.  XXIII,  p.  45. 

•  Cass.  ««juin  1885  rapp.  M.  Vincent  St-Laurenl.  Bull.  d.  258. 

•  Casa.  10  août  1855,  rapp.  M.  Poultier.  Bull.  11.  286. 

*Cass.  16  août  1855,  rapp.  M.Ayiies  Bull.  n.  292;  12  déc.  1856, 
rapp.  M.  Plougoalm.  Bull  a»  Z9h  ;  25  août  1854f  rapp.  M.  ^e  <*los,  §«!!• 
B«  2SI. 


»B  L*AFFBL   DBS  JDGIMENU  COMBCTIONNBU.   §  575.  71 

gioaire;  qu'elle  n'a  ajouté  aucun  fait  nouveau  aux  faits  qui 
aTaieot  été  soumis  aux  premiers  juges  ;  qu'en  se  bornant  à 
les  apprécier  autrement  et  à  leur  donner  un  autre  caractère, 
die  n'a  porté  aucune  atteinte  aux  droits  de  la  défense  ni  au 
prineipiî  des  deux  degrés  de  juridiction  \  »  On  peut  objecter 
k  cet  arrêt  qu'une  circonstance  aggravante,  par  cela  même 
qQ'elle  aggrave  le  délit,  n'en  est  point  un  élément  ;  qu'elle 
fieat  s'y  joindre  et  s*y  incorporer,  mais  pour  en  changer  le 
caractère;  qu'elle  constitue  un  fait  tellement  indépendant 
du  fart  originaire  que  celui-ci  dans  l'espèce  avaitété  incriminé 
isolément;  que,  si  elle  en  est  l'accessoire,  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'elle  y  soit  implicitement  contenue,  puisque  le  fait  pnn* 
cipal  peut  exister  sans  elle  ;  que  c'est  donc  là  un  fait  qui  > 
qomqu'îl  se  rattache  intimement  au  premier,  n'en  est  pas 
moins  nouveau  ;  <|ue,  d'ailleurs,  autre  chose  est  une  qualifi- 
eationfiouvelieqaiprendlefait  tel  qu'il  est  énoncé  dans  la  cita- 
tion et  ne  fait  que  lui  imprimer  une  nouvelle  dénomination,  au- 
tre diose  est  une  aggravation  qui  ne  change  la  qualification -que 
parce  qu'elle  diange  le  fait  ;  que  si  le  juge  supérieur  peut  et 
éoil  rectifier  toute  qualification  qui  lui  parait  erronée,  c'est 
toojours  à  la  condition  qu  il  ne  modifie  ni  ne  change  le  fait 
qoi  a  été  la  base  de  la  poursuite  ;  mais  dès  que  la  rectifica- 
tion n'irriye  è  la  qualification  qu'en  modifiant  le  fait,  est-il 
Trai  qu'aucune  atteinte  ne  soit  portée  k  la  défense  du  pré-- 
renui  est-il  vrai  qu'il  conserve  sur  ce  fait  4a  garantie  des 
dfui  degrés  de  juridiction  ? 

lY.  Une  seconde  proposition,  qui  est  d'ailleurs  parallèle 
à  la  première,  est  que  le  juge  d'appel  n'est  saisi  que  de 
laction  qui  a  été  portée  devant  le  premir  juge.  En  effet,  le 
prévenu  doit  jouir  en  matière  correctionnelle  des  deux  de* 
grés  de  juridiction^  tant  sous  le  rapport  de  l'application  de 
la  peine  que  sou^  lé  rapport  des  dommages  qui  lui  sont  de- 
mandés. 

Ainsi,  le  plaignant  qui  ne  s'est  pas  porté  partie  civile  en 
première  instance,  ne  peut  se  porter  en  appel  :  a  attendu  que 
ces  mots  de  l'art.  6T  du  C.  d*insl.  cr.  «  en  tout  état  de  cause 
jusqu'à  la  clôture  des  débats  >  ne  doivent  s'entendre  en  ma- 
tière correctionnelle  que  de  la  cause  instruite  en  première  in- 
stance ;  que  l'exercice  du  droit  accordé  aux  plaignants  ne 
peut  être  étendu  è  la  cause  d'appel,  l'appel  relevé  par  le  mi- 

1  Cm,  S9  juin  1$59»  rapp,  H«  Aug.  Moreau,  BolU  n,  235. 


7t  DUS  TRIBUNAUX   CORIKGTIOMHBU. 

nistèrc  public  ou  par  le  prévenu  no  pouvant  profiter  am  plai^ 
gnanls  pour  leurs  intéréls  civils;  qu*il  ne  peut  en  effet  dé* 
pendre  d'eux  de  priver  le  prévenu  d'un  premier  degré  de 
juridiction  sur  la  question  de  savoir  s'il  est  dû  des  dommages- 
intéréls  et  quelle  est  leur  quotité;  que  le  jugement  de  1^  in- 
stance, dàjQS  lequel  le  plaignant  n^a  figuré  qu'en  cette  qua- 
lité, sans  réclamer  comme  partie  civile,  a  tout  terminé  devant 
la  juridiction  correctionnelle  à  l'égard  des  dommages-inté- 
rêts '.  »  Dans  ce  cas  le  plaignant,  qui  se  prétend  lésé,  ne  peut 
donc  plus  agir  que  par  action  séparée  devant  la  juridiction 
civile. 

Il  en  est  ainsi  lors  même  que  le  prévenu  aurait  fait  défaut 
en  V^  instance  sur  la  poursuite  du  ministère  public,  car  cela 
n'cmpécberait  pas  le  plaignant  de  se  présenter  pour  conserver 
ses  intérêts  civils  et  épuiser  le  premier  degré  de  juridiction  '. 

Cependant  la  partie  civile  peut  modifier  le  chiffre  et  l'éten- 
due de  ses  demandes  ,  pourvu  qu'elles  soient  exclusivement 
fondées  sur  le  préjudice  résultant  du  même  fait.  Ainsi,  après 
avoir  demandé  en  première  instance,  i  titre  de  dommages- 
intérêts,  une  somme  d'argent,  elle  pourirait  demander  au 
.  même  titre  en  appel  raffiche  du  jugement. 

y.  Mais  le  juged*appei  est  saisi  de  tous  les  faits  dont  a  été 
saisi  le  premier  juge.  En  effet,  Tappel  transporte  toute  la 
cause  devant  le  second  degré  de  juridiction,  et  s'il  ne  lui  est 
pas  permis,  ainsi  qu'on  le  verra  dans  le  §  suivant,  de  statuer 
sur  les  intérêts  qui  ne  lui  ont  pas  été  déférés,  il  doit  du  moins, 
pour  apprécier  celui  dont  il  est  saisi,  examiner  tous  les  faits 
qui  ont  été  la  base  de  la  première  décision. 

Ainsi,  l'appel  du  ministère  pjpblic  contre  un  jugement  qui 
a  statué  sur  deux  délits,  saisit  la  Cour  de  toute  l'affaire  et  par 
conséquent  elle  doit  examiner  les  deux  chefs  compris  dans  le 
jugement^  ;  elle  doit  les  examiner,  lors  même  quil  n'y  au- 
rait eu  dé'at  en  première  instance  que  sur  l'un  d'eux,  si  la 
citation  ou  l'ordonna t\ce  de  renvoi  les  mentionnait  l'un  et 
l'autre  *. 

A  msi,  l'appel  d'un  jugement  qui  a  déclaré  nul  un  procès* 
verbal  et  ne  s'est  pas  occupé  de  l'inscription  de  faux  formée 

*  €ass.  2i  mai  1833,  rapp.  M.  Ricard.  J.  P.,  t.  XXV,  p.50S. 
>Ca«6.i7juilJ.  18Â1,  rapp.  M.  M<^rilhou.  BuH.n.  HZ. 

*  Cass.  Ssept.  1833  M.  Roclicr.  J.  P.  L  XXV.  p.  876. 

*  Gaaa.  7  mars  1835.  rapp.  M.  Ricard.  Bull,  u.  84;  2S  iDart  1SS5,  rapp. 
M.  VlBoeDi-Sl-Laureiir.  Bull.  d.  116. 


DE  L*APPSL  M»  JU€BBKMT3  CMRECTIOKNELS.   §  975.  73 

svfasidiaireineot  par  le  prévenu,  saisit  le  juge  d'appel,  non 
seulement  de  la  question  de  yalidité  du  procés-verbal  »  mais 
encore  de  Tinscription  de  faux,  et  il  peut  statuer  à  cet  égard 
saosmlerU  règle  des  deux  degrés'  • 

Vm.  Le  juge  d'appel  est  régulièrement  saisi  i^  de  toutes 
les  exceptions  qui  peuvent  être  opposées  à  Faction ,  lors 
même  qu'aèdes  n'auraient  pas  été  opposées  en  première  ins* 
(ance;  99  de  tous  les  moyens  même  nouveaux  présentés 
par  les  parties  k  Tappui  de  la  prévention  ou  de  la  défense. 

En  effet,  si  Taction  doit  être  identique  devant  les  deux  ju- 
ridictions, si  les  faits  qui  en  sont  la  base  ne  doivent  point  se 
modifier  en  passant  de  I  une  à  l'autre,  il  n'en  est  plus  de  même 
de  la  discussion  de  cette  action  et  de  ces  faits.  Il  est  clair  que 
la  règle  qui  circonscrit  la  cause  dans  le  même  cercle  en  pre- 
mière instance  et  en  appelnes'appliquepointaudébatde  cette 
Cause;  car,  si  l'objet  de  cette  règle  est  que  le  même  procès 
soit  examiné  deux  fois ,  il  faut  nécessairement,  pour  que  cet 
f^xamen  ^it  efficace,  qu'il  soit  libre  et  puisse  relever  même 
les  moyens  qui  n'ont  point  été  aperçus  en  première  instance. 
Que  servirait  l'appel,  s'il  n'était  pas  permis  d'y  faire  valoir 
des  arguments  nouveaux  ?  On  n'y  trouverait  donc  aucune  pro- 
tection  contre  les  négligences,  les  omissions,  les  surprises  de 
la  première  procédure  !  Mais  c'est  précisément  pour  sauve- 
garder la  vérité  contre  ces  erreurs  et  ces  oublis  que  s'ouvre 
la  seconde  juridiction,  c'est  pour  soumettre  les  mêmes  faits  à 
one  discussion  nouvelle.  De  là  la  conséquence  nécessaire  que 
lotts  les  éléments  qui  se  rattachent  à  ces  faits  peuvent  se  pro« 
dnire,  même  pour  la  première  fois,  en  appel,  car  c'est  préci- 
sément parce  que  la  discussion  n'a  pas  été  complète  en  pre- 
oiière  instance  qu^elle  recommence  en  appel. 

C'est  par  application  de  cette  doctrine,  qu'il  a  été  succès* 
siyement  reconnu,  en  ce  qui  touche  les  exceptions  :  —  que 
l'incompétence  résultant  de  ce  que  le  fait  serait  un  crime 
pcQt  être  proposée  pour  la  première  fois  en  appel  '  ;  —  et  qu'il 
CD  est  ainsi  de  l'incompétence  résultant  de  la  qualité  d'officier 
^  police  jndiciaire  du  prévenu  •  ;  —  de  l'incompétence  ré- 
sultant de  ce  que  le  juge  saisi  n'est  ni  celui  du  domicile  ni  ce- 
lui du  délit ^  ;  —  de  l'incompétence  résultant  de  ce  que  le 

'  Cm.  k  man  18AI.  non  imprimé. 

'  Cms.  13  marr  ISiS,  rapii.  M.  OadarU  J.  P.  t  Xï,  p.  I9f. 
;  Cm.  7  fiftv.  1884,  rapp.  M.  Ckoppin.  J.  P.  t.  XXVI.  p.  141. 
Chl  13  mai  1826,  a  28,  1,  416. 


74  DES  TftWUNAOX    CORBÈCTIONKELS. 

tribunal I  saisi  de  l'action  contre  la  partie  responsable,  n'est 
pas  en  même  temps  saisi  de  raction  publique  contre  l'auteur 
du  délit  ^  ;  •—  de  l'exception  tirée  ae  la  nuilité'du  procès-* 
verbal •. 

Et,  en  ce  qui  eoncerne  les  moyens  nouveaux,  il  a  étééga- 
lement  reconnu  que  les  parties  sont  admisesà  produire  poor  la 
première  fois  en  appel  des  preuyesquin^avaientpasété  pro- 
duites en  première  instance'  ;  et,  pur  exemple,  à  demander 
une  audition  de  témoins  qu'elles  n'avaient  pas  requise  devant  le 
premier  juge  ^;  ou  à  prouver  que  postérieurement  à  la  citation 
en  police  correctionnelle,  les  prévenus  avaient  fait  des  chan- 
gements de  nature  è  faire  disparaître  le  délil^,  ou  à  produire 
des  titres  de  propriété  qui  ne  l'avaient  pas  été  devant  le  pre«* 
mier  juge^,  ou  è  faire  valoir  des  moyens  de  défense  aoa-- 
veaux?. 

Cette  règle  toutefois  admet  une  exception  en  ce  qui  con- 
cerne les  irrégularités* de  la  citation.  L'art.  173  du  G.  de  pr. 
civ.  porte,  en  effet,  ainsi  qu'on  l'a  déjà  vu,  que  «  toute  nul- 
lité d'exploit  ou  d'acte  de  procédure  est  couverte  si  elle  n'est 
proposée  avant  toute  défense  ou  exception  autre  que  les  ex- 
ceptions d'incompétence.  »  De  là,  la  conséquence  que  les  ir- 
r^ularités  relatives  à  l'ai^teintroductif  de  l'instance  qui  n'ont 
pas  été  relevées  en  première  instance ,  ne  peuvent  plus  être 
opposées  en  appel  *. 

VIL  Enfin,  le  juge  d'appel  est  saisi,  en  ce  qui  touche  les 
dommq^es-intérèls ,  pon-seulement  du  préjudice  dont  la 
réparation  a  été  demandée  en  première  instance,  mais  encore 
du  préjudice  qui  aurait  été  souffert  depuis  le  jugement, 
pourvu  qu'il' ait  sa  source  dans  les  faits  dont  le  premier  juge 
était  saisL  Cela  résulte  :  !<"  de  l'art.  212  du  C.  d'instr.  cr., 
qui  n'apporte  aucune  limite  aux  dommages-*intérèts  dérivant 

*  Casa,  ii  sept.  ISdS,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.  t.  XIV,  p.  i038. 

9  Gisi»  '^  oct.  iSSÂ.  rapp.  M.  Chantere^De.  J.  P.  t.  XVIII,  1067. 

'  GaiB.  li  juill.  182C.  rapp.  M.  Basire.  J.  P.  t.  XVI,  p.  54. 

«  Cass.  8  fêv.  4820,  rapp.  M.  Bussckop.  J.  P.  L  XV  p.  755  ;  i  déc  1828, 
rapp.  M.  BoBschop,  t.  XX,  p.  978;  11  jaio  1881.  rapp.  II.  Rives,  t.  XXIII, 
^ ie78. 

*  Ca».  14  août  1828,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.,  t  XVIII.  p.  128. 

*  Casi.  5  flor.au  ini,  rapp.  M.  SeigoeUe.  J.  P.,  U  IV,  p.  504. 
^  Cass.  8  mais  1855.  rapp.  M.  Sénéca.  Bu)l.  n.  88. 

*  Cass. 24  mai  1811.  rapp.  M.  Basire.  J.  P.,  t.  IX,  p.  848  ;  10  juil.  1882, 
rapp.  M.  Oliivier,  t.  XXIV,  p.  1806;  7  mai  1885,  rapp.  M.  Fréteau.  Bull. 
n.  ISS  ;  12  arril  1889i  rapp.  M.  Rifes.  n.  182;  12  août  1852»  rapp.  M.  Fon- 

.    clierii.271« 


DE  l'appel  des  jrsKaeVrs  fîORRKCTio^iNBLg,  §  5*76.  75 

do  fait  qui  a  causé  la  lésion  ;  2''  de  l'art.  464  du  G.  de  proc. 
cIt.,  qui  porte  :  «  Pourront  aussi  les  parties  demander  des 
iiMréts,  arrérages,  loyers  et  autres  accessoires  échus  depuis 
le  jogeroent  de  première  instance,  et  les  dommages-intérêts 
pour  le  préjudice  souffert  depuis  ledit  jugement,  » 

On  a  induit  de  ces  textes  que  la  partie  civile  est  autorisée 
à  tierer  en  appel,  plus  qu'elle  ne  Tarait  fait  en  première 
ÎDSlaioe,  sa  demande  en  dommages-intérêts,  lorsque  le  pré- 
jadice  s'est  aggravé  depuis  le  jugement  *  • 

On  en  a  induit  encwe  que  le  prévenu  peut  obtenir  des  dom* 
nagesHolérèts  k  raison  des  frais  qu*il  a  faits  sur  l'appel  :  «  At- 
taoda  que  Fart  313  comprend  dans  la  généralité  de  ses  ter^ 
mes  la  réparation  de  tout  dommage  quel  qu'il  soit,  causé 
pariapovrsttîte*.  » 

S  576. 

l  Ne^are  de  la  compétence  du  juge  d^appel  :— II.  qusod  il  est  s^isi  par 
le  préTenu;  —  III.  par  la  partie  responsable;  —  IV.  parla  partie 
chue  ;  —  V.  parle  ministère  public;  — Tl.  par  plusieurs  parties  ^ 
nfins. 

I.  Le  juge  d'appel  n'est  saisi  que  par  Tappel  ;  il  n'est 
donc  saisi  que  des  faits  ou  des  chefs  du  jugement  de  pre- 
nière  instance  que  Tappel  lui  défère.  Sa  juridiction  est  cir-  ' 
ooDserite  par  les  termes  de  cet  acte  ;  elle  ne  peut  se  mou* 
voir  qoe  dans  le  cercle  qui  lui  est  tracé  ;  elle  ne  peut  s'éten- 
dre en  dehors. 

Cette  règle  de  compétence,  que  nous  allons  développer, 
se  trouve  consacrée  dans  un  avis  du  conseil  d'État,  approuvé 
le  iS  nov.  I8O65  auquel  la  jurisprudence  a  reconnu  force 
législative,  et  qui  porte  ce  qui  suit  : 

«  Le  eonseil  d^Etat,  qui,  d*après  le  renvoi  ordonné  j^ar  S.  M.,  a jen- 
tendale  rapport  de  la  section  de  législation  sur  celui  du  grand  juge 
tendant  k  savoir,  si,  sur  Tapppel  en  matière  correctionnelle  émis  {)ar 
b  partie  civile,  la  cour  criminelle  peut  connaître  du  bien  ou  du  mal  ju- 

Ê  de  TeDliar  jugement  et  réformer  les  dispositions  ton  auaquées  :  — 
t  d'avis  que  la  jurisprudence  de.la  Cour  de  cassation,  constante  pour 
la  négative  de  cette  question  est  fondée  sur  deux  principes  incon testa- 
ntes :  le  premier,  qu*un  tribunal  d'appel  ne  peut  réformer  un  jugement 

*Cafl.  il  «or.  iH%  rapp.  Bf.  Mangin.  J.  P.,  t  XXI,  p.  887. 
*  Ghii  I  avril  1943»  rapp.  M,  Rocber,  BuU.  &•  77. 


76  DES   TRIBIIIIAIIX   COAltCTiONNELS. 

de  I"  instance  qu*autaDt qu'il  y  a  eu  appel;  que,  par  conséquent,  s'il 
n'y  a  appel  queifune  seule  disposition  le  tribunal  ne  peutpas  réformer 
les  autres^  et  n'a  pas  même  la  faculté  de  les  dtscoier;  il  n'en  est  pat 
saisi.  Le  second  principeestqu'uo  Iribunal  soit  d'appel»  soit  de  i'*  ins- 
tance, ne  peut  adjuger  ce  qu'on  ne  lui  demande  pas,  et  que  tout  juge- 
ment qui  prononce  ultra petita  est  essentiellement  vicieux....  » 

Cette  doctrine  n^a  jamais  cesséd'ètre  appliquée.  Ainsi  if  a  élé 
décidé:!®  «  qu'un  jugement  qui  porte  surdos  chefs  distincis 
et  indépendants,  et  qui  n'est  attaqué  qu^à  l'égard  dccertnîns 
de  ces  chefs,  passe  en  force  de  chose  jugée  pour  les  chefs  qui 
ne  sont  pas  attaqués  par  la  voie  de  l'appel  ■  ;  »  2^«queles  tri- 
bunaux d^appel  ne  pi  uvt>nt  réformer  dans  les  jugements  de 
première  insi&nceque  les  dispositions  à  Tégard  desquelles  il  y 
a  appel;  que  celtcsqui  ne  sont  attaquées  par  aucune  des  parw 
lies  acquièrent  l'autorité  de  la  chose  jugée;  que  ces  principes, 
conrormes  à  l'iiistiiution  des  deux  degrés  de  juridiction ,  sont 
consacrés  par  l'avis  duconseil  d'Éiat  du  1 2  novembre  i  806*; h 
3®  «  que,  lorsqu'un  jugement  se  compose  de  plusieurs  disposi- 
tions distinctes ,  indépendantes  les  un^'s  des  autres»  il  contient 
autant  de  décisions  particulières  qu^il  y  a  de  chefs  distincts  et 
séparés;  qu'il  suit  de  là  que  la  partie  qui  aurait  obtenu  gain 
de  cause  sur  un  chef  de  demande,  et  qui  aurait  succombé  si»r 
iMi  autre,  peut  poursuivre  l'exécution  des  dispositions  qui  lui 
sont  favorables,  sans  par  là  renoncer  au  droit  d'at^quer  les 
dispositions  qui  lui  sont  contraires  ^  ;  »  &•''  «  que  l'appel  da 
•jugement  de  première  instance  ne  saisit  fa  cour  devant  la- 
quelle il  est  porté  que  de  la  connaissance  de  la  disposition  qui 
est  l'objet  spécial  de  cet  appela.» 

Il  serait  inutile  de  relater  ici  tous  les  arrêts  qui  ont  consa- 
cré une  règle  incontestable  en  elle-même  et  qui  n'offre 
quelques  diflicultés  qne  dans  quelques  cas  d'application.  Nous 
retrouverons  d'ailleurs  ces  arrêts  plus  loin. 

Appliquons  maintenant  cette  règle  à  chacun  des  appels 
que  les  différentes  parties  peuvent  interjeter. 

II.  Appel  du  prévenu  seul  Le  juge  d'appel ,  lorsqu'il 
n'est  saisi  que  par  le  seul  appel  du  prévenu,  ne  peut  modifier 
le  jugement  que  dans  sou  intérêt  et  jamais  à  son  préjudice. 
Telle  Cdt  la  stricte  conséquence  de  la  règle  qui  vient  d'être 

*  Cass.  19  déc.  1807,  rapp.  M.  Babille.  J.  P^^U  VI.  p. 898. 

*  Casa.  8  sept.  1848,  rapp.  M.  VincensSt-SaiirenU  Bail.  n.  238. 

*  Casa.  4f  dèc.  18A8.rapp.H.  firesson.  Bull.  n.  925. 

*  Casa.  48  janv  1822,  rapp.M.  Aumont.  J«P.,  t.  XVlIf.  p.  50. 


DE   L* APPEL  DBS  JUGEMENTS  CORRECTIONNELS.   §  tTiù.  17 

éUiblie.  En  efle(,  puisque  c'est  Tacle  d'appel  qui  détermine  ia 
compéteoce  du  juge ,  it  s'ensuit  que  Tappel  du  prévenu  ne 
peut  le  saisir  que  dans  Tintérèt  de  l'appelant.  Gomment  la 
eondition  de  cet  appelant  pourrait-elle  être  rendue  plus  mau- 
vaise, lorsque  les  autres  parties  ont  accepté  le  premier  juge- 
ment et  y  ont  acquiescé ,  lorsque  seul  il  se  plaint  et  porte  ses 
griefs  devant  le  juge  d'appel,  lorsque  ce  juge  n'est  saisi  que 
d'une  seule  demande  faite  dans  un  seul  intérêt?  Peut-on  ob^ 
jccler  qu'il  est  saisi  de  la  cause  entière ,  puisqu'il  ne  peut 
statuer  suDâ  l'examiner,  et  puisque  le  droit  de  la  juridiction 
n'est  pas,  en  général,  restreint  par  les  conclusions  des  parties? 
Don,  car  il  y  a  chose  jugée  sur  tous  les  points  que  l'appel  n'a 
pas  attaqués,  et  l'appel  du  prévenu  ne  p^^ul  attaquer  que  les 
points  qui  lui  préjudicient.  Les  pouvoirs  du  juge  trouvent 
leur  limite  dans  cet  appel  même,   qui  est    nécessairement 
restreint;  car  si  les  conclusions  des  pirties  ne  lient  pas  le 
juge,  il  en  est  autrement  des  voies  de  recours  qu'elles  ont 
prisps  :  la  formule  du  recours  est  la  mesure  de  la  juridiction. 
Le  juge  d'appel  ne  peut  donc ,  (]uand  il  n'est  saisi  que  par  le 
prévenu,  que  confirmer  purement  et  simplement  le  jugement^ 
de  première  inst<mce  ou  le  miclifier  dans  Tintérôlde  rappe- 
lant :  il  ne  |ieut  ni  aggraver  les  peines  prononcées  par  le  ju- 
gement, ni   prononcer  quelque  peine  nouvelle,  ni  lui  in- 
fliger des  douunages-iutérôts  qu'il  n'aurait  pas  encourus  en 
première  instance. 

La  jurisprudence  a  consacré  cette  doctrine.  Aussi  il  a  été* 
souvent  reconnu  «  que,  conformémeul  aux  principes  dévclo|i- 
pesdans  l'avis  du  conseil  d'État  du  12  novembre  1806,  le 
sortdu  prévenu  ne  peut  être  aggravé  sur  son  appel;  que,  s'il  y 
a  erreur  de  la  part  du  premier  jugo,  le  bénéfice  de  cette  er- 
reur lui  est  définitivement  acquis^»  Ainsi  le  juge  d'appel  ne 
peut,  ni  s'occuper  d'un  chef  de  prévention  sur  lequel  le  premier 
juge  n'a  pas  slatué%  ni,  lorsque  le  juge  a  accueilli  pour  une 
partie  des  faits  un  décliuatoire  opposé  par  le  prévt^nu^  ie  re- 
jeter sur  son  appel  pour  la  totalité  de  ces  fails^.  Ainsi  quand 
le  jugemeut  n'inflige  pas  une  peine  accessoire,  telle  que  l'in- 
terdiciion  dts  droits  mentionnés  en  l'art.   42,  G.  pén.,  le 

*  Ca»,  24  août  1838.  rapp.  M.  Vincens-St-Laureiit  Bull.  n.  388  ;  et  conf. 
S^aoai  1813,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.,  t.  X,  p.  090;  13  janv,  185&,  rapp. 
M.  Jalioiu  Bull,  n  10  ;  i:5  mars  1854.  rapp.  M.  Fou<  her.  n.  83. 

'  Gass.  18  jaDT.lS22,  rapp.  M.  AumonL  J.  P.,  l.  XVII,  |u  50. 

*CBSs«8iepU  184a,rapp.  M.  Vinceot«$t-LaureuU  Bull.n.  336. 


78  DKS   TRlftlNAUX  CORRFXTIONNKLfl. 

juge  d'appel  ne  peut  Tinlliger'.  Il  ne  peu!  égiticment ,  en 
acquittant  le  prévena  sur  le  délit  d'escroquorie,  le  renvoyer 
en  état  de  mandat  de  dépôt  devant  le  juge  d'instruction,  sur 
le  motif  quM  irésulterait  des  débats  prëTention  de  banque- 
route fraitdttleuse\  Il  ne  pcnt  encore,  sur  l'appel  d'un  préve- 
nu de  moins  de  16  ans  acquitté  et  dont  la  détention  dans 
une  maison  de  correction  jusqu'à  sa  majorité  a  été  ordonnée, 
prononcer  uhe  condamnation  quelconque  :  «  attaidu  que  le 
ministère  public  peut  seul  interjeter  appd  pour  obtenir  Tag- 
gravation  des  dispositions  du  jugement  de  première  îostanoe 
qui  ont  trait  à  la  déclaration  de  culpabilité  et  à  l'application 
de  la  peine;  que  lorsque  le  ministère  public  acquiesce  au  ju- 
gement, l'appel  du  prévenu  ne  saurait  donner  au  juge  d'appel 
le  droit  de  le  déclarer  coupable,  si  les  premiers  juges  root 
acquitté*.  »  Enfin  il  ne  peut  le  condamner  à  des  dommages^ 
intérêts  plus  élevés,  «attendu  que  Tappel  du  jugement  de 
première  instance  ne  «aisit  la  conr  devant  laquelle  il  a  été 
porté  que  de  la  connaissance  de  la  disposition  qui  est  l'objet 
spécial  de  cet  appel  ;  que  les  autres  dispositions  n'étant  point 
attaquées,  sont  nécessairement  réputées  acquiescées  par  l'ap- 
pelant; qu'élhîs  ne  peuvent  être  reformées  'à  son  préjudice 
sous  le  rapport  de  l'intérêt  civil  ^  » 

Mais  si  le  premier  jugement  a  prononcé  une  peine  correc- 
tionnelle pour  un  fait  dans  lequel  le  débat  a  fait  reconnattre 
le  caractère  d'un  crime,  la  cour  peut-elle,  sur  Tappel  du  pré- 
venu, se  déclarer  incompétente?  Non,  t  parce  qu'elle  ne  peut 
aggraver  le  sort  de  l'appelant  sans  blesser  les  principes  éta- 
blis dansl'avisdu  conseil  d'État^  » — «  parce  qu'elle  ne  peut 
exposer  le  prévenu  à  être  poursuivi  et  puni  pour  crime, 

après  avoir  été  poursuivi  et  puni   pour  simple  délits  ;  » 

«parce  qu'il  ne  s  agissait  plus  d'examiner  si  le  fait  constituait 
un  crime  ou  un  délit;  que  le  tribunal  correctionnel  s'étant 

»  Cass4  mai  iS27,  rapp.  M.  Mangin.  J.  P.,  i.  XXI,  p.  4i5;  7  iulll.  JS27. 
lapp.  M.  Olllvier.  J.  P.,  l.  XXI  p.  590.  i     j      .    «  /, 

t  n.t^na      9.tï  ittin  ÂQ90     ««M»      m«     n^X— 


«  GaâS.  30  juin  1832.  rapp,  M.  Brière.  J.  P.,  t  XXIV.  p.  «W. 
■  Cas».  26  juîH.  1844.  rapp.  M.  Mérîlbou.  Bull.  n.  576. 

*  CaM.  18  janr.1822,  rapp.  M.Aumoul  J.  P.,  t.  XVII.  p.  50. 

•  C-ass  27  mars  1812.  rapp.  M.BusschopJ.  P.,  i.  X.  p.  253;  1  mai  «812 
rapp.  M.  yanlouJon,  L  X,  p.  560  ;  17  nov  1814.  rapp.  M.  Dunoyer,  r.  XlL 


DB  l'appel  J>B8  JOfiBlIBNTS  COBRECTIOMNBLS.   §  576.  79 

dédsré  compétetit  et  ayant*  prononcé  des  peines  correction- 
Aetlas,  ia  condîtioii du  condamné,  sur  son  appel,  ne  pouvait 
éire  empirée  ;  qne  la  cour  n'ayait  point  à  j  ngw  une  question 
de  iDompélenee  aeqniescée par  le miniatére  public;  qu'elle 
o'Mît  même  pas  la  faculté  de  la  discuter,  puisque!  n'y  avait 
point  d'appel  dans  l'intérêt  de  la  vindicte  publique  ^  ;  »  «*- 
enfin  k  pdrœ  que,  ai  les  compétences  sont  d'ordre  public,  il 
n'en  faut  pas  moins  que  lesfonctionnaires,  à  la  vigilance  des* 
qnels  leur  maintien  est  confié,  les  revendiquent  dans  la  forme 
et  dans  les  délais  prescrits  par  la  loi*  •*» 

Mais  il  en  serait  autrement  si  le  prévenu,  soit  parce  qu'il 
croit  trouver  plasde  garanties  devant  une  autre  juridiction, 
Mit  par  tout  autre  motif,  avait  formellement  conclu  à  Tin- 
eompétence  :  «  Attendu  que  la  compétence  du  tribunal  de- 
vanl  lequel  il  est  traduit  est  au  premier  rang  des  moyens  que 
le  prévenu  peut  proposer,  soit  devant  le  juge  de  première 
instance,  soitdevantlejuge  d'appel,  puisque,  si  iejuge  est  in- 
compétent, il  se  trouve  sans  force  légale  pour  juger  ce  pré- 
venu; qu'il  ne  résulte  aucune  fin  de  non*recevoir  contre  ce 
moyen  de  ce  qu'il  serait  contraire  à  Tintérét  du  prévenu  qui 
l'invoque,  en  ce  qu'il  Texpose,  s'il  est  accueilli,  à  se  voir 
renvoyer  devant  une  juridiction  où  une  peine  afflctive  ou  in- 
famante pourrait  lui  être  appliquée,  puisqu'à  ce  prévenu  seul 
il  appartient  d'apprécier  quelle  est  la  juridiction  qui  offre  à  sa 
défonse  le  plus  <l'avantages  et  de  garanties,  si  d'ailleurs  les 
Idits  qui  lui  sont  imputés  appartiennent  par  leur  nature  à  cette 
juridiction  ;  que  l'avis  du  conseil  d'État  du  22  nov.  1806  n'a 
rien  de  contraire  à  cette  doctrine  ;  qu'il  dispose  seulement 
que  la  position  du  prévenu  ne  peut  être  aggravée  sur  son 
appel,  non  plus  que  sur  Tappel  de  la  partie  civile  ;  qu'on  ne 
Pentoonsidérer  comme  une  aggravation  de  la  position  du  pré- 
venu le  rcnvci  devant  le  juge  compétent  lorqu'il  l'a  expres- 
sément demandé  par  des  conclusions  formelles».  «  A  plus 

•  Casfc  M  jaill. iSSO  rapp.  M.  Brière.  J.  P..  t.  XXIII.  p.  740  î. f  »  féf-_J|f  *• 
npp.  M.  Mère,  U  XXIlI,p.  «21  ;  21  afril  1832,  rapp.  M.  Brière,  t.  XXIV, 
pÎtW;  sT^uS  1882.  rapp.  M.  Brière,  t.  XXIV,  p.  ««26;  30  mars  1837. 
npp.M.  DÀaiisST.  BuH.  n.  95;  13  oct.  1836.  rapp.  M.  Dehaussy.  n,  848  ; 
î  déc.  1848,  rapp.  M.  Romiguières,  n.  295 ;  26  juill.  et  22  aoOt  1844,  rapp. 
MM.  Mérilhoo  el  Brière  Valigny,  n-  276  et  298. 

•  Caw.  14  jwv.  1850,  rapp.  M.de  Glos.  BuU.  n*  880;  16  mars  1849,  rapp. 

•  ^.  27  déc.  1839,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  398  ;  et  Conf.  21  av.  1882, 
rapp.  M.  Bri^eTj.  P.,  t.  XXIV.  984  ;  22  oct.  1840  rapp.  M.  VinceasS^Lau- 
wnu  Bull.  n.  810;  23  décl84i.  rapp,M.Vlnce!is-Sl-Laureiit,  a.aaS;«  l^v. 
1844.  rapp.  M.  Dehaussy,  a.  89 


forte  raison  il  eDdevraiiètreainsî  Ionique,  4e  la  d^lAvalnn 
/d'iocQwpétence*  aucune, aggravaiicii  ne  pouvait  résuitor,  par 
exemple,  lofsqoe^soAis  Tempire  de  la  loi  du  8  octobre  1^8S0, 
le  dèlii^  à  raison  da^aoè  caractèrepoUtique,  jetait  de^laxompé- 
tence  du  jury  ' .  t-     '■»  -• 

Le  juge  d'appel  peut«il,/»ur  le  aeiiil  i^pol  4a.pri«ena, 
modilier  ta  qMalilioaJlîpn  du.  faitt  U  fa^i.i^pôpijk^  affiiiiiallîice- 
ment,  pouryM  qu*il  n^en  Ti6ultj&  aucune  aggravation  dans  la 
position  du  prévenu.  On  litdaps  un  ^rrôt  :«  Que  si  la  qua- 
lification donnée  en  appel  au  délit  a  modifié  celle :qui  résul- 
tait du  jugement  correctionnel ,  <^l>te  modilieation  a  on  Neu 
en  vertu  du  droit  général  donné  par  la  loi  au  jqge  supcHéur 
<\\i\  ne  peut  être  astreint,  lorsque  la  quatifiisalion  dû  fiij^'diju 
premier  degré  est  tqcxactc,  soît  à  donner  sanction  à  ceUc 
qualification,  ^oit  à  laisser  impuni  un  délit  constant  à.  ses 
yeux.  *  »  Mais  il  faut  expliquer  eetiio  proposition  évidemment 
trop  absolue  par  celte  re$trictîon  d^in  autre  arrêt  :  «c  que 
seulement  la  situation  du. prévenu  no  peut-être  aggravée,  et 
que  ce  principe  a  été,  respecté  par  l'arrêt  attaqué^  la  peine 
n'ayant  pas  été  augrtîefitée*.  »  C'est  pouf  demeurer  dans 
cette  linfHtcî,  que  la  juriSprudoncc^  dcfcidé  que  lèjûgè  dVp- 
ptf  ne  peut  modifier  la  qiiaTificatîon,  soll  pour  en  faire  sor- 
tir une  modification  de  la  compétence,  soit  pour  écarter  une 
exception  d(i  prescription  opposée  par  (e  prévenu  "*; 

Mars  le  juge  d'appel  peut,  môme  sur  cet  appel /''prrohoû- 
ccr  laconlraînle  par  corps  omise  par  le.  premier  juge  ou  sup 
pféer  à  lafixation  de  sa  durée ^.i^a maison  est  que  oetto  voie 
d'exécution  a  Ireu  de  plein  droit  en  vertu  de  4a  loi,  tors 
même  que  le  jugcfuciit  a  négligé  de  la  prononcer  •  (Toùil 
suit  que  ta  réparation  de  celte  omission  dans  le  dispositif  du 
jugement  de  première  instance  n'est.pas  une  aggravation  dr 
la  peine  du  condamné.  >       .    ^ 

lit.  Appel  de  ia  partie  responsaWe.  Danà  lé'c!àl5;^/ru,  seiil 
appel  ^e  cette  partie,  le  juge  d'appelée  peiitm6J1fi|«^ir\q,4p.' 
les  condamnations  civiles  dont  la  responsabilité  at  été  inise  :i 

'  Cft^ç.  81  lUMs,  rapi^.  M.  deCroiuciilies.  h  P.,  t  XXIV^  p..9l9«' 

*  Cpss.  iS  déc.  4.855,  rapp.  M.Nougmer«  BulU  u,  a09; 

*  Cass.  lOuoût  1855,  ropp.  M.  PoaUler.  J^uU.  n.  286;  i5  «aOl  18ôi«  np. 
M.  deGios,  n.  255. 

*  Cass.  30  iauv.  1847,  S.  V.  48, 1,747;  iOjuill.  IS^S,  ra9p.  M.  VUîcchaSi- 
Laurent  J.  cr.,  t.  XX,  p.  313. 

*  Cass.  14  julir.  4857,  rnpp.  M.  Mangln.  |.  P.,  i.  X^J,  p.  t\ii  23  Juin 
1837.  !)aW.  37,1, 447.  V  '  ^-     . 


DE  l'aF^EL  ])S8  liraBIIENTS  CPEtECTU>ICBIU.S.   §  S(76r  81 

ttdu^e  ou  la  dédiarger  de  oette  responsabilité  si  le  jage 
d*appd  ae  peal  donc  modifier  le  jugement  dans  rintérèt  des 
{Héveniu  qui  B*ont  point  appelé  ^  :  la  matière  du  procès  ne 
peut  être  remise  en  question  que  dans  Pintérét  de  la  seule 
partie  qui  a  appelé  ^ 

IV.  Appel  de  ta  partie  civile.  C'est  à  cet  appel  que 
s'applique  spécialement  l'avis  du  conseil  d'État  du  12  no. 
vembre  1806  dont  nous  avons  déjà  cité  la  première  partie  ■ 
et  qui  continue  en  ces  termes  : 

«  Oss  deax  principes  seraient  violés  si,  sur  le  seul  appef  d*uae  par* 
tîeévilc  qmsepiaÎDt  de  n*avoir  pas  assez  obtenu  de  réparations,  on  ag* 
gç»^k  la  peiae  doai  la  j>our6aite  n^appariient  qu^au  niniab^e  public 
qui  n*a  pas  réclamé.  —  En  Tain  dil-on  que  la  cour  crioiiiielle  ne  ooa* 
nati  qQ*aecessoi rement  des  intérêts  civils  ;  qu*elle  ne  saurait  donc  ea 
être  saisie  qu'elle  ne  le  soit  en  même  temps  de  l'action  publique.  La 
règle  réofaunée  n^est  appHcable  que  4aas  ce  sena  que  si  la  cour  crimi- 
ndUea  pE<Mioncé  sur  Taction  publique  des  intérèta  civils,  elle  ne  peut 
plos  conDatire  de  cette  action  ;  elle  a  rempli  ses  (onctions  et  fait  tout 
ceqoi  est  de  sa  juridiction.  Toutes  les  fois  que  les  intérêts  civils  ne 
*ODi  pas  racîdemment  demandés  et  qu'ils  forment  une  action  principale 
ik  ioiveai  être  portés  aux  juges  des  actions  civiles.  Il  n^en  est  point 
ainsi  dans  l^bypotkèse  delà  citée  :  les  intérêts  ci  vils  éuieut  poursuivis  en 
!'•  instance  auunt  queVactlon  publique;  il  a  été  prononcé  sur  les 
deux  actions  ;  il  y  a  acquiescement  au  jugement  de  Tune  ;  la  cour  cri* 
minellen'en  reste  pas  moins  compétente  sur  l'autre  :  ce  n'est  point 
meietîafteitile  prinetpal»,  qa*on  lui  apporte»  c'est  Tappel  d'an  chef  de 
jageineot  qu'il  n'appartient  qu'à  elle  de  confirmer  ou  de  réformer.  Ma  is» 
cooiQie  le  feraitun  tribunal  civil  auquel  on  porterait  la  question  des 
dommages-întôréis,  elle  doit  tenir  pour  constants  les  fails  et  les  mo- 
tifiiqm  ont  déterminé  le  chef  du  jugement  relatif  au  délit,  parce  que  ce 
jageuentmyant  passé  en  forée  de  chose  jugée,  il  a  tous  les  droits  d'une 
vérité  incontestable.  Re$  iudketa  piv)  veritaU  habetur.  —  On  dH:  en 
2*  lieu,  que  de  la  discussion  que  fait  l'appelant  pour  obtenir  de  plus 
grands  dommages-intérêts,  il  peut  résulter  ou  que  le  prévenu  eondaoïné 
ne  detaît  pas  l'être,  ou  ne  pouvait  l'être  qu'à  un  point  moindre  ou  aua 
lepi^na  absous  devait  être  condamné,  ou  que  la  peine  devaitêireplua 
forte.  11  n'y  a  qu'à  suivre  ces  divers  cas  pour  se  convaincre  qu'ils  ne 
fouralssenl  aucun  argument  solide  :  —  i«  qu'importe  c^ue  le  prévenu 
ne  dù(  pas  être  condamné,  ou  dût  l'êtreà  une  moindre  peine.s'ila  voulu 
la  subir,  s'il  l'a  subie,  s'il  a  acquiescé,  s'il  ne  profite  pas  de  la  faculté 
d'appeW incidemment  que  lui  donne  l'appel  delà  partie  civile?  la 
cour  criminelle  ne  peut  élré  pour  lui  plus  difficile  et  plus  délicate  qu'il 
ne  l'est  loi  même.  — 1£*>  S'il  y  a  absolution  d'un  prévenu  qui  aurait  dû 
être  condamné,  c'est  son  bonheUr  :  il  est  ju^  sans  appel  ni  réelanialion 
puisque  le  vengeur  public  ne  se  plaint  pas.  —  3*  A  plus  fort'j  raison, 
&*il  y  a  eu  une  peine  trop  légère,  la  cour  criminelle  ne  devra  p.is  d'of- 
fiée  l'aggraver...  Oa  dit  enfin  que  si  le  plaignant  a  pu  saisir  par 
son  action  civile  le  tribunal  correctionnel  de  l'aciion  publique  il 
1  Cass.  n  juin.  1818,  rapp.  M.  Aumont.  J.  P.,  t.  XIV,  p.  SiS» 
•  CaM.  0  Tbw  i8a7.rapp.  M.  Mérilhou.  Bull.  n.  15.  —  ■  Voy,  k^prn  p. 75. 

vui.  U 


z 


*Êf    TRIBUNAUX    GORlUCCTlÔllKBLS.  ' 

jt  Mtii ,  ftr  MO  «fpel  »  i^UIr  Ift  «ur  diflmiMllé  de  PuHé  >t 
_  r««li9  mtUqp.  €eita  panlé  k'm  poiit  exault  fmê  qa'iiM  fois 
aae  TacUon  du  pUiepiU  »  éié  i&updiauip  It  ii^fi>#fa  P9MM;i|»i 
daisi  diB  raclîoD  publique.  Il  n^appartîent  point  au  p|;i^i89J|n^  4  Mf- 
irmre  eetté  action.  Sa  plainte  Ta  fait  nattre,  mais  ne  loi  en'  donne 
pas  la  ponTsiiite.  Son  app«l,  qa*il  m*apaéni0ifl«  <|pltopQta^'8îMI 'Ui* 
fér^  ne  Iqi  doanepa»  dfvant  |a  cofff  çrmiMI^^itM^lliOQftnHl  otoi- 
raitpa»  en  1'*  instance...!  .  ■  \<}t,  a 

Cet  aW)  dont  b  doctriDo,  ta»f  qoelqnci  nmtnékÉimtê 
que  nous  reprendrons  toot  à  l'iieunei  sauf  queU|iiefl'eh|ire8» 
$ioyigpea^îttridiqaef,  est  incontestable^  a  été  netteflUM*  té- 
aiimé  dans  l'art.  903  duC  4'mat.  oriniM  qw  défslar^  qii»  «{la 
faculté  d'appeler  appartiendra...  2*  à  la  partie  dWie,  gwml 
à  $es  ifUirits  eivili  ieulement.  » 

G'eat  donc  une  règle  générale  que  le  juge  d'appel,  quand 
il  n^est  saisi  <}ue  pM  la  partie  chîle^  ne  peut  aUrtaer  qôe-^lir 
les  intérèta  oifib  qu'elle  réelame,  et  ne  peut  par  censément 
ni  prononcer  une  peine  contre  le  prévenu  qui  aurait  été  me- 
quitté  en  première  instance,  ni  aggraver  la  peine  qu^il  <aaniit 
encourue,  ni  prononcer  son  renvoi  devant  le  juge  d'tmtroc- 
tion  i  raison  du  caractère  plus  grave  des  faits,  ni  écarter  me 
prescription  admise  par  le  premier  juge  ^  Il  y  a  chose  jugée 
en  tout  ce  qui  touche  l'application  de  la  peine,  puisque  ni  le 
ministère  public  ni  le  prévenu  n'ont  appelé  :  la  partie  eivilc 
met  en  mouvement  l'action  publique,  elle  ne  la  poursuit  pus 
et  rappel  est  un  acte  de  poursuite  '  ;  cet  acte  ne  peut  donc, 
lorsqu'il  émane  de  cette  partie^  engager  une  action  qui  a* est 
point  entre  ses  mains;  il  n'appartient  qo'au  miniiAtee  pnbl«B, 
auquel  elle  a  donné  l'impulsion,  d'agir  s'il  le  juge  convena- 
ble ;  elle  ne  peut  poursuivre,  elle  ne  peut  appeler  que  dans 
l'intérêt  de  son  action  civile  y  et  le  juge  d'appel^  qui  ne  se 
trouve  compétent  pour  statuer  sur  cette  aotien  isolée  do 
l'aetion  puUiqne,  que  parce  qu'il  est  le  juge  supérieur  du 
tribunal  qui  a  statué  en  première  instance  sur  cesdeu^  ac- 
tions,  n'exerce  plus  qu'une  compétence  civ^e. 

Cette  règle  s'applique  même  dans  les  cas  où  ractîm  du 
ministère  public  est  subordonnée  à  la  plaistede  la  p$iftie  lé- 

'  Cats.  iS  germ.  anxx,  rapp.  M^CbasIe.  J.  P.,  U  II,  5.  I5t|  iSflor.  an  t, 
rapp.  M.  Rupérou,  t.  II,  p.  571  ;  iO  janv.  1809  ;  npp.  M,  B«l>Uh,  t.  V,  iS?  ; 
18  avril  1811,  ^app.  AI.  Liborel,  t  IX,  p.  365  ;  26  th.  1815,  rapp.  If.  Olivier, 
f.  XIX,  p.  238  ;  Tjuin.  1827,  rapp.  M.  ÔllifWr,  t.  IPO,  p.  5jW) i  a?  tbv.  1855, 
rapii.  M,Mérilhou.  Bull.n.  67;  âOjuUi*  i848«r»pp.W,  Vincens-St-Uarcnt 
J.  Cf.,  t.  XX,  p.  818.  ^ 

■  Voy*  notre  t.  Il,  p,  Î6Ô» 


M  l'aPPEI  &t§  lOiBFffeXTS  COftBtCTtûflïltL».  §  S76.  ftS 

^,  car  tout  Ce  qui  résulte  de  celte  oxeèption  au  principe  de 

indépendance  de  Taction  puWique,  c'est  que  !e  mmstite 

pufston 
rentre 

.  dégagée 

4e  tente  e&tra?e,  et  Tappet,  dans  rmtérèt  de  cette  action, 
n'appartient  qu'à  lui  seul  '.  Ce  point  ft  été  spécialement  coh- 
sMré  en  matière  d*injures'  et  de  contrefaçon  industrielle  '. 
'  flfais  quel  est  le  droit  du  JQg«  d'appet  quant  à  l'apprécia^ 
tkn  du  ftût  dommageable?  Est^il  Hé  par  l'appréctatioii  du 
premier  juge,  passée  en  force  de  chose  jugée  en  ce  qui  ooii*- 
eerne  la  culpabiUié  du  prévenu  et  la  crimioaltté  du  faMT 
^t-il,  au  contraire,  caractériser  ces  deux  éléments  de  hi  dé* 
eiston  autrement  qu'ils  ne  l'ont  été  en  première  inslance? 
Celle  question  a  été  diversement  résolue. 

fi*unepart,  on  tient  de  voir  quo  Tavis  du  conseil  d'État 
4i  a  nov.  1806  déelare  que  la  cour  criminelle,  €  comme 
lefn-âîtun  tribunal  civil,  auquel  on  porterait  la  queîslion 
des  é>mnuiges-4ntérét89  dcit  tenir  pour  constants  les  foita  et 
lesmolibqiiiootdétermioé  le  chef  du  jugement  relatif  au 
délits  parce  que  ce  jugement  ayant  passé  en  force  de  chose 
judée,  il  a  tous  les  droits  d'une  vérité  incontestable.  «T 

P'utta  autre  part^  la  Cour  de  cassation  reconnaît,  au  con- 
^ém:  «Que  le  juge  d^appnl  étant  obligé  de  statuer  sur 
Happèl  de  la  partie  civile,  en  ce  qui  concerne  rintérèt  civil, 
06  peut  pas  se  dispenser  d'examiner  les  faits  du  procès  et  de 
faira  toutes  les  déchrations  qui  lui  paraissent  résulter  des 
débats  et  qui  sont  nécessaires  pour  statuer  sur  les  intérêts  ci- 
vils 4es  parties^;  »-^«  Que  le  droit  de  statuer  sur  les  dom-* 
magefr-intér^  impKane  nécessairement  le  droit  et  )o  devoir 
de  reconnaître  la  venté  ou  la  fausseté  des  faits  sur  lesquels 
BefBiidR:la  dommage  allégué;  que,  quelles  quo  soient  les 
exprmona  par  lesquelles  ces  &its  sont  constatés  par  to  juge 
d'appel,  ces  expressions  ne  doivent  s'entendre  que  dans  leur 
rapport  avec  la  disposition  relative  aux  dommagea-intéréls^.  » 
'^  «  Que  l'aetite  de  la  partie  civile  demeurant  entière,  elle 

f tMklS  av»  1920,  jrapp.  M.  Aumont.  J.  P.^  t.  XV,  p.  910 1  f 6  féV.  ISfS, 
rUfùU,  Ollivier,  t  XlX,  p.  253. 
^Gass.  iOmars  Uh^  rapp.  M.  Vincêns^St-Laureat.  tralU  tu  53. 
*  Cassa.  i9  mai  iSi5,  rapp.  M.  Audier-Massillon.  J.  P.,  t.  XII»  738. 
'Gais.  28  lepU  iS37,  rapp, M,M6rilhou,  Cuil.  ii.  793. 


S4  OBS    TtlBUNACX    GOKHECTlONZIELS. 

a  pu  obtenir  là  déctaràtioâ  do  délK  par  elle  {poursuivi  pour 
ohteBÎi  deg  réparatiom  civiles  ;  que  telle  est  la  (^His^Qepcîfib 
des  disposk|bi»&ile  la  k>i  quii,  en  raatÂèce.  porr^tîiH^p^l^,  m^ 
torise  la.  partie  miie-à  agir  par  acitoa  dkqctf  eC.à  «^|p{)6ler 
de  sott  qhefidens^^intétiètpriYé;  qiu>e  det(ellQ9  <^lt^  fqn^. 
qu'en  cette  mutiôre  raction  c^ile  c$l.Â^épeûd»()t|$.da^r^f;n. 
Uofi  publique  «i.que  le  aort  4e  Tune  Q*est  i^s  sixhofâwf^. 
au  fiortde  Tâutre,  pourvu  t^tn  IeT«it,qui.le^  sert  .d^bf^r 
aitle  caractère  de  délit*  ^  »  .-     .j  .  u 

Entre  ces  deux  sol utiôt^s  nous  n'avons  plu»  à  optera  Noua 
ayons  précédemment  examiné  les  efTetd  de  ki  çhoae  jagéoian- 
criminel  sur  le  civil,  et  la  règle  que  nou&  avons  essayé  d'éla^^ 
blir  résout  explicitement  notre  question  \  Seulcnpçut.iious, 
nous  appuyons  ici  sur  la  jurisprudence^  que  mmsavotis 
trouvée,  au  contiraire,  opjîroiséeehlhàse  générale^  notre  doo^ 
trine^  parée  que,  înconftéqdente  aye<>  olta-vn^ev  'P^^s  «yiiir 
posé  le  principe 'derrrniftience du. criminel  sur  lo'civil^  elle,  à 
reculé  devant  ses  con^qdences  dans  le  cas  qui  nous  ooeopc.  ' 

Deux  principes  sont  ici  en  présence  :  d'un'epàrt,l%utornëde 
la  cbose  jugée,  de  l'autre,  Tindépendance  respective  des  Jti*^ 
ridictions.  L'autorité  de  la  chose  jugée  couvre  le  prertiiër  jtt* 
gement,  mais  sous  quel  rapport  f  en  ce  qui  touche  tous  1^9 
chefs  du  jugement  qui  sont  relatifs  à  raction  publique  àvht^ 
quels  le  ministère  public  a  acquiescé,  et  dont  la  partie  civile^ 
n*a  pu  faire  appel.  Il  y  a  chose  jugée  sur  la  partie  qui  a  fait 
l'objet  des  conclusions  du  ministère  public»  sur  la  culpabilité  ■ 
du  prévenu,  sur  l'application  de  la  peine.  Mais,  y  a-t-il  cbose 
jugée  sur  IVxistence  et  la  qualification  du  fait  et  sur  la  part 
que  le  prévenu  a  prise  à  sa  perpétration  ?'Évidemment  non, 
puisque  la  partie  civile  a  le  droit  d*appel  pour  ses  intérêts  ci-* 
vils,  puisque  ses  intérêts  civils  sont  le  dommage  que  le  fait' 
incriminé  lui  a  fait  éprouver,  puisqu'elle  ne  peut  se  plaindre? 
de  ce  dommage  qu'auta»t.que  le  fuit  est  qualifié^dé^it.  Le  juge 
d'appel,  saisi  {>ar  ce  recours,  a  donc  le  dîroit  d'examiner  si  jc^. 
fait  existe,  s'il  doit  être  qualifié  délit,  s'il  jaut  Timputer  au  ' 
préveau,  s'il  a  causé  un  dommage  ;  il  a  ce  droitd'jexamen  par^ 
oela  seul  qu'il  est  compétent  pour  statuer  sur  Faction  civile, 
car,  pour  statuer  sur  cette  action,  il  est  néc^saire  q^*il  puisse 
apprécier  loMs  les  éléments  qui  peuvent  concourir  à  sa  déci- 


*  C&gs.  15  juin  1844.  rapp.  M, 
•Vnv.  notre  r.  Jfl.  p.  77^. 


aorniguièi-ei.  Buii.  tu  Si7. 


àéh,  Le^tonsefl  d^État'  veut  qu'il'tienneipoiir'conftaiilsle» 
feils  et  l^'^iolirs'qur  6iit  déterminé  le  ^hef  du  ju^smeiit  re^ 
l^tlP'Mf^délil:  Il  doit  léft  tenir  pour  confitanls  saiis  dqute  ee  ee 
q(ii'lc|0^en^  to'répre«sMMi  de  ce  délit  et  llappltration  pénale  ; 
mdiis  poiirqtibî' lés  tiendrai t*-ilp»ur  constants  qq  ce  i|Qi  tonH^ 
céfM'tk'r«^m^nà\i  dororhaft^Juge  dappel^  n'estn^  par 
cbi^â-de  ^r^i^t-  le  preni\&é  jugement)  de  oontrôler  sesééh 
claratîons,  de  rectifier  ses  solutions^  Pourtu  qu'il  se  renferme 
dans>teT9e!rolcde  Taetion.QÎvile,  dpat  il  est  seulement  saisi, 
sesrpalinMrsiie  pavent  être  restreints  :  comment  le  seraientr 
ils  fài  Paequieseemeot  du  ministère  public  relatif  à  l'action . 
publique,  poisqlre  eeX  acquiescement  laisse  vivre  ractipn  ci-» 
vile  t«iit  emlièfe?  Cornaient  ne  ppurrait*il  ()as  agiter  de  nou- 
veaaie»  faits appréeiés  on  première  instance,  puj^ue  ces  faits 
sefll  les  éléments 4ii  jUgeiBent  qu*il  est  appelé  à  rendre?  On 
objecte  jà  liontradiction  qui  petit  se  manifester  entre  les  deux 
jugementsyion  objecte  que  le  pcé%cnu  pourrait  è(ro  acquitté 
(icTaction  piibliquc  et  flétri  sur  Tactiôn  civile  :  cela  est  pos- 
sible, en  effejt;  car  c'est  1^. stricte  conséquence  du  droit  de 
proDpnçer  séparément  sur  rûncet  Pautrc  action;  mais  il  ne 
faplfwp^xâgérer  cet  incoùvénienC  ':  le  juge  d'appel  n'est  point 
appelé  ^  jug^er  si  Tàuteur  du  fait  dommageable  est  coupable 
ou  Q^esipas  eotipablc  du  délit  ;  il  n'a  ^.mt  mission  de  ciécla- 
rer  sa  culpabilité  ou  son  innocence  ;  il  manque  à  tînè  réglé 
jaridiqœ  s^il  le  fait  dans  les  motifs,  il  commet  un  excès  dé 
pouvoir  s'il  le  fait  dans  h  dispositif  de  son  jugement.  Cette 
iQ[r«ction  poufraitr-elle  in0uer  sur  le  sort  du  jugement?  K 
serait  difficile  de  décider  ce  point  en  thèse  générale,  car  la 
solution  dépend  de  la  rédaction  même  du  dispositif.  Mais  if. 
suffit  en  tous  cas  qu^un^  telle  déclaration  soit  abusive  pouf 
qu'elle  4oiYe(iien  rarement  se  produire.  .  ' 

Oael  WréfRst  de  Fa^pei  de  la  partie  etvîle  sur'  tes  taoep^' 
tioristIFnë  peùi  faire  revivre  ni  celles  qui  ont  été  résoluep  en 
faveur  du  préVemi  rdativement  è  Tapplicatiori  de  la  peibe 
puî^dii'il  y  a  chos^jùgée  è  cet  ég^rd,  ni  celles*  qui  efitété' 
réjolWrf'^îietoe  Hncequi  fotréhie  Pactiort  dvile;  côntrairetnenl 
affpt^vnitil  pnîîiqùé  l'itppel  de  la  partie  civile  ne  peutièlre 
jùgéqué^  datifs  -iôtk  ptopt^  mtérèt*  Le  premier  poiivt  a  été  dé* 
ddél*  par  un  atrÇt  ^ui  déclare  que  la  partie  civile  ne  peut  pro- 
poser en  appel  Tincompétence  de  la  juridiction,  cc^frecTioo- 
nelle^  à  moins  qu'il  ne  puisse  en  résulter  aucun  préjudice 


M  Wê    THlBUNAtJX    GORRECTIOMNEU. 

pour  le  prévenu*  ;  2*  par  un  arrêt  qui  déclare  également  qu'elle 
ne  peut  proposer  un  déclinatoire  qui  a  pour  but  d'écarter  la 
prescription  triennale  :  «attendu  qu'à  la  vérité  ce  déclinatoire 
avait  pour  but  de  faire  écarter  la  prescription  triennal^  admise 
par  les  premiers  juges  en  faveur  du  prévenu,  mais  que  le  tri- 
bunal d  appel  ne  pouvait  exiger  une  prescription  plus  longue 
que  celle  des  délits,  puisqu'il  eût  fallu  pour  cela  reconnaître 
au  fait  le  caractère  d*un  crime,  et  qu*il  ne  lui  appartenait  p^, 
faute  d'appel  du  ministère  public,  de  constater  les  circons- 
tances d^ou  pouvait  ressortir  cette  qualification  plus  grave  *.  » 
Le  2*  point  a  été  résolu  dans  une  espèce  où  le  prévenu» 
poursuivi  pour  contrefaçon,  avait  opposé  Texception  de  dé* 
chéance  au  brevet  d'invention  ;  cette  exception,  rejetée  en 
première  instance,  ne  pouvait  revivre  en  appel,  quand  le 
prévenu  n'avait  point  appelé  :  c  attendu  que  l^appel  de  la 
partie  civile  n'a  remis  en  question  que  les  chefa  qui  lui  fai- 
saient grief;  que  dès  lors  Tarrèt,  en  annulant  une  dispoaitioii 
non  frappée  d'appel  et  qui  avait  acquis  au  profit  de  la  partie  ci- 
imcaractére  irrévocable»  a  violé  l'autorité  de  la  chose jugée^»» 

La  règle  générale  qui  limite  l'effet  de  Tappel  de  la  partie 
civile  à  sesio^ëts  civils  admet  quelques  exceptions^ 

Ainsi,  les  administrations  des  eaux  et  forêts,  des  contritnt^ 
tiens  indirectes  et  des  douanes,  bien  qu'elles  n'aient  que  1^ 

3ua}ilé  de  parties  civiles,  peuvent  appeler  non-seuleoient 
ans  rîntérét  de  la  réparation  pécuniaire^  mais  encore  dans 
rjntérét  de  la  répresskm  du  délit.  En  ce  qui  concerne  l'adoii* 
ttisIratioQ  forestière,  ce  droit  exceptionnel  est  expressément 
consacré  par  t'art.  202»  n""  S,  du  G.  d'instr.  cr.,  et  par  rac- 
ticle  183  du  G.  (or.  4.  En  ce  qui  concerne  les  administrations 
4ea  contributions  indirectes  et  des  douanes,  elles  ont  le  même 
droit  d'appel  relativement  aux  contraventions  qui  entraînent 
l'amende  et  la  confiscation  ^  ;  mais  quand,  par  la  nature  de 
la  «artraveittien  ou  les  cîreoiistances  qui  Tent  acoompagnée, 

A  Gass.  7  féy.  18S4>  rapp.  M.  Clioppin.  J.  P«,  t.  XtVI,  p.  441. 

*  Cda8é  20  juillet  iSâS,  rapp.  M*  Vlnoens-St-Laarent.  /•  crim.  t^p.  AS. 
*Cêêm*  1  jaîn  1851.  rapp.  M.  Rocher.  BulU  d.  314. 

*  Gass.  39  janT.  1808,  rapp.  M.  Gaieu.J.P„VI,p.  478;3iianT*i8i7»rap» 
If.  Basire»  U  XIV,  p.  5S  ;  5  nov.  18S9,  rapp.  If.  Chantereyne,  t.  XXII»  p.  1485; 
I  teai  1835^  rapp.  M.  Ricard.  Bu)!,  o.  172. 

»  Voj.  nom  t  II,  p.  234  et  S4S  ;  et  Gass.  S  mal  181S.  rapp.  M.  Btfaod. 
J.  P.,  L  X,  p.  880;  7  mai  1813,  rapp.  M.  Bailly^  t.  XI,  p.  852;  26  vend,  an 
n,  rapp.  M.  Target,  t.  II,  p.  14  ;  28  prair.  an  zi,  rapp.  M.  Lachèze,  t.  III, 
p.  880  ;  SocL  1882,  rapp.  M.  Cbaiitereyoe.  Bull  n.  882  ;  1  STiil  1887.  mm 


M  L*Ami.  ABi  luanaiiTS  coruigtidjinii^.  I  576,  87 

(s'élàira  à  l'eoiprisoiiDeiDent»  Taction,  et  par  oooié<- 
qQeokle  droit  d'aj^l,  n'appartient  qu^au  ministère  public  '« 

Ainsi,  en  matière  d^iomctioa  w%  droits  dea  maîtres  de 
po^)  il  a  éfcé  reconnu  encore  t  que  l'amende  établie  par  U 
lo^du  IÇ  ventôse  an  xiii  ne  peut  être  considérée  comme  pu- 
miMsil  pénale  puisqu'elle  est  attribuée  par  moitié  au  maître 
de  poste  lésé  par  la  contravention  ;  que,  de  cette  attribution, 
il  suit  que  celui-ci  a  le  droit  d'en  poursuivre  personnelle- 
QçBl,  .la  c^damnution  dans  tous  les  d^rés  de  juridiction 
mèBHtjsaos  ifi  CQpcours  du  ministère  public  \  » 

Aiwù^  enfin,  il  a  été  admis  ep  matière  d'adultère^  par  une 
ij)risprndi9l|ce  que  nou#  avons  d'ailleurs  combattue  ^>  que 
Tap^l  4umari  ^eul  autorise  le  juge  d'appel  &  aggraver  la 
l/tm  encourue  en  première  instance  \ 

¥;  Afpti  dumbmUnpubUe.  De  tootlesappelB,  oMmà 
a  Ml  eM»  ierpin»  Meodhia  :  îl  préaanre  non-aeiileinent  les 
kàbÊëÊ  4è  L'tatiMi  pidrii^ae^  niaia  oa«t  de  la  défmse  eU^ 
nlme}  car  laaoeiéléy  a«  mis  de  laquelle  îl  estinlerîeté^  ne 
pefH  nmf4fûk'vm  bol,  raooompliiiesieHt  des  fins  de  la  fvsika, 
hmMîTeiiation  de  la  vérité. 

ON^ppelaart  donc  mémi  ati  prévenu,  et  le  juge  d'appel, 
SQp<€é  aèol  tecoori»  peiilprawnear  soit  une  ^ine  moiiidfe 
^e  asHt  pfoaonaée  en  première  instance,  soit  même  l'a^ 
yiiUttiÉ^wl  du  préteso  condamné  par  la  premier  fvge  : 
es '(MMiier  pointi  a  été  spécialement  reconnu  dans  m» 
npttf  oè  le  prévmnf  avait  été  aequtUé  mn  h  seal  ap« 
{Ml  dci  minatère  pvbKe.  Le  pa«irvoi  fut  rejeté  «  attendu 
f»  l'appel  do  mfaiisiére  public  était  illimité  et  oonséquem- 
BMsalr  remettait  en  qnestion,  quoique  le  condamné  ne  fût 
peiol  appelant,  tout  ce  qui  avait  été  joumis  aux  premièfs 
jttgiÉ,  /tant  à  charfa  qu'à  décharge  \  » 

Cctjqipel^pettl  étta  iofterjeté  même  dans  l'intérêt  du  prê- 
tent i  n  atteudo  qulaux  termes  de  Tart.  202,  la  faculté  d'ap  • 
peler  appartient  au  ministère  public,  et  que,  dans  le  cas  où 
OM,  appel. est  inJÉurieié  d'une  manière  indéfinie,  il  remet  tout 

<eaa.fia6v.taii^rip|».Bf.R«taiHL  h  P.,  t.  IX,  p.  180 1  8  die  4838. 
iipi^  M*  BressoD.  BulL  u*  880* 

*  Cuk  88  déc  1838,  rap.  St  Vinoeiis-Ôt-Laureiit.  Bull,  n*  890. 

^Voy.DObret.  Ill,p.80. 

«  Case  19  oet  1887,  rapp.  M.  Vinoeas-SlrLaurait  BulL  a.  8i8t  a  Soùl 
AOMi  riHb  }L  IsamlMf  n*  S8S. 

'  Cok  87  léf.  1818,  rapp.  M,  Oudart.  i.  P.,  I.  XI,  p.  174« 


00  iES    TKIBVMAtX    GOIHKCTIONNCU. 

en  question  et  dfoit  prbfiier  au  prévenu,'  s^iî  à  ew  coùlamiié 
injut^lfefttcÂt/ecnrfme  àta  tfmN^tè|»èHnfiiéy  si  eMfn'tffnlM^:^ 
fatfeHhe»  ptareè  que  le  ^îtAàèèepùWe  «gM^é*  ililttii<fo.l|i 
soeiétè,  ^aflrntitèrfet  ^%  baimê''&dtiiinfet^«t}<m40la}«tf^  <' 
tidé;  ^t  <)tièv  âdUÏ'ce  fioint  âe  VMj'  iMmpovlti  fM,  (lôwr^iei'  -: 
le}ùge!Rielrt'(kmt  Ir  minisCéi^'^pbbl^  â^^t'^b<^  lippend^^ 
floît^setiliiïiseti  entier  au^}ugiè<tf'ttt)peh'qoe1e^p^ 
paHiei^iWle'aftùaVaitpi^t  iiifet)«tèapf>èl  ^  ^'  »  ^s^l^î^*  ^  ■ 
Inf  en  est  encore  aiàsijsoîldiânsleèas  d'dti  éfipéf'i  ilkilfWll,''^' 
soît  danslc  cas  où  i'àppeî  ii^âurâit  drantrèbbjéf  tpie^'tfe^*»*;;  . 
prononcer' une  peine  onii^e  en  preittiêrëinstàriiéfe'i  ♦  iitfiél^''  • 
que  le  ministère  public,  aui  agit  auiiom  detas6bi8té'^dmj'^ 
1  iflitém  de  Ifr  batifie  iifcnistrttÀ»  de  la  jusCicef!  i^sii  p«r  toli 
appelles  juges  mpéri^r^devl^exaineiideia/privèiiimi  Mut.  ' 
entière,  etleuv'domte1e'dcoîl40*diiDlouér<ilaipme  proDOtH^ 
cée,  si  elle  leur  panKlteiCB^iev  même  de  renitogfar  kifxir 
venu,  s'ils  peMeiitqa'ita^étéi!iial  à  propos :oaildafoaii&^(i|M  . 
les'conslusîotis  ^risf»^  daMtilîaeto  d^q)(ifil^'for  .lesqmUes^*. 
miaislèf«  publiC4i0iiiatidejuneaggtaiyatiDa  de)paiie^«pias>piiis:. 
que  oeiles  qu'il  preadvait  daDa4c  mèmosets  àiravdieMt^Kiie 
peuvent  lier  heisjogCB  et  ias^liligeride  tenir  fiour  «irtaimi-la 
cu4p«biitté.duprèYtiiuaQiuappelBtit9Mpi<ib/Qe  pwvtn^toil 
effet,  reconnaître  s'il  y  a  iam  à)  roggrsratiMi  :^  pWMiiio-r 
qime^  sans  vérifier  la  vérité,  la  moralité  ^t  .-fa  cpiaUfisaiÎM  •  . 
légale  des&its  imputés  au  ptévenàr9  et  que»  ai  leféMittatdie' 
cet  eiamen  lui  est  fayorabie,  il  est  impossible  d'ailiil^IttlM».  - 
qu'en  le  proclamant  ils  soient  obligés,  de  laisser  subsister  MBf 
coud^mnation  qu^iU  jugent  injuste;  qu'il  n'y  a  aucupe  dii^ 
tinctionà  faire  entre  le  cas  d*un  appel  à  .minimây  tendant  k   . 
faire  élever  la  inème{)eine  qui  a  été  prononcée,  par  Jfi^  jfj^^fr  ;  ] 
miersjujges,  et  lo  cas  où,  comme  diMJ§ile^)èfçe^  l>pg^  i^pg^ 
butde  faire  ajouter  une  peine  qu%  ont  omise  \»  ^^,    .    -i. 

Il  faut  seulement  distinguer  si  l'appel,' niéiniB^  à  loitiiiiirtl^o. 
eslîtttmité,  en  ce  sens  qu'H  porte  surtoM  le  jugeaiciilj'^^tt 
s'il  est  limité,  dans  une  «aose  comprenailt  pibsieute  ^eltffs^4e  :  : 
prévention,  à  quelques-uns  de  ces  chefs.  Dans  ce  dernier  cas, 
il  y  aurait  excès  de  pouvoir  ^le  lapart  ^ujuge  d'^y^jjel  (ffJilf^^ . 
rait  porter  son  examen  et  sa  décision  sur  ae§  cbewlaiMés^êçi 

«  Cass.  IS  noT.  1635,  rspp.  M.  Debaussy.  Bull.  n.  414.  -^ 

*  Cbss.  10  mallêâSi,  fapp.  M.  ViiicenBli^LiMM»b'BdlI^'il,.Sat;1|,ttnM 

1SÎ5,  rapp.  lf#Wk|ifr,  i.  P„  trXIX#|i.  SS*^     »... • 


,      ïM  LAFPfL    VU   JWEMBMTS   COMECTIONSELS.   I   576.  80 

dehM.4eJ>ppel  ^  Cepi|fi4<Mrvt>^9|èf^  fias,  si  leiqbcf 

fr^d^«pp4ie8(jîi  avoc>  cbef  lai^eé  çp  del^oi^  W  juge  sq 
inmft i|é$ésipîrefveBt  invesU 4o droit  ^ôaMu^siir  Vuq  et 
nif  iIj^Wq.)  B^m^  daps  une  espèce  ot^  rappel  était  fonié  sur  ce 
qae^W|p()inîft  jilfQA'Bva^  prononcé  que  la  peine  du  délit  âe 
port  l'arme^Miavait  omis  de  prononcer  sur  le.  délit  de  chasse^ 
il  a  été  jugé  «  que  le  inbunaj  saisi  iie  cet  appel  a  été  investi 
do  (|f3^'^]f^  ^Djçr  de  nouveau  sur  le  délit  de  chasse,  et  par  . 
co^l|£g|i^t^jô  permis  qui,  d'après 

réràjpiiriie  iiii  décret  du'fh  mai  1812^  ne  peut  exister^  sans  je 
^dl^c^^^ 

Éi  mtéf  é^€sl  JTaff  el  aral  (ti  Mn  les  réquisitions  priiei  k 
ratifiêne»qin>foQtile  draît^  jugeid'ippe)  ;  ik  in^p^irte  peu 
(|Qe4e  minislèr»  public  n*ait  ofiii&iqu^à  la  confirmation  du 
jogenifail  attaipi6:  lé  jugé.d'appaï  pavt^aggiaver  les  peines 
proaaocéefr^^dkMiipavte  pea  ipi'i l  ait^  aiifoaotmrev  conclu  k 
ragfiravaliDB  descpeinesy  le  juge  d^ap^  peut  les  réduire  ou 
les^cer-^s  ifriaifaonenest  «  qu^ilest  de  principe  constant, 
ennatiére  d^applicaiioii  de  la  peine^  que  le  droit  d^e»  pro- 
pofiaiiser  la  durée  à  la  gravita  4m  délit  n'appartient  qu'au 
tribanël  iaist  do}àgeiiieQt  du  procès,  et  que  les  réquisitions 
da-miniftère  puUîc^ie  peuvent  apporter  aucune  restriction 
nili«{|a&ôn  è  Teiercice  decedroit,  ni  mettre  obstacle  à. la 
iibeè  apprédatioB  dont  le  tribuDal  est  seul  investi  par  la  loi 
àoelégml^.  »  r 

ti^appel  du  ministérci  pnbKç  sauvegarde  donc  tous  les  inté- 


plasieurs  rois  reconnu  que  le  juge  d'appel  tio  peut, 
seul  recours,  ^tàtuétiui'  les^  intérêts  civils,  «  atténtfo  qtiela 
CounttSavaît  jiki  smî^  :!qp|r  |)ar  i'appel  eu  Jninistèf e  puUic  ; 
qaeaet«|i|wl^  jCaserittfillomQt  étranger  «ux  intérêts  civils  des 
padies^.ft'OTaitipiiiitit  doaoer  juridiction  sur  les  réparations 

»«ii*Wif6lrtr«S»!;ràpiKll.«Wi*fchop.  1.  p;,  L  XV!,  p.  Ws,  '  '     : 
^  Can.  Si  déocmb.  iSii7,  rapp.  M.  ViDceiif-Sl«Laurent  J.  Gr,  U  XX, 

Pi  53. 

'  <CWk  a  «|»t.  «au,  nni^^li.  Schwanété  J.  Rm  t  iX,  ^  S29. 
*  Caw.  14  nsi  1847,  rapp.  M.  DSiriuBlyé  J.  Gr^  I.  XXI^  ^  SI^S. 


90  ih;s  tribukavx  correctionnels. 

civiles  à  l'égard  dosquelles  il  y  avait  acquiescement  des  parties 
intéressées  \  9 

Ainsiy  le  juge  d*9ppel  ne  peut^  sur  Fappel  du  ministère 
public,  aTIpuer  î  la  partie  civile  non  appelante  des.domniages- 
mtérèls  refusés  en  première  instance  *«  Ainsi,  Je  ministère 
public  est  non  recevable  à  appeler  de  la  disposition  d*un  ju- 
gement correctionnel  qui  refuse  à  la  partie  lésée  les  répara- 
tions auxquelles  elle  a  conclu  '. 

Cette  exception  k  Peflet  général  de  l'appel  dû  ministère 
public  admet  néanmoins  elle-même  une  doublé  exception  : 
1*  en  matière  forestière,  l'appel  du  ministère  pùlf^Iiè  a  effet, 
non**sculement  pour  Tamende,  mais  pour  les  restitutions  \ 
et  l'adtniifisiralion  on  profite  quoiqu'elle  ait  négligé  d'agir  '; 
9*  efl  maiière  de  doaànes,  Tadministr^îon,  qui  H  MM  le 
ministèrer  public  agir  seul  en  première  rastafice^  e^  éésif- 
Moins  recetKblé  à  iotéijèter  Appel  dûf  jugefhebt  ;  iMù  Èftim  a 
done  pM^rté  tes  iittérét*  ehrib  qd'elle'  pott^stiit  * . 

VI.  En  déterminant  tes  effets  de  chaque  appel  fsc^^oient, 
nous  avons  par  là  même  indiqué  les  effets  que  doivent  pro- 
duire les  appels  interjetés  simultanément  par  plusieurs  parties. 

Ainsi,  rappel  simultané  du  prévenu  et  de  U  partie  civile 
soulève  à  la  fois  un  intérêt  privé  et  un  ihférèt  éWll  :  te  juge 
d'appel  peut  statuer  au  prontdn  prévenu»  if  peutstàCùéf  sor 
l'action  civile  tout  entière,  mais  il  ne  peut  statuël*  danâ  Tin- 
(érét  de  Faction  publique  ;  ît  ne  peut»  par  exemple»  èi  èggfà- 
ver  la  peine  que  l'appelant  a  enoottrne,  ni  suppléer  une  pé^ 
ndité  aeeesfioire  omise  par  le  premier  jdge. 

Ainsi  y  les  appels  àa  ministère  publie  et  de  la  partie  ct- 
vtle  suffisent  an  contraire  pour  remettre  toute  la  caose  en 
question. 

*  Gaw.  n  oct«  iSiS»  rapp.  If,  Bauchau,!.  P.,  U  X,  pi  7S&  ;  Id  prak.  an  iiQ. 
lapa  BL  Gonptt  de  PréfelD.  1 1,  p.  65S. 

^ÔH«.  H  août  lasff.  rapp.  If.  IsembeH.  J.  P.,  Il  XXIV,  p.  tMO. 

'  Gaft;  iS  4ée.  dSSI»  rapp.  M.LonfoU  J.  P.  t.XVl»  pé  iHk  I»  é^  i»?* 
raop.  M.  VinoeD9-8t-LaurenU  Bull*  d.  427. 

^  Gass.  SOmars  1830/ rapp.  M.  Ricard.  J.P.»  t.XXni.p.  ISS  ;  S  aiaH8»5| 
mp.  M.  jRîcard.  BuU.  n.  118. 

*  Cass.  27  Jaov.  1837,  rapp.  Bf .  Vaysio  de  Garlempe*  Bu|i.  n*  84- 

*  CaM,  5  ocu  IBSS,  rapp.  M.  Ghanterejoe.  J.  P.»  U  xilV|  |w*i496. 


•E  l'appel  des    JLGEMENTS    GOHBECTIQNNBiS.   |  2^77.  9)i 

S  577. 

I.  Mesure  de  la  compétence  du  juge  d*appel;  — II,  lorsque  Ittpremifif' 
joges  eitt  Matoé  régulièrement  sur  le  rond;  —  lU.  lorsqu*iis  ont  sta- 
tué Mr  le  fond  ivrégaiièretiieni;-*lV.  lors^iills  n'ont  pas  statué  siif 
le  fi»Q^-r¥*  £iae^otis  k  It  neraie  ée  rôtofttkm  ;  ^  Vf.  PdtMi? 
decfilteqMore, 

L  Noos  vcBODS  de  voir  de  qwlg  fait*  le  juge  d*eppel  est 
saiiieidam quelle  mesure  il  doit  aintumr,  suivant  qu'ttest 
iofesti  far  Va^pçl  de  telle  ou  telle  partie.  Nous  avons  «neonr 
i  eiao^pte;  ispmmeqt  il  doit  statuer  mr  ia  (^aiise  que  luidélteo 
rappel,  c^ert^^dire,  quels  sont  les  pouvoirs  que  U  loi  loi  • 
aitnbttéa  «ur  cette  cause,  et.  dans  qt»eU  oas  il  doit  an  faire 
uag9t 

Ufattt  distinguer  si  les  premiers  juges  ont  statué  sw  le 
food  par  un  jugement  valable  en  la  lorme^  a'îls  y  ont  alatué 
par  un  ingeoient  irrégulier  et  nul,  ou  enfin  s^ils  n'y  ont  pas 
stataé,  r(6u^  allons  examiner  ces  trois  hypothèses. 

IL  Loisque  les  premiers  juges  ont  statué  au  fond  par  un 
jogeoMot  valable  en  la  forme»  le  juge  d'appel  ne  doit  plus 
&'aoeiiper  q«e  du  bien  jugé  #  et  il  prononce  la  confirmation 
ou  Taonulaiion  dQ  jugement  attaqué,  aoit  en  ce  qui  oonoeme 
rippUealÎQB  de  la  peine,  scît  en  ce  qui  coûoerne  les  domma* 
giMntèfèCa,  e»  suivant  les  règles  prescrites  par  les  art  Sld 
et  M»  du  CL  d'inst.  crim*  Cette  première  hypothèse  n'offre 
(ktte  aucune  difBealté. 

ni.  liorsque  tes  premiers  juges  ont  stataé  au  fond  par  un 
JQgearant  irrégnlter  en  la  forme,  il  faut  distinguer  si  l'irré- 
guiarité  provient  de  l'incompétence  ou  de  la  violation  des 
formes  prescrites  par  la  loi. 

Si  rirrégularité  naît  de  l'ineompétenoe ,.  le  juge  d'appel, 
en  aomilant  le  jugement,  renvoie  les  parties  à  se  pourvu 
devant  qui  de  droit.  Cest  la  disposition  de  Tari.  2ik  du  C. 
d  iosU  cr. 

Si  rirrégularité  consiste  dans  l'omission  OfU  la  violation  de 
formes  prescrites  par  la  loi,  le  juge  d*appel  doit  retenir  Vaf^ 
faire  et  statuer  sur  le  fond.  C'est  là  ce  qu'on  appelle  une 
évocation. 

Le  Gode  du  3  brumaire  an  iv  n'avait  pas  autorisé  cette 
aiesore.  L'art.  202  de  ce  Gode  portail  :  ^  Si  le  Jugement 


9V*  0ËS   TRIBUNAUX   CORRECTIONNIds. 

est  annulé  ponr  vîolafidn  ou  o'mi?sîon  Ae  formes  pri>eçrîte$ 
par  la  \ox  h  peine  dé  nullité,  pour  incompétence  à  raison  du 
iîfeu  du  délit  ou  de  la  résidence  du  prévenu,  le  tribunal  eri- 
mineiyenyore  fe  procès  à  un  autre  tribunal  correclîçi^ifjel  du 
méme'dépàrtement,  pour  y  iMreTecommencé  à  partir  cUi  plus 
ancien  des  actes  dans  lesquels  ils'est  trouvé  une  huiiîté.  » 
Gett<?di!tposiHonavaità  la  fois  l'avantage  de  u|aintenir  i[p  pre- 
mier degré  de  juridiction  dans  tous  les  cas^  et  rinconvénîent  de 
cimi^liqdeir  les  procédures  par  des  rértvols  incessants!  ^Lefé^ 
gislateur,  frappé  de  ce  dernier  résultat,  voulut  fe  faire  cesscir. 
VfiT^,  1  de  ^  loi  d«  39  avril  1^6  déd^ii  qvQ,  «;  lorsque 
sur  rappel  dlun.  jug^nnentdéfiQMreQ  matière  earroc^i0QileUe, 
la  courde  juRlio^  ctimînelie  prononcera  la  nufHté  poyr  vio- 
lation ou  Omission  des  formes  prescrites  parla  loi,  ladite .eour 
statuera  sur  le  fond  :  il  .^t  quant  à  ce  dérogé  à  r««rt^. 1^02  du 
G.du3  brumaire  ly .La  disposition  de  cetarliclerêlaUvèàràn- 
nulation  du  jugement  pour  cause  d^incompétence,  continuera 
de  recevoir  son  exécution.  »  Ce  principe  et  l>5icjeptîfii  qui  ) 
est  apportée  à  T^gard  des  nullités  de  conrip^tence.,  oiit  été 
maintenus, par  rart.,àJ5  dju  Ç-  d'ii^st.  CjT.,  qui  (^ispo^i^ip  qpe, 
«'si  fejujseméntest  ànrtq!^  pour.  vÎQlqtJQu  pu  omission. »ïX>» 
réparée  de  formes  presçrijes  par  la  )oj,  à. peine  ^ÇjDuffi\tér)a 
cour  statuer^  sur  Ip  fond.  ». ..,/.,   /. . 

^  L>ppjicatipn  de  cette  dispoçiîtiop  ne  soulève  encore  J^M€^pc 
question  sérieuse  dans  la  sccoijtje  bypotbèse  que  nous.ftvons 
posée  :  le  juge  d*appiel  doit  nécessairement  retenir  IWaire  et 
statuer  sur  le  fond  lorsque  le.  jugexnen);  qui  lui  .est  .déféré, 
quoiqu'il  soit  entaché  d'un  vicé  de  forme,  a  lui  mâaaet  été 
rendu  sur  lé  fond;  car,  en  prononçant  sûr  le  fond ^  le  pre- 
mier juge  Vèst  dessaisi  de  la  cause' tout  entière,  et  1?  jugé 
d'appel ,  qui  eb  est' saisi,  ne  pourrait  en  déléguer  te  |ugement 
à  un  autre  iu^e. .  .';  ,  ^^  ;^    .'<•  ^-^  «.l'ul  • 

ïl  a  été  d&ide,  par  application  dé  c^tlé  rc^le,  q\i[e^ révo- 
cation doit  être  ordonnée  :  l"*  lorsque  le  jugenient  estannulé, 
parce  que  les  témoins  entendus  en  1'**  instance  n*ont  pas 
prêté  serment  :  »  attendu  que,  d'après  les  dispesHiQns  for- 
melles de  Part.  215^  TanQuIatiou  pour„viçe  4!^  forh^ie  d^un 
jugeiBent  de  l***  instance  ne  dessaisit  point  iesîi  juges  d'appel, 
et  qu'ils  doivent  au  contraire  statuer  eui-riièiijés  sur  te  fond 
du  procès  ^;  »  2'  parce  qu'il  n^a  pas  été  rendu  pijibliquo- 

<  C«M.  5  mai  1830.  r»p|>.  M.  BasKhop  J.  P.,  tXV,  p,  968, 


M   L  APPEL   OE^   JOGM.KNTA  GOBHECTIONNBLS.   g  577.  9^ 

par  ftâfiiut  sjjjr  unie  citatîoçi  don.néjî  à  un  (i<^lai,lrop  coiut*  5,; 
^^  W^;gf..SVP  .M*^^^^> >^"' ''^^"'^^'^^  d'îp^taj?.cp  «ji'épqaçiutï 
P^  ^^f^^^f^^'^f^^  faits*  ;7*  parce  quç.le  ju^oççiiil.ae.  f^iiin. 
staocé  iyàdt  à  fort  déclaré  jioo  recevabTe  Moé  oplaositiob  à.u». 
jugement  pafdeM\  , 

tVii'BïMrelfoiliMwïefcyfWfhèW  «e  présente  pas  dAns'Ie  sys- 
tèneésltfftlriïprâde^do^îlfiricuttés plus  sérieuses  que  là  se-! 
c<mde  f  tar  h>rtglfe  qu^èlle  a  posiée  est  aussi  sfrmple  qu'elle  est  ! 

Lejiige  (ï^â^^eT'aAîe^^'to  terrries  de  cette  jurisprudence, 
retenrr  râfT^Iré  et  statuer  au  fond,  non-seulement  quand  le 
premier  jug-e,  après  avoir  omis  ou  violé  une  forme  proscrite, 
àpeme^dtè  nàTlîtè,  a  lui-même  slalùé  sur  le  fond/maîs  en-! 
core  quand' il' s^ë^  arrêté  à  une  (uiestian  mcidente  pu  à  unçj 
exccpt|<Jtt  el  n'a  pas  abordé  le  fond,'  lors  même  que  rannula7' 
lion  n*i^f|)às  prononcée  pour  romîss'onou  la  violation  d^une. 
forme  edsëûtièlfe  dfè'la  procédure,  tors  même  qu'elle  est  pro- 
noncée pour  le  mal  jugé  sur  rjncident.  La  Cour  de  cassatipn 
«déclaré  qué^  t  sous  Tempire  du  Code  du  3  brum.  an  iv  et 
en  rerlii  d<?  s^^  ai't-  202  et  204,  le  juge  d'appel  ne  devait 
fetoqqefque  dans  le  cis  ou  le  jugement  de  !''•  instance  était 
infirmé  _pour  mal  jugé  au  fotid  ;  que,  d'apr(5s  Tart.  !•'  de  la 
W  da'â  avril  180$,  qui  a  expressément  dérogé  quant  h  ce  , 
aax  ifisposidons  du  Code  du  Sbnim.  an  iv,  il  y  a  lieu  à  évo- 
cation datii  tous  les  cas  d'information,  xîxcepté  lorsbu^elle  est' 
fondée  fittr  nûcbrhpétence  ;  que  I^art.  215  du  C.  d'inst.  cr., 
rédigé  dans  les  mêmes  termes^  doit  être  entendu  dans  le  même 
«^os>.  »  AlhSf  itf  annulation  des  jugements  correctionnels  ne 


!  ^svWrjftW-IWi,  rt w^  M-  DBhaiî$»y.  J.  P.,  t  XXV 
^Cass.  iîÀ  aotit  iÔi7,  rapp.  M  Basire.  J.P.,  t.  XIV,  p. 
'C«is.  ^jttîii  léil,  rapp.  M.  Lowrot.  J.  P.,  t.  XVI,  p. 


L  XXVI,  m  316^ 
,  487. 

'€aflK»t8BMMi'4840,«n|ipj  M^inaceiwSt^^tittretrtvBalh  v.  97t  sajttîU. 
««•rapp.  M.  OIIÎTÎCT.  A  P^  U  XIX,  p.  7W. 
*  CasB.  97  aTTil  4S49,  râpp.  Ilf.  Barennes.  Balt.  a.  95.  .  . 

^Ga&l#iefit.98U,l«f»p^(^tliiilgtiière9.  But),  m  as^r  '"    '. 

'  Ca«.  41  août  4843,  M.  Vinrens  SNL:inrc«l.  J.  crîra.,  I.XV,  p.  300. 


94  ^  1)FS  TWBCNArX   CORRECTlONIfBLS. 

doit  doiluer  lieu  à  un  renvoi  que  dans  le  cas,  prévu  par  Tar- 
ticlè  203  do  G,  du  3  bruni,  au  iv,  où  le  tribunal  attrait  dé- 
claré riffcompétence  k  raison  du  lieu  du  délit  ou  de  la  r^- 
dence  du  prévenu,  et  dans  celui  des  art.  213  et  214  du  G. 
dlost.  cr.,  où  le  fait  imputé  constituerait  un  crime  00  une 
simple  contravention  de  police  '.  »  Et,  bors  ee  cag,  soit 
que  le  jugen>ent  de  première  instance  soit  annulé  pour  TÎola* 
tion  ou  omission  non  réparée  de  formes  prescrites  par  lat  loi  à 
peine  de  nullité,  soit  pour  mal  jugé,  la  Cour  saisie  de  i'ap- 
pel  doit  retenir  raflaire  et  y  statuer  d'une  manière  défiai  tire  . 
Cette  doctrine  a  été  appliquée  d'aJbord  en  matière  d'ibcrfn- 
pétence  ratiom  tmieriœ*  Le  premier  juge  a'étaik  déouré 
ipcompétent  parce  qw  le  fait  lui  avait  paru  coasiiiuer  un 
crime,  et  il  a  élu  décidé  que  le  }uge  d'appdv,  enrréforaiaiitce 
jugement  d'incompétenitu,  devait  retenir  le  fond  :  «  atieiida 
que,  lorsque,  sur  Tcq^pel  d'un  jugement  eorr^ctioauelti  TaiH 
nuIatioQ  de  ce  jugemept  est  prononcée  pour  autres  causes 
qne  Vincompélençe  à  raifiion  du  lieu  du  délit  on  de  la  rési- 
dence du  prévenu^  ks  juges  d'appel  doivent  retenir  Faffaire 
et  statuer  sur  le  fond  ;  que,  dans  respèce,  la  €k>ur  a  a  pas 
annulé  pour  cause  d  incompétence ,  mais  pour  mal  jugé  sur 
la  question  de  compétence  décidée  par  iea  premiers  jtiges; 
qu'elle  devait  dès  lors  retenir  la  connaissance  de  raflaire  au 
fond  '«  » 

Elle  a  été  appliquée  dans  tous  tes  cas  où  le  juge  de  pre- 
mière instance  avait  simplement,  fimis  irrégulièremefirt,  dé- 
claré surseoir  à  statuer,  soit  à  raison  de  la  qualité  du  prévenu 
et  du  défaut  d'autorisation  qui  lui  avait  paru  nécessaire  pour 
le  mettre  en  jugement  ^,  sou  pour  faire  prononcer  aur  une 
question  préjudieielle^. 

Elle  a  été  appliquée  dans  le  cas  où  le  premier  jugement 

1  GQflft.  n  sept,  lasi,  rapp...  M  Ollivier.  J.  P.,  t.  XVI,  p.  905. 
•  Gass.  26  mars  1836,  rapp,  M.  Bresson.  Bull,  n»  98. 
.J.^'  *  juin  1838.  rapp,  M.  Tliil.  J.  P„  tXXV,  p.  558  et  CouC  Umal 

sillon,  t  XIH,  p.  572  ;  8  déc,  1827,  rapp.  M.  Garv.  U  XW,  a.  93i;  17  déc 
nj^pp  M  OU  vler,  U  XX  p.  57?  ;  12  aoûl  1843,  r|p**pf  Ji.  Viieisv3S«-' 

teiii|>e.  Bull.  n.  377;  8  mars  18',5,rapp.M.Roinigoière8.Tcr.,l.XVII,p.  Ii7. 


DE  L*AmL  »n   JOCniMTI    COaRRCTMNNBLS.  $  tTil ,  ftS 

éUHittIriiié,  1*  parce  qu'il  avait  à  tori  annulé  la  Gilatioii  Taule 
depiàinto  4#  '>•  partie  lésée  *^,  Séparée  qu'il  avait  adœia  arbi^ 
Viuf ameiit niiè  oullité  coAtrë  un  procèa-vaiM  *;  9*pi|roê 
fi^l|fl^t  ffÀriê  Fadmteion  de  la  preuve  tesUnioniale  ^  ; 
î*^firoei{tt'i>  «vait  refosA  de  procéder  fcrinstnlctkm  du  pr^'^ 
cli  lui|liir*^^èlii  partie  civile  fAI  aMiatée  d'un  avoué  ««  a 

IbRe^  élè  aÉpKavAe  enfin  mAme  dans  ie  cas  où  le  jugement 
rtàéii*PÊi  Qii^iiMsidettt  était  annulé  uniquement  pour  n)i|l  jugé 
de  ia'qaeatim  ineidente  qui  en  fai^it  l'objet.  Ainai,  dans  une 
tfpèéeoft-  le  premier  juge  avait  dénié  au  [irévenu  la  faculté 
de  lefiire  représenter  sur  une  exception  préjudicielle,  il  a  été 
décidé  «  que,  le  jugement  étant  aobulé,  non  pour  incôm^pé- 
tencéi  itiais  pour  mal  jugé,  la  Cour  devait  retenir  la  connais- 
sance de  ^affaire  au  fond  *.  »  Dans  une  espèce  où  le  premier 
juge  avait  anlonné  la  coaipiarution  des  rëdacteursd^un  pro- 
«és^ttrkai,  Ha  été  décidé  encore  que  le  jugement  étant  an- 
aalë  pour  mal  jugA,  '<  Vêtait  au  tribunal  aappel  qu'il  appar- 
tient de  statuer  de  suite  et  définitivement  sur  lé  Tond^  «  Dans 
ane  espèce  où  le  premier  jugtB  avait  admis  une  inscription  de 
hai  contre  un  proeës-veri^al  dressé  en  matière  de  contribu- 
tions indirectes,  il  a  été  décidé  qu*én  infirmant  ce  jugement, 
par  le  motif  qu'il  y  avait  aveu  sur  le  fait  contesté,  le  juge 
d^appel  démit  en  méone  temps  statuer  au  fond  '.  Enfin  dans 
ane  espèce  où  le  premier  juge,  s'arrètant  à  une  inculpation 
de  faux  témoignage  élevée  à  son  audience,  avait  renvoyé  la 
caaseeile  prévenu  devant  le  juge  d'instruction,  il  a  été  d&^ 
«idé^MOff^  «  qu^  le  JAige  d^appel ,  n'ayant  pas  réformé  ce 
jugement;  pour  cause  d'incompétence,  mais  pour  mal  jugé  sur 
m  inôdeat  d'audîenee,  devait  retenir  la  cause  et  procéder  au 
jugeiBt'ntdttfowi,^  » 

En  fondant  cette  jurisprudence,  la  Cour  de  cassation  ne  se 
dissimi^aii^pas  qu'elle  sortait  des  termes  de  l'art.  216  «  car 
elledédare  dans  un  de  ses  arrêts  «  que  cet  article  n^exclut 
point  ie  droit  (ip;ordé  au  tri^juinald'appel  de  statuer  sar  le  fond 

*  Cott.  M  Mtt.  istfj^rapp,  M»  Rives.  BulL  Q,  871* 

*  CArh&U€M,fnip^.  KL  Bosschop.  J.  P.,  U  XI,  p.  674;  p0  mm 
m^  MsipL  H.  BMmmi.  Bttil.  p.  se» 

'  Casi.  e  J«i|Li844t.rapp,  H.  Dehaitssy,  BulL  n.  i9S. 
^ Cm, tlM iSsa, mp.  ILBusscliop.  J. K^ UXX,  p. 48a. 

*  Q&Wmm  iSdi;  nipp.  M.  de  GrouadlbeSi  t  H.»  t  Xxril,  p.  i:>77t 

*  CafS.  liailU  i62S»  rapp*  M.  RaUud.  J.  P.,  t.  XVILji.  470. 
"  Caà  n  fft.  1845,  rapp,  M.Brière-ValigDy.  BulL  luQX 

*  Ci99.  <a  mai  f $5S,  rvpp,  %  Jallon,  BulL  n..  175, 


t6  »R8  TRIBUNAUX   GORRKCTIONNBLiU 

dans  Ibs  cas  autres  que  celui  énoncé  daD$|^tact.  ^\M*^,f 
'Elié  a  yôûtâ  sîilîplifiiM^  U  procédure  en  proc1àmaDl^](fi-aira|t 
^Q  juge  "d^appel  de  statuer  au  fond  dans  tous  les  cas,  saMriiK 
cas  d'ihcbmpétence,  èà  it  esl  saisi  de  Tappel  dTun  lùg^iin^t 
incident;  et  etlea  déclaré  en  conséquence,  çn  réswaà|l,|i|)^.ii 
toute  sa  :  j[uriipnidence  »  •  que  les  art  ^%  St^  çt.Jii>.^ft 
lés  $Bu1s  dil  Code  qui  anWriscnt  les  |uges,  léjgiiqii^^cffi^ 
de  1^pi[)ef  en  matière  cori-ectb 

il  s'èQsifit  que  )e  renvoi  ordonné  horadc^  cas'prévu^^tfir-j^ 
dits  articles  est  une,  violation  des  ^règles  de  fa  C9iin)i^t^ç  %(» 

Telle  est  la  doctrine  que  la  Goiur  dm  oàssatioiii  a'fmséerdëris 
ses'ajpéts  et  ^qu'elle  a  sans,  cesse  toihiatetaiie.'' La  [nvegdi^^tfe 
révocatk^n  simplifie  éivideinmeiit>la  procédure;  en  'év'^dnt {es 
renvois»  elle diminudJes. délais  etleafrais^ fttais>  àcôlô tiè'ties 
avantages,  eUe-e^traliieun  graveÎDconlvttnie»t;'ëlles^ 
l'épreuve  d*uoepre«iènejtiât)ruGtioii,  qui  est  U'priiici^te  ga- 
rantie de  la  pr<océdiire  oorreciionnette^  G*t0st  detaiMi  tje  pt^e^ 
iniçr  juge,  en  eiïôl,  quel  sont  •pnoduit0iies^tâh[ioi|[>É^ 
n'est  que  lÀ  sbuvent  que  les  ptouves^ sont  pMsilildS';  6-ésst  le 
juge  du  lieu,  celuiroù  les  Taris  piâuvenLétreie  inîetx  appré- 
ciés, QÙ  le  prévenu  ësl  lie  ilfueux.'ooiiÀu.Lo«squè  iqdnkjubs 
pnblicisics  on^t  propdaè<de^uppriiiier  limiétBdégrdSMihf  éefie 
juridietion,  ce  n  était  pas  asàurénicdt^le^premkrv  GeUe'rtisf-- 
position  pvend  une  plus  haute' ^avrlédc|Hiië:<(ue')a  lèi^du 
,13  juin  1856  a  transféré  les  djif^ls  «uxqoUts^mjxMaW: 
i^omment  le  fi^  degré  p€Ut««ii  suippléer  ie  premier  qysfild  \kbe 
plus  grande  distance  sépare  le  lieu  du  premier  jiigMiètil  H 
le  lieu  de  l'Appel ,  quand  le  y*aiisport  deë  téiiioinB  e^t  j^MâK 
didiclk  e|  plus  «nérettx^  quanè  l'appel  sem  ûéees&airtttietft 
jugé  de  plus  en  plus  sur  la  pioçédiire 'écrite?  fc'ét^àjâôti^ 
^a  Assure  très  utile  loutea  Jes-iots  qia»  ie'jpréMiéir  jdge, 
doi)t  le  jiigiement  «et  kmnlé  «peur  q«(^i(|fi^*vSce 'dé^lorteé, 
avait. statué sttr.  la  fend;  mais  dëbs^cëtcas'ofi'ùi'ést peiiAl,>pou^ 
ainsi  ^ire,  une  éyooaliùtt  r  le  jugeidl^ifial  ««  MlilNft^tcftèhir 
ce  qyii  lui^ppartientv  .Le  jisge  de  pveikiiéM>iittltfncè^i«pâf*iip- 
pféqi^r  iaêguliéreiiiMllie  f»l;inaisil(t}^i^pféciè;«^ 
trujtVaQ'aii^^  il  a  épuisé  sacompétenoes  l^uppef'a  iai^i^'Ie 
trjbMual  supérieur  do^ la  «anse  «tiotl  c«lièr^4l  n^ëb^iM^^ 
tçiojl  à,  fait  âinai  lomqiro  Je  jugemeilt^  ipu  eà  àéféit  'ftu  jflge 

.,./  Ç8ii;90|aifv.asa«;iiif^  ]Mr.'*ééa«Wtrtèr;'K>.,t;  **,  M'^i  ^^"  '' 
*Cw%  27  aoAt  «815,  rapp^  M..Bu5SçJi5)p»j,J.  P.,  X?,  ^'^^\    •        ... 


raierlMJtonfe,  On  compreod  difficilcmem  que  1^  premier 

ÎÎSlft?l!^^  "  "'^  P«^  «"^«^^  st^itué  sur  le  fond. 

Œ?    X  ■***  ^®  prononcer,  par  exemple,  U  nullité  d'une 
fv2?L:i^    ***'?*'*'  ^*  ««cessité  ou  Tinutilité  d^uné  preuva 
!Si!K^?  s  oppôsenlau  renvoi,  quand  le  premier  juge  a 
*l«to*«irk5  f(iDd,nes!y  opposent  plus  quand  il  ne  Fa  pas  i««é 
CTil^  une  pari    c  juge  d^appel  n'a  dû  éire  saisi  quo  de 
i  iftcHtot  que  I  appel  lui  a  déféré,  45t  que,  d^un  autre  côté,  le 
jugé*  r^ instance  n'a  pu  se  dessaisir  du  fond  puisqu'il  ne 
*«ljait>pv«  J»«*fc  ïeuiKOtt  dire,  «omme  r^M  fait  qoeiâues 
arr«ft^  ^tqiicî  letlrifauMl  de  i'^  iiislm^e  Aant  conméterrt  et 
^r«i(«lé.Talabiem6ol  saisi  el  miiià  mèm^de  pttïmwHîer;cela 
^ul8Mltvpo^Jf.l^|^Ie^le  premier'  degré  de  joridîclioii  eût  été 
ilpuîs^,^/^: n- m  «ufiHipas  qm  le  pitmkt  >itge  ait  pd^staloer 
{•our:q#r4l:*<pi|.  ré|)iité  l'avoir  fiiit;  on.  •»  peut  remplacer  nn 
^  mt  une  présoinption ,  un  jugenieot  par  une  fiotkm. 
^^efoçafca»,  dans-oêlko  iileiixiè4no'%pouièsè,  par  cela  seol 
i|t^^lffSl|pprifl»e;  une  garantie  judioiaire,  «  donc  des  périls 
f^J^*^^  'toijiteyoo.U.Be  hiitdone  pas  l'étendre  an 
jl#<i^s  hernies  :deikiioi./  La»  loi  ne  la  autorisée  que  dans 
Je,faa^t.Je.j»g(eBaaHtie$fci«nMùlé'pottr  violation  oti  omis- 
«^.d^ffora^pfesèritesi  pffliie  de  tii.liité  ;   la  jurispru^ 
ffe«c0,.aeM^'iesti=poibt  enferoiéc  dons  ce  cercle  •  elle  a  oliri- 
«wéJa.foiKLaa  jug«  d'apfipj^  lors  mOme  qu'il  annule,  non 
mmfomimip^  m  violatioa  des  formes  légales,  mais  pour 
«ï»l'J«gé:Wtrlôi(B.  les  incidente  deTinàtrucUon.  C'est  là  une 
«t^afiÎQft^idanleid'tine mesure  qui  devait  être  piuldl  res- 
fr<i»l«,.^*^«ndna^  tni^qii'elle  a  paur  t4let  d'imléver  a  h 
^(Msel'aoecfesatgaraiilies,  celte  d'ua  degré  dfe  juridî«- 
^0».  Natoanaoeteime  législation,  dans  laquelle  cette  mi-sure 
««lépiifi6evVafi)i^ii)«fitflvec  plus  de  ré^efrve  :  le  juge  supé- 
^»wj*lwj  d^Viafipeiii'jaadélBrel)  ^i'un  acte  d^instrudion  ou 
«  «*jnj«jpi«rt  wiërlo^'fatra,  pouvait  évoquer  le  principal 
«ipa isfutaarmtirchiis  iesT  daux  cas  suivants  :  !♦  s'il  comta! 
*ailji|«rte,%Uj4es(3bàrgëaetiolortnat*oiis,  quo  la  maiière 
««i»' légè^e^.  ne  mériiailfas  aoe  plus  ample  inKtrûetioti  et 
Jttuttit  ètfcé  Jugée ^A  l'état  où  elle  se  trouvait;  2^^  Tac- 
jwé  «pfaiaah  la  dcnande^aoit  pour  éviter  la  rigueur  d^un 
^«cret,  soit  pour  empêcher  le  jugement  des  premiers  juges 
w«slétatde  i:im|tr*irtwi>,  NoAre  l«eislatioti  moderne,  fen 

'f'as\18lmf/lk.ifi,^^;,|!,,;M;*\V:in  (fo^raife^^^^^^   Ri:*!!,  n.  377. 
Viii.  y 


9S  .     DBS  TBIMHAVX  aOllRKGTlt!«NM.S. 

Î^énéralisant  .cetjtc  mesure,  en  la  jdéclaraat  obligataire  s  «b 
'appfîauatiit  dans  les  cas  oièuiçs  où  aucune  Jimtr^eiiciit  n'a  été 
r'ecuëiliie,  s^ést  écartée,  au  détriment  de  la  défenge^  4ie  ces 
règieé  antérieures;  la  jurisprudence,  jugeant  ces  fiifço- 
sitiûns  trop  étroites  encore,  les  2f  étendues  à  tous  les  cas  d'ttp- 
poV  de  jugements  incidents.  Il  i\e  nous  ^ctnUe  pa»  qu'en 
cSélâ  elle  ait  servi  les  vrais  intérêts  de  la  justice. 

j,  y.  La  mesure  de  révocation  admet  néanmoins  qtî^t|Ul\s 
festrictîoos  qui  dérivent  de  la  ioi  elie<-mém<e. 

•En  prertïier  lieu,  dans  tous  les  cas  où  îè  jugement  rendu 
sur  incîdertt  est  confirmé,  Taffaire  relouVne  bdx  pî^emîers 
juges  {>ôur  subir  le  premier  degiré  de  juridiction  sQr  \e  fond, 
6e  n'efet,  en  effet,  que  dans  le  cas  d'annulation  que  l'art.  215 
ptmiet  au  juge  d'appel  de  statuer  sur  le  foiid^  LYhnulation 
est  la  condition  nécessaire  de  l'évocation  :  ce  n'est  qu*à  raison 
du  vice  de  forme  que  Tinformalion  fait  disparattrè^  que  le 
premier  juge  est  dessaisi  *. 

En  deuxième  lieu,  dans  le  cas  où  Tincompétence  est  dé- 
clarée par  lé  juge  d'appel  à  raison  du  lieu  du  déîit  ou  de  h 
résidence  du  prévenu  :  ce  cas,  iformulé  par  l'art.  202  du  C. 
du  3  brumaire  an  iv,  a  été  réservé  par  Part.  1«'  de  la  lot  du 
29  avril  1806  et  par  Tart.  215  du  C  d'inst.  cr.  ;  le  renvoi  est 
de  plein  droit,  par  cela  seul  que  cet  article  n'a  pas  autorisé 
dans  ce  cas  le  juge  d'appel  à  statuer.  La  raison  de  renvoi 
est  alors  que  le  premier  juge  n'étant  pas  compétent  pour 
donnatlrc  de  la  matière  portée  devant  lui,  son  jugement  ne 
peut  être  réputé  avoir  épuisé  le  premier  degré  de  juridiction. 

En  troisième  lieu,  dans  les  deux  cas  prévus  par  les  art. 
218  et  2U,  où  le  fait  aurait  les  caractères  ^  soît  d'un 
crime,  soit  d'une  simple  contravention  :  il  y  a  Heu,  dans  ce 
cas  tomme  dans  le  précédent,  et  sauf  TexceptiOn  prévue  par 
l'art.  213,  au  renvoi  du  prévenu  devant  lé  jugecotapétent. 

Enfin ,  il  faut  prendre  garde  que  si  la  poursuite  correc- 
tîonnellè  présente  deux  délits,  deux  chefs  distincts^  et  qu'il 
n'y  ait  appel  que  d'une  disposition  qui  statue  sur  une  excep- 
tion relative  à  l'un  deees  délits,  le  juge  d'appel  ne  peut  ivo- 
qtier  en  ce  qui  concerne  l'autre  cheif  de  poursuite  *. 

Il  faut  prendre  garde  encore  que  le  Juge  d'appd  ne  pwl 

A  Catt.  i  sepU  1854.  rapp.  M.  de  Glob.  BuIL  n,2U 

-  Casi.  iSjaov.  4854, rapp.  M.  Poudier.  BiilK  d.  11 

•Cass.  14  sepu  1830,  rapp.  M.  Olliticr.  J.  P.,  u  XXIIl.p.  é$Z. 


DK  L  APP8L  IkEà  lUGlilKNTS  CMMGViOkMtLS.   §  577.  M 

éwflwr  }a  mw^  t^n'hutent  q«*elle  ^«  entière  et  àtie  1*s 
ivties  nVMil  «c^  aueim  droit  défhîtif.  Amsi,  drfh^  ^g 
«fèoevù  te  prévenu  tiè  i'élait  pa«  prfeéntâ  potr  sôûlertlr 
ropporition  qû^îl  avait  formée  crtntré  le  j^gerrtfent  par  défaut, 
«eja^ttiirint  étatot  deventi  défimflf,  H  n'ftàîty^aS  pèrtoîga'y 
porter  Qttënfte  par  une  évocation,  et  îl  «  dû  fetre  ffécidê  A  que 
te  pi^venu  n'ayant  pas  comparu  sur  son  y>ppasit?oii,  cet  acte, 
•B»  tonuQS  de  l'art.  208,  est  demeuré  comnde  non  éliëiùx  ; 
<|Be  le  premier  amW  cohsenrait  toute  sa  force  et  deventrit  idé- 
finitif  ;  flue  Tàitèt  prenant  nécessairement  ce  caractèit  par 
ttia  aèvicitïe  Vopposîtion  n'était  pas  soutenue,  il  n^étaît  pas 
w  poilYonr  de  la  Gour  d'y  porter  aucune  atteinte;  qoô  réVè- 
cation  qui  avait  pour  objet  un  nouvel  examen  du  fond  n^était 
pas  autorisée  par  la  loi  \  » 

Eà4\  permis  au  juge  d'appel  d'évoquer  le  fond  sur  le  seul 
appel  formé  par  la  partie  civile  contre  un  jugement  incident? 
L'affirmative  a  été  jugée  par  un  arrêt  portant  :  i  n^fH  résulte 
de  la  combioaisob  des  art.  903  du  G.  du  S  bram.  M  iv,  1'' 
d«lfiletda29  avrill80«^  215dtt€.  d'tnsft.  er..  ^4ore- 
que,  9»  rappel  d'un  jugement  interloeuCeire  rendo  par  un 
tribaaal  oorrectionnelJaGottr  qok  eu  est  saisie  arnièle  le  jtigi*- 
ment  pour  toute  autre  eause  que  Tincompéteuee  éélenAincW: 
par /;es  articles^  il  n'y  a  pas  lieu  à  renvoi  pour  être  procédi; 
«0  V*  instance»  et  que  les  juges  d'appel  doivent  retenir  I W- 
fâire  et  statuer  onx^mémes  sur  le  fond  ;  que,  tlans  i'eairàcei,  lo 
tribunal  supérieur,  saisi  par  la  partie  civile  de  Tappai  d'un 
jugement  qui^  sur  le  îkot  d'abus  de  €on6ance^  avait  «Arais  à 
statuer  jusqu'à  ce  que  le  prévenu  eAt  rendu  sefn  co(ii()U^  ô  la 
compagnie  dont  il  est  Tagent,  a  dù^  en  iniirntnnt  (^etie  «dis- 
position interlocutoire^  statuer  au  fond  et  fmmoncer.^  4H>fi  - 
seulemenl;  $va  les  kiiérèts  civils,  mais  encore  sur  les  réquisi- 
tions dit  ministère  public  leitdaDies  à  l 'application  de  la  fn'ino  ; 
V^  le  demandeur  ne -peut  éprouver  aucun  jpréjudîee  de  ce 
que  sans  appel  de  la  «partie  publique  il  a  été  aUHnt  d*une 
condamnation  àl'emprisonnement  et  à  l'amende  ^qu'ien  'elVel , 
il  n'avait  pas  été  sbitué  en  i  '^  instance  sur  i  'aotion  ipuMiqtie  ; 
que  par  conséquent  elle  n'était  point  éteinte»  et  que  l>6voca- 
^  a  ea  ponr  effet  d'autoriser  le  ministère  pubUrc  è  la  por- 
ter directement  devant  le  tribunal  supérieur  ^  i»  On  peut 

'  Ouê,  18  nov.  iSbhf  rapp»  M*  Plougoulm.  Bull.  n.  819. 
*  Casst  S9  mailSSl,  ra|«p.  M«  Aug.  Moreau.  BulK  n.  i9S. 


iÛO  ^         DBS    miftOKAtlX    COftRICTlONMELS. 

opposer  à  cet  arrêt  que  ta  condition  du  prévenu  se  trouve  en 


exercé  toi  un&  inflaencë  directe  sur  raction  publique,. ]|>oîs- 
quMt  en  dirige  fa  ntarche  et  lui  fait  franchir  un  degré  dé  jù- 
miction.  A  h  vérité,  il  n'y  a  pas  chose  îogëè  en 'ce  qui 
concerne  cette  action,  et  il  p  y  a  pas  lieu  d  ihvoguer  spiiB  ce 
rapport  l'avis  du  conseil  d^Êtat  du  12  novembre  180ë:  lîlais 
de  ce  que  Taction  puMîqiie  est  encore  entière ,  s'efaiistiitHl 
qu'un  appel  qui  n'a  d'eflet  que  qumtaux  intè'téii  dyiU 
seulement^  puisse  saisir  le  juge  d'appel  du  droit  d'y  statuer? 
Pour  que  ce  juge  d^appel  y  statue,  il  faut  qu'il  en  soit  vàia- 
Mement  saisi,  il  faut  queTappei  l'ait  transférée  devant  lui,  et 
comment  l'appel  de  In  partie  civile,  restreint  aux  intérêts  ci' 
Vils,  a-t-il  pu  opérer  uti  tel  effet? 

V.  L'évocation  n'est  point  une  mesure  facultative  :  Tart. 
SIS,  différent  en  cela  del'art.  4-73  du  G.  de  proc.  civ.>la 
prescrit  en  termes  formels  dans  les  cas  qu'il  a  prévus  ;  elle 
est  donc  obligatoire,  et  le  juge.d 'appel  qui  ne  retiendrait  pas 
la  cause  dout  il  a  été  incidemaient  saisie  encourrait  la  ceAsurta' . 
•  Maïs  le  juge  d'appel  n'est  point?  enchaîné,  comme  la  Oour 
de  cassation  ,  dans  le  cercle  des  art.  A08  et  413  du  G.  d^nst. 
cr.  ;  il  n'est  point  tenu  d'annuler  toute  la  procédure  à  partir 
du  plus  ancien  acte  nul;  il  peut  apprécier  les  effets  ^u  vice 
qui  motive  Tinfirmation  et  restreindre  l'annulation  aux  actes 
sur  lesquelsil  n  réfléchi.  La  Gour  de  cassation  n  décidé  dans  ce 
sens,  c  que  les  art.  &08  et  413,  qui  règlent  les  effets  dîè.  la 
«iiissation  en  matière  criminelle  et  de  police  correctionnelle, 
ne  s'appliquent  pas  à  l'instance  en  appel  ;  que  leurs  disposi- 
tions ne  sont  reproduites  par  aucun  des  articles  placés  au 
chapitre  des  matières  correctionnelles;  que  notamment  les 
iirt.  200etsuiv.  nereitrermentaucuneprcscription  analogue  ; 
il  où  il  suit  que  les  juges  d'appel  restent  maitrea  d'apprécier 
si  l'adc  illégal  a  réagi  sur  le  surplus  de  kl  procédure  et  de 
ne  prononcer  Tannuiation  du  tout  que  suivant  Texigenee  du 
cas  •.  » 

La  même  règle  d'interprétation  doit  être  appliquée  en  ce 

'Cass.  i9  mai  185:9.  rapp.  M.  Jallon.Bull.  n.  175  ella  plupart  des  arr^U 
ji-dessus  cîlt^. 

»  Cut:w.2Û  Un*.  d847,  rapp.  M.  Lti^agnciir.  UwH,  11.  ÎS4. 


M  y^PPEL    »ES   JUGEMENTS    CORREGTIONNILS.    §  578.  101 

m  oÔDcei[Qe  l'art  429,  qui  veut,  dans  son  4«  $,  que  i«  Cour 
Je  cassation,  lorsqu'elle  annule  parce  que  )t  (aitn'c^pag  un 
délit,  p;roQ(àiee  le  renvoi»  a*il  y  ;a  une  partie  civile,  défaut  up 
Irftunal  d.vîl*  Il  a  été. reconnu  o  que  celle  disposition  n'est 
re^tivçi.^i^.aux  ri^nvois  prononcés  par  la  Cour  ^e  cassation 
etnj^pept^yoijr  ppur  eflfet  de  restreindre  les  pouvQKrs  ûi\s 
pmeï  trij)^0^iix '.  À  qui  sont  régulièrement  saisis. 

Illpipoite  enfin  de. poser  en  règle  «  que  l'art.  479  du  C.  de 
pr.  ciy..  est  étranger  au  mode  de  pcocéder  dans  Les  matières 
correc^p^neiles  qui  exigent  une  instruction  plus  rapide,  et 
4ué  c'ç^t  par  ce  inotirque  Fart  2i  5  a  établi  pour  le  jugement 
des  àffiûres  corn^cUonnclles^  des  règles  spéciales  qui  doivent 
être  fid^Iei^ent observées  •-  >i  Ainsi,  rien  ne  s'oppose  à  ce  que 
'e  juge  d'appel,  api^s  aypfr  ^nqujié  le  jugcincnt  qoî  lui  est 
léiéré,  renvoie  à  une  autre  audience  pour  statuer  sur  le 


k 
à 
fond'. 


$578. 


f.  I.  FÀi^ines  ^e  fiiRtiiiètfdn  surVapp  1  :  Ynesores  préliminaires.  — 
ftv€ililiMidespsrltds*-«-ilf.  R9pport.«-IV  4iiterrogaloîredu  pré- 
m^î-^  V»'  A4idUioD.'des  té»oma  s*il  y  »lieu.  -«  Conclusions  et 
phifioîrîfis.  f^  VU,  JliigçineajL.^. 

I.  tiçr^que  la  déclaratioa  d'appel  a  été  faite  suivant  les 
fiNTmes  que  ppus  avons  triées,  lorsque  la  requête  contenant 
lesnuMfensd^appeli  dont  la  remise  est  d'ailleurs  facultative, 
a  éliç  déposée  au  greffe,  il  appartient  au  ministère  public  de 
Eaire  les  diligences  nécessaires  pour  faire  statuer  sur  cet  ap- 
pel, ^cjle  est  la  disposition  de  l'art»  207,  qui  est  ainsi  conçu  : 

'.«II.  1  ^ 
•Jù^jSfXl.  If  v(méie^.*i  dXea  éiéremise^u  greffe  da  tribunal  de 
1'*  lattançe^  ei  .les  pièces  çeroiu  envoyées  par  le  procureur  impérial  au 
gKtt'dé'fo  CiiàVdans  les ît  heures  après  la  déclaration  ou  la  remise* 
dekttdlifié^âdB  d^^ppel.'  $î  cèlttî  contre  lequel  le  jugement  a  été  rendu 
Mtm  étaiifaiifatalipa,  ilaera,  dtnsie  même  détaret  par  drdre  du  pro  • 
wrwj:iinp^^l,irai^iéré  dans  .la  maison  d'arrâvd a  lieu  oU  siège  la 
Cour  impériale.» 


ITsiiïi-itëlàqiie  lorsque  Pappel  a  été  interjeté,  soit  par  le 
prévenu  ou  les  personnes  responsables,  soit  même  par  la  par- 

•  ">  •  t'  •  »    ..   '  .  ,    ,1        '  ■  ;         ;  ' 

*  et  >  Casa.  i7'déc  1847.  rafp.  M.  Deh&inssyi  i.  ttmL  U  XX,  p.  SS. 
'  CaH.  5  jniil,  1828.  rapp.  M«  Mangin.  J.  P.,  U  XXII,  t.  86. 


toi  »IS  TIMBUICACX    CORBECTiONNELS. 

a»  civile,  ce$  parties  n'ont  point  à  s'occuper  de  Tenvoi  des 
pièces;  elles  doivent  se  borner  à  produire  au  creffe  celles 
qoi  peuvent  être  utiles  à  leur  cause.  Une  Cour  d'appel  ayatt 
déclaré  l'administration  forestière  déchue  de  son  appel  parce 

S'etle  a^avait  pas  produit  une  expédition  de  sa  déclaration, 
t  artèt  aété  cassé  :  «  attendu,  en  droit,  aue  la  déchéance 
d'un  appel  na  peut  être  encourue  que  dans  les  cas  déterminés 
par  le  légMaleur  ;  que  l'art.  203  ne  prononce  cette  déchéance 
queluaqM  la  déclaration  d'appeler  n'a  pas  été  faite  au  greffe 
ei  d«na^  les  délais  quUl  détermine  ;  que,  d'après  Tart.  207, 
cen^eal  point  par  la  partie  appelante,  mais  par  le  procureur 
do  roi  pi^èa  le  tribunal  de  1'*  instance  que  les  pièces  doivent 
être  envoyées  à  la  Cour  ou  au  tribunal  auquel  Tappel  est  porté  i^ 
d'où  'û  av^U  quCf  lorsque  la  partie  a  déclaré  son  appel  au 
grefiia  el  dans  les  délais  voulus  par  la  loi,  elle  a  fait,  en  ce 
qui  la  concernct  tout  ce  qu'il  lui  est  prescrit  de  faire  pour 
éviter  la  déchéance»  et  qu'on  ne  peut,  sans  ajouter  à  la  ri- 
gueur de  la  loi  et  sans  contrevenir  i  ses  dispositions,  déclarer 
cette  partie  déchue,  faute  par  elle  d'avoir  produit  une  expé- 
ditiptKi  qw^^  ^*^^  P^  chargée  de  produire  ^.  » 

9  ffilA,  être  utile  d^  meniioDaec  ici  :  1^  qu'aux  terme»  de 
l'art  59  du  décret  du  18  juin  1811,  %  la  procédure  et  tea 
pièces  doivent  être  envoyées  en  minute,  »  à  l'exception  de  la 
déclaralifaii  d'appel  et  du  jugeoieut  frappé  d'appel ,  qui  doivent 
étree)bBédiéa  paa  coptes  *  *,  S»  qu'aux  termes  de  l'art.  09  du 
mèiveoécrel,  el  par  applîcatioD  del'arl.  k23  duO.  d'iust-.  cr. , 
«  ie»effier  esi  teuu  d'y  joiadie  un  inventaire  qui!  dressa 
sans  traicu  » 

11.  D*  ce  fue  I»  ministère  pubik^  est  chaîné  de  faire  les 
diligences  nécessaires  au  jugement  de  l'appel,  il  résulte  encore 
quHl  lui  appartient  de.  fake  cker  toutes  tes  partie»  soit  ame- 
lantea,  soit  intimées.  La  loi  ne  con[tient  aucune  dispoisitipo 
à  cet  ég;ard  ;  mais  cette  obligatiou,  quiest  d'aiiljçmraiMPie  «on* 
séi^uençe  4^  L'art*  iSjSt  dérive  des  fonctions  mèoMs  du  nmi»» 
tèse  pi4»Ùc^  pansi  lesquellea  se.  trouve  le  devoir  de  mettre  eo 
état  les  affaires  pendantes  devant  la  juridiction  correctionnelle 
et  d'assurer  l'exécution  de  la  disposition  de  l'art^,  209  qui 
veut  qfi%  Fappel  soH  jugé  dam  le  mais. 

Si  cette  régie  n'était  pas  strictement  appliquée,  il  s'ensui- 

«  Gui*  U  janr.  1817.  rapp»  M.  BMÎro.  L  P.,  U  XlV.p»  li. 
•  imt  géo,  f^r  l6f  frain  4ejwtioe  do  SiKsepu  laaSi  u,  ift. 


M  l'appSL  DBS  JUCBflERTS    CORRBCTIONIIKLS.   (  î(78.  103 

UjMt  que  1«B  poursuites  correctionnelles  demeureraient  iaJé- 
finiAMbt  suspenduest  puisque  les  prévenus  non  détenus  ne 
m^Q^oeraieiit  pas  de  ffapper  d'appel  les  jugements  qui  les 
,  aurajent  coocjamnés  et  se  garderaient  bien  de  faire  aucunes 
ditig^QC^pour  le  foire  vider.  La  Gourde  cassation  a  ju^é  en 
0Qb|é(juenG6  «  que  nulle  condamnation  ne  peut  intervenir 
contre  les  citoyens  qui  n^ont  pas  été  légalement  cités  en  jus- 
tice ;  que  le  prévenu  condamné  par  les  premiers  juges,  qqj 
a  fajt  appel  de  sa  condamnation,  a  sans  doute  le  droit  d'anti-* 
cipec  par  cet  appel  sur  les  diligences  du  ministère  public^ 
mais  qu'il  n^est  pas  tenu  de  le  faire;  et  qu'il  n'est  tenu  do 
comparât fre  que  quand  il  est  légalement  appelé  à  la  requête 
i\{  ^inislére  puMiP  ou  de  la  partie  civile;  que,  dans  Tespéce, 
il  eàf^cpnno  que  Ip  prévenu  n'a  pas  elé  appelé  par  citation 
W^^  HI^I.  e^  qu'aii|:$i  le  jugement  de  condamnalion  prce- 
9911!!^  ItiH^  ^S^rd  ^^t  frappé  de  nullité  par  la  loi  \  « 

LftSflul  «as  QÙ  rapplicatioQ  de  rette  règle  semblait  donner 
lieMà^aelqueftdiffiouitèsétfiit  celui  où  la  partie  civile  a  seule 
ap|Ml^lIne*fiourd!appel avait  penséqu'eile  n'était  pas  valable- 
msiil  saisie  par  i  assignation  donnée  aux  parties  à  la  requête  d« 
minislàie  public  par  le  motif  que  I -action  publiqueétait  éteinte, 
tttqu^il  pe  s'agissait  plus  que  des  intérêts  eivîls  des  parties. 
Majs  oetift  décision  a  été  annulée  :  «  attendu  qu'en  cas  d'ap» 
pctdaki'pastie  oiyile^  la  requête  contenant  les  moyens  d^ap- 
pal  peut  élce  renûst  par  l'appelant,  par  son  avoué  ou  par  son 
ibadé  d»  pouTotr  kfiéeiai,  au  greffe  du  tribunal  correctionnel 
qai  a  muta  le  jugement^  oe  au  greffe  de  la  cour  ou  du  tri- 
hiwal  OB  rappel  doit  être  porté  ;  que  si  la  requôie  a  été  re- 
oûfeau  greffe  du  tribunalqui  a  rendu  fe  jugement^  le  pro^ 
eoreor  du  roi  doit  envoyer  cette  requête  et  les  pièces  du 
fftffèÊ  att  greffe  de  la  Qour  ou  du  tribiinal  auquel  appartient 
iaeoanaiaaaiiee  de  Tappel  ;  que  Part.  209  porte  que  Tappel 
mra  [ugé  à  i*Mdience,  dans  le  mois,  sur  un  rapport  fait  pat 
l^uardeijages  ;  que  c^est  au  président  de  la  Cour  ou  du  tribu- 
mI  saisi  (fe  l'appel  de  nommer  un  rapporteur  et  de  fiier  le 
ionr auquel  l'affaire  sersi  portée  à  l'audience;  que  la  partie 
eiaihi,  alors  ménie  qu'elle  est  seule  appelante  du  jugement, 
v«U  étradj^re  à  Taceoniplissement  des  formalités  prcscritei^ 
parla  loi  pour  mettre  Taffaire  en  état  ;  mais  qu'il  en  est  au- 

•  (km.  7  déc.  iSkk*  npp.  M.  Isainbai.  Bail.  n.  S9î. 


apporlicut  à  ses  ronctions  *,  qu'il  suit  de  là  que  le  droit  d9*folie 
assigner  ^  sa  requête  les  jmrtîes  à  çpaiparattuf  ^€|Tayit^|(2<lur 
ôu'fetribunald'appel  pour  le  jour  6^é  parVprém 
éxdàsiveiDent  dans  les  aitrnmiîonsiduiiijnistèrcif^i^^ 
eèlS  ^t  ti^iigit  pas  comme  çiLerçaot  racUon^^tAigH^i  oôifi^^ilîfia 
comme  partie  jointe,  et  açcoippli^sant«^|i|i?{nçnt^  le^ev^i^^^. 
sbtt  offidq;'que  Tarrèt  attaqué. a  confondu  avec  re3LOfcice40> 
Thction  publique  )'accompUs3envçi)(  des  djeyoirs  i  â»u|t^t  prar- 
Te  tnînistèré  public  des  arC  207  et  ^09  dopjtle  buii^iqij^i^ 
démettre  Taffaire  en  état  d'être  portée  à  l'audience  au  jour 

Gependanr,  %\  te  ministère  public  ne  donne  parles  it^|fiîifi 
Udns;  l'il  met  des  retardé  là  ^  les  partiieront  intétêtnà've' 
qu'tl  8cClMtué',soàt^léa  tenues' d'attendre  qfu'ff' fètaflé 
agir?  Nous  croyons  que»  dans  ce  ous,  ëllM  peotetitèitËY  élh^ 
mêmes,  sauf  M  poè^NleiiiôB  à  4a  Gdur  i  faêremuit)^<te  jdur 
oàTalTaire  seragtgée*  G'csI'Od'fQi  ft  ^étè  réc6Mii(i'4iëM4^«' 
rêi  ci<<i(Bssus  oi&é  du  7  décembre  M44,  ^ui  déclare  <  ^tié  le 
préyenu  a  le  droit  d  aatkipersur'  les  di>ligetioesdQ>mtnk(ère 
public.  <«  C'est  ce  qiû  résulle^eiwore^'uii  autre  avrêt^i^rflè  : 
t  que  la  fixatioo  de  ratidiencc  n'appartenait  ni  aiipréffûi]. 
dont  la  citation  ne  pouvait  ablîgec  la  Gour  de  #tatiier«aU'joiir 
p.our  lequel  elle  avuit  été  doMée^  ni  au  pro6ureu««§i«MBfttl 
qui  ne  pouvait  rester  le  inaltre.de:relavder  Àsavolônt&l^îch- 
geqoent  de  rappel  interjeté  par  son  (iiihaliUM  ;  que  eeliefiiMHo 
tion  appartenait  au  président^  et,  «p.cas  deoqntestatieny^«b^ 
Cour;  que  dé3  lors,  ciise  déclaf^Qt.iifiguiiièrffne»t  awity 
quoique  le  procureur  général  n'eût  (ait  «lucuiiaete.pottr' aller- 
en  avant  surTappel^  rarcêt.attaq«u6«>vielé4U<A|iie4ei  '«>«»  » 
La  Qiéme  décision  a'appl^uerait.àîIa<M4^tie^iUi^lN  iiefMt 
dépendre  eu  offei  du  ministère  pvWi^idei  fiiiif^Mkmil  Mx  : 
droits  des  parties  :  s  il  n^  (ait  pas4?st.4itige«iceA{dK^iit  iil«<art'. 
chargé  par  la  loi.  il  doit  af)|>arteiiic<j|  o^UQar<i4«(ffiiilt9af;M 
étal  l'affaire  que  son  inaction  laisse  en  ^Qfipi^.  Jl#iar9ielks 
restent  elles-mêmes  inactives,  il  n'j  a.point  4e>jler(]fiet;]tea} 
pour  la  notification  des  citation^  et  il*  ^..é(4xQC9jiatt4Hl^éUeSir. 
pouvaient  être  données  même  après  les  deui  mois  réservés  à  ' 

*  OaFs.  A  fann  IStfi  ra#p.^M.  Drhaii«#y.  Bail».»?  Si.  *  .>«.:-  • 

'     ■  Cass.  S  fév.  1844.  nipivM.  ViDceu»«*UaMnl,BMll.a<4a.  ^ 

'  Casft.  S9  mai  iSlS,  rapp.  M.  Baifly.  J,  P.^LJUV»  mt9$  7  Mù  iW, 
rapp.  M.  Lt%9gwnu  ''  . ,    ■  ^'     .*»-  • 


DE  l^Appkl'mV)  liG^iiENts  cdMikEti-rioiiNELs.  §  576.  105 

l^appri  dtt  pKMQrêur  géné^ra),  sans  qu'il  y  iit  imllrté  ni  dé- 


l'^gliàtHihlbh,  tnx  termes  dés  «rt/  l8Aet*211  combî- 
iM,  MWi^otilîéé  à  un  tfétaf  de  trois  joàrs  francs J  outré  le  dé: 
Mi'AéS'dMMcfi^/if  peme  dé  nottîté  da  défaut  qui  serfi^t  pris 
oMMré^fèM  feiiim<h(«'  b?féès.  Nous  avons  Vu  au  restç  que  le 
jttgé'^ëk  'p()iht  obligé  de  donner 'défaut  contre  la  personne 
mè^iti  i(é  èotnparatt  pas,  lorsqu'it  s'aperçoit  qu?  les  délais 
nTlsM  paÉ'été'ôbsërvés  ;  il  dbîti^  dans  ce  cas,  se  borner  à  8ur7 
seéi^jîki^ircë  qojD  h  procédure  ait  été  régularisée  \ 

III.  L'instruction  de  Tappel  se  fait  à  faiidienoe  et  publia* 
qoeiqe|iL  ^,p^M de  nullité.  Ce priqpîpa,  ea  0«  .qui  concerne 
^P8^\9]fW^]r  ^i  lormulé  par.  1^  9rt.209  et  211  do  C. 
(Tinst^^'or*  e^  mr  iVt.  7.  de  J^  Ici  da^  ayKÎl.DBl^.  Nous 
en  aVo^  4^j^  ^it  r^plicatioi)  S.. 

,C£  oreiDiw  aet«ide.e«Û^infttrucftiOft«flirie  prafpdvt  qm  fait 
à  Tabdii^ice  L'iHid^jyigesiCfimois^  oet«flel  par  le  prèndent. 
L'actîf^.aOS»  4IÛ  lepr^dsit  V%tL  199  du  G.  du  3  brumaire 
a&ty,..di6pciseqtie  ;  «i  r«ppel  $e»  jt%é  à'  TaBdienoe  dans  le 
mois  i«r  UQ  rappcurt  fait  p«r  Tu»  des  juges,  d 

Orappért,  qui  n^e^  point  eiigé  poutr  le  jugement  des 
apiwls'de  triniplè  {iotiM'^,  est  une  forme  particulière  del'ins- 
tradioOfAesappels^ correctionnels.  Cet  acte,  qui  a  pour  objet 
d'eipMer  pubtîqoement  tous  les  documents  de  la  caose,  et 
desoppMer  quielquefois  quelques-uns  de  ces  documents,  in- 
téresse ^reeliHnent  la  tfitertlfostation  de  la  vérité  et  la  défense 
«ki-fiartieB  ;  il  dut  donc  le  considérer  eomme  nn  élément 
esMoUH  du  débat.  Placé  an  seuil  de  la  procédure  d'appel , 
il  en  précède  tonteâ  let  soAcnsnités  et  fous  les  actes  ;  le  juge 
D'«t|M  réputk  titoit  "agi  en  connaissaoce  de  cause  quand  il 
nefa  pas)Mi|ettdu  ;  el  it  ne  peut  |>rocéder  à  aucune  mesyre 
mttted'insiruetion^tanf  èe  préliminaire  indispensable,  des- 
tiaè»  constater  l'état  <M  les  éléments  du  procès. 

Be  )t  il' suit  d^abôrd  que  le  rapport  est  nécessaire,  quelle 
qUèadit  la  partie  qui 'ait  saisi  le  juge  d'appel,  et  tors  même 
que  té  siÉraKI^' partie  ciVi(è  :  ce  premier  point  a  été  reconnu 

<  Cafs.  10  mai  18i€,'f8!ipr*ll.  nfuadla^  h  P^,  L  Xïtt,  f.  aS6.  ' 
•Ca9k2oci.*fd40  Ya>p.*afLr'I>êiia«i«r.  Bo1ktt«S05. 

'  Ca»f,  a  ioiU.  185),  rapp.  M.  Quénaat.-  Bail.  ii.  333.  •  ' 


"^  »%A    IJIIBURAPX  CORHEUTipilNÏM. 

vnr  lin  arrêt  qijl  parle  «  qu^  l'art.  209  m  fait  auaii|«<Uf«iM!. 
tioii  entre  le  cas  où  c'est  la  partie  civile  qui  poursuit,  etariai 
û^  lo  prévenu  tç  rféfepd  pontrç  |>cliondu  mjni^%e  piibUc- 
quelps  disposition?  de  cet  ar^cje  çppt  géR^rajes  pi  a'M^î 
91?  >e  ropport  egtup  préliminaire  indispensable  pQHr,«rrJT« 
â  la  discussion  et  «ju  (|é^t  des  moyens  de  fait  et  de  dnoit.  «ua 
les  parties  peuvent  faire  yaloir  '. »  •  ^ 

Dp  U  il  niit,  «n  MooBd  lien,  que  le  rapport  est  né«et»aii^, 
swt  qpele  juge  d  »pp<>l  statue  sur  une  exception,mit  ûo'Um- 
tfle  au  fond  ;  •  attendu  qne  la  loi  prescrit  cette  fonnalit«d*ane 
manière  absolue;  au'elle  doit  donc  être  obser?*©  Iprwp'il 
s  agrt  de  statuer  soi  une  qnestipn  préjudicielle  comme  (ors- 
qwc  la  touF  es^  appelée  k  statuer  sur  le  fond  àa  procAs  •  »  H 
en  est  ainsi  jors  même  qup  le  juge  d'à|>pél  n'ordonnerait 
qunn  acte  tJ'itastruction/unp  vérification  prtâlabie  •;  jon; 
même  ^a  il  ne  serait  appelé  qu'à  statuer  sur  la  vaWïlé  Je 

1  oppo«iti»n  qMiitionn(.^e'  en  \'ak,  2«8  *.  ■        . 

t,}^)^  'I  *"'^'  S»  *r9ii»^nip  lieu,  qH'jj  peut  Y  HVoïf  iw^  de 
fei  e  deux  rapports  d,p,  la  péipp  airajfe;  tSU?  les  4  AhV 
des  actes  intervenus  dapd  f  Jn|içrv*,)|e  (le  dep^  judienew  Mu- 
rent imprimer  au  procès  une  physionomie  nouvelle.  Ce  Mint 
a  encore  été  reconnu  par  un  arrêt  qqi  déplare  :  «  que  le  rap- 
port présenté  par  j'un  des  juges,  préala|)lemeDrà  rft 
devant  fiiire  droit  rendu  pouf  ordqnjer  la  vérification  par  le 

l^f.j^r^P**''"*  ''^P''^''^  ''^  f?'^^  désavoués,  ne  sauraîf  «ri 
oonsidéré  comme  ayant  pu  dispenser  de  Iqut  rapport  uTtérféur'; 

2  !!!  !  x' .""  "PP**"  nouveau  étant  le  sf'ulmoyenM 
«le  porter  A  la  conhaissance  des  juges  et  dJ;s  parties  les  nou- 
Teaai  errements  produits  par  Pinformation  ordonnée,  ne  tcuI 
être  tenu  comme  ayant  été  accompli  par  un  premier' ranb^wi 
feit  antérieurement  h  cesnpuveàui'errem'ênts^';;  Un  autre 
arrêt  avait  également  décidé,  sous  le  Code' du  3  firumairij 
an  IV,  que  quand,  après  un  premier  rap'poVtsmvî'd'une  rënme' 
un  second  appel  esl  interjeté  par  une  partie'qui  n'avait  pas 
encore  appelé,  un  nouveau  rapport  est  nécessaire:  «  attendu 
que  1  aflaire  se  pirésentant  sous  une  nourelle  feceet  les  pitrtîes 

.*  Ç*"*  J  ^'.  *!*]•  "PP-  »*•  iMmberU  Bull.  n.  Î6. 

'  GaM.  22  mai  i85«.  Cité  jftpr^ 


0e   L*APnL  DES    JrGEMRNTS  C0RHECTI0NNBL8.   §    578.  ïffî 

SORS  de  nouvelles  qualités,  avec  des  coqcIuàoiu^  diflfi&rentes» 
exigent  oa  «mreeii  rapport  ^  » 

Il  s^U  enfin  du  même  principe  que  tous  les  jugés  qui  oon-» 
naisflMt  de  rappel  doivent,  i  peine  de  nullité^  assister*au  rap-^ 
port,  puisque  e>^  par  cet  acte  qu'ib  ont  connaisaanoe  de» 
donnnetits  de  ta  cause  qui  doivent  servir  d'éléments  à  lèurf 
décifiîoii  \ 

UanU  re^du  sur  l'appel-  4oit  oonstater  racconplitsenaml 
de  fiBtlet  fonmlité  ;  à  défaU  de  cette  oonsMation,  b  BfiMiftèeBb 
prQMf»6ée.  Le»  affvèt»  nombreux  qui  wl  afpMqué  ceAI«naNîtè 
(lécku^  »  «  /qw  le  caf^of 4  presoiit  pai  l*artîato  9(M^  a  pMHP 
objet  d<^Jb¥ak  €«un«ltre  àw  yugeA  d'appel  kftdoounentiB  de  ka^ 
cBus%  s^K  laqueUe  îla  doiveiH  statuer,  qu'il  eonstitoe  «msi  ud« 
r<K«ii9Jït&3WibstenlM^  quidoH  Otre.reiafiJfei  peine  de  iiuUi^  ^ 
que,  dèskws»  rap^cpifliaBonftentdi^c^te  fomiilé,  néce 
à  la  t|iMÂt4  4u  ju§w»€i4f  doîiètre)<H>iifiMé  fai  lejugeflMHl 
iui-mèaae  et  ne  pjwU  léaulter  dedéctteatWMiertiiwôqîia^  *,  • 

Le  («fjpor^  d^  ôtre  fak  oralement  et  publiquement  Ù  neul 
néaamo^n&ètFe  taàf,  Ifk  buis  cloa  si  la  Gourjuge,  comme  ene  ]p 
peut^,  fue  la  publicité  de  l'audience  serait  d[a«^ereuae  piEum 
l'ordre  mk  lea  mœuM.  Cet  acto,  qui  àoH  être  préparé  ^ve^ 
soin  et  qiiî,  en  général  y_  doit  être  rédigé  par  écrit,  eat  vm 
eipeip4  cMplet  de  tous  les  documents  et  de  toua  lea  esroBMOIa 
de  ripalraetLoB^..  L'article  111  du  G.  de  pr.  ciy.  diapoae  que 
a  le  lappcirteur  lé&umeira  le  fait  et  les  moyen»,  ut  En  matière 
correctionnelle,  il  ne  suffirait  p^s  toujours  de  ré^uiOMr^  il  faut 
communier  iNp^ef^tier  t^  clocumenis  qui  doivent  servir  i  la 
décision  4es  procès.  La  Goiit  de  c^ation  a  déclaré  en  censée 
ijuence  «  que  le  rapport  doit  faire  connaître  à  la  Cour  tous  lai 
docame^todç|lt  se  compose  le  dossier,  sauf^  les  apprécier  ainaî 
quedé  droit  ^»  ;  elle  a  ajouté  «  qu'il  doit  porter  tant  sur  les  nul^ 
tilia  4a  ia  {MTO^durç  eties  questions  préjudicielles  que  sur  la 
aalur^et  leacirconsti^nces  (tu  délit  déféré  à  U  justice  oorrec-s 
lioundle^  qu'en  eiïeti  les  unes  et  les  autres  u'ont  pa^  moini 


«  Citt.  IV  Juin.  48M,r8pp.  U.  Lackèse.  J.  P.,  L  V.  hi^ 

'  Cm.  ItS  oct.  ia07.  rappM.  Vergèt.  J.  P.,  t.  VI,  p.3a4f  tS  avril  iaatr, 
rapp.  M,  Vojsin  de  Gsjtsm^  fiull.  n.  iSd;  i4  avril  i84|i,  r«pp.  Itft  Bfl^ 
rones,  0.118;  SjaoT.  1847,  rapp.  M.  Vinceas  Si-Laurent,  n.  t. 

*  GèM,  XI  août  1847,  rapp.  M.  Barennes.  Bull.  n.  198;  et  Coof.  caM.  29 
sept.  1830,  rapp.  MU  Aumoat.  J.  P..  t.  &YI,  p.  168;  IQ  jdUlet  1845,  f&pp. 
y.  Rocher.  Bail.  n.  22$;  22  mai  1856»  rapp.  M.  Npqguier«  0.  laa. 

«Voy.  DoUeL  VU,  p,6&^ 

*Gtf^  Il  gct,  caiit  rapp.  M,  ViaccQ»  Sl-Ua  Vit{\.  PuU.  n.  304. 


408.  ^      nis  TiiiBmux  coauccTKWiiBLS. 

be^in  dti  l'examen  firèilable  do  ni^gistrat  chargé  par  la  loi 
d'éclairer  hàHb^i  ^u  Enfio  elle  a  posé,  en  termes  gnénéraiii, 
M  qae  le.  irapporft  doit<èbneeomptet^QréeIairer  h  r^ligibh  3cs 
juges  d:apf^  *.»  Il  soffirait  d*aii»eursqu'tl  fàf  consfèté  h  t)jû^ 
a  é\é  doMèléotoreéa  toi^ea^ le» pièces  de  la  procédure,»  pour 
qf^\\  /Mi  stftiaiakam  prei;cr)pUons  de  Tart.  20^  *.       '  '  ' 
.    Les  notes  tenues  par  le  greffier  de  f*  instance  -font-^lles 
nécefliMiireniaot  partie  de  ces  pièceg  ?  H  a  Mé  décidé  «  mi^il 
n'est BvMw^Êà  preiorit  qoe  le»  noies  tenues  par  lé' gtèffter^ 
ii',8iii|ioi)«e  du  Iribmal  eorretfiontid  inférieur,  des  pttmt- 
liaks.  déclarations  fies  témoiiie  entipodus ,  notes  destfViééiiè 
{acililarie  rapportdii  jui^coaiimasaireet  h  éclairer  au  be'S(nn 
U  r^ligioa  4o8  jo^s  4*appei ,  «eront  lues  6  ^n  atidièhcé  ^.  » 
Gep<^i4aiit  si  lesitémeinsiciis^niènnes^ttë  sont  pas  entetidti^en 
appel,  îlealftifficile  deme  fM»  considérer  leurs  dépositions  en 
fireiDiére  inrtance  retenoes' parie  greffier,  comitie  uit  des 
princifauxéiéiDenltidu  ppoaès^  il  MnvMe  dom^  néoesânire  de 
les  comprendpedapis  le  rapport; 'Il  (aat  remarqutfr  d'ailleurs 
que  lea partie»  ne «onnaissent  pointées  notes,  pui^qu^il  n'en 
fist.poitttdoBiié  leeUire^ettpmmiéreinUanceyde  sorte  qWele  pro- 
cès pourrait  être  jugé  sur  des  aptères  qui  demeureraient  voi- 
lées à  leurs  yeux,  et  dent  elles  ne  pourraient  ni  diéèloterMes 
ternies  ni  relever  les  mcxaotiiodéa.  Le  droit  de  la  dëfertMT  et 
rintérét  de  la  justioenous paraissent  doncetigereeK^  lecture, 
tomtesles  fois  que  Jes  témoins  n'étant  pas  appelés,  elleftuppke 
à  leurs  dépositions» 

Il  yaurait  cependant  lieu  de  finVe  ei^eplion  diftts'leea^ 
oii  h  prévenu  s'opposerait  lui-»méme  à  celte  lecture^  en 
vertu  des  dispositions  de  Tart.  i56,  rendues  communes  aux 
matières  cornedioBBeiles  par  les  art;  189  et  ^11.  Ge  point  a 
été  reconnu  ipar  un  arrêt  qui  porte  «que  la  disposit?6n  de 
l'art.  159,  étant  générale  et  absolue,  s'applique  tout  aussi 
bicA  etpar  Je»  mêmes  raisons  à  lalect^é  dè^*  notés  UUi  au- 
raient pu. être  retenues  dans  rinutructîon  de  p*rMiier«  it^s* 
taacei  où  le  prévenu  a  fait  défaut,  qu'è  la  dépositioef  orale 
elle-mémei  dans  les  débats  sur  Tappei  ;  d'oùil  suit  quie  lejo- 
gementattaqué,  en  décidant,  sur  les  conclusions  de  l'appelant, 
et  sans  égard  aux  réquisitions  contraires  du  ministère  pu- 

*  Ca».  6  féT.  1847,  rapp»  M.  Isambert.  BulK  n.  2a. 
C  S  ^*  ta  janv.  4887,  rapp.  M.  Hocher.  BaU.  n,  2i, 

*  CaiB.  ià  ^^^- 1855,  rapp.  M.  Plougoulm.  Bail.  n.  40. 

*  Cas8.  it^^  i840,  rapp.  M.  MeyroDoet  SC-Marc.  BulU  n.  S70. 


DK  l'aPFEL  AEfl  JUGEMENTS  COIliECTIOSNKL$.   $    578,  ^09 

blic,  que  celte  ieptwe  n'umit  point  lira,  s'est  également 
coiîfcniié  «tt  texte  et  à  IWsprit  dudît  aftiefe  i .  »  I|=  yintjitnh 
heii^eip^  de  I^ireijqcope  exception 4 l'^rtiurtl imUèûo^ 
5|lipp&  qiw  seraient  frap^s  de  nuilké;  car,  t  on  nepétft 
"l^î?  W«Ç.  da«^:i«>iug€bene  d'auotin  texte  déehré  nul  et 
leièié^u  jprp^  %,  »  Néanmoiiis,  daoa  une  ea)ôce  oà  le  pi'é- 
Tenu  s;était  opposé  i  h  leciare  ^o  Ja  déposition  de  la  partio 
cwile,  il  a  été,d(éçidéflue  c'était  à  bon  drait  qne  tejwge  d'ap- 
pçlp  repoussant  ces  conclusions^  avait  ordonné  cette  lecture  : 
«attendu  que  le  rapport  doit  être  complet  poor  édalrer  Ie9 
J"«Ç?P  «iPel  f  q^e  ia  nullité  même  dont  serait  infectée  une 
P9^li.^ 4e  Ja. procédure  et  qui  reOécUrattsar  la  sentence  sou* 
jwse  à  >ur  décision,  impose  au  rapporteur  l'obligation  de 
faire  connaître  ep  leur  ontier  txms  les  itocumeiits  qui  s*t 
rapportent;  qu'il  résulte  i>toiremeAt  dos  motifs  de  Tarrôtat- 
Uquôque  laCour  n  a  entendu  attribuer  à'Ia  déposition  dont 
lUuj  aYnit  été  donné  lecture  d'autre  importance  que  celle 
d'un  sinple  renseignemanil  émané  d'une  partie  intéressée 
(Jau?  la  cause  *.  »  Maisee  dernier  arrél,  qui  se  fonde  sur  ce 
(jue  certains  témoignages  pourraient  être  reçus  en  matière 
correetionuelle  à  titre  de  renseignements  est  contraire  à  la 
•iodrine  que  nous  avons  précédemment  exposée  4. 

M  question  s'e^t  élevée  de  savoir  si  le  rapporteur  doit  né- 
«ssai^emcnt.  après  avoir  faitaon  rapport,  siéger  à  l'audience 
où  Vaffaire  est  jugée  au  fond^^t  la  solution  a  été  affirmative  : 
f  «ttendu  que  des  dispositions  des  art.  209  et  210,  il  résulte 
'iue  le  rapport  de  Taffaire  doit  être  fait  par  Tun  des  juges,  et 
que  le  rapporteur  doit  émettre  son  opinion  après  les  débats  ; 
li'oùil  suit  que  le  rapporteur  doit,  d  une  part,  être  apte  à 
coucowr  comme  juge  â  la  décision,  et,  d'autre  part,  y  con- 
courir effectivement  ;  que  ces  dispositions  sont  d'aJIIeurôcon- 
foraws  aux  règles  {podamentales  qui  concernent  les  affaires 
iugées: sur  rapport,  et  auxquelles  se  réfère  Tart.  35,  §  3,  du 
ilêe.  d«  30  mars  180*;  que  le  rapport  est  une  formalité  subs- 
Uotietlç  iutiéressaol directement  la  manifestation  de  la  vérité, 
«iais  qu'il  ne  constitue  pas  seul  l'oHîce  du  rapporteur,  dont  le 
^vcDurs  est  un  élément  spécial  et  nécessaire  de  la  oonîposi- 
é 

*  Cm  ai  Ju».  1189,  rapp.  M.  Rîves*  /.  P.,  t.  XXIW,  p.  758. 

'Cassw  ii  prairial  an  ii,  rapp.   M.    Lapoule.    Dali,    v*  Inst   criin. 

'  Cass.  19  jan?.  IS87,  rapp.  M.  Rocher.  Butl«  Q«  21. 
*Voy.  I.  va,  p.  698  01701 


iiO  VES  TftlRUNAUX    COftHCCTlOMNEUk 

tioQ  régulière  et  légale  ée  la  jwidictiûn  qui  Mt  sMuer  *.  > 
Toutefois,  eu  cas  d'efiipècheinent ,  un  doutmmi  tsf^puaiteor 
{Murrail  ktetomaak.^  mm  alors  uo  uouymu  n|)porl  4mH\\ 
4treCait. 

Tf^  L'aM.  filt)  eA  ainsi  conçu  :  «  A  la  suite  du  rapport,  et 
tSmtA  <)6è  lé  rapporteur  et  les  juges  émettent  leui*  opinion,  li* 
)>réveiAi,  soitqu^il  ait  été  acquitté,  soît  qu'il  ait  été  condwmê, 
lès  perednnes  civilement  responsables  du  délit,  la  partie  ci- 
i/Ae  et  le  procureur  impérial  «  seront  entendus  dans  la  forme 
et  dans  l'ordre  prescrits  par  Part.  190.  » 

On  pourrait  relever  une  sorte  de  contradiction  entre  cet 
brtide  et  Tart.  190  auquel  il  renvoie  ;  car  il  place  iWdition 
iiu  )prévent>,  et  par  conséquent  son  interrogatoire,  à  la  suite 
du  rapport,  tandis  que  Tart.  190  ne  le  place  qu^à  la  suito 
desd^srtionsdes  témoins.  Mais  nous  avons  déjà  remarque 
que  l^ordre  tracé  par  la  loi  n'est  point  prescrit  à  peine  de 
if^ullité  et  n*a  point  d'importance  réelle  :  les  tribunaux  peu- 
Vent  donc ,  dons  Tintérèl  de  Tinstruction,  s'en  écarter  *. 

La  seule  question  qui  se  présente  ici  relativement  à  la  pro- 
cédure d'^appel  est  de  savoir  si  le  prévenu  doit  y  être  interroge. 
La  jurisprudence  a  considéré  cette  forme  comme  purement 
facultative»  quand  elle  a  déjà  été  accomplie  en  première  ins- 
tance et  qu'aucune  réclamation  ne  s^éléve  à  cet  égard.  Ainsi, 
la  €our  de  cassation  a  successivement  rejeté  les  pourvois 
fondés  sur  Vomission  de  Tinterrogatoire  en  appel  :  1^  «  sur 
ce  que  les  prévenus  ont  été  interrogés  h  Taudierfce  du  tribu- 
nal correctionnel  ;  qu'ils  n  ont  pas  demandée  être  interrogés 
de  nouveau  devant  le  tribunal  d'appel,  et  que  buile  loi  ne 
prescrit  Vobllgation  â'un  nouvel  interrogatoire  en  appel  après 
qu'il  a  eu  lieu  régulièrement  devant  le  tribunal  de  preniiéro 
instance  '  »;  2^  «  que  celte  formalité  peut  être  négligée  en 
appel,  lorsque  Tinterrogatoire  n'est  réclamé  ni  par  le  miuis- 
tère  public,  ni  par  1^  partie  lésée  ^  ,<»  ;  3*  enfin»  a  que  la  fer- 
malilé  de  Vinterrûgatoire  n'est  pas  prescrite  à  peine  ae  nullité 
par  Tart.  ^90»  et  que  la  nullité  ne  peut  être  suppléée  qu'au- 
tant qu^ila  été  porté  atteinte  au  droit  de  la  défense  ^.  •  Bc- 

t  Cai8«  s  dèc.  1854,  rapp.  M.  Séiiéca.Biai.  a.  8M.  . 

s  VoY.  I.  VII«  p.  VU  et  Gass»  37  Janv.  id4f,  rt^.  M*  I^ÉArort  I.  cr. 

'  Cass.  7  jaoT.  1837.  rapp,  M.  Voysin  de  Gartempe.  Bull,  o.  8. 

*  Casa.  SSiulii. i64Si  npp.  Bf.  Isambéru  Dail).  iS,  I,  81^ 

*  Cass,  9  Juili.  1888,  rapp«  Bf«  Isambert  BilU.a.  )II8, 


»B  L*AppiL  t/t^  JTnsnnmTS  tOKftrCTiON.^Ets.  §  578.         4  H 

mtufMiik  dHAéH  <}iié,  fHpM^  cëUè  niHsprudeht^e  më^nb^ce 
fl^Me<|lft  l^rs^ttë  nilferr6gat»tt«  H  tlèjli  éfté  iM  ^A  j^rémièff  ë 
iiMifieft«ti(Bé  te  rapport  a  pu  le  ftfr«  eôBtlAttte,  ()il'tl  ée6^ 
4'étre  oMiganriTé,  pottrtu  d'àîHciiN  Iqnë  l\?  préV(!tili  lil  1c  ml- 
niiMm  puMic  oe  le  d^a^tiebt  pa^,  %t  ^taftll  l^àè  ^ôn  othiB- 
émB^«it{NiiMiire  &U  défebsé;  H  a|^j^aftteftt  àtt^i^  aA  jtl]{(B 
fâppél  d'appréciet  $'»  <^t  inutile  il\K  lé  tiWtï.  Vt^  tette 
rt|^0ième^  qtol  aè  ft'eat  établie  p&U  I  pea  que  ^r  ne  pas 
trop  mnit^ier  lés  holHtés  de  procédui^,  ne  doit  paà  étit  l¥op 
Kttéralélnent  appliquée.  Il  n*ést  pas  Trat^  quôftjn'uh  arrêt  l'ait 
dédart,  t  que  cette  formalité  de  rifcitenro^Mfrtt  ne  tienne 
psi  wantteUement  au  droit  de  la  défenÉs  et  qu^clle  ne  aoit 
qu'an  moyeu  d'instruclion  ^  »  ;  nous  avons  démontré  qlï^ 
i'ioterrogatoire  du  prévenu  est  à  la  fois  un  mToyen  d'instrtic- 
tioD  et  nu  moyen  de  défense  ^  -,  or  si  rjottaissfOR  du  moyen 
d'iastruetion  n^emporte  aucune  nullité,  puisqull  apbàrtient 
ain  îttges  d'écarter  tes  moyens  d'instruction  dont  remploi 
leur  parait  inatile,  il  n^en  est  plo^  âa  tnéine  h  Tégârd  du 
Boy«n  de  défend  dont  le  prévenu  M  peok  fttre  arbiiraire- 
meni  privé.  Ainsi,  en  tbè^e  générale,  rintéhiogâtoit'e,  foin 
fèCre  restreint  à  certains  cas,  doit  éité  considéré  cohinlie  une 
aesQxe  de  droit  commun  et  être  pratiqué  dans  tous  lès  cas  ; 
et  ai  son  omission  ou  plutôt  Totnission  de  sa  constatation 
a^eamorte  pas  nullité,  c'e^  seulement  forsque  les  intérêts  de 
li  défense  ou  de  Faction  publique  n*ont  pu  en  éprouver  au- 
CQn  préjudice. 

Y.  L'art.  190,  auquel  renvoie  Tart.  210^  porte  qu'après 
reipo6itik>n  de  Tafluire,  a  les  témoins  pour  et  contre  seront 
entendus,  s'il  y  a  lieu,  if 

Les  règles  et  les  formes  relatives  à  l'audition  dos  témoins: 
sont  kii  mêmes  en  appel  qu^en  première  instance  *•  Nous  n'a- 
vons donc  point  à  les  reproduire. 

Nous  nous  attacherons  seulement  à  quelques  poinlsqui  con- 
cetntèht'^éci&rèmentVe  juge  d'appel. 

L'aàdilion  dés  témoins  i/est  point,  en  général,  indispan- 
sable  *càu»Bd*appeL  L'art.  211  déclare  que  «  lés  disposi- 
tions des  articles  orécédents  sur  la  nature  des  preuves  seront 
comtnûnès  aux  jugements  rendus  sur  appel.  »  Or,  d'une  part, 
l'art.  175,  relatif  à  Tappel  des  jugements  de  police,  porte 

•  Cais.  H  stpL  iSAO*  nppi  iL  MtSjroham.  St-Uiftre.  Bail*  H*  «70. 
I  Voy.  U  V,  p,  699,— •  Voy.  t  VII,  p.  688. 


ilâ  DES  TRIBUNAU  K   COAftKCTIOKMCU, 

que  «  lorsque,  sur  l'appel ,  le  procureur  iinp4riil  ou  Tuoe  des 
parties  le  requerra,  les  témoins  pourront  être  entendus  de 
nouveau,  et  il  pourra  même  en  être  entendu  d'autres  a  ;  et» 
d'une  autre  part,  Part.  190  dispose  que  u  les  témoins  pour  et 
contre  seront  entendus,  s*il  y  a  lieu.  »  Peut-être  ces  disposi** 
tions  devraient-elles,  en  appel  aussi  bien  qu'en  première  ins- 
tance, être  entendues  dans  le  sens  et  appliquées  avec  les  lî* 
miles  qui  ont  été  précédemment  établies  ' .  Mais  on  a  pensé, 
pour  Taudition  des  témoins  comme  pour  Tinterrogatoirc  du 
prévenu,  que,  lorsque  Taudilion  a  eu  lieu  en  première  ins- 
tance, il  y  a  moins  de  nécessité  à  ce  qu'elle  soit  réitérée  en 
appel  ;  que  les  notes  d'audience  et  le  rapport  du  juge-oom- 
missaire  peuvent,  par  leur  analyse,  la  suppléer  jusqu'à  un 
certain  point,  et  que  rinstruetion,  purement  orale  devant  le 
premier  le  juge,  doit,  à  raison  des  distances  et  des  frais,  se 
modifier  devant  le  juge- d'appel  et  prendre  s'il  n'en  résulte 
pas  de  préjudice  pour  la  justice,  le  caractère  d'un  débat  sur 
pièces  écrites.G'estd'après  cette  doctrine  que  la  chambre  cri- 
minelle a  jugé  «  qu'aucun  article  de  loi  n'oblige  lesjuges  cor- 
rectionnels d'entendre  derechef  en  appel  les  témoins  déjà  en- 
tendus en  première  instance;  qu'à  cet  égard,  les  ait.  175  et 
J76  laissent  aux  juges  d'appel  en  matière  correctionnelle  une 
faculté  purrment  discrétionnaire;  que,d'dprès  l'ai  1.153  rendu 
commun  par  l'art.  189  aux  matières  correctionnelles,  le 
greilier  doit,  lors  du  jugement  de  première  instance,  tenir 
note  du  serment  des  témoins,  de  leurs  noms  et  prénoms, 
ainsi  que  de  leurs  principales  déclarations;  que  c'est  sur  ces 
éléments  de  l'instruction  orale,  ainsi  recueillis  et  constatés, 
pour  servir  d'éléments  de  conviction  au  tribunal  supérieur 
•au  cas  d'appel  que  ce  tribunal  doit  prononcer  sur  le  bien  ou 
'le  mal  jugé  du  tribunal  de  première  instance,  lorsqu'il  ne 
«croit  pas  convenable  d'entendre  de  nouveau  les  mêmes  té- 
moins '.  0 

Cette  jurisprudence,  il  faut  le  reconnaître,  trouve  un  ap- 
pui nouveau  dans  la  loi  du  13  juin  1856  qui,*  en  transportant 
tous  les  appels  correctionnels  aux  cours  impériales,  a  prescrit 
que  les  notes  d'audience  retiendraient  les  déclarations  des  té* 
moins  et  les  réponses  du  prévenu,  et  qu't  iles  seraient  visées 


<  T.  VII,  p.  558. 

*  Caw.  h  août  iSSO,  nipp.  M.  OiIWier.  J.  P.,  I,  XVI,  p.  90,  --  ^T.  Vif, 
p.  70U. 


ht  l'aPPKL  des    jugement:»  CORRKt^TIOMNlLS.  §.  ^78.  14  S 

par  ff  président  *.  C'est  pour  suppléer  aux  dépositions  orales 
devenues  plus  difficiles  è  raison  de  la  distance  plus  grande 
qui  sépare  le  premier  juge  du  juge  d'appel,  que  la  loi  nou- 
velle a  voulu  impriner  aux  notes  d*audienre,  qui  sont  une 
sorte  de  procès-verbal  du  premier  débat,  un  développement 
plus  étendu,  une  authenticité  plus  marquée.  Nous  le  consta- 
tons avec  regret,  car  il  ne  nous  semble  pas  que  les  jugements 
sur  pièces  vaillent  les  jugements  rendus  sur  un  débat  oral, 
que  l'analyse  des  témoignages  puisse  remplacer  les  témoigna-r 
jes  eux-mêmes  ,  et  que  des  preuves  ainsi  aiïaiblies  puissent 
conduire  à  une  bonne  justice.  Elle  vient  élargir  encore  la 
?oie dangereuse  où  la  jurisprudence  s^était  déjà  engagée  :  en 
généralisant  et  en  rendant  plus  certaine  la  constatation  des 
premières  dépositions,  elle  déclare  en  quelque  sorte  Tinuti- 
iitédu  transport  des  mémos  témoins  en  appol  ;  en  fournissant 
na  juge  un  moyen  plus  ellicuce  de  les  remplacer,  elle  semble 
l'inviter  è  ne  pas  les  appeler.  Néanmoins,  il  he  Taut  pas  exa- 
îçcror  la  portée  de  celte  disposition  :  si  le  législateur  a  prévu 
que  les  notes  d'audience  suppléeraient  plus  fréquemment  les 
lémoignages,  et  s'il  a  voulu  ajouter  à  ce  procès- verbal  de  non- 
U'ilcs  garanties  de  vérité,  il  n'a  point  modifié  les  règles  rela- 
tives à  l'admission  des  preuves;  il  n'a  point  reslreint  le  pou- 
voir du  juge  d'appel  d'ord»»nner  la  comparution  personnelle 
(ies  lé.noins.  Le  droit  de  la  juridiction  ost  le  même,  et  son 
•  xercice  rencontre  seulement  quelques  entraves  de  plus  qui 
logènentsans  doute, mais  sans  le  délruire.iilnnn,ce  droit  cesse 
même  d'étrediscrétionnaire.comfne  on  le  verra  tout  à  rheure, 
si  Tandition  n*a  été  ni  oITorlc  ni  reijuise  en  première  ins- 
Ui)ce,et  que  sa  production  rentre  dans  les  lermesde  l'art.  154. 
Le  juge  d'appel  n'est  donc  pas  tenu  d'entendre  les  témoins 
que  le  prévenu  ou  la  partie  civile  demandent  à  faire  citer: 
«attendu  que  de  la  combinaison  des  art.  153,  175,  190, 
'-209,  210  et  211,  il  résulte  qu'en  matière  correctionnelle  la 
juridiction  supérieure  n'est  tenue  d'entendre  ni  les  témoins 
qui  ont  déposé  devant  les  premiers  juges,  ni  les  nouveaux  té- 
moins que  le  prévenu  demande  à  produire  ;  qu'il  lui  appartient 
<lc reconnaître  et  de  décider  si  les  notes  tenues  à  l'audience 
p^u  le  greffier,  conformément  aux  art.  155  et  189,  présentent 
de  suffisantes  garanties  d'exactitude  et  de  iidélité  ;  que  la  né- 
cessité ou  l'opportunité  d'entendre  de  nouveau  les  témoins, 
pour  arriver  à  la  manifestation  de  la  vérité,  rentrent  dans  son 

»  Voy.  T.  Vir,  p.  53 'i. 

VIII.  ^ 


114  .*■-;■■    1>BS    TRlfeUHAOX  CMKBGTIONNELS. 

tor  lâ'HOiBbrei  daifc^édA<>ins  qu*U  jag«  nécessaire  dVnlMdr»]. 

l\  lï'e^  pus  tenu  non  pl»^  d'etvtendfe  ïta  iéimrins -^ipe-le 
jMtfUre  pubiio  a  (ait  assigner  :  fcaUeircki  qslie  i!ar1v&36, 
loin  d'imposer  au3(  UibuniMijL  correctîoBn«b  T^ibligtltoo  dîaQ- 
tendre  derechef  eo  appel  les  témoins  déjà  enteaduâ  en  pre- 
mière instance»  ne  fait  que  leur  en  accorder  la  faculté  i.qtic 
dè$  lors  c'est  à  ces  tribunaux  qu'il  appartient  d'apprécier  ks 
motifs  qui  peuvent  déterminer  Padoption  de  cette  nsesuic, 
el  que  de  cette  appréciation  ne  saurait  résulter  ouverti^reà 
cassation^.  »  Toutefois,  s'il  peut  refuser  dé  tes  enteodrc 
parce  qu'il  se  trouve  suffisamment  éclairé ,  il  ne  le  ffoimf^^^ 
sous  le  prétexte  que  la  partie  publique  n'aurait  pas  deinandc 
Vautorisationde  les  assigner,  puisque  cette  autorisation  oc 
lui  est  pas  nécessaire  ^. 

Mais  le  juge  d'appel  conserve  en  mémi^  temps,  ainsi  qu^n 
Fa  vu»  le  pouvoir  d'ordonner,  sur  la  demande  des  p«r^*s, 
l'audition  des  témoins  qui  ont  été  entendus  en  première  in- 
stance ou  même  de  témoins  nouveaux.  G^est  la  dispositibo 
formelle  des  art.  175  et  211  :  c'est  rutililé  ou  l'inuUUtè.de 
la  preuve  qui  doit  motiver  son  admission  ou  son  rejet,  lisuflit 
que  sa  production  puisée  éclairer  le  juge,  pour  qu'il  soil  de 
de  son  devoir  de  l'ordonner  ^. 

11  peut  d'ailleurs  l'ordonner  même  d'oiBce  et  sans  qu'elle 
ail  été  ni  proposée  ni  requise  par  les  parties  ;  car  c'est  le  droit 
de  toute  juridiction  de  prendre  toutes  les  mesures  nécessaires 
pour  rêclaiier  qui  sont  autorisées  par  ia  loi,  II  a  été  jugé 
dans  ce  sens  «  qu'aucune  loi  ne  prohibe  aux  Cours  et  tribu- 
naux jugeant  bur  appel  en  matière  correctionnelle  d'ordonner 
d^office  l'audition  des  témoins  qui  avaient  été  entendus  devant 
le  tribunal  correctionnel  inférieur,  ou  même  de  nouveaux 
témoins  non  encore  ouJs,  toutes  les  fois  qu'ils  jugeai  a*s 
nouvelles  instructions  nécessaires  à  la  découverte  de  la  vérité 

*  Cass,  13  nov,  1858,  rapp.  M,  Aug.  Moreau.  Bull,  o*  551 1  el 
I  janv.  1685,  rapp.  M.  ViDctD«  Si-Laurent.  Bull.  n.  46:  22  juili.  1857, 
rapp.  M.Vojrsiu  de  Gaitempe.  Bull,  n.  2ia  ;  S  sepL  ISdl.raiiii.  Ii.۔iibert  de 
Voisins  J.  P.,  U  XXIV,  p,  232. 

'  Cass,  27  juin  18A6,  rapp,  M.  Isambert.  Bull.  n.  167. 

»  Cass.  2aoûl  1821.  rapp.  M.  OUivier.  J.P.,l.XVI,  L  82ai24septii831. 
"•«PP?,?*/  ^^'^i^^i"»  t.  XXIV,  p.  256;  2ô  i»v.  182é,  rapp,  M.  de  Cacdmine!. 
•  XVIII,  p.1187.  , 

^MèflMi  an6is« 

•  Can.  10  ft?.  i  826.  rapp.  M,  OlIWer,  /,  P.,  t.  XIX,  p.  233. 


DE   L^VPFL   BEf  JVCriEKTI   CORRECTI(Hf:<tLft.  $.  57S.  il  5 

et  Qtil^pauréclalrer  leur  coiifcioncc'  .  »  Ils  peuvent  eaooro, 
par niiplicatioii  delà  fnème  règle,  ordonner  une  information 
lopplémentaire  et  par  écrit,  s'ils  ne  trouvent  pas  que  Hafor- 
maiioD  déjà  fiMte  soit  saffisante  '  :  ils  ont  à  cet  égard  le  nème 
pouvoir  4|tte  les  joge»  de  première  instance  *. 

11  est  taènne  un  cas  où  le  juge  d'appel  est  tenu  d'ordonner 
Paoditkm  Âe$  téaiolns  :  c'est  lorsque  cette  preuve  n'a  pas  été 
DuUs  en  première  instance  et  qu'elle  est  proposée  à  déEaat  <mi 
en  càs'de  ndHité  du  procès-verbal  ;  le  juge  d^appet  se  trouve 
etteBet,  enfacdde  cette  demande,  dans  le  cas  prévu  par 
rart.i54,etil  a  été  décidé,  avec  r/uson,  «  que  les  moyens  de 
preuve  peuvent  être  suppléés  en  toui  état  de  cause;  qu'ils 
D'altèi«nt  pas  la  demande  primitive  ;  qu'ils  n'ont  pour  objet 
que  de  rétablir  ;  que  l'audition  de  témoins,  quoique  non  le- 
quise  ou  offerte  eu  première  instance,  peut  donc  être  deosAB* 
dée  en  cause  d^appel,  et  qu^clle  y  doit  être  admise  si  elle 
paraît  utile  i  l'instruction  de  la  cause  ;  que  l'art.  15&.,  qui 
prescrit  que  les  délits  seront  prouvés  par  témoins,  à  déraut 
de  procès-verbanx  ou  rapports^  ou  à  leur  appui,  est  conçu 
d'une  manière  générale  ;  que  sa  disposition  s'applique  à  Tin- 
struction  en  cause  d'appel  comme  à  celle  qui  peut  être  faite 
en  première  instance  ;  que  l'art.  175»  qui  donne  aux  tribu- 
naux d'appel  le  droit  d'accorder  ou  de  refuser  l'audition  de 
témoins  non  produits  en  première  instance,  est  relatif  au  cas 
oà,  en  première  instance,  il  y  a  eu  des  témoins  entendus; 
quH  ne  modifie  donc  pas  la  disposition  de  l'art.  154  pour  le 
eas  ûi  la  preuve  testimoniale  n'a  pas  été  employée  devant 
les  premiers  juges  <.  »  il  suit  de  là  que  «  si ,  lorsqu'à  défaut 
de procés-vcrbai  qui  constate  le  délit,  il  n'a  pas  été  entendu 
de  témoins  en  première  instance,  les  juges  d'appel  uc  peu- 
i^enl  se  refuser  à  admettre  la  preuve  testimoniale  qui  leur  est 
offerte  par  la  partie  poursuivante  *•  » 

Usttît  de  ce  qui  précède,  l©  que  la  preuve  testtînoniale, 
offerte  en  cause  d'appel,  en  vertu  des  art.  15<^,  199  et  411, 

ne  peut  être  refusée  qu'autant  qu'elle  estjugée  inutile  jd'où 

>  Ca«.    30  nov«  iSSS,  r^pp.  M.  Meyronnet  St-SI «rc.  J,  P.»  t  XXIV, 
1.4602  ;  37  mars  1850.  rapp.  M.  JaUoii.  BuU.  n.  iâO. 
^  CasB.  49  mare  1825,  rapp.  M,  Basire.  J.  P.,  U  XIX,  p.  819. 
•Voy.  l.VH,  p.  75ft. 

*  Cass.  8  &T.  1820,  rapp.  M.  Bufschop.  !•  P.»  t  XV,  p.  75S« 

*  Cask  16  déc  1835,  rapp.  M.  Cboppia.  J.  P.»  t  XIX,  p.  iOi6  ;  14  ocU 
ISM,  rapp.  M.  Gary,  t,  XX,  p.  886. 


110  DM  TKlBlJIfAIIX  rûlRECTlONNELS. 

]k  conséquence  qu'en  la  VVpôtiBSant  par  fttndqUé  rtiôCf qu'elle 
n'^viiitspdiitti  été  offerte  en  première  instante,  ^èjogS'cT^)^ 
créerait  contre  l'exercice  d  un  droit  qui  appartieiit.l^Kgblîm^ 
«Mmt  M%'  pâHfes  une  Gh46  |i6q<«^rceevoif  cpi'autune  Mv/au- 
lO^i^*:  ;  2^  c|uèf  si^  lé  ministère  pubiicy  an  lien  (to'bîmcMr 
^è^Mn^vik'  tëmtri^s/sebbiifiëç  »près  le  rapport  de^lMittr^, 
A:é(»ifMmAéff  q^i^éiiâ^Mit'^fti^vblf^^  i  qîiinsatne  p0«irites(t«^ 
eufdnétfe;  vl  entre  d«n»lêK  sdtvtbiitiMs  en  fbge  é'ttbfsordttîoti 
de  réfof9érofi  renvoi',  s^tcirtt  que' ilnbtruci^ii  tôt  padttieoiip. 
plète  ou  incomplète  '  ;'3<'  que*  le  juge  qoîiacittiriseiiM  \fsi6k 
i' prédire  die  mouveifox  lémoiii»^  peut  m  «léiileeetnpjior* 
donner,  pour  ne  pas  être  indiéi  cn^rreiir'par^iin  démt'it^ 
«ompleil,  que  leâ  tèntmi»déîà  «ntendiiK  en  premiéfeitmtiamce 
setmt  i  ift  fois  ap|>e|és  ideratitiliM  :  ^1  ne  f^it  ^ta  oeU  qd'c»0r 
du  droit  incontestable  qui  lui  apfwrtient  de  s^édwire? ^par 
toutes  les  voies  légales^.  -;i  : 

Le  juge  d'appel  qui  ordonne  d'dffîce  que  les  (èmoJtti  ^- 
font  appelés^  dfôit  ajôutelr  qu'ils  seront  assignés  à  la  reqâête 
du  rnrnistère  public  :  cette  disposition  n'a  point  pour  efifel)  dé 
modifier  nfnputatîbn  des  frais,  puîsqu^Hs  sont  nécessairàh^t 
mk  à  la  charge  de  la  partie  qui  succombe  eh  délkiHivé  ^.  Mais 
ai  cette  rticsurc  est  prescrite  sur  les  conctusions  des  |>réf  ènus 
ou  de  ïa  partie  civile,  c'est  à  la  requête  et  atix  Trais' il^  ces 
parties  que  t'assigtialion  doit  être  farte  ^.  Le  juge  ne  podrrs^t 
imposer  à  une  partie  la  diarge  de  produire  à  ses  frais  fes  té^ 
moins  désignés  par  une  auire  parité*.  Il  dort  d'ailleurs,  cù 
Celte  matière^  observer  cette  régie  générale,  porte  pèr  on 
arrêt  qui  vient  d'être  èité,«  que  si  ta  crainte  d'occasiènner 
des  frais  dort  rendire  les  tribunaux  |))us  difficiles  pour  ordM* 
ncr  la  réaudition  dos  témoins  entendus,  ^He  ne  peut  ^pen- 
dant les  ehîpêcHèr  d^^cctieiHîr  éeUe  nfwsuro  qua^d  eWé  c»t 
indlspeflrsrfble  p6\xt  ta  découverte  do  la  vérité  7.  » 

Yl.  L'art.;S^10  po^le  4]«eK  le  préveau, Jeg  peifipnn^  qivi? 
lemiefil  re»s|ioi^si»btea,  U|i<irl,i^jçivile  et  le  pniciireiMrvnp^fial: 

^  ^ Cbmu  h  jam.ISft^.  rdpp»  M*  Vineens St-Laureot  Bull.' ii«  il}. •  ' i r. ,  •. 

*  Cbw.  25  déc.  i845,  rapp.  M,  dç  Çroiweilbes  BvèU  n.  a??^  .      . 

*  Cass.  Si  janv.  1835,  rapp.  M.*  Vtncens  St-taurent.  Butf.  nv  ]|6. 

*  Cass.  80  no?.  i83î,  rapp.  M.  Meyronnet  St-Marc.  J.  P„  l.  XXJ, 
p.  1602. 

.•.Cas?.  5  juin  1B2«,  rapp.  M,  de  Cardonnel,  J.  P'   t.  XX î,  p.  j5îi  • 
«  Ml^toft  arrôt.  ':»..»« 

'  Voy.  nos  S  501,  561  et  56*^.  t.  Vlï,  |>.  7^7  et  itrit.  ""1^ 


ierfi1<6qtep409'idanfelâ  totêmat  é^m.  Tordes,  |N:«wîta  par 

-  lfa»ttS(«vom;)eifasi,.M  expItqMQi  i  «ft.  190,  U». forum 
flet^cniKdiiiicnmiQl.'plaiddîrper.ilêfl  p«riies  et  les  j-ègle»  qui 
légiilMVieeHe^phsso  de  i^kiçtrimlioo  S  -ISo^  iAisejfi\f}ktjiom.i'9tlfif 
fikl\\mUm^  éébtis dp  Tappel  a«M$i  bîeiit<|tf  ».ceux 4»  pTe^ 
«li^iifHitoliceL  I)  fi»  <»t'«f}oorB  ainsi  iiqur  tout  ce  qm  ooo^ 
Mfiierlm^ioiUite  la  dérénseV  Tauditipn  dumiaiOêre  pu^ 
UitHi  taiB  fe^  ÎDCskJenla  dd  l'audiepce  *. 
.  Jl  fsstlK)utelbîs  un  de  ces  thcid^nU  iqui  9ci  rattache  aMsIusi^ 
vftimiil  a  i'iDstniclkm  SUT  rappel* 

tts'agîi  de  J'iotervenlion  de  la  partie  eÎYila.  11  est  de  règle 
que  taptaignattt^  qui  nea'esi  pas  porté  partie  civile  en  pre«- 
nièrekiatoiice»  est  non  rocevable  à  întetTeair  sur  l'appel,  et 
la  raison  en  a  été  donnée  par  un  arrêt  qui  déclare  «  que 
çe$  wQts\da  Tart*  67  •  en  tout  état  de  cause  jusqu'à  la  clô- 
ture des, débata,  i  ne  doivent  s'enleaJre,  en  matière  correc- 
tioDoelie,  qijede  ia  cause  instruite  en  première  instance;  quç 
rexefcic9  du  droit  accordé  aux  plaignants  ne  peut  être  étendu 
i  Ja cause  d*appel,  l'appel  relevé  par  le  ministère  public  ou 
|Mir  iç  prévenu  ne  pouvant  profiter  aux  plaignants  pour  leur^ 
ifltérMkdviJs  ^  qu'il  ne.  peut,  en  effet,  dépendre  d'eux  de  pri- 
vwJe  jvfévanu  d'un  premier  degré  de  juridiction  sur  la  ques- 
tion dfS9.voir  s'il  estdiSi  dfs  dommages-intérêts  et  quelle  est 
letir. quotité  ;  -que  le  jugement  de  première  instaure >  dans 
lequel., le  {>la}gnant  n'a  figuré  qu'en  cette'  qualité,  sans  ré* 
<:lamer  aomme  partie  civile,  a  tout  terminé  df^vant  la  juridic- 
tiaa  correctionnelle  à  l'égard  des  dommages-intérêts  >,  v  Ët^ 
ea  effi^,  k^  deux,  degrés  de  juridiction  constituent  pour  le 
prévenu  uo  droit  dont  il  doit  jouir  tant  sous  le  rapport  de 
l'application  de  la  pein«  que  sous  celui  des  dommages-inté- 
rêts; après  le  jugement  de  première  instance,  les  choses  ne 
sofiftdotie  ffUii  etitîèreé  ;  )ê  ttrocès  d>oit  finir  cortimfe  il  a  eom 
meaèé/ê^est^'iHlîrê,  avec  le  mmi^tère  publie  seul,  et  celui 
qui  5e  prétend  lésé  ne  peut  plus  agir  que  par  action  séparée 
devant  la  juridi^tâon  civife.  Il  en  serait  ainsi  lors  mémeqne 
le  prév^nu^edt  fait  défaut  en  prctniérê  instance^  ear  ce  début 


*T,ro,p.7aaftMiiT. 

'T.  tli,  p.  liai  etCass.  32  nai  18A1,  rapp.  Mf.  IsamberU  Bull.  d.  150  { 
SjaoT.  1S&7»  rapp.  U.  Yinceos  St«Laureiit.  BuJU  d.  2. 
•T.YU,p.754. 
'  Cais.  )&iDai  1889» rapp.  M.  Ricard,  J.  P.,  t,  X\V,  ^  S03, 


H  6  BBl  TMWIIÀUS    COMLECTK)ItNll.t. 

n'empèehe  pas  le  plaignant  de  se  présenter  peur  conserver 
aes-intéréte  civife  et  épuiser  le  premier  degré  dejuridiotioii\ 

VU.  Los  règles  relatives  à  la  rédaction  et  anx  formes  <fcs. 
jugements  rendus  par  les  tribunaux  correctionnels  s'applt-.- 

Juent  aux  arrêts  rendus  sur  appel.  Nous  ne  reproduirons 
onc  point  les  observations  qui  font  Tobjot  du  chap.  Vi  du 
présent  livre  '.  Nous  nous  bornerons  à  revenir  sur  quelques 
points  qui  présentent  dans  ces  arrêts  un  caractère  purticultér» 
Nous  parlerons  d'abord  de  leurs  motifs.  La  régie  qui  veol 
que  tous  les  jugements  et  arrêts  soient  motivés  etcpie  ■•«§ 
avons  appliquée  aux  jugements  de  première  instance *y  s'étend 
nécessairement  aux  arrêts  rendus  sur  appel.  Mais  la  réda»*. 
tion  des  motifs  peut  n'être  pas  tout  à  fait  la  mène.  - 

En  général^  le  juge  d'appel  motive  suffisamment  un  «erêt^ 
torsqu'en  confirmant  un  jugement  r^ulièrement  roûiivé ,  A 
déclare  en  adopter  les  motifs.  Il  s'approprie  en  efiet^  par  ceite 
déclaration^  la  rédaction  du  premier  juge,  et  si  ceile  déclanb 
Uon  est  suffisante»  sou  arrêt,  dans  lequel  elle  est  présumée 
être  insérée,  se  trouve  suffisamment  étajé. 

Nous  n'approuvons  nullement»  quant  à  nous,  ce  mode 

sommaire  de  rédiger  les  jugements;  il  est  plus  ooituiiode  et 

donne  moins  de  peine,  cela  est  vrai  ;  mais  il  favorise  et  sert  A 

voiler  le  plus  souvent  Finerlie  du  juge  d'appel ,  qui  sentie  se 

hâter  d'adoDter  une  décision  toute  faite  pour  ne  pas  avoff 

l'embarras  de  la  fairt.  Cette  formule  est  très  expéilîtive  ;  nous 

dirions  volontiers  qu'elle  Test  beaucoup  trop  :  nom  ne  sao* 

riona  cacher  la  défiance  que  nous  inspirent  ces  faciles  saM*^ 

tioBs  qui  ne  témoignent  d'aucun  travail  et  ne  revêtent  aucune 

discussion.  Sans  doute  on  peut  admettre  que  ies  data  «p* 

préciations  des  mêmes  faits  soient  tellement  idontiques^M 

i-une  n  ait  rien  à  ajouter  à  fautre;  mais,  dans  ce  cas  findiaé; 

le  juge  ne  doîtil  pas  aux  justiciables  la  preuve  qu'il  a  fait 

de  Taffaire  une  sérieuse  étude?  El,  au  point  de  vue  de  Vàé^ 

ministration  de  la  justice  »  ne  serait-il  pas  utile  que  le  juge 

d 'appel ^comiue celui  de  première  instance,  fûitenu  d'énoocer 

lui-même  les  motifs  personnels  qui  le  portent  à  telle  ou  telle 

solution?  Hais  la  jurisprudence  ne  s^est  point  arrêtée  à  ces 

objections  ;  une  longue  pratique  a  confirmé  la  formule  lei 

nulle  difficulté  ne  peut  désormais  s'élever  sur  ce  point.^  La 

«  Coss.  17  juin.  1841»  rapp.  M.  Mériliiou.  Bult.  d«  li). 
•  Voy.  L  Vil,  i».  77S.  —  *  Voj.  U  Vil,  p.  78S. 


w  L*AppEL  011  /UQcnm  coRMsnoMiftLs..  s.  578.  119 

if^è'isfil  qM  'a  le  jugemeoi  eonfirinatif  se  lie  à  la  «tiiteMa 
co»firfflée<y  dont  les  énoncialions  et  «ot^tataUon»  deviftinenlt 
(^aipae^.aw  deux  déci$ions  et  suffisent  à  la  régularité  de 

.  Toutefoi»!  H  iiii(K>rte  que  ief  motifs  des  preniiero  )yge» 
»feit^ianB(tfUeineDt  adoptés  par  Tat réi  cM&rmalir  :  ainsi ,  il 
te  safiraîfifia^  nittf  eet  arrêt  $e  bornèt  à  Wfi  viser,  il  faut  qu'il 
saWiaÉprapfi^  L*«nnulati9Dd*uii  iirré^aétéeDOonséquenea, 
Itrenoofiée^h^  att«ndtt  ique  si  le.  vu  de»  fûéces,  (ait  daoa  Tacrét, 
éMBce.ks  motifs  comme  le  diaposiUf  du  jugement  de  p^^^ 
nièce  jostaoce^  rarcèla*a  point  déclaré  qu'il  adaptât  cet 
snlifs^  qne.dâs  lor»  il  a  yiolé  l'ai  t-  T  de  la  loi  du  20  avrfl 
1810  \  .  Il  ne  JutBrait  pas  oou  plus  de  déclarer  que  l.'appel 
a^  pasfttsiifié*»oiB  cette  declttcaUon  ne  se  réfère  point  aux 
Aiotib  doa  pieiiiwrs.iog.es  et  n'en  contient  aucuns.  Il  ne  su^ 
ftrait  pas  enfin  de  prononcer  «que  les  premiers  juges  ont  fai^ 
raeioste  appliiatioa  ie  la  loi  aux  faits  par  eux  reconnue  cona- 
taits^l;  »  <te  la  mission  du  juge  d^appel  ne  se  borne  pas  k 
apprécier  l'application  de  la  loi ,  il  faut  qu  il  vérifie  en  même 
U»iM  l'existence  des  faite  qui  servent  de  base  à  la  poursuite. 
L'strét  qitt  n'adopte  les  motifs  des  premiers  juges  que  sur 
Tan  de  ces  pointa  et  qui  nen  donne  aucuns  sur  Tautre,  se 
trouve  donc,  i  l'égard  de  celui-ci ,  enfreindre  la  règle  posée 
parTart.  7de  la  loi  du  20  avril  1810  ^  iMais  il  en  sei'ait 
autrement  si  le  juge  d  appel  avait  motivé  son  arrêt  en  Jécla- 
raet  4  que  les  premiers  juges  ont  bien  apprécié  les  faits  et 
appMflué  la  peine  dans  une  juste  mesure  ^;  »  car  cette  décla- 
»tieua»rte  sur  le  droit  et  sur  le  fait,  et  adopte  les  motifs 
d?s  fiiAtnîers  jiig«sflnr  les  deux  points.  Suffit-il  que  Tarrôt 
décida  «que  des  débats  qui  ont  eu  lieu  devant  les  premiers 
iageij  it  résulte  que  le  prévenu  a  commis  le  délit  qui  lui  ét^H 
imputé?  •  ce  point  a  été  jugé  affirmativement  ;  on  peut  pb- 
jeaer,  conformément  à  l'arrêt  du  !«'  octobre  18fc0,  ci-dessw 
eilé,  quoique  dans  un  sens  inverse,  que  si  l'arrêt  est  motivé 
en  ce  qui  concerne  l'existence  du  fait  et  la  culpabilité  du 
prévenu,  il  ne  l^est  pas  en  ce  qui  touche  l'application  de  la 

'  «  tos.  s  déc.  4856,  rapp.  Caussiade  Perceval.  Bull.  n.  390. 
'«*Wél  43  jaot.  1S27.  «pp.  M.  OUIvier,  J.  P..  l.  XXÏ,  p.  k». 

*  Casa.  4  oct.  4840,  rapp.  M.  Vincens^t-LaurenU  Bull,  d.  298. 

•  Cass.  47  juîll.  i  S5X  rapp.  M.  NouguJer. 

•Ca»8.  44  mai  4850,  rapp.  M.  Aug.  Moreau.  BulKn.  455. 


^^^  .  .K\       ^  **-??  J'^W'^.^.*:'^  POWWf^îWïU^   jj.i. 


„-,r    .:-j-- ,l"g<;mfrn,t, jW  de,  l«. reqwftq 

jusliliée-ï.  /.Jl  en  spmt.f:ffpiii^nxA,fiuKcefi^(H4am  ÂtHifl»*-' 

Mai^  fe  fQrwj)^;  par  laqwcilet  I Vi^l  Jie^^  JfefèrB^awt  tnolife 
des.prcmiçr^:jugçft  rie  $affiA:p)<pp  loimii'il  a^él^  prt»idtMâDfi4e  ' 

effet,  en  s9^^^^çA^Iïj,.è4^eiu*f0ilM  Jwwwde!*^  ■ 

pect  nouveau  de  la  cause,  i'obligeiàt  BÔCWsaajniiMBotrJb  fartai-' 
tuer  explicitement,  çuisque  le  preijiier jmgemei;^tauqf^ljjj«ft 
réfère  né  renferme  rivn  â  cet  égard.  Les  arrêt»  qui  ^i^.n^. 
connu  ce  point  sont  nombreux.  Dans  une^pèee  oft  le  ppér  . 
venu  avait  pris  é.n  appel  des  coui^lu^iops  eApresaçs^  t^d^Mt^  . 
au  sursis  jusqu'après  la  dècisuïii  d'une  question  J«;^uâipWl0,  *  , 
la  Codr  de  cassation  a  prononcé  Tannulation  ,4e  j'awét  ,• . 
«  attendu  que  la  Cour  d  appel  devait  repdrq  surco  ohefid^. 
demande  une  décision  motivée ,  ce  qu ellea'a  pas, j(aji.ptrif^    . 
qu'elle  a  adopté  purement  et  simplement  les  motifs  du  juge^i^  t 
ment  lôrs  duqui»!  la  question  de  sgrsis  n^avait  pas  ctjé  ^ev^; .-  '. 
que,  quaud  bien  même  on  pourrait  dire  qu'eii  pron<viç«wit  Ip  •    r. 
condamnation  au  fond  ta  Cour  a  statué  implicUement  «ir./ja..     ; 
demande  en  sursis,  îl  n*en  faudrait  pas  moins  recoan^UirVj^  . 
sa  décision  à  cet  égard  n'est  pas  motivée  ^  9  Dai^uçeaul^-- 


r  r     .   'H"*^;"^'^ïVdeqUi*MMCiitiOu.c^ 
ces-verb;?!  et  sur  laquelle  n'a  paa  été  appçlô  .('gx^pi'^  " 
premiers  juges,  est  tenue  d'en  motiver  spéciarement  la  solu- 
tion; que,  en  étendant  à  celte  ^gluiion  des  rnptifs  excl^^f^g^ 


*  Ca*«:'4  0aoat4ë55,  rapp.  M.  Ayfe.  ï.  cr,  1806.  p.  S^*:  iîfmSrièsi'  . 
rapp.  M.  Isambcrt.    Bull.  n.l87;  ej^i^vier  W53,  fapp.  *L  J^ljw?,  ipSfli:;  •   ' 

J'i^.^  ï  ^^  ^8^Vè  noire  tjppori.  Bull.  n.  59;  20   maV^  i^^\/j4pm *^  '  .- 
11.  RjTCS.  Buli.  n.  104.  ^      ^^*^UP  .  i  .- 

»  C»ss.  à  juin  i836,  rapp.  M,  Fi^élémi,  Buîl.  ù.  bs.  '  '  "l!!  ""'':• 


I 
Bc  L*APPii.  mss  'itctutMfs  cÔMiiimoKsvjè.  §.  i  78.         lit 

mmÊi^^fimUi^'i  W'ïi^l()â(nTité  do  prévenu  Sans  son  r«)j)port 
8V0&'fttië;quàffi^.Mibil  jbsqûe-lè  ihcontestée ,  elle  laisse  incer- 
tan>lb*ftfM  de^ttihbirsi '^  liéafitè,  cJRe  a  statué  sur  lescon- 
ckÊfmiptiëèi  ééVMt^^ket^  dans  ce  cas,  sî  elle  les  a  rejoiéns 
fUt^v^fëê^vAe  épptédHaihïï  souTcraine  du  fait,  ou  en  vertu 
de^fiiisItiéMitîèi^^  droit  suseefitibles  de  révision  et  de  con- 
lrél0nMlei<Màtiftêr  Idont  Voti  ieh  termes  priverait  les  parties 
deftftîKtè  <)q  reèôttrs  qtii  lear  est  butert  par  la  loi  V  »  Dans 
urtg-troigiaiftii' Hfpèco ,  Te  ififmstère  public  avait  pris  des  cé- 
quisitioDS  en  appel  tendantes  à  modifier  Tapplication  dé  la 
pciQ0y<e(  teCoar  #apfiel  s'était  bornée  à'  la  simple  adoption 
cies.tiiotifedé8^preniierf9  jiigesy  qtA  né  s^étaienC  pas  expliqués 
sor-ttfonn^-IWétaété  cassé, 4 attendu  que  cette  prétention 
ne  p«ii«it'  6tre  tégirfeiiient  écartée  que  parsmHe  de  motifs 
exprimés iahê hdéeisîon  ^  >► 

Toutéfoit,  si  le  juge  d'appel  est  tenu  de  s^expliquer  sur  les 
coockisièiis ,  soit  qu'elles  soient  principale^ ,  soit  subsi- 
diair»^,  BoK  méihe  recôntentionnelles  ^ ,  ce  n'est  qu'autant 
qa'éHêi  Ètmî  expresses  et  produites  avant  l'arrêt  qui  statue 
sur  iefoad*  Arasi  il  a  été  jugé,  dans  une  espcce  où  Texcep- 
tioD  proposée  aVait  été  rejetée  sans  motifs  qui  s!y  référtissent  j 
«  que  le  ibpyen  tiré  de  1  autorité  de  la  chose  jugée  n'ayant 
pas  été' proposé  dans  des  conclusions  expresses,  la  Cour 
n'^att  pas  dans  l'obligation  d'y  statuer  ^  •  Ainsi»  il  a  été 
jugé  «neere  «|a*il  n'est  pas  nécessaire  d'expliquer  le  rejet 
d'un  moyen  qui  n'est  indiqué  que  daus  les  motifs  et  non  dans 
le  dispotttif  des  conclusions  ^,  ot  il  en  est  encore  ainsi  lors- 
que lefnéf ti'est  articulé  que  dans  les  notes  ou  mémoires  des 
partiM'tv  «tiéfidu  qu'on  ne  saurait  considérer  comme  un 
«teséiMiëiits  juridiques  de  la  procédure  les  actes  ou  mémoires 
dansiemMb^ien  dehors  des  conclusions  mêmes,,  le  moyen  a 
^té  ifrfiq^é V  tfd'une  telle  indication  ne  peut  avoir  en  droit 
poureattèé^ébce  d'obliger  la  Cour  de  s^explic^uer  sur  un  chef 
^  coh^IlttSètt  dont  elle  n'^était   pas  légalement  saisie  "^^  » 

*  (M  Hm.  t848,  rapp.  Bt.  Rodier.  Bull.  11.  28. 
'CasB.  8  mai  1850,  rapp.  M.  Legagneur.  Bull.  n.  ikk* 
'  CasB.  )S  jio?.  985S.  rapp.  M.  Jalloa.  BulL  n.^81^  et  oontGan.  29  aydl 
i^2,  ^  M.  Bodier.  Bull.  n.  125. 
'  Ca«.  «  ittart  1850,  rapp.  M.  Valsse.  Bull.  n.  98. 
'  Cas8.u  r^T.  1855,  rapp«  M.  PlougouUn.  fiuJU  n.  40  iconU  16  juin  185ft» 
nPM;:ilttMi  Bulf.  n.  213. 

Cui,  isjaiiT.  1858,  rapp,  Jkf.  Rives.  BoU.  D..11.    . 
C«i*  29  déc  185A.  rapp.  M,  Nouguier.  Bull.  u.  358. 


i9ï  DBl'TfllMffACi^   C<Wlrt'CTfe.Nî*BLê.     •  **  ' 

AMisr;  enfin,  «i  la  produotien  des  ^oDClusiokM  i/e9l^|)M  %^ 
stMée  i  soit  f«it  leur  ifisertiofi  dans  r«Tèt ,  6Mt  (Mr  Imt 
jdneiioi»  et  la  ^^M  qui  en  est  h^c  %ux  pièces  de  la  pt^èdort^ 
soit  én6n  pttr  les  documento  de  la  eatise  ,  ToUif  cMMi^d^f 
stolD^r  n'existe  plus  '.  .  :*  i  :    •; 

'  Lors  inéifie  qiïe  les  conclusions  sont  expréisèèftjt^oirtf'ifté 
produite^  bvatu  te  jugement,  il  n'y  a  pas  oWgdiï<fnihfiik\hi 
tf7"rêpondre  ,  1*^  si  l'exception  qui  en  fait' rb^Jer-è^  fcof^' 
fotfd  atce  les  moyens  du  fond  •;  2*  si  les  prcrtieffîf'^ttcs 
avaient  néeessaireihent,  quoique  rn^pUcitement,  statut^  Mtm 
m^mes  concfasîons^;  "V  s'il  s*agit,  par  exemple  en  th^tjfèM  de 
cfmtre-façoo  tndustrielhe,  d'une  exception  de  bonné'lWtWtit 
le  n^jf*  est  suflisanitnent  mdtîvé  (»ar  fa  dècll*«*fckî'"dte 

L'arrêt  rendu  sur  l'appel  doit,  en  deuxième  Iftlu^^tfSiiiéèr 
dans  son  dispositif,  cûmme  le  jugement  de  première  bfÙ'nce,. 
aux  termes  desait.  i9K  et  811,  les  faits  dont  Us  pi^r^UneS 
citées  sont  jugées  coupable»  oQ  responsable^,  la  peiné  H  les 
condamnaiioiia  civiles.  "-'] 

'  Ceftle  érioncialteii  «t  ttéeessaîtè;  t»at  «  \e  flcfoîPfhi  juge 
est  de  tnH^slaier  dans  sa  dét^lston  kd  fbits  r6sdUan('Ciiitdés 
pffortiHieltoaitt  que  des  dfcbérts,  potit  Idtir  donner  Wtii^îcfefràt?* 
tèfe  légM  stii^ank  fjettè  conSUrt^tion  \  %  ft»t,éi\  efFët;  lii 
constatation  que  le  dispositif  donne  aux  faits  qui  eA'là'  ^1^ 
el  tft  JuatifioaUeoëe  l'applioaliou  pénale;  ie  jug^  j  quiAfie  le 
faH  dottl il  éêclate  leg  penomiei  citées  coupables  et  reapama* 
bks i  elfe  a*e9l qu^après  cette  double  déolanttiott,.q«*H,éa 
dèittii  taWMqueneeiB  légale».  Tautefois,  il  a  étérecbnnu: 
qw,  il  le  premier  jugement  contienA  t'éaotteÎBtMip^.éès 
faites  Tatrét  peut,  aané  fioler  TarU  19â,  ae  tHèitÊtpi^ièer 
meni  M  aimptemetkt  au  jugécaént  qu*il  conâ^me  ^atir  cd 

La  cmidifninatfoo  auï  frais  de  Hapi^l  doivne  tiéb  à'qÙM^ 
q««aobBèrvatiotfd.  Dans  te  cas  de  oonfinnalion  )>ûîrè  ël  sitn- 

<  Casa.  S  juin  1855»  rtpp.  M.  Dehauuj.  Bail.  n.  19S, 

■  Oassb  9  jittf  «  iaas,  rappé  M.  de  Ohm.  Bufl.  n.  6«         ~  '  ^;^  ' 

'  Casa.  4  uoy.  1053,  à  noU«  rapport  Bull.  n.  5S9. 

•  Cass.  i  jùill.  1852,  rapp.  M.  de  Glos.  Bull.  u.  218. 

•  Ga98»  18  réf.  185i,  rapp»  M*  FoQchar.  BiUl.  xu.  éS»  .    i   .     «  - 

•  Cass.  5  jain  1851»  rapp.  It  da  BoMoaik  Bttll»  iir  ia6i» 


DB  l'aM>EL  die»  JUQSUDITS  GOAMSfiVtOinWi.».   §.  578.  \9Zl 

fk  d«  ^€i|iîer  j^g«meDt,  le  prévofw,  qui  n!«  |ms^  ippel^  k. 
peat  èlro'GWdamné  à  supporter,  ces  frak;  car,  soît  qq^l  tit^ 
OQ  Dpii.5QC€Ofnbé  en  première  instance^  il  suffit  qu'il  iiml  pwj 
succombé  sur  Tappei^  pour  qu'il  ne  puisse  eu  encouric  les  CraJK  < 
Uq  arrêt  des  chambres,  réunies  a  jugé  daD$  ce  sçfia,  <Kmteai-<fs 
rement  à  une  jurisprudence  antérieure  \  «  que  si,  d'après  ce 
qui  est  prescrit  par  les  art.  194  et  211  du  C.  d'intr.  cr;  ej 
par  Tarf..  156  du  décret  du  18  juin  1811,  toult  individu 
(^odamné  pour  crime  ou  délit  doit  Tétre  par  suite  aux  frfùs^r 
ïïJ^  etiVçjrs.tâ  partie  publique,  i!  n*ê^  peut  être  iWi^jt  q^i». 
le  coo^inbë  par  un  jugement  de  preouère  instance  qui  u^ 
s*esipoiDt  ^rt)fe  a^lan^,  doive,  dans  le  ea»df  confinnatioa 
(lodit  JB^emprt,  supporter  ony/çF^s^  Bunîstère  puW»c  tes.  frais 
(Pun  appel  inal  fondé  interjeté  par  ce  dernier  en  verUi  de  U. 
faculté  qui  lui  en  est  conférée  par  la  loi;  que  ce  serait  donner 
à  la  loi  une  éiiension  qui  n'est  point  dans  les  telrmes  sciem- 
mppt  entendus  des  articles  cités,  et  qui  serait  d'ailleurs  en 
contradiction  avec  les  principes  généraux  sur  le  règlement 
desdépens  *  ». 

Si  le  prévenu  a  lui-même  interjeté  appel,  lea  frais  sont  à 
sa  ckaV;ge,  soit  que. son  sort  ait  été  aggravé  sur  cet  appel,  soit 
que  la  peioeait  été  diminuée;  car,  malg^ré  cette  réduction  de 
la  peine,  la  condamnation  dont  il  provoquait  la  réforme  a  été 


BDfin,  aux  cçroies  de  l'art.'  iftfrv  re^du  commun  aux  juge^' 
nieiils  Tendus  »iir  appel  par  Tari.  911,  le  texte  de  ta  lot  ap«^ 
pliquéeidoit  èlre  lu  à  Taudienceet  il  en  doit  être  feitmei^ 
tion  daas  le  jugonientcni^e  texte  4oitélfe  inséré.  Mais  il  aèté 
ad«iis!|iav4o  junispràiifiice  que.  lorsque  te  jugement  de  pre^? 
mièt«,ii8t8fice  constate  la  lecture  à  F^udieiieepdr  le  piési-' 
dent  des  avtielea  de  la  loi  pénale^  dont  il  a^été  faitapplroation,  • 
et  que  ces  articles  y  ont  été  régulièrement  transcrits,  le  jug«-. 
meoL^^^^Bur  apfel,  qui  a  confirmé  purement  el  simpk'mient 
cfiHftprefi»j^rc>'^^isioD,  n'a.  pas  besoin  de  citer  de  nouvew 
les  mêmes  articles  et  d*en  ordonner  une  nouvelle  transcrip- 

JJ^^'  ^*«  **   "«*  ISia,  Si  déc   1813,  4  sept.  1834,  14  J«pL 
1824,  etc. 

^      *Cai8,  du   réun.   22  nov,   1828,    rapp.   M,  Baslre  J.  P.,  t.  XXH, 
p.  375, 

*  Caifc  15  ocl.  1880,  rapp,  M.  Chatitereyûe.  J,  P.,  t.  X^lîl.  p.  aW  î  et 


tion  *.  Et  il  en  est  ain<i  lors  mème_gue  le  j.ug(eii9fiut^iL!AppfiI« 
loût  en  contirmakit  celui  de  première  instance,  niodifie  cepen- 
dant kri|uotf  té  de  Pam^e'  tt  de«  dtnDnia|eHf0fêréfk;*Oll^ 
même  quil  le  modifie  en  réduisant  la  durée  de  Temprisonne- 
ment  *,  lors  même  enfin  qu'il  If  modifie  en  aggravant  cette 
durée  *. 

*  Cass.  14  aoûtISiS,  rapp.  M.  Lecoulour.  J.  P.,  L  XIV.  p.  984«36iiiai 
188).  rapp.  M.  Isamberl,  L  XXIII,  p.  1630;  1^  mars  1841,  rapp.  M.  Isam- 
bert.  Bull.D.  61.  

*  Cau.  7  DO?.  1884,  rapp.  M.  IsamberU  J.  P.,  t  XXVI,  p.  985. 
>  Casa.  21  mars  «827,  rapp.  M^Mangin.  J.  P.,  t  XXI,  p.  291. 

*  Cass.  1  avril  1843,  mpp»  M;  R^s^  iouhiw'e^  1843,  p.  124. 


M'- 


l<|l7ç.,|iilMt1|<ê;mc;, 


*î.» 


COURS  D'ASSISES. 


,"  'j'j i-jU 


■'"  -     : x^AVîmK:}!t. 


--*-    /i  I 


OBSERVATIONS  PRÉLIMINAIRES. 


S   679. 

1.  Coapd*œil  snrles  formes  du  grand  criminel.  —  11.  Exposé  hislorî- 
qae  des  institutions  pénales  en  cette  matière. 

I.  Après  avoir  expliqué  l'organisation,  la  compétence  et 
la  procédure  des  tribunaux  de  police  et  des  tribunaux  correc*- 
tionnels,  nous  arrivons  à  In  troisième  et  i  la  plus  haute  des 
juridictions  ordinaires,  à  la  Cour  d'assises. 

La  G>ur  d^assises  est  la  juridiction  commune  en  matière 
eriminelle.  Les  autres  tribunaux  n'ont  qu'une  compétence 
restreinte;  elle  est  investie  de  la  plénitude  de  la  juridiction, 
lis  ne  sont  juges  que  d^une  seule  catégorie  d^infractions  ou 
d  une  seule  catégorie  de  prévenus  ;  elle  est  apte  à  juger  toutes 
les  infractions  ou  tous  les  prévenus.  Ils  n'existent  que 
comme  juges  accessoires  ou  spéciaux  ;  elle  est  la  juridiction 
générale  et  ordinaire  du  pays,  et  si  ses  attributions  sont  limi- 
tées au  jugement  des  Taits  que  la  loi  a  qualifiés  crimes,  ce 
D*est  pas  pnr  défaut  de  pouvoir,  mais  pour  ne  pas  embarrasser 
son  prétoire  de  faits  minimes,  et  parce  que  ces  faits  exigent 
une  plus  prompte  expédition. 

C'est  è  raison  de  T importance  de  ces  attributions  que  les 
formes  de  cette  juridiction  s'agrandissent  et  prennent  une  v/'- 


'filàMb  sfôléririftS.'  l'a  justice,  &  mesure  que  les  intérêts  siir  la- 
qnel%  "elfe  ))rorion'ce  deviennent  ^lus  gravés,  redouSte  de 
^précautions.  Elle  falentit  sa  marche  ;  elle  prolonge  Bcfâ  eia- 
^Vnini/^éllé  ràbtt;  ftés  eoutradîfllîoiis,  elle  se  êmiiv^ilks 
^déltri^  i  des  tormaiités,  &  des  actes  qui  ont  pour  objêi  d^as- 
•sttrtT  à  là  vérité  ta  plus  libre  et  là  plus  complote  mahifes- 
"tartidn.      '  •     ■ 

la  prôcédjiiire  des  assises  pr^ente  daop,  Ja^ulfifiîlp^  )We 
applicaiîoA,  toutes  1^  garanties  qui  peuvent  anuveg^fiier  la 

S'ustîce  et  lui  éviter  des  erreurs  dont  les  ooàséquçpçi^  l^fj^iept 
àtales,  toutes  les  facultés  qu^;  Paccusalioa  et  la:déf€^feo« 
vent  exercer  pour  faire  luire  la  vérité,  tous  Jos  n^^a&de 
faire  jaillir  deç  4ébf|ts  une  luiwère  utile.  Elle  est  la  formule 
la  plus  étendue  des  droits  que  la  loi  accordu  aux  parties  4*nc- 
cuser  et  de  se  déleudre«  Elle  consacre^  dans  leur  plus  eatier 
développement,  toutes  les  mesures  de  rinstructionvElU  est 
l'expression  la  plus  haute  du  système  pénal  ;  elle  en  révèle  à 
la  fois  la  puissance  et  Vespriu  La  procédure  des  tribunaux  de 
police  et  des  tribunaux  correctionnels  ne  contient  que  quel- 
ques règles  siniples,  quelques  formes  rapides,  app^ropriées  à 
la  nature  des  affaires  qui  y  sont  portées.  Ce  n Vst  que  ^^vaat 
les  assises  que  s'ouvre,  à  proprement  parler,  la  procédure 
criminelle,  la  procédure  commune,  celle  qui  fait  le  principal 
objet  de  notre  Code  et  qu*il  a  développée  avec  le  plus  de 
soiu. 

II.  Nous  n'avons  point  à  retracer  ici  les  origines  bistori- 
queb  île  tette  juridiction  et  de  cette  proci'^duie.  Nous  avons 
rempli  cette  tàcbe  dans  notre  premier  volume.  £n  cITcl , 
Tbistoire  âes  juridictions  criminelles,  dans  lesquelles  s*idt  no- 
tifie afo  plus  haut  degré  la  tliéorie  de  chaque  législation,  se 
confond  néeessatrenient  dans  l'histoire  de  la  procédure  pénale. 
et  nous  avons  écrit  i  la  fois  Tune  et  l'autre.  11  est  plusieur> 
points  accessoires,  que  nous  avions  dû  omettre  dans  cH 
élposé,  pour  ne  pas  le  sorch^rger  de  détails,  et  que  nous 
èvons  repris  depuis  è  uïesure  que  noire  matière  les  a  places 
devant  nos  pas  ;  nnfais  ici  nous  n'avons  rien  à  ajouter. 

Noiis  avons successivemint  exposé,  en  effet,  la oonstiîulion 
des  tribunaux  criminels  attiqucs  ;  rorganisaiion,  aux  difl'é» 
rentes  époques  dé  la  jurisprudence  romaine,  du  6<îa^tj  do9  ju- 
ridictions et  deseonfftnissious  teniporaires,  des  lieeemvii^,  des 
juridiolions  prétoriennes  permanentes,  de  ceHes  des  |irrr<*ti 


OBSERVATIONS  PRéLIVINAIRES.  J97 

d^Rom^lous  i«§  ^^mpereuw  cl  des|[ouYeriieufa  t)p$  V^.'^i/fSfih  » 
Jb  jfjjyii^ri»  Vif^qt^^^^  judiciaires  après'  rinv^^ioo  .^e^^  \}^fr 
hèM^  têiMiÈsetnèi^i  po^érieur  dçs  missi  H  des  soabi^iei 
des  |Qge^*â^égKse  ;  les  développeinents  dès  |ustices  privées  et 
AftjÂttéëSecclésianidues  ;  les  fondements  des  justices  ^Qjt^çs 
des' m  et  ^néchaux  et  des  o>urs  de  mtrji(f- 

menV^^;  ëbffé',^''iioùs  ivons  également  étadîé  la  prociklure 
orale  et  publique  fondée  par.  la  loi  grecque  et  romaine^  ta 
j^HibWttréitÉnftft  orale  M  publique,  tantôt  mêlée  dé  formes 
MHMfrë^dV'Hi  M'gêfrniaMbueet  de  ta  loi  féodafe,  la  procédure 
iWtaMtJE^afé^^'ééW^de  h  lbi''éanom(jue;'en|in;fd  procédure 
ëïIrMMtHiïiM  et  secirél'e  consacrée  pkr  tes  brdoh.  de  1539  et 
i^lhW\ilt  iôht  le  les  ànircés  de  notre  législation  mo- 
dt;Mè\  e^eii^flnfs  tons  ces  monuments  qu'on  trouve  dfê^émi- 
nés;elf'qUéld[dëroi8  en  germes  seulement,  (esprincipes  qu*eile 
anjs'èb'cëavre  et  qui,  bien  qu'ils  semblent  nouveaux,  ont 
loifrs  raéini^  dans  le  passé. 

'Ndns'àMn^  va  encdre,  en  eflet,  que  T Assemblée  coosli- 
ttféniJè;  qoel  que  fût  Tesprit  de  réaction  qui  TanimAt  contre 
lepa^  lui' emprunta  tous  les  éléments  de  la  nouvelfeprô- 
cMorè  qu^elle  établit  K  C'est  en  réunissant  deux  éléments, 
JQSqn&^là  distinctement  appliqués,  les  juges  permanents  et  les 
jvrés,  qu'elle  Tonda  les  tribunaux  criminels.  C'est  en  tonci- 
liant  deux  procédures  ennemies  jusque-là,  la  procédure  in- 
qaifltorialeet  secrète  et  la  procédure  orale  et  publique,  qu'elle 
établit,  avant  l'audience  Tinstruction  écrite,  et  à  l'audience 
riartf  uction  orale. 

Nqus  avons  dec-rit»  enfin,  Torganisation  des  tribunaux  cri- 
miaels  que  U  kâ  du  16-29  septembre  1791  avait  érigés  dans 
chaque  département  4.  Nous  avons  vu  que  cbacun  de  c*  s  dé- 
|>art«ipfîiaa  était  composé  d'un  président  et  de  trois  jages 
|uiitii^  k  U>\xt  de  rôle  dans  les  tribunaux  du  district  ;  que  le 
président,  remplaçant  l'ancien  lieutenanUK:hminel,  examinait 
le>pièceg^  convoquait  les  jurés,  veJlaità  Texpédition  des  af- 
'^es.et  présidait  les  audiences»  où  les  procès  ciiminels  étaient 
portés  i.q4ic  le  jury  de  jugeaient  s'assemblait  le  15  de  chaque 
mois  ;  que  ie  nombre  de  douze  jurts^  comme  autrefois  dans 
^i'S  justices  des  comtés,  et  comme  dans  les  coutumes  anglaises, 

,  'Voyipoirc  U  i«%  p.  17,  69, 125,  l'àô,  Ui,  190,  J49,  25^,  2C0,  284, 

*  hi^  a»tKi.  141,  m  108,  laa,  iàkf  404>  «79i  edé. 

* tPhi^^^àfUh  07é Bti#fé  •*  *  Voy,  aolff  U  i^^  p»  Wk 


128  AKS   COURS   D*AS!;iftFS. 

fut  jugé  néces5iiire<  pour  le  eotigtituer  ;  et  que  tes  jurfe  et  les 
juges  donnaient  leur  avis  à  haute  voix  '.  Nous  avons  iDdigué 
-ies  ffnoëifieatton»  introduites  dans  celle  procédure  parle  Code 
du  3  brumaire  an  iv  et  In  loi  'lu  7  pluviôse  an  ix  *• 

Nous  avons  donc  pardburu-  toutes  Tes  institutions  judiciaires 
qui  ont  été  appliquées  au  jugement  du  grand  criminel,  toutes 
les  juridictions  qui  ont  précédé  notre  CQur^(J*a^i$es,  tous  les 
éléments  dont  elle  a  été  formée;  et  nous  pouvons  des  lors,  en- 
trant de  suite  en  matière,  nous  placer  sans  autre  préambule 
sur  le  terrain  de  notre  Gode,  qui  a  ^té  ainsi  soudé  (^  jUiWte 
part,  et  abordor  des  principes  et  des  textes  dont  noosison- 
naissons  maintenant  Torigine  et  la  date. 

*  Voy.  Dolre  t  4«%  p.  682. 

*  Voy.  notre  t  4**,  p.  «86.    • 


'iiibai  ^noYf*  •Hi(''«^      /.'*»■■'  •>•''»  •'  •'  ^•'"'>  "*■'  '  '  '  '••''''''^'  '■''''*•( 
''^''\''ifi^i^^d}lktèAy0  d^s  cours,  d'ab^sk^u.  >:  wcn-iiM 


|r«d.  1  tl^'éà^.  -^'B^EIo  ïied  où eilês  se  liejiiiçfl^^^^ 

I  391 .  I .  Epoques  des  sessions.  —  IL  Mode  de  fixation  du  jour  d*oa- 
wiure.—  iri.  De  leurclôlure. 


§.  59â.  I.  Division  d'une  assise  ordinaire  en  plusieurs  sections, -<-l  I .  Dans 
quels  cas  cetle  mesure  est  autorisée. 

i  583.  I.  Assises  extraordinaires.  —  11.  Gomment  et  par  qui  e11i>s 
sont  convoquées.— 111.  Règles  qui  leursont  applicables. 


§580. 

I.  DiS  assises.  —  Du    lieu  ob  elles  se  tiennent.   —   III.  Excep- 
tions. 

l  La  Coor  d^assises  n'est  p3int  udr  juridiction  perma- 
nente. Elle  se  constitue  àccrtoineft  épo(|ue9  pour  statuer  sur 
lesaiïaires  criminelles  qui  sont  en  état  d'être  jugées ,  et  se 
dissout  aussitôt  que  sa  mission  est  remplie  :  elle  reproduit 
sous  ce  rapport  les  anciennes  insttttitions  des  assises  des 
comtés,  des  missi  et  des  plaids  féodaux. 

Nous  allons  examiner,  en  premier  lieu,  dans  quels  lieux 
elle  siège,  à  quelles  époques  elle  se  réunit  et  quelle  est  la 
<^iirée  de  ses  sessions. 

H.  L'art.  251  du  G.  d^inst.  crîm.  est  ainsi  conçu  :  t  II  sera 
Wqu  des  assises  dans  chaque  département  pour  juger  fes  in-* 
dividus  que  la  Cour  impériale  y  aura  renvoyés.  »  CtH  établis- 
%menl  des  assises  dans  chaque  département  du  territoire  est 
'«premier  principe  de  cette  juridiction  :  il  importe  en  effet 
<I^leserimes  soient  jugés  sur  les  lieux  mêmes  où  ils  ont  été 
^^oonnis.  «  L^Âssemblee  constittiante,  disait  M.  Oudait,  dans 
'^es  observations  sur  le  projet  du  Code,  a  «ionaé  un  tribunal 

Ttn.  0 


Y^  DES  COOKS  DAàSlSE?. 

y^..miiie\k  âiacjù'e  dèpariçnient  j  ceÛQ  cïîétriraltoja^i^^^^ 
laitempht  adaptée  à  l^institution  cllc-iri6me  et  nôus'jp^pose- 

'.  roDS  dé  la  maiatenir.  A  Ja  différer)ce  de  la  procédure  (îjUi  se 
tenait  dans  les  parlements,  les  jurés  doivent  entendre','  ittter- 
roger,  observer  les  accusé&,  le^  parties  civiles  et  lès  téiiioîns: 
il  était  donc  impossible  de  former  de  plus  graAds.1rfe^sorts  et 
d'appeler  à  de  j^Ius  grai^des  distances  les  accusés,  lès  j)arties 
.civiles^  les  témoins  elles  jurés  %,j^  M.  Foure  répète  îlaùs  l'ex- 
posé des  ippilifs  du  Gode;  A  II  est  mdispensable  qoe  jQfjpro- 
ces  criminels  soient  jugés  dans  chaque  département  ait  iFéssort 
de  la  Cour  .impérial^  :  tel  est  le  but  de  Fétablissemefat  des 
Cours  d'assises  ^.  » 

.  Les  assises  se  tiennent  au  cbef-lieu  judiciaire  do  çbjque 
département.  C'est  ce  qui  est  pi'escrit  l""  par.lVt.  ^59  du 
C.  d'inst.  crim*  qui  porte  :«  les  assises  se  tiendront  0£(l|iDai- 
rement  dans  lo  cbeMieu  do  chaque  département;  »  ^  par 
l'art.  17  de  la  loi  du  20  avril  1810  qui  ajoute  :  a  elles  tien- 
dront habituellement  dans  les  Jieux  où  siègent  actue^lemeat 
les  Cours  criminelles,  o 

III.  Cette  règle  générale  admet  cependant  deux  excep- 
lîoris, 

La  première  est  indiquée  par  les  textes  mêmes  qui  vien- 
nent aètre  cités.  Le  chef-lieu  judiciaire  est  le  âiége4>rdt- 
fiQire^^i  habituel  des  assises;  mais  ces  expressions  purement 
indicatives  laissent  À  l'administration  la  faculté  de  leur  assi- 
gner une  autre  résidence,  lorsque,  suivant  les  termes  d'un 
avis  du  conseil,  (IXtat  du  5  août  1811,  «  la  ville  chef -lieu  ne 
possède  pas  les  établissements  publics  nécessaires  pçur  U 
tenue  ,d^  la  Cour  d'assises  et  pour  la  garde, dos  prévenus.  • 
C'est  ainsi  que  dans  les  départemcuts  de  la/JBûrne, 
Ae  la  Jleuse,  du  Nord  ,  du  Pas-dc-Calaîs ,  de  jSaîHpe-el- 
Loire,  les  assises  se  tiennent ,  non  point  au  c^f-lieu , 
mais  à  Rcim9  ,  Saint  rAIihiel  ^  Douai  ,    Saint -Qnler  et 

La  deuxième  exception^  qui  apour  objet,  non  pra4'(a4rans« 

lationlKiivda  cfaef*-lieu  da  siège  des  assises^  nai^'laitrans- 

latioD  hors  de  ce  ciicf-lieu  d'une  session  seol^miiiiitode  ces 

Msises,  est  auloriste  par  le  S"*  §  de  l'art.  258,.  poitffR^^  t  la 

,   Cour  impértutle  pourra  néanmoins  désigner  un  Uribunal^  autre 

•  Locré,  t,  XXIV,  p.  5,  -  »  Locrt,  |>  XXX,  p,  WO. 


DE  l'organisation  DES  COURS  d'assises.  §.  580.  .101 

Îîf?-^.Ç!?'.^-Ç!î^H^c"-  »  ï^'exppsé  des  motifs  explique  <«tte 
IWÇJW  Ç?  ccs,iermçs  :  «  Les  assises  se  tiendront  iansle 
pMr4%  chaque  département,  à*moînS  qne  descîrcbhs- 
»ff®^^?ft>^?^lW<>^^^^  "e  demandent  un  autre  lîeu  in^ëàla 
*r?|?r»  >»|^jrîal^  9""  décidera  si  lé  changement  éitftét^è«saïrc. 
Iprstp^qn  ^tre  lieu  lùî  paraîtra  devoir  *trc  préftfé^.  ^^cst 
êllf.^lii  le  désignera.  » 

'[%m  termes  de  Ciettc'désgnalïon  «ont  »é^Té§pàt'Viirt.*21 
de  iéfeîdaïO  avril  1810  et  par  î'art:wdird»ci«t  Aï  6  iûll- 
IjÈt  iSiO..  t&prèmierdeces  artid^pcittë::  «-Lénqu^t^Cbur 
d'assises  devra  lénîr  *i  séance  dails  mttieu  autre  i{t(e^bMbi 
où  elle  siège  babituellenïènt,  Tépoqueile  Ft>u[TertQre'et~1e 
lieu  seront  déteroiiués  par  arrêt  rendu  toutes  ks  tliitmbré»  ai« 
iBà&lifée^  et  le-priacuretar  général  entènda,  y  Le^eond^ajMte  : 
ff  tes  èssiaés  ue  pourront 'èti-<$  oowof}uées<p(iiirM')fm  «utre 
mé'delui  «à  elles  doivent  se  tenir  imbituetfeiMiit ,  <]l»'étvvèrtu 
d^D  arrêt  rendu  dafis<  rassemblée  des  cbàmbres  de'h  GdUr, 
«tfrla  requête  de  nétre<proeareorgéiiéf»l.<!el  arrêt  l«t^  lu' 
paUiér/afGMiâ^afndi  qu*il  esirditrpar  IVrêtIqui'dbil  lixe««  Pé- 
poque  de  ta  ternie  des  aç^scs  pendant  ie|Nr(5mtér  trinfiestt^  de 
i'ipstaijatioo*  »  '    . 

Cette  translation  temporaire  eat  une  mesbre  éxtraordiuaf f e 
que  la  lor  a  vbulu  tenir  en  réiservepour  I09  cas  où  elle  pourrait 
être  GômAnaDdée  par  les  ctrconstatices.  Qu'ils  stytit  ces  cas  ? 
C'^là  cequil  importe  de  redierchèr.  Le  transport  d\rtie 
juridiction  d'Un  Heu  à  un' autre  peut  aVéiron  des  causes  de 
sàrMé  publique  e^  de  suspicion  légitime ,  ou  des  causes  acd- 
j^iiMles  pureinent  matérielles  :  nous  ne  croyons  pas  <qu'il 
.^^^se  ici  des  premières;  la  loi  y  a  pourvu;  rart.  84Q  du  C. 
Wf^*  **ifh.  prescrit,  lofg(|u'îl  y  a  des  causés  de'sttfMé  pu- 
.  .i|W9dttde  suspicion  légitime,  uon  la  translation  du  Juge, 
iljiui  lé  renvoi  des  affairés  à  un  autre  juge,  et  c^est  à  la  Oour 
de  cassation  qu'il  appartient  d'apprécier  ces  causes  etU'or- 
jdofaér  céarenvois.  licstent  les  causes  matérielles  accidentelles, 
telles  que  Tinvasion  soit  de  la  guerre,  soit  d'une  maladie  épi- 
démîque,  l'existence  d'un  fléau  tel  que  l'inondation,  Tôbs* 
tmCfitomentatié  résultant  de  l^ncetidie  M  de  la  démolition 
4é1a  Mle'des  séaFnces^  enfin  l'utilité  dans  certafines  affaires 
AKttiriéfabtes  d'empêcher  le  déplacement  de  nombreux  té- 
noiiis  résidant  dans  une  même  localité.  C'est  pour  ces  cas  et 
aaVres  &  la  même  nature  que  l'art.  258  a'  établi  la  ressource 
d'un  déplacement  momentané  qui ,  ainsi  compris  et  restreint, 


\l\t  DE«    GODBfl    D'a9S19ES. 

Ae  peut  que  «eri^îr  les  ^^irftérèls  ^bieii  entendus*  de  la  jus- 
lice,   -i 

La  loi  a  voulu  d'ailleurs  ^e> cette  menire  fût  aoson- 
pagnée  d'une  solennelle  garantie  :  elle  ne  peut  être  ordorwiée 
ni  par  le  premier  président,  ni  par  laCourd  assises  etle-méltiey 
ni  enfin  parla  chambre  des  mises  en  accusation  <;  dte  ne  petit 
Fétre  que  par  un  arrêt  des  chambres  assemblées  de  la  CoUr 
impériale.  Cet  arrêt  peut- il  être  rendu  d^odice  et  sans^  qtiè  h 
Cour  ait  été  saisie  par  une  requête  ?  Nous  ne  le  pensdtis'  cas, 
d'abord  parce  que  I  art.  258  ne  reproduit  pas  les  termes  im- 
pératifs de  Tart.  i3^,  ensuite  parce  qu^il  n'existe  ici  qu'un 
intérêt  secondaire  pour  Fadminislration  de  la  justice  et  qui 
n*eiigê  pas ,  comme  la  lésion  d'une  action  ou  d'un  droit, 
Tintervention  indépendante  d'uneautoritésouveraine.  La  Cour 
peut-elle  Tordonner  sur  la  requête  des  accusés?  Nous  ne  le 
pensons  pas  non  plus,  parce  qu^il  s'agit  d'une  mesure  plus'ad- 
ministrative  q^e  judiciaire,  étrangère  à  la  procédure,  étran- 
gère aux  droits  de  la  défense  et  que  dès  lors  les  accusés  ne 
peuvent  ni  réclamer  ni  critiquer.  Ce  n'est  donc»  comme  l'ex- 
prime d'ailleurs  Fart.  90  du  décret  du  6  iuiilet  iSiO,  que 
par  la  requête  du  procureur  général  que  fa  Cour  peut  être 
saisie.  Il  appartient  à  ce  magistrat  d'apprécier  les  entraves 
que  le  cours  de  la  justice  peut  rencontrer,  et  les  mesures  pro- 
pres &  les  faire  cesser.  Néanmoins,  lorsque  la  Cour  est  saisie 
de  cette  requête,  elle  n'est  pas  rigoureusement  tenue  de 
$'«Dteniiec  dans  TaKemative  de  Fadopter  ou  de  la  rejeter; 
elle  peut  reciNinaltre  d'une  part  la  oécesaité  de  la  translation 
et  juger  d'une  autre  part  que  le  lieu  désigné  parle  procureur 
général  présente  d^.inoonvénieats;  appelée  à  statuer  sur 
la  mesure,  elle  peut  en  modifier  l'applicatmii  elle  pewtdMc 
.indiquer  ua  autre  lieu*  L'art.  268  lut  défère  d'biUdon^tle 
iodicBitioB»  etpeut^êi/e  la  re^pouèle  devrait«^lle  so  borner  à 
provoquer  la  inesure  en  laissant  à  la  Cour  leooHEi  ^e  litdr  le 
lieu. 

Mais  il  faut  que  oe  lieu  soit  le  siège  d'un  tribunal  v  F^rt.^aSB 
en  stipule  lu  condition  e^cpresseï  La  raison  en  est  q«ie  o&  n'est 
que  dans  ce  siège  que  la  Cour  d'assises  peut  trduveries  élé- 
ments de  sa  composition.  Il  existe  toutefois  une  exception  à 
cette  ièijic  :  l'avis  du  conseil  il  Etat  du  6  août  1811  fixe  à 
Wéziircs,  ville  qui  ne  possède  pas  île  tribunaux,  le  sié^e  ha- 

'  Cttw.  30  juJil.  1830»  rf.J)p,  M.  Iiière.  J.  P.,  t.  XXI.  p.  -JOO. 


,..  '.IPI^l^'KlMAMMATia!!  .-BBS'  COIMi^  1t*Atti1^^^  J.  {f^.  ,....,j    iff3 

biluel  de  la  Cour  d'assises  du  département.  Des  circonstaneet 
loeates  ont  îMtiyé  celte  détermination. 

Il  j  a  lieu  de  remarquer  encore  que  la  Cour  impériale  ne 
pourrait  transporter  la  Cour  d'assises  îd'un  département  dans' 
UA  autife.  Elle  ne  peut ,  aux  termes  de  Part.  258,  que  disi* 
gn'ér^  dans  l|^étendued'un  (léparlement,  un  tribuiviil  autre  que 
ceitti  du  cbef-lien  où  la  tenue  des  assises  aura  lieu  ;  elle  peut 
ciâfnger  le  siège  de  ces  assises  d'un  déparicment,  elle  ne  peut 
les  faire  sortir  de  ses  limites  '.  £Ile  ne  pourrait  égi^lement 
prescrire  par  une  mesure  générale  que  les  assises  se  lien- 
droDt  à  j^avenir  dans  le  lieu  qu'elle  désigne  :  il  ne  lui  appar- 
ticDt  pomt  de  déterminer  le  lieu  des  établissements  publics.; 
elle  D'est  appelée  qu'à  prescrire  une  mesure  provisoire 
rootjvée  par  des  circonstances  fortuites  ;  elle  ne  peut 
donc  rappliquer  qu'à  une  seule  session,  et  si  les  circoo- 
tance^  ne  concernent  qu'une  seule  affaire  ,  à  cette  affaire 
seulement. 

1.  Epouuesdes  sessions.  —  11.  Mode  de  fixation  da  jour  d'oaverUtre. 
—  111.  de  leur  clôture. 


1.  Laioi  du  16-99  septembre  i791  avait  voulu  ^ue  ta 
teDuedee  assises  eàt  lieu  diaque  mois.  L'urt.  18  du  tit'  6 
portait  :  «  Le  1 5  (le  chaque  mois ,  d'il  f  a  quelque  affaire 
ijuger,  Je  jury  de  jugeinent  s'essembtéra«  »  Celte  rénoidn 
nensueile,  qui  avait  le  grand  avantage  d'abréger  les  d4ten- 
tiomprèalables,  a  paru  donner  lieu  à  des  dérangements  trop 
fréquents  et  n'être  pas  justifiée  par  le  nombre  des  affaires. 
«  L^expêriencc  ayant  démontré,  dit  Bf  •  Fanre  dans  l'exposé 
des  motifs,  que  les  affaires  criminelles  étaient,  dans  la  ma- 
jeure partie  des  départements,  trop  peu  nTHttbreiises  pour 
exiger  une  session  tous  les  mois,  il  n'y  aura  qu'une  session 
par  trimestre,  a 

L'Jrt.  259  dispose  donc,  en  règle  géni^ialc,  que  «  la  (omie 
des  assises  aura  lieu  tous  les  trois  mois.  » 

Mais  il  ne  faut  point  induire  de  cette  disposition,  que  les 
*  Gaas.  s;  juiU.  1830,  &  V.  90,  U 107.  Dali.  P.  30, 1,  335. 


13i  DES   COL'RS   d'assises. 

sessions  frimestricllcs  doivent  se  succéder  à  dés  intervalles 
égaux;  il  suffit  qu'une  session  soit  tenue  dans 'cl»Bqoè tri- 
mestre. 

.  Varîk  Ift  d«  la  loi  du  20  avril  1810,  déclare  en  consé- 
qa«noe,  que  «  les  assises  se  tiendront  dans  diaque  départe- 
ment; demanièrq  à  n'avoir  Heu  dans  te  ressoirt  de  k  même  ' 
Oter  foipériale  que  les  unes  après  les  autres,  et  de^  mdis  on 
mois,  à  moins  qu^il  n'y  ait  plus  de  trois  départements  dans 
leressort.  »  Cette  disposition  a  pour  objet  de  prévenir  tes 
entraves  qui  pourraient  résulter  dans  le  service  dela'teoue 
simultanée  de  plusieurs  assises,  paroeque  ces  assises  retien- 
draient'à  la  (bis  plusieurs  consjçillers  loin  de  la  €our  im«- 
pénale. 

II.  Comipent  est  fixé  le  jour  de  PoùyertuTU  des  assi^? 
V^tL  260  porte  que  a  le  jour  oà  les  assises  doivent  s^ouvbîr, 
sera  fixé  par  le  président  do  la  Cour  d^assises.  »  Mais  cette 
disposition  se  trouve  modifiée  par  Tart.  20  de  la  loi  du  20 
avril  iStO,  ainsi  conçu  :  «  Le  premier  président  de  la  Cour 
impériale  désignera  le  jour  ou  devra  s'ouvrir  la  séance  de  la 
Cour  d'assises,  quand  elle  tiendra  dans  le  lieu  où  elle  siège 
Imbituellcmcnt.  n  Et  nous  avons  dt^à  vu  que  Tart.  21  de  la 
ni^mo  loi  ajoute  que,  lorsque  la  Cour  d'assises  doit  se  te^jr, 
(iuns  un  lieu  autre  que  ^ceiui  où  elle  siège  habituellcmeut, 
r^oqoe  de  l-ouverture.^  déteoniiée  par  Uarrél^  qui,  or^imfi^ 
la.  translation.  Ainsi,  c'est  au  premier  pi^ésidi^  dam.jqi: 
ci|Si<9rdin|iice8)  o^est  à  la  Coucimpéfialo  dans,  le  cas  ie 
tiapsiplipn  du  siège,    qu'il    ap^tient    de  fixer    cette, 
époque. 

^ordonnance  portant  fixation  du  jour  derouverturedé'ta 
session,  ou  Tarrét  qui  indique  ce  jour,  est,  aux  termes  4e 
Part.  22  de  la  loi  du  20  avril  18iO,  publiée  par  des  ailicbes 
et  par  la  lecture  qui  en  est  faite  dans  tous  les  tribunaux  dé 
prcuiière  instance  du  ressort,  buit  jours  au  moins  avant  l%u- 
verture.  L'art.  88  du  décret  du  6  juillet  18i0/i^te: 
«  Cette  ordonnance  (ou  arrêt)  sera  envoyée,  à  ta  dilt^encé 
des  procureurs  généraux,  aux  tribunaux  de  première  km^ 
tance  de  la  Cour  d'assises;  elle  sera  publiée,  dans  les  trois 
jours  de  sa  réception  à  Taudience  publique;,  sur  la  rèqiusjtîpn 
du  procureur  impérial.  »  L'art.  89  poursuit  :  «  L'annonce 
de  cette  ordonnance  sera  Taite  dans  les  journaux  éa  dépar- 


W  L*OiGÀ!ci|itlôll  M8    jCOUftS  ^16115».   §.  881.  ifS 

5Wf/^Â^**^^i*  ^^^^  d'assises  V;  elle  «çri^  affiql^Q  ,4^8 
'^,i^^ûS^^.  (l^r'^^^^'ssement,  et  âég^  des  tribimaux  de 
freiDnBre  inâtânèè.  0  ^^ 

Au  surplus,  les  accusés  ne  peuyent  se  faire  un  grief  de 
riawmnqiUwiMDt  dâ  ces  formalUés*  Vn^i^wvoi  faodé  «r.co 
qiit<fdipsi)Ni0)dc0AcdfMin«Mf6.reUtiYes4  U« 
Ckrar  d'assises  et  à  son  ouYerture,  n'avaient  pas  étéi. publiées 
et.affidiéea'OoiifcMciiiânent  à  ces  pr^  lejelé 

«  attendu  que  ces  ordoBoanccs  partent  qu^elles  senont  ,pu*f 
bliées  etaflîdiéBs  dans  la  forme  pce&cril^  par  Je  décret  dui6 
juiUot  1810^  ce  qui  lait  suISsaiMuent  .présumer  que  la  :  Cor-*' 
maliiéaité  accempUe;  que,  d'ailleurs,  il  ne  slagit  qtie.dlune 
mesura  administrative  étrangère  aux  débats .  et.  à  la  procé*^ 
dure,  ainsi  qu'aux  droits  de  la  défense,  dont  l'inobservation 
ne  pourrait  donner  ouverture  à  cassation  *•  » 

ili.  Le  deuxième  §  de  Vart,  X60  porte  :  a  Les.  assises  no 
sefonl  doses  qu'après  que  toutes  les  affaires  criminelles,  .qiui 
•éiiieûX  eà'  état  lors  de  lemr  oùvdrture^  y  auront  ,^té  ipoir- 
técii.  a         • 

Qcfeftcti^il  enteadrepar  aSaîj^s  en  élot?  Il  faut  entendre 
cèllé^  Aitts  l^qtieflesf  arrêt  de  miser  en  aecusalkHl  a  Mémn^ 
dtf;  I^Mè'*  d^àcoosàtrdn  drbssc  et  racecèé  transféré  Ami  ^a 
làsiSDB  de  jusèice  étsrbite  près  la  Oour  avakit  rouverture  dbs 
aésittëli:  <iénes«1à|  iseirtenent,  sont  en  état  d^ètre  jtigécB,  attx 
tehMM  de!^  éyt  ^^;^tô  eftSTl  du  €.  d'ràfitr.  oritti.^  poMH 
qdé'léft  fariieltqm  doivent  être  i^emp^^  au 

jageiHeiit,  ont  ^  exécutées. 

^totaapcÉdairt  w  ei^daM  lequel  MeaffaMe^fqimjM 


abâ"  eadëM  m  «tal'4  îfMl  être  portée  aux  aMsisasii  cjvfe 
tehB eà l'aoensé  est  arrivé  da»  la  maiioa  4e  justieeif^èa 
L^MteUpa  ikn^wirn.  L'art»  i6l,  qui  jf éaoit  4?e  cas,  ^»«fe, 
MoraiM^  <t^^l<>>'>^  ^^  ^?^  qm  a  ocrf  fai  aiMre 
éM  Mmt^  ip  double  aa|«nsoèhient  dtt  ministère  p^aMi^  et 
éaVtKWé»  Kâips  pxamioerens  cetâncideht  plus  loii). 
.Iktpmcip^,  tes  assises  doivent  se  prolonger  loutfe  teifcps 
aéMfi«r^'M'eiipéditian'des  affaires .;  c'est  le  nombre  et 
l'impartaiicie/  des  {^oc^uces  qui  déterminent  leur  duréjp  ; 
alto  aeat  K^k^es  le  jour  où  le  rôle  de  la  session  est  épuisé. 
:;-•'..{  p  ■.  '••.->. 

•I  .*^9ïf  Ws  9i  iuin  1819,  art.  8  ;.  25  mars  .1822^  arl.  11  ;  9  sept.  1IÔ5, 
afu  iT}  !d2c.  rS  jain  ISll/art,  10/t  ;  hist.  géa.  d»  30  sept.  laMi, 

^JjjUjlI.;  kl  r.   .  jMi<i     »7       •-,    .>»:.  .1    '^..i.    •••{.1.    «.jl  I     .-..    . 


136  »Ki  COtM  D*AS81SE9. 

Il  a  néanmoins  été  admis,  pour  ne  pas  faire  peficruno  charge 
trop  lotirdc  sur  les  mêmes  jurés,  quu  chaque  se^ion  ne  se 
prolongerait  pas  au-delà  de  15  jours,  et  que«i  le  rôle  n'est 
pas  éfiuisédans  ce  laps  de  temps,une  seconde  session  «"ouyri- 
raiX  dans  te  même  trimestre,  pour  Texpédition  des  affaires, 
qui  restent  è  jugeir  '.Nous  allons,  tout  à  l'heure,  parler  de 
ces  ^s^ises. 

Notons  ici  qu'il  est  d'usage  de  ne  pas  tenir  de  séances  les 
dlimancbes  et  jours  de  fêtes,  sauf  le  cas  où  il  s'agirait  de 
terminer  une  alTairc  commencée  *•  Toutefois,  ce  n^esl  là 
quLUXk  usage  qui  n'est  nullement  obligatoire^  et  les  proc4-« 
dures  qui  seraient  jugées  les  jours  fériés  seraient  parfaite** 
ment  valides  *. 

S  582. 

l.,Divi8ioQ  d*unc  assise  ordinaire  en  plusieurs  sections.^lI.Dans  qoek 
'  cas  cttte  mesure  esi  auiorisée. 

t.  Les  assises  ordinaires  peuvent  être  divisées  en  plusieurs 
sections.  Cette  division,  qui  est  motivée  par  l'insufËsance  l)a- 
bttueile  et  reconnue  d'une  seule  section,  pour  l'expédition 
des  affaires  eriminelles,  n'a  jamais  été  appliquée  qu'au  dé- 
partement de  la  Seine.  Son  effet  est  de  faire  siéger  simulta- 
némeot  deux  ou  plusieurs  assises  qui  sont  employées  au  ju* 
gement  des  affaires  en  état. 

IL  Cette  mesure  était  autorisée  par  l'ancien  art*  387  du 
C.  d'inst.  crim.,  abrogé  par  la  toi  du  2  mai  18ft7,  e|L  qui 
portait  :  «  Si  la  Cour  est'diyisée  en  une  ou  plusieursi(se(^i(QMS| 
chaque  président  pourra,  dans  le  cas^où  le  nombre  i|^af^ 
fatres  l'exigerait,  reqj^rir  une  liste  de  jurés  pour  la  secilon 
qu'il  préside.  uL'art.  5  de  la  loi  du  20  avril  1810  portait  CMIÎI* 
leurs  en  règle  générale  :  «  La  divisiondes  Cours  impér^es.iQn 
chambres  ou  sections,  et  l'ordre  du  service  aeront  fixés  par  de» 
règlements  d'administration  publique.»  Or,  cqo(ijaei«kCqiir 
d^SÀsises  a  été  considérée^  ainsi  qu'pn  le  verra, pImJftiR,.. 
coDvne  une  émanation  de  la  Cour  impériale,  des  orao^pangcs 
ont  été  rendues  chaque  annè(j  en  vertu,  d^  cette  disposition^ 

»  Cire.  min.  14  jàUT.  1819.— *  Cire  mm.  3f  jùill.  1857.  ,       '  ./. 

i^Can»  fSjuikk  1S8S,  rap^  M.  OWvier*  S.  V.  SS»  i,  ISS;  5  èëcl  1^,  " 
rapprit  VincemSk-LtureaU  MU  D«ai2.  :         .'• 


M  LA  COMFO^nO»  MS  COOfcS  D*ASSISES.   §.    583.  i'^7 

pbbfffl^iserltfCbdf  if  assises  de  laf  Semé  ea  deuk;  où  iùëme 

•t-^*^  f^***^  dmrfori  a'  été  rendue  plus  facile  çricof^  par 

1)81^2  âe  la  lai  du  9  septembre  t835,  sur  lès  Cours  d'às- 

«Isfsês  amsî  conçu  :  «le  ministre  de  la  justice  pourra  ordonner 

^IqtiillOft  formé  autant  de  scellons  de  Cours  d'Assises  que  le 

^l)esomdu  service  Texigora,  pour  procéder  simultanément  au 

ra|j8ferowi4  desprëV4H)iis»  »  Les  molifs*de  eette  iiouVfelleJol  ont 

i»,  i»^t  faut  que  l'action  de  ta  justice  sôit  j^romple^  que 

les  moyen*  qu  offre  l'ordre  actuel'  da  serticc  des  Cours  d'as- 

mtB  sqnt  îosnfflsantH  pour  assurer  cette  ta^iidi té  d'adtion, 

lottqtt'îl  (am  procéder  au  jugement  d'un  grand  nombre  de 

prévenus;  que  le  projet  y  remédie  en  autorisant  à  former 

autant  de  sections  de  Cours  d'assises  qu'il  sera  nécessaire.  » 

L'ordonnance  ministérielle  qui  prescrit  cette  division  doit 
are  rendue  et  publiée  avant  l'ouverture  de  la  session. 

S  583.-   / .  '  '■  ■ .  /  :* 

I.  Assises  extraordinaires.  —  IL  Comment  et  par  qui  elles  soniconvo- 
ioées.  WL  *-  Règles  qni  leur  sont  appKoables. 

•J  y-   •    .      •         • 

,  L  -l^^,  assises  ^xJLrawdinairea  sont  oelles  qui  son!  cmvo* 
quéps4<)r^ueles  assises  ordkiatres,  trop  dbar^éos  d'aflairot, 
n  pot  M&  suffi  i  leur  entière  t^pédition  et  n'ont  pas  épuisé  le 
\^¥  .Wj^i^westre.  Elles  pwv'eat  encore  être  convoquées 
lorsque,  depuis  la  clôture  des  assises,  quelque  affaire  «me 
récemment  mise  en  état  exige  un  prompt  jugement.  Ces  as- 
sises, qui  ne  sont,  avec  de  nouveaux  jurés,  que  (a  reprise  ou 
la  coqumiation  des  première^,  ont  pour  objet  de  satisfaire 
j'intétèt  déjà  justice  qui  veut  que  les  affaires  arriérées  ou 
le»  albires  graves  ne  soient  pas  ajournées  jusqu^au  trimestre 
saivajpt;. C'est  un  remède  aux.  inconvénients  qui  résultent  de 
la  réihiion  trimestrielle  des  Cours  d'assises. 

Xes  tsiis%$  extraordinaires  sont  formellement  autorisées  : 
l*par  IJart.  959  du  C.  d'instr.  crim,  ainsi  conçu:  «  La 
tehue  des  à^shek  aur^  lieu  tous  lés  trois  mois.  Elles  pourront 


V.  v|,v^u^  u,;2i  !>e:»5iuus  oramaires,   ajouie  :  «  a  moms  qu 
le  besoin  du  service  n'exige  qu'il  en  soit  tenu.plus  soux^nt;  ^ 
3*  ^^  i:^f  .81  du  «Jécret  Ju  ê  juiHet  1840,  qui  dispose 
que,  «  dans  les  cas  prévus  par^Far^/^SO  dtf  Ci  tfthètf.  orim. 


d'uQe  tenue  e3^traor4ioaire  d'assises,  les  présidents  de  la  der- 
nière assise  sont  noinnïés  de  droit  pôw  pfAsidef  Ttdtfi&et^ 
traordinaire;  »  V  enfin,  par  l'art.  391  du  G.  d^instr.  crim., 
qui  règle  les  effets  des  assises  ellnaotdkiaires  sur  le  sendce 
des  jurés. 

II.  À  qui  appartient  le  droit  de  conToquer  des  a/ssises  ex- 
traordbaires?  La  Cour  de  cassation  a  jugé  «  qu'aucune  loi 
ne  portant  qu'une  Cour  d'assises  extraordinaires  ne  peut  être 
convoquée,  à  peine  de  nullité,  que  par  un  arrèt-delsGotir 
royale,  oA  ne  peut  induire  cette  nolKte  par  anafo^ie  de 
Tart.  258  qui  dispose  pour  un  autre  cas;  que  Fart.  S59, 
autorisant  la  tenue  des  Cours  d'assises  toutes  les  fois  ^  le 
besoin  l'exige,  et  ne  prescrirant  aucune  forme parlicnHèrei 
suivre  pour  cette  convocation  exlraordioairc,  il  à*et)stitt  que 
Tart.  â60,  qui  donne  au  président  de  la  Cour  d^assises  le  droit 
de  fixer  le  jour  des  assise^  ordinaires,  lui  donne  aussi  le  droit 
de  te  fixer  pour  les  assises  extraordinaires,  d^autant  plus  qjte, 
par  Tart.  81  du  décret  du  6  juiilet  1810,  le  (Nrésident  de  U 
Cour  d'assises  est  de  droit  président  de  l'assise  ei^tfaordf* 
naire,  quand  elle  a  lieu  ^  » 

Il  faut  assurément  décider  avec  cet  arrêt»  quHl  n'appar- 
tient point  à  la  Cour  impériale  de  convoquei^  des  assises  ex* 
traoïSioaires  :  aucune  disposition  de  la  loi  ne  li|i/Oonlérece 
dsoit.  liais  ost-il  exaetde  l'attribuer  au  président  de^laCqar 
d'^UjSises?  Noos'avons  vu  qfUè  l^rtr.  MO,  qui  donnait  «  ce 
magistrat  le  droit  4e  fixer  le  jour  de  l'ouverture  desi  kkâses 
oMM&aifM,  av^k;  é^  onodifië  par  Vart.  M  de  la  M  <da'90 
avril  1810^  qu^  a  transféré  ce  poiirvoit  au  premier  pMsident. 
Or,  comment  admeUve  que  le  président  desassiset^  qfii  ne 
peut  fixer  L'ouverture  de  la  session  ordinaire,  ait  le  pouvoir 
de  fixer  celle  de  la  session  extraordinaire?  Goitiinent  ad- 
mettre ce  poQVoir,  surtout  iquand  il  s'agit,  non  pas  seule- 
ment de  fixer  un  jourj  mais  de  cotivoquer  une  session  d'as- 
sises. Il  est  évidei^t  que  ce  droit  ne  peut  appartenir  qu'au 
premier  président.  C*est  d'ailleurs,  ce  que  f*on  (jëdt  iniferV 
de  Tart.  80  du  décret  du  6  juillet  lÔlO. 

m.  Toutes   les  règles  relatives  aux  assises  ..piçdiuaiips 
s'appliquent  aux  assises  extr^^rdinaircs^  qui  ne  5oat,..coinpid: 
on  Ta  déjà  dît,  que  la  seconde  partie  et  la  sujtq.  ^f^J^i^ 
ordinaires.  i  /  m 

^fiaN..iajanfyaSM.iiyp»W«.JbH»iifiiir*J^  d-  ; 


DE  LOIGAIIISÀTIQH  »U  GOl^Rft    d'aSAISES.  §»  5M.  13^ 


I  ■■".>■     >«"« 


GHAPITJIE  UJ. 

fWflf  LÀ  CtrtIjWiSITIOX  DES  COURS  p'ASSIS^S. 


rr 


§  §Bi.I.;Goiiiii96tiionLS^Aéra1ede  la  G«urd;a^is(99.  •—  II.  JijeQYoiea, 
ce  qui  eoii^ine  le  jury,— lll.  De  U  cour  d'assises  proprement  dît^ 

§  5$&  I.  Bu^  présideA^  des  assises.  — 11*.  ^  nominaiîoq  par  k  mi» 
QisCredeJt^iistice,  —  Jl|>  Cas  o%\\  egtooniçïé  par  le  premier  pïèî 
*'deaï,j--.Jtv,  Le  j^remier.  présideoi  peut  aussi  présider  lui-même. 
— V.  Mode  àe  remplacement  en  ca^d'empêcliement. —-VI,  For- 
nés  de^ndminations  et  t^mptacements.-  -^Vil'.  Rffeis'des'irrégula- 
nt*.  -7  yiH*  Durée  des  pouyolrs» 

§.S86.  î.  Des  assesseurs.  —  IT.  Leur  nombre.— lïl.  Mode  de  îeur  dé-' 
l'gatiôtf  ait  cher-lieu  de  la  cour  impériale^  —  IV.  Mode  de  leur  dé- 
tégatioirdsiiig  les  autres  départements.  -^  V.  Uû<i'é  de  leur  rem- 
(^«eamt  au  <&er-neu.  •— Vf.  Dans  les  autres  départements.  — 
VU.  Efleu  des  irrégularités. 

l  ^*  I.  Dtt  «sse^^seurasoppIémettUires.—- H.  Mode  de  leur  désigoa- 
m.-^UUl^wH  fondions. 

[.  58S;  I.  Cause»  d'incompatibilité  en  ce  qui  concerna  le  président  et 
ies  ja^és^  -i^  1{.  PàrUcipalion  à  Tarrét  de  mise  en  accusation.  — « 
'^'v^S'^i^V'l'^^^^^^  *^*  dèl'histruction.—  IV.  Effets  de  Tiacom- 

!•  389.  L' Ganses  de  récuaatîon.-^U.  De  la  pacu'eipaiioi  à  des  actes 
uii^riMmi  e^iicerBaot  Taccus^. 

!  590.  h  I%iBiBist^  I^bltc.  —  II.  Dél^atîon. 

§  591.L  thigreffier».—  II.  Ses  fonptions. 

S  584. 

^-QW^tioii  générale  de,  laCoiir  d!assi^es, -^  IL  renvoi  en  ce 
<|aic<9ice]^Qelejury.  —  pL  Qe  1^  cour  (fajssises.  propre,meut  dite. 

Lia  Cour  d'assises  0st  composéa:  1"  d'un  président; 
2* 4e  déni  juges  assesseurs;  8*  de  douze  joriés;  4*  d'un 
niembre  du  ministère  publie  ;  5"*  enfin  d'un  greffier. 

il  est  facile  de  discerner,  dans  cette  composition  deux  élè- 
mcnts  distincts  :'  IHin  permanent^  qui  estfjpr^^ilee  jug^  j 


140  DBS  COQJ»  P  ASSISES..  .|    ,,^  .....   ,.   .   . 

d(]^  9)j  Wléiice  jiublîfi  <^^  du^greflier;  l!auixo  .toipporairo  »  ^  se 
combine  passagèrement  avec  le  premier  ^  et  qui  se  dissout 
après  le  jugement  ;  une  nM^istrûture  cantiAucetuoemagis^ 
irature  accidentelle  ;  la  Cour  et  le  jur j. 

II.  Nous  examinerons  dans  ce  chapitre  la  coinpjO^îtioQ  de 
1^  Coûr,  et  dans  le  bhépitre  suivant  celle  au  jary. 

]]I.  La  Cour  d'assises  proprement  dite ,  c'est-à-dire  prise 
séparénient  du  jury  ,a  été  considérée  par  le  législateur  de  1810 
comme  une  émanation  de  la  Cour  impériale.  Eneffet,  ce  lé- 
gislateur après  avoir  examiné  plusieurs  systèmes  qui  avaient 
sa  composition  pour  objet, et  api  es  avoir  hésité  entre  les  prési- 
dents sédentaires  et  les  préteurs  ambulants ',s*est  arrêté  à 
prendre  dans  la  Cour  impériale  l'élément  permanenl  des  assi- 
ses» et  i  donner  ainsi  à  cette  Cour,  suivant  l'expression  de 
a.  de  Noailles,  la  présidence  du  jury  '. 

Ce  principe,  que  nous  verrons  tout  à  l'heure  consacré  dans 
les  art.  252  et  253  de  notre  Code,  a  été  indiqué  d^us^ion  ex- 
posé des  motifs  dans  les  termes  suivants  :  «  JLa  Cour  d'assises 
sera  une  émanation  de  la  Cour  impériale.  Elle  sera  donc  com- 
posée entièrement  do  membres  pris  dans  la  Co^r  iinpériaie, 
toutes  les  fois  que  les  assises  se  tiendront  dans  le  lieu  où  siège 
cette  dernière  Cour.  A  Tégard  des  assises  qui  se  tiendroat 
ailleurs,  ce  sera  toujours  un  membre  de  la  Gpur  ipipéridle 
qui  présidera.  Mais,  pour  ne  pas  entraver  le  service  de  cette 
C(>ur>  les  autres  juges  qui  assisteront  le  président  aerOntdes 
mcmbi  es  pris  dans  le  tribunal  de  première  instance  du  chef- 
lieu.  Si  cependant  la  Cour  impériale  estime  nécessaire  de  dé- 
léguer un  ou  plusieurs  juges  pris  dans  son  sein»  elle  en  aura 
la  faculté  ;  car  aux  assises,  les  juges  de  première  instance  ne 
peuvent  être  considérés  que  comme  suppléant  les  m€^ttb^es 
de  la  Cour  impériale  *.  » 

Telle  est  donc  la  première  base  de  l'organisatioo  de  la  Cour 
d'assises  :  cette  Cour  est,dans  l'esprit  de  notie  Codev  unesec- 
tiondela  Cour  impériale  chargée  de  tenir  les  assises  et  de  pré- 
sider fe  jury. Le  législateur  a  voulu,  pour  en  rehausser  l'éclat 
ût'hri  assurer  la  puissance,  la  rattacher  par  un  lien  étroit  aiix 
grande  corps  de  magistrature  dans  lesquels  il  déposait  la 

*'  Voy.  Locré,  L  XXIV,  p.  479  el  t.  XXV,  p.  45. 

*  rapport  au  Corps  législatif  de  la  loi  du  20  avril  iSiO. 

•Lucre,  t.  XXV,  p.  569. 


DR  LA   COMPOSITION  DES  COURS  0*ASSIBES.    |.   S(85.  141 

souveraineté  de  la  justice.  A  côté  du  mry  auquel  il  déléguait 
uuevortfUB^du  poutoiy  dd  Jugët*;  *l  a  \>U(ié\  potiffenferti*- 
iier4àutoriié*etpcutiét«e'aud9i  coifihihttne'  gorte  léle  ccJritWf- 
poid8  ;  IfS' iMgistfat»  les  |)lm  él«té^  d^nsrotr/Iré'jadiciâlF^è 
et  qu'il  pensait  les  ptu$  caf^eMlss  de  diriger  Èë&  dlSfffié*- 
raiions,. 

C'est  1feW*s*bppiiyant  sur  ce  premier  principe,  que  les  jois 
postérieures'dnt  peut  être  èbraiilé  mais  non  détruit,  qu^il  faut 
éiodiec  toutes  les  parfies  de cctteiastitulioD.        '        '' 

F.  Dn  président  des  assises  —  ]I.  Sa  nomînaiion  par  le  mitii^tre 
delà  JQStice. —  III.  Cas  où  il  est  nommé  par  le  premier  président 
—lY.Le  premier  président  peut  aassi  présider  lui-même. -^V.  Mode 
de  renpl^^ofent  en  42as  d'empêchement.  -^  ¥1.  Formels  de  ees  opé^ 
râlions.  —  Vil.  Effets  des  irrégularités  des  pouvoirs — VlII.  .Dufée 
des  pouvoirs.' 

La  présidence  des  assises  n^est  point  une  fonction  perma- 
nente; elle  participe  de  la  nature  de  cette  juridiction  ;  elle 
est  déléguée  pour  chaque  session  trimestrielle  à  un  magis- 
trat spécialement  désigné  à  cet  effet. 

Ce  magistrat  est  choisi  parmi  les  conseillers  de  la  Ojur 
impériale.  L'art.  252  du  C.  d'inst.  crim.  porte  que  «  dans 
les  départements  où  siègent  les  Cours  impériales,  les  assises 
seront  tenues  par  trois  membres  de  la  Cour  dont  l/un  sera 
président,  t»  L'art.  253  ajoute  :  «  dans  les  autres  déparie^ 
meists,  la  Cour  d'assises  sera  composée  V  d^un  conseiller  de 
la  Cour  impériale  délégué  à  cet  efTct  et  qui  sera  président  de 
la  Cour  d*fiseÎ8e8  ;  ...»  Il  n'y  a  d'exception  à  cette  règle  que 
dans  Tei  deux  cas  suirants^  :  l^  quaçd  le  premier  pré- 
sident Vièhî  présidL'r  lui-même  la  Cour  d'assises  ;;  2:*  quand 
l'un  des  juges  assesseurs ,  dans  un  département  ou  la 
Cour  inipèriàle  n-a-  pas  son  siège ,  remplace  le  président 
empêché.  ■  /^     • 

U.  A  4{oi  dpparlient-il  de  désigner  les  conseillers  qui  9opt 
ehét^&^âèf  Jprésider  leç  assises  ?  Ce  dfoît,  dans  Téconoinie 
de  làlbr,  aphàttient  en  principe  au  premier  président ,  et  on 
lîiémétemps ,  par  une  mesure  (le  prévoyance  et  comme  une 
faculté  mise  en  réserve,  au  ministre  de  la  justice  ;  dnns  la 
pmtique,  il  ù\&i  géiiéruli  nient  exercé  que  par  l<^  riMhiBlie. 


142  '"  Dtt  COURS  D'AMfâÊS;»  -       -^ 

la  préiïnèA  Tëéaefîônf  de  nMf e OoJeT'I'awh  allribuAi  la 
Cour  eHe-inèhie.  Les  artickfs  cof respondaiit  «qx- tfl.  252 
et  25S  'portaient  dans  le  projet  :  «  dans  le  éépartement  où 

'  siégé  la  Cour  impériale,  les  assises  seront  tenues  par  oiiiq  de 

'  ses  tnémbres^  dont  l'un  sera  président  et  tes  autres  sef ont- as- 
sesseur^ :  Us  seront  tous  nommés  par  laéHe  ^otifr-Dans  les 
autres  départements,  la  €our  d'assises  sera  coropoBée  f'd'un 
membre  de  la  Cour  impériale,  ditéguA  à  M  effet  p»  Miit 
Courut  qui  sera  le  président  des  assises  '.  » 'Lorsque  celte 
disposition  fot  soumise  i  la  discussion  du  conteil  A'^EUI.dans 
la  séance  du  S  juillet  1808,  M/€ambacérés  dit  «  qa-il  ^rait 
nécessaire  àetégler  te  mode  diaprés  lequel  la  Gdun impériale 
'riôrnmëta'lb  (JtiÇsWeftt'aès  assises  j'^tfàb  écruttii''#»«t'lieul- 
ètfe  linié  opérafioh*trop  longiie  ;  (jb'au  suff^los»  ëk  petHrea- 
Toycr  ce  point  à  la  loi  orgamque  *.  0  Sur  oetle  seule  obscr- 
vatioh  ,'lc  renvoi  du  mode  de  nomination  fQt^{)ron(Niێ.  Le 
conseil  d'Etat  pensait  donc  à  cette  époque  qoe  fe  ndttiinatioa 
devait  appartenir  à  la  Cour  entière;  il  ne  réservtfil  que  le 
mode  (fé cette  délégflition  qui ,  en  effet,  ne  trôutrilt^pélrtarplace 
dans  une  loi  de  procédure. 

Cette  opinion  se  modifia  dans  1^  discUsSMiis  bt^ratoires 
de  la  loi  du  20  avriliSiO  sur  rorgânfcajtîôn  deriJWrejtt- 
dieiëire.  M.  Treilbard  dit  d\Bins  rexposé  des  motib'4é  cette 
loi  :  «  C'cyt  le  premier  président  de  ia'Oiurîmpdriâle  qui 
liôrhmele'présidenl  cïlcs  éonseiHers  de'sërVice'à'IaXIWr  d'as- 

'Isîses.  l'expérietîcc  a  fait  Connaître  Tabos  des  noirilniilions  de 
cette  nature  confiées  au  son.  Uhe  attr]bbtit)ri  du "ftbbix  au 
cbi^^  ehlîer  n'est^pas  aussi  saris inébfa^nîent;  ièlfe^x^ffHrait 
'  Trop 'ipuveht  des  résultats  lq[\ii  auralctit  'potir*dnîqUr(f*a  des 
cfoit+ërtahces  parlicnliéres.  Hest'bienfplafstlatàit>^'4af*crle 
iito\\  de  choisir  au  premier  présîdénfde  la(S»îf<^Ô*«i*»eux 
que  lilî  doit" connaître  tous  féS  rt^èmb«^*<Jbr'te^Ôdi«p«enl? 
Il  présente  d%illeurâ  une  tespôtisabillté  ijjtti  'déVlei^tîiuiie 
^uaud  elfe  esfpafta^géc.  Enfin ,  uu'rt^^em  iWmiiftffetra- 

.  tion  publique  lixera  Tépoque  où  les  choix  du  pren^r  (Prési- 
dent deTroht  être  faîts  et  préviendra  rftie<Miténieptlï*?f)ur- 
rait  Wsulterdc  l'arbitraire  en  cette  përlie*.  »  M.^de«««lles, 
rapporteur  de  la  môme  lot  auCôrps  législëtif ,  ujouirtl  V«  l)e- 
vatl-on  accorder  cette  notiiinafiefn  aui  Coure  f 'Le^f  liis  grand 

♦  tocré,  1.  XXV,  p.  m,'m.  •         '    " î 

a  LocRS  t.  -\XV,  |).  435.  -  »  Locré,  t,  XXV,  p.  0  i2. 


M  LA  coiiP04iT)e;v  :t>M  cotu  d'assises.  §.  585.  i43 

4<fODiffb  ftiNMe.rmtrîg^  et  d^l^wiçifr-propre»  cd  eut  été 
fc.rAmltiit  DeVlîIrOii  prescrire  ^ue.Ies  conseillers  des  Cours 
mç^fylks^iàiBmistii  cktcnxï  à  leor  tour  les  assises?  Mais 
Vh^'fii  les: infirmité  pouTaieM -en  'excuser  plusieurs  ;  d'ail- 
tenr^u^l^.jiigq»  peuveai  biea  être  arptesà  iagêr,  mais  tous 
BQJtoMraf^l|ias'î  remplit  le» fonctions  ditficifes  de  président. 
Pé|1im.^p^¥<»ra  dà  être  confié  au  premier  président  de 
hyj^rlàqièmTequi  pétant  derdrôH  préardeat  de  ces  mémos 
Go^^i^^ilfsiséS) d4SégV^^  s>^  pro{^res  fonctions*.  »tes*au- 
ti»^iti:^pKÔi9f^ne,pi^^^  Btilleroeult  lesdaogeft  d!une  telle 
:amtii^i(^is>JP{oW':fffî:Bo«a  dirâîtnQlom  pas  que  Icsobjec- 
tiDfm'qii-Ojti  peut  .l^e  ^soiAtn.ce  rtiodes  de  nomination  ne  «oient 
a^ffaL%^  y  w^k^l^es  jffif dent  de  leur  force  par  /a  dispo- 
fiHîMi  Api  im9f t  qui  porte  que  l'époque  de  ces  nominations 
SBra.  l^técninée  par  des  règlements  d'administration  publi* 
qœ,  ee  qpi  préviendra,  comme  l'énoncent  les  niolifs  qui  vous 
oX^éevpofié^^  l'inconvénient  qui  pourrait  résulter  de  l'ar- 
bitra^ eu  eette  parÈe  ;  et  ces  nominations  faites  ainsi  à  Ta- 
Tanœ,  à  des  époques  et  pour  un  temps  iixes»  ne  peuvent  plus 
être  considérées  avoir  le  même  danger  que  si  elles  avaient  lien 
k  ebaqçQ  resiotiveUemeat  d'assises.  » 

]Df!iiiUèur&,  un  tempérament  fut  apporté  i  cette  haute  at- 
tif|p(J^n  du  premier  président ,  un  droit  siipérieur  au  fien 
fottà^rjé  au  grand  juge  »  c'était  un  remède  à  des  écarts, 
kik^  choix  arbitraires,  à  des  intrigues  qu'il  était  nécessaire 
ikfféyWp  M.  Treilhard  ajoutait  aux  motifs  que  nous  avons 
4litiis  :.«(  Cependant  le  grand  juge  pourra  nommer,  quand  il 
it)  jogeca  ooAVcnable ,  le  président  et  les  conseillers  qui  feront 
I|sser;fice9ux  assises.  C'est  une  faculté  qu'on  ne  peut  refuser 
iflL^fidÇ' toute  la  magistrature.  i>  M.  de  Noailles  termi- 
Mfe^ga]emeiit  son  rapport  en  ces  termes  :  «  Si  ce  mode  de 
Bommition , pouvait  OMCore  présenter  des  inconvénients,  ils 
KnMl^teDpérés  par  la  faculté  réservée  au  grand-juge  de  faire 
tatHiftCliDie  ces  dominations ,  quand  il  le  jugera  convenable  ; 
Aii4^il^cbief  delà  justiçia  oxcarcer^  celte  partie  de  ses  altri- 
haioqfl,  Iffraqu'il  s'aperjoevra  que  les  premiers  présidents  s*é- 
Wfeill  d^ss  leurs  .^hoix  de  cetle  impartialité  qui  doit  diriger 
toq|^(|e$  actions  des;  magîstraisi  » 
.  .yanareti'autre  al^trïbutioo^sont  fqriùetlciment  consacrées 
par  l^ort.  16  de  la  loi  du  20  avril  1810,  ainsi  conçu  :  «  le 
prenfier  président  de  la  Cour  impériale  nommera,  pour  cha- 

aocré,t.XXV,p.  OOOt 


144  DES  COURS  ft* ASSISES. 

que  tentio  (le  Cour  d^assises,  un  membre  de  ladite  Cour  pour 
les  présider...  Le  ministre  de  la  justice  p<7urra  néanmoins 
dans  tous  les  cas  nommer  les  présidents  et  les  conseillers  de 
la  Cour  qui  devront  tenir  les  assises.  L'époque  de  ces  nomi- 
nations sera  déterminée  par  des  règlements  d'administration 
publique.  »  L'art.  79  du  règlement  du  6  juillet  1810  ajoute  : 
«  lorsque  les  nominations  des  présidents  des  Cours  d'assises , 
qui  doivent  être  tenues  tous  les  trois  mois ,  conformément  à 
l'art.  259  du  G.  d'inst.  crim.,  n'auront  pas  été  faites  par 
notre  grand-juge  pendant  la  durée  d'une  assise,  pour  le  tri- 
mestre suivant,  le  premier  président  de  la  Cour  impériale  fera 
ladite  nomination  dans  la  huitaine  du  Jour  do  la  clôlure  de 
l'assise.  » 

Il  résulte  de  ces  textes,  il  ri^sulle  surtout  des  paroles  qui 
les  ont  expliqués,  que  le  droit  de  nominalion  appartient  or- 
dinairement au  preniicr  président  et  extraordinairement  au 
mintstre.  C'est  là  le  système  que  les  exposés  de  motifs  ont 
établi  et  que  la  loi  a  voulu  consacrer.  Le  débat  s'était  élevé 
entre  la  cour  entière  et  le  premier  président  seulement;  en 
rejetant  la  cour  parce  que  les  choix  faits  par  les  corps  don- 
nent facilement  accès  aux  intrigues  et  que  leur  manifestation 
est  une  entrave  au  service,  le  législateur  n'avait  point  voulu 
enlever  à  la  délégation  son  caractère  judiciaire  et  son  indé- 
pendance, et  il  l'avait  confiée  au  premier  président.  C'est  là 
la  règle  nouvelle  qu'il  prétendait  introduire;  et  ce  n'est  que 
pour  répondre  aux  objections  prises  de  la  facilité  qu'auraient 
les  premiers  présidents  d'abuser  d'un  si  grand  pouvoir,  qu'il 
imagina,  comme  une  mesure  modératrice,  de  tempérer  ce 
pouvoir ,  suivant  l'expression  du  rapporteur  du  corps  lé- 
gislatif par  la  faculté  réservée  au  grand  juge  de  faire  lui- 
même  les  nominations.  Tel  est  le  vrai  sens,  tel  est  le  véritable 
esprit  de  la  loi. 

Mais  en  même  temps  il  faut  reconnaître  que  ces  textes, 
tout  en  posant  celte  règle  générale,  l'énoncent  en  termes  un 
peu  flexibles.  L'inquiétude  que  soulevait  la  délégation  faite 
au  premier  président  se  trahit  dans  la  réserve  qui  la  suit.  Ou 
Veut  que  l'abus  qu'il  pourrait  faire  de  son  pouvoir  trouve 
dans  tous  les  cas  un  moyen  de  le  contenir  et  d'en  prévenir  les 
excès  ;  on  écrit  donc  dans  la  loi  que  «  le  grand  juge  pourra 
néanmoins,  dans  tous  les  cas,  nommer  les  présidents  des  as* 
sises.  0  Or,  cette  exception  à  la  règle  générale,  cette  excep- 
tion si  générale  elle-même  et  si  absolue,  n'en  détruit  elle 


M  u  covpMinoN  Bl^  jGovM  ^Ussiftcs.  (J.  585.  i45 

pis  «ir«ilitéi  toute  la  portée?  Déclarer  qoe  le  tuntistrepdoftn 
Doromer,  dansjaus  Uscas,  sans  spécifier  ces  eas,  satifpdéfiHîé 
ré^ndhie  de  cette  attribation,  ii'est-c«  pas  refneitr&eotre  adi 
mm  pa.fouvoir  illimité?  N'est-oe  pas  ittt  pemettredé 
Teseraei,  iwi^$euleinant  çbus  lea  caa  où  Je  premier  prMu 
deat  peMt  mok  abusé  oa  seraii  disposé  à  aboaer  de  sa  pi^ftN* 
gatiTi^  «aïs  epcQre  dans  les  cas  où  il  n'y  a  lieu  de  eraMre 
DÎ  abufni^  excès,  et  généraleoient  dans  tous  les  cas  où  il  toi 
piatt  de  Texercer?  N'est'-'ce  pas  dire  que  le  droit  qui  nent 
d'étrf  conféré  au  premier  président  est  purement  fictif  et  qu'il 
ne  Thppliquera  que  si  le  ministre  Vj  autorise  ?  et  ajovAer  enfin, 
comme  le  fait  lart.  39  du  règlement,  que  le  premier  prési^ 
dent  fera  la  nomination  lorsque  le  ministre  ne  l'aura  pas 
faite^dans  le  délai  qui  lui  est  départi,  n'est-ce  pas  reoon- 
nattre  quil  n'aura  le  droit  de  faire  cette  nominatiott  qu'aire 
tant  que  le  ministre  ne  laura  pas  Caite? 

U  roinist)*e  de  k  justice  a  xlono  été  fondé,  en  s'appuya«vl 
sarces  deux  textes,  à  revendiquer  le  droit  général  de  faire 
tautes  les  nominations  des  présidents  des  assises.  Cette  infer* 
prétation  a  défioitirement  prévalu.  M.  Legrav^rend  posait 
en  principe,  dès  1816,  «  que  le  premier  président  ne  nomme 
les  présidents  que  comme  suppléant  le  ministre  de  la  justice 
en  cette  partie  ^ .  >  Et  la  Cour  de  cassation,  sanctionnant  cette 
doctrine,  a  déclaré  a  que  les  art.  253  et  253  portent  que  les 
cours  d'assises  seront  présidées  par  un  conseiller  délégué  A 
cet  effet,  sans  indiquer  par  qui  la  délégation  serait  faite;  qws 
Kart  16  de  la  loi  du  20  avril  1810,  pour  remplir  cette  la* 
GQoe,  a  attribué  ce  droit  de  délégation  au  ministre  de  la  jus» 
tice  et»  à  son  défaut,  au  premier  président  *.  »  C'est  dans  ces 
ternes  que  l'attribution  du  premier  président»  demeurée  à 
peu  prés  oisive  entre  ses  main,  a  été  constamment  et  sans  ré» 
clamation  circonscrite  depuis  rét4>lissement  des  Cours  d'as^ 
«isa»Les  conseillers  qui  président  ces  cours  sont  exelusiveasent 
désignés  chaque  trimestre  par  le  ministre. 

Celte  jurisprudence  s'explique  d'ailleurs  aisément.  Elle  est 
née  pendant  les  temps  difficîles  qui  suivirent  rinstallation  des 
GoMis  ioipériaJes;  elle  eut  pour  première  cau»e  la  nécessité 
de  venir  eai  aide  A  Tadmioisiratioii  encore  vacillante  de  la 
justias  en  plaçant  la  nominaiiou  d^s  présidents  des  assises  au- 
«  .  .  •  ''  * 

*7QRieII,p.OO. 

'  Coffc,  lu  avril  1847,  rQp|y.  ST.  VltotiAis  Sobt-Iaor^,  BulJ.  r.  70 

T»ll.  lô 


146  DU    COURS    v'ASSMCt 

dessus  des  préteAtions  locales  et  des  influeûces  persoDoellei. 
Lei  évésemenU  politiqMt  m  firent  plus  tard  on  puissant  ie« 
vief  contre  les  efforts  des  partis  et  les  passions  aiii  agf«« 
taient  TEtat.  Elle  s'est  ensuite  eontitiuée  lorsqu'elle  B'é« 
tait  plus  aussi  nécessaire,  parce  qu^on  a  douté  que  les  pre- 
miers présidents  fussent  en  poûtion  d^exereer  cette  haute  pré^ 
TOgative  avec  assez  d'indépendance  et  de  fermeté,  parce  qne 
tes  compétilions  individuelles  qui  divisent  les  compagnies  ont 
^u  devoir  influer  sur  hs  choix  phit^  que  Tintérèt  dti  M^ 
tice^  porce  que  le  pouvoir  central  s'est  cru  seul  en  mesifre 
d'apprécier  les  besoins  de  la  justice  et  djB  subordonner  les 
prétentions  des  personnes  à  la  nécessité  des  affaii'es,  enfin, 
parce  qu'il  est  difficile,  quand  ^  gouvernement  est  UÉe  fois 
en  possession  d'une  attribution  aussi  importante,  qu^it  la  dé* 
laisse  volontairement. 

Mais  tel  ne  sera  pas  sans  doute  le  mode  définitif  de  ces  tlé« 
légations.  Assurément  nul  ne  peut  mettre  en  question  ni  les 
motifs  de  bonne  administration  de  la  justice  qui  dicteot  les 
cheiib  du  minisire,  ni  rita)(nf  tialilé  des  magist rata  ifu^ii  choisit 
Mais  ce  n'est  pas  assë2  :  ee  n'est  pas  l'exerciee  de  la  faculté 

y«  la  théorie  ilébat,  c'est  la  faculté  elle^éme,  c'est  lechont. 
ne  suffit  pas  que  la  juridiction  soit  de  fait  indépendante,  îl 
(sut  que  cette  indépendance  résulte  de  sa  constitution  même, 
qu'elfe  soit  affirmée  par  la  loi.  Or,  peut-^lle  paraître  complè- 
tement assurée  quatid  le  magistrat  est  attaché  au  servioe^s 
assises  par  une  commission  spéciale,  quand  cette  comifiission 
n'émane  pos  du  corps  même  dont  il  fait  parlie,  quand  eilé 
constitue  un  avantage  et  un  titre*  quand  il  Ta  ambitionnée 
avant  qu'elle  lui  fût  conférée  et  qu'il  Tambitienne  encore 
dans  l'avenir?  («a  puissance  des  juges  est  tout  entière  dan» 
leur  permanence^  c'est  parce  qu'ils  sont  Kéa  d'une  manière 
fiie  à  leurs  fonctions,  c'est  paroe  qu'ils  ne  pemeni  en  être 
distraits,  c'est  parce  qu^ils  prennent  une  pari  nécessaire  à 
toutes  les  sentences  de  leur  juridiction,  qne  oette  juri«Ketioii 
8*élévo  dans  l'esprit  des  peuples  et  leur  parati  rorganemème 
de  (a  justice.  Or,  quelle  est  la  règle  qui  assure  cette  stabilité, 
et  qui  fait  que  chaque  mission  du^uge  est  une  mission  de  la 
justice?  N'est-ce  pas  le  roulement  annuel  qui,  opéré  dans  le 
sein  du  corps  judiciaire  par  ee  corps  lui-même ,  attribue  à 
diacun  de  ses  membres  une  fonction  à  laquelle  il  est  invio- 
lablemeut  attaché?  Et  serait-il  impossible,  si  Ton  mninliènt 
la  prihcipe  qui,  de  chaque  assise,  fait  une  section  de  la  Cour 


DE   L4    COMPOSniOS    DE»  (.00^2   d'aSSIsES.    §  585.  147 

îmiiériaîe,  que  celle  Cour,  chaque  année,  en  faisant  le  roule- 
ment des  eonseîlleK  dans  les  chambres^  désignât  a  Tavance 
eeux  qui  doivent  tenir  les  assises? 

ni.  La  haute  prérogative  du  ministre  de  la  jastice  redon- 
nait cependant  une  double  exception. 

La  première  a  lieu  lorsque  le  ministre  n*a  pas  usé  de  son 
droit  pendant  le  délai  qui  lui  a  été  imparti  par  la  loi. 

L'art.  16  de  la  loi  du  20  avril  1810  perle  «  que  Péfioqae 
de  ces  nominations  sera  déterminée  par  des  règlements  d'ad- 
ministration publique.  )>  Et  Tart.  79  du  réglemenldu  6  juillet 
suivanl  déclare  que  lorsque  les  iKïminalions  n'auront  pas  été 
failes  par  le  ministre,  pondant  la  durée  d'une  assise,  pour  le 
trimestre  suivant,  le  premier  président  les  fera  daos  la  hui- 
taine du  jour  de  la  clôlurc  de  l'assise. 

Le  législateur  a  voulu  par  cette  disposition  atténuer  quel- 
ques-uns des  dangers  de  ces  nominalions  :  faites  à  une  époque 
trop  rapprochée  de  la  tenue  des  assises,  elles  pourraient  pa*- 
rattrc  préparées  en  vue  des  affaires  qui  y  seraient  portées; 
faîtes  trois  mois  i  Tavance,  elles  no  soulèvent  plus  dans  le 
plus  grand  nombre  des  cas  la  môme  ÎBC^uiétcidf.  Aussi 
M.  Treilhard  disait,  dans  l'exposé  des  moUTsdc  la  loi  :  «  un 
règlement  d'administration  puMiquo  fixera  Tépoque  oà  les 
.c)ioix  du  premier  président  devront  être  faits  et  préviendra 
rincouvëment  qui  pourrait  résulter  de  rarbitrairc  en  cette 
.farlie.  >  Et  le  rapporteur  du  Corps  législatif  ajoutai!  :  a  ces 
nominations  faites  ainsi  à  l'avance,  à  des  époques  et  pour  un 
temps  fixes,  ne  peuvent  plus  être  considérées  avoir  le  même 
danger  que  si  elles  avaient  lieu  à  chaque  renouvellement  d'as* 
sises.  » 

Ainsi,  si  le  droit  du  ministre  n'est  pas  limité  quant  à  son 
étendue,  il  Test  quant  au  délai  dans  lequel  il  peut  être  exercé, 
il  expire  à  la  clôture  de  chaque  assise,  en  ce  qui  concerne  le 
pjrésident  de  l'assise  suivante;  et  dès  que  la  nomination  de  ce 
ftrésident  n'a  pas  été  fuite  k  celte  époque,  il  appartient  au 
premier  président  d'y  procéder. 

La  question  s*est  éleyée  de  savoir  si  le  ministre,  lorsqu'il 
a  laissé  s*écouler,  sans  nommer  le  présûlont  des  prochaines 
assises?  le  délai  fixé  par  Tart.  70  du  (l('*cret  du  6  juillet  1810, 
et  que  le  premier  présiilent  a  procédé  à  cette  nomination, 
peut  encore,  par  une  ordonnance  postérieure^  exercer  son 
droit.  On  a  dit  pour  l'atrirmative  :  a  le  droit  de  nomination 
appartient  d'abord  et  essentiellement  au  ministre  ;  cl*  droit, 


lis  ots  COI  AS  d'aisi^bS. 

il  Texerce  dans  tous  les  ras^  sui?aot  h  loi,  c'est-à-dire  alon 
même  que  ia  nomination  a  déjà  été  Taite  par  le  premier  pré»- 
denc.  En  cflet,  que  signifierait  cette  expression  dons  tous  Isf 
cas?  n'indiquc-t-elie  pas  avec  évidence  qae  rien  ne  doit 
mettre  obstacle  à  la  nomination  da  ministre»  et  que  la  ficullé 
qui  lui  est  accordée,  dans  une  pensée  de  haute  administration, 
ne  peut  être  entraTëe  par  des  choix  faits  par  les  chefs  des 
cours?  L'économie  de  Part.  16  de  la  loi  du  30  ami  1810 
proure  que  ces  mots  se  rapportent  aux  cas  spécifiés  aux  trois 
premiers  $  de  Tartiole  qui  s'occupent  des  nominations  qui 
peuvent  être  faites  par  les  premiers  présidents.  Croiraît-on 
trouver  une  dérogation  à  cet  article  dans  Tart.  79  du  dé- 
cret du  6  juillet  1830  ?  Faut-il  en  conclure  que  le  droit 
du  ministre  ne  peut  s'exercer  que  dans  les  limites  qui  sont 
fixées  par  le  décret?  Cette  objection  serait  fondée  si  la  loi 
avait  ait  seulement  que  le  ministre  a  le  pouvoir  de  nommer 
les  présidents  d'assises.  Il  serait  clair  alors  que  le  règlement 
rendu  pour  Texécution  de  la  loi  aurait  limité  l'exercice  de  ce 
pouvoir  dans  les  délais  qu*ii  a  fixés.  Mais  la  loi  a  fait  plus, 
elle  a  donné  au  ministre  le  droit  de  nomination  dans  tous  les 
cas  ;  il  est  évident  que  ces  expressions  générales  n'auraient 
plus  de  sens,  et  que  le  décret  Tait  pour  assurer  Texécution  de 
la  loi  aurait  dérogé  à  sa  disposition,  si,  après  Passise,  dont  le 
ministre  ne  peut  connaître  la  durée,  li  était  déchu  du  droit 
de  nommer.  Le  décret  a  seulement  fixé  Tépoque  à  laquelle  il 
serait  ordinairement  présumable  que  le  ministre  ne  voudrait 
pas  exercer  son  droit;  il  a  dit  qu'alors  les  chefs  de  cour  pro- 
céderaient A  la  nomination  y  car  il  faut  que  les  choix  des  prési- 
dents d'assises  soient  eounus  à  l'avance  des  justiciables;  ces 
désignations  ne  peuvent  être  retardées  sans  de  graves  incon- 
vénients; toutefois  ce  droit,  les  premiers  présidents  ne  l'exer- 
cent que  provisoirement,  puisque  le  ministre  peut  nommer 
danà  tous  les  cas  '.  »  Mais  cette  doctrine  a  été  repoussée  par 
un  arrêt  qui  déclare,  avec  une  grande  force  de  raisonnement, 
c  que,  d'après  Tart.  16  de  la  loi  du  20  avril  1810,  la  nomi- 
nation des  présidents  des  cours  d'assises  appartient  aux  pre* 
miers  présidents  ;  qu'à  la  vérité  ce  même  article  aeeante  au 
ministre  de  la  justice  la  faculté  de  les  nommer  loi*même; 
msis  que,  pour  régler  l'exercice  de  ce  double  droit  de  nomi- 
nation, il  H  déterminé  par  l'art.  79,  déc.  0  juill.  1810,  que 

A  Réquisitoire  do  prscurtur  général. 


le  lyiiDÎstre  oserait  dr  son  droit,  pour  chaque  trimestre,  peu-- 
dant  la  durée  de  l'assise  du  trimestre  précédent,  et  que,  $^il 
laissait  passer  ce  délai  sans  faire  la  nomination,  le  premier 
président  la  ferait  dans  la  huitaine  du  jour  de  la  clôture  de 
rassise  ;  que  rordonnance  rendue  par  le  premier  présideul 
dans  les  termes  dudit  art.  79  ii'est  donc  que  l'exercice  du  pou- 
voir dont  il  est  légalement  investi  ;  qu'elle  doit  avoir  la  force 
de  toutes  les  ordonnances  de  justice  compétenunent  et  régu- 
lièrement rendues;  qu^elle  est  exécutoire  du  moment  qu'elle 
existe,  et  ne  saurait  être  invalidée  ou  paralysée  par  aucun 
acte  postérieur  ;  qu'on  ne  pourrait  la  considérer  comme  pro- 
visoire et  subordonnée  à  la  nomination  que  ferait  ultérieure- 
ment le  ministre  qu'autant  que  la  loi  contiendrait  à  cet  égard 
une  disposition  formelle;  mais  que  si  le  ministre  a  reçu  de 
Tart.  16  le  droit  do  nommer  datis  totis  les  cas ,  ces  expi  es- 
sioDS  ne  peuvent  s^en tendre  que  de  Tapplication  de  ce  droit 
aux  divers  cas  pour  lesquels  les  trois  alinéas  précédents  du 
même  article  chargent  les  premiers  présidents  de  nommer;  et 
qu'on  ne  peut,  sans  leur  donner  une  extension  qu'elles  ne 
comportent  point,  eu  induire  "que  la  nomination  du  ministre, 
à  quelque  époque  qu'elle  intervienne,  doit  faire  tomber  la 
nomination  du  premier  président  légalement  faite  ;  que  l'es- 
prit de  la  législation  ne  repousse  pas  moins  une  telle  interpré- 
tation ;  qu'en  efiet ,  c'est  pour  assurer  aux  magistrats  qui 
doivent  présider  les  assises  le  moyeu  de  procéder  aux  actes 
d'instruction  ordonnés  par  la  loi  ou  jugés  nécessaires  à  la  ma- 
nifestation de  la  vérité  et  pour  garantir  aux  justiciables  une 
bonne  administration  de  la  justice,  que  la  loi  a  filé  comme 
elle  Ta  fait  les  délais  de  leur  nomination  ;  que  ce  but  serait 
iManqué  s'il  était  possible  que  le  magistrat  nommé  par  le  pre- 
mier {NTésident  dùl ,  après  avoir  interrogé  les  accusés  et 
pris  connaissance  des  affaires  en  état  d'être  portées  à  la  ses- 
sion, céder  les  fonctions  au  président  nommé  tardivement, 
môme  à  la  vdlle  de  l'ouverture  des  assises,  par  le  minisire  de 
la  justice  \  » 

IV.  La  deuxième  exception  à  l'attribution  ministérielle  a 

lieu  lorsque  le  premier  président  préside  lui-même  l'assitc. 

L'art.  16  de  la  loi  du  20  avril  1810,  après  avoir  délégué 

au  premier  président  le  droit  de  nommer  les  présideoli  d'as- 

«  Cm,  «3  JQOf.  iSaS^  ^ap^  M.  ViaeeasSl-LauiwU  MA.  n.  la. 


1)10  DES  COURS  I»*ASSISES. 

sises,  ajoulo  :  a  il  pourra  les  présider  Iui-mém«,  quand  il  le 
jugera  convenable.  » 

PeuHI  les  présider  dans  le  cas  même  où  le  ministre  de  la 
justice  a  nommé  un  président?  On  aurait  pu  croire  que  le 
premier  président  ne  pouvait  exercer  par  lui-même  uo 
droit  qu'il  ne  pouvait  plus  déléguer  et  dont  un  autre  magislrflt 
se  trouvait  investi  par  Tordonnance  du  ministre.  Mais  la  Cour 
de  cassation  a  jugé  par  deux  arrêts  :  «  qu*il  résulte  des 
art.  V^  du  décret  du  30  mars  1808,  16  de  la  loi  du  20  avril 
1810,  7  et  39  du  décret  du  6  juillet  1810,  que  le  premier 
président  d'une  cour  impériale,  quoique  attaché  habituelle- 
ment à  la  première  chambre  civile,  conserve  toujours  le  droit 
d'aller  présider  ,  quand  il  le  juge  convenable ,  les  autres 
chatnbres  de  la  cour,  et  même  la  Cour  d'assises,  de  quelque 
autorité  qu'émane  la  nomination  de  son  président  titulaire; 
que  c'est  une  prérogative  inhérente  à  son  titre  et  à  ses  fonc- 
tions S  » 

Il  peut  exercer  ce  droit  dans  les  assiscâ  extraordinaires 
comme  dans  les  assises  ordinaires  :  u  attendu  que  les  assises 
cxtraordinan-es  n*ont  pas  un  caractère  différent  des  assises 
ordinaires  ;  que  le  premier  président,  en  usant  de  la  fa- 
culté que  lui  donne  Tart.  16  de  la  loi  du 20  avril  iS'^.  ne 
viole  point  Part.  81  décr.  du  6  juill.  suivant,  lequel  n'a  pu 
déroger  à  la  loi  dont  il  devait  organiser  l'exécution^  et  qui, 
en  disposant  pour  les  cas  ordinaires,  n'a  pu  ni  voulu  diminuer 
les  attributions  générales  dont  la  loi  investit,  dans  tous  les  cas, 
les  premiers  présidents  *.  » 

Il  peut  exercer  ce  droit  dans  une  seule  affaire  des  assises 
ordinaires  ou  extraordmaires'. 

Que  devient  dans  ce  cas  le  président  nommé?  Il  faut  dis- 
tinguer :  si  le  premier  président  ne  vient  présider  que  dans 
une  seule  affaire,  le  président  titulaire,  suivant  les  termes  de 
Tart.  ^9  du  décret  du  6  juillet  1810,  reste  men^bre  de  )a 
Cour  et  y  £|iége  comme  premier  assesseur  ^«  Que  si»  au  con- 
traire,.il  vient  présider  toute  la  session,  comme  il  se  substi- 
tue dans  ce  cas  au  président  titulaire  qui  n^a  plus  aucune  mis- 
sion à  remplir^  ce  dernier  doit  cesser  de  faire  partie  de  la 
Cour  d'assises  \ 

*  Gafli.  15  nov.  1855»  npp.  M.  Legagneur,  BalU  n«  356  s  20  jtnr.  1S57, 
rapp.  M.  Legagneur.  Bull.  W  37. 
s  Ga88, 18  a?rll  1823,  rapp.  M,  Mérilliou.  J.  P.,  t.  XXY,  p.  389. 
%«ct^M*Qttstn^ 


AB  LA  COMPOflflOll  DIS  00018  1k\sSI8iS.  {  585.  151 

y,  Si  le  président  désigiié  S0  trouve,  par  quelque  emp^ 
cltement,  dans  rjnipossibilit^  de  rpwplir  ses  (oactiqns,  il  doit 
$tre  pourvu  h  son  remplacenient. 

Commept  c^  renipIacefoM  4piMI  ^*opérçrT  tl  fgut,  pour 
répondre  à  cette  question,  distinguer  Tépoqueou  sa  manilçiito 

Si  r^nqpèÂeipeqt  survient  avdut  la  uotiGcation  faîte  k 
i^baqu^ju^^  dq  rejctraitde  U  li^t^,  uotirication  prescrite  par 
Tart»  389  du  Code  d'iqstr.  crlru^;  il  doit  6tre  procédé,  par 
une  conséquence  directe  de  cet  article,  à  la  délégation  4  ua 
poyveau  président, 

Ce  nouveau  président  est  noptpié  comme  le  preiaier  «ui» 
vaqt  les  règles  prescrites  p^r  l'art*  16  de  la  loi  du  30  avril 

Il  a  été  jugé  dans  ce  sens  ;  «  que  cet  article  a  attribué  la 
droit  de  délégation  au  ministre  de  la  justice,  et  à  son  défaot 
nu  Bremier  président  *,  que  la  généralité  de  ce)»  termes  )a 
rendent  également  fipplicable  au  cas  d'une  première  oomiHa* 
iion  et  9U  cds  d'un  remplacement  ^.  « 

Alais  la  règle  qui  veut  que  le  droit  du  ministre  expira  k  la 
elâtur^  de  la  précédente  assise  pour  faire  plaise  w  droit  êa 
premier  président  »  est-elle  encore  «pplipable  au  ^s  de  ffm* 
plnc(^mepi?  Cette  question  se  trouve  résolue  négativemMt 
d^ps  un  arrêt  qui  déclare  :  a  Que  Tart.  XQ  de  U  loi  du  ftO 
4vrft  1810,  en  attribuant  au  premier  président  le  droit  do 
fw^  cette  délégation,  a  #Uribué  en  même  temps  9u  ministre 
d$  1|L  justice  la  tiaçulte  d'exercer  le  même  droit  itmê  tOMS  i^ 
^;  que  cette  doubla  attribution  n'ayant  reçu  aucuna  x^tr- 
trji^tion  4®  la  loi,  peut  s'Appliquer,  soit  au  cas  4'une  pre- 
.midriç  npmwtipni  soit  au  cas  du  remplacement  pour  emupe 
de  Ten^pédiement  du  magistrat  nommé  \  que  dans  le  tm  de 
rciopiacfment  comine  dans  le  csus  de  première  nomination,  ie 
droit  du  ministre  et  celui  du  premier  président  demeurant 
dans  les  jfAwm  t/^rmes^  doivei^  s'exercer  dans  Tordre  qnî  a 
M  tîxé  àw^  ce  dernier  ^as  par  la  toi;  que  Tart»  79  dudioret 
dul^juillÀlSlO  dispose  qu^  le  freipier  priésideot  ne  doit 
nrocâer  à  U  détègution  du  président  des  assises  qu'autant  que 
{^  mînîstre  p'a  pis  f^  |ui-mâme  cette  délégation  pendant  ia 
di^  de  Vassise  du  précédent  trimestre;  que,  par  suite  du 
nteeprifteipei  1^  premier  président  ne  peut  procéder  au 

<  Cass^I^O  avril  1847.  rftp[f,  W»  ViDctns  St-LoureiH*  BuH.  d,  76; 


192  DES  «XWAt  I>*AftSMffl. 

TempUeemenl  du  président  des  assises  empèdié  qu^autonl 
que  le  ministre  ne  procède  pas  lui-mèmo  à  ce  remplaremeirt; 
que sOD  droit  qui,  dans  le  cas  d'une  première  nomination, 
est  subordonné  è  celui  du  ministre,  ne  doit  pas,  dans  le  cas 
d^in  remplaçaient,  faire  obstacle  à  ce  dernier  ^  » 

Cet  arrêt  peut  donner  lieu  à  quelques  observatiotis  que 
nous  avions  proposées  dans  les  termes  suivants,  dans  lerapport 
qui  Ta  précédé  :  cil  est  clair  d*abord  que,  si  le  délai  fixé  par 
l'article  79du  décret  du  6  juillet  1810  n'est  pas  expiré,  iemi^ 
nistre.  qui  se  trouve  encore  en  possession  du  droit  de  nom» 
mer,  peut,  par  une  conséquence  incontestable,  remplacer  le 
président  empédié;  mais  si  ce  délai  est  expiré,  le  minislre, 
qui    n'a  plus   le  droit  de  nomination,  pourraitril  avoir  te 
droit  de  remplacement?  On  prétend  que  la  déchéance  ne 
9'appli<fue  qu'à  la  première  nomination.  Mais  la  raison  delà 
déchéance  ne  régit-elle  pas  la  seconde  nomination  aussi  bien 
que  la  pren  *èrr?  N'est-ce  p<')s  le  danger  d'un  choix  fait  à  la 
veille  des  assises?  £t  s'il  est  indispensable  d'y  procéder,  la 
bonne  administration  de  la  justice  n'exige-t-elle  pas  qu'il  soit 
laissé  au  premier  président  r  On  oppose  encore  que  le  droit 
de  remplacement  ne  peut  appartenir  qu'à  l'autorité  qui  a 
nommé.  Quel  est  le  texte  qui  fait  ainsi  dépendre  la  compé- 
tence de  l'autorité  qui  remplace  de  l'origine  de  la  nomina- 
tion ?  Il  n'existe,  en  dehors  de  fart.  263  de  notre  Gode,  qu^ttn 
seul  texte  qui  ait  prévu  un  C4k$  de  remplacement  :  c'est  l'ar- 
ticle 81  du  décret  du  6  juillet  1810,  qui  prévoit  le  cas  d'em- 
pêchement du  président  de  Tassise  au  moment  où  la  néoessfté 
de,  la  tenue  d'une  assise  extraordinaire  se  manifeste;  or,  que 
ditcetarticie?  «  Le  remplucement  sera  fait  par  le  premier 
président.  »  Sans  doute  l'hypothèse  prévue  par  cet  artideest 
celle  d'une  assise  extraordinaire;  mais  n'y  a-Vil  pas  une  évi- 
dente analogie  entre  le  remplacement  dans  ceeas  et  dansée- 
lui  d'une  assise  ordinaire?  Et  cet  art.  81  ne  senble-t-fl  pas 
d'ailleurs  un  corollaire  de  l'art.  79  du  même  décret,  qui  su- 
broge le  premier  président  au  droit  du  ministre  aussitôt  l'ex- 
}firation  du  délai  fixé?  Pourquoi,  en  effet,  le  premier  prési- 
dent a*t-il  seul  le  droit  de  nommer  dans  l'espèce  de  l'article 
81  ?  N'est-ce  point  que,  à  l'époque  de  l'assise  extraordinaire, 
le  ministre  est  déchu  de  son  droit?  N'estroe  point  que  le 
délai  dans  lequel  il  peut  nommer  est  expiré?  Ne  éoh-^m  pas 

*  Cm»*  27  mai  i^l^h^  notre  rapport,  Ml.  a  i7i« 


DB  LA   COMMSm^M  MSÉ  QOWftS  D*A6SHICS.   §  585.  IS^ 

ifidoire  mw  toutes  les  fois  ({ue  cette  limite  est  dépassée^  qa'il 
s*:agisie  d'une  assise  ordinaire  ou  exiraordiDsire ,  le  premief 
prMdeotseuI  est  compétent?  Cette  disposition  est  peut-être 
«onfoniie  à  la  nature  clés  choses.  Il  est  naturel  que  le  premier 
président  qui  est  sur  les  lieui.  qui  peut  pourvoir  sur-le-champ 
«itTenpIaoemettt ,  qui  connaît  les  magistrats  dont  il  peut  dis- 
poeer»*^t  seul  chargé  de  faire  cette  désignation»  Il  est  logi- 
que qU'il  soit  seul  chargé  de  cet  ot&ce  dans  tous  les  cas  où  il  y 
a  urgence;  Bt  il  y  a  souvent  plus  d^urgence  au  cas  d'une  as* 
aise  ordinaire  qui  va  s'ouvrir  qu^au  cas  d'une  assise  eitraordi- 
naire  dont  l'ouverture  n'est  pas  encore  fixée.  Il  y  a  lieu  de 
lemarquer  enfin  que  ,  dans  l'espèce,  le  premier  président 
tfvaîl  rendu  une  ordonnance  de  remplacement  avant  l'ordon- 
naiiee  du  ministre.  Or  cette  ordonnance,  prise  compétem« 
ai«nt  et  régulièrement ,  doit-elle  être  subordonnée  à  la  volon- 
té ëii  ministre,  valide,  si  le  ministre  ne  fait  lui-même  aucune 
ttotmnation.  nulle  au  contraire  et  sans  force,  s'il  en  fait  une? 
Mais  Tordonnance  du  pnunier  président,  dès  qu'elle  est  puisée 
daas  l'exercice  d'un  droit  qu'aucune  déchéance  n'a vaif  frap- 
pé, n*esl-elle  pas  exécutoire  et  peut-elle  être  atteinte  par  un 
acte  postérieur  émaué  d'un  pouvoir  dont  elle  n'attend  aucune 
mnetion?  • 

Le  premier  président,  qu'il  ait  ou  non  le  droit  de  rempla- 
cer le  présiitont  empêché»  au  cas  de  l'assise  ordinaire,  a  seul 
et  exclusivement  ce  pouvoir,  au  cas  d'une  assise  extraordi- 
mite.  C'est  ce  qui  résulte  du  2«  §  de  Tart.  81  du  décret  du 
#  juillet  ainsi  conçu  :  •  Eu  cas  de  décès,  ou  empêchement 
ïég^tn^j  le  président  de  l'assise  sera  remplacé  à  l'instant  où 
*  t»^ié6essité  de  la  tenue  de  Tassise  extraordinaire  si  ra  con- 
jaiie  :  le  remplacement  sera  fait  par  le  premier  président.  » 
U  est  telair  que  cette  disposition  précise  exclut»  dans  ce  cas 
au  jooimy  le  droit  ministériel  ;  et  ce  point  se  trouve  impli- 
oitemedt  reconnu,  par  l'arrêt  qui  vient  d  être  cité,  et  qui 
ééclare,  en  cherchant  à  le  restreindre  :  «  que  si  l'arL  81  dé- 
lègue au  premier  président  le  droit  de  nommer  immédiate- 
méat  le  président  de  l'assise  extraordinaire,  au  cas  d'emfé^ 
ehwient  du  président  de  l'assise  ordmaire,  cette  dispo^tion 
«pédale,  pour  ce  seul  cas,  est  une  exception  au  droit  du 
DiUiistfey  qui  doit  ^re  restretut  dans  ses  termes  ^  » 

Si  rempèchement  ne  survient  qu'après  la  notification  faite 

*  Gms.  S7  anu  iSSS»  «tt  êgprà.  p.  ihbk 


à  chaque  juré  de  Texirait  do  laljstç,  le  mod^  de  rempUçf^* 
ment  est  rormcllerpent  prévu  par  la  )oi  ;  Part.  Jt63  porte 
aue  ;  <c  Si,  depuis  la  potifioation  faite  aux  jurés  ea  pxôcu* 
tion  de  Tart.  389  du  présent  Gode,  la  président  de  U  Cour 
d'assises  se  trouve  dans  Pimpossibilité  de  remplir  ses  fonc- 
tions, il  sera  remplacé  par  le  plus  ancien  des  autres  juges  de 
la  Cour  impériale,  nommés  ou  délégués  pour  l 'assister)  çt 
s'il  n'a  pour  assesseur  auoun  juge  de  la  Cour  impériale»  par 
le  président  du  tribunal  de  première  instauce.  » 

La  première  question  que  cet  arlicle  doit  soulever  est  do 
savoir  si,  même  après  la  limite  quMI  a  posée,  après  la  notifia 
cation  faite  aux  jurés,  il  peut  y  avoir  lieu  au  remplaœm^Rt 
du  président  empêché,  suivant  le  mode  prescrit  par  l'art,  Ifi, 
de  la  loi  du  20  avril  iSlO,  La  Cour  a  résolu  catte  quostiop 
affirmativement  par  trois  arrêts.  Dans  la  première  esp^,  le 

|)résident  des  assises  avait  été  remplacé,  postérieuremeut  & 
a  notification  faite  aux  jurés,  par  le  premier  président,  et  ce 
remplacement  a  paru  régulier:  a  attendu  que  Tart.  363t  le- 
quel d'ailleurs  n^est  pas  prescrit  à  peine  de  nullité,  n'est  ap^- 
plicahle  qu'au  cas  où  le  premier  président  n'a  nas  osé  du 
pouvoir  à  lui  conféré  par  l'art.  16  de  la  loi  au  SQ  afjril 
1810  ^  »  Dans  les  deux  autres  espèces,  le  remplacemeuî  C«|t 
dans  la  même  circonstance  par  le  ministre  a  été  également 
maintenu,  «  attendu  que  Tart,  263  doit  être  concilié  avoç  la 
disposition  dudit  art.  16,  et  qu'il  n^y  a  lieu  de  recpqpr  au 
mode  de  remplacement  quHl  détermine,  que  lorsqu'il  n'y  a 

Sas  été  pourvu  par  le  ministre^  ou  par  le  prepier  prw* 
eut  '.  » 

Jl  résulte  de  cette  jurisprudence  aue  Tart.  S63  B^'n^nrAÎt 
indiqué  qu'un  mode  facultatif  de  reipplaçement,  que  ce  mq4e 
ne  serait  applicable  qu'au  cas  où,  m  le  mini^re^  ni  lie  pif- 
inier  président,  n'useraient  de  leur  droit  de  QpmÎMtJon,  et 
que  ce  droit  ne  serait  par  conséquent  frappé  4'AUCune  4é-* 
chéance,  quelle  ^ue  soit  l'époque  où  il  préte^P^rait  s'^j^ei'^ypr. 
Lesobjcclions  que  soulèvent  cette  doctrine  méritent  peut  Mre 
d'être  pesées,  La  loi,  en  attribuant  au  preiuier  présida  )e 
droit  igénéral,  et  au  nûnislre  la  faculté  4e  oommer  la^  fié* 
aidants  des  asaises,  a  voulu  entourer  cette  attribution  4  ui>e 
haute  garantie  :  cette  garantie  est  le  délai  dans  lequel  h 

*  Cass.  30  juin.  1840.  rapp.  M.  Isambert.  Bull.  n.  219. 

•  Cas».  10  avril  1847.  rapp,  M.  VincensSl-Laurenl  BuUJmTfi  ;  et  ^7  «al 
i^i.tàtéêuprà.  ^ 


DE  LA  COUfOmiW  »ÊS  CÛIlAd  u'aSSISES.  §  585.  i5i 

nqi^i^^tiop  4f  ît  l^^re  f^M^o.  Ce  délai,  fixé  par  Tart  79  du  dé- 
cret çfu  6  juillet  1810)  répond  que  la  nomination  ne  ser(| 
pas  faite  en  vue  des  affaires  à  juger;  il  est  le  gage  et  U 
preuTe  de  son  impartialité.  C'est  la  même  pensée  qui  a  diotA 
Tart.  263t  Notre  Code,  animé  par  le  môme  esprit  que  le  dé- 
cret, D^a  pas  voulu  qu'un  président  nouveau  pût  être  dé»^ 
gné  à  la  veille  de  Touverture  des  débats,  et  quand  le  rôle  des 
afTaires  est  déjà  formé;  il  a  fait  lui-même  cette  désignation. 
Cet  article  a  donc  eu  pour  but  d'assurer  rindépendanco  de 
la  Cour  d'assises,  en  substituant  la  désignation  aiérarchique 
à  la  désignation  par  le  choix^  toutes  les  fois  que  le  remplace- 
ment est  assez  près  du  jugement,  pour  qu'il  puisse,  non  pas 
paraître,  mais  être  supposé,  môme  témérairement,  le  résultat 
d^me  influence  quelconque.  Il  est  clair  que  Tart.  263,  tel 
que  Pont  interprété  les  arrêts  qui  viennent  d'être  ciiés,  a 
cessé  d'apporter  aucune  garantie  :  c'est  une  régie  facultative 
d'administration  judiciaire;  ce  n'est  plus  une  régie  de 
justice. 

Cela  dit,  arrivons  à  la  régie  prescrite  par  Part.  263  :  cette 
règle  est  que,  postérieurement  à  la  notification  faite  aux  ju- 
rés, le  président  est  remplacé  par  le  plus  ancien  de  sesasscs^ 
scurs,  ou  par  le  président  du  tribunal. 

Celle  substitution,  par  ordre  biérarchique,  ne  doit  pas  être 

I^rise  dans  un  sens  trop  absolu.  Ainsi,  il  a  été  reconnu  quç, 
orsque  Tassesseur  le  plus  ancien  ne  peut,  à  raison  de  la  fai- 
blesse de  sa  santé,  diriger  les  débats,  celui  qui  vient  ensuite» 
peut  remplir  à  sa  place  les  fonctions  de  présidents 

Mais  il  ne  suffirait  pas  que  Tasscsscur  le  plus  ancien  eût 
consenti,  il  faut  qu'il  ait  été  réellement  empoché  :  la  Cour 
de  cassation  avait  paru  admettre,  en  général,  «  au'aucune 
loi  D^interdit  à  un  conseiller  plus  ancien  d'abandonner  la 
présidence  à  un  conseiller  moins  ancien  que  lui  *.  >  Mais 
cette  solution  n'a  point  été  étendue  à  la  juridiction  des  as* 
sises^  et  il  a  toujours  été  reconnu,  au  contraire,  «  que  la 
composition  des  Cours  d'assises.,  et  la  désignation  de  leur  pré- 
sidenti  sont  d'ordre  public,  et  se  rattachent  essentiellement  à 
la  compétence;  que,  dés  lors,  il  ne  peut  y  être  dérogé  par  le 
seul  consentement  des  magistrats  appelés  &  en  faire  partie  ; 
que  les  fonctions  de  président  ne  peuvent  être  remplies  que 

*  Cats  Si  mai  1827,  rapp,  M.  (ÂWier.  J.  P.,  t.  XXI. 

'  Cm.  81  déc  183W  rapp.  II.  Ga'iikrd»  J«  P.,  U  XXII,  ^  il80» 


i96  DIS  C09M  »*Attl|E8. 

par  UD  magistrat  à  ce  délégué  par  le  oÛDistre  de  la  juatice, 
et,  à  son  défaut,  par  le  premier  président  de  la  Cour  du 
ressort  ;  qu'en  cas  d'empêchement  de  ce  président,  c'est  la 
loi  elle-même  qui  désigne  le  magistrat  qui  doit  le  rem- 
placer,  ou  qui  délègue  au  premier  président  la  faculté  de  dé- 
roger i  Tordre  tracé  par  la  loi  :  qu'ainsi  il  n'appartient  ni  au 
président  des  assises,  ni  au  magistrat  appelé  à  le  remplacer  de 
désigner  celui  qui  doit  diriger  les  débats  ^  » 

Dans  les  départements  autres  que  ceux  où  siège  une  Cour 
impériale,  Tart.  263  ne  désigne,  pour  remplacer  le  président 
empêché,  que  le  président  du  tribunal;  mais  cette  désignation 
n'exclut  ni  le  vice-présidenl,  au  cas  d'empédiement  du  pré- 
sident»  ni  les  juges  plus  anciens,  au  cas  d'empêchement  du 
vice-président,  car  il  faut  bien  que  la  juridiction  puisse  se 
constituer.  Il  a  été  jugé  dans  ce  sens  «  que,  d'après  l'art. 
253,  les  présidents  et  juges  plus  anciens  du  tribunal  du  lieu 
de  la  tenue  des  assises  sont  appelés  concurremment  à  compo- 
ser la  Cour  d'assises,  et  que  l'appel  du  président  du  tribunal 
à  suppléer  dans  la  présidence  les  membres  de  la  Cour  nommés 
ou  délégués,  est  un  appel  explicite  du  vice-président  ou  des 
JÉges  plus  anciens  du  tribunal,  en  cas  d'empêchement  dudit 
président;  que  cet  empêchrmei.t  est  présumé  par  cela  seul 
que  ce  magistrat  n'a  pas  siégé  et  que  Ip  vice-président  ou  juge 
plus  ancien  est  de  droit  investi  des  mêmes  pouvoirs  dans  l'ad- 
ministration de  la  justice^.  »  )  n  cutre  arrêt  décide  avec  plus 
de  précision  encore:  a  que  ia  disposition  de  l'art.  263   est 
purement  indic&tive  et  n'emporte  aucune  r»*>triction  ;  qu'il  ré- 
sulte de  la  combinaison  de  cet  article  avec  les  art.  253  et  264 
qu'en  cas  dVmpêcbement  légitime,  le  président  des  assises 
doit  être  remplacé  par  le  président  du  tribunal,  celui-ci  par  le 
vice-président  ou  le  Juge  le  plus  ancien  *.  » 

Enfin,  une  dernière  hypothèse  se  présente:  le  président, 
soit  qu*il  ait  voté  sur  la  mise  en  accusation,  soit  abstention 
ou  empêchement  momentané,  se  fait  remplacer  dans  une  seule 
affaire.  Comment  doit  s'opérer  ce  remplacement  temporaire? 
Il  ne  peut  évidemment  s'efiectuer  que  suivant  la  foi  me  pr^ 
ciito  par  Tart.  263,  car  le  remplacement  doit  être  instantané 

'  Gasi,  8  tTril  iSA7,  rapp,  M.  Isambert.  BulU  o.  78  ;  S7  juin  ISii.  rspp. 
M.  Fréteau.  Bull.  n.  941. 

*  Cass.  81  déc.  1880,  rapp.  M.  Iiambeit.  I.  P.,  UXXni.  iO»i ; 

*  Casf.  14  ftf.  â85«>  à  notre  npporu  BnU  a.  M» 


M   LA  GOHjNyMTKUf    %KS  COUM    d'aSUSKS.  §  585.  157 

et  il  serait  dérisoire  de  déléguer  un  président  spécial  pour  une 
sêJD^afbtre.  Ha  été  jugé  dans  ce  sens  «que  l'art.  81  du  d^ 
cref  du  6  juillet  1810  ne  s'applique  qu'au  cas  où  il  s^agit  de 
nommer  un  président  pour  une  session  entière,  soif  ordinaire 
soit  extraordinaire^  et  que,  dans  le  cas  où  le  président  se  troufe 
dans  llmpossibilité  de  remplir  ses  fonctions  à  Tégard  d'une 
seole  des  afiaires  portées  au  rôle  de  la  session,  il  y  a  lieu  de 
procéder  conformément  &  Fart  263,  quand  bien  même  Tin- 
capacité  du  président  tiendrait  à  une  cause  antérieure  à  la  no- 
tiiieation  de  la  liste  des  jurés  prescrite  par  l'art*  389  ;  que  le 
remplacement  même  temporaire  du  président  de  la  Cour  d'as- 
sises par  l'an  des  magistrats  de  la  même  Cour  dans  l'ordre 
biérarchiqQe  est  un  principe  d'ordre  publie  ^  » 

VI.  Les  formes  de  la  nomination  des  présidents  des  assises 
ont  été  réglées  par  les  art.  80,  88  et  89  du  décret  du  6  juil- 
let 1820. 

Il  résulte  de  ces  dispositions  que  la  nomination  ,  qu'elle 
émane  du  ministre  ou  du  premier  président,  est  déclarte  par 
une  ordonnance  du  premier  président;  que  cette ordonnancOi 
qui  contient  en  même  temps,  aux  termes  de  Tart.  2â  de  la 
loi  du  20  avril  1810,  le  lieu  et  le  jour  de  l'ouverture  de  Tas- 
sise,  doit  être  rendue  publique,  au  plus  tard,  le  dixième  jour 
qui  buit  la  clôture  de  Tassise  précédente;  que  cette  publica- 
tion a  lieu  1*  par  la  lecture  qui  en  est  faite,  dans  les  trois  jours 
de  sa  réception,  à  Taudierice  des  tribunaux  de  première  ins- 
tance du  département;  2*  par  son  annonce  dans  les  joumanx 
do  même  département;  3*  par  son  affiche  dans  les  chefs-lieux 
d^arrondissement  eisiégesdes  tribunaux  depremiére instance. 

Ces  formes  sont  importantes:  c'est  cette  publication  qui 
fait  connaître  aux  citoyens  Tépoque  de  Touverture  .des  assi- 
ses et  les  convoque  à  cette  solennité  judiciaire  ;  c'est  cette 
publication  qui  met  les  accusés  ou  leurs  défenseurs  en  de- 
meure de  piéparer  leur»  moyens  de  défense;  c'edt  cette  pu- 
blication cuKn  qui,  en  revêidut  le  président  de  Tassise  de  son 
caractère,  lui  permet  de  procéder  aux  actes  préliminaires  de 
la  session*. 

Mais  est-il  nécessaire  que  leur  observation  soit  constatée? 
Non  ;  il  y  a  présomption  suffisante  de  cette  obstTvation  par 
cela  seul  que  les  ordonnances  portent  qu'elles  seront  pu- 

*  GasK  12  mai  I8Â3,  rapp.  M.  Mérilhoj.  Bull.  u.  Hj. 

*  Cass,'13  nov.  idôG»  U,  V.  I^'oucher.  fiiilL  o.  U7> 


1*$8  DES   C0€h6   d\ss1SES. 

MSécs  conformtimcnl  à  la  loi.  Ainsi,  dans  une  espèce  oà  le 
moyen  de  cassalion  consistait  à  soutenir  que  les  ordoommc^s 
relatives  à  la  composîtion  des  assises  n^avaient  pas  éié  pu- 
bliées, le  rejet  a  été  prononcé  :  «  attendu  que  ces  ordonnan- 
ées  portent  qu^elles  seront  publiées  dans  la  forme  prescrite 
par  lo  décret  du  6  juillet  1810,  ce  qui  Tait  suffisamment  pré- 
sumer que  la  formalité  a  été  accomplie  \  » 

L'inaccompHssement  même  de  ces  formes  n'emporterait 
d'ailleurs  aucune  nullité:  c'est  ce  qui  a  été  reconnu  par  plu- 
sieurs arrêts  qui  déclarent:  a  que  les  formalités  établies  par 
tes  art.  16  et  20  de  la  loi  du  àO  avril  1810,  80,  88  et  89  du 
déc.  An  6  juillet  suivant,  ne  sont  pas  prescrites  à  peine  de  nul- 
lité *  ;  que  ces  diverses  dispositions  ne  prescrivent  qu'une 
mesure  d'ordre  public  et  d'intérêt  général  ;  que  cette  mesure 
«st  entièrement  étrangère  aux  débats  et  à  la  procédure  devant 
les  Cours  d'assises  et  qu'elle  n'intéresse  point  les  droits  de  la 
défense*;  qu'il  ne  s'agit  que  d'une  mesure  administrative 
dont  rinobservation  no  pourrait  donner  ouverture  à  cas- 
ftfftion^.  » 

S'iU'agit  d'une  ordonnance,  non  de  première  nomination, 
onais  de  remplaoement,  la  publication  a  été  jugée  inutile.  Les 
motifs  de  cette  décision  sont  •  que  si  le  décretdu  6  juillet  1810 
veut  que  les  ordonnances  soient  publiées^  il  veut  en  même 
temps  qu'elles  contiennent  l'époque  fixe  de  l'ouverture  des 
assises  et  que  la  disposition  qui  détermine  cette  époque  est 
évideumient  le  motif  ,pour  lequel  l'ordonnance  qui  la  ren- 
ferme doit  être  publiée  -,  que  ce  que  prescrit  ce  décret  pour  les 
ordonnances  de  formation  des  Cours  d'assises,  il  ne  le  prescrit 
pas  relativement  aux  ordonnances  qui  ne  font  que  remplacer 
un  magistrat  par  un  autre  et  dont  la  publication  serait  ainsi 
sans  utilité  ;  qu'il  peut  y  avoir  d'autant  moins  de  doute  à  cet 
égard  que  les  articles  cités  disent  expressément  que  les  or- 
donnances dont  ils  parlent  seront  publiées  le  drxième  jour  qui 
suivra  la  clôture  de  l'assise,  et  que  cette  disposition  est  inap- 
plicable i  des  ordonnances  de  remplacement,  nécessairement 
subordonnées  à  des  circonstances  variables  qui  pourraient  en 
vendre  l'exécution  impossible  ^.  » 

*  Cass.  15  n(n'.  18j5.  rapp.  M.  Legagnear.  BaJi.  tu  85$« 

*  Cass.  25  avril  1839,  rapp.  M.  Ricard.  Bul]«  o.  136. 
'Cass.  6  juin.  1855.  rapp.  M.  Poultier.  Bull.  d,*243,     ' 

*  Cass.  15  Dov.  1855,  cilé  suprâ. 

*  Cass.  13 avril  1816,  rapp^,  M.  Aumonl.  J,  P.,  t.  Xllî.  p.  579, 


DE  LA  COMPOSITION!    tlF.9   tOXH»    D*JISS19ES.   §   585.  id^ 

Enfin  ita  été  également  reconnu  qu'il  n'est  pas  nécessaire, 
lan^6  le  premfier  président  vient  occuper  te  fauteuil  de  la 
prtÉiéélUiè  pour  une  seule  aifalre,  qu'il  déclare  préalable- 
IM»t  par  une  ordouuance  sa  résolution  et  qu'il  la  publie  \ 

Tlli  Si  riDobscrvatioD  des  formes  rolalÎTefi  rard<Hi«anoo 
ae  nomination  n'exerce  aucuna  iAfluanoe  sur  ta  validité  de  Ih 
prèttdence,  il  n'en  serait  plus  ainsi  si  la  légalité  de  la  nomi- 
nation ell&-méme  était  aaiisaorée«  Losarrètsqui  rajetteat  les 
pourvois  fondés  sur  rinobservation  dvs  formes  ont  soiti  da 
constater  «  qu'il  n'est  pas  allégué  que  io  président  de  la  Cour 
(fWses  n'a  pas  été  régulièrement  oefiimé  *.  » 

La  régularité  4e  k  ttominatîon,  en  effet,  mi  la  condition  de 
Taxisteeee  iégele  de  la  €our  d'assises.  Il  ite  sufBt  pas  que  le 
praiNt^iilêotlmvesii  d'une  fonction  judîoiarre,  <jfu'il  ait  le  titre 
dacaosedlef  à  ie  Cour  iaipèriale  on  de  memlbt^  du  tribunal 
do  ai^e  det  «ssisaa^  Ce  titre  lui  donae  «ee  apCrtetfe  à  la  pré^ 
lidenae^,  comme  ittttiaire  ott  comme  remplaçant  ;  il  ne  lui 
woCèrapea  cette  fesctiott  spéciale;  il  ne  peut  rexerccr  qu'en 
lartu  d'uttedélégetien  rég«lrère  seît  de  Tufte  des  deux  aato- 
lîté  qui  ottice  po«?eiry  seil  de  le  M.  C'est  là  ce  qui  fait  la 
%ttimélé  A^ea  miteioii,  le  droit  de  son  eutefité.  Supposer 
une  délégaiiéa  irrégvUére  :  par  etemple,  que  h  président 
désigné,  n'étant  point  eiiipéiehé,  cdée  son  ^ége  t  l'un  de  ses 
ooUégu»  <qui  Tciit  présidor  dans  telle  aSMue,  e«t  qn'éfànt 
Mpéchè)  «I  soil  femplaeé  par  ue  magistrat  qui  n*a  aucun 
dnnti  cet  égard  :  ea»-oe  que 4a  €our  d'assises,  ainm  livrée  au 
oapnee  et  à  la  votonlé  des  membres  qui  la  composeraient  ne 
pearfait  pas  de^Miêr  uee  téritabk  commisision?  Toutes  les 
«oodiiienB  Imposées  au  choix  de  ses  membres  sont  autant  de 
giraotiefl  po«r  les  joniciable»  et  pomr  la  justice  cMe^viéme. 
ft'ott  il  suit  que  les  parties^  de  même  qu'elles  pauvènt  invo- 
qv»  eonlre  lea  jugements  d'tfn  tribuna)  corr^ctiomtel  ou 
«BMie  les  «rréts  de  ta  cb«ttibt*e  d'tfccusation,  l'illégalité  de  la 
«ompoiiiieû  de  ces  jeflridicllons,  et  par  enemple  qu'elles  n'a- 
vaitBi  f9ê  le  nombre  de  jugea  prescrit  par  la  loi,  peuvent 
également  opposer  «ex  artets  rendus  par  une  Cotff  d'as- 
sises les  vices  de  sa  compositioB. 

Cette  doctrine  est  sans  cesse  appliquée  par  la  jinîsprudclice. 

•  t»t  la  JWlv,  4S5^.  ^a|>^  «.  l-^g«Wf.  Btf».  fa,  87. 

•  G'asi.  19  avril  1816  et  25  avril  lb3U|  cilé«  twprA» 


160  B^S  COURS  fi'ASftIUEg. 

V/9êi  aiiisi  que»  ftur  te  pourvoi  d'un  accQ$é  qui  învoqttati  i 
Tappui  Tirrégularité  de  la  dt^Légation  M  pféâideni,  la^Coor 
de  casf^ation  a  pronDncé  Fannulation  de  l'arrêt  d^un» Gaur 
d'assise»  :  •  Attendu  que  le^  fonctions  di*  président  de  la  Cour 
d'assiseis  ne  peuvent  être  reinplies  que  par  uo  magistrat  au- 
quel elles  ont  été  déléguées  dans  les  termes  de  la  loi  ;  fue 
M.  Poli,  conseiller  h  la  Cour  de  Bastia»  n'a  pas  été  dés^é 
par  le  premier  président,  aux  termes  de  Part.  16  de  la  loi  du 
20  avril  4810,  pour  remplir  ces  fonctions;  qiie  ce  maciaMitt 
appelé  pour  compléter  la  Cour  d'assises,  n'était  pas  le  (Moa 
ancien  des  magistrats  délégués  pour  assister  te  président;  qae 
l'arrêt  attaqué  et  le  procés-verbal  des  débats  ne  font  aucune 
mention  de  l'empêchement  des  conseillers  plus  anciens;  que 
la  composition  des  Cours  d'assises  est  d'ordre  publie  et  ne 
peut  être  modifiée  par  le  seul  consentement  des  magisMts 
qui  en  font  partie;  que,  dans  ces  circonstances^  les  fonotions 
de  président  de  la  Cour  d'assises  ayant  été  remplies  par  un 
magistrat  qui  n^avait  pas  légalement  caractère  à  cet  effets  les 
débats  et  Tarrêt  de  condamnation  sont  frappés  de  nullité  *•  * 
C'est  encore  ainsi  que,  dans  une  autre  espèce,  sur  le  pouryoi 
d'un  autre  accusé  qui  se  fondait  sur  ce  que  les  débats  avaient 
été  présidés  par  un  conbeiller  qui,  dans  l'absence  du  prési- 
dent, n'était  plus  le  plus  ancien  des  assesseurs,  l'annulatioB  a 
encore  été  prononcée  par  un  arrêt  qui,  apr^  avoir  rappelé 
la  même  doctrine,  ajoute  :  «  que,  dans  l'espèce,  il  est  cons- 
taté que  le  magistrat  qui  a  présidé  les  assises  ne  tenait  ses 
pouvoirs  ni  de  la  loi  coumie  le  plus  ancien  des  assesseurs 
désignés,  ni  de  la  délégation  du  premier  président,  mais  exclu- 
sivement du  consentement  des  deux  magistrats  assesseurs, 
ses  doyens,  et  que  le  procès-verbal  des  débats  et  l'arrôl  de 
condamnation  ne  mentionnent  aucunement  rempècbeinentiie 
ces  deux  magistrats  plus  anciens  ;  d*où  il  suit  que  la  Cour 
d'assises  a  été  illégalement  composée,  et  que  les  débats  qui 
ont  eu  lieu  devant  elle  sont  viciés  de  nullité  *•  »  Ou  retrouve 
le  même  principe  appliqué  dans  un  grand  nonibre  d'arrèta»  '. 
YIII.  11  reste  à  fixer,  pour  terminer  ce  qui  coatoarmla 
constitution  du  président,  la  durée  de  ses  pouvoifi. 

[  CsM.  S7  Juin  1844  npp.  M.  Frétean.  Bull.  n.  HU 

•  Casfti  a  ivrii'l  847,  rapii.  M*  Isambert.  BuJl.  il  7*. 
^M    S?*^  *•  Î5^*^  **^''»  *■**?»'•  M.  Isambert  Bull.  n.  109  ;  lî  jtn?.  1838,  rapp. 
îf*i.  "^îi^ji"*":^"^   *""•  «»-l»î«OJ«i".1840,  rapp.  M.   Itamb^^ 
BulL  n.  SiS  ;  Î7  in»i  1851,  à  D^re  im^,  Bm\k  n.  474 1  45  miv.  4855*  rapp^ 
M.  Legagneur.  Bail,  n,  86tJ.  . 


DC  LA   COlirUSlTMN    BCS  COOM    D'ASftlSSS.  §  ^6.  161 

-..  Les  atwes  étent  trimestrielles,  il  s'efisait  que  les  pouYolrs 
àd  ehaqne  président  ne  peuvent  commencer  et  ne  peuvent 
s'ètettdre  au  detà  des  lîmiles  du  trimestre  pour  lequel  il  e>st 
ooiBMé.  Le  premier  trimestre  a  pour  point  de  départ  le  pre- 
pier  jour  de  Tannée  et  pour  terme  le  dernier  jour  du  trM- 
«ème  mois;  le  même  mode  de  computation  s'applique  aux 
trimestres  suivants.  C'est  donc  dans  cet  intervalle  que  chacun 
des  ipialre  conseillers,  qui  président  successivement  les  assises 
d'oD  rodme  département  dans  le  cours  d'une  année,  exerce  les 
poavoirsqui  lui  sont  dévolus;  et  c*est  par  suite  de  cette  règle 
que,  lorsque  le  nombre  ou  la  gravité  des  aiïaires  oblige  k  ou- 
vrir des  assises  extraordinaires  après  la  clôture  des  assises 
ordinffreSy  le  président  des  assises  du  trimestre  est  appelé  de 
dmit,  aux  termes  de  Vart.  81  du  décret  du  6  juillet  1810»  à 
présider  tes  assises  extraordinaires* 

Il  ne  soit  pas  de  là  que  les  pouvoirs  du  président  se  prolon- 
gent nécessairement  pendant  tout  le  trimestre;  ils  expirent 
avec  la  clôture  de  l'assise,  si  le  rôle  des  affaires  est  épuisé»  s'il 
n'y  a  pas  lieu  de  oonvoquer  une  assise  extraordinaire  ;  la  fonc- 
tien  cesse,  en  effet,  dès  qu'elle  n'a  plus  d'objet.  Il  en  résulte 
seulement  que  les  pouvoirs  du  président,  quand  il  y  a  lieu  de 
les  exercer,  ne  peuvent  s'appliquer  que  pendant  la  durée  du 
Irmiestre.  Ainsi,  il  ne  pourrait  ouvrir  les  assises  avant  Tex- 
piration  du  trimestre  précédent,  il  ne  pourrait  présider  losas<> 
siaes  extraordinaires  qui  ne  s'ouvriraient  qu'au  commence* 
iilmt  du  trimestre  suivant. 

Cette  règle  a  été  consacrée  dms  une  espèce  où  le  premier 
président  ayant  convoqué  une  assise  extraordinaire  au  com- 
mencement du  deuxième  trimestre  et  ayant  qualifié  cette  ses- 
sion d'asaise  extraordinaire  du  premier  trimestre»  avait  oru 
devoir  appeler  à  sa  présidence  le  président  de  ce  dernier  tri- 
mestre. Le  pourvoi  de  Tun  des  accusés  jugés  à  cette  session  a 
été  accueilli  :  «  Attendu  qu'aux  termes  de  Part.  359  du  G. 
d'inst.  cr.  les  assises  se  tiennent  tous  les  trois  mois  et  qu'elles 
peuvenlfie  tenir  pins  souvent  si  le  besoin  Texige  ;  qu'il  résulte 
de  la  eombînaiflon  des  art.  16  de  la  loi  du  20  avril»  79  et  81 
da  déc.  du  6  juillet  181 0>  que  les  présidents  sont  nommés 
pour  ifftenue  aes  assises  du  trimestre  entier,  et  que,  parxon- 
ire,  leurs  pouvoirs  cessent  avec  le  trimestre»  hors  le  cas  où  la 
C9or  dL'asuaes»  dkirsen  session,  se  trouve  autorisée  par  Part. 
260  à  continuer  Texpédition  des  affaires  jusqu'à  épuisement 
de  ion  rôle;  que  cet  art.  81  ne  fait  qa*appUquer  ce  principe 

vin.  *« 


JH  décidant  qUe  ^Mm  le  ca>  prévu  par  Forii  H&fi  d'une Mt^roti 
«irtra^rdinaire  d'aasisesy  les  préaidentade  ia derntèra'aflriae 
aont  Domméa  da  droit  pour  présider  Tassiie  eitraordiaaire; 
^ue  ces  deuiL  ait.  8i  et  â&9  suppoaeat  évidemment  b  oaaoù, 
pendant  le  trimestre^  rinsuffisance  de  iaaesfflon  ordiurfre 
oblige  à  recourir  à  une  ou  plusieurs  sessidna  ettraofdtnaires  ; 
qu*eu  ce  casi  Fart.  81  veut  que  le  magialrat  qui  à  préâidé 
l'assise  ocdinaire,  préaide  encore  les  seasio»  aupplémentai- 


résumais  que»  ai  la  session  éitruordinaire ne  ptîil  a^ouvrir 
dans  le  cours  du  trimestre^  les  règlasde  compétence  et  hi  dé- 
marcation des  pouvoirs  s^oppoaeht  à  ce  que  le  pramiet  prési- 
dent puisse,  par  un  simple  changement  de  nom,  en  dmnant 
arbitrairement  à  la  première  aession  du  trimeitro  suivant  la 
qualification  d'assises  estraordibairea  du  précédenltrimesli^e, 
enlever  au  président  choisi  pour  le  trimestre  le  droHde  pré- 
aider uneaessioA  ouverte  pendant  le  temps  pour  lequel  il  est 
délégué;  qu'aussi  telle  n'est  point  la  portée  de  Tart^  fti  ;  que, 
dés  %u'ii  a^agit  d'un  nouveau  trimestre»  il  ne  peut  Aire  besoin 
d'une  sessàon  extraordinmre  qu'après  l'expiratioti)  el  «n  cas 
d'inaulTisaitce,  de  la  session  ordinaire  par  laquelle  ta  uMufe 
méipe  dea  choses  oblige  à  commencer  |  ^^  aitendu^  sur  lu 
durée  du  trimeatrej  que  la  loi  du  90  avril  1819  et  le  règle- 
ment organique  laissent  au  premier  président  de  la  Goor  fa 
faculté  dis  fixer  l'ouverture  des  assises  de  son  ressort  kt^j^mr 
du  trimestre  qui  lui  parait  convemr  le  mieux  è  l'expéditron 
des  affaires;  qu'il  a  sous  ce  rapport  la  plus  grande  latitude^; 
mais  qu  aussi,  par  suite  même  de  cette  variation  forte*' des 
éfK>qucs  d'ouverture  des  aeasioHs,  il  devenait  fmposriiU%dc 
pftuKlre  celte  ouverture  pour  point  de  départ  de  ladurée^des 
tffimestjnes,  sans  quoi  wi  trimestre  aurait  pu  ne  comprendre 
^'uo  ou  deux  moie^  tandis  qu'un  autre  en  aurait  réuni  que*- 
tn^.Oucinq^  ce  <|ui  serakanasiconfraireà  Teaprit  qti'aUiièir- 
mes  de  l'art.  259  et  aux  règles  d'une  tofine  aiarMtatratiéh 
dfla  îuiÉioedeyaBè  une  juridiction  ausai  importante  ;  ifue^tfeHe 
période  trîmesUirile  ne  peut  je  auppuler  régulièrement  et 
itee  le  fixité  néoesnise  qu'en  prenenipour  pomt  dedépahdu 
fiaaaier  trimestre  le  pvemier  jour  40  l'année  et  pour  liriAu  le 
deipier  jour  de  troieième  «mis  et  ainsi  de  suite  pour  ieetri- 
jmateeaauivattis  i<  a 
Ces  règles,  néanmoins,  ne  sont  pas  ^tellement  lAiolttes 

'  CM  f  ao(M  1849.  M.  Lcga%ti«tir,  Bail,  o,  IM. 


DE   LA   CÛHPOSITIO!!  »IS    COCRS    I)*ASSUES.    §   oSQ.  ^03 

S'eUe^D'admettetit  aueanè  exception.  Eld'abdrd)  il  réimile 
i  terme»  de  Fart;  %%0  que,  èi  h  Ckmr  d'aftbisttesi  4«g«Miti 
lafind'wtriiiieitro^  n'a  pas  Apaisé  sdn  rt^leanderifief  jMttfe 
cç^trioieslre^  elle  est  autorisée  à  tatiiihtïéT  ses  is4atf<»»«ii  Mu 
piitaDt  sur  le  trimestre  suivant^  itciigque  lea  asatBes  ne  doifftM 
étr0  eleaes  qa'aprés  i|ue  toute*  les  affaires  <H*imtfiell«»  qui 
étaÎMt  en  état  lors  de  leur  oiiTertdl>e,  j  onï  été  poHéM. 
.  On  a  demandé  ensuite  si  le  président  notnané  t  TavlMice  M 
4oQt  la  aomibalion  a  été  publiée  ne  peut  pas,  même  &¥(lttt 
Kouverture  de  son  trimestre,  procéder  &  des  actes  d'itiHIfitt^ 
tioD  ^pidémeniaiie  Se  rattachant  ftul  BÎMte»  dont  H  pré^Mmi 
les  débats.  U  a  été  reconnu  que  cet  exercice  de  ki  f<Mtetltm^ 
bi^  que  t>réniatuféj  défait  être  permis  dans  riMérèt  du  i^iMT- 
BfliDÎs&ratiôn  de  la  justice,  lorsqu  i)  s'tigit  d'aMeè  d'iHstfoèlMl 
qaî  p0fiireBl  être  urgente  et  qu'il  né  petft  dti  résttlt«r  rafcjHi 
^udice  pour  la  défense.  Ainsi,  uti  pmirtdi^  foftdê  mt  m 
qu'un  présîdem  ayalt  rendu  ùuo  <^doo«a(ieè  tëUdalit  â  p^<^ 
crîre  rimprèasm  et  la  distribittim  d'dtf  ptab  diSs  llm  è  ntlk 
épot|«e  antériemre  à  reorertore  du  trin^sstfe  podr  leqiMf  II 
âTMt  été  nommé  pfésidènt,  a  été  rejeté  t  «  ètlerfdtt  qo«  le 
prégideat  est  ibmti  du  povroir  de  faire  Ibiit  suppléflféit  d'ite^ 
t»i9M»i  d'etitencke  tout  témoin  et  d*ordomfér  fntol»  NidML 
Ifs  qu'il  îuge  nécessaires  pour  la  décodtèfte  de  H  tMti,  dh 
rinstent  où  sa  nomination  est  ptMiééj  podr  tes  aflkfirèi  qtff 
doivent  être  portées  aux  assises  du  trimestre  pour  lequel  il  a 
été  désigné»  et  que,  dès  loriy  il  peut  commencer  Texercice 
de  ses  fonctions  avant  rouférturè  de  ce  trimestre  ^  » 

Mais  ce  sont  là  les  seuls  cas  où  le  président  peut,  en  dehors 
dtt  triiitèstfei;  isite  aete  d'ane  }Citid}etioA  otti  est  èl^fènMe  dini 
k^éraoMle  trimestriellô.  Ainsi,  on  petit  ââmetlré  qu'il  pbiè^c, 
Mtte  là  clôture  de  la  session  ordinaire  et  l'ouvertu^o  d'une 
i^ioi^  extraordinaire  qu'il  doit  présider,  mais  dans  lo  t^ours 
ad  trimestre,  procéder  à  l'interrogatoire  et  recevoir  les  rété* 
lations  de  personnes  qui  ont  été  condamnées  dans  Fassise  or- 
éioaire  qu^tl  vient  de  clore  *;  Mais  dès  que  le  terme  m  tri- 
■Katre  est  rirrité,  îl  n'est  plus  compétent  pont  procéder  i  M 
lelf  actes.  Un  pourvoi  alvaît  été  fondé  sur  cc  que  fe  ôféSiAeAi 
dm  Se  trîÉiestrè,  aprM  évolr  ordoùné  dans  la  coUr^  aé  6èttt- 
mestre,  une  audition  de  témoins,  avait  procédé  ldi*méùtè' JT 

*  Casa.  13  nov.  1856,  rapp.  M.  V.  Foucber.  Bull.  d.  347. 

^  Case,  2$  jaiif  1853,  rapp.  M*  Legagiicur.  Journ,  cri  m,  ^353  p.  36S.    . 


1G4  Ol^S  C0UR6    D  ASSISES. 

Texanien  dé  quelques- uns  de  ces  témoiDs,  après  relpiration 
de  la  session  et  du  trimestre.  Ce  pourvoi  n^a  été  rejeté  que 
parce  que  Taccusé  n'avait  pu  ressentir  aucun  préjudice  de  ccb 
actes  irréguliers;  Tarrèt  déclare^  «  qu'il  est  constaté  que  les 
ordonnances  rondues  par  le  président  des  assises  ne  s'appU* 
quaient  qu'à  une  simple  audition  de  témoins  ;  que  l'informa- 
tion qui  a  eu  lieu  n'a,  en  elTet,  porté  que  sur  cet  objet  ;  qu'il 
ne  peut  en  être  résulté  aucun  grief  pour  Paccusé,  puisque  ces 
témoins,  régulièrement  assignés  aux  débats  et  dont  la  listé  à 
été  notifiée  i  Tavance,  y  ont  déposé  en  se  conformant  aux 
dispositions  de  la  loi,  et  que  l'information  écrite  qui  avait 
précédé  cette  audition  n'a  pu  être  remise  et  en  fait  n'a  pas  été 
reiptse  an  jury  au  moment  de  sa  délibération  ;  qu'il  devient 
dés  lors  inutile  d'examiner  si  le  président  de  la  session  du 
3*  trimestre  avait  encore  compétence  pour  ordonner  l'infor* 
mation  ci-dessus  rappelée  et  y  procéder  * .  »  Ces  derniers  mots 
àà^  Tarrét  peuvent  quo,  dans  Topinion  de  la  Cour,  le  prési- 
dent n'avaH  pu  ni  ordonner  une  information  relative  à  «ne 
«Qaire  qui  ne  devait  être  jugée  qu'au  trimestre  suivant,  ni 
procéder  À  cette  information  quand  Je  trimeptro  où  il  exer- 
'^tv  spi  fonction  était  expiré  ;  le  pourvoi  n'a  donc  été  rejoté, 
malgré  ^e  double  excès  de  pouvoir,  relevé  d'ailleurs  ë'office, 
^ue  pajrce  que  le  demandeur^  n'ayant  pu  en  éprouver  auoun 
l^éjudice,  n'avait  aucun  intérêt. 

S  587. 

.  L.DçftcoDieUlcrs  ou  juges a8sesseurs.*?>^ II.  lear  nombre.  «-  IIL  Gom- 
meDi  ils  ftoDl  délégués  pour  siéger  aux  assises  dans  les  dépar^fneats 
où  s'régs  la  cour.  ^  1Y.  Daus  lesauiresdépariements.  —  V.  Mode 
de  lear  rettmlaeemaiit  «laos  les  départements,  où  réside  h  Gbiir. 

...  -^Tl*  Oats  les  autres  départements.  —VU.  Bifeis  des  iirégiia- 

.  .    rites.  ,  .;  ..  . 

J(.  les  art.  252  et  233  du  C.  d*inst.  cr.  disposent  que  la 
(V>ur  d'assises  est  composée  de  trois  membres.  L'un  de  ces 
membres  en  est  le  président,  et  nous  veuons  d'en  examiner 
Torganisation  ;  il  faut  rechercher  maintenant  ceHe  defii  deox 
^mtres  membres. 

te  projet  du  Code  les  avait  qualifiés  d'assesseurs.  l)dns  la 

i  CiM*  il  Jsavi  Issa.  ripp.  V,  Bro<l«^t).  But?,  n*  SB. 


ne  LA  coMPû^iTiOM  »fi8  cpVRs   D'A»S(flts   §  S87.  ieSi 

f^il^tipfi  du  conseil  d'État,  le  prince  Caoïbacérès  fit  re^ 
ipiiH^er  cette  expression  par  le  ofiotif  «  que  le  mot  assessiurê 
ipiet  une  trop  grande  diDTéreDce  entre  le  président  et  des  juges 
(ffi^  dans  Tordre  coromun,  ne  lui  sont  pas  inférieurs  en  di- 
gnité S  »  Cette  observation  nous  semble  plus  minutieuse 
qu'exacte,  car,  en  réalité,  le  président  se  trouve  fnomentané- 
ment  investi  d'une  dignité  et  d'uneautorité  que  les  deux  autres 
membres  ne  partagent  point  Cette  expression,  est  d'ailleurs 
1res  commode  dans  Texocsé  de  l'organisation  de  la  cour  d'as- 
sises parce  qu'elle  en  distingue  clairement  les  différents  él^- 
roents.  Nous  la  conserverons  donc,  sans  lui  assigner  au  sur- 
|dus  aucune  importance  particulière. 

Trois  points  distincts  doivent  être  examines  au  sujet  des 
juges  assesseurs  :  l''  leur  nombre  ;  2'  le  mode  de  leur  délé- 
gation ;  3*"  le  mode  de  leur  remplacement  dans  les  cas  d'eropè* 
chement 

I.  Le  nombre  des  assesseurs  des  tribunaux  criminels,  cours 
de  justice  criminelle  ou  cours  d'assises  a  plusieurs  fois  varié. 

L'art.  2  du  tit.  II  de  la  loi  du  16-29  septembre  1791  por- 
tait :  «  le  tribunal  criminel  sera  composé  d'un  président  et 
de  trois  juges.  »  L*art.  266  du  C.  du  3  brum.  an  iv  modifia 
œ  nombre  :  «  le  tribunal  criminel  est  composé  d'un  président, 
de  quatre  juges  pris  dans  le  tribunal  civil...  ^  La  loi  du  27 
ventôse  an  viii  dispose  k  son  tour  :  *  art.  9k.  Ils  (les  tribu- 
naux criminels]  seront  composés  d'un  président,  de  deux  juges 
et  de  deux  suppléants.  ArL  36.  Les  jugements  du  tribunal 
criminel  seront  rendus  par  (rots  juges.  »  Les  art.  252  et  258 
du  C  d'inst.  cr.,  reprenant  la  disposition  du  Code  des  délits 
et  des  peines,  décidèrent  que  les  assises  seraient  tenues  «  dans 
lé  département  où  siège  la  Cour  impériale,  par  cinq  de  ses 
membres,  dont  l'un  sera  président,  »  et,  dans  les  autres  dépar* 
temeuts,  par  un  membre  de  la  Cour  et  «  quatre  juges  pris 
parmis  les  présidents  et  membres  plus  anciens  du  tribunal  de 
1'*  instance.  »  Enfin,  la  loi  du  h  mars  1831,  reprenant  à 
soÉi  tour  rart.  36  de  la  loi  du  27  ventôse  an  Tin,  a  réduit  à 
trois  le  nombre  des  membres  de  la  cour  d'assises ,  qui  se 
trouve  ainsi  composée  désormais  du  président  et  de  deux  as- 
sesseurs. ' 

Cette  dernière  modification  a  suscité  plusieurs  critiques, 
OH  H  jMétendtt  qu'elle  est  en  contradiction  avec  té  système 

«L€Ci^XXV,iHA3d. 


106  DIS  C0UK8  D'ASSiSEi. 

général  de  notre  Ii^gislatîon  ;  que  ce  syslëme  est  que  le  nom- 
bre des  membres  des  tribunaux  s'élève  en  raison  de  Timpor- 
Mvc^  des  affaires  qui  leur  sont  attribuées  ;  qae  cette  grada- 
tion se  fait  remarquer  dans  les  justices  de  paix,  les  tribunaux 
de  première  instance,  les  cours  d'appef  et  la  cour  de  cassa- 
tion ;  qu'il  est  bizarre  que  les  chamores  correctionnelles  et 
les  chambres  d'accusation  des  cours  impériales  ne  puissent 
siéger  à  moins  de  cinq  memlîres,  ^t  que  les  cours  d^àssises, 
qui  ne  sont  réputées  qu'une  sectioq  de  ces  cours,  puissent 
siégera  trois  seulement.  On  ajoute  que  cette  anomalie,  loin 
de  fortifier  la  justice  pénale,  tend  à  rafbibtir  ;  que  les  attri- 
butions des  juges  des  assises  sont,  en  effet»  considérables; 
qu'ilfl  ne  se  bornent  pasi  rappitcatioh  littérale  de  la  peine, 
qu'A  prononcent  sur  tous  les  incidents  des  débats,  sur  tes  et- 
cffitiÀns  préjudtdelles,  sur  la  position  des  questions,  qu^ls 
connaissent  indirectement  des  faits,  soit  en  statuant  sur  les 

Suestions  Subsidiaires  proposées  par  la  défense,  sojt  çi^  d^la- 
înt  si  tes  déclarations  du  jury  çont  complètes  et  claires,  soit 
en  appréciant  s'il  y  ^  lieu  d'abaisser  la  peipe,  au  cas  de  cir- 
constances attcpuantes  reconnues,  d'un  ou  de  deu^i  degrés, 
spjt  enfin  en  prononçant  su^*  les  dqromagesrîntérèts  dçs  par- 
ties ;  que,  pouç.  une  si  haute  fnission»  trois  jqges  n\r\i  jifisufl^- 
9ants;  qu'ils  ne  donnant  p^  la  garantie  d'une  dit^cubsipn 
sérieuse  et  laissent  une  trpp  g^rande  part  à  l'in^^ènce  pré- 
sidentielle. 

H  est  facile  de  répondre  à  ces  critiques.  On  ne  nie  pa|s  que 
*Ie  non^bre  açluel  des  n;]em|)res  de  là  cour  d'assises  puissfi  pa- 
raître une  ai^oma lie  dans  notre  organisation  judic*f9iire  ;  i^ais 
éettç  anomalie  n'existe  que  pour  ceux  qui  prétendent  fippU- 
(jucr  h  cette  juridiction  des  régies  qui  ne  peuYei|;i\t  CQUC^^çr 
que  les  jurîçlictions  permanentes.  A  ces  juridictions,  il  iauti|n 
dpmbre  considérable  de  juges  ;  c'est  là  ce  qui  fait  leur  force  et 
feur  ^igoité.  Mais  iln>p  ç^t  p\us  aîusi  dans  Ie9  assises  où  les 
yêritables  juges  ne  sont  pas  les  ^ugesi  pefn^anenls,  mais  les 
jurés.  Les  magistrats  m  ^iennçnt  siéççr  à  cété  ^*eux  que  pour 
diriger  les  débats,  conduire  leurs  délibérations  et  faire  à  IcMrs 
déclarations  Tapplication  des  lois.  Leurs  fonctiooj^  ne  çont 
donc  que  secondaires  et  en  quelque  sorte  subordonnées  :  c'est 
'?  WS?  9S*>  PTonpnça  so.^Yera^iwiept  ^m  l'^qsetidft.  Com- 
mçi[ij'*dpnc  trouvçr  i^m  ^^a^lpçiç  ^ntre  ec^te  jucÂdictiçn  tepi- 
poraire  et  composée  d^élémentis  divers  et  les  chambres  d*ac- 
cusation  et  de  police  correctionnelle  qui  prononcent  i  la  fois 


>C  U  COHK>SITiail   AU  iOlIftft  »*4ft&I«E8.  S  587.  I#7 

comme  jugea  et  comme  jurés? II  est  vrai  que,  dans  Fesprit  do 
législatour  de  1810,  et  nous  rayons  remarqué,  les  assises 
élaient  réputées  une  section  de  la  Cour  impériale  :  cette  régie 
aièit  été  posée  oomme  une  sorte  de  frein  imposé  au  jury  qui 
n'avsjt  triomphé  qu'avec  effort  è  cette  époque  des  répugnant 
C9S  dont  il  était  l'objet;  on  avait  voulu  rattacher  les  assise» 
âla  Cour  impériale  pour  en  faire  rayower  l'autorité  sur  elles. 
Ce  lien  étroit  a  été,  non  pas  brisé,  mais  du  moins  relâché  par 
h  loi  du  4  mars  1831  qui  est  venue,  animée  d'un  autre  esprit 
que  celui  de  la  lot  du  30  avril  1810,  raffermir  r'mdépendancé 
du  jury«  Cette  indépendance»  eu  effet,  était-elle  co9iplèt« 
quand  une  Cour  nombreuse  siégeait  è  céié  des  jurés  et  les 
feiiait^  pour  aiqsi  dire,  k  l'ombre  de  sa  majesté?  Ne  pouvaient* 
ils  pas  se  crqire  dans,  une  condition  d'infériorité?  n'était^ii 
pM  à  craindre  que  la  ligne  flexible  qui  sépare  le  Riit  et  le  droit 
n'inclinât  du  c6té  d*une  Cour  qui  réunit  la  science  k  Tautorité 
et  qui  est  disposée  è  croire  tous  ses  emmétementa  légitimes 
parJBf  qu'elle  les  croit  utiles  i  Tintérèt  judiciaire?  La  loi  nou^ 
Vf  Ile  a  voulu  affrandiir  le  jury  de  l'ipiluence  magistrale  et  le 
relever  avec  plus  d^éclat  :  le  moyen  le  plus  s&r  était  de  dimi- 
nuer rimportance  de  la  Cour  en  réduisant  le  nopnbre  de  ses 
membres*  Est*il  vrai  que  ce  nombre  soit  insuffisant?  Il  faut 
se  rappeler  d'abord  que  lorsque  le  nombre  de  ci^q  fn^  fixé»  la 
.loi  permettait,  dans  le  cas  prévu  par  l'art.  351  du  C.  dHnst» 
Cf.,  à  la  Cour  d'entrer  dans  Tappreciation  des  queslioaa  de 
(ait  ;  il  y  avait  donc  nécessité  de  constituer  cette  juridiction  ea 
nm^  des  pouvoir  étendus  qu'elle  exerçait  alors.  Cette  fMtri- 
butioa  ejitraordinaire  ayant  dispari^  et  lacom^lenoe  des  jti« 
ges  ayai^  été  &  peu  près  enfermée  dans  les  limite?  du  droiCU 
0*]  avait  plus  de  motifs  de  les  maintenir  au  méaif  PPinbr^r 
lia  sf^i  encore  à  la  vérité  investi^  du  droit  de  statuer  aur  If9t 
exceptions,  sur  la  position  des  questions,  sur  l'appUcatiQp  ie$ 
p^qes  et  sur  les  réparations  civiles.  Mais  ils  ne  pconooceatmir 
touace^  points  qu'à  la  suite  des  débats  les  pluscasxpltfietloa 
l^us  lumineux,  et  sous  l'influence  des  impressions  qu'ils  re- 
(Cillent  dans  le  jury.  Un  seul  juge  suffit  k  cette  tAcbe  eu^a* 
glelerre.  Comment  trois  juges  n'y  suffiraieiUrilspaslQu^si 
d'ailleurs  ces  demièrûsàttributiona  semblent  trop  pesante^^i  ii 
ea  est  peut*étre  quelques-une^  que  h  loi  pourra  quelque  jouf 
circonscrire»  comme,  par  ex/ç;mple,  le  pouvoir  d'arbitrer  nom 
le  taux  de  la  peine,  mais  sa  nature  ou  de  fixer  le  droit  à  des 
donimngcs-intéjcHs  Mai$  ce  qui  importe  ^Was  tous  ks.  cas, 


iùé  BE8  COUft^  D*A89lf  ES. 

c'cM  de  ootusever  au  jury  son  îadépendaKoe  et  son  noloritév  et 
c'est  là  l'œuTre  inoontestftbte  de  la  loi  du  k  raah*s  i  831. 

L'art.  98  du  décret  du  6  juillet  1810  porte  que  «  dm»  iw 
lieux  où  réside  la  Cour  împériaie^  la  chambre  civile  que  pré- 
side lepenier  présidenl  se  réunira  k  la  Ck>ur  d^assises  pour 
le  débat  et  le  jugement  d'une  affaire  lorsque  notre  procvreut 
général,  è  raison  de  la  gravité  des  eirconstanees,  en  mra  tûL 
1»  réquisition  aux  chambres  assemblées  et  qu'il  sera  intenfeim 
arrêt  conforme  è  ces  conclusions.  »  Il  nous  parait  que  cetls 
disposition  tenait  à  un  système  que  la  loi  du  4  mars  18S1  a 
fait  disparaître  :  à  la  Cour  d'assises,  constituée  comme  une 
chambre  de  la  Cour  impériale,  elle  a  substitué  trois  jiiga  seu- 
lement; or  les  trois  juges,  quoiqu'ils  n'aient  pas  cesaé  d'ap* 
partenir  è  b  Cour  dans  les  lieux  ra  elle  réside<,  ne  peuvent  plus 
être  considérés  c<»nHie  une  section  ordinaire,  puisqu'ils  ne 
sont  plus  en  nombre  suffisant;  il  n'y  a  donc  plus  lieu  d'inw» 

2uer  une  disposition  qui  suppose  la  réunion  de  deux  sections. 
Tailleurs  cette  réunion,  qui  donnerait  k  la  Cour  des  propor* 
tions  égales  k  peu  près  au  jury , est  visiblement  contraire  à  l'es- 
prit de  la  loi  qui  a  voulu  assurer  la  souveraineté  du  jury. 

La  règle  prescrite  par  la  loi  du  4  mars  1831  est  au  surplus 
absolue  et  n'admet  aucune  exception.  Elle  touche  à  la  eoa* 
stitutîon  des  juridictions  et  il  n'est  pas  permis  d'y  déroger. 
Toutes  les  opérations  d'une  cour  d'assises  seraient  nécessai» 
rement  annulées»  si  elle  était  composée  de  plus  de  trois  jm^ 
ges,  sauf  les  juges  supplémts  ' . 

m.  Quel  est  le  mode  de  délégation  des  assesseurs  ?  Avant 
notre  Gode,  ils  étaient,  de  même  que  le  président,  simplement 

'  puisés  dans  les  tribunaux  criminels  qui  siégeaient  au  cneMieu 
de  chaque  déjpartement.  Depuis  sa  piomutgation,  le  mode  de 
délégation  ditTère  suivant  que  les  assises  se  tiennent  au  chef- 
lieu  des  cours  impériales  ou  dans  les  autres  départements. 

Dans-le  chcMicu  des  Cours,  ce  mode  est  le  même  qu'à  Tê^ 
gard  des^  présidents.  L'art.  252  du  C  d'inst.  cr.  porte  que 
«  dans  les  départements  où  siègent  les  cours  impériales,  les 

'  assises  seront  tenues  par  trois  des  membres  de  la  Cour,  dont 
l'un  sera  président.  »  L'art.  16  de  la  loi  du  20  avril  1810  dé- 
clare que  «  le  premier  président  noniniera  les  conseillers  qui 
devront  assister  le  président  aux  assis*  s  dans  lesi  lieux  où  siège 
la  cour  impériale.  »  Le  mente  article  ajoute  que  c  le  niints* 

<  Cascf.  2S  avril.  iSSl.  rapp.  M.  Gaiilttrd.  J.  P»,  U  XXIII» 


DC  LA  COlPOflTTION    »K9    COUBS    11' ASSISES,   f   ^"^  '  '^ 

tèfle  de  la  justice  pourra  néanmoins  dans  tous  ies  cas  nommer 
)e8  présidents  el  ka  ooDFeillers  de  la  Cour  qui  derront  tenir 
lesassises.  »  Enfin  l'art.  83  du  décret  du  6  ioillet  1810  dia^ 
pose  «  que  les  noroinalions  des  conseillers  qui  devront  tenir  les 
assises  seront  faites  de  la  manière  et  à  l'époque  détemiiiiéea 
pour  les  nominations  des  présidents.  » 

Les  observations  que  nous  avons  eipriméessur  le  mode  de 
Domination  des  présidents  d^assises  s'appliquent  naturelle-^ 
ment  ici*  Le  législateur  de  1810  a  voulu  que  les  assesseura 
comme  le  président,  au  lieu  d'arriver  aux  assise^  par  le  ré^ 
sultat  d'un  roulement  régulier,  n'y  siégeassent  qu  en  ver* 
tu  d'un  choin  spécial.  Nous  ne  répéterons  pas  ce  que 
Doas  avons  dit  à  ce  sujet  :  il  est  évident  que  œ  mode 
de  composition  ne  présente  point  les  garanties  que  toute 
juridicUon  doit  réunir.  On  peut  alléguer  en  faveur  de  la 
délégation  du  président  que  ce  magistrat  doit  posséder 
des  qualités  particulières  qui  expliquent  une  désignation  spé- 
ciale ;  mais  ce  motif  n'existe  plusTis*à'Vis  des  assesseurs  qui 
ne  font  qu'assister  le  président  et  dont  les  fonctions  sont 
d'ailleurs  très  restreintes  ;  il  semble  donc  que  la  prévoyance 
de  la  loi  s'est  montrée  à  cet  égard  excessive.  On  doit  ajouter 
au  reste  qu'en  général  le  ministre  de  la  justice  n*a  point  usé 
de  cette  prérogative  et  que  les  deux  conseillers  assesseurs , 
dans  les  Ûeux  ou  réside  la  cour  impériale,  aont  exdusÎTe- 
roenl  désignés  par  le  premier  président. 

Ce  magistrat  ne  pourrait  déléguer  ce  pouToir  au  président 
deJa  cour  d'assises  :  c'çstun  pouvoir  personnel  qu'il  doit  exer- 
cer» suivant  les  inspirations  de  sa  conscience  et  de  ses  lumières 
dansTmtérêtde  la  bonne  administration  de  la  justice.  Il  a  été 
décidé  dans  ce  sens  :  «  qu'aucune  loi  n'autorise  le  premier 
présiffent  à  déléguer  les  attributions  qui  lui  sont  personnel- 
lement et  spécialement  confiées  à  des  magistrats  autres  que 
ceux  dontrart.2du  décduSOmars  1808  et  l'art.  40  du  déc. 
du  6  juin.  1810  contiennint  la  désignation  ;  que  lés  fonctions 
du  premier  président,  lorsqu'il  se  trouve  absent  ou  empêché^ 
sont  dévolues  au  magistrat  investi  provisoirement  par  ces  ar- 
ticles do  caractère  et  de  Tuffice  de  chef  de  la  Cour  ;  dès  lorsque 
la  délégation  reçue  par  le  pi  ésident  de  la  Ck)ur  d'assises  de  .la 
Seine^  à  Peffet  de  désigne  r  les  conseillers  qui  seraient  appe- 
lés à  remplacer  les  assesseurs  légitimement  empêchés»  n^a  pti 
valablement  lui  donner  ce  pouvoir  ^ 

'  Cas.  3  août  186i.  ffp,  M.  Rites.  Bvil.  n.  94S. 


170  DES  COCU  D*AJ58I8BB« 

lY.  Dans  les  autres  départements  que  ceux  où  siège  une 
cour  impériale  les  assesseurs  peuvent  être  pris  soit  parmi  les 
conseillers  de  la  cour,  soit  prmi  les  membres  du  tribuolil 
du  lieu  de  la  tenue  des  assises.  Les  différente^  modifications 
qu*a  subies  la  loi  n^ont  point  altéré  cette  première  règle  ;  elles 
n'ont  eu  trait  qu^au  mode  de  désignation  des  assesseurs. 

L'art.  253  du  Gode  de  ISlOportait  que  ;  «  dans  les  autres 
départements,  la  Cour  d^assiscs  sera  composée  l^d'un  mem- 
bre de  la  Cour  impériale  délégqé  è  cet  effet... 2®  de  qiiatreju- 
ges  pris  parmi  les  présidents  et  juges  plus  anciens  du  tribunal 
de  1"  instance  du  lieu  delà  tenue  des  a$sises,aL'art.S54  i^ou- 
tait  :  «  la  Cour  impériale  pourra  cependant  déléguer  un  ou 
plusieurs  de  ses  membres  pour  compléter  le  nombre  de  qua- 
tre juges  de  la  Cour  d'assises.  »  L'art.  16  de  la  loi  du 80  avril 
1810  déclarait  en  même  temps,  comme  une  conséquence  de 
ce  dernier  article  que  le  premier  président  <<  nomm^ait  pa* 
reillement  les  conseillers  de  la  cour  qui  devront  avec  le  pré- 
sident, tenir  les  asi^ises  dans  les  départements,  lorsque  ta  cour 
jugera  convenable  d'en  envoyer.  »  Le  ministre  dé  la  justice 
pouvait  dans  le  même  cas  exercer  le  même  droit.  Ainsi  ie^ 
assesseurs,  3*ils  étaient  pris  parmi  les  conseillers  pour  les  as* 
sises  autres  que  celles  du  cheMieu,  étaient  délégués  par  lit 
Cour  impériale  et  désignés  soit  par  le  mfnistre,  soit  par  let 

Eremter  président  ;  s'ils  étaient  pris  parmi  les  membres  du  tri- 
uiial,  la  loi  les  désignait  elle-même,  c'étaient  les  présideots 
et  les  juges  les  plus  anciens. 

La  loi  du  4  mars  1 834  -vint  remanier  le  texte  des  art.  S59 
et  254.  Elle  déclarait  que  «  dans  les  autres  départements,  U 
cour  d'assises  sera  composée...  2*  de  deux  juges  pris  soit 
p^rmi  les  conseillers  de  la  cour  rojale.  lorsque  celle-ci  ju« 
géra  convenable  de  les  déléguer  k  cet  effet,8oit  parmi  les  pré- 
sidents oujuges  du  tribunal  de  i'*  ipstaocediilieu  de  la  tenue 
des  assises.  » 

On  voit  d'abord  que  cette  loi  n'apportait  aucune  modlflca- 
tion  relativenentà  la  délégation  facultative  des  conneitterMS^ 
sesseurs.  Ce  premier  poipt  a  é^é  reconnu  par  un  arrêt  qjui  dé** 
clare  :  «  ^ue  la  loi  du  4  mars  1831  a  eu  seulement  pour  ob« 
jet  de  réduire  è  trois  au  lieu  de  cinq,  le  nombre  des  ju^esdlofit 
les  Cours  d^assises doivent  être  composées;  qu^en  ce  qàteoe- 
cerne  la  nomination  des  présidents  et  dés  conseillers  asses- 
seurs, soit  dans  le  lieu  ou  siège  la  Cour,  soit  dans  les  autres 
départements,  cette  loi  ne  eontîeat poîm  de  àspositiona  mm- 


DE  LA  COMMSITHm    IIS  COVftS  b*ASSISBS.   §    S87.  171 

fdhif  ^  qae  la  dlélég«lion  permise  aux  Gonrs  par  l'aTt.  253 
Pelait  iléjà«tldiiia  (es  mèines  lernies,  par  Part.  SS4  aujoar- 
à^hm  abrogé }  qu'elle  doH  Mrei  entendue  de  la  même  manière 
atnepeiilpaaprodotredes  effets  différent$;  que  la  nomina- 
tion <9a  présidents  et  des  eonseîHers  assesseurs,  rentrant  dans 
les  actes  dVdminiftratfon,  demeure  donc  réglée,  comme  elle 
Pétait  auparâni^nt,  par  la  loi  orp^amque  du-SO  avril  1810  ; 
fp'ii  n'y  a  été  apporté  aucune  dérogation,  et  qu^ainsi  les 
premiers  pfésidents  ont  le  droit  de  blre  ces  nominations  lors- 
i|a^allesDe  l^nt  pas  été  par  le  minière  de  la  justice  '.  » 

La  dHficuUé  parait  plus  gmve  relativement  à  la  délégation 
fcs  juges  d^  i**  instance.  On  a  vu  que,  d'après  l'ancien  art. 
8M,  la  Cour  d'assises  était  composée  de  quatre  assesseurs 
|iris  parmi  les  pré&ideYits  et  juges  plus  anciens  du  tribunal. 
Ainsi,  c'étaient  les  présidents  d'abord  et  ensuite  les  juges 
les  plus  tMiens  qui  entraient  de  plein  droit  dans  la  composi- 
tion de  Ut  Cour  d'assises.  La  désignation  de  ses  membres  se 
(rouvail  faite  pi|r  M  Iqî  ;  nulle  autorité  n'avait  k  s'en  occuper, 
fio  flM)dQ  d#  procéder  était-il  changé  par  la  loi  d^  4  mars 
iS3i  7  D'après  le  texte  de  cette  loi,  la  Cour  d^asslses  se 
trouvait  ^mpf>sée,  outr^  le  président»  de  deux  juges  pris 
parmt  les  présidents  et  juges  du  tribuml.  Cette  nouvelle 
jfédae^ja^y  dfifis  laquelle  le|  conjonctipa  et  a  été  remplacée  par 
la  di^nçt^ye  ou^  et  qui  ne  reproduit  pas  ces  mots  :  les  pl^s 
at^ia^,  prpuvait-ellc  que  rintçntiopdi;  législateur  a\aît  été 
que,sapsfi\Qif  égar^  a  Tordre  hiérarchiquo  ou  M'anciecineté, 
^  jugea  ^  !a  (49.vtrd*^s^j|Ses  fussent  indistinctenient  pris  pfir- 
mi  les  qien^hre;  4m  ti'ibvitis^]  ?  Ls\  Cour  de  cassation  n'avait 
pas  ^piis  ee^le  interprétation;  ellç   avait  déclaré  par  un 
sft^y  if^i  doipeurera  i^n  monument  remarquable  de  ^  juris* 
jur^4etM««  «  qVe,  d'après  ks  art*  253  et  264,  o^ême  avec  la 
réd|etiçin  nouvelle  que  leur  a  donné  K^rt.  2  4^  la  loi  du 
i[  j^ir^  1891,  les  jii^es  composant  les  Cours  d'assises  dans 
\ç^  dép«r^n[lep^  av^rçs  que  celui  où  siège  I^  Cour,  doivent 
^  pria  FAnçii  1^  ni^oQ^rça  du  tribunal  ifi  V*  instance,  en 
npiwt  rcu[dre  du  tableau  ;  qii'en  eOet,  Tart.  253  appelle 
jeaprèskîeQts  avç^t  les  juges  et  Tart.  264  appelle  à  défaut  de 
M^  Iftf,  s]iji|^,(i|léanta  ;   que  cç  mode  4e  procéder  est  con- 
\»mç.  9px  n^ii;^:ipea  géoér^u^  de  notre  organisatiop  jijdî- 
daire;  que  le  changement  do  rédaction  cflectuépar  la  loi  de 

<  Casik  a  eew  MM»  lapp,  BK  Srsfioi.  Bulk  a.  SSIb 


1 72  Des  COITftS  D*AftSlSBS. 

1831  peut  d'aulant  moins  être  considéré  comme  Qne  (irettve 
de  la  volonté  d*innovercn  cette  partie,  que«î  f'on  emvoDta 
substituer  à  la  désignation  de  la  loi  un  choix  spéeM;  On 
n'aurait  pas  manqué  de  déterminer  dequelie  manière  ee  Aàoi 
serait  fait;  que  le  service  des  Cours  d'assises  dont  il  8*agitdoit 
donc  continuer  de  se  faire,  depuis  la  loi  de  1831 ,  eommeil 
se  faisait  auparavant,  c'est-à-dire  que  les  pr-miera  ioserits 
surle  tableau  doivent  siéger  toutes  les  fois  qu'ils  n'en  sont  pas 
empêchés,  auquel  cas  ils  doivent  être  remplacés  par  ceux  qsi 
les  suivent  immédiatement,  et  rlns;  de  suite,  en  deseendant 
aussi  loin  qu'il  est  nécessaire ,  et  même  jusqu'aux  sup- 
pléants, s'il  y  a  lieu  ;  qu'il  n'appartient  dés  lors  à  qui  que  ceMit 
de  faire,  pour  assurer  ce  service,  une  désignation  qui  résulte 
delà  loi  même  '.  » 

Telle  est  l'organisation  que  la  loi  du  21  mars  1855  est 
venue  détruire.  Celte  loi  dispose  que  «les présidents  ou  juges 
du  tribunal  de  1'^  instance  du  lieu  de  la  tenue  des  assites, 
appelés  à  faire  partie  de  la  Cour ,  seront  désignés  par  le  pre- 
mier président,  qui  prendra  préalablement  l'avis  du  procu- 
reur général.  Ces  désignations  seront  faites  et  publiées  selon 
les  termes  et  dans  les  délais  déterminés  par  les  art.  79  et  80 
du  décret  du  6  juillet  1820.  » 

Le  législateur  a  donnée  cette  loi  nouvelle  deux  principaux 
motifs  :  d'abord,  qu'il  était  nécessaire  de  soumettre  à  une  rè- 
gle uniforme  la  composition  de  la  Cour  d'assises,  laquelle  se 
recrutait  suivant  l'usage  des  localités,  tantôt  par  la  désigna- 
tion du  président  du  tribunal,  tantôt  par  celle  ou  tribunal  lui- 
même  en  assemblée  générale ,  tantôt  enfin  par  Tandenneté, 
que  les  empêchements  rendaient  trop  souvent  fictive  ;  ensuite, 
que  la  régularité  de  l'administration  judiciaire  exigeait  comme 
un  corollaire  de  la  régie  posée  par  l'art.  16  de  la  loi  du  20 
nvril  1810,  que  le  premier  président  qui  désigne  les  assesseurs 
de  la  Cour  d'assises  du  chef-lieu  de  la  Cour  impériale  les  dé' 
signât  également  dans  les  autres  départements.  Le  premier 
de  ces  motifs  révélerait  que  la  loi,  dont  le  sens  avait  été  fixé 
dans  les  termes  les  plus  précis  par  la  jurisprudence ,  n^était 
pas  généralement  observée  :  l'ordre  du  tableau  était  éludé 
par  des  désignations  arbitraires  ou  des  empêchements  simulés. 
Etait-ce  là  une  raison  assez  puissante  pour  changer  une  règle 


*  Cass.  i5nars  iaA5.  repp.  M;  Viacens-St-Laurent.  Bull.  a.  101, 


D£  LA  C011PÛS1TM9I  »I8    C0UB8    D*A8SISIS.    §   î>87.  173 

ifiélêii  bonne  en  soi?  &Uiùil  impossible  d'eu  exiger  U|ie 
«pplicilionplvs  exacte  ?  Une  cifculaireou  un  règlement  n'eût- 
il^  suCB  à  eette  tâche? Peut-être  ia  jurisprudence  doit-elle 
le  laprodfteir  d*aToir  adws  trop  facilement  des  présomptions 
d'empêchements  qui  allaient  è  rendre  toute  com|H>sition  ?a<- 
iabte((|iielie.  quelle  (ut  :  une  interprétation  plus  rigoureuse» 
fttioiposfttot  robligation  de  ooostater  les  infractions  à  Tordre 
du  tableau,  eut  assuré  rcxécution  de  cette  régie  et  éloigné 
dèsi-lors  la  pensée  d'une  innovation  devenue  iaulile^  Le  se- 
cond  motif  fait  sortir  du  droit  du  premier  président  une  coo- 
fiéipeace  un  peu  inattendue  :  on  comprend  que  ce  magistrat 
puisse  désigner  les  assesseurs  des  assises  du  chef-lieu  de  la 
Cour;  ces  assesseurs  sont  des  membres  de  la  Cour  impériale 
et  il  lui  appartient ,  è  défaut  d'un  roulement  régulier ,  de 
régler  le  seivice  de  la  cour  qu'il  préside.  Mais  comment  in- 
duire de  là  qu'il  puisse  étendre  le  n»éme  pouvoir  aux  tribu- 
naux du  ressort  ?  Est-ce  que  chaque  compagnie  ue  régie  pas 
elle-même  son  service  et  ne  procède  pas  au  roulement  de 
ses  membres  avec  la  même  indépendance  que  la  Cour  ?  Est-H^ 
que  quelque  disposition  de  loi  attribuait  jusque-là  au  premier 
président  le  droit  d  intervenir  dans  la  distribution  des  mem- 
bres de  chaque  tribunal  entre  les  différentes  chambres?  On 
a  dit,  il  est  vrai,  que  chaque  Cour  d'assises  est  considérée 
Gomn^e  une  section  de  la  Cour  impériale,  et  c'est  sur  celte  fic- 
tion on  peu  affaiblie  par  la  loi  du  4  mars  1881»  que  se  fonde 
la  nouvelle  attribution  du  premier  président  Mais,  cette  règle 
admise,  s'ensuivrait-il  que  le  premier  président  eut  le  droit 
de  composer  cette  section  comme  il  l'entendrait  ?  s'en  suivait* 
il  qu^il  pût  appeler  les  juges  à  y  siéger  autrement  que  par 
ordre  d'ancienneté  ou  par  un  roulement  régulier  ?  Et  puis, 
pourquoi  cet  avis  du  procureur  général  pour  choisir  des  juges  ? 
cette  intervention,  que  la  loi  du  20  avril  1810  n'avait  pas 
admisCi  ne  constitue- t-elle  pas  en  faveur  de  la  partie  pour- 
suivante une  influence  exhorbitante  sur  la  composition  de  la 
juridiction  ?  Le  principe  posé  par  le  code  de  1810  et  maintenu 
par  la  jurisprudence  nous  semblait  préférable.  Quelque  im- 
partial et  éclairé  que  soit  le  choix  do  premier  président,  c'est 
toujours  un  choix  :  ne  valait-il  pas  mieux  laisser  la  loi  faire 
elle-même  cette  désignation  ,  désignation  impassible ,  qui 
était  placée  au-dessus  de  toutes  les  influences  et  qu'aucune 
circonstance  ne  pouvait  changer,  désignation  qui  no  trouvait 
peut-^tre  pas  toujours  les  mémos  qualités,  mais  qui  assurait 


174  DES  COUES  d'a«8ISE8. 

^t  manifestaii  âu  plus  liaui  degré  id  complète  hidëp«nd&nee 
de  la  justice  ? 

Le  premier  président  foit  connaître  tes  jugéftiqîi'H  a  dMî^ 
gnés  par  rordonuànoe  qui  fixe  TépoqUë  dé  roUtérittirë  de 
t'Msiae  où  ils  doivent  siéger  :  cette  ordonndboè  déit  èlW  pii^ 
bliée,  ainsi  qu'on  Ta  déjà  yu ,  le  dixième  jotit  ail  ptds  tftnl 
aptes  la  clôture  de  Tassise  ordtnafrë  du  pfèeédent  MilHtttrè  *. 

V.  Lé.  loi  a  prévu  les  cas  d*empèchcment  des  assesseurs 
comme  elle  a  prévu  ceux  du  président. 

Il  faut  distinguer  encore  ici  enite  les  assises  do  ehef-'lieu 
de  la  Cour  impériale  et  celles  des  autres  départements*  Les 
formes  du  remplacement  dans  cel  deuK  hypothèses  ne  sont 
pas  les  mêmes. 

Dans  les  assises  du  chef-lieu,  les  remplaoemmifts  sont  régMs 
d*abord  par  Tarticlc  16  de  la  loi  du  30  avril  1810,  ettsUhë 
par  Tart.  Mkd\x  G.  d'insr.  cr.  ainsi  conçu  t  «  les  jti^il«  id 
(lour  impériale  seroQl,en  cas  d*absencefou  de  tout  ifut#ë  eifi- 
pèchemeiit,  lemplacés  par  d'autres  juges  de  la  m«më  OMt,  et 
à  leur  défaut,  par  des  juges  de  première  mstancèi  eëttx  de 
première  instance  le  seront  par  des  suppléants.  > 

Cet  article  n'a  point  été  inodifié  par  la  loidd  21  mars  I89S, 
qui,  comme  ou  le  verra  toulàTheurc,  à  inlroJnit  nhnoutëàa 
mode  de  remplacenfient  dans  les  autres  déi]iaHements.  Li  loi 
du  ai  mars  18S&,  moditicëtivè  de  l'art.  S53  du  G.  d*ldst.  tt, 
n'Mt  applicable,  ainsi  que  Tindit^ue  formeHetfrent  jnfiiMftë, 
4«0  dans  les  déptirtemento  éiiiHs  (^ue  teui  du  èhcff^ltëii  des 
Cours  impériales  *  ;  et  II  a  été  jugé  en  conséquence  i{iUi  Taffr- 
ptîeation  deoette  foi  aux  assises  duchéf-lieu  Viéraiifèui^  ébtiï- 
position.'  L'annulati(m  a  été  prononcée  :  a  attendu  ^ùérilfrâ 
Attaqué  a  été  re«d«i  pur  ta  Cour  d'assises  de  Mainè-ét^Léttè, 
e'est  è  dire  au  siège  iiTfèmèdê  laCouf  impériale  û'Ah^èis-^iié 
ke  att.  96»  et  i«k,  MuquOê  H  A'a  été  nUltènient  dérc^  pët 
M  toi  du  ai  mars  1656,  ont  conservé fôree  et  V^ufeurét^ù'îU 
doivent  servir  de  règle  podr  là  désignation  dès  diagist^irt^  ap^ 
pdésà  suppléer  les  ossiessM^s  Èiome^itatiétirent  enf^éè&és^ 
qu'en  procédant  piAt  tuHméfftè  et  par  toie^  d'otddMaMée  m 
rewiplaeement  de  Tm  des  assesseurs  par  Pan  des^  coftséMIers 
do  la  Cour,  au  lieu  d'en  référer  au  premier  président  dild'é(|)M 

*  Dée.  S  juiilt  1810,  art.,  79  et  80. 

sctis,  29  noY,  1855»  à  notre  rapport*  Insii  cr.  iaSG,  p.  6fi 


I»B   lA    COVPO&ITIOX   DE<;    CXKM    fi*ASSISES<    $    587.  i7S 

piler  ÏQ  conseiller  ie  plus  ancien,  le  président  de  la  Cour 
d'assises  a  commis  un  excès  de  pouvoir  el  violé  les  disposi- 
tions des  art.  IG  de  ta  loi  du  SO  avril  1810, 252  et  264  du  G. 
dlçst.  cr  J  » 

Le  remplacement  des  conseillers  assesseurs  empècliés  s'op- 
jAi^  donc  ie  deux  manières  :  ou  par  une  nouvelle  délégation 
n  preniier  président  si  rempèchement  se  produit  avant  la 
notification  faite  aux  jurés  en  exé(;ulion  de  Tart.  38d|  ou 
par  Tadjonction  du  consteller  le  plus  ancien,  si  elle  ne  se  pro- 
duit que  depuis  cette  notification. 

Le  premier  président  peut  faire  lui-même  le  remplacement 
dans  le  premier  cas, car  il  est  de  jurisprudences  que  la  gé- 
néralité des  termes  de  Tart  16  do  la  loi  du  20  avril  ISiO  le 
rendent  également  applicable  au  cas  d'une  première  nomina- 
tion et  aa  iî«s  d^un  remplacement  \  é  Le  remplacement  se 
feitd^ns  ce  cas  par  une  nouvelle  ordonnance,  mais  il  n*est 
pas  nécessaire  qu'elle  soit  publiée  :  «  attendu  que  ce  que 
prescrivent  les  art.  80  et  82  du  décret  du  6  juill. 1810  pour  les 
ordonnances  de  formation  des  cours  d'assises,  ils  ne  le  pres- 
erivaient  pas  relativement  aux  ordonnances  qni  ne  font  que 
remplacer  un  magistrat  par  un  autre  et  dont  ta  pttbli(!ation 
serait  ainsi  sans  utilité  ;  qu'il  peut  y  avoir  d^àutant  moins  de 
doute  à  cet  égard  que  les  articles  cités  diseht  expressément 
que  les  ordonnances  dont  ils  parlent  sef  ont  publiées  lo  10*  jour 
^ui  suivra  la  clôture  de  l'assise,  et  que  cette  disposition 
mapphcable  à  des  ordonnances  de  rcmplaceniént,  nétsèissai* 
rement  subordonnés  à  des  circonstances  variables  qui  pCfàr- 
raient  eo  rendre  Texécution  impossible  S  » 

Mais  si  Tempèchement  ne  se  produit  qu^aprés  la  notifica- 
tion, il  faut  recourir  au  mode  indiqué  par  l'art.  26<^.  Dans 
une  espèce  où  l'accusé  se  faisait  un  moyen  de  cassation  de  ce 
que  le.remplacement  n'avait  pas  été  ordonné  par  lé  premier 

fésideui,  il  a  été  répondu  a  qu'il  n'était  pas  question  de 
pfêmiérê  tiomination  des  conseillers  qui  devaient  assis- 
ter te  pt-ésident  de  la  Cour  d'assises  pendant  le  cours 
de  la  session  trimestrielle  ;  que  dés  lors  il  n'y  avèit  pas 
lieu  à  l'application  des  dispositions  prescrites  par  les  articles 
{•mués  faf  lu  deu>andeur  et  notamment  de  celles  con- 
tenues eo   Tart.  82   du  décset  du  6  [niUel   ISIO  ;  qui 

«Ca««.  5  juinl85«.  rapp.  M.  Le  SdTorîer.  Bull.  n.  Î6t. 

•  Casi  ll)aTrii  1847,  rapp.  M.  Vinceus-Sl-Laurent.  Bull.  n.  70» 

»  CaH,  43  avril  |$i«,  taj^.  M,  Airaiont.  S.  P»  t*  Xllî,  S78. 


1*76  OES  COCRS   I»'aSS!S£5. 

n'exige  U  délégation  expresse  du  premier  présideut  que  pour 
la  première  désignation  des  conseillers  assesseurs  faite  pour 
Torganisation  trimestrielle  des  Cours  d'assises;  qu'il  était  uni- 

Juement  question  de  procéder  au  remplacement  de  l'un  des 
eux  conseillers  assesseurs  titulaires  de  la  Cour  d'assises  lé- 
gitimement empêché,  empêchement  non  prévu  et  survenu  à 
l'une  des  séances  ;  que  pour  opérer  ce  remplaceo^ent  ce  n'é- 
tait pas  aux  art.  79, 80  et  82  du  décret  qu'il  fallait  recourir, 
mais  bien  aux  art  263  et  264'  du  C.  d'inst.  cr.;  que  cesar- 
ticles  veulent  que  si,  postérieurement  &  la  notification  faite 
aux  jurés,  en  exécution  de  l'art.  389,  des  juges  de  la  oonr 
royale  assesseurs  de  la  cour  d'assises  sont  absents  ou  empê- 
chés, ils  soient  remplacés  par  d'autres  juges  de  la  même  cour» 
sans  assujettir  ce  remplacement  a  d'autres  prescriptions;  que 
dés  lors  Tassesseur  titulaire  ayant  été  remplacé  par  un  con- 
seiller de  la  cour,  il  a  été  procédé  en  cela  conformément  à  la 
loî'.i 

Il  faut  appeler  le  conseiller  le  plus  ancien  :  telle  est  la 
désignation  formelle  fait  par  l'art.  264^.  Mais  il  a  été  admis 
par  la  jurisprudence  «  qu'il  y  a  présomption  légale  que  des 
juges  qui  siègent  &  l'audience  ont  été  appelés  dans  Tordre  du 
tableau  et  pour  remplacer  les  magistrats  plus  anciens  légi- 
timement empêchés  ^  ;  »  et  il  a  été  jugé  même  que  la  men- 
tion que  ferait  le  procès-verbal  qu*un  assesseur  a  été  appelé 
à  tour  de  rôle  »  ne  serait  point  exclusive  de  la  présomption 
légale  de  l'empêchement  des  conseillers  plus  anciens  \  «  La 
raison  de  cette  jurisprudence,  que  nous  avons  déjà  appréciée 
dans  une  hypothèse  analogue  ^,  est  que  tous  les  membres  de 
la  Cour  impériale  ont  le  même  caractère  de  juges  et  qu'ayant 
(pus  dès  lors  qualité  pour  siéger  aux  assises,  le  rang  sui- 
vant lequel  ils  sont  appelés  n'a  qu'une  importance  secon* 
daire. 

Mab  cette  présomption  légale,  ainsi  fondée  par  les  arrêts, 
n'existe  plus  lorsque,  par  l'effet  des  empêchements  le  rempla- 
cement amène  un  assesseur  pris  en  dehors  des  rangs  des.  con- 


*  Cass.  t  mars  iSâS,  rapp.  M.  tfejrronnet-St-Marc.  Bull.  n.  50  ;  et  ooaC 
laJttiU.  tSiS»  rapp.  M.  Leoottloor*  h  P.  t  XIV,  p»  D27* 

*  GaM.  M  ftv  i84t,  rapp.  II.  Bomigaièrea.  Bull.  a.  5S .  lA  juill. 
IS45,  rapp.  U»  fréleau,  n*  SSS  i  19  avril  4849»  rapp.  If.  Lega^nçar. 
tu  §7. 

■  Caiii  k  avril  isSSi  rapp.  It  Isaabeft  Bull*  n.  iSS* 

*  Sùf.  notre  U  VI,  p.  Hh 


DE  LA   COMPOSITION   b£S  GOtltS    D*ASSIS£S.    §  587.  177 

^t^tèndeh  cour.  L'art  264  permet  de  suppléer  fes  conseil - 
lenpar  les  juges  ou  juges  suppléants  de  première  instance  et 
iêSttrt.SOde  la  loi  du  23  venïôse  an  xii  et  49  dudécretdu  30 
mars  4808  déclarent  quewà  défaut  de  suppléants,  onappelera 
un  avocat  attaché  au  barreau  et  à  son  déraut  un  avoué,  en 
servant  Tordre  du  tableau.  »  Mais  dans  ce  cas  il  est  néces » 
«aire  de  constater  les  empéchcm(rnts  qui  obligent  à  emprun- 
têruft  membre  du  tribunal  ou  du  barreau,  car  ce  n'est  qu*au 
cas  de  nécessité  qu'il  est  permis  de  puiser  à  cette  double 
source;  il  faut  donc  établir  cette  nécessité  qui  fait  seule  Tap- 
tilude  des  assesseurs  ainsi  appelés.  La  Cour  de  cassation  a  rc- 
eonini  ce  point  dans  une  espèce  où  un  avocat  avait  siégé,  sans 
que  Tempèchement  des  juges  et  suppléants  de  première  ins- 
tance eut  été  mentionné  ;  Tarrèt  a  été  cassé  :  «  attendu  que 
la  cour  d'assises  du  lieu  ou  siège  la  cour  royale  ne  peut  se 
compléter,  en  cas  d'empêchement  légitime  de  tous  les  con- 
seillers de  la  Cour  ,  que  par  les  juges  suppléants  du  tribu- 
nal de  première  instance  et  qu'elle  n'a  le  droit  do  s'ad- 
joindre un  avocat  qu'autant  que  tous  les  juges  sont  lé- 
gitimement empêchés  ;  que  Tart.  264  est  impératif  à  cet 
égard  et  que  ses  dispositions  relatives  à  la  composition 
légale  des  Cours- d'assises  sont  substantielles'  n.La  même 
règle  devrait,  nous  le  croyons,  être  appliquée,  lorsque  la 
Gocor  d'assises  du  chef-lieu  appelle  pour  la  compléter  un 
juge  dp  tribunal.  Si  ce  magistrat  a  en  lui-même  le  caractère 
qui  lui  permet  de  siéger  »  il  ne  le  peut  néanmoins  qu'à  dé- 
faul  des  membres  de  la  Cour  ;  il  faut  donc  que  ce  défaut  soit 
constaté  puisqu'il  constitue  son  titre. 

Les  parties  ne  sont  pas  d'ailleurs  admises  k  contester  la  lé- 
gitiaiitédes  empêchements  allégiïés;  ce  sont  là  des  faits  du 
servite  judiciaire  dont  l'appréciation  est  laissée  à  la  con- 
science des  magistrats.  Dans  une  espèce  où  il  était  établi  par 
le  demandeor  que  l'asseSseur  titulaire,  remplacé  pour  cause 
fPenpêchement,  avait  siégé,  le  jour  d'ouverture  des  débats,  à 
la  chambre  civile,  la  Gour  de  cassation  a  rejeté  ce  moyen,  «  at- 
tendu que  les  débats  qui  ont  précédé  l'arrêt  attaqué  ont  duré 
quatre  jours  et  que  les  certificats  ne  s'appliquent  qu'à  la  pre- 
mière audience  ;  que  d'aàlleora  il  n'appartient  pas  aux  parties 
des^immiscer  dans  la  discipline  et  administration  intérieure  des 

"*  CasB.  S4  avril  ISSi.  rapp.  M.  Cboppin.  J.  P.,  t  XXVI,  p.  42^  •  h  coût 
16  iuîn  18îà»  ch  civ.  t  XVIII. >  796  ;  19  jan?.  i  825.  ch.  cit.  t.  XIX,  p.  75; 
47  nai  18*4,  ch.  civ.,  t.  XXÏII,  p.  1592, 

vni.  i^- 


i78  ma  cours  d'assisks. 

cours  et  tribunaux;  et  que  la  Cour  ne  saurait  prononcer,  en 
Tabsence  de  tout  contradicteur,  sur  la  validité  d'une  excuse 
et  d'un  empêchement  dont  la  cause  est  encore  inconnue, 
mais  dont  Tarrët  de  la  Cour  d'assises  justifie  légalement  Texis- 
tence  *.i>  Il  suffit  donc  que  le  (ait  de  rempôchement  soit  con- 
staté dans  Tarrèt  ou  dans  le  procès-verbal  des  débats  ;  il  n'est 
pas  nécessaire  d'en  justifier  la  nature  ;  sa  légalité  est  couverte 
et  protégée  par  une  présomption  qui  n'admet  aucun  débat  '• 

¥11.  Dansles  départements  où  ne  siègent  pas  les  Cours  im- 
périales, le  remplacement  des  assesseurs  se  fait,  suivant  Té- 
poque  où  il  a  Iieu>  soit  par  le  premier  président,  soit  par  le 
président  des  assises. 

Jusqu'au  jolir  de  l'ouverture  de  la  session  il  appartient 
au  premier  président  de  désigner  les  juges  qui  doivent  rem- 
placer les  assesseurs  empêchés.  En  eiïet,  la  loi  du  21  mars 
1855  dispose,  comme  on  Ta  déjà  vu,  que  les  présidents  ou 
juges  du  tribunal  appelés  à  faire  partie  de  la  Cour  seront  dé- 
signés par  le  premier  président.  Or,  la  jurisprudence  ayaùt 
admis,  ainsi  que  nous  l'avons  établi,  «  que  la  généralité  des 
termes  de  Fart.  16 delà  loi  du  20  avril  181.0  le  rendait  éga- 
lement applicable  au  cas  d'une  première  nomination  et  an  cas 
d'un  remplacement,  »il  serait  difficile  de  ne  pas  étendre  cette 
interprétation  à  la  loi  nouveliedontles  termes  nesont  pas  moins 
généraux;  car  si,  par  cela  seul  qu'il  a  le  droit  de  nommer  les 
assesseurs  dans  les  assises  du  ehef-Iieudela  Cour,  le  premier 
président  a  le  droit  de  les  remplacer,  on  ne  voitpas  comment 
le  même  droit  de  nomination  qu'il  exerce  maintenant  dans 
les  assises  des  autres  départements  n'aurait  pas  la  même 
conséquence.  S'il  n'en  était  pas  ainsi,  il  faudrait  nécessaire- 
ment procéder  aux  remplacements  en  appelant  les  juges  par 
rang  d'ancienneté  conformément  à  la  règle  posée  par  l'art. 
26&  et  par  l'ancien  article  253  ;  mais  ne  serait-il  pas  contra- 
dictoire que  les  juges  désignés  par  le  premier  président  et 
remplacés  après  l'ouverture  de  ]a  session  par  la  désignation 
du  président  des  assises,  fussent  remplacés,  dans  l'intervalle 
de  leur  nomination  à  l'ouverture,  par  l'adjonction  faite  de 
plein  droit  des  juges  plus  anciens?  ou  le  premier  président 
a  procédé  au  remplacement  avant  le  premier  jour  de  la  ses- 
swoo,  ou  il  ne  Ta  pas  fait;  dans  ce  dernier  cas,  qui  sera  le  plus 
fréquent,  puisque  rempéchement  ne  peut  se  manifester  en 
'  Caw.  8  août  4854,  rapp.  M.  de  Boissieox.  Bull.  n.  333. 
•  Caw,  2  mars  4848.r  ipp.  M.  Me/ronncl-St-MarcBull.  n.  59 


DV  LA   COHPOSITION   SES  COUHS    D*ASSISE<5.   §   587.  J79 

général  qu'au  moment  où  la  fonction  commonee,  le  prési- 
deut  des  assises  peut  pourvoir  îmmédiatementà  U  désignation 
des  remplaçants, 

A  partir  du  jour  où  s'ouvre  la  session,  toute  difficulté  s'ef- 
face.  Le  dernier  §  de  ia  loi  du  2i  mars  1855  porte  que  : 
«  à  partir  du  jour  de  l'ouverture  de  la  session,  le  président 
des  assises  pourvoira  au  remplacement  des  assesseurs  régu- 
lièrement empêchés.  »  Cette  disposition  a  l'avantage  de  sim- 
plifier singulièrement  les  remplacements  ;  elle  met  fin  à  toutes 
les  présomptions  auxquelles  on  avait  recours  pour  expliquer 
le  concours  aux  assises  des  juges  que  leur  rang  d'ancien- 
neté n'y  appelait  pas,  maïs  elle  a  en  môme  temps  l'inconvé- 
nient d'enlever  à  cette  juridiction  la  garantié.d'une  désigna- 
tion jusque  là  faîte,  au  moins  à  compter  de  l'ouverture  de  la 
session,  par  la  loi  elle  même.  L'administration  de  la  justice 
fonctionue  plus  aisément,  mais  la  justice  elle-même  perd 
peut-être  par  là  quelque  chose  de  sa  dignité  et  de  son  indé- 
pendance. 

Ce  droit  du  président  des-assises  ne  s'exerce  que  dans  les 
départenieuts  où  ne  réside  pas  une  Cour  impériale.  La  loi  du 
21  mars  1855;  en  effet,  qui  s'est  bornée  à  nidifier  le  texte 
de  Tart.  253,  ne  s'applique,  comnie  le  faisait  cet  article  et 
comme  l'indique  formellement  son  texte,  que  dans  ces  dé- 
partements seulement  ;  ce  point  a  déjà  été  reconnu  par  plu- 
sieurs arrêts*.  Il  y  a  d'ailleurs  un  motif  à  l'appui  de  cette 
restriction  :  c'est  que  le  président  des  assises  ne  pourrait  dans 
la  ville  où  siège  la  Cour  impériale  exercer  parmi  les  conseil- 
lers  de  la  Cour,  qui  sont  sçs  rollôgaes,  des  désignations  qu'il 
n'ai^artrent  qu'à  la  loi  ou  au  premier  président  de  faire 
tandis  que  dans  les  autres  départements,  ce  magistrat,  investi 
de  la  même  autorité  que  le  premier  président  exerce  au  chef- 
lieu  ,  peut  les  faire  sans  que  l'ordre  hiérarchique  en  sort 
Uessé. 

La  loi  nouvelle  exîge,pour  que  les  remplacementssoientopé- 
rés,  que  les  assesseurs  soient  régulièrement  empêchés.  Celte 
expression  indique  que,  dans  l'intention  de  la  loi,  il  n'y  a  lieu 
d'admettre  que  des  empêchements  fondés  sur  des  motifs 
graves.  Mais  on  no  doit  pas  en  induire  que  la  régularité  de 
Tempêchement  puisse  être  contestée  par  les  parties  :  ce  texte 
ne  change  rien  à  la  règle,  que  nous  avons  précédemment  éta- 

'  Cas9.  29  noT«  iSi^5  et  5  juîa  i856  cités  $upfàf  p.  174  et  175é 


180  ©Ê*  COURS  d'asîîtsbs. 

blie,  et  d'après  laquelle  il  n'appartient  qu^à  radministrafion 
de  la  justice  elle-même  de  contrôler  les  causes  et  la  gravité 
des  empêchements. 

Le  président  des  assises  peut-il  appeler  un  avocat  ou  un 
avoué  pour  complétera  Cour?  Il  le  peut  assurément  puisque 
fart.  30  de  la  loi  du  SS  ventôse  an  12  et  l'art.  &9  dii  décret 
du  30  mars  1808  disposent  que  les  juges  peuvent  être  rem- 
placés par  des  avocats  ou  des  avoués,  et  la  jurisprudence  a 
plusieurs  fois  consacré  Tapplication  de  cette  régie  dans  la 
composition  des  cours  d'assisesMUais  celte  faculté  est  subor- 
donnée à  deux  conditions  :  la  première,  que  tous  les  juges 
et  suppléants  soient  empêchés  et  que  leur  empêchement  soit 
constaté  *  ;  la  seconde,  que  les  avocats  soient  appelés  selon 
l'ordre  du  tableau,  et  après  eux  les  avoués  selon  la  date  de 
leur  réception  ;  car^n'étant  pas  investis  du  caractère  déjuges, 
ils  ne  sont  aptes  à  participer  à  ce  caractère  qu'autant  que 
Tordre  fixé  par  la  loi  pour  leur  appel  a  été  suivi. 

Le  président  peut^il  appeler  un  juge  suppléant  quand  les 
juges  titulaires  ne  sont  point  empêchés?  nous  ne  le  croyons 
pas,  d^abord  parce  que  c'est  une  règle  générale  que  les  juges 
suppléants  ne  sont  appelés  qu'à  défaut  des  juges  titulaires  *  ; 
ensuite,  parce  que  l'art.  264  de  notre  code  dispose  formelle- 
ment que  «  les  juges  de  première  instance  seront  remplacés 
par  les  suppléants,  »  d'où  il  suit  que  ceux-ci  ne  peuvent  sié- 
ger qu*en  cas  d'empêchement  des  premiers;  enfin,  parce  que 
l'art  258>  soit  dans  son  texte  originaire,  soit  dans  les  rédac- 
tions  que  les  lois  du  k  mars  1831  et  du  21  mars  1855  lui 
ont  successivement  données,  ne  désigne,  pour  siéger  aux  a»" 
sises  que  les  présidents  et  juges  du  tribunal,  d'où  Ton  doit  in- 
duire que  c'est  seulement  pat  mi  ces  magistrats  que  le  pre- 
mier président  et  le  président  des  assises  peuvent  choisir  les 
assesseurs  et  que  ce  n'est,  comme  le  prévoit  la  loi,  qu'à 
leur  défaut  et  an  cas  d'empêchement  de  tous  les  juges  du 
tribunal»  qu^on  peut  recourir  aux  suppléants  >• 

YllL  Quelles  sont  les  irrégularités  qui,  dans  ces  nomida- 
tionsouremplacementS)  peuvent  vicier  la  procédure  T 


•  CaM.S7  déc  iSll.  rapp,  M.  Oudart  J.  P.,  U  IX,  p.  806:  iO  non  1832. 
rapp.  11.  Ricard,  t.  XXIV.  p.  4543. 

•  Gasi.  16  juio  1S3Â,  19  jauT.  1825  et  17  mai  i854,  eité$  wpnL 

•  Coof,   anal.    Ca$8.   22  nov»  1832,  rapn.  M.   Thil,  J.   P.,  1,  XXIV, 
p.   576 


01  LA  COMPOftITION  htS   CQURB     0*AM1SE|.  §  587.  181 

On  Tient  de  toit  qu'il  eo  est  plasieore  qai  n'ont  point  cet 
effet.  ^ 

Telles  sont  T  les  irrégularités  relatÎTesè  la  publication  ou 
b  forme  des  ordonnances  du  premier  président.  Ces  formali- 
tés n'ont  point  été  prescrites  à  peine  de  nullité. 

2®  Les  irrégularités  qui  proTÎennent  ou  de  oe  que  lèsent 
pécbements  n'auraient  pas  une  cause  légitime,  ou  de  ce  que 
cette  cause  ne  serait  pas  suffisamment  graTe»  Ce  sont  là  des 
questions  d^administration  intérieure  que  les  parties  n'ont  pas 
à  relcTcr. 

3°  Les  irrégularités  qui  résultent  de  ce  que,  dans  le  cbef- 
lieu  de  la  Cour  impériale,  les  conseillers  appelés  en  rempla- 
cemeni  n'auraient  pas  été  pris  dans  leur  rang  d^ancienneté  : 
elles  sont  couvertes  par  la  présomption  générale  que  les 
conseillers  plus  anciens  étaient  retenus  par  quelque  empê- 
chement. 

Dans  ces  trois  hypothèses  la  procédure  n*est  point  Ticiée, 
parce  que,  quelle  que  soit  Timportance  des  formes  ou  des 
régies  qui  n'ont  pas  été  observées,  le  juge  qui  vient  siéger 
comme  assesseur  aux  assises  a  le  caractère  déjuge  et  qu'il  est 
appelé  en  vertu  d'une  délégation  émanée  ou  de  la  loi  ou 
d*uoe  autorité  compétente. 

Mais  il  est  plusieurs  cas  où  Tinobservalion  des  formes  lér- 
gales  pourrait,  en  introduisant  dans  la  composition  de  la  Cour 
un  élément  illégal ,  entraîner  la  nullité  de  toutes  ses  opé- 
rations. Car  les  juridictions  ne  peuTent  exercer  Tautorilé  dont 
elles  sont  iuTesties  qu'à  la  condition  d'être  légalement  cons- 
tituées. 

Tel  serait  le  cas,  que  nous  STons  déjà  mentionné  »  où  un 
avocat  serait  appelé  comme  assesseur ,  sans  que  Tempéche- 
ment  de  tous  les  juges  et  suppléants  du  tribunal  fut  énoncé 
et  constaté. 

Tel  serait  le  cas  où  il  serait  mentionné  dansie  piocès«Ter- 
bai  que  les  conseillers  appelés  en  remplacement  dans  lechef-^ 
lieu  de  la  Cour  impériale  auraient  été  désignés  ou  par  la  Toie 
du  sort,  ou  par  le' choix  du  président  des  assises;  car  ils  ne 
peuTent  être  délégués  que  par  le  premier  président^  confor- 
mément à  Tart.  16  de  la  loi  du  20  aTril  1810,  ou  par  la  loi, 
suiTant leur  rang  d'ancienneté,  conformément  à  Tart.  26ï. 

Tel  serait  le  cas  où,  dans  les  autres  départements  les  juges 
remplaçants  auraient  été  appelés  dans  Tordre  du  tableau,  au 
lieu  d'être  désignés  par  le  président  des  assises.  La  Cour  dç 


IBS  DES   COORS  D* ASSISES. 

cassation  n'a  point  hésité  à  prononcer  dans  ce  cas  Tannulation 
des  arrêts  :  c  attendu  que  les  juridictions  et  les  compétences 
sont  d'ordre  public  ;  qu'à  ce  titre  la  Cour  d'assises  n'existe  lé- 
galement que  lorsqu'elle  est  constituée  conformément  aux 
dispositions  de  Tort.  253  du  C.  d'inst.  cr.,  soit  qu'il  s'agisse 
de  l'aptitude  et  de  la  capacité  des  magistrats  appelés  à  la  com- 
poser, soit  qu'il  s'agisse  de  leur  mode  de  nomination  ou  de 
désignation  ;  qu'en  pareille  matière  tout  est  rigoureux  et  de 
droit  étroit  ;  que  le  président,  aux  termes  de  la  loi  du  21  mars 
1855,  a  seul  le  droit,  après  l'ouverture  des  assises,  de  pour- 
voir au  remplacement  des  assesseurs  régulièrement  empêchés; 
que  s'il  est  do  principe  et  admis  comme  présomption  de  droit 
que  les  juges  qui  composent  les  cours  et  tribunaux,  par  cela 
même  qu'ils  prennent  part  aux  délibérations  et  jugements  des 
affaires  qui  leur  sont  soumises ,  sont  légalement  réputés  y 
avoir  concouru  dans  les  limites  de  leur  ci^pacité  et  selon  les 
règles  et  les  formes  prescrites,  il  faut  néanmoins  admettre  que 
cette  présomption  doit  céder  à  la  preuve  contraire  ;  que  bien 
que  les  énonciations  du  procès-verbal  constatent  que  le  pré- 
sident des  assises  ait  pourvu  au  remplacement  des  assesseurs 
empêchés ,  elles  sont  au  contraire  positivement  exclusives  do 
son  intervention  à  cet  égard,  puisqu'il  en  résulte  directement 
et  explicitement  qu'il  aété  pourvu  à  ce  remplacement  par  une 
autre  voie  que  celle  prescrite  par  la  loi  du  21  mars  1855, 
ce  qui  constitue  une  violation  formelle  des  dispositions  de  cette 
loi  ;  qu'il  suit  de  là  que  la  Cour  d'assises»  ainsi  viciée  dans  sa 
composition,  n'avait  ni  compétence  ni  autorité  pour  procéder 
au  jugement  de  l'accusation  portée  contre  le  demandeur  '•  » 
Tel  serait  enfin  le  cas  oà  le  remplacement  aurait  été 
opéré  lorsque  l'affaire  à  laquelle  a  participé  le  nouvel  asses- 
seur était  commencée.  Car  aux  termes  de  l'art.  7  de  la 
loi  du  20  avril  1810 ,  les  arrêts  doivent,  à  peine  de  nullité, 
être  rendus  par  des  juges  qui  aient  assisté  à  tontes  les  au- 
^diences  de  là  cause.  L'annulation  d'un  anét  rendu  dans 
une  telle  circonstance  a  été  prononcée  :  «  attendu  que 
les  dispositions  de  l'art.  7  de  la  loi  du  âO  avril  1810  sont 
générales  et  absolues,  et  qu'elles  sont  de  droit  public;  qu^à 
la  vérité,  au  cas  de  renvoi  après  cassation  prévu  en  l'art.  429, 
eC  lorsqu'en  vertu  de  l'art.  408,  qui  ne  permet  la  cassation 
dei  actes  entachés  do  nullité  qu'à  partir  du  plus  ancien  acte 

*  Cass.  21  juiu  1855  r&pp.  M*  AyUi««  Bull.  d«  217  ;  30  joio  4099,  r«pp« 
M.  Poullier,  ii,  23G. 


DE  LA   COMYOSITION    OIft  CO0H8  B*AiSISlS.   §    587.  183 

nul^  la  déclaration  du  jury  a  été  maintenue,  ce  sont  d'autres 
juges  qui  sont  appelés  à  faire  l'application  de  la  loi  pénale  ; 
mais  cette  exception,  qui  résulte  de  la  combinaison  des  articles 
précités,  ne  peut  être  étendue  au-delà  de  ses  limites  ;  d*où  il 
suit  que,  dans  Tcspèce,  par  suite  de  la  retraite  de  Tun  des  ju» 
ges,  la  Goor  d'assises  n*a  pu  se  compléter  par  l'appel  d*un 
autre  magistrat  sans  violer  la  1^  '.  » 

Néanmoins,  cette  dernière  règle  n'est  applicable  qu'au  cti 
où  le  remplacement  aurait  été  effectué  au  orulieu  d'une  affaire, 
et  noa  lorsqu'il  aurait  seulement  été  opéré  pour  le  jugement 
des  incidents  qui  ^  quoique  se  rattachant  à  cette  afialre,  n'ont 
été  jugés  que  postérieurement.  Ainsi,  dans  un  pr^)cès  poui 
compte  rendu  infidèle  et  de  mauvaise  foi  d'une  audience 
d^uoe  Cour  d'assises,  le  prévenu  fondait  son  pourvoi  sur  ce 
que  Tun  des  conseillers  qui  avaient  rendu  l'arrêt  attaqué  o'sh 
vait  pas  participé  aux  débats  inexactement  reproduits  :  ce 
moyen  a  été  rejeté:  c  Attendu  que  la  loi  a'ordonoe  pas  que 
la  Cour  d'assises  appelée  à  juger  une  inculpation  de  délit  de 
compte  rendu  infidèle  et  de  mauvaise  foi,  soit  composée  des 
mêmes  juges  que  ceux  qm  ûégeaient  à  l'audience  dont  k 
compte-rendu  est  incriminé;  qu'en  effet,  si  la  conviction  des 
magistrats  en  cette  matière  a  soiivent  pour  base  les  souvenirs 
plue  oa  moins  complets  qu'ils  peuvent  avoir  conservés  lors  des 
débats  dont  le  compte-rendu  est  soumis  à  leur  jugement,  eUe 
se  forme  également  par  la  comparaison  de  Tartiele  poursum 
avec  les  laits  cQQsiaté&  soit  par  le  procè^verbal  de  l'audienee, 
soit  par  Tarrêt  intervenu  dans  le  procès  qui  a  été  l'objet  da 
compie-reudu,  soit  enfin  par  tous  autres  moyens  d'instructioa 
dont  la  Cour  d'assises  croit  devoir  Caire  usage  *.  » 

De  ce  qai  précède  il  faut  conclure  que  ta  composition  de 
U  Cour  d'asaisca  est  viciée  «1  ses  opérations  par  conséquent 
entneliées  de  nullité,  toutes  les  fois  que  lea  remplacements 
ont  amené  à  siéger  un  membre  du  barreau  sans  que  l'eapè 
choient  de  tous  lesjngcs  titulaires  on  suppléant»  soil  constaté^ 
toutes  les  fois  que  les  juges  remplaçants  n'ont  pas  été  appelés 
en  yerto  d'une  délégation  régulière,  toulea  les  fois  ente  que 
les  remplacements  ont  été  opéréa  éam  le  cours  d'un  procès^ 
de  manière  à  ce  que  les  juges  remplaçants  n'aient  pas  assisté  à 
toute  raûdicnce. 


'  Caas.  Si  août  1833,  rapp.  M.  Isambert.  J.  P.  t  XXV,  p.  868» 
'  Cais,  28  f«T.  1837,  irspiw  M.  Ikhaufiiy,  Bull,  d.  69, 


i^4  ȣs  ceuAS  d'assises. 

I.  Des  aisesseurs  adjoinls.^!!.  Modedel«ur  désignation. --Ilf.  Leurs 
fonctions. 

T.  Les  juges,  aux  termes  de  l'art  7  de  la  loi  du  20  ayril 
1810,  ne  peuvent  prendre  part  au  jugement  s'ils  n'ont  pas  as- 
sisté  à  toutes  les  audiences  de  la  cause.  Delà  il  suit  que  si 
l'un  des  assesseurs  se  trouve  indisposé  dans  le  cours  des  débats 
d'un  procès  et  qu^il  y  ait  nécessité  de  le  remplacer,  il  est  in- 
dispensable d'annuler  la  parti»"  de  ces  débats  à  laquelle  le  juge 
appelé  en  remplacement  n'a  pas  concouru  et  de  la  recom*- 
mencer*. 

C'est  pour  éviter  cet  inconvénient  que  l'usage  d'appeler 
des  afssesseiirs  supplémentaires  s'est  introduit  dans  les  procès 
qui  peuvent  entraîner  de  longs  débats.  Notre  G)de  ne  con- 
tient aucune  disposition  sur  ce  point,  mais  une  loi  du  25bra* 
maire  j^n  viii  l'avait  réglé  en  ces  termes  :  «  ArL  4,  lorsqu^un 
procès  criminel  paraîtra  de  nature  à  entraîner  de  longs  débats^ 
le  tribunal  criminel  s^adjoindra  deux  juges  du  tribunal  civil 
pour  assister  aux  débats.  » 

On  a  demandé  si  cette  loi  était  encore  en  vigueur.  La  ju- 
risprudence a  répondu  :  <x  qu'une  loi  particulière  ne  peut  être 
abrogée  par  une  loi  générale  que  par  une  disposition  fonnelle 
ou  pardes  dispositions  inconciliables  avec  celles  de  cette  loi  f 
.  que  le  Goded^inst.  crim»,  ni  la  loi  du  20  avril  1810  n'ont 
point  abrogé  la  loi  du  25  brumaire  an  vui,  sur  l'adjonction 
des  juges  supplémentaires»  par  aucune  disposition  formelle  ; 
qu'ils  ne  l'ont  pas  non  plus  implicitement  abrogée  en  prescris 
vanldes  dispositions  inconciliables  avec  elle  ;  que  cette  loi  sub- 
siste donc  dans  cette  partie^  >  On  peut  ajouter  que  celte  me- 
sure est  virtuellement  autorisée  par  l'art  264^  relatif  au 
remplacement  des  juges,  et  par  Part.  394  qui  autorise  l'ad- 
jonction de  deux  jurés  suppléants  aux  douze  jurés  de  juge- 
ment. 

Elle  se  trouve,  au  surplus,  aujourd'hui  implicitement  con- 
firmée par  le  dernier  paragraphe  de  la  loi  du  21  mars  1855 
qui  dispose  que  «  le  président  des  assises  désignera ,  s'il  y  a 
lieu,  les  assesseurs  supplémentaires,  a 

<  CaM.  33  janv.  i84ii  rapii.  M.  Defaaassy  Bull.  n.  23 
>  Cass.  27  jaili.  1820,  rapp.  M.  Gaillard.  U    P.,  t.  XVI,  p.  69;  et  conf. 
cass.  3i  janv.  1812,  rapp.  M.  Bus^chop,  i.  X,  p.  77* 


DE  LA  COHPOSItlON   DES  COCRS  DAS8ISES.   §  588.  185 

n.  Comment  doit  être  ordonnée  cette  adjonction?  Aux  ter- 
mes de  la  loi  do  25  brumaire  an  viii,  c^est  le  tribunal  crimi<* 
nel,  aujourd'hui  la  Cour  d'assises,  qui  doit  l'ordonner  par  un 
arrêt,  quand  cette  mesure  lui  paraît  nécessaire.  Cependant  la 
jurisprudence  nVst  pas  demeurée  fidèle  i  ce  teite.  Dans  une 
première  espèce,  où  Padjonction  avait  été  ordonnée  par  lèpre* 
mier  président,  dans  la  Cour  d'assises  du  chef-lieu,  le  pourvoi 
fondé  sur  cette  irrégularité  a  été  rejeté,  mais  par  ce  motifseu- 
lementft  que  le  juge  adjoint  n'a  ni  rempli  les  fonctions  déjuge 
pendant  la  durée  des  débats,  ni  concouru  à  Tarrét  de  condam- 
nation qui  n'a  été  délibéré  que  par  le  président  et  les  asses- 
seurs composant  avec  lui  la  Cour  d'assises'.  »  Dans  une 
seconde  espèce  où  l'adjonction  wait  été  ordonnée,  dans  un 
département  autre  que  le  chef-lieu,  par  le  président  des  as- 
sises seul,  le  pourvoi  a  encore  été  rejeté:  «  Attendu  que  cette 
adjonction,  loin  de  préjudicier  à  Paccnsé.  lui  assure,  au  con- 
traire, un  prompt  jugement;  que  le  Code  ne  contient  aucune 
disposition  contraire  à  cette  mesure  qui  dès  lors  rentre  dans 
les  pouToirs  que  le  président  des  assises  tient  de  la  loi  pour 
assurer  l'a  bonne  administration  de  la  justice  *.  »  Mais  ce  der- 
nier arrêt,  qui  s'écartait  évidemment  des  termes  de  la  loi,  n'a 
pas  été  suivi.  La  Cour  de  cassation  n'a  pas  tardé  à  reconnaître 
«  que  ce  droit  a  été  attribué  aux  tribunaux  criminels  par  la 
loi  do  35  brumaire  an  viii  qui,  en  cette  partie,  et  malgré  la 
substitution  des  Cours  d'assises  auxdits  tribunaux,  doit  être 
conaîdérée  comme  ayant  posé  un  principe  toujours  subsis- 
tant *.  »  Et  sur  un  pourvoi  fondé  sur  ce  que  l'appel  des  juges 
suppléants  avait  été  ordonné,  non  par  le  président,  mais  par 
la  Cour  d*assises ,  elle  a  déclaré  plus  explicitement  encore  en 
le  rejetant,  «  que  le  droit  de  s'adjoindre  des  juges  suppléants, 
dans  les  procès  qui  paraissent  de  nature  à  entraîner  de  longs 
débats,  résulte  pour  les  Cours  d'assises  de  l'art.  &  de  la  loi  du 
25bnimaire  an  viii^.  » 

Telle  est  la  règle  qui  doit  être  encore  appliquée.  Il  faut 
distinguer,  en  eiïet,  le  droit  d'ordonner  radjonction  d'un  où 
de  deux  juges  supplémentaires  et  le  droit  de  désigner  ces  ju- 

'  Cttt.  sa  avril  iSiS,  rapii.  M.  OiiWier  J.  P.  t.  XIV,  956. 

*C«aB.  iajuill.  1833,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc  J.  P.,  t.  XXIV, 
p  ISOO. 

'  Casa.ii  mai  ISSS.  rapp.  M.  Thil.  J.  P.,  t.  XXV,  p.  458. 

*  Casa.  IS  déc  4840,  rapp.  M.  de  Ricard.  Bull.  n.  'ÀbO;  et  çonf.  91  aoftt 
iWt  rapp.  M.  Frtteau.  BuU.  o.  325. 


1S6  DES  COURS  D*ASSISES. 

ges*  Le  premier  de  ces  droits  ap^lieotâ  la  Cour  d'attÎMs; 
il  faut  un  arrêt  pour  déclarer  la  nécessité  deradjonctioa,  car 
cette  mesure  n'étant  prLic  que  pour  une  affaire  déterminée^i 
ne  rentre  point  dans  les  attriLutioBS  du  premier  président  ou 
du  président  des  assises  ;  et  comme  la  présence  d'un  nouveau 
magistrat  qui ,  comme  on  va  le  voir,  a  un  certain  droit  d'iu- 
tervention  dans  le  débat»  peut  exercer  quelque  influence 
sur  le  jugement,  il  importe  que  la  nécessité  de  cette  pré-* 
sence  soit  solennellement  constatée.  Il  est  clair,  au  surplus^ 
que  cette  nécessité  ne  peut-être  que  celle  qUe  la  loi  4a  25 
brumaire  an  vm  a  prévue  :  c'est  là  Tunique  motiC  qui  doit 
déterminer  Tarrèt. 

Quand  au  droit  de  désigner  Tassesseuf  ou  tout  au  plus  les 
deux  assesseurs  supplémentaires  que  permet  la  toi, il  n'api 
partient  point  à  la  Cour^  car  il  ne  peut  entrer  dans  ses  at* 
tributions  de  régler  le  service  des  magistrats.  Ce  droit  est 
exercé  au  chef-lieu  de  la  Cour  impériale,  par  le  premier 
président  qui»  puisqu'il  désigne  les  eonseil&rs  assesseurs, 
peut  évidemment  désigner  les  conseillers  assesseurs  ad-« 
joints  ;  s'il  ne  fait  pas  cette,  désignation ,  ces  roagù^ts 
doivent  être  appelés  suivant  Tordre  d'ancienneté,  suivant 
le  vœu  des  art,  252  et  26&  du  G.  d*inat.  cr.  Dana  le& 
autres  départements,  le  même  droit  appartient  maintenant 
au  président  des  assises,  aux  termes  du  dernier  $  de  la  kù 
du  21  mars  1855  qui  porte  que  ce  magistrat  <  désignera^ 
s*il  y  a  lieu,,  les  assesseurs  supplémentaires,  d  Au  surplus^  à 
défaut  die  constatation  précise,  il  y  a  présomption  légal&  que 
la  désignation  a  été  faite  régulièrement  \ 

in«  L^assesscnr  supplémentaire  n*est  appelé  qu'éventuelle- 
ment,  et  pour  ïc  cas  seulement  d'un  empêchement  ultérieur 
des  membres  de  la  Cour  ;  il  s'ensuit  que  sa  pfësence  n'ap* 
porte  aucune  modification  dans  la  composition  de  cette  Cour. 
Ainsi,  il  est  arrivé  qu'un  juge  titulaire  était  appelé  conmie 
assesseur  svppténentarre  lorsqu'un  jugei  suppléait  siégeait 
comme  assesseur,  et  on  a  soutenu  que  cette  compositioo  n'é- 
tait pas  régulière.  Il  a  été  répondu  que  :  «  le  juge  suppléant 
ayant  été  appelé  à  composer  la  Cour  attendu  Tempècbement 
du  vice-président  et  autres  juges,  et  la  Cour  d'assises  étant 
aînsr  régulièrement  composée,  elle  a,  sur  les  conclostons  du 
ministère  public,  et  attendu  la  longueur  présumée  des  dé- 

ft  Cass.  5  déc.  1839,  rapp.  M.  VinceuA  St-UlU^St.  Bull,  di  ^72. 


DB  LA  COMPOSITION  DES    COVIIS    D*ÀSS1SKS.   §  588,  187 

bais,  ordonné  qa^il  serait  adjoint  deux  jurés  au  jury  et  un 
juge  supplémeutaîre  à  la  Cour  d'assises;  que  c*est  par  suite 
et  eD  exécutioD  do  cet  arrêt,  que  M.  Eude,  juge,  a  6iégé;qae 
ce  fait  postérieur  à  la  formation  de  la  Cour  d'assises  et  i 
Tarrèt  qu^elle  avait  rendu  pour  pourvoir  éventuellement  aux 
incidents  que  pouvait  faire  naître  la  longueur  des  débats,  ne 
prouvait  pas  que  M.  Eude  ne  fut  pas  empêché  au  moment 
où  la  Cour  d'assises  a  été  composée  ^  que  cet  empêchement 
avait  pu  cesser  depuis  la  composition  de  la  Cour,  et  qu^une 
fois  la  Cour  d'assises  légalement  composée  et  ayant  même  fait 
un  premier  acte  de  sa  juridiction ,  le  jugo  appelé  comme  sup- 
pléinenlairc  n'avait  pu  prendre  la  place  du  jugo  suppléant  ré- 
gulièrement investi  des  fondions  d^assesseur  '•  t 

De  ce  que  la  présence  de  Tassesseur  supplémentaire  ne 
modifie  pas  la  composition  de  la  Cour  d'assises,  on  a  induit, 
comme  des  corolluires,  l""  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  don- 
ner communication  à  l'accusé  de  Tordonnancé  qui  désigne  cet 
assesseur  :  «  Attendu  que,  par  cette  mesure,  le  premier  prési- 
dent n'a  fait  qu'assurer  le  service  de  la  Cour  d'assises  et  user 
d^UD  droit  qui  lui  est  conféré  par  la. loi  ;  que  la  communica- 
tion de  son  ordonnance  à  Taccysé  n'était  exigée  par  aucune 
disposition  de  nos  lois,  et  aurait  été  superflue,  Taccusé  n'apnt 
pas  la  faculté  de  s'opposer  à  celte  mesure  '  :  »  2^  qu'il  n'est 
pas  même  nécessaire  de  mettre  l'accusé  en  demeure  de  pré- 
senter des  observations  à  cet  égard  :  «  Attendu  que  cette  ad- 
jonction a  été  ordonnée  par  un  arrêt  régulier  rendu  en  au- 
dience publique,  sur  les  réquisitions  du  ministère  public,  en 
présence  des  défenseurs  des  accusés  qui  n'ont  fait  aucune  ré- 
clamation ;  que  cet  arrêt  est  une  mesuré  d'administration  de 
la  justice  pour  laquelle  on  ne  peut  exiger  la  présence  des  ac- 
cosés  qui  ne  sauraient  y  former  opposition  *.  » 

Nous  ne  contestons  nullement  la  vérité  de  cette  doctrine  ; 
mais  peut-être  en  a-t-on  déduit  des  conséquences  trop  rigou- 
reuses. Il  n'est  pas  de  la  science  du  droit  comme  des  sciences 
exactes  :  il  faut  que  ses  déductions  soient  admises,  non-seule- 
ment par  la  logique,  mais  encore  par  là  raison.  Quelle  est  la 
fonction  de  l'assesseur  supplémentaire?  11  est  certain  que,  celte 

*  Gais.  56  aTril  1854,  rapp.  M.Barennei.  BqII.  d.  »3;  5  janv.  18*A.rapp. 
U.  Isambert.  Bull.  n.  i. 
'  Ca»,  8  octobre  IBifip  rapp.  M*  Romiguièrcs.  Bail.  d.  299. 
'  Ca»,  20  juin  1855,  rapp.  M.  V,  Foucher.  Bull.  n.  MO. 


i$$  DES  COUKS  I>*A8618Kft. 

fonction  étant  toute  éyentnelle,  sA  présence  ne  modifie  point 
actuellement  la  composition  de  la  Cour  d'assises  ;  maîftpar  ce!a 
seul  qu'il  peut  être  à  tout  moment  appelé  à  remplacer  un  a»« 
aesseur  et  par  conséquent  à  participer  au  jugement,  il  suit  né- 
cessairement qu'il  doit  se  tenir  au  courant  de  Tafiaire,  qu'il 
doit,  non  point  seulement  assister,  mais  prendre  part  au  dé- 
bat S'il  n'a?ait  pas  ce  droit,  comment  pourrait-il,  le  cas 
échéant,  prendre  part  au  jugement?  Et  pour  qu'il  se  tienne 
en  état  de  juger >  ne  faut-il  pas  qu'il  remplisse,  dans  le  débat 
seolement,  la  même  fonction  quo  s'il  derait  juger  en  effet? 
N'est-ce  pas  là  le  seul  moyen  de  ne  pas  recommencer  ce  débat, 
s'il  prend  la  place  d'un  assesseur  titulaire?  Donc^  s'il  aperçoit 
dans  quelques  points  de  fait  une  difficulté,  un  doute,  il  peut 
demander  des  éclaircissements  ;  il  peut  adresser  des  questions 
aux  accusés  ou  aux  témoins  ;  il  peut  suggérer  soit  au  prési- 
dent, soit  à  la  Cour,  les  mesures  qui  lui  paraissent  propres 
à  la  manifestation  de  la  vérité.  Sa  présence  est  un  élément 
nouveau  introduit,  non  dans  la  composition  de  la  Cour  d'as- 
sises proprement  dite,  mais  dans  la  constitution  générale  de  la 
juridiction.  Il  n'est  donc  pas  rigoureusement  vrai  de  dire,  au 
moins  en  termes  absolus»  que  l'accusé  n'a  aucun  intérêt  à 
l'adjonction  et  qu'elle  ne  peut  lui  causer  aucun  préjudice  : 
qu'il  ne  puisse  pas  s'y  opposer,  nous  le  croyons,  parce  que 
c'est  une  mesure  d'administration  judiciaire  et  non  une  forme 
de  procédure  ;  mais  faut-il  donc  nécessairement  conclure  delà 
que  cette  mesure  doive  être  prise  à  son  insu  et  en  sou  absence, 
et  qu'il  ne  doive  pas  être  mis  en  demeure  de  présenter,  s'il  le 
veut,  ses  observations?  Gomment,  lorsqu'il  s'agit  d'une  me- 
sure qui  ne  peut  être  prise  que  par  un  arrêt»  cet  arrêt  ne  se- 
rait-il pas  rendu  contradictoirement?  Pourquoi  Taccttsé  se- 
rait-il privé  de  connaître  et  de  discuter  l'utilité  d'une  adjonc- 
tion qui  lui  donnera  peut-être  un  nouveau  juge,  et  en  tous 
cas  un  intervenant  plus  ou  moins  influent  dans  le  débat? 

S  689. 

.  Causes  d'incompaiibilité.  —  II.  Participation  ^  rarréi  de  mise  en 
accusation.  —  111.  Participation  aux  actes  de  rinstruaion,  —  IV. 
Effets  de  l*incompatibililé. 

I.  L'art.  257  du  G.  d'inst.  cr.  dispose  que  :  a.  les  mem- 
bres de  la  Cour  impériale  qui  auront  voté  sur  la  mise  en  ac- 


DE  LA   COMPOSlTiaX  D£S    C0UB8     d' ASSISES.   §  589.  1S9 

euMlioD  ae  pourroal^  daim  la  même  affaire,  ni  présider  les 
assises,  ni  assister  le  président,  à  peine  de  nullité,  il  en  sera 
de  même  à  l'égard  do  juge  d'instruction.  » 

Cette  interdiction  est  fondée  sur  ce  que  les  magistrats  qui 
ont  participé  à  riostruction  écrite,  ont  pu  y  puiser  des  préven*- 
lions  qu'ils  apporteraient  dans  le  débat,  tandis  que  leur  cou- 
YÎction  doit  se  former  exclusivement  sur  la  piooédure  orale. 

Elle  s'applique  donc  à  la  fois  è  tous  les  membres  de  la  Cour 
d'assises,  au  président  comme  aux  assesseurs. 

Nous  allims  examiner  :  1**  dans  quels  cas  l<>s  conseillers 
sont  réputés  avoir  pris  part  à  la  mise  en  accusation  ;  â"*  dans 
quels  cas  les  juges  doivent  être  considérés  comme  ayant  parti- 
cipé à  des  actes  d  instruction  ;  S""  enfin,  quels  sont  les  effets 
de  rinlerdiction  et  quels  sont  les  actes  auxquels  elle  s'ap- 
plique. 

U.  La  loi  n'exclut  que  les  conseillers  qui,  «  dans  la  même 
i^aire,  auront  voté  sur  la  mise  eu  accusation.  »  C'est  la  par- 
ticipation' même  a  Farrêt  qui  forme  le  titre  de  la  prohibi- 
tion. Or,  comme  jes  exclusions  sont  de  droit  étroit,  puis- 
qu'elles constituent  des  exceptions  au  droit  commun,  il  s'en- 
suit que  la  prohibition  ne  doit  pas  être  étendue  au-delà  de 
ses  termes. 

Elle  ne  s'applique  donc  point  au  membre  de  la  chambre 
d'acensation  qui  a  pris  part  à  un  arrêt  ordonnant  un  supplé- 
ment d'instruction  :  <r  Attendu  que  la  disposition  prohibitive 
de  l'art.  267,  restrictive  de  sa  nature,  ne  concerne  évidem- 
ment que  ceux  des  membres  des  Cours  qui  ont  participé  à 
l'arrêt  dé  mise  en  accusation;  qu'elle  ne  peut  être  consé- 
qoemoient  étendue  aux  conseillers  qui  n'auraient  concouru 
qo'à  un  arrêt  préparatoire  d'instruction  qui  a  ordonné  de 
nouvelles  informations  \  » 

Elle  ne  s'applique  point  aux  magistrats  qui,  soit  comme 
président  des  assises,  soit  comme  remplaçant  le  président, 
procèdent,  postérieurement  à  la  mise  en  accusation,  à  un  sup- 
plément d'instruction  *. 

Elle  ne  s'applique  point  aux  conseillers  qui,  siégeant  à  la 
chambre  correctionnelle,  se  sont  bornés  à  déclarer  cette  juri- 
diction incompétente  pour  connaître  de  l'affaire  :  a  Attendu 

VCa<9^  ii  jaillet  1816,  rapp.  M.  Busscliop,  J.  P.,  t  XU,  r>  ^àS.  £t 
conf.  21  jaDT.  et  12  août  1818,  dev.  et  car.  t.  IV,  p.  263  el  Ai6. 
'  COS8.20  février  18A1,  M.rapp.  M,  Romigiiières.  Bull,  m  53. 


i90  DES   COURS  D*ASS1SI8' 

que,  d'après  la  disposition  de  Tart.  257,  il  n'y  a  que  les  mem- 
bres do  la  Cour  qui  oui  vulé  sur  la  mise  en  accusation  qui 
ne  peuvent,  à  peine  de  nuliiié,  être  membres  de  la  Cour  d*as- 
sisos  *. 

Elle  ne  s^applique  point  aux  magistrats  qui  ont  siégé  dans 
rassemblée  générale  où  révocation  de  Taflairo  a  éiè  ordon- 
née :  «  Attendu  que,  les  incapacités  et  exclusions,  étant  de 
droit  étroit,  doivent  être  formellement  exprimées  et  ne  sau- 
raient être  étendues  d^un  cas  à  un  autre  ^.  n 

Enfin,  elle  ne  s'applique  pas  au  conseiller  qui  a  fait  partie 
de  la  première  chambre  civile  de  la  Cour,  au  moment  ou  le 
premier  président  a  procédé  au  tirage  du  jury  et  à  la  forma- 
tion de  la  liste  de  la  session  où  l'affaire  est  portée  *. 

Toutes  ces  solutions  n'offraient  aucune  difGcullé  sérieuse 
puisqu'il  est  évident  que,  dans  ces  diverses  espèces,  le  texte 
et  l'esprit  de  la  loi  repoussaient  à  la  fois  la  prohibition. 

IIL  L^incompatibilité  motivée  sur  la  participation  des  juges 
à  rinstruction  donne  lieu  à  de  plus  graves  questions. 

L'art.  257  n'exclut  formellement  que  le  juge  d'instruction, 
cl  de  là  il  faut  conclure  d'abord  que  tout  arrêt,  tout  débat 
mqtiel  aurait  pris  part  le  juge  chargé  de  Tinstruction  de  l'af- 
faire serait  frappé  de  nullité  *. 

Mais  il  est  évident  que  cette  exclusion  est  attachée,  non  à 
la  qualité  du  juge  d'instruction,  mais  à  sa  fonction;  car  c'est 
la  fonction^  c'est^à-^irelaparticipatioDauxactesde  rinsfrof- 
tion  qui  peut  jeter  dans  Fesprit  du  magistrat  uae  prévention 
souvent  mefraçaUe  et  qui  dés  1ers  nuit  à  son  imparlkilité»  La 
eonaéquence  est  donc  que  tout  juge  qui  a  rempli  la  fonction 
de  juge  dlostruction  dans  une  affaire  doit  être  atteitii  de 
t'înterdktion  qui  frappe  celui-ci.  IVIais  dans  quels  cas  un  juge 
doit-il  être  réputé  avoir  rempli  la  fonction  de  juge  d'instruc- 
tion? C'est  ici  que  viennent  les  distinctions  de  la  juriapru- 
denee« 

Il  a  été  décidé  que  l'interdiction  s'applique  at^juge  qui  a 
procédé,  par  remplacement  du  juge  d'instruction,  à  quelques 
actes  d^instructton  ;  et  par  exemple,  au  juge  qui,  mm-seule- 
ment  à  procédé  è  l'audition  des  témoins  e(  à  drRïrents  intcr- 

«  Cas8.  6  mars  1824,  rapp.  M.  Rataud.  J.  P.  t.  XVIII  p.  500. 
'  Cau.  1  avril  1847.  rapp.  M.  Meyronncl-St-Marc  Bull   n.  70. 
>  Cass.  isepi.  1828,  rapp.  M.  Mangin.  Journ,  cr.  t.  J,  p.  38  ;  i?  oet»  iSSS» 
rapp.  M.  laambert.  J.  P.  t.XXy,p.  903. 
*  Cass.  7  août  1828,  rapp.  M)  Choppin,  J.  P«  r«  XXTf ,  p.  178^ 


DK   LA   C01IPÛSmO!f    DtS    CÛVftS  ^'ASSISES,    §  S88.  491 

rogaloircs,  mais  qui  a  fail  le  rapport  k  la  chambre  du  con- 
seil et  concouru  à  Tordonnance  de  prise  de  corps  *  ;  —  au 
joge  qui  a  procédé  à  un  înlerrogaloîre  du  prévenu,  en  rem- 
placement du  juge  d'instruction  empêché  •  ;  —  au  juge  qui 
a  été  commis  pour  interroger  un  individu  prévenu  de  com- 

F  licite,  mis  plus  tard  hors  de  prévention,  et  Va  confronté  avec 
accusé  principal  •  ;  —  au  juge  qui  n'a  fait  que  rapporter  à 
la  chambre  du  conseil  une  première  instruction  à  la  suite  de 
laquelle  les  auteurs  du  crime  étaient  demeurés  inconnus  ^  ;  — 
au  juge  qui  a  décerné  contre  Taccusé  un  mandat  d'amener  et 
à  donné  une  commission  rogatoireà  Teffet  d'entendre  ses  té- 
moins *; — au  juge  qui  a,  en  qualité  de  président  de  la  Cour 
d'assises,  interrogé  le  témoin  arrêté  à  l'audience  sous  l'incul- 
pation de  faux  témoignage  \ 

Tous  ces  arrêts  sont  uniformément  fondé?  sur  les  motifs 
énoncés  dans  celui  du  l*'*  août  1829  qui  déclare  :  «  Que  les 
expressions  contenues  en  Tart.  257  sont  générales  et  abso- 
lues; que  cet  article  ne  fait  aucune  distinction  entre  le  juge 
d'instruction  titulaire  et  celui  des  juges  qui  en  aurait  provi- 
soirement exercé  les  fonctions  ;  qu'en  effet,  l'incompatibilité 
prononcée  par  cet  art  257  entre  les  fonctions  de  juge  d'ins- 
truction et  celles  do  membre  de  la  Cour  d  assises  prend  sa 
soorce  dans  le  caractère  essentiel  du  juge  d'instruction,  qui, 
rangé  par  l'art.  9  parmi  les  officiers  <Je  police  judiciaire,  se 
trouve  en  quelque  sorte  associé  à  l'action  et  k  la  recherche 
du  ministère  public  dans  les  poursuites  où  il  fait  acte  d'ins- 
truction ;  qu'on  ne  saurait  admettre  qu'en  présence  de  la  dis- 
position at)soUie  do  l'art^  257  il  soit  permis  de  distinguer, 
quant  à  l'application  de  cet  article,  entre  les  cas  où  les  actes 
d'inslruction  auxquels  a  pu  procéder  un  juge  d'instruction 
provisoire  sont  plus  ou  moins  nombreux,  plus  moins  décisifs 
dans  la  cause;  qu'admettre  cette  distinction,  ce  serait  subs- 
tituer une  disposition  discrétionnaire  et  facultative  à  une  dis~ 
fûskim  fofwelleinent  prohibitive,  dans  une  matière  qui  est 

^Ga».  14  j«in  4StS,ffa|ip.M.  SctarandUJ.  P.,  t/XI, p.4f3»iiaoat  iSSO, 
f?Plp.  M.  RaUad,  t.  XVf,  liS. 

*  Cass.  1  aoûtl829,  rupp.  M.  de  Crouseillics  J.  P., t.  XXII,  p.  1808. 

*  Cass.  4  DOT.  18â0,  rapp.  H.  Uainbert  J.  P.,  t.  XXIII.  p.  814. 

*Gan.  3dinai  1834,  rapp.  M.  de  Ricard.  J.  I>.  t.  XXyi»  571;  8  juill. 
1834,  rapp.  M.   de  Ricard.  J.   P.,  t.  XWi,  p.  694. 
'Cass.  16  août  1841,  rapp.  M.  Brière-Valiguy.  BulL  n»  391. 

*  Cass.  7  octobre  1824,  rapp.  M.  Robcrt'St-yinceos,  J,  P.,  t,  XYIIIf 
P«  4055. 


192  DE4  COURS  d'assises. 

d'ordre  public  puisqu'clio  touche  à  Tordre  des  juridicUoos  ; 
que  dès  lors  il  suffit  qu'uu  juge  de  première  instance  ait,  dans 
le  cours  d*une  instruction^  rempli  les  fonctions  de  juge  d'ins- 
truction, pour  qu^il  soit  atteint  par  la  disposition  de 
l'art.  257,  » 

Nous  ne  voulons  point  assurément  affaiblir  les  scrupules 
que  cette  jurisprudence  atteste  :  il  importe  de  maintenir  avec 
fermeté,  dans  tous  les  cas  où  elle  laisse  soupçonner  l'impar- 
tialité du  juge,  une  interdiction  de  siéger  qui  constitue  une 
véritable  récusation  portée  par  la  loi  elle-rmème  contre  un 
magistrat  dont  elle  suppose  Tesprit  prévenu.  Mais  il  faut  se 
garder  en  même  temps  u  étendre  les  empêchements  que  la  loi 
a  prévus,  si  ce  développement  n'est  pas  réellement  utile  à  la 
justice.  Quel  est  le  but  de  Tart.  257  ?  c'est  d'interdire  les 
fonctions  de  membre  de  la  Cour  d'assises  au  magistrat  qui  a 
rempli  les  fonctions  de  juge  d'instruction  dans  la  même  af- 
faire. Or,  quand  un  magistrat  doit-il  être  réputé  avoir  rempli 
les  fonctions  de  juge  d'instruction  ?  Suffit-il  qu'il  ait  procédé 
à  un  seul  acte  d'instruction,  si  cet  acte  est  purement  matériel 
et  sans  influence  sur  la  cause  7  Cette  participation  instantanée 
le  place-t-elie  nécessairement  dans  la  même  situation  que 
s'il  avait  dirigé  la  procédure,  ordonné  les  mesures  d'infor- 
mation, procédé  à  l'examen  des  preuves?  Peut-être  aurait-on 
pu  limiter  la  prohibition  au  seul  cas  où  le  juge  aurait  pro- 
'cédé,  non  pas  à  un  seul  acte  isolé,  qui  ne  peut  avoir  qu'une 
importance  restreinte,  mais  à  une  série  d'actes  qui  consti- 
tuent réellement  une  part  de  l'instruction.  Un  acte  isolé  ne 
suppose  pas  une  connaissance  approfondie  de  la  procédure  ; 
une  série  d'actes,  qui  ne  peut  être  faite  que  par  un  exercice 
prolongé  de  la  fonction,  doit  faire  présumer  au  contraire  cette 
connaissance.  On  ne  peut  admettre  qu'un  seul  acte  jette  dans 
l'esprit  du  juge  qui  y  a  procédé  des  préventions  inaltérables  ; 
~  on  doit  admettre  au  contraire  qu'en  précédant  à  des  actes  suc- 
cessifs, le  juge  s'est  formé  sur  l'affaire  une  opinion  qui  ne  le 
quittera  plus.  Ces  observations  trouvent  une  sanction  dans  les 
arrêts  qui  ont  décidé  que  l'interdiction  ne  s'appliquait  pas  aux 
juges  de  la  chambre  du  conseil  qui  ont  statué  sur  la  mise  en 
prévention  \ 

Au  surplus,  il  ne  faut  pas  étendre  les  prohibitions  jusqu'à 
la  procédure  complémentaire  qui  suit  quelquefois  l'arrêt  de 

*  Gais,  se  août  i853i  rapp.  M.  Jacqulnoti  BttlL  n*  434;  et  conf.  17  mai 
ISSt,  Bull.  n.  170. 


DC  LA    COUPOSITION    DgS   C«UltS   »\SSISES.    §  589.  Vi\ 

mise  en  accusatîoQ  :  cette  procédure  étant  faite  ou  dirigée 
par  le  président  des  assises,  il  est  clair  qu'il  ne  peut  en  résul- 
ter un  motif  d'exclusion  pour  les  membres  de  la  Cour  d'assi- 
ses. Ainsi,  il  a  été  décidé  que  le  magistrat  qui  a  été  commis, 
suit  par  le  président,  soit  par  la  Cour  d'assises,  pour  procéder 
à  un  acte  d'instruction,  par  exemple  à  la  levée  d'un  plan  du 
lieu  où  le  crime  à  été  commis,  peut  siéger,  a  attendu  qu'il 
n*y  a  aucune  assimilation  à  faire  entre  l'instruction  primitive 
terminée  par  Tarrét  de  la  chambre  d'accusation  et  les  actes 
ultérieurs  d*instruction  nécessaires  pour  la  manifestation  de 
la  vérité  et  auxquels  le  président  des  assises,  en  vertu  de  la 
délégation  spéciale  qu'il  a  reçue  de  la  loi,  peut  procéder  ou 
faire  procéder  ' .  »  Quant  au  président,  qui  a  lui-même  fait 
quelque  acte  d'instruction,  il  a  été  également  reconnu  «  que 
les  art.  301,  303  et  806  autorisent  ce  magistrat  à  continuer 
rinstruction  après  l'arrêt  de  renvoi  ;  que  leur  disposition  ne 
permet  pas  d'étendre  au  président  la  prohibition  faite  au  juge 
d'instruction  de  siéger  à  la  Cour  d'assises,  ni  de  déclarer  les 
débats  nuls  par  cela  seul  qu*après  avoir  fait  des  actes  d'ins- 
truction, il  ne  se  serait  pas  abstenu  de  présider  *.  • 

La  même  solution  s'applique  aux  membres  de  la  Cour 
d'assises  qui  ont  statué  sar  la  reconnaissance  de  l'identité  de 
Taccusé,  «  attendu  que  l'art.  257  exclut  de  la  composition 
de  la  Cour  d'assises,  à  laquelle  est  déféré  le  Jugement  d'un 
accusé,  les  membres  de  la  Cour  impériale  qui  ont  voté  sur  la 
mise  en  accusation  ;  mais  qu'aucune  disposition  n'étend  cet 
empêchement  aux  magistrats  qui  ont  statué,  conformément . 
aux  art.  518  et  519,  sur  la  reconnaissance  d'identité  qui  est 
postérieure  à  l'arrêt  de  renvoi  devant  la  Cour  d'assises  et  se 
rattache  évidemment  aux  débats  ^.  » 

Que  faut-il  décider  à  l'égard  du  magistrat  qui  a  concouru 
à  un  premier  arrêt  annulé  par  la  Cour  de  cassation?  Peut-il 
siéger  dans  la  Cour  saisie  par  le  renvoi?  Il  est  certain  qu'il  ne 
le  peut  pas,  mais  ce  n'est  plus  on  vertu  de  l'art.  357  qu'il  est 
frappé  d'exclusion.  Lorsque  la  Cour  de  cassation  annulle  un 
arrêt  rendu  en  matière  criminelle,  elle  prononce  le  renvoi  du 

^  CaM.  9  lepU  1819,  rapp.  M.  Giraud.  J.  P.,  t.  XV,  p.  528  ;  12  déc  1888, 
«pp.  If.  McyronDet-St-Marc  U  XXV,  p.  67h. 

^  Cafs.22  avril  1886,  rapp.  M.  Viocens-St- Laurent  Bull.  u.  127  ;  26  fév. 
1841»  rapp,  M.  Bomigoières»  n.  58  $  80  août  I84I9  rapp,  M.  Mejronoet- 
St-Harc,  n.  805.  ' 

'GaMb  lA  déc  1854*  rapp.  M.  Scnéca.  Bail.  n.  342. 

VIII.  i^ 


194  Bnfi    COURS   D*ASSISES. 

procès,  aux  termes  de  Tarf.  429,  devant  une  Cour  d'assiies 
autre  que  celle  qui  aurarendu  l'arrêt.  Or,  il  résulte  évidem- 
ment de  ce  texte  que  la  loi  a  voulu  que  la  nouvelle  Cour  d'as- 
sises fut  composée  d*autres  juges  que  ceux  qui  ont  concouru 
^vi  premier  arrêt  *. 

IV.  Il  reste  maintenant  à  examiner  quefc  sont  les  effets  de 
cette  incompatibilité.  L'art.  257  dispose  que  les  magistrats  ne 
pourront  ni  présider  les  assises,  ni  assister  le  président  dans 
la  même  affaire  qu'ils  ont  concouru,  à  instruire.  Que  faut-il 
entendre  par  ces  mots  dans  la  même  affaire?  Faut-il  res- 
treindre ces  termes  prohibitifs  à  leur  sens  précis,  c'est-à-dire 
apx  actes  de  Taudience,  ou  faut-il  les  étendre  à  tous  les  ac- 
tesjuridiques  même  antérieurs  à  randience? 

La  Cour  de  cassation  a  déclaré,  en  premier  lieu,  que  la  pro- 
hibition ne  peut  être  étendue  à  l'acte  de  participation  à  une 
ordonnance  portant  indication  du  jour  d'audience  auquel  de- 
vrait être  jugée  l'opposition  à  un  arrêt  par  défaut  rendu  en 
matière  de  presse  par  la  Cour  d'assises  :  «  parce  qu'une  telle 
ordonnance  ne  pouvant  exercer  aucune  influence  sur  le  ju- 
gement du  fond  du  procès^  ne  saurait  être  considérée  coonrae 
un  acte  d'instruction  ^  »  Ce  premier  point  est  hors  de  toute 
contestation. 

Mais  en  doit-il  être  de  même  lorsqu'il  s'agît,  non  plus  seu- 
lement de  fixer  le  jour  d'une  audience^  mais  de  concourir  à 
la  formation  de  la  liste  des  trente  jurés?  Sur  le  second  point 
la  jurisprudence  à  varié.  La  Cour  de  cassation  avait  décidé 
«  qu'il  j.a  une  corrélation  nécessaire  entre  la  formation  de  la 
liste  des  trente  jurés  et  les  affaires  qui  sont  jugées  dans  la 
même  session,  par  le  tirage  au  sort  des  jurés  qui  forment  le 
jury  de  jugement  ^  »  ;  d'où  la  conséquence  qu'il  suflisait 
qu'un  juge  qui  avait  concouru  à  l'instruction  eut  pris- part  à  ce 
tifage  pour  qu'il  y  eut  nullité.  Cette  jurisprudenceétait  singu- 
lièrement scrupuleuse.  H  est  certain  qu'il  existe  une  corré- 
lation entre  la  formation  de  la  liste  des  jurés  et  le  jugennK.'fit 
de  chaque  affaire  ;  mai^  cette  corrélation  doit-elle  avoir  pour 
effet  d'interdire  au  juge  frappé  par  l'incompatibilité  de  siéger 

*  Cass.  6  mai  iSïh,  rapp.  M.  Brière.  BulL  a»  6a. 

*  Cass.  10  avril  1823,  rapp.  M.  DebaussyrJ.Pt,  XVf^Z%2. 

*  Caw,  2  féf.  1882,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  66»:  20  OCt,  1852, 
rapp.  M.  Rive6.  t.  XXiV,  p,  1521. 


DB  LA   COMPOSITION  DES    COITRS  d'aSSISIS.  §  589.  19S 

è  celte  opération  aussi  bien  quau  jugement  T  Gomment  les 
préventions  que  ce  juge  a  pu  acquérir  dans  l'instruction  pour- 
raient-elles se  faire  jour  dans  le  tirage  des  trente  jurés  ?  Gom- 
ment pourraient  elles  se  mànirester  et  influer  sur  Tadmission 
des  excusas  ou  Tappel  par  le  sort  des  jurés?  Gomment  les 
garanties  de  la  défense  seraient  elles  diminuées  par  l'assis- 
tance du  juge  d'instruction  à  un  acte  qui  se  rattache  i  toules 
les  affaires  de  la  session  et  non  à  telle  affaire  en  particulier  ? 
Ces  motifs  ont  déterminé  un  changement  dans*  la  jurispru- 
dence*  Un  nouvel  arrêt  a  jugé  ;  «  qu'il  résulte  de  la  combi- 
naison des  art«  393  et  399  que  les  arrêts  des  Cours  d'assises 
qui  statuent  sur  les  excuses  dos  jurés  portés  sur  les  listes 
dressées  en  exécution  des  art.  388  et  390,  et  par  suite,  sur 
l'appel  ées  jurés  supplémentaires  et  complémentaires,  ont 
pour  objet  d'assurer  le  service  général  de  la  session,  comme 
les  opérations  antérieures  ordonnées  par  les  art.  388  et  390  ; 
qu'en  statuant  ainsi,  les  Gours  d'assises  n'ont  point  en  vue 
telle  ou  telle  affaire  de  la  session  en  particulier,  et  que  ces 
opérations  différent  esscnticllcmciil  de  la  formation  du  jury 
de  jugement,  puisqu'il  y  est  procédé  par  la  Cour  d'assises 
et  non  par  le  président  seul,  et  que  la  présence  des  accusés 
n'y  est  pas  requise;  que  si  les  accusés  ne  sont  pas  privés  du 
devoir  de  crititjuer  cts  opérations,  s'il  y  a  eu  violation  de 
quelque  formalité  substantielle  ou  si  parmi  les  jurés  opt  été 
admis  des  citoyens  qui  n'étaient  pas  pourvus  des  capacités  re- 
quises, il  ne  s'ensuit  pas  que  les  magistrats  qui  y  ont  pris  part 
puissent  èlre  réputés  avoir  siégé  comme  juges  dans  leurs  af- 
faires particulières  '.  »  Un  arrêt  postérieur  ajoute  :  «  que  le 
règlement  des  exoines  n'est  pas,  à  l'égard  des  divers  accu- 
sés, un  acte  de  juridiction,  mais  plutôt  un  acte  d'administra- 
tion, comme  celui  des  Cours  royales  au  moment  où  le  premier 
président  tire  ia  li:>te  des  jurés  de  session  ;  que  le  niagistrat 
qui  a  pris  part  à  un  arrêt  de  condamnation  ultérieurement 
cassé,  et  qui  prend  part,  dans  la  Cour  d'assises  de  renvoi  saisie 
de  la  même  affaire,  au  jugement  des  excuses  des  jurés,  ne 
prend  pas  pari  au  jugement  de  l'affaire  qu'il  a  déjà  jugée, 
et  que  dès  lors  l'interdiction  portée  par  l'art.  257  ne  saurait 
recevoir  aucune  application  \  » 

*  Un.  17  cet.  1885,  rapp.   M.  Isambcrl.  J.  P.,  XXV,  p«  900. 

*  Gant.  13  maU842>  rapp.  M.  MérUhoo.  Boil.  d.  116. 


10G  DRB  Qovni^  d'assises. 

s  590. 

I.  Autres  causes  d^înoompatibilité.  —  II.  Causes  de  récusation. 
—  III.  De  la  participation  à  certains  actes  juridiques  anié- 
rieurs. 

I.  Oatre  les  causes  particulières  d'incompatibilité  qui  dé- 
rivent de  Tart.  257,  les  causes  générales,  que  la  loi  de  l'or* 
ganisation  judiciaire  à  formulées,  s'appliquent  aux  membres 
de  la  Cour  d'assises  comme  à  tous  les  juges.  Ils  trouveraient 
donc  une  cause  d'incompatibilité  dans  le  degré  de  leur  pa- 
renté entre  eux  '. 

IL  Ils  peuvent  également,  comme  les  membres  des  autres 
juridictions,  être  récusés.  Nous  avons  posé  le  principe  et  exa- 
miné les  causes  des  récusations  en  matière  correctionnelle  '• 
Nos  observations  s'appliquent  entièrement  ici. 

III.  Il  reste  à  rechercher  dans  quels  cas  la  participation  du 
juge  à  des  actes  antérieurs,  autres  que  des  actes  d'instruc- 
tion, peut  devenir  une  cause  d'exclusion. 

Il  y  a  lieu  de  remarquer,  en  effet,  qu'il  est  certains  actes 
qui,  lorsque  le  juge  y  a  concouru,  deviennent  contre  lui,  non 
point  seulemMit  une  cause  de  récusation,  mais  une  cause 
d'exclusion.  ^ 

Ainsi,  lorsqu'une  affaire  est  renvoyée,  après  cassation,  à 
une  nouvelle  Hour  d'assises,  aucun  des  juges  qui  ont  participé 
à  Tarrét  annulé  ne  peut  faire  partie  de  la  nouvelle  Cour  : 
e'est  une  prohibition  expresse  qui  résulte  des  termes  des 
art.  438  et  429  ^ 

Ainsi,  lorsque  Tun  des  juges  a  rempli  les  fonctions  du  mi-' 
nistère  public,  la  même  interdiction  subsiste  :  «  Attendu  que 
c'est  une  maxime  constante  de  notre  droit  public  que  les  fonc- 
tions du  ministère  public  sont  incompatibles  avec  celles  de 
juge;  que  c'est  un  principe  de  justice  éternelle  de  ne  pas  per- 
mettre qu'un  magistrat  puisse  être  dans  la  même  affiaire  par- 
tie poursuivante  et  juge,  et  que  l'incompatibilité  entre  les 
fonctions  de  juge  et  du  ministère  public  résulte  de  leur  na- 
ture ;  que  l'art.  257  règle ,  dans  la  composition  des  Cours 

'  Voy.  notre  U  Vil,  p.  541. 
•  Voy,  notre  L  VII.  p,  642. 

"  Casa,  e  mal  i8S4i  rapp.  M.  Robert  de  St-Vinceni.   J.  P.,  XYIII, 
p.;,680. 


DK   LA   COU  POSITION   OëS   COUHS   D*AâSl&BS.    §    590.  i97 

d'assises,  les  empêchements  des  juges;  mais  que  le  Code>  en 
ce  qui  concerne  le  ministère  public,  s^en  est  référé  en  cette 
partie  au  droit  commun  et  universel  ^  »  Il  suffirait  même 
qu'un  magistrat  eut  rempli  par  intérim  les  fonctions  du  mi- 
nistère public  au  moment  du  tirage  du  jury  de  jugement, 
pour  qu'il  ne  put  siéger  comme  assesseur  • 

Mais  en  dehors  de  ces  cas  qui  sont  prévus  par  la  loi  elle 
même  ou  par  des  maximes  qui  ont  la  puissance  de  la  loi, 
la  connaissance  antérieure  que  le  juge  a  pu  prendre,  même 
dans  ses  fonctions,  d^une  affaire  criminelle  qu'il  est  appelé  & 
juger,  ne  peut  être  qu'une  cause  de  récusation. 

Ainsi  la  jurispurdence  a  reconnu  qu'aucune  interdiction 
n'empêche  de  siéger  à  la  Cour  d^assises  :  l"*  le  magistrat  qui 
a  porté  la  parole  comme  officier  du  ministère  public  dans  un 
précédent  débat  ouvert  contre  un  autre  accusé  compris  dans 
le  même  acte  d^accusation,  car  il  s'agissait  d'un  autre  fait  et 
d'un  autre  débat  '  ;  2"^  le  magistrat  qui  prononce  une  con- 
damnation par  contumace  conlre  l'accusé  qu'il  est  appelé  à 
juger  contradictoirement,  «  attendu  qu'il  ne  résulte  ni  de 
Fart.  257,  ni  d'aucune  autre  loi,  qu'il  soit  interdit  au  ma- 
gistrat qui  a  prononcé  sur  la  contumace  de  concourir  au  juge- 
ment de  raccusatioR,  lorsque  la  décision  par  lui  rendue  se 
trouve  anéantie  de  plein  droit  par  la  représentation  de  Tac- 
cusé  4  ;  9  30  le  magistrat  qui  faisait  partie  de  la  première 
chambre  civile  au  moment  où  le  premier  président  a  procédé 
au  tirage  du  jury  et  à  la  formation  de  la  liste  de  sesaioa  ^  ; 
4*  le  magistrat  qui  a  participé  comme  membre  de  la  cham- 
bre correctionnelle  à  un  arrêt  déclarant  la  juridiction  correc* 
tionnelle  incompétente  :  •  Attendu  que,  d'après  Fart.  267,  il 
n'y  a  que  les  membres  de  la  Cour  qui  ont  voté  sur  la  mise  en 
accusation  et  le  juge  qui  a  fait  l'instruction  qui  ne  peuvent  à 
peine  de  nullité  être  membres  de  la  Cour  d'assises  6*  »  50  le 
niagistrat  qui  a  concouru  à  jugement  correctionnel  rendu 

>  Cask  il  lepL  IBtlf  rapp.  M*  Briëre.  J.  P.»  XXI»  p.  797.  Voy.  toa- 
lefoi%sur  la  récusation  des  officiers  du  ministère  public,  notre  tome  II , 
p.  m. 

*  Cass.  5  déc.  1850»rapp»M.  de  Gloi.  BulL  n.  HO. 

*  Cass.  5  afril  183),  rapp.  M.  Rifes.  J.  P.,  t.  XXIY»  930  ;  S8  aTril  1843. 
DalUia,  i,  345. 

^  Ciss.  23  mars  i8&&,  rapp.  M •  Jacquinot,  Bull.  n.  i4e;4i  oct.  4849, 
rapp.  M.  de  Glos.  Bull.  n.  269, 
'  Cass.  h  sept.  4828,  rapp.  M.  Mangin  J.  P.,  t,  XXII,  270, 

*  Ca8&  5  aurt  182A,  rapp.  M.  RaUud  J.  P.,  t  XVIII.  590;  20réT.  iSAO. 
DaU.  40401 


191  DBS  €OUBS   d'aSSISIS. 

contre  l'accusé  à  raison  d'une  première  poursuite  :  a  Aiteadu 
que  les  incapacités  étant  de  droit  étroit,  la  disposition  de 
Tart  267  doit  être  restreinte  au  cas  qu'il  a  préyu  '  »;  G""  le 
magistrat  qui  a  participé  à  un  arrêt  de  la  Chambre  civile 
prononçant  pour  cause  de  fraude  la  nullité  d'un  acte  dont  la 
fausseté  fait  Tobjet  de  TaccusatioD  soumise  à  la  Cour  d^ assises  '; 
7*".  EnGn^  le  magistrat  qui  a  connu  d'une  instance  civile 
entre  Taccusé  et  le  plaignant,  sur  des  faits  se  rattachant  ^ 
Taccusation  *• 

Dans  toutes  ces  hjpothè-cs,  la  participation  du  juge  à  des 
actes  antérieurs  est  impuissante  pour  fonder  une  cause  d'ex- 
clusion, car  elle  n'est  pas  comprise  dans  les  termes  de  l'art. 
257;  mais  elle  peut  fournir ,  conformément  à  Tart.  378  n°  8 
du  C.de  pr.  civ.,  unecaut^e  de  récusation  que  Taccuséa  la 
faculté  de  faire  \aloir,  s'il  le  juge  utile  à  son  intérêt,  et  qui 
est  appréciée  suivant  les  for  mes  prévues  par  les  articles  380  et 
suiv.  du  même  code. 

8*691. 

1.  Du  ministère  public  près  la  cour  d'assises.  —  U.  Quels  magistrats 
peuTeut  remplir  cette  fonction. 

I.  La  Cour  d'assises,  comme  toutes  les  juridictions  répres- 
sives, n'est  constituée  que  par  la  présence  d'un  magistrat  du 
ministère  public.  Nous  avons  déjà  établi  ce  principe  en  ma- 
tière de  police^  et  de  police  correctionnelle  ^  Il  est  formelle- 
ment consacré  en  matière  de  grand  criminel  par  les  art.  252, 
253,  271  et  284  de  notre  Code. 

La  jurisprudence  n'a  fait  que  se  conformer  strictement  à 
ces  textes  en  décidant  que  le  concours  du  ministère  public  est 
une  condition  essentielle  de  la  validité  de  toutes  les  opérations 
de  la  Cour  d'assises.  Ainsi,  dans  une  espèce  où  la  déposition 
d'un  seul  témoin  avait  eu  lieu  en  l'absence  de  Tofficier  du 
ministère  public,  Tarrèt  a  été  cassé  :  «  Attendu  qu'il  résulte 
de  la  combinaison  des  art.  253,  271,  273,  276,  319,  326, 
330  et  335,  que  l'oflicier  du  ministère  public  qui  est  chargé 
du  service  de  la  Cour  d'assises  fait  nécessairement  partie  de 

*  Gass.  Si  nov.  184â«  rapp.  M.  Rocher.  Bull,  n,  278. 
s  Gass.  6  avril  18S8.  Dali.  àO,  i,  369. 

>  Cass.  iS  avril  1837,  rapp.  M,  Bresson.  Bull.  ii.  ilO  ;  et  23  juill.  1819, 
rapp.  M.  AumooU  J.  P.,  t.  XV,  ^34. 

*  Voy.  t.  VU,  p,  122.  —  •  Voy,  U  VII,  p.  555,   ^ 


DE  LA  COMPOSITION  DKS    GOUBS  1>  ASSISES.   §    591.  199 

cette  Cour,  et  que  celle-ci  n'est  régulièrement  canstttuée  que 
par  son  assistance  et  son  concours  ;  d'où  il  suit  que  sa  pré-* 
i^Qceè  tous  les  actes  de  riostruction  orale  derant  les  juréa 
est  une  condition  substantielle  delà  régularité  des  débats\  » 

Mais  il  n'est  pas  nécessaire  que  ce  soit  le  mérne  officier  da 
ministère  public  qui  ait  assisté  aux  débats,  depuis  le  oom- 
menceroent  jusqu'à  la  fin  *• 

Il  ne  faut  pas  confondre  non  plus  avec  Une  absence  mo^ 
mentanée,  le  fait  que  Tofficier  du  ministère  public  aurait 

Suitté  un  moment  son  siège,  s'il  n'a  pas  réellement  quitté  Tau-* 
ience.  Ainsi,  dans  une  espèce  où  la  demande  en  cassation 
était  fondée  sur  ce  que  l'officier  du  ministère  public  aurait  été 
absent  de  l'audience  pendant  une  partie  de  la  plaidoirie 
de  Tun  des  défenseurs,  ce  moyen  a  dû  être  rejeté  ;  «At- 
tendu que,  sur  rincident  élevé  à  cet  égard  par  Tun  des  dé- 
fenseurs, il  a  été  rendu  par  la  Cour  d'assises  un  arrêt  expli- 
catif du  fait  allégué  ;  qu'il  résulte  de  cet  arrêt  que  si,  pendant 
la  plaidoirie  du  défenseur»  l'officier  du  ministère  public,  se 
sentant  indisposé,  est  entré  dans  la  chambre  du  conseil  pour 
y  boire  un  verre  d'eau^  ce  même  arrêt  constate  que  Tabseneè 
de  ce  magistrat  ne  s'est  pas  prolongée  et  n'a  pas  même 
duré  une  minute  ;  que  la  chambre  du  conseil  est  contiguë 
immédiatement  à  la  salle  d'audiçnce,  dont  elle  n'est  séparée 
que  par  une  porte  qui  est  restée  ouverte,  et  que,  du  reste,  ce 
magistrat  est  resté  présent  à  tous  les  actes  de  l'instruction 
orale  devant  le  jury  ;  que  le  fait  ainsi  constaté  prouve  qu'il 
D'y  a  pas  eu  absence  du  ministère  publie,  dans  le  sens  véri- 
table de  ce  mot,  à  l'un  des  actes  d^  débats,  et  notamment  à 
la  plaidoirie  de  l'un  des  défenseurs^.  » 

IL  Cette  fonction  est  remplie,  au  chef-lieu  de  la  Conr  im- 
périale, <  soit  par  le  procureur  général,  soit  par  un  des  avo- 
cats généraux,  soit  par  un  des  substituts  du  procureur  géné- 
ral. »  (Art.  252,  g  2.) 

Elle  est  remplie,  dans  les  autres  départements,  par  le  pro- 
cureur  impérial  près  le  tribunal  ou  l'un  de  ses  substi- 
tuts, (Art  263,) 

Toutefois,  dans  ce  dernier  cas,  l'art  263,  après  avoir  fait 

*  Cas»/»  janv.  4839,  rapp.  M,  Rives.  Bail,  »,  1. 

î  Voy.  l.  II,  p.  A29  ;  et  cass.  10  août  1837,  rapp.  M.  Isambcrt.  Bull. 
D.  232. 

*  Cafs.  23  sept.  1S52^  Joura.  Crink  t.  XXV,  p.  109. 


201^  DES   COURS  D  ASfilSKji. 

cette  désignation,  ajoute  :  «  sans  préjudice  des  dispositions 
contenues  dans  les  art.  265,  271,  et28&.  j> 

Ces  dispositions  ainsi  réservées  ont  pour  objet  d'attriboeraa 
procureur  général  le  droit  de  remplir  kii-mème  les  fonctions 
du  ministère  public  près  les  Cours  d'assises  de  ces  départe- 
ments ou  de  les  déléguer  à  ses  substituts. 

Le  droit  personnel  du  procureur  général  est  fondé  :  l""  sur 
l'art.  45  de  la  loi  du  20  avril  1810  portant  que  les  procu- 
reurs généraux  exerceront  l'action  de  la  justice  criminelle 
dans  toute  l'élendue  de  leur  ressort  ;  2*  sur  Tart.  271  duC. 
d^instr.  crim.  qui  dispose  que  a  le  procureur  général  pour- 
suivra, soit  par  lui-même,  soit  par  son  substitut,  toute  per- 
sonne mise  en  accusation  ;  »  3*  sur  l'art.  284  du  même  Gode 
portant  que  «  le  procureur  impérial  criminel  remplacera  près 
la  Cour  d^assises  le  procureur  général  dans  les  départements 
autres  que  celui  où  siège  la  Cour  impériale»  sans  préjudice 
de  la  faculté  que  le  procureur  général  aura  toujours  de  s^y 
rendre  lui-même  pour  y  exercer  ses  fonctions.  » 

Il  j  a  lieu  de  remarquer  au  sujet  de  ce  dernier  texte  que 
le  procureur  impérial  criminel^  dontil  fait  mention,  n'existe 
plus.  L'art,  253  du  G.  d'instr.  crim.  de  1810  avait  établi  ce 
magistrat  auprès  de  chaque  Cour  d'assises.  La  loi  du  26  dé- 
cembre 1815  l'a  supprimé.  L'art.  1*'  de  cette  loi  porte  : 
«  Les  places  de  substituts  des  procureurs  généraux  faisant 
fonctions  de  procureurs  criminels  dans  les  départements  sont 
supprimées,  i  L'art.  2  ajoute  :  n  Les  fonctions  du  ministère 
public  qui  étaient  attribuées  à  nos  procureurs  au  criminel  se- 
ront exercées  par  nos  procureurs  près  ies  tribunaux  de  pre- 
mière instance  des  arrondissements  dans  lesquels  siègent  ies 
Gours  d'assises,  ou  par  leurs  substituts.  »  G'est  en  se  confor- 
mant k  cette  loi  que  la  loi  du  28  avril  i832  a  rectifié  les  ter- 
mes de  l'art.  253. 

'  Le  droit  du  procureur  général  de  déléguer  Tua  des  mem«* 
bres  de  son  parquet  a  été  induit  V  de  Part,  284  qui  attri- 
bue au  procureur  général  la  faculté  de  se  transporter  lui- 
même  ;  2°  de  l'art.  265  qui  lui  attribue  la  faculté  de  délé- 
guer ses  fonctions  à  ses  substituts,  même  étant  présent ,  et  par 
conséquent  lorsqu'il  est  absent  ou  empêché;  3^  Defart  47  de  la 
'  loi  du  20  avril  1810qui  porte  que  « lessubstitutsdu  procureur 
général  exercent  la  même  action  dans  les  mêmes  cas  sous  la 
direction  du  procureur  général  ;  »  4**  De  l'art.  42  du  dé- 
cret du  6  juillet  1810  qui  dispose  que  «  toutes  les  fonctions 


DE   LA    CÛMPOSlTiON   DBS   COURS   d'aSSISKS.    §   591.  SOI 

do  ministère  public  sont  spécialement  et  personnellement 
confiées  aux  procureurs  généraux  :  les  avocats  généraux  et 
les  sabstituts  ne  participent  à  Teiercice  de  ces  fonctions  que 
soosia  direction  du  procureur  général,  t  Ce  droit  a  été  re- 
connu par  un  arrêt  qui  déclare  :  «  que  Tart.  SSA-  donne  au 
procureur  général  la  faculté  de  se  transporter  lui-même  au- 
près  des  Cours  d^assises  du  ressort  pour  y  exercer  ses  fonc- 
tions, et  qu'en  lui  confirmant  cette  prérogative,  les  art.  &5 
et  47  de  la  loi  du  20  avril  1810  lui  confirment  en  outre  le 
droit  de  s'y  faire  représenter  par  l'un  des  officiers  de  son 
parquet,  lorsqu'il  juge  cette  mesure  nécessaire  dans  l'intérêt 
de  la  justice  ^  » 

Lorsque  le  procureur  général  délègue  un  avocat  général 
pour  remplir  les  fonctions  du  ministère  public  près  d'une 
Cour  d'assises  autre  que  celle  du  siège  de  la  Cour,  est-il 
nécessaire  que  cette  délégation  soit  connue  des  accusés  avant 
Taudience?  Un  arrêt  décide,  en  rejetant  un  pourvoi  fondé  sur 
ce  moyen,  «  qu'aucune  disposition  législative  n'exige  qu'il  soit 
donné  connaissance  de  cette  délégation  à  l'accusé  avant  l'ou- 
verture des  débats*.  »  La  véritable  raison  de  décider  aurait 
dû  se  tirer  du  principe  de  l'indivisibilité  du  ministère  public  ^r 
il  importe  peu,  puisque  chacun  des  membres  de  ce  ministère 
est  considéré  comme  son  organe,  que  l'accusé  connaisse  l'of- 
ficier qui  doit  soutenir  l'accusation;  il  doit  se  défendre,  non 
contre  tel  ou  tel  magistrat,  mais  contre  le  ministère  public. 

Nous  avons  établi  précédemment  i^  que  le  procureur  gé- 
néral et  le  procureur  impérial  peuvent,  en  cas  d'empêche- 
ment, être  remplacés  par  des  juges  ou  des  juges  suppléants^  : 
cette  règle  ne  reçoit  point  d'exception  dans  le  service  des  as- 
sises^; 2^  que  les  officiers  du  ministère  public  ne  peuvent 
être  récusés^;  3*  qu'il  ne  résulte  aucune  nullité  nonobstant 
les  termes  delà  loi  du  20  avril  1810,  de  ce  que  l'officier  du 
ministère  public,  qui  a  pris  des  réquisitions,  serait  parent  ou 
allié  au  degré  prohibé  de  l'un  des  juges  de  la  Cour  d'as- 
sises?. Nous  n  avons  donc  pas  à  revenir  sur  ces  différents 
points. 

>  CaM.  SO  nmn  1882,  rapp.  M.  RWes.  J.  P.,  U  XXIV,  p.  906. 

*  Mène  arrtt. 

'Voy.  BoUre  t  II,  p.  iSOt 

*  Voy.  notre  t  II,  p.  195. 

*  Art.  84  G.  pr.  dT.,  36  G.  iost  cr«  etcass.  35  «Tril  i85i,  rapf.  M.  de 
(909.  Bull.  n.  156. 

*  Voy.  noire  t.  Il,  p,  ûSO. 

^  Toy.  notre  t.  TU,  p,  558  et 555. 


302  DBS  GOORS  0*A»1S1M. 

S  592, 

I.  Du  greffier.  —  II.  Sci  fonctions. 

|.  U  .est  de  principe,  dan$  notre  organisation  judiciaire 9 
qq*à  cbaqujB  juridiction  est  attaché  un  greffier  pour  coulater 
tes  actes  du  juge  et  tenir  le  dépôt  des  niinutes  '. 

Cette  institution  s'applique  naturellement  à  la  Cour  4'afi- 
sises.  L'art.  252  déclare  que ,  dans  les  départements  où 
siègent  les  cours  impériales^  «  le  greffier  de  la  Cour  y  exer- 
cera ses  fonctions  par  lui-même  ou  par  Tun  de  ses  commis 
assermentéjs.  »  L'art.  253  dispose  que,  dans  les  autres  dépar- 
tements, <c  la  Cour  d'assises  sera  composée....  4*^  du  greffier 
du  tribunal  ou  de  l'un  de  ses  commis  assermentés.  » 

Il  suffit  que  les  commis  aient  nrôté  lo  serment  professionnel 
i(  de  bien  et  fidèlement  remplir  leurs  fonctions.  »  Il  a  été  ré- 
pondu à  un  pourvoi  qui  invoquait  l'omission  du  serment 
politique,  a  quje  les  art.  3  et  5  de  la  loi  du  8  août  18&9  n'ont 
en  d'autre  objet  que  de  donner  une  nouvelle  institution  à  la 
magistrature,  et  que  le  serment  prescrit  par  l'art.  3  de  cette 
loi  ne  peut  être  appliqué  qu'aux  magistrats  ou  aux  greffiers 
recevant  du  gouvernement  une  institution  nouvelle  ;  que  les 
commis  greffiers  nommés  par  le  greffier,  qui  peut  les  révo- 
quer, n'ont  point  à  recevoir  celte  institution  et  ne  peuvent 
dès  lors  être  considérés  comme  membres  des  cours  et  tribu- 
naux dans  le  sens  de  cette  loi  et  soumis  è  ses  dispositions  *.  » 

Au  surplus,  les  parties  ne  sont  point  Tondées  à  critiquer  la 
validité  de  pe  serment.  Dans  une  espèce  où  le  pourvoi  était 
fondé  sur  ce  que  le  commis  greffier  n'avait  prêté  que  le  ser- 
vent professionnel ,  le  rejet  a  été  motivé  sur  ce  «  qu'il 
n'est  point  méconnu  que  le  greffier  était  assermenté  ;  que 
cet  officier  était  dans  l'exercice  légal  de  ses  fonctions ,  et  que 
le  demandeur  n'est  point  recevable  à  contester  devant  la 
Cour  et  4  proposer  comme  ouverture  à  cassation  la  validité  du 
serment  professionnel  qu'il  a  prêté  ^.  j» 

II.  La  présence  de  eet  officier  ministériet  est  une  forme 
essentielle  de  la  constitution  do  la  Cour  d'asases  :  son  con- 


*  Voy.  Dolre  t.  VII»  p.  136  et  S57. 

>  Cais.  SI  noT.  4850,  ft  notre  rapport.  Bn]l.  n.  800. 

'  Cas8.  Si  jum  1850,  rapp,  M.  Isambert,  Dali  1850  5*  p.  CO,  1.  274» 


»!  LA  COMPOSITION  oEs  coufts  h'assisss  §  592.  203 

cours  est  indispensable  à  tous  les  actes  de  la  procédure.  L'art. 
91  du  décret  du  30  mars  1808  porte,  en  effet,  en  thèse  gé- 
nérale ,  que  u  le  greffier  ou  l'un  de  ses  cou^mis  assermentés 
tiendra  la  plume  aux  audiences,  depuis  leur  ouverture  jus- 
qu'à ce  qu'elles  soient  terminées.  »  Et  l'art.  372  du  Code 
d*instr.  cr.  dispose,  en  ce  qui  concerne  la  Cour  d'assises,  que 
«  le  greffier  dressera  un  procès-verbal  de  la  séance  à  l'effet 
de  constater  que  les  formalités  prescrites  ont  été  observées.  » 
On  trouve  Tapplicalion  de  ce  principe  dans  un  graod  nom- 
bre de  dispositions  et  notamment  dans  les  art.  313,  318, 
349 ,  etc. 

Il  y  aurait  nullité  des  débats  si  un  arrêt  incident  avait  été 
rendu  en  Tabscnce  du  greffier  ;  la  raison  en  est  «  que  le  gref- 
fier ou  le  commis  qui  le  remplace  fait  nécessairement  partie 
de  la  Cour  d'as^ses  et  qu'elle  ne  peut  être  régulièrement 
constituée  que  par  son  assistance  et  son  concours  ;  que  d'a- 
près Tart.  91  du  décret  du  30  mars  1808,  le  greffier  doit 
tenir  la  plume  aux  audiences  depuis  leur  ouverture  jusqu'à 
ce  qu'elles  soient  terminées,  et  que  l'art.  372  le  charge,  en 
outre,  de  dresser  un  procès-verbal  de  la  séance  à  l'effet  de 
constater  que  les  formalités  prescrites  ont  été  observées  ;  qu'il 
suit  de  là  que  cet  officier  étant  institué  pour  recueillir  les 
fails  qui  se  passent  à  l'audience  de  la  Cour  d'assises,  les  con- 
stater et  en  rendre  témoignage,  sa  présence  à  tous  les  actes 
de  la  procédure  qui  concerne  l'examen  et  le  jugement  est 
une  condition  substantielle  de  leur  régularité  '  » 

II  y  aurait  nullité  lors  môme  que  ie  greffier  n'aurait  été 
absent  qu'un  seul  moment  si,  pendant  cet  instant,  une  for- 
malité essentielle  s'est  accomplie  et  n'a  pu  être  régulièrement 
constatée.  Ce  point  a  été  consacré  par  un  arrêt  qui,  après 
avoir  rappelé  les  dispositions  ci-dessus  énoncées,  prononce 
l'annulation  d'un^ procédure  :  «  attendu  que,  sans 'conclure 
de  ces  dispositions  que  l'absence  la  plus  courte  du  greffier 
doive,  dans  toutes  les  circonstances,  entraîner  la  nullité  des 
débats,  il  faut  en  tirer  cette  conséquence  que,  dans  tous  les 
cas  où  le  procès-verbal  mentionne  Taccomplisement  d'une 
formalité  prescrite  par  la  loi,  et  où  il  est  reconnu  par  un  ar- 
rêt qui  en  donne  acte  aux  parties,  qu'à  i;e  moment  le  greffier 
n'était  pas  présent  à  l'audience,  cette  formalité  est  comme  si 
elle  n'avait  pas  été  constatée,  puisque  la  Cour  d'assises  n'é- 

*  Ca».  18  aTri)  1.837.  rapp.  M.  Brcsson.  Bull.  n.  iiO. 


â04  DES  COURS   «VSSISES. 

tait  pas  complète  au  moment  de  cette  constatation  ;  que  Ton 
objecterait  vainement  qu'il  résulte  de  Tayeu  même  de  la 
partie  que  la  formalité  a  été  remplie  ;  que  les  faits,  réguliè- 
rement constatés  par  le  procès-verbal,  présentent  seuls  le 
caractère  d'authenticité  voulu  par  la  loi  ;  qu'il  est  reconnu 
par  Parrèt  incident»  rendu  sur  les  conclusions  du  défenseur 
do  Faccusé»  que  le  greffier  était  absent  au  moment  où  le 
président  aurait  rempli  la  formalité  prescrite  par  Part.  335» 
qui  veut  que  Taccusé  ou  son  conseil  aient  toujours  la  parole 
les  derniers  ;  que  cetie  formalité  est  essentielle  au  droit  de 
la  défense,  et  que  faute  d^avoir  été  régulièrement  constatée, 
elle  est  comme  si  elle  n'avait  pas  été  accomplie  \  » 

'  Cdss.  i7  juin.  1850,  rapp.  M.  Vabse.  Bull.  n.  25i« 


HE  LA   COMPOSITION   Di:   JURY.   §.   593.  205 


CHAPITRE  IV. 

DE  LA  COMPOSITION  DU  JURY, 

|.  593.  I.  Du  Jory. —  IL  Ses  origines.  — III.  premièrt  application  ea 
Franee.  — IV.discassion  et  motifs  du  Gode.  —  Y.  Examesde  oette 
iostitution  au  point  de  vue  juridiq«».  — VL  Examen  au  point  de  rue 
général. 

§.  594.  1.  De  la  composition  du  jury  sous  la  loi  du  i5«29  septembre 
1791.  —  IL  Soud  la  loi  du  2  nivôse  an  ii.  — 111.  Sous  la  loi  du  5 
fraclidor  an  m.  —  lY.  Sous  la  loi  du  6  germinal  an  ?iii.  —  Y.  Sous 
la  loi  du  ISfructidor  an  tiii  —  VL  Sous  le  Gt)de  de  181Ô.  —  Vfl. 
SoQs  la  loi  du  2  mai  1827.  —  YIIL  Sous  la  loi  du  9  août  1818.  IX. 
Sous  la  loi  du  4  juin  i8S3.  —  X.  Examen  des  principes  sur  lesquels 
doit  reposer  la  composition  du  jury. 

$.  59îS.  1.  Formation  de  la  liste  annuelle  du  jury.  — II.  Première  com- 
mission chargée  de  dresser  les  listes  préparatoires.  —  111.  Seconde 
commission  chargée  de  dresser  la  liste  définitive.  —  IV.  Listes  spé- 
ciales des  jurés  suppléants.  —  Y.  Formation  de  la  liste  annuelle  de 
chaque  département. 

$.  596.  L  Conditions  générales  d'aptitude  aux  fonctions  de  juré.  —  11. 
Bêla  qualité  de  Français. — 111.  De  Tàge.— IV.  Jouissance  des  droits 
civils. 

I  597.  I.  Causes  dMncapacité.  •—  IL  Examen  des  diverses  caté- 
gories d'incapacités. 

i.  598. 1.  Causes  d'exclusion.  ^  IL  Domesticité.^  III.  Défaut  d'ins- 
truction. —  lY.  Aliénation  mentale. —  V.  Maladies. 

i*  599.  L  Causes  d*incompatibili(é.  —  IL  ICauses  permanentes.  — 
III  Causes  accidentelles. 

!•  600.  L  Causes  de  dispense  ou  d'exemption.—  IL  Septuagénaires. — 
111.  Ouvriers. — lY.  Fonctions  politiques. — Y.  Fonctions  antérieures 
de  juré. 

S-  601.  L  Formation  de  la  liste  de  la  session.  —IL  Jurés  défaillants. 
— 111.  Excuses  et  dispenses.— IV.  Nombre  de  jurés  nécessaire  pour 
procéder  au  tirage.  —  Y.  Jurés  complémenuires. 

!•  602.  I.  Notification  de  la  liste  des  jurés.  —  11.  Quelle  liste  doit 
être  notifiée.  •—  III.  A  quelle  époque.  —  I  Y.  Mode  de  la  notification. 
—  V.  Erreurscommisesdansracoinplissementde  cette  formalité.^ 
VI.  Règles  sur  l'effet  de  ces  erreurs. 

l  603.  L  FormaUon  du  tableau  des  douze  jurés.  —  IL  appel  des  ju- 
rés.—III.  présence  de  l'accusé  et  du  défenseur.  —  IV.  tirage  au 
sort.  —  Y.  Jurés  suppléants. 

l  604.  L  Récusations.  •—  IL  nombre  des  récusations.  «^IIL  p.r 
qui  ailes  sont  exercées.  —IV.  quand  il  y  a  plusieurs  aocusés. 


206  DES   COCRS  d'aSSISIS. 

|.  608.  I.  Chef  d«  Jury. —il.  Rfimphcemcm. 

§.  606.  1.  Serment  des  jurés.  —  11.  droits  et  devoirs  des  jurés.  — 
111.  défense  de  communiquer.  — iV.  défense  de  faire  coniraîlre  leur 
opinion. 

S  5»8. 

1.  D«  jwy.  'i—  11.  son  orfgine.  —  111.  première  appficali'drt  en 
France.  —-IV.  discussion  et  motifs  du^Clode  —V.  examen  de  celle 
insiilation  a«  point  de  vue  juridique.— VI.  au  point  de  vue  général. 

I.  Le  donxi(^me  élément  de  U  composition  dt  la  coiir  d'as 
sîsos  est  ie  jury. 

Les  jurés  sont  des  citoyens  qui ,  n'étnnt  revêtus  d*aucun 
caractère  public,  sont  apf)elés  à  porter,  sur  les  faits  qui  moti- 
vciU  Taccusation,  une  déclaration  d'après  laquelle  les  juges 
font  Tapplication  de  la  loi.  La  réunion  des  jur(^s  compose  le 
jury.  Celte  dénomination  leur  est  donnée  à  raison  du  serment 
qu'ils  prélciit  avant  cbnqae  affaire. 

Nous  cxamintTDUS,  dans  ce  premier  paragraphe,  les  sour- 
ces bisloiiques,  les  motifs  et  le  caractère  généial  de  cette  ins- 
titution. Nous  développerons,  dans  les  paragraphes  suivaots, 
les  règles  qui  président  à  la  formalion  du  juiy  de  jugement. 

U.  La  recherche  des  origines  du  jury  a  donné  lieu  k  de 

nombreux  et  savants  travaux.  Les  uns  ont  remonté  jusqu'aux 

institutions  romaines,  jusqu'aux  formes  de  la  procédure  alti- 

que  pour  en  retrouver  les  premières  traces;  d'autres  ont 

aperçu  ces  traces  dans  les  coutumes  des  peuples  du  nord  qui 

ont  envahi  au  v*  siècle  J'Europo  occidentalo  ;  d'autres  fcs  ont 

constatées  encore  au  moyen  âge  dans  la  présence  des  boiû 

Jiomines  ou  des  rachinburgii  aux  placités  des  comtes  et  vi- 

comtes,  et  dans  le  concours  des   vassaux   ou  hommes  de 

fief  aux  assises  des  comnmnautés  et  des  seigneuries  ;  d'autres 

enQn,  après  avoir  dénié  touies  les  analogies,  après  avoir  relevé 

tous  les  traits  dislinctifs  du  Jugement  par  jiirés,  se  sont  altù- 

chés  à  établir  que  les  racines  de  celte  forme  do  procédure  ne 

se  trouvent  dans  aucune  des  formes  antérieure!}  et  qti*eltes 

n'ont  germé  que  sur  le  sol  biitanniquc  '. 

Il  nous  semble,  après  avoir  parcouru  ces  curieuses  études, 
q«'il  n'est  pas  impossible  de  concilier  leurs  côïiclusibfiis  op- 


*  Glanville,  de  légibus  cl  consueiudiuibus  rpgni  anî^liœ  lcni|vDrc  H^"- 
rici  11  î  lib.  11,  C.  40  et  Seq,;  Pellingal,  an  Enquii)  ialo  ihe  usi*ofjuii«r 


DE  LA  COMMSITION  DO   JVRT.  §  593.  f07 

11  faut  distinguer  le  fait  de  la  parUcipalkm  des  voisins,  des 
habitants,  des  citoyens  à  la  distribution  de  la  justice  et  la 
forme  de  cette  participation  ;  l'idée  et  sa  formule. 

Le  fait  d'une  justice  populaire  exercée  par  le  peuple  kii- 
méme  ou  par  des  hooiaies  ^u'il  investit  d^une  mission  tempo- 
raire remonte  aux  âges  les  plus  élo^nés.  Nous  avons  vu  les 
citoyens  siéger  comme  juges  dans  les  hé^iaste»  d'Athènes' ,  et 
comme  judices  jurtHi  dans  les  quœstiones  perpêtuœ  de 
Rome  *  ;  nous  avons  trouvé  dans  les  mœurs  des  peuples  bar- 
bares les  juges  élus  dans  les  assemblées  populaires  et  les  hom- 
mes libres  participant  aux  jugements  '  ;  enfin  nous  avons 
constaté  le  concours  des  boni  homines  dans  les  jugements 
des  comtés  ou  dans  les  justices  privées  de  la  première  race  ^  ; 
rappel  des  vassaux  et  des  hommes  du  iief  aux  jugements  des 
justices  seigneuriales^,  la  présence  dcsl)Ourgeois  dans  les  as- 
sises des  communes  au  xii*  siècle  ^,  celle  des  hommes  nobles 
dans  les  cours  féodales  dans  les  causes  qui  intéressaient  les 
nobles  ?.  Ainsi,  dans  toutes  ces  législations,  soit  que  la  so- 
ciété incomplètement  organisée  soit  dénuée  de  magistrats 
permanents,  soit  que  le  principe  du  gouverncmeut  n'accepte 
pas  ces  magistrats,  ce  sont  les  habitante  de  la  cité,  du  clan, 
de  la  seigneurie  ou  de  la  commune  qui,  par  cela  seul  qu'ils 
en  sont  membres,  prennent  part  aux  jugements. 

Mais  ces  juges  populaires  ne  sont  point  des  jurés  :  ils  en 
portenten  eux-mêmes  le  principe,ilsn'enontni  l'organisation 
ni  la  forme.  Cette  forme,  soit,  comme  quelques  publicistes 
le  prétendent,  qu'elle  se  soit  manifestée,  ce  qui  importe  peu, 
dès  le  règne  d'Alfred  le  Grand,  soit  qu^'elle  n'ait  été  importée 
que  par  Tinvasion  des  Normands,  qui  an  laissèrent  des  traces 
vivantes  en  Normandie,  ne  s'est  développée  qu'en  Angleterre. 
n  est  probable  que  la  même  institution  se  serait  formée  sur 

aaoog  Ihe  greks  and  romans  ;  Baco,  dise,  on  thc  laws  and  gOTernment 
oTEdgland ;  Nicholson ,  prœC  ad  \\g  Anglo-Saiones  ;  Reeves ,  Ifist  of 
die  BngUsh  law,  L  I,  Ch.  2t  Houard,  anc.  lois  franc,  t.  II,  p.  386  ;  Hume, 
1. 1|  du  i  et  5;  Blakstone,  H?.  3,  ch.  23  ;  Haie,  Hi»t,  of  llie  common  law^ 
C.  42  ;  Haliam,  Vîew  orihemiddlc  agcs,  cli.  8;  Biener,  Beilruge  zu  der 
gesclifclite  d€s  loquisilions-proces^ses  j  MHlermaler,  Die  Oesetiffcbting  und 
Rfichtsobung  uber  slrafvcrahren  nach  iiirer  neuesten  Forthildung;  Diu 
MiindJiclikeit,  das  Anklageprinclp ,  die  EfTcuticbkeit  und  das  gcsciiwor- 
neogericiil;  Das  englisclie  slrafverraliren  ;  RosUin,  Wcndq)UDkt  das  dcul* 
cbeo  strafverfahren  ;  Daniels,  Ursprurig  und  VVerlli  der  Gescbwomcnins- 
taaz;W.  Forsyth,  UisU  of  Uiai  by  jury;  de!  i'IstiluiioDe  deViurati 'dcl 
gaiseppe  Pisanelii. 

*  Voy.  notre  U  I«%  p.  19.—»  t.  !•%  p,  59.—»  t.  I,  P.  161-**  1. 1,  p*  1 3/i. 
—  »  1. 1,  p,  294«  —  M.  I,  p.  ao/l.  -  M.  I,  p.  362. 


2(^8  DfiS  COURS  D  ASUSfiS. 

noire  sol  par  la  simple  dérivation  du  (ait  de  la  partioipaiiun 
des  habitants  aux  jugements,  si  cette  ancienne  coutame  eût 
continué  de  vivre  ;  mais,  d'une  part,  Texistence  et  les  en- 
yahissements  des  justices  royales^  d'une  autre  part,  l'or- 
donnance d'août  1539  qui  substitua  la  procédure  inquisito- 
riale  à  la  procédure  accusatoire  et  publique,  détruisirent 
promptement  ces  germes. 

Oh  peut  donc  assigner  au  jury>  dans  notre  législation  010* 
dernc,  deux  sources  distinctes  : 

Les  lois*  et  coutumes  anciençes  qui  en  contenaient,  non  les 
conditions  essentielles,  mais  le  principe,  non  les  formes  qai 
ont  assuré  sa  puissu^iC^^mais  l'idée  fondamentale  que  ces 
formes  n'ont  fait  que  réaliser  ; 

Les  institutions  anglaises  qui  en  présentaient  une  formule 
complète  éprouvée  par  une  longue  expérience  et  dont  il  était 
facile»  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin^  de  reproduire  les  bases 
principales. 

Faut-il  ajouter  à  ces  sources  de  notre  législation  les  études 
des  publicistes,  les  travaux  juridiques  qui^  comme  dans  tant 
d'autres  branches  de  nos  institutions,  ont  pu  préparer  et  faci* 
liter  le  travail  du  législateur?  Nous  ne  le  croyons  pas.  Les  pu- 
blicistesqui  avaient  jusqu'à  la  fin  du  18^  siècle  écrit  sur  le  jury, 
n'avaient  fait  que  commenter  les  principes  de  la  constitution 
anglaise  :  tels  étaient  sir  Edward  Coke^,  lord  Haie  ',  Blak- 
stone^,  Delolme^.  Cette  institution  avait  été,  à  la  vérité, 
louée  avec  enthousiasme  par  un  grand  nombre  d'écrivains. 
Montesquieu  avait  dit  :  a  La  puissance  de  juger  ne  doit  pas 
être  donnée  è  un  sénat  permanent,  mais  exercée  par  des  per- 
sonnes tirées  du  corps  du  peuple,  dans  certains  temps  de 
Tannée,  de  la  manière  prescrite  par  la  loi,  pour  former  un 
tribunal  qiii  ne  dure  qu'autant  que  la  nécessité  le  requiert. 
De  cette  façon  la  puissance  de  juger,  si  terrible  parmi  les 
hommes,  n'étant  attachée  ni  à  un  certain  état,  ni  à  une  cer- 
taine profession,  devient  pour  ainsi  dire  invisible  et  nulle.  Il 
faut  même  que,  dans  les  grandes  accusations,  le  criminel, 
concuremment  avec  la  loi,  se  choisisse  des  juges,  ou  du  moins 
qu'il  eu  puisse  récuser  un  si  grand  nombre  que  ceux  qui 
restent  soient  censés  être  de  son  choix  ^  »  Beccaria  avait 

*  lustitutesdes  Imt  d'Angleterre, 

*  Hislory  of  thecommoa  Paw. 

'  GoDimentariei  on  the  Eoglisb  Lawk 

\CoittUtaUoa  d'Angl«lerre.  —  *  Esprit  dot  lois,  iir.  X(,  ch.  3 


bK    LA   COMPOSITIOM    DO   JCJHT.    §   f>93«  i{Vj 

également  prodamé  que  «  c'est  ane  loi  bien  sage  et  dont  les 
effets  sont  toujours  heureux  que  celle  qui  prescrit  que  chacun 
sait  jugé  par  ses  pairs  ^  »  Hais  ce  n^était  là  qu'une  indica- 
tion utile  sans  doute,  ce  n'était  point  un  système  de  Jégis- 
latioD.  Ni  Servan,  ni  BrissotdeWarville,  ni  Lacretelle  atné 
n'entrent  dans  plus  de  détails.  Pastoret  voulait  faire  reyivre 
la  législation  romaine  du  temps  de  la  république  :  <x  en 
croyant  indispensable,  disait-il,  d'avoir  un  jugement  préli« 
minaire  sur  l'accusation,  en  croyant  également  indispensa- 
ble de  séparer  le  jugement  du  fait  de  celui  du  droit,  Test-il 
aussi  d'adopter  dans  toute  son  étendue  la  forme  des  jurés  en 
Angleterre?  J'avoue  que  celle  des  Romains  me  parait  préfé- 
rable *.  »  Filangieri  est  le  seul  qui  eut  tracé  un  plan,  maisae 
pian  n'était  à  peu  prés  que  le  système  même  de  la  législation 
anglaise  *.  On  peut  donc  dire  qu'aucune  étude  sérieuse  n'avait 
avant  1789  sondé  profondément  cette  matière  et  n'avait 
cherché  soit  à  en  combiner  les  formes  avec  d'autres  institu-  . 
tions  que  les  institutions  anglaises»  soit  à  en  calculer  les  ré- 
sultats dans  d'autres  contrées. 

m.  Tel  était  l'état  de  la  question  quand  les  regards  de  Tas- 
semblée  constituante  commencèrent  à  s'y  porter. 

M.  Bergasse  présenta,  àla séance  du  ik  août  1789,  le  rap* 
port  du  comité  de  constitution  sur  Torganisation  du  pouvoir 
judiciaire.  Cette  nouvelle  organisation,  qui  conservait  en  par- 
tie Tanciènne  magistrature,  y  adjoignait  cependant  l'institu- 
tion des  jurés.  «  On  s'appercevra  facilement,  disait-il,  qu'il 
n'estauean  des  moyens  dont  nous  parlons  qui  ne  nous  ait  été 
fourni  par  la  jurisprudence  adoptée  en  Angleterre  et  dans  l'A- 
mérique libre,  pour  la  poursuite  et  la  punition  des  délits  ; 
c'est  qu'en  effet,  il  n'y  a  que  cette  jurisprudence,  autrefois 
en  usage  parmi  nous,  qui  soit  humaine;  c'est  qu'il  n'y  a  que 
cette  jorisprudence  qui  s'associe  d'une  manière  profonde  avec 
\ii  liberté  ;  c'est  que  nous  n'avions  rien  de  mieux  à  faire  que 
de  l'adopter  promptement,  en  l'améliorant,  néanmoins,  dans 
qmelques-uns  de  ses  détails  ;  en  perfectionnant,  par  exemple, 
encore  s'il  est  possible,  cette  sublime  institution  des  jurés, 
qui  la  rend  si  recommandableà  tous  les  hommes  accoutumés  à 

'  Des  déliu  et  des  peines,  Ed,  de  1856  ;  p.  Zk* 
*  lies  lo'.s  pénales,  l.  H,  p.  451. 
^Scicnzadeilalegisl.  1W.  111,  cli.  iO. 

VIII.  ^  '» 


J 


SIO  »Eâ  cotRS  d'assises. 

réfléchir  sur  robjet  de  la  législation  et  les  principes  politiques 

et  moraux  qui  doîTent  nous  gouverner.  » 

La  discussion  s'outrit  stir  ce  rappoH;  à  là  séance  dû  29  niat's 
1790,  taais,  plusieurs  projets  ayant  été  proposés  fet  tcà  pro^ 
jfetô  soulevant  des  questions  très  diverses,  rassemblée,  ptttir 
fljiet  Tordre  de  sa  délibération,  rendit,  lé  31  mars;  MU  flécrel, 

Krtant:  t  L^ Assemblée  nationale  décrète  qu'avant  détéglcr 
rganisatîon  du  pouvoir  judiciaire,  IM  questions  siiîfdntes 
seront  discutées  et  décidées:  !•  ÉtîïWîra-t-on  drS  jUrês? 
fies  ëtélblîra-t-on  en  matière  dvilè  bl  fc«mlhcllèt  3^  la  jus- 
tice scra-t-elle  rendue  par  des  triburiaut  gédentaîrfes  btt  (>ar 
dès  juges  d'assises,  etc.  > 

Et,  toutéfoii,  dans  la  courte  dlsetts^fon  qui  précïéda  ccptt- 
iTiiér  décret,  On  peut  remarquer  rînflniMicc  sur  l'ëSprlt  de 
l'Assemblée  des  sources  que  nous  avons  indiqtrébè.  Si.  Bu- 
port  Invoque  l'histoire:  a  Dans  les  pays  libres,  dk-il;  Tin- 
struclion  par  jurés  ëst  établie  tarit  au  cîyil  qu'ail  ctttrfhîcl  : 
îiduS  èri  avons  joui  tioUsI-mêmes  dans  Ifes  premiers  teliups  de  la 
monarchie.  Ainsi,  la  raison,  l'eipërience  et  le^fdltâ  faiistci'i- 
qucs  demandent  cette  institution.  »  M.  Chabroud  rappelle 
fës  anciens  jugements  bar  pairs,  les  jurés  arigtaisetrôpitiion 
des  philosophes  :  «  Est-il  quelqu'un  de  vous  qui  ne  ^'arrête, 
dans  rbîstoire  de  nos  origines,  à  l'origine  des  tribnifaut?  A 
pfCinc  sortis  des  forêts,  nos  pères  n'araient  qàe  fe  bon  Sens  de 
ta  nature,  et  ilssufrent  se  dormer  ces  institutiorf^i  heurôtfsês  par 
lesquelles  ils  firent  aller  la  justice  au  devant  de  toustetïrs  be- 
soins. A  côté  de  nous,  un  peuple  hcureo<  et  Ifbrc  est  fier  de 
ses  institutions  judiciaires  et  semble,  par  le  mi^pris  (for'tl  apoor 
lés  nôtrcà,  Wôus  ordonner  dé  faire  mreut  qne  lui  ;  et  les  phi- 
losophes qui  nous  ont  les  prenrners  appris  le  cbeihin  du  bon* 
heur  et  de  la  liberté,  ne  doivent-ils  pas  recevoir  fa  récôVn- 
pçnse  de  leur  «èle,  en  nous  voyant  profiter  de  lecrrs  hitnièires?» 
M.  Goupîl  de  Préfeln  ajoutait:  «  Quâfnd  les  Romaiias  firent 
la  coffqtiéte  desGâfule^,  ils  y  tromèrcnt  te  germe  du  gdtîver- 
ne^enft  municipal,  d'o^  est  résulté  rétabli^emenf  des  jurés, 
puisque  les  citoyens  étaient  assesseurs  deâ  magîstratsr.  Dans 
ê^B  letrrps  plus  rapprochés,  de  braves  aventuriers,  Veft'os  du 
Ndrd,  établirent  dans  fa  province  de  Normandie  lé  ^geAi'ent 
parjurés,  qu^un  de  ses  ducs  porta  ensuite  en  Angleterre,  lors- 
qu'il en  fit  la  conquête.  Si  cette  institution  est  abolie,  c'est 
qu'il  a  fallu,  pour  rendre  S  la  monarchie  son  imité,  dépouiller 
les  seigneurs,  opposer  des  corps  à  des  corps,  des  juges  per- 


DE   LA   COMPOSITION     DD   JURY.   §  593.  211 

maoei)ts  à  des  ennemis  penBauents  ;  alors  le  système  judi- 
ciaire fut  imaginé  et  It^  grands  tribunauk  furent  crées.  AinM 
la  méthode  des  jugements  par  jurés  n'a  point  été  oubliée 
parcp  qu'on  la  trouvait  abusive  ;  eHe  a  cédé  à  un  nouvd  or- 
dre de  choses.  » 

La  délibération  qui  suivit  le  décret  porta  presque  toute  en- 
tière sur  l'application  du  jury  en  matière  <nvilc.  Son  applica- 
tion en  matière  criminelie  ne  souleva  aucune  objection;  l'As* 
semblée  était  unanime  à  cet  égard.  Si  quelques  dîssenfimfents 
furent  eifrimés,  ils  eureût  pour  objet,  non  ic  principe,  mais 
seulement  le  mode  de  soh  développement,  que  plusieurs  ora- 
teurs examinaient,  sanstropTapprofôndir,  àravance.M.  Tfaou- 
fet  disait  :  «  To,ut  le  monde  veut  le  jury,  tout  le  monde  nB 
le,  veut  pas  de  la  même  manière.  »  M.  Prugnon  s'écriait  : 
«  Ne  soyons^pas  les  copistes  servîtes  de  T Angleterre  et  de  TA- 
uérique.  »  M.  Pétion  de  Villeneuve  répondait:  «  Qu'on  n'a- 
vait cité  lès  nations  voisines  que  pour  prouver  que  cette  ins- 
titution  était  praticable.  ».  M.  Buzot  insistait:    «  Mais  de 
quelle  espèce  de  jurés  vôulez-vous  parler?  Quelle^  sont  Icfs 
idées  que  vous  attachez  à  ce  mot  ?  Si  vous  parlez  des  jurés  tds 
qu  ils  soat.en  Angleterre,  je  n'en  adopte  ni  au  civil  ni  au  cfi- 
mioeL  »  M«  l'abbé  Sieyes  avait  rédigé  un  plan  par  Tequfel  il 
puisait  les  jurés  dans  un  corps  principalement  composé  de 
{ens  de  loi  et  qu'il  oommait  conseillers  de  justice.  M.  Garât 
voulait  dès  jurés  choisis  :  «  Il  ne  faut  pas  dire  que  tooft  le 
monde  est  capable  de  juger  Un  fait  ;  ce  jugement  ne  peut  être 
rènjJu  que  par  les  classes  les  plus  éclairées  de  la  société.  Se 
ne  dis  pas  qu'on  doive  n'appeler  au  jury  que  des  gens  de  loi  ; 
lacoi;iûaissanpede  laloi  n'est  pas  absolument  nécessaire,  hais 
une  bonne   logique  est  indispensable.  i>  EaSa  M.  Duport 
avait  paiement  présenté  un  ayslème  dilTéreirt  de  celui  du  (h^ 
inilè  et  se  rapprochant  de  plus  près  du  jury  anglais.  Il  est 
évident  que  rAsseiâblée ,  incertaine  et  flottante,  cherchait 
avec  anxiété  une  forme  appropriée  aux  institutions  eft  aux 
mœurs  de  la  France,  et  qu'elle  ne  prétendait  nultement 
s'enchaîner  k  la  forme  pratiquée  en  An^eterre  et  aux  Etats- 
Unis.  C£t.te,secende  discussion,  fut  terminée  par  le  décret  du 
30  avrU  1790,  ainsi  conçu  :  a  L'Assemblée  nationale  décrète; 
i»  qu'il  y  aura  des  jurés  en  matière  criminelle  ;  9!"  quil  n'en 
fiera  point  établi  en  matière  civile.  > 

Restait  le  mode  d'application*  M.  Duport,  au  nom  des  co- 
uûlcs  de  constitution  et  de  jui  isprudcnco  criminelle,  formu- 


212  »F  ;  coi'Rç  d'a-^ises. 

lait,  à  la  séance  du  20  décembre  suivant,  leur  projet  en  ces 
termes:  «  Un  jury  d'accusation  par  district...  un  seul  tribu- 
nal criminel  par  département...  un  jury  de  jugement  s'assem- 
blant  pour  décider  si  Taccusé  est  ou  non  convaincu  du  crime 
qu'on  lui  impute,  les  juges  appliquant  la  peine  sur  là  décla- 
ration du  jury  et  d'après  la  réquisition  du  commissaire  du 
roi.  »  II  motivait  cette  dernière  partie  du  projet  comme  suit  : 
«  L'objet  du  jury  de  jugement  est  de  décider  de  la  vérité  ou 
de  la  fausseté  de  l'accusation.  L'instruction  entière,  c'est-à- 
dire  l'examen  des  témoins  et  de  l'accusé  se  fait  devant  les 
jurés  ;  alors  ils  se  retirent  dans  leur  chambre  pour  délibérer  et 
Taire  leur  déclaration.   Cette  déclaration  doit  toujours  être 
simple  et  précise  et  dire  que  l'accusé  est  convaincu  ou  n'est 
pas  convaincu  du  crime  porté  dans  Pacte  d*accusation...  C'est 
en  ramenant  strictement  à  décider  les  questions  par  oui  ou 
par  non  que  l'on  est  sûr  que  les  jurés  pourront  toujours  rem- 
plir les  fonctions  qui  leur  sont  attribuées  ;  car  il  faut  bien  se 
rappeler  que  ce  sont  de  simples  citoyens,  dont  la  société  attend 
une  parfaite  probité^  mais  un  sens  ordinaire  et  une  intelli- 
gence commune,  et  que  c'est  à  ce  niveau  qu'elle  doit  rappro- 
cher toutes  les  questions  qu'elle  leur  présente  à  résoudre.  » 

La  discussion  qui  s'ouvrit  le  2  janvier  1791  et  se  prolongea 
jusqu'au  22,  porta  tout  entière  sur  le  mode  suivant  lequel 
la  conviction  des  jurés  doit  s'opérer:  fallait-il  employer  de- 
vant eux  la  preuve  orale  ou  les  preuves  écrites,  les  preuves  lé- 
gales ou  les  preuves  morales?  Telle  est  la  seule  question  qui 
fut  examinée  dans  ce  long  débat  et  que  nous  n'avons  pas  à  ap- 
précier ici.  Le  projet  des  comités  fut  adopté. 

Il  fut  établi  en  conséquence,  et  tel  est  l'objet  des  tit  6,  7 
et  8  de  la  loi  du  16-29  septembre  1791 ,  que  les  jurés  seraient 
choisis  parmi  les  électeurs,  que  le  procureur,  général  syndic 
du  département,  formerait  tous  les  trois  mois  une  liste  de 
deux  cents  citoyens  formant  la  liste  du  jury  de  jugement; 
que  l'accusateur  public  et  l'accusé  avaient  la  faculté  de  récu- 
ser chacun  vingt  des  deux  cents  sans  donner  de  motifs  ;  que 
les  récusations  ultérieures  seraient  motivées  et  appréciées  par 
le  tribunal  criminel  ;  que,  ces  récusations  vidées,  les  douze 
jurés  sortant  de  l'urne  formeraient  le  tableau  du  jury  ;  qu'ils 
composeraient  l'assemblée  du  jury  qui  se  réunissait  le  15  de 
chaquemois  ;  qu  ils  prêteraient  un  serment  dont  la  formule  était 
tracée  par  la  loi  ;  que  l'examen  des  témoins  avait  lieu  en  leur 


DE   LA   COMPOSITION    »V    J6RT.    §   5^3.  213 

présence,  en  présence  de  l'accusé,  à  l'audience  tenue  par  le 
tribunal  criminel;  que  tout  cet  examen,  les  débats  et  la  dis- 
CBSsion  qui  en  seraient  la  suite  ne  seraient  point  rédigés  par 
écrit;  qu'après  ce  débat,  Taccusateur,  la  partie  plaignante  et 
Taccusé  ou  ses  conseils  seraient  entendus  ;  que  le  présidentdu 
tribunal  résumeraitraffaire;  enfin  quelesjurésse  retireraient 
dans  leur  chambre  pour  y  délibérer  suivant  un  mode  qui  sera 
rappelé  plus  loin,  et  que  sur  leur  déclaration,  circonscrite  aux 
points  de  fait,  le  tribunal  criminel  ferait  l'application  de  la 
loi  pénale.  La  loi  admettait  d'ailleurs  des  jurés  spéciaux, 
c^est'è-dire,  ayant  les  connaissances  relatives  au  genre  de 
délit,  pour  le  jugement  des  faux,  banqueroutes  frauduleuses» 
concussion»  péculat,  et  vol  en  matière  de  fitiance,  commerce 
ou  banque. 

Le  Code  du  3  brumaire  an  iv  n'avait  pas  modifié  les  prin- 
ci pales  bases  de  ce  système.  Le  jury  de  jugement  se  formait 
de  la  même  manière.  La  loi  appelait  aux  fonctions  de  jurés 
tous  les  citoyens  âgés  de  30  ans  accomplis  qui  réunissaient 
les  conditions  requises  pour  être  électeurs  (art.  483).  Une 
liste  trimestrielle,  dont  le  nombre  était  proportionnel  au 
nombre  des  habitants,  était  formée  par  chaque  administration 
départementale  (art.  485).  Les  jurés  spéciaux  étaient  main- 
tenus dans  les  mêmes  cas  (art.  516  et  suiv.)  Ce  même  mode 
de  récusation  était  continué  (art.  504  et  suiv.),  le  même 
mode  de  réunion  pour  le  jury  du  jugement  (art.  332).  Toutes 
les  dispositions  concernant  Taudition  des  témoins  devant  les 
jurés  étaient  fidèlement  reproduites  (art.  341  et  suiv.).  Le 
débat  était  purement  oral  (art.  365  et  366),  et  les  règles  qui 
présidaient  à  la  délibération  des  jurés  étaient  les  mêmes»  quoi-* 
que  tracées  avec  plus  de  précision  et  de  clarté  (art.  372). 

IV.  Telle  fut  la  législation  antérieure  à  uotre  Code.  Noul 
dvons  vu,  à  Tocçasion  du  jury  d^accusation,  les  premiers  ré- 
sultats de  cette  institution  et  les  anxiétés  qui  se  manifestèrent 
à  cet  égard  parmi  les  légistes  ^  Le  conseil  d'État  fut  saisi, 
le  16  prairial  anxji,  des  questions  suivantes:  «  L'institution 
du  jury  sera-t-elle  conservée?  y  aura-t-il  un  jury  d'accusa- 
tion et  un  jury  de  jugement?  comment  seront  nommés  les 
jurés?  dans  quelle  classe  seront- ils  nommés?  qui  les  nom- 
mera ?.comment  s'exercera  la  récusation?  L'instruction  sera- 
t-elle  purement  orale,  ou  partie  orale  et  partie  écrite  ?  » 


f  14  DEf  cevjKs  ii'assiiu. 

L4  délibération  du  conseil  s'étanl  ouverte  sur  In  première 
qQé$ti9D|  ^«  SiméoA  attaqua  l'iostilutioQ  du  jury  en  disant 
«  q\]iç  V^reViTe  faij^c;  de  riostroction  par  juré»  n^tvait  point 
été  bçurç;use  et  qu*il  ayait  (alhi  la  ausponcke  dans  plusieurs 
dépajrtçm^t^  \  que  si  cette  in^ruetiôn  remonte  presqu'à 
Vorigii^tQ  ^e^  sociétés,  c'est  que  dans  ks  temps  anciens  il  n^j 
a\4itP9iqt  de  magistrats  et  que  le  peuple  pouvait  exercer 
plus  focilib^^ent  s^  souveraineté  ;  que  la  France  s'en  était 
écartç/^  à  a^esu^çe  qu*elle  eut  des  justices  réglées,  des  magis- 
t/als,  des  hoqpmes  qui  se  consacrèrent  à  l'étude  et  à  Pappli- 
catio^ai  de$  lois  ;  <|ue  les  Anglais  sont  le  seul  peuple  qui  aient 
retenu  cet  établissement  ;  que  la  réforme  faite  par  le  décret 
da  1789  suffisait  ;  qu'il  est  inconséquent  de  vouloir  que  des 
hommes  étrangers  à  l'examen  des  affaires  viennent  ^bter  à 
^jj^débiats,  souvent  de  plusieurs  jours,  entre  des  témoins,  des 
%ç€i^s  ei  leurs  défenseurs;  qu'occupés  à  la  (ois  à  Sxer  daos 
leijr  çsprit  ce  qu'ils  entendent,  à  épier  tous  les  mouvemente 
4^  témoins  çt  des  accusés  et  à  combiner  les  faits  et  les  asser- 
tiops  contraires^  ,ils  se  forment  une  opinion  de  laquelle  dé^ 
penclen^t  \^ve  et  l'hoimeuc  des  accusés;  que,  quelle  que  soit 
l^munièirc  d'instruire  une  cause  criminelle,  il  n'y  a  pas  dVi- 
i^n^ge  à  ai^ir  pour  juges  de  simples  citoyens  plut^  que  des 
ipdgistc^ts.;  que  si  les  magistrats  peuvent  contracter  une  ha- 
biiiy^o  de  sévérité,  n'a>tTon  pas  à  craindre  Tinhabitude  des 
îi\râ|,  leuic  induljgence^^ur  mollesçe?  des  juges  chercheront 
des  coupables  :  pourquoi?  qu'y  gagneût-ils?  Est-ce  4onc  un 
plaisir  de   condamner?  et  les  jurés ,  effrayés  de  Timpor- 
t^uce  da  (oncibious  insolites  pour  eux  et  des  suites  de  leurs 
cUclacatiomft,  iie  se  trouveront-ils  pas  heureux  d'absoudre? 
Il  n'y  aura  pas  seulement  sûreté  pour  l'innocence,  il  y  aura 
impunité  pour  le  c^ime.  Que  tout  le  monde  çst  d.'açcordque 
c'est  de  la  conviction  que  doit  dçpendifc  le  jugement  criminel  : 
le  magistral  est-il  donc  mçins  susceptible  deçonvictiou  ou  sa 
ççnviçtiop.  e^t-eUc  pi^s  suspecte  que  celle  du  jur^T  qfxe,  le 
fu0,  quelque  attention  qu'il  apporte  aux  débats,  c'est  eu  état 
de  prononce^  autrement  que  par  une  §0Ttc  ç^'iç^tipcl;  qu'il 
1^0  pi^ut  rendre  compte  de  ses  m.otil/s  çomjue  le  '  forait  iip 
homme' accoutumé  à  analyser,  à  raispnuçr  ;  que  Içs  magi^- 
(raiis^  a^  ço^nlrairQ,  ont  TljialiiludeL  ^'w^cirper  cet  esprit  de  cri- 
tique nécessaire  pour  discerner  le  vrai  d'avec  le  faux,  au  mi- 
lieu d^assertions  et  de  Icmoiguagcs  contraires;  qu'ils  ont^ 
pour  former  leur  conviction,  tous  les  avantages  que  ks  débals 


BK  LA  COMPOSITION  DD  JDRT,  §  593.  215 

fournissent  aux  jurés,  et  de  plus  Tavantage  de  Texpériençe  ; 

^e  cette  conTÎctîon  éclairée  semble  offrir  plus  de  garau- 

19  pour  rippQcence  contre  les  pièges  de  la  calomnie  et 

l^s  de  sillreté  pQpr  la  tranquillité  publique  pour  la  punition 

Iqtçrifnes-  qqe,  de  plus,  le  juré  n'est  responsable  qu'à  sfi 

PWÇcîçRee,  iandi^  que  le  magistrat,  outre  cçttc  reaponsabi- 

lit^i  répQnd  encore  de  sa  condqitc  vis-à-vis  du  public  qui  le 

$Mlt  tou^  Ips  jourii  dans  ses  fonctions  ;  sou  intégrité  est  I^ 

spijrpe  ^e  ^  considération  ;  enfin  que  la  publicité  de  }a  pro- 

c^dur^  çt  4es  débats  est  la  véritable  garantie  de  Isi  sÇ^reté  ia- 

ditjduelte,  çt  qu^Sivec  cette  publicité  on  sera  ntiieu^  et  plus 

çuretpept  jugé  par  dc9  bqiçines  en  ayant  charge  et  en  faisai\t 

étude  fit  profession,  qtie  par  leg  premiers  venus.  »  MM-  Boi^- 

1§ï)  Pmiu;>^ortalisetBifi[ot-Préameneu  partagèrent  la  ni^iQP 

(tpjnion  et  reprqduisjrent  Tes  mëmrs  arguments. 

Cçttç  opinion  fut  combattue  par  JAM.  Bcriier,  Treilhard, 
Crefet,  Defçrmon,  ^egn^qd ,  Béranger  e^;  Frochot,  On  répon- 
dait m  que,  puisqu'on  insistait  sur  l'habjlet^  nécessaire 
ponr  dénpél^r  les  faits  résultant  d'unie  accusation  crimi- 
nelle et  pour  les  juger,  il  fallait  distinguer  ce  que  cette  pro- 
pQsitH>A  t^n<]^tt  à  confondre  ;  que  sans  doute,  pour  amener  la 
çonnHis^idnçe  des  (ait^  par  nne  instruction  page  et  mesurée,  il 
fant  un  tQpi  qui  ue  s'acquiert  que  par  l'expérience  ;  aussi  re- 
çonnilt-qn  que  (es  direpteurs  du  jnrj  doivent  être  des  hommes 
ç:(esç^9  ae^n^qgi^tjratspermanentç  ;  niais  quand  la  procéduirt 
est.  bien  ftjte  et  qu'on  \  ^  environnée  de  tous  les  éclairçisfe- 
n\eatç  dont  Ifi  çau$e  est  snseeptible,  faut-il  autre  chose  que  de 
la  droiture  et  dq  bon  sens  ppfir  prononcer  si  l'accusé  est  cou- 
pable, ç/^  non^  Voil^  la  délégation  faite  aux  jurés  et  elle  ne 
%mmt  excéder  la  portée  de  lenrs  lumières.  La  séparation  du 
i/lîf,  et  du  di^oit  met  chaque  chose  à  sa  place  et  évite  surtout  l'éta- 
bi|i39ement  d'une  corporation  d'hommes  exclusivenient  charg^i 
de  prononcer  sur  la  vie  et  Thonneur  des  citoyens  et  toujours 
eadins  à  une  e^^iréme  sévérité  par  Tendurcissement  qui  natt 
4e  iVbitud^.  A^ais  l'ordre  public  veut  être  vengé,  et  il  te  sera 
pins  s^^rement»  4it-on,  par  des  tribunaux  composés  d'homiçes 
exercés  que  pi^  des  jurés  quelquefois  inhabiles  et  fouvent 
tropcpmpatissants.  L'ordre  public  veut  être  vengé  sans  doute, 
çainis  il  doit  l'être  avec  prudence  et  discrétion  ;  car  si  un  iu- 
nç)cent  était  condamné,  ce  ne  serait  point  seulement  un  pial- 
t'çuc  particulier,  mab  un  malheur  public,  et  la  société  est 
blessée  au  cçeur  (juand  chacun  de  ses  membres  est  averti,  par 


^iO  DES  COURS   D'ilS$lbE!3. 

une  funeste  erreur,  des  dangers  qui  le  menacent.  L'ordre 
public  lui-même  est  donc  mieux  servi  par  une  institution  qui 
laisserait  échapper  quelques  coupables  que  par  celle  qui  expo- 
serait l'innocent.  Quand  on  est  appelé  à  faire  toute  sa  TÎe  la 
même  chose,  on  se  prescrit  des  règles  et  on  les  sait  étroite- 
ment; mais  celui  qui  statue  accidentellement  n'est  gêné 
par  aucun  système  qu'il  ait  pu  se  foriner.  Il  soit  néoessaire- 
ment  l'impulsion  de  sa  conscience  ;  il  n'a  qu'elle  pour  guide. 
Tel  est  le  jury;  et  autant  sa  conviction  morale  est  aU'-deasus 
des  preuves  légales,  autant  Tinstitution  des  jurés  en  matière 
criminelle  est  au-dessus  do  toute  institution  qui  les  excluerait. 
Que  si  l'on  prétend  que  les  juges,  dès  que  la  doctrine  des 
preuves  légales  est  abolie,  deviennent  des  jurés,  la  question 
se  réduit  à  savoir  lesquels  doivent  être  préférés  des  jurés  per- 
pétuels ou  des  jurés  accidentels;  que  ceux-ci  partagent  avec 
les  autres  la  facilité  de  se  former  une  opinion  sur  la  vérité 
d'un  fait  et  qu'ils  ont  sur  eux  l'avantage  de  n'apporter  à 
l'examen  de  ce  fait  ni  ces  préventions,  ni  cette  dureté  que 
donne  Thabitude.  Au  reste,  on  s'est  trompé  sur  le  principe 
du  jury  lorsqu'on  a  dit  que  le  but  de  cette  institution  est  de 
faire  juger  chacun  par  ses  pairs  ;  elle  n'a  pas  d'autre  objet  que 
de  donner  une  garantie  à  l'accusé,  et  il  n'y  a  pas  lieu  de  dis- 
tinguer ht  sûreté  publique  de  la  sûreté  particulière,  car  si 
cette  dernière  était  menacée,  l'autre  se  trouverait  nécessaire- 
ment compromise.G'est  cette  erreur  sur  le  principe  du  jury  qui 
a  fait  prendre  les  jurés  indistinctement  parmi  tous  les  citoyens, 
parce  que  tous  sont  les  pairs  de  l'accusé,  et  de  là  les  homaies 
incapables  qui  ont  été  appelés  i  ces  fonctions.  » 

Au  milieu  de  ce  débat,  l'archichancelier  Gambacérès  disait 
«  que  les  avantages  et  les  inconvénients  du  jury  dépendent  de 
son  organisation  ;  que  la  distinction  entre  le  fait  et  le  droit  est 
chimérique,  parce  que  les  jurés  examinent  toujours  quel  sera 
âvj  résultat  dejeur  déclaration  ;  que  la  loi  du  16-29  septem- 
bre 1791  avait  laissé  trop  peu  de  place  à  la  procédure  écrite  ; 
que  cette  procédure  devait  être  la  base  de  la  procédure  orale 
et  faire  charge  contre  Taccusé,  sauf  TépRuve  des  débats  ; 
qu'il  lui  paraissait  convenable  d'un  autre  côté  que  les  juges 
pussent,  après  l'acquittement,  mettre  l'accusé  sous  un  plus 
ample  informé  ou  le  placer  sous  la  surveillance  de  la  police; 
enfin,  que  la  question  de  savoir  si  l'on  conserverait  le  jury 
devait  être  ajournée  comme  subordonnée  à  la  manière  de  le 
composer  et  à  l'organisation  qui  serait  proposée.  ». 


»E  LÀ  COMPOSITION  1»U  JUJlT.  §  59t.  2i7 

L'EmpcTfur  résuma  la  délibération  en  disant  «  qu'on  ayait 
allégué  des  rai«ons  très  fortes  pour  et  contre  l'instiiution  des 
jorés ,  qu^on  ne  pouvait  se  dissimuler  qu'un  gouvernement 
tyraanîque  aurait  beaucoup  plus  d'avantages  avec  des  jurés 
qu'avec  des  juges  qui  sont  moins  è  sa  disposition  et  qui  lui 
opposeraient  plus  de  résistance;  que  cependant  il  admettait 
le  jury,  s'il  était  possible  de  parvenir  à  le  bien  composer  ; 
que  d'ailleurs  il  serait  nécessaire  d'organiser  des  tribunaux 
d'exception  pour  connaître  de  certains  délits  qui  seraient  au* 
dessus  de  la  force  des  jurés.» 

Le  conseil  adopta  en  principe  que  l'institution  des  jurés  se- 
rait conservée  \ 

Cependant  cette  question  fut  soulevée  de  nouveau  dans  la 
séance  du  l*'  brumaire  an  xiu ,  à  l'occasion  de  la  question 
non  moins  grave  de  la  réunion  de  la  justice  civile  et  de  la 
justice  criminelle. 

Les  partisans  de  cette  réunion  ne  dissimulaient  pas  que 
dans  leur  pensée  la  formation  de  grands  corps  judiciaires  de- 
vait conduire  à  la  suppression  du  jury. 

M.  Berlier  dit  alors  t  qu'il  y  avait  peut-être  une  ques- 
tion antérieure  à  décider  à  celle  de  la  réunion  de  la  justice  cir 
vile  et  criminelle  :  c'est  celle  de  savoir  si  l'on  voulait  réelle- 
ment la  conservation  du  jury  ;  que  la  présence  d'un  corps 
nombreux  de  juges  appellerait  de  nouvelles  attributions  qui 
lui  seraient  faites  aux  dépens  du  jury  et  en  renversant  celui* 
ci  ;  que  tel  serait  le  résultat  presque  nécessaire  de  l'union  des 
deux  justices  ;  que  la  question  du  maintien  du  jury  était  donc 
essentiellement  préalable.  » 

L'Empereur  répondit  «  qu'il  ne  pensait  pas  comme  M.  Ber- 
lier que  le  jury  soit  inconciliable  avec  la  réunion  de  la  justice 
civile  et  de  la  justice  criminelle  ;  que,  sans  doute,  dans  l'or- 
ganisation actuelle  des  tribunaux,  on  pouvait  demander  pour- 
quoi des  individus  sans  talents  et  sans  connaissances  décidaient 
seuls  du  sort  des  accusés  en  présence  de  juges  instruits  et 
exercés  qui  se  trouvent  réduits  à  un  rôle  passif  ;  mab  que  ^ 
quand  on  envisage  ce  système  sous  ses  rapports  politiques,  on 
le  trouve  raisonnable  ;  qu'on  est  obligé  de  confier  à  des  juges 
civils  la  décision  des  affaires  qui  toucbcnt  à  la  propriété , 
parce  que  le  jugement  de  ces  sortes  de  contestations  dépend 
de  règles  qui  forment  une  science  particulière  et  que  tous  les 

'  Séance  du  16  prairial  au  xiit  Locré,  l.  2â  p.  il  el  suiv. 


ât8  BE8  COIR!:}  B* ASSISES. 

citoyens  ne  possèdent  pas  ;  mais  qu«,  pour  prononoer  sur  un 
fait ,  il  DG  iûut  qae  le  sixième  sens,  cest-à-dire  la  oonscience; 
qu'on  pourrait  donc  appeler  aux  jugements  eriminek  des  ii|- 
diyidus  pris  dans  la  foule  ;  que  c'est  donner  une  garantie  aux 
eiloyens  que  de  ne  pas  abandonner  leur  henneûv  at  leur  vie 
eux  juges  ,  qui  déjà  déci^pt  de  leur  propriété  ;  que  des  jo- 
ges  peuvent  avoir  oonfu  des  préfentions  contro  lin  particu- 
lier à  Toecasion  d^affarres  ciyikÀ,  qu'ils  peuvent  avoir  coosené 
du  ressentimept  parco  que,  dans  d'autres  occasions,  il  aurait 
manqué  envers  eux  d'égards  et  de  respect  ;  que  des  jurés  pris 
4ans  la  masse  de  la  population  arrivent  dégagés  de  passioBS.  a 
Le  Conseil  d'Etat  déclara  maintenir  la  délibéraiion  qo^l 
avait  prise  dans  sa  séance  du  16  prairial  pour  la  conservation 
du  jury  >. 

Le  travail  relatif  au  projet  du  Code  fut  suspendu  pendant 
quatre  ans.  La  question  du  jury  se  représenta  lers  de  la  re- 
prise de  ce  travail  et  iut  discutée  de  nouveau  dan»  la  séance 
du  30  janvier  1808. 

Les  adversaires  du  jury  ouvrrrent  encore  une  fois  la  lutte. 
M.  Montalîvet  dit  c  qu'on  convient  généralement  aue,  pour 
former  le  jury,  on  est  obligé  d'appeler  des  hommes  qui  ne 
remplissent  ce  ministère  que  par  èontrainte;  on  convient  en- 
core que  ces  hommes  sont'ponr  la  plupart  trop  peu  éclairés: 
y/bîHk  deux  inconvénions  très  graves.  Une  idstitntkm  à  la- 
melle la  masse  de  la  nation  ne  se  prête  que  par  la  crarute  des 
peines  ne  peut  être  ni  dans  l'opinion  ni  dana  les  mœurs  des 
Français.  V^e  inMitntion  qui  niet  dix  jurés  sans  lumière»  aux 
prises  avec  des  hommes  exercés  et  qui  les  oblige  de  démêler 
les  fils  nM»breox  d'une  discussion  embarrassée,  ne  saurait 
avoir  de  bona  résultats.  »  If.  Gambacerès  dit  t  que  la  théorie 
du  jugement  par  jury  eit  belle  el  sédaîsante  ;  mais  qu'ion  ne 
.  pei^t  se  dissimuler  qc^'eu  général  les  jurés  remplissent  leurs 
fonctions  avec  beaucoup  de  faiblesse  ;  qu^Ht  ehooumgeBi  le 
cvHBepar  l'imppnité;  que,  quelques  mesures  qu'on  prenne, 
le  jury  seça  toujpuM  mal  oomposé,  parce  qu'il  n^^t  ^as  dens 
le  canictèipci  de  la  nati4M);  quHl  existe  en  France  un  eaprit 
d'industrie  qui  (ail  que  eliiatcân  n'aime  à  s''Occuper  que  de  ses 
affaires  ^  et  qu'on  n'est  pas  disposé  à  les  quitta  pour  des  fonc- 
tion qui  n^ont  rien  d'attrayant.  »  Le  grand  juge  ministre  de 
la  justice  déclara  «  que  la  composition  du  jury  est  la  princi- 

•  Lacfé,  t.  XXIY,  p.  «». 


fe 

L 


DS  LA  COHPOSïTWN  DU  JVIIT.  $  593.  tl9 

pale  des  difficultés  qui  s'opposent  au  succès  de  liostitulion  ; 
qu'on  a  fait  sous  ce  rapport  une  foule  d'essais ,  qui  tou^i  ont 


été  infructueux. 


Les  partisans  de  l'institution  ne  laissaient  pas  ces  objections 
ms  réponse.  M.  Aibiason  faisait  remarquer  «  que  fous  les 
incowénifi^tftquft  le  ju^emont  par  jurés  a  entraînés  jusqu'ici 
Tenaient  biea  nurà&  de  l*înstituti<ui  mène  qu«  de  la  manière 
dont  le  jury  a  été  (ouoér  suriout  à  des  éfioquea  où  il  était 
diflBcile  d^  1^  omffm^  çomovç  U  d<^*  l'être.  »  M.  Faurc 
ajoutttt  «  qu'une  mi^  caus^  avait  pu  (ui  nujre  :  c'^st  U 
D)ulttpii«ité  de$  ((ULestîoQS  qui  é^içot  souroîsea  aux  jurés , 
questions  d>iliems^  trop  oiétaiphysiqyeSk,  au-desaus  de  la 
portée  de  beaucoup  d'esprits,  çt  qui,  par  leur  subtilité,  don- 
nent ïà  focUîté  de  sayver  les  coupablei.  n  ^  Trçilbard  dé- 
olaraii  «  que  le  re(iP0Âdiss£ineQ(de3  citoyens  pour  les  fonctions 
de  juré  Datait  pas  uu  motif  d'abolir  cette  institution;  qu'îl 
fallait  raninfier  leur  zèle  par  des  récompçnses  et  par  une  bonne 
composiUoQ  ;  quiç  le  débat  qui  s'ouvre  devant  le  jury  de  ju- 
gement était  baj^iGOup  plu^  solejdnel  q^a  les  audiences  où 
Ton  juge  k»  affaires  civiles;  quei  c'était  un  grand  spectacle 
quîaUiraitr^U^îlitiou  généralet  et  que  le  débat  no  finissait 
que  lorsque  b  C4)aviction  avait  pénétré  dans  tous  les  esprits  ; 
qu'il  était  imp^blc  qu'ua  innocent  fut  condamné  et  très  d^ 
ficile  qu'au  coupable  fut  absous.  »  Enfin,  M.  Berlier  disait 
encore,  en  ce  qui  tc^u^che  l'objectîga  fondée  s^r  la  résistance 
des  cito^ena  appelés  à  concoure  au  jury  ;  %  combien  de  de- 
Toiis  la  soclUé  n'iniposç-it-elle  pas  pour  l'accomplissement 
d(^ela  elte  ne  consultai  point  k$  goûte  de  ceux  qu  elle  y 
8ssB}e(lit?  Ë&t-il  OJ^dinai^e  qu'on  accepte  une  tutelle  avec 
plvs»,  qH.'Dn  p^yQ  ^\cc  ejQopre^sement  se&  contributions,  en 
on  BM^qu'-oi»  supporte  toutes  les  charges  de  U  cité,  sans  pro- 
Iteer  la  moindre  plainte  ?»  Il  ajoutait  :  a  Ceux  qui  veulent 
des  JNgas  qui  pi^UPPCc^t  en  même  temps  suc  le  tait  et  sur  le 
<kaii  y  tendent  à  établir,  sa^s  le  vouloir  peut-être,  le  syMèmc 
deapEeutes.légaJea;  car  vainement  dirait-on  que  la  légis- 
lation pourcait  le  professer.  En  effet ,  ce  systènie ,  trop  sou- 
vent admis  par  qp%  aopt^pes  Gom^  oe  Içav  était  point  dicté 
pat  la  kû.  On  n^  parviendra  jatmais  k  l'çffacer  cbe*  dçs  boin- 
mes.  qui ,  passait  kuc  vte  k  jugeç ,  éprQuv.eut  le  besoin  d-a- 
dopter  des  règles  qui  n'appartiennent  pas  à  telle  ou  telle  af- 
faire, mais  qui  les  régissent  toutes  :  vojl^^  l'alju/ç  ni^^uçeUe; 


220  DES   COUKS  d'assises. 

juger  par  la   conscience  n'appartient  réellement  qu'à  des 
jurés.  » 

Le  conseil  adopta  une  troisième  fois  en  principe  que  le 
jury  serait  conseryé  *. 

^  Ce  n'était  pas  encore  la  dernière  épreuve  de  cette  iosUtu- 
tioD.  Lorsque  le  projet  de  la  création  des  deux  justices  fut 
soumis  à  la  délibération  du  conseil  à  la  séance  du  6  février 
1808,  une  quatrième  discussion  s'engagea. 

M.  Jaubert  dit  «que  dès  qu'il  retrouve  dans  ce  projet  Tins* 
titution  du  jury,  il  doit  i  sa  conscience  de  la  combattre; 
qu'on  peut  assurer  sans  témérité  que  le  vœu  de  la  nation  tout 
entière  est  contre  le  jury.  Et  pourquoi?  parce  que  cett6  ins- 
titution n'est  pas  dans  nos  mœurs ,  parce  que  surtout  les 
abus  qu'elle  entraîne  sont  tellement  inhérents  à  sa  nature, 
qu'il  devient  impossible  de  les  en  séparer  ;  qu'il  est  de  l'es- 
sence du  jury  que  ceux  qui  le  composent  soient  pris  dans 
toutes  les  classes  de  la  société  ;  mais  est'Kîe  donc  qu'on  trouvé 
dans  toutes  les  classes  des  citoyens  doués  d'assez  de  sagacité 
pour  démêler  des  questions  compliquées,  pour  suivre  un  ac- 
cusé et  des  défenseurs  adroits  dans  tous  les  replis  d'une  dé- 
fense insidieuse,  des  cito^ensd'une  probité  exacte  et  de  mœurs 
irréprochables?  On  va  répondre  qu'on  ne  soumet  aux  juréi 
que  des  questions  de  fait,  qu'ainsi  les  lumières  les  plus  com- 
munes suffisent  pour  remplir  ce  ministère.  On  dirait  en  vé- 
rité que  les  jurés  ne  sont  appelés  qu'à  juger  si  un  cadavre 
qu'on  leur  présente  est  privé  de  la  vie.  Mais  ils  ont  bien  d'au- 
tres fonctions  à  remplir.  Il  leur  faut  saisir  tous  les  indices, 
les  rapprocher,  les  comparer,  les  peser,  percer  les  nuages  qui 
enveloppent  la  vérité,  pénétrer  dans  le  fond  de  la  conscience, 
y  découvrir  ou  Tinnocence  accablée  au  dehors  par  des  pré- 
somptions injustes,  ou  le  crime  qui  s'y  cache  et  qui  triomphe 
en  secret  de  l'adresse  avec  laquelle  il  a  su  se  dérober  à  la  lu- 
niiére.  Croit-on  qu'un  tel  ministère  soit  à  la  portée  de  tous  les 
esprits  ?»  —  L'Empereur  proposa  un  nouveau  système  : 
«  N'est-ce  pas,  dit-il ,  donner  trop  aux  tribunaux  que  de  les 
constituer  tout  à  la  fois  juges  du  droit  et  juges  du  fait?  Ne 
doit-on  pas  craindre  aussi  que  Thabitude  ne  les  endurcisse? 
]i  est  possible  de  tout  concilier.  On  ne  saurait  douter  qu  un 
juge  qui  auiait  le  pouvoir  de  prononcer  tout  à  la  fois  sur  le 

'Locrt;t.XXIV,p.59i 


DE   LA  COMFOStTION   DU  JUBr.   $  593.  2ii 

droit  et  sur  le  fait  ne  fût  trop  puissant.  Le  législateur  doit  se 
défier  des  passions  et  ne  mettre  entre  les  mains  de  personne 
le  moyen  de  satisfaire  des  ressentiments  personnels.  Cette  ré- 
flexion suffit  pour  séparer  les  deux  ministères.  La  distinction 
entre  les  juges  du  droit  et  les  juges  du  fait  est,  au  surplus, 
dans  la  nature  des  choses.  Mais  il  importe  que  les  juges  du 
fait  et  les  juges  du  droit  soient  bien  choisis.  Les  jurés  doivent 
être  des  magistrats  qui  forment  avec  les  juges  du  droit  une 
grande  tournelle.  Si  les  juges  de  première  instance  étaient 
assez  nombreux,  peut-être  conviendrait-il  de  les  appeler  aux 
fonctionsde  jurés.  » — M.  Bigot  de  Préameneu  répondit  a  que 
la  séparation  du  fait  et  du  droit  est  un  des  plus  grands  incon- 
vénients du  jury;  qu'elle  force  de  définir  tous  les  crimes  et 
met  les  juges  dans  l'impuissance  de  prononcer  sur  ceux  qui 
n'ont  pas  été  définis  ;  or,  comment  la  loi  peut-elle  prévoir  et 
graduer  tous  les  degrés  de  culpabih'té  ?  qu'il  est  à  remarquer 
que,  quoique  l'Europe  ait  fait ,  depuis  quelques  siècles,  de 
grands  progrès  dans  la  civilisation,  aucune  nation  n'a  cepen- 
dant adopté  le  jugement  par  jury  ;  en  serait-il  ainsi,  si  cette 
institation  était  aussi  utile  qu'on  le  prétend  ?  il  est  reconnu 
que  les  crimes  les  plus  dangereux  sont  mal  jugés  par  le  jury. 
Qui  oserait  proposer  de  renverser  les  tribunaux  spéciaux  ? 
L>e  jury  ne  marche  donc  qu'étayé  d'une  autre  institution  qui 
soutient  Tordre  social.  Qu'une  garantie  bien  plus  sûre  que 
celle  que  peut  donner  aux  accusés  le  jugement  par  jurés 
serait  les  deux  degrés  de  juridiction  ;  eufin  que  rétablissement 
de  grandes  Cours,  dont  la  nécessité  est  avouée,  ne  peut  avoir 
lieu  sans  la  réunion  des  deux  justices  et  la  suppression  du 
jury.  »  —  M.  Berlier  répliqua  :  «  Si  le  fait  et  le  droit  se  con- 
fondent si  essentiellement  qu'il  soit  presque  toujours  impos- 
sible de  les  diviser,  comment  la  pratique  n'a-t-elle  pas  éclairé 
pins  tôt  sur  cette  impossibilité?  Toutes  les  fois  que  les  ma- 
gistrats chargés  de  diriger  l'instruction  «nt  eu  la  sagacité  que 
requiert  un  pareil  ministère,  la  séparation  du  fait  et  du  droit 
se  fait  facilement;  mais  convient-il  que  ce  soient  les  mêmes 
hommes  qui  jugent  le  fait  et  le  droit?  Si  on  arrive  à  investir 
quelques  magistrats  du  pouvoir  énorme  de  prononcer  cumu* 
laiivement  sur  le  fait  et  le  droit,  et  d'infliger  les  peines  qui 
leur  sembleront  convenables,  où  allons-nous  ?  à  un  ordre  de 
choses  où  les  condamnations  pour  les  cas  résultant  des  pro- 
cès deviendront  la  formule  ordinaire  des  arrêts,  à  un  état  peu 
différent  de  celui  qui  existait  avant  la  révolution,  et  dont  los 


2t2  DE9  CbURS  D*AS?I?rS. 

vices  ont  été  pcul-èlt^  tVop  oubliés  danô  tè  cours  de  cette  ifi- 
clissVotî.  On  ne  disconvient  paà  que  l'ordte  piiblîc  réclimcsa 
f^niranlic  comme  îà  sûreté  individuelle  réclame  la  sicbné. De  li 
il  suit  qu'il  Falidra  s'etopresset  d'accàeiHîr  tout  ce  qfaî  pourra 
concilier  ces  déàx  grands  intérêts  •  mais ,  ^lit-on  ti'y  point 
fébsÊîip  ^^arTaitcment ,  ràbsôl\itÎDn  ue  (^otrqWes  toiij|laD!fô  toe 
dé^ra  jamaft  fSltb  d'i^paratti^e  uni»  îhsiîtàtioî^  (Juî  gttiribtït  \t 
fie  des  innocents.  L'erreur  qui  absout  est  fâclicuse;rû:rcur 
qui  cAVôie  à  l'échnfaud  ck\  alTreusîe^,  époiiVarilSiBlé,  c\  plonge» 
cîans  Un  dcûil  profohd  la  èoclélé  lout  entière.  On  a 'oSBÎnvo- 
q\)cr  contre  le  jury  Te  Vœu  liatWnal  !  Mais  ceux  qui  §è  consti- 
ttfeht  ses  interprètes  Veuletit-Hs  parler  de  là  masSb  dds  ci- 
tojcrts?  Non,  le  c'orps  de  là  nation  ne  satlrait  désirer  Tabro- 
gfation  d'une  institution  sur  laquelle  se  fonde  la  plui  grande 
s'écurîfé  die  cbacui^  dfe  ses  membres.  Qu^esl-co  donc  que  ce 

Prétendu  vœu  nMiôrtal  ?  La  répugnance  de  quelques  Jurés  à 
exetdce  de  ledrè  Wiffosantes  fonctions  et  lé  désir  qu*éproa- 
vchl  quelques  m^glstratd  d'étendtc  les  ^curs,  voilà  ce  qu'on 
confond  ûVôc  le  vœu  de  la  nation.  » 

Le  conseil  adopta  de  nouveau  et  pour  la  quatrième  ibis  le 
jugement  par  jurés'. 

CeltB  dernière  décision  forma  enfin  cette  longue  délibéra- 
tion. L'institution  fol  maintenue  en  pVincip^  et  ta  discussion  ne 
porta  plus  que  sur  son  organisation.  Les  expdsésdo  mt)tifset 
les  rapports  explicatifs  du  système  et  dtô  dispositions  du 
Code  y  ne  s'arrêtèrent  paé  même  à  dikcmer  ce  ptin'cipe. 
M.  Faure  dit  dans  Tcxposé:  «  Cette  motière,  tfà  il  s'agit  d'une 
si  belle  canse,  é^t  féconde  en  observations  dû  plus  faant  itité- 
rêt.  Maïs  ne  perdons  point  de  vue  que  la  quèrêtion  rt'êst  point 
si  le  jury  doit  être  établi  ;  cette  institution  èii^te  et  satii%src 
proposé,  non  dé  Tàbolir,  mais  A^  Tamêliorer.  o  Et  fe  rap- 
porteur du  Corps  législatif  sù  bornait  à  reproduire  cette  dé- 
claration :  «  A  notre  égard,  nous  pensons  que  la  derniétc dé- 
termination adoptée  p&T  le  gouvernement  à  décidé  la  ques- 
tion, quant  A  présent  et  par  rap))ort  i  noué,  pui^ti'il  ne 
propose  poittt  de  renoncier  au  jury,  mais  de  ràmètiorei-,  et  que 
reflet  immédiat  d'une  délibération  cohtrfeît'e  ferait  de  laisser 
Ife  jury  tel  qu'il  est  en  ce  moment,  c'eSt-à-dlrb  avec  tdtttei  ses 
imporfeetion^.  b  Toutes  tes  obseriraliônà  de  t^  rlôcâtn'cnts  ne 

*  Locré,  t.  XXIV,  p,  620, 


BE  U  COHfOSmON  DV  JIftT.  §  593,  tS3 

s^appKquent,  en  conséquence,  qu'à  la  coinposiiîon  et  aux  for- 
mes du  jury.  Nous  les  retrouverons  plus  loin* 

y .  ArréiODS-nouB  un  moment^  avant  d'arriver  à  Torgani- 
sation  définitive  du  jury  f  aux  disoussioas  importantes  qui 
tiennent  de  passer  sous  Ao^.yeux. 

.  La  question  agitée  en  1790  était  de  savoir,  si  le  jury  devien- 
drait Fan  des  éléments  de  nos  institutions  judiciaires.  La  ques- 
tion examinée  en  180^1^  et  1808,  était  de  savoir  si  cette  insti- 
tution, fille  de  ia  révolution,  serait  ms^intenue*  Dans,  toutes 
ces  délibérations^  c'est  le  fondement  même  du  jury^  c'est  spn 
caractère  général,  ses  avantages,  ses  périls  qui  étaient  sondés 
et  appréciés.  G^estdonc  sur  ce  point  préliminaire  et  fondamen- 
tal que  doit  se  porter  notre  examen.    . 

Le  jury,  considéré  comme  une  institution  purement  juridi- 
que^ en-âl  un  élément  essentiel  de  radministralion  de  la  jus- 
tice? Lui  apporte-t-il  une  puissance  n^c^ssaire  à  son  action, 
tto  moj-cn  piys  sûr  d'arriver  à  ja  vérité?  Telle  est  la  première 
question  qu'il  faut  poser,  car  il  ne  suffirait  pas  qu*i|  put  pro- 
téger les  droits  descitovens  s'il  portait  atteinte  auf  droits  de 
la  justice,  et  si  le  but  do  son  établissement  peut  être  à  cer- 
tains égards  politiaucy  sa  mission  est  exclusivement  judiciaire. 
C'est  donc  aii  point  de  vue  de  l'accomplissement  des  fins  de  la 
justice  qu'il  faut,  avant  toiit,  l'examiner.  Si  le  jury,  quels,  que 
soient  ses  avaintagesà  pn  autre  point  de  vue,  ne  conduit  pps 
à  lu  vérité  judiciaire,  s'il  peut  égarer  la  justice  et  la  faire  dé- 
vier de  sa  fin,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  le  rejeter;  car  toute 
institution .  politique  qui  appprterait  â  Tadministration judi- 
paire  un  obstacle  sérieux  et  durable  serait  mauvaise  pn  soi  : 
la  justice,  tei|e  qu'elle  doit  être  pou#  faire  régner  l'ordre, 
iinpartiaie  et  ferme,  éclairée  et  indépendante,  est  le  premier 
principe  de  toute  ^iélé. .    ,  .    ^ 

Qu'esl-cc  que  le  jury?  c'est  la  participation  des  citoyens  à 
if  justice  pénale,  le  jugement  des  pccusés  remis  dans  les  mains 
^  peuple;  c'est  une  fonction  judiciaire  temporairement  dé- 
légua â,des  personnes  étranjjèros  à  la  justice,  parce  qu'elles 
semblent  plus  aptes  ^Ja  remplir  que  les  juçes  eux-mêmes. 
Quelques  pubîicistes  l'ont  défini  le  jugement  d'un  accus^  par 
ses  pairs;  celte  définition,  qui  rappelle  Tépoque  féodale,  a 
cesse  d'être  rigoureuscinent  exacte.  Les  jurés  sont  assuré- 
ment les  joairs.  de  Taccusé,  en  ce  sens  qu*iU  sont  ses  conci- 
toyens; ils  ne  le  sont  pas  dans  le  sens  juridique  de  ce  mot, 


224  pBs  COURS  t)V<ftisr.8. 

puisqu'il  n'yapoint  de  jurés  spéciaux,  puisque  la  lotn^xigc 
ni  qu'ils  aient  la  même  profession,  ni  qu^ils  soient  delà  mèiiie 
condition.  D'autres  l'ont  défini  plus  ambitieusement  le  ju^ 
ment  du  pays  lui-même  :  les  jurés  sont  pris  dans  le  sein  du 
pays,  mais  ils  ne  le  représentent  pas  ;  ils  ne  parlent  point  en 
son  nom.  Ils  n'ont  point  de  mission  différente  de  celle  de»  ach 
très  juges.  Juges  temporaires,  ils  participent  aux  jugements 
comme  les  juges  permanents;  s'ils  agissent  en  vertu  d'un  au<- 
tre  titre,  s'ils  accomplissent  une  fonction  particulière,  ils  ont 
les  mêmes  devoirs;  ils  travaillent  les  uns  et  les  autres  à  Tœu- 
tre  commune  de  la  justice  pénale.  Le  Gode  du  3  bromaire 
an  IV  avait  nettement  reconnu  ce  caractère  général  des  jurés: 
«  Les  jurés,  porte  Tart.  206,  sont  des  citoyens  appelés  à  l'oc- 
casion d'un  délit  pour  examiner  le  fait  allégué  contre  Pac- 
cusé...» 

Or,  cette  participation  des  citoyens  aux  jugements  crimi- 
nels, est-elle  bonne  en  soi?  Ces  nouveaux  auxiliaires  appoi^ 
tent-ils  avec  eux  une  vue  assez  nette  de  la  vérité  judiciaire? 
Apportent-ils  les  notions  et  les  qualités  nécessaires  à  la  dia* 
tribution  de  la  justice? 

Cette  question  d'aptitude  doit  >tre  examinée  aoua  tontes 
ses  faces.  On  doit  d^ abord  supposer  deux  règles  qui  serontëia'* 
blies  plus  loin.  La  première  a  pour  objet  les  attributîooi 
mêmes  du  jury:  il  participe  aux  jugements,  mais  dans  une 
certaine  mesure,  il  est  juge,  mais  seulement  d'une  partie  île 
la  cause.  Sa  compétence  est  circonscrite  aux  pointa  de  fatt^ 
c'est-à-dire  à  l'appréciation  des  circonstances  matérielles'  et 
des  circonstances  morales  de  la  cause,  à  la  constatation  ëe 
l'existence  des  actes  et  de  la  culpabilité  des  agents;  elle  eat 
étrangère  aux  points  de  droit  et  à  toutes  les  questions  qui  ont 
pour  objet  l'application  de  la  loi.  La  limite  de  cette  compè^ 
tence  sera  précisée  plus  loin  ;  il  suffit  de  l'indiquer  ici. 

La  deuxième  règle,  qui  sera  développée  dans  le  $  suiyant^ 
est  qu'il  y  a  lieu  de  présumer  une  certaine  aptitude  dans  les 
citoyens  qui  sont  appelés  à  remplir  les  fonctions  de  jiiré.  On 
ne  prétend  point  leur  imposer  comme  aux  juges  une  instruo* 
tion  supérieure,  une  expérience  des  affaires  acquise  par  Fé* 
tude  ;  mais  on  doit  supposer  chez  eux  un  sen^  commun  qui 
saisit  les  preuves  de  la  vérité  et  les  sépare  des  illusions  de  l'er- 
reur, une  instruction  ordinaire  qui  les  rend  aptes  aux  opé- 
rations de  l'intelligence,  une  moralité  qui  leur  permet  de  ca- 
ractériser et  d'apprécier  les  actions  qui  passent  sous  letfrs 


DB    LA    COMrOSITIOn    I)C    JCRT,    §-593.  2'lo 

ycui.  Ce  sout  là  les  couditioDS  qui  constituent  la  rapacité  de 
jaga';orf  comme  le  jury  n'est  point  un  droit,  mais  une  fonc- 
ticm,  il  y  a  lieu  d'admettre  que  ceux-là  seuls  seront  ap- 
tes i  l'exercer,  qui  seront  réputés  avoir  cette  capacité. 

De  ces  deux  régies,  qui  posent  la  double  condition  d^une 
compétence  restreinte  aux  questions  de  fait  et  d'une  certaine 
aptitude  intellectuelle  et  morale  chez  les  jurés,  on  peut  in- 
duire déjà  qu'ils  ne  sont  pas  nécessairement  frappés  d'une  in- 
capacité absolue  pour  l'exercice  de  leur  fonction. 

Ce  n'est  (MIS  que  les  questions  de  fait  soient  toujours  faciles 
èrisoudre  Si  elles  n'exigent  pas  des  notions  de  droit  et  des  étu- 
des de  jurisprudence,  elles  nécessitent  l'examen  attentif  des 
circonstances  delà  cause,  l'appréciation  exacte  des  indices  et 
des  preuves,  le  jugement  dans  le  for  intérieur  des  moyens  de 
la  cause,  c'est-à-dire,  une  opération  délicate  de  la  conscience 
éclairée  par  riBtelligence.Toutefois,enréalité,cette  opération 
le  bomeà  la  déclaration  d'un  fait  et  d'une  moralité.  Point  de 
reckercbes  théoriques  ou  légales,pointd'opinionssur  Tappli- 
cationdes  bisou  la  valeur  morale  des  actes;  point  même  d'in- 
vestigations pour  la  découverte  de  la  vérité,  puisque  le  débat 
édaircît  tous  les  faits  et  que  la  discussion  résume  toutes  les 
^ucstioiis.  Lesjurôs  ne  marchent  que  sur  un  terrain  illuminé 
de  toute  part  et  dont  tous  les  points  ont  été  sondés  sous  leurs 
yeux.  Que  leur  reste*t-il  à  faire?  ils  n'ont  plus  qu'à  décla- 
rer (es  résultats  de  cette  solennelle  enquête  ;  or,  pour  une  telle 
déclaration,  une  intelligence  ordinaire  ne  sulTit-ellepas? 

Sans  doute»  on  doit  le  dire  encore,  et  nous  le  constaterons 
tout  à  l'heure»  il  est  difficile  de  déterminer  avec  certitude  les 
ceaditions  de  cette  commune  aptitude  nécessaire  à  la  fonc- 
iioo  de  juré.  La  loi  se  borne  à  prononcer,  en  thèse  gé- 
nénil6)  dea  exclusions,  des  éliminations,  des  déchéances,  et 
elle  s'est  confiée  ensuite  à  une  opération  toute  administrative 
pdur  la  composition  des  listes.  Mais  il  y  a  lieu  de  présumer 
que  les  citoyens  qui  ont  traversé  ces  épreuves,  ne  sont  pas 
tout  à  bit  dénués  de  cette  aptitude  ;  il  y  a  lieu  de  présumer 
que  les  radiations  qui  circonscrivent  les  éléments  des  listes  et 
le  choix  qui  les  épure,en  écartent  les  incapables  aussi  bien  que 
les  indignes.  C'est  là  le  but  constant  de  toutes  les  lois  qui  ont 
organisé  le  jury.  Nous  supposons  provisoirement  que  ce  but 
est  atteint;  s'il  ne  l'était  pas,  c'est  la  législation  qu'il  faudrait 
aecus^  et  non  l'institution. 

Mais,  en  général»  on  ne  conteste  pas  que  les  jurés,  dans 
vui.  ly 


2f6  MIS  '«OVM  to'AMIitS. 

une  législation  prévoyante,  ne  puissent  être  aptes  à  statuer 
sor  les  faits  ;  ce  n  est  pas  là  quWt  la  difficulté,  ello  consiitc 
à  savoir  si  les  juges  ne  possèdent  pas  eux-mêmes  cotte  apti*- 
tude  et  ne  la  possèdont  pasà  un  plus  haut  degré  :  que  servent 
Issîorés^  si  l«s*}uges  permanents,  déliés  du  joug  de»  preuves 
légakSf  juges  et  jurés  6  la  fois,  peuvent  réunir  lesdeuifenc" 
iions?  PTest-dl  pas  raisonnaUe  de  eonfier  à  des  bommcs^ui 
joignent  à  la  science  des  lois  l'eipérience  des  faits^  qui  ont 
une  instruction  supérieure  et  une  tatelligonoe  éprouvée^  uoe 
nission  .qui  ne  peut  être  remplie  que  par  des  liommes  intelli< 
geDts  et  capables  ?  Pourquoi  cet  élément  du  jury;  étranger  à 
Tordre  judiciaire,  quand  Tordre  judiciaire  suffit  à  Taccomplis- 
lement  de  toute  sa  tàoke?  C'est  ici  que  nous  commençons  à 
pénétrer  dans  les  entrailles  de  la  question. 

Si  les  juges  qui  prononcent  sur  le  droit  ont  l'aptitude ué- 
eeseaire  pour  prononcer  sur  le  fait,  les  jurés  soat  superflus; 
o'est  simplifier  Torganisation  judiciaire  que  dt»  les  supprimer.  . 
Mais  cette  aptitude,  la  possèdent-ils?  Ce  qui  fait  la  force  des 
corps  judiciaires»  c'est  Tesprit  de  suite ^  c'est  la  coneeptiofict 
Tapplication  de  certaines  règles  aux  espèces  qui  se  sUoeédent 
i  leurs  audiences,  c'est  rétablissement  et  le  maintien  d%tie 
)urisprudenee  qu'ils  appliquent  uniformément  aux  cas  idaati>» 
«ues  ou  analogues  qu'ils  onti  juger.  G^est  cette  jurisflrii- 
denee  qui»  née  de  la  science,  en  devient  l'appui  et  qiiie^à' la 
lois  la  plus  sûre  garantie  de  ritnpartialiié  des  jugements^  puis^ 
qu'elle  leur  trace  à  l'avance  la  voie  <^'i<s  doivent  suivre  et 

Sk'elle  ne  leur  permet  pas  d'en  dévier.  Les  juges  tqui  ne  s'en- 
atneraîent  pas  aiasi  perdes  régies  fitesjugeraieol  pour  ainsi 
direà  l'aventure  el  s'exposeraient  à  peser  les  mêmes  cMses 
avec  des  poids  différents.  Or,  cette  pratique  habiiueHe,' qui 
ix>nstituele  plus  haute  qualité  des  juges,  qu^îts  suivent  nésss^ 
saîremeni  et  qu  ils  ne  pourraient  pas  abdiquer^  exceiicbte  et 
précieuse,  en  ce  qui  eouceme  les  points  de  ^oH^  devîeitiîn- 
eoDséquente  et  fatale,  en  oequi  teucbe  les  points  de  faéf. 
'  Les  points  do  droit  doivent  toujours  être  jugés  dansics 
«èaes  termes.  C'est  cette  ibité  de  la  jurisprUdenOe  qtil  lui 
donne  Tautorité  de  ta  loi  elle^^même  et  qui^  en  tené^ni  im- 
possible une  interprétation  capriciease,  assure  à  tous  \^  jn- 
Sment^  unu  base  inébranlable*  Il  en  «st  autrement  dee  poinftts 
(aiti  Lesfaits^  \orn  même  qu'ils  sont  de  même  aatute^lbrs 
même  qu'ils  se  produisent  dans  les  mêmes  tirconslances,  ne 
sont  jaiifMMS  oelnplétement  identiques^  Ils  difli^renf  dabs  (jéurs 


OK   LA   00ll»O;iTI0X    »t!   JtRT.   §   593  1^ 

élémcfits  m^lèriels,  ils  éiffèreni  p*r  Tége,  rédacation,  la  fii- 
tuaiîon,  l'inteation  des  agesig.  Lea  degrés  qui  les  séparent 
aoDt  infinis  :  ce  sont  les  nuances  des  flct)6l)S«  ce  iont  les  tnôii- 
vemenisde  la  volonté.  Tel  acte  prend  son  caractère  de  la  fer- 
meté de  rintention  qui  l'a  aecompagné,  oii  de  son  inoerti* 
tuile  et  de  sa  variation.  Tel  autre  puise  son  aggravation  du 
son  exeuéedens  la  position  de  Tagent»  dans  son  instruction, 
dans  son  état  d'aisance  ou  de  détresse,  dans  les  degrés  de  son 
intelligence,  dans  lésèauaes  ifiipulriveé  de  Tactinn.  I)  but  aai- 
tir  tùutci  les  difCèrenees,  car  la  justhfe  cesserait  d^étre  si  die 
ne  ôaestirail  pas  Tiniensilé  de  Talarme  sociale  et  de  lacrimi- 
nalité  dé  Tagem^  si  elle  ne  propoKionnait  pas  chaque  pénalité 
à  la  gravilé  relative  de  chaque  acte,  au  degré  du  mai  com- 
mis. La  vérité  et  par  etosèquent  la  justice,  est  tMt  entière 
dM$  Clés  nuances. 

Or,  les  juges,  parfaitement  aptes  au  jugement  des  petiots 
de  droit,  apportent-ils  la  même  aptitude  à  Tappréciation  des 
faits?  Ce  qui  peut  fàife  nattre  quelque^  doutes  à  cet  égard, 
e^est-que  ia  quatité  qui  fuit  en  général  leur  force,  fait  ici  leur 
faiblesse,  cest  qu'il  leur  est  dilTieilede  se  dépouiller  de  l'ha- 
Mudc  scientifique  de  généraliser  leurs  décisions,  d'élabli#  des 
règles,  de  suivre  une  jurisprudence,  c*est  qu*ils  sont  nuturel* 
iementpar  suite  disposés  à  grouper  lesactes  d'après  leurs  ap- 
parences eiLlérieures  ,  à  les  distinguer  d'spfésJeurs  analogies 
principales,  à  voir  des  catégories  de  faits  piutAt  que  des  espè- 
ces, des  classes  d'agenls  plutôt  que  des  individus,  à  étendre 
In  même  sentence  aux  actions  analogues  ou  plus  ou  moins 
voisines  les  unes  des  autres.  L'idée  même  de  justice  qui  est  eu 
eux  les  entraîne  à  ces  jugements  systématiques,  parce  qu'ils 
ne  veulent  pas  frapper  de  peines  inégales  des  agents  qui  com- 
paraissent joornellement  devant  eux  avec  une  criminalité  à 
peu  prèségiilc.  Cette  méthode  n*est  d'ailleurs  que  la  conso- 
quence  de  la  pratique  des  audiences  qui  finit  par  eflaccr  tes 
traits  distinclifs  de  chaque  agent  pouf  les  revêtir  d'une  im- 
moralité commune.  Et  puis  cette  pratique  même  les  con- 
firme dans  cette  voie»  parce  q<ie  c'est  l'un  des  intérêts  de  la 
justice  que  les  affaires  soient  promi^ement  expédiées. 

Les  jurés  ne  sont  pas  tout  à  fait  dans  la  même  situation.  Ils 
ne  sont  préoccupés  d'aucune  idée  systématique  ;  les  jugements 
qu'ils  ont  rendi^s  n'enefadnent  point  ceux  qu'ite^m  àrëHidre; 
ils  no  craignent  ni  de  se  contrédnres  nî  de  dévief  d'une  jutis- 
prudence  établie;  ils  ne  voient  que  respèceqiri  leur  est  sou- 


St8  Mt  c«VRS  d'assises. 

mw,  le  fait  que  le  débat  agite  devant  eux  ;  cette  espèce  et  cç 
fait  n'ont  dans  leur  esprit  aucune  liaison  avec  d'autres  faits 
antérieurement  jugés  et  qui  auraient  été  l'objet  de  telle  ou 
tçlle  condamnation;  libres  de  toute  pensée  préconçue ,  de 
toute  doctrine,  quelque  excellente  qu'elle  soit  en  elle-même, 
i\ê  ne  demandent  qu'à  leur  raison^  ils  ne  cherchent  que  dans 
leur  conscience,  la  sentence  qu'ils  doivent  prononcer. 

Oh  1  sans  doute,  les  magistrats  sont  en  général  habiles  en 
tout  ce  qui  touche  Fart  de  bien  juger:  ils  ont  la  science  du 
droit»  l'étude  des  actes  punissables,  la  culture  derintelligence, 
te  pénétratiou  de  l'esprit,  la  connaissance  des  choses  et  des 
hommes,  ils  ont  surtout  Tamour  de  la  justice  et  du  bien.  Tou- 
tes ces  qualités  peuvent  se  trouver  dans  les  jurés,  mais  elles 
ne  s'y  trouvent  pas  aussi  généralement,  elles  ne  s'y  trouvent 
pas  au  même  degré,  aussi  développées  par  une  constante  ap- 
plication, aussi  perfectionnées  par  la  méditation  et  le  travail. 
Mais  il  faut  remarquer  qu'on  ne  conteste  point  aux  juges  leur 
instruction  supérieure,  leur  prééminence  scientifique;  on 
doute  seulement  qu'ils  soient  aptes  à  faire  une  appréciation 
qui  n'exige  ni  cette  science,  ni  cette  instruction.  Que  demandc- 
t*on  aux  jurés?  une  intelligence  ordinaire,  un  sens  commun, 
une  instruction  vulgaire.  Mais  pour  Tappréciation  des  faits, 
cette  intelligence  ordinaire  est  préférable  à  la  science,  ce 
sens  communrfiux  plus  hautes  facultés  de  l'esprit,  cette  ins- 
truction vulgaire  à  Tinstruclion  scientifique;  et  il  en  est  ain- 
si surtout  lorsque  la  pratique  des  affaires  et  les  régies 
inhérentes  aux  corps  judiciaires  ont  imbu  l'esprit  du  juge 
d'idées  en  quelque  sorte  permanentes, qu'il  place  au  de- 
vant de  chaque  espèce  et  qui  lui  en  voilent  le  caractère 
vrai. 

On  ne  parle  pas  de  Thabitude  de  juger.  On  suppose  que  le 
juge  aura  la  force  d'en  secouer  le  joug,  qu'il  ne  verra  pas  dans 
chaque  prévenu  un  coupable  par  cela  seul  qu^il  a  vu  beaucoup 
de  coupables  dansi'exerdcede  ses  fonctions,  qu'il  chercherai 
nondc  simples  indices^  maisdes  preuves,  non  des  présomptions, 
mais  une  ctTtitude.  Qui  ne  connaît  néanmoins  la  puissance 
presque  despotique  de  l'habitude  sur  nos  esprits?  qui  ne  sait 
combien  ce  qu'on  fait  tous  les  jours  on  le  fait  avec  plus  de 
mollesse  et  d'inertie,  combien  le  métier  refroidit  d'ardeurs  et 
de  résifltances?  C'est  une  chose  étrange  que  la  conscience 
semble  s'assoupir  quand  elle  lutte  chaque  jour,  et  que  les 
mémps  actes  sans  cesse  renouvelés  fatiguent  sa  vigilance.  Ce 


DE  u  coapositioN  i>v  JciiT.  §  593.  2i9 

D^est  que  peu  à  peu,  quand  il  a  entendu  tant  de  protestattoni 
mensongères,  tant  de  comédies  d'innocence,  tant  de  coupa<^ 
blés  qui  niaient  révidence,  tant  d'agents  effrontés  et  pervers; 
que  le  magistrat  laisse  entrer  dans  son  esprit  une  sorte  de 
présomption  d^immoralité  et  de  culpabilité  dont  il  enveloppe 
tous  !es  prévenus.  Il  ne  les  apperçoit  bientôt  plus  qu'à  trarvers 
cette  ombre  dont  il  les  recouvre  et  comme  son  honnêteté  s'in- 
digne d'une  perversité  qui  continue  de  s'étaler  à  ses  yeux,  il 
est  porté  d'abord  à  confondre  tous  ces  agents  les  uns  avec  les 
autres,  ensuite  à  les  frapper  de  pénalités  plus  fortes,  puisque 
c'est  là  le  seul  remède  dont  il  soit  armé.  C'est  ainsi  que  la  pra- 
ti(|ue,  tandis  qu'elle  féconde  par  une  salutaire  expérience  la 
science  du  juge,  lui  enlève  quelque  chose  de  la  perception 
claire  des  nuances  de  Timmoralrté.  Il  finit,  non  pas,  comme 
on  l'a  dit  à  tort,  par  apercevoir  dans  tous  les  plrérenus  des 
coupables,  mais  par  soupçonner  à  l'avance  leur  culpabilité;  et 
dans  cette  situation,  les  actes  les  plus  inoffensifs  prennent  la 
valeur  des  indices,  et  les  indices  celle  des  preuves. 

L'habitude  tend  surtout  à  affaiblir  dans  le  juge  le  senti- 
ment d'humanité.  On  ne  parle  pas  ici  de  cette  fausse  piiié  qui 
s'étend  à  tous  les  coupables  et  qui  refuse  d'apercevoir  le 
mal  social  pour  n'apercevoir  que  le  mal  de  la  peine.  On  parle 
de  ce  sentiment  qui,  sans  faiblesse  pour  le  crime^  voit  cepen^ 
dant  dans  le  coupable  un  homme  et  prend  en  compte  pour 
apprécier  la  gravité  de  l'action,  les  causes  impulsives  qui  Tottt 
déterminée;  ce  sentiment  qui  cherche  à  expliquer  l'agent  par 
le  milieu  où  il  a  vécu,  par  ses  antécédents,  par  les  événements 
qui  l'ont  sollicité,  par  les  obstacles  qu'il  a  franchis,  qui  reut 
peser  toutes  les  circonstances  d'aggravation  ou  d'atténuation  ; 
ce  sentiment  sans  lequel  il  n'y  a  pas  de  véritable  justice,  car 
pour  juger  il  faut  descendre  dans  le  corar  humain,  il  faut  en 
sonder  les  profondeurs,  il  faut  en  chercher  les  défaillances  ou 
lespassions.Un  crime  n'est  pas  un  acte  matériel  dont  il  saffitde 
mesurer  les  traces  et  le  résultat,  c'est  un  fait  moral  dont  il  feat 
rechercher  la  cause  et  suivre  la  marche  dans  Tàme  où  il  est 
né.  Que  si  l'on  reste  étranger  à  ce  travail  intérieur  de  l'agent, 
si  Ton  n'accorde  ancune  attention  à  ses  luîtes,  à  ses  résis- 
tances, i  ses  entraînements,  est-ce  un  jugerinent  que  l'on 
porte?  C'est  en  ce  sens  que  nous  disons  que  la  justice  doit  être 
humaine,  qu'elle  doit  proportionner  ses  rigueurs  aux  forces 
de  rhomme,  et  ne  pas  perdre  de  vue  dans  ses  sentences  sa 
débilité.  Si  elle  se  propose  un  type  idéal,  elle  sera  nétfessaire* 


SIO  DES  C09BS  D*ASS1SBI. 

i|i€nt  cruelle,  car  par  zèle  pour  la  tertu  trop  haute  dont  elle 
embrassera  la  eause,  elle  frappera  sans  pitié  des  agents  qui 
ne  lui  inspireront  plus  que  de  l'horreur.  Plus  son  aspiration 
Ters  les  pures  régions  de  la  morale  sera  ardente,  pl|is  sesdoups 
seront  redoublés.  C'est  là  ce  qu*il  y  a  lieu  de  craindre  de  la 
longue  pratique  et  de  l'austérité  du  caractère  des  magistrats. 
Placés  plus  loin  de  la  sphère  où  s'agitent  les  éléments  du  dé- 
sordre, mais  où  conspirent  aussi  les  misères  et  les  souffrances» 
ils  sont  moins  propres  à  les  apprécier.  Les  prévenus  devien- 
Dt:)t  des  ennemis  de  la  société  qu^il  faut  rejeter  ou  tenir  en 
garde.  Ils  s^inquiètent  peu  des  instincts  qui  n'ont  point  encofb 
été  pervertis^  des  bons  germes  que  les  vices  n^ont  poiqt  dé- 
truits, df  la  lutte  des  causes  accidentelles  contre  les  louables 
habJMides.  Us  prononcotil  les  peines  sans  avoir  la  pensée 
qu^elks  ^urr^Nit  ramener  au  bien.  Ils  enveloppent  les  agents 
dans  la  mainte  haine  qu'ils  nourrissent  contre  le  crime.  Ils 
croient  purifier  k  société  en  rejetant  dans  les  prisons  et  dant 
les  bagnes,  comme  dans  des  espèces  de  senlines,  le  limon  im- 
pur qui  rinfeote  et  la  corrompt. 

C'est  U  ce  qui  nous  ramène  eneoTe  au  jury.  Les  jufés,  pris 
diins  toutes  les  classes  de  la  société,  placés  plus  près  des  èlé^ 
ments  4f  trouble  et  de  corruption  comprennent  mieux  les 
différents  degrés  de  Talarroe  qu'ils  doivent  causer.  Ils  «onl 
plus  humains,  en  ee  sens,  que  libres  de  touterègle  sicientjifique» 
do  toute  idée  systématique^  ils  apprécient  simplemeni  avec 
leur  eoB(cience  les  faits  iqui  iettr  eont  soumis.  Us  n'éléveiil 
poii^t  une  distinction  entre  la  conscience  de  Ttomme  el  «elle 
du  juge^  Ils  T)û  se  donnent  point  une  missiou  sociale  aupé*^ 
rieure  h  la  mission  de  juger.  Ils  ne  sont  point,  daus  cette ionc* 
tion  nouvelle  pour  eux,  amortis  en  quelque  sorte  par  IlidN- 
tude  qui,  si  elje  n'endurcit  pas  le  cœur,  émousse  au  moins  sa 
sensibilité.  14s  suivent  naturellement  la  pente  de  letr  eon» 
vicfcio». 

Nous  connaissons  les  objeelfone  qui  s'^event  tei.  La 
première,  qui  a  été  principalement,  formulée  par  les  légistes 
de  rAltemagne,  est  que  cette  conviction  intime,  h  kcpielte 
s'arrêtent  les  jurés,  est  le  rendement  le  plus  dangereux  des  jti^ 
gements  humains^  et  que,  tandis  [que  les  juges  sont  tenus  de 
soumettre  leur  opinion  à  de  certaines  règles  et  ilo  rendre 
compte  des  motifs  de  leurs  sentences,  il  est  étrange  que  les 
jurés  soient  dégagés  de  toute  preuve  légale  et  affranchis  de 
to^te  règ4e  juridique.  Nous  avons  répondu  ailieufs  à  cette 


Dl  LA  COHMttTJM  ftQ  ^IIRT«   §  593.  ÎM 

pcQmi^re  objectioo  ^  ;  wms  ayoss  essayé  d'établir  que  la 
pnenYBioprale,  la  preuve  qui  résulte  d^une  eonvictioD  intime, 
est  la  seule  qui  puiflie  en  matière  péqale  conduire  sûrement 
i  la  yér\\é\  que  les  f^euYes  légalta,  que  nous  avons  appré- 
cia égafemepl  S  plus  satisfaisantes  pour  la  science  jaridique^ 
parc»  qw  leur  ^ndialnement est  le  résultat  de  Tobseryationet 
du  r^ispuneweoi,  n'éclairent  la  justice  que  d'une  clarté  in- 
certaine  #t  trompeuse  et  peuvent  l'égarer  sans  cesse.  Quel 
est  le  but  4e  la  procédure,  le  bat  de  toqtes  ses  précautions  <et 
de  toutes  ses  formalités  ?  C'est  la  recherche  de  la  yéritè*  Or 
quel  «rt  le  seul  moyen  de  reconnaître  la  vérité  d'un  fait,  si  ee 
n'est  la  eertitude  qu'on  ressent  en  soi-même  que  ce  fait  existe 
oun'exisiepas?  la  justice,  neusTavons  déjà  dit,  n'a  pas  d'au^ 
tre  instrument  et  d'autre  organe  que  l'homme  lui<^méme;  4Hr 
comment  l'homme  par?ient-il  à  comprendre  la  vérité»  si  ee 
n'est  par  ^n  intelligenoe  qui  perçoit  les  faits  et  les  idées,  et 
par  sà  eonscience  qui  les  examine  et  les  apprécie?  c'est  donc 
daiis  le  sens  intime  du  jng»,  dans  la  conviction  qui  se  forme 
dans  soq  esprit,  qu'il  faut  la  chercher,  plutôt  que  dans  une 
déduction  savante  de  feits  qui  ne  seraient  acquis  qu'à  t'aide 
de  preuves  définies  par  la  loi  et  dont  la  valeur  serait  à  l'a^ 
vaoee  liétermioée.  L'institution  du  jury  est  donc  en  parfaite 
harmonie  ^vec  le  principe  du  droit  pénal,  avec  le  système  le 
niieu)  approprié  i  l'oralité  du  débat,  le  plus  efficace  pour  la 
maufestetioa  ^e  la  vérité.  Il  faut  ajouter  que  notre  légisia* 
tien  ne  eoonait  pas  d>utie  aystéoDe,  et  que,  sauf  quelques 
exceptions  <]tte  nous  «vioos.  notées  ^,  la  Àéorie  de  l'intîflae 
conviction  est  appliquée  dans  ICMites  nos  juridictions  pénales; 
maiaoeprinoipM9  n'est  entouoé  nulle  part  d'autant  de  garanties 
que  dans  le  jury  :  voilé  des  citoyens  qui,  purs  de  toutes 
idées  [«écençiies»  vÂouieot  assister  à  un  débat  qui  a  pour  ob* 
jet  de  prouver  Texistence  d'un  fait  ;  ils  entendent  la  lecture 
des  pièces  et  les  témoins,  les  contradictions  et  la  discussion  ; 
que  leur  deinande-i*H)n  ensuite?  leur  simple  opinion  sur 
l'eiistence.  du  faii  :  point  de  motifs,  car  la  nécessité  d'expii-- 
quer  leur  voie, en  gèMrait  la  liberté ,  mais  l'expression  naïve 
et  sincère  de.  leur  ceoviotion  intinse»  Or,  n'y  a-t^-il  pas.  lieu  de 
ceoire  que  cette  conviction»  aiœî  recueitlie  dans  tes  cons- 
cienceset  aussi  siu^lement  eiprimée,  qu'aucun  intcrét'n*d>B- 

*  Voj.  «»»re  l«  V,  |î*  420  ol  »««•  ^  »  Voy.  notre  t.  y,  p.  434« 

^  ¥<u*  u$¥»  u  i'S  s^  fi^o  01 6^i^ 


238  DE»  covns  »' assises. 

curcil,  qu'aucune  passion  ne  trouble,  qu'aucune  habitude  ne 
Tofroidit,  et  que  la  hauteur  de  leur  mission  aflennit  coïklre . . 
toute  crainte,sera  l'expression  de  la  vérité? 

Une  deuxième  objection^  qui  serait  plus  grave  à  elle  était 
fondée,  est  prise  de  la  faiblesse  prétendue  du  jury i  de  sea  dir 
faillances,  de  ses  contradictions,  de  son  penchant  habituel  i 
rindulgence.  Delà  on  arrive  à  le  signaler  conuDe  une  cause 
d'affaiblissement  dans  la^justice  répressive.  Cet  affaibliase* 
ment  serait  constaté  par  le  nombre  des  acquittements,  par  la 
minimité  des  peines  appliquées,  et  par  Tabus  des  déclarations 
de  circonstances  atténuantes.  Cette  objection,  nous  n'héBiten» 
point  à  le  dire,  est  celle  qui  nous  préoccuperait  le  plua  ai  son 
exactitude  était  démontrée,  car  nous  reconnaissons  autant 
que  personne  la  nécessité  d'une  répression,  intelligente  sans 
doute,  mais  ferme. 

Nous  admettons  facilement  que  le  jury  ait  subi  des  entraî- 
nements et  des  séductions,  qu'il  ait  commis  des  actes  d'iur- 
dulgence  ou  de  faiblesse  et  qu!il  ait  déclaré  des  acquitte- 
ments quelquefois  regrettables.  Cependant  il  ne  faut  pas  exa- 
gérer celte  tendance  qu'on  suppose  généralement,  sans 
prendre  la  peine  de  la  prouver. 

Voyons  le  nombre  des  acquittements  :  avant  la  loi  du  âS 
avril  1832,  ilsr  étaient trés-considérables,  à  raison  de  Texces* 
sive  sévérité'  de  la  loi  pénale  :  le  principe  des  circonstauces  at^ 
ténuantes^  qui  a  permis  de  proportionner  les  peines  au  délit,  a 
tari  cette  source  d'impunité.  Ainsi»  jusqu'à  1832,  le  noiobre 
des  accusés  acquittés  s'était  élevé  jusqu^à  46  sur  100  ;.  à 
compter  de  cette  époque,  ce  nombre  n'a  cessé  de  dioiinuer 
graduellement  En  1851«  ils  ont  été  de  33  sur  100,  en  1S52, 
de  31,  en  1853,  de  27,  en  1854  et  1855,  de  25.  Et  la  plu;- 
part  de  ces  acquittements  si  restreints  ont  leurs  causes  fégi- 
tinies  :  ce  sont  des  accusés  que  l'instruction  écrite,  qui  craint 
de  laisser  échapper  des  coupables,  a  cru  devoir  renvoyer  à 
Taudience,  quoique  les  indices  fussent  faibles  ;  ce  sont  des 
préventions^  que  le  débat  oral,  plus  puissant  qu'une  procé- 
dure qui  ne  se  base  que  sur  des  présomptions,  a  détruites  ;  ce 
sont  des  faits  peu  graves  que  le  jury  juge  suffisamment  ré- 
primés par  la  détention  préventive  et  la  haute  leçon  imprimée 
par  le  iiébat.  Il  est  difficile  d'apercevoir  dans  de  tels  chiffres 
les  traces  d'une  faiblesse  fréquente. 

Prenons  maintenant  les  condamnations.  Avant  la  loi  du  28 
avril  1832 ,  les  déclaratioas  du  jury,  lors  même  qu'elles  r«- 


»i£  LA  cûMH>sni«N  Ut  jtRy.  {  593.  233 

connaissaMiit  l*aceu9atioo  fondée,  ne  radmettaient  qu'après 
r«W!f  mutilée.  En  1826,  40  accusations  seulement  sur  100 
éUicDt  admises  entières  et  sans  modifications;  ce  chiffre  était 
descendu  en  1831  à  31.  Mais  dès  que  la  loi  nouvelle  eut 
permis  d'établir  une  sorte  d'équation  entre  la  peine  et  le  châ- 
tfmeiil,  le  nombre  des  accusations  admises  sans  changement 
s'«l élevé  chaque  année;  ce  chiffre  qui, dés  1832,  était  de  38 
sur  100  accusations,  a  successivement  monté  à  43  sur  100 
en  1833,  k  42  en  1834,  à  43  en  1836,  etc.,  et  la  statistique 
constate  qu'il  s^pst  élevé  à  51  en  1850,  à  54  en  1851,  à  58 
en  1852,  à  62  en  1853,  à  67  on  1854  et  1855.  Ces  résul- 
tat» attestent  la  fermeté  du  concours  prêté  par  le  jury  &  la  jus- 
tice pénale. 

Yérifions  enfin  si  les  circonstances  atténuantes  ont  été  abu- 
sivement admises.  De  1833  à  1850,  sur  100  accusés  que  le 
jury  a  déclarés  coupables,  72  à  peu  près  ont  obtenu  le  béné- 
fice de  ces  circonstances.  En  1851,  68  sur  100  ont  profité 
delà  même  déclaration;  en  1852,  elle  a  été  faite  en  faveur 
de  67  sur  100,  en  1853  de  69,  en  1854  de  67,  en  1855  de  68. 
Ces  chiffres,  quoiqu'ils  soient  très  élevés ,  ne  doivent  laisser 
aucune  inquiétude.  Il  faut  remarquer  que  si  les  peines  sont 
atténuées  ,  quant  à  leur  taux,  leur  application  s'étend  à  un 
pins  grand  nombre  de  faits;  les  acquittements  ont  diminué. 
Assuré  de  pouvoir  proportionner  les  peines  avec  les  délits, 
de  faire  justice  suivant  sa  conscience  ,  le  jury  est  moins  in*- 
diligent,  il  est  plus  ferme.  Or,  ce  qu'il  Taut  surtout  è  la  jus- 
tice répressive,  c'est  la  certitude  du  châtiment.  Il  importe  as- 
sez peu ,  en  définitive ,  que  1rs  peines  infligées  soient  afflic- 
tivpsou  correctionnelles  ;  ce  qui  importe,  c'est  qu*elles  soient 
itifligées.  On  ne  doit  attacher ,  sauf  en  ce  qui  concerne  les 
récidivistes,  qu^un  intérêt  secondaire  à  la  durée  des  déten- 
tions; on  doit  en  attacher  un  très  grand *>&  ce  que  tout  délit 
soit  réprimé  par  un  châtiment.  Il  ne  faut  pas  oublier  d'ailleurs 
()ne  ^introduction  des  circonstances  atténuantes  dans  notre 
législation  a  eu  un  double  but  :  d'abord,  de  fournir  au  juge 
le  moyen  de  prendre  en  considération  ,  pour  mesurer  la  cul- 
pabilité ,  mille  faits  divers,  mille  circonstances  qui  la  modi- 
fient sans  cesse;  ensuite,  de  porter  un  remède  efficace  aux 
pénalités  exagérées  du  Gode  pénal  :  le  législateur,  qui  n'avait 

Cs  le  loisir  de  réviser  ce  Code  qu'il  jugeait  cependant  en 
aacoup  de  points  trop  sévère,  s'est  borné  à  y  attacher  une 
henlté  générale  dTatténuation  qui  permet  d'établir  un  rap- 


23é  D£S  COURS  d\S8I»S. 

port  plus  exact  entr«  U  faute  et  )ç  châtiment.  Les  peines, 
|M>ur  être  modérées,  pour  èlre  atténuées,  ne  sont  donc  ni 
iDCompIèfes  ni  faibles,  elles  sont  seulement  plus  justes. 

Une  troisième  objection  est  Pespèce  de  préYention,  de  par- 
tialité si  l'on  veut»  que  le  jury  apporte  dans  certaines  affaires. 
On  lui  a  reproché  à  plusieurs  époques  les  dispositions  avec 
lesquelles  il  accueillait  les  causes  politiques.  Il  en  est  peut- 
être  encore  ainsi  dans  quelques  affaires  populaires,  telles  aae 
les  rébellions,  les  résistances  aux  ordres  de  Tautorité  publi- 
que et  les  voies  de  fait*  Cela  est  possible  ;  mais  faut>il  s'en 
effrayer?  Dans  tous  les  faita  de  cette  nature,  la  crinûnalité 
est  purement  relative  ;  elle  tient  aux  circonstances,  aux  causes 
de  Taclion ,  à  l'intensité  du  trouble  qui  en  a  été  le  résultat; 
elle  dépend  tout  entière  des  dispositions  dos  prévenus,  du 
but  qu'ils  avouent  «  dos  excuses  qu  ils  soutiennent.  Il  n'est 
donc  point  étrange  que  le  jury,  quand  il  reconnaît  que  le  pé- 
ril social  a  été  nul ,  que  les  agents  ont  été  égarés ,  qu^auoune 
intention  réellement  coupable  ne  les  animait ,  n^incline  vers 
une  solution  indulgente.  En  cela  il  sert  l'Étot  plus  que  ne  le 
ferait  une  sentence  sévère,  parce  qu'il  est  l'organe  de  l'opÂ- 
nion ,  et  que  dans  la  répression  de  ces  délits  qui  ne  sont  en 
général  que  des  écarts  ae  l'opinion ,  il  eat  utile  de  ne  pas  la 
froisser. 

YI.  Ces  dernières  considérations  nous  amènent  sur  un 
terrain  où  la  question  se  présente  avec  d'autres  aspects. 

La  justice  pénale  est  à  la  fois  le  fondement  de  Tordre  et  Je 
fondement  de  la  liberté  civile.  Il  importe  donc  au  pouvoir 
loeîal  comme  aux  citoyens  qu'elle  soit  fortement  constituée 
et  qu'elle  présente  des  conditions  inébranlables  de  fermeté 
et  de  protection.  11  importe  que  nul  ne  puisse  attaquer,  ni 
môme  soupçonner  Tinct^endance  ou  l'impartialité  de  ses  sen- 
tences. Or*  suppcfi^  un  tribunal  composé  de  ][uges  perma- 
nente aussi  élevés  »  aussi  instruits ,  aussi  expérimentés  qu^il 
est  possible,  fieportez-vous  aux  anciennes  toumelles  des  par- 
lei^entset  r^lacei&^y  leurs  seize  conseillers.  Seront-ils  assez 
haut  pl^ucés.  sexont-ijs  assez  fermes  pour  sauvegarder  ces  pré- 
cieux intérêts ,  les  plus  considérables  qui  soient  dans  la  so- 
ciété ?serout-ilSy  vis-à-vis  de  la  population,  un  assez  puissant 
r€ff»pajt  contre  TinQuence  du  pouvoir?  seront-ils,  vis-à-vis  du 
pouvoir,  un  appui  assez  sûr  contre  la  domination  d'une  opi- 
nion égarée?  Ces  magistrats,  nommés  par  le  pouvoir  et  qui 
ne  peuvent  oublier  leur  origine,  commanderont-ils  une  con- 


DK  LA  GMfMITMN  N  JVRT.   {  S93.  235 

fiance  awei  absolue  pour  que  leurs  jugements  soient  univer- 
sellemeDt  acceptés,  pour  que  la  liberté  se  repose  tranquille  k 
lears  pkds ,  pour  que  les  citoyens  lepr  remettent  sans  i|i- 
quiétude  le  dépôt  de  leur  honneur  et  de  leur  vie?  Et  seront 
ils  en  même  temps  .supérieurs  au  dé-ir  d'une  vaine  popula- 
rité, â  l'orgueil  d'une  fausse  indf^pendance.auxentralnemeoU 
deravdience,  a|u  séductions  des  théories,  aux  $ollicitatîon$ 
des  parties? 

«  ¥sMje% ,  disait  vécemment  un  membre  émÎMnt  du  niî« 
niitérp  p«Um ,  de  rmmbtttutr  Bujnurd'hnî  inr  la  fienaèe  eea 
aneimoeB  eiiambrei  mmmellea  qui^  bu  seni  dM  pariements, 
CMBBfBmiefiit  «le  tow  ks  grands  crBBWt,  ^  dites  ii  cette  par-» 
roaaence  de  ? îgoeurs  «t  d'eipiatians  aaagiantBS  me  aevait  pas 
a^ourd'hoi ««Hiessas  de  bien,  desoourages.  J'ignore  oe qui 
ae  {nasaH  ûmm  te  <neKir<le  nos  itevanciera,  mats  je  sais  que  si , 
aicc  M»  mmurss  nés  déiieatcfises^  nos  Ames  iaelcDéts  vers  la 
doueedr,  nous  étions  mis  é  de  teHes  épreuves .,  la  conseiemso 
da  magistrart  ne  laiMiraii  pas  au  derair,  sans  doute,  mais 
rilMiiinQ  «Quffrirait  «t  peut-^AIra  *vea  kii  la  j^sliaew  Prenons 
garda  de  le  pas  imputer  au  jury  ce  qui  est  la  faibtesse  de 
tons  et  d^s  tefii|)s  oà  nous  somases.  Descendons  nous-mAmes 
au  fond  de  nos  cceurs,  jugeons  nos  propres  arrêts  ;  eonsultoaw 
ees  tables  de  criminalité  w  s'inscrivieiit  «os  jugements  vmc 
ceux  du  jury,  <st  disona  si  TiiMliilgenee  eat  toute  d'un  c6té ,  ai 
bnécessake  sévériiô  est  toute  de  Taulm  '.  • 

Quelques  chiffrée  vont  démontrer  la  justesse  de  cette  ob- 
scTvalîon.  Jos(|ti'à  48îl,lesTpr6renus  de  délits  de  presse  et 
de  délits  poittiqùes  étaient  tradûHs  devant  les  tribunaux  cor- 
rectionnels» et  la  statistique  constate  «  que  ces  tribunaui  né 
se  montraient  pas  trop  sévères  envers  les  prévenus  de  ces 
sortes  de  délits,  et  quMIs  en  acqnfttatelit  prés  de  la  moitié,  ^5 
sur  100,  tat^dls  qu*en  toute  autre  matière  ils  n'acquittaient 
que  Sff  sur  itOO  deis  prévenus  jugés  à  la  requête  du  ministère 
public*.  »  Que  Ton  mette  à  la  place  des  délits  politiques  tes 
crimes  communs ,  les  crimes  les  plus  graves ,  n'est-il  pas  i 
craindre  que  les  juges,  plus  inquiets  cnooro  de  leur  respon- 
sabilité, mettants  de  teuTr  propre  force ,  et  ne  sentant  pas 
derrière  eux  une  opinion  publique  qui  les  soutienne ,  ne  flé* 

'  Disconre  an  rentrée  4e  M«  le  ^o«areur  gdaoraldc  Toulooie.  ia57« 
>  Rapport  du  compte  de  1850. 


23l)  tES   C*IIKS    »*ASSI^K8. 

chisseot  dans  raceomplisscment  de  ces  nouYelles  et  redoutables 
fonctions? 

On  )it  dans  la  même  statistique  :  «  Sur  100  aecusés  que  le 
jury  reconnaît,  70  k  72  obtiennent  le  b<^néfice  de  circonstan- 
ces atténuantes  :  les  magistrats  en  seraient-ils  moins  prodi- 
gués  s'ils  étaient  chargés  de  les  appliquer?  Il  est  permis  d'en 
douter.  Ils  en  faisaient  h  la  vérité,  avant  la  loi  du  28  anil 
1832,  une  bien  moins  fréquente  application.  Mais  la  loi  do 
25  juin  1824  ne  leur  laissait  le  droit  de  les  reconnaître  qne 
pour  certains  crimes,  tandis  que  la  faculté  accordée  au  jury 
s'étend  à  tous  les  crimes  indistinctement  Habituellement 
d'ailleurs,  les  magistrats  de  la  cour  d^assises  s'asaodeiit  plei«- 
nement  i  rindulgence  du  jury,  puisque  sept  fois  sur  dii  ik 
abaissent  la  peine  de  deux  degrés  quand  ils  pourraient  ne 
l'abaisser  que  d'un  seul.  D'autre  part,  les  juges  des  tribu- 
naux correctionnels  font  depuis  quelques  années  une  apfdica* 
tton  presque  aussi  fréquente  de  l'art.  M9  que  le  jury.  Gitom 
lesdiiffres  qui  viennent  à  l'appui  de  ces  assertions.  En  1831 
«  l'admission  des  circonstances  atténuantes  a  déterminé  ra- 
baissement de  la  peine  de  deux  degrés  à  l'égard  del,682coB- 
damnés.  Mais  il  y  a  lieu  de  remarquer  que,  pour  1,096«  la 
peino  ne  pouvait  pas  être  abaissée  davantage,  parce  qa'il 
s'agissait  de  la  réclusion,  du  bannissement»  de  la  détention 
ou  de  la  dégradation  civique  qui  forment  le  degré  inférieur 
dans  l'échelle  des  peines  afflictives  et  iuCamantes* .  •  En  1853, 
c  les  cours  d'assises  se  sont  montrées  un  peu  moins  indul- 
gentes dans  l'application  des  peines  encourues.  Ainsi,  elles 
n'ont  abaissé  la  peine  de  deux  degrés  qu'en  faveur  de  366  sur 
1,000  des  condamnés  admis  au  bénéfice  des  circonstances  at- 
ténuantes, tandis  qu'en  1851  elles  l'avaient  abaissée  à  l'égarJ 
de  400  sur  1,000*  »  En  1853,  «  les  cours  d'assises  ont  abnissé 
lapeinede  deux  degrés  au  profit  de  1,214  (568sttr  1,000)  des 
3,300  condamnés  admis  au  bénéfice  des  circonstances  «tlé- 
nuantes;  elles  l'ont  abaissée  d'un  seul  degré  à  l'égard  de 
2»086  (632  sur  4,000)  ;  mais  pour  1,296  d'entre  eux  (393 
sur  1,000)  elles  ne  pouvaient  pas  l'abaisser  davantage,  parce 
qu'un  seul  degré  séparait  la  peine  prononcée  par  la  loi  des 
peines  correctionnelles  *•  »  En  1854,  «  les  cours  d'assises  se 


'  Rapport  dn  compte  de  iS5i.  — >  Rapport  da  compte  de  185S/ 
*  Rapport  du  compte  de  1851. 


DE  LA  COMPOSITION  DO  milT.   {  593.  ^7 

sont  montrées  plus  indulgentes  qu^en  1853  et  1852  dans 
l'abansement  des  peines  encounies  par  suite  de  l'admission 
des  circonstances  alténoantes.  Ainsi,  elles  ont  réduit  la  peine 
de  deui degrés  à  Têtard  de  4*10  condamnés  sur  i,000  ;  elles 
n'ont  abaissé  la  peine  que  d'un  seul  degré  quand  elles  pou- 
vaient la  faire  descendre  de  deux  è  Tégard  de  209  ' .  o  Enfin, 
en  1856,  le  jury  a  déclaré  des  circonstances  atténuantes  en 
faveur  de  3. 065 accusés,  et  la  cour  d^ assises  a  abaissé  la  peine 
de  deux  degrés  i  Tégard  dé  1,153.  Et  si  elle  ne  Ta  abaissé 
que  d'un  seul  degré  à  Tégard  de  1,912,  c*est  que  vi»*à-vi8 
de  1 ,169  eHe  ne  pouvait  la  réduire  davantage. 

Il  est  ploscurieux  encore  de  toir  les  juges  correctionnels  sui- 
vre la  même  voie. Le  rapport  qui  précède  le  compte  de  1850  et 
i)ui  résume  vingt-cinq  années  de  statistique,  porte  ce  qui  suit: 
«L'application  de  Part.  463  n*est  pas  moins  fréquente  devant 
les  tribunaux  correctionnels  que  devant  les  cours  d'assises«  Le 
bénéfice  des  circonstances  atténuantes  que  les  tribunaux 
n'accordaient,  avant  la  loi  du  28  avril  1852,  qu  à  33  sur  100 
des  condamnés  pour  délits  communs,  est  maintenant  accordé 
i  56  sur  100.  «  En  1851,  Tart  463  a  été  appliqué  à  54  sur 
lOO  des  préTenus  condamnés  pour  délits  communs;  en  1852, 
i  5J)8ur  iOO;  en  1853,  à  57  sur  iOO  ;  en  1854  et  1855,  k 
61  sor  100.  On  lit  dans  le  rapport  qui  précède  le  dernier 
compte .  •  Si  les  tribunaux  acquittent  un  petit  nombre  pro- 
portionnel des  prévenus  qu'ils  jugent,  ils  fout  à  C4»ux  qu'ils 
reconnaissent  coupables  une  application  de  l'art.  46S  presque 
aossi  large  que  le  jury.  En  effet,  si  le  juryaadmis  en  1855  les 
circonstances  atténuantes  en  faveur  de  68  sur  100  des  accu- 
sés qu'il  a  déclarés  coupables  de  crimes^  les  tribunaux  cor- 
rectionnels les  ont  admises  au  profit  de  61  sur  100  des  pré* 
venus  reconnus  coupables  de  délits  à  l'égard  desquels  cet 
article  était  applicable,  et,  pour  certaines  catégories  d'infrac- 
tion, l'indulgencedestribunaux  a  été  bien  plus  grande  encore. 
Ainsi,  l'art.  463  a  été  appliqué  à  77  sur  100  des  condamnés 
pour  vol  simple,  à  82  sur  100  des  condamnés  pour  fraude 
commerciale,  à  85  sur  100  des  condamnés  pour  vagabon- 
dage ;  è  89  sur  100  des  condamnés  pour  meuilicité.  » 

Ces  chiflEres  éloquents  prouvent  jusqu'à  Tévideuce  deux 
peiuUimportanU  :  d'abord  que  l'application  que  fait  le  jury 
des  circonstances  atténuantes  est,  comme  nous  le  disions  tout 

*  Rapport  du  compte  4e  iSS4« 


238  »is  co¥H9  p*AS»isii.. 

à  rheiire,  pleift^ment  justifiée,  puisque  los  mogislmU  do  la 
cour  d'assises  s'associent  hakiiuellemoQi  à  cette  appiicalioù  et 
en  étendent  les  conséquences;  ensuite,  que  les  juges,  lors- 
qu'ils siègent  aux  tribunaux  correctionnels  aussi  bien  qu'à  la 
cour  d'assises^  font  une  application  à  peu  près  aussi  fréquente 
que  le  jury  de  la  faculté  d^atlénuatioo  établie  par  Tart.  463. 
De  là  que  faut-il  conclure?  C'est  que  ni  d'un  côté  ni  de  Tautre 
il  n'y  a  abus;  que  la  justice  n'est  ni  mûlle  ni  énervée,  par  cela 
seul  qu'elle  cherche  à  établir  les  deux  tersies  ie  Téîquaiion 
pénale;  qu'il  ne  faut  (las  la  tater  d'itidulgeuoe  et  de  faiblesse 
iorsiju't'lle  ne  fait  qu'une  appréciation  pkis  exacte  de  U  ta- 
leur  morale  des  aetes  humainsi  une  rétribution  plus  juste  et 
plus  mesurée  des  peines.  Ce  qu'il  faut  déplorer,  c'eet»  d'une 
pari,  les  poursuites  légères  et  les  instructionsirréfléebtes,  c'est, 
d  antre  part,  les  acquittements  qui  ne  sont  pas  motivés.  Mais 
le  vrai  f  ymtptôme  de  la  faiblesse  de  la  justice,  suivant  la  re- 
marque de  Montesquieu,  e^est  l'impunité  des  crimes  et  non 
la  modération  des  peines. 

On  peut  encore  inférer  des  mêmes  faits  une  autre  conclu- 
sion :  c'est  que  les  juges  pcrinarients  n'ont  point  toutes  les 
qualités  spéciales  dont  on  prétend  qu'ils  sent  nécessairement 
revêtus  ;  c'est  qu'ils  ne  marchent  point  en  géitéral  en  oppo- 
eition  avec  les  jurés»  c'est  que  les  décisions  des  uns  et  des  au- 
tres se  concilient  entre  elles  et  respirent  en  général  le  même 
esprit.  Où  donc  est  cette  énergie  qu'on  voudroit  apercevoir  en 
eux  T  où  jdonc  cette  rigueur  quon  lew  impute  dans  tou- 
tes les  circonstances?  Mous  n  apercevons  qu'une  habitude 
<le  modération,  un  sentiment  général  de  justice,  uoe  appré- 
ciation ferme  sans  doute,  mais  équitable  à  la  fois.  C'est  là, 
disons-le,  ce  qui  fait  la  forcée  de  notre  justice  pénale»  lors 
même  qu'elle  n'est  peut-être  pas  constituée  «omme  eUe  de- 
vrait t'étre  :  la  sagesse  des  magistrats  supplée  aux  garanties 
qui  manquent  aux  institutions.  Les  juges,  sur  leurs  siè- 
ges permanents,  statuelit  souvent  comme  le  feratoni  les 
jurés. 

S'cnsuit-il,  s'ils  semblent  animés  du  même  esprit,  s'ilsontles 
mêmes  tendances,  s'ils  manifestent  le  mêfûe  sentiment  d'é- 
quité, s'ils  puisent  leurs  sentences  dans  la  même  conviction 
morale,  s'en  suit-il  qu'ils  doivent,  puisqu'ils  ont  tant  de  rap- 
ports avec  les  jurés,  être  substitués  à  ceux-ci  et  juger  à  leur 
place?  Mon,  car  lors  même  qu'ils  ne  mettraient  pas  plus  de  ri- 
gueur que  les  jurés  dans  leurs  sentences,  ils  noni  pas  les 


Dt  LA  CÔilI'OStTtON  ntJ  JURT.   §  593.  839 

qualUfci  spéciales  que  ceux-ci  rcçoircnl  de  leur  institution 
même.  Ils  n*ont  pds  la  Tuème  ibdépendânce,  ifs  n'ont  pas  la 
même  simplicitë  de  conviction,  tis  n'ont  pas  suftout  la  tnëmé 
pnfisstice.  La  force  que  Topinion  publique  donne  au  jury  leur 
manque.  Leurs  jugements  no  sont  pas  leë  jugements  du  pays. 
Les  jurés,  par  cela  mêhie  qu'ils  sortent  de  la  foule  et  qu  ils 
tonl  j  rentrer,  eipriment  Topinion  générale  et  l'HUtorilé  dj 
leurs  verdicts  est  acceptée  de  tous.  La  société  leur  communi- 
que sa  force,  et  Ils  en  ont  le  sentiment  pendant  qu'ils  accom- 
plissent leur  mission  ;  Ils  savent  qu'elle  les  soutient  et  qu'ils 
Agissent  pour  elle.  De  là  la  confiance  qu'ils  rcsî?entent  ot 
qo^ils  inspirent.  Les  aflaires  les  plus  graves  ne  demandent  pas 
de  JQges  plus  élevés  et  de  plus  hauie  juridiction. 

C'est  leur  situation  même  qui  les  place  à  cette  hauteur. 
Us  n'eut  point  d'esprit  de  corps  k  ménager,  de  position  à  dé- 
fendre, de  préjugés  juridiques  à  consulter.  Ils  sont  libres  de 
leur  décision  ;  îlsn'ofit  qu'à  écouler  la  Voix  de  leur  conscience 
qni  est  leur  seule  loi,  et  ils  savent  que  letit*  verdict,  quel  qu'il 
toit,  est  à  l'abri  dé  toute  responsabilité.  Maisils  savent  aussi 
qu'ils  sont  délégués  par  le  pays,  qu'un  grand  devoir  leur  est 
imposé  et  qu'ils  doivent  à  ta  justice  leur  appui,  parce  que  la 
joslice  est  la  seule  sauvegarda  des  droits  de  tous.  Leur  force 
«'accroît  à  mesure  que  les  faits  s'aggraveht.  Us  s'associent  aux 
sentin^ents  qui  se  manifestent  dans  la  société,  parce  qu'ils  les 
éprouvent  eux-mêmes;  ils  en  ressentent  les  inquiétudes,  ils 
font  avertis  de  ses  périls.  $i  les  crimes  deviennent  plus  nom- 
breux on  plus  menaçants,  ils  deviendront  plus  sévères,  car 
ils  ont  partagé  Témolion  publique.  Si  quelques  verdrcts  ont 
été  entachés  d'ttné  regrettable  itidnlgence,  lisseront  plus  in- 
tribgents  et  pluâ  énergiques,  car  ils  ont  regretté  eux-toêmes 
les  décisions  de  leurs  devanciers. 

Les  juges  prononcent  Sans  doute  en  matière  correctionnelle 
et  p!t)nonceraient  peut-être  en  matière  de  grand  criminel,  un 
ftiofns  grand  nombre  d'acquittements.  C'est  là  la  différence 
réelle  qu'on  peut  apercevoir  dans  les  résultats  des  deux  juri- 
dictions. Les  acquittements  prononcés  par  1rs  tribunaux  cor- 
rectionnels sont  actuellement  de  12  h  18  sur  100  prévenus 
poorsuivis  à  la  requête  du  ministère  public;  les  acipiillcmciils 
prononcés  par  le  jury  sont  de  25  sur  100.  Cette  différence 
mplîqpe  par  la  tendance  naturelle  et  légitime  des  fbnttïons 
judiciaires  ;  mais  elle  s'explique  aussi  par  la  nature  différente 
des  faits  et  smtout  par  les  erreurs  de  rinstrUction  écrite  eu 


f40  BEâ  COVnS  I>\8SiSES 

matière  de  grand  crimiDel»  et  par  la  prolongation  desi 
lions  préventives.  Les  mêmes  circonstances  améneraieiit  peut- 
èlre  devant  les  juges  les  mêmes  résultats.  Au  reste,  on  Ta 
déjà  dit,  ce  n^est  pas  le  nombre  descondamnattoos,  pas  plus 
que  la  sévérité  des  peines,  qui  fait  la  force  de  la  justice,  c'est 
la  conviction  que  ses  jugements  sont  justes,  c'est  ropinioD 

Jumelle  ne  peut  en  prononcer  qui  ne  le  soient  pas.  Les  jurés 
éclarcntr  plus  d'acquittements  que  les  juges;  mais  nul  ne  re- 
doute qu'ils  condamnent  un  innocent.  Âyec  eux  la  répres- 
sion est  dans  certains  cas  moins  assurée,  mais  la  justice  est 
plus  haute  et  plus  tutélaire.  Il  convient  d'insister  sur  ce  point. 
Pourquoi  cette  grande  institution  du  jury  a-t-elle  paru  en 
1789  constituer  le  plus  sûr  instrument  de  la  justice  pénale? 
pourquoi  depuis  celte  époaue  a-t-elle  résisté  à  tant  d'elTorts 
déployés  pour  la  renverser  r  pourquoi,  au  milieu  des  vicissi- 
tudes politiques  que  notre  législation  a  subies,  est-elle  de- 
meuiée  debout,  au  moins  en  principe,  sinon  avec  une  com- 
plète application?  Ce  n'est  pas  seulement  parce  qu'elle  assure 
la  vérité  des  jugements  criminels,  c'est  surtout  parce  qu'elle 
donne  à  la  liberté  civile  son  plus  énergique  appui. C'est  là  son 
unique  principe  eu  Angleterre  '  ;  et  c'est  le  principal  motif  sur 
lequel  l'Assemblée  constituante  fondait  son  application.  Il  en 
résulte  en  effei  qu'en  matière  criminelle  le  pouvoir  judiciaire 
se  trouve  placé,  non  seulement  en  dehors  des  mains  du  pou- 
voir exécutif,  mais  en  dehors  des  juges  eux-mêmes;  il  est 
placé  entre  les  mains  du  peuple;  il  est  exercé  par  des  hommes 

Eris  tout  à  coup  dans  son  sein,  qui  ne  forment  aucune  assem- 
lée  permanente,  qu'aucun  lien  ne  resserre  les  uns  avec  les 
autres,  que  le  sort  a  réunis  et  qui  se  dif^persent  aussitôt  leur 
fonction  accomplie.  Il  n'y  a  lieu  de  craindre  ni  les  préventions 
mjustes  ni  les  persécutions.  Les  jurés  protègent  dans  les  ac- 
cusés le  droit  de  la  défense  qui  est  une  propriété  commune  ; 
ils  protègent  les  droiU  civils  dont  ils  jouissent  eux-mêmes  et 
qu'ils  sont  intéressés  à  maintenir;  ils  n'ont  point,  ils  ne  peu- 
vent avoir  d'autres  intérêts  que  ceux  de  tous  les  citoyens  II 
n'y  a  point  de  vraie  liberté  sans  le  jury,  car  elle  ne  saurait 
avoir  un  autre  rempart.  Les  juges,  quelles  que  pures  que 
soient  leurs  intentions,  sont  placés  à  un  point  de  vue  qui  ne 
eur  permet  pas  d'apprécier  avec  une  parfaite  impartialité  les 
luttes  du  pouvoir  et  de  la  liberté,  luttes  qui  s'engagent  quelw 

'  Molma  U I,  p.  nu 


DE   LA  COMPOSITION  DO  /VRIT.    §  593.  241 

quifeûdans  leg  poursuites  et  dans  les  débals  criminels.  Il  faut 
m  garantie  puissante  pour  sauvegarder  ces  deux  puissants 
intérêts»  et  cette  garantie  ne  peut  être  que  le  jury,  sorte  d'ar- 
bftre  délégué  par  la  société  entre  l'accusation  et  Taccosé 
et  doDt  le  jugement  est  accepté  par  Tune  comme  le  ju- 
geniQDt  dn  pays ,  par  Tautre  comme  le  jugement  de  ses 
pairs. 

Le  pouvoir  social  lui-même  se  fortifie  ainsi  ;  car  il  n'a  pas 
de  fondement  plus  solide  que  cette  opinion  de  tous  les  citoyens 
que  la  justice  est  indépendante  et  qu'ils  y  trouveraient  un 
asile  inviolable  contre  toutes  les  persécutions.  Or  si  la  liberté 
civile  est,  suivant  l'expression  de  Montesquieu,  «  celte  tran- 
quillité d'esprit  qui  provient  de  l'opinion  que  chacun  a  de  sa 
sûreté  *,  »  il  est  évident  qu'elle  ne  doit  exister  entière,  ab- 
solue, que  lorsque  les  jurés,  c'est-à-dire  les  citoyens  eux- 
mêmes,  en  ont  la  garde. 

Le  jury  supporte  seul,  en  outre,  le  poids  des  jugements 
criminels;  le  pouvoir  social 'n'a  point  à  s'en  inquiéter  :  cette 
responsabilité,  quelquefois  si  lourde  et  si  périlleuse,  ne  l'at- 
teint jamais.  C'est  le  jury  qui  condamne  ou  acquitte;  ce  sont 
ses  verdicts  qui  sont  Texpression  de  la  justice  sociale.  Les 
magistrats,  dont  la  responsabilité  remonte  souvent  jusqu'au 
pouvoir  dont  ils  émanent»  se  bornent  à  enregistrer  ces  ver- 
dicta,  et  ne  font  qu'en  assurer  Texécution.  Grâce  à  cette  sé- 
paration des  attributions  juridiques,  ceux-ci  conservent  toute 
la  pureté  de  leur  caractère  judiciaire,  ils  dirigent  impassibles 
toutes  les  procédures,  ils  préparent  et  président  les  débats 
de  l'audience  et  l'opinion  publique  ne  les  nièle  jamais  dans 
les  critiques  et  les  blâmes  dont  elle  enveloppe  parfois  les'sen- 
teoces.  Ce  n'est  que  parce  qu'elle  était^ppuyée  sur  le  jury 
et  que  le  jury  l'exonérait  de  la  responsabilité  des  jugements 
criminels,  que  la  magistrature  a  pu  traverser  les  époques  les 
plus  difficiles,  calme  et  sereine  au  milieu  de  tous  les  partis  : 
ses  fonctions,  renfermées  dans  la  simple  application  des 
I^is,  ne  l'avaient  associée  è  aucun  et  dégagée  de  l'appré- 
ciation des  faits,  elle  se  trouvait  en  dehors  des  passions 
qu'ils  recèlent. 

Lejury  a  d'autres  résultats  encore  qui,  quoîqu'indîrects, 
Be  sont  pas  moins  importants.  Nous  ne  dirons  pas  avec  quel- 

'  Esprit  des  lois,  lîv,  XI,  cliap,  VI. 

TIII.  16 


S4i  DBS  COtRS  D*ASâlSlSS. 

qués  éeritains  qu'il  fait  peser  une  charge  considérable  sur  les 
citoyens  qui  sont  appelés  à  en  remplir  les  fonctions.  Geitc 
critique  part  d*un  principe  égoïste  qui  sappose  les  membres 
de  la  société  liés,  comme  une  compagnie  commerciale,  par 
un  coiQtrat  qui  ne  leur  promet  que  des  bénéfices.  Il  faut  wt" 
ter  sa  pensée  plus  haut  et  plus  loin.  Tous  les  citoyens,  liés  par 
une  étroite  solidarité,  ont  des  devoirs  soit  envers  Tantofité 
IHiblique,  aoit  envers  leurs  concitoyens.  L'accomplissement 
de  CCS  devoirs  est  le  prix  de  la  tranquillité  dont  ils  jouissent, 
de  la  sûreté  qui  protège  leurs  personnes  et  leurs  propriétés. 
La  fonction  du  jury  est  Tun  de  ces  devoirs,  et  la  société  peut 
légitimenaent  en  exiger  Taecomplissement  de  tous  ceux  de 
•  ses  membres  qui  sont  aptes  à  la  remplir.  Cette  fonction, 
.  d'ailleurs,  u^est-elle pas  une  véritable  distinction?  N'est-il  pas 
honorable  de  participer  à  la  distribution  de  la  justice,  de  ve- 
nir s'asseoir  au  prétoire  à  côté  des  magistrats^  d'être  appelé  à 
{'uger  les  causes  les  plus  importantes  et  qui  touchent  à  la  li- 
berté et  à  la  vie  des  hommes?  Cette  délégation  du  pouvoir 
judiciaire  que  la  loi  remet  entre  les  mains  des  citoyens  n'est- 
elle  pas  la  marque  de  la  confiance  entière  que  le  pays  place 
dans  leur  probité  et  dans  leurs  lumières  ? 

La  pratique  du  jury  laisse  en  outre  des  traces  utiles.  qII  est  de 
la  nature  d'une  bonne  institution, disait  M. Thouret  à  TAsscm- 
blée  constituante,  de  tendre  à  relever  l'esprit  public,  à  établir 
Tégalité^  à  réveiller  dans  les  hommes  le  sentiment  de  leur  di- 
gnité et  de  leur  indépendance  et  à  les  rapprocher  par  les  pen- 
sées, par  les  actions  qui  nourrissent  et  fortifient  le  civisme.  Ce 
sera  un  des  principaux  avantages  de  Tinstitulion  des  ju- 
rés ^  »  Les  institutions  libres,  en  eflct,  aident  à  la  liberté  de 
Tâmc  en  donnant  carrière  aux  facultés  humaines,  elles  alTran- 
chissent  Tintelligence  et  agrandissent  la  pensée,  elles  ensei- 
gnent aux  hommes  qu'ils  sont  égaux,  et  elles  les  fortifient 
en  les  faisant  participer  aux  actes  de  leur  propre  gou- 
temément.  Pense-t-on  que  Tbomme  qui  a  siégé  sur  le  banc 
des  jurés,  qui  a  entendu  un  débat  solennel,  qui  a  pris  part  à 
une  délibération,  qui  a  déposé  son  vote  dans  l'urne,  ne  reti- 
rera d^un  tel  acte  aucune  utilité,  aucune  instruction?  Pense- 
t-on  qu'il  ne  sortira  pas  de  l'audience  avec  un  esprit  plus 
élevé,  avec  des  sentiments  nouveaux  ?  qu'il  ne  puisera  pas 
une  certaine  dignité  dans  sa  fonlîoh  trmporuire?  qu'il  n'en 

*  Séance  du  42  janvier  1701  # 


DE   LA   COMPOSITION    DU   JCRV.    §   o93.  S43 

emportera  pas  dans  sa  vie  privée  des  impressions  qui  influeront* 
plus  tard  sur  sa  conduite? 

Et  puis,  c'est  en  occupant  les  citoyens  à  la  chose  publique 
qu'on  les  attache  à  la  chose  publique.  Ils  aiment  mieux  leur 

Ci}8  lorsqu'ils  preaneat  part  aux  actes  qui  le  toudient  le  plus, 
rsquMls  apprécient  ses  institutions  en  les  pratiquant,  lors- 
qu'ils y  trouvent  une  sûre  protection  de  leurs  droits  civils*  lis 
aiment  ces  institutions  lorsque  c'est  Tidée  de  Pégolité  qui  fait 
le  titre  et  Tidée  delà  liberté  qui  fait  le  but  de  la  mission  qui 
leur  est  déférée*  N'est-ce  pas  ainsi  que  se  forme  Tosprit  des 
peuples?  N'est-ce  pas,à  l'aide  de  cette  coopération  commune, 
qu^ils  peuvent  grandir  et  se  fortifier? 

£niin,  qu'est-ce  donc  qu'une  audience  de  la  Cour  d'assises 
sinon  une  grande  et  solennelle  leçon  de  morale?  Les  jurés  no 
reçeivenl-ils  pas  à  la  fois  l'impression  salutaire  des  formes  ju-- 
diciaires  et  l'impression  plus  haute  encore  des  régies  de  jus-* 
ticedont  ils  viennent  d'assurer  l'application?  Ils  otit  entendu 
les  discussions  qui  ont  établi  ces  régies»  ils  sa  sont  initiés  aux 
querelles  qu'elles  soulevaient,  aux  solutions  qu'elles  CKi- 

Î;earent  ;  ils  se  sont  instruits,  ils  ont  acquis  des  notions  utiles. 
Is  les  propageront  par  leurs  récits  au  foyer  domestique.  N'est- 
ce  pas  là  une  merveilleuse  école?  Pourrait-on  en  citer  de  plus 
hautes  et  de  plus  fécondes  ?      • 

Nous  nous  arrclons.  Ni>us  n'avons  voulu  qu'apprécier,  en 
thèse  générale,  celte  grande  institution  du  jury  qui  domine 
toute  notre  justice  pénale.  Nous  n'avons  point  dissimulé  ses 
imperfections  ;  quelques-unes  tiennent  à  sa  nature  môme,  et 
c'est  là  le  propre  de  toutes  les  institutions  humaines.  Mais  Ici 
prÎDcipales  proviennent  de  sa  composition  seule,  et  nous  ver- 
rons tout  à  rheurc  qu'il  est  peut-être  possible  d'y  porter 
quelque  remèJe.  Quelle  qu'elle  soit ,  imparfaite  ou  mieux 
organisée,  cette  institution  vivra,  parce  qu'elle  porte  en  elle- 
même  l'élément  indispensable  d'une  saine  distribution  de  la 
justice,  parce  qu'elle  est  le  plus  solide  soutien  de  la  liberté 
civile,  parce  qu'elle  allache  les  citoyens  à  l'ordre  en  les  fai- 
sant concourir  aux  actes  de  la  répression  pénale^  Les  juJ^és 
Qc  &ODt  que  les  juges  du  fait  ;  ils  ne  font  qu'apporter  aux 
juges  du  droit  des  qualités  que  ceux-ci  n'ont  pas  *,  ils  les 
complètent  comme  le  feraient  les  experts  ;  et  c'est  ainsi  qu'ils 
assurent  Taccomplissement  de  la  grande  mission  que  la  so- 
ciété impose  à  la  justice  pénale. 


144  DB4  couAf)  n^AsnsKS 


§  594. 

I.  De  U  cain(>osUioD  du  jory  d'après  U  loi  des  15*29  sept.  1791.  •— 
il.  Sous  la  loi  du  2  nivôse  an  ii.  —  III.  Sous  la  loi  du  5  fructidor 
au  lu.  —  IV.  Sous  la  loi  du  6  germioal  an  tiii.  —  V.  Sous  là  loi  du 
16  thermidor  an  z.  -~  VI.  Sous  le  Gode  d'inst.  or.  de  1810*  -^ 
VIL  Sous  la  loi  du  2  mai  1S27.  —  Vlll.  Sous  la  loi  du  7  août  1848. 
—  IX.  Sous  la  loi  du  4  juin  1853.—  X.  Idées  générales  sur  laci>i»- 
positioD  du  jury. 

I.  La  composition  du  jury  a  plusieurs  Tois  varié  depuis  son 
établissemeut.  Les  lois  se  sont  succédé  apportant  chacune  un 
système  divers  et  chacune  faisant  dépendre  raptitjide  aux 
fonctions  de  juré  d'une  condition  nouvelle.  Il  faut  suivre  ce 
long  travail  de  la  législation.  Nous  essaierons  ensuite  d Vn  ti- 
rer quelques  conclusions. 

La  loi  du  16-29  septembre  1791,  fut  la  première  qur  es- 
saya de  résoudre  ce  problème.  Nul  ne  pouvait  être  porté  sur 
les  listes  soit  du  jury  d'accusation,  soit  du  jury  de  jugement 
«  s'il  ne  réunissait  les  conditions  requises  pour  être  électeur  *,» 
or  les  conditions  de  Télectoraf  étaient  fixées  par  la  constitu- 
tion :  «  il  faut  être,  disait  cette  loi,  né  ou  devenu  citoyen 
français,  être  âgé  de  25  ans  accomplis,  être  domicilié  dans  la 
ville  ou  dans  le  canton  depuis  le  temps  déterminé  par  la  loi; 
payer,  dans  un  lieu  quelconque  du  royaume,  une  contribu- 
tion directe  égale  au  moins  à  la  somme  de  trois  journées  de 
travail  et  en  représenter  la  quittance  ;  n'être  pas  dans  un 
état  de  domesticité,  c'est-à-dire  de  serviteur  à  gage,  être 
inscrit  dans  la  municipalité  de  son  domicile  au  rôle  des  gar- 
des nationaux  ;  avoir  prêté  le  serment  civique*  »  La  qualité 
d'électeur  ne  donnait  toutefois  qu'une  aptitude  à  être  juré, 
le  droit  d'être  inscrit  sur  les  listes  générales.  La  formation  de 
la  liste  trîmeslriellc  de  service  appartenait,  pour  le  jury  d'ac- 
cusation, au  procureur  syndic  du  district,  et  pour  le  jurj^  de 
jugement,  au  procureur  général  syndic  du  département  : 

•  Le  procureur  syndic  foimera  tous  les  trois  mois  la  lisle 

•  Consl.  »-iâ  sept.  1791,  lit.  3,  ch.  I",  sod.  2,  ail.  2. 

•  L.  16-29  sept  1791,  lif.  X,  art.  i. 


DS  LA  COMPOSITION  W  JURT.   J   594.  24S 

de  trente  citoyens  qui  serviront  de  jurés  dans  les  accusa- 
tions ».  •.  Sur  tous  les  citoyensayant  les  qualités  requises,  ins- 
crits dans  les  registres  des  départements,  le  procureur  géné- 
ral syndic  du  département  en  choisira  tous  les  trois  mois  deux 
cents  qui  formeront  la  liste  du  jury  de  jugement  *.  > 

A  o6té  de  ces  dispositions  générales,  queTexpérience  n'a- 
vait pas  encore  mûries,  la  loi  établissait  un  jury  spécial  pour 
le  jugement  des  crimes  de  faux,  banqueroute  frauduleuse, 
concussion,  péculat,  ?ol  de  commis  on  d'associés  en  matière 
de  finance,  commerce  ou  banque,  c  L'acte  d'accusation  ainsi  ' 
que  l'examen  de  l'affaire,  portait  la  loi,  seront  présentés  à 
des  jurys  spéciaux  d'accusation  et  de  jugement.  Pour  former 
le  jury  spécial  d'accusation,  le  procureur  syndic,  parmi  les 
citoyens  éligibles,  en  choisira  seize  ayant  les  connaissances 
relatives  au  genre  de  délit.  Le  jury  spécial  de  jugement  sera 
formé  par  le  procureur  général  syndic,  lequel  à  cet  effet  choi- 
sira vingt-six  citoyens  ayant  les  qualités  ci-dessus  dési* 
gnées^.  » 

U.  Cette  législation»  qui  ne  fut  mise  en  pratique  qu'à 
partir  do  i*'  janvier  1792,  ne  conserva  pas  longtemps  son 
autorité.  Elle  avait  posé  un  principe  dont  on  ne  tarda  pas  & 
abuser,  c'était  la  composition  des  listes  laissée  au  choix  de 
certains  agents.  La  Convention  nationale  s'empara  de  cette 
faculté  et  l'appliqua  avec  le  plus  despotique  arbitraire.  La 
loi  du  2  nivAse  an  II  portait  :  «  Art.  i .  La  loi  appelle  aux 
fonctions  de  jurés  tous  les  citoyens  Agés  de  25  ans  accom- 
plis. —  Art.  6.  A  l'avenir,  tous  les  trois  mois,  l'agent  na- 
tional de  chaque  district  formera,  d'après  ses  connaissances 
personnelles  et  les  renseignements  qu'il  se  fera  donner  par 
les  agents  nationaux  des  communes,  une  liste  des  citoyens 
domiciliés  dans  l'étendue  du  district  et  âgés  de  25  ans  accom- 
plis, qu'il  jugera  propres  &  remplir  les  fonctions  de  jurés, 
tant  d'accusation  que  de  jugement.  »  Les  jurés  spéciaux 
étaient  choisis,  comme  sous  la  loi  du  16  septembre  1791, 
prnni  a  les  citoyens  ayant  les  qualités  nécessaires  pour  pro- 
noncer sainement  et  avec  impartialité  sur  le  genre  du  délit.  » 
Il  est  évident  qu'ainsi  constitué,  le  jury  pouvait  n'être  qu'une 
suite  de  commissions  judiciaires.  Nous  ne  nous  arrêterons  pas 
aux  autres  lois  de  la  même  époque  et  notamment  à  celles 

*  Même  loi,  lit  XI,  arL  S. 

*  Même  loi,  tiu  XII,  arU  3,  i  el  5.  —  >  L.  16-29  i79i  2*  p.  Ut,  X  et  XL 


qui  créaient  et  nommaient  pour  siéger  au  tribunal  réYolu- 
tionnaire  des  jurés  permanents  ^  :  ces  commissAirofl  n^ont  pai 
pu  conserver  le  nom  de  jurés, 

IIL  La  constitution  du  5  fructidor  an  III  replaça  le  jury 
sur  ses  premier  es  bases:  les  éléments  de  la  loi  du  16  septembre 
1791  furent  repris.  Ainsi,  l'art.  483  du  Code  du  3  brumaire 
an  IV  appelait  encore  aux  fonctions  de  jurés  tous  les  citoyens 
qui  réunissaient  les  qualités  requises  pour  être  électeurs,  et 
ces  qualités,  d'aprrs  la  nouvelle  constitution,  étaient  les 
mêmes.  Le  jury  puisait  donc  encore  ses  éléments  dans  le 
corps  électoral  :  tous  les  électeurs  étaient  â  la  fois  et  de 
droit  aptes  à  être  juTés.  Quelques  différences  toutefois  peu- 
vent être  signalées  :  Tégo  fixé  pour  rexercîce  de  cette  fonc- 
tion était  reculé  jusqu'à  30  ans,  et  la  désigation  des  jurés 
était  faite  suivant  la  forme  proscrite  par  la  loi  du  2  nivôse 
ah  II  :  «  Tous  les  trois  mois,  porto  Tart.  485  du  Gode  du 
S  brumaire,  Tadministration  départementale  forme,  d'après 
ses  connaissances  personnelles  et  les  renseignements  qu'elle 
se  fait  donner  par  les  administrations  municipales,  une  liste 
de  citoyens  domiciliés  dans  l'étendue  du  département,  qu'elle 
juge  propres  à  remplir  les  fonctions  de  jurés.  »  Cette  liste 
était  de  deux  cents  noms. 

Nous  retrouvons  encore  ici  les  jurés  spéciaux.  D'une  part, 
1â  constitution  créait  une  baute  cour  de  justice  et  établissait 
de  hauts  jurés  nommés  par  les  assemblées  électorales  des  dé- 
partements pour  le  jugement  des  crimes  politiques.  D'un 
autre  côté,  !c  Code  du  3  brumaire  an  IV  instituait,  en  répé- 
tant les  dispositions  de  la  loi  du  16  septembre  1791 ,  des  ju* 
rys  spéciaux  pour  le  jugement  des  affaires  d'attentat  contre 
la  liberté  individuelle,  de  rébellion,  de  faux,  de  banqueroute 
frauduleuse,  de  coticussion.  Le  commissaire  du  pouvoir  exé- 
cutif était  chargé  do  choisir,  pour  former  ces  jurys,  trente 
citoyens  ayant  les  qualités  et  connai^ances  nécessaires  pour 
prononcer  sainement  et  avec  imps^rtialité  sur  le  genre  du 
délit. 

IV«  La  constitution  du  2â  frimaire  an  VIII^  qb  Hiodifiant 
les  condition»  exigées  pour  être  électeur,  modifia,  par  l'effet 
du  lien  étroit  que  ne  cessaitd'unir  les  deux  listes,  les  conditions 
exigées  pour  être  juré.  Aux  termes  de  cette  loi,  lescitojrens 
de  chaque  commune  formaient  par  leurs  suffrages  une  liste 

*  Lois  31  juillet  i7?3,  22  praiiiul  arl.  2,  elc. 


DE   LA  COMPOSITION  »U  JUVT.   §  S94.  947 

communale  conteDaot  un  nombre  de  noms  égal  au  dixiàmede 
leur  nombre»  losquds  étaient  seuls  éligibles  aux  fonctioag 
communales.  Les  citoyens  portés  sur  ces  listes  dans  tout  le 
département  nommaient  ensuite  le  dixième  d*cntre  eux  pour 
former  une  seconde  listB  dite  départementale,  dont  les 
membres  étaient  seuls  éligibles  aux  fonctions  départementa- 
les. Enfin,  les  citoyens  portés  dans  la  liste  départementale 
désignaient  le  dixième  d'entre  eux  pour  composer  une  troi- 
sième liste  d'éligibles  aux  fonctions  publiques  nationales.  La 
loi  du  6  germinal  an  VIII  portait  en  conséquence  :  «  Lors- 
que les  listes  d'éligibles  seront  formées,  les  jurés  d'accusation 
ne  pourront  être  pris  que  dans  les  listes  communales  et  ceux 
de  jugement  que  dans  les  listes  départementales.  En  atten- 
dant la  formation  de  ces  listes^  chaque  juge  de  paix  désignera 
tous  les  trois  mois  dans  son  arrondissement  un  nombre  de  ci . 
tojens  triple  de  celui  que  cet  arrondissement  doit  fournir  ; 
il  enverra  cette  liste  de  désignation  au  sous-préfet  qui,  apris 
l'aToir  réduite  aux  deux  tiers,  la  fora  passer  au  préfet  du  dé- 
partement.  Le  préfet ,  après  avoir  réduit  à  la  moitié,  par 
la  voie  du  sort,  et  en  présence  du  conseil  de  préfecture,  cha- 
eune  des  listes  envoyées  par  les  sous-préfets,  en  composera 
une  liste  générale. 

V.  Ces  éléments  furent  encore  une  fois  modifiés  par  le 
fiénatus- consulte  du  16  thermidor  an  x.  Aux  termes  de 
cette  loi,  les  assemblées  de  canton,  composées  de  tous  lés 
citoyens  domiciliés  dans  chaque  canton,  choisissaient  les  mem- 
bres des  collèges  électoraux  parmi  les  plus  imposés.  Le  pre- 
mier Consul  pouvait  adjoindre  à  chaque  collège  des  membres 
de  la  Légion  d'honneur  et  des  citoyens  pris  parmi  les  plus 
imposés.  Le  sénatus-consulte  du  28  floréal  an  xii  déclare 
tOQs  les  membres  de  laLégion  d'honneur  membres  du  collège 
de  leur  ^irrondissement.  C'était  des  listes  ainsi  composées 
que  les  jurés  furent  tirés. 

YL  Notre  Code  d'instruction  criminelle ,  promulgué 
«D  I&IO,  apporta  de  nouvelles  bases  au  jury. 

Les  jurés  pouvaient  être  pris  parmi  :  l""  les  membres  des 
collèges  électoraux  ;  S""  les  trois  cents  plus  imposés  domiciliés 
dans  le  département;  Z""  les  fonctionnaires  administratifs  à  la 
nomination  de  l'Empereur;  4"  les  docteurs  et  licenciés  des 
Facultés  de  droit,  médecine,  sciences  et  belles-^leitres ;  les 
membres  et  correspondants  de  Tlobùtut  et  di6  autres  sociétés 


gavantes  reconnues  parle  gouvernement;  5«  les  notaires; 
6*  les  banquiers,  agents  de  change,  négociants  et  marchands 
payant  patente  de  l'une  des  deux  preniières  classes;  7^  les 
administrateurs  des  administrations  publiques  jouissant  d'an 
traitement  de  4  000  fr.  au  moins. 

Lorsque  cette  nomenclature  fut  soumise  au  conseil  d'Etat, 
M.  Gainbacérès  dit  :  «  Le  système  ne  parait  pas  être  assis  sur 
sa  véritable  base.  La  principale  des  garanties  qu'on  puisse 
désirer  est  la  propriété.  Cependant  Fart.  383  ne  comprend  pas 
les  propriétaires  dans  la  longue  énumératiou  qu'il  préseale* 
Il  est  vrai  qu'il  permet  de  les. appeler,  mais  c'est  par  forme 
d'exception ,  tandis  que ,  au  contraire  ,  il  faudrait  faire  de  la 
propriété  la  seule  condition  qui  soit  requise  dans  un  juré.  Les 
collèges  électoraux  offrent  déjà  dans  chaque  département  une 
classe  nombreuse  de  personnes  dont  la  fortune  est  certaine. 
Il  conviendrait  donc  d*en  faire  comme  le  noyau  du  jury.  On 
prendrait  aussi  les  propriétaires  qui  ne  sont  pas  membres  de 
ces  corps,  de  manière  qu'on  devint  juré  y  non  comme  séna- 
teur, comme  député,  en  un  mot ,  à  raison  de  la  dignité  dont 
on  est  revêtu  ou  des  fonctions  qu'on  exerce,  mais  seulement 
à  raison  de  la  qualité  de  propriétaire.  »  M.  Beriier  répondit 
«  que  le  projet  avait  fait  la  part  de  la  propriété,  en  appelant 
au  jury  les  membres  des  collèges  électoraux;  celle  de  la 
science,  en  y  appelant  les  membres  de  Tlnstitut  et  les  gradués 
des  quatre  Facultés ,  et  enfin  celle  du  commerce  et  de  l'in^ 
dustrie,  en  admettant  les  principaux  négociants  et  agents  de 
change.  Qu'on  ajoute  à  ce  tableau  les  fonctionnaires  à  la  ikh 
mination  de  TEmpereur,  les  officiers  de  terre  et  de  mer  re- 
tirés du  service  et  quelques  conditions  analogues ,  on  y  trou- 
vera tout  ce  qui  constitue  les  états  supérieurs  de  la  société  €t 
conséquemment  toutes  les  classes  dans  lesquelles  réside  prin- 
cipalement la  garantie  qu'on  veut  obtenir  des  jurés.  »  Telle 
fut  rid<^e  qui  présida  à  la  rédaction  du  Gode.  Les  jurés  spé* 
ciaux  furent  supprimés. 

Cette  théorie  n'aurait  pu  être  défendue  avec  quelque  force 
qu'autant  que  les  jurés  eussent  été  puisés  dans  ces  diverses 
catégories  de  personnes  avec  une  parfaite  impartialité.  Mais 
l'art.  387  du  Codé  portait  que  «  les  préfets  formeraient  soos 
leur  responsabilité  une  liste  de  jurés  quinze  jours  avant  Toa- 
verture  de  la  session;  que  cette  liste  serait  composée  de 
soixante  citoyens,  et  qu'elle  serait  adressée  au  président  des 
assises  qui  serait  tenu  de  la  réduire  à  trente^six  dans  les  24 


D£  Lk  0Otti^>siTIOM   DU  JViCS.   §  5U4.  ^49 

heures  de  la  réception.  •  Or,  ce  mode  de  composition  enlevait 
au  jory  toute  son  indépendance  ;  !*in(ervention  directe  du 
préfet  pour  la  formation  de  la  listo^de  chaque  session  et  Té- 
poque  où  cette  li^  était  formée»  c^est-à-dire  an  moment  de 
rouverture  dos  assises  et  après  que  les  accusations  avaient  été 
portées,  imprimaient  eneore  ici  aux  citoyens  ainsi  choisis  le  ca- 
ractère de  commissaires  plutôt  que  celui  de  véritables  jurés. 
Cette  législation  subsista  pendant  dix-sept  ans.  La  seule 
modificatioii  qu'elle  subit  pendant  ce  temps  fut  une  consé- 
quence implicite  de  la  loi  du  S  février  1817  qui,  en  traçant 
de  nouveau  le  cercle  des  électeurs,  eut  pour  effet  de  faire  ad- 
mettre ces  nouveaux  éléments  dans  la  composition  des  listes. 

VII.  Le  régime  constitutionnel  amena  la  réforme  du  jury. 
M.  de  S^res,  répondant  à  de  vives  réclamations  qui  s'élé- 
viicDt  à  ce«sujet ,  faisait  la  promesse  formelle ,  lors  de  la  dis- 
cQfiBÎon  de  la  loi  du  26  mai  1819,  de  Torganiser  sur  des  bases 
qui  assureraient  sa  complète  indépendance.  Cette  promesse 
ne  iut  qu'en  partie  réalisée  par  la  loi  du  2  mai  1827. 

Cette  loi  instituait  une  liste  générale  du  jury^  qui  fut  dé- 
clarée permanente  par  la  loi  du  2  juillet  1828.  Cette  liste 
étiîtdivisée  en  deux  parties  :  Tune  contenait  les  membres  des 
collèges  électoraux,  c'est-à-dire  les  citoyens  payant  une  con- 
tribution directe  de  300  fr.  au  moins.  L'autre  comprenait  : 
«  1^  les  électeurs  qui ,  ayant  leur  domicile  réel  dans  le  dépar- 
tement, exerçaient  leurs  droits  électoraux  dans  un  autre  dé- 
partement ;  ¥  les  fonctionnaires  publics  nommés  par  le  roi 
et  exerçant  des  fonctions  gratuites  ;  3""  les  officiers  des  armées 
de  terre  et  de  mer  en  retraite  ;  k^  les  docteurs  et  licenciés  de 
Tooe  ou  de  plusieurs  des  Facultés  de  droit ,  des  sciences  et 
des  lettres;  5^  les  membres  et  correspondants  de  l'Institut , 
lei  membres  des  autres  sociétés  savantes  reconnus  par  le  roi , 
let  notaires  après  trois  ans  d'exercice  de  leurs  fonctions.  » 
Le  préfet  était  chargé  de  former  chaque  année ,  en  puisant 
dans  ces  diverses  catégories,  une  liste  composée  de  200  noms. 
Sur  cette  liste  annuellci  la  Cour  royale  procédait  chaque  tri- 
mestre au  tirage  au  sort  de  40  jurés  destinés  au  service  de 
cbiquesessioD. 

Ce  nouveau  système  ,  quoiqu'il  apportât  d*importantes 
améliorations  à  Ta  législation  antérieure,  pouvait  donner  en- 
core lieu  à  de  graves  critiques.  Le  jury  reposait  sur  deux 
éléments  différents ,  la  propriété  et  Tintelligence  ;  mais  ces 


250  DE8  COOBS  D*AtSISES. 

deux  élimenls,  quoiqu'ils  concourussent  au  même  but,  ne  Fc 
combinaicut  point  ensemble  :  aux  jurés  de  la  première  classe 
on  ne  demandait  qu'un  certain  cens  représentatif  de  la  pro- 
priété, aux  autres  qu'un  titre  ou  une  fonction  qui  semblaient 
attester  une  certaine  capacité.  Or,  des  conditions  si  diverses, 
isolées  Tune  de  Tautro,  pouvaient-elles  conférer  la  même  ap- 
titude 1  Ensuite,  toutes  ces  catégories  n'étaient-clles  pas  trop 
étroites  ?  Etait-ce  donc  là  les  seules  classes  de  personnes  où  la 
capacité  do  juger  pût  exister?  Le  jury  peut-il  manifester  la 
véritable  opinion  du  pays.lorsqu'il  n'est  pas  pris  dans  le  sein 
même  de  la  nation?  Enfin  ,  la  liste  générale  ne  donnait  qu'une 
présomption  d'aptitude  et  le  choix  soûl  du  préfet,  rendu  plus 
arbitraire  i  raison  de  Textension  plus  grande  de  la  liste,  dé- 
signait les  jurés.  La  part  faite  au  sort  était  restreinte  &  la 
formation  des  listes  trimestrielles  dont  tous  les  électeurs 
étaient  nécessairement  puisés  dans  la  liste  annuelle  dressée 
par  ce  fonctionnaire. 

VIIL  Ces  reproches,  que  nous  abrégeons,  motivèrent,  aus- 
sitôt après  le  révolution  do  février,  la  loi  du  7  août  t8&>8. 
Le  nouveau  système  consacré  par  cette  loi  fut  très  simple  :  il 
consistait  d'une  part,  dans  la  composition  d'une  liste  générale 
-  sur  laquelle  figuraient  indistinctement  tous  les  citoyens  jouis- 
sant de  leurs  droits  civils  et  politiques,  et  qui  n'étaient  frap* 
pes  d'aucune  incapacité  légale,  et  d'un  autro  c6té,  dans  la 
foripalion  par  le  cooix  d'One  liste  annuelle  dans  laquelle  le 
sort  désignerait  les  jurés  de  chaque  session.  Ainsi,  tous  les 
Français  âgés  de  30  ans  et  jouissant  des  droits  civils  et  poli-* 
tiques  étaient  portés  sur  la  liste  générale,  à  Texcoption  : 
1*  de  ceux  qui  no  savaient  pas  lire  et  écrire  en  français  ;  â""  des 
domostiaues  et  serviteurs  à  gages;  3"^  des  faillis  non  réhabt* 
lités  ;  4  des  interdits  et  des  individus  pourvus  d'un  conseil 
judicaire  ;  5«  des  individus  en  état  d'a^usation  et  de  contu- 
mace ;  6**  des  condamnés  à  des  peines  afflictives  ou  à  vm 
peine  d'emprisonnement  de  plus  d'un  an.  Une  exemption 
était  stipulée  en  faveur  des  septuagénaires  et  des  citoyens  qvi 
vivent  d'un  travail  journalier. 

Cette  liste  générale  était  dressée  dans  chaque  commutie 
par  le  maire  sur  la  liste  générale  des  électeurs  ;  il  se  bornait 
î  éliminer  les  citoyens  incapables,  exem()tés  et  frappés  de 
déchéance.  Elle  était  rendue  publique  et  foumise  à  toutes 
les  réclamations  des  citoyens  et  aux  rectifications  qu'iU  pou- 


Ê 


»E  LA  COUFOàlTlO.N   DU   JURT.   §  59i-  ttM 

YaieDt  obtenir  du  tribunal  civil.  Elle  était  pormamnite. 

La  liste  annuelle  du  jury  pour  chaque  département  com-* 
prenait  un  juré  pour  deux  cents  habitants.  Elle  était  oom-- 
posée  dans  chaque  canton  par  une  commission  formée  da 
conseiller  général  du  canton,  du  juge  de  paix  et  de  deux 
membres  du  conseil  municipal  de  chaque  commune  désignés 
)ar  ce  conseil,  La  réunion  de  ces  listes  cantonales  formait 
a  liste  générale  du  département. 

Enfin,  dix  jours  au  moins  avant  Touverture  des  assises, 
la  président  de  la  Cour  d'appel  ou  le  président  du  chef-lieu 
joaiciaire  dans  les  villes  où  il  n'y  *a  pas  de  Cour  d'appel, 
tiraient  au  sort,  en  audience  publique»,sur  la  liste  annuelle, 
les  nom  des  36  jurés  titulaires  et  des  6  jurés  suppléants  qui 
formaient  la  liste  de  session. 

Le  premier  but  de  cette  loi  fut  d'affranchir  la  composition 
du  jury  de  l'intervention  de  l'autorité  administrative.  La  lé- 
gislation avait  jusque-là  chargé  le  mémo  pouvoir  de  consta- 
ter le  crime,  de  le  livrer  à  la  justice,  et  de  lui  choisir  des  ju- 
ges. La  loi  du  7  août  1848  voulut  placer  ce  choix  dans  des 
mains  indépendantes  ;  elle  le  confia  à  des  fonctionnaires  élec- 
tifs. C'est  là  ce  qui  la  sépare  des  lois  antérieures. 

Mais  sauf  ce  point,  capital  à  la  vérité,  on  retrouve,  appli- 
qué sur  une  plus  large  échelle,  le  même  mécanisme  que  dans 
ces  lois:  à  savoir,  une  liste  générale  qui  puise  ses  éléments 
dans  la  liste  des  électeurs  et  une  liste  annuelle  composée  par 
lechoiz,  La  liste  générale,saufquelquesincapacitéset  quelques 
exemptions,  déclare  touslesélecteursaptes  à  être  jurés;  mais, 
comme  le  suffrage  universel  a  succédé  au  suffrage  restreint, 
ils'ensuit  qu'en  thèse  générale,  tous  les  citoyens  sont  recon- 
nus aptes  à  cette  (onction.  La  liste  annuelle,  en  second  lieu, 
est  puisée  comme  précédemment  dans  cette  liste  générale 
par  une  désignation  qui  n'est  soumise  à  aucun  contrôle  ; 
Mulemcnt,  au  lieu  d'être  faitd  par  le  préfet,  celte  désigna<* 
tioQ  est  faite  par  une  commission  de  membres  élus,  et,  au 
lieu  d'être  circonscrits  dans  une  liste  étroite,  leschoix  de  cette 
commission  s'étendent  à  peu  prés  h  tous  les  citoyens. 

La  principale  critique  que  l'application  de  cette  loi  a  sou- 
levée a  eu  pour  objet  le  travail  des  commissions  cantonnales  ; 
Ml  a  prétendu  que  ce  travail  était  généralement  fait  avec 
nègligeice,  que  ses  rédacteurs  n'y  apportaient  pas  la  con- 
science de  la  gravité  de  Tœuvre  qu'ils  étaient  chargés  de  d'ac- 
complir, que  tantôt  ils  écartaient  les  hommes  les  plus  capa- 


252  DES   C01IH3  d'assises. 

bles  pour  les  exonérer,  par  une  sorte  de  complaisance, 
de  ce  service  public,  tantôt  ils  appelaient  des  incapables  et 
n:(^me  des  indigents.  Nous  croyons,  en  effet,  que  ces  com- 
n  issions,  trop  voisines  des  intérêts  locaux,  n'avaient  pas  été 
placées  sur  un  terrain  assez  élevé  pour  apercevoir  les  intérêts 
généraux  que  leurs  opérations  pouvaient  froisser.  Leur  com- 
position,  qui  était  le  résultat  d'une  réaction  contre  rinfluence 
administrative,  s'était  peut-être  trop  exclusivement  préoc- 
cupée de  ce  but  unique  :  elles  étaient  indépendantes  sans 
doute,  mais  Tindépendiince  ne  suffisait  pas  à  Taccomplisse- 
ment  de  leur  mission. 

IX.  La  loi  du  4  juin  1853^  qui  a  clos,  jusqu'à  présent 
du  moins,  la  série  de  ces  lois  incessamment  reconstitutives 
du  jury,  a  eu  surtout  pour  objet  de  remédier  aux  inconvé- 
nients qui  viennent  d'être  signalés. 

Celte  loi,  comme  celle  du  7  août  1848,  déclare  d*abord 
aptes  a  remplir  les  fonctions  de  juré  tous  les  Français  âgés 
de  30  ans  qui  jouissent  de  leurs  droits  politiques  et  civils. 
Elle  prononce  les  mêmes  exemptions  et  les  mêmes  incapaci- 
tés; elle  étend  cependant  celles-ci,  puisqu'elle  fri^pe  de 
déchéance  tous  les  condamnés  à  un  emprisonnement  de  trois 
mois  au  uioins ,  les  condamnés  à  l'emprisounemcntà  niisonde 
quelques  délits  qu'elle  énumère,  quelle  que  soit  la  durée  de 
l'emprisonnement ,  et  les  notaires,  greffiers  et  officiers  u^i- 
nistcriels  destitués  ;  et  qu'elle  déclare  encore  incapables  pour 
cinq  ans  les  condamnés  à  un  emprisonnement  d'un  mois  au 
moins. 

Mais^  après  avoir  pris  le  même  point  de  départ  que  la  loi 
antcrii^uie,  la  loi  nouvelle  s'en  sépare  aussitôt.  Elle  suppriiue 
la  liste  générale  du  jury,  et  par-là  elle  brise  le  lieu  qui  unis- 
sait jusque-là  la  liste  des  électeurs  et  celle  des  jurés.  Elle 
établit  une  liste  particulière  qui  ne  sert  qu'au  service  Judi- 
ciaire et  qui  se  renouvelle  chaque  année.  C'est  là  la  véritable 
nouveauté  de  cette  législation.  Quel  est  le  mode  de  rédaction 
de  cette  liste  annaelle?  Telle  est  ia  plus  importante  de  ses 
dispositions. 

Deux  commissions  sont  instituées,  Tune  pour  composer 
ime  liste  préparatoire,  Tautre  pour  puiser  sur  cette  liste  la 
liste  définitive.  La  première,  chargée  de  dresser  la  liste  pré- 
l)aratoire ,  se  rassemble  au  cbef-Iieu  de  chaque  canton  et  se 
compose  du  juge  de  paix  et  des  maires  du  canton  :  elle  doit 


DR   LA   COMPOSITION   DU   JURT.    §   ^^*  Sti3 

proposer,  c'est-à-dire  inscrire  sur  cette  liste  le tripledes  noms 
qui  doivent  figurer  sur  la  liste  définitive.  La  seconde  com- 
mission, qui  se  réunit  au  chef-lieu  de  l'arrondissement ,  se 
compose  du  préfet  ou  du  sous-préfet  et  de  tous  les  juges  de 
paix  ;  elle  a  pour  mission  de  choisir,  parmi  les  citoyens  ins- 
crits sur  les  listes  préparatoires,  ceux  qui  feront  le  sorvice  du 
jary  pendant  Tannée.  Cette  liste  compte  2000  jurés  dans  le 
département  de  la  Seine,  500  dans  les  départements  dont  la 
population  excède  300,000  habitants,  &00  pour  ceux  dont 
la  population  est  de  2  à  300,000  habitants,  enfin  de  300 
dans  ceux  dont  la  population  est  inférieure.  La  réunion  des 
listes  des  arrondissements,  faite  par  ordre  alphabétique, 
forme,  dans  chaque  département,  la  listeannuelle  sur  laquelle 
est  tiré  le  jury  de  chaque  session. 

Telles  sont  les  principales  dispositions  de  cette  nouvelle 
loi.  n  nous  reste  à  examiner  maintenant  si  cette  organisation, 
qui  régit  actuellement  notre  ordre  judiciaire  et  qui,  sous  plu« 
siears  rapports,  a  effacé  les  vices  des  législations  antérieures, 
est  enfin  arrivée,  après  tant  d'efforts  du  législateur,  à  réaliser 
les  vrais  principes  de  cette  matière. 

X.  D*où  viennent,  en  effet,  toutes  les  vicissitudes  de  cette 
institution  ?  D'où  vient  cette  mobilité  qui  fait  que  l'histoire  du 
jary  n'est  que  celle  de  ses  variations?  Pourquoi  ces  lois  suc- 
cessives qui  le  tourmentent  sans  cesse  et  renouvellent  ses  élé- 
ments pour  les  détruire  et  les  renouveler  encore?  On  peut 
sans  doute  assigner  i  toutes  ces  modifications  des  motifs  soit 
dans  les  inquiétudes  que  Tindépendance  de  cette  juridiction 
peut  causer,  soit  dans  les  difficultés  mêmes  auxquelles  son 
organisation  donne  lieu;  mais  leur  véritable  raison  est  dans  la 
oonfasion  de  principes  qui  a  trop  longtemps  présidé  à  cette 
organisation. 

L'institution  du  jury,  dès  son  établissement,  fut  entée  sur 
rinstitution  politique  des  électeurs  et  elle  a  participé  dé  l'ex- 
trême mobilité  de  celle-ci.  Sa  composition,  tour  à  tour  fon- 
dée sur  les  bases  les  plus  larges  ou  les  plus  restreintes,  les 
plus  indépendantes  ou  les  plus  arbitraires,  ne  fut  dominée  par 
aucune  règle;  elle  suivit  les  mouvements  politiques  et  réflé- 
chit successivement  les  différents  systèmes  des  gouvernements 
qui  passèrent.  C'est  ainsi  que  la  qualité  de  juré  est  attribuée 
en  1791  à  la  propriété  la  plus  minime,  en  1793  au  choix  le 
plus  arbitraire,  en  1 800,  aux  électeurs  élus  par  un  double  de- 


954  DES  corn?  i.'a^'sî^e?. 

gré  d'élection,  en  1615,  aux  propriétaires  psynnt  300  francs 
de  contributions  directes,  en  1831,  aux  proprlélaîres  payant 
seulement  &00  Tr.,  enfin,  en  184^8,  à  ton»  les  citoyens, puis- 
que le  droit  de  Tolo  était  universel.  La  plupart  de  cesôhan- 
gements  n'ont  atteint  qu'indirectement  le  jury;  le  légi^Iatear 
D^avait  en  yue  que  le  corps  électoral  et  il  atteignait  les 
deux  instHulions  à  la  fois.  Il  ne  se  rendait  point  compte  des 
différences  qui  séparent  ces  deux  fonctions,  de  la  misMOn  dis- 
tincte qui  leur  est  donnée.  11  exigeait  pour  Tune  et  pourTau^ 
Ire  les  mêmes  conditions.  Le  vote  du  juré  et  le  Yote  de  Télcc- 
teur  n'étaient  à  ses  yeux  que  deux  modes  de  rexercicc  d*an 
môme  droit. 

Cette  confusion  s'est  perpétut^e  jtisqu^à  la  loi  du  4  jtiin 
1853.  On  croyait  mettre  en  harmonie  ces  diverses  institutions 
et  simplifier  Tadmintstration  en  leur  assignant  une  môme 
bfiso;  il  semblait  ratiohnel  de  réunir  les  deux  qualités  de  Té- 
leolettr  et  du  juré,  afin  que  les  charges  de  celle-ci  fu^nt 
compensées  par  les  privilèges  de  Tautre;  enfin,  on  s'appuyait 
sur  ce  que  le  droit  de  participer  au  vole  des  lois  et  celui  de 
participer  aux  jugements  criminels,  demandaient  les  mêmes 
lumières,  la  même  indépendance,  la  môme  position  sociale. 

Il  est  facile  de  démontrer  Terreur  de  celte  proposition. 
L'électeur  et  le  juré  exercent  deux  fonctions  distinctes  qui 
n'ont  ni  la  même  origine,  ni  les  mêmes  eiïcts.  La  participa- 
tion à  l'élection  d'un  pouvoir  polit.quc  est  un  droit  quj  est 
lui-même  nécessairement  politique;  c'est  un  démembrement 
de  la  souveraineté;  il  s'exerce  en  vue  des  intérêts  politiques, 
et  son  exercice  influe  directement  sur  les  destinées  de  rÈlal. 
Le  juré,  au  contraire,  ne  peut  invoquer  aucun  droit  ;  il  est 
simplement  appelé  à  rexercicc  d'une  fonction  judiciaire.  Sa 
mission  s'accomplit  en  dehors  dis  intérêts  politiques  ;  il  pro- 
nonce, non  sur  les  affaires  publiques,  mais  sur  les  affaires  pri- 
Tées;  il  trexamine  et  ne  juge  que  des  procès. 

De  celte  diflerence  entre  réicctcur  et  le  juré  nall  nécessai- 
rement une  dislinclion  dans  les  conditions  d'aptitude  qui  doi- 
vent être  exigées  de  l'un  et  de  Taulre.  Tous  les  citoyens,  par 
cela  seul  qu'ils  font  partie  de  la  cité,  par  cela  seul  qu'ils  sont 
intéressés  à  la  bonne  administration  de  TEtat,  peuvent  re- 
vendiquer le  droit,  qu'ils  exercent  directement  ou  indirecte- 
ment, de  participer  au  choix  des  hommes  qui,  mandataires  de 
la  souveraineté  générale,  volent  les  impôts  et  les  lois.  Leur 
aptitude  est  uniquement  fondée  sur  l'intérêt  personnel  qu'ib 


DE  LA  COIirOSlTtON  l>U   iOIT.  §  594.  âS5 

ont,  i  qBel<]iie  degré  que  ce  sôit,  à  la  conservation  de  Tasso* 
dation  générale;  on  peut  ne  pas  lui  demander  d'autre  condi- 
tion que  cet  intérêt,  il  n'en  est  point  ainsi  du  juré.  La  loi 
l'appelle,  non  plus  comme  membre  da  corps  politique,  mais 
comme  homme,  comme  membre  de  la  cité;  elle  lui  commande 
même  de  se  dépouiller  en  montant  sur  son  siège,  des  opinions 
politiques,  des  saintes  inimitiés  du  citoyen  «  Le  pouvoir  po- 
litique s'éloigne  ;  s^il   protège  Texercice  de  cette  puissance 
momentanée»  il  ne  la  dirige  pas;  aucun  écho  de  ses  volontés 
etde  ses  débals  ne  doit  retentir  dans  Tenceiote  de  la  justice. 
C'est  un  expert,  c'est  un  juge  qu'elle  interroge  sur  rexisfcnçe 
et  la  moralitéd'une  action.   Or,  quelles  sont  les  conditions 
d'aptitude  des  juges?  quels  sont  les  titres  qui  leur  ouvrent 
leurs  fonctions?  Suffit-il  qu'ils  soient  citoyens,  suRit-il  qu'ils 
justifient  ou  qu'ils  soient  présumés  justifier  de  leur  intérêt  i 
la  conservation  de  la  société?  Ce  qui  leur  faut,  ce  sont  des  lu- 
mières, c'est  une  instruction  suffisante,  une  expérience  des 
affaires  acquise  par  l'étude.  Ce  qu'il  faut  demander  au  juré, 
o'est  donc  autre  chose  qae  ce  que  l'on  demande  à  1  élec- 
teur, ee  n'est  point  un  droit  de  cité,  ce  n'est  pas  même  un  cens 
qai  n'est  point  une  preuve  certaine  de  ta  capacité  intellec* 
tttelle  ;  c'est  cette  faculté  de  Tesprit  qui  sait  saisir  les  preuves 
de  la  vérité  et  les  séparer  des  illusions  de  Terreur  ;  c'est  cette 
aptitude  aux  opérations  de  l'intelKgence  qui  se  manifeste  par 
an  exercice  habituel  des  facultés  intellectuelles;  c'est  ce  dé- 
sir d'une  bonne  justice  qui  a  pour  garantie  rhonnèteté  de  la 
vie;  c'est,  en  un  mot>  la  capacité  et  la  volonté  de  bien  juger. 
On  aperçoit  déjè  Terreur  trop  prolongée  de  la  législation. 
Elle  avait  pris  le  cens  représentatif  de  la  propriété  comme  le 
signe  ou  du  moins  la  présomption  de  Tinstruction  ou  des  lU'- 
BûèreB.  Or,  cet  indice  était  évidemment  incertain,  puisque  au- 
cune capacité  intellectuelle  ne  dérive  immédiatement  de  ce 
cens,  qui  n'est  que  la  preuve  d'une  propriété  foncière  ou  in- 
dustrielle; c'était  donner  une  fiction  pour  base  à  une  apti- 
tude. La  propriété,  on  Ta  déjà  dit,  atteste  un  intérêt  à  la 
conservation  de  Tordre  qui  la  protège  ;  mais  elle  n^indique  en 
elle-même,  et  surtout  quand  elle  est  minime,  aucune  capa-* 
cité  de  procéder  &  un  jugement  criminel.  H  est  possible,  et  les 
listes  du  jury  Toot  souvent  prouvé,  que  le  juré  censitaire  soit 
absolument  illétré.  Sans  doute,  lorsque  le  cens  s'élève,  la 
présomption  de  capacité  acquiert  plus  de  force.  Il  est  raro 
qu'un  grand  propriétaire  n'ait  pas  acquis^  par  un  exercice 


^5^  »es  couM  d'a8Si.ssSé 


habituel  de  ses  facultés  intellecttielles,  une  iostnietÏM  nS 
sente  pour  participer  utilement  aux  fonctions  du  jorrtttiM 
alors  K  présente  ce  dilemne  :  ou  la  loi  doit  exieer  cobhm 
signe  de  cette  instruction  un  ceo;  élevé,  et  alon  le  iorf  «r- 
conscrit  dans  une  classe  étroite,  ne  sera  plus  leiarv  c'€rt4. 

cessera  d&  lors  d  être  une  présomption  fondée  de  l'intelli- 
gence et  des  lumières. 

A  plus  forte  raison  leseul  titre  d'électeur  aepoufait  fonéer 
un  droit  a  siéger  comme  juré.  Non-senlêment,  oo  vientëe 
le  yoir,  les  conditions  d'aptitude  n'étaient  pas  les  ménet- 
mais  cette  confusion  avait  pour  conséquence  d'appeler  te 
citoyens  a  des  foncUons  judiciaires  en  vertu  d'un  titre  polHi- 
que,  et,  par  suite,  de  les  transporter  avec  leurs  prénuA, 
leurs  passions,  leurs  haines  de  parti  sur  le  banc  d«  uS 
gomment  ces  hommes  pouvaient-ils  se  dépouiller  de  leur 
partialité,  lorsque,  appelés  en  vertu  du  même  titre,  ib  de- 
vaient considérer  les  deux  fonctions  comme  deux  mode 
d  exercice  d'un  même  droit?  De  là  ces  déclarations  qoi  ont 
para  étonner  quelquefois  la  conscience  publique;  de  là  ces 
doctrines  qui  prêchent  l'omnipotence  du  jurV  et  placent  « 
capricieuse  volonté  au  dessus  de  la  vérité  des  faito^ï 
quelques  acquittements  qu'a  formulés  l'esprit  de  parti  L 
plus  que  l'esprit  de  justice.  Le  jury  ne  faisait  qu''obéi àU 
loi  de  sa  composition.  ^    ^^ 

sition  dulode  de  1810,  av^t' î&tîP2«:& 
une  deuxième  catégorie  de  jurè«  qui  ne  nuE/S^ 
aptitude  dans  le  cens,  mais  uiiquelnl  daK  «.^^Sï 
dintelligence  fondée  sur  leur  profession  ou  JeurîSK 
ciale.  Cette  disposition  nouvelle  était  déjà  une  écCÏX 
te  ion  du  principe  qui  avait  dominé  jusque-là  la  iSlSn^ 
c  était  1  introduction,  quoique  timidement  essayée  d'ansi! 
«me  qui  Se  rapprochait  davantage  de  la  vérité  des  SX 
La  loi  du  7  août  1848  avait  aperçu  la  disUnclion^rZ; 
fonctions,  car  elle  avaitprescrit  des  listes  dist.W«  SS 

différents  qu  elle  exigeait  pour  le  jury.  La  loi  du  4  iuta  18S? 
est  entrée  plus  avant  dans  cette  \oL  :  ce  n'Z  Z  k  S 
élcc  orale  qu,  sert  de  type  et  de  base  à  celle  d7jrr?  Pot 
la  première  fois  depuis  de  longues  années,  dit  le  Sp^t ." 


DE   LA  COMPOSITION  DU   JlfRT.   §  594.  2^7 

Gwps législatif,  le  législateur  peut,  en  toute  liberté,  aflran- 
chir  ce  grand  corps  judiciaire  qu'on  appeile  le  jury,  et  le  re- 
placer sur  sa  base  logique.  Le  ministère  du  juré  cesse  d'être 
envisagé  comme  un  droit  four  devenir,  ce  qu'il  est  dans  la 
réalité  et  ia  vérité,  une  simple  fonction  ;  on  n'est  plus  appefé 
à  l'exercer  parce  qu'on  est  en  possession  du  droit  de  citoyen, 
mais  seulement  si  I  on  est  jugé  capable  et  digne  de  ta  remplir  ; 
et  cette  nouveauté  d'une  haute  signification  se  marque  par  la 
suppression  de  la  liste  générale.  La  commission  applaudit  à 
ce  principe  qui  imprime  à  la  loi  le  signe  d'une  œuvre  d'éman- 
cipatioD,  et  en  reportant  la  justice  dans  la  sphère  supérieure 
«px  agitations,  lui  rend  ses  garanties  et  sa  dignité.  »  Le  prin- 
cipe qui  sépare  rélecteur  et  le  juré,  qui  reconnaît  à  la  double 
mission  de  l'un  et  de  l'autre  une  source  différente  et  des  con- 
ditionsdistinctes  d'aptitude,  qui  élève  ainsi  une  barrière  entre 
l'ordre  politique  et  Tordre  judiciaire,  ce  principe  est'  doUc 
reconnu  et  pos^  Nous  examinerons  tout  à  l'heure  le  mode 
de  son  application'.  Arrêtons-nous  un  moment  à  ce  point 
primâpaL 

Laséparation  des  électeurs  politiques  et  des  jurés  est  la  pre- 
mière condition  d'une  institution  rationnelle  du  jury  :  c'est 
la  pierre  angulaire  de  Tédifice.  L'un  de  ces  pouvoirs  est  es« 
sentieileaient  politique,  Tautre  civil  et  judiciaire  ;  à  l'un  on 
demande  un  intérêt  à  la  conservation  de  la  chose  publique  ; 
i  l'autre  la  capacité  de  participer  au  jugement  des  délits.  Il 
eii  visible  qu'ils  doivent  reposer  sur  une  base  différente. 
Quelle  doit  être  cette  base  à  Tégard  des  jurés  ? 

Le  jury  exprime  le  jugement  du  pays  ;  il  faut  donc  qu*il 
poisse  être  considéré  comme  le  pays  lui-même  ;  il  faut  que  ses 
raciiies  s'étendent  au  loin  ;  que  sa  base  populaire  soit  aussi 
large  que  le  pays  ;  que  chaque  accusé  puisse,  pour  ainsi  dire^ 
recoonaltresespairs  dans  ses  juges;  quêtes  intérêts  particuliers 
s'eflacentdanssa  composition,  de  manière  à  nelaisser  de  voix 
qu'aux  intérêts  généraux  de  la  société.  Si  ses  éléments  étaient 
choisis  dans  un  cercle  trop  étroit,  il  pourrait  être  l'eipression 
d'iwe classe, il  ne  représenterait  plus  la  société;  il  pourrait  être 
IWgane  de  ia  vérité,  il  ne  serait  plus  le  jugement  du  pays. 
Son  autorité  et  sa  puissance  émaocnt  de  son  origine  ;  sorti 
des  masses,  son  verdict  est  la  voix  du  peuple  môme  ;  choisi 
<fains  un  petit  nombre,  il  perd  sou  magnifique  caractère;  son 
jogement  n'est  accepté  qu'avec  défiance;  il  n'est  plus  Tex- 
preasion  de  la  conscience  publique. 

vm.  1" 


S8S  DIB  COVBS  »*a69MC0. 

Cette  règle  toutefois  trouve  une  rMtriction  4Mig  la  nàlvtro 
des  choses.  Le  jury  est  le  pays,  mais  le  pays  capaMe  de  jugsr, 
ear  il  s'agit  de  rendre  un  jugement,  e'est-à-dire  de  fMirtîcBer 
i  l'une  des  opérations  les  plus  délicates  de  l'intelligenoe  ba- 
piaine.  Si  tout  citoyen  a  droit  d'être  juré,  il  fout,  pour  quHI 
puisse  exercer  ce  droite  qu'il  soit  apte  à  cet  exercice.  Un  droit 
ftbsolu  de  remplir  ces  fonctions,  attribué  à  tous  les  citoyens 
indistinctement,  serait  une  disposition  absurde,  car  le  but  et 
Ja  raison  de  Tinstitution  du  jury  sont  d'atteindre  une  plus  saine 
distribution  de  la  justice  '^  il  est  donc  nécessaire  q«e  les  con- 
ditions de  Vexercice  de  ces  fondions  soient  en  rapport  ayec 
cette  mission  ;  autrement  le  jury,  au  lieu  d'être  un  instranient 
.  de  justice,  ne  serait  qu^un  moyen  d'aveugle  oppression.  Si^  en 
^)èse  générale,  la  théorie  peut  reconnaître  à  tous  les  membres 
de  la  cité  le  droit  inhérent  à  leur  qualité  d*âtrc  jurés,  la  rai- 
son subordonne  Texercice  du  droit  à  la  possession  des  qualités 
indispensables  pour  remplir  cette  fonctio%  La  loi  leur  dit  : 
f  vous  siégerez  comme  jurés  aussitôt  que  vous  vous  flAOulre- 
rez  aptes  à  rendre  la  justice.  »  G^est.  là  l'unique  condilioD  qu 
doit  être  imposée;  mais  rien  ne  peut  dispenser  de  son  accom- 
^issement. 

Or,  quelles  sont  les  conditions  d'aptitude  aux  fonctions  de 
juré?  Gettç  aptitude  se  manifeste  dans  deux  qualités  :  la 
capacité  intellectuelle  et  la  capacité  morale.  La  capacité  in- 
tellectuelle ;  car  Tappréciation  des  diverses  circonstances  et 
du  caractère  d'un  fait  criminel,  le  discernement  de  la  vérité 
an  milieu  des  ombres  qui  peuvent  l'obscurcir,  enfin  la  décla- 
ration des  auteurs  du  fait  et  des  divers  degrés  de  leur  crimi- 
nalité sont  des  opérations  de  l'esprit  qui  supposent  une  intel- 
ligence plus  ou  moins  exercée,  une  instruction  plus  ou  moins 
cultivée.  La  capacité  morale;  car  il  ne  suflR  pas  que  le  juré 
discerne  et  saisisse  la  vérité,  si,  par  faiblesse  ou  par  connivence, 
îl  la  voile  ou  la  déguise  dans  son  verdict.  Il  faut  que  son  ca- 
ractère soit  le  gage  de  son  impartialité,  qu'aucun  doute  ne 
plane  sur  sa  probité  et  son  indépendance  ;  il  faut  qu*il  ait  la 
capacité  et  à  la  fois  le  désir  de  rendre  bonne  justice.  Cette 
double  condition  est  la  base  indispensable  des  fonctions  du 
jury,  car  elle  est  essentielle  à  l'existence  d*on  jugement  cri- 
minel ;  mais  elle  est  leur  seule  base,  car  nulle  autre  condi- 
tion n'est  réellement  essentielle  h  rexcrcicc  de  ces  fonctions. 
Tel  est  le  piincipe  qui  doit  présider  à  Torganisalion  du  jory, 
et  ce  principe  |  aratl  hors  de  contestation.  La  diflicullé  de  la 


PE  LA  COMPOSITION  BO   iSIT.   §  5d4.  3^9 

jBMAièfty  difficulté  îmaiensQ,  est  diippUquer  le  principe  et  de 
recoDualtre,  dans  chaque  citoyen,  l'existence  de  tette  double 
^Utiide. 

Une  question  préalable  se  présente  au  premier  plan  de  j^et 
exatiaen.  Tous  les  crimes  ne  sont  pas  composés  des  niémeg 
élèinents.  Leur  appréciation  n'offre  pas  les  mêmes  diflicultés. 
L'appréciation  d'un  vol,  d'un  actede  violence,  d^un  meurtre, 
ne  donne  la  plupart  du  temps  qu'un  Tait  simple  i  juger!  Il 
D*en  est  pas  ainsi  des  faits  de  banqueroute  frauduleuse,  cfo 
concussion,  de  faux. Ces  actes,  dont  il  est  plus  difficile  de  dé- 
terminer les  circonstances  élémentaires  et  la  criminalité , 
exigent  de  la  part  des  jurés  une  sagacité  plus  grande,  un 
esprit  plus  exercé.  Dès  lors,  ne  semble-t-îl  pas  naturel  de 
former  parmi  les  jurés  les  mêmes  classes  que  fa  nature  des 
dioses  a  créées  parmi  les  délits?  ne  faut-il  pas  demander  des 
conditions  difTérentes  d^aptitude  suivant  la  nature  et  la'dlfTi- 
enlté  des  faits  à  juger? En  un  mot,  n'est-il  pas  nécessaire  de 
constituer  plusieurs  catégories  de  jurés,  ou,  en  d'autres  ter- 
mes, d'établir  des  jurés  spéciaux  ?  ' 

Cette  question  d'organisation  est  fort  grave.  U  est  certain 
d^abord  que  partout  où  le  jury  a  pris  racine,  il  a  compté  des 
jurés  spéciaux.  En  Angleterre,  ces  jurés  ^nt  employé^  dans 
diverses  circonstances  comme  une  sorte  de  recour^  contre  la 
partialité  supposée  des  jurés  ordinaires.  Aux  Étpls-Ums,  la 
même  instilutiorvs'est  implantée  et  a  continué  de  coexister, 
quoique  dans  d'autres  conditions,  avec  le  jury.  Nou^  çivojas  vu 
qu'en  France ,  jusqu'au  Code  d'instruction  criminelle,  les 
jurys  spéciaux  étaient  également  considérés  comme  un  corol- 
laire nécessaire  de  l'établissement  du  jury.  On  peut  dire,  en 
effet,  que  la  composition  spéciale  des  jurys  vis-à-vis  ile  cer- 
tains faits  n'est  qu'une  conséquence  du  principe  qui  veut  que 
la  première  condition  d'aptitude  à  cette  fonction  soit  la  ca- 
.p^icité.  Elle  mesure  I  intelligence  des  juges  aux  difficultés  des 
jugements;  elle  exige  des  lumières  particulières  lorsque  les 
actes  à  apprécier  appartiennent  à  un  ordre  particulier  de 
faita.  Ainsi ,  r institution ,  souple  et  toujours  puissante ,  se 
ploie  aux  exigences  des  faits  qui  lui  sont  déférés,  rétrécissant 
le»  listes  de  ses  juges  dans  les  rangs  les  plus  éclairés,  lorsque 
les  délits  se  produisent  plus  complexes  et  plus  ab&trai\s,  et  les 
ouvrant  à  la  plupart  des  citoyens,  lorsque  les  faits  sont  d'une 
licile  et  simple  appréciation}  n'ayant  enfin  qu'un  seul  but,  de 


^0  DES    coulis    d'assises. 

lier  par  un  rapport  constjpt  les  jurés  et  les  faits  qu  ils  sont 
appelés  à  juger. 

Cependant ,  on  n'hésite  point  à  le  dire,  une  telle  innova- 
tion doit  être  écartée,  non  parce  qu'elle  serait  contraire  au 
principe  de  la  composition  du  jury;  mais  parce  qu'elle  serait 
contraire  aux  mœurs  générales,  parce  qu'elle  n'atteindrait 
pas  le  but  qu'elle  se  proposerait ,  parce  qu'elle  serait  plus 
dangereuse  qu'utile.  S'il  est  une  idée  qui  ait  pénétré  dans  les 
mœurs,  c^est  la  réprobation  des  tribunaux  extraordinaires  et 
d'exception,  c'est  l'application  du  droit  commun  aux  juri- 
dictions comme  aux^individus.  Or,  quels  que  soient  les  élé- 
ments dont  on  formerait  les  jurys  spéciaux,  si  ces  jurys  étaient 
pris  à  part,  si  on  leur  demandait  des  conditions  nouvelles,  il 
serait  à  craindre  qu  ils  ne  parussent  de  véritables  commis- 
sions. Si  les  jurys  spéciaux  existent  en  Angleterre  et  aux 
Ëtats-Unisy  c'est  qu'ils  sont  librement  acceptés  par  les  accu- 
sés :  ce  sont  ceux-ci  qui  les  invoquent  comme  une  garantie  ; 
c'est  en  leur  faveur  qu'ils  ont  été  créés  ;  c'est  pour  leur  assu- 
rer une  protection  plus  forte  contre  les  préventions  dont  ils 
peuvent  être  l'objet.  Mais  le  but  d'un  jury  spécial  on  France 
ne  serait  point  celui-là  :  les  accusés  n'ont  nul  l)csoin  d'une 
garantie  exceptionnelle;  le  droit  commun  suffit  à  tous. 

Ensuite,  le  seul  moyen  de  former  un  jury  spécial  serait 
d'imposer  à  ses  membres  des  conditions  différentes  et  plus 
élevées,  soit  de  cens,  soit  de  capacité,  et  d'en  former  une  liste 
distincte.  Mais  ces  juges  choisis  rempliraient-ils  bien  la  mis* 
sion  spéciale  dont  ils  seraient  chargés  ?  ne  reculeraient-ils  pas 
devant  l'idée  d'obéir  à  une  mission  spéciale  ?  cette  inquiétude 
ne  génerait-elle  pas  leur  indépendance?  la  crainte  de  paraître 
injustes  ne  les  empécherait-elle  pas  d'être  justes  ?  et  puis,  les 
jurés  spéciaux,  pris  dans  les  classes  les  plus  capables  d'appré- 
cier le  délit,  ne  peuvent-ils  pas  avoir  un  intérêt  personnel  i 
sa  répression,  et  substituer  cet  intcrél.à  l'intérêt  général  qu'ils 
doivent  seul  écouter? 

£ntin ,  les  connaissances  indispensables  que  demande  le 
jugement  des  affaires  les  plus  compliquées  ne  sont  point  celles 

?|ui  sont  le  fruit  d'études  élevées  ou  d'une  instruction  appro- 
ondie  ou  variée,  mais  bien  celles  qu'acquiert  habituellement 
une  intelligence  ordinaire,  celles  qui  sont  l'apanngo  du  sens 
commun,  celles  qui  entrent  raciloment  dans  un  esprit  droite 
même  vulgaire.  Il  n'est  nul  besoin  que  les  jurés  soient  initiés 


1 


DE   LA   GOHPUSITION- DU   JURY.   §  594.  261 

aux  difficultés  de  la  science  du  droit,  aux  luîtes  de  principes 
|ue  chaque  matière  peut  soulever  ;  il  suffit  qu'ils  soient  doués 
e  cette  sagacité  générale  qui  peut  arriver  jusqu^au  fond  des 
aiïuires,  de  ce  jpremier  degré  d*instruction  qui  permet  de 
comprendre  et  de  saisir  les  faits,  de  cette  lueur  limpide  du  bon 
sens  qui  éclaire  plus  sûrement  que  toutes  le^  lumières  de 
Tesprit.  Or  ce  terme  moyen  d^intelligence  et  d'instruction 
doit  nécessairement  se  trouver  dans  les  rangs  des  jurés  ordi* 
naires. 

Cette  question  écartée,  il  faut  essayer  de  déterminer  quels 
doivent  être  les  éléments,  quel  doit  être  le  mode  de  la  compo- 
sition du  jury* 

Le  jury  se  recrute  par  une  double  opération  :  la  loi  dé- 
clare d'abord  quels  sont  les  citoyens  généralement  aptes  i  en 
remplir  les  fonctions  ;  elle  établit  ensuite  un  mode  de  dési- 
gnation de  ceux  qui,  parmi  ces  citoyens,  sont  portés  chaque 
année  sur  les  listes  des  jurés. 

Le  principe  de  cette  double  opération,  né  avec  le  jury  lui- 
même.  Ta  suivi  dans  toutes  ses  phases  et  se  retrouve  dans 
toutes  les  législations,  parce  qu'il  est  dans  la  nature  môme 
des  choses.  La  loi  ne  peut  procéder  à  la  désignation  des  classes 
de  citoyens  qui  doivent  participer  aux  fonctions  du  jury  que 
par  masses  ou  par  catégories  ;  elles  ne  peut  que  déclarer  que 
telle  ou  telle  classe  de  citoyens  ou  que  tous  les  citoyens  qui 
réaniront  telle  ou  telle  condition  seront  aptes  à  Texercicede 
ces  fonctions.  Cest  une  présomption  de  capacité  dont  elle 
eotonre  ces  classes  ou  ces  catégories  de  personnes.  Mais  entre 
Taptitude  et  le  droit  se  trouve  toute  la  distancé  qui  sépare  la 
présomption  et  le  fait.  De  ce  qu'une  classe  de  citoyens  soit 
réputée  capable  d^exercer  telle  fonction,  il  ne  s'ensuit  pas  ^ue 
chaque  individu  de  cette  classe  soit  doué  de  cette  capacité. 
Or,  comme  en  matière  de  jugement,  le  droit  de  juger  doit 
être  subordonné  au  fait  d'une  capacité  effective  et  réelle,  il 
en  résulte  que  la  présomption  est  détruite  toutes  les  fois  que 
le  fait  lui  est  contraire.  Tout  citoyen  doit  réunir  d'abord  les 
conditions  d'aptitude  générale  qui  lui  ouvrent  l'accès  de  la 
fonction,  ensuite  les  conditions  d'aptitude  personnelle  qui  le 
rendent  capable  de  la  remplir.  La  déclaration  de  l'aptitnde 
n'est,  pour  ainsi  dire,  qu'une  présentation  :  elle  provoque  un 
examen  ultérieur  qui  vérifie  la  capacité  individuelle  de  chacun 
des  candidats. 


26Î  DES   COURS  »'ASSISEiî. 

Quels  sont  Us  litres  qui  doivent  fixer  celte  apliludc? Noos 
avons  vu  sur  ce  point  toutes  les  variations  de  la  législation  : 
après  avoir  exigé,  tanlôt,  sous  les  lois  de  1791,  la  propriété 
ou  Id  location  d'un  bien  d'un  certain  revenu,  tantôt  sous  les 
lois  do  5  fruclidor  an  m  et  3  brumaire  an  iv,  l'élection  par 
une  assemblée  primaire,  tantôt,  sous  leCode  de  1810,  la  qua- 
lité de  menibrc  d'un  collège  électoral, ou  Texprcice  d'une  cer- 
taine fonction,  tantôt,  sous  la  loi  du  2  mai  1827,  le  paiement 
d'une  contribution  directe  de  300  fr.  réduite  plus  tard  à 
200  fr.,,ou  le  titre  de  fonctionnaire  gratuit,  d'officier  en 
retraite,  de  docteur  ou  licencié  et  de  notaire,  elle  est  arrivée, 
sous  la  loi  <iu  7  août  1848  et  celle  du  4  juin  1853,  à  ne  plus 
exiger  aucune  condition  spéciale;  tous  les  citoyens  peuvent 
élre  îurés,  à  l'exception  de  ceux  qui  en  sont  déclarés  indignes 
ou  qui  en  so'nl  exclus,  exemptés  oji  dispensés.  Ce  nouveau  sys- 
tème est-il  préférable  au  premier? 

Il  faut  remarquer  d'abord  que  si  la  loi  du  7  août  18i8, 
qui  n'avait  point  encore  séparé  l'électeur  et  le  juré,  y  avait 
été  fentratnéepar  l'application  du  principe  de  l 'universalité 
du  tote  politique ,  ce  principe  ne  devait  exercer  nulle  in- 
fluence sur  la  loi  du  4  ]uin  1853,  puisque  cette  loi  a  enfin 
brisé  le  lien  qUi  uhissnit  ces  dettx  titres,  puisqu'elle  à  pro- 
clamé que  \e  jury  h'était  point  Sïn  droit,  mais  une  simple 
fonption,  puisqu'elle  a  déclaré,  par  Torgane  de  son  irappor- 
tbtit,  •  qu'on  li'^est  pluô  appelé  à  Tcxercer  parce  qu'où  est  eh 
pdsseisidn  du  droit  de  citoyen,  niais  îseulcment  si  Ton  est  jugé 
capable  ii  digrte  de  la  rcrtîj}lir.  »  La  conséquence  dte  cette 
nonv^lle  fel  saîiie  docirihe  semblait  donc  être  de  réssferrer  le 
cercle  des  aptitudes  en  les  rendarit  plus  efficaces,  de  rccher- 
clier  i  tôtéde  la  qualité  de  citoyeû  les  signés  de  cette  capa- 
cité que  l'on  proçlainail  lie  titre  principal  de  fa  fonction,  de 
ne  conférer  enfin  le  droit  de  participer  aux  jugements  cHnri- 
neli  qU'dtii  personnes  qui  réuniraient  certaines  conditions  qui 
feraient  présumer  l'Aptitude. 

C'est  ainsi  que  les  Ibîs  anglaises  n'accordent  une  présomp- 
tion de  eapacité  qu'aux  individus  qui  jouissent  d'un  bertaih 
revenu.  L'acle  de  George  IV,  du  22  juin  1825,  porte  :  t  tout 
homme,  depuils  Tàge  de  vingt-un  ans  jusqu'à  soiiante  ans, 
rë^Mant  dans  un  comté  en  Angleterre  ,  qui  aura  en  son  pro- 
pre nonk,  oti  qui  possédera  par  les  mains  d'authii  dans  ledit 
comté,  dix  livres  sterling  par  année  au-des>us  de  toutes  re- 
prises, en  terres  ou  téncmcnts,  soit  en  frcchold,  copyhoMly 


DE  LA  COMPOSITION  OU  JORT.   §  594.  963 

tenuTC  coutumière  ou  de  Tancien  domaine,  soit  en  rentes  dues 
par  des  terres  de  cotte  natnre,  à  perpétuité,  ou  qui  aura  dans 
le  même  comté  vingt  livres  sterling  par  année  au-dessus  de 
toutes  reprises,  en  terres  ou  ténements,  tenues  par  bail  pour 
le  terme  de  vingt-uji  ans  au  moins,  ou  qui  tiendra  une  mai- 
son et  ser»s«»umis  à  rimpôt  établi  pour  les  pauvres,  pour  une 
valeur  de  30  livres  au  moins,  ou  qui  occui^era  une  maison 
ayant  au  moins  quinze  fenêtres,  sera  capable  et  obligé  de 
servir  comme  juré  dans  toutes  les  cours  d  assises.  nLes  Etats* 
Unis  ont  a  peu  près  suivi  les  mêmes  dispositions. 

Il  est  diliicile  sans  aucun  doute  de  marquer  avec  exactitude 
les  signes  extérieurs  d^uno  capacité  intellectuelle  et  morale. 
Mais  n'en  admettre  aucun,  dispenser  à  tous  les  citoyens  la 
faculté  d'être  juré,  les  déclarer  également  aptes  à  cette  fonc- 
tion, ne  poser  aucune  condition,  aucune  limite,  n'est-c£  pas, 
de  la  part  de  la  loi,  décliner  Tun  de  ses  devoirs?  Cette  tâche 
esl  laissée  aux  commissions  qui  forment  la  liste  annuelto  ; 
mais  étendre  sans  mesure  le  cercle  dans  lequel  elles  puisent, 
n'est-ce  pas  étendre  au  même  degré  la  faculté  du  choix? 
Cette  faculté,  qui  n'a  pas  d'inconvénients  quand  elle  s^ exerce 
dans  un  terrain  limité,  ne  peut-elle  pas  en  avoir  quand  ell« 
n'a  phâde  règles?  N^appartient*il  pas  au  législateur  d^im- 
poser  au  choix  de  certaines  bornes,  de  lui  désigner  les  oon- 
ditiolis  qu'il  doit  rechercher,  les  règles  qu'il  doit  suivre  ? 
Qoand  il  s'agit  d'élire  des  juges»  ne  cQ|ivient-il  pas  de  décla- 
rer où  Ton  doit  les  prendre  et  de  stipuler  les  titres  dont 
ils  doivent  justifier? 

la  capacité  a  quelques  signes  qui  la  manifestent.  Les  prin« 
cipaux  sent  la  propriété,  quand  elle  s'élève  à  un  certain  taux  ; 
la  profession,  quand  elle  suppose  Texercice  des  facultés  inteU 
leetuelles;  Tinslruction,  prise  isolément  de  la  propriété  et  de 
la  profession,  quand  elle  révèle,  par  son  degré  et  sa  nature, 
une  capacité  morale.  La  propriété»  quand  elle  est  minime» 
est,  nous  Tavons  déjà  dit»  une  mesure  inexacte  de  la  capa- 
cité intellectuelle;  mais,  quand  elle  est  puremeut  territoriale 
et  qu'elle  atteint  quelque  importance,  elle  peut  établir  une 
snttsante  présomption  de  capacité;  lé  taux  où  cette  présomp- 
ts^Q  commence  est  subordonné  à  la  diffusion  et  au  progrès  de 
l'instruction  dans  la  société.  La  professiou  qui  exige  des  oon- 
naissances  spèdales»  qui  révèle  un  exercice  habituel  de  cer- 
taines (acuités  de  l'esprit,  est  un  autre  signe  de  rintelligencc. 
La  loi  du  2  mai  1827  en  avait  (ait  Tune  des  bases  de  ses 


264  SES   COCftS  l)*AS8fSCS. 

désignations ,  niais  avec  une  circoDspection  trop  grande.  On 
aurait  pu  entrer  dans  cette  voie  et  l'élargir.  Ce  n'était  pas  asaes 
de  comprendre  dans  le  jury  lesnotaires^les  médecina^lesofficieis 
en  retraite.Il  est  d'autres  professioosqui supposent  uneinstrao- 
'  tion  quelconque  et  par  conséquent  qui  leur  donne  uneaptitode 
suffisante.Il  estun  grand  norobred'industriesquitontprésumer 
un  degré  de  connaissances  très  élevé.  Il  y  avait  là  uneâéried'ap- 
titudesqu'il  était  facile  de  constater. Enfin, un  troisiènie signe 
indicateur,  c'est  Tinstruction  eIle-»ménie.Laloidu2  mai  lé2T 
avait  admis  les  docteurs  et  les  licenciés  des  facultés»  {es  mem*^ 
bres  et  correspondants  de  Tlnstimt,  les  membres  des  sodétés 
savantes.  On  eut  pu  sans  inconvénient  aller  plus  loin  etuisir 
tous  les  gradués,  tous  les  officiers  de  Tuniversîté,  tous  les 
mallres  et  professeurs,  les  hommes  de  lettres  et  iea  personnes 
inv^ties  d'un  titre  scientifique.  Nous  ne  faisons ,  au  sor- 
plus,  qu'indiquer  quelques-unes  des  catégories  où  poomit 
se  recruter  le  jury.  Nous  ne  voulons  constater  qu'un  seul 
point,  c'est  qu'il  eut  été  possible  de  rétrécir  le  cerde  qu'a 
tracé  la  loi  et  d'imposer  à  l'aptitude  générale  quelques  ecm- 
ditions  qui  auraient  rendu  le  choix  des  coinmissions'  plus 
facile  et  en  méine  temps  moins  arbitraire. 

Nous  arrivons  maintenant  à  la  rédaction  de  la  liste  ma- 
nuelle. Les  conditions  d'aptitude  formulées»  nous  n'avons 
point  encore  de  jurés.  Les  jurés  puisent  la  légitimité  de  leur 
.droit  dans  leur  capagté  :  une  simple  présomption,  lors  même 
qu'elle  serait  appuyée  sur  leur  position  sociale,  sur  leurs 
occupation!^  habiluelies,  sur  leurs  propriétés  ou  sur  leurs 
études^  ne  peut  suffire  à  l'établir;  car  cette  présomption, 
quelque  forte  qu'elle  paraisse,  peut  fléchir  à  chaque  pas  de» 
vaut  la  réalité  des  faits  ;  ce  n'est  pas  assez,  pour  remplir  Yàh 
fice  de  juge,  qu'un  citoyen  soit  réputé  apte  i  cet  dfice,  il  faut 
qu'il  le  soit  en  effet,  il  faut  que  son  aptitude  soit  oostrôlée  et 
reconnue,'  il  faut  qu'elle  ne  laisse  aucun  doute  à  la  société  qui 
;iccuse,  à  l'accusé  qui  se  défend.  Il  faut  donc  un  examen ,  il 
faut  un  choix. 

Cette  faculté  du  choix  a  été  reconnue  indispensable  dans 
toutes  les  législations  qui  ont  appliqué  le  jury.  En  Angleterre 
et  aux  États-Unis,  ce  sont  les  officiers  des  paroisses,  élus  par 
les  citoyens,  qui  dressent  la  liste  des  habitants  de  leurs  pa- 
roisses réunissant  les  conditions  requises  pour  être  jurés  '. 
Mais  sur  ces  listes  générales  le  shériff  choisit  les  jurés  de 

*  atat.  OMfse  lY,  »  in\n  i$3S,  «rt.  i3 


DE   LA  COaiPOSlTlUN   l>l   JL'ftT.   §  594.  2G5 

diàque  session.  Le  statut  de  George  IV  dti  22  juin  18^5 
porte,  art.  4  3, 14  et  15  :  «  Tout  wrît  de  ventre  fadas  jura- 
iùre$  pour  le  jugement  d'un  procès  quctcoiique,  doit  requé- 
rir le  diériK  à  enrojer  douze  hommes  bons  et  légitimes  do 

corps  de  son  comté,  ayant  les  qualités  requises  par  la  loi 

Tout  shériff;  sur  le  reçu  d'un  writ  de  ventre  faeias  et  d'un 
ordre  pour  Teu^oi  de  jurés,  doit  envoyer  les  noms  d'hommes 
coBtemis  dans  le  livre  des  jurés  pour  Tannée  courante  et  non 
d'antres**. •  Tout  shériff  oa  autre  officier  auxquel  appartiendra  ' 
l'envoi  de  jurés  pour  le  jugement  de  procès  devant  une  cour 
d'assises,  doif ,  sor  son  envoi  de  chaque  writ  de  ventre  fadas 
annexer  audit  writ  une  liste  contenant  les  noms  disposés  par 
c^re  alphabétique,  avec  les  lieux  de  demeure,  d'un  nombre 
suffisant  de  jurés  nommés  dans  le  livre  des  jurés  ;  et  les  noms 
desmémes  jurés  doivent  être  insérés  dans  la  liste  annexée  à 
duqve  venire  fadas  pour  le  jugement  de  tous  procès  aux 
mêmes  assises  ;  lequel  nombre  des  jurés  ne  sera  dans  aucun 
Gomté|iu-dessous4]e48  ni  au-dessus  de  72.  »  Des  régies  ana- 
logues  sont  également  appliquées  aux  États-Unis.  La  prin* 
cqMile  différence  qui  existe  entre  les  institutions  des  deux 
peuples  est  qu'en  Angleterre  le  shériff  de  chaque  comté  est 
nommé  par  la  couronne,  tandis  qu'en  Amérique  cet  officier 
est,  dans  la  plupart  des  Etats,  nommé  par  le  peuple.  Au  sur- 
plus, en  Angleterre  même,  le  shériff,  quoique  choisi  par  la 
couronne,  n'est  nullement  sous  sa  dépendance  :  ses  fonctions 
soot  gratuites,  annuelles,  non  révocables,  et  ne  sont  déléguées 
que  sur  la  présentation  des  douze  juges. 

C'est  en  imitant  la  pratique  anglaise  que  la  loi  du  29  sep- 
tembre 1791»  après  avoir  fixé  les  conditions  d'aptitude  du 
jorjy  laissait  le  procureur  syndic  du  district  ou  du  départe- 
ment former  par  le  choix,  sur  la  liste  générale,  la  liste  tri- 
megtrielle  de  service.  La  loi  du  2  nîvose  an  n,  continuant  la 
même  règle,  confia  la  même  opération  à  l'agent  national  du 
district;  l'art.  486  du  C.  du 3 brumaire  an  ivaux  adminis- 
trations départementales  ;  l'art.  382  du  G.  d'inst.  cr.  aux 
(ttéfeis;  la  loi  du  7  août  i8i8,  aux  membres  des  conseils 
manicipaux  présidés  par  le  conseiller  général  du  canton  et  le 
jttgedepàix. 

Ainsi  y  dans  tous  les  temps  et  sous  toutes  les  législations, 
ia  faculté  du  choix  a  été  admise  comme  seul  moyen  de  par- 
venir à  composer  un  jury  éclairé  et  capable  ;  et  si  Ton  a 
contesté  souvent^  depuis  le  Code  d'instruction  crimineUe,  le 


S66  BES   COURS  1>\SS1IBS. 

mode  d^application  de  cette  règle,  on  n^â  jamais  eonteslé  h 
règle  elle-même.  Il  est  indisp^.'osable  de  soumettre  l'aptitade 
personnelle  de  chaque  juré  au  contrôle  d'un  examen  préala- 
ble; car,  si  les  jurés  étaîeni  pris  au  hasard  parmi  tom  les  ci* 
toyens  présumés  en  général  aptes  à  cette  fonction,  si  le  sort 
seul  Tormait  la  liste  annuelle,  il  en  résulterait  un  étrange 
désordre  :  l'ignorance  et  la  partialité  viendraient  s'asseoir  sur 
le  siège  et  rendre  leurs  verdicts.  Il  est  possible  qae  Tinstmc- 
tion  soit  quelque  jour  assez  répandue  pour  que  le  sort,  en 
prenant  aveuglément  un  citoyen  quelconque»  soit  assuré  de 
prendre  un  juge  capable  ;  mais  cette  situation  n'est  pas  celte 
de  notre  société  actuelle.  Et,  d'ailleurs,  l'instruction  n*est 
pas  la  seule  condition  indispensable  au  juré;  Tindépendance 
et  la  moralité  ne  sont  pas  des  qualités  moins  essentielles.  Il 
n'y  a  donc  qu'une  appréciation  individuelle  qui  puisse  consith 
ter  une  aptitude  que  la  loi  a  présumée,  mais  qu'ette  ne  peut 
que  présumer. 

Toutes  les  objections  ne  tombent  que  sur  le  mode  é'^ 
plicatîon  de  ce  principe.  La  loi  du  h  juin  1853  institun  pour 
.  le  choix  des  jurés  deux  commissions.  La  première»  composée, 
dans  chaque  canton,  du  juge  de  paix,  président,  ttde  ttMiê 
les  maires,  dresse  des  listes  préparatoires  qui  fcontiennent  trois 
fois  autant  de  noftis  que  le  canton' doit  en  fournir  i  ta  -ifete 
annuelle.  La  seconde,  qui  siège  au  chef-lieu  de  chaque  arrofr- 
dissenent,  et  qui  est  composée  du  préfet  oa  dil  soo»*préR!t 
et  des  juges  de  paix  tle  rarrondissement ,  choisit  sur  les  Nst«s 
préparatoires  les  jurés  qui  doiventétrepoitéssnîta  iistean- 
noellei 

La  composition  de  ces  deux  commissions,  dans  lesquelles 
ne  iig:ure  aucun  membre  électif,  a  donné  lien  h  quelques  eh- 
servations  dans  le  corps  législatif.  On  a  proposé  de  confier  ta 
présidence  de  laeanMnîssion  cantonnale  au  conseiller  g^éral 
du  canton  :  «  Dans  te  système  de  la  loi ,  disait  le  rapport» 
c'est  le  maire  qui  est  ^argé  de  donner  des  renseignements; 
et  pour  ne  pas  retomber  dans  les  abus  dont  se  plamt  le 
gouvernement,  It  loi ^ place,  à  cété  du  maire,  le  jog<è  de 
paix,  qu'elle  suppose  connattre  aussi  te  personne  'de  chaque 
canton.  Comme 'compétence  et  comme  autorité»  ta  présence 
du  juge  de  paix,  qn^l  ne  s'agit  pas  du  reste  d'éloig««r,  ne 
vaut  pas  évidemment  celle  du  conseiller  général.  Que  sont 
aujourd'hui  la  ph^Mrt  des  juges  de  paix  députe  que  la  loi  a 
éleiè  le  fnîtenffint  de  leurs  looctions?  Ce  sontio  ^s  smi« 


DE  LA  «oirosmoN  w  jv%\\  §  594.  2(n 

Tcntde»  hommes  étrangers  à  la  localité,  qui  n'ont  (h  rap- 
porig  trrégolîers  qu^avoc  ceux  dont  ils  sont  appelés  è  juger 
les  différends^  et  qui,  dans  certains  cantons,  passent  souvent 
des  années  sans  visiter  les  communes  é!oî;::nces  du  cheMieu. 
Le  conseiller  général  ost>  au  contraire,  l'homme  du  pays; 
c'est  là  que  sont  et  sa  famille  et  ses  intérêts  et  ses  relations  ; 
c'est  \ii  qu'il  est  élu  par  des  hommes  qu'il  connaît  et  qui  lo 
connaisséfit  ;  et  pour  lo  choix  du  personnel  qui  doit  former  la 
liste  |>réparatoire  du  jury,  c'est  lui  évidemment  qui  repré- 
sente la  compétence  locale,  à  son  plus  haut  degr^.  La  corn- 
missioti  s'attachait  d'autant  plus  à  ce  concours  qu'à  côté  Aé 
son  incontestable  utilité,  elle  n'apercevait  aucun  inconvénient 
qui  pat  causer  le  moindre  ombrage  à  Tautorité.  Il  ne  s'agtt 
pas,  m  effet,  de  porter  atteinte  au  principe  de  la  loi,  et  de 
ressaisir  entre  les  mains  de  l'État  la  liste  do  service.  Lor^ue, 
dans  la  même  commission ,  siègent  tous  les  maires  d'un  can^ 
ton  nommés  par  le  gouvisrnement,  le  juge  de  paix,  et  seul 
émanant  du  pouvoir  électif,  un  conseiller  général,  la  raison 
dit  aises  que  l'équilibrB  ki'est  pas  rompu  et  qao  la  prépondé» 
nince^  la  décision,  reste  visiblement  à  Tautorité.  NoUs  pour- 
rions iiittlti|)liplier  les  points  de  vue  et  montrer  l'autorité  elle- 
mèmlB  trouvant  dans  ce  concours  d'un  agent  plus  libre,  Un 
sonlagement  à  sa  propre  responsabilité  ;  les  blessures  nées  des 
eiclttsions  du  jury,  cessant  de  so  reporter  exclusivement  à 
l'atAK^té;  notns  législation  n'offrant  plus  au  même  degré  le 
spectUcledu  même  pouvoir,  chargé  de  constater  le  crime,  de 
lelivrar  aui  tribuhaux  et  de  lui  choisir  des  juges.  »  Oes  ob- 
servations ti'Ont  donné  lieu  à  aucun  amendement  et  n'ont  eu 
attctme  soRe. 

On  a  jM^posé  en  second  lieU  de  donner  la  présidence  de  la 
conn^îôn  d^arirondisscment  au  président  du  tribunal  au  lieu 
do  firéfet  o\x  du  sous-préfet.  Le  commissaire  du  gouverne- 
meuf  à  dit  «  que,  pendant  quarante  années,  c'est  con« 
staimnicM  l'autorité  publique  que  la  loi  a  chargée  du  soin  de 
drcssrtr  là  liste  du  jury.  Sans  doute,  à  diverses  époques,  celle 
atiiribution  a  été  vivement  contestée  à  Tadministration.  Mais 
enfin,  àou»  l'Empire,  sous  la  Restauration  et  sous  la  monar-- 
cfab  de  ïuHIePt,  le  droit  est  resté  intact  entre  les  mains  de 
rtutorité.  On  le  lui  a  retiré  en  1848  par  le  décret  qui  a 
transporté  la  formation  de  la  liste  de  service  aux  représen- 
tants'du  potlVôir  électif.  C'est  entre  ces  deux  systèmes  que  le 
conseil  <l'£tat  devait  se  pronoficor.  H  a  défxèé  «pae  lepYéfet 


SG8*  DEâ  COIHS  D^SSISES. 

dresserait  la  liste  de  service,  et  il  n'a  nullement  cherché  à  dis- 
simuler la  portée  du  projet  de  loi.  Bien  loin  de  la  déguiser,  le 
conseil  d'État  proclame  1res  haut  sa  pensée.  Il  a  voulu  re- 
nouer U  tradition  rompue  en  1848;  il  ne  s'est  pas  contenté 
de  confier  au  préfet  cette  œuvre  ;  i!  s'est  en  môme  temps 
adressé  aux  agents  locaux,  aux  maires,  aux  juges  de  paix  ;  il 
a  recouru  franchement  à  eux,  parce  qu'il  n'a  pas  voulu  que  le 
gouvernement  se  rttrouvât  en  présence  des  obstacles  qu'il 
avait  eu  précédemment  devant  lui.  Si  le  conseil  d*Élat  n'a 
point  appelé  de  membres  électifs,  il  s*est  fondé  sur  ce  que  la 
loi  en  discussion  est  une  loi  judiciaire  ;  il  s'agissait  de  la  faire 
avec  des  conditions  de  stabilité  et  de  force  ;  on  ne  devait  donc 
pas  y  introduire  l'élément  politique,  perpétuellement  agité  et 
variable.  » 

A  ces  observations,  qui  manifestent  nettement  l'esprit  de 
la  loi,  nous  n'ajouterons  que  quelques  mots. 

Il  faut  distinguer  dans  cette  loi  le  système  général  qu'elle 
applique  et  la  forme  de  cette  application. 

Le  système  n*est  que  la  réalisation  des  idées  que  nous  » 
avions  nous-méme  exprimées'.  La  séparation  de  la  liste  du 
jury  et  de  la  liste  des  électeurs,  la  suppression  de  la  liste  gé-  . 
nérale  des  jurés,  la  simple  présomption  d'aptitude  conférée 
aux  citoyens  qui  peuvent  élre  appelés  à  cette  fonction,  eofia, 
l'inscription  sur  lajiste  annuelle  des  citoyens,  non  plus  seu- 
lement présumés,  mais  reconnus  capables,  toutes  les  règles, 
que  nous  avons  essayé  de  justiKer,  appartiennent  essentielle- 
ment à  cette  niatière  et  semblent  en  être  les  bases  en  quel- 
que sorte  naturelles.  On  doit  en  inférer,  et  ces  conséquences 
formulent  toute  la  doctrine  précédemment  exposée,  que  le 
jury  n'est  plus  considéré  comme  un  droit,  mais  coname  une 
simple  fonction,  que  les  citoyens  n'y  sont  plus  appelés  en 
vertu  de  leur  titre,  mais  en  vertu  de  leur  aptitude,  enfin 
que  cette  aptitude  n'est  qu'une  présomption  qui  doit* être 
vérifiée  dans  la  personne  de  chacun  d'eux,  et  que  s'ils  sont 
par  conséquent  réputés,  à  raison  de  la  moralité  et  des  lumiè- 
res que  leur  position  suppose  ,  capables  d*étre  jurés,  cette 
capacité  n'est  constatée  que  par  une  désignation  personnelle. 
Tous  ces  principes  semblent  aujourd'hui  à  l'abri  d'une  cri- 
tique sérieuse. 

Mais,  à  cété  de  ces  formes  organiques  de  l'institution, 
viennent  les  formes  secondaires  qui  sont  chargées  de  mettre 

*  Rciru«  d^législadoD,  iH7,  p.  3S5« 


DE   LA  COMPOSITION   DU  JVRT.  §  51)4.  âG9 

les  premières  en  œuvre  et  qui  leur  dooueot  en  réalité  ou  leur 
retirent  toute  leur  efficacité.  Or  peut-être  la  Douvelic  légis- 
lation laisse-t-elle  apercevoir  ici  quelques  dispositions  in- 
complètes,  quelques  lacunes.  Les  listes  des  électeurs  et  des 
jurés  sont  séparées,  mais  les  conditions  nécessaires  de  Tin- 
scription  des  citoyens  sur  Tune  et  sur  Pautre  sont-elles  dif- 
férentes? La  liste  générale  du  jury  est  supprimée,  mais  tous 
les  individus  qui  y  figuraient  ont-ils  cessé  d'être  aptes  à  en 
remplir  les  fonctions?  Au  fond  cette  suppression  n'est-elle 
{las  purement  matérielle,  n^est-elle  pas  sans  effet  sur  la  com- 
position de  la  liste  annuelle?  La  présomption  d'aptitude 
n'est-elle  pas  universellement  étendue  à  tous  les  citoyens  qui 
ne  sont  atteints  ni  de  déchéance  ni  dVxclusion?  Enfin ,  lo 
mode  de  désignation  des  jurés,  qui  est  la  partie  la  plus  déli- 
cate de  tout  ce  mécanisme,  réunit-il  toutes  les  garanties  que 
la  loi  aurait  dû  peut-être  accumuler  sur  ce  point?  La  compo* 
siti('n  des  commissions  présenle-t-dle  tous  les  éléments  d'uno 
complète  et  sévère  impartialité  pour  tous  les  intérêts  de  la 
^  justice? 

Il  eut  fallu,  pour  que  la  théorie  que  nous  avons  exposée 
Fut  pleinement  réalisée,  une  double  modification  à  ce  sys- 
tème; il  eut  fallu,  d'une  part,  la  définition,  tâche  didicile 
peut-être,  mais  non  point  impossible*  des  conditions  d'apti- 
tude aux  fonctions  du  jury  ;  de  Tautre,  une  garantie  plus 
assurée,  ou  du  moins  plus  apparente  de  Timpartialité  des 
choix.  Sur  le  premier  point,  nous  ne  répéterons  pas  nos  pré-* 
cédentes  observations.  Il  appartient  à  la  loi  d'imposer  aux 
fonctions  du  jury  les  conditions  de  leur  exercice,  de  désigner 
en  général  dans  quelles  classes  de  citoyens  les  jurés  doivent 
^lr£  puisés,  de  déterminer  le  degré  d'aptiUldc  qu  ils  doivent 
apporter.  C'est  en  traçant  le  cercle  dans  lequel  les  jurés  doi- 
vent être  cherchés  qu'elle  les  sépare  réellement  des  électeurs 
et  élève  entre  ces  deux  fonctions  une  barrière  qui  n  est,  dans 
le  système  actuel ,  qu'une  fiction.  C'est  en  définissant  les 
conditions  d'exercice,  qu'elle  prouve  que  le  jury  est  une 
fonction  et  non  un  droit,  et  qu'elle  peut  demander  aux  ci- 
toyens les  titres  de  leur  aptitude  à  la  remplir.  Enfin,  c'est  en 
déterminant  ces  titres,  qu'elle  peut,  en  Teiifermant  dans  de 
certaines  limites ,  diriger  l'office  des  commissions;  car,  en 
n'apportant  aucune  limite  au  choix,  on  n'élève  pas  l'aptitude 
des  cilo}ens,  on  n'accroit  que  l'arbitraire  du  choix  luimêuio. 
Sur  le  deuxième, point,  il  y  a  lieu  dt^  regretter^  que  les 


S70  ^9    COIBS    I>*A9«HES. 

ameii(]c|x^)ts  de  la  commission  n'aicot  point  été  accueillis. 
Il  faut  ncccssaîrcmi^nl  que  toutes  les  garanties  de  la  phis 
complète  indépendance  environnent  la  désignatioiv  à»  jurés, 
car  les  intérêts  de  la  justice  sont  les  intérêts  les  plos  abnhis 
de  la  société;  ils  dominent  et  absorbent  toutes  les  passions 
politiques,  tous  les  besoins  momentanés  des  partis,  toutes  les 
agitations  qui  traversent  les  peuples;  ils  sont  placés^  pour 
ainsi  dire,  en  dehors  des  pouvoirs  humains  pour  que  ceax-ci 
ne  puissent  y  mettre  la  main.  La  justice  ne  sert  pleinemciit  et 
ne  fortifie  Tordre  que  lorsqu'elle  est  lihre  de  toute  inflaenoe, 
car  c'c6t  ridée  de  son  iudépeiidaDco  qui  fait  sa  force.  Elle  ne 
peut,  d'ailleurs,  telle  qu^une  arme  de  guerre,  êiredirigéeen 
vue  de  tel  ou  tel  but  :  elle  n'a  d'autre  but  que  la  jifsticc 
elle-même;  elle  n'a  d'autre  mission  que  raccomplissemept 
de  ses  règles  ;  elle  n'a  d'aulrc  fonction  que  de  déclarer  ce  qui 
est  juste  et  ce  qui  ne  l'est  pas,  ce  qui  est  conforme  aux  lois 
ou  ce  qui  leur  est  contraire.  Si  le  législateur  doit  élever  les 
conditions  d'aptitude  du  jury  pour  le  mettre  au  niveau  de 
cette  grande  tâche,  il  peut  donc  en  même  temps  sans  crainte 
assurer  à  raccomplisscment  de  ces  fonctions  la  plus  entière  ' 
indépendance,  puisque  la  certitude  de  cette  indépendance  est 
la  vie  môme  de  la  justice,  et  puisque  la  justice,  quand  elle  est 
puissante  et  respectée,  prête  sa  force,  non-seulement  aux  in- 
dividus qui  y  trouvent  un  appui,  mais  aux  pouvoirs  qui  vivent 
surtout  de  la  sécurité  qu'ils  assurent. 

Nous  terminons  ici  nos  observations  sur  la  composition  gé- 
nérale du  jury.  Nous  avons  constaté  les  progrès  sensibles  de 
la  législation  dans  le  labeur  de  cette  composition,  et  nous 
avons  essayé  dVsquisscr  les  modifications  peu  nombreuses 
qu'elle  pourrait  recevoir  encore.  Le  problème  législatif  est 
au  surplus  maintenant,  on  peut  le  dire,  résolu,  puisque 
toutes  les  bases*  de  sa  solution  sont  trouvées,  et  la  loi  actuelle 
servira  de  type  à  toutes  les  législations  que  l'avenir  eufautcra 
sur  la  même  matière. 

$595. 

L  FormatioD  de  la  lisie  ajiDuelle  du  jury.  «^  H.  Première  coiDDii>sioa 
chargée  de  rédiger  les  listes  prépar^iloires. —  IJl.  Seconde  cooimis- 
ftioD  chargée  de  rédiger  les  listes  définilif es.  —  IV,  Listes  spéciaiei 
des  jurés  suppléanu.  — V.  Formalion  de  It  liste  annuelle  de  chaque 
dépanemeai. 

I.  Après  avoir  exposé^  trop  longuement  peutoètre,  les 


BE  LA  GOUPOSITiOIf  SU  JURt.   f  595.  •?! 

«DQflidéralîMs  théoriques  qui  doroiDent  cette  BMtière,  nous 
irriTiMis  à  roppUcation  pratique  de  la  loi. 

Trois  opératioDS  sont  prescrites  par  la  loi  pour  a? lÎTer  à  la 
cooippâtion  du  jury  qui  siège  aux  assises  : 

La  formation  de  la  liste  annuelle  ; 

La  formation  de  la  liste  trimestrielle; 

La  formation  du  jury  de  jugement 

U  faut  successivement  décrire  les  formes  de  ces  trois  actes, 
dont  le  premier  est  Toeuvre  du  pouvoir  administratif  et  les 
deux  autres  du  pouvoir  judiciaire.  Il  faut  en  môm6  temps 
déterminer  quelle  est  la  compétence  de  chacun  de  ces  pou- 
voirs dans  raceomplisscment  de  cette  mission. 

U.  Il  est  formé  chaque  (tnnée  une  liste  des  citoyens,  parmi 
lesquels  sont  puisés  les  jurés  qui  font  le  service  des  assises. 

La  formation  de  cette  liste  annuelle  est  confiée  i  deux  com- 
missions et  est  le  résultat  de  leur  travail  saccessif. 

La  première  ne  dresse  qu^une  liste  préparatoire.  Elle  se 
'  réuoit  au  chef-lieu  de  chaque  oanton.  Elle  est  composée  du 
juge  de  paiXj  qui  la  préside,  ei  de  tous  les  maires  du  canton. 
A  Paris  et  à  Lyon,  elle  est  composée»  dans  chaque  arrondis- 
moment,  du  juge  do  pai:(,  du  maire  e^des  adjoints  '.  La  mis- 
MOD  de  cette  commission,  qui  se  rassemble  dans  la  première 
huitaine  du  mois  de  novembre,  est  de  choisir  parmi  les  habi- 
tants du  canton  ceux  qui  lui  paraissent  le  plus  aptes  à  rem- 
plir les  fonctions  du  jury. 

Cette  liste  préparatoire  doit  contenir  un  nombre  de  noms 
triple  de  celui  fixé  pour  le  contingent  du  canton*  Ce  contins 
geot  est  déterminé  par  un  arrêté  du  préfet.  Aux  termes  de 
Tart  6  de  la  loi  du  4  juin  1853,  «  la  liste  annuelle  est  com- 
posée de  2«000  jurés  pour  le  département  de  la  Seine  ;  de 
500  pour  les  départements  dont  la  population  excède  300,000 
habitants;  de  400  pour  ceux  dont  la  population  est  de  2  à 
300,000  habitants;  de  300  pour  ceux  dont  la  population  est 
inférieure  à  200,000  habitants.  »  L'art.  7  de  la  même  loi 
ajoute  :  «  le  nombre  des  jurés  pour  la  li^te  annuelle  est  ré- 
parti,  par  arrondissement  et  par  canton,  proportionnellement 
au  tableau  officiel  de  la  population.  Gilte  répartition  e&t  faite 
par  arrêté  du  préfet,  pris  en  conseil  de  préfecture,  dans  la 
première  quinzaine  du  mois  ^'octobre  de  chaque  année,  i^ 
Les  listes  ainsi  dressées  sont  signées  séance  tenante  et  en- 


272  ^^  ceoRS  d'assises 

voyées  au  préfet  pour  rarrondissecnent  chef-lieu  du  dépar- 
tement» et  au  sous^préfet  pour  chacua  des  autres  arron- 
dissemcDts  '. 

m.  La  seconde  commission  dresse  la  Hste  définitive.  Elle 
est  compossée  du  préfet  ou  du  sous-préfet,  qui  la  préside,  et 
de  tous  les  juges  de  paix  de  Tarrondissement  '.  Elle  se  .réunit 
au  chef-lieu  d'arrondissement,  sur  la  convocation  faite  par  le 
préfet  ou  le  sous-préfet,  dans  la  quinzaine  qui  suit  la  récep- 
tion des  listes  préparatoires*. 

Cette  commission  est  chargée  de  choisir  sur  les  listes  pré- 
paratoires le  nombre  de  jurés  nécessaires  pour  former  la  liste 
d^arrondissementy  conformément  à  la  fépartition  établie  par 
le  préfet  Elle  procède  par  élimination,  en  effaçant  deux  sur 
trois  des  citoyens  inscrits.  Néanmoins,  elle  peut  élever  oa 
abaisser,  pour  chaque  canton,  le  contingent  proportioanel 
fixé  par  le  préfet  L^augmentation  ou  la  réduction  ne  peut,  ea 
aucun  cas,  excéder  le  quart  du  contingent  cantonnai,  ni  mo- 
difier le  contingent  de  Tarrondissement  Les  décisions  sont 
prises  à  la  majorité  :  en  cas  de  partage,  la  voix  du  président 
est  prépondérante  ^. 

La  liste  d'arrondissejpent  définitivement  arrêtée  est  signée 
séance  tenante  et  envoyée  sans  délai  au  secrétariat  général 
de  la  préfecture,  où  elle  reste  déposée  ^. 

ly.  Une  liste  spéciale  de  jurés  suppléants  est  égalenient 
dressée  chaque  année.  L'art  13  de  la  loi  dispose  à  cet  effet: 
If  une  liste  spéciale  de  jurés  suppléants,  pris  parmi  les  jurés 
de  la  ville  où  se  tiennent  les  assises,  est  aussi  formée  chaque 
année  en  dehors  de  la  liste  annuelle  du  jury.  Elle  est  compo- 
sée de  200  jurés  pour  Paris,  de  50  pour  les  autres  départe- 
ments. Une  liste  préparatoire  de  jurés  suppléants  est  dressée 
en  nombre  triple  dans  les  formea  prescrites  par  les  art  8,  9 
et  10  de  la  présente  loi.  Néanmoins,  dans  les  villes  divisées 
en  plusieurs  cantons,  et  dans  celles  qui  font  partie  d'un  can- 
ton formé  de  plusieurs  communes,  la  commission  n'est  com- 
posée que  des  juges  de  paix  du  chef- lieu  judiciaire,  du  maire 
et  des  adjoints  de  la  ville.  La  liste  spéciale  des  jurés  suppléants 
est  dressée  sur  la  liste  préparatoire  par  une  commission  com- 
posée du  préfet  ou  du  sous-préfet,  président,  du  procureor 
impérial  et  des  juges  de  paix  du  chef-lieu.  » 

*  Môme  lui,  art.  40, 

2*  *  •  Mi^meioi,  art,  H,elc. 


DE  LA  COMPOSITION  DU  JOBT.   {  596.  Î73 

nr.  Le  préfet  de  chaque  département,  dès  qu'il  a  reçu  les 
listes  des  arrondissements,  dresse  immédiatement  sur  ces  listes 
et  par  ordre  aipbahétique,*la  liste  annuelle  du  département. 

Ces  listes  ainsi  rédigées  sont,  avant  le  15  décembre,  trans» 
misas  au  greffe  de  la  cour  ou  du  tribunal  chargé  de  la  tenue 
desassise8\ 

S  696. 

L  La  liste  aonnelle  ne  doit  eontenir  que  les  noms  de  citoyens  ayant  les 
goalités  requises  poor  être  jaré.  —  11.  La  qualité  de  français.  — 
m.  L*ftge  de  30  ans.  —  IV.  La  jouissanee  des  droits  ci?ils. 

L  Nous  Tenons  d*exposer  oomment  se  forme  la  liste  an- 
nuelle, mais  nous  ne  savons  pas  encore  de  quels  éléments 
elle  se  c^Hnpose,  quels  sont  les  citoyens  que  les  commissions 
ont  le  droit  d'y  inscrire,  quelles  conditions  et  quels  titres  elles 
doivent  exiger.  C'est  lace  qu'il  faut  maintenant  examiner. 

La  liste  annaelledu  jury  ne  doit  désigner  que  des  individus 
qui  ont  les  qualités  requises  pour  Texercice  des  fouettons  de 
jurés. 

L'art.  1  de  la  loi  du  4  juin  1853,  qui  ne  fait  que  repro- 
duire Tart.  381  du  G.  d'instr.  cr.  et  l'art  V^  du  décret  du  7 
août  1848,  porte  :  «  nul  ne  peut  remplir  les  fonctions  de 
juré,  à  peine  de  nullité,  s'il  n'est  âgé  de  trente  ans  accom- 
plb,  s'il  ne  jouit  des  droits  politiques,  civils  et  de  famille, 
et  s'il  est  dans  un  des  cas  d'incapacité  ou  d'incompatibilité 
préîu  par  les  articles  suivants.  » 

Nous  allons  établir,  dans  ce  $,  les  trois  conditions  essen- 
tielles pour  l'inscription  des  jurés  sur  la  liste.  Nous  éiiumére- 
roos,  dans  les  $$  suivants,  les  causes,  d'incapacité  et  d'in- 
compatibilité qui  en  écartent  certaines  personnes. 

n.  La  première  condition  de  l'inscription  de  tout  individu 
sur  la  liste  annuelle  est  la  qualité  de  français.  Cette  condi- 
tion, prescrite  i)ar  toutes  les  lois  qui  se  sont  succédé,  est  la 
conséquence  de  la  disposition  qui  exige  la  jouissance  des 
droits  politiques  et  civils.  11  est  clair  que,  pour  être  juré, 
aussi  bien  que  pour  être  juge,  il  est  nécessaire  d'être  en  pos- 
session de  ces  iroits,  puisque  la  fonction  môme  du  jury  n'en 
est  qu'un  mode  d'exercice. 


*  Même  loi,  art.  Ift. 
▼ni. 


18 


174  DIS  COVaS  ft'AttlBBI. 

Les  (brtnes  suivant  lesquelles  la  qualité  de  français  8*ie* 
quiert  ou  se  perd  sont  formulées  par  les  art.  8  et  10  du  Cod. 
Nap. ,  les  art.  S,  3,  4,  6  et  6  de  la  toi  du  29  Muiaire  an  Yin, 
les  lois  du  2&  mars  1849, 11  déoembre  1849  et  lll&rrier 
1851. 

Quel  est  Teffet  de  Tinscription  sur  la  liste  d*Un  indhrida 
qui  n'aurait  pas  la  qualité  de  français  ?  Il  est  évident,  d^abord, 
que  cette  inscription,  quelqu'irrégulicre  qu^clle  soit,  ne  peut 
produire  aucun  effet  si  l'individu  qui  en  est  Tobjet  n'est  pas 
appelé  par  le  6ort  à  faire  partie  d'une  liste  de  session. 

Il  est  évident  encore  que,  lors  même  qu'il  aurait  été  ap- 
pelé à  faire  partie  d^unc  liste  de  session,  sa  présence  sur  cette 
liste  n'aurait  aucun  effet,  s'il  n'a  point  siégé  parmi  les  douze 
jurés  de  jugement,  et  si  la  liste  de  session  était  coi^posée  de 
plus  de  trente  jurés  titulaires;  car,  il  n'a  concouru  par  au- 
cun acte  au  jugement,  et  Tart.  393  du  G.  d'instr.  cr.  ne  pres- 
crivant de  compléter  le  jqry  de  session  que  lorsqu'il  ;  a  moins 
de  trente  jurés  présents,  il  s'ensuit  que  l'irrégularité  de  sa 
présence  n'a  pu  invalider  le  tirage  du  jury  opéré  sur  uqe  liste 
de  trente  jurés  valides.  » 

Mais  s'il  a  fait  partie  du  jury  de  jugeaient  ou  s'il^  con- 
couru au  tirage  de  ce  jury  lorsque  trepte  jurés  seulement 
étaient  présents,  la  nullité  du  tirage  et  de  tout  o^  qui  a 
suivi  doit  être  prbooiicée,  puisque  le  jugement  émane  direc- 
tement ou  indirectement  d  un  juge  qui  n'avait  pas  le  droit  de 
juger. 

Cependant  il  y  a  lieu  de  rappeler  iei  une  condition  knpor- 
tante  de  cette  nullité.  Il  ne  peut  suffire  évidenwient,  pour 
qu'elle  soit  prononcée,  d'atîéguer  que  tel  juré  n'avait  pns  la 
qualité  de  français.  La  Cour  de  cassation  a  posé  en  principe, 
«  que  rinscription  faite  du  nom  d'un  juré  sur  la  lisle  géné- 
rale du  jury  par  l'autorité  adn\inislrative  établit  à  l'égard  de 
cet  individu  une  présomption  de  capacité  qui  ne  peut  tomber 
oue  devant  la  preuve  de  l'incapacité  absolue  dudft  jurèi 
raire  partie  de  cette  liste  \  »  Ainsi,  l'allégation,  qui  n*est 
appuyée  d'aucun  document*  de  nature  à  la  rendre  vraiaera- 


biable,  serait  insuffisante;  l'inscription,  ainsi  qu'on  le  verra 
plus  loin,  établit  jusqu'à  preuve  contraire  que  Pindividu, 
lont  le  droit  est  contesté,  réunit  les  conditions 

<  Cais.  30  inar$iS54^  rapp,  M,  V«  Foudicr,  fiulU  Ji«  afl« 


DE  LA  COMBAfiinON  IHJ  lotv»  |  596.  275 

fom  être  jiifé  I.  La  charge  4e  foire  oefio  preiHW  iocembe 
dmic  i  celui  qaî  soulève  cette  contestation. 

B  ne  «iffiraît  raèine  pas  que  des  doutes  fassent  élèfés  sur 
ledsoity  sHI  y  avait  possession  d'éfat  fondée  sur  des  feits  et 
dbs  titres  audieatiques.  Ainsi,  il  ne  suffirait  pas  de  prouver 
qu'lin  {uré  est  né  i  rétranger,  s'il  n*est  pas  justifié  que  son 
père,  qui  avait  la  qualité  de  français,  a  perdu  cette  qualité 
par  l'un  des  modes  prévuf  par  le  Code  civil  ^.  Ainsi,  il  ne 
eDffirait  pes  mAme  d  étaMîr  que  le  juré  estnéen  ^ays  étran- 
ger d^ua  père  qui  avait  perdu  la  qualité  de  français,  en  pre- 
nant  du  service  dans  ce  pays,  s'il  est  reconnu  en  même  temps 
9  qu'il  est  en  possession  de  Texeroice  du  droit  électoral  et  des 
fonctions  de  membre  du  conseil  d'arrondissement,  puisque, 
d'après  les  art.  0  et  10  du  G.  civ.»  il  a  pu  recouvrer,  par 
eetlç  double  qualité  d'électeur  et  de  membre  électif  d  un 
conseil  d'arrondissement»  la  qualité  de  rran$ais(|ui  avait  ori- 
ginairement appartenu  i  son  père  ^  »  Enfin,  il  ne  suffirait 
pas  encore  de  constater  que  le  juré  n'aurajt  pas  été  inscrit  sur 
laa  listes  du  recrutement  militaire  eomqie  fils  d'étranger, 
s'il  est  établi  en  même  temps  que  ce  juré  est  né  en  Franco, 
'  fu'il  y  a  un  établissement  industriel,  qu'il  s'y  est  marié,  qu'il 
B'a  jamais  cessé  d'y  être  domieiiié  depuis  sa  naissance,  que 
SM  père,  né  en  pays  étranger,  avnit  formé  un  établissennent 
iadartriel  en  France,  et  s'y  était  marié  sous  l'enfipfre  de  la 
Constjtutipn  du  b-ik  septembre  1791,  tit.  S,  art.  8  4.  En 
•Set,  aux  termes  de  cette  disposition  et  de  la  loi  du  8  mai 
1790,  les  individus  nés,  hors  du  royaume,  de  parents  étran« 
gofs,  étaient  réputés  français  après  cinq  ans  de  domievte  con- 
tiaa  dans  le  royaume,  s'ils  avaient  acquis  des  immeubles  ou 
épousé  une  fnnçaise ,  ou  formé  un  établissement  de  com- 


llais  lorsqu'il  est  établi  qu'il  n^y  a  qi  titre,  ni  possession 
ë'élat,  la  qualité  d'étranger  du  juré  entraine  nécessairement 
kl  i»ullité  des  opérations  judiciaires  auxquelles  il  a  concouru, 
é^^fMe  nullité  est  prononcée  par  le  pouvoir  judiciaire  chargé 
d'apprécier  la  validité  de  ces  (^rations.  €es  deux  points  sont 
canaacréspaf  laloi. 

*  Cass.  6  féfrier  1854,  rapp.  M.  Aar.  iforwra.  «nlL  n,  50,  el  Cwif.  15 
nai  1837,  rapp,  If.  Qmn  âm  Vfljito.  Pf-  *^  «J. 

9  Qêê^  U  iaaf*  iS38>  rapp.  M.  Viasans  gaintrUaiail.  IM.  as,  hki. 
'  Gass.  SO  mai  1859,  rapp.  M.  IiamberU  Bull,  n»  ISS. 

*  Casa.  50marslS5i,  rapp.  M.  V.  Foudier.  QuU.  jî.  8S,  el  Conf*  7  mars 
18501  rapp.  M«  Caussbi  de  PermaU  BiiU.  «•  Otf. 


i76  DES  CAt:R^   D^ASSIftEf. 

La  compéteace  du  pouvoir  judiciaire,  qui  sera  d'ailloors 
établie  plus  loin,  résulte  de  Tart.  1  de  la  loi  qui  déclare  que 
€  nul  ne  peut  remplir  les  fonctions  de  juré,  &  peine  de  nul- 
liléy  s^il  ne  jouit  des  droits  politiques  et  civils.  »  Il  suit  de  li, 
en  effet,  que  les  questions  relatives  à  la  jouissance  légale  de 
ces  droits  appartiennent  nécessairement  au  pouvoir  qui  peut 
seul  appliquer,  B*il  y  a  lieu,  la  peine  de  nullité  '. 

La  nullité  des  opérations  n'est  que  l'application  du  même 
texte.  On  peut  citer  quelques  exemples  de  cette  application. 
Une  procédure  a  été  annulée  par  la  Cour  de  cassation  :  «  at^ 
tendu  qu'il  résulte  des  documents  prodoits  par  les  deman- 
deurs que  Jules  Redard,  qui  a  fait  partie  des  trente  jurés  ap- 
pelés à  former  le  jury  de  jugement»  est  né  en  France,  d'an 
père  étranger,  que  ni  son  père,  ni  lui  n'ont  rempli  les  for- 
malités exigée»  par  la  loi  pour  se  faire  naturaliser  français  ; 
qu'ainsi,  ledit  Redard  était  étranger ,  ne  jouissait  pas,  en 
Franee,  des  droits  politiques,  et  qu'ainsi  il  était  incapable 
de  remplir  dans  l'espèce  les  fonctions  de  juré  *.  »  Une  autre 
procédure  a  été  également  annulée  :  «  attendu  que  Pierre- 
Louis  Weber  a  fait  partie  du  jury  qui  a  prononcé  sur  Taccu- 
sation  portée  contre  le  demandeur;  que,  cependant  il  résulte 
d'un  arrêt  rendu  le  même  jour  par  la  Cour  d'assises  que  ledit 
Weber,  né  en  France,  d'un  père  étranger,  n'avait  pas,  con- 
formément  à  l'art  9  do  C.  civ.,  dans  l'année  qui  a  suivi  l'é- 
poque de  sa  majorité,  réclamé  la  qualité  de  français  ;  que, 
par  suite,  la  Cour  d'assises  a  ordonné  que  son  nom  serait 
rayé  de  la  liste  du  jury  3.  t»  Enfin,  une  troisième  procédure  a 
été  encore  cassée  :  «  attendu  qu'il  est  établi  par  le  procès- 
verbal  du  débat  que  Ghamiot  a  été  porté  sur  le  tableau  des 
douze  jurés  qui  ont  prononcé  sur  le  sort  du  demandeur,  et 
qu'il  n'est  point  établi  que,  né  en  pays  étranger,  d'un  père 
étranger,  il  ait  rempli  aucune  des  formalités  prescrites  par 
les  lois  diverses  qui  se  sont  succédé  en  France,  pour  acqué- 
rir les  droits  politiques  et  civils,  ou  qu'il  les  ait  obtenus  par 
la  grftce  du  roi  ;  que  son  admission  sur  le  tableau  des  douze 
jurés  a  donc  été  une  violation  de  i  art  381  *.  » 

ID.  La  deuxième  condition,  pour  Tinscription  sur  la  liste, 
est  l'âge  de  trente  ans  accomplis. 

*  Cut»  28  octobre  1826,  rapp.  M.  CardooDcl.  BqII.  n«  14S. 

*  Gass.  7  DOT.  iS5i»  rapp.  SU  Isamberu  Bail.  o.  &67'et  S  nov.  4S51, 
rapp.  M.  Rocher.  Bail.  d.  47S. 

'  Cass.  8  mars  1849,  rapp.  M.  Brière-Valigny.  Bull.  n.  52. 

*  Casa.  29  jaavitr  1825,  rapp.  M.  Gaillard.  Bull,  n  44. 


DE   LA  COHPOSITIOM  DU   JOIT.   f  590.  f77 

La  loi  anglaise  prend  les  jurés  «  depuis  l'&ge  de  vingt-un 
ans  jusqu'à  soixante  ans  ' .  »  La  loi  du  29  sept.  179i  et  celle 
du  2  nivôse  an  ii  fixaient  à  vingtHsinq  ans  la  limite  où  les 
citoyens  pouvaient  commencer  à  être  appelés  à  cette  fonction. 
L'art  483  du  G.  3  brumaire  an  ly  a  reculé  cette  limite  à 
l'âge  de  trente  ans  accomplis,  et  depuis  ce  moment  elle  n'a 
plus  varié. 

Une  circulaire  du  ministre  de  la  justice  du  10  sept.  1848, 
porte  sur  ce  point  :  «  le  juré,  pour  remplir  sa  mission  judi- 
ciaire, a  besoin  de  la  sagesse  et  de  Texpérienee  que  la  matu* 
rite  des  années  peut  seule  donner.  Il  importe  dès  lors  de  véri« 
fier  Tàge  avec  le  plus  grand  soin  et  sur  des  actes  auUieiiti- 
ques;  car  les  citoyens  qui  n^ont  pas  accompli  leur  trentième 
année,  sont  Irappés  d^une  incapacité  radicale,  et  leur  coiH 
cours  à  un  jugement  criminel  pourrait  en  entraîner  la  nullité. 
La  liste,  pour  prévenir  les  erreurs,  doit  iniUquer  Tàge  de 
chacun  des  jurés  {>ar  la  date  de  leur  naissance  ;  il  est  toujoura 
facile  de  se  procurer  ce  renseignement  auprès  des  oCBciers  de 
Tétat  civil.  » 

En  thèse  générale,  Finscription  sur  la  liste  établit  la  pré- 
somption, comme  en  ce  qui  concerne  la  qualité  de  français» 
que  le  juré  a  atteint  Tàge  de  trente  ans  accomplis.  Ce  point, 
qui  sera  d'ailleurs  examiné  plus  loin^  a  été  constamment  main* 
tenu  par  la  jurisprudence  \  Et  il  en  est  ainsi  lors  même  que 
la  liste  ne  mentionnerait  pas,  comme  le  prescrit  la  circulaire 
qui  vient  d*étre  citée ,  Tàge  de  chacun  des  jurés,  car  si  ce 
renseignement  est  très  utile,  la  loi  n'en  a  point  fait  cepeo- 
pendant  Tobjet  d*une  disposition  expresse  *.  Il  en  est  ainn, 
à  plus  forte  raison  si  la  liste  n'indique  l'Age  que  par  le  mîi- 
lésiule  de  Tannée  de  la  naissance,  sans  y  joindre  le  mois'et  le 
jour  *. 

II  ne  suffit  donc  pas  d'alléguer,  il  faut  établir  que  l'un  ou 
plusieurs  des  jurés  n'avaient  pas  TAge  exigé  par  la  loi,  lorsque 
ce  défaut  d'Asie  est  le  moyen  qui  sert  à  attaquer  les  opéra- 
tions judiciaaes  auxquelles  ont  pris  part  ces  jurés.  Aussi,  tous 

*  Act  George  IV,  33  juin  1835,  art  1. 

*  Cass.  30DOV.  1828,  rapp.  M.  Mangin.  J.  P.,  t.  XXII,  p.  864;  13  janv. 
183i,  rapp.  M.  Dupaly.  Dali.  V  Inst.  cr.  n.  1994;  13  a^rU  1SS3,  «pp. 
M.  Briëre.  Eod.  loc 

»  Gaaa.  3S  juUI.  1837,  rapp.  M.  Rives.  Dali.  v«  InsU  cr.  d.  1894  :  ISsepU 
d839,  rapp.  M.  MeyrooDeU  Eod.  loc.  ;  18  mai  1852,  rapp.  M.  Rocber.BuU. 
lU  154. 

*  Cas».  8  mai  1851  j  rapp.  M.  de  Boîmeux»  Dali.  51, 5,188* 


278  »s  covas  ^^assises. 

les  poarvois  qui  se  fondent  sur  la  seule  assertion  de  Ilnsufti- 
sance  de  )'ftge  des  JUrés  sont  rejetés  :  «  attendu  que  les  de* 
mandeufs  né  justifient  pas  qae  quelques-unS  des  jurés  etisëetit 
moins  de  trente  ans  ^  » 

Il  ne  sofBraît  même  pss  d'apporter  la  preuve  qite  Vun  ûeê 
jurés  avait  moins  de  trente  ans,  s'il  n'est  pas  établi  ëU  même 
temps  que  ce  juré  faisait  partie  des  douze  jurés  de  jugemetlt 
oti  du  moins  (]ue  le  tirage  de  ces  jurés  a  été  bpéré  sur  line  liste 
de  trente^  dans  laquelle  figurait  te  juré*.  NonsAvobâtu  fôtlt 
à  rbeare  le  motif  de  cette  reâtrietion. 

Maiâ^  m  celtimtr  en  ce  qui  touche  la  qualité  de  fratiçais,  lë 
pr&Bve  de  défaut  d'Age  quand  le  juré^  Agé  de  Inoitis  du  ireilte 
ans^  a  conconru  au  jugement  ou  pris  part  avec  S9  jurés  seu-* 
lement  nt  tirage  des  jurés  de  jegement^  entraîne  néeessaire- 
ment  la  nuUHê  de  ces  a<;tes«  En  effet,  il  en  résulte  ou  tfié  le 
jury  n'était  eomposé  que  de  onze  jut^,  puisque  le  dOtiiièitid 
n'avait  pas  càraetère  légal  pour  en  remplir  les  ronctioM,  dtt 
qUe  le  même  jury  n'a  été  tiré  que  iur  une  listé  de  30  jurés, 
tandis  que  la  loi  limite  à  trente  le  nombre  de  ceux  qui  doivetit 
concourir  A  cétirage.  De  nombreux  artéts  ont  (iié  la  jurisphi- 
dencesuir  ee  pdiht*. 

Tontéloisll  faut  prendre  garde  qu'il  n'y  aurait  pat  tiulltté^ 
si  le  jnré^  bîtn  qu'il  n'ait  pas  FAge  au  moment  de  1  inscription 
sur  la  liste,  l'évuit  atteint  au  nioftient  du  il  a  été  appelé  A 
remplir  ses.foncttons.  La  raiaon  en  est  que  Tinscriptioii  sut  k 
liste  ne  eondre  nullement,  comme  le  pensait  M.  Legrave^ 
rend  ^^  la  tiualîté  de  juré,  mais  seulement  une  aptitu^ i  re^ 
vêtir  cette  qualité-,  et  dés  lors^  lîomme  la  loi  n'exige  l'Age  de 
30  ans  accompli:!  que  pour  remplir  leS  fonctions  de  jUrA^  il 
s'Ieofluit  qu'il  suffit  que  oet  Age  existe  au  moment  où  ces  fonc- 
tions commencent.  C'est  ce  que  décide  un  arrêt  qui  déclare: 
et  qu'aux  termes  de  l'arl.  881  et  de  TArt.  i  d^  la  loi  du  4  juin 
1858,  iLsûfSI;,  pour  l'exercice  légal  des  fonctions  de  juré, 
d'avoir  trente  ans  accomplis  au  moment  de  la  formation  du 

A  Gass.  26  ventôse  an  i?,  19  messidor  an  iv,  22  pluviôse  an  m  Dali*  v*  Inst» 
crtm.  n.  i891, 

'  CsM.  iS  juillet  i866k  Bull.  n.  355;  19  juillet  1832)  rap^.  U^ôtUvier. 
BuK.  D.  279. 

'  Cass.  îl  avril  1811.  Bull.  n.  5*2;  8  août  1811.  Bull.  d.  118:  13  sept 
1811.  Bull.  D..131;  8  mars  1815.  Bull.  n.  19;  27  juin  1816.  Bun.n.35;5 
fer.  1818.  Bull.  n.  17  ;  26  avril  4822.  Bull,  m  98;  12  juillet  1822.  BulU  n« 
98;  27  juin  1883.  Bull.  n.  245  ;  4  avril  1851.  Bull.  n.  128. 

*  Log.  cr.,  t.  ÏF,  p.  79i 


DB  LA  cavfounoN  Bv  JORY.  §  .S96.  S79 

tdbleaa  des  douze  jurés  de  jugement  ;  et  qu'il  n'est  pas  né- 
cessaire que  cet  âge  ait  été  atteint  au  moment  de  la  confection 
de  la  liste  annuelle,  puisque  l'inscription  sur  cette  liste  ne 
fait  qu'indiquer  une  aptitude  dont  les  conditions  de  légalité 
doivent  être  vérifiées  au  moment  où  commence  Texercice  des 
fonctions  de  juré  S  » 

Hais  il  n'en  serait  plus  ainsi  dans  le  cas  où  le  juré  a'aurait 
accompli  sa  trentième  année  que  dans  Tintervalle  qui  Sépare 
la  formation  du  jury  et  le  jugement,  car  il  aurait  concouru  à 
des  actes  de  la  procédure  lorsqu'il  n'avait  pas  encore  la  ca- 
pacité légale.  La  Cour  de  cassation  a  donc  dû  prononcer  dans 
cette  hjpoÀèse  l'annulation  d'une  procédure,  «  attendu  que 
des  reaseignements  envoyés  à  la  Cour,  il  résulte  que  Davali*- 
vian,  qui  a  siégé  et  prononcé  comme  juré  lors  du  lugemeat 
attaqué,  n'avais  pas  trente  ans  accomplis  le  jour  ou  a  com- 
mencé le  débat  sur  raceusatioii  admise  contre  Bertrand  ;  d'où 
il  suit  que  la  composition  du  jury  était  illégale  et  ino^mplèlai  • 
et  ne  pouvait  servir  de  base  a  un  jugement  régulier^,  i 

'Au  surplus,  Terreur  qui  aurait  été  commise  dans  renon- 
ciation de  l'âge  d'un  juré  sur  ia  liste,  ne  pourrait  donner 
lien  à  nullité^  s'il  était  établi  qu'il  avait  l'Age  requis  pour 
exercer  ses  fonctions^.  S^il  lésulte  du  seul  fait  de  rinscrip- 
tien  une  présomption  que  chaque  juré  réunit  les  conditions 
requises  par  la  loi,  cette  présomption  peut  être  combattue 
par  la  preuve  coiftraire,  soit  dans  te  cas  où  ta  liste  constate 
mexactBment  une  condition  non  existante,  soit  dans  le  cas  où 
elle  omet  de  constater  une  condition  qui  de  fait  est  aoeom- 
plie*. 

lY.  La  I1rx>isième  condition  de  l'exercice  des  fonctions  de 
juré  est  la  jouissanèe  deâ  droits  politiques,  civils  et  de  fa* 
mille. 

Les  personnes  qui  ne  jouissent  pas  de  ces  droits,  se  trou- 
vent nécessairement  eompriises  parmi  les  incapables  qui  vont 
«tre  énutnétés  dans  le  paragraphe  suivant. 

*  Gais.  20  sept.  1855,  à  noU-e  rapport  BaU*  lu  821,  et  CkMit  UmailSia» 
rapp.  11.  Dehaussy.  Bull.  n.  106;  7  août  ^845,  rapp.  M.  Mérilhbu.  Bull, 
n.  S5Si. 

*  Casi.  19  prair.  an  xii«  rapp.  M.  Baiîre.  J.  P.,  t  IV;  a.  aS» 

*  Casf.  5  août  1830.  J«  P.  A  aXHI, p.  112  ;  12  juiiU  1833,  rapp.  M.  BIct« 
Wftwt  gaînl-Marc  ï.  P.,  t  XXV,  p.  874;  15  oct  1834,  même  rapp.  t  P.t 
U  XXVI,  p.  Ma. 

«  Caa,  2f  ttOT.  1828»  rapp.  M,  Mangin.  I.  P»,  U  XXII,  p.  df 4» 


^£90  »tB  GOCftS  d'assises. 

S  597. 

1.  Causes  d'incapacité.  — II*  Ëoamération  des  difiérents  cas  d'î 
•ité  prénis  par  la  loi. 

L  Nous  venons  d'établir  que  nul  ne  peat  remplir  les  fi»D- 
tioDS  de  juré,  à  peine  de  nullité,  s'il  n'a  la  qualité  de  Françiif, 
s'il  n'est  âgé  de  trente  ans  accomplie  et  s*îl  ne  jouit  pas  des 
droits  politiques,  civils  et  de  famille.  Ce  sont  là  les  conditions 
essentielles  de  l'aptitude  à  ces  fonctions;  mais  ce  ne  sont  pas 
les  seules  :  il  faut  encore,  aux  termes  des  art.  1»  3, 8  et  fc 
de  1%  loi  du  4  juin  1853,  que  les  personnes  inscrites  sur  la 
liste  ne  soient  dans  aucun  des  cas  d'incapacité  d'exolosion, 
ou  d'incompatibilité  qu'ils  ont  prévus. 

Nous  devons  donc  énumérer  et  préciser  les  diflémtes 
causes  d'élimination.  Nous  nous  occupons  d'abord  des  cas 
d'incapacité. 

II.  L'art.  2  de  la  loi  du  &  juin  1853  est  ainsi  oon^u  :  - 

«  Soni  incapables  d*étre  jurés  :  1*  les  individus  qui  ont  été  condsnh 
nés,  soit  k  des  peines  afflictives  et  infamantes,  soit  k  des  fieines  infa- 
mantes seulement  ;  2*  ceux  qui  ont  été  condamnés  à  des  peines  correc- 
tionnelles pour  fait  qualifié  crime  par  la  loi  ;  3o  les  militaires  condam- 
nés au  boulet  on  aux  travaux  publics;  4*  les  condamnés  k  sa 
emprisonnement  de  trois  mois  an  moins;  5*  les  condamnés  k  un  empri* 
soonement,  quelle  que  soit  sa  durée,  pour  vol,  escroquerie,  abus  de 
confiance,  soustraction  commise  par  des  dépositaires  publics,  attentais 
aux  mœurs  prévus  par  les  art.  330  et  334  du  €.  p. ,  outrage  à  h  morale 
publique  et  religieuse,  attaque  contre  le  principe  de  la  propriété  et 
les  droits  d^  la  famille,  vagabondage  ou  mendicité,  pour  infraction  aes 
dispositions  des  art.  38,  4i ,  43  et  45  4e  la  loi  du  21  mars  i832  sur  le 
recrutement  de  l'armée,  et  aux  dispositions  des  art.  318  et  ^K3  dn  C. 
p.  et  de  Tart.  1*'  de  la  loi  du  27  mars  1851  ;  6*  les  condamnés  poor  dé- 
lit d*08ure;  l'*  ceux  qui  sont  en  état  d'accusation  et  de  contnmaee; 
8*  les  notaires,  greffiers  et  officiers  ministériels  destitués;  9*  les  faillis 
non  réhabilités  ;  10*  les  interdits  et  les  individus  pourvus  d*un  conseil 
judiciaire;  11*  ceux  auxquels  les  fonctions  de  juré  ont  été  interdites, 
en  vertu  de  Tart.  396  du  G.  d'instr.  cr.  et  de  l'art.  42  du  G.  p.  ;  IS^'ceox 
qui  sont  sous  mandat  d*arrét  ou  de  dép6t  ;  4  3*  sont  incapables  pour  cinq 
ans  seulement,  k  dater  de  Fexpiration  de  leur  peine,  les  condamnés  à 
un  emprisonnement  d*un  mois  au  moins.  » 

Cette  longue  catégorie  d'incapables  ne  paraîtra  point  sans 
doute  exagérée,  sauf  en  ce  qui  concerne  peut-élre  la  dispo- 
sition dernière,  à  tous  ceux  qui  reconnaissent  i.la  fonclM» 
du  jury  lecaraclère  exclusivement  judiciaire  que  nous  Iniaroos 
assigné*  La  loi,  quand  elle  appelle  les  citoyens  à  TofiBce  de 


DC  LA  GÛMPOfimaM  nu  4URT.  i  597.  29i 

juges,  aie  droit  de  scruter 8é?èreineiit  lear  moralité.  Elle  ne 
doit  permettre  qu^aucuu  doute  plane  sur  leur  probité  et  sur 
leur  indépendance.  Elle  ne  doit  appeler  que  des  hommes  qui 
soient  à  la  fois  éclairés  et  honnêtes. 

Cette  liste  peut  se  fractionner  en  plusieurs  parties. 

La  loi  écarte  d'abord  tous  ceux  qui  ont  été  condamnés  à  des 
peines  afflictives  et  infamantes  ou  simplement  infamantes;  les 
condamnés  à  des  peines  correctionnelles  pour  faits  qualifiés 
crimes  par  la  loi;  les  militaires  condamnés  au  boulet  ou  aux 
travaux  publics.  Cettf^  première  catégorie,  qui  comprend  tous 
ceux  qui  ont  commis  les  plus  graves  infractions  à  l'ordre  so» 
cia),  ne  peut  donner  lieu  à  aucune  observation. 

La  seconde  catégorie  comprend  les  individus  qui  ont  été 
condamnés  pour  de  simples  délits.  On  lit  dans  le  rapport  fait 
an  Corps  législatif;  «  le  législateur  se  trouvait  là  en  présence 
de  difficultés  plus  sérieuses.  Fallait-il  éloigneV  du  jury  qui- 
conque aurait  été  condamné  pour  un  délit  correctionnol^quel 
qu'il  fût?  La  sévérité  serait  excessive  et  souvent  peu  en  har- 
monie soit  avec  les  circonstances,  soit  avec  la  nature  même 
du  fait.  Fallait-il,  au  contraire,  parcourir  toute  la  série  des 
lois  générales  et  spéciales  pour  distinguer  entre  les  faits  at- 
teints par  la  loi  pénale,  mesurer  leur  gravité  et  attacher  à 
quelques-uns  seulement  l'incapacité?  C'est  une  tâche  qui  a 
paru  difficile  y  dangereuse  et  peu  en  rapport  avec  le  but  que 
la  loi  se  propose.  Les  omissions  seraient  presque  inévitables 
au  milieu  de  la  quantité  considérable  des  lois  qui  prononcent 
des  pénalités.  D'autre  part,  il  est  tel  fait  peu  grave  en  lui- 
nièoie  et  par  sa  nature ,  et  qui  peut  le  devenir  à  raison  des 
circonstances  et  accuser  une  véritable  perversité.  On  a  donc 
jugé  plus  sage  de  suivre  un  autre  système.  Parmi  les  délits,  il 
en  est  qui  sont  plus  ordinaires,  que  l'on  voit  plus  générale- 
ment  dans  les  habitudes  communes  de  la  vie  et  qui  annoncent 
anx  ;eux  de  tous  une  véritable  dégradation  du  sens  moral. 
Tels  sont  le  vol,  l'escroquerie,  l'abus  de  confiance,  les  atten- 
tats aux  moaurs.  Quiconque  a  été  condamné  à  l'emprisonne- 
OMot  quelle  que  soit  sa  durée  pour  ces  faits  là  et  pour  les  au- 
tres que  prévoit  le  %  6,  est  incapable  d'être  juré.  Mais  la  loi 
qui  se  bornerait  à  exclure  du  jury  cette  seule  catégorie  de  dé- 
liiupiantamanqueraitévidemmentde  sagesse  etde  prévovance. 
Elle  est  loin^  en  effet,  de  comprendre  tous  les  criminels  dont 
la  présence  sur  le  siège  du  juge  serait  une  sorte  d'injure  pour 
la  justice  elleHnème.  Le  projet  les  saisit  tous  par  une  seule 


Î8S  DB8  C0VB8  «'AMISn. 

dispomtion.  Quel  que  soit  le  délit >  uno  itimplo  cèndJamnutiOD 
à  trois  mois  do  prison  suffit  pour  rendre  incapable  de  remplir 
le  ministère  de  juré.  La  loi  n'attache  point  ici  riocapacité  à  la 
nature  da  délit,  mais  à  sa  gttvité  et  oonsidère  que  cette  gra- 
Yité  ressort  de  la  séTèrîtémème  de  la  oondamnatioD»  • 

La  commission  avait  proposé  une  eiccption  pour  les  délits 
de  presse,  a  Les  délits  de  presse,  dit  te  rapport,  sont  compris, 
comme  tous  les  autres  délits,  dans  la  disposition  du  V  §;  et 
cette  sévérité  ne  nous  a  paru  nî  en  harmonie  avec  le  caractère 
du  délit,  nî  en  proportion  avec  sa  gravité.  Sans  doute  il  est  des 
délits  de  presse  qui  accusent  un  esprit  pervers  et  qui  troublent 
Tordre  profondémeht.  Loin  de  nous,  par  exemple,  la  pensée 
dô  ranger  parmi  les  simples  écarts  de  Tesprit,  et  ces  libelles 
cMculés  pour  souiller  les  caractères,  et  ces.écrits  par  lesquels 
on  provoque  à  la  licence  et  à  Tanarchie.  Mais,  après  ces  ex- 
ceptions ,  il  demeure  vrai  de  dire  que  les  délits  de  presse 
tiennent  en  général  à  Topinion,  à  des  préjugés,  à  des  prin- 
cipes, &  une  manière  de  voir,  en  un  mot,  qui  peut  se  concilier 
avec  le  caractère  le  plus  honorable  et  qu'ils  sont  aussi  souvent 
des  erreurs  d'opinion  que  des  torts  de  conscience.  La  com- 
mission avait  pensé  que  la  présence  sur  le  siège  des  jurés  d*un 
écrivain  condamné  pour  simpléopinion  n'offrait  rien  d'opposé 
i  ce  haut  caractère  de  moralité  que  la  loi  veut  h  juste  litre 
imprimet  au  Jutv.  Nous  avons  donc  proposé  au  conseil  d*Etat 
d'admettre  dans  le  jury  les  condamnés  pour  délits  de  presse. 
Nous  en  exceptions  ceux  que  la  sentence  même  avait  trappes 
de  cette  interdiction.  La  justice  restait  ainsi  souveraine  appré- 
ciatrice, et  dans  ce  jugement  de  la  conscience,  Texclusion 
puisait  un  caractère  particulier  et  d'une  gtavité  plus  signifi- 
cative. Le  conseil  d*Etat  à  rejeté  Tamendement.» 

La  commission  n'avait  pas  adopté  la  disposition  qui  (orme 
le  §  13,  Geite  disposition  avait  d'abord  été  écartée  par<>8 
qu'elle  aggravait  une  incapacité  que  la  commission  croyait 
déjà  empreinte  d'une  trop  grande  sévérité.  «  La  comaiissiOQ, 
en  effet,  dit  le  rapport,  avait  pensé  qu'éloigner  du  iucj 
l'homme  qui ,  en  dehors  des  délits  graves  prévus  par  le  g&, 
aurait  été  coudamné  à  Temprisonnement  pour  une  aniàée, 
serait  une  satisfaction  suffisante.  11  y  a  des  faits  que  la  loi 
pénale  i  dû  punir  et  qui  ne  paraissent  pas  de  nature  à  eaîrai- 
ner  une  véritable  indignité.  Tels  sont  notamment  tous  cas  dé- 
lits, fruit  de  l'imprudence,  de  la  légèreté  «  d'entraiacments 


DE  LA  COMPOilTIOIl  »n  lOKT.  |  507.  28S 

pasgagèr^t  bîe&  pitls  qile  de  U  corruption  du  èœur.  La  sup*- 
pression  de  la  liste  générale  enlève,  il  est  vrai,  quelqu^SA^uns 
des  incoElYénieiits  qoi  étaient  attachés  à  ces  soHcs  d'exclu- 
sions; mais,  même  àréc  la  loi  actoelle,  il  restera  eneord 
assez  de  publicité  pouf  qn*une  interdiction  partiello  amène 
sur  celui  qui  en  sera  Tobjet  une  notoriété  fâcheuse»  Oà  se*« 
rait  da  reste  le  danger  que  la  loi  montrât  un  peu  d'ihdul'*^ 
gCDce  quand  les  commiseions  chargées  de  composer  le  jury 
soDt  investies  d'un  pouvoir  discrétionnaire  et  illimité?  »  Oii 
peut  ajouter  qu'en  faisant  descendre  la  déchéance  jusqu'aux 
condamnés  à  un  mois  d'emprisonnement,  la  loi  l'a  souvent  dé- 
duîted'înfractions  purement  matérielleset  qui  n'altèrent  nulles- 
méat  la  moralité  des  condamnés  ;  que  c'est  ainsi  qu'elle  Té 
comprise  elle-même,  puisqu'elle  l'a  limitée  à  cinq  ans;  et 
qu'il  est  évldëbt  qti'une  déchéance  »  qui  serait  fondée  sur 
une  présomption  d'indignité  |  n'aurait  pas  un  terme  aussi 
wpidèfc 

ta  troistéme  catégorie  d'incapables  comprend  ceux  aux- 
queki  qu'il  y  dt  ou  non  emprisonnement,  les  fonctions  de 
juré  ont  été  interdites,  soit  en  vertu  de  l'art.  396  du  C. 
d  iostr.  cr.,  soit  en  vertu  de  l'art.  43  du  G.  pén.  L'art.  396 
déclare  que  le  juré,  qui  a  manqué  trois  fois  d'obéir  à  la  cita* 
tioD  qui  lui  a  été  donnée,  «  sera  déclaré  incapable  d'exer- 
cer à  l'avenir  lea  fonctions  de  juré*  »  L'art.  42  du  C.  pén. 
dispose  que  les  tribunaux  correctionnels  peuvent»  daAs  les 
cas  ou  «ne  disposition  particulière  de  la  loi  l'autorise,  a  in- 
terdôre  l'exercice  du  droit  d'être  appelé  aux  fonctions  de 
juré.  » 

La  quatrième  catégorie  comprend  les  individus  c  qui  sont 
sous  mandat  d'arrêt  et  de  dépôt  ou  qui  sont  en  état  d'accu- 
sation ou  ée  contumace.  »  L'art.  5  de  h  constitution  du  ââ 
frimaire  an  vin  n'accordait  cet  effet  qu'A  l'état  d'accusation 
ou  de  eoBtuBMlce,  et  la  loi  du  T  aoÂt  1828  n'avait  pas  franchi 
cette  limite.  Il  arait  paru  que  l'arrestation  préventive  n'é* 
tant  qu'une  mesure  de  préK^aution,  ne  laissait  pas  peser  sur 
celui  qui  en  est  l'objet  une  prévention  assez  grave  pour 
qu'on  put  y  attacher  une  incafMicité.  Mais  cette  mesure  de 
précaution  manifeste  un  soupçon  grave  de  la  justice,  et  tant 
qae  cet  état  subsiste,  convient-il  que  le  prévenu  contre  lequel 
il  pèse  puisse  figiirer  sur  une  liste  de  juges?  Cette  incapacité  a 
d'ailleurs  ici  cela  de  particulier  qu'elle  est  pTirement  rtiomen* 
lanée,  car  elle  n'est  qtie  la  conséquence  du  fait  d^une  pré- 


284  0ES  COURS  d'a6B18E0. 

venlioD  qui  peut  à  chaque  instant  ton)ber.  Il  importerait  peu, 
au  surplus,  que  le  prévenu,  contre  lequel  un  mandat  a  été 
décerné,  eut  obtenu  sa  mise  en  liberté  provisoire*  La  liberté 
provisoire,  comme  nous  Tavons  établi  ',  relâche  les  liens  du 
mandat,  mais  ne  le  détruit  pas;  elle  ne  fait  que  substituer  un 
mode  d'exécution  à  un  autre  mode  ;  et  c'est  au  fait  du  mandat 
qu'est  attachée  l'incapacité  *. 

La  cinquième  et  dernière  catégorie  se  compose  des  indi- 
vidus qui  n'ont  été  ni  poursuivis  ni  condamnés  à  raison  de 
crimes  commis  ou  de  délits,  mais  qui,  pour  des  causes  diver- 
ses, ont  dû  être  écartés  de  la  composition  du  jury  :  ce  soDt 
1^  les  notaires,  greffiers  et  officiers  ministériels  destitués; 
2*"  le»  faillis  non  réhabilités  ;  39  les  interdits  et  les  individus 
pourvus  d'un  conseil  judiciaire. 

L'incapacité  qui  frappe  les  notaires  et  les  officiers  ministé- 
riels destitués,  puisée  dans  le  a«  8de  l'art,  ik  du  décret  or- 
ganique du  2  février  1852,  sur  les  élections,  se  justifie  par 
elle-même  :  la  destitution  d'un  office  n'est  prononcée  que 
pour  des  causes  graves  qui  doivent  écarter  des  fonctions  ju- 
diciaires l'olficier  qui  en  est  atteint.  Cependant  cette  mesure 
acquiert  ici  une  gravité  particulière  en  ce  qu^eile  est  néces- 
sairement perpétuelle,  puisqu'aucune  réhabilitation  ne  peut 
la  faire  cesser. 

Les  faillis  non  réhabilités  ont,  à  toutes  les  époques  de  la 
législation,  été  frappés  de  cette  incapacité.  L'art,  5  de  la  loi 
du  22  frimaire  au  viii  disposait  que  «  l'exercice  des  droits  de 
citojcn  français  est  suspendu  par  l'état  de  débiteur  failli.  * 
Mais  la  jurisprudence^  en  appliquant  cette  disposition^  a  eu 
des  phases  diverses.  Il  avait  été  jugé  d'abord  qu  il  y  avait  lieu 
d'annuler  la  déclaration  du  jury  k  laquelle  un  débiteur  failli 
avait  participé  ^.  Revenant  sur  cette  première  décision,  la 
Cour  de  cassation  déclara  plus  tard  :  <  qu'il  appartient  exdu- 
sivcmcnt  à  l'autorité  admistrative  d'apprécier  les  qualités  ci- 
viles et  politiques  des  citoyens  qu'elle  appelle  aux  fonctionsde 
jurés;  et  que,  par  le  seul  iuii  de  l'insertion  du  nom  d'un  ci- 
toyen sur  la  liste,  il  est  présumé  de  droit  avoir  les  qualiuss  re- 
quises^ et  que  par  conséquent  il  n'est  pas  permis  de  relever 

*  Voy.  u  V,  p.  88J. 

>  Il  existe,  en  sens  contraire,  un  arrêt  da  il  messidor  an  vi;  mais  la  lé- 
gislation était  tout  à  fait  différente. 

*  Cats.  16  firocUdor  an  viii ,  rapu.  M.  Rapéroa.  Dali*  t*  Inst.  crim. 
0.  1414. 


BB  LA  COMFOSITIOM   DU  lUAY.  §    597.  ^5 

après  la  condamDation  la  qualité  de  failli  de  Turrides  jurés  ^» 
Mais  celte  jurisprudence  fut  renversée  par  un  arrêt  du  12 
Dovembre  1841  qui  casse  la  composition  d^un  jury  :  «  attendu 
qu'aux  termes  de  Tart.  381  du  C.  d'înstr.  cr.,  celui  qui  ne 
jouit  pas  des  droits  politiques  et  civils  ne  peut,  à  peine  de  nul- 
lité, remplirles  fonctions  de  juré;  qu'il  résulte  de  rart.  7  du  G. 
civ.quereiercicedesdroits  civiques  est  réglé  par  la  loi  consti- 
tatioQDelle;  qu'à  l'époque  où  le  Gode  fut  promulgué,  la  loi 
constitutionnelle  è  laquelle  il  seréféraitétaitracte  du  22  frim. 
an  VIII;  qu'aux  termes  de  l'art  59  de  la  Charte,  le  Gode  ci- 
vil et  les  lois  actuellement  en  vigueur  qui  ne  sont  pas  con- 
traires à  la  présente  Gbarte  restent  en  vigueur  jusqu^à  ce 
qu'il  y  soit  légalement  dérogé  ;  que  la  disposition  de  I  art.  5 
de  Pacte  du  22  frimaire  an  Tiii  n'est  pas  contraire  à  la 
Charte,  et  qu'il  n'y  a  étédérogé  par  aucune  loi  ;  que,  nonobs- 
tant cette  incapacité  légale,  un  négociant  failli  a  été  compris 
au  nombre  des  trente  jurés  parmi  lesquels  a  été  désigné  par  le 
^rt  Je  jury  de  jugement  et  qu'il  a  encore  fait  partie  de  ce 
jnry*.  » 

Cette  dernière  jurisprudence  s'est  trouvée  confirmée  par 
l'art.  3  du  décret  du  7  août  1848  qui  avait  exclu  du  jury 
les  faillis  non  réhabilités  ;  la  Cour  de  cassation  n'a  donc  point 
hésité  è  déclarer,  sous  l'empire  de  ce  décret,  que  la  présence 
d'un  failli  non  réhabilité  sur  le  banc  des  jurés  était  une  caUse 
de  nullité,  toutes  les  fois  qu'il  avait  fait  partie  du  jury  de  ju- 
gement ou  que  le  tirage  de  ce  jury  n'avait  été  opéré 
qu'avec  le  concours  de  trente  jurés  parmi  lesquels  il  figu- 
rait 3.  La  loi  du  4  juin  1853  n'ayant  fait  que  maintenir  la 
même  disposition,  cette  jurisprudence  forme  aujourd'hui  la 
règle  de  la  matière. 

Le  loi  ne  fait  aucune  exception  pour  les  faillis  dont  le  cori- 
cordat  aurait  été  accepté  et  homologué.  La  circulaire  du  mi- 
nistre de  la  justice  du  10  septembre  1848  le  reconnaissait  déjà 
sons  la  loi  du  7  août,  tout  en  faisant  une  exception  qui  résul- 
terait d'une  loi  transitoire  ;  «c  L'homologation  môme  du  con- 
cordat, portait  cette  instruction,  ne  suffit  pas  pour  restituer 

*  Ca«.  4  juillet  1811»  rap^  M.  Bauchau.  J.  P.,  U  IX,  p.  HO  5  2Î  o^ 
ISlî,  npp.  &!•  RaUud  ;  23  oct.  1812,  rapp.  M.  BaïUy.  J.  P.,  l.  a,  p.  752 
«l  766. 

*  Casa.  12  dov.  18&1,  rapp.  M.  Jacquinot.  Biiu.  n.  822. 

*  CasK  28  juin  1850,  rapp.  M.  de  Boiaaieux;  et  25  juillet  1850,  rapp. 
M.  ÀQf .  Moreaa.  BuU.  n.  206  et  238. 


SB6  PtB  CQUHS  1>*AS8)SES. 

aux  faillis  leurs  droits  civils.  Il  faut  eyceph^r  ccpeudant  lei 
concordats  homologués  à  la  spitedcs  suspensions  ou  cessations 
de  paiements  survenues  depuis  le  ^h  février  IBiSt  Am  ier<« 
mes  de  Tari,  i"  de  ce  décret,  ces  suspensions  n'entraînent 
1^  inipapacités  attachées  à  la  qualité  de  failli  que  dans  le  cas 
ou  le  tribunal  de  cpmmerce  refuse  d'homologuer  le  ooneordat^ 
ou,  en  rhomologuant,  ne  décUrp  pas  le  débiteur  affranchi  de 
cette  qualification.  Cependant  la  Go(ir  de  cassutioii  déclara, 
sous  Tempire  de  la  même  loi,  que  le  conopprs  au  jury  de  je- 
gement  d^un  failli  concorciataire  n'était  pasun^  eatt§e  de  nul- 
lité '  ;  mais  cette  décision  était  upiquement  fondée  sur  ce  qae 
l'art.  3  n^'S  de  la  loi  du  15  mars  1840  admettait  rinscripticn 
sur  les  listes  électorales  des  faillisadmisaucofîCQrdatou  déclarés 
eiccusables  ^  ces  faillis  jouissaient  donc  de  leurs  droite» politiques 
à  cette  époque,  et,  dès  lors»  $i  leur  inscription  sur  la  liste  des 
jurés  était  irrégulière,  puisque  le  décret  du  7  août  1848  la 
prohibait,  elle  ne  pouvait,  non  plus  (|uç  leur  participation 
aux  opérations  du  jury,  entraîner  aucune  nullité.  U  n'en  se- 
rait pas  ainsi  aujourd'hui,  puisque  le  n^  17  de  l'art.  15  dudj* 
cret  du  2  février  1852  exclut  de  1^  liste  électorale,  coam?  I^ 
loi  du  4  juin  1853  le  fait  de  la  liste  du  jury,  tous  les  faiilisqiii 
u'ont  pas  obtenu  leur  réhabilitation. 

U  reste  à  parler  des  interdits  et  des  individus  pourvus  d'uD 
conseil  judiciaire.  Mais  cette  classe  d'inpapableS|  impropre- 
ment placés  parmi  le$  individus  qui  fopt  l'objet  de  rârt.2  de 
in  loi  et  qui  sout  pl^s  ou  moins  flétris  par  les  jugements  qui 
les  frappent,  nous  semble  devoir  plus  oaturellemeol  figurer 
dans  le  §  suivant. 

Il  importe  de  rappeler  seulement,  en  terminant  ne  para- 
graphe,  lo  Que  toutesles  incapacités  qui  y  sont  énumérées  sont 
absolues,  eu  ce  sens  que  les  opérations  du  jury  auxquelles  au- 
rait concouru  un  individu  qui  en  serait  atteint  scraieotoulles; 
lar  Tart  1''  de  la  loi  prononce  la  peine  de  nullité,  non  sea- 
lument  jsi  le  juré  n^a  pas  30  ans  et  ne  jouît  pas  de  ses  droits 
politiques  et  civils,  mais  encore  s'il  e$t  dans  Vun  de9  fm^in- 
cffffiMsiU  prépus  par  l*^rt.  % 

2^  que  toutes  les  incapacités  sont^  par  leur  natnrc 
m^a,  de  droit  étroit  ;  qu'elles  ne  doivent  point  par  oonsé' 
qoeni  être  éttndwMau  delà  de  leurs  termes  précis',  qu'ainsi, 
par  exemple,  il  n'y  a  pas  lieu  de  taire  peser  sur  rofficier  mi- 

*  Cass.  48  mai  iSSOi  h  notre  rapport»  9.  50|  4,  571. 


BE  LA  COMPOSITION  AU  JIFKT.  §  598.  2g7 

nistériel  suspenda  une  déchéance  qui  ne  s'applique  qu'à  ce- 
lui qui  est  destitué,  ni  d'étendre  la  même  oécheance,  soit  à 
rhéritier  immédiat  dubiiii,  soif  au  débiteur  qui  ce  trouve  en 
déconfiture,  soit  au  coounerçanl  contre  lequel  la  séparation 
de  bien  est  demandée  ;  3""  enfin  que  les  incapacités  qui  sont 
la  conséquence  d'une  condamnation  pénale  «  qu'elles  soient 
perpétuelles  ou  temporaires,  cessent,  aux  termes  de  l'art.  634 
du  C.  d'inst.  cr.,  par  la  réhabilitation^ 

S  598. 

1.  Caasês  d^exeloiîoiL  —  11.  Domesticité.  —  III.  Défaut  d'ioslruQiion. 
—  IV.  Aliénation  ineoule.  —  V.  Maladies. 

I.  Après  les  incapacités  absolues  qui  déritent  uniquement 
de  la  volonté  de  la  loi,  vîeni^ent  les  incapacités  accidenlelles 
qui,  bien  qu'elles  soient  également  reconnues  par  la  loi  ré- 
sultent d'un  fait  qu'elle  ne  fait  que  constater,  plutôt  que 
d'une  règle  générale ,  et  qui ,  restreintes  à  la  durée  de  ce 
fait,  cessent  aussitôt  qu'il  s'eflace  lui-même. 

L'art.  4  de  la  loi  du  4  juin  1853,  porte  :  «  Ne  peuvent  ê(re 
jurës^  les  domestiques  et  serviteurs  à  gages;  ceux  qui  ne  sa- 
vent pas  lire  et  écrire  en  français;  ceux  qui  sont  placés  dans 
un  établissement  public  d'aliénés,  en  vertu  de  la  loi  du  90  juin 
18(8.  »  ^ 

Ces  trois  classes  d'individus  ne  sent  point  déclarés  incapa- 
bles parla  loi;  elle  se  borne  k  les  exclure.  Kn  effet,  cette  ex- 
chisioo  est  uniquement  attachée  au  fait  de  la  domesticité^  du 
déEautdIustructioo  ou  de  la  maladie  ;  sites  personnes  ainsi  ex- 
clues quîUeDt  Irar  service,  si  elles  acquièrent  une  instruction 
suffisante,  si  elles  cessent  d'être  malades,  leur  inaptitude  cesse 
avec  le  fait  qui  la  causait.  Il  n'y  a  donc  point  ici  d'incapacité 
véritable,  il  o'y  a  qu'une  interdiction  dont  la  cause  est  acci- 
dentelle et  qui  doit  tomber  dés  que  cette  cause  disparaît.  C'est 
donc  avec  raison  que  le  législateur  a  séparé  ces  causes  d'ex- 
clusion, pour  ainsi  dire  naturelles,  car  elles  dérivent  de  In 
nature  des  choses,  de  celles  qui  sont  fondées  par  la  loi  et  qui 
mi  puisées  dans  une  présoBqitioB  d'indignité. 

n  faut  examiner  successivement  ces  trots  cas  d'exclusion. 

II.  Le  motif  qui  a  fait  exclure  les  dcm^Aiques  et  servi- 
teurs à  ga^es  est  clairement  expliqué  par  rinstructMo  du  10 
septembre  1848  :  o  On  ne  doit  pas  se  tromper  siu*  l'esprit 
de  cette  exclusion  i  ejle  n'implique  ni  dédain  ni  mépris  ; 


288  Dfis  COURS  d'assmes. 

elle  prend  sa  source  au  contraire  dans  une  idée  élevée  et  mo- 
rale. L'inaptitude  qui  est  attachée  à  cette  situation  est  foodée, 
en  eflet,  sur  ce  que  le  juré  doit  jouir  d^une  entière  indépen- 
dance et  être  à  l'abri  de  toute  espèce  d'influence.  Il  sait  de  li 
qu'il  s'applique  à  la  fois,  et  la  double  expression  employée 
par  la  loi  Tindique  suffisamment,  aux  domestiques  attadiès 
au  service  de  la  personne  et  aux  domestiques  attachés  au 
service  de  la  maison.  Les  uns  et  les  autres  n'ont  pas  une  in- 
dépendance assez  complète  pour  exercer  les  fonctioiis  de 
juge.  » 

Déjà  l'art.  5  de  la  loi  du  22  frimaire  an  vni  déclarait  l'exer- 
cice des  droits  de  citoyen  suspendu  a  par  l'état  de  domestique 
à  gages  attaché  au  service  de  la  personne  ou  du  ménage.  > 
Mais  cette  disposition  fut  implicitement  abrogée  par  le  décret 
du  5  mars  184^8  qui  appelait  à  l'exercice  des  droits  civiques 
«  tous  les  Français  non  judiciairement  privés  ou  suspendus  de 
l'exercice  des  droits  civiques,  i  Les  lois  du  15  mars  18<k8  et 
du  2  février  1852  se  sont  bornées  ensuite  è  reconnaître  le 
droit  d'électeur  à  tous  les  Français,  sans  distinction,  jooîi- 
sant  des  droits  civils  et  politiques. 

Il  suit  de  là  que  cette  exclusion,  bien  qu'elle  soit  justement 
fondée  sur  l'état  de  dépendance  où  se  trouve  la  personne, 
n'entraînerait  point  sans  doute  la  nullité  de  la  déclaration  du 
jury  à  laquelle  un  domestique  à  gages  aurait  concouru.  Son 
inscription  sur  la  liste  serait  irréguliére;  maissMl  n'est  point 
frappé  d'incapacité  et  s'il  jouit  des  droits  civiques  et  civils,  sa 
participation  aux  opérations  du  jury  ne  pourrait  entraîner 
aucune  nullité.  Il  y  a  lieu  de  remarquer  ausurplusqueFarti- 
cle  1''  de  la  loi  du  4  juin  1853  se  borne  à  déclarer  que  nul  ne 
peut  remplir  les  fonctions  de  juré,  à  peine  de  nullité,  s'il  n'est 
âgé  de  30  ans  accomplis,  s'il  ne  jouit  des  droits  politiques  et 
civils  «  et  s'il  est  dans  un  des  cas  d'incapacité  ou  d'incompati- 
bilité prévus  par  les  deux  articles  suivants  ;  »  il  n'enveloppe 
point  par  conséquent  l'art  4  dans  cette  nullité. 

in.  Une  deuxième  exclusion  frappe  <x  ceux  qui  ne  savent  pas 
lire  et  écrire  en  français.  » 

Cette  disposition,  reproduite  de  Part.  2  du  décret  duTaoât 
1848,  a  un  double  objet;  elle  exclut  à  la  fois  du  jury  :  l'ceux 
qui  ne  savent  pas  lire  et  écrire  ;  2"*  ceux  qui  ne  savent  pas  la 
langue  française. 


DE    LA   COMPOSITION    DU   JtRY.    §   597.  ^^^ 

Ces  deux  points  avaient  fait  jusque-là  difficulté  et  avaient 
été  diversement  résolus. 

Le  défaut  d^instruction  n'avait  point  paru  une  cause  d'ex- 
clusion, sous  l'empire  du  C.  du  3  brumaire  an  iv  :  «  Attendu 
qu'il  n'est  établi  par  aucun  texte  de  loi,  que  les  jurés  de  juge- 
ment doivent  être  lettrés,  à  peine  de  nullité  des  actes  auxquels 
ils  oat  concouru.  «  »  Et,  sous  Temp-re  de  la  loi  du  2  mai 
J827  :  «  Attendu  qu'il  n'existe  d'incppacités  que  celles  qui 
sont  établies  par  la  loi  ;  qu'il  appartient  aux  préfets,  en  exé- 
cution de  Tari.  2  de  la  loi  du  2  mai  1827,  d'apprécier  le  dé- 
faut d'instruction  et  de  connaissance  des  électeurs  qu'ils 
comprennent  dans  la  liste  sur  laquelle  s'exerce  le  tirage  des 
jurés  ^  » 

L'ignorance  de  la  langue  française  était  au  contraire  une 
cause  d'exclusion  :  «  Attendu  qu'aucun  citoyen  ne  saurait 
exercer  les  fonctions  de  juré  qu'il  ne  soit  en  état  de  remplir 
les  devoirs  prescrits  parla  loi,  et  que  pour  remplir  ces  devoirs 
illaul qu'il  soit  suffisamment  instruit  dans  Tidiome  dans  le- 
quel se  font  l'mstruction  et  les  débats  de  la  procédure  ;  que, 
par  conséquent,  le  défaut  de  connaissance  dudit  idiome  rend 
un  juré  incapable  d'en  exercer  les  fonctions,  et  le  met  hors  de 
l'application  de  la  peine  portée  parla  loi^  »  On  avait  cepen- 
dant pensé  qu'il  serait  possible  de  suppléer  à  cette  ignorance 
en  plaçant  un  interprétée  côté  du  juré  *  ;  mais  il  fut  reconnu 
plus  tard  que  cette  mesure  est  impraticable  :  «  Attendu 
que  cet  interprète  ne  peut  transmettre  au  juré  tout  ce  qui 
a  été  dit  par  les  témoins,  le  ministère  public  et  le  président, 
pour  la  manifestation  de  ta  vérité  ;  qu'il  ne  peut  lui  faire  coq* 
naître  que  ce  qu'il  croit  lui-même  utile  pour  former  sa  convic- 
tion ;  que  le  juré  ne  peut  apprécier  par  lui-même  les  preuves 
k  charge  et  à  décharge  ;  que  sa  conviction  est  nécessairement 
subordonnée  à  l'opinion  d^son  interprète;  et  que  la  loi  veut 
néanmoins  que  les  jurés  déterminent  leur  conviction  d'après 
le  sentimenjl  de  leur  conscience  sur  les  débats  qui  ont  lieu  de- 
vant eux  ^.  » 

Ces  diverses  solutions  doivent  continuer  de  régir  la  matière 
sous  la  légiflation  nouvelle. 

*  eau.  s  mess,  an  tiii«  rapp.  M«  Bayant  Dali,  t*  Init  crin.  n.  i4S7« 

*  Goar  d*aift.  de  la  Sdne,  k  janT.  1830.  M.  Jaoquinot  Godard,  prés. 

*  CSM.  iS  fendénu  an  vui,  rapp.  M*  Basscbop.  i.  P.,  1. 1,  p.  SOS. 

*  Giia.  S  juUl.  1812,  rapp.  M.  Bauehau.  J.  ^^  U  X,  p«  53S. 

*  Ça».  SO  oct.  ISiS,  rapp.  M.  VaDloulon,  J.  P.,  t  XI,  p.  744. 

y  nu  IS 


290  >I8  COURS  D*ASSltEf. 

Ce$i  avec  une  haute  raison  que  le  législateur  a  exigé  que 
les  jurés  sussent  lire  et  écrire.  Les  jurés  sont  des  jpges  ;  la  loi 
doit  donc  exiger,  comme  condition  de  leur  participation  à  k 
justice,  le  degré  d'instruction  indispensable  pour  saisir  les 
preuves  de  la  vérité.  On  ne  peut  que  se  référer  d'ailleurs  aux 
termes  de  U  circulaire  du  10  septembre  184>8  :  c  La  loi 
u^exige  des  jurés  que  le  premier  degré  d'instruction  :  1^  lec- 
ture et  récriture  ;  mais  ce  premier  degré  doit  être  complète- 
ment acquis.  Le  citoyen  qui  ne  sait  pas  signer  son  nofn  ou 
qui  ne  peut  lire  que  les  caractères  imprimés  ne  le  possède 
pas.  L'instruction  primaire  suppose,  quand  elle  est  entière,  an 
certain  développement  de  l'intelligence  qui  est  la  pondilion 
essentielle  de  la  fonction.  Gomment  le  juré  qui  ne  pourrait 

firendre  aucune  connaissance  des  pièces  ^e  la  procédure  pour- 
ait-il  consciencieusement  juger?  II  faut  ajouter  qu'il  e^f  ué-^ 
cessaire  que  ces  notions  élémentaires  s'appliquent  à  la}an|^ue 
française ,  puisque  c'est  exclusivement  dans  cette  langue 
que  les  débats  ont  lieu  et  que  sont  rédigés  |es  actes.  » 

Néanmoins,  atyourd'bui  comme  antérieurement  à  la  loj,  il 
ne  résulte  pas  de  nullité  de  la  participation  d'un  juré  illettré 
aux  opérations  du  jury.  La  raison  en  est  que  Tart.  i"  de  la 
loi  du  4  juin  18&3  n'attache  la  peine  de  nullité  qu'aw^  inca- 
pacités et  aux  incompatibilités  établies  par  cet  artide  et  par 
les  art.  3  et  3  et  nullement  aux  exclusions  énumérées  dfns 
Tart.  4'.  Il  s'agit  d'une  prohibition  établie  en  vue  de  la 
bonne  distribution  de  la  justice,  mais  qui  a' entraîne  aucune 
incapacité  absolue. 

L'ignorance  de  la  langue  française  devrait,  au  contraire, 
aujourd'hui  comme  sous  l'empire  des  h)is  antérieures  ^  être 
considérée  comme  une  cause  d'exclusion.  £n  effet,  on  ne  peut 
admettre  qu'un  juré  qui,  ne  parlant  par  exemple  que  h  langue 
bretonne,  la  langue  alleamnde  ou  la  langue  italienae>  ignore- 
rait entièrement  la  langue  française,  puisse,  étranger  qu'il  se- 
'  rait  aux  débats,  qui  ne  peuvent  avoir  lieu  qu'en  français,  de- 
venir l'un  des  juges  de  ces  débats  ;  et  le^  arrêta  qui  dé- 
nient dans  ce  cas  à  ce  juge  le  secours  d'un  interprète,  ont 
conservé  toute  leur  force,  car  ils  sont  l'expression  de  la  rai- 
son même. 

Hais  quel  doit  être  l'effet  de  cette  iucapacité?  Cet  effet  dé- 
pend de  sa  nature  même  :  il  s'agit  ici  d'une  incapacité  de  bit 

*  Cass.  iS  mai  185A|  rapp.  M.  J«Uob«  Bull.  n.  iSi  i  8  mars  iSS^t  npP* 
M,  Rives.  Ëull«  n,  87* 


DE  LA  GOMPCSinOS  OD  J0ftY.  $  597.  S91 

et  non  ée  droit.  La  loi  ne  l'a  point  prononcée  et  ne  le  pouvait 
peat<-ètre  pas  ;  car  conament  édicter  une  incapacité  qui  ne  ré- 
fdte  que  d'une  ignorance  relative?  Il  appartient  à  la  Cour 
d^MMnde  faire  l'appréciation  du  degré  de  capacité  du  juré 
et  de .  Técarter  «11  ne  peut  comprendre  et  suivre  les  débats. 
Hais,  si  la  Gour  d^assises  Ta  admis  ou  si  son  ignorance  de  la 
iaiigne  française  n*a  pas  été  relevée  au  moment  de  la  forma- 
tkm  da  yarf,  il  y  a  présomption  qu*il  a  pu  utilement  par- 
ticiper au  jugement.  Gomment,  en  effet,  fonder  un  moyen 
de  nullité  sur  la  prétendue  ignorance  que  le  juré  aurait  de  la 
langue?  Gomment  faire  devant  la  Cour  de  cassation  la  preuve 
de  âtteiguorance?  C'est  un  examen  qui  ne  peut  appartenir 
qu'A  la  juridiction  devant  laquelle  se  idme  le  jury. 

iV.  Une  troisième  exdusion  a  pour  objet  «  ceux  qui  sont 
plaoés  dans  uti  établissement  public  d'aliénés,  en  vertu  de  la 
Wdla30jiiini888.  » 

L'art.  %  B^  10  avait  déjà  déclaré  incapables  «  les  in- 
teidite  et  les  individus  pourvus  d'un  conseil  judiciaire.  » 

Ces  den  classes  de  personnes,  quoique  la  cause  de  Tex- 
dnaioB  soit  souvent  identique,  doivent  être  soigneusement 
iéparées.  À  celle-ci  s^applique  une  incapacité  de  droit  ;  aux 
«rtresone  inèapaeitéqui  est  purement  de  fait. 

C'est  le  jugement  qui  prononce  l'interdiction  on  la  nomina- 
tioo  du  conseil  judiciaire  qui  crée  Tincapacité.  Il  est  évident 
ffOD  Trodividu  qui  ne  peut  exercer  ses  droits  par  lui*mëme  ou 
sans  Tassistanoe  d*un  conseil,  ne  doit  pas  participer  à  un  acte 
4e  justice; il  n'a  pas  la  pleine  jouissance  de  ses  droits  civils; 
il  ne  peut  4lre  juré.  Cette  incapacité  est  absolue  et  aux 
fermes  des  art.  1  et  %  de  la  loi ,  elle  entraine  la  nullité  des 
«périmions auxquelles  a  concouru  le  juré  interdit  ou  dans  les 
Hensd'uneonseil  judiciaire.  Elle  était  déjà  admise  par  la  ju- 
risprudence avant  que  la  loi  l'eût  prononcée  i. 

La  résidence  dans  un  élabUssement  public  d'aliénés  pro- 
duit une  incapacité  de  fait  qui  peut  difficilement  être  élu- 
dée. Mais  en  supposant  qu'elle  pût  l'être,  il  ajppartien- 
drait  sans  doute  à  la  Cour  d'assises  de  prendre  cette  cir- 
constance en  considération  et  d'écarte^aux  termes  même  de 
la  loi,  Je  juré  qui  se  trouverait  dans  œtte  pontion.  Touterois> 
û  elle  n'éteit  pas  relevée  devant 'oette  Cour,  elle  ne  pourrait 
fonder  ultérieurement  une  nullité,  caria  loi  ne  la  prononce 

*  Casa,  SSJttillt  1825,  rapp.  M.  Brière.  Bull.  n.  185. 


îl)2  UËS  COURS  d'assises. 

pas  et  il  y  aurait  lieu  de  présumer  que  le  juré  atteint  de  h  ma- 
ladie  qui  a  motivé  sa  résidence  momentanée  dans  une  m<iison 
publique  d'a^"'énés,  ne  s'y  trouve  plus  parce  qu'il  aurait  été 
complctenirnt  guéri.  11  n'y  a  pas  là  de  titre  judiciaire  qui  éta- 
blisse une  cause  légale  et  permanente  d'incapacité  ;  il  n'y  a  que 
le  fait  d'une  maladie  qui  peut  n'être  que  temporaire  et  dont  il 
ne  peut  appartenir  k  la  Cour  de  cassation  de  constater  les  effets. 
Il  en  serait  ainsi  delà  résidence  dans  un  établissement  privn 
d'aliénés,  puisque,  aux  termes  de  l'art.  8  de  la  loi  du  30  juin 
1838,  les  causes  et  les  formes  de  Tentrée  dans  les  établisse- 
ments publics  et  privés  sont  les  mêmes. 

y.  La  loi  ne  s'est  point  occupée  des  infirmités  qui  peuvent 
rendre  les  jurés  tout  à  fait  impropres  i  l'exercice  de  leurs  fonc* 
lions,  par  exemple,  la  cécité  ou  la  surdité.  Elle  a  pensé  qu'il 
appartenait  soit  à  la  Cour  d'assises,  parla  voie  des  dispenses 
ou  des  excusos,  soit  aux  parties,  par  la  voie  de  la  récusation, 
d'éloigner  du  jury  les  impotents  et  les  malades.  On  ne  pour- 
rait donc  admettre,  comme  l'a  fait  cependant  la  Cour  decas- 
sation  dans  une  espèce  particulière  ^  ,que  la  déclaration  du  jury 
puisse  être  attaquée  par  la  preuve  de  la  surdité  de  l'un  de  ses 
membres.  Il  faudrait  décider  comme  l'a  fait  la  même  Cour  dans 
une  espèce  plus  récente  :  a  que  l'appréciation  dés  motifs  d'ex- 
cuse des  jurés  est  abandonnée  à  la  conscience  et  aux  lumières 
desGoursd'assises;querétat  de  surdité  attribué  par  lesdemaa- 
deursà  deux  des  membres  du  jury  de  jugement  n'a  pas  été  jugé 
parla  Gourd'assisesde  natureà  les  rendre  incapables  de  remplir 
leur  mission  ;  qu'il  y  a  dès  lors  présomption  légale  que  ces 
deux  citoyens  se  trouvaient  dans  des  conditions  de  capacité 
non  susceptibles  d'être  remises  en  question  en  instance  de 
pourvoi,  à  l'aide  de  documents  extérieurs  qui,  en  présence 
des  actes  authentiques  du  procès,  n'ont  aucune  foi  pro- 
bante*. »  *  ^ 

S  598. 

I .  Causes  d^iDCompatibilité.  —  11.  Incompatibilités  permanentes.  — 
lli.  Incompatibilités  accideiUeiUs.  —  IV.  Parenté  ou  alliance  des 
jurés. 

I.  Les  incompatibilités  sont  des  dispenses  ou  des  exclu- 
sions qui  sont  fondées,  non  plus  sur  des  Taits  personnels  aux 

*  Cas».  27  frim.  an  vu,  rapp.  \USautercau.  J.  P„  1. 1,  p.  Î83, 
«  Ca^s.  30  jan?.  4S/i5,  rapp.  M.  nocliiT.  J.  crim.,  t.  XVIf,  p.  75. 


DE   LA  COMPOSITION   DU   JIRV.    §   598.  293 

individus  écartés  du  jury,  mais  sur  les  fonctions  perma- 
nentes ou  accidentelles  qu'ils  remplissent,  ou  sur  les  inté- 
rè(s  qu'ils  ont,  soit  que  ces  fonctions  où  ces  intérêts  soient  de 
nature  à  influencer  ou  corrompre  leur  impartialité,  soit 
qu'il  en  résulte  un  obstacle  à  Taceomplissement  du  service  des 
assises. 

Ces  incompatibilités  sont  de  deux  espèces  :  les  unes,  pré- 
vues par  Tart.  383  du  G.  d'inslr.  cr.,  sont  permanentes  en 
ce  sens  qu'attachées  à  la  fonction,  elles  subsistent  dans  la 
personne  du  fonctionnaire  pendant  toute  la  durée  de  son 
exercice.  Les  autres,  prévues  par  Tart.  372,  sont  purement 
accidentelles,  puisqu'elles  ne  s'appliquent  qu'aux  affaires 
dans  lesquelles  la  participation  personnelle  du  juré,  sa  qua- 
lité Gif  son  intérêt  pourraient  Xaire  suspecter  son  impar- 
tialité. 

II.  Les  incompatibilités  permanentes  sont  énumérées  par 
Tart.  3  de  la  loi  du  h  juin  1853,  qui  a  remplacé  sous  ce  rap- 
port Tart.  383.  Cet  article  est  ainsi  conçu  :  «  Les  fonctions 
de  juré  sont  incompatibles  avec  colles  de  ministre,  président 
du  sénat,  président  du  corps  législatif,  membre  du  conseil 
d'État,  sous-secrétaire  d'État  ou  secrétaire  général  d'un  mi- 
nistère, préfet  et  sous-préfet,  conseiller  de  préfecture,  juge, 
officier  du  ministère  public  près  les  cours  et  les  tribunaux  de 
première  instance,  commissaire  de  police,  ministre  d'un  culte 
reconnu  par  l'État,  militaire  de  Tarmée  de  terre  ou  de  mer 
en  activité  de  service  et  pourvu  d'emploi  ;  fonctionnaire  ou' 
préposé  du  service  actif  des  douanes^  des  contributions  indi- 
rectes, des  forêts  de  l'État  ou  de  la  couronne  et  de  l'adminîs- 
tration  des  télégraphes  ;  instituteur  primaire  communal.  » 

Ces  incompatibilités  sont,  en  général,  les  mêmes  que  celles 
que  les  lois  précédentes  avaient  consacrées  ;  seulement  les 
fonctions  de  conseiller  de  préfecture,  de  commissaire  de  po- 
lice et  d'instituteur  communal  ont  été  ajoutées  aux  catégories 
antérieures. 

Il  est  une  de  ces  incompabilités  qui  donne  Heu  à  quel- 
ques explications. 

Que  faut-il  eniendrepar  le  mot  jtig/dans  l'article  précité  ? 
11  est  clair  d'abord  que  cette  qualification  comprend  les 
membres  de  la  Cour  de  cassation,  des  cours  impériales  et 
des  tribunaux  d'arrondissement. 

Conjprend-clie  le^  membres  des  tribunaux  de  commerce? 


tSi  DU  COUAI    D*ASS.tSESr 

Oai ,  «  attendu  que  la  dénomination  de  juges  comprend 
les  magistrats  de  Tordre  judiciaire»  nommés  et  institués  par 
le  roi,  et  qui  administrent  la  justice  en  son  nom  ;  que  les 
membres  des  tribunaux  de  commerce  sont  institués  par  le  roi 
et  forment  une  partie  importante  de  Tordre  judiciaire;  que, 
par  conséquent,  leur  qualité  de  juges  s'oppose  â  ce  qu'ib 
puissent  faire  partie  du  jury  K  » 

Comprend-etle  les  juges  de  paix?  La  réponse  doit  encore 
être  affirmative,  puisque  les  juges  de  paix,  dans  des  limites 
de  leurs  attributions,  sont  de  véritables  juges  ;  ils  en  ont  le 
titre,  sont  nommés  par  le  chef  de  TËtat  et  rendent  la  justice 
en  son  nom*. 

Comprend-etle  les  suppléants  des  tribunaux  de  première 
instance,  des  tribunaux  de  commerce  et  des  juges  de  paix? 
Non,  et  la  jurisprudence  n*a  jamais  varié  sur  ce  point.  Il  a 
été  décidé,  V  à  Tégard  des  suppléants  des  tribunaux  de  pre- 
mière instance  :  «  que,  d'après  Tart.  12  de  la  loi  du  27  Tent. 
anTiii,  les  suppléants  n'exercent  les  fonctions  de  juges  que 
momentanément  et  dans  des  cas  purement  accidentels  ;  qu'ils 
ne  t>euvent  donc  être  assimilés  aux  juges  dont  les  fonctions 
sont  habituelles  et  permanentes  ;  que  Tart.  (l  de  la  loi  du  30 
avril  ISfO  n'a  point  détruit  celte  distinction,  puisque  le  droK 
d'assister  à  toutes  les  audiences  avec  voix  de  consultation  et 
même  délibérative,  en  cas  de  partage,  qu'il  donne  aux  juges 
suppléants,  n'étant  que  purement  facultatif,  il  en  résulte  que 
les  fonctions  qu'ils  sont  dans  le  cas  d'exercer,  en  vertu  dudit 
article^  sont  également  momentanées  et  accidentelles;  d'où  il 
suit  que  l'incompatibilité  que  Tarr.  384  a  établie  entre  les 
fonctions  de  juré  et  celles  de  juge,  ne  peut  être  étendue  aux 
juges  suppléants  ;  que  ceux-ci  peuvent  donc  légalement  exer- 
cer Tes  fonctions  de  jurés;  que  si,  dans  Tart.  5  de  la  loi  du 
Snr  ventôse  an  viii,  il  est  dit  que  les  fonctionnaires  désignés 
en  Tart,  i,  parmi  lesquels  sont  dénommés  les  juges  san-' 
pTéants^  ne  pourront  être  requis  pour  aucun  autre  servu» 
public,  cetCe  disposition  a  été  modifiée  par  les  lois  et  r^e- 
ments  postérieurs  3.  »  -*-  2^  A  Tégard  des  suppléants  des 

*  Cmu  22  juin  1889,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  20S  ;  et  Conr.  f 5  juUir 
1S20»  rapp.  M.  Rataud.-  Bull.  n.  100  ;  2&  sept.  iS25,  rapp.  H.  Brière.  BoU. 
n.  192  ;  sa  nov.  1838,  rapp.  M.  Vincens  SULaurent.  Bull.  n.  360. 

*  Casa.  S  prairial  an  Tfn,  rapp.  M.  Gliasle.  Bull.  n.  850  ;  25  prair.  an  ut, 
rapp.  H.  Barria..  J»  P.^  t.  lY,  p.  il, 

*  Cnis.  1  juin  1821,  rapp.  M.  Bussaliop.  Bull.  n.  85;  et  Conf.  cju«  1% 
juin  1821,,  rapp.  M.  Marcheval;  3  janv.  1822,  rapp.  M,  Glauselj  27  ftn 


DE  LA  COMPOSITION  »C  JUftT.  |  898.  29V 

tribunaux  dé  commerce  :  «  que»  relatiyeroent  aux  juget» 
rincompaiibilité  u'existe  qu'à  l'égard  des  juges  titulaires 
institués  par  le  roi,  soit  médiatement,  à  la  suite  d'une  étec^ 
tKxi  régulière,  soil  immédiatement,  en  vertu  de  sa  préroga- 
tive ;  que  les  fonctions  de  juges  suppléants  ne  sont  pas  de 
leur  nature  permanentes,  mais  exceptionnelles;  que  dés  lors 
les  r^Iements  faits  par  les  tribunaux  de  commerce  sous  la 
sanction  de  l'aulorite  supérieure ,  pour  rendre  les  fonctions 
des  suppléants  plus  ou  moins  habituelles,  ne  peuvent  étendre 
le  cercle  des  incompatibilités  ^  »  —  Enfin»  à  IVgard  des 
suppléants  des  juges  de  paix  :  «  que  si,  aux  termes  de  Tart. 

3  de  la  loi  du  4  juin  1853,  les  fonctions  de  juré  sont  incom- 
patibles avec  celles  de  juge,  les  fonctions  accidentelles  et 
momentanées  que  les  suppléants  des  juges  de  paix  sontappe^ 
lés  à  remplir  ne  peuvent  leur  conférer  le  titre  déjuge  (jui,  dana 
les  larmes  de  la  loi»  ne  s'applique  qu'aux  juges  qui  ont  des 
fonctions  habituelles  et  permanentes  '•  » 

Cette  qualification  comprend-elle  les  conseillers  et  les 
juges  honoraires  et  en  retraite?  Il  faut  répondre  négativement, 
«  attendu  que  si  les  magistrats  honoraires  continuent  à  jouir 
des  privilèges  et  prérogatives  attachés  à  leur  état,  ils  n'en  sont 
pas  moins  dépouillés  de  leurs  fonctions  et  ne  peuvent  ôtrs 
considérés  cofnme  des  juges  dans  le  sens  de  l'art.  883  '.  • 

Comprend-elle  les  membres  de  la  cour  des  comptes?  Non 
encore,  a  attendu  que  l'art.  383  n'a  point  créé  une  préroga* 
ttve  i  raison  de  l'émincncedes  fonctions,  mais  qu'il  a  déclaré 
une  incompatibilité  fondée  sur  leur  nature  môme;  que  les 
inoonipatibilités  spnt  de  droit  étroit,  et  ne  peuvent  s'étendre 
hors  des  cas  pour  lesquels  elles  ont  été  formellement  établies ) 
que  la  disposition  du  Gode,  qni  déclare  les  fonctions  de  juré 
incompatibles  avec  celles  de  juge,  no  concerne  que  lesmagis* 
trats  de  l'ordre  judiciaire  proprement  dit  ;  que  la  cour  des 
comptes  a  été  instituée  pour  le  jugement  de  la  compubilité 
publique;  que  ses  arrêts  peuvent  être  attaqués  pour  violation 

jdjtft.  rvv».lf«  ItatMRt;  iO  aoftt  iSlS,  rapp.  M.  Ollfvi«r;  7  mat  IS39,  rapp. 
M.  oîlivicr  I  7  nûi899,  rapp.  M.  MaosiQ  ;  SO  loai  ISS»,  rapp.  M.  C)aase>s 
8  janv.  1839,  rapp.  M.  Gaillard;  23  août  1883,  rapp.  M.  doCrouseillieai 

4  £l  iS46,  rapp.  M.  Oehauasy. 

^  VGwb  18 avril  ISSO,  rapp.  M.  iMmbert. Bail.  a.  118. 

•  Caift  9»  j«ln  1854,  rapp,  M.  Avg*  Moreau.  Bull.  o.  209 ,  et  Conf.  eaas* 
te  août  1838,  rapp.  M.  Ollmer.  J.  P.,  t  XX,  p.  797;  so  mai  4829,  rapp. 
M.  Cisoiei.  ^  Po  t-  3^Wi  P*  A078;  15  no?.  1837,  cli.  eW.,  rapp.  M.'MiUer. 
BbU.  ?•  iMt,  cr.  D.  1431. 

»  GQSS*  ^9  mai  1842,  rapp.  M.  de  Ricard.  BuiJ.  p.  124^ 


290  DKS  COUHS  B\ftfilS£8. 

(les  formes  ou  de  la  Ioi\  par  la  voie  du  recours  au  conseil 
d*Ëtat  ;  que,  par  la  nature  de  ses  attributions,  elle  appartient 
donc  à  la  juridiction  administrative  ;  qu^ainsi  les  membres  de 
cette  cour  ne  se  trouvent  point  placfc  dans  l'exception  prévue 
par  le  §  1  dudit  article  \  » 

La  même  solution  doit  s'appliquer  encore  aux  prud'hom- 
mes :  «  attendu  que  les  conseils  de  prud'hommes,  institués 
en  vertu  de  la  loi  du  10  mars  1806,  n'appartiennent  à  l'ordre 
judiciaire  ni  par  leur  composition,  ni  par  le  mode  de  leur 
nomination  et  de  leur  établissement,  puisqu'il  suffit  d'être 
marchand-fabricant,  chef  d'atelier,  contre-^nafire  teinturier 
ou  ouvrier  patenté,  pour  être  appelé  à  en  faire  partie  ;  que  les 
ordonnances  de  leur  création,  dans  les  communes  où  leur 
utilité  est  reconnue,  sont  rendues  par  le  roi  sur  le  rapport  du 
ministre  de  l'intérieur  ;  que  les  membres  de  ces  conseils  no 
sont  pas  nommés  par  le  roi  comme  les  juges  civils,  ni  insti- 
tués par  sa  majesté  comme  les  juges  de  commerce*,  que  si  ces 
conseils  exercent,  concuremment  avec  les  tribunaux  civils  et 
de  commerce,  comme  les  maires  avec  les  tribunaux  desimpie 
police  et  les  conseils  de  préfecture  avec  les  tribunaux  de  police 
correctionnelle,  une  juridiction  proprement  dite,  ils  ne  font 
pas  pour  cela  plus  essentiellement  partie  de  Tordre  judiciaire 
que  les  maires  eux-mêmes,  leurs  adjoints  et  les  membres  des 
conseils  de  préfecture;  que  tour  à  tour  arbitres,  experts  et 
surveillants,  leurs  fonctions  habituelles  sont  des  fonclioûs  de 
police  et  de  conciliation  entre  des  individus  qui  pratiqueiit 
une  même  industrie  ou  suivent  une  même  profession  et  ne  ' 
s'étendent  pas  sur  Tuniversaiité  des  citoyens  ;  que,  s'il  no- 
dent  des  jugements,  ce  n'est  qu'entre  ces  mêmes  individus,  i 
l'égard  d^  certaines  causes  seulement,  et  par  exception,  et 
sans  être  revêttis  du  caractère  habituel  des  juges;  que  si  le 
législateur  a  voulu  écarter  des  fonctions  de  juré  les  magistrats 
qui,  par  l'habitude  journalière  et  la  longue  pratique  des  af- 
faires judiciaires,  pourraient  ne  point  apporter  dans  l'exercice 
de  ces  fonctions  cette  disposition  d'esprit  et  cette  indépendance 
(ie  toute  méthode  légale  que  la  loi  désire  trouver  dans  les  ju- 
rés, il  est  évident  qu'elle  n'a  pu  ni  voulu  appliquer  cette  in^ 
capacité  àdes  hommes  recemmandables  sous  tous  les  rapports, 
investis  de  la  confiance  de  leurs  concitoyens,  exerçant  des 

*  Cau.  Si  aTiil  iS&S,  rapp.  M.  Bresson.  Bull,  n.  87;  et  Cont  casa.  iS 
manlSlS,  rapp*  M,  OllîTier.  Dali.  ?•  Insu  cr.  n,  1487  ;  !0  fév.  13^1, raM»* 
M.  CItaoltrejna.  Bull.  d.  J5.  '^ 


DE  LA  COHrOUTION  DV  IDIT.  §  598.  297 

fonctions  libres  et  industrielles,  et  dont  les  fonctions  tempo- 
raires, et  ordinairement  extra^judiciaires,  ne  peuvent  modiâer 
la  manière  de  voir  et  dominer  la  conscience  dans  l'apprécia- 
tion des  faits  et  des  circonstances  qui  résultent  des  débats  ou- 
verts sur  une  accusation  \  » 

Elle  s'applique  aux  maires  et  adjoints  des  communes  non* 
chefs-lieux  de  cantons,  qui  connaissent»  comine  juges  de  po. 
lice»  de  certaines  contraventions  commises  dans  L'étendue  de 
leurs  communes  :  «  attendu  qu'ils  n'exercent  les  fonctions  de 
juges  de  police  qu'éventuellement  et  dans  un  petit  nombre  de 
circonstances  ;  qu'ils  ne  les  exercent  qu ^accessoirement  à  leurs 
fonctions  principales ,  et  qu'ils  ne  sont  point  compris  au 
nombre  des  juges  proprement  dits  dont  les  fonctions  habi- 
tuelles sont  incompatibles  avec  celles  des  jurés  *•  » 

Elle  s'applique  enfin  aux  greffiers  des  cours  et  tribunaux  : 
«  attendu  qu'aucune  loi  n'a  déclaré  incompatibles  les  fonc- 
tions de  juré  avec  celles  de  greffier  d'un  tribunal  ^^  » 

Ces  différentes  décisions  expliquent  nettement  le  sens  du 
moXjuge  et  l'application  qui  lui  a  été  donnée.  Les  autres 
fondions  indiquées  comme  incompatibles  ne  demandent  au- 
cane  explication.  La  jurisprudence  avait  déclaré  que  Tincom- 
ptKkibililé  nes'étendait  poinlaux  conseillers  de  préfecture^,  aux 
commissaires  de  police  >,  aux  fonctionnaires  du  service  actif 
des  administrations  publiques  6,  aux  militaires  en  activité  de 
serviee?.  Ia  loi  du  4  juin  1863  a  modifié  ces  décisions  en 
inscrivant  parmi  les  fonctions  incompatibles  ces  fonctionnai- 
res et  agents. 

Les  incompatibilités  permanentes  ainsi  reconnues,  il  nous 
reite  à  établir  les  règles  qui  doivent  être  suivies  lorsqu'elles  se 
produisent. 

Toutes  les  fois  qu'un  des  fonctionnaires  qui  viennent 
d'élre  énumérés  a  participé,  soit  à  un  tirage  de  jurés 
effectué  avec  le  codcoivs  de  30  jurés  seulement,  soit  à  la  dé* 

*  Gais,  tk  sept  1895,  rapp.  M.  Brière.  BalUn.  192. 

*  Caai»  SS  mai  ISU,  rapp.  M.  Oudaru  DaU.  ▼•  Intt.  criin.  d.  14SSt  et 
ConC  cas».  SI  janv.lSlS,  rapp.  M.Liborel  ;  8  ocLlSlS,  rappw  M.Vanloulon; 
25flq>t.  1825,  rapp.  11.  Brière  ;  14  sept,  1837,  rtpp.  M-Yinceas  St-Laurent, 

*  Gmi.  19  déo.  1807«  rapp.  M.  Busachop.  Dali,  v*  Inst.  mm.  n.  ikkk,  et 
Coof.  caïa.  as  ft?.  48S»,  rapp.  M.  RJTes.  Bull.  n.  59  ;  S  jaaf.  ISâS.  Bail, 
n.  iS;  et  28  jain  1850.  DalL  50,  5,  lOi. 

*CaM.  25iept.  1825.  BuIL  n.  192;  22  aTril  18&6.  Bull  n.  99;  25  déc. 
1S52.  Bull.  o.  US. 
'  Casi.  2  mai  1810.  Dali,  t*  Insu  crim.  n.  1445. 

*  Gaii.  21  vend.,  27  frim.  et  19  ventôse  an  tiii.  Bull.  ii.  37, 171  et  285. 
'  Cau.  9  martlSSa.  Bull.  d.  85. 


29S  »K8  COURS  P  ASSISES. 

claration  du  jury,  il  y  a  nécessairement  lieu  d'annuler  Tarrèt. 
L'ait.  1  de  la  loi  du  4.  juin  1853  porte,  en  effet,  que  nui  ae 
peut  remplir  le9  fondions  de  juré,  à  peine  de  nullité.. «,  i^U 
€9t  imê  un  des  ca$  dHncapacité  ou  d'incompatibiliU  préyos 
par  les  deux  articles  suivants.  »  L'art»  8,  qui  définit  m  in- 
compatibilités permanentes,  se  trouve  donc  protégé  par  cette 
^sanction,  La  loi  a  établi^  è  Tégord  des  fonctionnaires  qu'elû 
à  exclus,  une  impossibilité  légale  de  siéger.  Peut-être  eûtr>il 
été  possible  de  diviser  ces  fonctionnaires  en  deux  catégories  : 
pour  les  uns,  qui  peuvent  porter  dans  le  jury  des  influencer 
qui  en  altéreraient  Fcsprit,  il  y  aurait  eu  réellement  impossio 
bilité  d'en  remplir  les  fonctions;  mais  pour  les  autres,  qui  n'en 
softt  écartés  qu'en  raison  de  la  gravité  des  devoira  qui  pè« 
sent,  sur  eux  et  dont  ils  ne  peuvent  être  même  temporairement 
sottstraitSf  c'était  une  dispense  et  non  une  exclusion  que  la  loi 
eût  du  formuler.  Mais  cette  distineiion^  qui  était  h  coué- 
quence  naturelle  du  double  molif  de  Texciusion,  n'ayant  point 
été  faite,  et  la  loi  ayant  confondu  toutes  les  incompatibilités 
permanentes  dans  une  même  disposition,  il  s'en  suit  quel» 
seule  présence  d'un  fonctionnaire»  quel  qu^il  6oil>  oompris 
diins  cc3ineompatibilités,au  tirage,  s'il  n'y  a  que  âO  jurés  ou 
dans  le  jury  de  jugement,  entraine  nécessairemeiit  la  mitUté 
de  la  procédure^  Le  jury  n'est  légal  qu'autant  qu'il  est  formé 
et  composé  selon  le  vom  de  la  loi  ;  il  est  donc  illégal  qjMndon 
y  a  admis  des  personnes  dent  les  fonctions  sorc  ééiclarées  n^ 
compatibles  avee  celles  des  jurés. 

Uais,  à  côté  de  cette  règle  générale,  il  faut  poser  une  dou» 
ble  limite  qui,  sans  fai  restreindre^  doit  sans  cesse  la  ooolanir 
sur  le  terrain  que  la  loi  lui  a  assigné. 

£n  premier  lieu,  Tincompatibiliié  même  permanente  n'est 
qu'une  exception.  En  effet,  l'obligation  de  remplir  ke  fonc- 
tions de  jurés  est  une  charge  publique  imposée  sus  citoyens 
Igés  de  trente  ans  aooompfis  et  réunissant  les  oonditiom 
d'aptitude  établies  par  la  loi.  Toutes  les  exemptions  qui  vien* 
Beat  distraire  des  citoyens  de  cette  charge,  et  par  conséqpiént 
les  incompatibilités  qui  restreignent  le  cercle  des  aptitude, 
sont  donc  des  exceptions  à  la  règle  commune,  n  suit  d^  là 
qu'il  est  rigoureusement  interdit  de  les  étendre  au  delà  de 
leurs  termes.  Nous  avons  vu  tout  à  l'heure,  au  sujet  des 
juges  suppléants,  des  juges  honoraires,  des  greffiers,  des  mai- 
res et  adjoints  ,  que  la  jurisprudence  n'a  jamais  cessé  d'np- 
pliquef  cette  règle  avec  sévérité. 


DE   LA  COMPOSITION  DV  JUAT.  f  598.  299 

En  second  Heu»  rincompalihtiilé,  issue  de  l'exercice  d'une 
fonction,  cesse  nécessairement  avec  la  fonciion  d'où  elle 
dérive.  Ainsi,  le  préfet  ou  le  sous-préfet  qui  donne  sa  démis- 
sion,  le  magistrat  qui  prend  sa  retraite,  le  militaire  qui  est 
mis  en  non  activité  peuvent  être  inscrits  sur  la  liste  du  jury^ 
Leur  exclusion  n'est  attachée  qu'à  U  fonetion  ;  elle  n'est 
poînl  une  prérogative  personnelle;  car  il  n'a  point  été  dans 
resprit  de  la  lOi  d'en  faire  un  privilège. 

Telles  sont  les  deux  conditions  qui  dominent  sans  cesse 
l^applicsition  des  incompatibilités:  que  si,  en  dehors  du  cer- 
cle tracé  par  la  loi,  quelques  fonctionnaires  ou  agents  trou* 
vent,  dans  leur  service,  un  obstacle  au  service  du  jury,  ils 
peuvent  réclamer  une  exemption  de  la  Cour  d'assises,  mais 
celte  exemption  leur  est  accordée  à  titre  de  dispense  tempo- 
raire,  el  non  à  titre  d'incompatibilité  :  l'incompatibilité  ne 
peat  pas  sortir  des  termes  où  la  loi  Ta  posée. 

III.  Les  iocompalibilités  purement  accidentelles  sont  pré^ 
vues  par  Tart,  392  du  G.  dinstr.  cr.  qui  porte  que  «  nul  ne 
peut  être  juré  dans  la  même  affaire  où  il  aura  été  officier  de 
police  judiciaire,  témoin,  interprète,  expert  ou  partie^  à  peine 
de  nullité.  » 

Le  caractère  propre  de  ces  ineompatibilités,  c'est  qu'elle 
ne  produisent  leur  effet  que  dans  les  affaires  où  le  juré  a  rem-> 
pli  la  fonction  d'officier  de  police  judiciaire,  d'interprète  ou 
d'expert,  où  il  a  figuré  comme  témoin,  où  il  a  été  partie.  Cet 
effet  est  donc  purement  temporaire;  il  expire  avec  Taffairo 
elle-même.  C'est  la  prévention  qui  peut  se  former  dans  l'es- 
prit du  jaré  que  la  loi  a  redouta  ;  elle  écarte  toutes  les  per* 
sonnes  qu*eUe  peut  présumer  subir  la  même  influence,  parce 
Vi'elle  veut  avant  tout  un  jury  impartial.  Tel  est  Tesprit  et  le 
but  de  Part.  392. 

Ghaame  des  fonctions  ou  des  qualités  auxijuelles  est  atta- 
chée  PineompatUrilité,  demande  quelques  explications. 

La  loi  écart»  d'abord  Vofficier  de  police  judkiaire.  Nous 
avons  vu  i  qjuels  officiers  s'applique  cette  qualification  ^.Toas 
eeux  qui  ont  procédé  à  quelque  acte  de  leur  fonction,  même  à 
la  rédaction  d'un  procès-verbal  ou  d'une  plainte,  ne  peuvent 
dans  la  même  affaire  être  jurés  ;  ainsi,  la  Cour  de  cassation  a 
annulé  trois  procédures  dans  lesquelles  le  maire,  après  avoir 

*  Voy.  l,  IV,  p.  78, 


300  i»Es  GOUKs  d'assises. 

réaigé  en  c«ito  qualité  le  procès-verbal  constatant  le  fait  im* 
puté  à  Taccusé,  avait  ensuite  siégé  comme  juré  au  procès  '. 
Mais  est-il  permis,  quand  la  raison  de  décider  est  la  même, 
d^étendre  la  prohibition  à  des  officiers  qui  ne  pas  sont  revêtus 
de  ce  titre  ?  La  Cour  de  cassation  a  rejeté  un  pourvoi  foodé 
sur  ce  qu'une  Cour  d'assises  avait  écarté  un  juré  qui  avait 
assisté  le  juge  d'instruction  comme  commis  greffier  dans 
la  même  affaire  :  «  attendu  qu'aux  termes  de  Tarticle  1040 
du  C.  de  proc.  civ.  le  juge,  dans  tous  les  actes  et  procès- 
verbaux  de  son  ministère  ,  doit  toujours  être  assisté  du 
greffier;  que  spécialement  lorsque  le  juge  d'instruction  se 
transporte  sur  les  lieux  du  crime ,   il  doit  être  accompa- 
gné du  greffier  (art.  62  du  C.  d'inslr.  crim.);  que  les  té- 
moins doivent  être  entendus  séparément,  loin  de  la  présence 
du  prévenu,  par  le  juge  d'instruction  assisté  de  son  greffier; 
que  les  dépositions  sont  signées  du  juge,  du  greffier  et  du 
témoin  ;  qu'ainsi  le  greffier^  officier  de  justice,  auxiliaire  légal 
du  juge  d'instruction,  entend  avec  lui  les  témoins  dans  leurs 
déclarations,  le  prévenu  dans  ses  interrogatoires;  que  la 
signature  apposée  aux  proc<>s* verbaux  en  est  la  garantie  lé- 
gale ;  que  s'il  n'est  point  officier  de  police  judiciaire,  dans  le 
sens  restreint  de  cette  expression,  il  est  cependant  incontes- 
table qu'il  prend  une  part  nécessaire  à  l'instruction  ;  que  ses 
fonctions  s'identifient  avec  celles  du  juge  d'instruction  et  ne 
permettent  pas  qu'il  devienne  un  juré  impartial  et  indépen- 
dant dans  une  affaire  dont  l'instruction  est  du  moins  sou 
œuvre  matérielle  ;  que  comme  le  témoin,  l'interprète,  l'ex- 
pert, il  arriverait  à  l'audience  avec  des  impressions  reçues  et 
souvent  même  avec  une  conviction  formée  en  dehors  des  dé- 
bats, ce  qui  est  essentiellement  incompatible  avec  les  prin- 
cipes de  rinstitution  du  jury;  enfin,  que  la  présence  du 
greffier  à  la  délibération  du  jury  avec  la  connaissance  des  dé- 
clarations écrites  des  témoins  et  la  possibilité  d'en  reproduire 
le  contenu,  serait  une  violation  du  §  8  de  l'art,  341  qui 
défend  de  remettre  aux  jurés  lesdites  déclarations  '.  »  Cet 
arrêt  signale  avec  beaucoup  de  force  une  véritable  lacune 
dans  l'art.  392  ;  mais  lui  étaitril  permis  de  la  combler?  Il  est 
très  vrai  que  la  même  raison  qui  tcarte  l'officier  de  police 
judiciaire  ou  le  juge  qui  procède  à  une  instruction,  devrait 

>  Cass.  16  fruct.  an  ix,  BuU.  n*  S2i  ;  7  noT.  1833,  rapp.  M.RaUud.  Biill. 
II.  i05;  2i  mars  ISaO,  rapp.  M.  Gilbert  de  Voisins.  BuU.  n.  95. 
'  Gasi.  5  ocu  1049,  rapp.  M.  de  Glos.  Dali.  49,  S,  80. 


DE    LA   COMPOSITION   DU   JlRY.    §   ÎK)8.  IM}\ 

écarter  le  greffier  qui  assiste  à  cetfe  instruction  et  en  dresse 
tous  les  actes;  mais  esi-îl  permis  d'ajouter  à  la  catégorie  dc5 
incompntibilités  un  cas  nouveau ,  de  sortir  des  termes  res- 
Irictifsdela  loi,  d'étendre  une  exception  ?  )/aprôt  exprime, 
nous  le  croyons,  le  véritable  esprit  de  la  loi,  miis  il  s'appuie 
sur  cet  esprit  pour  créer  une  disposition  nouvelle,  et  il 
semble  didicile  de  le  suivre  jusques  là.  Le$  greffiers  ne  sont 
pas  plus  des  officiers  de  police  judiciaire  qu*ils  ne  sont  des 
jnïres ,  et  la  jurisprudence  qui  a  refusé  de  les  comprendre 
dans  Tart.  383,  pourrait  être  facilement  opposée  à  celle  qui 
les  comprend  dans  Tart.  392. 

Cet  article  exclut,  en  second  lieu,  les  témoins.  Nul  ne  peut 
être  juré  dans  une  atTaire  où  il  a  été  témoin,  car  on  ne  pour- 
rait comprendre  un  juge  descendant  de  son  siège  pour  témoi- 
gner et  un  jugement  impartial  à  côté  des  impressions  person- 
nelles du  témoin.  Ainsi,  lorsque  les  jurés  ne  sont  qu'au  nom- 
bre de  trente  et  que  parmi  ces  trente  figure  un  des  témoins, 
ou  lorsque  ce  témoin  s'est  assis  parm'  les  jurés  de  jugement, 
il  y  a  nullité  des  débats*.  Il  suffit  même  que  le  témoin  ait  été 
entendu  dans  l'instruction  écrite  pour  qu'il  ne  puisse  faire 
partie  du  jury,  lors  même  qu'il  ne  serait  pas  cité  à  Taudience  : 
ce  n'e!>i  pas  seulement  le  rôle  qu'il  remplit  au  débat  qui 
Texclat,  c'est  surtout  la  prévention  que  la  connaissance  per- 
sonnelle qu'il  a  eue  de  Taffaire  a  jetée  dans  son  esprit. 

Il  exclut,  en  troisième  lieu,  les  experts  et  les  interprètes. 
Comme  les  témoins,  les  experts  expriment  une  opinion  sur 
l'un  des  points  de  la  cause,  ils  n'ont  donc  point  une  complète 
impartialité,  et  ils  ne  peuvent  dès  lors  siéger  parmi  les  juges. 
Il  suit  de  là  que  le  juré  qui,  en  sa  qualité  de  médecin,  accep- 
terait pendant  les  débats  la  mission  d'une  vérification,  frap- 
perait de  nullité  la  délibération  à  laquelle  il  participerait 
ensuite  :  «  attendu  que  si  Tart.  383  exclut,  à  peine  de  nullité, 
des  fonctions  de  juré  celui  qui,  dans  la  même  affaire,  a  rempli 
celles  d'expert,  il  en  résulte  que  le  juré  qui,  dans  un  débat, 
accepte  une  commission  pour  faire  une  visite  et  une  vérifica- 
tion, et  se  sépare  de  ses  collègues  pour  exercer  ainsi  des  fonc- 
tions d'expert,  se  dépouille  de  sa  qualité  de  juré  ;  qu'il  la  perd 
irrévocablement  et  que  sa.participation  à  la  délibération  du  jury 

*  Cass.  83  fév.  1821,  rapp.  M.  Aumont  Bull.  n.  47;  1»  julll.  1831.  Buli. 
n,  114;  2nof.  iSîl.  Bull.  n.  175;  14  mai  1825.  Bull.  n.  95;  10  mars  1826. 
BaU.  D.44;  22  mai  1830. Bail.  n.  139;  11  janv.  1838.  Bull.  n.  10;  30 
sei.l.  i836.  Dali,  f  losl.  or.  D.  1465;  21  juin  1850.  Dali, .50,  5,  lOS. 


202  V^^  COURS   D  ASSISES. 

en  produit  la  nullité  ' .  «Muisricn  ne  slopposcrait  (k  ee  que,  dans 
le  couTBdf's  débals,  une  expertise  fût  conGéeà  Fun  des  jurés 
qui  ont  participé  àla  formation  du  tabieaudu  jury  s'il  n'en  fait 
point  partie  '.  Il  résulte  encore  de  la  même  régie  quele  médedn 
ou  le  pharmacien  qui  »  dans  le  cours  de  t^instruction,  a  été 
chargé  d'une  expertise,  ne  peut  ensuite  être  porté  sur  la  liste 
des  30  jurés  et  qu'il  y  a  lieu  d'annuler  la  procédure  dans  li- 
quelle  ce  cumul  est  vérifié  :  «  attendu  qu'il  résulte  des  pièces 
que  le  sieur  Cosanc,  commis  par  justice  dans  rinstmction  de 
l'affaire  criminelle  poursuivie  contre  le  demandeur,  pour  vé- 
rifier les  blessures  à  raison  desquelles  la  poursuite  a  été  faite 
et  en  dresser  procès-yerbal,  est  le  même  qui  a  fait  partie  des 
30  jurés  appelés  pour  la  formation  du  tableau  des  douze  ; 
que  la  vérification  par  lui  faite,  en  vertu  du  mandat  de  justice, 
et  le  procès-verbal  par  lui  dressé  lui  avaient  imprimé  le. ca- 
ractère d'expert  dans  cette  affaire  ;  qu'aux  termes  de  l'arti- 
cle 883,  il  était  donc  frappé  d'incapacité  pour  remplir  les 
fonctions  de  juré^^.  »  Il  on  résulte  enfin  que  la  nullité  doit  être 
prononcée,  lors  même  que  l'accusé  n'aurait  élevé  aucune  ré- 
clamation, lors  même  que  l'expert  n'aurait  pas  prêté  serment: 
«  attendu  que  le  silence  de  l'accusé  à  cet  égard  ne  saurait  être 
opposé  au  moyen  proposé,  puisque  la  formation  régulière  du 
jury  de  jugement  mtéresse  l'ordre  public  ;  qu'il  est  suffisam- 
ment <M)nstaté  que  le  juré  dont  il  s^agit  avait,  lors  de  Finstroc- 
tion  de  l'affaire,  rempli  les  fonctions  d'expert;  qu'il  imparte 
peu  que  le  magistrat  instructeur  ait  négligé  de  l'assujétiraa 
serment  prescrit  par  l'art,  kk  du  G.  d'inst.  cr.  ;  que  cette  in- 
fraction à  la  loi  ne  détruit  pas  le  fait  des  opérations  auxqudks, 
sur  la  réquisition  de  la  justice,  il  s'est  livré,  soit  àrégard 
des  matières  soumises  à  son  examen,  soit  à  l'égard  de  la  per- 
sonne même  de  l'accusé,  à  l'effet  de  reconnaître  en  lui  l'au' 
teur  des  deux  faits  criminels  dont  l'examen  a  été  renvoyé  au 
jury  'j  qu'il  suffit  que  ce  citoyen  ait  été  appelé  à  donner  son 
opinion  sur  Tune  des  circonstances  du  procès  pour  qu'ensuite 
il  ne  put  en  devenir  juge^.  » 


ft  Gasi.  2S  mai  ISi9,  rapp,  M.  GaHhrd,  Bull.  n.  St. 

*  Cast.  29  août  183S,  rapp.  M.  Rocher.  J,  P.,  t.  XXVI.  p.  802  ;  9  julor 
iWT.D.li.  »7,  4,480. 

*  Cass.  is  juillet  1821,  npp.  M.  Daubers.  Bull.  o.  iOO;  82  mil  iSl^ 
Bull.  D.  68  ;  5  juin  1828.  Bull  n.  71  ;  il  oct.  1826.  Bail.  D.  20i  :  0  fênier 
Iè34.  Bull.  n.  42« 

*  Cais  28  avril  i88Si  r»pp,  M.  Isambert.  Bull,  n.  109. 


DE  LA  CMPOftITfON  M  ttttY.  §  598.  303 

Enfin  U  loi  e&elut  les  parties,  saivant  la  règle  de  jusiicc 
qM  nul  ne  peut  ètfe  jage  dans  sa  propre  caase.  Qae  faut-ii 
entendre  par  partiêif  On  trouve  œ  mot  eipiiqaé  dans  un 
wréL  qui  porte:  «  que  si  l'art.  883  déelare  que  nul  ne  peut 
èlre  juré  dans  la  même  affaire  où  il  aura  été  partie»  on  ne 
Mut  considérer  comme  tels,  dans  les  affaires  eriminelles,  que 
les  dénondsfteurs,  les  plaignants  et  les  parties  poursuivantes 
00  les  parties  eiviles,  et  que  l'ineapaeité  prononcée  par  cet 
article  ne  saurait  étreétendue  à  d'autres  personnes,  parce  qu'il 
s'agit  d'une  disposition  d'exclusion  qui  doit  être  rigoureuse- 
ment restreinte  aux  cas  déterminés  pour  lesquels  elle  a  été 
porté*',  s  Ainsi,  on  ne  peut  considérer  comme  partie,  dans 
nne  accusation  de  faui,  le  porteur  d'actions  d'une  société 
ano&jme  au  préjudice  de  laquelle  le  taux  aurait  été  commis  '  ; 
ma  y  dans  une  accusation  de  banqueroute  frauduleuse,  celui 
qui  serait  créancier,  soit  du  failli  ',  soit  de  la  partie  cirile  ^. 
Cependant  la  jurisprudence  a  dû  faire  fléchir  cette  régie  dans 
un  seul  cas  :  Tinscription  du  nom  du  défenseur  de  l'accusé 
sur  la  liste  des  trente  jurés  opère,  comme  le  concours  de  l'une 
des  parties,  la  nullité  de  la  procédure.  La  Cour  de  cassation 
avait  rejeté  d*abord  cette  cause  de  nullité  ;  elle  avait  pensé 
que  la  qualité  de  défenseur  pouvait  donner  lieu  à  la  récusa- 
tion du  juré)  mais  ne  pouvait  fonder  une  incompatibilité  puis- 
que la  loi  ne  Tavait  point  prononcée  ^.  Mais  un  nouvel  exa- 
men de  la  question  amena  une  décision  contraire  :  «  attendu 
que  le  conseil  désigné»  suivant  TarU  fl9kf  à  Taccusé  dans  son 
dernier  interrogatoire,  peut,  selon  les  ari.  302  et  305,  com- 
nuniquw  immédiatement  après  avec  Taccusé,  prendre  com* 
Buinication  des  pièces»  prendre  ou  faire  prendre  copie  de  telles 
pièc^  qu'il  juge  utiles  à  la  défense  de  l'accusé  ;  qu'il  peut 
aussi  recevoir  ses  instructions  et  l'assister  au  moment  du  ti- 
îage  du  jury  ;  et  que,  sous  ces  divers  rapports,  il  s'identifie 
avec  l'accusé,  son  client^.  »  Ainsi ,  par  cette  raison  que  les 
défenseurs  des  accusés  s'identifient  avec  eux,  ils  ne  peuvent 
être  jurés,  parce  qu'ils  sont  considérés  comme  les  parties 

ft  Cass.  s  lept.  1826,  rapp.  IL  Brière.  EolU  d.  ilk» 

•  Mêaie  arrêt. 

s  G:  st.  A  nof.  1824. 

*  Gus.  16  oct  iaÂ6,  rspp.  If.  Rocher,  ittll.  tu  279. 

•  Cstt.  5  oct  181S,  rapp.  M.  Ollivier.  J,  P.,  U  XIV,  p,  10S7. 

*  Caié.  28  jant.  1825,  rapp,  M.  Brière.  Bull  n.  Il  ;  26  avril  1822»  rspp. 
11.  OUiTier.  BoU»  lU  liS. 


uOi  DES   COURS    u'aSSISES. 

elles-mêmes.  Cette  jurisprudence  n^a  plus  farié  \  et  la  Cour 
de  cassation  a  maintenu  en  conséquence  plusieurs  arrêts  par 
lesquels  des  cours  d'assises  avaient  ordonné  que  le  défeoseur 
de  l'accusé  ne  ferait  pas  partie  des  jurés  sur  lesquels  s*opér«t 
le  tirage  du  jury  de  jugement  \  Mais  elle  en  a  en  inènie 
temps  restreint  l'application  dans  des  term^  étroits  :  ce  n'est 
qu^au  défenseur,  actuellement  chargé  de  la  défense,  que 
s'applique  cette  fiction  qui  le  confond  avec  la  partie.  Ainsi, 
dans  une  espèce  où  la  cour  d^assises  avait  ordonné  le  retran- 
chement avant  le  tirage  du  nom  de  Tun  des  jurés,  sur  le  fon- 
dement qu^il  avait  été  le  notaire  et  le  conseil  de  Taccusé,  celte 
décision  a  été  cassée  :  «  attendu  que  cette  mesure, .  qui  ne 
rentrait  dans  aucun  des  cas  d'élimination  légale»  a  eu  pour 
effet  de  dépouiller  de  son  droit  le  juré  dont  il  s'agit,  de  priver 
l'accusé  de  la  garantie  éventuelle  résultant  en  sa  faveur  de 
Texercice  de  ce  droit  et  de  vicier  l'opération  du  tirage  ;  qu'en 
dehors  des  cas  d'incapaoité  et  d'incompatibilité  expressémeot 
prévus  par  la  loi,  et  de  dispenses  ou  d'excuses  admises  par  la 
cour  d'assises  lors  de  la  formation  de  la  liste  de  session,  les 
jurés  ne  peuvent  être  éliminés  que  par  voie  de  récusation  non 
motivée  et  dans  les  limites  du  droit  respectivement  attribué  à 
ce  sujet,  soit  au  ministère  public,  soit  à  Taccusé^.  »  La  même 
solution  s'appliquerait  au  notaire  qui  aurait  été  conseil  des 
créanciers  de  la  faillite,  lorsque  l'accusation  est  dirigée  cootre 
le  failli  4,  à  Tavocat  ou  à  l'avoué  qui  aurait  exercé  ou  occupé 
dans  une  instance  civile  pour  ou  contre  l'accusé  ^,  et  encore 
à  l'avocat  qui  a  été  consulté  par  la  partie  lésée  pour  savoir  si 
elle  devait  se  porter  partie  civile  ^.  Mais  il  en  serait  cependaot 
autrement  à  l'égard  de  l'avoué  qui,  en  sa  qualité,  aurait  sigûé 
la  plainte  concurremment  avec  la  partie  lésée  :  «  aueodu 
qu'un  avoué  est  un  mandataire  ad  liles^  et  qu'il  ne  peut  être 
considéré  comme  personne  distincte  de  la  personne  dont  il 
soutient  les  intérêts;  qu'ainsi,  dans  l'espèce»  le  juré  qui  avait 
signé  la  plainte  doit  être  de  droit  assimilé  à  la  partie,  et  qtie 
dés  lors  il  était  frappé  de  l'incapacité  prévue  par  Tari.  392  à 

s  GaM.  20  jttin  iai9,  rapp.  M.  Ricard.  Dali.  99, 1,  884  {  il  mai  1848» 
rapp.  M.  Iiambert.  BoiJ.  m  148. 

"Gan.  n  juin  1885,  rapp.  If.  Debauiay.  BulU  a.  181;  85  avril  A889, 
rapp.  M.  Ricard.  Bull.  n.  186. 

*  Caaa.  28  jaiifier  1844,  rapp.  If.  Rocher.  Boll.  n.  25. 

*  Can.  21  déc.  1848,  rapp.  M.  JacquinoL  Bull.  n.  825. 

•  Casa.  2  Bf  ni  1820,  rapp.  M.  MaDgin.  DalU  2»,  1,  208. 

•  Gaïa.  8  ocu  1844,  Gac.  des  trib.  da  4. 


M  LA  fiOMPOSITIM  DO  IIRT.  §  598.  305 

peîiw  de  nullité  ;  que  si  de  cette  incapacité  la  Cour  d'assises 
n'a  fait  qu'une  (gestion  d'excuse,  elle  n'en  a  pas  moins  agi 
légalement  en  éliminant  ce  juré  et  en  complétant  la  liste  des 
trente  par  l'appel  du  premier  juré  sup]}lémentaire  i.  » 

La  parenté  ou  alliance  des  jurés,  soit  entre  eux,  soit  avec 
les  parties,  les  juges  ou  les  témoins,  est-elle  uiie  cause  d'in- 
compatibilité T  Non,  puisque  l'art.  392  est  muet  sur  cette 
cause  et  cpi'aucune  autre  loi  ne  Ta  établie,  puisque  les  in- 
compatibilités sont  de  droit  étroit,  enfin  puisque  les  motifs 
qui  les  ont  fondées  entre  les  juges  permanents  n'existent 
point,  au  moins  au  même  degré,  entre  les  jurés. 

Ainsi,  point  d'incompatibilité  pour  les  jurés  les  uns  vis-à- 
fis  des  autres.  La  C!our  de  cassation,  entraînée  par  Tanalogia 
fà  assimile  les  juges  et  les  jurés,  avait  d'abord  adopté  cette 
incompatibilité  :  «  attendu  qu'en  matière  criminelle,  les  jurés 
sont  véritablement  les  juges  du  fait  qui  leur  est  soumis;  qu« 
les  jorés  ainsi  constitués  font  une  partie  essentielle  et  inté- 
grante du  tribunal  criminel  ;  qu'ainsi  les  mêmes  incompatibi- 
lités existent  i  leur  égard  et  telles  que  la  constitution  le  dé- 
termine pour  les  tribunaux  •;  »  mais  cet  arrêt  ne  fut  pas 
suivi  et  il  a  toujours  été  décidé  depuis  :  t  qu'aucune  loi  pos- 
térienre  i  l'institution  des  iurés  n'a  rendu  communes  à  cette 
institution  les  dispositions  des  lois  relatives  aux  membres  des 
cours  et  tribunaux,  parents  ou  alliés  les  uns  aux  autres;  que 
les  jurés  n'ayant  pas  le  caractère  public  déjuges,  il  n'y  a  pas 
même  de  raison  d'analogie  pour  appliquer  à  ceux-là  les  régies 
faites  pour  ceux-ci  ;  que  ce  qui  concerne  la  constitution  du 
jury  est  l'objet  spécial  du  chap.  5,  sect,  1,  tit.  2,  liv.  2  du 
C.  d'inst.  cr.  ;  que,  dans  cette  section,  les  causes  qui  mettent 
obatacle  i  l'exercice  des  fonctions  de  juré  sont  déterminées  - 
qu'il  nWest  pas  parlé  d'empêchement  résultant  de  la  parenté 
•u  de  ralliance;  qu'il  n'y  est  pas  dit  que  ces  fonctions  ne 
paissent  pas  être  exercées  simultanément  dans  les  mêmes  af- 
faires par  les  citoyens  parents  ou  alliés  entre  eux,  s'ils  réunis- 
sent d  ailleurs  les  conditions  re(]uises,  et  qu'il  n'est  pas  per- 
misde  supposer  des  incompatibilités  que  la  loi  n'a  pas  établies  • 
que  dès  que  la  loi  n'a  pas  fait  de  la  parenté  ou  de  lalliance 
des  citoyens  entre  eux,  un  obsUcle  à  l'exercice  simultané  des 
fonctions  de  jurés,  on  ne  saurait  admettre^  dans  la  manière 

•€mi.  ao  noT.  iSS7,  rtpp.  M,  iMuberU  BuU.  n.  4i6. 
*  Gui,  il  fraotidor  an  vi,  rapp.  If.  RaouU  Dali.  t«  Inst,  cria.  n.  i47S. 
VIII,  20 


BES   COURS  D  ASSISES. 


de  compter  les  \oix  dont  se  compose  une  déclaration  deim;, 
des  règles  uniquement  faites  pour  ^es  Ju^es  parepts  oi|  nlfiës 

3ui  ne  siégçnt  dans  les  mêmes  cours  ou  tri.]i»unau)(  qfKW^  vertu 
é  dispense  accordée  par  Tautorité  royale  ^  »  Uo  autre  ajprèt 
ajoute  :  «  que  si  Texercice  simultané  des  fobctioii(S  4cîuri  par 
deux  citoyens  parents  ou  alliés  peut  présenter  quel({ues  in- 
convénients dan^  rint^èt  4e  radmipistratioi^de  I9  î^BticeJe 
droit  de  récusation  doi^t  la  loi  a  investi  Tacçys^  et  le  ministère 
public  sufBt  pour  faire  disparaître  cesi  inconvénients  et  préser- 
ver les  délibérations  du  jury  de  toute  in(luenc€  qui  pourrait 
être  dangereuse  à  la  vérité  *.  »  Aii^si,  peuvent  fftire  pfirtîe  du 
même  jury  deux  cousins  •,  deu^  be^u^i^-frèrç^  *,  4^u*  Ùiief  ^ 
\e  beau-père  et  le  gendre  «. 

Point  d'incompatibilité  à  raison  de  la  parçnt^  ou  allj^ 
des  jurés  avec  les  juges  :  «  attendu  que  les  incomp^tiÛIÙés 
sont  de  droit  étroit  et  ne  peuvent  être  étendues }  qu'(U30UQ 
texte  de  loi  ne  s^oppose  à  ce  que  le  père  et  ^e  f[ls  pu^j^eat 
connaître  de  la  même  affaire,  Tuu  comme  i^ré  et  laQtf[e 
comme  membre  de  la  Cour  d'assises»  et  que  d&  1^3  ii  p^  sau- 
rait résulter  de  leyr  concours^  en  ces  dem  qualUéii,  amota^ 
jugement  de  coodamnation,  aucun  ipayeq  dç  nullité  7.  » 

Point  dMncompatibilité  à  raison  de  1^  parenté  op  (dliliD^ 
des  jurés  avec  les  témoins  :  «  atten^jlp  que  la  patenté  d'un 
juré  avec  les  témoins  produits  par  le  nuips^re  public  p'^t 
|>as  au  nombre  des  causes  d'iucoutpatibUité  qu  aiiuii|pfciié 
établies  par  les  art.  383  et  392  ;  que,  même  d'après  {çs  pri^r 
cipes  du  droit  commun,  eu  les  supposant  appUcablea  à  \^.  pfP^ 
cédure  par  jurés,  c'est  la  parenté  du  juge  avec  la  ps^e  (ffi 
peut  seule  former  un  motif  de  réçosation  ^,  »   . 

^  Gass.  9  mai  1816,  rapp.  M,  AumonU  DaU»  t^  laiL  ^^Tvy  %  4I||8,  at 
Coaf.  U  vemôM an  vni,  rapp.  M.  Jaume;  lOtév.  1809,  rapp.ll.I)àacoste; 
3a  ajrU  m^  rapp.  M.  Bus^ckop  ;*  19  mai  18â0,  rapp.  M,  fiasschop. 

•  Cass.  9  sept.  18512,  ^  noUc  rapport  BuU.  »,  SU. 

»  Gau.  1  compl.  an  iv,  rapp.  M.  Li?ry,  Dali.  t«  IM,  cqin.,  n^iiaOi 
«  Casi.  19  d4c  1811,  rapp.  M,  Schwendt.  Ui^làT  **^'*»""^'^ 

•  Çiw»,  45  ocu  1840,  rapp.  Bf.  RWe^  Eod*  loc  5  W  sept.  Mit,  npp 
If  •  llater.  Bull,  n,  8SSU 

•  Ga88.  S5  juin  l8S9,  rapp.  M.  Gaillard.  Eod  loe. 

'r^^J^  mai  1826,  rapp.  M.  de  Mervîlle.  Dall.vo  Imtr.  crîm.,  p.  HSt; 
Si  ^^!'  ?Z-l*"**  ■■  "'  ""'P***  **•  Schwendt;  7  sept.  1810,  rapp.  M.  BtM»chop  ; 
20  mai  1817,  rapp.  M.  Busschop;  19  avril  1834,  i^ifpi  M*  BuMfhop;  §5 

fe'î.^®*  *\f 'i  *^?^»  "PP*  ^'  OUmer  ;  7  août  et  U  mai  1827,  ràpp.  M. 
OlliTier  et  M.  Mangin. 

.«*  SS?/o?7-  ^^^^'  ÏÏ'^P-  ^'  ^''°^^"5  Sl-LaurenL  DaU.  31, 1,  «8 tatCoaf. 
19  avril  1821,  rapp.  M.  Busschop.  Bull.  n.  64  ;  15  jauv^  %ms  &»•  ■•  •• 


DE   LA  Ç0IIP0SI,T10^  W  MJ&Y.  §  S99.  d08 

PoÎAt  4'il9^oin|ii4U^iiUc  àk  cdiâQj^  de  U  j^i^m^  «n  ^anoe 
des  jurés  av^c  les  accusés  e^x-Jfxim^  ;  «  9M^«  qiw  Ift  loi,  * 
dans  a^c^D  die  s^^  9i:ii^les^  «>  <itai>li  om^^^  inea^acilé  à  être 
juré,  la  p^^^té  ou  ralJiftaç«  a^ec  Taccu^  ^1  qfi!^[Q  a  d!%H- 
ieuiss\)^^fimsàetït  ppurvu  h  U.§i^rî;té  4^  ce  4er«i^  m  Ihm 
doDQKQt  l%f^«ali|^(ie  téçMser  ui^^onl^re  déi«iiWi&  da^jttféa^ 
99am  doxm^c  lea  i^otifs  d^  sa  réçiwyUoo  ^.  »^ 

ËDt&ii^  ppipt  d'iiVîQlppii^biilM^  à(  laisoa.  d(9*  la  pawilA  ou 
aUUnce  i^B  ju^ési  «.vec  l^^vb^me  :  %.  s^li^iidu  %mB  ai  Tait  393 
déckreque  nul  ne  peut  être  juré  dans  la  même  affaîJcetoèUa 
été  purtjlQ,  w  W  peut  çqqsHMt^t  Gown^  paiCtUs.  daaa  ka  af- 
faires criminelles ,  que  les  dénonciateurs,  les  plaignaateel  les 
loties  p^ursuUant^ou  |^4Xties  civil/ea;  qoa  ria«ap9«ité  pro- 
noncée pt^  1^  loi  ïïfi  aaujcatf  étire  étQodttid  à  d'a^jbtreaperaonjiaa, 
paisqu^il  s'agît  <j[*ima  ei^clii^oi^  qui  dpit  être  rjgouKenaeflHsai 
r^treini^i^  ai^ijx  casqu  eljlç  a  détermifiés;  que^  d^aa  l'eapteai 
le  juré  Poiraoud  n'était  ni;  pj^ignaijt,  m  partie  civile  W  prorr 
ces  ;  q^'ii  a  ^  dés  Iprs  réguiièraoai^at  figuras  sur  U  Usta  des 
trente  ^i^rés  syix  l/^qjgielle  o^^té  pri^e  le  jury  de  jugam^ot,  sauf 
i  Tacci^  ^'il  U  jtJlge  4.  ftf>jfç^y  à  Técarte/ç  piir  sa  réalisa-^ 
lion  *.  > 

I.  Causes  de  dispense  ou  d^exemptîon.  —  II.  SeptaagéaatMs.  -- 
lU.  Oan»^  -**  lY.  Fonctions  poiiticmas,/-^  V.  Sam»  aatédear 
da  jurj. 

L  Il,r^sl^  po»iî  complétar  la  lista  dm  éliminalaMOv  ^  >n^ 
dMfW  laaei^mptîbns  que  la  loi  9  aulocisées.  Une  a^agit  phM 
ici,  nî^.  4'iaca{>aait^  9  ni  d'incompaMlliliiés.;  les  paasannas 
qi^i]ipl4ea.sa»t}p9rraitonient  apiies  au^t  fonctions^de  jua^ ;  eUw 
peuven^saulewent  s'en,  dispanser  soifcpawe  qua  ces-fenatioM 
swaiani  tcop.  pénibles  ou  tnop  onéceuaea  poiuveUas^  soit  parce 

S 'allas  samont  une  entrave  à.  ra^oompliasameal  d'und>autee 
ictipn^  SbQette  diapansa  diffière  des  simples  ascuses:  an  o 
quft.oallaaH(H»sonftapp5^ées.  jjai^le  juga»  qui  geut  N  «g^r 
oiirtfl»  raJQter^  tandis^que  la  dispense,  formulée  pai)  l&k»,  da»t 

*  Gais.  15iuin  1820,  rapp.  M.  Giraud.Bull.  n'  91  ;  el  Conf.  10  ocr.  1817. 
tappTM.  Buischop.  J.  P./t.  XIV,  p.  A76  ;  10  sepU  1847.  DaU.  47,  4,  118, 

•  Câ»,  8  mars  1850,  à  notre  rapport.  Bull  u.  82. 


2IP8  t)ss  COURS  d'assises. 

être  prononcée ,  dès  qu'elle  est  réclamée  par  celui  qui  se  trouv  e 
dans  Tun  des  cas  que  la  loi  a  prévus. 

Les  art.  5  et  16  de  la  loi  du  4  juin  1853  sont  ainsi  conçus  : 
«  Art.  5,  sont  dispensés  des  fonctions  de  jurés,  1^  les  septua-*" 
génaires;  2"*  ceux  qui  ont  besoin  pour  vivrede  leur  travail  ma- 
nuel et  journalier.  —  Art.  16,  sont  excusés  sur  leur  demande: 
1*  les  Sénateurs  et  les  membres  du  Corps  législatif,  pendant 
la  durée  des  sessions  seulement;  2^  ceux  qui  ont  rempli  les 
fonctions  de  juré  pendant  l^année  courante  et  l'année  pré- 
cédente. » 

Ces  quatreclasses  d'exemptions  n'exigent  que  de  très  brèves 
explications. 

II.  Les  septuagénaires  étaient  déjà  dispensés  par  Tart.  385 
du  G.  d'instr.  cr.  ;  mais  cet  article  ajoutait,  5' tb  le  requièrent  : 
cette  condition  a  été  effacée.  Il  en  résulte  qu'ils  ne  doivent 
pas  être  placés  sur  la  liste^  annuelle  et  que  leur  âge  les  écarte 
du  jurjy  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'attendre  leur  réquisîtioo. 

Un  arrêt  du  2S  sept.  1831  porte  :  «  que  la  Cour  d'assises 
a  pu,  sans  contrevenir  à  aucune  loi ,  ordonner  qu'un  juré, 
quoique  porté  sur  la  liste  générale  comme  né  en  1763,  serait 
rayé,  sur  sa  réquisition  de  ladite  liste,  comme  étant  plus  qae 
septuagénaire,  par  le  motif  qu'il  était  notoirement  né  en 
1757  ^  »  La  loi  ne  prescrit  aucune  forme  pour  la  justîGca* 
tion  de  l'igo  et  par  conséquent  cette  décision  devrait  enccMre 
Mre  suivie. 

Un  autre  arrêt  disposait  encore  :  «  que  la  double  cirocHos* 
tance  mentionnée  au  procès-verbal  du  tirage  du  jury,  savoir  : 
la  production  de  Tacte  de  naissance  d'un  juré  et  l'absence  de 
ce  juré  établit  suffisamment  que  c'est  sur  sa  demande  que  son 
nom  a  été  rayé  delà  liste  de  la  session  ',  »  à  plus  forte  raison 
devrait-on  décider  aujourd'hui  que,  lorsqu'un  septuagénaire 
a  été  porté  par  erreur  sur  la  liste,  il  suffit  qu'il  fasse  parvenir 
son  acte  de  naissance  pour  être  exempté  de  plein  droit. 

m.  Les  individus  qui  ont  besoin  pour  vivre  de  leur  travail 
manuel  et  journalier  sont,  comme  les  septuagénaires,  dis* 
pensés  de  plein  droit  ;  ils  ne  doivent  donc  pas  être  portés  sur 
fa  liste  ;  s'ils  y  ont  été  portés  par  erreur,  ils  doivent  encore 
étrs  exemptés,  aussitôt  que  leur  position  est  connue.  Mais^ 
en  général,  il  parait  diiticile  que  cette  position,  quand  elle 

1  Cass.  38  sept.  ISSi,  rapp.  M.  Brièic  Dull.  31, 1,  335. 
.  *  Cass.  7  fiv,  199^9  rapp.  M,  Rocher,  {^ir,  34,  4 ,  361, 


DE   LA   COMPOSITION   DU  JURT.    §   1199.  309 

n^a  pas  empAché  l^inscription,  soit  constatée  sans  que  ce  soit 
la  personne- intéressée  qui  la  révèle  elle-même  et  la  fasse  va- 
loir. Seulement,  sur  la  preuve  qu^elle  produit,  elle  doit  être 
immédiatement  rayée  de  la  liste. 

ÎV.  La  dispense  relative  aui  membres  du  Sénat  et  du  Corps 
législatif  n'est  pas  tout  à  fait  la  même  !  celle-ci  ne  fait  point 
obstacle  à  Tinscription  sur  la  liste,  puisqu'elle  n'a  d'effet  que 
«  pendant  la  durée  des  sessions  seulement  »  ;  et,  même  pen- 
dant cette  durée,  ce  n'est  que  sur  une  demande  formelle 
qu'elle  doit  être  accordée.  C'est  à  raison  deee  caractère  tem- 
poraire que  la  loi  Ta  qualifiée  d'excuse  ;  mais  cette  expression 
est  évidemment  impropre  ;  il  s'agit  ici  d'une  véritable  dis- 
pense, puisque  celui  qui  l'invoque  ne  fait  qu'exercer  un  droit 
et  que  le  juge  n'est  pas  le  maître  de  ne  pas  la  prononcer. 

V.  La  dernière  dispense  concerne  ceux  qui  ont  rempli  les 
fonctions  de  juré  pendant  l'année  courante  et  l'année  pré- 
cédente. 

Déjà  cette  dispense  avait  été  établie  par  l'art.  S87  du  C. 
d'ÎDstr.  crim.  qui  portait  :  «  nul  ne  sera  porté  deux  ans  de  suite 
sur  la  liste  pr^(i[^ite  par  le  présent  article.  »  L'art.  391  ajou- 
tait :  «  bors  le  cas  d'assises  extraordinaires,  les  jurés  qui  au- 
ront satisfait  aux  réquisitions  prescrites  par  l'art.  880,  ne 
pourront  être  placés  plus  d'une  fois  dans  la  même  année  sur  liT 
liste  formée  en  exécution  de  Tart.  387.  Dans  le  cas  d'assises 
extraordinaires,  ils  ne  pourront  être  placés  plus  de  deux  fois 
dans  la  même  année.  »  Il  y  a  entre  ces  deux  dispositions  et 
fart.  16  de  la  loi  nouvelle  une  différence  notable  :  ce  que 
l'andemie  loi  défendait,  c'était  l'inscription  d'un  citoyen  deux 
fois  de  suite  sur  la  liste  du  jury  ;  ce  que  défend  la  loi  actuelle^ 
c'est  l'accomplis^^cment  de  la  fonction  deux  ans  de  suite.  L'ex- 
ception exprimée  pour  le  cas  d'assises  extraordinaires  se 
trouve  dés  lors  effacée  ;  car  il  importe  peu  que  les  fonctions 
de  Juré  aient  été  remplies  dans  les  assises  ordinaires  ou  extraor- 
dinaires ;  il  suffit  qu'elles  aient  été  remplies  pendant  l'année 
courante  ou  l'année  précédente. 

L'art.  391  ajoutait  encore  :  «  ne  seront  pas  considérés 
comme  ayant  satisfait  auxdites  réquisitions»  ceux  qui  auront, 
avant  l'ouTerture  de  la  session,  fait  admettre  des  excuses  dont 
la  Cour  d'assises  aura  jugé  les  causes  temporaires.  »  Cette 
disposition  doit  encore  être  appliquée  :  celui  qui  propose 
«ne  excuse  dont  la  cause  est  temporaire  ne  remplit  pas  les 


3iO  Mi  etufts  i>*Amftis. 

fonciioiM  de  juré,  pfoisque  l'admifrion  4e  T^IdêIM  à  fti^ 
cMiMot  pour  effet  4e  l'exonérer  de  te  «etvî<%;  or  ^  là 
djifctwe  ne  s'éleii4  ^'A  cevx  q«  onl  rempli  «(lË«^voiMlit 
ces  fonctioDS. 

Ce  n'est,  au  evrplus»  qu'une  dispeâse  iacultatifè  que  le  )liré 
peut  faire  valoir,  mais  à  laquelle  il  peut  renoncer.  Ce  jpoint 
avait  4<Sjè  été  jugé  sous  la  législation  antérieure.  Un  j^eorm 
foAdé  sur  ce  que  Tun  des  jurés  avait  déjà  reièpit  les  mêmes 
fondions  à  la  session  précédente  a  été  r^eté  :  «  attendu  qH^ 
Texclusion  prononcée  par  l'art.  S91  A  Tégard  des  jurés  tfai^ 
ayant  satisfait  aux  réquisitions  pi^es^rites  f^âr  Tari»  369^  ae 

{)euYenl  être  placés  plus  d'une  fois  dans  la  itaème  année  aur  k 
iste  formée  en  exécution  de  l'art.  887  établit  en  TaTenr  de 
ces  jurés  un  privilège,  une  sorte  d'ekemptioïi  toute  persan^* 
nelle  dont  ils  peuvent  h  leur  choix  user  ou  ne  pas  user,  mais 
fOfii  ne  {yéut  j^amàfs  être  réclaïtic  (]ue  par  eux  et  taullement 
ittVdqué  par  les  accoisès  *.  »  tt  un  attire  àrrét  déclare  encore  : 
«  que  si  l'un  des  jurés  supplémentaires  avait  fait  partie  du 
jânf  de  la  précédente  session ,  il  n'en  pouvait  résulter  un 
moyen  de  nullité  pui^^qu'à  ce  cîtoyeh  seul  était  déférée  la  fa- 
eulM  4e  se  dispenser,  et  que  son  consentement  à  faire  partie 
du  îutf  dé  là  st^ssion  suivante  était  constaté  par  sa  présence 
sa^sèucutite  réclamation  de  sa  part  ^  » 

Cièlte  dispense  s^appliquc  d'ailleurs  aussi  bien  aux  jurés 
^uppléAiontaifes  qu'aux  jurés  titulaires,  car  les  uns  coBMm 
les  autres  doivent  obéir  à  la  sommation  et  se  trouver  au  jour 
^i^diqué  ^.  Maiâ  en  est-il  ainsi  des  jurés  complémentaires t  La 
négative  a  été  Jugée  dans  la  loi  du  2  mai  1827  c  «  atteada 
qUé  les  seuls  jurés  aui^  diaprés  l'art.  11  de  la  loi  du  2  mai 
iBâT,  t)e  peuvent,  iiors  le  cas  d'assises  extraordinaires^  être 

J placés  plus  d^uhe  fois  dans  la  même  année  sur  la  liste  des 
Urés  âottt  ceux  qui  ont  satisfait  aux  réquisitions  de  Part  389) 
c'éM-à-dirô  ceux  qui,  prétenus  par  le  préfet  qu'ils  fontpar«- 
llè  de  la  liite  des  jurés»  se  sont  rendus  à  la  Cour  d'assises  pour 
en  remplir  les  fonctions  ;  que  la  liste  sur  laquelle»  sau?  le  eaa 
d'assises  extraordinaires,  les  jurés  ne  peuvent  pas  être  portés 
uue  Seeotide  fois  dans  Tannée»  est  la  liste  prescrite  par  I  art  7 
de  la  loi  du  8  mai  183T,  et  conséquemment  celle  que  les  prè- 


.  Î6  sept  1834,  rapp.  M.  Meyronnet  Dali.  S5, 1,  i5S. 

•  Oi«.  2l  tfril  181Î,  rapp.  W.  Brière.  Dali,  v»  Insl.  cf.  h.  4550. 


•Cm. 

*  Cass»  17  janv^  183($,  rapp*  M.  ^  Ricard.  Sir.  3S,  1,  ttt, 


DE  LA  COlIFOilTlO!!  DU  JOAT.  §  599.  "'311 

fets  doivent  dresser  aprëg  le  30  septembre  pour  le  service  de 
rannée  suivante  ;  que  l'art*  li  de  la  loi  du  3  mai  1827  ne  fait 
donc  nulle  mention  des  habitants  des  villes  où  siègent  les 
Cours  d'assises  dont  la  liste  doit  être  adressée  tous  les  ans  i 
ces  courS)  en  exécution  de  Tart  895  :  qu'au  surplus,  la  loi 
devant  assurer  TactioD  de  la  justice,  il  était  impotetble  (ju'ello 
di^nstt  les  habitants  du  chef-lieu  judiciaire  de  ^remplir  plus 
d'une  fois  dakis  l'année  les  fonctions  de  jurés  à  titre  de  rem- 
placeilient  ;  qu'en  effet,  les  Goura  d'assises  siégeant  dans  beau* 
coup  de  villes  d'une  population  peu  importante,  où  le  nom* 
bre  de  ceux  oui  réunissent  les  eonditions  imposées  par  la  loi 
Mat  templit  m  fondions  de  juré  est  nécessairement  restreint, 
m  éours  de  là  justice  serait  souvent  interrompu,  si  Texception 
de  TarL  li  (k  la  toi  du  2  mai  1827  était  applicable  aux  ha- 
blCants  des  cbefs-lleux  judiciaires,  pour  compléter  le  nombre 
de  ttente  jurés  ^  »  11  nous  parait  que  cette  solution  doit  en- 
core être  suivie.  K  la  vérité,  ^argumentation  tirée  du  texte 
de  là  loi  h*a  plus  la  même  force,  puisque  ce  n'est  plus  le  fait 
d^àVoir  été  placé  sur  la  liste ,  mais  le  fait  d'avoir  rempli  la 
ftmdioti,  qUi  produit  l'exemption  ;  et  Ton  peut  ajouter  encore 
oae  rembarras  de  trouver  des  jurés  complémentaires  dans  les 
villes  bù  siègent  les  assises  n  existe  plus  au  même  degré,  de- 
puis aue  la  loi .  en  cessant  de  définir  les  conditions  d'aptitude, 
a  multiplié  les  jurés.  Mais  quel  est  le  motif  de  l'e^^emption  7 
C^mque  le  citoych  appelé  a  déjà  rempli  les  fonctions  (le  juré 
JiMbdatit  Tatmée  èoutante  oti  l'année  précédente.  Or,  qu  est- 
Cé  que  témplif  lès  fonctions  de  juré  t  Est-ce  que  l'habitant  de 
la  ville  où  siègent  les  assises  qui  est  convoqué»  peut-être  la 
retlle  uu  l'atàilt-Veitle  de  leur  clôture,  pour  remplacer  un 
fùtè  itt^làde,  à  reiD[)li  ces  fonctions  dans  le  sens  de  la  loi?  Est* 
éé  qû^l  a  subporté  la  charge  dont  le  poids  doit  l'exonérer 
d^une  nouvelle  éharge?  Ce  service  purement  accidentel  et 
1ht)méntatié  n^est  point  le  service  ordinaire  du  jury  :  c'est  l'ins- 
crifition  du  juré  su^  la  liste  de  session,  c'est  sa  préience  et 
SDH  toncoUts  àUX  actes  de  cette  session  qui  constituent  Tac- 
complissemeut  des  fonctions;  or  il  faut  qu  elles  aient  été  rem- 
t^lies,  c'eàt-à-dire  <|u^elles  Talent  été  dans  toute  leUr  étendue, 
pout  que  Tetehiption  puisse  se  produire. 

«  ta»,  fc  ^^.  ms,  ttpp.  M.  GlUlard.  Dali  )8,  ï,  hlh. 


312  BEt  cosfti  d'assises. 


1$  600. 

].  Formation  de  la  liste  de  session.  -^  II.  notiBcaiion  aux  jurés  de 
^  rcxtrait  de  cette  liste.  «-  III  Comment  il  est  statué  sur  les  îocaipa- 

cités»  les  excuses  et  les  dbpeMC8.*-lV.  Gompétenee  de  li  Cour 

d'assises  pour  rejet  ou  admission  des  excuses.  —  V.  Quand  il  y  t 
'    Keu  de  compléter  la  liste.  —  VI.  Dans  quelles  limites  elle  doit  être 

complétée.  —  Vil.  Jurés supplémenuires.  —  YHl.  Inrés complémeA- 

taîrce.  —  IX.  Dorée  de  leur  sernce. 


I.  Nous  atons  successivement  exposé  comment  ne  forme  la 
liste  anTiuelIe  et  de  quels  éléments  elle  se  compose.  Nous 
ayons  vu  que  les  commissions  déléguéespour  y  procéder,  après 
avoir  écarté  fous  les  individus  qui  se  trouvent  dans  le  cas  d'in- 
capacité ,  d'incompatibilité  ,  d^exclusion  ou  d'exemption  <jai 
vin  ncnl  o'éire  énumérés ,  doivent  choisir,  cour  les  inaoïre 
sur  cette  liste,  ceux  qui  leur  semblent  réunir  les  cooditîoM 
d'instruction  et  de  moralité  nécessaires  pour  être  juré ,  poonro 
qu'ils  aient  la  qualité  de  français,  Tige  de  30  ans  et  qu'ils 
jouissent  des  droits  politiques  et  civils. 

Nous  arrivons  maintenant  à  ia  formation  de  la  liste  de  cha- 
que session. 

Cette  liste,  composée  de  36  jurés  titulaires  et  de  4  jurés 
supplémentaires,  est  puisée  dans  les  listes  annuelles  djO  char- 
que  département.  Elle  est  composée  par  la  voie  d'uu  tirace 
au  sort  qui  a  lieu  en  audience  publique  de  la  Cour  ou  du  tri<- 
bunal  du  chef-lieu  du  département. 

L'art.  17  de  la  loi  du  (^  juin  1853,  conforme  à  l'art.  388 
du  G.  d'inst.  crim. ,  porte  :  «  dix  jours  au  moins  avant  l'ou- 
verture des  assises,  le  premier  président  de  la  Coi^r  ioipériale 
ou  le  président  du  tribunal  du  chef-lieu  judiciaire ,  dans  les 
villes  où  il  n'y  a  pas  de  Courd^appel,  tire  au  sort^  enau^ 
dience  publique»  sur  la  liste  annuelle,  les  noms  des  trente* 
six  jurés  qui  forment  la  liste  de  la  session.  Il  tire  en  outre 
quatre  jurés  suppléants  sur  la  liste  spéciale.  » 

Cette  opération ,  quoique  toute  matérielle ,  est  oepeodant 
d^une  grande  importance  ;  aussi  la  loi  n'a  voulu  la  con6er 
qu'au  premier  pràiident  de  la  Cour  ou  au  président  du  tribu* 
nal  du  chef  lieu  judiciaire,  siégeant  en  audience  publique.  Ce 
magistrat  doit  s'assurer  que  tous  les  noms  qui  doivent  cra- 
courîr  au  tirage  ont  été  exactement  déposés  dans  Turoe  ;  il 


DE  LA   COMPOSITION!  hV  JVIIT  §  600.  3i3 

doit  veiller  également  aa  strict  accomplissement  des  formes 
qui  protégeçt  Timpartialité  de  ce  tirage. 

La  principale  de  ces  formes  est  la  publicité  de  Tandience. 
C'est  cette  publicité  qai  est  la  véritable  garantie  de  la  sincé- 
rité de  l'opération  :  elle  assure  aux  accusés  que  le  sort  seul, 
parmi  les  jurés  de  Tannée ,  choisit  ceux  devant  lesquels  ils 
doivent  comparaître.  La  défense  a  le  droit  d'y  assister  et  de  la 
sunreîner. 

La  question  s'est  élevée  de  savoir  si  l'absence  de  cette  pu- 
blicité doit  entraîner  Tannullation  des  procédures  dans  les- 
quelles ont  siégé  les  jurés  irrégulièrement  désignés.  ILest  dair 
nabord,  qu'il  ne  suffirait  pas  d'alléguer  que  le  procès-verbal 
de  la  Cour  d'assises  ne  mentionne  pas  la  publicité  de  Taii- 
diénce  de  la  Cour  impériale  où  les  jurés  ont  été  tirés  :  «  at« 
tendu  que  le  procès- verbal  de  la  séance  de  la  Cour  d'assises 
ne  fait  foi  que  de  ce  qui  se  passe  à  cette  audience ,  et  ne  doit 
qu^énoncer  sommairement  les  faits  antérieurs  ;  qu'en  consé- 
quence, lorsque  ce  procés-yerbal  énonce  que  la  liste  des  jurés 
a  été  formée  dans  une  audience  des  vacations,  la  présomption 
légale  est  que  devant  la  chambre  des  vacations  ooni  les  au- 
diences sont  publiques ,  les  dispositions  de  la  loi  ont  été  ac- 
complies; que  dans  l'espèce  rien  n'établit  le  contraire  qui 
n'est  pas  même  allégué  '  »  Il  ne  suffirait  ^s  même  d'allé- 
guer ^ue  •  l'extrait  du  procès-verbal  du  tirage  des  jurés  de 
la  session,  joint  à  Texploit  de  noti6cation  de  la  liste  des  jurés 
signifiée  à  l'accusé,  ne  constaterait  pas  que  te  tirage  du  jmy 
de  la  session  eût  été  fait  en  audience  publique,  «  car  aucune 
disposition  de  loi  n'oblige  &  signifier  aux  accusés  le  procès- 
▼erbal  du  tirage  des  jurés  de  la  session,  et  aucune  réclamation 
n'avait  été  faite  contre  la  régularité  de  cette  opération  *.  » 
Il  ne  suffirait  pas  enfin  d'alléguer  que  ni  le  procés-verbal  des 
débats,  ni  celui  du  tirage  du  jury  de  jugement  ne  désignent 
l'audience  où  le  tirage  du  jury  de  la  session  a  eu  lieu  :  t  air 
tendu  qu'aucune  disposition  de  loi  ne  prescrit,  à  peine  de  nul- 
lité, que  mention  soit  faite  dans  le  procès-verbal  de  la  forma- 
tion du  jury  de  jugement»  non  plus  qu'au  procès^verbal  des 
débals,  de  l'indication  de  l'audience  de  la  Cour  impériale  k 
laquelle  a  eu  lieu  publiquement  le  tirage  au  sort  du  jurvde 
I«  session  ;  qu'il  n'est  point  articulé  qu'il  se  soit  glissé  dans 

é 

*  Cus.  16  jaDT.  ISSO,  npp.  M.  Cbanyesa-Lafarde.  J.  P.,  U  XXlII^pb  A9. 

*  Gasa.  sa  fan?.  iSSi,  rapp.  11.  Qntaaalt.  DalL  51, 1 ,  49. 


314  KS  QOVftS  B'AiSlIBS. 

celte  opération  une  erreur  qui  ait  pu  porter  préjadioe  à  la  dé- 
fense '.  »  Dans  ces  différentes  espèces,  le  pourrai  ne  se  km^ 
dait  que  sur  le  défaut  d'une  mention  el  il  ne  pouvait  Mm  ac- 
cueilli ,  soit  parce  que  la  loi  ne  presoril  pas  cette  aestioli 
dans  les  proeès-verbaui  de  la  Cour  d'assises  >  ■oit  parée 
qu'elle  n'exige  pas  que  le  pro^-nrbaVdil  tirago  du  jurj  de 
la  session  soit  notifié  aux  accusée.  Il  y  a  lieu  de  femarqoer 
d'ailleurs  que  chaque  arrêt  prend  soin  de  constater  fse  lârfr» 
gularité  de  cette  opéraiieli  n'était  poiitl  attaquée. 

Cette  réaerré  feiiisi  (bhnûlée  bdiqu^ittittefègle  qui  devait 
tm  ^\vê  tafd  appU(|Uée.  Uti  pourvoi  s^est  fondé,  non  ptds  siir 
eé  qué  la  pbblidte  du  tirage  A^étaît  pas  mëntioAbee  »  mais 
sttfr  ce  qu'elle  n'avait  uéè  elisté.  La  CoUr  de  cassation,  en  Tace 
d'une  aHibblation  prééise  faite  sut  ce  point ,  n'a  point  hé- 
rité ft  pehser  <{ud  le  démut  de  publicité ,  k*\\  était  constaté , 
devait  attienet  Tannulatibh  de  fa  procédure.  Etb  a ,  en  eon- 
séqttenee,  rendu  Télrrèt  suivant  :  t  AttéhdU  que  la  publictlé 
du  tirage  au  sort  dé)9  jurés  dèvaht  for  met  la  liste  de  session 
eodititue  Ube  formalité  uui  intéresse  cssentielk'inebt  le^  droîb 
deraccUtetioU «t  <^éUi  de  là  défense;  qu'elle  est dè^  lors sub- 
stAntielte;  qu'il  e)rt  artieulé  p^r  lé  demandeur  que  le  tirage 
dee  quâraim  jurés  de  la  tes^ion  dans  laquélb  il  a  été  ju^é  n'a 
paé  été  fth  publiquement  t  là  Coût  Avant  faire  d^bit,  or- 
doUbé  (|tt^il  Miré  fait  apudft  à  sbU  gfetfe  du  prbcôs-verbll 
de  ^ém  ëti«l;àiiou  ^Ulr  èlife  statué  t»  qu'il  appartiendra  \  i 
L'Aunulitibft  fi^a  point  en  déBnitive  él  pfobohôée.  t1  a  été 
rcÉÔUbûi  hfHréS  UUe  enquêté»  que  le  tirage,  <)UoiquHl  eût  été 
irréguliéreftlisul  opéré  daus  la  chiinlbté  du  ôonseil ,  l*âvait  été 
porté»  oUvm^  M  aV^  eertaiues  mesures  ^ui  lui  avaient  as- 
suré UUe  l^bliéité  Véritable  ;  eu  conséquence,  1  ibscription  de 
faux  ^  d'âburd  MmiÈè  ',  u'a  point  été  suivie  et  lé  pourvoi  a 
dû  Atte  Irejelé  \  Mais  lé  uriittsipe ,  explicitement  cbnsaert  par 
Tàrtél  du  arr  févtfér  IBftV,  est  demeuré  acquis  ft  la  Jurispru- 
déttté»  L'ttMrtitîUb  tfU  titiigé  des  jufés  dé  la  ^i^sioU  tombe 
iK>us  leiftbttlrMé  juditiairei  L'âccusatiob  et  la  défeniie,  dut  ont 
l'Une  et  rautrëitttèrét  è  c«  (|u^  cette  opération  soh  entourée 
des  fornoéii  légalb^,  ^VeUt  ëU  signaler  téd  vices»  et  la  GoUr 


A  Gass»  Si  JanT,  iS57,  rspp,  M.  Le  Serrarier.  Bull,  n*  40. 
>Cms.  17  féy.  1857,  rapp.  If.  IsainberL  BulU  d.  85. 
'  Catei  »  fk  là  mn  1857,  ^pp.  h.  Illubert,  hon  iiqpriM. 
*  Gass  80  BTri!  1857,  rttpj(k.  H.  miâBert,  mm  imprime. 


DB  LA  COS^SmO!!  DD  JOJlT.  §  600.  315 

As  éaMrtStyh  Mt  iahntoltef  les  verdicts  rendus  par  des  jurés 
doi\t  là  détfgt^alidti  A'a  pas  été  ré^uKère. 

Gotoifteftt  t>ott)rra!t-4l  en  èlte  autrement?  côhnmeïit  com- 
prendre q^e  t>opéra!lion  ifà\  désigne  les  jugés  d'une  act^usa- 
ttoh  pAt  ètîls  soustraite  i  toât  examen?  due,  tandis  que  ta 
Coût  4e  téssafton  doit  !A;tuptllet!kséi¥ieht  véritier  l'^accomptis- 
sèment  dé  toutes  les  formes  de  la  procédure,  etie  Tût  tenue 
dVdtptefr  shite  éiaifl^n  la  piyjs  impol'tattte  de  ces  fotmes? 
qtie  latiéfeni^  ott  l*acctlsalion  ne  p\)ssent  pas  tontestcr  la  ré- 
galante du  tirage  des  jurés  de  la  session,  tandis  qu'elles  peu- 
T«ni  dlbte&ter  la  M^léWté  de  la  formation  déHnitive  dé  la 
Kftt^d^  te»  j\ités^  On  a  objpèié  «  que  la  formation  de  la  liste 
des  iO  JQfl^  titi&s  au  isôrt  pour  chaque  session  d^une  Cour 
d^âssiàëà  èti  ^tice  de  la  première  chambre  de  la  Cour,  opè- 
MioD  bhtëHeUré  è  la  ré\i)iton  de  la  Cour  d'assises,  n'eit  pas 
comprise  dans  \^  divers  cas  de  cassation  prévus  par  Tarti- 
de  iés  ^  '^  Mais  TaH.  &08  he  d^est  point  occupé  des  nullités 
résoltabt  d^ë  eMstitufion  illégale  ou  vicieuse  de  la  juri- 
diction y  ^i  si  les  débaUd'ùtie  Gont  d'assises  sont  annulés  parca 
tf^e  te  président  ou  le^  assesseurs  auraient  été  irréguliére-^ 
mekit  détégiiés  ^  pourquoi  ne  le  seraient-iU  pas  lorîique  ce 
tobt  les  jurés,  au  lieudeB  juges,  dont  la  délégation  est  illégale? 
U  cbinpo^tiot)  thps  jurididiohs  est  d'ordre  bub'lc,  et  lé  vice 
qu'elle  tièeéie  firdppe  tous  letlirs  actes  dé  bullité.  Oh  a  objecté 
ebeone  que  la  formation  de  la  liste  de  session  est  un  acte  d'ad- 
minislrt^ott  judiciail^e  qu'il  to^appartient  pbint  aUï  acéuééa 
de  Cfitit)ué)r.  Hais  si  tetté  distinction  peut  justement  être 
spplfqyiée  è  la  fohnattott  de  la  li^té  annuelle,  elle  ne  peut 
l'ètfè  à  là  fofttalton  de  la  liste  de  session;  la  t)rehiiérë  est 
l'cMvtëdé  rnuiorité  adminfetrative  et  né  peut  être  appréciée 
ptdr  l'autorité  jûdidairé  ;  l'autre  est  ûh  de^  acte&  de  cette  der- 
lùèftlitttôi^ttè  et  se  trouve  naturellement  sujette  à  Telamen 
qai  é'attadte  à  tnus  1^  actes  de  la  tiiéme  natulre.  Que  les 
IMrtiéè  he  puissent  ensuite  attaquer  les  décisions  qui^bnt  pour 
Mnet  lék  excuses  et  les  dispensés,  nous  en  expliquerons  tout 
àfhénïéîétuotif;  tfiais  feut^îl  assimiler  à  de  telles  décisions 
qni  modifient,  il  est  vtai,  la  liste,  inais  qui  ne  là  changent 
pas,  TopéMion  qUi  fouirnit  la  liste  entiéïe,  qui  nnnime  tous 
les  jntéÉ  étf^Ui  é^t  le  aéul  titte  de  lëUr  institution?  La  règle 

!  Cass.  i»  janv.  ISAA»  rapp.  M»  Ifc^renneU  Bull,  d*  2«. 


31 C  MU  couM  d'amues. 

posée  par  la  jurisprudence  n'est  donc  que  la  eonséquenee  des 
règles  générales  qu^elle  avait  déjà  posées;  elle  ne  fait  que 
donner  une  sanction  à  une  garantie  légale  qui  eût  été  effacée. 
Elle  protège,  d'ailleurs,  non-seulement  la  publicité  du  tirage 
du  jury,  mais  toute  Topération  ;  car  il  est  évident  qu'il  y  au- 
rait même  raison  d'annuler  si,  par  exemple,  le  tirage  n^avait 
pas  été  fait  en  l'audience  de  la  Cour  ou  du  iribunal,  quoique 
publiquement,  s'il  n'avait  pas  été  opéré  par  la  voie  du  sort 
ou  s'il  n'avait  pas  eu  lieu  sur  tous  les  noms  de  la  liste  an- 
nuelle. 

Quelles  sont  les  fonctions  de  la  Cour  ou  du  tribunal  qutpro-. 
cède  au  tirage  de  la  liste  du  jury  de  session?  Ces  fonctions  se 
bornent  en  général  à  tirer»  par  la  main  du  président,  de  l'urne, 
où  tous  les  noms  des  jurés  de  la  iistcannuelledoiventètre  dé- 
posés, les  noms  des  36  jurés  titulaires,  et  de  l'urne  spéciale  on 
ils  sont  placés,  les  noms  des  jurés  supplémentaires:  le  président 
proclame  ces  noms  et  le  greffier  dresse  loprocès-verbat  de  l'o- 
pération. Mais  quelques  incidents  peuvent  se  présenter. 

La  loi,  d'abord,  charge  cette  juridiction  de  remplacer  les 
jurés  décédés  ou  devenus  incapable»  dont  le  sort  amène  les 
noms.  L'art.  15  de  la  loi  du  k  juin  1853  porte  :  •  Le  préfet 
est  tenu  d'instruire  immédiatement  le  président  de  la  Cour 
ou  du  tribunal  des  décès  ou  des  incapacités  légales  qui  frap- 
peraient les  membres  dont  les  noms  sont  portés  sur  la  liste 
annuelle.  Dans  ce  cas,  il  est  statué  conformément  à  l'art.  390 
du  C.  d'inst  cr.  »  L'art.  390  dispose  que  a  Si  parmi  les  kO 
individus  désignés  par  le  sort,  il  s  en  trouve  uu  ou  plusieurs 
qui,  depuis  la  formation  de  la  liste  arrêtée  en  eiécution  de 
l'art.  387»  soient  décédéa,  ou  aient  été  légalement  privés  des 
capacités  exigées  pour  exercer  les  fonctions  de  juré,  ou  aient 
accepté  un  emploi  incompatible  avec  ces  fonctions,  la  Cour, 
aptes  avoir  entendu  le  procureur  général,  procédera,  séance 
tenante ,  à  leur  remplacement.  Ce  remplacement  aura  lieu 
dans  la  forme  déterminée  par  rart«388.ji  Cette  mesure  qui 
doit  être  ordonnée  par  la  Cour  ou  le  tribunal»  et  non  par  le 
président  seul»  n'est  toutefois  prescrite  que  lorsque  l'avis  offi- 
ciel du  décès  ou  de  l'incapacité  ont  été  transmis.  Ainsi,  sur 
un  pourvoi  fondé  sur  ce  que  des  jurés  décédés  avaient  été 
laissés  sur  la  liste  des  40,  il  a  été  jugé  «  que  ToUigation  de 
procéder  au  remplacement  d'un  juré  qui,  par  décès  ou  autre, 
ment  ,a  cessé  de  faire  partie  de  la  liste  dressée  par  le  préfett 
n'est  imposée  qu'autant  que  ce  fait  est  parvenu  directement 


DE  u  caMrosmoN  w  ivkt.  §  600.  âl7 

a  la  connaissance  de  la  Cour  royale,  ou  qa'ii  réaolte  de  docu- 
ments officiels  qui,  depuis  la  confection  de  la  liste,  lui  ont 
été  transmis  par  le  préfet;  qu^i  défaut  de  ces  circonstances» 
le  tirage  doit  se  faire  sur  la  liste  telle  quVlle  a  été  dressée  ' .  n 
Hais  que  faudraitnl  décider  si  l'avis  officiel  avait  été  transmis 
et  si  les  jurés  décédés  n'avaient  pas  néanmoins  été  remplacés  ? 
Il  ne  nous  paraît  pas  que  cette  négligence,  regrettable  sans 
doute,  pût  vicier  la  composition  du  jury,  surtout  si  30  jurés 
titolaires  étaient  présents  au  moment  de  l'ouverture  de  la 
session.  La  défense  se  trouve  dans  la  même  situation  que 
lorsque  des  dispenses  auraient  été  admises  irrégulièrement. 
Il  lui  importe  peu  d^ailleurs  que  les  jurés  décédés  soient  rem- 
placés fir  la  Cour  impériale  ou  le  tribunal,  ou  par  la  Cour 
d'assises.  Elle  n'a  droit  qu'au  remplacement  de  ceux  qui 
luanquent  et  setilement  quand  ce  remplacement  est  néces- 
saire. 

La  loi  charge  encore  la  mèAie  juridiction  de  rej^lacer  dans 
Tume  les  noms  des  jurés  déjà  sortis  et  qui  ont  fait  admettre 
avant  tout  service  des  excuses  temporaires,  et  les  noms  de 
ceux  qui  ont  été  condamnés  à  Tamende  pour  défaut  deoom-- 
parution.  Les  deux  derniers  $$  de  Tart.  391  portent: 
«  Ne  seront  pas  considérés  comme  ayant  satisfait  aux  requi- 
sitioQSyCeux  qui  auront,  avant  Touverture  de  la  session,  fait 
admettre  des  excuses  dont  la  Cour  d'assises  aura  jugé  les 
causes  temporaires.  Leurs  noms,  et  ceux  des  jurés  condamnés 
i  Tamende  pour  la  première  ou  deuxième  ibis,  seront,  immé* 
diatement  après  la  session,  adressés  au  premier  président 
de  la  Cour,  qui  les  reportera  sur  la  liste  formée  en  exé* 
cution  de  l'art.  387  ;  et  s'il  ne  reste  plus  de  tirage  k  faire  pour 
la  même  année ,  ils  seront  ajoutés  à  la  liste  de  l'année  stti«- 
vaute,  » 

La  Cour  ou  le  tribunal  qui  procède  au  tirage  de  la  liste 
trimestrielle  a-t-il  le  droit  d'écarter  le  nom  d'un  juré,  parce 
qu'il  aurait  déjà  rempli  cette  fonction  l'année  précédente  ou 
Tannée  courante  t  L'afiirmalive  a  été  jugée  par  un  arrêt  por- 
tant «  que  si  une  Cour  d'assises  ne  peut,  sans  excès  de  pou- 
voir, retrancher  de  la  liste  du  jury,  un  citoyen  qui  a  rempli 
les  fonctions  de  juré  dans  une  des  quatre  sessions  firécédentes» 
parce  que  cette  circonstance,  qui  est  pour  lui  un  motif  d'excuse 

«  Caat.  as  janv.  iSil,  rtpp.  M.  Mmuj.  Ba)|.  a,  19 1  et  Oml  1  Uu 
isu»  npp.  M.  Rooher,  Bail,  m  46. 


318  DES  COURS  d'assises.  • 

qu*il  est  libre  de  faire  ou  de  ne  pas  faire  valoir,  ne  peut  jamais 
être  une  cayse  d'exclusion  Jl  ne  saurait  çn  élre  de  np^me  lors- 
qu'une Cour  royale,  daps  upe  séance  publit]ue,  procède  en 
vertu  de  Tari.  388  au  tirage  au  sort  des  36  jurés  titulaires  et 
des  4  jurés  supplémentaires  sur  la  listç  qui  lui  es(  trapsfni|« 
par  le  préfet;  que  dans  ce  cas  Part.  391  dispose  formelleiaeiit 
et  d^une  manière  impériitive  que,  hors  le  c£is  d'assises  extra*^ 
ordinaires,  U*s  jurés  qui  auront  satisfait  aux  réquisitions  pres- 
crites par  Part,  380  ne  pourront  être  placés  plys  d*unç  fois 
dans  la  mèine  année  sur  la  liste  formée  ep  exécution  des 
art.  887  eV388;  qne  dés  lors,  et  comme  dans  les  trojs  cas 
prévus  par  l'art.  390,  la  Cour  royale  a  non-seulement  la  fa- 
culté» mais  même  le  droit  de  retrancher  ces  ]i|ré$  de  la  liste 
des  iO,  et  cela  dans  Tiptérèt  du  service  (^es  Cours  4'assisés  *.» 
Il  nous  semble  que  rien  ne  s^oppose,  bien  que  le  texte  de  la 
toi  ait  été  modifié,  &  ce  que  cette  solution  conserve  son  auto- 
rité. Si  la  demande  d\\  juré  est  nécessaire  pour  procluirç  la 
dispense,  il  ne  s^ensuit  pas  que  la  juridiction  qui  forme  la  liste 
doive  y  inscrire  des  jurés  que  leur  seule  réclamation  rend 
excusables;  il  est  utile,  au  contrairô,  au  bien  du  service 
qu'elle  les  en  écarte. 

Au  surplus,  ce  n'est  point  au  président  seul,  è'est  à  ta 
cour  ou  au  trlbpnal  auMl  appartient  de  statuer  sur  les  inci- 
dents qui  peuvent  s'élever  dans  le  cours  de  cette  opôralion. 
Ce  priacipe,  établi  par  Tart.  390,  s'applique  à  toute§  les 
questions  auxquelles  le  tirage  donne  lieu.  Il  a  été  iippliqué 
notamment  dans  une  espèce  où  le  premier  président  avait, 
par  erreur,  confondu  les  noms  des  jurés  titulaires  et  «Jes  jurés 
supplémentaires,  ce  qui  avait  amené  |a  cour  à  anayler  le  ti- 
rage et  à  ordonner  un  tirage  nouveau.  Le  pourvoi,  que  cet  in- 
cident avait  motivé,  a  été  rejeté  «  attendu  que  le  tirage  de  la 
liste  du  jury  pour  chaque  session  doit  être  fait  par  le'  prési- 
dent de  la  Cour  on  du  tribunal  en  audience  publiqpe,  el 
qu'aux  termes  de  l'art.  390  il  appartient  à  la  Cour,  et  npn  au 
président  seulement,  de  procéder  au  remplacement  dçs  jurés 
décédés  ou  incapables  dans  les  cas  au'll  spécifie  ;  que  far- 
ticle  890  renferme  un  principe  qui  doit  trouver  son  applica- 
tion toutes  les  fois  qu'il  s'agit  de  statuer  sur  les  încidepis  m 
Euvent  s'élever  pendant  le  tirage  et  sur  la  formation  de  la 
te  de  session^  et  qui  ont  pour  but  la  validité  de  ce  tirage 

*  Ç«99,i9  janv.  4844,  rapp.  M.  Me^fronneU  hulU  o.  EU 


UE  LA  C0]||»Qfiin09  w  ^l'&Y-  §  600.  3i9 

et  des  npéf^tions  ap^quelles  il  douM  lieu  de  la  pari  do  [mt^ 
aident  ;  qu'il  apparteiMiit  doooà  U  Cour  d'afipel  de  dMder  m, 
à  raison  de  Verrear  qi^i  ^^ait  fait  plAo^r  l«  nan  de  drai  juréa 
ordinaires  d^oa  Y\\Ta»  dea  jurés  «uj^imeptoivaa»  il  b't  atait 
paa  liea  d'annuler  1^  opératlops  dôjà  Iiitaada  tifàgo  oèsfii-^  . 
rés  devant  «i^er  pour  ia  peaiioB  • .  a 

IL  Loraqoe  If  tirage  du  jury  de  session  est  terminé  ^  le 
preeèsnverbai  de  ee  tirage  esl  transmis  par  le  procureur  gé« 
néral  en  le  precarear  impérial,  !<>  au  préfet  pour  qu'if  le 
fl«e  notifier  pat  extrait  aux  jurés  désignés  ;  2*  au  présidep^ 
<)6  la  Cour  d'assises. 

La  notification  de  l'extrait  de  la  liste  aux  jurés  fait  Vçl^ût 
de  l'arl.  88^  qui  est  ainsi  conçu  ^  «  la  liste  entière  ne.  sf^r^ 
peint  envoTée  aux  citoyens  qui  ta  composent  ;  mais  le  préftîi 
natitera  à  cl^cun  d'eux  l'extrait  de  la  liste  qui  constate  quQ. 
son  nein  y  est  porté*  Cette  notification  leur  sera  faite  huit 
jours  au  moins  ataut  celui  où  la  liste  doit  servir.  Gq  jour  sera 
nentionné  dans  h  notification,  laquelle  contiendra  aussi  nne 
sommation  de  se  tro^^yer  au  jour  indiqué  sous  les  peines  por^* 
léea  au  présent  colfe.  A  déraut  de  notification  à  la  perspnne, 
eHe  sera  feite  à  son  domicile,  ainsi  qu'à  celui  du  maire  ou  de 
Fadjeint  du  Heu  ;  celui-ci  est  tenu  de  lui  en  donner  con-. 
naissanoe.  » 

Cette  notification  est  habituellement  faite  par  lu  geadart* 
merie  *,  mais  elle  peut  être  éî|[Qiement  confiée  à  un  bifiaii^  '. 
t*a^ent  de  la  force  pub)iq\ie  r^met  au  juré  on  à  la  peiaann» 
trouvée  à  son  domicile  copie  de  l'extrait  et  de  Faote  i^ni  le 
DOtiSe,  et  il  fait  signer  cette  personne  mf  Yoi\g\mi  pawria»Ba« 
tater  cette  remise,  Mais  le  défant  de  c^te  |ign«tttre.ii'fnlève^ 
rait  point  à  la  notification  s^  force  probaptç. 

Si  ta  notification  n'^  pas  été(ait6  régMli^':ep[ienti  quelle  set 
rait  la  conséquence?  Il  est  certain^  d'ajM)rd)  ^ue  1^  jiiré$n(Ui 
convoqués  ne  seraient  passibles  d^aucune  peine  h  r^isop.  de 
leuf  .npn  oomparution.  C'est  ce  <fui  a  été  décidé  par  tin  arrêt 
qui  <|  Fejflé  un  pourvoi  fondé  sur  la  violatton  de  l'art  8â9  : 
«attendu  que  la  notification  ordonnée  par  cet  article  nVst 
pa&  fgm^ikê  à  peine  de  nullité;  que  seulement  rinbbséiv&tion 

«  Cm*  A%  Bfv.  iSH,  i«Hw  M.  V«  VaaiBher.  laK<  n.  êàti49iè6,im't 
rapp.  M*  DehauMj.  StOi  q.  S4a. 
2  u  9$  germ^i^l  an  tx»  ar  t.  dsa»  a.  8. 
'Dècr*18jttini811,arU71. 


3^)  •■«  GMMI  te*AttlftjU. 

de  cette  formalité  n'aurait  pas  permis  à  la  Codr  d*aflsisès  de 
eondamner  les  jurés  absents  &  Taroende  ^.  »  Toutefois  si  le 
juré,  irrégulièrement  convoqué,  s'estvolontairement  présenté, 
il  doit  être  considéré  comme  régulièrement  refètu  de  la  fonc- 
tion. Mais  le  déiaut  de  toute  noti6cation  h  Tégard  d'un  ou 
de  plusieurs  jurés  fnpperait-elle  de  nullité  la  composition  du 
jury?  La  question  s'est  présentée  sous  Tempire  du  code  do 
S  iMrumaire  an  iy,  et  Tannulation  a  été  prononcée  :  «  attendu 

J^u'il  est  établi  par  les  renseignements  transmis  par  la  cour 
e  justice  criminelle  de  Lot-et-Garonne  que  Sabatier  n'a  pas 
été  averti  de  se  rendre  à  l'assemblée  du  jury  d'accusation  ; 
qu'il  est  reconnu  qu'il  a  été  néanmoins  procédé  par  le  direc- 
teur du  jury  d'accusation  au  remplacement  dudit  Sabatier; 
que  ce  remplacement  illégal  a  privé  le  réclamant  d'un  lurè 

3 ni  lui  était  acquis  |>ar  la  voie  du  tirage  au  sort  *.  »  Il  nu«- 
rait  aujourd'hui  faire  une  distinction.  Il  suffirait,  d^aboid, 
aux  termes  de  l'art.  393,  qu'il  y  eut  trente  jurés  présents  pour 
q^ue  le  jury  de  la  session  parut  légalement  coosUtiiéé  Mail 
SI  les  jurés  présents  n'atteignaient  pas  ce  chiffire  et  que  les 
originaux  de  notificatioa  ne  fussent  pas  représentés  à  l'yard 
de  auelques-UDs,  !a  Cour  d'assises  devrait  ordonner  cette 
notîncation  et  surseoir  jusqu'à  ce  qu'elle  eut  été  accom- 
plie. Passer  outre  immédiatement  au  remplacement»  ne  se- 
rait-ce pas  enlever  à  l'accusé  des  jurés  qui  lui  sont  acquis,  sans 
que  leur  titre  ait  été  légalement  détruit  par  une  cause  quel- 
conque? Le  remplacement,  pour  qu'il  puisse  avoir  lieu»  ne 
auppose-t-il  pas  l'empêchement  du  juré  remplacé?  Si  ce  juré 
n'a  oas  été  convoqué»  comment  constater  qu'il  est  empèèbé? 
Le  fait  de  la  non  convocation,  fait  personnel  à  l'agent  chargé 
de  la  convocation»  pourrait-il  équivaloir  aux  faits  d'empèdie- 
ment  personnels  aux  jurés?  La  composition  du  jury  ne  de- 
vait-elle pas  dans  ce  cas  être  considérée  comme  aisiectée  dans 
ses  éléments  essentiels? 

10.  Au  jour  fixé  pour  Touverture  de  la  session  et  à  l'heure 
indiquée  dans  la  notification,  les  jurés  se  réunissent  dans  Is 
aalle  d'audience  des  assises. 

Le  premier  acte  de  la  Cour  d'assises  est  de  procéder  i  Is 

«  Casi.  SSMi  AaS7,rspfuM.  Gilbert  de  VoisiiH.  flir.SS,  t,  OU,  ctCooC 
ai  fcad.  «û  vm,  rvp^M.  BoHclioii.  J.  P.,  1. 1,  |U  ses,  etl. 

^Gms.  15  Julll.  iSN,  rvpji.  M.  Vogè^  h  P..  U  V.  p»  ASIi  SS  Ùffm 
sa  X,  rapf»  M,  U|v«  |p  p»,  t.  U,  p.  e»s. 


DE  LA  GDllH»1tlOII  MT  J0IIT.  §  600.  321 

formiioa  diJB[n\i\^&  dvi  jurj  de  la  session.  CcUc  ôpéntion 
consbte  è  constater  les  causes  d'absence,  à  prononcer  sur  les 
excuses,  à  déclarer  les  incapacités,  les  incompatibilités  ou  les 
dispenses  qoe  la  juridiction  qoî  a  tiré  la  liste  n'aurait  pas 
écartées. 

£si*ce  la  Cour  d'assises,  est-ce  le  président  seul  qui  (foit 
procéder  à  cette  opération?  Ce  pouvoir  n'appartient  qu'à  la 
Cour  .d'assises  :  c^est  ee  qui  résulte  formellement  des  art, 
397  et  398  qui  n'attribuent  qu*à  ta  Cour  le  droit  de  oronon- 
cer  sur  la  validité  des  excuses  ;  c'est  ce  qui  résulte  encore  de 
Tart.  396  qui  ne  défère  également  qu'à  la  Cour  le  droit  de 
coodamner  les  jurés  défaillants. 

Oo  pourrait  toutefois  citer  un  arrêt  de  rejet  qui  décide  que 
ie  président  aurait  pu  statuer  seul  sur  un  cas  d'incompatible 
\iik  Kn  voici  le  texte  :  «  Attendu  que  l'incompatibilité  entre 
la  q«alité  de  témoin  et  celle  de  juré  résulte  de  la  loi  ;  que , 
dans  Tespèce,  aucun  débat  nes^est  élevé  sur  Tobservation  du 
juré  qui!  avait  été  cité  k  comparaître  comme  témoin  dans 
raiTaire  en  vue  de  laquelle  il  était  procédé  i  la  composition 
da  tableau  du  jury  de  jugement  ;  que  dès  lors  le  président, 
CD  décidant  seul  ^e,  par  suite  de  cet  empêchement  pérempy 
taire,  le  nom  du  juré  serait  rejeté  de  l'urne,  n*a  commis  au  j* 
cun  excès  de  pouvoir:  la  Cour  rejette* .  »  Il  est  facile  d'aperce- 
voir que  cet  arrêt  ne  fait  que  confirmer  le  principe  auquel  il 
déroge  :  c'est  parce  qu'il  s^agissait  d'une  incompatibilité  pé- 
remptaire,  c'est  parce  que  la  loi  prescrivait  formellement  d'é- 
carter le  juré,  c'est  parce  qu'aucun  débat  ne  s'était  élevé  à  ce 
^jét,  que  l'acte  du  président  est  toléré.  On  sent  que  Tarrèt; 
tout  en  hésitant  &  casser  dnns  une  hypothèse  aussi  favorable^ 
n'approuve  pas  cet  acte*  Et,  eneffet,  lajiirisprudence  n'a  jamais 
ecssé  de  maintenir  la  règle  de  compétence  posée  par  la  loi'. 
Dans  une  espèce  où  le  président  seul  avait  admis  l'excuse  d*un 
juré,  Tarrét  a  été  cassé  :  «  attendu  que  cette  excuse  ne  ppu- 
rait  être  /tigée  que  par  la  Cour  d'assises,  aux  termes  de  I  art. 
398;  et  qu'en  Tadmettant  seul,  sous  le  titre  de  récusation, 
le  président  de  cette  Cour  a  commis  un  excès  de  pouvoir  et 
violé  les  règles  de  la  compétence  ».  t 
La  Cour  d'assises  doit-elle  statuer  en  audience  publique? 

•  Cass.  19  janv.  1S38,  nipp.  M.  Rocher.  J.  P.,  à  «a  dalC!,  et  ConCi  7  juillet 
iai7«  capp.  M.  Isambert.  Bull,  n,  153. 

•  Ca».  17  février laai,  ropp.  M.  Bîtct.  h  P.,  t.  XXIH,  p.  1280. 

.....  *« 


322  hes  coviis  d'assises. 

Les  doutes  sont  nés  à  cet  égard  de  ce  qu'il  s'agit  d'une  0féi9r 
tion  préliminaire  qui  ne  touche  pas  directement  à  la  forma- 
tion au  jury  de  jugement.  Deux  pourvois  fondés  sur  ce  que 
l'audience,  dans  laquelle  les  excuses  avaient  été  admises, 
n'avait  pas  été  publique ,  ont  été  rejetés,  Tun ,  «  attendngue 
la  publicité  n'est  nécessaire  oue  pour  le  tirage  au  sort  d«s  jurés 
appelés  à  compléter  la  liste  qes  ^rente  '  ;  »  l'autre  c  attenju 
qu'aucune  disposition  de  la  Ipi  n'oblige  la  Cour  d'assi$es  i 
procéder  publiquement  k  la  vérification  d'un  fait  d'incompa- 
tibilité qui  rentrait,  comme  mesure  préliminaire  à  la  forma- 
tion du  jury  de  jugement,  dans  les  opérations  que  la  justice 
est  autorisée  à  faire  sans  publicité  et  hors  la  présence  des  ac- 
cusés et  de  leurs  conseils  '.  »  Mais,  si  les  arrêts  n'ont  pas 
prononcé  une  annulation  que  la  loi  ne  semblait  pas  suffisam- 
fnent  autoriser,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'ils  aient  tracé  une^ règle 
qui  doive  être  suivie.  ÎJous  crovons  que  c'est  en  audiencfi  pu- 
blique quç  la  Qour  d'assises  doit  procéder  à  cette  ôpérQiion 
préliminaire.  Si  la  loi  ne  le  prescrit  pas  en  termes  exprès,  elle 
ne  dit  point  non  plus  qu'il  sera  procédé  en  chambre  du  con- 
seil^ et,  4cs  lors,  il  y  a  lieu  d'observer  la  régie  commun^  qui 
veut  la  publicité  des  actes  de  la  Cour  d'assises.  A  la  vérité,  le 
tirage  du  jury  de  jugement  peut  avoir  lieu  en  chambre  du 
conseil;  mais  celte  disposition,  motivée,  sans  fondement 
d'ailleurs»  par  l'exercice  du  droit  de  récusation,  est  formelle- 
ment écrite  dans  l'art.  399,  et  la  garantie  de  publicité  est 
remplacée  par  la  présence  de  l'accusé  et  de  son  défenseur. 
Dans  la  discussion  des  excuses,  les  accusés  sont  absents  ;  s*il 
n'y  a  pas  de  publicité,  quelle  sera  la  garantie  de  I4  défense? 
Enfin,  l'admission  des  excuses  amène  souvent  des  remplace- 
ments, et  ce  n'est  qu'en  audiencp  publique  que  les  jurés 
complémentaires  peuvent  être  tirés.  Au  surplus,  la  r^leque 
nous  indiquons  est  généralement  suivie  dans  la  pratique. 

Les  parties  n'ont  point  d'ailleùi^  la  droit  do  conirOUsret 
d'attaquer  les  décisions  par  lesquelles  les  cours  d'assises  ad- 
mettent ou  rejettent,  les  demander  de  dispense,  £n  effet,  ces 
décisions  ne  sont  que  des  appréciations  de  faits  qui  lont  aban- 
données à  la  conscience  du  juge  et  qui  ne  pourraient  être  re- 
levées devant  la  Cour  de  cassation.  11  a  en  conséquence  tou- 
jours été  reconnu  «  qu'aucune  disposition  n'autorise  les 

*  Cass.  sa  sept.  1837,  rapp.  M.  Rocher.  DalU  iSSS,  4,  419, 
Cass,  7  juin.  1847,  rapp,  M.  I3»mb«rt#  Bull»  n,  153. 


DE  LA  COMPOSITION  DU  jrnY.  §  COO.  323 

aecasés  à  discuter  les  excuses  ou  les  causes  de  dispense  invo- 
quées par  les  jurés;  qu'ils  ont  seulement  le  droit  do  vérifier 
si  les  personnes  entre  lesquelles  se  fait  le  tirage  ont  les  qua^ 
lités  requises  pour  être  appelées  aux  fonctions  de  juré?  Si 
elles  ont  été  régulièrement  désignées  pour  composer  le 
jury  i;  »  —  «  Que  les  opérations  par  lesquelles  la  Cour  d'as- 
sises procède  à  cet  examen  sont  extrinsèques  aux  débats  de 
chaque  aflaire  particulière  '  ;  »  —  Enfin^  «  que  ces  arrêts 
sont  des  actes  d'administration  auxquels  ne  prennent  part  ni 
les  accusés  ni  leurs  conseils  et  qu'ils  sont  inhabiles  à  criti- 
quer, du  moment  où,  aux  termes  de  l'art.  393,  il  reste  sur  la 
liste  30  jurés  idoines  à  Tégard  desquels  ils  peuvent  exercer  les 
xèCQsatioDS  que  la  loi  leur  accorde  '.  » 

Cependant  cette  interdiction  faite  aux  parties  de  critiquer 
les  arrêts  que  les  cours  d^assises  prononcent  en  faveur  ou 
contre  les  jurés,  n'est  pas  absolue.  Elles  peuvent  attaquer  ce9 
arrêts  toutes  les  fois  qu'ils  sont  fondés,  non  sur  des  apprécia- 
tions de  faits,  mais  sur  des  motifs  de  droit,  ou  toutes  les  fois 
qu'ils  rejettent  une  cause  légale  d'incapacité  ou  qu'ils  admet- 
tent an  contraire  une  cause  d'incapacité  non  prévue  par  la 
loi,  tontes  les  fois  enfin  qu'il  y  a  eu  violation  de  quelques 
formalités  substantielles  ^.  Ainsi,  supposez  que  la  Cour  d  as- 
sises ait  maintenu  sur  la  liste  un  juré  qui  n'avait  pas  la  qua- 
lité de  Français  ou  l'âge  légal,  qui  ne  jouissait  pas  des  droits 
civils  ou  se  trouvait  frappé  d'incapacité  ou  d'incompatibilité, 
il  est  évident  que  celte  décision  ne  ferait  point  obstacle  au 
droit  de  l'accusé  de  contester  la  capacité  du  juré  et  d'atta- 
quer les  actes  auxquels  il  aurait  pris  part  C'est  ainsi,  comme 
on  l'a  déjà  tu,  qu'ont*été  annulées,  sur  le  pourvoi  des  accu- 
séi,  de  nombreuses  déclarations  de  jury  auxquelles  avaient 
concouru  des  jurés  reconnus  incapables  ^.  Supposez  encore 
que  la  Cour  d'assises,  au  lieu  de  maintenir  sur  la  liste  des 
jurés  frappés  d'incapacité,  ait  écarté  au  contraire,  sans  allé- 

*  Cass.  7  janvier  1813.  Sir.  48,  1,  3&2;  et  Conf.  8  janv,  1818.  J.  P., 
t  XI,  p.  15. 

*  Cas6.  23  mars  1855,  rapp.  M.  Isambcrt.  Buil.  n.  107. 

»  Cass.  27  déc  1855,  rapp.  M.  Y.  Foucher.  Bull.  n.  412,  el  Conf.  4  tev, 
1819,  nipp.  M.  GaiUard.  J.  P.,  U  XV,  p.  58. 
A  Cass.  i7  oct.  1833,  rapp.  M.  Isambcrt.  J.  P.,  t.  XXV,  p.  908* 

*  Cas6.  à  avrU  1851,  rapp.  M.  Foudicr.  Bull.  n.  128  ;  7  nov.  1851,  rapp* 
Bf.  laambert.  BnlI.  n.  467  ;  7  mars  1856,  rapp.  M.  Caussin  de  Percerai.  BuU. 
o.  99;  30  mars  1854,  rupp.  M.  Fouchfr.  Bull.  n.  86  ;  28  oct,  182i.  Bull.  n. 
149;  8  mars  1840,  rapp.  M,  Brtôre-Vaiigny.  Bull,  n.  53. 


guer  d'excuses  et  sous  le  piétexle  d'empêchements  non  pré- 
vus par  la  loi,  des  jurés  qui  réunissaient  toutes  les  conditions 
requises,  il  est  évident,  dans  cette  seconde  hypothèse  comme 
dans  la  première,  que  le  droit  de»  parties  de  contester  de 
telles  décisions  ne  pourrait  êire  contesté.  La  jurisprudence 
nous  offre  plus  d'une  espèce  dans  laquelle  ce  droit  est  formel- 
lement reconnu;  nous  examinerons  les  arrêts  un  peu  plus 
loin  *.  Nous  examinerons  également  d'autres  arrêts  qui  ont 
annulé  des  procédures  parce  que  la  Cour  d'assises  avait 
rayé  de  la  liste  du  jury  ou  écarté  du  tirage,  sous  pré- 
texte d^incapacité,  ou  d'incompatibilité,  des  jurés  qui  réunis- 
saient les  conditions  requises  par  la  loi  •.  Nous  ne  Taisons 
au  reste  que  poser  ici  une  règle  qui  sera  ultérieurement  ap- 
pliquée'. 

VI.  Ces  règles  générales  posées,  il  faut  tracer  le  cercle 
dans  lequel  la  Cour  d'&ssises  exerce  rattribulion  qui  lui  est 
conférée.  Rappelons  d'abord  les  textes  de  la  loi  : 

Art.  396.  Tout  juré  qui  ne  se  sera  pas  rendu  k  son  poste  sur  la  cîu- 
tîoB  qui  lui  aura  été  notifiée,  sera  condamné  par  la  Cour  d'assises  à 
une  amende,  laquelle  sera  —  pour  la  première  fois  de  500  fr.;  —  pow  h 
seconde  de  1,000  fr.;  —  pour  la  troisième  de  1,500  fr.  —  Cette  der- 
rière fois,  il  sera  de  plus  déclaré  incapable  d*exercer  à  PaTenir  les 
fonctions  de  juré.  LVrêt  sera  imprimé  et  affiché  âi  ses  frais.  > 

«  L..  4  juin  1853,  art.  19.  L'amende  de  500  fr.,  prononcée  »w  le 
î»  S  de  Tan.  396  du  C.  d*instr.  crîm.,  peut  être  réduite  par  la  Cour  i 
200  fr.,  sans  préjudice  des  dispositions  de  cet  article.  » 

«  Art.  397.  Seront  exceptés  ceux  qui  justifieront  qu'ils  éuient  dans 
l'impossibilité  de  se  rendre  au  jour  indiqué.  La  Cour  prononcera  sur  la 
Talidité  de  l'excuse.  » 

«  Art.  398.  Les  peines  portées  en  l'art.  396,  seront  applicables  a 
tout  juré  qui,  même  s'étant  rendu  à  son  poste,  se  retirerait  avant  l'ex- 
piration de  ses  fonctions»  sans  une  excuse  valable,  qui  sera  également 
jugée  par  la  Cour.  » 

Le  premier  fait  prévu  par  ces  textes  est  la  désobéissance  du 
juré  à  la  citation  qui  lui  a  été  remise.  Getto  désobéissance 

•  Voy.  infrd  ,$  602, 

2  Gau.S8  ocU  i  834i  rapp.  M.  de  Cardonnel.  BulU  n.  i&6  ;  8  mars  iSiS, 
rapp.  M.  Brière-Valigny.  Bull.  n.  59  ;  i  aviiH851,  rapp.  M.  V.  Foucher.  Bail. 
B.  iiS  ;  7  nov.  tS5i«  rapp.  M.  Isambert  Bull.  n.  467  ;  30  mais  ISSâ^rapp. 
M.  V.  Foudier.  Bull,  n*  86;  7  mars  1856,  rapp.  M.  Caussin  de  PerceraU 
Bull.  n.  SS. 

*  Cass.  il  janv.  1844*  rapp.  M.  Meyronnet.  Bull.  n.  9  ;  36  janv.  iShhi  rapp. 
M.  Rocber.  Bull.  n.  35;  2  juill.  1840»  rapp.  M.  Fréfcau.  Bull.  n.  160;  16 
«et*  1846,  rapp.  M,  Rocher.  Bull.  n.  379  ;  9  mars  1838,  rapp.  M.  Rires. 
Bull.  n.  65. 


1»K   U  COMPOSITION    »U  JURY,   g  600.  325 

est  passible  d'une  amende  de  500  francs  que  la  loi  du  k  juiu 
permet  de  réduire  k  200  francs,  et  en  cas  de  première  ou  de 
seconde  récidiye,  de  ramende  de  1000  ou  de  1500  francs  et 
de  Kincapacité  portées  par  Part.  396. 

La  Cour  d'assises  peut  surseoir  à  statuer  sur  les  jurés  dé- 
faillants jusqu'à  ce  qu'elle  soit  éclairée  sur  les  causes  de  leur 
absence,  et  jusqu'à  la  fin  delà  session.  Si  elle  prononce  immé- 
diatement une  peine^  comme  cette  condamnation  est  par  défaut, 
elle  peut  encore  la  rabattre,  si  le  juré  se  présente  ou  s'il  fait 
panrenir  une  excuse  légitime,  et  le  décharger  de  Tamende* 
JEnfin ,  elle  peut  encore,  en  admettant  l'excuse,  ordonner 
que  le  juré  retardataire  sera  replacé  sur  la  liste  et  fera  le 
service  pendant  le  reste  de  la  session.  La  Cour  de  cassation  a 
jugé  dans  ce  sens  «  que  si  tout  juré  qui  ne  s'est  pas  rendu  à 
son  poste  sur  la  citation  qui  lui  a  été  notifiée^  doit,  confor- 
mément à  Tart.  896,  être  condamné  h  Tamende,  la  Gour 
d'assises  peut  néanmoins,  suivant  l'art.  39T,  prononcer  ulté- 
rieurement sur  l'excuse  par  lui  produite  ;  et  si  elle  la  juge 
admiisible  et  valable  ^  révoquer  sa  condamnation  ;  qu'elle 
peut  donc  aussi,  en  même  temps  qu'elle  anéantit  ce  premier 
arrêt,  rétablir  sur  la  liste  du  jury  le  juré  contre  lequel  il  avait 
été  rendu  et  l'admettre  à  faire  le  service  pendant  le  cours  <lu 
reste  de  la  session  ^  » 

Si  les  jurés,  qu'ils  se  présentent  ou  non,  allèguent  des 
causes  d'empêchement,  la  Cour  les  apprécie.  Elle  peut  même 
prononcer  d'office  et  sans  être  saisie  par  aucune  réclamation, 
sur  les  causes  d'exemption  qu^elle  constate  ;  elle  est  investie 
à  cet  égard  d'un  pouvoir  discrétionnaire  ;  la  loi  s'en  est  rap- 
portée à  sa  conscience  et  à  ses  lumières  ;  ses  déciiioDt  ne 
peutent  être  critiquées.  C'est  ainsi  qu'il  a  été  reconnu  , 
lo  «  qu'aux  termes  des  art.  396,  397  et  398,  la  Cour  d'as- 
flses  est  investie  du  droit  d'excuser  et  de  dispenser  les  jurés 
portés  sur  la  liste  des  36,  et  que  Tusage  qu'elle  fait  de  cette 
attribution  ne  peut  donner  ouverture  à  cassation  *  »  ;  2"*  «  que 
c'est  aux  Cours  d'assises  à  apprécier  les  empêchements  et  à 
acorder  dans  leur  conscience  ou  à  refuser  Vexoine  d'après 
cette  appréciation  ;  qu'elles  ne  sont  pas  tenues  d'entendre  les 
accusée  sur  ces  empêchements,  et  moins  encore  de  déférer  à 

*  €a88.  8  aYiil  1850,  rapp«  fif.  Rives.  Bail.  d.  96. 

•  Ca».  17  lèT.  i828,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  U  XX,  p.  ISS,  8  jas?.  itlS. 
|.  P.,  U  XI,  p.  15  ;  27  déc  1811.  Dev.  et  Car.  U  III,  p.  455. 


i\^%  Des  couiii»  o'assi^rs. 

l'tDpposftioD  qu'ils  voudraient  faire  à  ce  que  ceà  cours  les 
accueillissent  '  »  ^  3*"  a  que  ces  décisions  ne  sont  poiat  asm* 
jetties  par  la  toi  à  des  conditions  de  droit  striot  %  » 

Ainsi  y  la  Cour  d'assises  peut  apprécier  tous  les  faits  qm 
peuvent  constituer  des  empêchements  de  siéger,  tels  que  les 
maladies,  les  infirmités,  les  absences,  les  occupations  actives^ 
les  affaires  mêmes  '.  Il  lui  appartient  souferainement  de  dé- 
cider si  ces  faits  doivent  constitocf  ou  non  des  causes  de 
dispense,  s'ils  ne  sont  qu^un  prétexte  pour  s'exempter  d'une 
charge  onéreuse  ou  s^ils  sont  sérieux  et  assez  graves  povr 
entraîner  une  excuse.  G^est  ainsi  qu'il  a  été  décidé  «  fue  la 
loi  laisse  h  la  conscience  des  juges  l'appréciation  des  motiis 
d'empêchement  et  de  dispense  des  jurés,  et  qu'en  décidant 
qu'un  )uré  qui,  dans  le  cours  du  débat,  apprend  que  sa  mire 
est  sur  le  point  de  mourir,  ne  conservera  pas  le  calme  el  la 
liberté  d'esprit  nécessaires  pour  prendre  part  à  une  délibér»- 
tion  împorùntc,  et  que  ce  juré  pouvait  se  retirer,  la  Gbtir 
'  d'assises  n'a  violé  aucune  loi  'K  ». 

Cette  souveraineté  d'appréciation  n'existe  plus,  on  l'a  dit 
tout-à-rheure,  lorsque  le  fait  d'excuse  est  définr  par  la  loi 
ou  lorsqu'il  prend  sa  source  dans  une  incapacité  légale  ou 
dans  une  incompatibilité.  Lorsque  ce  n'est  plus  un  faitqu'elle 
apprécie,  la  Cour  d'assises  doit  compte  de  ses  décisions  et  les 
parties  peuvent  les  critiquer.  Cette  distinction  est  nettement 
posée  dans  un  arrêt  qui  déclare  :  «  que  la  loi  n'ayant  pas 
spécifié  les  faits  et  circonstances  qui  peuvent  autoriser  ks 
excuses,  il  appartient  à  la  Cour  d'assises  d'apprécier  la  posi- 
'  lion  des  jurés  conformément  aux  art.  997  el  398  ;  que  la 
Courr  de  cassation  n'est  appelée  à  contrôler  les  opârations  de 
la  GouT  d'assises  à  cet  égard  qu'autant  qu'il  s'agit  des  in- 
compatibilités el  dispenses  éhumérées  en  l'art.  383  ^.  a 

Cependant,  il  peut  arriver  que  le  fait  que  la  loi  a  déctttré 

f>roduire  on  ne  pas  produire  l'exemption  ,  sèit  adnris  par 
a  Cour  d'assises,  non  (joint  avec  son  caradtêrc  légal  et  Ses 

*  Cass.  7  (léc.  1821,  rapp.  M.  Clausel  de  Coussergues.  J.  P.,  U  XVI,  p.  098; 
S  jaill.  18Â6,  rapp.  M.  Jacquinot,  BnTI.  n.  174* 

"  CassL  sa  sepu  1S47,  rapp.  M.  de  Cro^seillies*  BuU.  n.  m  v  et  GovC  S 
avril  1829,  rapp.  M.  Choppin.  J.  P.,  U  XXII,  p.  874  ;  el  26  janv.  1833.  rapp, 
M.  Mérilhou.  J.  P.,  t.  XXV,  p.  84. 

»  Cas».  10  ocl.  1839,  rapp.  M.  Vinccns  Si-Laurent  Sir.  89,  4,  955:  17 
fêf.  iSaStDali  36»  1, 1173.;  7  jauv.  1843.  Sir.  43, 1,  342. 

*  Cass.  15  B.Trill830,  rapp,  M.  Gaillard.  J.  P^  l.  XXIII,  p.  IWL. 

*  Cass.  31  mars  1836,  rapp.  M.  Isambert.  J.  P.»  h  sa  date. 


DE  U  OOlPOSmO!!  OU  lURT.  {  (MX).  Sffî 

oodséqiMfneetf ,  tndis  &  titre  cPéxcase  temporarre,  ef  dans  ce 
CM  éà  âédmoû ,  nniquenieat  fondée  en  fait  ^  reprend  toute 
sob  autorité.  Ainsi  ^  aueune  incompatibilité  n'existe  entre  la 
c^HA  de  jtiçe  diJppIéant  et  led  fonctions  de  jaré  '  :  Farrèt  de 
la  Cour  d'assises  qui  déclarerait  Cette  inconipatibilité  encour- 
rait donc  sans  aucun  doute  la  cassation  *•  Mais  si  le  juge 
suppléattt  est  écarté  du  jury,  non  sûr  le  tiotif  dé  droit  tiré 
de  Éà  <}ualité^  mais  sur  le  motif  de  fait  que  sa  présence  est 
néeessaîre  au  service  du  tribunal  auquel  il  est  attacbé  y  cette 
appréciation  rentre  -dans  la  classe  des  causes  qui  appartien- 
nent souterainement  à  la  Cour  d'assises.  Ainsi ,  la  Cour  d'as- 
diaes  peut  encore  excuser  un  juté  par  le  motif  qu'il  n'aurait 
pas  ton  domicile  dans  le  département  ^,  non  en  considérant 
ce  iléfatit  de  domicile  comme  une  cause  légale  d'incapacité, 
mais  en  lui  attribuant  comme  une  conséquence  rëxonéraiioti 
d'oué  charge  que  la  distance  rend  plus  pesante.  Ainsi ,  en- 
core, la  Cour  d'assises  peut  dispenser  des  jurés  pour  le  motif 
que,  ti?ant  d'un  travail  journalier,  ils  ne  peuvent  apporter 
les  charges  d'uù  long  séjour  du  chef-lieu  des  assiM  :  «  éU 
tendu  que  les  Cours  d'assises  sont  investies  du  droit  souverain 
de  statuer  sur  les  excuses  des  jurés  dans  les  cas  non  définis 
par  h  loi ,  et  qu'à  plus  forte  raison  elles  peuvent  admettre 
poor  etcâses  des  circonstances  que  la  loi  reconnaît  strfBsadtes 
pour  àètenir  une  dispense  absolue  de  service  du  jury  ^.  « 

les  formes  des  arrêts  qui  prononcent  sur  les  excuses  sont 
très  simples.  Il  n'est  pas  nécessaire  qu'ils  expriment  les  mo- 
ti&  qui  font  admettre  ou  rejeter  les  dispenses  ;  il  suffit  quils 
déclarent  que  ces  motifs  sont  légitimes  ^.  Il  n'est  pas  néces- 
saire que  Tétat  de  maladie  ou  lés  autres  empêchements  allé* 
£ués  par  les  jurés  soient  établis  par  des  certificats  ou  d'autres 
pièces;  i(  suffit  que  la  Cour  d'assises  constate  que  les  causes 
alléguées  s'opposent  à  ce  que  les  jurés  fassent  ou  continuent 
leur  service  :  la  loi  n'a  point  déterminé  la  formé  de  la  preuve 
sur  laquelle  il  est  permis  &  la  Cour  de  former  sa  conviction  6. 

«  Cais.  3  dée.  1829  wpp.  M.  Dnpaty.  J.  P.,  t.  XXII,  ^  1574  ;  i  oct  me* 
rapp.  U.  Dcbaussy.  Bull.  u.  259.     * 

<  CaSS,  1  juin  1S21,  rapp.  M.  Busscliop.  J.  P.,  t.  XVI,  p.  642. 

*  CdM.  a  avril  1811.  Dey.  et  Gtfr.  t.  III,  p.  322. 

*  Gasi.  13  jnillet  1849,  rapp.  M.  de  Bois^ieQX.  Datt.  49, 1,  202. 

*  Caw.  17  oct.  1883,  rapp.  M.  Isambert.  J.  P.,  t.  XXV,  p.  908. 

*  Cass.  21fept.  1848,  rapp.  M.  Legagneur.  Bail.  n.  246;  23  mars  1854f 
rapp.  IL  Aug.  Horeau.  Bull  n.  80. 


328  «         1>ES  GOIRS  h*kiiàllàlUi* 

Enfin,  cesarrètfisontreDdufi bonde  la  présence  desaocuié^,  et 
c'est  en  cela  Qu'ils  diffèrent  de  ceux  quiinterviearieDt  nâoie 
$ur  le  même  objet,  au  moment  de  la  forosationdu  jury  de  ju^ 
geoient  :  cette  différence  est  relevée  par  Tun  de»  arrèUqui 
viennent  d'être  cités  et  dans  lequel  on  lit  «  qu*il  réaulte  de  la 
combinaison  des  art.  392  et  399  que  les  arrêta  d^  Cours 
d^assises  qui  statuent  sur  les  excuses  des  jurés  portés  sur  les 
listes  dressées  en  exécution  des  art.  388  et  390,  ont  pour 
objet  d'assurer  le  service  général  de  la  session  ;  qu'en  ata» 
tuant  ainsi,  les  Cours  d'assises  n^ont  point  en  vue  tetteea 
telle  affaire  de  la  session  en  particulier,  et  que  ces  opératiooa 
diffèrent  essentiellement  de  la  formation  du  jury  de  juge- 
ment ,  puisqu'il  y  est  procédé  par  la  Cour  d'assises  et  non  par 
le  président  seul  et  que  la  présence  des  aocuséa  n*y  est  paa 
requise/  » 

Quel  est  l'effet  de  ces  arrêts?  quelle  est  la  mesure  de  Tau** 
tonte  qu'ils  exercent?  Les  excuses  ou  dispenses  qu'ila  ad- 
mettent sont  ou  temporaires  ou  permanentes.  Les  premièrea, 
fondée^ sur  des  empêchementa  accidentels,  ont  pour  eSel da 
dispenser  le  juré  de  siéger  duriuit  la  session  ;  elles  effaceitf 
son  nom  de  la  liste  trimestrielle,  ou  sanaTeflifliGer  elles  le  di»- 
pensentnoomentanément  duservice.  Lesautres,  fondéeasQÎtaur 
un  empêchement  permanent,  soit  sur  une  incapacité,  ont  pour 
effet  de  le  dispenser  de  siéger  pendant  tous  le  tempe  que  son 
mseription  peut  l'appeler  aux  fonctions  de  juré,  o'est-è-Hlîre 
pendant  l'année.  L'autorité  des  arrêts  nevapasaudelà.  Ainsi, 
si  la  Cour  d'assises  déclare  qu'un  juré  doit  être  radié  de  la  l»te 
parce  qu'il  est  atteint  de  surdité ,  de  cécité  ou  de  telle  «utre 
infirmité  qui  le  rend  improf^e  à  cette  fonction,  son  arrêt  ne 
fait  point  obstacle  à  ce  que  l'autorité  administrative,  si  elle 
croit  que  le  fait  allégué  a  cessé  d'exister,  ait  le  droit  inoontes^ 
table  de  remplacer  le  juré  sur  la  liste  de  l'année  suivante,  simf 
i  l'autorité  judiciaire  à  exercer  de  nouveau  comme  elle  l'en- 
tendra le  droit  qu'elle  tient  de  la  loi.  C'est  ce  qui  est  imÛqué 
par  les  deux  derniers  §  de  l'art.  391  :  ràla  cause  de  l'excose 
admise  a  été  jugée  temporaire,  le  nom  du  juré  est  adressé  au 
président  de  la  juridiction  chargée  d^opêrer  le  tirage  do  la 
liste  de  session ,  pour  qu'il  soit  remis  dans  Turne;  si  la  cause 
de  Texcuse  a  été  jugée  permanente ,  cette  transmission  n'a 
pas  lieu ,  et  le  juré  se  trouve  exempt  d^un  service  ultérieur 

*  C9M.  17  oct.  1830,  cit^  suprà. 


DE  LA  GOarosinoN  oc  JURT.  §  600.  3^29 

pour  le  T«Ble  de  Tamiée.  Cette  doctrine  a  soiifetit  été  oon- 
SMrée.Un arrêt  décltfe  <  que  les  Cours  d'assises  n'ont  de 
peu? oir  que  peur  apprécier  les  motib  d'eicuse  des  jurés  qui 
wm  se  présentent  pas  ou  qui  réclament  et  pour  les  remplacer, 
aMI  y  a  lieu  y  dans  le  senr ioe  pour  lequel  ib  sont  appelés  de* 
vam  elles;  qu'elles  peuvent  sans  doute,  dans  Texerdce  de  ce 
peimwr ,  prendre  en  considération  les  questions  d'incoBapa* 
tiUlhè  soulevées  devant  eHes  par  les  réclamalioi^;  mais 
qu'elles  sont  sans  pouvoir  pour  en  déduire  et  prononcer  la 
radiation  définitive  du  nom  du  réclamant  de  la  liste  générale 
du  jÉry  ;  qu'en  effet,  la  formule  et  la  révision  générale  de  ces 
Kstes  n'entrent  point  dans  les  attributions  de  ces  Cours  ^.  » 
Uni  autre  arrêt  dispose  encore  «  que  la  dispense  accordée  à 
aenr  jurés  (parce  que  vivant  d'un  travail  journalier,  ik  ne 
pouvaient  supporter  la  charge  du  jurj)  Ta  été  pour  la  session 
seulement;  et  qu  elle  n'a  pas  eu  pour  objet  de  retrancher  dé- 
SnitiveBsent  lesdits  jurés  de  la  liste  du  jury,  laquelle  est  per- 
manente d'après  la  loi»  et  ne  peut  être  modifiée  par  voie  de 
iHraochement  que  dans  la  forme  et  les  délais  prescrits  par 
la  loi  ;  mais  que  la  Cour  d'assises  ne  cesse  pas  d*être  com» 
pélente  pour  prononcer  sur  les  dispenses  temporaires  demaur 
déea  par  lea  jurés  dont  les  motib  sont  appréciés  souveraine^ 
jMnl  par  elle  *•• 

Les  jurés  qui  ne  se  sont  pas  présentés  au  premier  jour  de 
l'ouverture  de  la  session  et  qui  ont  été  condamnés  à  Ta- 
mcAMie,  ont  la  faculté  de  présenter  ultérieurement  leurs  e»* 
eoaes*  C'est  la  disposition  formelle  de  l'art.  S97.  La  Cour 
d'assises  peut  donc,  si  elle  juge  l'excuse  admissible  et  valable, 
révoquer  sa  condamnation  ;  elle  peut  aussi ,  en  même  temps 
qu'elle  anéantît  ce  premier  arrêt ,  rétablir  sur  la  liste  du  jiuy 
cehtt  eootre  lequel  il  avait  été  rendu  et  l'admettre  à  faire  le 
service  pendant  le  reste  de  la  session  >.  Mais,  si  le  juré  avait 
été  momentanément  dispensé,  un  arrêt  ne  serait  pas  néces* 
saire  pour  qu'il  reprit  son  service.  C'est  ainsi  qu'il  a  été  re»- 
oonnu  «  que  si  les  jurés  remplacés  par  des  jurés  supplément 
taires  appelés  en  exécution  de  rart«  395,  par  suite  d'une 
eondamnation  pour  cause  d'absence ,  ne  peuvent  être  réta* 
blÎBsnr  la  liste  et  admis  é  faire  le  service  pendant  le  cours  de 

*  Cau.  4  mars  iS43»  rapp.  M.  Romiguières  Bull.  d.  47* 

*  Cass.  6  juillet  1849,  rapp.  M.  Dehaossy.  BulL  n.  145,  et  7  fôv.  iSS4f 
rapp.  M.  Rocher.  J.  P.,  U  XXVI,  p.  142. 

<  Can.  S  avrU  1830,  rapp.  M.  Rivea.  h  P.,  t.  XXlIf,  p.  86S. 


380  VËB  COURS  oV 

la  session  qu'en  vertu  d'un  arrêt  qui  révoqué  \^  condamna- 
lions  contre  eux  prononcées ,  on  ne  saurait  on  eonelure  que 
des  jurép  excosés  ou  dispensés  ^  de  rautorité  de  la  Gom  d'air 
sises ,  et  momentanément  remplacés  dans  là  forme  pesoite 
par  ledit  art.  89K,  lie  puissent  reprendre  lents  fonctions  que 
d'après  un  arrêt  de  cette  Gnir ,  puisque ,  d'une  part ,  la  dii- 
-pense  ou  Texcuse  ne  font  pas  perdre  aux  jurés  le  caraotéie 
qu'ils,  tiennent  de  la  loi ,  et  que,  de  Tautre,  elles  doivent  né- 
cessairement 4;esser  avec  la  cause  qui  les  avait  fait  admettre , 
et  qu'il  serait  contraire  à  la  nature  des  choses  que  les  rem- 
plaçants  continuassent  k  siéger  à  ta  place  de  ceux  qu'ih  n'é- 
taient autorisés  à  suppléer  que  pendant  leur  absence >•  »  Le 
juré  excusé  pour  cause  d'aflnire  urgente  ou  de  maladie  peot 
donc ,  lorsque  cette  cause  n'existe  plus ,  reprendre  ses  fonc- 
tiona ,  sans  qu'il  soit  besoin  que  \û  Gour  rapporte  Farrèt  qoi 
4'en  a  temporairement  dispensé  \ 

La  conqpétence  de  la  Gour  d'assises  pour  statuet  sur  les 
excuses  des  jurés  de  la  session,  cesse  nécessairement  au  mo- 
ment de  la  clôture  de  cette  session.  La  Cour  de  cHasatii^ii  a 
dû  en  conséquence  annuler  l'arrêt  d'une  Gour  d'assises  qui 
s'était  réunie  quelques  jours  après  là  session  close,  pdur  ra- 
battre une  condamnation  à  ramcnde  qu'elle  avait  pvofiocwk 
contre  deux  jurés  :  «  attendu  qu'aux  termes  des  «ri.  ^Od 
ibst*  crim.  et  49 1.  30  avril  181.0>  les  Cours  d'assisea  ne  sont 
investies  que  d'une  juridiction  temporaire  et  pour  un  timjii 
drdétermiiier  ;  ^ue  cette  juridietiotf  cdmmefice  afO  jour  éè  Foo- 
verttiredèB  assises;  que  cèjonr  est  déterminé  par  le  prési- 
dent ;  qte  cette  juridictioii  unit  au  jour  de  la  clôtura  des  assi- 
se; qw  cette  dôture  aliea  ionique  toutes  tesaffaitce  qti 
étaient  en  état  lors^  de  l'ouverture  y  ont  été  portées  ;  que  les 
magistrats  qui  la  composent  sont  sans  caractère  tfprèa  eetle 
clôture  ;  et  que  les  Gours  d'assises  ne  peuvent,  avant  do  se  sé- 
parer, (N-oroger  leur  juridiction  sous  aucun  prétexte  '•  »  Dans 
ce  cas,  Texcuse  doit  être  portée  devant  la  Gour  d'assises  du 
trimestre  suivant. 

V,  La  Gour  d'assises,  après  avoir  reconnu  les  absences  «t 
statué  ou  sursis  à  statuer  sur  les  excuses  et  les  dispenses,  pfo- 
cède  à  h  formation  définitive  de  la  liste  âe  la  session. 

*  Cas8.  7  jafir.  18S5,  rapp:  U.  Aomont.  f.  P.,t.  XIX,  p.  idf. 
>  Gass.  6  piDV.  1858,    rapp.  M.  Jalloo,  Bull.  U.  5. 
1  Gass.  25  mars  1826, 1826,  rapp,  M«  Oltfvier.  Dot,  et  Car.,  oett,  n^a? 
à  sa  date. 


DE  LA  COHPOSVriOIl  DU  JURT.    $   600.  931 

Vui.  18  die  \à  loi  da  4  jum  1853,  qéi  né  fait  à  péti  près 
que KprodteRre Part.  493  du  G.  d*in8t.  critn., porte:  ir  8i»  ad 
jour  indiqué  pour  le  jugement,  le  nombre  des  jurés  est  réduit  à 
ttoias  de  trente,  par  suite  d'àbsenee  ou  pour  toute  autre 
cMse^  oe  nmnbre  est  complété.  ••  b 

Aiasi,  €^  B^est  que  lorsque  le  nombre  des  jurés  est  réduK 
à  moios^  trente,  qu'il  j  a  lieu  de  compléter  la  liste  :  trente 
jurés sufBseDt,  dans  le  système  de  la  loi,  pour  que  le  droit  de 
récQtttion  puisse  s'exercer  d'une  manière  convenable  et  pour 
que  les  douze  jurés  qui  imposent  le  jury  de  jugcmebt  soient 
réputés  avoir  été  neceptés  par  Taccusalion  et  par  la  défense. 

Toutefois  si  trente  jurés  suffisent,  il  faut  nécessairement 
qae  ces  jurés  réunissent  toutes  les  qualités  requises  par  la  loi 
pour  leur  participation  aux  actes  delà  Cèor  d'assises;  car  un 
joré  ine^pable  n^est  pas  un  juré,'  sa  présence  est  indifférente 
puisqu'il  ne  peut  prendre  une  part  utile  à  aucune  opération; 
il  ne  compte  donc  pas  parmi  les  trente  jurés  et  la  liste  se  trouve 
dés  lors  réduite  à  tingt-neuf.  Or,  dès  que  la  loi  s'arrête  au 
chiffre  "de  trente^  il  n'est  pas  permis  de  descendre  au-dessous 
de  ee  chiffre,  puisqu'il  en  résulterait  une  restriction  du  droit 
de  récusation.  La  jurisprudence  a  maintenti  ce  principe  avec 
femeté  en  déclarant  «  que  le  tirage  du  jofy  de  jugement  doit 
se  faire  sur  uoe  liste  qui  ne  peut  pas  être  de  nloins  de  trente 
jwés  capables  de  connaître  dé  l'affaire  qui  doit  être  soumise  à 
ce  jury  de  jugement,  et  que  Tincapacité  absolue  du  relative 
derandetf  jurés  qui  font  partie  de  cette  likte  des  trente  ré-= 
doiniit  les  droits  de  récusation  attribués  par  la  loi  k  l^âccusé 
et  au  ministère  pubNc  et  serait  une  violation  des  règles  cour 
stitotives  du  jury  *  »  Il  a  été  décidé,  en  conséquence,  qu'il  y  a 
*  lied  d^tiuler  la  déclaration  du  jury  s^l  se  trouvait  parmi  les 
jwésun  faidîvidaftgé  de  moins  de  80  ans  accomplis  *,  nn  rn- 
dfvidu  frappé  d'incapacité  ou  d'incompatibilité,  oa  des  té- 
BNMimde  1  affaire  S  le  défenseur  de  l'accusé  ^,  etc. 

'  Caii,  ïi  jaoT.  1888,  rapp.  M.  Mérilhoa.  Bull,  u*  10* 

'Cass.  SS  ocU  1828,  rapp.  M.  de  Cardonnel.  J.  P.,  U  XVIII,  1070;  10 

foSa  185Î,  repp.  M.  OnWîer,  t.  XXIV,  p.  ISOl  ;  22  juin  1830,  rapp;  M.De- 

hiQ«]r.BiilK]].20S. 
1  Gass.  22  juin  1843,  rapp.  M.  Isambert  BuU.  n.l58  ;  14  mai  ld2&  rapp, 

M.  Choppin  J.  P.,  U  XIX,  p.  406. 

*  Cass.  25  jan?.  1821,  rapp.  M.  de  Marcheval.  Bull.  n.  9  ;  et  conr.  23  fér. 
19  juilL  et  2  DOT.  1821.  Bull.  no«  47, 114  et  175  ;  7  uot.  1812  u.  ISd  ;  IS 
marset  13  OCL  1826,  n«*  44  et  201  ;  26  avrif,  20  juin.  1832  n«*  145  et  272; 
9ftT.  I884.n.--12. 

•  Cas^,  2davrîr  1832,  rapp.  M.  Ollivicr,  J.  P.  t,  XXIV,  p.  088. 


332  AU  GQVR0  D*AttUsK8* 

Cette  règle  8*applique  même  au  cas  ou  les  douze  jurés  de 
jugement  étaient  tous  capables;  car  elle  ue  protège  pas  sea- 
lement  le  jugement,  qui  ne  doit  être  reeuYre  que  de  juris 
eapablee»  elle  protège  encore  le  droit  de  récusation,  qui  n'au- 
rait pas  sa  latitade  légale  si  trente  jurés,  capables  de  prendre 
part  au  jugement,  ne  participaient  pas  an  tirage.  Ce  peint  est 
reconnu  par  tous  les  arrêts  qui  viemient  d'être  cités» 

Elle  s'applique  encore  lors  oiême  que  Taccusé  et  le  aniois- 
•  tère  public  auraieni  consenti  à  ce  que  le  tirage  du  jury  de  ju- 
gement fut  opéré  sur  une  liste  de  29  jurés  :  •  attendu  qu-aui 
termes  de  la  loi,  le  nombre  des  jurés  sur  lequel  doit  ètreformé 
le  jury  de  jugement  doit,  dans  tous  les  cas,  êire  au  raoios  de 
trente;  que  ce  nombre  d'au  moins  trente  jurés  est  substantiel 
et  d'ordre  public,  et  que  du  tirage  au  sort  opéré  sur  un  wm- 
.  bre  inférieur  résulte  une  nullité  radicale,  qui  ne  peut  être 
couverte  même  par  l'acquiescement  des  parties  ^  s 

Le  nombre  de  trente  est  le  minimum  des  jurés  nécessaires 
I)our  que  le  tirage  soit  régulier  ;  le  maximum  est  de  treole- 
six,  nombre  des  jurés  titulaires  de  la  liste  (rimesCirielle.  H 
suit  de  là  que  dans  le  cas  où  plus  de  trente  concourent  an  ti- 
rage, la  présence  d'un  incapable  n'est  plus  une  cause  de  nal- 
lité,  si  cet  incapable  nHt  pas  siégé  parmi  les  jurés  dejagc- 
ment  et  s'il  y  a  eu  trente  iurés  capables*  L'incapacité  équivaut 
à  Tabsence;  or,  si  l'un  des  jurés  était  absent^  il  en  restcfsil 
encore  trente  pour  former  le  jurj  déjugeaient. 

Mais  il  y  a  lieu  de  compléter  la  liste  de  trente  foules  les 
fois  que  trente  jurés  capables  ne  sent  pas  présents,  queUe  ^ue 
soit  la  cause  de  leur  absence  et  lors  même  que  la.Cour  d'assi- 
ses n'aurait  pas  encore  prononcé  sur  les  excuses.  La  formalioo 
de  la  liste  est  indépendante  du  jugement  des  excuses  ;  la  Cour 
peut  surseoir  à  ce  jugement^  mais  elle  doit  compléter  immé- 
diatement la  liste,  car  il  faut  des  juges  aux  accusés,  il  fout 
faut  faire  statuer  sur  le  rôle  de  la  session.  C'est  en  appliquant 
cette  règle,  que  la  Cour  de  cassation  a  successivement  jugé, 
«  que  la  seule  absence  des  jurés  au  jour  indiqué  pour  les  dé- 
bats, et  quelque  soit  le  motif  de  cette  absence,  suffit  pour  au- 
toriser et  obliger  à  leur  remplacement  '  s  -,  —  «  que  la  liste 
des  jurés  doit  être  complétée  jusqu'à  trente,  quelles  qtic  soleai 

*  C898.  5  a?ril  18S1,  rapp.  M.  Basire.  Dali.  ?•  lut.  cr.  d.  1580;  n  no?. 
iSSi  rapp.  M.  Loayot.  Lodloc 

*  GasB,  S7maiiS10,  rapp»  M.  Busschop.  DalLv  Iiut,  cr.  n.  1555. 


OR   1.4  COMPOSITIO!!    BU   JCRt.    $    600.  333 

les  causes  de  l'absence  des  juré9  de  la  liste  des  trente-six,  qui 
nese  aont  pas  présentés;  que  la  Cour  ne  doit  donc  pas  exami- 
ner si  ]i^  jurés  qui  se  sont  trouvés  absents  au  jour  îndiqoé, 
avaient  ou  non  une  cause  légitim^^  pour  nepns  coroparatlreU; 
—  •  que  mène  lorsqu'il  y  a  lieu  de  procéder,  an  jour  indi- 
aoé  pour  la  formation  du  tableau  du  jury,  au  remplacement 
des  jurés  manquants  pour  quelque  cause  et  de  quelque  ma- 
nière que  ce  soit,  la  loi  nVxige  point  qu'il  soit  préalablement 
statué  sur  la  validité  ou  l'invalidité  des  motifs  de  la  non  com- 
parution desdits  jurés';  »  —  «  que  l'art  393  ne  subordonne 
point  la  légalité  de  l'admission  des  jurés  supplémentaires  à  la 
constatation  préalable  ou  simultanée  des  jurés  titulaires  man- 
quants'; »  — -  Enfin  «  qu  il  doit  être  procédé  au  remplace- 
aenides  jurés  titulaires  absents»  quoique  la  Cour  ait  aiinpie- 
inent  sursis  à  prononcer  sur  les  excuses  par  eux  proposées  V  n 

Il  y  a  lieu  de  compléter  la  liste  quel  que  soit  le  nombre  des 
jurés  manquant  à  Tappel  et  dans  le  cas  même  où ,  par  TeflFet 
de  ciioonstances  extraordinaires ,  les  jurés  portés  sur  la  liste 
seraient  réduits  à  qucJquesHins.  La  marcbe  de  la  justice,  en 
eOet,  doit  élre  régulière  et  ne  peut  être  subordonnée  au  fait 
des  ciloyem  convoqués  pour  remplir  les  (onctions  du  jury. 
Il  en  rteulte,  à  la  vérité  j  quelques  difficultés  pour  l'exercice 
<fai  droit  de  récusation  »  mais  ces  difficultés  tiennent ,  ainsi 
qu'on  le  verra  plus  loin ,  au  mode  usité  pour  la  notification 
de  la  liste  plutôt  qu'au  complément  même  de  cette  liste.  La 
Cour  de  cassation  n*a  point  hésité  à  déclarer  qu'il  y  avait  lieu 
d'appeler  des  jurés  remplaçants ,  lors  même  que  la  liste  des 
36  se  trouvait  réduite ,  par  les  excuses  et  les  absences ,  à 
17S  à  16%  à  8' et  même  à  2». 

L'accusé  n'est  point ,  en  général  y  nous  Tavons  déjà  vu  , 
Appelé  à  contrôler  cette  opération.  Il  ne  lui  appartient  jamais 
d'eetrer  dans  l'examen  des  causes  des  absences  et  faits  d'ex- 


*Cass,10oct.  48fl,rapp.  M.  Clausel  de  Coiwserjues.  J.  P.,  U  XIV, 
p.  476. 

>Cass.  35oct  lSSi,rap|».  If.  RaUud.  J.  P.,  t  XXI,  p.  SS^.^ 

'  Giis.  i  ocL  iSIS,  rapp.M.  Aumont;  S6  janv.  1853,  rapp.  M.  MérSlhou. 
Dali.  T*  Inst  cr.D.  iSSg. 

*  Cas».  IS  janr.  4827,  mpp.  M.  de  Beroard.  J.  P.,  t.  XVf.  49. 

^Giftt.  U  moA  1849,  rapp.  M.  Dehauny.  Bull.  o.  106. 

'  Cas;;.  98  jan?.  1814,  rapp.  M.  Aumont.  J.  P.,  t.  XII,  p.  59;  29  mars 
1806,  rapp.  M.  Verg4s.  Dali.  v«  Inst.  cr.  n.  1557. 

^Caas  25  jaav.  1841»  rapp-  M.  Dcftaassy.  Bull.  n.  28. 

'Cis%  6fév.  18^4,  rapp.  M.  Cboppin.  J.  P.,  t.  XXVJ,  p.  140. 


334  1>ES  C0UB8  d' ASSISE?. 

CQsss  et  de  dispenses.  Alnsi^  ou  doit  admetiro,  comme  fa  dé- 
claré un  arrêt,  a  que ,  quelles  que  soient  les  modifications 
qu'ait  éprouvées  la  liste  de  session  par  les  arrête  qui  aTaîeat 
pour  objet  de  statuer  sur  les  excuses  et  les  dispei^  des  ju- 
rés qui  y  étaient  portés  et  de  constituer  ainsi  là  liste  de  ser- 
vice >  et  qu'en  admettant  même  que  le  nom  de  Ton  des  jaris 
faisant  partie  de  la  liste  notifiée  en  aurait  mal  ^  propos  été  re- 
tranché» le  demandeur  serait  non  recevable  à  critiquer  ces 
opérations»  puisque  le  jury  qui  a  statué  sur  l'accusation  contre 
lui  portée  a  été  (prmé  régulièrement  sur  trente  iurés  présents 
ayant  capacité  et  en  se  conformant  aux  dispositions  de  Tai- 
ticlé393'.  » 

Cependant  ces  retranchements  pourraient  être  critiqaés 
dans  deux  cas  :  d'abord ,  s^ils  étaient  fondés,  non  sur  des  ap- 
préciations de  faits,  mais  sur  des  causes  légales  ;  car  tontes  les 
fois  que  la  loi  est  appliquée ,  son  application  est  sujette  i 
Kexamen.  Ainsi ,  dans  une  espèce  où  la  Gour  d'assises  anit 
illégalement  rayé  de  la  liste  un  juré  par  cela  seul  que  depab 
son  inscription  un  arrêté  du  préfet ,  motivé  sur  ce  qu'Ù  ne 
payait  plus  lo  cens,  avait  prononcé  sa  radiation  de  la  Uste  gé- 
nérale, la  Cour  de  cassation  n*a  maintenu  la  procédore»  toat 
en  reconnaissant  Tillégalité  de  la  décision,  que  parée  que  ce 
juré  était  absent  au  moment  de  la  formation  de  la  lifte  et 
qu'il  y  avait  nécessité  de  pourvoir  à  son  remplacement  et  de 
compléter  le  jury  ». 

Les  retranchements  pourraient  être  attaqués  dans  une  se- 
conde hypothèse,  à  savoir  s!il  était  régulièrement  établi  qu  ils 
eussent  été  multipliés  sans  motifs  et  dans  le  but  d'altérer  la 
composition  du  jury.  Le  droit  do  la  Cour  d'assises  ,  quelque 
général  qu'il  soit»  trouve  nécessairement  une  limite  là  où^ 
[)ar  une  abusive  application,  il  léserait  gravemeni  le  droit  de 
la  défense  et  la  justice  elle-même.  C'est  dans  ce  sens  qu  un 
arrêt  fonde  le  rejet  d'un  pourvoi  sur  ce  «  qu'il  n'appert  d'au- 
cune des  pièces  du  procès  que  les  dispenses  accordées  par  la 
Cour  d'assises  aux  jurés  qui  ont  été  remplacés  par  des  jurés 
tirés  au  sort  en  audience  publique,  aient  été  le  résultat  d'une 
combinaison  systématique  qui  aurait  eu  pour  eiïet  d'altérer 
la  composition  du  jury  dans  sa  nature  et  dans  son  essence  ; 

'  Gass.  3  sept.  iSlil,  lapp.  M.  Jacquînot-Godardi*J,  cr.,  I.  XX« 
*  eass.  e  oct.  183C.  rapp.  M.  Dcliaussy,  Bull.  D,  333.  p.  297;  IS  jauT. 
i843f  rapp,  M.  Roclicr.  DalJ»  hh  ^t  l^^* 


K 


DE  LA  etmfùsmw  w  juht.  §  600.  33S 

et  qu^enfiii  Tappréeialion  des  dispenses  demandées  par  les 
jarés  apparti^si  k  la  Coor  d'assises  qui  y  statue  soureraine- 
meot  m  sou  honneur  et  conscience  \  »  11  est  certain  que  si 
un  j(el  excès  du  droit  de  dispense  était  constaté  ,  ce  qui  serait 
d'ailleurs  peut-ètr^  difficile ,  Tannulation  serait  cncourpe  ; 
car  ce  serait  rorgauÎMtion  même  de  la  juridiction  qui  serait 
bvissôe^  ce  serait  ses  éléments  qui  seraient  détruits  ;  et  si  l'at* 
tpbution  de  la  Clour  d^assises,  en  ce  qui  touche  les  dispenses, 
esl^uyeraine,  c'est  i  la  condition  qu'elle  se  renfermera  dans 
ses  limites  légitimes,  et  que,  sous  le  prétexte  d'accorder  des 
dispenses,  ^lle  ne  se  proposa  pas  d'épurer  ou  de  retire  la 
liste  que  le  sort  a  formée. 

YI.  La  liste  ne  doit  être  complétée^  s'il  y  a  lieu,  que  jus- 
qu'au Tïomhte  de  trente.  C'est  ce  qui  résulte  du  texte  de 
Fart.  393  du  G.  d'instr.  crim.  et  de  Part.  18  de  la  loi  du  k 
juin  18&3  ;  et  c'est  ce  qui  résulte  d'ailleurs  de  la  règle  géné- 
rale posée  par  ces  deux  articles,  à  savoir,  que  le  concours  de 
30  jurés  suffit  i  la  composition  du  jury  de  jugement 

La  Cour  de  cassation  avait  néanmoins  d^abord  jugé  «  que 
l'art.  395  exige  bien  que,  pour  compléter  le  jury,  le  nombre 
des  jurés  soit  porté  à  30,  mais  qu'il  ne  défend  pas  de  le  por- 
ter de  30  à  36  \  »  Mais  revenant  promptement  sur  cette  ju- 
risprudence^ elle  déclara  «  que  nul  citoyen  ne  peut  concourir 
poar  former  le  jury  s'il  n^en  a  reçu  la  mission  de  la  loi  ;  qu'un 
jury  formé  sur  un  nombre  de  citoyens  parmi  lesquels  il  s'en 
trouve  un  ou  plusieurs  à  qui  la  loi  n^en  a  pas  donné  la  mis- 
sion est  donc  illégal,  et  par  conséquent  sans  caractère  pour 
prononcer  sur  le  sort  d*un  accusé;  que,  d'après  l'art,  895, 
lorsqu'il  se  présente  au  jour  indiqué  pour  la  formation  du 
jury,  moins  de  30  jurés  de  ceux  portés  sur  la  liste  qui  a  été 
notifiée  aux  accusés,  il  ne  peut  être  joint  aux  jurés  présents 
que  le  nombre  nécessaire  pour  compléter  celui  de  90  ;  que  les 
citoyens  résidant  dans  la  commune  où  se  tiennent  les  assises, 
et  qui  sont  portés  sur  le  tableau  qui  doit  être  dressé  par  le 
préfet,  conformément  audit  art  395,  n'ont  donc  de  caractère 
pour  remplir  les  fonctions  de  jurés  qu'auti^nt  qu^ils  sont  né- 
cessaires pour  compléter  la  liste  primitive  jusqu'à  30  ;  d'où 
il  suit  que  ceux  d'entre  eux  qui  sont  appelés  au  delà  de  ce 
nombre  sont  sans  qualité,  et  que  leur  participation  à  la  corn- 

'  Catt«li  maiiSAdf  rapp*  Bl.  Debaussy,  BuU.  n.  iOS» 

'  Cass*  iS  man  iSi3|  rappt  M»  Baucban  Dali,  v"  Init,cr,  n.'i^&5f 


posiiioti  et  à  la  déclaration  du  jury  vicie  ces  aclos  et  les  frappe 
de  nullité  S  Cette  jurisprudence  n'a  plus  varié  '. 

Il  y  aurait  lieu  de  prononcer  cette  nullité  dans  le  cas  même 
où  le  nombre  30  ne  serait  excédé  que  par  les  jurés  supplé- 
mentaires dont  les  noms  sont  portés  snr  la  liste  notifiée,  si 
Tan  dccesjurés,  ainsi  appelé  irrégulièrement,  a  fait  partie  des 
douze  jnrés  de  jugement.  Ainsi ,  si  le  tirage  se  fait  sur  88 
jurés  parmi  lesquels  il  se  trouve  un  des  jurés  supplémentaires, 
et  si  ce  juré  participe  au  jugement,  la  déclaration  doit  être 
annulée  :  «  attendu  que,  d'après  les  dispositions  formelles  de 
Tart.  393,  les  jurés  supplémentaires  ne  doivent  être  appelés 
qu'i  défaut  des  jurés  de  la  première  partie  de  la  liste  et  pour 
compléter  le  nombre  de  30;  que,  aans  Tespèce^  il  est  dit 
au  procès-verbal  de  tirage  au  ^rt  des  jurés,  que  ce  tirage 
s'est  effectué  sur  32  jura  de  la  liste  notifiée;  qu'il  est  évi- 
dent que  ces  33  jurés  ne  comprenaient  pas  exclusivement  des 
jurés  de  la  première  partie  do  la  liste,  puisque  parmi  les  13 
jurés  de  jugement  se  trouve  le  second  des  jurés  supplémen- 
taires; que  ce  juré  ne  pouvait  être  légalement  appelé  au  ti- 
rage que  poiir  compléter  le  nombre  de  30;  que  dès  lors  le 
tirage  s'élaot  effectué  sur  une  liste  de  32  jurés  qui  compre- 
naient un  juré  supplémentaire,  la  composition  du  jury  n'a 
pas  eu  lieu  conformément  à  Tart  393  ;  que  par  suite  il  y  a 
eu  violation  formelle  de  cet  article  qui  renferme  des  disposi- 
tions substantielles  et  fondamontales,  puisqu'elles  déterminent 
les  règles  constitutives  de  la  composition  du  jury  3.  »  Mais  si 
le  juré  supplémentaire,  qui  a  pris  irrégulièrement  part  au 
tirage  comme  31«  juré,  n'a  pas  fait  partie  du  jury  de  juge- 
ment, cette  irrégularité  n*ayant  causé  aucun  préjudice  i 
raccv^,  il  n'y  a  plus  lieu  de  prononcer  la  nullité  :  c  attendu 
que  s'il  est  constant  en  fait,  que  le  tirage  du  jury  de  jugemeot 
a  eu  lieu»  dans  l'espèce,  sur  le  nombre  de  31  jurés  et  que, 
par  conséquent,  c'est  mal  à  propos  que  le  &*  jurésupplémeo- 
taire  a  été  appelé  à  concourir  au  tirage  du  jury  de  jugement 
qui  s'est  opéré  sur  81  jurés  présents,  celte  irrégularité  n'a 
porté  aucun  préjudice  à  l'accusé,  puisque,  indépendammeot 


«  Cass.SO  avril  1819,  rapp.  M.  Giraad.  J.  P.,tXV,  p.  243. 

*  Caw.  SI  déc.  1819,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  t  XV,  p.  668;  ISjanT. 
idsa,  rapp.  M.  Aumont,  t  XV,  p.  693  ;  27  mars  1823,  rapp.  M.  Rataad, 
I.  XVII,  p.  999;  9  jaiiYier  1824,  rapp.  M.  Gaillard  t.  XVIlf,  p.  829. 

'  Cass.  27  aofit  1847,  rapp.  M  de  Grouseilhea,  Bull.,  n.  198;  7  juin 
1832,  rapp.  M.  Clioppiti.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  11 A8. 


DE  LA  coâ^osrriON  dv  snn^.  §  600.  337 

do  4*  jaré  sapplémentaire  qui  n'avait  pas  qualité  pour  être 
juré ,  27  jurés  titulaires  se  trouvaient  présents  et  complétés 
p»  l'appel  qui  avait  eu  lieu  des  8  premiers  juiés  supplément 
taiffes»  dans  Tordre  du  tableau;  que  le  tirage  a  eu  lieu  sur 
30  jurés  idoines  dont  les  noms  ont  été  déposés  dans  l'urne, 
et  qoe  le  81*  Juré,  qui  était  le  4fi  juré  supplémentaire,  n'est 
f>as  sorti  de  l'urne  par  le  résultat  du  tirage  et  n'a  pas  fait 
partie  du  tableau  des  12  jurés  de  jugement  t.  » 

Il  faut  distinguer  néanmoins  entre  les  jurés  complémen- 
taires qui  sont  appelés  pour  compléter  le  nombre  de  30,  et 
ceux  qui  complètent  en  effet  ce  nombre.  Rien  ne  s'oppose  à 
ce  que  le  président  des  assises  tire  de  l'urne  des  jurés 
complémentaires  un  plus  grand  nombre  de  noms  que  celiû 
qui  lui  est  nécessaire  pour  compléter  les  30«  pourvu  que  les 
premiers  désignés  par  le  sort  soient  seuls  appelés  à  former  ce 
complément.  Cette  mesure  a  pour  objet  de  rendre  ce  recru- 
tement plus  facile  et  plus  prompt,  en  ce  qu'un  nouveau  ti- 
rage devient  inutile  lors  même  que  les  premiers  noms  ne 
repondraient  pas  à  Tappel.  Il  a  donc  été  jugé  «  que  ni  l'ar- 
ticle  398,  ni  aucune  autre  disposition  de  loi»  n'interdisent 
au  président  de  tirer  un  nombre  de  jurés  supérieur  à  celui 
nécessaire  pour  compléter  celui  de  30;  qu'il  suffit  1^  que  les 
jurés  qui  doivent  compléter  ce  nombre  soient  désfgnés  par  le 

f>résident  en  audience  publique  de  la  Cour  d'assises  et  par 
a  voie  du  sort;  qu'en  définitive  la  liste  du  jury  ne  soit  pas 
supérieure  au  nombre  de  trente;  2""  et  que,  pour  compléter 
ce  nombre,  on  suive  exactement  l'ordre  dans  lequel  les  noms 
sont  sortis  de  l'urne ,  en  sorte  que  les  derniers  appelés  par  le 
sort  ne  soient  désignés  pour  compléter  la  liste  des  trente 
qu'autant  que  ceux  appelés  avant  en  auraient  été  empêchés 
ou  n'auraient  pas  été  trouvés  à  domicile  *.  » 

TU.  La  liste  est  complétée  en  appelant  d'abord  ,  suivant 
Tordre  de  leurs  numéros,  les  quatre  jurés  supplémentaires 
tirés  au  sort  en  même  temps  que  les  titulaires  et  dont  les  noms 
«ont  inscrits  à  la  suite  de  la  liste.  C'est  ce  qui  est  indiqué  en 
termes  exprés  par  l'art.  18  de  la  loi  du  4  juin  1863,  qui  porte 

*  CaBs.  25  janv.  1846,  rapp.  M.  Dehaussy.  h  cr.  t.  XIX,  p.  180. 
'  Casfl»  19  avril  1SS8,  rapp.M.  Meyronnet  Bail.  n.  103;  14  janv.  1841* 
rspp.  H.  IsamberU  Bull  o»  8  ;  10  sepU  A8469  rapp,  M.  Rocher.  J,  cr., 
t.  XVnp.295, 

viif.  22 


338  'AE&  COURS  »  ASSISES. 

que  «  ee  nombre  (de  trente )e^t  complété  par  leç  jurés  sup- 
pléants>  suivant  Tordre  de  leur  inscription*  » 

Il  n'est  pas  nécessaire^  pour  appeler  les  jurés  supplémen- 
taires, que  la  cause  de  l'absence  des  jurés  titulaires  ait  été  Téri- 
fiée  et  qu'il  ait  été  statué  sur  leurs  excuses  ;  la  seule  absence 
de  ces  jurés  au  jour  indiqué  pour  les  débats  ,  suffit,  quel  que 
soit  le  motif  de  cette  absence,  pour  autoriser  et  obliger  leur 
remplacement  ^ 

Les  supplémentaires  ne  doivent  être  appelés  que  suivant 
l'ordre  de  leur  inscription.  C'est  le  sort  qui  a  fixé  cet  ordre; 
il  faut  suivre  le  sort.  Ainsi ,  il  y  aurait  nullité  si ,  par  exemple^ 
le  deuxième  juré  avait  été  appelé,  lorsqu'aucun  motif  légitime 
n'empêchait  le  premier  de  siéger  :  ce  serait  une  désignation 
personnelle  substituée  &  la  désignation  de  la  loi.  Uannula* 
tion  d'une  procédure  a  été  en  conséquence  prononcée  :  «  at- 
tendu qu'aux  termes  de  Tart.  393,  si ,  au  jour  indiqué  pour 
le  jugement  de  chaque  affaire ,  il  y  a  moins  de  30  jurés  pré- 
sents, le  nombre  en  doit  être  complété  par  les  \uTés  supplé- 
mentaires, dans  Tordre  de  leur  inscription  sur  la  liste  ;  qu'en 
fait  f  le  jour  auquel  a  été  formé  dans  l'espèce  le  tableau  du 
jury  de  jugement ,  le  premier  juré  supplémentaire ,  qui  avait 
été  précédemment  appelé  à  compléter  le  nombre  de  30,  s'est 
retiré  sans  motif  légitime,  et  que  le  second  juré  de  la  même 
liste  a  fait  partie  de  ces  30  jurés  et  par  suite  du  jury  qui  a 
statué  sur  Taffaire  ;  que  dès  lors  Tordre  d'inscription  prescrit 
par  la  disposition  précitée  a  été  interverti  et  que  le  second 
juré  supplémentaire,  qui  ne  pouvait  être  appelé  qu'à  défaut 
et  en  remplacement  du  premier,  a  été  sans  pouvoir  pour  con- 
courir au  jugement  *  •  » 

Mais  il  y  a  lieu  de  présumer,  lorsque  le  contraire  ne  ré- 
sulte pas  du  procès-verbal ,  que  les  jurés  supplémentaires 
n'ont  été  appelés  que  dans  Tordre  de  leur  inscription  et  que, 
par  conséquent ,  si  le  second  a  fait  partie  du  jury  de  ju- 
gement ,  le  premier  était  absent  ou  avait  été  excusé. 
Ainsi,  plusieurs  pourvois  qui  se  bornaient  à  alléguer  la  pré- 
sence du  second  juré  sans  que  Tabsence  du  premier  fût 
expliquée,  ont  été  rejetés  :  «  attendu  que,  si  au  nombre  de 
30  jurés  se  trouvait  le  second  juré  supplémentaire ,  c'est 


«  Cass.  17 mai  1810,  rapp.  M.  Busichop  ;  10  od.  4817,  rapp,  M.  aauKl) 
...  -««-  .,  «  ._ ,2  et  333. 

t«  xxvi  Aaf « 


tb  OcU  1821,  rapp.  M.  Ralaud.  Cités  êuprà»  p.  332  et  333, 
•  cm,  )0  avril  imt  rapp,  M.  Rocher,  /,  P., 


BE  LA  COMPOSITION!  W  JURY.  §  (NK).  339 

que  Tabsence  constatée,  et  n'importe  le  motif,  de  sept  jurés 
titulaires  et  du  premier  juré  supplémentaire  a  nécessité  que 
ce  second  juré  Ytnt  compléter  le  nombre  obligé  de  trente  ',  » 
On  ne  doit  pas  d'ailleurs  s'arrêter  à  des  énonciàtions  er- 
ronées, quand  elles  sont  rectifiées  par  les  constatations  mêmes 
du  procès-Hrerbal.  Ainsi ,  dans  une  espèce  où  le  procès-'Verbal 
de  formation  du  jury  énonçait  que  quatre  des  jurés  supplé- 
mentaires  avaient  été  adjoints  aux  30  jurés  qui  avaient 
répondu  à  Tappel ,  le  pourvoi  a  été  rejeté  :  a  attendu  que  ce 
procés-verba)  constate  que  la  présence  de  34  jurés  de  la 
session  ayant  été  constatée,  les  noms  de  ces  jurés  ont  été  mis 
dans  rprne  et  que  le  tableau  a  été  formé  en  tirant  successi- 
vement de  celte  urne  les  noms  des  jurés  qui  y  sont  écrits  et 
qui  n'avaient  pas  été  récusés  ;  que  de  cette  énonciation  il  ré- 
sulte que  les  Sk  jurés  qui  ont  concouru  à  la  formation  du 
tableau  du  jury  étaient  compris  dans  la  première  partie  de 
la  liste  de  service  de  la  session  \  »  Dans  une  autre  espèce, 
le  procès-verbal  énonçait  qu'un  juré  supplémentaire  avait 
été  appelé,  bien  que  le  nombre  des  jurés  titulaires  fût  de 
trente  :  un  arrêt  préparatoire  ordonna  l'apport  des  pièces 
relatives  à  la  formation  du  jury,  et  le  pourvoi  fut  rejeté  : 
«  attendu  qu'il  césulte  des  pièces  produites  que  c'est  par  une 
erreur  matérielle  qu'il  a  été  énoncé  dans  le  procès-verbal  du 
tirage  au  sort  du  jury  de  jugement ,  que  le  tirage  aurait  eu 
lieu  sur  le  nombre  de  30  jurés  ordinaires  ;  qu'il  est  constaté 
que,  lors  du  tirage  au  sort,  le  nombre  des  jurés  présents  non 
excusés  et  non  dispensés  n'était  que  do  29,  et  qu'ainsi  c'est 
régulièrement  que  le  premier  juré  supplémentaire  a  été  ap* 
pelé  •.  » 

VIIL  En  cas^ d'insuffisance  ou  d'empêchement  des  quatre 
jurés  supplcrnentaircs,  le  nombre  des  jurés  est  complété,  sui- 
vant les  termes  de  l'art.  18  de  la  loi  du  4  juin  1853,  «  par  des 
jurés  tirés  au  sort,  en  audience  publique,  parmi  les  jurés  ins- 
crits sur  la  liste  spéciale;  subsidiairernent  parmi  les  jurés  de 
la  ville,  inscrits  sur  la  liste  annuelle.  » 

Ce  sont  là  les  jurés  complémentaires;   il  y  a  lieu  d'|rre-, 
courir  toutes  les  fois  que  les  jurés  titulaires  et  supplémen- 

*  Cass.  8  oct.  18A0,  rapp.  M.  RomiguièreS.  Bull.  n.  299;  12  mai  iWt 
rapp.  M.  Mérilhou*  Bull.  n«  116, 

>  Cass,  10  jatiT.  j850|  rapp.  M.  Jac(fainut-Goilard«  Bull.  n.  1* 

*  GaM,  IS  cet*  it; 49, rapp,  M.  BaronncSé  Dali.  1851,  5«  197* 


340  iXfi  C0DR8  d'assises. 

taires  portés  sur  la  liste  de  session  se  trouvent,  par  les  ab- 
sences ou  les  dispenses ,  réduits  a  moins  de  trente. 

L'appel  de  cesjurésa  des  formes  spéciales.  Ces  formes  sont 
les  mêmes  que  celles  qui  s'appliquent  à  la  formation  de  la 
liste  du  jury  de  la  session.  La  Cour  ou  le  tribunal  qui  forme 
cette  liste  doit  le  faire  par  la  Toie  du  tirage  au  sort  et  en  au- 
dience publique.  La  Cour  d'assises,  lorsqu'elle  appelle  d'au- 
tres jurés  en  remplacement  de  ceux-là,  ne  peut  également 
les  appeler  que  par  la  Toie  du  tirage  au  sort  et  en  audience 
publique.  C  est  la  continuation  de  la  même  opération  :  la 
Cour  d'assises,  en  appelant  les  jurés  complémentaires,  comme 
la  Cour  impériale  ou  le  tribunal  chef-lieu ,  en  appelant  les 
jurés  titulaires  et  supplémentaires ,  ne  fait  que  procéder  à  la 
formation  de  la  liste  de  la  session.  Il  faut  donc  que  les  mêmes 
garanties  entourent  ses  actes  :  il  ne  serait  pas  logique  que  la 
constitution  du  jury,  quand  elle  s'opère  k  deux  reprises,  ne 
rencontrât  pas  devant  la  seconde  juridiction  les  mêmes  solen- 
nités que  devant  la  première. 

De  là  cette  double  règle  que  Tappel  des  jurés  complé* 
mentaires  doit,  à  peine  de  nullité ,  avoir  lieu  par  un  tirage 
au  sort,  parmi  les  jurés  de  la  liste  spéciale  et  subsidiairemeot 
parmi  les  jurés  de  la  ville,  et  que  ce  tirage  au  sort  doit  être 
opéré  en  audience  publique. 

La  forme  du  tirage  au  sort  ne  peut  être,  remplacée  par  an- 
cune  autre  forme.  Elle  est  essentielle  à  la  constitution  du 
jury  :  tout  juré  ne  doit  être  appelé  que  par  le  sort  Dans  une 
espèce  où  le  président  avait  désigné  lui-même  un  juré  com- 
plémentaire après  avoir  pris  le  consentement  de  Taccusé  et 
du  ministère  public ,  l'arrêt  a  été  cassé  :  f  attendu  que  ce 
mode  de  procéder  est  une  violation  manifeste  de  la  loi  ;  que 
le  sieur  Rioust,  qui  a  fait  partie  du  jury  de  jugement  et  qui 
a  participé  à  la  déclaration,  sans  y  avoir  été  appelé  par  la 
voie  du  sort,  ainsi  qu'il  est  prescrit  par  la  loi ,  était  sans  ca- 
ractère légal  pour  concourir  à  ladite  déclaration  et  que  dés 
lors  cette  déclaration  était  illégale  et  nulle  ;  que  cette  forma^ 
lité  du  tirage  des  jurés  par  la  voie  du  sort ,  impérieusement 
ordonnée  par  la  loi ,  tient  essentiellement  et  substantiellement 
à  la  formation  du  jury;  que,  sans  son  observation ,  le  jury 
est  incomplet ,  illégal  et  nul ,  et  que  cette  irrégularité  ne  peut 
être  couverte  par  aucun  consentement  qui  y  soit  contraire  «.  » 

*  Cass.  42  mars  1824,  rapp.  M.  Chasle.  J.  P.,  t.  XVIII,  p.  521  ;  el  coiif. 
cass.  STenlôw  aoxi,  rapp,  M.  Dulocq;  SSjuuy.  1825,  rapp,  M.  Brière. 


BE  Lk  COMPOSITION  DU  JURT.   §  600.  341 

Ge  tirage  doit  aroir  lieu  en  audience  publique,  c'est-à-dire 
dans  la  salle  où  se  tiennent  les  assises.  Suffirait-il  qu'il  eût 
lieu  dans  la  chambre  du  conseil ,  les  portes  ouvertes?  La  Cour 
de  cassation  l'a  admis»  comme  on  Ta  vu  précédemment,  en 
ce  qui  concerne  le  tirage  de  la  liste  de  la  session;  mais  cet 
arrêt  doit  être  renfermé  dans  l'espèce  toute  particulière  où 
il  a  été  rendu  ^*  La  diambre  du  conseil  y  même  les  portes 
ouvertes,  ne  présente  point  la  publicité  qui  est  la  garantie 
de  la  jiincérité  du  tirage  :  la  possibilité  d'y  entrer  ne  peut 
être  considérée  comme  Tassistance  effective  du  public;  ce  se- 
rait substituer  une  fiction  à  la  vérité.  Il  faut,  au  surplus,  que 
le  procès-verbal  constate  en  termes  exprès  cette  publicité. 
On  ne  saurait  désormais  admettre,  comme  quelques  arrêts 
l'avaient  fait  avant  la  loi  du  2  mai  1827,  «  que  la  présomp- 
tion de  droit  est  que  les  noms  des  jurés  supplémentaires  ont 
été  régulièrement  tirés  au  sort  *  9;  il  faut  que  cette  for- 
me soit  constatée,  et  la  Cour  de  cassation  a  prononcé 
en  dernier  lieu  l'annulation  de  plusieurs  procédures  ,  qui 
ne  constataient  pas  que  le  tirage  avait  eu  lieu  en  audience 
publique,  «  attendu  que  le  tirage  en  audience  publique  des 
jurés  appelés  en  remplacement  est  une  formalité  substan- 
tielle» dont  l'omission  entraîne  la  nullité  de  tout  ce  qui  a 
suivi  et  qui  est  censée  omise  lorsque  l'accomplissement  n'en 
est  pas  constaté  ^.  »  Toutefois,  cette  constatation ,  ici  comme 
dans  toute  notre  procédure,  si  elle  n'est  pas  faite  en  termes 
précis  dans  le  procès-verbal  »  peut  résulter  d'autres  docu- 
ments ou  d'énoDciations  équivalentes"^ •  UJaudrait,  par  exem. 
pie,  décider^  comme  cela  l'a  été  sous  la  loi  du  2  mai  1827» 
«  que,  lorsque  le  procès-verbal  constate  que  les  jurés  appelés 
à  compléter  le  jury  de  jugement ,  ont  été  tirés  au  sort  de  la 
manière  prescrite  à  rart.l2,  $2  et3,  de  la  loi  du2  mai  1827, 
il  résulte  de  cette  énonciation  la  pr^juve  suffisante  que  cet  ap* 
pel  a  eu  lieu  en  audience  publique  K  >  Il  suffirait  même  que 
le  procès-verbal  déclarât  que  le  tirage  a  été  fait  conformé- 
ment à  la  loi  6. 

A  Gatt.  S7ftv.  iS57.  rapp.  M*  IsamberU  Bull*  n.  85. 

■Gass,  Si  mars  1835,  rapp.  If.  Robert-St^VinceaU  J.  P.,  U  XIX, 
.  p.  871  ;  9  sepi  1834,  rapp.  M»  Ghoppin,  t  XVIII,  p.  1084. 

*  Cau.  18JaDT.  1881,  rapp.  M. Ricard.  J.  P.,  U  XXIU,  1108;  SaoùtlSSS, 
rapp.  M.  Ghoppio,  U  XXIV,  p.  §855. 

^  GassSl  fepu  1887,  M.  Gilbert  de  Voisins.  Bull.  n.  280  ;  12  oet.  1S87, 
rapp.  M.  Rocher.  BulL  n.  809. 

"  GaM.  10  fév.  1882,  rapp.  M.  Isambert.  J.  P.,  UXXIV,  p.  706. 

'  Ca»,  i8  8^  1928,  rapp,  M,  QiUYÎer,  h  P-i  U  XMI,  289,  .    . 


342  DES   COURS  l»*AS815ES. 

Les  autres  formes  de  ce  tirage  sont  légalement  les  mêmes 
que  celles  du  tirage  du  jury  de  la  session.  C'est  au  président 
de  là  Cour  d'assises  qu'il  appartient  d'y  procéder»  ou  è  son 
défaut  au  magistrat  qui  le  remplace.  Un  arrêt  d  jugé  t  que  la 
loi  chargeant  le  président  des  assises  do  faire  le  tiraf^e  eu  sort 
pour  le  remplacement  des  jurés  absents,  confôrc  ces  fonctions 
à  tout  magistrat  appelé  légalement  à  présider  les  assises  \  i 

Le  mode  du  tirage  consiste  è  tirer  les  noms  des  jurés  de 
Turne  où  sont  déposés  les  noms  de  tous  les  citoyens  qui  doi- 
vent y  concourir.  Quelques  magistrats  avaient  placé  dans  l'urne 
des  numéros  correspondant  aux  noms  de  la  liste:  iV)péralion 
ainsi  effectuée  a  été  annulée  :  «  Attendu  qu'il  résulte  de  la 
combinaison  des  art.  387  et  388  que  dans  tons  les  cas  où  il  y 
a  lieu  au  tirage  au  sort  en  audience  publique  de  la  Cour  royale 
ou  de  la  Cour  d'assises  pour  former  ou  compléter  le  jury,  ce 
sont  les  noms  des  individus  et  non  des  boules  ou  desnunncros 
qui  doivent  être  extraits  des  urnes;  que  les  dispositions  de  ces 
articles  sont  substantielles,  d'où  il  suit  qu'on  ne  peut  substi- 
tuer un  mode  quelconque  de  tirage  à  ceux  qu'ils  prescrivent 
sans  qu'il  en  résulte  une  nullité  radicale;  que  le  mode  de  ti- 
rage au  sort  par  le  président  des  assises  de  la  Charente,  pour 
le  remplacement  des  jurés  titul  ires  ou  complémentaires,  dif- 
fère entièrement  de  celui  des  articles  cités»  multiplie  et  com- 
plique inutilement  les  opérations,  peut  donner  lieu  à  un  grand 
nombre  d'erreurs  et  d'inconvénients,  substitue  à  nn  mode  lé- 
gal un  mode  arbitraire  et  contient  une  fausse  application  de 
la  loi  3.  \» 

EnGn»  il  n'est  pas  nécessaire  que  ce  tirage  ait  lieu  en  pré- 
sence des  accusés.  En  effet,  lorsque  la  Cour  d'assises  y  pro- 
cède au  premier  jour  de  sa  réunion ,  pour  compléter  la  liste 
de  la  session,  que  les  absences  laissent  incomplète,  il  n'y  a 
point  encore  d'accusés  devant  elle;  elle  appelle  les  jurés  qui 
sont  nécessaires  pour  juger  les  affaires;  elle  ne  peut  donc  com* 
mencer  encore  le  jugement  d'aucune  affaire.  Si  cette  opéra** 
tion  ne  pouvait  être  faite  que  contradictoirement,  il  faudrait 
amener  et  réunir  4  l'audience  tous  les  accusés  qui  doivent  être 
traduit3  aux  assises  dans  le  cours  delà  session,  car  elle  les  in- 
téresse tous  au  même  degré.  Mais  pourquoi  leur  présence  à  ce 
tirage  partiel  auquel  procède  la  Cour  d'assises,  quand  elle 

I  Cass.  27  avril  1820,  rapp,  M.  Gaîîïard.  J.  P.,  t.  XV,  p.  946. 
Cass.  11  oc».  4832,  rapp.  M.  Mcyronoet.  J.  P.,  t,  XXIV.  p.  IW». 


DE  LA  COMPOSITION  DU  JUIIT.   §  600.  343 

n'est  pas  exigée  devant  la  Cour  impériale  ou  le  tribunal  qui 
tire  au  sort  la  liste  entière  de  la  session?  Et  comment  conci- 
lierait-on cette  présence  ayec  la  disposition  de  la  loi  qui  ne 
donne  connaissance  aux  accusés  des  noms  des  jurés  que  â& 
heures  ayant  Touverture  des  débats?  C'est  par  ces  motifs  que 
les  pourvois  fondés  sur  ce  que  le  tirage  des  jurés  complémeif- 
taires  avait  été  opéré  en  l'absence  de  l'accusé,  ont  toujours  été 
rejetés  1 .  Maïs  rien  ne  s'oppose,  lorsque  la  nécessité  du  rem«- 
placement  se  manifeste  dans  le  cours  de  la  session,  h  ce  que  le 
tirage  des  jurés  remplaçants  ait  lieu  en  présence  des  accusés 
pour  le  jugement  desquels  il  est  opéré:  la  loi  ne  défend  ni  ne 
prescrit  cette  présence  ;  c'est  la  force  des  choses  ({ui  la  rend 
difficile  au  moment  de  la  formation  de  la  liste  ;  mais  cette  dif^  • 
Cculté  s'efface  lorsqu'il  ne  s'agit  que  de  la  compléter. 

Le  ][^résident  tire  un  nombre  de  jurés  complémentaires  égal 
au  nombre  des  jurés  absents  ou  dispensés;  mais  il  peut,  dans 
h  prévision  des  absences  et  des  excuses  qui  peuvent  se  pro- 
duire parmi  ceux  qu'il  appelle,  en  tirer  un  plus  grand  nom- 
bre^ :  seulement  il  doit  suivre  exactement  Tordre  dans  lequel 
les  noms  sont  sortis  de  l'urne,  «  en  sorte  que  ces  derniers  ap- 
pelés par  le  sort  ne  soient  désignés  pour  compléter  la  liste  des 
trente  qu^autant  que  ceux  appelés  avant  eux  auraient  été  em- 
pêchés ou  n'auraient  pas  été  trouvés  à  domicile  *.  »  Dans  une 
espèce  où  le  président  ayant  tiré  lés  noms  de  quatre  citoyens, 
au  lieu  de  deux  nécessaires  pour  compléter,  et  dans  laquelle 
les  2^  et  3*  avaient  concouru  à  la  formation  du  jury,  le  pour- 
voi a  été  rejeté  «  attendu  que  la  Cour  d'assises,  en  ordonnant 
le  tirage  de  ces  quatre  noms,  avait  statué  qu'ils  seraient  appe- 
lés dans  l'ordre  du  tirage,  et  selon  qu'ils  seraient  trouvés 
à  domicile,  et  que  le  président,  en  plaçant  dans  l'urne  les  noms 
des  2*  et  3*  jurés  sortis  au  tirage  complémentaire,  a  constaté 
qu'ils  étaient  les  deux  premiers  trouvés  au  domicile  par  l'huis- 
sier*. »  Dans  une  autre  espèce  où  le  président  avait  extrait 
de  l'urne  huit  noms  au  lieu  de  trois,  et  dans  laquelle  l'ordre 
du  tirage  n'avait  pas  réglé  la  composition  du  jury,  le  pourvoi 
a  encore  été  rejeté  «  attendu  que  rordonnancc  rendue  par  le 

»  Cas.  18  jniil.  1822,  rapp,  M.  AamonU  Dali.  ▼•  Inst.  cr,  n.  16U9  ;  U  juin 
1833,  rapp.  M.  Brière.  J,  P^  l.  XXIV,  p.  1162. 
«V05.  supràp.  387.  ^   „  „ 

iCak  i9  avril  l838,ra4>p.M.Meyroniiel.  BuU.  n.  102. 
*  Cass,  ik  janvt  I841 ,  rapp.  M,  Uambcrl,  BuU.  n.  8. 


344  DU   COURS    »*A8Slil8. 

présidente  Keffet  de  constater  la  nécessité  de  ce  tirage.et  de 
cet  appel,  énonce  qae  les  trois  premiers  jurés  qui  seront  trour 
vés  à  leur  domicile,  en  suivant  Tordre  du  tirage,  concourront 
à  la  formation  du  jury  ^  » 

Le  tirage  ne  peut  être  fait  que  sur  la  listedes  jurés  suppléants 
formée  en  exécution  de  Tart.  13  de  la  loi  du  4  juin  1853,  et 
ce  n*est  qu^au  cas  d'épuisement  de  cette  liste  qu^il  est  permis 
de  recourir  aux  jurés  de  la  ville  inscrits  sur  la  liste  annuelle. 
Toute  infraction  à  cet  ordre  indiqué  par  la  loi ,  entraînerait 
Tannulation  de  la  composition  du  jury'. 

Il  n'appartient  dans  aucun  cas  à  la  Cour  d'assises  de  pro* 
noncer  d'office  les  excuses  ou  les  dispenses  qu'elle  croit  exis- 
*  ter  dans  la  personne  des  individus  dont  les  noms  sont  tirés; 
elle  doit  attendre  que  ces  exemptions  lui  soient  proposées;  elle 
ne  peut  les  prévoir  et  les  admettre  à  l'avance.  Dans  une  es- 
pèce où  la  Cour  d'assises  avait  écarté  les  noms  de  plusieurs 
individus  désignés  par  le  sort,  parce  qu'ils  avaient  déjà  fait 
partie  du  jury  dans  la  même  année,  la  cassation  a  été  pro- 
noncée: «  attendu  que  les  personnes  désignées  les  premières 
par  le  sort,  doivent  être  appelées  les  premières  pour  complé- 
ter le  jury  et  que  c'est  seulement  lorsqu'elles  ont  fait  agréer 
par  la  Cour  des  excuses  ou  des  motifs  de  dispenses ,  que  les 
personnes  dont  les  noms  ont  été  tirés  ensuite  doivent  être  ap« 
pelées  à  compléter  le  nombre  de  trente  jurés;  qu^il  n*est  pas 
permis  à  la  Cour  d'assises  d'intervertir  cet  ordre  ni  d'exclure 
d'office  les  personnes  que  le  sort  a  désignées;  qu'en  le  faisant 
elle  commet  un  excès  de  pouvoir  et  vicie  la  composition  du 
jury».  0 

Le  2*  $  de  l'art.  18  de  la  loidu  4  juin  1853  dispose  que: 
«  dans  le  cas  prévu  par  Tart.  90  du  décret  du  6  juillet  1810, 
le  nombre  des  jurés  titulaires  est  complété  par  un  tirage  au 
sort  fait  en  audience  publique  parmi  les  jurés  de  la  ville  io- 
scrits  sur  la  liste  annuelle.  »  L'ar(.  90  du  décret  du  6  juillet 
1810  prévoit  le  cas  où  la  €our  impériale  convoque  les  assises 
dans  un  autre  lieu  que  celui  où  elles  se  tiennent  habituelle- 
ment; or,  il  est  clair  que  dans  ce  cas  on  doit  recourir  aux  jo- 

*  Cas..  80  déc.  184i,  rapp.  M.  Rocher.  Bail.  n.  878. 
■  Case.  8  oct.  1835,  rapp.  M.  Meyronnet.  Bull.  n.  388. 
»  Cass.  23  nov.  1843,  rapp.  M.  Brière  Valigny.  fiuil.  n.  201  ;  S  déc  i84S, 
M.  Jacqmnol-Godvd.  BulJ.  o.  299  ;  7  déc  i84d|  rapp.  M,  Ji>ek«wy.  BaU. 


'    ]»l  LA  COMMftlTION  W  lURT.  |  600.  345 

rés  deja  Tille  inserite  sur  la  liste  'annuelle,  sans  passer  par 
ceux  de  la  liste  spéciale. 

IX.  ^  Quelle  est  la  durée  des  fonctions  des  jurés  complé- 
mentaires? Cette  question  avait  donné  lieu  à  de  graves  duffi- 
cultes  sous  la  loi  du  2  mai  1827.  En  effet,  Fart.  12  de  cette 
loi,  portait  :  «  au  jour  indiqué  pour  le  jugement  de  chaque 
affaire  s4l  y  a  moins  de  30  jurés. ..  »  Or,  il  semblait  résulter 
de  ces  expressions  restrictives  que  Tappel  des  jurés  complé- 
mentaires devait  se  renouveler  pour  le  jugement  de  chaque 
affaire.  Néanmoins,  et  quelque  impérieux  que  fut  ce 
texte,  cette  interprétation  ne  put  prévaloir,  et  c*est  la  néces- 
sité même  des  choses  qui  porta  la  Cour  de  cassation  à  décla- 
rer «  que  ces  expressions  ne  signifient  pas  que,  pour  le  ju- 
gement de  chaque  affaire,  le  nombre  des  jurés  sera  complété 
par  un  nouveau  tirage;  que  leur  vériteble  sens  est  qu^è 
toutes  les  époques  de  la  session  le  nombre  des  jurés  sera 
complète  si,  par  un  événement  quelconque,  la  liste  se  trouve 
réduite  au-dessous  de  ce  nombre;  que  ces  expressions  ont  éte 
substituées,  dans  le  cours  de  la  discussion  de  la  loi,  à  la  ré- 
daction proposée  par  la  commission  de  la  chambre  des  dépu- 
tés qui  portoit  :  «  au  jour  indiqué  pour  Touverture  des  as- 
sises, s'il  y  a  moins  de  30  jurés  présents...  »5  rédaction  dont 
on  aurait  pu  induire  que  le  mode  de  remplacement  déterminé 
par  Tarticle  ne  pouvait  être  pratiqué  que  le  jour  de  Touver- 
tore  de  la  session  ^.  »  Aujourd'hui  cette  difficulté  de  texte 
n'existe  plus  :  l'art.  18  de  la  loi  du  h  juin  1853  a  évité  les 
deux  écueils  signalés  par  la  jurisprudence  en  adoptent  la  ré- 
daction suivante  :  «  au  jour  indiqué  pour  le  jugement.  ••  »  Il 
soit  de  là  que  la  question  du  renouvellement  du  tirage  pour 
chaque  affaire  ne  peut  plus  s'élever. 

Il  est  donc  de  principe  que  les  jurés  complémenteires, 
lorsqu'ils  ont  été  régulièrement  appelés,  conservent  leurs 
fonctions  pendant  tout  le  cours  de  la  session  et  prennent  part 
à  tontes  les  affaires  qui  sont  jugées  postérieurement  à  leur 
appel.  De  nombreux  arrêts  décident  en  conséquence  a  que 
le  mandat  des  jurés  complémentaires  se  prolonge  tenir  que 
subsiste  le  motif  qui  y  a  donné  lieu  *  »  et  c  qu'ils  doivent 


*  Cm.  S4  jaUlet  tS28,  rapp.  Bf.  Mangio.  BolL  n.  317;  iS  sept  iS28t 
rapp.  M.  GidllanL  BnlL  o.  sae. 
'  (ta.  3Q  avril  iWt  rapp.  II.  Rocher.  PaU,  r  ImU  or.  o.  iSOlf 


340  «        DES  COURS   bABêHKf. 

coDtÎDuer  leurs  fonctions  pendant  tout  le  cours  de  la  ^eènon 
des  assises  ' .  » 

Ils  ne  doivent  les  continuer  néanmoins  qu'autant  que  les 
jnrés  qu'ils  remplacent  ne  se  représentcat  pas^  a  puisque, 
d'une  part,  la  aispense  Ou  l'excuse  ne  font  pas  perdre  aux 
jurés  le  caractère  qu'ils  tiennent  de  la  loi,  et  que,  de  Tautrc, 
il  serait  contraire  a  la  nature  des  choses  que  les  remplaçants 
continuassent  à  siéger  à  la  place  de  ceux  qu'ils  n'étaient 
autorisés  à  suppléer  que  pendant  leur  absence  *•  »  Ainsi, 
lorsqu'un  juré  complémentaire  est  tiré  pour  compléter  le 
nombre  de  30,  et  que,  postérieurement  à  ce  tirage,  l'un  des 
jurés  titulaires  absents  se  représente,  il  y  a  lieu  de  rcnTojer 
le  juré  complémentaire,  «  attendu  que  la  représentation  d*UD 
juré  titulaire  absent  ou  excusé,  môme  radié,  si,  dans  ce  der- 
nier cas,  la  Cour  d'assises  rapporte  Tarrèt  de  radiation,  a 
nécessairement  pour  conséquence  de  faire  cesser  la  roissioo 
temporaire  qu'avait  reçu  le  juré  complémentaire  ;  que  dès 
lors  ce  juré  complémentaire  doit  à  Tinstant  se  retirer  et  que 
sa  présence  au  jury  de  jugement,  dans  des  aflaires  postérieu- 
rement au  retour  du  juré  titulaire ,  serait  une  cause  de 
nullité  ^  n 

Une  question  toutefois  peut  s'élever  ici.  Le  juré  complé- 
mentaire, appelé  en  remplacement  de  tel  juré  titulaire,  n'a- 
t-il  mission  que  pour  remplacer  celui-ci,  et  cette  mission 
cesse-t-elle  aussitôt  qu'il  se  représente,  lors  même  une  les 
jurés  présents  ne  seraient  pas  au  nombre  de  trente?  Cette 

3uestion  semble  avoir  été  résolue  allBrmativemcni  par  un  arrêt 
ans  lequel  on  lit  ;  c  que  la  circonstance  que  le  sieur  Dopré, 
lors  de  la  formation  primitive  du  jury  pour  la  session,  aurait 
été  désigné  publiquement  et  par  la  voie  du  sort,  en  rempli' 
cément  du  sieur  Pardessus,  ne  pouvait,  quoi  qu'il  n'eut  pas  de 
fait  remplacé  le  sieur  Pardessus,  autoriser  la  Cour  d'assises  i 
le  choisir  postérieurenjent  nour  remplacer  le  sieur  Nouvallou; 
cpe,  par  la  comparution  du  sieur  Pardessus,  la  mission  du 
sieur  Dupré  se  trouvait  terminée^  et  qu'en  l'absence  ou  em- 
pêchement d'un  nouveau  juré,  il  ne  pouvait  être  procédé  i 


*  Cass,  2  avril  1840,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bail.  n.  101  ;  5  avril  1883,  rapp. 
M.  Rives,  Bull.  n.  128  ;  80  déc.  4841,  rapp.  M.  Rocher.  BulU  n.  978;  19 
jaUl.  1889,  rapp.  M.  Dehaussy.  BalU  n.  237. 

.  *  Gass.  7  jaoT.  1325,  rapp.  M.  Aumont.  Boll.  a.  1. 

•  Casst  28  sept.  1842»  rapp.  Mr  Meyronnet.  BolL  n.  217. 


DK  LA  C0IIP9SU19N   OU  JURT.    §  GOi.  lUt 

son  remplacement  que  par  la  voie  indiquée  par  Part.  1 S  de  la 
loi  da  S  mai  1827  ^  »  Maisi  en  regardant  de  près  l'espéee  de 
eet  arrêt,  on  Toitqu^ily  avait  en  un  intervalle  entre  le  retour 
dn  premier  juré  et  Tabsence  du  second  ;  la  fonetion  dû  juré 
oomplémentaire  avait  donc  cessé  de  fait.  Aussi,  dans  une  au-* 
tre  espèce  où  le  retour  du  juré  excusé  coïncidait  avec  une 
dispense  accordée  le  même  jour  à  un  autre  juré,  il  a  èlè  dé-^ 
cidé  que  le  juré  complémentaire,  appelé  en  remplacement  du 
premier»  devait  être  maintenu  sur  la  liste  en  remplacement 
du  second  :  «  attendu  que  la  mission  légale  des  jurés  complé- 
mcntaires,  lorsqu'ils  sont  appelés  à  remplacer  les  jurés  titu-* 
laires  régulièrement  excusés,  n^est  point  limitée  par  l'étendue 
de  la  dispense  accordée  aux  jurés  qu'ils  remplacent  ;  que  leurs 
foDctiona  copsistent^  non  point  à  suppléer  tel  ou  tel  membre 
do  jury,  mais  à  compléter  la  liste  des  trente  jurés  dont  la  pré- 
sence est  nécessaire  pour  le  tirage  du  jury  de  jugement  ;  que, 
tant  que  cette  liste  est  incomplète»  soit  par  suite  de  l*admis« 
sion  des  premières  excuses,  soit  par  Teffet  de  nouvelles  dis- 
penses de  service  accordées  postérieurement  à  l'appel  des 
jurés  complémentaires,  le  concours  de  ces  jurés  à  toutes  les 
appréciations  du  jury  est  parfaitement  légal  \  » 

Il  importe  seulement  de  ne  pas  perdre  de  vue  que  si,  dans 
uoe  session  où  deux  jurés  complémentaires  ont  été  appelés, 
Tun  des  jurés  remplacés  se  représente,  on  ne  doit  maintenir 
sur  la  liste  que  le  premier  des  complémentaires,  en  suivant 
Tordre  du  tirage  au  sort  de  leurs  noms  :  c'est  le  rapport  de  cet 
ordre  avec  les  dispenses  qui  constitue  le  droit  de  chaque  com* 
plémentaire  à  participer  aux  opérations  du  jury  '. 

§601.         ^ 

I.  Nottflcation  de  le  lisle  des  jurés.  —  II.  Nécessité  de  ceue  notifica- 
tion. —  111.  Qtiels  noms  doiyent  être  notiiés.  —  IV.  Epoque  de  la 
notification.  —  Y.  Mode  de  racconiplissemeni  de  cette  formalités 
—  YI.  Effets  des  irrégularités  dans  la  liste  notifiée. 

I.  La  notification  de  la  liste  des  jurés  aux  accusés  fait  par-* 
lie  des  actes  de  la  procédure  préliminaire  qui  sera  Tobjet  du 

•  Cas».  iS  noT.  18Î9,  rapp.  M.  Meyronnet.  Bal!,  n,  5Î7. 

•  Cass.  22  ami  185J.  à  notre  rapporU  Bulï.  n,  181  ;  et  conf.  i7  cet.  188  8, 
rapp.  If.  Isambert.  Bail.  n.  44S. 

•  Caa».  7  janv.  1825,  rapp.  M.  AumonU  Bull.  n.  1  j  17  arril  1847,  rapp. 
M.  Rocher.  J,  cr.  t.  XIX,  p.  131. 


348  BES  COURS   I>*A8S1SBS. 

chap.  YII  de  ce  livre.  II  serait  donc  plus  logique  peut-être 
de  renvoyer  à  ce  chapitre  Texamen  de  cette  formalité.  Cepen- 
dant il  nous  a  paru  préférable  de  réunir  ici  toutes  les  formes 
relatives  à  la  composition  du  jury  et  de  suivre,  sans  nous  arrê- 
ter aux  actes  intermédiaires;  Taccomplissement  de  toutes  ces 
formes  jusqu'à  la  formation  du  jury  de  jugement  Telle  est 
d'ailleurs  la  marche  du  Gode  lui-même,  puisque  l'art.  395, 
qui  prescrit  cette  notification,  est  placé  au  chapitre  de  la  for- 
mation du  jury. 

Cet  article  est  ainsi  conçu  :  «  La  liste  des  jurés  sera  notifiée 
à  chaque  accusé  la  veille  du  jour  déterminé  pour  la  formation 
du  tableau  ;  cette  notification  sera  nulle,  ainsi  que  tout  ce 
qui  aura  suivi,  si  elle  est  faite  plus  tôt  ou  plus  tard.  » 

Nous  allons  examiner,  1*  le  principe  de  cette  notificalîoo  ; 
2*  les  noms  qui  doivent  être  notifiés  ;  3**  Tépoque  où  cette 
formalité  doit  être  accomplie  ;  &®  le  mode  de  son  accomplisse- 
ment ;  6^  reflet  des  irrégularités  commises  dans  les  noms  in- 
scrits sur  la  liste. 

IL  La  notification  de  la  liste  des  jurés  a  pour  objet  de  faire 
connaître  à  chaque  accusé  ses  juges  et  de  le  mettre  à  même 
de  diriger  ses  récusations.  Cette  formalité  est  donc  essentielle 
à  sa  défense,  puisqu^l  ne  peut  récuser  ses  juges  s'il  ne  les 
connaît  pas,  puisque  l'exercice  de  son  droit  dépend  entière- 
ment de  la  connaissance  qui  lui  est  donnée  de  leurs  noms. 
On  peut  ajouter  qu'elle  est  essentielle  à  la  formation  même 
du  îuTj,  car  le  jury  n'existerait  pas,  comme  on  le  verra  plus 
loin,  SI  le  droit  de  récusation,  librement  et  pleinement  exercé, 
ne  coopérait  à  sa  composition  :  il  ne  suffit  pas  que  les  jurés 
soient  désignés  par  le  sort,  il  faut  quMls  soient  acceptés  comme 
juges  par  l'accusation  et  la  défense. 

Tel  est  le  motif  qui  a  fondé  dans  la  loi  la  nécessité  de  cette 
notification.  Tel  est  aussi  le  motif  qui  a  porté  la  Cour  de  cas- 
sation à  prononcer  Tannulation  de  toutes  les  procédures  dans 
lesquelles  cette  formalité  substantielle  aurait  été  omise;  elle 
déclare  «  que  les  jurés  dont  les  noms  n'ont  pas  été  notifiés 
sont  sans  caractère  légal  pour  en  remplir  les  fonctions  '•  » 

*  CasB.  8  Jamr.  i82A»  rapp.  M,  Rataud.  Bull  •  n.  3  s  et  conC  14  août  1618. 
BalL  o.  iOii  ;  28  jany.  1825,  n.  il  ;  15  juUU  1825,  n.  181  ;  21  afril  1881. 
D.  89  ;  46  juin.  1885,  D.  287  ;  29  mars  1888,  n.  87  ;  août  1889,  n.  257  ;  il 
avrU1847»  D.79;  18  JaoT.  1{^A9,  d«  il  ;  12  aoûti850,  d«989  s  18  sept.  185^ 
p.  81$* 


DE  LA  €OII»0§ITION  DtJ  JURY.   §  601 .  349 

La  notification,  s'il  y  a  plusieurs  accusés,  doit  être  faite  à 
chacun  d'eux,  à  peine  de  nullité  '.  La  nullité  devrait  être 
prononcée  lors  même  qu'elle  aurait  été  faite  simultanément 
aux  deux  coaccusés  du  même  crime,  sUl  n'a  été  laissé  qu'une 
seule  copie  *•  Mais  s'il  est  établi  que  la  copie  a  été  laissée  à 
Top  et  non  à  l'autre^  Tanuttlatioii  n*est  prononcée  qu'en  ce 
qui  concerne  celui-ci  *.    . 

Il  importe  peu,  au  surplus,  que  l'accusé  ne  se  soit  pas 
plaint  du  défaut  de  notification  à  l'ouverture  des  débats.  Ce 
n'est  point  la  une  de  ces  irrégularités  qui  peuvent  se  couvrir 
par  le  silence  des  parties  à  l'audience.  Elle  a  affecté  le  droit 
même  de  la  défense,  et  dés  lors  elle  peut  être  relevée  à  toutes 
les  phases  de  la  procédure.  Ce  point  est  implicitement  consa- 
cré par  tous  les  arrêts  qui  viennent  d'être  cités. 

m.  La  nécessité  de  la  notification  établie,  il  faut  savoir  à 
quels  noms  elle  doit  s'appliquer.  Querlle  est  la  liste  qui  doit 
être  notifiée?  Est-ce  la  liste  des  36  jurés  titulaires  et  des  ju- 
rés supplémentaires,  telle  qu'elle  est  formée  pour  le  service 
de  la  session,  par  le  tirage  de  la  Cour  impériale  ou  du  tribu- 
nal du  chef-lieu?  Est-ce  la  liste^  rectifiée  par  la  Cour  d'as- 
sisesi  des  jurés  présents  et  capables  qui  font  effectivement 
le  service? 

Cette  question,  l'une  des  plus  débattues  par  la  doctrine  et 
la  jurisprudence,  a  trouvé  dans  les  nombreux  arrêts  qu'elle  a 
suscités  deux  solutions»  sinon  contradictoires»  au  moins  op- 
posées, et  qu'il  est  plus  facile  d'expliquer  que  de  concilier. 

A  la  première  vue,  il  ne  semble  pas  que  la  difficulté  soit 
grave.  La  loi  dispose  que  <  la  liste  des  jurés  soit  notifiée  »  ; 
or,  quel  est  le  but  de  cette  notification?  Nous  Tavons  déjà 
dit,  c'est  que  l'accusé  puisse  connaître  à  l'avance  ses  juges, 
a6n  qu'il  puisse  récuser  ceux  dont  il  redouterait  les  préven- 
tions ou  le  caractère.  Quelle  est  la  conséquence?  C'est  que  la 
liste  notifiée  soit  celle  des  jurés  parmi  lesquels  le  jury  de  ju- 
gement sera  tiré  ;  c'est  que  cette  liste  soit  celle  qui,  dégagée 
des  jurés  dispensés  et  excusés,  ne  contient  que  les  noms  do 
ceux  qui  prennent  part  au  service  de  la  session^  Cette  consé- 


'  Cass.  9  sept.  1847,  rapp.  M.  Isambert.  BuH.  n.  212« 
*  Cass.  16  sept.  1852,  rapp.  M.  Fréteau.Bull.  n.  815. 
'Caii,   as  man  1620>  rapp,  M.  Robcrt^St-Viacent,  h  P«i  t,  XV, 
p.  B57. 


350  DES  COURS   fi*A8ftlS|B. 

quence  est  iellemeut  rigoureuse  qu*on  ne  oompr«id  pasd*a- 
bord  qu'elle  puisse  être  contestée.  Supposez,  en  effet,  la  no* 
tification  de  la  liste  des  40  jurés,  telle  qu'elle  est  sortie  de 
Fume  de  la  Cour  impériale  ou  du  tribunal  cîtiI.  Les  attein- 
tes souvent  profondes  que  reçoit  cette  liste  au  moment  de 
Vouverture  delà  session  la  transforment  en  quelque  sorte:  les 
incapacités,  les  absences,  les  maladies^  les  aifaires  urgentes  y 
font  incessamment  des  vides,  et  il  faut  recourir  aux  juréseom- 
plémcntaires  pour  les  combler.  Elle  ne  sort  de  cette  épreure 
ûUG  mutilée  et  en  laissant  tomber  une  partie  des  noms  qu'elle 

fiortait.  Est-ce  donc  une  telle  liste  dont  la  loi  veut  la  notîfica- 
ion?  Peut-elle  devenir  un  élément  sérieux  du  droit  de  récu- 
sation? Laisser  ignorer  k  Taccusé  les  rectilications  qu'elles 
subies,  n'est-ce  pas  égarer  ses  investigations?  La  loi  veut  au 
moins  le  concours  de  30  jurés  capables  à  toutes  les  opérations 
de  la  cause;  maiss'inquiète-t'On  s*ils$e  trouvent  sur  cette  liste 
primitive?  il  est  possi)jIe  que  les  éliminations  en  frappent, 
comme  cela  est  arrivé,  la  moitié  et  même  les  deui  tiers;  et 
c'est  toujours  cette  liste  devenue  presque  étrangère  à  la  ses^ 
sion,  cette  liste  à  demi  déchirée  par  la  Cour  d* assises  que  Ton 
continue  de  notifier,  tandis  qu'à  côlé^sc  trouve  la  listedéfipi- 
tivc,  la  seule  qui  soit  vraie,  la  seule  qui  contienne  les  noms 
des  juges  de  Taccuséja  seule  qui  puisse  éclairer  son  droit  de 
récusation! N'est-ce  pas,  en  les  comprenant,  en  les  appliquant 
ainsi  que  les  formes  les  plus  importantes  de  la  procédure  de- 
viennent illusoires  et  que  les  garanties  qui  ont  été  créées  pour 
la  défense,  usées  peu  i  peu  par  une  pratique  insouciante^  per- 
dent toute  leur  puissance? 

Il  y  a  cependant  deux  objections  à  la  notification  de  la  liste 
rectifiée.  La  première  est  qu'il  est  impossible  de  notifier  celte 
liste  aux  accusés  qui  doivent  être  jugés  le  jour  de  Touverture 
des  assises.  Gela  est  vrai  à  l'égard  de  ces  premiers  accusés, 
puisque  la  loi  exige  que  la  formalité  soit  remplie  2k  heures 
9  l'avance.  M t^is  ne  peut-on  pas  daws  ce  cas  spécial  y  suppléer 
.  par  la  présence  de  ces  accusés  à  la  formation  de  la  liste  de  U 
session?  Nous  avons  vu  que  la  loi  ne  prescrit  pas  cette  pré- 
sence, mais  elle  ne  la  défend  pas:  elle  aurait  le  doubieavan- 
tage  de  les  mettre  è  même  d'exercer  leurs  récusations  en  con- 
naissance de  cause,  lors  même  qu'ils  n'ont  reçu  que  la  copie  de 
la  liste  primitive,  et  de  constituer  une  sorte  de  garantie,  au 
profit  do  tous  les  accusés  de  la  session,  de  la  régularité  de  celte 
première  opération  de  la  Cour  d'assises.  Jku  surplu9|:  c^Ue  ob« 


BE  LA  COMPOSITION  DU  JUBY.  §  G01 .  SS1 

jeclloo  n'a  aucun  trail  aux  accusés  des  jours  suivants  :  à  re- 
gard de  eeux«-ci,  dés  que  la  liste  est  formée,  pourquoi  ne  pas 
la  leur  notifier  T  pourquoi  continuer  de  leur  donner  la  copie 
de  celle  qui  n'existe  plus^  qui  ne  sert  plus  au  tirage  du  jury 
de  jugement,  qui  est  mise  de  côté? 

Ici  se  présente  la  seconde  objection  :  prescrire  exclusive^ 
ment  la  notification  de  h  liste  rectifiée,  ne  serait-ce  pas  ouvrir 
une  source  de  nullités?  Car  des  excuses  sont  agréées  et  des 
remplacements  opérés  dans  le  cours  même  de  la  session  ;  il 
faudrait  donc  que,  chaque  jour  et  pour  chaque  notificatioUi 
la  liste,  ibcessamment  modifiée,  arrivât  entre  les  mains  de 
chaque  accusé,  avec  les  seuls  noms  qui  doivent  concourir  au 
tirage;  or,  de  fréquentes  erreurs  ne  seraient-elles  pas  le  ré- 
sultat d^une  règle  aussi  rigoureuse?  Il  est  évident  que  cette 
objection  n'est  qu'une  question  de  pratique.  Il  est  sans  doute 
plus  simple  et  plus  expéditif  de*continuer  à  notifier  une  liste 
mutile,  en  convenant  que  cette  notification  ^udira  pour  étar 
tlirla  présomption,  assez  extraordinaire,  que  les  accusés,  en 
recevant  la  copie  de  cette  première  liste,  sont  réputés  avoir 
connaissance  de  la  seconde.  Mais  serait-il  donc  bien  difficile» 
sans  tendre  des-embûches  à  la  procédure,  de  substituer  cettQ 
seconde  liste  à  la  première  dans  la  notification?  Ne  puQirait-il 
pas  que  les  huissiers,  au  lieu  de  notifier  pendant  toute  la  ses- 
sion la  copie  qu^ils  ont  prise  au  premier  JQur^  rectifiassent 
cette  copie  sur  le  procès-verbal  de  la  formation  du  jury? 
K*est-il  pas  étrange  que,  pour  simplifier  le  travail  de  ces  of- 
ficiers ministériels,  on  frappe  de  stérilité  Tun  des  droits  de  la 
défense?  Et,  quant  aux  nullités,  pourquoi  les  craindre  dans 
ce  système  plutôt  que  dans  rautre?Me  suiTit-il  pas  à  la  régu- 
larité de  la  lornialiié  que  la  liste  soit  notifiée  telle  qu'elle  a  été 
modifiée  et  complétée  au  premier  jour  de  la  session? 

La  jur'aprudence,  un  moment  hésitante  au  milieu  de  ces 
diverses  considérations  qu'elle  a  dû  peser,  s'est  arrêtée  &  une 
interprétation  qui  n'est  peut-être  pas  très  satisfaisante  au  point 
de  vue  de  la  logique,  mais  qui  a  Tavanlagede  prévenir  en  gé- 
néral  les  nullités  :  elle  admet  comme  valable  la  notification  do 
la  liste  primitive  dos  kO  jurés,  quelles  que  soient  les  modifi- 
cations qu'elle  ait  subies;  mais  elle  admet  également  comme 
valable  la  notification  de  la  liste  rectifiée  et  réduite  par  \hs 
retranchements  qui  ont  été  opérés;  de  sorte  que,  quelle  que 
soit  la  liste  signifiée,  la  première  ou  la  seconde,  Taccusé  li*a 
point  i  se  plaitidre  ;  e*est  dans  Van  et  l'autre  cas  la  liste  près*» 


352  DES  COURS   D*A83ISE8. 

crite  par  la  loi.  Il  dépend  de  Thuissier  de  signifier  l'une  ou 
Tautre;  c'est  à  son  choix  qu'est  subordonnée  la  plénitude  de 
Texercice  du  droit  de  récusation.  Il  faut  constater  cette  juris- 
prudence. 

Des  arrêts,  qui  sont  trop  nombreux  pour  qu'il  soit  possi- 
ble de  les  énumérêr  ici,  ont  décidé  :  1*^  Sous  Tempire  du 
Code  d'inst.  crim.  :  «  que  la  notification  qui  ne  peut»  soos 
peine  de  nullité,  être  faite  plus  tôt  ou  plus  tard  que  la  veille 
au  jour  déterminé  pour  la  formation  au  tableau,  ne  se  ré- 
féré qu*à  la  liste  des  36  jurés  formée,  suivant  Tart.  387,  par 
le  président  de  la  Cour  d'assises,  sur  celle  envoyée  par  le 
préfet  ;  mais  que  cette  notification  est  inapplicable  à  la  liste 
qui,  d'après  l'art.  895,  lorsqu'il  y  a,  au  jour  indiqué,  moins 
de  30  jurés  présents,  se  complète  par  des  citoyens  pris  publi- 
quement et  par  la  voie  du  sort,  entre  ceux  des  classes  dési- 
gnées en  l'art,  382  et  résidant  dans  la  commune,  cette  der- 
nière liste  ne  se  formant  que  le  lendemain  de  la  notification 
exigée  par  l'art.  394  ;  d'où  il  suit  que  les  jurés  remplaçant 
qui  se  trouvent  au  nombre  des  trente  n'ont  pu  ni  dû  se  trou- 
ver sur  les  listes  notifiées  ^  »  99  Sous  Tempire  de  la  loi  du 
3  mai  1827  :  «  Que  la  liste  des  jurés  dont  la  notification 
doit  être  faite  aux  accusés,  aux  termes  de  l'art.  395,  est  celle 
formée  par  le  premier  président  de  la  Cour  royale,  en  exécn* 
tion  de  l'art.  388  ;  qu'aucune  disposition  n'exige  la  notifi- 
cation des  noms  des  jurés  appelés  en  remplacement  de  ceux 
qui  ne  se  présentent  pas  pour  compléter  le  nombre  de  trente  ; 
que  dès  lors  aucune  nullité  ne  saurait  résulter  du  défaut  de 
notification  des  noms  des  jurés  ainsi  appelés  pour  compléter 
le  nombre  de  trente  *•  »  3''  Sous  la  loi  du  11  août  1848  : 
«  Que  la  liste  qui  doit  être  notifiée  k  chaque  accusé  est  la  liste 
dressée  pour  le  service  de  la  session  et  que  la  régularité  de 
cette  notification  ne  peut  dispenser  des  excuses,  dispenses  on 
adjonctions  de  jurés  qui  peuvent  être  prononcées  jusqu'au  jour 
de  la  formation  du  tableau  '•  »  4""  Sous  la  loi  du  4  juin  1853^ 

i  Cass.  10  déc  iSiS,  rapp,  M.  Lamarque.  J.  P.,  t.  X«  878  ;  et  oonf.  6  mai 
iSlS,  S8  janY.  iSli,  Si  sept.  1815, 11  anil  1817,  20  juin  1817,  6  fér. 
iS18,  S9  avril  1819,  à  juin  1824, 17  fér.  1856  et  le  noT.  1827. 

■  Coss.  17  féY.  1848,  rapp.  M.  Brière-Vallgoy,  Bull,  n.44;  et  conC  Sjaio 
1830,  ISjauT.  1881,  5,  aYritl832,  21  juin  1832,  29  juin  1838,  6  féY.  IBSi, 
te  janYier  1835, 20aYrii  1887  lOJoUU  1839,  0  féY,  1840,  25  joiU,  1844,  26 
«Tril  1844t  24  juin.  1845,  8  sepL  1846. 

*  Cass.  27  juin  18$0,  rapp.  M»  Quénault,  Dftilt  00, 5,  108* 


DB  LA  COMFOSmOH  DO  JUET.  §  601  353 

«  Q'aucaùe  disposition  de  la  loi  n'oblige  le  ministèro  public  à 
notifier  aux  accusés  les  décisions  temporaires  ou  définitives 
qui  ont  écarté  de  la  formation  du  jury  les  jurés  compris  dans 
la  liste  des  40,  régulièrement  notifiée  à  l'accusé  ;  que  cette 
mesure  souvent  inexécutable  se  trouve  en  dehors  de  la  pres- 
cription de  Tart.  395;  que  lart.  393  et  l'arL  18  de  la  loi  du 
4  juin  1853  se  sont  bornés  à  déterminer  les  formes  à  suivre 
quand  le  nombre  des  jurés  présents  est  réduit  à  moins  de 
trente'.  » 

Mais  d'autres  arrêts,  moins  nombreux  sans  doute,  décident 
en  même  temps,  d'abord,  que  l'accusé  ne  peut  se  faire  un 
grief  de  la  notification  de  la  liste  rectifiée,  bien  que  la  loi  ne 
la  prescrive  pas  :  «  Attendu  que  la  liste  de  complément,  for- 
mée d'après  Tart.  395,  a  été  notifiée  à  Taccusé;  qu'il  a  donc 
connu  les  jurés  sur  lesquels  des  récusations  pouvaient  être 
exercées;  qu'il  a  pu  préparer  ses  récusations;  qu'ainsi  il  est 
irrecevable  à  se  plaindre  d'une  forme  de  procédure  qui  a 
étendu  le  moyen  de  défense. au-delà  de  ce  que  pouvait  pres- 
crire la  loi  •.  »  Eiwuile  :  «  Que  si  par  la  notification 
de  la  liste  des  36,  la  disposition  de  l'art.  394  se  trouve 
pleinement  observée,  le  vœu  de  la  loi  est  également  rem- 
pli ,  lorsque  des  jurés  portés  sur  cette  liste  n'ayant  pas 
comparu  ou  ayant  été  dispensés,  la  lîsle  noiifiée  à  l'accuse 
comprend,  au  lieu  des  jurés  manquants,  les  noms  de  ceux  ap- 
pelés en  remplacement;  que  l'accusé  connaissant  ainsi  à  l'a- 
vance les  noms  de  tous  les  jurés  qui  doivent  concourir  a  la 
formation  du  .tableau»  a  été  mis  plus  en  état  «de  préparer  les 
récusations  qu'il  est  en  droit  de  faire,  et  qu'il  ne  peut  se  plain- 
dre d'une  forme  employée  dans  son  plus  grand  intérêt  et  qui 
a  a  rien  de  contraire  à  la  loi  ^  »  Enfin  :  o  Que  la  notification 
dont  i[  s'agit  n'a  pu  que  faciliter  au  demandeur  l'exercice  du 
droit  de  récusation  et  qu'elle  est  sous  ce  (rapport  pleine^ 
ment  conforme  à  l'esprit  do  la  loi  ^.  » 

Enfin,  quelques  arrêts,  en  combinant  les  deux  formes,  ont 


'  Cass.  23  mars  1855,  rapp.  M.  l8aiiil)eruBull.  d,  i07,  et  conf.  1 4oct  1853 
lU  509;  28  sepU  185Â,  n.  290. 

^  Cass.  18  oct.  1811,  rapp.  M.Vasse.  J.  P.,  t.  IX,  p.  689. 

'  Cass.  17  sept.  1818,  rapp.  M.  Rataud.  J.  P.,  t.  XIV,  p.  4029;  C  juil'. 
1821,  rapp.  M.  Roberl-St-Vincenl,  t.  XVI,  p,  294  ;  25  juin  1824,  rapp.  ^f, 
Busschop,t.XVIII,p.  82^.  '* 

*  Cass.  26  déc,  1838,  rapp.  M.  Rives.  I.  Cf.,  t.  VI,  p.  450, 

VIII.  â^     - 


3114  Dis.Mviis  d'amisu. 

décidé  que  la  notification  était  régulière  lorsqu'dia  compte^ 
nait,  d'une  part,  la  liste  primitive  des  M  jurés,  et  d'autre  part, 
la  liste  des  jurés  conoplémentaires  appelés  à  remplacer  les  ab- 
sents :  «  Attendu  que  si  on  a  notifié  au  demandeur  avec  la 
listes  des  36  jurés,  les  noms  de  ceux  qui  avaient  été  excusés  et 
les  noms  des  jurés  supplémentaires,  il  n'en  saurait  résulter 
aucun  moyen  de  nullité,  puisque  c^était  une  garantie  sura- 
bondante donnée  à  Taccusé  pour  faciliter  les  moyens  de  ré- 
cusation '.  » 

Ainsi,  d'après  la  jurisprudence,  la  notification  est  régn^ 
lière,  quelle  que  soit  la  liste  signifiée,  soit  la  liste  originaire, 
soit  la  liste  rectifiée  au  premier  jour  de  la  session,  soit  enfin  la 
liste  originaire  augmentée  des  jurés  appelés  en  remplace- 
ment. Si  rhuissier  n'a  donné  copie  que  de  la  liste  primitive, 
sans  mentionner  les  modifications  qu'elle  a  subies,  la  loi  n'est 
point  violée,  car  elle  n'exige  que  la  notification  de  la  liste  des 
jurés  sans  spécifier  celte  liste  et  elle  est  muette  sur  ses  modi- 
fications. Si  l'huissier  donne  copie  au  contraire  delà  liste  mo- 
difiée, cette  copie,  on  le  reconnaît,  remplit  le  vœu  de  la  loi  et 
rentre  même  dans  son  esprit.  Enfin^  s'il  donne  à  la  fois  copie 
de  la  liste  primitive  et  des  noms  appelés  en  remplacement,  il 
en  résulte  une  garantie  surabondante  qui  ne  saurait  vicier  la 
procédure.  Tels  sont  les  termes  où  la  jurisprudence  se  résume 
sur  ce  point  II  lui  suffit  que  la  formalité  soit  matériellement 
accomplie;  elle  ne  s'inquiète  pas  si  elle  a  atteint  son  but  lé- 
gal, si  le  mode  de  son  exécution  a  permis  à  l'accusé  d'exer- 
cer son  droit  en  connaissance  de  cause  ;  la  loi  n'a  pas  défini 
la  liste  qu'elle  prescrit  de  notifier;  il  est  permis  dès  lors  de  It 
notifier  en  quelque  éUt  qu'elle  se  trouve.  Cette  jurisprudence 
se  fonde  désormais  sur  un  trop  grand  nombre  d'arrêts  pour 
qu'il  soit  possible  de  la  modifier. 

Mais  il  est  quelques  règles  secondaires  qui  sont  relatives 
«oit  à  la  liste  primitive,  soit  à  la^liste  rectifiée,  et  qu'il  ne 
faut  pas  perdre  de  vue. 

Lorsque  c'est  la  liste  primitive  qui  a  été  notifiée,  il  importe 
peu  que  les  retranchements  opérés  sur  cette  liste  l'aient  ré- 
duite même  au-dessous  de  trente»  :  la  notification  suffit  au 

J8SJ,^rapp.M.Bnère,t.  XXI,  p.  «87 ,  &  déc.  1883,  rapp/M^iwVt-^^^^^^ 
•  C«»,ie  BOT,  1827,  rapp.  M,  a«  Berpard,  Bull,  n,  m. 


DE  LA  COMPOSITION  DO  JCET.   §  601.  M^ 

vœu  de  la  loi ,  «  et  s'il  est  désirable»  dit  ua  arrêt  S  que  les 
accusés  aient  une  connaissance  préalable  des  changements 
sorTenus  dans  la  composition  du  jury  de  la  session ,  la  loi  n'a 
pu  faire  au  ministère  public  une  obligation  de  ce  mode  de  â- 
gnification  qui  serait  souvent  impraticable,  puisque  ces  chan- 
gements ne  sont  d'ordinaire  constatés  qu^immédiatement  avant 
le  jugement  de  chaque  affaire,  n 

Mais  lorsque  la  notification  est  faite  de  la  liste  rectifiée,  il 
faut  nécessairement  que  cette  liste  soit  complète,  c*est-à*dire 
qu'elle  contienne  les  noms  des  trente  jurés  capables  oui  la 
composent  Car,  si  Thuissier  se  borne  à  donner  copie  de  28 
ou  de  29  noms,  ce  n^esi  plus  la  liste,  mais  une  partie  de  cette 
liste  qu'il  notifie,  et  la  formalité  n'est  pas  accomplie  *.  Ainsi , 
une  annulation  a  été  prononcée  :  «  attendu  que  la  notification 
de  cette  dernière  liste  ne  peut  satisfaire  à  l'obligation  de  l'ar- 
ticle 394  qu'autant  qu'elle  contient  tous  les  noms  des  jurés 
dont  elle  est  composée,  lorsqu'elle  est  notifiée;  qu'il  est 
prouvé,  par  la  copie  produite  de  la  liste  des  jurés  qui  a  été 
notifiée,  que  cette  liste  ne  contient  que  les  noms  de  29  jurés  ; 
qae  la  liste  notifiée  a  donc  été  incomplète  et  qu'ainsi  il  y  a  eu 
omission  d'une  formalité  prescrite  à  peine  de  nullité  '  »  Il 
faut  ajouter  que  la  liste  n'est  pas  réputée  contenir  trente 
<  noms,  si  elle  n'atteint  ce  nombre  qu'en  y  comprenant  des 
jurés  frappés ,  soit  d'incapacité ,  soit  d'incompatibilité  ;  car^ 
«  si  par  une  induction  tirée  de  l'art.  395,  il  est  permis  de  ne 
notifier  i  l'accusé  que  les  noms  de  trente  jurés ,  ce  ne  peut 
être  que  sous  la  condition  que  ces  trente  jurés  jouissent  des 
capacités  requises  pour  remplir  leurs  fonctions;  que  dans  le 
cas  où  cette  condition  ne  se  rencontre  pas,  il  est  évident 
que  l'accusé  ne  reçoit  que  la  signification  d'une  liste  insuffi- 
sante pour  opérer  le  tirage  au  sort  *.  » 

Une  analogie  existe,  au  contraire,  dans  les  effets  de  la  no- 
tification de  l'une  ou  de  l'autre  liste. 

Il  y  a  nullité  si  l'un  des  jurés  de  la  liste  primitive  de  36  a 


'  GasB.  iejanv*  4835,  rapp,  M.  Rocber.  Bail.  n.  21. 

*  Casa.  6  juUU  1821,  rapp.  M.  Robert-Sl-ViDceoU  J.  P.,  t  k^XI,  p.  734 , 
SSjtin  1884,  rapp.  M.  Bas5chop,t.  XVIII,  p.  82Â. 

*Casa.  21  sepU  1827,  rapp.  M.  Busscbop.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  805« 

*  Gass.  11  ocL  1827,  rapp.  M.  Man{çin,  J.  P.,  t  XXI.  p.  817;  et  conf.  15 
et22mti  1823,  rapp.  M.  Robert-St-Vinccut.  h  P.,  t.  XVII,  p.  lill  et  1131; 
S5  tout  1820,  rappi  M«  Brl^re,  t.  XX^  Pi  9A2« 


3S6  DES  COURS  d'assises. 

été  omis  dans  la  notification  qui  a  été  faite  de  cette  liste,  lors* 
que  le  juré  a  concouru  au  tirage  au  sort  et  fait  partie  du  jor) 
de  jugement  ;  en  effet,  le  défaut  de  notification  a  enlevé  à  ce 
juré  son  caractère  légal  ;  il  est  inhabile  à  en  remplir  les  fonc- 
tions. Ce  point  a  été  consacré  par  plusieurs  arrêts  qui  por- 
tent a  que,  de  la  nullité  portée  dans  l'art  395,  il  suit  que  les 
jurés  de  la  liste  des  quarante  dont  les  noms  n^ont  pas  été  no- 
tifiés aux  accusés,  ne  peuvent  avoir  le  caractère  ni  eiercer 
les  fonctions  de  jurés  '.  »  Quelques  arrêts  déclarent  même 
<(  que  nul  ne  peut  concourir  au  tirage  au  sort  pou»  la  forma- 
tion du  jury  de  jugement,  si  son  nom  n^est  pas  compris  sur 
la  liste  notifiée  la  veille  à  l'accusé  '  ;  »  mais  cette  proposition 
est  trop  générale  puisque  la  notification  des  jures  appelés  en 
remplacement ,  comme  on  vient  de  le  voir»  n'est  pas  exigée. 
Il  y  a  nullité  lors  même  que  l'omission  ne  porte  que  sur 
l'un  des  jurés  supplémentaires  de  la  liste  des  quarante,  si, 
par  la  réduction  des  titulaires ,  ce  juré  a  concouru  à  former 
le  nombre  dé  trente  :  <<  attendu  que  le  jury  de  jugement  a  été 
formé  sans  que  le  demandeur  ait  été  mis  à  même  ,  par  une 
notification  régulière,  d'exercer  son  droit  do  récusation  à  l'é- 
gard de  ce  juré  supplémentaire  ;  que  Tacte  de  notification  de 
la  liste,  produit  en  original ,  fait  foi  de  cette  omission  et  doit 
tenir  lieu  de  la  copie  notifiée  à  Taccusé  ,  laquelle  n*est  pas 
représentée  ;  d'où  il  suit  que  par  cette  omission  il  a  été  porté 
obstacle  à  l'entier  exercice  du  droit  de  récusation  ^.  b 

Enfin ,  il  y  a  à  plus  forte  raison  nullité  lorsque ,  la  liste 
rectifiée  des  30  jurés  ayant  seule  été  notifiée ,  un  juré,  non 
porté  sur  cette  liste,  a  pris  part  au  tirage  au  sort  du  jury  de 
jugement.  Ce  point  est  consigné  dans  plusieurs  arrêts.  Ainsi, 
dans  une  espèce  où  un  juré  titulaire ,  d'abord  condamné 
comme  absent,  puis  réintégré  sur  la  liste  »  avait  concouru  au 
jugement,  bien  qu'il  ne  flt  pas  parti  de  la  liste  des  30,  qui 
avait  été  notifiée  à  l'accusé,  l'annulation  a  été  prononcée  : 
«  attendu  que  ce  juré  ayant  concouru  à  la  formation  du  ta- 
bleau des  douze,  comme  faisant  partie  de  la  liste  des  36,  et 
son  nom  n'ayant  pas  cependant  été  notifié  à  l'accusé,  la  liste 

«  Cass.  29(16c.  1837,  rapp.  M.  Mcyronnct.  Bull.  n.  A45,  et  conf.  10  avril 
1819,  rapp.  M.  Giraud,  J.  P.,  t.  XV,  p.  211  ;  IG  sept.  1841,  rapp.  M.  Gil- 
bert de  Voisina  Bull.  n.  279. 

*  Cass.  24  scj)U  183/i,  rapp,  M.  Meyronnel.  J.  P.,  i.  XXVI,  p.  918. 

*  Cass,  31  déc,  1835,  rapp.  M,  ïsambvru  Ijull^  n,  477. 


DE   LA  COMPOSITION  DU  JURY.   §  601.  3S7 

des  trente  a  été  illégalement  formée  et  par  suite  le  tableau 
des  douze  '.  »Dans  une  autre  espèce,  où  l'un  des  jurés,  con- 
seil de  l'accusé ,  avait  été  remplacé  par  l'un  des  jurés  titu- 
laires y  arrivé  tardivement  et  non  porté  sur  la  liste  des  30  no- 
tifiée à  l'accusé,  la  cassation  a  encore  été  prononcée  :  «  At- 
tendu que  Fun  des  jurés  portés  sur  la  liste  des  30,  seulement 
notifiée  à  Taccusé,  ne  pouvant  en  remplir  les  fonctions  incon- 
ciliables ayec  celles  de  conseil  de  l'accusé,  aurait  dû  être  rem- 
placé diaprés  le  mode  fixé  par  Part.  395 ,  pour  compléter  le 
nombre  de  trente  ,  et  qui  l'ayant  été  par  le  sieur  Golonge , 
porté  sur  la  liste  formée,  en  conformité  de  Tart.  387,  le  nom 
de  ce  juré  devait  être  à  peine  de  nullité  notifié  à  Faccusé,  et 
que  ,  ne  Payant  pas  été ,  il  n'avait  pas  dés  lors  le  caractère 
exigé  par  la  loi  pour  être  compris  au  nombre  des  trente,  et 
concourir  par  la  voie  du  sort  à  la  formation  du  jury  de  juge- 
ment, ni  en  faire  partie  *.  » 

Il  importerait  peu  que  le  juré  ainsi  illégalement  introduit 
dans  le  jury  eût  été  récusé  ;  car,  €  la  récns;ition  exercée 
contre  le  juré  par  Taccusé  ne  saurait  détruire  le  fait  maté- 
riel de  la  remise  audit  accusé  d'une  liste  de  29  jurés  seule- 
ment et  couvrir  une  nullité  expressément  prononcée  par  la 
loi  3.  »  Il  importerait  peu  encore  que  l'accusé-eût  expressé- 
ment adhéré  au  concours  de  ce  juré ,  car,  a  les  accusés  ne 
peuvent  valablement  renoncer  à  l'exécution  des  formes  que 
la  loi  a  prescrites  d'une  manière  absolue  dans  l'intérêt  de 
leur  défense  *.  d 

Mais  il  n'y  aurait  pas  nullité  par  cela  seul  que,.&  côté  du 
nom  de  plusieurs  des  jurés  portés  sur  la  liste ,  se  trouverait 
cette  mention  ,  excusée  temporairement;  car,  <x  cette  men- 
tion n'a  pas  pour  objet  d'avertir  l'accusé  qu'aucun  de  ces 
jurés  ne  fera  partie  de  ceux  qui  concourront  au  tirage  du 
jury  de  jugement;  qu'au  contraire,  elle  a  pour  objet  de  pré- 
venir cet  accusé  que  lesdits  jurés  ne  sont  excusés  que  tem- 
porairement ;  que ,  par  conséquent ,  ils  peuvent  chaque  jour 
rentrer  dans  la  Cour  d'assises ,  et  reprendre  leur  place  dans 
la  liste  du  jury,  lorsque  les  motifs  qui  les  avaient  fait  dis- 

>  Cass.  n  otiU  iSSS,  rapp.  M.  OlIWier.  J.  P.  ;  t.  XVII,  p.  643  ; 

>  CasB.  28  janv.  i8S5,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  t.  XIX,  p.  113  ;  6  juilU 
1821,  rapp.  M.  Robert-bt-Vincent,  L  XVI,  p.  734* 

*  Caas.  13  avrii  182},  rapp.  M.  ÂumonL  J.  P.,  U  XVII,  p.  206. 

*  Casa.  19  juin  1823,  rapp.  M.  Gaillard,  J.  P.>  t.  XVII,  p.  1196. 


penser  n'existent  plus  ;  d'où  il  suit  que  raccusc  se  Irouve  par 
là  suffisamment  averti  qu'il  dgit  étudier  et  examiner  les 
causes  de  récusation  qu'il  peut  avoir  contre  les  jurés  qui  ne 
sont  excusés  que  temporairement,  puisqu^il  est  possible  qu'ils 
fassent  partie  des  jurés  sur  lesquels  a  lieu  le  tirage  du  jury 
de  jugement',  p 

Il  n'y  aurait  pas  de  nullité  non  plus  par  cela  seul  que 
rhuissier,  en  énonçant  qu'il  remet  la  copie  de  la  liste  des  40, 
aurait  rayé  les  noms  de  trois  jurés  titulaires,  lorsque  des  ar<- 
rôts  de  la  Gour  d'assises  ont  dispensé  ces  jurés  du  service; 
car  «  en  rayant  ces  noms»  l'huissier  est  réputé  avoir  exécuté 
ces  arrêts  *  » 

TV.  La  liste  des  jurés,  ainsi  définie,  doit  être  notifiée  «  la 
Teille  du  jour  déterminé  pour  la  formation  du  tableau,  »  et 
la  notification  est  nulle  «  si  elle  est  faite  plus  tôt  ou  pins 
tard.  » 

La  fixation  de  ce  délai  a  eu  pour  objet  de  prévenir,  en  dé- 
fendant que  la  notification  soit  faite  plus  tôl,  les  sollici- 
tations et  les  manœuvres  qui  pourraieut  circonvenir  les 
jurés,  et  d'assurer  en  même  temps. à  Taccuséy  en  défen- 
dant qu'elle  soit  faite  plus  tard,  le  temps  nécessaire  pour  exa- 
miner les  causes  de  récusation  qu'il  doit  exercer  ;  mais  le 
premier  de  ces  motifs  se  trouve  en  quelque  sorte  effacé  par 
l'art,  9  de  la  loi  du  2  mai  1827,  reproduit  par  l'art.  17  de 
la  loi  du  4  juin  1853,  qui  prescrit  que  le  tirage  de  b  Uote  de 
session  a  lieu  en  audience  publique.  Le  seul  intérêt  du  délai 
est  donc  aujourd'hui  de  prévenir  une  notification  tardive. 
C'est  là  aussi  la  cause  principale  de  l'interprétation  que  la 
jurisprudence  a  donnée  à  Tart,  395. 

Dans  ks  premiers  temps  qui  suivirent  la  promulgation  du 
Gode,  la  notification  faite  plus  têt  que  la  veille  de  la  forma- 
tion du  tableau  était  déclarée  nulle  *  :  c'était  la  stricte  appli- 
cation du  texte  de  la  loi.  On  n'exceptait  que  les  cas  où  cette 
anticipation  du  délai  était  le  résultat  d'un  fait  accidentel, 


*  Cass.  17  sept.  iSA2,  rapp.  M.  Dehaassy.  Bail.  n.  243. 

2  Cass.  22  mars  lS49f  rapp.  M.  Legagneur.  fiulL  o.  S2. 

'  Cass.  18  juin  1812,  rapp.  M.  Vantoulon.  J.  P.^  t  X.  p.  A87  s  Ik  août 
181S>  rapp*  M.  Lamarque,  t.  X,p.  055;  9  oct.  1812,  rapp.  M.  BauoJiaOi  t. 
X,  p*  740.  Vo/.  cepcadaat  au  sens  contr.  à  jaiiT.1812,  rapp.  M,  Vas  se,  t  X, 
p,  S  ;  2djaoT,  1812,  rapp.  M.  Oudart,  U  X,  p»  60, 


H^  U  COVFOSmOll  DU  JURt.  {  <k)l.  300 

commei  par  exemple ,  la  prolongation  imprévue  des  afibireB 
antérieures'» 

Mais  œtu  première  jurisprudence  fut  promptement  réfor- 
mée. Il  fut  bientôt  reconnu  «  que  Taccusé  éuit  sans  intérêt 
pour  se  plaindre  d'une  anticipation  qui  lui  aurait  été  favora- 
ble, puisqu'il  aurait  eu  plus  de  temps  pour  se  préparer  dans 
Texerdce  du  droit  de  récusation*.  »  Dès  lors  il  fut  déclaré 
non  recevable  à  faire  yaloir  ce  moyen  '.  S'ensuit-il  que  le 
même  moyen  serait  accueilli  sur  le  pourvoi  du  ministère  pu- 
blic? La  question  ne  s'est  pas  présentée»  et  il  ne  nous  parait 
pas  que  la  solution  pût  être  différente.  L'anticipation  du  dé-- 
lai,  en  effet,  ne  porte  pas  plus  de  préjudice  à  l'action  publique 
qu'à  la  défense,  puisque  l'art.  388  du  Gode  et  Tart.  17  de 
la  loi  du  4  juin  1853  prescrivent  la  publicité  du  tirage  de  la 
liste  de  la  session.    ' 

Un  arrêt  a  constaté  ce  point  en  déclarant  t  qu'aujourd'hui 
et  depuis  la  promulgation  de  la  loi  du  2  mai  1827,  il  y  a  d'au- 
tant moins  d'inconvénients  d'anticiper  la  notification  qui 
doit  être  faite  delà  liste  des  jurés,  que  le  tirage  de  cette  liste, 
aux  termes  de  l'art.  388  du  Gode  rectifié,  se  fait  dix  jours  au 
moins  avant  {^ouverture  des  assises,  en  audience  publique, 
et  par  la  voie  du  sort  ;  que  dès  lors  l'accusé  comme  le  pu<- 
blic,  peuvent  connaître  la  composition  du  juty>  Ce  qui  n'avait 
pas  lieu  sous  l'empire  de  l'ancien  Gode^.  »  11  faut  donc  tenir 
comme  une  règle  générale  que  l'anticipation  du  délai  ne  doit 
dans  aacaa  cas  entraîner  de  nullité.  Et  cette  règle  devrait  à 
plus  forte  raison»  être  appliquée,  si  l'anticipation  était  le  ré- 
sultat de  eirooDSiances  extraordinaires^. 

Il  n'y  a  donc  plus  que  la  notification  tardive  qui  puisse  pro- 
duire une  nullité,  cat  elle  peut  apporter  une  véritable  en* 
trave  à  l'exercice  du  droit  de  récusation.  Il  est  de  principe,  en 
conséquence»  a  que  si  l'accusé  ne  peut  être  admis  à  se  plain- 

i  Ga».  29  janT.iSIS,  rapp,  M.  Schirondt,  J.  P.,  U  XI,  p^SA  ;  2A  «▼•  iSiS 
repp.  M.  Âtunont,  t.  XIV,  p.  772. 

*  Cttt.  là  aoat  iS17,  rapp.  M,  Chade.  J.  P.,  t  XIV*  p.  A28  $  iO  jaiiT. 
iS&S,  rapp.  ai.  Rataud.  t  XiV,  p.  5S0;  7  jany.iSSS,  rapp.  M.OlliYler,  t.  XX, 
p.  i9;22  janT.  1829,  rapp.  U.  Mangin,  t.  XXII,  p.  588;  12janv.  iSSS,  rap. 
M.  Rocher,  U  XXV,  p.  93. 

*  Gasa^  S  juin  iSAS  rapp.  M.  de  Boiisleiix.  Bail,  n*  182  ;  28  déc.  1850, 
rapp.  M.  Debaussy,  ii.442;  13  jaor.  1858.  rapp<  M.  Aug.  Moreau  et  M. 
AtHci,  n.  212  etl3|  25  août  1853,  rapp.  M.  Jallon  d,  427. 

*  Caflf.  20  juiUL  1832,  rapp.  M.  Meyronnet.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  1307. 

*  Cass.  14  féf.  1822,  rapp,  M,  Marcherai;  18  aTril  1837,  rapp.  M,  Isam- 
berU  Dali.  V"  Inst*  er.  n.  1SS2. 


360  DES  cours' D^ASiïUKS. 

dre  de  ce  que  la  notificalîon  lui  a  élé  faite  avant  le  terme  fixe 
par  la  loi,  il  est  fondé  à  réclamer  dans  son  intégralité  le  délai 
qu'elle  lai  donne  pour  exercer  utilemeot  son  droit  de  récu- 
sation :  et  que  toute  notification  tardivement  faite  est  une 
violation  de  l'art.  396'.  » 

Daiis  quels  cas  la  notification  doit-elle  être  réputée  tar- 
dive? Elle  est  tardive,  d'abord,  toutes  les  fois  qu'elle  est 
faite  le  jour  même  de  la  formation  du  tableau,  puisque  la  loi 
exige  qu'elle  soit  accomplie  la  veille  de  ce  jour.  Ainsi^  il  y  a 
lieu  de  prononcer  l'annulation  de  toutes  les  procédures  dans 
lesquelles  la  notification  n'a  pas  été  faite  au  moins  la  veille  de 
ce  jour  *  :  «  attendu  que  dans  ce  cas  Faccusé  n'a  point  ea  le 
temps  que  la  loi  lui  accordait  pour  préparer  ses  récusations, 
s^il  en  avait  à  exercer  '  » 

Mais  sufBt-il  qu'elle  ait  été  faite  la  veille  du  jour  de  la  for- 
mation du  tableau?  Ne  faut-il  pas  qu'il  y  ait  un  délai  de  24 
heures  entre  la  remise  de  l'exploit  et  la  formation  du  tableau? 
Quelques  arrêts  semblent  l'établir  en  prononçant  l'annula- 
tion par  le  motif*ff  que  le  délai  de  24  heures  exigé  à  peine 
de  nullité  par  l'art.  395^  ne  s'est  pas  écoulé  entre  la  signifi- 
cation du  tableau  du  jury  et  le  tirage  des  jurés  de  jugement, 
•en  quoi  il  y  a  eu  violation  de  cet  article*.  »  Mais  ce  n'est  là 
qu^une  forme  de  rédaction  à  laquelle  il  ne  faut  pas  s'arrêter. 
Il  eût  élé  peut-être  désirable  que  l'art.  395,  comme  le  fait 
Tart.  315,  pour  la  liste  des  témoins,  exigeât  un  délai  de  S4 
heures,  mais  il  ne  Ta  pas  stipulé  ;  il  se  borne  à  désigner  la 
veille  du  jour  de  la  formation  du  jury  de  jugement  comme 
le  jour  où  la  notification  doit  être  faite  ;  il  est  donc  évident 
qu'à  quelques  heures  de  ce  jour  qu'elle  soit  faite,  la  près* 
cription  légale  est  exécutée. 

Au  surplus,  la  nullité,  conséquence  de  la  notification  tar- 
dive, ne  peut  en  aucun  cas  être  couverte,  soit  par  le  silence 
de  l'accusé,  soit  même  par  un  acquiescement  formel  de  sa 
part.  Dans  une  espèce  ou  la  notification  n'avait  eu  lieu  qu'une 
heure  avant  le  tirage,  il  était  constaté  qu'avant  de  procéder 
à  ce  tirage,  le  président*avait  averti  les  accusés,  ainsi  que  leurs 

«  Cass.  li  ocu  4849,  i8&9,  rapp.  M,  A.  Moreau.  BqU.ii.  368. 

*  Cass.  10  juiil.  1819,  rapp,  M.  Busschop.  J.  P.,  t.  XV,  p.  41S  ;SljttilL 
1823  rapp.  M.  Roberl'St-VinceDt.  J.  P.,  t.  XVIII,  80  ;  21  av.  rapp.  M.  L^ 
gagneur.  Bull.  n.  ISl. 

>  Cass.  15  (iéc.  1826,  rapp.  M.  Bernard.  J.  R,  t.  XX^  p.  lOS?. 

^  Cass.  21  avril  1848,  rapp.  M,  Legagneur.  Pull  o,  121^ 


DE  LA   COMPOSITION    DU  JURT.   §  601  361 

conseils,  que  la  liste  des  jurés  ne  leur  ayant  été  notifiée  que 
le  matin,  ils  ne  |)onTaient  être  jugés  &  Taudiencede  ce  jour,  à 
moins  qu'ils  ne  déclarassent  renoncer  à  se  faire  un  moyen  de 
cette  notîBcation  tardive,  et  qu'alors  les  accusés,  assistés  de 
leurs  conseils  avaient  déclaré  renoncer  formellement  à  se 
faire  un  moyen  de  nullité  de  cette  tardiveté  et  consentir  à  être 
jugés  immédiatement.  Nonobstant  cet  acquiescement,  la  nul- 
lité ,  proposée' d'office  à  la  Cour  de  cassation,  a  été  pronon- 
cée «  attendu  que  la  formalité  prescrite  par  Fart.  395  est 
d'ordre  public  ;  qu^elle  intéresse  la  société  commela  défense  ; 
que  la  défense  des  accusés  a  été  placée  sous  la  garantie  de 
certaines  formalités  substantielles  et  protectrices,  au  béné-- 
fice  desquelles  le  président  des  assises  ne  peut  provoquer  les 
accusés  à  renoncer  et  les  accusés  renoncer  utilement  de- 
vant la  justice*.  » 

La  tardiveté  de  la  notification  se  constate  par  la  produc- 
tion de  la  copie  de  Texploit  de  notification,  si  ce  fait  ne  résulte 
pas  clairement  de  ToriginaU 'Ainsi,  il  a  été  jugé,  dans  une 
espèce  où  le  moyen  se  fondait  sur  une  surcharge  dans  la  date 
de  rorîginaly  «  que  les  demandeurs  ne  rapportent  point  les 
copies  de  la  liste  des  jurés  qui  leur  ont  été  notifiées  ;  que  dés 
lors  la  notification  est  présumée  avoir  été  légalement  faite  ; . 
^ue  si  Toriginal  de  l'exploit  pouvait  présenter  quelque  incer- 
titude, à  cause  de  sa  surcharge ,  cette  incertitude  serait  levée 
par  renonciation  faite  dans  le  procés*verbai  du  tirage  au  sort, 
portant  que  cette'notification  a  été  faite  la  veille*.  »  Mais  si 
la  copie  est  une  preuve  nécessaire  lorsque  Toriginal,  par  suite 
de  quelque  surcharge,  ne  fait  pas  preuve  complète»  il  en  se- 
rait autrement  s*il  était  constaté  pr  cet  original  rapproché 
du  procès-verbal  du  tirage  que  la  date  des  deux  formalités  est 
identique.  C'est  sur  le  tu  de  Toriginal  que  les  différentes 
cassations  prononcées  d^office  *  sont  intervenues. 

Enfin,  et  pour  terminer  sur  ce  point,  il  importe  de  rappe- 
ler que  s'il  y  a  plusieurs  accusés  et  que  la  notification  n'ait 
été  tardive  qu'à  l'égard  d'un  seul,  la  nullité  ne  profite  qu'à 
celui-ci.  La  raison  en  est  «  que  l'exercice  du  droit  de  récu- 

^  Cass.  20  juin  iSAAi  rapp.  M.Isambert.  BaU.  n.  S»  ;  et  conf.  ii  juUlet 
1822.  npp.  M.  Bas9chop.  J.  P.,  U  XVII,  p.  490  ;  20  joill.  1S82,  rapp.  M. 
MeyroDoet,  t.  XXIV.  iS07. 

'  Cm.  ih  août  1817,  rapp.  M.  Cbasle.  J.  P.,  t.  XIV,  p.  427  et  16i  japT. 
1S18,  rapp.  &r.  Ratftud,  t.  XIV,  p.  580, 

'  Vey.  êUf/rà, 


362  DKS  COCRS  D*ASSI8K8. 

sation  est  personnel  à  chaque  accusé;  que  dès  lors  celui  i 
l'égard  de  qui  les  formalités  prescrites  ont  été  régulièrement 
observées ,  n*est  pas  fondé  à  se  prévaloir  de  rirrégularHé 
commise  envers  son  coaccusé  '•  » 

y.  NoQS  arrivons  maintenant  aux  formes  de  Texploit  de 
notification. 

Il  7  a  deux  choses  k  examiner  :  les  règles  relatives  A  Tex- 
ploit  et  les  règles  relatives  à  la  copie  de  la  liste  des  jurés  qui 
est  remise  à  l'accusé. 

L'exploit  a  des  formes  qui  sont  communes  &  tous  les  actes 
de  ce  genre.  Les  unes  ne  touchent  pas  à  la  validité  de  Tex- 
ploit;  les  autres,  au  contraire  »  sont  essentielles  k  cette  va- 
lidité. 

Il  suffit  d'indiquer  les  premières.  II  n'y  a  point  de  nullité 
lorsque  Texploit  a  omis  d*énoncer  le  nom  de  Thuissier  qui  le 
notifie^  pourvu  d'ailleurs  qu'il  soit  placé  au  pied  de  l'acte 
comme  signature,  car  il  n'y  aurait  pas  d'acte  s'il  n'y  avait  pas 
de  signature  *;  2^  la  patente  de  l'huissier  *;  S^"  enfin  lorsque 
l'acte  n'a  pas  été  enregistré  ♦  ou  que  la  date  de  l'enregislre- 
ment  est  erronée  ^.  Ce  sont  là  des  formalités  extrinsèques 
qui  ne  tiennent  pas  à  la  substance  même  de  Tacte  et  qui, 

Gr  conséquent,  ne  doivent  pas  être  rigoureusement  exigées  : 
}  régies  établies  par  la  loi  du  35  ventôse  an  xi,  pour  la  ré- 
dactîon  des  actes,  ne  s^appliquent  point  ici  ^. 

Il  en  est  autrement  des  formes  qui  ont  pour  objet  de  cons- 
tater l'exécution  même  de  l'exploit,  c'est-à-dire  la  remise 
de  la  copie. 

Il  faut  d'abord  constater  que  cette  copie  a  été  remise  k 
l'accusé  lui-même.  Il  résulte,  en  effet,  des  art.  Si,  68  et  70 
du  G.  de  proc.  civ.  que  l'exploit  qui  constate  la  notificatioa 
doit ,  A  peme  de  nullité,  être  remis  à  personne  ou  domicile  et 
spécifier  la  personne  à  laquelle  la  copie  a  été  laissée.  Or, 

*  Gass,  iS  ftnier  1842,  rapp.  M.  Yinoens-St-Laurenu  B.  Der.  &S«  If 

tw. 

'  Cm.  1  airUIB&S,  non  imprimé  (aff.  Palfi). 

'  Gass.  S  janvier  1834,  rapp.  M.  Gilbert  de  Voisins.  J.  P.,  t  XXVI, 
p.  S. 

«  Gass.  1  iftv.  «aie,  npp.  M.  Anmoat.  h  P.,  t.  XOI,  p.  157;  7  jaaT. 
1816,  rapp.  M.  OlUfier,  t.  XX,  p^ia  ;  .14  jallL  ia49  rapp.  M.  ri«a«. 
J.  crim.,  t  XVII,  p.  211;  15  déé,  1831  rapp.  M.  Roeher,  1.  P.,  t.  XXIV, 

S  Gass.  16  jaillet  1841»  rapp.  M.  Fiéteao.DaU.  il,  1,  tSl. 

*  Gasi.  11  mars  1899^  rapp»  M.  Mejronnet  J.  P.»  à  sa  date. 


DE  LA   COMPOSITION  DU  Jt'RT.    §  601,  168 

Îuand  l'accusé  est  détenu,  ce  qui  a  toujours  lieu  en  matière 
e  poursuite  pour  crime^  c'est  à  sa  personne  même  que  la  co- 
pie doit  être  laissée  ;  car  la  prison  ,  dans  laquelle  il  est  dé- 
tenu, n'est  pas  son  domicile,  et  ce  n'est  que  pour  les  significa- 
tions faites  à  domicile  que  les  concierges  et  portiers  sont  eoo- 
sidérés ,  à  l'égard  des  habitants  des  maisons  auxquelles  ib 
sont  attachés,  comme  des  mandataires  chargés  de  recevoir 
pour  eax  les  copies  d'exploits  qui  leur  sont  destinées  '  •  C'est 
parce  motif  que  la  notification  a  été  déclarée  nulle  ;  1^  lors* 
qu'elle  est  faite  &  un  détenu  en  parlant  au  concierge  de  la 
prison  ';  B®  lorsqu'elle  est  faite  è  son  coaccusé^;  3*  lorsqu'elU 
est  faite  même  à  son  défenseur^.  Il  n'en  était  pas  ainsi  k  l'é* 
gard  des  prévenus  de  délits  de  la  presse  et  des  délits  politiques, 
non  détenus,  lorsque  la  loi  les  déclarait  justiciables  du  jury  : 
la  notification  devait  être  faite  à  leur  domicile,  en  observant^ 
s'il  y  avait  lieu ,  le  délai  des  distances  ^. 

La  remise  n'est  constatée  qu'en  déclarant  à  quelle  per- 
sonne elle  a  été  faite ,  et  par  conséquent ,  en  matière  crimi- 
nelle, qu'elle  a  été  faite  en  parlant  à  la  personne  de  Vaccmi, 
Ce  n'est  point  là  sans  doute  une  formule  sacramenteile  ;  mais 
il  est  nécessaire  que  cette  énonciation  résulte  formellement 
des  termes  de  l'exploit. 

Ainsi ,  il  y  a  nullité  si  la  mention  de  la  personne  à  laquelle 
l^exploit  a  été  remis  n'a  pas  été  faite ,  en  d'autres  termes ,  si 
le  parlant  à  a  été  laissé  en  blanc  ^  y  càr  il  résulte  de  cette 
omission  que  la  remise  ne  se  trouve  pas  constatée.  Il  pourrait 
toutefois  être  suppléé  à  cette  omission  par  d'autres  énoncia^ 
lions  de  l'acte,  pourvu  qu'elle  ne  laissassent  aucune  incerti«- 
lude  sur  ce  point  \  Il  suffirait  d'ailleurs  de  dire  :  «  signifié  • 
et  copie  délivrée  à  tel ,  parlant  à  lapersonne  *.  »  Ces  niots 
indiquent  que  c'est  à  la  personne  du  détenu  que  la  signifi- 
cation a  été  faite. 

*  MertiD,  rép.  v  Jury,  S  4. 

'  Casa.  iS  no7. 1818,  rapp.  M.  d'Aubers.  J.  P.,  t.  XIV,  p.  i062« 
'  Cass.  IS  mars  iSiS,  rapp.  M.  Olliyier  J.  P.,  t.  XIV,  p.  786. 
*Gas5.  26  bnim.  anyiii,  rapp.  M.  flifiiiier.  J.  P.,  U  I,  p.  587. 
'  Cass.  19  mai  188t»  vapp.  M.  JsamiMrt}  il«ct.  1661,  rapp.  Bff,  IflaBi|)^t; 
13  kl.  1843,  rapp.  M.  Vinoens-SuLanrent.  etc. 

*  Cass.  10  DOT.  1820,  rapp.  M.  Gaillard,  i.  P.»  t.  XVI,  p.  84  ;  iaoftt  1851, 
rapp.  M.  Rives,  Bull,  n.  817  {  il  sept  t851»  à  notre  rapport.  Bolf. 
n.  37ai 

'  Cass.  2  juiii.  d857,  il  notre  rapp.  Bull.  a.  247  ;  6  ocl.  le^t,  rapp.  M. 
Qiiinault.Dall.  i3,i,228. 
'Cass.  30  mai  1850,  npp.  V.  ëeBoiweas.  Biil.  a^  i7T. 


364  DES  couns  d* assises. 

Que  faut-il  décider  si  les  mots  parlant  à  la  personne  sont 
imprimés  à^'avance  dans  l'exploit?  Un  arrêt  déclare  :  «  quesi 
ce  mode  de  constatation  est  irrégulier,  et  s'il  est  dans  l'esprit 
de  la  loi  que  l'officier  public  ne  certifie  un  fait  qu'après  l'a- 
voir reconnu ,  Vart.  61  du  G.  de  proc.  ciy.  n'attache  point 
la  peine  de  nullité  à  cette  constatation  anticipée;  qu'elle 
n'exige  pas  non  plus  que  la  mention  soit  écrite  de  la  main  de 
rhuissier  lui-même  '•  »  Un  blàme  aussi  explicitement  ex- 
primé suffira^i-il  pour  proscrire  ce  mode  irrègulier  7  II  est  i 
regretter  peut-être  que  la  Cour  de  cassation  ait  hésité  à  aller 
plus  loin  et  n'ait  pas  prononcé  la  nullité  d'une  telle  consta- 
tation. Les  formules  imprimées  à  l'avance  ne  donnent  an- 
cune  certitude  k  l'accomplissement  d'une  formalité;  elles 
provoquent  par  leurs  mentions  prématurées  la  négligence  des 
officiers  ;  elles  affaiblissent  la  précision  de  la  constatation  ; 
elles  ôtent  à  la  procédure  une  partie  de  sa  puissance. 

S'il  y  a  {plusieurs  accusés,  il  faut  que  l'exnloit  indique  que 
la  notification  et  la  remise  ont  été  faites  inaividuellement  et 
séparément  à  chacun  d^eux  ;  car  chacun  d'eux  a  un  devoir 
personnel  de  récusation  et  doit  pouvoir  l'exercer  librement. 
Ainsi  >  la  notification  faite  à  plusieurs  accusés  est  nulle ,  s'il 
n'a  été  laissé  au'une  seule  copie  de  la  liste  '.  Elle  est  nulle 
si  l'exploit  se  borne  k  déclarer  «  qu'il  leur  a  été  délivré  la 
présente  copie  ^,  ou  si ,  après  avoir  énuméré  les  accusés,  il  ne 
contient  que  cette  mention,  «  j'ai  remis  copie  à  l'accusé  sus- 
dit *,  »  Cependant  si  les  accusés  sont  distinctement  désignés 
dans  l'acte  et  si  le  coût  des  différentes  copies  est  relaté  dans 
le  corps  et  même  en  marge  de  l'exploit,  on  peut  ne  pas  s'ar- 
rêter à  ces  énonciations  irrégulières ^.  A  plus  forte  raison, 
doit-on  considérer  comme  parfaitement  suffisantes  la  mention 
«  que  la  copie  a  été  remise  aux  accusés  en  parlani  à  chacun 
d'eux  nominativement  ^  ou  la  mention  qu'elle  a  été  faite  «  en 
parlant  à  leurs  personnes  *.  »  Il  y  a  lieu  de  remarquer  seu- 
lement que  la  nullité  est  restreinte  à  ceux  des  accusés  qui 


*  Gaii.  h  avril  1856,  rapp.  M.  Ploucoulm.  BuU  n.  199. 

*  Gass.  S9  JaiU.  1825,  rapp.  M.  OlIiYÎer.  J.  P.,  U  XIX,  p.  7i9;  10  aoftt 
i889y  rapp.  M.  RiTes.  Bail.  n.  257. 

'  Cass.  22  août  1850,  rapp.  BC  Legag^neur.  BoU.  n.  206. 

*  Gass.  5ocU  1818,  rapp.  IL  JacquiaoU  Bail,  il  258. 

*  Cass.  10  décembre  1886,  rapp.  IUL  de  Crousdlbes  ;  28  décembre  1837, 
rapp.  M.  Rocber  ;  27  mars  1888,  rapp.  M.  ViDcens-St-LaureaU 

^Gass.  2  jolU.  1846,  rapp.  M.  Fréteau.  Bull,  m  169. 


DE  LA  COMPOSITION  DU   tVKÏ.   §  601.  965 

sont  présumés  n^avoir  pas  reçu  de  copie;  elle  ne  profite  pas 
aux  autres. 

Enfin ,  la  date  de  Texploit  est  au  nombre  de  ses  formes 
essentielles;  car ,  outre  que  cette  forme  est  commune  à  tous 
les  exploits,  elle  est  prescrite  à  peine  de  nullité  par  l'art.  395 
pour  la  notification  de  la  liste  des  jurés;  il  serait  impossible, 
en  eflet,  en  l'absence  de  la  date  précise  de  la  notification,  de 
s'assurer  ai  elle  a  été  faite  le  jour  péremptoirement  fixé  par 
la  loi.  De  là  les  nombreux  arrêts  qui  ont  prononcé  la  nul* 
lité  de  cette  notification ,  toutes  les  fois  que  l'exploit ,  soit 
parce  qu'elle  est  restée  en  blanc,  soit  parce  qu'elle  a  été  sur- 
chargée  ou  raturée  sans  approbation,  soit  parce  qu'elle  a  été 
grattée,  laisse  incertaine  la  date  où  elle  a  eu  lieu  ^ 

La  mention  de  cette  date  peut-elle  être  suppléée  par  les 
antres  énonciations  de  l'exploit  ?  Un  arrêt ,  rendu  dans  une 
espèce  où  la  notification  devait  être  faite  le  28  août  au  plus 
tard,  porte  a  que  le  mot  huit  étant  surchargé  sans  approba-* 
tion  de  surcharge,  il  ne  serait  pas  constaté  que  la  signification 
a  réellement  eu  lieu  au  jour  fiié  par  la  loi ,  si  l'exploit  de  si- 
gnification ne  présentait  pas  une  énonciation  qui  donne  à  la 
date  du  28  une  certitude  légale;  qu'en  effet,  on  trouve  au 
bas  de  cet  exploit  qu'il  a  été  enregistré  le  28  août  ;  que  cette 
mention  authentiqae  se  lie  essentiellement  à  Tacte  auquel 
elle  devient  inhérente  ;  qu'il  eu  résulte  nécessairement  que 
la  notification  prescrite  par  Tart.  395  a  eu  lieu  antérieure- 
ment au  jour  fixé  par  la  formation  du  tableau  du  jury  de  ju- 
gement et  au  plus  tard  la  veille  de  ee  jour  *.  »  On  doit  fa- 
cilement admettre  cette  preuve  supplétive  quand  elle  est 
puisée  dans  l'exploit  lui-même  ou  dans  les  énonciations  ac- 
cessoires qui ,  suivant  l'expression  de  la  jurisprudence,  s'iden- 
tifient avec  lui. 

Mais  la  mention  peut-elle  être  suppléée  par  les  énoncia- 
tions du  procès-verbal  du  tirage  du  jury  de  jugement?  Un 
arrêt  avait  admis  «  que  si  l'original  de  l'exploit ,  qui  est  du 
3  juillet,  pouvait  présenter  quelque  incertitude  à  cause  de  la 

'  Cass.  SI  oc».  18SS,  rapp.  M.  Chasle.  J.  P.,  U  XVII,  p.  427;  S8  janv. 
iS3S,  rapp.  M.  OUivier,  U  XXIV,  p.  632  ;  5  mars  1836,  rapp.  Mérilbou. 
Bail.  n.  71  ;  21  sept  d839,  rapp.  M.  Ricard,  ii.  306;  ik  moi  1840,  rapp. 
M.  Vincens-Sl-Laurcnt,  n.  130;  25  fév.  1843,  rapp.  M.  Dehaussy,  ii.  45  ; 
i3  mars  1846.  rapp.  M.  Isambert,  n.  70;  l4  jjuv.  1847,  rapp.  M,  Isambcrt, 
n.  7;  12  oclob.  1848.  rapp.  M.  Jacquinot,  n*  250  ;  22  mars  1850,  rapp. 
M.  Barennes,  n.  108  s  20  janvier  1854,  rapp.  M.  Jallon,  n.  13. 

*  Cass,  10  noT,  1849,  rapp.  M.  BareQoes.  Bull.  n.  298, 


3M  i>B9  covas  d'assises. 

sorcbarge,  cette  incertitude  serait  levée  par  rteoncktioa 
faite  dans  le  procès-verbal  du  tirage  au  sort  des  jurés  da 
4  juillet,  portant  que  cette  notification  «  a  été  faite  la  veille, 
c'est-i-dire  le  8  '  ;  »  mais  un  autre  arrêt  a  décidé  «  que  la 
date  des  actes  des  ofGciers  ministériels  en  cette  matière  ne 
peut  résulter  que  des  éléments  de  l'acte  lui* même  on  des 
actes  qui  s'identifient  avec  lui,  si  elle  n'est  d'ailleurs  expres- 
sément constatée;  que  si ,  dans  sa  formule  pénale,  l'exploit 
porte  que  la  notification  a  eu  lieu  la  veille  clu  jour  fixé  pour 
fa  formation  du  tableau  du  jury,  cette  énonciation  ne  constate 
nullement  une  date  positive  ;  que  sans  doute  si  l'exploit  por- 
tait que  les  accusés  devaient  être  jugés  le  12,  la  date  pourrait 
ainsi  se  trouver  suilisamment  établie  par  relation  ;  mais  qa'i 
défaut  de  toute  indication  à  cet  égard ,  il  faudrait ,  pour  re- 
connaître la  date  de  l'exploit,  recourir  à  des  actes  qui  lui  sont 
étrangers  et  qui  ne  sont  pas  destinés  à  en  être  le  complé- 
ment *•  »  Ainsi  il  faut  que  l'acte  se  soutienne  par  lui-mèine; 
ses  énonciations  peuvent  se  compléter  les  unes  les  autres; 
mais  il  n'est  pas  permis  de  chercher  en  dehors  et  dans  les  autres 
actes  de  la  procédure,  les  mentions  qu'il  est  chargé  de  consta- 
ta et  qui  sont  nécessaires  à  sa  validité. 

Il  reste  encore  à  relater  quelques  règles  qui  ont  pour 
objet  ou  d'assurer  ou  de  prouver  la  régularité  de  la  notifi- 
cation. 

La  notification  peut  et  doit  être  faite  même  un  jour  férié, 
si  ce  jour  est  la  veille  de  Touverture  des  débats ,  «  atlenda 
que  l'art,  1037  G.  pr.  civ.  n'est  point  applicable  aux  actes  qui 
ont  pour  objet  la  répression  des  crimes  ou  délits,  et  que  par 
Part.  2  de  la  loi  du  17  thermidor  an  6,  encore  en  vigueur, 
l'expédition  des  aOaires  criminelles  est  autorisée  les  jours  fé- 
riés *.  » 

11  n'est  pas  nécessaire  que  l'exploit  constate ,  comme  le 
veut  un  ancien  usage,  que  la  remise  a  été  faite  entre  les  deux 
guichets  de  la  prison ,  espace  qu'une  fiction  répute  lieu  de 
liberté  :  c  attendu  qu'aucune  disposition  du  Gode  d'inst.  cr. 
ne  prescrit  la  condition  de  la  notification  des  actes  dont  il 
s'agit  entre  deux  guichets  comme  lieu  de  liberté ,  que  dès 

*  Gast.  ii  aofttiSi?,  rapp.  tf.  Chasle.  J.  P.  t.  XIV,  p.  &36 
'  Gas8«  il  mai  i854,  rapp.  M.  Sénéca,  Bull.  D.i42« 
<  Cass.  5  déc.  iS50,  rapp.  M«  Dehaassy.  Btt11«  n,  U3|  10  mai  i84^i  rapr« 
Ml  Brière-VaUgny,  d,  ioSi 


BE   LA  COMPOSITION   Dt  JOHV.   §  GOl.  -  367 

htÈ  TalMmoe  de  cette  formalité  ne  constitae  aùeuDe  irrégu- 
larité'•• 

Les  ratures,  surcharges  et  interlignes  qui  se  renouvellent 
dansTexploity  y  produisent  le  même  effet  que  dans  tous  les 
aatres  actes*.  Elles  entraînent  la  nullité  de  la  notification, 
lorsqu'elles  ne  sont  pas  régulièrement  approuvées  et  qu'elles 
portent  sur  des  mots  énonçant  l'observation  de  formalités 
substantielles  ;  car  ces  mots,  aut  termes  de  Fart.  78  du  Code 
diost.  cr.,  sont  considérés  comme  non  écrits^.  Telles  sont, 
par  etemple,  les  surcharges  et  ratures  qui  portent  sur  la  date 
de  Texploit  ^  ou  sur  les  noms  des  jurés  &.  Elles  n'opèrent ,  au 
contraire,  aucune  nullité»  lorsqu'elles  portent  sur  des  mots 
qui  n'énoncent  que  des  formes  accessoires  ou  qui,  quoique  re- 
latifs aux  formes  essentielles,  n'en  altèrent  pas  la  preuve  \ 

Enfin  il  est  quelques  présomptions  établies  par  la  jurispru- 
dence, et  qui  suppléent,  dans  certains  cas,  à  la  preuve  directe 
de  l'accomplissement  de  la  formalité. 

Lorsque  l'original  de  l'exploit  est  régulier  et  que  la  copie 
n'est  pas  représentée,  il  y  a  présomption  que  cette  copie  est 
également  régulière.  En  effet ,  les  vices  dont  on  prévaudrait 
que  la  copie  est  entadiée  ne  sont  que  de  pures  allégations»  dès 
que  cette  copie  n'est  pas  produite  ?• 

Lorsque  l'original  est  entaché  d'une  nullité  et  que  la  copie 
n'est  pas  représentée,  il  y  a  présomption  que  la  même  nullité 
se  trouve  dans  cette  copie.  En  effet,  l'original  tient  lieu  de 
la  copie  notifiée  qui  d'ailleurs  est  présumée  lui  être  conforme  ; 
les  nullités  qui  se  trouvent  sur  Toriginal  sont  donc  présumées 
de  droit  se  trouver  sur  la  copie  \ 

Lorsque  ni  l'original  ni  la  copie  ne  sont  représentés ,  au- 

ft  GaSB.  i  Joillet  1837,  rapp.  M.  Dehanssy.  »r.  Der.  88, 1,  fie. 

*  Yoy .  notre  t.  5»  p.  630. 

"  Caas.  15  ocu  1829,  rapp.  M.  OlUrier.  J.  P.  t  XXII,  p.  1470  ;  28  jan? . 
1882,  rapp.  M.  OHiTier,  t.  XXIV  p.  632. 

A  Casi.  21  sept  1839,  rapp.  M.  Ricard,  Bail.  n.  306  ;  14  mai  1840.  rapp. 
M.  Yiocens-St-Laareiit,  d.  130;  25  fév.  1843,  rapp.  M.  Dehaassy»  n.  45;  18 
ma»  4846»  rspp.  M.  Isambert,  n.^70  etc. 

*  Gais.  22  août  1850,  rapp.  M.  Legaf  near.  Bull.  n.  266. 

*  Casa.  80  ao0tl849,  rapp*  M*  Legagoeur.  Bull.  n.  226;  6  fév.  1851,  rapp. 
M.  Anis.  Moreau,  n*  50. 

*  Goifc  14  août  1817,  rapp.  H.  Ghasles.  J.  P.  t.  XIV,  p.  426;  7  oct.  1825, 
tapp.  M.  Gaillard,  t.  XIX  p.  905. 

^  Caw«  16  fév.  1882,  rapp.  M.  InmberU  J.  P.  t  XXIV  p.  748;  24  déc« 
1885,  rapp«  If,  Ii«iiib«rt|  Bail»  Ot  477 1 17  «Tril  i947|  mpp,  M.  Rocher 


368  »BS  COURS  D*ASS18ES. 

cunes  pièces  ne  sauraient  suppléer  à  cette  production ,  puis- 
qu'il ne  saurait  résulter  de  ces  pièces  la  preuve  légale  de 
Fexistence  de  l'acte,  ni  la  preuve  légale  de  sa  régularité,  et  il 
7  a  présomption  que  la  formalité  n'a  pas  été  accomplie  ^ 

Mais  lorsque  la  copie  est  représentée ,  elle  sert  seule  de 
base  à  la  décision  :  régulière,  elle  couvre  les  vices  de  l'origi- 
nal; irrégulière,  ses  erreurs  ne  sont  pas  couvertes  par  la  ré« 
gularité  de  cet  acte.  La  règle,  en  effet»  est  «  que  la  copie  d'ua 
exploit  tient  lieu  de  l'original  à  la  partie  à  laquelle  la  signifi- 
cation est  faite,  et  que  cette  partie  ne  doit  connaître  que  cette 
copie  pour  apprécier  et  faire  apprécier  à  son  égard  la  régula- 
rité de  la  signification  '.  » 

YI.  L'exploit  constate  la  remise  de  la  copie  de  la  liste  des 
jurés  :  il  faut  donc  examiner,  en  second  lieu,  les  formes  de 
cette  copie  et  les  règles  qui  s'y  appliquent. 

11  est  indifférent, d'abord»  aux  yeux  de  la  jurisprudence,  que 
cette  liste  soit  manuscrite  ou  imprimée  :  «  attendu,  disent  les 
arrêts»  que  l'art  372  n'est  relatif  qu^au  procès-verbal  des 
débats  et  que  la  prohibition  qu'il  établit  ne  peut  être  étendue 
à  la  liste  des  jurés  ^  *,  et  quec^est  la  signature  de  l'officier  mi- 
nistériel, chargé  de  faire  la  notification  qui  donne  à  cette  liste 
l'authenticité  et  la  légalisation  nécessaires  K  >  Il  y  a  dans 
tous  les  cas ,  nous  l'avons  déjà  remarqué ,  de  graves  inconvé- 
nients à  employer  des  imprimés  dans  la  procédure  criminelle: 
il  parait  toujours  incertain  que  les  formes  constatées  â  l'a- 
vance aient  été  observées.  Ici ,  l'inconvénient  est  d'une  autre 
espèce  :  la  liste  imprimée  est  nécessairement  la  liste  originaire 
des  &0  jurés.  Cet  usage  vicieux  coiidainne  donc  tous  les  ac- 
cusés de  la  session  à  recevoir  la  copie  de  cette  liste,  qui  le  plus 
souvent  ne  sert  point  à  leur  droit  de  récusation  et  qui  quel- 
quefois s'égare.  U  s'ensuit  que  la  notification  devient  illu- 
soire. Une  liste  manuscrite  faite  à  mesure  que  la  notification 
en  devient  nécessaire,  peut  seule  tenir  compte  des  absences 
et  des  excuses  et  présenter  le  tableau  exact  des  jurés. 

U  est  encore  indifférent  que  la  liste  soit  placée  en  tète  de 


'  Cass.  6  noT.  i85i,  rapp.  M.  Nougaicr,  Bull.  n.  464. 
■  Cass.  5  mars  i  836,  rapp.  M.  Mérilhou.  BuU.  71;  et  c^iir.  U  oct  185S| 
r;ipp.  M.  Robert  St-Vii»ccnt,  J.  P.  i.  XV,  p,  862. 

^  Cass.  ii  juillet  183U|  rapp.  M.  Isambert,  Bull.  n.  324. 
*  Cass.  23  janv.  i8I>l,  i  app,  M.  Quiuaolt,  Bu)!,  n,  8i« 


01  LA  COHPOSITlOIt  DU  JUEt.  §  60l.  369 

l'exploit  ou  qu'elle  soit  simplemeat  annexée  à  cet  acte, 
pourYU  qu'elle  soit  conforme  à  la  liste  originale.  Un  arrêt 
déclare  c  que  la  loi ,  en  prescrivant  de  notifier  à  chaque  ac- 
cusé la  liste  des  jurés,  n'exige  pas  que  la  liste  soit  transcrite 
en  tète  de  l'original  de  l'exploit  de  notification  ou  que  les 
noms  compris  dans  cette  liste  soient  rappelés  dans  le  contexte 
de  cet  exploit  ;  qu'il  suffit  qu'il  soit  régulièrement  constaté 
que  la  liste  a  été  signifiée  à  chaque  accusé  ^  o 

La  liste  notifiée  doit  contenir  toutes  les  désignations  qui 
sont  de  nature  à  constater  l'individualité  de  chaque  juré. 
£lle  doit  y  par  exemple,  énoncer  non-seulement  les  noms  et 
les  prénoms,  mais  la  qualité  ou  la  profession,  l'âge  ou  le  do- 
micile. Ce  sont  toutes  ces  énonciations  qui  signalent  les  jurés 
à  Tattention  de  l'accusé  et  qui  le  mettent  à  même  d'exercer 
son  droit  de  récusation  en  connaissance  de  cause. 

Hais  il  peut  arriver  ou  que  les  désignations  soient  incom- 
plètes, ou  qu'elles  soient  inexactes.  Dans  Tune  et  Tautre  hy*- 
pothèse  ,  il  y  a  lieu  de  discerner  avant  tout  si  l'accusé  peut 
fonder  sur  ces  lacunes  ou  ces  erreurs  un  grief  sérieux  ou  si  elles 
n'étaient  pas  trop  légères  pour  égarer  son  droit  de  récusation. 
C'est  une  règle  que  la  jurisprudence  a  posée  en  déclarant 
«  que  la  notification  de  la  liste  des  jurés  à  l'accusé  a  pour 
objet  de  le  mettre  à  portée  d'exercer ,  avec  pleine  connais* 
sance  de  cause ,  son  droit  de  récusation  ;  qu'il  importe  dès 
lors  que  cette  liste  soit  exacte  ;  mais  qu'il  ne  suffit  pas  qu'elle 
contienne  des  désignations  inexactes  pour  être  considérée 
comme  nulle  et  de  nul  effet  ;  qu'il  faut  encore  que  ces  inexac- 
titudes  aient  été  de  nature  à  préjudicier  aux  droits  de  l'ac- 
cusé et  à  l'empêcher  de  discerner  suffisamment  les  personnes 
qui  y  sont  inscrites  *.  »  Elle  décide  encore  <  que  la  loi  ne  peut 
être*  réputée  avoir  été  exécutée,  lorsque  la  copie  notifiée  aux 
accusés  renferme  sur  les  noms,  les  prénoms,  la  profession  ou 
le  domicile  des  jurés,  des  désignations  fausses  qui  détruisent 
la  personnalité  desdits  jurés ,  et  ôtent  ainsi  aux  accusés  les 
moyens  de  les  connaître  et  de  préparer  contre  eux  les  récu- 
satioDS  que  la  loi  leur  accorde  '.  » 

La  difficulté  était  de  savoir  à  quelle  époque  et  devant 

■  Casa*  3  nov.  iSAS,  rapp.  M.  Brière-Valigoy,  BuU.  n.  201. 17  avril  1847, 
rapp.  M.  Rocher,  Bull.  u.  78. 

"  Cass.  10  jain  1825,  rapp.  M.Gaillard,  J.  P.  t.  XIX  p.  563. 
'  Cass.  26  déa  1823^  rapp.  M.  Gaillard»  J»  P.  t.  XYIII  p.  390. 

vin.  24 


370  1>KS  COURS  D*A891SIS. 

quels  juges  roccusé  pouvait  faire  valoir  le  préjudice  qae  lui 
avaient  causé  ces  inexactitudes.  La  Cour  de  cassation  avait 
d^abord  jugé  que  ses  réclamations  &  cet  égard  devaient  èlre 
portées,  i  peine  de  forclusion,  au  moment  de  la  formation 
du  tableau,  devant  la  Cour  d'assises  :  «  attendu  que  dans  ce 
cas  il  en  doit  être  de  même  que  dans  celui  prévu  par  l'art.  315, 
qui  veut  que  les  noms,  la  profession  et  les  résidences  des  té- 
moins soient  notifiés  aux  accusés  ;  mais  que  cet  article  ne 
prononce  pas  la  nullité  de  la  notification  des  listes  de  témoins 
dont  la  profession  et  la  résidence  ne  seraient  pas  indiquées 
dans  les  listes;  qu'il  donne  seulement  aux  accusés  le  droit  de 
s'opposera  ce  que  ces  témoins  incomplètement  désignés  soient 
entendus  ;  d'où  il  suit  qu'à  défaut  de  cette  opposition,  la  lot 
présume  que,  malgré  Tomission  dans  la  liste  notifiée  des  pro- 
fessions et  résidences  des  témoins,  ces  témoins  ont  été  suffi- 
samment  connus  des  accusés;  la  même  présomption  s'appli- 
que au  cas  où  des  jurés  sont  seulement  désignés  par  leurs 
noms  dans  les  listes  notifiées  aux  accusés,  lorsque  ces  accusés 
ne  demandent  pas  ,  avant  la  formation  du  tableau  du  jurv, 
que  les  jurés  qui  doivent  concourir  à  former  ce  tableau  leur 
soient  notifiés  d'une  manière  plus  circonstanciée  qu'ils  ne 
l'ont  été  dans  la  liste  qu'ils  ont  reçue  ^  )> 

Mais  cette  jurisprudence  a  été  modifiée.  Il  a  paru  c|ue  toutes 
les  formes  qui  ont  pour  objet  Texercice  des  récusations  tien- 
nent essentiellement  au  droit  de  la  défense  même  ;  que  les  ac- 
cusés ne  peuvent  donc  être  admis  à  y  renoncer  soit  explicite- 
ment, soit  par  leur  silence;  que  c'est  dans  l'intérêt  de  la  vé- 
rité que  ces  formes  ont  été  instituées,  et  que  la  société  a  un 
intérêt  non  moins  grand  que  les  accusés  eux-mêmes  à  ce 
qu'elles  soient  fidèlement  observées.  La  Cour  de  cassation  a 
été  ainsi  amenée ,  dans  Texamen  qu'elle  (ait  des  procédures 
criminelles,  à  relever  les  erreurs  et  les  inexactitudes  qui 
se  trouvent  dans  la  liste  notifiée  et  à  apprécier  elle-même  Teffet 
qu'elles  ont  du  produire  sur  l'esprit  des  accusés  dans  l'exer- 
cice de  leur  droit  de  récusation.  Elle  se  pose  une  double  ques- 
tion :  l'inexactitude  a- t-eile  été  assez  grave  pour  que  l'accusé 
ait  pu  être  induit  en  erreur  sur  l'individualité  du  juré  auquel 
s'appliquent  les  désignations  inexactes?  En  est-il  résulté 
pour  lui  un  préjudice  réel?  On  pourrait  objecter  que  ce 

*  Cass.  17  mai  d824,  rapp.  M.  Baùre,  J.  P.  U  XVI,  d.  615}  6  août  ISSOi 
t.  XXIII,  p.  743^3  m\  lbd2,  lapp.  M,  Hivos,  U  XAIY,  p^  iOiâ. 


DE  LA  COUVO^ITION  W  JOKT.   §  601.  171 

sont  là  de  pures  questions  de  fait  ;  c'est  une  erreur  ;  il  no  s  V 
git  pas  de  rechercher  et  de  constater  un  fait  ;  cette  cod^Uh 
tatiou  est  faite  dans  la  procédure;  il  s'agit  de  déduire  de  ce 
fait  ses  conséquences»  d'apprécier  s'il  a  nui  à  l'exercice  d'ua 
droit ,  et  de  maintenir  par  là  ce  droit  à  l'abri  de  toute  at« 
teinte.  Abandonner  cette  appréciation  à  la  Cour  d^assises^  06 
serait  la  supprimer,  car  Taecusé  n'élèvera  que  rarement  une 
réclamation  qui  n'aurait  d'autre  effet  que  de  retarder  les  dè^ 
bats.  La  Cour  de  cassation  ^  chargée  de  relever  toutes  les  ir- 
régularités de  la  procédure,  toutes  les  contraventions  à  la  loi^ 
doit  nécessairement  constater  celles  qui  entachent  la  liste 
notifiée  et  en  déduisant  de  ces  contraventions  leurs  consé- 
quences légales,  elle  ne  fait  qu'appliquer  à  l'un  des  actes  de 
la  procédure  le  pouvoir  qu'elle  applique  à  tous  les  autres. 

Quelques  règles  cependant  ont  été  établies  pour  restrein- 
dre ce  pouvoir  d'appréciation  dans  de  justes  limites. 

11  faut  distinguer  d'abord  les  erreurs  qui  sont  de  nature  à 
égarer  le  droit  de  récusation  et  celles  qui ,  moins  graves,  ne 
peuvent  avoir  cet  effet.  Cette  distinction ,  dont  la  Cour  de  cas- 
sation se  réserve  d'apprécier  les  élément^,  a  été  établie  par 
un  trop  grand  nombre  d'arrêts  pour  qu  il  soit  possible  et 
d'ailleurs  utile  de  les  citer  tous.  Nous  nous  arrêterons  aui; 

Sirincipaux,  à^ceux  qui  ont  posé  avec  le  plus  de  clarté  cettç 
imite  qui  n*a  que  le  tort  d'être  un  peu  vague. 

Lorsque  les  erreurs  portent  sur  les  noms  mêmes  des  jurés, 
la  Cour  de  cassation  a  jugé  qu'il  y  a  lieu  de  prononcer  la  nul- 
lité :  l""  quand  la  liste  notifiée  énonce  le  nom  de  Levallois 
[Pierre^ Jean-François)  y  marchand^  et  que  la  liste  des  30, 
sur  laquelle  le  jury  a  été  [orme,  ne  reproduit  que  le  nota  de 
Levatois^  sans  qualilé  ni  prénoms  '  ;  2"  quand  la  liste  noti- 
fiée porte  le  nom  de  DronioUy  tandis  que  le  nom  véritable  du 
juré  est  Drouin ,  et  que  l'arrêt  de  la  Cour  d'assises  qui  L'a 
rectifiée  n'a  pas  été  signifié  à  j'accuse  ',  S""  quand  la  liste 
notifiée  énonce  le  nom  de  Dufour  au  lieu  de  IMàfaur^  et  de 
Maury  pour  Maulis  ^.  Il  a  paru  que  dans  ces  trois  espèces  les 
diflércnces  étaient  assez  graves  pour  que  les  accusés  pussent 
être  trompés  sur  l'individualité  des  jurés.  Mais  il  n'en  serait 
plus  ainsi  si  la  liste  avait  simplement  écrit  le  nom  de  Roulol , 

«  Cass.  15  ocU  1329,  rapp.M.  OUivier  J.  P.,  t.  XXII,  p.  1470. 
'  Cass.  18  nov.  18&1,  lupp.  M.  Dehaussj.  Bull*  n.  328. 
*  Cass.  S3  i]iuii850»  rnpp,  M.  Dchaussy-  ^^ull.  u.  165. 


^2  DES  coons  d'assises. 

par  exemple,  au  lieu  de  Raulol  \  celui  de  Naury  au  lieu  de 
JUaury  *,  celui  de  Rayer  au  lieu  de  Roger  ^^  celui  de  Corn- 
pade  au  lieu  de  Compadre  ^,  celui  de  Corlieux  au  Heu  de 
Colieu  ^,  celui  de  Sivy  au  lieu  de  Sivry  *,  celui  de  Forcioli 
au  lieu  de  Quercioli  ',  pourvu  d'ailleurs  que  les  autres  énoa- 
ciatioDS  relatives  aux  jurés  dont  les  noms  avaient  été  aiasi 
tronqués  fussent  exactes  et  pussent  faciliter  le  contr6Ie  et  la 
rectification  de  ces  erreurs  ^. 

Lorsque  les  erreurs  portent  sur  les  prénoms,  la  Cour  lésa 
considérées  en  général  comme  insuffisantes  pour  fonder  une 
nullité,  parce  que  ce  n'est  point  en  général  par  ses  prénoms 
que  rindividualité  d'un  citoyen  est  signalée  ^.  Il  importerait 
peu  même  que  les  prénoms  des  jurés  fussent  indiqué  par  des 
initiales ,  quand  les  autres  meniions  les  désignent  suQisain* 
ment  ^''.  Cependant  l'inexactitude  des  prénoms  peut  produire 
une  nullité  dans  deux  cas  :  l""  lorsque  cette  inexactitude  n'est 
pas  suppléée  par  des  indications  suffisantes  et  qui  puissent  la 
corriger.  Ainsi ,  la  nullité  a  été  prononcée  dans  une  espèce 
où  la  copie  avait  attribué  à  21  jurés  des  prénoms  qui  ne  lear 
appartenaient  pas,  «  attendu  que  ces  erreurs  nombreuses  ont 
d'autant  plus  de  gravité  que  les  citoyens  portés  sur  cette  liste 
n'y  sont  point  désignés  par  leurs  professions  respectives, 
mais  uniquement  par  la  qualité  d'électeurs  ^'  ;  a«  lorsque 


i  Casa.  5  déc  i8S9,  rapp.  M.  Vincens-St-Laurent.  Bull,  o*  573. 

*  Gass.  SjuiU.  1847,  rapp.  M.  Jacquinot  Bail.  nAàS, 

*  Gass.  il  mars  1852, rapp.  M.  Nouguier.  Bull,  n.' 88. 

*  Gass.  17  déc  1853,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  &0S. 

*  Gass.  15  déc  1853,  rapp.  M.  A.  Moreau.  Bull.  n.  581. 

*  Gass.  12  déc  1850,  rapp.  Bl.  Dehaussy.  BulL  n.  A17. 
'*  Gass.  81  juil.  iUl,  rapp.  M.Isambert.  Bull,  d.171. 

*  Cas*.  8  juiï.  182A,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,l.XVIII,p.  870;  14  ar.  48Î6. 
rapp.  M.  Choppin,  t.  XX,  p.  878  ;  12  déc  1884, rapp.  M.  Mériihou,  l.  XXVI, 
p.  112^,  7  déc  1827,  rapp.  M.  Choppini  U  XXI,  p.  929;  16  oct.  1828,  rap. 
M. Ollivler,  U XXII,  p.  811  ;  24  déc  1829,  rapp.  M.  Clausel,  t.  XXII,  p.l655; 
9  juil.  1835,  rapp.  M.  Isambert.  Bull.  n.  279;  18  mars  1830,  rapp.  M.  Ri- 
card. J.  P.,  t  XXIII,  p.  278;  26juU.  1832,  rapp.  M.  Ghoppin,  L  XXIV,  p. 
1832;  30  août  18Â9,  rapp.  M.  Legagneur.  Bull.  n.  226;  6  scpU  18&9, 
rapp.  M.  deOlos.  Bull.  u.  233;  12  juill.  1851  rapp.  M.  V.  Foucher,  Bail. 
n.  283. 

»  Cass.  24  sept,  i 81 9,  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P. ,  t.  XV,  p.  532  ;  7  août  1851, 
rap.  M.  de  Clos.  Bull.  n.  330  ;  20  oct  1831,  rapp.  M.  MeyronncU  J.  P.,  t. 
XXIV, p.  272;  19  juil.  1852,  lapp.  M.  Meyronnel.  J.  P.,  i.  XXIV,  p.  1800; 
i2  avail  1839, rapp.  M.  Voysin  deCartcmpc.  Bull.  n.  123. 

«•  Gass.  2isepU  1848,  rapp.  M.  Legagneur.  Bull,  n,  246. 

«*  Cass.  7  avril  4837,  iapp.  M.  Viticens-Sl-Laurent.  Bull,  n,  132;26déC 
1823,  rapp*  M,  Gaillard.  J.  P.,  t.  XXIf f,  p.  290. 


DE  LA  COMPOSITION  DU  JDftT.   §  601.  S^S 

romission  on  l'erreur  des  préDoms  amène  une  confasion^soit 
entre  deux  jurés,  soit  entre  un  juré  et  une  autre  personne. 
Ainsi  y  par  exemple,  si  dans  la  liste  de  la  session  figurent  deux 
jurés  j  I  un  nommé  Deltrieu  et  Tantrc  Doirieu ,  et  que  dans 
la  liste  des  30,  notiBée  à  l'accusé,  se  trouve  le  premier  de  ces 
noms  seulement  et  h  la  suite  les  prénoms  applicables  à  l'au- 
tre, l'accusé  a  pu  rester  dans  Tincertitude  sur  le  point  de  sa- 
Toir  lequel  des  deux  jurés  faisait  partie  de  la  liste ,  et  par  là 
se  trouver  gêné  dans  l'exercice  de  son  droit  \ 

Lorsque  les  erreurs  portent  sur  l'âge  des  jurés,  elles  n'em- 
portent aucune  nullité,  à  moins  qu'elles  n'aient  dâ  infailli- 
blement faire  naître  des  doutes  sur  l'individualité  des  jurés. 
Dans  une  espèce  où  il  était  allégué  qu'on  juré  Agé  de  34  ans 
avait  été  porté  sur  la  liste  notifiée  avec  l'indication  de  l'âge 
de  64  ans»  le  pourvoi  a  été  rejeté ,  <  attendu  qu'il  n'est  pas 
articulé  qu'il  y  ait  eu  inexactitude  dans  les  prénoms,  la  pro- 
fession et  le  domicile  de  ce  juré ,  circonstances  suffisantes 
pour  que  le  demandeur  ne  pût  être  induit  en  erreur  sur  son 
identité  *•  »  Dans  une  autre  espèce  où  l'âge  des  jurés  avait  été 
indiqué  comme  né  en  1761,  tandis  qu'il  était  né  en  1794, 
le  pourvoi  a  été  également  rejeté,  «  attendu ,  que  l'erreur 
commise  dans  l'indication  de  1  âge  de  ce  juré  n  a  pu  occa- 
sîoner  de  doute  sur  son  identité,  puisque  les  autres  indications 
sufiisaient  pour  fixer  le  demandeur  à  cet  égard,  et  que  s'il 
est  vrai ,  comme  on  l'allègue ,  que  ce  juré  babite  avec  son 
père  qui  est  âgé  de  70  ans,  il  est  impossible  de  le  confondre 
avec  lui»  puisque  ses  prénoms  et  sa  qualité  de  médecin  pré- 
cisaient complètement  son  individualité  '  »  Au  surplus ,  To- 
mission  même  de  la  mention  de  l'âge  ne  vicierait  pas  la  no- 
tification, bien  que  cette  mention  nous  semble  très  utile,  soit 
pour  faire  connaître  le  juré,  soit  pour  constater  sa  capacité 
légale  ^.  A  plus  forte  raison  faut-il  induire  de  cette  juris- 
prudence que  cette  mention  «  âge  requis  »  serait  suffisante  ^. 

Lorsque  les  erreurs  portent  sur  la  qualité  ou  la  profession» 


■  Ga».  ii  sept  iS&O,  rapp.  M.  Vincens^t-Laurent.  Ball.n*  268. 
s  Cass.  6  noT.  1828,  rapp.  M,  Gaillard,  J.  P.,  L  XXII,  318. 

*  Ca».  16  DOT.  1832,  rapp.  M.  Ollivier.  Dali,  ^r**  Inst.  15  ocU  1884f  rapp. 
11.  Meyronnet.  Eod.  loc.  crim.  lu  1714. 

*  Cass.  18  sept  1828,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  t.  XXII.  289  ;  20  dot. 
1828,  rapp.  M.  Mangio,  t.  XXII,  p.  364;  12  avril  1832,  rapp.  M.  Briëre,  t. 
XXIV,  p  957. 

*  GaM.  30  sept«  1831>rapp,M*  Rocher.  J.  P.,  t.  XXIY,  p,  259. 


174  DE8  cooRi  bVssises. 

la  notification  n'est  entachée  de  nullité  qu'autant  qu^elles 
ont  pu  avoir  pour  effet  de  tromper  Taccusé  sur  Tindividua- 
lité  du  juré  :  on  peut  en  citer  quelques  exemples.  Un  sieur 
Alexis  Simonnet  avait  été  porté  sur  la  liste  notifiée  avec  là 
qualité  de  maire,  tandis  que  cette  qualité  appartenait  à  Jean- 
Baptiste  Simonnet  9  résidant  dans  la  même  commune  :  de  là 
s^éievaiC  une  confusion  qui  a  fait  prononcer  la  nullité  \  Dans 
une  autre  espèce,  Fun  des  jurés  était  désigné  dans  la  liste 
notifiée  comme  officier  retraité ,  demeurant  à  Co$ae  et  dans 
le  procès-verbal  du  tirage ,  comme  officier  de  santif  demeu^ 
rant  à  Nevers  :  il  a  paru  encore  que  cette  erreur  avait  pu 
susciter  des  doutes  sur  Tidentilé  de  l'accusé  et  porter  préju- 
dice à  Texercice  de  son  droit  de  récusatiob  '.  Dans  une  troi- 
sième espèce  ,  l'un  des  jurés  avait  été  porté  avec  la  qualité 
à^épicier ,  tandis  qu'il  était  avocat  et  qu'une  autre  personne 
du  même  nom  exerçait  le  commerce  d'épicerie  dans  la  même 
commune  :  il  a  été  jugé  encore  que  l'accusé  avait  dû  être  in- 
duit en  erreur  sur  l'individualité  de  ce  juré  '.  Enfin,  dans 
une  quatrième  espèce,  deux  jurés  portant  les  mêmes  noms  et 
prenons  se  trouvaient  inscrits  sur  la  liste  et  la  profession  de 
Tun  avait  été  par  erreur  attribuée  à  l'autre  :  il  a  été  jngé 
que  cette  transposition  d'une  qualification  qui  pouvait  seule 
les  distinguer  Tun  de  l'autre  avait  pu  porter  préjudice  au  droit 
de  récusation  et  entraînait  dès  lors  la  nullité  de  la  noUGca- 
tion  ^*  Mais  toutes  les  fois  au  contraire  que  Terreur  dans  Tindi- 
catioa  de  la  profession  ou  de  la  qualité  ûê  partit  pas  sufiisante 
pour  marquer  rindividualité  du  juré,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'y 
arrêter,  par  exemple,  quand  la  qualité  de  médecin  a  été  sub- 
stituée à  celle  d^avocat  ^,  quand  la  qualité  d'avoué  ou  de 
notaire  a  été  attribuée  à  un  juré  qui  avait  cessé  d'exercer*, 
ou  enfin  lorsque  sa  qualité  même  a  été  omise  7. 

Enfin,  lorsque  les  erreurs  portent  sur  le  domicile  des  jarés, 
il  faut  décider  encore  qu'elles  ne  peuvent  entraîner  de  nul«- 

<  Gasi  25  féy.  1825,  rapp,  M.  Gaillard.  J.  P.,  t.  XIX,  p.2S5. 
s  Casi.  21  juin  1833,  rapp.  M.  Rocher.  J.  P.,  t  XXV,  p.  388. 

>  Casa,  39  avril  1843,  rapp.  M.  Jacquinot.  Bull.  n.  94. 

*  Casa.  2  À  juin  1843,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  154.  Véj.  encore 
deux  arrèti  du  7  février  1822,  rapp.  MM.  Basire  et  Leuret,  J.  P.,  U  XTU, 
p.  117. 

>  Casa.  18  août  1829,  rapp»  M.  OlUvier,  t.  XXIIi  p.  1359. 

•  Cash  5  janv.  184a,  rapp.  M.  Jacquinot  DaU.  é3,  1,  183;  6  anil.ltfM» 
rapp.  M.  Thll  J.  P.,  t.  XXV,  p.  343. 

'  Gaw.  U  avril  1826,  rapp.  M.  Ghoppin.  I.  P.,  I.  XX,  p.  S78. 


hE  LA  coMPOsinon  DO  jciLT.  §  601.  S7S 

Hté  qu'autant  qae  cette  circonstance  deyient  caractéristique 
de  l'individualité.  Tel  serait  le  cas  où  deux  individus  du  même 
nom  ayant  leur  domicile  dans  deux  communes  diverses,  la 
liste  signifiée  è  attribué  à  Tun  la  résidence  appartenant  &  l'au- 
tre'•  Mais  cette  fausse  indication  n^a  plus  aucune  conséquence 
quand  elle  ne  peut  être  la  cause  tl'une  erreur  sérieuse  ou 
quand  les  autres  indications  de  la  liste  permettent  de  la  rec- 
tifier ou  de  ne  pas  s'y  arrêter.  Il  existe,  dans  ce  sens,  un  grand 
nombre  d'arrêts  qui  déclarent  que  Terreur  dans  l'indication 
du  domicile  est  indifférente  «  lorsque  les  autres  indications 
des  noms,  prénoms  et  profession  sont  parfaitement  concor- 
dantes dans  la  liste  signifiée  et  dans  le  tableau,  et  que  te  droit 
de  récusation  a  pu  être  exercé  en  connaissance  de  cause*.  » 

Il  résulte  de  tous  ces  arrêts  que  la  jurisprudence^  qui  parait 
au  premier  abord  un  peu  confuse  à  raison  des  innombrables 
espèces  dans  lesquelles  elle  a  été  appliquée»  se  traduit  en  ré- 
sumé dans  une  règle  assez  précise  dans  sa  formule,  mais  un 
peu  arbitraire  dans  son  application  :  la  notification  est  enta- 
chée de  nullité  toutes  les  fois  que  les  inexactitudes  commises 
dans  les  noms ,  prénoms,  domicile,  qualités  ou  professions 
des  jurés  peuvent  induire  l'accusé  en  erreur  sur  leur  indivi- 
dualité ;  elle  est  valide,  au  contraire,  nonobstant  les  irrégu- 
larités que  contiennent  ces  indications,  si  ces  irrégularités  ne 
semblent  pas  de  nature  &  égarer  Tâccusé.  Il  s'agit  donc  de  dé- 
gager une  présomption  du  fait  de  renonciation  erronée  ou 
inexacte  de  la  copie  notifiée,  d'apprécier  la  gravité  de  cette  er- 
reur et  son  influence  possible  sttr  Tesprit  de  l'accusé,  déjuger 
en  un  mot  s'il  a  librement  exercé  le  oroit  de  récusation  que  la 
loi  lui  a  garanti;  mais  cette  appréciation,  qui  se  trouve  déférée 
on  Ta  déjà  dit,  par  la  nature  même  des  choses,  à  la  chambre 
criminelle  de  la  Cour  de  cassation,  n'a  d'autre  mesure  que  la 
conscience  et  les  lumières  de  cette  haute  juridiction. 

Il  est  cependant  une  limite^  qui  n'est  que  la  stricte  consé- 
quence de  cette  jurisprudence  elle-même  et  qu'il  importe  de 
ne  pas  perdre  de  vue.  Ce  n'est  pas  l'erreur  commise  dans  la 


*  Cass.  30  jaDT,  i8Â2,  rapp.M.  Mérilbou.  Bull.  d.  12  ;  et  15  nof.  18^9» 
rapp.  M.  VinceDS-St-LaureDt,  n.  80i. 

>  Cass.  Si  août  1828,  rapp.  M.  OlHTfer.  J.  P.»  tXXII,  p.  227  : 1  jnil.  1880, 
rapp.  M.  Choppin,  t.  XXIU,  p.  587;  5  août  1880,  rapp.  M.  ChaaTeaa  La- 
garde,  t.  XXlll,  p.  7Â2  ;  20  avril  1838,  rapp.  M.  Hocher.  BuU.  B.  107;  S 
RT.ISAO,  rapp.M«  Vhicena-6t4iaarent,ii.  51;tl  jtiiK  I847>  rapp,  M •  Isam- 
bert,ii.l69;elc. 


376  BU  couRf  d'assises. 

liste,  c'est  le  préjudice  que  celle  erreur  a  pu  causer  qm  est 
Tunique  source  de  la  nullité;  elle  est^  en  effet,  prononcée, 
non  point  à  raison  de  l'inexactitude  de  renonciation,  mais  à 
raison  de  l'entrave  probable  qu'elle  apporte  à  la  défense.  De- 
là il  suit  que  là  où  le  préjudice  n'existe  plus,  il  n'y  a  plus  lieu 
d'annuler  la  notification,  quelles  que  soient  les  irrégularités 
dont  elle  est  entachée.  Qu'importe,  par  exemple,  que  des  sur- 
charges ou  des  erreurs  aient  été  faites  dans  les  noms  des  jurés 
supplémentaires,  si  ces  jurés  n'ont  point  été  appelés,  si  les  ju- 
rés titulaires  ont  suffi  aux  besoins  du  service*?  Qu'importe 
que  les  erreurs  aient  même  porté  sur  les  noms  d'un  juré  titu- 
laire, si  ce  juré  n'est  point  sorti  de  l'urne  et  si  plus  de  30  ju- 
rés ont  pris  part  au  tirage  du  jury  de  jugement,  puisqu'il  suf- 
fit, aux  termes  de  la  loi,  que  trente  jurés  capables  aient  con- 
couru à  ce  tirage  •  ?  Il  n'y  a  donc  point  de  nullité,  lors  même 
qu'une  fausse  cnonciation  de  nature  à  induire  en  erreur  le 
droit  de  récusation  se  serait  glissée  dans  la  liste;  si,  indépen- 
damment des  noms  qui  en  sont  atteints,  il  reste  sur  le  tableau 
trente  noms  de  jurés  capables  et  si,  d'ailleurs,  les  jurés  inexac- 
tement désignés  n'ont  pas  fait  partie  du  jury  de  jugement.  Ce 
n'est  que  dans  ces  deux  dernières  hypothèses  que  la  nullité 
peut  être  invoquée;  car,  en  écartant  le  juré  sur  lequel  le  droit 
lie  récusation,  égaré  par  des  désignations  mensongères,  n'a 
pu  s'exercer,  il  ne  resterait  que  29  jurés  sur  le  tableau  ou 
^^ze  seulement  sur  le  siège  du  jury  de  jugement^. 

S  602. 

.  Formation  du  jury  de  jngemenu  —  IL  Nombre  de  douze  jaréft.  — 
111.  Jurés  suppléanis  ou  adjoints.  —  IV.  Tirage  des  jurés.  — 
V.  Formes  extrinsèques  du  tirage. —  VI.  Formes  intrinsèques. — 
VII.  Irrévocabilité  du  tebleau.  —  VlII.Procès-verbal  de  celte  opéra- 
tion. 

I.  La  liste  des  jurés  de  la  session  étant  définitivement  for- 
mée et  dûment  signifiée  à  chacun  des  accusés,  à  mesure  qu'ils 
sont  traduits  aux  assises,  il  y  a  lieu  de  procéder,  pour  statuer 


*  Cass.  80  août  1849.  rapp.  M.  Jaoquinot.  Bull.  n.  236. 

^Gass.  18 avril  1845, rapp, M.  Jacquinot.  BulLn.141;i2  juill.  d851,rap. 
M.  V.  Foucher.  Bull.  n.  283. 

«  Gass.  10  juin  1825,  rapp.  M.  Gaillard,  J.  P.,  t.  XIX,  p.  563  ;  24  jdin 
Ukh  rapp*  ^  Dehausiy.  Bull.  n.  154, 


L 


DB  JLA  COMPOSITION  DU  JUftT.  §  602.  377 

rar  chaque  accusation,  à  la  constitution  du  jury  de  juge* 
mefiL 

II.  Le  jury  de  jugement  est  conriposé  de  douze  jurés.  L^art. 
394  du  C.  d*inst.  crim. ,  conforme  sur  ce  point  aux  lois  du  16 
29  sept  1791  et  du  3  brumaire  an  iv,  dispose:  o  Le  nombre 
de  douze  jurés  est  nécessaire  pour  former  un  jury,  h 

La  législation  anglaise,  que  nous  avons  suivie  en  cela,  exige 
également  douze  jurés  pour  le  jugement  d'une  affaire.  Si  Ton 
cherche  la  raison  de  ce  nombre,  on  n'en  trouve  aucune  autre 
que  la  coutume,  maiscette  coutume  remonte  jusqu'au  moyen 
ige  et  les  exemples  des  juridictions  qui  siégeaient  déslors  au 
nombre  de  douze  juges  sont  nombreux.  Nous  ne  connaissons, 
au  reste,  aucune  objection  sérieuse  contre  cette  règle  qui 
a  été  adoptée  dans  tous  les  pays  où  règne  le  jury  et  semble 
assurer  suffisamment  un  verdict  indépendant  et  éclairé. 

Le  nombre  de  douze  jurés  est  essentiel  à  la  constitution  de 
la  juridiction.  Il  ne  peut  être  ni  restreint  ni  dépassé.  Il  faut  né- 
cessairement que  douze  jurés  aient  siégé  aux  débats  et  ré- 
pondu aux  questions.  C'est  sur  ce  nombre  que  la  loi  a  établi 
la  majorité  qui  forme  le  jugement. 

Il  y  a  donc  nullité  si  la  présence  de  douze  jurés  n'est  pas 
constatée.  Ainsi,  il  y  a  lieu  de  prononcer  Tannulation  de  la 
procédure:  l""  lorsque  le  procès-verbal  de  la  formation  du  ta-» 
bleau  du  jury  déclare  que  le  jury  a  été  composé  des  jurés  dont 
les  noms  sont  ensuite  énoncés,  ^ue  ces  noms  sont  écrits  par  or- 
dre de  numéros  jusqu'à  onze  mciusivement,  et  que  le  n*  13 
est  resté  en  blanc  M  S""  lorsque  dans  la  liste  des  douze  le  nom 
du  même  juré  se  trouve  écrit  sous  deux  numéros  différents, 
lorsqu'il  est  constaté  que  deui  jurés  du  même  nom  ne  sont 
pas  placés  sur  la  liste*  ;  3*  lorsqu'il  est  constaté  par  le  procès- 
verbal  qu'il  n'a  été  tiré  que  onze  jurés  non  récusés  pour  for- 
mer le  jury  de  jugement  3. 

Il  7  a  encore  nullité  si  plus  de  douze  jurés  ont  pris  part  au 
jugement  Ainsi,  l'annulation  doit  être  prononcée,  l<>lor8- 
QU  il  résulte  du  procès-verbal  que  le  jury,  qui  a  assisté  aux 
débats  et  rendu  la  déclaration  sur  laquelle  la  condamnation 


*  Gass.  ai  oct  iSSl.  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  t  XVII,  p.  646. 

*  Gass.  30juillet  i83i,  rapp.  M.  Rives.  J.P.,  UXXIV.  82;  17  août  1843, 
npp.  M.  Isambert,  t  XXIV.  p.  1410  ;  23  août  1832,  rapp.  M.  Chantereyne, 
t.  XXIV,  p.  1427. 

>  Cfui.  23  mars  1815  rapp.  M.  Busschop.  J»  P.,  t  XII,  p,  648. 


378  DBS  coufts  d'assises. 

est  iotcrvcDue,  a  été  composé  de  treize  citoyens  *  ;  2*  lorsque 
le  procës-Terbal  énonce  quatorze  noms  sur  lesquels  il  n*y 
aurait  pas  eu  de  récusation  opérée,  bien  qu*il  soit  ensuite 
mentionné  que  douze  seulement  aient  aiégé,  a^il  est  impoMÎ- 
bie  de  connaître  les  noms  de  ces  douze  *. 

Il  est  inutile  d'ajouter  d'ailleurs  que  les  énooeiatîoDS  da 
procès-Terbal  du  tirage  du  jury»  d'où  Ton  pourrait  induire 
que  le  jury  a  siégé  au  nombre  de  plus  ou  de  moina  que  douzei 
doivent  être  rapprochées  des  mentions  du  procès-verbal  des 
débats  et  peuvent  y  trouver  une  explication  ou  un  complé- 
ment Ici,  comme  dans  toute  notre  procédure,  il  n'y  a  point 
de  formule  nécefisaire  ;  il  surfit  que  la  constitution  légale  de 
la  juridiction  soit  constatée. 

m.  Mais  i  côté  des  douze  jurés  peuvent  s'asseoir  des  jurés 
adjoints  ou  suppléants. 

L'art.  337  du  G.  du  3  brumaire  an  iv  avait  ajouté  aax 
douze  jurés  de  jugement  trois  jurés  adjoints.  Une  loi  du  25 
brumaire  au  viii,  portant  encore  plus  loin  sa  prévoyance, 
disposait  que,  «  lorsqu'un  procès  criminel  paraîtra  de  nature 
k  entraîner  de  longs  débats,  le  tribunal,  avant  le  tirage  de 
ia  liste  des  jurés,  pourra  ordonner  qu'indépendamment  des 
douze  jurés  et  de  trois  adjoints,  il  sera  tiré  au  sort  trois  aa- 
tces  jurés  qui  assisteront  aux  débats.  En  cas  d'événemeot 
qui  empêcherait  Fun  ou  plusieurs  des  douze  jurés  ou  des  trois 
adjoints,  de  suivre  le^  débats  jusques  et  compris  là  déclaration 
définitive  du  jury,  ils  seront  remplacés  par  les  jurés  sup- 
léants.  » 

À  la  promutffation  de  notre  Gode,  qui  supt)r!tDait  les  trois 
jurés  adjoints,  la  question  s'éleva  de  savoir  s'il  était  permis 
encore,  en  vertu  de  la  loi  du  25  brumaire  an  viii,  de  dési- 
gner des  jurés  suppléants.  La  jurisprudence,  après  quelque 
hésitation  ',  se  prononça  pour  Taffirmative  ;  elle  déclara  <  que 
le  mode  d'adjonction  de  Jurés  suppléants  prescrit  par  la  loi 
du  25  brumaire  an  viii  pour  les  cas  qu'elle  prétoit  est  inooBi- 
patible  avec  les  dispositions  du  nouveau  Gode  d'inst.  erim.; 
qu'ainsi  ce  mode  ne  devait  point  être  suivi  ;  mais  qu'il  d*co 
est  point  ainsi  du  principe  en  lui-même  de  ladite  adjonction, 
dont  Tusage  peut  encore  être  admis  toutes  les  fois  qu'il  peu^ 

*  Cass.  18  mars  1815,  rapp.  M.Gha8le.  J.  P.,  U  XII,  697. 

*  Cass.  17  iuil.  1828,  rapp.  M.  de  Cromeilbea.  J.  P.,  U  XXII|  p»  65, 

*  Cmu  si  janv.  i8iS,rfpp.  M.  Bussehop.  Bull.  n.  20, 


DE   LA   COMPOSlTIOït  DU  JtRY.   §  602.  979 

'  •    se  concilier  a^ec  le  nouveau  Code*.  »  Les  condHioûs  de  cette 
:     mesure  étaient  que  l'accusé  restât  libre  d'eiencer  le  nombre 
'     de  récusations  qui  lui  appartenaient  d'après  le  nombre  total 
des  jurés  présents^  et  que  les  jurés  suppléants  fussent  agréés 
parie  ministère  public  et  par  Paccusé'* 
L'art.  13  de  la  loi  du  2  mai  1827,  qut  forme  aujourd'hui 
-    Tart.  39ii^  du  C.  d'inst.  cr.,  a  changé  cet  état  de  choses»  Cet 
article  est  ainsi  conçu  :  t  Lorsqu'un  procès  criminel  paraîtra 
'     de  nature  à  entraîner  de  longs  débats^  la  Cour  n'assises 
pourra  ordonner,  avant  le  tirage  de  la  liste  des  jurés,  qu'iu-^ 
dépendamraent  de  douze  jurés,  il  eh  sera  tiré  au  sort  un  ou 
deux  autres  qui  assisteront  aux  débats.  Dans  le  cas  où  l'un 
ou  deux  des  oouze  jurés  seraient  empêchés  de  suivre  les  dé- 
bats jusqu'à  la  déclaration  définitive  du  iury,  ils  seront  rem- 
placés par  les  jurés  suppléants.  Le  remplacement  se  fera  sui- 
vant Tordre  dans  lequel  les  jurés  suppléants  auront  été  appe- 
lés par  le  sort.  » 

Cette  disposition  nouvelle,  qui  remplaçait  la  loi  du  25  bru- 
maire an  VIII,  eut  pour  conséquence  do  modifier  et  de 
restreindre  le  droit  de  récusation.  C'est  ce  qui  résulte  do 
plusieurs  arrêts  qui  déclarent  «  que,  par  l'art.  13  de  la  loi  du 
2  mai  1827,  la  Cour  d'assises  étant  autorisée,  lorsqu'un  pro- 
cès criminel  paraîtra  de  nature  à  entraîner  de  longs  débats,  à 
ordonner^  avant  le  tirage  de  la  liste  des  jurés,  qu'il  en  sera 
tiré  au  sort  un  ou  deux  autres  qui  assisteront  aux  débats,  il 
soit^  par  une  eonséquenoe  imnaédiate  et  iiéoessaire  que  le 
nombre  de  récusations  à  exereer  respectivement  par  le  miiiis^ 
tère  public  et  les  accusés  est  forcément  réduit  en  raison  de 
ce  qu'un  ou  deux  jurés  suppléants  sont  tirés  au  sori;  que  tà 
le  nombre  de  jurés  est  de  trente  et  qu'il  soit  procédé  au  tirage 
d'un  seul  juré  suppléant^  le  nombre  des  récusations  à  exercer 
facultativement  est  de  neuf  pour  les  accusés  et  de  huit  pour 
le  ministère  public;  mais  que  s'il  est  procédé  au  tirage  de 
deux  jurés  suppléants,  le  nombre  de  récusations  se  trouve  ré- 
duit à  huit,  tant  pour  les  accusés  que  pour  le  ministère  pu- 
blic; que  la  loi  n*e^t  pas  susceptible  d'un  autre  sens  raison- 
nable, puisque,  dans  toute  supposition  différente,  il  dépen- 
drait, soit  du  ministère  public,  soit  des  accusés,  et  en  étendant 

^  Case  81  jaoT.  1812, rapp.  M.  Basschop.  J.  P.,  t.  XVIII,  p.  624. 
*  Cmi.  17  flttrfl  1828,  re|)p.  M.  Aumont,  1.  P..  t.  XVIII,  p.  1839  ;  et  eonfé 
Cass.  SO  août  1816, 11  aTtil  1817,  27  juil.  1820  etc. 


380  BES  COURS  d'assises. 

au  delà  leurs  récusations,  de  rendre  caduc  et  sans  efTet  rarrèt 
par  lequel  la  Ck>ur  d'assises  aurait  ordonné  le  tirage  au  sort 
de  deux  jurés  suppléants  ' .  > 

Cette  jurisprudence  est  conforme  au  texte  de  la  loi,  qui 
veut  que  Tarrêt  qui  ordonne  Tadjonction  de  jurés  suppléants 
soit  rendu  «  ayant  le  tirage  de  la  liste  des  jurés.  »  Il  suit  de  là» 
en  effet,  que  l'arrêt,  ayantpour  effet  de  tirer  treize  ou  quatorze 
jurés  au  lieu  de  douze,  restreint  d'autant  le  nombre  de  ceux 
sur  lesquels  les  récusations  peuvent  s'exercer.  Si  donc  la  liste 
de  la  session  n*est  composée  que  de  trente  jurés,  Taccusation 
et  la  défense  seront  réduites  à  huit  récusations.  Cesi  là  une 
conséquence  imprévue  d'une  mesure  d'ordre  nécessaire 
en  elle-même;  et  cette  conséquence  est  d'autant  plus  regret- 
table, que  ce  n'est  que  dans  les  affaires  les  plus  graves  qu'une 
adjonction  est  indispensable  ;  de  sorte  que  le  droit  de  récusa- 
tion est  plus  étroitement  limité  à  mesure  que  l'accusation 
acquiert  plus  d'importance. 

On  doit  du  moins  induire  de  cette  disposition  deux  corol- 
laires. Le  premier,  c'est  que  la  Cour  d'assises  ne  doit  prendre 
cette  mesure  que  lorsqu'elle  en  prévoit  l'absolue  nécessité  ; 
car  il  n'y  a  que  la  nécessité  qui  puisse  régulièrement  apporter 
une  restriction  au  droit  de  récusation.  Elle  ne  doit  adjoindre 
qu'un  seul  suppléant,  si  un  seul  peut  sulBre.  Elle  ne  peut 
jamais  dépasser  deux  suppléants. 

Un  autre  corollaire  est  qu'il  devrait  être  permis  à  l'accusé 
de  contrôler  et  de  discuter  une  mesure  qui  exerce  une  telle 
influence  sur  le  droit  de  sa  défense.  Sur  ce  point  quelques 
observations  sont  nécessaires. 

La  Cour  de  cassation  a  établi,  par  une  longue  jurispru- 
dence, i  que  la  faculté  accordée  à  la  Cour  d'assises  par  l'arti^ 
de  394  est  une  mesure  d'ordre  qui  est  laissée  par  la  loi  a  la 
prudence  et  à  la  prévoyance  de  la  Cour  d'assises  ;  d'où  il  suit 
que  cet  article  n'a  pas  dû  prescrire  au  président  de  la  Cour 
d'assises  d'interpeller  le  prévenu  ou  son  conseil  sur  le  point 
de  savoir  s'ils  consentent  ou  s'opposent  à  l'adjonction  d'un 


DE  LA  COMPOSITION  DU  JVRT.   §  602.  381 

jaré  suppléant  '.  »  Elle  a  mô^no  jugé  «  que  Tarrèt  d'adjonc- 
tioQ  pouvait  être  rendu  hors  la  présence  de  l'accusé  qui  n'a- 
vait pas  la  faculté  de  s'opposer  à  cette  mesure  légale  '.  » 

Il  est  très  vrai  que  Tadjonction  d'un  ou  de  deut  jurés  sup- 
pléants est  une  mesure  d'administration  judiciaire  et  que 
l'accusé  ne  pourrait  par  son  opposition  y  mettre  obstacle. 
Mais  suit-il  de  là  qu'il  ne  doive  pas  être  admis  à  discuter  cette 
mesure  et  à  contester  son  utilité  ?  Lorsque  le  ministère  pu- 
blic requiert  une  mesure  quelconque,  le  huis  clos  par 
exemple»  Taccusé^  ainsi  qu'on  le  verra  plus  loin ,  n'est-il  pas 
entendu  sur  l'opportunité  de  cette  disposition  ?  Il  suffit,  pour 
que  son  audition  doive  avoir  lieu ,  qu'il  ait  intérêt  ;  or,  corn* 
ment  serait-il  possible  de  lui  dénier  cet  intérêt,  lorsque  l'ef- 
fet direct  de  l'adjonction  est  la  restriction  de  son  droit  de  ré* 
cusationtNe  peut-il  pas  d'ailleurs  fournir  des  renseignements 
qui  rendent  cette  adjonction  superflue,  s'il  déclare,  par  exem- 
ple ,  restreindre  le  nombre  des  témoins  qu'il  avait  appelés , 
s'il  renonce  à  des  exceptions  qui  pouvaient  prolonger  le  dé- 
bat? Deux  arrêts  réservent  formellement,  le  droit  de  la  dé- 
fense en  ajoutant  aux  motifs  qui  ont  été  rapportés  plus  haut , 
«  que  les  accusés  et  leurs  conseils  seront  toujours  à  temps  de 
présenter  leurs  réclamations  contre  l'opportunité  de  l'adjonc- 
tion de  jurés  suppléants,  au  moment  où  ils  seront  appelés  pour 
le  tirage  au  sort  du  jury  de  jugement  '.  »  Or,  s'ils  peuvent 
réclamer  au  moment  du  tirage,  pourquoi  ne  le  pourraient-ilsT 
pas  au  moment  où  l'adjonction  est  ordonnée?  ou  plutôt  pour- 
quoi ne  pas  attendre  le  tirage  pour  ordonner  une  mesure  qui 
ne  peut  être  exécutée  qu'à  ce  moment?  Et  si  le  droit  de  ré- 
clamation existe  à  un  moment  quelconque,  comment  déclarer, 
quand  l'accusé  est  présent,  qu'il  n'est  pas  nécessaire  de  l'in- 
terpeller ni  de  l'entendre? 

il  nous  parait  qu'il  faut  séparer  ici ,  comme  sur  bien  d'au- 


'  Cass.  S6  iaiU  1834,  rapp.  M.  Dehauuy.  J.  P.,  t  XXVI,  p.  Uk  ;  9  avril 
1829,  rapp.  M.  Choppin,  t.  XXII.  p.  874d0juiD  1858,  rapp.  M.  Fréteau. 
BqIKd.  187;  19  sepU  1839,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  301  ;  8  oct.  1840. 
npp.  M.  Romigaières.  Bull.  d.  S99,  31  mars  1842,  rapp.  M.  Meyronnet. 
Bail.  n.  75,  etc. 

■  Cas»,  28  juin  1832,  rapp,  M.  Brière  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  1015;  1  fév. 
1849,  rapp.  M.  Barenues.  Dali.  49,  5.  83;  20  fêv.  1851,  à  noire  rapport. 
Bull.  n.  lu 

'  CasB.  28  déc.  1885,  rapp.  M.  Vluceos-Sl-Laurent.  Bull,  n,  475)  19  sept. 
1839,  rapp,  M,  Dehauuy,  n,  301* 


39g  SES  COURS  D*ASU8fiS. 

très  points,  la  ràgle  posée  par  la  jurisprudence  et  le»  motifs 
que  le»  arr^U  ont  éDoucé&  à  Tâppui.  Le  premier  arrêt  qui  a 
refusé  d'annuler  une  procéd^ri'  dans  laquelle  rînterpellatàoQ 
n'avait  pas  eu  lieu,  s'était  borné  à  dire  «  que  ni  Tart.  13 de  la 
loi  du  2  mai  1827,  ni  aucune  autre  loi  n^exigeaient  le  gûd- 
sentement  formel  de  l'accusé  à  peine  de  nullité  '.  »  Si  les 
arrêts  qui  ont  suivi  s*étaient  bornés  à  reproduire  ce  notif  so- 
bre cl  réservé,  il  n'y  aurait  rien  à  dire.  Il  y  a  deux  sortes  de 
formalités  dans  notre  code  :  les  formalités  essentielles  et  les 
formalités  secondaires.  Il  ne  s'agissait  point  ici  d^une  forme 
essentielle,  et  il  suOisait  de  le  reconnaître. Mais  s'ensuit-il  que 
cette  forme  soit  superflue,  sous  le  prétexte  qu'il  s'agit  d'une 
mesure  d'ordre?  s'ensuit-il  qu'il  faille  négliger  d'avertir 
l'accusé,  sous  le  prétexte  qu'il  ne  peut  s'opposer  î  s'en- 
suit-il enfin  qu'il  soit  permis  de  rendre  un  arrêt  en  son 
absence,  lorsque  cet  arrêt  n'est  exécutoire  qu'au  moment 
du  tirage  où  il  est  présent ,  sous  le  prétexte  qu'il  récla- 
mera s'il  le  veut  à  ce  moment  ?  La  loi  a  placé  l'obligation 
d'interpeller  l'accusé  et  d'entendre  ses  observations  sous  la 
sanction,  non  d'une  nullité,  mais  du  devoir  des  magistrats; 
les  arrêts  sont  allés  plus  loin  ;  ils  Pont  en  quelque  sorte  ef- 
facée. Nous  croyons  qu'il  ne  faut  pas  s'arrêter  à  quelques  ex- 
pressions basardées  et  que  les  Cours  d'assises,  se  conformant 
à  un  sentiment  de  justice  en  même  temps  qu'à  IsMoi ,  ne  doi- 
vent ordonner  l'adjonction  qu'en  présence  de  l'accusé  etaprès 
l'avoir  interpellé  de  présenter  ses  observations. 

Les  formes  de  cette  mesure  ont  été  réglées  par  Tart. 
394. 

Il  n'appartient,  en  premier  lieu,  qu'à  la  Cour  d'assises  de 
l'ordonner  :  le  président  n'a  pas  ce  pouvoir.  La  procédure 
devrait,  en  conséquence,  être  annulée  si  elle  n'avait  été  pres- 
crite que  par  une  ordonnance  du  président  :  «  attendu  que, 
d'après  l'art.  13  de  la  loi  du  2  mai  1827,  c^est  à  la  Cour 
d'assises,  et  non  au  président  seul  •  que  la  loi  accorde  la  fa- 
culté d'ordonner,  le  cas  échéant,  qu'indépendammeut  des  12 
jurés,  il  en  sera  tiré  au  sort  un  ou  deux  autres  qui  assiste- 
ront  aux  débats  ;  que ,  par  conséquent  ^  les  deux  jurés  qui 
n'auraient  été  tirés  au  sort  que  par  Tordre  du  président  seul , 
ne  seraient  pas  légalement  investis  du  droit  d'assister  aux  dé- 

<  Gan.  Savrit  18S0,  rapp.  M«  Glioppin.  J.  P.,  u  XXII,  p.  874. 


BB  LA  COMPOSITION  W  JVHJ,  §  6dS.  383 

bats  avec  les  doaze  aalres  jurés  V  »  Et  la  nullité  existe  » 
lors  même  que  les  suppléants  n'auraient  point  été  appelés  à 
prendre  part  au  jugement  :  «  puisque  la  désignation  de  ces 
jurés  leur  conférait  le  droit  de  prendre  part  au  débat  en  cette 
qualité  ;  qu'ils  pouvaient  à  ce  titre  adresser  des  interpella- 
tions à  Taccusé  et  aux  témoins;  et  qu^ils  pouvaient  ainsi 
exercer  une  influence  plus  ou  moins  directe  sur  le  débat  et 
ses  résultats  *.  » 

Puisque  la  Cour  d'assises  peut  seule  ordonner  radjonction. 
il  est  clair  qu'elle  ne  le  peut  que  par  un  arrêt  '.  Mais  il  suf- 
fit que  cet  arrêt,  rendu  sur  incident ,  soit  consigné  dans  le 
procës*verbal  et  y  soit  signé  du  président  et  du  grefRer  K  II 
a  même  été  jugé  «  que  Texistence  de  l'arrêt  qui  a  ordonné 
Fadjonction  de  deux  jurés  suppléants  est  suffisamment  éta- 
bli par  renonciation  qui  se  trouve  à  cet  effet  dans  le  procés- 
verbal  de  la  formation  du  tableau  ;  et  que  cet  arrêt  ae  pure 
administration  n'est  point  d'ailleurs  soumis  aux  mêmes  for- 
mes que  les  arrêts  d'audience  ^.  » 

La  Cour  d'assises  doit-elle  le  prononcer  publiquement?  Il 
a  été  reconnu  par  plusieurs  arrêts  «  que  s'il  résulte  des  dis- 
positions de  l'art.  7  de  la  loi  du  20  avril  1810^  que  les  arrêts 
doivent  être  rendus  en  audience  publique ,  il  n'en  est  pas  de 
même  des  décisions  par  lesquelles  les  Cours  d'assises  ordon- 
nent l'adjonction  et  le  tirage  au  sort  d'un  13*  juré,  par  le 
motif  de  la  longueur  présumée  des  débats;  qu'en  effet,  le  ti- 
rage au  sort  pour  la  formation  du  jury  de  jugement  ayant 
lieu  en  la  cbambre  du  conseil ,  en  présence  des  accusés  et  du 
ministère  public,  et  la  nécessité  de  l'adjonction  d'un  juré 
suppléant  pouvant  n'être  reconnue  que  là,  il  en  résulte  que 
la  Cour  d'assises,  en  ne  prononçant  pas  publiquement  l'arrêt 
rendu  par  elle  A  ce  sujet ,  ne  viole  pas  le  loi  *.  »  Mais  il  a 
été  reconnu  en  même  temps  t  que  lorsque  la  Cour  d'assises 


«  Cass.  SO  ocU  1838^  rapp.  M.  011i?ier,  J.  P.,  t.  XXII.  p.  815  ;  18  sept. 
i834>  rapp.  M.  Defaaassy,  L  XXVI,  p.  939. 

•  CasB.  5  mai  1883,  rapp.  M.  de  Gronseilhes.  J.  P.,  t.  XXIV,  1017;  30 
jai]«  ISdS,  rapp.  M.  Rocher,  t.  XXV,  981. 

*  Cass.  18  juin.  1883,  rapp.  M.  Rocher.  J.  P.,  t.  XXIV,  1269. 

*  Cass.  29  mars  1882,  rapp.  M.  Rives.  J.  P..  XXIV,  p.  905. 

■Cass.  13  cet.  1848,  rapp»  M.  Vinceos-St-Laurent.  Bull.  n.  Ht  ;  38dée. 
ia88.DalL  89»  4,186. 

•  Cass.  3  sepU  1840,  rapp.  M.  Dehaussy*  Bull.n.  2i7;  81  mars  iUh 
Hpp.  Ut  Mejrroiuift-St  Mire.  n.  7S, 


384  DK3  COURS  D*ASSISCS. 

croit  deyoir  prononcer  en  audience  publique  Tarrèt  par  le* 
quel  elle  ordonne  cette  adjonction ,  quoique  la  loi  n^ordonne 
pas  textuellement  cette  solennité,  elle  ne  fait  qu'ajouter  aux 
garanties  qui  doivent  résulter  de  l'accomplissement  des  for- 
malités prescrites  et  ne  commet  aucune  violation  de  la  loi  \  » 
Ainsi ,  Tarrét  est  régulier,  soit  qu'il  ait  été  prononcé  pabli- 
c[uement  ou  en  chambre  du  conseil.  Le  seul  motif  qui  paisse 
justifier  cette  jurisprudence ,  c'est  que  Tadjonction  se  con- 
fond avec  l'opération  du  tirage  ;  mais  ne  doit^on  pas  alors 
conclure  que  si  cette  mesure  n'exige  pas  l'audience  publique, 
elle  exige  du  moins,  comme  te  tirage  lui-même»  la  présence 
de  l'accusé  et  de  son  défenseur? 

La  Cour  d'assises  doit,  aux  termes  de  Tart.  494,  ordon- 
ner l'adjonction  «  avant  le  tirage  de  la  liste  des  jurés  :  »  peut- 
elle  l'ordonuer  après?  Oui»  pourvu  qu'il  n'en  soit  résulté  au- 
cun préjudice  pour  le  droit  de  récusation;  et  les  arrêts  qui  le 
décident  ainsi  portent  «  que  la  disposition  de  Tart.  394,  qui 
autorise  cette  adjonction ,  n'a  pas  prescrit  à  peine  de  nullilé 
Tordre  dans  lequel  il  doit  y  être  statué;  qu'il  ne  pourrait  doûC 
résulter  de  nullité  de  ce  qu'il  n'a  été  procédé  à  l'adjonction 
qu'après  le  tirage  des  douze  jurés  de  jugement ,  qu'autaat 
que  l'accusé  aurait  été  gêné  dans  Tcxercice  de  son  droit  de 
récusation*.  » 

Enfin,  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  la  Cour  d'assises  rétracte 
l'arrêt  qui  ordonne  l'adjonction  avant  que  l'examen  et  les 
débats  aient  commencé,  pourvu  qu*ii  ne  puisse  en  résulter 
aucun  préjudice  pour  l'accusé*. 

lY.  Notis  arrivons  maintenant  au  tirage  des  douze  jurés  ; 
et  s'il  y  a  lieu  des  jurés  suppléants. 

L'art.  399 règle  les  formes  de  ce  tirage  en  ces  termes: 
«  Au  jour  indiqué,  et  pour  chaque  affaire,  l'appel  des  Jurés 
non  excusés  et  non  dispensés  sera  fait  avant  l'ouverture  de 
Taudicnce,  en  leur  présence  et  en  présence  de  l'accusé  et  du 
procureur  général.  Le  nom  de  chaque  juré  répondant  à  l'ap- 
pel sera  déposé  dans  une  urne.  L'accusé  premièrement  ou 

«  Cass.  48  juin.  1829,  rapp.M.  de  Crouscilhes.  J.  P.,  t.  XXfl,  p.  1252. 

•  Cass  29  JHin  1843,  rapp.  M.  Isambert.  Dali.  43,  1,  455;  etawnlla 
loi  du  2  mai  i827.  ConC  cass.  8  janv.  1824.  rapp.  M.  Busschop  J.  P., 
U  XVIII,  p.  328. 

=  Ct»sc.  21  aoûf  i840,  rapp.M.  MeyronnetSuMarc  Dali,  40.  U  435î22 
mui  1834,  rapp .  M.  de  Ricard.  J.  P.,  l,  XXVI,  p.  64î, 


DE  LA  COII»OSITIOII  DU  lURT.   §  ^OS.  385 

soa  conseil,  et  le  procureur  général,  récuseront  les  jurés 
qu'ils  jugeront  à  propos,  à  mesure  que  leurs  noms  sortiront 
de  Turne...  Le  jury  de  jugement  sera  formé  à  Tinstant  où 
il  sera  sorti  de  Torne  douze  noms  de  jurés  non  récusés.  »    . 

Nous  ne  nous  occupons  point  encore  des  récusations,  qui 
seront  l'objet  du  paragraphe  suivant.  Nous  n'examinons  ici 
que  les  formes  du  tirage. 

Ces  formes  sont  de  deux  espèces  :  les  unes  ont  pour  ob- 
jet de  garantir  la  sincérité  de  l'opération,  les  autres  de  ré« 
gler  le  mode  même  du  tirage. 

y.  Les  formes  extrinsèques  du  tirage  sont  la  constitution 
de  la  juridiction  devant  laquelle  il  a  lieu  et  la  présence  du 
ministère  public,  des  jurés»  de  l'accusé  et  de  son  défen* 
seoT. 

Le  président  des  assises  peut  procéder  seul  et  sans  Tassis-* 
tance  de  ses  assesseurs  au  tirage  du  jury  de  jugement. Ce  pou- 
voir est  fondé  sur  l'art.  S66  du  Gode  d'inst  crim.  qui  porte 
que  •  le  président  est  chargé  de  convoquer  les  jurés  et  de  les 
tirer ausort  ;  »  sur  les  art.  309  et  405  qui  sembleraient  limi- 
ter l'intervention  des  assesseurs  au  moment  où  commence 
l'examen  ;  enfin  sur  Fart.  399  qui  yeut  que  le  tirage  ait  lieu 
«  avant  Touverture  de  l'audience  n  et  qui  n'exige  point  for* 
mellement  la  présence  de  la  cour  d'assises  a  l'opération. 
Telle  est  la  solution  de  la  jurisprudence;  elle  s'appuie  sur  ce 
que  «  ni  l'art.  352,  ni  Part.  266,  ni  Tart.  399  n'exigent  que 
le  tirage  au  sort  pour  la  formation  du  tableau  des  douze  ju- 
rés, soit  Lit  en  présence  de  la  Cour  d'assises  ;  qu'au  contraire, 
il  résulte  de  la  combinaison  des  art.  809, 395,  399  et  415, 
que  le  président  peut  procéder  à  cette  opération  avant  que 
les  membres  de  la  Cour  d'assises  se  soient  réunis  pour  l'exa- 
men et  les  débats  ;  et  que,  pour  agir  régulièrement,  il  lui 
suffit  de  le  faire  en  présence  du  ministère  public,  du  greffier, 
de  l'accusé  et  des  jurés'.  » 

Mais  la  même  jurisprudence  reconnaît  en  même  tempa 
que  la  présence  et  le  concours  des  assesseurs  ne  vicient 
nullement  l'opération;  que  c'est  même  une  garantie  de 
plus  dont  la  défense  ne  peut  se  faire  un  grief;  qu'aucune 

• 

«  Cass.  2i  sept.  1839.  rapp.  M.  OUirier.  J.  P.,  t.  XXII,  p.  1431  ;  etc^aCr' 
iO  oet  1817,  rapp.  M.  Clansel  de  Gouasergues,  t.  XIV,  A76;  37  avril 
1820,  rapp.  M.  Gaillard,  U  XY,  p.  94S  $  16  juil»  1843.  rapp.  M,  Jocquioot 
BuU.  o.  185. 

viii.  Î5 


M6  DES  COIÎRS  B^ftSISES. 

disposition  de  la  loi  d'ailleurs   ne  prohibe  ce  ooneoors  «. 

Ainsi ,  aux  ternies  de  la  jurisprudence»  le  tirage  du  jur; 
peut  aToir  lieu,  soit  devant  le  président  seul,  soit  datant  la 
Cour  d'assises  entière.  Dans  Tun  et  dans  Tautre  cas,  l'opé- 
ration est  régulière^  et  la  défense  ne  peut  y  puiser  aucan 
grief, 

Cependant  doit-on  admettre  que  la  loi  ait  omis  de  régler 
Tune  des  formes  les  plus  importantes  de  ce  tirage?  doit-on 
admettre  que  son  esprit  ait  été  d'autoriser  indifféremment 
la  présence  d^un  seul  magistrat  ou  d*une  juridiction  entière 
et  d'abandonner  Tune  ou  Tautre  forme  à  la  seule  volonté  de 
la  Cour  d'assises  ?  On  saisit  aisément  la  pensée  de  la  juris- 
prudence :  elle  a  voulu  faciliter  la  pratique  des  opéirations 
préliminaires  ;  elle  a  voulu  les  dégager  de  tout  ce  qui  pour^ 
rait  leur  apporter  ou  des  lenteurs  ou  des  entraves^  et  surtout 
prévenir  des  causes  de  nullité  quand  les  intérêts  de  la  dé- 
fense, ne  sont  pas  sérieusement  compromis.  Mais  quand  il 
s'agit  de  la  délégation  d'un  acte  de  juridiction,  quand  il  s'a- 
git de  procéder  à  la  constitution  du  jury  de  jugement,  j 
a-t-il  lieu  de  présumer  que  cet  esprit  de  la  jurisprudence  ait 
animé  le  législateur  et  qu'il  se  soit  abstenu  de  régler  la  com- 
position d'une  juridiction  pour  ne  pas  embarrasser  la  marche 
(les  procédures  ?  estril  certain  d'ailleurs  que  la  double  solu- 
tion consacrée  par  les  arrêts  ait  facilité  Topération  de  la 
formation  du  jury  et  Tait  dégagée  de  toute  nullité? 

Il  faut  remarquer  d'abord  qu'aucune  disposition  du  Gode 
n'écarte  les  assesseurs  au  moment  de  l'appel  des  jurés»  L'ar- 
ticle 266,  placé  sous  la  rubrique  des  fonctions  du  président, 
porte  que  ce  magistrat  est  chargé  a  de  convoquer  les  jurés 
et  de  les  tirer  au  sort.  »  C'est  là,  en  effet,  une  de  ses  nmc- 
tions.  Les  art.  267, 268»  269,  270  énumèrent  les  autres  ;  U 
a  la  police  de  l'audience,  il  est  armé  d*un  pouvoir  discrétion- 
naire pour  l'instruction  de  la  cause,  il  peut  rejeter  du  débat 
les  éléments  inutiles.  Est-ce  que ,  lorsqu'il  remplit  toutes 
(cs  fonctions,  il  n'est  pas  assisté  de  ses  assesseurs?  Est-ce 
que,  lors  même  qu'il  exerce  un  pouvoir  personnel,  il  ne 
siège  pas  en  Cour  d'assises,  de  sorte  que  les  autres  membres 
de  la  Cour  sont  les  témoins  et  au  besoin  les  juges  de  ses  actes? 
C'est  là  la  règle  générale;  la  loi  y  a-tTolle  fait  une  exception? 

Csii*  10  juin  iSIS,  rapp.  If.  de  Ricard,  MU  t*  Iast«  crhn.1  d.  17S1. 


X»B  LA  COMPOSITION  DU  JURY.   §  602.  387 

r^  artôtscHeàtlesart.  309  et  405.  L'art.  309  porte  que 
«  an  jourdAsighé  poor  l'ouverture  des  assises,  la  Cour  ajant 
pth  séance,  ifoatejurés  se  placeront...  »  et  Fart.  405  ajoute 
qne  <  Texamen  commencera  immédiatement  après  la  formation 
du  jury.  »  On  prétend  induire  de  ces  textes  que  la  Cour  d'as- 
sises ne  prend  séance  qu'au  moment  de  l'examen  et  après 
la  formatiofi  du  jury,  par  conséquent,  ne  siège  pas  avant 
cet  exanlien,  et  au  moment  de ceCte  formation.  Cette  inteiFpré- 
taliott  n'est  pas  sérieuse.  Les  art.  309  et  405  ont  pour  objet 
de  régler  les  formes  de  l'ouverture  du  débat;  ils  ne  s'occu- 
pent que  de  ce  qui  doit  se  passer  à  ce  moment  ;  mais  de  ce 
qae  la  Courd'assbesprend  séance  dans  la  salled'audiencepour 
TouTerture  des  débats,  s'ensuit-il  qu'elle  n'ait  ^as  pu  pren- 
dre séance  dans  la  cbambre  du  conseil  pour  la  formation  du 
jury?  De  ce  (ça'elle  procède  à  l'examen  après  cette  formation, 
s'ensuit-il  qu'elle  n'ait  pu  se  réunir  auparavant  pour  procé- 
der d'abord  au  tirage?  L'art.  393  ne  suppose-t-il  pas  qu'elle 
s'est  déjà  réunie  pour  Tappel  des  jurés  complémentaires,  Tar- 
lîcle  304  pour  l'adjonction  des  jurés  suppléants,  l'art.  396 
pour  la  condamnation  des  jurés  défaillants?  Les  arrêts  citent 
encore  l'art.  399  ;  mais  cet  article  ne  défère  noilement  au 
président  le  droit  de  procéder  seul  au  tirage  au  sort;  il  ne 
s'occupe  nullement  de  la  composition  de  la  juridiction,  il  ne 
règle  que  les  formes  du  tirage  et  déclare  que  Taccusé, 
le  ministère  public  et  les  jurés  doivent  y  être  présents.  Com- 
ment de  ces  dispositions  ferait^on  sortir  l'exclusion  des  asses* 
seurs?  El  comment  expliquer  que  la  Cour  d'assises,  qui  doit 
être  complète  pour  vaquer  aux  opérations  préliminaires  pié- 
Tues  par  fart.  393,  doive  cesser  de  Télre  pour  procéder  au^ 
opérations  prévues  par  l'art.  399  ? 

La  jurisprudence  ,  lorsqu'elle  a  commencé  de  se  for- 
mer, était  parfaitement  logique.  La  Cour  de  cassation 
avait  reconnu  au  président  un  pouvoir  exorbitant,  celui  de 
prononcer  seul  sur  tous  les  incidents  qui  se  rattachaient  au 
tirage  des  jurés.  Les  arrêts  rendus  à  cette  première  époque 
déclarent  «  qu'il  n'appartient  point  à  la  Cour  d'assises,  mais 
seulement  à  son  président  de  diriger  la  formation  du  tableau 
du  jury  et  de  statuer  sur  les  réclamations  et  les  incidents  qui 
peuvent  s'élever  relativement  à  cette  opération  \  »  Or,  si 

^  Cass.  23  aoQt  18S3,  rapp.  M.  Marchevai  ;  i  déc  1820,  ra^p.  M.  R«« 
taa  d«  Dali*  \*  Inft,  crini*  ii.  i7r>7  cl  180:3. 


38g  DES  CQURS   D  ASSISES. 

le  président  pouvait  seul  prononcer  sur  toutes  les  réclama- 
tions relatives  au  tirage,  comment  n^eut-il  pas  seul,  présidé 
à  l'opération  de  ce  tirage?  Ne  sont-cc  pas  là  deux  pouvoirs 
parallèles  qui  s'exercent  au  même  instant,  qui  ont  le  même 
objet»  et  qui  doivent  se  trouver  placés  dans  la  même  main? 
Mais  la  jurisprudence  s* est  modifiée  à  Tégard  de  Tun  de 
ces  deux  points.  II  a  paru  que  le  président  ne  pouvait  pas 
être  juge  des  incidents  contentieux  dans  l'opération  du  ti- 
rage des  jurés  plus  que  dans  touCë  autre  phase  de  la  procé- 
dure. Un  premier  arrêt  a  jugé,  en  ce  qui  touche  les  questions 
relatives  au  droit  de  récusation ,  «  que^  d'après  Inorganisation 
actuelle  des  cours  d'assises,  c'est  à  elles  et  hon  à  leur  prési- 
dent qu'il  appartient  de  statuer  sur  tous  les  contentieux  sur 
lesquels  les  parties  se  trouvent  divisées;  que,  s*il  y  a  excep- 
tion pour  .les  objets  confiés  au  pouvoir  discrétionnaire  du  pré- 
sident, on  ne  peut  considérer  les  difficultés  qui  s'élèvent  sur 
l'exercice  du  droit  de  récusation,  lesquelles  doivent  être  dé- 
cidées d'après  les  règles  tracées  par  la  loi,  comme  abandon- 
nées à  ce  pouvoir;  que,  si  l'art.  266  charge  le  président  de 
convoquer  les  jurés  et  de  les  tirer  au  sort,  on  ne  pourrait  eo 
induire  qu'il  est  seul  juge  des  difficultés  que  la  formation  du 
tableau  peut  amener,  sans  donner  à  cette  disposition  une  ex- 
tension à  laquelle  répugnent  et  son  texte  et  la  nature  des 
choses  ^  »  Un  autre  arrêt  décide  également  en  ce  qui  con- 
cerne le  tirage  au  sort  lui-même  a  qu'il  résulte  des  modifia 
cations  apportées  dans  les  art.  394  et  395  du  Gode  d'instr. 
crim.  que  la  Cour  d'assises  est  appelée  h  intervenir  dans  les 
contestations  auxquelles  donne  lieu  la  composition  du  tableau 
du  jury  de  jugement  «.  »  C'est  dans  ce  sens  que  la  jurispru- 
dence s'est  définitivement  fixée. 

Mais  si  la  Cour  d'assises  peut  seule  statuer  sur  les  incidents 
du  tirage,  comment  laisser  encore  au  pri^sideot  la  faculté  de 
procéder  seul  à  ce  tirage?  N'est-il  pas  évident  que,  dés  que 
le  président  n'a  pas  compétence  pour  statuer,  il  ne  doit  pas 
siéger  seul,  puisque  chaque  incident  proclamerait  son  im- 
puissance? La  Cour  de  cassation  a  répondu  à  cette  objection 
en  distinguant  le  cas  où  le  tirage  au  sort  des  jurés  ne  soulève 
aucun  contentieux  et  le  cas  où  des  difficultés  se  produisent  : 
dans  le  premier  cas,  le  président  suffit;  dans  le  second,  il 

«  Cass  3  déî.  1836,  rapp,  M.  Vincens  St-Laurenl.  J.  P.,  à  sa  date, 
a  Cass.  25  juin  1840,  rapp,  M.  Rocher.  Bull.  n.  187. 


DE  LA  COMPOSIITIO!!   DU  JURY.    §   602.  389 

doit  en  référer  à  la  Cour  d'assises  *.  Ainsi,  elle  a  rejeté  de 
nombreux  pourvois  fondés  sur  le  défaut  de  concours  des  as* 
sesseuTs,  «  attendu  qu'au  moment  de  la  formation  du  jury, 
il  ne  s'est  élevé  aucun  incident  contentieux  qui  rendit  néces- 
saire Tintervention  de  la  Cour  d'assises  ;  que  dés  lors  le  pré- 
sident, en  procédant  seul  au  tirage  du  jury  de  jugement,  n'a 
commis  aucune  violation  de  l'art.  399  *.  » 

Amenée  à  ces  termes,  il  semble  que  la  jurisprudence  ne 
peut  plus  que  difficilement  être  soutenue.  N^est-il  pas  étrange, 
en  effet,  que»  divisant  une  compétence  réellement  indivis!-* 
ble,  elle  prétende  attribuer  &  une  juridiction  le  pouvoir  de 
procéder  au  tirage,  à  une  autre  le*  pouvoir  de  vuider  les  in- 
cidents de  ce  tirage?  Il  est  visible  que,  pour  éviter  un  em- 
barras de  procédure,  on  s'est  jeté  dans  une  inextricable  con< 
fusion.  Le  président,  qui  continue  d*étre  chargé  du  tirage, 
doit  nécessairement  s'arrêter  à  chaque  pas  ;  la  moindre  ré- 
clamation excède  sa  compétence  et  il  faut  qu'il  appelle  ses 
collègues  pour  y  statuer  ;  car,  s'il  passe  outre,  il  y  a  néces-  v 
sairement  nullité.  Comprend-on  cette  juridiction  chargée 
d'une  opéiation  qu'elle  est  incompétente  pour  accomplir  et 
surséant  perpétuellement  pour  recourir  à  une  autre  juridic- 
tion? Et  pourquoi  cet  embarras  7  Quels  motifs  de  séparer  ces 
deux  juridictions  qui  n'en  sont  qu'une  ?  La  cour  d'as- 
sises n'est  elle  pas  déjà  constituée  ?  Les  assesseurs  n'étaient- 
ils  pas  là  tout  à  l'heure  pour  statuer  sur  les  excuses  ou 
sur  les  jurés  suppléants?  Ne  doivent-ils  pas  être  présents  pour 
prononcer,,  s'il  y  a  lieu,  sur  les  incidents  relatifs  aux  récusa- 
tions? Ne  vont-ils  pas,  à  l'instant  même,  siéger  à  l'audience 
qui  suit  immédiatement  la  forntation  du  tableau?  Pourquoi 
donc  ne  siégeraient-ils  pas  à  cette  opération  quand  ils  sont 
juges  de  tous  ses  incidents,  quand,  pour  statuer  sur  ces  in- 
cidents, ils  ont  besoin  d'y  assister,  quand  enfin  ils  sont  néces- 
sairement présents? 

Enfin,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  l'importance  de  l'opé^ 
ration  du  tirage  au  sort.  L'esprit  de  la  loi  a  été  de  multiplier 
les  garanties  pour  en  assurer  la  sincérité.  Or,  l'une  de  ces 
garanties  est  la  présence  et  le  concours  des  membres  de  la 
Cour  d'assises.  La  loi  a  voulu  cette  présence  de  tous  les  mem- 
bres de  la  juridiction  pour  le  tirage  des  jurés  de  la  session  ;  elle 
a  dû  la  vouloir  également  pour  le  tirage  des  jurés  de  chaque 

*  Même  arrêt. 

*  GiH.  29  mai  1887»  rapp.  M,  Gilbert  des  Voisins.  Sir.  et  De?,  88»  1>  582 


390  DCS  GOVBS  0' ASSISES. 

cause.  C'est  la  même  opération  :  il  n'y  aFait  pas  de  raison 
pour  que  la  même  forme  ne  la  protégeât  pas  dans  les'deux 
cas.  il  suffit  d^ailleurs  que  la  loi  ne  Tait  pas  écartée  pour 
qu'elle  doive  être  a[)pliquéc  ;  car,  quand  tous  las  actes  qui 
tiennent  à  la  formation  du  jury,  tels  que  rapprécjation  des 
excuses,  le  jugement  des  jurés  défaillants,  Fappel  des  jurés 
complémentaires»  la  décision  des  questions  relatives  au  tirage 
et  aux  récusations,  quand  tous  ces  actes  nécessitent  le  con- 
cours de  la  Cour  d'assises  entière,  est-il  admissible  que,  pour 
un  acte  intermédiaire  que  ceux-là  précèdent  ou  suivent,  la 
loi  ait  Toulu  déléguer,  non  plus  la  Cour»  mais  le  président 
isolé  de  ses  assesseurs  ? 

En  définitive,  si  la  jurisprudence  a  été  amenée,  par  les 
différentes  phases  qu'elle  a  traversées^  à  continuer  au  prési- 
dent le  pouvoir  qu'elle  lui  avait  d'abord  reconnu,  et  si». par 
suite,  elle  ratifie  le  tirage  au  sort  des  jurés  opéré  par  ce  ma- 
gistrat seul,  quand  aucun  incident  ne  s'est  élevé,  nous  pen- 
sons qu'il  est  plus  conforme  à  Tesprit  et  au  texte  duGode  que 
la  Cour  d'assises  entière  préside  à  cette  opération.  Cette  pra- 
tique, que  la  jurisprudence  elle-même  approuve,  qui  n'est 
3ue  la  conséquence  logique  des  règles  qu'elle  a  posées,  est 
'ailleurs  '  observée  aujourd'hui  par  la  plupart  des  Çf>un 
d'assises  ^ 

L'art*  399  exige,  en  second  lieu,  la  présence  du  ministère 
public.  Cette  mention  pouvait  être  nécessairo,  pujsque  l'opé- 
ration se  passe  dans  la  chambre  du  conseil. 

Il  exige,  ejti  troisième  lieu,  la  présence  des  jurés;  et,  en 
effet,  poiir  faire-  droit,  d'une  part,  aux  exemptiops  qu'ils 
peuvent  jréclamer,  et,  d'une  autre  part,  pour  I  exercice  des 
récusatiqns  qui  peuvent  être  dirigées  contre  eux,  il  est  indis- 
pensable qu  ils  soient  tous  présents.  Nous  reviendrons  tout  i 
rheqre  sur  ce  pojnt. 

Enfin,  il  exige,  en  quatrième  lieu,  la  présence  de  l'accusé. 
Cette  présence  a  un  double  objet,  la  surveillance  du  tirage 
au  sort  des  jurés  et  l'exercice  du  droit  dé  récusation.  Elle 
constitue  donc  l'une  des  formes  essentielles  de  la  constitution 
du  jury,  et  dès  lors  il  y  aurait  nullité  si  le  procès-verbal  ne 
la  constatait  pas  \ 

«  Cont  Caniot  sur  l'art.  399,  n.  i  ;  LegraTerend,  t.  H,  p.  i«6  ;  Cubain, 
n*  305. 

a  Cas»,  ià  sept.  1829,  rcpp.  M.  de  Ricard.  J.  P.,  XXÏI,  1452;  19  aiifi* 
i9Api  rapp.  M.  Rocher.  Bull,  n.  28. 


1>K  tA  COHPOCITION  »V  JfH.f  602.  30l 

L*a€cqsé  doit-il  être  assisté  de  son  défenseur?  La  jurisoirO'* 
deoce  a  eu  sur  cette  question  plusieurs  phases  distinctes.  Il  a 
été  jugé  d'abord  «  que  le  Code  ne  permet  pas  que  le  conseil 
de  Taccusé  soit  présent  à  la  formation  des  douze  jurés  i .  »  Et 
toutefois  on  jugeait  en  mémo  temps  a  qu'il  ne  résulte  pas  de 
Tart  399  que  la  présence  du  conseil  puisse  entraîner  la  ^uU 
filé  de  l'opération  \  »  Mais  cette  première  jurisprudence  prit 
bientét  un  caractère  plus  sévère.  Il  fut  décidé  que  la  Cour 
d'assises  pouvait  refuser  à  l'accusé  l'assistance  de  son  conseil 
au  tirage  du  jury  :  a  attendu  qu^il  ne  résulte  d'aucune  dis- 
position du  Code  que  les  accusés  aient  le  droit  de  se  faire  as* 
sister  de  leurs  conseils  lors  de  Texercice  des  récusations  *.  » 
Et  la  Cour  de  cassation  alla  même  jusqu'à  poser  comme  un 
principe  «  que  le  droit  de  récusation  est  personnel;  qu'il  doit 
être  exercé  par  Taccusé  diaprés  son  sentiment  intime^  sans 
le  concours  d'inspirations  étrangères  qui  pourraient  ne  pas 
avoir  son  intérêt  pour  objet,  qui  lui  seraient  peut-être  quel- 
quefois nuisibles»  et  qui  au  moins  ne  pourraient  le  plus  sou- 
vent  être  appréciées  par  lui  ;  que  Taccusé  ne  doit  donc  pas 
être  assistée  dans  Texercice  de  ce  droit,  par  un  conseil  qui 
pourrait  substituer  à  sa  volonté  ses  propres  préventions  ou 
ses  affections,  et  qui,  du  reste,  n'étant  appelé  par  la  loi  que 
pour  l'aider  dans  sa  défense,  serait  sans  qualité  pour  interve. 
nir  ni  niême  être  présent  dans  des  actes  qui  se  font  avant  que 
la  défepse  soit  puverte  par  la  mise  en  action  de  l'accusation 
devant  la  Cour  d'assises  ^.  »  Ainsi,  l'assistance  du  conseil 
était  une  cause  de  nullité.  Mais  cette  interprétation  rigou- 
reuse, soutenue  par  M.  Legraverend  ^,  n'eut  qu'une  du- 
rée éphémère.  La  jurisprudence  revint  à  permettre  la  pré* 
sence  du  défenseur»  mais  en  lui  interdisant,  à  peine  de  mU 
lité»  de  formuler  lui-même  les  récusations  :  «  attendu  que» 
dans  le  silence  de  la  loi  sur  la  présence  du  conseil  lors  du  ti- 
rage au  sort,  on  ne  poflt  pas  prononcer  une  exclusion  qu'elle 
n'a  pas  prononcée  eile^me;  mais  que,  dans  cette  circons- 
tance, le  conseil  ne  peut  être  admis  à  se  placer  auprès  de  l'ac- 
cosé  que  pour  l'aider  au  besoin  et  non  pour  le  suppléer  et  le 

1  Cav.  1  ocU  iSiS,  rapp.  M*  Oadart.  J.  P.  X,  781 

*  Cass.  J»  aTril  ISiS,  rapp.  Bl.  Oadart.  J.  P.  XI,  881. 

*  f>ft  17  août  1815,  rapp.  M.  Aumont.  J.  P.  XIII,  45. 

*  Cass.  1  déc.  ifSO.  J»  P.,  XVi,  214, 
*LégUlcriiiiMt.U>cluxL 


.  392  fiBS  COURS  D  ASSISES. 

réprésenter  dans  Toiercice  d'un  droit  essentiellement  person* 
nel  et  indélégable  ' .  » 

Telle  était  la  jurisprudence  lorsque  la  loi  du  28  avril  18S3 
vint  la  ratifier  en  ajoutant  dans  le  texte  de  Tart.  399,  apris 
le  mot  accusé,  ceux-ci  :  «rou  son  conseil.  »II  résulte  de  ce 
texte  que  le  défenseur  se  confond  avec  l'accusé,  qu'il  est  soo 
mandataire  légal ,  qu'il  peut  dés  lors  exercer  en  son  nom  et 
avec  son  consentement  le  droit  que  la  loi  confère  à  celui-ci. 
Il  ne  peut  donc  s'élever  désormais  aucun  dissentiment  sur  le 
droit  qu'a  le  défenseur  d'assister  au  tirage  et  d'exercer  par 
lui-même,  d'accord  avec  l'accusé,  toutes  les  récusations  qu'il 
juge  à  propos.  Une  seule  question  subsiste  encore,  mais  elle 
n^est  susceptible  d'aucune  difficulté  :  la  présence  du  défen- 
seur est  autorisée,  mais  est-elle  nécessaire?  La  Cour  d'assises 
peut-elle  procéder  au  tirage  lorsqu'il  ne  se  présente  pas?  U 
Gourde  cassation  a  répondu,  avec  toute  l'autorité  de  la  rai- 
son, ((  que  si  l'art.  899  donne  au  conseil  de  l'accusé  le  droit 
de  l'assister  lors  du  tirage  du  jury  de  jugement,  et  s'il  a 
également  ce  droit  pendant  le  cours  de  l'examen  et  des  débats, 
il  ne  s'ensuit  pas  nécessairement  que  ce  défaut  d'assistance 
opère  nullité;  que,  lorsqu'il  a  été  pleinement  satisfait  aux 
prescriptions  de  l'art.  29b  par  la  désignation  du  conseil  de 
l'accusé,  l'absence  de  ce  conseil  pendant  les  opérations  do 
tirage  ou  pendant  tout  ou  partie  des  débats,  ne  saurait  opé- 
rer nullité  qu'autant  que  cette  absence  serait  du  fait  ou  du 
ministère  public,  ou  de  la  Cour  d'assfses  ;  qu'admettre  le  con- 
traire serait  supposer  que  la  loi  aurait  voulu  laisser  aux  con- 
seils des  accusés  la  faculté  de  faire  annuler  tous  les  arrêts  de 
condamnation  par  une  absence  toute  volontaire  ^  »  De  cette 
doctrine  il  faut  déduire  deux  corollaires  :  le  premier,  que  la 
mention  delà  présence  du  défenseur  dans  le  procès-verbal  da 
tirage  n'est  pas  prescrite  à peinede  nullité  *.Le  deuxième, que 
ce  n'est  que  si  Taccusé  avait  été  empêcbé  de  se  faire  assister, 
par  son  défenseur  qu'il  y  aurait  nullité  ^.Ce  que  la  loi  a  voulu 
établir,  c'est  le  droit  de  l'accusé  d'être  assisté  de  son  défen- 
seur au  tirage  des  jurés  ;  ce  droit  fait  partie  des  privilèges  de 

*  Cas».  4  fév.  1831,  repp.  »f.  Ghantereyne.  J.  P.,  XXIII,  1194;  nàéc. 
1830,  rapp.  M.  Gaiilarrf,  XXIII,  1020. 

«  Cass.  13  janv.  4  86»,  rapp,  M.  Nouguîer.  Bull.  n.  14  ;  3l  mars  1852,  ^a^ 
M.  MeyroDiiel  de  Si-Marc.  n.  75;  21  fé?.  1833.  rapp.  M.  Isamberl.  Dal.  f 
Inst.  crim.  d.  1755. 

*  Cass.  15  janvier  1835,  rapp.  M.  Mérilhou.Dall.  n.  1756. 

*  Cau.  21  féT.  1838,  rapp.  M,  Mérilhou;  10  fé?,  1837,  rapp.  M^Dchauh 
i^tDak  V*  Jnsti  crim,  u,  1755. 


DE  LA  COMPOSITION  OU  JOftT.   §  602.  393 

sa  défense  ;  il  est  inutile  que  son  exercice  soit  constaté  ;  il 
suffit  qu'il  n^y  ait  à  cet  égard  nulle  réclamation.  Maî^  8*il 
était  articulé  que  Taccusé  en  eût  été  privé,  non  par  Tabsence . 
ToloQtaire  de  son  défenseur,  mais  par  le  fait,  soit  du  président 
de  la  Cour  d'assises  qui  aurait  changé  le  jour  de  l'affaire  sans 
que  le  défenseur  en  eut  été  prévenu,  ou  qui  n^aurait  pas  en- 
core désigné  de  défenseur,  soit  par  le  fait  du  ministère  public 
qui  n*aurait  pas  fait  connaître  l'absence  ou  la  maladie  du  dé- 
fenseur désigné,  quoique  l'empêchement  lui  eût  été  commu- 
niqué ,  il  y  aurait  lieu  sans  aoute  de  vérifier  Karticulation , 
et,  si  elle  était  constatée,  d'annuler  une  opération  dans  la- 
quelle l'accusé  aurait  été  privé  d'une  assistance  que  la  loi  lui 
assure. 

L'accusé  doitrily  s'il  n'entend  pas  la  langue  française,  être 
assisté  d'un  interprète?  L'affirmative  est  évidente»  car  il  ne 
comprend  pas  l'avertiasement  que  lui  donne  le  président  sur 
Texerctce  de  sou  droit  et  il  se  trouve  empêché  de  l'exercer. 
La  Cour  de  cassation  n*a  donc  point  hésité  à  casser  le  tirage 
des  jurés,  toutes  les  fois  qu'il  a  été  constaté  que  l'accusé^ne 
parlait  pas  la  langue  ^rifbçaise  et  u'avait  pas  cependant  été 
assisté  d'un  interprète  pendant  cette  opération  ' .  Mais  s'il 
n'était  pas  formellement  constaté,  bien  qu'un  interprète  lui 
eût  été  donné  aux  débats,  qu'il  n'entendait  pas  la  langue 
française,  il  y  aurait  lieu  de  présumer  qu'il  l'entendait  suffi- 
samment pour  exercer  ses  récusations,  bien  qu'un  interprète 
pût  lui  être  nécessaire  pour  entendre  les  dépositions  des  té- 
moins, et  dans  ce  cas  les  actes  antérieurs  aux  débats  seraient 
coDsidéréa  comme  régulièrement  accomplis  sans  TinterventioD 
d'un  interprète*.  Le  président  peut-il  suppléer  l'interprète 
pendant  le  tirage  s*il  connaît  l'idiome  que  parle  Taccusé  ?  Un 
pourvoi  fondé  sur  l'absence  d'un  interprète  pendant  cette 
opération  a  été  rejeté,  «  attendu  qu'un  procès-verbal  régulier 
a  constaté  que  le  président,  dans  la  chambre  du  conseil  et  lors 
de  la  formation  du  jury  de  jugement,  a  fait  connaître  aux 
accusés,  dans  leur  idiome,  les  jurés  présents,  leur  nombre  et 
l'étendue  du  droit  de  récusation  que  la  loi  leur  ouvrait*.  Mais 

'  Casa.  30  no?.  1837,  rapp.  M.  Bosschop.  Dal.  y*  Inst  cr.  n.  1752;  17 
août  i83S,rapp.  M.  isambert  J.  P.,  U  XXiV,  p.  1410  ;  17  janv.  1856,  rap. 
M.  Debauasy.  Bull.  n.  SO. 

'Cass.  sa  avril  18»5,  rapp.  M.  Isambert  Bull.  n.  1â9;  18â0,  rapp. 
U.  Mérilhou.  BulL  n.  132  ;  21  déceàib.  185ii,  rapp.  M.  Sénéca.  Bull. 
B.350. 

'  GsMt  i8  Pct,  1845»  rapp.  M*  JacquinoU  Bail*  n*  331. 


304  BES  COVRS  D*AM18Ei. 

cet  arrêt  Ht  contraire  au  texte  de  Tart.  333,  qui  défend  de 
prendre  l'interprète  parmi  les  juges,  et  on  peut  d'ailleurs  lai 
opposer  un  autre  arrêt  qui,  dans  une  hypothèse  identique,  a 
eassé  :  «  attendu  qu'il  est  constaté  que  l'accusé  n'entendait  et 
ne  parlait  pas  la  langue  française,  et  qu'en  conséquence  il  a 
été  nécessaire  de  lui  nommer  un  interprète  lors  de  I  ouverture 
desdéhats  ;  que  cette  nécessité  était  la  même  lors  de  la  forma- 
tion du  jury  de  jugement  et  pour  l'exercice  du  droit  de  récu- 
sation; que  Tavertissement  donné  à  l'accusé  sur  le  mode 
d'exercice  de  ce  droit  n'a  point  été  traduit  ;  que  le  président 
des  assises  ne  pouvait,  même  du  consentement  de  l'accusé, 
exercer  les  fonctions  de  Tinterprète  ;  que  cette  interdiction 
est  faite,  sous  peine  de  nullité,  par  Tart.  332  ^  » 

La  partie  civile  peut-elle  assister  au  tirage?  Aucune  disposi- 
tion de  la  loi  ne  s'y  oppose,  et  il  a  même  été  reconnu  que 
l'intervention  de  son  défenseur  dans  la  supputation  des  récu- 
sations ne  pouvait  donner  ouverture  à  cassation  '. 

Le  greffier  ou  l'un  de  ses  commis  doit  assister  à  cette  opé- 
ration; car  les  juges  ne  peuvent  rempliraucune  des  fonctions 
qui  leur  sont  déléguées  par  la  loi  sAis  l'assistance  des  gref- 
fiers qui  sont  institués  pour  constater  les  actes  faits  dans 
l'exeréice  de  ces  fonctions  et  l'accomplissement  des  formalités 
nécessaires  pour  en  établir  l«  validité,  tlies  crfficiers  sont 
d'ailleurs  tenus  de  dresser  un  procès-verbal  du  tirage  ait 
sort  des  jurés  qui  doit  être  revêtu  de  leur  signature  et  de 
celle  du  président  des  assises  *.  Il  y  aurait,  en  Conséquence, 
nullité  si  le  procès-^rbal  constatai!  la  préseoice  dHin  commis 
greffier  et  portait  la  signature  d'un  autre,  car  il  n^existerait 
plus  aucune  preuve  de  l'accomplissement  des  formes  essen- 
tielles prescrites  par  l'art.  899  *.  Mais  il  importerait  peu  que 
le  commis  qui  aurait  signé  le  procès-verbal  du  tirage  da 
jury  l*t  un  autre  que  celui  qui  aurait  signé  le  procès-verbal 
des  débats^  :  ce  qui  est  nécessaire  à  la  validité  de  cbaqoe  acte, 
c'est  que  ce  soit  le  même  officier  qui  ait  assisté  aux  opéra- 
tions qu'il  constate  et  qui  l'ait  dressé. 

Enfin  le  tirage  au  sort  des  jurés  a  lieu  dans  la  chambre  du 
conseil.  L'art.  399  dispose,  en  effet,  que  ce  tirage  sera  fait 

«  C88S,  18  août  488S,  rapp.  M.Isambert.  J.  P..  t.XXiy,  p.  f  U|.  ! 

*  Cass.  80  mai  1889,  rapp.  M.  Isambert  Bail.  n.  168. 

'  et  ^  Casa.  28  jany.  1847,  rapp.  M.  Barennes.  Bull.  n.  15. 

*  Cais.  5  janvier  I8sa,  rapp.  M*  de  Grotuellhes.  J.  P.  XXIV,  (41. 


DE   LA  COSPOSITION   DU   JliBT.   §   602.  395 

«  aTani  Touverture  de  Taudience.  >  La  raison  de  cette  dispo- 
sition est  que  l'exercice  du  droit  de  récusation  a  paru,  SQii 
dans  rintérët  de  la  dignité  des  jurés,  soit  même  dans  l'inté-* 
rêt  de  la  liberté  des  récusations,  exiger  l'exclusion  du  pu- 
blic'. Cependant  l'opération  n'est  point  entachée  do  nullité 
par  cela  seul  qu'elle  aurait  été  faite  publiquement,  et  la  Cour 
de  cassation  a  fréquemment  rejeté  des  pourvois  qui  étaient 
fondés  sur  ce  motif  :  «  attendu  que  s'il  est  plus  conforme  au 
texte  de  Tart.  399  ou  à  l'esprit  qui  a  présidé  à  s^  rédactioOf 
que  le  tirage  du  jury  de  jugement  et  les  récusations  auxquel- 
les ce  tirage  peut  donner  occasion,  aient  eu  lieu  dans  la  cbanw 
bre  du  conseil,  et  non  en  audience  publique,  cet  article  n'est 
pas  conçu  dans  un  sens  prohibitif  ;  qu'il  n'est  pas  prescrit  à 
peine  de  nullité  ;  que,  dans  tous  les  cas,  ce  ne  serait  jamais 
aux  accusés  à  se  plaindre  de  cette  publicité  qui  leur  offre 
une  garantie  de  plus  *.  » 

VI.  Les  formes  intrinsèques  du  tirage  ao  sort  sont  très  sim- 
ples :  elles  se  réduisent,  l""  à  l'appel  des  jurés  ;  2*  au  dépôt 
dans  une  urne  des  jurés  présents;  3""  au  tirage  an  sort  -de 
douze  noms  non  récusés  par  le  ministère  public  et  l'accu5é« 

l""  L'appel  des  jurés  doit  se  renouveler  pour  chaque  affaire  : 
telle  est  la  disposition  formelle  de  l'art.  399,  a  au  jour  indi- 
qué et  pour  chaque  affaire  l'appel  des  jurés  non  récusés  et 
non  dispensés  sera  fait  avant  l'ouverture  de  l'audienee.  »  Cet 
appel  a  deux  motifs  :  d'abord,  il  importe  de  constater  les 
jurés  présents,  puisque  des  vides  peuvent  se  faire  chaque 
jour  dans  leurs  rangs  ;  ensuite,  il  fait  eonnaltre  à  i'accasé 
chacun  des  jurés  qui  vont  concourir  au  tirage  et  le  met  à 
même  de  préparer  ses  récusations.  C'est  done  l'une  des  for- 
mes essentielles  de  l'opération. 

L'appel  doit,  à  peine  de  nullité,  être  fait  en  présence  de 
l'accusé.  Il  a  même  été  jugé  qu'il  suffit  que  cette  présence 
ne  soit  pas  constatée  par  le  procès-verbal  pour  que  la  nullité 
soit  encourue  :  o  attendu  que  la  faculté  impartie  à  l'accusé 
par  l'art.  399  de  récuser  dans  une  proportion  déterminée  les 
jurés  qui  concourent  à  la  constitution  du  jury  de  jugement, 

«  Gaas.  i!r  janv.  1829,  rapp.  M.  Mangin,  J.  P.,  XXII,  566. 

•  Cus.  S7  juin  1859,  rapp.  M.  Meyronnet  St-Marc,  et  Conf.  IS  octobre 
1814.  rapp.  M.  Rataud  ;  2  août  1883,  rapp.  M.  Mérilhou  ;  8  ocU  18S4,  rapp. 
Il  Dehamay;  3  déc.  1836,  rapp.  M.  Vincena  St-Lanrent;  IS  avril  1837, 
rapp«  M,  Isambert,  Dali,  y*  Initr,  crim.,  d.  1763. 


396  DES  COURS  D*ASSI8BS. 

ne  serait  pas  exercée  par  lui  avec  la  plénitude  des  garanties 
que  la  loi  y  a  attachées,  si  d'une  part  Tappel  de  leurs  noms, 
fait  en  sa  présence,  ne  signalait  chacun  d*eux  à  son  attention 
spéciale,  et  si  d'autre  part,  il  n^était  pas  mis  en  situation,  au 
moyen  de  cet  appel,  d'apprécier»  eu  égard  aux  limites  de  son 
droit»  et  d'après  l'importance  relati 'e  de  chaque  récusation, 
quels  sont  ceux  desdits  jurés  qu'il  lui  convient  le  mieux  d'é- 
carter ou  d'accepter  pour  juges;  qu'il  ne  résulte  en  termes 
exprés  d'aucune  des  énoociations  du  procès-verbal  de  tirage 
au  sort,  que  cette  formalité  ait  eu  lieu  ;  c^u'il  ne  saurait  être 
suppléé  par  des  inductions  à  la  constatation  de  son  accom- 
plissement et  qu'elle  est  substantielle  au  droit  de  défense; 
qi]^'ainsi  la  procédure  est  entachée  de  nullité  ^  »  Il  importe- 
rait peu  d'ailleurs  que  l'appel  eût  été  [fait  au  commencement 
de  l'audience,  en  présence  de  deux  accusés  étrangers  l'un  à 
Tautre  et  qui  doivent  être  successivement  jugés  dans  la  même 
séance,  «  attendu  que  ce  qu'il  y  a  de  substantiel  dans  l'arti- 
cle. 399,  c'est  que  l'appel  des  jurés  présents,  sur  lesquels  le 
jury  de  jugement  doit  être  tiré,  soit  fait  en  présence  de  l'ac- 
cusé, et  que  le  nom  de  chaque  juré  répondant  à  l'appel  soit 
.  déposé  dans  l'urne  ;  qu'il  importe  peu  que  ces  formalités  aient 
été  accomplies  en  présence  d'un  autre  accusé  étranger  1 
l'affaire  du  demandeur,  puisque  cette  circonstance  no  lai  a 

Erté  aucun  préjudice,  qu'elle  ne  Fa  pas  empêché  de  cootr6. 
'  l'appel  des  iuréS)  et  qu'il  a  été  fait  pour  son  affaire  un  ti- 
rage du  jurv  de  jugement  distinct  et  séparé  '.  » 

L'appel  cloit  encore,  &  peine  de  nullité,  constater  la  pré- 
sence de  trente  jurés  au  moins,  non  récusés  ni  dispensés.  C'est 
la  disposition  expresse  de  l'art.  393.  Il  y  aurait  donc  liea 
d'annuler  l'opération  si,  par  l'effet  de  Tincapacité  de  Tun  des 
jurés,  leur  nombre  se  trouvait  réduit  a  vingt-neuf.  Cette  rè- 
gle a  été  consacrée  par  un  arrêt  qui  décide  que  la  présence 
parmi  les  trente  d'un  juré  qui  avait  été  témoin  dans  l'iostruo 
tion  et  qui  dés  lors  était  incapable,  vicie  la  procédure,  «  at- 
tendu que  le  tirage  du  jury  de  jugement  doit  se  faire  sur  une 
liste  qui  ne  peut  pas  être  de  moins  de  trente  jurés  capables  de 
connaître  de  l'affaire  qui  doit  être  soumise  à  ce  jury  de  juge- 
ment; et  que  l'incapacité  absolue  ou  relative  de  l'un  des 


^Casa,  i9 jaiiTÎer  1850,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  S8;  4  janfier  4851, 
ropp.  M.  Legagneur,  n.  6. 
■  Case.  20  sept.  184 «,  rapp.  Bf.  Oehausiy,  Dali,  t""  Insti  crini.»  Ot  1799. 


1>E  LA  COMPOSITION  hV  iURT.  §  602.  397 

jurés  qui  font  partie  tSc  celte  liste  des  Ironie  réduirait  les 
droits  de  récusation  attribués  pnr  la  loi  à  Tacctisô  et  au  mi- 
nistère public  et  serait  une  violation  des  régies  constitutives 
do  jury  ^»  Il  est  en  outre  nécessaire  que  le  nombre  des 
jurés  présents  soit  constaté  par  le  procés-verbal  *. 

2*  Le  président,  à  mesure  que  chaque  juré  répond  à  Tap- 
peU  dépose  dans  l'urne  son  nom  inscrit  sur  un  carton  ou  sur 
un  papier.  Il  n^est  pas  permis  de  substituer  à  ce  mode,  indiqué 
par  la  loi,  tout  autre  mode,  et  par  exemple  de  déposer  dans 
l'urne  des  numéros  correspondant  aux  numéros  d'ordre  pla- 
cés en  marge  des  noms  de  chaque  juré  sur  la  liste,  car  il  pour- 
rait en  résulter  des  erreurs,  et  la  Cour  de  cassation  a  annulé 
en  conséquence  les  tirages  opérés  par  ce  moy«*n,  «  attendu 
que  les  dispositions  du  2*  §  de  Tart.  399  sont  substantielles; 
d^où  il  suit  qu'on  ne  peut  substituer  un  mode  quelconque  du 
tirage  au  sort  à  celui  qu'il  prescrit  sans  qu'il  n'en  résulte  une 
nullité  radicale  ^.  » 

Les  noms  des  jurés  présents  et  répondant  à  Pappel  doivent 
seuls  être  mis  dans  Turne.  Le  tirjge  serait  vicié  si  le  président 
y  avait  déposé  par  erreur  le  non  d'un  juré  non  présent.  Ce^ 
pointa  été  formellement  reconnu  par  un  arrêt  portantt  qu'aux* 
termes  du  §  2  de  Part.  899  les  noms  des  jurés  présents  et 
répondant  à  l'appel  doivent  seuls  être  déposés  dans  l'urne  ; 
que  le  nom  du  sieur  Bardinet,  Tun  des  jurés  de  la  liste,  y 
a  été  déposé  quoique  co  juré  n'eût  pas  répondu  à  l'appel 
étant  absent  ;  qu'il  y  aurait  donc  eu  violation  dudit  §  ^.  » 
Hais  cette  irrégularité  n'entraînerait  pas  de  nullité  si,  en 
dehors  de  ce  juré,  trente  jurés  capables  avaient  concouru  au 
tirage  et  si  son  nom  n'était  pas  sorti, de  l'urne  K 

Que  faut-il  décider  si  l'un  des  jurés,  absent  au  moment  de 
l'appel,  se  présente  avant  que  le  tirage  ait  commencé?  On 
lit  dans  un  arrêt  a  que  si  tout  juré  absent  lors  de  l'appel  et 
qui  se  représente  avant  le  tirage  au  sort  pour  la  formation  du 
tableau  des  douze,  a  droit  de  concourir  à  la  formation  de  ce 
tableau»  et  si  sa  présence  exclut  l'un  des  jurés  appelés  en 

*  Gais,  ii  janTier  1888,  repp.  M.  MèriUiou.  Bull.  n.  10. 

*  Casi.  18  mai  18A1»  rapp.  M.  Gilbert  de  Voisins.  Bull.  n.  188 
'Cass.4julnl829,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.  XXII,  1100;  3  jaill.  1829, 

rapp.  M.  de  Ricard.  XXII,  1195  ;  1&  sept.  1839,  rapp.  M.  de  Ricard, 
XXII,  U53. 

'  Casa.  6  mars  1838,  rapp.  M.  Gaillaitl.  J,  P.  XXI,  1350. 

*Goai;iC«GalMi]i,p.408. 


398  DES  CÛCR8  D*ASSISSS. 

remplacement,  co  fait  hypothétique  ne  se  trouve  pas  dans 
l'espèce'.  »  Il  est  certain,  en  effet,  qu'il  ne  peut  exister  de 
forclusion  à  Tégard  des  jurés  momentanément  absents  qui  se 
présentent  avant  le  tirage  ;  il  suRit  que  la  formalité  de  Tappel 
puisse  être  remplie  à  leur  égard  et  que  leurs  noms  soient  dé- 
posés avant  que  l'opération  du  tirage  ait  commencé. 

3*  Lorsque  fous  les  noms  des  jurés  présents,  aa  moins  au 
nombre  de  trente,  ont  été  déposés  dans  Turne,  il  est  procédé 
au  (irngé  des  jurés  qui  doivent  composer  les  douze  jurés  de 
jugement.  Ces  jurés  ne  peuvt^nt,  en  aucun  cas,  être  pris  que 
parmi  ceux  dont  les  noms  ont  été  mis  dans  Turno  en  présence 
de  l'accusé  *. 

Ce  tirage  est  opéré  par  la  voie  du  sort.  Le  président  tire 
successivement  de  l'urne  les  noms  des  jurés  et  les  proclame. 
Tout  autre  mode  est  interdit  :  c'est  lo  sort  qui  doit  composer 
le  jurj  de  jugement  comme  il  compose  la  liste  de  la  session. 
Dans  une  espèce  où  le  président,  pour  remplacer  l'un  des 
douze  jurés  qui  n'était  pas  présent,  avait  désigné,  avec  le 
consentement  de  toutes  les  parties,  un  autre  juré»  l'annula- 
tion a  été  prononcée  «  attendu  que  cette  formalité  du  lir<ige 
des  jurés  par  la  voie  du  sort,  impérieusement  ordonnée  par 
la  loi,  tient  essentiellement  et  substantiellement  à  la  rorma- 
tiondu  jury;  que,  sans  son  observation,  le  jury  est  incom- 
plet, illégal  et  nul,  et  que  cette  irrégularité  ne  peut  être 
couverte  par  aucun  consentement  qui  y  soit  contraire  ^.  » 

Le  mode  de  tirage,  indiqué  par  l'art.  399  et  conformée  la 
nature  des  choses,  est  que  le  président  tire  successivement  et 
un  à  un  de  Turne  le  nom  de  chaque  juré,  aiin  que  les  récusa- 
tions puissent  s'exercer  à  mesure  que  chaque  nom  est  extrait. 
Cependant,  dans  une  espèce  où  le  magistrat  avait  extrait  à 
la  fois  et  d*un  seul  coup  plusieurs  noms,  le  pourvoi  a  été  re- 
jeté :  «  attendu  que  l'art.  399  n'étant  point  prescrit  à  peine 
de  nullité,  sa  violation  ne  peut  donner  lieu  à  cassation  qu'au- 
tant  qu'elle  porterait  atteinte  aux  caractères  que  la  loie^ige 
dans  les  jurés  pour  exercer  légalement  leurs  (onctions;  que 
le  motif  allégué  ne  présente  point  de  violation  de  c^ttc  es- 
pèce, puisqu'il  ne  porte  que  sur  la  prétendue  omission  d'une 
formalité  extrinsèque,  relative  au  tirage  au  sort  des  douze 

A  Gass.  37  a?ril  I8S0»  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.  XV,  946. 

*  Casa.  A  sepU  ibàU  rapp.  M.  GUbcrt  de  VoisÎDs.  Bull,  a,  K9t 

*  Casi.  42  tnofs  iSUt  >*«??•  M,  Cba»le«  J.  P.,  XVII/f  52i. 


BB  KA  COMMSmOM  DU  JUKT.   §  60S.  ^99 

jurés  ayant  d'ailleurs  les  qualités  requises  par  la  loi  <•  »  Le 
motif  énoncé  par  cet  arrèl  ne  nous  semble  pas  suffisant  pour 
jualifier  le  rejet  du  pounroi.  Le  président,  s'il  tire  plusieutf 
noms  à  la  fois,  ne  pourra-t-il  pas  faire  un  choix  parmi  ces 
noms,  et,  en  admettant  qu'il  ne  le  fasse  pas,  R*aora«-t-il  pas 
du  moins  la  facilité  de  le  faire?  Or»  il  ne  faut  pas,  non-seuld- 
ment  que  le  choix  se  mêle  au  sort  pour  en  limiter  les  désigna* 
tioDS»  mais  que  la  possibilité  d'un  tel  concours  puisse  être 
soupçonnée.  La  loi  n'a  voulu  que  la  voie  du  sort  :  tout  mode» 
toute  pratique  qui  peut  en  altérer  la  décision  est  contraire  à 
ses  dispositions.  On  ne  saurait  d'ailleurs  distinguer  les  cas  où 
le  président  aurait  ou  n'aurait  pas  abusé  de  ce  mode  de  tirage  ; 
car  comment  le  savoir  et  le  constater?  Et  cependant,,  nonobs- 
tant celte  observation^  il  semble  difficile  de  baser  sur  un  tel 
fait  un  moyen  de  cassation;  car,  la  défense  pourra-t-elle  le 
vérifier?  et  lors  même  qu'elle  le  pourrait,  quelle  preuve  en 
fournirait-elle?  lui  sera*tF*il  donné  acte  d'une  forme  irrégo- 
lièreqai  ne  sera  le  plus  souvent  qu'un  fait  d'inattention? 
C*est  l'impossibilité  de  la  preuve  plutôt  que  le  silence  de  la 
loi  qui  doit  conduire  au  rejet.  Mais  on  n'hésite  pas  à  dire  que 
le  président  doit  éviter  avec  soin  un  mode  de  tirage  dont,  s'il 
n'abuse  pas,  il  lui  serait  possible  d'abuser,  car  son  devoir  esti 
non«seulement  d'appliquer  loyalement  la  loi,  mais  de  laisser 
appercevoir  à  tous  les  yeux  cette  loyale  application  *. 

Le  tableau  du  jury  de  jugement  se  compose  des  douze  pre- 
miers noms  qui  sont  sortis  de  l'urne  et  qui  ont  été  aoeeptés 
sans  récusation  par  l'accusé  et  par  le  ministère  public.  Le 
greffier  inscût  ces  douze  noms  dans  le  procès-verbaL  U  im- 
porte peu  qu'il  maintienne  ou  intervertisse  l'ordçe  4^vtB  le- 
quel ils  ont  été  tirés  '.  Il  importe  peu  également  qu'il  ait 
annoté  provisoirement  les  noms  des  jurés  au  fur  et  à  mesure 
qu'ils  sortaient  de  l'urne  et  qu'ils  étaient  récusés,  lorsqu'il 
constate  nettement  le  résultat  de  Topération  ^. 

La  formation  du  tableau  du  jury  de  jugement  doit  suivre 
immédiatement  l'appel  des  jurés  et  le  dépôt  de  leurs  noms 
dans  l'urne.  Ces  trois  opérations  n'en  farinent  qu'une  seule 
qui  ne  peut  être  scindée  et  continuée  à  différents  iotervaiies, 

*  Cm,  20  jain  «817»  rapp.  M,  Busschop.  J.  P.,  XVI ,  800. 

*  GoqC  Caroot,  U  111,  p.  SSA;  Gabain,  p.  109. 

'Cass.  s  mai  1816,  rapp.  M.  Chasle.  Dali.  t«  InsU  crim.,  n.  17^6. 

*  Caii.  U  ocU  ISSS,  rappt  M.  Brière*  MU  r  Init,  crin.»  ii«  ¥Jk». 


400  1>ES  COURS  D*A8SISEft. 

parce  que  cette  exécution  partielle  et  successive  admeUnit 
trop  facilement  les  irrégularités  et  les  erreurs.  Il  avait  été 
constaté  qu'à  la  fin  d'une  audience  le  président  avait  fait  l'ap- 
pel des  jurés  et  déposé  leurs  noms  dans  Turne  et  qu'à  l'ao- 
dience  suivante,  il  avait  procédé,  Fans  un  nouvel  appel,  au 
tirage  au  sort.  La  cassation  a  été  prononcée  :  «  attendu  que 
les  formalités  prescrites  par  la  loi,  qui  ont  pour  objet  la  for- 
mation du  jury  de  jugement» sont  substantielles;  que  l'appel 
des  jurés,  le  dép6t  de  leurs  noms  dans  une  urne  et  le  tirage 
immédiat  de  ces  nova^y  en  présence  de  l'accusé  et  du  minis- 
tère public»  sont  au  nombre  do  ces  formalités  ;  que  l'opéra- 
tion du  tirage  au  sort  du  jury  est  indivisible;  que  tous  lesao- 
tes  qui  la  constituent  doivent  être  exécutés  de  suite  et  sans 
qu'aucun  fait  antérieur  puisse  laisser  du  doute  sur  la  parfaite 
régularité  du  tirage  au  sort  ;  que  cette  indivisibilité  importe 
essentiellement  à  la  défense,  puisqu'elle  est  la  garantie  la  plus 
efficace  contre  les  erreurs  qui  pourraient  entacher  le  tirage 
du  jury  ;  qu'il  résulte  des  faits  constatés  que  plus  de  15  heu- 
res se  sont  écoulées  entre  le  dép6t  des  noms  des  jurés  dans 
l'urne,  et  le  tirage  au  sort  ;  que  l'opération  de  ce  tirage  se 
trouve  dès  lors  avoir  été  scindée ,  contrairement  au  vœu  for- 
mel de  l'art.  399;  que  d'ailleurs  il  n'est  point  constaté  que 
des  mesures  aient  été  prises  pour  placer  à  l'abri  de  toute  at- 
teinte l'urne  où  étaient  placés  les  noms  des  jurés  pendant 
l'intervalle  des  deux  audiences  \  » 

YII.  Le  tableau  des  douze  jurés  de  jugement,  dès  qu'il  se 
trouve  formé  par  le  tirage  au  sort,  est  irrévocable.  Il  résuite 
du  dernier  §  de  l'art.  399  portant  que  «  le  jurf  de  jugement 
sera  formé  à  l'instant  où  il  sera  sorti  de  Turne  douze  noms  de 
jurés  non  récusés.  »  Les  jurés  sortis»  en  effet,  sont  acquis  î 
raccusation  comme  à  la  défense  ;  il  ne  peut  être  permis  par 
quelque  cause  que  ce  soit  de  briser  ce  premier  tirage  et  de 
procÀler  à  la  formation  d'un  nouveau  jury. 

Cette  règle  fondamentale  a  été  souvent  maintenue  par  la 
jurisprudence.  11  suffira  de  citer  les  arrêts  les  plus  récents.  Il 
était  constaté»  dans  une  première  espèce»  que  le  président, 
après  avoir  procédé  au  tirage  avec  le  concours  de  trente-trois 
jurés,  s'étant  apperçu  que  l'un  de  ces  jurés,  dont  le  nom  avait 
été  par  erreur  mis  dans  l'urne,  était  absent,  en  avait  référé  à 
la  Cour  d'assises  qui  avait  prononcé  l'annulation  de  ce  tirage 

*  Gmi.  5>nfier  1850,  à  noire  rapport.  Bail.  n.  A. 


DK   LA   COMPOSITION  OU   JURY  §  602,  40i 

et  avilit  ordonné  qu*il  serait  procédé  à  la  formation  d*un  nou- 
vo  )u  jury.  Celte  décision  a  été  cassée  :  «  attendu  qu^aa  mo- 
ment où  le  jury  de  jugement  est  formé  par  un  tirage  régulier, 
il  se  trouve  irrévocablement  constitué  et  que  les  noms  des  ju- 
rés sortis  de  Turne  sont  acquis  à  l'accusé  ;  que  si  quelque  er- 
reur a  été  commise,  cette  erreur  doit  être  reparée  après  vé- 
rification et  constatation  du  fait  qui  Ta  produite,  et  qu'il  ne 
peut  y  avoir  lieu  d'annuler  la  formation  du  jury  de  jugement 
qu'autant  qu'il  est  établi  qu'il  y  a  impossibilité  de  réparer 
autrement  Terreur  commise;  que  dans  l'espèce  il  n'était  pas 
impossible  de  réparer  autrement  que  par  l'annulation  du  jury 
tiré  au  sort  l'erreur  résultant  do  l'appel  et  de  la  mise  dans 
Turne  du  nom  d'un  juré  absent,  puisqu'il  suiTisait,  pour  sup* 
pléer  à  cette  absence,  de  tirer  le  nom  d'un  douzième  juré  ; 
que  dès  lors  l'annulation  prononcée  par  la  Cour  d'assises  a 
sans  nécessité  enlevé  à  l'accusé  des  juges  qui  lui  avaient  été 
acquis  au  moment  même  où  les  noms  des  jurés  non  récusés 
étaient  sortis  de  l'urne  '.  »  Dans  une  autre  espèce,  treize  ju- 
rés, au  lieu  de  douze,  s'étaient  trouvés  sur  le  banc  du  jury, 
et  la  Cour  d'assises,  ne  connaissant  pas  la  cause  de  cette  er- 
reur» avait  prononcé  l'annulation  du  tirage.  Cette  décision  a 
été  cassée  :  «  attendu  que  l'arrêt  se  contente  de  déclarer 
qu'une  erreur  s'est  glissée  dans  l'opération  du  tirage;  qu'il 
ne  fait  pas  connaitre  en  quoi  a  consisté  celte  erreur,  ni  qu'a- 
près vériGcation  faite,  il  y  ait  eu  impossibilité  de  la  réparer  ; 
que  rien  n'indique  d'ailleurs  qu'il  ait  été  prétendu  par  qui 
que  ce  soit  que  le  treizième  juré,  qui  s'était  placé  sur  le  banc 
des  jurés  ait  dû  faire  partie  du  jury  de  jugement,  contraire- 
ment aux  constatations  faites  par  le  président  et  le  greffier  ; 
que  dès  lors  la  Cour  d'assises,  en  annulant  le  jury  déjuge- 
mentjrégulièrement  formé,  a  commis  un  excès  de  pouvoir*.  « 
Dans  une  troisième  espèce,  la  Cour  d'assises  avait  annulé  le 
tirage  parce  que  le  onzième  juré  désigné  par  le  sort  avait  dé- 
claré ne  pouvoir  siéger  à  raison  d'un  intérêt  personnel  qu'il 
avait  dans  l'affaire.  Cet  arrêt  a  encore  été  cassé,  «  attendu 
que  le  juré  réunissait  toutes  les  conditions  qui  rendent  un 
citoyen  apte  à  exercer  les  fonctions  de  juré  ;  qu'il  ne  se  trou- 
vait dans  aucune  des  situations  que  l'art.  383  déclare  incom- 
paliblei  avec  ces  fonctions;  que  L'art.  392  ne  lui  était  appli^ 

*  Ciiss*  16  juin  1855,  à  notre  rapport.  BulK«  n.  2i5.  ; 
^  Cass»  14  déc.  1854,  rapp.  M.  Ue  QlOS.  BuH.  tii  HU 

Yin.  M 


402  DES  CODM  d'assises. 

cable  à  aucun  titre  ;  que  la  circonstance  par  lui  alléguée  ne 
pouvait  donner  lieu  qu'à  une  récusation  péremptoire  et  non 
motivée  ;  que  dès  lors,  en  annulant  un  tirage  régulier  laCoor 
d'assises  a  privé  les  accusés  des  juges  qui  leur  étaient  légale- 
mentacquis  et  institué  un  jury  incompétent  \  0 

Cette  régie  admet  néanmoins,  ainsi  que  les  arrêts  le  sup- 
posent eux-mêmes,  quelques  exceptions  qui  naissent  les  ones 
de  la  loi  elle-même,  les  autres  de  la  nécessité  des  choses. 

Il  est  clair,  d'abord ,  que  le  tirage  du  jury  se  trouve  de 
plein  droit  annulé  lorsque,  dans  les  cas  prévus  par  les  ar- 
ticles 306  et  354)  l'affaire  est  renvoyée  à  une  autre  session, 
puisque  les  pouvoirs  desjurés  cessent  au  terme  de  la  session 
pour  laquelle  ils  sont  convoqués  *.  Telle  est  la  décision  for- 
melle de  TarL  406. 

Le  tirage  se  trouve  encore  annulé  lorsque  la  Cour  d'assises 
renvoie  raffairc,  si  d'ailleurs  Taccusé  ne  s'y  oppose  pas  ',  non 
pas  à  une  autre  session,  mais  à  un  autre  jour  de  la  même  ses- 
sion ,  pour  produire  de  nouveaux  témoins,  puisque  Tart.  405 
veut  que  l'examen  de  l'accusé  commence  immédiatement 
après  la  formation  du  tableau  *. 

Le  tirage  doit  être  annulé  lorsque  par  suite  d'empêche- 
ment matériel  de  l'un  des  jurés,  s'il  n'a  pas  été  tiré  de  jurés 
suppléants,  il  y  a  impossibilité  de  constituer  le  jury  de  juge- 
ment. La  Cour  de  cassation  a  déclaré  «  que  l'art.  394  ne 
s'applique  qu'au  cas  où,  indépendamment  des  douze  jurés, 
il  en  a  élé  tiré  au  sort  un  ou  deux  autres  qui  assistent  aoi 
débats  comme  suppléants  et  sont  aptes  en  cette  qualité  à  rem- 
placer un  ou  deux  des  douze  jurés  qui  se  trouvent  empêchés, 
mais  que  cet  article  ne  règle  nullement  le  mode  de  procéder 
lorsqu'il  n'a  été  tiré  au  sort  que  douze  jurés  seulement  et 
qu'il  n'a  pas  été  tiré  de  jurés  suppléants;  qu'alors,  si  l'affaire 
étant  commencée,  l'un  des  douze  jurés  vient  à  se  trouver  em- 
pêché, par  un  événement  quelconque ,  de  suivre  les  débats 
et  de  continner  à  siéger,  il  y  a  impossibilité  de  le  remplaeer 
par  un  juré  suppléant^  puisqu'il  n'en  a  pas  été  tiré  au  sort  et 

*■  Cbss.  16  ocU  4846,  rapp.  M.  Rocher  Bull.  n.  S78  ;  et  Conf.  cass.  18 
vetitôsc  an  x,  rapp.  M.  Barris;  6  mars  4807,  rapp*  M.  Busschop;  10  fér. 
1809,  rapp.  M.  Delacoslc;  14  sept.  1821,  rapp.  M.  Ollivier  ;  7  janv.  1830, 
rapp.  M.  Choppin.  J.  P.  à  leur  date. 

2  Cass.  7  Dov.  1630,  rapp.  M.  Gilbert  de  Voisins.  Bull.  lu  335. 

'  Môme  arrêt. 

*Gass.  15  juin  1827,  rapp,  M.  Olliviçr,  Dallt  v«  Insl.  crun,,  n,  1802* 


BB  Lk  COMPOSITION   DIT  JORT.  §  602.  403 

que  la  loi  ne  pTéYoit.pas  la  possibilité  de  tirages  partiels  et 
successifs  de  jurés  ;  que  dans  cette  situation  la  Cour  d^assises 
peut,  aux  termes  des  art.  405  et  406,  renvoyer  TafTaire  à  la 
session  suivante  ;  mais  que  rien  ne  s*oppose  à  ce  que ,  dans 
l'intérêt  de  la  prompte  expédition  des  affaires  et  pour  épargner 
à  Taccusé  la  prolongation  d^une  captivité  préventive ,  elle 
n^annule  le  tirage  du  premier  jury  de  jugement  et  ce  qui  s'en 
est  suivi,  et  à  ce  qu^elle  ne  procède  au  tirage  d^un  nouveau 
jury*.  »  Toutefois, si  Texamen  est  commencé,  l'accusé  et  le 
ministère  public  ont  le  droit  de  s'opposer  à  un  nouveau  tirage 
qui  pourrait  les  mettre  dans  la  nécessité  d'accepter  des  jurés 
qu'ils  ont  déjà  récusés  ou  d'en  faire  siéger  d'autres  qui  au- 
raient une  opinion  déjà  formée  sur  l'affaire.  Il  a  donc  été  re- 
connu «  que  lorsque  l'accusé  s'oppose  formellement  à  ce  que 
la  même  liste  de  jurés  serve  à  deux  tirages  successifs,  la  Cour 
d^assises  en  y  procédant  nonobstant  celte  opposition ,  excède 
ses  pouvoirs  et  porte  atteinte  au  droit  de  récusation  et  à  la 
liberté  de  la  défense  *•  »  Dans  cette  hypothèse,  le  seul  remède 
légal  est  le  renvoi  à  une  autre  session. 

La  même  solution  s'applique  au  cas  d'incapacité  recon- 
nue dans  la  personne  de  l'un  des  jurés.  Ainsi^  dans  une 
affaire  où  un  juré  alléguait  que ,  en  sa  qualité  de  juge  sup- 
pléant, il  avait  siégé  à  la  chambre  du  conseil  qui  avait  statué 
sur  la  prévenlion ,  il  a  été  décidé  a  que  la  Cour  d'assises  ,  en 
reconnaissant  l'incapacité  légale  du  juré,  alléguée  par  le  ré- 
clamant lui-même,  et  en  ordonnant  la  formation  d'un  nou- 
veau jury,  n'a  Dullemeut  excédé  ses  pouvoirs,  puisqu'elle  ne 
pouvait  être  tenue  de  procéder  à  des  débats  qui ,  par  suite 
au  fait  reconnu ,  auraient  été  viciés  dans  leur  principe  *.  » 

La  même  solution  s'applique  encore  au  cas  d'une  ir- 
régularité reconnue  dans  la  composition  du  tableau  des  douze 
jurés.  Le  président,  par  exemple,  a  tiré  ces  douze  jurés,  avec 
le  concours  de  30  seulement,  tandis  que  31  avaient  répondu 
à  l'appel.  Il  a  été  décidé  dans  ce  cas  a  que  le  premier  tirage 
avait  été  évidemment  irrégulier,  puisque  le  nom  de  l'un  des 
jurés  qui  avaient  répondu  à  l'appel  n'avait  pas  été  déposé  dans 
l'urne;  que  cette  omission  viciait  la  composition  du  jury  de 
jugement,  et  qu'en  réparant  la  nullité  qui  en  était  la  consé- 

*  Casi.  2S  Dov.  1838,  rapp.  M.  Dehauisy.  Bull.  n.  364. 
s  Casa.  31  man  1842»  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  71. 

*  Cass.  8  ociobre  1937i  0«U«  t*  lo9t,  crliu»,  n,  l^OS. 


404  DES   COURS   b  ASSISES. 

quence  par  la  seule  voie  légale  qui  était  ouverte»  le  président 
de  la  Cour  d'assises  n'a  commis  aucun  excès  de  pouvoir  i*  » 
11  est  toujours  entendu  que  ni  l'accusé  ni  le  ministère  public 
ne  s'opposent  à  cette  mesure. 

La  même  solution  s'applique  enfin  au  cas  où  des  mo- 
tifs graves  et  légitimes,  tenant  à  la  bonne  administration  de 
la  justice  et  n'apportant  aucun  préjudice  à  la  défense  Justifie- 
raient cette  mesure.  Tel  a  été  le  cas5  sous  la  législation  anté- 
rieure 9  où  l'un  des  prévenus  d'un  délit  de  presse ,  qui  faisait 
déraut  d'abord  9  était  survenu  pendant  l'opération  du  tirage  : 
on  a  considéré  que  l'intérêt  de  tous  les  prévenus  du  mémo 
délit  étant  de  ne  pas  disjoindre  la  procédure  et  que  le  pré- 
venu tardivement  arrivé  devant  participer  au  droit  de  récu- 
sation ,  il  y  avait  lieu  d'annuler  le  tirage  \ 

Mais  ce  ne  sont  là  que  des  exceptions  qui  ne  sont  justifiées 
que  par  la  nécessité  d'assurer  à  la  justice  un  cours  régulier  : 
ce  n'est  que  parcequ'il  n'existe  pas  d'autres  moyens  de  sub- 
venir aux  irrégularités  ou  aux  accidents  qui  se  révèlent,  que 
la  jurisprudence  a  introduit,  dans  l'intérêt  d'une  sage  admi- 
nistration, ce  remède  exorbitant  d'une  annulation  qui  dé- 
pouille les  juges  de  l'accusation  d'un  caractère  irrévocable. 
Ainsi,  supposez  que  le  tirage  déjà  commencé  soit  annulé  à 
raison  de  l'arrivée  tardive  d'un  31' juré  ti  tulaire, cette  annula- 

'  tion  est  illégale,  puisque  l'opération  faiteavecSOjurésétaitré- 
gulière^.  Supposez  encore  que  la  Cour  d'assises,  par  suite  de 
quelque  événement  tel  que  l'indisposition  d'un  de  ses  mem- 
bres, ordonne  que  les  débats  seront  annulés  et  recommencés, 
cette  annulation  ne  saurait  frapper  la  formation  du  jury, puis- 
qu'il ne  peut  dépendre  de  la  Cour  d'assises  d'enlever  aui 
accusés  des  juges  qui  leur  sont  définitivement  acquis  4. 

Est-ce  au  président  seul,  est-ce  à  la  Cour  d'assises  qu'il 
appartient  de  prononcer,  quand  il  y  a  lieu,  l'annulation  du 
bibleau  des  douze  jurés  ?  D'après  la  jurisprudence»  il  faut 
distinguer  si  cette  annulation  est  prononcée  avant  ou  après 
l'ouverture  des  débats  :  si  elle  est  prononcée  après,  la  Cour 
d'assises  est  exclusivement  compétente  5;  si  elle  est  pro- 
i.oncée  avûnt>  le  président  ou  la  Cour  d'assises  sont  l'un  et 

I 

>      «  Cass.  18  juillet  1856,  rnpp.  M.  Caussin  de  Perccvul.  Bull.  n.  255. 

*  Cass.  A  janvier  1851,  rapp.  M.  Legagncur.  Bull.,  n.  G. 

*   '  Gass.  29  avril  1847,  rapp.  M.  Meyronnet-Sl-Marc  Bull.  n.  89. 

*  Gass.  ih  oct.  1813,  rapp.  M.  Yautoulon;  10  fév.  1816,  rapp.  M.  VdU- 
louloti  ;  23  janv.  18^4,  rapp.  ^f.  Dehaussy.  Dali,  v  Inst,  GiJtu,i  n.  ISil* 

*  Coss  i7  avril  iboO,  rapp.  M,  Hivcs,  Bull,  n,  130» 


I>E   LA  COMPOSITION   DO   JURY.  §  602.  405 

Tautre  égalomcni  compétents,  suivant  que  l'un  ou  Taulro 
préside  à  la  formation  du  jury  ^.  Quant  à  nous,  il  nous  pa^ 
rait  qu*il  n'appartient  qu'à  la  Cour  d'assises,  seule,  d'ordon*' 
ner  une  mesure  aussi  jgrave  :  il  n'est  point  d'incidents,  en 
effet,  qui  intéresse  à  un  plus  haut  degré  tous  les  intérêts  qui 
sont  engagés  dans  le  débat.  Nous  nous  référons  au  reste  à  nos 
précédentes  observations  sur  ce  point  *. 

VIIL  L'opération  du  tirage  au  sort  des  douze  jurés  doit 
être  constatée  par  un  procés-verbal.  Aucune  disposition  spé- 
ciale du  Gode  ne  prescrit  cet  acte  ;  mais  Tart.  372  veut  que 
«le' greffier  dresse  un  procés-verbal  delà  séance,  à  Teflet  de 
constater  que  les  formalités  prescrites  ont  été  observées.  » 
Or,  comment  serait-il  possible  de  ne  pas  étendre  cette  dispo- 
sition à  l'opération  delà  formation  du  jury  ?  La  Cour  de  cas-  , 
sation  a  donc  reconnu  avec  une  haute  raison  «  qu'il  est  de 
principe,  dans  notre  organisation  judiciaire,  qu'un  juge  ne 
peut  exercer  les  fonctions  qui  lui  sont  déléguées  qu'avec  l'as- 
sistance du  greffier  qui  doit  constater  tout  à  la  fois  que  les 
actes  qu'il  s'agit  de  faire  ont  été  faits,  et  qu'ils  l'ont  été  avec 
toutes  les  formes  nécessaires  pour  leur  validité;  que  les  attri- 
butions conférées  aux  présidents  des  Cours  d'assises  par  les 
art.  266  et  399,  ayant  pour  objet  la  formation  du  jury,  ne 
peuvent  être  exercées  sans  qu'il  en  soit  dressé  procès-verbal 
pour  constater  le  libre  exercice  du  droit  de  récusation  et  la 
conservation  des  autres  garanties  données  par  la  loi  aux  ac- 
cusés; que  ce  n'est  pas  par  des  certificats  d'une  nature  plus 
ou  moins  arbitraire,  qu'une  opération  de  cette  importance 
doit  être  constatée,  mais  bien  par  un  procés-verbal  régulier» 
authentique,  par  la  signature  du  président  et  par  celle  du 
greffier  ;  que  la  loi  ne  peut  exiger  moins  de  solennité  pour 
établir  la  légalité  delà  constitution  du  jury,  que  pour  prou- 
ver la  régularité  de  l'usage  qu'il  fait  de  ses  attributions  '.  » 

Ce  procés-verbal  peut  néanmoins  être  imprimé  à  l'avance. 
La  jurisprudence  a  déclaré  que  la  disposition  de  l'art.  372 
qui  prohibe  cette  impression  a  ne  s'applique  pas  à  l'opération 
quia  pour  objet  le  tirage  au  sort  des  jurés;  qu'en  effet,  le 
proc^verbal  qui  constate  cette  opération  est  essentiellement 
distinct  de  celui  qui  rend  compte  des  séances  de  la  Cour  d'as- 
sises, de  même  que  l'opération  du  tirage  au  sort  est  entié- 

*  Cass. S5  juin i8&0,rapp«M.Rocher.  Bail.  D.  187.— ^Voy.  sicprà,  p.38.% 
'  Case,  ii  juin  1835,  rapp.  M.  Mériliiou.  BuU.  n.  231. 


406  DEI  CÛUIS  D* Assises. 

rement  distincte  de  ces  séances,  puisqu'il  n^a  pas  lieu  m 
séance  publique^»  Il  nous  eut  paru  plus  rationnel,  puisque 
le  procès-verbal  du  tirage  n'est  dressé  qu'en  vertu  de  Tari. 
372,  d'appliquer  à  ce  procès-verbal  les  Tormes  prescrites  par 
cet  article.  Les  actes  inf)primés  à  l'avance  sont  d'ailleurs  ud 
des  abus  les  plus  étranges  de  notre  procédure  ;  ils  rendent 
toutes  les  constatations  illusoires  et  semblent  enlever  aux  for- 
mes légales  toute  leur  sincérité. 

Mais  il  est  nécessaire  au  moins  qu'il  soit  signé  du  président 
et  du  greffier.  Il  suffirait  méfkie,  si  le  greffier  qui  i  a  signé 
n'était  pas  le  même  que  celui  qui  a  signé  le  procès-verbal 
des  débats^  que  rassistancedecetofficiernefut  pasillentîonnée, 
pour  qu'il  y  eut  nullité  *.  Toutefois,  le  procès-verbal  du  ti- 
,  rage  et  le  procès-verbal  des  débats  peuvent  être  réunis  dans 
un  seul  contexte  ',  et  dans  ce  cas  il  suffit  que  les  signatures 
du  président  et  du  greffier  soient  placées  au  pied  de  cet  acte  ^. 

Le  procès-verbal  du  tirage  doit  énoncer  sa  date,  la  présence 
des  jurés,  de  l'accusé  et  de  son  défenseur  et  du  ministère  pu- 
blic, l'avertissement  du  président^  le  nombre  des  jurés  pré- 
sents et  le  nombre  des  récusations  autorisées,  les  noms  des 
jurés  récusés  et  les  noms  des  douze  jurés  non  récusés  qui  for- 
ment le  jury  de  jugement.  Ces  énonciations,  si  elles  sont 
inexactes  ou  incomplètes,  peuvent  être  rectifiées  en  les  rap- 
prochant de  celles  du  procès-verbal  des  débats  ^. 

S  603. 

I.  Droit  de  récusaiion.  —  II.  Nombre  des  récusations  qui  peuvent 
être  exercées.  —  III.  Par  qui  elles  sont  exercées.  —  IV.  S'il  y  a  plu- 
sieurs accusés.  —  V.  Incidents  auxquels  elles  donnent  lieu./ 

I.  Les  récusations  sont  de  l'essence  du  jury  et  l'on  peut 
dire  que  cette  institution  est  forte  ou  débile,  tutélaire  ou  dan- 
gereuse, selon  qu'elles  s'exercent  avec  plus  ou  moins  d'éten- 
due. En  effet,  il  ne  suffit  pas  que  les  jurés  soient  donnés  par 
le  sort,  il  faut -qu'ils  soient  acceptés  comme  juges  par  Taceu- 
sation  et  par  la  défense,  il  faut  qu'ils  soient  réputés  par  Tune 

*  Cass.  10  ocL  1882,  rapp.  M.  de  Grouseilhes.  J*  P.  XXIV,  1502  ;  et  Coor. 
26  janv.  1837, 13  juiU.  1887,  '^9  août  18A0, 18  mai  iShi,  etc. 

*  Cass.  28  janvier  1817,  rapp.  M,  Barcnnes.  Bull.  n.  15. 

*  Cass.  iS  août  1835,  rapp.  M.  Meyronnct  St-Marc  Bull.  n.  818. 

*  Cass.  31  mars  18A2,  rapp.  M.  Meyronnet  de  St-MTarc.  Bull.  u.  75! 
•Cass  17  dtr.  48/57,  rapp.  M.  V.  Fouchcr.  Bull.  n.  400. 


M  LÀ  coMFosmoN  DU  jintT.  §  603.  407 

et  par  Tautre  dignes  de  la  magistrature  temporaire  qu'ils  re- 
yôtent.  C'est  là  ce  qui  fait  la  puissance  du  jury,  parcequ'il  y 
puise,  non-seulement  la  confiance  des  parties,  mais  le  senti- 
ment de  son  impartialité.  Ce  n*estque  lorsqu'il  a  été  librement 
accepté  comme  un  souyerain  arbitre  que  ses  sentences  peu-  * 
vent  être  considérées  comme  l'expression  de  la  yérité,  et  que 
Itti-méme  semble  dcYenir  Torgane  de  la  conscience  sociale. 
Détruire  le  droit  de  récusation  ou  le  renfermer  dans  des  li- 
mites trop  étroites,  ce  serait  conférer  le  droit  de  juger  au  ha- 
sard, a  rignorance,  aux  passions,  aux  préjugés  ;  ce  serait  jeter 
dans  le  jury  tous  les  germes  de  discorde  ou  d'injustice  qui 
fermentent  dans  la  société;  ce  serait  l'abaisser  au  lieu  de  re- 
lever, le  livrer  aux  calomnies  au  lieu  de  Tenvironner  de  la 
confiance  publique,  fournir  d'inépuisables  prétextes  à  toutes 
les  récriminations»  à  toutes  les  plaintes.  Le  droit  de  récusa- 
tion est  le  complément  de  Tinstitution  du  jury,  son  accessoire 
indispensable»  son  principe  de  vie. 

NousavonsrappeléTexercicedecedroitdansIajurisprudence 
romaine'.  La  législation  anglaise  compte  deux  espèces  de  ré- 
cusation :  la  récusation  de  la  liste  entière  (challenge  io  the  ar- 
ray)  et  la  récusation  individuelle  {challenge  to  the  poils).  La 
récusation  de  la  liste  entière  n'a  lieu  que  lorsque  l'officier  qui 
Tacomposée  est  suspect  de  partialité.  La  récusation  individuelle 
est  pèremptoire  ou  motivée.  La  récusation  péremptoire  n'est 
admise  que  dans  certains  cas  ;  dans  les  cas  de  haute  trahison, 
Taccusé  peut  exercer  jusqu'à  35  récusations  péremptoires  *, 
dans  les  cas  de  meurtre  ou  de  félonie,  il  peut  en  exercer  20. 
Dans  les  autres  accusations,  toutes  les  récusations  sont 
motivées.  Ellesont  été  classées  en  quatre  catégories  :  l"*  Prop- 
ter  honoris  respeetum;  ce  sont  les  dispenses  qui  ont  pour 
cause  la  dignité  dont  le  juré  est  revêtu  ;  2^^  propter  defeclum; 
lorsque  le  juré  est  frappé  d'incapacité,  si,  par  exemple,  il  est 
étranger ,  s'il  n'a  pas  l'âge  requis,  s'il  ne  possède  aucune 
propriété;  ou  lorsqu'il  est  atteint  par  quelque  cause  d'incom- 
patibilité, si,  par  exemple,  il  est  parent  de  Tune  des  parties, 
s'il  est  intéressé  ou  témoin  dans  1  affaire,  sil  a  émis  une  opi- 
nion ;  3*  propter  affectum^  lorsque  le  juré  peut  être  soupçonné 
de  partialité  soit  à  raison  de  ses  relations  avec  les  parties,  soit 
à  raison  des  motifs  de  haine  ou  de  faveur  qu'il  peut  avoir  à 
leur  égard  ;  k""  propter  delictum^  lorsque  le  juré  s'est  rendu 
indigne  de  cette  fonction  par  quelque  délit  ou  quelque  infrac- 

*Voy,  nolrct.  l"p.74. 


40S  DES  couftfl  d'assises. 

tion  aux  lois.  Les  récusations  motivées  sont  illimitées  ;  elles  sont 
proposées  par  l'accusé,  et  jugées  sur-le-chainp  par  deux  per- 
sonnes désignées  par  la  Cour  ((n>r<),  si  aucun  juré  n'a  encore 
été  admis,  ou  parles  deux  premiers  jurés  non  récusés.L'attor- 
-ney  général  n'cxerceaucune  récusation  péremptoire;  il  ne  peut 
proposer  que  des  récusations  motivées  pour  certaines  causes^ 

Aux  Ëtas-Unis,  les  récusations  suivent  à  peu  prés  les  mê- 
mes règles;  elles  s'exercent  également  de  deux  manières,  i 
l'égard  delà  liste  (to  ihe  panel)  ^  ou  à  l'égard  des  jurés  indivi- 
duellement (to  an  individual  juror).  La  récusation  de  la  liste 
entière  ne  peut  être  fondée  que  sur  une  infraction  matérielle 
aux  formes  prescrites  pour  la  convocation  du  jury,  ou  sur  U 
partialité  dont  le  shériiT  aurait  fait  preuve  en  omettant  d'aver* 
tir  quelques-uns  des  jurés.  La  récusation  individuelle  est  ou 
péremptoire  ou  motiyée  sur  certaines  causes.  Si  l'accusation 
emporte  la  peine  de  mort  ou  Temprisonnement  à  vie,  Taccusé 
peut  exercer  vingt  récusations  péremptoires;  dans  tonte  au- 
tre accusation»  il  ne  peut  en  exercer  que  cinq.  Les  récusations 
motivées  ne  sont  pas  limitées;  elles  peuvent  être  proposées 
dans  les  mêmes  cas  que  dans  la  jurisprudence  anglaise  et  elles 
sont  examinées  et  jugées  de  la  même  manière.  L'accusateur 
public  exerce  à  peu  prés  les  mêmes  droits  que  Taccusé*.  Ces 
règles,  généralement  appliquées  dans  les  différents  États  de 
l'Union,  différent  cependant  en  quelques  détails  dans  quel- 
ques-uns de  ces  États. 

L'Assemblée  constituante,  lorsqu'elle  institua  le  jury,  ne 
donna  pas  les  mêmes  bases  an  droit  de  récusation.  L  accusa- 
teur public  avait  la  faculté  d'exclure  vingt  jurés  sur  la  liste 
trimestrielle  qui  en  portait  deux  cents.  Le  reste  des  noms  était 
mis  dans  une  urne  pour  former,  par  la  voie  du  sort,  le  tableau 
des  douze  jurés.  Ce  tableau  était  présenté  à  l'accusé  qui  pou- 
vait dans  les  24  heures  récuser  ceux  qui  le  composaient  Lors- 
que l'accusé  avait  exercé  vingt  récusations  sans  donner  de 
motifs,  celles  qu'il  présentait  ensuite  devaient  être  fondées 
sur  des  causes  dont  le  tribunal  criminel  jugeait  la  validité. 
Cette  récusation  de  vingt  jurés  pouvait  être  faite  par  plusieurs 
coaccusés»  s'ils  se  concertaient  ensemble  pour  l'exercer;  et 

*  Lord  Edward  Coke»  inst.  156;  BlaLstone,  U  III,  p.  859;  Pbiltpps, 
ebap.  4* 

*  Gode  of  criminal  procédure  of  the  state  of  New^York,  lit.  0,  cbsp»  5  ; 
code  of  procédure  of  Uie  sCate  of  Loaisiana»  Uv.  2,  cii«  7,  iiist.  S. 


SE  LA  COMPOSITION  DU  XURT.  §  603.  409 

s'ils  ne  pouvaient  s'accorder»  chacun  d'eux  séparément  pou- 
vait récuser  dix  jurés'.  Le  Gode  du  3  brumaire  an  iv^  nes^é- 
(ait  pas  écarté  de  cette  théorie*. 

Notre  Code  a  simplifié  en  même  temps  que  restreint  le 
droit  d'accusation.  Trois  régies  générales  constituent  tout 
son  système:  il  n'admet  que  les  récusations  faites  en  présence 
des  jurés  ;  il  rejette  les  récusations  motivées  sur  une  cause  dé« 
terminée;  enfin,  il  en  limite  le  nombre  dans  chaque  affaire 
de  neuf  à  douze,  suivant  le  nombre  des  jurés  présents.  Il  faut 
insister  un  moment  sur  chacune  de  ces  règles. 

La  récusation  faite  en  présence  est»  nous  le  croyons,  la 
seule  qui  soit  sincère  et  qui  remplisse  le  véritable  objet  de 
cette  mesure.  Ecarter  des  noms  qui  sont  inscrits  sur  une  liste, 
c'est  récuser  des  hommes  qu'on  ne  connaît  qu'imparfaitement 
et  que  le  sort  n'appellera  peut-être  pas*  «  Il  y  a  tel  homme, 
disait  M.  Oudart,  que  j'ai  vu  se  mal  comporter  dans  une  cir- 
constance remarquable  et  que  je  ne  connais  pas  de  nom  ;  cer- 
tes, je  le  récuserais  s'il  m'était  donné  pour  juré  et  si  je  Tavais 
sous  les  yeux.*»  Blakstone  avait  déjà  remarqué  aque  des  pré- 
jugés inexplicables  et  des  impressions  soudaines  s'élèvent  sou- 
vent en  nous  à  la  seule  vue  d^une  personne  >  à  l'examen  de  sa 
physionomie  et  de  son  extérieur»  et  qu'il  est  nécessaire  que 
la  récusation  ait  lieu  en  sa  présence»  pour  que  l'accusé  qui  lutte 
pour  défendre  sa  vie,  n'ait  que  des  juges  en  qui  il  ait  confiance, 
ear  ce  n'est  qu'à  cette  condition  qu'il  peut  développer  sa  dé~ 
feose  sans  trouble  et  sans  crainte"^.  »  L'exposé  des  motifa  re- 
gardait cette  disposition  comme  un  progrés:  «  L'accusé  et  le 
ministère  public,  disait  M.  Faure,  n'exerceront  plus  de  récu- 
sations sans  avoir  vu  la  personne  qu'ils  croient  devoir  récuser. 
ils  oe  seront  plus  exposés  à  des  méprises  fondées  sur  l'identité 
des  noms,  quand  ils  récusent  une  personne  pour  une  autre, 
soit  sur  l'oubli  du  nom,  quand  ils  laissent  parmi  les  jurés  ce- 
lui qu'ils  auraient  récusé  s'ils  avaient  pu  le  voir^.  »  Vaine- 
ment la  commission  du  Corps  législatif  avait  proposé,  en  re- 
prenant en  partie  le  système  sde  1791,  une  disposition  ainsi 
conçue  :  c  Les  accusés  seront  amenés  devant  la  Cour  ;  le  pré- 
vient leur  déclarera  qu'ils  ont  la  faculté  d'exercer  quarante 

\U  iS-2S  sept.  1791»  tit  XI,  art.  9»  10,  Il  et  12. 

*  Gode  8  brom.  an  it,  art  508  à  508. 
'Locrt,t.XXV»p.95. 

*  GoniBMDtaries,  U  lY,  p.  358.  —  "  Locré,  U  XXV»  p.  588. 


410  BBS  COUIS  ]>*A8818IS* 

récusations  sur  la  liste  (de  deux  cents  noms)  qui  leur  a  été 
notifiée  et  les  interpellera  de  former  celles  qn^ils  entendront 
proposer  ou  de  déclarer  s'ils  n'entendent  point  en  Taire.  Le 
procureur  général  pourra  exercer  aussi  quarante  récusations.! 
Le  conseil  d'Etat  rejeta  cette  disposition  qui  n'eut  établi 
qu'une  récusation  illusoire  et  qui  d'ailleurs  ramenait  un  mode 
dont  les  inconvénients  avaient  été  reconnus. 

La  loi  n'admet  plus,  en  second  lieu,  de  récusations  mo- 
tivées ;  toutes  les  récusations  sont  peremptoires.  Elles  ex- 
cluent d*une  manière  absolue  tous  les  jurés  qu'elles  frappent, 
tant  que  lo  nombre  légal  n'est  pas  épuisé.  Il  importe  peu 
qu'elles  soient  fondées  sur  Tincapacité  des  individus,  sur 
leurs  infirmités,  sur  des  motifs  d'incompatibilité,  sur  Tinterai 
qu'ils  ont  dans  la  cause,  sur  l'affection  ou  l'inimitié  qu'ils 
ont  témoignée  aux  parties  :  l'effet  de  toutes  ces  causes  est  le 
même,  et  toutes  les  distinctions  de  la  législation  anglaise  el 
de  celle  des  Etats-Unis  n*ont  aucune  application  parmi  nous. 

11  n'y  a  lieu  ni  d'examiner  ces  causes»  ni  de  les  disenter.  11 
suffit  que  la  récusation  soit  proposée  ;  elle  est  admise  de  plein 
droit.  Ge  système  nous  parait  préférable  à  tous  les  autres: il 
abrège  et  simplifie  les  formes  préliminaires  de  la  procédure; 
il  évite  des  incriminations  et  des  récriminations  fâcheuses  au 
moment  de  la  formation  du  jury  ;  il  atténue  autant  que  pos- 
sible les  blessures  que  peuvent  faire  les  récusations,  et  du 
moins  il  n'en  laisse  subsister  aucunes  traces  ;  enfin ,  il  per- 
met les  récusations  sans  cause  précise,  celles  auxquelles 
l'accusé  ne  pourrait  assigner  un  motif  déterminé»  qui  tienneot 
à  l'aspect  du  juré»  à  sa  tenue,  aux  dispositions  qu'il  semble 
apporter  dans  l'accomplissement  de  ses  fonctions,  et  ces  ré- 
cusations ne  sont  ni  moins  légitimes,  ni  moins  nécessaires 
que  celles  qui  reposent  sur  un  fait  prévu  et  défini. 

Enfin  la  loi  circonscrit  le  nombre  des  récusations  de  9  à 

12  pour  chacune  des  deux  parties^  suivant  la  composition  de 
la  liste  de  la  session^  laquelle  doit  contenir  30  noms  au  moins 
et  36  au  plus.  Cette  limite  n'est  que  la  conséquence  du  nom- 
bre des  jurés  appelés  chaque  trimestre  au  service  des  assises. 
Le  législateur,  pour  atténuer  la  charge  que  ce  service  fait 
peser  sur  les  citoyens,  a  réduit  la  liste  le  plus  qu'il  a  pu,  et 
par  suite,  il  a  rétréci  le  terrain  des  récusations.  Il  y  a  loin 
assurément  de  ce  terrain  un  peu  étroit  au  champ  vaste  et 
presque  illimité  que  la  législation  anglaise  et  la  légfstation 
américaine  assurent  au  droit  des  accusés.  C'est  surtout  quand 


DB    LA   60MP0SITI0M  DU   JVRT.  §  603.  i\\ 

Taccasation  comprend  plusieurs  coaccusés  que  ce  nombre,  en 
se  subdivisant,  peut  paraître  insuffisant.  Néanmoins  on  ne 
doit  pas  aisément  critiquer  sous  ce  rapport  un  mode  qui 
n  est  que  le  corollaire  du  système  général  de  notre  législa- 
tion, et  qui  n*a  pas  révélé  de  très  graves  inconvénients.  Il 
faut  prendre  garde,  pour  appliquer  des  règles  que  la  théorie 
affirme,  de  contrarier  une  pratique  adoptée  et  d'entourer  de 
difficultés  une  institution  populaire.  Lorsque  la  liste  des  jurés 
est  dressée  avec  impartialité,  il  doit  suffire  à  la  défense  de 
pouvoir  en  exclure  le  tiers.  Ce  ne  serait  pas  assez  sans  doute 
si  la  liste  entière  était  frappée  de  suspicion,  si  la  manière  dont 
elle  a  été  rédigée  témoignait  d'une  partialité  préméditée;  il 
faudrait  alors,  comme  dans  les  législations  que  nous  avons 
citées,  donnera  Taccuséla  faculté  d'écarter  le  panel,  c'est-, 
i-dire  la  liste  tout  entière.  Mais  notre  Gode  n'a  pas  prévu 
ce  péril,  parce  qu'il  n'a  pas  paru  qu'il  pût  exister;  il  n'a 
prévu  que  des  récusations  portant,  non  contre  le  tableau, 
mais  contre  quelques  individus  de  ce  tableau;  et  à  ce  point 
de  vue,  qui  suppose  que  la  liste  a  été  composée  avec  toutes 
les  garanties  que  la  justice  exige,  il  est  certain  que  neuf  ré- 
cusations péremptoires  sur  trente  jurés,  douze  sur  Irente-six^ 
donnent  à  la  défense  une  protection  efficace  et  sûre. 

Tel  est  le  système  de  notre  Code.  Si  quelques  publicistes 
ont  pensé  qu'il  ne  sauvegardait  pas  suffisamment  les  intérêts 
de  l'accusé  S  d'autres  l'ont  attaqué  au  contraire  par  le  motif 
que,  non-seulement  il  les  couvrait  assez,  mais  qu'il  exposait 
même  la  société  à  des  dangers  sérieux  •.  Ceux-ci  regardent 
le  droit  de  récusation,  tel  qu  il  est  organisé,  comme  une 
arme  dont  se  sert  habituellement  la  défense  pour  écarter  les 
jurés  qu'elle  suppose  les  plus  fermes  et  les  plus  éclairés,  et 
qui  se  trouvent  par  là  l'objet  d'une  sorte  d'ostracisme  quand 
ils  seraient  les  plus  utiles  à  la  justice.  Cette  critique  nous  pa- 
raît exagérée.  Il  est  évident,  d'abord,  qu'elle  ne  peut  s'adres- 
ser à  Tusage  que  les  accusés  feraient  de  leur  droit ,  car, 
n'assistant  qu'à  l'audience  où  ils  sont  jugés,  ils  ne  peuvent 
connaître  les  jurés  les  plus  fermes  et  les  plus  éclairés.  Elle 
ne  peut  donc  s'adresser  qu'aux  défenseurs  qui  sont  présents 
autirage>  et,  par  conséquent,  s'est  cette  présence,  et  non  le 
droit  de  récusation  lui-môme,  qui  seule  est  attaquée.  Nous 

*  Charles  Comte^  conndéraUoQS  lur  le  pouvoir  judiciaire  p.  461  ;  Méyer, 
iDstjad.,t.V,  p.  499. 
2  M.  Delacuisinc,  de  l'adin.  delà  jusl.crim.  p.  99. 


4J2  DES  COURS  D*ASSISES. 

avons  examiné  ailleurs  Tutilité  du  concours  des  défenseurs  : 
ils  sont  le  pour  soutenir  les  droits  de  Taccusé,  pour  diriger 
ses  récusations,  pour  lui  apporter  une  sorte  de  tutelle  et 
d^appui  pendant  toute  l'opération  du  tirage.  Est- il  vrai  que 
ce  concours,  nécessaire  à  la  défense,  puisse  avoir  quelque 
inconvénient  en  ce  qui  touche  le  choix  des  jurés?  Ce  n*est 
guères  que  vers  la  fin  d'une  session  que  les  jurés  peuvent 
être  appréciés,  car  il  faut  plusieurs  épreuves  pour  connaître 
leurs  tendances  *,  or  les  sessions  ne  dépassent  pas  en  général 
dix  ou  quinze  jours.  Ensuite  il  faut  supposer  que  les  mômes 
défenseurs  aient  suivi  toutes  les  audiences  de  la  Cour  d'as- 
sises, afin  d'étudier  les  dispositions  des  jurés  et  de  discerner 
ceux  qui  seraient  les  plus  enclins  à  la  sévérité.  Il  résulte  déjà 
de  ces  deux  observations  que  ce  n'est  que  dans  des  cas  très 
restreints  que  l'abus  que  Ton  signale  peutse  produire.Etpuis, 
si  les  jurés  s'apercevaient  que  ceux  d'entre  eux  dont  la  ferme 
té  est  soupçonnée  sont  systématiquement  écartés,  ne  devien- 
draient-ils pas  aussitôt  plus  énergiques?  Et  la  défensCj  enGo, 
a-t-elle  réellement  quelque  profit  à  exclure  du  banc  de  ses 
juges  les  plus  éclairés?  Admettons  qu'elle  l'ait  fait  quelque- 
fois, c'est  assurément  un  acte  regrettable  pour  la  justice. 
Mais  quel  est  le  droit,  quelque  sacré  qu'il  soit,  dont  l'exergce 
ne  puisse  révéler  quelque  inconvénient?  La  loi,  du  reste, 
a  placé  le  remède  à  côté.  Le  droit  de  récusation  du  ministère 
public,  égal  à  celui  de  l'accusé,  en  neutralise  en  quelque 
sorte  les  effets  :  si  l'accusé  écarte  les  jurés  dont  il  redoute 
l'inflexibilité,  le  ministère  public  peut  écarter  ceux  dont  il 
suspecte  l'indulgence  ou  la  faiblesse.  On  objecte,  il  est  vrai, 
que  les  magistrats  répugnent  à  se  servir  de  ce  moyen ,  parce 
qu'il   en  résulte  une  certaine  humiliation  et  des  blessures 
d'amour-propre  pour  les  jurés  qui  en  sont  l'objet.  Cette 
objection  n'est  pas  sérieuse.  S'il  exjstedes  motifs  de  supputer 
soit  l'impartialité  des  jurés,  soit  leurs  lumières,  le  magistrat 
qui  représente  la  société  ne  trahirait-il  pas  son  mandat  en 
négligeant  par  une  fausse  délicatesse  de  les  écarter?  Les 
sentiments  de  l'homme  ne  doivent-ils  pas  s'effacer  devant  les 
dçvoirs  du  magistrat?  Lui  appartient-il  de  déclarer  inutile 
et  de  laisser  oisive  une  arme  que  la  loi  a  déposée  entre  ses 
mains  pour  défendre  les  intérêt»  de  la  société?  Quant  à  l'effet 
des  récusations  sur  les  jurés,  il  est  généralement  admis  qu'elles 
n'infligent  aucun  blâme  et  qu'elles  ne  sont  que  la  dispense 
de  la  fonction.  C'est  pour  leur  enlever  tout  caractère  récri- 


DB   LA  COMPOSITION  DU    JURT.    §  603.  413 

minatoire  que  la  loi  a  voulu  qu'elles  ne  fussent  plus  motiTées. 
Mais  fût-il  possible  de  leur  donner  aun  auire  sens,  qu'im-* 
porte?  Est-ce  des  froissements  frivoles  d^amour- propre  qu'il 
faut  invoquer  pour  restreindre  Tun  des  droits  nécessaires 
de  la  défense  dans  Tun  des  ûcles  les  plus  solennels  de  la 
procédure?  Il  faut  essayer  sans  doute  de  concilier  l'appli- 
cation du  principe  avec  les  susceptibilités  des  hommes;  mais 
doit-il  en  dépendre? 

H.  Après  avoir  établi  le  caractère  général  et  les  limites 
(lu  droit  de  récusation  »  nous  devons  tracer  les  formes  suivant 
lesquelles  il  s'exerce. 

L^art.  399  porte  ;  «  Taccusé  premièrement  ou  sod  conseil 
et  le  procureur  général  récuseront  tels  jurés  qu'ils  jugeront 

à  propos ,  à  mesure  que  leurs  noms  sortiront  de  Turnc 

l'accusé^  son  conseil ,  ni  le  procureur  général ,  ne  pourront 
exposer  Icur^  motifs  de  récusation.  » 

il  y  a  lieu  d'examiner  successivement  le  mode  des  reçu- 
salions,les  personnes  qui  peuvent  les  exercer,  leur  nombre  s'il 
n'yaqu'unseul  ou  s'il  y  a  plusieurs  accusés,enfin  leurs  eiïets. 

Le  mode  des  récusations  est  clairement  indiqué  par  la  loi. 
Elles  doivent  être  faites  au  moment  où  chaque  nom  extrait  de 
i'mrnc  est  proclamé  par  le  président.  Si  cette  proclamation 
n'est  suivie  d'aucune  réclamation  et  que  le  président  proclame 
un  autre  nom,  le  premier  est  acquis  à  la  cause  et  la  récusa- 
lion  qui  surgirait  alors  serait  tardive.  Les  arrêts  qui  consa- 
crcot  ce  point  portent  :  «  qu^aux  termes  du  §  2  de  l'art.  399, 
^i  l'accusé  ou  son  conseil  et  le  procureur  général  veulent  user 
|lc  la  faculté  que  la  loi  leur  donne  de  récuser  tels  jurés  qu'ils 
jugeront  à  propos,  ils  doivent  le  faire  à  mesure  que  les  noms 
(les  jurés  sortent  de  Turne;  qu'il  suit  de  là  que^  lorsque  la 
sortie  du  nom  d'un  juré  n'a  donné  lieu  k  aucune  récusation 
el  que  l'opération  du  tirage  a  été  continuée ,  ce  juré  est  ac- 
quis à  la  cause  et  ne  peut  être  éliminé  du  tableau  par  iinc 
r(>cusation  tardive  ;  qu'il  est  impossible  d'admettre  que  son 
acceptation  doive  être  subordonnée  à  la  préférence  qu'on  ac- 
corderait plus  tard  à  d'autres  jurés  dont  les  noms,  par  l'évé- 
nemcnt  du  tirage  au  sort,  seraient  restés  dans  Vurnc  ;  que 
Tcsprit,  comme  la  lettre  de  la  loi ,  repoussent  de  telles  com- 
binaisons *.  »  Il  suit  de  là  qu'il  sufCt  «  que  les  accusés  et  le 
niinistère  public  aient  laissé  passer,  sans  le  récuser,  le  noirt 

'  Cass,  1  lept,  i83dt  rapp,  M»  BreMon,  Bull,  tii  S89. 


414  DES  COURS  d'assises. 

(l'un  juré  avaiU  que  le  nom  du  juré  suivant  fût  extrait  de 
Turne  et  proclamé  par  le  président,  pour  que  ce  juré^précé- 
dent  ne  puisse  plus  être  récusé  postérieurement  i.  o 

Le  président  doit  extraire  et  proclamer  les  noms  avec  len- 
teur et  en  mettant  entre  chaque  nom  un  certain  intenralle, 
afin  que  Taccusé  ait  le  temps  de  se  recueillir  et  d'apprécier 
s'il  doit  récuser.  Il  est  évident  que  si  cette  opération  était 
conduite  avec  rapidité,  la  défense  serait  dans  l'impossibilité 
absolue  d'exercer  son  droit.  Elle  doit ,  au  surplus,  maintenir 
sa  prérogative,  si  elle  la  croit  engagée ,  en  prenant  des  con- 
clusions formelles  pour  constater  le  fait  qui  lui  préjudicie.  Un 
accusé  alléguait  à  Tappui  de  son  pourvoi  que  son  défenseur, 
avant  que  le  président  n'eût  mis  la  main  dans  l'urne  pour 
tirer  un  2'  juré^  aurait  dit  quMl  récusait  le  premier»  à  quoi  le 
président  aurait  répondu  qu'il  n'était  plus  temps  :  le  rejet  a 
dû  être  prononcé ,  «  attendu  que  le  procés-verbal  du  tirage 
du  jury  ne  contient  aucune  mention  du  fait  allégué;  qu'il  ne 
constate  non  plus  en  aucune  façon  que  le  défenseur  ait  de- 
mandé acte  du  refus  fait  par  le  président  d'admettre  une  ré- 
cusation, refus  fondé  sur  ce  que  cette  récusation  était  faite 
tardivement  ;  qu'il  ne  peut  dès  lors  y  avoir  lieu  d'admettre  le 
demandeur  à  faire  preuve  du  fait  allégué,  lequel  n'ayant  été 
de  sa  part  Tobjet  d'aucune  réclamation  au  moment  oùH  se 
serait  passé,  ne.  peut  être  présumé  avoir  porté  une  atteinte 
réelle  à  rexercice  de  son  droit  de  récusation  *•  >  Dans  une 
autre  espèce,  l'accusé  prétendait  avoir  rétracté  la  récusation 
qu'il  avait  d'abord  formulée  :  il  a  été  réponduaqu'une  récu- 
sation, une  fois  déclarée  par  Paccusé,  ne  peut  être  posté- 
tieurement  rétractée  par  lui  sous  prétexte  d'erreur  ;  que  le 
procès-verbal  constate  d'ailleurs  que  le  tirage  a  été  régalier 
et  qu'il  ne  mentionne  aucune  réclamation  de  l'accusé  i  cet 
égard  >.  »  La  récusation  aurait  pu  être  rétractée  avant  le  ti- 
rage du  nom  suivant,  mais  rien  ne  constatait  qu'elle  eûtj 
devancé  ce  nom. 

Aucune  récusation  ne  peut  plus  être  exercée  dès  que  lej 
nom  du  douzième  juré  est  proclamé  et  que  le  président  a d(' 
claré  le  jury  formé.  Que  si  une  cause  de  récusation  tnlen^i 

*  Cas».  iS  juil.  1853,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.  J*  P.. 
674. 

'  Cass.  24  juU.  iSAi,  rapp.  M.  Debaussy.  BuU.  o.  219. 

*  (  ass.  31  juîllci  4829,  rapp.  M,  Meyronnet-St-Marc,  J.  P.f  t,  XXIÏ» 
p.  A302. 


DB  LA  COMPOSITION  1^0  mUT.  §  603.  4i{$ 

postérieurémeiit,  par  exemple)  la  maDÎfestatioo  par  un  juré 
de  son  opioioa  ou  la  découverte  de  sou  intérêt  dang  la 
cause,  il  n'y  aurait  d'autres  remèdes  que  d'ordonner  son  rom- 
piacement  par  un  suppléant,  s'il  y  en  a  '»  ou  de  renvoyer 
I  affaire  à  la  prochaine  session  '. 

L'accusé  peut-il  s'aider  de  notes  écrites  pour  faire  ses  ré- 
cusalioDs  ?  pourquoi  ne  le  pourrait>-il  pas? quelle  disposition 
de  la  loi ,  quelle  règle  pourrait-on  lui  opposer  ?  comment  lui 
contester  la  faculté  de  consigner  par  écrit  les  renseignements 
qu'il  s'est  procurés-  sur  les  jurés  et  de  recourir  à  ces  reusei- 
gn<>oients  au  moment  du  tirage  7  Toutefois ,  une  Cour  d'as- 
sises avait  dénié  ce  droit  è  un  accusé  et  le  pourvoi  a  été  re- 
jeté, attendu  qu'aucune  loi  n'avait  été  violée  3.  Si  aucune 
loi  n'^t  expressément  violée  par  un  tel  refus»  il  est  évident 
que  le  droit  de  la  défense  est  au  moins  restreint  et  qu'une 
(elle  restriction,  assurément  arbitraire,  ne  peut  trouver  au- 
cun fondement  légal.  L'arrêt  qu'on  vient  de  rapporter  est 
intervenu  à  une  époque  où  la  jurisprudence  voulait  que  la 
récusation  fût  le  résultat  du  sentiment  personnel  et  intime  de 
Taccusé  et  en  éloignait  toutes  les  inspirations  étrangères  ^. 
Cette  jurisprudence  n'a  cessé  d'exister  tout  à  fait  qu'à  la  pro- 
n)ulgalion  de  la  loi  du  28  avril  1832. 

Enfin,  toutes  les  récusations  sont  péremptoires  et  ne  peu- 
vent être  dans  aucun  cas  motivées;  elles  ne  reposent  poiut 
sur  des  causes  déterminées  qui  aient  besoin  d'être  appréciées 
par  les  juges  ;  elles  sont  donc  dé6nitives  au  moment  où  elles 
sont  articulées,  à  moins  qu'elles  ne  soient  immédiatement 
rétractées  ou  qu'elles  ne  soient  formulées  qu'après  que  le 
droit  de  récusation  est  épuisé  *• 

III.  Quelles  personnes  peuvent  exercer  ce  droit?  Aux 
termes  de  la  loi,  l'accusé  ou  son  conseil  et  le  ministère  public 
ont  seuls  cet  exercice. 

Le  conseil  de  Taccusé,  dont  la  présence  avait  seulement  été 
tolérée  jusqu'alors  et  qui  ne  prenait  pas  une  part  active  aux 
récusations,  a  été  formellement  investi  par  la  loi  du  28  avril 


'  Gass.  SSjaoT.  4853,  rapp.  U.  Isambert.  BuH.  n.  S9. 

*  Gaas.  29  non  iSSS,  rapp.  M.  Debaossy,  Bull.  n.  364. 

*  Cas8.i5  janT.  1819,  non  imprimé  dans  les  recueils. 

*  Cass.  1  déc.  1840,  rapp.  If.  Rataad,  citésuprà, 

*  Cass, 8  sept«  1826,  rapp.  M|  Bri^re,  J.  P.,  t.  \X|  p.  98 


L 


4iC  DES  COURS  D*ASS19RS. 

1832  du  droit,  non  pas  seulement  d'assister  au  tirage,  mais 
d'exercer  lui-même  et  personnellement ,  dans  l'intérêt  de 
l'accusé,  toutes  les  récusations  qu'il  juge  h  propos.  Le  droit 
de  récusation,  jusques-là  personnel  i  Taccusé,  lui  a  été  com- 
muniqué. Il' peut  donc  soit  indiquer  à  son  client  les  jurés  que 
son  intérêt  peut  lui  commander  d'écarter,  soit  les  écarler 
lui-même  et  sans  aucune  autorisation  de  sa  part.  Seulement  il 
ne  peut  exercer  ce  droit  qu'à  défaut  de  Taccusé  :  la  loi  a  voulu 
réserver  à  celui-ci  le  privilège  d'être  entendu  le  premier, 

Le  président  peut-il  refuser  de  faire  droit  à  une  récusation 
du  défenseur  sous  le  prétexte  qu'elle  n'est  pas  sérieuse  et 
qu'elle  a  été  sollicitée  par  le  juré  pour  se  dispenser  de  Tac* 
complissement  de  ses  devoirs?  Non^  car  il  ne  lui  est  pas  per- 
mis d'en  scruter  les  causes,  il  sullit  que  la  récusation  soit  ex- 
primée pour  qu'elle  soit  acquise  ;  le  droit  doit  s'exercer  sans 
aucun  contrôle  dans  les  limites  qui  lui  ont  été  données  >. 

Le  ministère  public  a  le  même  droit  que  l'accusé  et  son 
exercice  est  soumis  aux  mômes  règles.  Ainsi,  il  importe  peu 
qu'il  ait  récusé  des  jurés  sur  leur  demande,  «  car  la  demande 
de  ces  jurés  à  fin  de  récusation  ne  liait  aucunement  le  minis- 
tère public  qui  n'a  pu  se  déterminer  que  d'après  dos  motifs 
puisés  dans  sa  conscience  et  dans  le  bien  de  la  justice  '.  » 

Les  jures  ne  pourraient  se  récuser  eux-  mêmes,  c'est-à-dire, 
s'abstenir  de  connaître  d'une  affaire.  Ce  droit  ne  leur  a  point 
été  reconnu  par  la  loi  ^.  Ils  peuvent  seulement,  s'ils  savent 
dans  leur  personne  quelque  cause  d'incapacité,  d'incompati- 
bilité ou  d'exclusion,  les  exposera  la  Cour  qui  peut  les  dis- 
penser s'il  y  a  lieu,  ou  laisser  au  droit  de  récusation  le  soin 
de  les  écarter»  si  les  parties  le  jugent  à  propos. 

La  partie  civile  ne  peut  exercer  le  droit  de  récusation  :  la 
loi  n'a  pas  pensé  que  des  intérêts  purement  civils  pussent 
motiver  cet  exercice.  Cependant,  si  l'un  des  accusés  s'était 
porté  partie  civile  à  Tégard  de  Taùtre,  il  n'en  résulterait  pas 
qu*il  devint  non  recevable  à  prendre  part  aux  récusations  ; 
mais  son  droit  n'aurait  pour  titre  que  l'accusation  qui  pèse 
sur  lui  ;  sa  qualité  de  partie  civile  n'aurait  à  cet  égard  aucune 
influence^. 


•  Cass.  6féT.  183iS,  rapp.  M.  Choppîn.  J.  P.,  i.  XXVI,  p.  459. 

*  Cuss.  2G  août  26A2,  rapp.  M.  Isamberl.  Bull.  n.  221. 

3  Cass*  ûscp(.i8i6,  rdpiu  M.  Pnjot.  Dali,  v"  iast.  crjm.  n.  iS62}8septi 
ibÛÔ,  rai'.p.  M.  Briùixî.  J.  P.,  /.  XX,  p.  864* 
^  Cass*  dUec*  iddO)  rapp,  M,  yiuceti$-9t-Lauretit,  J.  Ptt  àsadatci 


DE  LA  COMPOSg-IOM  DU  lOBT.  §  603.  4i7 

IV.  Le  nombre  des  récusations  est  réglé  par  les  art.  &00 
et  401. 

L^art.  401  dispose  que  a  Taccusé  et  le  procureur-géné- 
ral pourront  exercer  un  égal  nombre  de  récusations  ;  et  ce- 
pendant si  les  jurés  sont  en  nombre  impair^  les  accusés  pour- 
ront exercer  une  récusation  de  plus  que  le  procureur-géné-  ' 
rai.  »  L*art.  400  ajoute  :  «  les  récusations  que  pourront  faire 
l'accusé  et  le  procureur-général  s^arréteront  lorsqu^il  ne 
restera  que  douze  jurés.  » 

Il  résulte  d'abord  de  ces  dispositions  que  si  les  jurés  ne 
sont  qu^au  nombre  de  trente,  les  deux  parties  peuvent  en  ré- 
caser  chacune  neuf;  que  s'ils  sont  au  nombre  de  trente-deux, 
trente-quatre  ou  trente-six,  ils  peuvent  en  récuser  chacune 
dix,  onze  ou  douze;  que  s'ils  sont  au  nombre  de  trente-un,  . 
trente-trois  ou  trente-cinq,  le  ministère*public  peut  en  récu- 
ser neuf,  dix  ou  onze,  et  l'accusé  dix,  onze  ou  douze. 

On  avait  pensé  d'abord  que  lorsqu'une  des  deux  parties 
n'épuisait  pas  son  droit,  Taulre,  après  avoir  exercé  ses  pro- 
pres récusations,  pouvait,  si  elle  ne  rencontrait  pas  d'opposi- 
tiouy  reprendre  et  épuiser  celles  dont  la  première  n'avait  pas 
usé.  Ainsi ,  dans  une  espèce  où,  sur  trente  jurés  présents, 
le  ministère  public  avait  exercé  douze  récusations  «  le  pour- 
voi avait  été  rejeté ,  <  attendu  que  si  le  ministère  public  a 
formé  douze  récusations,  c'est  que  le  condamné  présent  y  a 
consenti  par  cela  même  qu'il  n'a  pas  exercé  autant  de  récu- 
sations qu'il  en  avait  le  droit  ^»  Mais  cette  première  juris- 
prudence fut  promptcment  réformée  :  il  fut  reconnu  que  les 
droits  des  deux  parties  sont  indépendants  l'un  de  Tautrc  et 
de  l'exercice  que  chacune  fait  du  sien  ;  que  la  mesure  de  ces 
droits  est  déterminée  et  ne  peut  s'accroître  par  le  non  usage 
de  Tun  d'eux;  enfin  que  le  nombre  des  récusations  que  le 
ministère  public  et  Taccusé  peuvent  opérer  est  fixé  et  que 
ni  Tun  ni  l'autre  ne  peut  empiéter  sur  celles  qui  ne  lui  appar- 
tiennent pas  pour  les  ajouter  aux  siennes.  Ainsi,  dans  une 
espèce  où  sur  trente-trois  jurés  présenta,  le  ministère  public 
en  avait  récusé  dix-huit ,  l'annulation  fut  prononcée  :  «  at- 
tendu que  la  partie  publique  a  porté  atteinte  au  droit  de 
Taccusé,  en  exerçant  huit  récusations  au  delà  des  dix  qui  lui 
compétaient;  que  ces  huit  récusations  ne  pouvaient  être 
exercées  que  par  l'accusé  ou  ne  devaient  pas  être  exercées, 

*  Ca«:i.  22  ocl.  18J2,  lapp.  M,  fiQUcbau.  Dali.  \*  Insl,  crim.,  n.  4872. 
fiii.  27 


418  DES  C0VI8  D*ASSISKSr  4 

Taccnsé  ayant  gardé  le  silence  ;  qu'en  effet,  du  silence  de 
l'accusé ,  &  rappel  des  huit  jurés  qui  a  été  fait  à  la  suite  des 
dix  récusations  légalement  exercées  par  la  partie  publique,  il 
fallait  conclure,  non  pas  que  Taccusé  renonçait  au  droit  de 
récuser  et  que  la  partie  publique  pouvait  s'en  emparer,  mais 
seulement  que  Taccusé  ne  voulait  pas  l'exercer  sur  les  hait 
jurés  dont  les  noms  étaient  proclamés  '.  »  La  règle  ainsi  éta- 
blie, la  question  n'a  plus  été  agitée. 

De  même,  de  ce  que  la  loi  veut  que  Taccusé  exerce  son 
droit  de  récusation  premièrement,  il  ne  résulte  pas  que  le 
droit  du  ministère  public  soit  paralysé  tant  que  l'accusé 
n'exerce  pas  le  sien  :  tout  ce  que  veut  la  loi,  c'est  qu'à  la 
proclamation  de  chaque  nom,  l'accusé  ait  la  parole  le  pre- 
mier pour  le  récuser  s'il  le  juge  à  propos;  s'il  ne  le  fait  pas, 
le  ministère  public  peut  le  faire  à  son  tour  :  son  droit  n'est  pas 
subordonné  à  celui  de  l'accusé 5  mais  il  ne  l'exerce  à  l'égard 
de  chaque  juré  qu'après  que  celui-ci  a  été  mis  en  demeure 
d'exercer  le  sien.  Chacun  d'eux  est  le  maître  de  son  action 
dans  le  cercle  que  la  loi  lui  a  tracé;  elle  n'a  fait  que  ré- 
gler le  rang  dans  lequel  ils  formulent  successivement  leur 
opposition. 

L'adjonction  des  jurés  suppléants,  sans  modifier  le  droit  de 
récusation^  restreint  les  limites  de  son  application.  Ainsi,  en 
supposant  le  minimum  de  trente  jurés,  si  la  Cour  d'assises 
tire  un  juré  suppléantj  le  nombre  des  récusations  à  exercer 
facultativement  sera  de  neuf  pour  les  accusés  et  de  huit  pour 
le  ministère  public  ;  et  s'il  est  procédé  au  tirage  de  deux 
jurés  suppléants,  le  nombre  des  récusations  se  trouve  réduit 
à  huit  tant  pour  les  accusés  que  pour  le  ministère  public  *. 
Nous  avons  déjà  signalé  cette  conséquence  de  la  mesure  de 
l'adjonction  *. 

Il  est  indispensable  que  le  président  des  assises  avertisse 
1  accusé,  avant  de  commencer  l'opération  du  tirage,  du  nom- 
bre de  récusations  qu'il  lui  appartient  d'exercer;  car,  que  lui 
servirait  son  droit,  s'il  ne  sait  pas  la  mesure  dans  laquelle  il 
doit  en  user?  Qu'importerait  qu'il  fut  écrit  dans  la  loi,  s'il  ne 
lui  est  donné  aucune  instruction  sur  le  mode  de  son  exercice? 

*  Caw.  9&  déc.  4818,  rapp.  M.  Oudot  J.  P.,  XI,  848. 

*  Cas».  dO  août  d887»  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  XXI,  Wi  8  annl  i828, 
rapp.  M.  Gaillard,  XXI,  1348?  20  avril  1832,  rBpp,M,deRîcttrd,XXrV,989. 

»  Voy,  wprà,  p,  378. 


1>f  LA  COMPOSITION  DU   JOBY.  §  603.  il9 

C'est  l'un  des  devoirs  du  magistrat  qui  préside  de  le  mettre  à 
même,  par  ses  explications,  d'en  user  complètement:  car  il 
lai  appartient  de  veiller  à  Texécution  de  toutes  les  dispo- 
sitions qui  se  rattachent  à  la  procédure  des  assises  et  de  pro- 
téger le  libre  exercice  des  facultés  qui  appartiennent  soit 
à  I  accusation,  soit  à  la  défense,  La  loi  s'est  confiée  à  cet  égard 
à  sa  conscience  et  à  son  impartialité  :  son  esprit  suppose  l'a- 
veriissement;  son  texte  n'en  parle  pas.  La  jurisprudence  a 
dû  en  conséquence,  sans  dénier  la  nécessité  de  cette  forma- 
lité, déclarer  cependant  que  le  défaut  de  sa  constatation  n'em- 
porte pas  de  nullité  K  II  faut  toutefois  excepter  le  cas  où 
par  Peffet  de  la  négligence  du  président,  il  serait  établi  que 
le  droit  de  récusation  aurait  élé  compromis.  Cette  réserve  est 
formellement  énoncée  dans  un  arrêt  qui  déclare  :  c  que  les 
art.  400  et  suivants  n'établissant  pas  de  peine  de  nullité  pour 
défaut  de  constatation  au  procès-verbal  de  cet  avertissement 
ou  pour  erreur  dans  Taccomplissement  de  la  formalité,  la 
nullité  ne  pourrait  être  encourue  qu'autant  qu'il  serait 
prouvé  que  cette  erreur  a  préjudicié  à  l'accusé  et  porté  at- 
teinte à  son  droit  de  récusation  *.  » 

V.  S'il  y  a  plusieurs  accusés,  le  nombre  des  récusations 
demeure  le  môme.  Le  2*  §  de  l'art.  402  porte  :  t  ils  ne 
pourront  excéder  le  nombre  de  récusations  déterminé  pour  un 
seul  accusé  par  les  articles  précédents.  »  Ainsi,  ce  nombre, 
quel  que  soit  celui  des  accusés  et  fut-il  plus  considérable  que 
le  chiffre  des  récusations,  est  limité,  à  l'égard  de  tous  à  la 
fois,  au  minimum  de  neuf  et  au  nniximum  de  douze. 

Comment  ces  récusations  sont-elles  réparties  entre  les  dif- 
férents accusés?  La  loi  a  prévu  trois  hypothèses  :  1«  ils  peu- 
vent se  concerter  pour  toutes  les  récusations  ;  2''  ils  peuvent 
se  concerter  pour  une  partie  seulement  ;  3^  ils  peuvent  ne  pas 
se  concerter  et  dans  ce  cas  le  sort  régie  le  rang  dans  lequel 
ils  les  font  séparément. 

La  première  et  la  seconde  hypothèse  sont  réglées  par  les 
art.  402 et  403.  L'art.  402  porte  :  «  s'il  y  a  plusieurs  accusés, 
ils  pourront  se  concerter  pour  exercer  leurs  récusations.  » 
L'art.  404  ajoute  :  «t  les  accusés  pourront  se  concerter  pour 
exercer  une  partie  des  récusations,  sauf  à  exercer  le  surplus 
suivant  le  rang  fixé  parle  sort.  »Dès  qu'il  y  a  concert,  il  n'y  a 

*  Cafls.  &  janv.  i840,rapp.  M.  Meyronoet  St-Mare.  Dali.  AO,  l|  898;  18 
sept.  t845»  rapp.  M.  Barennes.  Bull.  n.  393. 

'  Casit  38  février  i8dd|  rapp,  M.  Legagncur.  BttlU  n.  67* 


4â0  DES   COURS    D  AGSiSF.fî.  • 

plus  de  difficulti'».  Mais  rommcnl  se  forme  et  se  constate  ce 
concert?  Évidemment  par  la  déclaration  des  accusés.  Le  pré- 
sident doit  accorder  un  certain  délai  pour  qu^ils  conviennent 
entre  eux  de  ce  qui  importe  le  plus  à  leurs  intérêts  ;  car, 
puisqu'ils  peuvent,  aux  termes  de  laloi,  se  concerter,  il  faut 
qu'ils  aient  le  moyen  de  le  faire.  Le  concert  se  présume 
môme  par  le  seul  défaut  de  réclamation  et  il  a  été  jugé 
9  que  les  accusés  n'ayant  point  fait  connaître  au  président 
qu^ils  ne  se  fussent  pas  concertés  pour  exercer  leurs  récusa- 
tions, et  le  procés-verbal  constatant  qu'ils  ont  exercé  cinq 
récusations  sans  qu'aucun  désaccord  so  soit  manifesté  entre 
eux  c)  cet  égard  ,  il  suit  qu'il  a  été  satisfait  suffisamment 
aux  dispositions  de  la  loi  ^  »  Il  a  été,  au  surplus,  reconnu 
que  les  accusés  peuvent  charger  un  seul  d'entre  eux  d'agir 
au  nom  de  tous  *,  et  qu'ils  peuvent  même  déléguer  cette 
mission  à  l'un  des  défenseurs  *. 

Dans  ta  troisième  hypothèse,  les  difficultés  sont  un  peu 
plus  graves.  L'art.  403  déclare  que  «  si  les  accusés  ne  se 
concertent  pas  pour  récuser,  le  sort  réglera  entre  eux  le  rang 
dans  lequel  ils  feront  les  récusations.  Dans  ce  cas,  les  jurés 
récusés  par  un  scuU  et  dans  cet  ordre,  le  seront  pour  toas, 
jusqu'à  ce  que  le  nombre  des  récusations  soit  épuisé.  »  Cet 
article  a  été  clairement  expliqué  par  un  arrêt  dans  lequel  on 
lit  ((  que  l'art.  403  a  voulu  évidemment  que  l'accusé  placé 
par  le  sort  au  premier  rang  épuisât  d'abord  son  droit,  mais 
que  si  ce  droit  consistait  à  faire  seul  toutes  les  récusations 
possibles,  il  en  résulterait  que  ses  coaccusés  pourraient  être 
privés  d'en  exercer  une  seule,  ce  qui  n'est  nullement  dans  le 
VŒU  de  la  loi  ;  qu'il  y  a  donc  nécessité  de  diviser  proportion- 
nellement entre  tous  les  accusés  le  nombre  des  récusations  & 
exercer^  afin  qu'au  rang  près  la  condition  soit  la  même  pour 
tous  ;  qu'à  la  vérité,  il  peut  arriver  qu'au  total  le  nombre  des 
récusations  possibles  ne  soit  pas  épuisé,  mais  qu*il  ne  le  sera 
point  parce  que  chacun  des  accusés  n'aura  pas  voulu  épuiser 
sa  part,  ce  qui  présente  moins  d'inconvénient  que  si  un  seul 
pouvait  récuser  pour  tous,  ou  que  si  la  faculté  dont  l'un  n'au- 
rait point  usé  était  reportée  à  l'autre,  puisque,  dans  ce  sys- 
tème, certains  accusés  seraient  privés  de  jurés  qu'ils  auraient 
voulu  conserver;  qu'à  la  vérité  encore,  on  prétend  écarter  ces 

*  Cass.  8  mai  1884,  rapp.  M.  Debaussy.  J«  P.  XXVI,  400. 

*  Cass.  8  décembre  iH36,  rapp.  M.  Vinccns  St-Laureat.  Sir.  38, 9,  82« 

*  Gais,  10  JaDYf  188i|  rapp.  M,  Rives,  Sir.  34»  1,  660. 


DE  LA  COMPOSITION  DU  JURY.   §  603.  421 

inconvénients  en  faisanlque  Taccusé  placé  au  premier  rang, qui 
aurait  exercé  une  première  récusation,  ne  fut  plus  interrogé 
sur  le  nom  sorti  postérieurement  de  l'urne  qu^aprés  interpel- 
lation faite  aux  accusés  placés  à  un  rang  inférieur;  maïs  que, 
dans  ce  système»  les  récusations  ne  seraient  plus  faites  suivant 
Tordre  établi  par  le  sort,  comme  le  veut  à  deux  reprises  Tarli- 
cle  k03  ;  que  le  n""  2  deviendrait  le  n""  1  avant  que  le  n»  1  eut 
épuisé  sa  part  de  récusations,  ce  qui  est  inconciliable  avec  la 
règle  établie  par  cet  article  '.  »  Il  résulte  de  cette  interpré- 
tation que  le  président  doit,  1**  procéder  au  tirage  au  sort  des 
noms  des  accusés  pour  régler  le  rang  qu'ils  doivent  occuper 
dans  Texercice  du  droit  de  récusation*;  2^  diviser  le  nombre 
des  récusations  à  opérer  proportionnellement  au  nombre  des 
accusés  ;  3^  ne  laisser  cbacun  d'eux  exercer  que  celles  qui  lui 
appartiennent  sans  qu'il  puisse  se  servir  de  celles  qui  appar- 
tiennent à  ses  coaccusés.  Ainsi»  l'opération  serait  nulle  si  le 
président*  au  lieu  de  fractionner  les  récusations  pour  faire  la 
part  de  chaque  accusé,  les  interpelait  tous  successivement,  en 
suivant  Tordre  établi  par  le  sort,  sur  chaque  nom  de  juré 
sortant  de  Furne,  tant  que  la  faculté  totale  de  récuser  ne  se- 
rait point  épuisée  ''.  Ainsi  l'opération  serait  nulle  encore  si  le 
président  laissait  le  premier  des  accusés  sorti  par  le  sort,  en 
l'absence  de  tout  concert  de  leur  part,  exercer  pour  eux  tous 
collectivement  le  droit  personnel  de  chacun  d'eux  '• 

Que  faut-il  décider  cependant  si  le  nombre  des  accusés  est 
supérieur  à  celui  des  récusations?  L'accusé  qui  vient  au  9""  ou 
au  10*  rang,  si  le  nombre  des  récusations  est  fixé  à  8  ou  9, 
sera-t-il  exclu  de  toute  participation  au  droit  de  récusation, 
lors  même  que  ses  coaccusés  ne  l'auraient  pas  épuisé  ?  Cette 
question,  qu'un  arrêt  a  réservée  sans  essayer  de  la  résoudre  ^, 
présente  quelque  difficulté  à  raison  de  l'interprétation  qui 
Tient  d'être  exposée.  Si  chacun  des  accusés  ne  peut  exercer 
que  la  part  des  récusations  qui  lui  a  été  faite  et  ne  peut  pré- 
tendre à  celle  de  ses  coaccusés ,  il  s'ensuit  que  celui  que  le 
sort  a  placé  trop  loin  pour  eu  avoir  aucune»  ne  peut,  lors 
même  que  ses  coaccusés  n'auraient  pas  épuisé  les  leurs,  les 
reprendre  en  son  nom.  Cependant,  cette  conséquence  serait 
bien  rigoureuse.  On  ne  doit  pas  assimiler  le  cas  où  chacun  des 

*Gas6.  26  féY.  iSAlt  rapp*  M»  Romigoières.  Bull.  n.  53. 

^  MÊme  arrêU 

>  Cass.  2  février  1833,  rapp,  M.  Gilbert  de  Voisins.  J.  P.,  U  XXV>  p.  1^0, 

*  Cass.  3  déc  i9369  cilé  »uprà  p.  420. 


422  hE$  couAs  d'asuses. 

accusééi  exerce  une  part,  si  restreinte  qu'elle  soit,  des  récusa- 
tions, et  celai  où  quelques-uns,  par  suite  de  leur  nombre  et 
du  tang  que  leur  sort  leur  assigne,*  n'en  exercent  aucune. 
Dans  cette  dernière  hypothèse^  ks  accusés,  n'ayant  été  em- 
pêchés d'user  de  leur  droit  que  par  une  sorte  de  force  majeure, 
peuvent  le  reprendre  aussitôt  que  cette  impossibilité  cesse  et 
elle  cesse  évidemment  dès  que  les  premiers  accusés  n'ayant 
pas  exercé  les  récusations  qui  leur  étaient  dévolues,  le  droit 
n'est  pas  épuisé.  Ils  peuvent  donc  en  revendiquer  à  ce  mo- 
ment l'exercice;  et  que  pourrait-on,  en  effet,  leur  opposer? 
Que  le  rang,  que  le  sort  leur  a  fait,  a  épuisé  leur  droit?  Non, 
ce  rang  n'a  fait  que  les  placer  dans  l'impossibilité  de  Fexercer, 
ai  les  premiers  appelés  épuisent  le  leur  ;  c^est  donc  d'une  im- 
possibilité de  fait  et  non  de  droit  qu'il  s'agit  ;  elle  ne  peut  donc 
se  prolonger  lorsque  le  fait  n'existe  plus. 

YI.  L'exercice  du  droit  de  récusation  peut  donner  lieu  à 
des  réclamations,  à  des  incidents  sur  lesquels  il  doit  être  im- 
médiatement statué. 

Le  pouvoir  de  les  vuider,  que  la  iurisprudenco  avait  d'a- 
bord, ainsi  qu'on  l'a  déjà  vu  ^,  exclusivement  attribué  au 
président  *,  a  été  plus  tard  indifféremment  attribué  soit  au 
président)  soit  à  la  Cour  d'assises  *•  Mais  si  l'incident  prend 
un  caractère  contentieux,  c'est^è-^ire  s'il  y  a  réclamation  de 
la  part  de  l'une  des  parties,  il  n'appartient  plus  qu'à  la  Cour 
d'assises  seule  de  statuer  ^.  11  est,  en  effet,  de  principe,  et 
nous  reviendrons  plus  loin  sur  ce  point,  a  que,  d'après  Tor- 
ganisation'des  Cours  d'assises,  c'est  à  elles  et  non  à  leur. pré- 
sident qu'il  appartient  de  statuer  sur  tous  les  points  conten- 
tieux sur  lesquels  les  parties  se  trouvent  divisées  ^ 

Cette  garantie  est  surtout  indispensable  en  matière  de  ré- 
cusation ;  car,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  qu'il  n'y  a  de  jury 
légalement  constitué  que  celui  à  l'égard  duquel  le  droit  de 
récusation  a  pu  librement  s'exercer  «.  La  Cour  de  cassation 
9  prononcé  l'annulation  d'une  procédure  dans  laquelle  le 
président  avait  réfusé  d'admettre  une  récusation  sous  le  pré- 

t  Voy.  sapra  p,  8S5  et  404* 

s  Casa,  i  déc  1820,  J.  p.,t  XVI,  lift;  6  mars iSlS,  rapp.  M.  Gaillard, 
U  XXI,  1350. 

>  Cass.  28  jaoT.  iSAI,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  23. 

*  Cass.  35  juin  4840,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  187. 

'  Cass.  a  déc  1836,  rapp.  M.  Vincens^l-Laurcnt.  Sir.  S8,  i.  6(>. 
'   •  Mèitoc  arrêt.  « 


DI  LA  COMPOSITION  DO  JVVT.  §  004.  423 

texte  qu'elle  était  concertée  avec  le  juré  récusé  *.  Elle  a  pro- 
noncé encore  une  autre  annulation  parce  que  le  président 
avait  maintenu  sur  la  liste  des  douze  un  juré  Trappe  de  récu- 
sation * .  De  tels  excès  de  pouvoir  peuvent  échapper  aux  préoc- 
cupations d'un  seul  magistrat  ;  une  Cour  d'assises  ne  pourrait 
les  commettre. 

Lorsque  douze  jurés  sont  sortis  de  Turne,  sans  avoir  été 
récusés  ou  après  Fépuisement  du  droit  de  récusation,  le  jury 
de  jugement  est  formé. 

§604. 
I.  Da  chef  da  jury.  —  II.  U  peut  être  remplacé.  —  III.S«sfoDCit<nis. 

I.  Le  jury  de  jugement  étant  appelé  à  délibérer,  il  est  né- 
cessaire qu'il  ait  un  président  ou  chef  qui  est  chargé  de  diri* 
ger  ses  délibérations  et  d'en  constater  le  résultat. 

Le  chef  du  jury  est  Tun  des  douze  jurés  désignés  ou  par  le 
sort  ou  par  les  jurés  eux-mêmes.  L*art.  309  du  G.  d'inst. 
cr.  porte  que  «  les  douze  jurés  se  placeront  dans  Tordre  dé- 
signés par  le  sort  »;  et  Tart.  342  ajoute  :  «  leur  chef  sera  le 
premier  juré  sorti  par  le  sort  ou  celui  qui  sera  désigné  par  eux 
et  du  consentement  de  ce  dernier.  » 

Lorsque  le  premier  juré  sorti  par  le  sort  préside  les  jurés, 
il  est  inutile  de  constater  sa  qualité,  puisque  le  procès-ver- 
bal du  tirage  rétablit  ;  mais  lorsque  ce  n'est  pas  ce  juré  qui 
remplit  cette  fonction,  il  faut  constater  qu'il  a  été  remplacé. 

n.  Le  remplacement  s'opère  parla  volonté  des  jurés.  Il 
suffit  qu'ils  conviennent  entre  eux  que  la  fonction  de  chef  du 
jury  sera  exercée  par  tel  juré  qui  leur  parait  le  plus  apte  à 
cette  fonction,  pourvu  d'ailleurs  qu'elle  soit  acceptée  du  juré 
auquel  elle  est  ofl'erte.  Cette  délégation  doit  nécessairement 
émaner  de  la  majorité  des  jurés,  puisque  ce  n'est  que  par  la 
majorité  des  voix  qu'un  corps  délibérant  peut  manifester  sa 
volonté.  Faut-il  le  consentement  de  celui  dont  le  nom  est 
sorti  de  l'urne  le  premier  ?  Nullement,  car  ces  mots  de  l'art. 
342  €  du  consentement  de  ce  dernier  »  ne  se  réfèrent  qu'à 
celui  que  désignent  les  jurés  et  non  point  à  celui  que  le  sort  a 
désigné.  Quelque  hésitation  s'élait  manifestée  sur  ce  point 
dans  la  jurisprudence  •  ;  mais  le  texte  de  la  loi  est  trop  ex- 

*  Cass.  6  fév.  1834,  n»pp«  M.  Cûoppin,  J.  P.,  t.  XXVI,  p.  139. 
2  Cass  14  fé?.  1850,  rapp.  M.  IsamberU  Bull.  n.  55. 

*  Cass.  24  déc  1824,  rapp.  M.  Gaillard.  Dali.  25,  1,  122  ;  1  août  1827 
rapp.  M.  OlUvicr.  Dali.  27,  1,  400. 


484  B£S  COUIS  D  ASSISES. 

plicite  pour  qu'elle  put  8e  maintenir  *.  SuBordonner  le  choix 
du  chef  au  consentement  de  celui  que  le  sort  a  désigné,  ce 
serait  le  plus  souvent  annuler  la  faculté  du  choix.  Sans  doute 
il  peut  en  résulter  quelques  froissements  d'amour-propre  et 
quelquefois  même  quelques  exclusions  injustes  ;  mais  ces  in- 
convénients, qui  sont  attachés  &  toutes  lesélections,  sont  lar- 
gement rachetés  par  Timmense  avantage  de  pouvoir  placer 
à  la  tète  des  jurés  un  homme  capable  de  comprendre  et  de 
diriger  ses  délibérations.  Faut-il  i  d'un  autre  côté,  le  consen- 
tement du  ministère  public  ou  de  Taccusé  ?  Nullement  encore. 
C'est  là  une  mesure  d'ordre  intérieur  qui  est  sans  intérêt 
pour  les  parties  parce  qu'elle  est  sans  influence  sur  la  convic- 
tion des  jurés  *. 

Ce  remplacement  n^est  soumis  à  aucune  formalité.  Il  peut 
avoir  lieu  aussitôt  après  la  formation  du  tableau  et  avant  la 
prestation  du  serment  3.  Il  peut  n'être  déclaré  qu^au  moment 
où  les  jurés  entrent  dans  leur  chambre  pour  délibérer  K 

Il  importe  seulement  qu'il  soit  constaté,  car  nul  ne  peut 
exercer  une  fonction  sans  justifier  du  titre  en  vertu  duquel 
il  Texerce.  Mais  la  jurisprudence  a  admis  avec  raison  une 
présomption  générale  que  la  fonction  a  été  régulièrement 
déléguée,  —  lorsque  le  procès-verbal  constate  que  l'un  des 
juréSi  autre  que  celui  désigné  par  le  sort,  a  rempli  TofTice  de 
chef  du  jury,  sans  réclamation  des  autres  jurés*;  —  lorsque 
la  déclaration  a  été  signée  et  lue  par  l'un  des  jurés  autre  que 
celui  désigné  par  le  sort  ^.  —  Enfin,  et  à  plus  forte  raison, 
lorsque  la  signature  du  juré  est  précédée  ou  suivie  de  ces 
mots  «  le  chef  du  jury,  désigné  par  ses  collègues,  de  son  con- 
sentement, et  du  consentement  du  chef  désigné  par  le  sort  ?.• 
La  loi  n'exige  point,  en  effet,  que  le  chef  du  jury  choisi  par 
ses  collègues  soit  Fobjet  d'une  désignation  spéciale^  et  cette 
désignation  est  suffisamment  constatée  par  sa  signature,  par 
l'assentiment  tacite  des  autres  jures  dont  il  lit  la  déclaration 
en  leur  présence»  par  la  signature  du  président  et  par  celle 
du  greffier. 

*  Cass.  27  déc.  1832,  rapp.  M.  Meyroniict<3t>Marc,  I.  XXVI,  p.  i4S7. 

*  Cass.  24  <iéc.  1824.  Cilésuprà.  p.  428. 

'  Cass.  27  scpL.  1822,  rapp.  M.  Clausei,  J.  P.,  t.  XVII,  p.  618. 

^  Cass  6  mars  1828,  rapp.  M.  Bri^rc  J.  P.,  U  XXI,  p.  1251. 

"Môme  arrêt  et  cass.  Sjainldai,  rapp.  M.  Cboppiu  J.  P,  U  XXIH, 
p.  1655;  8  juJci  1836,  rapp.  M.  Dehaussy.  Dalh  v*  l  .truc,  cria, 
o.  1828. 

*  Cass.  28réY.  1852,  rapp.  M.  RItcs.  Bull.  n.  77. 
^  Cass.  17  jail,  1857,  rapp.  M.  Souef,  Bull.  u.  273. 


DE  LÀ  GOHPOSmOM  hV  JUllT.  §  G05.  4Î5 

Il  a  même  été  admis  que  la  délégation  peut  n'être  que  par- 
tielleet  être  limitée  àla  lecture  de  la  déclaration  à  l'audience  ^ 
Cette  délégation  pourrait  être  faite  instantanément ,  si  un 
empêchement  quelconque  survenu  tout*à-coup  mettait  obs- 
tacle à  ce  que  le  chef  du  jury  fit  cette  lecture;  le  soin  de  le 
suppléer  devrait  être  conBé  à  un  autre  des  jurés  2.  Mais  s^il 
y  avait  réclamation  des  autres  jurés  et  que  le  chef  du  jury 
n^cut  aucun  motif  do  se  refuser  à  l'accomplissement  de  sa 
fonction,  la  Cour  d'assises  pourrait  ordonner  que  la  lecture 
fat  faite  par  celui  à  qui  elle  est  régulièrement  déférée'. 

III.  Les  fonctions  du  chef  du  jury  ne  commencent  qu^aa 
moment  où  le  jury  entre  dans  la  salle  de  ses  délibérations. 
Jusques-Ià,  ses  droits  ou  ^s  devoirs  sont  les  mêmes  que  ceux 
de  ses  collègues.  Mais,  à  ce  moment  ses  fonctions  spéciales 
sont  les  suivantes  :  il  reçoit  du  président  les  questions  écrites 
et  les  pièces  du  procès  (art.  3^1);  il  doit,  avant  que  ladéli* 
bération  ne  commence,  faire  lecture  à  ses  collègues  de  Tins- 
Iruction  qui  règle  leurs  devoirs  (art.  SïS).  U  préside  etdi* 
rige  la  discussion;  il  distribue  ensuite  à  chacun  des  jurés  un 
bulletin  sur  lequel  ils  écrivent  leurs  votes  et  qu'ils  lui  re* 
mettent  ensuite  pour  le  déposer  dans  une  urne  ou  boite  fer- 
mée à  cet  usage  ;  il  dépouille  chaque  scrutin  et  en  consigne  le 
résultat  en  marge  de  la  question  po8èe(Loi  du  13  mai  1836); 
enfin»  il  signe  la  déclaration  quand  elle  est  complète  (art 
349)  et  en  donne  lecture  à  l'audience  suivant  les  formes  pres- 
crites par  l'art.  348.  Nous  examinerons  ailleurs  ces  formes  de 
la  procédure. 

S  605. 

1.  Serment  des  jurés.— II. Leurs  droits.*- III.  Leurs  devoirs.— IV.  dé^ 
feose  de  communiquer  et  de  faire  eonnaltie  leur  opinion. 

I.  C^est  le  serment  qui  fait  le  juré  :  c^est  de  cette  formalité 
qu'il  prend  son  nom  et  en  même  temps  son  pouvoir.  Jusque- 
là  il  n'est  qu'un  citoyen,  il  n'a  ni  mission  spéciale^  ni  fonc- 
tion ;  il  n'a  qu'une  aptitude  ;  le  serment^  en  lui  imposant  des 
obligations  et  des  devoirs,  lui  confère  un  pouvoir  et  des  droits  ; 
il  est  la  base  légale  de  sa  fonction  ;  c'est  de  là  que  dérivent 
et  sa  qualité  de  juge  et  toutes  les  attributions  qu'il  va  exercer. 

*  Gass.  i4  jaDTicr  iSAS,  rapp.  M.  Aylies.  Bail.  n.  17. 
'  Cass.  20  aoOt  1857,  rapp.  M.  Bressoo.  Bull.  n.  SIC. 

*  Cass.  8  juUlcl  1821,  rapp.  M.  Brièrc.  J.  P.,  XVIII,  870. 


426  DES  COURS  D*ASISSES. 

Cette  règle^  qui  remonte  aux  origines  du  jury  et  qui  se 
retrouTe  à  toutes  les  époques  où  les  jurés  se  sont  retrouvés, 
est  appliquée  en  Angleterre  comme  aux  Etats-Unis.  La  loi 
anglaise  formule  en  ces  termes  le  serment  que  prêtent  les 
jurés  de  jugement  :  c  Vous  prononcerez  bien  et  sincèrement; 
vous  ferez  une  déclaration  véritable  entre  notre  souveraine 
la  reine  et  le  prisonnier  à  la  barre^  qui  est  mis  à  votre  charge, 
et  vous  rendrez  un  verdict  conforme  k  la  vérité,  suivant  les 

f preuves  qui  vous  seront  données.  »  L'art.  2k  du  tit.  6  de  la 
oi  du  16-29  septembre  1791  et  Tart.  3&3  du  G.  du  3  bru- 
maire an  iv  avaient  adopté  une  formule  à  la  fois  plus  nette 
et  plus  étendue  que  notre  Gode  n^a  fait  à  peu  près  que  re- 
produire. 

L^art.  342  est  ainsi  conçu  :  «  Le  président  adressera  aux 
jurés  debout  et  découverts  le  discours  suivant  :  «  Vous  jurez 
»  et  promettez  devant  Dieu  et  devant  les  hommes  d^examiner 
»  avec  Tattention  la  plus  scrupuleuse  les  charges  qui  seront 
»  portées  contre  N* ,  de  ne  trahir  ni  les  intérêts  de  Taccusé  ni 
»  ceux  de  la  société  qui  l'accuse;  de  ne  communiquer  avec 
»  personne  jusqu'après  votre  déclaration  ;  de  n^écouter  ni  la 
»  haine  ou  la  méchanceté,  ni  la  crainte  ou  Taffectiou  ;  de  vous 
»  décider  d'après  les  charges  et  les  moyens  de  défense,  suivant 
»  votre  conscience  et  votre  intime  conviction,  avec  l'impar- 
M  tialité  et  la  fermeté  qui  conviennent  à  un  homme  probe  et 
)>  libre.  »  Ghacun  des  jurés,  interpellé  individuellement  par 
le  président,  répondra  en  levant  les  mains  :  je  Ujure,  à  peine 
de  nullité.  » 

La  prestation  de  ce  serment  par  chaque  juré  est,  ainsi  que 
le  déclare  la  loi,  substantielle,  et  son  omission  emporterait  la 
nullité  de  la  procédure,  car  les  jurés  qui  n'ont  pas  prêté  ser- 
ment n'ont  aucun  caractère  pour  juger  '• 

Il  ne  suffit  même  pas  que  le  serment,  en  fait,  ait  été  prêté  ; 
il  faut  que  sa  prestation  soit  formellement  constatée  par  le 
procès- verbal  des  débats.  La  Gourde  cassation  a  jugé  t  qa^aax 
termes  de  l'art,  372,  il  doit  être  dressé  par  le  greffier  de  la 
Gour  d'assises  un  procès-verbal  à  l'effet  de  constater  que  les 
formalités  prescrites  ont  été  observées  ;  que  la  nécessité  d*nn 
procès-verbal  qui  constate  l'observation  des  formalités  press- 
entes, étant  établie  par  par  la  loi,  il  j  a  présomption  de  droit 
que  les  formalités  qui  ne  sont  pas  mentionnées  dans  ce  procès- 

*  Cass.  IC  février  i  816,  rapp.  M.  Ollivier.  J,  P.,  XIII,  286  ;  1  mAR  1S16, 
rapp.  M.  Ollivier,  t.  XIII,  p.  306. 


&E  LA  GOMPOSItToM  DU  JURT.  §  605.  427     « 

'  verbal,  n'ont  pas  été  remplies  ;  que,  dans  l'espèce,  ce  procès- 
verbal  dressé  en  exécution  de  l'art.  372  ne  dit  ni  que  le  pré- 
sident ait  adressé  aux  jurés  le  discours  inséré  dans  l'art.  312, 
ni  que  les  jurés  aient,  après  avoir  entendu  ce  discours,  ré- 
pondu individuellement,  en  levant  la  main,  je  lejure^  ainsi 
qu  ils  y  étaient  obligés  par  la  disposition  du  §  9  du  mémo 
article  ;  que  cette  obligation  du  serment  était  imposée  aux 
jurés  à  peine  de  nullité,  et  ceux  qui  ont  déclaré  la  culpabi- 
lité des  réclamants  étant  réputés  ne  Tavoir  pas  remplie,  il  en 
résulte,  dans  les  débats  qui  ont  eu  lieu  devant  eux,  un  vice 
radical  qui  rend  l'annulation  indispensable  \  » 

Quelques  arréls  ont  semblé  établir  une  distinction  entre  le 
discours  du  président  et  le  serment  des  jurés,  et  n'ont  attaché 
la  peine  de  nullité  qu'à  Tomission  de  la  constatation  du  ser- 
ment *.  Il  est  évident  que  cette  distinction  ne  peut-être  adop- 
tée en  principe,  car,  qu'est-ce  que  le  discours  du  président, 
sinon  la  formule  môme  du  serment?  Et  comment  les  jurés 
pourraient-ils  prêter  serment  si  cette  formule  n^a  pas  été  pro 
noncée  devant  eux?  Mais  c'est  précisément  è  raison  de  cette' 
indivisibilité  qu'il  a  pu  être  admis  que  la  constatation  du  ser- 
ment emporte  celle  du  discours  lorsqu'aucune  énonciation  du 
procéa-verbal  ne  contredit  cette  présomption. 

Bans  une  espèce  où  le  procès-verbal  énonçait  seulement  ce 
qui  suit  :  «  le  président  a  lu  aux  jurés  la  formule  du  serment 
contenu  en  Tart.  812,  »  la  nullité  a  dû  être  prononcée,  et  at- 
tendu que  si  le  procès-verbal  constate  que  la  formule  du  ser- 
ment a  été  lue,  il  ne  constate  nullementque  chacun  des  jurés 
appelés  indîviduelletnent  par  le  président  ait  répondu  en  levant 
la  main,  je  le  jure j  formalité  &  l'omission  de  laquelle  l'arti- 
cle 312  a  attaché  la  peine  de  nullité  comme  à  celle  de  la  lec- 
ture de  la  formule  du  serment  par  le  président  aux  jurés  ^;  d 
mais  ii  suffit,  pour  la  régularité  de  la  constatation,  qu'il  soit 
énoncé  au  procès-verbal  que  le  serment  prescrit  par  l'art.  312 
a  été  prêté  par  les  jurés  ^« 

Les  termes  de  la  formule  du  serment  sont  nécessairement 
sacramentels,  puisqu'ils  énoncent  les  devoirs  dont  la  loi  a 

*  Cass.  44  sept  1820,  rapp.  M.  AumonL  J.  P.,  XVI,  457  ;  et  Conf.  15, 
juin  1820,  rapp.  M.  de  Marcheval,  XV,  10^7;  1  juillet  182â,  rupp.  M. 
Chasle,  XVIII,  8Â8;  12  réirier  1825,  rapp.  M.  de  Beinard,  XIX,  179. 

*  Cass.  16  rér.  el  1  mars  1816,  cités  suprà,  p.  426. 

»  Cass.  8  nov.  i832,  rapp.  M.  Meyronuet  Si-Marc.  J,  P.,  XXIY,  4537. 

*  Cass.  5  janv.  1832,  rapp.  M.  de  Crouscillies.  J.  P.,  XXIV,  511, 


428  DES  COURS  d'assises. 

t 

voulu  consacrer  l'observation,  puisqu'ils  expriment  Tobjel 
môme  du  serment.  S'il  résultait  du  procès-verbal  que  le  pré- 
sident eût  prononcé  un  discours  différent,  il  y  aurait  donc 
nullité,  car  il  s'en  suivrait  que  le  serment  des  jurés  ne  se  ré- 
férerait plus  à  son  objet  légal,  qu'il  se  relierait  aux  observa- 
tions contenues  dans  le  discours  du  président,  c'est-à-dire  que 
le  serment  spécialement  prescrit  par  la  loi  n'aurait  pas  été 
prêté.  Quant  aux  formes  accessoires,  qui  consistent,  de  la  part 
des  jurés,  à  se  tenir  debout  et  découverts  et  à  lever  la  main 
droite,  et»  de  la  part  du  président,  à  interpeller  individuelle* 
ment  chacun  des  jurés ,  il  n'est  pas  nécessaire*  à  peine  de 
nullité,  que  leur  accomplissement  soit  constaté. 

Si  un  juré  refusait  de  prêter  serment,  il  serait  incapable  de 
siéger;  mais  la  Cour  aurait  à  examiner  si  les  causes  de  ce  re- 
fus pourraient  donner  lieu  à  l'application  de  l'art.  396.  S'il 
était  fondé  sur  la  religion  professée  par  le  juré,  il  devrait  être 
admis  i  prêter  serment  selon  le  rit  de  cette  religion,  quoi- 
qu'il ne  résulte  d'ailleurs  aucune  nullité  de  ce  que  des  jurés 
appartenant  à  un  culte  non  chrétien,  et  par  exemple  au  coite 
Israélite,  aient  prêté  serment  suivant  la  forme  ordinaire  \ 

Le  serment  doit  être  prêté  publiquement,  lors  même  que 
la  Cour  d'assises  aurait  ordonné  que  les  débals  auraient  lieu 
i  huis-clos  *• 

Il  doit  être  prêté  à  l'ouverture  de  l'audicuce  et  avant  que 
le  débat  n'ait  commencé.  C'est  ce  qui  résulte  du  texte  des 
art.  310,  312  et  313.  Antérieurement  à  sa  prestation,  le 
président  ne  peut  qu'adresser  à  l'accusé  les  interpellations  qoi 
ont  pour  objet  de  constater  son  identité  ^.  Dans  une  affaire  où 
le  serment,  omis  au  débat  de  l'audience,  n'avait  été  prélé 
qu'après  le  réquisitoire  du  ministère  public^  la  procédure  a 
dû  être  annulée  :  «  attendu  que  le  serment  que  les  jurés 
doivent  prêter  avant  d'entrer  en  fonction  est  une  formalité 
substantielle  que  rien  ne  peut  suppléer  ;  qu'ils  n'ont  dans  la 
cause  le  caractère  de  jurés  qu'après  avoir  rempli  cette  forma- 
lité ;  qu'ainsi  l'on  doit  regarder  conune  omises  toutes  celles 
de  l'instruction  qui  ont  précédé  la  prestation  du  serment  et 
qui  ne  pouvaient  avoir  lieu  qu'après  cette  prestation  \  i 

Lesjurés  suppléants  doivent  prêter  serment  en  même  teD)|is 

A  Gasi.  iO  jmllet  1828,  rapp.  M.  Ifangin.  J.  P.,  XXII,  54. 
s  Cass,  12  décembre  1823,  rapp.  M.  Chaste  J.  P.,  XYIIl,  262. 
'  Casa.  19  sept.  18i^&,  rapp.  M.  Rotber.  Bull.  n.  829. 
*  Cass,  10  (lec,  1831 ,  rapp.  M.  OlUvier.  J.  P.,  XXIV,  424. 


DE  LA  COMPOSITION  DU   KTRY.        C03.  4^ 

que  les  dou2C  jures.  Ils  siègent  à  côté  d'eux,  ils  peuvent  les 
suppléer  à  chaque  moment,  ils  suivent  les  débats  Je  l'affaire, 
ils  font  partie  du  jury  jusqu'au  moment  où  la  délibération 
commence,  il  est  donc  nécessaire  qu'ils  soient  liés  comme 
ceux-ci  par  le  serment.  La  Cour  de  cassation  avait  toutefois 
rejeté  quelques  pourvois  qui  se  fondaient  sur  le  défaut  de  ^ 
constatation  du  serment  des- suppléants,  en  s'appuyant  sur  ce 
qu'ils  n'avaient  pris  aucune  part  i  la  délibération '•  Mais,  la 
question  étant  revenue  dans  une  espèce  où  \e  procès-verbal 
ne  constatait  que  le  serment  des  douze  jurés,  bien  qu*un 
treizième  eût  siégé  comme  suppléant,  une  solution  contraire 
a  été  adoptée  :  <i  attendu  qu'il  n'importe  nullement  que  ce 
treizième  juré  suppléant  n'ait  pas  pris  part  à  la  délibération  ni 
à  la  déclaration  du  jury,  parce  qu'il  est  de  principe  constant 
que  les  jurés  suppléants  font  partie  du  jury  jusqu'au  moment 
où  les  jurés  de  jugement  se  retirent  dans  leur  chambre  pour 
Y  délibérer  sur  les  questions  posées  ;  que,  par  conséquent, 
jusqu'à  ce  moment,  ils  prennent  part  aux  débats  comme  les 
douze  jurés  titulaires  ;  que  dès  lors  ils  doivent,  ainsi  que 
ceux-ci,  prêter,  à  peine  de  nullité,  le  serment  prescrit  par 
Tari.  312  '.  d  La  formalité  est,  au  surplus,  sudisamment  con- 
statée à  leur  égard  lorsque  le  procès-verbal  constate  que  cha- 
que juré,  sur  rinterpellation  du  président,  a  prêté  serment  ': 
une  mention  spéciale  n'est  pas  nécessaire  \ 

II.  Nous  avons  dit  que  le  serment  des  jurés  leur  crée  des 
droits  et  leur  imposo  des  devoirs.  Parlons  d'abord  des  pre- 
miers. 

Les  droits  des  jurés  sont  de  deux  sortes  :  les  uns  con<;is-- 
lent  dans  l'exercice  môme  de  leur  juridiction ,  dans  les  at- 
tributions qui  leur  sont  conférées,  dans  le  pouvoir  de  statuer 
sur  la  culpabilité  des  accusés  et  sur  l'existence  des  faits  qui 
sont  le  sujet  des  accusations.  Nous  y  reviendrons  plus  loin. 

Les  autres  consistent  dans  le  mode  d'exercice  de  ces  attri- 
butions ,  dans  les  privilèges  auxquels  ils  peuvent  prétendre 
pendant  le  cours  des  débats,  dans  les  facultés  qui  sont  inbé- 
rentes  à  leur  qualité  de  juges  et  de  membres  do  la  Cour  d'as- 
sises. 

'Cass.  20  mai  1824,  rapp.  M.  Anmont.  Dali.  ?•  Insl.  crim.,  n,  1057. 
'  Cass.  20  sept.  1849,  rapp.  M.  Dehaussy.  Butl.  n.  251. 
"  Cass.  29  mars  1832,  rapp.  M;  Rives.  J.  P. ,  XXIV,  905. 
'  Cass.  8  jauv.  1824»  rapp.  M.  Busschop.  J,  P.,  XYIU,  328. 


430  BES  COURS  d'assises. 

C'est  de  CCS  derniers  seulement  dont  nous  voulons  parler 
ici. 

Une  première  question ,  qui  a  bien  peu  d^importance  et 
qui  a  été  cependant  souvent  agitée,  est  de  savoir  si  les  jurés 
peuvent  se  couvrir  pendant  la  durée  de  l'audience.  On  lear 
a  dénié  ce  droit  en  alléguant  que  si  les  membres  de  la  Cour, 
du  ministère  public  et  du  barreau  sont  autorisés  à  se  cou- 
vrir, cette  faculté  est  une  conséquence  du  costume  dont  ils 
sont  revêtus;  mais  que  les  jurés,  n'ayant  pas  de  costume, 
ne  peuvent  prétendre  au  même  privilège  ;  qu'ils  doivent 
être  assimilés  sous  ce  rapport  aux  témoins  et  aux  experts; 
que,  s'il  en  était  autrement,  leur  attitude  offrirait  un  aspect 
bizarre  qui  nuirait  à  la  majesté  de  Taudience.  On  a  répondu 
à  ces  objections  que  les  jurés  sont ,  aussi  bien  que  les  ju([es, 
membres  de  la  Cour  ;  qu'ils  sont  placés  vis-à-vis  de  ceax-ci 
sur  le  pied  d'une  parfaite  égalité,  puisque  si  les  attributions 
sont  distinctes,  elles  ne  sont  pas  moins  souveraines';  quiis 
sont  juges  en  un  mot,  et  que  dés  lors  on  ne  voit  pas  par  quel 
motif  ils  resteraient  découverts  quand  les  autres  sont  cou- 
verts ;  que  la  question  du  costume  ne  saurait  modifier  le  droit 
et  qu'il  ne  saurait  y  avoir  d^inconvenance  è  ce  que  tous  les 
membres  d'une  même  juridiction  usent  du  même  privilège; 
que  la  majesté  de  l'audience  ne  consiste  point  dans  ces  dé- 
tails, et  qu'enfin  Part.  312,  en  disposant  que  les  jurés,  lors- 
qu'ils prêtent  serment,  seront  debout  et  découverts^  semble 
indiquer  qu'après  le  serment  prêté,  ils  doivent  être  assis  et 
couverts.  Nous  inclinons  vers  ce  dernier  avis  '. 

Les  jurés  ont  le  droit  de  prendre  des  notes  pendant  le  dé- 
bat. L'art.  328  dispose,  en  effet,  que,  de  même  que  les  juges 
et  le  ministère  public ,  «  ils  pourront  pendant  rexamen 
prendre  note  de  tout  ce  qui  leur  paraîtra  important,  soit  dans 
les  dépositions  des  témoins,  soit  dans  la  défense  de  Taccusé, 
pourvu  que  la  discussion  n'en  soit  pas  interrompue.  ^  Us 
doivent  donc  être  munis  de  toutes  les  choses  nécessaires  à  cet 
effet.  Le  même  droit  appartient  aux  jurés  anglais  :  «  Lors- 
que le  jury  a  prêté  serment ,  dit  Philipps,  il  va  se  placer  sur 
son  siège  où  le  shériff  a  eu  soin  de  le  pourvoir  de  plumes,  d'en- 
cre et  de  papier,  pour  donner  aux  jurés  la  facilité  de  prendre 
des  notes.  Ces  notes  doivent  être  relatives  aux  chefs  d'accu- 

*  Conf.  Legravcrend,  I.  II,  p,  185;Bouguignon,  sur  Fart,  3i2;  M.Cu- 


DE  LA  COMPOSITION  DU  JUBT.  §  €0S.  431 

satioD,  aux  traits  principaux  des  témoignages ,  aux  disposi- 
tions de  la  loi  telles  qu'elles  sont  exposées  par  les  juges^  et 
aux  observations  que  chacun  des  jurés  croit  devoir  faire  dans 
les  débals  sur  le  verdict  *.  » 

Les  jurés  ont  le  droit  d'intervenir  dans  le  débat  lui-même 
et  de  demander,  soit  aux  témoins,  soit  aux  accusés ,  tous  les 
éclaircissements  qui  leur  semblent  utiles.  L'art.  319  porte, 
en  effet,  «  le  président  pourra  demander  au  témoin  et  à  l'ac- 
cusé tous  les  éclaircissements  qu'il  croira  nécessaire  à'Ia  ma- 
nifestation de  la  vérité.  Les  juges,  le  procureur  général  et 
tes  jurés  auront  la  même  faculté ,  en  demandant  la  parole 
au  président.  »  Si  la  question  posée  par  l'un  des  jurés  semblait 
suggérée ,  non  par  la  discussion ,  mais  par  un  renseignement 
étranger,  le  défenseur  pourrait  en  demander  acte,  pour  éta- 
blir une  communication  extérieure  *. 

Le  droit  d'adresser  des  interpellations  appartient  non- 
seulement  aux  douze  jurés,  mais  aux  jurés  suppléants  ^  En 
effet,  ces  jurés  pouvant  à  chaque  moment  être  appelés  à 
prendre  part  à  la  délibération ,  doivent  suivre  les  débats  et 
signaler  les  points  obscurs  qu'ils  y  découvrent. 

De  ce  que  les  jurés  ont  le  droit  de  demander  «  tous  les 
éclaircissements  qu'ils  croient  nécessaires  à  la  manifestation 
de  la  vérité,  »  il  s'ensuit  naturellement  qu'ils  peuvent  indi- 
quer au  président,  pour  être  entendus  en  vertu  de  son  pou- 
voir discrétionnaire,  les  personnes  dont  ils  espèrent  obtenir 
des  renseignements  propres  à  éclairer  leur  religion  4.  Qu'est- 
ce ,  en  effet,  qu'un  témoin  nouveau,  la  production  d'une 
preuve  quelconque^  si  ce  n'est  un  éclaircissement  pour  ar- 
river à  la  vérité  (  La  loi ,  qui  n'a  que  la  vérité  pour  but ,  a 
Toulu  déférer  à  tous  les  juges  et  à  tous  les  jurés  la  faculté  de 
provoquer  tels  ou  tels  moyens  qui  pourraient  mettre  sur  sa 
voie.  L'art.  319  ne  doit  donc  point  être  entendu  reslriclive- 
ment;  il  ne  fait  que  consacrer  d'ailleurs  le  droit  qu'ont  tous 
les  juges  de  s'éclairer  avant  de  prononcer  ;  et  ce  droit  ne 
peut  avoir  de  limites  que  celles  qu'il  trouverait  dans  la  loi 
elle-même.  La  jurisprudence  offre  plusieurs  exemples  de 
celte  interprétation  &. 

«  Chap.  IV,  p.  373. 

'&86^  22  mars  1839}  rapp.  M.  Meyronnet  St-Marc  DaU.  y^  Inst.  criin», 
lU  IWO. 
•  Gass.  23  déc  1826,  rapp.  &L  OUivien  J.  P.,  XX,  1061. 
*Ca«s.  22  sept  1820,  rapp.  M.  AamonU  DaU.  v°  losL  crim.,  n,  ItOO. 
* Cass.  10  déc,  1857»  rapp.  M,  Aug,  Morcau.  Bull,  n,  393. 


*32  DCA  COURS  d'assises. 

m.  A  côté  des  droits  que  les  jurés  peuvent  reTendiquer 
sont  les  devoirs  que  leur  serment  tait  peser  sur  eui.  la  plu- 
part de  ces  devoirs  s^accomplisscnt  dans  le  for  intérieur,  et 
leur  accomplissement  ne  relôve  que  de  la  conscience  de 
l'homme  :  telles  sont  les  règles  qui  leur  prescrivent  d'exami- 
ner avec  l'attention  la  plus  scrupuleuse  les  charges  qui  sont 
portées  contre  Taccusé,  de  ne  trahir  ni  ses  intérêts  ni  ceux 
de  la  société,  de  n^écouter  ni  la  haine  ou  la  méchanceté,  ni 
la  crainte  ou  rafifectlon  ;  de  se  décider  enfin,  avec  impartia- 
lité, d'après  les  charges  et  les  moyens  de  défense,  suivant  leur 
entière  conviction.  Il  est  évident  que,  pour  robservation  de 
ces  règles,  la  loi  n'a  d'autre  garantie  que  la  probité  des  ci- 
toyens qu'elle  appelle  à  la  fonction  de  juré,  les  sentiments 
d*ordrc  et  d'humanité  qu'elle  suppose  dans  leurs  cosars,  les 
principes  qu'elle  évoque  en  faisant  appel  à  leur  conscience. 

Il  est  cependant  une  de  ces  règles  dont  l'observation  peut 
jusqu'à  un  certain  point  être  contrôlée  :  c'est  l'attention  que 
chaque  juré  est  tenu  d'apporter  aux  débats.  Il  est  impossible 
assurément  de  sonder  si  cette  attention  est  réelle  ou  n'est 
qu'apparente,  si  le  juré  la  concentre  sur  les  faits  de  la  cause 
ou  s'il  la  porte  sur  des  faits  étrangers.  Mais  si  par  son  attitude, 
par  ses  distractions  visibles,  par  les  occupations  auxquelles  il 
se  livre,  le  juré  trahit  à  tous  les  yeux  son  inattention,  il  y  a 
lieu  de  prendre  des  mesures  pour  protéger  les  intérêts  qu'il 
oublie.  La  première  de  ces  mesures  consiste  dans  l'observation 
d'ordrcque  le  président  est  autorisé  par  rart.267  à  lui  adres- 
ser MMaissi  cette  observation  ne  sufiitpas,  et  s'il  résulte  de  la 
tenue  et  des  réponses  du  juré  qu'il  ne  se  trouve  pas  dans  les 
conditions  d'indépendance  et  d'impartialité  nécessaires  à  la 
saine  distribution  de  la  justice  qu'exigent  les  art.  312  et  3(3, 
la  Cour  d'assises  doit,  comme  cela  a  été  pratiqué  dans  quel- 
ques cas  analogues  ',  prononcer  le  renvoi  à  une  autre  ses- 
sion. 

IV.  Néanmoins,  parmi  les  prescriptions  portées  par  l'ar- 
ticle 312,  il  en  est  une  dont  l'inobservation  peut  se  manifes- 
ter par  des  faits  extérieurs,  et  quand  elle  est  constatée,  peut 
même  dans  certains  cas,  vicier  la  procédure. 

Cet  article  impose  aux  jurés  la  loi  f  do  ne  communiquer 

•  Cass.  80  juin  1888,  rapp.  M.  Frélean.  Bull,  n,  «87. 

*  Cour  d'ass.  de  la  Seine,  28  déc.  1880,  M.  Aiig.  Moreftn,  pr6«.  DaW.  r» 
Insl.  crim.,n.  2048. 


OE  LA  COUPOSITIO^f  DU  JORf.    §  60ll(«  433 

avec  persj^une  jusqu'après  leur  déclaration.»  Et  Tart.  323, 
formulant  celte  prohibition  en  règle  générale»  déclare  que 
«  l'examen  et  les  débats  une  Fois  entamés,  devront  être  conti- 
nués sans  interruption  et  sans  aucune  espèce  de  communica- 
tion au  dehors,  jusqu^après  la  déclaration  du  jury  inclusive- 
ment. » 

Cette  défense  de  communiquer  s'applique  aux  communi- 
cations écrites  et  aux  communications  verbales;  aux  commu- 
nications particulières,  relatives  à  l'affaire,  avec  les  personnes 
étrangères  à  la  cause,  et  h  celles  qui  auraient  lieu  avec  les 
personnes  qui  sont  parties  ou  témoins  dans  cette  cause.  Elle 
s'applique  aussi  bien  au  fait  de  faire  connaître  son  opinion 
qu'à  celui  de  recevoir  connaissance  de  celle  d'autrui. 

Mais  pour  mesurer  les  conséquences  de  son  infraction ,  il 
faut  distinguer  Tépoque  où  elle  est  commise. 

A  toutes  les  époques,  depuis  qu'ils  sont  désignés  pour  faire 
partie  de  la  liste  de  la  session,  les  jurés  ont  le  devoir  de 
s'abstenir  de  toute  communication  sur  les  affaires  qui  y  sont 
portées.  Ils  doivent  craindre  do  recevoir  des  impressions  ou 
de  subir  des  influences  qui  nuiraient  à  leur  impartialité. 

Mais  ce  devoir  moral  ne  trouve  une  sanction  dans  la  loi  que 
lorsque  son  infraction  est  postérieure  au  serment  qui  Ta  for- 
mulé. Jusques  là  la  loi  n'a  pu  que  s^en  rapporter  à  l'honnêteté 
du  juré;  elle  ne  peut  veiller  sur  lui  lorsque  sou  service  n'a 
pas  encore  commencé. 

L'infraction  antérieure  trouve  d'ailleurs  un  remède  dans 
le  droit  de  récusation  :  si  la  communication  a  été  publique, 
les  parties  peuvent  s'en  prévaloir  pour  écarter  le  juré  ;  si  elle 
a  été  secrète,  le  juré  est  consciencieusement  tenu  de  la  révé- 
ler au  moment  de  la  formation  du  jury,  afin  que  les  parties 
puissent,  si  elles  le  jugent  à  propos,  user  de  leur  droit  à  son 
égard. 

Mais  lorsque  !a  communication  est  postérieure  à  l'ouver- 
ture du  débat,  elle  prend  un  autre  caractère  :  elle  n'est  plus 
seulement  une  infraction  au  devoir  de  ne  point  communiquer 
qui  lie  les  jurés,  elle  devient  encore  une  infraction  à  la  règle 
générale  posée  par  l'art.  323,  et  qui  constitue  l'une  de  ses 
formes  essentielles  de  notre  procédure. 

Or,  considérée  à  ce  point  de  vue,  ce  n'est  point  ici  le  lieu 
d'examiner  cette  infraction  et  d'en  rechercher  les  conséquen- 
ces; nous  les  retrouverons  au  chapitre  des  incidents  de  Tau** 
diencc. 

vin.  28 


4U  DK3  C0VR8  d'assises. 


CHAPITRE  V. 

ATTRIBUTIONS  DU  PRÉSIDENT,  DES  JUGES  ASSESSEURS, 
ET  DES  JURÉS  PENDANT  LES  DÉBAT& 


§.  686. 1.  ExDOsé  des  attribuiioDs  des  membres  de  la  Cour  d* assises. 

—  II.  AltribulIoQS  du  président. 

.  607.  1.  Pouvoir  du  président  relativement  à  la  police  de.raadieDce. 

—  II.  Mesures  qu'il  peut  prendre. 

§.  608.  1.  Pouvoir  du  président  relativement  à  la  direction  des  débats. 

—  U.  Dans  quels  cas  et  dans  quelles  limites  il  rapplique. 

§.  609. 1.  Pouvoir  discrétionnaire  du  président  relativement  à  rinstruc- 
tioD.  —  II.  Caractère  de  ce  pouvoir.  —  111.  Dans  quels  cas  il  ja 
lieu  de  l'appliquer.  —  IV.  Examen  des  arrêts  rendus  à  ce  sujet. 

—  V.  Règles  applicables  au  mode  de  son  exercice. 

§.  6t0. 1.  Attributions  delà  Cour  d'assisespendantlesdébau.  — II. Elle 
est  seule  compétente  pour  statuer  sur  les  actes  qui  lui  sont  délégués 
par  la  loi.  —  III.  Elle  peut  statuer  dans  tous  les  cas  qui  n'ont  pas 
été  exclusivement  réservés  au  président.  —  IV.  Elle  est  compétente 
dans  tous  les  incidents  contentieux.  —  V.  Elle  prononce  sur  roppo- 
sition  aux  ordonnances  du  président. 

§.  611.  I.  Attribntionir  générales  des  jurés.  Renvoi.  —II.  Attributions 
pendant  les  débats. 


S   606. 

I.  Exposé  des  attributions  des  membres  de  la  Cour  d'assises.— -IL  Ai- 
iributions  du  président. 

I.  Nous  avons  exposé  la  constitution  de  la  Cour  d'assises  ; 
nous  avons  examiné  chacun  des  éléments  complexes  quila 
composent  :  le  président,  les  deux  juges  assesseurs,  les  doutt 


ATTBIBCTIONS  DU  FBÉSIDIHT,   POUCE  DS  L*ADDUNCE.  §  605.        435 

jurés  et  le  greffier ,  nous  avons  établi  les  conditions  et  le 
mode  de  sa  formation. 

Il  faut  rechercher  maintenant  les  attribations  diverses  it 
tous  ces  membres  d'une  même  juridiction,  lorsquUls  sont  ap- 
pelés à  des  titres  si  différents,  à  l^accomplissement  de  l'œu- 
vre commune. 

Il  faut  définir  les  pouvoirs  respectifs  du  président  seul,  du 
président  réuni  à  ses  assesseurs,  et  enfin  des  jurés. 

Ce  n'est  qu'après  avoir  nettement  déterminé  les  fonctions 
spéciales  de  chacune  de  ces  personnes,  qui  sont  les  membres 
du  corps  des  assises,  qu'il  sera  possible  d'exposer  avec  clarté 
les  actes  de  la  procédure  qui  va  se  développer  à  l'audience,  car 
il  est  nécessaire  de  connaître  avant  tout  de  quelle  personne, 
de  quel  pouvoir,  chacun  de  ces  actes  doit  émaner. 

C'est  là  l'objet  de  ce  chapitre. 

Nous  devons  donc  déterminer  l""  les  pouvoirs  du  président 
seul  ;  2^  les  pouvoirs  du  président  réuni  aux  juges  assesseurs; 
2**  les  pouvoirs  des  jurés. 

IL  Le  président  des  assises  exerce  plusieurs  attributions 
qu'il  importe  de  distinguer  avec  soin  et  de  définir  exactement. 

Nous  ne  parlons  point  encore  ici  des  attributions  que  la  loi 
lui  a  conférées  comme  membre  de  la  Cour  d'assises  et  de  la 
part  qu'il  prend  aux  actes  et  aux  arrêts  de  cette  Cour.  Nous 
ne  parlons  que  des  attributions  qui  lui  ont  été  personnelle- 
ment déférées,  qu'il  exerce  isolément  de  ses  collègues,  et  qui 
l'investissent  d'une  sorte  de  juridiction  spéciale  et  quelquefois 
extraordinaire. 

Ces  attributions  sont  au  nombre  de  quatre  ;  elles  lui  con- 
fèrent des  pouvoirs  très  distincts  dans  leur  caractère  et  dans 
leurs  effets  : 

1*"  Un  pouvoir  d'instruction  supplémentaire^  antérieur  aux 
débats,  et  qui  fait  l'objet  des  art.  303  et  304. 

2o  Un  pouvoir  de  police  de  l'audience,  pouvoir  commun 
aux  chefs  de  toutes  les  juridictions,  et  que  le  S""  §  de  l'art. 
267  lui  a  expressément  attribué. 

3""  Ud  pouvoir  de  direction  des  débats  que  le  f  §  de  Tart. 
267  a  soigneusement  défini  et  qui  se  traduit  dans  une  foule 
d'actes  que  la  loi  ou  la  jurisprudence  ont  fait  rentrer  dans  ses 
termes. 

k'^  Enfin,  un  pouvoir  discrétionnaire  de  (aire  ou  d'ordonner 


43C  DES   COURS   D*AS«|gi:Q. 

tous  losaclcf;  qui,  dans  Tinstruction  de  chaque  affaire,  lui 
semblent  utiles  à  la  découverte  de  la  vérité  :  l'art.  268  a  dé- 
termiDé  le  caractère  de  ce  pouvoir  et  l'art.  369  en  a  réglé  l'ap- 
plicatîoD. 

Nous  renvoyons  Texamen  du  premier  de  ces  pouvoirs,  ce- 
lui qui  concerne  l'instruction  supplémentaire,  au  chapitre  6, 
qui  traite  de  la  procédure  antérieure  aux  débats. 

Nous  allons  successivement  examiner  les  trois  autres. 


S  G07. 

I.  PôuToirs  du  président  relativement  à  la  police  de  Taudience. 
11.  Mesures  qu  il  peut  prendre. 


I.  Le  2«  S  de  l'art.  267  porte  que  le  président  «  aura  la 
police  de  Taudicnce.  »  Telle  était  aussi  la  disposition  de  l'art. 
2,  tit.  3,  delà  loi  du  16-29  sept.  1791  et  de  Tart  275  da  C. 
du  3  brumaire  an  4.  C'est  là  une  attribution  qui  appartient 
nécessairement,  ainsi  que  nous  Tavons  dit  déjà  S  aux  prési- 
dents de  toutes  les  juridictions. 

L'exercice  do  celte  attribution  ne  peut  en  général,  donner 
lieu  qu'à  peu  de  difficultés.  Cependant  quelques  questions  se 
sont  élevées  à  ce  sujet. 

Les  mesures  que  prend  le  président,  en  vertu  de  ce  droit 
de  police,  ont  exclusivement  pour  objet  de  maintenir  l'ordre, 
la  sécurité  et  le  calme  dans  les  opérations  de  la  justice. 

Quelques-unes  de  ces  mesures  peuvent  être  extérieures, 
lorsqu'elles  sont  destinées  à  protéger  la  sûreté  et  l'indépen- 
dance de  la  Cour  d'assises.  On  peut  supposer  qu'une  affaire, 
par  sa  gravité  ou  par  son  caractère,  vienne  à  exciter  l'opinion 
publique  et  que  des  démonstrations  blâmables  d'hostilité  ou 
de  sympathie  pour  les  accusés  se  manifestent  aux  alentours 
de  la  salle  :  le  président  doit  dans  une  telle  hypothèse  requérir 
le  concours  de  l'autorité  militaire  pour  assurer  la  complète 
indépendance  de  la  Cour. 

D'autres  peuvent  avoir  pour  objet  l'arrangement  matériel 
de  la  salle  des  assises,  soit  quo,  dans  une  affaire  qui  comprend 

»  Vu7.  notre  U  V,  p.  194i 


AniiBUTiONS  DU  nésiDEilt,  POLICE  BB  l'audibnce.  §  607. 1  437 
plasiears  accusés,  il  y  ait  liea  de  prendre  des  dispositions  à 
leur  égard,  soit  que  l'arfluence  du  public  nécessite  des  pré- 
cautions relativement  à  la  salubrité. 

D'autres  s'appliquent  aux  places  que  doivent  occuper  dans 
la  salle  les  personnes  qui  sont  appelées  à  assister  aux  débats 
et  le  public.  Un  arrêt  a  décidé  que  le  président  avait  agi  dans 
les  limites  de  son  droit  en  refusant  de  laisser  la  famille  de 
Taccusé  se  placer  au  banc  de  la  défense  ^  Un  autre  arrêt  a 
également  reconnu  à  ce  magistrat  le  droit  de  désigner  la 
place  que  le  défenseur  doit  occuper  pendant  l'audition  des 
témoins'.  Un  troisième  arrêta  déclaré  qu'il  pouvait  distri- 
buer des  billets  pour  les  places  de  la  salle  et  c  au'il  ne  résul- 
tait de  là  qu'une  mesure  d'ordre  et  de  police  d'audience  qui 
ne  contrarie  point  la  publicité  des  débats  ^  » 

On  doit  s'arrêter  un  instant  sur  cette  dernière  décision. 
M.  Legraverend  l'avait  critiquée  comme  contraire  au  prin- 
cipe de  la  publicité  :  «  Rien  ne  s'oppose,  sans  doute,  disait- 
il,  à  ce  que  le  président  d'une  Cour  et  le  ministère  public 
prennent  des  mesures  de  concert  pour  prévenir  le  désordre 
et  le  trouble  à  l'audience  ;  mais  autre  chose  est  de  prendre 
des  mesures  de  cette  espèce,  autre  chose  est  de  choisir  en 
quelque  sorte  les  spectateurs  \  n  M.  Favard  de  Langlade 
ajoutait  :  «  Un  auditoire  composé  en  entier  ou  dans  une  trop 
forte  proportion  de  personnes  de  choix  n'aurait  point  le  ca- 
ractère de  publicité  requis;  la  loi  serait*  violée  et  la  nullité 
des  débats  en  serait  la  conséquence/.  »  Il  est  certain,  en  effet, 
que  la  publicité  de  l'auditoire,  c'est  l'ouverture  des  portes  au 
public,  .et  le  public  c'est  la  foule,  c'est  tout  le  monde.  Il  n'y 
a  plus  de  public  si  à  cette  foule  on  substitue  des  personnes 
choisies  à  Tavance  et  désignées  par  les  billets  qu'elles  ont,  re- 
çus. La  publicité  est  donc  restreinte  si  on  ne  distribue  qu'un 
certain  nombre  de  billets;  elle  cesserait  d'exister  si  toutes  les 
places  leur  étaient  réservées- 
Mais  cet  usage  nous  paratt  plus  vicieux  encore  à  un  autre 
point  de  vue.  Nous  avons  déjà  dit  à  ce  sujet  :  «  il  semble  que 
la  dignité  de  la  justice  est  blessée  par  les  distributions  de  bil- 


<Cass.  17  avri)  185!»  rapp.  M.  Rives.  Bul.  n.  147. 

*  Gass.  5  noY.  1857,  rapp.  M.  Bmson.  Bull.  o.  367. 

'  Gass.  6  fév.  181S,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.,  t.  X»  p.  100. 

*  Légîsl.  crim.  U  H,  chap.  I*'  S  4i  p.  25. 

*  Rép.  ¥•  audience,  S  !"»•  *• 


498  DES  COURS  D*ÀS81SES. 

lets  qui  transforment  la  salle  d'audience  en  une  salle  de 
théâtre.  Le  président  en  se  prêtant  à  ces  actes  de  complai- 
sance, semble  promettre  des  débats  pleins  d^intérët,  des  inci- 
dents curieux,  les  émotions  et  le  spectacle  d'un  drame.  Or, 
la  justice  doit-elle  se  prêter  è  ce  scandale?  Convient-il  qu'elle 
élève  un  théâtre  où  Taccusé,  principal  acteur,  concentre  sur 
lui  tout  l'intérêt  de  la  lutte  et  du  drame?  Si  l'audience  est 
autre  chose  qu'une  solennelle  et  grave  distribution  de  la  jus- 
tice, elle  doit  être  un  haut  enseignement.  Ce  ne  sont  point  des 
émotions  qu'il  faut  lui  demander,  mais  des  exemples  et  des 
leçons,  ce  n'est  point  un  public  choisi,  c'est  la  foule  qui  doit 
la  remplir.  En  distribuant  des  billets,  le  magistrat  compro- 
met la  majesté  de  ses  fonctions  et  la  niajestéde  l'audience;  il 
abdique  son  autorité,  il  pactise  avec  une  coupable  curiosité 
qui  n'est  avide  que  de  l'immoralité  que  le  débat  peut  receler; 
il  est  naturellement  entraîné  à  provoquer  le  développement 
des  éléments  les  plus  impurs  du  procès  :  il  blesse  i  la  fois  la 
«onscionce  publique  et  Thumanité  ^  »  On  peut  ajouter  qu  en 
composant  le  public  devant  lequel  Taccusé  est  traduit,  on 
transforme  son  procès  et  on  aggrave  ^a  situation,  on  le  donne 
en  pftturc  àdes  curiosités  plus  avides,  on  le  livre  en  spectacle 
aux  gens  qui  ne  veulent  que  des  spectacles,  on  lui  fait  subir 
les  secrètes  influences  qu'ils  exercent  autour  d'eux.  Si  la 
Cour  de  cassation  n'a  pas  vu  dans  cette  déplorable  coutume 
un  moyen  de  nullité,  il  est  permis,  du  moins,  d'y  voir  un  abus 
que  la  magistrature,  dans  l'intérêt  de  la  dignité  de  la  justice, 
devrait  faire  cesser.  C'est  dans  ce  sens  qu'une  circulaire  du 
garde  des  sceaux,  du  7  juillet  IS&i^  s'est  nettement  pronon- 
cée :  <  Dans  toutes  les  salles  où  siègent  les  Cours  d'assises, 
porte  cette  circulaire»  une  enceinte  est  spécialement  destinée 
aux  magistrats,  aux  jurés,  aux  membres  du  barreau.  Il  est 
d'usage  d'y  admettre  exceptionnellement  les  personnes  aui- 
quelles  les  fonctions  qu'elles  exercent  et  leur  position  doi- 
vent assurer  une  place  à  part.  Leur  présence,  en  effet,  ne  peut 
jamais  nuire  à  la  direction  des  débats.  Mais  je  suis  instruit 
que,  dans  quelques  ressorts,  l'exception  a  été  trop  étendue. 
Des  personnes  étrangères  aux  habitudes  judiciaires,  avides  d'é- 
motions^ et  cherchant  avant  tout  h  satisfaire  leur  (^uriosité, 
ont  été  admises  près  de  la  Cour.  C'est  là  un  vèrilablc  abus  : 
la  foule  qui,  lorsqu'un  grand  procès  l'alliru,  se  presse  dans 

i  Guzeltc  des  trib.  du  4  j»nr.  1848. 


ATTtlBUnOlfS  ]>D  Pt&IDEMT,  POLICB  ftS  i'AUDlENCK.  §  607.        4^9 

Fcnceinte  résenrée,  rend  plas  difficile  la  police  de  l'audience 
et  peut  troubler  les  témoins.  Peut-être  est-il  à  craindre  que 
les  sentiments  qu'elle  manifeste  pour  ou  contre  Taccusé  ne 
réagissent  quelquefois  sur  le  jury  et  n'influent  sur  ses  opi-^ 
nions.  J'appelle  votre  attention  sur  ces  abus  non  moins  cou- 
.  Iraires  à  Tintérèt  qu^à  la  dignité  de  la  justice.  » 

Il  est  enfin  des  mesures  qui  ont  pour  objet  de  maintenir  ou 
de  rétablir  la  tranquillité  dans  Tauditoire.  Le  pouroir  de 
police  du  président  lui  donne  le  droit  d'ordonner  tout  ce  qui 
peut  être  nécessaire  pour  assurer  Tordre  de  l'audience,  en  se 
renfermant  toutefois  dans  de  certaines  limites  qu'il  importe 
depréciser. 

Lorsque  le  trouble  est  commis  par  un  ou  plusieurs  indi- 
vidus assistant  à  l'audience,  le  président  peut,  aux  termes  de 
Tart.  604 ,  ordonner  leur  expulsion  de  la  salle ,  et  s'ils  ré- 
sistent à  cet  ordre  ou  s'ils  rentrent,  leur  arrestation  et  leur 
détention  pendant  2k  heures  au  plus  dans  la  maison  d'arrêt. 
Mais  si  lé  tumulte  est  accompagné  d'injures  ou  de  voies  de 
fait  constituant  un  délit,  ou  si  le  fait  de  trouble  constitue  par 
lai-mèroe  un  délit  on  un  crime,  il  y  a  lieu»  non  plus  à  l'ap- 
plication d'une  simple  mesure  de  police,  mais  à  l'application 
d'une  peine ,  et  c'est  à  la  Cour  d'assises  qu'il  appartient  de 
statuer.  Nous  reviendrons  sur  ce  point  dans  le  chapitre  relatif 
aux  incidents  des  débats. 

Lorsque  le  trouble  a  envahi  une  partie  ou  la  totalité  de 
l'auditoire ,  le  président  peut  ordonner  l'expulsion  des  per- 
turbateurs, et  par  suite  l'évacuation  partielle  et  même  totale 
de  la  salle.  Mais  lorsque  les  circonstances  sont  assez  graves 
pour  motiver  une  telle  mesure,  il  faut  prendre  garde  en  même 
temps  que  la  publicité  de  Taudience  reste  complète  et  assurée. 
Si  l'évacuation  du  public  n  est  que  partielle ,  on  peut  ad- 
mettre que  la  partie  qui  demeure  garantit  suffisamment  la 
publicité  ;  mais  le  président  ne  pourrait,  sous  le  prétexte  de 
tumulte ,  faire  sortir  le  public  entier  de  l'auditoire  et  conti- 
nuer les  débats  dans  son  absence  ;  car  les  débats  ne  peuvent 
avoir  lieu  à  huis  clos  que  dans  les  cas  déterminés  par  la  loi. 
La  publicité  est  une  condition  essentielle  de  l'Instruction.  Il 
peut  les  suspendre  et  les  ajourner  à  une  autre  audience  ;  il 
ne  peut  temr  une  audience  qui  ne  soit  pas  publique. 

Celte  dibtinctidn  a  été  reconnue  et  consacrée  par  plusieurs 
arrêts  qui  ont  rejeté  des  pourvois  fondés  sur  ce  que  les  portes 
de  l'auditoire  avaient  été  momentanément  fermées,  en  cons- 


4iO  DES  coiibS  d'assises. 

tatant  que  la  publicité  de  Taudience  avait  été  néanmoins 
maintenue*  Dans  une  première  espèce ,  Farrèt  déclare,  en 
rejetant  le  pourvoi  et  la  demande  en  inscription  de  faui 
contre  le  procès-vérbal  :  «  que  si  le  demandeur  articule  que 
les  portes  extérieures  sont  restées  fermées  après  TévacuatioD 
de  la  salle  9  ce  fait  h^est  pas  contraire  au  procés-verbal  des 
débats  ;  s'il  est  également  articulé  que  les  personnes  ex- 
pulsées de  la  salle  furent  refoulées  dans  la  salle  des  Pas- 
JPerdus  de  manière  à  n^y  pouvoir  rentrer,  ce  fait  n^est  pas  non 
plus  méconnu  au  procès- verbal  ;  que  tout  se  réduit  à  savoir, 
en  fait,  si  un  public  différent  de  celui  qui  avait  donné  lieu  à 
Tévacuation  a  été  admis  dans  la  salle;  que  si  l'entrée  fut  re- 
fusée à  des  avocats  qui  n'étaient  pas  en  robe,  ou  à  une  per- 
sonne se  prétendant  amie  du  prévenu ,  ou  si  des  précautions 
furent  prises  pour  que  les  personnes  expulsées  ou  refoulée 
dans  la  salle  des  Pas* Perdus  ne  pussent  rentrer,  ces  mesures 
rentraient  dans  l'exercice  du  pouvoir  discrétionnaire  du  pré- 
sident et  pouvaient  être  justifiées  par  le  motif  qui  avait  fait 
ordonner  l'évacuation  de  la  salle  et  par  Timpuissance  où  Ton 
se  trouvait  ou  l'insuffisance  de  la  force  armée  d'empêcher  le 
désordre  de  renaître  ^  »  Dans  une  deuxième  espèce,  dans  la- 
quelle il  était  allégué  que  le  président  avait  fait  tenir  les 
portes  fermées  pendant  son  résumé ,  l'arrêt  rejette  encore  le 
pourvoi  en  déclarant  «  que  le  procès-verbal  des  débats  coo^ 
tate  que  le  public  était  entré  librement  dans  la  salle  *,  que , 
pendant  le  résumé ,  Tordre  et  le  silence  ne  pouvaient  être 
maintenus  >  si  l'on  ne  faisait  évacuer  une  partie  de  la  salle  ; 
que  le  tumulte  n'ayant  pas  discontinué  aux  issues  de  la  salle 
d'audience,  les  portes  ont  dû  rester  fermées  depuis  ce  mo- 
ment ,  et  que  rentrée  en  a  élé  défendue  par  la  force  armée 
contre  la  populace  qui  lançait  des  pierres  contre  la  porte 
principale  du  Palais;  en  droit,  que  si  Tart.  11  de  la  loi  da 
9  septembre  1835  permet  à  la  Cour  d'assises  de  juger  et  pu- 
nir toute  personne  présente  à  Taudienco  qui  cause  du  tu- 
multe  pour  empêcher  le  cours  de  la  justice,  le  nom  des  per- 
turbateurs peut  rester  inconnu  et  le  tumulte  causé  par  une 
intention  autre  que  celle  de  troubler  le  cours  de  la  justice  ; 
que  Tart.  367  confère  au  président  la  police  de  l'audience  ; 
que  les  faits  relevés  au  procès-verbal  justifient  suffisamment 
la  nécessité  des  mesures  que  ce  magistrat  a  prises  dans  l'exer- 

'  Cass.  ià  juin  1835»  rapp.  M,  Isambert,  J»  P.,  L  XXV,  p«  569t 


inilBCTlOMfi  DO  IPIUÊSIOENT,  POUCE  DE  L^ACOIENGE.   §  607        441 

ciee  de  ce  poQToîr  ;  que  révacuation  de  la  partie  de  la  salle 
qui  avoisinait  les  issues  et  la  fermeture  des  portes  assaillies 
par  la  populace,  ne  peut  être  assimilée  à  une  privation  arbi- 
traire de  la  publicité  de  cette  partie  des  débats  ^  »  EnGn , 
dans  une  troisième  espèce  où  il  était  également  allégué  que 
les  portes  avaient  été  fermées  pendant  plusieurs  heures ,  le 
pourvoi  a  été  rejeté  «  attendu  que  si ,  pour  maintenir  l'or- 
dre ^  en  éloignant  raffluence  trop  considérable  du  public  qui 
envahissait  la  salle  d'audience ,  le  président  a  ordonné  que 
les  portes  en  fussent  fermées ,  il  est  constaté  ^ue  la  place 
destinée  au  public  est  restée  entièrement  remplie  *•  » 

Ces  exemples  nous  démontrent  le  véritable  'caractère  du 
pouvoir  de  police  du  président.  Ce  pouvoir,  qui  porte  en  lui- 
même  sa  définition ,  s'applique  nécessairement  à  tous  les 
faits ,  à  tous  les  incidents  qui  se  rapportent  à  Tordre  et  à  la 
tenue  de  Vaudience  et  qui  sont  étrangers  à  la  direction  des 
débats,  à  tous  les  actes  qui  ne  tombent  pas  sous  la  juridiction 
de  la  Cour  d'assises  et  qui  ne  sont  prévus  ni  par  les  art.  505 
et  suivants  du  du  G.  d'instr.  crim. ,  ni  par  les  art.  11  et  sui- 
vants de  la  loi  du  9  septembre  1835,  à  tous  les  troubles ,  en 
un  mot  5  qui ,  quoiqu'ils  niaient  pour  but  ni  d'interrompre 
le  cours  de  la  justice ,  ni  d'outrager  les  juges ,  jettent  le  dé- 
sordre  dans  l'audience  ou  enlèvent  aux  débats  leur  calme  et 
leur  gravité.  11  n^appartient  au  reste  qu'au  président  d'ap- 
précier l'opportunité  des  mesures  qu'il  prend  ;  il  est  armé 
d'un  pouvoir  discrétionnaire  pour  maintenir  la  police  de 
l'audience  et  il  n'y  a  pas  lieu  d'examiner  si  les  faits  étaient 
assez  graves  pour  justifier  les  dispositions  qu'il  a  prises  *, 
pourvu  d'ailleurs  que  ces  dispositions  soient  légales,  qu'elles 
n'entravent  ni  les  droits  de  la  défense,  ni  aucune  des  garan- 
ties prescrites  par  la  loi  ;  car  ce  pouvoir  n'est  discrétionnaire 
qu'en  ce  sens  que  le  président  peut  prescrire,  toutes  les  fois 
qu'il  le  juge  opportun ,  les  mesures  de  police  qui  la  loi  met  à 
sa  disposition  ;  mais  il  est  clair  qu'il  ne  peut  prescrire  que 
des  mesures  de  police,  c'est-à-dire  des  mesures  de  prévoyance 
et  de  prudence  qui ,  loin  de  toucher  à  aucun  des  droits  éta- 
blis par  la  loi ,  ne  sont  destinés  qu'à  les  protéger. 

*  Case.  80  mai  1889,  rapp.  M.  IsamberU  BulL  d»  i68. 
I  *  Gass.  10  janv.  1850,  rapp.  M*  deGlos.  Bull*  n.  17t 
e  '  Casa.  14  juip  1888,  cité  saprà.  p.  440. 


412  DES  COURS  d'assises. 


s  608. 

].  Pouvoir  du  président  relativement  à  la  direction  des  débats.  ^ 
11.  Mesures  qu'il  peut  prendre  dans  Texercice  de  ce  pouvoir 

I.  La  direction  des  débats  est  la  plus  importante  des  nUribu- 
tioDS  du  président  et  celle  qui  exige  les  plus  hautes  qunlités. 
Elle  exige,  non-seulement  la  sagacité  qui  pénétre  au  fond  es 
choses  ,  le  sens  judiciaire  qui  les  apprécie ,  la  connaissance 
profonde  du  cœur  humain ,  enfin  Tinteliigence  ferme  et  droiie 
qui  dispose  les  faits  pour  les  faire  saisir  plus  facilement  et  qui 
les  saisit  elle-même  dans  tous  leurs  détails  à  mesure  qu'ils 
se  déroulent  ;  elle  demande  encore  l'impartialité  la  plus  sé- 
vère, une  austère  probité  dans  le  développement  des  preuves» 
et  dans  ce  ministère  placé  au-dessus  de  toutes  les  passions  « 
une  seule  passion  peut-être,  celle  de  la  justice.  Cette  direc- 
tion n'a  qu'un  but ,  la  découverte  de  la  vérité,  soit  qu'elle 
soit  favorable  à  Taccusation  ou  à  la  défense  ;  elle  met  en  mou- 
vement tous  les  ressorts  de  la  procédure  pour  éclairer  les  fails 
de  la  cause  sur  toutes  leurs  faces;  elle  met  en  relief  tous  les 
incidents ,  toutes  les  circonstances  du  débat  ;  elle  projette 
la  lumière  sur  les  coins  les^plus  obscurs.  C'est  là  la  mission 

Eropre  du  président»  sa  fonction  personnelle;  il  lient  ledé- 
atpour  ainsi  dire  dans  ses  mains  ,  il  en  prépare  la  trame, 
la  développe  et  lui  fait  parcourir  le  champ  qu'il  lui  a  assigné; 
il  soumet  tous  les  actes  à  un  examen  méthodique  et  fait  luire 
ainsi  sous  les  yeux  des  jurés  tous  les  éléments  qui  doivent 
former  leur  conviction. 

Tel  est  le  pouvoir  que  les  art.  267  et  270  ont  formulé  dans 
les  termes  suivants  :  c  Art.  267.  Il  sera  de  plus  chargé  per- 
sonnellement de  diriger  les  jurés  dans  Pexercice  de  leurs 
fonctions,  de  leur  exposer  l'affaire  sur  laquelle  ils  auront  à 
délibérer^  même  de  leur  rappeler  leur  devoir,  de  présidera 
toute  l'instruction  et  de  déterminer  l'ordre  entre  ceux  qui 
demanderont  à  parler.  Art.  270.  Le  président  devra  rejeter 
tout  ce  qui  tendrait  à  prolonger  les  débats  sans  donner  lieu 
d*espérer  plus  de  certitude  dans  les  résultats.  » 

Il  importe  de  remarquer  que  la  loi  n'a  nullement  voulu 
instituer  une  sorte  de  pouvoir  influent  qui  dominerait  les 


ATTRIBUTIONS   OU  PRÉ^IDENT^  DIRECTION  DES  DÉBATS  $  608.        4i3 

jurés  et  leur  dictrrait  leurs  décisions  ;  c'est  un  guide  et  non 
point  un  tuteur  qu'eMe  a  placé  à  côté  d'eux  :  il  leur  indique 
la  Yoie  qu'ils  doivent  parcourir ,  mais  dans  cette  voie  leur 
marche  reste  libre.  Reprenons,  en  effet,  les  telles  qui  vien- 
nent d'être  cités.  On  y  trouve  un  triple  pouvoir  :  pouvoir 
d'exposer  l'affaire  aux  jurés ,  de  leur  rappeler  leurs  devoirs 
et  de  les  diriger  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions;  pouvoir 
de  présider  à  Tinstruction  et  de  régler  Tordre  des  interpella- 
lions;  pouvoir  d'écarter  des  débats  ce  qui  pourrait  inutile- 
ment les  prolonger.  La  première  de  ces  attributions  n'a  qu'un 
objet ,  c'est  d'éclairer  les  jurés  sur  leurs  droits  et  sur  leurs  de- 
vo  rs,  c'est  de  les  mettre  à  même,  en  leur  rappelant  leurs  obli- 
gations légales,  d'accomplir  leurs  fonctions,  c'est  enfin  de  leur 
faciliter  les  moyens,  en  leurexposantlesfaits  qu'ils  sont  appe- 
lés à  juger,  de  statuer  surlacause.  La  deuxième  réduit  expli- 
citement le  droit  du  président  :  à  celui  a  de  présider  à. toute 
l'instruction.  »  Or,  présider  à  une  instruction,  c'tst  en  régler 
l'ordre,  c'est  en  disposer  les  éléments ,  pour  que  les  mem- 
bres de  la  juridiction  puissent  l'apprécier;  ce  n'est  pas  en 
apprécier  soi-même  les  résultats  et  imposer  cette  apprécia- 
tion comme  une  direction  que  la  juridiction  doit  suivre.  En- 
fin, la  troisième  ne  fait  qu'attribuer  au  président  le  droit  qui 
appartient  à  tous  les  chefs  de  juridiction  d'écarter  du  débat 
tous  les  développements  qui  sont  surabondants  et  ne  servent 
pas  à  la  cause.  Ainsi  défini  et  limité,  to  pouvoir  de  direction 
des  débats  est  essentiel  à  la  constitution  de  la  juridiction  :  il 
ordonne  la  discussion,  il  dispose  les  preuves  ,  il  éclaire  toute 
la  cause  ;  il  laisse  intacts  les  droits  des  parties  et  les  pouvoirs 
des  juges  et  des  jurés. 

IL  Notre  Gode  ne  s'est  pas  borné  à  poser  ce  pouvoir  comme 
un  principe  qui  domine  tous  les  débats  et  doit  servir  à  en  ré- 
gler incessamment  les  incidents.  Il  en  a  dégagé  lui-même 
quelques  corollaires  et  les  a  formulés  dans  ses  textes. 

C'est  ainsi  que  le  président  trouve  le  droit,  dans  l'art.  306, 
d'accorder  à  l'accusé  une  prorogation  da  délai  ;  dans  l'ar- 
ticle 307,  de  joindre  dans  un  même  débat  plusieurs  accusa- 
tions connexes;  dans  l'art.  314,  de  rappeler  à  l'accusé  ce 
qui  est  contenu  dans  Tacte  d'accusation;  dans  l'art.  316,  de 
prendre  des  mesures  pour  empêcher  les  témoins  de  conférer 
entre  eux  ;  dans  l'art.  317,  de  recevoir  les  dépositions  des 
témoins;  dans  l'art.  318,  de  prendre  note  de  leurs  varia- 


il4  DES  COURS  dVS81SES. 

lions;  dans  Tart.  319,  de  demander  aux  accasés  et  aai  té- 
moins les  éclaircissemefiis  qu'il  croit  utiles  ;  dans  Fart.  320, 
de  maintenir  <fans  l'auditoire  ou  d'en  écarter  les  témoins  qui 
ont  déposé  ;  dans  Fart.  326,  d'ordonner  que  les  témoins  se- 
ront entendus  de  nouveau  séparément  ou  en  présence  les  uns 
des  autres;  dansTart.  327,  d'ordonner  également  que  les  ac- 
cusés soient  examinés  séparément;  dans  l'art.  330,  de  faire 
mettre  en  état  d'arrestation  les  témoins  suspects  de  faux  té- 
moignage; dans  Tart.  332,  de  nommer  des  interprètes  dans 
les  cas  où  la  loi  l'exige  ;  dans  Tart.  334,  de  déterminer  Tor- 
dre dans  lequel  les  accusés  sont  soumis  au  débat  ;  dans  Tari 
335  ,  de  déclarer  que  les  débats  sont  terminés;  enGo  dans 
Tart.  836,  d'ei\  présenter  le  résumé. 

Il  est  clair  que  toutes  ces  dispositions  ne  sont  que  des  ap- 

f^lications  et  des  conséquences  airectes  du  principe  établi  par 
•art  267.  Le  droit  de  diriger  les  débats  emporte  nécessaire- 
ment celui  de  prendre  toutes  les  mesures  qui  ont  pour  objet 
d'en  faciliter  et  d'en  régler  la  marche,  et  de  faire  face  aux  dif- 
férents incidents  qui  surviennent.  Nous  ne  faisons  toutefois 
qu'en  indiquer  le  caractère  et  nous  en  renvoyons  rexamen 
aux  chapitres  IX  et  X. 

Mais,  indépendamment  de  ces  corollaires  que  le  Gode  en 
a  déduits ,  le  principe  édifié  par  l'art  267  a  reçu  plus  d'une 
fois  une  application  directe ,  et  G*est  ici  le  lieu  de  noter  les 
questions  qui  se  sont  élevées  à  ce  sujet. 

En  ce  qui  concerne  la  direction  que  le  président  est  ap- 
pelé à  donner  aux  jurés ,  il  a  été  jugé  :  l*"  que,  bien  que  le 
président  doive  s'abstenir  de  faire  connaître  aux  jurés  les 
conséquences  pénales  de  leur  déclaration,  il  peut  néanmoins, 
si  le  défenseur  les  a  induits  en  erreur,  en  les  entretenant  de 
la  gravité  de  la  peine ,  rectifier  ce  qu'il  y  a  d'erroné  dans  ces 
assertions  :  cet  avertissement  n'est  point  alors  un  excès  de 
pouvoir»  puisqu'il  ne  leur  est  donné  alors  que  par  suite  de 
l'obligation  imposée  au  président  de  rappeler  aux  jurés  la  na- 
ture des  fonctions  qu'ils  ont  à  remplir  et  pour  qu'ils  conn 
prennent  toute  la  portée  des  questions  qu'ils  ont  à  résoudre  >' 
2»  Que  le  président  peut  signaler  dans  son  résumé  une  er- 
reur de  droit  qu'il  impute  à  la  défense,  sauf  au  défenseur 
à  réclamer  contre  la  «lôture  du  débat  et  à  demander  la 
parole  le  dernier  :  ce  magistrat  peut  et  doit  prémunir  les  jurés 

'Gass.  iO  sept*  iSSO.  rapp.  M,  Dehaussy.  BuU.  n.  354* 


ATTRIBUTIONS  BD  PRéSfDENT,  DIRECTION  DES  DEBATS.  §  608.  44t> 

contre  les  erreurs  dans  lesquelles  ils  pourraient  élre  entraînés 
par  la  défense,  mais  il  ne  peut  préjudicier  aux  droits  de  cette 
défense  elle-même  *.  3^  Enfin,  que  le  président  a  pu,  sous 
Teropire  de  la  loi  du  9  septembre  1835,  faire  connaître  au 
jury  que  si  sa  déclaration  était  rendue  à  la  simple  majorité, 
la  cour  pourrait  user  de  la  faculté  que  lui  donne  Tart.  352  : 
«  attendu  que  l'interdiction  faite  aux  jurés  par  Fart.  342 
d'envisager  les  suites  de  la  déclaration  qu'ils  ont  à  rendre , 
ne  s'applique  qu'aux  conséquences  relatives  à  l'application 
de  la  loi  pénale  '•  »  Cette  dernière  solution  pourrait  donner 
lieu  aujourd'hui  à  quelques  difficultés,  car,  d'une  part,  .la  loi 
du  9  juin  1853,  qui  a  rectifié  les  art.  341  et  352,  n'exigée 
plus  la  mention  spéciale  de  la  simple  majorité  sur  le  fait  prin- 
cipal ,  et  d'une  autre  part ,  Tapplication  de  l'art.  352  n'est 
plus  subordonnée  à  la  constatation  de  cette  simple  majorité. 
Il  n'y  a  donc  plus  de  prétexte  pour  cet  avertissement  qui  ne 
serait  plus  dès  lors  qu  une  manifestation  illégale  de  Topinion 
de  la  Cour. 

En  ce  qui  concerne  la  direction  du  débat ,  il  a  été  jugé  : 
i""  que  le  président  peut  fixer  même  d'office  le  jour  du  juge- 
ment de  chaque  affaire^;  2**  quMl  peut,  en  réglant  l'ordre 
de  la  discussion,  soumettre  au  débat  un  moyen  de  forme 
avant  d'aborder  le  fond"^  ;  3^  qu'il  peut  ordonner  que  l'un 
des  accusés  soit  éloigné  des  autres  »  à  raison  de  Tinflucnce 
qu'il  est  présumé  exercer  sur  eux  &  ;  4*"  qu'il  peut  ordonner 
que  chacun  des  accusés  soit  soumis  à  un  débat  spécial ,  pourvu 
qu'ils  puissent  faire  toutes  les  observations  qu'ils  jugent  utiles 
peudant  le  débat  relatif  à  leurs  coaccusés  ^  ;  5'  qu'il  peut  re- 
fuser d'interpeller  les  témoins  sur  la  moralité  de  l'un  d'eux, 
«  attendu  qu'il  lui  appartient,  non  en  vertu  de  son  pouvoir 
(liscrctionnairc,  mais  comme  chargé  par  la  loi  de  la  direction 
des  débals,  d'apprécier  si  les  interpellations  requises  par  les 
accusés  étaient  de  nature  à  favoriser  ou  entraver  la  manifes- 
tation de  la  vérité  '  ;  »  6°  qu'il  peut  ne  pas  poser  les  ques- 
tious  que  l'accusé  adresse  aux  témoins  lorsqu'il  les  juge  in- 

•  Cass.  43  arrîl  4837,  rapp.  M.  îsarobert.  Bull.  n.  109. 
^C>ss.22  mars  i8Â5,  rapp.  M.  Mériihou.  Bull.  n.  107. 
^  Cass.  26  avril  1846,  rapp.  M.  Isarobert.  Buil.  n.  155. 

•  Cass.  26  juiu  1851,  rapp.  M.  de  Boissieui.  Bull.  n.  2A9* 

•  Cass.  6  fév.  1840,  rapp.  M.  Vincens-St-Laurenl.  Bull,  n,  46, 
'  Gsss,  2  ioill.  1846,  rapp.  M.  Fréteau.  BuH.  n.  160. 

'  Cass.  16  oct  1850,  rapp.  M»  Rocher.  Bull,  n,  86U 


446  DES  COURS  D*ASSISES. 

utiles*  ;  7^  qu'il  peut  refuser  la  réaudition  des  témoins  déjà 
entendus*  ;  8<>  qu'il  peut  annuler  le  serment  d'ua;témoiD  et 
la  déclaration  émise  sous  la  sanction  de  ce  serment^  lors- 
qu'il s'aperçoit  de  Tincapacité  légale  de  ce  témoin  ^^  etc 

Enfin,  en  ce  qui  concerne  le  droit  d'élaguer  tout  ce  qui 
-allonge  inutilement  les  débats,  il  a  encore  été  jugé  :  l^que 
le  président  peut  interdire  à  la  défense  de  lire  deux  décisions 
du  jury  rendues  dans  des  affaires  étrangères  quoique  analo- 
gues à  la  cause  ^  ;  2^  qu'il  peut  apprécier  l'utilité  et  la  coa- 
venance  de  questions  que  Taccusé  veut  adresser  aux  témoins, 
pour  écarter  celles  qui  ne  conduiraient  pas  à  la  manifestation 
de  la  vérité  ^.  Ces  deux  solutions,  qui  se  rattachent  au  droil 
de  la  défense,  seront  examinées  dans  le  chapitre  YI.  Noos 
nous  bornerons  à  faire  remarquer  ici  que  ce  n'est  qu'avec  une 
extrême  réserve  que  le  président  doit  user  du  droit  que  lui 
donne  l'art.  270.  Cet  article  ne  Tautoriso  à  rejeter  que  «  ce 
qui  tendrait  à  prolonger  les  débats  sans  donner  lieu  d'espérer 
plus  de  certitude  dans  les  résultats.  »  Il  n'est  donc  autorisé  à 
écarter  les  développements  de  la  défense  ou  les  éclarcisse- 
nients  qu'elle  demande  que  lorsquMl  est  convaincu  que  ces 
renseignements  ou  ces  observations  sont  superflus  et  ne 
pourraient  apporter  aucune  lumière  dans  le  débat.  A  la  vé- 
rité, la  loi  s'en  rapporte  à  sa  sagesse  et  à  sa  conscience  ;  n)ai> 
nous  verrons  plus  loin  que  si  Texercice  de  ce  droit  allait  jus- 
qu'à porter  sérieusement  atteinte  à  la  défense,  raccusé 
pourrait  en  certains  cas  s'en  faire  un  grief. 

S  609* 

I.  Pouvoir  discrétionnaire  du  président  relativement  à  Tinstnic- 
tion.  —  11.  Caractère  de  ce  pouvoir.  —  lll.  Dans  quels  cas  il 
y  a  lieu  de  l'appliquer.  —  IV.  Examen  de  la  jurisprudence.-^  V. 
Mode  de  son  exercice. 

I.  Le  président  est  investi,  pour  la  direction  des  débats 
d'un  pouvoir  que  la  loi  a  qualifié  de  discrétionnaire  et  dont 


*  Cass.  38  noY.  iSAi,  rapp.  M.  Bresson.  BuU.  n.  888. 

"  Cass.  27  août  1852,  rapp.  M.  Nouguier.  Bull.  n.  802. 

>  Cass.  9  juin.  1852,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  234;  8  sept.  1851,  rapp. 
M.  Rives.  Bull.  n.  37^. 

*Cass.  28  aoftll829.  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.U.  P.,  t  ^XII 
p.  1423. 

»  Casa.  28  iiov.  1844,  ciW  suprà. 


ATTRIBUTIONS  DU  PRÉSIDINT,  POUTOIR,  DISCRériONKAIRE .   §  609.     447 

nous  allons  essayer  de  déterminer  le  caractère  et  de  mesurer 
rétendue. 

GepouYoir  a  été  établi  dans  notre  législation  en  même 
temps  que  le  jurj.  L'art.  2  du  tit.  8  de  la  loi  16-27  sept 
1791  portait  a  le  président  du  tribunal  criminel  peut  pren- 
dre sur  lui  de  tûre  ce  qu'il  croira  utile  pour  découvrir  la  vé- 
rité, et  la  loi  charge  son  honneur  et  sa  conscience  d'employer 
tousses  cflbrts  pour  en  favoriser  la  manifestation.  »  L'ing- 
truction  du  29  sept  1791  développait  cette  disposition  en 
ces  termes  :  «  On  ne  peut  trop  recommander  aux  électeurs 
qui  auront  à  choisir  un  président  du  tribunal  criminel  de  se 
bien  pénétrer  de  toute  l'importance  de  cette  place.  Quelle 
probité,  quelle  sagacité^»  quelle  expérience  du  cœur  humain 
ne  sont  pas  requises  de  celui  que  la  loi  investit  d'une  si 
grande  confiance  I  II  devra  lui-même  se  pénétrer  profondé- 
ment des  sentiments  et  des  devoirs  et  de  la  nature  de  l'institu- 
tion sublime  dont  il  est  le  principal  moteur.  La  vérité  des 
faits  peut  être  poursuivie  avec  bonne  foi,  avec  franchise, 
avec  loyauté,  avec  un  vrai  et  sihcère  désir  de  parvenir  à  la 
connaître,  Tous  les  moyens  d'éclaicissement  proposés  parles 
parties  ou  demandés  par  les  jurés  eux-mêmes,  s'ils  peuvent 
effeclivement  jeter  un  jour  utile  sur  le  fait  eii  question,  doi- 
vent être  mis  en  usage  ;  et  comme  toutes  les  demandes  des 
parties  ou  des  jurés  doivent  s'adresser  au  président,  il  est 
sensible  que  le  cœur  le  plus  pur  et  l'esptit  le  plus  droit  sont 
les  bases  de  la  confiance  de  la  loi,  quand  elle  se  repose  sur  le 
président  du  soin  de  rendre,  d'après  les  circonstances^  une 
oiultitudc  de  décisions,  pour  lesquelles  on  ne  peut  lui  tracer 
d'avance  aucune  règle.  Ce  pouvoir  discrétionnaire  est  tem- 
péré et  dirigé  par  la  présence. du  public  dont  les  regards  doi- 
vent toujours  être  particulièrement  appelés  sur  l'exercice  de 
toutes  les  fonctions  qui   par  leur  nature  touchent  à  l'arbi- 
traire; ils  portent  avec  eux  le  meilleur  préservatif  contre  l'a- 
bus qu'on  pourrait  tentcrd'en  faire.  » 

Le  Gode  du  3  brumaire  an  i^  tout  en  reproduisant  le  même 
principe,  fut  plus  explicite  dans  ses  termes.  Ses  art.  276  et 
277  étaient  ainsi  conçus:  a  En  vertu  du  pouvoir  discrétion- 
naire dont  il  est  investi,  il  (le  président)  peut  prendre  sur  lui 
tout  ce  qu'il  croit  utile  pour  découvrir  la  vérité  ;  et  la  loi 
charge  son  honneur  et  sa  conscience  d'employer  tous  ses  ef- 
forts pour  en  favoriser  la  manifestation.  Ainsi,  il  doit  mettre 
en  usage  tous  les  moyens  d'éclaircissement  proposés  par  los 


448  DES  COURS   1>*ASSISP.S. 

parties  ou  demandés  par  les  jurés,  qui  peuvent  jeter  un  joar 
utile  sur  le  fait  contesté.  » 

Enfin  notre  Gode  est  venu  reprendre  à  son  tour  les  mêmes 
dispositions,  en  modifiant  cependant  un  peu  leur  tencar. 
L'art.  268  porte  :  «t  Le  président  est  investi  d'un  pouvoir  dis- 
crétionnaire en  vertu  duquel  il  pourra  prendre  sur  lui  tout  co 
qu^il  croira  utile  pour  découvrir  la  vérité  et  la  loi  charge  son 
honneur  et  sa  conscience  d'employer  tous  ses  efforts  pour  en 
favoriser  la  manifestation.  »  l)aTt.  269  ajoute:  «  Il  pourra, 
dans  le  cours  des  débats,  appeler^  même  par  mandat  d'ame- 
ner, et  entendre  toutes  personnes,  ou  se  faire  apporter  toutes 
nouvelles  pièces,  qui  lui  paraîtraient,  diaprés  les  nouveaux 
développements  donnés  à  Taudience,  soit  par  les  accusés,  soit 
par  les  témoins,  pouvoir  répandre  un  jour  utile  sur  le  fait  con- 
testé. Les  témoins  ainsi  appelés  ne  prêteront  point  serment, 
et  leurs  déclarations  ne  seront  Considérées  que  comme  rensei- 
gnements, n 

Tcjs  sont  les  textes  qui  ont  constitué  le  pouvoir  discrétion- 
naire du  président. 

Ce  pouvoir  est  nécessaire.  Les  débats  d'une  atïaire  ne  sui- 
vent pas  exactement  la  voie  ouverte  par  Tinstruclion  écrite; 
ils  ne  sont  pas  fatalement  enfermés  dans  les  mêmes  errements, 
enchaînés  aux  mêmes  preuves.  Des  in<îidcnts  imprévus  les  tra- 
versent sans  cesse  et  les  font  dévier  d'un  côté  ou  d'un  autre. 
Ce  sont  des  témoins  qui  font  des  révélations  jusques-là  vaine- 
ment attendues  ou  qui  contredisent  des  assertions  qui  sem- 
blaient acquises  au  procès;  ce  sont  les  accusés  cux-méracs 
qui,  dans  leurs  défenses  ou  leurs  récriminations,'  laissent  en- 
trevoir des  circonstances  inapperçues,  ou  détruisent  leurs  pre- 
miers aveux  par  des  dénégations  J  ce  sont  des  •paroles  qui 
échappent,  des  doutes  qui  surgissent,  des  contradictions  qui 
se  formulent,  des  ombres  qui  prennent  un  corps.  Faut-il  sur- 
seoir afin  qu'une  instruction  nouvelle  contrôle  ces  nouveaux 
témoignages,  vérifie  ces  assertions  et  passe  au  crible  d'un  se- 
cond examen  tous  les  éléments  qui  viennent  à  Timprovistesc 
jeter  dans  la  discussion?  Non,  car  cette  instruction  supplé- 
mentaire peut  se  faire  sur-le-champ,  à  l'audience  même  et 
sans  aucun  péril  pour  les  intérêts  de  la  cause,  puisqu'elle  s'ap- 
plique aux  mêmes  faiU,  qp'elle  n'est  que  la  continuation  de  la 
première  et  qu'elle  est  engendrée  par  la  lutte  même  de  Tac- 
cusation  et  de  la  défense.  Il  faut  donc  que  les  preuves  produi- 
tes, si  elles  se  trouvent  insuffisantes,  puissent  être  complétées, 


que  des  témoins  nouTeaux  paissent  être  appelés,  que  les  pié* 
ces  dont  Tapport  parait  utile  puissent  être  apportées,  que  les 
TériGcations  qui  deviennent  indispensables  puissent  être  faites. 
C*est  à  ce  besoin  de  l'audience  que  répond  le  pouvoir  attri- 
bué au  président  des  assises  :  il  pourvoit  à  toutes  les  exigences 
du  débat,  il  satisfait  &  toutes  les  demandes  des  parties,  il  ré- 
sout toutes  les  difficultés,  il  éclaire,  autant  que  cela  estpossi*- 
ble,toutes  les  incertitudes  qui  viennent  embarrasser  ou  ooscur- 
cir  Tinstruction  orale.  En  ouvrant  cette  voie  d'information^ 
la  loi  n^a  pas  cru  d'ailleurs  porter  atteinte  aux  régies  qui  ré- 
gissent la  production  des  preuves,  puisque  l'institution  du 
jury  n*admet  pas  de  preuves  légales  et  qu'aucune  condition 
n*est  imposée  à  la  conviction  des  jurés. 

Tel  est  le  principe  du  pouvoir  discrétionnaire.  Considéré  en 
lui-même  et  au  point  de  vue  purement  théorique,  ce  principe 
parait  à  Tabri  de  toute  critique  ;  il  est  en  harmonie  avec  Tin- 
struction  orale  et  ne  fait  qu'apporter  aux  débats  les  moyens 
de  les  rendre  plus  complets  et  plus  vrais.  Les  difficultés  ne 
s'élèvent  que  lorsqu'il  s'agit  d'en  régler  l'application,  do  me- 
surer le  terrain  où  il  doit  s'exercer  et  de  tracer  le  cercle  dans 
lequel  il  doit  agir.  Faut-il  déclarer,  comme  l'ont  (ait  quelques 
arrêts,  p  que  ce  pouvoir,  n'a  d'autre  limite  et  d'autre  régie 
que  la  conscience  du  magistrat  auquel  la  loi  en  a  déféré  l'exer- 
cice *  i»?Faut-il  admettre,  en  conséquence,  qu'il  est  supérieur 
à  toutes  les  lois,  qu'il  n'est  circonscrit  ou  modéré  par  aucune 
des  prohibitions  qu'elles  contiennent  et  qu'il  comporte  toutes 
les  mes»ures,  même  contraires  au  droit  commun,  qu'il  plaît  au 
président  d'ordonner?  11  est  plus  aisé,  ainsi  que  l'a  fait  la  ju- 
risprudence de  poser  une  régie  générale  en  termes  absolus 
que  d'eu  modifier  l'application  à  travers  toutes  les  hypothèses 
qui  peuvent  se  présentei.  Il  est  certain  qu^elIe  a  évité,  en  se 
maintenant  dans  ces  expressions  vagues  et  indéfinies,  une 
foule  de  difficultés  et  de  distinctions  embarrassantes.Maisa-t- 
clle  fidèlement  traduit  l'esprit  et  même  le  texte  de  la  loj?  C'est 
ce  qu'il  faut  examiner. 

n.  Les  art.  268  et  269  ont  un  double  objet:  le  premier 
établit  le  caractère  général  du  pouvoir  discrétionnaire  et  le 
bal  qui  lui  a  été  assigné  ;  l'autre  indique  les  cas  où  il  y  a  lieu 
d^en  faire  application  et  les  mesures  qu'il  autorise. 

«  Cmi.  20  afril  ISSS»  rapp.  M.  Rccbcr.  BulL  n.  107  ;  17  nan  iSiS, 
nppi  V.  jMXfQlnol,  n.  04,  14  jnîD  iO^O,  rapR<  M.  Mcyroonel  Saial-lfarr, 

fiii.  î^ 


4>$#  DES  COVMSl  D^ASSISES. 

Le  pouvoir  discrétionnaire  est  un  pouvoir  d^instructionqui 
a  pour  but  de  compléter  les  moyens  de  preuve  préparés  par 
la  procédure  écrite.  L'art.  268  établit  clairement  ce  carartére 
fondameotal  en  disposant  que  le  président  pourra  faire 
«  tout  ce  qu*il  croira  utile  pour  découvrir  la  vérité;  »  et  s'il 
fait  appel  à  Tbonneur  et  i  conscience  de  ce  magistrat,  c'est 
uniquement  pour  qu^il  emploie  «  tous  ses  efforts  pour  en  fa*- 
voriser  la  manifestation.»  La  loi  assigne  donc  un  but  exclusit 
à  toutes  les  mesures  qu'il  prend,  c'est  Ja  découverte  de  la  vé- 
rité, c*est-à-dire  le  développement  de  Tinstruction.  Toates 
ces  mesures  ne  doivent  donc  se  proposer  que  de  fortifier  les 
preuves  acquises  ou  d'en  apporter  de  nouvelles.  Leur  carac- 
tère uniforme  est  de  compléter  la  procédure  à  mesure  que  ses 
lacunes  se  révèlent  et  delà  conlinuer  lorsqu'elle  s'arrête. 
Le  président  n'a  pas  d'autre  mission  que  colle-là:  tou- 
tes celles  de  ses  ordonnances  qui  auraient  un  autre  bat 
que  la  manifestation  de  la  vérité  seraient  des  excès  de  pou- 
voir. C'est  en  appliquant  cette  règle  que  la  Gourde  cassation 
a  jugé  que  le  président  ne  peut  introduire  dans  le  débat  qd 
autre  débat  étranger  à*  l'accusé  et,  par  exemple,  faire  enten- 
dre des  témoins  sur  un  fait  imputé  au  défenseur'  ;  qu'il  ne 
peut  autoriser  un  accusé  écroué  dans  la  maison  de  justice  à 
se  faire  transférer  dans  un  lieu  pour  y  opérer  des  recherches 
qu'il  croit  utiles  à  la  défense  *  ;  qu'il  ne  peut  accorder  à  un 
témoin  soupçonné  de  faux  témoignage  la  faculté  de  conférer 
secrètement  avec  le  défenseur  de  l'accusé  avant  de  terminer 
sa  déposition  *.  Tous  ces  actes  n'étant  pas  des  actes  d'ii^struc- 
tion  laits  pour  découvrir  la  vérité  dans  le  procès  souniisaox 
débats»  n'appartenaient  pas  au  pouvoir  discrétionnaire. 

Cette  première  règle  posée,  vient,  dans  l'art.  269»  non  la 
définition,  mais  Tindication  des  cas  où  ce  pouvoir  doit  s'ap- 
pliquer :  c'est  lorsque,  a  dans  le  cours  des  débats  et  d'après 
les  nouveaux  développements  donnés  à  l'audience,  soit  par  les 
accusés,  soit  par  les  témoins,  »  il  y  a  lieu  de  penser  qu'une 
production  nouvelle  peut  «  répandre  un  jour  utile  sur  le  fait 
contesté.  »  Ainsi  deux  premières  conditions  sont  écrites  dans 
la  loi  pour  l'exercice  du  pouvoir  discrétionnaire  :  il  ne  peut 
s'exercer  que  dans  le  cours  des  débats  ;  il  ne  peut  s'exercer 

^  Cass.  2A  JauTler  1806,  rappé  &f.  Lombarde  h  P.»  V,  liS, 

'  Casa.  Si  mai  iSld,  rapp.  M*.  Comnbal.  J.  P.,  XI,  394. 

'  Casa.  29  janvier  i^it  rapp»  M.  Gïïbçn  de  Yoiaina.  Bull  o»  9I« 


ATTRIBimONS  DU  ?IliS»£KT|  »OUTOm  BlSCUlfTIOSClfAUll.   §  609.    451 

qoe  lorsqu'il  est  provoqué  par  les  nouveaux  développements 
qui  sont  donnés  à  l'audience.  D'une  part,  là  loi  a  délimité  le 
terrain  ;  d'une  autre  part ,  elle  a  déterminé  les  conditions  de 
son  accès.  Ce  n'est  pomt  pour  compléter  une  instruction  in- 
complète qu'elle  met  ce  puissant  instrument  en  mouvement, 
ce  n'est  que  lorsque  les  nouveaux  développements  de  Tau- 
dience  nécessitent  son  action ,  c'est-à-dire  lorsque  des  révé- 
lations éclatent^  des  incidents  s'élèvent,  des  circonstances 
inattendues  se  produisent;  elle  suppose  la  procédure  complète 
sur  les  faits  incriminés,  mais  elle  prévoit  que  ces  faits  pour* 
ront  néanmoins  être  contestés  et  que  des  allégations  ou  des 
productions  nouvelles  pourront  paraître  en  modiGer  le  ca« 
ractère  ;  et  c'est  en  vue  de  ces  modiGcations  survenues  dans 
le  débat,  en  vue  des  dénégations  ou  des  affirmations  qui  vien- 
nent subitement  en  changer  les  bases,  en  vue  de  tous  les  faits 
nouveaux  qui  exigent  des  preuves  nouvelles,  que  la  loi  a  ins- 
titué un  pouvoir  extraordinaire  d'instruction.  Ce  n'est  pas 
tout  :  une  troisième  condition  surgit  encore  du  même  texte. 
Ce  n^est  que  dans  le  cas  où  les  nouveaux  développements 
sont  donnés,  c  soit  par  les  accusés,  soit  par  les  témoins,  •  que 
ce  pouvoir  peut  être  exercé.  Pourquoi  cette  restriction  ?  pour- 
quoi ne  le  peut-il  pas  sur  les  développements  nouveaux  du 
ministère  public  ou  de  la  partie  civile  r  C'est  que  la  loi,  dans 
sa  prévoyante  sollicitude^  a  voulu  défendre  les  accusés  contre 
toutes  les  surprises ,  c'est  qu'elle  a  craint  ^ue  le  ministère 
public  ou  la  partie  civile  attendissent  au  dernier  moment  pour 
produire  contre  les  accusés  des  preuves  nouvelles  qu'ils  ne  se- 
raient pas  préparés  à  combattre  ;  c'est  qu'elle  n'a  pas  voulu 
que  le  pouvoir  qu'elle  instituait  pour  la  découverte  de  la  vé- 
rité fût  employé  pour  l'oppression  de  la  défense. 

L'art.  269,  après  avoir  indiqué  dans  quels  cas  ce  pouvoir 
doit  être  appliqué^  mentionne  les  mesures  qu'il  autorise  à 
prendre,  a  11  (le  président)  pourra  appeler^  même  par  man- 
dat d'amener  et  entendre  toutes  personnes  ou  se  faire  ap« 
porter  toutes  nouvelles  pièces.  »  Ainsi ,  la  loi  ne  fait  que 
placer  dans  les  mains  du  président  les  moyens  ordinaires  de 
toute  instruction  criminelle  :  l'appel  des  témoins,  les  apports 
de  pièces.  A  la  vérité,  ces  pièces  et  ces  témoins  ne  sont  pro- 
duits que  sous  la  forme  et  avec  la  valeur  de  simples  rensei- 
gnements :  c'est  la  conséquence  de  leur  production  instan- 
tanée qui  s'oppose  à  ce  que  les  parties  puissent  les  examiner. 
Mais  ia  loi  n'a  point  prévu  que  le  président  pût  introduire 


4fi2  i>ES  conis  p*AssisE$. 

dans  l'instruction  qa  il  fait  à  Taudience  d  autres  éléments  de 
preuve  que  ceux  que  le  juge  d'instruction  emploie  dans  la 
procédure  écrite  ;  elle  n'a  Tait  que  transporter  momentané- 
ment et  avec  quoique  extension  entre  les  mains  du  premier  de 
ces  magistrats  une  portion  du  pouvoir  qui  forme  Tattribution 
habituelle  de  l'autre. 

Voilà  le  sens  des  art.  268  et  269.  On  ne  prétend  pas  ce- 
pendant que  toutes  ces  limites  du  pouvoir  présidentiel  «oieot 
infleiibles.  La  loi  ne  pouvait ,  non  plus  ici  qu'elle  ne  Ta  fait 
pour  le  juge  instructeur,  enfermer  ce  pouvoir  dans  un  cercle 
infranchissable,  lorsque  les  multiples  circonstances  du  débat 

Kuvent  exiger  des  mesures  qu'il  est  impossible  de  précisera 
vance.  Elle  ne  pouvait  qu'indiquer  son  esprit  en  établis- 
sant le  caractère  de  l'attribution  qu'elle  instituait,  les  cas  où 
cette  attribution  devait  fonctionner,  les  mesures  qui  lui  ap- 
partenaient. C'est  ce  qu'elle  a  fait,  sinon  avec  toute  la  pré^ 
cision  désirable  ,  du  moins  avec  clarté.  Il  serait  difficile  d'e 
méconnaître  que  si  les  termes  de  l'art.  269  ne  sont  pas  limita- 
tifs, ils  sont  au  moins  démonstratifs,  qu'ils  tracent  les  règles 
générales  que  le  président  est  tenu  d'observer  dans  lexercicc 
d'un  pouvoir  qui  n'est  discrétionnaire  que  dans  sa  spbére 
légale,  et  que  si  ces  règles  ne  sont  point  absolues ,  elles  doi- 
vent du  moins  diriger  sa  conduite  et  dominer  môme  ceux  de 
ses  actes  qui  ne  seraient  pas  formellement  prévus  par  son 
texte.  Ainsi ,  on  ne  fait  point  de  doute  que  le  président  puiissc 
exercer  cette  attribution  spéciale ,  non-seulement  lorsqu^il  y 
est  provoqué  par  les  nouveaux  développements  des  accusés 
et  des^'témoins,  mais  encore  lorsque  les  premiers  développe- 
ments de  l'instruction  écrite  lui  en  font  sentir  la  nécessité.  On 
ne  fait  point  de  doute  qu'il  puisse  prendre  d'autres  mesures 
que  celles  qui  sont  indiquées  par  la  loi,  qu'il  puisse,  par 
exemple ,  ordonner  séance  tenante  une  expertise ,  un  trans- 
port sur  les  lieux ,  une  levée  de  plan ,  une  fouille,  une  re- 
cherche, une  visite  domiciliaire.  Kais  il  est  nécessaire  que 
toutes  ces  ordonnances  du  président  soient  prises  en  vue  de 
Tinstruction,  car  c'est  là  le  principe  de  son  pouvoir;  il  est  né- 
cessaire qu'elles  soient  sollicitées  par  les  incidents  ou  les  dé- 
veloppements du  débat ,  car  ce  sont  les  cas  imprévus  f  les 
circonstances  accidentelles  et  extraordinaires  qu'elles  ont 
pour  objet  de  régler;  il  est  nécessaire  enfin  que  toutes 
les  mesures  qu'elles  ordonnent  soient  des  actes  d'instruc- 
tmn ,  car  les  règles  qui  président  à  l'instruction  des  procès 


ATTftUVTIOM  PU  PâifllDKlIT,  MVT^IA  ftlflCHiTlOMMAlIlE.  g  60i).     458 

criminels  sont  les  mêmes,  (|u'elles  soient  appliquées  par  le 
présideot  des  assises  on  le  juge  d'instruction ,  et  la  loi  a 
mdiqué  par  voie  de  démonstration  quel  doit  être  le  carac* 
tére  de  ces  mesures.  En  définitive ,  le  président  est  »  pen«- 
dani  la  durée  des  débats ,  extraordinairement  investi  du 
droit  d'ordonner,  pour  résoudre  les  difficultés  imprévues  qui 
surviennent,  quelques-unes  des  mesures  qui  sont  admises  par 
rinstruction  criminelle.  C'est  dans  ces  termes  que  se  résume 
son  pouvoir  discrétionnaire. 

m.  Âpres  avoir  examiné  le  sens  des  art.  268  et  269,  il 
faut  rechercher  Tapplication  qui  en  a  été  faite  par  la  juris- 
prudence. 

Il  est  d'abord  un  très  grand  nombre  de  cas  dans  lesquels 
cette  application  ne  peut  donner  lieu  à  aucune  objection. 
Ainsi ,  il  a  été  décidé  avec  raison  que  le  président  peut  pren* 
die,  lorsque  les  débats  y  donnent  lieu,  les  mesures  suivantes  : 

En  ce  qui  concerne  i  appel  de  nouveaux  témoins,  il  peut , 
puisque  Part.  269  l'autorise  à  faire  entendre  toutes  per- 
sonnels, i**  recevoir  les  déclarations  de  ceux-mèmes  qui  au- 
raient assisté  aux  débats  et  entendre  la  déposition  de  tous  les 
témoins  ^  ;  2^  faire  entendre  un  témoin  frappé  d'aliénation 
mentale,  pourvu  que  les  jurés  soient  informés  de  son  état  ^  ; 
3^  appeler  des  témoins  même  après  les  conclusions  du  mi- 
nistère public  et  la  plaidoirie  du  défenseur,  pourvu  que  celui- 
ci  ait  la  parole  ensuite  *;  4*  faire  entendre  des  témoins  que 
le  ministère  public  avait  cités  et  à  Taudition  desquels  il  a  re- 
noncé, sans  qu'il  ait  été  pris  des  conclusions  dans  l'intérêt  de 
la  défense  "*]  5*  refuser  d  ordonner  Tassignation  de  témoins  à 
décharge  qui  lui  sont  indiqués  par  un  accusé  indigent  dans 
le  cas  prévu  par  fart.  30  et  la  loi  du  22  janvier  1851  ^ 

En  ce  qui  concerne  les  expertises,  il  peut»  1^  faire  vérifier 
des  écritures  par  des  experts^  ;  2^  ordonner  toutes  les  ex- 
pertises qui  lui  paraissent  nécessaires  ^;  3^  charger  de  ces 
expertises,  soit  un  officier  de  santé  membre  de  la  liste  des 

*  Gasft.  18  février  18S0,  rapD.  M.  Gaillard.  J.  P.,  U  XXIII,  1S4« 
2  Casa.  2i  janv.  1839,  rapp.  M.  Rives,  (alT.  Fabre). 

*  Cau.  1  fév.  1839,  rapp.  tf.  Yiuceiu-St-Laurent  Dali.  Sd,  1» 
«  Caaa.  93  août  1849,  rapp.  M.  Âug.  Moreaiu  Bull.  d.  SSO. 

*  Cass.  23  mars  1855,  rapp.  M.  IsamberU  Bull.  o.  107. 

*  Cass.  5  féY.  1819,  rap.  M.  Girard.  J;  P.,  l.  XV,  f.  66, 

'  Cass,  1  fér.  1899,  rapp.  M.  Vincens-St-Laurent.  Dali.  SO^  l>a7&'. 


454  t)£8  €ODRS  d'assises. 

jurés ,  mais  ne  faisant  pas  partie  da  jury  de  jugement  ',  soit 
des  hommes  de  Tart  qui  ont  procédé  à  des  expertises  dans  le 
cours  de  l'instruction  *,  soit  des  individus  portés  sur  la  liste 
des  témoins  ';  k""  autoriser  la  production  et  Tusage  aux  dé- 
bats d'un  procès-yerbal  de  véri6cation  d'écritures,  sans  qu'il 
soit  constaté  que  les  pièces  de  comparaison  aient  été  recon- 
nues par  les  parties  4*  50  fajro  distribuer  aux  jurés  un  plan 
des  lieux,  dressé  par  un  expert  non  assermenté  *,  ou  par  le 
juge  d'instruction  lui-même  ^. 

En  ce  qui  concerne  les  apport  et  lecture  de  pièces,  il  peut 
ordonner  la  lecture  et  la  jonction  à  la  procédure  de  toutes 
pièces  dont  il  juge  la  production  nécessaire  à  -  la  manifesta- 
tion de  la  vérité  ^  ;  et,  par  exemple,  d^une  lettre  adressée 
par  l'accusé  à  son  père,  saisie  et  remise  au  ministère  public 
par  le  concierge  de  la  maison  de  justice  ^  ;  de  lettres  pro- 
duites par  le  défenseur  pour  être  représentées  à  l'un  des  té- 
moins, afin  qu^il  put  en  reconnaître  récriture  ^  ;  de  pièces 
relatives  i  la  moralité  de  l'accusé  ^^;.de  dépositions  reçues  par 
un  magistrat  étranger  *^;  de  lettres  adressées  à  Taccusé  par 
son  fils  et  saisies  à  son  domicile  '^;  de  la  lettre  d^un  maire  non 
assigné  ni  rnlendu  dans  l'instruction  écrite  ^^  ;  d'uue  lettre 
de  Taccusé  produite  par  un  témoin  ^^;  d^une  lettre  adressée  i 
l'accusé  sl(ns  qu'il  lui  en  ait  été  donné  communication  préa- 
lable 1^.  Il  peut  également  faire  suivre  la  lecture  de  l'arrêt  de 
renvoi  de  là  lecture  d^autres  pièces  ^^;  il  peut  donner  lecture 
d'une  déclaration  de  jurés  rendue  dans  une  autre  affaire  re- 
lativement à  l'accusé  ^^  ;  d'un  jugement  du  tribunal  correc- 


ft  Cass*  5  juin  1837,  rapp.  M.  Frèleau.  J.  P.,  rapp,  9,  608« 
s  Gas8«  19  sept  1839,  rapp.  M»  Dehauftsy.  Bull,  n^  801. 
'  Cass.  80  juin  4855,  rapp.  M.  Rives.  Bull.  n.  387. 

*  Cass.  4  juil.  4851,  rapp.  M.  Foucher.  Bull,  d,  S37. 

*  Cass.  40  jaoT.  1B50,  rapp,  M.  Jacquiaot.  BuU.  n.  7. 
«  Cass.  4  7  sept.  4857,  rapp  M.  Sénéca,  BiiU.  n.  8&i. 

^  Cass.  8  janY.  48i;6,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  1). 

*  Casa.!  avril  1840,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.  Bail,  n.  85. 

*  Cass.  15  oct.  1857,  rapp.  M.  Barennes.  Bull.  u.  258. 

*^  Cass.  26  sept  1819,  rapp.  M.  OllWier.  Dali,  v""  lost  crim.  n.2i88. 

^1  Cass.  7  ?any.  1847,  rapp.  H.  Barennes.  Bull.  n.  7. 

**  Cass.  28  mars  1883,  rapp.  M.  Rocher.  DalL  ¥«  Inst,  crim.  d.  2188. 

**  Cass.  26  déc.  1889,  rapp.  M.  Lsambert.£od.  loc. 

**  Cass.  24  juin  1853,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc  Bull*  0«  2)4, 

**  Cass.  14  oct.  1851,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  460* 

'*  Cass.  20  janT»  1848j  rapp.  M.  Legagoear.  Bull.  o.  20, 

'^  Cus.  7janT,  1880|  rapp.  M,Dehaussy,  BuU.  n.  ;^, 


ATTRiBUTiOKâ  DU  ^ftésiDENT,  i»oi7TOiR  ]>iscni£TTmc!f\ia«.  J  609.   45S 

tioDoel  devant  leauel  raccusé  avait  d^abbrd  été  traduit  i  ;  de 
pièces  non  produites  jusqu^alors  et  considérées  comme  éma« 
nant  de  l'accusé  •  ;  de  la  déposition  écrite  cTun  témoin  en- 
tendu dans  une  procédure  non  close  et  étrangère  àTaccusa- 
tion  *  ;  enfin  de  toutes  pièces  n'appartenant  pas  à  la  procé- 
dure, pourvu  qu'elles  soient  ensuite  jointes  au  dossier  et  qu'il 
en  soit  donné  communication  à  la  défense  * .  Il  peut  en  même 
temps  refuser  la  lecture  des  pièces  qui  lui  paraissent  inutiles 
et  par  exemple  d'un  interrogatoire  de  Taccusé  dont  le  dé- 
fenseur demande  quMl  soit  donné  connaissance  au  jury  ^. 

Enfin,  en  ce  qui  concerne  les  vérifications  et  autres  me^ 
sares d'instruction,  il  peut  i""  ordonner  que  des  sabots  saisis 
trois  jours  avant  l'ouverture  des  débats  seront  essayés  par 
l'accusé  fi  ;  2'  prescrire  des  précautions  pour  qu'un  individu, 
comprisd'abord  dans  la  poursuite,  mais  mis  hors  d'accusa- 
tion, et  qui  se  trouve  dans  l'auditoire,  quoiqu'il  n'ait  pas  été 
dlé  comme  témoin,  ne  soit  pas  présent  aux  dépositions  des 
témoins,  parrcqu'il  se  réserve  de  le  faire  entendîire  à  titre  de 
renseignements  7;  S""  ordonner  le  transport  de  la  cour,  des 
jurés  et  des  accusés  sur  le  heu  du  crime,  afin  de  procéder  i 
réclaircissement  d'un  fait  contesté^. 

DaBS  tous  ces  arrêts,  et  dans  beaucoup  d'autres  qu'il  est 
superflu  de  citer,  les  actes  prescrits  par  le  président  sont  de 
simples  actes  d'instrucUon,  auxquels  il  est  procédé  dans  le 
cours  du  débat  pour  l'éclairer  :  ce  sont  des  témoins  non  cités 
et  qui  manquent  à  la  discuasion,  des  expertises  devenues  né- 
cessaires ,  des  pièces  et  des  lettres,  dont  la  production  est 
postérieure  à  la  clôture  de  l'instruction  et  qui  peuvent  y  jeter 
un  jour  utile,desrenseignement8  pris,  desdeaceiileB  sur  lieux. 
Toutes  ces  mesures  sont  prises  dans  le  légiltme  exeroioe  du 
fionvoir  disorèlionnaife,  et  nulle  «eontestation  ne  s'est  élevée 
à  cet  égard. 

IV.  Mais  ce  pouvoir,  comme  tous  les  pouvoirs  institués 

»  Cass.  8  dée.  1865,  à  notre>apporL  Bail.  »•  574. 

'  Cass,  5  janv.  iSîA,  rapp.  U.  Aumont.  DalU  v«  Insl.  cr.  n..  Jl«V. 

•  Cass.  9  fér.  1855. rapp.  M.  Aylica.  Bull.  n.  88. 
*Cas8.  Î7  jany.  1852,  rapp.  M.  Nougaler.  BulUn,  80S. 

•  Cass.  15  avril  1887,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.r  d.  1 JO. 

•  Cass.  S  avril  1837,  rapp.  M.  Ro  her.  DàlJ.  v»  Insl.  cr.  f^,  1174. 
'  Casi.  25  janv.  18*8,  rapp.  M.  Bernard.  Dali.  Eod.  loc. 

•  Cass.  80  août  i810,  rapp.  M.  BenveauU.  DalU  Eod»  loc? X^  mari I84»i 
rapp.  M«  Romigtiièr«9.BttU.  n.  65, 


456  DES  COUAS  D  ASSISES. 

par  la  loi,  a  nécettairement  des  limites.  Il  doit,  comme  ob  Tt 
TU  tout  à  rheure,  pour  répondre  aux  nécessités  de  TaudieDce,  * 
pourvoir  à  tout  ce  qui  n'a  pas  été  prévu,  ordonner  toute* lei 
mesures  que  la  loi  met  ^  la  disposition  de  T instruction.  Mais, 
si  étendu  qu'il  soit,  peut-il  prescrire  des  actes  que  la  loi 
aurait  expressément  interdits?  Si  absolu  qu'on  le  fasse,  peut- 
il  eurreindre  les  dispositions  mêmes  de  la  loi  ?  En  un  mot, 
où  doit-il  s'arrêter  ? 

On  trouve  d'abord»  en  continuant  Texamen  des  arrêts,  one 
régie  qu'il  faut  poser  immédiatement,  parce  qu'elle  nous  ser- 
vira à  discuter  tout  à  Theure  les  différentes  hypothèses  qoi 
se  sont  présentées. 

M.  Merlin  avait  dit,  dans  Tun  de  ses  réquisitoires^  que  t  le 
pouvoir  discrétionnaire,  quelque  étendu  qu'il  soit,  ne  peut 
jamais  autoriser  le  président  à  faire  ce  que  la  loi  défend  par 
une  disposition  générale  ^  »  La  Cour  de  cassation  a  sanc- 
tionné cette  règle  en  déclarant  dans  une  espèce  où  le  prési- 
dent avait  ordonné  la  translation  d'un  accusé  hors  de  la 
maison  de  justice  :  «  que  les  attributions  des  présidents  des 
cours  d'assises  sont  déterminées  par  la  loi  ;  que  les  ordon- 
nances ou  actes  dans  lesquels  ils  en  dépassent  les  limites  sont, 
par  conséquent,  une  usurpation  de  i)ouvoirs  et  une  contra- 
vention aux  régies  de  leur  compétence  ;  que  si  l'article  â68 
les  investit  d'un  pouvoir  discréiionnaire  pour  découvrir  la  vé- 
rité, ce  pouvoir  ncst  pas  tel  qu'il  puisse  être  étendu  jusqu'à 
les  autoriser  à  faire  ce  qui  est  prohibé  par  la  loi  *  v  Telle  est 
la  règle  à  laquelle  la  jurisprudence  n'a  jamais  explicitemeot 
dérogé.  On  la  retrouve  dans  plusieurs  arrêts  qui  répèteot 
«  que  le  pouvoir  discrétionnaire  est  illimité  en  tout  ce  qoi 
ne  serait  pas  contraire  aux  dispositions  de  la  loi  *.  »  On  It 
retrouve  dans  d'autres  qui  décident  que  le  président  oe  peut 
hors  des  cas  prévus  par  la  loi,  renvoyer  une  affaire  à  une  an- 
tre session  ^  ;  qu'il  ne  peut  autoriser  un  témoin  à  caulérer 
avec  le  défenseur  de  l'accusé,  lorsque  l'art.  816  interdit  aui 
témoins  toutes  communications  relatives  à  l'accusé  &;  qu  il&e 
pi  ut  faire  entendre  à  titre  de  renseignements,  contrairemeot 
à  l'art.  315,  un  témoin  cité  et  dont  le  nom  a  été  notifie  à 

*  Qucit.  V*  ministère  public,  n*  iO. 

*  Cas».  SI  mai  1813,  rapp.  M.  GoOiiihaL  J.  P.,  U  XI.  p.  394. 

*  Cass.  17  mars  48A2,  rapp.  M.  Jacquinot.  BulL  n.  SA. 

*  Cas»,  40  jaiiv.  IW,  rapp.  M.  Brièrc  J.  P.,  l.  XVIII,  p.  533. 

*  Cmn,  29  ianv.  1841,  rapp.  M.  Gilbert  de  Veiriiiff.  Bon.  n.  fl. 


ATTAlBVmMS  VO  «WfcSIKMf»  tOVrOlA  ^MCftÉflCHlUlU.  g  609.     457 

Taocuié  ^  ;  qu'il  ne  peat  s'iotroduire  daiu  la  chambre  des 
délibératioiis  des  jurés,  sous  le  prétexte  d'éclairer  leur  dé- 
claration et  de  faciliter  la  rédaction  de  leurs  réponses.  2  u  ré- 
sulte de  tous  ces  arrêts  que  le  président  peut  prendie  toutes 
les  dispositions  que  la  loi  n'a  pas  prohibées,  mais  qu'il  doit 
fi'arréler  là  où  il  rencontre  une  prohibition  foroiello  de  la  loi , 
là  où  expire  sa  compétence  ;  qu'il  n'est  pomt  investi  d'un 
pouvoir  arbitraire,  mais  d'un  pouvoir  limité,  qu'il  ne  pour- 
rait, par  exemple»  interdire  à  un  acccusé de  conrérer  avec 
son  conseil  ^  ;  et  que  la  limite  qui  le  circonscrit  de  toute  part 
n'est  autre  que  Tensembie  des  dispositions  légales  qui  inter- 
disent certains  actes  et  établissent  d'autres  droits  et  d'autres 
compétences. 

C'est  À  l'abri  de  cette  première  règle  que  nous  allons  par- 
courir les  différentes  questions  qui  sont  nées  des  arL  268  et 
269.  Nous  ne  prétendons  point  en  faire  une  application  trop 
rigoureuse;  l'instruction  a  des  exigences  légitimes  aux- 
quelles il  faut  nécessairement  pourvoir  ;  mais  peut-être  arri- 
vera-t-on  à  penser  que  dans  quelques  espèces,  elle  a  été  un 
peu  perdue  de  vue. 

On  doit  se  demander,  en  premier  lieu,  si  le  président  peut 
appeler /0M(6a  personne/;,  comme  le  dit  Tart»  269,  et  s'il  est 
des  témoins  qu'il  lui  soit  interdit  de  faire  entendre.  Plusieurs 
bypothèses  se  présentent. 

Peut-il  faire  entendre  les  témoins  qui  ont  déposé  dans 
rinstruction  écrite,  et  qui  n'ont  pas  été  cités  devant  la  Cour 
d'assises?  On  peut  objecter  queTart*  815  veut  que  les  par- 
ties connaissent  à  1  avance  les  noms  des  témoins  qui  doivent 
être  entendus  aux  débats,  afin  qu'elles  puissent  vérifier  leurs 
antécédents  et  leur  situation  matérielle  et  morale  vis*à«vis 
du  fait  sur  lequel  ils  vont  déposer  ;  que  c'est  là  la  garantie 
nécessaire  d'une  sérieuse  discussion  ;  qu'en  permettant  au 
président  d'appel^^r  à  titre  de  simples  rensei);nements  les  té- 
inoins  entendus  dans  Tinstruction,  on  enlevé  à  des  témoigna- 
ges acquis  à  la  cause  les  formes  légales  sans  lesquelles  ils  ne 
doivent  pas  être  produits  ;  qu'il  ne  s'agit  point,  dans  Tar- 
ticlc  269,  de  témoins  déjà  entendus  dans  l'instruction  écrite 
et  dont  la  citation  a  été  omise  ;  qu'il  s'agit  de  personnes  dont 
le  nom  est  révélé  pour  la  première  fois  uans  le  débat  et  qui 

*  Cui.  Il  juil.  iU^,  rapp.  M.  Bressoiu  BaU.  n.  ISl. 

*  Cus.  locL  iSAS,  rapp.  M.  Meyroonet  St*Marc.  Bull.  ii.  391. 
'  G9S9,  5  mm  iSiS, h  P.,  X,  17V. 


458  »KS  GOCM  D*AffilSIS. 

acquièrent,  par  la  discussion  de  l'audience,  une  importance 
qu'elles  n'avaient  pas;  que  les  noms  de  ces  personnes  n^ont 
pu  ôtre  notifiés;  qa*aucune  négligence  ne  peut  être  imputée, 
et  que  le  président  vient  au  secours  du  débat  luî-mèmeetnon 
de  rîmprévoyance  de  l'accusation.  Il  faut  répondre  que  les 
témoins  qui  n'ont  point  été  régulièrement  cités  n'appartien- 
nent pas  à  la  cause;  qu'il  importe  peu,  s'ils  ont  déposé  dans 
la  première  instruction,  que  l'omission  de  leurs  noms  sur  la 
liste  soit  le  résultat  d'un  oubli  ou  d'une  Tausse  appréciation  de 
leurs  dépositions  ;  que,  n'étant  point  acquis  aux  débats,  ils  ne 
peuvent  être . considérés  que  comme  témoins  nouveaux,  et 
que  désiorsilya  lieu  d'appliquer  cette  réserve  de  l'art.  ^15  : 
i  sans  préjudice  de  la  faculté  accordée  au  président  par  Far- 
ticle3o9.ii> 

Peut-il  faire  entendre  des  témoins  qui  ont  été  régulière- 
ment cités,  mais  dont  les  noms  n'ont  pas  été  notifiés  7  La 
question  prend  ici  une  face  nouvelle  :  tout  témoin  régulière- 
ment cité  comparait  en  vertu  de  l'assignation  qui  lui  a  été 
donnée  et  se  trouve  dès  lors  acquis  à  la  cause.  Que  si  son 
nom  n'a  pas  été  notifié,  cette  omission  ne  lui  ôte  pas  sa  qua- 
lité, puisqu'il  se  présente  même  alors  comme  assigné  par 
l'une  des  parties  et  non  comme  appelé  par  le  président  ;  tout 
ce  qui  en  résulte,  c'est  que  la  partie  i  la(]ueile  son  nom  n'a 
pas  été  notifié,  peut  s'opposer  à  son  audition  ;  mais,  à  défaut 
d'opposition  ou  de  renonciation  de  la  part  de  l'accusé  ou  du 
ministère  public,  il  ne  peut  appartenir  au  président  de  le  dé- 
pouiller de  son  titre  de  témoin  ordinaire  et  de  le  faire  enten- 
dre sans  prestation  de  serment.  Ce  point  a  ^té  consacré  par 
un  grand  nombre  d'arrêts,  tant  à  l'égard  des  témoins  cités  ^ 
non  notifiés  par  le  ministère  public  i  qu'à  Tégard  de  témoins 
cités  et  non  notifiés  par  l'accusé  \  Il  faut  prendre  garde  néaa- 
moins  qu'il  en  pourrait  être  autrement  si  le  ministère  public 
et  l'accusé  avaient  renoncé  à  l'audition  du  témoin  cité  ou  ac- 
quiescé à  la  renonciation  de  la  partie  qui  l'a  cité  ;  car  cette 
renonciation  a  pour  effet  de  faire  sortir  le  témoin  du  débat, 
et  rien  ne  s'oppose  dans  ce  cas  à  ce  que  le  président  ne  le 

^  Canu  16 sept  1880,  rapp.  M.  OHiWer.  J.  P.,  t.  XXIII,  p.  796  ;  SI  juil. 
1636,  rapp.  ni.  de  Gartempe»  Bail.  n«235;5  |any.  iSi4,  rapp.  M.  Ba- 
lennes.  n.  2  ;  5  janv.  1851»  rap.  M.  Foucher,  n.  12  ;  5  janvier  1856. 
n.  6. 

'  Cas8. 7  jaill.1889^  rapp.  M.  Meyrotinet-St-Marc  BolU  n.  182  USjuiU 
18A2,  rapp.  Mr  Jacqttfnot,  n,  178;  91  décembre  1848,  rapp.  ST.  Legagneor, 
n.  419, 


ATTRIBUTIOHS  BU  PliSIftEKT,  fODTO»  DlflCBitlOMNAmE»  §  609.  459 

saisisse  et  ne  le  fasse  entendre  en  vertu  de  son  pouvoir  discré- 
tonnaire  ^  Il  en  serait  encore  ainsi  si  la  citation  n'avait  été 
<k>nnée  par  le  ministère  public  qne  pour  Fexécution  de  Tordre 
donné  par  le  président  *• 

Il  suit  de  là  qu'à  plus  forte  raison  le  président  ne  peut» 
sans  etcès  de  pouvoir,  faire  entendre  sans  prestation  de  ser- 
ment les  témoins  qui  auraient  été  cités  et  dont  les  noms  au- 
raient été  notifiés,  puisqu'ils  appartiennent  plus  étroitement 
encore  à  la  cause,  à  raison  de  la  notification  qui  a  été  faite 
de  leurs  noms»  et  qu'il  n'est  pas  tu  pouvoir  du  président  de 
les  dépouiller  du  caractère  dont  ils  sont  investis  par  la  loi  '• 
Cette  règle  admet  néanmoins  une  double  exception  :  i^  pour 
le  cas  où  les  témoins  sont  âgés  de  moins  de  1 5  ans  ;  car  l'ar* 
ticle  79  se  réfère  alors  à  la  conscience  et  à  la  prudence  du 
juge  pour  entendre  les  témoins  avec  ou  sans  prestation  de 
serment  *  ;  2*  pour  le  cas  où  le  témoin  cité  et  notifié  est  parent 
an  degré  prohibé  à  l'ac^^usé  :  il  a  été  admis  que, dans  eecas, 
bien  que  ni  raccosé  ni  le  ministère  public  ne  s^opposent  à  son 
audition,  le  président  peut  ne  point  soumettre  le  témoin  à  la 
prestation  du  serment,  en  avertissant  le  jury  de  cette  omis- 
sion ^. 

Le  président  peut-il  faire  entendre  âe$  témoins  dont  le 
témoignage  est  prohibé  par  la  loi?  La  jurisprudence  s'est 
prononcée  pour  l'affirmative  et  ses  «rrèts  sont  unanimes  dans 
ce  sens.  Il  disposent,  en  termes  à  peu  près  identiques,  «  que 
la  probibition  de  l'art.  322  n'est  point  absolue  ;  qu'elle  n'est 
ue  relative  au  cas  où  il  y  aurait  opposition  de  l'accusé  ou 
lu  ministère  public  i  l'audition  comme  témoins  des  individus 
compris  dans  cet  article  ;  que  la  prohibition  ne  se  réfère  d'ail- 
leurs qu'à  l'audition  des  témoins  en  dépoaition  ;  qu{  le  pou- 
voir discrétionnaire  dont  le  président  est  investi  pour  favo- 
riser la  manifestation  de  la  vérité»  n'est  circonscrit  dans 
aucune^  limites;  qu'à  cet  effet  le  président  est  autorisé  par 
l*art  269,  à  entendre ,  par  voie  de  déclaration,  tontes  per- 
sonnes; que  les  mots  toutes  personnes  sont  généraux  et  n'ad- 
mettent point  d'exceptions;  que  le  législateur  en  donnant 

'  Cui.  Si  toàt  1895,  npp.  M.  Fréteaa.  Bull.  n.  8S5 1  iO  août  1838,  rapb 
M.  IsamberU  d.  375;  Il  déc.  1840,  r»pp.  M.  de  Rkard,  n.  850»  SQdéoem- 
bre  1856,  rapp.  M.  Leffagneur.  n.  Â07. 

>  Gass.  17  déc  1857,  rapp.  M.  Séoéca.  BulU  n.  841. 

'  Casa.  11  juin.  1858,  rapp.  M.  Brenon.  BalL  n.  181, 

*  Cass.  1  oct.  1857,  rapp.  IM.  Caauin  de  PercevaU  Bullt  D»  855. 

*  Cati.  aomars  1856,  iinotre  rapp.  Bail,  n,  115, 


î 


^60  hWè  COUKS  fi'A88l8BS. 

cette  faculté  sans  bornes  au  président  a  bien  senti  qtfii 
y  a  aussi  des  cas  dans  lesquels  on  ne  peut  acquérir  la  mani- 
festation de  la  vérité  que  par  le  moyen  d'entendre  des  per- 
sonnes qui  sont  conjointes  à  Taccusé  par  les  plus  étroits  lieos 
du  sang  \  »  On  oppose  à  cette  solution,  comme  Tont  fait 
la  plupart  des  auteurs  *,  qu'elle  annulle  pour  ainsi  dire  la 
disposition  de  Tart.  322  qui  ne  permet  pas  que  les  plus  pro- 
ches parents  viennent  déposer  aux  débats  les  uns  contre  les 
autres  et  qui  a  préféré  courir  le  risque  de  l'impunité  du  crime 
plutôt  que  d'arriver  h  la  répression  par  un  moyen  qui  effraie 
la  conscience  et  répugne  i  la  justice  elle-même.  La  raison 
qui  doit  cependant  faire  hésiter  à  repousser  d'une  manière 
absolue  de  pareils  témoignages,  c'est  d'abord  que  la  prohibi- 
tion légale  n'est  que  relative,  et  que  la  loi  ne  les  considère 
pas  comme  illicites  quand  ils  ne  rencontrent  pas  d'oppositioo; 
c'est  ensuite  que  cette  prohibition  n'est  pas  admise  daib 
l'instruction  écrite  ',  et  qu'il  ne  s'agit  en  quelque  sorte  qoe 
de  la  continuation  de  cette  instruction.  En  tous  cas,  ce  n'est 
qu'avec  une  grande  réserve  que  les  présidents  doivent  admet- 
tre les  dépositions  des  témoins  prohibés,  surtout  après  que  les 
accusés  se  sont  opposés  à  leur  audition  :  il  est  immoral  de 
faire  déposer  les  enfants  contre  leur  père ,  l'époux  contre 
l'épouse,  les  frères  contre  les  frères,  et  il  est  regrettable  que 
la  justice  emploie  un  moyen  immoral  même  pour  arriver  à 
une  juste  fin.  Ces  dépositions  d'ailleurs  ne  lui  apportent  qu'un 
médiocre  appui,  parce  qu'elles  excitent  la  défiance  ou  Lbor- 
reur.  Ce  n'est  donc  qu'après  avoir  épuisé  tous  les  moyens  de 
preuves  et  seulement  lorsqu'ils  eonstituent  la  seule  voie  d'ar- 
river à  la  vérité,  qu'on  doit  y  avoir  recours. 

Le  président  peut-il  faire  entendre  le  juge  d'instnietiofl 
qui  a  instruit  l'affaire,  l'oflicier  du  ministère  public  qui  a  re- 
quis la  poursuite,  la  partie  lésée  qui  s'est  portée  partie  dviie? 
S'il  peut  faire  entendre  les  personnes  dont  la  loi  a  prohibé  k 
témoignagei  à  plus  forte  raison  il  peut  appeler  celles  cuoin^ 

<  Cass.  8  ocL  1812,  rapp.  M.  Bco\^nuti.  J.  P.,  U  X,  p.  738  ;  18  d^eab. 
1847,  rapp.  M.  Oilivicr,  L  XiV,  p.  5A0;  30  avril  «StV,  rii|»|i  ft{.Girt»c. 
U XV,  p.  244  ;  25  sept  18^7,  rapp.  M.  B^ère,  L  XXI,  p.  804;  27  avril  1S5S, 
rapp.  11.  Mc7roDuel*Sl*&Iarc«  Buil.  n.  115;  29  mai  l»iO,  rapp.  IL  Uej* 
rounet-Sl-Marc,  D.  i52;  22  déc.  1842,  rapp.  M.  Romigaières,  n.  3^5: 
16  déc  1853,  rapp.  M.  Aug.  Moreau,  d,  ô8i«*  22  nov.  i95«>,  rapp.Itf.  Bn^ 
son,  n.  365. 

*  Voy.  Carnot,  sur  Tart.  822.  : 

•  Vo}.  nolreUVjp,  &5;$, 


XrTXnCTI02(S  m  M^IDIMT,  ^OVTO»  BISGR^tlONIUItB.  i  609.    461 

lesquelles  la  loi  n'a  porté  aucune  prohibition  formelle  ;  les 
arrêts  ont  donc  jugé  qu  il  pouvait  faire  entendre  les  magistrats 
qui  ont  instruit  la  procédure  ^  et  la  partie  civile  qui  est  en 
canse^.  Quanta  cette  dernière  partie,  il  n'y  a  de  difficulté, 
ainsi  qu  on  le  verra  plus  loin,  que  lorsqu'elle  est  produite 
comme  témoin  par  le  ministère  public;  car  elle  peut  être  au 
sombre  ties  personnes  qui,  témoins  de  vtstf,  doivent  néces- 
sairement être  entendues  au  moins  à  titre  de  renseignements. 
Il  n'en  est  pas  ainsi  è  Tégard  des  magistrats  qui  ont  fait  ou 
reqois  Tinstruction  et  qui  ne  sont  que  des  témoins  de  témoins  ; 
si  la  loi  ne  prohibe  pas  leur  témoignage,  il  semble  que  les  con- 
Tenances  devraient  au  moins  Técarter. 

Peut-il  donner  lecture  des  dépositions  écrites  des  témoins? 
La  jurisprudence  est  aujourd'hui  fixée  sur  ce  point  :  il  a  été 
successivement  reconnu  que  le  président  peut  donner  lecture 
en  vertu  de  son  pouvoir  discrétionnaire,  des  dépositions  écrites 
des  témoins  décédés  ou  qui,  étant  absents,  n*ont  pu  compa- 
raître*; des  témoins  qui,  régulièrement  cités,  n'ont  pas 
néanmoins  comparu  ^  ;  des  témoins  qui,  quoique  entendus 
dans  linstruction  écrite ,  n'ont  pas  été  cités  ^  ;  des  témoins 
dont  le  tcmoigigiage  est  interdit  6;  et  par  e&emp  le  des  enfants 
iTeraccusé  ^ ,  de  son  père  ou  de  sa  mère  ",  de  sa  femme  9. 

Cette  jurisprudence  est-elle  fondée  en  droit  ?  Nous  verrons 
plus  loin  que  devant  le  jury  le  débatest  essentiellement  oral. 
L'art.  365  du  G.  du  3  brumaire  an  iv  portait  :  «  il  ne  peut 

*  Cm.  n  sept  18SS,  rapp.  M.  Mérilhou.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  1484  ;  S8 
jaoT.  18S5,  rapp.  M.  ViuceD^-SULaoreoL  Bull.  b«  50. 

2  Casi.  10  revrier  i835.  rapp.  M.  Bresson.  Journ.  cr.  t.  VII,  p.  48. 

'  Cass.  12  mars  1821,  rapp.  M.  Claosei  de  Cousserguea.  J.  P.,  t  XVI,  p. 
471;  20  iicU  1B20,  rapp.  M.  Rataud.  t.  XVI,  p.  170;  9  avril  1818,  rapp.  M, 
Giraud,  U  XIV,  p.  7Â3;  25  aoÛt;i826,  rapp.  M.  Brière,  t.  XX,  p.  841  ;  14 
août  1828,  rapp.  M.  Ollivier,  U  XXII,  p.l09;  30  julli.  1836,  rapp.  M.  Mey  - 
rooKt-St-M arc  Bull.  d.  358. 

^Cais.  11  avril  1810,  rapp.  M.  de  Grouseilbes.  Bull.  n.  111  ;  21  décemb. 
1^3,  rapp.  M.  Jacquinot,  ii.  325;  24  juin  1847,  rapp.  M.  Dehaussy,  n.  138* 
U  iepl.lS26,  D.  186;  31  mars  1842,  u.  78;  8  fév.  18A4«  o.  42;  23  mai 
1844,  n.  17». 

*Gas8.  8  lev.  184'it  rapp.  M.  Meyroonet-St-Marc.  Bull.  n.  42;  7  juillet 
1847,  rapp.  M.  de  Grouseilbes,  n.  154:  22  déc.  1847,  d.  335;  18  sept. 
1852,  n.  AlO. 

'  Caas.  28  mara  1845,  rapp.  M.  Romiguières.  Bull.  n.  116. 

*  Ca».  28 déc  1826.  rapp.  M.  Ollivitr.  J.  P.,  t.  XX,  p.  1061  ;  26  mai  1881, 
rapo.  M.  Chuppin,  l.  XXIII,  p.  1620;  29  nov.  1838,  rapp.  M.  Mérilhou. 
Bail,  c  378  ;  24  juill.  1841,  rapp.  M.  Deliausay.  n.  219. 

*  Gaii.28  jaof.  1825,  rapp.  M.  Brière.  J.P.,  t«XIX.p.  113  ;  10  avril  1818 , 
rapp.  M.  Gary,  U  XXI,  p.  1356. 

*  Can,  23  jivo  1832,rapp.  M.  Itambert,  J.  I^,  t.  XXIV,  p.  1196. 


462  ou  COURS  ]>'4SS1SE8. 

être  la  ani  jurés  aucane  déclaration  écrite  de  témoios  &on 
présents  à  l'audience  »  •  Cette  règle  géni^rale  n'avait  qae  deax 
exceptions  :  Tune,  formulée  par  i^art  318,  quand  tU*agissait 
de  constater  les  contradictions  des  témoins;  l'autre,  consacrée 
par  l'art.  477,  quand  il  s'agissait  de  juger  des  accusés  conta- 
max.  La  même  théorie  a  été  continuée  quoique  moins  eipii« 
citement  par  notre  code  :  Tart.  817  déclare  que  «i  les  té- 
moins déposeront  oralement  »  et  Tart  341  défend  de  com- 
muniquer aux  jurés  leurs  dépositions  écrites.  Cette  règle 
admet  ensuite  les  mêmes  exceptions  que  la  législation  anté- 
rieure :  l'art.  818  permet  au  président  de  faire  tenir  note 
des  variations  qui  peuvent  exister  entre  la  déposition  orale 
des  témoins  et  leurs  déclarations  écrites,  et  par  conséquent, 
de  donner  lecture  de  celles-ci;  l'art.  477  veut  Clament 
que,  dans  le  jugement  des  accusés  qui  purgent  leur  contii- 
macoi  si  des  témoins  ne  peuvent  être  produits  aux  débats, 
leurs  dépositions  écrites  soient  lues  à  l'audience. 

Si  ces  textes  étaient  appliqués  isolément ,  il  faudrait  évi- 
demment décider  que ,  hors  les  deux  cas  exceptés  par  les 
art  818  et  477,  il  n'est  pas  permis  de  lire  ^TaudieDce  les 
déclarations  écrites  d'un  seul  témoin  ;  mais,  en  les  combinant 
avec  Tart.  869,  on  arrive  nécessairement  à  cette  solution 
que  ces  déiclarations  peuvent  être  lues,  toutes  les  fois  qu'elles 
ont,  suivant-les  termes  de  cet  article,  lu  caractère  de  pUca 
nouvelles  pouvant  jeter  un  jour  utile  sur  le  fait  contesté.  Elles 
prennent  ce  caractère  lorsque  le  témoin  est  décédé  depuis 
rinstruction,  lorsqu'il  est  dans  Fimpossibilité  matérielle  de 
comparaître  aux  débats,  lorsqu'il  a  disparu  et  n'a  pu  être  re- 
trouvé ;  l'événement  qui  cause  l'empêchement  de  déposer, 
imprime  aux  déclarations  écrites  les  caractères  de  pièces  nou- 
velles, parce  qu^elles  deviennent  nécessaires;  ce  n'est  pas 
substituer  un  témoignage  écrit  à  un  témoignage  oral,  puis- 
que le  témoignage  oral  est  devenu  impossible;  c'est  fournir 
un  élément  de  preuve  tel  que  la  procédure  Ta  recueilli^  tel 
que  la  force  des  choses  l'a  fait.  Mais  lorsqu'aucun  empêche- 
ment ne  pèse  ^.ui  le  témoin,  qui  a  été  entendu  dans  rins- 
truction écrite,  soit  qu'il  ait  été  cité  ou  non  devant  la  Cour 
d'assises,  il  est  plus  ditlicile  d'admettre  qu'on  puisse  suppléer 
à  sa  présence  par  la  lecture  de  sa  déposition.  Le  témoin,  en 
effet,  puisqu'il  n'est  pas  empêché,  ne  peut-il  pas  être  cité 
devant  la  Cour?  n'est-il  pas  possible,  s'il  ne  Ta  pas  encore 
été,  d'ajourner  l'affaire  à  une  autre  audience,  ou  à  une  au- 


ÂTTiiBimoMS  fin  FftisiDSNT,  FOUfOU  DiflcitirioNNArRi.  s  609.  4C3 

ire  sessioD  ?  Comment  taire  interveDir  le  pouvoir  discrétion* 
naîre,  lorsqu'il  s'agit,  noa  de  vider  uq  ÎDcident  ÎDattendai 
d^entendre  un  témoin  Douveau^  mais  d^invoquer  dans  Tins- 
truction  préparatoire  un  témoignage  déjà  acquis  à  la  cause  ? 
N^est-ce  pas  substituer  au  témoin  qui  n'est  pas  appelé^  la  dé- 
position qu'il  a  faite  devant  le  juge,  et  remplacer  ainsi  le.dé- 
bat  oral  par  une  discussion  de  pièces  écrites?  Il  ne  faut  pas 
perdre  de  vue  que  les  dépositions  écrites  ont  ^lé  recueillies 
pour  servir  d^élémentàraccusation,  non  au  jugement  ;  qu'elles 
ont  été  rédigées  par  le  juge,  le  plus  souvent  par  le  ^greffier» 
et  non  par  le  témoin  lui-même;  qu'elles  expriment  la  sub- 
stance et  le  sens  de  la  déclaration^  mais  non  des  paroles  et 
son  texte;  enfin,  qu'elles  ont  été  reçues  sans  débats,  sanscon- 
tradiction ,  sans  publicité.  Le  nrocés-verbal  d'information 
peut-il  rapporter  les  hésitations^  les  réticences  prolongées^  les 
suggestions  employées  pour  obtenir  la  déclaration?  peut-il 
peindre  le  trouble  qui  Taccompagne,  l'accent  avec  lequel  elle 
est  faite?  Il  ne  peut  donner  qu'une  analyse  sèche  et  rapide  : 
si  elle  est  incomplète  ou  ambiguë,  où  chercher  son  complé- 
ment? Et  cette  déposition  fut7elle  nette  et  précise,  qui  sait 
si  le  témoin  l'eût  soutenue  au  milieu  des  débais,  s'il  n^eut 
point  hésité  en  face  de  l'accusé  ou  du  ministère  public,  si, 
ému  des  contradictions  qui  lui  étaient  opposées,  il  eut  per- 
sévéré dans  ses  affirmations  peut-être  irréfléchies?  La  fausse 
déclaration  faite  devant  un  juge  d'instruction  n'est  passible 
d'aucune  peine;  devant  la  Cour  d'assises,  elle  prend  le  ca- 
ractère d'un  faux  témoignage  ;  ce  n*e&t  donc  que  dans  le  dé- 
bat oral  que  les  dépositions,  suivies  d'une  sanction,  offrent 
une  garantie  sérieuse. 

Que  faul-il  conclure  de  ces  observations?  Il  faut  en  conclure 
d'abord,  que  ce  n'est  qu'avec  une  extrême  réserve  que  les 
présidents  d'assises  doivent  ordonner  la  lecture  des  déposi- 
tions écrites  :  cette  lecture,  si  elle  ne  rencontre  pas  dans  la 
loi  une  prohibition  expresse,  y  trouve  un  principe  avec  lequel 
elle  est  en  opposition  directe  ;  elic  enlève  au  débat  son  carac- 
tère le  plus  essentiel;  elle  prive  la  recherche  de  la  vérité 
de  Tun  de  ses  moyens  les  plus  actifs ,  la  confrontation  des 
témoins.  Mais  faut-il  annuler  les  procédures  dans  lesquelles 
cette  pratique  vicieuse  a  été  employée  ?  on  doit  reconnaître 
avec  la  jurisprudence  que ,  quelque  transparent  que  soit 
Tesprit  de  notre  code  à  cet  égard,  les  règles  trop  peu  préeises 
qu'il  a  posées  ne  contiennent  point  de  sanction  formelle,  t)n 


464  MS  co0ft6  d*a6SI§e§. 

peut  déclarer  avec  un  arrêt  «  que  le  refus  fait  par  un  prési- 
dent dWdonner  la  lecture  delà  déclaration  écrite  d'un  témoin 
non  assigné  aux  débats  est  conforme  à  Tesprit  et  à  la  lettre 
de  Tart.  3&i  i.  »  On  peut  encore  poser  en  régie  avec  un  au-* 
tre  arrêt  «  que  sauf  Texception  unique  portée  en  l'art.  477t 
relatif  aux  accusés  qui  purgent  leur  contumace,  les  déclara- 
tions écrites  des  témoins  ne  doivent  pas  être  lues  è  Taudienct, 
et  que  c'est  d'après  le  débat  oral  que  le  jury  doit  former  sa 
couTiction*.»  Mais  cette  doctrine,  quoique  la  jurisprudence 
ne  Tait  jamais  méconnue  et  quoiqu'elle  soit  implicitement 
contenue  dans  les  textes  de  la  loi,  se  trouve,  par  Tindécision 
de  ces  teiteSf  confiée,  comme  une  sorte  de  dépôt,  à  la  sagesse 
du  président;  la  loi»  tandisqu^elle  la  proclamait,  semblait 
craindre  en  même  temps  d'apporter  quelque  entrave  aux 
droitsde l'instruction;  d'une  partelleneprohibaitpas en  termes 
absolus  l'usage  des  dépositions  écrites,  d'une  autre  part  elle 
n'apportait  que  de  vagues  limites  au  pouvoir  discrétionnaire. 
De  ces  dispositions  ainsi  combinées,  il  est  possible  de  déduire 
une  règle,  mais  cette  règle  n'est  pas  assez  inflexible  pour 
ju'elle  puisse  engendrer  une  nullité.  Gepondant  s'il  avait  été 
ait  un  usage  abusif  des  dépositions  écrites,  si  par  exemple  on 
s'était  borné  au  lieu  de  citer  les  témoins  d'uneaffaire,  à  donner 
lecture  des  pièces  de  l'instruction  ou  même  si  on  avait  pra- 
tiqué cette  méthode  à  Tégard  d'un  certain  nombre  de  témoins, 
il  y  aurait  lieu  d'examiner  si  cette  violation  flagrante  du  prin- 
cipe du  débat  oral  et  des  droits  de  la  défense,  ne  devrait  pas 
vicier  la  procédure.  Il  en  serait  encore  ainsi  si  lecture  avait  été 
donnée  d'une  déposition  infectée  d'un  vice  radical,  et,  par 
exemple,  d'une  déposition  faisant  partie  d'une  procédure  an- 
nulée parcequ'elle  n'aurait  été  ni  libre  ni  spontanée  <. 

Le  président,  au  surplus»  ne  rencontre  aucune  objection 
lorsqu'il  ordonne  la  lecture  des  interrogatoires  d*uu  coaccusé 
décédé  ^;  d'un  billet  produit  par  un  témoin  comme  émané 
de  l'accusé  et  dénié  par  celui-ci  ^  ;  d'une  lettre  d'un  membre 

«Ca8i.28sept.  1837,  rapp.M.  Gtasel  de  Cousserguef.  J.  P.,  tXXIi 
p.  806. 

*  Cass.  90  juin.  1SS6,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.  BulU  n.  353. 

>  Cass.  10  juin  1841,  rapp.  M.  Isambert.  Bull.  n.  172.  * 

«  Cass.  H  aoùi48i7,  rapp.  M.  Chasle.  J.  P.,  t.  XIV,  p.  4S6;  15  arril  1817, 
rapp.  M.  Rocher.  Bull.  d.  130  ;  33  juia  IbSO,  rapp.  U,  Bunchop.  h  p.,  t< 
XV,  p.  10'J2. 

•Cass,  8  avril  188^,  rapp,  M.  Meyronnet-St-Marc^  J.  P., a  XXHI. 
p.  1410. 


?; 


ATTlIBUTIOKâ  BH  l*RéSmEN7,   POtVpïR  WSCRÉTIOXSAUE.  §  009.   MS^\ 

du  minislère  public,  contenant  des  renseignements  snr  Tac* 
ciisé';de  notes  tronvées  sur  un  témoin  à  décharge";  d'un 
eitraiides  registres  d'un  témoin  S;  d'une  lettre  écrite  à  Tac- 
cuié  par  son  père^,  par  une  personne  quelconque  *;  d'une 
lettre  écrite  par  Taccusé  ^,  etc.  En  efiot ,  les  écrits  sont  un 
moyen  de  preuve  7,  cl  peuvent  dès  lors  être  produits  dans  le 
débat ,  pourvu  qu'ils  soient  examinés  et  discutés  par  les  par* 
ties.  Le  président  doit  seulement,  s'ils  sont  produits  au  mi- 
lieu du  débat ,  ordonner  qu'ils  seront  joints  au  dossier  et 
communiqués  à  la  défense  ^. 

Le  président  peut-ii  faire  distribuer  aux  jurés,  pendant  la 
durée  des  débats,  des  documents  relatifs  à  l'instruction? 
lia  été  jugé  qu'il  pouvait  leur  faire  distribuer  un  plan  des 
lieux  d,  un  cahier  imprimé  indiquant  les  chefs  d'accusa- 
tion et  sur  cliaque  chef,  les  circonstances  aggravâmes  énon- 
cées dans  l'arrêt  de  renvoi  et  les  noms  des  accusés  auxquels 
il  est  imputé  ***  ;  un  tableau  mentionnant  sommairement  cer- 
tains faits  ou  documents  relatifs  ù  l'accusation  *';  enlin  laoïe 
d'nccusation  iui-mômo  '  *.  Le  président  a  le  droit  de  faire  dis- 
tribuer aux  jurés  les  plans  ou  les  notes  qui  peuvent  leur  faci- 
liter l'intelligence  des  faits  ou  qui ,  dans  les  causes  compli* 
quées  qui  comprennent  plusieurs  accusés,  peuvent  soulager 
leur  mémoire  et  fixer  leurs  idées.  Mais  cette  distribution  ne 
doit  avoir  qu'un  seul  but,  c'est  d'exposer  et  de  faire  saisir 
plus  nettement  ^  Tesprit  les  faits  incriminés,  c'est  d'aider  et 
de  (irovoquer  par  là  la  perception  de  la  vérité.  Il  ne  faut  pas 
qu'elle  soit  de  nature  à  influencer  la  conscience  des  jurés,  car 
c'est  dans  la  discussion  des  charges  qu'ils  doivent  puiser  leur 
conviction  ,  c'est  dans  le  débat  qu'ils  doivent  chercher  la  vé. 

'  Coss;  2&  JQîll.  IS^i,  rapp.  M.  Dchanssy.  Bull.  n.  249. 

'  Camm  17  mars  1843,  rapp.  M»  Jacquinou  Bull.  n.  S4« 

'  Cass.  IG  nov.  ISii,  rapp.  M.  Vincens-Sl-Laurent.  Bull.  n.  37G, 

^  Cass.  3  nTril  18A6,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.  Bull.  n.  8S. 

*  CasB.  14  ocL  1854,  rapp.  M.  Rocher.  Bull,  n.  460. 

'Casa*  Si  juinlSSd,  rapp.  M.  Mejronaei-St-Marc.  Bull.  n.  234. 
'  Voy.  notre  t.  V,  p.  626. 

*  Casa.  27  août  1852»  rapp.  M.  Noti(piier.  Bull.  n.  302. 

*  Cass.  10  jan?.  1850,  rapp.  M.  Jacquinot.  Bull.  d.  7;  26  ùéc,  1851, 
rapp.  M.  Oebaussy,  n.  540  ;  2  sept.  1852,  rapp.  M.  Jacquinot,  n  306  ; 
15  DOY.  1856,  rap^  M.  V.  Foucher,  n.  347  ;  17  sept.  1S57,  np.  M.  Sàoùcjt, 
n.344. 

••  Casa.  Sférrier  1848,rapp.  M.Brière*ValigDy.  Dali.  y^Inst  crioi.n.  2191, 
"  Cas?»  14  janr.  1848,  rapp.  M.  Vinceos-St-taurenl  De?,  et  Cam.  49, 
i,  75. 
'-  <-a5s.  10  déc  1857,  rapp,  ^f,  Ang.  Morof.ii,  Bull.  n.  3Î^3. 

vsii.  ;;(} 


4^  NUI  €9IJM  l>'AffIlia. 

rite  et  non  dans  des  docDinentB,  fussenirils  deg  pièces  du  pro- 
cès, i  moins  que  ces  documente  ne  soient  soumis  i  Tépreuve 
des  débatsou  quHlg  ne  leur  soient  remis«  en  vertu  de  Tart.  361, 
au  moment  où  ils  vont  délibérer.  I/arrét  qui  a  rejeté  le  moyen 
pris  de  ce  qu^un  exemplaire  de  l'acte  d'accusation  awt  été 
remis  à  cbccun  des  jurés,  déclare  «  que  Facte  d'accusation 
est  porté  à  la  connaissance  des  jurés  par  la  lecture  qui  en  est 
faite  i  Taudience  par  le  greffier  ;  qu'il  doit  en  outre  leur 
être  remis,  lorsqu'ils  entrent  dans  la  chambre  de  leurs  déli- 
bérations, pour  rédiger  leur  déclaration  ;  qu'aucune  disposi- 
tion de  la  loi  n'interdit  au  président  de  leur  on  faire  distri- 
buer copie  ;  que  chargé  par  Tart.  269  de  diriger  les  juréadans 
Texercice  de  leurs  fonctions ,  il  a  donc  pu  prendre  sur  loi 
d'ordonner  cette  remise  et  que  Tusage  qu'il  a  fait  ainsi  de 
son  pouvoir  discrétionnaire  est  sans  contrôle,  du  moment  où 
il  n'a  ri(  n  de  contraire  à  la  loi.  »  On  voit  que  cet  arrêt  se 
borne  à  constater  qu'aucune  disposition  de  la  loi  ne  prohibe 
formellement  une  telle  distribution ,  mais  qu'il  n'approuve 
nullement  celte  mesure.  Comment  l'approuver,  en  effet? 
£st'Cc  qu'il  peut  être  dans  Fesprit  de  la  loi,  qui  assure  les  < 
mêmes  droits  à  l'accusation  et  à  la  défense,  que  les  jurés  aient 
sous  les  yeux  pendant  toute  la  durée  des  débats  l'acte  qui 
formule  et  développe  Tac^usation  ?  Pourquoi  Taccusé  ne  pour- 
rait-il pas  aussi  bien  leur  faire  distribuer  les  moyens  et  les 
développements  de  sa  défense  ^?  Autre  chose  est  la  lecture  au 
seuil  du  débat  et  la  remise  au  moment  du  délibéré  de  Tarrét 
de  renvoi  et  de  Tacte  d'accusation ,  autre  chose  est  la  pos- 
session et  l'étude  de  ces  actes  pendant  toute  l'audience.  Il  est 
clair  que  dans  ce  dernier  cas  il  peut  résulter  de  cette  distri* 
bution  intempestive  une  impression  de  nature  à  influencer 
l'opinion  des  jurés;  et  dès  lors  le  président ,  dont  le  premier 
devoir  est  l'impartialité,  ne  doit  pas  l'ordonner. 

y.  Les  observations  qui  précèdent  ont  (  u  pour  objet  d'éta- 
blir le  caractère  général  du  pouvoir  discrétionnaire  et  d'ap- 
précier l'application  que  la  jurisprudence  en  a  laite.  U  nous 
reste  un  point  à  examiner,  c'est  le  mode  d'exercice  de  ce 
pouvoir.  Nous  trouvons  encore  ici  plusieurs  règles  importantes 
quivontacherer^etracer  la  direction  qui  doitlui  être  donnée. 

Une  première  règle  est  que  le  pouvoir  discrétionnaire 
est  personnel }  il  n'appartient  qu'au  président  seul  ;  c'est  une 

«  Cour  d'au»  de  la  Seine,  10  juin  1390,  J.  P,|  t.  T^llh  f.  M9 


ATTRlBïïnONS  ftU  ^IkéSmKHTy  f OÏÏVOÎR  l^IfiCRJTIÛNNAIRE.  §  609.  467 

prérogative  de  sa  fonction; ses  assesseurs  ne  peuvent  Texer- 
cer  ni  même  participer  à  son  exerciee.  Cette  r^le  a  été  con« 
sacrée  par  un  grand  nombre  d'arrêts  qui  déclarent  «  que  les 
pouvoirs  oonrérés  au  président  des  assises  sont  distincts  et 
séparés  de  ceux  conférés  aux  Cours  d'assises  elles-mêmes  ; 
qu'ils  sont  inaHnmunicables ,  puisque  la  loi  en  oliarge  ex^ 
clasivement  l'honneur  et  la  conscience  du  président  ;  qu'elle 
ne  s'en  remet  qu'à  sa  décision  et  à  sa  prudence  pour  les  cas 
où  il  peut  être  utile  à  la  manifestation  de  la  vérité  de  déroger, 
par  la  lecture  des  déposilioas  écrites  des  témoins  déçédés, 
à  la  règle  du  débat  oral  qui  doit  former  la  conviction  du 
jury',  9 

Delà  il  suit  que  la  Cour  d'assises  ne  peut^  lors  même 
qu'elle  en  serait  requise,  prendre  quelqu'une  des  mesures 
qui  rentrent  dans  l'exercice  du  pouvoir  discrétionnaire  ;  elle 
commettrait  un  empiétement  sur  les  attributions  du  prési* 
dent.  Ainsi ,  elle  ne  pourrait  ordonner,  même  sur  la  demande 
du  défenseur,  que  lecture  sera  donnée  de  pièces  émanées  d'un 
témoin  '  ;  que  les  bardes  dont  Taccusé  était  revêtu  lors  de 
son  arrestation  seront  apportées  à  l'audience  et  représentées 
au  jury  ^;  que  les  dépositions  écrites  des  témoins  absents  se- 
ront lues  *.  Elle  doit  se  déclarer  incompétente  ;  car  elle  nq 
peut  circonscrire  et  limiter  le  pouvoir  que  la  loi  a  attribué 
au  président,  et  celui-ci  ne  peut  non  plus  y  renoncer  expres- 
sément ou  tacitement. 

On  ne  doit  pas  néanmoins  induire  de  cette  règle  que  le 
président  ne  puisse  pas  consulter  ses  assesseurs  sur  l'utilité  des 
mesures  que  seul  il  peut  ordonner.  Il  serait  puéril  de  lui  dé- 
nier la  faculté  d'emprunter  les  lumières  de  ses  collègues  quand 
il  ne  se  trouve  pas  suffisamment  éclairé  ;  leur  concours  n'est 
qu'une  garantie  de  plus  contre  les  abus  qu'il  pourrait  faire  de 
son  pouvoir.  Et  puis,  il  ne  le  communique  pas  en  prenant 
un  avis,  il  ne  le  subordonne  pas  à  cet  avis,  il  conserve  son 
indépendance;  après  s'être  éclairé*,  il  décide  seul  et  prescrit 


'  Case,  ih  (éf.  1635,  rapp.  M.  Tsami)ert.  BulL  n.  59;  13  OGt.  ISSS,  rap. 
M.  de  Ricard.  J.  P.»  t.XXi  V,  p.  4510. 
'  Casa,  ih  féf.  1885,  cité  supràr  ^ 

*  Cas»,  sa  jniQ  4854,  rapp.  M.  JacquinoC*  Bail.  n.  S07. 

*  Cass.  30  dèc.  1S31,  rapp.  M. I&amberl.  J.  P.,t. XXIV,  61S;  80  joli.  1836, 
rapp.  M.  Meyronuet'St-Murc  Bull,  n,  253;  37  avril  l$37,rappi  M.  Rocher, 
Bail,  n.  134. 


468  hTs  covfL^  i!*Amiu, 

là  mesure  '•  Lors  même  que  l'avis  de  la  Cour  d^ssises  se  se- 
rait manifrsté  par  un  arrêt ,  il  n'y  aurait  pas  de  nullité  si  cet 
arrêt  réserve  le  droit  du  président  de  ne  s  y  conformer  qu'an- 
tant  qu'il  le  juge  convenable  on  si  du  moins  le  magistrat,  (^n 
prescrivant  la  mesure  qui  est  indiquée,  d«^clare  qu'il  as:it, 
non  par  suite  de  l'imputation  qu'il  renferme ,  mais  en  vertu 
d'une  inspiration  spontanée*. 

Rien  né  s'oppose  même  à  ce  que  le  président  demande 
aux  jurés  si  telle  mesure  leur  parah  utile.  Ainsi  un  arrêt  re- 
connaît 0  que  le  président,  en  demandant  aux  jurés  s'ils  dési- 
raient qu*il  appelât  des  témoins  dont  lui-même  jugeait  l'au- 
dition utile,  n'a  pas  subordonné  à  leur  réponso  l'exercice  du 
pouvoir  discrétionnaire  ^  »  Le  but  de  l'instruction  orale ,  en 
effet ,  est  de  former  la  conviction  du  jury  ;  le  président  doit 
donc  s'enquérir  des  renseignements  dont  ils  oni  besoin  pour 
s'éclairer.  Ce  n'est  qu'une  conséquence  du  principe  posé  par 

I  art.  277  du  C.  du  3  brumaire  an  iv  et  par  l'art.  319  de 
notre  Code.  Le  président  d'ailleurs  n'est  pas  lié  par  leur  ré- 
ponse ;  il  demeure  le  maître  d'ordonner  ou  de  ne  pas  ordon* 
ner-la  mesure,  mais  il  e.st  mieux  éclairé  sur  son  opportunité. 

Il  est  inutile  sans  doute  d'ajouter  que  si  le  pouvoir  discré- 
tionnaire est  personnel,  il  ne  faut  pas  en  conclure  que  le  ma- 
gistrat qui  l'exerce  puisse  personnellement  procéder  aux  actes 
d'instruction  qu'il  ordonne.  Ainsi,  il  pcUt  ordonner  une 
expertise,  mais  il  ne  peut  remplir  lui-même  la  fonction  d'ex- 
pert ^;  il  peut  nommer  un  interprète,  mais  il  ne  peut  en 
exercer  l'oflice  ^  ;  il  peut  provoquer  un  débat  contradictoire 
sur  un  point  litigieux,  mais  il  ne  peut  soutenir  lui-même  ce 
débat  «. 

Il  est  inutile  de  faire  remarquer  encore  que  ce  pouvoir  ap- 
partient nécessairement  au  magistrat  qui  préside  des  assises, 
que  ce  soit  le  président  titulaire  ou  l'un  des  assesseurs  qui 
aurait  été  appelé  à  le  remplacer  pour  cause  d'empêchement. 

II  est  attaché  à  la  présidence  des  assises,  quel  que  soit  le  ma- 
gistrat qui  en  remplisse  la  fonction.  Ce  qui  résulte  seulement 

*  CasK.  S7joill.  ISSO,  rapp.  M-GaUlard.  J«  P.,  t;  XV],  p.  69;  S  fév,  lf^40, 
rapp.  M.  VinceDS-Sl-Luurc'iit.  Buil  n.  &6. 

*  Ca».  27  avril  4S87,  rapp.  M.  Bochrr.  BuU.  n.  iH. 

*  Cais.  iS  od.  188:?,  rapp.  M.  de  Ricard.  J.  P.,  t  XAIV,  p.  1510. 

*  Cass.  S  ocu  i845y  rapp  M.  DehauMy.  BuU.  n.  309. 
»  ArU  aas  et  aaa,  IdM.  crim. 

*  Ca99. 28  mai  4847,  rapp,  M.IsaroberL  Bull.  n.  IM, 


ATTBifiOTlOIfS  W  tKUmKÏ,  VOCVOIR  l^lSCftÉTIOtiNAIHB.   §  609.   Wj 

de  son  caractère  personnel ,  c'est  qu*il  no  peut  être  délégué 
par  ce  magistrat,  soit  à  l'un  de  ses  assesseurs,  soit  au  minis- 
tère public,  c'est  qu'il  ne  se  manifeste  que  par  l'inspiration  de 
sa  propre  conscience.  Mais  rien  ne  s'opposerait  néanmoins 
qu'après  avoir  ordonné  une  mesure,  il  chargeftt  Tun  des  ju* 
ges  de  présider  à  son  exécution. 

Une  deuxième  règle  est  que  le  pouvoir  discrétionnaire 
est  purement  facultatif  dans  son  exercice.  En  effet,  tous  les 
actes  qui  rentrent  dans  Texercice  de  ce  pouvoir  sont  à  la  dis* 
crétion  du  président,  en  ce  sens  qu'il  peut  les  prescrire  ou  ne 
pas  les  prescrire,  selon  qu'il  les  juge  nécessaires  ou  inutiles. 
Aucun  de  ces  actes  n'est  et  ne  peut  lui  être  imposé;  il  est 
libre  de  sa  détermination  ;  il  ne  doit  aucun  compte  des  motifs 
qui  Tont  guidé.  Celte  règle  a  été  consacrée  par  un  arrêt  qui 
porte  u  que  le  pouvoir  donné  au  président  s'exerce  sans  con- 
trôle ni  partage;  qu^il  n'a  d'autres  limites  que  la  conscience 
et  l'honneur  de  ce  magistrat;  que  le  ministère  public  ni 
l'accusé  n'ont  à  cet  égard  aucun  droit  de  réquisition  ;  et  que, 
dans  les  décisions  qu'il  prend,  en  vertu  de  ce  pouvoir,  il  n'a 
aucun  compte  à  rendre  i  qui  que  ce  soit  \  »  Néanmoins,  si  le 
ministère  public  ou  la  défense  n*ont  pas  un  droit  de  réquisi- 
tion à  l'égard  de  ces  actes,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'ils  ne  puissent 
les  provoquer.  La  détermination  du  président  n'est  pas  moins 
libre  parce  qu'elle  lui  a  été  suggérée;  elle  n'est  pas  moins 
spontanée,  parce  que  l'accusation  ou  la  défense  en  ont  ex- 
primé la  pensée.  Les  dcmand*  s  qui  lui  sont  adressées  à  cet 
égard  n'apportent  aucune  atteinte  à  son  droit  ;  il  est  libre  de 
refuser  de  les  entendre;  mais  il  suffit  qu'il  se  réserve  la 
liberté  de  la  décision  pour  que  le  vœu  de  la  loi  soit  rempli  '. 

Une  troisième  règle  «  qui  n'est  qu'un  corollaire  de  la 
précédente,  est  que  lé  président  n'csf  pas  tenu  de  motiver 
ses  décisions.  En  effets  il  n'en  doit  compte  à  qui  que  ce  scHt, 
il  ne  statue  sur  aucunes  réquisitions,  sur  aucunes  conclusionsj 
il  ordonne  spontanément  les  mesures  qu'il  croit  utiles,  il  ne 
prononce  sur  aucun  litige,  sur  aucune  question  liée;  il  n'est 
donc  point  tenu  de  donner  de  motifs.  Et  puis,  si  Texercice 
de  son  pouvoir  a  été  provoqué,  il  n'est  point  obligé  de  rendre 
ordonnance  dans  le  cas  où  il  juge  la  mesure  proposée  inutile: 
il  n'a  qu'à  s'abstenir;  et  dans  le  cas  où  il  la  juge,  au  con« 

<  Ca».  16  jaiiT.  1836,  M,  Mérilhou.  »ir.  36, 1,  324  ;  27  juin  1817,  rapp . 
M.  Aadiei-MassUloD.  BulL  o,  bà» 
*  Cass,  30  doût  1844»  rap(K  Me^ronnet-Sl-Marc.  Bail*  n,305. 


470  DES  COIRS  1>* ASSISES» 

traire,  utile,  il  se  borne  k  la  prescrire.  Ce  n*est  point  un 
jugement,  c'est  un  simple  acte  d'instruction  '• 

Une  quatrième  règle,  qui  s'enchaîne  encore  à  la  précé-* 
dente,  est  que  les  mesures  ordonnées  par  le  président  «  n'ayant 
que  le  caractère  d^actes  d'instruction,  peuvent  être  incessam- 
ment révoquées  et  modifiées.  Un  arrêt  décide  €  que  le  pré- 
sident ne  pouvait  être  lié  par  son  ordonnance  qui  avait  été 
rendue  dans  l'exercice  du  pouvoir  discrétionnaire,  et  que, 
dans  Texercice  de  ce  pouvoir,  il  n'a  d'autre  règle  que  sa 
conscience  et  qu'il  peut  modifier  ses  décisions  d'après  les 
différentes  circonstances  qui  peuvent  lui  paraître  exiger  des 
mesures  différentes*». Un  autre  arrêt  ajoute  «  qu'aucun  texte 
de  loi  ne  prescrit  au  président»  ni  de  formuler  par  écrit  les 
ordres  qu'il  donne  à  1  effet  d'aider  à  la  manifestation  de  la 
vérité,  ni  d'en  exiger  l'exécution  quand  elle  est  possible,  ni 
de  faire  constater  que  cette  possibilité  n'existe  pas  \  » 

Une  cinquième  règle  est  que  le  président  ne  peut,  par 
lès  mesures  qu'il  prend,  apporter  dans  les  débats  que  de  sim'- 
pies  renseignements.  Toutes  les  pièces  dont  il  prescrit  l'ap- 
port, toutes  les  personnes  qu'il  appelle  ne  sont  lues  et  enten- 
dues qu'à  titre  de  renseignements;  la  loi  n'a  point  attachée 
ces  pièces  ou  à  ces  déclarations  une  force  probante,  car  il 
aurait  fallu  que  le  ministère  public  et  l'accusé  eussent  les 
moyens  de  les  examiner  et  de  les  disctiter  :  ce  sont  des  élé-^ 
ments  recueillis  instantanément,  qui  ne  sont  produits  qu'avec 
toute  réserve  et  qui  ne  méritent  qu'une  confiance  relative. 
Ainsi,  par  exemple,  le  président  peut  ordonner  dans  une 
affaire  de  faux  qu'un  billet  attribué  à  Taccusé  par  un  lémoiû 
sera  mis  sous  les  yeux  du  jury  et  joint  aux  pièces  du  procès, 
mais  comme  simple  renseignement  et  non  comme  pièce  de 
comparaison  4.  1|  peut  ordonner  que  des  témoins,  à  l'audition 
desquels  l'accusé  s'est  opposé  et  que  la  Cour  d'assises  a  écar- 
tés du  débat,  seront  entendus,  mais  à  titre  de  renseignements 
et  non  comme  témoins  ^ 

Peut  être  cette  distinction  n'a-t-elle  pas  toute  Timportance 

*  Cass.  16  jaiiT.  1856,  rapp.  M.  Mërilhou.  Bull.  n.  19  ;  38  mare  1855,  rap. 
M.  Itainbert  lu  107. 

*  Cass.  17  août  1821,  rapp.  H.  Olltyrer.  J.  P.,  L  3tVI,  p»  85i. 
■  Cass.  S  avril  18^2,  rapp.  M.  Rocher.  Sir.  42, 1, 887. 

*  Casa.  S  afril  1831,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.  Star,  SI,  1. 865. 

'  Cass,  21,  sept  1848,  rapp.  M.  Legaguevr,  Ball«  a.  246  elles  arr^UCttés 


AmiBOnONS  DU  PRi91DBNT,  ftftJfOît  MSCAiTMRNÀlU.  §  609.  471 

que  la  loi  a  voulu  y  attacher  ;  la  confiance  que  le  témcwh 
inspire  ne  résulte  pas  toute  entière  du  serment  qu'il  a  prêté ^ 
elle  proTient  de  ses  antécédents,  de  sa  position,  de  la  réputa- 
tion qui  renyironne,  de  l'accent  de  ses  paroles,  de  la  fermeté 
de  son  attitude.  Si  sa  déclaration  parait  empreinte  de  yérité, 
les  jurés  ne  se  souviendront  pas  s'il  a  prêté  ou  non  sçrinent. 
L'art.  S69  a  donc  créé  une  classe  particulière  de  témoins.: 
ils  sont  dégagés  de  la  seule  garantie  que  la  justice  imposé  A* 
tous  les  témoignages,  ils  sont  déliés  de  la  responsalbilité  que 
toutes  les  dépositions  font  encourir  à  ceux  qui  les  font,  et 
cependant  leurs  déclarations  ont  à  peu  près,  au  moin$ Vis-à-vis 
des  jurés,  les  mêmes  effets.  La  distinction  est  dans  ja  forme 
bien  plus  qu'au  fond  des  choses.  '  '  V  . 

Uais,  quelle  que  soit  la  distanco^  qui  sépare  tes  t^dioins 
assermentés  de  ceux  qui  ne  le  sont  pas,  il  importe  de  la  wm^ 
teoir  avec  fermeté,  car  c^est  déjà  une  chose  grave  que  4^'tn* 
trodaire  dans  le  débat  des  renseignements  nouveaux,- il^  De 
faut  pas  que  les  jurés  puissent  attacher  à  ces  renseignements 
plus  d'importance  qu'ils  ne  le  méritent,  il  faut  que  leur  pen- 
sée soit  sans  cesse  ramenée  à  cette  règle  que  cq  ne  sont  que 
de  simples  renseignements  et  non  des  preuves,  il  faut  qu'ils 
n'écoutent  qu'avec  une  sorte  de  réserve  mentale  la  lecture 
des  pièces  ou  les  déclarations  de  témoins  faites  à  ce  titre.  De 
là  le  devoir  du  président,  dans  l'exercice  de  son  pouvoir,  de 
faire  connaître  aux  jurés  que  chacune  des  pièces  qu'il  lit,  que 
chacun  des  témoins  qu'il  appelle,  ne  sont  que  de  simples 
renseignements.  Ils  sont  trop  enclins  peut-être  à  confondre 
tons  les  ëlëments  qui  doivent  servir  à  former  leur  conviction 
et  à  accorder  la  même  valeur  à  tous  les  témoignages;  il  est 
nécessaire  de  remettre  sans  cesse  sous  leurs  yeux  la  différence 
légale  qui  distingue  les  uns  et  les  autres.  La  formalité  de 
ravertissement  a  donc  une  véritable  importance. 

Cependant  la  jurisprudence,  sans  méconnattre  la  nécessité 
de  cette  formalité,  a  décidé  que  son  omission  n'emportait  pas 
nullité  «  attendu  qu'aucune  disposition  de  la  loi  n'exige  i 
peine  de  nullité  que  le  jury  soit  averti  de  ne  considérer  les 
pièces  lues  ou  les  déclarations  entendues  que  comme  simples 
renseignements  > .  »  Il  est  vrai  qu'aucun  texte  ne  pre^srit  cet 
avertissement;  mais  il  est  certain  que  le  législateur  en  a  posé 

*  Ga96.  i6  janv.  1S86,  rapp.  HL  MérUhou.  Bail.  n.  i9  ;  iS  janvt  i855f  rap» 
BL  Saieca,  n.  i4s  i9  fflai&99$»  rapp,  M,  Itamberl,  ii«  1C8, 


47t  »KS  «OSAS  b  ASSISES. 

le  principe  en  décidant  que  les  éiémeDis  produits  par  le  pré** 
sidont  ne  seront  considérés  que  comme  simples  reoseigne- 
ments.  Car  qu'est-ce  qui  doit  les  considérer  ainsi?  Ce  sont 
les  jurés  ;  il  faut  donc  nécessairement  que  les  jurés  connais- 
sent leur  valeur  légale  ;  et  comment  la  connattront-ils  s'ils 
ne  sont  pas  avertis?  Donc,  le  président  est  obligé  de  leur 
donner  cet  avertissement.  Quelques  arrêts  ajoutent  qu'il  est 
peut-être  inutile  que  le  président  exprime  qu'il  agît  en  vertu 
de  son  pouvoir,  «  parce  qu'il  se  manifeste  suffisamment  par 
son  exercice  *  »  Cela  est  vrai  relativement  aux  juges  qoi 
doivent  discerner  les  preuves  acquises  par  l'instruclion  et  les 
renseignements  obtenus  par  le  président;  mais  relativement 
aux  jurés,  cette  distinction  n'existe  pas;  elle  appartient  a  la 
théorie  du  droit;  il  faut  qu'elle  leur  soit  expliquée.  Kous 
admettrions  facilement  une  sorte  de  présomption  jusqu'à 
preuve  contraire  que  l'avertissement  a  été  donné;  mais  il 
nous  semblerait  difficile  de  reconnaître  la  régularité  de  la 
procédure  si  Tomission  de  cet  avertissement  était  constatée, 
car  sHi  appartient  au  président  de  provoquer  des  renseigoe- 
rneuts»  il  ne  lui  appartient  pas  de  donner  ces  renseignements 
comme  dos  preuves  et  de  les  assimiler  aux  documents  fournis 
par  l'instruction. 

La  jurisphrudence  a  même  été  plus  loin.  Lorsqu'un  témoin 
a  prêté  serment  avant  que  l'accusé  se  soit  opposé  à  son  audi* 
tion  et  que  c'est  sur  cette  opposition  que  son  témoignage  a 
été  écarté,  son  serment  ne  fait  pas  obstacle  à  ce  qu'il  soit  en- 
fendu  en  vertu  du  pouvoir  discrétionnaire,  pourvu  que  Tau* 
nulatîon  en  soit  prononcée  et  que  les  jurés  soient  avertis  de 
la  valeur  de  sa  déclaration  *.  Mais  que  faut-il  décider  si  le  té- 
moin^  appelé  par  le  pouvoir  discrétionnaire»  a  été  entendu  avec 
serment  r  Un  premier  arrêt  avait  jugé  qu'il  n'y  avait  pas  lieu 
de  s'arrêter  k  cette  irrégularité  parce  que ,  dans  Tespêce ,  il 
s'agissait  d'un  témoin  cité  et  non  notifié  et  que  l'accusé  avait 
expressément  consenti  à  ce  qu'il  soit  entendu  avec  prestation 
de  serment  ^.  Mais  un  autre  arrêt  a  déclaré  résolument  :  «  que 
la  disposition  do  l'art.  269,  qui  porte  que  les  témoins  ainsi  ap- 


*  Cass.  10  sept.  iS55,  à  notre  rapp.  Bull.  n.  SIS. 

sCass.  i2déc.  18Â0,  rapp.  M.  Ricard.  Bull.  n.  350;  27  arril  itôS, 
rapp.  M.  Mejrronnet-St-Marc.  tu  il5;  27  avril  18SS»  rapp.  M.  haoïberT) 
n.  149. 

*  Ca-îs.  0  fév.  1840.  rppf .  M.  VinccBS-Sl-Lattrcnt,  Boll.  n.  46. 


ATTftiAtTIONâ  DU   FBÉSlbEMT,   W>t;VUl&  HISCBKTIUX.NAinE.   §  601).    473 

pelés  ne  prêteront  pas  serinent ,  n'est  pas  prescrite  à  peine 
de  nullité  ;  que  Taccusé  y  n'ayant  point  été  averti  d'avance 
qu'ils  seraient  produits  contre  lui ,  peut  sans  doute  s*opposer 
à  ce  que  ces  témoins  prêtent  sermeni  et  donnent  par  là  plus 
de  poids  à  leurs  déclarations  ;  mais  que,  lorsqu'il  ne  s'y  oppose 
pas,  la  nullité  des  débats  ne  saurait  résulter  de  l'accomplisse* 
iDeot  d'une  formalité  qui  fournit  une  garantie  de  plus  pour 
la  manifestation  de  la  vérité  ^  »  Cet  arrêt  nous  semble  avoir 
méconnu  i'esprit^de  la  loi.  C'est  précisément  parce  que  le  ser- 
roent  donne  plus  de  poids  à  la  déclaration  qu'il  est  préjudi- 
ciable, car  il  donne  à  un  simple  renseignement  la  valeur  d'une 
preuve  légale  •  il  trompe  les  jurés  sur  la  Toi  qu'ils  doivent  lui 
accorder,  il  transforme  de  simples  déclarations  en  véritables 
témoignages.  Or,  le  président  ne  peut  apporter  que  des  rensei- 
giiements,  il  ne  peut  produiredes  témoi<>nages;  il  ne  peut  donc 
faire  prêter  serment  aux  personnes  qu'il  appelle,  parce  qu'il 
ne  peut  changer  la  valeur  des  renseignements  qu'elles  don- 
nent. Ce  n'est  pas  d'ailleurs  le  serment  seulement  qui  cons- 
titue le  témoin,  c'est  l'examen  que  la  défense  a  pu  faire  de 
sa  personne,  c'est  la  faculté  de  le  reprocher,  c'est  la  contra- 
diction qui  peut  attaquer  sa  déposition;  or,  cet  examen  et 
celle  contradiction  sont-ils  possibles  à  l'égard  des  personnes 
qui  sont  subitement  introduites  dans  le  débat?  Evidemment 
non ,  et  c'est  pour  cela  que  ces  personnes  apportent  de  sim- 
ples renseignements  et  non  des  témoignages.  Donner  à  ces 
renseignements  la  sanction  du  serment,  ce  n'est  pas  seule- 
ment transgresser  la  prescription  formelle  de  Fart.  :269,  c'est 
enlever  à  la  défense  l'une  de  ses  garanties ,  car  c'est  intro- 
duire un  témoignage  qu'elle  n'a  pas  la  facultéde  discuter,  c'est 
employer  contre  elle  une  arme  efTilée  tandis  que  la  loi  l'avait 
soigneusement  émoussée. 

Une  sixième  régie  est  que  le  pouvoir  discrétionnaire 
est ,  quant  au  temps  pendant  lequel  il  s'exerce,  enfermé  dans 
le  cercle  des  débats.  L'art.  269  circonscrit  formellement  son 
action  «  dans  le  cours  des  débats.  »  Ainsi ,  un  président  ne 
peut  ordonner ,  avant  rouvcrlure  des  débats  ,  que  des  té- 
moins seront  appelés  pour  être  (  ntcndusà  titre  de  renseigne- 
ments ^  Ainsi ,  s'il  peut  appeler  des  témoins,  même  après  les 
conclusions  du  ministère  public  et  les  plaidoiries  du  défen- 


•  Cass, 


9léf.  1843»  rapp.  M,  Jacqaiuot.  Bull,  lu  29. 

27  fév,  i834«  rapp.  M.  Thil,  J.  P.,  t,  XXVI,  p.  214* 


474  DKft  COUM  D*ASSISKS. 

seur,  c'est  parce  que  les  débats  ne  finissent,  d'après  Tart.  335, 
qu'après  les  plaidoiries  et  tes  répliques  ' .  Cependant  deux  res- 
trictions ont  été  apportées  à  cette  règle  par  la  jurisprudence. 
D'une  part,  il  a  été  admis  qu'avant  l'ouverture  des  débats, 
le  président  peut ,  non  pas  procéder  à  un  acte  du  ponvoir 
discrétionnaire,  mais  préparer  cet  acte  et,  par  exemple,  faire 
assigner  la  veille  de  l'audience  des  personnes  qu'il  veut  y  faire 
entendre  à  titre  de  renseignements  *.  D'une  autre  part ,  il  a 
encore  été  admis  que ,  même  après  la  clôture  des  débats,  de 
nouveaux  documents  peuvent  encore  être  produits,  mais  à  la 
condition  expresse  de  rouvrir  les  débats  pour  que  Taccmation 
et  la  défense  puisse  les  examiner  et  les  discuter  ^.  Ce  ne  sont 
pas  là,  à  proprement  parler,  des  exceptions,  puisque,  dans  la 
première  hypothèse  >  il  n'y  a  qu'un  acte  préparatoire  de  la 
mesure  ordonnée,  et  que,  dans  la  seconde,  les  débats  cessent 
d'être  clos  ;  ce  ne  sont  aue  des  facilités  données  à  la  produc- 
tion des  preuves.  Il  ne  faut  pas  du  reste  confondre  ici  le  pou- 
voir discrétionnaire  avec  le  pouvoir  d'information  que  les  ar- 
ticles 301  et  303  ont  attribué  au  président  :  ce  dernier  ne 
s'exerce  qu'avant  l'ouverture  des  débats  K 

Une  septième  et  dernière  règle  est  que  tous  les  actes 
nouveaux  d'instruction,  qui  interviennent  dans  le  cours  des 
débats,  lors  même  qu'il  ne  serait  pas  constaté  que  le  prési^ 
dent  les  aurait  ordonnés ,  sont  réputés  émanés  de  son  pou- 
voir discrétionnaire.  C'est  uiie  présomption ,  fondée  par  la 
jurisprudence,  qui  a  pour  objet  de  couvrir  quelques  actes  ir- 
réguliers que  lesdébats  voient  quelquefois  s'accomplir.  Ainsi, 
lorsque  le  ministère  public  donne  lecture  d'une  pièce  qui  ne 
fait  pas  partie  des  pièces  de  Tinstruction ,  cette  lecture  doit 
être  considérée  comme  ayant  ^u  lieu  en  vertu  du  pouvoir 
discrétionnaire  ^.  Ainsi ,  lorsqu'un  témoin,  entendu  à  titre  de 
renseignement,  a  été  assigné  à  la  requête  du  ministère  pu- 
blic ,  il  y  a  présomption  que  le  ministère  public  ai  été  délé-- 
gué  par  le  président  pour  l'exécution  de  l'ordonnance  qui 
appelait  ce  témoin^.  Ainsi,  lorsque  le  ministère  public  lit 

*  Cass.  1  fév.  1839,  rapp.  M.  Viiicen»>St-LaurenU  I.  P.,  ft  aadatei  i4ocL 
1851,  rappb  11.  Roeher,  BuU.  d.  480. 

*  Cait.  44  jaîU.  1858,  rapp.  M.  Aug.  Moreau,  Bull.  n.  859. 

*  Casa.  S  juill.  1856,  rapp.  M.  Legagneur.  BuU.  d.  239  ;  8  fér.  1858,  r*p. 
M,  de  Glos,  n,  40. 

*  Cass.  13  no?.  1856,  rapp.  M.  V.  Foacber.  Bull.  n.  847. 
"Cass.  24  juill.  1841,  rapp.  M.  Defaaotty.  BolK  lu  119. 

*  Cass.  11  déc.  1851»  rapp,  M,  Koeher.  BuU,  n,  361, 


▲rmiBUTIOli»  »K  U  GOUR  B  A8iI8II.  §  610.  47tf 

pendant  la  déposition  d^un  témoin  une  pièce  du  dosûer  rela- 
tive à  ce  témoin ,  cette  lecture  doit  être  considérée  comme 
ayant  été  autori^ét^  par  le  président  ^  Ainsi ,  lorsque  le  pré- 
sident lui-même  fait  un  acte  quelconque  ,  qu'il  n*a  le  droit 
d'jiccompiir  qu'en  vertu  du  pouvoir  discrétionnaire  i  îl  Y  t 
lieu  de  pr(«umer  que  c^est  dans  l'intérêt  de  ce  pouvoir  qu'il  a 
agi  %  11  faut  au  surplus  remarquer  que  tous  les  actes  que  cette 
présomption  générale  vient  régulariser  auraient  pu  être  régu- 
lièrement accomplis  par  le  président  ;  il  lui  suffisait  de  les  au- 
toriser en  vertu  de  son  pouvoir  ;  il  est  donc  raisonnable  de 
penser,  puisqu'ils  se  sont  passés  sous  ses  yeux,  qu'il  les  a  en 
effet  r^uliérement  autorisés. 

S  MO. 

L  Atribatiobs  de  la  Gouir  d'assises*  —  H.  Elle  statae  seule  lorsqu'elle 
procède  en  Tenu  d*aiie  délégation  de  la  loi.  — III.  Lorsqu'elle  accom- 
plit des  actes  qui  n*ont  pas  été  exclusivement  attribués  au  prési»- 
denU  —  IV.  Lorsqu'elle  prononce  sur  des  incidents  contentieux.— 
V.  Lorsqu'elle  prononce  sur  Toppositisn  aux  ordonnances  du  pré- 
sident. 

I.  A  cAté  des  attributions  personnelles  du  président ,  il 
faut  placer  maintenant  les  attributions  de  la  Cour  d'assises. 

Le  président  est  investi  d'une  juridiction  particulière , 
mais  seulement ,  comme  on  vient  de  le  voir,  en  ce  qui  touche 
la  police  de  l'audience»  la  direction  du  débat  et  l'instruction 
du  procès. 

La  Cour  d'assises  ^  c'est-à-dire  le  président  réuni  à  ses  as- 
sesseurs» est  investie  d'une  juridiction  générale  qui  ne  s'arrête 
pas  aux  actes  de  l'instruction,  quoiqu'elle  prononce  sur  tous 
les  incidents  et  sur  toutes  les  rtclamations  que  Tinstruction 
soulève  ;  mais  qui  embrasse  toutes  les  questions  préalables  et 
préjudicielles  qui  s'élèvent  avant  le  jugement,  qui  statue 
sur  toutes  les  réquisitions  ou  conclusions  des  parties  et ,  en 
dernier  lieu  qui  prononce  sur  Papplication  des  lois  pénales 
aux  crimes  et  délits,  que  les  jurés  ont  déclarés  constants,  aux 
accusés  qu'ils  ont  reconnus  coupables ,  et  sur  les  dommages 
et  intérêts  et  restitutions  qui  sont  réclamés  par  les  parties. 

Nous  avons  déjà  établi ,  dans  le  chap.  13  du  livre  Y,  sur 

*  Casa.  SO  sept  lS5â,  rapp.  M.  Nouguier.  BulL  m  399, 
'  Cas».  12  mai  1855»  rapp.  M,  de  Glos»  Bull»  d,  16A. 


476  MS  COUB   0*AMIfiK5. 

la  compétence  pour  le  jugement,  les  attributions  de  UCouf 
d'assises  qui  conslituont  sa  compétence  proprement  dile  cl 
qui  sont  relatives  aui  matières  qui  lui  sont  dévolues*.  Nous 
examinerons  plus  loin  les  pouvoirs  qu'elle  exerce  à  <»t 
^ard* 

Ce  que  nous  voulons  d'abord  établir  ici  ce  sont  les  attri- 
butions dont  la  Cour  d'assises  est  investie  à  côté  du  président, 
ce  sont  les  fonctions  différentes  qu'elle  remplit,  ce  sont  les 
cas  où  son  intervention  est  nécessaire  pendant  la  durée 
l'audience*  La  loi  a  placé  dans  Le  sein  de  cette  Cour  de 
une  double  juridiction  :  il  faut  déterminer  dans  quels  cas  Tune 
ou  l'autre  est  compétente.  Les  textes  de  la  loi  ne  sont  pas 
assez  précis  pour  que  cette  question  soit  exempte  de  dilE- 
culté. 

La  Cour  d'assises  est ,  en  général ,  appelée  à  statuer  avaol 
l'arrêt  définitif,  dans  quatre  bypotbéses  distinctes  : 

Lorsqu'elle  procède  en  vertu  d'une  délégation  directe  de 
la  loi  ; 

Lorsqu'elle  accomplit  des  actes  qui  n'ont  pas  été  directe- 
ment ou  exclusivement  attribués  au  président; 

Lorsqu'elle  statue  sur  les  incidents  contentieux  ,  c'esl-^ 
dire  sur  les  réclamations  des  parties  qui  suigissentà  l'au- 
dience ; 

Lorsqu'elle  est  saisie  d'une  opposition  à  l'une  des  mesures 
prescrites  par  le  président. 

Nous  allons  examiner  les  pouvoirs  dont  elle  est  invet^tie 
dans  ces  différentes  bypothéses. 

II.  Il  est  évident  «  en  premier  lieu,  que  la  Cour  d'assises 
peut  seule  statuer  lorsqu'elle  procède  en  vertu  d'une  déléga- 
tion directe  de  la  loi. 

C'est  ainsi ,  comme  nous  l'nvons  déjà  établi ,  qu'elle  (leut 
seule  prononcer  sur  les  excuses  et  les  dispenses  des  jurés  \ 
sur  l'appel  des  jurés  complémentaires  ^,  sur  l'adjonction  soii 
des  jurés  suppléants  ^,  soit  d'un  ou  de  deux  juges  supplé- 
mentaires '. 

Elle  peut  seule  prononcer  encore  : 

i""  Aux  termes  de  l'art.  87  du  C.  de  proc.  civ.  et  de  Tar 
ticle  81  de  la  Gonst.  de  15  novembre  1848,  demeuré  enri- 

*Voy.  t.VI,  |i.«32et8uiT. 

■  Voy.  $uprd  p.  331  et  suiv.  -.  »  Voy.  suprd  p.  831 ,  — *  Voy,  supiti  |>.  5b« 
*yoy,suprdp.  184. 


ATHiiBcnoNs  ht  LA  GOOB  dViaiies.   §  610.  477 

gueur,  que  les  débats  auront  lieu  à  huis  clos,  lorsque  ia  pu- 
blicité est  dangereuse  pour  Tordre  et  les  moeurs  \ 

2*  Le  reiiToi  d'une  affaire  à  une  autre  session,  conformé- 
ment à  Tart  3bk^  :  le  président  peut  exercer  le  même  droit 
ayant  que  Taffaire  soit  portée  à  Taudience  \ 

2^  Sur  toute  opposition  à  Taudition  des  témoins  cités ,  en 
conformité  de  Part.  315,  soit  que  cette  opposition  soit  fondée 
sur  leur  qualité  de  parents  ou  alliés  des  parties^,  soit  sur  leur 
désignation  inexacte  dans  Texploit  de  notification  ^,  soit  sur 
leur  intérêt  dans  l'affaire  %  soit  enfin  sur  toute  autre  cause  ?. 

4"*  Sur  l'expulsion  de  Pliccuséde  l'audience,  conformément 
à  Part.  10  de  la  loi  du  9  septembre  1835,  dans  le  cas  où  par 
ses  clameurs  il  entraye  la  marche  de  la  justice  s. 

5*  Sur  le  renyoi  du  jury  dans  la  chambre  de  ses  délibéra- 
tions, lorsque  sa  déclaration  est  irrégulière  ou  incompléle. 
Cette  décision,  fondée  sur  les  art.  Sk8,  3(^9,  350  et  365,  est 
consacrée  par  une  longue  jurisprudence*. 

6*  Sur  toutes  les  demandes  de  l'accusé  et  les  réquisitions 
du  ministère  public  tendant  à  user  d'une  faculté  ou  d*un  droit 
accordé  par  la  loi  (art.  408).  Ainsi»  il  n'appartient  qu'à  la  Cour 
de  statuer  sur  les  conclusions  du  ministère  public  ou  de  Tac* 
cusé  tendant  i°  à  ce  que  des  témoins  soient  dti  nouyeau  en- 
tendus '<*  :  2^  à  ce  qu'une  expertise  soit  ordormée  "  ;  3«  à  une 
vérification  d'écritures  ";  4*  à  ce  qu'une  enquête  soit  faite  sur 


'  Cass.  12  jain  4898,  rapp.  M.Choppin.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  15&6;  5  octob. 
185Â,  rspp.  H.  Jacqi:inoU  Bail,  lu  iO. 

>Ca«i.  di  ocL  îSil,  rapp.  M.  Aumont.  BulU  n.  107;  7  téf.  1888,  rapp, 
H.  Mérilhou.  J.  P.,LXXV,  p.  137;  3 mai  1889,  rapp.  M. Meyronnet-SlMarc 
Bail  D.  144. 

'  Cass.  6  fi^v*  482.1,  rapp.  M.  Bri^rc.  J.  P.,  t.  XiX,  p.  HZ. 

*Cia«.  aOsepU  «827,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  t.  XXT,  p,  884;  27  jain 
1828, rapp.  M.  Chanlerejne,  U  XXI^  p.  «605;  21  sept.  1848  rapp.  M.  Lega- 
Rneur,  Bull.  d.  246. 

'  CaiS.  9déc  1830,  rapp.  M.  Rocher.  J.P.,  L  XXIII,  p.  988. 

*  Cass.  18  déc  1817,  rapp.  M.  Oilivier.  J.  P.,U  XIV,  p.  540. 
^  Cass  22  mai  1835,  rapp.  M.  Rocher.  Bail.  n.  198. 

*  Ca$s.29  jaov.  1857,  rapp.  M.  Lt^Rneiir.  Bul.  n.  87. 

'  Caa^9  mai  1811,  14  uiii  1814,  27  oct.  1815,  2  mai  1816,  27  déc.  1817, 
S9  avril  lël 9,  4  juin  1819,  4  aviill822,16jam.l823,17  aTrill82i,  25aofit 
1826,28  janv.  1880.  8  janv;  1836,14  avril  1837  etc.;  12iuill.  1855.  Bull. 
A*  248  ei  les  arr.  dlés  au  tullelin  en  note  de  cet  arrêt 

'^  Cass.  8  fév.  1810,  rapp.  M.  Benvenuti.  J.  P.,  t,  VIII»  p.  88. 

*  <  Casi.  17  jaDf.  1839,  M.  Rocher.  Bull.  n.  24. 

'*  Cass.  12  janv.  1833,  rapp.  M.  Rocher.  J,  P.^  t.  XXY,  p.  33* 


478  ^^^  COVKi  D^ftSUIS. 

un  point  contesté  ^  ;  5*  à  faire  tenir  note  des  oontradiedom 
d^un  témoin*  ;  6*  à  ce  que  l'état  mental  d'un  aocosè  au  mo- 
ment de  Touverture  des  débats  soit  constaté  *• 

III,  La  Cour  d^assises  est,  en  second  lieu,  compétente  pour 
statuer  danatoUs  les  cas  où  le  président  n'a  pas  reçu  une  délé- 
gation formelle  et  exclusive. 

Le  président,  en  effet,  n'exerce,  en  ce  qui  concerne  Vin- 
struction,  qu'une  juridiction  extraordinaire;  il  s'ensaii  qu'elle 
doit  être  strictement  enfermée  dans  le  cercle  où  la  loi  Ta  éta- 
blie et  que  dés  qu^elle  n'est  plus  explicitement  soutenue  par 
les  textes  qui  la  fondent,  il  y  a  lieu  de  recourir  à  la  Cour  d'as- 
sises, qui  est  la  juridiction  commune  et  que  la  loi  n^a  nulle*  i 
ment  dépouillée  de  sa  pui^ance.  j 

Delà  il  suit  d*abord  que  toutes  les  fois  que  la  Cour  d^assiseï 
a  statué  là  où  le  président  arait  le  droit  de  statuer  sea^saof 
les  cas  formellement  réservés  au  pouvoir  discrétionnaire,  il  j 
n'y  a  point  de  nullité,  car  Tintervention  de  la  Cour  ne  («H 
qu'apporter  une  garantie  nouvelle  à  la  décision.  Ainsi,  il  a) 
a  pas  de  nullité  lorsque  la  Cour  prononce,  au  lieu  duprési-  | 
dent,  sur  une  question  qui  appartient  à  la  direction  dudébat*; 
ou  lorsqu'elle  annule,  quand  le  président  aurait  pu  le  faire, 
la  déposition  assermentée  d^un  témoin  frappé  d'incapacité'*  i 
Mous  avons  cité  précédemment  d'autres  cas  où  la  Cour  avait  | 
exercé  des  droits  attribués  au  président*.  Il  n'y  a  pas  d'em- 
piétement de  pouvoir»  tant  qu'une  réserve  expresse  ne  les^ 
pas  exclusivement  conférés  à  ce  magistrat. 

Delà  il  suit  encore  que ,  bien  que  l'art.  306  ait  délé- 
gué au  président  le  droit  de  fixer  le  jour  du  jugement  dcdia- 
que  affaire  et  de  le  proroger? ,  il  a  pu  être  jugé  «  qu'aucune 
disposition  de  la  loi  n'interdit  à  la  Cour  d'assises  de  renvoyr 
une  affaire  à  un  autre  jour  de  la  même  session '•  »  — Qu« 
bien  que  l'art.  330  ait  conféré  au  président  le  droit  dWoo- 

i  Casfi.  87  ftv.  1834,  rapp.  M,  Thil.  J.  P.,  U  XXVI,  p.  2i4. 

*  Gass.  19  réy.  i816,rapp.  M.  Audier-MassilloD,  J.  P.,  U  JUII,  p.  S8S 
6  jaînl8S9,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  d.  iSI. 

*  Casa.  19  août  1819,  rapp.  M.GaHlard.  J.  P.,  t  XV,  p.  502. 

*  Cass.  2  juill.  Isa,  rapp.  II.  Dcbauisy,  Dali.  t.  Instnct  cnak, 
B.  tihà. 

■  Cass.  9  jnill.  1859,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  d.  83A  ;  Si  teptonbte im 
n.  8A6. 
•  Voy.  êuprâ  p.  467. 

*  Cass.  26  avril  4844,  rapp.  M.  IsamberL  Bull.  n.  IM». 

*  Cms.  17  f<&?.  1848,  rapp.  M.  Brière-Valigny.  Bull,  n.  44. 


AmiiunoNi  M  (A  coui  ^'assises  §  MO.  479 

ner  Tarrestation  d'un  témoin  suspect  de  faux  témoignage  %  la 
Cour  peut  exercer  le  même  droit*;  —  que  bien  que  Fart. 
270  attribue  au  président  le  droit  d'autoriser  la  réaudition 
de  témoins  déjà  entendus',  la  Cour  peut  accorder  la  même 
autorisation  ^  ;  —  que  bien  que  le  président  soit  investi  par  les 
art.  267  et  270,  d'interdire  au  défenseur  la  discussion  de  la 
loi  pénale^  la  Cour  peut  statuer  également  à  cet  égard*. 

Delà  il  suit  enfin  que  la  Cour  d'assises  peut  ordonner  d'of- 
fice toutes  les  mesures  ordinaires  d'instruction  qui  lui  sem- 
blent nécessaires  pour  éclairer  sa  propre  religion  et  celle  des 
jarés  ;  car  il  appartient  à  tous  les  juges  d'éclairer  leur  juge* 
ment  par  tous  les  moyens  que  la  loi  met  à  leur  disposition  7  ; 
or,  aucun  texte  n'interdit  aux  Cour  d'assises,  lorsqu'elles 
croient  que  telle  ou  telle  mesure  d'instruction  peut  être  utile, 
d'ordonner  cette  mesure.  |1  a  été  jugé  dans  ce  sens  a  que  si 
Fart.  268  investit  le  président  d'un  pouvoir  discrétionnaire, 
en  irertu  duquel  il  peut  prendre  sur  lui  tout  ce  qu'il  croit  utile 
à  la  découverte  de  la  vérité,  le  Gode  ne  va  pas  jusqu'à  inter  ' 
dire  dans  tous  les  cas  à  la  Cour  d'assises  la  faculté  d'ordonner 
elle-même  des  actes  d'instruction  ;  qu^il  faut  distinguer  entre 
les  mesures  qui  dérogent  aux  règles  spéciales  de  la  procédure 
devant  la  Ck>ur  d'assises,  comme  la  lecture  d'une  déposition 
écrite  contrairement  au  principe  de  l'obligation  du  débatoral, 
ou  l'introduction  aux  débats,  malgré  l'opposition  de  Taccusé» 
d'un  témoin  dont  le  nom  ne  lui  a  pas  été  notifie,  mesures  ex- 
traordinaires que  le  président  seul  peut  prendre  sur  lui  d'or- 
donner en  vertu  de  son  pouvoir  discrétionnaire,  et  les  actes 
ordinaires  dinstruction,  tels  qu'une  vérification  par  experts, 
qui  sont  de  droit  conimuu,  même  devant  la  Cour  d'assises,  et 
que  toute  juridiction  a  le  droit  d'ordonner  par  suite  du  prin- 
cipe qui  confère  aux  juges  la  faculté  de  recourir  à  tous  les 
moyens  propres  à  l(  s  éclairer  dans  la  mesure  de  ce  qui  n'est 
pas  prohibé  par  la  loi  ;  que  si,  relativement  à  ces  derniers  actes, 
le  président  des  assises  reçoit  des  art.  268  et  269  un  pouvoir 


*  Casfl,  5  m«  1826,  rapp.  M.  Ollifier.  J.  P.,  t.  XX,  p.  45S. 

*  Ct>S8.  12  mars  1831,  rapp.  M.  Hivet.  J.  P.,  t  XXIII,  p.  1317. 
'  Cass.  27  août  185:»,  repu.  M.  Nouguier.  Bull.  n.  392. 

*  Cas»,  tt  fév,  ISiO,  ra|ip.  M.  Beiivenuti.  J.  P.,  L  VIII,  p.  86, 

*  Cds».  8dëc  1826^  rapp.  M.  Olii>ifr.  J.  P.,  t  XX,  p.  1017. 

*  Cass.  36  déc  1823,  ra|.p.  M.  Busschop.  J.  P.,  t.  XVIII,  p.  289  ;  1  août 
1851,  rapp.  M.  Meyroimet-bt-Marc^SaU,!!,  820. 

'Voy.ngtrel.V,p.756. 


4HÛ  ht.&  cov^?,  i)\fisi«:L!$. 

suffisant  pour  les  prescrire  de  lui^mùme,  la  Cour  d'assises  n^ 
conserve  pas  moins  le  droit  d^y  recourir  quand  clic  en  a  be- 
soin pour  s'éclairera  »  Ainsi  saur  les  mesures  extraordinaires 
que  la  jurisprudence  a  fait  rentrer  dans  les  termes desart. 
268  et  269,  et  qui  ne  peuvent  ètro  prescrites  que  par  le  pou- 
voir discrétionnaire,  parce  qu'elles  dérogent  auxréglesdu 
droit  commun*,  la  Cour  d'assises  peut  d^office  ordonucr. 
comme  le  président  lui-même,  tous  les  actes  d^instruction  qui 
lui  semblent  utiles  ;  le  pouvoir  conréré,  quanta  ces  actes,  au 
président,  ne  Ta  point  déshéritée  du  même  pouvoir.  Elle  peut 
les  estimer  nécessaires  lorsque  ce  magistrat  seul  ne  s*y  arrête- 
rait pas  ;  elle  a  le  droit  de  s*éclairer  puisqu'elle  participe  au 
jugement. 

lY.  La  Cour  d^assises,  eh  troisième  lieu,  est  seule  compé- 
tente pour  statuer  sur  les  incidents  contentieux  qui  s'élèvent 
dans  le  cours  des  débats^  c'est-à-dire,  sur  toutes  les  questions 
que  soulèvent  les  réquisitions  du  ministère  public  et  les  con- 
clusions de  Taccusé.  Cette  règle,  qui  résulte  de  l'ensemble  des 
dispositions  du  Gode,  est  pari  iculièrément  écrite  dans  plusieurs 
de  ses  articles  ;  elle  est  écrite  dans  les  art.  276  et  278  qui  veu- 
lent que  la  Cour  d^assisos  délibère  sur  toutes  les  réquisitions 
du  ministère  public,  dansTart.  408quî  lui  fait  une  obligation 
de  statuer  ^ur  les  demandes  de  l'accusé  et  les  réquisitions  du 
ministère  public,  tendante  user  d'une  faculté  ou  d^un droit 
accordé  par  la  loi,  dans  Tart.  315  qui  lui  prescrit  de  pronon- 
cer sur  toute  opposition  à  Taudition  d'un  témoin,  dans  l'art. 

331  qui  lui  dérère,  au  cas  de  suspicion  contre  un  témoignage, 
le  droit  de  renvoyer  Taflairo  à  une  autre  session,  dans  Tart. 

332  qui  lui  attribue  le  droit  de  prononcer  sur  la  récusation  de 
l'interprète,  dans  Tarticie  356  qui  lui  défère  les  réclamatioDS 
des  témoins  condamnés,  dans  l^art.  36k  qui  lui  réserve  la 
connaissance  des  cas  d^absolution»  etc.  La  conséquence  de  toutes 

ces  dispositions  est  que  la  Cour  d'assises  doit  intervenir  et  sta- 
tuer toutes  les  fois  que  Taccusé  formule  quelque  demandenu 
quelque  opposition,  toutes  Its  fois  que  le  ministère  publir 
pn-nd  des  réquisitions,  toutes  les  fois  enfin  qu'une  question 
quelconque  s'élève  au  sein  du  débat.  Cette  règle  a  reçu  de 
nombreuses  applications  ;  il  suffit  d'en  citer  quelques-unes. 

*  Caw.  12  mars  1857,  rapp,  M.  Logagneor.  BnlL  n.  110. 
»  Cns<»,  38  Pfv.  1S50,  à  noire  rapp.  BuJl  n,  73, 


ATTIlIBtmO.MÂ  DE  LA  COCB  D*A8fiI8».  §  610.  4St 

Il  a  été  décidé  qu'il  n'appartient  qu'à  la  Cour  d'assises  de 
statuer  :  i®  sur  l'opposition  de  Taccusé  à  la  lecture  d'une 
pièce  *  ;  2*  sur  Topposilion  du  ministère  public  à  Tordon-* 
oaocede  mise  en  liberté  de  l'accusé  acquitté  * ,  3*  sur  la  de* 
mande  de  l'accusé  tendant  à  ce  qu'une  question  soit  posée  sur 
la  moralité  d*un  témoin  ^  ;  4*  sur  l'opposition  de  l'accusé  à  ce 
que  les  débats  clos  soient  rouverts^;  5®  sur  toutes  les  récla* 
mations  relatires  à  l'audition  des  témoins";  6*  sur  toutes  les 
demandes  tendant  à  ce  qu'il  soit  donné  acte  de  tel  ou  tel  fait 
du  débat  *  ;  7<>  sur  la  question  de  savoir  si,  en  l'absence  d'un 
témoin,  il  sera  passé  outre  au  débat  7  ;  8**  sur  toutes  les  récla- 
mations relatives  à  la  position  des  questions  au  jury  S;  9*  sur 
toutes  les  irrégularités  commises  dans  la  déclaration  des  jurés 
et  qui  donnent  lieu  à  les  renvoyer  à  un  nouveau  déli- 
iȎre9;etc. 

Tous  les  arrêts  rendus  sur  les  incidents  contentieux  ne  peu- 
vent Are  rendus  qu'après  avoir  entendu  le  ministère  public 
et  l'accusé.  Plusieurs  de  ces  arrôls  ont  été  annulés,  parce  qu'il 
n'était  pas  constaté  que  le  ministère  public  eut  été  entendu, 
«  attendu  que  le  ministère  public  est  partie  poursuivante  et 
nécessaire  dans  toutes  les  accusations  portées  aevant  les  Cours 
d'assises;  et  que  quand  des  conclusions  prises  par  les  accusés 
soulèvent  un  incident  contentieux,  la  Cour  ne  peut  y  statuer 
sans  avoir  préalablement  entendu  ou  interpellé  le  ministère 
public;  que  cette  règle  d'ordre  public  intéresse  la  défense  aussi 
i>ien  que  Paccusation  ;  qu'elle  constitue  une  formalité  substan- 
liclle  dont  rinobservation  entraine  la  nullité  de  Tarrèt  qui  j'a 
suivi  '''.)>  Il  en  serait  de  môme  des  arrêts  rendus  sur  lesréqui- 


*  Gasfl.  80  avril  1S19,  rapp.  M.  Girard.  J.  P.,  t  XV,  245. 
'  Cass,  14  juin  1855,  rapp.  M.  Jallon.  Bull.  n.  208. 

■  Cass.  22  seplemb.  1827,  rapp.  M.  Clausel  de  Coussergues.  J.  p.,  e.  XXI, 
^  806. 
'  Cas».  90  aofttlSl?,  rapp.  M.  Aumout.  J.  P.»  U  XIV,  p.  46i. 
'  Cass.  26  mai  1842.  rapp.  M.  de  Ricard.  Dali.  42»  1,  378. 

*  Cass.  12  avrU  1855,  rapp.  M.  Jalion..  Bul),  n.  123. 

^  Gass.Sl  mars  1842, rapp.lVI.Meyronnet-St*Marc.Bull«D. 75  ;  23  juin  1832, 
r»pp.  H.  Rires,  d.  227» 

'  Cass.  1  oct.  1813,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.,  t.  XI,  p.  710;  30  mars 
1815,  rapp,  M.  Raiaud,  t  XII,  p.  656;  16  juin  1615,  rapp.  M.  Busacbop, 
I.  XU,  p.  772  ;  26  mai  1839,  rapp.  M.  IsamberU  Bull.  n.  160. 

*Cass.  19  mars  1812,  rapp.  M.  Oudart  J.  P.  t.  X,  p.  228;  17  avril 
1824,  rapp.  M.  Brîère,  t.  XVIII,p.  639;  11  oct.  1827,  rapp.  M,  Maogin, 
U  XXI,  p.'  819  ;  11  mars  1830,  rupp.  M.  Dapaly,  t.  XXIU.  p.  250  ;  etc. 

^*  Cass.  22  janv  1857,  rapp.  M,  Legagneur.  Bull,  n,  31;  22  janv«  1857» 
rapp.  Jtf.  A.  Moreau,  n,  32. 

vni.  31 


sitions  du  tîiitiislère  public,  snns  qu*il  Tut  constaté  qiic  i'accDsé 
tt  été  ekilendu  ou  interpellé  '.  Mais  le  défaut  d'audition  soit  du 
ministère  public,  soit  de  Taccusé  ne  vicierait  pas  l'arrêt,  si 
rincident  n'avait  pas  un  caractère  contentieux  et  s'il  ne  pou- 
tait  en  résulter  aucun  préjudice  pour  la  partie  qui  n'a  pas  été 
Interpellée*. 

V.  Enfin,  el  tn  quatrième  lieu,  la  Cour  d'assises  est  com-- 
pétente  pour  statuer  sur  i\ipposition  aux  ordonnances  do  pré- 
sident*  Elle  est^  sous  ce  rapport,  à  l'égard  de  tous  les  actes 
qui  ne  constituent  pas  des  mesures  extraordinaires  émanées 
du  pouvoir  discrétionnaire,  une  juridiction  supérieure,  char- 
gée d'apprécier,  sur  l'opposition  des  parties,  les  mesures  or- 
données par  le  président  et  d'en  juger  Tutilité. 

Ainsi,  lorsque  le  président  a  *  ordonné  la  jonction  de  plu- 
sieurs actes  d'accusation,  les  accusés  dont  les  procès  ont  été 
joints  ont  le  droit  de  réclamer  devant  la  Cour  d'assises  contre 
aette  ordonnance  toutes  les  fois  qu'ils  croient  que  la  jonction 
peut  être  préjudiciable  à  leurs  intérêts  *• 

Ainsi,  lorsque  le  président  refuse,  soit  de  faire  une  inler- 
pellation  à  un  témoin,  soit  de  poser  des  questions  sur  la  mora- 
litéd'un  autre  témoin,  c'est  àla  Cour  d'assises  qu'il  appartient^ 
en  cas  de  réclamation,,  de  décider  si  l'interpellation  sera  faite, 
si  les  questions  seront  posées  4. 

Ainsi  lorsqu'un  accusé  demande  qu'il  soit  pris,  pour  faci- 
liter  sa  défense,  des  mesures  particulières  autres  que  celles 
qui  ëont  ordonnées  par  la  loi  en  faveur  de  tous ,  il  appartient 
à  la  Cour,  en  cas  de  refus  du  président  et  de  réclamation  de 
l'accusé,  de  juger  jusqu'à  quel  point  ces  mesures  sont  conci- 
liables  avec  la  disposition  des  lieux  el  la  police  de  l'audience  ^ 

Ainsit  lorsqu'un  accusé  demande  la  communication  d'une 
lettre  anonyme  contenant  la  dénonciation  des  faits  imputés, 
et  que  le  président  a  refusé  de  faire  droit  à  cette  demande , 
attendu  que  cette  pièce  n'est  pas  jointe  à  la  procédure,  il 

*  Cass.  il  janv.  1859,  rapp.  M.  Rocher.  Bul).  n.  18« 

■  Gasii  16  iBart  iSSik,  rapp.  M.  Jacqvinot.  BulL  m  71  ;  16  mars  lS5i, 
ravp»  M.  A.  M oretOi  n.  78» 

^  Cass.  11  mars  1856,  ft  notre  ropp.  Bail.  n.  88  \  2S  jain  1855^  rapp.  M, 
Vft  Foukher  n.  230. 

*  CasB,  3S  sept.  1887,  rapp.  M.  Clausel  deCoussergues.  J.  P.,  t.  XXÎ,  p. 
«06 1 18  sept  1884,  rapp.  M.  OUivIcr,  t.  XVilI,  p.  1048  ;  1  oct.  1829. t  XXli, 


P.  i4«^ 

•  Cas%  4 


!^pt.  1840,  rapp.  M,  Vinefm-St-Laurfot,  Bnll,  n,  251» 


ATTRlBrriOSS  9 F.   U   COUR   D*ASSI5CS.  §010.  i^t 

appailient  à  la  Cour»  si  des  conclusions  sont  prises  à  cet  effet, 
de  décider  si  la  cooimyoîcation  est  utile  lux  intérêts  de  la 
défense  '. 

Ainsi  en6n,s'i1  y  a  opposition  à  l'ordonnance  du  président 
qni  ordonne  la  réouverture  des  débats  ',  ou  Tarrestalion  d'un 
témoin  *,  où  la  position  d'une  question  subsidiaire  ^,  c^est 
toujours  la  Cour  qui  connatt  de  l'opposition  et  qui  est  appelée 
à  confirmer  ou  réformer  rordonnauce. 

Ce  pouvoir  néanmoins  rencontre  une  limite.  Nous  ayons 
TU  précédemment  que  la  Cour  d'assises  est,  incompétente 
pour  ordonner  les  mesures  extraordinaires  que  la  jurispru-* 
dcncc  a  comprises  dans  les  attributions  du  pouvoir  discrétion-* 
naire  ^.  Or,  si  elle  ne  peut  les  prescrire  d'office,  elle  ne  peut 
être  appelée  à  apprécier  leur  utilité  lorsque  les  parties  récla- 
ment contre  leur  application.  Cette  distinction  a  été  posée 
par  un  arrêt  qui  porte  a  qu'il  ne  faut  pas  confondre  les  droits 
que  le  président  tient  des  art.  268  et  269,  qui  lui  accordent 
un  pouvoir  discrétionnaire,  avec  ceux  qui  lui  sont  conférés 
par  des  dispositions  spéciales;  que  si,  en  ce  qui  concerne 
Veiercice  de  son  pouvoir  discrétionnaire,  le  président  ne  sau- 
rait être  soumis  à  le  voir  critiquer  devant  la  Cour,  il  en  est 
difTéremment  de  celui  qu'il  tient  d'une  disposition  spéciale 
et  déterminée  ^.  »  Le  pouvoir  extraordinaire  du  président; 
confié  à  son  honneur  et  à  sa  conscience,  ne  peut  donner  lieu 
aune  réclamation  devant  la  Cour  :  elle  ne  peut  l'exercer,  elle 
ne  peut  donc  en  critiquer  les  actes. 

Il  a  été  décidé,  en  conséquence,  que  l'opposition  à  un  acte' 
du  pouvoir  discrétionnaire  ne  constitue  point  un  incident  con- 
tentieux ^;  que  la  Cour  d'assises  cependant,  lorsqu'elle  est 
saisie  par  les  conclusions  de  Taccusé  ou  les  réquisitions  du 
ministère  public»  a  l'obligation  de  statuer,  mais  qu'elle  doit 
examiner  si  la  mesure  a  été  prise  ou  non  par  le  président  dans 
les  limites  du  pouvoir  discrétionnaire  ;  que  si  la  mesure  n'ap- 
partient point  exclusivement  à  ce  pouvoir^  elle  a  le  droit  de 


*  Cais*  11  janT.  1851»  à  notre  rapp.  Bull,  n.  SI. 

'  Cass.27  août  1853.  rapp.  M.  Nouguier.  Bull.  n.  c02« 

'  Cass.  5  mai  1826,  rapp.  M,  Ollivier.  J.  P.,  t.  XX^  p,  A5f. 

*  Cass.  27  sept.  1827,  rapp.  M.  Gary.  J,  P.,  t»XXl,  p.  808. 

*  Voy.  suprd  p.  486, 

'  Cau.  28  juin  1828,  rapp.  M.  Foucher.  Bail,  lu  290»  • 
'Casa.  27  juin  1828,  rapp.  M.  Cliantereyne,  J.  P.,  t.  XXI,  p.  1005;  13 
avril  1880,  rapp,  M,  Gaillard,  t,  XXIII,  p.  88t), 


iiSi  OCS  C06R6   li*A8^1SES. 

gtatoer;  que  8Ù  au  contraire,  elle  lui  est  spécialement  réser- 
vée, elle  doit  se  borner  à  déclarer  son  incompétence  pour 
en  connaître  *  •  Qui  donc  doit  statuer  sur  {^opposition? 
C'est  le  président  lui-même  :  il  s'agit  d'un  acte  qu'il  peut 
seul  ordonner  et  que  seul  il  peut  réformer.  Un  arrêt  déclare  : 
«  que  Topposition  du  ministère  public  à  l'audition  d'un  té- 
moin ne  change  ni  n'altère  les  pouvoirs  du  président  relati?e- 
ment  à  cette  audition  ;  quUl  lui  avait  appartenu  de  juger  s'il 
accéderait  à  la  demande  de  Taccusé  ;  qu'il  lui  appartenait  de 
même  de  juger  si,  d'après  les  réclamations  du  ministère  pu- 
blc,  il  devait  refuser  cette  audition  ;  que  la  Cour  d'assises,  en 
déclarant  que  la  contestation  rentrait  dans  rexercice  du  pou- 
voir discrétionnaire,  et  qu'elle  devait  se  référer  à  l'autorité 
que  la  loi  avait  conférée  au  président»  s'est  conformée  aux 
règles  de  sa  compétence;  que  le  président  ne  pouvait  être  lié 
par  sa  première  ordonnance  ;  que  cette  ordonnance  avait  été 
rendue  dans  reiercicc  du  pouvoir  discrétionnaire  et  que,  dans 
Texercice  de  ce  pouvoir,  le  président  n^a  d'autre  règle  que 
sa  conscience  et  peut  modifier  ses  décisions  d'après  les  difle- 
rentes  circonstances  qui  peuvent  lui  paraître  exiger  des  me- 
sures diiïérentes  '.  » 

Toutefois ,  une  question  contentieuse  peut  s'élever  sur 
l'exécution  d'une  mesure. du  pouvoir  discrétionnaire.  Ainsi, 
si  pendant  l'audition  d'un  témoin  entendu  à  titre  de  rensei- 
gnements, le  ministère  public  requiert  la  position  d'une  ques- 
tion et  que  l'accusé  s'y  oppose,  il  en  résulte  un  débat  con- 
tentieux que  le  pouvoir  discrétionnaire  ne  peut  résoudre  et 
pour  la  solution  duquel  la  Cour  est  seule  compétente  ^. 

S  611. 

I.  Attributions  générales  des  jurés,  renvoi.  —  II.  Attributions  des  ju- 
rés pendant  les  débats, 

I.  En  principe  général,  les  jurés  statuent  sur  l'existence 
matérielle  des  faits  et  de  toutes  leurs  circonstances  et  sur  leur 

•  Cass.  22  déc.  1842»  rapp.  M.  Romiguièrcs.  BuU.  n.  S35;  5  téf.  iSk% 
rapp.  U.  deCrouseiUiea.  n*25|  24JQin  1853,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Uirri 

II,  22A;  29  juin  185&,  rapp.  M.  Jacquiiiot.  n  207. 

•  Casa.  17  aoQt  1821.  rapp.  M.  Ollivicr.  J.  P„  i.  XVI.  854. 

•  Casa.  27  juin  1838,  rapp.  M,  Isambert,  Jr  P  ,  U  XXV^  p.  615. 


ATTRIBUTIOKS   DM   JtRÉS.   §  Cil.  l8o 

caractère  moral;  ils  sUiueni  encore  sur  la  responsabilité 
des  agents  et  sur  leur  culpabilité.  Leur  compétence  est 
établie  par  les  art.  337,  SSTS,  839,  341  et  343  de  notre  Code. 
La  Cour  d'assises  n'interyient,  aux  termes  des  art.  358,  362 
et  364,  que  pour  faire  l'application  de  la  loi  pénale  sur  les 
déclarations  du  jury. 

Mais  ce  n'est  point  encore  le  lieu  de  développer  cette 
double  compétence  du  jury  et  de  la  Cour  :  son  examen  ap- 
partient naturellement  à  nos  chapitres  13  et  15  relatifs  à  la 

position  des  questions  au  jury  et  au  jugement 
* 

IL  Nous  ne  voulons  parler  ici  des  attributions  des  jurés 
que  pendant  la  durée  des  débats  et  jusqu^au  moment  où  corn* 
mence  leur  délibération. 

Ces  attributions  se  réduisent  à  siéger,  à  prêter  serment,  h 
apprécier  toutes  les  preuves  qui  sont  exposées  devant  eux  et 
à  prendre,  s'ils  le  jugent  nécessaire,  une  certaine  part  aux 
débats  pour  en  provoquer  le  développement. 

L'art.  309  dispose  que  «  au  jour  fixé  pour  l'ouverture  des 
assises,  la  Cour  ayant  pris  séance,  douze  jurés  se  placeront, 
dans  Tordre  désigné  par  le  sort,  sur  des  sièges  séparés  du 
public,  des  parties  et  des  témoins>  en  face  de  celui  qui  est 
destiné  à  l'accusé.  »  . 

II  a  été  reconnu  avec  raison  «  que  cet  article  ne  contient 
qu'une  disposition  réglementaire  et  de  police  V»  Il  suit  de  là 
que  les  changements  opérés,  soit  dans  Tordre  où  les  jurés  doi- 
vent se  placer,  soit  dans  les  dispositions  matérielles  de  la  sallp, 
ne  produiraient  aucune  nullité. 

Après  qu^ils  sont  placés,  le  président  leur  adresse  le  dis- 
cours contenu  en  Tart.  512,  et  chacun  d'eux  prête  serment  ". 
Ce  serment  se  renouvelle  à  chaque  affaire. 

Ils  ont  le  droit,  ainsi  que  cela  a  été  établi  plus  haut  '» 
pendant  toute  la  durée  du  débat,  de  demander  la  parole  au 
président,  suivant  les  termes  de  Tart.  319,  pour  obtenir  les 
renseignements  ou  les  éclaircissements  dont  ils  ont  besoin. 

Ils  peuvent,  aux  termes  do  Tart.  328,  prendre  note  de  tout 
ce  qui  leur  parait  important  ^. 

*  Cass  il  sept  1822,  rapp.  M.  Claasel  de  6ou5ser;ties.  h  P.,  U  XVIT, 
p.  618. 

*  Voy,  iuprd  p.  A26.  —  *  Voy.  tuprà  p.  43).  > 

*  Voy«  iuprà  p.  &30. 


483     •  DES  couKS  d'assises 

Enfin,  ils  doivent,  comme  nous  l'avons  déjà  dit  s'abste- 
nir, surtout  depuis  Touverturc  des  débats,  de  toute  manites- 
tâtion  d'opinion  et  de  toute  communication  extérieure. 

Leurs  fonctions  consistent  donc  tout  entières  pendant  la 
durée  de  Tinstraction  dans  l'appréciation  attentive  qu^ils  doi- 
vent faire  des  faits  qui  sont  portés  devant  eux,  dans  TexaineQ 
des  indices  et  des  preuves,  dans  la  patiente  audition  qu'ils 
doivent  accorder  à  Taccusation  et  à  la  défense.  Elles  sont 
toutes  passives  jusqu'au  moment  où  commence  leur  déli- 
béralion. 


ArrBIBDTIONS  BE  iA  FABTIK  CIVILE  {  612.  4S7 


CHAPITRE  YI. 

.     ATTRIBUTIONS  DU  MINISTÈRE  PUBLIC,  DE  LA  PARTIE 
CIVILE  ET  DE  LA  DÉFENSE. 

§.  612.  I.  Objet  de  ce  chapitre.  —  II.  Droits  et  attributions  de  la 
partie  civile  pendant  les  aébats  —  III.  Mode  de  sa  constitution. 

§.  G13.  1.  Droitsetattributioosduministèrepublic.  — II.  ÂTsntrou* 
▼erture  des  débats.  —III.  Pendant  le  cours  des  débats. 

§.  61 4.  I.  Droit  de  défeose.  —  IL  Droit  d*étre  assisté  d*un  défenseur. 
— 111.  Choix  ou  désignation  de  ce  défenseur.  —  IV.  Quelles  per- 
sonnes peuvent  être  choisies  ou  désignées.—  V.  Effets  des  empêche- 
ments ou  absences. 

§.  615.  I.  Règles  relatives  au  droit  de  défense. —  II.  Communication 
de  Taccusé  avec  son  défenseur.  —  111.  Communication  des  pièces. 
—  IV.  Mode  d'exercice  des  droits  de  la  défeose.  —  V.  Production 
de  preuves.— VI.  Devoirs  et  limites  du  droit  de  défense. 

S  612. 

I.  Objet  du  chapitre.  —  Droits  de  la  partie  civile  dans  les  débats.  — 
111.  Mode  de  sa  constitution. 

I.  Noas  continuens  d'exposer  les  attributions  des  diffé- 
rentes fonctions  qui  vont  prendre  une  part  active  aux  débats. 
Nous  venons  de  faire  connaître  celles  des  juges,  c'esl-à-dire 
du  président ,  des  juges  assesseurs  et  des  jurés  ;  nous  allons 
examiner  les  droits  des  parties,  c'est*à-dire  de  la  partie  civile^ 
du  ministère  public  et  de  Taccusé. 

II.  Noua  nous  sommes  déjà  occupé  à  plusieurs  reprises  de 
la  partie  civile  :  nous  avons  établi ,  d'abord,  quelles  person- 
nes peuvent  exercer  Faction  civile  et  quelles  sont  les  condi- 
tions de  cet  exercice  \*  nous  avons  examiné  ensuite  les  règles 
générales  relatives  à  cette  action ,  les  droits  de  la  partie  qui 
l'exerce  et  la  responsabilité  qu'^Ue  peut  encourir  ';  nous  avons 

*  Voy.  notre  1 2«  $  113,  p«  30?  et  suit* 

>  Voy.  notre  U  3>  S 122, 193  et  34,  Pi  A5l,  i7i  et  Mi 


A9ê  DBS  COURS  d'assises. 

enfin  exposé  quelles  sont  les  formes  et  quelles  sont  les  consé- 
quences de  la  constitution  de  la  partie  civile  \  Il  ne  nous  reste 
qu'à  déterminer  les  prérogatives  dont  elle  est  investie  quand 
elle  s'est  constituée  devant  la  Cour  d'assises. 

Si  la  partie  civile  n*est  plus,  comme  dans  notre  ancienne  lé- 
gislation ,  partie  principale  au  procès,  si ,  par  une  interversion 
das  rôles,  elle  est  devenue  simplement  partie  jointe  à  l'aetion 
du  ministère  public',  ses  attributions  sont  encore  assez 
étendues. 

Elle  est  partie  au  procès.  De  là  il  suit  :  l''  qu'elle  a  le  droit 
de  citer  des  témoins  devant  la  Cour  d'assises,  à  la  charge  de 
communiquer  nu  ministère  public  la  liste  de  ceux  qui  sont 
assignés  à  sa  requête  et  de  notifier  cette  liste  à  Taecusé  34  heu- 
res au  moins  avant  Texamen  de  ces  témoins  (art»  31 5)  ;  2*  que 
les  témoins  doivent  être  interrogés  sur  le  point  de  savoir  s'ils 
sont  ses  parents  ou  alliés  ou  s'ils  sont  attachés  à  son  service 
(art.  317);  3°  qu'elle  peut  adresser  les  questions  qu'elle  juge 
convenables  ,  soit  aux  témoins ,  soit  à  l'accusé,  par  l'organe 
du  président  (art.  319);  4*»  qu'elle  peut  prendre  dans  le  cours 
des  débats  les  conclusions  qui  lui  semblent  utiles  à  ses  inté- 
rêts ;  ainsi ,  elle  peut  demander  qu'un  témoin,  dont  la  dépo- 
sition parait  fausse,  soit  mis  en  arrestation  (art.  330);  elle 
peut  mè|ne  requérir  dans  le  môme  cas  le  renvoi  de  Taflaire  à 
la  prochaine  session  (artv  331);  5"*  qu'à  la  suite  des  dépositions 
des  témoins,  cette  partie  ou  son  conseil  est  entendu  dans  les 
développements  de  sa  plainte ,  et  que  la  réplique  lui  est  per- 
mise (art.  335);  6^  eniin  qu'elle  prend,  à  la  suito  de  la  décla- 
ration du  jury,  pourvu  que  sa  constitution  antérieure  soit  ré- 
gulière, ses  conclusions  en  dommages^intérèts  et  restitutions 
(art.  358  et  359): 

Nous  examinerons  l'application  de  chacune  de  ces  dispo- 
sitions dans  nos  chapitres  de  l'examen  et  du  jugement.  Nous 
renvoyens  spécialement  à  ces  deux  chapitres  deux  questions 
importantes  :  l'une  qui  est  de  savoir  si  la  partie  civile  peut 
déposer  comme  témoin  après  s'être  constituée,  ou  peut  se  cons- 
tituer après  avoir  déposé;  l'autre,  si  elle  peut  conclure  à  des 

l'ellc 

boîméei 
i  demandes. 

«  Voy.  noire  l.  5,  S  3S6,  p.  316  et  suîn 

=  Voy.  notre   l.  2  p,  16'. 


ATTRIBUTIONS  0E  LA  PARTIE  CITILE.   §  612.  489 

Nous  nous  bornerons  à  placer  ici  quelques  observations  sui- 
des points  de  pure  forme. 

Lorsque  la  partie  plaignante  s'est  constituée  partie  civile 
dans  l'instruction  écrite  %  son  intervention  dans  les  débats  est 
de  droit,  et  il  n'est  pas  besoin  qu"il  en  soit  donné  acte.  Lors- 
que» au  contraire  y  soit  qu'elle  ait  ou  non  porté  plainte  *,  elle 
ne  s'est  pas  constituée,  il  est  nécessaire  que  son  intervention 
soit  régularisée  par  un  acte  ou  par  un  arrêt. 

Lorsque  Tintervention  n'est  Tobjet  d'aucune  contestation 
de  la  part  de  l'accusé,  il  suffit  que  le  président  ou  la  Cour  en 
donne  acte  :  l'accusé  est  suffisamment  averti  par  cet  acte 
donné^Mais  lorsque  l'intervention  est  contestée,  il  est  néces- 
saire qu'il  y  ait  arrêt  de  la  Cour,  car  cette  contestation  forme 
unincidentcontentieuxsur  lequelelle  peutseule  statuer.  L'ar- 
rêt qui  vient  d'être  cité  semble  admettre  qu'une  telle  déci- 
sion peut  être  rendue  sans  conclusions  préalables  du  ministère 
public  et  sans  motifs  ;  mais  en  examinant  ses  termes,  on  voit 
que  tel  n'est  pas  son  véritable  sens;  il  porte,  en  effet ,  «  qu'il 
n apparaît  aucunement  que  le  sieur  Leprince  (partie  civile) 
ait  voulu  intervenir  dans  le  débat  criminel  autrement  que  pour 
se  réserver  le  droit  de  demander  des  réparations  civiles  après 
le  verdict  du  jury  ;  qu'il  n'a  pris  aucune  part  au  débat  ;  que 
Taccusé  n'a  point  élevé  de  débat  contentieux  à  l'égard  de 
cette  intervention;  et  que  la  Cour  d'assises  ne  lui  a  point  ac- 
cordé les  prérogatives  d'une  partie  civile  en  lui  accordant  la 
parole  sur  le  débat  criminel ,  et  s'est  bornée  à  surseoir  sur  les 
conséquences  de  cette  intervention  ;  d'où  il  suit  que  l'arrêt  qui 
a  ainsi  statué  na  d'autre  vertu  que  celle  qu'aurait  eue  l'or- 
donnance du  président  qui  aurait  donné  acte  de  cette  inter- 
vention ;  que  cet  arrêt  n'a  créé  dans  le  débat  criminel  aucune 
influence  préjudiciable  à  la  défense  de  l'accusé  ;  qu'ainsi  l'au- 
dition du  ministère  public  n'était  pas  nécessaire  et  que  le  dé- 
faut de  motifs  reproché  à  cet  arrêt  n'opère  pas  une  nullité 
substantielle'*.  »  On  voit  que,  par  des  raisons  très  contes- 
tables en  droit  i  noire  avis^  cet  arrêt  a  voulu  assimiler  la  dé- 
cision de  la  Cour  d'assises  k  un  donné  acte,  et  n'a  pas  vu 
dans  l'espèce  un  incident  contentieux,  parce  que  l'accusé  n'a- 

'  Voy.  notret.  V,  S  ^88,  p.  W. 

*  Voy.  Bod.  )oc  p.  866. 

'  Cass.  7  avril  1854i  rapp.  M.  Uambcrt.  Bull.  n.  09. 

•  Même  arréU 


490  DES  COURS  D^ASSISÊS, 

vail  opposé  aucun  préjudice.  Il  s^ensuit  que,  d'après  cet  arrêt 
même,  si  l'accusé  avait  constaté  Tintervention  et  s*îl  avait  eu 
intérêt  k  la  contester,  il  aurait  fallu,  à  peine  de  nullité,  que 
J'arrêt  eût  élé  motivé  et  précédé  des  conclusions  du  ministère 
public.  C'est  là  le  point  que  nous  voulons  établir.  Est-il ,  en 
effet,  un  incident  qui  intéresse  à  un  plus  haut  degré  l'accusé 
que  l'intervention  d'une  partie  civile?  Qu'importe  que  celle 
intervention  ne  touche  que  les  intérêts  civils ,  si  elle  joint  une 
partie  à  la  partie  publique,  un  second  adversaire  à  cêté  du 
premier,  si  elle  apporte  dans  le  débat  toute  la  vivacité  des  in- 
térêts privés  Troissés ,  si ,  pour  parvenir  à  établir  ses  dom- 
mages ,  elle  prend  une  part  active  à  la  discussion  et  fait  la 
preuve  du  crime  pour  faire  la  preuve  de  la  lésion? Il  est  éri- 
dent  qu'une  intervention  qui  peut  avoir  de  telles  conséquences 
ne  peut ,  lorsqu'elle  est  contestée,  être  admise  ou  écartée  que 
par  un  arrêt  de  la  Cour,  et  que  cet  arrêt  doit  nécessairement 
être  revêtu  de  toutes  les  formes  légales. 

La  partie  civile  peut  confier  à  un  conseil  la  défense  de  ses 
intérêts  ou  les  défendre  elle-même.  Il  n'est  pas  même  néces- 
saire qu'elle  emploie  le  ministère  d'un  avoué  pour  prendre 
des  conclusions  \  Enfin,  elle  peut  ester  devant  la  Cour  d'as- 
sises sans  être  munie  d'une  autorisation ,  lors  rnôme  que,  s'il 
s'agit  d'une  femme  mariée ,  par  exemple ,  elle  serait  tenue 
d'être  autorisée  pour  agir  en  justice,  ou  du  moins  ce  défaut 
d*autori$ation  ne  peut  lui  être  opposé  par  l'accusé,  puisque, 
aux  termes  de  l'art.  225  du  G.  civ.,  la  nullité  fondée  sur  le 
défaut  d'autorisation  ne  peut  être  opposée  que  par  la  femme, 
le  mari  ou  leurs  héritiers  *.  Elle  n'est  pas  letuienon  plus  d'ap- 
peler en  cause  le  tuteur  ou  curateur  de  l'accusé  mineur,  ou 
le  syndic  de  la  faillite  de  l'accusé  de  banqueroute  frauduleuse, 
«  attendu  que  la  partie  lésée  peut  se  porter  partie  civile  jus- 
qu'à la  ciêture  des  débats  ;  que  les  débats,  uue  fois  entamt5, 
doivent  être  continués  sans  interruption  jusqu'après  la  dé- 
claration du  jury;  qu'ils  ne  pourraient  être  ni  retardés  ni  sus- 
pendus par  l'appel  en  cause  du  tuteur  d'un  mineur,  du  rpari 
d'une  femme,  du  syndic  d'un  failli ,  placés  dans  les  liens  u'nne 
accusation;  que  tous  sont  soumis  à  l'exercice  de  l'action  pu- 
blique pour  l'application  des  peines,  sans  que  l'assistance  de 


*  A  contrario^  cass.  3  mars  1842,  rapp.  M*  Vincfn»-Sl-L lurent,  Bull, 
n»  116é 
sCossi  38  scpti  1838)  rapp.  M.  Dcliau»).  Bull.  \n  dl'/n 


ATTBIBUTIOKS   DU   UlNlSTÈaË   riBLlC.   §   613.  49i 

leurs  représentants  légaux  soit  nécessaire,  quoique  celte  action 
entraîne  souvent  des  condamnations  pécuniaires  qui  grèvent 
la  fortune  et  les  biens  des  condamnés  ;  qu'ils  trouvent  des  ga- 
raDtics suffisantes  dans  la  solennité  de  l'instruction  et  dans  Tac- 
complissement  des  formalités  établies  pour  l'intérêt  de  la  dé- 
fense et  que  les  mêmes  garanties  protègent  aussi  les  intérêts 
civils  sur  lesquels  les  Cours  d'assises  sont  appelées  à  pronon- 
cer; qu'il  n'y  a  lieu  d'admettre  une  exception  à  ces  règles 
pour  l'action  en  dommages-intérêts  contre  l'accusé  acquitté  , 
tl'abord ,  parce  qu'elle  ne  serait  point  justifiée  par  les  termes 
des  nrt.  368  et  366,  dont  les  dispositions  comprennent  dans 
une  seule  et  même  catégorie  les  diverses  actions  en  dommages- 
inlérètsdont  elles  attribuent  la  connaissance  aux  Cours  d'as- 
î^i^os,  et  ensuite  parce  que  celle  exception  serait  inconciliable 
^vecla  forme  de  procéder  que  les  articles  ont  établie*.» 

S  613. 

I.  Droits  et  altribuLious  du  ministère  public.  —  il.  Avant  routerlure 
des  débals.—  Jll.  pendant  le  cour»  des  débals. 

I.  Nous  avons  vu  que  le  ministère  public  est  un  membre 
essentiel  de  la  Cour  d'assises  et  que  sa  présence  est  nécessaire 
à  toutes  ses  opérations  ^  Nous  avons  établi  quels  sont  les  ma- 
gistrats délégués  pour  remplir  cette  fonction  ^  et  quelles  règles 
les  régissent  pendant  la  durée  do  leur  service  ^.  Nous  indi-' 
querons  ici  les  droits  et  les  attributions  qui  leur  appartien- 
nent au  moment  où  s'ouvrent  les  débats  et  pendant  leur 
tours. 

Une  règle  générale ,  qui  a  déjà  été  posée  ^,  est  que  le  mi- 
nistère public  ne  peut,  à  peine  de  nullité,  porter  à  la  Cour 
^i'assises  aucune  autre  accusation  que  celle  qui  fuît  l'objet  de 
l'arrêt  de  renvoi.  L'art.  271  porte  :  «  le  procureur  général 
|>oursuivra  soit  par  lui-même,  soit  par  son  substitut,  toute 
personne  mise  en  accusation  suivant  les  formes  prescrites  au 
tliap.  1«'  du  présent  titre.  Il  ne  pourra  porter  à  la  Cour  au- 

*Cass.  9  mail845,  rapp.  M.  Bresson.  Bull.  n.  17;  15  janv.1846,  rapp. 
M.  Vinccns-St-Laureni,  n.  21. 
l  Voy.  suprd  $  590,  p.  198  et  suiv. 
'  Voy.  suprd  $  590,  p.  J199,  et  t.  Il,  %  407,  p.  199. 


*  Voy.  nlL  J  420  et  124,  p.ûl4  cl  suiv. 


i,r.  i:i^ 


AOî  DES  cûvvs  d'assises. 

cunc  autre  accusation,  à  peine  de  nullité  et^  s'il  y  a  lien  i  de 
prise  à  partie.  » 

Il  résulte  de  ce  texte  pour  le  ministère  public  roblig-.ition 
stricte  de  se  renfermer  pendant  tous  les  actes  de  son  minis- 
tère'dans  les  faits  retenus  et  dans  les  qualifications  légales  que 
les  faits  ont  reçues  dans  Tarrét  de  mise  en  accusation*. 
Toute  sa  fonction  devant  la  Cour  d'assises  se  résume  à  sou- 
tenir et  à  développer  Taccusation  admise  par  cet  arrêt  :  tout» 
les  réquisitions  qu'il  fait ,  toutes  les  mesures  qu'il  prend 
dans  chaque  affaire  ne  doivent  se  proposer  que  ce  bul 
unique. 

Cela  posé,  il  faut  distinguer  les  réquisitions  et  mesures  di- 
verses qu'il  est  appelé  à  prendre  avant  Touverturedes  débsis 
et  celles  qui  suivent  celte  ouverture. 

II.  Parmi  les  mesures  que  le  ministère  public  doit  accom- 
plir avant  Touverture  des  débats ,  il  en  est  plusieurs  qui  ont 
déjà  fait  le  sujet  de  notre  examen»  ce  sont  celles  qui  ont  pour 
objet  l'exécution  de  l'arrêt  de  renvoi ,  à  savoir,  la  transmis* 
sion  des  pièces  de  la  procédure  au  greffe  delà  Cour  d^assiscs', 
la  translation  de  Taccusé  dans  la  maison  de  justice  ^,  la  ré- 
daction de  l'acte  d'accusation  4,  la  signification  de  cet  ade, 
ainsi  que  de  l'arrêt  de  renvoi  aux  accusés^. 

Il  en  est  une  encore  que  nous  avons  examinée  dans  noire 
§  601  ^,  c'est  la  notification  qui  doit  être  faite  à  la  requête 
du  ministère  public,  de  la  liste  des  jurés  de  la  session  a  cha- 
cun des  accusés. 

En  même  temps  qu'il  procède  à  ces  premiers  actes,  le  mi- 
nistère public  est  chargé  de  préparer  les  éléments  du  débat. 

Il  ne  peut  procéder  à  aucun  acte  d'instruction.  Le  prési- 
dent des  assises,  aux  termes  de  l'art.  303,  est  seul  compétent 
pour  compléter,  après  l'arrêt  de  mise  en  accusation  et  avant 
l'ouverture  des  débats  ,  l'instruction  des  affaires  qui  doivent 
être  portées  aux  assises ,  et  d'ailleurs,  hors  le  cas  de  flagrant 
délit ,  la  loi  n'attribue  aux  officiers  du  ministère  public  que  le 
droit  de  réquisition  7. 

«  Cass.  iS  aTril  4847,  ciiéêuprâU  VI,  p.  425. 

•Voy.  t.  VI,ii.  S  441,  p.  403, 

»  Voy.  t  VI,  S  444,  p.  410.  — *  Voy.  t.  VI,  $  445,  p.  411, 

•  Voy.  t  VI,  S  448,  p.  481.  —  •  Voy.  suprd  p.  817. 

^  Casî.  27  aoûrt  1840,  rapp.  M.  Meyronnel-St-Marc.  Bull,  n.289. 


ATTRIftUTIOX.^   DC  HINtaTÈBE  FUBLIC.    §  613.  493 

Mais  il  est  chargé  de  dresser  la  liste  des  témoins  qu'il  jage 
nécessaire  de  faire  entendre  dans  le  débat.  L'art.  315,  en  lui 
attribuant  la  mission  de  faire  notifier  celte  liste  et  de  la  pré- 
senter aux  débats  ,  lui  attribue  par  là  même  le  droit  de  la 
rédiger  ;  et  la  jurisprudence  a  même  déclaré  «  que  la  loi  s^en 
rapporte  sans  condition  au  ministère  public  pour  rétablisse- 
ment  de  la  liste  des  témoins  dont  le  témoignagne  peut  être 
nôrossairo  dans  le  débat  ^  » 

De  cette  mission  exercée  par  le  ministère  public ,  on  a  in- 
duit que  s'il  ne  peut  se  livrer  à  aucun  acte  d'instruction ,  il 
peut  du  moins  faire  prendre  par  ses  auxiliaires  dos  renseigne- 
ments qui  réclaircnt  sur  la  composition  de  sa  liste.  Il  peut , 
par  exemple,  envoyer  sur  les  lieux  un  brigadier  de  gendar- 
merie pour  recueillir  ex(ra-judiciairement  les  déclarations 
des  personnes  qu'il  serait  utile  d'entendre,  «  attendu  que  le 
ministère  public,  chargé  par  la  loi  de  dresser  la  liste  des  té- 
moins qui  devront  être  assignés  à  sa  requête  pour  déposer 
devant  la  Cour  d'assises ,  doit  employer  tous  les  moyens  pour 
ne  faire  citer  que  des  témoins  dont  la  déclaration  peut  être 
utile  à  la  manifestation  de  la  vérité,  et  qu'il  ne  lui  est  nulle* 
ment  interdit  de  faire  prendre  à  cet  égard  des  renseignements 
par  les  officiers  de  police  judiciaire,  ses  auxiliaires  légaux  \  » 
Il  peut  faire  interroger  par  la  gendarmerie,  à  titre  de  simples 
renseignements,  deux  personnes  qui  n'avaient  point  été  en- 
tendues dans  le  cours  de  l'instruction ,  «  attendu  que  ces 
renseignements  ainsi  recueillis  ne  constituaient  point  un  acte 
d'instruction  '.  »  Il  peut  enfin  faire  prendre  le  relevé  d'un  re- 
gistre y  «  attendu  qu'en  donnant  Tordre  au  commissaire  de 
police  de  faire  sur  les  registres  de  la  Caisse  d'épargne  le  re- 
levé des  sommes  qui  auraient  été  déposées  par  l'accusé,  le 
procureur  impérial  n'a  pas  fait  acte  d'instruction  ;  que  ce  do« 
cument,  qui  a  eu  pour  objet  d'éviter  le  déplacement  des  re- 
gistres et  d'épargner  à  l'audience  de  longues  et  difficiles  re- 
cbercheSj  a  été  joint  aux  pièces  et  que  Taccusé  ou  son  conseil 
ont  pu  en  prendre  connaissance  ^.  » 

Cette  jurisprudence  donne  lieu  à  quelques  observations. 

1  Cass.  i  sepL  1853, rapp.  M.  JacqaiooLBull.  n.  ih^» 

*  Cass.  9  novembre  1843,  rapp.  M.  Meyronnet-St-MarcBulI.  n.  37S. 

*  Cass,  9  mars  1855  à  noire  rapp.  Bull,  n*  88  ;  à  août  1854,  rapp.  M,  de 
filoa.  n.  250  ;  5  mars  i85S,  rapp.  M.  de  Clos,  n.  80. 

*  Cass,  18  déc  1856,  rapp.  M.  Aug.  Moreau.  Bull.  n.  400. 


4M  »FS  coins  n*A?sisr«. 

L'arrêt  de  la  chambre  d'accusation  (crmine  Tinstruclion 
écrite  ;  aussitôt  qu^il  est  interTenu»  cette  instruction,  soit  que 
les  éléments  quelle  a  recueillis  soient  ou  non  complets,  est 
et  demeure  close.  S'il  survient  des  faits  nouveaux^  c'est  au 
président  des  assises  quMI  appartient  de  les  recueillir.  11  est 
hors  de  doute  que  le  ministère  public  no  pourrait^  sans  eicès 
de  pouvoir,  faire  procéder  i  des  actes  d'instruction,  car  il  ne 
dépend  pas  du  ministère  public  d'intervertir  Tordre  des 
pouvoirs;  il  ne  peut  agir  que  par  voie  de  réquisition, 
et  les  juridictions  auxquelles  il  pourrait  adresser  ses  ré- 
quisitions sont  épuisées.  Mais  ces  règles  incontestables  sont- 
elles  engagées  dans  les  espèces  qui  viennent  de  passer  sous 
nos  yeux?  sont-ce  des  actes  d'instruction  que  les  renseigne- 
mentsTecucillis  sur  les  lieux  pour  indiquer  les  témoins  les 
plus  utiles  à  la  cause?  Si  le  ministère  public  est  incompé- 
tent pour  faire  ou  ordonner  des  actes  d'instruction,  ne  con- 
serve-t-il  pas,  même  après  Tarrèt  de  reiivoi,  la  faculté  de 
recueillir  des  renseignements  qui  se  rattachent  au  procès? 
C'est  en  se  plaçant  à  ce  point  de  vue  que  la  Cour  de  ca>sn< 
tion  a  rejeté  les  différents  pourvois  qui  avaient  relevé  ces 
actes.  Il  faut  néanmoins  prendre  garde  que,  sous  le  prétexte 
de  prendre  des  renseignements  sur  les  témoins,  le  ministère 
public  ne  soit  entraîné,  lorsqu'il  trouve  l'instruction  écrite 
incomplète,  à  la  compléter  par  une  information  dont  il  s« 
servirait  ensuite  dans  les  débats.  Go  serait  là  un  véritable 
excès  de  pouvoir  ;  car  le  ministère  public  est  chargé  de  sou- 
tenir Taccusation  telle  qu'elle  a  été  préparée  par  la  procé- 
dure écrite  et  admise  par  Torrôt  de  renvoi  ;  il  n'est  pas  charge 
de  la  compléter.  L'accusé  connaît  les  charges  qu'il  doit  dé- 
battre; il  n'est  pas  préparé  à  débattre  les  nouvelles  charges 
que  le  ministère  public  introduirait  ainsi  dans  le  débat.  La  loi 
n'a  attribué  qu'au  président  de  la  juridiction  le  droit  excep- 
tionnel d'y  amener  des  éléments  nouveaux. 

Le  ministère  public  peut-il  faire  assigner  des  témoins  apré§ 
l'ouverture  des  débats?  Un  arrêt  décide  «  qu'aucune  dispo- 
sition de  la  loi  n'interdit  au  ministère  public  de  faire  assigner 
au  cours  des  débats  de  nouveaux  témoins  dont  les  dépositiom 
lui  paraissent  nécessaires  à  la  manifestation  de  la  vérité; 
pourvu  que  les  noms  de  ces  témoins  aient  été  régulièrornent 
notifiés  ;  que  le  même  droit  appartient  sous  la  même  condi- 
tion aux  accusés  dans  l'intérêt  de  leur  défense.  *  n  Mais  si  les 
*  Casf.  iA  janv»  1858,  rppp.  M.  Aiigr,  Moreciu.  Bull,  n.30. 


ATTR1DVT10N3    DU    MIN1?»TÉ:RE    PlBLir.    §   (il 3*  49li 

(iêhals  n'ont  que  h  durée  d*une  audience»  s'il  n'est  pas  pos- 
sible dès  lors  de  faire  notifier  24  heures  avant  leur  examen 
les  noms  do  ceux  qui  ont  été  cités^  que  fautril  décider? Il  est 
évident  qu'ils  ne  pourront  être  entendus  en  vertu  de  cette 
citation  qu^avèc  le  consentement  formel,  soit  des  accusés,  s'ils 
ont  été  cités  par  le  ministère^  public  ,  soit  du  ministère  pu- 
blic s'ils  ont  été  cités  par  les  accusés  '. 

Les  formes  de  la  notification  de  la  liste  des  témoins,  qui 
doit  être  faite  à  la  requête  du  ministère  public,  seront  expo- 
sées dans  le  cbiipitre  suivant  relatif  à  la  procédure  antérieure 
aui  débats. 

Le  ministère  public  peut,  dans  certains  cas,  prendre  des 
réquisitions  avant  Pouverture  des  débats;  il  peut,  aux  termes 
de  Tart.  306,  demander  que  Taflaire  soit  portée  à  une  autre 
session  ou  à  un  autre  jour  de  la  session  commencée;  il  peut, 
aux  termes  de  Tart.  307,  demander  la  jonction  de  plusieurs 
actes  d^accusation  rédigés  à  raison  du  même  délit  contre  dif- 
férents accusés;  il  peut  enfin,  aux  termes  de  Tart.  308,  de- 
mander la  disjonction  de  plusieurs  délits  non  connexes  com- 
pris dans  le  même  acte  d'accusation. 

lU.  Ses  droits  dans  le  cours  des  débats  sont,  i"*  de  prendre 
des  réquisitions  toutes  les  fois  qu'il  le  juge  utile  à  l'instruc-* 
tien  du  procès;  2"*  d'être  entendu  dans  tous  les  incidents  qui 
s'élèvent  et  sur  toutes  les  demandes  de  l'accusé  ;  3^  d'inter* 
peller  les  témoins  et  les  parties. 

Il  a  le  droit,  en  premier  lieu,  de  prendre  toutes  les  réqui-^ 
sitions  qu'il  juge  convenables  et  la  Cour  d'assises  est  tenue  d'y 
statuer.  L'art  276  est  ainsi  conçu  :  <  Il  fait^  au  nom  de  la 
loi,  toutes  les  réquisitions  qu'il  juge  utiles  :  la  Cour  est  tenue 
de  lui  en  donner  acte  et  d'en  délibérer.  »  L'art  408  ouvre 
en  conséquence  la  voie  de  la  cassation  k  lorsqu'il  aura  été 
omis  ou  refusé  de  prononcer  sur  une  ou  plusieurs  réquisitions 
du  ministère  public,  tendant  à  user  d'une  faculté  ou  d'un 
droit  accordé  par  la  loi,  bien  que  la  peine  de  nullité  ne  fut 
pas  textuellement  attachée  à  Tabsence  de  la  formalité  dont 
rexécution  aura  été  demandée  ou  requise.  » 

Le  Gode  a  indiqué  quelques*uns  des  cas  où  ces  réquisi- 
tions peuvent  être  prises:  l'art.  315  lui  accorde  le  droit  de 

*  Voy,  mprà  P.  158  cl  cass,  21  ayril  iSAO,  rapp.  M,  Romlgaières.  Bull, 


i96  »BS  coins   D*A8SISK8. 

requérir  que  des  témoins,  dont  les  noms  ne  lui  ont  p»  tté 
régulièrement  notifiés,  ne  soient  pas  entendus  ;  Tart.  318  le 
droit  de  requérir  qu'il  soit  tenu  note  des  variations  des  té- 
moins; Tart.  326  le  droit  de  réquérir  que  quelques-uns  des 
témoins  soient  entendus  de  nouveau,  soit  séparément,  soit  en 
présence  les  uns  des  autres  ;  l'art.  330  le  droit  de  requérir 
qu'un  témoin^dont  la  déposition  parait  fausse,  soit  mis  en  arres- 
tation; Part,  331  le  droit  de  requérir,  dans  le  casde  cette  ar- 
restation, le  renvoi  de  Taflaire  à  la  prochaine  session.  Ce  ne 
sont  là  que  des  exemples  :  le  droit  de  prendre  des  réquisi- 
tions, loin  d'être  limité,  est  laissé  à  son  entière  discrétion. 

La  Cour  d'assises  est  tenue,  à  peine  de  nullité^  de  statuer 
sur  ces  réquisitions;  mais  il  ne  faut  pas  confondre  le  refus  de 
prononcer  atec  le  rejet  de  la  demande;  car  rejeter  une  de- 
mande, c'est  y  statuer '.  Le  ministère  public  a  seulement 
dans  ce  cas  la  faculté  de  se  pourvoir,  après  Tarrét  défioitiT, 
contre  ce  rqet  :  l'art.  278  dispose,  en  effet,  que  «  lorsque  la 
Cour  ne  déférera  pas  à  la  réquisition  du  procureur  géoéril, 
l'instruction  ni  le  jugement  ne  seront  arrêtés  ni  suspendus, 
sauf,  après  Tarrèt,  s'il  y  a  lieu,  le  recours  en  cassation  coolre 
le  procureur  général.  » 

La  loi  a  pris  soin  d'indiquer  la  forme  des  réquisitions.  L'art. 
277  porte  :  a  les  réquisitions  du  procureur  général  doivent 
être  signées  de  lui  ;  celles  faites  dans  le  cours  d'un  débat  se* 
ront  retenues  par  le  greifier  sur  son  procès-verbal  et  elles 
seront  aussi  signées  par  le  procureur  général.  •  Mais  cette 
forme  n'est  pas  prescrite  à  peine  de  nullité  et  il  a  été  admis 
en  conséquence  «  que  les  réquisitoires  du  ministère  public 
sont  suffisamment  authentiqués  par  les  signatures  du  prési- 
dent et  du  greffier  sur  le  procès-verbal  des  débats  *.  »  Il  soit 
delÀ  que  les  réquisitions  peuvent  être  prises  verbalement:  ce 
n'est  que  pour  en  constater  la  teneur  qu'elles  «toivenl  être 
écrites  et  signées. 

Le  ministère  public  doit,  en  deuxième  lieu,  être  entendu 
ou  du  moins  être  interpellé  de  s'expliquer  sur  tous  les  inci- 
dents qui  s'élèvent  dans  le  débat.  C'est  ce  qui  résulte^ ait 

*  Cass.  5  noT.  i81S»rapp.  M.  Bosschop.  J.  P.»  t  X.  p.  777;  18  jniolSlS. 
t.  XI,  p.478;  8D0?.i8M,rapp.  H.  Busschop,  U  XII»  p.441i  1  août  4816, 
rapp.  M.  Ralaud«  t.  XIIL  p.  577. 

*  Cass.  «juin  1882,  rapp.  M.  Brîère.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  «15;2 janfier 
1833,  rapp.  M.  Olliyier,  t.  XXV,  p.  à  ;  13  d^,  1840,  rapp.  M.  de  Ricaitt. 
BuH.  D.350. 


ATTRIBUTIONS  hV  HMlSTiBE  PtBLIC;  §  613.  497 

376,  315,  318,  3li6,  etc.,  qui  provoque  son  audition  dauf^ 
les  incidents  qu'ils  prévient;  c'est  ce  qui  résulte  d'ailleurs  dû 
principe  que  le  ministère  public  Taisant  partie  de  la  Cour» 
puisque  celles-ci  n'est  constituée  que  par  son  concours,  doit 
Bécessairement  prendre  part  par  ses  conclusions  à  toute  déci- 
sion judiciaire  émanée  de  cette  Cour^.  Ce  principe  a  été  con- 
sacré par  de  nombreux  arrêts  qui  proclament  a  que  le  minis- 
tère public  doit  toujours  être  entendu  '•  » 

Cependant  une  distinction  a  été  faite.  Il  est  nécessaire,  à 
peine  de  nullité,  que  l'audition  du  ministère  public,  ou  Tin- 
terpellation  qui  lui  a  été  faite,  soit  constatée  par  le  procés- 
Yerbal,  toutes  les  fois  que  Tiucident  est  cootentieui  et  que 
des  conclusions  ont  été  prises  par  la  défense.  Cette  règle  a 
été  formellement  énoncée  par  un  arrêt  qui  porte  «  que  le 
ministère  public  est  partie  poursuivante  et  nécessaire  dans 
toutes  les  accusations  portées  devant  les  cours  d'assises,  et 
que,  quand  des  conclusions  prises  par  des  accmés  soulèvent 
un  incident  contentieux,  la  Cour  ne  peut  y  statuer  sans  avoir 
préalablement  entendu  ou  interpellé  le  ministère  public  ; 
que  cette  règle  d'ordre  public  intéresse  la  défense  aussi  bien 
que  l'accusation  ;  qu'elle  constitue  une  formalité  substan- 
tielle dont  l'inobservation  entraine  la  nullité  de  l'arrêt  qui  a 
suivi  *.  » 

Mais  lorsque  l'incident  n'a  pas  un  caractère  contentieux, 
lorsqu'il  ne  s'est  élevé  aucun  débat,  le  défaut  de  constatation 
des  conclusions  du  ministère  public  ne  produit  aucun  effet. 
Ainsi,  dans  une  espèce  où  la  défense  avait  déclaré  renoncer 
«ui  déclarations  de  quatre  témoins  à  décharge  non-compa- 
îaats,  la  Cour  avait  ordonné  qu'il  serait  passé  outre,  sans 
qu'il  fut  constaté  que  le  ministère  public  eut  été  entendu,  et 
le  pourvoi  fondé  sur  cet  incident  a  été  rejeté  :  «  attendu  que 
les  accusés  n'ayant  élevé  aucunes  réclamations  au  sujet  de  la 
non-comparution  des  témoins  à  décharge  qu'ils  avaient  fait 
assigner,  n'ayant  pas  demandé  le  renvoi  de  la  cause  à  une 
autre  session  et  ayant  même  renoncé  formellement  à  Tau- 
dition  de  ces  témoins,  le  ministère  public  n'avait  aucunes 
conclusions  à  prendre  à  cet  égard  ni  aucunes  réquisitions  i\ 
formuler*  » 

*  Voy,  suprà,  $190  pJ98;  et  caiss.7avril  185ii,nipp.M.Isambert.BuI.D.99. 
*Cas8.  12  janv.  1852,  rapp.  M.  Ollivicr.  J.  P.,  l,  XXIV,  p.  560. 

'  CaiB.  22 jaqv.  1857,  rapp,  M.  Lcgagnear.  Bult.  n.  51  ;  11  janv.  1889,  rap^ 
M.  Rocbcr.  D.  18. 

*  Cuss.  25  jîuiT,  1849,  rapp.  M,  Meyronoel-St-Murc,  Bull.  n.  19. 

vui,  32  J. 


498  DES  COURS  d'ass^hb?. 

Enfin,  lors  même  que  rincident  aurait  un  caractère  oon- 
tentieux  >  Tomission  des  réquisitions  ou  de  leur  oonstatatioa 
ne  peut  opérer  nullité  au  profit  de  Taccusé,  si  cette  omission 
ne  lui  a  causé  aucun  grief.  Ainsi,  dans  deux  espèces  où  Tac- 
cusé  avait  requis  et  la  Cour  accordé  qu*îl  fût  donné  acted^un 
fait  du  débat,  sans  que  le  ministère  public  eût  été  entendu,  le 
pourvoi  a  été  rejeté  :  «  attendu  que  le  silence  du  ministère 
public  n'a  pu  faire  grief  à  Taccusé,  puisque  l'arrêt  a  ordonné 
la  constatation  du  fait  dont  il  avait  demandé  acte  à  la  Cour 
d'assises^  .  » 

Enfin,  et  en  troisième  lieu,  le  ministère  public  a  le  droit 
d'adresser  des  interpellations  et  desquestions  soit  aux  témoins, 
soit  aux  accusés.  Ce  droit  est  formellement  écrit  dans  les 
deux  derniers  paragraphes  de  Tart.  319.  Il  a  été  jugé  en 
conséquence  «  qu'aucune  disposition  n'interdit  au  magistrat 
du  ministère 'public  siégeant  dans  une  Cour  d'assises  d'adres- 
ser, pendant  les  débats,  des  questions  aux  accusés  sur  les  faits 
relatifs  à  l'accusation  et  que  ces  questions  ne  peuvent  porter 
aucune  entrave  à  la  défense  ;  que  le  droit  d'adresser  ces 
questions  ne  peut  qu'être  utile  à  la  manifestation  de  la  vérité 
et  que  la  combinaison  des  art.  317j  318  et  319  ne  permet 
-  pas  de  supposer  que  l'intention  du  législateur  ait  pu  être 
do  rendre  le  ministère  public  étranger  aux  débats  de  l'au- 
dience •.  » 

S  614. 

1.  Droit  de  déf«DS6,  —  IL  Assistance  d*Qn  défenseur.  «—  111.  Choii 
et  désignation  de  ce  défenseur.  —  lV..Parn)i  les  amis  ou  parents 
de  Taccusé.  —  V.  Règles  qu'il  doit  observer.  —  V  rEmpêchcmenl, 
abse  n  ce,  remplacemen  t . 

1.  La  défense  des  accusés  ne  doit  être  considérée  ni  comme 
un  privilège  que  la  loi  aurait  établi,  ni  comme  une  mesure 
que  l'humanité  aurait  conseillée  ;  elle  constitue  un  droit  que 
toutes  les  législations,  même  celles  qui  l'ont  le  plus  restreint, 
ont  mis  au  nombre  des  droits  naturels  que  les  lois  positives 
peuvent  régler  sans  doute,  mais  qu'elles  ne  peuvent  jamais 
détruire.  La  jurisprudence  romaine  n'admettait  pas  qu'une 
personne,  même  un  esclave,  pût  être  traduite  en  justice 
sans  être  défendue  :  AU  prœtor  :  si  non  habebunt  advm- 

*  Cass.  16  janT.  1854,  rapp.  M.  Jacquinot.  BuU.  n.  71|  i9  BtifitM» 
rapp.  M.  Âug.  Moreau,  n«  93. 
a  CuM,  le  mai  1 W,  rapp,  M,  Mirilhott,  BuUi  n,  146» 


ÂTTRIBUTIOBIS  DE  U  ftéFENSE.  §  614.  499 

/KOI,  ego  dabo  ' .  Giceron  fait  un  titre  d'accusation  contre 
Verres  d'avoir  jugé  Sopater  et  Sthenius,  sans  avoir  entendu 
leors  conseils  quum  reus  sine  pcUrono  atque  advocatie  fuis^ 
set  '.  Ammien  Blarcellin  flétrit  un  tel  jugement  comme  un 
crime  :  Née  audiium  damnare  nefas  ultimum  ^  Tous  les 
légistes,  même  ceux  qui  écrivaient  au  xvi*  siècle,  déclarent 
que  la  défense  ne  peut  dans  aucun  «as  être  étouffée,  parce 
qu^elle  est  de  droit  naturel  ^.  «  Notre  Iby  d  ouïr  Taccusé, 
dit  Ayrault,  est  des  naturelles  lois,  conséquemment  de 
celles  qui  sont  sacrées  et  inviolables  ^.  »  Celte  loi»  en 
effet»  n'est  qu'un  corollaire  de  la  loi  générale  qui  déclare  lé- 
gitime t  la  défense»  tuition  et  conservation  de  soy  ».  »  Le 
droit  de  légitime  défense,  qui  se  manifeste  par  les  actes  vio- 
lents quand  il  repousse  une  violente  aggression,  se  produit 
dans  des  explications  et  des  preuves  quand  il  répond  k  une 
attaque  judiciaire.  C'est  la  même  règle  dans  Tordre  matériel 
et  dans  l'ordre  moral.  Un  citoyen  a  le  droit  d'être  entendu 
quand  il  est  sous  le  poids  d'une  prévention  dont  la  vérité  n'est 
pas  encore  démontrée  et  qui  peut  être  injuste,  comme  il  a  le 
droit  de  se  défendre  par  la  force,  vim  vi  repellere,  quand 
il  est  attaqué  par  la  force.  C'est  donc  là  l'une  de  ces  formes 
essentielles  qui,  suivant  l'expression  d'un  éminent  magistrat» 
«  seraient  obligatoires  lors  même  qu'elles  ne  seraient  consa- 
crées par  aucune  loi  ;  qui  ne  sont  point  d'institution  humaine, 
mais  de  droit  naturel»  et  que  les  lois  positives  ont  pour  objet 
principal  de  faire  prévaloir  et  de  sanctionner  ?.  »  Delà  le 
principe  proclamé  par  l'art.  Ik ,  tit.  2,  de  la  loi  du  16-24 
août  1790  :  «  tout  citoyen  aura  le  droit  de  défendre  lui-même 
sa  cause.  »  Delà  aussi  la  vieille  maxime  :  Nemo  condemn€Uu$ 
nisi  audilus  vel  advocatus^  maxime  que  l'art.  11  de  la  cons- 
titution du  5  fructidor  an  m  avait  élevée  au  rang  des  droits 
constitutionnels  des  citoyens  ;  «  nul  ne  peut  être  jugé  qu'a- 
près avoir  été  entendu  ou  légalement  appelé.  » 

Notre  Code»  sans  reproduire  cette  formule  théorique»  en 
a  fait,  en  général,  l'application  à  la  procédure  des  assises.  La 
défense»  dans  son  système,  revêt  un  double  caractère  ;  vis-à-vis 

*  Ulpian.  L.  i  Dig.  de  Poslulando;  Mcecian.  L*  11.  De  publicîs  judiciis  ; 
Marcian.  L,  19,  De  pœnis. 

*  2*  act.  adv.  Verr.  lib.  secundus,  de  juridiclione  Siciliens!»  n.  XXX  et 
seq.  — JLib.  XV,  n.l9. 

*  Gîgas,  De  crimine  laesae  majest.»  p.  418;  Anton*  Bianct  practica  crinU 
naiis,  C  38,  o.  81.  *- 

*  Instruction  judiciaire,  11?.  I,  m  6.  -«  '  Eod«  loc.,  lib.  i«  d«  6* 

^  M,  le  premier  pr^ident  Porl«li9|  Précédente  de  li  Cour  des  pairs,  p.  519« 


de  Taceusé,  elle  est  un  droit  ({u'il  exerce  librement  pendant 
tout  le  cours  du  débat  et  jusqu'au  jugement;  ?is-à-vis  de  la 
justice,  elle  est  un  moyen  d^instruction,  une  des  sources  de 
la  vérité,  une  foi  me  essentielle  de  la  procédure.  Elle  est  à  la 
fois  instituée  dans  l'intérêt  des  accusés  et  dans  Tinlérét  <1e  la 
société  ;  dans  Fintérèt  des  accusés,  pour  qu'ils  puissent  faire 
valoir  toutes  les  exceptions,  toutes  les  justifications,  tous  les 
moyens  de  fait  ou  de  droit  qui  leur  appartiennent  ;  dans  Tin- 
térôt  de  la  société,  car  le  premier  besoin  de  la  société  est  la 
justice,  et  il  n'y  a  point  de  justice  là  où  la  défense  n'est  pas 
entière,  car  il  n'y  a  pas  c^Ttitude  de  la  vérité.  La  défense  n*cst 
pas  moins  nécessaire  au  juge  qu'à  l'accusé  lui-même.  Est-ii 
assuré  de  connaître  la  vérité  s'il  n'a  entendu  qu'une  par- 
tie, s'il  n'a  appris  que  les  arguments  de  Taccusation,  s'il 
n'a  envisagé  l'afiairc  que  sous  un  seul  point  de  vue,  sans  té- 
moins à  décharge,  sans  confrontation,  sans  plaidoiries  contra- 
dictoires? Il  ne  peut  en  être  assuré  que  si  l'accusé  est  misa 
portée  de  débattre  les  témoignages  accusateurs,  de  produire 
des  faits  justificatifs  et  de  se  livrer  librement  à  tous  les  déve- 
loppements que  la  cause  comporte.  La  défense  est  le  droit  de 
Taccusé,  mais  elle  est  en  même  temps  la  garantie  de  la  jus- 
tice et  le  moyen  le  plus  puissant  d'arriver  à  la  connaissance  de 
la  vérité. 

C'est  parce  qu'elle  est  non-seulement  un  droit,  mais  une 
forme  essentielle  de  l'instruction  criminelle,  que  les  accusés 
ne  peuvent  renoncer  aux  mesures  établies  pour  l'assurer.  La 
jurisprudence  a  déclaré,  en  eiïet,  dans  un  grand  nombre  d*ar- 
réts,  0  que  les  accusés  ne  peuvent  valablement  renoncer  à 
l'exécution  des  formes  que  la  loi  a  prescrites  d'une  manière 
absolue  dans  l'intérêt  de  leur  défense  ^  » 

C'est  parce  qu'elle  constitue  non-seulement  un  droit,  mais 
une  forme  nécessaire  de  Tinstruction  que,  lors  même  que 
l'accusé  refuserait  de  se  défendre  ou  d'être  assisté  d'un  con- 
seil, la  loi,  qui  ne  permet  pas  qu'un  accusé  reste  sans  conseil, 
djttpose  impérativement  qu'il  lui  en  sera  nommé  un  etsur-le- 
chnmp,  afin  quel'instruction  orale  ait  lieu  contradictoi^cment^ 

IL  Le  premier  corollaire  du  droit  de  défense  est  que  l'ac- 
cusé soit  assisté  d'un  cons^âl. 

•  Cass.  19  juio  4823,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  XV1I,1I96;  10  jaîUetiSS), 
rapp.  M.  AuinoDl,  XVIIJ,  23  ;  10  mars  1825,  rapp.  M.  Brière,  XIX,  319  ;  7 
JaRvicr  1836,  rapp.  M.  Mérilhou.  Buil.  n.  6. 

*  Cass.  %7  TendéiDÎ^ire  ao  8  rapp.  \1.  MUtw,  J.  P.,  ï,  509, 


AlfUlBUnONâ   DE  LA    Dlîl'SNSË.    §   UlS.  ^JOl 

Nous  avons  vu  que,  dans  la  jurisprudence  romaiiio,  le  prê- 
teur Dominait  d^oÔice  un  conseil  à  tous  ceux  qui  arrivaient 
devant  le  juge  sans  en  être  pourvus  K  11  en  nommait  aussi  à 
ceux  qui  n'en  avaient  pas  trouvé  :  Non  solum  his  perêonig 
hanc  humanitatem  prœtor  $olet  exhibere,  verum  et  si  quis 
aliussii  qui  certis  excausis,  vel  ambitione  adversarii^  vel 
nielu,  patronum  non  invenit^.  Cette  sollicitude  de  la  justice 
sï'lenilait  jusqu'aux  esclaves  ^. 

L'assistance  d'un  conseil  demeura»  en  général,  Tune  des 
formes  de  la  procédure  accusaloirc.  Mais  la  procédure  in- 
quisitbriale,  dès  qu'elle  commença  à  prévaloir,  la  supprima"^. 
Lnrt.  162  de  Tord-  d'août  1539,  et  l'art.  8,  tit.  14,  de  Tord. 
de  1670  déclaraient  que  «  les  accusés  devaient  répondre  par 
leur  bouche  et  sans  le  conseil  et  le  ministère  d'aucunes  per- 
sonnes. • 

L'une  des  premières  réformes  de  TÂssemblée  constituante 
fut  l'abolition  de  cette  prohibition  qui  témoignait  de  l'igno- 
rance plus  encore  que  de  la  cruauté  du  législateur.  Le  décret 
du  8  octobre  1789  portait,  c  art.  10,  que  Taccusé  décrété  de 
prise  de  corps,  pour  quelque  crime  que  ce  soit>  aura  le  droit 
de  se  choisir  un  ou  plusieurs  conseils,  avec  lesquels  il  pourra 
conférer  libroraeot  en  tout  état  de  cause,  et  l'entrée  de  la  pri- 
son sera  toujours  permise  auxdits  conseils.  Dans  le  cas  où  Tac- 
cusé  ne  pourrait  pas  en  avoir  par  lui-même,  le  juge  lui  eu 
nommera  un  d^office  à  peine  de  nullité.  »  Et  Tart.  21  ajoutait 
que  le  conseil  pouvait  a  parler  pour  sa  défen^^c,»  a  l'judicnco 
ou  le  procès  était  jugé. La  constitution  du  3  sept.  1791  se  bor- 
na à  poser  en  principe  qu'on  ne  pouvait  «  refuser  aux  accu- 
sés le  secours  d^un  conseil.  »  Et  ce  principe  n'a  plus  cessé  de 
mifier  notre  législation  pénale.  L'art.  13,  lit.  6,  de  la  loi 
du  16-29  sept.  1791  eUes  art.  321  et  322  du  C.  du  3  hrum. 
an  IV  l'appliquèrent  dans  des  termes  à  p«?u  près  identiques. 
Voici  le  texte  de  ces  deux  derniers  articles  :  «  L'accusé  peut 
choisir  un  ou  plusieurs  conseils  pour  Taider  dans  sa  dôfcnse. 
A  défaut  de  choix  de  sa  part,  lors  de  son  interrogatoire,  le 
président  ou  le  juge  qui  l'interroçe  lui  désigne  un  conseil  Sur- 
le  champ,  à  peine  de  nullité.  Cette  dt^signation  devient  nuMo 
si,  avant  l'ouverture  des  débals,  Taccusè  choisit  lui-même  un 
autre  conseil.  Les  conseils  de  l'accusé  ne  peuvent  communi- 
quer avec  lui  qu'après  son  interrogatoire.  ^> 

^  Voj.  suprà,  p.  &98  •—  *  Ulp.,  1. 1«  $  4.  Dig.  de  Postulando. 
'  dp.,  I.  XIX.  Dig.  de  pœiii».  — *  Voy.  noire  t.  J,  p.  «29. 


502  DES  COURS  d'assises. 

Toutes  ces  dispositions  ont  passé  dans  notre  Code.  Son 
art*  294  veut  que  dans  les  vingt^quatre  heures  de  Tarrivée  de 
Paccusé  dans  la  maison  de  justice,  a  il  soit  interpellé  de  décla- 
rer le  choix  qu'il  aura  fait  d'un  conseil  pour  Taider  dans  sa 
défense,  sinon  le  juge  lui  en  désignera  un  sur-le-champ,  i 
peine  de  nullité  de  tout  ce  qui  suivra.  Cette  désignation  sera 
comme  non  avenue  et  la  nullité  ne  sera  pas  prononcée,  si 
Taccusé  choisit  un  conseil.  » 

La  première  règle  posée  par  cet  article  est  Tassistance  de 
l'accusé  par  un  conseil.  Il  importerait  peu  qu'il  déclarftt  qu'il 
se  défendra  lui-même  et  qu'il  n'a  pas  besoin  d'un  conseil  :  il 
lui  en  serait  dans  ce  cas  même  désigné  un  d'office,  car  la  loi 
ne  veut  pas  qu'un  accusé  comparaisse  devant  les  assises  sans 
être  assisté  d'un  défenseur;  elle  a  introduit  le  défenseur  dans 
le  déhat  comme  l'un  de  ses  éléments,  comme  le  contradicteur 
légal  de  l'accusation  ;  elle  lui  a  attribué  le  droit  personnel 
de  faire  valoir  tous  les  moyens  de  défense  que  Texamen  lai 
suggère  ;  sa  présence  est  nécessaire  non-seulement  à  Tao- 
cusé ,  mais  à  la  justice.  Dans  une  espèce  où  le  défenseur  dé- 
signé d'office ,  pour  remplacer  momentanément  le  défenseur 
choisi  par  l'accusé  et  qui  devait  déposer  comme  témoin,  avait 
été  excusé  et  n'avait  pas  été  suppléé  par  le  président»  de  sorte 
que  pendant  une  certaine  partie  du  débat,  l'accusé  n'avait  pas 
eu  de  conseil ,  la  cassation  a  été  prononcée  :  c  attendu  que 
l'esprit  et  le  texte  de  l'art.  29&  exigent  que  Faccasé  soit 
constamment  assisté  d'un  conseil,  et  ce  à  peine  de  nullité; 
que,  par  le  fait  du  président,  Massy,  dépourvu  de  défenseur 
pendant  une  grande  partie  des  débats,  n'a  pu  jouir  des  moyens 
de  défense  que  l'art.  319  l'autorisait  à  faire  valoir  par  son 
conseil  comme  par  lui-même  \  »  Et  cette  assistance  est  né- 
cessaire, non-seulement  pendant  le  débat  où  s'agite  la  ques- 
tion de  la  culpabilité,  mais  encore  pendant  le  débat  qui  a  pour 
objet  l'application  de  la  peine  aux  faits  déclarés  par  le  jury. 
Dans  une  espèce  où  l'affaire  avait  été  renvoyée  après  cassation 
devant  une  autre  Cour  d'assises  pour  la  seule  application  de 
la  peine,  cette  application  a  été  annulée  parce  qu'elle  avait 
été  faite  sans  que  l'accusé  eût  été  assisté  d'un  conseil  :  «  at- 
tendu que  l'art.  394,  ne  limitant  point  aux  débats  Tassis* 
tance  du  conseil  qu'il  enjoint  aux  juges  de  désigner  à  l'accusé 
qui  n'en  a  point  choisi,  cette  désignation  ordonnée  pour  la 

'  Cas»,  iSJuUlet  1849,  rapp,  M.  de  Doiasieux.  BulU  n.  £59. 


ATTRIBITTIOMS  DK  LA  DÊFEKSC.    §  614.  50S 

totalité  de  la  déCense,  est  également  voulue  pour  Texercice 
du  droit  qui  appartient  à  Taccusé  de  plaider  sur  Tapplication 
à  faire  de  la  loi  à  la  déclaration  du  jury;  que  la  généralité  du 
principe  à  cet  égard  est  confirmée  par  Tart.  364,  puisque  en 
défendant  à  Taccusé  et  à  son  conseil  de  plaider  désormais  que 
le  fait  est  faux ,  il  l'autorise  à  plaider  sur  la  qualification  de 
ce  fait  et  sur  Tapplication  qui  doit  y  être  faite  par  la  loi  '.  » 

Une  deuxième  règle  est  que  le  choix  du  défenseur  appar- 
tient à  l'accusé  :  «  s'il  est  un  choix ,  a  dit  M.  Dupin ,  qu'on  ne 
puisse  refuser  à  un  accusé,  c^est  assurément  de  choisir  libre- 
ment rhomme  auquel  il  doit  confier  le  secret  de  ses  pensées , 
de  ses  erreurs ,  de  sa  faiblesse  ,  et  son  existence  toute  en- 
tière •.  »  La  loi  a  tellement  eu  en  vue  de  favoriser  ce  choix, 
qu'elle  ne  lui  a  assigné  aucun  délai  et  que,  à  quelque  époque 
qu'il  intervienne,  il  a  pour  effet  d'annuler  la  désignation  faite 
par  le  président.  Aussi  il  a  été  jugé  «  que  la  2«  disposition 
de  l'art.  294  est  générale  ;  qu'elle  n*est  point  subordonnée 
à  l'époque  où  l'accusé  peut  avoir  fait,  avant  le  débat ,  choix 
tfun  conseil  *,  »  et  que,  lors  même  que  ce  conseil  n'aurait 
été  choisi  qu'à  l'audience  et  au  moment  de  l'ouverture  des 
débats,  il  doit  remplacer  le  défenseur  nommé  par  le  prési- 
dent*. L'accusé  peut  d'ailleurs  choisir  plus  d'un  conseil,  sll 
le  juge  utile  &  sa  défense  ^. 

Une  troisième  règle  est  que ,  si  l'accusé  ne  fait  pas  choix 
d'un  conseil ,  le  président  doit  lui  en  désigner  un  d'office. 
Cette  désignation  doit  être  faite,  soit  qu'il  néglige  de  faire 
un  choix ,  soit  qu'il  le  refuse  ;  elle  est  prescrite  à  peine  de  nul- 
lité. Mais  plusieurs  questions  s'élèvent  ici. 

Que  doit  faire  le  président  losque  l'accusé  déclare  qu'il  n'a 
pas  encore  fait  de  choix ,  mais  qu'il  se  réserve  d'en  faire  un  ? 
H  a  été*  jugé  dans  ce  cas  «  que  si  Taccusé  n'a  eu  de  conseil 
qu'aux  débats,  c'est  à  lui  seul  qu'il  doit  Timputer,  puisqu'au 
lieu  d'accepter  l'oflVe  qui  lui  a  été  faite  de  lui  en  désigner  un, 
il  s'est  réservé  le  droit  de  le  nommer  lui-même,  droit  dont  il 
a  usé  quand  il  lui  a  plu  «.  »  H  résulte  du  texte  de  l'art.  29* 
qu'il  suffit  que  l'accusé  n'ait  pas  choisi  un  conseil ,  au  moment 

*  Gass.  22  avril  1818,  rapp.  M.  Baîlly,  h  P,,  XI,  809. 

■  De  la  libre  défense  des  accusés.  ^  „  «^      «  ivi«B««  «  ka 

'  Casa.  19  dot.  1818.  rapp.  M.  Rob«U  DalL  »*?• '^^éfens.  D.  50. 

•  Casa.  SI  août  1818 ,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.»  XIV,  1004, 

*  Casa.  3  Uierm.  an  x.  Bull.  d.  215. 

•  Gau.  18  mwW.  an  t.  DaU.  v'  Défense,  n.  50. 


ÎS04  DES  GOQilS  D*A88l8Eft. 

OÙ  il  e^t  ÎDlerpellè,  poar  que  le  président  doive  nommer 
d'office;  cette  nomination  sera  nulle  si  raccosé  en  fait 
une.  Mais  il  ne  faut  pas  qu'il  soit  exposé,  par  sa  négligence, 
à  ae  présenter  aui  débals  sans  être  assisté  ;  c^est  précisément 
à  celte  négligence  qne  la  loi  a  voalo  pourvoir.  Pourquoi  aa- 
cune désignation  nVt*elle  lieu  quand  l'accusé  a  Tait  un  choix? 
C'est  que  la  défense  est  assurée;  mais  elle  ne  l'est  pas  encore 
quand  il  se  borne  à  exprimer  un  projet;  il  faut  donc  y  pour- 
voir en  attendant  qu'il  le  fasse  lui-même. 

Que  doit  faire  le  président  lorsque  le  défenseur  choisi  par 
l'accusé  est  empêché  de  remplir  sa  fonction  et  par  exem- 
ple s'il  doit  figurer  comme  témoin  dans  la  cause?  Il  doit 
nommer  un  conseil  d'office  pour  le  suppléer  pendant  la  durée 
de  sa  déposition.  Ce  point  a  été  consacré  par  un  arrêt  qai 
porte  a  que  l'avocat  choisi  par  l'accusé  a  été  appelé  comme 
témoin  par  le  ministère  public  et  entendu  en  cette  qualité  mx 
débats  ;  que ,  pendant  l'audition  de  ce  témoin  ,  il  n'a  pas  été 
fait  choix  pour  l'accusé  d'dn  autre  c6nseil ,  et  qu'à  défaut  de 
ce  choix,  il  ne  lui  en  a  pas  été  nommé  un  d'office  par  le  prési- 
dent; que,  pour  une  partie  des  débats,  il  n'y  a  donc  «^  pour 
J'accuse  ni  choix  d'un  conseil  de  sa  part,  ni  nomination  poar 
lui  par  le  président;  qu'ainsi  l'accusé  a  été  privé,  pendant  cette 
époque  des  débats,  sans  son  fait  et  sans  le  fait  du  conseil  anté- 
rieurement choisi ,  de  l'assistance  d'un  conseil  ;  que ,  oonsé- 
quemmenty  il  n'a  pu  jouir  des  moyens  de  défense  qui  l'autori- 
saient à  faire  valoir  par  son  conseil  comme  par  lui*même  contre 
la  déposition  de  chaque  témoin  ^  » 

Que  doit  faire  le  président,  lorsque  le  défenseur  choisi  par 
l'accusé  refuse  ou  ne  peut  remplir  ce  mandat?  Il  doit  lui  en 
désigner  un  autre  au  moment  même  où  il  apprend  le  refas 
ou  rempêchement;  car  la  défense  n'est  assurée  qu'autant 
que  le  choix  est  suivi  d'une  assistance  efficace  ;  si  l'assistance 
ne  peut  avoir  lieu,  le  choix  doit  être  considéré  comne  s'il 
n'existait  plus,  et  il  y  a  lieu  d'y  suppléer  par  la  désignation 
d'office.  Telle  est  la  marche  indiquée  par  la  jurisprudence  '. 
L'assistance  d'un  conseil  n'est  point  une  vaine  forme  qui 
doive  être  réputée  accomplie  par  le  seul  fait  du  choix  de  co 
conseil  ;  la  loi  n'a  prescrit  la  désignation  que  pour  assurer 
une  assistance  réelle  et  complette,  et  cette  assistance  ne  doit 

.     *  Gass  Âjmv.  482i»  rapp.  M.  Basscbop.  J.  P.,  XVI,  SSSs  30  avril  ISdô. 
BdII.ii.  16i;  13  juillet  1869,  dté.^uprà,  p«  509. 
3  C«9».  16  sept.  ISdJ,  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  XXIV,  S4«. 


ATtKIBOTIOHfl   0E  LA  ttiftSSE»   §   01  i.  505 

jauiaiënifiuqQer  a  Taccusé,  au  moins  par  le  fail  du  président 
uu  de  la  Cour  d'assises.  La  même  solution  doit  s'appliquer 
au  cas  où  le  défenseur  choisi  n'aurait  pas  été  agréé  par  le 
président  '  ;  elledoit  s^appliquer  également  au  cas  où  Tavocat 
nommé  d'office  serait  emptehé  d'une  manière  quelconque. 

Le  président  est-il  tenu  de  désigner  autant  de  conseils 
qu'il  y  a  de  coaccusés?  Il  a  été  jugé  qu'il  suffit  de  désigner 
UD  seul  défenseur  à  deux  ou  plusieurs  coaccusés  du  même 
crime  qui  ont  une  défense  communo' .  Mais  lors  même  que 
les  moyens  de  défense  sont  les  mêmes,  les  intérêts  sont-ils 
toujours  identiques?  On  comprend  que,  par  suite  d'un  ar- 
rangement entre  les  défenseurs  et  leurs  clients,  la  défense  de 
tous  soit  confiée  à  un  seul  ;  mais  ce  n*est  pas  au  président  à 
régler  le  mode  de  la  défense,  c'est  aux  accusés  eux-mêmes  ; 
Tart.  294  veut  que  chacun  des  accusés  soit  interpellé  de 
choisir  un  conseil  ou  qu'il  lui  en  soit  désigné  un  ;  on  ne  doit 
pas  s'écarter  de  la  disposition  de  la  loi. 

S\  l'afiaire  est  renvoyée  à  une  autre  session»  une  nouvelle 
désignation  est-elle  nécessaire?  Nullement  ;  la  première  dé- 
signation continue  de  subsister  *.  La  jurisprudence  est  allée 
beaucoup  plus  loin  dans  cette  voie  en  supprimant  même 
l'interrogatoire  du  nouveau  président  des  assises  ^. 

Le  procès  verbal  de  Tinterrogatôire  doit,  à  peine  de  nul- 
lité, Gon$tater|que  l'accusé  a  été  interpellé  du  clioix  qu'il  a 
fait,  et  s'il  n'en  a  pas  fait»  que  la  désignation  d'un  conseil  lui 
a  été  faite  d'offico;  car  c'est  là  la  preuve  légale  de  Taccom- 
plissement  de  la  formalité.  Cependant  cette  nullité  pourrait 
être  couverte  soit  par  un  choix  fait  ultérieurement,  soit  par 
une  désignation  postérieure  à  Tinterrogatoire,  pourvu  qu^elle 
eût  été  faite  plus  de  cinq  jours  avant  l'examen  ;  nous  verrons, 
en  effet,  que  Jes  accusés  doivent  jouir  d^nn  délai  de  cinq 
jours  au  moins  pour  préparer  leur  défense  ^  ;  or  ce  délai 
qui  court  du  jour  de  l'interrogatoire,  quand  ils  ont  été  pour- 
vus d'un  conseil  qui  a  pu  immédiatement  communiquer  avec 
eux,  ne  doit  courir  que  du  jour  de  cette  communication  lors- 
que, par  le  fait  du  président»  elle  a  été  retardée. 

^  Gass.  8  ocL  i6S2,  rapp.  M.  Loovot.  J«  P.,  XVII,  eS4. 

*  Casa.  Î8  mai  4»18,  rapp.  M.  Lecoulour.  J.  P.,  XVI,  828;  3  avril  iSfS. 
rapp.  M.  Aumont,  XIV,  732  ;  23  déc.  1826,  rapp.  M.  Ollivicr.  XX,  lOSi. 

'  et  *  Cass.  6nov.  18A0,  rapp.  M.  Dehaiissy.  Sir.  41,  i,  523. 

'  Casa.  39  juin  184«,  rapp.  M.  Meyrouaet  St-Marc.  Bull.,  u.  189  ;  31  mai 
lSi9,  rapp.  M,  Lcgagncur,  n.  121;  14  février  1860.  A  notre  rapporl, 
II.  60,  elc. 


^06  DES  CODKS   D*A8SISES. 

IlL  Le  choix  que  peut  faire  l'accusé  et  la  désignation  qae 
fait  le  juge  n'avaient  point  de  limites  dans  la  législation  in- 
térieure ;  mais  la  loi,  ayant  rétabli  les  avocats  et  les  aYOoés, 
les  a  circonscrits  dans  les  termes  suivants  :  «  Art.  395.  Le 
conseil  de  l'accusé  ne  pourra  être  choisi  par  lui  ou  désigné  par 
le  juge  qne  parmi  les  avocats  ou  avoués  de  la  Cour  impériale 
ou  de  sonressort;  à  moins  que  l'accusé  n'dl)tienne  du  prési- 
dent de  la  Cour  d'assises  la  permission  de  prendre  pour  con- 
seil un  de  ses  parents  ou  amis.  » 

Cet  article  renferme  deux  dispositions  distinctes.  Exami- 
nons d'abord  celle  qui  concerne  les  avocats  et  les  avoués. 

En  ce  qui  concerne  les  avocats,  Tapplication  de  Part.  395 
a  rencontré  pendant  longtemps  quelques  entraves.  L'art.  10 
du  décret  du  ik  décembre  1810  et  Tart.  13  de  lordonnance 
du  20  novembre  1822  avaient  posé  en  principe  que  les  avo- 
cats ne  pouvaient  exercer  leur  ministère  que  devant  la  juri- 
diction à  laquelle  ils  étaient  attachés,  et  que  dans  les  cas  ex- 
ceptés il  fallait  une  autorisation  spéciale  ;  et  la  jurisprudence 
avait  admis  que  ces  dispositions  réglementaires  avaient  im- 
plicitement restreint  l'art.  295  ^  L'art,  k  de  l'ordonnance  du 
27  août  1830  vint  modifier  cet  état  de  choses  :  tout  avocat 
inscrit  au  tableau,  porte  cet  article,  pourra  plaider  devant 
toutes  les  cours  royales  et  tous  les  tribunaux  du  royaume 
sans  avoir  besoin  d^aucune  autorisation,  sauf  les  dispositions 
de  Tart.  295.  »  Ce  texte  a  restitué  à  l'art.  295  toute  sa  vi- 
gueur. Il  en  résulte  que  l'accusé  et  le  président  ont  le  Atdi 
de  choisir  un  conseil^  non  parmi  tous  les  avocats  du  pajs, 
mais  parmi  tous  les  avocats  du  ressort  de  la  Cour  impériale 
dans  lequel  est  placée  la  Cour  d'assises.  Si  l'accusé  choisit 
son  défenseur  hors  de  ce  ressort,  il  est  nécessaire»  ainsi  qu^on 
le  verra  tout  à  l'heure,  qu'il  soit  agréé  par  le  président. 

En  ce  qui  concerne  les  avoués,  tandis  que  le  droit  des 
avocats  est  restreint  par  l'art.  295,  celui  de  ces  officiers  mi- 
nistériels se  trouve  au  contraire  étendu.  Ainsi,  s'il  leur  a  été 
interdit  par  les  ordonnances  des  27  février  et  20  novembre 
1822  de  se  livrer  à  la  plaidoirie,  cette  interdiction  ne  peutétre 
invoquée  devant  les  assises ,  «  attendu  que  la  faculté  que 
l'art.  295  accorde  à  tous  les  avoués  n'a  été  modifiée  ou  dé- 
truite par  aucune  disposition  expresse  des  lois  et  règlements 
postérieurs  ;  que  les  inductions  que  Ton  peut  tirer  des  ordon- 

<  Cass,  S  octobre  i832,  rap'p.  M,  Louvot,  J«  P„  XVU,  02(, 


ATTWBCTIOSS  BB  U  DifBNSK.  5  ^14.  5507 

nances  des  27  février  et  30  novembre  1823  sont  insurfisantes 
pour  autoriser  k  priver  les  accusés  du  droit  de  choisir  leurs 
défenseurs  parmi  les  avoués  du  ressort;  que  tout  ce  qui  in- 
téresse le  droit  de  la  défense  doit  être  soigneusement  main- 
tenu ^  TU  Néanmoins,  un  autre  arrêt  a  déclaré  que  ce  choix  ne 
peut  s^exercer  que  parmi  les  avoués  attachés  à  la  Ck>ur  ou  au 
tribunal  du  lieu  ou  se  tiennent  les  assises  ;  et  cette  interpréta- 
tion restrictive  se  fonde,  d'abord,  sur  ce  que  les  avoués  n'ont 
de  caractère  que  devant  les  tribunaux  auxquels  ils  sont  atta- 
chés par  l'acte  de  leur  nomination  ;  ensuite,  sur  les  art.  112 
et  1 1 3  do  décret  du  6  juil  let  1810  qui  semblent  reconnaître  aux 
avoués  de  la  Cour  ou  du  tribunal  chef-lieu  le  privilège  exclusif 
d'exercer  leur  ministère  près  la  Cour  d'assises  •.  On  peut  ob- 
jecter à  cet  arrêt  que  les  art.  112  et  113  du  décret  du  6  juillet 
1810,  et  en  général  la  règle  qui  n'accorde  aux  avoués  un  carac- 
tère public  quedevant  les  tribunaux  aifcquels  ils  sont  attachés, 
n'ont  pour  objet  que  l'exercice  de  leur  office  ministériel  ;  mais 
qu^îl  ne  s'agit  point  ici  de  ce  ministère,  puisqu'il  n'est  point 
nécessaire  aux  accusés  devant  la  Cour  d'assises;  il  s'agit  uni- 
quement du  droit  qui  leur  est  conféré  de  défendre  les  accusés, 
droit  qui  sort  de  leurs  fonctions  habituelles,  et  qui  leur  a  été 
donné,  non  comme  une  conséquence  de  ces  fonctions,  mais 
dans  l'intérêt  des  accusés.   Lorsque  la  loi,  pour  remédier  à 
des  abus  que  signalait  Torateur  du  gouvernement  dans  l'ex- 
posé desmotifs%  a  apporté  d'étroites  limites  au  choix  des  con- 
seils, elle  a  cherché  du  moins  à  élargir  le  cercle  où  le  choix 
des  accusés  pouvait  puiser  sans  danger;  c'est  dans  cette  pen- 
sée qu'elle  a  désigné  les  avoués  à  côté  des  avocats.  Elle  éten- 
dait par.|à  le  droit  des  accusés,  elle  ne  changeait  nullement 
les  fonctions  ordinaires  des  avoués  ;  elle  les  désignait  comme 
elle  eût  pu  désigner  toutes  autres  personnes  qui  lui  eussent 
donné  des  garanties  égales  de  savoir  pour  la  défense  et  de  dé- 
férence pour  la  justice.  La  jurisprudence,  en  considérant 
comme  un  privilège  de  l'office,  ce  qui  n'était  qu'un  privilège 
de  la  défense,  semble  s'être  méprise;  qu'importe  que  Tavoué 
soît  attaché  à  tel  ou  tel  tribunal?  Il  suffit  qu'il  ait  le  titre  d  a- 
\oué,  qu'il  réside  dans  le  ressort  de  la  Cour  impériale  et  qu  il 
ait  été  choisi.  Il  ne  vient  point  exercer  son  ministère  d'avoué 
puisque  son  ministère  lui  interdit  la  défense;  il  vient  remplir 

•  Cass.  23  juin  1827,  rapp.  M.  Mangin.  J.  P.,  XXI,  5A2 ;  i2  janvier  1828, 
rapp.  M,  Mangin,  XXI,  1035;  25  janvier  1828,  rapp.  M,  Mangin,  XXl,lO»o. 

*  Cass.  7  mars  1828,  rapp.  M,  Mangin,  J.  P.,  XXI,  1258, 
■  Voy,  infrà,  p,  508, 


^  •  DEà  cotas  ï}\sSi=Eé. 

un  mandat  particulier  que  Fart.  295  permet  de  lui  conférer. 
Et  d'ailleurs  est-il  permis  d'enlever  aux  accusés  un  droit  que 
cet  article  leur  confère  et  qu'aucune  loi  ultérieure  n'a  détruit? 
Ëst-il  permis  de  rétrécir  arbitrairement  le  cercle  déjà  étroit 
dans  lequel  ils  peuvent  choisir  leurs  défenseurs? 

lY.  Le  2*"  §  deTart  295  autorise  l'accusé  à  prendre  pour 
conseil  un  de  ses  p((rents  ou  amis,  pourvu  toutefois  qu'il  en 
obtienne  la  permission  du  président  des  assises. 

Cet  article  n'existait  pas  dans  le  projet  du  Code.  Dans  la 
délibération  du  conseil  d'Etat,  le  nrinistre  de  la  justice  de- 
manda i  si  l'on  entendait  autoriser  l'accusé  à  choisir  pour  dé- 
fenseur qui  il  lui  plairait,  ou  s'il  serait  forcé  de  circonscrire 
son  choix  parmi  les  avocats  et  gens  de  loi  avoués  par  les  tri- 
bunaux ;  0  il  ajouta  a  qu'il  s'était  formé  à  Paris  une  association 
de  misérables  qui  dupaient  les  accusés  et  trompaient  la  jus- 
tice. »  M.  Treilhard  répliqua  «  qu'il  est  difficile  de  donner 
des  bornes  à  la  confiance  de  l'accusé,  d'autant  qu'il  peut  avoir 
un  parent,  un  ami  qui  se  porte  à  le  défendre  avec  zèle  et  lai 
sauve  les  frais  ;  que  cependant  on  doit  remédier  à  l'abus  dont 
parie  le  ministre,  en  autorisant  le  président  à  interdire  la  pa* 
rôle  à  tout  défenseur  qui  se  livre  à  des  écarts.  »  M.  Regnaud 
dit  «  qu'il  préférerait  qu'on  ne  laissât  l'accusé  se  choisir  un 
défenseur  hors  de  la  classe  des  avocats  qu'avec  une  autorisation 
du  président,  lequel  certes  ne  la  refusera  pas  sans  de  justes 
motifs.  »  M.  Berlier  fit  remarquer  o  que  cette  proposition 
contient  une  vraiQ  restriction  du  droit  naturel  qu*a  faccuséde 
se  choisir  un  défenseur,  si  Ton  subordonne  son  choix  à  l'agi é- 
ment  ou  à  l'approbation  des  cours,  et  si  ces  cours  peuvent  arbi- 
trairement rejeter  ou  admettre  le  défenseur  proposé  :  il  faut 
craindre  d'adopter  ici  rien  qui  puisse  léser  le  droit  sacré  de  la 
défense  ou  même  en  avoir  l'apparence.  »  L'amendement  de 
M.  Regnaud  fut  néanmoins  adopté  el  devint  l'art.  295  '.L'ex- 
posé des  motifs  ex(}tique  cet  article  en  ces  termes  :  «  l'expé- 
rience n  réclamé  contre  la  faculté  illimitée  donnée  à  l'accusé 
pour  le  choix  de  son  défenseur.  I^s  accusés  ont  le  plus  sou- 
ventaccordé  leur  confiance  à  dos  hommes  qui  les  dépouillaient 
au  lieu  de  les  défendre  et  qui,  par  la  conduite  qu'ils  tenaient 
dans  le  sanctuaire  même  de  la  justice,  faisaient  le  plus  grand 
tort  à  la  cause  de  leurs  clients  dans  Tesprit  des  jurés  et  des 
juges.  Si  l'accusé  demande  la  permission  de  nommer  pour 

*  Locré ,  t.  XXX,  p.  4â9  et  i50. 


AnmBCTlOKS  ]>£  U  ])éF£X8E.  §  6i4.  50i^ 

défenseur  ud  de  ses  parents  ou  amis  et  que  le  juge  pense  que 
cette  nomination  peut  lui  être  utile»  elle  ne  sera  point  refu- 
sée. »  Le  rapporteur  du  Corps  législatif  ajoutait  :  «  On  se 
iromperait  bien  en  regardant  cette  mesure  comme  attenta- 
toire au  droit  sacré  de  la  défense  de  l'accusé;  il  vous  a  été 
prouvé  qu'elle  était  entièrement  dans  son  intérêt  et  qu'elle  a 
pour  objet  de  le  mettre  à  Tabri  de  la  cupidité  et  de  figno- 
raoce  de  ces  hommes  qui,  étrangers  à  un  ressort,  au  barreau 
cl  aux  connaissances  nécessaires,  colportent  d'un  départe- 
ment à  l'autre  des  services  prétendus  et  mercenaires.  La  suite 
de  Tarticle  assure  d'ailleurs  à  l'accusé  la  faculté  de  confier  sa 
ûèkmc  à  un  parent  ou  à  un  ami  après  avoir  demandé  au 
président  une  permission  qui  a  pour  objet  de  ne  pas  laisser 
souiller  le  temple  de  la  justice  par  des  individus  sans  mo- 
ralité. » 

11  résuite  de  ces  observations  qui  expliquent  très  claire- 
meni  la  disposition  finale  de  l'art.  295  : 

Que  le  président  est  investi  du  pouvoir  d^accorder  ou  de 
refuser  â  loute  personne,  hors  du  tableau  des  avocats  ou 
avoués,  l'autorisation  de  défendre  l'accusé;  mais  que  celte 
autorisation,  qu'il  ne  peut  refuser  sans  de  justes  motifs,  doit 
ôire  délibérée  dans  riutérét  de  la  défense,  et  ne  doit-étrc 
écartée  que,  1®  lorsque  cet  intérêt  serait  réellemenl  compro- 
mis; 2°  lorsque  les  personnes  proposées  seraient  suspectes 
d'immoralité;  3**  lorsque  l'ordre  de  l'audience  pourrait  être 
troublé.  La  décision  du  président  est  d'ailleurs  è  l'abri  de  la 
cassation  ' . 

Que  par  ces  mots  «  parents  ou  amis  »  il  faut  entendre  toute 
personne  qui  n'est  pas  portée  sur  le  tableau  des  avocats  ou 
avoués  et  en  qui  l'accusé  place  sa  coufiance.  Il  n'est  point 
nécessaire  que  des  liens  d^amitié  rattachent  antérieurement 
cette  personne  à  l'accusé  ;  la  demande  qu'il  on  fait  comme 
conseil  est  un  titre  sulFisant  *. 

Enfin,  que  Taccuséy  qui  a  pris  pour  conseil  une  personne 
qui  n'est  pas  inscrite  au  tableau  des  avocats  cl  dos  avoués, 
ne  peut  ensuite  se  faire  un  grief  de  l'incapacité  légale  de  ce 
conseil  \  Son  choix  dispense  le  défenseur  de  toutes  les  con- 
(litions  réglementaires,'  il  exerce  en  le  nommant  comme  Ta 

*  Cass.  28  juin  ISIJ,  J.  P.,  IX:,  /i27  ;  6  déc.  1850,  rapp.  M.  de  Glos.  euH» 
n*  443;  27  août  «852,  rapp.  M.  Nouguier,  n.  302. 

'Cass.  20  fcvrkr  1824,  rapp.  M.  Urière.  J.  P.,  XVIÎÏ,  ^75. 

*  (:»£&.  28  fôv.  4857,  rapp.  M.  ^Sénéca.  Bull.  n.  88. 


5i0  ^  DES  COVRS  D* ASSISES. 

dit  H.  Berlier,  un  droit  naturel  sous  la  tutelle  du  président; 
il  Texerce  à  ses  risques  et  périls  et  ne  peut  s'en  prendre  qu'à 
lui-même  s'il  s^est  trompé. 

y.  Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  Faccusé  peut  prendre 
pour  conseil  soit  Tun  des  avocats  ou  avoués  du  ressort,  soit 
toute  autre  personne  que  le  président  aurait  agréée  à  sa  de- 
mande; et  qu'à  défaut  d'un  choix  de  sa  part,  le  président 
doit  lui  désigner  un  conseil  parmi  les  avocats  ou  avoués. 

Mais,  rotte  désignation  faite,  il  reste  à  examiner  si  elle 
suffit  ou  si  elle  doit  être  suivie  d'une  assistance  efficace  et 
réelle  à  l'audience. 

Il  importe  peu^  d'abord ,  que  l'accusé  n'ait  pas  été  assisté  à 
l'audience  du  défenseur  qu'il  avait  choisi  ou  qui  lui  avait  été 
désigné^  s'il  a  été  assisté  d'un  défenseur  agréé  par  lui  ;  ce 
que  la  loi  demande»  c'est  l'assistance  d'un  conseil,  c'est  son 
concours  aux  débats ,  c'est  sa  présence  à  l'audience.  Sids 
doute  il  est  désirable  que  ce  conseil  soit  celui  qui  a  été 
choisi  ou  désigné ,  puisqu'il  a  pu  conférer  avec  Taccusé  et  ' 
préparer  sa  défense  ;  mais  il  peut  être  empêché  de  remplir  sa 
mission  et  peut  n'être  pas  présent  au  moment  où  vont  s'oa- 
vrir  les  débats;  or,  dans  ce  cas,  que  faut-il  faire?  L'accusé 
peut  demander  le  renvoi  de  l'affaire  à  un  autre  jour  de  la 
session  ;  mais,  s'il  ne  réclame  pas  de  nouveau  délai,  s'il  choi* 
sit  lui-même  un  autre  conseil  ou  s'il  accepte  celui  que  le  pré- 
sident lui  désigne,  le  droit  de  sa  défense  sera-t-il  lésèi  U 
aura  été  privé  sans  doute  des  avis  que  son  défenseur  eût 
pu  lui  donner  avant  les  débats,  mais  s'il  juge  lui-même  ces 
avis  inutiles,  la  loi,  qui  a  veillé  à  ce  qu'il  fût  pourvu  d'an 
défenseur,  doit-elle  interrompre  le  cours  de  la  justice  pour 
donnera  la  défense  un  nouveau  délai?  Nulle  disposition ue 
l'exige  et  la  jurisprudence  a  jugé  en  conséquence  que  la  subs- 
titution d'un  avocat,  faite  à  Taudience,  à  l'avocat  choisi  ou 
désigné  lors  de  l'interrogatoire,  n'emporte  aucune  nullité, 
lorsqu'il  est  constaté  que  le  nouveau  défenseur  a  assisté  l'ac- 
cusé pendant  le  débat,  a  plaidé  pour  lui  et  a  fait  tout  ce  que 
la  défense  exigeait  \  Et  il  en  serait  même  ainsi,  lors  môme 
que  l'accusé  n'aurait  pas  agréé  le  défenseur  qui  lui  a  été  dé- 

*  Cass.  19  DivAse  an  x,  rapp,  M.  Bussdiop  ;  6  août  I824f  npp*  ^*  Clan- 
sel  ;  16  sepU  1831,  rapp,  M.  OUivier;  16  déc,  1835»  rapp.  M.  Gai7  ;  9  airil 
18/&0,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc  DaU.  v*  défense  n*  64  et  raiTii^^ 
aoat  1849»  rapp,  M,  Aug.  Morean,  Ml,  4^9  5*Pt  a*  iOi, 


ATTBIBVTIOm  M  LA  d£fEIISE  §  614.  511 

signé,  lors  mémo  qu^il  aaraitr  demandé  le  renyoi  i  an  autre 
jour»  si  ce  renvoi  no  lui  a  pas  été  accordé,  pourvu  d'ailleurs 
queTabsence  du  premier  défenseur  ne  pût  être  imputée  à  un 
fait  du  président  ou  de  la  Cour  ;  car  le  cours  de  la  justice  ne 
peut  être  subordonné  à  l'intervention  d'un  défenseur  dont  le 
concours  est  tout  à  fait  indépendant  ;  elle  ne  peut  que  le 
mettre  en  demeure,  par  une  désignation  régulière,  de  se  pré- 
senter à  l'audience,  et,  s^il  n^obtempère  pas  à  cette  invitation» 
le  remplacer  immédiatement. 

La  question  devient  plus  grave  lorsque  le  défenseur  dé* 
serte  sa  mission  au  moment  même  où  les  débats  commencent, 
ou  pendant  leur  durée. 

L'avocat  qui  a  été  choisi  par  l'accusé  peut  refuser  son  mi- 
nistère; mais  il  doit  faire  connaître  son  refus  assez  t6t  pour 
qu'un  autre  choix  puisse  être  fait  ou  qu'il  puisse  y  être  sup- 
pléé par  une  désignation  avant* l'ouverture  des  débats.  Il  se- 
rait responsable  de  l'abandon  où  se  trouverait  Taccusé  et 
pourrait  être  passible  d'une  peine  disciplinaire  si,  après  avoir 
paru  accepter  ce  mandat,  il  manifestait  tardivement  Tinten-* 
(ion  de  ne  pas  le  remplir. 

L'avocat  qui  a  été  désigné  d'office  n'a  pas  la  même  faculté 
d'option.  L'art.  41  de  l'ordonnance  du  20  mars  1822,  com- 
plément de  Tart.  294,  porte  que  :  a  l'avocat  nommé  d'of- 
fice pour  la  défense  d'un  accusé  ne  pourra  refuser  son  minis- 
tère sans  faire  approuver  ses  motifs  d'excuse  ou  d'empêche- 
ment par  les  Cours  d'assises  ({ui  prononceront,  en  cas  de 
résistance  ,  Tune  des  peines  disciplinaires.  «  Ici  encore  Ta- 
vocal  doit  faire  agréer  ses  excuses  avant  l'ouverture  des  dé- 
bats ;  car  la  désignation  lui  imposant  un  devoir  auquel  un 
empêchement  seul  peut  le  soustraire^  il  est  réputé  disposé  à 
le  remplir  par  cela  seul  qu'il  ne  réclame  pas  ,  et  par  consé- 
quent, au  moment  même  où  le  greffier  lui  notifie  cette  dési- 
gnation, il  doit  être  considéré  comme  chargé  de  la  défense. 

Gela  posé  ,  il  faut  distinguer  si  le  défenseur  choisi  ou  dé- 
signé qui  n'a  pas  refusé  son  mandat  ou  n'a  pas  allégué  d'ex- 
cuse, est  absent  au  moment  où  s'ouvrent  les  débats  ou  si  son 
absence  ne  se  produit  qu'après  qu'ils  sont  ouverts  et  pendant 
leur  cours. 

Dans  la  première  hypothèse,  le  président  devrait,  comme 
on  le  disait  tout  à  l'heure  dans  une  hypothèse  analogue,  soit 
provoquer  le  choix  d'un  nouveau  conseil ,  soit  lui  en  désigner 
un  d'oflico,  sauf  le  droit  de  l'accusé  de  demander  une  proro* 


5^12  BFS   COURS  RASSISES. 

gation  de  délai.  En  effet ,  s'il  est  admis  par  la  jurispradcnce, 
ainsi  qu'on  l'a  vu  plus  haut',  qu^il  est  pleinement  satishit 
aux  prescriptions  de  Tart.  294,  lorsque  l'accusé,  lors  de  soo 
interrogatoire, a  choisi  un  conseil  ou  qu^à  défaut  de  choix, il 
lui  en  a  été  désigné  un  par  le  président,  c'est  à  condition  que 
ce  choix  ou  celte  désignation  ait  eu  son  effet;  or,  Tabsenee 
du  conseil  choisi  ou  désigné ,  au  iroment  où  s'ouvrent  les 
débais,  manifeste  un  empêchement  quelconque  ,  qui  pourra 
être  apprécié  plus  tard ,  mais  qui  annule  évidemment  lechoix 
ou  la  désignation.  On  se  trouve  dans  la  même  situation  qae 
s'il  n'avait  été  fait  aucun  choix  ou  aucune  désignation.  Celle 
situation ,  à  la  vérité,  ne  peut  être  imputée  qu'au  défenseur. 
Mais  cette  faute  du  défenseur  doit-elle  avoir  pour  conséquence 
nécessaire  que  l'accusé  soit  privé  de  toute  défense?  Oui  peut- 
être,  comme  on  le  verra  tout  è  Fheure,  s'il  n'est  pas  possible 
de  suhvenir  à  cet  ahnndon,  sans  troubler  le  cours  de  la  jus- 
tice; mais  non  assurément,  lorsqu'il  est  possible  de  rempla- 
cer l'avocat  ahsent  ;  et  comment  ce  remplacement  trouverait- 
il  quelque  obstacle  sérieux  si  les  débats  ne  sont  pas  encore 
ouverts?  L'accusé  sera  privé  d'une  assistance  antérieure,  et 
ce  sera  là  la  conséquence  nécessaire  du  fait  de  Tavocat;  mais 
pourquoi  serait-il  privé  de  l'assistance  au  débat  d'un  autre 
avocat ,  lorsque  rien  ne  s'y  oppose  et  lorsque  la  loi  prescrit 
formellement  cette  assistance  ?  Ne  serait-il  pas  dérisoire  de 
réputer  accomplie  cette  prescription  de  la  loi,  lorsque  les  for- 
malités qui  ont  pour  effet  d'en  assurer  l'ext^cution  sont  de- 
meurées vaines?  Faut-il  répéter  que  l'assistance  d'undéfeu- 
seur  n'est  point  une  faculté  pour  Taccusé ,  mais  une  obligation 
qui  est  imposée  par  la  loi  ? 

Dans  la  seconde  hypothèse,  la  situation  n'est  plus  la  même, 
et  c'est  ici  que  se  présentent  les  arrêts  qui  ont  décidé,  dans 
des  espèces  où  l'absence  du  défenseur  n'avait  été  que  mo- 
mentanée ou  du  moins  partielle;  «  que  Tabsence  du  conseil 
de  Taccusé,  pendant  tout  ou  partie  du  débat  ne  peut  opérer 
une  nullité  qu'autant  que  celte  ahsence  serait  du  fait  ou  du 
mipistère  public  ou  de  la  Ck)ur  d'assises;  qu'admettre  le 
contraire  serait  supposer  qne  la  loi  a  voulu  laisser  aux  con- 
seils des  accusés  la  faculté  de  faire  annuler  tous  les  arrêts  de 
condamnation  par  leur  absence  volontaire  ^.  »  On  comprend . 

*  Voy.  auprd  p.  502. 

•  Cab».  48  juiD  1830,  rapp.  M,  Gaillard.  J,  P.,  l.  XKllh  p.  599  ;  îl  mars 
4844.  rapp.  M.  Bomlfcuièrei.  DuU.  n.  110}  36juill.  1844,  rapp,M.Brf6>f« 


ITTHIBiTlOM  DE  LA  DÉFENSE.   §    fili  :^J3 

«n  effef ,  que  lorsque  l'accusé  a  été  effectivement  pourvu  d'un 
conseil ,  l'absence  volontaire  de  ce  conseil  pendant  une  partie 
des  débats  ne  peut  vicier  la  procédure,  puisque  la  validité 
de  cette  procédure  ne  saurait  dépendre  de  la  pure  volonté 
d'un  tiers,  La  loi  ne  peut  dans  ce  cas  que  se  confier  au  senti- 
ment du  devoir  qui  anime  Tavocat  et  à  la  responsabilité  mo- 
rale qui  pèse  sur  lui.  H  en  serait  autrement  si  Tabsence  avait 
une  cause  indépendante  de  la  volonté  du  défenseur  par 
exemple ,  s'il  était  appelé  à  donner  son  témoignage  dans  la 
cause  même  :  Taccusé  se  trouvant  privé  de  son  assistance, 
sans  son  fait  et  sans  le  fait  de  celui-ci ,  pendant  une  partie 
du  débat,  il  y  aurait  nécessairement  nullité  \ 

Cependant  si ,  dans  une  affaire  de  nature  à  occuper  plu- 
sieurs audiences,  le  défenseur,  après  avoir  assisté  Taccusé 
pendant  la  première  audience  ,  s'est  retiré,  il  y  aurait  lieu 
d  en  désigner  un  autre,  puisque  le  remplacement  est  possible 
encore.  Celte  solution  est  implicitement  contenue  daps  un 
7  arrêt  qui  déclare ,  en  rejetant  un  pourvoi ,  «  que  lors  de  son 
interrogatoire,  Taccusé  a  choisi  un  défenseur  ;  qu'au  com- 
mencement de  la  première  séance,  ce  défenseur  s'est  présenté 
et  a  reçu  ravertissement  prescrit  par  l'art.  31 1  ;  que  si,  à  la 
deuxième  séance,  il  n'a  pascontinué  d'assister  l'accusé,  il  a  été 
remplacé  dès  cet  instant  et  pour  la  plaidoirie  par  un  autre  dé- 
fenseur qui  a  également  reçu  l'avertissement,  et  que  dès  lors 
la  disposition  de  rart.'294  a  été  constamment  observée*.  » 
Une  dernière  hypothèse  se  présente  :  l'accusé  ne  veut 
choisir  aucun  conseil  et  refuse  Tassistance  de  celui  qui  lui  a 
été  désigné;  comment  doit-il  être  procédé?  Il  est  évident 
d'abord  que  ce  refus  ne  saurait  mettre  obstacle  au  juge- 
ment; car  il  ne  peut  dépendre  d'un  accusé  de  suspendreln- 
définiment  ce  iugement  en  déclarant  qu'il  ne  veut  pas  être 
défendu  *.  La  loi  a  formellement  prescrit  qu'il  serait  assisté 
d'un  conseil;  mais  son  pouvoir  se  borne  à  ordonner  une  as- 
sîslancc  matérielle  ;  elle  ne  peut  le  contraindre  à  se  dé- 
fendre quand  il  ne  le  veut  pas,  à  donner  sa  confiance  à  un 
défenseur,  à  avouer  et  ratifier  les  paroles  de  celui-ci,  s'il 

Valigny.  d.  278;  8  dot.  ISiS,  rapp.  M.  Eprennes,  n.   Î60;  40  juin  185Î , 
rapp.  M.  de  Glos;  n.  487;  18 janvier  1858,  rapp.  M.Nouguier,  n.  14. 
Voj.  suprà  p.  502. 

J  Casfi.  2  sept.  4  880,  rapp.  M.  OUÎTier.  J.  P.  t  XXIII,  p.  792. 
lûo.^"*  ^  i"»"  *»»*•  "»PP-  M.  Choppin.  J.  P.,  t,  XXITJ,  p.  1647  ;  27  TéT. 
1832,  rapp.  M.  J9^mher\,  U  XXIV,  p.  788, 

?ili.  33 


514  BKi  cêvu  »*AMim. 

veut  les  rejeter  et  les  désavouer.  La  régie  est  exécutée  par  la 
présence  du  défenseur  nommé  d'office  ;  mais  quant  au  mode 
de  la  défense,  il  ne  peut  dépendre  que  de  Taccusé  lui-même. 
Ainsi,  si  raccusé  déclare  qu'il  ne  i^eut  point  être  défendu, le 
défenseur  doit  garder  le  silence,  car  il  ne  peut  prendre  lapa* 
rôle  contre  la  \olonté  expresse  de  celui  dont  il  est  le  man- 
dataire; s'il  lui  interdit  seulement  le  déyeloppement  d'un 
moyen  de  défense,  le  défenseur  doit  s'abstenir  de  le  présen- 
ter. Mais  quelleque  soit  Tinjonction  de  l'accusée  cet  égard^ 
le  défenseur  ne  doit  pas  se  retirer  de  Taudience  :  il  doit,  tant 
que  le  débat  n'est  pas  clos,  chercher  à  éclairer  son  client  sur 
les  suites  de  sa  détermination,  calmer  son  irritation  ou  ses 
susceptibilités  et  lui  démontrer  le  danger  de  la  voie  où  il  s'est 
engagé  ;  il  doit  enfin  être  prôt  jusqu'au  dernier  moment  i  loi 
venir  en  aide  si,  changeant  de  sentiment,  celui-ci  réclame  l'ap- 
pui qu'il  avait  d'abord  repoussé.  Il  tient  son  mandat  de  la  loi 
en  même  temps  que  de  l'accusé  ;  la  loi  lui  prescrit  d'être  pré- 
sent pour  prêter  son  concours  à  Taccusé;  celui-ci  peut  re- 
jeter Icconcours,  mais  la  mission  légale  ne  subsiste  pas  moins. 

§615. 

I.  Règles  relatives  au  droit  de  la  défense.  —  II.  Communication  de  l'ae* 
ctisé  avec  son  défenseur.  —  111.  .Comnounicalion  des  pièces.  — 
IV.  Mode  d*exercice  des  droits  de  la  défense.  —  V.  Appel  tans  frais 
d€s  témoins  à  décharge.— VI.  Devoirs  et  limites  du  droit  de  défeose. 

I.  Après  avoir  examine  l'organisation  de  la  défense,  il 
faut  exaniiner  quels  sont  ses  droits  à  l'audience. 

Il  n'y  a  en  général  aucune  distinction  à  faire  ici  entre  Tac- 
cusé  et  son  défenseur.  La  défense  est  leur  œuvre  commune 
et  ils  en  exercent  l'un  et  Tautre  tous  les  droits,  Tun  parce 
que  cette  défense  lui  appartient  personnellement,  l'autre  parce 
qu'il  représente  l'accusé  et  s'identifie  avec  lui.  Cependant  celte 
identification  n'est  pas  lout-à-fait  complèie:  le  défenseur  ne 
pourrait,  par  exemple ,  prendre  des  conclusions  en  l'absence 
de  Taccmé  ;  le  débat  ne  serait  pas  contradictoire  '. 

La  plupart  des  droits  de  la  défense  trouveront  leurs  déve- 
loppements dans  les  chapitres  qui  sont  relatifs  à  l'examen  des 
incidents  de  l'audience  et  aux  plaidoiries.  Nous  nous  bornons 
à  exposer  ici  les  règles  générales  auxquelles  cette  défense  o>l 
soumise  loi  squ' elle  revendique  ces  droits  et  les  soutient 

\  Cas»,  22  mai  1857,  rnpp.  M,  Plougouîm,  Bull,  n"»  202, 


IL  tê  première  de  ces  r^les  eti  la  communicaiton  de  l'ac- 
cusé et  de  son  défenseur.  L'art,  aoa  déclare  qae  «  le  ooneeîl 
pourra  oommaniqaer  avec l'aocnsé  aprâs  son  interrogatoire.» 
C'est  là  le  premier  acte  de  la  défense  :  jusqu'à  cet  int^roga- 
toire  la  procédure  est  restée  secrète  et  Taccusé  n'a  été  assisté 
d'aucun  conseil.  NotreCode,  s'écartantsous  cerapportdes  art. 
10  et  12  de  la  loi  du  8  oct.  1789,  a  voulu  que  pendant  toute 
l'instruction  écrite  Taccusé  fût  livré  à  lui-inéme  et  ne  se  dé-* 
fendu  que  par  sa  bouche.  Ce  n'est  qu'au  moment  ou  l'ins- 
truction orale  va  s'ouvrir  que  la  loi  lui  permet  la  lecture  des 
pièces  et  lui  donne  un  défenseur. 

Cette  communication  doit  être  libre  et  la  défense  cesse*- 
rait  d'être  si  l'accusé  n'avait  pas  le  droit  de  s^entretenir  avec 
son  défenseur  seul  et  sans  crainte  d'être  entendu.  Cepen- 
dant deux  arrêts  ont  jugé  qu'un  procureur  général  avait  pu 
ordonner  que  cette  communication  n'aurait  lieu  qu'en  pré- 
sence du  geôlier,  soit  parce  que  la  loi  n'a  rien  prescrit  re- 
lativement au  mode  de  la  communication  %  et  qu'elle  n'or- 
donne pas  formellement  qu'elle  doit  être  libre  et  dégagée 
deioute  entrave,  soit  parce  que  l'art.  6i3  permet  au  pré- 
sident de  prendre  dans  la  maison  de  justice  les  mesures 
qu'il  croit  nécessaires  pour  l'instruction*.  Une  telle  jurispru- 
dence, si  elle  était  appliquée,  détruirait  le  droit  que  Tart. 
303  a  consacré;  car  la  communication  ne  serait  plus  qu'un 
piège  et  les  aveux  que  Taccusé  aurait  versés  dans  le  sein  de 
son  défenseur,  trahis  par  le  geôlier  apposté  pour  les  écouter, 
se  retourneraieiit  comme  une  arme  contre  lui.  Nous  avons  vu 
'  d'ailleursque  l'avocatestdispenséde  témoigner  des  faits  qui  lui 
ont  été  révélés  par  son  client,  parce  que,  semblable  au  prêtre, 
il  reçoit  la  confession  des  parties  et  qu'il  doit  à  celte  confes- 
sion un  secret  non  moins  inviolable  que  te  prêtre  lui-même'. 
C'est  la  nécessité  du  droit  de  défense  qui  a  créé  cette  dispense. 
Comment  comprendre  en  effet  que  ce  droit  puisse  s'exercer 
si  les  confidences  de  l'accusé  ne  sont  pas  placées  sous  le  sceau 
du  secret,  si  sa  confiance  n'est  pas  entière  ?  El  comment  le 
défenseur  pourra-t-il  remplir  son  ministère  s'il  ne  connaît 
pas  la  véritable  situation  de  son  client,  s'il  ignore  quel qucs- 
wnesdes  circonstances  de  l'affaire,  s'il  ne  sait  pas  ce  qu'il  peut 


'  Cass.  12  jaîll.  iSiO,  rapp.  M.  Bosschop.  J*  P.,!.  VIII,  p.  ^53. 
*  Cass.  2  oct.  4822,  rapp.  M.  Louvol,  J,  P.,  t.  XVII,  p.  C24. 
»  Voy.  Notre  t.  V.  J  357,  p.  082. 


S.iû  BES  COVnS   b'a9SI8F?. 

consciencieusement  affirmer  ou  dénier  ?  Il  n^y  aurait  plus  de 
défense  si  les  communications  entre  Taccnsé  et  son  défens^r 
'  n'étaient  pas  protégées  contre  toute  atteinte,  si  elles  n'é- 
taient pas  libres  et  inviolables. 

Un  autre  anèt  a  jugé  encore  que  le  président  peot,  pen- 
dant le  cours  des  débats,  interdire  aux  accusés  de  communi- 
quer soit  entre  eux,  soit  avec  leurs  conseils,  dans  l'intenaiie 
d'une  séance  à  Tautre  :  «  attendu  qu'en  refusant  aux  accusés, 
dans  cet  intervalle,  la  faculté  autorisée  par  Part.  ^02,  le  pré- 
sidentn'a  fait  qu'user  du  droit  que  lui  accordent  les  art.  268 
et  327  :  le  premier  relatif  au  pouvoir  discrétionnaire  dont  il 
est  investi  ;  le  deuxième  au  droit  qui  lui  est  accordé  de  faire 
retirer  un  ou  plusieurs  accusés  de  Taudience  et  de  les  exami- 
ner sur  quelques  circonstances  du  procès,  à  la  charge  de  ne 
reprendre  les  débats  qu'après  avoir  instruit  chaque  accusé  de 
ce  qui  se  sera  fait  en  son  absence  >•»  On  peut  admettre,  en  se 
fondant  sur  les  art.  268  et  327,  que  le  président  puisse  pres- 
crire la  séparation  des  accusés  dans  Tintervalle  de  deux  au- 
diences *,  mais  il  parait  impossible  qu'il  puisse  empêcher  les 
accusés  de  communiquer  avec  leurs  conseils.  Le  droit  de 
cette  communication estécriten termes  absolus  dans  rart.30â 
et  nous  avons  vu  que  le  pouvoir  discrétionnaire  ne  peuteffacer 
un  droit  de  la  défense,  ou  une  disposition  formelle  de  la  loi'. 

Enfin,  dans  une  espèce  où  il  était  allégué  que  Taccusé, 
tenu  au  secret  jusqu'à  Teuverture  du  débat,  n'avait  pu  com- 
muniquer avec  son  conseil,  le  pourvoi  a  élé  rejeté  «  attendu 
que  les  dispositions  de  Tart.  302,  n'étant  pas  prescrites  à 
peine  de  nullité^  leur  violation  ne  pourrait,  aux  termes  de 
l'art.  408,  donner  ouverture  à  cassation^.  »  Le  motif  de  cet 
arrêt  ne  serait  plus  sudibant  dans  la  jurisprudence  actuelle, 
puisque  cette  jurisprudence,  ainsi  que  cela  sera  établi  ension 
lieu,  admet,  à  côté  des  formes  prescrites  à  peine  de  nullité, 
les  formes  substantielles  dont  la  violation  produit  les  mêmes 
oflets,  et  que,  parmi  ces  formes,  elle  place  celles  qui  ont  pour 
objet  rexercicc  et  lo  développement  du  droit  de  défense.  La 
question  serait  donc  aujourd'hui  de  savoir,  non  si  Tart.  302 
est  prescrit  à  peine  de  nullité,  mais  si  le  droit  qu'il  consacre 
est  essentiel  à  Texercice  du  droit  de  défense.  Or,  ne  voit-oo 

*  Casfi.  5  marslSlS.  J.  p.,  t.  X.  p.  176. 

*  Gass.  il,  mars  1841,  rapp.  M.  Bresson.  Bull.  n.  59. 

*  Voy.  Suffrà  p.  ii56. 

*  Ca55.  21  août  1818,  rapp.  M.  Bnsschop.  J.  P.,  t*  XIV,  p.  1005. 


ATTRmunoNs  bi:  la  défense.  §  61o.  6\1 

pasque  la  défense  neserait  pas  entière  si  toute  communication 
est  interdite  entre  l'accusé  et  son  conseil?  Gomment  celui-ci 
sera-t-il  initié  à  la  connaissance  des  faits,  aux  moyens  qui 
peuvent  affaiblir  ou  repousser  l'accusation,  au  système  adopté 
et  mis  en  pratique  par  son  client?  Comment  lui  donnera-^t-il 
ses  avis,  lui  signalera*t-il  le  péril  de  cette  dérense,  lui  pré- 
lera-t-il  un  utile  secours?  La  comu^jinication  du  défenseur 
est  un  des  principes  conquis  en  1789  par  la  législation  pénale, 
un  des  organes  nécessaires  du  droit  de  défense,  une  des 
conditions  de  son  exercice  :  déclarer  que  cette  commu- 
nication n'est  pas  prescrite  à  peinQ  de  nullité ,  c'est  évi  - 
deoMnent  la  supprimer.  On  doit  admettre  sans  doute  que 
si  le  défaut  de  communication  provient  d'un  événement 
qui  soit  étranger  à  l'administration  de  la  justice,  s'il  est  le 
résultat,  par  exemple,  de  la  négligence  ou  de  l'absence  de 
raYOcat  choisi  ou  désigné,  l'accusé  ne  peut  s'en  faire  un  grief. 
Mais  si  c'est  par  un  ordre  formel  du  président  ou  du  mi- 
nistère public  que  la  communication  a  été  interdite,  si 
Tentrave  que  la  défense  a  éprouvée  est  le  fait  de  la  justice  elle- 
même,  l'accusé  ne  serait-il  pas  fondé  h  réclamer  devant  la 
Cour  d'assises  contre  la  violation  d'un  droit  que  l'art.  302 
lui  assure  ?  Et  s'il  n'obtenait  ni  la  communication  qui  lui  est 
nécessaire  y  ni  la  prorogation  de  délai  que  sa  défense  exige, 
ne  pourrait-il  pas  alors  se  faire  un  moyen  de  nullité  de  cette 
violation?  Telle  est  la  distinction  que  la  jurisprudence  a  con* 
sacrée,  comme  on  va  le  voir  tout  à  l'heure,  en  ce  qui  con- 
cerne la  délivrance  de  la  copie  des  pièces  à  l'accusé;  et  telle 
est  aussi  la  règle  qui  a  été  appliquée  par  un  arrêt  qui  a  cassé, 
sur  un  pourvoi  formé  en  vertu  de  l'art.  441,  un  jugement 
(l'un  tribunal  militaire,  «  attendu  qu'il  résulte  du  refus  de 
communiquer  les  pièces  de  la  procédure  et  de  l'interdiction 
absolue  de  communication  entre  l'accusé-  et  son  défenseur, 
que  cet  accusé  a  été  essentiellement  gêné  dans  l'exercice  de 
son  droit  de  défense  *•  y> 

A  quelle  époque  cette  communication  doit-elle  avoir  lieu? 
Les  art.  322  et  323  du  C.  du  3  brum.  an  iv  portaient  :  «  les 
conseils  de  l'accusé  ne  peuvent  communiquer  avec  lui  qu'a- 
près son  interrogatoire.  Le  président  peut,  lorsqu'il  le  juge 
utile  pour  découvrir  la  vérité,  différer  ou  suspendre  cette  com- 
munication et  tenir  l'accusé  au  secret  pendant  un  tem[)S  dé- 

'  Cass,  2G  Dov.  1S42,  npp.  M.  Isdmbert,  Buil.  a.  30?. 


918  DES  COURS  d'assises. 

terminé,  pourvu  qu'il  lui  laisse  un  espace  suffisant  pour  pré- 
parer ses  moyens  de  dérense.  d  L'art.  302  de  notre  Code  est 
rédigé  dans  des  termes  tout  à  fait  différents;  il  pose  en  prin- 
cipe le  droit  de  communiquer  aussitôt  après  l'interrogatoire, 
mais,  d^une  part,  il  ne  prohibe  plus  en  termos  absolus  loute 
communication  antérieure ,  et,  d'une  autre  part,  il  n*a  pas 
reproduit  la  disposition  facultative  laissée  au  président  de 
suspendre  cette  communication  même  après  rinierrogaloire. 
De  là  deux  corollaires  :  le  premier  que  ce  magistrat  pcal, 
lorsqu'il  le  croit  nécessaire  à  la  défense,  ce  qui  a  lieu  dans 
toutes  les  affaires  un  peu  compliquées,  autoriser  une  com- 
munication antérieure  à  l'interrogatoire;  l'autre  qu'il  ne 
peut  plus  la  différer  au  delà  du  terme  fixé  par  la  loi.  Quelques 
magistrats  avaient  cru  trouver  cette  faculté  dans  l'art.  618 
qui  reconnaît  au  président  des  assistas  le  droit  de  donner  dans 
la  maison  de  justice  les  ordres  qu'il  croit  nécessaires  pour  le 
jugement  ;  mais  il  est  évident  que  ces  ordres  ne  peuvent  con- 
cerner que  les  rapports  des  accusés  entre  eux  ou  avec  le  pu- 
blic, et  non  leurs  rapports  avec  leurs  conseils  puisqu'ils  sont 
formellement  autorisés  par  la  loi. 

III.  Le  Code,  après  avoir  établi  la  communication  deVac- 
cusé  et  de  son  défenseur,  ordonne  que  les  pièces  de  l'infor- 
mation leur  seront  communiquées  à  l'un  et  à  Tautre. 

C'est  seulement  à  ce  moment  que  la  procédure  cesse  d'être 
secrète;  elle  se  transforme  :  soumise  jusques-là  au  système 
inquisitorial;  elle  va  devenir  accusatoire.  L'enquête  est  ter- 
minée et  c'est  sur  les  charges  qu'elle  a  amassées  que  se  fonde 
l'accusation.  Il  est  donc  indispensable,  pour  que  le  débat 
contradictoire  puisse  s'ouvrir,  que  ces  charges  soient  connues 
de  la  partie  qui  doit  les  débattre.  Car,  comment  discuter  une 
accusation  dont  les  éléments  resteraient  cachés?  Comment 
préparer  une  défense  si  les  procès-verbaux  et  les  déclarations 
qu'elle  doit  combattre  ne  sont  pas  mis  à  la  portée  du  défen- 
seur? De  là  la  nécessité  de  la  communication  préalable  des 
pièces. 

Le  mode  de  cette  communication  n'est  par  le  même  à  l'é- 
gard du  défenseur  et  de  l'accusé. 

En  ce  qui  concerne  le  premier,  la  loi  se  borne  à  formuler 
le  droit  de  prendre  communication  ou  copie  des  pièces  au 
greffe.  Le  2*  §  de  l'art.  302  porte  :  «  Il  pourra  aussi  prendre 
fX)uinmnication  do  toutes  ks  pièces  sans  déplacement  et  sans 


ATTRIBUTIONS  Dl  LA  ItiFBNSE.  §  615.  519 

retarder  TiDstruction.  »  L'art.  505  ajoute  :  t  Les  conseils  des 
accusés  pourront  prendre  à  leurs  frais  copie  de  telles  pièces 
du  procès  qu'ils  jugeront  utiles  à  leur  défense.  »  Ce  droit  des 
défenseurs  ne  peut  donner  lieu  à  aucune  difficulté  ;  on  doit 
seulement  faire  remarquer  qu'il  s'applique  à  toutes  les  pièces 
de  la  procédure,  quelles  qu'elles  soient  et  sans  aucune  excep- 
tion. La  question  s'est  seulement  élevée  de  savoir  si  l'accusé 
qui  refuse  le  ministère  d*un  avocat  et  prétend  se  défendre  lui- 
même,  peut  invoquer  le  bénéfice  de  ces  dispositions.  Un  ar- 
rêt le  lui  a  refusé,  «  attendu  qu'aucune  disposition  du  Code 
ne  prescrit  de  donner  communication  entière  du  dossier  à 
Taccusé  qui  refuse  l'assistance  d'un  avocat  et  veut  se  défen- 
drcJui-méme;  qu'ainsi,  si  cette  communication  a  été  refusée 
au  demandeur,  il  n'en  peut  résulter  de  nullité  '.  »  On 
comprend  que  la  loi»  qui  voulait  diminuer  les  frais  de  copie^ 
n'ait  prescrit  la  délivrance  gratuite  aux  accusés  que  de  la 
copie  des  pièces  les  plus  importantes  ;  on  comprend  égale- 
ment que  les  accusés  ne  peuvent  être  transférés  au  greiïe  pour 
y  prendre  communication  ou  copie  des  autres;  mais,  puisque 
la  communication  entière  est  le  droit  de  U  défense»  le  préîsi- 
dent  doit  prendre  des  mesures  pour  que,  si  Taccusé  ne  veut 
pas  avoir  d'avocat,  elle  lui  soit  faite  à  lui-même  s'il  le  re- 
quiert. Si  Tomission  de  cette  communication  n'est  pas  une 
cause  de  nullité,  puisque  la  loi  ne  la  prescrit  pas  formelle- 
ment^ il  suffit  qu'il  puisse  en  résulter  quelque  gène  pour  la 
défense  pour  qu'il  doive  veiller,  suivant  les  termes  du  dernier 
§  de  l'art.  305,  à  la  faire  cesser.  Au  surplus,  Taccusé  peut 
toujours,  comme  on  le  verra  tout  à  l'heure»  faire  prendre 
copie  à  ses  frais  de  telles  pièces  qu'il  juge  lui  être  utiles. 

En  ce  qui  concerne  Taccusé,  la  loi,  au  lieu  do  la  commu- 
nication des  pièces,  se  borne  à  prescrire  la  remise  de  la  copie 
d'une  partie  de  ces  pièces. 

Cette  remise  était  prescrite  en  termes  généraux  par  l'art. 
320  du  G.  du  3  brumaire  an  iv»  qui  portait  :  o  L'accusé  re- 
çoit» à  peine  de  nullité  de  toutes  procédures  .ultérieures, 
copie  des  pièces  de  la  procédure.  Cette  copie  lui  est  délivrée 
gratis  par  le  greffier.  »  Mais  cette  disposition  avait  été  res- 
treinte, dans  un  intérêt  fiscal,  par  l'art.  3  de  la  loi  du  5  plu- 
viôse an  xiii»  portant  :  «  Il  ne  sera  délivré  gratuitement  aux 
accusés,  en  quelque  nombre  qu'ils  puissent  être,  et  dans  tous 

'  Ca98.  A  sepCt  1840»  rapp.  M,  Vioceoi-St-LaurinU  Bail.  n.  251. 


320  BKs  COURS  »'ASsi$;i:s. 

les  casy  qu'une  seule  copie  des  procès-verbaux  consiatamt  k 
délit  et  des  déclarations  écrites  des  témoins.  Les  accusés  dc 
pourront  requérir  d'autres  copies  des  autres  pièces  de  la  pro- 
cédure qu'à  leurs  frais.  » 

Noire  Code  suppose  le  principe  posé  par  le  Code  du'3  bru- 
maire an  i^ct  ne  fait  qu'en  régler  l'exécution  en  reproduisant 
In  première  partie  de  l'art.  5  de  la  loi  du  5  pluviôse  anxiii. 
L'art.  305  porte  :  «  Il  no  sera  délivré  gratuitement  aux  ac- 
cusés, en  quelque  nombre  qu'ils  puissent  être,  et  dans  tous 
les.  cas,  qu'une  seule  copie  des  procès-verbaux  constatant  le 
délit  et  des  déclarations  écrites  des  témoins.  » 

Cette  disposition  insuflisante  a  laissé  en  dehors  de  son  texte 
plusieurs  questions  que  la  jurisprudence  a  dû  résoudre. 

En  premier  lieu,  quelles  sont  les  pièces  dont  il  doit  être 
délivré  copié  gratuite  à  Paccusé.  La  loi  ne  mentionne  que 
les  procès  -  verbaux  constatant  le  délit  et  les  déclarations 
écrites  des  témoins.  La  jurisprudence  a  considéré  cette  énoti- 
ciation  comme  restrictive,  et  elle  a  déclaré  en  conséquence 
qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  délivrer  copie  aux  accusés  des  inter- 
rogatoires d'un  coaccusé  décédé  ',  d'une  lettre  écrite  par  un 
témoin  au  juge  d^instruction,  laquelle  n'est  pas  une  déclara- 
tion »,  d'un  plan  des  lieux  3,  de  l'ordonnance  d'un  juge  d'ins- 
truction ayant  pour  objet  d'annexer  à  la  procédure  un  rap- 
port d'un  commissaire  de  police  *,  d'un  procès-verbal  con- 
statant, non  le  délit,  mais  seulement  la  culpabilité^,  des 
rapports  d'experts  s,  d'un  procès-verbal  dressé  par  le  juge  do 
paix  et  ne  constatant  pas  le  corps  du  délit  ',  d'un  procès-ver- 
bal dressé  par  un  gendarme  et  relatif  à  la  moralité  des  té- 
moins s,  d'un  procès-verbal  de  descente  de  lieux  9,  enfin  de 
tous  les  renseignements  joints  au  dossier  par  le  ministère 
public  *''.  La  mémo  solution  s'applique  aux  plaintes  et  dénon- 


*  Cass.  15  avril  i824«  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  U  XVIII,  p.  637  ;  37jaDf. 
1853,  rapp.  M.  Aujg.  Moreau.  Bull.  d.  33.. 

2  Cass.  28  mar.  1829,  rapp.  M.  de  Ricard.  J.  P.,  t.  XXII.  p.  858. 
>  Cass.  2  juin  1853,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.  BulL  n,  195  ;  h  sept. 
4856,  u.  S'j7. 

*  Cass.  3  janv.  1833,  rapp.  M.  Ollivicr,  J.  P.,  t.  XXV.  p.  4* 
«"Cuss.  25  juin  1819,  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  L  XV,  p.  357. 
'  Cass.  i  août  18^3,  rapp.  M.  Isambeit.  Bull.  n.  192. 

^  Cass.  ih  sept.  1850,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.  Bull.  n.  .113. 

*  Ca&s.  5  mars  1852,  rapp.  M.  dc  Glos,  Bull.  n.  80. 

*  Coss.  5  mai  1854,  rapp.  M.  toucher.  Bull.  n.  23, 

*'  Ciiss  8  ocl,  1840,  rapi'.  M.  iiomiguicres,  IJuU.  u.  300, 


ATTHIBUTIOMS  DE  LA  DÉrENSE.    $  615.  521 

clalioDS»  aux  actes  argués  de  faux  et  aux  procès«verbaux  qui 
y  sont  relatirs,  aux  bilans  dans  les  affaires  de  banqueroute 
frauduleuse,  aux  rapports  des  agents  et  syndics  des  failli- 
tes, etc.  *  Tous  ces  actes  ne  rentrent  pas  précisément  dans  les 
termes  de  Tart.  305,  et  la  jurisprudence  a  sans  cesse  tendu  à 
resserrer  trop  étroitement  peut-être  les  deux  catégories  d'actes 
indiquées  par  cet  article.  Mais,  tout  en  évitant  de  sortir  des 
limites  qu'il  a  posées,  il  importe  au  moins  de  les  maintenir. 
Ainsi,  il  y  a  lieu  de  déli>rer  copie  des  dépositions  de  témoins 
entendus  dans  Tinstruction  supplémentaire  ordonnée  par  le 
président  des  assises*.  Il  y  a  lieu  de  délivrer  également  copie 
des  procès-verbaux  des  officiers  de  santé  et  pharmaciens  appe- 
lés à  vérifier  le  corps  ou  les  circonstances  du  crime'.  Ce 
sont  là  des  procés-verbaux  ou  des  déclarations  qu'il  importe 
essentielleutent  à  la  défense  de  connaître  et  qui  rentrent  dans 
la  double  énonciation  de  Part.  305  ^. 

J)ans  quel  délai  cette  remise  des  copies  de  pièces  doit-elle 
être  faite?  Le  Gode  n'en  mentionne  aucun  ;  mais  il  résulte  de 
la  combinaison  des  art.  303  et  305  qu'elle  doit  avoir  lieu 
aussitôt  après  l'interrogatoire;  elle  serait  d'ailleurs  inutile  si 
elle  avait  lieu  plus  tard  puisque  son  unique  objet  est  de  servir 
à  préparer  la  défense.  Mais  un  accusé  peut-il  se  faire  un  grief 
de  ce  qu'il  n'a  reçu  la  copie  que  plusieurs  jours  après  son 
interrogatoire,  et»  par  exemple,  la  veille  seulement  du  jour 
de  Touverlure  du  débat.  Le  texte  de  la  loi  permettrait  diffici- 
lement de  raccueill'r,  et  il  a  été  jugé  en  conséquence  «  que  si 
cette  copie,  qui  est  destinée  à  faciliter  la  défense  des  accusés, 
doit  élre  expédiée  et  mise  à  leur  disposition  sans  retard,  la 
loi  n'a  ni  fixé  ni  même  pu  fixer  le  délai  dans  lequel  ses  dispo- 
sitions seraient  exécutées,  puisque  ce  délai  devait  être  néces- 
sairement en  relation  avec  le  nombre  et  Tétenduo  des  actes  à 
expédier  ;  que  la  loi  ne  pouvait  prescrire  cette  exécution  cinq 
ou  six  jours  au  moins  avant  le  débat,  puisque,  aux  termes  do 
l'art.  393,  les  accusés  sont  interrogés  dans  les  24  heures  de 
Tarrivée  de  la  procédure  au  greffe  de  la  Cour  d'assises^et  que, 
d'après  l'art.  294,  les  accusés  peuvent  être  soumis  aux  débats 
cinq  jours  après  cet  interrogatoire  %  » 

*  M.  de  Dalmas,  Traité  des  Trais  de  justice,  p.  id3. 

'Cass,  i  déc.  1853,  rapp.  M.  Y.  Fouclier.  Bull,  d.  39S;  lldéc.  1850,  rap. 
M.  Legagneur,  n.  3U2. 
'  Cass.  27  avril  1827,  rapp.  M.  Briôrc.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  387. 

*  M.  de  Dalmas,  p.  1^7. 

'  (lasi.  23  sept.  1872,  rapp,  M.  Jacquiiiol.  Dui!.  ii.  '62i. 


^^  DES  COURS  îtKUlAU. 

Que  faut-il  décider  cependant  si  les  débats  s'ouvrent  sans 
que  l'accusé  ait  reçu  celte  copie,  si  la  prescriptiort  de  l'arti- 
cle 305  est  demeurée  inexéculée?  Une  jurisprudence  cod- 
stante  déclare  que  cette  prescription  n'ayant  reçu  la  sanction 
d'aucune  nullité,  il  n'y  a  pas  lieu  d'y  suppléer*.  L'accusé 
n'a-t-il  donc  aucune  voie  pour  revendiquer  l'exécution  de 
la  loi?  Cette  voie  lui  a  été  tracée  par  les  arrêts  :  il  doit,  s'il 
n'a  pas  reçu  les  pièces,  signaler  celte  infraction  au  moment 
de  rpuverture  du  débat  et  réclamer,  en  même  temps  que  leur 
remise,  un  nouveau  délai  pour  préparer  sa  défense,  et  par 
conséquent  le  renvoi,  soil  à  un  autre  jour,  soit  à  une  aulre 
session  \  S'il  est  fait  droit  à  celte  réclamation,  rirréguiarité 
est  réparée  et  nul  grief  ne  subsiste  ;  mais  si  la  remise  de  la 
copie  est  refusée  et  qu'aucun  délai  ne  soit  départi  pour  rem- 
plir ultérieurement  celte  formalité,  il  esl  évidemment  porté 
atteinte  à  la  défense,  et  dès  lors  il  y  a  ouverture  à  cassation. 
C'est  ce  qui  a  été  établi  par  plusieurs  arrêts,  qui  déclarent 
«  que  les  dispositions  de  Tart.  305  n'élant  pas  prescrites  à 
peine  de  nullité,  il  ne  pourrait  y  avoir  atteinlc  au  droit  de  la 
défense  qu'autant  qu'il  serait  constaté,  d'une  part,  que  Tac- 
cusé*,  avant  ou  pendant  les  débats,  eût  expressément  réclamé 
la  copie  gratuite  des  pièces  à  laquelle  il  prétendait  avoir  droit, 
et,  d'autre  part,  que  cette  copie  eût  été  refusée*,  h  Ainsi , 
lorsque  l'accusé  ne  réclame  pas ,  la  présomption  qu'il  a 
reçu  les  pièces  repousse  plus  tard  son  grief;  mais  s'il  a 
réclamé  et  qu'il  soit  établi  que  la  copie  lui  a  été  refusée, 
une  atteinte  a  été  portée  au  droit  de  sa  défense^.  Aussi, 
dans  une  espèce  où  les  pièces  d'une  première  procédure 
faite  à  raison  du  même  crime  et  suivie  d'une  ordonnance 
de  non  lieu  avaient  été  déniées  à  l'accusé,  l'annulation 
a  été  prononcée,  «  attendu  qu'il  résulte  des  disposi* 
lions  de  l'art.  305  qu'il  doit  être  donné  aux  accusés  copie 
des  procès*verbaux  et  des  déclarations  écrites  des  témoins; 
que  cette  formalité  est  substantielle  et  tient  essentiellement 
au  droit  de  défense  ;  que  les  procès-verbaux  et  les  déclara- 

*  Cass.  il  juin  isis.rapp.  M.  d*Aub€rs.  BuH.a.  73  ;  idjanf.  1827,  np^ 
M.  de  Bernard,  n.à;  27  avril  1827,  rapp.  M.  Biière,  n.  183 ;  28  mars  1829, 
u,  69;  Soct.  1840^  n.  300;  1&  sept.  1850,  o.  813;  4  sep..  1856,  n.  307  etc. 

'  Cass.  18  janv.  1827,  rapp.  M.  de  Bernard.  Bull.  n.  4. 

'  Cass.  27  janv.  1853,  rapp.  M.  Aug.  Moreau.  Bull.  n.  33;  20juJll.l837, 
rapp. M.  Voisin  de  Garlempe.  J.  P.,  à  sa  date;  17  juin  1889,  rapp.  tf.  Mey- 
rouoet-St-Marc.  J.  P.,  à  sa  date. 

*  Cass.  8  juin,  «27,  rapp.  M,  OlHvicr,  J.  !\,  l.  XXÎ,  p,  585. 


ATTEIBDTIOHB  0E  LA  DÉFENSE.  §  615.  523 

tions  de  téoioins  constituant  une  première  procédure  sur  la- 
quelle est  intervenue  une  ordonnance  de  non  lieu,  s'identi- 
fient et  font  partie  de  la  seconde  procédure  qui  n'a  été  suivie 
que  sur  des  charges  nouvelles  ;  qu'aux  termes  de  Tart.  305, 
les  procés-verbaui  et  les  dépositions  des  témoins  de  cette 
première  procédure  devaient  être  communiqués  au  deman- 
deur avant  l'ouverture  des  débats  par  des  copies  délivrées  au 
f^refle  ;  qu'il  est  constaté  par  le  procès-verbal  des  débats  de 
la  Cour  d'assises  que  la  copie  des  pièces  relatives  à  la  pre- 
mière procédure  n'a  pas  été  délivrée  au  condamné  avant  l'ou- 
verture des  débats  ;  que  dès  lors  Tarrôt  attaqué  a  porté  at- 
teinte au  droit  de  défense  ^ .  » 

Il  n'est  dû,  aux  termes  de  l'art.  305,  qu'une  seule  copie 
gratuite  des  pièces  aux  accusés,  en  quelque  nombre  qu'ils 
soient.  11  est  évident  qu'il  s'agit  dans  cette  disposition  des 
accusés  soumis  au  même  débat  et  jugés  ensemble;  car  il 
ne  suffirait  pas  qu'il  eât  été  délivré  une  copie  à  iin  coaccusé  . 
du  même  crime  jusqu'à  d'autres  assises,  puisque  cette  copie 
n'a  pu  servir  à  la  défense  de  l'accusé  jugé  postérieurement 
et  que  leur  défense  n'a  pu  être  commune.  11  y  aurait  donc  ^ 
nullité  si,  nonobstant  la  réclamation  de  ce  dernier,  la  copte 
lui  a  été  refusée  par  le  seul  QK>tif  qu'elle  aurait  été  délivrée 
au  premier  accusé  jugé  à  de  précédentes  assises*.  Mais  l'ac- 
cusé qui,  par  suite  de  la  cassation  du  premier  arrêt,  est  ren- 
voyé à  de  nouveaux  débats,  n'a  pas  droit  à  une  seconde  co- 
pie*. 

Cette  délivrance  n'est  nullement  suppléée  par  la  commu- 
nication du  dossier  qui  est  faite  au  défenseur  :  la  communi- 
cation fait  connaître  les  pièces,  mais  la  délivrance  est  parti- 
culièrement propre  A  faciliter  la  préparation  et  l'exercice  de 
la  défense  ;  ce  sont  deux  mesures  distinctes  qui  doivent  être 
exécutées^. 

Au  reste,  la  loi  n'exige  pas,  si  les  accusés  n'entendent  pas 
la  langue  française ,  que  les  pièces  soient  traduites  K  £Ue 
n'exige  même  pas  que  la  procédure  fasse  mention  de  leur  re- 
iQise*  :  la  proscription  est  que  cette  remise  a  eu  lieu^  jus- 

'  Ga».  3&niai  1S8S,  r»pp.  M.  Dupaty.  J.  P.,  t  XIV,  p.  iOH. 

*  Casa.  15  juin  1827,  rapp.  M.  BrKre;  et  6  juill.  1827,  rapp.  M.  Ollivicr 
J*  P.,  t.  XXI,  p.  520  et  585. 

*  Cata.  28  juio  1831,  rapp.  M.  Brière.  J.  P..  1. 1214. 
.  Cta.  6  juill.  1827,  cité  auprd,  p.  522. 

'  Cass.  33  avril  1812.  J.  P.,  t.  X.  p.  327. 

*  Ca^s.  24  déc,  1835,  rapp  M.  Fréleau.  Buli.  n.  470. 


$24  1^^  COURS  b  Assises. 

qu'à  la  réclamation  de  Taccusé.  Enfin,  elle  n'exige  pas,  au 
moins  implicitement^  que  la  copie  soit  exacte  et  complète,  ou 
du  moins  les  inexactitudes  et  les  lacunes  qui  y  ser  aient  coos- 
iatèesne  pourraient  fonder  une  nullité  ^ 

Il  ne  faut  pas  au  surplus  perdre  de  vue  qu^il  ne  s'agit  dans 
les  solutions  qui  précédent  que  de  la  délivrance  gratuite  des 
pièces  :  l'accusé  a  toujours  le  droit,  suivant  l'art.  3  de  la  loi 
du  5  pluviôse  an  xiii,  de  requérir  d'autres  copies  des  pièces 
mentionnées  en  Part.  305,  ou  descopies  des  autres  pièces  de  la 
procédure  à  ses  frais.  L'art.  5k  du  décret  du  18  jaia 
ISll  porte  en  conséquence  :  «  Les  accusés  paieront  au  taux 
réglé  par  notre  présent  décret  lesexpéditions  et  copies  qu'ils 
demanderont,  outre  celles  qui  leur  seront  délivrées  gratuite- 
ment aux  termes  de  l'art,  305.  «  Le  droit  de  se  procurer  co- 
pie de  toutes  les  pièces  qu^ils  jugent  utiles  à  leur  défense  est 
le  droit  de  tous  les  accusés  :  l'art.  305  ne  la  nullement 
restreint;  sa  disposition  ne  s^applique  qu^à  la  remise  gratuite 
de  quelques-unes  de  ces  pièces  ;  mais ,  à  côté  de  cette  dispo- 
sition fiscale,  le  droit  commun,  qu'elle  ne  touche  nullement, 
«  est  maintenu.  Ce  point»  qui  n'a  jamais  été  contesté»  a  été  plu- 
sieurs fois  consacré  par  la  jurisprudence  *. 

Enfin  le  dernier  §  de  rart.^305  déclare  que  a  les  prési- 
dents, les  juges  et  le  procureur  général  sont  tenus  de  veiller 
à  l'exécution  du  présent  article.  »  C'est  donc  un  devoir  pour 
les  magistrats  de  surveiller  la  remise  des  pièces.  La  loi  a  ooih 
fié  cette  mesure  à  leur  conscience. 

IV.  Une  troisième  règle  est  que  la  défense  a  le  droit  d'être 
entendue  et»  s'il  y  a  lieu,  de  prendre  des  conclusions  pen- 
dant toute  la  durée  du  débat  et  jusqu'au  jugement  définitif. 

Les  droits  principaux  de  la  défense  sont  de  récuser  les  jurés 
dans  les  limites  déterminées  par  la  loi  (art.  399);  de  s'oppo- 
ser à  l'audition  des  témoins  dont  les  noms  ne  lui  ont  pas 
été  notifiés  ou  dont  le  témoignage  est  prohibé  (art.  315  et 
322);  d'adresser  à  chaque  témoin,  par  l'organe  du  président, 
toutes  les  interpellations  et  les  questions  qu'elle  juge  utiles, 
el  de  dire,  tant  contre  lui  que  contre  son  témoignage ,  tout 
ce  qu'elle  croit  devoir  lui  opposer  (art.  319);  de  faire  en- 
tendre tous  les  témoins  dont  elle  a  notifié  la  liste,  soit  surlo^ 
faits  mentionnés  dans  l'acte  d'accusation ,  soit  pour  attesicr 

*  Cass.  2/)  sept  1845,  non  îinpiimé. 
*   «Cass.   23  iiov.  1833.   rjpp.  J.  P.,  t  XXV, p.  972;  20  frpt,  lb55,rapp. 
M.Ibambert.  Bull,  ii,  324. 


ATTRIBimONS  DE  LA   Bl£ PENSE.  §  615.  535 

que  Faccuié  est  bomme  d^honneur,  de  probité  et  d'ane  con- 
duite irréproebable  (art.  321);  do  demander,  ou  qu'il  soit 
pris  note  des  variations  des  dépositions  (art.  318),  ou  que  les 
iémoios  soient  entendus  de  nouveau,  en  présence  les  uns  des 
autres  ou  séparément  (art.  326),  on  qu'un  témoin  suspect 
de  faux  témoignage  soit  rois  en  état  d'arrestation  (art.  330)»  et 
dans  ce  dernier  cas,  que  TafTaire  soit  renvoyée  à  une  autre 
session  (art.  331);  de  développer  par  la  plaidoirie  les  moyens 
de  défense  de  l'accusé,  de  manière  que  le  conseil  ou  Paccusé 
ait  toujours  la  parole  le  dernier  (art.  335);  de  présenter  sur 
la  position  des  questions  au  jury  les  observations  nécessaires 
et  de  demander  la  position  dès  questions  d'excuse  (art  337 
et  suivants);  enfin  de  plaider,  si  Taccusé  a  été  déclaré  cou- 
pable, que  le  fait  n'est  pas  défendu  ou  qualifié  délit  par  la  loi, 
ou  qu'il  ne  mérite  pas  la  peine  dont  le  ministère  public  a  re- 
quis l'application ,  ou  qu'il  ne  peut  donner  lieu  aux  dom- 
mages-intérêts qui  peuvent  être  réclamés  (art.  363). 

Pour  exercer  ces  droits,  sur  lesquels  nous  reviendrons  plus 
loin,  la  loi  accorde  h  la  défense  une  double  prérogative  :  d'à* 
bord,  d'être  entendue  toutes  les  foisqu'elle  le  demande  dans  le 
cours  du  débat;  ensuite  de  prendre,  s'il  y  a  lieu  des  conclusions 
sur  lesquelles  la  Cour  d'assises  doit  nécessairement  statuer. 

Elle  a  It  droit  d'être  entendue  toutes  les  fois  qu  elle  le  de^* 
mande.  C'est  ce  qui  résulte  des  articles  qui  viennent  d'être 
cités  et  spécialement  des  art.  315,  319,  326,  330  et  335. 
La  Cour  de  cassation  a  déclaré  «  qu'il  résulte  de  ces 
articles,  comme  de  l'esprit  général  du  Code,  fondés  sur 
les  principes  du  droit  naturel,  que  l'accusé  et  son  conseil 
ont  le  droit  de  dire  tout  ce  qui  peut  être  utile  pour  sa  dé- 
fense 1.  »  Et  s'il  n'en  était  pas  ainsi,  où  serait  la  contradic- 
tion du  débat?  n'est-ce  pas  dans  des  affirmations  contraires, 
dans  des  dénégations  soudaines,  qui  viennent  se  heurter 
au  milieu  de  l'audience,  que  la  vérité  éclate  ?  n'est-Hse  pas  ce 
droit  de  contredire  librement  exercé  qui  est  comme  la  pierre 
de  touche  de  toutes  les  assertions  qui  se  produisent?  il  n'est 
pas  besoin  de  rappeler  d'aïUeursqueccdroita  des  limites  duns 
Tart.  267^  qui  peimetau  président  d'écarter  tout  ce  qui  trou- 
blerait Tordre,  et  dans  Part.  270,  qui  lui  permet  derejeter  tou- 
tes les  interpellations  qui  prolongeraient  inutilement  le  débat 

Elle  a  le  droit  d'être  entendue  dans  tous  les  incidents  qui 

•  Cas*.  20jniil.  J826,  ropp.  M.  Brière.  J.  P.,  t,  XX,  p.  710. 


9M  »li  MVM  »'ASftSBI. 

s^ëlèvent  dtns  le  oours  des  débats  et  sur  toutes  les  réquisi- 
tions du  ministère  public  ou  les  conclusions  de  la  partieci?ilei . 

Elle  a  le  droit  de  pTendre»  s'il  y  a  lieu»  des  conclusioDS,  sort 
pour  présenter  une  demande  ou  une  réclamation ,  soit  poar 
faire  écarter  une  prétention  élevée  ou  une  mesure  proposie 
par  les  parties  poursuivantes.  La  Cour  d^assises  est  tenue,  aui 
termes  de  l'art.  408,  de  statuer  sur  toutes  les  conel usions  de 
l'accusé  tendant  à  user  d'une  faculté  ou  d'un  droit  accordé 
par  la  loi  :  toute  omission  de  statuer  dans  ce  cas  entraîne  TaD- 
nulation  de  la  procédure  *«  à  moins  que  les  conclusions  ne 
soient  pas  explicites  et  précises*,  ou  qu'elles  ne  puissent i 
raison  de  leur  objet  être  considérées  comme  l'exercice  d'uoe 
faculté  ou  d'un  droit  accordé  par  la  loi  ^.  Ces  ^  conclusions 
doivent ,  en  général ,  être  écrites  et  signées  par  le  défeoseor. 
Cette  forme,  quoique  la  loi  ne  l'exige  pas  formellement,  est 
nécessaire  pour  en  constater  la  teneur  et  Tauthenticité  ;  mais 
elle  n'est  point  une  condition  indispensable  pour  que  la  Coar 
soit  mise  en  demeure  de  statuer.  Ainsi ,  il  suffirait  que  le 
procès-verbal  des  débats  constatât  leur  existence  pour  que  la 
Cour  de  cassation  dût  vérifier  s'il  y  a  été  fait  droit.  Ce  point 
a  été  jugé  en  faveur  du  ministère  public,  malgré  le  texte  for- 
mel de  l'art.  277  •,  et  à  plus  forte  raison  la  même  décision 
devrait  être  étendue  à  la  défense. 

Enfin ,  le  défenseur  et  l'accusé  doivent  toujours  avoir  la 
parole  les  derniers,  non-seufcment  dans  les  plaidoiries,  sui- 
vant les  termes  formels  de  l'art.  335»  mais  sur  tous  les  inci- 
dents. Ce  point  a  été  reconnu  par  un  arrêt  qui  déclare  : 
«  qu'aux  termes  de  l'art.  335,  1  accusé  ou  son  conseil  doi- 
vent toujours  avoir  la  parole  les  derniers;  que  cette  règle 
fondamentale  domine  tous  les  débats  et  ne  s'applique  point 
exclusivement  à  cette  dernière  période  de  l'examen  pendant 
laquelle  l'accuse,  la  partie  civile  ou  son  conseil  et  le  ministère 
publicsonl  entendus  et  développent  lesmoyensdel  accusation; 
qu'elle  s'applique  à  tous  les  incidents  qui  peuvent  s'élever 
dans  le  cours  des  débals  et  qui  peuvent  intéresser  la  défense 
ou  la  justification  de  l'accufé,  soit  que  ces  incidents  doivent 

*  Voy,  suprà  p.  481. 

■  Cas?.  19  juin.  1838,  rapp.  M.  Gilbert  de  Voisins.  Bail.  n.  229î  5  fér. 
j847.rapp.  M.  de  Crouseilhes,  n.  28;  2  juin  1853,  rapp.  M.  IfeyroDoet-St* 
Marc.  1).  195;  29  juia  185â,  rapp.  M.  Jacquinot,  n.  207. 

*Cass.  8  avril  18/|3,  rapp.  M.  Romiguières.  Bull.  n.  78. 

*  Cass.  19  déc.  1835,  rapp.  M,  Vinwns-bl-Laurent.  Bwll,  n,  407. 
5  Voy.  suprà,  p.  4  06. 


AnuNTiOM  »K  u  »ériiiti.  §  645.  $27 

être  terminés  par  une  ordonnance  do  président  ou  par  un  ar- 
rêt ^  i  II  y  aurait  dono  restriction  da  droit  de  la  aéfense  et 
par  conséquent  nullité  si  la  réplique  avait  été  refusée  à  l'ac- 
cusé ou  à  son  défenseur  sur  un  incident  quelconque  des  dé- 
bats. Toutefois  leur  silence  peut  être  considéré  comme  une 
renonciation  au  droit  qu'ils  ont  d'être  entendus  les  derniers  ^. 
Mais  ce  n'est  là  qu'une  présomption ,  et  il  serait  préférable 
que  le  président  les  interpellât  pour  les  mettre  en  demeure 
d'user  de  ce  droit. 

V,  Une  quatrième  règle  est  que  la  défense  peut,  pendant 
le  cours  des  débats ,  produire  toutes  les  preuves  qu'elle  juge 
utiles  à  ses  intérêts.  Elle  peut  donc  demander  les  expertises 
et  les  vérifications  que  les  faits  peuvent  nécessiter.  Elle  peut, 
aoi  termes  de  l'art.  315«  faire  entendre  des  témoins  à  dé- 
charge; elte[)eut  requérir  des  apports  de  pièces  ou  les  pro* 
duire  elle-même  ^  Nous  nous  expliquerons  plus  loin  sur  ce 
droit  de  la  défense. 

Mais  une  mesure  préliminaire,  qui  en  est  la  conséquence, 
doit  être  indiquée  ici.  Dans  le  système  du  Code,  les  frais  de 
citation  et  les  salaires  des  témoins  cités  à  la  requête  des  ac- 
cusés sont  à  la  charge  de  ceux-ci,  «  sauf  au  procureur  géné- 
ral, porte  Fart.  321,  en  reproduisant  Fart.  2  de  la  lot  du 
5  pluviôse  an  xiii,  à  faire  citer  à  sa  requèto  les  témoins  qui 
lui  seront  indiqués  par  l'accusé,  dans  le  cas  où  il  jugerait 
que  leur  déclaration  peut  être  utile  pour  la  découverte  de.  la 
Ycrilé.  »  A  côlô  de  cet  article,  qui  met  la  production  des  lé- 
moins  à  décharge  à  la  discrétion  de  la  partie  publique,  l'art. 
30  do  la  loi  du  22  janvier  1851,  sur  Tassistance  judi- 
ciaire, a  introduit  une  disposition  nouvelle  en  faveur  des 
accusés  indigents.  Cet  article  dispose  que  les  présidents 
des  Cours  d'assises  pourront,  même  avant  le  jour  fixé  pour 
i^audiencc,  ordonner  Tassignation  des  témoins  qui  leur  se- 
ront indiqués  par  Taccusé  indigc'nt,  dans  le  cas  où  la  dé- 
claration de  ces  témoins  serait  jugée  utile  pour  la  décou- 
verte de  la  Ycrilé.  Nous  avons  déjà  indiqué  l'esprit  de  cette 
nouvelle  disposition,  en  l'appliquant  aux  matières  correction- 
nelles*. Un  arrêt  a  jiigé  qu'elle  accorde  au  président  un  pou- 

^  Cass.  5,inaî  1S26,  rapp.  M.  OHWier.  J.  P.,  t  XX,  p.  &52  ;  28août  mU 
rapp.  M.  Vinceus-Sl-Laurent.  Bull.  ii.  263. 
2  Cass.  2U  aoùl  1840.  S.  V.  40,  1,  744. 
>  Cass.  20  juil.  1826,  rapp.  M.  Briùrc.  J.  P.,  t.  XX,  p.  710. 
*  Voy.DOtrc  t.  VU,  $  548,  p.  047. 


5Sd  fiKfl  GOUKS  D'aSBIUS. 

voir  discrétionnaire  et  s'en  rapporte  à  sa  conscience  et  à  ses 
lumières  sur  le  point  de  savoir  s'il  y  a  lieu  d'ordonner  cette 
citation  supplémentaire  et  ne  l'oblige  pas  de  rendre  ordon* 
nance  dans  le  cas  où  il  ne  juge  pas  cette  mesure  utile  k  la 
découverte  de  la  vérité  ^  »  Il  suit  de  là  que  le  refus  du  pré- 
sident de  faire  assigner  les  témoins  à  décharge  ne  peut  don- 
ner lieu  à  aucune  opposition  devant  la  Cour  d*assises  et  à  au- 
cun recours  devant  la  Cour  de  cassation. 

Les  mêmes  solutions  s'appliquent  aux  apports  et  produc- 
tions de  pièces.  L'art.  30  de  la  loi  du  22  janvier  1851, 
étendant  à  ce  mode  de  preuve  la  même  mesure  qu'à  la  preuve 
par  témoins,  dispose  que  a  pourront  être  également  ordonnées 
d'office  toutes  productions  et  vérifications  de  pièces.  »  C'est 
encore  au  président  qu'il  appartient  de  statuer  sur  la  requête 
qui  doit  lui  être  adressée  à  cet  égard,  s'il  y  a  lieu,  par  Taocusé. 

YL  Cependant  le  droit  de  défense  trouve  dans  la  loi,  non 
pas  précisément  des  limites,  mais  quelques  mesure*^  destinées 
à  le  contenir  contre  les  excès  auxquels  il  peut  se  laisser  en- 
traîner. Quelques-unes  de  ces  mesures  ne  concernent  que  le 
défenseur. 

L'art.  311  porte  que  «  le  président  avertira  le  conseil  de 
l'accusé  qu'il  ne  peut  rien  dire  contre  sa  conscience  ou  con- 
tre le  respect  dû  aux  lois  et  qu'il  doit  s'exprimer  avec  dé- 
cence et  modération.  »  L'art.  13  du  tit.  7  de  la  loi  du  16-â9 
septembre  1791  exigeait  du  conseil  le  serment,  et  l'art.  342 
du  Gode  du  3  brumaire  an  ly  la  simple  promesse  de  n'em- 
ployer que  la  vérité  pobr  la  défense  de  l'accusé.  Notre  Code 
a  substitué  avec  raison  un  simple  avertisssment  à  cotte  pro- 
messe :  la  vérité  dans  la  discussion  et  la  modération  dans  la 
parole  sont  des  devoirs  dont  la  défense  ne  doit  jamais  s'écar- 
ter ;  mais  ce  n'est  pas  dans  une  promesse  ou  dans  un  serment 
qu*il  faut  chercher  la  sanction  de  ces  devoirs.  Il  a  d'ailleurs 
été  jugé  que  l'avertissement,  quoiqu'il  soit  utile«  n'est  pas 
prescrit  à  peine  de  nullité  *.  En  général,  le  président  se  borne 
dans  la  pratique  à  inviter  le  défenseur  à  se  conformer  aux 
dispositions  de  Tart.  311 ,  sans  en  rappeler  les  termes. 

Les  écarts  de  la  défense  peuvent  constituer  soit  un  simple 
abus,  soit  une  faute  de  discipline,  soit  un  délit. 

*  Cass.  23  mars  1855,  rapp.  M.  Isambert  Bull,  n,  107. 

•  Cas»,  14  sept.  1B37.  DalJ.,  38,  j,4i6. 


ATTRIBUTIONS  HE  LA  BlSriNSE.    §  615.  Ti^ 

Quand  ils  ne  constituent  qu'un  abu9^  le  président  lrouve« 
soit  dans  Tart.  267  qui  lui  attribue  la  police  de  l'audience, 
soit  dans  l'art.  270  qui  lui  permet  de  rejeter  ce  qui  prolonge 
inatilement  le  débat,  soit  dans  Tarticle  311  qui  prescrit  au 
défenseur  le  respNCct  des  lois,  la  décence  et  la  modération,  les 
ponroirs  nécessaires  pour  le  contenir  dans  les  limites  d^une 
défense  légitime.  Il  peut  l'interrompre,  il  peut  le  rappeler, 
s'il  est  avocat,  aux  régies  que  la  loi  du  22  ventre  an  xii  et 
l^ord.  du  20  nov.  1822  prescrivent  à  sa  profession.  Ce  n'est 
toutefois  qu'avec  une  extrême  circonspection  qu'il  doit  faire 
une  interruption,  bien  qu'il  ait  été  jugé  c  qu'une  interruption 
n|a  pas  pour  effet  d'entraver  la  défense  ',  »  car  il  est  souvent 
difficile  de  fixer  la  limite  entre  l'interruption  et  l'entrave,  si» 
par  exemple,  Finterruption  a  eu  pour  but  d'empêcher  le  dé- 
veloppement d'un  moyen  de  défense.  Au  reste,  le  défenseur 
pourrait  s'adresser  dans  ce  casa  la  Cour  d'assises  qui  statue- 
rait. 

Lorsque  Texcès  de  la  défense  prend  le  caractère  d'une  faute 
disciplinaire,  la  Cour  d'assises  est  compétente  pour  prononcer, 
s'il  y  a  lieu,  les  peines  de  discipline.  Ce  droit  résulte  de  Tart. 
103  du  décret  du  30  mars  1808,  des  art.  16  et  i9  de  l'ord. 
du  20  nov.  1822  et  de  l'art.  23  de  la  loi  du  17  mai  1819. 
Il  a  été  reconnu  en  conséquence  qu'une  Cour  d'assises  peut 
prononcer  contre  les  avocats  qui  plaident  devant  elle  toutes 
les  peines  disciplinaires  prévues  par  les  règlements  et  spécia- 
lement la  suspension  pendant  une  année  d'un  .avocat  qui 
avait  commis  une  faute  grave  à  son  audience  *• 

Enfin,  lorsque  le  fait  constitue  un  délit  qualifié  et  puni 
par  la  loi  pénale,  il  semble  avoir  été  admis  que  la  Cour  d'as- 
sises peut  faire  l'application  des  art.  181  et  505  du  G.  d'inst. 
Crim  ■•  il  faut  toutefois  prendre  garde  de  confondre  avec  les 
délits  de  la  parole  les  excès  d'une  défense  qui  se  livre  à  des 
aggressions  même  injustes,  à  des  récriminations  même  vio- 
lentes ;  il  faut  en  quelque  sorte  excuser  jusqu'à  l'abus  du 
droit,  pour  ne  pas  paraître  l'opprimer.  Ce  ne  sontpas  là  d'ail- 
leurs les  délits  d'audience  qu'ont  prévus  les  art.  181  et  505  ; 
et  le  droit  d'interruption  du  président,  et  s'il  y  a  lieu,  î'ap- 

'  Cass.  12  janvier  iSSS,  rap|i.  M.  Rocher,  J.  P.  t.  XXV,  p.  83. 
'  Cass.  25  jaoYier  iS36,  rapp.  M.  Isainl>ert.  J.  P.  t.  XXVI,  p.  38  ;  27  téw. 
mi,  rapp.  M.  Isainbert,  t  XXIY,  p.  lU  i  li  aoat  1820,  rapp.  M.  Onifier, 

t.  XVI,  p.  iiau 

'  Mêmes  arrêU  et  cass.  80  avril  184S>  rapp.  M,  ^noens-SaiQt-LaareDi. 
BqU.  ii«  107. 

Yin.  34 


ij'M  W»  COUKS  D'ASfifU. 

plication  des  peines  disciplinaires  suiBsent  pour  ramener  la 
discussion  dans  les  bornes  posées  par  Tart.  311. 

En  ce  qui  touche  les  accusés  eux-mêmes,  le  président,  et 
s'il  y  a  lieu,  la  Cour  d*assises  peuvent  également,  soit  rejeter 
leurs  interpellations  qui  prolongeraient  inutilement  le  débat, 
soit  leur  retirer  la  parole  quand  ils  en  abusent^  soitenGo 
leur  appliquer  les  mesures  prévues  par  la  loi  du  9  septembre 
1835,  et  même»  suivant  la  jurisprudence,  les  frapper  de 
peines  nouvelles  à  raison  des  nouveaux  délits  qu'ils  commet- 
traient à  l'audience. 

Nous  reviendrons  sur  ces  différentes  mesures  dans  les  cha- 
pitres qui  ont  pour  objet  les  incidents  de  Taudience  et  les 
plaidoiries. 


DE  LA   PROCEDURE   ANTiniEVltE  AUX  DÉBATS.  §  616.  331 


CHAPITRE  VII. 

DE  LA  PROCÉDURB  AJWÊRIEURE  AUX  DÉBATS, 

§  616.  I.  Objet  de  ce  ekapitre.  —  II.  Formes  préliminaires  de!a  pro- 
cédure orale. 

f  6J7.  I.  De  riiterrogatoire  de  Taccusé.  —  II.  Il  n'appartient  qu'au 
préaideni  ou  h  mb  délégué  d\  procéder.  —  lU.  Son  objet.  — 
IV.  Dans  quel  délai  —  Ses  formes  et  leur  constatation. 

f  618.  L  Du  aunnléroenld'inslniction.  —II.  A  qui  il  appartient  d'y 

pn.céder lil.  Caractère  de  celle  instruction.  —  IV.  Quels  acte» 

elle  perroeu  —  V,  Mesures  contre  les  témoins. 

§619.  I.  Formation  du  r6ie.  —Il  Ne  sont  point  réputées  en  état  et 
ne  sont  pas  jugét-s  dans  la  session:  !•  les  affaires  d<s  a^cufrée  ar- 
rivés dans  l;i  maison  de  justic**  «près son  ouverture,  à  moins  qu'ils 
n  y  consentent.  —  III.  2«  Celks  dans  lesquelles  Ils  ont  forn?é  on 
pourvoi.  —  IV.  3*  (elles  dans  'esque'les  le  délai  de  cinq  jours  n'en 
pas  eipiré.  —  V,  4-  Celles  dans  iesquellea  est  notifié  un  arrêt  de 
soit  communiqué  parla  Cour  de  cassation. 

§  620.  I.  Du  renToi  de  Taffaire  à  une  autre  aessîon.  —  lî.  A  qui  il 
appartient  de  prescrire  cette  mesure.  —  111.  Elle  peut  être  ordonnée 
jusqu'à  l'ouverture  des  débats.  —  IV.  Quels  motifs  doivent  y  donner 
lieu.  '' 

§  6^1,-  1.  De  la  jonction  et  de  la  disjonction  des  procédures. II   A 

qui  il  appartient  de  l'ordonner.  —  III.  C:iuses  de  jonction.  —IV. 
Causes  de  disjonction.  —  V.  Formes  de  celte  mesure.  —  VI.  Voies 
de  recoum. 

§  622.  1.  De  la  noti6catîoo  des  listes  desjur^s  et  des  témoins.  —II. 
Formation  de  la  liste  des  témoins.  —  III.  Forme  de  la  notification. 
-"  IV.  Elle  doit  avoir  lieu  24  heures  avant  rauditien.  —  V.  Effets 
des  irrégularités. 

§616. 

!•  Objet  de  ce  ckapitré,  —  II.  Actes  préliminaires  de  la  procédure 
orale. 

L  Noas  avons  achevé  d'expliquer  les  différents  éléments  qui 
composent  la  Cour  d'assises,  les  pouvoirs  distincts  du  prési- 
dent, de  la  Cour  et  des  jurés,  les  droits  du  ministère  public  et 
ceux  de  la  défense.  Kous  connaisàons  Torganisation  de  cette 
juridiction  et  toutes  les  règles  qui  dirigent  son  action.  Nous 
allons  commencer  maintenant  Texamen  des  actes  et  des  formes 
de  sa  procédure. 


53â  DES  COURS  d'assises. 

Ces  actes  et  ces  formes  peuvent  se  diviser  en  deux  ca- 
tégories : 

Ceux  qui  précèdent  Taudience  et  ont  pour  objet  de  la  pré- 
parer ; 

Et  ceux  qui  s'accomplissent  à  l'audience  même. 

Les  premiers,  qui  ne  sont  que  des  formalités  prélimioaires 
destinées  à  garantir  que  l'instruction  orale  sera  complète  et 
oflicace,  font  l'objet  de  ce  chapitre. 

II.  La  première  de  ces  formalités  est  la  notification  qui 
doit  être  faite  à  l'accusé  de  l'arrêt  qui  le  renvoie  devant  les 
assises  et  de  Tacte  d'accusation.  Nous  avons  examiné  déjà  les 
formes  de  cette  notification  et  toutes  les  questions  qui  s'y  rat- 
tachent '  ;  et  nous  n'avons  point  à  y  revenir. 

Il  importe  seulement  de  remarquer  que  cette  première  for- 
malité^ qui  est  I  une  des  plus  importantes  de  la  procèdare 
préliminaire»  puisqu'elle  a  pur  but  de  faire  connaître  au 
prévenu  sa  mise  en  accusation  et  les  faits  à  raison  desquels 
il  doit  préparer  sa  défense,  doit  être  hâtée  le  plus  possible 
puisqu'elle  est  à  la  fois  le  point  de  départ  et  la  base  de  toaie 
la  procédure  préliminaire. 

C'est  en  effet  à  partir  du  jour  de  cette  notification  que  vont 
courir  tous  les  délais  auxquels  sont  assujétis  les  actes  qui  sui- 
vent. Ce  n*est  que  lorsqu'ils  la  supposent  accomplie,  que  ces 
différents  actes,  comme  autant  de  corollaires  de  cette  forme 
fondamentale,  s'accomplissent  à  leur  tour. 

Telle  est  d'abord  la  translation  de  Taccusé  dans  la  maison 
de  justice  du  lieu  où  se  tiennent  les  assises.  L'art.  243  porte: 
u  dans  les  24  heures  qui  suivront  cette  signification,  raccusé 
sera  transféré  de  la  maison  d'arrêt  dans  la  maison  de  justice 
établie  près  la  Cour  où  il  doit  être  jugé.  »  L'art.  292  répète  la 
même  disposition. 

Tel  est  ensuite  le  transport  des  pièces  au  greffe  do  la  Cour 
d'assises.  L'art.  291  e^t  ainsi  conçu  :  <«  quand  réccusation 
aura  été  prononcée,  si  l'affaire  ne  doit  pas  être  jugée  dans  le 
lieu  où  siège  la  Cour  impériale,  le  procès  sera,  par  les  ordres 
du  procureur  général,  envoyé,  dans  les 24  heures,  au  greffe  du 
tribunal  de  première  instance  du  cheMieu  du  département, 
ou  au  greffe  du  tribunal  qui  pourrait  avoir  été  désigné.  Daus 
tous  les  cas,  les  pièces  servant  à  conviction  qui  seront  restées 
déposées  au  greffe  du  tribunal  d'instruction,  ou  qui,  auraient 

*  Voy,  notre  t,  VI,  S  443,  p.  414. 


DE  LA  FaOCKDURB  AiNTLElftlRB  AUX  DÉBAT9.  S  ^^7.  533" 

été  apportées  à  celui  de  la  Cour  impériale,  seront  réunies  dans 
le  même  délai  au  greffe  où  doivent  être  réunies  les  pièces  du 
procès.»  L'art.  392  ajoute  dans  son  1^'  §  :  a  les  24  heures 
courront  du  moment  de  la  signiGcation  faite  à  Taccusé  de 
rarrèt  de  renvoi  devant  la  Cour  d^assises.  » 

Tels  sont  enfin  rinterrogatoire  de  l'accusé,  dont  nous  allons 
parler  dans  le  paragraphe  suivant,  la  désignation  du  défen- 
seur, sa  communication  avec  l'accusé  et  la  délivrance  d'une 
copie  des  pièces,  dont  il  a  été  question  dans  le  chapitre  pré- 
cédent. 

La  loi  n'a  point  au  reste  attaché  de  nullité  à  Tobservation 
de  ce  délai.  Le  procureur  général  doit  faire  toutes  les  dili- 
gences nécessaires  pour  que  le  jugement  de  Taccusé  ne  soit 
pas  retardé  et  pour  qu'il  puisse  jouir,  à  partir  du  jour  de  la 
notification ,  d'un  laps  de  temps  sufiBsant  pouf  préparer  sa 
défense. 

1.  De  rinterrogatoire  de  raccusô.  —  IL  Par  qoî  il  doit  y  être  procédé. 
IIL  Caractère  de  cet  acte.  —  IV.  Dans  quel  délai  il  doit  avoir  lieu. 
y.  Ses  formes  et  leur  constatation. 

L  L^art.  266  porte  :  a  le  président  est  chargé  d^entendre 
Paccusé  lors  de  son  arrivée  dans  la  maison  de  justice.»  L'art. 
293  répète  avec  plus  de  précision  :  a  vingt-quatre  heures  au 
plus  tard  après  la  remise  des  pièces  au  grefife  et  l'arrivée  de 
Taccusé  dans  la  maison  de  justice»  celui-ci  sera  interrogé  par 
le  président  de  la  Cour  d'assises  ou  par  le  juge  qu'il  aura 
délégué.  » 

Cette  formalité,  que  Part.  10  du  tit.  6  de  la  loi  du  16-29 
sept.  1791  et  l'art.  315  du  G.  du  3  brumaire  an  iv  avaient 
déjà  établie  avant  notre  code,  est  à  la  fois  une  mesure  de  pro- 
tection accordée  à  la  défense  et  une  mesure  d'instruction. 
Sous  le  premier  rapport,  elle  a  pour  objet  de  mettre  l'accusé 
à  même  d'exprimer  ses  réclamations  et  ses  griefs  et  d'indi*- 
quer  les  modifications  qu'il  veut  faire  à  ses  précédents  interro- 
gatoires  ;  elle  a  également  pour  but  de  le  munir  d'un  défen- 
seur, s'il  n'en  a  pas  choisi,  et  de  lui  faire  connaître  les  voies  de 
droit  qu'il  peut  exercer.  Sous  le  second  rapport,  elle  donne 
le  mojen  de  s'assurer  du  système  de  défense  de  l'accusé  et  de 
la  nécessité  qu'il  peut  y  avoir  de  procéder,  suivant  les  modi- 
fications de  ce  système  7  à  quelques  actes  d'instruction  sup- 
plcmeiilairc. 


.934  MS  COVRS  »*ASSUg8. 

Il  suit  de  là  que  cette  formalité  est  substantielle  et  la  jurii- 
prudence  prononce  Tannulation  des  procédures  dans  lesquelles 
son  accomplissement  n'est  pas  constaté  :  «  attendu  que  cet 
interrogatoire,  quoique  n'étant  pas  prescrit  à  peine  de  nullité, 
constitue  une  formalité  substantielle  dont  l'accomplissement 
est  indispensable  à  la  manifestation  delà  vérité,  tant  dans  TiR- 
térèt  particulier  de  Taccusé  que  dans  celui  de  Taccusation; 
qu'indépendamment  de  la  désignation  du  conseil  qui  doit  as- 
sister l'accusé  pendant  lesdébats,  et  indépendamment  de  ra?is 
donné  à  Taccusé  du  droit  qu'il  a  de  se  pourvoir  en  cassation 
contre  Tarrét  de  renvoi,  l'interrogatoire  dont  il  s'agit  a  pour 
but  pr'ncipal  de  mettre  l'accusé  à  même  de  faire,  avant  Toa- 
verture  des  débals,  des  changements  qu'il  croirait  utile  d'ap- 
porter dans  les  aveux  et  dénégations  émanés  de  lui  pendant 
l'instruction  ;  de  faire  connaître  au  président  de  la  Cour  d'as- 
sises les  modifications  apportéesaux  éléments  de  l'instructioD; 
et  qu'enfin  cet  interrogatoire  est  le  moyen  le  plus  ordinaire 
pour  signaler  au  président,  au  ministère  public  et  à  l'accasé 
la  nécessité  d'une  instruction  supplémentaire  que  les  art 
301 9  3091  et  304  autorisent,  même  après  la  notification  de 
l'arrêt  de  renvoi  et  de  l'acte  d'accusation  ».  » 

Cependant  il  a  été  admis,  sans  doute  pour  ne  pas  multi- 
plier les  formes,  que  cette  formalité  une  fois  accomplie,  il 
n^est  pas  nécessaire  de  la  renouveler,  lors  même  que  le  juge- 
ment de  l'accusé  est  renvoyé  à  une  autre  session  *,  lors  même 
qu'une  information  supplémentaire  aurait  eu  lieu  postériea* 
rement  au  premier  •  ;  lors  même  enfin  que  TalTitire  reviendrait 
après  cassation  devant  une  autre  Cour  d'assises  4.  Néanmoins 
dans  ce  dernier  cas,  il  est  nécessaire  que  Taccusé  soit  inter- 
rogé au  moins  sur  le  choix  qu'il  a  fait  d'un  défenseur;  et  il 
faut  ajouter  que,  dans  tous  les  cas,  le  président  est  libre  de 
renouveler  Tinterrogatoire  s'il  le  croit  utile. 

II.  La  loi  charge  à  deux  reprises,  par  les  art^  266  et  293, 
le  président  des  assises  de  procéder  lui-même  à  Tinterroga- 

*  Cass.  12  juillet  i844t  rapp.  M.  Mérilhou.  Bull.  n.  261  ;  48  mars  1815, 
rapp.  M.  Brière  Valigny,  n.  95;  3  jaiivier  1850,  rapp.  M.  Defaaassj,  24  août 
I854f  rapp,  M.  Plougoulm,  n.  26!. 

*  Cas8,  28  avril  1838.  rapp.  M,  Mérilhou.  Bull.  n.  116  ^  6  od.  I859| 
rapp.  M.  Isambert,  n.  495  ;  4  décein.  1852,  rapp.  M.  Foucher.  o.  391 

'  Casa.  15  avril  1837,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  120  ;  80  août  4844,  rapp. 
M»  Meyronnet  Saint-Marc,  n.  805  ;  10  juin  1852,  rapp.  M.  de  GIoi,  ■•  187. 

*  Cass,  27  janr.  1848,  rapp.  M.  Isambert.  Bull.  48,  5%  p,  245«. 


Bl  LA  FftOCÉBOai  AKTiilMRK  AUX  l»£lATS.  f  617.  S^ 

toire.  II  estatile,  en  effet,  que  le  magistrat  qui  doit  présider 
les  débats,  connaisse  a  Ta vance  les  accusés,  leur  situation, 
leur  physionomie,  qu^il  écoute  leurs  moyens  de  défense  et  qu'il 
puisse  apprécier  la  nécessité  de  procéder  à  une  information 
supplémentaire.  Cette  formalité,  nous  Tavons  déjà  dit,  nVst 
pas  seulement  destinée  à  veiller  aux  intérêts  de  la  défense,  elle 
a  également  pour  objet  de  préparer  le  débat  oral,  de  signaler 
les  omissions  de  la  procédure  écrite.  Or^  cette  mission  légale 
ne  peut  être  remplie  que  par  le  président  lui-même;  déji 
initié  à  Tétude  des  procédures,  lui  seul  peut  la  diriger  en  vue 
du  débat)  en  vue  de  la  découverte  de  la  vérité;  confiée  è  un 
autre  magistrat,  elle  devient  vaine  et  stérile  :  ce  magistrat, 
étranger  à  Taffaire,  se  borne  à  donner  à  Taccusé  les  avertis-^ 
sements  prescrits  par  la  loi»  il  neTinterroge  pas;  il  obéit  aux 
prescriptions  matérielles  de  la  loi»  il  constate  Taccomplisse-^ 
ment  de  la  formalité^  il  n'en  tire  aucune  utilité  pour  rins<- 
truclion. 

A  la  vérité,  l'art.  293  porte  que  «  Tacçosé  sera  interrogé 
par  le  président  des  assises  ou  par  le  juge  qu'il  aura  délégué,  a 
mais  cette  faculté  de  déléguer  un  juge,  qui  a  eu  pour  objet 
de  parer  aux  empêchements  qui  peuvent  survenir,  ne  devrait 
être  qu'une  exception,  et  trop  souvent  peut-être  elle  est  con*- 
sidérée  dans  la  pratique  comme  une  règle  :  la  plupart  des  in« 
terrogatoires  sont  faits  hors  des  chefs-lieux  des  Cours  impé- 
riales, par  les  présidents  ou  les  juges  des  tribunaux.  C'est  lA, 
nous  le  croyons,  un  véritable  abus.  Il  en  résulte  qu'un  acte 
destiné  A  instruire  la  justice,  a  cessé  de  remplir  cette  mis- 
sion et  que  le  but  que  la  loi  lui  avait  assigné  est  tout  è  fait 
perdu  de  vue.  L'interrogatoire  est  un  simple  avertissement 
donné  à  Taccusé  qu'il  peut  choisir  un  défenseur  et  se  pour* 
Yoir  contre  Tarrêt  de  renvoi  ;  il  a  cessé  d'être  exécuté  comme 
un  acte  dMnstruction. 

I^  jurisprudence  a  contribué  à  pousser  la  pratique  dans 
cette  voie.  L'art.  266  dit  que  le  président  qui  doit  a  enten- 
dre Faccusé,  »  pourra  déléguer  ces  fonctions  à  l'un  des  juges. 
L'art.  293  veut  que  Paccusé  soit  interrogé  «  par  le  président 
de  la  Cour  d^assises  ou  par  le  juge  qu'il  aura  délégué.  »  Mais 
l'art.  91  du  décret  du  6  juillet  1810  ajoute  :  <  si,  vingt- 
quatre  heures  après  Tarrivée  d'un  accusé  dans  la  maison  de 
justice,  le  président  des  assises  n'est  pas  sur  les  lieux,  et  qu'il 
n'y  ait  point  de  juge  par  lui  délégué^  conformément  i  1  ar-* 
licle  293,  pour  interroger  le^  accusés,  il  sera  procédé  k  Tin- 


536    '  SES  fiOVIS  D^ASSISIS. 

terrogatoire  par  le  président  du  tribonal  de  première  instance, 
ou  par  un  juge  qu*il  aura  commis  à  cet  effet  »  Cette  dispo- 
sition réglementaire,  qui  s'écartait  de  l'esprit  et  des  ternies  de 
la  loi,  sous  le  prétexte  d*en  faciliter  rexécution,  a  autorisé  U 
jurisprudence  à  déclarer  réguliers,  dans  les  départements 
autres  que  le  chef-lieu,  tous  les  modes  de  remplacement  do 
président  des  assises,  et,  par  conséquent,  a,  en  réalité»  exo- 
néré de  l'obligation  de  procéder  personnellement  à  Tinteiro- 
gatoire. 

Il  a  été  décidé  successivement,  en  ce  qui  touche  les  assises 
qui  se  tiennent  hors  du  siège  de  la  Cour  impériale,  qu'il  n'est 
pas  nécessaire  que  la  délégation  prévue  par  l'art.  293  soit  ex- 
presse, qu'il  suffit  qu'elle  soit  mentionnée  dans  Tacte  d'interro- 
gatoire ^  ;  que  celte  délégation  s'établit  par  voie  de  présomption, 
et  par  cela  ou'il  est  déclaré  que  le  magistrat  suppléant  agit 
a  par  empêchement  de  qui  de  droit  ',  »  ou  #-  en  remplacement 
du  président  >  *;  que  même  le  juge  qui  interroge  raccuséau 
moment  de  son  arrivée  dans  la  maison  de  justice  est  légale- 
ment présumé  avoir  reçu  une  délégation  soit  du  président 
des  assises ,  soit  du  président  du  tribunal ,  ou  avoir  agi  par 
suite  de  l'empêchement  légitime  des  membres  du  tribonal 
qui  le  précédent  dans  l'ordre  du  tableau  et  que  toute  men- 
tion d'une  délégation  quelconque  est  superQue  *. 

Il  a  été  jugé  en  même  temps,  en  ce  qui  touche  les  assises 
du  chef-lieu,  que  la  loi  n'exige  point  que  le  juge  qui  procède 
à  l'interrogatoire  fasse  partie  de  la  Cour  d'assises  ;  que,  par 
conséquent,  cette  formalité  peut  être  régulièrement  accomplie 

{>ar  un  conseiller  autre  que  les  conseillers  assesseurs  *»  par 
e  président  des  assises  ordinaires^  quand  il  s'agit  d'une  af- 
faire portée  à  des  assises  extraordinaires  présidées  par  le  pre- 
mier président  ^,  par  le  président  du  trimestre  précédent. 

Il  a  été  reconnu  encore  que  le  président  du  tribunal  doit 
interroger  dans  les  vingt-quatre  heures  de  l'arrivée  dans  la 


*  Gass.  26  juiniS47,  rapp.M.  Rataud,  Bull.  n.5d. 

*  Cas8«  ià  féTrier  1850,  à  notre  rapport,  bull.  n,  56. 

'  Caw*  21  déc  1582,  rapp.  M.  Meyronnet-Salot-Marc.  J.  P.  t.  XXIV, 
p.  1688. 

*  Cass.  18  sepu  1827,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  798;  16  mars 
1887,  rapp.  M.  ViiiceDs-Saiat-LaureiiU  J.  P.,  1840,  t.  II,  p.  110. 

*  Casa.  21  déc.  1832,  cité  iuprd. 

*  Cass.  5  février  1819.  rapp.  M.  Giraud.  J.  P.,  t.  XV,  p.  68  ;  23  sept,  mi, 
rapp,  M.  de  Crouscilhcs,  Bull,  n.  281;  18nov.  1856,  rapp.  M,  V.  FoucJjcr, 
Il    o'i7. 


DE  LÀ  FbOCBDUU  ANtltiaVll  AUX  oiBÀTS.  §  617.  537 

raakon  de  justice,  lortf  même  quMI  n'a  reçu  aucune  déléga- 
tion ',  et  que  la  même  obligation  pèse  sur  le  vice-  président  , 
en  cas  d'absence  ou  d'empêchement  du  président  '.  Enfin,  il 
ne  peut  résulter  aucune  nullité  de  ce  que  Tinterrogatoire, 
soit  qu'on  le  considère  comme  une  forme  purement  maté- 
rielle ou  comme  un  acte  d'instruction,  soit  fait,  soit  par  le 
juge  qui  a  instruit  Taffaire  *,  soit  par  l'un  des  membres  de 
la  chambre  qui  a  prononcé  la  mise  en  accusation  *. 

On  voit  que  l'interrogatoire  est  indifféremment  confié  à 
des  magistrats  qui  ne  doivent  point  faire  partie  de  la  Cour 
d'assises,  qui  n'ont  reçu  aucune  dt^légation  pour  y  procéder 
et  qui  sont  complètement  étrangers  à  l'instruction  relative 
aux  accusés  qu'ils  interrogent.  Getie  formalité  est  donc  né- 
cessairement réduite  aux  avertissements  prescrits  par  les 
art.  294  et  296;  l'interrogatoire  prescrit  par  l'art.  293  est 
virtuellement  supprimé,  car  il  suppose  une  connaissance  des 
pièces  que  le  magistrat  suppléant  ne  peut  pas  posséder.  S'il 
constitue,  ainsi  que  Ta  voulu  la  loi,  un  acte  d'instruction,  il 
est  certain  que  le  vœu  de  la  loi  est  imparfaitement  accompli. 

m.  Nous  retrouvons  cependant  dans  l'exécution  même  de 
l'interrogatoire  le  double  caractère  qui  lui  a  été  assigné. 

Il  doit  porter  sur  trois  points  distincts  : 

Aux  termes  de  l'art.  294,  l'accusé  doit  être  interpellé  de 
déclarer  le  choix  qu'il  a  lait  d'un  conseil  pour  Taider  dans  sa 
défense  ;  s'il  n'en  a  pasfait,  le  juge  lui  en  désigne  un  sur-le- 
champ,  à  peine  de  nullité  de  tout  ce  qui  suivra.  Nous  avons 
parlé  de  ce  premier  avertissement  et  du  choix  ou  de  la  dési- 
gnation des  conseils  dans  notre  §  614  ^. 

Aux  termes  de  l'art.  296,  le  président  doit,  en  deuxième 
lieu,  avertir  l'accusé  du  délai  que  la  loi  lui  accorde  pour  for- 
UÈetf  s'il  le  veut,  une  demande  en  nullité  contre  l'arrêt  de 
renvoi.  Nous  avons  examiné  les  formes  de  ce  deuxième  aver- 
tissement et  les  effets  de  son  omission  dans  notre  §  444  ^. 

Enfin,  aux  termes  de  l'art.  293,  le  président  doit  interro- 


*  Cass.  22  juillet  1852,  rapp.  M.  Mater.  Bull.  n.  248. 

2  Ca5S.8  janv.  1856»  rapp  M.  VÎDCens-Saîût-Laurent.  BoU.  n.  12. 

*  Cass.  17  sept.  1835,  rapp.  M.  Ckauveau-Lagarde.  Bull.  ii.  861  ;  17  juin 
4853»  rapp.  M.  Aug.  Moreau,  n.  213. 

*  Cais.  5  fév.  1819,  rapp.  M.  Giraucl,  J,  P.,  t.  XV,  p.  68. 
■  Voy.  supra,  p.  498. 

"  Voj .  notre  U  Vi,  p.  /|55, 


£W  PU  «OUM  »*AMItlf • 

ger  raccu8é;  Tari.  266  déclare  également  qu'il  doit  l'en* 
tendre.  Il  est  évident  qu^il  doit  Tinterroger  sur  les  faits  de 
Taccusation;  qu'il  doit  rentendre  dans  ses  déclarations 
rejalives  à  ces  A'its.  Ces  deux  articles  ne  peuvent  pas  avoir  un 
autre  sens.  Il  s'agit  donc,  comme  on  l'a  déjà  dit,  d'nn  acte 
d'instruction,  puisque  tout  interrogatoire  sur  d''s  faits  incri- 
minés, toute  constatation  de  .déclarations  ou  d'aveux  sur  les 
mêmes  faits  ne  peut  être  qu'un  acte  d'instruction  ;  et  cet  acte 
ayant  pour  objet,  d'une  part,  d'assurer  le  développement  de 
la  défense,  d'une  autre  piart,  de  fournir  au  président  les  no- 
tions qui  lui  sont  nécessaires  pour  la  direction  du  débat,  est 
une  forme  essentielle  de  la  procédure  et  doit  être  accomplie 
peine  de  nullité.  Il  a  été  jugé  par  conséquent  que,  lorsque  i 
celte  question  :  a  persistez-vous  dans  les  réponses  consignées 
dans  ¥os  précédents  interrogatoires  et  voulez-vous  y  ajouter 
ou  en  retrancher  quelque  chose?  »  »  le  procès-verbal  ne  men- 
tionne aucune  réponse  ni  aucun  refus  de  répondre ,  il  n'y  a 
en  réalité  aucun  interrogatoire,  d'où  il  suit  qu'il  y  a  violation 
des  art.  266  et  293  '.  11  faut  ajouter  toutefois  qu'il  n'est  pas 
nécessaire  que  l'interrogatoire  porte  sur  chacun  des  élé* 
ments  de  l'accusation  ;  il  suffit  que  l'accusé  ait  été  formelle- 
ment mis  en  demeure  de  fournir  ses  explications  surlesfaits 
et  charges  qui  constituaient  Taccusation  *.  C'est  ainsi  que» 
dans  une  espèce  où  le  pourvoi  était  fondé  sur  ce  que  l'accusé 
n'avait  pas  été  expressément  interpellé  de  s'expliquer  sur 
les  faits  incriminés,  le  rejet  a  été  prononcé  :  <  attendu  que 
l'art.  293  n'a  pas  déterminé  les  formes  de  Tinterrogatoire; 
que,  dans  l'espèce,  le  magistrat  qui  a  interrogé  l'accosé  loi 
a  dit  :  «  Yous  savez  de  quoi  vous  êtes  accusé  :  persistei-toQS 
dans  les  déclarations  que  vous  avez  faites  devant  le  juge 
d'instruction?  »  et  que  l'accusé  lui  a  répondu  «  qu'ilyper* 
sistait  et  qu'il  n'avait  rien  à  y  changer  ni  à  ajouter;  »  que 
cette  demande  et  cette  réponse  remplissent  suffisamment  le 
vœu  de  la  loi  et  qu'on  ne  peut  assimiler  cette  forme  d'inter- 
rogatoire à  l'absence  de  la  formalité  substantielle  prescrite 
par  l'art.  293* .  » 

m.  Le  délai  dans  lequel  il  doit  être  procédé  à  l'ioterro- 

'  Cass.  26  juillet  484i,  rapp.  M.  Brière-Valigny.  BolL  tu  }77;iln« 
1854,  rapp.  M.  V.  Foucher,  o.  iiS. 

•  Cass.  6  sept.  1855,  rapp.  M.  PoulUer.  Bull.  n.  3!5. 

'  Casa,  i  mars  1847,  rapp.  M,  IsamberU  Dali.,  47,  5,  «02, 


DE  LA  PftOG^lIlS  AMTiftlIUMB  AUX  DEBATS.  {  617.  S39 

gatoire  est  fixé,  par  la  loi  :  c'est,  suivant  l'art.  366»  a  lors  de 
raiTÎTée  de  Taccusé  dans  la  maison  de  justice;  »  et,  suivant 
l'art.  293 ,  a  vingt-quatre  heures  au  plus  tard  »  après  cette 
arrivée. 

Mais  ce  délai,  qui  n'a  d'autre  objet  que  de  régulariser  et 
d'accélérer  la  marche  de  la  justice,  n'est  point  prescrit  à 
peine  de  nullité»  et  il  n'y  a  pas  de  motif  de  suppléer  cette 
sanction.  Aussi,  il  a  toujours  été  reconnu  «  que  le  délai  spé- 
cifié eh  Tart.  293  n'est  point  prescrit  par  la  loi  à  peine  de 
nullité  ;  que  ce  qu'il  y  a  de  substantiel  dans  cet  article,  c'est 
que  l'accusé  soit  interrogé  et  jouisse,  soit  pour  se  pourvoir  en 
cassation,  soit  pour  préparer  sa  défense  et  communiquer  avec 
son  défenseur»  du  délai  de  cinq  jours  \  >  Nous  parlerons  plus 
loin  de  ce  dernier  délai  qui  doit  s'écouler,  non  plus  entre  l'ar- 
rivée de  l'accusé  dans  la  maison  de  justice  et  l'interrogatoire, 
mais  entre  l'interrogatoire  et  les  débats. 

TV.  La  loi  n'a  point  déterminé  les  formes  do  l'interroga* 
toire;  elle  ne  l'a  point  soumis  à  une  formule  sacramentelle  *  ; 
par  conséquent  la  manière  dans  laquelle  le  président  fait  ses 
questions  et  ses  avertissements  importe  peu.  ' 

Ce  qui  importe  seulement,  c'est  qu'il  soit  constaté  que 
Taccusé  ait  été  averti  et  interpellé  de  répondre  ;  et  il  est  dreiné 
en  conséquence  un  procèsî-verbal  de  Tinterrogatoire.  Le 
2^  S  de  l'art.  296  porte  :  «  L'exécution  du  présent  article 
et  des  deux  précédents  sera  constatée  par  un  procès-verbal 
que  .signeront  l'accusés  le  juge  et  le  greffier;  si  l'accusé  ne 
sait  ou  ne  veut  pas  signer,  le  procès -verbal  en  fera  men- 
tion. » 

Les  formes  que  ce  procès-verbal  doit  constater»  suivant  les 
art.  294  et  295,  auxquels  l'art.  296  se  ri'fère»  et  suivant  le 
1^'  §  de  ce  dernier  article,  sont  :  l""  l'interpellation  relative 
au  choix  du  défenseur  et,  s'il  y  a  lieu,  la  désignation  d'office 
de  ce  défenseur;  2M'interpellation  relative  au  pourvoi  contre 
l'arrêt  de  renvoi.  Nous  avons  vu  que  l'omission  de  cette  dou-  ' 
ble  constatation  entraînerait  ou  la  nullité  de  la  procédure  ou 
la  réserve  ultérieure  du  droit  de  Taccusé.  Le  proeès-verbal 

t  Cass.  2  janv.  1851»  rappi  M.  IsamberU  Bull.  n.  9;  16  janY,  1852, 
rapp.  M.  Isambert,  n.  49;  4  août  1853,  r»pp.  M.  de  GIos»  n.  383  ;  10  ocL 
dS39,  rapp*  M.  Vioceos-Saint-LaurenU  Sir.»  39»  1»  955;  21  8ept.  1837»  rapp. 
M.  Dehaussy,  Bull.  n.  285. 

•  Cass.  18  oet  1850,  rapp,  M.  Fréteau,  Bull,  n.  263. 


540  DES  COURS  d'A5I1SB9. 

doit  constater  encore  rinterrogatoîre  Itti-mème  *  ;  îl  doit  con- 
stater, enfin,  la  renonciation  de  Taccasé  au  délai  de  cinq 
jours  prévu  par  Vart.  296,  s'il  se  trouve  dans  le  cas  préva 
parTart.  261. 

Quant  aux  formes  du  procès-verbal  lui-même ,  elles  se 
réduisent,  aux  termes  de  l'art.  296,  à  la  signature  du  prési- 
dent, qui  procède  à  Tinterirogatoire,  du  greffier,  qui  Tassistc 
nécessairement  dans  cet  acte,  et  de  l'accusé. 

La  signature  du  président  est  essentielle  à  la  validité  de 
Tacte,  et  si  elle  manque,  la  formalité  n'étant  plus  constatée 
qne  par  un  acte  irrégolier,  est  réputée  n^avoir  pas  été  rem- 
plie :  «  attendu  que,  lorsque  la  loi  a  déterminé  le  mode  de  con- 
statation d'une  mesure  qu'elle  prescrit,  si  cette  constatation 
n'existe  pas  ou  n'est  pas  faite  dans  la  forme  légale,  il  y  a  pré- 
somption de  droit  que  la  mesure  a  été  omise  *  ».  En  consé- 
quence, il  y  a  lieu  d'annuler  le  procès  verbal  et  toute  la 
procédure  qui  Ta  suivi,  toutes  les  fois  qu'il  n'est  pas  revéta 
de  la  signature  du  magistrat  qui  a  procédé  à  l'interroga- 
toire *.  Il  y  a  lieu  de  prononcer  la  même  annulation  lorsque 
le  procès-verbal,  après  avoir  énoncé  que  le  président  a  pro- 
t^édé  à  l'interrogatoire,  porte  la  signature  d'un  autre  magis- 
trat, puisque  le  magistrat  qui  a  rempli  la  formalité  peut  seul 
en  certifier  raccomplissement  *. 

La  signature  du  greffier  n'est  pas  moins  essentielle  que  celle 
du  président,  car  il  est  le  témoin  nécessaire  de  l'acte  et  chargé 
par  la  loi  de  le  constater.  Il  y  a  lieu  en  consequence.de  consi- 
dérer comme  nul  le  procès-verbal  qui  ne  porte  pas  la  signa- 
ture du  greffier  ou  du  commis  greffier  qui  a  assisté  le  juge  : 
«  attendu  que  la  présence  et  le  concours  du  juge  et  du  gref- 
fier sont  exigés  pour  la  constatation  de  la  formalité  de  l'in- 
terrogatoire ,  comme  pour  son  accomplissement  ;  qu'en 
l'absence  du  juge  ou  du  greffier,  l'interrogatoire  est  incom- 
pétemment  reçu,  et  que  faute  de  la  signature  de  l'un  d'eux, 
ie  procès-verbal  n'est  ni  légal ,  ni  probant  ^.  »  Toutefois,  la 

*  Voy.  «upra,  p.  858. 

^  Cas8.  2  mai  1845,  rapp.  M.  Brière-Valigny.  Bull.  n.  161. 

'  Cass.  11  sept  18A5,  rapp.  11.  Brière-Valigny.  BoU.  il  288;  1*'  ami 
1858,  rapp.  M.  Nooguier.  n.  113;  ih  oct  1848,  rapp.  M.  Barennes,  o.  357; 
!•'  avril  1852,  rapp.  M.  Nougttier.  Dali.,  53, 5,  266. 

*  Cass.  25  sept  1847,  rapp.M.  de  Croaseilbes. Bull,  tu  242 ;  23  fév.  1854f 
rapp.  M.  de  Glos,  n.  47. 

*  Cass.  14  octobre  1855.  rapp.  M.  Sénéca.  Bull.  0.338;  20  oor.  1846, 
rupp,  M.  Brière-Valigny,  n.  293  ;  20  juillet  1844»rapp.  M.  Brièrc-Valîgo*, 
n.  277;  3  jum,  1800,  rapp.  M,  Dcliausbj.Dall.,  50,  5,  293. 


BB  LA  PROCl^OVHE  ANT^RICVRE  AUX  DÉBATS.  S  617.  ^i 

signature  du  greffier  ou  du  commis  greffier  pourrait  être  rem- 
placée parcelle  d'une  autre  personne,  que  le  magistrat  aurait 
commise  â  cet  eOet,en  cas  d'empêchement  de  ces  officiers  mi- 
nistériels, et  dont  il  se  serait  fait  assister  ;  il  a  été  reconnu»  en 
effet,  «  que  les  présidents  des  cours  d^assises,  comme  tous  les 
juges  procédante  une  instruction,  ont,  quant  aux  actes  qui 
présentent  un  caractère  d'urgence,  et  en  cas  d'empêchement, 
le  droit  de  remplacer  les  greffiers  qui  leur  sont  attachés,  en 
commettant  toute  personne  ayant  Tàge  requis  par  la  loi  et  la 
qualité  de  Français,  à  laquelle  ils  jugent  nécessaire  de  faire 
prêter  le  serment  en  tel  cas  requis  ^  > 

La  signature  de  l'accusé,  quoiqu'elle  soit  mise  par  Tart. 
296  sur  la  même  ligne  que  celle  du  président  et  celle  du  gref- 
fier, n'a  pas  été  réputée  par  la  jurisprudence  aussi  nécessaire 
que  celles-ci  à  la  validité  de  Tacte.  Ainsi,  dans  une  espèce  où 
le  procès- verbal  ne  portait  ni  signature  de  Taccusé,  ni  aucune 
mention  qui  la  suppléât,  le  pourvoi  a  été  rejeté,  «  attendu 
qu'il  est  énoncé  dans  la  ciêture  du  procès-verbal  qu^il  a  été 
lu  à  l'accusé  qui  a  déclaré  persister  dans  ses  réponses,  icelles 
contenant  vérité;  et  avons,  est-il  dit,  signé  avec  le  greffier  et 
non  le  détenu  ;  qu'en  référant  cette  dernière  énonciation  à 
celles  qui  précèdent,  il  en  résulte  que  Taccusé  a  été  inter-- 
pellé  et  qu'il  a  refusé  de  signer  *.  »  Et  dans  une  autre  espèce, 
dans  laquelle  l'interpellation  de  signer  faite  h  l'accusé»  qui 
d'ailleurs  ne  le  savait,  n'était  suivie  d'aucune  réponse,  le 
pourvoi  a  encore  été  rejeté,  «  attendu  que,  quoique  l'art. 
296  prescrive  l'apposition  des  signatures  de  l'accusé,  du  juge 
et  du  greffier,  ces  signatures  ne  sont  pas  eiigées  au  même 
titre  ;  que  les  deux  dernières  sont  nécessaires  pour  conserver 
au  procès -verbal  le  caractère  probant  et  authentique; 
qu'elles  sont  donc  substantielles  et  que  sans  elles  l'acte  n'a 
pas  d'existence  légale  ;  qu'il  n'en  est  pas  de  même  de  la 
signature  de  l'accusé,  laquelle  n'est  exigée  que  comme  com- 
plément de  son  interrogatoire;  que  si  elle  n'existe  pas,  l'omis- 
sion qui  en  résulte,  quelque  grave  qu'elle  soit,  ne  doit  pas 
entraîner  une  nullité  que  ne  prononce  pas  l'art.  296,  è  moins 
qu^elle  ne  fasse  grief  à  l'accusé*.  »  Ce  dernier  arrêt,  qui  sem- 
ble ^youloir  poser  une  règle  générale,  don  ne  lieu  à  une  obsorva- 


'  Ca».  5  sept,  A85S,  rapp.  M.  Jaoqulnot  Dall«  52, 5,  321, 
■  Gass.  4  janT.  18A9,  rapp.  M.  Barennes.  Dali.  49,  5,  25â. 
'  Casf .  27  jaillet  iSW,  rapp.  M,  liCgagneur,  Bull,  n.  236. 


SéS  DKS  COVRS  D*ÀMKBf. 

tion.  C'est  avec  raiBon  qu'il  assigne  ud  but  dîBérent  à  la 
signature  du  président  et  du  greffier  et  à  celle  de  Taocusë  : 
les  premières  ont  pour  objet  de  constater  raccomplissement 
des  formalités  légales  ;  la  seconde»  la  Térité  des  réponses 
écrites  dans  le  procès-verbal  ;  et  comme  ces  réponses  peuvent 
avoir,  dans  certains  cas,  une  grave  influence  sur  la  défense 
de  l'accusé,  il  importe  qu'elles  soient  suivies  de  sa  signature. 
A  la  vérité,  cette  signature  n'est  pas,  comme  les  deux  pre- 
mières, nécessaire  à  la  validité  de  Tacie,  aar  Taccusé  peut  ne 
savoir  signer  ou  refuser  de  le  faire  ;  mais  la  loi  a  eiigé  dans 
ce  cas  qu^il  en  fût  fait  mention.  Pourquoi  cette  mention?C'e$t 
qu'elle  suppose  qu'une  interpellation  formelle  a  été  adressée 
à  l'accusé;  c'est  que  cette  interpellation  remplace  seule  lasigna- 
ture.  Il  importe  donc  que  la  nécessité  de  cette  mrntioo  soit 
reconnue  dans  tous  les  cas  où  il  n'y  a  pas  de  signature,  car  il 
faut  que  l'accusé  ait  été  mis  en  demeure  de  reconnaître  ou  de 
dénier  les  déclarations  du  procës«verb.i|.  Il  y  a  lieu  de  remar' 
quer  d'ailleurs  que,  dans  les  deux  arrêts  cités,  le  rejet  du 
pourvoi  est  principalement  fondé  sur  la  présomption  que 
l'interpellation  avait  été  adressée. 

Ed  dehors  des  formes  spécialement  prescrites  par  l'art.  296, 
le  procès-verbal  doit  revêtir  celles  qui  sont  communes  à  tous 
les  procès-verbaux. 

Il  doit,  d'abord,  énoncer  dans  son  préambule  les  noms  et 
qualités  du  juge  et  du  greffier  dont  la  présence  et  le  concours 
sont  exigés  pour  raccomplissement  de  rinterrogatoire  et  dont 
la  signature  est  nécessaire  à  sa  validité  '. 


délai  établi  par  l'art  296  et  dont  l'interrogatoire  est  le  point 
de  départ.  Ainsi,  il  a  été  décidé  que  l'omission  de  la  date  du 
procès-verbal  ou  son  énonciation  incomplète  n'entraîne  pis 
la  nullité  des  formalités  dont  il  constate  raccomplissement, 
mais  a  pour  effet  de  ne  pas  faire  commencer  le  délai  de 
cinq  jours  '  ;  d'où  il  suit  que  les  débats,  qui  ont  suivi  se- 
raient nécessairement  frappés  de  nullité  *,  s'il  ne  pouvait  èln 


^  Gass.  2  mai  1845  et  il  oct,  1848.  Cité  iuprd^  p.  540. 
*  Gass.  S2  janvier  1848,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull,  n,  i9« 
'  Coss»  18  déc,  184^»  rapp.  M»  Quénault,  Bull,  n.  84i« 


DK  LA   PROGéDVRE  ANTiftlEUlC  ACX  DEBATS.   §618.  S43 

suppléé  k  cette  omission  par  aucun  autre  document  authen- 
tique \ 

La  question  s'est  élevée  de  savoir  si  le  procés-verbal  peut 
être  préparé  i  l'avance  et  imprimé.  La  jurisprudence,  sans 
acquiescer  à  cette  rédaction  prématurée,  n^a  pas  jugé  qu'elle 
fût  une  cause  de  nullité,  d^abord,  parce  que  Tart.  872,  qui 
porte  que  le  procés-verbal  des  débats  ne  pourra  être  imprimé 
à  Tavance,  ne  s'applique  point  au  procès -verbal  de  Tinter* 
rogatoire*;  ensuite  parce  que  les  formules  imprimées  ne 
s'opposent  pas  à  ce  que  les  formaiilés  qu'elle»  constatent 
soient  accomplies  dans  les  termes  mêmes  de  ces  formules  *• 
Elle  a  même  été  jusqu'à  maintenir  un  procés-verbal  dans 
lequel  la  réponse  de  Taccusé  était  imprimée,  «  attendu  que, 
quelque  irrégulière  que  soitia  formule  imprimée  de  cette 
réponse ,  elle  ne  peut  être  considérée  comme  nulle  et  créer 
une  nullité  en  Tabsence  d'une  disposition  prohibitive  de  Ift 
loi;  qu'en  effet,  si  cette  réponse  n'avait  pas  été  conformée  la 
formule  imprimée  et  avait  eu  un  autre  sens  ou  avait  contenu 
quelque  autre  observation  utile  à  la  défense,  le  magistrat 
qui  procédait  à  cet  interrogatoire,  assisté  de  son  grefCer,  au- 
rait fait  inscrire  ay  procès-verbal  la  réponse  textuelle  de  l'ac- 
cusé *.  »  Nous  avons  déjà  signalé  l'abus  des  procès-verbaux 
imprimés  *  :  cet  abus  est  surtout  visible  quand  il  s'agit  du 
procès- verbal  d'un  interrogatoire  ;  car»  s'il  est  possible  d'éta- 
blir i  l'avance  l'accomplissement  d'une  forme,  comment 
établir  une  réponse,  une  déclaration,  une  réclamation?  Il  est 
regrettable  que,  pour  épargner  quelque  soin  à  un  greffier, 
on  affaiblisse  les  formes  les  plus  importantes  et  on  rende 
vaincs  toutes  les  constatations. 

S  618. 

.'  Du  complément  d'iastructioa.  —  II.  A  qui  il  tppanientd'y  procéder. 
—  III.  Caractère  de  cette  instruction  complémenuire.  —  IV.  Quels 
actes  elle  autorise.  —  V.  Mesures  coercitives  contre  les  témoins. 

I.  L'art.  293  veut  que  l'accusé  soit  interrogé  sur  les  faits 

«  Cass.  1"  avril  iB52»  lapp,  M.  Dehaussy.  Bull  n.  IIA;  S9  sept,  1853, 
di  noire  rapport,  o«  4S6« 

*  Cass.  H  fév.  1853»  rapp.  IL  D^aasqr.  Bull.  a.  81* 

*  Cass.  2  janr.  1854,  rapp.  M.  Isambert.  Bull»  n.  2. 

*  Cash  10  aoatl85At  rapp.  M.  Isambert  Bull,  n,  253» 


S44  DES  COURS  Ik'ASSISES. 

îDcrimÎDégpar  raccusatîon.  L'art.  245  veut  que  le  proeureur 
général  donne  avis  de  l^arrét  de  mise  en  accusation  tant  au 
maire  du  lieu  du  domicile  de  Taccusé^  s*il  est  connu,  qu'à 
cehii  du  lieu  où  le  délit  a  été  commis  ;  et  cet  avis,  qui  a  pour 
but  de  provoquer  de  nouveaux  renseignements,  peutaniener 
la  découverte  d'indices  et  de  circonstances  nouvelles.  D'au- 
tres informations  peuvent  encore  par  d^autres  voies  surgir 
postérieurement  à  Tarrét  de  renvoi.  Tous  ces  éléments,  s'ils 
se  révèlent  après  la  clôture  de  Tinstruction,  ne  doivent-ils 
pas  être  recueillis?  La  procédure  est-elle  tellement  fermée 
qu'elle  ne  puisse  se  rouvrir  pour  recevoir  les  errements  nou- 
veaux qui  s'y  rattachent?  Il  serait  absurde  de  les  écarter  sous 
prétexte  de  cette  clôture;  car,  quelle  que  soit  Tépoqucoùils 
se  produisent,  la  justice  a  le  même  intérêt  à  les  connaître , 
tant  que  Tailaire  n^est  pas  jugée.  Est-il  une  déchéance  qui 
puisse  être  opposée  aux  révélations  qui  viennent  déclarer  la 
vérité?  C'est  pour  cela  que  notre  Gode,  reproduisant  une  dispo- 
sition de  la  loi  du  i6-29  septembre  1701,  tit.  6,  art  13  et 
duG.  du  3  brumaire  an  iv,  art.  317,  avoulu  que  ces  renseigne- 
ments nouveaux  pussent  être  reçus  et  constatés  en  tout  état 
de  cause  et  jusqu'au  moment  où  commence  l'instruction  orale. 
La  procédure  est  donc  non  pas  rouverte,  mais  continuée,  non 
pas  reprise,  mais  conduite  depuis  le  moment  où  elle  s'est  arrê- 
tée jusqu'au  moment  où  s'ouvrent  les  débats,  pour  y  joindre 
les  pièces  ou  les  circonstances  nouvelles  qui  viennent  s'y  rat- 
tacher et  qui  ne  se  produisent  qu'après  qu'elle  a  statué. 

Tel  estTobjetdesart.  301  et  303.  L'art.  301  dispose  que, 
«  nonobstant  la  demande  en  nuHité,  rinstruction  sera  conti- 
nuée. »  L'art.  303  ajoute  :  c  S'il  y  a  de  nouveaux  témoins 
à  entendre  et  qu'ils  résident  hors  du  lieu  où  se  tient  la  Cour 
d'assises,  le  président,  ou  le  juge  qui  le  remplace,  pourra 
commettre  pour  recevoir  leurs  dépositions  le  juge  d'instruc- 
tion  de  l'arrondissement  où  ils  résident,  ou  même  d'un  autre 
arrondissement  ;  celui-ci,  après  les  avoir  reçues,  les  enverra 
closes  et  cachetées  au  greffier  qui  doit  exercer  ses  fonctions 
à  la  Gour  d'assises.» 

U.  C'est  au  président  des  assises  qu'il  appartient  de  pro- 
céder à  ce  complément  de  l'instruction.  L'art.  303  lai  confère 
ce  pouvoir  et  il  eût  été  difficile  de  le  déposer  en  d'autres 
mains.  Le  juge  d'instruction,  dessaisi  par  l'ordonnaoce  de 
mise  en  prévention,  ne  peut  procéder  à  aucun  acte  alténeor 


DE  LA   PROCÉDL'KE   ANTÉrIEVIIE  AtX  I»1bATS.    $  GIS.  ,ji,S 

d'instructioD.  La  chambre  d'accusation,  également  dessaisîu 
par  son  arrêt»  ne  peut  plus  ordonner  un  supplément  d'infor- 
mation. Enfin,  le  procureur  général  ne  peut,  ainsi  qu^on  Ta 
déjà  dits  faire,  sauf  les  cas  de  flagrant  délit,  aucun  acte 
d'instruction  ;  il  ne  peut  que  recueillir  de  simples  renseigne- 
ments. Le  président  seul  est  donc  -en  position  d'accomplir 
cette  tâche. 

Il  peut  être  toutefois  suppléé  par  le  juge  qui  le  remplace  ; 
et  cette  suppléance  est  de  plein  droit,  puisque  ce  juge,  en  Te 
remplaçant,  remplit  les  fonctions  de  la  présidence.  Il  doit  donc 
pourvoir  aux  actes,  urgents  par  leur  nature»  de  l'information 
supplémentaire. 

Il  peut  procéder  lui-même  aux  actes  complémentaires 
qu'il  juge  utiles,  sans  avoir  besoin  d'une  délégation  de  la 
Cour  d'assises,,  sans  qu'une  ordonnance  préalable  soit  néces- 
saire pour  ordonner  ce  complément  d'information  *.  Il  entend 
les  témoins,  s'ils  résident  sur  les  lieux  ;  il  fait  les  visites  et  les 
vériticatioDS,  si  ces  opérations  n'exigent  pas  de  déplacement. 
Il  peut  aussi ,  dans  ce  cas,  déléguer  l'un  de  ses  assesseurs  '. 

Si  les  dépositions  des  témoins  doivent  être  reçues  ou  les 
vérificatious  faites  dans  un  autre  lieu ,  il  délègue  le  juge 
d'instruction  de  ce  lieu^  qu'il  soit  ou  non  situé  dans  le  res- 
sort de  la  Cour  d'assises  *.  Il  peut  même  déléguer  à  cet  effet 
le  juge  d'instruction  d'un  arrondissement  ressortissant  d'une 
Cour  d'assises  qui  avait  été  dessaisie  de  l'affaire  pour  cause 
de  suspicion  légitime  \  Il  peut  même  déléguer  un  juge  do 
paix  ,  a  attendu  que  les  dispositions  de  l'art.  303  ne  sont 
qu'indicatives  et  non  limitatives,  et  qu'il  résulte  de  la  com- 
binaison  de  cet  article  avec  l'art.  283,  que  dans  tous  les  cas 
où  les  présidents  sont  autorisés  à  remplir  les  fonctions  d'offi- 
cier de  police  judiciaire  ou  de  juge  d'instruction,  ils  peuvent 
déléguer  aux  juges  de  paix  les  fonctions  qui  leur  sont  attri- 
buées *.  Le  juge  ainsi  commis  peut  déléguer  lui-même  un 
autre  magistrat  ou  officier  compétent  7.  b 

Le  président  a  qualité  et  compétence  pour  procéder  au 
complément  d'instruction ,  dés  l'instant  que  sa  nomination 

*  Voy.  suprà,  p.  â93  et49A« 

*  Case  27  avril  1849,  rapp.  M.  Jacquinot.  Bull.  n.98. 

«  Cass.  24  janv.  i83V,  rapp.  M.  Rives.  Dali.  39, 1, 147. 

*  Cais^  20  janv.  1852,  rapp.  M.Ollhier.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  804f  ! 

*  Cass.  17  fëv.  1843,  rapp.  M.  homigalères.  Bail.  n.  85. 

*  Ca».  7  juillet  1847,  rapp.  M.  IsamberU  Bull.  n.  153. 

^  Cass»  11  déc  1850,  r9pp.  M,  Legagneor,  Bull,  D,  392, 

viii/  35 


S46  ftlS  COUU    D*A981IKS. 

€St  publiée  5  pour  les  affaires  qui  doivent  être  portées  aui 
assises  qu^il  doit  présider  ^  Il  a  encore  qualité  et  compé- 
tence, lors  même  que  Taffaire  aurait  été  renvoyée  à  une  au- 
tre session,  pour  être  procédé  à  des  expertises  reconnues  né- 
cessaires ;  il  peut  dans  ce  cas ,  même  après  la  clôture  de  la 
session,  nommer  les  experts  ou  remplacer  les  experts  em- 

1)êchés;  car,  d*unepart,  ces  actes,  qui  ne  sont  d'ailleurs  que 
a  conséquence  du  renvoi ,  ont  un  caractère  d'urgence ,  et, 
d'une  autre  part,  il  n'existe  aucune  autre  autorité  qui  puisse 
y  pourvoir  ». 

ni.  Quel  est  le  caractère  de  cette  attribution  présiden- 
tielle? quel  est  son  but,  quelles  sont  ses  limites? 

On  ne  doit  point  y  voir,  en  premier  lieu,  un  acte  du  pou- 
voir discrétionnaire  que  les  art.  268  et  269  confèrent  au 
président.  Ce  pouvoir,  en  effet,  comme  nous  l'avons  établi*, 
ne  s'exerce  que  «  dans  le  cours  des  débats,  »  et  ne  peut  agir 
que  lorsqu'il  est  provoqué  par  de  nouveaux  développeroeots 
donnés  à  l'audience.  Le  président  ne  pourrait  donc,  en  vertu 
de  ce  pouvoir,  tel  que  la  loi  l'a  défini  et  réglé  ,  ordonner 
avant  l'ouverture  de  Taudience  les  mesures  qu'il  ne  pouira 
prendre  que  lorsque  Taudience  en  aura  constaté  la  nécessité. 
Cette  première  proposition  ne  rencontre  aucune  objecttoo. 

On  ne  doit  point  non  plus  y  voir  le  droit  de  procéder  à  uue 
instruction  supplémentaiie,  mais  seulement  i  quelques  actes 
complémentaires  d'une  instruction  qui  est  tei minée.  Cette 
deuxième  propoi^ition  exige  quelque  développement. 

Elle  a  été  soulevée  dans  une  espèce  qui  présentait  la  ques- 
tion de  savoir  si  le  président  peut  appeler  devant  lui  des  té* 
moins  déjà  entendus  dans  Tinsiruction  pour  compléter  ou 
rectifier  leurs  premières  déclaratiuos.  Un  premier  arrêt, 
rendu  dans  un  cas  où  le  président  avait  entendu  vingt-huit 
témoins,  dont  plus  de  la  moitié  appartenaient  à  l'instrucboa 
écrite,  a  déclaré  «  que  le  président  autorisé  par  iea  art.  âOi 
et  302»  à  continuer  rinstiuciiou  jusqu'aux  débats  exclu- 
sivement, n'a  que  le  droit,  aux  tenues  de^  fart.  303,  dont 
les  enonciaUous  sont  restrictives»  d'entendre  les  témoios 
non  encore  entendus  dans  l'instruction  écrite  qui  a  précédé 

*  Caas.  a  oct.  iSâ4»  rapp.  M.  Viacenv-Samt^Laoreat.  Bull  lu  asit  19 
DOV.  ftbôd,  ra(ip.  M.  V  Fuuclu;r,  o.  847. 
«  Cas»,  ao  auûi  1844,  rapp.  U,  M«!jfn>luietMfit-BCarct  Bail.  n.  W. 
■  Voyt  fupràf  pt  AOi/f 


DK  LA  PROcéDÏÏRC  ANTÉftlKUAK  AfX  fiésATS.  §  618.  54? 

Pordonnance  de  prise  de  corps  et  l^arrêt  de  mise  en  accu- 
sation ,  et  par  conséquent  de  procéder  seulement  à  un  com- 
plément d^instruction  ;  qoe  néanmoins  »  dans  Tespéce»  le 
président  a  entendu  comme  témoins  plusieurs  personnes 
qui  avaient  déjà  déposé  dans  Pinstruction  écrite;  d'où  il  suit 
qu'en  procédant  ainsi  il  a  commis  un  excès  de  pouvoir, 
violé  les  règles  de  la  compétence  et  porté  atteinte  au  droit 
de  la  défense ^  »  Mais  un  autre  arrêt,  rendu  à  quel- 
ques jours  de  distance,  dans  une  espèce  où  le  président  avait 
fait  entendre  par  voie  de  commission  rogatoire  deux  témoins 
déjà  entendus  dans  Tinstruction  écrite,  a  déclaré  :  «  que  les 
articles  301,  303  et  304  autorisent  le  président  à  continuer 
Tinstruction  après  Tarrèt  de  renvoi  ;  que  leur  disposition  ne 
permet  pas  d'étendre  au  président  la  prohibition  laite  au  juge 
d'instruction  par  Tart.  257  de  siéger  à  la  Cour  d'assises  ni 
de  déclarer  les  débats  nuls,  par  cela  seul  qu  après  avoir  fait 
desactes  d'instruction  en  vertu  de  ces  articles,  il  ne  seserait  pas 
abstenu  de  présider  ;  que  si  l'art.  303  parle  de  nouveaux  té- 
moins, il  n'est  point  conçu  en  termes  prohibitifs  à  l'égard 
des  témoins  déjà  entendus;  que  l'art  301  qui  le  précède  et 
le  domine,  en  autorisant  en  termes  généraux  la  continuation 
de  Pinstruction,  Pautorise  par  toutes  les  voies  de  droit  ;  qu'il 
peut  importer  à  la  manifestation  de  la  vérité  que  tous  les  élé- 
ments de  preuves  pour  et  contre  l'accusé  soient,  autant  quo 
possible,  réunis  et  fixés  avant  l'ouverture  des  débats,  puisque 
l'examen  et  les  débats ,  une  fois  commencés ,  doivent  être 
continués  sans  interruption  jusqu'à  la  déclaration  du  jury; 
que  ce  résultat  ne  serait  pas  atteint  si  le  président  ne  pouvait 
pas  entendre  de  nouveau  les  témoins  qui  ont  déjà  déposé  dans 
l'instruction  antérieure  à  l'arrêt  de  renvoi,  toutes  les  fois 
qu'il  le  juge  nécessaire  pour  vérifier  des  circonstances  sur 
lesquelles  cette  instruction  est  muette  ;  quo  le  pouvoir  d'en- 
tendre de  nouveaux  témoins  emporte  nécessairement  avec  lui 
le  pouvoir  d'appeler  aussi  ceux  qui  ont  déjà  été  entendus*, 
soit  pour  obtenir  d'eux  Pindication  des  nouveaux  témoins 

3u'il  pourrait  être  utile  d'entendre ,  soit  pour  contrôler  les 
éclarations  de  ceux-ci  ^  » 
Il  nous  semble  que  ces  deux  arrêts,  bien  que  directement 

*  GaM.  IS  mars  1836,  rdpp.M.  Dehanssy.  Sir.,  86.  i>  571. 

*  Ca«.  9S  afril  18S6,  ra^p.  M.  Viiic«ii>«8aiiU-Laaret)t.  BuH.  n,  127;  et 
Gont  i  déc  1852,  raj^p.  M.  V.  Foucber,  o>  992 1 12  déc.  19$2t  rapp.  M,  Ang, 
HaT^ttUi  n«  407  ;  4  sioût  185/ii  rapp.  M,  de  Gioi,  n.  250. 


%4$  hKS  COURS  D^ASflSES. 

ooBlraires  dans  leur  solution ,  se  concilient  dans  leur  doc- 
trine. Il  est  très  vrai ,  d'abord ,  comme  le  déclare  le  second , 
que  l'art.  357  est  ici  sans  application  ;  cet  article  ne  veut  pas 
que  le  juge  qui  a  préparé  l'instruction  ou  prononcé  la  mise 
en  accusation  puisse  prendre  part  au  jugement;  or,  le  prési- 
dent des  assises  ne  se  trouve  ni  dans  l'un  ni  dans  l'autre  de  ces 
cas ,  par  cela  qu'il  a  procédé  à  quelques  actes  complémen- 
taires de  l'instruction.  La  règle  qui  sépare  Tinstruclion  et  le 
jugement,  et  qui  confie  ces  deux  périodes  de  la  procédure  à 
des  juges  distincts ,  afin  que  les  impressions  que  fait  naître 
l'une  n'exercent  aucune  influence  sur  Pautre ,  ne  s^étend 
point  à  lui.  Mais  pourquoi  ne  s'y  étend-elle  pas?  Est-ce 
que  ce  magistrat,  libre  de  Tinterdiction  qui  pèse  sur  les  autres 
juges,  peut  à  la  fois  instruire  et  juger  ?  Non;  mais  c'est  parce 
que  en  réalité  il  n'instruit  pas ,  parce  que  les  actes  complé- 
mentaires qu'il  peut  faire  ne  constituent  point  une  véritanle 
instruction ,  parce  qu'il  se  borne  à  recueillir  des  renseigne- 
ments et  des  déclarations  sans  les  apprécier  et  les  juger. 

Quelle  est,  en  eifet^  sa  mission  ?  Est-ce  qu'il  pourrait  à  lui 
seul  remanier  et  refaire  toute  l'instruction  écrite?  Est-ce 
qu'il  est  môme  appelé  à  la  modifier  et  à  lui  imprimer  une  di- 
rection nouvelle?  Est-ce  que  seul  il  remplace  la  garantie  de 
la  double  juridiction  qui  a  édifié  cette  instruction  ?  Sa  mission 
est  restreinte,  elle  a  pour  but  de  pourvoir  aux  circonstances 
extraordinaires,  aux  cas  où  des  indices,  des  preuves  inatten- 
dues se  sont  manifestés  depuis  que  la  chantbre  d'accusation 
a  statué,  où  des  témoins  ou  des  faits  nouveaux  ont  éié  indi* 
qués,  où  des  révélations  ont  éclaté.  Il  importe  de  recueillir 
et  de  constater  ces  éléments  nouveaux  ,  de  rechercher  leur 
portée  et  l'effet  qu'ils  peuvent  produire  sur  la  direction  du 
débat ,  de  déterminer  comment  ils  doivent  entrer  et  être 
classés  dans  Tinstruction  orale.  C'est  là  l'oflicc  que  les  ar- 
ticles 301  et  303  ont  attribué  au  président  et  dont  ils  ont  in- 
diqué le  caractère  en  assignant  pour  objet  à  cette  continua- 
tion de  l'instruction  les  nouveaux  témoins  qu'il  peut  être  né« 
cessaire  d'entendre  ,  c'est-à-dire  les  faits  nouveaux ,  quels 
qu'ils -soient,  qui  ont  surgi  depuis  que  l'instruction  estciose 
et  que  i'mtérèt  de  U  justice  commande  de  recueillir  pour  les 
y  joindre.  Il  ne  s'agit  pomt  de  recommencer  une  procédure 
qui  a  été  instruite  avec  des  formes  plus  réfléchies  et  des  ga- 
ranties plus  sérieuses;  il  s'agit  de  continuer  cette  instructioo, 
mais  seulement  pour  y  annexer  les  éléments  nouveaux  qui 


M  Lk  raOCKOORE  ANTÉEIEORE  ADX  DÉBATS.  $  618.  5i9 

se  prodaîsept  et  pour  mettre  le  jury  à  môme  de  les  apprécier. 

Or,  cette  doctrine  n'est  contredite  ni  par  Tun  ni  par  l'au- 
tre des  deux  arrêts  que  nous  avons  cités.  Le  premier  pose  en 
principe  que  le  président  ne  peut  procéder  qu'à  un  complé- 
ment d'instruction;  l'autre  n'admet  l'audition  de  témoins 
déjà  entendus  «  que  pour  vérifier  des  circonstances  sur  les- 
quelles cette  instruction  est  muette,  »  c'est-à-dire,  des  cir- 
constances nouvelles,  ou  pour  contrôler  les  déclarations  des 
nouveaux  témoins.  Dans  le  système  des  deux  arrêts,  la  con- 
tinuation de  l'instruction  n'est  donc  que  la  constatation  des 
faits  nouveaux  qui  ont  surgi  depuis  l'arrôl  de  renvoi  et  dont 
il  est  nécessaire  de  recueillir  les  preuves  avant  les  débats, 
afin  de  pouvoir  les  y  présenter.  Ils  diffèrent  cependant  en  un 
point  :  l'un  refuse  au  président  le  pouvoir  d'entendre  des 
témoins  déjà  entendus,  Tautre  autorise  au  contraire  cette 
réaudition.  Mais  cette  contradiction  trouve  son  explication 
dans  le  réquisitoire  qui  a  précédé  le  second  arrêt  :  «  Un  té- 
moin, disait  M.  Dupin,  peut  être  nouveau  de  deux  maniè- 
res :  !•  s'il  apparaît  pour  la  première  fois  pour  déposer  sur 
des  faits  déjà  connus  pour  lesquels  on  a  négligé  de  l'appeler 
oo  s*il  était  absent;  2*» s'il  surgit  un  fait  nouveau  pour  lequel 
il  sera  nécessaire  d'entendre  des  témoins  qui,  pour  avoir  déjà 
été  interrogés  sur  d'autres  faits,  n'en  sont  pas  moins  des  té- 
moins nouveaux  quant  au  fait  nouveau.  »  C'est  en  adoptant 
ce  dernier  sens  que  le  deuxième  arrêt  dit  «  que  le  pouvoir 
d'entendre  de  nouveaux  témoins  emporte  nécessairement  avec 
lui  le  pouvoir  d'appeler  aussi  ceux  qui  ont  déjà  été  enten- 
dus soit  pour  obtenir  d'eux  l'indication  des  nouveaux  témoins 
qu'il  pourrait  être  utile  d'entendre,  soit  pour  contrôler  les 
déclarations  de  ceux-ci.  »  Ce  sont  là  de  nouveaux  témoins, 
parce  qu'ils  sont  interrogés  sur  des  faits  nouveaux,  parce 
qu'ils  fournissent  une  déclaration  nouvelle. 

n  suit  de  là  que,  même  en  admettant  cette  interprétation, 
qui  nous  parait  raisonnable,  le  sens  des  art.  301  et  303 
reste  le  môme  :  le  droit  qu'ils  confèrent  au  président  ne  peut 
6tre  mis  en  mouvement  que  lorsqu'il  est  sollicité  par  de  nou- 
veaux indices^  par  des  faits  ou  des  renseignements  nouveaux, 
et  toute  sa  fonction  consiste  à  constater  ces  indices  et  ces  faits, 
soit  qu'il  procède  à  l'audition  de  témoins  nouveaux  ou  de 
témoins  déjà  entendus,  mdis  seulement  sur  des  circonstances 
récemment  révélées,;  il  n'a  pour  but  que  de  recueillir  ces 
renseignements  pour  les  faire  servir  aux  débats.  La  loi  n'a 


^50  DES  COURS  d'assises.     . 

pas  voulu  que  les  faits  qui  se  seraient  dévoilés  depuis  la  cl6- 
iure  de  Tinstruction  fussent  perdus  pour  Taudience  ;  miis 
elle  n'a  pas  voulu  non  plus  que  rinstructiou,  dont  elle  airaei 
toutes  les  règles,  pût  être  4rbitrair<>ment  modifiée  par  aae 
instruction  extraordinaire  qui  ne  serait  entourée  d^aucune 
garantie.  Le  président  n'est  point  et  ne  peut  être  un  joge 
d'instruction ^  car  il  siège  comme  juge  au  débat;  il  ne  pro- 
cède donc  point  à  une  instruction,  il  ne  fait  qu'enregistrer  les 
indices  et  tes  preuves  nouvelles  pour  qu'il  en  soit  fait  usage 
devant  la  Cour  d'assises. 

Il  ne  faut  pas  d'ailleurs  que  Tusage  de  ces  nouvelles  pièces 
puisse,  en  surprenant  l'accusé  par  des  charges  qu'elles  peu- 
vent contenir,  porter  atteinte  à  sa  défense.  Il  a  été  reconnu  en 
conséquence,  d'une  part,  «  qu'il  doit  lui  être  donné  comma- 
niçalion  et  copie  des  pièces  de  celte  instruction  supplémeiH 
taire  comme  de&  pièces  de  la  première  instruction»  et  d'au- 
tre part,  que  si  son  droit  de  défense  se  trouve  gêné  parce  que 
des  circonstances  nouvelles  auraient  été  révélées  à  m  charge 
A  une  époque  trop  rapprochée  de  l'ouverture  des  débats,  il 
peut  demander  une  prorogation  de  délai  ^.  » 

lY.  Les  actes  d'instruction  que  le  président  peut  ordonuer 
ne  se  bornent  pas,  au  surplus»  à  raudition  des  témoios. 
L'art.  301  pose  en  règle  générale  que  «  l'instruction  est  con- 
tinuée, »  et  par  conséquent  elle  peut  être  continuée  par 
toutes  les  voies  de  droit.  Si  Part.  303  ne' parle  que  des  té- 
moins à  entendre^  c'est  qu'il  n'avait  en  vue  que  d'autoriser 
leur  audition  par  voie  de  commission  rogatoire^  et  ses  termei 
ne  sont  nullement  restrictifs. 

Il  a  été  reconnu  en  conséquence  que  ce  magistrat  peut 
ordonner  une  vérification  de  livres  chez  un  commerçant  ^ 
toutes  expertises  qu'il  juge  nécessaires^,  un  transport  sur 
les  lieux  et  la  rédaction  de  leur  état  descriptifs,  la  levée  du 
plan  du  lieu  du  crime  ^»  la  visite  d'une  accusée  pour  vérifier 
si  elle  est  enceinte  et  en  état  de  supporter  les  dét>ata^,  la 
jonction  à  la  procédure  dé  pièces  qu'il  croit  utiles  à  la  mani^ 

*  Cass.  22  avril  4836.  Gîté  suprà. 

*  Cass.  il  déc  4856,  rapp.  M  Legafpieur,  Bull.  n.  392. 

*  Cass.  ao  aoat  1644,  rapp*  M.  MeyreDnet-Saint-Marc  Bull.  !!•  aOS. 

*  Cass.  4  février  1836. 

»  Cass.  24  JanT.  1839,  rapp.  M.  Rives.  Dali.  a9|  1,  147  (  13  DOT»  1856, 
rtpp.  M.  V.  Foucher.  Bull.  n.  347. 

*  Liéfe,  26  juin  in9.  h  P.»  lé  XXII,  pt  Il8t. 


M  LA  PROCÉDOiB  ÀHTteffiOai  AVI  DÉBATS.   $  619.  S5l 

festationde  la  ▼érité  ^  Texhamation  et  raatopsie  d'un  cada- 
Tre*.  La  seule  condition  est  que  toutes  ces  mesures  aient 
pour  but,  soit  de  constater  ou  de  contrôler  des  Taits  ou  des 
témoins  nouveaux,  soit  de  préparer  Tinstruction  orale. 

V.  L'art.  304.  porte  que  «  les  témoins  qui  n'auront  pas 
comparu  sur  la  citation  du  président  ou  du  juge  commis  par 
lui,  et  qui  n'auront  pas  justifié  qu'ils  en  étaient  légitimement 
empêchés  ou  qui  reruseront  de  Taire  leur  déposition,  seront 
JDgés  par  la  Cour  d'assises  et  punis  conformément  à  l'art.  80.  » 
Ainsi ,  le  président  ou  le  juge  com'uis  ne  peut  ordonner  au- 
cune contrainte  ni  prononcer  aucune  peine  contre  le  témoin 
Técalcitrant.  Ce  magistrat  d^it  se  borner  à  constater  la  déso- 
béissance et  la  Cour  d'assises,  seule  compétente  pour  statuer 
sur  tous  les  incidents  contentieux,  a  seule  le  droit  de  pronon- 
cer la  condamnation.  Il  est  peut-être  étrange  que  le  juge 
d'instruction  délégué  par  le  président  puisse  prononcer  cette 
condamnation,  et  que  celui-ci,  qui  le  délègue,  ne  le  puisse 
pas.  C'est  que  le  juge  d'instruction  trouve  ce  pouvoir  dans  sa 
propre  juridiction,  tandis  que  le  président,  séparé  de  la  Cour 
d'assises^  n'est  investi  que  d'un  pouvoir  sommaire  et  restreint 
aux  mesures  urgentes.  Il  n'est  pas  nécessaire  que  le  témoin 
soit  cité  de  nouveau  devant  la  Cour  d'assises  :  la  condamna- 
tion peut  être  prononcée,  sans  autre  formalité  ni  délai,  sur 
les  conclusions  du  ministère  public  ;  mais  il  peut  former  op- 
position conformément  à  l'art.  81,  qui,  quoique  l'art.  30(h 
n'y  ait  pas  renvoyé,  n'est  pas  moins  applicable  *. 

S  619. 

1.  Formation  da  rMe  de  la  session.  —  II.  Ne  saut  pas  réputées  en  état 
les  alfaires  relatives  aux  accusés  qui  ne  sont  pas  afouées  «tant  l'on-^ 
vertu re  des  assises.  —  111.  Les  affaires  dans  lesquelles  il  y  a  pourfol 
contre  l'arrêt  de  renvoi.  —  IV.  Les  affaires  dans  lesqueUei  le  délai 
de  cinq  jours  n*est  pas  expiré.  •-  V.  Enfin  celles  dans  lesquelles  est 
notifié  ua  arrêt  de  soit  communiqué. 

I.  Le  président  des  assises,  après  avoir  procédé  à  Tinter* 
rogatoire  des  accusés  qui  sont  écroués  dans  la  maison  do  jus« 
tice  et^  s'il  y  a  lieu ,  aux  actes  complémentaires  d'instruction 

i  Cass.  20  mai  1837.  Sir..  57, 1,  652* 

>  Cass.  30  août  1S44>  cité  «aiprâ,  p.  560. 

'  Voy.  Gonf,  Gamot,  de  l*in8t«  criai.,t«  II,  p«  W  • 


^  DES  coins  d'assises* 

que  quelques  procédures  peuvent  exiger,  s'occupe  de  la 
formation  du  rôle  des  affaires  de  la  session. 

Le  rôle  de  chaque  session  doit  comprendre  toutes  les  af- 
faires qui  sont  en  état  lors  de  son  ouverture  :  telle  est  la 
prescription  de  Tart.  260.  Les  affaires  en  état  sont  celles  qui 
ont  été  renvoyées  par  la  chambre  d'accusation  derant  les  as- 
sises  assez  i  temps  pour  que  les  accusés  aient  pu  être  trans- 
férés dans  la  maison  de  justice  avant  leur  ouverture* 

Le  président,  après  avoir  fixé  le  jour  où  les  assises  doivent 
a^ouvrir,  dresse  la  liste  des  affaires  en  assignant  le  jour  où 
chacune  d'elles  doit  èlre  jugée.  Ce  jour  peut  être  soit  un  di- 
manche, sôit  un  autre  jour  flxé,  sans  qu  il  y  ait  nullité  ;  car, 
d'après  la  règle  posée  par  Tart.  2  de  la  loi  du  17  thermidor 
an  VI,  il  n'y  a  pas  de  jours  fériés  pour  les  procédures  crimi- 
nelles *  • 

Il  ne  résulte  aucune  nullité  de  ce  que  le  jour  fixé  sur  le 
rôle  pour  le  jugement  d'une  affaire  aurait  été  ultérieuremeot 
changé  si  l'accusé  n'en  a  éprouvé  aucun  préjudice.  Ainsi , 
dans  une  espèce  où  le  président  avait  substitué  la  date  du  20 
à  celle  du  21  qui  avait  été  fixée  d'abord ,  le  pourvoi  a  été  re- 
jeté !  c  attendu  que  la  fixation  du  20  a  été  connue  des  ac- 
cusés dans  le  délai  prescrit  par  la  loi ,  puisque  la  liste  des 
Jurés  leur  a  été  notifiée  le  19  ;  que  si  les  témoins  à  décharge 
n'ont  été  cités  que  le  21 ,  cette  circonstance  n'a  porté  aucun 
préjudice  aux  intérêts  de  la  défense  ;  que»  d'une  part,  la  lon- 
gueur des  débats  ayant  permis  de  procédera  l'audition  de  ceux 
de  ces  témoins  qui  n'ont  comparu  que  le  21,  on  ne  saurait  at- 
tribuer l'absence  de  ceux  qui  ne  se  sont  piis  présentés  qu'à 
l'indication  erronée  de  la  citation  ;  que ,  d'autre  part,  les 
premiers  n'ont  été  entendus  qu'après  avoir  eu  connaissance 
par  la  lecture  qui  leur  a  été  successivement-donnée  de  l'arrêt 
de  renvoi  et  de  l'acte  d'accusation*.  9  Mais  il  faut  induire  decet 
arrêt  même  que  la  substitution  d'un  autre  jour  pourrait  de- 
venir au  contraire  une  cause  de  nullité ,  s'il  en  est  résulté 
quelque  gêne  pour  la  dérense^  quelque  grief  pour  l'accusé. 

Si  l'un  des  accusés  se  trouve  malade,  le  président  doit 
faire  vérifier  par  un  médecin  si  cet  état  de  maladie  est  assez 
grave  pour  l'empêcher  de  supporter  les  débats;  et  en  cas  d'af- 

«  Gass.  5  déc  1889,  rapp.  M.  ViaoeDs«Saiiil-Laurent«  Bail.  n.  SSS  ;  iî 
{oillet  iSSS,  n.  358. 
2  Cass.  la  avril  1835,  rapp.  M.Rocbcr,  J.  P.,  l.  XXVII,  p.  78. 


DE  LA  PROCÉDURE   ANTiilSURE  AUX  DEBATS-  §  6l0.  553 

firmafÎTe,  il  doit,  comme  od  le  verra  tout  à  Theare,  ordon- 
ner le  renvoi  à  la  prochaÎRe  session. 

Que  doit  faire  le  président  lorsque  parmi  les  accusas  se 
trouve  une  femme  qui  se  déclare  enceinte?  L'art.  1*'  de  la 
loi  du  23  germinal  an  m  portait  :  «  A  l'avenir ,  aucune 
femme  prévenue  de  crime  emportant  la  peine  de  mort  ne 
pourra  être  mise  en  jugement  qu'il  n*ait  été  vérifié  de  la  ma- 
nière ordinaire  qu'elle  n'est  pas  enceinte.  »  Cette  loi ,  qui 
ne  concernait  d'ailleurs  que  les  accusées  de  crimes  emportant 
la  peine  de  mort,  a  cessé  d'être  en  vigueur,  puisque  Part.  27 
du  C.  pén.  a  restreint  la  mesure  du  sursis  qu'elle  prescrivait 
au  seul  cas  d'exécution  de  la  peine,  et  puisque  aucune  dis- 
position du  G.  d1nst  crim.  ne  l'a  étendue  à  la  mise  en  juge- 
ment K  Le  président  peut  seulement  renvoyer  l'affaire  à  une 
autre  session ,  s'il  juge  que  la  position  de  ^accusée  ,  que  le 
fait  de  Taccusation  emporte  ou  non  la  peine  de  mort ,  ne  lui 
permet  pas  de  supporter  les  débats. 

Que  doit  faire  le  président  lorsque  l'un  des  accusés  se 
trouve  en  état  de  démence  au  moment  de  Touverture  des 
débats?  Il  doit,  après  avoir  fait  régulièrement  vérifier  cet 
état,  renvoyer  le  jugement  à  une  autre  session;  si  l'accès 
n'est  que  momentané  et  s'il  est  de  nature  à  persister,  faire 
délibérer  la  Cour  d'assises  sur  la  question  de  savoir  s'il  y  a 
lieu  de  surseoir  au  jugement  jusqu'à  ce  que  l'interdiction  ait 
cessé'.  La  démence 5  en  effet,  est  un  empêchement  de 
droit  qui  suspend  la  mise  en  jugement,  comme  elle  suspend 
la  poursuite,  tant  qu'elle  subsiste.  La  raison  et  l'humanité 
s^opposent  à  ce  qu'un  accusé  soit  poursuivi  et  jugé  lorsqu'il 
ne  peut  se  défendre.  C'est  par  ce  motif  que  la  Cour  de  cassa* 
tioo  a  déclaré  que  la  prescription  ,  qui  court  en  faveur  de 
l'agent  en  état  de  démence  qui  n'est  l'objet  d'aucune  pour- 
suite ^y  est  suspendue  lorsqu'il  est  détenu  et  que  son  état 
inental  est  la  seule  cause  qui  empêche  le  jugement  ^. 

n.  No  sont  pas  réputées  en  état  les  affaires  relatives  à  des 
accusés  qui  n'ont  été  transférés  dan<  la  maison  de  justice 
qu'après  l'ouverture  des  assises.  Le  jugement  trop  hàtif  de 


*  Cais.  7  nov.  1811,  rapp.  M.  Bauchau.  J.  P.,  t.  IX,  p.  681. 
2  Casa.  2i  fér.  18^2,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  d.  SS. 

'  Casa.  22  a?ril  48iS,  rapp.  M,  Bosschop.  J.  P.,  t.  XI,  p.  510. 

*  Cass.  8  juiUet  1858,  rapp*  M.  Dehaussy. 


^^  Dli  GODBf  d'AMISBS. 

ces  affaires  pourrait  porter  préjadice  à  la  défense.  Elles  ae 
doivent  donc  pas,  aux  termes  de  Tari.  261,  être  portées  sur 
le  rôle  de  la  aesision. 

Il  y  a,  toutefois ,  exception  à  cette  règle  lorsque  les  ae- 
cusés  eux-mêmes  demandent  à  être  jugés  dans  celte  session. 
L'art.  361  dispose  que  «  les  accusés  qui  ne  seront  arrivés  dans 
la  maison  de  justice  qu'après  Touverture  des  assises  ne  pour- 
ront y  être  jugés  que  lorsque  le  procureur  général  l'aon 
requis ,  lorsque  les  accusés  y  auront  consenti  et  lorsque  le 
président  l*aura  ordonné.  »  Et  le  même  article  ajoute  :  •  En 
ce  cas»  le  procureur  général  et  les  accusés  seront  con- 
sidérés comme  ayant  renoncé  à  la  faculté  de  se  pourvoir 
en  nullité  contre  l'arrêt  portant  renvoi  à  la  Cour  d'as- 
sises, » 

Cette  exception  n'a  été  établie  que  dans  l'intérêt  des  ac- 
cusés et  pour  ne  pas  prolonger  inutilement  leur  détention 
préalable ,  lorsque  leur  défense  n'exige  aucun  délai.  C'est 
par  cette  raison  qu'il  a  été  jugé  qu'il  y  a  lieu  de  l'étendre  an 
cas  où  Taccusè  est  arrivé  dans  la  maison  de  justice  avant 
l'ouverture  des  assises,  mais  où  le  délai  du  pourvoi  n*est  ex- 
piré qu'après;  les  motifs  de  cette  solution  sont  «  qu'aux  ter- 
mes de  l'art.  260,  on  doit  porter  à  chaque  session  d'assises 
toutes  les  affaires  qui  étaient  en  état  lors  de  leur  ouverture; 
que  si  cette  disposition  eût  été  posée  comme  une  régie  ab- 
solue, les  accusés  arrivés  dans  la  maison  de  justice  trop  tard 
pour  que  leur  affaire  fût  en  état  avant  le  commencement  de 
la  session,  auraient  vu  leur  détention  préalable  se  prolonger 
ju6({u'à  la  session  suivante  ;  que  c'est  pour  parer  à  cet  ineofl- 
vénient,  tout  en  respectant  les  intérêts  de  la  justice,  qu*aété 
introduite  dans  le  Code  la  disposition  de  l'art.  261,  d'après 
laquelle  les  accusés  arrivés  dans  la  maison  de  justice  après 
l'ouverture  des  assises,  peuvent  y  être  jugés,  pourvu  que  ce 
soit  du  consentement  commun  de  Taccusé ,  du  procureur 
général  et  du  président;  que  le  même  article,  dans  la  se- 
conde partie,  décide  expressément  que  le  consentement  eDh 
porte  de  la  part  de  l'accusé ,  comme  de  celle  du  procureur 
général ,  renonciation  à  se  pourvoir  contre  l'arrêt  de  renvoi; 
que  cette  disposition  est  une  conséquence  de  celle  qui  pré- 
cède ;  que  si  la  loi  n'a  point  prévu  le  cas  où,  quoique  l'accusé 
soit  arrivé  dans  la  maison  de  justice  avant  l'ouverture  des  as- 
sises ,  les  divers  délais  nécessaires  pour  mettre  son  affaire  eu 
état  ne  sont  expirés  qu'après ,  l'art.  961  doit  lui  être  appli- 


DE  LA  PROCÉDCajl  ANliftlBURE  AUX  ]>ÉBAT8.  §  619.  SKfô 

cable,  puisqu'il  est  dans  une  position  semblable  à  celte  pour 
laquelle  cet  article  a  été  fait .  '» 

Il  suit  de  là  que  le  consentement  de  Taccusé  est  la  seule 
condition  essentielle  dp  Fapplication  de  cet  article.  La  réqui- 
sition du  ministère  public  et  l'ordonnance  du  président,  quoi- 
qu'elles soient  utiles  Tune  et  l'autre  pour  attester  que  les 
intérêts  de  la  justice  ne  sont  pas  froissés,  sont  présumées  par 
le  seul  fait  de  Padmission  de  Taccusé  aux  débats  ;  il  n'est  pas 
nécessaire  qu'elles  soient  représentées  ni  même  constatées  '. 

Mais  le  consentement  de  l'accusé  doit  au  contraire  être  ex- 
près et  être  en  même  temps  explicitement  constaté;  car  il  re- 
nonce par  là  à  l'un  des  droits  de  sa  dérense.  Nous  reviendrons 
tout  à  rheure  sur  ce  point  et  nous  examinerons  s*il  peut  être 
suppléé  à  cette  constatation  par  des  présomptions. 

La  renonciation  au  délai  du  pourvoi  n'est  valable  qu'après 
la  signiflcation  de  l'arrêt  contre  lequel  le  pourvoi  peut  être 
dirigé;  car, si  l'accusé  n'a  pas  connaissance  de  cet  arrêt, 
comment  pourrait-il  apprécier  s'il  doit  former  une  demande 
en  nullité  ou  y  renoncer?  Aussi  «  il  a  été  jugé  «  que  pour  la 
validité  du  consentement  dont  parle  l'art.  261,  il  est  néces- 
saire que  l'accusé  connaisse,  par  une  notification  préalable  > 
l'arrêt  de  renvoi  qu'il  renonce  à  attaquer;  d'où  il  suit  que  le 
consentement  donné  sans  connaissance  de  cause  est  nul  el 
non  avenu  ^.  »  Mais  il  suffit  que  la  notification  de  {'arrêt  de 
renvoi  et  l'interrogatoire  portent  la  même  date  pour  qu'il  y 
ait  présomption  que  l'accusé  connaissait  l'arrêt  lorsqu'il  a 
déclaré  consentir  à  être  jugé  de  suite,  surtout  si  l'interroga- 
toire énonce  la  formalité  de  cette  notification  comme  ayant 
été  précédemment  remplie  K 

Ce  consentement  peut  être  donné  soit»  ce  qui  arrive  le 
plus  souvent,  au  moment  de  l'interrogatoire  et  sur  l'inter- 
pellation qui  est  faite  à  ce  sujet  à  l'accusé  par  le  président, 
soii  postérieurement  à  l'interrogatoire  et  au  moment  de  l'ou- 
verture des  débats  ^.  En  effet,  la  loi  ne  fixe  pas  de  terme  au 
consentement  que  peut  donner  l'accusé  à  être  jugé  avant  l'ex- 


'  Caas.  23  août  iShkj  nipp«  M.  VinceM-Saint-Lanrent.  Bail,  n,  800. 
>  Cass.  7  nof .  1811,  rapp.  M.  Liborel.  J.  P.,  t.  IX,  p.  688. 
'  Casa.  7  jaDT.  1836,  rapp.  M.  Merilhon.  Bull.  n.  6  ;  li  fér.  i8ii,  rapp. 
M.  IsaiLbert,  n.  41. 

*  Gaas.  8  oct  1844,  rapp.  M.  Vincens-Saint-Laurent.  Bull.  a.  885. 

*  Casa.  16  avril  1881,  rapp.  M.  Meyronoet-Saint-Marc.  J,  P.|  t«  XXIII. 
p.  1459;  20  avril  1889,  m^mc  rapp.  BuU,  n,  92, 


^^6  DBfi  COUES  D*ASSIgK'r« 

piralîon  du  délai;  ce  consentement,  qui  tend  à  abréger  lada- 
rée  de  sa  détention  préalable ,  peut  donc  être  donné  tant 
que  ce  délai  court  et  suspend  la  mise  en  jugement.  Il  a  même 
ét^  reconnu  que  la  renonciation  au  délai  peut  être  régulière- 
ment donnée  même  dans  le  cours  des  débats,  et  que,  dans  ce 
cas,  <r  cette  déclaration  a  pour  effet  de  valider  non-seulement 
les  débats  ultérieurs,  mais  encore  la  partie  des  débats  qui 
avait  eu  lieu  déjà,  car  les  débals  ne  forment  qu'un  seul  tout 
indivisible\  » 

Lorsque,  sur  le  consentement  formel  et  régulièrement 
constaté  de  Taccusé,  le  jour  des  débats  a  été  fixé,  l'accusé  ne 
peut  revenir  sur  sa  renonciation  ;  elle  est  acquise  à  la  procé- 
dure et  c'est  en  s'appuyant  sur  cette  renonciation  que  l'ordon- 
nance du  président  a  été  rendue  et  que  les  formalités  prélimi- 
naires ont  été  remplies.  Il  ne  peut  dépendre  de  l'accusé 
d  anéantir  ces  actes,  en  revendiquant  un  droit  au'il  a  ré- 
pudié •.  ^ 

Iir.  Ne  sont  point,  en  deuxième  lieu,  réputées  en  état  les 
affaires  dans  lesquelles  un  pourvoi  a  été  formé  contre  rarrèt 
de  renvoi.  Le  pourvoi,  en  effet,  est,  aux  termes  de  l'art.  373. 
suspensif,  et  l'art.  301  veut,  en  conséquence,  que  Tinstruc- 
tion  ne  soit  dans  ce  cas  continuée  que  jusqu'aux  débats  ex- 
clusivemcnt.  En  effet,  un  arrêt  de  mise  en  accusation  portant 
renvoi  aux  assises  ne  peut  être  considéré  comme  un  simple 
arrêt  d'instruction,  puisqu'il  détermine  et  règle  la  compé- 
tenced'après  la  qualification  donnée  aux  fait5. 

Cette  règle  admet  une  exception.  La  jurisprudence  avait 
décidé  que  la  Cour  d'assises  était  tenue  de  surseoir  dès  qu'un 
pourvoi  était  formé  et  lors  même  que  ce  pourvoi,  interjeté  en 
dehors  du  délai,  était  évidemment  sans  force,  «  attendu  que 
Je  jugement  de  sa  validité  soit  en  la  forme,  soit  au  fond,  n'ap- 
partient pas  à  la  Cour  d'assises  et  est  exclusivement  dans 
les  attributions  delà  Cour  de  cassation'.  »  Cette  jurisprudence, 
qui  avait  l'inconvénient  de  multiplier  les  pourvois  dilatoires, 
a  été  modifiée  par  la  loi  du  10  juin  1853. 

On  lit  dans  l'exposé  des  motifs  de  cette  loi  :  «  Il  est  arrivé 

!  Cass.  25  avril  188»,  rapp.  M.  Mérilhou.  Bail.  n.  187. 

-RAA  rfnV  M^  v"^^  "l^  "PP-  ^'  A^^'  Moreau.  Bull.  n.  2i9;Si«oût 
1844,  rapp.  M.  Vincens-Saml-Laurent,  n.  309. 


D£  LA  PROCilDOâB  AMTÉRlEURB  AIX  BÉBATS.  §  619.  557 

qu'à  la  veille  d'être  jugés»  lorsque  les  jurés  étaient  réunis,  les 
témoins  assemblés,  et  pour  ainsi  dire  au  pied  même  de  la 
Cour  d'assises,  les  accusés  se  sont  pourvus  contre  les  arrèis  de 
la  chambre  des  mises  en  accusation.  C'est  pour  les  uns  le 
moyen  de  récuser  en  masse  tout  un  jury,  toute  une  Cour 
dont  ils  redoutent  les  lumières  ou  la  fermeté;  d'autres  ont 
l'espoir  que  Tajournement  des  débats  rendra  leur  situation 
moins  défavorable*  soit  par  le  dépérissement  des  preuves,  soit 
par  l'altération  des  témoignages,  soit  par  Taffaiblissement 
des  émotions  de  Topinion  publique  qui  s'est  soulevée  contre 
leurs  crimes...  A  cet  abus  des  formes  protectrices  de  la  jus- 
tice il  était  urgent  d'opposer  un  obstacle.  Trois  systèmes 
pouvaient  être  adoptés  :  le  premier  consistait  à  interdire  aux 
greffiers  de  recevoir  les  pourvois  tardifs;  le  second,  à  faire 
déclarer  irrévocablement  par  les  Cours  d'assises  leur  irrévo- 
cabilité; le  troisième,  à  lever  Teffet  suspensif  dont  ils  ont  le 
bénéfice  et  à  ne  les  soumettre  qu'après  l'arrêt  définitif  à  la 
censure  de  la  Cour  suprême.  Quoique  Tinvalidité  de  ces  pour- 
vois ne  se  consta.te  que  par  la  vérification  d^une  date,  il  eût 
été  peut-être'  excessif,  lorsque  d'aussi  graves  intérêts  s^y 
rattachent,  de  confier  cette  vérification  à  un  simple  greffier, 
et  d^admettre  à  nMmporte  quel  degré,  sous  quelque  forme 
que  ce  soit,  entre  l'accu^^ation  et  la  défense,  l'arbitrage  d^un 
officier  ministi'riel.  il  fallait  placer  plus  haut  la  confiance  de 
la  justice  et  exiger  aussi  une  responsabilité  plus  élevée.  Ne 
point  laisser  arriver  ces  sortes  de  pourvoi  jusqu'à  la  Cour  de 
cassation,  les  retenir  dans  les  Cours  d'assises,  les  soumettre 
à  leur  appréciation  définitive,  c'eût  été  restreindre  le  pouvoir 
régulateur  qui  est  à  la  tête  de  l'administration  judiciaire  : 
c'est  à  elle  seule  qu'il  convient  de  prononcer  sur  un  acte  qui 
saisit  sa  juridiction.  Il  serait  dangereux  d'admettre,  sous 
quelque  prétexte  que  ce  soit,  qu'un  tribunal  inférieur  peut 
empiéter  sur  ses  attributions  et  exercer  sa  surveillance.  Il  n'y 
arien  d'exorbitant,  au  contraire,  &  remettre  aux  Cours  d'as- 
sises le  droit  de  vérifier  la  date  des  pourvois,  lorsqu'ils  sont 
produits  à  Tappui  d'une  demande  en  surséance,  pourvu  toute- 
fois que  leur  décision  puisse  être  soumise  ultérieurement  au 
contrôle  de  la  Cour  de  cassation.  C'est  le  système  adopté  par 
le  projet  de  loi.  L'addition  suivante  a  en  conséquence  été 
insérée  dans  l'art.  301  :  «  Mais  si  la  demande  est  faite  après 
raccomplissement  des  formalités  et  l'expiration  du  délai 
qui  sont  prescrits  pas  Tart.  296,  il  est  procédé  h  Touverture 


tt5S  DES  covtiê  p'assisss. 

des  débats  et  au  jugement.  La  demande  en  nullité  et  les 
moyens  sur  lesquels  elle  est  fondée  ne  sont  soumis  à  la  Cour 
dç  cassation  qu  après  I^arrèl  définitif  de  la  Cour  d'assises.  Il 
en  est  de  même  &  Pégard  de  tout  pourvoi  formé,  soit  après 
l'expiration  du  délai  légal, soit  pendant  le  cours  du  délai  après 
le  tirage  du  jury,  pour  quelque  cause  que  ce  soit,  m 

De  ce  nouveau  texte  on  doit  inférer  deux  corollaires  :  le 
premier  j  que  la  Cour  d'assises  ne  doit  pas  surseoir,  non-  seule- 
ment lorsqu'elle  reconnaît  que  le  pourvoi  a  été  formé  en  dehors 
du  délai,  mais  encore  s*il  a  été  procédé»  sans  réclamation  de 
Paccusé,  au  tirage  du  jury  :  la  loi  établit  dans  ce  dernier  cas 
une  présomption  que  Taccusé  avait  renoncé  à  former  une 
demande  en  nullité  et  que  son  pourvoi  n'est  qu'une  sorte  de 
récusation  en  masse  dirigée  contre  le  jury  de  jugement. 

Le  deuxième  corollaire  est  que»  lorsque  le  pourvoi  est 
formé  dans  le  délai»  et  avant  le  tirage  du  jury,  la  Cour  d'as- 
sises doit  surseoir,  lors  même  que  la  demande  en  nullité  se- 
rait fondée  sur  une  autre  cause  que  celles  énoncées  en  Tar^ 
ticle  299.  Il  avait  été  reconnu  par  quelques  arrêts  :  <  Qœ 
les  Cours  d'assises,  en  procédant  aux  débats»  nonobstant  do 
pourvoi  tardivement  déclaré  ou  qui  ne  leur  parait  pas  porter 
sur  des  ouvertures  de  cassation  déterminées  par  la  loi,  n'at- 
tentent pas  &  Tautorité  de  la  Cour  de  cassation,  puisqu'elle 
conserve  le  droit  et  les  moyens  de  statuer  sur  ce  pourvoi  qui 
doit  dans  tous  les  cas  lui  être  transmis  et  de  juger  si  lesdites 
Cours  d'assises  ont  été  régulièrement  saisies  \  n  Mais  cette 
jurisprudence»  abrogée  en  ce  qui  concerne  les  pourvois  tar- 
difs par  les  arrêts  des  il  mai  1833  et  5  juin  1841,  doit  l'être 
également  en  ce  qui  concerne  les  ouvertures  de  cassation.  Eq 
premier  lieu,  la  loi  du  10  juin  1853,  en  créant  une  exceptioa 
relative  aux  pourvois  tardifs,  a  par  cela  même  laissé  sousia 
régie  commune  tous  les  autres  pourvois.  Or»  cette  règle  est 
que  le  pourvoi,  quel  que  soit  le  moyen  qui  le  fonde,  est  sus- 
pensif et  qu'il  ne  peut  appartenir  qu'à  la  Cour  de  cassaiion 
d'en  apprécier  la  portée  et  les  eflets.  Cette  règle  prend  ici 
d'autant  plus  d'importance  qu'il  s'agit,  non  plus  de  Texamefl 
d'une  question  de  forme,  mais  du  fond  lui-même. 

Lorsque  le  pourvoiest  rejeté,  l'affaire  peut  éire  portée  aa 


A  Casa.  5  fév.  1819»  rapp.  M.  Giraud.  h  P.»  t.  XV|  p,  W|  14  M.  lSil> 
ropp.  M,  Benvenuti.  t,  X,  p.  916, 


[ai  U  FROCiiDUlS  ÀNTilllBVIB  AUX  9ÉBATS.  §  619.  5M 

r6le,  sans  qu'il  soit  nécessaire  de  motiBer  è  Taccosé  le  rejet. 
La  loi  du  moins  n'exige  pas  cette  notification  ;  l'accusé  est 
d*ailleurs  averti  par  la  fixation  du  jour  fixé  pour  sa  oompani« 
tion  devant  la  Cour  d'assises  ft  par  raccomplissement  des 
formalités  préalables  à  cette  comparulion  \ 

lY.  Ne  sont  pas  encore  réputées  en  état  les  affaires  dans 
lesqut  Iles  le  délai  de  ciuq  jours  donné  aux  accusés  pour  se 
pourvoir  contre  Tarrêt  de  renvoi  n^est  pas  expiré. 

Ce  délai  est  une  des  formes  essentielles  de  la  procédure.  Il 
est  établi  par  fart.  296  qui  porte  :  «  Le  juge  avertira  l'accusé 
que  dans  le  cas  où  il  se  croirait  fondé  à  former  une  demande 
en  nullité,  il  doit  faire  sa  déclaration  dans  les  cinq  jours  sui- 
vants, et  qu'après  rexpiration  de  ce  délai  il  n'y  sera  plus 
recevable.  »  Il  résulte  de  Fart.  301  que  tant  que  ce  délai 
D^est  pas  expiré»  l'instruction  ne  peut  être  continuée  que  jus- 
qu'aux débats  exclusivement.  £ûfin,  Fart.  802  constate  que 
ces  cinq  jours  ne  sont  pas  destinés  seulement  à  la  délibération 
de  l'accusé  sur  la  faculté  qu'il  a  de  se  pourvoir,  ils  sont  des-^ 
tinés  en  même  temps  à  lui  donner  le  temps  de  communiquer 
avec  son  défenseur  et  de  préparer  sa  défense. 

Ce  double  objet  du  délai  de  cinq  jours  est  reconnu  et  con- 
sacré par  de  nombreux  arrêts  qui  déclarent  uniformément  : 
«  que  ce  délai  doit  être  laissé  è  l'accusé,  soit  pour  délibérer 
sur  la  formation  d'une  demande  en  nullité  contre  Tarrêt  de 
renvoi,  soit  pour  préparer  sa  défense,  puisqu'aux  termes  de 
l'art.  302,  ce  n'est  qu'à  partir  du  premier  jour  de  ce  délai 
quM  peut  communiquer  avec  son  conseil,  et  que  ce  conseil 
peut  prendre  communication  des  pièces;  d'où  il  suit  queTin- 
tégralité  de  ce  délai  est  substantielle  à  Texercice  du  droit  lé- 
gitime de  la  delense  *• 

£n  matière  de  police,  la  citation  ne  peut  être  donnée  à  un 
délai  moindre  que  vingt-quatre  heures  (art.  146).  Enmaliëre 
correctionnelle,  il  doit  y  avoir  un  délai  de  troisjours  au  moins 
entro  la  citation  et  le  jugement  (art.  184).  En  matière  crimi- 
nelle, pour  maintenir  une  ceitaine  harmonie  entre  les  dispo- 
sitions de  la  loi,  le  délai  a  été  fixé  à  cinq  jours  :  à  la  vérité, 

A  CuB.  H  non  iSSS*  rapi».  H.  Rocher.J.  P.l.XXV,p.29S|  19  déc  iSSi, 
npp.  M.  Alenliiou,  tXXVl,  iiSS;  S7  août  1847,  rapp.  M.  Vinoens-St-Laa- 
reoL,  fiolU  D.  300. 

*  Caïa.  7  jaovier  18S6,  rapp.  M,  BlérUbou.  Bull.n.  9;  17  aept  1841»  rapp. 
H*  M«f jroiiDet  St-Marc,  d.  382  ;  14  «oOt  1854*  rapp.  M,  PiOttfoaliiiy  n«  181, 
et  tous  1«8  arrêts  cités  infr(k 


S60  ^ES  coVRS  d'assises. 

Taccusé  connaît  à  TaYance  par  ses  interrogatoires  le  sujet  de 
Taccusation  ;  mais  c'est  là  toui  ce  que  Tinstruction  lui  a  com- 
muniqué; il  ne  connaît  ni  les  procès-verbaux,  ni  les  ordoDDan- 
ces  du  juge  d 'instruction ,  ni  les  déposilions  des  témoins,  ni  les 
preuves  ou  indices  recueillis  contre  lui,  ni  la  qualification 
donnée  aux  faits  qui  lui  sont  imputés,  ni  l'arrêt  qui  le  renvoie 
devant  les  assises,  ni  Vscio  qui  Taccuse;  la  procédure  est  de- 
meurée close  et  complètement  secrète  vis-à-vis  de  lui.  Ce  n'est 
que*du  jour  où  il  est  interrogé  par  le  président  des  assises 
qu'il  a  connaissance  des  pièces  de  cette  procédure  et  qu'il 
peut  communiquer  avec  un  défenseur  :  ce  n'est  donc  que  de 
ce  jour  qu'il  peut  savoir,  en  examinant  tes  charges,  iesmoyens 
de  défense  qui  lui  sont  nécessaires;  ce  n'est  que  de  ce  jour 
quMl  peut  commencer  à  combiner  sa  défense  avec  son  conseil 
et  à  la  préparer,  soit  en  faisant  venir  les  pièces  qu'il  doit  op- 
poser aux  charges,  soit  en  faisant  assigner  les  témoins  quidoi- 
vent  contredire  les  témoins  de  Taccusation.  Il  est  éyid«'nt 
qu'en  réduisant  à  cinq  jours  au  moins  le  délai  qui  doit  sépa- 
rer cet  interrogatoire  et  le  jugement,  la  loi  n'a  accordé  à  la 
défense  que  le  temps  le  plus  strictement  indispensable  ;  ce  délai 
doitdonc  lui  être  maintenu  avec  une  rigoureuse  sollicitude. 
Tel  a  été  aussi  le  travail  assidu  de  la  jurisprudence.  LnCour 
de  cassation  n'a  pas  cessé  d'annuler  toutes  les  procédures  dans 
lesquelles  Taccusé  avait  été  soumis  aux  débats  avant  roxpl- 
ration  des  cinq  jours  :  «  Attendu  que  de  la  combinaison  des 
art.  296,  301  et  302,  il  résulte  que  l'accusé  ne  peut  être  ré- 
gulièrement soumis  aux  débats  avant  l'expiration  des  cinq 
jours  que  la  loi  accorde  à  partir  de  l'interrogatoire,  soit  pour 
se  pourvoir  contre  l'arrêt  de  renvoi,  soit  pour  préparer  sa 
défense,  la  communication  avec  son  conseil  et  la  communica- 
tion des  pièces  de  la  procédure  ne  lui  étant  permises  qu'à 
compter  de  cette  époque  ;  que  l'inobservation  de  ce  délai 
constitue  une  violation  manifeste  et  substantielle  de  la  dé- 
fense '.  »  —  Quelques  arrêts  ajoutent  ce  motif  «  que  des  dis- 


*  Cass.  81  juillet  lS58,rapp.  M.  Bresson.  Bull.  d.  270;  — et  CodC  Bni« 
xelles,  2Â  août  lSi5,  J.  P.  t.  XIII  p.  51;  Cass.  15  mare  1828.  rapp.  M.01- 
livler,  t.  XXI,  p.  1289;  30  juillet  1836,  rapp.  M.  Mérilhou.  Bail  n.  251; 
11  octobre  iHh,  rapp.  M,  Jacquinut,  n.  342;  31  juillet  1845,  rapp.  H.  U(J' 
ronnet  St-Maro^  n.  2^7;  8  janvier  1846,  rapp.  M.  Dehauasy,  n.  10;  30  déc 
1847,  rapp.  M.  Rives,  n.  802;  27  juillet  1848,  rapp.  M.  L^gneur,  d.206; 
18  janvier  1849,  rapp.  M.  de  Boissieux,  d.  11  ;  27  avril  1857^  rapp.  M'  Aih 
guste  Moreau,  u,  170;  24  déc.  1857,  rapp.  M.  Legagaear,  d,  4i0|  25nv9 
1858,  rapp.  M.  Sénéca,  n.  106, 


1>E    LA  FROCI^DUftl  AHTiltifitIRE  ACS    DEBATS.   §  619.  .H6l 

positions  expresses  de  l'art.  301  qui  teat  que  rinstruction^ 
après  la  demande  en  nullité  de  renvoi,  ne  puisse  être  conti- 
nuée que  jusqu'au!  débats  exclusiTement,  résulte  aussi  la  con- 
séquence quUI  est  interdit  de  passer  outre  aux  débats,  tant 
que  le  délai  n'est  pas  expiré.  » 

Le  délai»  comme  on  Ta  dit  plus  hauts  i^o  commence  k 
courir  que  du  jour  de  Tinterrogatoire  ou  du  jour  de  la  noti- 
fication de  l'arrêt  de  renvoi^  si  cette  notiGcation  est  posiérieure 
à  rinterrogatoire,  puisque  ce  n'est  que  lorsque  l'arrêt  lui  a 
été  Dotifiéy  que  Taccusé  a  pu  commencer  à  l'examiner,  à  pré- 
parer sa  défense'. 

Les  cinq  jours  sont  francs  et  ne  comprennent  par  consé- 
queDt  ni  le  jour  à  quo  ni  le  jour  ad  quem,  La  Cour  de  cassa- 
tion a  annulé  un  grand  nombre  de  procédures  dans  lesquelles 
Taccusé  avait  été  soumis  aux  débats  le  cinquième  jour  après 
l^interrogatoire  et  dans  lesquelles  par  conséquent  il  n'y  avait 
pas  eu  un  espace  de  cinq  jours  francs  entre  le  jour  de  Tinter^ 
rogatioD  et  le  jour  de  Touverture  des  débats  *•  L'accu^,  in- 
terrogé et  averti  le  l^'  d'un  mois,  ne  peut  être  traduit  devant 
les  assises  que  le  7  au  plus  tôt.  Si  la  date  de  Tinterroga- 
toirecst  omise,  surchargée  ou  visiblement  erronée,  il  peut  y 
être  suppléé,  si  cela  est  possible 4,  par  les  énonciations  des 
autres  actes  de  la  procédure  ^. 

Le  délai  de  cinq  jours  peut  cependant  être  abrégé  si  l'accusé 
)  consent  formellement.  Ce  délai  n'est  établi  que  dans  son 
intérêt  ;  il  peut  donc^  s'il  le  juge  utile  à  sa  défense  et  pour 
éviter  de  prolonger  sa  détention  préalable,  y  renoncer;  l'ar- 
ticle 261  s'applique  au  délai  qui  a  pour  objet  de  préparer  la 
défense  comme  à  celui  qui  a  pour  objet  de  délibérer  sur  la 
faculté  du  pourvoi,  car  ces  deux  délais  n'en  forment  qu'un 
seul  et  se  confondent  ensemble^.  Nous  avons  vu  précédemment 

^Voy.  iuffràf  p.  555. 

^  Cas&  11  février  18&I,  rapp.  M.  IsamberU  Bull.  n.  41  ;  7  jaimer  1836, 
rapp.  M.  Mérilbou,  n.  6. 

'Cass.  17  sept.  ISiS,  rapp.  M.  Meyronnel-Sai ut-Marc.  Bull.  n.  282; 
8  jaiiT.  18.i6,  rapp.  M.  Debaussy,  u.  10;  10  décembre  1866,  rapp. 
M.  Barennea,  n.  800;  18  mars  1846,  rapp.  M.  Legagneur,  u.  67; 
22  août  1850,  rapp.  M.  V.  Foucher,  n.  265;  11  oct.  184â,  rapp.  M.  Ja<i* 
quinot,  o.  842,  25  mars  1858,  rapp.  M.  Sénéca,  n.  106. 

*  Cass.  13  déc.  1849,  rapp.  M.  Quenault.  Bull.  n.  341. 

"Cass.  6  avril  1848,  rapp.  M.  hamberl.  Bull.  n.  103;  31  juiU.  1856, 
rapp.  M.  Bresson.  n.  270  ;  45  juillet  1858,  à  notre  rapport. 

*  Caas.  S  juillet  1830,  rapp.  M.  Dupaty,  J.  P.,  t  XXIII,  p.  664;  16  avril 
483J,  rapp.  M.  Meyronnet-Saint-Marc,  t  XXIII,  p.  U39;  4ocl.  1832,  rapp. 
M.  OUÎYier,  t.  XXiV,  p.  1495;  25  avril  1839,  rapp.  M.  Mérilbou.  Bull. 
«.  137  ;  2  avril  I842f  rapp,  M»  Yiucçns-Sftinl-Laurent,  n*  78t 

vni.  36 


5Û2  DSB  C0VR9  o'iJSlSEI. 

que  celle  renoncialion  peut  intervenir  soit  au  moment  de  Vin- 
terrogatoire,  soit  ultérieurement,  etqu*une  fois  acquise  à  la 
procâure,  elle  ne  peut  plus  être  rétractée  S 

Nous  avons  également  établi  qu'elle  doit  être  constatée  en 
termes  exprès  et  formels*.  Il  a  été  décidé  «  que  le  délai  ne 
peut,  sous  peine  de  nullité»  être  abrégé  sans  le  consentement 
exprès  et  formel  de  la  partie  intéressée  ;  qu'en  ce  cas,  la  simple 
présomption  résultant  de  ce  que  Taccusé  a  comparu  à  Tan- 
dience  sans  réclamation,  avant  l'expiration  des  cinq  jours,  et 
qu'il  a  même  fait  citer  des  témoins^  n'équivaut  pas,  à  elle 
seule»  à  une  renonciation  expresse^.  »  Cette  solution  n'est 
.  d'ailleurs  nullement  contredite  par  quelques  arrêts  qui  sem- 
blent à  la  première  vue  admettre  des  précomptions  pour  sup- 
pléer à  une  constatation  ex  presse  ;  car  en  regardant  de  plus  près 
ces  arrêts^  on  aperçoit  qu'à  côté  des  présomptions  se  trouvait 
établi  le  fait  même  de  la  renonciation  ou  de  Texpiration  du 
délai.  Ainsi,  un  arrêt  déclare  «  qu'il  résulte  des  faits  de  la 
cause,  notamment  des  citations  et  notifications  données  à  la 
requête  de  l'accusé  à  des  témoins  qu'il  se  proposait  de  (aire 
entendre  pour  sa  défense,  de  l'exercice  qu'il  a  fait  du  droit 
de  récusation  et  de  sa  participation  volontaire  à  toutes  l^ 
parties  du  débat  sans  réclamation,  un  consentement  soiït- 
sant  au  jugement  et  une  renonciation  au  délai;  »  mais  le 
même  arrêt  ajoute  «  que  d'ailleurs  il  s'est  écoulé  plus  de  cinq 
jours  entre  la  notification  de  l'arrêt  de  renvoi  suivi  de  son 
interrogatoire  et  sa  comparution  au  débat  4.  »  Un  autre  arrêt 
déclare  «  que  Tintention  de  l'accusé  d'accepter  le  débat  le 
jour  auquel  l'afTaire  avait  été  indiquée,  s'est  manifestée  par 
la  notification  qu'il  a  fuit  faire  au  procureur  impérial  des 
noms  des  témoins  qu'il  entendait  produire  à  cette  audience,  > 
mais  le  même  arrêt  ajoute  a  que  l'accusé  avait  détiaré  renoncer 
au  délai  ;  que  le  procès-verbal  qui  constate  cette  déclaration 
a  été  signé  de  lui  et  du  président;  que  s'il  n'a  pas  été  signé 
du  grcflier,  il  n'en  ressort  pas  moins  que  le  demandeur  a 
donné  son  adhésion  formelle  à  être  jugé  avant  l'expiration 
du  délai  ^.  »  Un  autre  arrêt  décide  encore  que  la  renoncia- 
tion de  Taccusé  est  complète,  quoiqu'il  n'ait  expressément 

*  Voy.  svprà,  p.  666. 
■  Voy.  svprà f  p.  655. 

'  Ca^s.  3 A  (léc.  i857,  rapp.  M.  tegagneur.  Ënll.  n.  4iO« 

*  Cass.  5  janvier  1838,  rapp.  M«  Isambert.  fiuU.  n.  5« 

*  Im,  25  «Tril  4b57,  rapp,  M,  Aug,  Moreau,  BoJl»  n,  170. 


>l  LA  PftOCÉDntl  ANTtfElIVEE  kVX  DEBATS.   §  620.  503 

renoncé  qu'au  délai  relatif  à  la  faculté  du  pourvoi  ;  mais  nous 
avons  déjà  fait  remarquer  que  la  loi  n'a  pas  nccordé  deux 
délais,  l'un  pour  le  pourvoi,  l'autre  pour  la  défense  ;  il  n'eiiste 
qu'un  seul  et  même  délai,  bien  qu'il  ait  un  double  objet,  et 
dès  lors  la  renonciation  qui  y  est  faite  sous  l'un  de  ces  rap- 
ports s'applique  nécessairement  à  l'autre  \ 

y.  Enfin  ne  sont  point  réputées  en  état,  les  affaires  dans 
lesquelles  est  intervenu  et  a  été  notifié  un  arrêt  de  soU  com- 
muniqué rendu  par  la  Cour  de  cassation  sur  une  demande  en 
règlement  de  juges  ou  sur  une  demande  en  renvoi  pour  cause 
de  sûreté  publique  ou  de  suspicion  légitime. 

L'art.  531,  relatif  aux  règlements  de  juges,  porte  que  c<  la 
notification  qui  sera  faite  de  cet  arrêt  aux  parties  emportera 
de  plein  droit  sursis  au  jugement  du  procès,  et  en  matière 
criminelle,  à  la  mise  en  accusation,  ou  si  elle  a  déjà  été  pro- 
noncée, à  la  formation  du  jury  dans  les  Cours  d'assises,  mais 
non  aux  actes  et  aux  procédures  conservatoires  ou  d'instruc* 
tion.  »  L'art.  551  applique  la  même  disposition  aux  demandes 
en  renvoi  pour  cause  de  sûreté  publique  et  de  suspicion  légi- 
time. 

Il  suffit  de  remarquer  ici  que,  d'après  le  texte  formel  de 
l'art.  531,  la  Cour  d'assises  n'est  tenue  de  surseoir  qu'autant 
que  i'arrêt  de  soit  communiqué  a  été  notifié  soit  à  l'accusé, 
soit  au  ministère  public,  suivant  que  la  demande  est  formée 
par  l'une  ou  l'autre  des  parties'.  Ce  ne  serait  pas  assez  que 
la  demande  eût  été  formée  et  même  l'arrêt  de  communication 
préalable  rendu,  pour  qu'il  y  eût  lieu  de  surseoir. 

S  620. 

1.  Du  renTOÎ  d'une  affaire  à  une  autre  session.— 11.  Droit  du  président 
d'ordonner  le  renvoi  avant  l'ouTerlure  des  débats.  —  111.  Droit  de 
la  Cour  d'assises.  — >  IV.  Dans  quels  cas  le  renvoi  peut  être  ordonné. 

L  La  règle  qui  veut  aue  toutes  les  affaires  (jui  sont  en  état 
soient  portées  sur  le  rôle,  reçoit  une  exception.  L'art.  306 
est  ainsi  conçu  :  t  Si  le  procureur  général  ou  l'accusé  ont  des 
motifs  pour  demander  que  l'affaire  ne  soit  pas  portée  à  la  pre- 
mière assemblée  du  jury,  ils  présenteront  au  président  de  la  Cour 

*  Cas?,  i  juillel  1868,  rapp.  M.  Dehaussy* 

•  Cass.  10  février  1832,  rapp,  M.  Briète,  h  P.,  t.  XXiV,  p.  705, 


5(U  DES   Cdl'RS  I»'ASSIfES. 

d*assises  une  requête  en  prorogation  de  délai.  Le  président 
décidera  si  cette  prorogation  doit  être  accordée  ;  il  pourra 
aussi  d'office  proroger  le  délai.  » 

II.  Le  droit  de  rentoyer  l'affaire  à  une  autre  session  appar- 
tient au  président  seul  tant  que  la  Cour  d'assises  n'est  pas 
encore  saisie.  L'art.  334  du  G.  du  3  brumaire  an  iv  l'avait 
nUribué  au  tribunal  criminel.  La  raison  de  celte  différence 
est  que  les  tribunaux  criminels  étant  permanents,  on  pouvait 
à  toutes  les  époques  provoquer  leur  décision  sur  les  difficultés 
qui  s'élevaient,  tandis  que  les  Cours  d'assises  n'ayant  qu^unc 
existence  temporaire,  il  a  été  nécessaire  de  transporter  au  pré- 
sident un  pouvoir  qu'elles  ne  peuvent  exercer  quand  elles 
n'existent  pas  encore. 

De  là  il  suit  que  ce  droit  peut  être  exercé  lors  même  que 
l'affaire  aurait  déjà  été  inscrite  au  rùle  jusqu'à  l'ouverture  de 
Taudienco  :  les  art.  331,  354  et  406  le  confèrent  à  la  Cour 
d'assises  exclusivement,  aussitôt  que  l'audience  est  ouverte. 
Cette  limite  a  été  marquée  par  quelques  arrêts.  Il  a  d'abord 
été  posé  en  régie  «  que  la  Cour  d'assises  n'est  investie  du 
pouvoir  de  statuer  sur  le  renvoi  d'une  affaire  à  la  prochaine 
session  que  dans  le  cas  unique  où  elle  en  est  saisie  de  fait, 
lorsqu'un  témoin  cité  ne  comparait  pas  au  jour  de  l'audience 
et  avant  que  les  débats  soient  ouverts  par  la  déposition  du 
premier  témoin  ' .  » 

Pourquoi  cette  dernière  limite?  pourquoi  le^roitdu  pré- 
sident peut-il  s'exercer  jusqu'à  la  déposition  du  premier  té- 
moin ?  C'est  que  l'ait.  354  porte  qu'au  cas  de  non  comparu- 
tion d'un  témoin,  la  Cour  d'assises  peut,  avant  que  les  débats 
soient  ouverts  par  la  déposition  du  premier  témoin,  renvoyer 
l'affaire  à  la  prochaine  session.  De  ce  que  la  Cour  d'assises  est 
désignée  pour  prononcer  sur  cet  incident,  on  a  conclu  que  son 
droit  ne  commençait  qu'à  cet  incident  même.  Cette  conclu- 
sion ne  nous  parait  point  exacte.  11  ne  s'agit  pas  ici  d'une 
attribution  du  pouvoir  discrétionnaire,  puisqu'elle  cesse  à 
l'ouverture  des  débats,  et  que  c'est  précisément  pendant  les 
débats  que  ce  pouvoir  s'exerce.  Il  s'agit  simplement  d'un 
pouvoir  de  prorogation  de  délai,  qui  appartient  à  toutes  les 
juridictions,  et  que  le  président  n'exerce  qu'accidentellement 
il  pauo  que  la  juriiliclion  qu'il  représente  n'est  pss  encore 

•  Casî».  /i  fùwWr  4825,  rapp.  ^^  Briùe.  h  P.,  t.  XÏX,  p.  <42t 


AB  LA  PROG^DUM  ANTÉKfEURE  AUX   bÉBAT.^.    §  620.  56S 

réunie.  Donc,  aussitôt  que  cette  juridiction  est  constituée, 
aussitôt  que  la  Cour  est  sur  son  siège,  il  lui  appartient  exclu- 
sivement de  prononcer,  et  môme  d'office,  commo  lo  président, 
le  renvoi,  si  Tun  des  cas  où  ce  renvoi  peut  être  ordonné  se 
présente;  la  question  n'a  qu'un  médiocre  intérêt,  parce  que 
îe  fait  de  renvoi  prévu  par  Tart.  354  est  habituellement  le 
premier  qui  se  rencontre  au  moment  où  commence  Tcxamen  ; 
cependant  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  Fait.  406  prévoit 
d'autres  événements  qui  peuvent  motiver  la  môme  mesure,  et 
qu'il  peut  n^ôtre  pas  indifférent  à  Taccusé  de  soumettre  sa 
demande  au  président  ou  à  la  Cour  d^assises. 

La  jurisprudence  peut  d^ailieurs  être  invoquée  à  l'appui  de 
cette  doctrine.  Un  arrêt  déclare  que  le  président,  qui  seul  a 
connaissance  de  l'instruction  écrite,  peut  seul  apprécier  les 
motifs  de  la  prorogation  de  délai ,  «  lorsque  la  demande  en 
renvoi  a  été  prononcée  avant  Touverture  des  débats  et  avant 
que  la  Cour  d'assises  puisse  connaître  les  éléments  propres  à 
fixer  sa  détermination  •.  »  Un  autre  arrôt  répèle  que  le  droit 
du  président  avait  été,  dans  une  espace,  régulièrement  exercé, 
parce  qu'il  l'avait  été  «  avant  que  la  Cour  d'assises  fût  sai- 
sie •.  0  Un  troisième  arrôt  annule»  comme  contenant  un  excès 
de  pouvoir,  l'ordonnance  d'un  président  qui,  après  les  débals 
ouverts,  avait  ordonné  le  renvoi  de  l'affaire  parce  que  les 
débals  avaient  révélé  un  témoin  non  cité  >.  Enfin, un  quatrième 
arrôt  déclare  avec  plus  de  précision  «  que  les  Cours  d'assises 
sont  exclusivement  compétentes  pour  prononcer  le  renvoi 
dans  le  cas  où  il  y  a  lieu  de  le  prononcer  postérieurement  au 
tirage  au  sort  du  jury  de  jugement  *.  » 

Cette  limite  doit  être  acceptée.  Le  président  doit  seul  sta- 
tuer sur  le  renvoi  jusqu'au  tirage  du  jury  de  jugement,  parce 
que  jusqu'à  ce  moment  il  siège  seul,  parce  que  seul  il  possède 
encor6  les  éléments  de  la  décision.  Mais  lorsque  la  Cour  est 
réunie,  c^cst-à-dire,  lorsque  ce  tirage  est  terminé,  elle  de- 
vient aussitôt  exclusivement  compétente,  puisqu'il  s'agit  d'un  . 
acte  de  sa  juridiction  que  le  président  n'exerçait  qu'à  sou 
défaut,  et  puisqu'elle  trouve  dans  Texamen  les  éléments  pro-» 
près  à  former  sa  décision» 

*  Cass.  7  juin  1816,  rapp.  &f.  Robert.  Dali,  v»  InsL  Qrim.»  n.  SOOi. 
'  Cass.  25  juin  iSàO,  rapp.  M.  Kocher.  BulU  n.  187. 

*  Cass.  1 0  janvier  182  J,  rapp.  M.Brîèrc,  J.  P.,  t.  XVHÎ,  p.  332. 

*  Cas».  JS7  aTril  1850,  rapp.  M.  Rives,  S.  D.  50.  1.  811, 


à 


500  DES   fOVRS   »*ASSl0Et. 

IIL  Le  président,  aux  termes  de  Fart.  306,  et  la  Cour 
d'assises,  aux  termes  de  Tart.  331,  peuvent  ordonner  cette 
mesure  d'office,  s*il  y  a  lieu  ;  ils  peuvent  également  l'ordon- 
ner sur  la  requête  du  ministère  public  ou  de  Faccusé. 

Jusqu'à  quel  moment  ces  deux  parties  peuvent-elles  pré- 
senter cette  requête?  Un  arrêt  a  décidé  «  que  pour  qu'il  y  ait 
lieu  &  l'exercice  de  ce  droit ,  il  faut  que  le  jury  ne  soit  pas 
encore  formé  et  surtout  quMI  ne  soit  pas  réuni;  que  lorsque 
les  débats  sont  ouverts  ou  qu^ils  sont  au  moment  de  s'ouvrir 
par  la  réunion  des  juges,  des  jurés  et  des  témoins,  il  n'y  a  plus 
lieu  &  Tapplication  de  l'art.  306  ;  que  la  loi  n'accorde  à  Tac- 
cusé  le  droit  de  demander,  après  rouvertore  des  débats,  le 
renvoi  de  l'affaire  que  dans  le  seul  cas  des  art.  330  et  331...; 
que,  dans  l'espèce,  les  membres  de  la  Cour  d'assises,  les  ju- 
rés et  les  témoins  étaient  réunis  en  séance  publique  et  l'au- 
dience commencée  lorsque  le  défenseur  a  demandé  le  renvoi 
de  l'affaire  à  la  prochaine  session,  à  raison  de  l'absence  de 
plusieurs  témoins  à  décharge  ;  que  cette  demande  n'ayant  pas 
pour  objet  l'exercice  d'uqp  faculté  ou  d'un  droit  accordé  à 
l'accusé  par  la  loi,  la  Cour  d'assises  a  pu  dire  qu'il  n'y  avait 
lieu  à  délibérer,  sans  qu'on  puisse  voir  dans  cette  décision  le 
refus  de  prononcer  *.  » 

Cet  arrêt  donne-t-il  à  l'art.  306  son  vrai  sens  ?  Cet  article 
contient  deux  dispositions  :  l'une  qui  reconnaît  le  droit  des 
parties  de  demander  une  prorogation  de  délai  ;  l'autre  qui 
établit  le  pouvoir  du  président  de  statuer  sur  cette  prorogation. 
Le  pouvoir  du  président  expire  au  moment  de  la  formation 
du  jury  ;  il  se  confond  à  cette  époque  avec  le  pouvoir  géné- 
ral de  la  Cour  d'assises  et  devient  l'une  de  ses  attributions. 
S'en  suit-il  que  le  droit  des  parties  cesse  en  même  temps 
d'exister?  De  ce  que  la  juridiction  qui  prononce  a  changé, 
s'en  suit-il  que  l'action  ait  pu  recevoir  quelque  atteinte?  De 
ce  que  le  président  n'est  plus  compétent,  faut-il  conclure  que 
les  parties  ne  peuvent  plus  réclamer?  La  limite  du  ^roit  du 
président  est-elle  forcément  la  limite  du  droit  des  parties? Où 
serait  le  motif  d'une  telle  indivisibilité?  La  compétence  du 
président  ne  cesse  que  parce  qu'elle*  est  absorbée  par  celle 
de  la  Cour  d'assises,  ou  plutôt  elle  est  continuée  par  celle-ci. 
Le  droit  des  parties  ne  doit  cesser  que  lorsqu'il  ne  peut  plus 
s'exercer,  c'est-à-dire  à  l'ouverture  des  débats  qui,  une  foi« 

*  Cass,  13  octobre  1815,  rapp,  M.  Aumonl.  J,  P.,  I.  XFU,  p.  81. 


M  LA  raOCtoVIIB  AHntRIEUlR  AUX  bllBATS.  §  620.  ^ 

commencés,  et  sauf  les  cas  préyus  par  la  loi,  ne  peuvent  plus 
être  interrompus.  Il  ne  faut  pas  sans  doute,  comme  on  Ta  déjà 
dit  au  sujet  de  Tapplication  de  Tart.  261»  fournir  aux  accusés 
un  moyen  indirect  de  rejeter  en  masse  le  jury  que  le  sort  leur 
a  donné  ;  mais  quel  est  donc  le  droit  que  confère  Tart.  306  ? 
C'est  simplement  de  former  une  demande,  de  présenter  une 
requête  à  la  Cour  d'assises;  et  quel  est  Teffet  de  ce  droit? 
C'est  que  la  Cour  d'assises  doit  y  statuer  conformément  à 
Tart.  408  ;  c'est  que  la  demande,  au  lieu  d'être  rejetée  par 
une  fin  de  non  recevoir,  soit  examinée.  Il  n'y  a  donc  point  là 
de  récusations  déguisées  ;  il  n'y  a  qu'une  question  portée  de- 
vant la  Cour  pour  qu'elle  Tapprécie.  On  objecte  qu'elle  n'est 
pas  tenue  de  1  apprécier,  parce  qu'il  ne  s'agit  pas  de  l'exercice 
d'un  droit  accordé  par  la  loi  :  qu'a  donc  stipulé  l'art.  306? 
nedonne-t-îl  pas  le  droit  de  demander  le  renvoi  à  une  autre 
session f  Et  quel  est  le  texte  qui  assigne  un  autre  terme  à 
Texercice  de  ce  droit  que  l'ouverture  même  des  débats  f 

La  demande  en  renvoi  pourrait-elle,  lorsque  le  président 
y  a  déjà  statué,  être  portée  devant  la  Cour  d'assises  f  II  faut 
distinguer  si  le  président  a  ordonné  ou  refusé  le  renvoi  ;  s'il 
Ta  ordonné  sur  la  requête  d'une  des  parties,  l'autre  ne  pour- 
rait faire  opposition  à  son  ordonnance^  car  Teflet  de  cette 
ordonnance  a  été  de  faire  rayer  Vaflaire  du  r6Ie  :  laCour  n^est 
donc  plus  saisie  et  se  trouve  dès  lors  incompétente.  La  ques- 
tion est  plus  délicate  lorsqu'il  Ta  rejetée.  Un  arrêt,  rendu  sur 
un  pourvoi  fondé  sur  ce  que  dans  ce  cas  la  Cour  d'assises  avait 
refusé  de  statuer,  a  rejeté  ce  pourvoi,  «  attendu  que  la  de- 
mande en  renvoi  avait  été  soumise  au  président;  que  ce 
magistrat  y  avait  statué  ;  que  dès  lors  la  Cour  d'assises,  en 
refusant  de  statuer  sur  une  demande  déjà  jugée  par  le  juge 
compétent»  n'a  violé  aucune  loi  '  ».  Que  si  la  cour  d'assises 
s'était  référée  à  l'ordonnance  du  président  pour  en  adopter  la 
solution,  on  le  comprend  ;  mais  on  ne  comprendrait  pas 
qu'elle  eût  refusé  de  statuer.  Est-ce  qu'elle  n'était  pas  com- 
pétente si  elle  était  saisie  de  la  demande  avant  l'ouverture 
des  débats  7  Est-ce  que  cette  compétence  n'était  pas  indépen- 
dante de  celle  dn  président?  On  oppose  une  sorte  de  chose 
jugée,  comme  si  la  chose  jugée  pouvait  s'appliquer  à  des 
mesures  purement  préparatoires,  comme  si  la  Cour  d'assises 
n'était  pas  sans  cesse  appelée  à  statuer,  ainsi  que  nous  l'avons 

*  Cass.  %  octobre  1S93,  rapp.  M.  Gilbert.  Dali.  v^Inst.  crim.,  n.  SOOl. 


568  DES  COURS   l>*ASSISBS. 

établi  S  sur  l'opposition  aux  ordonnances  du  président.  Dans 
une  matière  complètement  analogue»  la  Cour  de  cassation  a 
décidé  «  que  les  accusés  dont  les  procès  ont  été  joints  ont  le 
droit  do  réclamer  devant  la  Cour  d'assises  contre  Tordonnance 
du  président  qui  a  réuni  les  procédures»  toutes  les  fois  qu'ils 
croient  que  cette  jonction  peut  être  préjudiciable  à  leurs 
intérêts  '.  »  On  ne  voit  pas  pourquoi  la  même  décision  ne 
s'appliquerait  pas  aux  ordonnances  qui  ont  rejeté  la  demande 
en  renvoi. 

IV.  Les  motifs  qui  peuvent  donner  lieu  au  renvoi  n'ont 
point  été  définis  par  la  loi.  La  jurisprudence  a  successivement 
admis  que  le  président  peut  ordonner  le  renvoi  d'une  affaire, 
soit  à  raison  de  Tétat  de  maladie  de  l'accusé  ^,  soit  pour  pro- 
céder, dans  l'intérêt  de  sa  défense,  à  un  complément  d'in- 
struction ^  ;  et  que  la  Cour  d'assises  peut  également  ordonner 
la  même  rnesure  lorsque  l'accusé  n'a  pas  reçu  copie  des  pièces 
de  la  procédure  ^»  ou  lorsqu'un  juré,  au  moment  où  il  vient 
d'être  désigné  pour  le  jugement  de  Taffaire,  fait  connaître  son 
opinion  ^. 

Au  reste,  l'appréciation  des  causes  de  renvoi  appartient 
souverainement,  soit  au  président^  soit  à  la  Cour  d'assises.  Il 
a  été  déclaré,  1^  à  l'égard  du  président,  <  que  la  loi  abandonne 
à  sa  conscience  l'appréciation  des  motifs  qui  peuvent  le  déter- 
miner  d'office,  dans  l'intérêt  de  la  manifestation  de  la  vérité, 
&  renvoyer  à  une  autre  session  que  celle  qui  va  s'ouvrir,  l'af- 
faire dont  la  Cour  d'assises  est  saisie  7  ;  2»  à  l'égard  de  la  Cour 
d'assises,  (t  que  de  quelque  manière  qu'elle  prononce  sur  cette 
demande,  son  arrêt  ne  peut  présenter  en  cette  partie  aucune 
ouverture  en  cassation  ^^  » 

Le  président  et  la  Cour  d'assises  doivent  donc  examiner  si 
la  prorogation  de  délai  peut  être,  non  pas  même  nécessaire, 
mais  seulement  utile  aux  intérêts,  soit  de  l'accusation^  soitde 
la  défense»  et,  au  cas  de  l'affirmative,  ils  ne  doivent  pas  hésiter 
SI  raccorder*  Il  faut  sans  doute  que  cette  utilité  soit  constatée  ; 

*  Voy.  $upràf  p.  487. 

*  Cass.  il  mars  1853,  à  notre  rapport.  Bull.  n.  88« 

'  Cass.  16  avril  1818,  rapp.  M.  OlIiTÎer.  J.  P.,  t.  XIV,  p.  756. 

'  Cass.  25  jain  1840,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  u.  187, 

"  Cour  d'ass.  du  Tarn,  10  mai  1828.  Dali,  v  InsU  cr.»  n.  200a. 

*  Cour  d'ass.  du  Gard,  19  mai  1838.  Dali.  ▼•  Iiisl.  cr.,  n.  200», 
^  Cass.  27ayril  1850,  rapp.  M.  Rives  S.  Dev.  50. 1.  811. 

*  Cass.  25  sept.  1824,  rapp.  M.  Brière,  Dali,  y»  Inst.  crim.,  n.  SOOi 


I»E  LA  rROGÉDURB  AMTltlilBUIlB  ACX  DEBATS.   S   62i.  S69 

car,  d'une  part,  la  prorogation  fait  peser  sur  l'accusé  une 
prolongation  de  la  détention  préalable,  et,  d^une  autre  part,. 
elle  crée  une  ei^ception  à  la  règle  qui  veut  la  prompte  expé- 
dition des  aiïaires  criminelles.  Mais,  toutes  les  fois  que  la 
demande  s^appuie  sur  une  cause  sérieuse,  il  doit  y  être  fait 
droit,  car  c'est  Tintérèt  même  de  la  justice  qui  exige  que  le 
débat  ne  s'ouvre  que  lorsque  toutes  les  preuves  peuvent  y 
HîQ  produites.  La  Cour  d'assises  doit  peser  les  motifs  de  renvoi 
avec  d'autant  plus  de  scrupule  qu'elle  prononce  souveraine- 
ment à  cet  égard.  La  Cour  de  cassation  a  déclaré  «  qu'il  n^est 
pas  de  sa  compétence  d'apprécier  le  temps  nécessaire  à  Tac-» 
cusé  pour  préparer  sa  défense,  et  que,  sous  ce  rapport,  s'il 
croit  qu'il  lui  est  préjudicié,  c'est  devant  la  Cour  d'assises 
qu'il  peut  présenter  ce  moyen  préjudiciel  en  réclamant  un 
délai  ' .  j> 

Il  est  inutile  d'ajouter  que  le  droit  d'ordonner  le  renvoi  à 
une  autre  session  emporte,  à  plus  forte  raison,  celui  d'ordon- 
ner  le  renvoi,  soit  à  une  assise  extraordinaire  de  la  même 
session  *,  soit  à  un  autre  jour  plus  éloigné  de  la  même  assise  ^. 
La  prorogation  de  délai  doit-ètre  mesurée  sur  la  nature  de  la 
cause  alléguée  et  sur  la  gravité  dé  Taffaire. 

S  621. 

I.  De  la  juiictîon  et  de  la  disjonction  des  procédures.  *-  II.  —  A  qat 
il  appartient  de  Fordonner.  — 111.  Causes  de  jonction.  —  IV.  Causes 
de  disjonction.  —  V.  Formes  de  celle  mesure.  —  VI.  Voies  de 
recours. 

L  II  est  encore  deux  incidents  qui  peuvent  survenir  avant 
rouvcrture  des  débats  et  modifier  le  rôle  des  assises.  Plusieurs 
accusés  peuvent  être  poursuivis  séparément  à  raison  du  même 
délit  ou  de  délits  connexes,  ou  plusieurs  délits  distincts  peuvent 
se  trouver  réunis  dans  le  même  acte  d'accusation.  Dans  Tune 
et  l'autre  hypothèse,  la  honne  administration  de  la  justice 
exige,  là,  que  les  procédures^  qui  sont  également  en  état, 
soient  réunies,  ici,  qu'elles  soient  séparées*  Le  but  des  art. 
307  et  308  a  été  de  remédier  à  ces  deux  irrégularités  par  la 
jonction  ou  la  disjonction  des  procédures,  et  de  restituer  par 
là  aux  débats  leur  unité, 

*  Cass.  3  réfrier  1851.  rapp.  M.  Brière.  DaH.  V  InsU  crim.,  n.  J005. 
'  Cas».  18  mai  i8Â9,  rapp.  M.  de  Ricard.  Bull.  n.  119. 
'  Cfl»9.  M  ayril  18/i4i  rapp.  M.  hambcrt.  Bull.  n.  155, 


Sr70  l»BS    COORft  l>VB8IBB9i       * 

Nous  avons  établi»  au  chapitre  de  la  compétence  pour  le 
jugement  ',  les  cas  où  il  y  a  heu  à  la  prorogation  de  la  juri- 
diction &  raison  de  la  connexité  des  délits  *  ou  de  Tindifi- 
sibiiité  des  procédures  *.  On  doit  se  reporter  aux  règles  qui 
ont  été  posées  sur  ce  point. 

Les  art.  307  et  308,  dont  nous  avons  exposé  les  origines  ^, 
sont  ainsi  conçus  :  c  Art.  307.  Lorsqu'il  aura  été  formé»  à 
raison  du  mOme  délit»  plusieurs  actes  d'accusation  contre 
différents  accusés»  le  procureur  général  pourra  en  requérir  la 
jonction  et  le  président  pourra  l'ordonner  mémo  d'office.  — 
Art.  308.  Lorsque  Tacte  d^accusation  contiendra  plusieurs 
délits  non  connexes,  le  procureur  général  pourra  requérir  que 
les  accusés  ne  soient  mis  en  jugement»  quant  à  présent,  que 
sur  l'un  ou  quelques-uns  de  ces  délits,  et  le  président  pourra 
Tordonner  d'office.  » 

Il  y  a  lieu  d'examiner  l^  la  compétence  du  président,  et, 
dans  quelques  cas»  de  la  Cour  d'assises  pour  ordonner  cette 
mesure;  2**  les  causes  de  jonction;  S''  les  causgs  de  disjonc- 
tion ;  4"  les  formes  de  cette  mesure  ;  5*  les  voies  de  recours 
qui  sont  ouvertes  contre  elle, 

IL  La  compétence  du  président  est  seule  indiquée  par  la  loi 
dans  les  deux  hypothèses. La  loi  du  18  germinal  an  iv  n'avait 
établi  au  contraire  que  celle  du  tribunal  criminel.  La  raison 
de  cette  différence  est  que  la  Cour  d'assises  n'étant  pas  perma- 
nente comme  le  tribunal  criminel,  il  a  fallu  transporter  au 
président  une  attribution  que  la  Cour  ne  pouvait  exercer  avant 
d'être  constituée  et  dont  l'exercice  devance  le  plus  souvent 
cette  époque. 

Le  président  peut  ordonner  la  jonction  ou  la  disjonction 
d'office  ;  il  peut  ^ordonner  également  sur  les  réquisitions  du 
ministère  public.  Le  peut-il  sur  la  requête  de  l'accusé?  Rien 
ne  s'y  oppose,  et  l'accusé  a  toujours  la  faculté  de  provoquer 
les  mesures  qu'il  peut  croire  favorables  à  sa  défense.  Mais  si  le 
président  peut  faire  droit  à  sa  demande,  il  peut  aussi  ne  pas 
y  statuer;  la  loi  ne  reconnaît  point  à  l'accusé  le  droit  de  la 
présenter,  et  les  termes  de  T-art.  306,  relativement  à  la  pro- 
rogation de  délai,  ne  se  retrouvent  point  dans  les  art.  307 

1  Voy.  l.  VI,  p.  61C.  —  *  Voy.  t.  YI,  p.  652.  ^  »  Voy.  t  Vf,  ^  «40.  - 
*  Voy.  t.  6,  p.  641  cl  suiv* 


DE  LA  PEOcéDUftB  AOTiftlBORE  AUX   DEBATS.   §  621.  57i 

et  308.  Il  n*y  a  donc  point  ici  do  droit  accordé  par  la  loi  et 
sur  Texercice  duquel  il  y  ait  obligation  de  statuer. 

Il  a -été  admis  que,  dans  les  départements  où  ne  siège  pas 
une  cour  impériale,  le  président  du  tribunal  peut  ordonner 
cette  mesure  à  la  place  du  président  des  assises.  Les  deux 
arrêts  qui  ont  consacré  ce  pomt  déclarent  :  «  que  de  la  com-  • 
binaison  des  art.  263,  307  et  308  il  résulte  que,  dans  les  cas 
où  depuis  la  notification  faite  aux  jurés,  en  exécution  de 
l'art.  389,  le  président  des  assises,  par  absence  ou  pour  toute 
autre  cause,  se  trouve  dans  l'impossibilité  de  remplir  ses 
fonctions,  il  est  de  droit  remplacé  dans  toutes  les  Cours  d^as- 
sises  qui  ne  tiennent  pas  à  la  résidence  de  la  Cour  par  lo 
président  du  tribunal  de  première  instance*.  »  Celte  règle, 
que  nous  avons  établie  précédemment;  s'applique  à  toutes  les 
fonctions  du  président  des  assises;  son  application  ici  ne  peut 
donc  donner  lieu  à  aucune  difficulté'. 

Mais  il  est  évident  que  la  loi  a  statué  pour  le  cas  le  plus 
ordinaire,  pour  le  cas  où  la  nécessité  de  la  jonction  ou  de  la 
disjonction  se  manifeste  avant  la  réunion  de  la  Cour  d'assises. 
Mais  quand  cette  Cour  est  réunie  et  qu'elle  est  saisie,  appar- 
tient-il encore  au  président  de  prononcer?  La  Cour  de  cassa- 
tion a  déclaré  c  que  Fart.  307,  rédigé  d'une  manière  démon- 
strative  et  non  limitative,  n'est  pas  prescrit  à  peine  de  nul^ 
lilé  ;  qu'il  ne  fait  donc  point  obstacle  à  ce  que  la  Cour  d^assises 
ne  puisse,  avant  Touverture  des  débats,  sur  le  réquisitoire 
du  ministère  public,  pour  la  bonne  administration  delà  jus- 
tice comme  aussi  pour  la  manifestation  de  la  vérité,  ordonner 
la  jonction  de  plusieurs  actes  d'accusation  dressés  contre  le 
même  individu,  dans  plusieurs  procédures  qui  sont  toutes  en 
état  et  dont  elle  se  trouve  simultanément  saisie  ^.  i>  Un  arrêt, 
dans  une  espèce  identique,  déclare  encore  en  termes  plus 
absolus  «c  que  la  cour  d'assises,  en  joignant  les  causes  dans 
Tinlérètde  la  prompte  et  bonne  administration  de  la  justice» 
a  usé  d^un  droit  qui  lui  appartenait  \  »  Enfin,  dans  une 
espèce  où  l'accusé  se  faisait  un  grief  de  ce  que  c'était  la  Cour 
qui  avait  statué  sur  une  demande  en  disjonction  qu^il  avait 
formée,  le  rejet  a  été  prononcé,  «  attendu  que  la  Cour  d'as- 

*  Cass.  27  scpl.  4882,  rapp.  M.  Me]rronnet«Saint*Marc.  J.  P.,  t.  XXVI, 
p.  iA87;  29  avril  1884,  rapp.  M.  Vincens-Saint-Laiirent,  t.  XXVI,  p.  1075. 

*  Voy.  ëvprày  p,  452. 

*  Cass.    18  mars  ISAli  rapp.  M.  Meyroiinct  Sainl-Marc,  Bull,  n*  70. 

*  Ca».  7  fér.  1828,  rapp.  M.  de  Bernard.  J.  P.  XXI,  II41, 


37  DB8  COUHS  d'assises. 

sises  avait  seule  le  droit  de  prononcer  sur  cette  demande*.  » 
II  ne  faut  pas  cependant  trop  généraliser  la  règle  quo 
posent  ces  arréls  :  la  Cour  d'assises  ne  peut  pas  statuer,  dam 
tous  les  cas,  sur  la  jonction  ou  la  disjonction  des  causes,  car 
cette  mesure^au  moment  même  où  elle  se  réunit^  serait  tardiTe. 
S'il  s'agit  de  joindre  deux  accusations  connexes  ou  de  dis- 
joindre deux  accusations  non  connexes  dirigées  contre  une 
même  personne,  la  Cour  d'assises  peut  statuer  jusqu'à  l'ou- 
verture des  débats  et  même  après  cette  ouverture;  car,  qae 
le  cercle  de  l'accusation  soit  élargi  ou  rétréci,  l'accusé  de- 
meure le  même,  et  le  jury,  qui  a  été  formé  pour  le  juger  et 
qu'il  a  accepté,  reste  compétent.  C'est  là  l'hypothèse  dans 
laquelle  les  trois  arrêts  qui  précèdent  ont  été  rendus. 

Mais  s'il  s'agit  de  joindre  deux  accusations  connexes^  ou 
de  disjoindre  deux  accusations  non  connexes  dans  lesquelles 
figurent  des  accusés  différents,  la  Cour  d'assises  n'est  compé- 
tente que  jusqu'à  la  formation  du  jury.  Il  est  clair,  en  effet, 
qu'on  ne  pourrait  comprendre  dans  le  débat  un  accusé  qui 
n'aurait  pas  concouru  à  la  formation  du  jury,  ou  maintenir, 
pour  juger  un  seul  individu,  un  jury  formé  avec  le  concoun 
et  les  récusations  de  deux  ou  plusieurs  accusés» 

III.  Dans  quels  cas  la  jonction  peut-elle  être  ordonûée? 
Uart.  307  n'en  indique  qu'un  seul,  «  c'est  lorsqu'il  aura  été 
formé,  à  raison  du  même  délit,  plusieurs  actes  d'accusatioa 
contre  le  même  accusé.  »  Mais  il  a  été  admis  par  la  jurispru- 
dence que  la  disposition  de  cet  article  n'est  pas  limitative,  et 
qu'il  est  permis  aux  tribunaux  d'ordonner  la  jonction  des 
causes  dont  ils  sont  simultanément  saisis,  môme  hors  du  cas 
prévu  par  cet  article,  lorsqu'ils  le  croient  nécessaire  pour  la 
manifestation  do  la  vérité  et  pour  la  bonne  administration  de 
la  justice*. 

Cette  régie,  que  nous  avons  déjà  examinée  3,  a  d'abord  été 
appliquée  aux  accusations  relatives  &  des  délits  connexes;  par 
exemple,  aux  cas  où  il  aurait  été  fait,  à  raison  du  même 
crime,  plusieurs  actes  d'accusation  contre  différents  accusés  ; 
au  cas  où  il  aurait  été  fait,  à  raison  de  crimes  connexes,  plu- 
sieurs actes  d'accusation  contre  le  même  accusé  ;  enfin  au  cas 

*  Cm.  22  sept,  1826,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.  XX,  87S. 

sCass.  29  Doy.  1834,  rapp.  M.  Vincens-Saint-LaurenU  J.  P.  XXÏÏ, 
1075;  20  déc.  1835,  niénierâpp.  Bull.  ti.  &75;  25  nQV.  1837,  même  rapp.» 
n.  410  ;  28  ayril  1838,  rapp.  M,  Mérilliou,  n.  116. 

=»  Voy.  l,  VI,  p,  662, 


DE  LÀ  P&OCl^DtJliE  iNtéBIfiCftE  ÀCX  D|£bAT9.  $  621.  573 

OÙ  îi  aurait  été  fait,  contre  différents  accusés^  plusieurs  actos 
d'accusation  à  raison  de  faits  connexes.  Cette  application  des 
art.  226  et  327  ne  peut  donner  lieu  à  aucune  difficulté  : 
Tart.  307  prévoit  la  jonction  dans  un  cas  de  connexité  ;  il  est 
naturel  d'étendre  sa  disposition  à  tous  les  cas  où  des  accusa- 
tiens  connexes  sont  inscrites  h  la  fois  sur  le  rôle  des  assises. 
Le  président  ou  la  Cour  d^assises  font  alors  ce  que  la  chambre 
(l'accusation  aurait  pu  faire  si  elle  ayait  été  saisie  à  la  fois  do 
CCS  différentes  affaires  '.  L^aclion  de  cette  dernière  juridiction 
est  restée  incomplète  ;  l'autre  Tacbéve  et  dispose  à  sa  place. 

La  même  règle  a  encore  été  appliquée  au  cas  où  les  diverses 
accusations ,  quoiqu'elles  aient  pour  objet  des  crimes  distincts 
et  non  connexes,  sont  dirigées  contre  le  même  accusé.  La 
jonction  s'appuie  ici  sur  les  art.  365  et  379,  qui  supposent 
qu'un  accusé  doit  être  mis  en  jugement  à  raison  de  tous  les 
iTiéraits  qu'il  a  antérieurement  commis*.  lia  été  jugé,  dans 
ce  sens,  c  qu'aucune  loi  ne  limite  le  droit  de  jonction  au  cas 
où  les  crimes  et  délits  sont  connexes  aux  termes  de  l'art,  227, 
et  que  l'art.  365,  prescrivant  l'application  d'une  peine  unique 
à  (les  faits  qui  n'ont  entre  eux  aucun  rapport  de  connexité, 
donne  par  conséquent  au  droit  de  jonction  pour  le  jugement 
définitif  plus  de  latitude  que  l'art.  227  ^  » 

Mais  lorsque  les  faits  ne  sont  point  connexes,  lorsque  les 
accusations  distinctes  ne  sont  pas  dirigées  contre  une  même 
personne,  la  jonction  peut-elle  encore  être  ordonnée?  Faut-il 
admettre  que  les  règles  prescrites  à  la  chambre  d'accusation 
par  les  art.  226  et  227  ne  doivent  point  être  observées  par 
le  président,  et  que,  ce  que  celte  chambre  n'aurait  pu  faire, 
celui-ci  puisse  le  prescrire  ?  La  Cour  de  cassation  a  évidem  - 
nienl  hésité  à  cet  égard,  car  elle  a  considéré  comme  régulière 
la  jonction  de  plusieurs  accusations  dirigées  contre  différents 
accusés  y  «  lorsque  les  faits  se  liaient  entre  eux  par  les 
circonstances  de  temps,  de  lieu  et  par  les  motifs  allégués  pour 
justifier  leur  perpétration  *  ;  mais  elle  a  ensuite  déclaré  irré- 

'  CasJ.  h  nov.    1836,  rapp.  M.  Vincens-Saînt-Laurent.  Bull.,  n.  868  ; 
28  afril  1831,  rapp.  M.  Meyronnet  Saint-Marc.  J.  P.  XXIJI,  1622. 
ï  Voy.  U  Vl,p.  650. 

*  Cass.,  28  a?ril  1838,  rapp.  M.  Mériihou.  Bull.  n.  I4C  ;  et  conf.  7  féir. 
1828,  rapp.  M.  de  Bernard.  J.  P.  XXI,  1141  ;  29  nov.  1834,  rapp.  M.  Vin- 
ctns-Sainl-Laurenl,  XXIII,  1075  ;  24  sepU  1825,  rapp.  M.  Brière,  XIX, 895; 
22  fév.  1855,  rapp.  M.  V.  Fouchcr,  Bull.,  n.  66. 

*  Cas».  28  déc  1838,  rapp.  M.  Cbauveau-Lagarde,  Bull.,  n.  39i,  et  Casa. 
2'i  (l«c.  1836,  ïapp.  M,  Viocçns-Sl-l-aurçnl.  BmH,  n.  397, 


tn4  VBS  GOlIftS  P*A$SIUS. 

gulière,  sur  notre  rapport,  la  jonction  de  trois  actegd'acciua- 
tion  dressés  contre  différents  accusés,  à  raison  de  trois  accu- 
sations  distinctes  de  faux,  par  le  seul  motif  que  ces  Taux, 
commis  par  substitution  de  personnes  dans  Texamen  du  bac- 

.  calauréat-és*IettreSy  avaient  présenté  les  mêmes  circonstances 
et  le  même  objet.  L'arrêt  dispose  «  que  si  la  disposition  de 
l'art,  307  n'est  pas  limitative,  et  si  elle  n'exclut  pas  Tappli- 
cation  de  la  même  mesure,  même  en  dehors  des  termes  de 
cet  article,  dans  les  cas  analogues  à  celui  qu^il  a  prévu,  lors- 
qu'elle est  sollicitée  par  Tintérèt  de  la  découverte  de  la  vérité 
et  de  la  bonne  administration  de  la  justice,  il  ne  s'ensuit  pas 
néanmoins  qu'elle  puisse  être  étendue  arbitrairement,  et  au 
détriment  de  la  défense,  à  des  accusations  qui  n'auraient  entre 
elles  aucun  lien  de  connexité  et  qui  ne  seraient  pas  intentées 
contre  les  mêmes  accusés  \  »  Cet  arrêt  pose  une  limite  qui 
ne  doit  pas  être  franchie.  Il  ne  faut  pas  confondre  la  cor^él^ 
tion  des  crimes  et  leur  connexité  :  la  connexité  confond  en 
quelque  sorte  les  faits  dans  un  même  fait  et  établit  du  moins 
entre  eux  un  lien  que  la  procédure  ne  doit  pas  briser  ;  la  cor- 
rélation n'est  qu'un  rapport  accidentel  qui  n'établit  entre  les 
faits  aucun  lien,  et  ne  donne  par  conséquent  nullement  le 
droit  de  confondre  et  de  faire  asseoir  les  unsà  côté  des  autres, 
en  faisant  ainsi  réfléchir  sur  les  uns  la  criminalité  des  autres, 
des  accusés  qu'aucune  association  n'a  réunis  et  qui  sont  étran- 
gers entre  eux*. 

EnGn,  la  jonction  pourrait  même  dans  certains  cas  consti- 
tuer une  infraction  aux  règles  de  la  compétence.  Une  affaire 
avait  été  renvoyée  à  une  autre  session  à  raison  d'une  préven- 
tion de  faux  témoignage  qui  s'était  élevée  aux  débats  conire 
deux  témoins.  Cette  nouvelle  poursuite  se  trouvant  en  état  à 
l'ouverture  de  la  session  suivante,  le  président  crut  devoir 
ordonner  sa  jonction  avec  Taccusation  principale.  Cette  or- 
donnance a  été  cassée  parce  que  le  jugement  du  faux  tèmoi- 

,  gnage  constitue  une  question  préjudicielle  qui  doit  être  vidée 
avant  que  l'accusation  principale  soit  soumise  aux  débats  '. 
Enfin,  il  importe  de  remarquer  que^  môme  au  cas  de  con- 
nexité, la  loi  n'ordonne  pas  la  jonction,  comme  le  faisait  la  loi 
du  18  germinal  an  ly,  mais  permet  seulement  de  Tordonner. 

*  Casa,  ii  mars  4858,  à  notre  rapport,  Bull.,  n,  88. 

•  Voy.  t.  VI,  p.  665. 

"  Casa.  SO  déc  i8A5,  rapp,  M.  Meyronuet-St-Marc*  Bull,  n,  309«  >^)i 
loulefoUCpsa,  18  sept.  i856,  rapp.  M.  Sén^ca,  Bull»  n.  ai4. 


Dl  Là  PEOC&UM  AMTiAIKO&l  ▲QX  D^ATfl.  J  621.      WlH 

Ce  n'est  point  une  prescription,  mais  une  simple  faculté.  Il 
a  été  jugé  «  que  la  disposition  de  Fart.  307  est  purement 
facultatiTe,  et  que  la  connexité  des  délits  est  sans  doute  un 
motif  légitime  de  la  réunion  des  procédures,  mais  qu'elle  ne 
doit  pas  la  faire  opérer  lorsque  de  cette  réunion  pourraient 
résulter  des  retards  qui  amèneraient  le  dépérissement  des 
preuves  et  nuiraient  à  l'action  de  la  justice  S  » 

IV.  Dans  quels  cas  y  a-t-il  lieu  de  prononcer  la  disjon&- 
tioD?  L'art.  308^  comme  l'art.  307,  n'indique  qu'un  seul 
cas,  c'est  «  lorsque  l'acte  d'accusation  contiendra  plusieurs 
délits  non  connexes.  »  Mais  il  faut  dire,  dans  celte  seconde 
hypothèse,  comme  dans  la  première,  que  la  disposition  de  la 
loi  n'est  nullement  restrictive  et  qu'elle  n'a  fait  qu'une  indi- 
cation. 

Le  caractère  de  cette  indication  néanmoins  ne  doit  point 
élre  perdu  de  vue.  L'accusé  n  a,  en  général,  qu'un  intérêt 
secondaire  à  s'opposer  &  la  réunion  de  plusieurs  procédures 
dans  le  même  débat  ;  car,  si  le  reflet  des  autres  accusations 
peut  se  projeter  sur  la  première,  la  défense,  du  moins,  n'en 
éprouve  aucune  restriction;  mais  il  peut  avoir  un  intérêt  très 
grave  à  ce  que  la  procédure  ne  soit  pas  scindée,  car  ses  diver-* 
ses  parties,  bien  qu'elles  ne  soient  pas  connexes,  peuvent 
s'éclairer  les  unes  par  les  autres.  Il  est  certain  que  l'art.  308 
n'a  voulu  consacrer  aucune  exception  au  principe  de  l'indi- 
visibilité '  ;  il  n'a  point  voulu  qu  il  fût  permis  de  scinder  les 
éléments  d'une  même  accusation.  Il  a  seulement  permis  de 
diviser  une  accusation  qui  contient  des  faits  distincts  et  non 
connexes.  Or,  si  tous  les  auteurs  d'un  même  délit  ont  droit  à 
un  jugement  commun,  l'agent  mis  en  accusation  à  raison  de 
plusieurs  délits,  n'a  point  un  droit  absolu  à  èite  jugé  sur 
tous  à  la  fois  ^;il  y  a  donc  lieu  de  discerner  avec  soin  la  dis-- 
jonction  qui  peut  porter  atteinte  au  principe  de  l'indivisibilité 
et  celle  qui  n'y  porte  aucune  atteinte. 

Ainsi»  un  accusé,  poursuivi  comme  com)[>lice  d'un  faux, 
ne  peut  se  faire  un  grief  de  ce  que  deux  autres  faux,  aux^ 
quels  il  est  étranger,  et  qui  sont  imputés  à  l'agent  principal 
ont  été  joints  dans  la  même  procédure  ^.  Mais,  si  l'accusation 


Cas9.  80  mai  1818^  rapp.  M.  Ollivier,  J.  P.  t.  XIV,  689. 

Voy.  notre  t.  \l,  p.  640. 

Voy.  notre  U  VI,  p.  651. 

Qm.  18  mUMlif  rapp.  M.  Àumont.  h  P»  U  XVI»  529, 


576  DKs  cooiiâ  d'assibIi. 

relative  à  l'un  de  ces  derniers  faux  n'est  pas  en  état,  si  un 
complément  d'instruction  ou  Tabsence  d*un  témoin  en  font 
retarder  le  jugement,  il  peut  y  avoir  lieu  de  diviser  laprocé* 
dure  pour  ne  pas  prolonger  inutilement  la  détention  préa- 
lable]. 

y.  Les  art;  307  et  308  n^attribuent  point  i  l'accusé, 
comme  l'a  fait  Tart.  306,  le  droit  de  présenter  une  requête 
au  président.  De  là  il  a  été  induit  que  ces  articles  ne  donnent 
qu'au  procureur  général  seul  la  faculté  de  requérir  que  les 
délits  non  connexes  contenus  dans  le  même  acte  d'accusation 
soient  jugés  séparément,  ou  que  les  délits  connexes  contenus 
dans  différents  actes  d'accusation  soient  réunis,  et  que  les 
accusés  n'ont  pas  la  même  faculté  *•  Jl  ne  suit  pas  de  là  que 
les  accusés  ne  puissent  demander  cette  jonction  ou  cette  dis* 
jonction,  mais  seulement  que  leur  demande,  n'étant  pas  Tex- 
pression  d'un  droit,  le  président  n'est  pas  tenu  d'y  statuer. 

Mais  devant  les  assbes  leur  position  n'est  plus  la  même  : 
le  droit  do  leur  défense  est  de  proposer  toutes  les  exceptions 
et  de  prendre  toutes  les  conclusions  qu'ils  jugent  leur  être 
utiles»  et  la  Cour  d'assises^  à  moins  que  la  demande  ne  ren- 
tre dans  les  attributions  du  pouvoir  discrétionnaire,  doit  y 
statuer.  Quelques  arrêts  ont  voulu  voir  dans  la  faculté  de  join- 
dre ou  de  disjoindre  les  procédures  une  application  de  ce 
pouvoir  3  ;  mais  c'est  là  une  erreur,  puisque  le  pouvoir  discré- 
tionnaire ne  s'exerce»  aux  termes  de  l'art.  269,  que  «  dans 
le  cours  des  débats.  »  Aussi,  il  a  été  jugé  «  qu'il  ne  faut  pas 
confondre  les  droits  que  le  président  tient  des  art.  268  et  269 
avec  ceux  qui  lui  sont  conférés  par  des  dispositions  spéciales 
et  notamment  par  l'art.  307  ^  Il  suffit  donc  que  la  loi  ne  leur 
ait  point  interdit  de  proposer  une  telle  demande,  dont  ils 
trouvent  d'ailleurs  le  principe  dans  les  articles  307  et  308, 
pouf  qu'ils  soient  admis  à  la  formuler. 

C'est  d'après  cette  doctrine  qu'un  pourvoi  fondé  sur  la 
jonction  d^une  procédure  étrangère  au  demandeur  a  été  re- 
jeté :  a  Attendu  que  si  un  accusé  pense  que  la  jonction  d^un 

*  BourgoigQOD,  t*  II,  p.  86* 

^  Voy.  supràj  p.  570,  el  cass.  H  janr.  iSSS,  rapp.  M.  Glauzel  de  Cgus- 
sergues.  J.  P.  t  XXI,  4028. 

'  Cass.  29  nov.  iS3à,  cWé  suprà  et  il  janv.  1839,  rapp.  M.  Vinccft5-St- 
Laurent.  Bull.  n.  19. 

*  Cass.28  jui»  1855,  rapp,  M.  V.  Foiicher,  BmU,  iv  2dO. 


DE  LA  PROCÉDURE  ANTÉR1E0RE  AUX  DÉBATS.  §  6^1.       577 

a^tc  d^accusation  relatif  à.uD  crime  qui  lui  est  étranger  soit 
préjudiciable  à  sa  défense  dans  le  débat  qui  lui  est  personnel^ 
il  doit  exposer  ce  grief  et  requérir  la  disjonction  ;  que  de  son 
silence  il  résulte  la  présomption  que  la  jonction  dont  il  s'agit 
n^élait  pas  nuisible  à  sa  défjnse;  que,  dans  l'espèce,  le 
coaccusé  du  demandeur  a  seul  conclu  devant  la  Cour  d'assi- 
ses à  la  disjonction  de  Taccusation  qui  lui  était  personnelle'.» 

Non-seulement  les  accusés  ont  le  droit  de  demander  la 
jonction  ou  la  disjonction  des  procédures  à  la  Cour  d'assises, 
au  moment  où  vont  s'ouvrir  les  débals,  mais  ils  peuvent 
même  former  opposition  devant  elle  à  Tordonnance  du  prési- 
dent qui  aurait  pris,  d'oifice  ou  sur  la  réquisition  du  minis- 
tère public,  une  telle  mesure.  Un  arrêt  déclare  nettement: 
«  que  les  accusés  dont  les  procès  ont  été  joints  ont  le  droit  de 
réclamer  devant  la  Cour  d'assises  contre  l'ordonnance  du 
président  qui  «a  réuni  les  procédures,  toutes  les  fois  qu'ils 
croient  que  cette  jonction  peut  être  préjudiciable  à  leurs  inté- 
rêts*. »  Un  autre  arrêt  ajoute  que  si,  en  ce  qui  concerne 
l'exercice  de  son  pouvoir  discrétionnaire,  le  président  ne  sau- 
rait être  soumis  à  le  voir  critiquer  devant  la  Cour  d'assises, 
il  en  est  différemment  de  celui  qu'il  tient  d'uno  disposition 
spéciale  et  déterminée  comme  l'jsst  l'art.  307  ;  et  que  l'accusé 
a  le  droit  de  réclamer  devant  la  Cour  d'assises  contre  Tusagc 
que  le  président  a  pu  faire  de  la  faculté  que  la  loi  lui  ac- 
corde d'ordonné^  la  jonction  de  deux  accusations'. 

Mais  ce  recours  devant  la  Cour  d'assises  est  le  seul  qui, 
m  général ,  soit  accordé  aux  accusés  contre  l'usage  du  droit 
de  jonction  ou  de  disjonction.  C'est  là  l'un  de  ces  droits  dont 
Texercice  est  abandonné  à  la  sagesse  et  à  la  conscience  des 
juges  du  fait  et  qui  n'a  pas  de  C()ntr6le.  Ainsi,  dans  une  es- 
pèce où  la  jonction  avait  été  arbitrairement  ordonnée,  la  Cour 
de  cassation  a  rejeté  le  pourvoi ,  «  attendu  que  si  les  acciyiés 
u'ont  élevé  aucune  réclamation  à  cet  égard,  il  y  a  lieu  de  pré- 
sumer que  la  jonction  des  accusations  n'a  apporté  aucune 
entrave  à  leur  défense ,  et  qu'ils  sont  non  recevables  à  se  faire 
ultérieurement  un  grief  de  cette  mesure ,  puisque  la  loi  n'a 
allaché  aucune  nullité  à  l'inobservation  de  Tart.  307,  et  que 
l'arl.  4.08  ne  permet  de  prononcer  Tannulalion  des  anèls, 
à  raison  de  l'infraction  des  formalités  auxquelles  la  loi  n'a  pas 

*  Cass.  SO  sept  1855,  rapp.  M.  |$aint)ert.  BuU.  n.  324. 
2  Co5s.  41  mars  4853,  cUé  suy^rd  p.  57 A« 
^  Cass.  28  juin  1855»  cité  éuprâ  p.  576. 

fin.  37 


578  DES  cociis  d'assises. 

textuellement  attaché  la  peine  de  nullité,  que  dans  le  cas  où 
il  n'aurait  pas  été  statué  sur  la  demande  de  l'accusé  tendaol 
a  la  stricte  observation  de  la  loi  *.  » 

Il  faut  conclure  que  la  Cour  de  cassation  ne  peut  être  sai- 
sie que  lorsque  la  Cour  d'assises  a  refusé  ou  omis  de  statuer 
sur  la  demande  portée  devant  elle;  ou  lorsque  la  décision  ne 
serait  plus  un  simple  exercice  du  droit  formulé  dans  les  ar- 
ticles 307  et  308  et  constituerait  un  excès  de  pouvoir  dont 
aurait  souffert  Taccusation  ou  la  défense  ^ 

VI.  Quelles  doivent  être  les  formes  de  cette  mesure?  Elle 
est  prononcée  soit  par  une  ordonnance,  soit  par  un  arrêt.  Mais 
s'il  est  statué  par  la  Cour  d'assises,  il  n'est  pas  nécessaire  que 
son  arrêt  soit  motivé ,  a  attendu  que  les  arrêts  qui  ordonnent 
une  jonction  sont  des  arrêts  de  pure  instruction  qui  n'ont  pas 
besoin  pour  leur  régularité  d'être  motivés  3.  o  f  |  n'est  pas  né- 
cessaire qu'il  soit  rendu  publiquement^  s'il  est  rendu  avant  le 
tirage  du  jury  ^.  Et  s'il  est  statué  par  le  président,  il  n'est  pas 
nécessaire  que  son  ordonnance  soit  notifiée,  a  attendu  qu'il 
ne  résulte  d'aucune  disposition  du  Code  que  l'ordonnance 
rendue  aux  termes  de  l'art.  307  doive  être  signifiée  aux  ac- 
cusés ou  portée  à  leur  connaissance  avant  Touvertare  des  dé- 
bats^. » 

Cette  dernière  solution  serait  néanmoins  bien  rigoureuse 
si  elle  était  strictement  exécutée;  car  la  iléfen^e  n'a-t-elle  pas 
intérêt  à  connaître  à  l'avance  la  jondionou  ladisjonetioD  des 
procédures?  La  Cour  de  cassation  refuse  d'examiner  le 
grief  résultant  d'une  jonction  illicite ,  si  les  accusés  n'ont  pas 
réclamé  devant  la  Cour  d'assises,  et  un  arrêt  a  motivé  le  rejet 
en  déclarant,  <(  que  l'ordonnance  de  jonction  a  été  notifiée â 
chacun  des  accusés;  qu'elle  a  de  plus  été  lue  à  l'audience  et 
qu'elle  fi'a  été  l'objet  d'aucune  réclamation  devant  la  Cour 
d'assises;  qu'en  cet  état,  ils  ne  peuvent  critiquer,  sous  le  pré- 
texte qu'elle  serait  contraire  aux  droits  de  k  défense,  l'or- 
donnance dont  s'agita  »  Il  est  clair  que  le  droit  de  réclama- 
tion suppose  une  notification  préalable;  et  si  la  jurisprudence 

^  Cass.  il  mars  1853>  cité  suprà^  p.  574. 

*  Voy.  notre  t.  6,  p.  673|  et/Gass.  24  déc.  1886,  rapp.  M.  Viacen^-SMan- 
rent.  Bttil.n.  897, 

'  Cass.  25  Dov.  4837,  rapp.  M.  Vincens^St-LaureDt  BalL  n.  Mi« 

*  Cass.  2à  sept.  1825,  rapp.  M.  Biière.  J.  P.  t.  XIX,  895. 

"  Casa.  26  jatiy.  dfi55,  rapp.  M>  Ai|g.  Moreau.  Bull.  n.  H;  26  déc.  1835. 
rapp.  M.  Vincens-Sl-Laurenl.  Bull.  r.  A75. 

*  Cass,  18  sept.  1856,  rapp.  M.  Sénéca.  Bull.  o.  81&. 


DE  Lk  PROCÉDURE  AMTéRIEUIlE   AUX  DÉBATS.   §   6â2.  579 

n'a  pas  voulu  attacher  à  cette  forme  la  peine  de  la  nullité,  il 
n  est  pas  moins  dans  les  devoirs  du  président  et  du  ministère 
public  de  veiller  à  son  exécution. 


S  622. 

I.  De  la  notification  des  listes  des  jurés  et  des  témoius.  —  11.  For- 
mation de  la  liste  des  témoins.  —  III.  Formes  de  la  notification. 
lY.  Elle  doit  avoir  lieu  24  heures  avant  Faudition  des  témoins.  — - 
y.  Effets  des  irrégularités. 

I.  Deux  actes  terminent  la  procédure  préliminaire  :  la  no- 
tification de  la  liste  dès  témoins  et  la  notification  de  la  liste  ' 
des  jurés. 

Nous  avons  examiné  le  caractère  et  les  formes  de  celte 
dernière  notification  dans  le  chap.  YI,  relatif  à  la  formation 
du  jury  *. 

Notis  allons  examiner  maintenant  la  notification  de  la  liste 
des  témoins. 

IL  Le  ministère  public,  la  partie  civile  et  Taccusé  dressent 
la  liste  des  témoins  qu'ils  veulent  faire  entendre  aux  débats. 
La  rédaction  de  cette  liste  est  nécessairement  laissée  à  la  vo- 
lonté des  parties  qui  consultent  les  intérêts  de  l'accusation  ou 
de  la  défense.  Il  a  étéjugé  en  conséquence,  «  que  la  loi  s'en 
rapporte  sans  condition  au  ministère  public  pour  l'établisse- 
ment de  la  liste  des  témoins  dont  le  témoignage  peut  être 
nécessaire  dans  le  débat  *.  » 

Les  témoins  sont  cités  à  la  requête  de  chaque  partie.  Le 
2«  §  de  Part.  321  porte  :  «  Les  citations  faites  à  la  requête 
des  accusés  seront  à  leurs  frais,  ainsi  que  les  salaires  des  té- 
moins cités,  s'ils  en  requièrent.  »  Néanmoins  les  accusés  peu- 
vent demander  au  ministère  public  qu'il  fasse  citer  lui-m(>me 
les  témoins  qu'ils  croient  utiles  à  leur  défense.  La  loi  ajoute, 
en  effet  :  «  sauf  au  procureur  général  à  faire  citer  à  sa  re- 
quête les  témoins  qui  lui  seront  indiqués  par  l'accusé,  dans  le 
cas  où  il  jugerait  que  leur  déclaration  peut  être  utile  pour  la 
découverte  de  la  vérité  ;  »  mais  cette  disposition  n'est  que  fa- 
cultative, et  le  ministère  public  demeure  l'appréciateur  des 

*  Voy.  fvprd,  $601,  p.  347. 

^  Gass.  i"  sept.  1858,  rapp.  M.  Jacquîncti  Bul1«  n.  4Â8;  7  janv.  1858, 
rapp.  M.  Gau55in  de  Perceval,  n,  S. 


580  DES  COURS  D* ASSISES. 

cas  où  il  y  a  lieu  de  l'appliquer  '.  Les  accusés  peuvent  éga- 
lement ,  s'ils  sont  indigents,  demander  au  président  qu'il  or- 
donne Tassignalion  de  ces  témoins  *. 

La  liste  des  témoins  qui  doivent  être  entendus  dans  chaque 
aflaire  est  formée  avânt  l'audience  de  Faddition  des  témoins 
cités  par  toutes  les  parties. 

III.  Les  témoins  néanmoins  ne  sont  portés  sur  cette  liste, 
-qu'autant  que  la  partie,  à  la  requête  de  laquelle  ils  ont  été 
assignés,  en  a  notifié  à  Tavance  les  noms  à  Tautre  partie. 
Celte  noliOcation  préalable  est  nécessaire,  afin  que  chacune 
des  parties  puisse  prendre  des  renseignements  sur  les  témoins 
qui  lui  sont  opposés  et  préparer  ses  reproches  ou  ses  inter- 
pellations. 

L*art.  315  dispose  que  «  elle  ne  pourra  contenir  que  les 
témoins  dont  les.  noms,  profession  et  résidence  auront  été 
notifiés,  vingt-quatre  heures  au  moins  avant  l'examen  de  ces 
témoins,  à  Taccusc  par  le  procureur  général  ou  la  partie  ci- 
vile, et  au  procureur  général  par  Taccusé.  »> 

La  loi  prescrit  la  notification  de  l'accusé  au  minislùre  pu- 
blic, et  du  ministère  public  et  de  la  partie  civile  à  l'accusé. 
Elle  ne  prescrit  pas  la  notification  de  l'accusé  à  la  partie  civile, 
parce  que  celle-ci  peut  prendre  connaissance  de  la  liste  au 
parquet,  ni  celle  de  la  partie  civile  au  procureur  général, 
parce  quMl  n'est  pas  probable  que  la  partie  qui  s'est  jointe  à 
raccusalioii  ait  gardé  des  témoins  utiles  inconnus  à  celle-ci. 
L'accusé  n'est  pas  non  plus  oblige  de  notifier  les  témoins  qu'il 
fait  citer  à  ses  coaccusés  ^. 

Cette  notification  doit  être  faite  avec  les  mômes  formes  que 
les  autres  notifications  d'actes^.  Ainsi,  il  ne  suffirait  pas  de 
la  remise  faite  à  Taudience,  au  ministère,  public  par  le  défen- 
seur de  l'accusé  de  la  liste  des  témoins  de  celui-ci  ^  :  il  faut 
une  signification  régulière  faite  par  huissier' ,  que  cette  signi- 
fication soit  faite,  soit  à  l'accusé  en  personne  7,  soit  au  parquet 
du  procureur  impérial  ou  du  procureur  général  ;  et  qu'elle 
contienne  les  noms,  profession  et  résidence  de  tous  les  témoins 

*  Cass.  6  mai  1847,  rapp.  M.  Mérilhou.  Journ.  crim.,  t.  SO,  p.  80i. 
■  Voy.  %uiprà^  p.  527. 

*  Cass.  22  avril  iSAl,  rapp.  M.  Gilbert  de  Voisios.  Bull,  n*  i04. 

*  Voy.  iMprà^  p.  347. 

*  Cass.  16  sept.  18S0,  rapp.  M.  Ollivîer.  Bnl'.  n.  215. 

*  Ca-^s.  31  juillet  1847,  rapp.  M.  IsambcrU  Bull.  n.  171. 

^  Cass.  17  prairial  an  ix,  rapp.  M.  Borcl.  J.  P,,  t.  H,  208. 


D8  Li   PftOCÉDDRS   ANliftieUlE   AUX   DÉBATS.    §    62^.  581 

que  la  partie,  à  la  requête  de  laquelle  elle  est  faite,  veut  faire 
entendre  *. 

On  ne  doit  point  s'arrêter  aux  simples  irrégularités  qui 
peuvent  Tentacher.  Ainsi,  l'incorrcclion  granimaticale  com- 
mise dans  la  constatation  de  la  remise  de  la  copie  *,  cette 
remise  faite  par  un  acte  séparé,  mais  dont  Tcxploit  constate 
Pexistcncc^,  Pomission  de  Page  ou  des  prénoms  des  témoins^, 
les  inexactitudes  relatives  à  leur  résidence  ou  à  leur  profes- 
sion ^,  la  désignation  d'un  témoin  sous  un  nom  qui  n*est  pas 
lésion,  mais  qu'il  porte  habituellement*,  le  défaut  d'indica- 
tion de  la  profession  d*un  autre  témoin  quand  il  est  constaté 
qu'il  n'en  avait  aucune 7,  toutes  ces  circonstances  qui  ne 
peuvent  égarer  l'accusé  sur  l'identité  des  témoins,  sont  in- 
différentes et  ne  peuvent  fonder  une  réclamation  sérieuse  •. 

Si  les  irrégularités  sont  plus  graves  et  peuvent  jeter  des 
doutes  sur  Tidentité  des  témoins  signifiés,  nous  verrons  tout 
à  rheure  que  l'accusé  peut  s'opposer  à  leur  déposition  et 
qu'il  appartient  à  la  Cour  d'assises  de  statuer  à  cet  égard. 

ly.  L'une  des  formes  les  plus  importantes  de  la  notification 
est  le  délai  dans  lequel  elle  doit  être  faite.  L'art.  315  veut 
que  c  les  noms,  profession  et  résidence  des  témoins  aient  été 
notifiés  vingt-quatre  heures  au  moins  avant  l'examen  de  ces 
témoins.  »  Le  but  de  cette  formalité  est  de  mettre  les  parties  à 
même  de  connaître  les  témoins,  de  savoir  quel  degré  de  foi  ils 
méritent,  et  de  prévoir  les  objections  qui  pourraient  s'attacher 
à  leui s  personnes. 

Il  suit  de  là  que  l'exploit  doit  contenir  la  date  exacte  de 
sa  remise,  et  si  celte  remise  a  eu  lieu  la  veille  du  jour  de 
l'ouverture  des  débats,  l'heure  à  laquelle  elle  a  été  ciïcctuée. 
Cependant  cette  mention  de  Pheure  n'a  pas  été  jugée  indis- 
pensable^, et  la  jurisprudence  a  admis  trop  facilement  peut- 
être  que,  lorsqu'il  est  constaté  que  la  remise  a  eu  lieu  la 

*  Gass.  12  avril  4827,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  S47. 
'  Gass. ià  juillet  1837,  rapp.  M.  Mérilhou.  J.  P.,  à  59,  Dali. 

'  Gass.  2  mars  1843,  rapp.  M.  Mcyronnet-Sl-Marc.  Bull.  n.  50. 
^  Gass.  36 avril  1838,  rapp.  M.  Vincens-StLaurent.  Bull.  n.  111. 

*  Gass.  5  janv.  1x63,  rapp.  M.  Jacquinot.  Dali.  43»  i»  133  ;  8  sept.  1858, 
rapp.  M.  Jallon.  Dali.  53,  5,  145. 

*Gass.  25  août  1826,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  t.  XX,  841  ;  15  ocL  18i7, 
rapp.  M.  Barennes.  Bull.  n.  258. 

'  Gass.  A  sept.  1828,  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  t.  XXII,  269. 

*  Gass.  31  mars  1836,  rapp.  M.  Isaïubsrt  J.  P.  t.  XXVII,  12Î2. 

*  Gass.  26  janvier  1837,  rapp.  M.  VincensSl-Laurent.  Dali.  37, 1,  504. 


582  DBS    COURS  D* ASSISES. 

veille,  il  y  a  présomption  qu'elle  a  eu  lieu  vingt-quatre  heures 
au  moins  avant  Tcxamen  \ 

Mais  si  Toxploit  a  omis  de  constater  la  date  %  on  ce  qui  est 
la  mémo  chose,  s*i!  y  a  dans  la  date  une  surcharge  non  ap- 
prouvée", ou  enfin  s'il  rt^suUe  des  éuonciatîons  de  l'exploit  que 
moins  de  vingt-quatre  heures  se  sont  écoulées  entre  la  remise 
delà  liste  et  Taudilion  des  témoins^,  que  fautai l  décider? 
Celte  irrégularité ,  ainsi  que  cela  va  être  indiqué  tout  à 
l'heure,  ne  donne  à  Taccusé  d'autre  droit  que  celui  de  s'op- 
poser devant  la  Cour  d'assises  à  Taudition  des  témoins  compris 
dans  celle  liste. 

Cependant  une  question  doit  être  examinée  ici.  L'art.  315 
veut  que  ia  liste  soit  notifiée  «  vingt-quatre  heures  au  moins 
«  avant  l'examen  des  témoins.  »  De  ces  expressions  faut-il 
induire  qu'il  suffit  que  la  notification  précède  de  vingt-quatre 
heures,  non  ruuveriurc  des  débats,  mais  l'audition  des  té- 
moins, de  sorte  qne  si  l'affaire  remplit  plusieurs  audiences, 
des  listes  supplémentaires  do  témoins  puissent  être  notifiées, 
môme  après  l'affaire  commencée,  pourvu  que  vingt-quatre 
heures  séparent  la  notification  et  la  déposition  ?  Cette  questions 
reçu  diverses  solutions.  L'art.  346  duCode  du  3  brumaire  au  IV 
n'admettait  qu'une  seule  liste  des  témoins  qui  était  lue  i 
l'ouverture  des  débats.  Mais  Part.  2  de  la  loi  du  5  pluviôse 
an  XIII  reconnut  «  le  droit  de  la  Cour  de  justicecriminelle  d'or- 
donner, dans  le  cours  des  débats,  lorsqu'elle  le  jugera  utile, 
que  de  nouveaux  témoins  seront  entendus.  »  Et  deux  arrêts 
éiablireni,  d'après  ce  texte,  qu'une  nouvelle  liste  de  témoins 
prouvait  être  signifiée  postérieurement  à  l'ouverture  des  dé- 
bats^ :  Tun  de  ces  arrêts  enseignait  même,  pour  concilier 
cette  liste  avec  le  délai  de  ia  notification,  «  que  la  Cour  aurait 
dû  suspendre  les  débats^  faire  faire  à  l'accusé  la  notification 
desnoms,  âge, profession  et  domicile  des  témoins  qu'il  s'agissait 
d'entendre,  afin  que  Paccusé  pût  avoir  le  temps  de  préparer  sa 

*  Gass,  26  jain  18S8,  rapp.  M.  MangÎD.  J.  P.  U  XXI,  1597;  37  sept.  i8U> 
rapp.  M.  MeyroDDet-ShMarc,  t.  XXIV,  p.  1687. 

2  Cass.  2  juillet  i86d,  rapp.  M.  JacqainoU  Bâti.  n.  i&8»;  7  oet  I8S5, 
lapp.  M.  Gaillard,  J.  P.,  l.  XIX,  905;  2  jaili.  1847,  rapp.  M,  Jac^ioot. 
Bull,  n^  i/ia. 

*  Gass.  13  mai  1852,  rapp.  M.  Rocher.  Boll.  d.  154;  27  aai  IStft  à 
B#tre  rapport,  n.  170. 

*  Gass.  13  avril  1837,  rapp.  M.  Meyronnel-Sl-Marc*  Dev.  et  Car.,  87«  li 
1024. 

'  Cass»  23  frimaire  an  xiv,  rapp«  M.  Minier.  J.  P.,  t.  V,  87  ;  20  bmI  1S08» 
rappw  M,  Lefessier-Grandpré.  VI,  694. 


DE  LA   PROCEDURE  AïfrÉRICURE  AUX  DÉBATS.   §  622,  583 

défense  et  de  proposer  ses  reproches.  >»  Lorsque  la  question  se 
présenta  sous  le  Gode  d'inslr.crim.,  M.  Merlin  combattit  cette 
solution  :  «  A  quelle  époque,  dit-il,  la  liste  des  témoins  doit-elle 
être  présentée  par  le  procureur  général  ?  Immédiatement 
après  la  lecture  de  l'acte  d^accusation.  Or,  à  cette  époque,  le 
procureur'général  peut-il  savoir  combien  de  temps  il  s^écou- 
lera  avant  que  chacun    des  témoins  assignés   soit  appelé 
pour  déposer?  Non,  et  personne  ne  peut  le  savoir  plus  que 
lui.  Cependant  la  liste  qu'il  présente  ne  peut  contenir  que  les 
témoins  dont  les  noms  lui  ont  été  notifiés.  Il  faut  donc  né^ 
cessairement  que   la  notification  précède  la  lecture  de  la 
liste.  Mais  s'il  faut  qu'elle  la  précède,  il  faut  nécessairement 
que  co  soit  de  vrngt-qiiatre  heures,  car  les  termes  «  vingt- 
quatre  heures  au  moins  avant  )>  sont,  dans  Part  315,  insé- 
parables du  terme  «  notifiés.  »  C'est  donc  de  Touvertofe  des 
débats  et  non  de  Taudition  des  témoins  que  la  loi  entend 
parler.  Ce  n'est  pas  sans  do  graves  raisons  que  le  législateur 
l'a  ainsi   réglé  :  une  fois  les  débats  commencés ,  tous  les 
soins,  toute  l'attention  du  procureur  général  et  de  Taccusé 
se  concentrent  sur  ce  qui-  se  |wssc.  Ni  l'un  ni  l'autre  n'a  ïé 
temps  de  faire  des  recherches  au  dehors  pour  comiattre  les  té* 
moins  qu'on  pourrait  lui  opposer  par  la  suite.  Enfin,  il  peut 
arriver  que  les  débats  soient  sur  le  point  cPètre  terminés,  et 
que  vingt-quatre  heures  ne  soient  pas  encore  écoulées  depuis 
la  notification  d'une  nouvelle  liste  :  faudrait-il  que  le  présî^ 
dent  continue  les  débats  au  lendemain  '  ?  »  La  Cour  de  cassa* 
tion  confirma  d'abord  cette  doctrine  en  déclarant  «  qu^d'aprèt 
l'esprit  et  l'ensembledcs  disposilioris  de  l'art,  315,  Icdélaidè 
vingt-qualre  heures  qui  y  est  fixé  pour  radmmislration  des 
témoins  doit  être  pris  dans  l'intervalle  de  la  notificatron  de  la 
liste  à  l'ouverturo  de  la  séance  pour  les  débats  *  ;  qu'aucune 
liste  subsidiaire,  ou  supplétive  de  témoins,  rre  peut  être  rrof-^ 
tifiée  après  l'ouverture  des  débats  et  quo  les  personnes  dont 
les  déclarations  peuvent  être  ultérieurement  jugées  utiles  M 
doivent  être  entendues  qu'en  vertu  du  pouvoir  discrétionnaire 
du  président^.  »  Mais  cette  interprétartron,  longtcwips  cow* 
tînuée,  n'a  point  élé  maintenue.  Un  arrêt,  rendu  sur  le  rap- 
port de  M.  Vincens-Saint-Laurent,  déclare  d'abord  «  qufl 

'  Rép,  v«  Témoin  judiciaire,  5,  3,  art.  6,  n.  7. 
^  Gass.  5nof?.  181 2^  rapp.  M.  Basschdp.  J.  P.,  t.  X,  "77^. 
*  Cass.  iJ  ayriï  1827,  ^app.  M,  Gayiard,  h  P.,  t.  XXI,  34e»8Oarrni8l0. 
rapp.  M.  Giraud.  XV,  24A. 


584  DES  COURS  d'assises. 

suffit,  pour  que  le  témoin  cité  par  Tune  des  parties  soit  reça  à 
déposer  en  cette  qualité»  que  sou  nom  ait  été  notifié  à  Tautre 
avant  son  audition  ;  qu'il  n*en  résulte  nullement  que  cette 
notification  doive  avoir  lieu  vingt-quatre  heures  avant lou- 
verture  des  débats  '.  »  Un  autre  arrêt  décide  enfin  a  qa'au- 
cune  disposition  do  la  loi  n^nterdit  au  ministèrtî  public  de 
faire  assigner  au  cours  des  débats  de  nouveaux  témoins  dont 
les  dépositions  lui  paraissent  nécessaires  à  la  manifestation  de 
la  vérité,  pourvu  que  les  noms  de  ces  témoins  aient  été  ré- 
gulièrement notifiés;  que  le  mémo  droit  appartient  sous  les 
mêmes  conditions  aux  accusés  dans  Tintérèt  de  leur  défense; 
que  les  témoins  ainsi  assignés  appartiennent  aux  débats  et 
doivent  être  entendus  sous  la  foi  du  serment^.  »  Cette  nou- 
velle jurisprudence,  qui  renverse  celle  que  M.  Merlin  avait 
fait   prévaloir,  est-elle  plus  conforme  à  l'esprit  ffénéral  de 
notre  procédure?  L'art.   315  ne  s*appliquc  qu'à  la  liste  qui 
a  été  préparée  avant  l'ouverture  des  débats;  mais  n'interdit-il 
pas  par-là  même  et  virtuellement  qu'il  en  soit  rédigé  posté- 
rieurement une  autre?  On  objecte  qu'il  peut  surgir  des  dé- 
bats la  nécessité  d'entendre  des  témoins  dont  l'audition  avait 
été  jugée  d'abord  inutile  ;  et  que  c'est  le  droit  de  la  juridictioo, 
le  droit  des  parties  de  les  appeler  pour  éclairer  la  cause;  eofio 
que  tous  les  efforts  de  la  procédure  doivent   tendre  à  la 
manifestation  de  la  vérité.  Oui,  mais  à  la  condition  que  le  dé- 
bat n'emploiera  pas  d'autres  éléments   que  ceux   que  1^ 
parties  ont  pu  examiner.  L'arrêt  du  12  avril  1827  voulait  que, 
tes  débats  une  fois  ouverts,  il  ne  pût  être  appelé  de  témoins 
nouveaux  que  par  le  président  armé  de  son  pouvoir  discré- 
tionnaire], parce  que  le  président  ne  peut  fournir  que  des  dé- 
clarations non  assermentées  et  des  renseignements.  C'est  là 
que  réside  l'esprit  de  la  loi.  Sans  doute  il  est  préférable  d'en- 
tendre des  témoins  produits  par  une  citation  régulière  et  prê- 
tant serment;  sans  doute  encore  le  pouvoir  discrétionnaire 
n'appartient  qu'au  président,  les  parties  n'en  disposent  points 
tandis  que  le  droit  de  citation  est  leur  propriété  et  leur  per* 
met  d'appeler  les  témoins   qu'elles  jugent  utiles,   sans  de- 
mander aucune  autorisation.  Mais  celte  considération  per^ 
met-elle  de  s'écarter  des  termes  de  la  loi?  Ne  faut-il  pas 
craindre  de  surprendre  les  parties  par  une  production  inatteo** 

*  Cass.  16  iio¥.  1844t  rapp.  M.  Vincens-St-Laurent.  BuU.  n.  376. 

*  Cass.  27  janvier  1850,  rapp.  AI.  Aug.  Moreau*  Buil.  d.  30  ;  9  déc,  iSit, 
rapp.  M.  IsamberL  Bull.  d.  897. 


DE   LA   PROCéDURB   AMÉRIEURE   AUX  DÉDATS.  §    62^.  585 

due,  et  qui,  une  Toisle  débat  entamé,  ne  peut  être  Tobjet  d'au- 
cun examen  antérieur  î  N'y  a-t-il  pas  quelque  péril  soit  pour 
Taccusation,  soit  pour  la  défense,  dans  cet  emploi  instantané 
d*drmes,  ignorées  jusque-là  de  Tune  ou  de  Tautre  dos  par- 
ties, et  qui  ont  pu  être  mises  en  réserve  pour  en  faire  usage, 
lorsqu'elles  ne  peuvent  plus  être  éprouvées? 

Il  est  certain,  au  reste,  que  ce  droit,  qui  ne  peut  être  exercé 
que  dans  les  affaires  de  longuedurée,  ne  doit  apporter  aucune 
interruption  dans  les  débats:  si,  au  moment  de  leur  clôture, 
les  témoins  appelés  ne  sont  pas  encore  aptes  à  déposer,  la 
Cour  doit  passer  outre.  «  Les  listes  supplétives,  lorsqu'il  en 
est  formé,  dit  M.  Legraverend,  doivent  être  présentées  uu 
commencement  de  chaque  audience  qui  suit  l'expiration  des 
vingi-quatre  heures  depuis  la  notification,  et  il  doit  être  statué 
sur  les  oppositions  et  sur  les  reproches  dirigés  contre  les 
témoins  inscrits  sur  ces  listes,  de  la  même  manière  qu'il  est 
statué  sur  les  témoins  portés  sur  la  liste  principale  \  a 

V.  Recherchons  maintenant  quel  est  Teflet  dB  toutes  les 
irrégularités  qui  peuvent  être  relevées,  soit  dans  la  rédaction 
de  l'exploit  de  notification,  soit  dans  la  computation  du  délai 
de  vingt-quatre  heures. 

Le  dernier  g  de  l'art.  315  porte  :  «  L'accusé  et  le  procu- 
reur général  pourront  s'opposer  à  l'audition  d'un  témoin  qui 
n'aurait  pas  été  indiqué  ou  qui  n'aurait  pas  été  clairement 
désigné  dans  l'acte  de  notification.  La  Cour  statuera  de  suite 
sur  cette  opposition.  » 

Ce  droit  d'opposition  est  la  seule  sanction  prescrite  par 
l'art.  315^  qui  ne  porte  point  de  peine  de  nullité,  à  la  régula- 
rité de  la  notification.  Cette  régularité  est  un  point  de  (ait  qui 
peut  être  apprécié  par  la  Cour  d'assises  el  c'est  à  cette  Cour 
que  la  loi  Ta  expressément  déféré.  Il  importe  peu  que  les  noms 
des  témoins  aient  été  inexactement  notifiés,  ou  qu'ils  ne  l'aient 
pas  été  dans  le  délai  prescrit,  ou  même  qu'aucune  notification 
n'ait  été  faite  :  le  droit  du  ministère  public  et  de  l'accusé  est 
dans  tous  ces  cas  le  même  ;  ils  ne  peuvent  que  s'opposer  à 
l'audition  de  ces  témoins  :  s'ils  ne  Tout  aucune  opposition,  les 
témoins  régulièrement  cités,  mais  inexactement  ou  même  non 
notifiés,  sont  entendus  avec  serment,  et  les  parties  ne  peuvent 
uliérieurement  se  faire  un  grief  de  ces  irrégularités  devant 
la  Cour  de  cassation.  De  nombreux  arrêts  ont  posé  et 

*  Législ.  crim.,  t.  S,  p.  194. 


586  DES  C0CR3  P' ASSISES. 

incessamment  maintenu  cette  règle  importante  '.  Nous  y 
reviendrons  dans  le   chapitre   de  VÀudiîion  des  témoin». 

S^il  y  a  opposition,  la  Goar  d^assises  doit,  aux  termes  de 
l'art.  408,  nécessairemen'l  statuer  :  elle  peut  renvoyer  l'affaire 
à  la  prochaine  session» ,  elle  peut,  en  appréciant  les  inégu- 
larités,  décider  qu'elles  n'ont  apporté  aucune  entrave  dans  le 
droit  dVxammer  et  de  reprocher  les  témoins,  et  prononcer 
le  rejet*;  elle  peut  enfin,  si  la  déposition  des  témoins  ne 
parait  pas  indispensable»  déclarer  qu'ils  ne  seront  pas  enten- 
dus et  passer  outre. 

Cette  décision  de  la  Cour  d'assises  peut-elle  être  atiaquée 
devant  la  Cour  de  cassation?  Non,  si  elle  n'a  fait  qu'appré- 
cier des  irrégularités  de  fait*;  car  l'appréciation  de  ces  vices 
de  forme  lui  a  été  déférée  ;  il  suffit  qu'elle  ait  statué,  quelle 
que  soit  sa  décision.  Mais  si  cette  décision,  tout  en  statuant 
sur  les  irrégularités  de  la  notification,  consacrait  la  violatimi 
d'un  droit,  si  elle  enfreignait  une  règle  légale,  il  nVst  pas 
>  douteux  qu'elle  pût  encourir  la  censure  de  la  Cour  de  cassa- 
tion, car  l'art.  408  qui  garantit  aux  accusés  et  au  ministère 
public  que  leurs  demandes  ou  leurs  réquisitions  ne  seront  pas 
passées  sous  silence,  ne  déclare  point  irréfragables  les  décisions 
rendues  sur  ces  demandes  ou  réquisitions  \ 


*  Cass.  20  aTTÎI  18i9,  rapp.  M.  Ollhîer.  J.  P.,  t.  XV.  p.  2hi  ;  n  jota 
1820.  rapp.  M  Busschop,  t.  XV,  p.  1065;  13  jnitJel  1820,  raff. 
M.  Aumonl.  t.  XVI,  p.  32  ;  22  mars  1821,  rapp.  M.  Ollivier.  U  XVI,  p.  hlU 
29  juillet  1825,  rapp.  M.  Ollivier.  U  XIX,  p.  749;  V*  avril  1837,  rapp. 
M.  Mcyronnel-St-Marc.  J.  P.,  à  sa  date;  17  oct.  1837,  rapp.  Bff,  Rocher. 
Bail.  1).  315;  11  avril  1840,  rapp.  M.  de  Crouseilhes,  n.  lil;  iJ^aTril  ISSSi 
rapp.  M.  de  Glos,  n.  125  ;  22  juîll.  1852,  rapp»  M.  Mater,  n.  243;  22  .dée. 
1852,  rapp.  M.  Nouguier,  n,  417»  etc. 

'  Cass.  80  sept,  1 841  f  rapp.  M.  Meyronoet-St-Marc  Bull,  m  2$& 

*  Cass.  14  juin  1838,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  d.  168. 

*  Cass.  11  fév.  1813,  rap.  M.  VanlouloD.  J.  P.,  t. XI,  p,  118;  3  nor.lSil, 
rapp.  M.  Busschop,  t.  XII,  p.  441-  Et  Merlin,  Rép.,  v«,  Témoin  judiciaire, 

S  it  art.  6. 

'  Cass.  l'2  avril  1827,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  U  XXI,  p.  347. 


FORMES  GÉNiRALES   DE    LA  PROCÉDCRB  DES  ASSISES.   §  6S3.        SR7 

CHAPITRE  VUI. 

FORMES  GÉNÉRALES  DE  LA  PROCÉDURE  DES  ASSISES. 

$  623.  Objet  de  ce  chapitre  :  formes  générales  de  la  proeédare  orale. 

$  Gi4.  I.  Publicité  de  Taudience.  —  II.  Définition  de  cette  publicité. 

—  m.  Mode  de  sa  constatation. 

S  6^.  1.  Restriction  du  principe  de  la  publicité  :  le  huis  clos.  — 
IV  Formes  de  cette  mesure.  —  III.  A  quel  moment  elle  peut  com- 
mencer. —  IV.  Quels  actes  elle  doit  comprendre.  —  V.  A  quel 
moment  elle  doit  cesser.  —  VI.  Son  exécution. 

$626.  I.  L'instruction  doit  être  orale.  —  II.  Application  de  ce  prin- 
cipe dans  le  cours  des  débats.  III.  Son  application  à  Taudition  des 
témoins. 

S  627. 1.  Continuité  de  l'instruction  sans  interruption.  —  11.  Com- 
oieDt  cette  règle  doit  être  appliquée. 

S  628.  I.  Interdiction  de  toute  communication  au  dehors.  —  II.  Mani- 
festation des  opiniops->lII.  Caractère  delà  communication  prohibée. 

—  IV.  Communication  à  l'audience.  —  V.  Communication  en  de- 
hors de  Taudiçnce. 

S  629.  I.  Nomination  d'interprètes  dans  le  cours  des  débats.  — 
11.  Cas  où  il  y  a  lieu  à  cette  nomination.  —  111.  Quelles  perBoanea 
peuvent  être  interprètes.  -—  IV.  Récusation  des  interprètes.  — 
V.  Leur  serment.  —  VI.  Leurs  fonctions. 

S  623. 

Formes  générales  de  la  procédure  des  assises. 

Lorsque  toutes  les  formalîtés  qoi  précèdent  l'audience  sont 
accomplies,  que  les  communications  de  pièces  ont  eu  lieu, 
que  les  notifications  ont  étô'faites,  qu'il  acte  pourvu  auxré- 
clamalioi>s  d'une  tardive  défense,  l'audience  s'ouvre  enfin,  et 
l'instruction,  jusque-là  confinée  dans  la  procédure  écrite  et 
secrète,  vase  développer  oralemnet  et  publiquement. 

Celle  instruction  a  des  formes  générales  qui  la  suivent  pon- 
dant toute  sa  durée  et  s'appliquent  à  toutes  ses  phases  et  à 
tous  ses  incidenls. 

Elle  a  ensuite  des  formes  particulières  qui  s'appliqtietit 


588  DES  COURS  D  ASSISES. 

successivement  à  chacun  de  ses  actes  et  qui  ont  pour  objet 
d^en  régler  le  mode  et  d'en  assurer  Taccomplissement. 

II  convient  d'établir  en  premier  lieu  les  règles  générales 
qui  constituent  le  système  même  de  la  procédure  orale,  qoi 
en  sont  les  ressorts  principaux,  en  forment  en  quelque  sorte 
les  grandes  artères,  puisque  c'est  sous  leur  protection  conti- 
nue et  en  s^appuyant  à  chaque  pas  sur  elles,  que  la  procédure 
déroule  tous  ses  replis,  vide  tous  ses  incidents  et  procède  à 
toutes  ses  solennités.  Poser  ces  premières  règles  et  les  déve- 
lopper, c'est  donc  définir  le  caractère  de  cette  procédure, 
c'est  indiquer  et  aplanir  le  terrain  sur  lequel  elle  va  mar- 
cher, c'est  en  préparer  et  en  éclairer  les  actes. 

Ces  règles  sont  les  suivantes: 

La  publicité  de  l'audience; 

La  faculté  du  huis  clos  dans  les  cas  prévus  par  la  loi; 

Llnstruction  orale  ; 

La  continuité  de  l'instruction  jusqu^au  jugement; 

La  prohibition  de  toute  communication  extérieure; 

Enfin  l'intervention  des  interprètes  toutes  les  fois  que  leur 
ministère  est  nécesssrtre. 

Telle  est  la  matière  de  ce  chapitre. 


$62k. 

I.  Publicité  de  raudience.—U. {Application  à  la  procédare  des  assises. 
111.  Mode  de  sa  constatation. 

L  La  publicité  de  l'audience  en  matièrecriminellea  été  l'ane 
des  premières  règles  posées  par  l'Assemblée  constituante.  La 
loi  du  8-9  octobre  1789  s'était  hâtée  de  l'introduire  parmi 
les  formes  provisoires  qu'elle  avait  établies.  L'art.  d4,  tit.2, 
de  la  loi  du  16-24  août  1790  déclare  que:  c  En  toute 
matière  civile  ou  criminelle,  les  plaidoyers^  rapports  ou  juge- 
ments seront  publics.  »  L^art.  15  ajoute:  «  La  procédure  {)ar 
jurés  aura  lieu  en  matière  criminelle:  rinstruction  sera  faite 
publiquement  H  aura  la  publicité  qui  sera  déterminée.' 
La  Constitution  du  5  fructidor  an  m,  art.  208,  l'art.  64  de  la 
Charte  de  1814,  l'art.  55  de  la  Charte  de  1830  et  Tart-Sl 
de  la  Constitution  de  1848  ont  tour  à  tour  répété  ce  principe 
qui  est  devenu  une  maxime  constitutionnelle.  Les  art.  153» 
490  et  309  de  notre  Code  en  ont  fait  l'application  en  matière 


FORMES   GÉNÉRALES    DE   LA    PROCÉDURE    DES    ASSISES.    $   624.       589 

de  police  correctionnelle  el  de  grand  criminel.  Enfin  Tari.  7 
de  la  loi  du  10  avril  1810  dispose  que  les  arrêts  qui  n'ont  pas 
élé  rendus  publiquement  seront  déclarés  nuls. 

La  publicité  de  Taudience  est  donc  une  Torme  essentielle 
de  la  procédure,  la  plus  essentielle  peut-être,  car  elle  éclaire 
tous  les  actes  du  juge,  elle  les  défère,  à  mesure  qu'ils  s'ac- 
complissent, à  Texamen  et  au  contrôle  du  public,  elle  con- 
tient tous  les  excès  en  permettant  déjuger  tous  les  jugements, 
elle  rassure  les  justiciables,  elle  rehausse  enfinlesTonctionsdc 
la  justice  en  y  attachant  plus  de  considération  et  d*éclat.  C'est 
pour  Tavoii  effacée  peut-être  que  les  législations  de  1539  et 
i670  se  sont  si  subitement  écroulées.  Elle  ne  peut  assurément 
suppléer  seule  aux  autres  formes  de  Tinstruction,  mais  telle 
est  sa  force  réelle  que,  lorsqu'elle  est  largement  appliquée, 
toutes  ces  formes,  quelles  qu'elles  soient,  ne  semblent  plus 
en  quelque  sorte  que  secondaires. 

II.  Que  faut-il  entendre  par  cette  publicité?  Il  faut  enten- 
dre l'accès  de  Tauditoire  librement  assuré  au  public.  Une  au- 
dience est  publique  quand  les  portes  de  l'auditoire  sont  ou- 
vertes et  que  toute  personne  indistinctement  peut  y  entrer.  Il 
importe  peu  que  la  portion  de  la  salle  réservée  au  public  soit 
remplie  ;  il  faut  qu'ello  soit  accessible  à  tous. 

Il  est  arrivé  quelquefois  que  le  président,  par  des  mesures 
prises  dans  l'exercice  de  son  droit  de  police,  a  restreint  à  cer- 
tains égards  la  publicité  do  l'audience,  soit  en  distribuant  à 
Tavance  des  billets,  soit  en  réservant  certaines  places  à  des 
p  rsonncs  désignées  ,  soit  en  ordonnant  des  dispositions  qui 
pouvaient  lui  paraître  nécessaires  pour  maintenir  Tordre. 
Nous  avons  apprécié  ces  mesures  '  ;  mais,  si  elles  ont  apporté 
dans  quelques  circonstances  quelque  entrave  à  Tapplication 
du  principe,  elles  n'ont  jamais  attaque  le  principe  lui-même. 
Ce  principe,  formulé  par  tant  de  lois,  n'a  jamais  cessé  de  rayon  • 
ner  sur  la  jurisprudence  qui  l'a  rigoureusement  proclamé  et 
maintenu  dans  toutes  ses  décisions. 

La  publicité  doit  éclairer,  non-seulement  les  débats,  mais 
toute  Taudience.  Il  y  a  nullité  par  conséquent,  —  lorsqu'une 
partie  quelconque  de  Tinstruction  a  été  faite  les  portes  fer- 
mées * ,  lorsqu'il  n'est  point  établi  que  la  lecture  de  la 

*  Vny.  suprà^  p.  ^36  et  suiv. 

■  CaU.  17  mai  1810,  rapp.  M.  OadoU  J.  P.,  U  VIII,  p.  812. 


590  DES  GOOftS  D*A«SISES. 

décU ration  du  jury,  les  réquisitions  du  ministère  public  et  les 
réponses  de  l'accusé  aient  eu  lieu  publiquement  ^ ,  —lors- 
que la  publicité  d'une  partie  de  l'audience,  depuis  la  plai- 
doirie du  ministère  public  jusqu'à  la  lecture  de  ia  déclaratioQ 
du  jury,  n'est  pas  établie';  —  lorsque  le  président  s*est 
introduit,  sans  y  être  provoqué,  dans  la  chambre  des  délibé- 
rations du  jury,  pour  y  donner  des  éclaircissements  qui!  oe 
devait  donner  qu'à  l'audience^. 

III.  Il  ne  suffit  pas,  au  reste,  que  la  publicité  ait  existé  ea 
fait,  il  faut  qu'elle  soit  régulièrement  constatée.  Il  est  oéces- 
gaire,  en  effet,  que  la  procédure  justifie  de  Tapplicationdes 
formes  légales,  et  l'art.  372  veut  qu'un  procès-verbal  cons- 
tate, que  les  formalités  prescrites  ont  été  observées.  Il  a  été 
établi  en  conséquence  par  la  jurisprudence  «  que  lorsqu'il 
n'est  pas  fait  mention  expresse  des  formalités  substantielles 
ordonnées  par  la  loi,  elles  sont  présumées  de  droit  avoir  éè 
omises  ;  que  la  publicité  est  une  forme  substantielle  ;  quedè> 
qu'elle  n'est  point  constatée  dans  le  procès-verbal  des  dé- 
bats ,  la  loi  est  présumée  avoir  été  violée  * .  » 

Il  ne  suffit  pas  qu'il  soit  énoncé  dans  le  procès-verbal  que 
<t  l'arrêt  a  été  prononcé  publiquement,  »  car  il  ne  résulte  pas 
de  celte  constatation,  qui  ne  peut  èlre  étendue  au  delà  de  ses 
termes,  que  la  publicité  ait  été  observée  dans  Texamen,  le 
débat,  la  discussion  qui  l'a  suivie  et  la  déclaration  du  jury  qui 
a  servi  de  base  à  Tarrét^  » 

Il  ne  suffit  pas,  si  l'affaire  a  duré  plusieurs  séances,  queU 
publicité  soit  constatée  pour  une  ou  quelques-unes  seule- 
ment de  ces  séances;  elle  doit  Pètre  pour  chacune  s^paré- 
iTunt.  Ainsi,  il  y  a  nullité  lorsque  l'examen  du  procès  apot 
occu|HUrois  séances,  la  publicité  de  1  a  première  a  seule  été 
conslatôc  6,  la  publicité  n'est  déclarée  d'une  manière  expresse 
et  formelle  que  pour  les  deux  dernières 7. 

La  loi  cependant  n'a  point  prescrit  de  formule  particulière 

*  Cass.  25  juin.  i833.  rapp.  M.  OUivier.  J.  P.,  t  XXV,  p»  731. 
2  Cass.  SS  jaind827,  nipp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  UXXI,  p.  544. 
'  Cass.  8  mara  â826,  rapp.  M.  Gaillard*  J.  P.,  U  XX,  p,  296. 

A  Cass.  28  jany.  1825,  rapp.  M«  Brière.  J.  P.,  t  XIX,  p.  11%19^> 
1825,  rapp.  M.  Aumont,  t.  XIX,  p.  197;  13  sepL  1834,  rapp.  M.  deRkari 
t.  XXVII,  p.  989;  2  juiU.  1846,  rapp.  M.  JacquinoU  Bail.  n.  170. 

"  Cass.  2  juin.  18AC,  cilé  si/prô. 

*  Cass.  no¥.  1830,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  t.  XXIII,  p.  847. 

^  Cass.  a^  jiiio  4831,  rapp.  M.  Dupaty.  J.  P.,  t.  XXIII,  p.  1333« 


FORMES  G^NÉBALES  DE   LA   PBOC]tOOBE   DES   ASSISES.    §   624.        59i 

pour  coDsUter  la  publicité.  Il  s'ensuit  que  toutes  les  formu- 
les peuvent  être  adoptées  pourvu  qu'il  ne  puisse  en  résulter 
aucun  doute  sur  le  fait  lui-même.  Ainsi  la  Cour  de  cassation  a 
jugé  que  la  publicité  était  suHisamment  établie:  V  Lorsque 
le  procès-verbal  des  débats  porte  ces  oiots,  <r  Taudi^'nce  étant 
publique  ^  ;  »  2^  lorsqu'il  énonce  que  <  le  président  a  fait  ou- 
vrir raudîence  et  que  les  téinoins  et  le  public  ont  été  intro- 
duits*; »  3"*  que  la  Cour  d'as<;iscs  s'est  assemblée  «  en  au- 
dience publique  »  pour  procéder  audébat  de  telle  procédure'  ; 
4^  que  la  Cour  d'assises  ayant  ordonné  le  buis  clos,  «  la  salle 
a  été  évacuée  et  les  portes  fermées,  »  d'où  suit  la  publicité  du 
commencement  de  l'aridience^;  5°  lorsqu'il  constate  «  qu&la 
séance  ayant  été  suspendue  pendant  un  quart  d'heure,  l'au- 
dience a  été  reprise  :  »  la  reprise  d'une  audience,  dont  la  pu- 
blicité est  établie,  prouve  suffisamment  que  cette  reprise  a  été 
publique  comme  l'audience  dont  elle  n'était  que  la  continua- 
tion ^  ;  G""  lorsqu'il  établit  que  la  séance  publique  n'a  point 
été  levée  pendant  la  suspension  :  eu  ce  cas,  la  mention  que 
Taudience  a  été  reprise  est  m^me  inutile,  puisque  la  publicité 
n'a  pas  été  luterrompue^  ;  7°  lorsqu'il  constate  qu'à  l'ouver- 
ture de  la  séance,  le  public  a  été  introduit  dans  la  salle  d'au- 
diciice;  que  toutes  les  opérations  ont  eu  lieu  de  suite  et  sans 
ioterruption,  et  qu'ainsi  il  y  a  lieu  de  présumer  que  la  publi- 
cité déclarée  au  commencement  de  la  séance  a  continuée  jus- 
qu'à sa  clôture  ?  ;  S""  lorsqu'il  est  constaté  a  que  la  place  des- 
tinée au  public  est  restée  entièrement  remplie,  »>  bien  que, 
pour  maintenir  l'ordre,  les  portes  aient  été  niomentanément 
»  fermées^o. 

Si  Taffaii^  s'est  prolongée  pendant  plusieurs  audiences,  il 
à  été  également  reconnu  que  la  publicité  de  chacune  des 
audiences  était  suflBsamment  constatée,  1*  lorsque  le  procès- 
verbal  énonce  que  la  première  séance  a  été  publique  et  qu'elle 
a  été  continuée  au  lendemain  où  elle  a  été  reprise»;  2*  lors-, 

•  Cass,  27  aTiil  1838,  rapp.  M.  Meyronnel-Sl-Marc.  BuU.  n.  115. 

"  Casf.  5  janvier  183S,  rapp.  M.  de  Cronseilbe?.  J.  P.,  t.  XXIX,  p.  6ii. 
»  Cass.  5  rérrier  1885,  rapp.  M.  Dehaussy.  J.  P.,  t.  XXVI,  p.  1859. 

•  Cass.  16  sept  1853,  rapp.  M.  Jacqainot.  BuU.  d.  316. 

■  Cajs.  2  avrU  1810,  rapp.  M.  Dehaussy.  BuU.  n.  101  ;  14  sept.  1843, 
rapf.  M.  Meyronnel-Sl-Marc,  n.  246. 

•  Cass.  23  juin  1831,  rapp.  M.  OUÎYÎer.  J,  P.,  t.  XXHI,  p.  1732. 
'  Cass.  18  sept.  184«,  rapp.  H.  Bareanes.  BuU.  n.  293. 

•  Ca^s.  10  janvier  1851,  rapp.  M.  dcGlos.  Bail.  n.  17. 

•  Cass.  22  mars  1832,  rapp.  M.  Chantereyne.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  884 ,  12 
ocU  1837.  DuU,  37,1,  102i.       • 


59S  VES  cotins  d'assises. 

que  le  procùs-vcrbal  énonce  la  publicité  de  la  première  et  de 
la  dernière  audience  et  mentionne,  en  ce  qui  concerne  cha- 
cune des  audiences  inlermédiaires,  qu'elle  a  élé  la  reprise  de 
celle  qui  Ta  précédée*.  Il  a  é!é  d'ailleurs  établi  déjà  que,  lors- 
que la  durée  d'une  aiïaire  s^étend  à  plusieurs  audiences, 
la  mention  de  la  publicité,  placée  au  terme  de  la  dernière, 
enveloppe  tous  les  actes  de  l'instruction  qui  la  précède  et  s*y 
réfère». 


S  625. 

1.  Restricûon  des  principes  de  la  publicité  :  le  huis  clos.— 11.  Forme» 
de  cette  mesure.  —  lii.  A  quel  moment  elle  doit  commeocer.  — 
)Y.  Quels  actes  elle  doit  comprendre.  —  V.  A  quel  moment  elle 
doit  s^arréter.  —  Vi.  Sun  exécution. 

L  Le  principe  de  la  publicité  des  audiences,  quelque  for- 
mel etabsolu  qu'il  soit,  admet  une  exception.  Notre  ancienne 
jurisprudence  avait  introduit,  dans  les  matières  qui  se  discu- 
taient publiquement,  les  audiences  à  huis  clos,  c'est-à-dire, 
à  portes  fermées,  a  II  arrive  quelquefois,  dit  Denisart,  que, 
pour  éviter  le  scandale  que  pourrait  occasionner  la  plaidoirie 
publique  de  certaines  causes,  on  ne  laisse  entrer  à  raudieiice 
que  les  avocats,  les  procureurs  et  les  parties  de  la  cause,  et 
cela  s'appelle  plaider  à  huis  clos,  parce  que  pendant  ces  plai- 
doiries, les  portes  de  Taudience  restent  fermées  3.  » 

La  législation  de  1791  n'admit  point  cette  exception  et 
lorsque  quelques  tribunaux,  entraînés  par  leurs  souTenirs, 
voulurent  la  reprendre,  la  Cour  de  cassation  prononça  Vi\\\' 
nulation  des  procédures,  «  attendu  que  la  publicité  est  une 
garantie  accordée  par  la  loi  aux  accusés  et  dont  on  ne  peut 
les  priver  sous  aucune  espèce  de  prétexte*.  » 

Elle  a  été  rétablie  en  matière  civile  par  fart.  87  du  C.  |>r. 
<iv.  qui  porte  «  pourra  cependant  le  tribunal  ordonner 
qu'elles  (les  plaidoiries)  se  feront  à  huis  clos,  si  la  discu.^^sion 
publique  devait  entraîner  du  scandale  ou  des  inconvénients 
graves,  »  et  en  matière  criminelle  par  Tart.  6!^  de  la  chai  te 

*  Cass.  h  janvier  1851,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  9. 

^  Voy.  U  V,  p.  782,  et  cass.  à  avril  1856;  rapp.  M.  Gallon.  Bull.  n.  UO; 
cl  2 1  août  185G,  à  notre  rapport,  n.  293. 

*  Cas?.  Y.  huis  clos, 

*  Cass.  17  mai  1810,  rapp.  M.  Oudot.  J.  P.,  U  VllI,  p.  312. 


FOBMES  GénÉlÂLES  DE   LA   PROCÉDURE  DES  ASSISES.   §  G25.       b93 

de  1814,  dont  la  disposition  a  été  répétée  et  maintenue  par 
l'art. '55  de  la  charte  de  1830,  et  par  Tart.  81  de  la  const. 
du  4  nov.  1848.  Ce  dernier  article  est  ainsi  conçu  :  «  Les 
débats  seront  publics,  à  moins  que  la  publicité  ne  soit  dan- 
gereuse pour  Tordre  et  les  mœurs,  et  dans  ce  cas  le  tribunal 
le  déclare  par  un  jugement.  » 

La  Cour  de  cassation  a  déclaré  :  «  Que  les  dispositions  de 
Tart.  87,  C.  pr,  civ.  et  des  const.  de  1830  et  1848,  qui  ont 
autorisé  les  tribunaux  à  ordonner  que  les  débats  auront  lieu 
à  huis  clos,  lorsque  la  publicité  peut  devenir  dangereuse 
pour  l'ordre  et  les  mœurs,  constituent  une  exception  main- 
tenue par  Part.  56  de  la  const.  du  14  janv.  1852^  »  Cet  ar- 
ticle porte  <  que  les  dispositions  des  codes,  lois  et  règlements 
existants,  qui  ne  sont  pas  contraires  à  la  présente  constitution, 
restent  en  vigueur  jusqu'à  ce  qu'il  y  soit  légalement  dérogé.» 

IL  La  mesure  du  huis  clos  ne  peut  être  ordonnée  que  par 
la  Cour  d'assises  :  c^est  ce  qui'  résulte  du  texte  même  de  la 
loi.  Le  législateur  a  pensé  que,  lorsqu'il  s'agit  d'enlever  à  la 
justice  l'immense  garantie  de  la  publicité  de  l'audience,  la 
juridiction  toute  entière  doit  en  prendre  la  responsabilité. 
Plusieurs  procédures  dans  lesquelles  le  huis  clos  avait  été 
prescrit  par  une  ordonnance  du  président  ont  été  en  consé- 
quence annulées*. 

Il  ne  peut  être  ordonné  que  par  un  arrêt.  Une  procédure  a 
été  cassée,  «  attendu  que  le  ministère  public  ayant  requis  que 
les  débats  eussent  lieu  à  huis  clos»  le  procis--yerbaI  des  débats 
s*est  borné  à  énoncer  que  la  Cour  a  rendu  un  arrêt  conforme 
à  ces  conclusions;  que  des  pièces  produites,  en  exécution  de 
i'arrèt  interlocutoire,  il  résulte  quMI  n'existe  point  de  minute 
de  cet  arrêt  ;  qu'ainsi,  on  ne  peut  s'assurer  s'il  a  été  rendu 
dans  les  formes  prescrites  par  la  loi  et  que  renonciation  por- 
tée au  procès- verbal  ne  peut  suppléer  au  défaut  de  minute*.» 
Mais  cet  arrêt  n'étant  qu'une  décision  incidente  au  débat,  il 
sufGt  qu'il  soit  signé  du  président  et  du  greffier,  et  lorsqu'il 
est  relaté  dans  le  procès-verbal  des  débats,  il  se  trouve  suffi- 
saïQment  revêtu  d'un  caractère  authentique  par  la  signature 

*  Cass.  32  janvier  1852,  rapp.  M.  de  Glos.  Balh  n,  SA. 

*  Cass.  12  juin  1828,  rapp.  M.  Choppin.  J.  P.,  t  XXJ,  p.  1545  ;  12  jhUK 
18{(3,  rapp.  M.  Meyronnet-Sl-Martj  t.  XXV,  p.  078. 

'  Cass.  9  noT.  1838,  rapp.  M.  Gboppin.  J»  P.,  t.  XXV,  p.  916. 

viu.  •  38 


i(94  DES  COVRS  D*A8SIM8. 

du  président  et  du  greffier  apposée  au  bas  du  procèsHreifaal'. 

L'arrêt  qui  ordonne  le  huis  clos  doit  être  rendu  publique- 
ment à  peine  de  nullité*.  En  effet»  tous  lesairéts  doivent, 
aux  termes  de  la  loi,  être  readus  publiquement,  et  rexeeptioo 
du  huis  clos,  restreinte  aux  débats,  doit  être  renfermée  dans 
ses  limites;  or,  Tarrét  qui  déclare  la  nécessité  de  cette  me- 
sure est  extrinsèque  aux  débats.  Il  est  nécessaire  d'ailleurs  que 
le  public  soit  averti  de  rapplication  de  cette  exception. 

Cet  arrêt  doit  être  motivé  :  la  Cour  d'assises  doit  constater 
que  la  publicité  serait  dangereuse  pour  Tordre  ou  les  mœurs; 
c'est-là  la  condition  du  pouvoir  qu'elle  exerce  ;  l'énoncer,  c'est 
donc  donner  le  motif  nécessaire  de  sa  décision  V  Les  termes  des 
constitutions  ne  sont  pas  d'ailleurs  sacramentels,  mais  il  faut 
qjie  la  déclaration  soit  faite  dans  des  termes  équivalents  :  il  ne 
suffirait  pasque  l'arrêt  eût  simplement  énoncé  le  titre  de  la  pré- 
vention 4,  où  la  citation  de  l'article  du  Code  pénal  qui  qualifie 
le  fait  incriminé^.  Ce  n'est  pas  là  déclarer  la  nécessité  delà 
mesure;  car  les  faits  n'emportent  pas  par  leur  seule  nature 
cette  nécessité.  Mais  il  a  été  admis  que  si  l'arrêt,  rendu  à  la 
suite  d'un  réquisitoire  qui  déclare  le  danger  de  la  publicité, 
ajoute  ces  seuls  mots,  «  faisant  droit  au  réquisitoire,  »  il  y  a 
là  une  déclaration  suffisante,  parce  qu'il  s'approprie  celle  qui 
le  précède  6. 

Enfin,  cette  mesure  peut  être  ordonnée  d'office  ?;  elle  peut 
l'être  aussi  sur  le  réquisitoire  du  ministère  ou  les  conclusioDS 
de  l'accusé.  La  Cour  n'est  point  tenue  d'interpeller  les  par- 
ties, avant  ^e  l'ordonner,  pour  les  mettre  à  même  de  préseo- 
ter  leurs  observations  ;  car  «  le  droit  donné  aux  tribunaux  de 
suspendre  en  matière  criminelle  la  publicité  des  débats,  quauJ 
cette  publicité  serait  dangereuse  pour  l'ordre  et  les  mœurs, 
est  l'application  d'un  principe  d'ordre  public  et^  n*e&t  subor- 

«  Cass.  19  janv.  18S7,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  61;  ftSafril 
1830,  rapp.  M.  Mcyroonet-St-Marc,  t.  XXIII,  p.  S80  ;  13  dot.  1856,  npp. 
M.  V.  Fouchcr.  BuU.  n.  347  ;  1"  oct.  1857,  rapp.  M.  Caussin  de|;;Pereeva), 
s.  855. 

*  Casa.  12  déc  1823,  rapp.  M.  Chasle.  J.  P.^  U  XVIII,  p.  262;  29  aTril 
1826,  i^app.  M.  OlliTÎer,  t.  XX,  p.  485. 

>  Casa.  18  janTier  1827,  rapp.  M.  Mangin,  J.  P.*  t.  XXI,  p.  56  ;  iTintir) 
1827«  rapp.  M.  Mangin,  U  XXI,  p.  263. 

*  Cass.  28  avril  1837,  rapp.  M.  Vincens-St-Laurent.  BolL  n.  136» 

•  Cass.  6  sept  1830»  rapp.  M.  Gaillard.  X.  P.,  u  XXIV,  p.  IH. 

•  Gais.  23  juin  1821,  rapp.  M.  Aumont.  J.  P.,  U  XVI,  p.  89f  s  26  joiHct 
1828,  rapp.  M.  Brière,  t.  XXII,  p.  131, 

^  Cass.  U  jaavier  iHh  mm  ïmfnmé$ 


FOBMES  GÉNÉRALIS  DE  LA  PROCtDVEK  DES  ASSISES.  §  625.   tNH^ 

donné  à  aucun  autre  intérêt;  dés  lors  Texercice  de  ce  droit 
est  entièrement  abandonné  à  la  conscience  des  magistrats  qui 
ne  sont  nullemeni  tenus  de  consulter  l'accusé  à  ce  sujet  '•  » 
Cependant^  si  cette  interpellation  n*est  pas  une  obligation 
stricte,  il  est  convenable  de  la  faire,  car  la  mesure  importe 
assez  aux  intérêts  des  parties  pour  qu'elles  soient  appelées  à 
la  discuter.  Un  arrêt  reconnaît  d^ailleurs  «  que  les  accusés 
peuvent  être  entendus  sur  les  réquisitions  tendantes  à  l'appli- 
cation de  cette  mesure*;  »  mais  il  sufBt  qu^aucun  empêche- 
ment ne  soit  apporté  à  ce  qu'ils  contredisent  ces  réquisitions 
pour  que  la  loi  soit  réputée  exécutée  K 

III.  Si  Tappréciation  des  cas  dans  lesquels  il  y  a  lieu  de 
procéder  à  huiscJos  est  abandonnée  à  la  prudence  de  la  Cour 
d'assises,  il  n'en  est  pas  ainsi  des  limites  dans  lesquelles  ce  droit 
pent  être  exercé.  Ce  n'est  que  lorsque  la  publicité  pourrait 
être  dangereuse  pour  Tordre  et  pour  les  moBurs  qull  y  a  lieu 
de  la  suspendre  ;  donc  l'exception  ne  doit  eompreÎMlre  que  les 
actes  dont  la  publicité  présente  ce  danger. 

De  là  trois  questions  :  A  quel  moment  le  buis  clos  doit*il 
commencer?  Doit-il  se  restreindre  a«x  débats  proprement 
dits?  A  quel  moment  doit-il  finir? 

Le  huis  clos  ne  peut  commencer  qu'au  moment  où 
commencent  les  débats;  car  ce  n'est  que  la  partie  de  la 
procédure  constitutive  des  débats  que  la  loi  a  permis  de 
soustraire  à  la  publicité;  mais  à  quel  moment  commencent 
les  débats?  L'art.  354-  déclare  que,  au  cas  d'absence  d'un 
témoin,  la  C!our  pourra  renvoyer  l'affaire  à  la  prochaine  ses- 
sion, «  ayant  que  les  débats  soient  ouverts  par  la  déposition 
du  premier  témoin  inscrit  sur  la  liste.  »  Hais  cette  règle,  qui 
n'a  été  posée  qu'en  vue  du  renvoi,  ne  doit  point  être  étendue 
en  dehors  de  ce  cas,  car,  il  faudrait  admettre  que  la  lecture 
de  l'acte  d'accusation ,  Texposé  du  ministère  public  etTinter- 
rogatoire  de  l'accusé  ne  font  point  partie  des  débats  ^.  La  ju- 
risprudence a  établi  «  que  les  débats  commencent  au  moment 

*  Cass.  eaTrii  i85A,  rapp.  M.  Séoéca.  Bnli.  n.  95,  et  casa,  ii  sept.  i817« 
rapp.  M.  MaDgiu.  J.  P.»  L  XXI»  p.  800$  16  juin  1865,  à  notre  rapport BuU. 
11.214. 

'  Caïa.  8  janvier  iS4B,  rapp.  M.  iBamberU  Bull.  n.  6. 

*  Gaae.  «  octobre  iS&li,  rapp.  M.  DdMnuj.  Dali.  &i,  U  iS'- 

«  Cass.  17  avril  183&,  rapp.  M.  Ileyroottet-Sc-Marc.  J.  P.,  t.  XXVI,  p. 
899;  4  sept.  1840,  infime  rapp.  Bull.  n.  S50;  tS  déc.  18&S,  npp.  M.  Roni- 
goières,  n.  835  s  28  janvier  ia&8,  rapp.  M.  Brière-Valigoy.  n.  36. 


596  DIS   C00R8   DASS11E8. 

OÙ  le  serment  des  jurés  est  prêté  S  »  ou  en  d^autres  termes, 
c  au  me  nent  où  il  est  procédé  à  la  lecture  de  Tarrêt  de  ren- 
voi et  de  Pacte  d'accusation  *,  »  et  par  conséquent  elle  a  au- 
torisé à  enfermer  dans  le  buis  clos  la  lecture  de  ces  deui 
actes^ 

Peut-être  eù(-il  été  plus  régulier  de  les  séparer  ici  en  leur 
reconnaissant  à  l'un  el  à  l'autre  un  caractère  distinct.  L'arrêt 
de  renvoi,  qui  saisit  la  Cour  d'assises  et  qui  se  borne  à  énoa- 
cer  les  faits  pour  les  qualifier,  devrait  être  lu  publiquement 
dans  tous  les  cas  ;  Tacte  d^accusation,  au  contraire,  qui  déve- 
loppe les  moyens  de  Taccusation,  se  rattache  nécessairement 
aux  débats  et  les  commence  en  en  exposant  les  éléments.  Il 
semble  donc  que  c'est  seulement  à  la  lecture  de  l'acte  d'accu- 
sation que  le  huis  clos  devrait  commencer^.  Quelques  arrêts 
ont  admis  cette  distinction  ^.  En  tous  cas,  toutes  les  formalités 
qui  précèdent  cette  lecture  doivent,  à  peine  de  nullité,  avoir 
lieu  publiquement,  car  il  est  clair  que  ni  la  demande  qui  est 
faite  à  l'accusé  de  ses  noms,  ni  l'avertissement  donné  en 
vertu  de  Tart.  311»  ni  la  prestation  de  serment  des  jurés  ne 
sont  des  actes  du  débat  ^. 

A  plus  forte  raison,  il  faut  décider  qu'en  deçà  de  cette  li- 
mite, la  Cour  d'assises  est  libre  de  fixer  le  moment  du  huis 
clos  7  ;  ^lle  peut  déclarer  (|u'il  no  commencera  qu'après  la 
lecture  Je  Tarrèt  de  renvoi  et  de  l'acte  d'accusation^;  elle 
peut  décider  qu^il  ne  s'appliquera  qu'à  quelques  actes  du 
débats  si  la  publicité  de  ces  actes  présente  seule  des  dangers, 
par  exemple,  qu'il  ne  s'étendra  qu'à  la  lecture  de  Tacte  d'ac- 
cusation et  du  rapport  d*un  médecin*,  qu'à  l'audition  d^un 
seul  témoin' ""yquiau  débat  relatif  à  unseul  chef  d'accusation^ ^ 
Il  importe  seulement  de  remarquer  que,  dans  tous  les  cas  où 
le  huis  clos  n'est  prononcé  que  pour  une  partie  du  débat,  cette 

*  Gass.  a  janvier  1816,  rapp.  M.  Robert-Saint-VinocQt,  X  P.,t.Xin, 
p.  2t&. 

s  Gass.  S7  juin  1828,  rapporteur  M.  MerTille.  h  P.,  t  XXI,  p.  1603. 

*  Même  arrêt. 

*  Gonr.  M.  CubaiD,  n.  fi«9. 

*  Gass.  5  août  1880,  rapp*  M.  Gliauvean-Lagarde.  J.  P.,  t.  XXIII,  p.741; 
1  «et.  4857,  rapp.  M.  Gaussin  dePerceval.  Bull.  d.  855* 

*  Gass,  à  sept.  18A0,  rapp.  M.  Meyroonei-St-Marc.  Bull.n.  S50. 
'  Gass.  10  mars  4827.  rapp.  M.  Mangin.  J.  P„  t.  XXI,  p.  240, 

*  Gass.  i  féT.  1830,  rapp.  M.  Vjoceii»-8t-LaarenU  J.  P.t  à  sa  dale. 

*  Gass.  7  janv.  18AI|  non  iœp.imé. 

«•  Gass.  19  ré¥.  1841,  rapp.  M.  Meyronnet-Sl-Mare.  BulU  n.  AS. 
<<  Gass.  28  août  1853,  rapp.  M.  Legagiieur,  Buli.  n.  428. 


FOIIHES  CAnÉBALES  DE   LA  PROCtDVRE  DES  ASSISES.        625.       697 

mesure  exceptionnelle  doit  être  rigoureusement  renfermiie 
dans  les  termes  de^l'arrèt  qui  Ta  prononcée.  Ainsi,  dans  une 
espèce  où  le  huis* clos  n'avait  été  étendu  qu'à  l'audition  de 
deux  témoins  et  où  il  était  constaté  qu'il  avait  été  continué 
au  delà,  la  procédure  a  été  annulée,  a  attendu  qu'une  partie 
des  débats,  autre  que  celle  pour  laquelle  le  huis  clos  f  été  or- 
donné, a  eu  lieu  sans  publicité'.  » 

lY.  Cette  mesure  peut  comprendre  tous  les  débats,  mais 
elle  ne  peut  comprendre  que  les  débats.  Or  les  incidents  qui 
5*élèvent  dans  leur  cours  donnent  lieu,  tantôt  à  des  ordon- 
nances^  tantôt  à  des  arrêts  qui,  quoiqu'ils  statuent  sur  des 
fail&  relatifs  aux  débats,  n'en  Tont  pas  cependant  nécessaire- 
ment partie.  La  question  s'est  donc  élevée  de  savoir  dans 
quels  cas  ces  ordonnances  et  ces  arrêts  peuvent  être  prononcés 
à  huis  clos,  dans  quels  cas  les  portes  doivent  être  ouvertes 
pour  leur  prononciation. 

La  jurisprudence  a  admis  que  l'audience  peut  demeurer 
close  :  1<>  Quand  il  s'agit  de  statuer  sur  une  demande  en 
sursis  pour  appeler  de  nouveaux  témoins  ';  2^  quand  il  s'agit 
de  statuer  sur  la  demande  de  l'accusé  tendante  à  ce  que  les 
débats  redeviennent  publics,  a  attendu  qu'un  tel  incident 
fait  nécessairement  partie  des  débats  qui  ont  été  déclarés 
devoir  être  secrets';  »  S^  quand  le  président  prononce  des ' 
ordonnances  pour  déclarer  que  des  témoins  prohibés,  à  l'au- 
dition desquels  l'accusé  s'oppose,  ne  seront  pas  entendus  *» 
ou  pour  ordonner  un  acte  au  pouvoir  discrétionnaire  ^.  Ces 
arrêts  et  ces  ordonnances  ont  été  considérés  comme  faisant 
partie  des  débats. 

Mais  il  n'en  est  plus  ainsi  des  arrêts  qui  interviennent  dans 
le  cours  des  débats  sur  les  incidents  que  font  naître  les  réqui- 
sitoires du  ministère  public  ou  les  conclusions  de  la  défense, 
et  qui,  par  l'opposition  qu'ils  soûlèrent  ou  par  les  droits  qu'ils 
engagent,  prennent  un  caractère  contentieux.  Il  est  évident, 
en  effet,  que  la  publicité  de  ces  arrêts  ne  peut  avoir  aucun 
danger  pour  l'ordre  ou  pour  les  mœurs;  il  n'y  a  donc  aucun 
motif  de  les  placer  sous  l'empire  de  l'exception.  11  a  été  posé 

«  Cass.  S2  janvier  i85S,  rapp.  M.  de  Glos,  Bail.  d.  34. 

'  Cass.  17  janvier  1829,  rapp.  M.  Mang^in.  J.  P.,  t  XXII,  p.  580. 

*  Cas».  S9  avril  1826,  rapp.  M.  Ollivier,  J.  P.,  t.  XX,  p.  435. 

*  Gass.  4  sept.  1840,  rapp.  M.  Meyroniiet-St*Marc  Bull.  n.  250. 

*  Gass.  1  IcT.  1839,  rapp.  M.  Vlaceas-St-UareaU  Dali.  39, 1,  377|  6  avril 
i854»  rapp.  M,  Sèoêca.  Bull,  d,  97, 


898  DES  COURS  d'assises. 

en  règle^  par  une  longue  et  invariable  jurisprudence,  o  qne 
Texception  établie  par  la  loi,  pour  le  cas  où  la  publicité  se- 
rait dangereuse  pour  l'ordre  et  pour  les  mœurs,  ne  peut  être 
étendue  aux  arrêts  qui  statuent  sur  les  incidents  élevés  dans 
le  cours  des  débats,  puisque  la  publicité  de  oes  arrêts  ne  peut, 
dans  aucun  cas,  être  considérée  comme  dangereuse  pour 
l'ordre  ou  pour  les  mœurs  i.  » 

La  Cour  do  cassation  a  prononcé  l'annulation  des  procé- 
dures dans  lesquelles  n'avaient  pas  été  prononcés  publique- 
ment :  1^  un  arrêt  statuant  sur  Topposition  du  ministère 
public  à  ce  que  la  Temme  de  Taccusê  fût  entendue  comme 
témoin  '  ;  V  un  arrêt  statuant  sur  l'opposition  d'un  accusé  à 
la  déposition  d^un  témoin  cité  à  la  requête  du  ministère  pu- 
blic '  ;  3*  un  arrêt  déclarant  qu'on  témoin  assigné  ne  serait 
pas  entendu^  ;  ko  ou  qu^un  témoin,  n'étant  pas  allié  au  degré 
prohibé,  serait  entendu^  ;  5<>  un  arrêt  portant  que,  malgré 
Tabsence  d'un  témoin,  il  serait  passé  outre  aux  débats  ^  ;  6®  un 
arrêt  qui  déclare  que,  sans  s'arrêter  aux  conclusions  prises 
par  la  défense,  les  questions  indiquées  dans  ces  conclusions 
ne  seraient  pas  adressées  à  un  témoin  ?  ;  7°  un  arrêt  ipii  dé- 
cide qu'il  sera  procédé  h  de  nouvelles  expertises  sur  des 
objets  faisant  partie  des  pièces  de  conviction  ^  ;  8"*  on  arrêt 
qui  statue  sur  un  acte  donné  quand  il  y  a  contestation 9; 
'  9*  un  arrêt  qui  rejette  une  demande  de  renvoi  à  une  autre 
session  '*  ;  10  Tarrêt  qui  décide,  nonobstant  Topposîtion  delà 
défense,  que  des  pièces  relatives  à  une  poursuite  antérieure 
seront  lues'^;  11<>  un  arrêt  qui  ordonne  qu'un  témoin,  qui 
Tient  d'être  entendu,  se  retirera  de  Tauditoire  pendant  l'au- 
dition d'un  autre  témoin  '\ 

*  Cass.  16  juin  1853,  à  noire  rapp.  BuU.  n.  212. 
*Gasfl.  28jaDv.  4836,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  S2. 

<  Cas9k  14  sept  1897,  rapp.  9f.  Vincens-St-Laurent.  Bull,  n*  972;  fi  oeC 
IJ888,  rapp.  M.  Gilbert  ée  Voisios,  u*  329;  4  janv.  1839*  rapp.  M.  Vojcinde 
Garumpe,  n.  6;  19  mars  18à0,  rapp.  M.  Bresson,  n.  83;  27  a?rtl  1848,  ragp. 
ir.  Isamberr,  n,  125;  5  oct.  4854,  rapp.  M.  Jacquiiiot,  n.  298. 

^  Gaas.  25  mars  1889,  rapfi.  M.  Mérilboa.  BuU.  n.  49. 

*  Ca«.  il  mars  1841,  rapp.  M.  de  Crouseilbes.  BuU.  d.  60. 

*  Cass.  19déc,  1844,  rapp.  M.  Jacquiuot.  Bull.  n.  407;  SjuilL  1832,  à 
notre  rapp,  n.  230. 

*  Ca».  6  sepU  1838,  rapp.  M.  Rives.  Bull.  n.  300. 

■  Casa.  28  déc.  1850,  rapp.  M.  de  6los.  Bull.  n«  439;  17  janr.  1839. 
npp.  M.  Rocher,  n.  22. 

*  Gais.  24  déc  4849,  rapp.  M.  Vincens-StvLaurent.  Bail.  n.  982. 
«*Gaar.  22  juill.  1652,  rapp.  U.  Aug.  Horeau.  Bull.  o.  240. 

**  Casa.  16  juin  4853,  à  notre  rapport  Bult  n.  212. 
"  Gass.  10  mars  1853,  rapp.  M.  de  Gïob,  Bull.  n.  93. 


FORMES   GÉNiRALBS  VE  LA   PROCÉDCBE  DES  ASSIIIS.  §   625.       599 

Il  résulte  de  cette  jurâpriidence  que  les  simples  mesures 
d'instruction  peuvent  être  prononcées  à  huis  clos,  mais  qu'il 
faut  nécessairement  rouvrir  les  portes  pour  prononcer  tous 
les  arrêts  qui  n'ont  pas  ce  caractère.  Cette  distinction,  que 
nous  ayons  déjà  établie  pour  distinguer  les  pouvoirs  du  pré- 
sident et  de  la  Cour  d'assises  *,  n'est  pas  sans  quelque  dilB- 
calté.  Ainsi,  par  exemple,  un  arrêta  cassé  une  procédure  dans 
laquelle  l'admission  de  la  partie  civile  avait  été  prononcée  à 
hais  clos*;  un  aptre  arrêta  rejeté  le  pourvoi  formé  dans  une 
aflaire  où  il  avait  été  donné  acte  à  huis  clos  de  Tintervention 
de  cette  partie  :  «  attendu  que  la  garantie  de  la  publicité 
n'est  nécessaire  qu'au  cas  où  les  arrêts  incidents,  statuant  sur 
un  dfoît  prétendu  et  contesté,  vuidcnt  un  incident  conten- 
tieux'. »  Il  y  a  donc  lieu  de  discerner  dans  cette  hypothèse  si 
rinterveution  est  ou  n'est  pas  contestée  pour  décider  si  Tarrôt 
peut  ou  non  être  prononcé  à  huis  clos. 

Au  reste,  lorsqu'un  arrêt  incident  qui  devait  être  prononcé 
publiquement,  l'a  été  à  huis  clos,  cette  nullité  peut  étreuti- 
lementréparée  en  provoquant  de  nouvelles  conclusions  et  en 
statuant  sur  le  noième  incident  par  un  arrêt  nouveau  qui  est  pu- 
bliquement prononcé.  S'il  aétéprocédéàdesactesd'instructioa 
en  vertu  de  Farrêt  irrégulièrement  rendu,  ces  actes  sont  re- 
commencés en  vertu  du  nouvel  arrêt.  Le  pourvoi  a  été  rejeté 
dans  une  afiaire  où  la  Cour  d'assises,  après  avoir  à  huis  clos 
statué  sur  une  demande  en  renvoi  à  une  autre  session,  avait 
une  seconde  fois  statué  publiquement  sur  là  même  demande  : 
c  attendu  ^ue  le  juge,  gardien  de  la  loi,  doit  veiller  rigou» 
reusement  à  Taccomplissement  des  formalités  qu'elle  pres- 
crit ;  qu'il  doit  surtout  être  attentif  à  faire  jouir  les  accusés 
des  garanties  qu'elle  leur  a  données;  que  s'il  lui  arrive 
d'omettre  une  formalité  substantiel  le,  cette  irrégularité  ne 
constitue  pas  un  droit  acquis,  lequel  ne  se  forme  que  par  la 
décision  qui  intervient  à  la  suite  d'un  litige  sur  des  prêten*- 
tions  contraires  ;  que  le  retour  à  l'observation  de  la  loi  étant 
toujours  favorable  tant  que  la  mission  du  juge  n'est  pas  ter- 
minée et  qu'il  n'a  pas  définitivement  statué  sur  l'affaire  au 
jugement  de  laquelle  il  procède,  il  est  encore  à  temps  de  ré- 
parer Terreur  qu'il  a  commise  et  de  rentrer  dans  les  voies  lé- 


*  Gass.  19  jaUT»  i8A4i  rapp-  M.  Mérilhou. 

*  Gasti  ilj«i& iVSSi^Mpp.  M.  ffoufUier.  Bolk  d« tfO. 


600  DES  cocis  d'assises. 

gales  1 .  »  Cette  question  se  représentera  plus  loin  dans  une 

hypolhëse  plus  grave. 

Y.  Le  huis  clos  est  levé  au  moment  où  se  terminent  les 
débats.  Sur  ce  point,  aucune  difficulté  ne  peut  naître.  Il  a 
été  décidé  par  de  nombreux  arrêts  c  que  Tart.  55  de  la 
Charte  restreint  formellement  aux  débats  seuls  Texercice  de 
la  faculté  par  lui  accordée  aux  Cours  d'assises;  que,  suivant 
les  art.  335  et  336,  les  débats  sont  terminés  lorsque,  après 
les  dépositions  des  témoins  et  les  dires  respectifs  auxauels  elles 
auront  donné  lieu,  la  partie  civile  et  son  conseil  et  le  procu- 
reur général  ont  été  entendus  sur  les  moyens  de  l'accusatioD, 
et  que  Taccusé  ou  son  conseil  a  présenté  sa  défense  ;  que  le 
résumé  du  président  est  donc,  ainsi  que  tout  ce  qui  le  suit, 
extrinsèque  aux  débats  et  demeure  soumis  à  la  règle  générale 
de  la  publicité  ^  »  C'est  donc  au  moment  où  le  président 
déclare,  conformément  à  Part.  335,  que  les  débats  sont  ter- 
minés, au  moment  où  il  va  résumer  TafTaire,  que  les  portes  de 
l'auditoire  doivent,  à  peine  de  nullité,  être  rouvertes. 

YI.  Il  reste  à  dire  quelques  mots  sur  l'application  de  la 
mesure  du  huis  clos. 

Il  appartient  au  président,  chargé  de  la  police  de  Tau- 
dience,  de  faire  exécuter  Farrët  qui  ordonne  cette  mesure  ;  il 
doit  donc  donner  les  ordres  nécessaires  pour  faire  évacuer  la 
salle  et  fermer  les  portes. 

A-t-il  le  droit  de  faire  des  exceptions  d'autoriser  des  per- 
sonnes à  demeurer  dans  l'auditoire,  de  faire  rester  ou  de 
renvoyer  celles  qu'il  veut?  On  lit  dans  un  arrêt  «  qu'au 
président  appartient  la  police  de  l'auditoire;  que  le 
huis  clos  est  une  mesure  d'ordre  public  ;  qu'il  est  dans  les 
attributions  de  ce  magistrat  d*en  déterminer  l'importance  et 
l'étendue,  et  que  l'introduction  ou  le  maintien  dans  la  salle 
d'audience  de  personnes  même  étrangères  au  barreau^  quand 
l'un  ou  l'autre  ont  été  autorisés  par  le  président  et  n'ont  été 
l'objet  d'aucune  réclamation  de  l'accusé ,  ne  peuvent  être 
réputés  préjudiciables  à  la  défense  et  ne  constituent  aucune 
violation  de  la  loi*.  »  Nous  croyons  également  qu'il  ne  ré- 

*  Cass,  20  janv.  i8/i4i  rapp.  M.  Breflson.  Bull«  d.  36. 

*  Cass.  23  juin  18S9,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull,  n»  303;  33  avril  1830^ 
n.  56;  SO  août  1823,  n.  120;  80  sepU  1834,  d.  138;  36. mai  i8di«  o»  US; 
80  mars  1887,  n.  94,  etc. 

'  Cass.  19  fév.  1841  f  rapp.  M.  Meyromiet-St«Mar4v  BulU  n.  48» 


roams  cLiÉftALES  DI  la  PROCltVDRE  DIS  ASSttBS.   §  626.       601 

suite  aucune  nullité ,  dont  l'accusé  puisse  se  préyaloir,  de 
rinexécution  de  la  mesure  de  huis-clos.  Mais  peut-on  ad- 
meltre  qu'il  soit  loisible  au  président  d'exécuter  à  demi  Par- 
rèt  qu'il  est  chargé  de  Taire  exécuter  dans  son  entier?  peut-on 
admettre  qu'il  dépende  de  ce  magistrat  de  créer  une  situation 
mixte  qui  n^esf  ni  le  huis-clos  ni  la  publicité?  que  si  les 
débats  sont  dangereux  pour  l'ordre  et  les  mœurs,  pourquoi 
ravoriser  la  présence  de  quelques  personnes  qui  n'y  sont  pas 
nécessaires  et  qui  sont  attirées  par  l'attrait  du  scandale?  que 
si  le  danger  ne  parait  pas  grave,  pourquoi  enlever  à  la  jus- 
tice rimmense  garantie  de  la  publicité?  Dira-t-on  que  le  dan- 
ger est  pour  la  foule  et  non  pour  les  quelques  personnes 
choisies  à  qui  l'on  permet  de  rester?  Comment  le  savoir?  N'y 
a-t-il  pas  lieu  de  craindre  que  Ton  ne  pèse  ainsi  sur  la  défense 
en  lui  donnant  un  public  particulier  dont  l'influence  pénètre  à 
Tentour  ?  et  enCn  la  loi  a-t-elle  autorisé  une  demi-publicité, 
les  huis  à  demi-clos?  Si  le  président,  si  la  Cour  d'assises  sont 
libres  de  tout  contrôle  dans  l'application  qu'ils  donnent  au 
huis-clos,  ce  n'est  pas  une  raison  pour  qu'ils  s'écartent  de  la 
régie  légale  et  laissent  des  usages  abusifs  s'introduire  dans 
la  pratique. 

§026. 

I.  L'instruction  doit  être  orale.  —  II.  Application  de  cette  règle  à 
la  déposition  des  témoins. 

I.  L'instruction  qui  se  fait  à  l'audience  doit  être  exclusi- 
vement orale.  C'est  là  une  règle  fondamentale  de  notre 
procédure  criminelle.  La  discussion  orale  est  la  seule  qui 
puisse  faire  jaillir  la  vérité  d'un  débat  :  elle  place  les  accusés 
et  les  témoins  en  face  les  uns  des  autres  ;  elle  provoque  les 
explications  et  les  révélations,  les  dénégations  ou  les  aveux; 
elle  dépouille  les  faits  de  leurs  premières  apparences  et  les 
livre  aux  yeux  dans  leur  nudité.  La  discussion  écrite ,  plus 
froide  et  plus  réservée ,  n'a  ni  ces  épanchementS5  ni  ces  chocs 
qui  font  briller  l'éclair;  elle  est  parfaitement  propre  à  re- 
cueillir les  éléments  du  débat;  mais  le  débat,  c  est-à-dire  la 
discussion  de  toutes  les  preuves ,  l'examen  de  tous  les  élé- 
ments du  procès,  ne  peut  se  faire  qa'oralement  à  l'audience. 
Nous  ayons  vu  que  c'était  là  la  base  de  l'institution  du  jury. 
Les  jurés  forment  leur  conviction  dans  le  débat  qui  s'ouvre 


6M  ym  wnm  «'amibes. 

devant  eux,  dans  les  dépositions ,  dans  ta  parole  plus  oa 
moim  assarée,  Paccent  plus  ou  moins  sincère  des  témoins, 
dans  Tatlitude ,  les  explications ,  la  physionomie  même  des 
accusés.  Les  preuves  qu^ils  recoeiiient,  ce  sont  ces  impres- 
sions du  débat  que  reçoit  la  conscience ,  sans  qu'ils  puissent 
en  analyser  les  éléments.  Enfin ,  Tinstruction  orale  est  la  seule 
forme  de  procédure  qui  se  concilie  avec  le  principe  de  la  con- 
viction intime  qui  fait  aujourd'hui  le  fondement  de  tous  les 
jugen^nls  ^  ;  car  ce  principe  suppose  h  certitude  morale ,  et 
cette  certitude,  seul  critérium  de  la  vérité,  ne  s'acquiert  que 
par  la  libfe  discussion  des  accusés  et  des  témoins. 

Cette  règle  est  écrite  à  toutes  les  pages  de  notre  Code. 
L'ait.  317  veut,  en  règle  générale  ,  que  les  dépositions  des 
témoins  soient  orales;  l'art.  318,  ne  permet  de  faire  usage 
des  déclarations  écrites  que  pour  constater  les  variations  dei 
témoins  qui  déposent  ;  l'art.  341  défend  formellement  de  re- 
mellre  aux  jurés,  avec  les  pièces  de  la  procédure ,  les  décla- 
rations écrites  des  témoins;  enlin ,  l'art.  477  n'autorise  à  lire 
les  dépositions  des  témoins  que  dans  un  seul  cas,  dans  le  jth 
gement  des  accusé»  contumax,  lorsque  les  témoins  eu- 
mêmes  ne  peuvent  être  produits  aux  débats. 

Le  débat  doit  donc  être  exclusivement  oral  ;  il  doit  rfôter 
pur  du  contact  de  l'instruction  écrite  ;  il  ne  connaît  que  les 
charges  et  les  preuves  qui  sont  proiiuiles  à  l'audience;  il 
ferme  rinttruction  sur  pièces,  dont  on  ne  se  sert  qu«  comme 
moyen  de  contrôle  ;  il  poise  en  lui-même  tous  les  élémeots 
de  sa  libre  discussion.  La  Cour  de  cassation  a  déclaré  avec 
autant  de  force  que  de  netteté  «  que  devant  la  Cour  d^assises 
le  débat  est  essentiellement  oral ,  et  que  c'est  d'après  ses  ré- 
sultats et  non  d'après  les  pièces  de  la  procédure  que  doit  se 
former  la  conviction  du  jury  ;  que  c'est  par  suite  de  ce  prin- 
cipe que  la  remise  de  ces  pièces  aux  jurés ,  ordonnée  par  l'ar- 
ticle 341,  n'est  pas  prescrite  à  peine  de  nullilé'.  » 

H.  Il  ne  faut  pas  néanmoins  étendre  cette  règle  au  delà  de 
ses  légitimes  exigences. 

Elle  ne  fait  aucun  obstacle  à  la  production  dans  le  débat  de 
titres,  d'actes,  et'  en  général  d'écrits  de  toute  nature  qui 
peuvent  y  répandre  quelque  lumière;  car  il  ne  faut  pas  perdre 

■*  Voy.  t  V.  p.  iM. 

^  Gan.  7  jonv.  iWt  i^PP-  BL  Vinocns-St-Laureot.  Bail,  lu  !• 


FORMES  GÉNÉRA  LES  DE  LÀ  PROGÉDOKE  DBS  ASSISES.   §   626.      603 

de  vue  qu'en  matière  de  grand  criminel  les  preuves  écrites 
peavent,  aussi  bien  que  les  preuves  orales,  être  invoquées  i* 
Mais^  en  faiaant  usage  de  ces  pièces,  Tinstruction  ne  change 
pas  de  caractère  :  elle  les  soumet  d'abord,  comme  les  témo^ 
guages eux-mêmes,  à  Tépreuve  de  la  discussion;  ensuite  elle 
leur  dénie,  quelle  que  soit  leur  authenticité,  toute  force 
légale  :  elle  n'est  ni  arrêtée,  ni  enchaînée  par  leur  autorité  ; 
elle  se  borne  à  y  puiser,  s'il  y  a  lieu,  les  éléments  de  la 
preuve  morale  que  tous  ses  efforts  tendent  à  former  ;  en  un 
mot,  elle  n*y  cherche  que  des  renseignements  propres  < à 
établir  la  conviction  et  elle  s'en  réserve  la  souveraine  appré- 
ciation. 

Elle  ne  fait  également  aucun  obstacle  à  la  lecture  des  dé- 
clarations écrites  des  témoins,  lorsque  cette  lecture  n'a  lieu 
que  poursuppléer  les  dépositions  orales,  devenues  impossibles, 
des  témoins  décédés  ou  absents,  ou  pour  contrôler  les  déclo- 
rations  faites  à  l'audience.  Nous  avons  vu  que  si  le  pouvoir 
discrétionnaire  s'est  trop  souvent  écarté  de  cette  règle  en 
introduisant  dans  le  débat  la  lecture  de  déclarations  faites  par 
des  témoins  qui  n^étaicnt  ni  absents  ni  empêchés,  la  juris* 
prudenee  ne  s'est  point  associée  à  ces  écarts  et  s^est  bornée  à 
déclarer  que  Texeroice  du  pouvoir  discrétionnaire  était  confié 
à  rhonneur  et. à  la  conscience  du  président'.  C'est  ainsi  que 
la  Cour  de  cassation  a  annulé  les  procédures  dans  lesquelles 
cette  lecture  avait  été  ordonnée,  non  par  le  président,  mais 
par  la  Cour  d'assises,  attendu  que  la  Cour  d'assises  ne  peut 
déroger  à  la  régie  qui  déclare  «  que  c'est  d'après  le  débat 
osai  que  le  jury  doit  former  sa  conviction;  »  mais  a  que 
cependant,  dans  des  circonstances  graves  et  extraordinaires 
(quW  président  seul  il  appartient  d'exercer),  la  loi  adonné  à 
ce  magistrat,  dans  Tcxprcice  de  son  pouvoir  discrétionnaire, 
pendant  le  cours  des  débats,  en  s'en  remettant  à  son  honneur 
et  à  sa  conscience,  le  pouvoir  d^ordonncr  là  lecture  d'une  ou 
de  plusieurs  dépositions  écrites,  pour  favoriser  la  manifesta- 
tioD  de  la  vérité,  et  en  prévenant  à  Tavance  les  jurés  qu'ils  ne 
peuvent  considérer  ce  qu'elles  contiennent  que  comme  ren- 
Mignement  *  que  c'est  là  le  but  des  dispositions  exception-- 
aeUes  des  art,  -266  et  269,  dans  l'exécution  desquelles  n'ont 
point  à  s'ingérer  les  Cours  d'assises'.  »  Et,  dans  une  autre 

'  Voy.t.  v.p.aîs. 
I  Voy.  ftipra,  p.  461  et  suit. 
Gass.  80  juiU..iMQi  r^M^  M»  Meyro^nelrSt-MaMip.BulU.]).  SM. 


604  DES  COURS  d'assises. 

espèce,  la  lecture,  même  en  verlu  du  pouvoir  discrétionnaire, 
de  la  déclaration  d'un  témoin  qui  était  présent,  mais  à  Taudi- 
tion  duquel  les  parties^ avaient  renoncé,  a  paru  un  excès  dece 
pouvoir,  qui  eût  entaché  les  débats  si  le  président  lui-roème 
n'avait  suspendu  celte  lecture  et  si  la  Cour  d'assises  n'avait 
annulé  la  partie  de  l'instruction  relative  à  cet  incident.  L'arrêt 
déclare  :  «  que  si  la  lecture  d'une  partie  de  la  déposition  écrite 
du  témoin  a  eu  lieu  en  vertu  du  pouvoir  discrétionnaire  da 
président,  celte  lecture  a  été  interrompue  avant  qu'elle  ftt 
terminée  et  en  vertu  du  même  pouvoir  discrétionnaire,  et  que 
le  président  a  averti  le  jury  qu'il  ne  devait  avoir  aucun  égard 
au  commencement  de  la  déclaration  dont  lecture  avait  été 
faite;  qu'il  a  ainsi  neutralisé  Teffet  que  cette  lecture  aurait 
pu  produire  sur  Tesprit  des  jurés  ;  et  qu'enfin  la  Cour  d'as- 
sises, en  annulant  par  un  arrêt  toute  la  partie  des  débats  rela- 
tive à  cet  incident,  a  détruit  Teflet  et  la  possibilité  de  tout 
préjudice  pour  la  défense  qui  aurait  pu  résulter  de  la  lecture 
d'une  partie  de  la  déposition  écrite  du  témoin  dont  il  s'agit, 
et  qu'il  n'y  a  pas  eu  violation  du  principe  qui  veut  que  le  débat 
soit  oral  en  matière  criminelle  *.  » 

On  peut  induire  de  là  doux  corollaires  :  en  premier  liea, 
la  règle  qui  veut  que  l'instruction  soit  orale  exige  nécessai- 
rement que  tous  les  éléments  de  cette  instruction,  qui  peoveot 
être  recueillis  verbalement,  soient  présentés  sous  cette fonoe 
à  l'audience;  tels  sont  les  témoignages,  les  déclarations, Ifô 
rapports  d'experts.  Mais,  en  second  lieu,  la  forme  de  Tins- 
truction  ne  met  point  obstacle  à  ce  que  les  éléments  d'un« 
autre  nature,  que  la  parole  ne  peut  ni  représenter,  ni  rem- 
placer, soient  produits;  elle  ne  rejette  ni  les  preuves  maté- 
rielles, ni  les  preuves  écrites  :  elle  les  débat  et  les  apprécie. 

III.  L'art.  317  prescrit  expressément  que  a  les  témoios 
déposeront  oralement.  »  Cette  règle  est  claire  et  positive; 
elle  n'admet  aucune  exception.  La  loi  veut  que  la  dépositioo 
des  témoins  soit  spontanée,  qu'ils  déclarent  ce  qu'ils  odIto 
et  entendu,  qu'ils  ne  consultent  que  leurs  souvenirs  et  lears 
impressions  personnelles.  Pour  être  à  l'abri  de  tontes  les 
influences  extérieures,  pour  conserver  cette  spontanéité,  leor 
déposition  doit  nécessairement  être  orale^  car,  si  ella  était 
écrite,  elle  aurait  été  préparée  à  l'avance,  et  celte  prépara- 

'  Cass.  17  tTril  i85it  rapp.  M,  DebauMy,  Bull.  i%  W* 


I 

L^ 


FORMES   GÉNÉRALES  DE  LA   PHOCÉDCRE   BES   ASSISES.  §   626.      605 

tioD^  loiD  des  regards  de  Taudience  et  des  contradictions  du 
débat,  la  rendrait  accessible  à  toutes  les  suggestions.' 

On  a  demandé  si  un  témoin  peut  se  servir  de  notes  pour 
aider  sa  mémoire.  En  thèse  générale,  le  motif  qui  fait  pros- 
crire les  déclarations  écrites  s'applique  aux  notes  aussi  bien 
Îu'aux  déclarations  entières  ;  une  note  n'est  qu'une  portion 
0  la  déposition,  et  si,  sur  le  point  qui  en  fait  l'objet,  le 
témoin  ne  s'est  pas  fié  à  ses  souvenirs,  n^y  a-t-il  pas  lieu  de 
craindre  que  ses  souvenirs  sur  ce  point  ne  soient  pas  exacts, 

2a'il  n'ait  voulu  arranger  son  récit,  qu'il  n'ait  altéré  la  vérité  ? 
l'est  en  ce  sens  qu'on  doit  entendre  un  arrêt  qui  rejette  un 
pourvoi  fondé  sur  ce  qu'un  témoin  s'était  servi  d'une  note, 
«  attendu  qu'en  admettant,  comme  l'ont  soutenu  les  défen- 
seurs, et  malgré  les  dénégations  du  ministère  public  et  du 
témoin,  que  celui-ci,  en  commençant  sa  déposition,  le  fût 
aidé  d'une  note  placée  au  fond  de  son  chapeau,  la  Cour  a 
ordonné  qu'après  le  dép6t  de  cette  note,  qui  a  été  jointe  aux 
pièces  du  procès,  le  témoin  recommencerait  sa  déposition  ; 
qu'il  Ta  en  effet  recommencée  et  qu'elle  a  été  entièrement 
orale  ;  qu'ainsi  il  a  été  satisfait  à  ce  que  prescrit  l'art.  317  ^  n 
Cet  arrêt  constate  la  nécessité  d'une  déposition  orale  entière  : 
il  ne  peut  dépendre  d'un  témoin,  en  lisant  une  note,  de  fairq 
écarter  son  témoignage  ou  d'introduire  une  nullité  dans  la 
procédure  ;  il  suffit  qu'il  soit  interrompu  dès  que  cette  irrégu- 
larité est  aperçue  et  qu'il  soit  tenu  de  recommencer  sa  dépo- 
sition. 

Mais  s'il  n'a  point  été  interrompu  et  que  la  déposition  ait 
été  faite  en  totalité  sur  des  notes  écrites,  en  résultera-til  une 
nullité?  Un  arrêt  a  répondu  négativement  «  attendu  que 
l'art.  317  n'attache  pas  indistinctement  la  peine  de  nullité  à 
l'inobservation  de  chacune  de  set  dispositions,  mais  seulement 
à  l'inobservation  de  celle  qui  prescrit  la  formalité  du  serment 
qui  doit  être  prêté  par  les  témoins  ;  d'où  il  suit  que  le  défaut 
d'entendre  oralement  les  témoins  ne  peut,  aux  termes  de 
Tan.  408,  donner  ouverture  à  cassation*.  »  Cet  arrêta  rendu 
dans  une  espèce  où  un  militaire,  s'appuyant  sur  la  loi  du  18 
prairial  an  2,  avait  envoyé  sa  déposition  par  écrit,  est  anté- 
rieur à  la  jurisprudence  qui  a  admis  les  formes  substantielles; 
or  quelle  forme  est  plus  substantielle  que  l'audition  orale  des 

*  CaM.  iS  anil  IbSQ,  rapp.  M,  Vojûa  de  Gart  mpe.  BoU.  n.  i38. 
^Cm.Ah  avril  i8i&,  rapp.  M«  BusSchop.  J.  P.,  U  XJI,  p.  678. 


606  DE8  GOURS  D*AMI8ES. 

témoins?  Cette  forme  n'est-'clle  pas  h  la  fois  la  base  du  dAat 
public  et  de  TiDstitution  da  jury?  Si  la  peine  de  noHUé  n^a 
pas  été  expressément  attachée  à  son  observation,  c'est  qae 
le  législateur,  qui  en  faisait  le  fondement  raèmede  sa  proeè- 
dure,  ne  pouvait  supposer  qu^elle  pût  être  enfreinte.  Toutes 
les  dispositions  du  Gode  tendent  à  établir  et  à  pratiquer  cette 
forme  :  l'art  25k ^  en  autorisant  le  renyoi  à  une  autre  session, 
.  lorsque  les  témoins  cités  ne  comparaissent  pas  i  Taudienoe; 
l'art.  355  en  prononçant  des  peines  contre  les  témoins  «  qui 
peuvent  être  amenés  par  la  force  devant  la  Cour  pour  y  être 
entendus  »  ;  l'art.  356  qui  n'admet  d'autres  excuses  pour  les 
témoins  que  tes  empèdiements  légitimes  et  répudie  par  li 
toute  idée  d'une  audition  par  écrit  ;  Part.  316  qui  ne  veut  pas 
que  les  témoins  assistent  au  débat  avant  de  déposer  et  pres- 
crit qu'ils  se  retireront  jusque-là  dans  la  chambre  qui  lear 
sera  destinée  ;  l'art.  317  qui  régie  les  formes  de  leur  déposi- 
tion ;  Tart.  319  qui  veut  que  les  témoins  répondent  à  toutes 
les  questions  qui  leur  sont  adressées;  l'art.  320  qui  leur 
prescrit  de  rester  dans  l'auditoire.  Il  n'est  pas  douteux  que  la 
procédure  qui  admettrait  aujourd'hui  un  témoin  à  envoyer 
au  président  sa  déposition  écrite  fût  viciée  :  il  s'agit  id  des 
intérêts  de  la  vérité  et  de  la  justice  ;  l'instruction  de  l'audieDoe 
serait  frappée  d'impuissance,  si  les  dépositions  écrites  venaient 
y  remplacer  les  dépositions  orales;  la  discussion,  qui  fait  si 
seule  force,  serait  stérile,  et  toutes  ses  formes  se  résumeraieot 
en  une  lecture  de  pièces* 

Cependant  on  peut  admettre  l'emploi  de  simples  notes 
dtins  quelques  offaires  spéciales,  par  exemple,  dans  les  aftires 
de  banqueroute  frauduleuse,  de  soustraction  de  deniers,  de 
concussion.  Les  dépositions  peuvent  consister  dans  des  chif- 
fres et  la  mémoire  serait  quelquefois  incapable  de  les  retenir. 
On  peut  les  admettre  encore  de  la  part  des  experts  qui  vien- 
nent expliquer  les  opérations  scientifiques.  On  trouve  ane 
application  de  cette  exception  dans  une  affaire  où  un  médecin 
avait  fait  usage  de  notes  pour  rappeler  ses  souvenirs  :  le  poar- 
Toi  fut  rejeté  «  attendu  qu'il  résulte  du  procès-verbal  des 
débats  que  le  sieur  Aliès,  docteur-médecin,  appelé  comme 
témoin  pour  donner  des  explications  sur  tous  les  faits  qu'O 
avait  constatés  dans  un  rapport  écrit,  a-  fait  usage,  pour  rap- 
peler ses  souvenirs  et  avec  le  consentement  du  ministère  pu- 
blic ei  de  l'accusé,  dès  notes, refatives  à  la  confection  de  son . 
rapport';  que  Tùsagede  ces  notes,  fait  sans  aucune  opposition 


FORMES  GÊNÉBALlSS  DB  hk  F^^DCRE  DES  ASSISES.    §    026.       60.7 

des  parties,  par  ud  témoin  qui  avait  rempli  les  fonctions  d'ex- 
pert, pour  préciser  les  faits  qu'il  ayait  constatés  et  pour  faire 
connaître  les  éléments  de  son  appréciation  scientifique,  ne 
peut  être  oonaidéré  comme  une  violation  de  l'art.  317,  qui 
veut  que  les  témoins  déposent  oralement  ^  n 

Celte  règle,  au  reste,  ne  serait  point  enfreinte  par  cela 
seul  que,  pour  rappeler  les  faits  à  la  mémoire  du  témoin,  il 
lui  serait  donné  lecture  de  déclarations  écrites  ou  d'antres 
pièces.  Il  a  été  jugé  «  que  le  principe  qui  veut  que  le  débat 
soit  oral  n'a  pas  été  méconnu,  soit  parce  qu'un  témoin  a  été 
mis  après  sa  déposition  en  présence  de  déclarations  écrites, 
propres  à  réveiller  ou  rectifier  ses  souvenirs,  soit  parce  qu'un 
autre  témoin,  provoqué  par  la  Cour  &  revenir  sur  un  point 
que  fia  déposition  avait  laissé  obscur,  a  fait  usage  pour  l'éclair- 
cir  de  pièces  étrangères  au  dossier,  qui,  sur  la  réquisition  des 
accusés,  y  ont  été  immédiatement  annexées,  soit  enfin  parce 
que  le  témoin  et  l'un  des  accusés  se  seraient  respectivement 
interpellés  à  ce  sujet  par  l'intermédiaire  du  président  qui,  en 
autorisant  par  son  silence  ces  interpellations,  n'a  fait  qu'user 
de  son  pouvoir  de  direction  du  débat  et  de  police  d'au- 
dience*. » 

L'art.  318  permet  au  président  de  faire  tenir  note  des  varia- 
tions qui  peuvent  exister  entre  la  déposition  d'un  témoin  et 
ses  précédentes  déclarations.  Suit-il  de  là  qu'il  puisse  faire 
précéder  la  déposition  orale  des  témoins  de  la  lecture  de  sa 
déclaration  écrite?  Non,  car  ce  serait  anéantir  l'instruction 
orale  en  la  soumettant  à  l'influence  de  l'instruction  écrite. 
La  Cour  de  cassation  a  constaté  expressément  cette  règle  en 
déclarant  :  «  que  s'il  peut  devenir  nécessaire  qu'il  soit  fait 
lecture  des  dépositions  que  les  témoins  peuvent  avoir  précé- 
demment faites  par  écrit,  cette  lecture  ne  peut  jamais  ôti*e 
faite  devant  eux  qu'après  qu'ils  ont  déposé  oralement  ;  que 
cette  déposition  orale  doit,  en  effet,  être  libre,  indépendante 
et  dégagée  de  toute  Tinfluence  que  pourrait  exercer  sur  l'es- 
prit erainlif  d'un  tém(Hn  la  déposition  écrite  qu'il  pourrait 
avoir  faite  antérieurement;  que,  relativement  aux  juges  et 
aux  jurés,  c'est,  hors  les  cas  prévus,  par  la  loi,  sur  ce  qui  est 
Terbalement  déclaré  devant  eux  et  sur  les  débats  que  leur 
eonviction  doit  se  former  ;  qu'il  n'est  pas  permis  de  prévenir 

'  Cass.  20  mars  1851,  à  notre  rapp.  BuU,  n.  lOf* 
*  Cass.  2  déc  1S42,  rapp.  M*  Rocher.  BuU.  d.  810* 


608  »ns  couns,  d'assises. 

OQ  de  diriger  celle  conviction  avant  Taudition  craie,  en  fai- 
sant lire,  avant  cette  audition»  la  déposition  écrite  d'untéoioiQ 
qui  a  comparu  pour  être  entendu  ^  » 

Il  faut,  au  surplus,  distinguer  entre  la  déposition  du  té- 
moin et  les  lettres  et  pièces  qu^il  produirait  à  Fappui,  et  dont 
il  donnerait  lecture.  Il  n'est  pas  douteux  qu'il  ne  pourrait 
donner  cette  lecture  qu'avec  l'autorisation  du  président, 
agissant  en  vertu  de  son  pouvoir  discrétionnaire.  Mais  il  est 
clair  que  ces  lettres  et  pièces,  fùt-il  ou  non  autorisé  à  les  lire, 
ne  pourraient  être  considérées  comme  faisant  partie  de  sa  dé- 
position. Il  a  été  reconnu  dans  ce  sens  c  que  la  lecture  d'une 
lettre  dans  le  cours  de  la  déposition  d'un  témoin  n^empècbe 
pas  que  la  déposition  ne  soit  orale»  conformément  au  vœu  de 
la  loi,  puisque  cette  lecture  n'est  pas  la  déposition  mèroeda 
témoin  ;  mais  que»  par  sa  nature  même,  la  lettre  est  distincte 
de  cette  déposition,  n'étant  pas  Tceuvre  du  témoin  lui-même, 
mais  bien  un  document  émané  d'une  autre  personne  et  dont 
il  donne  connaissance  à  la  justice  par  une  simple  lecture  au- 
torisée par  le  président  ^  » 

Enfin  la  mention,  faite  au  procès-verbal  des  débats  que 
Tart.  317  a  été  exécuté,  constate  suffisamment  que  les  té- 
moins ont  déposé  oralement  ^ . 

S  627. 

].  GontiDuité  de  rinstruclîon  jusqu^au  jusement.  —  II.  DistioctioQ 
entre  riaterruption  et  la  suspeasion.  —  Caractère  et  durée  de  ]asits> 
pension.  —  Iv.  Peut-elle  avoir  d'autres  causes  que  le  repos  des  per- 
sonnes ? 

I.  L'art.  353  de  notre  code,  qui  n'a  'fait  que  reproduire 
l'art.  418  du  code  du  3  brumaire  an  lY ,  dispose  que  :  «  l'exa- 
men et  les  débats,  une  fois  entamés,  devront  être  continués 
sans  interruption  et  sans  aucune  espèce  de  communication  au 
dehors,  jusqu'après  la  déclaration  du  jury,  inclusivement.  Le 
président  ne  pourra  les  suspendre  que  pendant  les  intervalles 
nécessaires  pour  le  repos  des  juges,  des  jurés,  des  témoins  et 
des  accusés.  » 

'  Cass.  20  octobre  1820,  rapp.  M.  Gaillard.  BnU.  d.  137;  et  conf.  31  jan- 
vier 1857,  rapp.  M.  Leserrurier,  d.  40. 

■Cass.  22  janvier  1841,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  19;  C  cet.  ISiS, 
rapp.  M.  Meyronnet-S)-Marc,  n.  260. 

'  Cass.  26  noT.  1832,  rapp.  M.  Mérilhou.  Dali.  33, 1,  226. 


FORMBS  GÉNÉRALES  DB  LA   PROC^DUKE   DES  ASSISES.   §  627.        609 

Celte  règle  est  fondée  sur  plusieurs  motiTs.  Elle  a  pour 
but  :  1*^  de  maintenir  Tunité  dans  Tinstruction ,  de  manière 
que  toutes  les  parties  du  débat  s'enchaînent  entre  elles  et  que 
les  jurés  puissent  en  saisir  plus  facilement  l'ensemble  et  le 
résultat;  2"*  de  préserver  les  jurés  de  toutes  les  influences  ex- 
térieures, soit  en  les  isolant  de  toute  communication,  soit  en 
éloignant  les  distractions  qui  pourraient  effacer  de  leur  es- 
prit les  impressions  de  Taudience  ;  S""  de  supprimer  tous  les 
retards,  toutes  les  lenteurs,  tous  les  incidents  qui  pourraient 
prolonger  la  procédure  et  reculer  le  jugement. 

On  Yoit  de  suite  que  c'est  là  une  règle  d'ordre  qui  intéresse 
surtout  la  bonne  administration  de  la  justice.  Les  consé- 
quences qui  vont  en  résulter,  c'est  que  l'application  en  est 
en  général  laissée  à  la  prudence  du  président  de  la  Cour  d'as- 
sises, et  que  ce  n'est  que  dans  les  cas  où  son  inexécution  au- 
rait pu  apporter  quelque  préjudice  à  la  défense  que  celle-ci 
peut  s'en  faire  un  grier. 

II.  La  loi  distingue,  en  premier  lieu,  Tinterruption  des  dé- 
bats et  leur  suspension.  Les  débats  ne  peuvent  être  interrom- 
pus; ils  doivent  continuer  jusqu'à  ce  que  la  cause  soit  ter- 
minée par  le  jugement  ;  mais  ils  peuvent  être  suspendus 
pendant  des  intervalles  nécessaires  au  repos  des  juges ,  des 
jurés,  des  témoins  et  des  accusés.  LMnterruplion  suppose  que 
la  Cour  d'assises  procède  à  d'autres  actes  ,  s'occupe  d'une 
autre  affaire,  délaisse,  en  un  mot,  même  momentanément, 
l'affaire  entamée ,  et  c'est  là  ce  que  la  loi  a  voulu  interdire. 
La  suspension  n'interrompt  pas  les  débats,  elle  les  ajourne  à 
une  autre  heure,  à  un  autre  jour;  elle  ne  fait  que  placer  au 
milieu  de  leur  cours  quelques  intervalles  nécessaires  au  repos  ; 
elle  n'emploie  ces  intervalles  à  aucun  acte,  à  aucune  autre 
affaire;  elle  ne  brise  pas  l'unité  de  l'instruction;  elle  la  con- 
tinue à  travers  ces  moments  de  relâche  ;  elle  ne  facilite  pas, 
ou  du  moins  elle  ne  doit  pas  faciliter  les  communications  ex- 
térieures; elle  n'apporte  aucun  retard  au  jugement;  elle  ne 
fait  que  lui  apporter  plus  de  maturité  et  de  réflexion  ;  elle  ne 
fait  que  rendre  praticable  la  règle  qui  veut  la  continuité 
des  débats,  en  la  conciliant  avec  le  besoin  de  repos  indispen> 
sable  à  toutes  les  personnes  qui  assistent  à  l'audience. 

11L  II  reste  à  examiner  dans  quels  cas  il  y  a  suspension 
et  à  fixer  la  limite  qui ,  dans  la  pratique,  sépare  la  suspension 
de  l'interruption. 

vui.  39 


610  DES  CODBS  D^ISSISES. 

La  Cour  de  cassalioii  a  posé  en  thèse  générale  «  ({ue  Tar- 
ticle  358  a  confié  au  président  le  droit  de  suapendre  l^au- 
dience,  afin  de  procurer  aux  juges,  aux  jurés,  aux  témoins 
et  aux  accusés  le  repos  dont  ils  peuvent  avoir  besoin  ;  qofea 
ne  fixant  pas  la  durée  de  ee  repos ,  le  législateor  s*es  est 
rapporté  pour  son  appréciation  à  la  conscience  du  magislnt 
par  lui  investi  du  pouvoir  de  la  déterminer;  d'ov  la  consé- 
quence que  ce  ({uie  le  président  a  cru  devoir  juger  ter  ce 
point  ne  saurait  donner  ouverture  à  cassation  ^  »  Hie  a 
d'ailleurs  ajouté  «  q]u*il  ne  lui  est  point  interdit  9  pour  cette 
fixation ,  de  consulter  k  vœu  des  jurés  et  Tinlbérèt  de  le  ma- 
nifestation de  la  vérité  *.  »  Mais  de  là  faut-il  eonolune  qne  le 
président  peut  arbitrairement  suspendre  les  séances  et  les 
renvoyer  à  des  intervalles  éloignés  ?  NullemenL  L^ineaiécatioD 
de  la  règle  est  confiée  à  sa  prudence  ;  il  lui  appartient  de 
mesurer»  d'après  la  longueur  de  raOaico  et  la  fatigue  pié- 
sumée  des  personnes  qui  assistent  à  Taudience,  les  intervalles 
de  repos  qui  leur  sont  nécessaires.  Mais  ce  pouvoir  d'appré- 
ciation n'est,. en  quelque  sorte,  discrétionnaire  qu'autant 
qu'il  se  renferme  soigneusement  dans  ce  cercle  ;  sMl  tentait 
d'en  sortir  ,  il  trouverait  un  contrôle  efficace  9  et  ce  qui  le 

Erouve,  c'est  que  la  Cour  de  cassation,  en  rejetant  les  nom- 
reux  pourvois  qui  lui  ont  été  soumis  à  ce  sujet,  n'a  jamais 
manqué  de  constater  dans  chaque  espèce  le  temps  et  le  but 
de  la  suspension. 

Elle  a  d'abord  jugé  que  la  suspension  de  quelques  heures, 
par  exemple,  de  midi  à  3  heures,  de  4  heures  de  relevée i 
7  heures  du  soir,  était  régulière,  lorsqull  était  constaté 
d'ailleurs  que  cette  suspension  n'avait  eu  Keu  que  pour  le 
repos  nécessaire  aux  juges  et  aux  jurés  '. 

Elle  a  ensuite  naturellement  étendu  ce  droit  de  suspension 
du  jour  au  lendemain,  lorsque  rafiaire  embrasse  deux  ou 
plusieurs  jours.  Ainsi  plusieurs  arrêts  déclarent  «  que,  lors- 
qu'il résulte  du  procès-verbal  que  l'audience  a  été  levée  à  5 
heures  i/3  du  soir  et  renvoyée  au  lendemain  à  10  heures  du 
matin  >  il  est  par  là  suffisarmment  établi  que,  conformémeot 

*  Gass.  4  noT.  1836,  rapp.  M.  Vinceos-St-Uorent.  Bail»  o.  863  ;  et  coof. 
casa.  18  janvier  1821,  rapp.  M.  Robert  de  Sainl- Vincent.  J.  P.  t.  XVI, 
p.  819  ;  1er  avril  1880,  rapp.  Ifi.  Ricard,  t.  XXIII,  p.  838  ;  7  juill.  1847i 
rapp.  M.  de  Crouseilhes.  Bull.  n.  15^ 

*  Gass.  l  no?.  1886,  rapp.  M.  Vmccns-St-Laurcnl.  BuU.  n.  863. 

*  Gass.  9  sepU  1819,  rapp.  M.  Giraud,  J.  P.  t.  XV,  p.  598;  16  dèc.  J8», 
rapp.  M.  Brière.  t.  XIX,  p.  1046. 


FOEMBS  GÉnARALKS  K  UL  HlOCaÉMBB  »E8  ASSISES.  §  '627.        6M 

à  l'art.  353,  Pinterruplion  n'a  ea  lieu  que  pendant  rinlervalle 
néoessaire  pour  le  repos  des  juges ,  des  jnrés ,  des  témoins 
etdesaeeusés'.  » 

Elle  a  enfin  autorisé  la  suspensioB  jusqu'au  sariendemani, 
quand  le  lendemain  est  un  dimanche  ou  jour  férié.  Il  a  paru 
que  si  cette  suspension,  dViileurstooie -facultative,  avait  le 
danger  d'offrir  plus  de  fricilité  aux  communications  et  aux 
distractions  ,  elle  avait  l'avantage  de  concilier  le  service 
avec  les  habitudes,  les  idées  et  lesbesoins  des  populations.  Il 
n'y  aurait  aucune  irrégularité  si  les  débats  ouverts  le  sanMdî 
étaient  contmués  le  dimaoebe  *.  U  n'y  en  avait  non  plus 
aucune  s'ils  avaient  été  remis  au  lundi ,  «  attendu  <pM  n'ayant 
pas  fixé  la  durée  nécessaire  au  repos,  la  loi  s'en  est  rapportée 
pour  l'appréciation  de  cette  nécessité  à  la  prudence  du  pré- 
sident, et  que  ni  raecusé  ni  son  défenseur  n'ont  trouvé  d^in- 
eonvénieot  à  la  remise  de  le  séance  à  36  heures  '•  »  Et»  dans 
une  affaire  ou  les  débats  avaient  été  suspendus  tout  uu  jour 
à  trois  reprises  différentes,  il  a  été  reconnu  «  que  si  les  débats 
ont  été  suspendus  les  1*',  7  et  14  d'un  mois,  le  procès-ver^ 
bal  énonce  que  ces  suspensions  ont  été  ordonnées  pour  le 
repos  et  qu'elles  n'ont  point  excédéles  limites  dans  lesquelles 
le  président  devait  se  renfermer,  puisque  les  débats  qui  ont 
duré  27  jours  étaient  de  nature  à  fatiguer  ceux  qui  devaient 
y  prendre  part  ♦.  » 

Elle  a  décidé  encore  ,  relativement  au  moment  de  la  sus- 
pension :  l""  «  que  nulle  disposition  ne  prohibe  la  suspension 
intermédiaire  entre  la  clôture  du  débat  et  la  déclaration  du 
jury  5  ;  »  2*  «  qu'en  renvoyant  au  lendemain  la  prononciation 
de  l'arrêt  de  condamnation,  à  cause  de  l'heure  avancée,  le 
président  s'est  conformé  à  l'art.  363  6.  » 

Mais  cette  jurisprudence,  qui  se  justifie  par  les  termes  in* 
définis  et  par  l'esprit  de  l'art.  353,  doit  rencontrer  peut-être 
quelque  difficulté  dans  deux  hypothèses  qui  semblent  sortir 
de  la  prévision  de  cet  article. 

'  Cass.  7  aoat  ftS45,  rapp.  H.  Uérilhoa.  BalL  ■.  155;  et  coaf.  9  aoat 
iBli.  J.  P.  U  IX,  p.  6Â5;  4  déc  iSi2.  X,  p.  841»  16  jany.  1812,  rapp. 
M.  Vasse.  U  X,  p.  41  s  15  ocU  1812,  rapp.  M.  BaUly,  X,  p.  748. 

'  Cass.  ià  avril  4815,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.,  t  XII,  p.  678.} 

*  Can.  23  juin  1881,  rapp.  BL  Offirier.  J.  P.,  t*  XXXIU.  p.  1789. 

*  Casa.  23  mars  1827,  rapp.  M,  Mangin.  J.  P.  t.  XXI,  p.  288;  5  aTril 
1832^  rapp.  M.  Rives,  t  XXIV,  p.  988, 

'  Cass.  11  avril  1817,  rapp.  M.  Olllvier,  J,  P.,  t  XIV,  p.  177. 

*  Cass.  10  févr.  1850,  rapp.  M.  Atig.  Moreta.  Bail*  n.  65, 


642  DES  COURS  d'assises. 

La  première  est  celle  où  la  Cour  d'assises  procède  à  quel- 
que acte  étranger  à  l'affaire  dans  Tintervalle  de  la  suspension. 
La  Cour  de  cassation  a  jugé  que  la  Cour  d^assises  avait  pu  : 
V  recevoir  le  serment  d^un  garde ,  t  attendu  que  la  réception 
de  ce  serment  ne  peut  être  considérée  comme  une  interrup- 
tion des  débats  ouverts,  car  lorsque  cette  réception  a  eu  liea, 
Texamen  et  les  débats  suspendus  pour  le  repos  n^avaient 
point  encore  été  recommencés ,  et  les  magistrats  devant  les- 
quels le  serment  a  été  prêté  formaient  un  tribunal  civil  et 
non  une  Cour  d'assises  >  ;  »  2^  ordonner  la  restitution  d'un 
effet  saisi  dans  une  affaire  précédemment  jugée,  <  attendu  que 
ce  n'est  point  par  suite  d'une  interruption,  mais  dans  Finter- 
valle  d'une  suspension  régulièrement  prononcée  que  laCour, 
avant  de  reprendre  son  audience,  a  fait,  par  l'organe  de  son 
président,  un  simple  prononcé  d'un  arrêt  sur  requête  ;  qu'un 
pareil  acte  ne  peut  constituer  une  interruption  de  Taffaire 
prohibée  par  l'art.  353  '•  »  Il  ne  pouvait  exister  aucun  doute 
dans  ces  deux  espèces ,  puisqu'il  avait  été  procédé  à  l'acte 
intermédiaire  dans  l'intervalle  de  la  suspension  et  sans  en 
retarder  le  terme,  et  puisque  d'ailleurs  cet  acte  n'avait  pu 
entraîner  l'attention  des  juges  et  des  jurés  en  dehors  de  l'af- 
faire commencée.  Mais  ces  exemples  démontrent  le  vrai  sens 
de  la  règle  et  la  sévérité  qui  doit  être  apportée  à  son  appli- 
cation. 

IV.  La  deuxième  hypothèse  est  celle  où  la  suspension  est 
prononcée  pour  quelque  cause  accidentelle  autre  que  le  re- 
pos des  personnes  qui  prennent  part  au  débat 

La  jurisprudence  a  commencé  par  déclarer  a  que  l'ar- 
ticle 353  n'emporte  pas  la  peine  de  nullité^.  »  De  là  elle  a 
induit  :  a  qu'il  n'exige  pas  que  la  cause  de  la  suspension  soit 
énoncée  ^  ;  »  et  enGn  qu'il  n'établit  point  de  distinction  entre 
les  causes  morales  ou  physiques  qui  peuvent  rendre  le  repos 
nécessaire  ^.  Ainsi  la  suspension  peut  avoir  lieu  pour  per- 
mettre aux  jurés  de  se  recueillir  après  un  long  débat  >  aussi 
bien  que  pour  lu  réfection  de  leurs  forces  physiques. 

De  là  on  a  été  conduit  à  relever  d'autres  causes  de  suspen- 

«  Gass.  22  DOT.  1832,  rapp.  M.Thil.  J.  P.,  t.  XXIV»  p.  1576. 

*  Cass*  49  «vril  i849,  rapp.  M.  Legagneur.  Bu»,  u.  87. 

>  Gass.  23  mari  1820,  rapp.  M.  Oilivier.  J.  P.,  U  XV,  p.  877* 

*  Gass.  12  janv.  1843,  rapp.  M.  de  Ricard.  Bull.  o.  3. 

*  Gass.  26  mai  1826,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  U  XX^  p.  513. 


FORMES  GÉNÉRALES  DE   LA  PROCéDCRB  DES  ASSISES.   §  627.         613 

sion.  Ud  arrêt  décide  que  Taflaire  a  pu  être  renvoyée  au  len- 
demain pour  indisposilion  subite  du  défenseur  \  Un  autre 
arrêt  autorise  le  même  renvoi  pour  vérifier  si  l'élat  de  santé 
d'un  accusé  permet  de  continuer  l'instruction  •.  »  On  a  établi 
enfin  en  thèse  générale  «  que  les  débats  ouverts  peuvent  être 
suspendus  à  raison  de  circonstances  particulières  et  impré- 
vues que  la  Cour  d'assises  doit  apprécier  et  sur  lesquelles  elle 
doit  statuer  dans  sa  conscience  '.  » 

Delà  enfin  il  a  été  induit  comme  autant  de  corollaires:  l*que 
la  Cour  d'assises,  avant  de  statuer  sur  la  demande  en  renvoi 
à  une  autre  session,  fondée  sur  l'absence  d'un  témoin ,  peut 
surseoir  jusqu'au  lendemain  pour  donner  le  temps  au  témoin 
d'arriver  *  ;  2*"  que  la  Cour  d'assises  peut  suspendre  les  débats 
pendant  un  jour  pour  faire  rechercher  les  pièces  de  convic- 
tion qui  n'ont  pas  élé  produites  à  l'audience  :  «  attendu  que 
l'art.  353  n'a  rien  de  limitatif,  et  que  la  Cour  d'assises  qui , 
pendant  Tintervalle  jugé  par  elle  indispensable  à  l'instruction 
orale  de  raiTaire,  n'a  vaqué  à  aucune  autre,  n'a  pas  excédé 
son  droit  en  interrompant  le  débat  jusqu'à  ce  qu'il  pût  être 
utilement  repris  5  ;  »  3"  que  la  Cour  d'assises  peut  sus- 
pendre pour  assurer  l'exécution  d'une  ordonnance  du  pré^ 
sident  qui  appelle  plusieurs  témoins  :  t  attendu  que  le 
motif  allégué  justifie  la  suspension  ;  qu'il  n'en  est  pas 
d'une  [simple  suspension  pendant  laquelle  il  n'a  été  vaqué  à 
Texpédition  d'aucune  autre  affaire  comme  du  renvoi  à  une 
autre  session,  qui  ne  peut  avoir  lieu  que  dans  les  cas  établis 
par  la  loi  6.  » 

Il  Tant  bien  reconnaître  qu'ici  la  jurisprudence  s'est  écartée 
des  termes  de  la  loi  :  l'art.  353  veut  que  «  les  débats,  une  fois 
entamés,  soient  continués  sans  interruption  ;  o  il  déclare 
que  «  le  président  ne  pourra  les  suspendre  que  pendant  les 
intervalles  nécessaires  pour  le  repos  »  des  personnes.  La  ju- 
risprudence, au  lieu  de  se  renfermer  dans  cette  prescription, 
crée  un  cas  nouveau  de  suspension:  elle  permet  de  surseoir, 
non-seulement  pour  le  repos  des  personnes,  mais  pour  une 


A  Cass.  12  avril  1882,  rapp.M.  Brièrc,  J.  P.,  t  XXIVy  p.  957. 
>  Cass.  18  mai  1887.  Non  imprimé. 

'  Cass.  22  mars  1821,  rapp.  Glausel  de  Gouflsergues*  J.  P.f  t«  XVIy 
p*  472. 

*  Cass.  31  août  1644*  Non  imprimé. 

*  Cass.  10  ocU  1850,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  801. 

*  Cass.  27  juin  1883,  rapp.  M.  IsamberU  J.  P.^  t.  XXV,  p.  OiO. 


Si4i  DES  OMM    »*AW1U6. 

Térificatiofl,  lui  apport  de  {>ièce9^  an  appel  deténaoiiis.  Asra* 
sèment  od  ne  saurait  contester  soit  à  la  Cour  d'assises,  soit  ao 
président  le  droit  d'ordonner  la  producdaa  des  preuves  né^ 
oessaires  à  la  constatation  de  la  vérité.  Mais  ne  faut-il  pas 
concilier  l'exercice  de  ce  droit  avec  l'art  353?  La  loi,  lors- 

Qu'elle  formulait  pour  la  Cour  d'assises  oette  règle  spéciale 
e  la  continuité  du  débat  sans  interruption,  ne  considérait- 
elle  pas  qu'en  matière  de  grand  criminel  Tinstruction  n'arri?e 
k  l'audience  qu'après  avoir  été  préparée  avec  soin  et  année 
de  toutes  ses  preuves;  que  la  défense  ne  doit  avoir  à  débattre 
que  les  charges  qu'elle  connaît  et  qui  lui' ont  été  commuoir 
qnées  à  l'avance,  en  un  mot,  que  la  recherche  est  close  et  les 
éléments  de  la  discussion  fixés?  Si  les  incidents  du  procès  ma- 
nifestent quelques  éléments  nouveaux,  il  serait  possible,  il 
nous  semble,  de  distinguer  si  ces  éléments,  à  raison  de  leur 
importance  et  du  délai  nécessaire  à  la  production.,  doivent 
Hiotiver  un  sursis;  ou  si,  se  trouvant  pour  ainsi  dire  sous  la 
main,  et  n'étant  que  le  complément  ae  la  preuve  déji  faite, 
ils  peuvent  être  produits,  séance  tenante,  sans  préjudice  pour 
la  défense.  Dans  le  premier  cas,  il  y  a  lieu  de  prononcer»  cod- 
formément  à  l'art.  406,  le  renvoi  à  la  session  prochaine; dans 
le  second,  il  y  a  lieu  d'appeler  à  l'audience  ces  éléments  com- 
plémentaires, mais  à  la  condition  que  les  débats  ne  soientpas 
suspendus  pour  les  attendre,  car  la  loi  n'a  autorisé  leur  so»- 
pension  que  pour  un  seul  cas  et  ce  n'est  pas  celui-là. 

S  628. 

k  l>e  k  conunimicatiMi  des  jurés  aa  dehors.  —  II.  Manifesutoi 
d^opinioDs.  —  III.  Caractère  des  commuoicatioas  prohibées.  -* 
IV.  Communications  à  Taudience.  —  Y.  Communications  en  debon 
de  l'audience. 

I.  Les  jurés  n'exercent  qu'accidentellement  les  fonctions  Ae 
juge.  La  loi  a  donc  dû  leur  rappeler^  à  chaque  fois  qu'ils  rem- 
plissent ces  fonctions,  les  principaux  devoirs  qu'elles  com- 
mandent. Uwvt  de  ces  devoin  rst  l'abstenlton  qu'ils  doivent 
s'imposer  de  toute  communication  extérieure,  afinque^Jibn» 
de  toute  influence  étrangère,  ils  ne  puisent  que  dans  les  4è* 
bats  les  éléments  de  leur  conviction. 

Nousayonsdéji  relaté  les  textes  des  art.  31 2»  343  et  S63 


FORIISS  «ÉNÉRALES  DE  LA  PROCÉDURB  DES  ASSISES.    §    628.         615 

qui  fondent  cefdle  prohibition  ^  Nous  ayons  également  établi 
que  si  les  jurés  doivent  s'abstenir  de  communiquer  sur  les 
affaires  de  la  session  avant  qu'ils  aient  été  appelés  parle  tirage 
an  sort^  aussi  bien  que  depuis  qu'ils  font  partie  du  jury  de 
jugemeift,  ee  n'e^  cependant  que  depuis  la  formation  de  ce 
jury,  depuis  qu'i4s  ont  été  acceptés  comme  juges  de  Taffaire, 
que  l'infraction  à  ce  devoir  prend  un  caractère  grave  et  peut 
compromettre  le  sort  de  la  procédure*.  La  Cour  de  cassation 
a  jugé  dans  ce  sens  «  que  la  prohibition  de  Tart.  353  et  Tin- 
jonction  analogue  faite  aux  jurés  par  l'art.  312  ne  sont  rela- 
tii^  qu'aux  communications  postérieures  à  l'ouverture  des 
débats^.  » 

A  partir  de  la  formation  du  jury,  que  Touverturc  des  dé- 
bats, suivant  le  vœu  de  Part.  405,  doit  suivre  immédiatement, 
la  prohibition  de  toute  communication  de  la  part  des  jurés 
qni  en  font  partie,  constitue  uoe  forme  de  la  procédure  es- 
sentielle au  jugement  par  jurés,  et  dont  l'infraction  peut,  dans 
certains  cas,  si  elle  introduit  dans  le  jugement  un  élément 
pris  en  dehors  de  Finstructton,  motiver  une  annulation. 

Dans  quels  cas  y  a^t-il  communication  prohibée  par  la  loi? 
dans  quels  cas  cette  communication  peut-elle  vicier  la  procé- 
dure? Cette  question,  qui  a  donné  lieu  à  de  nombreux  ar- 
rêts, quelquefois  contradictoires  en  apparence,  parce  que  les 
49Îro9iistances  dans  lesquelles  les  communications  se  sont  pro- 
duites sont  très-diverses,  peut  être  facilement  ramenée  à  des 
termes  simples. 

n.  H  faut  poser  une  première  distinction  entre  la  manifes- 
tation d^opinion  et  la  communication. 

La  manifestation  d'opinion  n'est  point  une  communication 
dans  le  sens  des  art.  312  et  353  \  mais  comme  elle  est,  ainsi 
que  la  communication,  une  violation  des  devoirs  du  juge  ^, 
qtfelle  fait  également  présumer  une  influence  antérieure  et 
qu'elle  place  le  juré  dans  la  même  impossibilité  de  juger, 
puisqu'il  annonce  une  opinion  arrêtée  à  l'avance,  cette  hy- 
pothèse a  été  assimilée  au  cas  de  communication  qu'elle  sup- 
pose et  la  même  règle  y  a  éié  appliquée. 

*  Voy.  supràj  p.  A82  et  488. 

*  Voy.  suprd  p«  ASS. 

*  Cass.  ISodt.  IS489  rapp*  M.  TiBcens-StoLaurent.  BuH.  n,  265;  f8  férr» 
iS46,  D.  49. 

*  Ord.  aTril  1667.  tiU  XXIV,  art.  6  ;  Codeproc.  oiv.  art  878,  Di  S. 


616  DES  COURS  d'assisbs. 

La  manifestation  ne  peut  être  relevée,  comme  la  commu- 
nication, que  lorsqu'elle  est  postérieure  à  la  formation  da 
jury:  jusque-là,  la  récusation  fournit  le  moyen  légal  d'écar- 
ter le  juré  ^ 

La  manifestation  ne  peut,  en  second  lieu,  être  relevée  que 
lorsqu'elle  implique  l'expression  d'une  opinion  déjà  formée 
sur  le  fait  qui  est  Tobjet  du  procès  ou  sur  Tune  des  circonsian- 
ces  de  ce  fait.  Il  convient  d*éclaircir  ce  point  par  quelques 
exemples. 

Il  n'y  a  pas  manifestation  d^opinion  de  la  part  du  juré 
l^qui,  après  avoir  examiné  la  tête  do  la  victime,  dit  à  haute 
voix  qu'elle  appartenait  à  un  sujet  de  25  à  35  ans;  car  ce 
juré  n'exprime  pas  par  là  d'opinion  sur  les  conséquences  à 
déduire  de  ce  fait'  ;  â""  qui  a  fait  observer,  après  la  déposition 
d'un  témoin,  que  le  fait  attesté  par  ce  témoin  et  contesté  par 
Taccusé,  avait  été  déclaré  déjà  par  un  autre  témoin  ;  car,  «  en 
provoquant  ainsi  une  nouvelle  audition  de  cet  autre  témoin, 
afin  d'obtenir  des  renseignements  qu'il  croyait  utiles  à  la  ma- 
nifestation de  la  vérité,  ce  juré,  bien  loin  d'émettre  son  opi- 
nion sur  Paccusalion,  n'a  fait  qu'user  du  droit  mentionné  en 
Part.  319^  ;  »  3®  qui  aurait  dit>  dans  un  débat  relatir  à  un 
assassinat:  a  U  est  impossible  qu'on  se  trompe  sur  le  point  de 
savoir  si  les  brûlures  ont  été  faites  avant  ou  après  la  mort;  v 
car  u  ces  mots  ne  contiennent  pas  l'expression  d'une  opinion 
sur  les  questions  du  procès,  mais  seulement  sur  un  pdnt 
théorique  de  la  science  médicale^  ;  »  &''  qui  a  demandé  que 
Tun  des  accusés  fût  éloigné  d'un  de  ses  coaccusés  qui  parais- 
sait exercer  de  l'influence  sur  lui  ;  car  «  cette  demande  ne 
tendait  qu'à  l'éclaircissement  de  la  vérité^;  »  &"  qui  a  dit,àla 
suite' d'une  question  adressée  à  Faccusé,  relative  à  ses  vête- 
ments, <  je  ferai  observer  que,  lorsqu'on  a  dit  que  les  billets 
étaient  peut-être  cachés  dans  ses  vêtements,  Paccuséa  pâli;  > 
car,  «  cette  observation,  tout  irrégulière  qu'elle  aoit,  n'im- 
plique pas  la  manifestation  d'une  opinion  sur  l'accusation 
d'incendie  pour  laquelle  l'accusé  était  renvoyé  devant  les 
assises  6;  »  6^  enfîn  qui  aurait  dit>  en  opposition  avec  la  dé- 

*  Voy.  9Uprà  p.  433. 

'Gass.  SI  septembre  1889,  rapp.  M.  Viocens-SainULaurcnt.  Dali.  40f 
p»  373. 

'  Cass.  5  janv.  1843,  rapp.  M.  Jacquiiiot  Dali.  43, 1, 133. 

*  Cass.  14  oct.  1847,  rapp.  M.  de  Crousdlhes.  Dali.  i7, 1,  948. 

*  Cass,  6  fév.  1840,  rapp.  M.  Vincens-St-LaurcDr.  Bull.  n.  46. 

*  Ca^s.  A4  juin  1855,  rapp.  M.  V«  Fouchcr.  Bull.  lu  S04« 


FORIIKB  GÉNÉRALES  DE  LA   PBOCÉOUKE  DES  ASSISES.    §  628.        617 

position  d^uu  témoin  «  que  le  trou  fait  dans  une  balle  n^a- 
\ait  pu  être  fait  par  un  pique-balle,  »  car  a  ces  paroles  ne 
comportaient  pas  par  elles-mêmes  un  caractère  nécessaire  d'il- 
légalité préjudiciable '.  » 

Il  y  a,  au  contraire,  manifestation  d'une  opinion  formée  à 
Tavance  dans  les  espèces  suivantes.  Un  juré  interpellé  par 
laccusé  sur  le  point  de  savoir  s'il  n'avait  vu  tel  jour  en  un  lieu 
indiqué  tel  individu,  avait  répondu  affirmativement  :  il  a  été 
décidé  que  celte  réponse  était  à  la  fois  une  sorte  de  témoi- 
gnage et  Tesipression  d'une  opinion  sur  un  point  de  raffaire  ; 
en  conséquence,  la  procédure  a  été  annulée*.  Un  juré,  au 
moment  où  le  président  faisait  remarquer  à  l'accusé  qu'il  ne 
s'éiait  pas  servi  d  une  arme  à  part,  s'était  écrié  :  «  cependant 
il  ne  Ta  pas  manqué.  »  L'annulation  a  été  prononcée  a  at- 
tendu qu'en  proférant  ces  paroles  qui  furent  entendues  du 
ministère  public  et  de  la  Cour,  ce  juré  avait  manifestement 
exprimé  son  opinion  sur  la  culpabilité  de  Taccusé  et  qu'il  ne 
pouvait  plus  concourir  au  jugement^.  » 

On  voit  par  ces  exemples  que,  dans  Tcsprit  de  la  jurispru- 
dence, il  ne  suffit  pas,  pour  frapper  le  juré  d'incapacité,  qu'il 
ait  proféré  une  exclamation  ou  môme  énoncé  quelque  obser- 
vation dans  le  débat.  Il  faut  qu'il  ait  émis  une  opinion  ou  du 
moins  exprimé  quelque  réflexion  révélant  une  opuiion  sur  un 
point  de  l'affaire  ;  et,  en  effet,  le  juré  qui.provoque  des  éclair- 
cissements ou  des  renseignements,  ne  fait  qu'user  de  son 
droit  ;  il  ne  s'en  écarte  que  lorsque,  au  lieu  de  chercher  à  s'é- 
clairer, il  prétend  décider,  avant  que  le  moment  de  la  délibé- 
ration ne  soit  venu,  le  sujet  du  débat  ;  il  laisse  présumer  alors, 
en  n'attendant  pas  le  terme  de  la  discussion^ pour  former  son 
opinion,  qu'il  Ta  puisée  dans  des  faits  extérieurs,  et  que,  par 
conséquent,  il  a  subi  des  inffuenccs  qui  gênent  son  indépen^ 
dance. 

Il  faut,  en  outre,  que  cette  manifestation  ait  eu  lieu  assez 
publiquement  pour  pouvoir  être  constatée.  On  ne  saurait  pré- 
tendre que  la  Cour  d'assises  dût  procéder  à  des  enquêtes  sur  des 
conversations  privées  et  épier  pour  ainsi  dire  tous  les  propos 
que  les  jurés  peuvent  tenir.  C'est  le  scandale  d'une  opinion 
exprimée  assez  haut  pour  qu'elle  ait  pu  être  entendue  à  Tau^ 
dience  qui  frappe  le  juré  d'incapacité  ;  il  ne  p**ut  plus  prendre 

'  Cass.  16  ami  1657,  rapp.  M.  SéDéca.  Bail.  n.  150. 
*  Cass.  10  août  18^9,  riipp.  M.  Legagneur.  Bull.  n.  198. 
'  Cass.  l8jaDT.  1855,  rapp.  M.  Rives.  BuIK  n.  13. 


ùiB  DES  •emsm  d'assises. 

part  au  jugement  d'une  affaire  qu'il  déetare  avoir  déjà  jugée 
à  Tavancc.  Ainsi,  dans  une  espèce  où  le  dérenseur,  après  la 
lecture  de  la  déolaralioa  du  jury,  avait  demandé  acte  de  cer- 
tains propos  tenus  par  un  juré  à  l'audience,  la  Cour  d'assises 
avait  refusé  d'en  donner  acte  et  même  d'interpeller  le  juré  i 
cet  égard,  attendu  qu'elle  n'avait  pas  entendu  les  propos;  et 
le  pourvoi  a  été  rejeté  ' . 

m.  Ge  premier  point  vidé,  nous  arrivons  à  la  communica- 
ti»  <(ui  fait  l'objet  explicite)  des  art.  312,  3A3  et  353. 

Il  faut  poser  d'abord  quelques  règles  qui  vont  fixer  de  saite 
le  caractère  général  des  communications  prohibées  par  la  loi. 

La  première  de  ces  règles  est  que  les  communications  œ 
sont  illicites,  que  lorsqu'elles  ont  pour  objet  Taffaire  même 
ifoi  est  soumise  au  débat.  Cette  règle,  qui  s'explique  par  elle- 
aème,  a  été  plusieurs  fois  appliquée.  Il  était  établi  dans  une 
eipèce,  que  quelques-uns  dos  jurés  avaient  établi  pendant  les 
débats  des  colloques  avec  des  personnes  assises  devant  eux. 
Le  pourtoi  a  été  rejeté  «  attendu  que  les  art*  312  et  353  ne 
portent  point  la  peine  de  nullité  ;  que  dès  lors  elle  ne  peut  être 
prononcée  indistinctement  pour  toute  communication  des  ju- 
rés au  dehors,  mais  seulement  pour  celle  qui  serait  relatife 
«ux  faits  du  procès  et  pourrait  par  suite  exercer  sur  TopinioD 
des  jurés  une  influence  illégale  ;  que  îe  procès-verbal  desdé- 
è«ts  n'établit  point  que  la  comnkinication  ait  porté  sur  les 
faits  du  procès*.  »  Il  était  constaté  dans  une  autre  espèce 
ffo'une  lettre  avait  été  remise  à  un  juré  pendant  la  durée  du 
débat  :  le  pourvoi  a  été  rejeté,  «  attendu  que  la  remise  pen- 
dnnt  le  cours  des  débats  à  Tun  des  jurés  d'une  lettre  roissive 
ètcangère  à  l'affaire  dont  les  débats  se  poursuivent,  ne  constitue 
pts  une  communication  au  dehors  que  les  art.  312  et  S53 
ont  eu  pour  but  de  prohiber,  et  qui  ne  peut  s'entendre  que 
d'ooe  communication  relative  à  l'affaire*.  »  D'autres  arrêts 
répètent  la  même  décision  \ 

Une  seconde  règle  est  que  la  communication,  même  rela- 
tive à  l'affaire,  ne  rentre  dans  les  termes  de  la  loi  que  lors- 
qu'elle est  de  nature  à  exercer  quelque  influence  sur  Tesprit 

^  Cas9. 22  mars  1845,  rapp.  M.  Mérilhou.  Bull.  n.  107. 

*  Cas8.  12  sept.  1883,  rapp.  M.  Meyroanet-Saint-Marc  J.  P.,  U  XXV, 
^879. 

'  Cass.  19  a?ril  1844,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bail.  d.  1&4* 

*  Cass.  6  jailU  1854*  ropp.  M.  Jacquinot.  Dali,  54i  5,  309. 


FOUUS  GÉKÉKALBS  DB  LÀ  IttOOiMIU  MES  ASSISES.    §  628.        619 

du  juré.  Geite  deuxième  limite  est  indiquée  par  la  raison  :  ce 
que  la  loi  a  voulu  proscrire,  c'est  une  influence  extérieure  ;  si 
riofluaDce  a  été  nulle,  la  communication  devient  indifférente. 
La  seule  difficulté  dans  ce  cas  est  d'apprécier  l'effet  que  la  com* 
municalion  a  pu  produire.  Dans  une  espèce  où  il  était  établi 
qu'un  des  jurés  s'était  entretenu  avec  un  témoin  à  charge,  le 
pourvoi  a  été  rejeté,  t  attendu  que  la  nullité  ne  peut  être  pro- 
noncée indistinctement  pour  toute  communication  des  jurés 
au  dehors,  mais  seulement  pour  celle  qui  serait  relative  àfaf- 
faire  soumise  à  leur  décision  et  pourrait  exercer  sur  cette  déci« 
sion  une  influence  illégale  i.  »  Dans  une  autre  espèce  où  l'un 
das  jurés  avait  demandé  à  un  témoin  si  un  objet,  qui  figurait 
parmi  les  pièces  de  conviction,  était  placé  de  telle  façon  dans 
la  maison  de  la  victime,  le  pourvoi  a  encore  été  rejeté,  «  at- 
tendu qu'il  ne  résulte  pas  de  là  une  de  ces  communications 
qui,  par  les  circonstances  accessoires,  les  craintes  qu'elles  au- 
toriseraient, leur  gravité,  leur  durée,  pourraient  exercer  sur 
Tesprit  et  sur  l'opinion  des  jurés  une  influence  illégale  et  nui- 
sible à  l'accusé*.  »  La  même  solution  a  été  appliquée  l^  au 
cas  où,  pendant  la  déposition  d*un  témoin,  un  autre  témoin 
se  serait  approché  d'un  des  jurés  et  lui  aurait  dit  qu'il  voulait 
oompiéter  sa  première  déposition  pour  éclaircir  un  fait*  ;  2^  au 
cas  où  Tun  des  jurés  serait  sorti  de  la  chambre  des  délibéra- 
tions pour  avertir  le  président  que  le  jury  demandait  une  ex* 
plication  sur  les  questions  posées^.  Il  s'agit  ici,  au  surplus,  de 
l'appréciation  d'un  point  de  fait  :  il  faut  peser  la  gravité  delà 
eomouAnieation  et  rechercher  quel  a  pu  être  son  effet,  suivant 
la  nature  de  la  cause  et  Tétat  de  l'instruction,  sur  Topinioa 
&  juré.  Les  arrêts  ne  posent  point  de  règle  générale  et  Ton  ne 
doit  pas  les  isoler  des  faits  qu'ils  ont  appréciés  &. 

Une  troisième  règle  est  que  la  communication,  quelle 
qu'elle  soit,  pour  rentrer  dans  les  termes  de  la  loi,  doit  être, 
non  point  accidentelle,  OMis  volontaire  de  la  part  du  juré; 
car,  subordonner  le  sort  d'une  procédure  à  une  communica^ 
tion  purement  accidentelle,  ce  terait  la  faire  dépendre  d'un 
événement  fortuit  :  c'est  la  volonté  du  juré  de  chercher  les 
éléments  de  sa  conviction  en  dehors  de  l'instruction  qui  fait 


'  Cul  léiaarsISSS,  n^  M*  Rocker.  BuiU  ■•  38. 

^  Cass.  8  oct.  1640,  rapp.  H.  EUmifiiièra».  R«f».  o.  SOO, 

'  Cass.  16  mars  iMl,  rapp.  M.  Vaym  de  Garterape.  DalL  87, 1,  W* 

*  Casa,  armais  18S5,  rapp.  M«.Aag.  Moreau.  Bull.  o.  102. 

*  0888.28  jttiD  i%M8,  rapp.  M.  Isambert  Str.  Dev.  88, 1»  510;  10  déoenab. 
1857,  rapp.  M.  Aog.  Moraan.  Bull.  n.  898. 


620  DES  COURS  D*ASStSE8. 

tout  le  danger  de  la  communication  ;  quand  cette  Tolontén'^ 
pas  révélée  par  les  faits,  il  ne  faut  attacher  aucune  importanœ 
à  un  incident  que  le  hasard  seul  a  fait  naître  et  se  fier  à  h 
conscience  du  juré.  Dans  une  espèce  où  un  tiers  était  allé  an 
domicile  de  deux  jurés  pour  leur  parler  de  Taffaire,  il  a  été 
déclaré  <  que  cette  communication  prétendue  aurait  été  îqyo- 
lontaire  de  la  part  des  deux  jurés  et  quMI  ne  peut  dépendre 
d'un  tiers,  en  faisant,  hors  de  l'audience,  à  des  jurés  des  com- 
munications qu'ils]  ne  peuvent  éviter  d'entendre,  d'arrêter  le 
cours  de  la  justice  et  de  les  placer  ainsi  en  dehors  du  serment 
qu'ils  ont  prôté  ^  »  Dans  une  autre  espèce,  il  a  été  déclaré  en 
termes  plus  explicites  encore  «  que  les  dispositions  des  arli* 
des  312  et  353  ne  sauraient  s^entcndre  que  d'une  communi- 
cation volontaire  de  la  part  du  juré  et  non  pas  des  paroles  que 
ce  juré  peut  entendre  par  hasard,  sans  le  vouloir  et  même 
malgré  lui'.»  Dans  une  troisième  espèce,  le  chef  du  jury  avait 
dit,  les  portes  deTauditoire  étant  encore  fermées  :  «  le  jury 
est  instruit  indirectement,  que  le  frère  de  Taccusé  est  ici  et 
qu'il  cherche  à.  intimider  les  témoins  ;  »  et  le  pourvoi  a  été 
encore  rejeté  :  «  attendu  que  les  art.  312  et  353  ne  sauraient 
s'entendre  que  d'une  communication  spontanée»  volontaire,  et 
non  d'un  renseignement  venu  du  dehors,  et  que  le  jury,  par 
]'organe  de  son  chef,  aurait  transmise  au  président  des  assises 
comme  pouvant  intéresser  la  police  de  Taudience*.  » 

Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  la  communication  ne  reo* 
tre  dans  les  tcrn>es  prohibitifs  de  la  loi  que  lorsqu'elle  réunit 
ces  trois  caractères  :  qu'elle  ait  été  relative  à  Taffaire; 
qu'elle  ait  été  de  nature  à  influencer  l'opinion  du  juré  qui 
Ta  reçue  ;  enfin  qu'elle  ait  été  volontaire  de  la  part  de  ce  juré. 

Lorsque  la  communication  est  entachée  de  ce  triple  vice, 
la  nullité  de  la  procédure  peut  être  prononcée;  car  il  peut 
en  résulter  un  grave  préjudice ,  soit  pour  l'accusation ,  soit 
pour  la  défense,  puisque  la  conviction  d'un  ou  de  plusieurs 
jurés  peut  s'être  formée  9'après  des  éléments  que  les  parties 
n'ont  ni  connus  ni  discutés.  Cette  nullité  a  été  consacrée  par 
plusieurs  arrêts  qui  seront  examinés  plus  loin  ^. 

*  Cass.  8  DOT.  1836,  rapp.  Bf.  IsamberU  BulL  n,  862. 

*  Casa.  29  nov.  1838,  rapp.  M.  Mérilhoo.  Bail  n,  878;  et  eonC  casb  3 
ocU  i8A4,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc,  n.  336. 

'  Cass.  15  sept.  1843,  rapp.  M.  Bressoiu  Bull.  n.  248. 

*  Cass.  20  juin  1835,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc  J.  P.,  t.  XXV,  p.  886; 
16  fév.  1838,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  àà  ;  19  mai  18&2,  rapp.  H.  De- 
baussy,  d.  123  ;  80  mars  1854»  rapp.  M.  Jacquinoti  n.  85. 


F0RIE8  GÉNéRALES.  DE   LA   PROCÉDURE  DES  ASSISES.   §  623.        621 

IV.  Mais  pour  qu'elle  puisse  être  prononcée,  il  faut  néces- 
sairement que  la  communication  soit  régulièrement  constatée, 
et  c'est  ici  que  se  produit  la  véritable  difficulté  de  cette  ma- 
tière. 

Il  y  a  lieu  de  distinguer,  pourlo  mode  de  cette  constatation, 
si  la  communication  s'est  Taite  pendant  la  durée  de  Taudience 
ou  en  dehors  de  cette  audience. 

Lorsqu'elle  s'est  faite  pendant  la  durée  de  Paudience  ,  la 
Cour  d^assises  la  constate  par  son  propre  témoignage  et  doit 
statuer  sur-le-champ. 

Si  elle  reconnaît  les  caractères  d'une  communication  il- 
licite, elle  peut,  s^il  y  a  un  treizième  juré  suppléant,  ordonner 
que  le  juré  qui  a  communiqué  s'abstiendra  de  juger  et  sera 
remplacé  par  ce  suppléant  ^.  Peut-elle  ordonner,  è  raison  de 
cet  incident,  le  renvoi  de  Taffaire  à  une  autre  session  ?  Quel- 
ques Cours  d'assises  n'ont  pas  hésité  à  le  faire  \  Nous  exa- 
rDlnerohs  ce  point,  que  la  Cour  de  cassation  n'a  pas  encore 
été  appelée  à  apprécier  ,  dans  le  chapitre  des  Incidents  de 
faudience* 

Si  elle  ne  peut  ou  si  elle  ne  croit  pas  devoir  prendre  au- 
cune de  ces  deux  mesures,  ou  si  la  communication  ne  lui  pa- 
rait pas  de  nature  à  vicier  la  procédure ,  elle  doit ,  s'il  y  a 
réclamation,  en  donner  acte  et  passer  outre. 

Est-elle  tenue  d'ouvrir  une  enquête  pour  vérifier  les  cir- 
constances du  fait  dans  le  cas  où  elles  seraient  contestées?  Ce 
point  est  entièrement  abandonné  à  sa  prudence.  Il  a  été  re- 
connu qu'il  n'était  pas  nécessaire  qu'elle  vérifi&t  le  contenu 
d'une  lettre  remise  à  un  juré  pendant  la  durée  des  débats, 
«  lorsqu'il  résulte  des  explications  du  juré  que  cette  lettre 
était  étrangère  &  raffaire^.  »  Il  a  été  reconnu  encore  qu'il 
suffit  qu'un  juré  qui  avait  communiqué  avec  un  individu 
étranger  &  l'affaire,  déclare  que  cette  communication  n'avait 
aucun  rapport  avec  le  procès,  «  attendu  que  l'art.  312  s'en 
rapporte  à  l'honneur  des  jurés  pour  l'observation  du  devoir 
de  ne  pas  communiquer;  et  qu'aucune  loi  n'oblige  la  Cour 
d'assises  &  provoquer  des  témoignages  pour  contrôler  la  dé- 

'  Cas8.i6  jailL  1857,  rapp.  M.  Lascoux.  Bull.  d.  S68. 
'  Coar  d*A8S.  de  la  Seine  des  16  juin  el  23  déc  ieS9,  Jt  cr.  U  VIII,  p.l80 
el  362. 
'  Cssfi.  28  junv.  1848,  rapp.  M.  BrlèiC-Yalygny.  Bull.  n.  26.  : 


622  DES    COOBS  B'AUinS. 

claration  du  jnré  de  service  sur  la  natore  des  eomnmnicalions 
qu'on  lui  reproduit'.  » 

Si  le  fait  de  ooimmDicâlioD  commis  à  l'andiwieii^a  donné 
lieu  à  aucune  observation  et  si  le  procès -verbal  n'en  a  gardé 
nulle  trace,  les  parties  sont»  en  général»  non  recevables  i  le 
relever  devant  la  Gpur  de  cassation  *.  On  verra  toutetois  tout 
à  l'heure  que  cette  règle  admet  quelques  restrietions. 

Si  le  fait  est  constaté  dans  le  procès-verbal ,  soit  incidem- 
ment,  soit  par  un  donné  acte,  la  Cour  de  cassation  peut  l'ap- 
précier et  en  déduire  les  conséquences  qu'elle  juge  conte, 
nable.  C'est  ainsi  qu^un  arrêt  prononce  l'annulation  d*uue 
procédure,  «  attendu  qu'il  e9t  constaté  par  le  procès-verbal 
des  débffts  que,  dans  le  cours  de  l'audition  des  témoins,  l'an 
d'eux  s'ètant  appreché  des  jurés  et'leor  parlant  i  voix  basse, 
l'avocat  général  leur  a  représenté  qu'ils  ne  deraient  point 
conférer  ensemble,  et  qv^alorsH.  le  président,  prenant  ia 
parole,  a  demandé  aux  jurés. s'ils  avaient  adressé  au  témoin 
des  questions  sur  l'affaire  et  si  eelui-ci  leur  en  avait  parlé; 
que  les  jurés  et  le  témoin  ont  répondu  négativement  ;qa1l 
suit  de  là  que,  dans  le  cours  même  des  débats,  il  y  a  eu  corn- 
munieation  à  voix  basse  entre  le  témoin  et  les  jurés;  que 
cette  comnuwieation  a  même  excité  Tattention  et  hi  sollid- 
tude  de  Tofficier  du  ministère  pid»lic  qui  a  cru  devoir  repré- 
senter aux  jurés  et  aux  témoins  cp'ili  aedbivmt  point  com- 
muniquer ensemble  ;  que  ces  (ails  aânsi  constalés  eonstitoent 
une  violation  formelle  deadisfiositions  de  l'ait.  312  *.  • 

De  là  il  faut  inférer  :  l""  que  loff6|pie>la  «ommunkation  i 
eu  lieu  à  Taudience  et  qu'elle  est  constatée  par  \t  prooè- 
verbal  des  débats,  elle  peut,  d'aptes  Tappréoiatioii.de  sa  na- 
ture et  de  ses  effets,  devenir  une  cause  de  nullité;  S°  e^ 
particulièrement,  que  cette  cause  de  nullité  existe  iorsqoe 
des  jurés  ont  conféré  à  voix  basse  avec  un  témoin  et  qiieeelU 
conl'ércDce ,  publiquemeni  signalée ,  a  pu  jdter  des  doottf 
sur  soaobiet  dans, Fespritt  des,  parties. 

y.  Lorsque  la  communication  a  lieu  eu  dehors  do  l'au- 
dience, pendant  l'intervalle  qui  sépare  les  séances,  il  est  plus 
difficile  de  la  constaler  et  par  conséquent  d^attacher  une  duI- 
liteaux  infractions  qui  sont  faites  à  la  prohibition  légale. 

*  Casa. 35  nov.  #837,  rapp.  M-  HérilhOtt.  Dali.  38,  i;  496. 

■  Cass.  30  juin  1838,  rapp.  M.  Fréteau.  Sir.  38,  4,  760. 

>  Cass.  âb  juîn^8a4,ira{»p..Ai.lf«yMnitft-S(*MarcJ.P.«r«,XXVp,1^6. 


FORMES   GÉNÉRALES  DE  LA   PROCÉDURE   DBS  ASSISES*   §  628.        623 

Aussi  la  Cour  de  cassation  n'a  jamais  cessé  de  poser  en 
règle  générale  que  les  communications  commises  en  dehors 
de  Taudience,  échappant  aux  regards  de  la  justice,  échappent 
par  là  même  à  la  sanction  pénale.  Elle  a  jugé  «  que  si  les 
jurés  ont  communiqué  au  dehors  pendant  les  intervalles  de 
repos,  il  en  pourrait  bien  résulter  de  leur  part  une  désobéis- 
sance à  la  loi ,  mais  non  une  nullité  de  procédure  ^  ;  «  et  que 
a  quand  une  aSaire  est  renvoyée  au  lendemain ,  il  suffit  que 
le  président  invite  les  jurés  à  ne  communiquer  avec  personne 
relativement  à  rafTaire  \  »  Enfin,  particulièrement  an  ce  qui 
cooceme  les  relations  des  jurés  et  des  témoins^  que  «  quand 
il  est  constaté  que  les  faits  se  sont  passés  pendant  la  juspen-  . 
sien  de  Taudience  et  hors  du  palais  de  justice,  »  on  ne  doit 
point  y  voir  une  infraction  à  l'art.  312  *. 

Cette  jurisprudence  s^explique  aisément.  La  présence  si- 
muUauée  dans  les  mêmes  lieux  publics  pendant  les  interval- 
les de  repos  des  jurés  et  des  témoins,  donne  lieu  à  un  rap-- 
prochement  inévitable  qu^aucune  surveillance  ne  pourrait 
empêcher.  Ce  n'est  qu'en  diminuant  le  plus  possible  la  durée 
des  suspensions  qu'on  parvient  à  en  diminuer  les  inconvénients. 
La  justice  ne  peut  que  s'en  rapporter  ensuite  à  la  probité  des 
jurés  et  au  serment  qu'ils  ont  prêté.  C'est  par  ce  motif  que  la 
ici  n'a  point  voulu  attacher  en  termes  absolus  la  peine  de 
nullité  à  toutes  les  contraventions  que  la  nécessité  même  des 
choses  favorise  et  peut  enEanter,  et  mettre  la  validité  des  pro- 
cédures à  la  merci  des  bruits  de  la  place  publique,  des  pro- 
j)os  de  café  ou  d'auberge,  des  indiscrétions  d'un  témoin,  ou 
de  la  conduite  plus  ou  moins  réservée  d'un  juré.  Elle  s'est 
bornée  à  poser  une  règle  prohibitive  en  en  subordonnant 
l'application  et  le  maintien  à  la  possibilité  de  la  preuve.  De 
là  la  jurisprudence  qui  déclare  que  la  eonununication,  faite 
en  dehors  deTaudience,  que  la  Cour  d'assises  ne  peut  ni  sur- 
veiller ni  constater,  ne  peut  vicier  la  procédure.  De  là  aussi 
les  restrictions  que  les  faits  eux-mêmes  sont  venus  successi- 
vement apporter  à  cette  règle  générale,  lorsqu'il  a  été  pos- 
sible de  les  saisir  et  de  les  vérifier*  On  peut  en  chef  quelques 
exemples. 

*  Gass.  6  février  dSiS,  rapp-  H.  Busichop.  J.  P.,  U  X,  p.  â08  :  i7  aoat 
1815,  rapp.  M.  Aumont,  L  XIII,  p.  65. 

*  Cass.  12  avril  1882,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  U  XXIV»  p.  957. 

'  Gass.  3  nov.  1859,  à  notre  rapp.  Bull.  n.  525;  24  oct.  1657,  rapp.  M. 
Dehaussy,  d,  850. 


624  DES  COUR$  j>'assipes. 

Dans  une  affaire  de  meurtre,  le  défenseur  avait  demandé 
acte  de  ce  que,  pendant  une  des  suspensions  de  raudience, 
cinq  des  jurés  de  jugement  s'étaient  transportés  sur  le  lieu  où 
l'homicide  avait  été  commis,  et  avaient  conféré,  soit  avec  la 
veuve  de  l'homîcidé,  soit  avec  les  personnes  de  sa  famille  ou 
de  sa  maison.  La  Cour  d'assises  avait  simplement  donné  acte 
de  celte  allégation.  La  Cour  de  cassation,  en  se  fondant  sur 
ce  donné  acte  qui  était  appuyé  par  la  production  de  plusieurs 
documents,aprononcé  l'annulation  de  la  procédure,  «  attendu 
que  du  procès-verbal  d'audience  et  des  autres  documents  de 
la  cause,  il  résulte  que  plusieurs  des  jurés  de  jugement  se  sonl 
transportés,  hors  de  la  présence  de  la  Cour,  de  l'accusé  et  de 
son  conseil,  sur  les  lieux  où  s'est  passé  le  fait,  objet  de  l'ac- 
cusation, et  que  là  ils  ont  reçu,  tant  de  la  partie  plaignante 
que  des  témoins,  des  renseignements  relatifs  à  ce  fait;  que 
la  communication  au  dehors,  prohibée  par  les  art.  312  et 
353,  au  moyen  de  laquelle  ces  renseignements  ont  été  obte- 
nus, constitue  une  vîoialirn  du  droit  de  défense,  puisque 
l'accusé,  n'ayant  pu  les  contredire,  ni  même  les  connaître,  a 
été  privé  des  garanties  qui  lui  étaient  assurées  par  les  art.  317 
et  suivants  \  » 

Dans  une  deuxième  espèce,  la  Cour  d'assises  avait  donné 
acte  «  de  ce  que  ce  matin,  avant  l'audience,  l'un  des  jures 
est  allé  chez  un  témoin  et  de  ce  que  ce  témoin  lui  a  fait  voir 
comment  sa  porte  s'ouvrait,  comment  les  deux  chambres  com- 
muniquaient.. .  9  La  Cour  de  cassation  a  déclaré  «  que  ce  fait 
constitue,  de  la  part  de  l'un  des  jurés  de  jugement,  une 
communication  volontaire  au  dehors  avec  l'un  des  témoins 
sur  l'afTaire,  dans  le  cours  des  débats,  et  que  cette  communi- 
cation a  pu  exercer  sur  la  conviction  de  ce  juré  une  influeoce 
préjudiciable  à  la  défense  ;  »  en  conséquence,  elle  a  cassé*. 

Dans  une  troisième  espèce,  un  juré  ayant  pénétré,  pendant 
une  suspension,  dans  la  chambre  du  conseil  de  la  Cour,  avait 
dit,  au  sujet  d'un  incident,  «  qu^un  renvoi  serait  fftcheui, 
parce  qu'il  s'agissait  d'une  affaire  très-simple  où  la  convie- 
tion  doit  facilement  se  former,  i  et  le  président  avait  répomlo 
«  qu'il  était  vrai  que  c'était  une  de  ces  accusations  qui  ne 
s'inventent  pas.  »  A  la  reprise  de  l'audience,  ce  magistrat 
crut  devoir  rendre  compte  de  ce  fait  et  ordonner  qu'il  serait 

*  Cas?.  16  fév.  1838,  rapp.  M.  Hocher.  BuU.  n.  44. 
^Cns.  49  mai  18&8,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  123. 


.      FOBIES  GÉNÉRALES  DE   LA  PBOCÉDURE   DES  ASSISES.   §   628.         6SS 

relaté  au  procès-verbal.  La  Cour  de  cassation  a  annulé ,  c  aU 
t^Ddu  que  le  fait  relevé  au  procès-verbal  et  porté  à  la  con- 
Daissance  de  Taccusé,  de  Tordre  du  président,  constitue  une 
communication  de  Tun  des  jurés  pendant  le  cours  des  débats  ; 
que  dans  cette  communication,  qui  a  été  volontaire  de  la  part 
da  juré  et  a  eu  lieu  hors  de  l'audience,  ce  juré  a  trouvé  l'oc- 
casion, non-seulement  de  faire  connaître  son  opinion/  mais 
encore  de  recevoir,  par  la  manirestation  de  l'opinion  d^une 
autre  personne  sur  Taccusation,  une  influence  directe  sur  sa 
conviction  et  d'une  nature  préjudiciable  à  Taccusé  ^.  » 

Il  Taut  induire  d'abord  de  ces  arrêts  que,  lors  même  que  la 
communication  n'a  eu  lieu  qu'en  dehors  de  l'audience  et  dans 
rintervalle  des  suspensions,  elle  peut  encore  devenir,  suivant 
les  circonstances,  une  cause  dé  nullité;  mais  il  faut  ajouter, 
pourvu  qu'elle  puisse  être  régulièrement  constatée.  Ainsi» 
dans  les  deux  dernières  espèces,  elle  est  relatée  dans  le  pro- 
cès-verbal mêine,  et  dès  lors  il  n'existe  plus  de  différence  entre 
la  communication  commise  &  l'audience  ou  hors  de  l'audience  ; 
les  effets  de  l'une  et  de  l'autre  sont  les  mêmes,  et  la  difficulté 
de  la  preuve  étant  le  seul  point  qui  les  sépare,  dès  que  la 
preuve  est  faite,  la  même  règle  doit  être  appliquée. 

Il  n'y  a  de  diflficulté  que  lorsque,  comme  dans  la  première 
espèce,  le  procès-verbal  des  débats  ne  constate  pas  ou  ne  con- 
state pas  suffisamment  la  communication  alléguée  ;  et  c'est 
ce  qui  arrive  le  plus  souvent  lorsqu'il  s'agit  d'une  communi- 
cation du  dehors. 

La  Cour  d'assises,  en  effet,  peut  refuser  de  donner  acte 
d'un  fait  qui  s'est  passé  hors  de  sa  présence  et  qu'elle  n'a  pu 
apprécier.  Si  elle  n'est  pas  tenue  d'ouvrir  une  enquête  au 
sujet  d'un  fait  qui  s'est  passé  à  Taudience  même,  à  plus  forte 
raison  peut-elle  ne  pas  l'ordonner  lorsque  le  fait  s'est  accompli 
en  dehors  de  l'audience.  Une  Cour  (rassises  avait  refusé  de 
donner  acte  d'une  conversation  entre  un  juré  ot  un  témoin  à 
charge,  et  d'entendre  à  ce  sujet  le  témoin  et  le  juré,  «  parce 
que  la  loi  permettant  de  suspendre  les  débats  pour  prendre 
un  repos  nécessaire,  elle  doit  nécessairement  s'en  rapporter 
à  la  conscience  des  jurés  et  à  leur  serment  quant  à  la  défense 
de  communiquer  pendant  l'intervalle  des  audiences,  et  qu'on 
ne  pourrait,  sans  se  livrer  à  des  investigations  arbitraires, 
faire  des  enquêtes  et  les  interpeller  sur  la  nature  des  rapports 

*  Cass.  30  mars  1854}  rapp*  M,  Jacquinot.  Bull.  n.  85. 

vui.  .  40 


g^  DKS  C00R8  D*A$SI8ES. 

et  des  conversalions  qu^ils  ont  pu  avoir  en  dehors  des  débats,  t 
Cet  incident,  ayant  été  dénoncé  à  la  Cour  de  cassation,  le 
pourvoi  a  été  rejeté  «  attendu  qu'en  refusant  de  donner  acte 
d'un  Tait  qui  s'était  passé  avant  l'ouverture  de  Taudience,  et 
par  conséquent  hors  de  sa  présence,  et  qui  consk^lait  dans  une 
simple  allégation,  la  Cour  d^assisesn'a  fait  qu^userdn  droit 
d'appréciation  qui  lui  appartenait  ^  » 

Toutefois,  le  môme  droit  d'appréciation  qui  lui  permet  de 
refuser  de  donner  acte  du  fait  allégué  lui  permet  de  vérifier 
ce  fait,  si  Tallégatiou  lui  parait  grave,  pourvu  que  la  réelamii' 
tion  se  produise  avant  la  déclaration  du  jury.  C'est  ce  que 
reconnaît  un  arrêt  qui  déclare  «  que  c'est  seulement  après  la 
lecture  de  la  déclaration  du  jury,  en  présence  de  Taccosé. 

3ue  le  défenseur  a  demandé  acte  de  ce  que  dans  le  coun 
os  débats,  et  pendant  une  suspension  d'audience,  l'an  àts 
jurés  de  jugement  aurait  communiqué  avec  le  dernier  témoin 
entendu  ;  que  la  Cour  d'assises  ne  pouvait  constater  l'existence 
d'un  fait  qui  n'avait  pas  eu  lieu  en  sa  présence  et  dont  elle 
n'avait  point  dès  lors  une  connaissance  personnelle;  qoeleseui 
moyen  pour  elle  de  s'assurer  s'il  avait  réellement  eu  lieu  et 
d'en  vérifier  la  nature  et  la  portée  eût  été  de  rouvrir  un  débat 
qui  n'était  plus  possible,  alors  que  la  déclaration  do  jury  était 
devenue  définilive  ;  qu'en  rejetant  les  conclusions  de  la  dé- 
fense, la  Cour  d'assises  s'est  conformée  i  la  loi  3.  » 

Lorsque  la  Cour  d'assises  a  refusé  de  donner  acte  du  iait, 
ou  lorsque  le  donné  acte  n'a  pas  étéréclamé,  est-il  posâblede 
le  relever  en  cassation  et  d'en  faire  un  grief  à  l'appui  du  pour- 
voi? Cette  question  se  réduit  à  savoir  s'il  est  possible  de  faire 
devant  la  Cour  de  cassation  une  (jreuve  qui  n'a  pas  été  faite 
devant  la  Cour  d'assises.  A  cet  égard  il  y  a  lieu  de  distin- 
guer. 

Si  la  partie  qui  a  formé  le  pourvoi  ne  présente  k  l'appui 
que  de  simples  allégations  ou  des  actes  extrajudieiaires,  il 
serait  dilTicile  que  la  Cour  pût  s'y  arrêter.  Quel  moyen  aurait- 
elle  de  vérifier  ces  allégations  ou  ces  actes?  Devrait-eUe  or- 
donner une  enquête?  Il  n'est  point  dans  les  usage»  de  la  Cour* 
quoique  aucune  loi  ne  s'y  oppose  ouvertement,  de  recourir  à 
des  mesures  do  vérification  qui  conviennent  plus  à  des  jttgts 
(lu  fait  qu'à  des  juges  du  droit.  La  Cour  de  cassation  statue 


I  CaiS»  Si  jaUl.  1843,  rapp.  M.  Meyronnet-Saiul-Marc.  BulL  n.  iSS. 
*  Ca^s.  19  d<:c.  185a,  lapp.  M.  Aug*  Moreau..  Bull.  u..  609- 


FQIUIES  GÉNÉRALES  DE  LA  PROCÉDURE  DES  ASSISES.   §  628.         627 

sur  des  jogements  ou  des  arrêts  ;  elle  ne  statue  pas  sur  des 
faits*  elle  apprécie  des  actes  définitifs,  des  instances  consom- 
mées; elle  ne  s'occupe  pas  d'éclaircir  ou  de  rechercher  les 
faits  qui  en  ont  été  r(rf>jet  ;  elle  prononce  sur  les  pièces  qui 
sont  produites  devant  elle,  et  elle  n^est  point  appelée  à  sup- 
pléer aux  preures  qui  en  résultent.  Il  a  été  jugé  en  ce  sens 
<c  qu'aucune  disposition  de  la  loi  ne  charge  la  Coar  de  cassa- 
tion d'ouvrir  des  enquêtes  sur  les  allégations  en  dehors  des 
faits  constatés  au  procès-verbal  des  débats  ;  qu'à  défaut  de 
preuves  matérielles  pséeiistantes»  la  Cour  doit  présumer  que 
les  jurés  ont  rempli  les  devoirs  à  eux  imposés  par  la  loi  et 
leur  serments  » 

Et  néannwins,  si  on  allègue  devant  elle,  ou  que  le  procès- 
verbal  des  débats  renferme  de  fausses  énonciations,  ou  que  des 
pièces  dont  on  excîpe,  et  qu^on  ne  peot  [produire,  sont  de 
nature  à  influer  sur  le  jugement  du  procès,  l'inscription  de 
faux,  dans  le  premier  cas,  est  acquise  à  tonte  partie,  devant 
quelque  tribunal  qu'elle  soit  en  cause,  pourvu  qu'elle  rem- 
plisse les  conditions  auxquelles  l'exercice  en  est  subordonné 
et  so  soumette  à  la  responsabilité  qu'elle  entraîne;  et,  dans  le 
second  cas,  un  apport  de  minutes,  la  production  faite,  d^au- 
torité  de  la  Cour,  de  tout  renseignement  préexistant  propre 
à  éclairer  sa  religion,  la  mettent  en  situation,  non  d'appré- 
cier les  faits,  mais  de  vérifier  les  pièces  qui,  en  tant  qu'elles 
se  lient  à  la  question  du  pourvoi,  peuvent  être  considérées 
comme  nécessaires  à  sa  solution*.  Ainsi  ce  n'est  que  par  lu 
voie  (le  Tinscriplion  de  faux,  ou  par  des  apports  ou  produc^ 
tîons  de  pièces,  qu'il  est  possible  de  suppléer  aux  énonciationr 
da  procès-verbal  :  tout  autre  moyen  de  preuve  est  écarté  de- 
vant la  Cour  de  cassation. 

II  résulte  de  ce  qui  précède  que  la  jurisprudence,  sauf  la 
double  resfrietfon  qui  vient  d'être  énoncée,  ne  veut,  lorsqu'il 
s'agit  d'une  commumcation  à  Taudience,  admettre  d'autre 
preuve  que  le  procès-verbal  même  des  débats  qui  doit  cons- 
tater tout  ce  qui  s'est  passé  à  Taudience,  et  lorsqu'il  s'agit 
d'un«  communication  hors  l'audience,  que  les  conclusions  des 
parties  et  les  constatations  faites  par  la  Cour  d'assises  en  sta- 
tcRint  sur  ces  conclusions.  Cest  donc,  en  dernière  analyse,  à 

*  Cass.  80  juill.  ^BÂO,  rapp.  M.  Isambert.  Bull.  n.  219  ;  et  12  déc  1840^ 
rapp.  M.  de  Ricard,  n*.  350. 

«Rapport  de  M.  le  coiiseiRer  Hodier  dans  Taffaire  dans  laquelle  a  été 
rendu  Parrêidu  ISfév.  1888. 


628  DES   COURS  D  ASSISES. 

la  preuve  que  lui  fournit  le  procès -verbal  des  débats  que  se 
réfère  la  Cour  de  cassation.  S'il  n'y  a  eu  ni  observation  ni 
réclamation,  les  parties  sont  forcloses  ;  s'il  y  a  eu  réclamation 
et  qu'elle  n'ait  amené  aucune  constatation  précise,  la  Cour 
peut  ordonner,  s'il  y  a  lieu,  un  apport  de  pièces  supplétives; 
enfin,  s'il  y  a  eu,  sur  les  conclusions  des  parties,  la  constata- 
tion d'une  communication  quelconque,  la  Cour  en  apprécie 
la  nature  et  les  effets.  Nous  avons  déjà  indiqué  la  raison  de 
cette  jurisprudence  :  il  ne  fallait  pas  laisser  sans  aucun  freia 
entre  les  mains  des  parties  un  moyen  de  nullité  dont  les  élé- 
ments se  puisaient  dans  les  actes  même  de  la  vie  des  jurés,  de 
sorte  qu'elles  auraient  pu,  par  de  scandaleuses  enquêtes, 
flétrir  leurs  juges  tout  en  attaquant  les  arrêts.  Il  en  résulte 
sans  doute  la  possibilité  de  quelques  communications  qui  de- 
meurent hors  de  toute  atteinte,  et  par  conséquent  de  quelques 
influences  illicites  '.  Mais  cet  inconvénient,  quoique  réel,  a 
paru  moins  grave  que  celui  de  faire  sortir  un  moyen  de  droit 
de  faits  qui  ne  peuvent  être  facilement  constatés,  et  de  laisser 
une  porte  sans  cesse  ouverte  aux  haines  et  aux  récriminations 
des  parties. 

S  629. 

1.  Assistance  des  interprètes.  —  II.  Dans  quels  cas  il  est  nécessaire 
de  les  appeler.  —  III.  Peine  de  nullité  au  caia  d'infraclioD.  - 
IV.  Formes  de  leur  Domination.  —  V.  Quelles  personnes  peuYent 
assister  ceux  qui  parlent  des  langages  différents.  —  VI.  Quelles  pe^ 
sonnes  peuvent  assister  les  sourds-muets  et  les  infirmes.  —  VII.  Lear 
récusation  et  ses  formes.  —  VIII.  Leur  serment.  —  IX.  Règles 
relatives  à  Texercice  de  leurs  fonctions. 

1.  Une  dernière  forme  générale  de  la  procédure  des  assises 
est  l'assistance  des  interprètes  aux  débals  toutes  les  fois  que 
cette  assistance  est  nécessaire. 

Il  ne  suffit  pas  qu'un  accusé  soit  présent  à  l'audience,  il 
faut  qu'il  entende  et  qu'il  comprenne  tout  ce  qui  s'y  fait  et 
ce  qui  s'y  dit,  les  dépositions,  les  explications,  toutes  les  pa- 
roles qui  y  retentissent.  Si  ces  paroles  ne  parviennent  pas  net- 
tement à  son  intelligence,  il  n'y  a  plus  de  débai^  car  Taccu- 


rapp 


*  Cass.  2  sept.  1852,  rapp.  M.  Jacquinot.  Dali.  52,  5»  156;  à  juin  1840 1 
pp.  M.  Isamt>ert.  Dali,  v*  lusl.  cr.  o.  1990. 


rORMES  GÉNiBALES  DE   LA  PROCÉDURE  DES  ASSISES.    §  629.         629 

sation,  n'étant  pas  comprise,  n'est  pas  déballue;  il  n'y  a  plus 
de  défense,  car  l'accusé,  qui  ne  saisit  pns  l'attaque,  ne  s'oc- 
cupe pas  de  la  repousser.  C'est  comme  si  un  homme,  dont  les 
facultés  intellectuelles  seraient  altérées  par  une  maladie,  était 
traduit  aux  assises. 

Il  ne  suffit  pas  non  plus  qu'un  témoin  Tienne  déclarer  à 
Taudience  ce  qu'il  a  vu  ou  entendu  ;  il  faut  qu'il  soit  com- 
pris des  juges,  des  jurés  et  des  accusés,  il  faut  qu»  sa  décla- 
ration, intelligible  pour  tous,  provoque  les  interpellations  de 
toutes  les  parties.  Il  est  clair  qu'une  déposition,  qui  n'est  pas 
entendue  et  comprise  de  toutes  les  personnes  intéressées,  cesse 
d'être  un  élément  du  jugement,  car  elle  n'a  pas  subi  l'épreuve 
delà  discussion. 

De  là  la  pécessité  de  la  présence  des  interprètes  au  débat, 
toutes  les  fois  qu'un  accusé  ne  comprend  ou  ne  parle  pas  la 
langue  qui  est  employée  dans  ce  débat,  toutes  les  fois  qu'un 
témoin^  un  expert,  une  personne  entendue  ne  parle  pas  cette 
langue  ou  fait  usage  d'un  idiome  particulier,  toutes  les  fois, 
en  un  mot,  qu'un  langage  commun,  un  moyen  de  commu- 
nication général  ne  porte  pas  à  la  fois  à  la  connaissance  des 
juges  et  des  parties  les  faits  et  la  discussion  de  l'audience- 
Cette  nécessité  est  tellement  dans  la  nature  des  choses  que  la 
législation  ancienne  l'avait  consacrée  aussi  bien  que  la  nôtre 
et  que  les  dispositions  qui  vont  être  examinées  y  ont  été  en- 
tièrement puisées  (1). 

Ces  dispositions  se  réduisent  aux  art.  332  et  333  de  notre 
Code  qui  sont  ainsi  conçues  : 

«  Art.  332.  Dans  le  cas  où  raccusé,  les  témoins  ou  l'un  d'eux  ne 
parleraient  pas  la  même  langue  ou  le  même  idiome»  le  président  nom-* 
mera  d'office,  à  peine  de  nullité,  un  interprète  âgé  de  21  ans  au  moins, 
et  lui  fera,  sous  la  même  peine,  prêter  serment  de  traduire  fidèlement 
les  discours  à  transmettre  entre  ceux  qui  parlent  des  langages  diffé- 
rents. L'accusé  et  le  procureur  général  pourront  récuser  l'interprète, 
en  motivant  leur  récusation.  La  Cour  prononcera.  LMnlerprète  ne 
pourra,  à  peine  de  nullité,  même  du  consentement  de  l'accusé,  ni  du 
procureur  général,  être  pris  parmi  les  témoins,  les  juges  et  les  jurés.  » 

«  Art.  333.  Si  l'accusé  est  sourd-muet  et  ne  sait  pas  écrire,  le  pré- 
sident nommera  d'office  pour  son  interprète  la  personne  qui  aura  le 
plus  d'habitude  de  converser  avec  lui.  lien  sera  de  même  à  l'égard  du 
témoin  sourd-mnet.  Le  surplus  des  dispositions  du  précédent  article 
sera  exécuté.  Dans  le  cas  où  le  sourd-muet  saurait  écrire,  le  greffier 
écrira  les  questions  et  observations  qui  lui  seront  faites  ;  elles  seront 
remises  à  Paccusé  ou  au  témoin  qui  donneront  par  écrit  leurs  réponses 
On  déclarations.  11  sera  fait  lecture  du  tout  par  le  greffier.  > 

(i)Ord.  1070;  tit.  XIV,  arU  XI;  et  til.  XVIll.  arl.  I  et  suiv. 


630  DES  COURS  d'assisfb. 

Nous  allons  successivement  examiner,  1**  dans  quels  cas 
il  y  a  lieu  à  rem|)loi  des  inlerprèîes;  2*  quelles  personnes 
peuvcnl  exercer  cet  emploi  ;  3*  les  formes  de  la  récusation 
dont  elles  peuvent  Hrct  Tobjel  ;  4**  les  formes  de  leur  nomina- 
tion ;  5<»  les  règles  relalivesà  l'exercice  de  leurs  fondions. 

II.  Il  n'y  a  lieu,  d'après  la  loi,  à  la  nomination  d'un  in- 
terprète qjuc  dans  deux  cas  :  1°  quand  un  accusé  ou  un  témoin 
ne  parle  pas  la  langue  française  ;  2"  quand  un  accusé  ou  un 
témoin  est  sour  J-mucl.  Mais  on  verra  tout  à  l'heure  que  cette 
disposition  n'est  pas  limitative. 

Examinons  d'abord  les  deux  cas  prévus  par  h  loi. 

Dans  la  première  de  ces  deux  hypothèses,  l'art.  332  se  sert 
de  ces  termes  :  «  dans  le  cas  où  Taccusé,  les  témoins  ou  Tun 
d'eux  ne  parleraient  pas  la  même  langue.  »  Que  faut- il  en» 
tendre  par  ces  mois?  Il  est  évident,  en  premier  li-u,  puisque 
les  débats  ont  lieu  dans  la  langue  française,  qu'il  suffit  qu'uB 
des  témoins  ou  des  accusés  ne  parle  pas  cette  langue  pour 
qu'il  soit  nécessaire  de  lui  donner  un  interprète.  Mais  si 
l'accusé,  sans  la  parler,  entend  la  langue  dont  se  sert  le  témoin, 
y  a-t-il  lieu  à  la  désignation  de  l'interprète?  L'ord.  de  i670, 
til.  XIY,  art.  XI,  exigeait  cette  assistance  lorsque  raccusé 
«  n'entendait  pas  la  langue  française  »  ;  notre  Code,  en  Texi- 
^eant,  «  lorsqu'il  ne  parle  pas  cette  langue,  »  a-t-il  substitué 
à  l'ancienne  règle  une  règle  nouvelle  et  plus  restreinte? 
Quelques  arrêts  semblent  Tavoir  admis.  Un  pourvoi*  fondé 
sur  ce  qu'un  accusé,  ne  parlant  pas  la  langue  française,  n'a* 
vait  pas  eu  d'interprète,  a  été  rejeté,  «  attendu  que  le  procès- 
verbal  des  débats  ne  constate  pas  queTaccusé  n'enlenditpas 
la  langue  française  et  se  borne  à  dire  qu'il  parle  une  langue 
■étrangère  '•  Un  autre  pourvoi,  motivé  sur  ce  que  raccusé 
n'entendant  pas  la  même  langue,  n'avait  pu  entendre  la  dé- 
position d'un  témoin  qui  ne  lui  avait  pas  été  traduite,  a  en- 
core été  rejeté,  a  attendu  qu'il  n'y  a  lieu  de  nonuner  unior- 
terprète  que  dans  le  cas  où  l'accusé^  les  témoins  ou  l'un  d^ev 
ne  parleraient  pas  ta  même  langue  ou  le  même  idiome; 
qu'aucune  réclamation  ne  s'est  élevée  à  cet  égard  pendant  les 
débats;  et  que  dès  lors  il  y  a  présomption  que  la  déposibon 
du  témoin  a  pu  êire  entendue  par  l'accusé,  les  jurés  et  les 
magistrats  '.  »  Enfin,  dans  une  espèce  où  le  président  avait 

*  Gass.  23  avril  1885,  rapp.  M»  Tambert.  Bail.  o.  149. 

*  Cass.  23  mai  iS39,  j-app,  M.  Isambcrt  Bull,  su  103* 


FORMES  GlÎNiBALES  DE  LA  PttOCtflMJBE   DES  ASSISES.    §  629.        6Si 

lu  des  dépositioQS  reçues  en  Angleterre,  le  rejet  a  été  pro*- 
noncé»  «  attendu  que  l'emploi  d'un  interprète  n'est  exig^ 
que  dans  le  cas  où  les  accusés  ou  les  témoins  ne  pai'IeraiaAt 
pas  la  même  langue  ;  que  les  accusés  n'ont  point  prétendu 
ne  point  entendre  les  dépositions  reçues  en  Angleterre  et 
quils  n'ont  point  réclamé  Tappel  d'un  interprète  pour  en 
faire  la  traduction  '.  » 

Ln  distinction,  que  ces  arrêts  semblent  implicitement  éta- 
blir entre  l'aecusé  qui  ne  parle  pas  la  langue  française  et 
celui  qui  ne  l'entend  pas ,  ne  nous  paraîtrait  pas  fondée. 
Il  importe  peu  qu'un  accusé  entende  la  langue  dans  la»- 
quelle  se  fait  une  déposition»  il  suffît  qu'il  ne  la  parle  pas 
pour  que  l'interprète  soit  nécessaire:  la  loi  est  formelle  sur 
ce  point.  C'est  que  cVst  l'usage  d'une  langue  qui  seul  peut 
donner  la  mesure  de  l'intelligence  de  cette  langue  ;  c'est  que 
celui  qui  ne  la  parle  pas  est  réputé  ne  pas  la  connaître  ou  du 
moins  ne  la  connaître  qu'imparfaitement  ;  c'est  que,  pour  re»- 
pousser  une  imputation  rédigée  dans  une  langue  étrangère., 
il  De  suCEk  pas  d'en  saisir  quelques  mots,  il  faut  connaître 
toutes  les  nuances  et  toute  la  portée  de  ses  termes.  Quel  esjt 
le  vœu  de  la  loi?  c'est  que  Taccusé  ait  la  parfaite  intelligence 
de  ce  qui  se  fait  et  se  dit  devant  lui  ;  aussi,  c'est  le  langage^ 
c'est-à-dire  Tapplication  même  de  la  laii.gue  qu'elle  a  con^ 
sidéré  comme  le  signe  légal  de  la  connaissance  de  cette  lan- 
gue. Dès  qu'il  est  constaté,  dès  qu'il  est  allégué  même,  pourvu 
que  cette  allégation  soit  sérieuse  et  se  produise  au  débat,  que 
l'accusé  uje  parle  pas  la  langue  dont  il  est  fait  usage,  il  y  a 
nécessité  de  lui  donner  un  interprète,  lor«  même  que  l'on 
pourrait  présumer  qu'il  peut  entendre  cette  iajigue. 

La  deuxième  hypothèse  prévue  par  la  loi  est  celle  où  l'ac- 
cusé ou  le  témoin  serait  sourd-muet.  Il  est  évident  d'abord 
que  la  disfiosition  de  la  loi  n'est  applicable  qu'à  celui  qui  est 
affligé  d'une  infirmité  réelle^  et  il  a  é(é  jugé^  conformément  à 
iacèfleposéeparlesarjt.  7et8dutit.XYUIderord.dei670, 
que  la  Cour  d'assises  peut  faire  examiner  par  des  gens  de 
Tart  l'accusé  qui  se  prétend  sourd-muet,  et  sur  leur  avis 
que  riofirmité  alléguée  est  simulée,  ordonner  que  le  débat 
aura  lieu  oralement  en  la  forme  ordinaire  \ 

Y.a-:t-il  lieu  à  la  nomination  d'un  interprète  si  t'accMsé  est 

'  Cass,  7  janv.  18à7,  rapp.  M.  Baronnes.  InsL  cr.  t.  XX,  p.  d45. 
*  Cass.  30  juill.  1835.  rapp.  M.  Rocben  Bull.  d.  806. 


632  DES  .COURS  d'assises. 

muet  sans  être  sourd,  ou  sourd  sans  être  muel?  Il  est  clair 
d'abord  qu'il  n'y  a  pas  de  question  s'il  ne  sait  pas  écrire , 
car  l'écriture  est  dans  l'un  et  l'autre  cas  le  seul  moyen  de 
cotnmunication  ordinaire  qui  soit  praticable.  S'il  sait  écrire, 
les  questions  lui  sont  adressées  de  vive  voix  dans  le  premier 
cas,  et  il  y  répond  par  écrit;  elles  lui  sonl  au  contraire  adres- 
sées par  écrit  dans  le  second  et  il  y  répond  de  vi?e  voix.  Mais 
ce  moyen  de  communication  dispense-t-il  de  l'interprète?  Non, 
car  l'interprète  doit  suppléer  à  ce  que  l'écriture  a  d'incomplet 
lorsqu'elle  traduit  un  débat  oral  ;  il  explique  les  paroles  que 
l'écrivain  )-ésume;  il  développe  les  résultats  qu'elle  formule. 
Telle  était  la  décision  de  l'art.  6,  tit.  18  de  l'ord.  de  1670. 

Il  en  est  ainsi  à  l'égard  du  sourd-muet  qui  sait  écrire.  La 
loi  veut  que  les  questions  et  observations  qui  lui  sont  Taites 
soient  écrites  par  le  greffier,  et  qu'il  donne  par  écrit  ses  ré- 
ponses et  ses  déclarations.  Or,  de  ce  que  cette  voie  de  com- 
munication est  indiquée  par  la  loi,  s'ensuit-il  qu'elle  remplace 
entièrement  l'interprète?  La  raison  de  douter  est  que  la  loi 
ne  la  prescrit  que  pour  «  les  questions  et  observations 
qui  sont  faites  à  l'accusé.  »  Or,  en  dehors  de  ces  questions  et 
observations  directes,  ne  faut-il  pas  qu'il  sache  ce  qui  se  fait 
et  se  dit  devant  lui?  11  lui  faut  donc  un  interprète^  comme 
s'il  ne  savait  pas  écrire,  pour  toute  la  partie  du  débat  qui  ne 
lui  est  pas  communiquée  par  écrit. 

Et  toutefois  l'assistance  de  l'interprète  ne  justifierait  pas 
dans  ce  cas  la  suppression  de  la  communication  écrite.  Cette 
voie  de  communication,  qui  permet  à  l'accusé  d'exprimer  lui- 
même  et  dans  les  termes  qu'il  veut  employer  ses  explications, 
est  une  forme  essentielle  de  sa  défense;  il  ne  pourrait  en  être 
privé.  Dans  une  espèce  où  l'accusé,  complètement  sourd,  n'a- 
vait point  reçu  la  communication  écrite,  lors  du  tirage  du  jury, 
des  noms  des  jurés  appelés  par  le  sort,  la  procédure  a  été 
annulée,  a  attendu  que  le  procès-vèrbal  de  l'interrogatoire  de 
l'accusé  par  le  président  déclare  que,  vu  Tétat  de  surdité  de 
cet  accusé,  toutes  les  questions  et  interpellations  ont  dû  lui 
être  adressées  par  écrit  ;  que  le  procès-verbal  des  débats  dé- 
clare également  que,  vu  le  même  état  de  surdité  toutes  les 
interpellations  que  Ja  loi  prescrit  de  faire  à  l'accusé  lui  ont 
été  faites  par  écrit;  qu'il  lui  a  été  donné  connaissance  par 
écrit  de  ce  qui  était  contenu  en  l'acte  d'accusation,  et  qu'a- 
près la  déposition  de  chaque  témoin  le  président  a  fait  encore 
mettre  par  écrit  ce  que  le  témoin  avait  déposé  pour  le  com- 


FORMES  GéllÉRALES  DE  LA  PROCiDURB  DES  ASSISES.   %  629.        693 

muniquer  à  l'accusé  ;  que  ces  différentes  éuonciations  consta- 
tent que  Taccusé  était  atteint  d'une  surdité  complète  et  que 
sachant  lire  et  écrire,  l'écriture  était  la  seule  voie  de  commu- 
nication qui  pût  être  employée  avec  lui;...  aue  le  procès- 
verbal  du  tirage  du  jury  n'énonce  point  qu'il  fût  assisté  d'un 
conseil,  et  que  la  nomination  d'un  interprète  ne  saurait  sup- 
pléer, puisque  celte  nomination  n'est  exigée  par  les  art.  332 
et  333  et  ne  peut  avoir  un  résultat  utile  qu'à  l'égard  des 
sourds-muets  qui  ne  savent  pas  écrire  ou  des  personnes  qui 
parlent  un  langage  différent;  qu'il  y  a  donc  eu  violation  de 
l'un  des  droits  de  la  défense  S  » 

On  doit  induire  de  cet  arrêt  d'abord  que  les  termes  de 
l'art.  333,  et  nous  allons  revenir  tout  à  l'heure  sur  ce  point,  ne 
sont  point  restrictifs,  puisqu'il  assimile  les  sourds  aux  sourds- 
muets  ;  ensuiteque  l'assistance  d'un  interprète  ne  supplée  point 
à  la  connaissance  personnelle  que  l'écriture  permet  de  donner  à 
l'accusé.  Mais  il  en  résulte  encore,  et  sur  ce  point  une  expli- 
cation est  nécessaire,  que  le  ministère  d'un  interprète  serait 
inutile  lorsque,  dans  le  cas  prévu  par  le  deuxième  paragraphe 
de  l'art.  333,raccusé  sourd-muet  ^aît  écrire.  Ce  ministère  est 
en  effet  inutile  lorsque,  comme  dans  l'espèce  de  l'arrêt,  l'é- 
criture a  traduit,  non-seulement  les  questions  et  interpella- 
tions directement  faites  à  l'accusé^  mais  toutes  les  réquisitions^ 
toutes  les  dépositions^  tous  les  avertissements,  enfin  toutes 
les  paroles  du  débat.  Mais  si  cette  procédure  écrite  a  été 
maintenue  dans  les  termes  restrictifs  de  cet  article,  si  elle 
s'est  bornée  à  communiquer  les  questions  directement  adres- 
sées à  l'accusé,  il  n'y  a  plus  de  raison  de  lui  refuser  une  assis- 
tance qui  lui  est  indispensable  pour  lui  faire  connaître  le  sur. 
plus  du  débat. 

Au  reste,  les  dispositions  des  art.  332  et  333  ne  doivent 
point  être  enfermées  dans. leurs  termes:  la  loi  n'a  prévu  que 
deux  cas  d'assistance  ;  mais  le  principe  en  vertu  duquel  ces 
cas  sont  formulés^  s'étend  à  tous  les  autres  cas  où  cette  assis- 
tance est  également  nécessaire.  Ainsi,  il  a  été  successivement 
jugé  que  le  ministère  d'un  interprète  est  nécessaire  :  1°  lors- 
que l'accusé  ne  parle  pas  la  même  langue  que  les  juges  et  les 
{'urés  '  ;  2^^  lorsque  le  langage  d'un  témoin  est  inintelligible^ 
^ien  qu'il  ne  parle  pas  une  langue  différente,  «  attendu  que 
les  art.  332  et  333  ne  sont  pas  limitatifs  ;  qu'ils  ont  été  édictés 

'JCass.  29déc  1854,  à  notre  rapp.  Bull.  n.  358. 
*  Gass.  6.  bruiu.  anym.  Bail.  1'*  partie,  p.  155» 


i634  Dss  GOOM  d'assises. 

pour  les  cas  les  plus  ordinuires  et  qu'ils  poseoi  une  règle  qui 
doil  être  appliquée  dans  tous  les  cas  analogues  ^  ;  3^  lorsqu^un 
téoMMO,  atteint  d'idiolisnae»  n'arlicule  qu'avec  peine  sa  dépo- 
sition, «  attendu  qu'en  dehors  des  cas  que  les  art.  332  et  333 
ont  expressément  prévus,  les  infirmités  physiques  ou  morales 
d'un  accusé  ou  d^im  téinoin  peuvent  révéler  la  nécessité  de 
Je  faire  assister  d'un  tnterprèle,  afin  que  la  communication  de 
la  pensée  soit  entière  et  que  la  manifestation  de  la  véritésoit^ 
autant  que  possible,  dégagée  de  toute  entrave  '  ;  »  4*"  lorsque 
J'uu  des  jurés  ne  comprend  pas  la  langue  employée  dans  les 
dôbats,  «attendu  que  lorsque  Tidiome  dans  lequel  s'expri- 
jPDCDi  les  accusés  et  les  témoins  n\'st  pas  compris  par  tous  les 
juges  et  tous  les  jurés,  il  y  a  nécessité  d'appeler  aux  débats 
un  interprète  pour  traduire  les  dépositions  orales  des  témoins 
et  les  explications  de  Taccusé;  que  sans  cela  ces  dépo&itiois 
et  .explicatioios,  d'après  lesquelles  doit  se  former  la  conviciioa 
du  jury,  pourraient  n'étro  pas  comprises  et  par  suite  être  mal 
appréciées  par  les  jurés  appelés  à  prononcer  sur  raccusatioB; 
qu'ainsi  la  défense  serait  entravée  ou  compromise*.  » 

Cette  jurisprudence  est  parfaitement  conforme  à  Tespritet 
i  la  raison  de  la  loi.  La  Cour  de  cassation  l'a  même  appliquée 
dans  un  cas  où  le  président  avait  d'office  nommé  un  inter- 
prète à  un  témoin  c  parlant  très-bas  è  cause  de  son  graad 
Âge  et  étant  d'ailleurs  un  peu  sourd  ^.  »  Les  présideats  des 
assises  doivent  en  général,  dans  l'intérêt  de  la  justice ,  1  éten- 
dre à  tous  les  cas  où  il  est  douteux  que  Taocusé  ou  les  té- 
moins, a  raison  de  leurs  infirmités,  puissent  énoncer  claire- 
Hietnt  leurs  idées  ou  comprendre  les  paroles  qui  leur  sont 
adressées.  11  faut  que  lu  communication  des  pensées  soit  en- 
tière. L'absence  d'un  interprète  peut  produire  une  nullité 
dans  tous  les  cas  ou  son  assistance  était  nécessaire.  Sa  pré- 
sence, lors  même  qu'elle  semblerait  surabondaute»  ne  vide 
jamais  le  débat. 

ni.  L;i  présence  de  l'interprète,  dans  les  cas  où  elle  est 
tépulée  nécessaire^  est  prescrite  à  peine  de  nullité,  et  lecon- 

*  Cass.  18  mai  4855,  rapp.  M.  de  GIos.'  BulU  n.  164  ;  21  juHI.  1843,  rapp. 
M.  Meyronnel-St-Marc.  n.  188. 

*  Gass.  28  sept.  1868,  rapp.  M.  Jtoessoa^  Bull  n.  251.      - 

'  Gass.  2U  mai  18^3,  rapp.  M.  Briërc-Valigny.  Bail  n.  117;  U  xgl 
1840,  rapp.  M.  de  Crouseilhes.  Dali  40, 1.  443. 

*  Gass.  21  juin.  1843,  rapp.  M.  de  Grouseilhes.  Dali  v  lasU  criiD., 
lU  2320. 


FORMES  GÉNÉRALES   01  LA  PftOGÉDVRB  SES  ASSISES.    §  629.        Q3t# 

sentement  de  Taccusé  ioi-mème  ne  couvrirait  pas  l'infraclionS 
L'application  de  cette  nuHité,  dont  la  jurisprudence  a  craint 
l'abus,  a  donné  lieu  à  quelques  règles  qui  ont  pour  but  de  la 
limiter. 

li  est  certain  d'abord  que  si  la  nécessité  de  Tinterprète  eist 
constatée,  le  prooès^verbal  doit  constater  à  la  fois,  à  peine  de 
nullité,  son  assistance.  Ge  n'est  là  que  la  stricte  appiication 
de  la  loi,  puisque  le  procès- verbal  doit,  aux  termes  de  Tar^- 
ticle  372,  énoncer  l'accomplissement  des  formes  prescrHes 
par  la  loi,  et  que  cette  énonciation  est  ia  seule  preuve  de  leur 
observation.  Ainsi,  lorsqu'il  résuHe  du  proeès-vertïal  des  dé^ 
bats  que  Taecuséne  parlait  que  la  langue  allemande,  qu'on 
lui  a  traduit  l'acte  d^accusation,  il  ja  nullité  si  ce  procès^ 
verbal  ne  mentionne  pas  la  présence  d'un  interprète  aux 
débats  *.  Ainsi,  lorsqu'il  est  étspbli  que  quelques<-uns  des 
témoins  ne  parlaient  pas  la  langue  française,  il  y  a  nullité  s'il 
n'est  pas  établi  que  leurs  déclarations  ont  été  traduites  parle 
secours  d'un  interprète  ■. 

Mais  il  sufKt  que  le  procès-verbal  constate  la  nomination 
de  l'interprète  ;  il  suffit  même  qu'il  énonce  «  qii  on  s'est 
conrormé  è  ce  qui  est  prescrit  par  1  art.  33â  ^.  »  Il  n'y  a  pas 
de  formule  spécialement  consacrée  à  la  constatation  de  cette 
formalité. 

Il  suffit  également  que  sa  présence  soit  relatée  ;  il  en  ré- 
sulte la  présomption  que  Tassistaoce  a  été  prêtée.  Il  a  été 
décidé  par  un  arrêt  «  que  la  présence  de  l'interprète  étaiit 
constatée  à  toutes  les  séances  de  la  Cour  d'assises,  il  en  résulte 
une  présomption  suffisante  que  cet  interprète  a  rempli  ses 
fonctions  toutes  les  fois  que  son  intervention  a  été  nécessaire^;» 
et  par  un  autre  arrêt  «  qu'aucun  article  de  loi  n'impose  au 
greffier  l'obl^ation  de  constater  que  Tinterprêie  a  traduit  tout 
ce  qui  a  été  dit  et  lu  dans  le  coursdes  débats,  et  que  sa  pré-* 
scnce  établît  la  présomption  légale  qu'il  a  rempli  ses  fonc^ 
tions^.  » 

*  Cass.  2i  fév.  1842,  rapp.  M.  Benvenuti.  J.  P.,  l.X,  p.  138;  17  août 
1832,  rapiv  M.  Ist^mbert,  XXI V.  14iO. 

*  Casa.  6  brumaire  an  VIII.  rapp.  iMf.  Ilanié.  Dali.  ▼**  lost.  cr.  u.  2323. 
'  Bruxelles,  18  fé?.  âSi5.  Dali.  Eod.  loc. 

*  Casa.  15  janr.  1S29,  rapp.  M.  Brière.  Bull.  n.  7. 

'  Cass«.  33  avril  1835,  rapp.  M.  Isambert.  Bull.  n.  iA9. 

*  Cass.  23  février  1S5U,  à  noire  rapport.  Bull.  a.  78  ;  12  déc.  1850, 
rapp.  H.  Dehaussy,  o.  417  ;  29  septeoibre  1853,  à  notre  rapport.  'CuU. 
D.  486. 


636  DBS  COURS  D*ASSISES. 

Enfin 9  si  le  procès- verbal  ne  contient  aucune  énonciation 
relative  à  l'interprète»  il  y  a  présomption  qu^aucune  récla- 
mation ne  s'étant  élevée  à  ce  sujet,  son  assistance  a  été  jugée 
inutile.  Cette  présomption  est  établie  par  de  nombreux  arrêts 
qui  rejettent  les  pourvois  d'accusés  dont  le  seul  grief  était  de 
n'avoir  pas  été  assistés  d'interprètes,  et  qui  déclarent  que  cette 
assistance  n'était  pas  nécessaire  :  1"^  lorsque  rien  ne  constate 
que  l'accusé  n'entendait  pas  la  langue  française  ;  qu'il  résulte 
même  des  débats  qu'il  avait  bien  compris  ce  qui  avait  été  dit 
à  sa  charge  ou  à  sa  décharge,  et  que  nulle  réquisition  de 
nommer  un  interprète  n'a  été  faite  ni  par  lui,  ni  par  son  dé- 
fenseur ^;  2"^  lorsque  rien  dans  la  procédure  n'indique  que  le 
demandeur  ait  eu  besoin  d'un  interprète,  et  qu'il  n'en  a  poiot 
réclamé  *;  S""  lorsque  d'après  les  nombreux  interrogatoires 
des  accusés,  il  est  évident  qu'ils  entendent  et  parlent  la  lan- 
gue française  de  manière  à  n'avoir  aucun  besoin  d'inter- 
prètes 3  j  4»  lorsque  l'accusé  a  répondu  en  français  aux  qae^ 
tions  du  président,  et  que  ni  lui»  ni  son  défenseur  n'ont 
réclamé  l'intervention  d'un  interprète ^  ;  S""  lorsqu'il  résulte 
des  circonstances  d'une  affaire  que  le  patois  dans  lequel  s'e^ 
exprimé  un  témoin,  habituellement  employé  au  lieu  du  domi- 
cile de  Taccusé,  était  compris  de  cet  accusé  ;  que  cet  accusé 
n'a  élevé  aucune  réclamation,  et  que  le  président  qui  avait 
répété  en  français  les  réponses  du  témoin,  n'avait  eu  pour 
objet  que  de  fixer  quelques  points  du  débat  &  ;  6®  lorsqu'il 
ne  résulte  ni  de  l'interrogatoire  de  l'accusé  par  le  président, 
ni  du  procès-verbal  du  tirage  du  jury,  ni  du  procès-Terbal 
des  débats  qu'il  n'entend  pas  la  langue  française,  et  qu'assisté 
de  son  défenseur  il  n'a  pas  réclamé  l'assistance  d'un  inter- 
prète ^. 

D'autres  arrêts  décident  encore  que  cette  présomption  ne 
peut  être  détruite  :  1^  par  des  allégations  appuyées  de  certi- 
ficats ou  actes  de  notoriété  postérieurs  i  la  condamnation  '  ; 
car  dès  que  le  procès-verbal  ne  fait  aucune  mention,  c'est 
que  l'accusé  n'a  saisi  la  cour  d'aucune  réclamation  ;  dès  qu'il 

'  Gass.  7  prair.  an  ix,  rapp.  M.  Barris,  Dali,  v*  lost.  crim.D.  !K311> 
'  Gass.  20  DOT.  1838,  rapp.  M.  Mangin.  DalL  v^"  InsL  crim.  d.  S311. 

*  Gass.  i8  déc  1828,  rapp.  M.  Gliausserègue.  Eod.  loc 

Z.*  Gass.  15  juillet  1830,  rapp.  M.  Ghoppin.  Eod.  ioc.  n.  2312;  i3  jam 
1885,  rapp.  M.  de  Ricard.  J.  P.,  t.  XXVII,  p.  306. 
'  Gass.  30  janv.  1851,  rapp.  M.  QuénaulU  Bull.  n.  39. 

*  Gass.  12  mai  1855,  rapp.  M.  de  Clos.  Bull.  n.  I6A. 

*  Gass.  23  mai  1839,  rapp.  M.  Isambert.  Bull.  n.  163. 


^    FORMES  GÉ^éRALES  DE   LA  PROGÉDORE  DES  ASSISES.   $   6i9.        637 

n'a  pas  réclamé,  c^est  qu'il  a  suffisamment  compris  et  suivi  le 
débat  :  les  actes  extrajudiciaires  qu'il  est  facile  de  produire 
De  peuvent  prévaloir  contre  l'appréciation  faite  par  la  Cour 
d'assises  et  Tassentiment  de  l'accusé  lui-même  ;  2*  par  la  jus- 
tiflcation  de  Textranéité  de  Taccusé  ;  car  «  ce  n'est  point  à  la 
qualité  d'étranger  que  Fart.  332  attache  la  nullité  provenant 
du  défaut  de  nomination  d'un  interprète^  mais  au  fait  que 
l'accusé  n'entendait  pas  la  langue  ou  l'idiome  qui  a  eu  lieu 
aux  débats  ^  » 

Cette  jurisprudence  demande  quelques  explications.  On 
ne  doit  point  en  inférer  que  le  président  doive  attendre  la 
réclamation  de  l'accusé  pour  procéder  à  la  nomination  d'un 
interprète.  L'art.  332  impose  à  ce  magistrat  le  devoir  de  faire 
cette  nomination  d'office,  si  elle  est  nécessaire.  Mais  lorsque 
le  président  a  pensé  qu'elle  était  inutile,  deux  hypothèses 
peuvent  se  présenter  :  ou  une  réclamation  s'élève  à  l'ouver- 
ture ou  pendant  la  durée  des  débats,  ou  il  ne  s'en  produit 
aucune.  Dans  la  première  hypothèse,  soit  que  la  demande  ait 
été  accueillie  ou  rejetée,  l'accusé  peut  se  faire  un  grief  de- 
vant la  Cour  de  cassation  ou  de  son  rejet  ou  de  son  applica- 
tion restreinte  :  le  fait,  quel  qu'il  soit>  est  constaté  ;  il  peut 
être  apprécié.  Ce  n'est  que  dans  la  seconde  hypothèse,  c'est- 
à-dire  lorsqu'aucune  réclamation  n'a  été  formée  dans  le 
cours  des  débats^  que  s'applique  la  présomption  établie 
par  la  jurisprudence  et  d'après  laquelle  le  silence  de  Taccusé 
couvre  la  nuIlTté  que  l'absence  d'un  interprète  aurait  ou- 
verte. Ainsi  limitée,  cette  présomption  est  fondée  ;  car  il  se- 
rait difficile  d'admettre  qu'un  accusé,  qui  n'entendrait  pas  la 
langue  française,  ait  pu  traverser  les  débats  sans  que  ni  le 
président,  qui  l'a  interrogé^  ni  les  jurés,  qui  ont  entendu  ses 
réponses,  ni  son  défenseur,  qui  l'a  assisté»  aient  provoqué 
l'intervention  d'un  interprète. 

ly.  Les  art.  332  et  333  règlent  la  forme  de  la  nomination 
des  interprètes. 

Elle  est  faite,  en  général,  d'office  par  le  président  soit  à 
louverture  des  débats,  soit  lorsque  quelque  circonstance  des 
débats  en  fait  reconnaître  la  nécessité  ou  l'utilité  '.  Ce  magis- 


*  Cass.  28  août  181 4f  rapp.  M.  Vasse.  Dali,  v*  InsU  crim.  n,  S31d  ; 
7  juin  18&4»  rapp.  M.  Isambert.  Eod,  loc. 
>  Cass.  7  ocu  i84if  rapp.  M.  Dehaussy.  Dali,  t*  Inst  crim.  n.  3526. 


636  DB3  C06R9  »' ASSISES. 

trat  ne  doil  donc  point  attendre  qu^il  y  ait  une  réclamaiioa 
de  Taccusé.  La  loi,  dan»  rintérèt  de  la  justice,  l'oblige  à  aller 
au-devant  de  Tembarras  que  cet  accusé  peut  éprouTer.  Il 
doit  rechercher,  en  examinant  le  lieu  de  son  origine,  sesan- 
tf^cédents  et  ses  connaissances  intellectuelles,  s'il  est  eo  état 
de  suivre  les  débats  et  de  les  comprendre  ;  il  doit  s'enquérir, 
en  rinterrogeant,  s^il  parle  suffisamment  la  langue  française 
pour  se  défendre  ;  et  s'il  conçoit  un  seul  doute  sur  ce  point, 
il  doit  lui  nommer  un  interprète.  Il  doit  encore  prendre  b 
même  mesure  toutes  les  fois  qu'un  incident  du  débats  Taadi- 
tion  d'un  témoin  qui  ne  parle  qu'une  langue  étrangère,  la  lec- 
ture d'une  pièce  écrite  dans  une  autre  langue  que  la  langue 
française,  rendent  nécessaire  l'intervention  d'un  interprète. 

Si  le  président  ne  fait  pas  cette  nomination,  l'accusé  a  le 
droit  de  la  réclamer  et  le  ministère  public  celui  de  la  provo- 
quer. Il  s^agit^  en  effet,  d'une  mesure  qui  tient  essentielle- 
ment au  droit  de  la  défense,  et  qui  peut  intéresser  en  même 
temps  la  marche  même  delà  justice;  toutes  les  parties  peu- 
vent en  demander  l'application. 

Le  président,  s'il  n'y  a  pas  de  contestation,  statue  seul  sor 
cette  réclamation  ;  mais  s'il  y  a  contestation,  ou  si  le  prési- 
dent refuse  de  nommer  un  interprète,  il  appartient  à  la  Goor 
d'assises  de  prononcer.  Ce  droit  résulte  de  Tart.  333  qui, 
dans  un  cas  amiogue»  celui  d'une  récusation  proposée  contre 
l'interprète,  déclare  la  eoùipétence  de  la  Cour*  11  résulte 
surtout  de  la  compétence  dont  les  cours  d'assises  sont  iaies- 
ties  pour  prononcer  sur  tous  les  incidenta  eontentieui  qui 
s'élèvent  dans  le  cours  des  débats  et  sur  Tôpposition  faite  aux 
ordonnances  du  président,  en  dehors  du  pouvoir  discrétioD- 
iiairc  '• 

La  nt)minatiQn  est  faite  à  l'ouverture  des  débats,  lors- 
qu'elle est  motivée,  par  exemple,  su/  ce  qu'il  est  reconnu  que 
l'accusé  ne  parle  pas  la  langue  française.  Mais  elle  peut  n^é- 
trc  faite  que  dans  le  cours  des  débats  lorsqu'elle  est  motÎTée 
soit  par  quelque  circonstance,  comme  l'audition  d'un  témoin 
étranger^  soit  par  la  réclamation  de  Taccusé,  qui  prétendrait 
no  pas  entendre  suffisamment  la  langue.  Dans  ce  dernier  cas, 
la  nomination  de  Tinterpréte,  reconnue  nécessaire»  ne  s'ap- 
plicjuant  qu'aux  actes  à  venir,  doit-elle  avoir  pour  effet d'iu- 
vaiidcr  les  actes  accomplis,  en  faisant  supposer  que  l'accusé 

^  Voy.  êuprà^  p»  482. 


FORMES  fi^Nl&BALBS  M  Là  PEOC^OUBB   DBS  ASSISES.   §  629.        GSt 

ne  les  a  pas  compris?  Cette  question  est  délicate;  car  si  la 
connaissance  de  la  langue  de  la  part  de  Faccusé  est  déclarée 
insuffisante  pour  Tavenir,  comment  admettre  qu'elle  ait  pa 
être  suffisante  pour  le  passé?  La  jurisprudence  néanmoins  a 
aplani  cette  difficulté  en  appliquant  une  présomption  de  non- 
nécessité  de  l'interprète  jusqu'au  moment  de  la  nomination, 
soit  qu'elle  ait  tieei  d'office  ou  sur  la  réclamation  de  l'accusé. 
Plusieurs  arrêts  déclarent  :  1*  «  que  de  ce  que  Taccusé  n'a 
rédamé  d'interprète  qu'à  l'occasion  de  la  déposition  d'un  té- 
moin, il  y  a  li^tt de  présumer  qu'il  a  suffisamment  compris  les 
parties  antérieures  du  débat  '  ;  »  ^  «  que  s'il  n'est  pas  établi 
qne  l'aceusé  ail  été  assisté  d'un  interprète,  lofs  du  Itrage  da 
jury,  it  résulte  du  procès-terbal  du  tirage  et  du  procès-verbal 
de  Taudienee  que  la  nécessité  d'un  interprète  n'a  été  rérélée 
que  pendant  la  déposition  des  témoins;  d*où  il  suit  que  les 
actes  antérieur»  ont  été  régulièrement  consommés  sans  l'in* 
terventiofi  d'un  interprète  •  ;  »  3**  «  qu'il  est  de  principe  que 
la  nomination  d'un  interprète  ne  doi€  être  faite  qu'au  mo-> 
ment  oè  la  nécessité  s'en  est  révélée  »  ;  »  4®  «  que  la  nomi- 
nation d'un  interprète  ne  devient  indispensable  que  lorsque 
l'accosé  la  réclame  ou  que  la  nécessité  s'en  révèle  ;  que,  hors 
CCS  cas,  il  n'y  a  lieu  de  nommer  un  interprète  que  lors^jue 
qnelqoc  citfconsfanee  du  débat  fait  reconnaître  la  nécessité  ou 
rntiKté  de  cette  nomination  *;  »  5*  que,  «  lorsque  l«  néces- 
sité d'un  interprète  ne  s'est  révétée  qu'au  moment  de  l'audi- 
tion d'un  lémoÎDy  il  y  a  présomption  que  l'accusé  a  suffi- 
samment compris  »  toutes  les  autres  parties  du  débat  ^ . 
Néanmoins,  et  nonobstant  tous  ces-arrèt»,  il  ne  faut  pas 
regafder  la  présomption  qu'ils  établissent  comme  aussi  ai)So- 
lue  que  celte  qvr  résulte  du  défaut  de  toute  réclamation.  Il 
y  a  évidemment  ici  une  part  à  faire  au:!  circonstances  de 
chaque  espèce.  S  il  était  prouvé,  par  exemple,  à  une  époque 
(pelconque  des  débals,  que  l'accosé  ne  parle  et  ii'enlend  pas 
la  langue  française,  que  p.ir  cooséqifent  l'aide  d'uu  interprète 
i«icst  indispensable  pour  suivre  l'insfrûcïion,  comm3nt  ré-- 
pondrc  encore  qu'il  y  a  liett  êe  présumer  qu'ava»nt  cette 

*  Gass.  Si  mars  1836,  rapp.  M.  Isambert.  J.  P.,  t.  XXVII,  p.  1223. 

'  Cass.  i&mai  i840,  rapp.  M.  Mérilltou.   Bull.  133;  30  jaiv.  18ôl, 
rapp.  !Vf.  Quémult  n.  39. 

*  Casj.  25  janr.  1860,  rapp^  i!tf.  Me^roniiet-Saini-Miipe.  Bull.  ■•  19.> 

*  Cass.  7  ocL  18il,  rapp. M.  Deliaussy.  Dali,  v»  ii.  2330. 

*  Cuss.  29  avril  1 636,  rapp.  i^  HejrrotMiet-Saiui-Mard;  Sù<L  hu 


640  DES  COURS   D*A&SI5S8. 

adjonction  il  a  pu  comprendre  et  parler  cette  langue  ?  Cette 
présomption,  formellement  contredite  par  le  motif  de  la  no- 
mination, ne  serait  plus  qu'un  mensonge  destiné  à  couvrir 
la  procédure  d'une  fausse  régularité.  Dés  qu^à  un  moment 
du  débat  l'ignorance  est  constatée,  il  semble  difficile  que  le 
débat  antérieur  ne  soit  pas  vicié  par  Tabsence  de  Tinterprète. 
La  nomination  de  l'interprète  se  fait  par  une  ordonnance 
du  président ,  ou ,  en  cas  d'incident  contentieux ,  par  un  ar- 
rêt de  la  Cour  d^assises.  Mais  la  loi  n'exige  point  que  cette 
nomination  soit  consignée  dans  une  ordonnance  spédaleou 
dans  un  arrêt  en  forme  ;  il  suffit  qu'elle  soit  mentionnée  dans 
le  procès-verbal  des  débats.  Il  suffit ,  par  exemple,  qu'il  soit 
énoncé  que  le  président  a  reçu  de  telle  personne  nommée  et 
agréée  interprète  le  serment  prescrit  par  l'art.  332  ^ 

y.  Quelles  personnes  peuvent  remplir  l'office  d'interprète? 
Il  faut  distinguer  le  cas  où  Taccusé  ou  l'un  des  témoins  ne 
parlent  pas  la  même  langue  et  le  cas  où  l'accusé  ou  l'un  des 
témoins  seraient  sourds-muets  ou  atteints  de  quelque  infir- 
mité qui  les  empêcherait  de  parler. 

Dans  la  première  hypothèse,  toute  personne  peut  être  in- 
terprète ,  pourvu  qu'elle  remplisse  les  deux  conditions  sui- 
vantes :  l""  qu'elle  soit  âgée  de  21  ans  au  moins  ;  2''  qu'elle 
ne  soit  pas  choisie  parmi  les  témoins ,  les  juges  et  les  jurés. 

La  loi  n'exige  aucune  autre  condition.  La  fonction  de  l'in- 
terprète n'est  point  une  fonction  publique.  Ce  n'est  qu'an 
intermédiaire  chargé  de  traduire  et  de  transmettre  les  pa- 
rôles  de  ceux  qui  ne  parlent  pas  la  même  langue.  Il  suiEt 
que  son  ftge  garantisse  sa  capacité ,  et  que  l'incompatiÛlité 
qui  l'écarté  de  certaines  fonctions  garantisse  son  impartia* 
lité.  Ajouter  d'autres  conditions  eût  été  apporter  d'inutiles 
entraves  à  la  justice,  car  il  s'agit  d'une  mission  nécessaire  et 
instantanée  pour  laquelle  il  faut  qu'elle  trouve  à  chaque  mo* 
ment  un  agent  sous  sa  main.  C'est  par  ce  motif  qu'il  a  été 
reconnu  que  la  loi  n'exclut  de  ces  fonctions  ni  les  femmes', 
ni  les  étrangers  *,  ni  les  domestiques  K 

L'interprète  doit,  à  peine  de  nullité ,  être  âgé  de  21  ans 

>  €ass.  21  déc  1856,  rapp.  M.  Sénéca.  Bull.  n.  950. 

»  Cass.  16  avril  1818,  rapp.  M.  Ollivier.  J.P.,  t.  XIV.  p.  766. 

*  Cass.  30  novembre  1809,  rapp.  M.  BenveDUti.  DaU.  v*  lustr.  crini. 
n*  2336. 

*  Cuss.  Smars  1827,  rapp.  M.  Mangin.  EotU  loe. 


rORHES   GéRÉBALES  DE  LA  PROCiDDRE  DES  ASI1SE8.   §  629.         641 

au  moins;  mais  il  n'est  pas  nécessaire  que  son  Age  soit  cons- 
taté par  le  procès-verbal.  Il  a  été  décidé  «  que  ce  qu'exige  à 
peine  de  nullité  Part.  332,  ce  n*est  pas  que  l'âge  de  Tinter- 

firète  soit  énoncé  dans  le  procès-verbal  de  la  séance,  mais  que 
'interprète  soit  âgé  de  21  ans  au  moins,  et  que  la  présomp- 
tion de  droit  est  que  Tindividu  appelé  par  le  président  à  rem- 
plir les  fonctions  dMnterprète,  aJmis  au  serment  par  ce  ma- 
gistrat etque  n^ont  récusé  ni  les  accusés  ni  le  ministère  public, 
a?ait,  à  Tépoque  du  procès,  Tâgc  requis  par  la  loi  ^  »  Cette 
présomption,  qui  écarte  toutes  les  réclamations  qui  ne  se  sont 
pas  produites  aux  débats,  a  été  sans  cesse  maintenue  par  la 
jurisprudence*. 

L'interprète  doit  en  deuxième  lieu ,  à  peine  de  nullité , 
n'être  choisi  ni  parmi  les  juges,  ni  parmi  les  jurés,  ni  parmi 
les  témoins ,  même  du  consentement  de  l'accusé  et  du  nii- 
nistère  public. 

Il  y  a  lieu  de  remarquer  d'abord  qu'on  ne  doit  entendre, 
dans  Tart.  332,  par  juges,  jurés  et  témoins,  que  les  personnes 
qui  ont  pris  part  à  Tailaîre  dans  l'une  de  ces  qualités.  Ainsi  » 
la  prohibition  ne  s'applique  qu'aux  jurés  faisant  partie  du 
jury  de  jugement  et  nullement  aux  autres  individus  portés 
sur  la  liste  et  qui  n'ont  pas  été  désignés  par  le  sort  *.  Ainsi 
elle  nes^applique  qu'aux  témoins  qui  ont  été  cités  à  ce  iitro 
et  pour  porter  un  témoignage,  et  nullement  à  l'individu  qui , 
quoique  compris  dans  la  lisfe  des  témoins,  n*a  été  assigné  que 
pour  remplir  la  fonction  d'interprète  *. 

De  Tincompatibilité  relative  aux  juges,  il  résulte  que  Ip 
président  ne  peut  en  aucun  cas  servir  d'intermédiaire  entre 
l'accusé  et  les  témoins  parlant  un  langage  différent.  Il  y  a 
donc  nullité  lorsque  a  le  président,  au  lieu  de  nommer  un 
interprète,  a  rendu  lui-mèm«  en  français  la  dépos>tion  faite 
oralement  par  le  témoin  ^.  »  Cependant  il  a  été  admis  dans 
une  espèce  où  le  président,  après  avoir  adressé  en  patois  plu- 
sieurs questions  à  un  témoin ,  avait  répété  en  patois  les  ré- 
ponses qu'il  avait  reçues,  «  que  cette  intervention  du  prési- 

<  Cass.  3  avriUSiS,  rapp.  M.  Aumont  J.  P.,  U  XI V,  p.  732. 
'  Cass.  8  juin  1815,  rapp.  M.  Audier.  Dail.  v*  IdsL  crim.  n.  2385;  9  a?» 
1866,  rapp.  M.  Dehatissy.  Bull.  n.  98. 

*  Cass.  21  mai  1813,  rapp.  M.  Vaulonloo.  J.  P.,  t.  X,  p.  4l2  ;  16  juillet 
1812,  rapp.  M.  Vassp,  t.  X,  p,  577* 

*  cais.  23  juin   1827,  rapp.  M.  Mangin.Dall.  T*  InsU*.  crim.  n.  2339, 

■  Cass.  21  fév.  1812,  rapp.  M.  neutenuti.  J.  P.,  U  X,  p.  138;  18  août 
1833.  Bun.  D.  312, 

vui.  41 


^  DES  COOU  D^SSISES. 

dent ,  qui  a  eu  pour  objet  de  bien  fixer  quelques  points  des 
débats  n'établit  point ,  dans  les  circonstances  où  elle  a  eu 
lieu ,  que  la  nomination  d'un  interprète  fût  nécessaire  ».  » 
En  tous  cas ,  la  loi  n'interdit  pas  au  président  de  faire  con- 
naître à  un  accusé  qui  avait  été  momentanément  éloigné  da 
débat,  la  traduction  faite  par  l'interprète». 

De  l'incompatibilité  relative  aux  témoins,  il  résulte  qu'il 
y  a  nullité  toutes  les  fois  qu'un  témoin,  porté  sur  la  liste  pour 
porter  son  témoignage  dans  l'affaire,  est  désigné  pour  rem- 
plir la  fonction  d'interprète  •.  La  loi  ne  fait  même  aucune 
distinction  entre  les  témoins  cités  et  les  témoins  appelés  en 
vertu  du  pouvoir  discrétionnaire,  et  ce  point  a  été  décidé  par 
un  arrêt  qui  déclare  «  que  cette  prohibition  qui  a  pour  objet 
d'assurer  la  complète  impartialité  du  ministère  de  l'inter- 
prète, s'applique  nécessairement  à  tous  les  témoins,  soit  qu'ils 
aient  été  cités  et  quHs  soient  entendus  sous  la  foi  du  sermeot, 
soit  qu'ils  aient  été  appelés  par  le  président  et  qu'ils  soient 
entendus  à  titre  de  renseignements;  qu'en  effet,  les  uns  et 
les  autres,  ayant  pris  part  au  débat,  ne  présentent  plus  à  la 
justice  les  garanties  d'une  impartialité  complète;  qu'on  doit 
donc  entendre  par  témoins ,  dans  le  sens  de  l'art.  332^  non- 
seulement  les  personnes  placées  sur  la  liste  des  témoins, 
conformément  à  Tart.  315,  mais  encore  celles  qui,  suiTant 
les  termes  de  l'art.  269,  sont  appelées  en  vertu  du  pouvoir 
discrétionnaire  *.  *  Il  a  toutefois  été  admis  qu'un  témoio, 
qui  avait  lu  une  lettre  que  l'accusé  lui  avait  adressée  dans 
une  langue  étrangère,  avait  pu  la  traduire  lui-même  en  fai- 
sant sa  déposition^. 

Au  reste,  nous  avons  déjà  vu  que  les  incompatîbililés, 
comme  toutes  les  exceptions,  sont  de  droit  étroit  et  ne  peuvent 
être  étendues  au  delà  de  leurs  termes.  Toutes  personnes,  en 
dehors  des  juges,  des  jurés  et  des  témoins,  peuvent  donc  exer- 
cer le  ministère  d'interprète,  et  c'est  avec  raison  que  la  ju- 
risprudence a  admis  le  greffier  qui  tient  la  plume  à  l'au- 
dience *,  et  le  gardien  de  la  prison  ?.  Si  la  partie  publique  et 

*  Cass.  80jaDT.i85i,  rapp.  M.  Qoénault  BulU  n.  09* 

a  Cass.  16  avril  1818,  rapp.  M.  OlIÎTier.  J.  P.,  t  XIV,  p.  756. 
s  Cass.  30  déc.  1853,  rapp.  M.  de  GIos.  Bull.  n.  608. 

*  Cass  28  sept.  1843,  rapp.  M.  Bresson.  Bull.  n.  251;  16  janv»  iSM,  à 
notre  rapp.  Bull.  n.  22.     , 

»  Cass.  6  oct,  1842,  rapp.  M.  Meyroiinet-Sl-Marc  Bull.  n.  260. 

*  Cass.  22  janv.  1808,  rapp.  M.  Minier.  Sir.  8,  MU 

^  Cass.  23  juÎQ  4827,  rapp.  M.Mangin.  Dali,  t»  Inst  cr.n.  23i2. 


FORMES  GÉNÉRALES  M  LA  PROCil>VRI  DBS  ASSISES.   $  629.        048' 

la  puaitie  civile  doivent  être  également  exclues,  ce  n^est  plus 
en  vertu  de  la  même  prohibition,  c'est  parce  qu'aucune  deg 
parties  qui  figurent  dans  un  procès  ne  peut  remplir  une  mis* 
sion  judiciaire,  soit  comme  témoin,  soit  comme  expert,  dans 
le  même  procès. 

La  pr^mption  qui  suppose,  quand  le  procès-verbal  ne 
rénonce  pas,  que  Tiolv  rprète  avait  T&ge  légal,  doit-elle  être 
appliquée  vis-à-vis  de  Tincompatibilité?  La  difficulté  est  plus 
grande,  car  la  règle  de  rincompatibilité  a  plus  d'influence 
que  Tâge  sur  Texercice  de  la  fonction,  et  il  est  plus  aisé  de 
Téluder  ;  il  est  donc  nécessaire  d'en  vérifier  Tapplication,  et 
pour  cela  il  faut  que  le  precès-verbal  énonce  le  nom  et  la 
qualité  de  Tinterprète.  C'est  par  ce  motif  qu'une  procédure, 
dans  laquelle  le  procès^verbal  portait  seulement  que  le  pré- 
sident avait  nommé  d'office  pour  interprète  une  personne  âgée 
de  vingt  et  un  ans,  a  été  cassée  ;  l'arrêt  porte  a  que  ces  énonr 
ciations,  muettes  sur  le  nom  et  la  qualité  de  Finterprète  dé^ 
signé,  ne  permettent  pas  de  vérifier  si,  comme  le  soutient  le 
demandeur  à  l'appui  du  pourvoi  et  comme  l'établissent  les 
pièces  jointes  au  dossier,  Tinterprète  nommé  dans  l'espèce 
par  le  préadent  était  l'un  des  témoins  assignés  à  la  requête 
du  ministère  public  et  entendus  aux  débats;  qu'il  suit  de  là 
que  le  procès-verbri  a  omis  de  constater  les  formes  qui  con<- 
stituent  la  légalité  de  l'intervention  de  l'interprète  et  qui  ont 
pour  objet  de  garantir  Timparlialité  de  son  ministère  ^  » 

VL  Dans  la  deuxième  hypothèse,  c'est-à-dire  lorsqu'il 
s'agit  d'un  sourd-muet  ou  d'une  personne  infirme,  les  deux 
conditions  qui  viennent  d'être  établies  ne  sont  plus  appli- 
cables. 

En  effet,  l'art.  333  n'exige  dans  ce  cas  qu'une  seule  chose, 
c*est  que  l'interprète  désigné  soit  a  la  personne  qui  a  le  plus 
d'habitude  de  converser  avec  l'accusé  ou  le  témoin.  »  C'est 
la  nécessité  qui  fait  cette  désignation.  Il  n'y  a  souvent  qu'une 
seule  personne  qui  puisse  se  faire  entendre  du  sourd-muet  ou 
de  {'infirme.  Il  faut  bien  la  prendre,  quelle  qu'elle  soit, 
quel  que  soit  son  âge,  quelle  que  soit  sa  qualité. 

L'âge  de  vingt  et  un  ans,  d'abord,  cesse  d'être  une  con- 
dition de  la  fonction.  Ce  premier  point  a  été  résolu  par  un 
arrêt  qui  déclare  «  que  les  art.  332  et  333  disposent  pour 

•  / 

*  Cass,  Si  jaDT.  i858t  à  notre  rapp«  BolU  m  iS* 


(^  ,      DES  C0VB8  0*18818Sf. 

des  cas  différents;  qae  l'art.  332  prescrit,  à  peine  de  nullité, 
que  les  interprètes  nommés  d'office  aux  accusés  ou  aux  té- 
moins qui  ne  parlent  pas  la  même  langue,  soient  &gés  de 
?ingt  et  un  ans  au  moins;  que  c'est  une  règle  générale 
applicable  à  tous  les  cas  où  il  y  a  lieu  à  la  nomination  d'in- 
terprètes traducteurs;  que  l'art.  833 statue  pour  un  cas  par- 
ticulier^ celui  où  Taccûsé  ou  le  témoin  serait  sourd-muet; 
qu'il  prescrit  au  président  de  leur  donner  pour  interprète  la 
personne  qui  aura  le  plus  d'habitude  de  converser  avec  eux  ; 
qu'il  n'exige  pas  que  cette  personne  ait  un  âge  déterminé; 
qu'il  ne  pouvait  pas  l'exiger,  puisque  cette  mesure  aurait 

Im,  dans  certains  cas,  paralyser  l'action  de  la  justice»  puisque 
a  personne  qui  a  le  plus  d*habitude  de  converser  avec  l'ac- 
cuséou  le  témoin  sourd- muet  pourrait  n'avoir  pas  atteint 
rage  que  la  loi  avait  déterminé  ;  que  le  texte  de  l'art.  33S 

Srouve  d'ailleurs  jusqu'à  l'évideAce  que  son  alinéa  premier  a 
érogé,  relativement  à  l'âge  de  l'interprète,  à  la  disposition 
de  l'art.  333,  puisqu'il  ajoute:  «  le  surplus  des  dispositions 
du  précédent  article  sera  exécuté  '.  » 

La  qualité  de  juge,  de  juré,  de  témoin  cesse  également 
d^élre  un  obstacle  à  l'exercice  de  la  fonction.  Telle  est  la  dé- 
cision portée  par  un  arrêt  qui  déclare  «  que  l'art.  333  ren- 
ferme une  exception  à  la  règle  générale  pour  le  cas  où  l'ac- 
cusé ou  le  témoin  est  sourd-muet  et  ne  sait  pas  écrire  ;  que 
dans  ce  cas  le  même  article  veut  que  le  président  nomme 
d'office,  soit  à  cet  accusé,  soit  &  ce  témoin»  la  personne  qui  a 
le  plus  d'habitude  de  converser  avec  lui  '•  » 

On  peut  objecter  à  cet  arrêt  que,  dans  le  système  de  la  loi« 
rincompatibililé  entre  la  fonction  d'interprète  et  celles  de 
'uge»de  juré  et  de  témoin  est  tellement  irritante  que  la  nul- 
lité résultant  de  leur  concours  ne  peut  être  couverte  par  an- 
cune  circonstance,  pas  même  par  le  consentement  de  l'accusé, 

Ks  même  par  le  consentement  de  toutes  les  parties;  que  si 
irt.  333  permet  de  choisir  un  mineur,  il  veut  que  le  surplus 
des  dispositions  de  l'art.  332  soit  exécuté,  ce  qui  semble  s'ap- 
pliquer à  l'incompatibilité  ;  que,  quand  il  s'agit  d'un  inter- 
prète traducteur,  il  y  a  une  garantie  dans  le  contrôle  des  juges 
et  du  public;  mais  que,  quand  il  s'agit  de  l'interprète  d  un 

A  Cass.  28  déc.  4834,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  t  XVIII»  p.  1260. 
*  Ga«.8  juill.iSiS,  rapp.  M.  Meyroanet-SUMarc  Bull.  n.  473:  20jaiif. 
1858,  à  DOtrc  rapp.  n.  18. 


i 


FORMES  GÉNÉRALES  DE  LA  PROCÉDURE  DES  ASSISES*  §  629.        645 

sourd-muel,  Tinterprétation  est  abandonnée  à  sa  discrétion  ; 
qu^il  faut  donc  maintenir  une  prohibition  qui  peut  seule  as- 
surer son  impartialité.  La  seule  réponse  qu^on  puisse  opposer 
est  la  crainte  qu'une  exclusion  quelconque  puisse  entraver 
ia  justice,  en  frappant  la  seule  personne  capable  d^interpréter 
quelque  témoignage  utile,  ou  de  traduire  la  défense  d*UQ 
accusé.  Cest  en  prévision  de  cet  événement  purement  acci* 
dentel  que  la  jurisprudence  a  voulu  n'apporter  aucune  bar- 
rière au  choix  de  l'interprète  et  le  placer,  dans  ca  cas,  au* 
dessus  de  toutes  les  règles. 

Au  surplus,  la  disposition  de  Tart.  333  est  simplement 
indicative  lorsqu'elle  désigne  pour  interprète  la  personne  qui 
a  le  plus  d^habitude  de  converser  avec  le  sourd-muet;  elle  ne 
met  point  obstacle  à  ce  que,  si  cette  personne  n'est  pas  pré* 
sente  ou  si  elle  ne  peut  être  appelée  dans  le  cours  des  débats, 
le  président  désigne  une  autre  personne  qui  soit  en  état  de 
transmettre  avec  fidélité  et  exactitude  les  questions  ou  inter- 
pellations à  Taccusé  ou  au  témoin  et  ses  réponses  ou  déclara- 
tions ^  Mais,  dans  ce  cas,  si  ce  n'est  plus  la  nécessité  qui 
dirige  la  désignation,  l'exception,  que  cette  nécessité  avait 
créée,  cesse,  et  la  règle  générale  doit  être  appliquée* 

VII.  L'interprète  peut  être  récusé.  Cette  récusation  ne  peut 
.s'exercer  qu'au  moment  où  il  est  désigné  par  le  président. 

L'art.  332  porte  que  «  l'accusé  et  le  procureur  général 
pourront  récuser  l'interprète.  »  Il  résulte  de  ces  termes  évi- 
demment restrictifs  que  la  partie  civile  n'a  pas  le  même  droit. 

Le  même  article  ajoute  que  les  récusations  seront  moti- 
vées. Cette  disposition  a  dispensé  la  loi  d'indiquer  les  causes 
qui  peuvent  être  invoquées.  Il  ne  s'agit  point  dès  lors  de  causes 
précises  et  formulées  à  l'avance^  comme  à  l'égard  des  témoins, 
mais  de  causes  accidentelles^  telles  que  l'inimitié  de  l'inter* 
prête,  son  intérêt  personnel,  son  ignorance  de  la  langue  ou 
des  signes  avec  lesquels  s'exprime  l'accusé  ou  le  témoin. 

La  Cour  d'assises  prononce  seule  sur  cette  récusation,  et 
elle  prononcesouverainement;  ainsi,  si  la  récusation  estrejetéei 
celle  appréciation  de  fait,  qui  lui  appartient  exclusivement| 
ne  peut  donner  ouverture  à  cassation. 

La  loi  n'a  point  imposé  au  président  Tobligation  d'avertir 

*  Catt.  27  mars  iSSA»  rapp.  M.  Isambert.  J.  P.,  t.  XXVI,  t.  842. 


6i6  DBS  COURS  D^ABSISeS. 

r&cousé  (le  la  faculté  qu'il  a  de  récuser  Tinterprète,  Il  a  été 
[lilusieurs  fois  reconnu  que  romission  de  cet  ayertissement 
n'emporte  pas  de  nullité  ' . 

VIII.  L'interprète  doit,  sous  peine  de  nullité,  a  prêter  ser- 
ment de  traduire  fidèlement  les  discours  à  transmettre  eatre 
ceux  qui  parlent  des  langages  différents.  » 

Ce  serment,  qui  trace  les  devoirs  de  la  fonction,  est  la  ga- 
rantie de  leur  accomplissement.  Le  procès-verbal  doit  donc 
constater  qu'il  a  été  prêté;  l'omission  de  cette  constatation  fe- 
rait présumer  que  la  formalité  elle-même  a  été  omise  et  la 
nullité  serait  prononcée  *. 

Le  serment  doit  être  prêté  dans  les  termes  mêmes  de  la  loi. 
Ainsi,  il  a  été  décidé  qu'il  y  a  nullité  s'il  résulte  du  procès- 
verbal  que  l'interprète  n'a  fait  qu'une  promesse  au  lieu  de 
prêter  serment,  «  attendu  qu'en  employant  ce  mot  serment,  le 
législateur  a  voulu  qne  la  religion  de  Tinterprète  donnât,  de 
la  fidélité  de  sa  traduction,  une  garantie  spéciale  d'une  toute 
autre  force  que  celle  résultant  d'une  simple  promesse  faite  i 
la  justice'.  »  Cependant  quelques  arrêts  ont  admis  a  qu'aucun 
article  de  loi  ne  dispose  que  le  serment  exigé  de  l'interprète 
est  une  formule  sacramentelle  dont  on  soit  obligé  d'employer 
les  expressions  identiques  i  peine  de  nullité  ;  qu'il  suffit,  pour 
accomplir  le  vœu  de  la  loi,  que  le  serment  prêté  rende  parfai- 
tement le  même  sens  et  impose  les  mêmes  obligations  que 
celui  qui  est  énoncé  dans  l'art.  332  \  »  Il  nous  semble  que  la 
formule  de  tous  les  serments  doit  être  réputée  sacramentelle  ; 
ils  tracent,  dans  les  termes  précis  que  la  loi  a  consacrés,  les 
devoirs  qu'elle  a  voulu  prescrire,  et  il  y  a  lioa  de  craindre 
qu'en  substituant  à  ces  termes  des  expressions  plus  ou  moins 
analogues,  on  n'affaiblisse  cas  devoirs  ;  il  est  difficile  ensuite 
(l'apprécier  si  des  mots  différents  ont  une  valeur  identiqae,  s'ils 
emportent  la  plénitude  du  même  sens,  s'ils  donnent  la  mène 

*  Gass.  26  bruni*  an»,  nipp.  M.  Liger;  15  mars  1816,  rapp.  tf.  Gail- 
lard; SLmars  dS36^  rapp.  M.  Isambert.  Dali*  f*  Inst  €rim.iLSa&4. 

>  Gass.  8  juill.  1818,  rapp.  M.  Benvenuti  ;  6  jasnr.  1838,  ra|ip.  M.  Gaiy. 
Pe?.  et  Car.  4»  1>  891,  et  8,  1«  258. 

>  Cass.  A  joio  1812,  rapp.  ML  BaiUy.Dall.  v«  loMi-er.  b.  t9k9;  «  Jottl. 
^813,  rapp.  M,  fienvenud.  BalL  n.  148. 

*  Cass.  16  avrîl  1818,  rapp.  M.  OIHvier.  J.  P.,  t  XIV,  p.  756  ;  k  Unkt 
1819,  rapp.  M.  Gaillard,  t.  XV,  p.  58  ;  15  arri!  182A,  rapp.  M.  Brière,  t. 
XVIII,  p.  687;  27  aTrU182(rt  rapp.  M.  OUivier.  DaU.  t*  IasL 
u.  28i7. 


FORMES   GÉNÉRALES  DE  LA  PROCÉDURE   DES  ASSISES.   §   6^.         647 

garantie.  Pourquoi  créer  toutes  ces  difficultés?  Le  simple  em- 
ploi  de  la  formule  de  la  loi  présente  moins  d'inconvénient.  II 
eût  mieux  valu,  pour  poser  une  règle  utile,  annuler  quelques 
procédures,^  que  de  perpétuer  une  source  d'embarras,  en  per- 
mettant de  transiger  avec  'cette  règle,  sans  qu'il  en  résulte 
aucun  avantage  dans  la  pratique. 

Le  serment  une  fois  prêté  suffit  pour  toute  la  durée  de  l'af- 
faire. Ainsi,  Tinterprète  qui  a  prèle  serment  pour  assister 
l'accusé  lors  du  tirage  des  jurés,  n*est  pas  tenu  de  prêter  à 
Touverture  des  débats  un  nouveau  serment  \  Ainsi,  lorsque 
les  débats  durent  plusieurs  séances,  le  serment  prêté  à  l'ou- 
verture de  la  première  ne  doit  pas  être  renouvelé  aux  suivan- 
tes '.  Ainsi,  le  serment  prêté  pour  Taudition  d'un  témoin 
suffit  pour  l'audition  d'autres  témoins  *.  Mais  il  n'a  plus  au- 
cune force  aussitôt  que  l'affaire,  dans  laquelle  il  a  été  prêté, 
est  terminée.  Ainsi,  si  le  même  accusé  était  jugé  le  même 
jour  pour  deux  faits  distincts  qui  seraient  l'objet  de  deux 
débats  séparés,  le  serment  prêté  dans  la  première  aiïaire 
ne  suffirait  plus  pour  la  seconde,  «  attendu  que,  d'après 
Tan.  322,  l'interprète  doit,  à  peine  de  nullité,  prêter 
serment  pour  chaque  affaire  où  il  est  appelé  à  remplir  son 
ministère  ;  que  le  serment  prêté  dans  la  précédente  affaire, 
jugée  par  la  même  Cour,  avait  cessé  d'avoir  son  effet  dès 
l'instant  où  l'affaire  pour  laquelle  il  avait  été  prêté  avait 
reçu  son  jugement  et  ne  pouvait  se  rattachera  l'instruction 
des  autres  procès  devant  la  même  Cour  d'assises,  quels  que 
fussent  les  individus  contre  lesquels  ces  procès  étaient  diri- 
gés^, n 

Le  serment  est  le  même,  soit  qu  il  s'agisse  d'un  individu 
parlant  une  langue  étrangère  ou  d'un  sourd-muet.  Mais  il  ne 
s'applique  qu'à  la  transmission  des  paroles  et  non  point  à  la 
traduction  des  écrits.  Cette  distinction  a  été  établie  par  un 
arrêt  qui  déclare  que  l'art.  322  n'est  relatif  qu'au  cas  où  les 
«témoins  et  l'accusé  ne  parleraient  pas  le  même  langage  ;  que 
ce  n'est  que  dans  ce  cas,  et  lorsque  l'interprète  est  chargé  de 
traduire  les  discours  qu'ils  tiendraient  en  langage  différent, 

'  Gass.  1  avril  1837,  rapp.  H.  Meyronoet-St-Marc  Dali.  37,  1,  5tS  ;  25 
DOT.  1837,  i»pp.  M.  Mérilhou.  Dali.  38,  i,  &26. 

>Ga88. 15  juUh  1813,  rapp.  M.  SchwendU  J.  P.,  t.  XI,  p.  558. 

'  Gass.  ih  mai  1840,  rapp.  M.  Mérilhou.  Bull,  n.  132  ;  26  mai  1842,  rap* 
'B.Rièard.  D'ail.  42,1,384. 

*  Gasa.  10  Âûc  1836,  rapp.  M,  Mérilhou.  Bull.  lu  884. 


648  DES  COURS  D^ASSISBS. 

que  le  serment  énoncé  en  cet  article  est  prescrit  à  peine  de 
nullité  ;  que,^pour  Tinterprète  chargé  de  traduire  desécrits^ 
il  suflit  du  serment  ordinaire  de  remplir  en  son  âme  et  con- 
science la  mission  pour  laquelle  il  était  appelé  ".  s  De  là  est 
résulté  quelque  confusion.  Il  a  été  reconnu,  d^une  part,  t  que 
l'interprète  qui  a  prêté  serment  pour  assister  un  témoin  par- 
lant  en  langue  étrangère,  a  pu,  sous  la  foi  de  ce  sermenti 
procéder  à  la  traduction  d'un  passage  d'une  pièce  d^un  pro- 
cès *  ;  »  et,  d'une  autre  part^  <  qu'une  Cour  d'assises,  ea 
jugeant  que  le  serment  prèle  par  Tinterprète  pour  des  fonc- 
tions de  traducteur  le  dispensait  du  serment  particulier  exprès- 
.sèment  voulu  par  l'art.  332,  avait  créé  une  exception  con- 
traire à  la  loi  3.  «Il  suit  de  là  que  l'expert  traducteur  ne 
peut,  sans  un  nouveau  serment,  procéder  à  la  fonction  d'in- 
terprète, tandis  qu'au  contraire  l'interprète  peut,  sans  ser- 
ment nouveau,  faire  des  actes  d'expert  traducteur.  On  peut 
admettre  cette  distinction  lorsqu'il  se  rencontre  dans  le  cours 
du  débat  quelque  pièce,  comme,  par  exemple,  la  déclaration 
écrite  d'mi  témoin  qu'il  soit  nécessaire  de  traduire  :  cette  dé- 
claration peut  être  considérée  comme  un  discours  et  rentrer 
dans  les  termes  de  Tart.  332.  Mais  la  jurisprudence  est  ailée 
plus  loin  ;  elle  a  décidé  que  l'interprète  pouvait»  sans  prêter 
un  nouveau  serment,  être  chargé  do  la  traduction  écrited'une 
pièce  du  procès^,  ou  être  interpellé  par  le  président  «  sur  les 
questions  de  savoir  s'il  se  serait  aperçu  que  l'accusé,  en  le 
supposant  étranger^  aurait  conservé  Taccentde  sa  langue,  et 
et  qu'il  eût  donné  des  preuves  qu'il  n'entendait  pas  la  langue 
française*^  ;  §  enGn,  qu'un  témoin  peut  traduire  une  lettre, 
a  attendu  que  la  disposition  de  la  loi  est  moins  impérativo 
lorsqu'il  s'agit  de  traduire,  non  pas  un  discours,  mais  un 
écrit*.  »  Or  il  est  évident  que  I  interprète,  lorsqu'il  traduit 
par  écrit  un  document  ou  lorsqu'il  énonce  une  opinion  per- 
sonnelle sur  l'accent  de  l'accusé  ou  sur  sa  connaissance  de  la 
langue,  que  le  témoin  lorsqu'il  fdit  une  traduction,  n'agit 
plus  comme  interprète  ou  comme  témoin,  mais  comme  expert; 


*  Ca8s.iS  jdlU  1816,  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  t  XIII,  p.  540. 

*  Cass.  26  mai  1842)  rapp.  M.  de  Ricard.  Dali.  42,4,  884. 

*  Gass.  21  oct  1815,  rapp.  M.  VanlouloD.  J.  P.,  U  XI,  p.  730. 

*  Caas.  26  mai  1842.  Cilé  suprà. 

'    *  Gass.  25  fêv.  1830,  rapp.  M.  CbauTeau-Lagarde.  Dali,  ?•  InsU 
a»  2355. 
'  Gask  6  oct.  1642,  rapp.  M.  MejrroDDet-St-Marc  BulL  n.  160. 


rOlVIS  GiNÉRÀLBS  DE  LA  PROCiDURB   »ES  ASSISES.   §  629.        .649 

c*est  une  nouvelle  mission  qui  lui  est  conférée  et  qu'il  rem« 
plit.  Il  serait  donc  plus  régulier  de  lui  faire  prêter  le  serment 
d'eipert  avant  de  l'entendre  en  cette  qualité.  Au  surplus,  la 
jurisprudence  a  confondu  dans  quelques  espèces  la  double 
qualité  d'expert  traducteur  et  d'interprète,  lorsquMl  »s*agit 
d'un  traducteur  stssermenté  attaché  en  cette  qualité  à  la  juri«- 
diction^. 

Le  serment  de  l'interprète  est^  en  général,  prêté  en  séance 
publique,  en  présence  du  ministère  public  et  de  Taccusé 
qui  peuvent,  avant  sa  présentation,  exercer,  s'il  y  a  lieu,  leur 
récusation.  Mais  comme  son  ministère  peut  être  nécessaire 
pour  le  tirage  du  jury,  et  qu'il  peut  être  procédé  à  ce  ti- 
rage en  chambre  du  conseil,  il  a  été  admis  que  le  serment 
pouvait  être  prêté  avant  l'ouverture  de  la  séance  publique  ^ 
Il  a  même  été  décidé  «  que  l'art.  332  ni  aucune  autre  dispo«> 
fiition  de  la  loi  n'exige  la  présence  du  ministère  public  ou 
de  l'accusé  à  la  prestation  de  serment  de  l'interprète;  que 
dès  lors  aucune  nullité  ne  peut  résulter  de  ce  que  ce  serment 
aurait  été  reçu  par  le  président  hors  leur  présence  *•  »  11  est 
clair  néanmoins  que,  aans  ce  dernier  cas,  l'accomplissement 
de  cette  formalité  ne  porterait  aucune  atteinte  au  droit  des 
parties  de  récuser  l'interprète,  si  elles  ont  des  motifs  de  ré* 
cusation. 

IX.  Les  fonctions  de  Tinterprète  ,  lorsqu'il  est  donné  à 
l'accusé,  sont  :  1^  de  l'assister  pendant  toute  la  durée  de 
l'affaire  jusqu'au  jugement;  2^  de  traduire  fidèlement 
les  paroles  qu'il  prononce  pour  sa  défense  et  de  lui  trans- 
mettre toutes  les  paroles  et  déclarations  qu'il  ne  comprend 
pas. 

L'assistance  de  l'interprète  n'est  pas  prescrite  par  la  loi  i 
peine  de  nullité;  elle  se  borne  à  ordonner  sa  nomination. 
Mais  disposer  qu'il  sera  nommé  un  interprète  à  l'accusé  et  que 
cet  interprète  traduira  les  discours  à  transmettre  entre  ceux 
qui  parlent  des  langages  différents,  n'est-ce  pas  prescrire 
qu'il  sera  présent  à  l'audience,  pour  transmettre  à  chaque 
moment  et  chaque  fois  qu'il  y  a  nécessité^  les  paroles  de  l'un 

l  Casa,  5  août  18A7,  rapp.  M.  Vincens-St-Laurent  Bull.  n.  178. 
u  .•?**•  *  *^^  **^7»  ™PP»  *••  Meyronoct-St-Marc  ;25  nov.  1837,  rappb 
«.Ménlhou.  J.  P.,  1887,  à  leur  date. 

Cass»  8 juiD  iSi^a,  rapp.  M.  Brière-Valigoj.  Bail,  tu  138. 


580 


DES  COURS  D  ASSISES. 


OU  de  l'autre?  L'interprète  oompléte,  pour  ainsi  dire,  la  per- 
sonne de  l'accusé  ;  il  lui  apporte  la  notion  qui  lui  manque  pour 
prendre  part  au  débat  ;  le  débat  n'est  plus  entier  si  l'accusé, 
devenu  muet  par  l'absence  de  l'interprète,  y  reste  étranger. 
A  la  vérité,  il  ne  peut  dépendre  de  cet  interprète,  pas  plus 
qu'il  ne  dépend  du  défenseur,  comme  on  l'a  vu  plus  haut,  de 
yicier  la  procédure  par  une  retraite  volontaire.  Il  peut  arriver 
d'aiUeurs  que  sa  présence,  ordonnée  par  mesure  de  précau- 
tion, soit  reconnue  inutile  ;  que«  prescrite  pour  un  incident, 
sa  nécessité  expire  avec  cet  incident.  Mais  si,  tant  que  sa  mis- 
sion n'est  pas  pleinement  accomplie,  son  absence  n'entache 
pas  la  procédure  de  nullité,  c'est  à  la  condition  que  le  beioia 
4e  «on  ministère  ne  se  sera  pas  fait  sentir.  Il  n'en  est  pas  ici 
comme  du  défenseur  qui  peut  n'être  pas  remplacé  lorsque, 
les  débats  une  fois  commencés,  il  s*absente  volontairement:  il 
faut  néoessaîrement  que  Taccuséy  qui  ne  parle  pas  la  langue 
française,  soit  assisté  d'un  interprète  tant  qu'il  peut  y  avoir 
:des  discours  à  transmettre,  et  si  l'interprète  nommé  s'est  ab- 
senté pour  une  cause  quelconque,  le  président  doit  ou  le  rap- 
peler ou  en  désigner  inmiédiatement  an  autre. 

La  jurisprudence  fait  résulter  la  présomption  de  la  présence 
de  rinterprète  aux  débats^  quand  cette  présence  n'est  pas 
formellement  constatée  par  le  procès-verbal  :  !•  de  ce  que  ce 
procès-verbal  énonce  qu'il  a  été  nommé  d'office  et  accepté 
par  l'accusé  et  le  ministère  public  ';  2*  de  ce  que  le  pro- 
cès-verbal énonce  la  désignation  de  l'interprète  et  son  ser- 
'ment  ^ 

La  traduction  de  toutes  les  paroles  et  de  tous  les  actes  que 
l'accusé  ne  comprend  pas  est  en  général  nécessaire  ;  cependant, 
cette  nécessité  ne  se  manifeste  pas  au  même  degré  relativement 
ta  chacun  de  ces  actes  et  de  ces  discours ,  et  la  jurisprudence, 
.te  conséquence,  n'a  pas  attaché  les  mêmes  effets  au  défaut  de 
4eur  traduction. 

Il  y  a  nullité  lorsque  l'accusé»  qui  ne  parle  pas  la  langue 
fraB$aiae^  n'a  pas  été  assisté  d'un  interprète  pendant  Topén- 
lîm  du  tirage  du  jury  pour  lui  transmettre  l'avertissemeot 
nelatif  au  droit  de  récusaiÂon  et  les  noms  amenés  par  le  soit 
pour  traduire  ses  récusations'.  Les  arrêts  qui  ont  établi  ce 

'  Gass.  sa  juin  iS37,  rapp.  M.  Mangin.  Dali.  ? ^  InsC.  erini»  n.  saca. 
.    i Cass.  SS  Juin  1831, rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc»  Eod.  (oc.;  iM  ae^ 
1839,  même  rapp.  Eod,  loc^ 

»  Voy,  êuprà  p.  393. 


FORMES  GÉNÉRALIS  DK  LA  PAOGÉbVftB  9ÊB  ASSISES.   $  6^-  ^^ 

premier  point  déclarent  «  que  le  droit  de  récusation  que 
l'art.  399  accorde  à  l'accusé  forme  une  partie  essentielle  de 
son  droif;  de  défense  ;  que  tout  obstacle  apporté  au  libre  exer- 
cice de  ce  droit  emporte  nullité  de  plein  droit  et  vicie  radica- 
lement la  composition  du  jury  ;  qu'il  est  constaté  que  lors  de 
la  formation  du  tableau ,  Taccusé  n'a  point  été  assisté  d'an 
interprète  et  qu'ainsi  il  n'a  pu  comprendre  l'avertissement 
que  le  président  lui  a  donné  en  langue  française,  relativement 
à  son  droit  de  récusation ,  d'où  est  nécessairement  résulté  un 
obstacle  au  libre  exercice  de  ce  droit  ^  »  Toutefois  s'il  était 
attesté  par  le  procés-verbal  que  l'accusé  avait  chargé  son 
conseil  n'exercer  son  droit  et  qu'il  a  rempli  cette  mission,  l'as- 
sistance de  l'interprète  ne  serait  plus  nécessaire.  Il  a  été  jugé 
dans  une  espèce  analogue  «  qu'il  résulte  du  procès-verbal  que- 
les  accusés  s'étaient  concertés  entre  eux  pour  confier  à  l'un 
de  leurs  conseils  l'exercice  du  droit  de  récusation  dans  leur 
commun  intérêt;  et  qu'en  effet,  c'est  avec  l'intervention  du 
conseil  par  eux  désigné  que  ce  droit  de  récusation  a  été  com- 
plètement épuisé  ;  qu'il  suit  de  là  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  de 
procéder  alors  conformément  aux  prescriptions  de  Tart.  3^, 
lequel^  en  l'état ,  devenait  sans  application  *.  » 

Il  y  a  nullité  lorsque  l'interprète  n'a  pas  traduit  à  l'accusé, 
qni  n'entend  pas  la  langue  française ,  toutes  les  dépositions 
des  témoins ,  et  par  exemple,  s'il  a  omis  de  traduire  les  ré- 
ponses d'un  témoin  aux  interpellations  du  président  :  «  attendu 
que  la  loi,  en  exigeant  la  nomination  d'un  interprète  pour  le 
cas  où  l'accusé  et  les  témoins  ne  parleraient  pas  la  ménae 
langue,  a  voulu  donner  à  l'accusé  le  moyen  de  discuter,  con- 
tredire ou  expliquer  tout  ou  partie  des  déclarations  du  témoin, 
au  moment  même  de  son  ànission,  droit  qui  constitue  une 
partie  essentielle  de  la  défense,  d  après  l'art.  319  ;  que  la 
nuDité  prononcée  par  l'art.  332  ,  pour  le  cas  où  Tiiiterprèëe 
n'a  pas  été  nommé,  s'applique  évidenunent  au  cas  où  l'inter- 
prète nommé  n'aurait  pas  rempli  sa  mission  pendant  toute  ia 
durée  des  débats;  que  le  prooès-verbal  établit  que  l'inter- 
prète n'a  pas  traduit  à  l'accusé  les  déclarations  enlises  par  le 
lémoin  Piétri  lorsqu'il  a  été  interpellé  par  k  frésident  sur 


•  Cass.  80  no?.  1827,  rapp.  M.  Busachep.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  992;  18  août 
i8S2,  rapp.  M.  IsamberU  t  XXIV.  p.  1412;  8  juinl84ô,  rapp.  M.  Brière- 
VaUgny.  BuIL  n.  133;  17  jau¥.  185a»  rapp.  M.  Dehauwy.  n.  20. 

*  Cais.  10  ocu  18i5.  BulL  d.  381. 


652  OBS  COURS  D*A8SUES. 

un  des  chefs  contestés  aux  débats  '.  »  Néanmoins ,  quelqoes 
arrôls  ont  admis  que  s'il  résulte  du  procès-verbal  quun té- 
moia  n*a  déposé  avec  le  secours  de  l'interprète  que  pour  uDe 
partie  de  sa  déposition,  il  y  a  lieu  de  présumer  que  son  inter- 
venlion  n'a  pas  été  nécessaire  pour  le  surplus  *.  L'apprécit- 
tion  des  circonstances  énoncées  dans  le  procès- verb^il  peut 
ainsi  modifier  l'application  do  la  règle  »  mais  non  la  règle 
elle-même. 

Il  y  a  nullité  lorsque  l'interprète  n'a  pas  traduit  les  décla- 
rations écrites  dont  le  président  a  donné  lecture.  L'arrêt  qui 
établit  ce  point  déclare  c  que  si  le  président  a  pu^^en  verta 
de  aon  pouvoir  discrétionnaire»  faire  lire  à  l'audience  les  dé- 
positions des  deux  témoins  qui  ne  comparaissaient  pas,  la 
teneur  de  ces  dépositions,  qui  était  en  langue  française, 
devait  être  traduite  et  transmise  aux  accusés  pour  qu'ils  pussent 
y  répondre  et  dire,  tant  contre  les  témoins  défaillants  que 
contre  leurs  témoignages,  tout  ce  qu'ils  pouvaient  croire  utile 
à  leur  défense  ;  que  la  faculté  accordée  à  l'accusé  par  Tart.  319 
de  conserver  tant  la  crédibilité  du  témoin  que  la  vérité  du  té- 
moignage, est  de  l'essence  môme  de  la  défense  et  ne  peutélre 
exercée  d'une  manière  efficace  que  parla  traduction  du  témoi- 
gnage, lorsque  l'accusé  n'entend  pas  la  langue  dans  laquelle 
le  témoignage  est  donné  *.  » 

Il  j  a  nullité  lorsque  l'interprète  n'a  pas  traduit  les 
questions  posées  par  le  président  comme  résultant  des  débits. 
Un  arrêt  a  admis  qu'il  n'est  pas  indispensable  de  traduire  les 
questions  posées  au  jury,  quand  elles  sont  conformes  à  Tarrét 
de  renvoi  et  au  résumé  de  l'acte  d'accusation  a  attendu  que  h 
teneur  des  questions  est  dans  ce  cas  légalement  présumée 
connue  de  l'accusé  par  la  notification  à  lui  faite  de  l'arrêt  de 
renvoi  et  de  l'acte  d'accusation  et  par  le  rappel  que  le  pré- 
sident fait  à  l'accusé  en  exécution  de  l'art.  514'«  »  Hais  il 
résulte  de  cet  arrêt  même  que  la  présomption  qu'il  invoque 
cesse  aussitôt  que  les  questions  qui  sont  posées  ne  sont  plus 
les  mêmes  que  celles  que  l'arrêt  de  renvoi  avait  énoncées; 
il  faut  nécessairement  que  l'accusé  connaisse  les  modifications 
qui  sont  apportées  à  l'accusation  primitive  ;  pour  qu'il  puis< 


*  Cass.  8  fér.  1858,  rapp.  M.  Mériihou.  Bull.  o.  37. 

*  Cass.  10  avril  1847,  rapp.  M.  Vinceas-St-Laurent.  BoIL  IL  7dL 

*  Cass.  3  mars  1836,  rapp.  itf.  Mériihou.  BuU.  n.  61, 

*  CaaSi  5  juin  1851,  rapp.  M.  Dehiussy.  BuU.  n.  207. 


FORMES  GtmÉKALKS  DE  LA   PROCÉDURE  DES  ASSISES.   §  630.        6S3 

les  discuter  ;  or ,  comment  peut-il  les  connaître  si  ce  n'est 
par  l'interpréta  lion  qui  doit  lui  cn.ètre  donnée? 

Il  y  a  nullité,  enGn,  lorsque  Tinterprète  ne  traduit  pas  à 
raccusé  la  déclaration  du  jury ,  la  réquisition  du  ministère 
public  relativement  à  l'application  de  la  peine,  et  Tavertis- 
seinent  qui  le  met  en  demeure  d^y  répondre. 

Mais  celte  sanction  ne  s^appliquc  pas  à  la  traduction  des 
actes  ou  des  discours  dont  Tinterprétation  est  abandonnée  & 
la  conscience  des  magistrats,  ou  qu'il  est  présumé  déjà  con- 
nallrc  ou  qui  n^ont  qu^une  importance  secondaire. 

Ainsi,  il  n'est  pas  nécessaire  que  le  procès-verbal  constate 
lassistance    d'un   interprète  ,  lorsque  l'accusé   subit  Tin- 
terrogatSire  prévu  par  Tart.  293  ;  «  attendu  que  l'assistance 
d'un  interprète  est  exclusivement  établie  en  vue  des  débats 
qui  ont  lieu  devant  la  Cour  d^assi^es  et  pour  en  assurer  Ten* 
tière  intelligence ,  tant  à  l'accusé  qu'à  tous  ceux  appelés  à  y 
concourir  ;  que  l'art.  293  n'exige  dans  aucun  cas  l'interven- 
tion d'un  interprèle;  que  la  loi  s'en  repose  sur  le  magistrat 
du  soin  de  s'assurer  que  les  questions  qu'il  adresse  à  l'accusé 
et  les  avertissements  qu'il  doit  lui  donner  sont  entendus  par 
lui  '.  »  Tout  ce  qu'il  faut  induire  de  cette  jurisprudence  c'est 
que  le  procès-verbal  ne  doit  pas,  à  peine  de  nullité,  constater  la 
présence  d'un  interprète  à  l'interrogatoire  ;  mais  il  est  évident 
que  cette  présence  est  nécessaire  si  l'accusé ,  d'une  part,  et  le 
président  et  le  greffier,  de  l'autre,  parlent  des  langues  diffé- 
rentes; si  cette  nécesisité  ne  trouve  pas  un  appui  dans  la  nullité 
de  la  procédure,  il  en  résulte  pour  le  président  le  strict  devoir 
d'y  pourvoir,  et  lorsque  ce  magistrat  atteste,  en  signant  le 
procès- verbal,  que  les  formalités  qui  y  sont  relatées  ont  été 
accomplies,  il  atteste  par  là  môme  que  l'accusé,  s'il  n'entend 
pas  la  langue  française,  a  été  pourvu  d'un  interprèle. 
'  Il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  soit  constaté  que  l'interprète  a 
traduit  l'arrêt  de  renvoi  et  le  résumé  de  l'acte  d'accusation  *, 
l'eiposé  de  l'affaire  par  le  ministère  public*,  l'arrêt  ordon- 
nant la  ra>tiation  du  nom  d'un  témoin  décédé^,  les  avertisse- 
ments adressés  aux  témoins  relativement  aux  pièces  de  con- 
Yiciion^,  la  formule  du  serment  que  prêtent  les  témoins^,  les 

*  Cass.  2'4  juitl.  iSi5,  rapp.  M.  Bareones.  Bull.  n.  SiO  i  29  sept.  1858, 
àootrerapp.  n«  i86:  21  déc  1854,  rapp.  M.Sénéca,  n.  850. 

'  Cass.  29  mai  1840,  rapp.  M.  MeyronnetSt-Marc  BuU.  d«  152. 

*  Cass.  17  mars  1850,  à  notre  rapp.  Dali.  50,  5,  395. 

*  cl  •  Cass.  ik  noY.  1850,  à  notre  rapp.  Dali.  50, 6,  296. 

*  Cass.  21  mars  1827,  rapp.  M.  OUivier.  J.  P.,  I.  XXI»  p.  786. 


054  l>B8  COURS  >' ASSISES. 

pièces  écrites  faisant  partie  da  dossier  i,  les  réquisitions  du 
ministère  public,  autres  que  celles  qui  sont  relatives  i  Tap- 
piication  de  la  peine,  et  les  développements  des  moyens  de 
l'accusation  donnés  par  cet  officier  à  Paudrence  ',  les  plai- 
doiries des  conseils^,  enfin  le  résumé  du  président <.  Tous 
ces  actes  ou  sont  déjà  présumés  connus  de  Taccusé,  oa 
n^intéressent  pas  efisentiellement  la  défense»  ou  ne  peureot 
donner  lieu,  comme  le  résumé,  à  aucune  observation  de  sa 
part. 

Il  y  a  lieu  de  remarquer  toutefois  que^  même  en  ce  qui 
touche  ces  actes,  il  y  a  lieu  de  les  traduire  ou  d^en  traduire 
au  moins  certaines  parties  toutes  les  fois  que  l'accusé  le  de-  | 
mande  expressément;  car  c'est>  après  tout,  son  droit;  il  est 
possible  de  supposer^  lorsqu'il  ne  l'eierce  pas,  quMI  n'a  pas 
d'intérêt  à  le  faire  ;  mais  quand  il  en  réclame  TapplicatioD, 
il  est  impossible  de  la  lui  dénier.  Un  arrêt  déclare  en  consé- 
quence «  que  la  mission  de  Finterpréte  s'applique  principa- 
lement aux  parties  dés  débats  oii  Taocusé  ne  peut  être  sappléé 
par  le  conseil  dont  ii  est  assisté,  et  qu'il  n  y  a  lieu  de  (aire 
traduire  à  Taccusé  par  Tinterprète  les  développements  donnés 
par  le  ministère  public  aux  moyens  de  Taccusation,  qu*aa- 
tant  que  Taccusé  Ta  expressément  demandé  &.  » 

Mais  la  jurisprudence  a  établi  ici  encore  la  présomption 
générale  que,  dès  que  la  présence  de  l'interprète  est  constatée 
.  à  toutes  les  séances  delà  Cour  d'assises»  il  a  rempli  ses  fonc- 
tions toutes  les  fois  que  son  intervention  a  été  nécessaire^ 
Nous  citerons  plus  particulièrement  une  arrêt  qui  décide 
a  qu'aucun  article  de  loi  n'impose  au  greffier  robligationde 
constater  que  l'interprète  a  traduit  tout  ce  qui  a  été  dit  et  la 
dans  le  cours  des  débats^  et  que  sa  présence  établit  la  pré- 
somption légale  qu'il  a  rempli  ses  fonctions  7»  et  un  autre 
arrêt,  a  que  lorsque  le  proeès-verbal  ne  constate  l'inlerTeD- 


*  Cass.  ii  juill.  iSaO,  rapp.  M*  Vincenfe-SULaurent  Dati  5S,  5, 5M. 
3  Casa.  29  fév.  i8&4»  rapp.  M.  Brière-Valigny.  Bail,  n*  69. 

>  Oass.  jiôn.  iSSl,  rapp.  M.  OHifier.  J.P.,  t.  XXIV,  p.  iSOi. 

*  Gasfl.29fév.  18A4  etl9  juill.  iSdS.  GitéisNprà. 

6  Cass.  21  juill.  iSil,  raj|p.  M.  Dchaussy.  Bull.  n.  219. 

*  Cass.  23  aTriliSSS,  rapp.  M.  IsamberU  BuU.  n,  1^9;  26  avril  I85S,  np. 
M.  Yinccns-St-Laurcnt,  n.  iii;  5  ao6t  i8â7,  même  rappw  n.  173  :  20  jaar. 
18i^8,  rapp.  M.  Legagneur,  d«  20;  26  avril  1849,  rapp.  M.  Barcnnes  p.  93  : 
20  fév.  1851,  à  notre  rapp.  d.  71. 

'  Cass.  23  fé?.  1850^  à  notre  rapp,  Buil.  n.  78  ;  i2  déc  1850,  japp.  K. 
Dehaussy,  n.  417. 


FOUIES  GÉIfÉRALBS  DB  LA  PROCÉDUIK  DES  ASSISES.   §  629.        055 

tîoD  de  rinterprète  que  pour  les  dépositions  des  témoins,  il  y 
a  présomption  qu^il  a  rempli  rofiice  pour  lequel  il  a  été  appelé 
et  qu'il  a  traduit  tous  les  discours  qu^l  y  a  eu  lieu  de  trans- 
mettre entre  ceux  qui  parlaient  des  langages  différents  '.  • 

Nous  ferons  observer,  en  terminant  cette  matière,  d'abord, 
que  si  la  traduction,  pour  être  fidèle,  comme  Texige  la  loi, 
doit  être  autant  que  possible  littérale,  il  est  impossible  d'exiger 
cependant  une  reproduction  textuelle:  il  suflit  que  le  sens  du 
discours  à  transmettre  soit  exact  et  complet;  ensuite,  que 
l'interprète,  qui  n'a  pas  les  mêmes  obligations  que  le  témoin, 
n'est  point  assujetti  aux  mêmes  règles,  et  peut,  par  exemple, 
sans  inconvénient  assister  k  la  partie  des  débats  qui  précède 
l'accomplissement  de  sa  mission'. 

*  Gaïf»  ii  juili.  d850,rapp.  M.  Vincens-St-Laoreiit  DalU  50,  5,  S90» 
3  Cass.  3  août  ISôâ,  rapp.  M.  Nouguier.  DalL  54»  5, 208. 


C56  BES  CODAI  D^AWlSEf. 


CHAPITRE  IX. 

OUVERTURE  DES  DÉBATS. 


I  630.  I.  L*examen  suit  la  formation  du  jury.  —  II.  OuYertiire  de 
Taudience.  —  III.  Premières  formalités. 

I  631.  I.  Comparution  de  Taccusé.  — -^  II.  Refus  de  comparution.  * 

m.  Constatation  de  son  identité. 

%  632.  I.  Avertissement  du  président  relativement  à  la  lecture  de 
l'arrêt  de  renvoi  de  Pacte  d  accusation.  —  II.  Lecture  de  ces  actes 
par  le  greffier.  — •  III.  Nouvel  avertissement  du  président. 

I  633.  I.  Exposé  du  ministère  public.  «—  II.  Appréciation  de  cet  ex- 
posé. —  111.  Il  n*est  pas  prescrit  à  peine  de  nullité. 

S  634.  I.  Présentation  de  la  liste  des  témoins.  —  II.  Premières  opé- 
rations auxquelles  donne  lieu  cette  liste.  —  III.  Défense  de  coor 
muniquer  imposée  aux  téMoins. 


§630. 

I.  L*examen  suit  la  formation  du  tableau.  —  IF.  Ouverture  de  fai- 
dience.  —  III.  Premières  formalités. 

I.  L^art.  &05  dispose  que  «  Texamende  l'accusé  commcn- 
cera  immédiatement  après  la  formation  du  tableau.  » 

La  loi  entend  par  Texamen  de  raccusé,  Texamen  de  l'af- 
faire, en  d'autres  termes,  Touverture  des  débats.  C^est  ce  qui 
résulte,  tant  des  art.  405  et  406  que  de  la  rubrique  du  cha- 
pitre du  Gode  dans  lequel  ces  artices  sont  placés. 

Uouverture  des  débats  de  chaque  affaire  doit  donc  suivre 
immédiatement  la  formation  du  jury  de  jugement.  Noos 
avons  vu  cependant  que  la  jurisprudence  avait  admis  qu^un 
certain  intervalle  peut  séparer  ces  deux  actes  *  ;  et  la  rai- 
son qui  en  est  donnée  par  les  arrêts,  est  «  que  la  disposition 

<  Toyei  êupràs 


OUVERTURE  DES  diEbats.  §  630.  657 

de  i^art.  405  n'étant  qu^unc  mesure  d^ordre  non  prescrite 
à  peine  de  nullité,  il  suffit,  pour  que  le  vœu  de  cet  article 
soit  rempli,  que  les  débats  se  soient  ouverts  dans  un  temps 
rapproché  du  moment  du  tirage  du  jury  * .  »  C'est  en  général 
dans  rintérèt  des  jurés  et  pour  alléger  le  poids  de  leur  ser- 
vice, que  la  règle  posée  par  Karl.  405  n'a  pas  été  littérale- 
ment appliquée.  Mais  on  ne  doit  pas  perdre  de  vue  que  celte 
régie  est  une  prescription  précise  de  la  loi,  que  tout  ce  qui 
résulte  de  l'omissiorr  d'une  sanction  c'est  que  la  Cour  d'assi- 
ses peut  en  l'appliquant  ménager  les  nécessités  du  service  ju- 
diciaire, mais  que  si  cette  application»  ainsi  entendue,  a  peu 
d'inconvénients,  il  en  serait  autrement  si,  sans  aucune  cause 
légitime»  la  Cour  s'écartait  des  termes  de  la  loi;  car  Tunité  et 
la  continuité  de  la  procédure,  ces  deux  règles  qui  préservent  les 
juges  etles  jurés  des  impressions  étrangères  et  concentrent  leur 
attention  sur  le  procès,  seraient  évidemment  euHreintes,  et 
rinstructîon  abdiquerait  Tune  des  formes  qui  assurentsa  puis-* 
sance.  On  ne  doit  donc,  en  général ,  placer  aucun  inter- 
valle entre  le  tirage  des  jurés  et  l'ouverture  des  débats ,  et  si 
quelque  nécessité,  qu'il  est  facile  d'éviter,  sépare  ces  deux 
actes,  il  faut  au  moins  que  cette  suspension  soit  aussi  brève 
que  possible ,  car  la  disposition  de  la  loi  est  formelle  et  doit 
être  exécutée. 

IL  Aux  termes  de  Tart,  309,  «  au  jour  fixé  pour  Touver- 
lure  des  assises,  la  Cour  ayant  pris  séance,  douze  jurés  se 
placeront;  dans  Tordre  désigné  par  le  sort,  sur  des  sièges  sé- 
parés du  public ,  des  parties  et  des  témoins ,  en  face  de  ce- 
lui qui  est  destiné  à  l'accusé.  »  Cette  disposition,  qui  ne  fait 
que  reproduire  Tart.  25,  tit.  6,  de  la  loi  du  16-29  sept.  1791 
et  les  art.  338  et  339  du  C.  du  3  brumaire  an  iv,  est  princi- 
palement destinée  à  ré^er  la  tenue  de  l'audience. 

Il  faut  cependant  faire  observer  que  ces  mots  «  au  jour  fixé 
pour  Touverture  des  assises,  »  qui  se  réfèrent  à  la  formation 
du  rôle  de  la  session,  ne  doivent  point  emporter  l'idée  d'une 
fixation  définitive  qui  ne  pourrait  être  ultérieurement  modi- 
fiée. Nous  avons  vu  que  ce  jour  peut  être  changé,  pourvu  que 
la  défense  conserve  le  délai  qui  lui  est  nécessaire  pour  se  pré- 
parer *.  Ce  qui  importe  seulement,  c'est  que  l'accusé  con- 


*  Cass.  8  mars  1838,  rapp.  M,  Dehaussy.  Dali,  v*  Insl,  cr.  n.  Î067, 
»  Voy .  MUprd,  p.  652. 

VHI.  4^ 


659  SES  couKS  d'assisks. 

naisse  à  Tayance  le  jour  fixé  pour  qu'H  puisse  faire  citer  ses  té- 
moins. La  loi  n'exige  point  qu'il  soit  donné  de  citation  i  Tac* 
cQsë  et  iTi  jurisprudence  a  dû  rcconnalire  en  conséquence  que 
cette  citation  était  superflue  ^ .  Mais,  soit  que  rayerliasenieat  lui 
en  soit  donné  par  le  président  dans  son  interrogatoire,  ou  par  la 
notification  de  la  liste  des  témoins»  il  faut  qu'il  soit  averti  d^une 
manière  quelconque  du  jour  où  il  comparaîtra  devant  le  jur;; 
.  ear  le  défaut  de  cette  indication  peut  entraver  toute  sa  défense 
et  justifierait  pleinement  une  demande  de  renvoi  i  une  autre 
session*. 

Ouant  à  la  place  que  doivent  ocAper  lea  jurés  dan»  la  nUe 
des  assises,  la  loi  a  un  douUe  motif  :  lea  jwé»  doivent  être  sé- 
parés du  public ,  des  parties  et  des  témoin»  ^  pepoe  qn^  im- 
porte de  les  préserver  de  toutes  les  impt essioiia  étrânfères  aa 
débat;  ils  doivent  èire  placés  en  face  der  l'aecuflé,  peree  qu'il 
est  utile  qu*iU  puissent  observer  sa  pbjsioooniie ,  enleûdre 
clairement  ses  explications  et  cbercber  dan»  son  attitude  et 
ses  gestes  des  indices  de  la  vérité. 

m.  Lorsque  Taudience  est  ouverte  et  que  le  publie  a  été 
introduit  dans  la  salle,  il  est  procédé  à  raccomplicsementile 
quelques  formes  préliminaires,  qui  ont  pour  objet  d'avertir 
chacune  des  personnes  qui  vont  prendre  part  aux  débals  oa 
au  jugement  de  lenra  fonctions  ou  de  leurs*  dreite  »  et  de  pdser 
avec  netteté  le»  questions  qui  ¥oni  fawe  le  sujet  de  Texamei. 

Ceefiotmeapréliminaffreti  sont  V  la  eonsteltftion^dte  l'identité 
'de  Taoeusé;  2*  ravertiaeement  données  défenseur  ;  3*  te  ser- 
ment des  Joré»;.  k""  la  lecture  de  l'arrêt  de  remm  et  de  Fade 
d'acK^tsaiion  et  Taverliesemefit  qov  le  pr«deéde  et  le  sait; 
h^  Texpc^é  dm  ministère  pubtic;  6^  la  lecture  de  ha  liatedes 
témoins  et  le  renvoi  de  cds  témoins  dadvta  chambfift  qni  Ifffr 
est  destinée;  V  taân^  i'interrûgaloiréfde  TaNseo^^ 

Moufl  «tons  déjà  exposé  le  caractère  et  la  fi^rttie  1'  de  Ta- 
v«ttiâëenient  donné  eu  défcn«enr*;  ^  du  sennent'  def  jn- 
réa^^ 

Nous  aHons  examiner  d«iM  ce  cba^re  ehaeme  êétf  citK[ 
autres  fiorawlrtéa 


*  Cass.  22  sepU  1842,  Sir.  ai,  1,  768. 

*  Cass.  26  avril  18Ai»  rapp.  M.  Isamberl.  Bull.  n.  15a# 

*  Voy.  sujfràf  p.  52fl. 

*  Voy.  tupr*>  .i).625, 


ODYCRTimE  ]»B  VtûklS.  §  631.  699 

s  «3f . 

I.  Comparation  de  Faccusé.  —  H.  Refus  de  comparattre.  "— HL  Coâ- 
statirtion  de  son  identité.  —  lY.  Dénégaiioa  de  cette  îdentîté  — 
V.  Aetepiafion  du  débti. 

L  L'aoeusé  doit  élre  posent  aox  débats,  lersqne  la  procé^ 
dore  n'est  pas  instruite  por  contumace.  9a  compariiHon  est  la 
première  forme  que. prescrit  la  foi. 

Il  doit  comparaître  libre  de  toute  entrave.  L'art.  3iO  porte  : 
«L^accusé  comparaîtra  libre  et  seulement  accompagné  de  gar- 
des pour  l^empècher  de  s'évader.  »  L'art,  l*»,  titre  T,  de  la 
]oide$16-29  sept.  1791  et  l'art.  341  du  G.  du  3  bmm.  an  iv 
ajoutaient  a  Hbre  et  sans  fers.  i>  Tel  était  aussi  l'usage 
&DS  notre  ancien  droit  lorsque  l'accusé  était  interrogé  à  la 
chambre  du  conseil  ^  «  La  loi  a  voulu,  dit  Pinstruction  du 
29  sept.  17di,  écarter  de  Taccusé  tout  ce  qui  pourrait  influer 
sur  sa  liberté  morale  en  gênant  sa  liberté  physique.  i»  Et,  en 
effet,  la  défense  ne  paraîtrait  pas  libre  si  l'accusé  était  chargé 
de  fers;  il  semblerait  que  le  poids  de  ses  chaînes  dât  entraver 
son  esprit  aussi  bien  que  ses  membres,  et  s'opposer  au  déve^ 
loppement  de  ses  moyen?. 

Cependant  la  Cour  de  cassation  a,  dans  deux  espèces,  au- 
torisé l'emploi  des  fers.  Le  premier  de  ces  arrêts,  rendu  dans 
une  espèce  où  l'aceusé  avait  gardé  ses  fers  jusqu^à  la  déclara* 
ration  du  jury,  porte  :  «  que  l'art.  967  attribue  au  président 
la  police  de  l'audience,  et  par  conséquent  le  droit  de  prendre 
toute?  les  précautions  nécessaires  au  maintien  de  l'ordre  et  à 
la  sûreté  des  personnes;  que,  dans  l'espèce,  il  résulte  du  pro- 
cès-verbal de  la  séance  que,  d'après  les  débats,  le  président  a 
reconnu  que  l'accusé  était  d'un  caractère  bouillant  et  emporté  ; 
et  ^'il  était  agile,  très- adroit  et  très-robuste;  qu'en  ordon- 
nant par  ce  motif  aux  gendarmes,  qui  allaient  ramener  l'ac' 
cusé  à  l'audience  pour  entendre  la  lecture  de  la  déclaration  du 
jury,  de  prendre  à  son  égard  les  mesures  convenables,  et  en 
autorisant  ainsi  la  traduction  de  Taccnsé  avec  des  menottes  «  le 
président  n'a  pas  excédé  les  mesures  de  ses  attributions*.  » 
Le  3*  arrêt  rejette  également  te  pourvoi  «  entendu  que  la  dis- 


<  Joasse,  t.  II,  p.  268. 

■  Gass.  7  oct.  1830,  rapp*  1&.  CMIIi«sr«l.  ^.,tr  Xxillt  P*  SM. 


660  DES   COURS  D* ASSISES. 

position  de  Tart.  510,  quelque  importante  qu'elle  soit,  n*esi 
pas  prescrite  à  peine  de  nullité;  qu'il  n'y  aurait  lieu  à  pronon- 
cer cette  nullité  qu'autant  qu'il  résulterait  des  faits  constatés 
que  Tentrave  corporelle  à  laquelle  a  été  soumis  Paccusé  a 
pu  être  de  nature  à  compromettre  la  liberté  physique  et  mo- 
rale dont  il  a  besoin  pour  être  défendu;  qu'il  est  constaté, 
dans  l'espèce  >  que  cet  accusé  avait  été  condamné  aux  travaux 
forcés,  et  que  les  fers  lui  avaient  été  laissés  dans  la  maison  de 
Glairvaux,  où  il  était  détenu  au  moment  de  la  perpétration 
du  nouveau  crime  pour  lequel  il  comparaissait  devant  la  Cour 
d'assises,  par  mesure  de  précaution  et  de  sûreté  ;  que  ces 
fers  lui  ont  été  enlevés,  de  l'ordre  du  président,  immédiate- 
ment après  la  lecture  de  l'acte  d'accusation  et  avant  qu'il  fut 
procédé  à  son  interrogatoire  *.  » 

Ces  deux  arrêts  forment  jurisprudence  ,  car  si  le  pre- 
mier seulement  autorise  l'emploi  des  fers  pendant  les  dé- 
bats ,  le  second  déclare  que  la  disposition  de  l'art.  310  n'est 
pas  prescrite  à  peine  de  nullité.  Il  en  résulte  donc  une  sorte  de 
faculté  d'appliquer  ou  de  ne  pas  appliquer  cette  disposition, 
suivant  les  circonstances  de  la  cause  et  le  caractère  des  ac- 
cusés. Il  nous  semble  dilïicile  d'admettre  cette  interprétation. 
La  comparution  à  l'audience  de  l'accusé  «  libre  et  sans  fers  » 
est  une  règle  tellement  essentielle  à  la  liberté  de  la  défense, 
que  notre  ancienne  jurisprudence,  lorsqu'elle  avait  aboli  toute 
autre  défense  que  celle  qui  avait  lieu  par  la  bouche  de  l'ac- 
cusé, l'avait  maintenue.  Il  ne  nous  serait  pas  possible  de  croire 
une  défense  libre,  lorsque  chacun  des  mouvements  de  Taccusé 
ferait  retentir  le  bruit  de  ses  chaînes,  lorsque  la  gène  qu'il  cd 
ressentirait  pourrait  opprimer  ses  idées  et  sa  parole.  On  ac- 
corde qu'il  y  aurait  nullité  si  l'entrave  corporelle  était  de  na- 
ture à  compromettre  la  liberté  physique  et  morale  dont  il  a 
besoin  pour  se  défendre;  mais  comment  apprécier  l'effet 
qu'elle  a  pu  produire?  comment  savoir  à  quel  degré  le  poids 
des  fers,  la  captivité  des  membres,  l'humiliation  de  ce  servage 
public  ont  paralysé  son  intelligence?  quel  sera  le  juge  de  la 
souffrance  physique  et  de  la  souffrance  morale?  On  oppose  le 
danger  que  la  liberté  de  l'accusé  peut  faire  courir;  mais,  d'a- 
bord, si  l'accusé,  dans  la  première  espèce,  a  pu  être  dégagé 
do  ses  entraves  après  la  déclaration  du  jury  et  avant  qu'il  fût 
statué  sur  l'application  de  la  peine^  et  dans  la  seconde^  après 

*  Casa,  s  janv,  1857,  rapp,  M.  Isombert,  Bull.  d.  i. 


ODTEETVRE  DES  DÉBATS.  §  63i.  661 

la  lecture  de  l'arrêt  de  renvoi  et  de  Tûcle  d'accusation,  pour- 
quoi n'aurait-il  pas  pu  l'être  avant  ce  moment?  Ensuite,  on 
peutredoubler  les  précautions  autour  de  lui;  on  peut  augmen- 
ter lenombre  deses  gardes;  on  peut  Tisolcr  au  milieu  de  la  salle; 
00  peut,  par  toutes  les  mesures  de  surveillance,  calmer  les  in* 
quiétudes  les  plus  exagérées;  mais  sa  personne  doit  demeurer 
libre  de  toute  entrave  corporelle;  car,  d'une  part,  Tentrave 
corporelle  réagit  sur  la  situation  de  l'esprit,  et  il  importe  qu'il 
jouisse,  pour  diriger  sa  défense,  de  toute  la  puissance  de  sa  rai- 
son, de  tout  le  calme  conciliable  avec  sa  position  d'accusé;  et, 
d'une  autre  part,  ce  n'est  plus  un  accusé  ordinaire  que  vous 
traduisez  devant  le  jury,  si  vous  le  chargez  de  fers;  cette  pré- 
caution extraordinaire  en  fera  un  objet  de  terreur  ou  de  pi- 
tié :  la  déclaration  des  jurés  sera  le  résultat  de  cette  impres- 
sion. Nous  croyons  donc  qu'il  faut  maintenir  dans  son  entière 
application  la  règle  de  procédure  que  toutes  les  législations 
qui  se  sont  succédé  ont  jusqu'à  présent  respectée,  et  qui  peut 
seule  concilier  les  droits  de  la  justice  et  de  Thumanité. 

Il  faut  ajouter  en  même  tenaps  qu'il  n'est  pas  nécessaire 
que  le  procès-verbal  des  débats  mentionne  à  chaque  séance 
que  l'accusé  a  comparu  libre  '  ;  que,  lorsqu'il  constate,  par 
exemple,  pour  la  première  séance,  cette  libre  comparution, 
il  y  a  présomption  qu'elle  a  continué  aux  séances  sui- 
vantes' ;  que  cette  présomption  s'étend  k  tous  les  cas  où  l'ac- 
cusé n'a  pas  réclamé,  où  le  procès-verbal  ne  renferme 
aucune  énonciation  contraire  ^  ;  enfin  ,  qu'un  accusé  ne 
pourrait  se  faire  un  grief  de  ce  qu'on  lui  a  laissé  ses  fers  de 
forçat  évadé,  lorsqu'il  s'était  lui-même  opposé  à  ce  qi/on 
lesluiôlàl^. 

L'art.  310,  combiné  avec  l'art.  309,  donne  lieu  à  une 
seconde  observation.  Ce  dernier  article  porte  que  «  le  siège 
qui  est  destiné  &  l'accusé  »  doit  être  placé  en  face  des  sièges 
des  jurés,  et  l'art.  310  se  borne  à  prescrire  qu'il  doit  com- 

nttre  libre,  sans  ajouter  aucune  mesure  particulière.  De 
i  résulte  qu'aucune  forme  particulière  ne  doit  distinguer 
le  siège  des  accusésdes  autres  sièges.  Il  n'en  était  pas  ainsi  dans 
notre  ancienne  législation  :  les  accusés,  lorsqu'ils  compa** 


*  Gass,  IS  août  1829,  rapp.  M.  Choppin.  J.  P.»  t.  XXII,  1340. 
■Casa.  12  oct.  iSiS,  rapp*  H.  Vincens-St-Laarent.  fioll.  n.  252. 

*  Casa.  12  sept.  i8A2,  rapp.  M.  de  Ricard.  J,  cr.  U  XV,  p.  65. 

*  Cas»;  10  ami  1843,  non  imprime. 


raîssaient  devant  la  cbamLrc  du  conseil  pouryfiubirlfiiei- 
nler  interrogatoire,  étaient  placés  sur  la  selklte,  sorte  d'es- 
cabeau en  bois ,  séparé  de  tout  Autre  siège  '  :  cet  escabeaa 
Stait  recouvert  de  velours  ou  de  tapisserie ,  si  Taccusé  était 
une  personne  de  qualité  ;  il  était  rennpiacé  par  un  siège  or- 
dinaire placé  derrière  le  barreau,  lorsque  les  conclusions  de 
lajpartÂe  publique  ne  tendaient pas.à  fapplicationjd'une  peine 
anlictive^.  Cette  législation  était  évidemment  injuste;  l!ac- 
cusé,  tant  qu'il  n'est  pas  déclaré  ooupabJe,  ne  doit  être  l'ob- 
jet d^aucune  mesure  autre  que  celle  nécessaire  à  sa  garde. 

II.  Si  Taccusé  refuse  de  comparaître  à  Vaudience,  il  y  a 
lieu  de  recourir  à  une  forme  spéciale  de  procédure. 

Le  Code  d'instruction  criminelle  n^avait  point  prévu  une 

telfe  résistance ,  ou  plutôt  il  avait  supposé,  en  se  réiérantà 

d^anciennes  pratiques,  qu^elle  serait  nécessairement  va^cue 

^par  Inapplication  de  mesures  coercitives  ,  et  que  ,  suivant  la 

malime  que  force  doit  demeurer  à  justice ,  la  présence  forcée 

des  accusés  remplacerait  leur  comparution  volontaire*  Telle 

est  la  marcbe  qui  fut  indiquée  lorsque  cette  sorte  de  rébellion 

aux  ordres  de  la  justice  se  manifesta.  Mais  les  difficultés  qm 

s^élevèrent  &  ce  sujet  amenèrent  les  art.  8,  9  et  12  de  Ta  loi 

du  9  septembre  1835  sur  les  Cours  d'assises.  Yoici  le  texte 

de  ces  articles  : 

ic  Ari.  vui.  Au  îour  iadî^ué  poiirrla  ûomparutiott  àrftadlenoe»Àiis 
pcévenas  ou  qaelquea-uns  d^enUe  eux  refuseot  de  comparatue,  smr 
ma^ion  d^obéir  à  justice  leur  sera  faîteau  nom  de  la  loi  par  un  haîssicr 
commis  à  cet  effet  par  le  président  de  la  Cour  d^assises  et  assisté  4e  h 
force  publique.  L^nuissier  dressera  procès- verbal  de  la  toomatîan  «t 
de  la;répoBfiedes.piiévaHis.  •  <  AtUjk.  Si  les  pféiv«în«an*^bte«pèreiit 
point  à  la  sommation^  le  président  pourra  ordonner  qu'ils  soienLaffleaés 
par  la  force  devant  la  Cour  ;  il  pourra  également,  après  lecture  Giite 
I  l^udience,  du  procès-verbal  constatant  leur  résistance ,  ordonner  qoe 
BMiobsUnt  leur  absence,  41  stra  passé  ootre^aai:  débats.  Après  eh^ac 
«ndienee^iil  sera»  far  le  greffier  deia  GfMir4^a88Î8es,  daoné  leflareaut 
préxonu&^i  n'auront  .point  congru,  du  ^ocès -verbal  desdébat^ell 
leur  sera  signifié  cqpie  des  séquisitoires  ou  ministère  publie,  ain«i  que 
des  arrêts  rendus  parla  Cour,  qui  seront  tous  réputés  contradielaîres.> 
c  AdPt.  mi.  Les  éisposîtieM  des  avt.  8  «t  1^  s^appHqmiil  an  jogcBait 
de  tous  les  crimes  et  délits  devant  toutes  les  juridictions,  i 


«  Ord.  4«70,  tir.  d4,.avft.  Jl* 

•  Jousse,  LH,  p.  207;  Qorofter*  I^A  Pm  Wi^ 

•  Déd.  du  roi  du  iS  avril  i70d. 


OUyZRTUEE  DES   DÉBATS.    §  631.  6(^ 

L'exposé  des  motifs  decelte  loi  déclare  qi]c  «les  juridictions 
établies  tiennent  leur  autorité  de  la  loi,  ndn  du  coasentemeat 
des  accusés  ;  ceux-ci  n'ont  point  à  accepter  le  débat ,  mais  à 
le  subir  ;  et  8*ib  veulent  se  soustraire  à  la  nécessité  de  ren^e 
compte  de  leurs  actions ,  il  faut  qu'ils  puissent  y  être  cou* 
traints  par  la  Torce ,  car  la  justice  doit  rester  maAtresse,  sous 
peme  de  devenir  esclaiw  des  aecssés.  Mats  c»iifieBt'îl,ii}ou- 
laitie  rapporteur  de  la  Cbtinbre  des  paîn,  de  réduire  4es' 
Bwgiatcats  à  U  tr'wile  néeessîté  d'user  deee  poufoir  daa»  teotes 
Jef  cmonstanoef  oè  les  accusés  refuseront  d'assister  a«  dé- 
l»ts,oa  domnt^ilsèlreiiiifestîsd'uneauftoritélwuitelmfNW 
cwdoiiDer  qae  ks  aceusés  seront  amené»  par  U  foi^e,  ou  qtfil 
sera  passé  outre  a«  dékats  dans  leur  abseocs,  lorsqu'ils  ne 
jugefootpas  leur  présence  nécessaire?  Deux  opinioiis  ont  pW' 
tagé  la  eomanission  :  Tune  demandait  la  oomparolkm  foMée 
des  accusés,  eosemble  ou  séparément;  l'autre  a  admis  la  sim- 
ple faculté  de  l'altemative.  Yoîeî  les  observations  en  fareur 
de  la  première  opinion  :  l'esprit  général  des  fois  criimieHes 
qui  nous  régissent  est  la  publicité;  «Ile  n'existe  pour  les  ma- 
gistrats, ies  témoins,  les  jurés  et  le  public  que  par  la  compa- 
rution dès  aeeusés  devant  eux.  La  confrontation  «t  la  reemi- 
naimaoce  par  les  léosoins  ne  peuvent  s'opérer  sans  cette 
comparution  ;  on  pourrait  abuser  d'une  disposition  qui  per- 
mettrait de  condamner  un  iodîvida  qui  n'aurait  pas  coupafu 
à  I^audience  sur  les  seules  déclantioas  consignées  daosdes 
procès-verbaux.  Il  n'existe  ni  impossibittié ,  ni  même  diffi- 
culté réelle  d'amener  des  accusés  une  seule  fois  à  l'audrenoe  ; 
•céder  à  leur  volonté  et  à  leur  refus  serait  ub  acte  de  faiUesse. 
lu»  partisans  de  la  seconde  opinion  ont  répondu  :  subordon- 
ner l'emploi  de  la  force  à  la  décision  de  la  justice,  ce  n'^ast 
pas  flécbir  devant  la  volonté  des  accusés;  loin  de  céder  à  leur 
résistance,  le  projet  ordonne  de  la  vaincre  toutes  les  foeque 
la  recherche  de  la  vérité  l'exigera  ;  l'opinion  des  oiagistea^ 
réglera  seule  cet  emploi  suivant  les  circonstances*. «  » 

Les  formes  de  cette  procédure  exceptionnelle,  qui  n'auront, 
il  but  l'espérer,  qu'une  rare  application^  se  réduisent  aux 
points  suivants  ;  1^  au  cas  de  refus  de  comparution ,  somma- 
tion d'obéir  à  justice  est  faite  par  un  huissier,  et  il  est  dressé 
procès-verbal  de  la  sommation  et  des  réponses  de  l'accusé  ; 
2^  s'il  n'est  pas  obtempéré  à  cette  sommation,  le  président 
•ordonne  ou  qu'il  sera  fait  emploi  de  la  force  ou  que ,  non- 
obstant son  absence,  il  sera  passé  ovtre  amtdéfcaM;  Si*' dans 


664  DES  COURS  d'assises. 

cette  dernière  hypothèse,  il  lui  est,  après  chaque  audience, 
donné  lecture  du  procès-verbal  des  débats,  et  signifié  copie 
des  réquisitoires  du  ministère  public  et  des  arrëls  de  la  Cour; 
4>.^  enfin ,  toute  cette  procédure  est  réputée  contradictoire  et 
les  arrêts  ont  un  caractère  définitif. 

Nous  nous  bornerons  à  faire  remarquer  sur  le  premier 
point  y  qu'il  importe  de  discerner  les  cas  de  résistance  to- 
lontaire  et  les  cas  où  le  refus  serait  motivé  par  une  maladie 
quelconque  ,  physique  ou  morale ,  de  l'accusé*:  la  procédure 
spéciale  est  exclusivement  réservée  à  la  rébellion  aux  ordrfô 
de  la  justice;  sur  le  deuxième  point,  que,  bien  que  la  loi  sem- 
ble ne  déférer  qu'au  président  le  droit  de  décider  si  l'accusé 
sera  amené  de  vive  force  à  l'audience  ou  s'il  sera  passé  outre 
aux  débats  dans  son  absence ,  ce  droit  appartiendrait  à  b 
Cour  d'assises  si  le  ministère  public  ou  le  défenseur  de  l'ac- 
cusé prenaient  des  conclusions  formelles  sur  le  yu  du  procès- 
yerbal  constatant  la  résistance  ;  sur  le  troisième  point ,  que 
la  lecture  et  la  signification  ne  concernent  que  ce  qui  s'est 
passé  à  l'audience  depuis  le  refus  de  comparaître  et  ne  s'ap- 
pliquent pas,  par  exemple,  au  réquisitoire  tendant  à  rappli- 
cation  de  la  loi  du  9  septembre  1835';  sur  le  quatrième 
point,  enfin,  que  la  disposition  qui  répute  contradicioires 
tous  les  arrêts  rendus  par  la  Cour  d'assises  en  Tabsence  de 
Taocusé  s'applique  à  1  arrêt  de  condamnation  aussi  bien 
qu'aux  ordonnances  et  arrêts  rendus  dans  le  cours  des  dé- 
bats' . 

Nous  ne  faisons,  au  surplus,  qu'indiquer  ici  ces  mesures 
exceptionnelles  sur  lesquelles  nous  reviendrons  en  traitant 
des  incidents  de  l'audience. 

m.  Nous  reprenons  l'exposé  des  formes  ordinaires  de  la 
procédure. 

La  première  de  ces  formes  est  la  constatation  de  l'ideotité 
de  Taccusé.  L'art.  310  porte  :  t  Le  président  lui  demandera 
son  nom  9  ses  prénoms ,  son  âge,  sa  profession ,  sa  demeure 
et  le  lieu  de  sa  naissance.  » 

Ces  questions  faites  au  seuil  de  l'audience  et  avant  que  le 
sujet  de  l'accusation  soit  connu,  et  que  les  jurés  aient  prêté 

*  GaS8.  iS  déc.  1840,  rapp.  M.  de  Ricard*  Bail.  d«  350.' 
'  Gass.  S9  janvier  1857,  rapp.  M.  Legagoeur.  Bull.  d.  d7. 


OUVERTURE  DES  DÉBATS.  §  631.  665 

serment,  ont  pour  but  unique  de  constater  Tidenlité  de  Tac- 
cusé.  Elles  doivent  donc  être  strictement  circonscrites  dans 
les  termes  de  la  loi. 

L'accusé,  pendant  que  les  questions  lui  sont  adressées^  doit- 
il  être  debout  ou  peut-il  rester  assis?  L'art.  1",  tit.  7,  de  la 
loi  des  16-29  septembre  4791,  et  l'art.  341  du  C.  du  3  bru- 
maire an  IV»  portaient  :  «  Le  président  lui  dira  qu'il  peut 
s'asseoir  et  lui  demandera...  »  L'art.  310  n'ayant  pas  re- 
produit ces  premiers  mots,  on  en  a  conclu  que  l'accusé  ne 
pouvait  répondre  que  debout.  Cette  induction  est  peut-être 
un  peu  forcée.  On  pourrait  aussi  bien  soutenir  que,  puisque 
lart.  309  lui  donne  un  siège  et  que  Tart.  310  ne  lui  prescrit 
point  de  rester  debout  pour  répondre  au  président,  il  y  a  lieu 
d'admettre  que,  comme  Tadmettaient  ]es  lois  antérieures,  il 
peut  répondre  assis.  Aureste,  la  question  est  très-secondaire  en 
ce  qui  concerne  la  constatation  de  l'identité,  qui  n'exige  que 
quelques  moments,  et  il  est  même  permis  de  penser  que, 
pour  cette  constatation,  il  est  nécessaire  que  Taccusé  soit 
debout,  afin  que  Pexamen  de  sa  personne  soit  plus  facile  et 
plus  complet.  Mais  elle  devient  plus  grave  lorsqu'il  s'agit  de 
rinterrogatoire  qui  constitue,  dans  la  pratique  des  assises, 
uu  véritable  examen  et  qui  se  prolonge  quelquefois  pendant 
plusieurs  heures.  Or,  lorsque  la  loi  ne  prescrit  rien  à  cet 
égard  et  que  la  volonté  du  président  est  la  seule  règle,  est- 
il  convenable,  est-il  humain  de  maintenir  l'accusé  debout, 
comme  l'exigent  quelques  magistrats,  pendant  tout  le  temps 
qu'ils  l'interrogent?  A  la  fatigue  de  l'esprit,  tenu  en  éveil  par 
les  questions  multipliées  qui  lui  sont  adressées,  doit-il  join- 
dre la  fatigue  du  corps  que  lui  fait  ressentir  une  telle  posi- 
tion? Pour  que  l'intelligence  soit  libre,  il  faut  que  les  mem- 
bres n'éprouvent  aucune  gêne  ;  pour  que  l'accusé  puisse  se 
recueillir  avant  de  répondre,  pour  qu'il  ne  hâte  point  ses 
explications  et  qu'il  puisse  les  peser,  car  c'est  là  le  droit  de  sa 
défense,  il  faut  qu'il  ne  soit  pas  contraint  de  garder  une  atti- 
tude énervante  et  qu'il  puisse  s^asseoir  s'il  le  veut. 

IV.  Si  l'accusé  dénie  son  identité  et  soutient  que  les  dési- 
gnations de  l'ordonnancé  de  prise  de  corps  et  de  l'acte  d'ac- 
cosation  ne  s'appliquent  pas  à  sa  personne,  cette  dénégation 
doit  être  considérée  comme  un  moven  de  défense  qui,  comme 
tous  les  autres  tendant  à  établir  qu  il  n'est  pas  coupable,  doit 


066  DEs'couas  d^assisbs. 

être  apprécié  par  le  jury  lorsqu'il  prononce  sur  Taccnsa- 
tioB  '.  Les  art.  518  et  519,  qui  réservent  à  la  Coard'assees 
siégeant  sans  jurés  la  reconnaissance  de  ridentîté  des  indÎTi- 
dus  condamnés,  évadés  et  repris,  doivent  être  renfermés  dans 
le  cercle  tracé  paf  leurs  termes. 

Si  Faccusé  avait  été  précédemment  condamné  par  conto- 
mace,  la  question  de  Tidentité  appartiendratt-elle  k  la  Goai 
d'assises  ou  au  jury  ?  Nous  renvoyons  l'eiamen  de  cette  qves- 
tion  controversée  au  livre  IX  de  ce  traité,  dans  ieifwi  sen 
exposée  la  matière  de  la  reconnaissance  de  l*identité. 

y.  L'accusé  est  réputé  accepter  le  débat;  it  l'accepte  lors- 
qu'il ne  forme  aucune  demande  en  renvof,  lorsqa'îLne  pro- 
pose aucun  déclinatoire,  lorsquMI  prend  part  à  la  formation 
du  jury  de  jugement,  lorsqu'il  fait  assigner  ses  témoins  et 
prépare  ses  moyens  de  défense» 

Mais  est-il  nécessaire  qu'il  sdit  mis  en  demeure  par  one 
interpellation  de  déclarer  cette  acceptation?  La  loi  ne  Ta 
point  eiigé,  et  le  pourvoi  d^un  accusé  qui  se  faisait  un  grief 
de  ce  silence  a  dû  être  rejeté,  «  attendu  que  b  procédure  qui 
a  précédé  Touverture  des  débats  ayant  été  suivie  dans  les 
délais  et  avec  les  formes  que  la  loi  détermine,  le  demandeur 
a  pu  mettre  sa  défense  en  état  ;  que  d'ailleurs  il  n*a  pas  osé 
de  la  faculté  qui  lui  était  accordée  par  Fart  306  de  detnan- 
der  une  prorogation,  s'il  avait  des  motifs  pour  que  Taffaire  ce 
fut  pas  portée  devant  le  jury  *.  o 

3  6i2. 

I.  Fonnaljiés  ^ut  sulveni  la  constaUiîon  de  rid«Qtité  de  raccosé.  «^ 
il.  Avertissement .da  président.  —  III.  Lecture  de  Tacle  de  lenroi 
et  de  Tacte  d'accusatîan.  —  fV.  Second!  ^arverikseaieat  dv  ^pré^deii. 

I.  Lorsque  t'ideuiité  de  Faccusé  est  constatée,  le  frrfisideQt 
adresse  au  conseil  de  Taccusé  Tavertisiement  prescrit  par 
Tart.  311  Ml  n'est  pas  nécessaire  à  la  validité  de  la  procé- 
dure que  cet  avertissement  soit  constaté  par  le  procé^-verbil 


•  Case.  i«-seplembre  1853,  rapp.  M.  JficgmBot.  B«iU.  9*  M^ 

•  Voy.  $upràf  p.  SB8. 


OUTBISOBU  MA  «iMTt.  g  632.  4(7 

des  dàbals,  t  puisque  d'uu  cAté  cette  formalité  est  prescrite 
dans  on  intérêt  autre  que  celui  des  accusés,  et  que,  dlautne 
part,  robservAtion  de  Tart  311  n'est  pas  prescrite  ii  peine 
dennliitéV.  » 

Le  prérident  adresse  ensuite  -aux  jurés  la  fonmle  icrile 
dans  Vm%.  312  el  reçoit  leurs  sennents  '. 

II.  Ces  premières  fermalités  remplies,*!!  est  procédé  à  la 
lecture  de  l*arrèt  de  renvoi  et  de  Tacte  d'accusation. 

L'art  313  porte  :  c  Immédiatement  après,  le  président 
avertira  Taçcusé  d'être  attentif  à  ce  qu'il  va  ^entendre.  Il  or- 
donnera au  greffier  de  lire  l'arrêt  de  la  Cour  impériale  por- 
tant renvoi  à  la  Cour  d'assises  et  l'acte  d'accusaiion.  l.e  jgref- 
fier  fera  cette  lecture  à  haute  Toii.  » 

L'avertissement  d'être  attentif  que  le  président  doit  donner 
è  l'accusé  ne  se  réfère  pas  seulement  à  la  lecture  de  l'^réft 
de  renvoi  et  de  Tacte  d''accusation  ;  il  se  réfère  à  tous  les  dé* 
bats  qui  vont  se  dérouler  devant  lui.  La  loi  a  voulu  que  son 
attention  tùl  spécialement  attirée  sur  les  actes  qui  vont  suivre 
et  qui  commencent  l'instruction.  Il  a  été  jugé,  dans  une  es- 
pèce où  la  formule  légale  avait  été  modifiée,  «  que  les  termes 
de  cet  avertissement  ne  sont  pas  sacramentels  ;  qu'il  suffit 
que  ceux  qui  ont  été  employés  par  le  président  aient  appelé 
Fattention  de  l'accusé  sur  la  lecture  de  l'arrêt  de  renvoi  et  de 
l'acte  d''accusation ,  puisque  cet  avertissement  8'appli(iue 
implicitement  à  tout  ce  qui  suivra  cette  lecture  ;  que  le  pro- 
cès^erbal  oonalate,  dans  Taspèce,  qu'après  la  firestatioB  de 
sermeat  des  jurés  et  avant  la  lecture  de  TarrM  de  renvoi  et 
de  l'acte  d'accwatioD,  lepféaident  a|)révenif  f  aocuaè  c  d'élre 
attentif  à  ce  qu'il  allait  entendre  Iwe  ;  i>  que  la  teneur  de  cet 
avertissement  ne  diSèrede  celle  contenue  dans  l'art.  813  que 
par  l'addition  eu  mot  lire,  lequel  n^  rie»  de  restrictif  et  m 
peut  avoir  pour  effet  de  limiter  à  la  leelave  de  f  arrêt  de  renvoi 
et  de  l'acte  d'aoettsalîon  l'attention  que  l'aeeua^  .doit^ipporter 
auxdébsrtft'.n 

CSet  aoreitissemeBl  «^eslt  feint  prescrit  -è  peine  «de  «uNîté. 


*  Cais.  24  m»»  i%kh^  rapp.M.  RoaMsaière9.S&ttU.  n^UO  ;  iijepU  iJBa7« 
nsp.  M.  Aiirea.  IHU.  88»  1«  m. 
»  Voyei  «uprd,  p,  426. 

>  Qm.$Aiw  id47> xm^  VU  Mututfjr.  Bna.«.<iaa. 


DES  COURS  D  ASSISES. 


Ce  n*est  pas  un  motif  pour  le  négliger,  car  il  importe  qae 
l'accusé,  étranger  pour  la  plupart  du  temps  aux  formes  de 
l'audience,  suive  celles  qui  intéressent  sa  défense.  Nous  pen- 
sons même  que  le  président  doit  renouveler  son  avertisse- 
ment toutes  les  fois  que  l'accusé  est  plus  spécialement  inté- 
ressé à  prêter  attention  à  ce  qui  se  passe  autour  de  lui. 

III.  Le  greffier  lit  à  haute  voix  Tarrêt  de  renvoi  et  Facie 
d'accusation.  Celte  lecture  a  pour  objet  de  faire  connaître  à 
l'accusé,  aux  juges  et  aux  jurés,  d'une  part»  l'acte  qui  saisit 
la  Cour  d'assises ,  d*une  autre  part,  le  sujet  et  les  charges  de 
l'accusation.  Elle  peut  être  faite  par  un  huissicr*en  rempla- 
cement du  greffier  ^ 

L'omission  de  cette  formalité  n'emporte  encore  aucane 
nullité.  Il  a  été  jugé  «  que  cette  lecture  n'est  pas  prescrite  i 
peine  de  nullité,  et  qu'elle  ne  constitue  point  une  formalité 
substantielle  dont  l'inobservation  puisse  entraîner  la  nullité 
de  la  procédure  lorsque  les  accusés  n'en  ont  point  demandé 
l'accomplissement  *•  »  La  véritable  raison  qui  doit  faire  ad- 
mettre cette  solution  est  que  l'accusé  a  reçu  la  signification 
de  l'arrêt  de  renvoi  et  de  l'acte  d'accusation;  d*où  il  soit 
qu'à  son  égard  la  lecture  de  ces  actes  est  surabondante.  En- 
suite Tallocution  du  président,  prescrite  par  l'art.  314,  et 
Texposé  du  ministère  public,  prescrit  par  1  art.  315,  peuTeot 
suppléer  complètement  cette  lecture,  en  formulant  l'un  et 
l'autre  le  sujet  de  l'accusation. 

Les  témoins  doivent-ils  être  présens  à  la  lecture  de  l'arrêt 
de  renvoi  et  de  l'acte  d'accusation 7  La  loi  ne  le  dit  pas,  et  il 
a  été  décidé  «  que  l'art.  315,  en  prescrivant  que  la  lecture  de 
la  liste  des  témoins  aurait  lieu  dans  un  moment  où  le  greffier 
a  déjà  donné  lecture  de  Tarrèt  de  renvoi  et  de  l'acte  d'accu- 
sation, n'a  pu  exiger  que  ces  témoins  assistassent,  sous  peine 
de  nullité,  à  cette  lecture  ^.  > 

Ils  y  assistent  néanmoins  en  général»  puisque  les  deux  for- 
malités se  suivent  immédiatement;  mais  l'audition  de  ces  ac- 
tes  n'est  nullement  nécessaire  pour  éclairer  et  diriger  lem 


*  Cass.  23  mars  i8i&3.  Sir.,  44»  1»  545. 

'  Cass.  5  sepu  18ii,  rapp.  M,  Vasse.  J.  P.,  IX,  p.  6S7;  29  mai  1849. 
Dali.,  40,  418;  10  dot.  1849,  rapp.  M.  Barennes.  Bail.  d.  298  ;  10  déc. 
1857,  rapp.  M.  Â.  Moreau.  Bull.  d.  828. 

<  Cass.  28  féTiier  1882,  rapp.  M,  de  Gronsdllhes.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  76% 


OUVERTURE  DES  DÉBATS.    §  632.  669 

dépositions;  et  c'est  avec  raison  qu'an  arrêt  déclare  <c  que 
Tabsence  d'un  témoin  à  la  lecture  de  l'acte  d'accusation  ne 
met  aucun  obstacle  à  ce  qu'il  fasse  devant  la  Cour  d'assises 
une  déposition  spontanée  et  complète  sur  les  faits  du  procès 
qui  sont  à  sa  connaissance  personnelle,  parce  que  ce  n'est  pas 
dans  l'audition  de  l'acte  d'accusation  qu'il  doit  puiser  les 
éléments  de  sa  déposition,  mais  bien  dans  les  souyenirs  de  ce 
qu'il  a  vu  et  entendu,  et  que  c'est  par  ce  motif  que  les  arti* 
des  314-  et  315  n'ont  pas  exigé  que  les  témoins  assignés  fus* 
sent  présents  à  la  lecture  de  l'acte  d'accusation  et  à  l'exposé 
que  le  ministère  public  présente  immédiatement  après  cette 
lecture*.  » 

Le  président  peut,  s'il  le  croit  utile^  faire  lire,  à  la  suite 
de  l'arrêt  de  renvoi  et  de  l'acte  d'accusation^  les  procès-ver- 
baux qui  constatent  le  délit.  La  Cour  de  cassation  a  reconnu 
«  que  l'art.  313  ne  défend  pas  de  faire  suivre  la  lecture  de 
ces  premiers  actes  de  la  lecture  d'autres  pièces  que  le  prési- 
dent jugerait  utiles  à  la  manifestation  de  la  vérité  et  qu'il  ne 
peut  ressortir  de  nullité  de  cette  manière  de  procéder  •.  »  Et, 
en  effet,  ce  magistrat  pourrait  faire  lire  ces  pièces  dans  le  cours 
des  débats  :  pourquoi  ne  le  pourrait  -  il  pas  avant  qu'ils 
commencent,  et  lorsque  cette  lecture  peut  en  rendre  la  dis- 
cussion plus  facile  et  plus  immédiate?  L'art.  341  lui  prescrit 
d'ailleurs  de  remettre  aux  jurés,  au  moment  où  ils  vont  dé- 
libérer,  l'acte  d'accusation  et  les  procès- verbaux  qui  consta- 
tent le  délit;  il  n'est  donc  pas  contraire  à  l'esprit  de  la  loi  de 
faire  connaître  avant  les  débats  toutes  les  pièces  dont  elle  or- 
donne^ après  le  débat,  la  remise  aux  jurés. 

IV.  L'art.  314  ajoute  :  «  Après  cette  lecture,  le  président 
rappellera  à  l'accusé  ce  qui  est  contenu  en  Tacte  dlaccusation, 
et  lui  dira  :  t  Voilà  de  quoi  vous  êtes  accusé;  vous  allez  en- 
tendre les  charges  qui  seront  produites  contre  vous.  » 

La  loi  a  craint  que  l'acte  d'accusation  n'ait  pas  été  suffi- 
samment compris  ;  elle  a  voulu  que  le  président  en  résume  en 
termes  brefs  et  simples  le  sujet,  pour  que  l'accusé  et  les  jurés 
puissent  aisément  le  saisir.  Ce  n'est  point  un  exposé  des  faits 
et  des  circonstances  du  crime,  car  l'acte  d'accusation  vient  de 
le  présenter,  et  le  ministère  public  va  le  reproduire  en  l'ana- 

'  Cass.  7  janr.  18A9,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  3. 
*  Cass,  20  janv.  1848,  rapp»  M.  Legagncun  Bail.  n.  2J« 


0T(y  DBS  oonn  h^mta. 

lysanl;  c^ett  la  nmple  ésoDcnlioVy  ^ds  là  ferme  la  plos 
bfève,  da  Ent  qor  est  l'alijet  de  raccusatmiw  H  m  s'agHr  que 
défaite  bien  compiMdv^  hr  sujet  sor  teqoel^  iee^  déMi ¥€101 
perler. 

S  633. 

L  Exposé  da  oûMltee  iMiUie.  ^  If.    Sa  foesie.  -^  JM.  fekt  de 
nallité  au  cas  d'omissioa. 

I.  L'art.  315  porte  que  <  le  procureur  général  exposeca 
le  sujet  de  Faccusation..  t 

Cet  exposé  peut  être  considéré  eomnie  une  forme  surabon- 
dante. Le  greffier  vient  de  donner  lecture  de  l'arrêt  de  cen- 
Yoî  et  de  l'acte  d'accusation.  Le  président  »  r-ésumé  ensuite 
ces  actes,  en  énonçant  en  termes  nets  et  limpides  le  sujet  de 
l'accusation.  Que  sert  donc  Texposé  du  ministère  public  qui 
vient  en  troisième  lieu  ?  L'accusé  et  les  jurés  ne  conoaissaîeat- 
ils  pas  dé^  le  Cait  que  Tinstruetion  va  débattre?  Est-il  besoin 
de  le  répéter  une  troisième  fois?  £t  ces  inutiles  rèpétUions  ne 
tendent-elles  pas  à  fatiguer  l'attention  et  à  compliquer  la 
procédure? 

U.  Cette  allocution  préalable  a  d'ailleurs  quelle»  dan- 
gers, car  la  loi  n'en  a  point  réglé  la  forme  et  de  li  il  a  été 
induit  :  1**  «  Que  le  mode  à  suivre  pour  Texposé  d^une  affaire 
est  entièrement  facultatif  de  la  part  du  ministère  public  '.  » 
Quesi,  dans  une  espèce,  le  ministère  public  a,  par  son  exposé, 
nommé  quelques  témoins  et  fait  connaître  substantidlemeat 
leurs  déclarations,  il  n'a,  en  le  faisant,  violé  aucun  artide  de 
loi  ni  porté  d'atteinte  aux  droits  généraux  de  la  défense  *;  » 
3°  qu'il  peut  même  donner  lecture  des  procès- verbaux  de  cons- 
tatation du  délit  renfermant  la  déclaration  de  plusieurs  Céiuoins 
présents,  «  attendu  que  TarL  315  ne  déterminant  pas  le 
mode  de  l'exposé,  on  n'est  pas  fondé  à  soutenir  que  le  mi- 
nistère public  soit  allé  au  delà  de  son  droit,,  en  donnant 
lecture  des  procès*vtïrbaux  rédigés  pouc  la  constatation  du 
délit  '.  0 

'  Cass.  18  sept.  1845,  rapp.  M.  Barennes.  Bull.  n.  293. 
>  Cass.  8  jany.  1833,  rappw  If.  Oiinrier.  J.  P.,  U  XXV,  p.  U 
'  Cass.  2  ocu  1852,  nipp.  M.  Jnc^MMOt*  IM^  n,  aas. 


OOTERTORI  08S  HÊBATÈ.   {  C33.  ^1 

Cette  jorispradenee  tend  à  transformer  cet  exp^  préalable 
en  une  yérîtable  plaidoirie.  Est-il  vrai  qne  le  nnnrstère  public 
puisse  lire  et  discuter  à  Tavance  les  dépositions  des  témoin^,, 
examiner  les  procès-Terbani  qui  constatent  le  délit  et  établir 
ainsi  les  faits  qui  sont  Fobjet  de  Taecusation?  Est-ce  là  le  droit 
que  lui  donne  la  loi?  Il  suffit  de  se  reporter  à  ses  termes.  Le 
ministère  public  est  chargé  é^exposer  et  non  d'établir  Taccu- 
sation  :  tout  Tesprit  de  Part.  315  est  dans  cette  expression. 
Qu'importe  qu^il  n'ait  point  réglé  la  forme  de  cet  exposé  t  la 
formeest  dans  le  mot  lui-même;  il  ne  s'agit  que  d'une  simple 
exposition  des  faits  :  les  preuves  et  leur  discussion  viendront 
plus  loin,  n  ne  s'agit  que  de  poser  devant  Taccusé  et  les  jurés 
les  points  qui  vont  être  débattus  et  qui  doivent  occuper  leur 
attention.  Gomment  la  loi  eût-elle  permis  de  développer  l'ac* 
cusatîon  quand  les  débats  n'ont  pas  encore  commencé,  et  de 
discuter  des  preuves  qui  n'ont  pas  encore  été  produites?  Gom* 
ment  eût-elle  permis  de  jeter  dans  l'esprit  des  jurés  des  im- 
pressions défavorables  à  la  défense,  avant  que  leur  examen 
soit  ouvert»  avant  que  les  éléments  de  leur  conviction  leur 
aient  été  soumis? 

Et  puis  la  conséquence  se  produit  inmiédiatemeirt  :  si  le  mi- 
nistère public  discute,  au  lieu  d'exposer,  la  défense  a  le  droit 
délai  répondre;  et  ce  droit  est  même  dans  ce  cas  tellement 
évident»  qo'oa  présidefit  n'a  pas  hésité  i  le  reoennattre,  en 
autorisant  Taecusé  à  prendre  b  parole  api^ès  l'exposé,  et  le 
potfirvoi  formé  àraison  de  cet  incMent  a  élé  rejeté,  c  attendu 
que  l'ordre  établi  par  les  art.  315  et  335  enlue  ceux  qui  doi- 
vent prendre  la  parole  devant  la  Cour  d'assises  n'est  point 
prescrit  à  petaede  nullité,  et  qne  t'interversion  de  cet  ordre 
ne  peut  donner  ouverture  à  cassation  que  s'il  en  résultaîl 
uae  violation  des  droits  de  la  défense  ^  »  Assurément  cet  ar- 
rêt est  à  l'abri  de  toute  critique  ;  mais»qu'eu  réaolt^t-il  î  Qw 
la  discossion,  qui  doit  logiquement  suivre  le  débat,  le  préh 
cède,  ou  plutêt  qu'une  double  disooseion  se  preduil  avant 
Taudition  des  témoins,  et  après  cette  audition;  or  cette  mar- 
che, quin'est  que  la  suite  nécessaire  de  la  déviation  du  prin- 
cipe de  l'exposé,  n'est-elle  pas  directement  contraire  aux  rè- 
gles posées  par  les  art.  315  et  335? 

m.  Au  surplus,  il  est  de  jurisprudctice  t  que  Fart.  315 

«  Cass.  8  juîû  1850,  rapp.  M.  Ouéoaulr.  BaTI.,  5V,  1,  t'TS. 


67S  DES  coutts  d'assises. 

n'impose  pas  au  ministère  public  robligation  d'exposer  le 
sujet  de  l'accusation  après  la  lecture  de  l'acte  d'accusation; 
que  cet  article  lui  donne  seulement  un  droit  et  une  faculté 
dont  il  lui  est  loisible  d*user  ou  de  ne  pas  user;  que,  par  con- 
séquent, il  peut  s'en  rapporter  à  l'exposé  contenu  dans  l'acte 
d'accusation,  et  que  la  disposition  portée  en  l'art,  315  n'est 
pas  prescrite  à  peine  de  nullité  S  » 

Il  suit  de  là  que  le  ministère  public  doit  s'abstenir  de  (aire 
cet  exposé^  toutes  les  fois  que  l'accusation  se  réduit  à  des  ter- 
mes simples  et  clairs  ;  qu'il  peut  y  avoir  recours  lorsque  la 
complication  de  l'affaire  le  rend  utile^  pour  discerner  les  dif- 
férents chefs  de  l'accusation  ou  la  position  différente  des  divers 
accusés  ;  et  que,  dans  tous  les  cas  ,  il  doit  se  borner  à  exposer 
les  faits  sans  les  discuter,  à  faire  connaître  le  sujet  du  débat 
sans  l'examiner. 

S  634. 

I.  Lecture  de  la  lisle  des  témoins.  —  II.  Témoins  défaillants.  —III. 
Reuvoi,  s'il  y  a  lieu,  à  un  autre  jour  ou  à  une  autre  session.  —  IV. 
.  Séquestration  des  témoins. 

I.  L'art.  315  dispose  que  le  ministère  public,  après  avoir 
exposé  le  sujet  de  Taccusation,  a  présenlett^  nsuite  la  liste 
des  témoins  qui  devront  être  entendus,  soiti  i  a  requête,  soit 
à  la  requête  de  la  partie  civile,  soit  i  celle  de  l'accusé.  Cette 
liste  sera  lue  à  haute  voix  par  le  grefTicr.  » 

Cette  formalité,  qui  n'est  destinée  qu'à  constater  la  pré- 
sence des  témoins  assignés  à  la  requête  des  parties,  n'est 
point  prescrite  à  peine  de  nullilé^  :  son  omission  ou  Pomis- 
sion  de  sa  relation  dans  le  procès-verbal  ne  pourrait  doue  vi- 
cier la  procédure.  Il  importe  néanmoins  à  l'ordre  du  débat 
qu'elle  soit  exactement  remplie,  surtout  quand  les  lémoios 
sont  nombreux,  car  il  faut  que  la  Cour  et  les  parties  paissent 
connaître  immédiatement  ceux  qui  n'auraient  pas  répondu  i 


<  Gass.  8  mai  183&,  rapp.  M.  Dchaussy.  J.  P. ,  t.  XXVI,  p.  * 360  ;  17  août 
1827,  rapp.  M.  OUivier.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  737  ;  29  mars  1832,  rapp. 
M.  Rives.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  906;  5  fév.  1836,  rapp.  M.  de  Ricard.  BulL 
n.  â2  ;  24  jain  1847,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bail.  n.  138  ;  9  fév.  1850,  rapp. 
M.  Dehaussy.  Bull.  n.  50. 

*  Gass.  23  mars  18&3,  rapp.  M.  Romiguîèrcs.  Bull.  o.  45  ;  13  mars  1845, 
non  imprimé;  8  sept.  1858,  rapp.  M.  Zangiacomi. 


OUVERTÙftÉ   BKS  DEBATS.    §  134.  6t3 

la  citation.  La  lecture  peut  être  faite  par  un  huissier  à  la  place 
du  greffier'. 

Cette  liste  ne  peut,  aux  termes  de  Tart.  315,  contenir  que 
les  témoins  dont  les  noms  ont  été  notifiés  par  la  partie  qui  les 
produit  à  l'autre  partie.  L'omission  ou  Firr^gularilé  de  celte 
noliQcalion  ne  donne,  d'ailleurs,  ainsi  qu'oa  l'a  déjà  dit  •, 
d'autre  droit,  soità  l'accusé,  soit  au  ministère  public,  que  celui 
de  s'opposer  à  Taudition  des  témoins  irrégulièrement  notifiés. 
Ce  droit  d'opposition  est  expliqué  dans  le  chapitre  suivant. 

IL  Si  quelques-uns  des  témoins  cités  ne  comparaissen 
pas,  il  y  a  lieu,  soit  d'admettre  les  excuses  qu'ils  présentent, 
soit  de  les  condamner  à  l'amende,  soit  d'ordonner  qu^ils  seront 
contraints  par  corps  à  venir  donner  leur  témoignage! 

L'art.  355  reconnaît  à  la  Cour  d'assises,  lorsqu'un  témoin 
nécessaire  ne  comparait  pas,  le  droit  d'ordonner  «  que  ce  té- 
moin sera  amené  par  la  force  publique  devant  la  Cour  pour  y 
être  entendu,  »  et  le  même  article  ajoute  :  «  Dans  tous  les 
cas^  le  témoin  qui  ne  comparaîtra  pas  ou  qui  refusera,  soit  de 
prêter  serment,  soit  de  faire  sa  déposition,  sera  condamné  à 
la  peine  portée  par  l'art.  80.  •  Enfin  l'art.  356  est  ainsi 
conçu  :  a  La  voie  de  l'opposition  sera  ouverte  contre  ces  con- 
damnations, dans  les  dix  jours  de  la  signification  qui  en  aura 
été  faite  au  témoin  condamné  ou  à  son  domicile,  outre  un 
jour  par  cinq  myriamètres,  et^  l'opposition  sera  reçue,  s'il 
prouve  qu'il  a  été  légitimement  empêché  ou  que  Tamendo 
contre  lui  prononcée  doit  être  modérée,  » 

Nous  avons  déjà  amplement  expliqué  la  matière  des  excuses 
et  des  condamnations  des  témoins,  en  examinant  soit  les  art. 
80  et  81  relatifs  à  l'information ',  soit  les  art.  157  et 
158  relatifs  à  l'instruction  des  tribunaux  de  police^,  soit 
les  art.  189  et  190  relatifs  à  Tinstruction  des  tribunaux  cor-« 
rectionnels*.  Nous  n'ajouterons  rien  sur  ce  point. 

C'est  à  la  Cour  d'assises  qu'il  appartient  de  statuer  sur  les 
absences  et  sur  les  excuses^.  Ses  arrêts  doivent  nécessairement 


•  Cass.  SS  mars  1843,  cité  supràf'^»  Ô72. 

•  Voyei  iupràf  p.  585. 
»  Voyex  t  V.  p.  544. 

•  Voyeit.  VII,  p.287. 

•  Voyex  t.  VU,  p.  693, 

•  Gu».  ao  août  1929,  rapp,  M,  Oliivien'J.  P.,  U  XXII,  f.  ION. 

ViUi  43 


6trë  tfioiiv^  K  Si  1  opposition  du  tétnoi»  défailtatit  nW  lof« 
mée  qu'après  la  clôtutc  de  la  session^  elle  est  portée  à  la  sei' 
sion  suivante  ^é 

III.  La  Cour  d^asslses,  après  avoir  admis  tes  eicuses  ou 
prononcé  les  amendes,  doit  examiner  les  mesures  que  peut 
nécessiter  la  non  .comparution  des  témoins. 

Elle  peut  renvoyer  TalTairc  soit  à  un  autre  jour,  soit  à 
une  autre  session,  en  ordonnant  que  les  témoins  défaiilauts 
seront  ou  réassignés  ou  amenés  par  la  force  publique  à  Tau- 
dience. 

Elle  peut  ordonner  purement  et  simplement  quil  sera 
passé  outre  immédiatement  aux  débats. 

La  première  de  ces  mesures  ne  doit  être  pri^eque  dans  le 
cas  où  la  déposition  du  témoin  absent  est  indispensable  à  la 
manifestation  de  la  vérité.  Lors  de  la  rédaction  du  Code, 
M.  Béai  avait  dit,  en  parlant  de  Tart.  355,  «  que  la  loi  de- 
vrait exprimer  que  la  disposition  ne  sera  appliquée  qu'aui 
témoins  dont  la  présence  serait  indispensable.  »  M.  Oudart 
répondit  «  que  Tarlicle  le  suppose  évidemment,  puisqu'il  ne 
fait  retomber  lesfrais  que  sur  le  témoin  dont  l'absence  a  obligé 
la  Cour  de  renvoyer  l'affaire  à  une  autre  session  *•  » 

Le  renvoi  dans  ce  cas  peut  être  fait,  soit  à  un  autre  jour  de 
la  même  session,  soit  à  une  autre  session.] 

Lo  renvoi  à  un  autre  jour  de  la  même  session,  quoique  la 
loi  ne  l'ait  pas  formellement  prévu,  résulte,  par  voie  de  consé- 
quence, de  la  faculté  de  renvoyer  à  une  autre  session  *.  La  ju- 
risprudence a  plusieurs  fois  consacré  cette  mesure^  qui  a, 
lorsqu'elle  suOit  pour  faire  arriver  les  témoins  absents,  le 
double  avantage  do  n'apporter  aucun  retard  au  jugement  et 
d^éviter  la  condamnation  aux  frais  d'une  nouvelle  procédure. 
Il  n'est  pas  douteux  d^ailleurs  qu'elle  ne  puisse  être  accom- 
pagnée des  me&ures  coërcitivcs  autorisées  par  les  art.  80, 157 
et  355. 


«  Cass.l3  août  1834,  ropp.  M.  Rocher.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  iSS. 

2  Cass.  29  avril  1817,  rapp.  M.  AumonU  J.  P.,  U  XIV,  p,  201. 

'  Procès-verbal  du  conseil  d'Élat  ;  séance  du  7  vend,  an  ziit.  Locré,  t.  XMV, 
p.  276. 

A  Voy.  tupt^àf  p.  569. 

*  Cass.  15  juin  1827,  rapp.  H.  ollivier.  Dali.  T*Inst  crim.  d.  1803  ;i bot* 
1839,  rapp.  M.  Vojsin-de-Garlempe.  Bull.  n.  335  ;  31  mars  1842,  rapp. 
M.  Dehaussy,  n,  71  ;  26  avril  1846,  rapp.  M.  IsamberU  d.  155{  6  ao(U  ltdf| 
rapp.  M*  Me^ronuet,  n.  313» 


Lé  febVoi  à  une  autre  ieÉsiM  he  doit  étté  ptoûOûCé  <}u<l 
lorsque  la  durée  de  la  flession  serait  insuCbante  pour  que  les 
témoins  défaillants  pussent  être  cit^de  nouveau  ou  amenés 
devant  la  Cour  d'assises. 

Ce  renvoi  peut  être  ordonné,  soit  sur  la  demande  de  Vac* 
cusé,  soit  sur  les  réquisitions  du  ministère  public,  soit  d'office 
par  la  Cour  d'assises. 

Il  peut  être  ordonné  sur  la  demande  de  Taccusé.  Le.  droit 
de  l'accusé  de  demander  le  renvoi,  à  raison  de  la  non  com- 
parution des  témoins  cités,  avait  d'abord  été  dénié  par  la 
jurisprudence,  qui  se  fondait  sur  ce  «que,  d'après  Tart.  35fc, 
il  n'y  a  que  le  procureur  général  qui  puisse  requérir  le  renvoi 
à  une  autre  session,  lorsque  les  témoins  par  lui  cités  ne  corn* 
paraissent  pasS  »  Mais  est-ce  que  l'indication  du  droit  du 
ministère  public  peut  exclure  celui  de  l'accusé  T  Est-ce  qu'il 
est  possible  d'enlever  à  cet  accusé  qui,  sans  qu'aucune  faute 
lui  soit  imputable,  se  trouve  dans  l'impossibilité  de  produire 
ses  preuves,  le  droit  de  demander  un  délai  pour  faire  cette 
production?  La  jurisprudence  est  revenue  sur  ses  pas,  et  elle 
a  reconnu  que  «  lorsque  des  témoins  cités  devant  la  Cour 
d'assises  ne  comparaissent  pas  aux  débats,  aucun  article  de 
la  loi  n'ôte  à  l'accusé  le  droit  de  réclamer  son  renvoi  aux 
sessions  suivantes  *.  »  En  sorte  que,  si  sa  demande  était  re-* 
jetée,  non  parce  qu'elle  ne  serait  pas  fondée,  car  la  Cour 
d'assises  a  nécessairement  le  droit  de  l'apprécier^  mais  par 
Tunique  motif  que  le  ministère  public  aurait  seul  qualité 
pour  requérir  le  renvoi,  il  y  aurait  nullité,  et  c'est  par  cette 
raison  que  la  Cour  de  cassation  a  déclaré  «  qu'une  Cour 
d'assises  qui  avait  jugé  qu'elle  ne  pouvait  renvoyer  la  cause 
aux  assises  suivantes  que  sur  la  réquisition  formelle  du  mi«- 
nistère  public,  qui  s'y  opposait,  avait  fait  une  fausse  appli- 
cation de  l'art,  dbk  et  viulé  le  droit  de  la  défense  de  Taccusé 
qui  demandait  le  renvoi  *.  »  Il  y  a  lieu  de  remarquer  que  cet 
arrêt  né  distingue  point  entre  le  cas  où  les  témoins  ont  été 
assignés  par  le  ministère  public  ou  par  l'accusé,  et,  en  effet,, 
cette  distinction  ne  serait  pas  fondée  ;  car,  d'une  part,  il  est 


*Gas8«  i3  ocL  1815,raivp.  M.  AumonU  J.  P.,  t.  XIU,p.82  ;  2à  àéc  1824« 
rapp.  M.  de  Bernard,  U  XVUI,  p,  120A  ;  16  sept.  1831,  rapp.  M,  Ollivier, 
U  XXIV,  p.  2A7, 

•  Cass.  12  janf.  1832,  rapp.  M,  OUWier,  J.  P.,  U  XXIV,  5«0, 

•MeiaearrOt; 


G7â  ^SS  €00R8  d'assises. 

possible  quo  l'accusé  attende  sa  justification  des  déclarations 
mêmes  des  témoins  à  cbarge^*  de  leurs  variations,  de  leurs 
réponses  contradictoires,  de  leurs  hésitations;  et,  d'un  autre 
côté,  Tarticle  321  autorisant  le  ministère  public  è  faire  citer 
à  sa  requête  les  témoins  qui  lui  sont  indiqués  par  Taccusé,  il 
s'ensuit  que  les  témoins  à  décharge,  confondus  a?ec  les  au- 
tres, se  trouvent  le  plus  souvent  sur  la  liste  du  ministère 
public* 

Le  renvoi  peut  être  ordonné,  en  second  lieu,  sur  la  réqui- 
stlion  du  ministère  public  ;  c'est  là  Thypothèse  spécialement 
prévue  par  l'art.  354.  Ce  droit  de  réquisition  n'est  pas  iinûté 
au  cas  où  les  témoins  absents  ont  été  cités  par  le  ministère 
public  :  la  loi  ne  fait  aucune  restriction  et  cette  restriction  se- 
rait contraire  au  principe  de  Tinstitution  du  ministère  publi(b 
qui  a  pour  objet,  non  de  soutenir  toutes  les  accusations,  mais 
de  rechercher  la  vérité  qu  elles  contiennent,  non  d'apporter 
exclusivement  le$  charges  aux  débats,  mais  de  produire  toutes 
les  preuves,  qu^ellessoicrit  favorables  à  l'action  publique  ou  à 
la  défense,  qui  peuvent  éclairer  la  justice. 

Le  renvoi  peut,  en  troisième  lieu,  être  ordonné,  même 
d'office,  et  sans  aucune  demande  ou  réquisition  préalable, 
par  la  Cour  d'assises.  Les  arrêts  qui  consacrent  ce  droit  por- 
tent simplement  a  que,  dans  le  cas  d^e  Fart.  306,  le  président 
peut  d'office  renvoyer  une  affaire  à  une  autre  session  ;  que  la 
Cour  d'assises  peut,  par  conséquent,  dans  le  cas  de  l'art  35i, 
exercer  aussi  ce  droit  de  renvoi  d'office  ^  »  La  véritable  rai- 
son est  que  la  Cour  d'assises,  comme  toute  juridiction  ré- 
pressive, a  le  droit  d'ordonner  l'apport  des  preuves  qui  lui 
semblent  nécessaires  pour  éclairer  ses  décisions,  et  par  con- 
séqtent,  de  retarder  l'ouverture  des  débats  jusqu'à  ce  que 
cette  production  soit  faite.  Il  est  inutile  d'ajouter»  car  nous 
l'avons  déjà  établi  >,  que  la  Coui*  d'assises  seule  est  compé- 
tente pour  prononcer  ce  renvoi,  car  c'est  là  un  point  étranger, 
soit  au  pouvoir  de  direction,  soit  au  pouvoir  discrétionnaire 
du  président  >• 

La  Cour  d'assises  n'est  liée,  ni  par  les  conclusions  de  la  dé- 
fense, ni  par  les  réquisitions  du  ministère  public  ;  et  de  même 


«  Casa,  ii  oct.  iSSi.rapp.  M.  GhaDtereyne.  J.  P.,  t.  XVI,  U  M5;  tOaott 
iSSii,  rapp.  M.  Brière^  UXVIII,  p.  593, 
i\oj.suprdp,  &64< 
>  Cm  19  oct.  1899|  rapp#  Bl,  Viflceos-St-Laurent,  S.  V,  89^     95$, 


OUTERT01K»DE|  DÉBATS,  I  03  i.  077 

qu'elle  peut  prononcer  le  renvoi,  lorsqu'aocane  des  parties 
ne  le  réclamei  elle  peut  ordonner,  contrairement  aux  réqui- 
sitions du  ministère  public  '  ou  de  Taccusé  %  que  nonobstant 
Tabsenco  des  témoins,  il  sera  passé  outre  aux  débats  :  la  rai- 
son en  est  «  que  l'art.  3bk  est  seulement  facultatif  et  suppose 
que  Taudition  de  ces  témoins  serait  jugée  utile  pour  la  mani- 
festation de  la  mérité'.  »  Or,  la  Cour  d'assises  est  exclusive- 
ment compétente  pour  apprécier  cette  utilité;  elle  doit  donc 
ordonner  le  renvoi  ou  retenir  la  cause,  suivant  qu'elle  juge  la  • 
présence  des  témoins  absents  nécessaire  ou  inutile  à  la  solu- 
tion de  l'affaire  ^,  et  sous  ce  rapport,  de  quelque  manière 
qu'elle  ait  prononcé,  sa  décision  est  souveraine  et  ne  peut 
donner  ouverture  à  cassation  ^.  Elle  peut  môme,  dans  le  cas 
oà  deux  affaires  ont  été  jointes  6,  disjoindre  celle  dans  laquelle 
les  témoins  n'auraient  pas  comparu,  et  retenir  l'aulre  sans 
que  l'accusé  puisse  se  faire  un  grief  do  celte  disjonction  ?. 

Toutes  les  fois  que  quelques-uns  des  témoins  cités  no  com- 
paraissent pas,  le  président  doit  interpeller  chaque  partie  de 
faire  ses  observations  à  cet  égard,  et  la  Cour  d'assises  doit 
rendre  arrêt  pour  décider  ou  que  la  cause  est  renvoyée,  ou 
qu'il  est  passé  outre  aux  débats.  Cette  marche  régulière,  en 
prot  oquant  toutes  les  explications,  sauvegarde  tous  les  droits. 
Elle  n'est  que  la  stricte  application  de  Part.  3bi>  ;  car,  puisque 
cet  article  ouvre  h  chacune  des  parties  la  faculté  de  demander 
le  renvoi,  il  en  résulte  qu'elles  doivent  être  mises  en  demeure 
de  former  cette  demande.  Mais  la  jurisprudence  a  fléchi  sur  ce 
point.  Elle  a  déclaré  que  la  Cour  d'assises  peut  passer  outre 
sans  que  les  parties  aient  éléentendues^  ;  qu'il  n'est  même  pas 
nécessaire  de  les  interpeller  à  cet  égard,  a  attendu  que  les 
droits  de  la  défense  ne  sont  pas  moins  entiers  lorsque  TaccurBé 
a  toute  liberté  de  demander  la  remise  ou  de  prendre  telles 
conclusions  qu'il  croit  convenables^;  que  s'il  lui  est  loisibte 

«  Cass.  20  août  18J4,  et  12 janv.  1882.  Cités  auprà,  p.  075  et  676. 
Cass.  ôféT.  1840,  rapp  M.  Vincens^t^Laurenl.  Dali.  40, 1, 878  •,  21  mars 
1839,  même  rapp.  J.  P.,  à  sa  date. 

*  Cass.  20  ocu  1820,  rapp.  M.  Bataud.  h  Pti  tt  XYI,  p.  170, 

*  Cass.  12  jan?.  1832,  cité  iuprà^  ^^  ^^        «.«    ,. 

»  Cass.  25  sept  1824,  rapp.  M.  Brièrc.  J.  P.,  U  XVIII,  p*  1048i  la  wpt. 
i8S9,  rapp.  M.  Gary,  r.  XXIJ,  p.  1454. 

*  Voy.  iuprdt p.  872.  ,       ,» 

'  Cass.  6  Ky,  1834«  rapp.  M.  Choppln  J.  P.,  t.  XXVI,  p.  140. 

*  Cass.  25  jany.  1849»  rupp.  M.  Meyronnel-St-Marc  Dali.  49,  5,  279« 

*  Casi.  14  déc,  1887,  ropp.  M.  Vinceiis-St-LaureoU  J.  P«»  à  sa  dale« 


678  bfiâ  C0VR9  D*X$SISË9. 

de  soumettre  à  la  Cour  les  observations  dont  il  croit  les  con- 
clusions du  ministère  public  susceptibles  dans  son  intérêt,  elle 
n'est  pas  préalablement  tenue  de  ^inte^pelleTàcetcga^d^  v 
Elle  a  décidé  encore  qu^il  est  inutile  de  rendre  arrêt  lorsqu'il 
n'y  a  point  de  réclamation  *;  s*il  y  a  arrêt,  qu'il  est  inutile  de 
le  motiver  ',  et  enfin,  «  qu'une  décision  de  la  Cour  d'assises 
pour  prononcer  le  passé  outre  aux  débats  n'est  nécessaire 
qu'au  cas  où  cette  mesure  a  formé  l'objet  d'un  contentieux 
devant  elle;  que,  hors  de  là,  le  droit  de  l'ordonner  rentre 
dans  les  attributions  du  président  ^.  »  Toutes  ces  décisions, 
qui  ont  un  but  raisonnable,  celui  d'éviter  des  nullités  inutiles, 
ont  le  tort  d'exprimer  des  motifs  surabondants  et  qui  tendent 
à  énerver  les  formes  de  la  procédure.  Ne  suffisait-il  pas  de 
déclarer  que,  quelqu'impor tantes  que  fussent  ces  formes^la 
loi  n'avait  point  prescrit^  à  peine  de  nullité,  que  les  parties 
fussent  mises  en  demeure  de  faire  leurs  observations  et  que 
la  Cour  rendit  un  arrêt  en  forme  quaqd  elle  n'était  saisie  d'au- 
cune réclamation?  Pourquoi  ajouter,   en   opposition  avec 
d'autres  arrêts^  que  le  président  peut,  dans  ce  cas,  ordonner  le 
passé  outre,  qu6  les  réquisitions  sont  inutiles»  qu'une  inter- 
pellation préalable  est  superflue?  C'est  ainsi  que  les  règles 
sont  ébranlées  et  que  la  pratique  n'a  plus  de  terrain  fixe  pour 
porter  ses  pas.  Il  n'est  pas  exact  de  dire  que  le  président  peut 
ordonner  le  passé  outre,  il  ne  peut  que  formuler  la  décision 
de  la  Cour,  puisqu'il  s'agit  de  Futilité  d'un  preuve  que  la 
Cour  seule  peut  apprécier.  11  n'est  pas  exact  de  dire  que  les 
conclusions  des  parties  soient  inutiles  et  que  dès  lors  il  esl 
superflu  de  les  interpeller,  puisqu'il  s'agit  de  savoir  quelle 
est  l'importance  d'un  témoignage  et  si  elles  y  renoncent, 
puisqu'il  s'agit  de  maintenir  ou  d'écarter  des  témoins.  Il  est 
possible  de  recommander  l'application  d*une  règle  sans  altu- 
cher  à  son  inobservation  la  peine  rigoureuse  de  la  nullité,  et 
la  jurisprudence  perd  trop  souvent  de  vue  cette  tâche  que  le 
législateur  a  confiée  à  sa  sagesse  lorsqu'il  édicté  tant  de  for- 
mes qui  ne  sont  pas  substantielles. 

i  Cats.  2^  juin  1832,  rapp.  M.  RWei.  J.  P.,  t  XXIV,  p.  1196  ;  21  mars 
A8A4,  rapp.  M,  Romigulères.  BuJl.  n.  110  s  cass.  22  fév.  1855,  rapp.  M.  ià- 
Ion,  n.  57. 

*  Cass.  16 mai  1823,  rapp.  M.  Mangin.  J.  P.,  t  XXI,  p.  763  ;  2  sept  1830, 
rapp.  M.  OUivier,  t  XXIil,  p.  7U2;  22  avril  1811,  rapp.  M.  Meyroaaei-Si< 
MarcDaU.Al»  ^361. 

*  Cas«.  IQsepu  1856*  rapp. M.  Dressom  fiull.  u.  318. 

^  Quu  n  août  1I37>  Hpp,  MiQiUrlert  I.  P^r  t*  XXt|  p.  7e«i 


ouvfnTOAe  des  débats.  S  03^«  619 

Au  surplus ,  l'absence  d^un  ou  de  plusieurs  témolos  ne 
donne  à  l'accusé  d'autre  droit  que  celui  de  demander  le  ren« 
Toi  &  un  autre  jour  ou  à  une  autre  session,  avec  contrainte  par 
corps  contre  les  témoins  défaillants;  il  ne  peut  conclure  à 
Tamende  contre  ces  témoins;  ce  droit  n'appartient  qu'au 
ministère  public  ^ 

IV.  Lorsqu'il  est  passé  outre  aux  débats,  les  témoins  qui 
ont  comparu  se  retirent  immédiatement  dans  la  chambre  qui 
leur  est  destinée. 

L'art.  316  est  ainsi  conçu  :  «  Le  président  ordonnera  aux 
témoins  de  se  retirer  dans  la  chambre  qui  leur  est  destinée, 
lis  n'en  sortiront  que  pour  déposer.  Le  président  prendra  des 
ifl-écautions,  s'il  en  est  besoin^  pour  empêcher  les  témoins  de 
conférer  entre  eux  du  délit  et  de  l'accusé  avant  leur  dépo- 
sition. )) 

Cette  disposition  n'est  point  prescrite  à  peine  de  nullité,  et 
la  jurisprudence  a  déclaré  que  les  formes  qu'elle  établit  ne 
sont  pas  de  nature  à  ce  qu'il  y  ait  lieu  de  suppléer  cette  peine  •. 
Les  parties  ne  pourraient  donc  se  faire  un  grief,  soit  de  ce  que 
le  procès-verbal  des  débats  ne  constaterait  pas  que  les  té- 
moins se  sont  retirés  dans  une  salle  particulière^,  soit  de  ce 
qu'il  aurait  été  incidemment  constaté  qu'un  ou  plusieurs  té- 
moins seraient  restés  dans  l'auditoire  et  auraient  assisté  aux 
dépositions  des  témoins  qui  les  ont  précédés  ^. 

La  loi  s'est  confiée  au  président  du  soin  de  maintenir  la 
séparation  des  témoins  ;  ce  n'est  point  là  une  forme  dont  l'in- 
fraction puisse  vicier  la  procédure  ;  elle  ne  peut  vicier  que  la 
vérité.  Pourquoi  les  témoins  doivent-ils  être  exclus  de  l'au- 
dience jusqu'à  leur  déposition?  pourquoi  le  président  est-il 
armé  de  la  faculté  de  prévenir  toute  conférence  entre  eux  ? 
C'est  qu'il  importe  qu'ils  ne  subissent  aucune  influence  exté- 
rieure, c'est  qu'ils  doivent  compte  à  la  justice  de  leurs  impres- 
sions personnelles,  et  qu'ils  pourraient  en  modifier  l'expres- 
sion s'ils  entendaient  des  dépositions  ou  s'ils  conféraient  avec 
des  témoins  qui  ne  seraient  pas  complètement  d'accord  avec 
eux.  Leur  isolement  est  donc  une  forme  très  importante  ;  mais 
on  comprend  que  le  législateur  n'ait  pas  voulu  y  attacher  le 

*  Cass.  4  sept.  18À0,  rapp.  M.  Vinceus-St-Laurcnt.  Bull.  n.  251. 

*  Cuss.  25  janvier  1838,  rapp.  M.  Viiicens-Sl-LaurenU  J.  P,,  âi  sa  date* 

*  Ca^s  3  avril  1818,  rapp.  M.  Aumout.  J.  P«,  t.  XIV,  p.  732, 

*  Ciu>s»lo  avril  1919»  rapp»  hU  GlrauJi  h  P.|  U  XV»  p»  dVli 


C80  PES  COURS  0*ASSI8K8. 

sort  de  la  procédure,  parce  que  son  application  dépendait  en 

f)arlie  de  la  volonté  même  des  témoins.  La  sanction  de  cette 
orme  est»  d'abord,  on  vient  de  le  dire,  dans  la  vigilance 
du  président;  elle  est  ensuite  dans  le  droit  qu'ont  les  parties 
d'opposer  au  témoignage  Tinfluence  qu^il  a  pu  recevoir  de 
la  communication. 

Ainsi,  rien  ne  s^oppose  à  ce  que  le  ministère  public  on 
Taccusé,  lorsque  cette  communication  leur  est  révélée,  ne 
signalent,  en  discutant  la  déposition  du  témoin,  rinfiueoce 
extérieure  qu^elIc  a  subie.  Dans  une  espèce  où  raccusése 
Taisait  un  grief  devant  la  Cour  de  cassation  de  ce  qu'un  des 
témoins  s^était  furtivement  introduit  dans  l'auditoire  avant 
d'être  entendu,  Tarrèt  a  répondu  a  qu^il  ne  peut  dépendre 
d^un  témoin  de  vicier  la  procédure  à  sa  volonté,  et  qu'il  ne 
peut  résulter  de  cette  circonstance  qu'un  moyen  de  discus- 
sion contre  la  déclaration  du  témoin  qui  s'est  ainsi  introduit, 
discussion  dont  le  jury  apprécie  la  gravité,  comme  celle  des 
autres  éléments  du  procès  ' .  » 

Au  surplus,  le  président  peut  prendre  d'autres  précautions 
pour  empêcher  les  témoins  de  conférer  soit  entre  eux,  soit 
avec  des  tiers.  Ces  précautions  consistent  à  les  isoler  jusqu'au 
moment  où  ils  sont  appelés  à  faire  leur  déposition.  Un  pré- 
sident avait  tenu  les  témoins  à  décharge  dans  une  chambre 
séparée  dont  ils  ne  leur  avait  pus  permis  de  sortir  pendant  la 
suspension.  Le  pourioi,  qui  s'était  fait  un  grief  de  celte 
séquestration,  a  été  rejeté,  «  attendu  que  le  président  a  agi 
dans  l'exercice  du  pouvoir  à  lui  conféré  par  Tart.  316,  et  que 
la  faculté  à  lui  attribuée  par  Part.  353  est  subordonnée  aux 
mesures  qu'il  croit  utiles  à  la  manifestation  de  la  vériié; 
que,  dans  l'espèce,  les  témoins  ne  se  sont  pas  plaints  de  la 
clôture  à  laquelle  ils  ont  été  soumis;  qu'elle  n'a  pu  violen- 
ter leur  déposition  et  par  conséquent  nuire  à  la  défense  de 
l'accusé  %  » 

*  Cass.  3  avril  18^0,  rapp.  M.  de  Grpusenhes.  Dall.dO,  1,  405: 29  mai  18^0, 
rapp.  M.  Dehaussy.  Dali.  40,  i .  A\  8. 
'  Cass.  23  avri)  18A0,  rapp,  M.  Isambcrt.  Bull.  o.  iiO, 


CHAPITRE  X. 

AUDITION  DES  TÉMOINS- 


§  C35.  1.  Règles  générales  relatives  à  Taudilion  des  témoins.  -^ 
Quels  témoins  peavent  être  entendus  aux  débats.  —  III.  Tous  les 
téiDoins  régulièrement  produits  doivent  être  entendus.  —  IV.  Ex-, 
ceptions  à  celte  règle. 

§  G36.  1.  Quelles  personnes  ne  peuvent  être  témoins.  —  11*  Per- 
sonnes incapables  de  porter  témoignage.  —  III.  Effet  des  incapaci* 
t'is.  — IV.  Témoins  prohibés  pour  cause  de  parenté  ou  alliance.  — 
V.  Droit  d'opposition  contre  leurs  dépositions.  —  VI*  Dénoncia- 
teurs. —  VII.  Parties  civiles.  —  VIII.  Témoins  divers.  —  IX.  Té- 
moins exerçant  des  fonctions  incompatibles  avec  cette  qualité. 

§  637.  Appel  des  témoins.  —  II.  Ordre  de  leur  audition.  —  III.  Ex- 
ception en  ce  qui  concerne  certains  fonctionnaires  et  les  militaires.— 
IV.  Interpellation  relative  aux  noms  et  qualités. 

i  6^8.  I.  Droit  des  parties  de  renoncer  à  Faudition  des  témoins.  — 

II.  Droit  des  parties  de  s'opposer  h  cette  audition.  —  III.  Comment 
il  est  statué  sur  cette  opposition.  —  IV.  Les  témoins  à  Tégard  des- 
quels il  n'y  a  ni  renonciation  ni  opposition,  doivent  être  entendus. 
—  V.  Exceptions.  —  VI.  Dispenses  de  témoignage. 

§  639.   I.   Serment  des  témoins.  —   II.  Formule  du  serment.  — 

III.  Mode  de  sa  constatation.  —  IV.  Forme  du  serment.  —  V.  Un 
seul  serment  sufût  à  toutes  les  réponses.  —  VI.  Exceptions  à  Tégard 
des  mineurs  de  quinze  ans.  —VII.  Des  membres  des  sectes  reli- 
gieuses qui  n'admettent  pas  le  serment. 

S  040.  1.  Forme  de  la  déposition.  —  II.  Les  témoins  déposent  se-* 
parement.  —  III.  lis  déposent  oralement.  —  IV.  Sans  interruption, 
-^  V.  Ils  doivent  être  entendus  et  non  interrogés, 

§  641.  l.  Examen  des  témoins.  —  H.  Interpellations  aux  témoins.  -^ 
m.  Questions  aux  témoins.  —  IV.  ConfronUtions. 

§  64*3.  h  Notes  des  variations  et  des  contradictions  des  dépositions 
orale?.  —  11.  Obligation  des  ictnuins  de  rester  dans  Tauditoire. 


tel  MS  COURS  D*A38ISBa. 

S  63  5. 

I.  Règles  relatives  h  raudîtion  des  témoins.  ^  II.  Quels  témoins  jyeu- 
venl  être  entendus  aux  débats,  t-  III.  Tous  les  témoins  régulière- 
ment produits  doivent  -éire  entendus.  — *  IV.  Exceptions  à  celle 
règle. 

I.  Le  témoignage  des  hommes  tient  le  premier  rang  parmi 
les  preuves  judiciaires.  Il  constitue  la  plus  sûre  de  C€s  preuves, 
parce  que,  à  la  différence  des  preuves  purement  matérielles, 
il  explique  les  faits  qu'il  vient  attester.  Il  est  en  même  temps 
celle  qui  est  le  plus  fréquemment  employée,  parce  que,  parmi 
les  actes  humains»  il  en  est  un  bien  petit  nombre  qui  puissent 
se  dérober  entièrement  aux  regards  des  hommes.  De  là 
l'application  habituelle  que  la  procédure  pénale  fait  de  celle 
preuve.  De  là  toutes  les  r^les  dont  elle  l'a  enveloppée  et 
fortifiée  pour  la  préserver,  autant  que  possible,  des  inexacti- 
tudes et  des  erreurs.  Nous  avons  développé  ces  règles  au  cha- 
pitre de  V information  »,  et  nous  n'avons  point  à  y  revenir. 

Il  en  est  une  néanmoins  qui  concerne  spécialement  la  ma- 
tière traitée  dans  ce  chapitre,  et  qui,  quoiqu'elle  soit  com- 
mune à  toutes  les  juridictions  répressives,  a  été  appliquée 
avec  plus  de  sollicitude  i  celle  des  assises  :  c'est  la  faculté 
illimitée  d'entendre  toutes  les  personnes  dont  le  témoignage 
peut  être  utile  à  la  manifestation  de  la  vérité.  Toutes  les 
portes  s'ouvrent,  pour  ainsi  dire,  pour  leur  livrer  accès; 
toutes  les  formes  s'inclinent  pour  ne  pas  leur  apporter  d'en- 
traves. 

Ainsi,  laloiy  on  l'a  déjà  vu  ',  attribue  en  même  temps  au 
ministère  public,  à  Taccusé,  à  la  partie  civile  eUe-méme,  le 
droit  de  dresser,  comme  ils  l'entendent»  la  liste  des  témoins 
qu'ils  veulent  produire,  de  placer  sur  celte  liste  toutes  les 
personnes  dont  le  témoignage  peut  servir  les  divers  ioléréis 
qu'ils  défendent,  et  de  les  faire  citer  eux-mêmes,  chacun  à 
sa  requèle,  pour  venir  déposer  à  Taudience. 

Ainsi,  la  loi,  comme  on  le  verra  tout  à  Theure  dans  l'ex- 
posé des  formes  de  l'audition,  a  tellement  été  préoccupée  di 
désir  d'élargir  le  cercle  des  témoignages  et  de  n'en  écarter 
aucun  qui  pût  être  utile,  qu'après  avoir  établi  les  prohibitions 
et  les  déchéances,  elle  n'a  point  voulu  qu'elles  fussent  une 
barrière  insurmontable  k  Taudition  des  témoins  prdiibés  et 
qu'après  avoir  soumis  la  production  des  témoins  à  certaines 

«  Voy.  ti  V.  p,  631  et  suivi 
•  Voy, êuptù  p,  Ô79i 


AUDITION  DE»  dllOIMg.   |  63S«  689 

formeâi  elle  a  fait  ces  formes  assez  souples  pour  se  prêter  dans 
tous  les  cas  aux  dépositions  même  irrégulièrement  intro- 
duites. Sou  but  a  été  d'ouvrir  l'audience  à  tous  les  témoi- 
gnages, de  quelque  part  qu'ils  vinssent  et  quel  que  Tût  l'intérêt 
qui  tes  amenât.  Elle  a  sacrifié  jusqu'aux  garanties  communes 
de  la  procédure  pour  assurer  l'audition  de  personnes  qu'elle 
n'exclut  jamais  d'une  manière  absolue,  lors  même  que  leur 
audition  serait  ifrégulière  ou  prohibée,  et  qu'elle  reprend  en- 
core, à  titre  de  renseignements»  si  Topposition  des  parties  les 
écarte,  quand  elle  ne  peut  plus  les  fairç  entendre  à  titre  de 
témoignages.  La  pensée  qui  domine  le  législateur  est  la 
nécessité  d'assurer  la  manifestation  de  la  vérité  ;  mai$  peut- 
ôire  le  domine-t-elle  trop  exclusivement;  carpette  nécessité, 
si  impérieuse  qu'elle  soit,  ne  doit  pas  entraîner  à  écarter  des 
formes  qui ,  après  tout,  sont  les  plus  solides  et  môme  les 
seules  garanties  de  cette  vérité.  Nous  nous  bornons  à  indiquer 
ici  cette  tendance  générale  de  lu  loi,  parce  qu'elle  va  se  mani- 
fester à  toutes  les  pages  de  ce  chapitre.  Nous  l'examinerons 
dans  quelques  cas  d'application. 

IL.  Les  témoins  peuvent  être  produits  par  toutes  les  par- 
tics.  Aux  termes  de  l'art.  315,  «  le  procureur  général  pré- 
sentera la  liste  des  témoins  qui  devront  être  entendus  soit 
à  sa  requête,  soit  &  la  requête  de  la  partie  civile,  soit  à  celle 
de  Taccusé.  »  Il  ajoute  que  «  cette  liste  ne  pourra  contenir 
que  les  témoins  dont  les  noms,  profession  et  résidence  auront 
été  notifiés,  vingt-quatre  heures  au  moins  avant  l'examen  de  ces 
témoins.  »  Et  Tart.  324  déclare  que  «  les  témoins  produits  par 
le  procureur  général  ou  par  l'accusé  seront  entendus  dans 
le  débat,  même  lorsqu'ils  n'auraient  pas  préalablement 
déposé  par  écrit,  lorsqu'ils  n^ auraient  reçu  aucune  assigna- 
tion, pourvu,  dans  tous  les  cas,  que  ces  témoins  soient  portes 
sur  la  liste  mentionnée  dans  l'arL  315.  d  Cette  dernière  dis- 
position, quoiqu'elle  ne  mentionne  pas  la  partie  civile,  s'ap- 
plique aussi  aux  témoins  qu*elle  a  produits,  car  la  raison  est 
la  même. 

Il  résulte,  en  premier  lieu,  de  ces  textes  qu'il  importe  peu 
que  ces  témoins  aient  déjà  été  entendus  dans  l'instruction 
écrite  ou  soient  introduits  pourra  première  fois  dans  l'affaire  : 
la  loi  n'exclut  aucun  témoignage  même  nouveau,  elle  ne 
rejette  aucune  preuve,  Jors  même  que  cette  preuve  n'aurait 
point  été  ét))rouVé6  pur  un  enainen  Antérieur. 


684  PE3  CCCRS  D*A0»5Bf» 

Il  en  résulte,  en  second  lîcu  »  que  les  seules  condiiioos 
auxquelles  les  parties  soient  assujetties,  pour  produire  leurs 
témoins,  sont  1^  la  citation  qu'elles  doivent  leur  faire  adres- 
ser &  leur  requête;  2*"  la  notification  qu'elles  doivent  faire  de 
leurs  noms  et  qualités  vingt-quatre  heures  avant  l'audience. 

Il  en  résulte  enfin,  que  lors  même  que  ces  témoins  n'au- 
raient reçu  aucune  assignation»  ou  à  plus  forte  raison,  au- 
raient été  irrégulièrement  assignés,  lors  même  que  les  parties 
les  auraient  amenés  à  Taudience,  comme  cela  se  pratique  en 
matière  de  police  et  de  police  correctionnelle 5  ils  doivent 
être  entendus,  pourvu  que  leurs  noms  aient  été  préalable- 
ment notifiés. 

Il  faut  ajouter  de  suite,  pour  compléter  cet  ensemble  de 
règles,  que,  suivant  le  dernier  §  de  Part.  315,  le  défaut  ou 
Tirrégularité  de  la  notification  n'a  d'autre  cITet  que  d'armer 
les  parties  auxquelles  la  notification  n'a  pas  été  faite  ou  l'a 
été  irrégulièrement^  de  la  faculté  de  s'opposer  à  l'audition 
des  témoins. 

Ainsi,  d'une  part,  le  ministère  public,  la  partie  civile  et 
l'accusé  sont  investis  du  droit  absolu  d'appeler  i  l'audience 
toutes  les  personnes  qu'elles  veulent  faire  entendre  à  la  double 
condition  de  les  faire  citer  et  notifier  en  temps  utile;  et, 
d'une  autre  part,  la  loi,  eiïaçant  presque  ces  deux  conditions 
de  l'audition^  permet  de  ne  pas  s'arrêter  au  défaut  do  citation 
et  n'attache  qu'une  faculté  d'opposition  au  défaut  de  notifi; 
cation.  Telle  est  la  disposition  générale  de  notre  Code. 

Il  faut  encore,  è  côté  de  cette  disposition,  placer  1"*  le  droit 
de  la  Cour  d'assises  d'appeler,  en  vertu  de  son  pouvoir  jur> 
tlictionnel,  les  témoins  qu'elle  juge  nécessaires  à  la  décou- 
verte de  la  vérité;  2°  le  droit  du  président  d'appeler  égale- 
ment, en  vertu  de  son  pouvoir  discrétionnaire,  et  faire 
entendre,  à  titre  de  renseignements ,  toutes  personnes  qui 
lui  paraîtraient,  d'après  les  développements  donnés  i  Tau- 
dience,  pouvoir  répandre  un  jour  utile  sur  les  faits  contestés 

La  Cour  d'assises  a  incontestablement  le  droit  d'ordonner 
que  de  nouveaux  témoins,  dont  le  débat  fait  sentir  la  nécessité, 
seront  assignés»  Si  ce  droit  n'est  poiut  écrit  dans  la  loi,  il  est 
la  conséquence  de  l'attribution  qui  appartient  à  tout  jUt;^ 
d'éclairer  son  jugement  par  tous  les  moyens  qui  sont  à  la  dis* 
posion  de  la  justice.  La  Cour  d'assises  peut  ordonner  un 
apport  de  pièces ,  une  expertise ,  une  visite  de  lieux»  uae 
assignation  de  témoins;  car  ce  sont  lÀ  des  moyens  de  preuve 


AUDITIOft.  I>ES  TÉMOINS.   §  Ê3S.  £85 

que  toutes  les  juridictions  répressives  peuvent  employer  et 
que  la  loi  n'a  point  interdit  à  la  Cour  d'assises.  La  jurispru- 
dence a  consacré  cette  doctrine  en  déclarant  qu'une  Cour 
d'assises  peut  prescrire  «  les  actes  ordinaires  d'instruction, 
qui  sont  de  droit  commun,  même  devant  cette  Cour,  et  que 
toute  juridiction  a  le  droit  d'ordonner,  par  suite  du  principe 
qui  confère  aux  juges  la  Taculté  de  recourir  à  tous  les  moyens 
propres  à  les  éclairer  dans  la  mesure  de  ce  qui  n'est  pas 
prohibé  par  la  loi  '.  »  Les  parties  conservent  dans  ce  cas  leur 
droit  d'opposition. 

Quant  au  droit  du  président,  on  a  vu  précédemment*,  qu'il 
est  investi  du  pouvoir  discrétionnaire  d'appeler  et  faire 
entendre,  mais  comme  simples  renseignements  seulement, 
toutes  personnes  qui  lui  paraissent  pouvoir  répandre  un  jour 
ulile  sur  les  faits  contestés. 

IIL  Tous  les  témoins  régulièrement  produits  aux  débats 
doivent  èjlre  entendus,  &  moins  l""  que  leur  audition  ne  soit 
prohibée  par  la  loi;  2"  qu'elle  ne  soit  impossible,  s'ils  ne  se 
sont  pas  présents;  i"*  ou  inutile,  si  les  parties  y  ont  renoncé. 

Les  art.  315  et  317,  en  ciïct,  n'ont  point  répété  les  mots 
s'il  y  a  lieu  que  les  art.  163  et  190  ont  appliqués  à  l'audition 
des  témoins  devant  les  tribunaux  de  police  et  les  tribunaux 
correctionnels.  Or,  s'il  a  été  décidé,  même  eA  matière  de 
police  et  de  police  correctionnelle,  «  que  ces  mots  ne  doivent 
pSiS  être  entendus  en  ce  sens  que  le  tribunal  ait  le  droit  arbi- 
traire d'entendre  ou  de  ne  pas  entendre  les  témoins  produits, 
mais  seulement  en  ce  sens  que  le  tribunal  peut  s'abstenir  de 
les  entendre  si  les  faits  qu'ils  doivent  établir  sont  tenus  pour 
certains*,  »  à  plus  forte  raison,  il  faut  décider  que  la  Cour 
d'assises  n'a  point  le  droit  arbitraire  d'entendre  ou  do  ne  pas 
entendre  lès  témoins  produits,  puisque  la  loi  n'a  voulu,  par 
aucun  terme  ambigu ,  paraître  laisser  cette  audition  à  sa 
volonté,  puisqu'il  ne  peut  appartenir  à  cette  Cour  d'appré- 
cier si  la  preuve  est  nécessaire  pour  former  la  conviction  des 
jurés. 

Le  droit  des  parties  est  absolu  ;  elles  peuvent  produire,  soit 


*  Cas9.  12  mars  1857,  rapp.  M.  Legagneur.  BulK  n.  iiO  ;  16  oct.  1850, 
rapp.  M.  Rocher,  n.  861  ;  lOdéc.  1841,  rapp.  M.  Isambert.  d.  950. 
«  Voy.  iuprà,  p.  451. 
'  \oy,  loue  Yll|  p.  089  et  090, 


086  £IËS  eobftâ  il^ASSiiîii 

pour  soutenir  l'aceusatioti>  soit  pour  ëoUtenir  tûdéfetisé.iôtli 
les  témoins  qu'elles  jugent  pouvoir  leur  être  utiles.  La  loiti^a 
soumis  l'^exercice  de  ce  droit  qu'à  la  double  condition  de  la 
citation  et  de  la  notification  de  ces  témoins  ;  elle  ne  Va  sou- 
mis à  aucune  autorisation,  à  aucun  agrément  de  la  part  du 
juge.  Elle  ne  Taurait  pas  pu  ;  car  il  eût  été  trop  facile  d'abu- 
ser d*une  telle  faculté  ;  il   eût  été  trop  facile  de  détruire 
l'accusation  ou  la  défense  en  écartant  arbitrairement  des  té- 
moins sous  le  prétexte  qu'ils  seraient  inutiles  ou  surabon* 
dants.  La  loi,  qui  a  laissé  un  grand  pouvoir  au  président  et  i 
la  Cour  d^assises  pour  instruire  Taffaire,  ne  leur  en  a  donaé 
aucun  pour  TétoufTen  II  n'appartient  qu^aux  parties-  elles- 
mêmes  de  juger  de  l'utilité  des  preuves  qu'elles  produisent, 
11  no  faut  pas  qu'elles  puissent  croire  que  la  précipitation 
préside  au  jugement  et  qu'une  preuve  rejetée  sans  eiamea 
eût  pu  en  modifier  les  dispositions.  La  Cour  d^assises  ou  son 
président  ne  peuvent  écarter  que  les  témoins  que  Ja  loi  elle- 
même  a  prohibés  ou  exclus  ;  ou  ceux  qui  ne  viennent  pas 
déposer  ou  dont  la  déposition  parait  inutile  à  toutes  les  par- 
tics;  ils  ont  la  mission  de  faire  observer  la  loi,  non  celle  de 
disposer  des  preuves  ;  ils  doivent  veiller  au  maintien  du  droit 
de  chaque  partie  ;  ils  ne  peuvent  en  diriger  l'exercice. 

La  sanction  de  ce  droit  est  dans  l'art.  408  :  les  parties,  si 
l'audition  d'un  ou  de  plusieurs  témoins  était  écartée,  diMvent 
prendre  des  conclusions  ou  des  réquisitions  pour  faire  con- 
stater que,  malgré  la  demande  qu'elles  en  ont  faite,  ils  n'ont 
pas  été  entendus.  La  Cour  de  cassation  apprécierait  ce  refus. 
Le  droit  des  parties  peut  néanmoins  rencontrer,  non  point 
une  exception,  mais  une  certaine  restriction  dans  la  disposi- 
tion de  Part.  270  qui,  comme  on  l'a  vu  S  attribue  le  pou- 
voir de  rejeter  «  ce  qui  tendrait  à  prolonger  les  débats  sans 
donner  lieu  d'espérer  plus  de  certitude  dans  les  fésultats.  • 
Mais  cette  disposition  facultative,  qui  s'applique  principale- 
ment aux  développements  quelquefois  surabondants  de  la  dis- 
cussion, ne  doit  s'appliquer  qu'avec  une  grande  réservée  la 
production  des  preuves,  puisqu'il  est  difficile  de  les  appré- 
cier avant  qu'elles  soient  faites,  à  moins  que  les  parties 
elles-mêmes»  reconnaissant  leur  inutilité»  ne  déclarent  ne 
pas  insister. 

lY.  La  jurisprudence  n'a  jamais  cessé  de  maintenir  œUe 
*  Voy,  êupràf  p,  443* 


tègUé  Ëtic  a  déclaré)  datiàles  termes  les  pludetprés,  «  qne^ 
lorsqu'un  témoin  a  été  produit  par  Tune  des  parties,  le  prési^ 
dent  des  assises  et  la  Cour  d*assises  elle-^méme  ne  peuvent^ 
sans  motif  légitime,  le  rejeter  du  procès  ^  x>  Voilà  la  règle 
générale. 

Elle  a  déclaré  ensuite,  à  la  vérité,  c  que  la  loi  n'impose 
pas  aux  juges  Tobligation  d'entendre  indistinctement  tous  les 
témoins  à  décharge  qu  il  plairait  à  Paccusé  de  faire  citer  de- 
vant eux  *  ;  1  mais  il  résulte  de  l'arrêt  dans  lequel  cette 
proposition,  très-exacte  d*ailleurs,  est  écrite,  que  le  minis<- 
tère  public  s'était  opposé  à  Taudition  de  plusieurs  témoins  à 
décharge,  dont  les  noms  lui  avaient  été  incomplètement  no- 
tifiés, et  que  la  Cour  d'assises  ne  les  avait  écartés  que  parce 
motif.  Il  est  certain  que  c'était  là  une  raison  légitime  de  leur 
non  audition,  aux  termes  du  2""  §  de  l'art.  315;  car  la  loi 
n'a  pas  fait  d'exception  pour  les  témoins  à  décharge. 

Elle  a  décidé  5  dans  une  espèce  où  le  procès-verbal  des 
débats  constatait  que  le  défenseur  de  l'accusé  et  le  mi- 
nistère public  avaient  renoncé  à  l'audition  d'un  témoin ,  que 
1  accusé  ne  pouvait  se  faire  un  grief  de  ce  que  ce  témoin  n^a- 
vait  pas  été  entendu,  «  attendu  qu'il  n'est  pas  exact  de  pré- 
tendre que  tout  témoin  régulièrement  assigné  et  notifié  est 
irrévocablement  acquis  aux  débats  et  doit  être  entendu,  puis- 
qu'il est  toujours  loisible  au  ministère  public  et  à  l'accusé  de 
renoncer  à  Taudition  d'un  témoin  dont  la  déposition*  leur 
parait  superflue  et  de  nature  à  prolonger  sans  utilité  les  dé- 
bats. '»  Cette  décision  n'est  que  la  conséquence  du  droit  de 
renonciation  qui  sera  examiné  plus  loin. 

Elle  a  rejeté  le  pourvoi  de  plusieurs  accusés  qui  se  faisaient 
un  grief  de  ce  que  des  témoins  par  eux  produits  n'avaient  pas 
été  entendus,  a  attendu  que  si  ces  témoins  n'ont  point  été  en- 
tendus, il  n'y  a  eu  à  cet  égard  de  la  part  des  accusés  aucune 
réclamation  sur  laquelle  il  ait  dû  être  statuée  par  la  Cour 
«rassises .  ^»  Dès  que  l'accusé,  en  effet,  peut  renoncer,  il  est 
permis  d'induire  cette  renonciation  de  son  défaut  de  récla- 
mation, lorsque  les  témoins  qu'il  acitésne  sont  pas  entendus. 


*  Cass.  29  sept.  1843,  rapp.  M.  Bresson.  Bull.  n.  250. 

*  Cass.  8  noT.  1816,  rapp. M.  Lecoatour.  J.  P.,  t  XUI,80i. 

*  Cass.  6  nov.  1840,  rapp»  V.  Dehaussy.  DalU  41,  If  133. 

*  Cass.  h  Tév.  1819,  rapp.  Bf.  Gaillard.  J,  P.«  t.  XV,  p»  58  ;  18  mm  1826, 
rapp*  M*  de  Bernard,  ï,  XX,  p«  806« 


C8S.  DES  cotns  d'a<?i>e3. 

Elle  a  décidé  ,  enGn  ,  «  que  la  Cour  d'assises  n'est  point 
tenue  d^entendre  tous  les  témoins  à  charge  ou  à  décharge, 
en  quelque  nombre  qu'ils  aient  été  produits;  qu'elle  peut 
écarter  Taudition  de  ceux  dont  elle  juge  les  dépositions  n'être 
propres  qu'a  prolonger  les  débats  sans  utilité  pour  la  mani- 
festation de  la  vérité  ^  ;  »  mais  à  côté  de  co  motif,  qui  n*est 
que  l'application  de  Tart.  270,  l'arrêt  constate  «  qu'au  sur- 
plus y  dans  l'espèce ,  la  Cour  d'assises  n'a  refusé  Taudition 
d'aucun  témoin ,  et  que  si,  sur  les  onze  témoins  que  les  ac- 
cusés avaient  fait  assigner  à.  leur  décharge,  le  procés-verbal 
de  la  séance  ne  fait  mention  que  de  Paudition  de  dix,  il  y  a 
présomption  légale  que  le  onzième,  par  une  cause  quelcon- 
que, n'a  point  comparu  aux  débats;  que,  d'ailleurs,  l'ab- 
sence do  ce  témoin  n'a  fait  l'objet  d'aucune  réquisition,  soit 
de  la  part  des  accusés ,  soit  de  la  part  du  ministère  pu- 
blic. »  Cet  arrêt  ne  fait  que  démontrer,  conformément  i  nos 
observations,  la  réserve  avec  laquelle  la  disposition  deTar- 
ticlc  270  est  appliquée,  et  qu'il  est  nécessaire  que  chacune 
de  ses  applications  soit  expliquée  par  les  faits  constatés  dans 
le  procès-verbal.  En  cette  matière  »  la  réclamation  ou  le  si- 
lence des  parties  fait  la  mesure  de  leur  intérêt  :  la  Cour 
d'assises  ou  le  président  ne  peuvent  écarter  comme  inutiles 
que  les  témoins  dont  nulle  voix  ne  réclame  l'audition  ;  c'est 
le  défaut  de  toute  réclamation  qui  établit  la  présomption  de 
leur  inutilité  *• 


S  635. 

I.  Personnes  qui  ne  peuvent  être  témoins.  —  II.  Personnes  iccapa- 
blés  de  témoignage.  —  lU.  Application  des  incapacités.  —  IV.  Per- 
sonnes reprochables  pour  cause  de  parenté  ou  d*alliance. — V.  Droit 
d'opposition  des  parties.  —  VI.  Personnes  suspectes  de  partialité  : 
dénonciateurs.  —  VII.  Parties  civiles.  —  VIJl.  Témoins  dirers.— 
IX.  Pessonnes  exerçant  des  fonctions  incompatibles  avec  celles  de 
témoin. 

I.  Toutes  personnes  peuvent  être  témoins  en  matière  cri- 
minelle, hors  celles  dont  la  loi  commande  ou  autorbc  de  ne 
pas  admettre  le  témoignage. 

.     «  Cass.  10  arril  18ÎI,  rapp.  M.  Bnsscbop.  J.  P.,  t.  XVI,  |i.  559, 
*  Cass.  S8  févr.  iWt  rapp,  M,  Brière-Ynlignj,  Bull.  d.  ^2, 


AUDITION  DIS  TiMOIHS.   |  636.  099 

Ces  personnes  exceptées  par  la  loi  sont  :  1«  celles  qu'elle 
déclare  incapables,  à  raison  d'une  condamnation  qui  Icuren* 
lève  le  droit  d'être  crues  en  justice;  2"*  celles  qu'elle  déclare 
reprochables,  comme  les  parents  et  alliés  des  accusés  ;  3*  cel- 
les dont  une  cause  de  suscipion  entache  le  témoignage,  cVst* 
à-dire,  les  dénonciateurs  et  les  parties  civiles  ;  4<»  enfin,  celles 
qui  exercent  une  fonction  qui  les  empêche  de  témoigner  dans 
la  cause.  Ces  dispositions ,  qui  ont  leur  première  source  dans 
la  loi  romaine  ^  ont  été  principalement  empruntées  au  tit.  XY 
de  l'ord.  de  1670. 

L'examen  de  cette  règle  générale  et  des  exceptions  qui  U 
circonscrivent  vont  faire  Tobjet  de  ce  paragraphe. 

II.  L^incapacité  de  témoigner  en  justice  ne  peut  résulter 
que  du  fait  d*une  condamnation  pénale. 

Sont  incapables  d'être  témoins,  si  ce  n'est  pour  donner  de 
simples  renseignements  :  1*  les  individus  qui  ont  été  con- 
damnés à  une  peine  aiflictive  ou  infamante  ;  2"  ceux  à  qui 
un  jugement  correctionnel  a  expressément  interdit  ce  droit. 
Notre  ancienne  jurisprudence  écartait  également  ces  témoins 
comme  étant  infâmes  de  droit** 

Les  condamnés  à  une  peine  afhiGtive  ou  infamante  sont 
déclarés  incapables  par  l'art.  84  du  G.  pénal ,  qui  dispofe 
que  la  dégradation  civique  entraîne  «  l'incapacité  de  déposer 
en  justice  autrement  que  pour  y  donner  de  simples  renseigne* 
ments.  »  Or,  aux  termes  de  l'art.  2  de  la  loi  du  31  mai  1854, 
portant  abolition  de  la  mort  civile,  a  les  condamnations  à  des 
peines  afflictives  perpétuelles  emportent  la  dégradation  ci- 
vique; »  et,  aux  termes  de  l'art.  28  du  G.  pén.,  la  condam- 
nation à  la  peine  des  travaux  forcés  à  temps^  de  la  détention, 
de  la  réclusion  ou  du  bannissement  emporte  également  la 
dégradation  civique. 

Les  condamnés  à  des  peines  correctionnelles  ne  sont  pas 
de  plein  droit,  comme  les  condamnés  i  des  peines  aftlictives 
ou  infamantes,  déchus  du  droit  de  témoigner  en  justice^,  mais 
ils  peuvent  en  être  privés  lorsqu'une  disposition  particulière 
de  la  loi  a  autorisé  cette  interdiction ,  en  vertu  de  Fart,  42 
du  G.  pén. y  qui  dispose  que  c  les  tribunaux  jugeant  corrcc- 
tionnellement  pourront,  dans  certains  cas,  interdire. . .  le  droif 

^  Dîg.  de  Testibust  1.  S,  4»  et  5. 

*  Farinaciu8,qu3est,  50,  n.  7  et  18,  J.  Clara»,  qUiest.  24  et  13. 

VIII  Ai 


00ê  .      DES  ctmtis  Vkèsi^. 

de  témoignage  en  justice,  autrement  <|tiepotï)'yfsire  dedm- 
pl«s  déclarations.  »  Ce  n^est  plus  ici  le  cai^ctère  seul  de  h 
condamnation ,  mais  la  disposition  particnlîère  da  jngettient 
qui  crée  Titrcappacité. 

L^incapacité  c6^Tt  da  jour  ou  la  condamnation  est  defenoe 
irré?ocable  '.  ïl  a  été  jugé,  dans  une  espèce,  qa'elleffent  être 
appliquée  même  avatjt  ce  jour,  et  dans  ISntervàflle  <pii  4e  sé- 
pare de  celui  oà  cette  condamnation  devient  définitive  :  îtfeui 
individus  avaient  été  condamnés  à  tme  peme  corredîoïimlle 
et  k  la  privation  des  droits  mentionnés  en  TatîL  42duC.  pén. 
pour  crime  de  faux  témoignage.  Cités  le  lendemain  ^ifiir  dé- 
poser dans  Taffalre  où  le  faux  témoignage  avait  étéVMiiilHis^ 
la  Cour  d'assises  crut  devoir  écarter  leur  témoignage,  quoi- 
que le  délai  du  pourvoi  ne  fût  pas  écoulé,  et  le  Jpooryoi 
fondé  sur  cette  décision  a  été  rejeté ,  «  attendu  que  la 
Cour  d'assises  a  pu,  en  s'appuyant  sut  les  considérations  les 
plus  graves ,  exclure  le  témoignage  des  deux  condamnés,  bien 
que  Tincapacité  résultant  de  la  condamnation  ne  les  eût  pas 
encore  atteints  '.  »  On  peut  dire,  à  Tappoi  de  cet  arrêt ,  qœ 
la  peine  correctionnelle  prononcée  contre  les  deux  térooifts 
avait  commencé  à  courir,  aux  termes  de  Tart.  24  du  C.  pén., 
du  jour  même  de  Tarrêt,  en  admettant  qu'aucun  pourvoi  ne 
serait  formé  ou  que  la  peine  ne  serait  pas  réduite  sur  le  pour- 
voi ,  et  que,  dans  cette  hypothèse  exceptionnelle,  la  peine, 
quoique  conditionnelle  encore  au  moment  de  la  déposition , 
avait  pu  néanmoins  être  considérée  comme  en  cours  d'eié- 
cution.  Mais,  en  thèse  générale,  on  ne  pourrait  admettre  qoc 
l'incapacité,  qui  est  la  conséquence  du  jugement,  puisse  pré- 
céder  le  moment  où  ce  jugement  est  exécutoire ,  et  qu'un 
fait  d'exécution  puisse  s'accomplir  quand  le  délai  du  pourvoi 
n'est  pas  expiré.  Sans  doute,  il  y  avait  quelque  scandale  i 
faire  déposer  sous  la  foi  du  serment  des  indivicKis  dont  le  pre- 
mier témoignage  venait  d'être  déclaré  faux  ;  mais  cette  con-  * 
sidération  ne  suffit  pas  pour  justifier  l'infraction  d^une  règle 
légale^  ne  serait-ce  pas  introduire,  en  dehors  des  termes  de 
la  loi,  de&  causes  d'indignité  qui  seraient  laissées  i  la  discré» 
tion  des  juges?  Notre  législation  n*a  pas  reproduit  celle  doc- 
trine de  l'ancienDe  jurisprudence^  qui  plaçait  a  côté  des  té« 


«  Cass.  iS  janv.  1838,  rapp.  M.  Vincens-Sl-Laurenl,  BuU.  q,  15;  iî  cet. 
i  842,  rapp.  M.  Dehaussy,  d.  577. 

•  Gau.  38  fév,  18i0,  à  notre  rapp.  Bull.  n.  7». 


AUBITIOM  MM  TÉVOINS.  |  636.  691 

m<m$  rejetés  comme  infâmes  de  draitf  ceux  qu^elIe  réputait 
i9^âme$  ée  fait  \  Noos  croyons  donc  que  cet  arrêt  doit  être 
renfermé  dans  l'espèce  particidière  où  il  'est  -întervena  et 
qa'on  ne  doit  pas  en  étaidre  la  décision. 

L'incapacité  ne  pent  être  effacée  ni  par  la  commutation  de 
la  peine  ni  par  la  grâce  entière  *  :  elle  ne  peut  cesser  que 
par  la  réhabilitation  du  condamné  ** 

Quels  sont  ses  effets?  c^est  que  les  individus  qui  en  sont 
frappés  ne  peuvent  être  entendus  i  titre  de  témoins  et  avec 
serment  :  la  loi  »  en  les  dépouillant  de  la  capacité  de  témoi» 
gner,  déclare  qu%  ne  seront  entendus  en  justice  que  pour 
y  domMT  de  simples  renseignements,  ti  nonMtprobwU^  sal^ 
tem  ut  proiit  nd  veritatem  < 

m.  A  qui  appartient-il  de  reconnaître  et  d'appliquer  Fin- 
capacité?  La  jurisprodence  distingue  ki  :  il  n'appartient  qu'à 
la  Cour  d'assises  de  déclarer  le  témoin  incapable  et  de  décider 
que  son  témoignage  sera  écouté  ;  il  n'appartient  qu'au  pré- 
sident d'ordonner  qu'il  sera  entendu  pour  donner  de  sim* 
pies  renseignements.  Un  arrêt  annule  en  conséquence  une 
procédure  dans  laquelle  une  Cour  d'assises  avait  statué  sur 
ces  deuiL  points,  «  attendu  que  si  la  Cour  d'assises  a  pu  ex- 
clure le  témoignage  de  deux  condamnés»  elle  ne  pouvait  sans 
excès  de  pouvoir  ordonner  que  les  deux  individus,  qu'elle 
dépouillait  de  la  qualité  de  témoin,  seraient  entendus  aux  dé- 
bats sans  prestation  de  serment;  que  le  président  seul  pou- 
vaity  en  vertu  de  son  pouvoir  discrétionnaire,  ordonner  l'au- 
dition de  ces  deux  individus  par  forme  de  renseignements  ; 
que  la  Cour,  en  donnant  un  tel  ordre,  a  méconnu  les  limites 
de  ses  attributions  ^.  » 

Cette  distinction  est-elle  fondée?  Elle  l'est  évidemment 
lorsqu'il  s^agit,  non  d'un  témoin  incapable,  mais  d'un  témoin 
reprochabie  que  la  Cour  d'assises  écarte  sur  l'opposition  des 
parties, et  qui^  s'il  est  entendu  ensuite  par  forme  de  rensei- 
gnement^ ne  peut  l'être  qu'en  vertu  du  pouvoir  discrétion- 
naire du  président.  Mais  lorsque  le  témoin  est  écarté  comme 


*  Farioacius,  qaœsU  56.  n.  115  et  120.  J.  Clarus^  qusst.  2&D.  17. 

*  Cass.  I3janv.  1838,  rapp.  M.  Vînc€iis-Sl-Laurenl.  Bull.  n.  15;  Î9  OcT, 
1818,  rapp.  M.  Aumont.  J.  P.,  t.  XIV,  p.  1043;  S  juilU  1627,  rapp,  M.  01* 
Mvier,t.XX],p.  887. 

*  Voy.  Doire  t.  IX,  chap.  de  la  réhabililation, 

*  Jul.  Clarus,  quaest.  24  n.  18. 

*  Cata,  as  ftr.  1650,  Cité  tuprà,  p.  690. 


MS  COURS  d'assises. 


vvz,  —  ^ 

încaDable,cen'e8tpluseBtertadu  pouvoirdiscrétionnaire  qu  il 
csuCàdonnerLtenseigneB.ents,  c'est  en  verludel.  bu 
ce  sont  les  art.  35  et  42  du  G.  pén.  qui,  en  prononçant  la 
SécïlS^^îèg  entlemode de  l'audition.  Il  ne  s'aptque^^^^ 

Suerce^atLlesetnondefaireunactedepouYO^^^ 
Sel.  Or,  s'il  appartient  à  la  Ck)ur  d'assises  d'écarter  le  Itooi- 
ie,  en  exéfition  de  la  première  disp<»iUon  de  ces  artide^^ 
Comment  ne  lui  appartient-ils  plus  d'ordonner,  en  ex^cuUon 
de  la  deuxième,  qu'ils  seront  entendus  sous  forme  de  simple 
déclaration?  Ces  deux  décisions  ne  se  confondent^Ues  pas 
d'aiUeure  dans  une  seule?  La  Cour  d'assis^  Pf  t-e"«^'*«?: 
lièrement  écarter  le  témoin  comme  incapable  et  s  arrêter  l»f 
Non  car  la  loi  n'a  pas  séparé  les  deux  mesures  qu  elle  pres- 
crit •'  elle  déclare  le  condamné  indigne  d'être  cru  sur  son  ser- 
ment, mais  elle  vent  néanmoins,  dans  l'intérêt  de  la  justice, 
que  ses  déclarations  soient  reçues,  La  Cour  d  assises  doit 
donc  à  la  fois  écarter  le  témoignage  et  recevoir  la  déclara- 
tion, ou,  en  d'autres  termes,  ordonner  que  le  témoin,  ne 
pouvant  être  entendu  sous  la  foi  du  serment,  sera  entendu 
sous  forme  de  renseignement.  Elle  ne  peut  scinder  cette  dé- 
cision, car  il  ne  lui  est  pas  permis  d'écarter  le  témoin  inca- 
pable sans  l'entendre  à  titre  de  renseignement.  L  analogie 
qui  a  conduit  à  réserver  au  président  un  droit  qu  il  exerce 
vis-à-vis  des  témoins  reprochés  est  tout  à  fait  inexacte,  pmis- 
que  ce  n'est  point  par  l'autorité  et  sous  la  responsabilité  du 
pouvoir  discrétionnaire  que  les  témoins  incapables  sont  ap- 
pelés et  entendus,  et  puisque  le  président  est  aussi  étranger 
à  leur  citation  qu'à  la  forme  de  leur  audition.  C  est  une 
disposition  spéciale  de  la  loi  qui  règle  ce  cas;  ilnes'agil 
que  d'en  faire  l'application,  et  on  ne  voit  pas  comment 
la  Cour  d'assises,  compétente  jwur  reconnaître  1  incapa- 
cité, ne  le  serait  pas  pour  en  induire  une  conséquence  néees- 

Lorsque  le  fait  de  la  condamnation  qui  engendre  Tincapa- 
cité  est  déclaré  par  le  témoin  ou  opposé  par  les  parties,  et 
qu'aucune  contestation  ne  s^Mève  à  cet  égard,  la  Cour  d  as- 
sises peut  considérer  ce  fait  comme  établi  et  faire  Tapplicalion 
des  art  34  et  42  du  C.  pén.  ;  en  effet,  il  serait  difficile  d'exiger 
4e  sa  part  une  vérification  qui  pourrait  entraîner  des  délaib 
et  des  sursis  qui  ne  conviennent  point  aux  formes  de  sa  pro- 
<;édure.  Il  a  donc  été  constamment  jugé  que  Taccusé,  qw  n  a 
pas  réclamé  au  débat,  ne  peut  se  faire  ultérieurement  un 


AUDITION   DXS  TÉMOIMS.   §  035.  693 

grief  de  ce  qu'un  témoin,  prétendu  incapable^  a  été  entendu 
par  forme  de  simple  déclaration^ .  Cependant,  s'il  apportait  la 
preuve  que  le  témoin  n'était  point  incapable,  il  y  aurait  lieu 
d'examiner  si  l'audition  illégale  de  ce  témoin,  sous  forme  d'un 
simple  renseignement,  n'a  pas  nui  à  sa  défense  et  s'il  n'a  pas 
été  privé  d'un  droit  que  lui  assurait  la  loi  *. 

Mais  si  l'erreur  avait  été  reconnue  avant  la  clôture  des  dé- 
bats, la  Cour  d'assises  pourrait  la  réparer  en  faisant  entendre 
une  seconde  fois  avec  prestation  de  serment,  le  témoin  déjà 
entendu  sous  forme  de  renseignements.  Ce  point  a  été  reconnu 
par  deux  arrêts  qui  rejettent  les  pourvois  :  <  attendu  que  Ter- 
reur par  suite  de  laquelle  un  témoin  a  été  affranchi  de  la  prcs* 
tation  de  serment  a  été  réparée  avant  la  clôture  des  débals 
par  l'accomplissement  régulier  de  cette  formalité  ;  qu'on  no 
saurait  considérer  la  déclaration  émise  par  ce  témoin»  en  vertu 
du  pouvoir  discrétionnaire  y  comme  ayant  mis  obstacle  à  la 
liberté  de  sa  déposition  ;  qu'admettre  une  semblable  supposi- 
tion serait  présumer  le  mensonge^  et  qu'on  ne  peut  induire 
de  l'absence  d'une  garantie  de  la  loi  une  contradiction  éven* 
tuelle  entre  la  déclaration  dénuée  de  cette  garantie  et  la 
déposition  postérieurement  faite  avec  prestation  de  ser- 
ment '.  » 

Le  président  doit  avertir  les  jurés  que  le  témoin,  dont  l'in- 
capacité est  reconnue,  ne  sera  entendu  que  par  forme  de 
simple  déclaration  et  que  cette  déclaration  ne  doit  être  consi- 
dérée que  comme  renseignement ,  mais  cet  avertissement, 
bien  que  nécessaire  à  l'appréciation  de  la  déclaration,  n'est 
pas  prescrit  à  peine  de  nullité  ^. 

Au  reste»  l'audition  même  avec  serment  d'un  condanné  in- 
capable de  témoignage  n'emporte  pas  nullité,  lorsque  les  par- 
ties ne  font  aucune  opposition.  La  raison  en  est  puisée  dans 
Tart.  322  ,  que  la  jurisprudence  applique  par  analogie 
aux  témoins  incapables*,  elle  est  surtout  dans  la  présomp- 

A  Cass.  ai  mai  1827.  rapp.  M.  Brière,  J.  P.  t  XXI,  p.  488;  SS  ocU  ibhP, 
rapp.  M.  Dehaussy.  Bail.  d.  31&  ;  26  fév.  1857,  rapp.  M.  Foucher,  n.  79. 
s  Cass.  26  déc  4835,  rapp.  M.  ViDceos-St-Laurent.  Buli.  d.  â75. 

*  Cass.  9  mai  1883,  rapp.  M.  Rocher.  J.  P.,  t.  XXV,  450  ;  7  oct.  1630,  rap. 
M.  OliÎTier,  t.  XXIII,  806. 

*  Cass.  7  janT.  i84l'«  rapp.  M.  Rocher.  BulU  n.  3. 

■  Cass.  22  janv.  1825,  rapp.  M.  Blondel  d'Aubers.  J.  P.,  t.  XIX,  p.  Sa  ; 
8  avril  1826,  rapp.  M.  Ollmer,  U  XX,  854;  13  oct.  1833,  rapp.  M.  Ricard, 
t.  XXIV,  p.  1510  ;  14  jany.  1841, rapp.  M  ViDcens-Sl-Laureut.  Dali.  41,  1 , 
872  ;  20  mars  1851,  rapp.  M.  Rives.  Bull.  u.  105. 


094  wa  cornu  i>*ANniM. 

tîon  que  le  serinent  n-a  caasé  aucaii  préjwiiot.  Mais  si  le 
serment  avait  été  prêté  malgré  l'opposition  de  i*iHi6  des 
parties  (jui  apporterait  la  preuve  (f une  condamnation  anté- 
rieure, il  y  aurait  nullité,  car  il  y  aurait  violation  fatta  ea 
connaissance  de  cause  de  la  prohibition  portée  par  les  art.  34 
et  42  du  G.  pénal.  G^est  ce  qui  a  été  décidé  par  un  arrêt  qui 
déclare  :  «  que  si  Taccusé  s'opposait  à  l'audition  de  témoins, 
à  raison  de  leur  condamnation  légalement  constatée,  alors  seu- 
lement il  y  aurait  lieu  à  annulation,  parce  qu'ils  auraient  été 
entendus  comme  témoins  contre  le  texte  de  Tart,  28  du  G. 
pénal,  dont  la  Cour  d'assises  n'aurait  pu  ignorer  que  la  disposi- 
tion leur  était  applicable  ^.  » 

lY.  La  seconde  cause  qui  permet  d'écarter  les  témoins  est 
le  lien  de  parenté  ou  d'alliance  qui  les  unit  auxaccoiés. 

Il  ne  s'agit  plus  ici  d'une  incapacité,  mais  d'une  prohibi- 
tion qu'un  sentiment  d'humanité  et  une  règle  de  morale  ont 
fait  établir  :  la  loi  n'a  pas  voulu  que  les  plus  proches  parents 
vinssent  déposer  les  uns  à  légard  des  autres  ;  il  a  paru  que 
l'impunité  du  crime  était  préférable  à  l'emploi  d'un  moyen 
qui  effraie  la  conscience  et  répugne  à  la  justice  elle-même  ; 
que,  d'ailleurs,  la  déposition  des  proches  parents,  si  elle  esta 
la  décharge  de  Taccusé,  n'est  d'aucun  poids,  et  si  elle  est  à  sa 
charge,  perd  son  autorité,  à  raison  du  sentiment  de  défiance 
ou  d'horreur  qu'elle  inspire.  Cette  cause  d'exclusioa  ^wi 
été  consacrée  par  la  loi  Julia  publioorumjudiciorum.  *  ;  elle 
avait  été  développée  dans  la  procédure  ioquisitortale  '  et  ap- 
pliquée par  l'art.  153  de  l'ord.  d'août  1539  et  par  letit.  XV 
de  Tord,  de  1670. 

Les-  personnes  dont  l'audition  est  prohibée  sont  désignées 
par  l'art.  322  qui  est  ainsi  conçu  :  «  Ne  pourront  être  reçues 
les  dépositions  l""  du  père,  de  la  mère,  de  Taïeul)  de  Taièttle, 
ou  de  tout  autre  ascendant  de  Taccusé,  ou  de  l'un  des  accusés 
présents  et  soumis  au  même  débat  ;  2''  du  fils,  fille,  petit-fils, 
petite-fille ,  ou  de  tout  autre  descendant  ;  3''  des  frères  et 
sœurs  ;  4"*  des  aHiés  aux  mêmes  degrés  ;  5^  du  mari  et  de  la 
femme.  »  Cet  article  ne  diffère  de  l'art.  358  du  G.  du  3  bru- 
maire an  IV  que  sur  un  seul  point  :  ce  deruier  article  n'éteo- 


*  Cass.  iS  nor.  1819,  rapp.  M.  AumonL  1.  P.,  t.  XV,  p.  56i« 

9  L.  4  Dig.  de  Tcslibu». 

'  Ju).  Clarus,  quaest.SI,  n.  i2;  Fann»cîus,q(igen,  f  I,  n.  ?,  4  et  10. 


ACDlTlOlf  DES  TÉMOINS.   (   636.  ^ 

daitia  prohibition  qa'aux  parents  et  alliés  de  chaque  accusé. 
Une  loi  du  15  yentose  an  iv,  «  considérant  que  l'ipstri^ciio» 
est  indivisible  sur  le  fond  de  l'accusation  à  Tégard  de  tous  les 
coaccusés  du  même  fait,  lorsqu'ils  sont  compris  dans  le  mémo 
acte  d'accusation,  et  qu'il  n*y  a  à  Tégard  de  tous  qu'une 
seule  et  même  déclaration  sur  le  Eaitj  »  décréta  que  c  les  p9k- 
rents  et  alliés  de  l'un  des  coaccusés  du  qiéme  fait  et  com- 
pris dans  le  même  acte  d'accusation,  ne  seront  pas  entendus 
comme  témoins  contre  les  autres  accusés.  »  L'art.  322  a 
recueilli  cette  disposition  en  la  restreignant  toutefois  aux 
parents  et  alliés  qu'il  énumère  et  aux  accusés  soumis  au 
même  débat. 

Il  faut  examiner  en  premier  lieu  les  difficultés  qui  se  sont 
élevées  au  sujet  des  personnes  contre  lesquelles  les  reprpches 
peuvent  être  opposés. 

La  prohibition  est-elle  applicable  aux.  ascendants  natu- 
rels? Il  a  été  décidé  t  que,  dans  les  dispositions  générales 
des  loisj  l'enfant  naturel  n'appartient  pas  &  la  famille  de  sa 
mère  ;  que,  dans  les  cas  particuliers  où  elles  font  exception 
à  cette  règle  générale,  elles  en  font  mention  expresse,  commo 
dans  l'art.  3f  2  du  G.  pén.  où  il  s'agit  du  parricide  ;  que  les 
art.  880  du  G.  pén.  et  822  du  G.  d'inst.  cr,  ne  disposent 
qu'en  général  des  ascendants  ;  d'où  il  suit  qu'ils  ne  doivent 
s'entendre  que  des  ascendants  légitimes*  les  seuls  reconnus 
par  la  loi  \  » 

Est-elle  applicable  &  la  belle-mére  de  Taccusë  après  \e 
décès  de  sa  fille?  L'affirmative  a  été  décidée,  «  attendu 
qu'aucune  disposition  de  la  loi  ne  fait  cesser  d'une  manière 
absolue  l'alliance  par  le  décès  sans  enfants  de  la  personne  qui 
l'avait  produite  ;  que  cette  circonstance  en  fait  seulement 
cesser  quelques  effets  dans  les  cas  où  la  loi  s'en  est  expliquée 
expressément,  mais  qu'on  ne  trouve  aucume  disposition  à  cet 
effet  dans  le  Code  d'inst.  cr.,  et  que  l'art.  232  du  G.  de  proc. 
civ.,  au  titre  des  enquêtes,  déclare  formellement  les  alliés  en 
ligne  directe  et  les  beaux- frères  et  belles-sœurs  reprocha- 
bles,  nonobstant  le  décès  sans  enfants  de  l'époux  qui  faisait 
Tailiance  •.  » 

Est-elle  applicable  aux  enfants  naturels  de  l'accusé?.  Oui; 
car  a  Tart.  322  se  sert  de  termes  généraux  et  n'établit  pas 


«Liège,  Î4  déc  1823. 1.  P.,  t,  XVIII,  p.  388. 

s  Gass.  iO  ocU  1839,  rag[>p.  M,  Viuceus-St-LaureoU  Sir.  39,  i,  055. 


tn^  DES  COUaS  B  ASSISES. 

de  distinction  entre  les  enfants  légitimes  et  les  enfaDts  na- 
turels '•  » 

Est-elle  applicable  à  Tenfant  issu  du  prenfiier  mariage  de 
la  femme  de  Taccusé?  L'affirmative  a  été  jugée  sous  le  Gode 
du  3  brumaire  an  iv  *,  et  la  même  solution  serait  encore 
nécessairement  adoptée.  Mais  en  serait-îl  encore  ainsi,  si 
]*enfant  de  la  femme  de  Taccusé  était  issu  d'un  commerce 
adultérin  ?  Cette  seconde  question  a  été  résolue  affirmative- 
ment, «  attendu  que  la  prohibition  d'appeler  en  témoignage 
le  fils  et  la  fille  de  Taccusé  et  les  alliés  au  même  degré  com- 
prend nécessairement  la  prohibition  du  témoignage  des  en- 
fants de  la  femme  ou  du  mari  à  l'égard  de  l'autre  conjoint, 
à  cause  de  l'alliance  que  le  mariage  établit  entre  les  conjoints 
et  leurs  enfants  respectifs;  que  rien  ne  peut  empêcher  cette 
alliance  d'exister^  dès  qu^elle  a  été  produite  par  un  mariage 
valablement  contracté  ;  qu^en  conséquence  le  vice  de  la  nais- 
sance d'un  enfant  n'est  d'aucune  considération  à  Tégard  do 
mari  qui  a  contracté  une  union  légale  avec  la  mère  de  l'enfant 
illégitime  ;  qu'on  doit  le  décider  ainsi  par  la  raison  qu'il  exû>te 
toujours  un  lien  naturel  entre  la  mère  et  son  enfant,  lors  même 
que  cet  enfant  serait  un  bâtard  adultérin  ;  que  l'ei^istence  de  ce 
lien  naturel  est  indépendante  du  droit  positif;  il  existe  par  cela 
seul  qu'il  est  physiquement  impossible  qu'il  n'existe  pas;  et,  dès 
lors,  on  ne  peut  rien  conclure,  contre  sa  réalité  et  contre  ses  ef- 
fets ,  d'os  dispositions  de  la  loi  civile  concernant  l'élat  et  les 
droits  du  bâtard  adultérin  ^  soit  dans  la  société,  soit  envers  les 
auteurs  de  sa  naissance ,  ces  dispositions  étant  uniquement  re- 
latives à  Tordre  civil,  et  ne  pouvant  rien  changer  aux  règles 
immuables  de  la  nature  ;  que,  par  une  déduction  nécessaire 
de  ces  principes,  il  faut  dire  que,  comme  le  bâtard  adultério 
ne  pourrait,  dans  l'objet  et  l'esprit  de  la  loi  prohibitive^  être 
admis  à  déposer  sur  le  crime  imputé  à  sa  mère  ,  il  ne  peut 
également  être  admis  à  rendre  témoignage  sur  l'accusation 
dirigée  contre  celui  qui,  en  devenant  Tépoux  de  sa  mère,  a 
acquis  à  l'égard  de  l'enfant  les  rapports  inaltérables  d'une 
alliance  naturelles.  » 

£st-elle  applicable  aux  enfants  adoptifs?  Cette  question 
fut  soulevée  dans  le  conseil  d'Etat  lors  de  la  rédactioo 

*  Cass.  19  sept.  1833,  rspp  M.  Brière.  J.  P..  t.  XXIV,  p.  1476. 

*  Cass.  1  theriD.  an  tu,  rapp.  M.  Pépin.  J.  P.,  t.  i,  p.  A89. 
«  Cag.  0  avril  1809,  rupp.  M.  Guien.  J.  P.,  VII.  477. 


AUDITION   DES  TÉHOINS.  §   636.  697 

du  Gode;  on  lit  dans  le  procès-verbal  de  la  séance  du  7 
vendémiaire  an  xiii  :  a  M.  Regnaud  observe,  que  Par- 
tîcle  ne  parle  pas  des  enfants  adoptifs.  M.  Treilhard  répond 
qu'ils  sont  compris  sous  la  dénomination  générique  d'en- 
fants. M.  Berlier  dit  que  ce  que  demande  M.  Regnaud  est 
dans  l'esprit  de  l'article  :  le  mot  fils  comprend  l'adoptif 
comme  le  légitime ,  et  même  encore  les  enfants  naturels  re- 
connus» que  pourtant  Particle  ne  nomme  pas  expressément , 
par  la  raison  que  lorqu'on  exprime  le  genre,  on  peut  se  pas- 
ser de  Pénumération  des  espèces.  Au  reste,  il  n'y  a  nul  in- 
convénient i  adopter  l'amendement.  Le  ministre  de  la  justice 
pense  qu'il  serait  utile  de  s'expliquer  avec  plus  de  précision  ; 
car  ces  expressions  ou  de  tout  autre  descendant  pourraient 
faire  croire  que  la  disposition  ne  comprend  que  les  enfants 
naturels.  L'article  est  adopté  avec  cet  amendement  ^  »  L'a- 
mendement;  adopté  i  cette  époque ,  n'a  point  été  maintenu 
en  1808,  lorsque  la  discussion  du  Gode  fut  reprise,  sans 
doute  parce  qu'il  fut  jugé  inutile.  Il  n'en  faut  pas  moins  dé- 
cider,  comme  l'avaieiU  fait  M.  Treilhard  et  M.  Berlier,  qu'il 
n'y  a  point  lieu  de  distinguer  entre  les  enfants  naturels  et 
adoptifs;  l'expression  de  la  loi  est  générale,  et  le  même  mo- 
tif s'appliquc^aux  uns  et  aux  autres. 

Enfin  la  prohibition  relative  aux  frères  et  sœurs  et  aux  al- 
liés au  nGfême  degré ,  qu'ils  soient  légitimes ,  naturels  ou 
adoptifs,  ne  peut  être  étendue  aux  maris  et  femmes  des  alliés*, 
€  attendu  que  l'alliance  dont  parle  la  loi  est  celle  qui  se  con- 
tracte par  le  mariage  entre  l'un  des  conjoints  et  les  parents 
de  l'autre  ;  qu'un  époux  n'a  par  conséquent  pour  alliés  du 
chef  de  son  conjoint  que  ceux  qui  en  sont  les  parents,  et 
qu'ainsi  les  alliés  de  ce  dernier  ne  lui  sont  rien  dans  Taccep*- 
tion  juridique  de  ce  mot  *.  » 

Au  surplus,  les  dispositions  de  l'art.  322  sont  nécessaire- 
ment restrictives,  car 'les  prohibitions  du  droit  commun  de 
téDQOÎgner  en  justice  sont  de  droit  étroit;  elles  s'arrêtent  donc 
dans  la  ligne  collatérale  aux  frères  et  sœurs  et  aux  alliés  du 
même  degré.  Il  a  été  reconnu  en  conséquence  que  ces  dis- 
positions ne  s'appliquaient  ni  aux  oncles  ou  tantes  de  l'ac^ 


•  Locré,  t.  XXIV.  p.  272. 

'  Gaas.  6  frimaire,  an  9,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.  II,  69. 
'  Gass.  5  prairial  an  13,  rapp.  U.  Babille.  J.  P.,  IV.  560;  11  avril  1841. 
IX.  258;  40  sept  1812.  X.  718  ;  28  ami  1808,  rapp.  M.  Vasse.  VI.  656. 


698  »ES  OOUU   D*A88ISS&i 

çqai  %  m  a  ses  piçve^x  oix  niècea%  oi  à  ses  coosioe  ger- 
ineJDs3«  Il  suU  eoooxe  4e  la  véoie  régie  que,  lorsqu'un 
témoin  déclare  qu^il  est  parent  de  Vacci]|9é,,s^s  pouvoir  dire 
à  quel  degi;é,  il  y  a  lijçu,  d,e  présuiQer  qu'il  ^^e<t  pas  parent 
au  degré>pi;ohil|é  y  et  que  dès  lors  ce  témoin  w  doit  pas  être 
entendu  à  titre  de  repsf^igneœeots,  puisque  ai  la  loi  D'inter- 
dit pas  d'entendre  comme  témoins  tous  les  parents  et  alliés 
de  Taccusé,  à  quelque  degré  que  oe  puisse  être,  mais  seule* 
ment  ses  ascendanis,  descendante,  (rôrea  et  soeurs  et  alliés  au 
môme  degré  *.  »  Enfin  ,  une  dernière  conséquence  est  (pie 
riea  ne  a'oppoae  à  ce  que  des  témoins  déposent,  sauf  a,ux  jurés 
,  à  apprécier  la  valeur  d'une  déposition  par  oui  dire^  de  oe 
qu'ils  ont  entendu  dire  à  un  témoin  au  degré  prohibé,  t  car 
la  prohibition  portée  par  Tart.  322  ne  se  réfère  qu'à  l'audi- 
tion orale  des  témoins  dans  les  débats  ^\  »  et  il  est  interdit 
d'en  étendre  les  termes. 

y.  Les  témoins  au  degré  prohibé  sont  écartés,  aoit  par 
l'opposition  des  parties»  soit  dx>ffîce  par  la  Cour  d^assises  ou 
son  président. 

Ils  sont  écartés,  em  premier  Ueu,  lorsque  le  ministère  pu- 
blic, la  partie  civile  ou  Taccusé  s'opposent  à  ce  qu'ils  soient 
entendus  ;  l'art,  322»  ecK  effet,  après  avoir  U  Aulé  la  prohi- 
bition, ajoute  :  «  sans  néanmoins  que  l'audition  des  person- 
nes ci-dessus  désignées  puisse  opérer  une  nullité  lorsque,  soit 
le  procureur  général»  soit  la  partie  civile,  soit  les  accusés  ne 
se  sont  pas  opposés  à  ce  qu'elles  sojiententendues.  »  De  là  cette 
double  conséquence  1*  que  l'opposition  des  parties  est  la  voie 
ordinairement  employée  pour  arriver  à  l'application  die  la 
prohibition  \  2"*  que  l'audition,  des  témoins  prohibés,  malgré 
celte  opposition,  entraîne  nécessairement  la  nullité  de  la  pro- 
céduce  ^. 

L'opposition  peut,  si  l'instruction  (jpmprend  plusieurs  ac- 
cusés, éti^e  (ocmée  par  chacun  d'eux,  lors  môo;^  que  les  té- 
moins ne  sont  proches  pareute  que  d'un  seul,  car  la  prohibi*- 

<  Gasi.  15  janvier  iSao,  rapy^.  M.  d'Apbera.  J.  Pm  ^V.  094<i 
'Gass.  23  janvier  i  835,  rapp.M.  Vincens-St-Laurent.  Bull.  o«30. 
'  Cass.  i5  sept.  1853,  rapp.  AI.  JacquinoU  Bull.  o.  4SI. 

*  Gass.  17  oct')bre  1836,  rapp.  M.  Vinceas-St-Laurent.  Bull.  n«  350. 

■  Cuss.  30  m»il8i8,  rapp.  M.  O.livier.  J.  P.  XIV,  832,  9  août  1881»  rapp. 
.M.  Gaillard   XXIII,  1070. 

*  Caas.  15  septembre  i881,  rapp.  M.  de  Ricard.  J.  P«  XIV,  831  ;  9  arril 
1831,  rapp.  M.  Gaillard.  XXUI,  1070. 


Aromo»  nrs  Ti«»iii8«  §  636.  990 

tien  s'étonéà  toate  riBgtroctioii.  K  Elle  peiH  être  formée  par 
la  partie  mèriM  qui.  a  eîté  le  ttmoia^  oar,  a  lu  disposition  de 
l'art.  323,  qui  repose  sur  une  raiBon  d'ordre  public,  est  gé- 
nérale^ «tMokie  et  sans  distinction  ;  eUs  ne  limite  pas  le  droit 
d'opposition  aux  témoins  qui  n'auraient  pas  été  appelés  aux 
débats  par  Tune  ou  par  l'autre  des  parties;  ce  droit  s'étend 
à  tous  les  témoins  cités  et  notîBés,  quelle  que  soit-  la  pastie  l 
la  requête  de  laquelle  ilsont  été  cités  et  notifiés.  *. 

L'opposition  doit  se  formuler  au  moment  où  le  témoin  se 
présente  pour  faivi^  sa  déposition  ;  elle  peut  se  produire  encore 
même  après  le  serment  prêté  et  tant  que  la  déposition  n^eat 
pas  commencée.  C'est  ce  qui  résulte  du  texte  de  Tart.  993^ 
qui  autorise  les  parties  à  s'opposer  k  ce  que  les  personnes 
comprises  dans  sa  prohibition  «  soient  entendues  »  comme  té- 
moins ;  d'où  il  suit  quelles  peuvent  user  de  ce  droit  jusqu'au 
moment  où  le  témoignage  commence.  Plusieurs  procédures, 
dans  lesquelles  l'opposition  avait  élè  considérée  comme  tar- 
dive après  le  serment  prêté,  ont  été»  en  conséquence,  annu- 
l<^es  c  attendu  que  la  déposition  du  témoin  n'étant  pas  com- 
mencée, Topposition  était  régulière  et  légale  et  devait  pro- 
duire son  effet  3,  s  dans  ce  cas  le  serment  est  déclaré  annulé 
par  la  Cour  d'assises  4,  ou  même  considéré  comme  virluellé- 
mcnt  annulé  et  comme  non  avena^. 

L'opposiiion  pourrait  encore  être  formulée  fers  même  que 
Taccusé  aurait  consentie  la  déposition, s'il  s'estrétraotéavant 
qu'elle  ne  Mt  commencée  ;  car  cette  adhésion  momentanée 
ne  suffit  pas.  pour  lui  faice  perdre  son  droit  tant  qu'il  est  dans 
le  délai  pour  rexercec*.  Il  en  sérail  encore  ainsi  lora  même 
]ue  L'oppositien  ne  se  produirait  qu'au  moment  d'une  seconde 
mdilion  et  quandraccusé  ne  se  serait  pas  opposé  àk  première  7  ; 
;ar  cette  opposition,  qui  ne  peul  rétroagir  sur  la  première 
lépositiôn,  doit  nécessairement  produire  someiSet  sur  la  se*- 
îonde.  Enfin,  l'opposition  formée  au  moment  où  le  témoin 
l'est  présenté  pour  déposer  ne  serait  point  un  obstacle  à  ce  que, 

*  Cass.  98a?ril  4808»  rapp.  M.  Vasse.  J.  P.,  VI,  056, 

'  Cass.  13  janvier  1853,  rapp.  M;  Nouguier.  Bult.  n.  ià, 

*  Ciass.  5  déc€m,  1850,  rapp.  M.  Jacquinot.  ^ull.  n.  409  ;  IS  déc.  i9dO. 
3pp.  M.  de  Ricard,  n.  350;  27  afril  1836,  rapp.  M.  Rleyroo^eUSt-Marc, 
.  115. 

*  Cass.  15  sppt.  1331,  rapi*.  M.  de  Ricard.  J.  P.,5^XIV.  Ufi^ 

■  Cass.  16  avril  1840,  rapp.  M.  Romiguîères.  Dal).  40,  1,  4,1;»* 

*  Cass.  21  sepL  1848,  rapp.  M.  Legagneur.  ffulL  n.  216. 

^  Cass.  h  «Tril  1846,  rapp.  M.  Dehaoïsy,  J.  cr.,  t.  17,  p.  i36. 


700  DKs  couas  u'amisks. 

si  l'accusé  en  s^nt  la  nécessité  pi  as  tard,  il  puisse  demander 
que  le  même  témoin  soit  entendu  avec  serment  '. 

Est-ce  à  la  Cour  d'assises,  est-ce  au  président  à  proDon- 
cer  sur  l'opposition  T  En  principe,  ce  droit  n'appartient  qu'c 
la  Cour,  car  Topposition  est  par  elle-même  un  incident  con- 
tentieux *  ;  mais  il  a  été  admis  par  la  jurisprudence,  pour  or 
pas  charger  les  débats  de  trop  de  formes,  qu'il  y  a  iieud 
distinguer  si  Topposition  soulève  une  question  ou  si  elle 
n'en  soulève  aucune.  La  Cour  d^assises  peut  seule  proDOD< 
cer  si  Tincident  se  complique  de  quelque  difficulté;  si, 
par  exemple,  Topposition  ne  s'est  produite  qu'après  le  ser- 
ment prêté,  et  qu'il  faille  annuler  ce  serment  '  ;  si  la  pa- 
renté ou  l'alliance  au  degré  prohibé  est  contestée,  si  Top- 
position  est  entachée  d'irrégularité  ^  ;  mais  s'il  ne  s'agii 
que  do  la  déclaration  d^un  motif  péremptoire  d'exclosion 
qui,  fondé  sur  les  dispositions  formelles  de  la  loi,  nepeat 
donner  lieu  à  aucune  contestation,  il  a  été  jugé  qu^un  arrêt 
n'est  pas  nécessaire,  et  qu'il  suffit  alors  que  le  président  fasse 
droit  à  l'opposition  s. 

Les  témoins  prohibés  sont,  en  second  lieu,  écartés  d'of- 
fice, soit  par  la  Cour  d'assises,  soit  par  le  président  L'ar- 
ticle 322  déclare,  en  effet»  que  a  les  dépositions  de  ces  té- 
moins ne  pourront  être  reçues.  »  En  présence  de  cette  prohi- 
bition formelle,  la  juridiction  a  assurément  le  droit  de  di' 
pas  les  entendre  ;  elle  n'est  nullement  tenue  d'attendre  Top- 
position  des  parties,  car  l'interdiction  n'est  point  subordon- 
née à  cette  condition.  En  les  rejetant,  elle  ne  fait  qu'appli- 
quer la  loi.  Que  si  l'audition  de  ces  témoins  ne  vicie  pas  les 
débats,  quand  elle  a  eu  lieu  sans  opposition,  il  ne  s'ensuit 
pas  qu'elle  soit  permise  ;  il  suit  seulement  que  la  loi  n'a  pas 
voulu  poser  une  règle  absolue,  pour  ne  pas  multiplier  les 
écueils  dont  sont  semées  les  procédures,  et  pour  ne  pas  pri- 
ver la  justice  de  ressources  qui,  bien  que  regrettables,  lai 
sont  quelquefois  utiles.  A  la  vérité ,  dans  l'hypothèse  de 


*  Gass.  i2  janTier  1848  (affi  Roussel),  non  imprimé. 
■  Gass.  12  janvier  1848  (am  Roussel),  nou  imprimé. 

*  Gass.  15  sepU  ISSl,  cité  suprà,  p.  699:  21  sept.  iShS,  rapp.  M.  I^ 
gagneur.  BuIU  n.  246  ;  à  avril  1845,  rapp.  M.  Dehaussj.  J.  cr.  17, 
p.  126. 

*  Gaïa.  5  déc  1850,  rapp.  M.  Jacquinot.  Bull.  n.  i09. 

*  Gats.  8  avril  1888,  rapp.  M.  Rocher.  DalU  48,  1,  869;  8  avril  )858,  i 
notre  rapport.  Bull.  n.  118. 


AIIDITIO!)   DES   TÉMOINS.    §  636.  '"• 

l'art.  315,  les  témoins  cités  et  non  notiBés,  sont  acquis  à  la 
c»use  et  ne  pourraient,  comme  on  le  terra  plus  loin,  être 
écartfe  des  débats;  mais  l'hypothèse  de  l'art.  322  est  diffé- 
rente; comment  considérer  comme  acquis,  soit  à  l'accusa- 
tioD  soit  à  la  défense,  des  témoins  que  la  loi  rejette  et  qu  elle 
défend  d'admettre?  Comment  assimiler  des  témoins  capables 
à  des  témoins  incapables?  U  Cour  d'assises  ne  les  dépouille 
pas  d'ailleurs  dç  leur  qualité;  elle  ne  fait  que  constater  et 
déclarer  leur  incapacité;  c'est  la  loi  qui  en  déduit  elle- 
même  les  effets. 

Cette  doctrine  a  été  appliquée  dans  un  arrêt  qui  déclare  : 
.  que  l'art.  322  dispose,  en  termes  exprès,  que  les  dépositions 
de  la  mère,  de  la  sœur  et  des  alliés,  au  même  degré  de  I  ac- 
cusé, ne  peuvent  être  reçues  ;  que  si  ce  même  article  ajoute 
que  l'audition  de  ces  personnes  n'opérera  pas  nullité  lors- 
qu'elle aura  lieu  sans  opposition,  cette  disposition  ne  peut, 
ni  d'après  sa  lettre,  ni  d'après  son  esprit,  avoir  pour  effet 
de  rendre  obligatoire  leur  audition  à  tiire  de  témoins,  et 
avec  serment,  par  cela  seul  qu'aucune  des  parties  ne  s  y  op- 
Dose-  aué  si  cette  conséquence  a  été  attachée  par   amris- 
Ld'enceà  la  disposition  analogue  de  l'art.  315.  relatif  aux 
lèmoiDS  non  notiBés,  lequel  est  d'ailleurs  rédige  en  termes 
différents,  c'est  que,  dans  le  cas  qu  il  prévoit,  il  s  agit  uni- 
quement des  intérêts  de  l'accusation  et  de  la  défense  que 
l'on  doit  croire  satisfaites,  lorsque  ni  le  ministère  public,  m 
l'accusé  n'usentdes  droits  queleur  ouvrentces  articles;  mais 
que  la  prohibition  de  l'art.  322  est  fondée  aussi  et  principale- 
ment sur  l'honnêteté  publique,  qui  ne  permet  pas  que  des 
Srents  ou  alliés,  d'un  degré  si  proche,  puissent  être  tenus 
de  déposer,  sous  la  foi  du  serment,  les  uns  contre  les  au- 

u'Cour  d'assises,  et  s'il  n'y  a  pas  de  réclamation,  le  pré- 
sident peut  donc,  lois  même,  qu'aucune  des  parties  ne  s  op- 
pose à  h  déposition  du  témoin  prohibé,  l'écarter  d'office  I«r 
la  seule  application  de  la  prohibition.  La  lurisprudence  e^t 
LééZ  cV  point.  Le  droit  du  président  a  été  particulière- 
ment consacKpap  plusieurs  arrêts  qui  ont  déclaré  dans  une 
Se  où  ce  magistrat  avait  écarté  d'office  la  belle-mère  et 
SÏÏÎe-Tœut  de  l'accusé.  «  qu'en  ne  lesadmettant  pa,  à  dé- 

i  Ca».  10  octobre  188».  rapp.  M.  Vinon^St-Laurenl.  Bull.  11840. 
n.  2A5. 


702  »E8  «OUM  D'âMUMS. 

poser  avec  serment,  le  président  n'a  fait  que  «e  eonfermer  au 
TXBu  de  la  loi  ;  qu'il  a  pu  prendre  seal  celle  déteroMnatk», 
puisque  c'efl^t  à  lui  qu'appai*tient  la  direction  des  débats,  et 
qu'aucune  contestation  ne  s'est  élevée  à  ce  sujet  qui  appettl 
rinterventimi  de  la  Cour  d'assises  ';  »  etdans  une  espèce  ou  il 
avait  écarté  la  femme  et  la  £lle  de  Tacousé  «  que»  quoique 
ces  deux  femmes  fussent  comprises  daos  la  liste  de»  ^moias 
donnée  par  le  ministère  public  et  notifiée  à  l'accusé^  ie  pré- 
sident a  pu,  même  en  l'absence  de  toute  opposition,  soit  de 
la  part  du  ministère  public,  soit  de  celle  de  l'accusé,  s'abste- 
nir de  recevoir  leurs  dépositions  sous  la  foi  da  serment  *.  • 
La  Cour  d'assises  exerce  seule  ce  droit,  dès  qu'une  contes- 
talion  s'élève  sur  son  application  ^  • 

Mais  lorsque  les  témoins  ont  été  ainsi  écartés,  soit  par  Top- 
position  des  parties,  soit  d'office  par  la  juridiction,  le  jvési- 
dent  peut  les  reprendre  et  les  faire  entendre,  non  plus,  a  la 
vérité,  à  titre  do  témoins,  mais  à  titre  de  simple  rensei- 
gnements, en  vertu  de  son  pouvoir  discrétionnaire.  Kous 
avons  apprécié  précédemment  ce  droit  exorbitant  que  la  juris- 
prudence  a  attribué  au  président  *. 

II  y  a  lieu  de  remarquer,  toutefois,  que  ce  droit  du  prési- 
dent ne  peut  régulièrement  s'exercer  que  vis-à-vis  des  té- 
moins dont  la  prohibition  légale  rejette  Taudition  avec  ser- 
ment. Ce  n'est  que  parce  qu'ils  ne  peuvent  être  entendus 
comme  témoins  que  ie  magistrat  peut,  s'il  le  croit  indispen- 
sable à  la  découvefte  de  la  vérité,  les  faire  entendre  ensuite 
à  titre  de  renseignements. 

Un  accusé  s'étant  opposé  à  l'audition  d'un  témoin,  régu- 
lièrement cité,  parce  qu'il  était  lé  mari  de. la  veuve  de  soa 
frère,  le  président  avait  cru  pouvoir  Técarter  du  débat,  et 
avait  ordonné  son  audition  comme  renseignement.  Le  pourvoi 
à  1  appui  duquel  il  rdeva  cette  irréguiière  audition,  a  été 
rejeté,  parce  que,  d'une  part,  a  l'opposition,  émanée  de  Fac- 
cusé  lui-même  le  rend  aujourd'hui  sans  intérêt,  et  par  con- 


*  Gass.  iO  octobre  1839,  rapp.  M.  Vincens^-Laurent.  Bail.  1840.  n.  US» 
'  Gass.  9 juillet  1846,  rapp.  M.  MeyroDoet-St-Marc.  J.  cr.  1. 18,  p*  3|3; 

et  conC  4  avril  1845,  rapp.  M.  Déhaussy.  J.  cr.  L  17,  p.  126  ;  27  déc  iSà% 
rapp.  M.  Legagneur.  Bail.  o.  366, 

'  Gass.  21  sepU  1848,  i^app.  M.  Legagneur.  Bull.  n.  246;  27  aTrillSSS, 
rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc,  n.  jl5  ;  5  décembre  1850.  rapp.  V.  JaGOoinott 
B.A09.  "^^ 

*  V.  supràj  p.  459  et  les  arréli  citéi  p,  m. 


AUDITION  Ma  TÂSUMNi.   §  636.  703 

fléqtt#Dt  sans  ^<Mt  d^exciper  que  la  décision  {Mrfee  Tavait  éié 
par  le  président  scrul,  «t  «on  {)ar  la  Cour  id assises;  »  et, 
d^aoe  autre  part,  «  que  cette  opposition  était  une  renoocia-^ 
lion  formelte  à  Faudition  de  ce  témoin  ;  que»  devant  cette 
opposilioo,  le  iBÎoitftère  public  a  ^ardé  le  silence  ;  qu'il  y  a 
ainsi  acquiescé,  et  s'est  implicitement  approprié  coUe  Tenons 
ciatioB  ^  que,  dans  cet  état  des  faits,  le  témoin  avait  cessé 
d'appartenir  i  aucun  titre  aux  débats»  et  ^ue,  dès  lors,  il  a 
été  dans  le  droit  du  jirésident  de  4 'appeler  et  Tentendre  sans 
prestation^  aerment  ^  »  Mais  il  résulte  de  cet  arrêt,  qui 
n'est  arrivé  au  rejet  qu'A  traven  la  fiction  d'une  double  re^ 
nonciaticii  desfMirties,  que  le  président  avait  commis  un  véri- 
table e&cés  de  pouvoir  en  écartant,  sous  le  prétexte  de  T^p- 
plication  de  l'art.  322,  un  témoiu,  qui  n'était  pas  allié  au 
degré  prohibé  de  l'accusé  ;  l'opposition  était  dénuée  ^e  fon- 
dement; la  Cour  d'assises  devait  l'écarter  et  ordonner  qu'il 
serait  jMissé  outre  à  l'audition  du  témoin. 

VI,  La  troisième  classe  de  témoins  qui  peuvent  èlro  écar- 
tés du  débat  comprend  ceux  qui  sont  suspects  (le4)ap(ialité, 
à  raison  de  l'intérêt  personnel  qu'ils  ont  dans  l'affaire  :  tels 
sont  les  dénonciateurs  dont  la  dénonciation  est  récompensée 
pécuniairement  par  la  loi  et  les  parties  civiles. 

Les  dénouciaieurs*  quoiqu'ils  ne  soient  point  parties  au 
procès,  ne  peuvent  en  général  y  servir  de  témoins,  «  par  la 
raison,  dit  Bruneau,  qu'ils  ont  intérêt  de  faire  réussir  la  dé- 
nonciation^ de  peur  d'être  jugés  calomniateurs,  si  l'accusé 
venait  à  être  renvoyé  absous  '.  »  L'art.  357  du  C.  du  ^  brum. 
an  rv  défendait,  en  conséquence^  de  produire  pour  témoins 
les  âénonciateursy  «  quand  il  s'agit  de  délits  dont  la  dénon- 
ciation est  récompensée  pécuniairement  par  la  loi  ou  lorsque 
le  dénonciateur  peut,  de  toute  autre  manière^  proGtcr  de  l'ef- 
fet de  sa  dénonciation.  » 

Notre  Gode  n'a  conservé  que  la  première  de  ces  deux 
prohibitions,  mais  en  attachant  néanmoins  un  avertissement 
û  la  qualité  de  dénonciateur.  L'art.  322  porte  que  :  «  ne 
pourront  être  reçues  les  dépositions...  6""  dis  dénonciateurs 
dont  la  dénonciation  est  récompensée  pécuniairement  par  la 

*  Ca».  22  novembre  1S55,  rapp.  II.  Bressoo.  Bull.  n.  ass. 
'  Bttmeav,  ttaùmes,  ^  141  et  208;  Caroiidas,  Cùée  Henri,  Ht.  7,  tit 
4 ,  n.  7.       _ 


704  DES  COURS  D*AH1ie8. 

loi  »  sans  que  néanmoins  leur  audition  puisse  opérer  une 
nullité,  lorsqu'aucuoe  des  parties  ne  s'y  est  opposée.  Et 
Part.  323  ajoute  :  «  les  dénonciateurs  autres  que  ceux  ré- 
compensés pécuniairement  par  la  loi,  pourront  être  entendus 
en  témoignage;  mais  le  jury  sera  averti  de  leur  qualité  de 
dénonciateurs.  » 

Que  faut-il  entendre  par  les  dénonciateurs  t  qui  sont  ré- 
compensés pécuniairement  parla  loi?  »  Il  faut  entendre  ceoi- 
là  seulement  qui  auraient  reçu  une  prime,  une  gratification, 
une  indemnité  à  raison  de  la  découverte  qu'ils  auraient 
faite  du  crime  ou  de?  indices  qu'ils  auraient  fournis  à  la 
poursuite;  car,  on  ne  doit  point  comprendre  dans  cette 
classe  les  fonctionnaires  ou  agens  que  leurs  fonctions  obligent 
de  dénoncer,  même  de  constater  les  crimes  et  les  délits;  ils 
sont  rétribués  à  raison  do  leurs  fonctions,  et  non  à  raison  de 
chacun  des  faits  qu'ils  ont  constatés  \ 

Quant  aux  dénonciateurs,  quels  qu'ils  soient,  fonction- 
naires ou  simples  particuliers,  qui  ne  reçoivent  aucune  ré- 
compense pécuniaire  à  raison  de  leur  dénonciation,  la  loi  n'a 
point  écarté  leur  témoignage;  elle  n'a  point  vu  dans  le  seul 
fait  de  la  dénonciation  la  présomption  d'un  intérêt  personne. 
Mais  comme  il  serait  possible  qu'ils  fussent  poussés  par  le  dé- 
sir de  nuire  ou  par  la  crainte  de  la  responsabilité  qui  pourrait 
peser  sur  eux  en  cas  d'acquittement,  ou  conduits  par  un  sen- 
timent d'amour-propre  à  soutenir  les  faits  qu'ilsont  dénoncés, 
la  loi  a  voulu  que  leur  qualité  de  dénonciateur  fût  déclarée 
au  jury.  Toutefois  cet  avertissement^  nécessaire  à  l'apprécia- 
tion dHa  valeur  du  témoignage,  n'étant  point  prescrit  à  peîue 
de  nullité,  demeure  confié  à  la  conscience  du  président  *• 

Il  ne  faut  pas»  au  reste,  en  ce  qui  concerne  cet  avertisse- 
ment,  confondre  les  dénonciateurs,  soit  avec  les  témoins,  &oit 
avec  les  plaignants. 

Les  dénonciateurs  déclarent  spontanément  et  volontaire- 
ment ce  qu'ils  savent  ;  les  témoins  ne  le  déclarent  que  lors- 
qu'ils sont  appelés  en  justice  pour  en  déposer;  les  premiers 
n'attendent  pas  la  citation  ;  ils  vont  au-devant  et  saisissent 


«  Cass.  g  juillet  182A,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.  XVIII.  870. 

*  Cass.  16  juillet  1812,  rapp.  M.  Vasse.  J.  P.  X.  577;  18  mai  1815,  rapp. 
M.  Âumont.  XII,  735;  10  ocU  1817,  rapp.  M.  Busschop.  XI V.  A76;  5  f^f. 
1810,  rapp.  M.  Giraud.  XV.  67;  30  avril  1835,  rapp.  M.  Rocher.  Bnli.  ». 
16)  ;  29  août  1844,  rapp.  M.  Bresson.  d.  803  ;  30  mars  1848»  rapp.  Bf.  a«- 
clirr.  Dall«,  5«  p.,  t.  333. 


ADOITIOM  DKS  TÉMOINS,    f   636.  705 

eux-mêmes  la  jastice;  les  autres  attendent  son  ordre  et  ne 
font  que  lui  obéir  ^ 

IIsdifTèrent  également  des  plaignants;  car  ils  signalent  à 
la  justice  des  actes  qui  ne  les  oni  pas  personnellement  lésés, 
donl  ils  n'ont  soufièrt  aucun  dommage,  et  ils  sont  censés  ne 
recevoir  d'impulsion  que  de  Tintérèt  public,  tandis  que  les 
plaignants,  l^és  par  les  faits  qu'ils  dénoncent,  ne  font  que 
demander,  sinon  la  réparation  du  préjudice  qu'ils  ont  souf- 
ferty  du  moins  la  répression  du  crime  ou  du  délit  qui  a  causé 
ce  préjudice.  Cette  distinction  évidente  a  souvent  été  mainte- 
nue par  la  jurisprudence  qui  en  a  déduit  la  double  consé- 
quence :  d*abord,  que  les  plaignants  doivent  être  entendus 
comme  témoins^,  et  ne  pourraient  être  arbitrairement  dé- 
pouillés de  cetie  qualité  *;  ensuite,  que  l'avertissement  pres- 
crit par  Tart.  323  ne  les  concerne  nullement  *. 

YII.  Les  parties  civiles»  en  ce  qui  concerne  la  forme  ot  la 
valeur  de  leur  témoignage,  ont  donné  lieu  à  quelques  diffi- 
cultés. 

Il  faut  examiner^  en  premier  lieu,  si  la  partie  lésée,  lors- 
qu'elle s'est  constituée  partie  civile,  peut  être  entendue  comme 
témoin. 

On  ne  trouve  sur  cette  question  importante  aucun  ensei- 
gnement dans  le  droit  romain.  L'accusateur,  investi  de  toute 
la  puissance  de  raccùsation,  n'aurait  pu  évidemment  donner 
un  témoignage  et  la  loi  ne  prend  pas  même  la  peine  d'en  for- 
muler la  prohibition.  Elle  se  borne  à  exclure  la  famille  de 
l'accusateur  :  testes  eos,  quos  accusator  de  domo  j^oduxerit 
interrogari  nonplacuit  ^;  et  à  poser  cette  règle  générale^ 
puisée  dans  la  raison  et  le  sentiment  de  l'équité,  que  nul  ne 
peut  être  entendu  dans  sa  propre  cause  :  nullus  idoneus  tes-- 
tis  in  re  suâ  intelligitur  \ 

Ce  n'est  qu'au  xv""  siècle  que  l'institution  des  parties  civiles 
commença  à  s'introduire  dans  notre  législation.  Le  droit  d'ac* 

^  Gass.  26  mai  1826,  rapp*  M.  Blondel  d'Aubers.  J»  P.  XX.  512,  30  jail. 
1831,  rapp.  M.  Gilbert  de  Voisins.  XXIV.  Si. 

»Cass.  30  avril  1835,  rapp,  M.  Rocher.  Bol!,  n.  161  ;  24  décembre  1840, 
rapp.  M.  Bomiguières.  n.  361  ;  27  nov.  1845,  rapp.  M.  lsambert,n.  348. 

»Cass.  4  5  novembre  i  833,  rapp.  M.  Chauvoau  Lagardc.  J.  P.  XXV.  941. 

*  Ca«8.  30  mars  1848.  Cité  suprà,  p.704;  23  janvier  1851,  rapp.  M.  Que- 
liault.  Boll.  n.  SI. 

*  Paul,  1. 24-  Dig.  de  Teatibus.  ^ 

*  Pomponius,  I.  10.  DIg.  de  Testibus  ;  et  1. 10.  fpd.  eoda  lif« 

▼m.  ^•» 


706  SES    COURS  D\sStSE9. 

cusation,  placé  jusqu'alors  dans  les  mains  d^s  parties  lésées, 
se  partagea  à  celte  époque  entre  ces  parties  et  le  ministère 
public  ^.  L'accusation  prit  le  nom  de  plainte  et  le  plaignant 
celui.de  partie  civile,  parce  que  ses  intérêts  civils  étaient  de- 
venus le  but  unique  de  son  action.  Ce  n'est  donc  qu'à  la  lé- 
gislation que  constituèrent  les  ordonnances  de  1539  et  de 
1070  que  Ton  peut  demander  quelques  précédents  sur  ce 
point. 

La  pratique  du  xvi«  siècle  n'hésita  point  k  rejeter  le  témoi- 
gnage de  la  partie  civile  :  le  légiste,  qui  a  le  plus  exactement 
résumé  la  jurisprudence  de  ce  siècle,  s'exprime  en  ces  termes: 
Sicui  in  civiHbus  testis  in  cau$âpropriânon  admimrnr,  ita 
fiec  etiam  et  multo  minus  admilteiurin  criminibuê  et  propte- 
rea  accusaiorem  conirà  acctuatum  redpi  in  testem  vaiie  uh- 
surdum  repulatur  *.  La  déposition  de  cette  partie,  qui  était 
alors  la  partie  poursuivante,  si  elle  avait  été  reçue,  ne  formait 
pas  même  un  indice:  ejus  depositio  contra  accusatum  nullum 
prorsus  faciat  indicium  ^;  ses  parents,  ses  domestiques  étaient 
écartés  ^»  et  s'il  y  avait  plusieurs  parties,  dont  une  seule  était 
admise  à  poursuivre,  les  autres  étaient  néanmoins  déchues  da 
droit  de  déposer  dans  la  cause  :  in  pluribus  aecusatoribuses 
quibus  judex  eligit  magis  idoneum,  et  cœteri  repellantur  à 
testimonio  ^.  Pierre  Ayrault  enseignait  également  «  que  celui 
qui  est  offensé,  s'il  se  rend  partie,  il  ne  peut  plus  estre  tes- 
moing  ^  »  Ces  solutions  avaient  été  acceptées  par  les  légistes 
des  siècles  suivants  :  Rousseaud  de  la  Combe  pose  en  principe 
a  qu'une  partie  civile  ne  peut  être  témoin  dans  le  procès  cri- 
minel qu'elle  poursuit  ?.  »  Et  Jousse^  tout  en  admettant  que, 
dans  les  cas  où  Ton  ne  peut  avoir  une  autre  preuve,  on  peut 
recevoir  la  déposition  des  témoins  qui  ont  intérêt  dans  la  cause, 
en  y  ayant  égard  suivant  les  circonstances,  déclare  que  «  la 
déposition  du  plaignant  contre  Taccusé  n'est  point  admise, 
quant  aux  dommages-intérêts  qu'il  peut  prétendre  contre  Tac- 
cusé  ^.  )»  Toutefois^  le  même  légiste,  reprenant  une  distinctioB 


«  Voy.  notre  1. 1",  p.  614, 

*  Farinaciqst  de  oppos.  centra  per^,  ^Oftioin,  qaest»  SO,  im];d.S4« 

*  Qiuest.  60.  num.  65. 

*  QueaL  60.  num.  SS* 
*Qu«at.ao«DaiD.6a. 

*  Instruction  judiciaire,  p.  f  00.- 

*  IfaUères  crim.  p.  47S, 

*  Tom.  I.  p.  709. 


AUDITION  l^BS  litfOIRd.  $  63S.  707 

propesée  par  Farinacius%  pense  que,  en  matière  dci  vol,  le  plai- 
gnant doit  déposer  avec  serment  pour  la  quantité  des  choses 
volées  ;  et  on  retrouve  la  même  distinction  développée  dans 
la  jurisprudence  allemande  :  «  S'agit-il  d'un  délit  contre  la 
personne  même  du  plaignant,  dit  M.  Mittermaier,  il  y  a  lieu 
de  craindre  qu'en  ce  qui  touche  les  diverses  circonstances  du 
fait,  lé  déposant  ne  mérite  pas  foi  pleine  et  entière.  S^agit-il 
d'un  délit  contre  la  propriété?  les  difficultés  s'évanouissent  ou 
deviennent  bien  moindres  en  ce  qui  touche  la  désignatioij 
non  de  l'argent ,  mais  du  corps  du  délit  '•  » 

Toute  cette  doctrine  qui ,  môme  avec  ses  distinctions ,  té- 
moigne de  la  défiance  qu'eicitait  la  déposition  de  la  partie 
civile,  est,  en  thèse  générale,  parfaitemen  exacte.  Telle  est,  en 
effet,  la  débilité  humaine,  quela  bonne  foi  qui  nous  guide,  quel- 
que scrupuleuse  qu'elle  soit,  peut  s'égarer  quand  nos  iniérèts 
sont  en  jeu.  L'esprit  de  Thomme,  quand  il  est  exalté  par  unq 
passion  ,  que  ce  soit  la  vengeance  ou  Tintérét  y  se  trouble  et 
perd  à  la  fois  et  la  clarté  de  ses  jugements  et  la  conscience 
de  la  vérité.  Or,  est-ce  à  cet  homme  que  le  préjudice  qu'il  a 
souffert  aveugle,  ou  qui  du  moins  n'envisage  les  faits  qu'à  tra- 
vers les  sentiments  qui  l'animent,  est-ce  au  plaignant  que  la 
loi  doit  conférer  le  droit  déporter  témoignage?  La  partie  ci- 
vile est  encore  aujourd'hui  partie  au  procès,  et  nous  avons 
énuméré  toutes  les  aflributions  que  là  loi ,  en  vertu  de  cette 
qualité,  a  dû  lui  conserver  '.  Elle  n'a  plus,  à  la  vérité^  mis- 
sion de  requérir  les  peines  ;  mais  ne  poursuit-elle  pas  indirec- 
tement leur  application  en  démontrant  la  culpabilité  de  l'ac- 
cusé, en  apportant  les  preuves  du  crime  dont  elle  à  souffert? 
La  condamnation  n'est-elle  pas  la  base  des  dommages-inté- 
rêts qu'elle  attend?  ne  fournit-elle  pas  ses  mémoires?  ng 
produit' elle  pas  ses  témoins?  n'est-elle  pas  présente  au  débat, 
adversaire  déclaré  del'accusé;  contrôlant  ses  interrogatoires, 
combattant  ses  défenses,  relevant  ses  contradictions?  N'a-^- 
elle  pas,  en  un  mot,  tous  les  caractères  d'un  accusateur  privé, 
circonscrit  seulement,  quant  aux  effets  de  son  accusation, 
dans  les  limites  d'une  répnralion  civile?  Et  même,  à  côté  et 
au  delà  de  cet  intérêt  pécuniaire ,  n'a-t-elle  pas  un  intérêt 
moral  qui  l'excite  et  la  porte  à  seconder  l'action  publiquiç, 


*  Qoest  60.  nom.  71. 

2  De  la  preave  en  mat  crim.  p.  8S9. 

»  Voy.  êuprd.  p.  W  et  488. 


108  DBS  COURS  0\SSISE8, 

bien  que  cette  action  ne  soit  plus  dans  ses  mains?  Ainsi,  elle 
accuse  et  elle  a  intérêt  à  réussir  dans  son  accusation.  En  cela, 
elle  dififôrede  la  partie  lésée  qui  ne  forme  aucune  demande; 
car  celle-ci  se  borne  à  porter  plainte  et  ne  prend  aucune  part 
à  la  poursuite  ;  elle  n'a  aucun  intérêt  avoué  et  appréciable 
à  la  condamnation.  Elle  diffère  également  des  dénoncîateors, 
lors  même  qu*ils  auraient  une  récompense  pécuniaire;  car 
ceux-ci  ne  peuvent  avoir  qu'un  intérêt  secondaire  et  à  peine 
appréciable  à  la  condamnation.  Ce  caractère  spécial  de  la  par- 
tie civile  est  indiqué  d'ailleurs  par  la  loi.  LVt.  317  veut  que 
le  président  demande  publiquement  ai^x  témoins  c  s'ils  soDt 
parents  ou  alliés  de  la  partie  civile  et  à  quel  degré.  »  Le  lé- 
gislateur a  donc  pensé  que  les  seuls  rapports  de  la  partie  ci- 
vile avec  les  témoins  pouvaient  altérer  la  confiance  due  à  leurs 
dépositions  ;  comment  donc  aurait-il  permis  à  cette  partie 
elle-même  de  figurer  comme  témoin  ?  L'art.  322  lui  attribue 
le  droit  de  s'opposer  à  l'audition  des  témoins  reprocbables; 
or,  comment  admettre  que  la  partie  qui ,  investie  de  la  même 
prérogative  que  le  ministère  public  et  l'accusé,  est  appelée  à 
contrôler  les  témoignages ,  puisse  donner  le  sien  7  La  loi,  à 
la  vérité,  ne  Ta  point  formellement  exclue;  mais  n'est-ce  pas 
Fexclure  que  de  Tadmetlre  comme  partie  jointe  au  procès, 
et  que  de  lui  reconnaître  les  droits  et  les  privilèges  d'une  par- 
tie? Devait-elle  répéter  Tadagc  de  la  loi  romaine?  Cette 
maxime ,  qui  est  fondée  sur  Téquité  naturelle ,  ne  doit-eiic 
pas  régir  la  procédure  dès  qu'il  n'y  a  pas  été  dérogé  ? 

La  jurisprudence  est  conforme  sur  ce  point  à  la  doctrioe. 
Un  arrêt  pose  le  principe  a  que  nul  ne  peut  être,  daus  la  même 
affaire,  témoin  et  partie;  que  ce  principe  est  d'ordre  public 
et  substantiel  à  la  défense;  que  son  application  ne  peut  être 
éludée  par  le  juge  sur  le  fondement  qu'il  aura  à  la  déposition 
du  témoin  tel  égard  que  de  droit  \  »  Un  autre  arrêt  casse  uoc 
procédure  dans  laquelle  la  partie  civile  avait  été  entendue 
comme  témoin  :  «  Attendu ,  en  droit,  que  l'art.  315  autorise 
la  partie  civile  à  présenter  la  liste  des  témoins  assignés  à  sa 
requête  et  qui  doivent  être  entendus  ;  qu  il  résulte  implicite- 
ment de  cette  disposition  que  la  partie  civile,  investie  par  la 
loi  du  droit  d'exercer  son  action  contre  Taccuséet  d'appuyer 
cette  action  du  témoignage  des  personnes  qu'elle  a  fait  as- 
signer pour  être  entendues  comme  témoins,  ne  peut  elle- 

*  Cus.  arS  déc.  4888,  rapp.  M.  Rocher,  Bull,  n.  389. 


▲umnoN  Ms  TÉHoiMs.  I  635.  709 

même  figurer  au  procès  en  ladite  qualité  de  témoÎD,  qui  est 
incompatible  avec  celle  de  partie  poursuivant»  dans  son  in- 
térêt privé,  devant  les  tribunaux  de  répression,  la  réparation 
civile  d'un  dommage  ;  que  Part.  317  prescrit  au  président  qui 
procède  à  Taudition  des  témoins  de  leur  demander  «  s'ils  sont 
parents  ou  alliés  soit  de  Taccusé,  soit  de  la  partie  civile,  et  & 
quel  degré  ,  »  et  s'ils  ne  sont  pas  attachés  au  service  de  l'un 
ou  de  l'autre;  que  cette  précaution  du  législateur  à  l'égard 
de  la  partie  civile  démontre  assez  clairement  qu^il  n'a  jamais 
considéré  celte  partie  comme  idoine  à  être  eiUendue  elle- 
même  en  qualité  de  témoin ,  dans  un  procès  où  elle  exerce, 
soit  comme  partie  principale,  soit  comme  partie  intervenante, 
son  action  civile;  que,  en  effet,  la  position  de  la  partie  civile 
relativement  à  Taccusé  doit  être  assimilée  à  celle  du  dénon- 
ciateur dont  la  dénonciation  est  récompensée  pécuniairement 
par  la  loi,  et  dont  l'art.  322  prohibe  l'audition,  puisque  cette 
partie  a,  comme  le  dénonciateur,  un  intérêt  personnel  et  direct 
à  la  condamnation  de  Taccusé  ;  d'où  il  suit  qu'elle  ne  peut 
être  entendue  sous  la  foi  du  serment  dans  le  procès  de  ce  der- 
nier, surtout  s'il  s'oppose  à  son  audition  *.  » 

Mais,  ce  principe  ainsi  posé,  doit-il  être  appliqué  d^une 
manière  absolue?  La  partie  civile,  exclue  du  témoignage, 
doit-elle  vicier  toutes  les  procédures  où  elle  est  entendue  ? 
Il  est  nécessaire  de  faire  plusieurs  distinctions. 

En  premier  lieu,  le  plaignant  qui  ne  s^est  pas  constitué 
avant  les  débats,  et  qui  a  été  assigné  comme  témoin,  peut, 
après  avoir  déposé  en  cette  qualité,  se  constituer  ultérieure* 
ment  partie  civile.  En  effet,  l'art.  67  porte  que  «  les  plaignants 
pourront  se  porter  partie  civile  en  tout  état  de  cause,  jusqu'à 
la  clôture  des  débats.  «  Or,  Tassignation  qui  leur  a  été  donnée, 
et  la  déposition  qu'ils  ont  faite  en  qualité  de  témoins,  font-elles 
obstacle  à  Texercice  ultérieur  de  celle  faculté?  La  loi  ne 
le  dit  pas,  et,  dès  lors,  il  est  clair  que  la  Cour  d'assises,  dès 
qu'elle  est  saisie  avant  la  clôture  des  débats,  doit  statuer, 
conformément  à  Part.  366,  sur  les  dommages-intérêts.  Les 
arrêts  qui  ont  jugé  ce  point,  ajoutent  «  que  la  maxime 
nullus  idoneu$  teslis  in  re  $ua^  qui  est  un  principe  du 
droit  commun,  reconnu  en  matière  criminelle  par  les  art.  315, 
321  et  335,  n'est  applicable  qu'au  cas  où  les  individus  cités 
et  entendus  comme  témoins,  ont  fait  connaître  leur  qualité 

«  Gaw.  lloclobre  1839,  rapp.  M.  Dchaaisy.  Dali,  40.  l,  37S. 


l^Q  DIS  COCBS  D*A8SISM. 

de  parties  ciyiieg  ;  qae^  jusqu'à  cjDtie  iMfiifestatieD»  et  qoel 
que  soit  leur  intérêt  dans  le  procès*  leur  dépositm  est  con- 
sacrée par  les  lois,  sauf  Tappréciation  qui  est  réservée  aux 
f*uges  et  aux  jurés  i  d  II  convient  toutefois  que,  dans  ce  cas, 
e  président  avertisse  les  jurés  que^  par  suite  de  la  constitutioD 
des  plaignants,  leur  déposition  ne  doit  plus  être  considérée  que 
comme  de  simples  renseignements,  car  il  importe  de  relever 
l'influence  que  la  qualité  qu'ils  ont  prise  doit  exercer  sur  la 
valeur  de  leurs  témoignages.  Il  a  été  décidé  xlans  ce  sens, 
a  que  dés  que  les  plaignants  ont  pris  la  qualité  de  partie 
civile,  ils  deviennent  parties  au  procès,  et  cessent  d'être  té- 
moins ;  que,  dés  lors,  en  av.ertissant  le  jury  du  caractère 
que  pouvait  donner  à  leurs  dépositions  antérieures  leur  inter- 
vention, comme  parties  civiles,  le  président  n'a  violé  aucune 
disposition  du  Gode  et  n'a  porté  aucun  préjudice  à  l'accusé  *  • 
En  deuxième  lieu,  la  partie  civile,  si  elle  ne  peut  être  en- 
tendue à  titre  de  témoin  et  avec  serment,  peut  l'être  sous 
forme  de  simple  déclaration.  D'une  part^  en  eflet»  l'art.  269 
permet  au  président  d'appeler  et  de  faire  entendre  toutes 
personnes  qui  lui  paraisseut  pouvoir  répandre  un  jour  utile 
sur  le  fait  contesté,  i  la  condition  que  leurs  déclarations  ne 
seront  considérées  que  comme  renseignements  ;  et,  d'une  au- 
tre parl^  l'art.  335  donne  à  la  partie  civile  le  droit  de  fournir 
à  la  justice  tous  les  renseignements  qu'elle  peut  posséder.  Ce 
point  a  été  consacré  par  plusieurs  arrêts.  Dans  une  espèce 
où  l'accusé  se  faisait  un  grief  de  ce  que  la  partie  civile^  ap> 
pelée  comme  témoin,  n'avait  pas  prêté  serment,  le  rejet  a  été 
prononcé,  «  attendu  que,  dès  l'origine  du  procès,  Villette  a 
rendu  plainte,  et  s'est  constitué  partie  civile  devant  le  juge 
d'instruction  ;  qu'il  est  intervenu  en  cette  qualité  devant  la 
Cour  d'assises  à  l'ouverture  des  débats  ;  que  si,  à  la  demande 
du  conseil  de  l'accusé,  un  arrêt  a  ordonné  qu'il  serait  en- 
tendu comme  témoin»  cet  arrêt  n^a  pu  vouloir  et  n'a  pas  dît 
que  Yillette  abdiquerait  sa.  qualité  de  partie  civile,  ou  que» 
contrairement  aux  règles  les  plus  ordinaires  du  droit,  aux 
principes  de  la  morale  et  de  la  saine  raison,  il  viendrait,  sous 


*  Cass.  25  jantier  1858*  rapp.  M.  l8ainl)erU  Bull.  n.  89  ;  el  CdBf.  12  |ai>- 
fier  1828,  rapp.  M.  OUirier.  J.  P.  XXI.  10844?  janvier  ia37«  rapp.  M. 
Vojsin  de  Gartempe.  Bull.  n.  8  ;  27  novembre  18/1O,  rapp«  Ut  lUvO»  D.  840; 
23  février  18^8,  rapp.  M.  Brière-Valigny.  Sir.  43.  1,  549. 

«  Cass.  5  mai  1854,  rapp.  M,  Y,  Fouchcr.  Ouil,  n,  135. 


AUDITION  M§  I^BOMi.  f  636.  71 1 

la  foi  do  Serment,  porter  témoignage  dans  la  pr^rë  lHi«e } 

que  Farrèt  dont  il  s^agit  a  eu  manifestement  pour  but  dW 
bliger  la  partie  eirile,  lorsqu'elle  pourrait  se  faire  représëb. 
ter  à  l'audience  par  tin  bvoué^  à  s^  j  présenter  en  personbe,  à 
répondre  aui  interpellations  qui  lui  seraient  faites,  à  donilef 
sur  les  faits  led  éclaireissenfients  qui  lui  seraient  demandés  | 
que  c'est  ainsi  que  cet  ërrét  a  été  eiéouté  \  qu^,  dans  ce  cas, 
la  déclaration  de  la  partie  civile  ne  derait  être  considérée 
que  comme  renseignement  \  »  Les  autres  arrêts  se  borneut 
k  déclarer  «  qu'il  esl  vrai,  en  principe,  que  les  parties  ci* 
yilea  ne  pëuvenl^  ea  cette  qualité^  bortei  aucun  témoignage} 
mais  qu'il  n'est  pas  interdit  par  la  loi  de  leur  demander  des 
reiiseignements  *•  » 

En  troisième  lieu,  la  partie  civile  ne  peut-^elie  pas»  lors^ 
que,  ni  le  ministère  public,  ni  Taccusé  tie  s'y  opposent,  par 
analogie  avec  le  cas  prévu  par  Fart  823»  être  enteddae^ 
même  aveeserment>  sans  qu'il  j  ait  nullité?  Ce  ptiint  a  été 
résolu  eOBrmativement  par  la  jurisprudence*  Le  plus  forte-» 
ment  motivé  de  ses  arrêts  porte»  •  que  le  législateur»  con^ 
vaincu  de  la  nécessité  d'asêurer  lé  répraasioa  des  crimes  qui 
attaquebt  la  60<$iélé>  a  dbnaé  pour  appui  à  l'action  du  «i* 
nistère  public  la  preuve  testimoniaie;  qiie,  relativeittent  è 
l'idonéité  des  témoins,  il  n'a  pas  créé  d'idcapacitéa  absolues; 
qu'en  effet,  si,  par  des  considérations  d'faonnêteté  publique^ 
rart«  322  exclut  le  témoignage  de  ceut  qui  sont  unis  à  l'àe* 
cusé  par  les  liens  du  sang,  au  degré  qu'il  a  pris  soin  de 
déterminer;  si,  par  des  motifs  du  même  ordre,  il  repoussé 
les  dépositions  des  dénonciateurs  dotit  la  dénonciation  est  ré- 
compensée  pécuniairement  par  la  loi ,  le  même  article  se 
termine  ainsi  :  «  sans  néanmoins  que  l'audition  des  per« 
sonnes*. •  »;  qu'on  ne  saurait  admettre  qu'il  existe  conlrts 
le  témoignage  de  la  partie  civile  des  motifs  d'exclusion  plus 
péremptoires  que  ceux  qui  s'appliquent  aux  personnes  dési- 
gnées dans  l'arti  822  ;  que  son  intérêt  personnel  les  place 
dans  une  position  identique  à  celle  du  dénonciateur  qui  re«- 
çoit  de  la  loi  une  récompense  pécuniaire;  que  sa  déposition, 
quand  il  n'y  a  pas  eu  d'opposition  à  ce  qu  elle  fût  reçue^ 


*  Gass.  10  féT.  1835,  rapp.  M.  Bresson.  J.  P.  XXVI.  1373. 

*  Cass.  5  fév.  1819,  rapp.  M.  Giraud.  J.  P.  XV.  68;  30  mai  1839,  rapp. 
M.  Isambert  Bail.  n.  168;  10  mars  18A5,  rapp.  M.  Rocher.  J.  cr.,  1. 15,  p. 
iOl;  6  oclobre  1853,  rapp.  M.  Isamberl.  Bull.  n.  49â. 


712  0K8  COURS   D*AfiftlSBS. 

ne  peot  donc  non  plus  être  une  cause  de  nullité  de  la  procé- 
dure *.» 

Il  nous  paraltque,  sur  cette  question,  la  jurisprudence  s'est 
écartée  du  vrai  principe  de  la  matière.  Il  n'est  pas  exact  de  dire 
d'abord  que  la  position  de  la  partie  civile  et  celle  du  dénoncia- 
teur salarié  soientidentiques.  Le  dénonciateur  n'a  qu'un  intérêt 
secondaire  à  la  répression,  celui  quesa  dénonciation  ne  soit  pas 
inutile  ou  reconnue  mensongère;  la  partie  civile,  quia  été  per- 
sonnellement froissée,  a  un  intérêt  direct  et  pressant  à  la  con- 
damnation; le  premier  ne  demande  rien,  Tautre  demande 
des  dommages-intérêts  ;  l'un  est  en  dehors  de  l'affaire  où  il 
ne  comparait  que  pour  donner  ses  renseignements;  l'autre 
est  partie,  6gure  aux  débats,  discute  les  preuves  et  prend  des 
conclusions.  Où  se  trouve  entre  l'un  et  l'autre  celte  identité 
que  l'arrêt  affirme?  Y  a-t-il  du  moins  analogie  entre  la  posi- 
tion de  cette  partie  et  celle  des  témoins  qui  font  Tobjet  de 
Tart.  322?  Si  la  prohibition  qui  frappe  ces  témoins  n'est  qne 
relative,  c'est  que  les  causes  qui  les  fondent  ne  produisent 
pas  les' mêmes  effets  dans  toutes  les  circonstances  :  il  est  des 
cas  où  Taccusé  lui-même  a  besoin  du  témoignage  de  ces  per- 
sonnes, où  il  provoque  l'accusation  à  les  produire,  où  il  se- 
rait inhumain  d'en  refuser  la  comparution.  L'adhésion  des 
parties  les  relève  alors  de  l'incapacité  qui  les  frappe.  La  par- 
tie civile  se  trouve-t-elle  dans  la  même  situation?  Elle  est 
l'adversaire  de  Taccusé,  elle  est  investie  d'une  portion  des  at- 
tributions de  l'accusation,  elle  poursuit  la  condamnation  ci- 
vile qui  doit  suivre  la  condamnation  pénale.  Ce  n'est  donc 
point  seulement  une  présomption  de  partialité  qui  repousse  sa 
déposition,  ce  n'est  point  un  sentiment  de  pudeur  qui  répu- 
gne à  mettre  Tâffeclion  aux  prises  avec  le  devoir,  c'est  la  cer- 
titude que  cette  partie,  enchaînée  par  la  mission  qu'elle  pour- 
suit, ne  pourra  plus  être  impartiale  dans  une  cause  qui  est  la 
sienne  ;  c'est  l'incompatibilité  évidente  qui  sépare  les  fonc- 
tions de  l'accusateur  et  du  témoin.  Et  la  partie  civile,  plus 
encore  que  l'accusateur  lui-même,  doit  être  suspecté  de  par- 
tialité ;  car  le  magistrat  qui  dirige  l'accusation  ne  peut  être 
emporté  en  dehors  de  la  vérité  que  par  les  illusions  de  la 
cause  et  lo  zèle  qui  le  passionne  pour  le  devoir  de  sa  fonction. 
Mais  la  partie  civile  n'a  pas  seulement  ces  illusions  excusables 

*■  Cass.  28  nor.  1844,  rapp.  M.   Bresson.  BulL  n.  583;  el  coof.  ctsfc»  iA 
mai  iSil,  rapp.  M.  MeyroDoel-St-Murc.  n.  iOd. 


AUDITION  0B8  TÉMOIHd.   §'636.  713 

et  cette  passion  élevée  du  magistrat,  elle  a  le  sentiment  per- 
sonnel du  préjudice  qu'elle  a  éprouvé»  elle  a  surtout  Tintérèt 
de  la  réparation  pécuniaire  qu'elle  veut  obtenir.  Or»  cet  inté- 
rêt, elle  ne  Tabdique  jamais  ;  il  la  suit  dans  tous  les  actes 
de  la  procédure  ;  il  la  suivrait  dans  son  témoignage.  L'inca- 
pacité qui  pèse  sur  elle  est  donc  absolue,  elle  n'admet  au- 
cune restriction.  Elle  est  absolue,  car  la  disposition  de 
l'art.  322,  qui  est  invoquée  par  l'arrêt,  donne  à  cette  partie, 
comme  au  ministère  public  et  à  l'accusé,  le  droit  de  s'oppo- 
ser à  l'audition  des  personnes  qu'il  énumère;  or.  comment 
seraitril  possible  que  la  partie,  qui  a  le  droit  de  s'opposer  à 
l'audition  des  témoins,  vint  témoigner  elle-même  et  concen- 
trât ce  double  rôle  dans  sa  personne?  Elle  est  absolue,  car 
elle  dérive,  non,  comme  les  personnes  désignées  par  l'ar- 
ticle 322»  d'une  simple  présomption,  mais  de  rincompatibilité 
résultant  de  la  fonction  exercée  dans  la  causée  :  celte  incom- 
patibilité est  la  même  que  celle  qui  frappe  Tinterprète,  le 
juré,  le  ministère  public  et  le  juge. 

La  jurisprudence  admet  cependanl  un  cas  de  nullité  :  il  ne 
lui  suffit  pas,  comme  nous  serions  disposé  à  l'edmettre,  que 
ia  partie  civile,  après  s'être  constituée,  ait  été  entendue  à 
titre  de  témoin  et  avec  serment,  pour  que  la  procédure  soit 
viciée;  mais  si  le  ministère  public  ou  Taccusé  s'est  opposé  à 
cette  audition  et  qu'elle  ait  eu  lieu  malgré  cette  opposition, 
la  nullité  est  encourue.  Un  arrêt  porte  «  que  s'il  y  a  opposi- 
tion à  l'audition  de  la  partie  civile  comme  témoin,  à  cause 
des  intérêts  opposés  qui  résultent  de  sa  constitution,  la  Cour 
d'assises  doit  admettre  cette  opposition  et  appliquer  le  prin- 
cipe de  la  loi  romaine  ;  et  de  l'omission  ou  du  refus  de  sta- 
tuer sur  cetle  opposition  résulterait  la  nullité  prévue  par 
l'art.  408  ^  »  Un  autre  arrêt  prononce  dans  le  même  cas 
l'annulation  *. 

YIII.  Les  prohibitions  légales,  au  surplus,  ne  doivent 
point,  nous  l'avons  déjà  dit,  être  étendues  ;  car  le  vœu  de  la 
joi  a  été  d'affranchir  le  plus  possible  la  preuve  testimoniale 
de  toute  entrave,  et  toute  exclusion  doit  être  restreinte  dans 
ses  termes.  C'est,  en  appliquant  cette  règle  générale  que  la 


*  Gan.  iS  novembre  1846,  rapp.  M.  Isambert.  Bull.  n.  S90. 
'  Gass.  il  octobre  1839,  cité  wprà^  p.  709. 


714  ACi  a»^^    D*AMIU8. 

jurisprudence  a  maintenu  parmi  les  témoins  (»rdinaires  les 
persônbcs  qui  suivent  :  ^ 

Le  plaignant  qui  ne  s'est  pas  constitué  partie  ci- 
vile *.  . 

Le  plaignant  qui^  après  s'être  constitué  partie  dvile  devant 
la  Cour  d'assises,  ne  s'est  pas  constitué  devant  la  nouvelle 
Cour  devant  laquelle  le  procès  a  été  renvoyé,,  après  Tannula- 
tion  des  premiers  débats,  «  attendu  qu'on  ne  peut  considérer 
comme  encore  subsistante  Tinlervention  d'une  partie  civile 
qui  n'avait  formé  son  action  que  parce  qu'elle  trouvait  un 
appui  dans  les  preuves  que  l^annulation  des  débats  a  fait  dis- 
paraître*.» 

Les  parents  et  alliés  de  la  partie  civile»  bien  que  l'art.  317 
charge  le  président  de  demander  aux  témoins  s'ils  ont  èeite 
qualité,  car  «  le  but  du  législateur,  en  prescrivant  cette  for- 
malité, a  été  que  la  Cour  d'assises  et  le  jury  fussent  avert» 
du  degré  de  confiance  qu'il  convient  d'accorder  à  destémoios 
dont  la  déposition  peut  n'être  pas  toujours  entièrement  im- 
partiale ;  mais  son  intention  n'a  pu  être  de  priver  la  justice 
de  temoi^ages  souvent  nécessaires  a  la  manifestation  de  la 
vérité  «.  a 

Les  individus  qui>  d'abord  compris  dans  la  même  poursuite, 
ont  été  mis  hors  de  cause  ou  acquittés^  «  attendu  que  Tin- 
ték-èt  qu'ils  peuvent  avoir  dans  le  procèis  n'est  pas  une  raîacHi 
suffisante  pour  ne  pas  les  entendre  isn  téo^oignage^.  »  La 
même  Solution  s'applique  à  l'individu  qui  serait  poursuivi 
en  pays  étranger  comme  complice  dû  mênae  crime  ^. 

Les  individus  à  l'égard  desquels  le  président  à  dû  prendre 
les  mesurer  autorisées  par  l'art.  830  et  qui  se  sont  rétractés 
d'une  première  déposition  6» 

Leis  ibdiVidus  déjà  entendus  Sur  les  mêmes  faits  ûtùs  une 
instance  civile  7. 


A  Tôjf.  les  urrêucilës  ««pri»  p,  705. 

*  Caas.  il  DOT.  1841*  rapp.  M^  Bressoa.  Bail.  n.  315« 

*Cass.  5  octobre  1835,  rapp.  U.  Dehaassy.  J.  P.^  XXt.  SSS;  et  eont»  2i 
therm.  an  15,  rapp.  m.  Ao(lier>Ma8sillon.  IV.  705;  27  mai  18S7,  ftppw  SI* 
Rocher.  Bail»  n.  16A;  8  aoatl851«  rapp.  M.  Meyroiioet-St-Marcw  B.8SS, 

*  Casa.  6  mai  1815,  rapp.  M.  Lecootoar.  J,  P.»  XII,  716:  S7  juin  1838» 
rapp.  if,  Ghaotereyne.  XU,  1605  ;  29  mars  1852,  rapp.  bL  IUtcSi  XJUY, 
905. 

*  Casa.  20  juin  1829,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  XXII,  115i. 

*  Casfi.  25  DOT.  1843,  rapp.  M.  Brière  Valiffny.  Bull.  d.  SSA. 

*  Gass.  30  mars .1832,  rapp.  M.  dcRicard,  }.  P.,  XXIV.  912. 


AUDiTiOM  vêA  Tiaeins.  |  635.  71 S 

Les  ayndieâ  d'tiiie  faillite  svr  les  faitâ  iolptiltdfl  aa  failli  «  ; 
et  les  créâDcicrs  de  la  faillite,  lors  même  que  les  syndics  M 
seraient  port^  parties  civiles;  feer,  «  il  ne  saurait  résulter  de 
ce  pelés  syndics  d'une  faillite  se  seraientrenduspartiesciviles^ 
que  tous  les  créanciers  du  failli  doivent  également  être  corisi^ 
dérés  comme  parties  civiles  ';  »  enfin  le  jug^e^ommissaire  do 
la  faillite*. 

L'avocat  qui  a  été  le  conseil  de  Taccusé  dans  un  procès  re-^ 
latif  aux  faits  qui  motivent  l'accusation  et  l'avoué  qui  l'y  a  re- 
présenté *. 

Les  témoins  instrumentaires  dans  la  poursuite  en  faut, 
exercée  à  raison  d'an  acte  qu'ils  ont  signé  \ 

Les  officiers  de  police  judiciaire  qui  ont  rédigé  le  procès* 
verbal  constatant  le  corps  du  délit  ^,  ou  qui,  par  commission 
rogatoire  du  juge  d'instructioh,  oAt  entendu  des  témoins  ?• 

Enfin,  les  grefliers  ou  commis  greffiers  qui  ont  tenu  la 
plume  dans  le  cours  de  l'instrUt^iûh  ^. 

iX.  Pour  compléter  la  nomenclature  des  personnes  dont 
le  témoignage  doit  ou  peut  être  écarté  des  débats,  il  faut  men- 
tionner encore  celles  qui  remplissent  une  fonction  incompati-» 
ble  avec  celle  de  témoin. 

La  loi  a  attaché  cette  incompatibilité  aux  fonctions  des  per- 
sonnes qui  composent  la  Cour  d'assises  ou  qui  remplissent 
prés  d*eile  une  mission  nécessaire  à  la  justice. 

Ainsi,  l'art.  392  porte  «  que  nul  ne  peut  être  juré  dans  la 
même  affaire  où  il  aura  été  ofBcier  de  police  judiciaire,  témoin 
interprète,  expert  ou  partie,  à  peine  de  nullité.  x> 

Ainsi  l'art.  332  porte  encore  que  «  l'interprète  ne  pourra, 
à  peine  de  nullité,  même  du  consentement  de  l'accusé  ni  du 


«  Cass.  n  «ept  1819,  rapp.  M.  Otlivier.  1.  P.,  !xV,  532;  15  ayril  1825| 
rapp.  M.  Brittc  XIX,  iOS. 

'  Gass.  14  mai  1847,  rapp.  M.  IVfeyronnet-St-Mare.  Bull.  d.  lOS. 
"  Cass.  S  déc.  1838,  rapp.  M.  ViDcens-St-Laurent.  Dali.  37»  1»  473. 

*  Casf).  18  jaiûl835,  rapp.  M.  Rocher.  Ëall,  d.  24). 

*  Gass»  laVril  1808,  rapp.  M.  Guien.  J.  P.,  VI,  595. 

*  Gass.  12  Juillet  1810,  rapp.  M.  Lamarque,  J.  P.,  VIIIi  468 1  81  octohn 
4  817,  rapp.  M.  Aumont  XIV,  490  ;  19  mars  1829,  rapp.  M,  Gaillard,  XXII, 
820. 

^  Gass.  9  janvier  1840,  rapp.  M,  Vincens-St-LaurenU  Bail.  n.  11  ;  11  dé- 
cembre 1851,  à  notre  rapport,  n.  519. 

*  Gass.  3  octobre  1844»  rapp.  M.  Meyroniiei^StrMara  Bull,  m  1601  S  fév. 
1809.  J»  P.,  VU.  347, 


716  DBS  COURS  l>*A88ttES. 

procureur-général  y  être  pris  parmi  les  témoins,  les  juges  et  les 
jurés.  » 

Nous  avons  examiné  ces  deux  incompatibilités^  :  il  est 
évident  qu'elles  doivent  s'appliquer  ,  non-seulement  aux  ju- 
rés, mais  à  tous  les  membres  de  la  Cour  d'assises,  non-seule- 
ment aux  interprètes  ,  mais  aux  greffiers  qui  tiennent  le  pro- 
cès-verbal de  l'audience.  Il  en  résulte  que  nul  ne  peut  être 
juge  et  témoin,  partie  poursuivante  et  témoin  ,  enfin,  oiBcier 
remplissant  une  fonction  dans  le  débat  et  témoin  dans  la  même 
affaire;  en  d^autres  termes,  que  la  loi  a  voulu  séparer  par  une 
incompatibilité  absolue  les  personnes  qui  constituent  la  Cour 
d'assises  et  y  remplissent  près  d^elle  un  office,  et  les  témoins. 


§  637. 

I.  Appel  des  témoiis.  —  II .  Ordre  de  lear  audilion.  —  III.  Ex- 
ception à  regard  des  princes  et  de  certains  foDctionDaires.  — 
IV.  InterpellaiioQ  sur  les  noms  et  qualités  de  chaque  ténoia. 

I.  Nous  avons  vu  que  la  liste  des  témoins  dont  les  noms  ont 
été  notifiés  et  qui  doivent  être  entendus  aux  débats  était  lue 
au  commencement  de  Taudience  par  le  greffier,  et  que  ces 
témoins,  sur  Tordre  du  président,  se  retiraient  dans  la  cham- 
bre qui  leur  est  destinée  *•  L'art.  316  ajoute  :  a  Us  n'en  sor- 
tiront que  pour  déposer.  » 

Ils  en  sortent  successivement  et  l'un  après  l'autre,  sur  l'ap- 
pel qui  est  fait  do  leurs  noms  par  le  greffier,  et  ils  se  présen- 
tent pour  déposer  à  Taudience. 

II.  L'ordre  dans  lequel  ils  sont  appelés  n'est  point  fixé^i 
termes  exprès. 

L'art.  315  charge  le  ministère  public  du  soin  de  dresser  la 
liste  des  témoins  ;  il  s'en  uit  qu'il  peut  établir  Tordre  dans  le- 
quel il  veut  qu'ils  soient  entendus. 

L'art.  321 ,  d'un  autre  côté,  trace  une  règle  à  cet  égard  en 
disposant  que  «  après  l'audition  des  témoins  produits  par  le 
procureur-général  et  par  la  partie  civile,  Taccusé  fera  enten- 
dre ceux  dont  il  aura  notifié  la  liste.  »  Il  suit  de  là  qu'on  doit 


*  Voy.  mjifràt  p.  S09  et  p.  641* 

•  Voy.  iuprd,  p.  679. 


AUI>IT102f    DES  TlêHOINS.    §  637.  717 

entendre  d'abord  les  témoins  à  charge,  ensuite  les  témoins  à 
décharge. 

Hais  ces  dispositions  ne  sont  jpoiot  prescrites  à  peine  de 
nullité,  et  la  jurisprudence  a  décidé  que  Tordre  dans  lequel 
les  témoins  sont  produits  au  débat  n'est  pas  une  forme  subs- 
tantielle du  droit  de  défense'.  En  conséquence,  il  a  été  re- 
connu que  le  président»  chargé  de  la  direction  du  débat»  peut 
intervertir  cet  ordrc^  «  attendu  que  cette  interversion  peut 
être  nécessaire  ou  utile  pour  la  manifestation  de  la  vérité*  et 
que  le  président  doit  employer  tous  ses  efforts  pour  favoriser 
cette  manifestation 3  »  Elle  est  d'ailleurs  quelquefois  com- 
mandée par  les  circonstances,  par  exemple,  par  la  maladie 
d'un  témoin^.  L'accusé  ne  peut,  dans  aucun  cas,  se  faire  un 
grief  de  ce  que  Tordre  suivi  dans  la  liste  notifiée  n'a  pas  été 
observé  5. 

m.  Il  faut  noter  ici»  avant  d'arriver  à  Taudition,  une 
triple  exception  à  la  régie  qui  prescrit  la  comparution  des 
témoins  à  Taudience  ;  elle  s'applique  avec  des  formes  dif- 
férentes :  1*  aux  princes,  grands  dignitaires  et  ministres; 
S*"  à  certains  fonctionnaires  de  TËtat  ;  3°  aux  militaires  en 
activité  de  service. 

Première  exception.  —  On  en  trouve  les  raisons  dans  l'an- 
cienne législation.  Les  constitutions  impériales  prescrivaient 
aux  juges  d'envoyer  recevoir  à  leur  demeure  les  dépositions 
des  personnes  illustres  *  et  des  évéques  '.  La  jurisprudence 
des  parlements  avait  appliqué  la  même  forme  lorsque  les 
princes  du  sang  étaient  appelés  à  porter  témoignage  :  ils 
pouvaient  être  dispensés  des  confrontations  par  ordonnance 
du  roi»  et  leurs  déclarations  données  par  écrit  et  signées  par 
eux  étaient  simplement  lues  aux  accusés  ^. 

Le  projet  du  Code  avait  prévu  la  dispense  de  comparution 
à  raison  d'un  service  public,  il  ne  l'avait  pas  établie  à  raison 

«  Cass.  ih  jaiHet  i8S7»  rapp.  BI«  MaDgin.  J.  P.,  XXI»  614  ;  ià  déc  1837» 
rapp.  M.  Rocher.  DalL  38,  1,  Â28. 

»  Cass.  22  juin  1820,  ropp.  M.  Busschopp.  J.  P.,  XV.  1063« 
"  Cass.  15sepi.  i 843,  rapp.  M.  Bressoo.  Bull.  ii.  245. 

*  Cass.  20  avril  1838,  rapp.  M.  Rocber.  Bull.  n.  107. 

*  Cass.  6  mai  1824,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  XVlil,  680. 

*  L.  15  Dig.  de  Jurejur.;  1.  2  S 1  Cod.  de  Jurejur,  propter  calumniam. 
^Nov.  128  cap.  VU. 

*  ConsulL  de  BIM.  Talon  et  BignoD»  rapp,  par  Serpilloo»  1 1.  p.  730; 
Muyart  de  Vouglans.  Inst.  crim.  p.  524. 


718  i>ss  couu  j>*ÀS8ises. 

de  la  dignité.  M.  Bcrlier  disait  :  «  Les  rédacteurs  n'ont  tu 
la  dispense  de  comparaître  en  personne  que  dans  ses  rapports 
avec  rintérët  publie  qui  s'oppose  à  ce  que  certains  foncfion- 
naijres  quittent  le  lieu  ou  les  attachent  d'importantes  fonctioiis. 
La  dispense  n'a  pas  été  créée  à  raison  de  la  dignité ,  car  k 
coDiparutioq  en  témoignage  ne  blesse  la  dignité  de  per- 
sonne 1.  »  II  parut  au  conseil  d'Etat  que  c'était  li  une  lacune 
qu'il  fallait  combler;  de  là  les  art.  51Q  et  suivants  de  notre 
Code,  complétés  par  les  art.  1  et  2  ihi  décret  du  4  mai  1812. 
Les  princes  ou  princesses  du  sang  impérial,  les  grands  di- 
gnitaires et  les  ministres  ne  peuvent  jamais  être  cités  comme 
témoins,  même  devant  la  Cour  d'assises,  k  moins  qu*çn  décret 
rendu  sur  le  rapport  du  ministre  de  la  justice  n'autorbe  leur 
comparution  (art.  510  etdécr.  du  4  mai  1812,  art  1^^).  Si 
la  comparution  est  autorisée,  le  décret  règle  en  même  temps 
le  cérémonial  qui  doit  être  observé  à  l'audience  (art.  513,  et 
décr.  du  4  mai  1812,  art  2).  Si  la  comparution  n'est  pas  au- 
torisée, les  dispositions  sont  rédigées  par  écrit  et  reçues  par 
le  premier  président  de  la  Cour  ou  le  président  du  tribunal  à 
la  demeure  de  ]a  personne  (:irt.  511).  Les  dispositions  ainsi 
reçues  sont  immédiatement  remises  au  grefie  et  envoyées 
closes  et  cachetées  à  celui  de  la  Cour  ou  du  juge  requérant, 
et  communiquées  sans  délai  au  ministère  publip.  Dans  l'exa- 
men devant  le  jury,  elles  sont  liées  publiquement  aux  jurés 
et  soumises  aux  débats,  sous  peine  de  nullité  (art.  512). 

Deuxième  exception.  —  Avant  notre  Gode ,  la  loi  du  23 
thermidor  an  iv,  les  arrêtés  des  14  germinal  an  viu  et  7 
thermidor  an  ix,  et  le  décret  du  20  juin  1806,  avaient  auto- 
risé lesi  membres  du  Corps  législatif,  du  Corps  diplomatique 
en  pays  étranger,  du  Sénat  et  du  conseil  d*Etal  à  déposer  par 
voie  çlp  commission  rogatoire ,  quand  leurs  dépositions  n'é- 
taient pas  absolument  nécessaires.  Telle  a  été  la  source  des 
art.  514  et  517  qui,  en  recueillant  cette  exception  ,  en  res- 
treignirent néanmoins  Leç  limites.  M.  Treilbard  était  d'avis  de 
n'y  comprendre  que  les  généraux  en  activité  et  les  ambassa- 
deurs, t  Ce  sont  les  seuls,  disait-il ,  auxquels  leur  service  ne 
permet  point  de  se  déplacer.  Tous  les  citoyens  doivent  à  la 
justice  cet  hommage  de  comparaître  devant  eU.e  toutes  les 
fois  que  le  bien  public  le  leur  commande*  Oç^  f^  $ans  4j^- 

tLocré,  t.XXiV,p.  356. 


AUDITION  DES  TÉMOÎna.  $  637.  7i9 

cuUé  permettre  aue  certaips  fpncHonnaîres  envolent  par  écrit 
leur  déposition,  lorsqu'il  ne  s\^g!t  encore  que  de  l'instruction. 
Maïs  rien  ne  doit  les  dispenser  de  se  trouver  aul  débats.  Pour- 
quoi priver  Taccusé  de  l'avantage  qu'il  peut  tirer  de  leur  pré- 
SfenceîOn  répondra  que  leur  service  peut  les  appeler  ailleurs. 
S'ils  se  trouvent  empêchés,  ils  peuvent  en  prévenir  le  ministre 
de  la  justice  qui  fait  remettre  Taffaire  ^  » 

Le  Code,  qqi  admet  Vexception  en  ce  qui  concerne  les 
grands  officiers  de  la  couronne,  les  conseillers  d'Etat  chargés 
d'une  administration  publique,  les  ingénieurs  en  chef  actuel- 
lement en  service  et  les  ambassadeurs  ou  autres  agents  ac- 
crédités près  les  cours  étrangères,  dislingue  si  le  témoignage 
de  ces  fonctionnaires  est  requis  au  lieu  de  leur  résidence  ou 
i  celui  où  ils  se  trouvent  accidentellement  9  ou  s'il  est  requis 
hors  de  ce  Heu.  Pans  le  premier  cas,  ils  doivent  fournir  leur 
déposition  dans  les  formes  ordinaires  (art.  514).  Dans  le  se- 
cond, elle  est  reçue  par  écrit  «levant  le  juge  du  lieu  de  la  ré* 
sidence,  et  Iq  disposition  de  Tart.  512  est  appliquée  (art.  515 
et  616).  Et,  néanmoins  ,  quand  il  s'agit  de  comparaître  de- 
vant le  jury,  un  décret  est  nécessaire  pour  les  en  dispenser 
(art.  517). 

^  Mais  ces  dispositions  du  Code  ont  été,  illégalement  à  la  vé- 
rîié,  modifiées  par  le  décret  du  4  mai  1812.  Ce  décret  qui 
ajoute  aux  fonctionnaires  énumérés  par  le  Code  les  ministres 
d'Etat,  les  présidents  du  conseil  d'État  et  les  préfets,  sub- 
stitue au  système  des  art.  514  et  517  un  autre  sjstènjc  :  quel 
que  soit  le  lieu  où  le  témoignage  est  requis,  les  fonction- 
naires cités  comme  témoins  peuvent  s'en  excuser  en  alléguant 
la  nécessité  de  leur  service,  et,  dans  ce  cas,  il  n'est  pas  donné 
suite  i  la  citation  (décr.  du  4  mai  1812,  art.  4),  et  leurs 
dépositions  sont  reçue»  conformément  aux  art.  512  et  516. 
S'ils  ne  s'excusent  pas,  «  ils  sont  reçus  par  un  huissier  à  la 
première  porte  du  Palais  de  justice,  introduits  dans  le  par- 
quet et  placés  sur  un  siège  particulier.  Ils  sont  reconduits 
de  la  même  manière  qu'ils  ont  été  reçus  0  (décr.  du  '4  mai 
1812,  art.  5). 

Lorsque  l'un  de  ces  fonctionnaires  s'est  excusé,  sa  déposi- 
tion éciite  tient  lieu  de  sa  déposition  orale;  ell^  dqil  être 
soumise  aux  débats,  et  il  y  aurait  nullité  si  elle  n'était  lue 
qu'à  titre  de  renseignements.  C'est  ce  qui  a  été  décidé  par  un 

*  Locfé,  U  XXIV,  p.  857. 


720  DES  COURS  d'assises. 

arrêt  qui  déclare  «  que  cette  dispense  est  générale  et  que  ks 
fonctionnaires  désignés  par  le  décret  peuvent  en  user^  soit 
que  leur  déposition  ait  été  requise  devant  un  juge  d'inslmc- 
tion ,  un  tribunal ,  ou  qu'elle  le  soit  devant  une  Cour  d'as- 
sises ;  que  Tari,  k  du  décret  ^eut ,  en  effet ,  que  sur  Texcep- 
ception  d^excuse,  il  soit  procédé  ainsi  qu'il  eft  prescrit  a  Tar- 
ticle  516,  lequel  se  réfère  à  Tart.  512»  et  qu'il  résulte  de  leur 
combinaison  que  les  dépositions  ainsi  reçues  doivent  être  ren- 
voyées closes  et  cachetées  au  greffe  de  la  Cour  ou  du  juge 
requérant,  communiquées  à  Tofficier  chargé  du  ministère 
public»  et ,  dans  Texamen  devant  le  jury,  lues  publiquemest 
aux  jurés  et  soumis  aux  débats  ;  que  la  déposition  reçue  pr 
écrit  tient  lieu  de  la  déposition  orale  que  le  fonctionnaire  dis- 
pensé aurait  faiie  devant  le  jury  ;  que  cela  est  d'autant  plus 
certain  que^  d'après  les  art.  512  et  516,  cette  disposition 
doit  être  lue  aux  jurés  et  soumise  aux  débats  sous  peine  de 
nullité;  qu'il  faut  donc  aussi  que  les  parties  trouvent,  dëtis 
le  serment  prêté  par  celui  qui  dépose»  la  garante  légale  de 
la  sincérité  de  sa  déclaration  ;  que,  dans  les  affaires  soumises 
aru  jury,  les  témoins  doivent»  à  peine  de  nullité,  prêter  le 
serment;  que  cette  formule  est  sacramentelle  et  ^'oit  être  re- 
ligieusement observée  ;  que  lorsqu'un  témoin  a  été  produit 
par  Pune  des  parties,  le  président  des  assises  et  la  Cour  d'as- 
sises elle-même  ne  peuvent,  sans  motif  légitime,  le  rejeter 
du  procès;  qu'il  n'est  pas  plus  en  leur  pouvoir  de  le  dépouil- 
ler de  son  caractère»  d'enlever  à  sa  déposition  la  force  qu  elK* 
aurait  reçue  de  la  foimalité  du  serment  et  de  réduire  son  té- 
moignage à  la  valeur  d'un  simple  renseignement  *.  » 

Toutefois,  dans  une  espèce  où  le  fonctionnaire»  cité  à  la  re- 
quête d'un  accusé,  s'était  excusé»  il  a  été  admis  qu'il  aTaîtpi: 
être  appelé  en  vertu  du  pouvoir  discrétionnaire  et  entendu  «i 
titre  de  renseignements,  «  attendu  qu'aucun  des  accu^- 
n'ayant  demandé  Texécutionde  l'art.  4  du  déc.  du  k  mai  1812 
et  des  art,  512  et  516,  le  préfet  n'a  pas  été  acquise  la  causi 
comme  témoin,  et  a  pu  être  appelé  plus  lard,  en  vertu  du 
pouvoir  discrétionnaire,  pour  donner  de  simples  renseigne* 
ments  *.  » 

Troisième  €a:ception.  — La  loi  du  18  prairial  an  ii  a  in- 
troduit des  formes  spéciales  pour  le  témoignage  des  militaire? 

*  Cass.  29  sept.  1842,  rapp.  M.  Bresson.  Butl.  n.  250. 

•  Cass.  i  3  août  1882,  rapp.  M.  de  Ricard.  J.  P.  U  XMV,  p.  iMfl. 


▲CDirroif  DES  TiÊioivs.  §  637.  72] 

et  des  individus  attachés  aux  armées  ou  employés  h  leur  suite. 
Quand  ils  sont  présents  sur  les  lieux,  ils  sont  cntindiis  cl 
donnent  leurs  déclarations  dans  la  forme  ordinaire.  Seule- 
ment, comme  la  discipline  ne  permet  pas  qu'ils  s'absentent 
sans  la  permission  de  leurs  chefs,  il  convient  que  le  ministère 
public  donne  avis  do  la  citation  au  chef  du  corps  vingt-qua- 
tre heures  avant  sa  notification  '. 

Quand  ils  sont  éloignés  des  lieux  où  le  témoignage  est  re- 
quis, leurs  dépositions  font  reçues  par  forme  de  commission 
rogatoire  et  envoyées  écrites  au  juge  qui  la  requiert.  Mais, 
lorsqu'il  s'agit  d'une  affaire  soumise  au  jury,  le  président, 
après  que  les  dépositions  ont  été  lues  publiquement,  demande 
aux  jurés  s'ils  sont  en  état  de  prononcer  sans  entendre  orale- 
ment les  témoins;  et  si  les  jurés  répondent  négativement,  il 
est  sursis  è  prononcer  sur  Taccusation  jusqu'à  ce  que  les  mi- 
litaires aient  été  assignés  à  comparaître  en  personne  *. 

Ces  formes  anormales  sont-elles  encore  en  vigueur?  L'af- 
firmative parait  afiBrmée  par  la  jurisprudence  %  et  par  les  lé- 
gistes 4.  Mais  comment  les  concilier,  soit  avec  l'art.  514  du 
C.  d'instr.  cr.,  qui  ne  comprend  dans  la  dispense  de  compa^ 
rution  que  les  généraux  actuellement  en  service,  soit  avec 
Fart.  31T,  qui  dispose  en  termes  absolus  que  «  les  témoins 
déposeront  oralement»?  Que  ,  lorsque  le  militaire  est  au 
corps,  il  soit  donné  avis  de  la  citation  au  chef  du  corps  ;  que, 
s'il  est  éloigné,  il  soit  entendu  dans  le  cours  de  Tinstruction, 
par  voie  de  commission  rogatoire,  ces  formes  n'ont  rien  de 
contraire  au  droit  de  la  justice  ;  mais  quand  il  est  cité  aux  dé- 
bats d'une  Cour  d'assises,  il  faut,  pour  le  dispenser  de  com- 
paraître, une  loi  formelle  et  qui  soit  en  harmonie  avec  la  lé- 
gislation générale.  Or,  n'est-il  pas  visible  que  la  loi  du  18 
prairial  an  ii,  faite  pour  un  temps  de  guerre,  ainsi  que  le 
prouvent  ses  art.  16  et  17,  cl  abrogée,  en  ce  qui  touche  les 
généraux  en  chef,  par  Fart. .51 4  du  Code,  n'a  pu  cantinuer 
de  vivre  sous  un  Gode  qui,  d^une  part,  a  restreint  les  cas  de 
dispense,  qui,  d'une  autre  part,  pose  la  règle  générale  du  té- 
moignage oral,  et  enfin  qui  n'attribue  qu'à  la  Cour  d'assises 

*  Circmîn.  de  la  jiislice  des  15  sept.  1820  cl  6  dôc.  18/|0. 

«  Art.  12  et  sui?.  de  la  loi  du  2  prairial  an  ii. 

s  Casa.  9  frim.  an  zii,  rapp.  M.  Borel.  J.  P.»  t.  III,  p.  519  ;  14  ar.  1815, 
rapp.  M.  Busschop,  t.  XII,  p.  678. 

^  Legraverend,  l.I,  p.  270;  Bourguignon,  l.  U,  p.  ;'  ;  ruvcr^çcr,  ï.  ir, 
p.  «07. 


722  MIS  G00R8   0*ASS1SS8. 

et  aux  parties,  et  nulleoBent  aux  jurés»  le  dfott  d'apprécier 
Inutilité  des  témoins  absens? 

lY.  Ces  exceptions  aînsi  exposées,  nous  revenons  aux  for- 
mes de  l'audition  des  témoios  qui  ont  comparu. 

Le  président  doit  commencer  par  constater  leurs  noms  et 
qualités.  L'art.  817  porte  ;  «  Le  président  leur  demandera 
leurs  noms,  prénoms,  âge»  profession,  leur  domicile  ou  rési- 
dence ;  s^ils  connaissaient  Taccusé  ayant  le  fait  mentionné  dans 
Tacte  d'accusation;  s'ils  sont  parents  ou  alliés,  soit  de  T^ic- 
cusé,  soit  de  la  partie  civile,  et  à  quel  degré  ;  il  leur  deman- 
dera encore  s'ils  ne  sont  pas  attachés  au  service  de  Tua  ou  de 
l'autre,  i» 

Quelques  magistrats  ont  pensé  que  cette  interpellation  dok 
suivre  le  serment  et  non  le  précéder.  Le  texte  et  la  raison  de 
la  loi  repoussent  à  la  fois  cet  avis.  L^art.  317,  après  avoir 
prescrit  l'interpellation ,  ajoute  :  «  cela  fait,  les  témoins  dépo- 
seront ;  »  et  le  même  article  dispose,  daus  un  autre  alinéa^ 
«  qu'avant  de  déposer  ils  prêteront  serment.  »  11  suit  de  là 
qu'ils  doivent  d'abord  faire  connaître  leur  individualité,  et 
ensuite  prêter  serment  immédiatement  avant  de  déposer. 
U  n'en  petit  d'ailleurs  être  autrement  ;  car,  c'est  avant  de 
prêter  serment  que  le  témoin  doit  faire  connaître  les  causes 
d'incapacité  qui  sont  en  lui  ou  les  causes  de  dispense  qui  s'op- 
posent à  son  témoignage,  que  les  parties  doivent  annoncer  si 
elles  y  renoncent  ou  si  elles  s'y  opposent,  que  la  Cour  d'as- 
sises elle-même  doit  décider  si,  pour  quelque  motif  légitme, 
elle  l'écarté  du  débat.  Il  est  donc  indispensable  que  son  indi- 
vidualité soit  d'abord  reconnue,  aGn  que  toutes  les  réclama- 
tiens  puissent  se  produire.  C'est  pour  n'avoir  pas  observé  celte 
marche  logique  que  les  Cours  d'assises  ont  été  amenées  si 
souvent  à  ce  remède  bizarre  d'annuler  un  serment  prêté  et  à 
cette  conséquence  plus  bizarre  encore  de  séparer  ce  serment 
des  déclarations  qui  le  suivent.  On  eût  évité  ces  subtilités  de 
droit,  que  les  jurés  ne  comprennent  pas,  en  suivant  ce  qu'in- 
diquent le  bon  sens  et  l'ordre  rationnel  de  la  matière  :  d'abord, 
les  noms  et  qualités  du  témoin,  ensuite,  s'il  n'y  a  ni  incapa- 
cité ni  opposition,  son  serment,  puis  enfiu  sa  déposition. 

Au  surplus,  la  jurisprudence  a  déclaré,  d*une  part,  qu'il 
importe  peu  que  Tinterpellalion  ait  précédé  ou  suivi  le  scr^ 
ment,  puisque  c  la  déclaration  des  témoins  sur  les  circons- 
tances individuelles  et  la  déposition  sont  deux  choses  dis- 


AUDITION  DIS  TÉMOINS.  §  638.  723 

tincltt  »  qui  ne  doivent  jamais  être  confondues'  ;  et,  d'une 
autre  part,  qu'il  n^est  pas  Bécessaire,  à  peine  de  nullité,  que 
cette  mierpellation  soit  consacrée  par  le  procès-i-verbat  des 
débats*.  B  ne  faut  pas  induire,  toutefois,  de  cette  dernière 
solution,  que  cette  forme  soit  inutile,  puisque  elle  est  le  seul 
moyen  de  reconnattre  les  témoins  ;  il  faut  en  induire  seule- 
ment qu'il  y  a  présomption  qu'elle  a  été  accomplie  lorsque 
aucune  védamation  ne  s'est  élevée. 


S  638. 


DroU  des  parties  de  renoncer  à  Taudition  des  lémoîns.  —  II.  Droit 
des  parties  de  s*oppo6er  à  cetle  audition.  —  III.  Gomment  il  est 
sutaé  sur  celte  opposition. —  IV.  Les  témoins  à  Tégard  desquels 
il  n'y  a  ni  renonciation  ni  opposition  doivent  être  entendus  avec 
serment.  —  V.  Excepiious.  —  YI.  Dispenses  de  témoignage. 


I.  Lorsque  les  témoins  appelés  à  déposer  ont  fait  connaître 
leurs  noms  et  qualités,  les  parties  ont  la  faculté,  avant  qu'ils 
ne  connaissent  leur  déposition,  ou  de  renoncer  à  leur  audi- 
tion, ou  de  s'opposer  à  ce  qu'ils  soient  entendus. 

Il  faut  examiner  ces  deux  facultés  et  les  conséquences  qui 
sont  attachées  à  leur  exercice. 

Les  parties  ont  le  droit  de  renoncer  à  l'audition  des  té- 
moins qu'elles  ont  amenés.  Ces  témoins,  en  effet,  d'après  la 
marche  que  les  débats  ont  suivie,  ont  pu  devenir  inutiles  : 
c'était  un  moyen  de  preuve  qu'elles  se  réservaient  d'employer 
au  besoin  et  qu'elles  reconnaissent  superflu.  De  même  quil 
leur  a  appartenu  de  les  produire,  il  leur  appartient  de  les  re- 
tirer, pourvu  que  cette  renonciation  soit  le  résultat  de  leur 
libre  appréciation.  La  jurisprudence  a  sanctionné  ce  droit  en 
déclarant  «  qu'il  n'est  pas  exact  de  prétendre  que  tout  témoin 
régulièrement  assigné  et  notifié  est  irrévocablement  acquis  aux 
débats  et  doit  être  entendu,  puisqu'il  est  toujours  loisible  au 
ministère  public  et  à  l'accusé  de  renoncer  à  l'audition  d'un 


i  Cass.  se  avril  1838,  rapp.  M.  Vincens-St-Laurenl.  Bull.  n.  111. 

<  Cass.  16  juill.  1818,  rapp.  M.  Lcconiour.  J.  P.,  t.  XIV,  p.  9i7;  13  sv. 
iSJl.  rapp.  M.  Aumont.  t.  XVI,  p.  6Î9;  29  juill.  1825,  rapp.  ^f.  Oliivicr, 
t.  XIX,  p.  740  j  10  ocl,  1828, rapp.  M.  OHiTlor,  I.  XXIf,  p.  309. 


724  DBS  covns  d^assmu. 

(émoÎD  dont  la  déposition  leur  parait  superflue  et  de  nature 
à  prolonger  sans  utilité  les  débats ^  » 

Mais  comme  les  témoins  régulièrement  produits  sont,  jus- 
que-là, acquis  aux  débats,  la  renonciation  de  la  partie  qui  les 
a  fait  citer  ne  suffirait  pas  pour  les  écarter,  il  faut  nécessaire- 
ment Tacquiescement  des  deux  parties,  puisque  la  notification 
les  a  fait  entrer  dans  la  cause  et  que  leur  déposition  appar- 
tient à  rinstruction.  Il  a  été  jugé  en  conséquence  c  qu'il  ne 
suffit  pas  qu'à  raudience  le  ministère  public  déclare  renoncer 
à  Taudition  d^un  témoin  pour  qu'il  soit  dépouille  p:ir  cela  seul 
du  caractère  que  lui  confèrent  les  actes  de  la  procédure  *•  » 
Mais,  lorsque  le  ministère  public  a  formulé  sa  renonciation, 
il  suffit  «  que  les  accusés,  par  leur  silence,  y  aient  acquiescé  » 
pour  que  le  témoin  ait  cessé  de  faire  partie  des  débats^. 

Il  faut  ensuite  que  la  double  renonciation  du  ministère  pu- 
blic et  de  Taccusé  soit  constatée  dans  le  procès-terbal.  Ainsi, 
Tadhésion  qu'aurait  donnée  le  ministère  public  à  ce  qu'il  fût 
passé  outre  malgré  Tabsence  d'un  témoin  ne  pourrait  être 
considérée  comme  une  renonciation  à  Taudition  de  ce  té- 
moin. Ce  point  a  été  reconnu  par  un  arrêt  qui  déclare  «  qoe 
la  qualité  de  témoin  ne  peut  cesser  que  par  quelqu'une  des 
causes  qui  rendent  un  individu  incapable,  o*aprcs  la  loi,  de 
prêter  témoignage  en  justice  ;  que  l'absence  d*un  témoin  au 
commencement  de  l'audience  ne  donne  à  la  Cour  d'assises  que 
le  droit  de  prononcer  contre  lui  les  peines  attachées  à  cette 
absence^  en  cas  qu'il  n'y  ait  pas  d'excuse  suffisante^  et  celui 
d'examiner  si  cette  absence  permet  de  passer  outre  aux  dé- 
bats, mais  non  celui  de  le  dépouiller  de  la  qualité  qui  lui  aYaik 
été  imprimée  ;  que,  à  la  Yéritc,  le  ministère  public  avait  re- 
noncé à  son  audition,  et  que  la  Cour  d'assises  a  donné  acte  de 
cette  renonciation  ;  mais  qu'il  n'en  a  été  donné  d'autre  motif 
que  celui  tiré  de  ce  que  cette  absence  ne  devait  pas  empêcher 
de  passer  outre  aux  débats,  et  qu'ainsi  il  n'y  avait  pas  d'in- 
capacité en  la  personne  du  témoin  4.  » 

La  jurisprudence  a  néanmoins  admis  dans  quelques  espèces 
qu'il  y  avait  présomption  d'une  renonciation^  lorsque  le  mi- 
nistère public,  après  avoir  fait  citer  et  notifier  un  témoin, 

*  Cas8*  6  Dov.  iSAO,  rapp,  M.  Debaussy.  Dali,  ait  1,  ISS. 

■  Casa.  17  sept.  i834*  rapp.M.  de  Crouseiihes.  J.  P.,  f.  XXVL 

*  Casa,  10  août  1838,  rapp.  M.  Isaœbert.  Bull,  ii,  275. 

*  Casa.  17  moi  18A4i  rnpp,  M.  IsambcrU  Bull  n.  173;  et  il  sept.  î^hi 
cil<î  «tfpr«. 


AUDITION  DES  TÉMOINS*   $  63S.  725 

n'avait  pas  placé  son  nom  sur  la  liste  ',  lorsque  le  procès- 
verbal  ne  mentionne  aucunes  conclusions,  aucune  réclama- 
tion de  la  part  de  la  défense  pour  que  le  témoin  soit  entendu 
avec  serment  ',  lorsque  les  parties  déclarent  ne  pas  insister 
pour  l'audition  ou  demandent  qu'elle  n'ait  lieu  qu'à  tilre  de 
renseignemenls^. 

La  renonciation,  lorsqu'elle  est  fondée  sur  une  erreur  de 
fait,  doit  conserver  son  effet,  car  le  sort  de  la  procédure  ne 
peut  dépendre  de  la  vérité  du  motif  qui  l'a  dictée.  Mai§  doit- 
'  il  en  être  ainsi  lorsqu'elle  est  fondée  sur  une  erreur  de  droit? 
il  y  a  eu  rejet  d'un  pourvoi  à  Tappui  duquel  il  était  allégué 
que  l'alliance  qui  avait  motivé  la  renonciation  n'existait  pas 
aux  yeux  de  la  loi,  «  attendu  que  le  ministère  public  avait  re- 
noncé à  l'audition  de  ce  témoin  à  raison  de  sa  parenté  avec 
l'accusé  ;  que  l'erreur  de  ce  motif  n'a  pas  vicié  la  renonciation 
à  laquelle  l'accusé  à  tacitement  acquiescé  en  ne  demandant 
pas  le  maintien  de  ccf  témoin  aux  débats  4.  »  On  pourrait  peut- 
être  objecter  contre  cette  solution  que  la  renonciation,  qui 
n'est  motivée  que  sur  une  raison  de  droit,  est  en  quelque  sorte 
enchaînée  par  la  loi  ;  que,  si  cette  raison  de  droit  est  erronée» 
le  consentement  n'existe  pas,  et  qu'il  appartient  à  la  Cour 
d'assises  de  l'apprécier  dans  ce  cas;  enfin  qu'il  est  difficile  de 
considérer  une  fausse  application  de  la  loi  comme  une  cause 
légitime  qui  dépouille  régulièrement  le  témoin  de  sa  qualité. 
Quel  est  l'effet  d'une  renonciation  régulière?  C'est  que  les 
témoins  n'appartiennent  plus  aux  débats,  c'est  qu'ils  déposent 
leur  qualité  de  témoin,  c  est  qu'ils  sont  écartés  de  la  cause, 
c'est  enfin  que  la  citation  qu'ils  ont  reçue,  la  notification  et 
l'inscription  sur  la  liste  de  leurs  noms  sont  considérées  comme 
non-avenues.  11  suit  de  là  que  rien  ne  s'oppose,  dans  cecas,  à 
ce  que  le  président,  en  vertu  du  pouvoir  qu'il  tient  de  l'ar- 
ticle 269,  appelle  et  fasse  entendre  ces  personnes  à  titre  do 
simples  renseignements  ;  c'est  un  point  que  la  jurisprudence  a 
souvent  consacré  ^.  Mais,  avant  d'ordonner  celte  audition,  il 
importe  que  ce  magistrat  fasse  constater  dans  le  procès-ver- 
bal la  double  renonciation  du  ministère  public  et  de  l'accusé, 


*■  Cass.  33  août  1849^  rapp.  M.  Aug.  Moreau.  Bail.  n.  220  ;  15juiii  1854, 
notre  rapport,  190. 

*  Cass.  32  jailL  iSAS,  rapp.  M.  Jacqulnot.  Sir.  431,  688. 
'  CaM.  21  aoùll835,  rapp.  M.  Fréteau.  Bull.  n.  325. 

*  Casa.  12déc  1846,  rnpp.  M.  de  Ricard.  Ou!l.  n.  3'?^ 
■  Ca».  10  aoûl  1838,  12  déc.  I8i0,cilés  uipra. 


726  DES  COUM  D* ASSISES. 

car  il  résulte  de  la  même  jurispradence  «  quetoat  iémoin  €ité 
et  dont  le  nom  a  été  notifié  par  le  ministère  public  ou  fwr  Tac- 
cusé  ap()art!ent  au  débat  et  ne  peut  être  entendu  que  sous  ia 
foi  du  serment,  si  le  ministère  public  et  Taccnsé  n'ont  pas  re- 
noncé à  son  audition»  et  que,  lorsqu'il  ne  ressort  pas  explici- 
tement des  énonciations  du  procès-yerbal  que  le  ministère  pu- 
blic ait  renoncé  et  que  Taccusé  ait  acquiescé  &  cette  renon« 
ciation,  il  ne  peut  appartenir  au  pouvoir  discrétionnaire  de 
dépouiller  le  témoin  du  caractère  que  lui  avait  imprimé  la  ci- 
tation ^  ï>  Cette  nullité  a  été  plusieurs  fois  consacrée  '. 

IL  Les  parties  ont,  en  second  lieu,  le  droit  de  s^opposer  à 
ce  que  les  témoins  produits  aux  débats  soient  entendus. 

Ce  droit  d'opposition  a  été  établi  par  la  loi  dans  deux  hy- 
pothèses :  lorsque  le  témoin  est  parent  ou  allié  au  degré  pro- 
hibé de  l'accusé  ou  dénonciateur  du  èrime ,  et  lorsaoe  ses 
noms  et  ijualités  n'ont  pas  été  notifiés  vingt-quatre  neures 
au  moins  avant  l'examen. 

Nous  avons  examiné  la  première  de  ces  hypothèses,  qui  fait 
l'objet  de  l'art.  322,  dans  notre  §  636  *.  Il  nous  reste  à  parier 
de  la  seconde. 

Le  dernier  §  de  l'art.  315  dispose  que  «  Taccusé  et  le  pro- 
cureur général  pourront  s'opposer  'k  l'audition  d'un  témoin 
qui  n'aurait  pas  été  indiqué  ou  qui  n'aurait  pas  été  clairement 
désigné  dans  l'acte  de  notification.  La  Cour  statuera  de  suite 
sur  cette  opposition.  x> 

Cette  opposition  peut  se  formuler  par  des  conclusion^  écrites 
ou  verbales  et  même  par  de  simples  observations.  La  loi  n'a 
prescrit  aucune  forme,  et  sa  validité  n'est  subordonnée  à  ao^ 
cune  condition  extérieure. 

Elle  doit  se  manifester  au  moment  où  le  témoin  vient  de 
décliner  ses  noms  et  qualités.  Il  convient  et  il  est  utile  que  le 
président  interpelle  à  ce  moment  l'accusé  s'il  entend  â'opposer 
à  Taudition  du  témoin.  A  la  vérité,  cette  interpellation  n'est 
point  prescrite  par  la  loi^  et  la  Cour  de  cassation  a  dû  le  dé- 
clarer lorsque  des  accusés  se  faisaient  un  grief  de  n'avoir  pas 
été  mis  en  demeure  de  formuler  leur  opposition  ♦  ;  mais  ce 

*  Cass.  3  fév.i855,  rapp.  M.  Plougoolnr.  Bail.  n.  31» 

*  Cass.  17  sepu  183â,  17  mai  1844,  cités  suprd,  et  coaf.  23  Uf.  1654,  np^ 
M.  Jallou.  Bull.  n.  48;  4  nov.  1830,  rapp.  M.  Isambort.  J.  P.,  u  XXIII» 
p.  814;  11  avril  1850,  rapp.  M.  Aug.  Moreau.  Buli.  n.  1Î3. 

»  Voy.  suprà  p. 

*  Cass.  11  déc.  1851,  à  noire  rapp.  BuU.  ii.  51». 


AUDITION  DES  TÉHOmS.  §  637.  727 

nVst  pas  un  motif  pour  ne  pas  la  faire ,  si  elle  parait  néces- 
saire pour  qae  l'accusé  puisse  exercer  son  droit. 

Le  droit  d'opposition  peut  s^exercer,  ainsi  qu^on  Pa  déjà 
vu  %  jusqu'au  moment  où  le  témoin  commence  sa  déposition. 
Le  serment  qu'il  aurait  prêté  n'y  fait  auctm  obstacle,  puisqu'il 
a  été  admis  par  la  jurisprudence  que  dans  ce  cas  Ils  serment 
pont  être  annulé*.  Nous  nous  référons  à  ce  que  nous  avons 
déj&dità  cet  égards 

L'opposition  ne  peut  se  fonder,  lorsqu'elle  s'exerce  en  vertu 
de  l'urt.  315,  que  sur  l'omission  ou  les  irrégularités  de  la 
notification.  Il  n'appartient,  en  effet,  ni  au  ministère  public 
ni  à  Taiccusé  de  mettre  obstacle  à  l'audition  des  témoins  idoines 
respectivement  produits  par  l'un  ou  par  l'antre  ;  ils  ne  peuvent 
que  relever  les  irrégularités  de  la  production. 

Ces  irrégularités  doivent  être  relevées  devant  la  Gbur  d'as- 
sises, au  moment  où  le  témoin  va  déposer,  à  peine  de  forclù* 
sion.  Il  a  été  jtigé  pat  de  nombreux  arrêts,  «  qu'en  cas  d'fr- 
régularités  ou  d'inexactitudes  dans  la  liste  des  témoins  notifiés, 
Tart.  315  donne  au  mihistére  public  et  è  Taccusé,  à  titre  de 
drofit  Unique,  la  faculté  de  s'opposer  è  l'audition  de  ceux  de^ 
témoins  sur  lesquels  porteraient  ces  inexactitudes  ou  ces  irré- 
gularités; et  que  lorsque  l'accusé  ne  s'est  point  opposé  à  Tàtl* 
dition  de^dits  témoins,  il  n^  pent  se  faire  devant  la  Goui*  de 
cassation  un  grief  de  ces  vices  prétendus  ^.  » 

Ainsi,  l'accusé  qui  n'a  pas  usé  du  droit  qn'il  avait  de  s'op- 
poser à  Taudition  des  témoins  irrégulièrement  produits  et  dé 
demander  en  eonsêqûehce  le  renvoi  de  l'affaire  &  une  autre 
session,  n'est  plus  admis  ultérieurement  à  Se  prévaloir  de  ces 
irrégularités  :  les  témoins  ainsi  produits,  dès  qu'aucune  ré- 
clamation ne  s'élève,  sont  réputés  acquis  aux  débats  ^. 

Il  n'appartient,  au  surplus,  qu'à  l'accusé  et  au  ministère 
public  d'exercer  le  droit  d'opposition  consacré  par  Fart.  315  : 
la  partie  civile^  i  laquelle  aucune  notification  de  témoins  n'est 


•  Voy,  suprà,  |p.  699. 

«  Voy.  suprà,  p.  699. 

"  Voy.  suprdf  p.  700. 

^Gass.  24  déc.  1852, rapp.  M.  Nougaier. Bull.  n.  417;  et  coDf.  iSjulll. 
1820,  rapp.  M.  Aumont.  J.  P.,  t.  XVI,  p.  32  ;  8  juill.  1836,  rapp.  M.  Dc" 
baussy.  Bull.  u.  224;  SOscpU  1841»  rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.  Bull.  n. 
293;  22  jaov.  1848,  même  rapp.  n.  20;  5  mars  et  15  avril  1852,  rapp.  M. 
de  Glos,  n.  80  et  125. 

^  Gass.  29  avril  1819,  rapp.  M.  Ollivicr.  J.  P.,  t.  XV,  t  2li  ;  22  juiu 
1820.  rapp.  M,  Basschop,  t.  XY»  p.  1068  ;  22  mars  1821,  rapp.  M.  Clausel  de 


728  DES  couHS  d\ssises. 

faile,  n'a  point  à  se  plaindre  des  inei^aciiludes  de  celte  noti* 
(ication. 

III.  Lorsqu'une  opposition  a  été  déclarée,  la  Goor  d'as* 
sises  est  tenue  d'y  statuer. 

II  y  a  lieu  de  remarquer  d'abord  que  c'est  à  la  Cour,  et 
non  au  président,  qu'il  appartient  de  statuer.  La  loi  le  porte 
en  termes  exprès,  et  la  raison  en  est,  d'une  part,  que  l'oppo- 
sition élève  un  incident  contentieux  pour  la  décision  duquel 
la  Cour  est  exclusivement  compétente,  et  d'une  autre  part, 
qu'un  témoin  régulièrement  cité  et  acquis  À  la  cause  ne  peut 
être  écarté  que  par  un  arrêt  ^  Il  importe  sous  ce  rapport  de 
distinguer  les  témoins  qui  ont  eu  eux-mêmes  la  capacité  lé- 
gale de  déposer  et  ceux  qui  n'ont  pas  cette  idonéité.  Ces . 
dernières^  comme  par  exemple,  les  parents  et  alliés  au  degré 
prohibé,  peuvent  être,  comme  on  l'a  dit  plus  haut  %  dépouillés 
de  la  qualité  de  témoin  par  la  seule  autorité  du  président, 
parce  qu'il  ne  fait  en  cela  q&'appliquer  la  prohibition  légale 
et  que  cette  application  n'est  susceptible  d'aucune  contestation. 
Mais  il  n'en  est  plus  ainsi  à  l'égard  des  témoins  qui,  n'étant 
frappés  d'aucune  incapacité,  sont  acquis  aux  débats;  ces  té- 
moins,  même  avec  le  consentement  du  ministère  public  et  de 
l'accusé,  ne  peuvent  être  rayés  de  la  liste  que  par  un  arréi 
formel  de  la  Cour  %  car  il  ne  s'agit  plus  de  déclarer  une  inca- 
pacité, mais  de  statuer  sur  une  opposition,  sur  une  réclama- 
tion, sur  un  point  contentieux,  sur  une  application  contro- 
versée de  la  loi,  et  cette  décision  excède  le  pouvoir  que  le 
président  exerce  pour  la  direction  des  débats  *. 

La  Cour  d'assises  doit,  en  second  lieu,  statuer  sur  l'oppo- 
sition. L'art.  315  trouve  à  cet  égard  sa  sanction  dans  l'ar- 
ticle 408,  et  il  y  aurait  nullité  s'il  y  avait  omission  ou  refus 
do  st€^tuer. 

Elle  peut  ou  faire  droit  à  l'opposition  et  ordonner,  soit  que 


Coassergues  t.  XVI,  p.  470  ;  29  juill.  1825,  rapp.  M.  OUivier,  XIX,  749: 
43  janv.  1827,  rapp  M.  de  Bernard,  i.  XXI,  |>.  U95  ;  6  avril  i8&8,  rapp.  M. 
Lcgagneur,  n.  104  ;  i5  ocl.  1847,  rapp.  M.  àureiineâ,  u.  258  ;  23  sepU  1843» 
rapp.  M.  AfeyroDDet-Sl-Marc  n.  247. 

*  Gass.  30  juin  1831,  rapp.  M.  Dupaly.  J.  P  ,  t.  XXIII,  p.  1702;  30  jojo 
188",  rapp.  RI.  Rocher.  Bull.  n.  195. 

*  Voy.  suprd  p,  470. 

"  Cass.  12  janv.  1837,  rapp.  M.  Meyronnel-Sl-Marc.  Bull.  n.  15;  25  fc». 
185'!,  rapp.  M.  Jallon,  n.  48. 

*  Cass.  î?2  iiiailSoO,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  u.  198. 


AUDITION   PES  TÉMOINS,    f   638.  729 

le  témoin  sera  écarté  des  débats ,  soit  que  rafTaire  sera  ren- 
voyée à  une  autre  session  ;  ou  la  rejeter,  en  déclarant  que 
les  irrégularités  relevées  n'existaient  pas  en  fait  ou  ne  sont 
pas  de  nature  à  apporter  obstacle  à  Texamen  du  témoin,  et 
ordonner  qu'il  sera  passé  outre  à  son  audition. 

Cette  décision  peut-elle  être  attaquée  devant  la  Gourde  cas- 
sation? Nous  avons  déjà  dit^  que»  lorsque  la  Cour  d'assises 
se  borne  à  apprécier  des  irrégularités  de  fait,  cette  apprécia- 
tion est  à  l'abri  de  la  censure  *  ;  mais  qu'il  en  est  autrement 
si  la  décision  a  pour  effet  de  priver  l'accusation  ou  la  défense 
d'un  droit  qui  leur  est  reconnu  par  la  loi.  Supposons»  par 
exemple,  que  l'opposition  fût  fondée  sur  ce  que  le  témoin  ne 
serait  pas  porté  sur  la  liste  notifiée  et  que ,  nonobstant  cette 
opposition ,  la  Cour  eût  ordonné  son  audition  avec  serment  : 
il  y  aurait  évidemment  violation  des  dispositions  de  Tari.  315 
ot  l'arrêt  devrait  être  annulé  ^.  C'est  vainement  qu'on  objcc- 
Icrait-dans  ce  cas  qu'il  a  été  statué  sur  l'opposition  et  quainsi 
il  a  été  satisfait  à  la  disposition  de  l'art.  408  ;  car,  ainsi  que 
le  déclare  formellement  un  arrêt,  ^  il  ne  s'ensuit  pas  que 
toutes  les  fois  qu'il  aura  été  statué  sur  les  demandes  ou  les 
réquisitions,  il  ne  pourra  y  avoir  lieu  à  prononcer  l'annulation, 
c|uelle  que  puisse  être  la  décision  intervenue  ;  que  l'art.  408, 
qui  garantit  au  ministère  public  et  aux  accusés  que  leurs  de- 
mandes en  réquisitions  ne  seront  pas  négligées ,  ne  déclare 
point  irréfragables  les  décisions  rendues  sur  ces  demandes  et 
réquisitions^.  »  Donc,  toutes  les  fois  que  l'opposition  est  fon- 
dée sur  le  texte  de  la  loi  et  que  le  fait  allégué  à  l'appui ,  loin 
d'être  détruit  par  l'arrêt  de  la  Cour  d'assises,  y  trouve  sa  cons- 
tatation, les  parties  peuvent  se  faire  un  grief  du  rejet  de  cette 
opposition  et  le  faire  valoir  devant  la  Cour  de  cassation. 

lY.  Lorsque,  au  contraire,  il  n'y  a  pas  d'opposition,  les  té- 
moins, qu'ils  aient  ou  non  été  notifiés  et  quelles  que  soient 
les  irrégularités  de  leur  production,  doivent  nécessairement 
l'être  entendus  avec  serment.  Cette  règle,  sévèrement, mainte- 
nue par  la  jurisprudence,  ne  l'a  été  néanmoins  qu'à  travers 
f.les  difficultés  que  nous  devons  examiner. 


*  V07.  mprd,  p.  586. 

^  CaM.  ih  juin  1838,  rapp.  M.  Debaussy.  Bull.  n.  168; et  les  arr.  des  li 
ré  V.  1813  et  8  nov.  181â,  cités  suprà,  p.  546. 

'  Casa.  15  mars  1810,  rapp.  M.  BeiiYenuUi.  J.  P.,  t.  VIII,  p.  171. 
^  Cass.  12  avril  1827,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  I.  XXI,  3'|6. 


730  M8  COVtS  D*i 

Gei  diffieultés  ont  «a  deux  tonroei  :  ks  irrégiriarifés  rela- 
ity«B  Ml  mode  ée  prontction  des  ténoîns ,  et  les  irrégularités 
reiatives  a«  méde  de  leur  audition.  Les  Cours  d'asnses  araient 
pensé  qu*il  leur  appattenait  de  relever  d^oSce  eês  irrégula- 
rités^  lorsque  les  parties  gardaient  le  «lenoe  à  cet  ègn^ ,  et 
4l*en  déduire  des  conséquenoes  légales  relativement  à  la  qua- 
lité des  témotïis.  Cette  prétention  a  été  condamnée  ^r  Ton  et 
Tautre  point ,  mais  par  des  motife  différents. 

Les  irrégularités  relatives  Ho  mode  de  production  des  té- 
moiliSs  lorsqu'elles  n'ont  donné  lieu  à  aucune  rédaoïalioii  de 
la  part  des  paKies,  sont  considérées  comme  non  avenues.  Les 
formes  de  lé  notificatipn,  en  effet,  n*ont  été  établies  4|ue  dans 
rintérét  des  parties  et  pour  les  mettre  à  même  d'exercer  le 
droit  de  s'opposer  à  Taudition  des  témoins  reprocbables  ou 
de  constater  leurs  déclarations.  Dès  lors,  si  elles  ne  se-  plai- 
gnent pas  de  Tomission  de  ces  formes,  il  y  a  lieu  de  présumer 
que  cette  ooMssion  ne  leur  a  causé  aucun  préjudice.  Le  prin- 
cipe général  est  donc  t  que  les  témoins  assignés,  soit  i  la  re- 
quête du  ministère  public,  soit  à  celle  de  raccu»&,  et  compris 
ser  la  liste  notifiée  en  conformité  de  Tart.  815,  ne  peovent 
être  dispensés  de  prêter  le  serment  prescrit  par  Tart.  317; 
qu'ils  ne  comparaissent  point  à  l'audience  en  vertu  du  pou- 
voir discrétionnaire»  mais  en  vertu  de  la  citation  qui  leur  u  été 
donnée,  et  qu'ils  né  peuvent  être  dépouillés  de  la  qualité  de 
témoins  appelés  comme  élément  lègA  de  Tinstraetion  ^ .  » 

Il  impoirte  peu  que  les  témoins  aient  été  lardivemetot  no- 
tifiés ;  car  k  toute  significàtiên  tardive  de  teui%  noms  et  do- 
micile è  l'accusé  ne  leur  ôte  pas  la  qualité  de  témoius  ordi- 
oaires»  et  n'a  d'autre  résoilat,  d'après  l'art.  315>  (|«m  de 
donner  à  l'accusé  le  droit  de  s'opposer  à  leur  audition  ;  d'où  il 
suit  que  lorsque  Taccusé  n'a  pas  usé  de  cette  faculté,  il  doit 
être  passé  outre  à  l'audilt'on  de  ces  témoins*,  to 

Il  importe  peu  qu'ils  n'aient  pas  été  du  tout  notîHlis  ;  c  car 
le  défaut  de  toute  notification  de  leurs  noms,  soit  aut  Accttsfe, 
soit  au  mtnfstèra  public ,  ne  leur  retire  pas  la  qualité  de  lé- 
moins  ordinaires >  mais  donne  seulérni^nt  te  droit  &  celle 
des  deux  parties  qui  n'a  pas  reçu  cette  notiSealion  de  s'op- 
poser à  l'audition  de  ces  témoins;  d'où  il  suit  que,  lorsque^ 


'  Cass.  2  mars  1848,  rapp.  fl£.  Bareones.  Bull.  n.  ji9;  lia?ri]  1^50^  ns, 
M.  Aug.Moreau.  A.  iS3;  lA  janv.  i843«  rapp  M.  Jaotioniot.  n.  7. 
*  Cass.  i  avril  1837,  rapp.  M,  Meyronoet-St-Marc.  Bail.  n.  99. 


ACDiTiOM  Dss  TÉionw   |  638.  731 

fioit  l«  iHKM^èère  pvMte,  soit  tes  éredttséft)  ti^usent  |>8S  éé  cette 
Tacirilé,  il  doit  être  passé  x)iiths  è  ('«'editioli  de  <^es  témoins^ 
d\aprés  les  règles  ^N-dinaires  pf«'!Kîrili&s  pfft  l'art.  317  *.  » 

Il  importe  pea  que  hi  notifieation  soit  entaekée  d'irrëg^a^ 
laritéset  d'inexaclitades;  car  «  l'an.  316,  en  Mtribtttiiit  soit 
au  ministère  pabKc,  soit  à  Taccusé,  le  droit  de  s'opposer  è 
Faudition  d'un  témoin  qui  n'aurait  pas  été  indiqué,  ou  qui 
n'aurait  pas  été  elairement  désigné,  maintient  virtuellement 
le  caractère  légal  de  témoins  à  ceux  qm  sont  entendus  sans 
opposition  *. 

Il  itoiporte  peu  enfin  que  les  témoins  aient  été  tardive«- 
ment  cités,  car  il  faut  répéter  encore  «  que  la  circonstance, 
que  la  citation  et  la  notification  auraient  eu  lieu  le  jour 
inétne  do  rouverture  des  débats  ne  donnerait  qu'uu  droit  aux 
parties,  celui  de  s'opposer  à  leur  audition  *.  » 

Ainsi  tous  les  témoins  cités,  qu'ils  soient  ou  non  notifiés^ 
que  la  notification  soit  ou  non  régulière,  que  là  citation  ait 
été  donnée  avant  ou  depuis  l'ouverture  des  débats»  doivent 
être  entendus  avec  serment,  lorsque  les  parties  n'ont  déelâM 
ni  s'opposer,  ni  renoncer  à  leur  témoignage.  Telle  «st  la  règle 
constamment  maintenue  nar  la  jurisprudence.  On  pourrait  y 
objecter  peut-être  que  le  g  3  de  l'art  315  ne  permet  de  por- 
ter sur  la  liste  que  les  témoins  dont  les  noms  ont  été  notifiés, 
et  que  le  g  fc  du  même  article  n'ouvre  le  droit  d'opposition 
qu'à  raison  des  irrégularités  de  cette  notification  ;  d'où  ta 
conséquence  que  les  témoins  qui  n'ont  pas  été  seulement  irré- 
gulièrement notifiés,  mais  qui  ne  l'ont  pas  été  du  toVit^  u6 
devraient  pas  être  considérés  eomme  «cquis  aux  débafô.  \A 
réponse  est  d'abord  dans  le  texte  même  dû  ^  i  de  l'art.  915', 
qui  appU^e  le  droit  d'opposition,  non^seulemetit  nu  tcas  où 

^  Gas&  il  janv.  1851,  rapp.  M.  Meyronnct-St-Sîurc.  %u\),  'n.  ÏS  ;  cl  oônf, 
cass.  16  sept.  4830,  rapp.  M.  Ollivicr.  J.  P.,  t.  XXIII,  79S  ;  U  DAaï^  1833, 
lapp.  M.  Rocher,  t.  XXV,  266;  8  fév.  1835,  rapi^.M»  ViiioeB»â-i<attr««iti 
BuU.  D.  ÂH;  13 mai  1836,  rapp.  M.  Mérilliou,  n,  iM;  %i  juilL  136,  rapp. 
M.  M.  Voisin  de  Gartempe,  n.  S35  ;  7  joiti  1839,M.Meyronnet-St-Marc,  ii. 
182  ;  15  juin.  1842,  rapp.  M.  lacqoinqt,  n.  178;  h  (loût  1S4S,  taf^,  Itf. 
Meyronnet-St-Marc,  I1..198;  5  jauyier  1844,  rapp.  M»  Barennesb  «•  S;  tS 
fûv.  i854t  rapp*  M.  JailoD,  n.4S,  9  janvieV-  4851,  rapp.  M.  V.  Fouclier^  u, 
12  ;  4  Janvier  1856,  rapp.  M.  Vabse,  n  6;  1^'déc  1856,  rap)).  M.  Lascoux. 
n.  398  ;  36  déc  ISSd,  rapp.  M.  Lçgagttear,  tt.  401,  SI  déc  lSS7i  ra{)t>.nP. 
Legagnear,  n,  419.    . 

*  Cass.  5  mars  1852,  rapp.  M.  de  Glos.  Bull.  n.  80.  -  ..        . 

3  Cass.  3  aoÛLt  1854,  rapp.  fA.  Nougufer.  Bull.  n.  247  ;  et  conf.  8  novemb. 
1836,rapp.H. Gilbert  de  Yoysins»  D.258; et  4  ni&rs  18589rBpp.M.de  Glos  u.80. 


733  DES  COURS  d'assises. 

le  témoin  n'aurait  pas  été  clairement  désigné  dans  Facto  de 
notification,  mais  encore  à  celui  où  il  n'y  aurait  même  été 
indiqué.  Or,  si  Tomission  d'un  témoin»  sur  la  liste  nolifiée 
ouvre,  à  l'égard  de  ce  témoin,  le  droit  d'opposition,  il  en 
doit  être  nécessairement  ainsi,  si  la  notification  de  tous  les 
témoins  a  été  omise.  Ensuite»  pourquoi  des  témoins,  réguliè- 
rement cités»  seraient-ils  dépouillés  de  leur  qualité  par  cela 
seul  qu'ils  n*ont  pas  été  notlGés?  On  comprend  que  la  loi, 
dont  lesystéme  est  parfaitement  rationnel»  ait  ouvert  danser 
cas  aux  part' es  le  droit  d'opposition  :  dés  qu'elles  n'ont  pas 
été  mises  à  même  de  préparer  leurs  objections  contre  le  té- 
moignage, elles  doivent  avoir  la  faculté  de  Técarter  ;  l'oppo- 
sition est  la  conséquence  du  défaut  de  notification  et  a  pour 
objet  d'effacer  le  tort  qui  peut  en  résulter.  Mais  si  cette  op- 
position ne  se  produit  pas,  si  les  parties  n'éprouvent  aocaa 
grief  de  la  production  irréguliére  des  témoins,  par  quel  mo* 
tif  leur  qualité  leur  serait-elle  enlevée?  Ils  tiennent  cette 
qualité  de  la  citation,  c'est-à-dire  du  droit  qui  appartient 
aux  parties  de  les  produire,  et  si  la  notification  peut  être 
une  condition  de  leur  audition,  elle  n'en  est  pas  une  du  titre 
même  de  témoin  ;  d'où  il  suit  que  si  le  témoin  est  entendu, 
quoique  la  condition  n'ait  pas  été  remplie,  et  sans  que  la  par- 
tie à  qui  la  notification  n'a  pas  été  faite  ait  réclamé»  il  dc 
peut  être  entendu  qu'avec  la  qualité  que  la  citation  ouTa- 
vertissement  lui  a  donnée,  et  qu'il  ne  peut  perdre  que  par 
l'opposition  de  la  renonciation  des  parties,  et  par  l'application 
des  causes  légales  d'incapacité.  Cette  interprétation  est  con- 
forme d'ailleurs  au  principe  que  nous  avons  rappelé  et  qui  est 
de  maintenir  entre  les  mains  des  parties  la  facile  production  de 
tous  les  moyens  de  preuve,  et  par  conséquent  des  témoi- 
gnages, et  de  conserver  à  ces  témoignages  les  garanties  qui 
peuvent  seules  assurer  leur  crédibilité. 

Nous  arrivons  maintenant  aux  irrégularités  qui  tiennent  au 
mode  même  de  l'audition. 

Il  a  été  successivement  reconnu  par  la  jurisprudence  que 
la  Cour  d'assises  ne  peut»  à  peine  de  nullité,  écarter  un  té- 
moin de  sa  qualité  et  le  dépouiller  de  sa  qualité  : 

Parce  qu'il  n'aurait  pas  été  présent  à  l'appel  des  témoins 
fait  au  commencement  de  l'audience  ;  car  a  la  qualité  de  té- 
moin ne  peut  cesser  dans  sa  personne  que  par  quelqu'une 
des  causes  qui  rendent  un  individu  incapable,  d'après  la  loi , 
de  prôter  témoignage  en  justice  ;  que  son  absence  de  la  pre- 


AUUITI0.1  DES  TÉMoms.  f  638.  733 

rnière  audience  ne  peut  autoriser  la  Cour  d'assises  à  ordonner 
^a  radiation  de  la  liste  des  témoins,  puisque  aucune  loi  n'at- 
lacbe  à  cette  absence,  qui  peut  n'être  que  momentanée,  Tef- 
fcl  d'opérer  une  incapacité  personnelle  et  définitive;  qu'ainsi 
cette  absence  ne  donnait  h  la  Cour  d'assises  que  le  droit  de 
prononcer  contre  le  témoin  Tibscnt  les  peines  attachées  k  son 
absence,  en  cas  qu'il  n^eût  pas  d'excuses  suffisantes  ;  et,  en 
outre,  le  droit  de  passer  outre  aux  débats,  si  le  témoignage 
(le  l'absent  ne  paraissait  pas  indispensable  '.  » 

Parce  qu'il  n'aurait  pas  été  porteur,  au  moment  où  il  a 
comparu,  de  la  copie  de  la  citation;  car  t  cotte  circonstance 
ne  lui  ôtait  pas  la  qualité  de  témoin  *•  » 

Parce  que,  absent  au  moment  de  Tappel  de  son  nom  »  sa 
déposition  écrite  mirait  clé  lue  aux  débals  ;  car  «  la  lecture 
que,  en  vertu  de  son  pouvoir  discrétionnaire,  le  président 
avait  fait  donner  à  la  première  audience ,  ne  pouvait  mettre 
obstacle  à  ce  que  ce  témoin,  lors  de  sa  comparution  subsé- 
quente aux  débats,  ne  fit  sa  déposition  devant  la  Cour  d'as- 
sises en  cette  qualité,  et  par  conséquent  sous  la  Toi  du  ser- 
ment^. » 

Parce  que  le  témoin  aurait  assi>ic  h  la  déposition  des 
t^'moins  qui  le  précédaient;  car  «  cette  circonstance  n'empè- 
chnit  pas  qu'un  témoin  acquis  au  procès  par  une  citation  et 
lire  notification  officielle  ne  pût  être  entendu  avec  serment, 
à  peine  d'infraction  à  la  disposition  de  l'art,  317,  prescrite  à 
peine  de  nullité  *.  » 

Dans  ces  nouvelles  hypothèses,  comme  dans  celles  qui  ont 
été  mentionnées  plus  haut,  la  Cour  d'assises  avait  excédé  son 
pouvoir  en  écartant  arbitrairement  les  témoins  que  les  parties 
avaient  produits.  Elle  ne  peut  les  écarter,  il  faut  le  répéter, 
que  lorsqu'ils  se  trouvent  sous  le  coup  de  Tune  des  causes  lé- 
gales qui  peuvent  mettre  obstacle  à  ce  qu'ils  soient  entendus 
à  titre  de  témoins  :  ces  causes  sont,  d'une  part,  ainsi  qu'on 

*  Cass,  25  fév.  1836,  rapp.  M.  Mérilhou.  Dull.  n.  59;  cl  conf.  17  sept- 
I83â,rapp.  M.  Brlère.  J.  P.,  t.  XXVI.  p.  841;  17  sept.  4836,  rapp.  M. 
^bauvcau-Logarde.  Bu1I,tî.  302  ;  30  juin  1837,  rapp.  M.  Rocher,  n.  195; 
\  n  mai  16:U,  rapp.  M.  Isamberf,  n.  173  ;  11  avril  1850,  n.  i23. 

•  Cas».  6  sept.  1838,  rapp.  M.  Vincens-Sl-Laurcnt.  Bull.  n.  301. 

»  cfass.  22  avril  1841,  rapp.  M.  Meyronnel-St-Marc.  Dali.  41, 1,  8CJ .  29 
lars  4832,  rapp.  M.  Rives.  J.  P.,  I.  XXIV,  p.  905. 

*  Cass.  4  nov,  1830,  rapp.  M.  Isambert.  J.  P.,  t.  XXHI,  8!4;  22  mai 
335,  rapp.  M.  Rocher  BuU.  u.  198  ;  arr.  coalr.  13  avril  1821,  rapp.  M.  Au- 
ront. J.  P„  t.  XXI,  p.  529. 


7H  .    M»  Qo«ia  fc'AflMffis. 

Ta  vu»  Idft  ÎDcaiMiMtés,  les  probibition&et  les  ineompatifailHés 
q.ili  enlèvent  aux  témouas  leur  droit  de  porter  téimîgDftge , 
et,  di'ujike  a^tce  part,  la  renoaciatioa  des  parties  os  leur  op- 
positioD,  da^a  les  cas  où  eUe  est  admise.  Hors  de  ces  cas , 
c'est-à-dire  si  les  témoins  produits  sout  idoines  et  s'ib  ne 
sont  l'objet  d'aucu»e  réclamation  fondée»  ni  d'aucune  leoon- 
ciatioa,  ils  doWe«t  être  entendus  en  leur  qualité,  à  peiae  de 
nullité  de  la  procédure* 

IV.  La  règle  générale  ainsi  posée,  il  convient  de  noter 
les  cas  oà  la  jurisprudence,  sans  s'en  écarter  formellement, 
ne  Ta  pas  rigoureusement  appliquée,  et  les  exceptions  qui, 
dans  quelques  circonstances,  lui  ont  été  apportées. 

II  n*y  a  point  de  nullité  lorsque  la  Cour  d'assises,  aTant 
de  clore  les  débats,  a  réparé  l'erreur  qu'elle  avait  commise, 
en  entendant  régulièrement  le  témoin  qu'elle  avait  d'abord 
irrégulièrement  dépouillé  de  sa  qualité»  lors  môme  qu'à  la 
suite  de  la  première  décision,  son  audition  a  eu  lieu  à  titre 
de  renseignements.  Le  pourvoi  formé  dans  cette  espèce  a  été 
rejeté,  «  attendu  que  l'erreur  par  suite  de  laquelle  le  témoin 
a  été  affranchi  de  la  prestation  du  serment  a  été  réparée  par 
l'accomplissement  régulier  de  cette  formalité  ;  qu^on  ne  sau- 
rait considérer  la  déclaration  faite  parle  témoin ,  en  vertu  du 
pouvoir  discrétionnaire,  comme  ayant  mis  obstacle  à  la  li- 
berté de  sa  déposition-;  qu'admettfo  une  semblable  supposi- 
tion serait  présumer  le  mensonge,  et  qu'on  en  peut  induire 
de  l'absence  d'une  garantie  de  la  loi  une  contradiction  éven* 
tuelle  entre  la  déclaration  dénuée  de  cette  garantie  et  la  dé- 
position postérieurement  faite  avec  prestation  de  serments  » 
Nous  avons  déjà  vu  que  la  jurisprudence  a  admis  que  toutes 
les  nullités  qui  sont  réparables  peuvent  être  utilement  répa- 
rées avant  le  jugement  \ 

Il  n'y  a  point  de  nullité  lorsque  le  témoin  entendu  par 
forme  de  renseignements,  en  vertu  du  pouvoir  discrétion- 
naire, après  avoir  été  dépouillé  de  la  qualité  do  témoin,  a 
néanmoins  irrégulièrement  prêté  serment.  La  jurisprudence 


«  Cass,  9  mal  183S.  J.  P.,  U  XXV,  p.  460. 

'  Voy.  «tfprà,  p.  582  et  693;  et  conf.Ga8S»  U  avrîl  iSSS,  lapp.  K*  Voisiii 
de  Gartempe,  Bu11.d.  128;  17  avril  18M|  rapSk  M«  Dehaïuty.. m  US;  5  vm 
et  9  juil]«  1854.  Bull,  n«*  135  et  234. 


AVDlTIOtt  M»  TÉ1I0JM8.  §  638.  7)5 

est  arrAtée  sur  ce  pokit^;  dou»  ne  pomWM  que  non»  ré^ 
férer  aux  observainns  qoa  ivuis  atoiis  d^  faites  à  cet 

égards 

li  n'y  a  p^int  de  EuUilé  lotaqae  le  Mmohfi,  assigné  k  (a 
Tcquôte  d'uae  personne  qui  D*a  fiaf  qualité  i  eet  effet,  n^a 
été  enteoilii  qu'à  tîtte  de  renseignements  seulement  Ainsi, 
par  ej^emplii»  ai  un  témoiii  a  éléoité  par  un  procureur  impé-^ 
rial  autre  que  eelui  qui  rea^rfît  les  fonctions  àe  ministère  pu- 
blic préa  k  Cour  d'assises,  el  <^tt'il  n'ait  été  compris  ni  dans 
la  Urte  des  témoina  notifiés  ni  dainâ  ceHe  des  témoins  produits 
à  l*audàenc6,  la  Cour  d'assises,  et  sHI  ne  s^élèYe  aucune  ré- 
clanatioii,  le  président  peut,  puisque  la  quaKté  de  témoin 
ne  lui  est  pas  acquise,  ordonner  qu'il  ne  déposera  pas  avec 
prœtation  de  serment  3. 

H  n'y  a  pas  de  nullité  si  les  témoins,  régulièrement  dé* 
pouillés  de  leur  qualité  par  la  Cour  d^ assises,  sont  ensuite 
appelés  par  le  pouvoir  discrétionnaire  et  entendus  sous  forme 
de  simples  renseignements.  Nous  avons  établi  cette  règle  en 
définissant  les  attributions  du  pouvoir  discrétionnaire^. 

Enfin,  il  n'y  a  pas  de  nullité  si  les  témoins  écartés  n'a- 
vaient été  ni  cités  ni  compris  dans  les  listes  respectivement 
notifiées,  ou  si  des  circonstances  du  procès  il  est  résulté  la 
présomption  que  les  parties  avaient  renoncé  à  leur  audition. 
Ainsi,  plusieurs  pourvois,  fondés  sur  Tauditinn  i  titre  de 
renseignements  de  témoins  produits  par  les  parties,  ont  été 
rejetés:  1^«  Parce  que  le  ministère  public  aToit  demandé 
lui-même  que  trois  témoins  cités  tardivement  à  sa  requête 
ne  fussent  pas  entendus  avec  prestation  de  serment,  sur  le 
motif  que  leurs  noms  n'avaient  pas  été  compris  sur  la  liste 
notifiée  à  Taccusé,  et  que  celui-ci  n'avait  fait  aucune  obser- 
vation "  V  ;  2*  «  Parce  qu'il  y  avait  lieu  de  présumer  que  la 
citation  tardive  donnée  à  la  requête  du  ministère  public  ne 
l'avait  été  que  pour  assurer  reiécution  d'une  mesure  du 


*  Cass,  h  fév.  1819,  rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  l.,  XV,  p.  58  ;  il  mars  cl 
30  avril  1841,  rapp.  MM.  Bressoa  et  Meyronnel-St-Marc.  Bull.  d«>'  ôU  et 
422;  9  fén  1843»  rapp.  M.  Jacquinot,  n.  29;  11  jauv..l851,  à  noire  rapp. 
11*  21  ;  19  janv.  1855,  rapp.  M.  Séoécat,  n.  16. 

■  Voy.  iuprd,  p.  472. 

"  Cass.  21  jan?.1843.  rapp.  M.  Jacquinot.  Bull.  n.  19. 

*  Voy.  iuprà  p.  457  et  p.  702. 

ft  Cass.  21  aoQt  1835,  rapp.  M.Fréteau,  BuU.  n.  325;  6  féT.  1S40,  rapp. 
M.  VinceDS-St-Laureut»  n.  4S;  34  avril  1840,  rapp.  M.  Romi^^uièreJ» 
n.  iiS. 


730  DES  C0D18  D\9SI8Bt. 

pouvoir  dlserétionnaire'  x>;  3*  «  Parcequll  y  avait  lieu  d'in- 
duire de  ce  que  le  ministère  public  n'avait  pas  porté  le  nom 
des  témoins  sur  la  liste  produite  par  lui  aux  débats  qu*il 
avait  renoncé  à  son  aoditioD^et  qu'aucune  conclusion  n*a  été 
prise  dans  Tintérèt  de  Taccusé  pour  qu*il  fui  entendu  avec 
prestation  de  serment  *  »  ;  4*  «  Farce  que  si  le  témoin  avait 
été  cité  à  la  requête  de  Taccosé,  cette  circonstance  ignorée 
du  ministère  public  et  du  président,  et  qui  n'avait  été  révé- 
lée par  aucune  notification  ni  même  par  aucune  indkatioo, 
ne  pouvait  faire  obstacle  à  Paudition  de  ce  témoin  en  vertn 
du  pouvoir  discrétionnaire  *  »  ;  5*  «  Parce  qu'il  était  cods- 
taté  que  le  président  avait  annoncé  l'intention  d'entendre, 
en  verlu  de  son  pouvoir  et  sans  prestation  de  serment,  deux 
témoins  assignés  à  la  requête  du  ministère  public  et  dont  les 
noms  n'avaient  pas  été  notifiés,  et  que  le  ministère  public  et 
les  accusés  ont  déclaré  ne  point  s'y  opposer  4.  » 

Tous  ces  arrêts,  d'où  l'on  pourrait  peut-être  induire  que 
les  régies  les  mieux  établies  fléchissent  quelquefois,  se  sou- 
tiennent cependant  à  raison  des  circonstances  particulières  de 
chaque  espèce.  Il  ne  faut  pas  en  effet  en  faire  découler, 
comme  une  conséquence  générale,  que  les  témoins  ou  tardi- 
vement cités  ou  non  notifiés,  peuvent  être  arbitrairemeot 
éloignés  du  témoignage  ;  nous  avons  démontré  que  la  cita* 
tion  tardive  ou  le  défaut  de  notification  ne  dépouillait  nul- 
lement les  témoins  de  leur  qualité.  Tout  ce  qui  peut  en 
résulter,  c'est  que  le  défaut  soit  de  citation  en  temps 
utile,  soit  de  notification,  peut  faire  présumer  que  les  par- 
ties, en  négligeant  ces  formes,  ont  renoncé  à  l'audition 
des  témoins  :  il  est  nécessaire  alors  qu'ils  soient  en  quelque 
sorte  revendiqués  par  une  réclamation  expresse  ;  à  défaut  de 
cette  réclamation,  la  présomption  est  confirmée.  Celte  juris- 
prudence, un  peu  flexible,  ouvre  sans  doute  la  porte  à  quel- 
ques applications  abusives  du  pouvoir  discrétionnaire  à  l'é- 
gard des  témoins  tardivement  cités,  mais,  au  fond,  elle  do 
s'écarte  pas  des  régies  qui  ont  été  posées. 

y.  Enfin,  il  y  a^dcs  témoins  qui,  bien  qu  aucune  incapa' 

*  Cass.  20  avril  1853,  rapp.  M.  Jallon.  Bull.  n.  140. 
2  Cass.  45  juin  1854,  à  notre  rapp.  BuU.  n,i9a. 

*  Cass.  19  janv.  1855,  rapp.  M.  Séneca.  Bull.  n.  iO. 

*  Cass.  26  déc  d856,  rapp.  M.  Lcgagncur.  Bull,  lu  607  |  18  déc  185^ 
ropp.  M.  Lascoiix,  n.  398. 


Atjvman  veé  témhm.  f  639.  737 

méj  Aucane  probibifîon,  aucune  incompatibilité  ne  fos 
frappe,  bien  que  leurs  nonjs  aient  été  notifiés  et  qu'ils  soient 
acquis  aux  débats^  peuvent  être  dispensés  de  témoigner  k 
raison  de  la  profession  ou  du  ministère  qu'ils  exercent  :  ce 
sont  les  médecins,  chirurgiens  et  sages-femmes,  les  ministres 
du  culte  catholique,  les  avoués  et  les  notaires. 

Nous  avons  examiné  ailleurs  la  raison  de  cette  dispense, 
les  cas  dans  lesquels  elle  peut  être  appliquée  et  la  forme  de 
son  application  \  Nous  n'avons  rien  à  ajouter  sur  ce  point. 

S  039. 

I.  Serment  des  témoins.  — >  11.  Refus  de  prestation  de  serment.  — 
111.  Formate  du  serment.  --*  IV.  Sa  constatation.  —  V.  Les  sourds* 
muets  ne  sachant  pas  écrire.  —  Vi.  Esceptions  en  ce  qui  conoeme 
les  ^mineurs  de  quinze  ans.  —  VI i.  Les  membres  des  sectes  reli- 
gieases  qui  n'admettent  pas  le  serment. 

I.  Les  témoins,  appelés  dansTordre  qui  vient  d'être  établi, 
sont  tenus,  après  avoir  décliné  leurs  noms  et  qualités  et  avant 
de  commencer  leur  déposition,  de  prêter  serment. 

L'art.  347  déclare  impérativement  que,  «  avant  de  dépo- 
ser, ils  prêteront,  à  peine  de  nullité,  le  serment. ..  » 

Cette  solennité  du  serment,  que  nous  retrouvons  h  tons  les 
âges  de  la  législation*,  a  été  regardée  dans  tous  les  temps 
comme  le  lien  le  plus  puissant  dos  actions  humaines  :  Nullum 
frinculum,  dit  Gicéron,  ad  adsiringendam  fidem  jurejurando 
majores  artius  êsse  voluemnl  *.  Le  serment,  on  effet,  qui 
ost  prêté  qtuisi  Deo  teste ,  engage  la  foi  de  celui  qui  le  prête 
et  donne  à  son  témoignage  la  plus  haute  sanction  qui  puisse 
accompagner  la  parole  de  Phomme  ;  il  impose  en  outre  au 
témoin  une  sorte  de  fonction  publique ,  en  lui  indiquant  la 
nature  du  devoir  qu'il  va  remplir  et  rinfluence  que  sa  dépo- 
sition peut  exercer  sur  le  jugement;  enfin,  il  attache  à  cette 
déposition  une  responsabilité  pénale^qu'une  déclaration  non 
assermentée  n'emporte  pas.  Nous  ne  pensons  pas  néanmoins 
que  le  serment,  quelque  important  qu'il  nous  semble,  soit  la 
source  exclusive  de  la  foi  accordée  au  témoignage  et  nous  ne 
répéterons  pas  la  maxime  que  quelques  docteurs  avaient  pui- 

*  Voy.  iioU«  t  V,  p.  857et  56S. 
^Vof.  notrv  1. 1,  p.  S5,  S78  et  081. 

"  Cie»  De  ofidls,  lib.  III,  L  XXXI.  Voy.  sur  ce  point  Groiias,  iif .  If,  cbap, 
JLIUi  Paflèulort  iiv,  IV,  cb.  II. 

vwu  47 


738  BKg  COCBS  D*A8BISKS. 

sèe  dans  quelques  textes  de  la  loi  romaiue  >«  nontr0diiwr 
injuralis;  c*est  le  témoin,  nous  Tavons  déjà  dit  2,  et  non  la 
forme  du  témoignage  qui  commande  la  confiance ,  tesiilm^ 
fiùn  testimoniU  crediturum  ^  ;  mais  le  serment  exerce  une 
notable  influence  :  il  contient»  d'une  part,  les  témoins,  en  les 
rendan^t  plus  réfléchis  et  plus  réservés  dans  leurs  déclarations  ; 
il  dispose,  d'une  autre  part,  les  juges  à  accorder  une  plus 
grande  attention  aux  déposition^;  il  établit  une  présooiptioD 
de  leur  sincérité,  il  porte  à  y  ajouter  foi,  ut  honestioritm 
potius  tesiibus  fides  adhibeaturK 

Cette  formalité  est,  au  reste»  d'ordre  public;  elle  est  pre^ 
crite  dans  Tintérêt  de  la  justice  pour  éprouver  et  forti&r  la 
preuve  qui  se  forme  devant  elle.  11  n^est  donc  point  au  poa- 
Toir  des  parties  d'y  renoncer  et  de  délier  du  serment  les  té- 
moins qu'elles  produisent.  Elles  peuvent  renoncer  à  l'auditioD 
des  témoins  eux-mêmes,  s'ils  leur  semblent  inutiles,  elles 
peuvent  s'y  opposer,  s'ils  sont  reproehables  ou  s'ils  ont  été 
irrégulièrement  notifiés;  mais  elles  ne  peuvent  les  faire  en- 
tendre qu'avec  les  formes  prescrites  par  la  loi.  C'est  là  une 
règle  qui  a  été  puisée  dans  notre  ancienne  jurisprudence  :  les 
témoins  ne  pouvaient  dans  aucun  cas»  sauf  les  cas  de  reproche 
ou  d'incapacité»  être  dispensés  du  serment,  suivant  la  maxime^ 
necessUaiem  lex  imponit,  non  voluntaiem  permitlit^.  La  loi 
n'accorde  qu'au  président,  agissant  dans  Texercice  de  soo 
pouvoir  discrétionnaire,  le  droit  de  faire  entendre  des  témoios 
à  titre  de  simples  renseignements;  ce 'pouvoir  n'appartient 
point  aux  parties^ 

La  jurisprudence  a  dû  prononcer»  en  conséquence,  Tanno- 
lation  de  toutes  les  procédures  dans  lesquelles  des  témoins 
idoines  et  capables,  régulièrement  produits  par  les  parties, 
avaient  été  entendus  sans  prestation  de  serment.  Les  motifs 
de  ces  arrêts  sont  «  que  Tart.  817  est  général  et  absolu,  et 
que  tout  témoin  doit  êh'e  entendu  avec  serment,  à  moins  que 
la  Cour  d'assises  n'ait  décidé  pour  une  cause  quelconque  que 
k  témoin  ne  serait  pas  entendu,  sauf  toutefois  la  réserve  faite 


^  li.  8.et  18»  Cod.  De  Testibus. 
•  Voy,  suprà,  p.  A74,  * 

"L.  SDig.  DeTestibus. 
^JU4)Dig.De  Teftiiboi. 
^  Jl^^^J^/^^  4u«»t,  71, n, SQet  suiv.  s  P h,  BçffBicrf  owt  fwki  «d^ 


AUDITION  BIS  nUioufs.  {  639*  739 

«ia  préi|id(9nt^  d'entendre  ce  témoin  en  vertu  de  son  pouvoir 
discrétionnaire  et  par  forme  derenseignements  S  » 

serment,  soit  de  dé- 
355  qui  porte, 
I  témoin  qui  ne  'compa- 
raîtra pas  ou  qui  refusera  soit  cle  prèler  serment^  soit  de  faire 
sa  déposition,  sera  condamné  à  la  peine  portée  par  l'art.  80.  d 
Cette  peine  est  une  amende  qui  ne  peut  excéder  cent  francs. 

Cette  mesure  est  légitime.  ).e  témoignage  constitue  k  la 
fois  Paccomplissement  d^un  devoir  civique,  puisque  tout  ci- 
tôvien  ^oit  concourir^  autant  qu'il  le  p§ut,  au  bien  général  de 
l'pltat.  et  l'accomplissement  d'un  devoir  -naturel^  puisqu'on 
taisant  )a  vérité,  le  témoin  d'un  fait  quelconque  peut  contri- 
buer à  la  lésion  d'un  droit.  La  loi  a  donc  le  droit  d'exiger 
<]u*il  fiasse  connaître  à  la  justice  ce  qu'ij  a  vu  et  entendu.  Elle 
peut  l'exiger  dans  l'intérêt  de  l'Etat  qui  veut  la  répression 
des  crimes,  et  dans  l'intérêt  de  la  justice  qui  ne  peut  les  ré- 
primer si  la  preuve  n'en  est  pas  administrée. 

Les  téipoins  ne  peuvent  s'exempter  de  cette  obligation  sous 
le  prétexte  qu'il  pourrait  en  résulter  pour  eux  quelque  pré- 
judice, car  les  devoirs  doivent  être  accomplis  lors  même  qu'ils 
ne  peuvent  l'être  qu'avec  quelque  péril.  Ils  ne  peuvent  s'en 
exempter  en  se  fondant  sur  une  opinion  morale  ou  religieuse 
qui  condamnerait  les  serments,  car  le  culte  du  témoin  peut 
seulement,  comme  on  le  verra  tout  à  l'heure,  modifier,  non 
)a  teneur»  mais  W  forme  du. serment.  Enfin,  ils  ne  peuvent 
s'en  exempter  ep  alléguant  une  convention  ou  une  promesse 
qu'ils  auraient  faite  de  taire  la  vérité,  car  une  telle  conven- 
tion, évidemment  illicite,  pe  peut  produire  aucun  lien  *. 

Ce  dernier  point  a  été  consapré  dans  une  espèce  où  un  ma- 
gistrat, après  avoir  dénoncé  un  complot  contre  les  lois  de 
l'Etat,  refusait  d'en  fournir  la  preuve,  parce  qu'il  se  préten- 
dait lié  par  un  serment.  La  Cour  de  cassation  a  déclaré  a  qu'un 
serment  prêté  volontairement,  hors  la  nécessité  de  fonctions 
civiles  ou  religieuses,  ne  peut  être  un  motif  légitime  de  re- 
fuser a  la  justice  les  févèlaiions  qu'elle  requiert  dans  l'intérêt 


^  Caas.  80  juin  1831,  rapp.  M.  Dupaty.  J.  P.,  t.  IXOl^  p.  1762;  191. 
1841,  rapp.  M.  Heyronnet-St-Marc,  Bull.  o.  48;  27  joili*  I84t^  rapp.  tf. 
XsaÎDbert,n.210. 

^  Grotitts,  loc,  du  S 19 }  Puffendorf,  S  ^i  G  et  7. 


Ï40  DtS  OOVtfl  D'AMIfC9. 

de  la  société  ;  que  le  refus  du  sieur  Madier  de  Montjan  de  ré- 
pondre a  donc  été  une  infraction  à  la  loi  et  une  désobéissance 
à  la  justice  '.  > 

Cette  contrainte  était  établie  par  la  loi  romaine  :  Conslt/u- 
iio  jubet  unumquemque  cogi  teslimonium  perhibere  de  hi$ 
qucB  novit  cum  sacramenti  prçBstatione  '.  Elle  l'était  égale- 
ment dans  notre  ancienne  législation  :  «  Si  le  témoin  refuse 
de  prêter  serment,  dit  Jousse,  on  peut  Ty  contraindre  par  les 
mêmes  voies  qu'il  peut  être  contraint  de  comparoir  en  jus- 
tice *•  Quand  il  refuse  de  déposer,  et  qu'il  allègue  des  raisons 
de  son  refus,  le  juge  qui  fait  l'instruction  doit  en  dresser 
procès-verbal,  et  cela  forme  un  incident  qui  doit  être  com- 
muniqué au  procureur  du  roi,  et  porté  ensuite  en  la  cham- 
bre du  conseil  pour  y  être  décidé.  S^'l  est  jugé  que  le  refus 
du  témoin  n'est  pas  fondé  et  qu'il  doive  déposer,  on  lui  signi- 
fie ce  jugement  avec  nouvelle  assignation,  et  s'il  fait  défaut, 
ou  qu'il  comparaisse  en  persistant  dans  son  refus,  on  peut  le 
contraindre  de  déposer  par  amende  ou  per  emprisonnement^.» 

La  seule  peine  qui  puisse  être  appliquée  aujourd'hui  est 
une  amende  qui  ne  peut  eicéder  cent  francs  et  qui  peut  être 
graduée  en  raison  de  la  validité  des  motifs  allégués  par  le  té- 
moin :  aucune  contrainte  ne  peut  être  employée  en  dehors  de 
celte  peine.  Il  est  inutile  d'ajouter  qu'elle  ne  doit  être  appli- 
quée qu'autant  que  le  témoin  ne  se  trouve,  par  ses  fonctions 
civiles  ou  religieuses,  dans  un  des  cas  de  dispense  qui  ont  été 
énumérés  plus  haut  ^. 

La  jurisprudence  n'a  pas  toujours  exactement  apprécié  les 
caractères  du  refus  de  serment.  Dans  la  poursuite  dirigée 
contre  les  adeptes  du  saint-simonisme,  un  témoin  avait,  avant 
de  prêter  serment,  demandé  l'autorisation  de  l'un  des  préve- 
nus. La  Cour  d'assises  décida  qu'il  ne  serait  pas  entenda, 
«  attendu  que  le  serment  est  un  acte  libre,  qui  doit  ânaner 
de  la  volonté  seule  et  spontanée  de  celui  qui  le  prête;  que  le 
témoin  n'a  déclaré  être  prêt  à  prêter  serment  qu'autant  qu^il 
serait  autorisé  par  Tun  des  prévenus  qu'il  nomme  le  père; 


«Cass.  ch.  réuiu  80  noT.';i820,  rapp.  M.  ZaogiaoomL  1.  P.,UXVi; 
p.  209. 

'  JubUnian.  L.  16  Cod.  de  TesUbos  ;  et  nov.  90,  capw  Y. 

*  Ord.  1670,  Ut  V],  arL  6  portant  amende  sur  le  premier  délkat  et  m* 
prifoonementaur  le  scoond. 

«1te.Il,  PL  SI. 

»  Vojr.  nprét  p.  7aa, 


AimiTlOM  DES  TÉMOIRS.   g  ^39,  741 

qu'uD  pareil  serment»  soumis  à  la  volonté  de  celui  qui  est  in- 
téressé dans  la  cause ,  ne  peut  inspirer  aucune  conGance  à  la 
justice,  et  que  ce  n'est  pas  là  Tacte  soifs  la  foi  duquel  les  dé- 
positions méritent  la  confiance  que  la  loi  y  attache.  »  Et  le 
pourvoi  a  été  rejeté,  «attendu  que  le  témoin,  en  subordonnant 
ainsi  à  Tautorité  de  Pun  des  prévenus,  sur  sa  propre  déter- 
mination, Taccomplissement  de  la  formalité  qui  pouvait  seule 
attacher  à  sa  déposition  la  confiance  de  la  justice,  avait  cessé 
de  conserver,  dans  toute  leur  plénitude,  l'indépendance  et 
la  liberté  qu*un  témoin  doit  apporter  devant  elle  ^  » 

Cet  arrêt  donne  lieu  à  plusieurs  observations.  D'abord»  et 
Tarrèt  le  reconnaît,  i)  n'y  avait  pas  dans  Tespèce  le  refus  que 
l'art.  355  a  prévu,  car  cet  article  n'a  été  ni  invoqué  ni  appli- 
qué. 11  ne  s'agissait  pas  d'un  refus  formel,  mais  d'un  refus 
en  quelque  sorte  conditionnel ,  et  la  Cour  d'assises  n'a  pas 
/  consenti  à  vérifier  l'accomplissement  de  la  condition.  Le  té- 
moin n'a  donc  pas  été  puni ,  mais  simplement  écarté.  Cette 
mesure  était-elle  régulière?  On  a  confondu,  en  premier  lieu, 
la  spontanéité  du  serment  et  sa  liberté.  Il  doit  être  librement 
prêté,  en  ce  sens  qu'il  doit  être,  autant  qu'il  est  permis  de  le 
constater,  l'expression  de  la  volonté  du  témoin.  Mais  comment 
serait-il  spontané  puisqu'il  n'est  prêté  que  par  l'ordre  de  la 
justice  et  que  l'obligation  en  est  imposée  avec  une  sanction 
pénale?  Le  serment  cesse-t-il  d'être  l'expression  de  la  volonté 
du  témoin,  parce  qu'il  demande  pour  le  prêter  l'assentiment 
d'un  tiers?  C'est  là  qu'est  la  question  ;  or,  la  volonté  cesse-t-elle 
d'être  libre  parce  qu'elle  consulte  une  autre  volonté?  subit- 
elle  en  cela  une  oppression  qui  l'annihile?  L'acte  qu'elle  ac- 
complira, après  cet  assentiment  reçu,  sera-til  accompli  sous 
l'empire  d'une  violence  ou  d'une  contrainte?  îTa-t-on  pas  ici 
encore  confondu  une  influence  qui  était  visible  et  une  con- 
trainte qui  n'existait  pas?  Non-seulement  l'influence  n'était 
pas  niée ,  elle  était  publiquement  avouée  ;  mais  est-ce  que 
l'influence  qu'un  accusé  exerce  sur  les  témoins  qu'il  produit 
aux  débats  est  une  cause  légale  d'exclusion?  Est-ce  que  les 
dépositions  des  témoins  suspects,  quand  la  suspicion  n'est  pas 
formellement  écrite  dans  la  loi ,  comme  en  ce  qui  concerne 
les  parents  au  degré  prohibé  et  les  dénonciateurs,  ne  doivent 
pas  être  régulièrement  reçues,  lorsqu'elles  émanent  de  té- 
moins idoines  et  capables?  La  jurisprudence  n'a-t-elle  pas 

i  GtM.  15  déc,  ISIt,  rtpp,  M.  Rires.  J.  P.,  t.  XXIY,  p.  i05>* 


742  DB8  COURS  D*ÀStlfl(IS. 

admis  le  térooigpiage  soit  des  parties  civiles^  soit  des  témoins 
qui  avaient  subi  des  influences  eitèrieùres,  en  déclarant  (^u'il 
suffisait  que  le  jury  fût  averti  des  circonstances  qui  pouvaiéDt 
diminuer  Tautorité  du  témoin?  ï)ans  l'espèce,  il  n'y  avait  ni 
refus  de  serment  ni  preuve  d'une  contrainte  susceptible  de  le 
vicier;  il  n'y  avait  qu'une  influencé  hautement  proctamèe;  il 
en  résultait  une  suspicion  qui  pouvait  infirmer  le  témoignage, 
mais  qui  ne  pouvait  écarter  le  témoin. 

Ht.  La  formule  du  serment  est^  aux  termes  de  Tart.  317. 
a  de  parler  sans  haine  et  sans  crainte,  de  dire  toute  la  vérité 
et  rien  que  la  vérité,  o 

Cette  formule  est  la  plus  complète  que  notre  l^islation  ait 
adoptée.  Nous  avons  reproduit  ailleurs  celle  de  la  jurispru- 
dence romaine  '  et  celle  de  notre  ancienne  jurisprudence  '.  La 
loi  du  16-29  septembre  1791,  &  laquelle  Part.  317  a  emprunté 
ses  termes,  avait  inutilement  ajouté,  au  milieu  de  la  formule, 
ces  mots  :  «  de  dire  la  vérité.  »  L'art.  330  du  Code  du  3  bru- 
maire an  iv  avait  reproduit  les  mêmes  termes,  en  substituant 
seulement  le  mot  a  promettre  »  aux  mots  a  prêter  serment  s 

Cette  formule  est  sacramentelle  :  il  est  indispensable  qu^au- 
cun  de  ses  termes  ne  soit  omis  dans  le  serment,  car  la  loi  a 
prescrit  à  peine  de  nullité  la  formule  qu'elle  a  tracée,  et  To- 
mission  de  la  moindre  de  ses  expressions  enlèverait  quelque 
chose  de  l'étendue  ou  de  l'énergie  du  serment.  Aucun  mot 
équivalent,  quel  qu'il  soit,  n^est  même  admissible,  car  une 
fois  entrée  dans  cette  voie,  la  pratique  ne  s'arrêterait  plus, 
et  il  importe  de  maintenir,  dans  toute  sa  plénitude  et  dans 
toute  sa  netteté,  Tobllgation  qui  est  impose  aux  témoins. 
Cette  règle,  qu'une  laborieuse  jurisprudence  est  parvenue  i 
garder  intacte,  a  donné  lieu,  au  milieu  de  nombreux  arrêts 

3ui  n'ont  que  peu  d'intérêt,  à  quelques  décisions  (|u'ii  est  utile 
e  rappeler. 
Il  faut  noter  d'abord  que  quelques  cours  d^assises,  après  la 
mise  en  activité  du  Code»  avaient  cru  pouvoir  cotltinuer, 
cpmme  sous  le  Code  du  3  briunaire  an  iv,  d'exiger  dès  témoins 
la  simple  jprome^se  de  parler  saus  haine  et  sans  crainte,  etc. 
Les  procéduresi  entachées  de  cette  irrégularité  otit  iia  être 
cassées^  a  attendu  que  les  témoins  entendus  aux  débats  h'oht 


»Voy.  UI,  p.  85. 
«  Voy.  t.  1,  p.  681, 


AVDmoif  ras  nlKOuii.  S  ^^*  743 

fait  qa'une  simple  promesse  ;  qu'ils  n^ont  pas  fait  cette  pro- 
messe sous  la  foi  da  serment  ;  qo'ils  n^ont  donc  pas  donné  à 
leurs  dépositions  la  garantie  de  sincérité  que  la  loi  exige  à 
peine  de  nullité  ^  »  Ettoutefois^  il  a  été  admis  que  si  le  pro-; 
cés-yerbal  constate  que  les  témoins  ont  fait  «  la  promesse 
exigée  par  Tart.  317»  »  il  y  aurait  a  une  présomption  légale 
que  cette  prqmesse  a  été  faite  sous  la  religion  du  serment  *•  » 

)l  faut  constater  ensuite  que  la  jurisprudence  a  succe^ive- 
ment  rejeté  les  formules  suivantes  : 

Pes  témoins  avaient  juré  «  de  dire  la  vérité  »  au  lieu  «  de 
dire  toute  la  vérité.  »  La  cassation  a  été  prononcée  «  attendu 
que  la  formule  employée  n'est  point  celle  que  la  loi  a  près- 
ente  à  peine  de  nullité;  que  les  expressions  la  viriti  ont 
beaucoup  moins  de  force  que. celles-ci  :  toute  la  vèriti;  qu'il 
peut  arriver,  en  efiet,  que  des  témoins,  par  des  motifs  quel- 
conques, tout  en  déposant  des  faits  vrais  en  eux-mêmes,  ne 
déclarent  pas  cependant  tous  les  faits  yrais  qui  sont  à  leur 
connaissance,  et  que,  par  cette  réticence  coupable,  ils  troih* 
pent  la  surveillance  de  la  loi  et  la  garantie  qu'elle  a  voulu 
donner,  soit  à  Tordre  social  dans  Tadministration  de  la  justice, 
^  soit  aux  accusés  ^.  » 

D'autres  témoins  avaient  omis  les  mots  «  sansbaine  et  sans 
crainte.  »  L'annulation  a  été  prononcée,  a  attendu  que  la 
formule  du  serment  est  sacramentelle  et  que  son  omission,  en 
tout  ou  en  partie,. vicie  d'une  manière  radicale  la  procédure 
et  les  débats  *.  »    ' 

D'autres  témoins  avaient  seulement  omis  les  mots  t  sans 
haine.  »  L'annulation  a  encore  été  prononcée,  «  attendu 
qu'on  doit  tenir  pour  sacramentelle  chacune  des  expressions 
4lont  doit  se  composer  le  serment  *:v>' 

D'autres  témoins  enfin  avaient  omis,  soit  les  mots  «  rien 


«  Cass.  &  juin  iSlS»  rapp.  M.  Vantoalon.  J.  P.,  tpC,  p.  4Ai  t  et  sMift  te 
déc iSiit  rapp.  M«  LiboMl,  !•  IXt  ^  799 1  id  JaoT.  1812,  npp. M«  4a<fler- 
M anilloni  I*  X«  p.  41« 

aCass.  2  juil.  1813,  rapp.  Bf.  Anmont  J.  P.,  t  X«  p.  58t. 

"  Cass.  29  mai  iSid,  rapp.  M.  Gbasle.  J.  P.*  t.  XI,  p.  494 1  8  ttv.  1814« 
t.  XII»  p.  75  ;  16  juio  18U,  t.  XII,  p.  267  $  8  oct.  1814«  t.  XII,  p.  427  ;  27 
janf.  1815»  U  XII,  p.  5ÔS  ;  12  sepL  1816,  r.  XIII,  p.  d34  ;  18  mai  1821,  t. 
XVI,  p.  617;  8  avril  1824,  t.  XVIII,  p.  818  ;  14  sept.  1848.  Bull.  n.  241  ; 
31  sept  1848,  n.  245;  Iféf.  1849, d.  22;13  éept.1849,11.  238;.etc 

*  Cass.  10  juU.  1851,  rapp.  M.  de  GIds.  Bull.  n.  27&;  et  coDf.29  sepU 
1842,  rapp.  M.  Bresson,  d.  250;  80  jaill.  1847,  rapp.  M.  Rocher,  b.  168. 

*  Gass.  8  juin.  1856,  rapp.  M.  Nougtiier.  BuU.  n.  238*1 


744  »M   «OVJIf  D*A8tlBll. 

que  la  vérité,  »  soit  les  mots  «  toote  la  vérité,  »  et  le  même 
molif  a  dicté  la  nnéme  annulation  '. 

lY.  Il  ne  suffit  même  pas  que  les  témoins  aient  prêté  le 
serment  légaU  il  faut  que  le  procès-verbal  des  débats  consiste 
l'accomplissement  de  cette  formalité.  L'art.  373»  en  effet,  a 
voulu  qu'il  fût  dressé  par  le  greffier  un  procès-verbal  de  la 
séance  à  l'effet  de  constater  que  les  formalités  prescrites  ont 
été  observées.  Il  suit  nécessairement  de  \k  que  les  formalités, 
dont  il  n'a  pas  été  fait  dans  ce  procès-verbal  une  mention 
expresse,  sont  présumées  de  droit  avoir  é(é  omises. 

Il  y  a  donc  nullité  :  1^  si  le  procès -verbal  ne  bit 
nulle  mention  du  serment  des  témoins  ;  '  2*  s'il  n'en  lait 
nulle  mention»  lors  même  qu'ils  auraient  des  causes  de  dis- 
pense» si  ces  causes  ne  sont  pas  énoncées  *;  3^  s'il  y  a  eu 
omission  d'un  ou  de  plusieurs  mots  dans  la  formule  transcrite 
dans  le  procès-verbal,  car  l'omission  d'une  ou  de  deux  lettres 
serait  insignifiante  ^  :  par  exemple,  s^il  y  a  eu  omission  des 
mots  sans  haine  '^y  ou  des  mots  sans  haine  et  sans  crainte, 
bien  que  le  procès- verbal  eût  ajouté  que  «  les  témoins  ont 
rempli  les  formalités  prescrites  par  Tart.  317  ^,  »  ou  da 
mots  rien  que  la  viriti  ?  ;  4*  si  le  procès-verbal  se  borne  à 
constater  que  «  les  témoins  ont  déposé  après  serment  ;  a  car 
le  Gode  contient  plusieurs  formules  de  serment  ;  il  faut  donc 
indiquer  celle  qui  a  été  employée*  ;  ou  s'il  déclare  seulement 
«  que  les  témoins  ontétéappeléset  ont  fait  leurdéclaxation*,i 


i  Cass»  2S  juin.  ISia,  rapp.  M.  Lamarque.  J.  P.,  i.  XI«  p.  S7$;  16  arrit 
iSSi,  rapp.  M.  Gaillard,  U  XVJ,  p.  567;  9  juill.  1840,  rapp.ll.  MeyronHI- 
St-Marc.  Bull.  n.  197;  18  avril  18&9,  rapp.  M.  Legagneur,  m  80;  S  aoAt 
1850,  rapp.  M.  de  Boiasieuz.  n.  249,  13  afrii  1818»  rapp.  11.  Inaibot, 
n*  147. 

<  Can.  17  sept  1818,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.,  U  XIV,  p.  1019;  7/a«r. 
1819,  même  lapp.  t  XY,  p.  17  ;  17déc.  1845,  rapp.  M.  Breason,  BolL  b 
886;  8  arril  1847,  rapp»  M.  Brière-Valignj,  n.  740. 

*  Gasi.  81  mai  1827,  rapp  M.  Brière  J.  P.,  U  XXI,  p.  488. 

*  Cass.  18  avril  1840,  rapp.  M.  IsamberU  Bull.  n.  116. 

"  Cass.  8  fér.  1814,  rapp.  M.  Yantoulou.  J.  P.,  t  XIII,  n,  75;  M  ja«f. 
1827^  rapp.  M.  Gaillard,  t.  XXI,  p.  89. 

*  Cass.  8  juill.  1852,  à  notre  rapp.  bull.  n.  231. 

'  Casa.  8  fév.  1858,  rapp.  If.  lalbn.  Bull.  n.  42. 

*  Cass.  11  man  1841,  rapp.  IL  bambert.  BalL  n.  58. 

*  Cass.  8  joiD  1854,  rapp.  M.  Rives.  Bull.  a.  186. 


AimmoM'  uu  TÉKOutt.  s  <^39.  745 

ou  même  «  qu'ils  ont  prêté  le  serment  Toula  ptria  loi'.» 
Mais  il  suffit  que  le  procès-verbal  déclare  que  les  témoins 
ont  prêté  «  le  serment  prescrit  par  Tart.  317  ^^  »  ou  qu'ils 
ont  prêté  serment  «  dans  les  termes  prescrits  par  rart. 
317  ',  »  ou  même  «  que  les  témoins  ont  prêté  serment  et 
rempli  les  formalités  prescrites  par  Fart.  317  ;  »  car,  si  cette 
formule  est  incorrecte,  il  en  résulte  néanmoins  la  preuve  du 
serment  *.  Il  suffit  également  qu'il  soit  constaté  par  une  seule 
éoonciation  que  c  tous  les  témoins  entendus  ont  piété  le  ser- 
ment dans  les  termes  prescrits  par  l'art.  317  ;  »  car  la  men- 
tion du  nom  de  chaque  témoin  après  le  serment  n'ajouterait 
rien  à  la  validité  de  la  constatation  ^. 

Lorsqu'une  affaire  s'est  prolongée  pendant  plusieurs 
séances,  il  est  indispensable  que  le  procès-verbal  <de  chaque 
séance  fasse  mention  expresse  du  serment  des  témoins  qui  y 
ont  été  entendus  ;  car,  c  si  te  procès-verbal  d'une  séance  ul- 
térieure peut  servir  de  supplément  au  procès-verbal  d'une 
séance  précédente  et  constater  l'observation  d'une  formalité 
antérieurement  remplie  et  qu'on  aurait  omis  de  constater  en 
temps  et  lieu,  il  est  impossible  que  les  énonciations  contenues 
dans  le  procài-verbal  d'une  séance  antérieure  puissent  servir 
i  constater  les  formalités  observées  dans  les  séances  suivantes 
et  que  ces  procès-verbaux  n'auraient  pas  constatées,  puisque, 
d*une  part,  on  n'a  pu  remédier  d'avance  à  une  omission  qui 
n'existait  pas  encore,  et  que,  de  l'autre,  on  n'a  pas  pu  con- 
stater la  veille  l'observation  d'une  formalité  qui,  en  admet- 
tant qu'elle  eût  été  accomplie,  n'a  pu  l'être  que  le  lende- 
main ^.  »  Ainsi,  la  mention  de  la  prestation  du  serment  des 
témoins  entendus  dans  la  première  séance  ne  peut  s'étendre 
aux  témoins  entendus  dans  les  séances  suivantes  7,   * 


'  Cats.  Sjanf.iSM,  rapp.  M.  V.Foacher.  Bull.  n.  iS;  15  lept.  iS64* 
rapp.  M.  Aylio»  n.  2S2;  15  a?rU  1882.  rapp.  11.  Brière  J.  P.,  t  XVJII, 
p.  017. 

9  GasB.  17  ocU  1832»  rapp.  M.  de  Ricard.  J.  P.,  t  XXfV»  p.  1515  ;  SI  mti 
1S89,  rapp.  M.  Isambert  Bull.  n.  168. 

*  Casa.  17  fér.  18A9,  rapp.  M.  Meyronnet-St-Bf arc  Bull.  n.  AO. 
^  Casa.  28  juio  1856,  à  notre  rapp.  Bail.  o.  228. 

*  Cai.  28  mars  1827,  rapp.  M.  Mangin.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  287  i  16  aepL 
«881,  rapp.  If.  OUifier,  U  XXIV,  p.  245;  11  JoUI.  1889,  rapp.  M.  Isambcrt. 
Bail.  n.  221. 

*  Caaa.  11  déc.  1824,  rapp.  de  Bernard.  J.  P.,  U  XVIII,  p.  121L 

^  Ca».  18  ami  1812,  rapp.  If.  Ghasie.  J.  P.,  U  X,  p.  812  ;  1  août  1816, 
rapp.  M.  RuUnd,  t  XIII,  p.  575;  20  wpt.  1821,  rapp.  M.  Bailly,  t.  XVI, 
p.  902  ;  17  déc  1845,  rapp.  If.  Brenon  BolL  n.  866. 


74C  fiM  flOUU  D*AlBlfllt« 

Il  faut  décider  également  que  la  mention  da  aerment  des 
témoidB  entendus  dans  la  deuxième  $éance  ne  saurait  enve- 
lopper les  témoins  entendus  la  veille  ;  car  chaque  séance  vent 
un  procès-verbal  séparé  dont  les  constatations  né  peuTeat 
s'appliquer  qu'aux  formalités  qui  s^y  accomplissent  ^  Il  faut 
cependant  excepter  le  cas  où  le  second  procès-verbal  se  rëlS- 
Ferait  formellement  au  premier.  Ainsi,  si  le  procès-verbal  de 
la  deuxième  séance  mentionne,  après  avoir  rehté  celui  de  la 
veille,  «  que  les  autres  témoins  ont  été  entendus  sous  la  fc» 
du  serment  et  sous  Tobservation  des  formalités  ci-dessos 
énoncées,  »  on  doit  reconnaître  c  que  cette  déclaration  con- 
state clairement  et  explicitement  que  les  dispositrons  de  ces 
témoins  ont  étc  recueillies  dans  la  même  forme  et  avec  les 
mêmes  solennités  que  celles  des  témoins  entendus  le  premier 
jour  des  débats  \  »  Mais  il  ne  sufiQrait  pas  de  déclarer  que  les 
témoins  non  encore  entendus  c  ont  été  introduits,  comme  il 
est  dit  plus  haut,  et  ont  déposé  ';  »  car  cette  mention  est 
muette  sur  la  formalité  du  serment. 

L'art.  817  s'applique  aux  témoins  produits  par  Taccnsé 
comme  à  ceux  produits  par  le  ministère  public  ^.  Le  serment  de 
ees  témoins  doit  donc  être  constaté  dans  les  mêmes  termes  et 
avec  la  même  rigueur  ^.  La  question  s'est  élevée  dans  une 
espèce  de  savoir  s*ii  suffisait  que  le  procès-verbal  eût  dit  :  «  les 
témoins  de  justification  ont  été  entendus  exactement  de  la  même 
manière  que  les  témoins  a  charge.  »  La  difficulté  venait  de 
ce  que  les  constatations  par  relation  à  une  autrq  n'offrent  pas 
en  général  un  degré  sultisant  de  certitude.  Il  a  été  jugé  que, 
bien  que  ces  sortes  de  formules  soient  irrégulières,  elles  doi- 
vent suffire  néanmoins  quand  elles  ne  font  naître  auctia  doate, 
et  le  pourvoi  a  été  rejeté  ^.11  suffirait,  à  plus  forte  raison,  que 
le  procès-verbal  eût  constaté  «  que,  relativement  aux  témoins 
à  décharge,  les  formalités  de  l'art.  317  ont  été  remplies  ?.  » 

*  Casa.  8  Janr.  iSiS,  rapp,  M.  ÂumoQL  J.  P.,  t  X»  p.  8  ;  Si  mal  iSlS,' 
ititaferapp.  UX,  p.  4iS;  8S  juill.  i8i2,L  X,  p.  606;  iS  sept  iSlS,  tX, 
p.  72i;»  jiiîU.  iSid»  raiip.  M.  Oadart,  t.  XI,  p.  53  j  ;  8  fér.  iSU,  rapp*  ■• 
Vkntfoulba,  t.  Xll,  p.  75;  16  marà  1815,  rdpp.  M.  Busschop,  U  XH»  p.  657; 
15  mars  1622,  rapp.  M.  Basire,  U  XViU,  p.  Idl . 

'  CaMi  16  dèc,.'i852,  rapp.  M.  Aiig.  Moreau.  ButU  D.  607. 
'  Cass.  5  juilU  164^,  rapp.  NL  de  Bojssieux.  BulU  n.  146^ 

*  Cass.  ^  oct.  I8l7,  ràpp.  M.  Leboulour.  J.  P.  t.  XIV,  p.  474. 

^  Gass.  12  jdia  1812,  rapp.  fit.  ÂUmoDt.  Jj  P.,  L  X,  p.  464;  18  cet  1826, 
rapp.  M.  OUivier,  U  X^  p.  ^85  ;  1  av.  1658,  ra^p.  M.  Rives.  BuU.  d.  114. 

*  Gas^  5  Juin  1856,  rapp.  M.  V.FoucIfer,  dod  imprimé. 

7  MerliD,  Rèp.,  f« Serment.  S  9i  n.  ;!  ;  Jousse,  U  2,  p.  91, 


AVBinoii  DIS  TiHOiM.  }  699.  747 

y.  En  général,  la  fornie  en  «ennent  consiste  à  dire,  en 
levant  la  main  droite,  je  jure  de  faire  ou  de  dire  telle  ckoae  '• 
L'art.  312  a  expressément  maintenu  cette  forme  relativement 
aux  jurés;  mais  ce  n'est  point  là  une  forme  substantielle,  et 
dans  une  espèce  où  d'ailleurs  le  témoin  était  estropié,  il  a  été 
reconhu  «  qu'aucune  disposition  de  l'art.  817  n'ei^ige  qu'en 
prêtant  le  serment  prescrit^  le  témoin  lève  la  main  droite;  que 
si  d'autres  textes  et  TUsage  opt  attaché  quelque  solennité  à 
cet  acte  de  la  part  de  celui  appelé  à  prêter  un  serment,  on  peut 
d'autant  moins  induire  de  son  omission  un  moyen  de  nullité 
que,  dans  Tespèce,  le  témoin  était  privé  de  son  bras  droit  \  » 

Le  président  prononce  la  formule  du  serment,  et  chaque 
témoin  doit  repondre  «  je  le  jure.  »  Cependant  une  simple  af- 
firmation suffirait  s'il  était  auihentiquement  constaté  «  que 
la  formule  vous  jurez  se  trouvait  dans  Tinterpellation  faite  à 
chacun  des  témoins  par  le  président  et  que  la  réponse  des  té- 
moins reproduisait  implicitement  la  formule  sacramentelle'.  » 

Si  les  témoins  ne  parlent  pas  la  langue  française  ou  s'ils 
sont  sourds-muets,  ils  prêtent  serment  par  l'organe  de  Fin* 
terprète  ou  de  la  personne  qui  a  le  plus  d'habitude  de  camer 
avec  eux,  et  après  que  la  formule  leur  a  été  traduite  *.  Nous 
avons  expliqué  les  dispositions  relatives  à  l'assistance  des  in- 
terprètes *• 

Les  règles  qui  précèdent,  quoique  généralemeiit  absolues, 
.  admetteiit  cependant  dans  leur  application  quelques  restric- 
tions qu'il  importe  de  noter. 

Bt  d'abord  lorsqu'un  témoin  est  appelé  plusieurs  fois  dans 
le  cours  d'un  même  débat  à  prendre  la  parole  pour  expliquer 
oa  pour  compléter  ses  premières  déclilratiôns,  il  n'est  pas  né- 
cessaire qu'il  renouvelle  chaque  fois  le  serment  qu'il  a  prêté 
avant  de  commencer  sa  déposition  :  ce  serment  s'étend  à  toute 
cette  dépositioD,  et,  par  conséquent,  à  toutes  les  déclarations 
ou  réponses  qu'il  est  appelé  à  faire,  et  qui  n'en  sont  que  la 
suite  et  la  continuation.  Il  a  été  jugé  dans  ce  sens  «  que  le 
serment  s'applique  à  toutes  les  parties  des  déclarations  faites 
pendant  le  cours  des  débats»  et  qu'il  n'existe  aucune  disposi- 
tion de  loi  qui  impose  au  président  Tobligation  d'en  prévenir 


*  Gass.  6  sept  1889,  npp*  M.  Rocher.  Bail.  n.  S98. 

*  Gass.  8  ocU  1840,  rapp.  M.  Romiguières.  Bull.  n.  199. 
»  Gass:  2  sept  t85f  •  ivpp.  M.  IsdtiibiBrt:  Bail.  D4  807. 

*  Gass.  ik  sept  i84S/rapp.  M.  Meyronnet-St-Marc.  Bull.  D«  Ht» 

*  Voy.  «t.|irà,  p.  628  et  suJt, 


74S  DM  QOVftg  D'AMMIi. 

les  Mmoinf  à  chaqoe  nouvelle  interpellation  ^  n  Ainsi,  les  té^ 
moins  qui  ont  été  chargés,  après  avoir  déposé,  d'une  exper- 
tise et  qui  viennent  donner  ensuite  à  Taudience  de  nouvelles 
explications,  peuvent  les  fournir  sous  la  foi  du  serment  qui  les 
liait  *;  mais  à  la  condition  toutefois  qu'ils  auront,donné  ces 
explications  comme  témoins,  et  non  pour  rendre  compte  de 
la  mission  qui  leur  a  été  confiée  '. 

y.  La  loi  a  admis  ensuite  une  exception  en  ce  qui  cod- 
cerne  les  mineurs  de  quinze  ans.  L^art.  79 ,  qui  n^a  fait,  comme 
on  Ta  déjà  vu  ^,  que  reproduire  sinon  les  termes,  du  moins  le 
sens  de  l'art.  5  du  tit  YI  de  Tord,  de  1670,  porte  que  c  les 
mineurs  de  Fun  et  de  Tautre  sexe,  au-dessous  de  Tàge  de 
quinze  ans»  pourront  être  entendus  par  forme  de  déclaration 
et  sans  prestation  de  serment.  » 

Cette  disposition,  quoique  placée  au  chapitre  de  rînstni&- 
tion  écrite,  s'applique  également  aux  débats,  car  le  degré  de 
certitude  que  peut  fournir  le  témoignage  des  enfants  ne  peut 
donner  lieu  à  deux  régies  différentes.  La  Cour  de  caasatioo, 
qui  avait  d'abord  hésité  à  faire  cette  application  ^,  en  a  fait 
une  règle  générale  par  un  arrêt  des  chambres  réunies  qui  dé- 
clare a  que  si  la  disposition  de  Tart.  317  est  générale,  elleesl 
néanmoins  subordonnée  dans  son  exécution  au  principe  eoii- 
sacré  par  Kart.  79,  qui  s'applique  à  Taudition  des  témoiiis 
dans  les  débats,  comme  à  celle  qui  a  lieu  dans  la  première 
instruction ,  et  que,  d'après  ledit  art  79 ,  les  enfants  de  moins  de 
quinze  ans  ne  doivent  être  entendus  que  par  forme  de  décla- 
ration, sans  prestation  de  serment,  et  pour  donner  à  la  justice 
de  simples  renseignements^.  » 

Mais  cette  exception,  ainsi  que  l'indiquent  les  termes  de 
Tart  79j  est  purement  facultative.  Il  appartient  au  prési- 
dent ,  d'après  le  degré  de  discernement  qu'il  suppose  à  Ten- 
fant  y  de  le  soumettre  à  la  prestation  de  serment  ou  de  l'en 


*  Cass.  10  jaofier  lS5i,  rapp.  M.  de  Glos.  Bail.  n.  17. 

*  Gass.  17  janv.  1851,  rapp.  M.  JacquinoU  BalL  ■•  S7« 
'  Casi«  si  août  1835,  rapp»  M.  Fréteau.  BiiU.  n.  825. 
«Voy.  L  V,p.  508. 

*  Gass.  7  féf.  et  A  Jnio  1812,  rapp»  MM.  RaUod  et  Aonioot.  j;  P.»  t  X, 
p.  105et44S* 

*  Gass.  ch.  réun.,  8  déc.  1813,  rapp.  M.  Aamont  J.  P.,  U  X,  p,  SS7;  < 
oct.  1857,  rapp.  M.  Caussin  de  Peroefai.  Bttil.o.  855. 


AfrMTHni  ras  HÉmtm,  f  (K39,  749 

affraDcbir  :  cVst  une  conséquence  du  pouvoir  de  direction 
des  débats  que  la  loi  lui  a  donné.  Il  a  Âé  jugé  dans  ce  sens 
«  que  cette  eiception,  d'après  ses  termes  mêmes,  loin  d*è(rc 
impérative  et  absolue  y  est  purement  facultative  ;  que  la  loi 
s*eD  remet  entièrement  à  cet  égard  à  la  prudence  et  à  la  dis- 
crétion du  magistrat  qui ,  selon  Tige  plus  ou  moins  avancé  de 
l'enbnt  et  son  degré  dMntelligence  y  de  discernement  et  d'é- 
ducation y  lui  fera  prêter  serment  ou  l'en  dispensera,  sans  que 
jamais  et  dans  aucun  cas,  la  prestation  comme  le  défaut  de 
prestation  du  serment»  puisse  donner  ouverture  à  cassa- 
tion'. »  Il  ne  peut  doncy  avoir  de  nullité  que  lorsque  Ten- 
fant ,  entendu  sans  prestation  de  serment,  avait»  au  moment 
de  sa  déposition,  plus  de  quinze  ans  accomplis  ;  car  Fart.  79  ne 
s'applique  qu'aux  enfants  au-dessous  de  cet  âge*.  Mais  suffit- 
il  ,  pour  que  cette  nullité  soit  encourue,  que  l'âge  de  plus  de 
quinze  ans  du  témoin  soit  établi  postérieurement  aux  débats  ? 
Oui ,  si  son  acte  de  naissance  est  joint  aux  pièces  de  la  procé-- 
dure  ou  si  lesénonciationsoontenuesdanscespiècesmettaientla 
Cour  d'assises  à  même  de  vérifier  l'âge  ;  car  alors  l'audition  sans 
serment  a  eu  lieu  au  mépris  de  faits  qu'elle  a  pu  constater  *. 
Ii(on,  si  aucune  pièce  de  la  procédure  au  moment  des  débats  ne 
désignait  l'âge  réel  du  témoin,  et  si,  lorsqu'il  a  déclaré  être  âgé 
de  moins  de  quinze  ans,  cette  déclaration  n'a  été  l'objet  d'au- 
cune contestation  ou  réclamation ,  soit  de  la  part  de  Taccusé» 
soit  de  la  part  du  ministère  public»  car  lorsque  la  Cour  d'assises 
n'a  été  mise  en  situation  ni  de  vérifier  l'âge  du  témoin  »  ni  de 
statuer  sur  une  contestation  relative  à  cet  âge,  la  Cour  de  cassa- 
tion ,  en  présence  d'une  déclaration  précise  et  non  contestée 
sur  l'âge  du  témoin»  ne  peut  relever  aucune  violation  de  la  loi  *. 
Le  président  doit*il  »  lorsqu'un  enfant  est  entendu  sans  pres- 
tation de  serment  »  avertir  le  jury  que  sa  déposition  n'a  que 
la  valeur  d'un  simple  renseignement?  Il  le  doit  sans  aucun 
àoute»  car  son  devoir  est  d'éclairer  le  jury  sur  la  valeur  des 

*  Cass.  8  mars  i888,  tvpp.  M.  Meyronnet-St-Marc  J.  P.,  à  sa  dalé|  el  conC 
3  îaiiT.  iSiS,  rapp.  M.  OUivier,  J.  P.,  U  XIV,  p  558;  27  avril  1SS7,  rapp. 
M.  Brière  UXXI,  p.  8S7|  46  jailL  1885,  rapp.  II^Meyronnet-SUMarc,  Bull, 
n.  JOJ;  6  ocl.  484J,  mêmerapp.  lU  360. 

*  Cass.  48  mai  1848,  rapp.  M.  Brière-Valigny.  Bail.  n.  150. 

*  Casa.  15  nov.  1888,  rapp.  M.  ChauTeau-Lagarde.  J.  P.,  U  XX?»  p.  941; 
S6  déc  1851,  rapp.  M.  Aug.  Moreau.  Bull.  n.  589  ;  8  dèc  1853,  lapp.  IC* 
Ajliee.n.  886;  9  aoùtl855,  rapp.  M.  Plougoalm»  o.  383. 

«  Cass.  3  sept.  1843»  rapp.  Bl.  Bresson.  ButL  ii.  339  ;  19  fér.  1807,  rapp 
M.  ialloii.  n.  70. 


7SN)  DB8  CODIB  d'aS^IW. 

preuves  qui  lont  produites  défaut  lui  K  Mail  il  ue  rétultmit 
aucaae  nullité  de  ee  que  cet  ayerUiseineut  ne  aérait  pai  re- 
laté dang  le  proeès-^yerbal ,  «  attendu  qu'aucun  artiele  da 
Gode  n'oblige  ce  magistrat  à  donner  cet  ayertittement  et  qoe 
par  le  seul  (ait  qa^un  enfant  est  entendu  en  témoignage  sus 
prestation  de  serment,  le  jury  est  saflisaminent  averti  qu'il  ne 
doit  pas  ajouter  à  la  déposition  de  cet  enjfant  le  même  deffé 
de  confianee  *•  a  Ge  dernier  motif ,  qui  s^appliquerait  atw 
bleu  à  toutes  les  déelarations  entendues  sans  serment,  ya  m- 
deHineqt  trèp  loin  »  car  il  faudrait  déclarer  dans  tous  1^  cis 
inutiles  tous  les  ayertissements  qui  sont  donnés  à  cet  égard  ta 

YIL  Une  Mitre  exception,  admise  par  la  jurisp  rodence,  est 
fondée  suf  le  principe  de  la  liberté  des  cultes.  U  a  été  reoomia 
«  que  )a  garantie  du  serment  ne  peut  être  refusée  à  la  justice, 
i  moins  que  les  principes  du  culte  religieux  des  témotK  oe 
s'y  opposait  K  » 

Cbaque  témoin  doit  être  admis  &  prêter  serment  soiyantlt 
forme  établie  par  la  religion  qu'il  professe ^  car  loi  imposer 
une  Ibrme  que  sa  conscience  repousse  serait  d'une  part  on 
acte  d'oppression,  et  d'une  autre  part  lui  demander  un  gage 
peu  solide  de  sa  foi.  Cette  règle,  que  la  loi  romaine  aTik 
déjà  posée  ^,  est  donc  à  la  fois  un  corollaire  des  principes  de 
la  liberté  des  cultes  et  un  corollaire  du  principe  qui  yeut  un 
serment  sérieux  et  qui  lie  la  conscience  du  témoin.  Elle  a  été 
consacrée  par  la  jurisprudence  qui  a  déclaré  «  que  le  sermeot 
étant  un  acte  religieux  doit  être  prêté  suivant  le  rite  partice- 
lier  au  culte  de  chaque  témoin  ^.  » 

U  en  résulte  que  les  témoins  qui  professent  une  autre  ré- 
gion peuvent  demander  à  être  admis  au  serment  suiyant  le 
rite  prescrit  par  leur  culte.  Ge  point  a  été  consacré  par  ]do- 
sieurs  arrêts  en  ce  qui  concerne  le  serment  prêté  moreju- 
daïco  ^,  U  a  été  consacré  en  ce  qui  concerne  le  culte  mabo- 
Ôuste  par  un  arrêt  qui  porte  ;  «  que  les  divonstanees  que  le 

*  Cass.  n  déc  iSAO,  ^p.  M.  Dehaus«y.  BulLn.  363. 
»Cas8.  i5«frill8M,  rapp.M.  Meyronnet-St-Marc.  BuU.  su  97, 
A  ^^}  ^^'i*  *®*2,  rapp.  M.  Aumont.  J.  P.,  UX,  p.  285, 

•  Wp.  1'.  5,  S  1  et  3,  Dig.  De  jurejurando, 

Çass,  12  juUl.  1810.  De?,  et  Car.  Coll.  nouv.  IH,  p.  212;  etoôoit  Ver- 

?iT  I%Ï,^™^°^.S*'  "••^  ;  Legraverend,  1. 1,  p.  274  ;  Garnol.  Inst.  a^ 
ti  II,  p*  342;  Bourguignon,  U  I,  p.  183. 

•CMfca4décm2.j.p,,t,x,p,s305i8ia,  uxi,p,i4«. 


AUDITION  DBS  iTÉHOUIS.  {    639.  751 

serment  a  été  prêté  par  le  témoin  la  main  posée  sur  le  Coran, 
dans  la  forme  usitée  chez  les  mahométans  et  par  devant  Tâs* 
sesseur  musulman, -sont  des  circonstances  purement  acces- 
soires aux  yeui  de  la  loi  française;  qu'elles  ne  peuvent  altérer 
la  régularité  intrinsèque  du  serment  prêté  dans  la  fornàOy  daiis 
le  lieu  et  devant  les  magistrats  que  la  loi  détermine  '.  »  Il  9 
été  encore  consacré  en  ce  qui  concerne  les  quakers,  par  un 
arrêt  rendu  en  matière  civile  qui  porte  :  «  que  la  liberté  des 
cultes  est  garantie  par  les  lois  du  royaume  à  tous  ceux  qui  ha- 
bitent son  territoire;  qu'il  est  universellement  reconnu  que 
la  religion  reconnue  sous  le  nom  de  quakérisme  interdit  â  ses 
sectateurs  de  jurer  au  nom  de  Dieu,  et  ne  leur  permet  pas  do 
prêter  d'autres  serments  que  d'affirmer  en  leur  âme  et  con- 
science; qu'il  est  reconnu  que  le  témoin  est  un  sectateur  çi^ 
cette  religion  ;  d'où  résulte  que  l'arrêt  attaqué  en  décidant 
que  l'affirmation  prêtée  par  ce  témoin  était  un  véritable  ser- 
ment, n'a  pu  violer  les  articles  du  Gode  civi),  qui  n'a  pas  pres- 
crit de  formes  particulières  pour  cet  acte  religieux  '.  » 

Mais,  si  les  témoins  qui  professent  un  autre  culte  ont  le 
droit  de  prêter  serment  suivant  les  rites  de  leur  culte,  faut^il 
en  conclure  que  ces  témoins  ne  peuvent  prêter  un  autre  ser- 
ment que  celui-là,  et  qu'ils  ne  pourraient  prêter  le  serment 
ordinaire  ?  Cette  question,  fort  débattue  en  matière  civile^,  n'a 
soulevé  que  de  faibles  objections  en  matière  criminelle,  et  il 
a  été  reconnu  par  plusieurs  arrêts  :  «  que  tous  M  Français 
sont   égaux  devant  la  loi,  et  qu'où  ne  peut»  sans  violer  la 
liberté  de  conscience  garantie  par  la  loi,  imposer  à  personne 
une  formule  de  serment  autre  que  celle  établie  par  la  loi  ; 
que  la  formule  de  ce  serment  qui  consiste  à  jurer,  de  parler 
sans  haiae...  et  qui  s'identifie  avec  celui  de  l'article  312,  est 
faite. en  présence  de  la  Divinité,  et  que  la  violation  de  ce  ser- 
ment constitue  un  parjure  puni  parle  Code  pénal  ;  qu'elle  lie 
donc  la  conscience  des  Français  professant  le  culte  israélite 
co  mme  celle  de  ceux  qui  professent  les  autres  cultes  légale- 
ment établis,  et  que,  dans  Tçspéce,  le  témoin,  en  refusant  de 
s'expliquer  sur  son  culte  et  en  prêtant  volontairement  le  ser- 
ment de  l'article  317,  à  l'exclusion  du  serment  morejudaïco. 


*  GttBS.  i6  iév.  1888,  ra|ip.  M.  Iférilbocu  rapp.  a.  42* 

*  Cass,  28  mars  iSiO.  h  P.,  L  VIU»  p.  2i3U 

'  Touiller,  t.  X,  n.  di2  et  suIt.;  DuraDloD,  L  XIU,  A»  {>jtô«  Favard  dl 
LangUide»  Vt  S^nuent  judiciaire,  aeit»  9|  S 1»  n*  29» 


7i(S  ht$  COURS  9*At8Ut». 

a  usé  de  son  Jroit  et  a  satisbit  aux  prescriptions  Jk  fa  fol  '.  > 
Ainsi,  la  procédure  est  régulière  soit  que  le  témoin  ait 
suivi  les  formes  et  les  rites  particuliers  à  son  culte,  soit  qu'il 
ait  suivi  les  formes  prescrites  par  le  Gode.  Dans  le  premier 
cas,  le  principe  de  la  liberté  des  cultes  exige  que  le  témoia 
soit  libre  de  suivre  les  pratiques  de  sa  religion  ;  dans  le  second 
la  justice  est  satisfaite  puisque  la  loi  a  été  exactement  appli* 
quée,  et  il  serait  d*ailleurs  contraire  encore  à  la  liberté  de 
conscience  de  scruter  les  opinions  religieuses  d'un  témoin 
pour  lui  imposer  telle  ou  telle  forme  de  serment  Ce  que 
Yeut  la  loi,  c*est  une  garantie  plus  forte  de  la  vérité  des  dé- 
positions que  celle  que  pourrait  offrir  une  simple  affirmation  ; 
or,  elle  trouve  cette  garantie  soit  dans  les  formes  qu'elle  a 

Erescrites  pour  tous  les  citoyens  sans  exception,  soit  dans  les 
)rmes  spéciales  que  quelques  sectes  religieuses  emploient 
Il  est  seulement  nécessaire,  lorsque  les  formes  sont  appliquées, 
de  constater  que  le  témoin  qui  s^en  est  servi  appartenait  aa 
culte  qui  les  a  adoptées;  car  c'est  ce  fait  qui  constitue  toale 
la  légitimité  des  serments  spéciaux. 

S  640. 

h  Forme  delà  déposition,  — II.  Les  témoins  déposent  séparément.— 
III.  Oralement.  —  IV.  Sans  interruption.  — '^  V.  Autres  règles  de 
cette  ma^e. 

I.  Les  témoins,  aussitôt  après  qu'ils  ont  prêté  serment, 
commencent  leur  déposition. 

Cette  déposition  est  soumise  à  plusieurs  règles,  dont  qnel* 
ques-unes  ont  déjà  été  indiquées,  et  qu'on  doit  rappeler  ici. 

H.  L'art.  317  dispose,  en  premier  lieu»  que  «  les  témoins 
déposeront  séparément  Tun  de  Tautre.  »  C'est  là  une  précao- 
tion  qui  a  pour  objet  d'empêcher  que  les  dépositions  soKnt 
influencées  les  unes  par  les  autres  et  de  conserrer  à  chacune 
son  caractère  propre  et  sa  spontanéité. 

Ce  n'est  point  là  toutefois  une  forme  essentielle  de  la  pro- 
cédure, et  la  Cour  de  cassation  a  dû  rejeter  les  pourvois  qoi 
s'élajeot  fondés  sur  l'instruction  de  cette  forme  «  attendu  que 

*  Cais.  iSnov.  iS47,  npp»  If.  Isamberl.  Bull.  n.  278  ;  et  emtL  tf  Mi 
182S,  rapfi.  M.  de  Bernard. J.  P. ,  t.  XX»  i»,  488  ;  10  JoBI.  iSlS»  ran,  M.  Ite- 
fiii.UXXII,p.84. 


ADDITION   DU  TÉMOINS.   §   640.  753 

Part.  317  ne  prescrit  à  peine  de  nullité  que  la  prestation  de 
serment  des  témoins,  et  que  cette  peine  n'est  pas  attachée  à 
la  disposition  ordonnant  d'entendie  les  témoins  séparément 
Tun  de  Tautre  '»  .  La  loi  n^a  pas  dû,  en  effet,  prononcer  do 
nullité  dans  ce  cas^  parce  qu'une  règle  absolue  eût  pu  devenir 
une  entrave  à  la  découverte  de  la  vérité;  elle  en  a  conRé 
Tapplication  à  la  prudence  de  la  Cour  d'assises.  Il  n'est  donc 
pas  interdit  d'entendre  deux  ou  plusieurs  témoins  simultané- 
ment, lorsque  les  circonstances  paraissent  Texigcr;  *  etd'ai'- 
leurs  la  règle  qui  Veut  qu^ils  soient  entendus  séparément  ne 
se.  rapporte  qu'à  leur  déposition  ;  car  nous  verrons  tout  à 
rbcure  que  l'art.  326  autorise  expressément,  sur  la  demande 
des  parties,  cette  audition  simultanée,  mais  seulement  après 
l'audition  individuelle. 

Cependant  les  parties  pourraient  puiser  dans  Fart.  317  le 
droit  de  réclamer,  si  Paudition  simultanée  n'était  pas  motivée 
par  les  circonstances  ou  si  elle  leur  semblait  porter  préjudice 
aux  intérêts  de  la  justice;  et  il  devrait  être  statué  sur  cette 
rcclamalion  '• 

111.  L'art.  317  dispose,  en  second  lieu,  que  «  les  témoins 
déposeront  oralement.  » 

Nous  avons  déjà  examiné  cette  règle  en  exposant  les  for- 
mes générales  de  la  procédure  des  assises  ^,  et  nous  avons 
également  mentionné  les  exceptions  qui  lui  ont  été  apportées 
cil  faveur  de  certains  fonctionnaires  ^  et  des  militaires  en  acti- 
vité de  service  *.  . 

lY .  L'art.  319  dispose,  en  troisième  lieu,  que  «  le  témoin 
ne  pourra  être  interrompu.  »  Toute  interruption,  en  effet, 
peut  troubler  l'ordre  des  idées  du  témoin  et  gêner  la  sponta- 
néité de  sa  déposition.  Il  est  libre  de  faire  ses  déclarations 
comme  il  l'entend  et  son  droit  doit  être  protégé.  Le  président 
ne  doit  donc  permettre,  aucune  interpellation  avant  que  la 


*  Cass.  16  avri!1818,  rapp.  M.OUivier.  J.  P.,  t.  XIV,  0.  756  ;  19  août  1819, 
rapp.  M.  Giiaud,  t.  XV,  p,  501  ;  3  avril  et  29  mai  iB40,  rapp.  M.  Mérilliou 
CL  AI.  Ddiaussy.  Jouro.  cr.  t.  XHI,  p.  179. 

*  Cass.  15  déc.  1832,  rapp.  M.  Rives.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  1659. 
"  Cass.  3  janvier  1833,  rapp.  M.  OUivicr.  J.  P,,  !•  XXV,  p.  6. 

*  Voy.  supràt  p.  594  et  suiv. 

*  Voy.  supràj  p.  717. 

*  Voy.  supràf  p»  731. 

vu.-.  48 


■JK4  DBS  COURS  D^ÀSSISES. 

déposition  ne  soit  achevée,  et  il  doit  lui-même  se  garda  soi- 
gneusement d'y  mêler  aucune  observation  qui  ne  soit  pas 
strictement  nécessaire '.         ...  , 

Il  a  été  iujté,  sous  le  Code  du  3  brumaire  an  iv,  «  que  lors- 
que des  témoins  désignés  par  l'accusé  ont  été  produite  et  ciWs, 
l'accusé  les  fait  entendre  sans  que  la  loi  ait  prescrit  de  bornes 
dans  la  latitude  que  chacun  des  témoins  doit  obtenir  pour  s» 
déposition;  que  le  silence  imposé  à  un  témoin  à  1  égard  de 
faite  repris  en  l'acte  d'accusation  ou  de  la  moralité  de  1  accuse, 
neut  nuire  à  sa  légitime  défense,  et  que  ces  actes  d  autorité. 
Bortantdes  bornes  du  pouvoir  discrétionnaire,  sont  une.usur- 
nation  de  pouvoir  *.  »  La  même  doctrine  serait  encore  appli- 
cable, pourvu  que  la  défense,  par  des  conclusions  expresses, 
eût  réSé  coAtre  l'abus  de  pouvoir  et  l'eût  fait  consUlet 
dans  le  procès-verbal.  Il  faut  ajouter  cependant  que  si  le 
président  ne  peut  interrompre  le  témoin  quand  il  dépose, 
ïomme  l'arrêt  le  constate,  sur  les  faite  de  l'accusation  ou  la 
moralité  de  l'accusé,  il  peut  l'arrêter  quand  il  sort  du  sujet 
des  débate  et  se  livre  à  d'inutiles  divagations.  C  est  dans  « 
sens  qu'il  faut  entendre  un  arrêt  qui  décide  «  que  'e  préa- 
denl  en  invitant  les  témoins  à  se  renfermer  dans  1  objet  de 
l'accîisation  et  à  en  écarter  tous  les  faite  qui  lui  sont  étran- 
gers, a  exercé  un  droit  et  rempli  une  obligation  qm  lui  éUrt 

^'MSsTc'taut-i  entendre  par  les  faite  étrangers  à  l'accusa- 
tion? Dans  un  procès  de  presse,  un  témoin  avait  dit  :  <  Si  je 
ne  dois  dire  que  ce  qui,est  à  ma  connaissance  personnelle,  je 
S-ai  plus  rien  à  déclarer.  Mais  s'il-m'esl  permis  de  déposer 
sur  Jes  bruite  généraux,  j'en  connais  qui  m  ont  >nsp.réde  U 
confiance.  »  Le  président  ayant  déclaré  qu'il  ne  l  interpelle- 
rait oas  sur  ce  point,  des  conclusions  furent  posées  et  un  arrM 
intervint  portant  que  le  témoin  continuerait  sa  déposition,  en 
tant  Qu'elle  porterait  sur  des  faite  positifs,  et  non  surdespro- 
S)s  et  conversations  qui  n'émaneraient  pas  d'une  pei^mc 
«Décialement  désignée.  Le  pourvoi  formé  contre  cet  arrêta 
été  reS  :  «  Attendu  qu'en  écartant  de  la  déposrtionda 
témoin  seulement  les  bruite  vagues  qui,  n'émanant  d  aucune 
personne  déterminée,  ne  pouvaient  donner  lieu  d  espéttr 

•  Cent  Camot,  Inst.  cr.,  t  II,  ^  «9.  .,„-,, 

»  Cas».  «  ttita.  an  xi,rapp.  M.  Borel,  /•?•»»•"{;  P*  "•  , 

•  cm.  18  sept.  1829,  rapp.  M.  Gary.  J.  P.,  t  XXU,  p.  1455. 

» 


AUDITION  »IS  TÉMOIHt.  §  6iO.  7S5 

plus  de  certitude  dans  les  résultats,  le  président  et  la  Goor 
d'assises  n'ont  pas  eicédé  le  pouvoir  que  leor  conrére  l'arti- 
cle 270  et  qu'aucane  entrave  n*a  été  apportée  aux  droits  de 
la  défense  ^  >  Cet  arrêt  ne  fait  que  maintenir  une  distinction 
que  posait  Tancienoe  jurisprudence  entre  les  bruits  vagues  et 
les  ouï-dire  :  les  bruits  vagues,  quand  le  témoin  ne  les  fait 
remonter  à  aucune  source  certaine,  ne  sont  point  écoutés  en 
justice  :  Vanœ  voces  populi  non  sunt  audiendœ  *.  Les  oui- 
dire,  au  contraire,  quand  le  témoin  indique  la  personne  dont 
il  les  tient,  servent  à  former  des  indices  et  présomptions;  et 
s'ils  sont  joints  à  d'autres  indices,  peuvent  étresuffisants  pour 
former  une  preuve  *.  Il  n'est  donc  pas  permis  de  les  écarter. 
Ce  n'est,  au  reste,  qu'avec  beaucoup  de  discrétion  que  le 
président  doit  interrompre  le  témoin  pour  lui  faire  observer 
qu'il  s'écarte  de  l'objet  de  la  déposition.  Il  y  a  des  esprits 
qui  ne  peuvent  arriver  au  but  qu'à  travers  des  détours,  et  il 
nefâut  pas  contrarier  leurs  allures.  II  y  a  des  circonstances 
ensuite  qui  semblent  au  premier  moment  étrangères  à  Taccu- 
sation  et  qui  s'y  rattachent  par  des  rapports  que  le  témoin  a 
omis  d'indiquer.  Enfin,  il  importe,  aux  yeux  de  la  défense 
.  comme  aux  yeux  du  public,  de  laisser  au  témoin  sa  liberté 
et  ce  n'est  qu'au  cas  où  il  en  abuse  évidemment  qu'il  y  a  lieu 
d'exercer  la  faculté  que  l'art.  270  a  réservée  à  ce  magistrat. 

Y.  Les  témoins  doivent  être  entendus  dans  leur  déposition 
et  non  point  interrogés.  Nous  avons  déjà  établi  cette  distinc- 
tion ^,  qui  est  conforme  aux  textes  du  Gode,  puisque  tous  les 
articles  qui  se  réfèrent  aux  témoins ,  et  notamment  les  arti- 
cles 315,  321,  322,  323  et  32&,  portent  qu'ils  sont  entendus 
dans  leur  déposition. 

Cependant  si,  lorsque  le  témoin  déclare  avoir  dit  ce  qu'il 
avait  à  dire,-  le  président  s'aperçoit  que  la  déposition  n'est  pas 
complète,  ou  n'est  pas  suOisamment  claire,  il  peut^  avant 
Fexamen  de  cette  déposition,  lui  venir  en  aide,  non  en  lui 
suggérant  ce  qu'il  doit  dire,  mais  en  lui  signalant  simplement 
les  circonstances  dont  il  n'a  pas  fait  mention  ou  qu'il  a  obscu- 
rément rapportées.  Car,  s'il  importe  que  le  témoignage  soit 


*  Cass.  16  déc  1831,  rapp.  M.  de  Graasdlhei.  J.  P.,  t«  XXIV,  p.  àôO. 
s  L.  12  Coâ.depœiii8, 

'  Voy.  t.  V,  p.  611  ;  et  Farioadus,  quxst.  69»  n.  20  et  509. 

*  Voy.  t  T,  p.  606. 


756  DES  COURS   D*ASSISB8. 

libre  et  spontané,  il  faut  en  même  temps  qu^il  soit  énoncé  en 
termes  intelligibles  et  non  équivoques;  il  Taut  surtout  que  les 
témoins  rendent  raison  de  leur  iémoignagej  suivant  l'expres- 
sion (le  Tarticle  15  de  Tord,  de  mars  1&.98,  c'est-à-Hiire  qu'ils 
déclarent  comment  ils  ont  eu  connaissance  du  fait  dont  ils 


S  6AI. 

I.  Examen  des  témoins. —11  Interpellations  du  président. —  III.  Ques- 
tions des  parties  aux  témoins.  —  IV.  Demandes  d^éclaircissemeot. 
—  V.  Gonfronuitions. 

I.  Après  que  chaque  témoin  a  terminé  sa  déposition  spon- 
tanée, commence  ce  que  Tart.  316  appelle  Tezamen  du  té- 
moin, c'est-à-dire  la  discussion  de  son  témoignage. 

IL  Le  président  doit  d'abord  constater  l'application  du  té- 
moignage à  Taccusé. 

L'art.  319  porte  :  «  Après  chaque  déposition,  le  président 
demandera  au  témoin  si  c'est  de  l'accusé  prissent  qu'il  a 
entendu  parler.  » 

Cette  interpellation,  quoique  nécessaire,  n'est  pas  prescrite 
à  peine  do  nullité  %  et  la  Cour  de  cassation  a  déclaré  «  que 
s'il  est  utile  que  le  présidept  se  conforme  aux  prescriptions  de 
l'art.  319,  puisqu'elles  ont  pour  objet  de  prévenir  toute  équi- 
voque de  la  part  du  témoin  dans  la  déposition  qu'il  vient  de 
faire,  néanmoins  l'observation  de  cette  prescription  n'est  pas 
ordonnée  par  la  loi  à  peine  de  nullité;  que  dès  lors  elle  ne 
saurait,  par  son  omission,  devenir  un  moyen  de  cassation  ••  • 

Le  président  doit  également  faire  représenter,  s'il  y  a  lieu, 
aux  témoins  les  pièces  relatives  au  délit  et  pouvant  servir  à 
conviction  :  telle  est  la  disposition  formelle  de  Tart.  329.  Vais 
cette  seconde  formalité  nest,  pas  plus  que  la  première,  pre- 
scrite à  peine  de  nullité.  C'est  au  président  qu'il  appartient  de 
juger  des  cas  où  son  application  est  nécessaire  *. 

<  Jutius  Clarns,  quaest.  53,  nnm.  S2  ;  Farinacius,  quaesL  70,  n«  14. 

s  Gass.  9  aYril  1818,  rapp.  M.  Lecontour.  Bull.  o.  50  ;  5  fér.  1819^  rap. 
M.  Giraud,  n.  i7;  11  mai  1827,  rapp.  M.  Oliivier,  n.  112;  20  jain  1S29, 
rnpp.  M.  Brière,  n.  140;  8jnill.  j836,  rapp.  M.  Dehaussy,  n.  224;  20  av. 
1638,  rapp.  M.  Rocher,  n.  107;  11  juin  1840,  rapp.  M.  Meyronjiei-St-lfarr. 
D«  168;  22  sept.  1848,  rapp.  M.  Brière  Vaiîgoy,  n.  248. 

<  Cass.  22  juin  1830,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  201. 

*  Cass.  1  mai  et  5  déc.  1852,  rapp.  M.  Qaénault  et  M,  Jalloo,  BaU.  & 
145  et  389. 


AUDITION  D8S  TilOIMS.   $  641 .  757 

III.  Ces  premières  formalités  remplies ,  le  président  doit 
avertir  Taccusé  du  droit  qui  lui  est  donné  de  discuter  le  té- 
moignage. 

L^art.  319  porte  :  «  il  demandera  ensuite  à  Taccusé  s'il  veut 
répondre  à  ce  qui  vient  d'être  dit  contre  lui.  0 

L'avertissement  du  président  n'étant  point  prescrit  à  peine 
de  nullité,  la  jurisprudence  ne  l'a  pas  considéré  comme  une 
formalité  essentielle  et  n'a  attaché  aucune  conséquence  à  An 
omission  ' .  C'est  à  la  sollicitude  du  président  pour  les  intérêts 
de  la  défense  que  son  exécution  est  confiée. 

L'art.  319  ajoute  :  a  Taccusé  ou  son  conseil  pourront 
questionner  le  témoin  par  l'organe  du  président,  après  sa  dé^ 
position^  et  dire,  tant  contre  lui  que  contre  son  témoignage, 
tout  ce  qui  pourra  être  utile  à  la  défense  de  Taccusé.  » 

Il  est  nécessaire»  pourapprécierrétenduede  ce  droit  de  ladé- 
fense»  de  rapprocher  le  texte  de  cet  article  de  l'art.  353  du  C.  du 
3  brumaire  aniv,  dans  lequel  il  a  été  puisé.  Ce  dernier  article 
était  ainsi  conçu  :  c  L'accusé  peut,  par  lui-même  ou  par  ses  con- 
seils, questionner  le  témoin  et  dire,  tant  contre  lui  personnel- 
lement que  contre  son  témoignage ,  tout  ce  qu'il  juge  utile  à 
sa  défense.  »  On  voit  que,  dans  le  système  d<^  cet  article,  l'ac- 
cusé ou  son  conseil  était  le  seul  arbitre  de  l'utilité  et  do  la  con- 
venance des  questions  qu'il  posait  et  des  allégations  qu'il 
émettait;  il  suffisait  qu'il  jugeÂt  ces  questions  et  ces  alléga- 
tions utiles  à  sa  défense  pour  qu'il  exerçât  le  droit  illimité  de 
les  faire  au  témoin  ou  de  les  énoncer  contre  lui.  Notre  Code, 
à  ces  mots  qu'il  a  jugés  trop  étendus,  a  substitué  ceux-ci  : 
«  tout  ce  qui  pourra  être  utile  à  sa  défense.  »  L'accusé  ou 
son  conseil  ne  peut  donc  plus  opposer  au  témoin  tout  ce 
gu'il  juge  utile  à  sa  défense ,  mais  seulement  tout  ce  qui 
pejAt  lui  tire  utile.  Il  suit  de  là  que  son  droit  se  trouve 
circonscrit  dans  de  certaines  limites.  Ces  limites  sont  faciles 
i  poser. 

Toutes  les  fois  que  les  questions  ou  les  observations  de  la 
défense  se  rattachent  soit  aux  faits  de  l'accusation ,  soit  à  la 
moralité  de  l'accusé  ou  des  témoins,  il  y  a  lieu  de  les  admettre; 
car  Tart.  319  autorise  l'accusé  à  dire,  tant  contre  les  témoins 
que  contre  leur  témoignage ,  tout  ce  qui  peut  être  utile  à 
sa  défense.  Cette  règle  a  été  nettement  appliquée  dans  l'es* 
pèce  suivante.  Un  individu,  accusé  du  crime  d'incendie,  avait 

«  Gass*  18  mars  i85S»  rapp.  M.  Dehaassy,  Bail,  n.  99* 


^56  BIB  COURS  D*ASSI8B8. 

demandé  que  les  témoins  qu'il  avait  produits  fossenl  inter- 
rogés sur  la  moralité  de  la  famille  à  laquelle  appartenait  la 
maison  incendiée  et  sur  le  point  de  savoir  si  le  bnst  paMic 
n'accusait  pas  cette  taioillo  d'avoir  mis  le  feu  à  sa  propre 
maison.  La  Cour  d'assises  arait  rejeté  cette  demande  psrce 
.  qu^elle  tendait  à  diffamer  des  témoins  à  charge  et  à  attirer 
sur  eux  la  vindicte  publique.  La  Cour  de  cassation  a  cassé 
cet  arrêt  :  «  attendu  que  les  questions  ou  les  interpellations 
que  l'accusé  demandait  qu^on  adressât  aux  témoios  k  dé- 
charge, si  elles  étaient  de  nature  è  compromettre  les  témoins 
à  charge,  se  rapportaient  à  l'accusation  et  tendaient  i  établir 
-que  l'accusé  n'était  pas  Tauteur  de  rincendie;  que  dés  lors 
1  arrêt  attaqué  n'a  pu  lui  refuser  de  les  adresser  aux  témoios 
sans  restreindre  la  faculté  accordée  aux  accusés  par  Tart.  319 
et  sans  violer  cet  article  \  » 

!^  Ainsi ,  il  importe  pou  que  les  interpellations  aient  pour 
effet  d'attaquer  la  moralité  des  témoins,  si  elles  se  rattachent 
aux  faits  de  Taccusation  ;  il  importe  peu  qu'elles  prenneat 
même,  sinon  dans  la  forme,  au  moins  au  fond,  un  caraclère 
diffamatoire,  si  elles  sont  utiles  A  la  défense.  C'est  ainsi  qu'il 
a  été  reconnu  dans  une  poursuite  pour  outrage  envers  un 
fonctionnaire  public ,  qu'il  devait  être  permis  d^interpeller 
un  témoin  sur  l'état  d^ivrcsse  du  fonctionnaire  au  moment 
de  l'outrage  '.  Il  serait  étrange,  en  effet,  que  des  raisons  de 
convenance  et  d'égards  personnels  pussent  arrêter  des  inter- 
pellations qui  peuvent  conduire  à  la  vérité.  LMntérftt  de  li 
justice  est  le  seul  intérêt  qu'il  faille  consulter.  Les  interpel- 
lations sont  une  voie  d'instruction  y  un  moyen  de  preuve  ;  il 
u'est  pas  plus  permis  de  les  dénier  &  l'accusé  que  de  lui  dé- 
nier le  droit  de  produire  des  témoins  ou  des  pièces.  II  est  re- 
grettable sans  doute  que  le  débat  puisse  froisser  quelques 
personnes  et  dévoiler  quelques  faits  ;  mais  il  serait  plus  re- 
grettable que,  pour  ne  pas  toucher  à  ces  personnes ,  la  jus- 
tice s'ej^posàt  à  ajouter  foi  &  une  déposition  suspecte  ou  in- 
téressée. Le  degré  de  confiance  que  mérite  un  témoignage 
dépend  non-seulement  des  affirmations  au  il  contient  •  mais 
de  la  probité  du  témoin  qui  affirme  :  la  aiscussion  du  témoi- 
gnage emporte  nécessairement  celle  de  la  probité,  et  la  loi 


•  Cass.  18  sept,  i8Si,  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  L  XVIIL  a  4841. 
>  Cour  d  888.  du  Cantal,  16  nov.  1833.  Dali.  85,  J,  160. 


k 


AUDITION  DES  TÉHOINS.   §  641.  759 

Ta  compris  ainsi  lorsqu'elle  a  permis  à  l'accusé  de  tout  dire, 
({ tant  contre  lui  que  contre  son  témoignage.  » 

Mais  il  ne  peut  dire  que  <  ce  qui  peut  être  utile  à  sa  dé- 
fense. »  Ce  n^est  point  là  une  restriction  de  son  droit  qui  de- 
meure absolu  en  tout  ce  qui  peut  servir  à  sa  défense  ;  c'est 
une  régie  de  son  application.  L'accusé  peut  pousser  ses  in- 
terpellations jusqu'à  blesser  les  personnes,  mais  à  la  condi- 
tion qu'elles  soient  utiles  à  sa  cause  ;  il  peut  poser  des  ques- 
tions-qui  entachent  la  moralité  de  tiers  qui  ne  sont  même  pas 
dans  le  procès,  mais  à  la  condition  que  les  questions  se  rat- 
tachent étroitement  aux  faits  du  procès.  C'est  l'intérêt  de  sa 
défense  qui  fait  son  droit  ;  dès  qu'il  n'a  plus ,  soit  pour  l'ap- 
préciation des  faits,  soit  pour  1  appréciation  des  preuves,  un 
motif  qui  puisse  être  expliqué  de  provoquer  telle  ou  telle  ré- 
ponse, tel  ou  tel  renseignement  5  l'interpellation  lui  est  in- 
terdite ;  Tintèrêt  de  la  défense  couvre  tout,  même  les  atta- 
ques personnelles»  même  les  suggestions  diffamatoires;  car 
attaquer  une  personne  c'est,  dans  ce  cas,  discuter  une  preuve 
ou  repousser  une  imputation ,  mais  ce  n'est  qu'un  moyen  de 
défense;  la  légitimité  de  ce  moyen  est  tout  entière  dans  son  utî 
lité  ;  s'il  ne  sert  pas,  il  est  abusif,  il  peut  même  être  blâmable. 

C'est  en  appliquant  cette  distinction  que  la  jurisprudence 
a  décidé  :  l""  qu'il  n'y  avait  pas  lieu  de  poser  une  question 
sur  un  fait  étranger  aux  faits  de  l'accusation  et  qui  n'avait 
pas  pour  objet  d'établir  la  moralité  de  l'accusé  ^  ;  2''  que  la 
question  de  savoir  si  le  plaignant  jouissait  d'une  bonne  répu- 
tation avait  pu  être  écartée  dans  une  affaire,  «  attendu  qu'elle 
n'était  point  de  nature  à  faciliter  la  manifestation  de  la  vé- 
rité *.;  »  3»  que  les  investigations  sur  la  conduite  des  témoins 
devaient  s'arrêter  aux  actes  qui  avaient  rapport  avec  les  faits 
de  l'accusation  et  qu'il  n'était  pas  permis  de  poser  une  ques- 
tion «  renfermant  une  calomnie  du  genre  le  plus  grave  et  un 
outrage  aux  mcours,  »  lorsque  «  cette  question  était  sans 
utilité  pour  la  défense  de  l'accusé,  quelle  c^u  eût  été  la  réponse 
du  témoin  ';  »  4*  que  les  injures  et  les  mvectives  contre  les 
témoins  ^  ne  pouvant  jamais  porter  aucune  utilité  à  la  dé- 
fense, lui  sont  interdites  *  \  S^  enfin,  qu'il  n'est  pas  permis  à 

*  Ga9B.i  ùtu  Isift,  J.  p.,  t xXtt,  t*  ^4^^ 

«Ca».  Uavrili —  " 

•CaM.S2  8epl.l._.,_„, 
^  Casa.  6  mars  flSil,  repp. 


760  DES  G0UK8  d'assises. 

un  accasé,  poursuivi  pour  avoir  mis  de  fausses  signatures  au 
pied  d'une  pétition  contraire  aux  lois ,  de  den^ander  aux  té- 
moins s'ils  aufaient  consenti  à  signer  cette  pétition  ^  «  parce 
que  cette  question  avait  pour  objet ,  non  une  interpellation 
sur  un  fait  à  la  connaissance  du  témoin^  mais  seulement  une 
appréciation  du  domaine  exclusif  de  la  conscience  du  témoio, 
et  qu^elle  avait  pour  conséquence  d'associer  moralement  le 
témoin  à  la  perpétration  du  fait'.  » 

A  qui  appartient  le  pouvoir  d'apprécier  si  Tinterpellation 
peut  ou  ne  peut  pas  être  utile  à  la  défense?  Le  président, 
chargé  de  la  direction  des  débats  et  qui  peut,  par  une  con- 
séquence de  cette  attribution ,  rejeter  ce  qui  tendrait  à  les 
prolonger  inutilement,  a  le  droit  de  déclarer  que  telle  ou  telle 
interpellation  lui  parait  inutile  ou  étrangère  à  Taccusation  et 
Técarler  *.  Ce  droit  du  président  a  été  consacré  par  plusieurs 
arrêts  qui  décident  «  que  si  Fart.  319  permet  à  Taccusé  de 
questionner  le  témoin  par  Torgane  du  président^  cette  dispo- 
sition doit  se  concilier  dans  l'art.  270,  lequel  impose  au  pré- 
sident le  droit  de  rejeter  tout  ce  qui  tendrait  à  prolonger  le 
débat  sans  donner  lieu  d^espérer  plus  de  certitude  dans  ses 
résultats;  quMl  suit  de  là  que  le  président  est  investi  d'un 
pouvoir  discrétionnaire  pour  apprécier  l'utilité  et  la  conve- 
nance des  questions  que  Paccusé  veut  adresser  aux  témoios 
et  pour  écarter  celles  qui  ne  conduiraient  pas  à  la  manifesta- 
tion de  la  vérité  ^.  »  Il  y  a  lieu  de  remarquer  toutefois  que  le 
mot  discréiionnaift  employé  par  cet  arrêt  est  inexact  :  le 
pouvoir  de  direction  des  débats  n'est  nullement  discrétion- 
naire; il  est  permis  de  réclamer  contre  ses  décisions  *. 

Si  ta  décision  ne  donne  lieu  à  aucune  difficulté,  il  est  passé 
outre  ;  mais,  s'il  y  a  réclamation ,  c'est  à  la  Cour  d'assises  à 
statuer.  La  jurisprudence  a  maintenu  cette  attribution  par  de 
nombreux  arrêts  qui  déclarent  «  que  si  l'art.  319  autorise 
l'accusé  à  dire,  tant  contre  les  témoins  que  contre  leur  témoi- 
gnage ,  tout  ce  qui  peut  être  utile  à  sa  défense,  »  c'est  à  la 
Cour  d'assises  qu'il  appartient,  en  cas  de  difficulté,  de  juger 
si  la  question  ou  l'interpellation  que  veut  faire  l'accusé  est 
ou  non  utile  à  sa  défense  ;  le  législateur  l'a  voulu  ainsi ,  afin 

*  Gass.  19  déc.  1850,  rapp.  M.  Y.  Foueher.  Bull,  n*  4l6. 

'  Cas8«  11  afril  1817,  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  U  XIV,  p.  177  ;  SI  oet. 
1835.  Sir.  85, 1,851. 
>  Ga88. 28  noT.  1844,  rapp.  M.  Breison»  BoU*  n»  8M> 

*  VoY.  $uprà,  p.  445  et  489. 


AUDITION  DES  TÉMOINS.    $  611.  761 

d'éviter  que,  sous  le  prétexte  de  sa  défense ,  Taccusé  ou  son 
dérenseur  ne  se  livrent  à  des  reproches  contre  les  témoins  ou 
à  des  investigations  de  leur  conduite  qui ,  n^ayant  aucun  rap- 
port avec  les  faits  de  Taccusation,  pourraient  dégénérer  contre 
eux*  en  diffamation  ou  en  injure  ;  mais  que  le  devoir  de  la  Cour 
d'assises  ne  saurait  lui  donner  le  pouvoir  de  restreindre  en  au« 
cun  cas  le  droit  sacre  de'  la  défense,  tel  qu'il  a  été  déterminé 
par  la  loi  '•  »  Ainsi,  il  sufSt  que  l'accusé  ou  son  défenseur 
prennent  des  conclusions  pour  que,  l'incident  devenant  con- 
tentieux ,  la  Cour  d'assises  soit  tenue  de  statuer  \ 

L'arrêt  qui  est  rendu  sur  ce  point  est-il  à  Tabri  de  toute 
censure?  Oui,  si  Tutilité  de  l'interpellation  dépend  d'une  ap- 
préciation des  faits  que  la  Cour  de  cassation  ne  peut  faire  *; 
non,  si  la  décision  de  la  Cour  d'assises  implique  le  mode  d'ap- 
plication ou  retendue  des  droits  de  l'accusé  ,  car  il  appar- 
tient à  la  Cour  de  veiller  à  la  stricte  application  des  droits 
que  la  loi  a  consacrés  ^  ;  et  elle  n'a  pas  hésiié  en  conséquence 
à  prononcer  Tannulation  des  procédures  dans  lesquelles  le 
droit,  que  l'art  319  a  prévu,  avait  été  violé  ^. 

On  ne  doit  pas  séparer  les  interpellations  qui  sont  adressées 
aux  témoins  des  observations  qui  suivent  leurs  dépositions  :  il 
importe  que  .les  uns  comme  les  autres  accompagnent  le  té- 
moignage et  s'y  incorporent  en  quelque  sorte  pour  en  faire 
mieux  apprécier  la  valeur;  c'est  là  ce  qui  constitue,  à  vrai 
dire,  le  débat;  c'est  en  discutant  les  témoins  et  leurs  décla- 
rations à  mesure  qu'ils  se  produisent,  que  la  vérité  se  fait 
jour.  On  lit  dans  un  arrêt  «  que  les  dispositions  de  l'art.  319 
doivent  étro  entendues  dans  un  sens  où  elles  se  concilient 
avec  celles  de  l'art.  268  et  de  l'art.  270;  d'où  il  résulte  que 
c^est  au  président  qu'il  appartient  d'apprécier  si  les  observa- 
tions que  le  défenseur  veut  présenter  aux  jurés,  après  l'audi- 
tion d'un  témoin,  sont  de  nature  à  être  proposées  à  ce  mo- 
ment même,  ou  doivent  être  ajournées  au  moment  où  la  dé- 

«  Cass.  18  sept.  1824,  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  U  XVUI,  p.  1042»  et  coof. 
41  arrii  4817  m6me  rapp.  t  XIV,  p.  177  ;  M  sept.  1827,  rapp.  M.  Giausel, 
t.  XX[,  p.  896  ;  5oct.  1832,  rapp.  M.  de  CiouseUhes,  U  XXIV,  p.  1497.       ' 

'  Cass.  14  aTrill837,  rapp,  M.  Dehaussy.  J.  P.,  à  sa  date;  21  ocU  1835. 
Sîr.  35, 1,  851, 

»  Casa.  1  ocL  1829,  J.  P.,  t  XXII,  p.  1468  ;  20  mm  1847,  rapp.  M.  Fré- 
teatu  Journ.  cr.,  t.  XIXtp.  850. 

*  Cass.  17  déc  1850,  rapp.  Al  V.  Fottdieri  Bull»  n*  4S0. 

9  Cass.  28  sept*  1824,  cité  iujfrd. 


702  DÉS  COURS  d'aSSISBS. 

fense  de  Taccusé  sera  présentée.  '»  Sans  doute,  le  président 
a  ce  droit  et  il  doit  en  user  si,  à  l^occasion  de  Paudition  d*ua 
témoin,  le  défenseur  prétendait  faire  une  plaidoirie  ;  mais  s*il 
se  borne  à  présenter  ae  brèves  observations^  il  est  utile  dejes 
écouter  à  la  suite  de  la  déposition,  parce  qu'elles  en  (ont  res- 
sortir la  force  ou  la  faiblesse  et  qu'elles  provoquent,  aussi  bien 
que  les  interpellations,  des  explications  qui  peuvent  éclairer 
le  débat.  Le  défenseur,  si  le  président  refusait  de  Tentendre, 
pourrait  prendre  des  conclusions  qui  nécessiteraient  Tinter- 
Tention  de  la  Cour  d'assises.  Mais  il  ne  parait  pas  que  l'arrêt 
de  cette  Cour  pût  donner  sur  ce  point  ouverture  à  cassation, 
car  il  ne  s'agit  plus  du  refus  d'exercer  un  droit,  mais  du  mo- 
ment où  ce  droit  doit  s*exercer ,  et  c'est  là  une  appréciation 
qui  appartient  &  la  direction  du  débat. 

Si,  nonobstant  la  décision  du  président  ou  de  la  Coar«  Tac* 
cusé  ou  son  défenseur  adressent  aux  témoins  des  interpella- 
tions injurieuses  ou  leur  imputent  des  faits  diffamatoires,  la 
C!our  d'assises  peut^  si  les  paroles  ont  le  caractère  d'un  délit, 
ou  appliquer  séance  tenante  les  peines  portées  par  la  loi, 
conformément  à  l'art.  181 ,  ou  r&erver  Tactiou  correction- 
nelle. Ce  n'est  toutefois  qu'avec  une  extrême  modération 
qu'elle  doit  prendre  Tune  ou  l'autre  de  ces  mesures,  car  les 
excès  de  la  défense  doivent  être  appréciés  avec  quelque  in- 
dulgence. Mais,  si  la  Cour  n'a  pris  ni  l'une  ni  l'autre,  il  n'y^a 
lieu  à  aucune  poursuite  ultérieure  ,  a  attendu  que  l^art  23 
de  la  loi  du  17  mai  1819  doit  être  combiné  avec  Tart.  319; 
que,  d'après  ce  dernier  article,  l'accusé  a  le  droit  de  dire, 
tant  contre  la  personne  du  témoin  que  contre  sa  déposition, 
tout  ce  qui  peut  être  utile  à  sa  défense;  que  s'il  sort,  en 
usant  de  ce  droit,  des  bornes  d'une  défense  légitime,  il  appar- 
tient au  président  de  l'y  faire  rentrer;  que  si  les  paroles 
prennent  le  caractère  d'un  délit,  la  Cour  d'assises  a  le  droit, 
en  vertu  de  l'art.  181 ,  de  prononcer ,  soit  sur  la  réquisition 
du  ministère  public,  soit  sur  celle  du  témoin  outragé,  les  pei- 
nes et  les  dommaffes-intérêts  qui  peuvent  être  encourus  ;  qu'à 
défaut  de  rèpressioti  immédiate  par  la  Cour  d'assises,  le  tribu- 
nal correctionod  ne  pourrait  en  connaître  plus  tard  qu'autant 
oue  cette  Goût,  juge  naturel  de  la  question  de  savoir  si  te 
akaours  tenus  par  l'accusé  portaient  sur  des  faits  étrangers  a 
la  cause  et  s'ils  n'étaient  pas  nécessaires  dans  l'intérél  delà 

'  Cm.  Si  oct.  1885.  Sir.  85,.  i,  851, 


AUDITION  1>B8  TÉMOINS.   $  641  763 

défense,  aurait  réservé  Faction  ;  que  lorsque  la  Cour  d'assises 
n'a  ni  réprimé  ces  discours,  ni  réservé  raction,  il  y  a  pré-, 
somption  que  Taccusé  n'est  pas  sorti  des  bornes  de  la  légitime 
défenses  » 

iy.L'art.S19,aprèsavoirdéterrainéledroitderaccusé,ajoute 
dans  ses  deux  derniers  paragraphes  :  «  le  président  pourra  égale- 
ment demander  au  témoin  tous  les  éclaircissements  qu'il  croira 
nécessaires  à  la  manifestation  de  la  vérité.  Les  juges,  le  pro- 
cureur-général et  les  jurés  auront  la  même  faculté  en  deman- 
dant la  parole  au  président.  La  partie  civile  ne  pourra  faire 
de  question  que  par  l'organe  du  président.  » 

n  y  a  lieu  de  remarquer  que,  dans  le  système  de  cet  article, 
Faccusé,  non-seulement  est  armé  d'un  droit  plus  étendu  ou 
du  moins  plus  soigneusement  défini,  mais  est  placé  le  premier 
pour  l'exercer.  Lorsque  le  témoin  a  terminé  sa  déposition, 
c'est  donc  à  Taccusé  qu'il  appartient  d'engager  le  débat  et  de 
faire,  avant  toute  autre  personne,  les  questions  et  interpella- 
tions qu'il  juge  utiles  à  sa  cause.  Les  éclaircissements  que 
peuvent  demander  le  ministère  public,  la  partie  civile  et  les 
membres  de  la  Cour  viennent  après.  Il  a  toutefois  été  jugé 
€  que  l'art.  319  n'est  qu'énonciatif  des  personnes  qui  ont  le 
droit  d'adresser  des  questions  aux  témoins  et  n'a  point  pour 
objet  de  fixer  d'une  manière  invariable  Tordre  suivant  lequel 
chacune  d'elles  doit  user  de  son  droit;  et  que  le  président, 
chargé  de  la  direction  des  débats,  a  le  droit  d'adresser  au  té-«- 
moin  les  interpellations  qu'il  croit  convenables  avant  de  don- 
ner la  parole  à  l'accusé  ou  à. son  conseil  pour  qu'ils  le  ques- 
tionnent à  leur  tour  •  » 

La  distinction  que  fait  la  loi  entre  Taccusé  et  la  partie  ci- 
vîle,  d'une  part,  qui  ne  doivent  faire  de  questions  que  par 
l'organe  du  président,  et  le  ministère  public  et  les  membres 
de  la  Cour  qui  peuvent  adresser  directement  leurs  questions, 
après  avoir  demandé  la  parole,  n'est  qu'une  disposition  d'or- 
dSre  ;  et  il  a  été  reconnu  en  conséquence  qu'il  ne  résulte  au- 
tBime  irrégularité  de  ce  qu'un  témoin  et  un  accusé  se  seraient 
respectivement  interpellés  sans  l'intermédiaire  du  président, 
«  attendu  que  ce  magistrat,  en  autorisant  par  son  silence  ces 


.  SI  aottt  iSdB,  rapp.  If*  Vineêiis4Sfc«Laarf!au  Bull.  n.  S87. 
*  Gass.  Si  sept  1839,  rapp.  M.  VinceDS-St-LaurenU  Dali.  A8,  !>  871  ;  M 
janv.  1851»  rapp*  M,  QiièQaaUk  Bull.  n«  89. 


76  i  DES  CODES  D^ASSIIES. 

ÎDlerpellations,  n'a  fait  qu'user  de  sou  pouvoir  de  direction 
des  débats  et  de  police  d'audieuce  ' .  » 

Les  témoins  peuvent-ils  être  questionnés  sur  des  faits  au- 
tres que  ceux  qui  font  Tobjet  de  Taccusation,  lorsqu'ils  oat 
trait  à  la  moralité  de  Faccusé?  En  thèse  générale,  il  ne  peut 
exister  aucun  doute  à  cet  égard,  car,  de  même  queTaccusé  a 
le  droit  d'établir  la  pureté  de  sa  vie  antérieure,  l'accusation  a 
le  droit  d'en  relever  les  désordres  et  les  fautes  :  l'existence 
entière  deTagent  plaide  pour  ou  contre  lui;  elle  doit  être  ex- 
posée aux  yeux  des  jurés.  Dans  une  espèce  où  l'accusé  se 
plaignait  de  ce  que  les  témoins  avaient  été  questionnés  sur 
un  acquittement  prononcé  antérieurement'  en  sa  faveur,  il  a 
été  déclaré  «  qu'aucune  disposition  de  la  loi  n'obligeait  la 
Cour  d'asàises  à  restreindre  son  audition  aux  faits  spédaax 
do  l'accusation  dont  le  jugement  se  poursuivait  devant  elle, 
et  qu'elle  avait  pu,  sans  violer  l'autorité  de  la  chose  jugée, 
les  entendre  surtout  ce  qu'ils  savaient  relativement  à  Tac- 
cusé,  parce  qu'en  procédant  ainsi ,  elle  avait  évidemment  eu 
pour  but,  non  de  remettre  en  question  l'acquittement  pro- 
noncé en  faveur  de  l'accusé,  mais  bien  d'éclairer  le  jury  sur 
sa  moralité  antérieure  '  » 

Mais  il  ne  faudrait  pas  cependant  construire  à  Taudienee 
une  accusation  étrangère  à  l'accusation  présente^  et  à  Faide 
du  reflet  qu'elle-  projetterait  sur  l'accusé ,  compromettre  sa 
défense  sur  le  fait  qui  lui  est  actuellement  imputé.  Un  arrêta 
jugé  «  que  le  ministère  public  a  toujours  le  droit  de  faire 
citer  des  témoins  sur  des  faits  autres  que  ceux  qui  font  la 
matière  de  l'accusation,  parce  qu'il  peut  être  utile  à  la  dé- 
couverte de  la  vérité  d'éclairer  le  jury  sur  la  moralité  de  l'ac- 
cusé, et  que  l'audition  de  témoins  assignés  pour  cet  objet  ne 
constitue  aucune  violation  des  art.  239»  231,  2H  et  271; 
qu'il  n'y  aurait  infraction  aux  règles  tracées  par  ces  articles 
qu'autant  qu'il  aurait  été  soumis  au  jury,  dans  les  questions 
qui  lui  ont  été  posées,  des  faits  qui  n'auraient  pas  été  Tobjet 
de  l'arrêt  de  mise  en  accusation  ".  »  Cette  règle  est  en  elle- 
même  a  l'abri  de  toute  critique;  mais,  dans  l'espèce  de  cet 
arrêt,  l'accusé  se  faisait  un  grief  de  ce  que,  renvoyé  devant 

A  Cass.  2  déc  18^9,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  d.  SIS. 
>  Cass.  7  jan?.  iSS6,  rapp.  M.  Dehaussj.  BulL  n.  5;  27 av.  raf^  M*  Bireii 
II.  189. 
*  Cass.  24  juitt.  iWt  rapp.  IL  Dehaussy.  Bail.  n.  119. 


AUDITION   DES   TÉMOINS.    §   Gil.  765 

les  assises  pour  un  crime  d'assassinat  ;  Taccusation  avait 
fait  citer  des  témoins  pour  déposer  d'un  autre  homicide 
ctd'un  incendie  dont  il  se  serait  rendu  coupable  et  qui  nV 
vaient  été  Tobjct  d'aucune  poursuite.  Or,  s'il  est  permis  d'é- 
tablir la  mauvaise  réputation  de  Tnccusé,  les  bruits  qui  cou- 
rent sur  son  compte,  ses  habitudes  vicieuses,  est- il  permis 
d'édifier  une  autre  accusation  à  côté  de  la  première?  Ne  pour- 
rait-il pas  arriver  que  si  celle-ci  n'est  pas  prouvée,  les  jurés 
ne  la  déclarassent  néanmoins  constante,  pour  ne  pas  laisser 
impunis  les  faits  nouveaux  révélés  aux  débats?  et  ainsi,  bien 
que  les  questions  fussent  fidèles  à  l'arrêt  de  renvoi,  que  la  dé- 
claration des  jurés  s'appliqu&t  à  une  autre  accusation  que 
celle  qui  a  fait  l'objet  de  cet  arrôl?  On  voit  donc  que  la  règle, 
quelque  incontestable  qu'elle  soit,  ne  doit  être  appliquée 
qu'avec  une  certaine  réserve  :  les  témoins  peuvent  cire  ques- 
tionnés sur  tous  les  faits  qui  se  rattachent  à  la  moralité  du 
Paccusc,  mais  pour  établir  seulement  le  fait  général  de  cette 
moralité  et  non  pour  établir  l'accusation  avec  d'autres  accu- 
sations étrangles  à  celle-ci;  pour  rendre  compte  de  ses  ha- 
bitudes, de  ses  mœurs,  do  sa  situation,  non  pour  dresser  une 
enquête  imprévue  sur  telle  ou  telle  action  de  sa  vie  qui  n'est 
pas  incriminée. 

V.  Les  témoins  peuvent  être  recelés  et  confrontés  enïre 
eux.  L'art.  326  porte  :  «  Taccusé  pourra  demander,  après 
qu'ils  auront  déposé,  que  ceux  qu'il  désignera  se  retirent  do 
l'auditoire,  et  qu'un  ou  plusieurs  d'entre  eux  soient  introduits 
et  entendus  de  nouveau,  soit  séparément,  soit  en  présence  les 
uns  des  autres.  Le  procureur- général  aura  la  môme  faculté. 
Le  président  pourra  aussi  l'ordonner  d'office.  » 

Cette  audition,  qui  est  une  exception  aux  règles  des  arti- 
cles 317  et  320,  n'a  lieu  qu'après  la  première  déposition.  C'est 
un  nouveau  moyen  d'instruction  ouvert  h  l'accusé  et  au  mi- 
nistère public,  et  que  le  président  peut  employer  d'office.  Il  y 
aurait  nullité,  s'il  n'avait  pas  éléstatué  sur  la  demande  formée 
à  cet  effet  i.  Il  appartient  au  président  d'y  statuer  %  sauf  le 
droit  de  la  Cour  en  cas  de  réclamation. 

Les  témoins,  lors  même  qu'ils  sont  mis  en  présence  les  uns 

'  Cass.  Ijuill.lSU,  rapp.M.  Chasle.  J.  P.,t.Xir,  p.  387;  il  janr.  1817, 
rnpp.  M.  busschop.  t.  XIV,  p.  22. 

*Cas%  27  aoOl  i852,  rapp.  M.  Nouguier.  BuIU  n.  30?.  , 


766  M8  COURS  D*ASS18ES. 

des  autres,  ne  doivent  jamais,  aux  termes  de  l*art.  325,  s'in- 
terpeller entre  eux.  Mais  c'est  une  règle  de  police  d*audience 
dont  l'inobservation  n'entraîne  aucune  nullité  ^ 


§  642. 

I.  Notes  des  varialions  et  contradiclions  des  dépositions  orales.  — 
II.  Obligation  des  témoins  de  rester  dans  Tauditoire. 

L  La  loi  ne  veut  pas  qu'il  soit  fait  mention  au  procès-ver- 
bal des  débats  du  contenu  aux  dépositions.  Elle  a  voulu  pros- 
crire, à  côté  de  la  déclaration  souveraine  du  jury,  toute  trace, 
toute  constatation  du  débat  oral. 

Mais  Part.  312,  qui  établit  cette  prohibition  à  peine  de 
nullité,  ajoute  :  «  sans  préjudice  toutefois  de  l'exécution  de 
l'art.  318,  concernant  les  changements,  variations  et  contra- 
dictions dans  les  déclarations  des  témoins.  »  L'art.  518»  qui 
consacre,  en  effet,  une  exception  à  la  prohibition,  est  ainsi 
conçu  :  «  le  président  fera  tenir  note  par  le  greffier  des  addi- 
tions, changements  ou  varialions  qui  pourraient  exister  entre 
la  déposition  d'un  témoin  et  ses  précédentes  déclarations.  Le 
procureur-général  et  l'accusé  pourront  requérir  le  président 
de  tenir  note  de  ces  changements,  additions  et  variations,  b 

Cette  constatation  est  une  mesure  de  précaution  en  cas  de 
suspicion  de  faux  témoignage;  et  un  acte  préparatoire,  s'il  y 
a  lieu»  de  la  mesure  de  Tarrestation  du  témoin,  autorisée  par 
l'art.  330. 

II  suit  dû  là,  d'abord,  que  cette  mesure  ne  peut  s'appli- 
quer aux  témoins  qui  n'ont  pas  été  entendus  dans  Tinstruc- 
tion  écrite  ;  car  il  ne  s*agit  que  des  variations  qui  peuvent 
exister  entre  leurs  déclarations  actuelles  et  leurs  précédente 
déclarations  '.  Il  faut  toutefois  excepter  le  cas  ou  les  déclara- 
tions de  ces  témoins  seraient  nécessaires  comme  complément 
des  déclarations  suspectes  ^  .  Pourrait-on  l'appliquer  au  té- 
moin qui  aurait  été  entendu  à  différentes  reprises  dans  le  cours 
d*unméme  débat?  Nousne  le  pensons  pas,  parce  que  l'art.  318 
se  réfère  aux  |déclara tions  qui  ont  précédé  le  débat  et  que  toutes 
les  déclarations  faites  dans  une  ou  plusieurs  audiences  d'une 

'  Cass.  di  avril  1817,  rapp.  M.  Ollivîer.  J.  P.,  U  XIV, p.  177. 

*  Cass.  10  avril  1835,  rapp.  M.  de  Ricard.  Bull.  o.  155  ;6  janv.  1835,  rapp. 
M.  Yincens-Sl-Laurc'iit,  ii.  8;  23  juiii.  1857,  rapp.  M.  Aug.  Moreau^D.  28i. 

*  Ca«8.  6  scpU  184S,  rapp.  M.  de  Ricard.  Bull.  u«  234. 


AUDITION  DES  TÉHOINS.  $  642.  7g7 

même  cause  ne  constitaent  qu'une  seule  et  même  déposition. 

Il  suit  de  là,  en  second  lieu,  que  cette  mesure  ne  peut 
s^appliquer  aux  témoins  qui  ne  sont  entendus  qu^à  titre  do 
renseignement;  car  leurs  déclarations n^étant  pas  reçues  sous 
la  roi  du  serment,  ne  peuvent  servir  d'éléments  à  une  incul- 
pation de  faux  témoignage. 

Il  suit  de  là,  enfin^  qu'elle  ne  s'applique  qu'aux  additions, 
changements  ou  variations  qui  peuvent  exister  entre  la  dé- 
position écrite  et  la  déposition  orale.  Il  y  aurait  donc  nullité 
si  le  procés-verbal  mentipnnait,  même  en  substance,  la  dé- 
position d'un  témoin  sur  un  fait  dont  Finstruction  écrite 
n'avait  aucune  trace  ^ 

Le  président  peut-il  faire  tenir  note,  dans  le  procès- verbal, 
d^une  déclaration  inculpant  Taccv.séà  raison  d'un  fait  étran- 
ger à  l'accusation?  Un  arrêt  Fa  jugé,  «  attendu  que  la  tenta- 
tive de  subordination,  révélée  par  la  déposition  orale  d'un 
témoin»  inculpant  l'accusé  sur  un  autre  fait  que  celui  de  l'ac- 
cusation, le  devoir  du  président  était  de  faire  retenir  cette 
partie  de  la  déclaration  du  témoin,  qui,  en  cas  d'acquittement 
et  de  réserves  du  ministère  public,  pouvait  faire  ordonner  de 
nouvelles  poursuites  et  que,  sous  Tun  comme  sous  l'autre  de 
ces  rapports,  il  ne  peut  y  avoir  violation  de  la  disposition  pro- 
hibitive de  l'art.  372  " .»  On  peut  objecter  à  cet  arrêt,  d'a- 
bord, que  ce  cas  est  tout  à  fait  hors  des  termes  de  Part.  318, 
ensuite,  qu'il  rentre  dans  la  prévision  de  l'art.  361  qui  admet 
un  procès-verbal  distinct,  lequel  ne  prend  pas  place  dans  le 
procès-verbal  des  débats. 

Au  surplus,  les  accusés  ne  peuvent  se  faire  un  grief  de  ce 
qu'il  n'aurait  pas  été  tenu  note  des  variations  des  témoins  ; 
car,  la  disposition  de  l'art.  318  n'est  pas  prescrite  à  peine  de 
nullité,  et  il  y  a  lieu  de  présumer,  lorsque  ces  prétendues  va- 
riations n'ont  pas  été  relevées,  ou  qu'elles  n'existaient  pas, 
ou  qu'elles  ne  sufiisaient  pas  pour  établir  une  suspicion  de 
faux  témoignage  *.  Ils  ont  d'ailleurs  le  droit,  ainsi  que  le  mi- 
nistère public,  de  requérir  le  président  de  faire  tenir  note,  et 
cette  réquisition  oblige  la  Cour  d'asssises  de  statuer  ^. 

*  Cass,  1  oct.  1857,  rapp.  M.  Lascoux.  Bull.  n.  356. 

*  Cas».  10  janT.  1850,  rapp.  M.  Jacquinol.  BuU.  n.  7. 

»  Cas&  41  avril  1817,  rapp.  M.  OiHvier  J,  P.. t.  XIV,  p.  177  ;  7  ocL1855, 
rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  U  XIX,  p.  905  ;  28  avril  1835,  rapp.  M.  Isambert. 
BuU.  D.  1A9  ;  8  ocU  1853,  môme  rapp.  n.  495. 

*  Ca5s.l9  avrill821,  rapp.  M.  Busschop.  J,  P.,  t.  \VI,  p.  559  ;  22  sept. 
1848,  rapp,  M.  Brière-Yaligoy.  Bull,  n.  248* 


768  DES  COCfiS   D*ASS1<ES. 

'  'Us  ne  peuvent,  d^unc  autre  part,  se  faire  un  grief  de  ce  que 
le  président  aurait  ordonné  d^oflScc  la  constatation  des  addi- 
tions ou  variations,  lorsque  le  procès-verbal  des  débats  dé- 
clare que  c*est  à  titre  d'addition  ou  de  changement  à  la  dépo- 
sition qu'elle  a  été  faite  t  ;  car  c'est  la  stricte  exécution  de  la 
loi.  Il  suiïit  d'ailleurs  d'indiquer  le  motii  de  l'iasertico,  ci 
l'ordre  du  président ,  qui  signe  le  proçès-verbal,  se  pré- 
sume '. 

A  plus  fort6  raison  ne  pourraient-ils  se  plaindre  de  Tin- 
sertion,  si  c*élait  sur  leur  demande  qu'elle  avait  eu  lieu  '. 

II.  L*art.  320  dispose  que  «  chaque  témoin,  apr&s  sa  de- 
position,  restera  dans  l'auditoire  si  le  président  n'eu  a  or- 
donné autrement,  jusqu'à  ce  que  les  jurés  se  soient  reiirés 
pour  donner'  leur  déclaration.  » 

Il  y  a  dans  cet  article  deux  dispositrons  :  l'une  qui  prescrit 
aux  témoins  de  rester  dans  l'auditoire  après  qu'ils  ont  dé- 
posé; il  n'y  a  plus  de  raison,  en  effet,  de  les  isoler  quand  leur 
déposition  est  achevée  ;  d'ailleurs,  Tart.  326  pennqt  encore 
celte  séparation,  si  elle  est  nécessaire.  L'autre  qui  leur  pres- 
crit de  ne  se  retirer  qu'après  les  débats  terminés,  .$*ils  n'en 
obtiennent  auparavant  la  permission;  il  faut,  en  cflct,  qu  ils 
demeurent  à  la  disposition  de  la  Cour,  car  il  peut  être  ulilc 
soit  de  leur  demander  de  noufv^ltos  explications,  soit  de  faire 
répéter  leurs  dépositions. 

Mais  CCS  deux  dispositions' ne  sont  point  prescrites  à  pein« 
(ic  nullité  et  ne  sont  point  considérées  comme  des  formes  es- 
sentielles de  la  procédure.  L'accusé  peut  réclainpr  la^  Més<^ce 
des  témoins  tfii  s^afosehtèraiéni;  Jr  peut  s^opposér  a  ce  que 
ta-permîssiDn  de  se  tt^tirct  sbit  accordée  à  ceux  qui  la  de- 
mandent. S'il  ne  le'  fait  pas,  il  ne  peut  plus  se  faire  uUerlcu- 
riment  un  grief  de  cet  incident  <.         '  '  '      . 

'  '  »  <  • 

*  Cass,  30 mars  1849,  rapp.  M,  Brij^c-Vîtigny.  Bull,  n-7i  :  SOjvin|<il 
ran>.  M.  Cbasie.  J.  P.,  t.  xrV,  S9è  ;  28  mul  1818,  rai  p.  ^^  Lccoutoun  J. 
J>^,  t^XlV,  pi.  fi!î7»    ..  '  u       ..    •     r.   .       '•         i  .      «  •  •  !»•  ■'. 

*  Çass.  G  sept.  184^,  cil^jâ  f^prà ,  |v  7«6;.  7  m»^  18^10,  M^^i-tfj  Ar'è#- 
Viitîsfiiy,  Bull.n.  H3.  .    ,  .    .         ,,,' 

-  i*  Oiss.  V  jai>¥.  I8d8,  rapp.  RT;  éePcfc «val.  mlîl.  n."  tiV 
,/  Cav«.i7  ayi'il  48^7,  rapp.  M/Maiigio.Ji  R.v:l.3/Xl,f  J  9^  ;  l^^n<r«  ISfl. 
râpp.  M.  Clausel,!.  XV],  p.  672;  23  avril  1885,  rapp.  M.Isambett.  Buli.  n, 
141)  ;  11  nor.  18A7,  rapp.  M.  Vincens-St-Ltiurent,  J.  ci.,  t  XX,  p.  300;  13 
juin.  1849,  rapp.  &f.  Rives.  Bull.  n.  160  ;  18  janv.  1865,  ra-ip^M.  9'ii^ca. 
n,  14  ;  8  mars  1855,  rapp.  M.  Pouliier,  Rs^^*  '    .  • 


CHAPITRE  XL 

PREUVES  DIVERSES 

QUI   PIOTDfT    ftTBB   PAODUinS    DANS    Ll   COURS   DIS    DEBATS* 


§  643.  l.  Interrogatoire  des  accusés.  —  II.  Interrogatoire  après  qu'ils 
ont  été  éloignés  de  Taudienee. 

§  644.  I.  Production  des  pièces  de  conviction.  —  II.  Représentation 
de  ces  pièces  anx  accusés  et  anx  témoins. 

S  645.  Visite  des  lieux.  —  II.  Formes  du  transport  de  la  Cour  d'as- 
sises. 

g  646.  1.  Véri6cations  et  expertises.  '^  II.  |Par  qni  elles  sont  or- 
données. —  111.  Qui  peut  être  expert.  — IV.  Serment  des  experts* 
-^  V.  Formes  des  expertises. 

§  647.  I.  Production  et  lecture  de  pièces.  —  II.  Quelles  pièces  peu- 
vent être  lues.  —  III.  Jonction  des  pièces  au  dossier. 


s  6«. 

1.  Interrogatoire  des  accusés.  —  II.  Interrogatoire  après  qu'ils  ont  été 
éloignés  de  l'audience. 

I.  Nulle  disposition  de  la  loi  ne  prescrit  Tinterrogatoire 
des  accusés  à  l'audience.  L'art.  810  veut  que  le  président 
demande  leurs  noms,  prénoms ,  âge  et  domicile;  mais  cette 
première  question  a  pour  but  unique  de  constater  leur  iden- 
tité '•  Les  formalités  qui  précèdent  et  qui  suivent  Taudition 
des  témoins  ne  font  aucune  mention  d'un  interrogatoire.  Si 
Tart.  405  porte  que  «  l'examen  de  l'accusé  commencera  im- 
médiatement après  la  formation  du  tableau,  »  il  ne  faut  pas 
se  méprendre  sur  le  sens  de  cet  article  :  l'examen  de  l'ac- 
cusé c'est,  ainsi  qu'on  l'a  vu',  Texamen  de  Taifaire,  Tou- 
verture  des  débats.  Ainsi ,  dans  le  système  du  Gode^  l'accusé 


*  Voy.  siiprd,  p.  664* 

*  Voy.  êuprà^  p«  6$d« 


Tnt. 


49 


770  DES   COVIS  d\8SISES, 


n^flst  «omm  k  muan  intenugâtuiii»  préalaMe  et  nécessaire  ; 
il  assiste  aux  dépositions  des  témoins,  il  a  le  droit  de  les  dé- 
battre et  de  leur  adresser  lui-même  des  questions;  mais  il 
n'est  tenu  de  faire  connaître  ses  explications  et  son  système 
de  défense  qu'après  que  ces  tfépositûuis  sont  terminées;  sa 
défense  ne  précède  pas  le  débat ,  elle  le  suit. 

L'art.  319,  qui  commence  par  consacrer  le  droit  de  Tac- 
cusé  d'adresser  des  questions  au  témoin,  ajoute  :  a  le  prési- 
dent pourra  également  demander  au  témain  et  à  r«cciisé 
tous  les  éclaircissements  qu'il  croira  nécessaires  à  la  vérité.  ■ 
Le  même  article  accorde  la  même  faculté  aux  juges  et  aux 
jurés,  au  ministère  public  et  à  la  partie  civile.  L'art.  527  dé- 
clare ensuite  que  «  le  président  pourra,  avant,  peadantoa 
après  Taudition  d'un  témoin^  faire  retirer  un  ou  plusieurs  ac- 
cusés et  les  examiner  séparéaieni  sur  quelques  circonalanDes 
du  procès.  » 

II  résulte  de  ces  textes  que  ce  n'est  qu'au  milieu  de  Taa- 
dition  des  témoins  et  lorsque  les  dépositions  rendent  néces- 
saires les  explications  de  l'accusé ,  que  le  préaident  est  auto- 
risé, non  pas  à  lui  faire  subir  un  interrogatoire,  mais  k  lui  de- 
mander des  éclaircissements  et  à  l'exafluiner.  Noua  ne  voulons 
point  restreindre  le  droit  du  président  :  il  y  a  peu  de  diffé- 
rence à  nos  yeux  entre  le  droit  d'interroger  l'accusé  et  le 
droit  de  lui  demander  les  éclaircissements  et  de  l'examiner; 
et  lorsque  la  jurisprudence  a  déclaré  qu'il  appartient  au  pré- 
sident d'apprécier  l'ordre  dans  lequel  il  doit  être  procédé  aox 
débats  et  de  décider,  sauf  la  réclamation  de  l'accusé,  si  son 
interrogatoire  doit  précéder  l'audition  des  témoins  \  nous 
n'avons  aucune  abjection  à  opposer  à  cette  décision ,  car  les 
débats ,  si  la  défense  n'en  est  pas  lésée  et  si  elle  ne  réclame 
pas,  doivent  suivre  l'ordre  le  plus  susceptible  de  conduire  à 
la  découverte  de  la  vàrité. 

Mais  il  importe  de  remarquer  néanmoins  que  la  pratique 
habituelle  des  assises,  qui  veut  que  k-premier  aefte  du  débit 
soit  l'interrogatoire  de  l'accusé^  n'est  pas  en  barroottie  avec 
la  théorie  de  la  loi.  Cette  prati^e  est  un  dernier  vestige  de 
la  procédure  inquisitoriale  qui  coesidérait  l'interrogatoiie 
définitif  comme  un  élément  nécessaire  de  la  sentence  '  et  qui 

*  Cass.  à  sept.  18^4,  rapp.  M.  Rocher.  Boll.  Ht  i,  4S7;3  déc  183S,  rap. 
M.  Vinceos-St-Laurent.  J.  P.,  à  sa  date  ;  23  sepu  18^7,  rapp,  M.  Dehanssj. 
lourD.  Cf.,  t.  XX,  p.  318. 

«  Voj.  U  I,  p.  638. 


PBBUTR8  DITBRaES.  §  643.  771 

faisait  placer  Taccusé  sur  la  sellette  pour  le  subir.  Les  prési- 
dents qui  suivent  ce  mode  de  procéder  dans  toutes  les  afiaires 
ne  8e  sont  pas  rendu  compte  de  la  théorie  de  notre  Code  qui, 
s'il  a  maintenu  le  système  de  la  procédure  inquisitoriale  dans 
l'instruction  écrite,  a  appliqué  au  contraire  à  rinsiruction 
orale  de  l'audience  les  régies  de  la  procédure  accusatoire*. 

Au  surplus,  nous  avons  établi,  en  expliquant  les  règles  de 
la  procédure  écrite ,  que  l'interrogatoire  est  è  la  fois  un 
moyen  de  défense  et  un  moyen  d'instruction  •.  Il  m\i  de  là 
que  le  magistrat  qui  adresse  è  l'accusé  des  questions  et  lui 
demande  des  éclaircissements ^  a  le  droit  de  l'interpeller  et 
pour  provoquer  sa  justification  et  pour  provoquer  l'aveu  de 
sa  culpabilité  j  il  doit ,  sans  le  presser  ni  le  troubler,  mais  en 
le  mettant  à  même  de  s'expliquer,  favoriser  le  libre  dévelop* 
pement  de  sa  parole;  il  doit  chercher  enfin  avec  la  plus  com- 
plète impartialité  et  uniquement  la  vérité.  Il  suit  de  là  encore 
que  Taccusé  a  le  droit,  s'il  le  juge  utile  à  l'intérêt  de  sa  dé* 
fense ,  de  refuser  de  répondre ,  sans  toutefois  que  ce  refus 
puisse  suspendre  le  cours  de  l'instruction  ^  Mous  avoas  déjà 
exposé  toutes  les  règles  qui  doivent  être  appliquées  à  l'inter- 
rogatoire des  prévenus  ^.  Ces  règles  s'appliquent  nécessaire-* 
ment  aux  questions  qui  sont  adressées  aux  accusés  dans  le 
cours  des  débats. 

II.  Le  président ,  comme  chargé  de  la  direction  des  dé-* 
bats^  i'^détermine,  aux  termes  de  Tart.  334,  l'ordre  dans  I^ 
quel  les  accusés,  s'il  y  en  a  plusieurs,  doivent  être  soumis  aux 
débats;  2''  et ,  s'il  y  a  lieu,  ordonne,  conformément  à  l'ar- 
ticle 327»  qu'ils  seront  exaihinés  séparément. 

La  première  de  ces  mesures  est  exclusivement  relative  â 
Tordre  du  débat,  et  son  application  ne  peut  donner  lieu  à 
aucune  nullité  K 

La  seconde  touche  au  droit  même  de  la  défense,  et  la  loi 
ne  l'a  autorisée  qu'en  y  attachaat  une  condition,  qui  en  est 
inséparable. 

Le  président  peut,  comme  le  prévoit  Tart.  327,  séparer 


'  Voy.  1. 1,  p.  695. 

«Voy.t-V.pw  699.  '  . 

»  Voy.  t.  V,  p.  708. 
*  Voy.  t.  V,  p.  713. 

»  Cass.  4  aoftt  i8^,  npp.  M.  JacquiMt.  BalL  &  iM$  S  déc»  185&  ramu 
M.  Vinceiw^t-Laurent,  J.  P^  à  «  date.  "^ 


77Î  I>B9  COPRS  |k*ASÇlSB8, 

les  eoaoeuflés  pour  leur  adresser,  isolément.  le^  uns  dçs  autres, 
des  questions  sur  quelques  circoôslances  du  procès,  ou  les 
éloigner  pendant  l'audition  d'un  témoin  ;  il  peut  prendre 
«ette  dernière  mesure  au  cas  où  il  nj  a  qu'up  accusé  comme 
au  cas  où  il  y  en  a  plusieurs  ^,  au  cas  où  il  s'agit  d'inter- 
peller non- seulement  un  témoin,  mais  plusieurs  ',  et^  dé- 
eision  à  cet  égard  ne  peut  donner  ouYertute  à  cassation  '. 

Mais  il  ne  le  peut  qu'à  la  charge,  suivant  les  ierm£S  for* 
mels  de  Tart.  327,  «  de  ne  reprendre  la  suite  des  détiats  gé^ 
nérauz  qu'après  avoir  instruit  chaque  accusé  de  ce  qui  se  sera 
fait  en  son  absence  et  de  ce  qui  eu  sera  résulté.  ^ 

La  jurisprudence  avait  hésité  d'abord  à  considérer  raccom- 

EHssement  de  cette  condition  comme  une  forme  essentielle* 
^eux  arrêts  avaient  déclaré  c  que  l'art.  327  n*est  pas  prescrit 
à  peine  de  nullité  ^.  »  Mais  cette  interprétation  fut  bientôt 
rejetée,  et  il  fut  reconnu  que  l'obligation  de  rendre  compte  i 
l'accusé  de  ce  qui  s'est  pas^é  en  son  absence  est  nécessaire  à 
sa  défense,  puisqu'il  £aut  qu'il  soit  mis  i  même  de  combattiçe 
les  charges  qui  ont  été  produites  contre  lui  et  de  détruire  les 
expre>sion8  qui  ont  pu  en  résulter,  et  que  si  la  nullité  n'a 
pas  été  attachée  à  l'inobservation  dec^tte  disposition  de  Far- 
ticle  327,  elle  n'en  doit  pas  moins  être  pronpncée  6.  La  ju- 
risprudence n'a  plu3  varié  sur  ce  point  ;  il  suffit  dojic  que  ^ 
procès- verbal,  après  avoir  constaté  qu'un  accusé  a  été  éloigné 
de  Taudienoe,  ne  constate  pas  qu'il  lui  a  été  rendu  compte 
decequi'S'estpassé  en  son  absence  pour  qu'il  ;  ajt  nullité. 
Il  suffit  même»  pour  que  la  formalité  soit  réputée  omise,  que 
le  procès-verbal  énonce  le  doute  du  président  sur  son  accom- 
{plissement  et  l'incertitude  des  souvenirs  de  la  Cour  d^assises  ?. 
U  importe  peu  d'ailleurs  que  le  président  fasse  conna(t^ 
ce  qui  s'at  passé  ou  que  les  témoins  entendus,  en  l'absence  de 
l'accusé  répètent  leurs  déclarations  après  qu'il,  a  été  ramené 

*  Cass.  19  aoat  1819,  rapp.  IL  Glraud,  J.  P.^  t  XV,  p,  901. 
la  jan? •  1829,  rapp.  M.  Bferville,  t.  XXII,  p.  ^4. 

*  Gaas,  ISnan  1839,  rapp.  M.  de  Riprd.  J.  P.,  t  XXII.  p,  858.    , 

*  Gass.  2  juin  1841,  rapp.M.  Behaussy.  DalL  %i,  f ,  42i; 

*  Cast.  a atril  1818,  rapp.  U.  ÂomoDt.  J.  P.,  t  XIV.  p.  782  ;  lô  .ànâ 
iai9,rapp.  M.Giravd.l.XV,p.2H.  ,         . 

*Gasa»  16  janir.  1829,  rapp.  M.  Chasle.  J.  P.,.t.  XVII,  p.  820,  f5  Jaill. 
1825,  rapp.  M.  ChcippiD,  t.  XIX,  p.  700;  12  aoOt  1825,  rapp.  BT.  Robert- 
St-VinoenU   t.  XIX,  p,  800;  10  mars  1831,  rapp.  M.  Blejnmoec  Bail 
n.  121. 
,  «  CaM.  17  Mpt.  1829,  rapp.  M.  OUivier.  J.  P.,  t  XXII,  p.  1453, 

^  Caai.  2  jailtetl885,rapp.ll.  Rocher.  Bail.  d.  208.  | 


puEtV£&  bitAiics.'  !  643.  178 

à1*anUKence  *;H  iiiit)orte  peu  éplemetit  que  le  préndenl,  au 
lîeu  de  rendre  tontpte  lut^ménie»  charge  uti  d^  juges  de  le 
suppléer  à  cet  égard  \  IIsuflGt  que  communicatm  pleine  et 
eptièresoît  donnée  à  Taccusé^de  tout  cequil  a  mièrêtàeon* 
haKre.        «... 

L'omi^sîontlteeettecôi'mnQnicatioti  pourtirit  d'ailleurs  être 
réparée  sfle'^pr'ésident  s'en  aperçoit  avant  la  clôture  des  dé- 
bets. Airisi,  il  à  été  reconnu,  dans  une  espèce  où  le  préeidfent, 
après  àToir  fait  revenir  raccBsé»  avait  procédé  immédial»- 
kneht  et  sans  lui  rendre  compte  d'ofn  iiitem>gaiiN)ire  anU  ea 
son  absence,  à  Taudition  de  plusienrs  témoins,  que  la  Cour 
d'assises  avait  pu  annuler  ies  débats,  à  partir  de  la  formalité 
omise,  et  ordonner  «  qu*il  serait  procédé  &  une  nouvelle  au« 
dition  des  témoins  déjà  entendus,  après  que  Faccusé  aurait 
été  informé  des  réponses  faites  par  86n  coaccusé  *.  » 

L'arrt.  8âT  veut  que  Taccusé  soit  instruit  de  ce  qui  s'est  fait 
en  son  'aketice  avant  que  le  président  ne'  reprenne  la>suite 
des  débats  généraux  ;  il  suit  de  là  qu'il  doit  en  être  instruit 
lôr^U'ifestiraméfré  à  l'audience,  et  avant  qu'il  soit  passé*  ou- 
tré à  un  autre  acte  quelconque  du  débat.  Mais  peut-il  être 
interrogé  avai^t  que  ce  compte  lui  soit  rendu?  La  jurispn»*- 
^ce^a  rébondu  affirmativement  :  «  Attendu  que  rart  dSK 
a  énipoûr  nut'id'ëmpêcher  que  des  coaccusés  aient  letempaeC 
les  moyens  de  préparer  d'avance  et  de  concerter  leurs  répott* 
1^,'  et  de  foire  qUe  les  contradictions  qui  peuvent  résulter 
àës  réponses  suodessives  de  ces  accusés  hors  la  présiyioe  les 
tins  des  âWtres,  )puisketit  conduire  plu«  facilement  et  plui^sd^ 
reikieiït  )  la  niaûifestatioii  de  là  vérité,  et  que  cette  «ige  prê^ 
vièion  de  la  lot  serait  khanquée*  si,  à  là  tentrêe  du  seeottd 
accusé  dans  l'auditoire,  et  avant  qile  lui-même  eftt  été  inter- 
rogé k  sbntour,  le  président  était  tenu  de  lui  rendre  compte 
des  réponses  faites  par  son  coaccusé  en  iM>n  absence .  ^» 

*  Gan.  Si  août  4a40/ra|»ii.  Mp  RonUgàières.  D^U.  40,  i,  âlS/ 

*  Gau»  sa  mai  ^aSS,  rapp.  M'.  Brlère.  J.  P.,  t.  XX,  p.  518. 

'  Cas&  21  jdDV.  lé41,  rapp.  M.  Vîncetis-St-taiirehL  Boll.  n.  iSet  aaal« 
casa.  40  janf.  1898,  vapp.  M,  nivea,  J.  Pm  t,  IXV,  p*  35.  ' 

*  Ga».  21  mars  1844»  rapp.  M.  Romfguières.  BàH;  n«  110;etoonf:  48  an 
1883,  rapp.  M.  MériUioa.  J.  P. ,  t.  XXV,  p.  iSS  ;  10  jèia  1886;  Vapp.  M.  Fh^ 
teau.  Bull.  0. 1^5  ;  iQ  arit  1^41,  rapp.  M.  'Meyrt>ii»et.  a.  121  ;  8  oeU^AShAt 
itèïàe  Tapfh  a'«  988  ;.17  atril  184jS.  rspp. M,  Hocher.  Mira.  oriiD.|  t.  XVni; 

p.'m.      ^       -   •'^      -     -'•        ^       •-     .   ■•      i  ;     .;        «''•../   .^ 


774 


DU  coirts  s  Assisrt. 


S  644. 

I.  Production  des  pièces  de  eonnction.— II.  Représentation  deea 
pièces  aux  accasés  et  aux  témoins. 

I.  On  a  Ta  qa^è  oAté  de  la  preuve  testinfioniale  et  de  celle 
qni  peut  résulter  des  déclarations  de  raocusé,  la  loi  crimi- 
nelle avait  admis  tous  les  moyens  de  preuve  qui  peuvent  ^r- 
vir  à  la  conviction  du  juge  et  notamment  Texamen  des  pièces 
de  conviction,  l'inspection  personnelle  du  juge,  les  vérifica- 
tions par  experts  et  la  discussion  des  écrits,  titres  et  autres 
pièces  ^  Nous  allons  examiner  les  Formes  qui  doivent  entou- 
rer remploi  de  ces  différentes  preuves  devant  la  Cour  d'assises. 

L'emploi  des  pièces  de  conviction  est  formellement  auto- 
risé par  l'art.  829  qui  porte  :  «  Dans  le  cours  on  à  la  suite  des 
dépositions,  le  président  Tera  représenter  à  Taccusé  toutes  les 
pièces  relatives  au  délit  et  pouvant  servir  à  conviction;  il  Tin- 
ter pellera  de  répondre  personnellement  s'il  les  reconnaît  : 
le  président  les  fera  aussi  représenter  aux  témoins,  s'il  y  a 
îîeu.  » 

Que  faut-il  entendre  par  «  les  pièces  relatives  au  délit  et 
pouvant  servir  à  conviction?  »  Il  faut  entendre  les  pièces  spé- 
cifiées par  les  art.  35  et  37  du  Code,  et  dont  nous  avons  va  le 
juge  d'rastruction  ordonner  la  saisie  *.  C'est  parce  que  ces 
pièces  sont  un  moyen  de  conviction  que  la  loi  a  prescrit,  par 
tes^rt.  38  et  39,  les  mesures  les  plus  propres  à  assurer  leor 
Identité  *.  Il  ne  faut  pas  confondre  d'ailleurs  les  pièces  de  cod- 
tiction  avec  les  pièces  du  procès  dont  il  est  donné  copie  i 
l'accusé  en  conformité  de  Part.  305,  et  qui  sont  remises  «ox 
jurés  en  conformité  de  Tait.  3^1  ^;  Jes  lettres,  les  notes,  les 
écrits  quelconques,  qui  n'émanent  pas  de  Taccusé,  et  qui  con- 
tiennent des  renseignements  soit  sur  tiM»  soit  sur  les  ténoîns, 
sont  coi^sidéréeSy  non  comme  des  pièces  relatives  au  délit, 
mais  comme  des  pièces  relatives  au  procès,  et  soot  sîmplemeal 
jointes  au  dossier  ^ 

*Voy.  t  V,p.4S«. 
•Voy,  t.  V,  P.4S9. 
»  Voy.  L  V,  p.  520. 

*  Cass.  16  mars  1854,  rapp.  M.  Jacquinot.  Bull.  ii.  71. 

*  Cass.  Si  oct.l8i7,  rapp.  M.  AumoQt.  J.  P.,  t.  490. 


775 

L'aooiiBé  ne  pe«l  se  faire  un  moyen  de  nullité  oontre  Tar- 
rèt  de  la  Cour  d'asaiaei  des  îrréfuiaritéa  ^  auraient  acoom* 
pagné  la  saisie  ou  le  dép6t  des  pièoes  4e  eevfîction  ^.  Mais  il 
pe«t,  en  se  fondant  sur  ee$  irrégidarifeés,  contester  Tidentité 
de  ces  pièoea,  eft  celte  AMgttioB  soifii  alws  peur  les  dépouil- 
ler de  la  falev  jndicîaîre  que  peut  seul  leur  attribuer  une 
{NToductîoo  précédée  et  enrîroiinée  des  garanties  déterminées 
per  laloi  *• 

Las  pîècea  rektives  au  éilil  étant  un  neyen  de  preuve,  il 
peut  en  éire  (ait  tel  usage  que  oornsMiideot  (es  néceasHés  im- 
préy«ea4tt  débat  oral  '^  et  ai  ces  pièoes  n'avaient  pas  été  ap- 
portées a  Taudience,  la  Cour  d'assises  devrait,  soit  sur  la  ré- 
clamation de  Taccusé  ou  du  ministère  public,  soit  d'office, 
ordonner  imoiédiatement  leot  support,  dût-elle  surseoir  jus- 
qu'au lendemain,  pour  qu'il  pût  être  effectué  ^. 

n.  L'examen  des  pièces  de  conviction  doit  être  fait  par  les 
accusés,  et  s'il  y  a  lieu,  par  les  témoina. 

Le  président  doit  demander  à  chaque  accusé  s'il  les  recom- 
nalt.  Mais  cette  formalité  n'étant  pas  prescrite  è  peine  de  nul- 
lité, la  jurisprudence  a  admis  que  son  inobservation  ne  peut 
donner  ouverture  à  cassation  ^,  sauf,  toutefois,  le  cas  où,  par 
des  conclusions  formelles,  Taccusé  aurait  demandé  son  exé- 
cution, et  où  il  n'aurait  pas  été  statué  sur  cette  demande  ^. 
Cette  jurisprudence  a  été  appliquée  même  en  matière  de  faux, 
lorsque  la  pièce  de  oonvictlonest  le  corps  même  du  délit  7. 

Cependant,  s*il  s'agissait  d'une  pièce  nouvelle,  dont  le 
président  aurait  ordonné  rapport  ^,  et  que  l'accusé  n'eût  pas 


ACass.  17  sept.  iS40,  rapp.  M.  Romiaiiièref.  Bail,  n*  283. 
<  G890.  8  ttf.  iSSa,  rapp.  IL  Rocher.  BctlU  n.  S8. 
'Cm.  A7  ja«r.  lasa,  np».  If.  Roehov BolU  n.94. 
**  Can,  ieoct.  1817,  rapp.  Mb  Roebet.  Bnll.  a,  Sdl. 

*  CâSê.  saocU  1817,  rapp.  U.  Rataad.  J.  P.,  UXIV,  p.  686, 19  aT.  1821, 
rapp.  M.  Bosschop,  t.  XVI,  p.  559;  SO^mai  1839,  rapp.  M.  Isambert.  Bail.  n« 
168  ;  3  ayril  1840,  rapp.  ILDehaussy,  n.  101  ;  10  sepL  1840,  rapp.  M.  Vin- 
aMMt*L«ttanw  m  saai  39  aoa» tSM,  rapp*  KrBrmm^  b.  ata  ?  1  oetob. 
(laift,  nppyuUkmmji  U  «et.  1816,  rappi  li.  Brière-Vallpiy.  lawni. 
cr.,U  XVIII,  p.  178  et  191. 

•  Cass.1  mai  1852,  nppwlL  QaCMnlt.  BalL  ife4|6  ^êûéc  4aS2,  rap. 
IL  JaHoa,  b.  889  et  2  oc*,  lan»,  cit«  an^d. 

^  Cass.  24  déc.  1840,  rapp.  M.  Romiguières.  JouriKer»,!*  XIII,  p^  189 1 
28  Janf.  1345,  rapp.  M.  Rocher,  U  XVIII,  p.  140. 

*Gasa.  2  avrii  1881,  rapp.  IL  Udjûmmk^Mêifu  1.  P.,  t.  XXIIIt 
p.  1410.  ^  ' 


776 

été  k  même  d'examiner  juiqueJà  »  il  7  aurait  nullité  si  dh 
ne  lui  était  repréMotée,  pour  qtt'il  puisse  eotnbattre  les  con- 
séquenees  qui  peuvent  en  résulter  à  sa  ebarge''. 

La  même  représenlatiou  doit  èlre  faite  aux  témoins.  Mais 
cette  formalité ,  comme  Tindique  la  loi  par  les  mots  «  8*it  7  a 
lieu,  a  est  purement  facultatif e  *.  Il  faut  toutefois  remar- 
quer «  que  c'est  sous  la  foi  du  aerraent 'prêté  que  tes  pièces 
de  conviction  peuvent  leur  être  représentées  et  peuvent  être 
reconnues  par  eux»  et  que  la  peine  de  nullité  prononcée  par 
Tart.  317  s'applique  aussi  bien  à  la  déposition  du  témoin  qu'à 
la  reconnaissance  par  lui  faite  des  pièces  de  conviction  sans 
prestation  de  serment*.  » 

S  645. 

L  Visite  des  lieux.  —  II.  Formes  du  transport  de  là  Coiir  ^d^assises. 

I.  L'inspection  personnelle  des  lieux  est^  ainsi  que  nous 
Tavons  établi  4»  Tun  des  moyens  de  preuve  les  plus  efficaces 
que  la  loi  ait  mis  à  la  disposin'on  de  la  justice  ;  et ,  bien  qu'elle 
ne  Tait  expressément  prévu  que  relativement  au  juge  d'ins- 
truction, il  appartient  à  toutes  les  juridictions  répressives; 
car  tons  les  juges  qui  ont  la  mission  de  découvrir  la  vérité, 
ont  par  cela  même  le  droit  d'employer  tous  les  moyens  que 
la  loi  ne  leur  a  pas  interdits.  La  Cour  d'assises  exerce  à  cet 
égard  le  même  droit  que  tes  tribunaux  de  police  et  les  tribu- 
naux correctionnels^.  La  règle  générale  est  que  le  Juge  cri-, 
minel^  comme  tout  autre  juge,  «  peut  ordonner  toute  me- 
sure interlocutoire,  telle  que  descente  et  vue  de  lieux,  dès 
qu'il  le  croit  nécessaire  pour  éclairer  sa  religioq  ^.  p 

La  Cour  de  cassation  a  reconnu  que  cette  mesure  avait  été 
régulièrement  ordonnée  dans  deux  espèces.  Elle  a  }ugé  par 
un'  prenrier  arrêt  c(  qu'une  Cour  d'assises  ^  en.se  trapspcMrUnt 


'  Gasf.  aOnoy.  1848,  rapp.  IL  Viaoens-Si-LanreaU  BnlLiu  106  ;  ii  JMr. 
iS51t  à  notrerapp.  n.  2i  ;  80  déc,  1880,  rppp.  M,  GaUlard»  J>  ?«»  I*  XmU 
p.  4060. 

'  Gaas.  17  janf  •  1889»  npp.  M.  Roéfaer.  BtOL  o.  là.  / 

'  Casa.  18  mars  18A1,  rapp.  M^Meyroimeu  BjûAU a.  71  ;  90  sqil«  iSil* 
même  rapp.  n.  251. 

AVoy.  t.V,p.iiO. 

•Voy.  t.  VII,  p.  824  et  784* 

*  CasSi  12  janv.  1880,  rapp*  BI,  Bresioiu  Bull»  o.  18* 


PREQVM  »IVIEtM.  |.  $45.  777 

avec  les  jurés,  raccusé  et  son  défenseur,  dans  une  cour  atte- 
nante au  palais  et  en  y  procédant  publiquement  à  des  véri- 
fications jugées  nécessaires  à  la  manifestation  de  la  vérité  et 
en  exerpant  ensuite  dans  le  lieu  de  ses  séances  9  n'a  violé  aa- 
cune  loi  1 .  >  EUe  a  jugé  encore,  dans  uocas  où  la  Cour  d'as- 
sises s'était  transportée  sur  le  lieu  où  le  crime  avait  été  corn- 
niis,  «  qu'il  n'est  point  interdit  au  président  d'une  Cour  d'as- 
sises d'ordonner  que  les  défaits  seront  momentanément  conti- 
nués hors  la  salle  ordinaire  des  audiences  des  assises,  à  Tefiét 
de  procéder  à  une  vérification  des  lieux  ou  à  une  opération 
qui  ne  saurait  être  faite  dans  l'intérieur  de  cette  salle;  qu'il 
suffit  que  le  transport  soit  effectué  aTec  toutes  les  conditions 
requises  pour  la  constitution  de  la  Cour  d'assises  et  pour 
l'observation  du  prindpe  de  la  publicité  ;  qu'il  n'y  a  là  ni  cette 
interruption  des  débats ,  ni  cette  communication  au  dehors 
proscrites  par  l'art.  353  *.  d 

II.  Mais  il  faut,  comme  on  l'a  vu  en  ce  qui  concerne  las 
juges  de  police  et  les  juges  correctionnels  3,  et  comme  le  dé- 
clare Tarrèt  qu'on  vient  de  lire  que  le  transport  soit  effectué 
avec  toutes  les  conditions  requises  pour  la  constitution  de  la 
Cour  d'assises  :  l'audience  continue  sur  les  lieux  du  trans- 
port ;  il  faut  donc  la  préisence  de  tous  les  membres  qui  consti- 
tuent la  juridiction,  il  faut  la  présence  des  parties,  il  faut  enfin 
l'application  des  formes  essentielles  de  la  procédure. 

Il  y  aurait  donc  nullité  si  la  visite  des  lieux  avait  été  ef- 
fectuée par  les  jurés  seuls  hors  la  présence  des  magistrats  et 
des  accusés  ^i  et  h  plus  forte  raison  si  quelques-uns  des  jurés 
seulement  ont  procédé  à  une  telle  visite  avec  la  partie  plai- 
gnante, hors  la  présence  des  autres  jurés ,  de  la  Cour  et  de  , 
l'accusé^.  Il  est  évident,  en  elTet,  qu'un  transport  ainsi  opéré 
est  une  violation  du  droit  de  la  défense ,  puisque  l'accusé 
n'ayant  pu  ni  contredire  les  rçnseigoemeuls  ainsi  obtepus»  ni 
même  tes  connaître,  a  été  privé  des  garanties  qui  lui  sont  a:i- 
surées'. 


*  Cass.  33  maiiSSi,  rapp.  Bf.  Ricard.  Bail.  n.  156. 

s  Cas».  33  mars  iSAS,  rapp.  M.  Romif  uière.  Bail*  n.  65. 

*  Voy.  t.  VII,  p.  325  Cl  754. 

*  Cass.  35  «q)t.  1S38.  raiJp.  M.  Ofllvier,  J.  P,,  t.  XXII,  395. 
^  Caas.  le  féT,  16SS,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  Ad. 


778  Dtt  flOV»  I»*AaBlSB8. 

$646. 

i.  Yérifications  et  expertises.  —  11.  Par  qni  elles  sont  ordonnées.— 
III.  Qai  peut  être  expert.  —  IV.  Sermeatdes  experts.  —  T.  Formes 
des  eipertiseB. 

I.  Nous  STonf  expoié  ptécédeminent  le  caractère  général 
des  expertiBes  et  les  règks  auxquelles  elles  soot  soainises  i. 

Notre  Gode,  «près  avoir  prém  et  réglé  Teaciploi  de  ces 
opératioas  judiciaires  dans  riostruction  préliminaire  %  ne 
s^en  est  plus  occupé  kmqull  a  tracé  les  formes  de  Tinstrac- 
lion  orale.  Il  les  a  considérées  comme  on  moyen  de  preare 
qni  était  i  la  disposition  de  tous  les  jvges,  puisqull  ne  l'a 
interdit  à  aucun,  et  que  toutes  les  jurÛuctioos  pouvaient  em- 
ployer en  appliquant  les  mêmes  formes  que  le  juge  d'in- 
struction. 

De  là  est  née  quelque  confusion  dans  rapplication  qui  en 
a  été  faite  par  les  cours  d'assises  et  dans  la  jurisprudeoce  qui 
s'est  formée  à  ce  sujet. 

II.  En  premier  lieu,  par  qui  sont  ordonnées  les  expertises 
quand  il  y  a  lieu  d'y  recourir  dans  le  coqrs  des  débals  ?  Est^ 
ce  par  la  Cour  d'assises  t  est-^e  par  le  président  seul  ? 

ita  jurisprudence  a  admis  qu'elles  peuvent  être  indillïrem- 
ment  ordonnées  par  le  président  et  par  la  Cour  :  par  le  pré- 
sident» puisque  Tart.  269  lui  donne  le  droit  d'appeler  dans 
le  cours  des  débats  toutes  personnes  qui  lui  parattraient 
pouvoir  répondre  un  jour  utile  sur  le  fait  contesté  ^;  par  h 
Cour,  puîaqu'fl  suffit  qu'elle  juge  qu'un  acte  d'inslmdioo 
est  néoêfisaire  pour  qu'elle  puisse  l'ordonner^.  Cette  double 
attributioane  peut  être  contestée  ;  nous  avons,  eo  effet,  éta- 
bli, d'une  part,  que  les  termes  de  Tart.  269  sont  purement 
déaMostratiCs  et  que  le  pouvoir  discrétionnaire  n'est  pas  stric- 
tement limité  dans  les  cas  qui  y  sont  prévus  ^,  et  d'une  autre 
part,  que  la  Cour  d'assises  peut  ordonner,  même  d'office, 


*Voy.LV,  P.S18. 
•Voy.  t  V,f.«St. 

•  Casa.  19  sept.  dSdS^rapp.  ICDebauHgr.  Bull.  a.  SSi  ;  a9aMii840»  npfb 
M.  Meyronnet,  n.  152  ;  2  juitl.  48Â6,  rapp.  M.  Fréteaa,  o.  1S9. 

A  Casa.  17  jann  1889,  rapp.  M.  Rocher.  Bull.  n.  là.  ^ 

*  Voy.  iupràf  p,  452. 


PREUVES  DIVERSES.   $  646.  T79 

toutes  les  mesures  d'iDStruclion  qui  lui  semblent  nécessaires 
pour  éclairer  sa  propre  religion  et  ceHe  des  jurés  ^ 

Mais  si  le  président  et  la  Cour  peuyent  ordonner  la  même 
mesure,  cette  mesure,  suivant  qu'elle  est  ordonnée  par  l'un 
ou  par  Tautre,  ne  doit  pas  apporter  dans  le  débat  la  même 
autorité  :  toutes  les  mesures  que  prend  le  président,  en  vertu 
de  son  pouvoir  discrétionnaire,  ne  doivent,  comme  on  Ta  vu  *, 
Stre.considérées  que  comme  de  simples  renseignements  ;  toutes 
celles,  au  contraire,  que  prend  la  Cour  ne  peuvent  être  pro- 
duites qu'avec  le  caractère  de  preuves.  Cette  distinction  fon- 
damentale a  été  perdue  de  vue  dans  quelques  espèces.  Il  a 
été  jugé  que  le  président  a  pu,  sur  la  réclamation  des  accusés, 
nommer  trois  experts  médecins  pour  procéder  à  une  opéra- 
.tîon  et  en  rendre  compte  au  jury  *.  Il  a  encore  été  admis  que 
les  experts  appelés  par  le  pouvoir  discrétionnaire  avaient  pu 
procéder»  non  point  seulement  i  titre  de  renseignements, 
mais  sous  la  foi  du  serment  ^.  Ce  sont  là  des  déviations  qu'il 
suffit  de  signaler.  Les  experts  exercent  une  mission  souvent 
très  importante,  et  leur  opinion  peut  exercer  une  influence 
quelquefois  décisive  sur  le  Jugement  ^  :  îl  importe  donc  que 
cette  opinion  ne  se  produise  qu'avec  l'autorité  qui  lui  appar- 
tient, comme  simple  renseignement,  si  c'est  lo  pouvoir  dis- 
crétionnaire qui  Ta  provoquée,  comme  élément  de  la  preuve, 
si  c'est  la  Cour  d'assises,  sur  la  réclamation  des  parties  ou 
i  d'office,  qui  l'a  introduite  dans  le  débat. 


m.  Le  choix  des  experts  est  laissé,  soit  au  président,  soit 
à  la  Cour  d'assises  :  nous  avons  tracé  les  règles  qu'ils  doivent 
observer  à  cet  égard  ^.  Comme  les  expertises  ont  pour  objet 
d*apporter  aux  juges  et  aux  jurés  les  connaissances  spéciales 
qui  leur  sont  nécessaires  pour  comprendre  les  faits  du  procès, 
ils  doivent  choisir  les  personnes  qui  possèdent  le  plus  parfai- 
tement ces  connaissances  et  qui  sont  le  plus  capables  d'éclai- 
rer les  points  douteux  ou  contestés. 

Les  experts  ne  peuvent  être  pris,  à  peine  de  nullité,   ni 

'  Voj.  Muprà^  pb  679. 

xVcy.  «vin^d»  p.  470. 

*Cb8s«  29  mal  18&0,  rapp.  M.  Meyroim^  BnlK  n.  i52« 

*  Ga».  ioov.  iSaa,  rapp.  M.  Vincens-St-Laurent.  Bull.  n.  868;  2;jaiU. 
1816,  rapp.  U.  FréCeau.  n.  169. 

•Voy.UV.p.  651.  : 

•  Voy.  U  V,  p.  662. 


7d0  DES  COURS  d'assises. 

,  pajiBi  i^  jpe^y  ni  parmi  les  jurés  ';  n^ajs  cette  exception 
faite  et  les  parties  également  écarté^,  a)p^i  ^ue  les  indiwclQs 
privés  d(^  droit  d^ëtre  çxpc^^  en  justice^  en  vertu  des  arti- 
cles 34  et  42  du  C  pén^,  toqtes  p^rspanè^  sont  aptes.à  rem- 
plir cette  missÎQQ  :  —  les.étrangejrs,  car  ce  n^est  poSni  là  tint 
lippction  publique  *,  Les  té^ioins^  même  dans  la  aiême  affaire, 
car  aucune  dispûsitioQ, de  Ip  loi  ^'interdit  le  cumul  des  foncr 
tions  de  témoin  et  d'expert  3,  les  jurés  eux-mêmes  lorsqu'ils 
ne  font  point  partie  du  jury  dç  jugement.  ^ . 

IV.  Les  experts,  lorsqu'ils  ont  été  appela  par  un  arrêt  de 
ta  Ck>ttr  d'assise»!  doivent,  à  peine  de  i^llité».  prê^r  serment; 
car  «  les  dispositions  de  la  )oi  touchapt  Taffirmatioo  sous  la 
foi  du  serment,  des  rapports  ou  de^  téptpigqageç^  sont  çnhsiaih 
tielles  à  Tinstruciion,  et  les  fori^aljtés  qu^el|ea  presçriveiit 
sont  îflstituéeBi  dans  Tinterèt  4^  la  niai^iG^s^^iqu  d^  la  vé- 
rité 5  »^  . 

■    'r  '      ■ 

La  formule  de  ce  serment,  qui  est  prescrite  par  Tart.  M, 
est  a  de  faire  leur  rapport-et  'de  'donner  leui<  avw««a  leur 
bonneor  et  conscience.  »  Elle  n'^  passactauietldie^enee 
'^ens  que  si  quelque  terme  lotit  &  faît<équi|KiU«iit«  Mérni>- 
Èiitué  à  un  des  terhies  de  la  loi,  il  n'y  a  ^9lS4%  fautUlé  «;*«aif 
ts  ttullité  serait  encourue  si  la  formiile  ava#  été  tma^née,  et 
par  exemple  si  à  cette  formuM  ii  en  avait  étésubstàlaè  qm 
autre;  car  <i  les  formules  légales  de  serment  sont  inrôkèics 
tomme  le  serment  lUi-^même,  et  unede  ces  forouijos^ae  peut 
àTbrtrairement'étre^b^Uuéeàittie^aatre.T'iBi   >      .  • 

Il  a  été  admis  que  l'expert  qui  n^est  appelé  devant  la  Coo 
d'assises  que  pour  rendre  compte  des  opérations  aQxquefles 
il  a  procédé  dans  le  cours  de  Tinstruction  écrite,  peut  Hre 
^kMisidéré  comme  témoin  et  que  le  serment  qufil  prêta  en 

'    •   '•  ■  .  .^'  *■•.■••■         ^•'• 

^Voj,  sûprà,  p.  ioU        ''.'  .      '    '     '    ,  '   '"'   •*'      '      • 

,,   >  Gass.  39aoùtf85a,  rapp.  If.  Rocher.  J.^.,  i.XXV;p.'86lit7se^.f8S5» 
rapp.M.CIiau?eau-Lagarde.BulI.  D.  361.  '  ,'; 

„  *  Çasi.  39  aoai  1833,  dlA  dans  la  noie  qttîjarécède.  '  '  '/^  •'    '!  •  ' 
•    '  Caia.,19JM?iw  1827,  rapi).  &L  CaîUafd.  i.  P.,  t  mf'p^'0lrS7dK 

I    •  C^ss,  i6ju|ll.  48319,  r«\ff.  M.  de  Croiuseilhes.  J^  Py  U  XXII.  p,  tlSli 
9t  vot.  t.  V,  ik.60l.  .y    v  .1  .c.^T  lA.vc  »r  .>    1 

'      fiime onS el suprd]  pliai        "       '''''" '  " -^'" '  -^  "'^   '  ' 


PRBVTCS  B1VBI8K8.  §  646-  781 

cette  qualité  ne  vicie  pas  la  procédure  ^  C'est  là  une  juris- 
prudence qui,  quoique  bien  arrêtée  aujoord'btti,  'n'est  pas 
moins  contraire  à  la  vérité  des  faits  ;  car  les  eiperts  ne  disent 
pas,  comme  le$  (érooins,  ce  qu'ils  ont  vu  ou  entendu,  mtiis 
ce  qu'ils  pensent  de  tel  Tait  ou  de  telte  chose  ;  ils  tie  sont  pas 
responsables,  comme  les  témoins,  de  la  sincérité  de  leurs  dé^ 
claralions;  ils  jugent,  ils  ne  témoignent  pas.  Ckitte  cov^fasion 
d'ailleurs  n'était  pas  nécessaire;  car  Texpert,  qui  a  procédé 
dans  la  première  instruction  à  quelque  vérification,  peut  être 
appelé  à  l'expliquer  devant  la  Cour  d'assises  sons  la  foi  du 
serment  qu'il  avait  prêté  devant  le  juge  d'instruction  *. 

Le  serment  que  l'expert  prêterait  comme  témoin  serait 
d'ailleurs  insuffisant  :  1^  s'il  n'avait  pas  prêté  avant  de  pro-^ 
céder  à  l'expertise  celui  d'expert,  car  le  premier  de  ces  ser-*- 
ments  ne  se  rapporte  qu'aux  explications  verbales  et  non  i 
l'opération  et  à  la  rédaction  du  rapport  ^  ;  8"  s'il  venait  a  étra 
chargé  à  Taudiehce  d'unef  expertise  quelconque  ^,  è  menis 
que  les  explications  qu'il  donne  ne  soient  que  la  suite  de  la 
première  opération  ^. 

Le  serment  d'expert  serait  également  insuffisant  si  l'ex- 
pert est  appelé  à  un  double  titre ,  non-seulement  çomn](e 
expert,  mais  eomme  témoin»  par  exemple,  s'il  a  été  cité  comme 
ténnoin,  ets'il  a  été  nommé  expert  par  la  Cour  d'assises,  car 
le  double  devoir  qu'il  est  appelé  à  remplir  ne  peut  l'être  qu'a» 
vec  la  garonlied'un  doubte  serment «. 

Au  surplus,  s'il  ne  s'agbsait  pas  d'une  vérification  empor- 
tant une  appréciation  de  faits,  mais  d'une  œuvre  purement 
manuelle,  comme  de  décharger  ua  fusil,  ou  de  délier  un 

*  Cass.  a  janvier  4846,  rapp.  M.  Vioceos-St-Laoreot.  Bull.  n.  iS  ;  5  nor. 
1846»  rapp.  M.  Barennes,  n.  285  ;  Si  juill.  1841,  rapp.  M.  Dehaassy^  n.  Sl9; 
19  f(ëv.  ISIltrapp.  M.  Itfeyronnet,  n.  48;  8  ocL  i84(^«  rappb  Mi  Bomigatèréi, 
n.  299;  i6  JailU  1029,  rap^  M.  de  CrooseUtet.  h  P*«t»  ^PUI,  9*  UW  ;  U 
août  4835,  rapp.  M.  Fréteau.  Bull.  n.  325. 

'  Cass.  13  août  1829,  rapp.  M.  Ghoppîn.  J.  P.,  t  XXII,  p.  1340  ;  21  août 
1885,  rapp.  M.  Fréteau.  Bull  n.  825;  2  juill.  1846,  même  rapp.  o.  169; 
4  janr.  1839,  rapp.  M.  MeyrooDjSt.Dall.  40^/»  398. 

■  Caiff..  27rdéc.  1^4f  rapp.  M.  de  Ricard.  J.  P.,  t.  XXVI,  p.  Ii92. 

*  Cass.  4  sept.  1840,  rapp.  M.  Vincens-St-taorcot  Bull.  n.  251  ;  8  avril 
1847,  rapp.  M.  Brière-Valigny,  n.  75.  ^ 

*GfKs.^  oct.  ^^0,  rapp.  SI.  Romîg^ujères,  Bull.  n.  299;  10  oct  1889, 
rapp.  M.  VinceD»-âi-Laureat  BuU.  1840.  â.  245;  27  avril  1827,  rapp. 
M.  Brière;  J.  P.,  t.  XXÏ,  p.  387;  15  janv.'l829,  rapp.  M.  Mangin,  t.  XXlI, 
p.  266.  -1 

'  Cas«.  13'  ao6t  "(835,  rapp.  M/  de  CrotiseUhès.  Bup.  n.  317;  2  'avril 
f  840y  rapp.  M.  Debanwj,  d.  101;  11  joill.  1846,  rapp.  »[•  B^essorf^  i|:  Hî. 


782  M 

paquet  renfennant  des  pièces  de  conyictÀon^  aucun  serment 
ne  serait  nécessaire;  car  ce  ne  sont  pas  là  des  expertises ^ 

V.  Nous  avons  déjà  exposé  les  formes  générales  des  ex- 
pertises judiciaires'.  Neas  ajouterons  seulement  que  l'exper- 
tise peut  être  confiée  à  un  ou  à  plusieurs  experts»  suiyant 
que  le  président  ou  la  Cour  le  juge  convenable;  que  Topé- 
ration  peut  être  faite,  soit  à  Taudience  mème^  si  son  caractère 
le  comporte,  sbit  en  dehors  de  Taudience,  mais  à  la  charge 
d'en  faire  connaître  le  résultat  publiquement  et  en  présence 
des  accusés  >;  qae  les  experts  ainsi  désignés  peuvent  bire 
leur  rapport  en  présence  Tun  deFautre;  enfin  qu'ils  peuvent 
se  mettre  eo  communieatiott  avec  les  premiers  experts  nooi- 
mes  dans  T  instruction  K 

S  647. 

i.  Production  et  lecture  de  pièces.  —  II.  Quelles  pièces  peuvent  être 
lues  aux  débats.  —  III.  Jonction  au  dossier. 

LNous  avons  précédemment  établi  que,  dans  noire  lé- 
gislation moderne  y  les  écrits  sont  un  moyen  de  preuve  que 
le  juge  apprécie  sans  être  lié  par  eux  ;  ils  peuvent  être  produits 
dans  le  débat;  ils  sont  examinés  et  discutés  f^ar  les  parties; 
ils  apportent  dans  la  cause  tous  les  éléments  de  preuve  qu'ils 
contiennent  ;  mais  ils  n'ont  aucune  puissance  légale;  et  qnd 
que  soit  leur  caractère,  quelleque  soit  même  leur  authenticité, 
ils  n'enchaînent  point  la  conviction  du  juge  ^. 

LMnstrnction  qui  se  fait  à  l'audience  est  essentiellemeot 
orale  ^.  Mais  le  caractère  de  Pinstruction  ne  fait  jamais  ote* 
tacle  à  ce  que  l'un  des  éléments  de  la  preuve  soit  un  écrit , 
un  titre ,  une  lettre,  pourvu  que  celte  pièce  soit  librement 
examinée  et  discutée  par  les  parties ,  pourvu  que  cet  examen 
fasse  partie  du  débat  oral .  Il  en  est  ainsi  de  l'examen  des  fûèees 


«  Cass.  18  avril  1883,  rapp.  M,  MériHiou.  J.  P.,  U  XXY.  p.  383;  29  aiiî 
lasO.  DalL  50,  4,  hU. 
»  Voy.  L  V,  p.  662. 

*  Cass.  17  a?rU  1838,  rapp*  M.  MeyronneU  Bull.  n.  145. 

♦  Csss.  21  juill.  18A3,  rapp.  M.  MeyronneU  Bull.  n.  188. 
»  Voy.  t.  V,  p.  621  et  suiv. 

•  Voy.  Muprà,  p.  591  et  592. 


de  coBTÎctioD^  des  expertises^  des  opérations  de  to«te  nature 
qui  sont  soumises  au  débat  et  n'en  changent  point  le  ca- 
ractère. 

C'est  par  application  de  cette  règle  que  l'art.  306  veut  que 
les  pièces  du  procès  qui,  suhant  les  termes  de  Tart.  37 ^peu- 
vent serf  ir  i  conviction  ou  à  décharge,  soient  communiquées 
à  l'accusé  et  que  copie  lui  sott  donnée  des  procès-verbaux 
constatant  le  délit;  c'est  par  suite  de  la  même  règle  que  Tar- 
ticle  341  prescrit  de  remettre  aux  jurés  les  mêmes  procèfr- 
Terbaux  et  les  mômes  pièces ,  tands  que  Tart.  342  recom- 
mande à  ces  derniers  de  ne  pas  considérer  comme  suffisamment 
établie  une  preuve  qui  n'est  formée  que  de  tel  procèfr-verbal 
on  de  telles  pièces,  et  de  ne  consultef  que  leur  intime  con- 
viction. 

II.  Quelles  sont  les  pièce.^  (^t  écrits  dont  il  peut  être  donné 
lecture  dans  le  cours  des  débats?  La  jurisprudence  a  succes- 
sivement reconnu  qu'il  peut  être  donné  lecture  :  1^  des 
procès-verbaux  constatant  le  délit;  car  si  l'art.  313  n'or- 
donne la  lecture  que  de  l'arrêt  de  renvoi  et  de  l'acte  d'accu- 
sation, cet  article  n'est  point  limitatif,  et  d'ailleurs  l'art.  341 
prescrit  la  remise  de  ces  actes  aux  jurés»;  2*"  des  procès- 
Terbaux  constatant  le  délit,  lors  même  qu'ils  contiennent  des 
déclarations  de  témoins,  car  l'art.  341,  qui  défend  la  remise 
de  ces  déclarations  aux  jurés,  n'est  pas  prescrit  à  peine  de  nul- 
lité*; 3o  des  interrogatoires  d'un  coprévenu  décédé  ou  mis 
hors  du  procès  par  la  cbambre  d'accusation,  puisque  ce  ne 
sont  pas  là  des  déclarations  de  témoins  ^;  4*  des  interroga- 
toires des  parents  qui  ne  pourraient  témoigner  contre  l'ac- 
cusé, lorsqu'ils  les  ont  subis  à  titre  d'iiiciitpéi^;  fr^^des  dé- 
clarations écrites  des  témoins ,  dans  les  cas  qui  ont  été  ci- 
dessus  spécifiés  5-  6«  enfin  des  écrits  divers  qui,  tels  que  des 
lettres  missives  trouvées  an  domicile  de  l'accusé  ^,  peuvent 

*  Cass.  J2  juin  1820,  rapp.  M.  Busschop.  J.  P.,  t.  XV,  1068  ;  8  sept.  1812, 
rapp.  M.  Bauchau,l.X,p.706.  ,  «     •   viv  «  *«;«    «  r*. 

*  Cass,  29  mai  1817,  rapp.  M.  Busschop,  J.  P.,   t.  XIV,  p.  253  ;  6  fér. 
48a2.  rapp.  M.  Isamberl,  t.  XXIV,  p.  67S. 

»  Cass-TDov.  1830,  rapp.  M.  Isambert.  J.  P.,  t.  XXÏII,  p.  814  ;  10  jany. 
4817,  rapp.  M.  Roberl-St-Vincent,  t  XIV,  p.  19.  .-,=    -.       .. 

*  Ca8sr27jaîn  1828,  rapp.  M.  Busschop.  J.P.,  t.  XVII, p.  1215;  10  avrJ 
1828,  rapp.  M.  Gary,  XXI,  p.  1356; 

*  Voy.  tuprdf  p.  /i61. 

*  Cass.  28  mars  1833,  rapp.  M.  Rocher.  J.  P.  XXV,  p.  815. 


784  DES  COURS  D^SSISBS. 

jeter  du  jour  sor  le  fait  incriminé ,  ou  donner  des  renseigne- 
ments sur  la  moralité  de  Paccusé  ou  sur  celle  des  témoins*. 

Il  y  a  lieu  toutefois  de  rappeler  que ,  toutes  les  fois  qu'il 
s'^agit,  soit  de  la  déclaration  d'une  personne  dont  le  témoi- 
gnage est  prohibé,  soit  de  dépositions  écrites  de  témoins»  soit 
d'un  document  nouveau  ne  faisant  pas  partie  des  pièces  da 
procès,  la  lecture  ne  peut  en  être  ordonnée  que  par  le  prési- 
dent ,  en  vertu  de  son  pouvoir  discrétionnaire  et  sous  sa  res- 
ponsabilité personnelle  :  c'est  là  une  mesure  extraordinaire 
3ui  est  en  dehors  des  règles  tracées  par  la  loi,  et  que  la  Cour 
'assises,  chargée  d'appliquer  ces  règles  ,  ne  pourrait  pres- 
crire •,  même  du  consentement  de  raccusé*. 

De  ce  que  cette  lecture  ne  peut  être  ordonnée  qne  par  le 
pouvoir  discrétionnaire,  il  s^ensuit  que  le  président  pent re- 
fuser de  Tautoriser,  lorsqu'elle  est  réclamée  par  Taccusé; 
mnis ,  dans  ce  cas,  la  défense  conserve  le  droit  de  foire  usage 
dans  la  plaidoirie  de  la  pièce  dont  la  lecture  a  été  interdite 
dans  le  débat  ^. 

III.  Toutes  les  fois  qu'un  document  quelconque  est  intro- 
duit dans  le  débat,  soit  par  Tordre  du  président,  soit  parle 
ministère  public  ou  l'accusé,  ce  document  doit  être  déposé  et 
joint  aux  pièces,  afin  de  mettre  Tune  et  l'autre  partie  à  même 
d'en  apprécier  et  d'en  débattre  la  valeur  et  la  portée  ^. 

Toutes  les  fois  qu'une  pièce  quelconque  est  jointe  è  la  pro- 
cédure, il  y  a  lieu  de  la  remettre  aux  jurés ,  lorsqu'ils  ïont 
délibérer»  avec  les  autres  pièces  du  procès.  Mais  nous  avons 
vu  qu*aucune  nullité  n'est  attachée  à  cette  disposition. 

*  Voy.  «vprà,  p.  liH  et  tnhr.f  p.  59S  et  soif.;  et  can.  SS  sept  1831,  n^ 
M.Brière.  J.  P. ,  t.  XXIV,  p.  258. 

*  Casa.  30  déc,  188 J,  rapp.  M,  Choppin.  J,  P„  t.  XXÏV,  p.  518;  13  jai 
1839,  rapp.  M.  Isambert.  Bull.  n.  188  ;  et  cont  1&  sept.  1826.  Bail  d.  1^'* 
Hééc  1835,  n.  669 ;  80  JoUI.  1886 1  o.  189  ; 27  avril  1887,  n.  184. 

»  Cas».  18  juilI.184i,  rapp.  M.  IsamberL  jouro.  cr.  tXVJ,  p.  803. 

*  Cass.  2  déc.  1842,  rapp.  M.  Rocher.  Bull,  n,  316  ;  9  ju»!.  1840,  rapp. 
M.Mérilhoa.  n.l99;  80  juiU.  1847,  rapp.  M.  JacquiDot,  n.  168. 

*  Cass.  7  janvier  1836,  rapp.  M.  Deiiaussj.  Bull.  n.  5. 


ClTÀtlTRE  )pll, 

INCIDENTS  DE  VAqWBNCE, 


§  ^w.  1.  ïncidenis  dé  Taudience.  —  IL  Diverses  ^spè4:es. 

§  61t.  I.  ExeepHoiiB  et  Éfti*  de  nonreéeVoir:   — !  n.  Questions  de 
,  oompéleikce.  -^  Jl.  Exceptions  aui  lendéfH  II  IVxiinciîon  de  Tao- 
tioQ  —  JIY.  £;zcepiUu^  ^î  ten<ieniiii*annolsiieo>ou  k  lasuspen*- 
sion  de  la  procédure.  —  T.  Excepii^qs  préjudicielles  à  Ugûco^ 

S  650.  h  Sospicloti  ée  faux  témoignage.  —  [ÎT.  Arrestation  des  lé- 
molDS  suspects.  —  ÎII.  Mise  en  sunreillance  de  ces  témoins.   ' 

S,  (m  L  Renvoi  derafTair^  k  ui)fi!$iQlre<9fssioT».^II.  lo  Lbrstiie  la 

disposition  d'iin  témoin  paraît   feusse..— ;  IIL.  %•  Toutes  (es  (ois 

'    qn^uri  événement  le  rend  nécessaire.  — iV.  Par  qui  le  renvçiesi  or- 


§  6;S2.  L  Xrf^h^e  «l  d«)iu>  d'^mlieio».  _]l .  HéfoèNîon  de  Faceusé  H 
^nn.  expulsion  de  raqçH^ftca.  .-r  UI.  Q4couirett^  d'on  nouveau  tfme 

^   à  raMdîerice.  —  IV;  Tumulte  et  délits  cpmïûiisvr«udi^<».      .  •. 


•'■•'•-  1''-     'î     •■  §''64*. 


'      '  I.  Incidents  de  l*nudieftce.  —ÎJ,   DîverseiS  e^i  tces. . 

t.  tef  iocldents  qui  peuvent  s'élever  dai  s  le  cours  i)e^ 
dé  bats  sont  nombreux  et  il  serait  dilBdle  de  l'es  |)ré|Vpir  tous. 
Toutes  los  questions  ot;  dcnriandesque^^ôiilèveiiit  Vàrâisalkuv 
ou  la  défense,  touie^  les  piesurès qulordoonent  leprésident 
ou  la  Cour  d'assises,  sont  des  incidents  qui  changent  d'objet 
et  de  caractère  suivant  les  circonstances  multiples  des  affaires 
et  les  réclamations  infinies  auxquelles  elles  donnent  lieu. 
Lorsqu'il  s'agit  uniquement  de  faire  à  ces  incidents  Tapplica- 
tion  des  règles  générales  établies  par  la  loi>  il  suffit  d'expliquer 
ces  régies  et  de  rappeler  les  différentes  espèces  dans  lesquel- 
les elles  ont  été  invoquées.  Hais  il  est  plusieurs  faits  qui  sont 
viu  50 


786  DES  COCMI  hASSiStB. 

de  nature  à  se  représenter  souvent  avec  le  même  caractère 
et  qui  dès  lors  exigent  des  règles  particulières.  Ce  sont  ces 
faits  dont  nous  allons  nous  occuper. 

II.  Nous  avons  déjà  examiné  quelques-uns  de  ces  incidents: 
tels  sont  ceux  qui  ont  pour  objet  la  police  de  l'audience  i,  les 
mesures  d'instruction  ordonnées  dans  le  cours  des  débats^  les 
renvois  de  rafiaire  à  un  autre  jour  ou  à  une  autre  session 
dans  les  cas  prévus  par  les  art.  306  et  354  %les  jonctions  ou 
disjonctions  de  procédures  ^,  le  huis-clos  ^,  les  interruptions 
des  débats  S  les  communications  des  jurés  au  dehors  7,  l'as- 
sistance des  interprètes  s,  et  enfin  les  incidents  variés  de  Tau- 
dition  des  témoins  9.  Nous  avons  constaté  aussi  le  droit  qui  est 
attribué  au  ministère  public  ou  à  la  défense  de  prendre  sur 
tous  ces  incidents  des  réquisitions  ou  des  conclusions  et 
l'obligation  imposée  à  la  Cour  d'assises  d'y  statuer  ^^. 

Il  nous  reste  à  parler  :  l"*  des  exceptions,  questions  pré- 
judicielles et  demandes  en  nullité  ;  S""  des  suspicions  de  Uux 
témoignage  qui  s'élèvent  contre  les  témoins  ;  3""  des  renvois 
à  une  autre  session  à  raison  de  quelque  événement  survenu 
dans  le  cours  des  débats  ;  &®  des  cas  où  il  y  a  lieu  à  l'expul- 
sion de  l'accusé  ;  et  5""  des  délits  révélés  ^ou  commis  à  l'au- 
dience. 


S  649. 

I.  Exceptions.  —  IL  Exceptions  de  compétence.  —  111.  Exceptions 
qui  tendent  à  Textinction  de  Faction.  —  IV.  Nullités  de  procédiin> 
et  exceptions  tendant  à  faire  déclarer  Taccusation  non  re:erablf 
quant  à  présent.  —  V.  Exceptions  préjudicielles. 

I.  Nous  avons  longuement  examiné  toute  la  matière  des  ei- 
ceplions^i.  Nous  ne  voulons  ici  que  distinguer  brièvement,  en 
appliquant  les  règles  qui  ont  déjà  été  établies,  les  exceptions 
et  fins  de  non-recevoir  qui  peuvent  être  proposées  devant  la 
Cour  d'assises  et  celles  qu'il  n'est  plus  permis  d'y  soulever. 

*  Voy.  iuprd,  p.  486.  —  •  P.  453  et  479. 
■  P.  5«3  et  §74.  ^  *  P.  569. 

6  P.  592.  —  •  P.  598.    . 
»  P.  614.  —  •  P.  628. 

•  P.  684  et  suiv.—  *•  P.  495  et  820. 

"  Voy.  t.  III,  p.  iSG  et  £05  ;  U  VJ,  p.  606  j  U  VII,  p,  9B0ti  IkL 


iNciDïNTa  lui  L'AUD^u^:E.  {  649.  717. 

Il  ▼  a  (fois  sortes  d^eiœplions  :  celles  qn  ont  pour  objet 

de  dédiner  le  compétence  de  la  juridicâoD  saisie,  ceHes  qii 

tendent  à  rextinction  de  Taclion»  et  celles  en6n  qui  ont  pour 

but  on  de  surseoir  ail  jugement,  ou  de  frapper  la  procédure 

de  nuiMé. 

II.  Toute  exception  de  oompétence  est  interdite  devant  la 
Cour  d'assises  :  il  est  de  principe,  en  effet,  que  celte  Cour, 
lorsqu'elle  a  été  régulièrement  saisie  par  un  arrêt  de  la  diâm* 
bre  des  mises  en  accusation,  ne  peut  se  déclarer  incompétente» 
soit  à  raison  àe  la  qualité  de  Taccusé,  s'il  était  militaire  et 
qu'il  eût  commis  le  crime  à  son  corps»  soit  à  raison  de  son 
ftge,  s'il  a  moins  de  seize  ans,  et  quSI  ne  soit  justiciable  que 
de  la  juridiction  correctionnelle,  soit  k  raison  de  ce  que  le  fait 
ne  constituerait  qu'un  délit  ou  qu'une  contravention,  sok  à 
raison  de  ce  que  son  ressort  ne  serait  ni  le  lien  du  crime,  ni 
celui  de  la  résidence  ou  de  l'arrestation  de  Taccusé»  soit  enfin 
à  raison  de  ce  que  le  crime  aurait  été  commis  sur  le  territoire 
étranger.  Il  suffit  qu'elle  soit  régulièrement  saisie  :  la  pléni- 
tude de  juridiction  dont  elle  est  investie  lui  attribue  une  com- 
pétence générale  pour  juger  tous  les  faits  et  tous  les  accusés 
qui  sont  renvoyés  devant  elle.  Nous  avons  examiné  précédem- 
ment ce  principe  et  relaté  les  arrêts  sur  lesquels  il  s'appuie  *. 
Tout  ce  qu'on  doit  en  inférer  ici,  c'est  qu'aucun  déclinatoire 
ne  peut  être  proposé  devant  la  Cour  d'assises  et  que  ses  arrêts 
ne  peuvent,  en  aucun  cas,  être  attaqués  pour  cause  d'incom- 
pétence, quelle  que  soit  la  cause  de  cette  incompétence, 
qu'elle  soit  ratione  ïoci,  personœ  vel  materiœ  •• 

m.  Les  exceptions  qui  tendent  à  l'extinction  de  l'action, 
telles  que  l'exception  de  chose  jugée,  la  prescription  ou  l'am- 
nistie, peuvent,  au  contraire,  être  proposées  devant  la  Cour 
d'assises,  toutes  les  fois  qu'elles  ne  l'ont  pas  été  devant  la 
cbambre  d'accusation. 

Si  la  chambre  d'accusation,  en  effet,  a  statué  sur  ces  ques- 
tions^ il  y  a  chose  jugée,  et  il  n'est  plus  permis  de  mettre  en 
discussion  les  points  de  droit  qu'elle  a  admis  ou  rejetés^,  à 
moins  toutefois  que  les  éléments  de  sa  décision  ne  fussent 


*  Voy.  t.  VI.  p.  588. 
»  Voy.  t.  VI,  p.  585. 
»  Voy,  U  VI,  p.  608  et  60». 


788  »■•  couM  i»*Àts(fu» 

puisés  dans  des  faits  que  le  débat  a  pu  modifier  '  •  Mais  si  cettt 
chambre,  soit  que  les  questions  aient  été  ou  non  soulevées 
devant  elle,  n'a  pas  statué,  Taccusé,  lors  même  qu'il  ne  se 
serait  pas  pourvu  contre  Tarrét,  peut  les  élever  de  nouveau 
devant  la  Cour  d'assises;  car,  dès  qu'on  ne  peut  lui  opposer 
la  chose  jug^e,  il  est  impossible  de  lui  dénier  le  droit  de  sou- 
tenir que  l'action  est  éteinte  ou  que  le  fait  a  cessé  d'être  pu- 
nissable. Nous  avons  développé  précédemment  ce  point  de 
doctrine  >• 

lY.  A  côté  des  exceptions  qui  tendent  à  Textinction  de 
Taction,  il  y  a  encore  celles  qui  tendent  à  l'annulation  de  la 
procédure  et  celles  qui  tendent  à  ce  que  l'action  soit  déclarée 
quant  à  présent  non  recevable. 

Les  exceptions  qui  tendent  à  Tannulation  de  la  procédure^ 
ou,  en  d'autres  termes,  les  nullités  de  la  procédure  écrite 
sont  couvertes  par  le  défaut  de  pourvoi  contre  l'arrêt  de  ren- 
Toi  :  ces  nullités  doivent  être  relevées  devant  la  chambre 
d'accusation  >  et  ne  peuvent  être  proposées  que  devant  cette 
chambre  qui  est  le  juge  de  la  procédure  écrite.  Si  l'accusé  ne 
les  oppose  pas  à  ce  moment,  elles  sont  voilées  par  son  si* 
lence;et  la  Cour  d'assises ,  d'ailleurs,  serait  incompétente 
pour  connaître  de  ces  nullités ,  c'est-i-dire  pour  annuler  la 
procédure  écrite^. 

Les  exceptions  qui  tendent  à  ce  que  l'action  soit  déclarée 
quanta  présent  non  recevable  présentent  plus  de  difficulté. 
Elles  peuvent  principalement  être  élevées  :  1^  à  raison  du 
défaut  de  plainte  préalable  dans  les  poursuites  pour  rapt,  pour 
crimes  des  fouini&^eurs  de  TElat  et  pour  crimes  commis  à 
l'étranger  &  ;  2*  à  raison  du  défaut  d*autorisation  de  mise  en 
jugement ,  lorsque  Taccusé  a  la  qualité  d'agent  du  gouver- 
nement ;  S""  à  raison  du  défaut  de  jugement  de  la  question 
l'Etat,  dans  les  poursuites  qui  tendent  à  modifier  Tétat  dvil 
d'une  personne  ;  4®  entin ,  à  raison  du  défaut  d'une  preuve 
littérale  dans  les  crimes  résultant  de  la  violation  d'un  con- 
trat. 

Quant  aux  deux  premières  exceptions^  la  solution  ne  nous 

•  T.  VI,  p.  608  et  609. 
■  T.  VI,  p.  611. 

»  T.  VI,  p.  49». 

•  Voy.  cependant  un  «rrét  da  9  mai  1845,  rapp,  t.  VT,  p,  505. 

•  Voy.  t.  If,  p,  33, 


INCIDBNTB  OK  t*AUDlSNCB,  f  ^^V-  ^99 

a  pas  paru  douteuse  ^  Si  le  législateur  n^a  pas  voulu >  par  des 
motifs  d'intérêt  général,  que  certains  crimes  Tussent  poursui* 
vis  sans  une  dénonciation  des  parties  lésées  et  que  les  agents 
du  gouvernement  fussent  mis  en  jugement  sans  une  autori- 
sation préalable,  ce  sont  là  des  formes  dont  la  violation  est 
couverte  par  le  défaut  de  pourvoi  contre  l'arrêt  de  renvoi.  On 
doit  supposer,  en  effet,  lorsque  la  procédure  est  parvenue  sans 
réclamation  h  ce  terme  »  ou  que  les  parties  y  ont  acquiescé 
ou  qu'il  n'était  besoin  ni  de  plainte  ni  d'autorisation. 

La  troisième  exception  ,  que  nous  avons  déjà  examinée*, 
a  été  nettement  résolue  par  la  jurisprudence  :  il  a  été  reconnu 
que  lorsque  la  question  d'état ,  que  la  procédure  écrite  n*a 
pas  soulevée,  ne  s'est  produite  que  devant  la  Cour  d'assises, 
cette  Cour,  lors  même  que  Tarrêt  de  renvoi  est  passé  en  force 
de  chose  jugée»  doit  déclarer,  en  présence  de  la  question  de 
filiation  qu'elle  ne  peut  juger,  qu'il  n'y  a  lieu  de  procéder 
quant  à  présent  au  jugement  >• 

Nous  arrivons  maintenant  à  l'exception  tirée  de  l'absence 
d'une  preuve  littérale.  Faut-il  assimiler  cette  exception  à  celle 
qui  résulte  de  la  question  d'état?  faut^il  ne  voir,  dans  ces 
deux  hypothèses,  qu'une  même  infraction  à  la  prohibition  de 
la  preuve  testimoniale  en  matière  de  suppression  d'état  et  de 
violation  de  contrat?  faut-il  permettre  à  Texception  fondée 
sur  le  défaut  de  preuve  écrite  de  se  produire  en  tout  état  de 
cause?  Cette  question ,  que  nous  avons  déjà  entrevue 4,  est 
délicate  et  mente  que  Ton  s'y  arrête  un  moment. 

Assurément ,  dans  la  poursuite  des  délits  qui  consistent 
dans  la  violation  d'un  contrat,  la  preuve  du  contrat ,  néces- 
saire pour  arriver  à  la  preuve  du  délit ,  ne  peut ,  aussi  bien 
que  la  preuve  de  la  filiation,  en  matière  de  suppression  d'é- 
tat, être  faite  que  conformément  aux  règles  du  droit  civil.  La 
prohibition  de  la  loi  n'est  pas  moins  formelle  dans  un  cas  que 
dans  l'antre.  L'intérêt  des  familles  ne  serait  pas  moins  blessé 
par  les  attaques  téméraires  dont  les  conventions  seraient  l'ob- 
jet que  par  celles  qui  seraient  dirigées  contre  la  vérité  des 
filiations.  Il  semble  donc,  à  la  première  vue,  que  l'exception 
doit  avoir  le  même  effet  dans  les  deux  hypothèses,  et  que  si  la 

*  Voy.  t.  VI,  p.  612. 

■Voy.L  m,  p.  206. 

'  Cas».  21  mai.lS18  et  22  juin  1820,  rapp.  U  III,  p.i207  el  208. 

*Voy.t.VI,  p.612. 


790  DES  COURS  B*ASS1SES. 

Cout  d'assises  doit  d'arrêter  devant  la  question  d'étal^  elle 
doit  fe^rréter  ègalomeût  devant  lô  contrat  qu'aucune  preuve 
écrite  ne  vient  constater.  Mais  Une  réflexion  plus  attentive 
fait  retiiarquer  une  notable  différence. 

En  matière  dinfractions  <^ui  soulèvent  une  question  d*ètat, 
l'incompétence  de  la  juridiction  répressive  est  absolue  ;  elle 
ne  peut,  lors  même  que  Faction  criminelle  lui  est  déférée,  en 
connaître  et  y  statuer.  Le  jugement  préalable  de  la  question 
d'état  par  les  tribunaux  civile  est  la  condition  essentielle  de 
sa  compétence  ;  jusqu'  à  ce  que  ce  jugement  ait  été  rendu  et 
soit  devenu  définitif,  elle  ne  peut  procéder  à  aucun  acte  ;  elle 
est,  pour  ainsi  dire,  fermée  à  une  action  qui  ne  peut  naître 
encore.  Elle  est  donc  tenue  de  déclarer  cette  action  non  rece- 
rable»  à  quelque  degré  de  la  procédure  qu'elle  soit  parvenue. 

Les  règles  qui  régissent  la  preuve  des  contrats  ne  sont  point 
aussi  absolues.  Ainsi,  la  preuve  qui  interdit  la  preuve  par  té- 
moins contre  et  outre  le  contenu  aux  actes  admet  plusieurs  ex* 
ceptions;  elle  en  admet  notamment  lorsqu'il  existe  un  commen- 
cement de  preuve  écrite,  et  l'on  considère  comme  un  oommeor 
cernent  de  preuve  l'aveu  que  ferait  la  partie.  Or»  la  juridiction 
répressive  est  compétente  pour  apprécier  s'il  existe  ou  non  un 
coflomencement  de  preuve  par  écrit  ^.  Ce  n'est  point  là  une 
question  préjudicielle  qui  soit  de  la  compétence  des  trilNiDaux 
civils  :  les  tribunaux  criminels  sont  tenus  d'observer  les  rè- 
gles relatives  à  l'admissibilité  de  la  preuve  en  matière  civile; 
mais  cette  limite  de  la  preuve  n'est  point  une  limite  de  la 
compétence  ;  ils  obéissent  aux  règles  de  la  matière  civile, 
mais  ils  les  appliquent  eux-mêmes. 

Cela  posé,  lorsqu'il  n'y  a  pas  eu  opposition  de  la  part  da 
prévenu  dans  le  cours  de  la  procédure  écrite,  il  peut  arriver, 
ou  que  son  silence  soit  considéré  comme  une  sorte  d'aveu  de 
l'existence  du  contrat»  ou  que  l'information  irrégulièrement 
ordonnée  fasse  surgir  un  commencement  de  preuve  par  écrit 
I)ans  le  premier  cas,  les  juges  peuvent  induire  du  défaut  de 
contestation  une  sorte  de  reconnaissance  de  Texistence  de  la 
convention  ;  dans  le  second,  ils  peuvent  régulariser  une  preuve 
irrégulièrement  admise,  en  déclarant  qu'il  existe  dans  la  cause 
un  commencement  de  preuve  écrite  \  Ce  n'est  pas  que  la  pro- 

*  T.  VII,  p.  730. 

•  T.  VU,  p.  783. 


INCIDENTS  DB  l'acdiencb.  §  649.  791 

hibiliôn  dû  l'art.  1341  du  God.  eîv.  puisse  être  considérée 
comme  Une  findénon-recevoirquele  prévenu  peut  opposer 
ou  ne  pas  opposer.  Nous  avons  vu  que  cette  prohibition  est 
établie^  non  dans  le  seul  intérêt  des  parties,  mais  dans  un  in- 
térêt public*,  et  que  le  juge  est  chargé  de  la  maintenir.  Mais 
s'il  ne  peut  suppléer  à  la  preuve  écrite  quand  elle  manque»  il 
peut  iTechercher  s*îl  y  a  dans  le  procès  un  commencement  de 
cette  preuve  et  la  compléter  alors  par  la  preuve  testimoniale. 
Or,  ce  commencement  de  preuve  peut  se  trouver  dans  les  dé- 
clarations du  prévenu,  dans  ses  explications,  dans  ses  contra- 
dictions,  dans  toutes  ses  paroles.  C'est  ce  pouvoir  d^apprécia- 
tion  que,  dans  de  certaines  limites,  la  jurisprudence  a  reconnu 
au  juge,  qui  fait  toute  la  difficulté  de  la  question. 

la  Cour  de  cassation  a  rejeté  deux  pourvois  fondés  sur 
remploi  devant  la  Cour  d'assises  de  la  preuve  testimoniale 
pour  établir  Texistence  d'un  contrat  Les  deux  espèces  sont 
presque  identiques  ;  voici  la  dernière  :  un  individu  avait  dénié 
qu'il  eût  autorisé  sa  femme  à  souscrire  un  acte  de  cautionne- 
ment d'une  obligation  de  plus  de  150  francs.  Le  serment 
décîsoire  lui  ayant  été  déféré,  il  le  prêta  et  fut  poursuivi  pour 
faux  serment  en  matière  civile.  Il  ne  proposa  aucune  excep- 
tion devant  la  chambre  d'accusation  et  ne  forma  aucun  pour- 
voi contre  l'arrêt  qui  le  renvoya  devant  la  Cour  d'assises. 
Condamné  par  cette  Cour,  il  s'est  pourvu  et  a  fait  valoir  pour 
la  première  fois  comme  moyen  de  rtuUilé  que  l'art  1341  avait 
été  violé,  puisque  la  fausseté  du  serment  n'avait  pu  être  éta- 
blie qu'en  prouvant  par  témoins  l'existence  d'une  obligation 
dont  il  n'existait  aucune  preuve  écrite.  Le  pourvoi  a  été  re- 
jeté, «attendu  que  Taccusé  ne  s'est  pas  pourvu  contre  l'arrêt 
de  la  chambre  d'accusation  qui  l'a  renvoyé  devant  la  Cour 
d'assises  ;  que  cet  arrêt  a  donc  irrévocablement  acquis  l'auto- 
rité de  la  chose  jugée  et  qu'il  doit  être  réputé  avoir  saisi  léga- 
lement la  Cour  d'assises;  que,  relativement  aux  débats  qui 
ont  eu  lieu  devant  cette  Cour  et  à  la  déclaration  du  jury  qui 
en  a  été  la  suite,  il  ne  peut  rester  aucune  trace  sur  les  élé- 
ments des  preuves  d'après  lesquelles  a  pu  se  former  la  con- 
viction du  jury  ^.  » 

Il  résulte  bien  de  cette  jurisprudence  que  la  fin  de  non- 


*  T.  VII,  p.  732. 

*  Gass.  il  déc.  1857,  à  notre  rapp.  Bull.  d.  39â  ;  5.  scpU  iSl^r  réfpp. 
M,  Bcuvenuti,  J«  P„  U  X,  p.   ih* 


792  l»ES  CODES  1>*àMUBS. 

recevoir  ne  peul  se  produire  poar  la  première  fois  devant  It 
Cour  de  cassation  ;  et,  en  effet,  lorsqu'elle  ne  s*est  produite 
ni  devant  la  chambre  d'accusalion,  ni  devant  la  Cour  d'assises, 
il  serait  impossible  d'apprécier  si  quelque  commencement  de 
preuve  écrite  n'a  pas  traversé  la  procédure  orale. 

Mais  en  résulte-l-il  que  l'accusé  ne  puisse  soulever  devant 
la  Cour  d'assises  l'eiceplion  qu'il  u'a  pas  proposée  devant  la 
chambre  d'accusation  ?  La  jurisprudence  ne  le  dit  pas  explici- 
tement, parce  que  ce  n'était  pas  précisément  cette  question 
qu'elle  avait  à  juger;  mais  il  est  évident  que  la  négative  est 
au  fond  de  ses  arrêts.  Si  l'arrêt  de  la  chambre  d'accusation, 
en  effet,  a  acquis  la  force  de  chose  jugée,  il  enchaîne  néces- 
sairement la  Cour  d'assises  ;  s'il  est  réputé  avoir  légalement 
saisi  cette  Cour,  c'est  qu'il  en  résulte  la  présomption  qu^  cet 
arrêt,  en  saisissant  une  juridiction  où  le  débat  est  essentielle- 
ment  oral,  a  constaté  que  les  éléments  de  l'accusation  pou- 
vaient être  discutés  oralement,  c'est-à*dire,  si  l'un  de  ces 
éléments  était  l'existence  d'un  contrat,  qu'il  y  avait  déjà  dans 
la  cause  preuve  écrite  ou  commencement  de  preuve  écrite  de 
ce  contrât.  Les  deux  arrêts  de  la  Cour  de  cassation  se  fondent 
ensuite  sur  le  caractère  même  de  la  procédure  des  assises  pour 
arriver  à  l'impossibilité  de  discorner  si  la  preuve  produite  aux 
débats  a  été  testimoniale  ou  écrite  ;  c'est  là  peut-être  la  plus 
forte  considération  qui  doive  écarter  l'exception.  Celte  excep- 
tion est  contraire  au  principe  de  cette  procédure  ;  elle  ne  peut 
se  concilier  avec  un  débat  qui  ne  rejette  aucune  preuve,  avec 
des  juges  dont  la  conviction  nesubit  l'entrave  d'aucune  règle  ; 
elle  est  présumée  écartée  au  moment  où  TaSaire  arrive  devant 
les  assises*  Elle  peut  se  produire  tant  que  la  procédure  n'a 
pas  saisi  cette  juridiction  ;  elle  ne  peut  plus  se  produire 
après. 

y.  Après  toutes  ces  fins  de  non  recevoir  et  ces  exceptions, 
viennent  enfin  les  questions  préjudicielles  :  nous  ne  répète* 
ronspasici  les  règles  qui  ont  déjà  été  posées  pour  le  jugement 
de  ces  questions  soit  en  matière  de  police  ^,  soit  en  matière 
correctionnelle  *•  Ces  règles  s'appliquent  également  en  ma- 
tière criminelle  lorsque,  ce  qui  d'ailleurs  est  très  rare,  les 
questions  de  cette  nature  y  sont  soulevées. 


'  T.  VU,  p.  881, 
»  T.  VII,  p.  74Î. 


INCIDENTS  M  l.*AirmENGE.   f  649.  793 

En  thèse  générale,  les  questions  préjudicielles  peuvent  être 
portées  devant  la  Cour  d^assises  lorsqu'elles  n'ont  pas  été  ju- 
gées par  la  chambre  d'accusation  ou  lorsque,  bien  que  reje- 
tées par  cette  chambre,  elles  trouvent  une  base  nouvelle  dans 
les  faits  que  relèvent  les  débats.  En  effet,  elles  sont,  aussi  bien 
que  les  exceptions  péremptoires,  des  moyens  de  défense  i,  et 
elles  ne  peuvent  être  écartées  du  débat  que  par  une  décision 
formelle  passée  en  forme  de  chose  jugée. 

Maïs,  parmi  ces  questions,  et  c'est  ici  qu'est  toute  la  dif- 
ficulté de  cette  matière,  en  est>il  dont  la  solution  appartienne  « 
comme  en  matière  de  police  et  de  police  correctionnelle,  à  la 
juridiction  civile  ou  à  la  juridiction  administrative,  et  qui  dès 
lors  doive  emporter  le  sursis? 

Dans  la  plupart  des  cas»  le  fait  préjudiciel,  comme  par 
exemple  la  contrainte,  l'obéissance  à  Tordre  d'un  supérieur, 
la  démence,  Tivresse,  la  légitime  défense,  se  confondent  avec 
le  fait  de  l'accusation  et  sont  nécessairement  appréciés  par  le 
même  juge.  Nous  ne  devons  donc  parler  que  des  cas  excep- 
tionnels dans  lesquels  le  fait  préjudiciel  se  détache  pour  ainsi 
dire  du  fond  de  l'affaire  et  i  l'éj^ard  desquels  la  juridiction 
criminelle  a  été  ou  a  pu  être  contestée. 

En  inalière  de  banqueroute  frauduleuse,  on  a  demandé  si 
le  jury  est  compétent  pour  décider  si  l'accusé  a  la  qualité  de 
commerçant  et  s'il  est  en  état  de  faillite,  et  si  ces  deux  ques- 
tions préjudicielles  à  l'accusation  ne  doivent  pas  être  ren- 
voyées préalablement  à  la  juridiction  consulaire  *.  Nous  avons 
déjà  examiné  cette  thèse  au  sujet  de  la  poursuite  de  banque- 
route simple,  et  quel  que  soit  le  talent  qui  ait  été  employé  à 
la  soutenir,  nous  persistons  à  croire,  avec  les  arrêts  que  nous 
avons  cités  ',  que  le  jury,  qui  apprécie  tous  les  éléments  des 
crimes,  est  compétent  pour  rechercher  et  déclarer  tous  les 
faits  constitutifs  de  la  banqueroute  frauduleuse.  Au  surplus, 
cette  question  a  été  en  dernier  lieu  résolue  dans  une  espèce 
où  l'accusé  produisait  un  jugement  de  la  juridiction  consu- 
laire déclarant  qu'il  n'était  'pas  en  état  de  faillite  ;  Tarrét 
qui  rejette  le  pourvoi  ne  fait  qu'appliquer  la  doctrine  que 
nous  avons  développée  sur  les  effdts  de  la  chose  jugée  au 


*T.vii,  p.  aai. 

>  Traité  ducoatrat  de  commiuion,  par  MM.  Delamarre  et  Lepoitvin,  t  V, 
p.  203  ;  et  Texcellente  disseruUon  de  M.  Loais  Guion  sur  cette  question. 
*T,  VU,  p.  74bettuiv. 


794  DEà  coukâ  i^*AâsisÎBs. 

civil  sur  l'aotron  pxibttàue  ';  it  déclare  «  qu'il  est  de  principe 
géiléra)  et  de  dtoit  public  ëù  France  que  Tes  juridictioQS  et- 
vile  et  crthiînèlle  Sont  indépendantes  l'une  de  Tautre  ;  que  ce 
principe  est  fondé,  entre  autres  considérations,  sur  ce  moliC 

Îue^eS  décisions  civiles  ne  peuvent  jamais  réunir  à  rencontre 
é  Taction  publique,  et  sauf,  bien  eniendu,  les  exceptions 
fbriAelletnent  autorisées  par  latoi>  les  conditions  constitutives 
de  la  chose  jugée  ;  qu'en  effet,  il  n^existe  entre  les  deux  in- 
^nce&  ni  identité  des  parties,  puisque  le  ministère  public, 
partie  poursuivante  en  matière  criminelle^  n  est  jamais  partie 
dans  fég  instances  civiles  auxquelles  il  n'assiste  pas  quand 
il  s^agit  de  la  jmidiclitbn  commerciale  et  auxquelles  il  n'as- 
siste que  comme  partie  jointe,  s'il  s'agit  de  la  juridiction  ci- 
vile proprement  dite  ;  ni  identité  d*objet,  alors  même  que  les 
deux  actions  portent  sur  le  même  fait,  puisqu'elles  ne  i^eovi- 
sâgent  pas  âoUs  le  même  rapport,  n'en  déduisent  pas  les  mé- 
mes  conséquences  et  ne  tendent  pas  aux  mêmes  fins  ;  ni 
lïiéme  identité  dans  les  moyens  de  preuve,  puisque  la  preuve 
testimoniale,  qui  est,  en  matière  criminelle,  de  règle  gêné- 
raie,  n'est  en  matière  civile  qu'une  exception  rarement  el 
étroitement  limitée  ;  que  l'indépendance^  ainsi  établie,  àes 
deux  juridictions  entre  elles,  ne  souffre  d^exception,  d'après 
l'ensemble  de  nos  lois,  qu'au  cas  où  l'action  publique  sou- 
lève une  question  préjudicielle,  parce  que  dans  ce  cas  le  juge 
de  l'action  n'est  pas  juge  dé  Texception,  la  connaissance  et 
étant  exclusivement  dévolue  à  la  juridiction  civile  ;  qu'il  est 
impossible  d'attribuer,  dans  une  poursuite  pour  banqueroute 
isimple  ou  frauduleuse,  le  caractère  d'exception  préjudicielle 
au  point  de  savoir,  d'une  part,  si  le  prévenu  est  commerçant; 
d'autre  part,  s'il  est  en  état  de  cessation  de  paiement  ;  que  ce 
caractère  ne  convient  pas  à  la  vérification  de  points  de  fait 
d'une  telle  nature,  puisque  indépendamment  du  peu  de  va- 
leur, à  ce  point  de  vue,  dé  ces  faits  envisagés  en  eux-mêmes, 
il  est  aujourd'hui  de  doctrine  incontestée  que  la  juridiction 
commerciale  n'a  point  été  saisie  {ie  leur  connaissance  »  la 
justice  répressive^  loin  d*ètre  obligée  de  surseoir,  ce  qui 
devrait  être  âù  cas  d'une  véritable  question  préjudicielle,  est 
obligée  tout  au  contraire  d'en  rester  saisie  et  d'y  statuer 
immédiatement  ;  d'où  il  suit  qu'en  ne  s'arrêtaBl  pas  à  l'arrêt 
lendtt  aur  civil  par  la  Cour  impériale  d9  ParB,  relatitemeni 

*  «Voy.UlII,p.607. 


maDEMTS  DE  L*AUDIENGC.  §  649.  795 

au  poiût  dB  savoir  sll  y  àvftit  lieu  à  déclamation  de  faillite,  en 
refusant  à  cet  arrêt  toute  influence  légale  sur  Inaction  crimi- 
nelle,  en  décidant  que  l*accusé  n'avait  pas  plus  le  droit  de 
s'en  prévaloir  qu'on  n'ayait  le  droit  de  s  en  prévaloir  contre 
lui,  en  ordonnant  par  suite  qu'il  serait  nonobstant  passé  outre 
aux  débats,  la  Cour  d'assises»  loin  de  violer  Tautorité  de  la 
chose  jugée  ou  les  dispositions  de  la  loi,  en  a  fait  une  exacte 
application  '.  x> 

Il  n'y  a  pas  lieu  non  plus  i  surseoir^  lorsque  Taccusé  se 
borne  à  dénier  son  identité  et  soutient  que  les  désignations  do 
Tordonnance  de  prise  de  corps  et  de  l'acte  d'accusation  ne 
s'appliquent  pas  à  sa  personne.  Ce  n'est  là  qu'un  moyen  de 
défense  qui  équivaut  à  une  dénégation  de  sa  culpabilité  et 
qui  doit  être  apprécié  par  le  jury  ^. 

En  matière  de  bigamie»  au  contraire,  la  jurisprudence  a 
admis  que  la  question  relative  à  la  validité  du  preitaier  ma- 
riage forme  une  question  préjudicielle  qui,  si  elle  n'a  point 
été  résolue  avant  que  la  Cour  d'assises  ait  été  saisie,  peut 
être  proposée  utilement  devant  celte  Cour  et  peut  motiver  le 
sursis  et  le  renvoi  devant  les  tribunaux  civils.  Nous  avons 
rapporté  précédemment  les  arrêts  qui  ont  consacré  cette 
solution  *. 

Il  peut  également  y  avoir  lieu  à  sursis  et  à  renvoi  devant 
la  juridiction  administrative  lorsqu'un  accusé,  qui  s'était  réfu- 
gié en  pays  étranger  et  dont  l'extradition  n'a  été  elTeetuéo 
qu'après  l'arrêt  de  mise  en  accusation,  allègue  on  l'illégalité, 
ou  les  termes  restrictifs  de  l'acte  d'extradition.  Nous  avons 
examiné  cette  question  préjudicielle  et  rapporté  touft  les  mo- 
numents administratifs  ou  de  jurisprudence  qui  s'y  ràtta-- 
cbent  ♦.  Quelques  arrêts  intervenus  récemment  sur  cette  ma- 
tière n'ont  fait  que  confirmer  la  doctrine  que  nous  avons 
énoncée  ^ 

Il  y  a  enfin  lieu  à  sursis  lorsque,  sur  une  demande  en  ré- 
gie de  juges  ou  sur  une  demande  en  renvoi  pour  cause 
de  sûreté  publique  ou  de  suspicion  légitime,  h  GoUr  de  ca^« 

*  Casa.  6  mars  1857,  rapp.  M,  Nougoier.  Bail*  n.  97* 
'  Voy.  «iipra,  p.  665. 

*  Cass.  25  juin.  1811  et  16  janv.  1S26,  rapp.  t.  VI,  p.  618  et  614.  Voy. 
aussi  aa  arrétt  conU'atre  du  1  mars  1811,  rapp  M.  Liborel.  J,  P.,  t.  IX, 
p.  134. 

*  Voy.  t. II,  p.  709et8Uiv. 

*  Cass.  18  juill.  1851,  rapp.  M.  Fréleau,  BuU.n.  292;  23  déc,  1852, 
rapp.  M,  Foucber,  n,  412, 


796  DB8  COURS  D* ASSISES. 

sation  a  ordonné  la  commanication  aux  parties  et  qae  rarrM 
de  soit  communiqué  a  été  notifié  :  cette  notification  emporte 
de  plein  droit»  aux  termes  des  art.  531  et  551,  sursis  au  ju- 
gement du  procès*. 


$  650. 


I.  Suspicion  de  faux  témoignage.  — II.  ÂrresUtion  des  témoios  9» 
pects.  —  111.  Mise  en  sarTeillance  de  ces  témoins. 


h  L'un  des  incidents  les  plus  graves  qui  puissent  s'éleTer 
dans  le  cours  des  débats  est  la  mise  en  arrestation  des  témoins 
dont  la  déposition  parait  fausse. 

Nous  avons  vu  que  l'art  318  permet  de  faire  tenir  note  des 
additions,  changements  ou  variations  qui  peuvent  exister 
entre  la  déposition  d*un  témoin  et  ses  précédentes  déclara- 
tions, et  nous  avons  établi  que  c^ était  là  une  mesure  de  pré- 
caution en  cas  de  suspicion  de  faux  témoignage  *. 

L'art.  330  ajoute,  en  effet  :  «Si,  d'après  les  débats,  la  dé- 
position d^un  témoin  parait  fausse,  le  président  pourra,  sur 
la  réquisition,  soit  du  procureur  général,  soit  de  la  partie  ci- 
vile, soit  de  l'accusé,  et  même  d'office,  faire  sur-le-champ 
mettre  le  témoin  en  état  d'arrestation.  Le  procureur  général 
et  le  président  ou  Tun  des  juges  par  lui  commis  rempliront 
à  son  égard,  le  premier,  les  fonctions  d'ofGcier  de  police 
judiciaire  ;  le  second,  les  jfonctions  attribuées  aux  juges  d'in- 
struction dans  les  autres  cas.  Les  pièces  d^instructîon  seront 
ensuite  transmises  à  la  Cour  impériale  pour  y  être  statué 
sur  la  mise  en  accusation.  » 

IL  11  y  a  lieu  d'examiner  d'abord  les  cas  dans  lesquels  cet 
article  doit  être  appliqué. 

Suffit-il  qu'il  soit  constaté  que  le  témoin  a  fait  des  additions, 
des  changements  ou  des  variations  à  ses  précédentes  déclara- 
tions? Est-il  nécessaire  qu'il  y  ait  inculpation  de  faux  témoi- 
gnage? La  réponse  est  dans  le  texte  même  de  Part.  330»  qtu 
n'autorise  la  mise  en  arrestation  du  témoin  que  dans  le  ca« 


«  Cass.  10  fér.  1883,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  705. 
*  Voy.  supràf  p.  766. 


MClDIHTg  Dl  L'ÀimiENCK*   §  dSO.  797 

oà,  «  d'après  les  débats,  sa  déposition  paratt  fausse.  »  L'arti- 
cle 307  du  C.  du  3  brumaire  an  nr,  qui  a* servi  de  type  k 
l'art.  330,  ne  permettait  cette  mesure  que  «  si  la  déposition 
paraissait  évidemment  fausse.  »  La  nouvelle  rédaction  est 
plus  conforme  à  la  règle  qui  n'exige  pas  pour  une  mise  en 
prévention  que  le  crime  soit  évident,  mais  seulement  qu'il  y 
ait  des  indices  graves  de  sa  perpétration.  Or,  il  s'agit  ici  d'une 
véritable  prévention  de  faux  témoignage,  car  une  prévention 
seule  peut  autoriser  la  mise  en  arrestation  d'un  citoyen.  La 
loi,  d'ailleurs,  suppose  nécessairement  cet  état  de  prévention 
lorsqu'elle  cbarge  le  ministère  public  de  remplir  à  Tégard  du 
témoin  inculpé  les  fonctions  d'officier  de  police  judiciaire  et 
le  président  celles  de  juge  d'instruction,  et  lorsqu'elle  or- 
donne la  transmission  des  pièces  de  l'instruction  à  la  Cour 
impériale  pour  y  être  statué  sur  la  mise  en  accusation. 

De  là  cette  conséquence  que  les  variations  d'un  témoin 
dans  sa  déposition,  les  additions  et  changements  qu'il  fait  à  sa 
première  déclaration,  ne  sont  pas  nécessairement  des  indices 
d'un  faux  témoignage.  Il  y  a  lieu  à  cet  égard  d'établir  une 
distinction.  Il  est  possible  queses  souvenirs  l'aient  trompé  dans 
ses  premières  déclarations;  il  est  possible  qu'après  les  avoir 
médités  de  nouveau  il  ait  senti  la  nécessité  de  rectifier  des 
faits  qu'il  n'avait  pas  présentés  sous  leur  véritable  jour.  Cette 
rectilication,  dès  qu'elle  est  sincère»  lui  est  imposée  comme 
un  devoir  :  la  loi  n'a  point  voulu  que  les  dépositions  recueil- 
lies dans  l'instruction  écrite  demeurassent  invariables,  puis- 
qu'elle n'en  a  fait  que  les  éléments  de  l'accusation  et  qu'elle 
a  ordonné  qu'elles  fussent  renouvelées  dans  le  débat  qui  pré- 
cède le  jugement.  Mais  si  les  variations,  au  lieu  de  trouver 
nne  légitime  eiplication  dans  la  conscience  du  témoin,  n'en 
trouvent  aucune,  si  leur  but  présumé  est  de  détruire  ou 
d'afloiblir  dans  un  intérêt  quelconque  l'effet  des  premières 
déclarations;  enfin,  si  la  fausseté  des  faits  ajoutés  ou  modi- 
fiés est  probable,  il  peut  y  avoir  lieu  de  le  mettre  en  pré- 
Tention. 

On  doit  appliquer  la  même  distinction  aux  réticences*  Le 
simple  refus  de  répondre  aux  interpellations  qui  lui  sont 
adressées  ne  peut  constituer  un  faux  témoignage,  car  le  refus 
de  témoigner  ne  contient  pas  un  témoignage  ;  le  témoin  ne 
trompe  pas  la  justice,  il  refuse  de  l'éclairer,  il  s'abstient  : 
c'est  une  simple  désobéissance  aux  ordres  de  la  justice  que 
l'art.  304  a  punie  d'une  amende*  La  Cour  des  pairs  a  fait 


7Qg  |»ES  ÇQ^U  P*AS8IS^ 

^iér^^iy^aeni  re(usé  de  oopopicir  une  personne  donl  ^  avait 
parlé  dans  sa  déposition  ^  Or, une  réticence  simple  n'osi  qu'un 
çefua  de  répondre  $^r  un  point  déterminé,  et  il  a  élé  jugé  en 
ce  sens  «  qu^une  réticence  simple^  quand  elle  n^est  pas  liée  à 
(a  dépuration  dont  elle  altère  le  sens  et  le  résultat,  ne  peut 
constituer  seule  le  faux  témoignage,  puisqu'elle  se  réduit  alors 
h  un  simple  refus  de  r^ondre  •.  »  U  ne  suflit  même  pas  que 
la  réticence  toit  liée  à  la  déposition  pour  qu'elle  puisse  être 
incriminé^,  ci\r  le  silence  du  témoin  sur  telle  ou  telle  circoa- 
stapce,  s'il  est  une  infraction  à  son  devoir,  n'est  pas  néces- 
sairement et  dau$  tous  les  cas  une  altéication  de  la  vérité, 
Ia  réticepce  ne  peut  être  considéréç  comme  un  élément  du 
crime  que  lorsqu'elle  dénature  la  déposition  et  lui  donne  ua 
sens  contraire  à  la  vérité.  Ainsi,  le  témoin  qui  déposerait 
d'un  fait  imputé  par  erreur  h  un  autre  que  le  vrai  coupable 
et  qui»  par  hai^ç  pour  cet  individu,  ne  déclarerait  pas,  quoi- 
qu'il le  sût,  qu'il  n'est  pas  le  coupable,  pourrait  être  mis  en 
prévention,  car  sa  réticence  a  précisément  pour  effet  de  doa- 
oer  à  sa  déposition  un  sens  contraire  k  la  vérité  en  la  faisant 
peser  sur  la  personne  assise  au  banc  des  accusés.  C'est  con- 
formément à  cette  distioctioD  qu'il  a  été  décidé  ^  que  les 
dénégations  et  les  réticences  d'un  témoin  assermenté  entenda 
aux  débats  n'ont  le  caractère  de  faux  témoignage  que  lor^ 
qu'elles  équivalent  à  l'expression  d'un  fait  positif  contraire  à 
la  vérité,  sçit  en  faveur»  soit  au  préjudice  de  l'accusé  '.  » 

On  doit  encore  appliquer  la  même  distinction  «ux  déposi- 
tions négatives,  c'est-à-dire,  à  celles  par  lesquelles  le  témoia 
uie  avoir  vu  ou  entendu  les  faits  sur  lesquels  il  est  appelé  à 
donner  son  témoignage.  11  est  possible»  en  effet,  que  ce  té- 
moin»  eùt-41  été  en  position  de  voir  ou  d'entendre,  n^ait  eu 
aucuue  perception  sensible  de  l'action  ou  ne  l'ait  saisie  qae 
d'une  manière  vague  et  conCuse  ;  mais  il  est  possible  aussi  que 
sa  dénégation  n'ait  pour  but  que  de  supprimer  une  prouve  au 
préjudice  de  la  défeiise  ou  de  l'accusation  ^.  La  Cour  de  cas- 


*  àn^  4tt  i  juiaifilM»  r99P<  pa«  M.  Gancl^,  précédents  de  k  Cmt  40 
pairs,  p.  496. 
s  Cass.  20  mai  1808,  rapp.  M.Lefessier.  J.  P.,  U  VI,  p.  695. 
«  Cass.  1  sept  t81A,  rapp.  M.  Audier-MassiltoD.  S.  P.,  U  XII»  p^  41  ti 
«  Yoy.XliéorîedH Cotte  péaal,  a^  M«l.  IV,f.  496» 


INCIDENTS  Df  l'aPPI^^  g  C50.  t&9 

s!(jt\pn  a  dPMC  jagè  «  que  s'il  est  mi  qu'âne  défMMilion  sim* 
plqijicot  p^i^Uye  ipie  cQDstitlio  p^s  essftnlidleiiieôt  et  par  elle- 
même  Iç  crime  4e  hw  témoigtiage,  paioe  qu'il  est  possible 
qu  un  témoin  n's^it  point  va  ou  n'ait  pobt  Mitendu  ce  qu'il 
avait  été  en  situation  de  voir  ou  d'entendre,  il  est  cependant 
évidept  qu'une  dèpo^on  de  oe  genre  conslHue  oe  cirime  lors- 
qu'elle est  faite  de  mauvaise  foî  et  dans  une  intention  crrim- 
neUc,  c'est-à-dire  dans  le  but  d'infirmer  la  preuve  ou  Tévi- 
depce  du  fait  incriminé  et  de  se  meltre  en  oontradiction  avec 
la  vérité  ^  »  Toutefois,  il  serait  nécessaire,  même  dans  ce 
dernier  cas,  que  la  déolaration  négative  fut  en  contradiction 
absolue  avec  la  vérité  ;  car,  si  elle  n'excluait  pas  le  fait  af- 
firmé par  rinstruction,  elle  ne  pourrait  être  incriminée  *. 

Nous  pourrions  encore  appliquer  la  même  règle  aux  con- 
tradictions, aux  exagérations ,  aux  erreurs  mêmes.  Il  suffit 
de  rappeler  qu'il  ne  peut,  en  général,  y  avoir  de  prévention 
de  faux  témoignage  qu'autant  que  la  déposition  eat  contraire 
à  la  vérité ,  qu'elle  est  faite  sous  serment  et  dans  la  cause 
d'autrui»  qu'elle  porte  sur  les  circonstances  essentielles  du 
procès,  qu'elle  est  faite  avec  intention  de  nuire  et  qu'elle  em- 
porte avec  elle  la  possibilité  d'un  préjudice  ^.  Or,  ce  n'est 
que  lorsque  la  déposition  réunit  ces  caractères  qu'il  est  pos- 
sible de  mettre  le  témoin  en  état  de  prévention,  et  par  consé- 
quent qu'il  est  permis  d'ordonner  sa  mise  en  arrestation. 

C'est  au  président  qu'il  appartient  de  prendre  cette  me- 
sure, car  l'art.  330  la  lui  a  expressément  déléguée,  et  il  en 
est  ainsi,  soit  qu'il  statue  à  cet  égard  d'office,  soit  qu'il  statue 
sur  les  réquisitions  du  ministère  public  ou  les  conclusions  des 
parties  ^,  et  son  ordonnance  n'a  pas  besoin  d'être  motivée  ^. 
Toutefois  il  a  été  reconnu  «  que  l'intervention  de  la  Cour 
d'assises  dans  l'exercice  du  droit  que  l'art.  330  donne  au 
président  seul  ne  constitue  pas  une  violation  de  cet  article  qui 
puisse  vicier  les  débats  6.  »  11  a  été  également  reconnu  que 
les  parties  ont  le  droit  de  former  opposition  à  l'ordonnance  du 

*  Caas.  17  mars  1827,rapp.M.Mangîn.  J.P.,  t.  XXI,  p.  261. 
*Ga5S.  12  janT.  1812^  rapp.  M.  Benvenuti.  J.  P.,  L  X,  p.  25. 
»  Tliéoriedu  G.  pén.,  3«  éd.  t.  IV,  p.  A39. 

«Gass.  2  mars  1827,  rapp.  M.  Mangin.  J.  P.,  t.  XXI,  p.  214;  2a  4éc. 
1838»  rapp.  M.  Ghauveau-Lagarde.  Bail.  n.  891  ;  23  ami  1840,  rapp. 
M.  Isambert.  n.  lia. 

*  Gass.  24  jau?.  1851,  rapp.  M.  Isambert.  Bail.  n.  32. 

*  Gass.  12  mars  1831*  rapp.  M.  RiTCS.  h  P.,  U  XXni,  p,  1317. 


800  DIS  COVM  ft*A88I8Kt. 

préndcot,  qu'elles  doiv^ût  néoessairetnent  être  enteDduéé  sûr 
œi  ÎDcident,  paisqoe  de  sa  solotiori  peut  dépendre  Texistence 
des  faits  sur  lesquels  repose  l'accusation»  et  que  dans  ce  cas 
la  Cour  d'assises  est  seule  compétente  pour  statuer*. 

III.  L*art.  830  n'a  prévu  et  n*a  autorisé  d'autre  mesure 
que  la  mise  en  prétention  du  témoin  et  par  suite  son  arres- 
tation* Mais  la  jurisprudence,  à  côté  de  cette  mesure  d^n- 
struction,  en  a  permis  une  autre  qui  n'a  pas  tout  à  fait  le 
même  caractère. 

On  doit  accorder  que  le  président  qui  constate  la  fausse 
Toie  où  s*engage  un  témoin,  qui  s'aperçoit  que  ses  réticences 
où  ses  variations  ont  un  caractère  repréhensible,  peut,  arant 
de  le  mettre  en  prévention  de  faux  témoignage,  l'avertir  des 
soupçons  qu'il  fait  nattre;  ce  n'est  là  qu'un  simple  avertisse- 
ment, ce  n'est  point  une  mesure  de  contrainte  *. 

Mais,  doit-on  admettre,  comme  Ta  fait  la  jurisprudence, 
que  le  président  puisse  placer  le  témoin,  non  point  comme 
le  veut  la  loi,  en  état  de  prévention,  mais  en  état  de  suspi- 
cion,  et  qu'il  puisse  ordonner,  non  son  arrestation,  mais  sa 
mise  en  surveillance?  Doit-on  admettre  que,  avant  toute  pré- 
ventiao,  il  puisse  prendre  des  mesures  pour  menacer  sa  li- 
berté, et  par  exemple,  qu'il  le  fasse  placer  el  déposer  entre 
deux  gendarmes  s? 

Cette  pratique  a  causé  quelque  embarras  à  la  juris- 
prudence qui,  d'une  part,  craignait,  en  la  déclarant  illé- 
gale, d'enlever  une  arme  utile  à  l'instruction  du  débat,  et 
qui,  d'une  autre  part,  ne  savait  trop  à  quelle  disposition  de 
loi  la  rattacher.  Les  arrêts  présentent  à  cet  égard  les  motils 
les  plus  divers  :  les  uns  déclarent  «  que  la  mesure  de  la  sur- 
veillance rentre  dans  le  pouvoir  discrétionnaire  confié  au  pré- 
sident par  l'art  268  ^  ;  n  les  autres,  «  qu'elle  n'est  qu'une 
mesure  d'exécution  de  l'art.  330  ^,  puisqu'elle  a  pour  objet 
€  que  les  témoins  ne  puissent  se  soustraire  aux  mandats  qui 
peuvent  être  décernés  ultérieurement  contre  eux  6;  »  tes  au- 
tres, enfin  «  que,  puisque  le  président  peut  d'office  ordon- 


*  Cass.  5  mai  18S6,  rapp.  M.  Oilivier.  J.  P.,  L  XX,  p.  452. 

■  Caas.  28  mare  48S9,  npp.  M.  de  Ricard.  J  P.,  i.  XXII,  p.  858. 
l  Casa.  30  acùl  48i9,  rapp.  M.  Oilivier.  J.  P„  t.  XV,  p.  509. 

*  Casa.  S4  janr.  i85i,  rapp.  M.  IsamberU  Bull.  d.  32. 

*  Casa.  11  avril  iSAO,  rapp.  M.  de  Crouseilhes.  Buil.  n.  111. 
«  Cass  80  mai  1818,  rapp.  M.  Oilivier.  J.  P„t.  XIV,  p.  832. 


llfCIDENTS  DE  L^ACftlBNCfi.   §  6S0.  801 

ner  l^arrestation  d'au  témoin,  il  peut,  à  plus  forte  raison,  or- 
donner qu*ii  sera  simplement  gardé  à  vue  jusqu'à  la  fin  des 
débats  K  »  Aucun  de  ces  moti^  ne  peut  soutenir  un  examen 
sérieux. 

Il  n'est  pas  exact  de  dire  que  la  mise  en  surveillance  d'un 
témoin  soit  un  acte  du  pouvoir  discrétionnaire.  Nous  avons 
vu,  en  premier  lieu,  que  le  président  ne  peut  ordonner,  en 
vertu  de  ce  pouvoir,  que  les  mesures  ordinaires  de  Tinstruc- 
tion  '  ;  il  peut  prescrire  au  milieu  du  débat,  pour  compléter 
les  preuves  préparées  par  l'instruction  écrite,  quelques-unes 
des  mesures  qui  sont  admises  par  Tinstruction  criminelle;  il  ne 
peut  rien  au  delà.  Or,  les  réglesde  l'instruction  criminelle  [ne 
permettent  pas  de  mettre  un  inculpé  en  surveillance  avant  de  le 
mettre  en  prévention.  Ensuite  la  loi  ne  prescrivant  spéciale- 
ment que  la  seule  mesure  de  la  mise  en  prévention^,  n'a-t- 
elle  pas  par  là  même  interdit  toute  autre  mesure?  Lorsqu'un 
incident  est  prévu  et  réglé  par  la  loi,  est-il  permis  de  substituer 
à  cette  régie  légale  une  régie  purement  arbitraire?  La  juris- 
prudence, au  reste,  n  elle-même  reconnu,  contrairement  à  un 
motif  hasardé  dans  l'un  de  ses  arrêts,  que  ce  n'est  point  là 
un  acte  du  pou\oir  discrétionnaire  puisqu'elle  a  consacré  le 
droit  de  la  Cour  d'assises  de  statuer  en  cas  de  réclamation  ; 
or,  on  a  vu  que  la  Cour  d'assises,  étrangère  au  pouvoir  dis- 
crétionnaire, ne  peut  jamais  connaître  de  l'opposition  faite  à 
SCS  actes 

Il  n'est  pas  exact  de  dire  non  plus  que  la  mise  en  surveillance 
n'est  qu'un  acte  d'exécution  de  la  mise  en  prévention  auto- 
risée par  l'art.  330  ;  car  le  seul  acte  d'exécution  qu'autorise  la 
mise  en  prévention  est  la  délivrance  d'un  mandat,  l'arrestation 
du  témoin.  II  faut  bien  se  fixer  sur  le  sens  de  cet  article  :  toute 
sa  disposition  consiste  à  prescrire  la  mise  en  prévention,  séance 
tenante,  du  témoin  dont  la  déposition  parait  fausse;  le  procu- 
reur général  remplit  à  cet  égard  les  fonctions  de  ministère  pu- 
blic, le  président  celles  de  juge  d'instruction  :  le  témoin  est 
interrogé  et  mis  sous  mandat  de  dépôt  ;  un  procès-verbal  est 
dressé  de  cet  interrogatoire  et  des  variations  de  ses  déposi- 
tions, et  les  pièces  sont  transmises  à  la  chambre  d'accusation. 

*  Cass.  28  déc  18S8,  rapp.  M.  Chauveau-Lagaide.  BolL  n.  891;  iS  sept. 
d48A,  même  rapp.  Dali.  AO,  1, 845;  38 avril  1840,  rapp,  M«  JaamberL  Bull. 
II.116. 

*  Voy.  tuprdf  p.  453. 
»Voy.  tuprà,  p.  483. 

Tlll-  SI 


802  DES  coojis  d'assise?. 

Pourquoi  celte  instruction  immédiate?  Pourquoi  ne  pas  ren- 
voyer le  prévenu  devant  iejuge  d'instruction?  G*est>  d'une 
part,  que  le  faux  témoignage  ne  peut  être  saisi  et  caradértsé 
qu'à  l'audience  même  au  milieu  des  contradictions  qu'il  sou- 
lève et  qui  lui  sont  opposées,  et,  d^une  autre  part,  qu'il  im- 
porte de  le  faire  juger  le  plus  promptement  possible,  puisqu'il 
peut  constituer  une  exception  préjudicielle  au  jugeaient  de 
TafTaire  dans  laquelle  il  s^est  manifesté.  Mais  TexceptiiNi  se 
borne  à  Tabréviation  des  délais  et  au  transport  entre  les  nuMis 
(lu  président  des  pouvoirs  du  juge  d'instruction  ;  les  régies 
demeurent  les  mêmes,  car  la  loi  n'a  nullement  dérogé  aux 
gataïitî^ô  dont  elle  entoure  tous  les  prévenus.  Or,  esi<8  qu'un 
juge  d'instruction  peut  employer  d'autres  mesures  que  celles 
que  \î\  loi  met  à  sa  disposition?  Est-ce  qu'il  peut  ajiplii)uer 
d'autres  moyens  de  contrainte  que  les  mandats  d'anaenerY  de 
dépôt  ou  d'arrêt? 

11  n'est  pas  exact  enfin  de  dire  que,  par  cela  seul  que  Tar- 
restation  est  permise,  la  mise  en  surveillance  doîl  l'être  i  plus 
forte  raison,  car  la  règle  que,  qui  peut  le  plus  peut  le  moins, 
ne  pcfut  attendre  de  ^arrestation  à  la  surveillance,  puisqu'il 
n'y  a  aucune  parité  entre  ces  deux  mesures.  L'arrestatim  est 
la  mainmise  de  la  justice  sur  le  prévenu;  la  mise  en  surveil- 
lance est  ou  une  arrestation  sans  mandat  de  justice,  ou  une 
simple  menace,  c'est-à-dire  une  mesure  d'intimidation.  Nulle 
part  dans  notre  droit  l'arrestation  n'est  précédée  d'une  ganle 
à  vue;  la  garde  à  vue  n'est  donc  pas  une  conséquence,  un  acie 
d'exécution  de  l'arrestation  ;  celle-ci  ne  conduit  donc  pas  'à 
celle-là.  On  dit  que  la  surveillance  n'est  qu'un  acte  de  pré- 
caution destiné  à  empêcher  que  le  témoin  ne  s'éloigne  ;  mais 
c'est  précisément  à  cela  qu'est  destinée  l'arrestation.  L  arres- 
tation, à  la  vérité,  suppose  une  prévention,  et  il  se  peut  qœ  U 
prévention  ne  soit  passuITisamment  établie  ;  mais  alors  qu'esta 
donc  que  celle  surveillance  qui  est  ordonnée  lorsqu'il  n'y  a 
pas  de  prévention  ?  Ce  n'est  donc  pas  un  acte  d'exécution  de 
la  prévention,  c'est  autre  chose;  et  que  pourrait-elle  être  sinan 
un  moyen  de  ^opprimer  les  doutes  et  les  hésitations  du  té- 
moin eh  lui  inspirant  la  crainte  d'une  mesure  plus  aceibe? 
Or,  une'telle  pratique,  qui  tendrait  à  influencer  et  quelque- 
fois môme  à  contraindre  les  témoignages,  ne  pourrait  trouver 
dans  foilf^  tful(*e  législition atrton  tette  quila  soutienne;  no- 
ire loi  crîmtbdllene  connaît  que  les  actes  ^l'instruction;  elfe 
a  banni  les  actes  d'intimidation. 


INCIDENTS  DE  L^ADDIEMCE.  §  fôl.  S03 

Au  surplus,  les  présidents  d^assises  pourrajent  facilement 
éyjtier  d'eljfi ployer  une  mesure  éTidemment  arbitraire  et  en 
dehors  des  termes  de  U  loi,  puisque  la  loi  leur  fournit 
].e    moyen  régulier  d'arriver  au  même  but.    La  mise  en 
arrestation  du  témoin  est  une  mesure  essentiellement  provi- 
soire, carie  crime  de  faux  témoignage  np  pouvant  être  con- 
sommé qu'à  la  clôture    des  débets,  puis<|ué  jusque-là  le  té- 
moin a  la  faculté  de  se  rétracter,  la  continuation  de  l'arresta- 
tion, lors  même  qu'elle  est  la  conséquence  jd*une  prévention 
régulière  et  l'exécution  d'un  mandat,  est  nécessairement  su- 
bordonnée à  la  persistafiice  4u  téi^jp  dans  ses  d^êolaraljions 
j)résumées fausses;  s'il  i^epersi^e  pas,  il  eçt  évident  que  rhp- 
culpation  tombe  et  par  conséquent  }p  mandat.  La  jurispny- 
derce  l'a  jugé  ainsi  dans  les  ter^iea  les  pjus  forpnels  \  Il  n'y 
a  donc  point  k  craindre  q^e  r^rrestation  ait  des  conséqijieiiicfs 
plus  rigoureyses  que  la  simple  surveillance;  les  effets  enjfopt 
entière  ment  les  mêmes,  )1  n'e^t  point  à  craipdre  que  sop  ap- 
plic/atiop  soit  moins  facile  :  il  ne  faut^  dans  un  cfs  con^n^edans 
l'autre,  que  Tordre  du  président.  A  la  v^àté,  Tarrest^tiQ^  ^e 
peut  être  ordonnée  qu'en  vue  d'une  prévention  existant, 
qu'en  présence  d'upe  déposition  qui  parait  f^sse  ;  mais  c'eçl 
là  une  barrière  que  la  loi  elle-même  a  posée,  et  c'est  là  a^ssi 
ce  qui  pousfail  incliner  pour  sa  stricte  application,  il  est  né*- 
cessaire  que  les  témoins  qui  se  laissent  entraîner  ^  commet/s 
un  faux  témoignage  soient,  lorsqu'ils  sont  surprip  en  Qagrai^it 
délit,  rois  sur-le-champ  en  prévention  ;  mais  il  serait  dif^fin^ 
ble  que,  lorsqu'i,!  n'existe  aucun  indice  grave  du  criipô  ii|t 
que  leurs  tergiversaûonsne  font  que  révéler  leurs  ii^certit^de^ 
ils  ^u2:se^t  poussés  à  aflirmer  ce  qu'ils  ^e  savent  pfif  ou  à  x^v 
ce  qu'ils  savent  par  rapprében^oxi  d'une  mesure  qui  »'«ttr 
Tait  aucune  base  juri^iqMe. 

1  Renvoi  à  une  antre  session.  —  M.  !•  lorsque  la  déposition  d*un  té- 
noia  p$rati  fausse.  — 111.  ^  toutes  les  fois  qu*un  évéueineqt  le  rend 
nécasHiire.  r- 1 V.  Par  qui  te  te» w  pw  tee  ordwué. 

L  Le  renvoi  de  Taffaire  à  une  autre  session  peut  être 
ordonné  dans  plusieurs  hypothèses  :  il  pcaU  ^tra  ordonné, 

«  Cass.  11  nov,  1858,  rapp,  M.  LegsgWir.  <Aft  Martia.) 


BO'i  DES   COUIS   D^ASSISES. 

conformëment  à  l'art.  306,  avant  ronyerlure  des  débals,  el 
nous  avons  déjà  examiné  cette  première  hypothèse  ^;  il  peut  être 
ordonné,  conformément  à  l'art.  354>  lorsqu'il  témoiQ  qui  t 
été  cité  ne  comparaii  ^as,  et  nous  avons  encore  exanûiié  cette 
.^cconde  hj|jclhèse  •;  il  peut  être  ordonné,  4?jpfiD,  conrormé» 
ment  à  Tait.  331,  lorsque  la  déposition  d'vD  lémoîn  parait 
fausse,  et  conrormcment  à  Tart  406,  si  quelque  événement 
rend  ccetle  mesure  indispensable.  Ce  sont  ces  deux  dernières 
hypothèses  qui  font  l'objet  de  ce  paragraphe. 

II.  Nous  avons  examiné,  dans  le  paragraphe  qui  précède, 
l'incident  prévu  par  TarJ.  330  et  produit  par  la  disposition 
présumée  fausse  d'un  témoin. 

L'art.  331  ajoute  :  «  Dans  le  cas  de  l'article  précédent,  le 
procureur  général,  la  partie  civile  ou  l'accusé  pourront  im- 
médiatement requérir  et  la  Cour  ordonner,  même  d'office  le 
tenvoi  de  l'affaire  à  la  prochaine  session.  »  ' 

Il  est  évident  qu'il  n'y  a  lieu  à  renvoi,  à  raison  d'une  pré- 
vention de  faux  témoignage,  que  lorsque  la  déposition  incri- 
minée est  un  élément  nécessaire  du  jugement  de  l'affaire^  et 
lorsque,  par  conséquent,  la  prévention  de  faux  lémoignage 
est  une  question  préjudicielle  à  ce  jugement.  Il  a  donc  été 
jugé  «  que,  d'après  l'art.  331,  le  renvoi  de  l'aflaire  est  fa- 
cultatif  ;  qu'en  effet,  la  conviction  de  la  vérité  ou  de  la  faus- 
seté des  faits  peut  résulter  de  témoignages  plus  ou  naoins 
nombreux  non  suspects^.  »  Il  y  a  donc  lieu  d'examiner  rin-- 
fluence  du  témoignage  suspect  :  le  renvoi  doit  nécessairement 
être  ordonné  toutes  les  fois  que  ce  témoignage,  s'Û  était  sin- 
cère, pourrait  exercer  quelque  influence  sur  la  décision.  S'il 
y  a  plusieurs  chefs  divisibles ,  on  peut  ne  renvoyer  que  le 
chef  sur  lequel  porte  le  faux  lémoignage. 

L'art.  331  se  lie  étroitement  à  l'art.  330  ;  car  il  ne  dispose 
que  «  dans  le  cas  de  Tarticle  précédent,  x>  c'est-à-dire  iT^ 
d'après  les  débats,  la  déposition  d'un  témoin  parait  fausse.  ■ 
H  s'ensuit  que  le  renvoi  ne  pourrait  ôlre  demancjé  à  raison 
des  simples  variations  d'une  déposition,  si  elle  n'est  ms  pré- 
sumée fausse,  ou  à  raison  d'un  fait  de  subornation  de  téaioiD 
si  ce  fait  n'a  pas  été  suivi  du  faux  témoignage  4.  ' 

*  Voy.  ntprd^  p.  56», 

•  Voy.  supra,  p.  675. 

.    ■  Gass.  iO  mai  isae,  rapp.  M.  IsamJbert.  Bull  n.  15a. 

;    *  Cass.ao  août  1819,  rapp.  M.  OlIiTier.  J.  P.,  t  XV,  p.  508.  : 


laciPISHTB  DK  |.*ADD1IIICB.  §  651.  S(K^ 

Les  parties  ne  pourraient  se  faire  an  grief  de  ce  que  1^ 
Cour  d^assises  n'aurait  pas  ordonné  le  renyoi  ;  il  suffit  qu'elle 
ait  statué  ;  car  l'appréciation  de  Tinfluence  d'une  déposition 
est  une  appréciation  de  fait  qui  ne  peut  être  utilement  con- 
trôlé^. Cependant,  s'il  n'y  avait  qu'un  seul  témoin  cité  et 
tiue  oe  téoDoin  eût  été  mis  en  prévention  pour  faux  témoi- 
gnage, Tatrèt  qui  refuserait  le  renvoi  pourrait  être  justement 
attaqué. 

m.  Le  dernier  article  qui  s'occupe  du  renvoi  à  une  autr^ 
session  est  l'art.  406  qui  dispose  que  :  <(  si,  par  quelquç 
événement,  l'examen  des  accusés  sur  les  délits  ou  queiques- 
nns  des  délits  compris  dans  les  actes  d'accusation,  est  ren- 
voyé à  la  session  suivante,  il  sera  fait  une  autre  liste,  il  sera 
procédé  à  de  nouvelles  récusations  et  à  la  formation  d'un 
nouveau  tableau  de  douze  jurés^  d'après  les  règles  prescrites 
ct-dessus,  à  peine  de  nullité.  <» 

Quels  sont  les  cas  auxquels  s'applique  cet  article?  Ce^ 
inots  «  par  quelque  événement  »  se  rapportent-ils  unique-;* 
ment,  dans  Tesprit  du  législateur,  aux  événements  prévus  par 
les  art.  331  et  354,  ou  doit-on  les  étendre  à  tous  les  inci- 
dents, â  tous  les  faits  que  les  débats  font  surgir  et  qui  peu- 
vent motiver  l'emploi  d'une  telle  mesure?  La  jurisprudence  a 
déclaré  que  l'interprétation  de  l'art.  406  ne  doit  point  être 
restrictive  et  que  le  renvoi  peut  être  ordonné  toutes  les  fois 
que  quelque  événement  le  fait  juger  utile  à  la  manifestation 
de  la  vérité  où  a  l'ordre  public  «.  Les  arrêts  portent  simple- 
ment a  que  les  causes  de  renvoi  à  une  autre  session,  indi- 
quées aux  art.  330,  331  et  354,  ne  sont  pas  limitatives; 
gu'il  suffit,  d'après  l'art,  406,  qu'il  soit  survenu  un  évépe- 
ment  qui  ait  paru  assez  grave  à  la  Cour  d'assises  pour  motiver 
ce  renvoi;  qu'elle  est  seule  juge  de  la  gravité  des  incidents 
de  cette  nature,  puisqu'elle  dépend  de  la  nature  des  débats; 
que  les  renvois  amsi  prononcés  ne  peuvent  doue  fournir  d'ou- 
verture à  cassation  ;  qu'ils  ne  sont  d'ailleurs  que  des  arrêts 
préparatoires  ^  » 

Cette  doctrine^  quoique  fondée  en  thèse  générale,  ne  doit 


*  Cass.  il  DOT.  18^  rapp.  M.  RiTe$.  J.  P., ..  XXIII,  p.  627;  S8  anil  1831 
rapp.  M.  Meyroonet-St-Marc,  t.  XXUI,  p.  1532.      , 

■  Cass.  11  juill.  1839,  rapp.  M,  Isambert.  Bull,  n,  3I4;  U  sepl.  1  <;37, 
rapp.  M.  Vinoens-St-Laurent.  S^r^  39»  ^>  A20. 


806  DES   COURS    b*ÂSSISES. 

fcfepeHflàiit*éli'6  Ëccëjitée  qti'avéc  iiûè  terlalné  iréSëWe.  Oïl  doit 
admettre  l^ue  les  étU  331  et  3^4  île  sont  pas  litnitalirs,  c)u  il 
t)et[t  survenir  à{)rès  l*ou\drlufe  des  débats  des  accidents  ex- 
Iraordinàfii-es  (}ùi  tie  përmelteht  pas  de  continuei'  llnslruciion, 
et  <}tie  l'art.  406  à  eu  précisétiitHit  pour  but  de  poutvôir  à 
cefe  fcas  de  force  majeure,  eh  altribtiànt  à  la  Couf  le  droit  de 
*furSeoîr  toutes  les  fois  qufe  le  jugclhétit  est  devehu  ihipôssl- 
ble.  Mais  on  peut  considérer  en  même  temps  que  Ces  dêUi 
articles,  s'Hs  ne  sont  pas  restrictifs,  sont  du  moins  démons- 
frâtifs  de  la  ùdtUre  des  évéïiebiënfs  qui  .f)euVeht  motiVër  le 
iffeùToi.  Cl*ë9t.  d'après  leur  texte ,  l'ab^dnce  d'un  têfaidln  né- 
cessaire, c'est  la  fausseté  présumée  d*unb  dépositiob,  c'est  par 
<;6bké^tiént  tlh  événement  grave  (jtii  tnet  lin  obstacle  sérieti:k 
k  ce  ^ue  là  vérité  se  manifeste.  Il  est  donc  tiécessailre  qiie  la 
justice  rencdntre  une  entrave,  soit  dans  ses  filojens  d^actiôn , 
soit  dans  les  mesures  (Ju'ellé  emploit^  pour  arriver  ft  la  VéiiU}  : 
c'est  une  entrave,  quelle  qu'elle  soit,  qui  seule  justifie  le  ren- 
voi, car  il  ne  faut  pas  perdre  de  vUé  que  lé  renvoi  enlève  l'ac- 
cusé  aux  juges  que  le  sort  lui  a  donnés  et  aux  chances  qu'il 
aVait  le  droit  d'attendre.  Il  ne  faudi^ait  dotic  p^s  confondre 
avec  les  causes  de  t*envoi  le^  causes  de  nullité  qui  peuvent  se 
glisser  dans  la  procédure  :  il  n'appartient  pas  à  la  Cour  d'a^- 
sisés ,  si  elle  ne  peut  les  i*éparer,  de  rcprimelr  elle-même  k> 
nullités  qui  peuvent  entacher  ses  opérations;  il  lui  appai- 
tient  seulement  d'apprécier  les  incidents  qui  viennent  s*of- 
poser,  soit  à  la  manifestation  de  la  vérité,  soit  aii  jugemeni. 
Ce  n'est  que  lorsque  ces  obstacles  sont  constatés  et  ne  peu- 
vent être  levés  qu'il  y  a  lieu  de  pronohcer  le  renvoi  à  ui,c 
autre  session. 

Cela  dit ,  parcourons  les  diverses  hypôlhè3es  dans  les- 
quelles le  renvoi  a  été  prtJnbdté  pal"  application  de  Tart.  400. 

Il  a  été  adihis  d'abord  aVec  rlaisôn  qu'il  y  a  lieu  à  ren\u 
toutes  les  fois  que ,  par  un  évéïiement  imprévu ,  l'accusé  oii 
le  ministère  public  ne  se  trouvent  pas  en  mesure  de  souter.ii 
Taccusàlion  ou  la  défense  :  par  exemple,  si  l'accusé  se  trouve , 
au  moment  de  l'ouverture  des  débats ,  en  état  de  démence  . 
«  attendu  qiië  tant  que  fcet  étal  subsisté,  M  y  a  împossibîlii. 
pour  lui  de  produire  sa  défense  avec  touie  la  latitude  que  ta  K  i 
lui  accorde  '  ;  »  ou  si  le  ministère  public  constate  que  1  acit* 

iCass.  6juin  i839|rapp.  M.  Hoclier.  Bull,  n,  iSl;  24rér«i84S,  ra^^ 
M.Dehaussy,  u.  33. 


INCIDENTS  DB  L*AUD1ENCS.   §  651 .  807 

d^^cciisation  a  donné  &  )a  perpétration  da  crSme  une  date  er- 
ronée sur  laquelle  l'accusé  s'appuie  pour  fonder  un  alibi , 
«  attendu  qtfil  importe  de  constater  d'une  manière  formelle 
la  date  précise  du  crime ,  et  que  ce  serait  compromettre  Tac- 
eusation  que  de  la  soumettre  au  jury  dans  l'état  où  elle  se 
trouve  *;  »  ou  si  Taccusé,  après  avoir  refusé  de  répondre  k 
toute  interpellation  dans  Tinstruction  écrite  et  avoir  annojicé 
qu'il  ne  ferait  connaître  son  système  de  défense  que  devant 
le  jury,  a  fondé  ce  système  sur  des  documents  tout  à  fait  in- 
connus au  ministère  public  et  étrangers  à  Tinstruction,  t  at- 
tendu que  si ,  d'un  côté,  la  Cour  d'assises  ne  doit  rien  négli  • 
ger  pour  que  la  défense  puisse  établir  Tinnocence  de  Taccusé» 
d^un  autre  c6té,  le  ministère  public  ne  doit  pas  être  exposé  à 
se  voir  désarmer  à  Timproviste  par  des  moyens  inconnus  et 
réservés  à  dessein  •;  »  ou  si  Paccusé  a  fait  distribuer  à  tous 
les  jurés  de  la  session  des  écrits  ou  mémoires  dans  lesquels 
les  faits  de  l'accusation  sont  présentés  et  discutés  à  l'avance , 
«attendu  que  les  jurés  pourraient  arriver  aux  débats  sou,s 
l'influence  d'impressions  qui  ne  leur  permettraient  plus  d'ac- 
complir le  devoir  de  ne  se  décider  que  d'après  les  charges  et 
moyens  de  défense  ;  que  la  partie  publique  serait  placée  dans 
l'impossibilité  de  répondre  à  des  moyens  qui,  n'ayant  pas  fait 
l'objet  des  débats»  ne  seraient  point  à  sa  connaissance*.  )> 

Il  a  encore  été  admis  qu'il  y  a  lieu  à  renvoi  toutes  les  fois 
que,  par  l'effet  d'un  trouble  ou  d'un  tumulte  qui  éclate  à 
Taudience,  la  Cour  d'assises  se  trouve  dans  l'impossibllîié 
de  continuer  avec  calme  et  recueillement  la  suite  des  débats. 
Ainsi,  on  ne  peut  qu'approuver  l'arrèl  d'une  Cour  d'assises 
qui  ordonne  le  renvoi,  «  attendu  que,  malgré  les  obsQr^^a- 
tions  réitérées  du  président,  un  tuitiulle  scandaleux  s'r»si 
él6Vé  dans  les  débats,  à  l'occasion  de  la  déposition  d'un  té- 
Rioin^  soit  dans  l'audience,  soit  parmi  les  personnes  assises 
dans  l'enceinte  réservée  aux  témoins;  qu'après  la  délibération 
de  la  Cour  et  sur  le  réquisitoire  du  ministère  public  tendani 
à  ce  que  la  salle  soit  évacuée,  loin  de  céder  aussitôt  aut  tti- 
jonclions  qui  lui  ont  été  adressées  par  le  président,  le  public 
.s'est  JivrÀ  à  des  exclamaiious  tamultuéuaei  qm  Oftt  irandu 
•l'adminislralioû  de  lu  juslico  ifiipossiblo  ;  qoe  ee  désprdro  a 

«Cass.3ittaiia39,  nipn.  M«MeynNRiicl-Si-M«i%.  Bioll.  n.  iiâ. 
*  Ass.  de  VA\sm%/il  «uai  1S34..  J.  P.,  t  ^XVl,  p.  ;>2».  --  CoftU  Cstëê.  17 
fév.  IBûa,  ramù  M.  Romiguières.  BuiJ.  >i.  3ô. 

'  Ass.  Ue  la  Scîue  du  10  juin  1830.  S.  V.  '60,  2,  191. 


808  '   Dtt  COURS  D*AtBtS<i. 

soulevé  ritidignaiioti  its  jurés,  et  qne,  saite'fdiré  connatlre 
leur  opinion  sur  le  fond  de  l^affaire,  ils  ont  vivement  mani- 
festé les  iropressiôus  qu'ils  en  ressentaient  aux  défenseurs  des 
accusés;  qu'an  tel  état  de  choses  ne  permet  pas 'à  la  Cour 
d'être  assurée  que  le  procès  puisse  être  examiné  avec  le  calme 
et  l'impassibilité  nécessaires  à  tme  sage  et^bonné  administra- 
tion de  la  justice  \  »  ' 

i  Mais  quelques' doutes  se  sont  élevés  dans  les  hypothèses 
suivantes.  Y  a-t*îl  lieu  à  renvoi  lorsque  le  développement  des 
débats  révèle  la  nécessité  d'entendre  des  témoins  non  cités? 
Quelques  arrêts  Tout  admis,  u  attendu  qu'il  résulte  des  dis- 
positions générales  de  l'art.  406  que  la  défense  faite  par  Tar- 
tide  353  d'interrompre  les  débats  une  fois  entamés,  n*est 
pas  tellement  péremptoire  et  absolue  que  la  Cour  d'assises  ne 
puisse ,  dans  des  circonstances  graves  et  pour  la  décou- 
verte de  la  vérité,  interrompre  les  débats  et  renvoyer  l'af- 
faire à  une  autre  session  '.  »  Cependant  un  autre  arrêt,  reudu 
dans  rintérét  de  la  loi,  semble»  à  la  première  vue,  contrarier 
cette  jurisprudence  ;  mais,  en  y  regardant  de  près,  on  aper- 
çoit que  la  cassation  a  été  prononcée,  non  pas  à  raison  de  la 
cause  du  renvoi,  mais  à  raison  de  ce  que  cette  mesure  avait 
été  ordonnée  par  \e  président  seul  dans  un  cas  où  elle  ne  pou- 
vait être  ordonnée  que  par  la  Cour  ^.  »  Assui^ément  la  né- 
cessité d'une  preuve  doit  être  considérée  comme  une  cause 
légitime  de  renvoi  toutes  les  fois  que  la  production  de  cette 
piaive  ne  peut  être  faite  instantanément  ;  car  i)  ne  suffit  pas 
que  l'affaire  soit  jugée,  il  faut  qu'elle  le  soit  en  pleine  con- 
naissance de  cause  et  avec  tous  les  éléments  qui  peuvent  l'é- 
clairer. 

Y  a'^t-il  lieu  i  renvoi  lorsque  l'un  des  témoins  se  trouve 
inculpé  de  complicité  dans  le  crime  qui  fait  l'objet  de  Tiaceo- 
saticn?  Cette  inculpation  n'est  pas  une  cause  faécesâaire  de 
renvoi^,  mais  elle  peut  le  devenir  s^il  y  a  lien  d'attendre  de 
l'information  qui  sera  faite  à  ce  sujet  des  éclàirci^ikients 
utiles,  €  attendu  qu'il  résulte  de  la  disposition  générale  de 

'   *'  Au.  delà  Seine  14  jain  1S81.  !•  P.,  t.  XXXI,  p.  356  ;  S.  V.  SS»  2,  7k. 
'  Gass.  sa  BOT.  182»,  rapp.  M.  Brière.  J.  P.^  t.  XXII,  p:  ISSU;  et  cooL 
1  QCU  1813,  rapp.  M,BQ«stliop,.C  M,  p.  .712;  11  nov.  ISSèv  rappbiC  Ri- 
ves, t  XXIII,  p.  826. 

*  Cass.  10  janT.  1824,  rapp.  M.Brière.  J.  P.,  L  XVIII,  p.  832. 

*  Gask  9  avril  ISiS»  rapp.  M.  Lecontov.  J.  P.,  t  XfV,  p.  7U  {  30  uni 
1818,  rapp.  M.  OUI]rier,  t.  XIV,  p.  83t. 


INCIDGNTS  PË  .lVu^IKHGE.   $651.  ^^^^ 

l'art  406  qa'il  y  a  des  cas, non  prévus  par  le  législateur  où  1^ 
renvoi  peut  être  aussi  ordonné  ;  que  rexercîce  do  ce  pouvoir 
est  laissé  à  Tarbitrage  des  juges  lorsqu'il  est  fondé  sur  des 
motifs  qui  ont  pour  objet  la  manifestation  de  la  vérité  et  qui 
ne  sont  point  en  oppositiouavec  un  texte  de  la  loi  ^  » 

.  Y  a-t-il  lieu  &  renvoi  lorsque  la  Cour  d^assises  s'aperçoit 
que  la  procédure  se  trouve  entachée  de  nullité  par  suite  d*un 
vice  dans  la  signification  de  la  liste  des  jurés  à  Taccusé?  Moo, 
c  attendu  qu'aux  termes  de  l'art.  353,  l'examen  et  les  débats 
une  fois  entamés,  doivent  être  coniinués  sans  interruption 
jusqu'après  la  déclaration  du  jury,  sauf  Texception  écrite 
dans  Fart.  331;  que  si,  antérieurement  aux  débats,  des 
nullités  ont  été  commises  dans  la  procédure»  il  n'appartient 
pas  à  la  Cour  d'assises,  lorsque  les  débats  sont  commencés,  de 
prononcer  sur  les  nullités  dont  l'appréciation  est  dévolue  à  la 
Cour  de  cassation  par  les  art.  407  et  408  ;  que  la  Cour  d'a»- 
sises  ne  s'est  trouvée  ni  dans  le  cas  de  Tart.  352,  ni  dans 
celui  prévu  par  Tart.  354  ;  qu'enfin  et  postérieurement  à 
Touverture  des  débats,  il  n'e^t  survenu  aucun  événement  qui, 
aux  termes  de  Vart.  406,  ait  nécessité  l'interruption  des  dé- 
bats et  un  renvoi  à  une  autre  session  ;  qu'ainsi  la  Cour  d'as- 
sises, en  renvoyant  l'affaire  à  une  autre  session,  a  commis  un 
excès  de  pouvoir,  violé  l'art.  353  et  fait  une  fausse  applica* 
tion  de  l'art.  406  \  » 

La  même  solution  s'appliquerait-elle  au  cas  ou  la  nullité 
aurait  été  conmiise  postérieurement  à  la  réunion  de  la  Cour 
d'assises?  On  ne  voit  aucune  raison  de  faire  une  distinction 
à  cet  égard,  car  il  n'appartient  pas  à  la  Cour  d'assises  de  pro- 
noncer sur  des  nullités  commises  après  plutôt  qu'avant  Tou- 
i^erture  de  ses  débats;  elle  peut,  s'il  s'agit  de  formes  omises, 
réparer  les  omissions  ;  mais^  s'il  s'agit  d'un  vice  non  répara- 
ble, elle  est  tout  à  fait  incompétente  pour  en  apprécier  les 
effets  et  déclarer  indirectement  la  nullité  de  la  procédure  en 
ordonnant  par  un  renvoi  h  une  autre  session  qu'elle  sera 
recommencée.  Ce  n'est  point  là,  d'ailleurs,  un  do  ces  événe- 
ments qui,  suivant  la  prévision  de  Tart.  406,  viennent  mettre 
obstacle  au  développement  de  l'instruction,  ce  n'est  point 
une  entrave  à  la  continuation  des  débats.  On  ne  peut  changer 
le  caractère  des  faits  et  transformer  arbitrairement  chaque 

*  Gasi.  iS  fév.  dSlS,  rapp.  M.  Lecoutoar.  J.  P.,  t.  XIV,  p.  640. 

*  CaM.28fëT.  1893,  r«pp.  M.  Thil.  J.  P.,  t.  XXV,  p.  213. 


810  D0  CODIU  »*ABSISKS. 

incident  du  procès  en  tipeciroomstatice  extraordjnaife  qui  ar* 
rète  4e  cours  de  )a  justice.  V^  vices  d'ooe  procédure»  fusseitt- 
iin  cOMtatés»  u^eibpéclient  rri  \n  prodactioa  des  preuves^  nî 
leur  diseussion  ;  il  n'eu  résulte  aucune  impossibilité  de  pour- 
suivre le  procès  sans  risquer  de  perdce  les  traces  de  la  vérité. 
L'art.  406  ne  peut  donc  sous  aucun  rapport  s'y  appliquer. 

n  a  été  jugé  par  une€oar  d'assises,  contrairement  à  cette 
distinction»  qu'il  pouvait  y  avoir   lieu  à  renvoi  lorsqu'un 
Juré  a  communiqué  avec  un  tiers  relativement  aux  faits  du 
procès'  ;  ou  lorsqu'un  juré  a^  par  une  observation,  manifesté 
une  opinion  sur  Taffoire  \  Ce  sont  là  des  faits  que  la  Cour 
d'assises,  si  elle  ne  peut  les  empêcher,  ne  peut  que  constater, 
s'il  y  a  lieu,  dans  le  procès- verbal  de  ses  débats-,  mais  il  lui 
est  interdit  de  les  apprécier;  car  ce  n'est  point  à  elle  qu'ap- 
partient le  jugement  de  la  régularité  des  procédures.  Elle  uc 
doit  les  considérer  que  comme  des  incidents  dont  elle  n'a  à  s«^ 
préoccuper  que  si  c'est  devant  elle  qu'ils  s'élèvent  ou  s'il  lui 
en  est  demandé  acte,  et  elle  doit  passer  outre;  car  elle  ny 
trouve  aucun  obstacle  à  la  continuation  de  rinstructîon  dont 
elle  est  chargée. 

Il  a  été  jugé,  au  contraire,  et  conformément  è  notre  doc- 
trine :  l""  que  les  conversations  tenues  par  des  jurés,  dans 
l'intervalle  des  séances,  ne  sont  pas  une  cause  de  renvoi, 
c  attendu  que  les  jurés  se  trouvant  exposés   pendant  I. 
durée  des  suspensions  à  enlendre  exprimer  devant  eux  dt  ^ 
opinions  diverses  sur  l'affaire  qui  leur  est  soumise^  il  est  d  ' 
leur  devoir  de  se  prémunir  contre  les  impressions  que  c«^ 
opinions  pourraient  exercer  sur  leur  esprit,  mais  que  la  l(  i 
s'en  est  rapportée  à  leur  conscience  et  au  serment  qu'ils  oni 
prêté  do  ne  communiquer  avec  personne  ^;  2^  que  les  excès  de 
la  défense,  les  erreurs  de  droit  qu'elle  avance,  les  incrimi- 
nations dont  elle  s'appuie  ne  sont  jamais  une  cause  de  renvoi, 
parce  que  s'il  peut  y  avoir  dans  ce  cas  lien  d^interromprc 
le  défenseur,  il  ne  peut  y  avoir  lieu  d'interrompre  on  délai 
commencé  ^. 

Enfin,  on  a  demandé  s'il  y  a  lieu  à  renvoi  lorsque  l'on 
des  juges,  l'un  des  jurés  ou  le  défenseur  se  trouvent  indis- 
posés dans  le  cours  des  débats.  Il  a  été  jugé,  sous  l'empire  du 

A  As8.  de  la  Seine,  16  juin  et  18  déc.1836.  Journ.  cr.  t. VIII,  p.  186  et  361. 

*  Gass.  il  bruqiaire  an  XII,  rapp.  M.  VieîllarU  i..K,  U  lO,  ^  486« 
'  Ass.  de  la  Sâne,  22  juio  1831.  Jooro.  crim.  L  3,  p,  a07. 

*  CasSf  li  brumaire  an  XI,  bull.  n.  10. 


IHCIOENTS  DE  L^AUDIEMCB.   {  651.  8il 

Codé  i'\x  3  brufitaîre  an  ïV,  mi  ce  qiil  côiicërfte  le  président) 
€  que  fimpuissùnce  biôriichla'i^cc  où  H  se  trouve  3e  continuer 
r^xâtnen  n'est  pas  tin  iliotif  suftisaDt  pout  cesser  Texamen  dû 
procès  et  soustraire  les  acctisés  au  jagement  d'un  jury  Ic^ga- 
leinent  formé,  puisque  Heh  ne  s^oppose  &  ce  qu^après  Tad- 
jonction  d'^un  suppléant  la  Gotu*  ne  recommençât  les  débats 
devant  le  même  jury  ^.  » 

Mais  cette  décisiob  ne  péilt  avoir  sôiis  notre  Gode  aucune 
autorité,  puisque  Tart.  406  prescrit  formellement  que,  dans 
le  cas  de  renvoi,  il  sera  fait  une  autre  liste  de  jurés  et  pro^ 
cédé  à  de  nouvelles  récusations,  ce  qui  a  lieu  parce  que  le 
droit  dé  récusation  pourt-ait  Cire  gêné  s'il  s'exerçait  deux  fols 
sur  la  même  liste.  Ce  n'est  donc  qu*alitant  que  Taccusé  ne 
s'opposerait  pas  au  renvoi  h  un  autre  jour  de  la  même  ses- 
sion que  ce  renvoi  pourrait  être  ordonné. 

La  même  règle  s'applique  au  cas  de  Tindisposîtion  dêt^'un 
des  jurés.  La  jurisprudence  a  reconnu  régulier  Tarrèt  par 
lequel  la  Cour  d'assises  avait  dans  ce  cas  annulé  le  tirage  déjà 
fait  et  ordonné  qu'il  serait  procédé  à  un  nouveau  tirage, 
a  attendu  que  Taccusé  ni  son  conseil  ne  se  sont  ôppo§(^s  à  ce 
mode  de  procéder  •.  »  Mais  elle  a  en  même  temps  déclaré 
irrégulière  la  même  mesure,  en  présence  de  la  demandé  do 
renvoi  à  une  autre  session  formée  dans  le  même  cas  par  Tâc- 
cusé,  «  attendu  que  lorsque  l'accusé  s*oppose  formellemmi  à 
ce  que  la  même  liste  de  jurés  serve  à  deux  tirages  Successifs, 
la  Cour  d'assises  en  y  procédant  nonobstant  cette  opposition, 
excède  ses  pouvoirs  et  porte  atteinte  au  droit  de  récusa- 
tion et  à  la  liberté  de  la  défense  de  Tact^dsé  ^.  )>  tt  y  avuit 
donc  lieu  dans  ce  cas  de  prononcer  le  renvoi  à  là  sessloti  sui- 
vante. 

La  même  règle  s'applique  encore  iTihdispôsItîoh  dll  dé- 


fenseur.  S'il  peut  être  remplacé  immédiatement  sans  nuirb 
aux  intérêts  de  la  défense,  et  si  ce  remplacement  est  accepté 
par  Taccusé,  la  Cour  d'assises  peut  refuser  le  renvoi  4.  Mais 
si  le  remplacement  n'est  pJis  possible  ou  n^est  pas  accepté  par 
l'accusé,  il  y  a  lieu  nécessairement  soit  à  une  aUtre  session, 
soit,  si  l'accusé  y  consent,  à  un  autre  jour  de  le  mêrtie  ses- 


*  Qu%  i  themw  an  xu,  rapp,  M.  Lech^se.  J.  P.,U  IV,  p.  668. 

*  GasSb  21Î  noT.  1838,  rappt  M.  Debauasy.Bull.  u.  96^. 

'  Cats.  81  mars  1843,  rapp.  M.  Dehaussy.  Bull.  n.  71  ;  iO  ocU  1839,  rapp. 
M.  Vinceo»-St>Laurent.  S«  V.  39, 1,  955» 

*  Cass.  2  juin  1851,  rapp.  M.  Ghoppin.  J.  P.,  t.  XXIII,  p.  1647. 


812  DES  COURS   D* ASSISES. 

•  »  •         •         '«  .  '  .  •  •:  i'i>M     '  i  :   ■  '  • 

sioD.  Toutefois,  <)aiis  ce  dernier  ca3  ^  la,popi;.d>83ise^  oe 
pourrait  se  bori^er  à  annuler  les  débaU  iComm^ncis  et  .à  or- 
donner qu'ils  s'ouvriraient  de  nouveau  d^y^nt  )e  mèiiiie^jury 
avec  un  autre  défenseur;  «  car  It  résujite  dq.la  cfuntii prison 
des  art.  353  et  406  que  la  formation  du  ubjej^ii  et  .les  (dé- 
Ivitssont  indivisibles  dans  raflair^  qui  en  e^K  l'objet,  ^^çii  il 
si^itque  les  cours  d'assises  ne  peuvent  annuler. les  uns.et  con- 
server les  autres!.  »  Il  serait  donc. nécessfir^^DS(Cje(;as  de 
procéder  à  un  nouveau  tirage.  >  .   i  .  ;.    i     i 

.  lY..  Dan^  les  cas  prévus  par  les  art.  331  et  406,  comotc 
dap9  celui  prévu, pa^  Part.  354,  le  renvoi  nç  peui ,étre^  or- 
donné, comme  l'indiquent  d'ailleurs  ces  articles,  que  par  la 
0)ur  d'assises  *.  Cette  Cour  est  saisie  ;  il  ne  peut  appartenir 
qu'à  elle  seule,  dans  les  cas  où  la  loi  le  permet,  de  se  des* 
saisir* 

Quelques  Cours  d'assises  avaient. cru  po^iirpir ,  au  cas  de 
quelque  événement  qui  suspend  le  débat  >  ne  point  se  des- 
laisir  e|;  n'ordonner  le  renvoi  qu*i  un  autre,  jour  de  la  session, 
^u  lieu  de  l'ordonner,  comme  le  prévoit  la  loi ,  à  la  sesâoa 
suivante.  La.Cour  de  cassation  à  déclaré  «.  qu!Q^cu9^  dispo- 
sition du  Code  n'autorise  le  renvoi  à  un  autre  jour  de  la  même 
session  ;  que  si  un  tel  renvoi  n'est  pas  prohibé,  si  par  suite  il 
peut  être  ordonné  ,  ce  n'est  qu*autant  que  cette  mesure  ne 
porterait  pas  atteinte  aux  droits  de  la  défense  ou  à  ceux  du 
ministère  public;  qu'au  nombre  de  ces  droits  se  trouve  le 
droit  de  récusation  accordé  par  Part.  399  à  l'accusé  et  au 
procureur  général  ;  que  Texercice  de  ce  droit  important  pour- 
rait être  gêné  si  l'on  procédait  à  la  formation  d*ua  second 
jury  de  jugement  sur  la  même  liste  qui  a  déjà  servi  à  la  même 
opération  et  sous  l'influence  des  récusa^ons  déjà  ^ejcéçs  ; 
que  c'est  pourcela  que  Tart.  406»  dans  le  cas  di^  renvoi  i  une 
s^utre  s^si^îon ,  dit  expressément  qu'il  sera  fourni  un^  autre 
liste  et  procédé  i  de  nouvelles  récusations;  que  toute  mesure 
qui  contrarie  ce^  dispositions,  ne  peut  être  tolérée  dans  l'in- 
térêt de  la  prompte  expédition  des  affaires ,  qù^iautan'C  que 
toutes  les  parties  intéressées  y  consentent '•  »  Il  résulte  de 

*  Cass.  6  août  i8S5,,rapp.  V.  Meyromieu  BuU.  o.  313;    ' 

>  Cas».  iO  janvier  4834.  rapp.  M.  Brière.  J.   P.,  t.  XyiII»  p,  S3S  ;  n 

sept.  1837,  rapp.  M^  Vioceos-St-LaureiiL  S.  V.  39»  i,  àiO;  \0  ocC.  iSZT\ 

même  rapp.  S.  V.  39, 1,  955. 
'  Case.  12  déc.  i^kà,  rapp.  M.  Vîncc^s-St-Laurent.  Bull.  n.  39(>. 


INCIDENTS   BI  L^UMEMCF.   $  652.  813 

cette  jurisprudence,  que  nous  avons  déjà  indiquée  et  qui  té- 
moigne d*un  respect  scrupBleux  pour  le  droit  de  récusation, 
que  la  règJe  générale  portée  par  la  loi  est  le  renvoi  à  une  miré 
session  ^  et  que  s'il  n'est  pas  interdit ,  dans  Tintérét  de  la 
prompte  eipéditibn  desr  affaires,  de  prononcer  le  renvoi  à  un 
antre  jour  de  la  même  session,  ce  n'est  qu'à  la  condition  que 
hs  paKiesy  adbèreiit  eipressément  et  ne  demandent  pas  le 
retovol  à  line  abtiie  session,  car  cette  setrle  demande  Serait  une 
opposition  au  renvoi  à  tin  jour  plus  prochain  i.  '  '  * 

Le  renvoi  peut  être  prononcé^  soit  sur  la  demande  ûes 
parties,  soit  d'office  ;  mais,  dans  ce  dernier  cas,  la  Courd'aa- 
sises  doit,  avant  de  prononcer  cette  mesure,  provoquer  de  la 
part  des  parties  des  observations  qui  peuvent  réolatirer  et  les 
mettre  à  même  de  prendre  des  conclusions  •. 

L'arrêt  qui  ordonne  ou  refuse  le  renvoi,  étant  de' pure  ins- 
truction ,  peut  n'être  pas  motivé*.  Toutefois,  tin  pourvoi , 
fondé  sur  ce  défaut  de  motif,  a  été  rejeté,  «  parce  que  ce 
moyen  n'est  pas  fondé' en  fait,  puisque  l'arrêt  dont  il  s'agit, 
en  accueillant  les  conclusions  motivées  du  ministère  public  à 
ce  sujet,  se  les  ail  nécessairement  appropriées  4.  »  On  doit  in*' 
férer  de  là  que  les  motifs  sont ,  sinon  nécessaires,  au  moins 
utiles,  puisquMl  s'agltd^unemesure  très  grave  et  dont  il  im*' 
porte  de  connaître  la  cause. 

S  652. 

U  Troubles  e^  délits  d'audience.  —  IL  Rébellion  de  Tacçusé  ponvaot 
^  donner  lieu  â  son  expulsion.  —  III.  Délits  qui  se  révèlent  à  Tau- 
'  'dience;  mode  de  leurconsUUtion.  —  IV.  Délits  qui  se  commettent  à 
l^iudte'nce  ;  nwde  de  leur  Téptession. 

I.  Il  faut  prévoir  encore  quelques  incidents  qui  ont  un 
caractère  particulier  :  ce  ne  sont  plus  des  exceptions  de  droit 
qui  s'èlèvenl,  des  preuves  qui  manquent,  des  faits  nouveaux 
à  vérifier  des  empêchements  personnels;  ce  sont  des  troubles 

et  des  faits  de  rébellion  qui  éclatent  au  milieu  des  débats,  des 

•  ■'■.'  •  •        »  ■ 

*  Cass.  7nov.  1889,  rapp.  M.  Gilbert  de  Voisin.  BuU.  D;a85;  12  ûée. 

'^'IVsl'^iKfsstrSpiM.  Onhter.  I.  Pi  ..  XXIH.  ^  560. 

•  Cass.  2  loin  liM,  rapp.  M.  Çhoppin.  J.  P.,  t.  XXIII,  p.  4847. 

*  i.aM.  Î3  juin  488?,  rapp.  M.  Rite*.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  MW. 


814  BKS  COURS  d' A^ISBf  9  ^ . , 

intçrruptiûQS  violentes  ou  des  résJM>tnces  à  1^,  justice,  doft, dé- 
lite qdi  se  rév^èrt  où  même  cjm  se  coaundttent  pepdaiit  rau- 
dïehce.  *A  iccs  acte^  tout  spéciaux  Ha  fallu  une  législation 
SjièdaTe  :  ce  sontlés  (fispositions  de  celle  législation  qu'il  feol 
exaniinér  Ici.  Au  reste,  les  faits  de  cette  nature  sont  heu- 
reusement rarçs  0t  n*ont  laissé  (jue  peu  de  trac^  dans  la  jm- 
rispr^dencé. 

II.  L^  loi  a  ptèTu  deux  actes  de  résiçtance  envers  la  justice 
de  la  part  de  Taccusé  : 

Le  refus  de  comparaître  ft  Taudience,  dont  nous  nous 
swmnes  déjêt  occupé    ;  • 

Kt  le  tomulte  causé  è  ^audience  ipème  pour  empêcher  le 
cours  de  la  justice.  C'est  de  ce  dernier  fait  qu'il  s^agit  main- 
tenant. 

LeCJode  d'instruction  cfimmelle  n'avait  pas  plus  prévu  ces 
sortes  de  rébellion  contre  la  justice  qu'il  n'avait  prévu  le 
refiw  de  comparaître.  On  ne  trouve  également  dans  l'an- 
ciettne  légisfation  aucune  disposition  qui  se  rapporte  i  ces 
fcyportrèses ,  sauf  les  art,  7,  8,  9  et  10  du  tit.  10  de  Tord, 
de  i6T0,  qui  prévoient  le  cas  où  un  accusé  refuse,  non  pas  de 
comparaître,  maïs  de  répondre.  Les  questions  qui  furent  son- 
lefées  devant  la  €our  des  pairs,  dans  l'affaire  d'avril  1834, 
firent  pour  la  première  fois  sentir  le  besoin  de  compléter  la 
législation  à  cet  égard»  et  les  art.  10  et  11  de  la  loi  du 
9  septembre  1835  sont  venus  eombler  cette  lacune. 

<r  An.  10.  La  Cour  pourra  faire  retirer  de  l'audieuce  et  recooduire 
en  prisoQ  tout  prévenu  qui,  pa^r  des  (Rameurs  ou  par  tous  autres 
Qioveps  propres  à  causer  du  tumulte»  mettra  obstacle  au  libre  cours 
de  la  justice,  et,  dans  ce  cas,  il  s^a  procédé  auK  débats  et  au  jose- 
Dfient  comme  il  est  dit  aux  deux  articles  précédents^.  »  —  ArU  11. 
«  Tout  prévenu  ou  toute  personne  présents  à  Faudience  d'une  cour 
d'asûses,  ç^  eajuaerait  du  Um^ie  poivr  eupécher  le  cours  de  la  jus- 
tice, sera,  audience  teqav.te,  déclaré  coupablo  de  rébellion  et  paû 
d'un  emprisonnement  qui  n'excédera  pas  deux  ans,  sans  préjodîce  des 
peines  portées  âu  Code  pénal  contre  les  outrages  ou  vioienees  tnnn 
tes  magisiraïa.  « 

,  Assurément  Taccusation  ne  délie  point  Taocusé  de  sês  de- 
Y^s  janvect  Jla  ÉOciétA.  <]«lle^  a  le  4r«t  iU  loi  densMdcr 

*  Voy.  mprà,  p.  û^i^     * 

*  Voy,  ces ,dc»\  jirtiqtes  êupjrét.l^  9pi^ 


INCIDENTS  hZ  L*AlIfiIENCâ«  $  6S2.  M$ 

compte  des  acbes  qui  ont  troublé  Tordre»  a»î#  «Ife  a  Toblî* 
gntion  d^assurer  la  complète  liberté  de  m  défeiifie.  L'eeeuaé 
a  le  droit  d'employer  tous  les  moyeos  qui  peuvent  éUUir 
son  innocence,  mais  il  a  TobligatâcD  de  ne  pas  maequey  de 
respect  aux  juges  devant  lesquels  il  comp^rall  ;  il  peut  se 
défendre  sans  insulter  la  justice  et  saus  eiifreiudr«  la  loi.  AioM» 
s'il  commet  cette  infraction  ou  cette  insulte,  si,  par  sespno- 
testationsou  ses  cris,  il  suspend  violemment  rinstnactioada 
procès,  il  y  a  là,  non  plus  un  acte  die  défense,  mais  uuMte 
de  rébellioD  contre  la  justfœ.  Qu'y  «4*il  i  faire  en  présence 
d'un  tel  excès?  faut-il  continuer  l'instriietioa?  mais  la  juitioe 
pourrait-elle  procéder  avec  calme  en  fâce  d^une  rébelboft 
insensée  qui,  par  ses  vocifèratioos,  rendrait  i'auditioa  desi  té- 
moins impossible  et,  par  ses  outrages,  enlèveraitaux  juges  ieor 
impartialité?  faut-il  faire  reconduire  l'accusé  dans  sa  prison 
et  attendre  qu'il  soit  revenu  à  une  plus  juste  appréciation  de 
son  intérêt?  mais  doit-il  dépendre  de  lui  de  retarder  indé-^ 
finiment  son  jugement  et  de  priver  ainsi  [a  société  de  Veiemr 
plarité  de  la  répression,  tandis  qu  il  gagnerait  la  chance  du 
dépérissement  des  preuves? On  est  donc  amené  à  la  nécessité 
de  le  juger  lors  même  qu'il  n*est  plus  présent,  lors  même  que 
le  tumulte  qu'il  cause  le  fait  retenir  hors  de  Taudyienoe.  Cette 
nécessite  est  aussi  le  seul  motif  allégué  par  les  auteurs  delà 
loi  pour  expliquer  celte  disposition  ^ 

Les  art.  9  et  10  de  la  loi  du  9  septembre  1835  consacrent, 
en  effet,  Texception  la  plus  grave  aux  règles  de  la  procédure. 
La  loi  veut  que  le  débat  soit  oral ,  que  l'accusé  soit  représenté 
aux  témoins  et  quMl  soit  mis  en  demeure  de  contredire  leuns 
dépositions  ;  elle  veut  que  le  débat  s'engage  entre  Taocusation 
et  ses  preuves  à  charge  et  la  défense  et  ses  preuves  à  dé«- 
charge;  et  pourquoi  le  veut-elle  ainsi?  C'est  pajcce  que  oe 
débat  oral  et  contradictoire  est  la  voie  la  plus  sûre,  la  seule 
voie  peut-être  d'arriver  avec  certitude  à  la  vérité  :  «  Il  ne 
faut  pas  interrompre  le  cours  de  la  justiae,  disait  M.  Portalis; 
mais  pour  (]ue  la  justice  ait  son  cours,  il  faut  que  ce  soit  Ja 
justice.  La  justice  ne  consiste  pas  aeulement  i  procéder  d'une 
manière  quelconque  au  jugement  des  accusés ,  mais  à  y  pro- 
céder sans  s'écarter  de  ceiqui  fait  U  aubstoiee  de  tout  )Qge«- 
ment^  » 


*  Moniteur  du  23  aoûtUIS. 

«  Préoédeoude  laCovr  te pain^  m  Me. 


Si  6  »ES  C0DR8  »*ASStSSâ. 

Ce  n*cst  donc  qu'au  cas  où  les  clameurs  de  l'accusé  reo- 
denf  la  continuation  du  débat  impossible,  au  cas  où  il  j  a  né- 
cessité absolue  d'éloigner  l'accusé ,  au  cas  eniin  où  il  est  la 
seule  cause  du  tumulte,  qu'il  y  a  lieu  de  recourir  à  cette  me- 
sure exceptionnelle ,  puisque  c'est  cette  nécessité  seule  qui 
fait  sa  légitimité.  Et  il  n^appartient  qu'à  la  Cour  d'assises  de 
la  constater  par  un  arrêt.  Le  projet  de  loi  avait  écrit  dans 
Part  10  ces  roots:  «tenterait  de  mettre  obstacle;  kun 
amendement  y  a  substitué  ceux-ci  :  a  [mettrait  obstacle  '.  > 
II  s'ensuit  qu'une  simple  tentative,  quelle  qu'elle  soit,  oc 
suffit  pas  ;  il  faut  qu'il  y  ait  un  obstacle  réel  à  ce  que  le  dé- 
bat continue. 

L'expulsion  n'est  point  limitée  aux  débats;  l'art.  10  dé- 
clare qu'il  sera  procédé,  hors  la  présence  de  l'accusé,  «  aux 
débats  et  au  jugement.»  La  Cour  de  cassation  a  pu  juger  pd 
conséquence  «  qu'en  autorisant  la  Cour  d'assises  à  faire  sor- 
tir de  l'audience  l'accusé  qui  entrave  la  marche  de  la  justice, 
la  loi  du  9  septembre  1835  établit  une  mesure  éminemment 
protectrice  de  l'ordre  social,  sans  laquelle  il  suffirait  des  vio- 
lences de  Taocusé  pour  mettre  la  loi  du  pays  dans  Pimpossi- 
J)ilité  d'atteindre  et  de  réprimer  ses  méfaits;  que  cette  mesure 
étend  ses  effets  à  tous  actes  de  la  justice  qui  se  produisent  à 
raudience  après  son  expulsion  et  même  au  prononcé  de  Tar- 
lét  définitif,  si  la  Cour  n'en  ordonne  pas  autrement;  que  cela 
résulte  des  termes  de  Tart.  10,  qui  déclare  qu'il  sera  fïocéié 
aux  débats  et  au  jugement^  et  de  l'art,  d  qui,  s'il  ne  prie 
d'abord,  dans  son  %V^^  que  de  passer  outre  aux  débats, 
énonce  ensuite  que  les  arrêts  rendus  par  la  Cour; hors  la  pré- 
sence de  l'accusé,  au  cas  qu'il  prévoit,  seront  tous  répotés 
contradictoires,  sans  qu'il  excepte  de  cette  régie  Tarrét  défi- 
nitif, et  sans  que  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  articles  mentionne 
une  rentrée  de  l'accusé  à  l'audience  dont  il  vient  d'ôtre  éloigné 
avant  l'arrêt  de  condamnation  '.  > 

Ebt-il  nécessaire  de  faire  à  l'accusé  expulsé  une  sommation 
de  comparaître  après  les  débats  clos  et  avant  la  lecture  de  ia 
ilcirlaration  du  jurj  ?  Il  a  été  répondu  parle  même  arrêt  «  qu'il 
convient  de  distinguer  entre  le  cas  de  l'art.  8,  où  l'accusé  re- 
fuse de  se  rendre  à  l'audience  et  celui  <)e  l'art.  10  où  il  y  com- 
parait volontairement,  mais  qui  s'y  Itvreàdes'violerKTS  ;  \]^n* 

*  Moniteur  du  i&  août  18S5,  2«  suppL  p.  1858. 

*  Cass.  29  janv.  1857,  rapp.  M.  I^tf^agneur.  Boll.  d.  57. 


INCIDENTS  DB  l'auoience.  §  652.  817 

tes  sommalions  Je  coroparatlre,  nécessaires  àans  la  pne^nière 
hypothèse,  n'aoraient  pas  de  raison  d*ëtre  dans  la  secondç*  » 
^'ous  nous  référons  au  surplus  à  ce  qui  i^  déjà, été  dit  au 
sujet  de  la  piccédure  instruite  dans  le  cas. où  l'accusé  r^^fuse 
de  eCTuparaUre  ^  On  doit  ajoufer  seulement  qM^il  D'y  a  Ika 
de  donner  lecture  à  l'accusé  du  procés-vçrb^i  de^débats  qu'à 
te  suite  de, chaque  séance,  et  non  à  chaque  svs|ieiision  de 
^audience  V  Tarf,  9, ne  prescrit  cette  leoturç  qu'apr/ès  chaque 
audience  ,  et  Tart.  372  du  Code,  supppse  ^alcnvent.que  le 
pjrocéà-vêrlal  n'est  dressé  que  pour  chaque  séaqce  \ 
\  Quant  à  Papplication  d'une  peine  à  l'accusé  qui  cause  du 
tu  multe  pour  empêcher  le  cours  de  la  jusIiee^.Doiis  y  revien- 
d  rons  tout  à  Theure  en  parlant  4es  délils  ^ui  soBt  eomnis  à 
faudiênce. 

ill.  La  loi  prévoit,  en  second  lieu,  plôsieura  cas  où  des 
d  élits,  précéden>ment  ccmmis,  se  rété^ent  dans  le  cours  des 
d  ébats  :  tels  sont  les  cas  où  Taccufé  est  inculpé  de  faits  nou** 
y  eaux  distincts  de  raccusation ,  où  des  tAnnoins  sont  inculpés 
d  e  participation  au  crime  qui  est  soumiSQUx  débats,  où  il  ré*- 
suUedes  pièces  produites  ded- indices  sut  un  faux  et  sur  la 

férsonnequi  l!^  jcommis.ll  importe  de  déterminer  ce  que  doit 
aire  le  président  ou  la  Cour  d'assises  en  présence  de  chacun 
de  ces  incidents. 

Si  l'accusé  est  inculpe  dand  le  cours  des  débats  »  soit  par 
des  pièces,  soit  par  les  dépositions  des  témoins,  d'un  nouveau 
fait ,  il  y  a  lieu  de  distinguer  le  cas  où  il  est  acquitté  de  là 
première  accusation  et  le  cas  où  il  est  condamné  :  dans  le 
premier  caâ^  Tart.  361  dispose  que  «  le  président,  après  avoir 
prononcé  qu'il  est  acquitté  de  l'accusatiou,  ordonne  qu'il  foit 
poursuivi  à  raison  du  nouveau  fait  et  le  renverra  en  état  de 
mandat  de  comparution  ou  d'amener,  et  même  en  état  de 
mandat  d'ùriét ,  s'il  y  é<^et,  devant  le  juge  d^instruction  dp 
Tari ondissemeut  où  siège  la  Cour,  pour  étire  procédé  à  une 
nouvelle  iuslruction.  »  Dans  le  second  cas ,  Tart.  379  porte 
que  «  la  Cour,  si  les  érimes  nouvellement  manifestés  mérF- 
tj^t  une  peine  plus  grave  que  les  premiers,  oti  ^i  l'accusé  a 
d  es  complices  m  état  d'anestation,  ordonnera  qu'il  sôii  pour-^ 

*  Voy.  «iprri,  p.  6ô4, 

*  Même  arrêt  etcass.  12  déc  ISi^O,  rapp«  M.  de  Ricard»  Bull.  d.  350. 

M  52 


818  DES  COURS   d'assises. 

suivi  à  raison  de  ces  nouveaux  faits ,  suivant  les  formes  pre- 
scrites par  le  présent  Code. 

Nous  avons  déjà  tu  ôe  qu'cta  Adit  eûtcndf  è  par  «  fait  nou- 
veau »  dans  le  senà  de  ces  deux  articleé  *  :  tous  les  faits,  qui 
ne  sont  que  dès  niodificatitîns  du  fait  principal  l'objet  de 
l'accusation  ,  doivent  être  soumis  au  jury  comme  faits  ré- 
sultant des  débats  '  ;  totls  lès  faits,  au  contraire,  qui  sont  dis- 
tincts et  séparés  et  qtii  cotistituent  une  accusation  principale 
peuvent  donner  lieu  à  une  ttoutelle  poufstlile.  Tels  sont,  dans 
une  accusation  d'înfaniicidc,  le  fait  de  suppression  d'état, 
dans  une  atcàsatî6n  de  meurtre  le  fait  de  port  d'anne$  de 
guerre,  dans  une  accusation  de  faux  le  fait  d*escroquerie^. 

Au  reste <  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue,  en  ce  qui  conoeme 
rapplieatton  de  Tart.  361,  1**  que  cet  article  n*est  applicable 
qu'au  cas  où  l'accusé  a  été  acquitté  et  que  ce  n'est  que  dam 
ce  cas  que  le  président  doit  le  renvoyer  devant  le  juge  d'ins- 
truction du  lieu  où  siège  la  Cour,  qui  devient  alors  le  lieu  de 
TarresUtion  *\  S*"  que  cette  disposition  ne  doit  même  être  exé- 
cutée, aux  termes  du  2^  g  de  l'art.  361 ,  c  que  dans  le  cas  où, 
avant  la  clôture  des  débats,  le  ministère  public  aura  fait  des 
réserves  à  fin  de  poursuite  ;  »  non  que  ces  réserves  soient  né- 
ce:  mes  pour  que  le  ministère  public  puisse  exercer  Tactioa 
puhtjque  ^«  mais  seules  elles  autorisent  l'arrestation. 

Il  y  a  lieu  de  rappeler  également,  en  ce  qui  concerne  Tap- 
plication  de  Tart.  379 , 1"^  qu'il  ne  faut  pas  induire  de  cet 
article  que  si  le  crime  mérite  une  peine  moins  grave,  il  ne 
doit  pas  être  poursuivi ,  mais  que  seulement  dans  ce  cas  il  est 
inutile  que  la  Cour  d'assises  ordonne  qu'il  sera  poursuivi 
parce  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  surseoir  à  l'exécution  du  premier 
arrêt  ^;  2©  que  si  l'art.  379  n'a  pas  désigné,  comme  Ta  fait 
Fart.  361,  le  juge  d'iustruction  devant  lequel  Taccasé  doit 
être  renvoyé,  c'est  que,  dans  l'hypothèse  de  ce  dernier  ar- 
ticle, le  lieu  où  siège  la  Cour  d'assises  étant  le  lieu  où  le 
prévenu  est  trouvé  et  arrêté,  ce  juge  d'instruction  a  nécessai- 
rr ment  compétence,  tandis  que  dans  l'hypothèse  de  l'art*  379 
cette  compétence  peut  ne  pas  exister. 


«Voy.t.    U;  p;5«àel8ttiV. 
■  Voy.  L  m,  pé  614 
'  Yoy.t.  ïll,p.  615. 

.«S30. 

/674. 


'  Voy.t.  ïll,p.  615. 

*  Cass.  29  fé?.  4828,  rapp.  M.  deBcruanl.  J.  P.,  t.  XXI,  p«  i 
"  Cass.  2  avril  4829,  rapp,  M.  Qllhier,  J,  P.,  t.  XXU,  p,  87^ 

•  Voy.  MII,p.760.  ^  ^ 


MCIDEKTS  DR  l«*ACDIENCK,  §  652.  819 

Si  le  fait  qui  se  révèle  dans  le  cours  des  débats  est  ud  crime 
de  faux  et  si  cVst  à  une  autre  personne  que  Taccusé  qui!  est 
imputé,  il  y  a  Heu  de  renvoyer  les  pièces  au  procureur  împé- 
riol  près  le  tribunal  qui  doit  être  le  lieu  de  Tinslruction.  Cette 
hypothèse  est  spécialement  prévue  par  Tart.  462  qui  est  ainsi 
conçu  :  «  Si  une  Cour  ou  Un  tribunal  trouve  dans  là  visite 
d^un  procès ,  même  civil ,  des  indices  sur  un  faux  et  sur  la 
personne  qui  Ta  commis,  l'oflicier  chargé  du  ministère  public 
ou  le  président  transmettra  les  pièces  au  substitut  du  procu- 
reur généra]  près  le  juge  d'instruction,  soitdu  lieu  où  le  défit 
paraîtra  avoir  été  commis,  soit  du  lieu  où  le  prévenu  pourra 
être  saisi,  et  il  pourra  même  délivrer  le  mandat  d'amener.  » 
Cet  article  ne  fait  que  reproduire  l'art.  359  du  Code  du  3 
brumaire  an  ivavec  cette  addition  que  roflicier  du  ministère 
public  a  le  même  droit  que  le  président,  non-seulement  pour 
transmettre  les  pièces,  mais  pour  décerner  le  mandat  d'ame- 
ner ;  la  loi  assimile  ainsi  ce  cas  au  cas  de  flagrant  délit.  Il  y  a 
lieu  de  remarquer  sur  cet  article,  d'abord,  que  le  droit  soit 
de  rofljcier  du  ministère  public,  soit  du  président,  ne  s'ouvre 
que  lorsque  la  Cour  d'assises  a  trouvé  «  des  indices  sur  un 
faux  et  sur  la  personne  qui  Ta  commis;  »  il  faut  donc  que 
ces  indices  soient  reconnus  pour  que  les  mesures  indiquées 
puissent  être  prises.  Il  y  a  lieu  de  remarquer  ensuite  que,  aux 
juges  d'instruction  que  Tarticlc  désigne,  il  faut  ajouter  le  juge 
d'instruction  du  lieu  où  il  aurait  fait  usage  de  la  pièce  fausse, 
puisque  ce  juge  est  également  compétent*. 

Enfin ,  si  l'un  des  témoins  esl  inculpé  d*élre  complice  de 
Taccusé,  comment  faut-il  procéder?  On  lit  dans  un  arrêt 
rendu  dans  une  espèce  où  l'accusé  se  faisait  un  grief  de  ce 
que  le  ministère  public  avait  fait  arrêter  et  sortir  de  l'audience 
l'un  des  témoins  assignés  à  sa  requête,  «  qu'il  est  constaté  par 
le  procès-verbal  des  débats  qu'après  que  le  témoin  Robert 
Finot  eut  terminé  sa  déposition,  le  président  crut  devoir  le 
DicUre  en  présence  de  deux  autres  témoins  entendus,  et  qu'à 
raison  des  faits  qui  résultaient  de  celle  confrontation,  le  pro- 
cureur général  ordonna  Tarrcstalion  de  Robert  Fino£  et  le  fit 
(mmener  de  l'audience  par  la  gendarmerie;  qu'aussitôt  après 
cet  incident  un  aude  Icmoin  fit  sa  déposîlion  ;  mais  que,  sur 
roLservalîon  de  l'un  des  conseils  des  accusés,  que  la  déposi- 
tion de  ce  témoin  aurait  dû  être  faite  en  présence  de  Kobèrt 

•Voy,l,V,p,  201,  # 


820 

FÎQOt,  la  Cour  proDOuça  TanDulaiioa  du  débat  en  ce  qui  con- 
cernait rauditioD  du  dernier  témoin,  ondoima  que  Robert 
Finot  serait  ramené  à  Taudience  et  que  le  témoin  serait  réea- 
tendu  en  sa  présence,  ce  qui  a  été  immédiatement  exécuté  ; 
que  s*ii  n'appartenait  pas  au  ministère  public  d'écarter  de 
J'audience  le  témoin  qu'il  avait  couûéi  la  surveilianee  de  la 
gendarmerie  sous  l'inculpation  d'incendie,  cette  irrégutarité 
a  élé  immédiatement  réparée  par  l'arrêt  qui  a  ordonné  que 
Robert  Finot  serait  ramené  à  l'audience  et  que  tout  ce  qui 
avait  été  fait  en  son  absence  serait  recommencé  ;  que  ce  fait 
n'a  pu  causer  aucun  grief  à  Taccusé  et  n*a  pu  apporter  au- 
cune entrave  à  sa  défense  *•  »  Il  résulte  de  cet  arrêt  que  la 
mesure  prise  par  le  ministère  public  était  illégale,  et  elle 
Tétait,  en  effet,  sous  un  double  rapport  :  d'abord^  il  ne  lui 
appartenait  pas,  lorsque  la  loi  ne  lui  donne  aucune  délégation 
spéciale,  d'ordonner  une  mesure  d'instruction;  ensuite,  il 
ne  pouvait  distraire  du  débat,  un  témoin  qui  était  acquis  i 
l'affaire;  et  le  président  eût  été  fondé  à  revendiquer  ce  té* 
moin  et  à  annuler  l'extraction  ordonnée  par  le  ministère 
public. 

Mais  l'arrêt  qui  vient  d'être  cité,  en  blâmant  une  mesnre 
arbitrairement  prise,  n'indique  pas  celle  qu'il  eût  fallu  adop- 
ter. Fallait-il  suivre  la  marche  prescrite  par  Tart.  330  pour 
le  cas  de  faux  témoignage?  On  peut  objecter  que  cet  article 
a  édifié  une  attribution  extraordinaire,  puisque  le  président 
remplace  le  premier  degré  de  la  juridiction  d'instruction  et 
saisit  directement  la  chambre  d'accusation;  que  cette  excep- 
tion doit  nécessairement  être  enfermée  dans  ses  termes;  qu'elle 
a  d'ailleurs  pour  unique  motif  le  caractère  particulier  du  faux 
témoignage  qui  se  consomme  à  l'audience  même  ei  ne  peut 
être  constaté  que  là,  puisque  ce  n'est  que  là  qu*il  est  possible 
(le  saisir  les  contradictions  et  les  variations  du  témoin  ;  or  ce 
motif  ne  saurait  être  invoqué  à  l'égard  d'un  fait  de  compli- 
cité qui  peut  ré&ulter  d'actes  extérieurs  qu'il  faut  vérifier,  ou 
qui  doit  être  établi  par  des  preuves  nouvelles  qu'il  faut  re- 
chercher. Fallait-il  appliquer,  au  contraire,  la  règle  posée 
par  les  art.  361  et  379?  Il  est  encore  évident  qu'on  n'aurait 
pu  appliquer  littérahment  ni  l'un  ni  Taùlre  de  ces  articles, 
puisque  l'art.  361  prescrit  de  saisir  le  juge  d'instruction  du 
lieu  où  siègent  les  assises,  et  que  ce  juge,  quoique  compétiht 

'  Cass.  23  mars  lS5i,  rnpp.  M,  \ug.  Moreaii.BuU.  ii.  80. 


INCinENTS    DE    L*AUPIKNCE.    §   6t)^,  821^ 

commo  jugâ  du  lieu  de  l'arrestation,  pourrait  n'ôtre  pas  en 
position  de  procéder  utilement  à  l'instruction, -et  puisque, 
d'une  autre  part,  Tart.  379  n'autorise  la  Cour  à  ordonner 
des  poursuites  dans  le  cas  qu'il  prévoit  que  pour  amener  le 
sursis  à  l'exécution  des  condamnations  prononcées,  ce  qui 
n'est  pas  nécessaire  dans  notre  hypothèse.  Il  est  donc  hors 
de  doute  qu'aucune  de  ces  dispositions  ne  peut  être  directe- 
ment invoquée  et  que  la  loi  n'a  point  de  texte  qui  soit  posi* 
tivement  applicable.  Mais  on  peut  néanmoins  induire  de 
Teosemble  de  ces  dispositions,  on  peut  induire  notamment  de 
l'art.  4(i2,  que  la  loi  a  voulu  attribuer  au  président»  i  l'égard 
des  inculpations  que  le  débat  fait  naître,  un  droit  qui,  dans 
ceilaiiis  cas,  peut  s'étendre  jusqu'au  droit  d'instruire»  mai^ 
qui,  dans  les  cas  ordinaires,  est  simplement  le  droit  de  pren- 
dre les  mesures  conservatoires  propres  i  réserver  Tinstruction 
et  à  la  diriger  vers  le  juge  compétent.  Il  réunit  alors  au  droit 
de  dénonciatioii  qui  appartient,  aux  termes  de  l'art.  29,  à 
taute  autorité  qui  dans  l'exercice  de  ses  fonctions  découvre- 
un  délits  un  droit  de  mainmise  sur  la  personne  de  Tinculpé 
ot  sur  les  pièoes  qui  se  rattachent  à  cette  inculpation»  dont  on 
trouve  le  principe  dans  les  art.  267,  330,  361  et  462,  oi 
dont  la  loi  n'a  fait  qu'indiquer  quelques  cas  d'application  sans 
le  limiter  expressément  à  ces  eas.  Il  nous  parait  donc  que  le 
président  aurait  pu  décerner  un  mandat  d'amener  contre  le 
témoin  et  le  renvoyer  devant  le  tribunal  compétent  pour 
instruire. 

IV.  Il  nous  reste  à  parler  des  traublea  et  des  tumultes  qui 
sont  causés  è  l'audience  soit  par  les  accusés  eux*-mèmes,  soit 
par  lespersoûnes  qui  sont  dans  l'auditoire.  Nous  avons  déjà 
emaininé  l'application  qui  peut  être  faite  dans  ce  cas,  soit  des 
masures  de  police  qui  appartiennent  au  président  ^,  soit  des 
art.  10  ^t  U  du  G.  de  proc.  civ.,  &04,  &05  et  &06  du  G« 
d'i«8t,  crim.,  et  11  de  la  loi  du  9  septembre  1885  *.  Il  faut 
déterminer  maintenant  les  cas  d'application  des  art.  507 
et  .508. 

t  Art.  507.  A.  l'égard,  des  voies  de  fait  qui  auraient  dégénéré  en 
crimes,  ou  de  tous  autres  crimes  flagrants  et  commis  à  raudience  de 
la  Cour  de  cassation,  d*une  Cour  impériale  ou  d'unç  Cour  d'assises*  la 

t  Voy.  suprd,  p. 

*  Voy.  t.  VII,  p.  2S5  et  761. 


122  DES  COUM  D*A8S18ES. 

Cour  procédera  aa  jugement  de  saite  et  sans  désemparer.  Elle  enten- 
dra les  témoins,  le  délinquant  et  le  conseil  qu*il  aura  choisi  oa  qai  lui 
aura  été  désigné  par  le  président  :  et  après  atoir  constaté  les  faits  et 
ouï  le  procurei^r  générai  ou  son  substitut,  le  tout  publiquementj  elle 
appliquera  la  peine  par  un  arrêt  qui  sera  motivé.  »  —  Art.  SÛ8.  «  Dans 
le  cas  de  Tarticle  précédent,  si  les  juges  présents  à  Taudience  sont  an 
nombre  de  cinq  ou  six,  il  faudra  quatre  foix  pour  opérer  la  condam- 
nation;  B*ils  sont  au  nombre  de  sept,  il  faudra  cinq  toîz  pour  eoa* 
damner  ;  au  nombre  de  huit  et  au  delà,  Tarrét  de  condamnation  seia 
prononcé  au  trois  quarts  des  voix,  de  manière  toutefois  que  dans  le 
calcul  de  ces  trois  quarts,  les  firaciions,  s'il  s*en  trouve,  soient  appli- 
quées en  feveur  de  l'absolution.  » 

'  Ces  deux  articles,  qai  peraiettent  de  juger  un  crime  inci- 
demmeut  et  au  moment  môme  où  il  vient  d'être  commis, 
constituent  une  grave  innovation  dans  notre  législation  pé. 
nale.  L'art.  658  du  G.  du  3  brumaire  an  iv  portait  seal^ 
ment  :  «  Si  les  outrages,  par  leur  nature  ou  les  circonstances 
méritent  une  peine  plus  forte  (que  celle  de  huit  jours  d*em- 

{irisonnement),  les  prévenus  seront  renvoyés  à  subir,  derant 
es  officiers  compétents,  les  épreuves  de  Tinstruction  correc- 
tionnelle ou  criminelle.  »  Lors  de  la  première  rédaction  du 
Code,  il  fut*  admis  d'abord  que  le  tribunal  offensé  pourrait 
appliquer,  non-seulement  les  peines  de  police,  mais  encore 
celles  de  police  correctionnelle.  Mais  si  le  fait  commis  à  Tau- 
dience  prenait  le  caractère  d'un  crime,  il  y  avait  seulement 
lieu  à  renvoi  devant  le  juge  compétent.  M.  Bigot  Préameneu 
disait  à  ce  sujet  :  «  Dès  lors  qu'il  n'y  a  point  de  jurés  dan^ 
une  Cour  d'appel,  il  est  impossible  de  lui  confier  le  jugement 
du  crime  commis  envers  elle.  »  M.  Berlier  ajoutait  :  «  Qaant 
aux  peines  de  l'ordre  criminel,  elles  ne  peuvent  en  aucun 
cas  être  prononcées  incidemment  '.  »  Lorsque  les  articles  qui 
consacraient  ce  système  furent  soumis  une  deuxième  fois  au 
conseil  .d'État,  à  la  séance  du  3  août  1808,  M.  Cambacérts 
dit  «  que  cette  rédaction  demandait  à  être  revue  et  enten 
due  ;  qu'il  convenait  de  distinguer  entre  les  actes  de  polît<> 
et  les  actes  de  juridiction  ;  que  tous  les  tribunaux  doivent 
avoir  un  pouvoir  de  police  qui  leur  permette  de  condamner  j 
un  emprisonnement  de  trois  jours  ;  mais  qu^ils  doivent  avoir 
en  mèriie  temps  une  juridiction  à  l'égard  des  crimes  et  dc> 
délits  qu'il  ne  leur  appartient  pas  de  juger  ordinairement, 
que  ce  serait  dégrader  leur  caractère  que  de  les  réduire  à 


*^Locré,  t.  XXIV.  p.  373. 


INCIDEirrS  DK  L*AIJDIBMGE.   $  651.  823 

celoi  de  simple  témoin  S  »  C'est  sur  cette  jse^Ie  ohaenratior) 
ei  sans  aqtre  discussion  que  les  art.  507  et  608  furent  iniro-: 
duits  dan9  le  Gode.  M.  Éer]ier  en  exposait  les  iQotifs  en  c^s 
termes  :  «  Un  renvoi,  qui  ne  fait  qu*attest^r  l'impuissance  des 
magistrats  outragés .  a  semblé  peu  propre  à  leur  garantir  le 
respect  qui  leur  est  où  et  le  besoin  de  cberqher  des  vengeurs 
hors  de  leur  propre  enceinte  a  paru,  en  ce  qijii  jregarde  )es 
cours  et  tribunaux,  contraster  avec  leur  ipstitution  métpe. 
j^coutorisla  loi  romaine  :  Omnibus  magUtratibus...  secun-^i 
dùmjus  potestatis  suœ,  eoncessum  est  juridiclionen^  suam 
iefefidere  pcetiali  judicio  ^.  Ce  texte  renfern^e  d'une  manière 
précise  la  pensée  principale  oui  a  présidé  h  la  rédaction  de  ce 
chapitre...  Lorsqu'il  s'agit  d'une  poursuite  criminelle  et  de 
peines  aCQictives  ou  infamantes,  les  juges  inférieurs,  qui  ne 
peuvent  y  pourvoir,  doivent  renvoyer  le  prévenu  devant  le 
juge  compétent.  Mais  si  le  crime  a  été  commis  devant  1^9 
juges  supérieurs,  et  à  l'audience  d'une  Cour,  l'élévation  do  tels 
juges,  leur  nombre  et  le  besoin  de  ?es  faire  JQijir  de  tout  lo 
respect  qui  leur  est  dû,  ont  tracé  leur  conpé(encQ  et  la  leur 
ont  assurée  sans  restriction.  j> 

Cette  attribution^  considérée  au  point  de  yue  théQriquc, 
peut  paraître  excessive.  La  loi  romaine,  que  l'exposé  deç  mo- 
tiis  invoque,  n'attribuait  à  chaque  iuridiction  que  le  pouvoif 
dé  se  défendre  des  outrages  dont  elle  était  l'objet,  et  qe  lui 
donnait  que  le  droit  d'appliquer  une  peine  dans  les  limites  de 
sa  compétence,  secundum  jus  potestatis  suœ.  La  Cour  d'as- 
sises n'est  compétente  pour  prononcer  sijr  Jes  faits  que  la  loj 
a  qualifiés  crimes  qu'avec  le  concours  du  jufy  :  séparée  de^ 
jurés,  elle  n'est  plus  qu  une  section  de  la  Cour  impériale  dont 
la  compétence,  d'après  les  règles  ordinaires,  est  limitée,  ç\] 
ce  qui  louche  les  jugements,  à  l'application  des  peines  correc- 
tionnelles. On  prétend,  pour  juslilier  une  ^i  grave  dérogaiiou 
au  droit  commun,  que  la  nécessité  d'assurer  à  la  dignité  deii 
Juges  le  respect  qui  lui  est  dû  exige  cette  ai^ibutiop  extraor- 
dinaire. Mais  d'abord,  il  eût  fallu  peut-être  di^tmguer  j^^ 
crimes  qui  sont  dirigés  contre  la  justice  elle-mènie  et  çe^;^ 
qui,  quoiqiie  commis  à  l'audience,  ne  sont  dirigés  Q\xe  çontjr^ 
les  particuliers  5  car  ceux-ci  ne  renferment  d'autre  olïense  q^Q 
celle  qui  peut  résulter  accidentellement  du  lieu  où  ils  sont. 


*  Locré,  U  XXVIÎ,  p.  iBf, 

'  L.  un  Dig.  Si  quis  jus  dicendi  non  oblemper  avcrit. 


824  DES  COURS  D^ASSISES. 

commis.  Ensuite,  est-il  bien  certain  que  ladigoîté  delajog*- 
tice  soit  inléressée  à  ce  jugement  «  de  suite  et  sans  désempa- 
rer »  que  la  loi  prescrit?  L'exposé  des  molifs  dit  que  la  juridic* 
diclion  ne  doit  pas  chercher  d'autre  vengeur  qu'eile-mème  : 
est-ce  donc  d'une  vengeance  qu'il  s'agit?  Et^  en  vérité,  ce 
jugement  immédiat,  sons  Tinfluence  de  l'indigoatioa  cau- 
sée par  le  crime,  et  prononcée  en  face  même  de  ce  crime 
encore  flagrant,  ne  semble-t-il  pas  prendre  le  caractère  d'une 
vengeance?  Ce  n'eét  pas  ainsi,  il  nous  semble,  qu'on  doit 
comprendre  la  distribution  de  la  justice;  quelle  que  soit  la 
grandeur  de  Toutrage,  elle  ne  doit  pas  cesser  d'être  la  justice , 
elle  doit  donc  procéder  avec  calme  et  lenteur,  SaHignité  est 
dans  son  impassibilité  et  sa  modération  et  non  dans  la  pré- 
ci(^itation.  La  loi  aurait  pu  se  borner  à  disposer  que  U 
Cour  d'assises  ou  le  président  dresserait  un  procès-verbal 
et  renverrait  le  prévenu  devant  le  juge  compétent  en  état 
de  mandat  d'amener  ou  de  dépôt.  C'est  ainsi  qu'il  est  pro- 
cédé quand  le  crime  de  faux  témoignage  est  commis  à  soo 
audience;  pourquoi  la  même  forme  ne  serait-elle  pas  em- 
ployée à  l'égard  de  tout  autre  crime  ?  Au  surplus,  l'art.  507  a 
été  si  rarement  appliqué,  que  sa  disposition,  ne  parùtrelle  pas 
excessive,  pourrait  au  moins  être  jngée  complètement  inutile. 
L'art.  507,  en  parlant  de  la  Cour  d'assises,  désigne  les 
juges  qui  forment  cette  Cour  séparément  des  jurés.  Ce  point, 
qui  résulte  d'ailleurs  du  texte  de  cet  article  et  de  celui  qui  le 
suit,  a  été  consacré  par  un  arrêt  qui  déclare  :  «  que,  d'après 
l'art.  1*'  de  la  loi  du  k  mars  1831»  les  Cours  d'assises  se  com- 
posent des  magistrats  désignés  pour  en  faire  partie,  du  mi- 
nistère public  et  du  grefiier;  qu'elles  existent  indépendam- 
ment des  jurés,  dont  le  concours  n'a  lieu  que  pour  prononcer 
sur  des  faits  qui  leur  ont  été  déférés  dans  les  formes  prescri- 
tes par  la  loi;  qu'elles  prononcent  sur  les  incidents  de  Tau- 
dience,  appliquent  la  peine,  statuent  sur  les  dommages-inté- 
rêts et  jugent  les  contumaces  ;que  les  dispositions  combinées 
des  art.  507  et  508  repoussent  Tidée  que  l'intervention  des 
jurés  présents  à  la  perpétration  flagrante,  même  d'un  crime, 
soit  nécessaire  pour  le  constater;  qu^en  efl'et,  les  jurés  pré- 
sents au  délit  ou  au  crime  commis  à  Taudience,  soit  qu'il  Tait 
été  à  l'occasion  du  fait  de  l'accusation,  soit  qu'il  provienne 
d'un  fait  entièrement  étranger,  n'en  sont  pas  moins  sans  qua- 
lité et  sans  juridiction  pour  en  connaître,  parce  que  leur  pou- 
voir est  circonscrit  dans  le  fait  unique  pour  lequel  ils  ont  été 


INCIDENTS    DE   l'aHDIKNCK.    $   65Î.  ^-^ 

désignés  par  le  sort  et  acceptés  par  l'accusé  comme  juges; 
qn'obli^i^é  de  procéder  au  jugement  de  suite  et  sans  désempa- 
rer, la  Cour  d'assises  doit  donc  constater  et  punir  les  délits 
flagrants  qui  sont  commis  à  son  audience  ' .  » 

L'art.  508,  qui  fixe  la  majorité  à  laquelle  les  juges  doivent 
appliquer  la  peine  en  cas  de  crime,  a  donné  lieu  à  deux  ques- 
tions. On  a  demandé,  d'abord,  quelle  a  été  Tinfluence  sur  cet 
article  de  la  loi  du  4  mars  1831  qui  a  réduit  à  trois  les  juges 
de  la  Cour  d'assises.  Cette  première  question,  sur  laquelle  la 
Cour  de  cassation  avait  d'abord  hésité  *,  parait  avoir  été  dé- 
cidée en  ce  sens  que  la  majorité  de  deux  voix  suffit'.  On 
pourrait  peut-être  objecter  que  l'art.  508  crée  dans  toutes 
les  juridictions  une  majorité  exceptionnelle;  qii^il  ne  permet 
nulle  part  moins  de  quatre  voix  pour  opérer  la  condamnation, 
et  que,  si  le  nombre  des  juges  a  été  réduit  de  cinq  à  trois, 
c'est  une  raison  de  plus  de  compenser  la  garantie  du  nombre 
par  la  garantie  de  l'unanimité. 

La  seconde  question  est  celle  de  savoir  si  cette  majorité 
spéciale  doit  être  explicitement  constatée.  La  Cour  de  cas- 
sation, lorsque  cette  question  s'est  présentée  devant  elle, 
s'est  bornée  à  juger  «  que  par  ces  expressions  «  après  en  avoir 
délibéré  et  conformément  à  la  loi,  »  la  Cour  impériale  d'Amiens 
avait  suffisamment  constaté  qu'elle  s'était  conformée  aux  pres- 
criptions de  l'art.  508  ^.  >  Que  ce  soit  là  ou  non  une  consta- 
tation suffisante,  nous  croyons  qu'une  constatation  est  néces- 
saire. La  seule  garantie  de  la  juridiction  extraordinaire  créée 
par  l'art.  507  est  la  majorité  ;  or,  comment  être  assuré  que 
cette  majorité  a  existé  si  elle  n'est  pas  expressément  constatée? 


*  CaiB.  97  fév.  4882,  rapp.  M.  Isambert  J.  P.,  t  XXV,  p.  748. 

*  Même  arrêr. 

»  Cass.  43  sepl.  488Î,  rapp.  M.  OlliTÎer.GitéparM.  Parent,  lois  de  la  pressp, 
p.  266. 

*  Cass.  8  noT.  485A,  rapp.  M.  Y.  Foucher.  Bull.  n.  806. 


CHAPITRE  Xni. 

GLOTURB  pES  DiBATS. 

§  6Ï$3.  Disenssbn  du  procès. 

I  654.  I.  Goicluiioiii  de  U  ptrtie  civile*  •*-  lU  Umitet  de  um  droU, 

I  6S5.  !•  Réguisîtions  da  ministère  public.  —  II.  Prodaetlon  de 
pièces.  —  Iil.  Droit  de  répliqae. 

§  656.  I.  PUidoirie  de  la  défense.  —  II.  Proits  et  limitai..  -^  IIU  Ré- 
pliques. 

S  657.  I.  GIMure  des  débats.  —  II.  Incidents  relatifs  l'ceite  olétwe. 

$  658.  I.  Résumé  du  président.  —  II.  Règles  relatives  à  ce  réfoinê. 

S  653. 
Discussion  du  procès. 

Lorsque  tous  les  témoins,  tant  à  charge  qvL*k  décharge,  ont 
été  entendus,  lorsque  les  personnes  appelées  à  titre  de  ren- 
seignements el  les  experts  ont  fait  leurs  déclarations,  que 
l'accusé  a  été  interrogé,  que  les  preuves  écrites  ont  été  pro- 
duites et  les  pièces  de  conviction  représentées  à  Faudieiice, 
lorsque  toutes  ces  preuves  ont  été  respectivepient  exaaiiDée< 
par  les  parties,  le  débat  proprement  dit  est  terminé  et  la  dis- 
cussion commence. 

L*art.  335  est  ainsi  conçu  :  «  À  la  suite  des  dépositions 
des  témoins  el  des  dires  respectifs  auxquels  elles  auront  donné 
lieu,  la  partie  civile  ou  son  conseil  et  le  procureur  généra! 
seront  entendus  et  développeront  les  moyens  qui  apprécient 
l'accusation.  L'accusé  et  son  conseil  pourront  leur  répondre. 
La  réplique  sera  permise  à  la  partie  civile  et  au  procureur 
général  ;  mais  Taccusé  ou  son  conseil  auront  toujours  la  pa* 


CLCTUIIE  DES  DEBATS.    §  653.  S27 

rolc  les  derniers.  Le  président  déclarera  ensuite  que  les  dé- 
bats seront  terminés.  » 

Voilà  Tordre  de  la  discussion  tracé.  Elle  se  compose  : 
i*"  des  conclusions  de  la  partie  civile;  2^  du  réquisitoire  du 
ministère  public  ;  d^  des  plaidoiries  de  la  défense. 


S  654. 
I.  ConclasîoDS  de  la  partie  civile.  —  IL  Les  limites  de  son  droit. 

L  La  partie  civile,  aux  termes  de  Tart.  370  du  Gode  du  8 
brum.  an  iv,  n^avait  la  parole  qu'après  le  ministère  public. 
Il  en  résultait  que,  trouvant  Taccusation  déjà  développée^ 
elle  se  bornait  a  renonciation  des  faits  qui  se  rattachaient  à 
ses  intérêts  personnels.  Aux  termes  de  Tart.  335  de  notre 
Ck)de,  c'est  sa  parole  qui  ouvre  les  plaidoiries,  et,  comme  les 
moyens  qui  fondent  son  action  sont,  en  général,  ceux  qui 
fondent  l'accusation  elle-même,  la  cons:^quence  est  que,  dans 
la  plupart  des  procès  où  il  y  a  partie  civile,  c^est  à  cette  partie 
ou  à  son  conseil  gu'échoit  réellement  le  développement  de 
l'accusation.  L'û1:dre  prescrit  par  le  Gode  du  3  brumaire 
an  lY  nous  semble  préférable }  la  partie  civile  ne  devrait  être 
entendue  qu'après  le  ministère  public,  puisqu'elle  n'est  que 
partie  jointe. 

IL  Nous  avons  énuméré  ailleurs  les  droits  que  la  partie 
civile  exerce,  soit  dans  les  débats,  soit  à  la  suite  des  débats  '. 
Mais  il  est  une  limite  que,  dans  leur  exercice,  elle  ne  doit 
jamais  perdre  de  vue.  Elle  est  partie  au  procès,  mais  son  rôle 
est  restreint  et  secondaire  ;  eile  n'accuse  pas,  elle  ne  peut 
que  faire  valoir  les  dommages  qu'elle  a  éprouvés  ;  elle  a  le 
droit  de  prendre  la  parole,  mais  seulement  pour  soutenir  ses 
intérêts  privés.  Il  suit  de  là  que  le  ministère  public,  s'il  ne 
prétend  pas  abdiquer  ses  fonctions,  ne  doit  jamais  lui  aban- 
donner la  direction  et  le  développement  de  l'accusation.  Elle 
peut  assurément  discuter  les  faits»  mais  au  point  de  vue  du 
préjudice  qu'elle  a  souffert,  et  non  au  point  de  vue  de  la  cul- 
pabilité de  l'accusé^  elle  peut  plaider  son  action,  elle  ne  peut 


'  Voy.  suprà^  p.  687  et  suir. 


828  DES  COURS  d'assises. 

soutenir  raceusation.  Il  y  a  entre  son  rôle  et  la  mission  do 
ministère  public  une  distance  que  le  président  doit  mainteoiff 
et  le  ministère  public  pourrait  au  besoin  requérir  que  les 
écarts  de  ses  conclusions  sous  ce  rapport  fussent  sérieusement 
contenus. 

La  partie  civile  peut,  comme  le  ministère  public  et  Taccusé, 
donner  lecture  dans  le  développement  de  ses  conclusions  et 
sauf  le  droit  d'opposition  des  parties  d'une  pièce  qoeJocn- 
que  ;  il  a  été  reconnu,  en  effet,  «  qu^aucune  disposition  de  la 
loi  ne  détermine  d'une  manière  limitative  les  éléments  dont 
les  parties  civiles,  le  ministère  public  et  les  accusés  ou  leun 
conseils  peuvent  se  servir  dans  le  cours  des  phiîdoirîes  ;  qu*ainsi 
la  lecture  d^unepièce,  d'un  document  quelconque  ne  serait 
contraire  au  principe  du  débat  oral  que  si  cette  lecture  avait 
été  le  sujet  d'une  opposition  formée  par  la  partie  intéressée 
i  empêcher  cette  lecture  et  si  elle  avait  préjudicié  à  la  défense 
de  raccusé  \  »  Toutefois,  ce  droit  ne  pourrait  aller  jusqu'à 
li^e  les  dépositions  écrites  des  témoins  entendus*)  jusqu'à 
produire  subrepticement  des  preuves  écrites. qui, n'auraient 
pas  été  communiquées,  ou  jusqu'à  faire  distribuer  aux  jurés 
des  mémoires  relatifs  à  Tafibire  s.  » 


$655.    • 

I.  Réquisitions  du  ministère  public. «^  II.  Prodiotion  de  pièces,  -» 

lit.  DrQJL  de  réplique,,  .      .       ,    .  • 

J.  Nous  avons  examiné  les  droits  du  ministère  public  dans 
IVxercice  de  l'action  publique  avant  et  dans  fes  débats  de 
l'audience*.  * 

*  La  tâche  la  plus  haute  de  ses  fonctions  est,  sûivatrt  fà  dé- 
finition de  Part.  335,  le  développement  des  moyens  de  Pàccn- 
sàtion.  C'est  dans  ce  développement  que  la'âderièe}  té  latent 
et  le  caractère  même  du  magistrat  se  manifestent  à  là  fois. 
Nàus  ne  devons  faire  à  cet  égard  qu^une  seule  observation  : 
c'est  qu'il  ne  doit  pas  perdre  de  vue,  ainsi  qûé  notsi  Pavôn^ 


«  Cass.  17  fév.  ta48,  rapp.  M.  Romlguj&res,  BuIL  n.  95. 
>  Cass*  S  sept.  1842.  rapp.  M.  de  Rîeard.  Bail.  n.  234. 

•  Cass.  17  fé?.  1843.  Cilé  suprâ, 

*  Voy.  iuprd,  p.  495. 


GLOTURK  DSâ  Di^ATS.  §  655.  829 

indiqué  ailleurs  •,  que  l'action  publique  qu'il  soutient  appar- 
tient à  U  société  et  qu'elle  a  pour  mission  unique  de  faird 
régner  le  droit  qui  est  le  fondement  de  la  vie  sociale.  Le  but 
de  ses  efforts  ne  doit  donc  pas  être  le  succès  de  Faccusation, 
mais  le  triomphe  de  la  vérité, 'car  ce  qui  importe  à  la  société» 
ce  n'est  pas  que  l'accusation  réussisse,  c'est  que  la  justice  ne 
soit  pas  froissée,  c'est  que  le  jugement  soit  la  sanction  du 
droit.  Il  doit  donc  relever  religieusement  toutes  les  circonsp* 
tances  du  fait,  tous  les  éléments  de  la  cause,  Qu'ils  soient 
favorables  à  {^accusation  ou  qu'ils  lui  soient  contraires,  car  il 
ne  plaide  pas  pour  celle-ci,  il  n'est  point  attaché  comme  un 
avocat  i  son  client,  sa  fonction  est  bien  plus  grande,  it  ne 
défend»  il  ne  soutient  que  la  vérité,  et  il  doit  la  déclarer  par- 
tout où  il  l'aperçoit,  dans  les  preuves  à  charge  ou  dans  les 
paroles  de  l'accusé.  Enfin ,  lors  même  qu'en  face  d'un  crime 
qui  se  débat  contre  l'évidence,  son  devoir  lui  commande  de 
porter,  par  la  mise  en  lumière  et  l'enchaînement  des  preuves» 
la  conviction  dans  l'esprit  des  jurés,  s'il  doit  être  inflexible 
dans  ses  réquisitions,  il  doit  les  développer  avec  calme,  car 
la  passion»  qui  peut  enflammer  la  défense,  ne  doit  jamais  ani- 
mer sa  parole;  le  langage  de  la  justice  est  sobre  et  sévère; 
elle  redoute,  si  elle  ne  les  rejette  pas,  les  charmes  puissants 
de  l'éloquence  ;  elle  craint  qu'ils  ne  lui  masquent  la  yérité. 

II.  Au  surplus,  la  parole  do  ministère  public  ne  doit  ren- 
contrer &  l'audience  aucune  entrave;  il  a  le  droit  de  dire  tout 
ce  qu'il  croit  convenable  et  nécessaire  au  bien  de  la  justice, 
et  de  donner  toutes  les  explications  qui  lui  paraissent  utiles, 
sauf  le  droit  de  l'accusé  de  discuter  et  de  débattre  son  argu- 
mentation. Il  est,  en  efl^et,  de  principe  «  que  les  officiers  du 
ministère  public  sont  indépendants  de  l'auiorité  des  magistrats 
devant  lesquels  ils  exercent  leurs  fonctions;  que,  dans  les 
documenls  qu'ils  produisent  et  les  documents  qu'ils  invoquent 
à  l'appui  de  leurs  réquisitions,  ils  ne  peuvent  être  gênés  ou 
arrêtés  par  le  pouvoir  du  juge  et  qu'ils  n'ont  d'autre  règle 
que  leur  conscience  et  leurs  lumières  •. 

Mais  ce  droit  du  ministère  public  est-il  absolu?  s'il  ne 
trouve  aucune  entrave  à  l'audience,  ne  trouve-t-il  aucune  li- 


^    îCaL^iiullu'lB/i?,  iapp,M.Mérilliou,BulUn.  141;  20jaa?.  1848,  rapp. 
M.  Brière-Yaligny.^u.  17. 


830  BRS  GODM  D*AS8tSn. 

mite  dans  la  loi?  La  jtarisprcidenee  a  suocesBiYenent^déelaré 
1*  qiie  l'accusé  ne  peut  demander  ade  âès  réserves  qu'il  pré- 
ienil  (aire  &  raison  des  imputations  que  le  ministère  public 
aurait  Ârigées  contre  lui  relativement  à  des  faits  étrangers  à 
la  poursuite  "  ;  2^  que  le  ministère  public ,  qui  poursuit  uu 
délit  de  presse,  peut  se  prévaloir,  pour  établir  Tintentionae 
Fauteur,  d'écrits  autres  que  Técrit  incriminé  *;  3*  qu'il  peut 
faire  connaître  aux  jurés  les  conséquences  légales  de  leur 
déclaration  ^ 

Nous  ne  ferons  aucune  objection  à  ces  décisions.  Mais  faut- 
il  aller  jusqu'à  admettre  qu'il  peut  faire  usage  de  déclarations 
reçues  dans  une  autre  affaire  *y  qu'il  peut  s'appuyer  sur  les 
déclarations  écrites  de  la  procédure  préliminaire  *,  qu'il  peut 
donner  lecture  d'un  procès- verbal  contenant  des  déclarations 
de  témoins  que  le  président  des  assises  avait  reçues  et  qui 
n'avaient  point  été  communiquées  à  la  défense*?.  Ces  der- 
niers arrêts  semblent  ouvrir  une  voie  qui  pourrait  être  dan- 
gereuse. Le  ministère  public  a  le  droit  de  produire  toutes  Its 
preuves ,  tous  les  documents ,  tous  les  renseignements  <]ui 
peuvent  servir  d'appui  à  l'accusation  ;  mais  il  doit  les  produire 
dans  le  cours  du  débat ,  il  doit  les  soumettre  à  l'eiamea  des 
parties.  Lui  reconnaître  îa  faculté  de  soustraire  ces  docu- 
ments k  cet  examen  et  de  les  introduire  plus  tard  et  subrep- 
ticement dans  sa  plaidoirie ,  c'est  à  la  fois  transporter  l'ins- 
truclion  dans  le  réquisitoire  et  lui  ôter  la  garantie  de  la  con- 
tradiction. Ou  dit  «  qu'il  est  de  l'essence  du  ministère  public 
d'être  indépendant  dans  Texercicedc  ses  fonctions  7t>;  mais  le 
ministère  public  dont  la  parole,  nous  l'avons  établi,  est  com- 
plètement indépendante, est,  quanta  la  production  des  preu- 
ves, tout  à  fait  dépendant  des  règles  posées  fs^xla  loi  :  est-ce 
qu'il  peut  produire  des  témoins  qu'il  n'a  pas  noUGès  ?  Est-ce 
qu'il  peut  appeler  des  personnes  à  titre  de  renseignemenls'.- 
Est'-ce  qu'il  peut  donner  Ipctuie  dans  le  débat  des  dépositions 
écrites  des  témoins?  Ce  n'est  p^s  à  lui  que  la.loi  a  conCé  le 
pouvoir  di$cièiionnaire;  il  peut  eu  provoquer  l'excrâce  ^  il 


*  Cass.  11  jant.  1851,  à  notre  rapp.  Bull.  n«  Si. 

'  Cbbs.  25  UOT.  1881,  rapp.  M«  Isaibbvrt.  J.  P.»  t.  XXIV,  p.  359» 
'  Cass.  6  fév.  d848,  rapp.  M.  Vincens-Sl-Laurent.  Dali.  40,  i,  398. 
^  Câss.  7.  fi}v,  ±S-6$,  rapp.  M.  Mérllliou.  J.  P.t  t.  XXV»  ^  157» 

'  Bruxelles,  28  fév.  dbSC.  J.  P.,  t.  XX,  p.  224. 

*  Cus»,  48  jauvicj  180ii,rup^)..  M,  i^éiiéco,  BuJI.  i\  14.. 

'  Môiifdcs  deux  arrêts  ùvh  :J()  joiiv,  l^V^S,  et  l^jânv,  185*5^     '     ' 


CLOTUBE  DM  BéBATS.   §  656.  831 

«e  peut  l'exercer  lui-piéme.  On  dit  encore  que  Taccusé  n*est 
pâs  privé  de  la  faculté  d^apprécler  ces  Jocboienis  nouveaux 
dtins  sa  défense.  Mais  il  est  évident  que  sur  ce  point  sa  dé- 
fense ne  sera  pas  préparée  »  qu'il  sera  privé  des  éléments 
qu'un  débat  contradictoire  aurait  pu  soulever,  et  que,  surpris 
par  une  attaque  imprévue,  il  pourra  ne  pas  trouver  les  moyens 
de  réfutation  qu'il  peut  avoir.  On  dit  enfin  que  ce  ne  sont  là 
que  de   simples  renseignements  et  non  des  preuves;  mais 
nous  avons  déjà  fait  remarquer  que  cette  distinction  est  plus 
théorique  que  réelle,  puisque  la  conviction  intime  fonde  seule 
la  décision  des  jurés  et  que  cette  conviction  ne  doit  aucun 
compte  des  éléments  qui  la  forment.  Il  faut  considérer  comme 
une  règle  que,  en  général ,  c'est  dans  le  cercle  de  Taccusation, 
c'est  dans  les  faits  sur  lesquels  elle  repose  ou  qui  s'y  ratta- 
chent directement ,  c'est  dans  le  débat  auquel  elle  a  donné 
lieu  que  le  ministère  public  doit  chercher  ses  preuves  et  pui- 
ser ses  arguments.  Si  la  jurisprudence  ne  lui  interdit  pas  de 
les  prendre  àii  dehors,  si  elle  ne  lui  interdit  pas  d'invoquer 
des  documents  qui  n'ont  pas  été  débattis,  il  ne  doit  user  de 
cette  facuïté ,  qui  a  été  considérée  peut-être  à  tort  comme 
une  conséquence  de  son  indépendance,  qu'avec  une  extrême 
réserve;  car  elle  pourrait  devenir  oppressive  pour  la  défense, 
en  même  temps  qu'amener  le  trouble  dans  la  marche  du 
débat. 

IIL  Le  ministère  public  et  la  partie  civile  elle-même  sont 
autorisés  à  répliquer  à  l'accusé  et  à  son  défenseur.  Cette  fa- 
culté était  nécessaire  pour  prévenir  les  eflets  des  assertions, 
quelquefois  dénuées  de  fondement,  et  des  allégations,  quel- 
quefois inexactes,  de  la  défense,  pour  rectifier  les  faits  qu'elle 
a  pu  tronquer  ou  dissimuler ,  pour  rétablir  l'accusation  sur 
ses  bases  réelles.  Mais  c'est  là  le  seul  but  de  la  réplique.  Silo 
ne  doit  pas  contenir  et  développer  des  moyens  nouveaux ,  des 
arguments  gardés  en  réserve,  elle  doit  simplement  réfuter  k 
système  de  la  défense,  rétablir  la  question  si  la  plaidoirie  Ta 
fait  dévier  de  son  terrain  et  résumer  rapidement  les  motifs 
qui  fondent  l'action  publique. 

g  656. 
I.  Plaidoirie  de  la  défeose.—  IL  Droits  et  lîoiitei.  -^  IJI.  Répliques, 

I.  L^accusé  ou  son  conseil  ont  la  parole  liwiiAt  «prte  le 


83â  »KS  COUftà  D*A$S15CS. 

rêquisitoiie  du  ministère  public.  Nous  avons  exposé  précc- 
(Idiiïr.er.i  les  droits  et  les  devoirs  de  la  défense,  ses  préroga- 
tives et  les  obligations  qui  pèsent  sur  elles  dans  le  cours  des 
délats  1.  Nous  ajouterons  ici  les  règles  qui  se  rapporleolspé- 
cialenfient  aux  plaidoiries- 

L'art.  335  ,  «pi es  avoir  établi  le  droit  de  la  parUe  civile 
et  celui  du  ministère  public,  a  ajouté  :  «  Taccusé  et  sou  con- 
seil pourrc  nt  leur  répondre.  »  Ce  droit  de  se  défendre,  quoi- 
qU)B  prononcé  sous  la  forme  d'une  simple  faculté,  est  absolu  ; 
ni  le  piésideut  ni  la  Cour  ne  pourraient  refuser  la  parole  à 
l'accusé  ni  à  son  conseil  ;  car,  comme  le  disait  Ayrauit»  «  la 
défense  est  de  droit  naturel  ';  d  et  la  loi  criminelle ,  qui  ne 
fait  ici  que  consacrer  l'application  de  ce  droit,  n'a  laissé  de 
facultatif  que  son  exercice. 

L'ordie  r<^glé  par  la  loi  ne  l'est  point  è  peine  de  nullfté, 
pourvu  que  la  défense  n'éprouve  aucun  préjudice.  Dans  une 
espèce  où  l'accusé  avait  dû  prendre  la  parole  avant  que  le  mi- 
nistère public  eût  développé  les  charges  de  l'accusation,  ce 
pourvoi  a  été  rejeté  :  «  attendu  qu'il  résulte  du  procès-verbal 
des  débats  que  la  discussion  a  été  ouverte  par  la  ploidoiric 
de  la  partie  civile  ;  que  le  procureur  général ,  jugeant  sacs 
doute  qu'il  n'avait  pas  à  reproduire  les  arguments  de  cette 
partie,  ni  a  y  ajouter,  s'y  est  référé  par  son  silence;  que  s'il  a 
plus  tard  répondu  au  défenseur,  il  résulte  d'une  mention  ex- 
presse que  celui-ci  a  eu  la  parole  le  dernier  ;  qu'ainsi  il  a  été 
satisfait  au  vœu  de  la  loi ,  qui  veut  que  l'accusé  soit  rois  en 
situation  de  débattre  contradictoirement,  tant  en  plaidoirie 
qu'e.n  réplique,  tout  ce  qui  a  été  dit  à  sa  charge  *.  • 

S'il  y  a  plusieurs  accusés,  il  appartient  au  président  de  ré- 
gler l'ordre  des  plaidoiries.  Cependant,  si  les  intérêts  ne  sont 
pas  oppo&és  les  uns  aux  autres',  il  convient  de  laisser  aux  dé- 
fenseurs le  soin  d'établir  entre  eux  l'ordre  de  la  défense.  Ib- 
peuvent,  en  effet,  se  partager  entre  eux  les  différentes  partie?: 
de  leur  t&cbe,  el  dès  lors  il  importe  qu'ils  soient  entendus  sui- 
vant la  division  qu'ils  ont  faite  eux*mèmes  des  faits  et  des 
matières. 

II.  Il  est  très-difficile  de  poser  une  limite  entre  ce  qui 

*  Voy,  suprd,  p.  ^198  el  514. 

*  Jnstriiciioii  judiciaire.  Ut.  III,  ii.  h9, 

*  Cass.  13  mai  itibi,  rapp,  M.  Rocher.  Buil,  u,  35'. 


CLOTUBE  ftSS  DÉBATS.   §  056.  833 

appartient, nécessairement  au  droit  de  la  défense,  et  ce  qui 
ne  lui  appartient  pas,  et  de  distinguer  son  légitime  exercice 
de  ses  écarts  ou  de  ses  excès. 

La  plaidoirie  a  pour  objet  la  discussion  des  faits  et  des 
preuves  sur  lesquels  l'accusation  est  fondée.  La  mission  du 
défenseur  est  de  combattre  ou  d'atténuer  les  charges  produites 
contre  Taccusé,  de  relever  les  contradictions  apparentes  ou 
réelles  des  témoins,  d'indiquer  les  invraisemblances  ou  les 
raisons  de  douter  que  les  circonstances  de  la  cause  présen- 
tenty  d'établir  les  faits  de  moralité  qui  peuvent  jeter  sur  l'ac- 
cusé un  jour  favorable,  en  un  mot,  d'exposer  tous  les  moyens 
qui  naissent  des  débats  et  qui  militent  en  faveur  de  la  dé- 
fense,  et  de  les  soutenir  avec  méthode,  avec  adresse,  avec 
fermeté.  Toutes  les  discussions,  toutes  les  considérations  qui 
peuvent  conduire  au  but  qu'il  se  propose  lui  appartiennent, 
et  il  a  le  droit  de  les  développer.  La  loi  ne  lui  a  imposé  que 
deux  limites  :  l'une,  écrite  dans  l'art.  311,  est  «  de  ne  rien 
dire  contre  sa  conscience,  contre  le  respect  dû  aux  lois,  et  de 
s'exprimer  avec  décence  et  modération.  »  L'autre^  consacrée 
par  l'art.  270,  et  qui  permet  au  président  «  de  rejeter  tout 
ce  qui  tendrait  &  prolongerles  débats  sans  donner  lieu  d'es- 
pérer plus  de  certitude  dans  les  résultats,  n 

L'application  de  cette  double  restriction  a  donné  lieu  à 
plusieurs  questions  qu'il  faut  examiner. 

Le  président  peut-il  fixer  à  l'avance  la  durée  des  plaidoi- 
ries? Evidemment  non»  caria  défense  doit  être  entière,  com- 
plète, accompagnée  de  tous  ses  développements,  et  le  défen- 
seur seul  doit  apprécier  dans  sa  conscience  le  temps  qui  lui 
est  nécessaire,  sauf  l'application  du  pouvoir  que  le  président 
a  d'écarter  les  redites,  les  discussions  oiseuses,  les  développe* 
ments  inutiles.  Il  a  été  déclaré,  dans  une  espèce  où  il  ne  s'a- 
gissait que  des  répliques,  a  que  l'avertissement  donné  par  le 
président  aux  défenseurs  des  accusés  qu'un  quart-d'heure 
semblait  devoir  suffire  à  chacun  d'eux,  ne  peut  être  considéré 
comme  une  restriction  illégale  de  la  défense,  surtout  s'il  a 
été  déclaré  par  la  Cour  d'assises,  dans  un  arrêt  incident,  que 
les  conseils  des  accusés  avaient  dit  tout  ce  qu'ils  avaient 
voulu,  et  terminé  leurs  observations  en  faveur  de  leurs  clients 
comme  ils  l'avaient  voulu,  sans  que  la  parole  leur  eût  été  re- 
tirées »  Il  résulte  de  cet  arrêt  que  l'avertissement  n'avait  pas 

*  Casi.  s  ôéc.  188a,  rapp.  M.  Vincens-St-LaurenU  S«  V.  35, 1,  82. 
VIII.  53 


834  DCS  COIIBS  D*A88nCS. 

été  suivi  d'effet,  que  c'éUît  simplement  une  invitation  d'être 
bref,  et  il  est  évident  dès  lors  que  cette  énoncîalfon  ne  pou- 
Tait  entraîner  une  nullité. 

Le  président,  et  s'il  y  a  réclamation,  la  Cour  d'assises  peu- 
fent-ils  îbterdire  dfejprésenfer  la  défense  en  vers?  Cette  ques- 
tioh  é  été  résolue  àmrmativement  et  le  pourvoi  a  été  rejeté: 
«r  attendu  que  là  Cour  d'assises,  en  interdisant  à  Bastide  h 
faculté  de  présenter  là  défense  en  vers  et  en  TautorisaDt  ila 
présputer  dans  Te  langage  ordinaire,  n'a  pas  entravé  la  dé- 
ferise  *.  »  ïl  n'y  a  pas  d'entrave,  en  effet,  dans  la  prohibition 
d\hie  foi^e  de  langage  qui  ne  convient  pas  à  la  sévérité  des 
tofthd^  judiciaires ,  et  qui  pourrait  compromettre  la  gravité 
dé  l'atfdic^rire  et  îa  dignité  de  la  Cour  d'assises. 

Le  pTt^sîdeht  peût-il  interdire  de  citer  des  décisions  de  jury 
dans  des  affaires  analogues?  Il  a  été  répondu  affirmativenient, 
«  fittcndu  que  par  celte  décision  il  n*a  été  porté  aucun  pré- 
judice k  fa  juste  défense  de  l'accusé  qui  ne  pouvait  s'appuyer 
qiie  5ur  la  compfète  connaissance  des  faits  et  sur  les  consé- 
t^iitfvfdèii  déduites  de  ces  faits  •.  »  On  ne  peut  encore  qo'ap- 
profùVéfr  cette  solrition  :  ce  qui  fait  la  force  juridique  des  jurés, 
c'eèt  qu'ils  ùe  sont  préoccupés  d'aucune  idée  s)'j5tématique, 
c'est  <}ue,  comme  tes  juges,  ils  ne  songent  point  à  généralisa 
leurs  décisions,  à  fonder  ou  à  suivre  une  jurisprudence;  ils 
ne  doivent  donc  voir  que  l'action  qui  leur  est  soumise  et  la 
fait  que  le  débat  agite  devant  eux  3.  » 

Le  président  peut-7f  interdire  la  discussion  des  questions  de 
droit  qui  se  rattachent  à  l'affaire?  Il  est  évidemftient  inutile 
de  discuter  devant  le  jury  les  questions  de  droit  qu'il  n'a 
point  i  résoudre.  Ainsi,  lorsqu'il  s'agit  du  caractère  authen* 
tique  ou  commercial  d'une  écriture,  la  discussion  de  cette 
question  doit  être  renvoyée  au  moment  où  le  défenseur  plai- 
dera sur  l'application  de  la  peine  4;  mais  si  fa  question  do 
droit,  ce  qui  se  présente  quelquefois,  est  ititimement  liée  aà 
fait,  comrme  la  question  do  fifiation  dans  le  parricide,  oo  cefle 
de  la  fonction  dans  les  crimes  Imputés  à  des  fonctioônaires 
ou  commis  contre  eux ,  ^1  sembte  difficile  d'en  écarter  là  dè- 
cussion ,  cafr  eflé  détient  h\àts  un  des  faits  cônstitatils  do 


*  Coss.  43  juin  18^3,  npp.  M.  Dehamij.  J.  cr»,  t.  VI,  p^  117. 

>  Cass.  28  août  1829,  M.  Mejronuet-Sl-Marc.  J.  P.,  t«XXII,m  lAU, 

*  Voy.  rttpra,  p.  2^. 

*  Casa.  36  9^  1846,  rapjK  M,  isambert  «ttU.a.  353. 


CLOTUM  PU  VtBàfK.  §  68&  885 

crime,  et,  percewéqiient,  m  des  élénents  et  la  défeine. 
Le  préstdeiftpeutxîl  interdire  de  faire  connattre  aux  jurés 
les  conséquences  légale^  de  la  déclaration  qn^ilsTontreiiéfe? 
Un  arrêt  a  décidé  que  le  président  av«t  ce  droit,  mais  qoe, 
s'il  n'en  usait  pas,  il  ne  tésultait  aucune  nullité  des  paroles 
du  défenseur.  Les  motifs  de  cet  arrêt  sont  «  qu'il  résulte  de 
la  combinaison  des  art.  84S  et  868  et  du  principe  de  la  divi- 
sion des  pouvoirs  entre  le  jury  et  les  cours  d'assises  que  le 
jury  Ht  doit  pas  se  préoccuper  des  conséquences  légales  des 
faits  par  lui  reconnus  et  constatés;  que  la  discussion  relative 
à  ce  point  ne  peut  être  soulevée  par  l'accusé,  son  conseil  ou 
Je  ministère  public  qu'après  la  déclaration  du  jury  ;  que  la- 
loi  du  28  avril  i832,  en  appelant  les  jurés  à  déclarer  s'il  y  a 
lie  u  lexistence  des  circonstances  atténuantes,  n'a  pas  cbangé 
la  nature  de  leurs  attributions,  puisqu'elle  a  réservé  exclusi- 
vement à  la  Cour  d'assises  le  droit  d'apprécier  et  de  délermi- 
ner  la  modification  qui,  par  suite  de  cette  déclaration,  doit 
être  apportée  à  la  peine  ;  que  si  le  conseil  de  l'accusé  ^'é- 
carte,  contrairement  è  ce  qui  lui  est  imposé  par  l'art.  311, 
du  vœu  de  la  loi,  son  infraction  ne  peut  avoir  d'autre  effet 
que  de  provoquer  contre  lui,  soit  une  injonction  du  président, 
soit  en  cas  d'insufGsance,  l'application  d'une  peine  discipli- 
naire ;  mais  qu'il  ne  saurait  dépendre  de  l'avocat  ni  de  l'accusé 
de  créer  une  nullité  qui  ne  peut  résulter  que  d'un  vice  de 
procédure,  de  la  violation  d'une  disposition  prescrite  par  la 
loi  ou  de  l'omission  d'une  formalité  substantielle  ^  »  Il  est 
certain  que  cet  arrêt  ne  fait  que  formuler  le  système  du  Gode, 
tel  qu'il  résulte,  en  termes  un  peu  vagues  peut-être,  des  arti- 
cles 311»  343  et  363.  On  peut  ajouter  que  si  ce  système  a  été 
un  peu  éèranlé  par  les  dispositions  et  surtout  par  l'esprit  nou- 
veau de  la  loi  du  28  avril  1832»  on  doit  admettre  cependant 
que  cette  loi,  en  s'incorporant  dans  la  législation  de  1810, 
en  a  respecté  les  règles  générales  ;  et  de  là  il  est  permis  d'in- 
férer, comme  Je  fait  l'arrêt,  même  en  présence  de  l'exposé  des 
motiis  de  la  loi  nouvelle,  même  en  présence  des  attributions 
faites  au  jury,  que  la  division  des  deux  pouvoirs  est  demeurée 
la  mênie.  Néanmoins,  cette  séparation»  identique  en  théorie, 
en  fait  a  cessé  d'être  aussi  tranchée.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
de  tracer  avec  précision  la  ligne  qui  les  divise.  Mais  si  la  loi 
n'a  pas  voulu  définir  les  éléments  des  circonstances  attéuuau- 

*  Caû.  25  mars  1886,  rapp^  M«  de  Ricard  J.  Pt|  U  XX?I,  p.  UOf« 


S3G  DES  CODES    D* ASSISES. 

les,  n'est-ce  pas  pour  y  faire  entrer  tous  les  faits  qui  sont  de 
nature  à  motiver  une  atténuation  de  la  peine?  Et  lel^latenr 
lui-Diéme  n'a-t^il  pas  admis  que  la  considération  de  la  ri- 
gueur de  la  pénalité  était  Tun  de  ces  éléments?  Ensuite,  la 
théorie  du  Gode  n'est-elle  pas  àcAté  de  la  vérité  des  choses? 
Les  jurés  ne  doivent  pas  se  préoccuper  de  la  peine  ;  mah  est-4] 
vrai  qu'ils  ne  s'en  préoccupent  pas?  Est-il  vrai  q«*ils  rendent 
machinalement  leur  verdict  sans  s'inquiéter  de  ses  consé- 
quences, sans  se  demander  quelle  sera  la  pénalité  appliquée? 
Or,  s'ils  se  livrent  à  cet  examen,  si  c'est  là  même  quelquefois 
un  des  motifs  de  la  déclaration  quils  font  des  circonstances 
atténuantes,  n'est-il  pas  à  craindre  qu'ils  ne  s'égarent  dans 
leur  calcul,  et  ne  vaut-il  pas  mieux  les  éclairer?  On  ne  sau- 
rait plus  aujourd'hui  soutenir  en  termes  absolus,  comme  l'a 
fait  un  arrêt,  avant  la  révision  du  Gode,  que  le  défenseur  n'a 
pas  le  droit  d'exposer  aux  jurés  le  peu  de  proportion  qu'il 
aperçoit  entre  la  gravité  du  fait  imputé  et  la  durée  de  la  peine 
encourue  *  ;  car  l'unique  but  du  système  des  circonstances 
atténuantes  n'est-il  pas  d'arriver  à  une  plus  exacte  propor- 
tion entre  le  délit  et  la  peiné?  Et  comment  obtenir  celte  pro- 
portion s'il  n'est  pas  permis  d'en  parler  avant  la  déclaration? 
Au  reste,  les  présidents  les  plus  éclairés  ne  craignent  pas  que 
le  jury  soit  averti  des  conséquences  légales  de  son  verdict-  ils 
se  bornent  donc  à  interdire  la  critique  et  non  la  simple  indi- 
cation de  la  loi  pénale. 

Le  président  peut- il  interdire  de  discuter  les  termes  de  la 
loi  pénale  pour  soutenir  que  les  éléments  constiluti&  du  crime 
n'existent  pas  dans  le  fait  incriminé?  Dans  une  accusation  de 
pillage,  le  président  avait  interdit  au  défenseur  de  soutenir 
que  les  faits,  tels  qu'ils  étaientconstatés,  ne  constituaient  pas 
le  crime  prévu  par  la  loi,  et  le  pourvoi  a  été  rejeté,  «  attendu 
que  le  jury  n'est  appelé  è  prononcer  que  sur  l'existence  ou 
la  non  existence  de  faits  et  de  circonstances  de  faits  qui  con- 
stituent l'accusation  et  sur  la  culpabilité  des  accusés  *.  » 
A  la  vérité,  Tarrét  ajoute  «  que  l'arrêt  attaqué  a^  seulement 
interdit  au  défenseur  des  accusés  d'entrer  dans  desdiscusâons 
générales  de  droit,  et  qu'il  lui  a  laissé  la  faculté  dediscuter 
tous  les  faits  constitutifs  du  crime.  »  Il  suit  de  là  qu'il  serait 
permis  de  discuter  chacun  des  faits  constitutifs  du  crime,  mais 

^  Casa.  31  mars  4825,  rapp«  M.  Gaillard,  J.  P.,  t.  XIX;,  n.  879. 
*  Cm.  20  mai  dW,  rapp.  hff.  firière.  J.  P.,t.  XXIII,  p.  ie06w 


CL0T9BB  DES  DÉBATS,  §  656.  837 

non  l'ensemble  de  ces  faits  ;  cette  distinction  peut  paraître  ua 
peu  puérile.  Est-ce  que,  dans  une  accusation  de  meurtre^  il 
ne  sera  pas  permis  de  soulenir  qu'il  n'y  a  pas  meurtre,  parce 
que  rhomîcide  aurait  été  commis  dans  un  duel,  ou  parce  que 
FacGusé  n'aurait  fait  qu'accomplir  Tordre  de  la  victime?  Il  ne 
faut  pas  trop  fadiement  scinder  la  discussion,  il  ne  faut  pas 
tracer  autour  des  jurés  un  cercle  trop  étroit.  La  plaidoirie 
doit  admettre  toutes  les  considérations  qui  se  rattachent  aux 
faits  de  la  cause.  Or,  Texamen  théorique  du  caractère  de  ces 
faits,  la  raison  de  la  loi  pénale  et  les  questions  que  soulève 
son  application  se  rapportent  intimement  à  ces  faits.  La  dis- 
cussion, quelque  élevée  qu'elle  soit,  pourvu  qu'elle  ne  sorte 
pas  du  procès,  est  légitime.  La  loi  n'a  proscrit  que  les  divaga- 
tiens  et  les  doctrines  subversives  des  règles  légales  ^ 

Enfin,  le  président  peut-il  interdire  le  développement  des 
faits  atténuants  qui  ne  constituent  pas  des  excuses  légales?' 
Un  arrêt,  rendu  dans  une  espèce  où  le  défenseur  soutenait 
que  Taccusé  était  en  état  d'ivresse»  porte  a  que  le  défenseur 
n'a  pas  plaidé  une  pure  question  de  démence;  n^ais  qu'il  a. 
voulu  se  prévaloir  do  la  prétendue  ivresse  de  l'accusé  et  des 
passions  qui  l'animaient  au  moment  de  la  perpétration  de 
son  crime  ;  que  la  Cour  d'assises ,  en  introduisant  ce  mode 
de  défense ,  par  le  motif  qu'il  ne  s'agissait  ni  d'une  excuse 
légale,  ni  du  cas  prévu  par  l'art.  54  du  C.  pén.,  n'a  fait  que 
se  conformer  à  la  loi  et  n'a  pas  porté  atteinte  à  la  liberté  de  la 
défense  «.  »  L'art.  463  du  C-  pén.  n'a  pas  fait  autre  chose  que 
de  comprendre  dans  une  seule  formule  toutes  les  excuses  in- 
déterminéesqui  échappaiontaux  définitions  de  laloi  :  lescircon*. 
stances  alténuantessont,  entre  autres,  la  mauvaise  éducation^' 
l'abandon  de  la  famille,  les  détestables  influences,  la  misère, 
l'ivresse.  Comment  plaider  l'atténuation  de  la  culpabilité,  s'il 
n'est  pas  permis  de  soutenir  l'existence  de  ces  circonstances? 
Ne  deviennent-elles  pas,  sinon  des  excuses  légales,  au  jaioiDU 
de  véritables  excuses,  aussitôt  que  le  jury  les  accueille  et  dé-' 
clare  qu'elles  sont  atténuantes?  Puisque  la  loi  pénale  a  ad-^ 
mis  des  degrés  dans  la  culpabilité ,  il;  doit  être  permis  de  las^ 
coustatoT 

Quant  aux  écarts  de  la  défense,  nous  avons  déjà  vu  par , 

*  Voy.  infrà,  VtB  arrêt  du20  juilf.  1826,  cité  p.  858. 
»  Casa.! juin  1813,  rapp.  M.  Isamberl.  Dali.  48, 1,  376,  et  ans».  30  tfrji 
1831,  rapp. M.  Brière.  J.P.,t.XXlIl,  p.  1607, 


838  MA  G0VR8  D*A8S18KS. 

quelles  mesures   ils   peuvent   èUe  aA\:étés  et  r^rio^és'. 

ni.  La  jurôprodeaoe  a  reeonoa  au  défenMiTt  comme  au 
ministère  public,  I4  dj^oit  de  produire- pour  la  première  fois 
dans  sa  plaidoirie  des  docuoient^  aQi^reaui: ,  de^  oeriifieata  » 
des  pièces  à  Tappui  de  la  défense. 

Une  Cour  d'assises,  en  rejeta^it  la  réqiiisitioa  da  défenaoBr 
tendant  à  donQer  lecture  dan^  ^  d6bat  a  une  consnUatioo  da 
mi^decins,  Ipi  avait  réservé  le  droit  de  faic^  valoir  cp  déco- 
ment  dans  sa  plaidoirie,  et  le  popirvQi  ^  été  rejeté»  •  attendu 
que  cette  Cour  lui  a  aio^  reconnu  et  conservji  \p  droit  de  re- 
lever dans  sa  défense  tous  les  moyens  qu'il  pourrait  par  lui* 
même  puiser  dans  ladite  consultation  et  de  les  faire  connaître 
aux  juriés  •  *j» 

Une  autre  Cour  d'assises  avait  refusé  au  défeoseur  le  droit 
de  lire  pendant  sa  plaidoirie  une  opinion  de  doctrine  sur  une 
question  médico«-légale.  f^a  procédure  a  été  annulée  :  «  At- 
tendu qu'il  résulte  des  art.  294  et  335,  comme  de  l'esprit 
général  du  Gode  >  fondés  sur  les  principes  du  droit  naturel^ 
que  Taccusé  et  son  conseil  ont  le  droit  de  dire  tout  ce  qui 
peut  être  utile  pour  la  défense  de  l'accusé  ;  qu'ils  ont,  par  une 
conséquence  nécessaire ,  le  droit  de  lire  tout  ce  qu'ils  pour- 
raient dire  pour  la  même  défense ,  pourvu  (et  parce  que  le 
débat  doit  être  oral  )  qu'ils  ne  lisent  pas  les  déclarations  écrites 
des  témoins ,  pourvu  que  le  conseil  de  l'accusé  ne  dise  rien 
contre  sa  conscience  et  contre  le  respect  dû  aux  lois  et  qu'il 
s'exprime  avec  décence  et  modération ,  et  encore  pourvu  que 
Taccusé  et  son  conseil  ne  se  livrent  pas  à  des  divagations  étran- 
gères aux  questions  du  procès  ;  que  toute  autre  limitation  est 
une  violation  des  droits  sacrés  de  la  défense,  la  privation 
d^une  faculté  accordée  par  la  loi  qui  emporte  virtuellement 
avec  elle  la  nullité  du  débat  et  tout  ce  qui  s'en  est  suivi  '•  • 

Assurément  cette  doctrine ,  que  nous  avons  nous-môme 
précédemmeut  soutenue,  nous  semble  à  l'abri  de  la  critique; 
mais  a-t-elle  été  exactement  appliquée  dans  ces  deux  espèces? 
Mous  avons  reconnu  d'une  part  à  la  défense  le  droit  de  pro- 
duire, pendant  le  cours  des  débals  ,  toutes  les  preuves,  tous 
les  documents  qu'elle  juge  convenables  ^,  et  djautre  part  »  le 

A  Voy.  «tiprà,  p.  528* 

•  Gass.  15  mars  1822»  rapp.  M.  Basire.  J.  P.,  U  XVU,  p.  I9L 
I  Gass.  20  juilU  i626,  rapp.  M.  Brière.  J,  P.,*  u  XX,  p»3ii. 

*  Voy.  tupràt  p.  627. 


CLOTUM  M8  DÉBATI .  %  0S6.  839 

droit  de  discuter  dans  sa  plaidoirie  tous  Les  éjii$.ii9,ents  ^  pro- 
cès. Mais  suit-îl  de  là  qu'elle  puisse  plaider  ayi.  ôiooieat  QÙ  ^e 
produisent  les  preuves  et  faire  ses  productions  au  mjliiei^  do 
sa  plaidoirie  T  La  jurisprudence  qui  a  reconnu  cette  (acuité 
au  minisière  public  a  dû,  pour  être  logique,  la  reconnaître  ai 
^accusé.  Il  nous  parait  qu*il  fallait  la  déaier  à  r^n  et  à  Toiuire. 
Les  productions  doivent  être  faites  quand  elïe^  peuv,ent  ètr^ 
examinées  et  contredites  et  non  quand  qn  doit  se  borner  à  eu 
déduire  des  conséquences.  Le  président  qui  renvoie  à  la  plai- 
doirie la  lecture  des  pièces  doot  le  défenseur  veut  faire  usdgo 
confond  ce  qui  appartient  au  débat  et  ce  qui  appartient  à  la 
plaidoirie.  Il  en  résuite,  d^une  part,  que  ces  pièces  ainsi  lues, 
n'ont  pas  la  même  force  que  si  ellof  avaient  s^ui>jii)E^  c.f.4^9?^ 
sérieux,  et,  d'une  autre  part,  que  la  cpzi^cijbnce  du  jury  peut 
être  surprise  par  des  documents  improvisés. 

lY.  Le  3*  S  de  Tart.  335  porte  que  «  Taccttsé  QU  ^n  opur 
seil  auront  toujours  la  parole  les  derniers.  9 

Cette  disposition  constitue  un  droit  essentiel  do  la  défenfie  : 
la  loi  a  voulu  que  Taccusô  fdt  mis  en  situation  de  déb^itre 
tout  ce  qui  a  été  dit  à  sa  charge  et  que  l'impression  que  la 
parole  peut  projfùire  ne  fût  eHacèe  par  aucune  autre.  Le  re- 
Tus  qui  lui  serait  fait  de  le  laisser  répliquer,  soit  au  ministère 
public,  soit  à  la  partie  civile,  emporteraient  donc  nullité  S  et 
cette  règle ,  ainsi  qu'on  l'a  déjà  vu  %  s'applique  non-seule- 
ment à  la  discussion  qui  suit  le  d^ébat»  m^i^  à  toutes  les  dis- 
cussions qui  s'élèvent  dans  le  cours  de  ce  débat- 
Son  observation  doit  être  régulièrement  constatée  3.  '|'ou- 
tefois^  il  a  été  admis  que  i*accusé  est  présumé  avoir  ei^  la  pa- 
role le  dernier ,  lorsqu'il  n'a  fait  aucune  réclamation  k  ce| 
égard  ^,  lorsqu'il  est  constaté  que  le  président  lui  a  dein^Dâe 
s'il  n'avaii  rien  à  ajouter  pour  sa  défense  ^,  lorsqu'il  es^  c<yig,- 
tatè  qu'il  a  eu  la  faculté  dp  répliquer*,  lorsqu'il  n\est  poi^| 
établi  qu'il  ait  demandé  à  répliquer  \ 
Il  est  d'usage,  pour  constater  que  I4  jdéfjpnise  a  ét^  fiifWr 


*  Cas».  S  mal  1826,  rapp.  Bf«  Ollivier.  J«  P.,  t.  XX,  p.  &59. 

*  Voy,  ««prÀ,  p.  626, 

'  Cas».  13  mai  1852,  rapp.  M.  Rocher,  Bull.  n.  154. 

*  Cass.  S  avril  1819,  rapp.  M.  Vauloulon.  J.  P.,  t.  XI,p.  379. 

*  Cass,  2  sept.  l83Q«  rapp.  M.  Oilivier.  J,  P.,  i.  XXUr,  p;792. 

*  Cass.  S  di^  IttS^,  njKp,  M.  Vjiioen»4t*Laurfiii.  J:'  P.,  ft'sa  date. 
^  Cass.  15  oclob.  18Â7,  rapp.  M.  Barennes.  Boli.  n.  258. 


840  PBg  coDRs  d'assises.  . 

plète  ou  pour  mettre  Taccugé  à  même  de  Uicompléter,  que 
le  président,  après  la  réplique  du  défeuseurb  «dresse  à  l'aocusé 
une  interpellation  directe  pour  lui  demander  s^il  n'a  rien  à 
ajouter  aux  paroles  de  la  défense.  Cette  inierpeilation  est 
utile,  elle  assure  la  plénitud<^  da  droit  du  défense,  die  pro- 
voque quelquefois  des  explications  inatte(iduies«  Mais  romis- 
sion  de  cette  formaliste»  que  les  présidents  doivent  nakiteDÎr 
et  maintiennent  avec  soin,  ne  saurait  ouvrir  aucape  nullité, 
puisqu'elle  n'est  prescrite  par  aucun  t^xtedeb  loi  '• 

[8  657. 

1.  Clôture  des  débats.  -^  IL  lis  peavent  être  rouvertA^  6t  dans  qneb 
Cas.  —  III.  Formes  de  ces  débats  additionnels. 

I.  Après  les  plaidoiries  et  les  répliques,,  le  président  dé- 
clare, aux  termes  du  dernier  paragraphe  de  Tart.  335»»  que  les 
débats  sont  terminés.  » 

Après  cotte  clôture  termipée,  toute  discussion  est  interdite 
et  le  président  ne  pourrait  accorder,  la  parole  soit  à  Taecasé, 
soit  au  ministère  public,  soit  h  la  partie  civile.  Il  ne  pourrait 
procéder  à  aucun  acte  d'instruction  *•  Les  élémmtsdu  juge- 
ment sont  réputés  avoir  été  complément  e^iposés.  Il  ne  reste 
plus  qu*à  le  faciliter  par  le  résumé  du  président. 

n.  Toutefois  cette  clôture  n^est  pas  définitive  :  les  débate, 
mèiite  déclarés  terminés,  peuvent  être  rouverts  si  rinstnictioa 
Tetige.  On  a  contesté  la  légalité  de  cette  mesure  sur  laquelle 
la  loi  ne  s^expli^ue  pas  3.  Il  nous  semble  qu^elle  est  justifiée 
par  la  nécessité  des  choses.  Faut-il,  parce  que  la  loi  ne  Ta 
point  prévu,  refuser  d'entendre  un  témoin  tardivement  arrivé 
ou  de  lire  une  pièce  tardivement  produite,  et  qui  peut  jeter 
un  jour  nouveau  sur  le  procès?  Tant  que  le  jugement  n^est 
pas  prononcé,  il  est  dans  l'esprit  de  la  loi  de  favoriser  la  pro- 
duction de  tout  ce  qui  peut  manifester  la  vérité,  et  ce  serait 
méconnaître  cet  esprit  que  d^invoquer,  pour  faire  obstacle  à 
cette  productiort^  des  formes  qui  n^ont  été  établies  que  pour 
rassurer. 

«  Cm.  lis  jaiii  18^6;  i-app.  M.  Frètearu.  Bail.  n.  495. 

'  GasB.  37  a?ril  iSdS,  rapp.  M.  Rifes,  J.  P.,  t.XXIV»  p«  9^ 

•  Garnot,  t.  II,  p.  569,  n,  7,.  j  »  ?.   •     ^ .    ' 


CL«TOItB  DU  DÉBATS.   §   657.  841 

G^est  eD  ce  sens  que  la  jurisprudence  s'est  formée,  cl  W  a 
été  décidé  en  conséquence  que  les  débats,  quoique  déjà  clos, 
peuTent  être  rouverts  :  1^  lorsque  l'accusé  demande  la  posi- 
tion d'une  question  d'excuse  qui  donne  lieu  à  l'examen  de 
faits  nouveaux  sur  lesquels  le  débat  n'a  pas  porté  '  ;  2''  lorsque 
le  président  croit  nécessaire  d'adresser  de  nouvelles  interpel- 
lations à  uft  témoin  entendu  dans  le  débat  *  ;  3*  lorsqu'un 
témoin  cité  et  qui  n'avait  pas  comparu,  se  présente  *  ;  4""  lors* 
qu'un  témoin  demande  à  rectifier  la  déposition  qu'il  a  faite  ^; 
5*  pour  réparer  une  omission  commise  dans  le  débat,  par 
exemple  si  le  président ,  après  avoir  interrogé  un  accusé  en 
Tabsence  de  ses  coaccusés,  avait  omis  de  rendre  compte  à 
ceux-ci  de  ce  qui  s'était  passé  en  leur  absence  ^;  ou  si  l'in- 
terprète avait  omis  une  traduction  *  ;  6*  lorsque  le  président, 
sortant  du  cercle  des  preuves  discutées  ou  relevées  dans  les 
débats,  aurait  présenté  dans  son  résumé  des  faits  nouveaux 
ou  des  pièces  nonvelles  ^  :  nous  reviendrons  tout  à  l'heure  sur 
ce  dernier  point. 

m*  La  réouverture  des  débats  peut  être  prononcée  tant  que 
les  jurés  et  les  juges  n'ont  pas  épuisé  leurs  pouvoirs,  tant 
que  le  jugement  n'est  pas  rendu.  Ainsi,  il  ne  faudrait  pas 
admettre,  comme  Ta  fait  un  ancien  arrêt,  que  les  jurés,  une 
fois  retirés  dans  leur  chambre»  ne  pourraient  plus  demander 
cette  réouverture  pour  adresser  de  nouvelles  interpellations 
aux  témoins  ^  ;  cette  demande  du  moins  ne  serait  pas  tardive^. 
Mais  à  quel  moment  les  jurés  et  les  juges  ont-ils  épuisé  leurs 
pouvoirs?  Un  arrêt  déclare  :  o  que  la  déclaration  du  jury,  s'il 
ne  survient  pas  avant  que  la  Cour  d'assises  soit  dessaisie  de 
TafTaire,  des  faits  nouveaux  qui  doivent  modifier  ceux  des 
débats,  et  qui»  y  ayant  été  ignorés,  n'ont  pu  être  la  matière 
des  questions,  est  irrévocable,  qu'elle  a  consommé  le  pouvoir 


«  Gau.  8  DOT.  tSSS,  rapp.  M.  ThlK  J.  P.,  t  XXIV,  p.  1536. 
*CaM.  27  mars  1684,  rapp.  M*  Dehaussy.  J.  P.,  t.  XXVI,  p.  $h^. 

*  Ca9S.2  fér.  iSiA,  noD  imprimé. 

*  Cass.  10  avril  1738,  rapp.  M.  Gilbert  de  Voisins.  Bail.  n.  lld. 

•  Cass.  10  jan?.  1638,  rapp.  M.  Riyes.  J.  P.,U  XXV,  p.  25. 

*  Cass.  6  sept  18&9,  non  imprimé. 

^  Cass.  28aTrai820,  rapp.  Bif.  AumonU  J.  P.,  t.  XV,  p.350;28arrill837, 
rapp.  M.  Mérilhoa.  Bull.  o.  116;  22  juin  1839«  rapp.  M.  Debaussj, 
D.  20A. 

•  Casa.  12  mets,  an  m,  J.  P.«  1. 1,.  p.  422. 

•  Cass.  29  juillet  1885  et  31  août  1687,  non  imprimé. 


$42  DIS  GOQBl  IrkUHU. 

des  jarés  elt  j{i^*eljle  ne  p^ein^  ^s  ^(re  r^s(r^ÎBt^  ni  entendue  ; 
que^  (lans  k)  cas  çfii^enx^fî^  0^  ^P^^  'l  leçjlwio  de  cette  déda- 
raljîon,  mais  ayaqt  fue  ^  Coçr  (i'«||}^s  y  ait  prononcé  ponr 
rappTicatlon  delà  I91  pénale»  i)  serait  dé|||^rert  quelque  non- 
veau  fait  qui  n*eût  pas  été  connu  ^ar  1m  débita,  et  qui'  aèan* 
moÎDS  paraîtrait  de  natpre  à  derpif  ^X9Tfiiàf^  de  l*mflaeno0  sôr 
la  prélève  des  faits  de  Taccii^^tion  ou  ((qr  la  pejne  qu'ils  doi- 
yént  (aire  encourir,  il  appartiendra  k  la  Cpur  d'assises,  qui 
n*à  pas  encore  épujsé  ses  poqiyoi^,  ^e  juger  si  cette  «tifluence 
est  réelle  ;  auÎB  qans  c^  cas  elle  devrai^  ^np^ler  U  cbbture  des 
di^bats  et  ouvrir  un  noi^VQaû  dé(^at'sw(  çq  Uit  '•  »  On  pour- 
rait objecter  i'cet  arrôt  que  si  I4  Gouif  d'ass||f9S  n'a  pte  en- 
core, après  la  déclaration  au  jury,  éjpuisi^  ses  pQUfoirf,  le  jury 
a  épuisé  les  siens  *  ;  mais  on  peut  répondre  que  w  dé^^nttoii 
peut  ôlre  considérée  comme  étant  incomplète^  pi)ifqa'elto  n^a 
pas  statué  sur  un  fai^  qui  dev^i(  pTi^ndre  pl«ce  pacmi  les  élé- 
raents  du  procès. 

Les  débats  ne  peuvent  être  rouverts  que  par  un  arrèl  de 
la  Cour  d'assises  .  II  a  toutefois  été  admif  que,  s'il  9*}  a^pis 
de  contestation,  le  président^  qui  a  prononcé  |a  clôtura,  peut 
en  prononcer  l'annulation  *.  Il  peut  aussi  dans  le  tg^toe  oss 
refuser  cette  annulation  \ 

Les  formes  qui  doivent  être  suiyieç  après  l'^nnuUtion  de 
la  clôture  sont  les  mêmes  que  celles  qui  sont  eo^ployée^  cUns 
lé  premier  débat;  ainsi,  il  a  été  jugé  «  que,  sur  ce  noaveau 
débat,  le  président  doit  faire  un  nouveau  résumé ,  et  poser, 
s^ii  y  a  lieu^de  nouvelles  questions '<^.»  Il  a  été  jugé  aiissi 
qu^il  faut  qu'il  soit  constaté  que  l'accusé  et  le  ministère  pu- 
blic aient  été  entendus  7^  et,  éoQç,  que  l'accusé  ait  ét6  en- 
tendu le  dernier  ^. 

f 

*  Cass.  16  Juin  1820,  rapp.  M.  Bosichop.  J.  P.,  t  XV,  p.  1052. 

*  LegraTerend,  t  II,  p.  342. 

*Gas«.  8  DOT.  1832.  rapp.  M.  ThU.  J.  P.,  t  XXIV,  p.  1S3S. 
«Ca83. 19  amri8i7,  ràpp.  ftf«  Gilbert  de  Ypisias.  BaÙ*  n.  iOS;  SO  aoll 
1817,  rapp.  M.  Aatnont,  t.  XIV,  p.  461. 
■  Gass.  S  fév.  i853,  rapp.  M.  deGlos.  Bail.  n.  Ifi. 

*  GaM.  16  jniD  1820,  cité  $ûpr<L 

^  Gasa.  27  mars  18Sà,  rîrpp.  Itf.  Oehaassy.  J.  P.,  U  XXV|,  p.  342. 
*Casi.  9  ami  1835,  rapp.  BC.de  Ricard.  Bail  a.  1^4, 


CLOTOKK  BIS  diEbats  $  6S8.  943^ 

§  658.  ■ 

I.  Résumé  du  président.  -^  II.  Règles  qui  doîyent  s*y  appliquer.  -*- 
III.  Formé  essentielle  de  U  procédare.  -—Sa  constaution. 

I.  L'art  836  est  ainsi  cpnça  :  «  la  préaidaat  r^omaifa 
l'araire.  |1  fera  remarqaQr  les  priaoïpàles  preave^  pour  ou. 
cooltre  raccu8é..ll  leur  rappellera  lès  Coactions  qu'ils  ont  t 
remplir.  » 

jGet  article  n'est  qae  la  reprodaoUon  de  Part.  19,  tit  vu 
de  la  loi  du  16  septembre  1791,  et  de  Part  383  du  G.  du 
Sbrum.  an  k.  Uinstructioa  publiée  par  rAssemblôe  oonsti-« 
tuante  pour  éclairer  rapplicatiôn  de  la  première  de  ces  lois, 
renfermait  Tëxplication  sui?an(e  :  «  le  président  fdit  un  résumé 
de  l'affaire  et  la  réduit  à  ses  points  les  plus  simples.  Il  Tait 
remarquer  au  jurés  les  principales  preuves  produites  pour  ou< 
contre  Taccusé.  Le  résumé  est  destiné  à  éclairer  le  jury ,  à 
fixer  son  attention,  à  guider  sou  jugement  ;  il  ne  doit  pas  ^* 
ner  sa  liberté.  » 

IL  Cette  forme  de  la  procédure,  que  rassemblée  consti* 
tuante  avait  établie  et  que  notre  Gode  n'a  fait  que  maintenir, 
a  été  attaquée  par  plusieurs  publicistes  qui  ont  été  surtout 
frappés  dos  abus  de  son  application  \  Il  ne  nous  parait  pas 
inutile  qu* après  les  paroles  quelquefois  passionnées  des  plai- 
doiries une  voix  grave  et  calme  se  fasse  entendre,  qu'aux  dis- 
cussions tumultueuses  du  débat  succède  un  résumé  simple  et 
clair,  et  que  toutes  les  questions  qui  viennent  d'être  agitée» 
et  qui  ont  pu  détourner  l'esprit'des  jurés  de  la  voie  qu'ils  oqt 
à  suivre,  soient  ramenées  à  des  termes  nets  et  précis.  Ainsi 
compris  le  résumé  complète  le  débat  en  fixant  les  points  k 
décider,  et  le  président  qui»  pendant  tout  ledé$)at,  a  tA,  sui- 
vant la  même  instruction,  a  poursuivre  la  vérité  des  faits  avec 
bonne foi^  avec  franchise,  ave«  loyauté,  avec  uln  vrai  et  sincère 
désir  de  parvenir  à  la  connaître,  »  ne  fait  qu'achevét'  cette 
t&che  en  déterminant  les  principaux  élémenls  du  procè». 

Mais,  pour  être  ulilemeolt  reiaplie,  cette  baute  et  dèlieate 
attribution  doit  réunir  les  trois  conditions  que  là  loi  ii  soi* 
gneusement  énoncées.  Le  résumé  doit  être  bref  :  il  n'est  un 

«  Henitenr  du  7  déc,  1881,  S*  lappL 


84i  DBI  COURS  d'ASSISBS. 

résamé  qu'à  <;ette  condition  ;  la  loi  l^a  défini  par  le  mot 
même  dont  elle  s'est  servie.  Gela  ne  lui  a  pas  même  suffi  ;  elle 
ajoute  qu'il  ne  doit  rappeler  que  les  principales  preuves.  C'est 
à  grands  traits  qu'il  doit  retracer  l'esquisse  des  débats.  Il  ne 
doit  pas  reconstruire  les  réquisitoires  et  les  plaidoiries  ;  il  doit 
simplement  aider  le  travail  de  méditation  qui  se  fait  dans 
Tesprit  des  jurés.  Que  leur  servirait  un  nouveau  discours  sur 
Taffaire?  que  leur  servirait  la  reproduction  de  tous  les  argu- 
ments qu'ils  viennent  d^entendre?  Leur  attention  déjà  fati- 
guée ne  se  prêterait  que  difficilement  à  ce  nouveau  travail. 
Ce  qu'il  faut,  c'est  faire  revivre^ à  leurs  yeux,  siuiplement  et 
en  peu  de  mots,  les  bks  principaux  du  procès,  c'est  indi- 
quer les  points  les  plus  importauU,  c^est  analyser  rapide- 
ment les  preuves,  c'est  amener  le  débat  à  ses  éléments  les 
plus  lessGQtiels^  c'est  en  poser  les  questions..  Ce  n'est  qu'en 
suivant  ce  plan  que  le  résumé  peut  être  utile  :  il  dégage  les 
points  contestés,  il  les  éclaire  en  les  simplitiant,  il  déblaie  le 
terrain,  il  rend  la  décision  plus  facile. 

Le  résumé  doit,  en  second' lieu,  être  complètement  împar- 
ti|^].  L^a  loi  exige  qu'il  rappelle  les  preuves  «  ponr  ou  contre 
l'accusé,  n  Le  président  n'est  l'avocat  ni  de  l'aecusation  ni  de 
la  défiense,  ou  plutêt  il  est  l'avocat  de  l'une  et  de  l'autre.  Il 
doit  tenir  entre  ces  deux  intérêts  une  balance  égale,  plaçartt 
successivement  dans  chacun  des  plateaux  les  preuves  de  l'une 
et  de  l'autre,  mais  sans  faire  apercevoir  celui  'qui  l'emporte.  Il 
A'a  qu'un  but«  c'est  la  vérité,  et  ce  but  il  doit  Tatteindre, 
non  point  en  plaidant  pour  elle,  mais  en  indiquant  rigoureu- 
sement et  consciencieusement  tous  les  faits,  toutes  les  circon- 
stances qui  peuvent  la  dévoiler.  Le  président  peut  avoir  une 
opinion,  mais  il  i»e  doit  ni  l'exprimer,  ni  méttie  la  faire  entre- 
voir; il  est  le  so^en  de  tous  les  droJts^  de  tous  les  intérêts, 
il  n'enembrasA/  aucun,  il  descendrait  4ie  la  hatrtêiirâesa 
fonction  s'il  se  jetait  à  droite  ou  à  gauche  dans  l'uhe  Ues  deax 
causes  qui  se  débattent  devant  lui.  Son  opinion,  quelle  qu'elle 
fût,  gênerait  celle  des  jurés  ;  car,  inaccoutumés  qu'ils  sont 
aux  luttes  de  Tandience,  ne  seraient-ils  pas  disposés  à  se  ré- 
férer à  l'avis  du  magistrat  dont  le  devoir  est  rimpartialité? 
Ils  ne  doivent  demander  consal  qu'à  leur  jconsctenoe»  k  la 
conviction  ^lils  doivent  chercher  en  etix-mêmes.  Lo  fésnme 
doit'préparer  cette  conviction  et  non  la  dicter  ;  il  ne  doit  donc 
être  que  le  reflet  fidèle  du  débat  ;  il  r^orte,  il  n'apprécie 
pas,  il  ne  juge  pas. 


CLOTOKE  DES  BltSÀTS.   §  0^6.  S45 

Le  résumé  doit,  en  troisième  lieu,  ne  puiser  ses  élémeuts 
que  dans  le  sein  même  des  débats;  c'est  Taffaire,  telle  qu'elle 
a  été  instruite  devant  le  jury,  qu^il  résume;  ce  sont  les  prea« 
ves,  qui  ont  été  débattues,  qu*il  rappelle.  Il  ne  peut  invoquer 
aucun  fait  qui  n'ait  été  discuté,  aucune  preuve  qui  n'ait  été 
produite  ;  il  ne  fait  que  présenter  le  tableau  du  débat,  il  ne 
peut  rien  y  ajouter. 

Ces  trois  conditions,  que  la  loi  elle-même  impose  au  ré-, 
sumé,  la  jurisprudence  n^a  jamais  cessé  de  les  reconnaître  et 
de  les  proclamer.  Les  arrêts  déclarent  1<»  €  que  le  résumé  du 
président  doit  se  borner/ comme  Tindique  assez  la  significa- 
tion du  mot,  è  réduire  Taffaire  à  ses  points  les  plus  simples, 
c'est^à^lire  à  la  dégager  de  tout  ce  qui  est  inutile  et  pour-* 
rait  distraire  l'attention  des  jurés  de  ce  qui  doit  fixer  leur 
détermination  ^  ;  »  S*  «  qu'il  doit  être  le  complément  de  la 
défense  et  de  l'accusation;  qu'il  fait  partie  des  moyens  de 
défense  que  la  loi  accorde  aux  uoousés  ';  »  3*  qu'il  doit  rap- 
peler les  preuves  qui  ont  été  mises  sous  les  yeux  dee  jurés  et 
non  leur  en  présenter  de  nouTeBes^;  >  qu'autrement,  «  le 
discours  du  président  ne  serait  pas  le  résumé  du  débat»  il  ne 
serait  que  Tauxiliaire  de  l'accusation  ou  delà  défense  ^.  » 

Mais  ces  règles  ainsi  établies  trouvent-elles  une  sanction? 
Il  est  de  principe,  d'abord,  que  le  président  doit,  à  peine  de 
nullité,  résumer  chaque  affaire,  «attendu  que  le  résumé  est 
le  complément  de  la  défense  coi^tme  de  l'accusation,  et  que 
l'omission  d'un  mo^en  de  défe&^  ordonné  par  la  loi  produit 
une  nullité  substantielle  *>.  » 

Mais  quant  à  la  forme  de  ce  résumé»  il  a  été  admis  «  que 
lorsque  la  loi  a  confié  au  président  cet  acte  important  de  Fin- 
struction  criminelle,  elle  n'a  pu  en  soumettre  l'impartialité 
et  l'exactitude  qu'au  jugement  de  sa  propre  conscience  ^,  » 
et  que  «  le  2^  §  de  l'art.  336  ne  contient  qu'une  instruction 


«  Casa.  9  firuclidor  an  a,  rapp.  If.  SeigDette.  J.  P.9 1.  Il,  p.  S97. 

*  Cass.  iS  déc  1823,  rapp.  M.  GaiUardL  J.  P„  t  XYUI,  p.  S7S. 

*  Cass.  9  frucUan  ix,cîté  «uprà. 

*  22  juin  1839,  rapp.  If.  Dehansay.  Bntl.  u.  lOft. 

^  Ca&s.  18 «xc  i82d,  cité  êuprà;  8  janv.  iSSO»  rapp^  BL  de  fUcard.  BulL 
n.  7;  22  déc  1843,  rapp»  M.  Brière-Yaligojj  n.  928;  ^  juin  1847»  rapp, 
Meyrônnet,  n.  IM. 

*  Casa.  28  avril  1890^  fppp.  Bl.  Damonl,  J«  P.»  t  XV,  '  p.  949, 


S46  Dia  COURS  d^asusis. 

sur  les  éléineDts.de  ce  résumé^  doht  Ja  forqi^  est  j^baudoimée 
i  li  çoMciencede  ceinagîstrat  f  •  ^  ,  .. 
^  ij  suit  ae  ta  qu'il,  n'y  a  point  de  nullité  lorsque  le.président 
se  jjVre  à  une  apf^réciation  personnelle  des  cluurges  de  Tacco- 
saHôn  ^;  lorsqu^il  avertît  les  jnrés  des  conséquences  légales 
de  leur  déclaration  *:  lprsqu*il  signale  une  erreur  de  droit 
'^cbappiée  à  là  défense  ^  ;  enfin,  lorsqull  snppléj^  aux  omissions 
de  Taccusation  et  de  la  défense  et  appelle  Inattention  des  jn- 
Ms  stjr  âfèfs  éircWïstatîces  qui  auraient  pt  constituer  une  aj- 
feratatîè'n  S.  ll  a  ujénie  été  ajouté  «  qu'à  l'égard  de  ce  réstfmé 
,il  dàh  être  reconnu  et  maintenu  en  principe  qu'il  ne  peut  élre 
ittérronftpu  par  aucune  observatiop  ou  ancAne  réclamatidè, 
soit  do  tfifnistère  |)ublic»  soit  dès  parties,  soit  âe  \éat^  dé- 
fétiseurs  6.  ») 

11  ft'cst  qu'un  ÈetA  cas  où  le  tésumé  petrl  dontfér  ïîcu,  «oit 
k  des  obsènatWris,  stfit  h  iflefe  condusîons  des  Iprfrtîes  :  c'est 
lorsque  le  pi^si Jent,  sotlant  du  cercfe  des  preuves  éi^iAées 
ou  relevées  difns  les  défcrcri^,  fyi¥senfe  iëB  faits  tdmem^  ou 
des  pétées  lïtfiivelles.  ïl  'a  été  décltirt  «  qu'à  IVgatB  fle  ces 
nouveaux  fàfts  et  de  ces  pièces  nouvelles,  le  discours  du  pré- 
sident n'étant  pas  le  résutné  du  débat,  l'accusé  ou  le  minis- 
tère public  seraient  fondés  à  demanda  d'être  entendus;  et 
qu'à  cette  fin^  lefurs  conclusions  devraient  tendre  à  ce  qne  fa 
clôture  du  débat  fût  annulée  par  la  Cour  d'assises  et  que  les 
débats  fussent  continués  surles  (ai(set  sur  Jes  pièces  sur  les- 
quels ils  n'auraient  pas  été  mis  à  même  de  présenter  leurs 
moyens  7.  » 

III.  Le  procès-verbal  des  débats  doit  nécessairement  con- 
stater que  le  président  a  fsfit  son  résumé  ;  car  «  toute  formalité 
dont  f^acctfïnplissement  n'a  pas  été  couseùti  est  présumée  avoir 
été  omîse  ;  dès  lors,  du  silence  dû  procès- verbal  sur  Tacconi- 
pKsscmetft  de  la  formstKté  du  résumé  résillte  la  présomption 


*  Cass.  27  mai  i85S,  à  notre  Bapport  BuU.  n*  170;  iO  juin  iSSO»  rapp. 
M.  Gaillard,  J.  P.,  t.  XXIU,  p.  565. 

s  Cass.  a  jtnn  1889,  rffpp.  ft.  Ôefaatnsy.  BtilL  lUltOf. 

*  Cass.  iO  sept  ISas,  rapp.  M.  Dehaàssy.  Btif.  n.  954  ;  S2  laiDrs  1845, 
rapp.  M.  Mériihou,  d.  i07. 

4  Cass.  13  avril  1837,  rapp.' M.  Isambert.  BnlL  d,  lt)9  ;  18  avril  1850, 
rapp.  M.  de  Boissfeut,  n,  îiVI, 

*  Ca89.  S9  atôtt  1856,  rapt».  M.  Bresson.  Bufl.  n.  80a. 

*  Cass.  28  avril  1820.  rapp.  M.  Aiimont.  J.  P.,  U  XV,  p,  Sf$i. 
'  Cass.  H  avril  1820,  i8  avril  1826  et  22  jtfln  18^,  cites  IK;^ 


CLOTORB  DBS  DÉBATS.   $  688.  8(7 

qu^elle  n'a  pas  été  accomplie,  et  qu'ainsi  il  y  a  eu  violation 
rormelle  des  droits  de  la  défense  et  deTart.  336  '.  »  Mais  il 
suffit  qu'il  soit  énoncé  que  le  président  a  résamé  l'affaire  :  le 
procés-verbal  n'a  point  à  constater  le  mode  suivant  lequel 
cette  formalité  a  été  accomplie,  mais  seulement  son  accom- 
plissement*. 

Toutefois,  si  le  procès- verbal  énonçait  «  qu'à  raison  de  son 
état  de  souffrance  le  président  s'est  borné  i  inviter  les  jurés 
à  rappeler  dans  leur  souvenir  les  impressions  qu'avaient  pro* 
duits  sur  eux  les  moyens  de  l'accusation  et  ceux  de  la  dé- 
fense» »  la  formalité  ne  serait  point  réputée  avoir  été  accom- 
plie, car  ce  qui  résulte  d'une  telle  énonciation,  c'est  que 
le  président  a  été  dans  l'impossibilité  de  remplir  cette  partie 
de  ses  fonctions^.  » 

'  Cas».  2S  déc.  1843,  rapp.  M.  Brière-ValidpDy.  Bull*  lu  328. 

*  Casft.  lAdéc.  1815.  rapp.  M.  Ollivier.  J.  P.,  t.  XIII,  p.  175;  10juinl830» 
rapp.  M.  Gaillard.  J.  P.,  t.  XXIII,  p.  £65;  8  janv.  1836,  rapp.  M.  de  Ricard. 
Bull.  D.  7;  18  déc  1823,  rapp.  M.  GaiJlard.  J.  P.,  t.  XVIil,  p.  278. 

*  Gass.  là  oct  1881,  rapp.  M.  Rocher.  J.  P.,  t.  XXIV,  p.  267. 


FIN  DU  TOME  HUITIÈME. 


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: .!  ,1 ,  ■■.  t  -.- .'  tM  '♦!  hi,  >.'■..  ..j.,.  [k.'îî    m 

l.l  J'i  il..i)t;i»;'.*l    ..IfM...     r...;.    ; ...MuHl      /| 


TABLE 


DES    MA'JlhRES  COMLNLES   DANS  CE  VOLUME. 


SLITE    Dl    LIVRE  SEPTIÈME. 


Paget. 

CHAPITRE  VII.  —  De  l'ajpll  des  jcgliibnts  correctionnels.  1 

§  569.  ï.  De  rappel  en  matière  correciionnelle.  2 

Il    Principe  de  cette  inslilutioQ.  2 

III.  Examen  île  ruiiiriêde  Tappel.  8 

§  570.  1.  De  quels  jngemeni^ou  peui  appeler.  1.^ 

II.  Il  faut  quele.s  jngeinents  soient  dérinîtirs.  15 

III.  Exceplion  pour  les  jugements  qui  statuent  sur  les 
rontravenlions.  19 

IV.  Faut-il  admettre  une  deuxième  eiception  pour  ceux 
relatifs  aux  témoins  défaillants?  SI 

§  571.  1.  Qui  peut  appeler?  53 

II.  Appel  du  prévenu.  2i 

Ilf .  Appel  des  parties  responsables.  26 

IV.  Appel  des  parties  civiles.  27 

V.  Appel  des  administrations  publiques.  29 

VI.  Appel  du  ministère  public.  .'.2 
§  572. 1.  Délais  de  Tappel.  35 

II.  Mode  de  computation  de  ces  délais,  .'{% 

m.  Point  de  départ  du  délai.  liii 

IV.  Déchéance  des  appels  principaux  ou  incidents  formés 

en  dehors  de  ces  délais.  42 

V .  Exceptions  au  délai  de  dix  jours,  i  •  à  Tégard  de  Tap- 

pel  du  procureur  général.  4îi 

VI.  2*  En  matière  de  contributions  indirectes.  4!> 

VII.  3"  Eu  miitière  de  récusations.  50 
§  573.  1.  Formes  de  l'appel.  f>0 

II.  Formes  de  la  déclaration  d'appef.  51 

III.  Requête  contenant  les  moyens  d*appel.  53 

IV.  Quelles  personnes  doivent  signerla  déclaration  et  la 
requête.  5  V 

lïi.  54 


65 


73 


8S0  TABLC   I)ES   MATIÈRES. 

V.  Formes  exceptionnelles  de  Fappel  du  procureur  gé- 
néral. 56 

VI.  De  rappel  en  mtiîàre  de  contributions  indirecte.     61 
§  574.1.  Effets  de  rappel.  61 

II.  Du  sursis  à  regard  des  divers  jugements.  6i 

m.  Distinction   entre  les  jugements  d'acquittement  et 
de  condamnation.  ^ 

IV.  JugemenU  statuant  sur  les  incidents  ou  des  a- 
ceptions. 

V.  Conséquences  du  sursis. 

VI.  Exceptions  à  la  règle  du  sursis. 
§  S75.  1.  De  quels  faits  le  juge  d*appe1  est  saisi. 

II.  Il  n*est  saisi  que  des  faits  qui  ont  été  soumîà  aux  pre- 
miers juges. 
ÎII.  Mais  il  peut  les  qualifier  autrement. 

IV.  Il  n^est  saisi  que  de  Taction  portée  devant  les  pie* 
miers  juges. 

V.  Mais  il  est  saisi  de  tous  les  faits  dont  le  premier  juge 
a  été  saisi. 

VI.  Il  est  saisi  de  toutes  les  exceptions  à  Faction,  même 
non  proposées  en  première  instance. 
II  est  saisi  de  tous  les  moyens  même  nouveaux.  '^^ 

VIIl.Il  est  saisi  du  préjudice  souffert  depuis  le  juge- 
ment et  provenant  des  mêmes  faits.  1^ 
§  576.  I.  Mesure  de  la  compétence  du  juge  d*appel.  '^ 

II.  Compétence  quand  il  est  saisi  par  Tappel  du  prévenu.  '^ 

III.  Quand  il  est  saisi  par  la  partie  responsable.  ^ 

IV.  Quand  il  est  saisi  par  la  partie  civile.  ^^ 

V.  Quand  il  est  saisi  par  le  ministère  public.  ^ 

VI.  Quand  il  est  saisi  par  Tune  et  l'autre  des  parties  si- 
multanément. ^ 

§  577.  I.  Quels  sont  les  pouvoirs  du  juge  d*appel  pour  statuer 

sur  rappel.  © 

II.  Lorsque  les  premiers  juges  ont  régulièrement  stataé 
sur  le  fond.  ^ 

III.  Lorsqu'ils  ont  statué  irrégulièrement  sur  le  fond.  ^ 

IV.  Lorsqu*ils n'ont  pas  statué  sur  le  fond.  ^ 

V.  Restrictions  de  la  mesure  de  l'évocation.  ^ 

VI.  Formes  de  révocation.  iW 
§  579.  1.  Formes  de  l'instruction  sur  Tappel;  mesures  préli- 
minaires. lOi 

II.  Ciution  des  parties.  lui 

III.  Formes  à  l'audience.  Rapport  :  lû-i 

IV.  Interrogatoire  flu  prévenu.  1'^' 

V.  Audition  des  lémoms  s'il  y  a  lieu.  I^^ 

VI.  Conclusions  et  plaidoiries.  li'* 

VII.  Jugement  :  sa  rédaction  et  ses  foi  mes.  1'^ 
Ënoncialions  du  dispositif.                                          i-< 


TABLE  DKB  HATiÈUS.  8SS1 

LIVRE  Vin 

ORGANISATION,    COMPÉTENCE  ET  PRO|CÉI)URE 
DES    COURS  D'ASSISES. 

CHAPITRE  !•'.  —Observations  pii*lihinaïiie8.  125 

§  579.  I.  Coup  (l'œil  sur  les  formes  du  grand  crioainel.  i^Vt 

II.  Exposé  historique  des  iostitulioos  pénales  en  cette 
matière.  l^G 

CHAPITRE  II.  — De  l*organisation  des  coims  d'assises.  129 

§  580.  1.  Des  assises.  129 

H.  Du  lieu  où  elles  se  tienDj^nt.  129 

III.  Deux  exceptions  relatives  au  lieu.  130 
§  581.  I.  Epoques  des  sessions.  133 

II.  Mode  de  fixation  du  jour  deTouverture.  134 

III.  Epoque  de  leur  clôture.  135 
§  582. 1.  Division  d'une  assise  en  plusieurs  sections,  136 

II.  Dans  quels  cas  cette  mesure  est  autorisée.  136 

§  583. 1.  Assises  extraordinaires.  137 

II.  Comment  et  par  qui  elles  sont  convoquées.  138 

III.  Règles  qui  leur  sont  applicables.  138 

CHAPITRE  III.  —  De  la  GOMPOsmon  des  codrs  d'assises.  139 

§  584.  I.  Composition  générale  de  la  Cour  d'assises.  139 

II.  Reuvoi  au  chapitre  IV,  en  ce  qui  concerne  le  jury.  140 

III.  Delà  Cour  d'assises  proprement  dite.  140 
§  585.1.  Du  président  des  assises.  141 

II.  Sa  nomination  par  le  ministre  de  la  justice.  141 

Appréciation  de  ce  mode  de  délégali(  a.  145 

m.  Cas  où  iî  est  nommé  par  le  premier  président.  147 

IV.  Le  premier  président  peut  aussi  présider  lui-même,  149 

V.  Mode  de  son  remplacement  en  cas  d'empêchement.  151 
Distinction  des  différentes  hypothèses  où  Teppêche- 

ment  se  manifeste.  152 

VI.  Formes  de  la  nomination  des  présidents.  157 

VII.  Conséquences  de  Tobservation  de  ces  formes.  159 

VIII.  Durée  des  pouvoirs  du  président.         '  160 
Dans  quels  cas  il  jpeut  procéder  hors  du  trim^stie.  162 

§  587.  1.  Des  conseillers  ou  juges  assesseurs.  164 

II.  Leur  nombre.  "  \  165 

III.  Comment  ils  sont  délégués  pour  siéger  qtix  assises 

,  dans  les  départements  oîi  siège  la  Cour.  168 

IV.  Dans  les  autres  départements.  170 

V.  Mode  de  leur  remplacement  dans  les  départements 

où  réside  la  Cour.  174 

VI.  Dans  les  autres  départements.  178 
Vil.  Effets  des  irrégularités.  180 


^'O'I  TABLE    DF.S   MATIÉSEi. 

§  5S8,  1.  Des  assesseurs  adjoints.  \fU 

U.  Mode  de  leur  désignation.  iS5 

III.  Leurs  fonctions.  186 
§  S89.  I.  Causes  d'incompatibilité.  1S8 

U.  Participation  d(>s  juges  à  Tarrét  de  mise  en  accusation.  Î89 

111   P^rtîcipalion  aux  actes  de  1  instruction.  190 

IV.  Effets  de  riiicompalibilité.  194 
f  S89.  1.  Âuires  causes  d'inconipatibilité.  196 

II.  Causes  de  récusation.  196 

III .  Participation  à  certains  actes  juridiques  antérieurs.   196 
S  £90.  1.  Du  ministère  public  près  les  Cours  d'assises.  197 

11.  Quels  magistrats  peuvent  remplir  ces  foncuoDs.  198 

S  S91.  I.  Du  greflier.  202 

11.  Ses  fonctions.  202 

CHAPITRE  IV.  —  De  LÀ  composition  nu  joet.  205 

§  S92.  I.  Du  jury.  206 

II.  Ses  origines.  206 

III.  Première  application  en  France.  209 

IV.  Discussion  et  motifs  du  Code.  213 
T.  Examen  de  Finstitution  du  jury  au  point  de  vue  jorî- 

ëique.      -^  223 

VI.  Examen  delà  même  institution  au  point  de  Tue  gé- 
néral. 231 
S  693. 1.  De  la  composition  du  jury  d'après  la  loi  du  16-29  sep- 
tembre 1791.  244 
II.  Sous  la  loi  du  2  nivôse  an  ii.  245 
Jll.  Sous  la  loi  du  5  fructidor  an  m.                                   246 

IV.  Sous  la  loi  du  6  germinal  an  vin.  246 

V.  Sous  le  sénatus-consulte  du  16  thermidor  an  x.  247 

VI.  Sons  le  Code  d'instruciion  criminelle  de  4810.  247 
Vil.  Sous  la  loi  du  2  mai  1827.  249 

VIII.  Sous  la  loi  du  7  août  1848.  2S0 

IX.  Sous  la  loi  du  4  juin  1853.  252 

X.  Idées  générales  sur  la  composition  du  jury.  253 
S  594.  ].  Formation  annuelle  de  la  liste  du  jury.                          283 

11.  Première  commission  chargée  des  listes  prépara- 
toires. 271 
m.  Seconde  commission  chargée  des  listes  définitives.      272 

IV.  Listes  spéciales  des  jurés  suppléants.  272 

V.  Formation  delà  liste  annuel  le  de  chaque  département.  273 
S  595.  1.  La  liste  annuelle  ne  doit  contenir  que  les  noms  des 

citoyens  ayant  les  qualités  requises  pnur  être  jurés.  273 

II.  Trois  qualités  nécessaires  :  La  qualité  de  Français.  273 

III.  L'âge  de  trente  ans.  276 

IV.  La  jouissance  des  droits  civils,  279 
5  596. 1.  Causes  d'incapacité.  280 

U.  Enumération  des  différents  cas  d'incapacité  prévus 

par  la  loi.  280 

§  597.  L  Causes  d*eiclusion«  287 

V   II.  Domesticité.  2^7 

111.  Délaut  d-instractiou.  28i{ 


TAULE    DKS    MATlikRUà.  S53 

JV.  Aiiénaiioti  meoule.  ^)i 

V  Maladies.  29Î 

§  598.  I.  Causes  d'incompatibilité.  S92 

IL  Incompatibilités  permanentes.  293 

]n.  Incompatibilités  accidentelles.  299 

IV.  Parentés  ou  alliances  des  jurés.  305 

§  599.  I.  Causes  de  dispense  ou  d*exemption.  307 

II.  S>*piuagénaires.  308 

III   Ouvriers.  308 

IV.  Fonctions  publiques.  809 

V.  Service  antérieur  du  jury.  309 
§  600. 1.  Formation  de  la  liste  de  la  session.  312 

II.  Noiification  aux  jurés  de  Textrail  de  cette  liste.  319 

III .  Comment  il  est  siatué  sur  les  incapacités,  les  excuses 

et  les  dispens«*s.  320 

IV.  Compélence  de  la  Cour  d'assises  pour  le  rejet  ou 
Tadmission  des  excuses.  32i 

V.  Compélence  pour  compléter  la  liste.  330 

VI .  Dans  quelles  limites  elle  doit  êire  complétée.  335 
VIL  Jurés  supplémeniaires.  337 

VIII.  Jurés  complémentaires.  339 

IX.  Durée  de  leur  service.  345 
§  601. 1.  ^oiiiication  de  la  lisle  des  jurés  aux  accusés.  347 

II.  Nécessité  de  cette  notification.  3i8 

III.  Quels  noms  doivent  éire  notifiés.  349 

IV.  Epoque  de  la  noiification.  358 

V.  Mode  de  Taccomplissement  de  cette  formalité.  362 

VI.  ËffHisdes  irrégularités  dans  les  noms  notifiée.  368 
VU.  ElTet^  des  irrégul:i rites  dans  Pacte  de  notification.     369 

S  602. 1.  Formation  du  jury  de  jugement.  /        376 

H   Nombre  de  douze  jurés.  377 

III   Jurés  suppléants  ou  adjoints.  378 

IV.  Tirage  des  jurés.  384 

V.  Formes  du  tirage  :  Formes  extrinsèques.  385 

VI.  Formes  intrinsèques.  395 
Vil  Irrévocabilité  du  tirage  au  sort.  400 
VIII.  ConsUtation  de  ropéraiion  par  un  procès-verbal.    405 

§  603.  I.  Droit  de  récusation.  406 
II.  Nojpbre  des  récusations  qui  peuvent  être  axercéos.      41 3 

m.  Par  qui  elles  sont  exercées.  415 

IV.  Comment  elles  le  sont  quand  il  y  a  plusieurs  ac- 
cusés. 417 

V.  Incidents  auxquels  elles  peuvent  donner  lieu.  419 
S  604.  I.  Du  chef  du  jury.  423 

11.  11  peut  être  remplacé.  423 

m.  Quelles  sont  ses  fonctions.  4*^^ 

I  605.  I.  Serment  des  Jurés.  425 

II.  Leurs  droits  dans  Texercice  de  leurs  fonctions.  4i9 

m.  Lecrs  obligations.  43!2 
IV.  Défense  de  communiquer  et  de  faire  coiuiaUrj'  Ivii^ 

opinion  i  >- 


8S4  TABLK  DES  HATltlIES, 

CHAPITRE  y.— Attributions  du  prAsidemt,  des  juges  assesseurs» 

DES  JURÉS  ET  DU  GREFFIER.  434 

$  606.  I.  Exposé  des  attributîoDS  des  membres  de  la  Cour 

II.  Attributions  du  président.  435 

g  607.  1.  Pouvoirs  du  président  relativemeat  à  la  police  de  Tau- 

dience.  436 

IL  Mesures  qu*il  peut  prendre.  437 

$  608.  I.  Pouvoirs  du  président  relativement  à  la  direction  des 

débats.  442 

II.  Mesures  qu*il  peut  prendre  dans  Texercice  de  ce 
pouvoir.  443 

S  609. 1.  Pouvoir  discrétionnaire  du  président  relativement  ài 

Tinstruclion.  446 

II.  Caractère  de  ce  pouvoir.  4-4^ 

m.  Examen  de  Tapplicàtion  qui  en  a  été  faite  par  la 

Jurisprudence.  453 

W,  Quelles  sont  ses  limites  légales  et  les  règles  de  son 
application.  455 

S  610.  I.  Attributions  de  la  Cour  d'assises.  475 

11.  Elle  statue  seule  lorsqu'elle  procède  en  vertu  d'une 

délégation  de  la  loi.  476 

fil.  Lorsqu'elle  accomplit  des  actes  qui  n'ont  pas  été 

exclusivement  attribués  au  président.  478 

IV.  Lorsqu'elle  prononce  sur  des  incidents  contentieux.     480 
y.  Lorsqu'elle  prononce  sur  l'upposition   aux   ordon- 
nances du  président.  48â 
§  611.  I.  Attributions  générales  des  jurés.                                    484 
IL  Attributions  des  jurés  pendant  les  débats.                    485 

CHAPITRE  YL  —  Attributions  du  ministère  public,  de  la  partie 

aiVlLE  ET  DE  LA  DÉFENSE.  .  487 

s  61â.  1.  Objet  de  ce  chapitre.  487 

IL  Droits  et  attributions  de  la  partie  civile  pendant  les 
débats.  487 

§  613. 1.  Droits  et  attributions  du  ministère  public.  491 

II.  Avant  l'ouverture  des  débats.  49â 

III.  Pendant  le  cours  des  débats.  495 
§  614. 1.  Droit  de  la  défense.                                                     498 

II.  Assistance  du  défenseur.  490 

III.  Choix  et  désignation  de  ce  défenseur.     ^  496 

IV.  Parmi  les  parents  ou  amis  de  l'accusé.  498 

V.  Empêchement,  absence,  remplacement.  510 
§  615.  I.  Règles  du  droit  de  défense.                                           51  i 

IL  Communication  de  Taccusé  avec  son  défenseur.  515 

III.  Communication  des  pièces  de  la  procédure.  518 

IV.  Mode  d'exercice  des  droit  de  la  défense.  551 

V.  Droit  de  produire  les  preuves  qu'elle  juge  utiles.  5î27 
Appel  sans  frais  des  témoins  à  décharge.  5â'< 

VI.  Limites  du  droit  de  défense.  528 

CHAPITRE  VIL  Procédure  antérieure  aux  débats.  531 

§  616.  1.  01»j('t  (le  co  clKipitre.  531 


TABLE  DES  UATliBES.  S55 

II.  Formes  préliminaires  d«  la  procédure.  o32 

S  Gi7.  I.  De  i'inlerrogittoil'e  de  Taccusé  dans  !a  maison  (fe  jus- 
tice. b'X) 

II.  Par  qai  il  doU  y  ôlre  procédé.  534 
Remplacement  dïi  président  des  assises.  535 

III.  Caractère  de  T interrogatoire.  537 

IV.  Dans  quel  délai  il  doit  avoir  lieu.  538 

V.  Ses  formes  et  sa  consutatioo.  539 
§  618.  1.  Instructiou  complémentaire.  543 

II.  A  qui  il  appartient  d'y  procéder.  544 

III.  Caractère  de  cette  instruction.  546 
lY.  Quels  actes  elle  autorise.  550 
V.  Mesures  coercitives  contre  les  témoins.  551 

§  619.  I.  Formation  du  rôle  de  la  session.  55! 

IL  Ne  sont  pas  réputées  en  état  les  affaires  relatives 
aux  accusés  qui  ne  sout  pas  arrivés  avant  L'ouverture 
des  assises.  553 

m.  Ne  sont  pas  réputées  en  état  les  affaires  dans  les- 
quelles il  y  a  pourvoi  contre  Tarrêt  de  renvoi.  556 

iV.  Ne  sont  pas  réputées  en  état  les  affaires  dans  les- 
quelles le  délai  de  cinq  jours  n'est  pas  expiré.  559 

V.  Enfin  ne  sont  pas  réputées  en  état  celles  dans  les- 
quelles est  notifié  un  arrêt  de  soit  communiqué.  563 
$  620.  1.  Renvoi  d'une  affaire  à  une  autre  session.  563 

II.  Droit  du  président  d'ordonner  le  renvoi  avant  l'ouver- 
ture des  débau.  564 

III.  Jusqu'à  quel  moment  ce  renvoi  peut  être  ordonné.     566 

IV.  Dans  quels  cas.  568 
§  621. 1.  Jonction  et  disjonction  des  procédures.  569 

II.  A  qui  il  api)artient  de  l'ordonner.  570 

m.  Causes  de  jonction.  572 

IV.  Causes  de  disjonction.  575 

V.  Droits  de  la  défense  à  cet  égard.  576 

VI.  Formes  de  cette  mesure.  578 
§  622.  1.  Notification  des  listes  des  jurés  et  des  témoins.             579 

II.  Formation  de  la  liste  des  témoins.  579 

m.  Formes  de  la  notification.  580 

IV.  £11  e  doit  avoir  lieu  vingt-quatre  heures  avant  Taudi- 
tion  des  témoins.  58! 

V.  Effets  des  irrégularités.  585 

CHAPITRE  VlU.  —  Formes  GiN^RALES  de  là  procédom  des 
ASSISES.  587 

^  623.  Objet  de  ce  chapitre  :  Formes  de  la  procédure  orale.  S87 

l  624.  1.  Publicité  de  l'audience.  588 

II.  Application  à  la  procédure  des  assises.  589 

III.  Mode  de  constatation  de  cette  piiblicité.  590 
i  625.  I.  Restriction  du  principe  de  la  publicité  :  le  huis-clos.  592 

11.  Formes  de  celle  mesure  593 

m.  A  quel  moment  le  huîs-clos  peut  commencer.  595 

IV.  Quels  actes  elle  doit  comprendre.  597 

V.  A  quel  moment  elle  doit  s'arrêter.  600 


/ 


856  TAHLK  DC9   «ATi£K£S. 

Yl.  Mode  d'application  de  cette  mesure.  60ii 

S  625.  I.  L*iDstruction  doit  être  orale.  60t 

II.  Application  de  cette  règle  à  la  déposition  des  té- 
moins. 60S 
S  626. 1.  Continuité  de  rinstraeiion  jusqu'au  jugement.  608 

II.  Disiinciion  entre  Tinterropiion  et  la  suspension.  60*i 

III.  Caractère  et  durée  de  la  suspension.  609 

IV.  Peut-elle  avoir  d*auire  cause  que  ie  repos  des  per~ 
sonnes?                                                                      .  fi\-l 

S  628. 1.  De  la  communication  des  jurés  au  dehors.  614 

II   If anifeslation  des  opinions  des  jurés.  615 

III.  Communications  prohibées.  Caractère  de  ces  actes.  618 

IV.  Communications  à  Tandience.  621 

V.  Communications  en  dehors  de  Taudienee.  622 
§  629.  I.  Assistance  des  interprètes.  6i^ 

Il  Dans  quels  cas  ii  est  nécessaire  de  les  appeler.  63() 

IH.  Peine  de  nullité  en  cas  d*infraction.  63^ 

IV.  Mode  de  leur  nomination.  637 

V.  Quelles  personnes  peuvent  assister  ceux  qui  parlent 
des  langages  différents.  640 

VI*  Quelles  personnes  peuvent  assister  les  sourds-muets 

,                 et  les  inGrroes  6iS 

VU   Leur  récusation  ei  ses  formes.  645 

VUI.  Leur  serment  et  questions  qui  s'y  rattachent.  646 

IX.  Règles  relatives  à  Texercice  de  leurs  fonctions.  649 

CHAPITRE  IX.  —  OcvEniriRE  des  débats.  656 

§  631.  I   L*examen  suit  la  formation  du  tableau  du  jury.  656 

H.  Ouverture  de  Taudieuce.  657 

III.  Premières  fonnaliiés.  658 
§  631.  I.  Comparution  de  Paccusé.  659 

11.  Relus, de  Taccusé  de  comparaître.  662 

m.  Constatation  de  s  m  identité.  664 

IV.  Dénégation  de  cette  identité.  665 

V.  Acceptation  du  débat.  666 
$  632.  1.  Formalités  qui  suivent  la  conauution  de  Tidentilé  de 

Taccusé.  6(î6 

Avertissement  du  président  au  conseil  de  Ta  :  itsé.  666 

II.  Avertissement  à  Taccusé.  667 

III.  Lecture  de  Tarrét  de  renvoi  et  de  Pacte   1  accu- 
sation. 668 

IV.  Nouvel  avertissement  du  président.  669 
S  633.  I.  Exposé  du  ministère  public.  670 

II.  Forme  de  cet  exposé.  670 

III.  Point  de  nullité  en  cas  d'omission.  671 
$  634.  1.  Lecture  de  la  liste  des  témoins.  67^ 

11.  Mode  de  procéder  à  l'égard  des  témoins  défaillaols.  67J 
m.  Dans  quels  cas  leur  absence  peut  motiver  le  renvo 

de  Taifaire  à  un  autre  jour  ou  à  une  autre  session.  6Ti 

IV.  Séparation  et  séquestration  des  témoins.  677 
CHAPITRE  X.  —Addition  dbs  témoins.  681 

§  ()3^.  1  Règles  générales  relatives  à  l'audiliou  des  témoins.  tiS- 


TABLR   DBS  HATIÈBES.  8S7 

II.  Quels  témoins  peuvent  être  entendus  aux  débats.         6^ 

III .  Tous  les  témoins  régulièrement  produits  doivent  être 
entendus.  685 

IV.  Exceptions  à  cette  règle.  686 
S  636.  1.  Personnes  qui  ne  peuvent  être  témoins.                       688 

JI.  Personnes  incspables  de  témoigner  en  justice.  689 

III .  Mode  d'application  des  incapacités.  691 

IV.  Personnes  reprocbables  pour  cause  de  parenté  oo 
d*alliance.  694 

V.  Ces  personnes  sont  écartées  soit  sur  Topposîtion  des 
parties,  soit  d*olGce.  698 

VI.  Personnes  suspectes  de  partialité  :  1<»  Les  dénon- 
ciateurs. 703 

Vil.  2*  Les  parties  civiles.  705 

Dans  quels  cas  et  avec  quelles  formes  les  parties  civiles 
peuvent  être  entendues.  707 

VIII.  3*  Témoins  divers  que  la  prohibition  n^atleînt  pas.  713 

IX.  Personnes  exerçant  des  fonctions  iocompatibles  avec 
celle  de  témoin.  715 

S  637.  1.  Appel  des  témoins.  716 

II.  Ordre  de  leur  audition.  716 

III.  Excepiions  relatives  aux  princes,  grands  dignitaires, 

à  certains  fonctioonaiies  et  aux  militaires.  747 

IV.  Interpellation  à  chaque  témoin  sur  ses  noms   et 
qualités.  72â 

§  638.  I.  Droit  des  parties  de  renoncer  à  Taudition  des  témoins.  7^3 
II .  Droit  des  parties  de  s'opposer  à  leur  audition.  726 

m.  Gomment  il  est  statué  sur  celte  opposition.  728 

IV.  Les  témoins  à  Tégard  desquels  il  n'y  a  ni  renoncia- 
tion, ni  opposition  doivent  être  entendus  avec  serment.  729 

V.  Exceptions  apportées  par  la  jurisprudence  à  cette 
refile.  734 

VI.  Dispenses  de  témoignage  en  faveur  de  certaines  per- 
sonnes. 736 

§  639.  1.  Serment  des  témoins.  737 

II.  Refus  de  prestation  de  serment.  739 

III.  Formule  du  serment  et  son  application.  742 
)V.  Nécessité  et  mode  de  sa  constatation.  744 

V.  Forme  de  la  prestation  de  serment.  747 

VI.  Exceptions  au  serment  quand  le  même  témoin  est 
entendu  plusieurs  fois.  747 

Vil .  Qu^nd  le  témoin  est  âgé  de  moins  de  ^inze  ans.  748 
VIII.  Quand  le  témoin  professe  un  culte  qui  n'admet  pas 

le  serment.  750 

§  640.  I.  Formes  de  la  déposition.  752 

H.  Les  témoins  déposent  séparément.  752 

J11.  Ils  déposent  oralement.  753 

IV.  Ils  déposent  sans  interruption.  653 

V.  Ils  doivent  être  eittenduset  non  interrogés.  755 
§  641.  I.  Examen  des  témoins.                                                     75(> 

IL  1  nier;  eflaiions  du  président.  756 

111.  Questions  des  parties  aux  témoins.  TST? 


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8S8  TABLB  DES  MATIÈRKS. 

lY.  Demandes  d'éctoirciBS«iiieiit&  du  président,  de  juges 
et  des  jurés.  *ÏG3 

Y.  ConfronUtion  des  témoins  enice  eia.  'ÏG'J 

§  642.  I.  Notes  des  yariatîons  et  contradictions  des  dépositions 

orales.  "760 

II.  Obligation  des  témoins  de  demeurer  dans  Fauditoire  ^. 
«près  leur  déposition.  "68 

CHAPITRE  XI.  —  Prkdtes  iMmans  qui  feuveiit  ÉmB  pnonvi- 

TKS  DANS  LE  COURS  DES  DÉBATS.  769 

§  643.  I.  Interrogatoire  des  accusés.  771 

H.  Interrogatoires  séparés  les  uns  des  autref.  773 

§  644.  I.  Production  des  pièces  de  conviclion.  774 
II.  Représentation  de  ces  pièces  aux  accusés  et  aiu 

Témoins.  77o 

§  64S.  I.  Yisite  des  lieux.  776 

II.  Formes  du  transport  de  la  Cour  d*assises.  777 

§  646.  I.  YériOcations  et  expertises.  778 

II.  Par  qui  elles  sont  ordonnées.  778 

III.  Qui  peut  être  expert.  779 
lY.  Serment  des  experts.  780 
Y.  Formes  des  expertises.  7s2 

§  647,  I.  Production  et  lecture  de  pièces.  782 

II.  Quelles  pièces  peuvent  être  lues  aux  débats.  783 

III.  Jonction  au  dossier  des  pièces  produites.  784 

CHAPITRE  XII.  —  Incidents  de  l'audience.  785 

S  648.  L  Incidents  de  Taudience.  785 

II.  Diverses  espèces  d'incidents.  786 

§  649.  1.  Exceptions  et  fins  de  non  recevoir.  '86 

II.  Exceptions  d^incompétence.  787 

III.  Exceptions  qui  tendent  à  Textinction  de  l'action.  787 
lY.  Nullités  de  procédure  et  exceptions  qui  tendent  à  faire 

déclarer  Faction  non  recevable  quant  à  présent.  788 

Y.  Exceptions  préjudicielles.  79^ 

§  650.  I.  Suspicion  de  faux  témoignage.  796 

II.  Arrestation  à  Taudience  des  témoins  snspects.  796 

III.  Mise  en  surveillance  de  ces  témoins.  800 
Examen  de  la  régularité  de  cette  mesure.  80  i 

§  6ol.  I .  Renvoi  de  TafTaire  à  une  autre  session.  803 

II.  i«  Lorsque  la  déposiiion  d'un  témoin  paraît  fausse.  804 

III.  2**  Toutefois  qu'un  événement  rend  ce  renvoi  néces- 
saire. 805 

Cas  divers  où  cette  mesure  a  été  ordonnée.  8(H> 

IV.  Par  qui  le  renvoi  peut  être  ordonné.  81^ 
§  6S2.  1.  Troubles  et  délits  d'audience.  813 

II.  Rébellion  deTaccosé  pouvant  motiver  son  expulsion.    814 

III.  Délits  qui  se  révèlent  à  Faudîence;  leur  consUU- 
lion.  817 

IV.  Délits  qui  50  conimcfriit  à  raiidlcr.co;  leur  répres- 
sion. 82i 


TABLE    DK3    MATiftilES.  859 

CHAPITRE  Xlfl.  —  Clôture  des  débats.  826 

S  653.  Discussion  du  procès.  826 

S  654.  1 .  Conclusions  de  la  partie  civile.  827 

1 1 .  Etendue  et  limites  de  son  droit.  827 

§  655. 1.  Réquisitions  du  ministère  public.  828 

II.  Production  de  pièces.  '        829 

III.  Droit  de  réplique.  831 
i  656. 1.  Plai<1oiries  de  la  défense.  831 

II.  Droits  et  limites  de  la  défense.  832 

III.  Répliques.  839 
§  657.  I.  Clôture  des  débats.  840 

11   Incidents  relatifs  à  cette  clôture.  841 

§  658.  I.  Résumé  du  président.  843 

II.  Règles  relatives  à  ce  résumé.  846 


FIN    DE  LA  table  DU  HUITliWE  VOLBMK. 


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