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HARVARD LAW SCHOOL
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TRAITE
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L'INSTRUCTION CRIMINELLE.
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PAkis. — Typog.' iûisso» if'éojip., rue (la Kour-St-^Geriuain, k^.
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TRAITÉ
DE
OU
THÉORIE
DU CODB D'INSTRUCTION GRINIILLE,
PAR
M. FACSTm piLIE,
COKSEILLKII A LA COUB DB CASSATION , HBMBRB DE L*1MSTITUT.
APPELS CORRECTIONNELS,
ORGANISATION DE LA COUR D'ASSISES ET DU JURï,
PROCÉDURE DEVANT LA COUR D'ASSISES.
HUITIÈME VOLUME.
PARIS,
CHARLES HINGRAY, LIBRAIRE-ÉOITEUR ,
' !20. RUE. DES m\rai.s-saint-{;ek.majn.„,,„t «
' 1858.
fiaà'l
Suite da litTre septtème.
CHAPITRE VII.
DE L'APPEL DES JUGEMENTS CORRECTIONNELS.
S S69. I. De Tappe! en malière correctionnelle. — II. Principe de
celle insiitttlion. — 111. Appréciation de son milité.
§ ino. I. De quels jugements on peut appeler.— II. Il faut que les
^ iugemenu soient débnitifs.— lU. Quels jugements sont définitifs. - -
Iv. Exception à Tégard des jugements qui statuent sur des contra-
* Tentions.-- V. Fant-il excepter également ceux, qui statuent sur les
' témoins défaillante*
S 571. I. Qui peut appeler.— ^11. Appel du prévenu.— 111. Des parties
^ responsables. — IV. Des parties civiles. — V. Des administrations pu-
bliques.— VI. Du ministère public.
{ 372. I. Délais de Tappel en ce qui concerne i* les jugements con-
tradictoires ; 2*' les jugements pi^r défaut.— II. Mode de computatîon
du délai. — ^III. Son point de départ. — IV. Déchéance des appels
principaux ou incidents formés hors des délais. — V. Exceptions
an délai de dix jours quand l'appel est formé l*" par le procureur gé-
néral ; — VI. 2* en matière de contributions indirectes. — VU. 3<> en
matière d*appel des jugements sur récusations.
..J 573. 1. Formes de l'appel. — 11. Déclaration d'nppeler. — IIÏ. Re-
quête contenant les moyens. — IV. Quelles personnes peuvent si-
gner la déclaralion et lu requête. — V. Formes exceptionnelles
!• de rappel du procureur général ; — VI. 2" de Tappel en matière
de contributions indirectes.
{ 574. I. ElTets de Tappcl. — IL Dans quels cas il y a lieu à sursis.
— m. Application aux jugements de condamnation et d*acquitle-
ment. — - IV. aux jugements qui staïuent sur des incidents ou des
exceptions. — V. Conséquences du sursis. — VI. Exceptions.
} 575. 1. De quels faits le juge d*appe1 est saisi. — IL II n'est saisi
que des faits qui ont été sounHS i-ux premiers juges. — 111. Il peut
seulement leur donner une qualification nouvelle. — IV. 11 n'est
saisi que de Taclion portée devant les premiers juges. — V. Mais il
est saisi de toutes les citconsiances de ces faits. — VI. Il est saisi de
tontes les exceptions à opposer à Taction, lors même qu'elles n'au-
nientpas été proposées en !>'« instance, et de tous les moyens nou-
veaux.— ^VIL 11 est saisi du préjudice souffert depnis le jugement et
provenant des mêmes faits.
i 576. I. Mesure de la compétence du juge d'appel. — II. Quand il
est saisi par le orcvcnu; — 111. par la partie responsable ; — IV.
VIII. i
^cJvY
3Hf
Z DES TRIBUNAUX CORRECTIONNRLS.
par la parlie civile; — V. parle nilnisière public ; ^ Yl. par plu-
sieurs parties à la fois.
§ 577. I. Comment doit statuer le juge d'appel. — H. Lorsque les
premiers juges ont statué régulièrement sur le fond ; — lit. Lorsqu'ils
ont statué sur le fond irrégulièrement; — lY. Lorsqu'ils n'ont pas
statué sur le fond. — V. Exceptions à la mesure de l'évocation. —
VI. Formes de cette mesure.
§ 578. 1. Formes du jugement de l'appel, — II. De Tiostruction préli-
minaire. — 111. Du rapport k l'audience. — llï De l'inlerrogatoire,
IV. De l'instruclion. — V. De Taudition des témoins. — VI. Des cas
où il y a lieu à une instruction supplémentaire.— VIL Du jugement.
$ 669.
1. De rappel en matière correctionnelle. — Il Principe de cette insti-
tution. — 111. Appréciation de sou utilité.
I. Nous avons vu quela police correctionnelle a deux degrés
de juridiction : nous avons exposé rorganisation, la compé-
tence et les formes de procédure des tribunaux correction-
nels de première instance ; mais, en ce qui touche les tribu-
naui d'appel, nous n'avons encore examiné que leur orga-
nisation.
Il nous reste donc, pour achever cette matière et pour
compléter le 7® livre de ce Traité, à tracer les attributions et
les régies de la procédure de ces derniers tribunaux, c'est-à-
dire à déterminer les cas, les formes et les effets des appels
correctionnels. Tel ist l'objet de ce chapitre.
II. Avant d'entrer dans les détails do cette matière, il est
peut être nécessaire de rechercher le principe do ce second
degré de juridiction et d'en apprécier les effets.
C^est d'abord une chose digne de remarque que, lorsque
la voie de l'appel n^existe ni dans la matière du grand orimi-
nel , ni même dans la justice militaire ou maritime^ lorsque,
dans la juridiction de la simple police, elle est réduke au
seul cas d'une condamnation excédant un certain taux , la
juridiclion correctionnelle en a seule Tentière et pleine pos**'
session.
Pourquoi cette sorte d^exception dans notre organisation
judiciaire? Pourquoi ce double jugement dans une matière
qui n'est pas la plus grave? Pourquoi cette prolongation de
la procédure pour l'appréciation de faits qui doivent être ju«
gés avec célérité?
Faut-il croire que notre législataur ait été entraîné |)ar
les souvenirs et jles traditions de anciennes législations et
DE L*APPKL DKS JUGElEUtS CORRECTIONNELS. § 369. 3
qu'iJ n'ait fait que reproduire les formes d'une înslructtoa
séculaire dont il reprenait d'ailleurs plus d'un élément f Nbn,
car les motifo qui a?aîent créé les appels soit dans les ibis ro-^
liiaiûcs, soit dans nos anciennes ordonnancés, b'ëxistaient
phis> et cette institution^ transplantée hors des circonstaneeB
qui font suscitée et maintenue, n'avait plus lesmèitiësbarne-
tères et le même but.
L'appel, en France, nous l'avons déjà dli, fut, comme il
l'aTait été â Rome, une institution politique bien plus qtio
judiciaire. Sbus la république romaine, l'appel au peuple d'a^
vail eu d'autre objet que de placer l'autorité des magistrats
soas l'autorité inquiète et jalouse des comices *. Sousl'lsilk-
pire, le recours nu prince n'était qu'un instrument de la cen^
tralisation, une base de la hiérarchie administratit^, prinoi-
K«x éléments "du gouvernement impérial 2. En France,
ppei» dont les justices ecclésiastiques avaient d'abord pris
ridée dans la loi romaine ^, fut mis en pratique avec le mémo
esprit et dans le même but Nous avons démontré qu'il ne
fut point une institution féodale ; la féodalité ne le connaissait
p^ : les appels de défaut de droit et de faux jugement n'é-
tuent point des appels, dans le sens juridique de ce mot. Ce
n'est qu'Hii moment où la puissance du régime féodal com-
mençait à décliner, que l'appel vint en hAter la chûtâ eh lui
fispstant ses plus utiles attributions. Sous notre monarchie,
eomme sous l'empire romain, il n'eut qu'un but, c'est de ra-
mener au centre de chaque province les pouvoirs disséminés
tar sa surface, c'est de soumettre à la justice royale toutes les
justices qui couvraient le sol. Cette institution dut sans doute
servir en même temps les intérêts de la justice ; car il y avait
phis de lumières et d'indépendance dans les juges supérieurs
qne dans les juges des seigneurs ou des communautés ; inais
ce D^était là, ainsi qu'on l'a déjà remarqué, qu'une de ses
conséquences, ce n'était pas son but principal. Nous avons
précédemment établi la vérité de tQUtes cei assertions K
Ce n'est donc point à l'histoire qu'il faut demander la rai-
son de l'établissement de l'appel. Sans doute notre législateur
a dâ en puiser la pensée dans les institutions qu'il avait souS
i» yeux et qui fonctionnaient encore lorsqu'il préparait sds
réformes; l'appel était, dans notre ancienne législation, tiné
« Voy. 1 1, p. 4i,-»Vo)r4t|I, pi45».- «Voy^t. Ii |i|»0».-*Voy.
4 DBS TRIBUNAUX COASCTIONMBLS.
voie oommune de recours, non-seulement contre les sentences
définitives, mais même contre leg jugements préparatoires et
les simples ordonnances du juge i ; il était institué dans tou-
tes les juridictions et en formait l'un des éléments essentiels ^.U
était impossible qu'une institution si générale et qui constituait
l'un des principaux ressortsde la justice, n*attiràt pas Tatten-
tion des légistesqui siégcaientà rassemblée constituante* Mais
iifautdistinguerla formedela procédureet leprincipedesonap-
plication, l'instrument, pour ainsi dire, et la pensée qui le diri-
geait. La loi moderne n'avaitpoint à faire revivre une institution
dominatrice destinée à faire rayonner la souveraineté de la jus-
tice royalesurtouteslesjustices privées; ellen'avaitplus à débat-
tre les territoires et les attributions de toutes ces justices, puis-
qu'elles avaient été complètement balayées. Elle a donc pu
reprendre, non la pensée qui lui devenait inutile, mais l'ins-
trument auquel elle pouvait donner une destination nouvelle,
non l'ancien principp qu'elle répudiait, mais la forme de pro-
cédure qui pouvait être appliquée avec un autre but et dans
d'autres conditions.
Quelle est l'idée nouvelle que l'appel a eu pour objet de
faire entrer dans notre législation? C'est celle d'une garantie
plus efficace assurée à la justice, la garantie qui peut résulter
'du double examen d'une môme procédure, de deux instruc-
tions successivement édifiées à raison d'un même fait^ de
deux jugements intervenus l'un après l.'autre sur la même
question, sur la même affaire. Tel est le seul motif dudouble
degré de juridiction dans notre législation moderne, le seul
•principe de Tinstitutiondes appels. Ilestfacilede le démontrer.
L'art 1. tit. 5, de la loi du 16-24 août 1790, sur Torga-
nisation judiciaire, pose comme une règle générale que « les
juges de districts seront juges d'appel les uns h Tégard des
autres. » L'une des conséquences de cette règle, que nous ne
voulons considérer ici que sous ce seul rapport, c'est que l'é-
galité politique est établie entre les tribunaux de première
instance et les tribunaux d'appel; c'est par conséquent que
l'appel ne prend plus sa source ni dans la domination d*une
juridiction supérieure, ni dans le besoin d'amoindrir les jus->
tices inférieures, ni dans la souveraineté d'une autorité cen-
trale ; la seule raison do cette voie de recours est donc uni«
quemcnt et nécessairement la nouvelle discussion qu'elle
* Voy. t. î, p. ôfîS. — * Voj, t. î, p. SÔîJ ei suiv.
DE l'appel des JUGEHCNTS G0RRBCTI0NNIL8. § 569. S
proToqoe quand la première est close ; dès que les deux juri-
dictions existent au même titre et sont égales Tune et l'autre,
il est clair que Tappel ne peut avoir d'autre objet que la
deuxiènie instruction qui en est le résultat. Il serait impos-
sible de lui en assigner un autre.
Cette disposition néanmoins n'a point été littéralement re-
produite en matière correctionnelle. Mais les différences que
nous allons noter ne sauraient altérer le principe, qui, au
fond, est identique.
Dans le système de la loi du 19-22 juillet 1T91 , le tribu-
Dsl de police correctionnelle était composé do trois juges de
paix et rappel de ses jugements était porté, non point è un
tribunal identiquement composé, mais au tribunal de district
où siégeaient trois juges (tit. 2, art. 61).
Dans le système de la constitution du 5 fructidor an m dé*
Yeloppé par le code du 3 brumaire an iv, le tribunal de po- -
lice correctionnelle était composé d'un juge du tribunal civil
président et de deux" juges de paix, et Tappel était porté de-
vant le tribunal criminel du département composé de cinq
jages (G. 3 brum. an iv, art. 198 el 266).
Enfin, dans le système du G. d'instr. crim. , les apnels sont
portés des tribunaux d'arrondissement au tribunal au cbef-
lieu de département et du tribunal chef-lieu au tribunal dief-
tiea du département voisin ; dans les départements où siège
me oour impériale^ les appels sont portés devant cette cour,
et il en est encore ainsi & Tégard des appels des tribunaux
cbefs-lieux des départements voisins, lorsque la distance n'est
pas plus forte que celle du cbef-lîcu d'un autre département '
(art. 200 et 201).
Il est clair que, dans ces diverses organisations, la seule
pensée de la loi a été d'instituer une révision sérieuse et com-
plète du premier jugement : si, dans quelques cas, le tribu-
nal d'appel, soit par les éléments qui le composent, soit par
le rang hiérarchique qu'il occupe, est supérieur au tribunal
de première instance, cette supériorité ne change rien à l'c-
galité des attributions ; ils sont établis et délégués par le
mtee pouvoir; ils sont investis de la même autorité. Il se
peut que le nombre plus grand des juges et leurs services
plos anciens supposent dans le tribunal d'appel plus de lu-
mières et d'expénence: qu'en résulte-t-il? une discussion plus
approfondie, un examen plus éclairé ; c'est làleseulbut deb
loi : elle ne trahit aucun sentiment de déSance contre les ju-
T 9SS TRIBUMÀCX GORHECTlOîUiKLS.
gesde première instance, aucun désir d'envahir Imr juridic-
tion pour Tabsorber dans la juridiction supérieure. Elle ne
cherche qu'à constituer une deuxième instruction ^ indépen-
dante de la première, et qui contienne tous les moyens d'ari-
river à la constatation de la vérité.
La loi du 13 juin 1856, qui a centralisé tous les appels
eutre les matQ3 des cours impériales, a-t-elle modifié ce prin-
cipe^Oa trouve dans Teiposé des motifs de cette loi quelques
paroles qui pourraient faire croire à une certaine déviation :
a ha droit d'appel, est-il dit, ne s'exerce réellement avec des
garanties sérieuses que lorsque le tribunal qui est chargé du
sejCODd examen des affaires est incontestablçjivîQt supérieur,
ckitf l'ordre des juridictions, au tribunal qui statue en pre-
mier ressort. Cette condition n'est qu'imparfaitement remplie
par les tribunaux siégeant aux chefs-lieux de département...
La supériorité des cours impériales eçt au contraire incontes-
table; elle se manifeste non-seulement par le nombre, mais
en outre par le titre, le costume, la préséance, l'étendue et la
vai iéU^ des attributions, les lumières et rexpérience des mil-
gistrats, surtout p^r ce pouvoir qui leur est donné, d'ivie ma*
iMièra générale et qui est l'essence mémç de leur inMitutiou,
démettre à néant, comme le disent leurs arrêts, les senlencûs
4^ tribunaux de première instance. « Ces paroles, néan-
Niioins^ altentiveinent examinées , n'expriment qu'un argu-
DBent, contestable d'ailleurs, à l'appui de la loi; elles n'en
conlienm^al point levraimotif ; quel est cemoiif? C'est d'insti-
tuer ruuité dans la juridiction qui statue sur Icsappels, c'est de
réMMii; une règle que la difilculté des communications avait
fait fléchir en 1810 et qui reprend son empire à i:aison de
çe$ Q)^mes communications devenue^ aujourd'hui Caciles.
< Le gouvernement, dit rexppsédc^uiotils^, attentif à cesmer-
TeUeux ckangemeuts survenus dans TéUt do la viabilité ^t
dam les moyens de locomotion» a jugé qu'il était sage et op-
pOivUiaderendreà rorganisalion judiciaiie, pour les matières
eor^ectiannelles, le caractère d'unité et de siiçplicité qu'il a
et qi^'il a toujours eu pour les matières civiles. Le projet de
loi qui vous est présenté est l'expression de cette pansée.. .^ ia
Tolonté de ne pas trop éloigner le juge du justiciable i^ut» lors
de la puè^cation du code, la çonSbidér^tioadéb^minsM^itu; elle
n'iluiaH pas eu cette influence ^r lesprit du iégislalenr, si,
«brs eoome aujourd'hui, il y avait eu des routes uomWeMses
et bie^n eatretenueSi des bateaux à vape\ir et ieSi cbemin^^de
DE lVpFBL des jugements CORREeTIOMNBLS. § 569. 7
fer. • Et comment le législateur essaie-t-il de jusliGer
cette transposition de juridiction qui place le justiciable si
loin du juge? H invoque le petit nombre des appels : « il ré-
sulte des comptes-rendus de la justice criminelle qu'en ma*^
ttérc corfectionnelle les appels sont approximativement dans
la proportion de cinq pour cent avec le nombre des jugements,
et les affaires où les témoins sont de nouveau entendus dans la
proportion de trois pour cent avec le nombre des appels. »
Vùnc, ce n'est point la pensée d'exercer une sorte de domina-
tion sur les premiers juges ; c'est la penséie exclusive d'une
juridiction unique à laquelle tous les appels sont dévolus. Il
est certain que la loi croit trouver dans cette juridiction une
plasmAre expérience et de plus hautes lumières : Texposé le
déclare plus loin en termes formels ; mais de ce que les juges
d'appel sont entourés de toutes les conditions qui font les ju*
gcs éclairés^ il ne s'ensuit pas qu'ils doivent dominer et an-
nihiler les juges inférieure. Il n*est pas sans doute mauvais
que le juge d'appel soit placé dans une position hiérarchique
snpérfeure au premier juge; mais «e n'est point là, comme
l'affirme rexposé des motifs, une condition de son institution :
te deuxième degré de juridiction n'est pas autre chose qu'un
deuxième examen* ilinstruit,il juge comme avait instruit et ju-
gé le premJer ; il a les mêmes attributions^ le même pouvoir ; il
peutmettre>i lavérité, lepremier jugement & néant; mais ce
n'est pas en vertu d'un pouvoir supérieur» c'est parce qu^il
exercé une seconde fois le pouvoir exercé déjà par le premier
juge, c'est parce que le jugement ne peut exister dés qu'il en
rend un nouveau.
Maintenant, de ce que l'appel n'est qu'une garantie de
justice', UA moyen d'arriver à la vérité, en soumettant le même
procès i l'épreuve dTune doubie discussion, on doit déduire
plusieurs corollaires importants.
n en résulte d'abord que la différence qui Eiépare à cet égii^d
la inatière correctionnelle des autres matières , se trouve clai-
rement exnliquée : si l'appel n'a point été appliqué avec la
mêoie généralité en matière de police, c'est que cette matière
n'exigeait pas, surtout en ce qui touche les petites contra-
ventions ^ une mèqie garantie ; c'est qu'à mesure que les in-
térêts deviennent plus gravesi une plus haute protectiondoit
Tes environner. Si l'appel n'a point été établi en matière de
grand criminel, c'est que cette matière a pour unique garan-
tie l'institution du jury, la plus puissante de toutes les ga*
8 DSS TUBCNAUX CûtRECTIOMNIU.
rantios de la justice pénale , et ce n'est que pour suppléer k
rimperfection des juges permanents qu'il a paru nécessairede
pern^ettre la réitération de leur examen.
Il en résulte en second lieu , que TinstructioD des premieis
juges doit être reprise tout entière en appel ; car, puisque
le second degré de juridiction n*est qu'un second eiamen de
la prévention , il s'ensuit que cet examen doit être complet ^
qu'il doit s'étendre i toutes les parties de la cause, (|u'il doit
être en tous points le même que le premier ; et j^uisque ce
nouvel examen n'est qu'une garantie judiciaire, il s'ensuit
qu'il doit employer tous les moyens de vérifier ou de décou-*
vrir la vérité.
Il en résulte, enfin, que les mêmes formes de procédure
doivent être appliquées en première instance et en appel : car
le second examen n'est efficace que s'il est soumis aux mêmes
régies, aux mêmes conditions que le premier. S'il en était
autrement, ce ne serait plus une nouvelle épreuve, un nouveau
débat ; ce serait seulement une espèce de révision sommaire
qui s'attacherait aux formes de la procédure, plus qu'au fond
de la prévention. Dès qu'il s*agitd'unsecond degré de juridic-
tion , il faut que Tinstruction passe par les mêmes phases ;
dès qu'il s'agit de la garantie d'un double jugement, il faut
que toutes les formes du jugement soient appliquées en
appel somme en première instance.
Nous nous bornons à poser ici ces règles générales ; elles
nous serviront tout à Theure à résoudre plusieurs des ques-
'tions de cette matière.
m. Nous sommes amené maintenant par ce qui précède
à parler de l'un des problèmes les plus graves de notre orga-
nisation judiciaire : la voie do l'appel est-elle réellement
utile en matière correctionnelle ? apporte*t-elle à la justice
une indispensable garantie ? ,
L'institution de l'appel en matière civile a donné lieu à de
sérieuses objections. Quel est le but, a-t-on dit, de toutes les
formes de la procédure ? C'est d'assurer au juge la connais-
sance de la vérité judiciaire. Or, peut-on dire qu'il y ait dIus
de probabilités de la connaître dans le juge d'appel , que dans
celui de première instance? La seule base des jugements»
n'est-ce pas la conviction du juge ^ Or , pourquoi cette con-
viction , qui n'est que l'impression laissée dans sa conscience
par l'instruction, aurait-elle d'autres cléments à un degré de
DB l'appel DBS IVGBMElfTfi COKIlECTlONltELS* § 969* ^
juridiction qa'à l'autre, quand l'instruction est la même t On
prétend c[ue les juges du second degré sont plus éclairés que
ks premiers. Alors pourquoi ne pas transporter tout de suite
iesnAflses garanties au premier degré ? Multiplier les degrés
de juridiction n'est-ce pas prolonger les procès au détriment
detops les intérêts; n'est-ce pas même ébranler l'autorité que
la loi a Toulu attacher à la chosejugée7«A-t-on assez réflécni,
2 dit un éminent magistrat, à tout ce qu'il y a de périlleux
dans cette faculté d'appeler d'un tribunal & un autre? a-t^n
asm remarqué combien Tautorité des jugements s'en trouve
affaiblie, combien la justice elle-même en est déconsidérée ?
ce droit, conréré à chaque citoyen , d'attaquer l'autorité de
hchose jugée, ne détroit-îl pas tout respect pour elle? car
si ladédsion du premier tribunal n'est pas une chose sacrée»
comment celle du tribunal plusélevé le serait-elle*? » L'appel,
en effet, proclame la fragilité de h justice, frappe les juge-
ments d'incertitude , et les range parmi les événemenis qui
sont le résultat d'une chance plus ou moins heureuse ; il en
détruit la souveraineté ; il fait plus, il contient en lui-même
une sorte d'injure pour le juge dont émane la décision frappée
d'appel. Ce n'est pas tout : par une inconséquence étrange ,
la loi n'admet l'appel en matière civile que dans les affaires
importantes ; le plus grand nombre des procès, les plus mi-
nimes à la vérité, n'ont qu'un seul degré de juridiction. Est-
ce à raison de la moindre valeur des intérêts qu'ils agitent?
mais oette valeur, dans son rapport avec les personnes qu'elle
concerne, peut avoir une importance égale à celle des procès
les plus considérables-, c carie citoyen pauvre, dont une
petite somme est toute la fortune, à un intérêt aussi puissant
à être bien jugé que l'homme riche dont le patrimoine en li-
tigea une valeur centuple. Or, si l'appel est fondé sur la possibi-
lité d'une erreur^ pourquoi priver les parties intéressées, dans
les 250,000 causes civilesqui sont jugées souverainement cha-
que annéc,des moyens de la faire réparer, etpourqûoi n'accor-
dcrce privilège qu'aux personnes intéressées dans les 10,000
causes pour lesquelles la voie de l'appel est exclusivement ré-
servée*. »
Cette haute critique, dont nous ne présentons que quel-
ques traits, appelle les méditations du législateur et pourra
quelque jour exercer sur notre organisation judiciaire une
' M. Béreoger, Mémoire de racadémie des sciences morales Cl politiques «
3* série, U I , p. 472. — * H. Bérenger ; Eod. loc.
40 $U ttMVHAVX GOlilUBCTteNMIU.
DOteble influence. On sait au resic les misons, \\m moins
paves peul-ètre, qu'on lui oppose: c'est d'abord celle orga-
DÎcmtion elle-même, la grandeur de Tédifice judiciaire^ Texish
tei^oe des grands corps qui en sont la base et rautorité hié-
rarchique qui en est la conséquence ' ; c'est ensuite la aécessîlé
4e laisser à chaque cause un moyen de redressement, puisque
dans cirque cause il y a pos^^ibilïté de méprise ou d'injustice ' ;
c'est enfin les plus vives clartés que projettent sur une affaire
son instruction reprise à deux foi<, une discussion réitérée des
Maies questions, la garantie d'une juridiction plus éclairée,
d'0B« vérification plus attentive, d*un eiamen plus mûr : teiU
sont, tels doivent être du moins les résultats du double degré
de juridiction. Ce n'est pas, au surplus, sur ce terrain géné-
ral qu'il nous appartient de placer le débat.
Exk matière correctionnelle , la question se complique
d'un autre problème, celui des attributions. Quelle que soit
la force dés raisons invoquées contre Tappel, il est certain
que, si la jucidiction correctionnelle doit conserver ses attri-
butions actuelles, elle doit conserver en môme temps cette vcée
de recQurs} car c'est la plus puissante des garanties <)ue
notre code lui ait assuréesen la constituant.
On peut alléguer^ à la vérité, que cette garantie peut ne
1^ être très efficace, puisqu'il est impossible dWfirmec que
la manifestation de la véritésera pluscomplèle en appel i|u'eu
pr^ière instance; et cette objectiofi semble se forlitier au-
jourd'hui depuis que la loi du 15 juin 1S56 a éloigné le juge
4*appel dest justiciables, et par là Daéme rendu les élénieats
de l^vrtruçtWa plus difficilea. Cependant c'est quelque
çbose, qp^i il s'agit des intérêts les plus précieux de
rhc^me, <^nd il s'agit de son honneur et de sa liberté,.quand
a s'agit de Le défendre contre une prévention qui peut faire
peser sur Iv^JHsqu'À dix anad'emprispnnement, c'est (pielque
ç)|o^ qu'une voie de recours qui reprend cette prévention
tout eutière, qui la soumet, nous ne dirons même pas à une
instruction, mais^ une discussion nouvelle, qui permet le
r«dresS6n^iM des er^euss et une autre appréciation fuite par
d'autres magistrats des mêmes actes. Assurément il y a dans
oette (acuité <|'9ttaquer le premier jugement, de |o traduire
dâvant une uwvelle juridiction, de faire valoir tous les griefs
' M« PorlalÎB, Mémoires de Tacadénûe des sciences moritles et poIiUqucs,
i; m» p* àSa» ^ ^ Benituim> jd^ l^oi^au. jvuiidsnrc» c\\^ 26.
DE L*A»PEL DES IC6EMENTS CORUÇHOVaLS. § S69. I|
dooifl est susceptible^ une puissante gnr^ntieda bonne justioe.
Il est certain que les juge^ du second degré peuvent se tr^9i-
per çompoe ceux du premier, mais il est également certain
qu^ils ont peut-être moins de chances de s* égarer y puisque
tons les éléments du premier débat sont contr&lés dans le
second, que toutes les critiques viennent s y faire entendre
et qu'ils se trouvent à la fois en présence du jugepixent des
premiers juges et de tous les moyens qu'on lui oppose.
On peut alléguer encore que cette voie de recours est, en
général, peu usitée. Il résulte des comptes de la statistique
que , de 1826 à 1830 , il n'y a eu , sur 1 ,000 procès cojrre&-
tionnels, que 46 appels; de 1831 à 1835, 44; de ^836 i
1810, 49; de 1841 à 1845, 47; de 1846^ 1850,44; en
1851, 52; en 1852, 49; en 1853, 49; eu 1854, 48; ep
1855, 46. Ce chiffre, qui n'équivaut pas tout à fait i 5
appels sur 100 affaires, est assurément minime. Cependant il
faut remarquer que la totalité des affaires étant en 1851 de
171,177; en 1852, de 197,394; en 1853, de 208;699; en
1854, de 206,794; en 1855 , de 189,515, le nombre des
appels s'est successivement élevée 9,174 f 9,677, 10,141^
9,973 e( 8,771, dans chacune de ces années; or, si Ton
élague du nombre total des affaires de chaque année toutes
les contraventions fiscales qui y tiennent une si grande place,
et qui jugées sur procès^verbaux ne donnent lieu à aucun
appel 9 tous les délits qui comme la rupture de ban , la men-
dicité, le vagabondage, consistent presque exclusivement
dans un fait matériel, enfin tou^ les petits délits dont la té-
nuité ne permet pas de les conduire çn appel » les neuf ou di x
mille a\ppels qu^se produisent ^nuellement,^ s^ attaquent évi-
demment aux délits réellement graves, aux délits^ susceptibles
d'une appréciation diverse, à ceux qui menacent les^ prévenus
on d'un emprisonnen(iefkt plu$ ou moins long pu dV'l®
lourde amende. Il n'est donc pas exact de dire que cette
voie da recours est rarement employée ; elle est employée
toutes les fois qu'un intérêt sérieux est en cause., tquiesles
(bis qu'un nouvel examen des éléments des procès pçut être
utile. On en trouve la preuve dans le résultat même de ces
ap^ls : de 1826 à 1830, sur 1,000 jugement de première
îaAance, 537 ont été maintenus, 463 infirmés; de 183$ à
1835^ 553 ont été maintenus 447 infirmés; de ^836 à 1^40,
58é maintenus, 415 infirmés; de 1841 à 1845 , 604 main-
tenus, 396 infirmés; de 1846 à 1850, %M ipmiw}^ 390
12 DES TRIBUNAUX CORIlfiCTlONNCLS.
infirmés; en 1851, 627 maintenus, 373 infirmés; en 1852,
6&7 maintenus, 353 infirmés; en 1853, 62& maintenus, 376
infirmés; en 185&» 630 maintenus, 370 infirmés; en0B eu
1855, 620 maintenus, 380 infirmés.
L'appel n^est donc point un recours qui puisse, sous quel-
que rapport que ce soit, paraître inutile , puisqu'il fait tom-
ber annuellement 3 à &-,000 jugements de première instance.
Ses efiels seraient-ils moins considérables, il ne faudrait pas le
juger inulile encore ; il suffirait qu'il fit opérer le redresse-
ment de quelques jugements , qu'il permit la réparation do
quelques erreurs, de quelques méprises^ pour que son utilité
fût incontestable -Toute garantie dejuslice, quelque restreint
que soit le cercle où elle s* exerce, est trop précieuse pour
qu'il soit possible d'y toucher, à moins de la reproduire sous
une autre forme. Il ne faut pas d'ailleurs perdre de vue que
cette juridiction est chargée de quelques délits, dont la gra-
vité égale^ sFelle ne surpasse pas celle de certainscrimes, qu'elle
prononce des pénalités considérables, et qu'il importe, par
conséquent, lorsque ^es attributions ont été aussi étendues ,
de ne pas lui enlever les formes qui constituent sa principale
force.
Que si la compétence de la police correctionnelle était ra-
menée dans les limites que nous avons indiquées ', et qui
sont la stricte application du principe de son institution, si
ses attributions se bornaient aux contraventions fiscales^ aux
délits légers et à tous, ces faits qui, suivant l'expression de la
loi des 19-22 juillet 1791 qui l'a constituée , sont plutôt
des actes dangereux que des actes intrinsèquement criminels,
notre opinion ne serait plus la même; à toutes ces catégories
de délits qui sont jugées sur le vudesproeès-verbaux ou sur la
constatation matérielle des faits qui les constituent, l'appel
n'est pas nécessaire; la preuve en est que cette voie de re-
cours ne s'y applique nullement aujourd'hui; et que servi-
rait-elle? le jugement ne consiste plus en général dans une
appréciation morale, mais dans une simple constatation des
faits ; le second degré de juridiction ne peut donc à peu près
dans aucun cas en modifier les éléments. Dèstors l'appel cesse
d'être une garantie réelle ; il n'est plus qu'une inutile com-
plication de notre ordre judiciaire.
A ce point de vue donc, mais à ce point de vue seuleralent,
* Voy. u VII, p. w.
DE lVppkl dés jvcements correctionukÙ. § 570. 13
des réformes corrélativeset qui neseraîentd'ailleursque l'ap-
piicationdes idées quenousavons précédemment exposées %
poorratent èlre simultanément réalisées : d'une part, la res^
friction da cercle de la compétence correctionnelle , d'une
autre pari, la suppression du 2» degré de juridiction. Il est
visible que si les vices incontestables de cette institution n'a-
raient pas pour contrepoids Tappui qu'elle apporte dans un
certain nombre de cas i la justice, elle ne serait qu'un rouage
plus funeste qu'utile: éliminez ou restreignez cescas, faudrait-il
mainteDir encore un recours qui n'aurait plus d'autre effetque
de briser la chose jugée, d'affaiblir l'autorité des jugements,
de prolonger indéfiniment les procès, et d'apporter dans l'or-
ganisation de nos tribunaux une regrettable complication ?
Si, pour le soutenir il n'était possible que d'invoquer Tavan-
tagede conserver les proportions de rédifice judiciaire et
l'utilité facultative d'une voie de réformation qui, les at-
tributions eiceptionnellcs de la juridiction correctionnelle
écartées, n'aurait qu'une très rare application, il est douteux
que ce recours eut une raison suffisante d^exister.
§ 570.
I. De quels iagomenls on peut appeler.— II. Il faut que iesjugemonts
soient dénnitifs.-— ni. Quels jugements sont définitifs. — IV. Ex-
ceplioa pour les jugements qui statuent sur des contraventions.—
V. Faut-il excepter également ceux qui statuent sur les témoins
défaillants?
I. En général, tous les jugements rendus en matière cor-
rectionnelle peuvent être attaqués par la voie de l'appel. No-
tre CkHle n'a point exigé pour ouvrir ce recours, comme il
Ta fait en matière de police, la condition d'une condamna-
• tion à telle ou telle peine : il a paru que toutes les poursuites
avaient en cette matière une importance assez grande pour
leur assurer la garantie d'une double juridiction.
L'art 199 du C. d'inst. cr., qui n'a fait que reproduire
Tart. 192 du C. du 3 brum. an iv, est ainsi conçu : « les
jugements rendus en matière correctionnelle pourront être
attaqués par la voie de Tappel. «
Le droit de faire appel est donc général; il s'étend à tous
les jageoients rendus en matière correctionnelle; il n'ad-
*T. VII, p. 523etftuiv.
met ûucuiit; rcslrlcliôn , aucune limile. Voilà le jirîn-
eFpe.
Mais qù*est-ce ^u^titi jtigcment dans le sens de cet ariiclc?
fiiut-il étendre cette qualification même aux jtigements pu-
f ètnént pKparatoires ? ne faut-îl pas distinguer, comme en
matière citlie, entre les jugements qui ont un caractère défi-
nitif lit ceux qui li'bnt pas ce caractère ? L^art- 461 C. de pi-,
cîv; porte : « l'appel (l'un jugement préparatoire ne pourra
être Interjeté qu'après le jugement définitif et conjointement
arec l'appel de ce jug(*ment. Cet appel, sera recevable, en-
core que lé jugement préparatoire ait été exécuté sans ré-
serves. L'appel d'un jugement interlocutoire pourra être in-
terjeté avant le jugement définitif... » Cette disposition doit-
elle être appliquée en matière correctionnelle?
M. Legraverënd enseigne la négativiB : c il faut remar-
quer, dit cet auteur, que la procédure en toute matière de
répression est essentiellement distincte de la procédure eh
matière civile^ et que les règles applicables à Tune ne peuvent
être étendues à Tautte ; et comtne le Code d'inst. crihfi. n'é-
tablit aucune restriction au droit d'appel des jugements cor--
rectionnels, on doit en conclure a^ecassurance que la dispo-
sition de ce code s'applique à tout jugement en matière cor-
rectionnelle ».» Cette opinion, assez vaguement motivée, né
résisté pas à un examen attentif.
Quels. sont les motifs qui ont fondé, dans Tart. 451 C. de
f»r. civ., la distinction entre les jugements interlocutoires et
es jugements préparatoires7<tLaloi^disaitM. Bigot de Préa-
meneu, veille non-seulement à ce qu'il n'y ait point d'ap-
pels irréfléchis, mais encore à ce qu'il n*y en ait pas de pré-
maturés ou d'inutiles. Tels seraient les appels des jugements
qui ne font que régler la procédure ; ces appels peuvent être
fondés sur ce que les premiers juges auraient ordonné une
procédure ou entièrement inutile ou trop longue ou même
contraire à la marche indiquée par la loi. Mais si ces moyens
d^appel ou d'autres semblables pouvaient, avant que ie juge-
ment fût rendu, être portés devant le tribunal supérieur, on
verrait autant d'appels que àe jugements d'instruction, et il
en naîtrait un désordre qu'il serait impossible d^arrèter. Il en
doit être autrement lorsque les premiers juges prononcent un
interlocutoire qui préjuge le fond. La partie qui dans ce cas
A UsiiliCriin«^t.n»p«M6»
DE l'appel MS JOCEVfSim GOUmECTlORlfCU. § S70. iSi
se croit lésée par un jugement dont elle a les suites à redou-
ter, ne doit pasètre obligée d'attendre le jugement définitif. »
Or^ est-ce que ces motifs ne s'appliquent pas à la matière
correctiiMiQelle aussi bien et plus fortement encore qu'à la
matière civile? Est-ce que ce n'est pas surtDutdans la pour*
suUe des délits que la loi a voulu éviter les formes qui sus*
pendent et retardent la marche de la procédure? Quedevten-*
drait la justice répressive si chaque jugement d'instruction
pouvait être frappé d'un appel qui forcerait à surseoir? Et
dans quel intérêt cet appel, puisque les jugements d'instruc-
tion ne peuvent ni préjuger le fond ni causer aux par-
ties un préjudice irréparable, puisqu'ils ne décident rien
et ne font que préparer la cause? D'ailleurs, dotreCode,
loin qu'il soit contraire à cette distinction , t'a nette-
ment consacrée dans son art. &16 relatif aux demandes en
cassation; or, pourrait-on admettre, à Tégard des juge-
ments préparatoires, deux régies différentes. Tune qui lesdè-
clarerait susceptibles d'un appel distinct, l'autre qui lesdé«
clarerait non susceptibles de pourvoi avant le jugement dé^
finitif?
Cette doctrine a été suivie par la jurisprudence, qui a sana
catôe décidé « que, dans le silence d'une loi spéciale qui ré-
gisse la matière, iesdispositionsderart.451duC.de pr. civ.^
qui établissent le droit commun, doivent recevoir leur appli-
cation de la part des tribunaux correctionnels \
L'appel ne s'applique donc qu'aux seuls jugements qui
sont définitifs^ mais il s'applique à tous les jugements qui ont
ce caractère, quelle que soit leur teneur, et sur quelques
points qu'ils aient statué. Cette seconde proposition appelle
quelques explications.
ÏI. Les jugements définitifs peuvent se diviser en trois
classes : ceux qui statuent sur toute la cause et la terminent*
ceux qui statuent définitivement sur des fins^de non-rece-
voir. des exceptions bu des demandes incidentes indépendan-
tes du fond; enfin, ceux qui ordonnent, avant dire droit, une
preuve, une vérification ou une instruction qui préjuge le
fond.
La première classe de ces jugements comprend tous ceux
♦Cass, 11 ioCtt iSJe, rapp. M. de Mertillc, Bail, n» 157: î août 1810,
rapp. M. Guîeu. Buil. u. 90 i 22 janr. 1825| rupp, M. de Gardoiineli Bull,
11.15«
iS Mfl TRIMJMAVX COKMCTIONNILS.
qui prononcent sur le fond de la prévention, soit qu^ils con-
damnent ou acquittent les prévenus. Tous ces jugements
sont définitifs, et quand ils ont été rendus en premier ressort,
peuvent être frappés d'appel '• Il importe peu que le tribu-
nal de première instance se soit trompé lui-même sur le ca-
ractère de sa sentence : ainsi, le jugement qui déclare un
partage d'opinions est définitif et susceptible d^appel, bien
que le juge ait en même temps renvoyé à un autre jour pour
vider ce partage : c attendu qu'un jugement de partage
équivaut à un acquittement; que dès lors le jugement rendu
était définitif entre les parties, et n'était pas un jugement
préparatoire ni d'instruction *. » Il importe peu encore que
le jugement ait été inexactement qualifié en dernier ressort,
puisque les tribunaux correctionnels ne peuvent juger qu'à
la charge de Tappel ; il a d'ailleurs été reconnu que l'art.
453 G. de pr. civ. qui déclare « sujets à l'appel les ju-
gements qualifiés en dernier ressort, lorsqu'ils auront été
rendus par des juges qui ne pouvaient prononcer qu'en pre-
mière instance, 9 était applicable en matière correction-
nelle K Enfin, il importe peu que le tribunal ait prononce en
vertu d'une attribution spéciale qui n'a pas réservé le droit
d'appel : il a été jugé avec raison « que dans tous les cas où
la loi n'a pas attribué personnellement à une juridiction le
pouvoir (Je juger en dernier ressort, la faculté de l'appel
subsiste à Tégard de ses décisions et peut être utilement
exercée ; que l'art. 16 de la loi du 25 mars 1822, qui attri-
bue aux cours et tribunaux le droit d'appliquer directement
les disposilioitô de Tart. 7 de cette loi au compte rendu in-
fidèle de leurs audiences; n'a point dérogé à ce principe ; que
les jugements intervenus en vertu de cette attribution spé-
ciale restent donc régis par les dispositions générales du
droit commun, qu'ils sont conséquemmcnt suscrptibics d'ùtre
attaqués par la voie de l'appel, qu'ils no sauraient des lors
être rendus en dernier ressort >. »
La deuxième classe de jugements définitifs comprend tous
ceux qui, soit qu'ils dessaisissent ou non la juridiction, pro-
noncent sur des fins de non-recevoir, des exceptions ou des de-
« Cass. 14 mal 482i, rapp. M. Aumonl. J. P., t. XVIII, p. 708 * Caw.
2A août 1898, rapp. M. IsatiiberU Bull., n« 521. — 'Cass. 26 nov. 1813,
• rapp. M. Busschop, J. P., U X, p. 833, 1" fév. 1821, rapp. M. Busschop,
BuU. n, 25 ; et Conf. 23 mess, anxii, rapp. M. Minier. Bull. n. 176.—* Cass.
23 noT. 1883, rapp. M, Dchaussy. J. P., t, XXV, p. 966.
w l'APm DBS jvomsfs coutcnomuLs. § 870, 17
Zi^ ^S"?/- "^"''.r* •• *• tous les jugements rendus
rJt ûîS^l ^.«"P^tence , lora môme que le tribunal
fSe rj"''?*;!^P«^^°»t™« l'instruction de
L„n. . \'a? """ ^î".' *'^«^«nt q"'"" agent du gouTerne-
S^nirt'' ^^''T "'** «" «"«^ autSrisation du conseil
S. o* TK .?"• "««'«ïent ou refiisentanx préyenus leur
Sts Se d2 -A r?'*'" 'î *• ^"^ qnl décident des
nSleTSo?,?-'*"!.**''»"**''" «» "«"'*™ correction-
S^Lt;.! ^'"' •*^*'""''* «"^ '«s conclusions des parties,
déclarent la composition du tribunal légale et régulièJe «.
iuapmï^îf^.*'T.'^*J"8*"«°t»«**fi«iti'^ «Snprend les
SSuden^'^T'^'T- ^m^^^^> q»e notre ancienne
ïlSrï" f^n'^*'*.*'" '*« jagcments purement pré-
paratoires % et qu'il est difficile de distinguer encore de ces
derniers .ugemeuts malgré la double défiSilion dTvlttkZ
mnn : .'If""* f "'* **"* *'«'' <*"*-«' "° ««"«»*'« W>m-
Zî^'Hpt ''"^.'f """ «* '«* «"''«'' ««"^ "•«»''«« dans le
^TJ! ^» P^fJH^epour l'instruction de la cause et pour
oïttrôiîil! 5'^""'" ?."*"■" les jugements interlocntSres
fa" e î^ro?„«if "'-r '*'" "*»"' P^P"''* «t <!«* «*o'^«»» 'e«
Mr l^^f« ? '." **"* P"" o'^J^t "»« instruction faite
J?ii?^P.vïpT'.*'"^"«""^'*' ^«"*' î ^'>'t 1«'''« admettent soit
quils rejettent la preuve offerte, ils prononcent définitire-
ment sur cet mcideui; cu«n, ils peuTeut causer auî parties
à£liSZ^r '"IP^-^We. C'est en se fondant sur ces
r„?prw . ? ''"" " J""sprudencea considéré comme des
nlerloculo.rcsdont il doit être fait immédiatement appel :
L^l^F"T "^l'' *" •"<•*'«"' forestière, ordonne lom^u-
LS.nZ"'-''"'*^""''' puisque ce mcsùrage, qui ne peut
?r^„/T?"*^**"* P*"' •PP'***'^'- »e mont»"» de l'ameSde,
£«^ Si* ^'"^ ' '. ^V*" J"««'»«»t q»*' «" «"«tiére de doua-
nes, ordonne que les frais d'une expertise seront avancés pour
m^ "j^^^ ^' "PP- *•• SeigneUe. BuK. n. 185; S5 fév. 1818.
îtn,». ^"'""-"•«^'«•. "• «6. Merlin, Rép. »• Appel. 'secU J, u" 3,
»^ *iL""" "f '• '"PP- "• Mangin, Bull. n. 6Î.
• Si iî si* ,*?l?' !*PP- îî- BuKf hop. Bull. n. M.
•oS^lOT^i-if"^.* IT\ *•• '"' Glo». Bull. n. 73. .
;O«l.ia70,UL3i:«r2.
t«<. J août lWO,rapp. M. Guieu. BuU. n. «0.
Tlll.
2
48 DES TRIBUNAUX CORREfcTIONnfeLS.
moitié par la régie, puisque cette disposition est vérîtable-
ment définitiTe ^; 3» le jugement qui admet la preuve contre
un procès-verbal de récolement dressé contre un adjudica-
taire, sans avoir recours à la voie de l'inscription de faux » ;
*** le jugement qui admet ou rejette des moyens de repro-
che proposés contre des témoins ' ; S"" le jugement qui ren-
voie à fins civiles la décision d*une question préjudicielle de
propriété ^; 6^ le jugement qui, sur la demande du prévenu,
surseoit à statuer sur la prévention jusqu^à ce qu'il ait été
prononcé sur une accusation criminelle dirigée contre le
môme individu; car ce jugement porte sur un point défini-
tif et engage l'intérêt des parties ^ ; 7« le jugement qui or-
donne la preuve des faits de prescription articulés par le
prévenu 6.
On considère au contraire comme purement préparatoi-
res et de simple instruction : 1"* le jugement qui ordonne
une expertise '^j à moins que, cette expertise étant contestée,
il n'en résulte un préjugé sur le fond * ; 2*» le jugement qui
joint, comme connexes, deux plaintes portées par des per-
sonnes diflérentes contre le môme prévenu ^ ; 3^ te jugement
qui ordonne purement etsimplementrapport d'une pièce ^o ;
4^ le jugement qui donne acte de la déclaration faite par un
piùévenudc s'inscrire en faux contre un procès- verbal **;
5o le jugement qui désigne un expert ou qui rej»îlte la ré-
cusation proposée contre cet expert *•; 6® le jugement qui
admet l'intervention d'une partie civile '•; 7° le jugement
qui donne acte à une partie de son intervention, et ordonne
que les pièces d'un procès civil existant entre cette partie et
la partie poursuivante seront produites »*, Dans toutes ces
• Cass. 1" fév. 4814, rapp. M. Rataud. Bull. n. 9.
• Çass. 14 mars 18H, rapp. M. Favard de Laoglade. J. P., t. Iîl,p. 17«.
'Cass. 20 mars 1817, rapp. M. Aumont. J. P., L XIV, p. 138.
Cass. 25 nov. 1826, rapp. M. Chaniereyne. Bull. d. 237.
'Cass. 23 oct 1840, rapp. M. Ricard. Bull. d. 818.
• Cas?. 25 mai 4850, rapp, M. Rives. Bull. n. 174.
'Cass. 5 brum. an viii, rapp. M. RîUer. Bull. n. 65; 5 avril 1845. rapp.
M^Isambert, Journ. crim. L XVII, p. 153.
• Cass. 16 mars 1846, rapp. M. Romiguières. Bull. n. 102.
Cass, 22 janv. «825, rapp. M. de Cardonnel. Bull. n. 15; 8 îiilii 1826.
rapp. M. de Cardonnel, J. P, t. 20, p. 536.
" Cass. 11 aoatl82e. rapp. M. Marville. Bull. n. 167.
** Cass. 17 féf. 1887. rapp. M. de Gartempe. Bull. n. 52.
"Cass. 20juid 1834. rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 195.
«« Cass. 17 juill; 1841. rapp. M. Mérilhou. BuU, u. 213.
** Cass. 13 sept. 1850, rapp. M. Qu^uaulU BttlL n. 308i
DB l'appel DBS JUGEMENTS CORRECTIONNELS. § 570. 19
espèces, dans lesquelles les mesures prescrites ont unique-
ineot pour objet de mettre le procès en état de recevoir une
jugement, sans que l'exécution, môme volontaire, de ta mpr
sure préparatoire, puisse être opposée comme fin de non-
recevoir.
Deux remarques générales s'appliquent h Tapp**' de tous
les jugements définitifs :
I-a première est que, lorsqu'un jugement se compose de
plusieurs dispositions distinctes, indépendantes i^upe de
l'autre, la partie qui a succombé sur un chef et obtenu gain
de cause sur un autre, peut appeler de la disposition qui lui
est contraire, et poursuivre en même temps l'exécution de
c«He qui lui est favorable '.
La deuxième est que, dans tous les cas, on ne peut in-
terjeter appel des motifs du jugement, mais seulement de
son dispositif. La raison, clairement indiquée par un arrêt»
est c que les motifs ne constituent pas le jugement ; que lo
jugement est tout entier dans le dispositif ; que les motifs
des jugements, qui ne sont autre chose que des raisonne-
ments et des opinions, n'ordonnent rien, ne jugent rien, et
conséquemment ne disposent ni de Phonneur ni de la fortune
des dtojens; que cependant si les motifs d'un jugement
étaient de nature à constituer un véritable délit, la partie
lésée^aurait le droit de se pourvoir, mais contre le juge, et
non contre le jugement ^. » C'est par voie de la plainte ou
de la prise à partie qu'il y a lieu d'agir dans ce cas, et non
par voie d'appel.
I|L La règle qui déclare tous les jugements définitifs su-
jets à rappel n'admet qu'une seule exception : l'art. 192,
qui réserve cette exception, est ainsi conçu : « Si le fait n'est
qu'une contravention de police, et si la partie publique ou la
partie mile n'a pas demandé le renvoi, le tribunal appli-
quera la peine et statuera, s'il y a lieu, - ir les dommages-
iolérèts. Dans ce cas, son jugement sera en dernier jq^-
sort. j>
* Gass. 19 déc. 1845. rapp, M. Brcsson. Bail, n. 825.
• Cas?. 29 janf. 182-1. rapp. M. Lasagni. J. P. l. XVIII, p. 405 j 7 mars
1828. rapp. M. Maugia, t. XXI, p. 124V ; 2i jOQT.lSdô , rapp. M. Bros^D.
B«U« D* 92é
iO DE8 TRIBUNAUX CORIIEGTIONNELS.
Nous avons examiné la première partie de cet article * :
il nous reste à rechercher dans quels cas le jugement doit
4tre réputé en dernier ressort.
Le jugement est en dernier ressort si le fait a réellement le
caractère d'une contravention et si aucune des parties n*a de-
mandé le renvoi de la cause devant le tribunal de police \
Mais il cesse d^ètre en dernier ressort et devient sujet à l'ap-
pel , bien qu'il ne prononce qu'une peine de police» si le fait
3u'il a qualifié de contravention a en réalité le caractère d'un
élit, ou s'il a jugé quoique le renvoi ait été formellement
demandé. En eiïet, les tribunaux correctionnels ne peuvent
juger en premier et en dernier ressort que lorsque le renvoi
de raffaire n'ayant été demandé ni par la partie publique ni
par la partie civile , le fait se réduit à une contravention de
police : dans tout autre cas, les jugements qu'ils rendent en
première instance sont de droit sujets à Tappel, et l'art. kiZ
du G. de proc. civ. qui , par l'identité des motifs , est appli-
cable à la procédure en matière de police, soumet à Tappel les
jugements qui, quoique qualifiés en dernier ressort, ont été
rendus daos des cas où, d'après la loi , les juges ne pouvaient
prononcer qu'en première instance et à la charge de l'appel •.
Il y a donc lieu de vérifier si les faits qualifiés contraventions
ont été exactement.qualifiés : en cas d'mexactitude, la voie de
l'appel est ouverte.
Le jugement qui , après avoir réduit le fait aux proportions
d'une contravention de police, permet de statuer sur cette con-
travention, quoiqu'aucune des parties n'ait demandé lé ren-
voi , est-il susceptible d'appel? L'affirmative ne peut être dou-
teuse, puisque le tribunal n'ayant pas statué comme juge de
police, a conservé à la prévention son caractère correctionnel;
il a prononcé comme tribunal correctionnel, et par consé-
quent son Jugement est sujet à l'appel *. C'est par le même
motif que le jugement qui déclare que le fait ne constitue
«T. vu, p. 175.
^ Cass. 16 août 1811, rapp. M. Batire. Bull. n. 110} a mara 1818» rapp.
M. OlIWIert n. 89$ 32 jaiti 1891 , rapp. M. Ollivier, n. 102; i août 1832,
rapp. H. Ollmer, n. 29A; 10 juillet 1834, rapp. M* lambert. J. P., u
XXVI; p. 788.
' Gasf. 26 no?. 1812, rapp. M. Busschop J. P. t. X, p. 833; 31 août 4815,
rapp. M. Audier-BIassilloii. J. P. t. XIII, p. 60 ; 6 mars 1818, rapp. M. OUi-
vier. Bull. n. 25 ; 2oct. 1828, rapp.M Brière. J. P., t. XXII, p. 302 ; 24 a\Tîl
1829, rapp. M. Gury. J. P. t. XXII, p. 930.
* Cas». 1*' juill. 1853, à Dotrerapport. Bail. n. 336.
Dl l'aPKL DBS JDGBMKNTS COKEICTIONHKU. § 570. 2i
ni délit ni contniyentioD peut être attaqué par voie d'appel :
c attendu ^qne ni le Gode ni aucune autre loi n'ont déterminé
de faits ayant caractère de délits sur lesquels les tribunaux
correctionnels aient le pouvoir de prononcer sans appel ; que
le seul cas où les jugements de ces tribunaux sont en dernier
ressort est celui que prévoit Tart. 192 ; que, dans ce cas, ne
jugeant que des contraventions, ne pouvant prononcer que
des peines de police, les tribunaux correctionnels ne jugent
pis en leur qualité de tribunaux correctionnels, mais comme
tribunaux de police ; que le tribunal correctionnel qui avait
i juger une prévention de délit et qui , par le dispositir de son
jugement a déclaré le prévenu non convaincu de délit, n'a
pu juger ainsi que comme tribunal correctionnel ; qu'ayant
jugé comme triounal correctionnel , son jugement était4ié-
œssairement rendu en première instance et noa en dernier
ressort i »
Que Taut-il décider si le jugement , après avoir régulière*
ment quali&é le fait de contravention et avoir prononcé une
peine de police, déclare, par une disposition qui ne peut être
appliquée qu'en matière correctionnelle, que tous les prévenus
seront tenus solidairement des condamnations prononcées
eoQtre eux? II a été reconnu que dans ce cas c'était par la
voie de la cassation et non par celle de Pappel qu'il fallait faire
repousser cette illégale application de la loi : t attendu que
ee jugement était en dernier ressort, aux termes de Fart. 192,
le bit n'étant qu'une contravention de police ; que s'il déclare
solidaires toutes les condamnations pécuniaires prononcées ,
ce qui serait une violation de Tart. 55 du G. de proc., à Té-
gard du demandeur condamné pour simple contravention, la
seule voie ouverte pour faire réformer ledit jugement ayant
le caractère du dernier ressort, était le recours en cassation
et non l'appel '• » Gette solution est fondée : dès que les élé-
ments du dernier ressort exigés par Tart. 192 se trouvent
réunis , ce serait ajouter i la loi que de dénier au jugement
le caractère du dernier ressort à raison d'une disposition er-
ronée qui ne touche ni le caractère de la contravention, ni le
taux de la peine de police.
lY. Faut-il admettre une seconde exception à la règle de
« Casa. 14 mai 18X4. rapp. Bf* AufflonU J. P. U XVIII, p. 708.
> Cm. sa aoû; 1850. rapp; M. de Glos. Bull. lu S78.
22 »ES TRIBUNAVX COBRECTlONrfELS.
l'appel en ce qui concerne les jugements rendus contre les
témoins défaillants? On a soutenu cette exception en s'ap-
puyant d^abord i»ur le texte de l'art. 80 du G. d'inst. cr. qui >
dans une hypothèse analogue « attribue au juge.d'instruction
le dff^it de prononcer une amende sans appel i , ensuite sur la
nécessité de ne pas retarder l'instruction par un appel , néces-
sité qui serait attestée par les voies coercitives que la loi a
ouvertes contre les témoins non comparants *. Nous ne pou-
vons adopter cette opinion. La règle qui soumet tous les ju-
gements des tribunaux correctionnels à l'appel n'admet qu'une
seule exception que la loi a pris soin d'énoncer nettement dans
Tart. 192. L'art 157, dont l'art. 189 a rendu les dispositions
communes aux tribunaux coirectionneU, contient-il Une ex-
ception semblable ? H n'en contient aucune ; il autorise à
prononcer contre le témoin défaillant l'amende , et en cas
d'un second défaut, la contrainte par corps; il n'ajoute point,
comme l'art. 192, que ce jugement sera en dernier ressort.
Oh se reporte à l'art. 80, qui dispose que l'ordonnance du juge
d'instruction, laquelle, dans un cas analogue, peut prononcer
également l'amende et la contrainte par corps, sera rendue
« sans autre formalité ni délai et sans appel. • Mais, d'abord,
dès que ces mots sans appel n'ont pas été reproduits dans
Part. 157, ne faut-il pas conclure que la loi n'a pas voulu
soumettre ces deux cas à la même forme, et qu'elle a laissé. à
la juridiction correctionnelle les règles qui lui sont propres?
que l'on recoure à l'art. 80 pour y trouver le taux de l'a-
meade, que Tart. 157 n'a pas 6xée, on le comprend ; mais ,
quant aux forrmes de la procédure, chaque juridiction n'a-t-elle
pas celles que la loi lui a départies) Et dès qu'aucune déro-
^J *!(^n n'a été faite, ne sont-re pas ces formes-là seulement
qu'il lui est permis d'observer? Voyez quelles seraient les
conséquences de l'appîicatîon de l'art. £0 : la jurisprudence
a admis, par une interprétation que nous avons d'ailleurs com-
. battue », que les mots sans appela qui se trouvent dans cet
article, ne s'entendent que de l'appel du témoin , et que le
ministère public conserve le droit d'appel -, or, en transpor-
tant l'art. oO dans la procédure correctionnelle, il faut néces-
sairement maintenir cette interprétation, car les mêmes mots
De peuvent changer de sens parce qu'on les applique à une
« Nancy, 16 nov. A842. S. V. 43, 2, 928, — ' Berrut-Sl-Prix n. 15«U
DB l'appel DBS JDGEMKNTS COBBEajlOSIJiUU. § 571. 23
espèce plutôt qu à Tautre. Il faudrait donc admettre en ma-
tière correctionnelle une classe de jugements définitifs » que
les parties condamnées ne pourraient Trapper d'appel , ce qui
serait une première anomalie dans cette juridiction , et dont
néannjuDJDS le ministère public pourrait appeler, ce qui serait
une seconde anomalie plus inexplicable encore. Pourquoi
donc sortir des textes de la loi? Pourquoi ne pas suivre fidèle-
ment les différentes règles qu'elle a tracées? Si, suivant Tar-
ticle 8O5 Tordonnance du juge d^instruclion est sans appel ,
c'est que dans une instruction criminelle il importe de recueil-
lir immédiatement les dépositions des témoins , c'est que le
moindre retard pourrait^ au moment où commencent les in-
vestigations, avoir de graves conséquences. Si, au contraire
suivant Fart. 157, le jugement du tribunal correctionnel de-
meure soumis à l'appel , c'est que la môme urgence n'existe
plus : â le tribunal a été saisi par un renvoi , les té^noins ont
été entendus dans Tinstruction préalable et si l'appel retarde
le jugement, il ne met point la justice en péril ; s'il a été saisi
par simple citation, Taffaire n'est pas assez grave pour qu'un
délai inquiète Tordre social. Il n'y a donc point de motif sé-
rieux de priver les témoins de la garantie des deux degrés de
juridiction que la loi a voulu assurer à tous les citoyens qui
sont jugés par le tribunal correctionnel. Les voies coerciiives
de l'amende et de la contrainte sont faites pour vaincre et
pour cbitier la désobéissance ; mais à côté de la désobéissance
il peut j avoir des causes légitimes d'absence , à côté de la
contravention le droit , et nous ne voyons pas pourquoi les
formes tutélaires qui s'appliquent à la poursuite de toutes les
infractions que ie tribunal correctionnel est chargé de punir
ne s'appliqueraient pas à celle-ci , lorsque la loi n'a établi
aueune exception à son égard.
S 5îi.
I. Qui peac app^er. — II. Appel da prévenu. — lil. Des parties res-
pmal^les. — iV. Des parties civiles. — Y. ûesadmiDistrationspa»
bliqaes. — Vl. Da mioislere public.
L L'art. 102 du G. d'instr. crim., rectifié par la loi du 13
juin 1856, est ains conçu :
« La faculté d'appeler appartiendra : 1* aux [>arties prévenues ou
responsables ; 3* à la partie civile , quant à ses intérêts civils seule-
S4 9MA TKIBVNAVX CnRBCTIONNELS. •
ment; 3* à radmÎDistration forestière ; 4'> au procureur impérial orês
le tribunal de première instance ; 5* au procureur général près la uour
impériale. »
Telles sont les personnes qui ont le droit d'appeler. Il faut
examiner dans quelle mesure chacune d'elles peut exercer ce
droit.
IL La loi consacre, en premier lieu , le droit d^appel des
prévenus.
Il y a lieu de remarquer, d^abord, que Part. 193 du G. da
3 brumaire an iv n' ouvrait la voie de Tappel qu^aux con--
damnés. Notre Code a substitué à ce mot celui de partieê
prévenues ; de là il suit que le droit d'appel appartient dans
tous les cas aux prévenus , soit que les jugements por-
tent ou non sur le fond, soit qu'ils aient été condamnés ou
ne l'aient pas été; et il existe môme un cas^ celui prévu
par Tart. 191, où le prévenu, quoique renvoyé des fins de la
plainte, a intérêt à former appel du jugement qui , en Tac-
quittant, ne lui a pas alloué les dommages-intérêts qu'il de-
mandait contre la partie civile *•
Le prévenu peut appeler , lors même qu'il aurait fait dé-
faut % lors même qu'il n'aurait pas obéi au mandat décerné
contre lui * ; car aucune disposition de la loi ne prononce dans
ce cas de fin de non recevoir*
Il peut appeler lors même qu'il aurait acquiescé au joge-
ment de première instance. Dans notre ancien droit , il n'en
était pas ainsi : l'accusé pouvait acquiescer au jugement et cet
acquiescement était valable et le liait La raison en était que
la faculté d'appeler ne se prescrivait que par vingt ans, et que
dés lors, comme il était impossible de suspendre indéfiniment
l'exécution des condamnations, il fallait bien qu'il pût renon-
cer ou qu'il fût présumé avoir renoncé à l'exercice des voies
de encours ^ . Dans notre droit actuel , la brièveté du délai
d'appel a fait disparaître ce motif, et par conséquent la dé*
châince elle-même. Le prévenu, à la vérité, dispose de l'ap-
pel dans son intérêt ; l'exercice lui en appartient et il peut
laisser le délai s'écouler sans le former ; mais tant que ce dé-
lai n'est pas épuisé, tant que le droit subsiste , il ne peut en
être décbu par le seul fait d'un acquiescement prématuré.
« Gonf. Boitard, n. 817, 7* éd.
s Art. SOS G. insu cr.
" Gasft. 19 ventôM an ii, rapp. If. Lachèn Dalloi. t* Appel» n. S71«
* T. II, p. 407.
DB L'aPPBL des JTCEMfcNTS COBMCTIONNELS. § S71. »
L'appol , en effet , nous l'avons dit, est une garantie de jus-
tice, un moyen d'assurer la découverte de la vérité ; or, est-ce
qu'il change de caractère parce qu'il est entre les mains des
parties? Est-ce qu'il cesse d'être employé dans Tintérèt de la
vérité parce qui! est exercé par le prévenu ? Qu'importe que
l'intérêt personnel de celui-ci en dirige l'exercice ; à cet m-
térêt se mêle nécessairement un intérêt général qui , dans le
recours même du préyenu, peut trouver un moyen de justice.
La garantie de l'ordre s'identifie avec la garantie de la dé-
fense, et la forme de la procédure pénale, quelle que soit la
partie qui l'invoque, protège Tune et l'autre. C'est parce que
son droit peut servir à la société en lui servant à lui-même,
qu'il ne peut l'abdiquer. 11 peut sans doute consentir à une
exécution prématurée, il peut, si l'on veut, acquiescer, mais k
la condition qu'il ne sera pas lié par cet acquiescement et qu'il
pourra exercer encore, s'il le juge à propos, le droit qu'il tient
de la loi pendant tout le temps qu'elle l'a mis entre ses mains.
Comment abréger» en effet, le délai que la loi a fixé? corn-
meot le fait personnel du prévenu pourrait-il modifier une
règle légale? Ce délai de l'appel n'a-t-il pas été donné pour
qu'il pât rassembler ses moyens de défense et faire tomber
une condamnation qui peut être injuste ? Lui opposer un ac-
quiescement prématuré quand le recours n'est pas encore
fermé et qu'un nouveau témoignage , la production d'une
pièce peuvent changer la face de l'affaire . ne serait-ce pas à
la fois enlever à la justice Tune des ses garanties et s'écarter
arbitrairement du texte de la loi?
La jurisprudence aémis surce point une «olution qui n'est
pas la même, suivantqu'il s'agitde la police simple ou de la po-
lice correctionnelle. En matière de police , l'acquiescement des
parties est valable et forme une fin de non-recevoir contre
l'appel : la Cour de cassation, appliquant à cette matière les
règles de la loi civile, a considéré les jugements volontaire-
meot exécutés comme protégés par une présomption légale
qui les rend inattaquables ' . En matière correctionnelle, au
contraire, elle a déclaré que l'exécution du jugement nVait
pu établir contre l'appel du condamné, interjeté dans le délai
de dix jours, une déchéance fondée sur son prétendu acquies*
* Catf. IS mal 1809. rapp. M. GarnoU J. P. t VU, p. 556 ; 5 dot. i8S9»
rvpp. M. Ghanterejne^t. XXII, p. 1483 ; 16 janvier 1856, rapp. M. BressoD.
BttU.a«35.
26 ^ DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS.
cément : « attendu qu'il n'en est pas de même des jugements
en matière civile et d'un intérêt privé, qui ne peuvent plus
être attaqués par la voie de l'appel après qu'ils ont été vojon-
tairement exécutés, et des jugements en matière correction-
nelle; qu'à l'égard de ceux-ci et des peines qu'ils pronon-
cent, l'appel est d'ordre public, et qu'une exécution préma-
turée, même avec le consentement du condamné, ne saurait
lui fermer un recours que la loi lui accorde lorsqu'il l'exerce
dans le délai qu'elle a fixé, ni donner au jugement le carac-
tère définitif et irrévocable qu'il ne doit tenir que de l'expi-
ration du délai pendant lequel il demeure soumis à Tappel ' . »
IlL La partie.ci vilement responsable peut appeler comme
le prévenu. Elle peut, comme celui-ci, appeler lors même
qu elle n'aurait pas été condamnée en première instance, si
elle y a conclu en des dommages-intérêts contre la partie ci-
vile et que cette demande n'ait pas été accueillie. Mais', à la
différence du prévenu, elle ne peut plus appeler si elle a
aoquiescé-au jugement , car son intérêt étant purement civil
il y a lieu d'appliquer les règles du droit civil. '
L'intérêt du prévenu et de la partie responsable, quoique
le même au fond, s'exerçant sur un objet difféient,i| s'en
suit que l'appel de l'un est indépendant de celui de l'autre.
Ainsi Je maître, civilement responsable du délit de son pré^
posé, peut appeler, bien que celui-ci, condamné par le juge-
ment, n'interjette aucun appel. De même, Facquiescement
du premier ne fait aucun obhiacle à l'appel du second.
On a demandé si, dans le cas où Je jugement aurait con-
damné la partie responsable sans qu'elle ait été citée, elle
pourrait appeler. M. Carnot lui dénie le droit d'appel et lui
ouTre la voie de la tierce opposition ". Nous avons déjà vu
que la tieroe opposition n'ejst pas admise dans la procédure
pénale « attendu que les délits sont personnels ; qu'il en est
de même des condamnations qu'ils entraînent; qu'en matière
criminelle, un jugeaient n'existe que vis-à-vis de ceux avec
qui il a été rendu ; que, dans cette matière, la tierce opposi-
tion ne peut donc ^tre admise ^ » U faut distinguer, dans
*CaM. 10juinfS3S,rRpp. II. Voyrin dcGarteinpe.Ball. n.188.:
' Insu crim. t. II, p. 98,
» Cass. a juin 1808, rapp. M. Lombard, J P., t. Vï, p. 726; 25août 1808.
rapp. M. Lmnbard. U VII, p. 116 ; 19 fév. 1885, rapp. M. Rives Bu!l. n. 60.
Voy. aussi noU« t VII, p. 498.
DE l'aP^BL »Bft «V«EMBNTS GOURECTtOMNELS. § 571. tf
Yhjf(Àhèse proposée» si les personnes responsables ont élé
rèelleaient, quoique irrégulièrement condamnées par le ju-
gement, ou si ce jugement s*est borné Â poser le principe
d'ttne responsabilité qu'il n'a pas appliquée, è réserver, par
exemple, Taction récursoire contre ces personnes. Dans le
premier cas, il nous semble que les personnes ainsi condam-
nées peuvent se pourvoit par opposition ou par appel ; en
elTet, si elles n'ont pas été mises en cause par une citation, ne
9)nt-elles pas devenues parties au moment où le tribunal a
prononcé contre elles une condamnation) Les condamner,
n'est-ee pas les mettre en cause et staturr à leur égard
comme si elles étaient, parties au procès? Et comment ^se-
raient-elles parties quand le jugement prononce contre elles,
et ne le aeraient-elles plus, quand elles appellent de ce juge-
ment? Il y a là sans doute un excès de pouvoir du jugc,^
nais c'est dans cet excès même qu'il faut chercber le moyen
de recours : il a considéré les personnes responsables comme
étant en cause, elles doivent agir dans la qualité qui leur a
étéindûment attribuée ^ Dans le second cas^ au contraire^-noua
crojons qu^ aucune voie de recours ne peut être ouverte ; car,
noB-seulement les personnes responsables n^ont pas été appe-
lées au procès» mais elles n'ont pas été condamnées ; elles ne
.peuvent donc être considérées, ni comme parties principales,
ni comme parties intervenantes; à la vérité, l'action en res-
poasabilité 4i été réservée contre elles ; mais cette réserve,
qui ne lait qu^ajourner devant une autre juiàdiction les ac-
tions et^oite^ui peuvent résulter du procès, peut^ella avoir
pour eiDet de mettre les personnes responsables en cause? Si
eiie«emà))e but Résumer leur responsabilité, elle ne Ja dé-
clare-pas ; «lie pr^uge Texistence de Pactio», elleue Ja ju§e
peint «Ue-mème ; iwmfflent donc pourraient-elles iaire appel
d'^iikjttgeinent lorsqu'elles n'ont été, ni cilées^ni miseaen cause,
lû condamnées? Cejpendant, si la personne responsable avait
été admise è prendre les fait et cause du f révenu, le juge-
ment qui, eit condamnant celui-ci, aurait réservé son recours
contre 1 intervenant, pourrait être frappé d'appelpar ce der-
Qier)^ear Tintervention Ta iait partie au procès \
lY. L'appel de la partie civile^ quoiqu'elle n'exerce qu'une
^Can. U jttin\8di, i^pp. Rives, h P., t "iZ^ l^TS.
2S his TRIBUNAUX correctionnAls.
action civile, est soumis à toutes les formes de la joridiction
correctionnelle : peu importe donc le chiffre de la demande
en dommages-intérêts qu^elle a formée ; son appel n'est point
subordonné, comme devant les tribunaux civils, à la quotité
de la demande : tous les jugements correctionnels, comme
on Ta vu dans le § précédent, sont sujets à Tappel '.
L'appel de la partie civile est indépendant de celui du roi*
nistêre public ; elle peut donc appeler lors même que celui-ci
garde le silence et acquiesce au jugement Ce point, qui n'est
que Tapplication textuelle de l'art. 202, a été consacra
par plusieurs arrêts qui déclarent c qu'il résulte des art. 182
et 202 que la faculté d'agir par action directe et celle d'appe-
ler dans son intérêt sont accordées par la loi à la partie civile,
comme au ministère public dans l'intérêt de la vindicte pu-
blique dont la poursuite lui est confiée, et «ans que la pour-
suite de la partie civile soit en aucune manière subordonnée
à Faction du ministère public; que lorsque le ministère pu-
blic ne se rend pas appelant d'un jugement de première in-
stance favorable au prévenu, il en résulte seulement que
rappel de la partie civile ne peut donner lieu à l'application
d'aucune peine, mais non pas que son action civile soit éteinte
ni altérée dans ses rapports avec son intérêt personnel *• »
Mais, pour que la partie léséô puisse exercer ce droit, il est
nécessaire qu'elle ait été partie dans le jugement de première
instance^ car les voies de droit n'appartiennent qu'aux per-
sonnes qui ont figuré comme parties dans les jugements con-
tre lesquels elles sont dirigées. De là il suit que le plaignant,
qui ne s'est pas constitué partie civile en première instance,
n'est plus recevable i intervenir devant le tribunal d'appel ,
car il ne peut Aire indirectement par voie d'intervention ce
qu'il ne peut faire directement par voie d'appel, et d'ailleurs
l'appel relevé par le ministère public ou par le prévenu ne
saurait lui profiter pour ses intérêts civils ; enfin, il ne peut
priver le prévenu d'un degré de juridiction sur l'action civile.
Ce dernier motif a été plus particulièrement énoncé dans
plusieurs arrêts qui portent a que» d'après l'art. 67 du C.
d'inst cr.y on peut se porter partie civile jusqu'à la cléture
' LeMylHer, n. 404; Dallos t« Appd n. 167.
> Cass, n mars 4814* npp. If. Dunoyer ; 5 juill. 1816, rapp, M. Audier;
A oct 1816, rapp. M. AnmoDt; Dali. t« Appel n. 168; 19 mai 1815. rappw
M. Aadier« J. P., t. XII p. 788; 1 mai 4818« rapp. If , Lecontour. t là,
p. 784.
DE l'appel Dès JUGKIIRNTS COaRtCTtONNELS. § 571. 29
des débats ; que ce principe établit uq délai après lequel on
n'est plus recerable i se porter partie civile ; qu'en matière
correctionnelle les deux degréstle juridiction constituent pour
le préyenu un droit dont il doit jouir tant sous le rapport de
Tapplication de la peine que sous celui des dommages-inté-
rêts ; d'où il suit que par ces mots : jusqu'à la clôture des
débals, il Tant entendre : jusqu'à la clôture des débats devant
les premiers juges ; et qu^après le jugement de première in-
stance, les choses n^étant plus entières, le procès doit finir
comme il a commencé, c^est-à-dire avec le ministère public
seul, et celui qui se prétend lésé ne peut plus agir que par'
action séparée devant la juridiction civile '. »
]|<?st, en second lieu, nécessaire que le plaignant, lorsqu^il
s^est constitué partie civile en première instance, n'ait point
acquiescé au jugement ou ne se soit point désisté de sa pour-
suite; car nous avons vu qu'il peut renoncer à son action et
que cette renonciatfon régulièrement faite le rend inhabile h
toute poursuite ultérieure •.
y. Les administrations publiques sont, en général, assimi-
lées aux parties civiles, et elles n'exercent d'autres droits que
les droits de celles-ci : cette règle est explicitement consacrée
par l'art. 158 du décret du 18 juin 1811.
Cependant cette assimilation n'est pas complète et admet
quelques exceptions '. En ce qui touche le droit d'appel Tad-
ministration des eaux et forèls, celle des contributions indi-
rectes et celle des douanes sont investies de prérogatives
spéciales.
L'administration forestière est particalièrcmont investie
du droit d'appel par Tart. 202 du G. d'inst. cr. et il a été dé-
cidé par la jurisprudence « que, d'après cet art. 202, le
droit d'appeler des jugements rendus en police corre(!tion-
Delle peut être exercé par l'administration forestière d'une
manière indéfinie et sans restriction, à la différence des parties
civiles qui peuvent aussi l'exercer d'après le même article,
mais seulement quant à leurs intérêts civils ^. « Cette inter«»
^Cass. i7juil]« 1841, rapp. M. Mérîthou. But), n. 218. 8 prair. an xr,
rapp. IC Dntocq. J. P., t. 3, p. 802; 21 mai 1883. rapp M. de Ri-
evd, t 25» p. 503; 8 août 1845 rapp. M. Mérilliou. Buli. u. S56.
* T. II, p. A5t el«uiv.
*T.Ji»p. â32elsajv.
' Cm» H jaovt 1817, rapp. M. Baiire* Bull. n. 7*
30 hf» TftlBVKAUX CQIftSCTlONIlKLS.
1)rélationa élc maintenue par les art. 183 çt 184 du G. fqr,
wa même règle s*appli<)ue h radministration des forêts dç ){i
couronne ^
Les administrations des contributions indirectes et d^
douanes, en ce qui concerne Tappel , ont le même droit que
radministration forestière : nous avons précédemment rap-
pelé les textes qui établissent ce droit et essayé dfi poser Ii s
limites dans lesquelles il doit s'exercer •.
On a vu tout à Theurc que la partie lésée ne peut ni fajrp
appel ni intervenir dans l'instance d^appcl, lorsqu'elle D'ap.a^
' figur;' an première instance. Celte règle doit-elle être applf\-
quée aux administrations publiques? Elle doit-être sans au-
cun doute appliquée à celles qui n'exercent que les droits des
parties civiles ordinaires '. La question ne peut naître qu^cn
ce qui concerne les administrations des forets, des contribu-
tions indirectes et des douanes. On dit, en effet, relativ.o*r
ment à ces trois administrations, ^ue, si elles, n'ont pas Qr
guré personnellement en première instance, elles ont été re-
présentées par le ministère public qui a entamé la poursuUe»
et que, quand le ministère public n'appelle pas, elles peu-
vent reprendre alors elles mêmes cet appel, puisqu'elles ne
font que continuer une instance commencée dans leur inté-
rêt. Telle est la doctrine d'un arrêt qui à la vérité, D*a été
rendu qu'en matière de saisie à Tintérieur de tissus prohibés,
et dans lequel on lit : « que s'il est des circonstances où, d'a-
près les dispositions formelles de la loi, la partie publique a
seule qualité pour requérir certaines condamnations, hors ces
cas particuliers et dans toutes les affaires de douanes, la ré-
gie ayant un intérêt direct à faire prononcer des condamna-
tions et amendes dont elle profite» et k empêcher que des
marchandises saisies à raison d'une présomption d'origine
étrangère et reconnues depuis provenir de fabriques fran-
çaises, ne donnent lieu à des indemnités qui, aux termes de
la loi, seraient prises- dans les caisses de la douane, a consé-
quemment le droit de poursuivre aussi bien en appel qu>u
première instance , les peines pécuniaires encourues par jes
contrevenants; que l'initiative delà poursuite 5 nécessaire-
ment attribuée au ministère public dans ile^ ^épaf\fija^jx\& de
' Cass.5nOT. 1829, rapp. M. Chanlereyiie. BalU n. 2â7.
'TU, p. 2ôà Cl 242.
* Uss. là mari it^oo, rapp. M» UcMiei J, P., U V| p. ^28.
DK l'appel des JOGEHENTS CORRECTlO.'fNELS. § 571. 31
Tintérieur où radrnioistration des douanes n'a pas d'agent
en cause, et sa confiance dans le magistrat chargé par la loi
de veiller à sa défense, peuvent bien la déterofiiner à ne pas
intervenir dès le principe dans une instance où ses intérêts
sont confondus avec ceux de TElat ; mais que ce n'est pas une
raison pour qu^elle ne puisse attaquer etisuite i>^r la voie de
rappel un jugement qui lui cause un véritable préjudice '».
Que si cet arrêt doit être enfermé dans Tespèce spéciale où
il est intervenu, nous n'avons rien à dire; mais il serait peut-
être dinîcile d'y voir une règle applicable aux administrations
auxquelles a été déléguée une portion de l'action publique.
Il faut d'abord écarter celle des contributions indirectes à la-
quelle la jurisprudence a refusé la faculté d'être représentée
par le ministère public \ Mais, lors même que le ministère
public agit dans l'intérêt d'une administration^ peut-on dire
qu'il représente ses intérêts particuliers? peut*on dire que
l'action publique soit présisément celle de l'administration?
Celle-ci ne contient-elle pas a la fois l'action pour l'appli-
cation de la peine et l'action pour les réparations civiles ?
N'est-ce pas à raison de cette différence que la Cour de Ca^
salion a jugé que racquiescemcnl de l'administration des
douanes, qua^id cet acquiescement n'a pas les caractères d'une
transaction, ne fait pas obstacle à l'appel du ministère pu-
Wic •. N'est-ce pas à raison de la même distinction que
l*arl. 184 du C. for. réserve l'appel du ministère public lors-
que l'administration forestière a acquiescé qu jugement?
L^P^I de l'administration, quand le ministère public, qui
a seul figuré en première instance, n'appelle pas, apporte
donc quelque chose de plus dans la cause que l'action du
ministère public ; il apporte l'action civile qui se trouve con-
fondue dans ses mains avec l'action publique et qu'il est
difficile de distinguer, puisque les confiscations et amendes,
d'après la jurisprudence, n'ont que le caractère de répara-
tions civiles. Il n'y a donc pas indivisibilité entre le ministère
public et l'administration comme entre deui membres du mi-
lisière public ; il est donc impossible d'identifier les deux in-
^fèts et les deux parties poursuivantes, et par conséquent
l'Appel de l'administration , dès qu'elle ti'était pas partie en
' Cass. 5 ocr. 1882, rapp« M. Gbantcreyne. J. P., t. 24, p. 1496.
•T. 2, p. 234.
Cas». 2i nov. 1828, rapp. M Cliantereyne. J. P,|t. XXIJ, p. 868.
32 :]»ES TmBUNAOX CORRECTIONKKU.
première instance, est une TÎolation de la règle des deux de-
grés de juridiction ^
Ces administrations peuvent comme les parties civiles or-
dinaires se désister de leur action ou transiger sur leurs droits,
et cet acte de désistement ou de transaction' constitue une fin
de non recevoir contre leur appel. En matière de douanes,
la transactiSn est un obstacle à l'appel même du ministère
public '. Mais il faut prendre garde que Tacquiescement ne
se présume pas etqu^il ne peut résulter que d'actes formels et
émanés d'un agent ayant droit d'acquiescer. Ainsi le délin-
quant qui a versé dans les mains du receveur des douanes
le montant de Tamende à laquelle il a été condamné en pre-
mière instance ne peut pas opposer à T administration forestière
qui a interjeté appel, la quittance de ce préposé comme une
fin de non recevoir contre Tappel : « attendu que les diverses
branches de l'administration publique sont conférées à des ad-
ministrations distinctes qui en exercent les actions séparé-
ment les unes des autres, et que le fait de l'agent de Tune
d'elles ne peut produire contre les poursuites de l'autre, et à
jaison de circonstantes qui lui sont entièrement étrangères,
la décbéancedes actions dont l'exercice est réservé par la loi ;
que si la direction générale des forêts peut seule acquiescer
aux jugements rendus contre elle et se désister des appels in-
terjetés en son nom, la direction générale des domaines, char-
gée de percevoir seulement, quand il y a lieu , et de recou-
vrer par ses agents lesamendesauxquelles, en matière fores-
tière, sont condamnés les délinquants, ne peut du reste avoir
aucune influence sur des poursuites qui sortent du cercle de
ses attributions, et que ses agents sont sans caractère pour re-
présenter la direction des forêts *.
YI. Le droit d'appel du ministère public est général et
s'applique à tous les jugements rendus en matière correction-
nelle, à Texception de ceux qui ne statuent que sur des inté-
rêts civils.
« Conf. cass. 7 fév. 1809, rapp. M. Minier. J, P., u V, p. 167,
• T. 2, p. Î42.
* Cass. 29 cet. 1824, rapp. M. Ghaolereyue. Bull. n. 152 { et Gouf. 4 juin
et 81 d<^c. 1824, ni(:me rapp. BuIL ii. :!06; 22ocU 1829, rapp. M. Dupaiy.
Bail, u. Uk ; 1" m.irs 1839, rapp. M. iiéUau, Bull. n. 73.
M L*à9nL Ml If cntm cMAMnamBU. g 871« SS
Il peutdoDc appeler des jugements rendus sur la eitatioa
direeie de la partie civile et lors même que cette partie an-
raUdéjà appelé et qne son appel aurait été déclaré non rece*
vable : «attendu que ractionconféréedans ce cas au ministère
public est essentiellement distincte de Faction qui peut ap-
partenir à la partie civile, laquelle, aux termes de Fart. iOi»
ne peut appeler que quant à ses intérêts civils seulement ;
que dans aucun cas Paction du ministère public ne peut être
entravée dans son exercice par Taction de la partie civile» et
que la décision intervenue t^ur Tiine de ces actions ne^ieul
pas être un obstacle à Texercice de Tautre '. »
Il peut appeler lors même que le prévenu s*est désisté d'un
appel antérieurement Tormè « atlf»ndu que les art* 202 el
SOS ne confèrent point au procureur général un simple droit
d'appel incident subordonné k Tappci du prévenu, mais bien
un droit d*appel principal qui n'est soumis à d^autres eondi*
tiens que celles qu'ils prescrivent; que le prévenu ne peut
pas, en se désistant de l'appel qu'il a d'abord interjeté, pa-
raljscr le droit du procureur général, auquel il resterait sou«« *
mis s'il n'avait pas appelé *• »
Il peut appeler, même pour cause d'incompétencci lors
qu'il n'a pas formé opposition contre l'ordonnance qui
a saisi le tribunal correctionnel : « attendu que le ministère
public, par son défaut d'opposition contre Tordonnance de
renvoi ne pouvait pas être lié relativement au jugement rendu
par le tribunal correctionnel postérieurement; que ce défaut
d'opposition rendait nécessaire rexéculion de ladite ordon*
nance; mais que, son effet étant consommé par Tinstructioa
faîteau tiibunal correctionnel^ le ministère public était rentré
dans tous ses droits pour exercer , même relativement i la
compétence, le droit d'appel que Fart. 202 lui donne d'une
manière absolue contre tous les jugements correctionnels ^. »
li peut appeler dos jugements rendus, soit en matière fo*
restière ^, soit on matière de douanes ^ ; quoique ces adminis^
Uations n'aient pas appelé.
Enfin, il peutappeier des jugements rendus sur lesdélits qui
De peuvent être poursuivis sans une plainte^ lors mime que 1 1
* Gm, s rév. tSA&, rapfi. M. Brière-Valigoy.BiilU a. SI.
sCa». 43 tèf. 184(^ rapp, M. Vinoena-SlrLaoKiiU BiiU» a. St.
* Can. A sepu 1818. rapp. M. Sefaweodt J. P., U XI, p. 099.
* G». S7 jaav. 1887, rapp. If* Vo|iin de Gartempe. BuU. o. SI*
* Cus. Si nof. 1838, rapp. U. Cbanlerrync, I. P. U XXII, p. 8SS«
fiil. 3
SI DI9 TRIBmArX CORRECnONmi.
ptalgnant^après avoir saisi la justice, ne forme lui-même aucun
appef ^/La raiscfn en est, ainsi que nou^ravons déjà dit *, que
raation publique, une fois mise en mouvemeot par la plainte*
ne dépend plus de la coopération de la partie qui a provoqué
son exefeice ; elle n^est point Texécution d^un mandat qui
aurait besoin d^étre renouvelé ; dès qu'elle a pu être exercée,
elle doit continuer son cours jusqu'à ce qu'elle soit épui-
sée, tl doit; en être ainsi même en matière d'adultère 3.
L'appel peut être interjeté soit par le procureur impérial
p#ds le tribunal de première instance, soit par le procureur
général prés la cour impériale.
Ayant la loi du 13 juin 1856, qui a rectifié sur ce point
Fart. 302 du G. d'instr. cr., Tappel pouvait être formé, en
ontre, par le ministère public près le tribunal qui devait pro-
noncer sur rappel^ lorsque ce tribunal n'était pas la cour elle-
même. La loi nouvelle» en portant tous les appels à la cour^
a supprimé le recours de ce troisième membre du ministère
public.
Le droit d*appel du procureur impérial près le tribunal dé
1** instance et celui du procureur général sont distinct et
personnels à chacun de ces magistrats, puisque la loi Ta sé-
parément attribué à chacun d'eux ^
Le procureur impérial doit donc apprécier, dans sa cons*
cience et après ihi examen approfondi du jugement» s'il doit
oil non en former appel, sans attendre les instructions de son
chef hiérarchique : c'est un droit que la loi lui a personnelle-
ment délégué, c'est la conséquence de Tinvestiture qui lui a
été faite de l'action publique ^« Les substituts ont le même
droit que le procureur impérial 6. Ce droit ne reçojt aucune
atteinte de Tacquiescement prématuré que ce magistrat au*
refit donné au jugement ; car nous avons vu que, dans notre
droit moderne, diiïérènt en cela de notre ancienne jurispru-
dence 7, le ministère public peut agir ou demeurer inactif, il
peut exercer ou ne pas exercer son droit, mais qu'il ne peut
renoncer à une action qui ne lui appartient pas s. C'est par
application de cette règle qu^il a été jugé qu'un procureur
* Cass. S3 Janv. dsis, 18 aYiil i820, 81 Juill. *1880 et 0 juin 1SA6, rapp.
t.111, p. STetes, ''^
• T. III, p. 87. -i« T. m, p. 80.
« Cass. 8 lili. 1837. M. Gardoimel J. P., t. 21, p. 114.
•T. II, Pi U9. --^T. II, p, 8S8i - \% U, p. M7i -• T* II.
p. 119»
ÎMfMrial fictH appâter d'un jappement renda conformétnetit à
«s oondûsient, ou qtTTà a déjà fait exécuter soit on ortfott-
Mttt réiargiifieinent du prëvenu, soit eu le faisant notifier vréc
sormnatioQ de Texécuter *•
Le procureur général, à plus farte raison, peut exercer
SM droit d'appel, lors mècne que le procareur impérial au-
rait aequieseë au jugement et consenti à son exécution *• Il
le feoî également exercer, lors même que le procureur ioi-
|)énal aurait appelé déjà, et surtout si celai-ci a restreint son
reootirs à certains chefs du jugement. La Cour, dans ce cas,
est tenue de statuer sur les deux appels ^, Noud aTons eta-
wiié aiicniB les diverses questions qui s^élèrrent à ce sqjét ^.
$OT2.Î
f. nélâts 4e rappel. — 11. Mode de oomamsllMi da délai. -^ III. San
^iat de départ en ce qai concerna les îagtmeau «ootradittoirts
et les jugemeais par déutut» — IV» Déchéance des appels jprinci*
panx ou incidents formés en dehors du délai. — V. Exceptions au
délai de dixjoars- r à Végard de l'appel do procureur général ;— Vl.
2*ea ttatièredecontnbntion8indiroetes;*-TH«^ en matièredaté*
cusallons.
I. Le délai pour appeler des jugements correctionnels est
de dix jours qui courent, pour les jugements contradictoire!^
du jour de leur prononciation, et po«r les jagemente par dé-
faut, du jour de leur signification à personne ou doMoHe.
Telleesi la dispoailioa de Tari. SOS :
« Aft. n3. 1! 7 aara, sauf Texcepiion portée en l'art. tOS ci-aprèl,
déchéance de Tappel, si la déclaration d'appeler n*a pas été f**te nni
greffe du tribnnaàqai a renda le îugeawm, dis jeors au plus Urd après
celui ou il a été prononcé; et si le jugeneuia été rendu par défam^dix
jours .111 plus tard après celui de la significaiion qui en aura é\é faite
a b partie Condanméc ou i son domicile^ outre un jour par trois my-
tfUMStes.»
IL Ce délai doit être rigoureusement renfermé dans les
termes où k loi Ta établi. L'art. 194 du G. du 3 bruA. aniv
portail : « le 10' jour au plus tard après celui qui $uU la
prononciation du jugement. » De là la conséquence qu'un ap-
pel relevé le li« jour, par exemple le 19^ d'un jugement
^Vfqwlesareêlifttiaiitjugéeneesensit. n, p«W* j.^.«
* Cass. 15 janr. 1807, rapp* M* Csraot» f* P*» t» V» p« tîi%
•TfU.P*a4«lMilf.
96 »ii TiiMmAn <soiiicTioimBU«
rendu le 1^, étét ttlabie '. Noire Godet retrandié un jour
k ce délai en substituant cette formule « dix jows après celui
où il a été prononcé », à celle-ci « après celui qui soit la pro-
nonciation. » On a prétendu néanmoins qfxe. le jour de TA-
chéance du délai ne devait pas être compris dans Le, délai, et
que^ comme en matière civile, il fallait en déduire le jour
ad qttem aussi bien que le jour à quo. Mais cette interpréfai»
tion se brise devant les termes de Tart. 203, <|ui déclare la
déchéance de Tappel qui n'est pas interjeté dix jours au pluâ
tari, après celui où le jugement a été prononce Le 11* jour
est donc exclu du délai fixé p^r la loi ^*
Cette règle est applicable lors même que le 10*jour est on
jour férié 3. Les actes de la procédure criminelle» en eOet^
peuvent être faits même un jour férié.
Elle est applicable» quetle que soit la distance de la rési-
dence des parties, lorsque le jugement est contradictoire. Il
résulte^ en effet, du texte de fart. 203, tel qu'il a été publié
Ïar les éditions olTicielIesde 1808 ei 1816, qu'il se compose
e deux dispositions distinctes et séparées ^ : le délai des dis-
tances n'est point admis par le législateur pour les jugements
contradictoires, lors de la prononciation desquels les prévenus
sont présents ou dûment représentés ; il n^est accordé qu*au
cas où la condamnation est rendue par défaut ^.
III. Le délai ainsi réglé, il faut déterminer son point de
départ.
Ce point de départ n'est pas le même, ainsi qu'on Ta vu,
pour les jugements contradictoires et pour les jugements par '
défait.
En ce qui concerne les jugements contradictoires, le délai
court, pour toutes les parties, du jour du prononcé : ileu^t
ainsi non*seulement pour les jugements définitifs, mais encore
pour les interlocutoires dont l'appel doit être relevé dans les
dix jours de leur prononcé sans attendre le'jugement du fond.
* Gaii, sa vend, an is, rm. BL Dttlooi|. J. P., t. II, f» iSt UreoL
an xji, rapp. M. Miuier, U lit, p. 654; 9 frim. aD xiy, rapp. M. AhomniI,
t V, p. 47.
^Oêm, S9i«lii i817, rapp, M. Rataud. BuU. n* 57; 18 Juin. 1817,
rapp- ^ Baûrcw BuU. i»« S»; S oct. 18^ npp. M. iMeau. BoU.
D. 4t8.
* Caat. 98 aoûtiSIS, rapp. M. Audiet^MaMilkui. h P.« t. X, p.497«
* Dans cet édilkma. Tan. 903 admet, après le moi prononcé/ ao paiai et
une tirgok, et non pas une viif ule seulement.
■ GaM. IS oct. I850; rapp. M. Tsambert. Bull o. SSS»
M L*A»Mi BU ivoiMiint coàtKnmmu. § 57t. 81
tir Al joor du prononcé do jugement définitif *•
Bn ce qni concerne les jugements par défaut, le délai ne
court iPégard des parties condamnées que du jour de la si-
gnification qui en a été faite à ces parties ou à leur domicile,
ont» un jour par trois myriamôtres.
Une difficulté se présente ici. La signiCcation du jugement
par défaut ouvre deux voies de rqco'urs k la partie condamnée :
roMOsttioli, qui îa renvoie devant la même juridiction» et
<|ireNe]pe«t eiercer pendant le délai de cinq jours %et Tappel,
qui la transporte devant la juridiction supérieure, et qui lui
est ouvert pendant le délai de dix jours. Sous le Code du 3
bnimaire an iv , qui ne contenait aucune disposition sur Pop-
pontion et Tappel des jugements par défaut, la jurisprudence
iTiitadmiSy comme Ta ait depuis notre Gode, que ces deux
roies de recours pouvaient être exercées & compter du jour
de la signification : < attendu aue la justice et la raison veu-
lent que nul ne puisse être condamné sans être entendu ; que
e'ast néanmoins ce qui arriterait si le délai pur appeler comp-
tait de la prononciation du jugement en défaut, puisque dans
ce cas le condamné est jugé avant d'avoir pu proposer des
. défenses et qiie, d'un autre côté, on ne peut pas lui reprockcr
d'avoir négligé d'appeler d'un jugement dont il est censé avoir
iijîiioré jusqu'à l'existence tant qu'il ne lui a paa été signirr
fié 4. • Mais un avis du conseil d'État du 18 février 180$|
après avoir essavé de suppléer à la lacune du Gode, en ou-
Trant la voie de l'opposition contre les jugements par défattt>
dêdaira : « que Vappel étant une voie introduite pour faire
réformer les erreurs des premiers juges» on ne doit j recourir
qo^ lors que )a partie lésée n'a plus les mojens de les faire
révenir eux-mêmes sur leur jugement ; que l'appel ne doit
donc être ouvert que lorsqu'on a perdu le moyen plus simple
deropposition; iqne c'est pour cela que, dans le projet du
Cedède proc. dv. (art. kkS)^ il ealdit que le délai, pour in-
terjeter appel des jugements par dâTaut ne court que du jour
< tefc sa mai iSSd, npii, tt. lUves. Bail. a. 17A.
* Oêêê* Il janv. tSSS» raftp, M. Cardonoel. J. P., t. XIX, p. 85 Voir* au
nrplin. pour la définitUm de ces dURrenU jugemeaU, $uprd, p. iS
^Voy. t 7t p. 819.
*CaM. 7 nir. hu is, rypp. H. Genevois. J. P.» t. II, p. 7i,
88. tu tïïOmkWt COBKEGTlONMELf • »
oiji l'opposition n^^est plus recevable. » La question est dono
de savoir si, conrormément à cet avis, ledélai d^appelne doit
cotrrir qu'après l'expiration du délai d^opposition, ou si ces
deux démis doivent, au contraire, se confondre et courir k
la fois.
Cette question a longtemps occupé les jurisconsultos :
llf. Legraverend i et IL Bourguignon * prétendent, confoc^
mément & Tavis- du conseiT diStat qtit Teur parait consacc&r
un principe de droit commun, que la voie de Topposition est
lerecours ieplus simple et Te plus naturel contre les jugeoienls
par Aèfcut, et que ce n^est que lorsque ce recours est ipujséi»
qu'il y a lieu die recourir à rappel. M. Carnot divise en dimx
partielle délai die dix jours: il réserve lescinq premiersjouvs i.
l'bppesil'on et réduit le délai de Tappel aux cinq jours qui
suivent ^. H est évident que ces légistes ont fait une compléta
abstraction du texte de l'art. 203 du G. d'instr. cr. Sans aucun
doute, en théorie, il peut sembler étrange que le même délai,
épuise deux voies de recours, et que le prévenu, auquel la loi
garantit un délai de cinq jours pour faire opposition et un délai
de dfx jours pour appeler, soit circonscrit dans un laps de dix.
joufsseulementpour délibérer sur l'un et rautrerecours;il peut
seiBfiter étrange que^ tandis qu'en régie générale, le jugement
n'tet siqet à Tappel que lorsque la juridiction du premier juge
est épuisée, Fappel vienne ici dépouiller ce juge avant qu'il
n'ait AAfinitiTement statué. Mais l'art. 203 déclare nettement
que, si te jugement est par défaut^ l'appel doit être interjeté
9 dix jours au plus tard a^és celui de la signification^ d Or»,
ce texte, aqssi explicite que possible, ne permet aucune hési-
tation sur h volonté du législateur, et il faut reconnaltre:ayec
la Cour de cassation c que les délais de l'appel ,, en matière
correcttonnelle, sont réglés, non par Tavis du conseil d^Etat
du tS'fl&Vrièr 1806, dont le» dispositions ont été virtuellement
abrogées par k G. dMnstr. cr.^ ni par l'art. hh3 du G. de
pr. civ., lequel est étranger à cette matière, mab parTarti*
de 908 du Q. d'instr.' cr. ; qu^aux termes de cet article, la
dielanilio*! d'appeler dbit être faite au greffe dti tribunal qui
arendtrh jugement^ dix jours au plus tard après celui oùil
a étèprenoncé, et si fe jugement a été rendu par défaut, dix
jours au plus tard après celui de la signification qui en. aura
ét^ faite à la partie .cond«)mnée ou à son domicile ; que, pour
« T* Xlf Pt Si&f—* ]i«ntt«l, ittr rart, if^Q^^^ T,I, p. 56$.
DB l*AfPBL DBS iUOEKBMTB CtlBBOTIOmiBLI. g !(72. 90
!èd Jugements par défaut comme pour f es jugements contra*
dictûjres^ chacun des dix jours accordés pour l'appel peut donc
être utilisé, et la déclaration d'appeler /aite aii gretife, sans
3[U6 la partie concïaiûnée soif tenue dTattendre Texpiration des
éfàis de T'opposition '. i» . '^
Dâ ta même régte^ il faut déduire qiie la pjarti^ condamaée
ù^est pas' obligée non plu^ d^attenc^re pour inierjeter appel
(p[6 la si^fîcation' du jugement ïui aii été faite : dans Tijn
eotome dtfns i^éutre cas, elle est présumée avoir renoncé vp-
loDiài^eàienf au bénéfice de roppositîon, et, par conséc^uenti
àt^ premier degré de juridiction .
La partie à la requête de laquelle le jugement par défait
a été rendu pent, aussi bien que la partie condamnée* en
former appel ; mais comme ce jugement^ par défaut à'I^'égaird
de cette dernière partie , est , au contraire , contradictoire
vîé-à-vis d^elle, if s'ensuit que le délai de dix jours court .à
son égard, non plus du jour de la signification^ quoique je
JDgement soit par défaut, mars du jour même de la pronon-
ciatîoD. En effet, ce n'est qu'à Tégard du défaillant que Tar-
ticle 203 transporte le point de départ au jour de la signifi-
éatiôn (fai lui en est faite. S'il en était autrement, ce serait
c^rèer en faveur du ministère public un délai illimité, puis-
<|Q*iI dépendrait de lui de ne pas signifier le jugement et de
hisser l'appel suspendu sur la tête du prévenu; ce serait ad-
mettre que le délai du procureur impérial peut durer encojce
^nd le délai du procureur général aurait cessé d'exister.
Ob peut objecter quun jugetnent ne peut être à la fois con--
tf^dficfoire et par défaut, qu*if est un et doit avoir le niême
<îal^ctère à Tégard de tous. Nous répondrons que^rien ne
s'oppose à ce que le jugement soit réputé contradictoire à
fégiard de» parties présentes et par défaut & Tégard de cellçs
30! étaient absentes : loin que cette distinction soit une sub*
Uté, elle ne fait que constater la vérité des choses. Gê qui
fait courir le délai , c'est la connaissance du jugement : il
court doué contré le ministère public du jour de la pronon-
ciation, parce qu'il est présent ; il ne court contre le prévenu
* Casa. 2a sept. i8&i,rapp. M. Bressoo. BiiIL n. 287, et Gont Ca««. 27 a?.
et Si mai iSSlÇ rapp. M. ^card et M. Tbil. J« P., t XXV, p. d90 et ôià i
23 janv. 1825» rappi M. GardoBùel, t. XIX, p. 86.
*Ctm, 6 BMi «920» rapp. M, CNUTier Bull. Q. 9&; 23 sept 1941 ' dt
«pro.
•is miioRAvi cMMcrfoimu.
déTaiiltni que du jour de la giguificatioD, paroQ qu^il pe le cm*
nattqmdecejour.
MabeoRHnetit pourn-t-il exercer ce droit d^appel? Est-ce
que la partie condamiiée sera privée de son droit d'opposr*
tion? On le jugeait ainsi sous le Code du 3 brumaire an it»
€ attendu que l'opposition au jugement rendu par défaut en
matière eorrectionnelle n*est que de simple tolérance: qu'dle
ne se trouve fondée sur aucun article formel du GoaCi tan-
dis que Pappel est la voie légale d*attaquer les jugemen^;
que de fà suit quet quand il existe cumulativement appel et
opposKion, c'est toujours sur Tappel qu'il faut procéder; que,
si eela est vrai en thèse générale, cela doit Fètre à plus forte
raison lorsque Topposition n*est encore qu'éventuelle '» s
Hais cette doctrine ne pouvait plus être mise en avant de*
puis que notre Code a placé Topjposition à côté de Tàppel et
a déOni les effets de ces deux voies de recours ; la Cour de
cassation a donc déclaré : « que de la combinaison des
art. 187 et 203 il résulte que Tappel des jugements ren-
dus par défaut en matière correctioanelle ne peut jamais pré-
jddicier à la voie de l'opposition yii est ouverte par la loi au
prévenu défaillant : lorsque la loi donne un droit i une partie,
ce droit ne peut loi être ravi que par un moyen reconnu par
la loi elte-méme, et non par le seul fait de la partie adverse;
et te seul moyen reconnu par la loi pour ôter le droit de Top-
position envers nn jugement par défaut est la négligence du
condamné d*user du droit dans le délai prescrit *• » Faut^il
dènc ouela partie poursuivante» qui peut, à la vérité, signifier
immédiatement le jugement, attende l'expiration des délais
de l'opposition ? Non encore ; car, « s'il en était ainsi, et ai la
partie à l'égard de qui le jugement est contradictoire, était
tenue d'attendre l'expiration des délais do. l'opposition oup
. ippel» la seule qui lui soit ouverte pour
la réformation du jugement ^, » Cette partie doit donc for-
mer aj^l dans les dix jours, mais cet appel n'est relevé que
conditionnellement, et le juge devant lequel il est porté n'en
i Cstf. 17 m» iSM, np^ Bf . GanioC. I. P. A. Vl, p. 561.
* CMi. 50 aoftl laai, npp. M, GanloQiiel. BiUÏ. o. 137.
* Cms. S5 joiUet isas, rapp. M. Vojnn ils Gar(«iiWf.AulUa.44U â^acU
I6S4, rapp, llr Tliii. BoO. ima» .
M LAmi, »g8 JVCBMBMT8 COtMCTIOMMELS. § 57î. 41
lui ^'autant que le défaillant a laisié passer le
délai de Toppûaitioii sans réclamer. En effel, « l'efficacité ou
PfajèliiaeitSié l^appel relevé pendant le délai de Toppogition
dHÉMtie eimitieHement subordonnée au caa où le prévenu
reMe Mue Ibrme pas son opposition : Fappel ert e&aoe si
kf prêfiettD laisse écouler les délais de Topposition sans la
UMéf* il est au contraire ineflicaf e et doit être réputé comme
fiM'avenu» s*il forme son opposition dans le délai, cette op-
IMfÉKbrtfélant que l^exerçice d*un droit légal qui fait tom-
ber le j^ffcment) et par suite tout acte de procédure inter-
ariAire *. Comment doit donc procédera dans ce cas le juge
A^f a Pour concilier entre eux les art. 187 et 203 et aa-
sarer f etereice des droits qu'ils conrérent, il faut, dans le
cisj^m jugement, contradictoire à Tégard de la partie qui a
ialnjlslé appel et par défaut pour Tautre partie, surseoir à
ststoar siir rappel» le cas écbéant, jusqu'à ce que les délais
d'èflposRioii soient expirés *. »
Quel est le |)ointde départ du délai» lorsque l'appel frap{|e
le Jugement qui déboute là partie condamnée de son opposi-
tioii au prenuer jugement par défaut ? Il a été jugé que • tous
kiju|tment8 de débouté d'opposition produisent les mêmes
flMi/qn*its interviennent faute par les opposants de se pré^
Kfller'pour soutenir leur opposition, ou qu'ils soient rendjBS
apis un nouveau débat; qu'un tel jugement se confond avec
leji%enieiit par défaut et que Tappel qui en est interjeté re**
mn tort en question V «Mais si tous ces jugements ont les
mèétt efiets, ifs n'ont pas le même caractère : ceux qui sont
réoAkS i^rès débat deviennent contradictoires et le délai d'ap-
pel eeèrt du jour où ils sont prononcés ; ceux qui sont reujdus .
isale par les opposants de se présenter sont, comme les pre*
nrieiB ji^gementSa par défaut, et par conséquent, l'appel n'est
oBfcM quedii jours après que la signification en a été faite.
Hmtajcioter, iltlliiivement aux jugements par défajat,
(|âelà loi, après avoir stipulé h leur égard le délai de dix
jimnapir^ celui delà signification, porte « outre un jour par
trôiëmjrianiélres. » La question s est élevée de savoir s'il
faatleiifr compte dés fractions en dessous de trois mjriamè-
(rei. Il serait équitable de le faire, car puisqu'une distance
de tiois myriamëtres rend nécessaire une pnnogatîOB d'âd
'MiSi^aR'élii-^^llèitaés arrêts. / y .
* Cm, 14 été» iSaS, J^p» H. VinceDsSt-tàuteôn Bail. n. 186.
42 DU TlNMNAm eMWCTlOMIBUI.
jour, une dislaiice de qoatre ou oin^ inyrhnék€sd«viaiiaé«
cessaireoieiiit motnrer une prorogation de pltia d^UQ ^ar ^
Cependant, pour ne pag entrer dans un finetknnaiiieiii lies
distances qui rendrait le eàitvi do délai dîfiioiloy la G^ur de
cassation a décidé : «^ qiu'il résulte de Tart. 203 que o^esi la
distance de trois myriamétres et non une distanoe voiadre,
3ue la loi a considérée Gonune devant foire ajouter un. jour au
élai ordinaire ; qu^ainsi si l'appelant est domicilié à moins
de trois myriamètres^ il b'« droit & aucune augmentation 4e
délai ; que, de même, lorsque la distance est de plus de trois
myriamétres, il n'est d6 un second jour d'augmentation qu'au-
tant qu'elle atteint six myriamâtres; en sorte que ks.lrae-
tions au-dessous de trois myriamètres doivent toujoui» être
négligées •.
IV. H y a déchéance de Tappel, suivant les termes de Par-
ticle 203, si la déclaration d'appeler n'a pas été faite dans les
délais qui viennent d'être déterminés.
Cette déchéance est de plein droit ; elle doit donc être pro-
noncée dans le cas même où elle n'aurait pas été proposée à la
première audience 3, et même d'office par le juge ^. En effet,
il ne s'agit pas ici d'une exception qui puisse être couverte
par le silence des parties ; elle est d'vprdre public puisqu'il est
impossible de permettre à une partie, par son fait ou son si-
fence, d'attribuer au juged^appel une juridiction qu'il a per-
due de plein droit, au moment où le jugement de première
instance a acquis l'autorité de la chose jugée ^.
L'appel d'un prévenu ne profite point à son coprévenu qui
a laissé passer le délai sans faire une déclaration d'appel ^.
Mais la signification du Jugement par défaut faite à la requête
de la partie civile profite au ministère public, « attendu que
Taft 203, en prononçant la déchéance de l'appel, s'il n'a pas
été déclaré dans les dix jours de la notification du jugement
par défaut, ne distingue pas si celte notification a été faite
par la partie publique ou par la partie civile ; qu'il n'exige
«Dalloz. ▼• Appel, n.J23.
» Case, il nwd 1849, rapp. M. ViDeensSt-Laurent. Bull. n. 1<>B.
> Gass. 20 mars ISIS, rapp. M. Aodier-Masullon. h P.i t. X, p. 238.
*Cass. 12 avril 1817, rapp. M. Audier-Massillon. J. P., U XIV, 180;
H mai 1855, rapp. M. Rives. Bull. n. 163.
*Ca89. Ch. civ, 7 août 1849 et 2 avril 1850. (S. V. 50, 1, 417
et 419.
* Gaw» 16 iDBfi 181^ rappi. M. BitMohop, h ?•% U XUrP* 887»
M L'AmL DBS JOUMOm aOUMTiMOItM. S ^^2. ÂI3f
pasqii'eUalasoH par Tone et,p«t rantea; qo'iVMii delàffw
lasigniEGation farte à b requête de Toiie fait oowit lea déms
de VvgifA au i^ofit de toutes les deux ^ »
Ota a eisajé de lelever les parties de cette déchéance dans
deo&eas : 1* kff8<|a'eltes auraient pris pendant le délai des
réstnesd^appeler uMrieMemeDl; 2<^ lorsque leur appel se-
rait facBié inddeaDineBt è un appet interjeté par une autre
Dans te premitre kypotbèae, la Gbur de cnssatibn a Jugé
qft'anarvéaecfepevt équivaloir à !'appel : <k attendu qu^avant
Texpration du défai, le ministère public avait demandé acte
à liGoor de!t la léseirre qu^il faisait, pour couvrir Téchéance
da délais et déclarer appel du jugement de première instance
à raaiime ou aeraieiil entendus les témoins ; que cette de-
maaAftfîii piéseniéepar \\A et accueilHe par la Cour à Tau-
difose pidUique^ en présence des prévenus et de leurs dé-
rensonSy^qui ne s'y opposèrent point ; que dès lors elle forma
à leur égnrd une déctairation et notiGcation d'appel faite à
teBBf» uàe» et d^iprés laquelle la Cour a pu régulièrement
statiwf *• » H semble difficile d'amettre cette solution. Il ré-
soUedesait. i03 et 305 que Tappel n'est valable qu'autant
qu'il est formulé dans les< déhis ou par une déclaration au
grsffeoa par une notification au prévenu ; or, si la déclaration
k TaadieBee peist ètse considérée comme une notification,
cQMDflDt assBoailer une simple réserve d'appeler avec Tacte
mtee do cet appel ? Qu'est-ce donc qu'une réserve , sinon la
mapifeatatioiiî de TintentioB d'accomplir ultérieurement un
actequflcoflipet Or^ estnse que ^intention d'accomplir une
romaané pooàtenir lieu de cette formalité T Est-ce q^c, par
eieapfe^ la néserve Eaite de diriger une poursuite à raison
dm Uk révélé à une audience* pourrait être considérée
ooflUM un acte de poursuite interruptif de la prescription ? Les
râfSQfêftBfônt par eliesHnèmes aucune valeur firidique ; elles
sont SQUient ulîles en ce qu'elles dégagent l^s procès dés faits
aeéSMÎmqui pouvant les embarrasser, ou tracent à la procé-
due la. marcbe qu'elle doit suivre; mais elles ne peuvent
ramplacer lra> actes qu'elles annonr<»nt : la rA«îcrve de faire
appel a'indique que l'intention d'en^ploycr cette voie de re-
* Gw. ii mai iSAS, rapp, M. Vincens-St LaoronU Bull, n* tOS»
^^ÊÊH >«a«t ftOH, mpp. M, OUivler, U f,,U XVi, p. 823.
H MB TftlBOltAtX COmiBCllONIICLB.
Goim.; or, il ne suffit |ms que l'Intention se manifeste dtDslei
délais il bot que Taete iiii-nième intènrienne.
La seconde hypolhdse ne présente (mis plus de difficolté.
Nous supposons qne le prévenu, condamné à une peine lé-
Sére, n^ait point appelé ei que le ministère pidrfic» soit i la
emière heure du délai fixé par Tart 203, soit en osant du
délai plus long de l'art 205, ait interjeté un appel à mêfuimà :
le prévenu, enchaîné par son silence, pourra* t-il, aw moyen
d'un appel incident, en se fondant sur rart. hkZ du G. de pr.
civ., attacfuer devant le juge d'appel la peine même ^ lui
a été appliquée, soit parce qu'il n'a pas commis iedèht, soit
parce que le fait ne constitue pas un délit? On dit pdtar Tat*
firmative que, en matière correctionnelle comme en matière
civile, la renonciation à l'appel est un ac^uiesoemenl qui
•équité ^
prévalu dans l'art* 443 dn C. de pr . civ. ; il est juste qu'an
prévenu qui s'est résigné à subir une condamnation» pour
éviter soit les frais, soit Féclat d'un nouveau débat» pui^e
attaquer cette condamnation même lorsque T^pel du mi-
nistère public lui impose ce débat. Hais s'il est à désirer
que la défense ait ce droit, ee n'est pas par la voie d'un ap-
pel incident qu'elle peut l'exercer : l'appel, qu^il soit inter-
jeté principalement on incidemment n^est valable qu'autant
qu'il a été formé dans le délai ; le délai expiré, il y a dé-
chéance, et l'appel de la partie poursuivante ne saurait faire
revivre un droit éteint. L'appel incident, aux termes des arti-
cles 194 et 19& duC. du 8 brumaire an iv maintenus par
Tart. 203 du G. d'inst. cr., est inadmissible toutes les fois
que la partie qui le forme n'est pins dans les délais pour le
former principalement : l'art. 303 du G. dMnst. cr. n a point
reproduit le 8*$ de l'art. 443 du G. de pr, civ. V Hais il ne
faut pas exagérer les conséquences de cette innovation : nous
verrons tout k l'heure que l'appel seul du ministère public
saisit le juge d'appel de la cause entière et par consëiquent
le prévenu, qu'il ait ou non appelé, peut faire valoir tous ses
moyens de défense et tontes ses exceptions, mémo les moyens
qui tendraient à faire tomber la condamnation prononcée
« Gin» 14 JuiH. â8iS.rap. H. AQmoot« h P^U XIY, ]^. 94S} âS fliaiiSJ»
npp. H* Rives. BulL n. les*
M L*Ami.j»ftjiifiaMWTs GOilionomiu. § 872. 45
€(ttlr9 lai. M«a questioo oe présente done qa^un întérAt se-
êûfi^e, paisqu'elie coofiste d«nt Keiierdce d'im droit qui
ii*|^|!^t une utilité réelle* Nous exaffiineroiis to«l à Theure
b'^tei^ questioQ eu ee qui eooeenie le minislèr» pubNc.
'. Tj *La f^le qtà fixe & dix jours le délai de Tappel admet
tiMl> 9Boeplions.
lifraorière est prévue par Tart 205 du G. d'iost. cr.
njMé fir la lor du IS juin i 856 :
f IPK. Ld prociraar général près It Gonr impériale devra noliier
JMJemfi» foiftaa.préfemiv aaii â 1» peMenne eÎTtleineot responsa-
Hslb (délit, dans les denr mois à covpier da jour de It pranoncis*
Mèi'joifeaieDt, oo, si le jugement lui a été lég»lementsipri4é par
tafféet^artiety dans le mois du jour de cette notification ; sinon» il
Ùart*. 197 du Gode du 3 brumaire n it n'avait accordé
an Vfjpistère public supérieur qu'un aenl mois. Quels ont été
Ies'iDofi{ji,dea rédacteurs de notre Gode pour doubler ee dè-
lajP'On ne trouve aucune lumière sur ee point dans les déir-
béciifions qui ont pr^aré ce Gode. L'art. 349 veut que te
procureur impérial envoie tous les huit jours au procureur
général une notice de toutes les affaires de police correction-
nelle. Le procureur général peut, «ux termes de Tart. 250,
ordoon» rapport des pièces si leur examen est nécessaire
pour qu'il puisse prenare une détermination. Est-ce que,
pour ces transmissions de pièces et poi» cet examen, le délai
rua mois n'eût paa suffi? Fallait«^il prolonger pendant deux
mois entiers TincerUtude une l'ouverture des voies de recours
jette sur les jugements? lallait-il ou suspendre pendant uii
temps si long leur exécution, ou, par une rigoureuse in-
terprétation, exposer les parties condamnées é subir deux fois
la même peine? Le droit d'appel du procureur général eat la
cooséq|Uf nce néc^saire de la direction de Taction publique
qui Im appartient dans chaque ressort ; mais pent-*4tre en
étendant au delà d'une juste limite l'exercice de ee droit)
oVt-on pas servi, autant uu'on Ta pensée l'administralion
de ta justice: on a aflaibli 1 effet des peines en faisant aur--*
seiNr^ dans Ta plupart des cas, à leur application ; ona détruiè
au faite de la procédure le principe oe la célérité qui avati
' CMC 18 maniSOW m». U, CarnoL J. P»,t. YU, fw* 49l| l^acu i(M,
nppiV €fattt9re7Qe,tXVIir,>, iOCe.
46 M» 1«âlH!NMn ^WMPeuOWWMg.
été foié usa base^ on a placé une regrettable iKstaiice entre la
perpétration du délit et sacondamnation défintire, enfin on a
attribué au ministère public un droit que le délai dans leqael
il peut l'exercer rend exorbitant si on le compare au délai
laissé au prévenu* La Cour de cassation^ pour abié^er
les détentions préalables et les lenteurs des procédures, a du
reconnaître elle-même à ce magistrat , conlniireoaeQl au
principe qu'elle maintient partout ailleurs, le droit de renoA-
eer à Tappel avant l'expiration des délais dans les cas de rè-
glement de juges.
Ces deux mois doivent se cakuler de quantième A quan-
tiéme d'après le oalendner grégorien et non par périodes
égaks de 80 jours. Telle est la règle posée par 4Ui.arrèt'qtti
d^larcj dans une espèce où le prévenu avait été renrayè da la
plainte par un jugement du 18 décembre, a qu'après la pro-
naociation de ce jugement, il s'est éooolé deux mois entiers
«ns qu'il y ait eo aucune notification d'appel i la requête du
jaînÎBtère public; que ces deux moîseupiraient le 18 février ;
et que ce n'est que le 19 du même mois que le ministère pu-
blic a fait notifier son appel; que la déchéance de cet appel,
étaai>prononcée par la loi, était opérée de plein droit Savait
son effet par la seule expiration du délai*. » Cette règle,
ouatoatée par quelques interprètes*, qui intoquent l'art kO
du G. pén., a été universellement adoptée dans la pratique,
et nous croyons qu'elle est préférable à raison de sa facile
application; l'art 40, d'ailleurs, n'a trait qu^è l'exécatioa
dea peinea et nullement à la mesure des délais de la pro*
«édure *.
Le délai» d'ailleurs, est le même, soit que le jugement ait
été rendu conlradictoirement ou par défaut; l'art 205, en
effet, ne distingue point ^ ; il y aurait lieu seulement, dans le
cas d'un jugement par défaut, à surseoir à statuer , comme
noua l'avons déjà remarqué, jusqu'à l'expiration des délais
de l'opposition.
Le délai est également le même quelle que soit la dis-
! : la loi n'a stipulé aucune augmentation dans ce cas.
Le procureur général qui n'a point appelé d'un jugement
* Cass. iî avril 1817, rapp. M.Audier-Massillon, J, P., L XIV, p. 180,
' Carnot, t. II, p. 125 ; Legr^verend, 1 1, p. 08.
s Cont. Mai^o, acU pubL, t. It p. 255 $ BenTat-St-Prix, m 107$.
* Ca«8« 17 àtus l808t r«pii« M» GaravU J« P«t t Vit p. 5^2.
DK l'appel pgg JOMBHn» iC^KiMMonctu. § 572. 47-^
mnxAÊim/A dans }• délai dei decii noîs, tm*il racovâble &
fomgr «B aff^l ia^klpol «ur ]'appd énû daas le délai légal
piirb|«r^ condanaée? U but lépondce, eomme nom i^a-
Toas déjà fiit m oe qui oonoerne l'Appel i&cidant du prévdiHi ,
qa9.toiMt«pp9l Corme aprèa respiration des délais est frappé
de Mehéuiae; que Tait. 20& déelare spéeùdea^nt que si le
piocwr^r ipânérai a'a pai^ motivé son recours dans tes délais
qu'il ifiie, « il sera déchu a ; qu'il importe peu qv'ii aoit
laudà par aeie prkieîpal «i mcidemaseui à m autre appel ;
qiiab Iprae de Tappel ne peut fonder une exception à me
règle qui cafc ahselua ; qu'un dmit qoi est éteint ne peut le-
mie pat le fait d'un tiers, & moins que la loi, comme t'=a fait
i'iit. 148 dnCL de pr. ci?* en msrtière ehriie, ne l'ait permns ;
qae le jagevent a viadHW du minislire pnblic l'autorité de
h çhoae î/mée^ en ce sens -qu^il tie peut Tattai^er ; qu'au
sQijflm^il a eu coanaiisance de Tappel en prévemi pendanU
qttÙpeoiaît appeler encec-e, et que, s'fl ti'apas usé de cette
fa«iiité»ila'exasle aimm motif pour lui pemettre d'en user
twKwDeDt'.
IhJSy.loas méiwe qa«e le délai de deux mois n'est pas expiré,
le éooit d« 'procureur général est éteint si, avant que son re-
en» n'ait été déekaré^ le juge d'appel a épuisé sa juridic-
tioo en statuant sur Tappel du pré?emi« Gomment, en effets
€6 jage pou«rait«/j juger une seconde fois un procès qu'il
tarait déjà fugè*? comaroat seratt-^il saisi deux fois d'une
Qitee poursuite engagée entre les mêmes parties? Si Tinté*
lètqui s'agite dans ce double appel n'est pas le même, la
cause changeH» -elle de nature parce que c'est sur la demande
de. l'une ourde l'autre de ces porties qu'elle s'engage? N'est-
ce pas pour a^la que l'art. 443 du C. de pr. civ. n'admet
l'af^ÎMider li qu'en tout^Ut de cause, c'est-ànlire jusqu'au
jagement df ) l'appel principal? Ën&i si le mioistère public
«t frappé d) une déchéance prématurée, n'a-t-ii pas été dour
hlenaent av erti par Tappei du prévenu et par le jugement de
ot appel ^«ans kqael il était partie? Cette doctrine a été ap-
piifMads .na i'espéoe suivante : un prévenu, ayant formé ap-
ptlaaalrird un premier jugement, avait été débouté par un
JB^tteori par &faut du triiMUial d'appel; il forma opposî-
* Qmb. ^7 liée iSlJ, rapp. M. Schwendl. J. P., t. IX, p. 803 ; et Conf.
fiowguigitoo^ Uhp. 46S ; Caruot, U il, p. 116 sL^rawrend» U il| p> 404?
Moiiiiiquesc^T* Appel iociacnt SHi^oyi att99li«prO| p. 44*
49 ' ' ttÈ-^tktimkti cùtKUfiomutf.
tm et t'en désirta aossitdt; le Jugemeol; |pAr déC^d^
ft'élâit «Uaqué par atfeùne voie légale, acamt doue M Amoi
dechoM jOyte. Gependài^tte ttainistèrie publie, qui se U^ifmii
encore diii§ le Afcltt de deux mois, aTaii forni^, avIérieiiMfT
nwt à oe déiiatemeiit» ^ppel du jugement de pneniiN^iin
staoce : cet«ppelétaii-i! receTable?La Cour de pW9tio»>à
décidé négatif emeni cette question: « attendu qu^ IV|ipii^
da ministère publie du aS janvier contre le jngem^lim»
tribunul de Tovrnoa du ST novembre a bien ététiinteiî^.
dans les deux mois de ce jugement^ mais est ^postéiiMVi
au jugement da tribunal de Privas du 15 janvier y i^piiy'
quoique par défaut, avait épuisé le droit du juge d'appel;
qu'il est de principe qMo> le joge anpérieur ne ^ut cbnn^ure
deux fois du même appeLt si ce n'est par sufité dV>ï^siti(>n è.
un jugement par défaut, midu par mk jttge d-appel|4|Wil
importe peu que l'appel dn.iiiinialiéTefrablie soit du 25 ^^ii^
vier et qu*il ait été signifié te mémB jour au prévenu qui né.
s'est désisté de son qppositiwqu^ quatre jours aprés^' c^est-a-
dire le 27 janvier; que, par «et appef lardif, le ministère pur
blic n*a pu faire renaître In joridielioii du tribunsA d'af^l ;
que le jugement du 1 5 janvier était susci"plible d^une retrâb- .
talion sur Topposition de la parlie ootidaninée éf défaillante, .
mais non sur la demande du minislère pub. lie ^. -^
Mais si le juge d'appel, bien que* saisi die l^appel du pré-
venu, n'y avait point statué, ai ce recours av ait été suivi d'un
désistement dont il aurait simplement donné acte, il n^aurait
point épuisé sa juridiction et serait compétent pour couuattre
de rappel interjeté ultérieufement et dans lé S délais par le
ministère public. G*esi ce qui a été jugé par uii arrêt du 13
février 1840 dont nous avons dé^ rapporté te ti 'xte '.
La question s'est élevée de savoir à quel acte . de la propé-
dure d'appel le procureur général se trouve foi clos. Cette,
forclusion doilHîlle avoir lieu, comme le veut rart. 87 en ce
qui touche Tintervenlioa de la partie civiTe* au n loment do
la clôture du débat, ou^ comme le permet rart. &'59, ^ur
les demandes en dommages-intérêts devant la cour i d^assises,
au moment seulement du prononcé du jugeinent?l4i^ Cffat de
cassationa jugé,dans une espèce où lejuge d'appel ava il mîsia
cause en déiibéré,que jusqu^aujugementy rappel du pif ^tireur
I Cm. n VBOà i%k% rapp. U. MérfllioQ. 9uU. n. tiS.
■ Voy. iuprà^ p. S3.
»« L'mu MS IDGtMINTS .eoMlIGTIjMliaj. § 678, 41
j;j«2rt être admises à produire drnoureaui dScu-
rouîSfTSii '"^"'festal'on de la vérité, s/tafau juge A
ÎToiTZriL r» P'°^"Ft''»'« i»«qu'au jùge,nenl, pour-
"fpaientr La procédure n'esi terminée que par le iuee-
"1: ^""^ '' " •''* ^''■"^ permis d'en ïvoquerY,,
drx'îonlî'LÎ "'*'!!'*"' t.'" '*«'" 1"'" «"« '« •'^•«i d'appel à
«in e^^"ÎT''î'*' ' "«; 32*'« i^"et du 1" germinal
wiS a«r ^•'*'f /** contribution* indirectes. Cet article
ïïtei" J"ï«nent. » H .^ulte de cette disposition
ïn^v .tn, ^?*^'?*'"*' *** *•» C. du 3 I, umaire
iTiÏÏeSLT" •.''' n'^r *•* ***»*"'» ''« ^« '^*'«i. qui, ««oit que
ffiS T' Pf' .*'*'^'"î **•» «ontradictoire, court du Ir
Ïé& ^^^^^^ ; ^ J«"'ÎP'Î^"« • -"«inlenu cette forme
Su, .; .^"^•"' *" P"*""»^' ^"* <*« '»'» o" règlements
rSS „ P*L^fl''^"' r* *«l^ o" telle matière, ne peu- '
vCDt«r<, considérés par les. tribunaux comme étant abrogés
d'lS-^'''''""f"^'^^'*'"»P*«*'''°°« formelles et expresses
dSKÏ*"''. î"* '*""^n*. "'«"écution S'multanêc des uns et
e iml^f "^^ «»c<>ncil.able ; que ce principe a été consacré
Si» I P^'f^'f "'«. «si iMintena dans toute sa force et
qj6l»t|c sepl règlement aur la forme de procéder en ma-
"EféC ^^'"^""*''***^' " *'*''^''« religieusement
Vi?at. m!* *• ^'\ '•"»»'•«• Ca«. « "..i «57, «pp.
ISO DK9 TEIBUNAUX COlAICTlOinflU.
YII. Une 3* exception est relative aux jugetnenls rendas
sur récusations. L'art. 392 du G. de pr. civ. porté : « Gehii
Îui voudra appeler sera tenu de le faire dam les cinq J0ur$
u jugement. » Il est de principe que les règles suivies pour
la récusation en matière civile s'appliquent également en
matière criminelle S et il a été plusieurs fois reconnu «que
le Code d*inst. cr., ne renfermant aucune disposition relative
à rinstruction et au jugement de la récusation formée contre
un membre d*un tribunal ou d'une cour en matière correc-
tionnelle, il doit être statué sur ces sortes de récusations
d'après les règles suivies par les art. 378 et suivans du G. do
pr. civ. 2. » A la vérité, quelques arrêts ont ajouté : « en
tant que ces dispositions se concilient avt'C la nature des ac-
tions portées devant les tribunaux de répression et avec les
règles qui leur sont propres 3, » Mais l'abréviation du dé^ai
dans ce cas spécial se concilie facilement avec les formes de
la procédure correctionnelle : la nature de l'incident expli-
que l'exception, et la règle qui veut, en matière correction-
nelle plus qu'en matière civile, la rapidité de la procéduire,
ne permet pas de ta rejeter ^.
S 573.
I. Formes de l'appel.— IT. Déclaration d'appeler. — III. Requéie con-
tenant les moyens. — IV. Quelles personnes doivent signer la décla-
ration et la requête. — Y. Formes exceptionnelles !• de L'appel «iu
procureur général ;— VI. 2« De Tappel en maiière d* comvibations
indirectes.
I. Les formes de l'appel sont très simples ; elles sont ré-
glées par les art. 203 et 204 du C. d'inst. crim, , qui n'ont
fait à peu près que reproduire les art. 194 et 195 du CaUe
du 8 brumaire an iv. L'art. 203 déclare que Tappel est fui uié
par une déclaration faite dans le délai aju greffe du tribunal
qui a rendu le jugement. L'art. 204 ajoute qu'uiic rcquûle
contenant les moyens d'appel pourra être remise d^ns le iuéine
délai au même greffe.
Il faut distinguer, comme l'a fait la loi , la déclaration d'ap-
* Voy. t. V, p. 400, et t. YII, p. 542 et suîv.
■ Cass, 8 oeL 1885, et 1» fév. i846, cités t. VII, p. $44.
• Cass. 8 ao&t 1838, cité t. VII, p. 544. ^
\9S^ ■"• MonipeUler, 14 aoat 1848. 1» cr.» «rt. M9t Berrmi S^Mi,
n.^ia77«
DK L*APPEL DBS JC6EIIËKT8 CORABCTlOKHfiU. § 573. 51
péier et la requête produite à Tappui de Vappel. Occuponâ*^
U0U8 d'abord du premier de ces actes.
n. Aucune forme spéciale n'est impoiée à la déelaratioa
d'appel ; il suffit, d'une part, que la partie intéressée déclare
sa volonté d'appeler, et, d'une autre part, que isette déclara*
tion, faite au greffe du tribunal qui a rendu le jugemont ,
soit reçue et constatée par le greffier. L'art. 203 ne prescrit
aucune formule.
II suit de là, d'abord, qu'il n'est pas nécessaire que la dé-
claration énonce les moyens qui fondent le recours ; la loi ne
l'exige point, et c'est en tous cas dans la requête, s'il en était
produit, quUls devraient être exprimés. La déclaration n'a
d'autre objet que de manifester la volonté d'appeler.
Il suit de là, en second lieu, que, quoiqu'il soit d usage
qu'elle soit consignée sur un registre, la déclaration serait va-,
lable si elle avait été reçue sur une feuille volante, car la loi
ne prescrit rien à cet égard. Il faudrait décider encore,
comme sous le Code du 3 brumaire an iv, a que la loi n'exige
point que la déclaration soit faite sur le registre du greffe,
qu'elle prescrit seulement de la passer au greffe et qu'il suf-
fit qu'elle ait été faite et reçue dans les délais, dans quelque
forme que ce soit, pour que, de la part de la partie appelante,
il ait été suffisamment satisfait au vœu de la loi , l'inscription
sur le registre étant une formalité qui concerne le greffier et
dont l'omission ne peut nuire au déclarant * . »
Il snit de la, en troisième lieu, que l'appelant n'est pomt
tenu de produire une expédition de sa déclaration : « attendu
que, lorsque la partie a déclaré son appel au greffe et dans
les délais voulus par la loi, elle a fait, en ce qui la concerne,
loQl ce qui lui est prescrit de faire pour éviter la déchéance,
et qu'on ne peut, sans ajouter à la rigueur de la loi et sans
cohtrevenir à ses dispositions , déclarer cette partie déchue ,
1 iUle par elle d'avoir produit une expédition qu'elle n^est pas
chargée de produire ». » Cette expédition doit être requise
par le procureur impérial , jointe au dossier de la procédure
^t transmise au greffe de la Cour saisie de l'appel.
il soit encore de la mèmerègle, qu il importe peu que rap-
pelant soit désigné sous ses véritables nom , prénom et pro-
' Gaas. 28 nov. 1806, rapp. M. RaUud. BÙU. a. 199 ; S6 fruct. ta O* rapp*
ll.Geoefoift.Bull. D, aa4.
* Gui. ii jtnv» 4917» rapp. M. Basire. J. P.» (• XIV» p. îl.
9t MA TftlNRAIW C01JkECTI0Mll|U«.
fession; il suffit que son identité avec la partie condamnée par
le jugement ne puisse ôtre contestée ; \e» désignations ne
sont nécessaires en matière pénale que pour constater Tiden-
tilé : c'est Tauteur de tel ou tel fait qui est en cause ; ses noms
et prénoms, sMls ne sont pas indifTérents, parce qu'ils servent
à reconnaître s«s antécédents , ne sont pas indisponsal)lcs ; et
il a pu être jugé que l'appel d'une personne , dont le nom
était inconnu, était recevaMo, « atteVidu que la dénomination
de la prévenue dans son acte d'appel est conçue dans les mê-
mes terweê que la désignation faite de sa personne auiugc-
mcnt de condamnation duquel elle appelait , ce qui suffisait à
la régularité de cet appel K •
Enfin, une dernière conséquence delà même règle est qu'il
n'cat point nécessaire que cette déclaration soitnoiifiée èla par-*
tic contre laquelle rappel estdirigé, lors mémeque cette partie
est le prévenutEn effet» il résulte delà combinaison des art.âOS
et 205 que Tobligation de notifier au prévenu le recours
formé contre le jugement de preanière instance n*est pas im-
posée au procureur impérial près ce tribunal qui doit relever
son appel » comme le prévenu lui-même» pnr déclaration au
greffe ; cette obligation ne concerne que le procureur gêné-*
rai qui , ne pouvant laire de déclaration au greffe du lied »
supplée à cette di^claration par un acte d'appel contenu dang
un exploit d'huissier, lequel, n'étant pas consigné sur un re~
^istrepublic,ne peut être connu du prévenu queparlanotificaH
tionqui luienestfaite \ Le prévenu oonoattrappel du procu-
reur impérial ou par la vérification qu'il peut en faire an
greffe, ou par la citation qui lui est ndreesée.
Mais si aucune forme ne doit are exigée en dehors des ter-
mes de la loi , il Tant au moins que celles qu'elle a prescrites
M)icut appliquées : la loi exige une déclaration faite au greffe,
et cette déclaration ne peut être remplacée par avH^un acte ,
mCmc par une notificaiion ; car son texte est formel ; il dé-
clare la déchéance de l'appel, si la déclaration n a pas été faîte
au greffe du tribunal. Il a été décidé d'après ces termes quu
rnppcl fait, même dans les dix jours, par voie de noliUoatioii,
« Cas$. 15 ftv. 18 i9, rapp. M. Legagneur. BuU, n, 3a,
M h\jftl MS JCCE1IENT3 CÔHhfcCtlONNÈLS. $ 573. Îi3
soît par le ministère public , soit par lo9 parties civiles ou le
prévenu, est entaché de nullité *.
Cependant, comme la loi, ainsi qu'on vient de le voir,
n*é point déterminé les formes de la déclaration , on pourrait
considérer comme une déclaration suffisante , soit la remise au
greffe dans Fe délai légal d une requête coDlenantl^ moyens
d'appel *, soit même Tadhésion déclarée à Tappel déjà inter-
jeté'par une autre partie 3.
IIF. A côté de la déclaration , la loi a« placé la requête.
I/ar4 a04, TeetiHé par la loi du ta juin 18i6, porte que
I» requête contena^nt les moyens d^appel pourra être remise
dans le même délai au même greffe t elle sera signée de Pap •
pelant ou tl^un avoué, ou de tout autre fondé de pouvoir spé-
cial. Da«s ee dernier cas, le pouvoir sera annexé à la requête.
Cette requête pourra aussi être remise directement au greffe
de la Cour impériale. »
.Sous le Code du 3 brumaire an iv, le dépôt de cette re-
quête devait avo'r lieu, aux termes de l*art. 195, « à peine de
défèénnee de Tappel. » L'art. 204 de notre Code n'ayant pas
reprfsduit «es mots , et sa rédaction pouvant emporter Tid^ie
d'une simple faculté , la Cour de cassation a décidé « que la
production d'une requête à Tappui de Tappel est puremo;'^
facolUitive ^. » Il nous semble que la jurisprudence aurait |..«
faire ici une distinction. Assurément il eâtété difficile, en fncc
(les termes de l'art. 204, de prononcer la déchéance de Tsp-
pel , puisque eei article oe prévoit pas oette mesure qui est au
contraire formellement autorisée par les art 203 et 205.
Mais , de ce que Tappel n'est pas hu\ faute d'une requête .
s'en$uii-il que oette requête soit inutile et que Tart. 204, '|ui
l'a prescrite, doive être réputée une lettre morte? Elle n'est
poiat inutile^ car comment la partie intimée, soit le pié-
venuy joit le ministère public, connaltra-^-elle les griefs,
élev^ contre le jugement , si ee n'est par la requête ?
La défense est-elle po.ssible , l'action publique peul-cllc
être valablement soutenue, si Tune et Tautre sont pri-
vé^ de toute connaissance antérieure des moyens contre
lesquels elles se débattent ? Et quelles lumières doit trouver
* Casa. 9 juin 1809, rapp. M. Basschop. J. P.^ t. VII, p» 614; 33 mai
4885, rapp. M de Ricard, Boll. lu SOO ; S9 no?. ^844» non imprimé.
> Cass. 19 juin 1808. rapp. M. Seignette. J. P., t. V, p. 381.
"Case 28 nW. anxi, rapp. M. CamoUBull.D. 69.
* Ca», 29 juin fWS, rapp.M. Baiire. h P. 1. 12 p. 786.
V
91 PCI rniNRAUX CORHECTIOIflfBLS.
la justice dans une discussion qui n'a point été préparée et
dont les éléments n'ont pu être Tobjet d'aucun examen? L'ar-
ticle 20i, qui a voulu la requête, pui$;qu'il en fait Pobjet d'*une
disposition expresse, a laissé à la vérité aux parties la faculté
de la remettre au greffe de la Cour ; mais sa rédaction facul-
tative , le mot pourra répété deux fois , ne concerne que le
modo de dépôt et non le dépôt lui-même ; il suppose la remise
de la requête dans tous les cas , et la preuve en est dans l'ar-
ticle 207 qui en prescrit Penvoi,* si elle a été remise au grefife
du tribunal de première instance. » Ainsi , d^une part^ od ne
trouve point do déchéance si la requête n'a pas été remise,
mais d^une autre part, on aperçoit Tobligation formelle ,
la nécessité do la remettre. Que faut-il conclure ? que
le défaut de la requête ne doit point entraîner la nullité
de rappel , mais doit commander, si Tintinié le demande, un
sursis au jugement de l'appel jusqu'à sa production. C'est un
élément toujours utile, souvent indispensable du débat; il
appartient sans doute à la partie défenderesse d'en apprécier
la nécessité et d'en réclamer , si elle le veut, la communication ;
mais, quand elle fait cette réclamation, comment n'y seraît-il
pas fait droit, puisque la loîTordonne^ puisque la justice elle-
même y est intéressée ^ ?
lY. La déclaration d'appel doit être faite, et la requête
signée par l'appelant.
Si c'est le ministère public qui appelle, il importe peu que
ce soit le procureur impérial ou son substitut, il importe peu
môme que le magistrat qui forme le recours ait tenu ou n*ait
pas tenu Taudience où le jugement a été rendu : noijs avons
établi précédemment qu'il existe entre tous les membres
d'un même parquet une communauté de fonctions et une
véritable indivisibilité *.
Si l'appel est interjeté soit par le prévenu, soit par la per-
fonne civilement responsable, soit par la partie civile, ils
peuvent le former ou par eux-mêmes, ou en se faisant re-
présenter par un mandataire.
S'ils se font représenter par un mandataire, ce mandataire
doit être, suivant les termes de l'art. âOi, ou un avoué ou
un fondé de pouvoir spécial.
Cette règle s'applique non-seulement à la signature de la
requête, mais aussi à la déclaration d'appel; si 1 art. 204 ne
« GooC Dalloi» V Appel, n. 170. - ■ Yoj. t. II, JMU et |tti?«
PB L*ArPBL OM lUOBMim ooiiicnoifNBLS. | 878. 55
rapplique qu'à la re<iuéte, c'est quMl n'a pas pensé que cette
requête pAt être oimse et que, dans sa peneée, elle complé-
tait la déclaration. Mais comment pourrait-on soutenir qu'un
mandat est nécessaire pour le seeotid de ces actes et non
pour le premier? Comment ne serai t-il pas nécessaire pour
la déclaration d'appel , qui est l'acte le plus important, celui
qui engage l'action, et dont la requèle n'est que l'acces-
soire T
Si rappel est releyé par un avoué , il est valable , sans
qu'un mandat spécial soit nécessaire, lors même que Cet
avoué n'aurait pas occupé dans l'instance correctionnelle
pour celui au nom duquel il interjette appel. Sa qualité d'a-
voué près le tribunal qui a rendu le jugement suppose, jus-
qu'à désaveu, le mandat spécial d'appeler *. Mais cette pré-
somption n'a point été étendue par la loi il Varocat, même à
celui qui a défendu l'appelant ».
Si l'appel est relevé par tout antre mandataire que l'a-
voué, il faut qu'il soit muni d'un pouvoir spécial. Un pouvoir
général de représenter l'appelant en justice ne suflSt pas • : il
faut ou que ce pouvoir soit donné pour représenter spéciale-
ment rappelant dans Taffaire, ou qu'il délégèeJ* ineodat
d'appjBler de tous jûgeittenta, car Je pouvoir général de faire
des actes d'une certaine nature ^ équivaut au pouvoir spécial
de faire un de ces actts.
Un mandat verbal ne suffit pas, puisqu'il doit être annexé
à (a requête ^ ; il faut qu'il soit écrit. A plus forte raison, ne
peut^on |)as présumer ce mandat, et reconnaître, par exem-
ple, à un prévenu le droit d'appeler pour son coprévenu ^.
Mais, dès que Tcxistence du pouvoir est constatée, il n'est
piff nécessaire, à peine de nullité, qu*il soit annexé à l'acte
d'appel : ee n'est là qu'une mesure de précaution qui n'a rien
de substautieP.
La jurispradenée a cependant introduit quelque te mpé-
* Cmi. jajanT. «.«i5,rapp. M-Basire. J,P„ t. XI,p. 69 ; 18 mai 18 Jl, rapp.
M. GaiUard. BulL d. 78; 17 août 1821, rapp. M. Chanlereyne, n. ISl,
« Cae. 15 mai 1812, rapp. M. Benfenuti. J. P., L X, p. 401 ; bwAt 4829,
rapp. M, MeyroQUCt de Sl-Marcs, l. XXU, p. 1467.
* Casa* 12 segU 1812, rapp. M« AumooL J. P.. t, X, p. 725.
' Gasi. 28 janT. 1813, rapp. M. Basire. J. P., L XI, p.83t
* Cass, 19 iév* 1836, rapp. M. Fréteaa. Bull. u.53.
* CaiB. 16 maM 1815, rapp. M. Bas^schop. h P., U XII, p. 637,
'Cask, 13 avril 1839, rapp. M. Vioceiw St-LaurenU Dalioz, v Appel,
n.25i.
9(6 MS TRIBUNAUX GOMKGTifOIIIIELS.
raoKcul à la rigueur de dette règle : il a été admis qu'i^io^i^
a qjualiié po^ui^ apf^dtr 'd'un'jti();<einent rendu contre sa feipipe \
qu*un père ou tuteur a le même droit è l'égard de se» e^i(n^
oa.4ç,^ sçft pupiltea QMeBr» • , qU'urre hrière même peut ^ .
peljerc^jfjlfn^nt au roomde Bea^nfltitsr détenus Vi éi^.^L,.
d*^sa^ 49i^s .queutes parqueff?, notamment au paTqu'ql;4i9,
toutes Ic8lc)i»q4i'il est afverli soit par une teltrc^ soit '^ffi.fiS'^
mèniy qu'w prévami illéUnft'tPù nbsent'â manifesté léliV.^jmt^ .
d'appeler.. •. • ..• ■ i-' . ■ ■- * ' ^" ^ ^,., jk;,.-
^ R)atitère«fore9tière, le dfort d'appeler appartient, \îiîii|Lv
termes de .rMi« i83 é^ C. for/, aux agents de radiaijoistr^*
tion : le^ absents foneflftiers^sont, «suivant Tart. *lt de i*ord. Ai .
1^' août i9'27» les •oniiierfatéurs, itispecte\ifs^' s()us-inspi)icj<^
teurs et gaEdM^Défau]iitlJe»simpli9S gârdc^, soit i pied sf^t .,
à cheval^ n'ont {)a6>cel!le'qU9ilité A. ,..
En matière de dkûBiies^' t^appel paît être relevé, au .99911
du directeur géoséFti^' për-^un receveur prrdcipal ^ "^ par ui)
premier tfPinmi^ àl»ffQoet|0'd'uti bureau' ^^ par udcohudi^.
de directioQ OAt par tout mitra* agent local ^.' ]\ . - -
Ea flii^tière deeonlribiMion^îiidireètes/ rappélest foicipé,.,.
aux tarmcs.de fart i9 dudéorel dtf'l^' ^ermlnaf au J^)|,:...,
par /p .direcAeuf ^a ^éfiarteiiiewt, Mi'^W soti non), jMir'tti> ,...
préposé auquel il donne pouvoir à cet effet '.
. , . ' .> •'»».': '■• '. '*' ' ' ."'
ly. Lès formes qui viennent d'^tra «eiposêet «diMttent :'
deux exceptions* - ,, 'l
La première est prévue par iWt. 206^ïqvî<dispoie»q«e à l«
procureur général près la Cour ioipfàxialâ devra notifier son*^'
recours soit au prévenu, soit ^ la personoe .civilement tes-
ponsaMé du délit. » . . ;...•»•>•
Ld' notification remplace ici la déclaraiÎQn :»le praMRreiVr-'
généi4il.ne pouvant faire sa déclaratioa ^p^^gir^edùtcibunil '
qui a rendu le jugement, déclare son «ppi^l iUfW un eoiploir^**
* CaBft «a THil. aa n, vapf . VL Dntocq. 7. P. , f. il, p. h^> . . . . , ,
* Ca^s 2 iuf n i 831» rppe. M. Bancbop. S. Pm U XYI, t».^ii$;
•lieu, 31 jany. 1820. J.P., I. XY^ p. 743. ' > ♦ •"'•] ""
*M.BerryatSt-Prîx, n.i085. .^,, «. ^ . .Ji% •: • ' •
* C^m, H juiii«83f, vëpp. «. 4e Rltard. J,Pl\% XJtlI, p. ilSl f Jt 9^U ,,
1830, rapp. M. àp, lUfeanl, t.XXUl, p. 79fc '
* Cass. 25 juill. ISOé, rapp. M. Audicr-Massillon. J. P., LiV» p.4SS«
^ Cats. d juin 1811, rapp. M. Rataad. J. P , U IX»p. S72. .,. > ^ ,
* CasSiriA :aoafil«3S» Tapp. M. ilhaMerfyVie.' J. I»., U XXV» p. SOI.
* Cas». 20 men. aa xi, rapp. M. SeigneUe. J. P., .t lll^p. a&7. ' -.t >
n L*A»»EL M8 IVGUIBNTS GORIlBCTlOIlNeU» § 578. 9/7
Pi râmfne.cet exploit n'ert p«s <^o<i0Îgné dans on r^'stre pu-
blic,'»-!! wt fëno de le notifier.
Vwfl. 205 ne détermine, non plus i|0€ l'art. 204. pour
la^fiMlion, aucune forme particiiliàre pour la nottfieatîon
de^l*h|l|^èr du procureur général. De \k, la jvriaprudence a
eoMèlti "û qu^ t appel est régulier et saisit valaMement le tri-
bimit îàu la Cour qui doit en conimHre, par oela seul qu*îl
pstéU^ti que rintimé en ^ été instruit par le fait du ntinîs-
tèrt'''piiWitf, dans le délai que détermine cet article, et
qu*ainsi il a été mis à même de produire el faire taloir ses
oio^s. de défense \ n Mais qu'e«t-Cf que veulent dire ces
motlV'qtrlIsuffil € qu'il soit établi que Tintiméa été instruit
<|e f^ppe[i? i>^ Si la loi ne règl^ pas la forme de la notifica-
tioff,'éfie teut. cffpendant qu'il y ail une notification ; or, la
DodRâitidb^y quetlequc large que soit l'acoêption dans laquelle'
00 prend ce mot, ne p^ut s'entendre que d^un acte juridique
qui'Biftte^giilièrèment connaître à l'intimé le fait de Tappel.
L'art. â05, après a?oir dit que le procureur générai de-
vra'itfM/lèr son recours, ajoute que le délai de l'appel sera
f,'^^'.^^ le jugement lui a été légalement notifié par
rQDe'désf partiesl/p Or, ou ne peut admettre que le même
not-Hl^të deui {aiin d»os le aoème article, j prenne deux
«enrfUWSfiièots.
Ainsi, lassignation donnée au prévenu de comparaître de-
^^>>lt!(ilj«Se! d'appel pourétre entendu dans ses nio;ehsde
défense, peut équivaloir à la notification de l'appel^ quand
die (lit eeoffiallr» le racc^irs, et qu'elle laisse le temps né-
cf^ins pour.pràpairer la défense *. Mais si l'assignation ne
fait avavne mentrôi dti t^appel, peut-on y voir encore une
notification? Un arrêt rejette un pouvoir fondé sur le défaut
de n^Mndîoq ^i« attendu que devant la Cour de Poitiers,
Debohifn'aipasiAettitetiâélë renvoi de Taffaireà une auUe au-
dience pbpir» rdpOMlfe à 9'appel du ministère public qui ne
lui avait pas été ^ptifi<V, et qui n'était pas mentionné dans
Tassignation à lui donnée ;. qu'en acceptant le débat, il a re-
noncé il se prévaloir de cette irrégularité s. » ïlst-ce donc une
simple irrégularité que l'omission de la mention de l'appel
Tis-à-vfiTàu prëvchu? LWignation donnée, dam le cas de
* «< GiMA, 15 mal 18:3, ripp. M. Aoami. J. P.» U X» ^ ttOi fO ftv«
«SlS,iip|i. 1<. dihbo1,y Xt I». 137.
'C«i,SSiiof. i^Â* rapp. M. Aaf.Morfau» Bull, n, 319.
88 DES TaiBUNACX G0nilRCT10!fMEL8.
l'art. 203> sans qu'une déclaration d'appel ait été faite au
greffe, aurait-elle donc quebue effet? Et qu^est-ce donc
que la notification exigée par l'art. 305, sinon une déclara-
tion d'appel signifiée au prévenu? Que si la loi n'en a pas rè*-
glé la forme , s'ensuit-il qu'elle puisse être supprimée? Car,
n'est-ce pas la supprimer que de la remplacer par une simple
assignation qui n'indique pas même Tappel, c'est-à-dire, la
cause de l'aiournement qu elle donne 7
L'appel fait à l'audience de la Cour impériale, déjà saisie
par Pappel de Tune des parties, en présence de ces parties,
doit- il être réputé notifié dans le sens de Tart. 305? On peat
objecter que cette communication verbale n'est pas une noti-
fication juridique; que la loi, en prescrivant que Tappel fui
notifié» a entendu qu'il en fût donné connaissance par, acte
signifié par huissier à personne ou domicile ; que cette signi-
fication préalable, qui met le prévenu en mesure de préparer
sa défense, ne peut être remplacée par un appel fait à la barre
qui surprend le prévenu sans aucune préparation, puisqu^îl
ne se présente à l'audience que pour se faire décharger des
condamnations qu'il a encourues^ et qu'il se trouve tout i
coup appelé à se défendre contre des conclusions tendant à
des peines plus rigoureuses; que s'il peut demander un délai,
ce délai peut lui être refusé, puisque la Cour a un pouvoir
discrétionnaire à cet égard et qu'ainsi le droit de la défense,
maintenu par la loi, se trouve à peu près étouffé par cette
pratique. Mais ces objections n'ont point arrêté la jurispru-
dence qui a reconnu, comme une règle constante, le droit
du procureur général d'appeler incidemment, à Taudience
même de la Cour, pourvu qu'il (ùt dans le délai, du juge-
ment déjà frappé de l'appel du prévenu : f attendu que cette
notification faite par lui au prévenu à Taudience, et consta*
tée par le jugement, remplit complètement le vœu de Parti*
cle 205, qui ne prescrit aucun mode de notification à peine
de nullité. *»La Cour de cassation a même ajouté : « qu'il en
doit être ainsi, soit qu'il s'agisse d'^un appel incident à Tap*
pel {principal de la partie, soit que le ministère public près
le tribunal supérieur étende à d^autres chefs V^PP^I inter-
« GftM. sa fér. 1812, rapp. M; OndarU J. P., t. X, p. 18$; il juin
iSiZf rapp. M. OadarU Bull. n«137; 14 jaill. 1815, rapp. M. Lecoutour.
J, P.y U XJil, p. 6 ; 21 avril 1820, r^p. M. Âumont BuU. d. 54;
6 juin 1822, rapp. M. LouvoU Bull. u. 85 ; 2 &v. 1827, rapp. M.
Cardonnel. Bull, n. 21 ; 7 d^ 1888 1 rapp. M* Iwnbert. BalK n» ia8«
DI lVpPBL »ES JUOtWSNTS aOIRECnONNfiLS. § 573. 59
jeté par le mÎDistère public de pr^Mnière instance ; que, dans
runcoœoiedaDS l'autre cas* ce qui seul importe, c'est que la
faculté impartie par l'art. 205 soit subordonnée dans son
exercice à robscrvation du délai qu*il détermine, sauf au
tribuDal d'appel i accorder, s*il y a lieu 9 au prévenu le
temps nécessaire pour proposer utilem(3ntsa défense'.
Toutefois une double observation doit prendre place ici.
En premier lieu, l'appel interjeté à Taudience ne peut valoir
notification que si le prévenu est présent ; c'est ce qui a été
nettement reconnu par un arrêt qui porte « que les disposi-
tions de Tarticle 205 sont générales et absolues ; qu'elles oxi-<
gent la notification au prévenu de Tappel formé par le minis-
tère public près le tribunal qui doit connaître de Tappel ; que
si cette formalité est sans objet pour les appels déclarés i
raudience^ quand le prévenu est présent, elle devient indis*
pensable lorsque le prévenu faisant défaut n'a pu avoir connais-
sance ni de Tappel ni dos réquisitions prises contre lui ^. »
£n second lieu, il ne faut pas confondre avec un acte d'appel,
qui eiige iine déclaration formelle et expresse , de simples
loncinsions prises à Taudience par le ministère public contre
le prévenu : ces conclusions tombent d'elles-mêmes si elles
n'ont pas élé précédées d'une déclaration d'appel qui peut
seule donner le droit de les prendre. Ainsi, dans une espèce
où le procureur général avait requis que la Cour se dédaràt
incompétente, il a été décidé a que cette réquisition ne pou-
vait se soutenir et être accueillie, s'il y avait lieu, qu'autant
qu'il j aurait eu un appel du ministère public, et qu'il n'v en
a point eu, quoique les détais ne fussent pas expirés ; que oans
aucun cas un moyen d'appel ne supplée un appel qui n'existe
pas et dont le condamné,appelant dans son intérêt particulier,
u a point eu à se défendre ^. »
Quelle doit être La forme de l'appel lorsqu'U est interjeté
sprés les dix jours par le procureur impérial au nom du pro-
cureur général ? Il faut d'abord qu'il justifie de Tordre du
magistrat supérieur ; car l'indivisibilité des fonctions du mi-
nistère public ae fait pas que chacun de ses membres puisse
remplir les fonctions spécialement déléguées au chef de ce
niimstàre. Qua^d le procureur impérial interjetteappel après
I Cas, 15 ect 18A>. rapp; M. Rocher. Bull. n. 281.
1 rgsfl. 32 août 1846, rapp. M. de CrouseiUies. Bull n. 220.
>Cai8.22iajn. iaso^rapi). M. Brière. J» P^ U XXIiit^7AOil9 aofttiSSl,
np^ M* ^''^ ^ XXIVp. 1(8.
M ' BES TmBVNAUI oomictioumbls,
Irt 10 jonrs îr exerce un droit personnel du pijoeufeQr gfiMié-
rél, il doit donc agir en vertu dUin ordre spécîeK Aufmtiëiit
il soffrfâit de mettre dans Pacte d*appel 1q formuie banale
qu'il Bç^h au nom du procureur g<^nérai pour étendre eii rén-
lihèà imitnitv^ te délnîqui a été Oxè à 10 jours» Cehfiosé,
c» fhagistrà! doît-ll «suivre la forme de I9 déclaration indiquée
parKerf; ses ou celle de la notification indiquée par l'^rï.
206? C'est évidemment cetfe dernière, car, après rexpir^liqn
d^j^élai d^iNx joursfité par Tart. 203;le prévenu ne s^ppail
étproileBu'd^alI^r vét'ifier au grelff^ Vèxistpricc de î\n|)j>el du
pwcwwofgéiilérftl, puisque ce n'est plus fi ce greffe qtie pet
apl^el. doit être fet-mé ; il nfe peut donc en avoir connaissance,
comme Vûpfeèttk VstrU 205, que par la voie de la notifica-
tion, C Val dui^ri ilans ce ^ens que cette question parait avoir
été résolue par Ja Jurisprudence. Cn premier arrêt iéfUare
val«Ue un <rppël in'tëf jeté par le substitut d'un procureur du
roi, au nom du pro^ùr^r général, parce que « dans 1e délai
de j& moiS;, le procurer du roi di» siège iupérlcuf avait noti-
fiée Taudis née db ce Crilïunal au pf é»reîwi présent l"appelcjuM
interjetaii du môme jogevuetlt '. k» Un second arrêt , dan*;
une espèce où la déclaration avait éfè faite au greffe par le
procureur impérial, au nom du procureur général après les
dix jours expirés, a décidé ? « que le procureur impérial près
le tribunal supérieur a donné au prévenu assignation à com-
paraître fiard^aut ce tribunal pour voir statuer sur f appc 1
interjelé par le procureur général ; que sî la notification à
Tintimé de Tappel du procureur général est exigée, sous
peine de déchéance , par l'art. 305 , cette notification nVst
soumise toutefois à aucune forme particulière et spéciale et
qu'elle résulte suffisamment de tout acte interpellant dirce^
tement la partie intéressée, et d'où résulte nécessairement
pour celle-ci la connaissance de Tappel interjeté; que dans
l'espèce, l'assignation atteint ce but et accomplit toutes ces
eonditions*. »
Si rappel du procureur général se trouve entaché de nul-
. lité, aoità raison de quelque omission de l'exploit» soit à rai-
son de ce que l'huissier n'avait pas le pouvoir d* instrumenter
dans le lieu, il peut, s'il est encore daiis le délai, en formuler
un second , soit par une autre notification par exploit , soit
« Cais. 7 dée. 1838» rapp. M. Isambert. J. Pr, U XXY» p. 18A0»
* Gass. 18 fév. 1854* rapp, M. AyGes. BulK n. iA.
DE l'apWI des JUÛBiriIITS CORfcECTIOSrfEU. § {$74. 61
par une déclaration à la barre en présence du prévenu'.
V. La deuxième exception, relative è la matière des cod-
lutotipiis indîroctps, est prévu par l'art. 32 du décretJdi^ l^'
geimtoalan xiii qui veut que Tappel soll interjeté par wnQïe
w*fié et contenant assignation à trois jours. r
la forme àt h notiJicalion né peut ôtce suppléée par ùèe^'
dédaiialbh feite au greffe * : mais Ja nullité de cette. dArta- ■
r»hoD ti^est pas un obstacle à ce que la régie,, si elle ef)t dans
le 4el3i, pniâse appeler de nouveau \ . ,
Il a êié reconnu que Kacle d'oppeU «il a é^é ttotifié dans
ledélâ^prcscrit, nVsl pas lïulsûil parce qu'il Q^ophtiettdriil
pasassî^Kidon *, soit parce que rexplgît ne iieaierfnePMt pad
t(»ul(?stés énoriciations exigées par l'art. 61 C; de pr. civ.-^,
soil parée qoer<jssignalion serait donnée a plusdiatroisjoursS
soit même parce qu^elle serait donijée à moins di^tr^ts jours
^ieedélai est écoulé à l'audience où le prévenu eoniparait %
soîl enfin parce que la notification aurait été fqita a un dorni*
cile éhr au lieu de Tètre au domicile réel 3. . .
Au surplus, la Torme cxc^ptioAnetloélablie par le décret
du 1 germipal anjf^jLii n'est pkis applioabte quand il s'agit de
conlr^vei^UûRS à j^ garantie des nwUièf as d'or et d'argèn^y ou
dccontrav^ption^ en'miitière4'ûctroi *^. , ^
1 Ûfels derappeU—ll. Da suraia.— lU. Jugemeots de coadaainàtioD
ou a^âù»}uîttement. — IV. Jugemenls sta^iuat^ur des incideiits oa
<ln èïecptioiis. — V. Conséquences du sursis.-^ VI. £Kceptioj)«^ ,,
I. Le premier effet de l'appel eét de suspendra rexécution
<l« jugements.
L^aortttleSOS^ après avoir fixé le délai de rappel, ajoutai
' CatA. 2d tè^, et 15 mai i8i2, cités suprà.
•CMs.'ïf jtfhilfelO, rapp. H. Chaslc. J. P., t VIII, p, 419. .
' Cass. limars 1808, rapp. M. Basschop. J. P., t. VI, p. 556.
* Cass, ifi 9y;n| 1 ai$), i;app.. M. CbasW, J. P., t, XV, p. m.
' Oisis. Ittàov. UiO, rapp. M. Busscbop. J. P.« U Vill, p. (955.
*eiHt l54dBL «S68, raj^p. M. Basschop. J. R, t. Vn, p. 261.
' Cas«, aaTribiaiai rapp; M. Clnsle. I. P., U Xl« I, p. 979. ^
' Çaïf . 3>3 mars 1809,. nipp. ftf. Vergés» J. P.» t. VU, p. 44i9.
• Câfs. 9^ juiû 1*81 Ô, rapp. M. Busscliop. J, P., t. Vi p, 64. r , .
" C»<. 27 -««ti*. 1 «^M, Ripyi.M. OnWîer J. P., f. XXIÎ, p. 30D.
02 DES TRIBUNADX CORRECTIONNELS.
« pendaut ce délai et pendant Tinstancc d^appel, il sera sursii
à l'exécution du jugement. »
Il faut remarquer^ d'abord, que cet article ne dit point,
comme Tartiole 457 G. depr. civ., « l'appel des jugements
sera suspensif. » En effet, ce n'est pas seulement l'appel,
comme en matière civile y qui est suspensif, c'est liC délai : le
sursis commence au moment môme du prononcé du jugement ;
qu'il y ait ou qu^il n'y ait pas appel, le jugement ne peut éite
exécuté pendant toute la durée de ce délai ; il suffit que l'ap-
pel soit possible pour que tout acte de cette exécution soit
interdit. L'appel, lorsqu'il intervient, ne foit que contiBoer
ce sursis qui se prolonge alors pendant toute l'kistaoce
d'appoK La raison de cette différence est que le préjudicoque
peut occasionnrr une exécution prématurée en matière civile
est Toujours réparable, parce qu*il est toujours pécuniaire,
tandis qu'en matière pénale» il peut être irréparable, lorsque!
s'agit, par exemple, d'une condamnation à l'emprisonnement.
II. Le sursis frappe toutns les parties du jugement, tant
celles qui concerneuli'action civile, que cellesqui concernent
Taction publique, Il y a cependant entre ces dispositions une
différence quant à sa durée.
Le sursis, quant à Pexécution des dispositions civiles, ne
peut se prolonger, s'il n'y a pas appel, au-delà des dix jours
énoncés dans l'art. 203. Ce délai expiré, il est clair que le
jugement a acquis, en ce qui touche ces dispositions, force de
chose jugée.
Il n'en est point ainsi en ce qui concerne l'exécution des
dispositions pénales : le délai de dix jours > pendant lesquuls
Tart. 203 ordonne le sursis, doit nécessairement se prolonger
pendant tout le temps donné au pourvoi du procureur géné-
ral. En effet, tant qu'un délai ouvert pour rappel court en-
core, tant que Tappel est possible, comment procéder à Texé-
cution d'un jugement qui n'a qu'une force provisoire?
comment commencer l'application d'une peine qui peut ôtre
modifiée ou même effacée par le juge^d'appel ? Il importe peu
que le jugement ne puisse plus être attaqué ni par la partie
civile, ni par le prévenu, ni même par le procureur impérial,
il suffit qu il n'ait pas acquis force de chose jugée, pour qu'il
ne soit pas exécutoire. A la vérité, l'article 203 n ordonne le
suriiis que pendant le délai de dix jours; mais ce n'c^tlâ
que l'application d'une régie générale, que Tart. 373 ex-
prime en termes plus explicites^ et qui ne permet en aucun cas
BK L*AP1»EL D«8 lUGmniTS COMCCTKHflOU. § 574. 63
en onâère pénale l^exéculioo d'un jugement contre lequel
QD recours est possible. La preore d'ailleurs que l'art. SOS
B*B ntillenient entendu exclure le délai de Tart. M5 se trouve
dans le texte de Tancien art. 806^ que la loi do 28 avril 1889
a modifié. Cet article portait que « la mise en liberM du pré* ^
tenii acquitté ne pourra être suspendue lorBqu'aucun appel
D*aara (âé déclaré ou notiflé ddnsfesdto/oicfsde la notifica-
tion du jugement. c< Donc, hors les cas d'acquittement Teié^
cation du jugement devait être suspendu même après les dix
jours; donc la règle du sursis enveloppait non seulement le
délai deVart. 203, mais encore celui de Tart. fi05. C'est ali
surplus dans ce sens que la jurisprudence est fixée \
Il faut faire cependant une distinction entre les juge^
mênt^ portant condamnation et les jugements portant ac<-
qaitteiDent.
Dans le premier cas , il y a lieu de surseoir pendant tout le
délai soit en ce qui concerne les condamnations pécuniaires,
soit en ce qui concerne les condamnations corporelles : la loi
nefeîlà cet égard aucune distinclion. Mais, relativement à la
peine corporelle, deux hypothèses se présentent: ou le pré-
venu est en état de liberté, soit qu'aucun mandat n'ait été
décerbé, soit qu'il ait obtenu sa mise en liberté provisoire, ou
il se trouve en état de détention préalable. Dans la première
lypolhêse, le sursis est tellement nécessaire que Texéculion
prématurée n'aurait aucun effctlégal, au moinsau cas d'appel
ultérieur, et il a été décidé en conséquence : « que si le pro-
cureur du roi, usant irrégulièrement de ses pouvoirs, veut
faifaexécutcr [»réinalurément une condamnation prononcée en
premier ressort, le condamné a les voies de droit pour s'y
opposer; que si le condamné provoque lui-même celte exé-
cutioo, et si le procureur du roi , par connivence ou autre-
ment, y conserrt, de ce fait \olontairedu condamné il ne petit
résulter aucun préjudice au droit d'appel du ministère public
près le tribunal ou ta Cour d'appel, ni à la juridiction de ce
tribunal ou de cette cour \ » Dans la seconde hypothèse
il n'y a point de sursis, au moins quand le prévenu n'a pas lui-
uièmé appelé, car Part 24 du C, pén. , dans une pensée d'bu-
Dwnilé, et précisément pour que le prévenu en état de déten-
tion ne souffrit pas du délai laissé à Tappel du procureur
• Cm. i5 déc 18i4, rapp, M.OudarU J. P., t. XII, p. 491 ; 17 juin 1819,
rapp, li.AaiDûoU t. XV, p. 888*
^Cua^ 10 dée.l8i49 dté Mpr4
64
»BS TltWUNAUlL CORftKCTlOfCIfELft.
général', a décidé que « à Tégard df^fi condamoations à Vt
prisonnemont prononcées contrcdesindividos en état dedéten-
tion préalable Ja durée de la peine, si le oondMmé m s^oat
pas pourvu , comptera du jour du jugement ou de TanCft^
^nonobstant Tappel ou le pourvoi du ministère public, et quel-
que soit le résultat de cet appel ou de ce pourvoi . »
Dans le deuxième cas, c'est-à-dire au cas d'acquitte-
ment, les effets du sursis se modifient également. Lorsque le
prévenu acquitté so trouve en état de liberté, il n'^ a point
de question de sursis, puisqu'il n^y a point d'exécution possi-
ble. Mais lorsqu'il est en état de détention préalable, Taut-il
qu'il attende pour être élargi, après le jugement d'acquitté-
ment, Texpiration de tous les délais de l'appel? Il était im-
possible que le législateur voulût pousser le principe du sur-
sis jusqu'à cette extrême conséquence, et Tari. 206 du Code
de 1810, faisant une exception pour ce cas, avait déclaré
< que la mise en liberté du prévenu acquitté ne pourra être
suspendue lorsqu'aucun appel n'aura été déc'aré ou notifié
dans les dix jours de la prononciation du jugement. » Ce dé-
lai de dir jours, déjà contesté par M. Berlier dans les délibé-
rations qui préparèrent le Code', était bors de proportion
avec son objet : la loi du 28 avril 1832 Ta ramené à une
plus étroite limite. La commission de la chambre des dépu-
tés, lors de la discussion do cette loi, avait proposé de rem-
placer l'art. 206 par le texte suivant : « le prévenu qui aura
été acquitté sera mis en liberté immédiatement après la pro-
nonciation du jugement, t On alléguait à l'appui de cette
disposition quMi y a présomption d'innocence pour le prévenu
lorsqu'il est acquitté en première instance, qu'il est injuste
de le détenir encore par la seule volonté du ministère public
et que sa mise en liberté immédiate est la conséquence du
jugement. La chambre des pairs n'adopta pas cet amende-
ment; elle rétablit l'art. 206, en substituant seulement le
délai de trois jours à celui de dix jours. Cette disposition,
qui Torme le texte actuel de l'art. 206, se fonde sur ce qu*il
serait quelquefois difficile de ressaisir» pour les traduire de-
vant le juge d'appel, des individus qui auraient été mis immé-
diatement en liberté ; que le droit d'appel du ministère pu-
blic se trouverait donc anéanti par ccttu mise eu liberté ;
t Théorie du Code pénal, t. î, p. 25 1, 8* éd.
• ï^rré, t. XXV, p, 307.
M L*AFPE1 htS JOGlilBNTS CORRKCTIONNEU. § Î574. ., G5
^eir tëàdikâfd déùi ces cas h trois joprs le sur$fSji^ coft<
«Iléto^dlîdH/^dcractibnpubliq^^^^^ de la détfeose ; quo
M dihi iddil'^tjrffire ati fîimîstère public poijr réglçr son «or
tièiW^iqô^fe'sidîét? lésée et los prévenus twpwntwo.gft*
nfllicfsBflEttkAië'dè leurs droîfe. îl çst mutile d'ajqiJitar 4119
la mise eu lîfcertSé Ai ptréveriu acquitté ne prcjudicie eu au-
arfÀi»'B*^#è àd'^roijt, soit du procureur flénéml, sait r^èCM
mpotnkdriiiipêtin\, d'intérieter appel dans les délais /Ooi
tedrtohtértdMrlîs.' ' ... !
ilfLjIia.tèè^^^ hon-spulcïûçnt aox jtfn
gB*ënts?|iôrtilrrt feondamaalion ou acquittcmeat, mki -enr
<^è*tèU^ |(^'Jtigemehls définitifs qui statuent sur. des in*^
cktenty'èù! stir'dcs exceptions. Dès qu ils îjou.t susceptiUea
dlitoel- Pàpùèl' a, nécessairement Yis7à-vis dW les oiAmes
e<lw ^U'àf-eg^rd des autres. Dans une espèce, ou Tappei
avwljnappé'ûn^û^emcnt intervenu si^rdesCms do non-reçe*
^,feeô<lrdetassation a déclaré : c quelVt. 199 nulorUe
Pap^l dëija^enients correctionnels sans distinguer ceux, qui
sont définitifs k]xr''Sçï exceptions de ceux qui sqnt définitifs
sur le'fctidj^ijia^aui^ terbies deiyrt.203> Tappel est suspen-
sif; ijtr'll'èàit d^ ïâ que ^ demaQdeuc s' étant rendu appelant
do jttgëMjptit' djLil rejette les fins de non-rccevoir qu'il op^pose.
arfrpôwVMiiles^dlHèiécà contre ïuî,le.tribunal n -aurait pas dû
refuser rfè sdViëôit â statuer sur le fond j.usq^!à ce. qu'il ait
éW'ffrdtfètaidè'suf Tappel; que iVrét attaque aurait duréfor-
merite'^gemèÀf cl ne point consacrer^ enirc Tappel des j.u- •
g^tihcbtk sur ¥e fond et Tappel des jugements sur les ex<?ep-
tions; dne distînétion que ta loi n*a point faite V. » Dans , une
aulwîèlspécé, îl'îi été reconnu dans des termes plus généraux
ed^è^ que le sursis ^^applîque à tous les jugements définitifs
qai sont frappés d'appel : «attenduqu'en matière correction*
ueBé rappel est sBspensîf lorsqu'il est émis contre un juge-
niÀ)( i]ùf tiVst pas. de simple instruction et qui engage quel -
quèiiitië^él des parties ; que Pinlervenante, endemandantau tri'<
bnnalcôi^réctionnel deBrivesde surseoir jusqu'2\ce qu'il aitété
stattré sur ïe crime d'empoisonnement dont elle était prévenue,
ne demandait pas un délai pour Tinstruction de l'affaire cor-
recUonYieffô, elle demandait qu'il ne ne fût pas procédé avant .
ladéeisîott à' intervenir au criminel ; que cette demande, qu'elle
Tût fondée ou non, portait donc sur un point définitif,, et. que
' Cass. 12 inai-5liS29» rapp. M. Man^în» Bull. n. «î.
■ viii, .^»
66 M(8''t1IIBCMAUX COMICTIOMNELS.
l'appel du jugement qui y statuait était suspensif. «Enfin,
dans une poursuite en adultère où le jugement ayait rejeté
Texception tirée de la réconciliation dés époui, ii a isncore
été jugé « que l*appel contre un jugement de cette natare
emportait suspension de l*cxamen du fond jusqu'à ce qu'il
eût été statué sur cet appel par la juridiction supérieiife *. »
Y. Il résulte des règles qui précédent : 1^ que les tribu-
naux ne pourraient sans excès de pouvoir ordonner Texé*
cution provisoire de leurs jugements; car, sauf Texcép-^
tiop contenue dans Tart. 188, ils violeraient directement par
là la disposition qui suspend cette exécution ^ ; 2** que si, non-
obstant cette disposition, quelque acte d*exécution a été or-
donné , le juge d'appel doit , en infirmant cette partie du
jugement» ordonner que les choses seront remises en l'état où
elles étaient avant Texécution, ou allouer des dommages-
intérêts^ ; 3^ cnGn*, que si le jugement avait ordonné quel-
que mesure propre à faire disparaître le fait incriminé, par
exemple la fermeture d'un établissement illicite, l'existence
de cet établissement pendant la durée du délai d'appel ne
peut constituer un nouveau délit et motiver une poursuite
nouvelle s.
YI. Il y a cependant deux exceptions à ces règles. La pre-
mière est relative aux condamnations à des peines de police
que le tribunal prononce dans les cas d'irrévérence . injures
ou voies de faits commises à son audience : l'art. 12 du G. de
pr. civ. et l'art. 505 du G. d'inst cr. permettent dans ce cas
Texécution immédiate 6. La seconde est relative aux juge-
ments purement préparatoires qui doivent nécessairement être
exécutés, puisqu'ils ne sont susceptibles d'appel qu'en même
temps que le jugement qui statue au fond^
* Gass. S3 oct. 1840, rapp. M. de Ricard, Bull. d. 313.
' Gass, 19 janv. 1854. rapp. M. Foucher.Bull. d. 12.
* Gass. Si tlierm, an xu, rapp. M, Lacbèie. J. P», U IV, p. 148 ;
10 avril 1806, rapp. M, Delocoste, t. V, p. 291 ; 2 juîll. 1807, rapp, M. Car-
not.t. VI, p. 1^8.
* Gass. 11 juin. 1850, rapp. M. ViacensSt-Lfiiureiit BuD.n. 2t8.
^ Cass. liomai 1844. rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 187.
* (:a:>s, 25 mars 1813, rapp. M. AumbnL J. P., t. XI, p. 3a3.
^ Gass. 22janv. 1825, rapp. M. dcCardonnel. J. P.,tXrX, p. 85; 11 Téf.
184li rapp. M* Romigaière^, Bull, n* 42; 15 mars 1845» rap(<. M. Rotni-
gatèreféBull.Di iOS»
01 l'aFPLL bLS JLGEML.NTS COnBECTIONMBLS. § 575. 67
$ 676.
I. De qaels f^its le juge d*appel est saisi. -*- II. il n*e$t saisi que des
faits qui ont été soumis aux premiers juges. — III. Mais il peut les
qualifier autrement. — IV. Il n^esi saisi que de raciion portée de-
vant les premiers juges.— V. Mais il est saisi de toutes les ciroOBB-
taacesdeees&itt. — VI. Il est saisi de toutes les escfptioBS à op-
poser à raclion lors mémequ*elles n'auraient pas été prc^oséesen
l'* iiistaiice. — VU. Il est saisi du préjudice souffert depuis le juge-
el provenant des mêmes faits.
I. Le jage d^appel ne peut être saisi que des faits qui ont
d^ ëtë portés devant les premiers juges, que de l'action
qui a déjà subi Tépreuve d'un premier jugement. Il n'est
qu'an deuiième degré de juridiction : sa compétence ne s^ou-
Yre qu'après que le premier degré a épuisé la sienne ; elle
ne peut s* ouvrir que pour les actions et les faits qui ont
déjà traversé ce premier degré. Elle ne consiste que dans un
second examen, dans une nouvelle appréciation de la pour*-
suite correctionnelle déjà une première fois appréciée : elle
ne peut s'étendre à aucun fait, à ^aucjin acte nouveau.
Telle est la règle générale qui a déjà été indiquée * j et qu'il
faut maintenant développer.
II. Une première proposition est que le juge d'appel ne
peut être saisi que des faits qui ont été soumis au juge de
preiBÎère instance. C'est la conséquence de la règle qui veut
que toutes les poursuites en matière correctionnelle soient
portées devant doux degrés de juridiction ; il faut donc que le
tribunal de première instance ait été saisi pour que la Cour
puisse Tètre à son tour ; il faut que le premier degré ait
épuisé sa juridiction pour que le second puisse appliquer
la sienne; c'est là une garantie qui tient à la constitution
mftffle de la juridiction et qui ne peut, dans aucun cas, être
enlevée à la justice.
Ainsi, le juge d'appel ne peut statuer sur un fait quji bien
que compris dans un procès-verbal avec un autre délit, n'a
point été déféré par la citation aux premiers juges ; car, a si
les tribunaux sont obligés d'examiner et de juger les faite
qui leur sont déférés dans tous leurs rapports avec les lois
pAuaks, ils ne peuvent d'office stiUuer sur des délits qui ne
sont point la matière des poursuites et prononcer sur des
faits distincts et d'un ordre différent de ceux qui leur sont sou*
mis par la citations »
'Voy. Suprà^ p. S. 'Gass. 5 àéc.iDS8,rBpp.M.lfaiigio./,P.,t.XXlI, p.AdS»
M DES TBIBVNAUX CORREâTIONNE^S.
AiBsi,n ne peut condamner pour infraclion au ban do surveil-
lance le prévenu qui n'aété poursuivi que pour vagabondage:
«attendu que l'observation des règles posées par les art. 182
et 379 C. inst. cr. intéresse la liberté de la défense aussi bion
que la vindicte publique et qu'il n'y a d'exception que pour
les faits qui sont virtuellement compris dans la qualification dp
fait objet primitif de l'action; que, dans Tespèce,... ce fait
rentre d'autant moins dans celui qui était Tobjet de la pré-
vention que les individus soumis à la surveillance peuvent
avoir une profession, un domicile et des moyens de subsis-
tance, et ne sauraient tomber sous Inapplication des art. 270
et 271 du €• pén. '. )> Un second arrêt, rendu dans le même
«ens, ajoute : « que d'après l'art. 379 du C. d'înst. cr., le
ministère public doit se borner à faire des réserves; que le
droit de la défense établi par l'art. 182 et le principe de>
deux degrés de juridiction s'opposent à ce que des réquisi-
tions tendant à l'application des lois pénales soient admises
pour des faits autres que ceux compris dans la citation ori-
ginaire et soient introduits sur l'appel *. »
Ainsi, le prévenu d'enlèvement de titres ne peut être con-
damné en appel pour destruction des mêmes titres : o attendu
que c'est seulement à raison dufaiténoncé dans la citation que
le prévenu est averti de préparer sa défense et peut par consé-
Suent être condamné par le jugement à intervenir ; que sans
oute le tribunal correctionnel peut, en examinant toutes les
circonstances qui accompagnent le fait, le qualifier autrement
u'il ne Ta été dans la citation et appliquer un autre article
le la loi pénale que celui qui était invoqué ; mais qu'il ne lui
est point permis de prendre pour base de la condamnation
qu'il prononce un fait qui , au lieu d'être une circonstance
accessoire deceluide la citation, en e>t entièrement distinct;
que le juge d'appel n'a pas d'autres pouvoirs à cet égard que
le premier juge et qu'il est soumis aux mômes obligations,
sans quoi il y aurait violation de la règle des deux degrés de
juridiclioQ '. >
Ainsi enfin, le juge d'appel ne peut statuer sur un délit de
pêche avec engins prohiba quand le premier juge n'a été
saisi que d'un délit de pèche dans une rivière navigable *; il
> Cass. 23juiD 1896, r»pp. M. Isambert. BuU. n. 205.
> Casa. S3 iiov. 1837, rapp. M, Isambert. d. A08.
■ Tass. 26 jain.1847. rapp. M. Vinceus St-Laun>nt. Bull.n. 9.
* Cass. 29 avril 1830, rapp. M. Brièrc. J. P , U XXIII, p. 435.
3,
Dl L^Amt DES JUGEMENTS CORRECTIONNELS. § 575, 69
ne peut prononcer la démolition d'une ancienne constraotion
élcTée sur le sol foreslicr, quand le premier juge n'a été saisi
que d'une demande en démolition d'une construction nou-
velle adossée à celle-cî *.
Néanmoins si le délit se compose ou d'une habitude ou d'une
succession de faits, Icjuged'appcU qui en est sai:»!, peutappré-
cier tous les faits qui en sont leséléments, lors même que le
premier juge n'en aurait pas relevé quelques-uns, pourvu
qu'ils se trouvent compris dans la même incrimination; car il
est saisi de l'ensemble dcsfails qui constituent le délit. Ainsi,
en matière d'usure, le juge d'appel «ne peut se dispenser d'ap-
précier, par rapport à la fixation de l'amende, les nouveaux
faits d'usure résultant des dépositions des témoins entendus
en instance d'appel •. » En matière de presse périodique, il
peut, pour savoir si le journal a traité des matières politiques,
^ft fonder sur des articles que le premier juge n'a pas appré-*
• lés*. En matière d'adultère, il peut encore relever des faits
d'adultère que le premier juge n*a point examinés *. ^
III. Cependant il importe de ne pas confondre avep les faits
nouvetux les nouvelles qualifications données aux mêmes
faits. Nous avons précédemment établi que l'ordonnance de
la chambre du conseil (aujourd'hui du juge d'instruction) et
l'arrêt de la chambre d'accusation, à plus forte raison la sim-
ple citation directe ne lient point la juridiction correction-
nelle en ce qui concerne la qualification des faits ^. La même
règle s'applique au juge d'appel : il ne peut pas être plus lié
par les qualifications données aux faits par le juge de pre«
miére instance que celui-ci ne l'est par les qualifications de
Tordonnance ou de l'arrêt de renvoi et de la citation. Il exa-
miae les bits qui lui sont déférés et pourvu qu'il se renferme
dans ces faits et qu'il n'y joigne aucun fait nouveau, il a le
droit de les apprécier et de les qualifier autrement que ne
l'avait bit le premier juge*
Cette règle restrictive a été consacrée par un grand nom-
l)red*arrêts. Il aété jugé : — que le prévenu qui a étécondam*
^ en V* instance pour outrage envers des agents de la force
*Caii. S3 mars iSiO, rapp. M. Favard de Langlade. J. P., U VIII,
p. 20L
' Cai$. 26.f«?. i825, rapp. M. OllWier. J. P., t. XIX, p. 288.
'Ca88.i7C^. 18^4, rapp. M. Vincens St-Lanrent. BuU. n. 50.
* Ctts. 2Aiiiai 1861, rapp. M. Moreao. Bail. n. 192.
• Vfty, notre I. VI, p. 168 at 583.
70 PESTRIBUNADX CORRECTiONNELS.
publique dans leurs fonctions peut Tétre en appel pour ré-
bellion * ; — que celui qui a été condamné pour dénonciation
'calomnieuse peut Tétre pour diiïamation * ; — que celui qui
a été poursuivi pour outrage public à la pudeur peut être
condamné pour attentat aux mœurs' ; — que celui qui a été
poursuivi pour outrage envers la religion peut être condamné
pour avoir tourné la religion en dérision * ; — que celui qui
a été poursuivi pour débit de médicaments au poids médici-
nal peut être déclaré coupable de vente de remèdes secrets^ ;
.^que le prévenu d'escroquerie peut être condamné pour
abus de confiance ou pour vol 6; — que le prévenu d'abus
de confiance peut également être condamné pouF»vol7.
Le juge d'appel peutr-il, sous le prétexte de rectifier la qua-
lification, relever une circonstance aggravante que le juge-
ment de première instance ne mentionne pas? L'affirmative
a été jugée par un arrêt qui porte c que si les tribunaux cor-
rectionnels ne peuvent statuer que sur les faits qui leur sont
dénoncés, soit par Tordonnance de la chambre du conseil 9
foit par «la citation donnée au prévenu , il leur appartient
néanmoiiis de les apprécier dans leur rapport avec les lois
pénales et de leur attribuer leur caractère légal ; que Tarti—
èle 311 du C. pén. punit les coups et blessures volontaires
et prononce une aggravation de peine s'il y a eu prémédita-
tion ou guet-apens; que k préméditation ne constitue pas un
fait distinct et indépendant des coups et blessures, qu'elle s'y
rattache intimement et devient^ lorsqu'elle est établie, un des
éléments du délit; que, dans l'espèce, la demanderesse était
prévenue d'avoir volontairement porté des coups et fait des
blessures ; que le silence de l'ordonnance de la chambre du
conseil, de la citation et de la décision des premiers juges sur
la préméditation qui a accompagné ces coups et^blessures, ti'a
pu faire obstacle à ce que cette circonstance lût relevée par
l'appel du procureur général ; qu'en appliquant la peine
qu'elle oomporte, la Cour n'a pas changé la prévention cri-
« Cuk 16 mil 1817. rapp. M, Âamont J. P., t XIV, p. 280.
t Gass. 18 juillet 1838, rapp. M. Mangin. h P., tXXII, p. 98.
* Cm, 17 jaoT. 1829, rapp. M. Mangio. J. P., t. XXII, p. $89,
* CaSB. 15jaDT. 1880, rapp. M. Ollivier. J. P., l. XXIII, p. 45.
• Cass. ««juin 1885 rapp. M. Vincent St-Laurenl. Bull. d. 258.
• Casa. 10 août 1855, rapp. M. Poultier. Bull. 11. 286.
*Cass. 16 août 1855, rapp. M.Ayiies Bull. n. 292; 12 déc. 1856,
rapp. M. Plougoalm. Bull a» Z9h ; 25 août 1854f rapp. M. ^e <*los, §«!!•
B« 2SI.
»B L*AFFBL DBS JDGIMENU COMBCTIONNBU. § 575. 71
gioaire; qu'elle n'a ajouté aucun fait nouveau aux faits qui
aTaieot été soumis aux premiers juges ; qu'en se bornant à
les apprécier autrement et à leur donner un autre caractère,
die n'a porté aucune atteinte aux droits de la défense ni au
prineipiî des deux degrés de juridiction \ » On peut objecter
k cet arrêt qu'une circonstance aggravante, par cela même
qQ'elle aggrave le délit, n'en est point un élément ; qu'elle
fieat s'y joindre et s*y incorporer, mais pour en changer le
caractère; qu'elle constitue un fait tellement indépendant
du fart originaire que celui-ci dans l'espèce avaitété incriminé
isolément; que, si elle en est l'accessoire, il ne s'ensuit pas
qu'elle y soit implicitement contenue, puisque le fait pnn*
cipal peut exister sans elle ; que c'est donc là un fait qui >
qomqu'îl se rattache intimement au premier, n'en est pas
moins nouveau ; <|ue, d'ailleurs, autre chose est une qualifi-
eationfiouvelieqaiprendlefait tel qu'il est énoncé dans la cita-
tion et ne fait que lui imprimer une nouvelle dénomination, au-
tre diose est une aggravation qui ne change la qualification -que
parce qu'elle diange le fait ; que si le juge supérieur peut et
éoil rectifier toute qualification qui lui parait erronée, c'est
toojours à la condition qu il ne modifie ni ne change le fait
qoi a été la base de la poursuite ; mais dès que la rectifica-
tion n'irriye è la qualification qu'en modifiant le fait, est-il
Trai qu'aucune atteinte ne soit portée k la défense du pré--
renui est-il vrai qu'il conserve sur ce fait 4a garantie des
dfui degrés de juridiction ?
lY. Une seconde proposition, qui est d'ailleurs parallèle
à la première, est que le juge d'appel n'est saisi que de
laction qui a été portée devant le premir juge. En effet, le
prévenu doit jouir en matière correctionnelle des deux de*
grés de juridiction^ tant sous le rapport de l'application de
la peine que sou^ lé rapport des dommages qui lui sont de-
mandés.
Ainsi, le plaignant qui ne s'est pas porté partie civile en
première instance, ne peut se porter en appel : a attendu que
ces mots de l'art. 6T du C. d*insl. cr. « en tout état de cause
jusqu'à la clôture des débats > ne doivent s'entendre en ma-
tière correctionnelle que de la cause instruite en première in-
stance ; que l'exercice du droit accordé aux plaignants ne
peut être étendu è la cause d'appel, l'appel relevé par le mi-
1 Cm, S9 juin 1$59» rapp, H« Aug. Moreau, BolU n, 235.
7t DUS TRIBUNAUX CORIKGTIOMHBU.
nistèrc public ou par le prévenu no pouvant profiter am plai^
gnanls pour leurs intéréls civils; qu*il ne peut en effet dé*
pendre d'eux de priver le prévenu d'un premier degré de
juridiction sur la question de savoir s'il est dû des dommages-
intéréls et quelle est leur quotité; que le jugement de 1^ in-
stance, dàjQS lequel le plaignant n^a figuré qu'en cette qua-
lité, sans réclamer comme partie civile, a tout terminé devant
la juridiction correctionnelle à l'égard des dommages-inté-
rêts '. » Dans ce cas le plaignant, qui se prétend lésé, ne peut
donc plus agir que par action séparée devant la juridiction
civile.
Il en est ainsi lors même que le prévenu aurait fait défaut
en V^ instance sur la poursuite du ministère public, car cela
n'cmpécberait pas le plaignant de se présenter pour conserver
ses intérêts civils et épuiser le premier degré de juridiction '.
Cependant la partie civile peut modifier le chiffre et l'éten-
due de ses demandes , pourvu qu'elles soient exclusivement
fondées sur le préjudice résultant du même fait. Ainsi, après
avoir demandé en première instance, i titre de dommages-
intérêts, une somme d'argent, elle pourirait demander au
. même titre en appel raffiche du jugement.
y. Mais le juged*appei est saisi de tous les faits dont a été
saisi le premier juge. En effet, Tappel transporte toute la
cause devant le second degré de juridiction, et s'il ne lui est
pas permis, ainsi qu'on le verra dans le § suivant, de statuer
sur les intérêts qui ne lui ont pas été déférés, il doit du moins,
pour apprécier celui dont il est saisi, examiner tous les faits
qui ont été la base de la première décision.
Ainsi, l'appel du ministère pjpblic contre un jugement qui
a statué sur deux délits, saisit la Cour de toute l'affaire et par
conséquent elle doit examiner les deux chefs compris dans le
jugement^ ; elle doit les examiner, lors même quil n'y au-
rait eu dé'at en première instance que sur l'un d'eux, si la
citation ou l'ordonna t\ce de renvoi les mentionnait l'un et
l'autre *.
A msi, l'appel d'un jugement qui a déclaré nul un procès*
verbal et ne s'est pas occupé de l'inscription de faux formée
* €ass. 2i mai 1833, rapp. M. Ricard. J. P., t. XXV, p.50S.
>Ca«6.i7juilJ. 18Â1, rapp. M. M<^rilhou. BuH.n. HZ.
* Cass. Ssept. 1833 M. Roclicr. J. P. L XXV. p. 876.
* Gaaa. 7 mars 1835. rapp. M. Ricard. Bull, u. 84; 2S iDart 1SS5, rapp.
M. VlBoeDi-Sl-Laureiir. Bull. d. 116.
DE L*APPSL M» JU€BBKMT3 CMRECTIOKNELS. § 975. 73
svfasidiaireineot par le prévenu, saisit le juge d'appel, non
seulement de la question de yalidité du procés-verbal » mais
encore de Tinscription de faux, et il peut statuer à cet égard
saosmlerU règle des deux degrés' •
Vm. Le juge d'appel est régulièrement saisi i^ de toutes
les exceptions qui peuvent être opposées à Faction , lors
même qu'aèdes n'auraient pas été opposées en première ins*
(ance; 99 de tous les moyens même nouveaux présentés
par les parties k Tappui de la prévention ou de la défense.
En effet, si Taction doit être identique devant les deux ju-
ridictions, si les faits qui en sont la base ne doivent point se
modifier en passant de I une à l'autre, il n'en est plus de même
de la discussion de cette action et de ces faits. Il est clair que
la règle qui circonscrit la cause dans le même cercle en pre-
mière instance et en appelnes'appliquepointaudébatde cette
Cause; car, si l'objet de cette règle est que le même procès
soit examiné deux fois , il faut nécessairement, pour que cet
f^xamen ^it efficace, qu'il soit libre et puisse relever même
les moyens qui n'ont point été aperçus en première instance.
Que servirait l'appel, s'il n'était pas permis d'y faire valoir
des arguments nouveaux ? On n'y trouverait donc aucune pro-
tection contre les négligences, les omissions, les surprises de
la première procédure ! Mais c'est précisément pour sauve-
garder la vérité contre ces erreurs et ces oublis que s'ouvre
la seconde juridiction, c'est pour soumettre les mêmes faits à
one discussion nouvelle. De là la conséquence nécessaire que
lotts les éléments qui se rattachent à ces faits peuvent se pro«
dnire, même pour la première fois, en appel, car c'est préci-
sément parce que la discussion n'a pas été complète en pre-
oiière instance qu^elle recommence en appel.
C'est par application de cette doctrine, qu'il a été succès*
siyement reconnu, en ce qui touche les exceptions : — que
l'incompétence résultant de ce que le fait serait un crime
pcQt être proposée pour la première fois en appel ' ; — et qu'il
CD est ainsi de l'incompétence résultant de la qualité d'officier
^ police jndiciaire du prévenu • ; — de l'incompétence ré-
sultant de ce que le juge saisi n'est ni celui du domicile ni ce-
lui du délit ^ ; — de l'incompétence résultant de ce que le
' Cm. k man 18AI. non imprimé.
' Cms. 13 marr ISiS, rapii. M. OadarU J. P. t Xï, p. I9f.
; Cm. 7 fiftv. 1884, rapp. M. Ckoppin. J. P. t. XXVI. p. 141.
Chl 13 mai 1826, a 28, 1, 416.
74 DES TftWUNAOX CORBÈCTIONKELS.
tribunal I saisi de l'action contre la partie responsable, n'est
pas en même temps saisi de raction publique contre l'auteur
du délit ^ ; •— de l'exception tirée ae la nuilité'du procès-*
verbal •.
Et, en ce qui eoncerne les moyens nouveaux, il a étééga-
lement reconnu que les parties sont admisesà produire poor la
première fois en appel des preuyesquin^avaientpasété pro-
duites en première instance' ; et, pur exemple, à demander
une audition de témoins qu'elles n'avaient pas requise devant le
premier juge ^; ou à prouver que postérieurement à la citation
en police correctionnelle, les prévenus avaient fait des chan-
gements de nature è faire disparaître le délil^, ou à produire
des titres de propriété qui ne l'avaient pas été devant le pre«*
mier juge^, ou è faire valoir des moyens de défense aoa--
veaux?.
Cette règle toutefois admet une exception en ce qui con-
cerne les irrégularités* de la citation. L'art. 173 du G. de pr.
civ. porte, en effet, ainsi qu'on l'a déjà vu, que « toute nul-
lité d'exploit ou d'acte de procédure est couverte si elle n'est
proposée avant toute défense ou exception autre que les ex-
ceptions d'incompétence. » De là, la conséquence que les ir-
r^ularités relatives à l'ai^teintroductif de l'instance qui n'ont
pas été relevées en première instance , ne peuvent plus être
opposées en appel *.
VIL Enfin, le juge d'appel est saisi, en ce qui touche les
dommq^es-intérèls , pon-seulement du préjudice dont la
réparation a été demandée en première instance, mais encore
du préjudice qui aurait été souffert depuis le jugement,
pourvu qu'il' ait sa source dans les faits dont le premier juge
était saisL Cela résulte : !<" de l'art. 212 du C. d'instr. cr.,
qui n'apporte aucune limite aux dommages-*intérèts dérivant
* Casa, ii sept. ISdS, rapp. M. Busschop. J. P. t. XIV, p. i038.
9 Gisi» '^ oct. iSSÂ. rapp. M. Chantere^De. J. P. t. XVIII, 1067.
' GaiB. li juill. 182C. rapp. M. Basire. J. P. t. XVI, p. 54.
« Cass. 8 fêv. 4820, rapp. M. Bussckop. J. P. L XV p. 755 ; i déc 1828,
rapp. M. BoBschop, t. XX, p. 978; 11 jaio 1881. rapp. II. Rives, t. XXIII,
^ ie78.
* Ca». 14 août 1828, rapp. M. Busschop. J. P., t XVIII. p. 128.
* Casi. 5 flor.au ini, rapp. M. SeigoeUe. J. P., U IV, p. 504.
^ Cass. 8 mais 1855. rapp. M. Sénéca. Bu)l. n. 88.
* Cass. 24 mai 1811. rapp. M. Basire. J. P., t. IX, p. 848 ; 10 juil. 1882,
rapp. M. Oliivier, t. XXIV, p. 1806; 7 mai 1885, rapp. M. Fréteau. Bull.
n. ISS ; 12 arril 1889i rapp. M. Rifes. n. 182; 12 août 1852» rapp. M. Fon-
. clierii.271«
DE l'appel des jrsKaeVrs fîORRKCTio^iNBLg, § 5*76. 75
do fait qui a causé la lésion ; 2'' de l'art. 464 du G. de proc.
cIt., qui porte : « Pourront aussi les parties demander des
iiMréts, arrérages, loyers et autres accessoires échus depuis
le jogeroent de première instance, et les dommages-intérêts
pour le préjudice souffert depuis ledit jugement, »
On a induit de ces textes que la partie civile est autorisée
à tierer en appel, plus qu'elle ne Tarait fait en première
ÎDSlaioe, sa demande en dommages-intérêts, lorsque le pré-
jadice s'est aggravé depuis le jugement * •
On en a induit encwe que le prévenu peut obtenir des dom*
nagesHolérèts k raison des frais qu*il a faits sur l'appel : « At-
taoda que Fart 313 comprend dans la généralité de ses ter^
mes la réparation de tout dommage quel qu'il soit, causé
pariapovrsttîte*. »
S 576.
l Ne^are de la compétence du juge d^appel :— II. qusod il est s^isi par
le préTenu; — III. par la partie responsable; — IV. parla partie
chue ; — V. parle ministère public; — Tl. par plusieurs parties ^
nfins.
I. Le juge d'appel n'est saisi que par Tappel ; il n'est
donc saisi que des faits ou des chefs du jugement de pre-
nière instance que Tappel lui défère. Sa juridiction est cir- '
ooDserite par les termes de cet acte ; elle ne peut se mou*
voir qoe dans le cercle qui lui est tracé ; elle ne peut s'éten-
dre en dehors.
Cette règle de compétence, que nous allons développer,
se trouve consacrée dans un avis du conseil d'État, approuvé
le iS nov. I8O65 auquel la jurisprudence a reconnu force
législative, et qui porte ce qui suit :
« Le eonseil d^Etat, qui, d*après le renvoi ordonné j^ar S. M., a jen-
tendale rapport de la section de législation sur celui du grand juge
tendant k savoir, si, sur Tapppel en matière correctionnelle émis {)ar
b partie civile, la cour criminelle peut connaître du bien ou du mal ju-
Ê de TeDliar jugement et réformer les dispositions ton auaquées : —
t d'avis que la jurisprudence de.la Cour de cassation, constante pour
la négative de cette question est fondée sur deux principes incon testa-
ntes : le premier, qu*un tribunal d'appel ne peut réformer un jugement
*Cafl. il «or. iH% rapp. Bf. Mangin. J. P., t XXI, p. 887.
* Ghii I avril 1943» rapp. M, Rocber, BuU. &• 77.
76 DES TRIBIIIIAIIX COAltCTiONNELS.
de I" instance qu*autaDt qu'il y a eu appel; que, par conséquent, s'il
n'y a appel queifune seule disposition le tribunal ne peutpas réformer
les autres^ et n'a pas même la faculté de les dtscoier; il n'en est pat
saisi. Le second principeestqu'uo Iribunal soit d'appel» soit de i'* ins-
tance, ne peut adjuger ce qu'on ne lui demande pas, et que tout juge-
ment qui prononce ultra petita est essentiellement vicieux.... »
Cette doctrine n^a jamais cesséd'ètre appliquée. Ainsi if a élé
décidé:!® « qu'un jugement qui porte surdos chefs distincis
et indépendants, et qui n'est attaqué qu^à l'égard dccertnîns
de ces chefs, passe en force de chose jugée pour les chefs qui
ne sont pas attaqués par la voie de l'appel ■ ; » 2^«queles tri-
bunaux d^appel ne pi uvt>nt réformer dans les jugements de
première insi&nceque les dispositions à Tégard desquelles il y
a appel; que celtcsqui ne sont attaquées par aucune des parw
lies acquièrent l'autorité de la chose jugée; que ces principes,
conrormes à l'iiistiiution des deux degrés de juridiction , sont
consacrés par l'avis duconseil d'Éiat du 1 2 novembre i 806*; h
3® « que, lorsqu'un jugement se compose de plusieurs disposi-
tions distinctes , indépendantes les un^'s des autres» il contient
autant de décisions particulières qu^il y a de chefs distincts et
séparés; qu'il suit de là que la partie qui aurait obtenu gain
de cause sur un chef de demande, et qui aurait succombé si»r
iMi autre, peut poursuivre l'exécution des dispositions qui lui
sont favorables, sans par là renoncer au droit d'at^quer les
dispositions qui lui sont contraires ^ ; » &•'' « que l'appel da
•jugement de première instance ne saisit fa cour devant la-
quelle il est porté que de la connaissance de la disposition qui
est l'objet spécial de cet appela.»
Il serait inutile de relater ici tous les arrêts qui ont consa-
cré une règle incontestable en elle-même et qui n'offre
quelques diflicultés qne dans quelques cas d'application. Nous
retrouverons d'ailleurs ces arrêts plus loin.
Appliquons maintenant cette règle à chacun des appels
que les différentes parties peuvent interjeter.
II. Appel du prévenu seul Le juge d'appel , lorsqu'il
n'est saisi que par le seul appel du prévenu, ne peut modifier
le jugement que dans sou intérêt et jamais à son préjudice.
Telle Cdt la stricte conséquence de la règle qui vient d'être
* Cass. 19 déc. 1807, rapp. M. Babille. J. P^^U VI. p. 898.
* Casa. 8 sept. 1848, rapp. M. VincensSt-SaiirenU Bail. n. 238.
* Casa. 4f dèc. 18A8.rapp.H. firesson. Bull. n. 925.
* Casa. 48 janv 1822, rapp.M. Aumont. J«P., t. XVlIf. p. 50.
DE L* APPEL DBS JUGEMENTS CORRECTIONNELS. § tTiù. 17
éUiblie. En efle(, puisque c'est Tacle d'appel qui détermine ia
compéteoce du juge , it s'ensuit que Tappel du prévenu ne
peut le saisir que dans Tintérèt de l'appelant. Gomment la
eondition de cet appelant pourrait-elle être rendue plus mau-
vaise, lorsque les autres parties ont accepté le premier juge-
ment et y ont acquiescé , lorsque seul il se plaint et porte ses
griefs devant le juge d'appel, lorsque ce juge n'est saisi que
d'une seule demande faite dans un seul intérêt? Peut-on ob^
jccler qu'il est saisi de la cause entière , puisqu'il ne peut
statuer suDâ l'examiner, et puisque le droit de la juridiction
n'est pas, en général, restreint par les conclusions des parties?
Don, car il y a chose jugée sur tous les points que l'appel n'a
pas attaqués, et l'appel du prévenu ne p^^ul attaquer que les
points qui lui préjudicient. Les pouvoirs du juge trouvent
leur limite dans cet appel même, qui est nécessairement
restreint; car si les conclusions des pirties ne lient pas le
juge, il en est autrement des voies de recours qu'elles ont
prisps : la formule du recours est la mesure de la juridiction.
Le juge d'appel ne peut donc , (]uand il n'est saisi que par le
prévenu, que confirmer purement et simplement le jugement^
de première inst<mce ou le miclifier dans Tintérôlde rappe-
lant : il ne |ieut ni aggraver les peines prononcées par le ju-
gement, ni prononcer quelque peine nouvelle, ni lui in-
fliger des douunages-iutérôts qu'il n'aurait pas encourus en
première instance.
La jurisprudence a consacré cette doctrine. Aussi il a été*
souvent reconnu « que, conformémeul aux principes dévclo|i-
pesdans l'avis du conseil d'État du 12 novembre 1806, le
sortdu prévenu ne peut être aggravé sur son appel; que, s'il y
a erreur de la part du premier jugo, le bénéfice de cette er-
reur lui est définitivement acquis^» Ainsi le juge d'appel ne
peut, ni s'occuper d'un chef de prévention sur lequel le premier
juge n'a pas slatué% ni, lorsque le juge a accueilli pour une
partie des faits un décliuatoire opposé par le prévt^nu^ ie re-
jeter sur son appel pour la totalité de ces fails^. Ainsi quand
le jugemeut n'inflige pas une peine accessoire, telle que l'in-
terdiciion dts droits mentionnés en l'art. 42, G. pén., le
* Ca», 24 août 1838. rapp. M. Vincens-St-Laureiit Bull. n. 388 ; et conf.
S^aoai 1813, rapp. M. Busschop. J. P., t. X, p. 090; 13 janv, 185&, rapp.
M. Jalioiu Bull, n 10 ; i:5 mars 1854. rapp. M. Fou< her. n. 83.
' Gass. 18 jaDT.lS22, rapp. M. AumonL J. P., l. XVII, |u 50.
*CBSs«8iepU 184a,rapp. M. Vinceot«$t-LaureuU Bull.n. 336.
78 DKS TRlftlNAUX CORRFXTIONNKLfl.
juge d'appel ne peut Tinlliger'. Il ne peu! égiticment , en
acquittant le prévena sur le délit d'escroquorie, le renvoyer
en état de mandat de dépôt devant le juge d'instruction, sur
le motif quM irésulterait des débats prëTention de banque-
route fraitdttleuse\ Il ne pcnt encore, sur l'appel d'un préve-
nu de moins de 16 ans acquitté et dont la détention dans
une maison de correction jusqu'à sa majorité a été ordonnée,
prononcer uhe condamnation quelconque : « attaidu que le
ministère public peut seul interjeter appd pour obtenir Tag-
gravation des dispositions du jugement de première îostanoe
qui ont trait à la déclaration de culpabilité et à l'application
de la peine; que lorsque le ministère public acquiesce au ju-
gement, l'appel du prévenu ne saurait donner au juge d'appel
le droit de le déclarer coupable, si les premiers juges root
acquitté*. » Enfin il ne peut le condamner à des dommages^
intérêts plus élevés, «attendu que Tappel du jugement de
première instance ne «aisit la conr devant laquelle il a été
porté que de la connaissance de la disposition qui est l'objet
spécial de cet appel ; que les autres dispositions n'étant point
attaquées, sont nécessairement réputées acquiescées par l'ap-
pelant; qu'élhîs ne peuvent être reformées 'à son préjudice
sous le rapport de l'intérêt civil ^ »
Mais si le premier jugement a prononcé une peine correc-
tionnelle pour un fait dans lequel le débat a fait reconnattre
le caractère d'un crime, la cour peut-elle, sur Tappel du pré-
venu, se déclarer incompétente? Non, t parce qu'elle ne peut
aggraver le sort de l'appelant sans blesser les principes éta-
blis dansl'avisdu conseil d'État^ » — « parce qu'elle ne peut
exposer le prévenu à être poursuivi et puni pour crime,
après avoir été poursuivi et puni pour simple délits ; »
«parce qu'il ne s agissait plus d'examiner si le fait constituait
un crime ou un délit; que le tribunal correctionnel s'étant
» Cass4 mai iS27, rapp. M. Mangin. J. P., i. XXI, p. 4i5; 7 iulll. JS27.
lapp. M. Olllvier. J. P., l. XXI p. 590. i j . « /,
t n.t^na 9.tï ittin ÂQ90 ««M» m« n^X—
« GaâS. 30 juin 1832. rapp, M. Brière. J. P., t XXIV. p. «W.
■ Cas». 26 juîH. 1844. rapp. M. Mérîlbou. Bull. n. 576.
* CaM. 18 janr.1822, rapp. M.Aumoul J. P., t. XVII. p. 50.
• C-ass 27 mars 1812. rapp. M.BusschopJ. P., i. X. p. 253; 1 mai «812
rapp. M. yanlouJon, L X, p. 560 ; 17 nov 1814. rapp. M. Dunoyer, r. XlL
DB l'appel J>B8 JOfiBlIBNTS COBRECTIOMNBLS. § 576. 79
dédsré compétetit et ayant* prononcé des peines correction-
Aetlas, ia condîtioii du condamné, sur son appel, ne pouvait
éire empirée ; qne la cour n'ayait point à j ngw une question
de iDompélenee aeqniescée par le miniatére public; qu'elle
o'Mît même pas la faculté de la discuter, puisque! n'y avait
point d'appel dans l'intérêt de la vindicte publique ^ ; » «*-
enfin k pdrœ que, ai les compétences sont d'ordre public, il
n'en faut pas moins que lesfonctionnaires, à la vigilance des*
qnels leur maintien est confié, les revendiquent dans la forme
et dans les délais prescrits par la loi* •*»
Mais il en serait autrement si le prévenu, soit parce qu'il
croit trouver plasde garanties devant une autre juridiction,
Mit par tout autre motif, avait formellement conclu à Tin-
eompétence : « Attendu que la compétence du tribunal de-
vanl lequel il est traduit est au premier rang des moyens que
le prévenu peut proposer, soit devant le juge de première
instance, soitdevantlejuge d'appel, puisque, si iejuge est in-
compétent, il se trouve sans force légale pour juger ce pré-
venu; qu'il ne résulte aucune fin de non*recevoir contre ce
moyen de ce qu'il serait contraire à Tintérét du prévenu qui
l'invoque, en ce qu'il Texpose, s'il est accueilli, à se voir
renvoyer devant une juridiction où une peine afflctive ou in-
famante pourrait lui être appliquée, puisqu'à ce prévenu seul
il appartient d'apprécier quelle est la juridiction qui offre à sa
défonse le plus <l'avantages et de garanties, si d'ailleurs les
Idits qui lui sont imputés appartiennent par leur nature à cette
juridiction ; que l'avis du conseil d'État du 22 nov. 1806 n'a
rien de contraire à cette doctrine ; qu'il dispose seulement
que la position du prévenu ne peut être aggravée sur son
appel, non plus que sur Tappel de la partie civile ; qu'on ne
Pentoonsidérer comme une aggravation de la position du pré-
venu le rcnvci devant le juge compétent lorqu'il l'a expres-
sément demandé par des conclusions formelles». « A plus
• Casfc M jaill. iSSO rapp. M. Brière. J. P.. t. XXIII. p. 740 î. f » féf-_J|f *•
npp. M. Mère, U XXIlI,p. «21 ; 21 afril 1832, rapp. M. Brière, t. XXIV,
pÎtW; sT^uS 1882. rapp. M. Brière, t. XXIV, p. ««26; 30 mars 1837.
npp.M. DÀaiisST. BuH. n. 95; 13 oct. 1836. rapp. M. Dehaussy. n, 848 ;
î déc. 1848, rapp. M. Romiguières, n. 295 ; 26 juill. et 22 aoOt 1844, rapp.
MM. Mérilhoo el Brière Valigny, n- 276 et 298.
• Caw. 14 jwv. 1850, rapp. M.de Glos. BuU. n* 880; 16 mars 1849, rapp.
• ^. 27 déc. 1839, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 398 ; et Conf. 21 av. 1882,
rapp. M. Bri^eTj. P., t. XXIV. 984 ; 22 oct. 1840 rapp. M. VinceasS^Lau-
wnu Bull. n. 810; 23 décl84i. rapp,M.Vlnce!is-Sl-Laureiit, a.aaS;« l^v.
1844. rapp. M. Dehaussy, a. 89
forte raison il eDdevraiiètreainsî Ionique, 4e la d^lAvalnn
/d'iocQwpétence* aucune, aggravaiicii ne pouvait résuitor, par
exemple, lofsqoe^soAis Tempire de la loi du 8 octobre 1^8S0,
le dèlii^ à raison da^aoè caractèrepoUtique, jetait de^laxompé-
tence du jury ' . t- '■» -•
Le juge d'appel peut«il,/»ur le aeiiil i^pol 4a.pri«ena,
modilier ta qMalilioaJlîpn du. faitt U fa^i.i^pôpijk^ affiiiiiallîice-
ment, pouryM qu*il n^en Ti6ultj& aucune aggravation dans la
position du prévenu. On litdaps un ^rrôt :« Que si la qua-
lification donnée en appel au délit a modifié celle :qui résul-
tait du jugement correctionnel , <^l>te modilieation a on Neu
en vertu du droit général donné par la loi au jqge supcHéur
<\\i\ ne peut être astreint, lorsque la quatifiisalion dû fiij^'diju
premier degré est tqcxactc, soît à donner sanction à ceUc
qualification, ^oit à laisser impuni un délit constant à. ses
yeux. * » Mais il faut expliquer eetiio proposition évidemment
trop absolue par celte re$trictîon d^in autre arrêt : «c que
seulement la situation du. prévenu no peut-être aggravée, et
que ce principe a été, respecté par l'arrêt attaqué^ la peine
n'ayant pas été augrtîefitée*. » C'est pouf demeurer dans
cette linfHtcî, que la juriSprudoncc^ dcfcidé que lèjûgè dVp-
ptf ne peut modifier la qiiaTificatîon, soll pour en faire sor-
tir une modification de la compétence, soit pour écarter une
exception d(i prescription opposée par (e prévenu "*;
Mars le juge d'appel peut, môme sur cet appel /''prrohoû-
ccr laconlraînle par corps omise par le. premier juge ou sup
pféer à lafixation de sa durée ^.i^a maison est que oetto voie
d'exécution a Ireu de plein droit en vertu de 4a loi, tors
même que le jugcfuciit a négligé de la prononcer • (Toùil
suit que ta réparation de celte omission dans le dispositif du
jugement de première instance n'est.pas une aggravation dr
la peine du condamné. > . ^
lit. Appel de ia partie responsaWe. Danà lé'c!àl5;^/ru, seiil
appel ^e cette partie, le juge d'appelée peiitm6J1fi|«^ir\q,4p.'
les condamnations civiles dont la responsabilité at été inise :i
' Cft^ç. 81 lUMs, rapi^. M. deCroiuciilies. h P., t XXIV^ p..9l9«'
* Cpss. iS déc. 4.855, rapp. M.Nougmer« BulU u, a09;
* Cass. lOuoût 1855, ropp. M. PoaUler. J^uU. n. 286; i5 «aOl 18ôi« np.
M. deGios, n. 255.
* Cass. 30 iauv. 1847, S. V. 48, 1,747; iOjuill. IS^S, ra9p. M. VUîcchaSi-
Laurent J. cr., t. XX, p. 313.
* Cass. 14 julir. 4857, rnpp. M. Mangln. |. P., i. X^J, p. t\ii 23 Juin
1837. !)aW. 37,1, 447. V ' ^- .
DE l'aF^EL ])S8 liraBIIENTS CPEtECTU>ICBIU.S. § S(76r 81
ttdu^e ou la dédiarger de oette responsabilité si le jage
d*appd ae peal donc modifier le jugement dans rintérèt des
{Héveniu qui B*ont point appelé ^ : la matière du procès ne
peut être remise en question que dans Pintérét de la seule
partie qui a appelé ^
IV. Appel de ta partie civile. C'est à cet appel que
s'applique spécialement l'avis du conseil d'État du 12 no.
vembre 1806 dont nous avons déjà cité la première partie ■
et qui continue en ces termes :
« Oss deax principes seraient violés si, sur le seul appef d*uae par*
tîeévilc qmsepiaÎDt de n*avoir pas assez obtenu de réparations, on ag*
gç»^k la peiae doai la j>our6aite n^appariient qu^au niniab^e public
qui n*a pas réclamé. — En Tain dil-on que la cour crioiiiielle ne ooa*
nati qQ*aecessoi rement des intérêts civils ; qu*elle ne saurait donc ea
être saisie qu'elle ne le soit en même temps de l'action publique. La
règle réofaunée n^est appHcable que 4aas ce sena que si la cour crimi-
ndUea pE<Mioncé sur Taction publique des intérèta civils, elle ne peut
plos conDatire de cette action ; elle a rempli ses (onctions et fait tout
ceqoi est de sa juridiction. Toutes les fois que les intérêts civils ne
*ODi pas racîdemment demandés et qu'ils forment une action principale
ik ioiveai être portés aux juges des actions civiles. Il n^en est point
ainsi dans l^bypotkèse delà citée : les intérêts ci vils éuieut poursuivis en
!'• instance auunt queVactlon publique; il a été prononcé sur les
deux actions ; il y a acquiescement au jugement de Tune ; la cour cri*
minellen'en reste pas moins compétente sur l'autre : ce n'est point
meietîafteitile prinetpal», qa*on lui apporte» c'est Tappel d'an chef de
jageineot qu'il n'appartient qu'à elle de confirmer ou de réformer. Ma is»
cooiQie le feraitun tribunal civil auquel on porterait la question des
dommages-întôréis, elle doit tenir pour constants les fails et les mo-
tifiiqm ont déterminé le chef du jugement relatif au délit, parce que ce
jageuentmyant passé en forée de chose jugée, il a tous les droits d'une
vérité incontestable. Re$ iudketa piv) veritaU habetur. — On dH: en
2* lieu, que de la discussion que fait l'appelant pour obtenir de plus
grands dommages-intérêts, il peut résulter ou que le prévenu eondaoïné
ne detaît pas l'être, ou ne pouvait l'être qu'à un point moindre ou aua
lepi^na absous devait être condamné, ou que la peine devaitêireplua
forte. 11 n'y a qu'à suivre ces divers cas pour se convaincre qu'ils ne
fouralssenl aucun argument solide : — i« qu'importe c^ue le prévenu
ne dù( pas être condamné, ou dût l'êtreà une moindre peine.s'ila voulu
la subir, s'il l'a subie, s'il a acquiescé, s'il ne profite pas de la faculté
d'appeW incidemment que lui donne l'appel delà partie civile? la
cour criminelle ne peut élré pour lui plus difficile et plus délicate qu'il
ne l'est loi même. — 1£*> S'il y a absolution d'un prévenu qui aurait dû
être condamné, c'est son bonheUr : il est ju^ sans appel ni réelanialion
puisque le vengeur public ne se plaint pas. — 3* A plus fort'j raison,
&*il y a eu une peine trop légère, la cour criminelle ne devra p.is d'of-
fiée l'aggraver... Oa dit enfin que si le plaignant a pu saisir par
son action civile le tribunal correctionnel de l'aciion publique il
1 Cass. n juin. 1818, rapp. M. Aumont. J. P., t. XIV, p. SiS»
• CaM. 0 Tbw i8a7.rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 15. — ■ Voy, k^prn p. 75.
vui. U
z
*Êf TRIBUNAUX GORlUCCTlÔllKBLS. '
jt Mtii , ftr MO «fpel » i^UIr Ift «ur diflmiMllé de PuHé >t
_ r««li9 mtUqp. €eita panlé k'm poiit exault fmê qa'iiM fois
aae TacUon du pUiepiU » éié i&updiauip It ii^fi>#fa P9MM;i|»i
daisi diB raclîoD publique. Il n^appartîent point au p|;i^i89J|n^ 4 Mf-
irmre eetté action. Sa plainte Ta fait nattre, mais ne loi en' donne
pas la ponTsiiite. Son app«l, qa*il m*apaéni0ifl« <|pltopQta^'8îMI 'Ui*
fér^ ne Iqi doanepa» dfvant |a cofff çrmiMI^^itM^lliOQftnHl otoi-
raitpa» en 1'* instance...! . ■ \<}t, a
Cet aW) dont b doctriDo, ta»f qoelqnci nmtnékÉimtê
que nous reprendrons toot à l'iieunei sauf queU|iiefl'eh|ire8»
$ioyigpea^îttridiqaef, est incontestable^ a été netteflUM* té-
aiimé dans l'art. 903 duC 4'mat. oriniM qw défslar^ qii» «{la
faculté d'appeler appartiendra... 2* à la partie dWie, gwml
à $es ifUirits eivili ieulement. »
G'eat donc une règle générale que le juge d'appel, quand
il n^est saisi <}ue pM la partie chîle^ ne peut aUrtaer qôe-^lir
les intérèta oifib qu'elle réelame, et ne peut par censément
ni prononcer une peine contre le prévenu qui aurait été me-
quitté en première instance, ni aggraver la peine qu^il <aaniit
encourue, ni prononcer son renvoi devant le juge d'tmtroc-
tion i raison du caractère plus grave des faits, ni écarter me
prescription admise par le premier juge ^ Il y a chose jugée
en tout ce qui touche l'application de la peine, puisque ni le
ministère public ni le prévenu n'ont appelé : la partie eivilc
met en mouvement l'action publique, elle ne la poursuit pus
et rappel est un acte de poursuite ' ; cet acte ne peut donc,
lorsqu'il émane de cette partie^ engager une action qui a* est
point entre ses mains; il n'appartient qo'au miniiAtee pnbl«B,
auquel elle a donné l'impulsion, d'agir s'il le juge convena-
ble ; elle ne peut poursuivre, elle ne peut appeler que dans
l'intérêt de son action civile y et le juge d'appel^ qui ne se
trouve compétent pour statuer sur cette aotien isolée do
l'aetion puUiqne, que parce qu'il est le juge supérieur du
tribunal qui a statué en première instance sur cesdeu^ ac-
tions, n'exerce plus qu'une compétence civ^e.
Cette règle s'applique même dans les cas où ractîm du
ministère public est subordonnée à la plaistede la p$iftie lé-
' Cats. iS germ. anxx, rapp. M^CbasIe. J. P., U II, 5. I5t| iSflor. an t,
rapp. M. Rupérou, t. II, p. 571 ; iO janv. 1809 ; npp. M, B«l>Uh, t. V, iS? ;
18 avril 1811, ^app. AI. Liborel, t IX, p. 365 ; 26 th. 1815, rapp. If. Olivier,
f. XIX, p. 238 ; Tjuin. 1827, rapp. M. ÔllifWr, t. IPO, p. 5jW) i a? tbv. 1855,
rapii. M,Mérilhou. Bull.n. 67; âOjuUi* i848«r»pp.W, Vincens-St-Uarcnt
J. Cf., t. XX, p. 818. ^
■ Voy* notre t. Il, p, Î6Ô»
M l'aPPEI &t§ lOiBFffeXTS COftBtCTtûflïltL». § S76. ftS
^, car tout Ce qui résulte de celte oxeèption au principe de
indépendance de Taction puWique, c'est que !e mmstite
pufston
rentre
. dégagée
4e tente e&tra?e, et Tappet, dans rmtérèt de cette action,
n'appartient qu'à lui seul '. Ce point ft été spécialement coh-
sMré en matière d*injures' et de contrefaçon industrielle '.
' flfais quel est le droit du JQg« d'appet quant à l'apprécia^
tkn du ftût dommageable? Est^il Hé par l'appréctatioii du
premier juge, passée en force de chose jugée en ce qui ooii*-
eerne la culpabiUié du prévenu et la crimioaltté du faMT
^t-il, au contraire, caractériser ces deux éléments de hi dé*
eiston autrement qu'ils ne l'ont été en première inslance?
Celle question a été diversement résolue.
fi*unepart, on tient de voir quo Tavis du conseil d'État
4i a nov. 1806 déelare que la cour criminelle, € comme
lefn-âîtun tribunal civil, auquel on porterait la queîslion
des é>mnuiges-4ntérét89 dcit tenir pour constants les foita et
lesmolibqiiiootdétermioé le chef du jugement relatif au
délits parce que ce jugement ayant passé en force de chose
judée, il a tous les droits d'une vérité incontestable. «T
P'utta autre part^ la Cour de cassation reconnaît, au con-
^ém: «Que le juge d^appnl étant obligé de statuer sur
Happèl de la partie civile, en ce qui concerne rintérèt civil,
06 peut pas se dispenser d'examiner les faits du procès et de
faira toutes les déchrations qui lui paraissent résulter des
débats et qui sont nécessaires pour statuer sur les intérêts ci-
vils 4es parties^; »-^« Que le droit de statuer sur les dom-*
magefr-intér^ impKane nécessairement le droit et )o devoir
de reconnaître la venté ou la fausseté des faits sur lesquels
BefBiidR:la dommage allégué; que, quelles quo soient les
exprmona par lesquelles ces &its sont constatés par to juge
d'appel, ces expressions ne doivent s'entendre que dans leur
rapport avec la disposition relative aux dommagea-intéréls^. »
'^ « Que l'aetite de la partie civile demeurant entière, elle
f tMklS av» 1920, jrapp. M. Aumont. J. P.^ t. XV, p. 910 1 f 6 féV. ISfS,
rUfùU, Ollivier, t XlX, p. 253.
^Gass. iOmars Uh^ rapp. M. Vincêns^St-Laureat. tralU tu 53.
* Cassa. i9 mai iSi5, rapp. M. Audier-Massillon. J. P., t. XII» 738.
'Gais. 28 lepU iS37, rapp, M,M6rilhou, Cuil. ii. 793.
S4 OBS TtlBUNACX GOKHECTlONZIELS.
a pu obtenir là déctaràtioâ do délK par elle {poursuivi pour
ohteBÎi deg réparatiom civiles ; que telle est la (^His^Qepcîfib
des disposk|bi»&ile la k>i quii, en raatÂèce. porr^tîiH^p^l^, m^
torise la. partie miie-à agir par acitoa dkqctf eC.à «^|p{)6ler
de sott qhefidens^^intétiètpriYé; qiu>e det(ellQ9 <^lt^ fqn^.
qu'en cette mutiôre raction c^ile c$l.Â^épeûd»()t|$.da^r^f;n.
Uofi publique «i.que le aort 4e Tune Q*est i^s sixhofâwf^.
au fiortde Tâutre, pourvu t^tn IeT«it,qui.le^ sert .d^bf^r
aitle caractère de délit* ^ » .- .j . u
Entre ces deux sol utiôt^s nous n'avons plu» à optera Noua
ayons précédemment examiné les efTetd de ki çhoae jagéoian-
criminel sur le civil, et la règle que nou& avons essayé d'éla^^
blir résout explicitement notre question \ Seulcnpçut.iious,
nous appuyons ici sur la jurisprudence^ que mmsavotis
trouvée, au contiraire, opjîroiséeehlhàse générale^ notre doo^
trine^ parée que, înconftéqdente aye<> olta-vn^ev 'P^^s «yiiir
posé le principe 'derrrniftience du. criminel sur lo'civil^ elle, à
reculé devant ses con^qdences dans le cas qui nous ooeopc. '
Deux principes sont ici en présence : d'un'epàrt,l%utornëde
la cbose jugée, de l'autre, Tindépendance respective des Jti*^
ridictions. L'autorité de la chose jugée couvre le prertiiër jtt*
gement, mais sous quel rapport f en ce qui touche tous 1^9
chefs du jugement qui sont relatifs à raction publique àvht^
quels le ministère public a acquiescé, et dont la partie civile^
n*a pu faire appel. Il y a chose jugée sur la partie qui a fait
l'objet des conclusions du ministère public» sur la culpabilité ■
du prévenu, sur l'application de la peine. Mais, y a-t-il cbose
jugée sur IVxistence et la qualification du fait et sur la part
que le prévenu a prise à sa perpétration ?'Évidemment non,
puisque la partie civile a le droit d*appel pour ses intérêts ci-*
vils, puisque ses intérêts civils sont le dommage que le fait'
incriminé lui a fait éprouver, puisqu'elle ne peut se plaindre?
de ce dommage qu'auta»t.que le fuit est qualifié^dé^it. Le juge
d'appel, saisi {>ar ce recours, a donc le dîroit d'examiner si jc^.
fait existe, s'il doit être qualifié délit, s'il jaut Timputer au '
préveau, s'il a causé un dommage ; il a ce droitd'jexamen par^
oela seul qu'il est compétent pour statuer sur Faction civile,
car, pour statuer sur cette action, il est néc^saire q^*il puisse
apprécier loMs les éléments qui peuvent concourir à sa déci-
* C&gs. 15 juin 1844. rapp. M,
•Vnv. notre r. Jfl. p. 77^.
aorniguièi-ei. Buii. tu Si7.
àéh, Le^tonsefl d^État' veut qu'il'tienneipoiir'conftaiilsle»
feils et l^'^iolirs'qur 6iit déterminé le ^hef du ju^smeiit re^
l^tlP'Mf^délil: Il doit léft tenir pour confitanls saiis dqute ee ee
q(ii'lc|0^en^ to'répre«sMMi de ce délit et llappltration pénale ;
mdiis poiirqtibî' lés tiendrai t*-ilp»ur constants qq ce i|Qi tonH^
céfM'tk'r«^m^nà\i dororhaft^Juge dappel^ n'estn^ par
cbi^â-de ^r^i^t- le preni\&é jugement) de oontrôler sesééh
claratîons, de rectifier ses solutions^ Pourtu qu'il se renferme
dans>teT9e!rolcde Taetion.QÎvile, dpat il est seulement saisi,
sesrpalinMrsiie pavent être restreints : comment le seraientr
ils fài Paequieseemeot du ministère public relatif à l'action .
publique, poisqlre eeX acquiescement laisse vivre ractipn ci-»
vile t«iit emlièfe? Cornaient ne ppurrait*il ()as agiter de nou-
veaaie» faits appréeiés on première instance, puj^ue ces faits
sefll les éléments 4ii jUgeiBent qu*il est appelé à rendre? On
objecte jà liontradiction qui petit se manifester entre les deux
jugementsyion objecte que le pcé%cnu pourrait è(ro acquitté
(icTaction piibliquc et flétri sur Tactiôn civile : cela est pos-
sible, en effejt; car c'est 1^. stricte conséquence du droit de
proDpnçer séparément sur rûncet Pautrc action; mais il ne
faplfwp^xâgérer cet incoùvénienC ': le juge d'appel n'est point
appelé ^ jug^er si Tàuteur du fait dommageable est coupable
ou Q^esipas eotipablc du délit ; il n'a ^.mt mission de ciécla-
rer sa culpabilité ou son innocence ; il manque à tînè réglé
jaridiqœ s^il le fait dans les motifs, il commet un excès dé
pouvoir s'il le fait dans h dispositif de son jugement. Cette
iQ[r«ction poufraitr-elle in0uer sur le sort du jugement? K
serait difficile de décider ce point en thèse générale, car la
solution dépend de la rédaction même du dispositif. Mais if.
suffit en tous cas qu^un^ telle déclaration soit abusive pouf
qu'elle 4oiYe(iien rarement se produire. . '
Oael WréfRst de Fa^pei de la partie etvîle sur' tes taoep^'
tioristIFnë peùi faire revivre ni celles qui ont été résoluep en
faveur du préVemi rdativement è Tapplicatiori de la peibe
puî^dii'il y a chos^jùgée è cet ég^rd, ni celles* qui efitété'
réjolWrf'^îietoe Hncequi fotréhie Pactiort dvile; côntrairetnenl
affpt^vnitil pnîîiqùé l'itppel de la partie civile ne peutièlre
jùgéqué^ datifs -iôtk ptopt^ mtérèt* Le premier poiivt a été dé*
ddél* par un atrÇt ^ui déclare que la partie civile ne peut pro-
poser en appel Tincompétence de la juridiction, cc^frecTioo-
nelle^ à moins qu'il ne puisse en résulter aucun préjudice
M Wê THlBUNAtJX GORRECTIOMNEU.
pour le prévenu* ; 2* par un arrêt qui déclare également qu'elle
ne peut proposer un déclinatoire qui a pour but d'écarter la
prescription triennale : «attendu qu'à la vérité ce déclinatoire
avait pour but de faire écarter la prescription triennal^ admise
par les premiers juges en faveur du prévenu, mais que le tri-
bunal d appel ne pouvait exiger une prescription plus longue
que celle des délits, puisqu'il eût fallu pour cela reconnaître
au fait le caractère d*un crime, et qu*il ne lui appartenait p^,
faute d'appel du ministère public, de constater les circons-
tances d^ou pouvait ressortir cette qualification plus grave *. »
Le 2* point a été résolu dans une espèce où le prévenu»
poursuivi pour contrefaçon, avait opposé Texception de dé*
chéance au brevet d'invention ; cette exception, rejetée en
première instance, ne pouvait revivre en appel, quand le
prévenu n'avait point appelé : c attendu que l^appel de la
partie civile n'a remis en question que les chefa qui lui fai-
saient grief; que dès lors Tarrèt, en annulant une dispoaitioii
non frappée d'appel et qui avait acquis au profit de la partie ci-
imcaractére irrévocable» a violé l'autorité de la chose jugée^»»
La règle générale qui limite l'effet de Tappel de la partie
civile à sesio^ëts civils admet quelques exceptions^
Ainsi, les administrations des eaux et forêts, des contritnt^
tiens indirectes et des douanes, bien qu'elles n'aient que 1^
3ua}ilé de parties civiles, peuvent appeler non-seuleoient
ans rîntérét de la réparation pécuniaire^ mais encore dans
rjntérét de la répresskm du délit. En ce qui concerne l'adoii*
ttisIratioQ forestière, ce droit exceptionnel est expressément
consacré par t'art. 202» n"" S, du G. d'instr. cr., et par rac-
ticle 183 du G. (or. 4. En ce qui concerne les administrations
4ea contributions indirectes et des douanes, elles ont le même
droit d'appel relativement aux contraventions qui entraînent
l'amende et la confiscation ^ ; mais quand, par la nature de
la «artraveittien ou les cîreoiistances qui Tent acoompagnée,
A Gass. 7 féy. 18S4> rapp. M. Clioppin. J. P«, t. XtVI, p. 441.
* Cda8é 20 juillet iSâS, rapp. M* Vlnoens-St-Laarent. /• crim. t^p. AS.
*Cêêm* 1 jaîn 1851. rapp. M. Rocher. BulU d. 314.
* Gass. 39 janT. 1808, rapp. M. Gaieu.J.P„VI,p. 478;3iianT*i8i7»rap»
If. Basire» U XIV, p. 5S ; 5 nov. 18S9, rapp. If. Chantereyne, t. XXII» p. 1485;
I teai 1835^ rapp. M. Ricard. Bu)!, o. 172.
» Voj. nom t II, p. 234 et S4S ; et Gass. S mal 181S. rapp. M. Btfaod.
J. P., L X, p. 880; 7 mai 1813, rapp. M. Bailly^ t. XI, p. 852; 26 vend, an
n, rapp. M. Target, t. II, p. 14 ; 28 prair. an zi, rapp. M. Lachèze, t. III,
p. 880 ; SocL 1882, rapp. M. Cbaiitereyoe. Bull n. 882 ; 1 STiil 1887. mm
M L*Ami. ABi luanaiiTS coruigtidjinii^. I 576, 87
(s'élàira à l'eoiprisoiiDeiDent» Taction, et par oooié<-
qQeokle droit d'aj^l, n'appartient qu^au ministère public '«
Ainsi, en matière d^iomctioa w% droits dea maîtres de
po^) il a éfcé reconnu encore t que l'amende établie par U
lo^du IÇ ventôse an xiii ne peut être considérée comme pu-
miMsil pénale puisqu'elle est attribuée par moitié au maître
de poste lésé par la contravention ; que, de cette attribution,
il suit que celui-ci a le droit d'en poursuivre personnelle-
QçBl, .la c^damnution dans tous les d^rés de juridiction
mèBHtjsaos ifi CQpcours du ministère public \ »
Aiwù^ enfin, il a été admis ep matière d'adultère^ par une
ij)risprndi9l|ce que nou# avons d'ailleurs combattue ^> que
Tap^l 4umari ^eul autorise le juge d'appel & aggraver la
l/tm encourue en première instance \
¥; Afpti dumbmUnpubUe. De tootlesappelB, oMmà
a Ml eM» ierpin» Meodhia : îl préaanre non-aeiileinent les
kàbÊëÊ 4è L'tatiMi pidrii^ae^ niaia oa«t de la défmse eU^
nlme} car laaoeiéléy a« mis de laquelle îl estinlerîeté^ ne
pefH nmf4fûk'vm bol, raooompliiiesieHt des fins de la fvsika,
hmMîTeiiation de la vérité.
ON^ppelaart donc mémi ati prévenu, et le juge d'appel,
SQp<€é aèol tecoori» peiilprawnear soit une ^ine moiiidfe
^e asHt pfoaonaée en première instance, soit même l'a^
yiiUttiÉ^wl du préteso condamné par la premier fvge :
es '(MMiier pointi a été spécialement reconnu dans m»
npttf oè le prévmnf avait été aequtUé mn h seal ap«
{Ml dci minatère pvbKe. Le pa«irvoi fut rejeté « attendu
f» l'appel do mfaiisiére public était illimité et oonséquem-
BMsalr remettait en qnestion, quoique le condamné ne fût
peiol appelant, tout ce qui avait été joumis aux premièfs
jttgiÉ, /tant à charfa qu'à décharge \ »
Cctjqipel^pettl étta iofterjeté même dans l'intérêt du prê-
tent i n atteudo qulaux termes de Tart. 202, la faculté d'ap •
peler appartient au ministère public, et que, dans le cas où
OM, appel. est inJÉurieié d'une manière indéfinie, il remet tout
<eaa.fia6v.taii^rip|».Bf.R«taiHL h P., t. IX, p. 180 1 8 die 4838.
iipi^ M* BressoD. BulL u* 880*
* Cuk 88 déc 1838, rap. St Vinoeiis-Ôt-Laureiit. Bull, n* 890.
^Voy.DObret. Ill,p.80.
« Case 19 oet 1887, rapp. M. Vinoeas-SlrLaurait BulL a. 8i8t a Soùl
AOMi riHb }L IsamlMf n* S8S.
' Cok 87 léf. 1818, rapp. M, Oudart. i. P., I. XI, p. 174«
00 iES TKIBVMAtX GOIHKCTIONNCU.
en question et dfoit prbfiier au prévenu,' s^iî à ew coùlamiié
injut^lfefttcÂt/ecnrfme àta tfmN^tè|»èHnfiiéy si eMfn'tffnlM^:^
fatfeHhe» ptareè que le ^îtAàèèepùWe «gM^é* ililttii<fo.l|i
soeiétè, ^aflrntitèrfet ^% baimê''&dtiiinfet^«t}<m40la}«tf^ <'
tidé; ^t <)tièv âdUÏ'ce fioint âe VMj' iMmpovlti fM, (lôwr^iei' -:
le}ùge!Rielrt'(kmt Ir minisCéi^'^pbbl^ â^^t'^b<^ lippend^^
floît^setiliiïiseti entier au^}ugiè<tf'ttt)peh'qoe1e^p^
paHiei^iWle'aftùaVaitpi^t iiifet)«tèapf>èl ^ ^' » ^s^l^î^* ^ ■
Inf en est encore aiàsijsoîldiânsleèas d'dti éfipéf'i ilkilfWll,''^'
soît danslc cas où i'àppeî ii^âurâit drantrèbbjéf tpie^'tfe^*»*;; .
prononcer' une peine onii^e en preittiêrëinstàriiéfe'i ♦ iitfiél^'' •
que le ministère public, aui agit auiiom detas6bi8té'^dmj'^
1 iflitém de Ifr batifie iifcnistrttÀ» de la jusCicef! i^sii p«r toli
appelles juges mpéri^r^devl^exaineiideia/privèiiimi Mut. '
entière, etleuv'domte1e'dcoîl40*diiDlouér<ilaipme proDOtH^
cée, si elle leur panKlteiCB^iev même de renitogfar kifxir
venu, s'ils peMeiitqa'ita^étéi!iial à propos :oaildafoaii&^(i|M .
les'conslusîotis ^risf»^ daMtilîaeto d^q)(ifil^'for .lesqmUes^*.
miaislèf« publiC4i0iiiatidejuneaggtaiyatiDa de)paiie^«pias>piiis:.
que oeiles qu'il preadvait daDa4c mèmosets àiravdieMt^Kiie
peuvent lier heisjogCB et ias^liligeride tenir fiour «irtaimi-la
cu4p«biitté.duprèYtiiuaQiuappelBtit9Mpi<ib/Qe pwvtn^toil
effet, reconnaître s'il y a iam à) roggrsratiMi :^ pWMiiio-r
qime^ sans vérifier la vérité, la moralité ^t .-fa cpiaUfisaiÎM • .
légale des&its imputés au ptévenàr9 et que» ai leféMittatdie'
cet eiamen lui est fayorabie, il est impossible d'ailiil^IttlM». -
qu'en le proclamant ils soient obligés, de laisser subsister MBf
coud^mnation qu^iU jugent injuste; qu'il n'y a aucupe dii^
tinctionà faire entre le cas d*un appel à .minimây tendant k .
faire élever la inème{)eine qui a été prononcée, par Jfi^ jfj^^fr ; ]
miersjujges, et lo cas où, comme diMJ§ile^)èfçe^ l>pg^ i^pg^
butde faire ajouter une peine qu% ont omise \» ^^, . -i.
Il faut seulement distinguer si l'appel,' niéiniB^ à loitiiiiirtl^o.
eslîtttmité, en ce sens qu'H porte surtoM le jugeaiciilj'^^tt
s'il est limité, dans une «aose comprenailt pibsieute ^eltffs^4e : :
prévention, à quelques-uns de ces chefs. Dans ce dernier cas,
il y aurait excès de pouvoir ^le lapart ^ujuge d'^y^jjel (ffJilf^^ .
rait porter son examen et sa décision sur ae§ cbewlaiMés^êçi
« Cass. IS noT. 1635, rspp. M. Debaussy. Bull. n. 414. -^
* Cbss. 10 mallêâSi, fapp. M. ViiicenBli^LiMM»b'BdlI^'il,.Sat;1|,ttnM
1SÎ5, rapp. lf#Wk|ifr, i. P„ trXIX#|i. SS*^ »... •
, ïM LAFPfL VU JWEMBMTS COMECTIONSELS. I 576. 80
dehM.4eJ>ppel ^ Cepi|fi4<Mrvt>^9|èf^ fias, si leiqbcf
fr^d^«pp4ie8(jîi avoc> cbef lai^eé çp del^oi^ W juge sq
inmft i|é$ésipîrefveBt invesU 4o droit ^ôaMu^siir Vuq et
nif iIj^Wq.) B^m^ daps une espèce ot^ rappel était fonié sur ce
qae^W|p()inîft jilfQA'Bva^ prononcé que la peine du délit âe
port l'arme^Miavait omis de prononcer sur le. délit de chasse^
il a été jugé « que le inbunaj saisi iie cet appel a été investi
do (|f3^'^]f^ ^Djçr de nouveau sur le délit de chasse, et par .
co^l|£g|i^t^jô permis qui, d'après
réràjpiiriie iiii décret du'fh mai 1812^ ne peut exister^ sans je
^dl^c^^^
Éi mtéf é^€sl JTaff el aral (ti Mn les réquisitions priiei k
ratifiêne»qin>foQtile draît^ jugeid'ippe) ; ik in^p^irte peu
(|Qe4e minislèr» public n*ait ofiii&iqu^à la confirmation du
jogenifail attaipi6: lé jugé.d'appaï pavt^aggiaver les peines
proaaocéefr^^dkMiipavte pea ipi'i l ait^ aiifoaotmrev conclu k
ragfiravaliDB descpeinesy le juge d^ap^ peut les réduire ou
les^cer-^s ifriaifaonenest « qu^ilest de principe constant,
ennatiére d^applicaiioii de la peine^ que le droit d^e» pro-
pofiaiiser la durée à la gravita 4m délit n'appartient qu'au
tribanël iaist do}àgeiiieQt du procès, et que les réquisitions
da-miniftère puUîc^ie peuvent apporter aucune restriction
nili«{|a&ôn è Teiercice decedroit, ni mettre obstacle à. la
iibeè apprédatioB dont le tribuDal est seul investi par la loi
àoelégml^. » r
ti^appel du ministérci pnbKç sauvegarde donc tous les inté-
plasieurs rois reconnu que le juge d'appel tio peut,
seul recours, ^tàtuétiui' les^ intérêts civils, « atténtfo qtiela
CounttSavaît jiki smî^ :!qp|r |)ar i'appel eu Jninistèf e puUic ;
qaeaet«|i|wl^ jCaserittfillomQt étranger «ux intérêts civils des
padies^.ft'OTaitipiiiitit doaoer juridiction sur les réparations
»«ii*Wif6lrtr«S»!;ràpiKll.«Wi*fchop. 1. p;, L XV!, p. Ws, ' ' :
^ Can. Si déocmb. iSii7, rapp. M. ViDceiif-Sl«Laurent J. Gr, U XX,
Pi 53.
' <CWk a «|»t. «au, nni^^li. Schwanété J. Rm t iX, ^ S29.
* Caw. 14 nsi 1847, rapp. M. DSiriuBlyé J. Gr^ I. XXI^ ^ SI^S.
90 ih;s tribukavx correctionnels.
civiles à l'égard dosquelles il y avait acquiescement des parties
intéressées \ 9
Ainsiy le juge d*9ppel ne peut^ sur Fappel du ministère
public, aTIpuer î la partie civile non appelante des.domniages-
mtérèls refusés en première instance *« Ainsi, Je ministère
public est non recevable à appeler de la disposition d*un ju-
gement correctionnel qui refuse à la partie lésée les répara-
tions auxquelles elle a conclu '.
Cette exception k Peflet général de l'appel dû ministère
public admet néanmoins elle-même une doublé exception :
1* en matière forestière, l'appel du ministère pùlf^Iiè a effet,
non**sculement pour Tamende, mais pour les restitutions \
et l'adtniifisiralion on profite quoiqu'elle ait négligé d'agir ';
9* efl maiière de doaànes, Tadministr^îon, qui H MM le
ministèrer public agir seul en première rastafice^ e^ éésif-
Moins recetKblé à iotéijèter Appel dûf jugefhebt ; iMù Èftim a
done pM^rté tes iittérét* ehrib qd'elle' pott^stiit * .
VI. En déterminant tes effets de chaque appel fsc^^oient,
nous avons par là même indiqué les effets que doivent pro-
duire les appels interjetés simultanément par plusieurs parties.
Ainsi, rappel simultané du prévenu et de U partie civile
soulève à la fois un intérêt privé et un ihférèt éWll : te juge
d'appel peut statuer au prontdn prévenu» if peutstàCùéf sor
l'action civile tout entière, mais il ne peut statuël* danâ Tin-
(érét de Faction publique ; ît ne peut» par exemple» èi èggfà-
ver la peine que l'appelant a enoottrne, ni suppléer une pé^
ndité aeeesfioire omise par le premier jdge.
Ainsi y les appels àa ministère publie et de la partie ct-
vtle suffisent an contraire pour remettre toute la caose en
question.
* Gaw. n oct« iSiS» rapp. If, Bauchau,!. P., U X, pi 7S& ; Id prak. an iiQ.
lapa BL Gonptt de PréfelD. 1 1, p. 65S.
^ÔH«. H août lasff. rapp. If. IsembeH. J. P., Il XXIV, p. tMO.
' Gaft; iS 4ée. dSSI» rapp. M.LonfoU J. P. t.XVl» pé iHk I» é^ i»?*
raop. M. VinoeD9-8t-LaurenU Bull* d. 427.
^ Gass. SOmars 1830/ rapp. M. Ricard. J.P.» t.XXni.p. ISS ; S aiaH8»5|
mp. M. jRîcard. BuU. n. 118.
* Cass. 27 Jaov. 1837, rapp. Bf . Vaysio de Garlempe* Bu|i. n* 84-
* CaM, 5 ocu IBSS, rapp. M. Ghanterejoe. J. P.» U xilV| |w*i496.
•E l'appel des JLGEMENTS GOHBECTIQNNBiS. | 2^77. 9)i
S 577.
I. Mesure de la compétence du juge d*appel; — II, lorsque Ittpremifif'
joges eitt Matoé régulièrement sur le rond; — lU. lorsqu*iis ont sta-
tué Mr le fond ivrégaiièretiieni;-*lV. lors^iills n'ont pas statué siif
le fi»Q^-r¥* £iae^otis k It neraie ée rôtofttkm ; ^ Vf. PdtMi?
decfilteqMore,
L Noos vcBODS de voir de qwlg fait* le juge d*eppel est
saiiieidam quelle mesure il doit aintumr, suivant qu'ttest
iofesti far Va^pçl de telle ou telle partie. Nous avons «neonr
i eiao^pte; ispmmeqt il doit statuer mr ia (^aiise que luidélteo
rappel, c^ert^^dire, quels sont les pouvoirs que U loi loi •
aitnbttéa «ur cette cause, et. dans qt»eU oas il doit an faire
uag9t
Ufattt distinguer si les premiers juges ont statué sw le
food par un jugement valable en la lorme^ a'îls y ont alatué
par un ingeoient irrégulier et nul, ou enfin s^ils n'y ont pas
stataé, r(6u^ allons examiner ces trois hypothèses.
IL Loisque les premiers juges ont statué au fond par un
jogeoMot valable en la forme» le juge d'appel ne doit plus
&'aoeiiper q«e du bien jugé # et il prononce la confirmation
ou Taonulaiion dQ jugement attaqué, aoit en ce qui oonoeme
rippUealÎQB de la peine, scît en ce qui coûoerne les domma*
giMntèfèCa, e» suivant les règles prescrites par les art Sld
et M» du CL d'inst. crim* Cette première hypothèse n'offre
(ktte aucune difBealté.
ni. liorsque tes premiers juges ont stataé au fond par un
JQgearant irrégnlter en la forme, il faut distinguer si l'irré-
guiarité provient de l'incompétence ou de la violation des
formes prescrites par la loi.
Si rirrégularité naît de l'ineompétenoe ,. le juge d'appel,
en aomilant le jugement, renvoie les parties à se pourvu
devant qui de droit. Cest la disposition de Tari. 2ik du C.
d iosU cr.
Si rirrégularité consiste dans l'omission OfU la violation de
formes prescrites par la loi, le juge d*appel doit retenir Vaf^
faire et statuer sur le fond. C'est là ce qu'on appelle une
évocation.
Le Gode du 3 brumaire an iv n'avait pas autorisé cette
aiesore. L'art. 202 de ce Gode portail : ^ Si le Jugement
9V* 0ËS TRIBUNAUX CORRECTIONNIds.
est annulé ponr vîolafidn ou o'mi?sîon Ae formes pri>eçrîte$
par la \ox h peine dé nullité, pour incompétence à raison du
iîfeu du délit ou de la résidence du prévenu, le tribunal eri-
mineiyenyore fe procès à un autre tribunal correclîçi^ifjel du
méme'dépàrtement, pour y iMreTecommencé à partir cUi plus
ancien des actes dans lesquels ils'est trouvé une huiiîté. »
Gett<?di!tposiHonavaità la fois l'avantage de u|aintenir i[p pre-
mier degré de juridiction dans tous les cas^ et rinconvénîent de
cimi^liqdeir les procédures par des rértvols incessants! ^Lefé^
gislateur, frappé de ce dernier résultat, voulut fe faire cesscir.
VfiT^, 1 de ^ loi d« 39 avril 1^6 déd^ii qvQ, «; lorsque
sur rappel dlun. jug^nnentdéfiQMreQ matière earroc^i0QileUe,
la courde juRlio^ ctimînelie prononcera la nufHté poyr vio-
lation ou Omission des formes prescrites parla loi, ladite .eour
statuera sur le fond : il .^t quant à ce dérogé à r««rt^. 1^02 du
G.du3 brumaire ly .La disposition de cetarliclerêlaUvèàràn-
nulation du jugement pour cause d^incompétence, continuera
de recevoir son exécution. » Ce principe et l>5icjeptîfii qui )
est apportée à T^gard des nullités de conrip^tence., oiit été
maintenus, par rart.,àJ5 dju Ç- d'ii^st. CjT., qui (^ispo^i^ip qpe,
«'si fejujseméntest ànrtq!^ pour. vÎQlqtJQu pu omission. »ïX>»
réparée de formes presçrijes par la )oj, à. peine ^ÇjDuffi\tér)a
cour statuer^ sur Ip fond. ». ..,/., /. .
^ L>ppjicatipn de cette dispoçiîtiop ne soulève encore J^M€^pc
question sérieuse dans la sccoijtje bypotbèse que nous.ftvons
posée : le juge d*appiel doit nécessairement retenir IWaire et
statuer sur le fond lorsque le. jugexnen); qui lui .est .déféré,
quoiqu'il soit entaché d'un vicé de forme, a lui mâaaet été
rendu sur lé fond; car, en prononçant sûr le fond ^ le pre-
mier juge Vèst dessaisi de la cause' tout entière, et 1? jugé
d'appel , qui eb est' saisi, ne pourrait en déléguer te |ugement
à un autre iu^e. . .'; , ^^ ;^ .'<• ^-^ «.l'ul •
ïl a été d&ide, par application dé c^tlé rc^le, q\i[e^ révo-
cation doit être ordonnée : l"* lorsque le jugenient estannulé,
parce que les témoins entendus en 1'** instance n*ont pas
prêté serment : » attendu que, d'après les dispesHiQns for-
melles de Part. 215^ TanQuIatiou pour„viçe 4!^ forh^ie d^un
jugeiBent de l*** instance ne dessaisit point iesîi juges d'appel,
et qu'ils doivent au contraire statuer eui-riièiijés sur te fond
du procès ^; » 2' parce qu'il n^a pas été rendu pijibliquo-
< C«M. 5 mai 1830. r»p|>. M. BasKhop J. P., tXV, p, 968,
M L APPEL OE^ JOGM.KNTA GOBHECTIONNBLS. g 577. 9^
par ftâfiiut sjjjr unie citatîoçi don.néjî à un (i<^lai,lrop coiut* 5,;
^^ W^;gf..SVP .M*^^^^> >^"' ''^^"'^^'^^ d'îp^taj?.cp «ji'épqaçiutï
P^ ^^f^^^f^^'^f^^ faits* ;7* parce quç.le ju^oççiiil.ae. f^iiin.
staocé iyàdt à fort déclaré jioo recevabTe Moé oplaositiob à.u».
jugement pafdeM\ ,
tVii'BïMrelfoiliMwïefcyfWfhèW «e présente pas dAns'Ie sys-
tèneésltfftlriïprâde^do^îlfiricuttés plus sérieuses que là se-!
c<mde f tar h>rtglfe qu^èlle a posiée est aussi sfrmple qu'elle est !
Lejiige (ï^â^^eT'aAîe^^'to terrries de cette jurisprudence,
retenrr râfT^Iré et statuer au fond, non-seulement quand le
premier jug-e, après avoir omis ou violé une forme proscrite,
àpeme^dtè nàTlîtè, a lui-même slalùé sur le fond/maîs en-!
core quand' il' s^ë^ arrêté à une (uiestian mcidente pu à unçj
exccpt|<Jtt el n'a pas abordé le fond,' lors même que rannula7'
lion n*i^f|)às prononcée pour romîss'onou la violation d^une.
forme edsëûtièlfe dfè'la procédure, tors même qu'elle est pro-
noncée pour le mal jugé sur rjncident. La Cour de cassatipn
«déclaré qué^ t sous Tempire du Code du 3 brum. an iv et
en rerlii d<? s^^ ai't- 202 et 204, le juge d'appel ne devait
fetoqqefque dans le cis ou le jugement de !''• instance était
infirmé _pour mal jugé au fotid ; que, d'apr(5s Tart. !•' de la
W da'â avril 180$, qui a expressément dérogé quant h ce ,
aax ifisposidons du Code du Sbnim. an iv, il y a lieu à évo-
cation datii tous les cas d'information, xîxcepté lorsbu^elle est'
fondée fittr nûcbrhpétence ; que I^art. 215 du C. d'inst. cr.,
rédigé dans les mêmes termes^ doit être entendu dans le même
«^os>. » AlhSf itf annulation des jugements correctionnels ne
! ^svWrjftW-IWi, rt w^ M- DBhaiî$»y. J. P., t XXV
^Cass. iîÀ aotit iÔi7, rapp. M Basire. J.P., t. XIV, p.
'C«is. ^jttîii léil, rapp. M. Lowrot. J. P., t. XVI, p.
L XXVI, m 316^
, 487.
'€aflK»t8BMMi'4840,«n|ipj M^inaceiwSt^^tittretrtvBalh v. 97t sajttîU.
««•rapp. M. OIIÎTÎCT. A P^ U XIX, p. 7W.
* CasB. 97 aTTil 4S49, râpp. Ilf. Barennes. Balt. a. 95. . .
^Ga&l#iefit.98U,l«f»p^(^tliiilgtiière9. But), m as^r '" '.
' Ca«. 41 août 4843, M. Vinrens SNL:inrc«l. J. crîra., I.XV, p. 300.
94 ^ 1)FS TWBCNArX CORRECTlONIfBLS.
doit doiluer lieu à un renvoi que dans le cas, prévu par Tar-
ticlè 203 do G, du 3 bruni, au iv, où le tribunal attrait dé-
claré riffcompétence k raison du lieu du délit ou de la r^-
dence du prévenu, et dans celui des art. 213 et 214 du G.
dlost. cr., où le fait imputé constituerait un crime 00 une
simple contravention de police '. » Et, bors ee cag, soit
que le jugen>ent de première instance soit annulé pour TÎola*
tion ou omission non réparée de formes prescrites par lat loi à
peine de nullité, soit pour mal jugé, la Cour saisie de i'ap-
pel doit retenir raflaire et y statuer d'une manière défiai tire .
Cette doctrine a été appliquée d'aJbord en matière d'ibcrfn-
pétence ratiom tmieriœ* Le premier juge a'étaik déouré
ipcompétent parce qw le fait lui avait paru coasiiiuer un
crime, et il a élu décidé que le }uge d'appdv, enrréforaiaiitce
jugement d'incompétenitu, devait retenir le fond : « atieiida
que, lorsque, sur Tcq^pel d'un jugement eorr^ctioauelti TaiH
nuIatioQ de ce jugemept est prononcée pour autres causes
qne Vincompélençe à raifiion du lieu du délit on de la rési-
dence du prévenu^ ks juges d'appel doivent retenir Faffaire
et statuer sur le fond ; que, dans respèce, la €k>ur a a pas
annulé pour cause d incompétence , mais pour mal jugé sur
la question de compétence décidée par iea premiers jtiges;
qu'elle devait dès lors retenir la connaissance de raflaire au
fond '« »
Elle a été appliquée dans tous tes cas où le juge de pre-
mière instance avait simplement, fimis irrégulièremefirt, dé-
claré surseoir à statuer, soit à raison de la qualité du prévenu
et du défaut d'autorisation qui lui avait paru nécessaire pour
le mettre en jugement ^, sou pour faire prononcer aur une
question préjudieielle^.
Elle a été appliquée dans le cas où le premier jugement
1 GQflft. n sept, lasi, rapp... M Ollivier. J. P., t. XVI, p. 905.
• Gass. 26 mars 1836, rapp, M. Bresson. Bull, n» 98.
.J.^' * juin 1838. rapp, M. Tliil. J. P„ tXXV, p. 558 et CouC Umal
sillon, t XIH, p. 572 ; 8 déc, 1827, rapp. M. Garv. U XW, a. 93i; 17 déc
nj^pp M OU vler, U XX p. 57? ; 12 aoûl 1843, r|p**pf Ji. Viieisv3S«-'
teiii|>e. Bull. n. 377; 8 mars 18',5,rapp.M.Roinigoière8.Tcr.,l.XVII,p. Ii7.
DE L*AmL »n JOCniMTI COaRRCTMNNBLS. $ tTil , ftS
éUHittIriiié, 1* parce qu'il avait à tori annulé la Gilatioii Taule
depiàinto 4# '>• partie lésée *^, Séparée qu'il avait adœia arbi^
Viuf ameiit niiè oullité coAtrë un procèa-vaiM *; 9*pi|roê
fi^l|fl^t ffÀriê Fadmteion de la preuve tesUnioniale ^ ;
î*^firoei{tt'i> «vait refosA de procéder fcrinstnlctkm du pr^'^
cli lui|liir*^^èlii partie civile fAI aMiatée d'un avoué «« a
IbRe^ élè aÉpKavAe enfin mAme dans ie cas où le jugement
rtàéii*PÊi Qii^iiMsidettt était annulé uniquement pour n)i|l jugé
de ia'qaeatim ineidente qui en fai^it l'objet. Ainai, dans une
tfpèéeoft- le premier juge avait dénié au [irévenu la faculté
de lefiire représenter sur une exception préjudicielle, il a été
décidé « que, le jugement étant aobulé, non pour incôm^pé-
tencéi itiais pour mal jugé, la Cour devait retenir la connais-
sance de ^affaire au fond *. » Dans une espèce où le premier
juge avait anlonné la coaipiarution des rëdacteursd^un pro-
«és^ttrkai, Ha été décidé encore que le jugement étant an-
aalë pour mal jugA, '< Vêtait au tribunal aappel qu'il appar-
tient de statuer de suite et définitivement sur lé Tond^ « Dans
ane espèce où le premier jugtB avait admis une inscription de
hai contre un proeës-veri^al dressé en matière de contribu-
tions indirectes, il a été décidé qu*én infirmant ce jugement,
par le motif qu'il y avait aveu sur le fait contesté, le juge
d^appel démit en méone temps statuer au fond '. Enfin dans
ane espèce où le premier juge, s'arrètant à une inculpation
de faux témoignage élevée à son audience, avait renvoyé la
caaseeile prévenu devant le juge d'instruction, il a été d&^
«idé^MOff^ « qu^ le JAige d^appel , n'ayant pas réformé ce
jugement; pour cause d'incompétence, mais pour mal jugé sur
m inôdeat d'audîenee, devait retenir la cause et procéder au
jugeiBt'ntdttfowi,^ »
En fondant cette jurisprudence, la Cour de cassation ne se
dissimi^aii^pas qu'elle sortait des termes de l'art. 216 « car
elledédare dans un de ses arrêts « que cet article n^exclut
point ie droit (ip;ordé au tri^juinald'appel de statuer sar le fond
* Cott. M Mtt. istfj^rapp, M» Rives. BulL Q, 871*
* CArh&U€M,fnip^. KL Bosschop. J. P., U XI, p. 674; p0 mm
m^ MsipL H. BMmmi. Bttil. p. se»
' Casi. e J«i|Li844t.rapp, H. Dehaitssy, BulL n. i9S.
^ Cm, tlM iSsa, mp. ILBusscliop. J. K^ UXX, p. 48a.
* Q&Wmm iSdi; nipp. M. de GrouadlbeSi t H.» t Xxril, p. i:>77t
* CafS. liailU i62S» rapp* M. RaUud. J. P., t. XVILji. 470.
" Caà n fft. 1845, rapp, M.Brière-ValigDy. BulL luQX
* Ci99. <a mai f $5S, rvpp, % Jallon, BulL n.. 175,
t6 »R8 TRIBUNAUX GORRKCTIONNBLiU
dans Ibs cas autres que celui énoncé daD$|^tact. ^\M*^,f
'Elié a yôûtâ sîilîplifiiM^ U procédure en proc1àmaDl^](fi-aira|t
^Q juge "d^appel de statuer au fond dans tous les cas, saMriiK
cas d'ihcbmpétence, èà it esl saisi de Tappel dTun lùg^iin^t
incident; et etlea déclaré en conséquence, çn réswaà|l,|i|)^.ii
toute sa : j[uriipnidence » • que les art ^% St^ çt.Jii>.^ft
lés $Bu1s dil Code qui anWriscnt les |uges, léjgiiqii^^cffi^
de 1^pi[)ef en matière cori-ectb
il s'èQsifit que )e renvoi ordonné horadc^ cas'prévu^^tfir-j^
dits articles est une, violation des ^règles de fa C9iin)i^t^ç %(»
Telle est la doctrine que la Goiur dm oàssatioiii a'fmséerdëris
ses'ajpéts et ^qu'elle a sans, cesse toihiatetaiie.'' La [nvegdi^^tfe
révocatk^n simplifie éivideinmeiit>la procédure; en 'év'^dnt {es
renvois» elle diminudJes. délais etleafrais^ fttais> àcôlô tiè'ties
avantages, eUe-e^traliieun graveÎDconlvttnie»t;'ëlles^
l'épreuve d*uoepre«iènejtiât)ruGtioii, qui est U'priiici^te ga-
rantie de la pr<océdiire oorreciionnette^ G*t0st detaiMi tje pt^e^
iniçr juge, en eiïôl, quel sont •pnoduit0iies^tâh[ioi|[>É^
n'est que lÀ sbuvent que les ptouves^ sont pMsilildS'; 6-ésst le
juge du lieu, celuiroù les Taris piâuvenLétreie inîetx appré-
ciés, QÙ le prévenu ësl lie ilfueux.'ooiiÀu.Lo«squè iqdnkjubs
pnblicisics on^t propdaè<de^uppriiiier limiétBdégrdSMihf éefie
juridietion, ce n était pas asàurénicdt^le^premkrv GeUe'rtisf--
position pvend une plus haute' ^avrlédc|Hiië:<(ue')a lèi^du
,13 juin 1856 a transféré les djif^ls «uxqoUts^mjxMaW:
i^omment le fi^ degré p€Ut««ii suippléer ie premier qysfild \kbe
plus grande distance sépare le lieu du premier jiigMiètil H
le lieu de l'Appel , quand le y*aiisport deë téiiioinB e^t j^MâK
didiclk e| plus «nérettx^ quanè l'appel sem ûéees&airtttietft
jugé de plus en plus sur la pioçédiire 'écrite? fc'ét^àjâôti^
^a Assure très utile loutea Jes-iots qia» ie'jpréMiéir jdge,
doi)t le jiigiement «et kmnlé «peur q«(^i(|fi^*vSce 'dé^lorteé,
avait. statué sttr. la fend; mais dëbs^cëtcas'ofi'ùi'ést peiiAl,>pou^
ainsi ^ire, une éyooaliùtt r le jugeidl^ifial «« MlilNft^tcftèhir
ce qyii lui^ppartientv .Le jisge de pveikiiéM>iittltfncè^i«pâf*iip-
pféqi^r iaêguliéreiiiMllie f»l;inaisil(t}^i^pféciè;«^
trujtVaQ'aii^^ il a épuisé sacompétenoes l^uppef'a iai^i^'Ie
trjbMual supérieur do^ la «anse «tiotl c«lièr^4l n^ëb^iM^^
tçiojl à, fait âinai lomqiro Je jugemeilt^ ipu eà àéféit 'ftu jflge
.,./ Ç8ii;90|aifv.asa«;iiif^ ]Mr.'*ééa«Wtrtèr;'K>.,t; **, M'^i ^^" ''
*Cw% 27 aoAt «815, rapp^ M..Bu5SçJi5)p»j,J. P., X?, ^'^^\ • ...
raierlMJtonfe, On compreod difficilcmem que 1^ premier
ÎÎSlft?l!^^ " "'^ P«^ «"^«^^ st^itué sur le fond.
Œ? X ■*** ^® prononcer, par exemple, U nullité d'une
fv2?L:i^ ***'?*'*' ^* ««cessité ou Tinutilité d^uné preuva
!Si!K^? s oppôsenlau renvoi, quand le premier juge a
*l«to*«irk5 f(iDd,nes!y opposent plus quand il ne Fa pas i««é
CTil^ une pari c juge d^appel n'a dû éire saisi quo de
i iftcHtot que I appel lui a déféré, 45t que, d^un autre côté, le
jugé* r^ instance n'a pu se dessaisir du fond puisqu'il ne
*«ljait>pv« J»«*fc ïeuiKOtt dire, «omme r^M fait qoeiâues
arr«ft^ ^tqiicî letlrifauMl de i'^ iiislm^e Aant conméterrt et
^r«i(«lé.Talabiem6ol saisi el miiià mèm^de pttïmwHîer;cela
^ul8Mltvpo^Jf.l^|^Ie^le premier' degré de joridîclioii eût été
ilpuîs^,^/^: n- m «ufiHipas qm le pitmkt >itge ait pd^staloer
{•our:q#r4l:*<pi|. ré|)iité l'avoir fiiit; on. •» peut remplacer nn
^ mt une présoinption , un jugenieot par une fiotkm.
^^efoçafca», dans-oêlko iileiixiè4no'%pouièsè, par cela seol
i|t^^lffSl|pprifl»e; une garantie judioiaire, « donc des périls
f^J^*^^ 'toijiteyoo.U.Be hiitdone pas l'étendre an
jl#<i^s hernies :deikiioi./ La» loi ne la autorisée que dans
Je,faa^t.Je.j»g(eBaaHtie$fci«nMùlé'pottr violation oti omis-
«^.d^ffora^pfesèritesi pffliie de tii.liité ; la jurispru^
ffe«c0,.aeM^'iesti=poibt enferoiéc dons ce cercle • elle a oliri-
«wéJa.foiKLaa jug« d'apfipj^ lors mOme qu'il annule, non
mmfomimip^ m violatioa des formes légales, mais pour
«ï»l'J«gé:Wtrlôi(B. les incidente deTinàtrucUon. C'est là une
«t^afiÎQft^idanleid'tine mesure qui devait être piuldl res-
fr<i»l«,.^*^«ndna^ tni^qii'elle a paur t4let d'imléver a h
^(Msel'aoecfesatgaraiilies, celte d'ua degré dfe juridî«-
^0». Natoanaoeteime législation, dans laquelle cette mi-sure
««lépiifi6evVafi)i^ii)«fitflvec plus de ré^efrve : le juge supé-
^»wj*lwj d^Viafipeiii'jaadélBrel) ^i'un acte d^instrudion ou
« «*jnj«jpi«rt wiërlo^'fatra, pouvait évoquer le principal
«ipa isfutaarmtirchiis iesT daux cas suivants : !♦ s'il comta!
*ailji|«rte,%Uj4es(3bàrgëaetiolortnat*oiis, quo la maiière
««i»' légè^e^. ne mériiailfas aoe plus ample inKtrûetioti et
Jttuttit ètfcé Jugée ^A l'état où elle se trouvait; 2^^ Tac-
jwé «pfaiaah la dcnande^aoit pour éviter la rigueur d^un
^«cret, soit pour empêcher le jugement des premiers juges
w«slétatde i:im|tr*irtwi>, NoAre l«eislatioti moderne, fen
'f'as\18lmf/lk.ifi,^^;,|!,,;M;*\V:in (fo^raife^^^^^^ Ri:*!!, n. 377.
Viii. y
9S . DBS TBIMHAVX aOllRKGTlt!«NM.S.
Î^énéralisant .cetjtc mesure, en la jdéclaraat obligataire s «b
'appfîauatiit dans les cas oièuiçs où aucune Jimtr^eiiciit n'a été
r'ecuëiliie, s^ést écartée, au détriment de la défenge^ 4ie ces
règieé antérieures; la jurisprudence, jugeant ces fiifço-
sitiûns trop étroites encore, les 2f étendues à tous les cas d'ttp-
poV de jugements incidents. Il i\e nous ^ctnUe pa» qu'en
cSélâ elle ait servi les vrais intérêts de la justice.
j, y. La mesure de révocation admet néanmoins qtî^t|Ul\s
festrictîoos qui dérivent de la ioi elie<-mém<e.
•En prertïier lieu, dans tous les cas où îè jugement rendu
sur incîdertt est confirmé, Taffaire relouVne bdx pî^emîers
juges {>ôur subir le premier degiré de juridiction sQr \e fond,
6e n'efet, en effet, que dans le cas d'annulation que l'art. 215
ptmiet au juge d'appel de statuer sur le foiid^ LYhnulation
est la condition nécessaire de l'évocation : ce n'est qu*à raison
du vice de forme que Tinformalion fait disparattrè^ que le
premier juge est dessaisi *.
En deuxième lieu, dans le cas où Tincompétence est dé-
clarée par lé juge d'appel à raison du lieu du déîit ou de h
résidence du prévenu : ce cas, iformulé par l'art. 202 du C.
du 3 brumaire an iv, a été réservé par Part. 1«' de la lot du
29 avril 1806 et par Tart. 215 du C d'inst. cr. ; le renvoi est
de plein droit, par cela seul que cet article n'a pas autorisé
dans ce cas le juge d'appel à statuer. La raison de renvoi
est alors que le premier juge n'étant pas compétent pour
donnatlrc de la matière portée devant lui, son jugement ne
peut être réputé avoir épuisé le premier degré de juridiction.
En troisième lieu, dans les deux cas prévus par les art.
218 et 2U, où le fait aurait les caractères ^ soît d'un
crime, soit d'une simple contravention : il y a Heu, dans ce
cas tomme dans le précédent, et sauf TexceptiOn prévue par
l'art. 213, au renvoi du prévenu devant lé jugecotapétent.
Enfin , il faut prendre garde que si la poursuite correc-
tîonnellè présente deux délits, deux chefs distincts^ et qu'il
n'y ait appel que d'une disposition qui statue sur une excep-
tion relative à l'un deees délits, le juge d'appel ne peut ivo-
qtier en ce qui concerne l'autre cheif de poursuite *.
Il faut prendre garde encore que le Juge d'appd ne pwl
A Catt. i sepU 1854. rapp. M. de Glob. BuIL n,2U
- Casi. iSjaov. 4854, rapp. M. Poudier. BiilK d. 11
•Cass. 14 sepu 1830, rapp. M. Olliticr. J. P., u XXIIl.p. é$Z.
DK L APP8L IkEà lUGlilKNTS CMMGViOkMtLS. § 577. M
éwflwr }a mw^ t^n'hutent q«*elle ^« entière et àtie 1*s
ivties nVMil «c^ aueim droit défhîtif. Amsi, drfh^ ^g
«fèoevù te prévenu tiè i'élait pa« prfeéntâ potr sôûlertlr
ropporition qû^îl avait formée crtntré le j^gerrtfent par défaut,
«eja^ttiirint étatot deventi défimflf, H n'ftàîty^aS pèrtoîga'y
porter Qttënfte par une évocation, et îl « dû fetre ffécidê A que
te pi^venu n'ayant pas comparu sur son y>ppasit?oii, cet acte,
•B» tonuQS de l'art. 208, est demeuré comnde non éliëiùx ;
<|Be le premier amW cohsenrait toute sa force et deventrit idé-
finitif ; flue Tàitèt prenant nécessairement ce caractèit par
ttia aèvicitïe Vopposîtion n'était pas soutenue, il n^étaît pas
w poilYonr de la Gour d'y porter aucune atteinte; qoô réVè-
cation qui avait pour objet un nouvel examen du fond n^était
pas autorisée par la loi \ »
Eà4\ permis au juge d'appel d'évoquer le fond sur le seul
appel formé par la partie civile contre un jugement incident?
L'affirmative a été jugée par un arrêt portant : i n^fH résulte
de la combioaisob des art. 903 du G. du S bram. M iv, 1''
d«lfiletda29 avrill80«^ 215dtt€. d'tnsft. er.. ^4ore-
que, 9» rappel d'un jugement interloeuCeire rendo par un
tribaaal oorrectionnelJaGottr qok eu est saisie arnièle le jtigi*-
ment pour toute autre eause que Tincompéteuee éélenAincW:
par /;es articles^ il n'y a pas lieu à renvoi pour être procédi;
«0 V* instance» et que les juges d'appel doivent retenir I W-
fâire et statuer onx^mémes sur le fond ; que, tlans i'eairàcei, lo
tribunal supérieur, saisi par la partie civile de Tappai d'un
jugement qui^ sur le îkot d'abus de €on6ance^ avait «Arais à
statuer jusqu'à ce que le prévenu eAt rendu sefn co(ii()U^ ô la
compagnie dont il est Tagent, a dù^ en iniirntnnt (^etie «dis-
position interlocutoire^ statuer au fond et fmmoncer.^ 4H>fi -
seulemenl; $va les kiiérèts civils, mais encore sur les réquisi-
tions dit ministère public leitdaDies à l 'application de la fn'ino ;
V^ le demandeur ne -peut éprouver aucun jpréjudîee de ce
que sans appel de la «partie publique il a été aUHnt d*une
condamnation àl'emprisonnement et à l'amende ^qu'ien 'elVel ,
il n'avait pas été sbitué en i '^ instance sur i 'aotion ipuMiqtie ;
que par conséquent elle n'était point éteinte» et que l>6voca-
^ a ea ponr effet d'autoriser le ministère pubUrc è la por-
ter directement devant le tribunal supérieur ^ i» On peut
' Ouê, 18 nov. iSbhf rapp» M* Plougoulm. Bull. n. 819.
* Casst S9 mailSSl, ra|«p. M« Aug. Moreau. BulK n. i9S.
iÛO ^ DBS miftOKAtlX COftRICTlONMELS.
opposer à cet arrêt que ta condition du prévenu se trouve en
exercé toi un& inflaencë directe sur raction publique,. ]|>oîs-
quMt en dirige fa ntarche et lui fait franchir un degré dé jù-
miction. A h vérité, il n'y a pas chose îogëè en 'ce qui
concerne cette action, et il p y a pas lieu d ihvoguer spiiB ce
rapport l'avis du conseil d^Êtat du 12 novembre 180ë: lîlais
de ce que Taction puMîqiie est encore entière , s'efaiistiitHl
qu'un appel qui n'a d'eflet que qumtaux intè'téii dyiU
seulement^ puisse saisir le juge d'appel du droit d'y statuer?
Pour que ce juge d^appel y statue, il faut qu'il en soit vàia-
Mement saisi, il faut queTappei l'ait transférée devant lui, et
comment l'appel de In partie civile, restreint aux intérêts ci'
Vils, a-t-il pu opérer uti tel effet?
V. L'évocation n'est point une mesure facultative : Tart.
SIS, différent en cela del'art. 4-73 du G. de proc. civ.>la
prescrit en termes formels dans les cas qu'il a prévus ; elle
est donc obligatoire, et le juge.d 'appel qui ne retiendrait pas
la cause dout il a été incidemaient saisie encourrait la ceAsurta' .
• Maïs le juge d'appel n'est point? enchaîné, comme la Oour
de cassation , dans le cercle des art. A08 et 413 du G. d^nst.
cr. ; il n'est point tenu d'annuler toute la procédure à partir
du plus ancien acte nul; il peut apprécier les effets ^u vice
qui motive Tinfirmation et restreindre l'annulation aux actes
sur lesquelsil n réfléchi. La Gour de cassation n décidé dans ce
sens, c que les art. &08 et 413, qui règlent les effets dîè. la
«iiissation en matière criminelle et de police correctionnelle,
ne s'appliquent pas à l'instance en appel ; que leurs disposi-
tions ne sont reproduites par aucun des articles placés au
chapitre des matières correctionnelles; que notamment les
iirt. 200etsuiv. nereitrermentaucuneprcscription analogue ;
il où il suit que les juges d'appel restent maitrea d'apprécier
si l'adc illégal a réagi sur le surplus de kl procédure et de
ne prononcer Tannuiation du tout que suivant Texigenee du
cas •. »
La même règle d'interprétation doit être appliquée en ce
'Cass. i9 mai 185:9. rapp. M. Jallon.Bull. n. 175 ella plupart des arr^U
ji-dessus cîlt^.
» Cut:w.2Û Un*. d847, rapp. M. Lti^agnciir. UwH, 11. ÎS4.
M y^PPEL »ES JUGEMENTS CORREGTIONNILS. § 578. 101
m oÔDcei[Qe l'art 429, qui veut, dans son 4« $, que i« Cour
Je cassation, lorsqu'elle annule parce que )t (aitn'c^pag un
délit, p;roQ(àiee le renvoi» a*il y ;a une partie civile, défaut up
Irftunal d.vîl* Il a été. reconnu o que celle disposition n'est
re^tivçi.^i^.aux ri^nvois prononcés par la Cour ^e cassation
etnj^pept^yoijr ppur eflfet de restreindre les pouvQKrs ûi\s
pmeï trij)^0^iix '. À qui sont régulièrement saisis.
Illpipoite enfin de. poser en règle « que l'art. 479 du C. de
pr. ciy.. est étranger au mode de pcocéder dans Les matières
correc^p^neiles qui exigent une instruction plus rapide, et
4ué c'ç^t par ce inotirque Fart 2i 5 a établi pour le jugement
des àffiûres corn^cUonnclles^ des règles spéciales qui doivent
être fid^Iei^ent observées •- >i Ainsi, rien ne s'oppose à ce que
'e juge d'appel, api^s aypfr ^nqujié le jugcincnt qoî lui est
léiéré, renvoie à une autre audience pour statuer sur le
k
à
fond'.
$578.
f. I. FÀi^ines ^e fiiRtiiiètfdn surVapp 1 : Ynesores préliminaires. —
ftv€ililiMidespsrltds*-«-ilf. R9pport.«-IV 4iiterrogaloîredu pré-
m^î-^ V»' A4idUioD.'des té»oma s*il y »lieu. -« Conclusions et
phifioîrîfis. f^ VU, JliigçineajL.^.
I. tiçr^que la déclaratioa d'appel a été faite suivant les
fiNTmes que ppus avons triées, lorsque la requête contenant
lesnuMfensd^appeli dont la remise est d'ailleurs facultative,
a éliç déposée au greffe, il appartient au ministère public de
Eaire les diligences nécessaires pour faire statuer sur cet ap-
pel, ^cjle est la disposition de l'art» 207, qui est ainsi conçu :
'.«II. 1 ^
•Jù^jSfXl. If v(méie^.*i dXea éiéremise^u greffe da tribunal de
1'* lattançe^ ei .les pièces çeroiu envoyées par le procureur impérial au
gKtt'dé'fo CiiàVdans les ît heures après la déclaration ou la remise*
dekttdlifié^âdB d^^ppel.' $î cèlttî contre lequel le jugement a été rendu
Mtm étaiifaiifatalipa, ilaera, dtnsie même détaret par drdre du pro •
wrwj:iinp^^l,irai^iéré dans .la maison d'arrâvd a lieu oU siège la
Cour impériale.»
ITsiiïi-itëlàqiie lorsque Pappel a été interjeté, soit par le
prévenu ou les personnes responsables, soit même par la par-
• "> • t' • » .. ' . , ,1 ' ■ ; ; '
* et > Casa. i7'déc 1847. rafp. M. Deh&inssyi i. ttmL U XX, p. SS.
' CaH. 5 jniil, 1828. rapp. M« Mangin. J. P., U XXII, t. 86.
toi »IS TIMBUICACX CORBECTiONNELS.
a» civile, ce$ parties n'ont point à s'occuper de Tenvoi des
pièces; elles doivent se borner à produire au creffe celles
qoi peuvent être utiles à leur cause. Une Cour d'appel ayatt
déclaré l'administration forestière déchue de son appel parce
S'etle a^avait pas produit une expédition de sa déclaration,
t artèt aété cassé : « attendu, en droit, aue la déchéance
d'un appel na peut être encourue que dans les cas déterminés
par le légMaleur ; que l'art. 203 ne prononce cette déchéance
queluaqM la déclaration d'appeler n'a pas été faite au greffe
ei d«na^ les délais quUl détermine ; que, d'après Tart. 207,
cen^eal point par la partie appelante, mais par le procureur
do roi pi^èa le tribunal de 1'* instance que les pièces doivent
être envoyées à la Cour ou au tribunal auquel Tappel est porté i^
d'où 'û av^U quCf lorsque la partie a déclaré son appel au
grefiia el dans les délais voulus par la loi, elle a fait, en ce
qui la concernct tout ce qu'il lui est prescrit de faire pour
éviter la déchéance» et qu'on ne peut, sans ajouter à la ri-
gueur de la loi et sans contrevenir i ses dispositions, déclarer
cette partie déchue, faute par elle d'avoir produit une expé-
ditiptKi qw^^ ^*^^ P^ chargée de produire ^. »
9 ffilA, être utile d^ meniioDaec ici : 1^ qu'aux terme» de
l'art 59 du décret du 18 juin 1811, % la procédure et tea
pièces doivent être envoyées en minute, » à l'exception de la
déclaralifaii d'appel et du jugeoieut frappé d'appel , qui doivent
étree)bBédiéa paa coptes * *, S» qu'aux termes de l'art. 09 du
mèiveoécrel, el par applîcatioD del'arl. k23 duO. d'iust-. cr. ,
« ie»effier esi teuu d'y joiadie un inventaire qui! dressa
sans traicu »
11. D* ce fue I» ministère pubik^ est chaîné de faire les
diligences nécessaires au jugement de l'appel, il résulte encore
quHl lui appartient de. fake cker toutes tes partie» soit ame-
lantea, soit intimées. La loi ne con[tient aucune dispoisitipo
à cet ég;ard ; mais cette obligatiou, quiest d'aiiljçmraiMPie «on*
séi^uençe 4^ L'art* iSjSt dérive des fonctions mèoMs du nmi»»
tèse pi4»Ùc^ pansi lesquellea se. trouve le devoir de mettre eo
état les affaires pendantes devant la juridiction correctionnelle
et d'assurer l'exécution de la disposition de l'art^, 209 qui
veut qfi% Fappel soH jugé dam le mais.
Si cette régie n'était pas strictement appliquée, il s'ensui-
« Gui* U janr. 1817. rapp» M. BMÎro. L P., U XlV.p» li.
• imt géo, f^r l6f frain 4ejwtioe do SiKsepu laaSi u, ift.
M l'appSL DBS JUCBflERTS CORRBCTIONIIKLS. ( î(78. 103
UjMt que 1«B poursuites correctionnelles demeureraient iaJé-
finiAMbt suspenduest puisque les prévenus non détenus ne
m^Q^oeraieiit pas de ffapper d'appel les jugements qui les
, aurajent coocjamnés et se garderaient bien de faire aucunes
ditig^QC^pour le foire vider. La Gourde cassation a ju^é en
0Qb|é(juenG6 « que nulle condamnation ne peut intervenir
contre les citoyens qui n^ont pas été légalement cités en jus-
tice ; que le prévenu condamné par les premiers juges, qqj
a fajt appel de sa condamnation, a sans doute le droit d'anti-*
cipec par cet appel sur les diligences du ministère public^
mais qu'il n^est pas tenu de le faire; et qu'il n'est tenu do
comparât fre que quand il est légalement appelé à la requête
i\{ ^inislére puMiP ou de la partie civile; que, dans Tespéce,
il eàf^cpnno que Ip prévenu n'a pas elé appelé par citation
W^^ HI^I. e^ qu'aii|:$i le jugement de condamnalion prce-
9911!!^ ItiH^ ^S^rd ^^t frappé de nullité par la loi \ «
LftSflul «as QÙ rapplicatioQ de rette règle semblait donner
lieMà^aelqueftdiffiouitèsétfiit celui où la partie civile a seule
ap|Ml^lIne*fiourd!appel avait penséqu'eile n'était pas valable-
msiil saisie par i assignation donnée aux parties à la requête d«
minislàie public par le motif que I -action publiqueétait éteinte,
tttqu^il pe s'agissait plus que des intérêts eivîls des parties.
Majs oetift décision a été annulée : « attendu qu'en cas d'ap»
pctdaki'pastie oiyile^ la requête contenant les moyens d^ap-
pal peut élce renûst par l'appelant, par son avoué ou par son
ibadé d» pouTotr kfiéeiai, au greffe du tribunal correctionnel
qai a muta le jugement^ oe au greffe de la cour ou du tri-
hiwal OB rappel doit être porté ; que si la requôie a été re-
oûfeau greffe du tribunalqui a rendu fe jugement^ le pro^
eoreor du roi doit envoyer cette requête et les pièces du
fftffèÊ att greffe de la Qour ou du tribiinal auquel appartient
iaeoanaiaaaiiee de Tappel ; que Part. 209 porte que Tappel
mra [ugé à i*Mdience, dans le mois, sur un rapport fait pat
l^uardeijages ; que c^est au président de la Cour ou du tribu-
mI saisi (fe l'appel de nommer un rapporteur et de fiier le
ionr auquel l'affaire sersi portée à l'audience; que la partie
eiaihi, alors ménie qu'elle est seule appelante du jugement,
v«U étradj^re à Taceoniplissement des formalités prcscritei^
parla loi pour mettre Taffaire en état ; mais qu'il en est au-
• (km. 7 déc. iSkk* npp. M. Isainbai. Bail. n. S9î.
apporlicut à ses ronctions *, qu'il suit de là que le droit d9*folie
assigner ^ sa requête les jmrtîes à çpaiparattuf ^€|Tayit^|(2<lur
ôu'fetribunald'appel pour le jour 6^é parVprém
éxdàsiveiDent dans les aitrnmiîonsiduiiijnistèrcif^i^^
eèlS ^t ti^iigit pas comme çiLerçaot racUon^^tAigH^i oôifi^^ilîfia
comme partie jointe, et açcoippli^sant«^|i|i?{nçnt^ le^ev^i^^^.
sbtt offidq;'que Tarrèt attaqué. a confondu avec re3LOfcice40>
Thction publique )'accompUs3envçi)( des djeyoirs i â»u|t^t prar-
Te tnînistèré public des arC 207 et ^09 dopjtle buii^iqij^i^
démettre Taffaire en état d'être portée à l'audience au jour
Gependanr, %\ te ministère public ne donne parles it^|fiîifi
Udns; l'il met des retardé là ^ les partiieront intétêtnà've'
qu'tl 8cClMtué',soàt^léa tenues' d'attendre qfu'ff' fètaflé
agir? Nous croyons que» dans ce ous, ëllM peotetitèitËY élh^
mêmes, sauf M poè^NleiiiôB à 4a Gdur i faêremuit)^<te jdur
oàTalTaire seragtgée* G'csI'Od'fQi ft ^étè réc6Mii(i'4iëM4^«'
rêi ci<<i(Bssus oi&é du 7 décembre M44, ^ui déclare < ^tié le
préyenu a le droit d aatkipersur' les di>ligetioesdQ>mtnk(ère
public. <« C'est ce qiû résulle^eiwore^'uii autre avrêt^i^rflè :
t que la fixatioo de ratidiencc n'appartenait ni aiipréffûi].
dont la citation ne pouvait ablîgec la Gour de #tatiier«aU'joiir
p.our lequel elle avuit été doMée^ ni au pro6ureu««§i«MBfttl
qui ne pouvait rester le inaltre.de:relavder Àsavolônt&l^îch-
geqoent de rappel interjeté par son (iiihaliUM ; que eeliefiiMHo
tion appartenait au président^ et, «p.cas deoqntestatieny^«b^
Cour; que dé3 lors, ciise déclaf^Qt.iifiguiiièrffne»t awity
quoique le procureur général n'eût (ait «lucuiiaete.pottr' aller-
en avant surTappel^ rarcêt.attaq«u6«>vielé4U<A|iie4ei '«>«» »
La Qiéme décision a'appl^uerait.àîIa<M4^tie^iUi^lN iiefMt
dépendre eu offei du ministère pvWi^idei fiiiif^Mkmil Mx :
droits des parties : s il n^ (ait pas4?st.4itige«iceA{dK^iit iil«<art'.
chargé par la loi. il doit af)|>arteiiic<j| o^UQar<i4«(ffiiilt9af;M
étal l'affaire que son inaction laisse en ^Qfipi^. Jl#iar9ielks
restent elles-mêmes inactives, il n'j a.point 4e>jler(]fiet;]tea}
pour la notification des citation^ et il* ^..é(4xQC9jiatt4Hl^éUeSir.
pouvaient être données même après les deui mois réservés à '
* OaFs. A fann IStfi ra#p.^M. Drhaii«#y. Bail».»? Si. * .>«.:- •
' ■ Cass. S fév. 1844. nipivM. ViDceu»«*UaMnl,BMll.a<4a. ^
' Casft. S9 mai iSlS, rapp. M. Baifly. J, P.^LJUV» mt9$ 7 Mù iW,
rapp. M. Lt%9gwnu '' . , ■ ^' .*»- •
DE l^Appkl'mV) liG^iiENts cdMikEti-rioiiNELs. § 576. 105
l^appri dtt pKMQrêur géné^ra), sans qu'il y iit imllrté ni dé-
l'^gliàtHihlbh, tnx termes dés «rt/ l8Aet*211 combî-
iM, MWi^otilîéé à un tfétaf de trois joàrs francs J outré le dé:
Mi'AéS'dMMcfi^/if peme dé nottîté da défaut qui serfi^t pris
oMMré^fèM feiiim<h(«' b?féès. Nous avons Vu au restç que le
jttgé'^ëk 'p()iht obligé de donner 'défaut contre la personne
mè^iti i(é èotnparatt pas, lorsqu'it s'aperçoit qu? les délais
nTlsM paÉ'été'ôbsërvés ; il dbîti^ dans ce cas, se borner à 8ur7
seéi^jîki^ircë qojD h procédure ait été régularisée \
III. L'instruction de Tappel se fait à faiidienoe et publia*
qoeiqe|iL ^,p^M de nullité. Ce priqpîpa, ea 0« .qui concerne
^P8^\9]fW^]r ^i lormulé par. 1^ 9rt.209 et 211 do C.
(Tinst^^'or* e^ mr iVt. 7. de J^ Ici da^ ayKÎl.DBl^. Nous
en aVo^ 4^j^ ^it r^plicatioi) S..
,C£ oreiDiw aet«ide.e«Û^infttrucftiOft«flirie prafpdvt qm fait
à Tabdii^ice L'iHid^jyigesiCfimois^ oet«flel par le prèndent.
L'actîf^.aOS» 4IÛ lepr^dsit V%tL 199 du G. du 3 brumaire
a&ty,..di6pciseqtie ; «i r«ppel $e» jt%é à' TaBdienoe dans le
mois i«r UQ rappcurt fait p«r Tu» des juges, d
Orappért, qui n^e^ point eiigé poutr le jugement des
apiwls'de triniplè {iotiM'^, est une forme particulière del'ins-
tradioOfAesappels^ correctionnels. Cet acte, qui a pour objet
d'eipMer pubtîqoement tous les documents de la caose, et
desoppMer quielquefois quelques-uns de ces documents, in-
téresse ^reeliHnent la tfitertlfostation de la vérité et la défense
«ki-fiartieB ; il dut donc le considérer eomme nn élément
esMoUH du débat. Placé an seuil de la procédure d'appel ,
il en précède tonteâ let soAcnsnités et fous les actes ; le juge
D'«t|M réputk titoit "agi en connaissaoce de cause quand il
nefa pas)Mi|ettdu ; el it ne peut |>rocéder à aucune mesyre
mttted'insiruetion^tanf èe préliminaire indispensable, des-
tiaè» constater l'état <M les éléments du procès.
Be )t il' suit d^abôrd que le rapport est nécessaire, quelle
qUèadit la partie qui 'ait saisi le juge d'appel, et tors même
que té siÉraKI^' partie ciVi(è : ce premier point a été reconnu
< Cafs. 10 mai 18i€,'f8!ipr*ll. nfuadla^ h P^, L Xïtt, f. aS6. '
•Ca9k2oci.*fd40 Ya>p.*afLr'I>êiia«i«r. Bo1ktt«S05.
' Ca»f, a ioiU. 185), rapp. M. Quénaat.- Bail. ii. 333. • '
"^ »%A IJIIBURAPX CORHEUTipilNÏM.
vnr lin arrêt qijl parle « qu^ l'art. 209 m fait auaii|«<Uf«iM!.
tioii entre le cas où c'est la partie civile qui poursuit, etariai
û^ lo prévenu tç rféfepd pontrç |>cliondu mjni^%e piibUc-
quelps disposition? de cet ar^cje çppt géR^rajes pi a'M^î
91? >e ropport egtup préliminaire indispensable pQHr,«rrJT«
â la discussion et «ju (|é^t des moyens de fait et de dnoit. «ua
les parties peuvent faire yaloir '. » • ^
Dp U il niit, «n MooBd lien, que le rapport est né«et»aii^,
swt qpele juge d »pp<>l statue sur une exception,mit ûo'Um-
tfle au fond ; • attendu qne la loi prescrit cette fonnalit«d*ane
manière absolue; au'elle doit donc être obser?*© Iprwp'il
s agrt de statuer soi une qnestipn préjudicielle comme (ors-
qwc la touF es^ appelée k statuer sur le fond àa procAs • » H
en est ainsi jors même qup le juge d'à|>pél n'ordonnerait
qunn acte tJ'itastruction/unp vérification prtâlabie •; jon;
même ^a il ne serait appelé qu'à statuer sur la vaWïlé Je
1 oppo«iti»n qMiitionn(.^e' en \'ak, 2«8 *. ■ .
t,}^)^ 'I *"'^' S» *r9ii»^nip lieu, qH'jj peut Y HVoïf iw^ de
fei e deux rapports d,p, la péipp airajfe; tSU? les 4 AhV
des actes intervenus dapd f Jn|içrv*,)|e (le dep^ judienew Mu-
rent imprimer au procès une physionomie nouvelle. Ce Mint
a encore été reconnu par un arrêt qqi déplare : « que le rap-
port présenté par j'un des juges, préala|)lemeDrà rft
devant fiiire droit rendu pouf ordqnjer la vérification par le
l^f.j^r^P**''"* ''^P''^''^ ''^ f?'^^ désavoués, ne sauraîf «ri
oonsidéré comme ayant pu dispenser de Iqut rapport uTtérféur';
2 !!! ! x' ."" "PP**" nouveau étant le sf'ulmoyenM
«le porter A la conhaissance des juges et dJ;s parties les nou-
Teaai errements produits par Pinformation ordonnée, ne tcuI
être tenu comme ayant été accompli par un premier' ranb^wi
feit antérieurement h cesnpuveàui'errem'ênts^';; Un autre
arrêt avait également décidé, sous le Code' du 3 firumairij
an IV, que quand, après un premier rap'poVtsmvî'd'une rënme'
un second appel esl interjeté par une partie'qui n'avait pas
encore appelé, un nouveau rapport est nécessaire: « attendu
que 1 aflaire se pirésentant sous une nourelle feceet les pitrtîes
.* Ç*"* J ^'. *!*]• "PP- »*• iMmberU Bull. n. Î6.
' GaM. 22 mai i85«. Cité jftpr^
0e L*APnL DES JrGEMRNTS C0RHECTI0NNBL8. § 578. ïffî
SORS de nouvelles qualités, avec des coqcIuàoiu^ diflfi&rentes»
exigent oa «mreeii rapport ^ »
Il s^U enfin du même principe que tous les jugés qui oon-»
naisflMt de rappel doivent, i peine de nullité^ assister*au rap-^
port, puisque e>^ par cet acte qu'ib ont connaisaanoe de»
donnnetits de ta cause qui doivent servir d'éléments à lèurf
décifiîoii \
UanU re^du sur l'appel- 4oit oonstater racconplitsenaml
de fiBtlet fonmlité ; à défaU de cette oonsMation, b BfiMiftèeBb
prQMf»6ée. Le» affvèt» nombreux qui wl afpMqué ceAI«naNîtè
(lécku^ » « /qw le caf^of 4 presoiit pai l*artîato 9(M^ a pMHP
objet d<^Jb¥ak €«un«ltre àw yugeA d'appel kftdoounentiB de ka^
cBus% s^K laqueUe îla doiveiH statuer, qu'il eonstitoe «msi ud«
r<K«ii9Jït&3WibstenlM^ quidoH Otre.reiafiJfei peine de iiuUi^ ^
que, dèskws» rap^cpifliaBonftentdi^c^te fomiilé, néce
à la t|iMÂt4 4u ju§w»€i4f doîiètre)<H>iifiMé fai lejugeflMHl
iui-mèaae et ne pjwU léaulter dedéctteatWMiertiiwôqîia^ *, •
Le («fjpor^ d^ ôtre fak oralement et publiquement Ù neul
néaamo^n&ètFe taàf, Ifk buis cloa si la Gourjuge, comme ene ]p
peut^, fue la publicité de l'audience serait d[a«^ereuae piEum
l'ordre mk lea mœuM. Cet acto, qui àoH être préparé ^ve^
soin et qiiî, en général y_ doit être rédigé par écrit, eat vm
eipeip4 cMplet de tous les documents et de toua lea esroBMOIa
de ripalraetLoB^.. L'article 111 du G. de pr. ciy. diapoae que
a le lappcirteur lé&umeira le fait et les moyen», ut En matière
correctionnelle, il ne suffirait p^s toujours de ré^uiOMr^ il faut
communier iNp^ef^tier t^ clocumenis qui doivent servir i la
décision 4es procès. La Goiit de c^ation a déclaré en censée
ijuence « que le rapport doit faire connaître à la Cour tous lai
docame^todç|lt se compose le dossier, sauf^ les apprécier ainaî
quedé droit ^» ; elle a ajouté « qu'il doit porter tant sur les nul^
tilia 4a ia {MTO^durç eties questions préjudicielles que sur la
aalur^et leacirconsti^nces (tu délit déféré à U justice oorrec-s
lioundle^ qu'en eiïeti les unes et les autres u'ont pa^ moini
« Citt. IV Juin. 48M,r8pp. U. Lackèse. J. P., L V. hi^
' Cm. ItS oct. ia07. rappM. Vergèt. J. P., t. VI, p.3a4f tS avril iaatr,
rapp. M, Vojsin de Gsjtsm^ fiull. n. iSd; i4 avril i84|i, r«pp. Itft Bfl^
rones, 0.118; SjaoT. 1847, rapp. M. Vinceas Si-Laurent, n. t.
* GèM, XI août 1847, rapp. M. Barennes. Bull. n. 198; et Coof. caM. 29
sept. 1830, rapp. MU Aumoat. J. P.. t. &YI, p. 168; IQ jdUlet 1845, f&pp.
y. Rocher. Bail. n. 22$; 22 mai 1856» rapp. M. Npqguier« 0. laa.
«Voy. DoUeL VU, p,6&^
*Gtf^ Il gct, caiit rapp. M, ViaccQ» Sl-Ua Vit{\. PuU. n. 304.
408. ^ nis TiiiBmux coauccTKWiiBLS.
be^in dti l'examen firèilable do ni^gistrat chargé par la loi
d'éclairer hàHb^i ^u Enfio elle a posé, en termes gnénéraiii,
M qae le. irapporft doit<èbneeomptet^QréeIairer h r^ligibh 3cs
juges d:apf^ *.» Il soffirait d*aii»eursqu'tl fàf consfèté h t)jû^
a é\é doMèléotoreéa toi^ea^ le» pièces de la procédure,» pour
qf^\\ /Mi stftiaiakam prei;cr)pUons de Tart. 20^ *. ' ' '
. Les notes tenues par le greffier de f* instance -font-^lles
nécefliMiireniaot partie de ces pièceg ? H a Mé décidé « mi^il
n'est BvMw^Êà preiorit qoe le» noies tenues par lé' gtèffter^
ii',8iii|ioi)«e du Iribmal eorretfiontid inférieur, des pttmt-
liaks. déclarations fies témoiiie entipodus , notes destfViééiiè
{acililarie rapportdii jui^coaiimasaireet h éclairer au be'S(nn
U r^ligioa 4o8 jo^s 4*appei , «eront lues 6 ^n atidièhcé ^. »
Gep<^i4aiit si lesitémeinsiciis^niènnes^ttë sont pas entetidti^en
appel, îlealftifficile deme fM» considérer leurs dépositions en
fireiDiére inrtance retenoes' parie greffier, comitie uit des
princifauxéiéiDenltidu ppoaès^ il MnvMe dom^ néoesânire de
les comprendpedapis le rapport; 'Il (aat remarqutfr d'ailleurs
que lea partie» ne «onnaissent pointées notes, pui^qu^il n'en
fist.poitttdoBiié leeUire^ettpmmiéreinUanceyde sorte qWele pro-
cès pourrait être jugé sur des aptères qui demeureraient voi-
lées à leurs yeux, et dent elles ne pourraient ni diéèloterMes
ternies ni relever les mcxaotiiodéa. Le droit de la dëfertMT et
rintérét de la justioenous paraissent doncetigereeK^ lecture,
tomtesles fois que Jes témoins n'étant pas appelés, elleftuppke
à leurs dépositions»
Il yaurait cependant lieu de finVe ei^eplion diftts'leea^
oii h prévenu s'opposerait lui-»méme à celte lecture^ en
vertu des dispositions de Tart. i56, rendues communes aux
matières cornedioBBeiles par les art; 189 et ^11. Ge point a
été reconnu ipar un arrêt qui porte «que la disposit?6n de
l'art. 159, étant générale et absolue, s'applique tout aussi
bicA etpar Je» mêmes raisons à lalect^é dè^* notés UUi au-
raient pu. être retenues dans rinutructîon de p*rMiier« it^s*
taacei où le prévenu a fait défaut, qu'è la dépositioef orale
elle-mémei dans les débats sur Tappei ; d'oùil suit quie lejo-
gementattaqué, en décidant, sur les conclusions de l'appelant,
et sans égard aux réquisitions contraires du ministère pu-
* Ca». 6 féT. 1847, rapp» M. Isambert. BulK n. 2a.
C S ^* ta janv. 4887, rapp. M. Hocher. BaU. n, 2i,
* CaiB. ià ^^^- 1855, rapp. M. Plougoulm. Bail. n. 40.
* Cas8. it^^ i840, rapp. M. MeyroDoet SC-Marc. BulU n. S70.
DK l'aPFEL AEfl JUGEMENTS COIliECTIOSNKL$. $ 578, ^09
blic, que celte ieptwe n'umit point lira, s'est également
coiîfcniié «tt texte et à IWsprit dudît aftiefe i . » I|= yintjitnh
heii^eip^ de I^ireijqcope exception 4 l'^rtiurtl imUèûo^
5|lipp& qiw seraient frap^s de nuilké; car, t on nepétft
"l^î? W«Ç. da«^:i«>iug€bene d'auotin texte déehré nul et
leièié^u jprp^ %, » Néanmoiiis, daoa une ea)ôce oà le pi'é-
Tenu s;était opposé i h leciare ^o Ja déposition de la partio
cwile, il a été,d(éçidéflue c'était à bon drait qne tejwge d'ap-
pçlp repoussant ces conclusions^ avait ordonné cette lecture :
«attendu que le rapport doit être complet poor édalrer Ie9
J"«Ç?P «iPel f q^e ia nullité même dont serait infectée une
P9^li.^ 4e Ja. procédure et qui reOécUrattsar la sentence sou*
jwse à >ur décision, impose au rapporteur l'obligation de
faire connaître ep leur ontier txms les itocumeiits qui s*t
rapportent; qu'il résulte i>toiremeAt dos motifs de Tarrôtat-
Uquôque laCour n a entendu attribuer à'Ia déposition dont
lUuj aYnit été donné lecture d'autre importance que celle
d'un sinple renseignemanil émané d'une partie intéressée
(Jau? la cause *. » Maisee dernier arrél, qui se fonde sur ce
(jue certains témoignages pourraient être reçus en matière
correetionuelle à titre de renseignements est contraire à la
•iodrine que nous avons précédemment exposée 4.
M question s'e^t élevée de savoir si le rapporteur doit né-
«ssai^emcnt. après avoir faitaon rapport, siéger à l'audience
où Vaffaire est jugée au fond^^t la solution a été affirmative :
f «ttendu que des dispositions des art. 209 et 210, il résulte
'iue le rapport de Taffaire doit être fait par Tun des juges, et
que le rapporteur doit émettre son opinion après les débats ;
li'oùil suit que le rapporteur doit, d une part, être apte à
coucowr comme juge â la décision, et, d'autre part, y con-
courir effectivement ; que ces dispositions sont d'aJIIeurôcon-
foraws aux règles {podamentales qui concernent les affaires
iugées: sur rapport, et auxquelles se réfère Tart. 35, § 3, du
ilêe. d« 30 mars 180*; que le rapport est une formalité subs-
Uotietlç iutiéressaol directement la manifestation de la vérité,
«iais qu'il ne constitue pas seul l'oHîce du rapporteur, dont le
^vcDurs est un élément spécial et nécessaire de la oonîposi-
é
* Cm ai Ju». 1189, rapp. M. Rîves* /. P., t. XXIW, p. 758.
'Cassw ii prairial an ii, rapp. M. Lapoule. Dali, v* Inst criin.
' Cass. 19 jan?. IS87, rapp. M. Rocher. Butl« Q« 21.
*Voy. I. va, p. 698 01701
iiO VES TftlRUNAUX COftHCCTlOMNEUk
tioQ régulière et légale ée la jwidictiûn qui Mt sMuer *. >
Toutefois, eu cas d'efiipècheinent , un doutmmi tsf^puaiteor
{Murrail ktetomaak.^ mm alors uo uouymu n|)porl 4mH\\
4treCait.
Tf^ L'aM. filt) eA ainsi conçu : « A la suite du rapport, et
tSmtA <)6è lé rapporteur et les juges émettent leui* opinion, li*
)>réveiAi, soitqu^il ait été acquitté, soît qu'il ait été condwmê,
lès perednnes civilement responsables du délit, la partie ci-
i/Ae et le procureur impérial « seront entendus dans la forme
et dans l'ordre prescrits par Part. 190. »
On pourrait relever une sorte de contradiction entre cet
brtide et Tart. 190 auquel il renvoie ; car il place iWdition
iiu )prévent>, et par conséquent son interrogatoire, à la suite
du rapport, tandis que Tart. 190 ne le place qu^à la suito
desd^srtionsdes témoins. Mais nous avons déjà remarque
que l^ordre tracé par la loi n'est point prescrit à peine de
if^ullité et n*a point d'importance réelle : les tribunaux peu-
Vent donc , dons Tintérèl de Tinstruction, s'en écarter *.
La seule question qui se présente ici relativement à la pro-
cédure d'^appel est de savoir si le prévenu doit y être interroge.
La jurisprudence a considéré cette forme comme purement
facultative» quand elle a déjà été accomplie en première ins-
tance et qu'aucune réclamation ne s^éléve à cet égard. Ainsi,
la €our de cassation a successivement rejeté les pourvois
fondés sur Vomission de Tinterrogatoire en appel : 1^ « sur
ce que les prévenus ont été interrogés h Taudierfce du tribu-
nal correctionnel ; qu'ils n ont pas demandée être interrogés
de nouveau devant le tribunal d'appel, et que buile loi ne
prescrit Vobllgation â'un nouvel interrogatoire en appel après
qu'il a eu lieu régulièrement devant le tribunal de preniiéro
instance ' »; 2^ « que celte formalité peut être négligée en
appel, lorsque Tinterrogatoire n'est réclamé ni par le miuis-
tère public, ni par 1^ partie lésée ^ ,<» ; 3* enfin» a que la fer-
malilé de Vinterrûgatoire n'est pas prescrite à peine ae nullité
par Tart. ^90» et que la nullité ne peut être suppléée qu'au-
tant qu^ila été porté atteinte au droit de la défense ^. • Bc-
t Cai8« s dèc. 1854, rapp. M. Séiiéca.Biai. a. 8M. .
s VoY. I. VII« p. VU et Gass» 37 Janv. id4f, rt^. M* I^ÉArort I. cr.
' Cass. 7 jaoT. 1837. rapp, M. Voysin de Gartempe. Bull, o. 8.
* Casa. SSiulii. i64Si npp. Bf. Isambéru Dail). iS, I, 81^
* Cass, 9 Juili. 1888, rapp« Bf« Isambert BilU.a. )II8,
»B L*AppiL t/t^ JTnsnnmTS tOKftrCTiON.^Ets. § 578. 4 H
mtufMiik dHAéH <}iié, fHpM^ cëUè niHsprudeht^e më^nb^ce
fl^Me<|lft l^rs^ttë nilferr6gat»tt« H tlèjli éfté iM ^A j^rémièff ë
iiMifieft«ti(Bé te rapport a pu le ftfr« eôBtlAttte, ()il'tl ée6^
4'étre oMiganriTé, pottrtu d'àîHciiN Iqnë l\? préV(!tili lil 1c ml-
niiMm puMic oe le d^a^tiebt pa^, %t ^taftll l^àè ^ôn othiB-
émB^«it{NiiMiire &U défebsé; H a|^j^aftteftt àtt^i^ aA jtl]{(B
fâppél d'appréciet $'» <^t inutile il\K lé tiWtï. Vt^ tette
rt|^0ième^ qtol aè ft'eat établie p&U I pea que ^r ne pas
trop mnit^ier lés holHtés de procédui^, ne doit paà étit l¥op
Kttéralélnent appliquée. Il n*ést pas Trat^ quôftjn'uh arrêt l'ait
dédart, t que cette formalité de rifcitenro^Mfrtt ne tienne
psi wantteUement au droit de la défenÉs et qu^clle ne aoit
qu'an moyeu d'instruclion ^ » ; nous avons démontré qlï^
i'ioterrogatoire du prévenu est à la fois un mToyen d'instrtic-
tioD et nu moyen de défense ^ -, or si rjottaissfOR du moyen
d'iastruetion n^emporte aucune nullité, puisqull apbàrtient
ain îttges d'écarter tes moyens d'instruction dont remploi
leur parait inatile, il n^en est plo^ âa tnéine h Tégârd du
Boy«n de défend dont le prévenu M peok fttre arbiiraire-
meni privé. Ainsi, en tbè^e générale, rintéhiogâtoit'e, foin
fèCre restreint à certains cas, doit éité considéré cohinlie une
aesQxe de droit commun et être pratiqué dans tous lès cas ;
et ai son omission ou plutôt Totnission de sa constatation
a^eamorte pas nullité, c'e^ seulement forsque les intérêts de
li défense ou de Faction publique n*ont pu en éprouver au-
CQn préjudice.
Y. L'art. 190, auquel renvoie Tart. 210^ porte qu'après
reipo6itik>n de Tafluire, a les témoins pour et contre seront
entendus, s'il y a lieu, if
Les règles et les formes relatives à l'audition dos témoins:
sont kii mêmes en appel qu^en première instance *• Nous n'a-
vons donc point à les reproduire.
Nous nous attacherons seulement à quelques poinlsqui con-
cetntèht'^éci&rèmentVe juge d'appel.
L'aàdilion dés témoins i/est point, en général, indispan-
sable *càu»Bd*appeL L'art. 211 déclare que « lés disposi-
tions des articles orécédents sur la nature des preuves seront
comtnûnès aux jugements rendus sur appel. » Or, d'une part,
l'art. 175, relatif à Tappel des jugements de police, porte
• Cais. H stpL iSAO* nppi iL MtSjroham. St-Uiftre. Bail* H* «70.
I Voy. U V, p, 699,— • Voy. t VII, p. 688.
ilâ DES TRIBUNAU K COAftKCTIOKMCU,
que « lorsque, sur l'appel , le procureur iinp4riil ou Tuoe des
parties le requerra, les témoins pourront être entendus de
nouveau, et il pourra même en être entendu d'autres a ; et»
d'une autre part, Part. 190 dispose que u les témoins pour et
contre seront entendus, s*il y a lieu. » Peut-être ces disposi**
tions devraient-elles, en appel aussi bien qu'en première ins-
tance, être entendues dans le sens et appliquées avec les lî*
miles qui ont été précédemment établies ' . Mais on a pensé,
pour Taudition des témoins comme pour Tinterrogatoirc du
prévenu, que, lorsque Taudilion a eu lieu en première ins-
tance, il y a moins de nécessité à ce qu'elle soit réitérée en
appel ; que les notes d'audience et le rapport du juge-oom-
missaire peuvent, par leur analyse, la suppléer jusqu'à un
certain point, et que rinstruetion, purement orale devant le
premier le juge, doit, à raison des distances et des frais, se
modifier devant le juge- d'appel et prendre s'il n'en résulte
pas de préjudice pour la justice, le caractère d'un débat sur
pièces écrites.G'estd'après cette doctrine que la chambre cri-
minelle a jugé « qu'aucun article de loi n'oblige lesjuges cor-
rectionnels d'entendre derechef en appel les témoins déjà en-
tendus en première instance; qu'à cet égard, les ait. 175 et
J76 laissent aux juges d'appel en matière correctionnelle une
faculté purrment discrétionnaire; que,d'dprès l'ai 1.153 rendu
commun par l'art. 189 aux matières correctionnelles, le
greilier doit, lors du jugement de première instance, tenir
note du serment des témoins, de leurs noms et prénoms,
ainsi que de leurs principales déclarations; que c'est sur ces
éléments de l'instruction orale, ainsi recueillis et constatés,
pour servir d'éléments de conviction au tribunal supérieur
•au cas d'appel que ce tribunal doit prononcer sur le bien ou
'le mal jugé du tribunal de première instance, lorsqu'il ne
«croit pas convenable d'entendre de nouveau les mêmes té-
moins '. 0
Cette jurisprudence, il faut le reconnaître, trouve un ap-
pui nouveau dans la loi du 13 juin 1856 qui,* en transportant
tous les appels correctionnels aux cours impériales, a prescrit
que les notes d'audience retiendraient les déclarations des té*
moins et les réponses du prévenu, et qu't iles seraient visées
< T. VII, p. 558.
* Caw. h août iSSO, nipp. M. OiIWier. J. P., I, XVI, p. 90, -- ^T. Vif,
p. 70U.
ht l'aPPKL des jugement:» CORRKt^TIOMNlLS. §. ^78. 14 S
par ff président *. C'est pour suppléer aux dépositions orales
devenues plus difficiles è raison de la distance plus grande
qui sépare le premier juge du juge d'appel, que la loi nou-
velle a voulu impriner aux notes d*audienre, qui sont une
sorte de procès-verbal du premier débat, un développement
plus étendu, une authenticité plus marquée. Nous le consta-
tons avec regret, car il ne nous semble pas que les jugements
sur pièces vaillent les jugements rendus sur un débat oral,
que l'analyse des témoignages puisse remplacer les témoigna-r
jes eux-mêmes , et que des preuves ainsi aiïaiblies puissent
conduire à une bonne justice. Elle vient élargir encore la
?oie dangereuse où la jurisprudence s^était déjà engagée : en
généralisant et en rendant plus certaine la constatation des
premières dépositions, elle déclare en quelque sorte Tinuti-
iitédu transport des mémos témoins en appol ; en fournissant
na juge un moyen plus ellicuce de les remplacer, elle semble
l'inviter è ne pas les appeler. Néanmoins, il he Taut pas exa-
îçcror la portée de celte disposition : si le législateur a prévu
que les notes d'audience suppléeraient plus fréquemment les
lémoignages, et s'il a voulu ajouter à ce procès- verbal de non-
U'ilcs garanties de vérité, il n'a point modifié les règles rela-
tives à l'admission des preuves; il n'a point reslreint le pou-
voir du juge d'appel d'ord»»nner la comparution personnelle
(ies lé.noins. Le droit de la juridiction ost le même, et son
• xercice rencontre seulement quelques entraves de plus qui
logènentsans doute, mais sans le délruire.iilnnn,ce droit cesse
même d'étrediscrétionnaire.comfne on le verra tout à rheure,
si Tandition n*a été ni oITorlc ni reijuise en première ins-
Ui)ce,et que sa production rentre dans les lermesde l'art. 154.
Le juge d'appel n'est donc pas tenu d'entendre les témoins
que le prévenu ou la partie civile demandent à faire citer:
«attendu que de la combinaison des art. 153, 175, 190,
'-209, 210 et 211, il résulte qu'en matière correctionnelle la
juridiction supérieure n'est tenue d'entendre ni les témoins
qui ont déposé devant les premiers juges, ni les nouveaux té-
moins que le prévenu demande à produire ; qu'il lui appartient
<lc reconnaître et de décider si les notes tenues à l'audience
p^u le greffier, conformément aux art. 155 et 189, présentent
de suffisantes garanties d'exactitude et de iidélité ; que la né-
cessité ou l'opportunité d'entendre de nouveau les témoins,
pour arriver à la manifestation de la vérité, rentrent dans son
» Voy. T. Vir, p. 53 'i.
VIII. ^
114 .*■-;■■ 1>BS TRlfeUHAOX CMKBGTIONNELS.
tor lâ'HOiBbrei daifc^édA<>ins qu*U jag« nécessaire dVnlMdr»].
l\ lï'e^ pus tenu non pl»^ d'etvtendfe ïta iéimrins -^ipe-le
jMtfUre pubiio a (ait assigner : fcaUeircki qslie i!ar1v&36,
loin d'imposer au3( UibuniMijL correctîoBn«b T^ibligtltoo dîaQ-
tendre derechef eo appel les témoins déjà enteaduâ en pre-
mière instance» ne fait que leur en accorder la faculté i.qtic
dè$ lors c'est à ces tribunaux qu'il appartient d'apprécier ks
motifs qui peuvent déterminer Padoption de cette nsesuic,
el que de cette appréciation ne saurait résulter ouverti^reà
cassation^. » Toutefois, s'il peut refuser dé tes enteodrc
parce qu'il se trouve suffisamment éclairé , il ne le ffoimf^^^
sous le prétexte que la partie publique n'aurait pas deinandc
Vautorisationde les assigner, puisque cette autorisation oc
lui est pas nécessaire ^.
Mais le juge d'appel conserve en mémi^ temps, ainsi qu^n
Fa vu» le pouvoir d'ordonner, sur la demande des p«r^*s,
l'audition des témoins qui ont été entendus en première in-
stance ou même de témoins nouveaux. G^est la dispositibo
formelle des art. 175 et 211 : c'est rutililé ou l'inuUUtè.de
la preuve qui doit motiver son admission ou son rejet, lisuflit
que sa production puisée éclairer le juge, pour qu'il soil de
de son devoir de l'ordonner ^.
11 peut d'ailleurs l'ordonner même d'oiBce et sans qu'elle
ail été ni proposée ni requise par les parties ; car c'est le droit
de toute juridiction de prendre toutes les mesures nécessaires
pour rêclaiier qui sont autorisées par ia loi, II a été jugé
dans ce sens « qu'aucune loi ne prohibe aux Cours et tribu-
naux jugeant bur appel en matière correctionnelle d'ordonner
d^office l'audition des témoins qui avaient été entendus devant
le tribunal correctionnel inférieur, ou même de nouveaux
témoins non encore ouJs, toutes les fois qu'ils jugeai a*s
nouvelles instructions nécessaires à la découverte de la vérité
* Cass, 13 nov, 1858, rapp. M, Aug. Moreau. Bull, o* 551 1 el
I janv. 1685, rapp. M. ViDctD« Si-Laurent. Bull. n. 46: 22 juili. 1857,
rapp. M.Vojrsiu de Gaitempe. Bull, n. 2ia ; S sepL ISdl.raiiii. Ii.۔iibert de
Voisins J. P., U XXIV, p, 232.
' Cass, 27 juin 18A6, rapp, M. Isambert. Bull. n. 167.
» Cass. 2aoûl 1821. rapp. M. OUivier. J.P.,l.XVI, L 82ai24septii831.
"•«PP?,?*/ ^^'^i^^i"» t. XXIV, p. 256; 2ô i»v. 182é, rapp, M. de Cacdmine!.
• XVIII, p.1187. ,
^MèflMi an6is«
• Can. 10 ft?. i 826. rapp. M, OlIWer, /, P., t. XIX, p. 233.
DE L^VPFL BEf JVCriEKTI CORRECTI(Hf:<tLft. $. 57S. il 5
et Qtil^pauréclalrer leur coiifcioncc' . » Ils peuvent eaooro,
par niiplicatioii delà fnème règle, ordonner une information
lopplémentaire et par écrit, s'ils ne trouvent pas que Hafor-
maiioD déjà fiMte soit saffisante ' : ils ont à cet égard le nème
pouvoir 4|tte les joge» de première instance *.
11 est taènne un cas où le juge d'appel est tenu d'ordonner
Paoditkm Âe$ téaiolns : c'est lorsque cette preuve n'a pas été
DuUs en première instance et qu'elle est proposée à déEaat <mi
en càs'de ndHité du procès-verbal ; le juge d^appet se trouve
etteBet, enfacdde cette demande, dans le cas prévu par
rart.i54,etil a été décidé, avec r/uson, « que les moyens de
preuve peuvent être suppléés en toui état de cause; qu'ils
D'altèi«nt pas la demande primitive ; qu'ils n'ont pour objet
que de rétablir ; que l'audition de témoins, quoique non le-
quise ou offerte eu première instance, peut donc être deosAB*
dée en cause d^appel, et qu^clle y doit être admise si elle
paraît utile i l'instruction de la cause ; que l'art. 15&., qui
prescrit que les délits seront prouvés par témoins, à déraut
de procès-verbanx ou rapports^ ou à leur appui, est conçu
d'une manière générale ; que sa disposition s'applique à Tin-
struction en cause d'appel comme à celle qui peut être faite
en première instance ; que l'art. 175» qui donne aux tribu-
naux d'appel le droit d'accorder ou de refuser l'audition de
témoins non produits en première instance, est relatif au cas
oà, en première instance, il y a eu des témoins entendus;
quH ne modifie donc pas la disposition de l'art. 154 pour le
eas ûi la preuve testimoniale n'a pas été employée devant
les premiers juges <. » il suit de là que « si , lorsqu'à défaut
de procés-vcrbai qui constate le délit, il n'a pas été entendu
de témoins en première instance, les juges d'appel uc peu-
i^enl se refuser à admettre la preuve testimoniale qui leur est
offerte par la partie poursuivante *• »
Usttît de ce qui précède, l© que la preuve testtînoniale,
offerte en cause d'appel, en vertu des art. 15<^, 199 et 411,
ne peut être refusée qu'autant qu'elle estjugée inutile jd'où
> Ca«. 30 nov« iSSS, r^pp. M. Meyronnet St-SI «rc. J, P.» t XXIV,
1.4602 ; 37 mars 1850. rapp. M. JaUoii. BuU. n. iâO.
^ CasB. 49 mare 1825, rapp. M, Basire. J. P., U XIX, p. 819.
•Voy. l.VH, p. 75ft.
* Cass. 8 &T. 1820, rapp. M. Bufschop. !• P.» t XV, p. 75S«
* Cask 16 déc 1835, rapp. M. Cboppia. J. P.» t XIX, p. iOi6 ; 14 ocU
ISM, rapp. M. Gary, t, XX, p. 886.
110 DM TKlBlJIfAIIX rûlRECTlONNELS.
]k conséquence qu'en la VVpôtiBSant par fttndqUé rtiôCf qu'elle
n'^viiitspdiitti été offerte en première instante, ^èjogS'cT^)^
créerait contre l'exercice d un droit qui appartieiit.l^Kgblîm^
«Mmt M%' pâHfes une Gh46 |i6q<«^rceevoif cpi'autune Mv/au-
lO^i^*: ; 2^ c|uèf si^ lé ministère pubiicy an lien (to'bîmcMr
^è^Mn^vik' tëmtri^s/sebbiifiëç »près le rapport de^lMittr^,
A:é(»ifMmAéff q^i^éiiâ^Mit'^fti^vblf^^ i qîiinsatne p0«irites(t«^
eufdnétfe; vl entre d«n»lêK sdtvtbiitiMs en fbge é'ttbfsordttîoti
de réfof9érofi renvoi', s^tcirtt que' ilnbtruci^ii tôt padttieoiip.
plète ou incomplète ' ;'3<' que* le juge qoîiacittiriseiiM \fsi6k
i' prédire die mouveifox lémoiii»^ peut m «léiileeetnpjior*
donner, pour ne pas être indiéi cn^rreiir'par^iin démt'it^
«ompleil, que leâ tèntmi»déîà «ntendiiK en premiéfeitmtiamce
setmt i ift fois ap|>e|és ideratitiliM : ^1 ne f^it ^ta oeU qd'c»0r
du droit incontestable qui lui apfwrtient de s^édwire? ^par
toutes les voies légales^. -;i :
Le juge d'appel qui ordonne d'dffîce que les (èmoJtti ^-
font appelés^ dfôit ajôutelr qu'ils seront assignés à la reqâête
du rnrnistère public : cette disposition n'a point pour efifel) dé
modifier nfnputatîbn des frais, puîsqu^Hs sont nécessairàh^t
mk à la charge de la partie qui succombe eh délkiHivé ^. Mais
ai cette rticsurc est prescrite sur les conctusions des |>réf ènus
ou de ïa partie civile, c'est à la requête et atix Trais' il^ ces
parties que t'assigtialion doit être farte ^. Le juge ne podrrs^t
imposer à une partie la diarge de produire à ses frais fes té^
moins désignés par une auire parité*. Il dort d'ailleurs, cù
Celte matière^ observer cette régie générale, porte pèr on
arrêt qui vient d'être èité,« que si ta crainte d'occasiènner
des frais dort rendire les tribunaux |))us difficiles pour ordM*
ncr la réaudition dos témoins entendus, ^He ne peut ^pen-
dant les ehîpêcHèr d^^cctieiHîr éeUe nfwsuro qua^d eWé c»t
indlspeflrsrfble p6\xt ta découverte do la vérité 7. »
Yl. L'art.;S^10 po^le 4]«eK le préveau, Jeg peifipnn^ qivi?
lemiefil re»s|ioi^si»btea, U|i<irl,i^jçivile et le pniciireiMrvnp^fial:
^ ^ Cbmu h jam.ISft^. rdpp» M* Vineens St-Laureot Bull.' ii« il}. • ' i r. , •.
* Cbw. 25 déc. i845, rapp. M, dç Çroiweilbes BvèU n. a??^ . .
* Cass. Si janv. 1835, rapp. M.* Vtncens St-taurent. Butf. nv ]|6.
* Cass. 80 no?. i83î, rapp. M. Meyronnet St-Marc. J. P„ l. XXJ,
p. 1602.
.•.Cas?. 5 juin 1B2«, rapp. M, de Cardonnel, J. P' t. XX î, p. j5îi •
« Ml^toft arrôt. ':»..»«
' Voy. nos S 501, 561 et 56*^. t. Vlï, |>. 7^7 et itrit. ""1^
ierfi1<6qtep409'idanfelâ totêmat é^m. Tordes, |N:«wîta par
- lfa»ttS(«vom;)eifasi,.M expItqMQi i «ft. 190, U». forum
flet^cniKdiiiicnmiQl.'plaiddîrper.ilêfl p«riies et les j-ègle» qui
légiilMVieeHe^phsso de i^kiçtrimlioo S -ISo^ iAisejfi\f}ktjiom.i'9tlfif
fikl\\mUm^ éébtis dp Tappel a«M$i bîeiit<|tf ».ceux 4» pTe^
«li^iifHitoliceL I) fi» <»t'«f}oorB ainsi iiqur tout ce qm ooo^
Mfiierlm^ioiUite la dérénseV Tauditipn dumiaiOêre pu^
UitHi taiB fe^ ÎDCskJenla dd l'audiepce *.
. Jl fsstlK)utelbîs un de ces thcid^nU iqui 9ci rattache aMsIusi^
vftimiil a i'iDstniclkm SUT rappel*
tts'agîi de J'iotervenlion de la partie eÎYila. 11 est de règle
que taptaignattt^ qui nea'esi pas porté partie civile en pre«-
nièrekiatoiice» est non rocevable à întetTeair sur l'appel, et
la raison en a été donnée par un arrêt qui déclare « que
çe$ wQts\da Tart* 67 • en tout état de cause jusqu'à la clô-
ture des, débata, i ne doivent s'enleaJre, en matière correc-
tioDoelie, qijede ia cause instruite en première instance; quç
rexefcic9 du droit accordé aux plaignants ne peut être étendu
i Ja cause d*appel, l'appel relevé par le ministère public ou
|Mir iç prévenu ne pouvant profiter aux plaignants pour leur^
ifltérMkdviJs ^ qu'il ne. peut, en effet, dépendre d'eux de pri-
vwJe jvfévanu d'un premier degré de juridiction sur la ques-
tion dfS9.voir s'il estdiSi dfs dommages-intérêts et quelle est
letir. quotité ; -que le jugement de première instaure > dans
lequel., le {>la}gnant n'a figuré qu'en cette' qualité, sans ré*
<:lamer aomme partie civile, a tout terminé df^vant la juridic-
tiaa correctionnelle à l'égard des dommages-intérêts >, v Ët^
ea effi^, k^ deux, degrés de juridiction constituent pour le
prévenu uo droit dont il doit jouir tant sous le rapport de
l'application de la pein« que sous celui des dommages-inté-
rêts; après le jugement de première instance, les choses ne
sofiftdotie ffUii etitîèreé ; )ê ttrocès d>oit finir cortimfe il a eom
meaèé/ê^est^'iHlîrê, avec le mmi^tère publie seul, et celui
qui 5e prétend lésé ne peut plus agir que par action séparée
devant la juridi^tâon civife. Il en serait ainsi lors mémeqne
le prév^nu^edt fait défaut en prctniérê instance^ ear ce début
*T,ro,p.7aaftMiiT.
'T. tli, p. liai etCass. 32 nai 18A1, rapp. Mf. IsamberU Bull. d. 150 {
SjaoT. 1S&7» rapp. U. Yinceos St«Laureiit. BuJU d. 2.
•T.YU,p.754.
' Cais. )&iDai 1889» rapp. M. Ricard, J. P., t, X\V, ^ S03,
H 6 BBl TMWIIÀUS COMLECTK)ItNll.t.
n'empèehe pas le plaignant de se présenter peur conserver
aes-intéréte civife et épuiser le premier degré dejuridiotioii\
VU. Los règles relatives à la rédaction et anx formes <fcs.
jugements rendus par les tribunaux correctionnels s'applt-.-
Juent aux arrêts rendus sur appel. Nous ne reproduirons
onc point les observations qui font Tobjot du chap. Vi du
présent livre '. Nous nous bornerons à revenir sur quelques
points qui présentent dans ces arrêts un caractère purticultér»
Nous parlerons d'abord de leurs motifs. La régie qui veol
que tous les jugements et arrêts soient motivés etcpie ■•«§
avons appliquée aux jugements de première instance *y s'étend
nécessairement aux arrêts rendus sur appel. Mais la réda»*.
tion des motifs peut n'être pas tout à fait la mène. -
En général^ le juge d'appel motive suffisamment un «erêt^
torsqu'en confirmant un jugement r^ulièrement roûiivé , A
déclare en adopter les motifs. Il s'approprie en efiet^ par ceite
déclaration^ la rédaction du premier juge, et si ceile déclanb
Uon est suffisante» sou arrêt, dans lequel elle est présumée
être insérée, se trouve suffisamment étajé.
Nous n'approuvons nullement» quant à nous, ce mode
sommaire de rédiger les jugements; il est plus ooituiiode et
donne moins de peine, cela est vrai ; mais il favorise et sert A
voiler le plus souvent Finerlie du juge d'appel , qui sentie se
hâter d'adoDter une décision toute faite pour ne pas avoff
l'embarras de la fairt. Cette formule est très expéilîtive ; nous
dirions volontiers qu'elle Test beaucoup trop : nom ne sao*
riona cacher la défiance que nous inspirent ces faciles saM*^
tioBs qui ne témoignent d'aucun travail et ne revêtent aucune
discussion. Sans doute on peut admettre que ies data «p*
préciations des mêmes faits soient tellement idontiques^M
i-une n ait rien à ajouter à fautre; mais, dans ce cas findiaé;
le juge ne doîtil pas aux justiciables la preuve qu'il a fait
de Taffaire une sérieuse étude? El, au point de vue de Vàé^
ministration de la justice » ne serait-il pas utile que le juge
d 'appel ^comiue celui de première instance, fûitenu d'énoocer
lui-même les motifs personnels qui le portent à telle ou telle
solution? Hais la jurisprudence ne s^est point arrêtée à ces
objections ; une longue pratique a confirmé la formule lei
nulle difficulté ne peut désormais s'élever sur ce point.^ La
« Coss. 17 juin. 1841» rapp. M. Mériliiou. Bult. d« li).
• Voy. L Vil, i». 77S. — * Voj. U Vil, p. 78S.
w L*AppEL 011 /UQcnm coRMsnoMiftLs.. s. 578. 119
if^è'isfil qM 'a le jugemeoi eonfirinatif se lie à la «tiiteMa
co»firfflée<y dont les énoncialions et «ot^tataUon» deviftinenlt
(^aipae^.aw deux déci$ions et suffisent à la régularité de
. Toutefoi»! H iiii(K>rte que ief motifs des preniiero )yge»
»feit^ianB(tfUeineDt adoptés par Tat réi cM&rmalir : ainsi , il
te safiraîfifia^ nittf eet arrêt $e bornèt à Wfi viser, il faut qu'il
saWiaÉprapfi^ L*«nnulati9Dd*uii iirré^aétéeDOonséquenea,
Itrenoofiée^h^ att«ndtt ique si le. vu de» fûéces, (ait daoa Tacrét,
éMBce.ks motifs comme le diaposiUf du jugement de p^^^
nièce jostaoce^ rarcèla*a point déclaré qu'il adaptât cet
snlifs^ qne.dâs lor» il a yiolé l'ai t- T de la loi du 20 avrfl
1810 \ . Il ne JutBrait pas oou plus de déclarer que l.'appel
a^ pasfttsiifié*»oiB cette declttcaUon ne se réfère point aux
Aiotib doa pieiiiwrs.iog.es et n'en contient aucuns. Il ne su^
ftrait pas enfin de prononcer «que les premiers juges ont fai^
raeioste appliiatioa ie la loi aux faits par eux reconnue cona-
taits^l; » <te la mission du juge d^appel ne se borne pas k
apprécier l'application de la loi , il faut qu il vérifie en même
U»iM l'existence des faite qui servent de base à la poursuite.
L'strét qitt n'adopte les motifs des premiers juges que sur
Tan de ces pointa et qui nen donne aucuns sur Tautre, se
trouve donc, i l'égard de celui-ci , enfreindre la règle posée
parTart. 7de la loi du 20 avril 1810 ^ iMais il en sei'ait
autrement si le juge d appel avait motivé son arrêt en Jécla-
raet 4 que les premiers juges ont bien apprécié les faits et
appMflué la peine dans une juste mesure ^; » car cette décla-
»tieua»rte sur le droit et sur le fait, et adopte les motifs
d?s fiiAtnîers jiig«sflnr les deux points. Suffit-il que Tarrôt
décida «que des débats qui ont eu lieu devant les premiers
iageij it résulte que le prévenu a commis le délit qui lui ét^H
imputé? • ce point a été jugé affirmativement ; on peut pb-
jeaer, conformément à l'arrêt du !«' octobre 18fc0, ci-dessw
eilé, quoique dans un sens inverse, que si l'arrêt est motivé
en ce qui concerne l'existence du fait et la culpabilité du
prévenu, il ne l^est pas en ce qui touche l'application de la
' « tos. s déc. 4856, rapp. Caussiade Perceval. Bull. n. 390.
'«*Wél 43 jaot. 1S27. «pp. M. OUIvier, J. P.. l. XXÏ, p. k».
* Casa. 4 oct. 4840, rapp. M. Vincens^t-LaurenU Bull, d. 298.
• Cass. 47 juîll. i S5X rapp. M. NouguJer.
•Ca»8. 44 mai 4850, rapp. M. Aug. Moreau. BulKn. 455.
^^^ . .K\ ^ **-?? J'^W'^.^.*:'^ POWWf^îWïU^ jj.i.
„-,r .:-j-- ,l"g<;mfrn,t, jW de, l«. reqwftq
jusliliée-ï. /.Jl en spmt.f:ffpiii^nxA,fiuKcefi^(H4am ÂtHifl»*-'
Mai^ fe fQrwj)^; par laqwcilet I Vi^l Jie^^ JfefèrB^awt tnolife
des.prcmiçr^:jugçft rie $affiA:p)<pp loimii'il a^él^ prt»idtMâDfi4e '
effet, en s9^^^^çA^Iïj,.è4^eiu*f0ilM Jwwwde!*^ ■
pect nouveau de la cause, i'obligeiàt BÔCWsaajniiMBotrJb fartai-'
tuer explicitement, çuisque le preijiier jmgemei;^tauqf^ljjj«ft
réfère né renferme rivn â cet égard. Les arrêt» qui ^i^.n^.
connu ce point sont nombreux. Dans une^pèee oft le ppér .
venu avait pris é.n appel des coui^lu^iops eApresaçs^ t^d^Mt^ .
au sursis jusqu'après la dècisuïii d'une question J«;^uâipWl0, * ,
la Codr de cassation a prononcé Tannulation ,4e j'awét ,• .
« attendu que la Cour d appel devait repdrq surco ohefid^.
demande une décision motivée , ce qu ellea'a pas, j(aji.ptrif^ .
qu'elle a adopté purement et simplement les motifs du juge^i^ t
ment lôrs duqui»! la question de sgrsis n^avait pas ctjé ^ev^; .- '.
que, quaud bien même on pourrait dire qu'eii pron<viç«wit Ip • r.
condamnation au fond ta Cour a statué implicUement «ir./ja.. ;
demande en sursis, îl n*en faudrait pas moins recoan^UirVj^ .
sa décision à cet égard n'est pas motivée ^ 9 Dai^uçeaul^--
r r . 'H"*^;"^'^ïVdeqUi*MMCiitiOu.c^
ces-verb;?! et sur laquelle n'a paa été appçlô .('gx^pi'^ "
premiers juges, est tenue d'en motiver spéciarement la solu-
tion; que, en étendant à celte ^gluiion des rnptifs excl^^f^g^
* Ca*«:'4 0aoat4ë55, rapp. M. Ayfe. ï. cr, 1806. p. S^*: iîfmSrièsi' .
rapp. M. Isambcrt. Bull. n.l87; ej^i^vier W53, fapp. *L J^ljw?, ipSfli:; • '
J'i^.^ ï ^^ ^8^Vè noire tjppori. Bull. n. 59; 20 maV^ i^^\/j4pm *^ ' .-
11. RjTCS. Buli. n. 104. ^ ^^*^UP . i .-
» C»ss. à juin i836, rapp. M, Fi^élémi, Buîl. ù. bs. ' ' "l!! ""'':•
I
Bc L*APPii. mss 'itctutMfs cÔMiiimoKsvjè. §. i 78. lit
mmÊi^^fimUi^'i W'ïi^l()â(nTité do prévenu Sans son r«)j)port
8V0&'fttië;quàffi^.Mibil jbsqûe-lè ihcontestée , elle laisse incer-
tan>lb*ftfM de^ttihbirsi '^ liéafitè, cJRe a statué sur lescon-
ckÊfmiptiëèi ééVMt^^ket^ dans ce cas, sî elle les a rejoiéns
fUt^v^fëê^vAe épptédHaihïï souTcraine du fait, ou en vertu
de^fiiisItiéMitîèi^^ droit suseefitibles de révision et de con-
lrél0nMlei<Màtiftêr Idont Voti ieh termes priverait les parties
deftftîKtè <)q reèôttrs qtii lear est butert par la loi V » Dans
urtg-troigiaiftii' Hfpèco , Te ififmstère public avait pris des cé-
quisitioDS en appel tendantes à modifier Tapplication dé la
pciQ0y<e( teCoar #apfiel s'était bornée à' la simple adoption
cies.tiiotifedé8^preniierf9 jiigesy qtA né s^étaienC pas expliqués
sor-ttfonn^-IWétaété cassé, 4 attendu que cette prétention
ne p«ii«it' 6tre tégirfeiiient écartée que parsmHe de motifs
exprimés iahê hdéeisîon ^ >►
Toutéfoit, si le juge d'appel est tenu de s^expliquer sur les
coockisièiis , soit qu'elles soient principale^ , soit subsi-
diair»^, BoK méihe recôntentionnelles ^ , ce n'est qu'autant
qa'éHêi Ètmî expresses et produites avant l'arrêt qui statue
sur iefoad* Arasi il a été jugé, dans une espcce où Texcep-
tioD proposée aVait été rejetée sans motifs qui s!y référtissent j
« que le ibpyen tiré de 1 autorité de la chose jugée n'ayant
pas été' proposé dans des conclusions expresses, la Cour
n'^att pas dans l'obligation d'y statuer ^ • Ainsi» il a été
jugé «neere «|a*il n'est pas nécessaire d'expliquer le rejet
d'un moyen qui n'est indiqué que daus les motifs et non dans
le dispotttif des conclusions ^, ot il en est encore ainsi lors-
que lefnéf ti'est articulé que dans les notes ou mémoires des
partiM'tv «tiéfidu qu'on ne saurait considérer comme un
«teséiMiëiits juridiques de la procédure les actes ou mémoires
dansiemMb^ien dehors des conclusions mêmes,, le moyen a
^té ifrfiq^é V tfd'une telle indication ne peut avoir en droit
poureattèé^ébce d'obliger la Cour de s^explic^uer sur un chef
^ coh^IlttSètt dont elle n'^était pas légalement saisie "^^ »
* (M Hm. t848, rapp. Bt. Rodier. Bull. 11. 28.
'CasB. 8 mai 1850, rapp. M. Legagneur. Bull. n. ikk*
' CasB. )S jio?. 985S. rapp. M. Jalloa. BulL n.^81^ et oontGan. 29 aydl
i^2, ^ M. Bodier. Bull. n. 125.
' Ca«. « ittart 1850, rapp. M. Valsse. Bull. n. 98.
' Cas8.u r^T. 1855, rapp« M. PlougouUn. fiuJU n. 40 iconU 16 juin 185ft»
nPM;:ilttMi Bulf. n. 213.
Cui, isjaiiT. 1858, rapp, Jkf. Rives. BoU. D..11. .
C«i* 29 déc 185A. rapp. M, Nouguier. Bull. u. 358.
i9ï DBl'TfllMffACi^ C<Wlrt'CTfe.Nî*BLê. • ** '
AMisr; enfin, «i la produotien des ^oDClusiokM i/e9l^|)M %^
stMée i soit f«it leur ifisertiofi dans r«Tèt , 6Mt (Mr Imt
jdneiioi» et la ^^M qui en est h^c %ux pièces de la pt^èdort^
soit én6n pttr les documento de la eatise , ToUif cMMi^d^f
stolD^r n'existe plus '. . :* i : •;
' Lors inéifie qiïe les conclusions sont expréisèèftjt^oirtf'ifté
produite^ bvatu te jugement, il n'y a pas oWgdiï<fnihfiik\hi
tf7"rêpondre , 1*^ si l'exception qui en fait' rb^Jer-è^ fcof^'
fotfd atce les moyens du fond •; 2* si les prcrtieffîf'^ttcs
avaient néeessaireihent, quoique rn^pUcitement, statut^ Mtm
m^mes concfasîons^; "V s'il s*agit, par exemple en th^tjfèM de
cfmtre-façoo tndustrielhe, d'une exception de bonné'lWtWtit
le n^jf* est suflisanitnent mdtîvé (»ar fa dècll*«*fckî'"dte
L'arrêt rendu sur l'appel doit, en deuxième Iftlu^^tfSiiiéèr
dans son dispositif, cûmme le jugement de première bfÙ'nce,.
aux termes desait. i9K et 811, les faits dont Us pi^r^UneS
citées sont jugées coupable» oQ responsable^, la peiné H les
condamnaiioiia civiles. "-']
' Ceftle érioncialteii «t ttéeessaîtè; t»at « \e flcfoîPfhi juge
est de tnH^slaier dans sa dét^lston kd fbits r6sdUan('Ciiitdés
pffortiHieltoaitt que des dfcbérts, potit Idtir donner Wtii^îcfefràt?*
tèfe légM stii^ank fjettè conSUrt^tion \ % ft»t,éi\ efFët; lii
constatation que le dispositif donne aux faits qui eA'là' ^1^
el tft JuatifioaUeoëe l'applioaliou pénale; ie jug^ j quiAfie le
faH dottl il éêclate leg penomiei citées coupables et reapama*
bks i elfe a*e9l qu^après cette double déolanttiott,.q«*H,éa
dèittii taWMqueneeiB légale». Tautefois, il a étérecbnnu:
qw, il le premier jugement contienA t'éaotteÎBtMip^.éès
faites Tatrét peut, aané fioler TarU 19â, ae tHèitÊtpi^ièer
meni M aimptemetkt au jugécaént qu*il conâ^me ^atir cd
La cmidifninatfoo auï frais de Hapi^l doivne tiéb à'qÙM^
q««aobBèrvatiotfd. Dans te cas de oonfinnalion )>ûîrè ël sitn-
< Casa. S juin 1855» rtpp. M. Dehauuj. Bail. n. 19S,
■ Oassb 9 jittf « iaas, rappé M. de Ohm. Bufl. n. 6« ~ ' ^;^ '
' Casa. 4 uoy. 1053, à noU« rapport Bull. n. 5S9.
• Cass. i jùill. 1852, rapp. M. de Glos. Bull. u. 218.
• Ga98» 18 réf. 185i, rapp» M* FoQchar. BiUl. xu. éS» . i . « -
• Cass. 5 jain 1851» rapp. It da BoMoaik Bttll» iir ia6i»
DB l'aM>EL die» JUQSUDITS GOAMSfiVtOinWi.». §. 578. \9Zl
fk d« ^€i|iîer j^g«meDt, le prévofw, qui n!« |ms^ ippel^ k.
peat èlro'GWdamné à supporter, ces frak; car, soît qq^l tit^
OQ Dpii.5QC€Ofnbé en première instance^ il suffit qu'il iiml pwj
succombé sur Tappei^ pour qu'il ne puisse eu encouric les CraJK <
Uq arrêt des chambres, réunies a jugé daD$ ce sçfia, <Kmteai-<fs
rement à une jurisprudence antérieure \ « que si, d'après ce
qui est prescrit par les art. 194 et 211 du C. d'intr. cr; ej
par Tarf.. 156 du décret du 18 juin 1811, toult individu
(^odamné pour crime ou délit doit Tétre par suite aux frfùs^r
ïïJ^ etiVçjrs.tâ partie publique, i! n*ê^ peut être iWi^jt q^i».
le coo^inbë par un jugement de preouère instance qui u^
s*esipoiDt ^rt)fe a^lan^, doive, dans le ea»df confinnatioa
(lodit JB^emprt, supporter ony/çF^s^ Bunîstère puW»c tes. frais
(Pun appel inal fondé interjeté par ce dernier en verUi de U.
faculté qui lui en est conférée par la loi; que ce serait donner
à la loi une éiiension qui n'est point dans les telrmes sciem-
mppt entendus des articles cités, et qui serait d'ailleurs en
contradiction avec les principes généraux sur le règlement
desdépens * ».
Si le prévenu a lui-même interjeté appel, lea frais sont à
sa ckaV;ge, soit que. son sort ait été aggravé sur cet appel, soit
que la peioeait été diminuée; car, malg^ré cette réduction de
la peine, la condamnation dont il provoquait la réforme a été
BDfin, aux cçroies de l'art.' iftfrv re^du commun aux juge^'
nieiils Tendus »iir appel par Tari. 911, le texte de ta lot ap«^
pliquéeidoit èlre lu à Taudienceet il en doit être feitmei^
tion daas le jugonientcni^e texte 4oitélfe inséré. Mais il aèté
ad«iis!|iav4o junispràiifiice que. lorsque te jugement de pre^?
mièt«,ii8t8fice constate la lecture à F^udieiieepdr le piési-'
dent des avtielea de la loi pénale^ dont il a^été faitapplroation, •
et que ces articles y ont été régulièrement transcrits, le jug«-.
meoL^^^^Bur apfel, qui a confirmé purement el simpk'mient
cfiHftprefi»j^rc>'^^isioD, n'a. pas besoin de citer de nouvew
les mêmes articles et d*en ordonner une nouvelle transcrip-
JJ^^' ^*« ** "«* ISia, Si déc 1813, 4 sept. 1834, 14 J«pL
1824, etc.
^ *Cai8, du réun. 22 nov, 1828, rapp. M, Baslre J. P., t. XXH,
p. 375,
* Caifc 15 ocl. 1880, rapp, M. Chatitereyûe. J, P., t. X^lîl. p. aW î et
tion *. Et il en est ain<i lors mème_gue le j.ug(eii9fiut^iL!AppfiI«
loût en contirmakit celui de première instance, niodifie cepen-
dant kri|uotf té de Pam^e' tt de« dtnDnia|eHf0fêréfk;*Oll^
même quil le modifie en réduisant la durée de Temprisonne-
ment *, lors même enfin qu'il If modifie en aggravant cette
durée *.
* Cass. 14 aoûtISiS, rapp. M. Lecoulour. J. P., L XIV. p. 984«36iiiai
188). rapp. M. Isamberl, L XXIII, p. 1630; 1^ mars 1841, rapp. M. Isam-
bert. Bull.D. 61.
* Cau. 7 DO?. 1884, rapp. M. IsamberU J. P., t XXVI, p. 985.
> Casa. 21 mars «827, rapp. M^Mangin. J. P., t XXI, p. 291.
* Cass. 1 avril 1843, mpp» M; R^s^ iouhiw'e^ 1843, p. 124.
M'-
l<|l7ç.,|iilMt1|<ê;mc;,
*î.»
COURS D'ASSISES.
," 'j'j i-jU
■'" - : x^AVîmK:}!t.
--*- /i I
OBSERVATIONS PRÉLIMINAIRES.
S 679.
1. Coapd*œil snrles formes du grand criminel. — 11. Exposé hislorî-
qae des institutions pénales en cette matière.
I. Après avoir expliqué l'organisation, la compétence et
la procédure des tribunaux de police et des tribunaux correc*-
tionnels, nous arrivons à In troisième et i la plus haute des
juridictions ordinaires, à la Cour d'assises.
La G>ur d^assises est la juridiction commune en matière
eriminelle. Les autres tribunaux n'ont qu'une compétence
restreinte; elle est investie de la plénitude de la juridiction,
lis ne sont juges que d^une seule catégorie d^infractions ou
d une seule catégorie de prévenus ; elle est apte à juger toutes
les infractions ou tous les prévenus. Ils n'existent que
comme juges accessoires ou spéciaux ; elle est la juridiction
générale et ordinaire du pays, et si ses attributions sont limi-
tées au jugement des Taits que la loi a qualifiés crimes, ce
D*est pas pnr défaut de pouvoir, mais pour ne pas embarrasser
son prétoire de faits minimes, et parce que ces faits exigent
une plus prompte expédition.
C'est è raison de T importance de ces attributions que les
formes de cette juridiction s'agrandissent et prennent une v/'-
'filàMb sfôléririftS.' l'a justice, & mesure que les intérêts siir la-
qnel% "elfe ))rorion'ce deviennent ^lus gravés, redouSte de
^précautions. Elle falentit sa marche ; elle prolonge Bcfâ eia-
^Vnini/^éllé ràbtt; ftés eoutradîfllîoiis, elle se êmiiv^ilks
^déltri^ i des tormaiités, & des actes qui ont pour objêi d^as-
•sttrtT à là vérité ta plus libre et là plus complote mahifes-
"tartidn. ' • ■
la prôcédjiiire des assises pr^ente daop, Ja^ulfifiîlp^ )We
applicaiîoA, toutes 1^ garanties qui peuvent anuveg^fiier la
S'ustîce et lui éviter des erreurs dont les ooàséquçpçi^ l^fj^iept
àtales, toutes les facultés qu^; Paccusalioa et la:déf€^feo«
vent exercer pour faire luire la vérité, tous Jos n^^a&de
faire jaillir deç 4ébf|ts une luiwère utile. Elle est la formule
la plus étendue des droits que la loi accordu aux parties 4*nc-
cuser et de se déleudre« Elle consacre^ dans leur plus eatier
développement, toutes les mesures de rinstructionvElU est
l'expression la plus haute du système pénal ; elle en révèle à
la fois la puissance et Vespriu La procédure des tribunaux de
police et des tribunaux correctionnels ne contient que quel-
ques règles siniples, quelques formes rapides, app^ropriées à
la nature des affaires qui y sont portées. Ce n Vst que ^^vaat
les assises que s'ouvre, à proprement parler, la procédure
criminelle, la procédure commune, celle qui fait le principal
objet de notre Code et qu*il a développée avec le plus de
soiu.
II. Nous n'avons point à retracer ici les origines bistori-
queb île tette juridiction et de cette proci'^duie. Nous avons
rempli cette tàcbe dans notre premier volume. £n cITcl ,
Tbistoire âes juridictions criminelles, dans lesquelles s*idt no-
tifie afo plus haut degré la tliéorie de chaque législation, se
confond néeessatrenient dans l'histoire de la procédure pénale.
et nous avons écrit i la fois Tune et l'autre. 11 est plusieur>
points accessoires, que nous avions dû omettre dans cH
élposé, pour ne pas le sorch^rger de détails, et que nous
èvons repris depuis è uïesure que noire matière les a places
devant nos pas ; nnfais ici nous n'avons rien à ajouter.
Noiis avons successivemint exposé, en effet, la oonstiîulion
des tribunaux criminels attiqucs ; rorganisaiion, aux difl'é»
rentes époques dé la jurisprudence romaine, du 6<îa^tj do9 ju-
ridictions et deseonfftnissious teniporaires, des lieeemvii^, des
juridiolions prétoriennes permanentes, de ceHes des |irrr<*ti
OBSERVATIONS PRéLIVINAIRES. J97
d^Rom^lous i«§ ^^mpereuw cl des|[ouYeriieufa t)p$ V^.'^i/fSfih »
Jb jfjjyii^ri» Vif^qt^^^^ judiciaires après' rinv^^ioo .^e^^ \}^fr
hèM^ têiMiÈsetnèi^i po^érieur dçs missi H des soabi^iei
des |Qge^*â^égKse ; les développeinents dès |ustices privées et
AftjÂttéëSecclésianidues ; les fondements des justices ^Qjt^çs
des' m et ^néchaux et des o>urs de mtrji(f-
menV^^; ëbffé',^''iioùs ivons également étadîé la prociklure
orale et publique fondée par. la loi grecque et romaine^ ta
j^HibWttréitÉnftft orale M publique, tantôt mêlée dé formes
MHMfrë^dV'Hi M'gêfrniaMbueet de ta loi féodafe, la procédure
iWtaMtJE^afé^^'ééW^de h lbi''éanom(jue;'en|in;fd procédure
ëïIrMMtHiïiM et secirél'e consacrée pkr tes brdoh. de 1539 et
i^lhW\ilt iôht le les ànircés de notre législation mo-
dt;Mè\ e^eii^flnfs tons ces monuments qu'on trouve dfê^émi-
nés;elf'qUéld[dëroi8 en germes seulement, (esprincipes qu*eile
anjs'èb'cëavre et qui, bien qu'ils semblent nouveaux, ont
loifrs raéini^ dans le passé.
'Ndns'àMn^ va encdre, en eflet, que T Assemblée coosli-
ttféniJè; qoel que fût Tesprit de réaction qui TanimAt contre
lepa^ lui' emprunta tous les éléments de la nouvelfeprô-
cMorè qu^elle établit K C'est en réunissant deux éléments,
JQSqn&^là distinctement appliqués, les juges permanents et les
jvrés, qu'elle Tonda les tribunaux criminels. C'est en tonci-
liant deux procédures ennemies jusque-là, la procédure in-
qaifltorialeet secrète et la procédure orale et publique, qu'elle
établit, avant l'audience Tinstruction écrite, et à l'audience
riartf uction orale.
Nqus avons dec-rit» enfin, Torganisation des tribunaux cri-
miaels que U kâ du 16-29 septembre 1791 avait érigés dans
chaque département 4. Nous avons vu que cbacun de c* s dé-
|>art«ipfîiaa était composé d'un président et de trois jages
|uiitii^ k U>\xt de rôle dans les tribunaux du district ; que le
président, remplaçant l'ancien lieutenanUK:hminel, examinait
le>pièceg^ convoquait les jurés, veJlaità Texpédition des af-
'^es.et présidait les audiences» où les procès ciiminels étaient
portés i.q4ic le jury de jugeaient s'assemblait le 15 de chaque
mois ; que ie nombre de douze jurts^ comme autrefois dans
^i'S justices des comtés, et comme dans les coutumes anglaises,
, 'Voyipoirc U i«% p. 17, 69, 125, l'àô, Ui, 190, J49, 25^, 2C0, 284,
* hi^ a»tKi. 141, m 108, laa, iàkf 404> «79i edé.
* tPhi^^^àfUh 07é Bti#fé •* * Voy, aolff U i^^ p» Wk
128 AKS COURS D*AS!;iftFS.
fut jugé néces5iiire< pour le eotigtituer ; et que tes jurfe et les
juges donnaient leur avis à haute voix '. Nous avons iDdigué
-ies ffnoëifieatton» introduites dans celle procédure parle Code
du 3 brumaire an iv et In loi 'lu 7 pluviôse an ix *•
Nous avons donc pardburu- toutes Tes institutions judiciaires
qui ont été appliquées au jugement du grand criminel, toutes
les juridictions qui ont précédé notre CQur^(J*a^i$es, tous les
éléments dont elle a été formée; et nous pouvons des lors, en-
trant de suite en matière, nous placer sans autre préambule
sur le terrain de notre Gode, qui a ^té ainsi soudé (^ jUiWte
part, et abordor des principes et des textes dont noosison-
naissons maintenant Torigine et la date.
* Voy. Dolre t 4«% p. 682.
* Voy. notre t 4**, p. «86. •
'iiibai ^noYf* •Hi(''«^ /.'*»■■' •>•''» •' •' ^•'"'> "*■' ' ' ' '••''''''^' '■''''*•(
''^''\''ifi^i^^d}lktèAy0 d^s cours, d'ab^sk^u. >: wcn-iiM
|r«d. 1 tl^'éà^. -^'B^EIo ïied où eilês se liejiiiçfl^^^^
I 391 . I . Epoques des sessions. — IL Mode de fixation du jour d*oa-
wiure.— iri. De leurclôlure.
§. 59â. I. Division d'une assise ordinaire en plusieurs sections, -<-l I . Dans
quels cas cetle mesure est autorisée.
i 583. I. Assises extraordinaires. — 11. Gomment et par qui e11i>s
sont convoquées.— 111. Règles qui leursont applicables.
§580.
I. DiS assises. — Du lieu ob elles se tiennent. — III. Excep-
tions.
l La Coor d^assises n'est p3int udr juridiction perma-
nente. Elle se constitue àccrtoineft épo(|ue9 pour statuer sur
lesaiïaires criminelles qui sont en état d'être jugées , et se
dissout aussitôt que sa mission est remplie : elle reproduit
sous ce rapport les anciennes insttttitions des assises des
comtés, des missi et des plaids féodaux.
Nous allons examiner, en premier lieu, dans quels lieux
elle siège, à quelles époques elle se réunit et quelle est la
<^iirée de ses sessions.
H. L'art. 251 du G. d^inst. crîm. est ainsi conçu : t II sera
Wqu des assises dans chaque département pour juger fes in-*
dividus que la Cour impériale y aura renvoyés. » CtH établis-
%menl des assises dans chaque département du territoire est
'«premier principe de cette juridiction : il importe en effet
<I^leserimes soient jugés sur les lieux mêmes où ils ont été
^^oonnis. « L^Âssemblee constittiante, disait M. Oudait, dans
'^es observations sur le projet du Code, a «ionaé un tribunal
Ttn. 0
Y^ DES COOKS DAàSlSE?.
y^..miiie\k âiacjù'e dèpariçnient j ceÛQ cïîétriraltoja^i^^^^
laitempht adaptée à l^institution cllc-iri6me et nôus'jp^pose-
'. roDS dé la maiatenir. A Ja différer)ce de la procédure (îjUi se
tenait dans les parlements, les jurés doivent entendre',' ittter-
roger, observer les accusé&, le^ parties civiles et lès téiiioîns:
il était donc impossible de former de plus graAds.1rfe^sorts et
d'appeler à de j^Ius grai^des distances les accusés, lès j)arties
.civiles^ les témoins elles jurés %,j^ M. Foure répète îlaùs l'ex-
posé des ippilifs du Gode; A II est mdispensable qoe jQfjpro-
ces criminels soient jugés dans chaque département ait iFéssort
de la Cour .impérial^ : tel est le but de Fétablissemefat des
Cours d'assises ^. »
. Les assises se tiennent au cbef-lieu judiciaire do çbjque
département. C'est ce qui est pi'escrit l"" par.lVt. ^59 du
C. d'inst. crim* qui porte :« les assises se tiendront 0£(l|iDai-
rement dans lo cbeMieu do chaque département; » ^ par
l'art. 17 de la loi du 20 avril 1810 qui ajoute : a elles tien-
dront habituellement dans les Jieux où siègent actue^lemeat
les Cours criminelles, o
III. Cette règle générale admet cependant deux excep-
lîoris,
La première est indiquée par les textes mêmes qui vien-
nent aètre cités. Le chef-lieu judiciaire est le âiége4>rdt-
fiQire^^i habituel des assises; mais ces expressions purement
indicatives laissent À l'administration la faculté de leur assi-
gner une autre résidence, lorsque, suivant les termes d'un
avis du conseil, (IXtat du 5 août 1811, « la ville chef -lieu ne
possède pas les établissements publics nécessaires pçur U
tenue ,d^ la Cour d'assises et pour la garde, dos prévenus. •
C'est ainsi que dans les départemcuts de la/JBûrne,
Ae la Jleuse, du Nord , du Pas-dc-Calaîs , de jSaîHpe-el-
Loire, les assises se tiennent , non point au c^f-lieu ,
mais à Rcim9 , Saint rAIihiel ^ Douai , Saint -Qnler et
La deuxième exception^ qui apour objet, non pra4'(a4rans«
lationlKiivda cfaef*-lieu da siège des assises^ nai^'laitrans-
latioD hors de ce ciicf-lieu d'une session seol^miiiiitode ces
Msises, est auloriste par le S"* § de l'art. 258,. poitffR^^ t la
, Cour impértutle pourra néanmoins désigner un Uribunal^ autre
• Locré, t, XXIV, p. 5, - » Locrt, |> XXX, p, WO.
DE l'organisation DES COURS d'assises. §. 580. .101
Îîf?-^.Ç!?'.^-Ç!î^H^c"- » ï^'exppsé des motifs explique <«tte
IWÇJW Ç? ccs,iermçs : « Les assises se tiendront iansle
pMr4% chaque département, à*moînS qne descîrcbhs-
»ff®^^?ft>^?^lW<>^^^^ "e demandent un autre lîeu in^ëàla
*r?|?r» >»|^jrîal^ 9"" décidera si lé changement éitftét^è«saïrc.
Iprstp^qn ^tre lieu lùî paraîtra devoir *trc préftfé^. ^^cst
êllf.^lii le désignera. »
'[%m termes de Ciettc'désgnalïon «ont »é^Té§pàt'Viirt.*21
de iéfeîdaïO avril 1810 et par î'art:wdird»ci«t Aï 6 iûll-
IjÈt iSiO.. t&prèmierdeces artid^pcittë:: «-Lénqu^t^Cbur
d'assises devra lénîr *i séance dails mttieu autre i{t(e^bMbi
où elle siège babituellenïènt, Tépoqueile Ft>u[TertQre'et~1e
lieu seront déteroiiués par arrêt rendu toutes ks tliitmbré» ai«
iBà&lifée^ et le-priacuretar général entènda, y Le^eond^ajMte :
ff tes èssiaés ue pourront 'èti-<$ oowof}uées<p(iiirM')fm «utre
mé'delui «à elles doivent se tenir imbituetfeiMiit , <]l»'étvvèrtu
d^D arrêt rendu dafis< rassemblée des cbàmbres de'h GdUr,
«tfrla requête de nétre<proeareorgéiiéf»l.<!el arrêt l«t^ lu'
paUiér/afGMiâ^afndi qu*il esirditrpar IVrêtIqui'dbil lixe«« Pé-
poque de ta ternie des aç^scs pendant ie|Nr(5mtér trinfiestt^ de
i'ipstaijatioo* » ' .
Cette translation temporaire eat une mesbre éxtraordiuaf f e
que la lor a vbulu tenir en réiservepour I09 cas où elle pourrait
être GômAnaDdée par les ctrconstatices. Qu'ils stytit ces cas ?
C'^là cequil importe de redierchèr. Le transport d\rtie
juridiction d'Un Heu à un' autre peut aVéiron des causes de
sàrMé publique e^ de suspicion légitime , ou des causes acd-
j^iiMles pureinent matérielles : nous ne croyons pas <qu'il
.^^^se ici des premières; la loi y a pourvu; rart. 84Q du C.
Wf^* **ifh. prescrit, lofg(|u'îl y a des causés de'sttfMé pu-
. .i|W9dttde suspicion légitime, uon la translation du Juge,
iljiui lé renvoi des affairés à un autre juge, et c^est à la Oour
de cassation qu'il appartient d'apprécier ces causes etU'or-
jdofaér céarenvois. licstent les causes matérielles accidentelles,
telles que Tinvasion soit de la guerre, soit d'une maladie épi-
démîque, l'existence d'un fléau tel que l'inondation, Tôbs*
tmCfitomentatié résultant de l^ncetidie M de la démolition
4é1a Mle'des séaFnces^ enfin l'utilité dans certafines affaires
AKttiriéfabtes d'empêcher le déplacement de nombreux té-
noiiis résidant dans une même localité. C'est pour ces cas et
aaVres & la même nature que l'art. 258 a' établi la ressource
d'un déplacement momentané qui , ainsi compris et restreint,
\l\t DE« GODBfl D'a9S19ES.
Ae peut que «eri^îr les ^^irftérèls ^bieii entendus* de la jus-
lice, -i
La loi a voulu d'ailleurs ^e> cette menire fût aoson-
pagnée d'une solennelle garantie : elle ne peut être ordorwiée
ni par le premier président, ni par laCourd assises etle-méltiey
ni enfin parla chambre des mises en accusation <; dte ne petit
Fétre que par un arrêt des chambres assemblées de la CoUr
impériale. Cet arrêt peut- il être rendu d^odice et sans^ qtiè h
Cour ait été saisie par une requête ? Nous ne le pensdtis' cas,
d'abord parce que I art. 258 ne reproduit pas les termes im-
pératifs de Tart. i3^, ensuite parce qu^il n'existe ici qu'un
intérêt secondaire pour Fadminislration de la justice et qui
n*eiigê pas , comme la lésion d'une action ou d'un droit,
Tintervention indépendante d'uneautoritésouveraine. La Cour
peut-elle Tordonner sur la requête des accusés? Nous ne le
pensons pas non plus, parce qu^il s'agit d'une mesure plus'ad-
ministrative q^e judiciaire, étrangère à la procédure, étran-
gère aux droits de la défense et que dès lors les accusés ne
peuvent ni réclamer ni critiquer. Ce n'est donc» comme l'ex-
prime d'ailleurs Fart. 90 du décret du 6 iuiilet iSiO, que
par la requête du procureur général que fa Cour peut être
saisie. Il appartient à ce magistrat d'apprécier les entraves
que le cours de la justice peut rencontrer, et les mesures pro-
pres & les faire cesser. Néanmoins, lorsque la Cour est saisie
de cette requête, elle n'est pas rigoureusement tenue de
$'«Dteniiec dans TaKemative de Fadopter ou de la rejeter;
elle peut reciNinaltre d'une part la oécesaité de la translation
et juger d'une autre part que le lieu désigné parle procureur
général présente d^.inoonvénieats; appelée à statuer sur
la mesure, elle peut en modifier l'applicatmii elle pewtdMc
.indiquer ua autre lieu* L'art. 268 lut défère d'biUdon^tle
iodicBitioB» etpeut^êi/e la re^pouèle devrait«^lle so borner à
provoquer la inesure en laissant à la Cour leooHEi ^e litdr le
lieu.
Mais il faut que oe lieu soit le siège d'un tribunal v F^rt.^aSB
en stipule lu condition e^cpresseï La raison en est q«ie o& n'est
que dans ce siège que la Cour d'assises peut trduveries élé-
ments de sa composition. Il existe toutefois une exception à
cette ièijic : l'avis du conseil il Etat du 6 août 1811 fixe à
Wéziircs, ville qui ne possède pas île tribunaux, le sié^e ha-
' Cttw. 30 juJil. 1830» rf.J)p, M. Iiière. J. P., t. XXI. p. -JOO.
,.. '.IPI^l^'KlMAMMATia!! .-BBS' COIMi^ 1t*Atti1^^^ J. {f^. ,....,j iff3
biluel de la Cour d'assises du département. Des circonstaneet
loeates ont îMtiyé celte détermination.
Il j a lieu de remarquer encore que la Cour impériale ne
pourrait transporter la Cour d'assises îd'un département dans'
UA autife. Elle ne peut , aux termes de Part. 258, que disi*
gn'ér^ dans l|^étendued'un (léparlement, un tribuiviil autre que
ceitti du cbef-lien où la tenue des assises aura lieu ; elle peut
ciâfnger le siège de ces assises d'un déparicment, elle ne peut
les faire sortir de ses limites '. £Ile ne pourrait égi^lement
prescrire par une mesure générale que les assises se lien-
droDt à j^avenir dans le lieu qu'elle désigne : il ne lui appar-
ticDt pomt de déterminer le lieu des établissements publics.;
elle D'est appelée qu'à prescrire une mesure provisoire
rootjvée par des circonstances fortuites ; elle ne peut
donc rappliquer qu'à une seule session, et si les circoo-
tance^ ne concernent qu'une seule affaire , à cette affaire
seulement.
1. Epouuesdes sessions. — 11. Mode de fixation da jour d'oaverUtre.
— 111. de leur clôture.
1. Laioi du 16-99 septembre i791 avait voulu ^ue ta
teDuedee assises eàt lieu diaque mois. L'urt. 18 du tit' 6
portait : « Le 1 5 (le chaque mois , d'il f a quelque affaire
ijuger, Je jury de jugeinent s'essembtéra« » Celte rénoidn
nensueile, qui avait le grand avantage d'abréger les d4ten-
tiomprèalables, a paru donner lieu à des dérangements trop
fréquents et n'être pas justifiée par le nombre des affaires.
« L^expêriencc ayant démontré, dit Bf • Fanre dans l'exposé
des motifs, que les affaires criminelles étaient, dans la ma-
jeure partie des départements, trop peu nTHttbreiises pour
exiger une session tous les mois, il n'y aura qu'une session
par trimestre, a
L'Jrt. 259 dispose donc, en règle géni^ialc, que « la (omie
des assises aura lieu tous les trois mois. »
Mais il ne faut point induire de cette disposition, que les
* Gaas. s; juiU. 1830, & V. 90, U 107. Dali. P. 30, 1, 335.
13i DES COL'RS d'assises.
sessions frimestricllcs doivent se succéder à dés intervalles
égaux; il suffit qu'une session soit tenue dans 'cl»Bqoè tri-
mestre.
. Varîk Ift d« la loi du 20 avril 1810, déclare en consé-
qa«noe, que « les assises se tiendront dans diaque départe-
ment; demanièrq à n'avoir Heu dans te ressoirt de k même '
Oter foipériale que les unes après les autres, et de^ mdis on
mois, à moins qu^il n'y ait plus de trois départements dans
leressort. » Cette disposition a pour objet de prévenir tes
entraves qui pourraient résulter dans le service dela'teoue
simultanée de plusieurs assises, paroeque ces assises retien-
draient'à la (bis plusieurs consjçillers loin de la €our im«-
pénale.
II. Comipent est fixé le jour de PoùyertuTU des assi^?
V^tL 260 porte que a le jour oà les assises doivent s^ouvbîr,
sera fixé par le président do la Cour d^assises. » Mais cette
disposition se trouve modifiée par Tart. 20 de la loi du 20
avril iStO, ainsi conçu : « Le premier président de la Cour
impériale désignera le jour ou devra s'ouvrir la séance de la
Cour d'assises, quand elle tiendra dans le lieu où elle siège
Imbituellcmcnt. n Et nous avons dt^à vu que Tart. 21 de la
ni^mo loi ajoute que, lorsque la Cour d'assises doit se te^jr,
(iuns un lieu autre que ^ceiui où elle siège habituellcmeut,
r^oqoe de l-ouverture.^ déteoniiée par Uarrél^ qui, or^imfi^
la. translation. Ainsi, c'est au premier pi^ésidi^ dam.jqi:
ci|Si<9rdin|iice8) o^est à la Coucimpéfialo dans, le cas ie
tiapsiplipn du siège, qu'il ap^tient de fixer cette,
époque.
^ordonnance portant fixation du jour derouverturedé'ta
session, ou Tarrét qui indique ce jour, est, aux termes 4e
Part. 22 de la loi du 20 avril 18iO, publiée par des ailicbes
et par la lecture qui en est faite dans tous les tribunaux dé
prcuiière instance du ressort, buit jours au moins avant l%u-
verture. L'art. 88 du décret du 6 juillet 18i0/i^te:
« Cette ordonnance (ou arrêt) sera envoyée, à ta dilt^encé
des procureurs généraux, aux tribunaux de première km^
tance de la Cour d'assises; elle sera publiée, dans les trois
jours de sa réception à Taudience publique;, sur la rèqiusjtîpn
du procureur impérial. » L'art. 89 poursuit : « L'annonce
de cette ordonnance sera Taite dans les journaux éa dépar-
W L*OiGÀ!ci|itlôll M8 jCOUftS ^16115». §. 881. ifS
5Wf/^Â^**^^i* ^^^^ d'assises V; elle «çri^ affiql^Q ,4^8
'^,i^^ûS^^. (l^r'^^^^'ssement, et âég^ des tribimaux de
freiDnBre inâtânèè. 0 ^^
Au surplus, les accusés ne peuyent se faire un grief de
riawmnqiUwiMDt dâ ces formalUés* Vn^i^wvoi faodé «r.co
qiit<fdipsi)Ni0)dc0AcdfMin«Mf6.reUtiYes4 U«
Ckrar d'assises et à son ouYerture, n'avaient pas étéi. publiées
et.affidiéea'OoiifcMciiiânent à ces pr^ lejelé
« attendu que ces ordoBoanccs partent qu^elles senont ,pu*f
bliées etaflîdiéBs dans la forme pce&cril^ par Je décret dui6
juiUot 1810^ ce qui lait suISsaiMuent .présumer que la : Cor-*'
maliiéaité accempUe; que, d'ailleurs, il ne slagit qtie.dlune
mesura administrative étrangère aux débats . et. à la procé*^
dure, ainsi qu'aux droits de la défense, dont l'inobservation
ne pourrait donner ouverture à cassation *• »
ili. Le deuxième § de Vart, X60 porte : a Les. assises no
sefonl doses qu'après que toutes les affaires criminelles, .qiui
•éiiieûX eà' état lors de lemr oùvdrture^ y auront ,^té ipoir-
técii. a •
Qcfeftcti^il enteadrepar aSaîj^s en élot? Il faut entendre
cèllé^ Aitts l^qtieflesf arrêt de miser en aecusalkHl a Mémn^
dtf; I^Mè'* d^àcoosàtrdn drbssc et racecèé transféré Ami ^a
làsiSDB de jusèice étsrbite près la Oour avakit rouverture dbs
aésittëli: <iénes«1à| iseirtenent, sont en état d^ètre jtigécB, attx
tehMM de!^ éyt ^^;^tô eftSTl du €. d'ràfitr. oritti.^ poMH
qdé'léft fariieltqm doivent être i^emp^^ au
jageiHeiit, ont ^ exécutées.
^totaapcÉdairt w ei^daM lequel MeaffaMe^fqimjM
abâ" eadëM m «tal'4 îfMl être portée aux aMsisasii cjvfe
tehB eà l'aoensé est arrivé da» la maiioa 4e justieeif^èa
L^MteUpa ikn^wirn. L'art» i6l, qui jf éaoit 4?e cas, ^»«fe,
MoraiM^ <t^^l<>>'>^ ^^ ^?^ qm a ocrf fai aiMre
éM Mmt^ ip double aa|«nsoèhient dtt ministère p^aMi^ et
éaVtKWé» Kâips pxamioerens cetâncideht plus loii).
.Iktpmcip^, tes assises doivent se prolonger loutfe teifcps
aéMfi«r^'M'eiipéditian'des affaires .; c'est le nombre et
l'impartaiicie/ des {^oc^uces qui déterminent leur duréjp ;
alto aeat K^k^es le jour où le rôle de la session est épuisé.
:;-•'..{ p ■. '••.->.
•I .*^9ïf Ws 9i iuin 1819, art. 8 ;. 25 mars .1822^ arl. 11 ; 9 sept. 1IÔ5,
afu iT} !d2c. rS jain ISll/art, 10/t ; hist. géa. d» 30 sept. laMi,
^JjjUjlI.; kl r. . jMi<i »7 •-, .>»:. .1 '^..i. •••{.1. «.jl I .-.. .
136 »Ki COtM D*AS81SE9.
Il a néanmoins été admis, pour ne pas faire peficruno charge
trop lotirdc sur les mêmes jurés, quu chaque se^ion ne se
prolongerait pas au-delà de 15 jours, et que«i le rôle n'est
pas éfiuisédans ce laps de temps,une seconde session «"ouyri-
raiX dans te même trimestre, pour Texpédition des affaires,
qui restent è jugeir '.Nous allons, tout à l'heure, parler de
ces ^s^ises.
Notons ici qu'il est d'usage de ne pas tenir de séances les
dlimancbes et jours de fêtes, sauf le cas où il s'agirait de
terminer une alTairc commencée *• Toutefois, ce n^esl là
quLUXk usage qui n'est nullement obligatoire^ et les proc4-«
dures qui seraient jugées les jours fériés seraient parfaite**
ment valides *.
S 582.
l.,Divi8ioQ d*unc assise ordinaire en plusieurs sections.^lI.Dans qoek
' cas cttte mesure esi auiorisée.
t. Les assises ordinaires peuvent être divisées en plusieurs
sections. Cette division, qui est motivée par l'insufËsance l)a-
bttueile et reconnue d'une seule section, pour l'expédition
des affaires eriminelles, n'a jamais été appliquée qu'au dé-
partement de la Seine. Son effet est de faire siéger simulta-
némeot deux ou plusieurs assises qui sont employées au ju*
gement des affaires en état.
IL Cette mesure était autorisée par l'ancien art* 387 du
C. d'inst. crim., abrogé par la toi du 2 mai 18ft7, e|L qui
portait : « Si la Cour est'diyisée en une ou plusieursi(se(^i(QMS|
chaque président pourra, dans le cas^où le nombre i|^af^
fatres l'exigerait, reqj^rir une liste de jurés pour la secilon
qu'il préside. uL'art. 5 de la loi du 20 avril 1810 portait CMIÎI*
leurs en règle générale : « La divisiondes Cours impér^es.iQn
chambres ou sections, et l'ordre du service aeront fixés par de»
règlements d'administration publique.» Or, cqo(ijaei«kCqiir
d^SÀsises a été considérée^ ainsi qu'pn le verra, pImJftiR,..
coDvne une émanation de la Cour impériale, des orao^pangcs
ont été rendues chaque annè(j en vertu, d^ cette disposition^
» Cire. min. 14 jàUT. 1819.— * Cire mm. 3f jùill. 1857. , ' ./.
i^Can» fSjuikk 1S8S, rap^ M. OWvier* S. V. SS» i, ISS; 5 èëcl 1^, "
rapprit VincemSk-LtureaU MU D«ai2. : .'•
M LA COMFO^nO» MS COOfcS D*ASSISES. §. 583. i'^7
pbbfffl^iserltfCbdf if assises de laf Semé ea deuk; où iùëme
•t-^*^ f^***^ dmrfori a' été rendue plus facile çricof^ par
1)81^2 âe la lai du 9 septembre t835, sur lès Cours d'às-
«Isfsês amsî conçu : «le ministre de la justice pourra ordonner
^IqtiillOft formé autant de scellons de Cours d'Assises que le
^l)esomdu service Texigora, pour procéder simultanément au
ra|j8ferowi4 desprëV4H)iis» » Les molifs*de eette iiouVfelleJol ont
i», i»^t faut que l'action de ta justice sôit j^romple^ que
les moyen* qu offre l'ordre actuel' da serticc des Cours d'as-
mtB sqnt îosnfflsantH pour assurer cette ta^iidi té d'adtion,
lottqtt'îl (am procéder au jugement d'un grand nombre de
prévenus; que le projet y remédie en autorisant à former
autant de sections de Cours d'assises qu'il sera nécessaire. »
L'ordonnance ministérielle qui prescrit cette division doit
are rendue et publiée avant l'ouverture de la session.
S 583.- / . ' '■ ■ . / :*
I. Assises extraordinaires. — IL Comment et par qui elles soniconvo-
ioées. WL *- Règles qni leur sont appKoables.
•J y- • . • •
, L -l^^, assises ^xJLrawdinairea sont oelles qui son! cmvo*
quéps4<)r^ueles assises ordkiatres, trop dbar^éos d'aflairot,
n pot M& suffi i leur entière t^pédition et n'ont pas épuisé le
\^¥ .Wj^i^westre. Elles pwv'eat encore être convoquées
lorsque, depuis la clôture des assises, quelque affaire «me
récemment mise en état exige un prompt jugement. Ces as-
sises, qui ne sont, avec de nouveaux jurés, que (a reprise ou
la coqumiation des première^, ont pour objet de satisfaire
j'intétèt déjà justice qui veut que les affaires arriérées ou
le» albires graves ne soient pas ajournées jusqu^au trimestre
saivajpt;. C'est un remède aux. inconvénients qui résultent de
la réihiion trimestrielle des Cours d'assises.
Xes tsiis%$ extraordinaires sont formellement autorisées :
l*par IJart. 959 du C. d'instr. crim, ainsi conçu: « La
tehue des à^shek aur^ lieu tous lés trois mois. Elles pourront
V. v|,v^u^ u,;2i !>e:»5iuus oramaires, ajouie : « a moms qu
le besoin du service n'exige qu'il en soit tenu.plus soux^nt; ^
3* ^^ i:^f .81 du «Jécret Ju ê juiHet 1840, qui dispose
que, « dans les cas prévus par^Far^/^SO dtf Ci tfthètf. orim.
d'uQe tenue e3^traor4ioaire d'assises, les présidents de la der-
nière assise sont noinnïés de droit pôw pfAsidef Ttdtfi&et^
traordinaire; » V enfin, par l'art. 391 du G. d^instr. crim.,
qui règle les effets des assises ellnaotdkiaires sur le sendce
des jurés.
II. À qui appartient le droit de conToquer des a/ssises ex-
traordbaires? La Cour de cassation a jugé « qu'aucune loi
ne portant qu'une Cour d'assises extraordinaires ne peut être
convoquée, à peine de nullité, que par un arrèt-delsGotir
royale, oA ne peut induire cette nolKte par anafo^ie de
Tart. 258 qui dispose pour un autre cas; que Fart. S59,
autorisant la tenue des Cours d'assises toutes les fois ^ le
besoin l'exige, et ne prescrirant aucune forme parlicnHèrei
suivre pour cette convocation exlraordioairc, il à*et)stitt que
Tart. â60, qui donne au président de la Cour d^assises le droit
de fixer le jour des assise^ ordinaires, lui donne aussi le droit
de te fixer pour les assises extraordinaires, d^autant plus qjte,
par Tart. 81 du décret du 6 juiilet 1810, le (Nrésident de U
Cour d'assises est de droit président de l'assise ei^tfaordf*
naire, quand elle a lieu ^ »
Il faut assurément décider avec cet arrêt» quHl n'appar-
tient point à la Cour impériale de convoquei^ des assises ex*
traoïSioaires : aucune disposition de la loi ne li|i/Oonlérece
dsoit. liais ost-il exaetde l'attribuer au président de^laCqar
d'^UjSises? Noos'avons vu qfUè l^rtr. MO, qui donnait « ce
magistrat le droit 4e fixer le jour de l'ouverture desi kkâses
oMM&aifM, av^k; é^ onodifië par Vart. M de la M <da'90
avril 1810^ qu^ a transféré ce poiirvoit au premier pMsident.
Or, comment admeUve que le président desassiset^ qfii ne
peut fixer L'ouverture de la session ordinaire, ait le pouvoir
de fixer celle de la session extraordinaire? Goitiinent ad-
mettre ce poQVoir, surtout iquand il s'agit, non pas seule-
ment de fixer un jourj mais de cotivoquer une session d'as-
sises. Il est évidei^t que ce droit ne peut appartenir qu'au
premier président. C*est d'ailleurs, ce que f*on (jëdt iniferV
de Tart. 80 du décret du 6 juillet lÔlO.
m. Toutes les règles relatives aux assises ..piçdiuaiips
s'appliquent aux assises extr^^rdinaircs^ qui ne 5oat,..coinpid:
on Ta déjà dît, que la seconde partie et la sujtq. ^f^J^i^
ordinaires. i / m
^fiaN..iajanfyaSM.iiyp»W«.JbH»iifiiir*J^ d- ;
DE LOIGAIIISÀTIQH »U GOl^Rft d'aSAISES. §» 5M. 13^
I ■■".>■ >«"«
GHAPITJIE UJ.
fWflf LÀ CtrtIjWiSITIOX DES COURS p'ASSIS^S.
rr
§ §Bi.I.;Goiiiii96tiionLS^Aéra1ede la G«urd;a^is(99. •— II. JijeQYoiea,
ce qui eoii^ine le jury,— lll. De U cour d'assises proprement dît^
§ 5$& I. Bu^ présideA^ des assises. — 11*. ^ nominaiîoq par k mi»
QisCredeJt^iistice, — Jl|> Cas o%\\ egtooniçïé par le premier pïèî
*'deaï,j--.Jtv, Le j^remier. présideoi peut aussi présider lui-même.
— V. Mode àe remplacement en ca^d'empêcliement. —-VI, For-
nés de^ndminations et t^mptacements.- -^Vil'. Rffeis'des'irrégula-
nt*. -7 yiH* Durée des pouyolrs»
§.S86. î. Des assesseurs. — IT. Leur nombre.— lïl. Mode de îeur dé-'
l'gatiôtf ait cher-lieu de la cour impériale^ — IV. Mode de leur dé-
tégatioirdsiiig les autres départements. -^ V. Uû<i'é de leur rem-
(^«eamt au <&er-neu. •— Vf. Dans les autres départements. —
VU. Efleu des irrégularités.
l ^* I. Dtt «sse^^seurasoppIémettUires.—- H. Mode de leur désigoa-
m.-^UUl^wH fondions.
[. 58S; I. Cause» d'incompatibilité en ce qui concerna le président et
ies ja^és^ -i^ 1{. PàrUcipalion à Tarrét de mise en accusation. — «
'^'v^S'^i^V'l'^^^^^^ *^* dèl'histruction.— IV. Effets de Tiacom-
!• 389. L' Ganses de récuaatîon.-^U. De la pacu'eipaiioi à des actes
uii^riMmi e^iicerBaot Taccus^.
! 590. h I%iBiBist^ I^bltc. — II. Dél^atîon.
§ 591.L thigreffier».— II. Ses fonptions.
S 584.
^-QW^tioii générale de, laCoiir d!assi^es, -^ IL renvoi en ce
<|aic<9ice]^Qelejury. — pL Qe 1^ cour (fajssises. propre,meut dite.
Lia Cour d'assises 0st composéa: 1" d'un président;
2* 4e déni juges assesseurs; 8* de douze joriés; 4* d'un
niembre du ministère publie ; 5"* enfin d'un greffier.
il est facile de discerner, dans cette composition deux élè-
mcnts distincts :' IHin permanent^ qui estfjpr^^ilee jug^ j
140 DBS COQJ» P ASSISES.. .| ,,^ ..... ,. . .
d(]^ 9)j Wléiice jiublîfi <^^ du^greflier; l!auixo .toipporairo » ^ se
combine passagèrement avec le premier ^ et qui se dissout
après le jugement ; une nM^istrûture cantiAucetuoemagis^
irature accidentelle ; la Cour et le jur j.
II. Nous examinerons dans ce chapitre la coinpjO^îtioQ de
1^ Coûr, et dans le bhépitre suivant celle au jary.
]]I. La Cour d'assises proprement dite , c'est-à-dire prise
séparénient du jury ,a été considérée par le législateur de 1810
comme une émanation de la Cour impériale. Eneffet, ce lé-
gislateur après avoir examiné plusieurs systèmes qui avaient
sa composition pour objet, et api es avoir hésité entre les prési-
dents sédentaires et les préteurs ambulants ',s*est arrêté à
prendre dans la Cour impériale l'élément permanenl des assi-
ses» et i donner ainsi à cette Cour, suivant l'expression de
a. de Noailles, la présidence du jury '.
Ce principe, que nous verrons tout à l'heure consacré dans
les art. 252 et 253 de notre Code, a été indiqué d^us^ion ex-
posé des motifs dans les termes suivants : « JLa Cour d'assises
sera une émanation de la Cour impériale. Elle sera donc com-
posée entièrement do membres pris dans la Co^r iinpériaie,
toutes les fois que les assises se tiendront dans le lieu où siège
cette dernière Cour. A Tégard des assises qui se tiendroat
ailleurs, ce sera toujours un membre de la Gpur ipipéridle
qui présidera. Mais, pour ne pas entraver le service de cette
C(>ur> les autres juges qui assisteront le président aerOntdes
mcmbi es pris dans le tribunal de première instance du chef-
lieu. Si cependant la Cour impériale estime nécessaire de dé-
léguer un ou plusieurs juges pris dans son sein» elle en aura
la faculté ; car aux assises, les juges de première instance ne
peuvent être considérés que comme suppléant les m€^ttb^es
de la Cour impériale *. »
Telle est donc la première base de l'organisatioo de la Cour
d'assises : cette Cour est,dans l'esprit de notie Codev unesec-
tiondela Cour impériale chargée de tenir les assises et de pré-
sider fe jury. Le législateur a voulu, pour en rehausser l'éclat
ût'hri assurer la puissance, la rattacher par un lien étroit aiix
grande corps de magistrature dans lesquels il déposait la
*' Voy. Locré, L XXIV, p. 479 el t. XXV, p. 45.
* rapport au Corps législatif de la loi du 20 avril iSiO.
•Lucre, t. XXV, p. 569.
DR LA COMPOSITION DES COURS 0*ASSIBES. |. S(85. 141
souveraineté de la justice. A côté du mry auquel il déléguait
uuevortfUB^du poutoiy dd Jugët*; *l a \>U(ié\ potiffenferti*-
iier4àutoriié*etpcutiét«e'aud9i coifihihttne' gorte léle ccJritWf-
poid8 ; IfS' iMgistfat» les |)lm él«té^ d^nsrotr/Iré'jadiciâlF^è
et qu'il pensait les ptu$ caf^eMlss de diriger Èë& dlSfffié*-
raiions,.
C'est 1feW*s*bppiiyant sur ce premier principe, que les jois
postérieures'dnt peut être èbraiilé mais non détruit, qu^il faut
éiodiec toutes les parfies de cctteiastitulioD. ' ''
F. Dn président des assises — ]I. Sa nomînaiion par le mitii^tre
delà JQStice. — III. Cas où il est nommé par le premier président
—lY.Le premier président peut aassi présider lui-même. -^V. Mode
de renpl^^ofent en 42as d'empêchement. -^ ¥1. Formels de ees opé^
râlions. — Vil. Effets des irrégularités des pouvoirs — VlII. .Dufée
des pouvoirs.'
La présidence des assises n^est point une fonction perma-
nente; elle participe de la nature de cette juridiction ; elle
est déléguée pour chaque session trimestrielle à un magis-
trat spécialement désigné à cet effet.
Ce magistrat est choisi parmi les conseillers de la Ojur
impériale. L'art. 252 du C. d'inst. crim. porte que « dans
les départements où siègent les Cours impériales, les assises
seront tenues par trois membres de la Cour dont l/un sera
président, t» L'art. 253 ajoute : « dans les autres déparie^
meists, la Cour d'assises sera composée V d^un conseiller de
la Cour impériale délégué à cet efTct et qui sera président de
la Cour d*fiseÎ8e8 ; ...» Il n'y a d'exception à cette règle que
dans Tei deux cas suirants^ : l^ quaçd le premier pré-
sident Vièhî présidL'r lui-même la Cour d'assises ;; 2:* quand
l'un des juges assesseurs , dans un département ou la
Cour inipèriàle n-a- pas son siège , remplace le président
empêché. ■ /^ •
U. A 4{oi dpparlient-il de désigner les conseillers qui 9opt
ehét^&^âèf Jprésider leç assises ? Ce dfoît, dans Téconoinie
de làlbr, aphàttient en principe au premier président , et on
lîiémétemps , par une mesure (le prévoyance et comme une
faculté mise en réserve, au ministre de la justice ; dnns la
pmtique, il ù\&i géiiéruli nient exercé que par l<^ riMhiBlie.
142 '" Dtt COURS D'AMfâÊS;» - -^
la préiïnèA Tëéaefîônf de nMf e OoJeT'I'awh allribuAi la
Cour eHe-inèhie. Les artickfs cof respondaiit «qx- tfl. 252
et 25S 'portaient dans le projet : « dans le éépartement où
' siégé la Cour impériale, les assises seront tenues par oiiiq de
' ses tnémbres^ dont l'un sera président et tes autres sef ont- as-
sesseur^ : Us seront tous nommés par laéHe ^otifr-Dans les
autres départements, la €our d'assises sera coropoBée f'd'un
membre de la Cour impériale, ditéguA à M effet p» Miit
Courut qui sera le président des assises '. » 'Lorsque celte
disposition fot soumise i la discussion du conteil A'^EUI.dans
la séance du S juillet 1808, M/€ambacérés dit « qa-il ^rait
nécessaire àetégler te mode diaprés lequel la Gdun impériale
'riôrnmëta'lb (JtiÇsWeftt'aès assises j'^tfàb écruttii''#»«t'lieul-
ètfe linié opérafioh*trop longiie ; (jb'au suff^los» ëk petHrea-
Toycr ce point à la loi orgamque *. 0 Sur oetle seule obscr-
vatioh ,'lc renvoi du mode de nomination fQt^{)ron(Niێ. Le
conseil d'Etat pensait donc à cette époque qoe fe ndttiinatioa
devait appartenir à la Cour entière; il ne réservtfil que le
mode (fé cette délégflition qui , en effet, ne trôutrilt^pélrtarplace
dans une loi de procédure.
Cette opinion se modifia dans 1^ discUsSMiis bt^ratoires
de la loi du 20 avriliSiO sur rorgânfcajtîôn deriJWrejtt-
dieiëire. M. Treilbard dit d\Bins rexposé des motib'4é cette
loi : « C'cyt le premier président de ia'Oiurîmpdriâle qui
liôrhmele'présidenl cïlcs éonseiHers de'sërVice'à'IaXIWr d'as-
'Isîses. l'expérietîcc a fait Connaître Tabos des noirilniilions de
cette nature confiées au son. Uhe attr]bbtit)ri du "ftbbix au
cbi^^ ehlîer n'est^pas aussi saris inébfa^nîent; ièlfe^x^ffHrait
' Trop 'ipuveht des résultats lq[\ii auralctit 'potir*dnîqUr(f*a des
cfoit+ërtahces parlicnliéres. Hest'bienfplafstlatàit>^'4af*crle
iito\\ de choisir au premier présîdénfde la(S»îf<^Ô*«i*»eux
que lilî doit" connaître tous féS rt^èmb«^*<Jbr'te^Ôdi«p«enl?
Il présente d%illeurâ une tespôtisabillté ijjtti 'déVlei^tîiuiie
^uaud elfe esfpafta^géc. Enfin , uu'rt^^em iWmiiftffetra-
. tion publique lixera Tépoque où les choix du pren^r (Prési-
dent deTroht être faîts et préviendra rftie<Miténieptlï*?f)ur-
rait Wsulterdc l'arbitraire en cette përlie*. » M.^de«««lles,
rapporteur de la môme lot auCôrps législëtif , ujouirtl V« l)e-
vatl-on accorder cette notiiinafiefn aui Coure f 'Le^f liis grand
♦ tocré, 1. XXV, p. m,'m. • ' " î
a LocRS t. -\XV, |). 435. - » Locré, t, XXV, p. 0 i2.
M LA coiiP04iT)e;v :t>M cotu d'assises. §. 585. i43
4<fODiffb ftiNMe.rmtrîg^ et d^l^wiçifr-propre» cd eut été
fc.rAmltiit DeVlîIrOii prescrire ^ue.Ies conseillers des Cours
mç^fylks^iàiBmistii cktcnxï à leor tour les assises? Mais
Vh^'fii les: infirmité pouTaieM -en 'excuser plusieurs ; d'ail-
tenr^u^l^.jiigq» peuveai biea être arptesà iagêr, mais tous
BQJtoMraf^l|ias'î remplit le» fonctions ditficifes de président.
Pé|1im.^p^¥<»ra dà être confié au premier président de
hyj^rlàqièmTequi pétant derdrôH préardeat de ces mémos
Go^^i^^ilfsiséS) d4SégV^^ s>^ pro{^res fonctions*. »tes*au-
ti»^iti:^pKÔi9f^ne,pi^^^ Btilleroeult lesdaogeft d!une telle
:amtii^i(^is>JP{oW':fffî:Bo«a dirâîtnQlom pas que Icsobjec-
tiDfm'qii-Ojti peut .l^e ^soiAtn.ce rtiodes de nomination ne «oient
a^ffaL%^ y w^k^l^es jffif dent de leur force par /a dispo-
fiHîMi Api im9f t qui porte que l'époque de ces nominations
SBra. l^técninée par des règlements d'administration publi*
qœ, ee qpi préviendra, comme l'énoncent les niolifs qui vous
oX^éevpofié^^ l'inconvénient qui pourrait résulter de l'ar-
bitra^ eu eette parÈe ; et ces nominations faites ainsi à Ta-
Tanœ, à des époques et pour un temps iixes» ne peuvent plus
être considérées avoir le même danger que si elles avaient lien
k ebaqçQ resiotiveUemeat d'assises. »
]Df!iiiUèur&, un tempérament fut apporté i cette haute at-
tif|p(J^n du premier président , un droit siipérieur au fien
fottà^rjé au grand juge » c'était un remède à des écarts,
kik^ choix arbitraires, à des intrigues qu'il était nécessaire
ikfféyWp M. Treilhard ajoutait aux motifs que nous avons
4litiis :.«( Cependant le grand juge pourra nommer, quand il
it) jogeca ooAVcnable , le président et les conseillers qui feront
I|sser;fice9ux assises. C'est une faculté qu'on ne peut refuser
iflL^fidÇ' toute la magistrature. i> M. de Noailles termi-
Mfe^ga]emeiit son rapport en ces termes : « Si ce mode de
Bommition , pouvait OMCore présenter des inconvénients, ils
KnMl^teDpérés par la faculté réservée au grand-juge de faire
tatHiftCliDie ces dominations , quand il le jugera convenable ;
Aii4^il^cbief delà justiçia oxcarcer^ celte partie de ses altri-
haioqfl, Iffraqu'il s'aperjoevra que les premiers présidents s*é-
Wfeill d^ss leurs .^hoix de cetle impartialité qui doit diriger
toq|^(|e$ actions des; magîstraisi »
. .yanareti'autre al^trïbutioo^sont fqriùetlciment consacrées
par l^ort. 16 de la loi du 20 avril 1810, ainsi conçu : « le
prenfier président de la Cour impériale nommera, pour cha-
aocré,t.XXV,p. OOOt
144 DES COURS ft* ASSISES.
que tentio (le Cour d^assises, un membre de ladite Cour pour
les présider... Le ministre de la justice p<7urra néanmoins
dans tous les cas nommer les présidents et les conseillers de
la Cour qui devront tenir les assises. L'époque de ces nomi-
nations sera déterminée par des règlements d'administration
publique. » L'art. 79 du règlement du 6 juillet 1810 ajoute :
« lorsque les nominations des présidents des Cours d'assises ,
qui doivent être tenues tous les trois mois , conformément à
l'art. 259 du G. d'inst. crim., n'auront pas été faites par
notre grand-juge pendant la durée d'une assise, pour le tri-
mestre suivant, le premier président de la Cour impériale fera
ladite nomination dans la huitaine du Jour do la clôlure de
l'assise. »
Il résulte de ces textes, il ri^sulle surtout des paroles qui
les ont expliqués, que le droit de nominalion appartient or-
dinairement au preniicr président et extraordinairement au
mintstre. C'est là le système que les exposés de motifs ont
établi et que la loi a voulu consacrer. Le débat s'était élevé
entre la cour entière et le premier président seulement; en
rejetant la cour parce que les choix faits par les corps don-
nent facilement accès aux intrigues et que leur manifestation
est une entrave au service, le législateur n'avait point voulu
enlever à la délégation son caractère judiciaire et son indé-
pendance, et il l'avait confiée au premier président. C'est là
la règle nouvelle qu'il prétendait introduire; et ce n'est que
pour répondre aux objections prises de la facilité qu'auraient
les premiers présidents d'abuser d'un si grand pouvoir, qu'il
imagina, comme une mesure modératrice, de tempérer ce
pouvoir , suivant l'expression du rapporteur du corps lé-
gislatif par la faculté réservée au grand juge de faire lui-
même les nominations. Tel est le vrai sens, tel est le véritable
esprit de la loi.
Mais en même temps il faut reconnaître que ces textes,
tout en posant celte règle générale, l'énoncent en termes un
peu flexibles. L'inquiétude que soulevait la délégation faite
au premier président se trahit dans la réserve qui la suit. Ou
Veut que l'abus qu'il pourrait faire de son pouvoir trouve
dans tous les cas un moyen de le contenir et d'en prévenir les
excès ; on écrit donc dans la loi que « le grand juge pourra
néanmoins, dans tous les cas, nommer les présidents des as*
sises. 0 Or, cette exception à la règle générale, cette excep-
tion si générale elle-même et si absolue, n'en détruit elle
M u covpMinoN Bl^ jGovM ^Ussiftcs. (J. 585. i45
pis «ir«ilitéi toute la portée? Déclarer qoe le tuntistrepdoftn
Doromer, dansjaus Uscas, sans spécifier ces eas, satifpdéfiHîé
ré^ndhie de cette attribation, ii'est-c« pas refneitr&eotre adi
mm pa.fouvoir illimité? N'est-oe pas ittt pemettredé
Teseraei, iwi^$euleinant çbus lea caa où Je premier prMu
deat peMt mok abusé oa seraii disposé à aboaer de sa pi^ftN*
gatiTi^ «aïs epcQre dans les cas où il n'y a lieu de eraMre
DÎ abufni^ excès, et généraleoient dans tous les cas où il toi
piatt de Texercer? N'est'-'ce pas dire que le droit qui nent
d'étrf conféré au premier président est purement fictif et qu'il
ne Thppliquera que si le ministre Vj autorise ? et ajovAer enfin,
comme le fait lart. 39 du règlement, que le premier prési^
dent fera la nomination lorsque le ministre ne l'aura pas
faite^dans le délai qui lui est départi, n'est-ce pas reoon-
nattre quil n'aura le droit de faire cette nominatiott qu'aire
tant que le ministre ne laura pas Caite?
U roinist)*e de k justice a xlono été fondé, en s'appuya«vl
sarces deux textes, à revendiquer le droit général de faire
tautes les nominations des présidents des assises. Cette infer*
prétation a défioitirement prévalu. M. Legrav^rend posait
en principe, dès 1816, « que le premier président ne nomme
les présidents que comme suppléant le ministre de la justice
en cette partie ^ . > Et la Cour de cassation, sanctionnant cette
doctrine, a déclaré a que les art. 253 et 253 portent que les
cours d'assises seront présidées par un conseiller délégué A
cet effet, sans indiquer par qui la délégation serait faite; qws
Kart 16 de la loi du 20 avril 1810, pour remplir cette la*
GQoe, a attribué ce droit de délégation au ministre de la jus»
tice et» à son défaut, au premier président *. » C'est dans ces
ternes que l'attribution du premier président» demeurée à
peu prés oisive entre ses main, a été constamment et sans ré»
clamation circonscrite depuis rét4>lissement des Cours d'as^
«isa»Les conseillers qui président ces cours sont exelusiveasent
désignés chaque trimestre par le ministre.
Celte jurisprudence s'explique d'ailleurs aisément. Elle est
née pendant les temps difficîles qui suivirent rinstallation des
GoMis ioipériaJes; elle eut pour première cau»e la nécessité
de venir eai aide A Tadmioisiratioii encore vacillante de la
justias en plaçant la nominaiiou d^s présidents des assises au-
« . . • '' *
*7QRieII,p.OO.
' Coffc, lu avril 1847, rQp|y. ST. VltotiAis Sobt-Iaor^, BulJ. r. 70
T»ll. lô
146 DU COURS v'ASSMCt
dessus des préteAtions locales et des influeûces persoDoellei.
Lei évésemenU politiqMt m firent plus tard on puissant ie«
vief contre les efforts des partis et les passions aiii agf««
taient TEtat. Elle s'est ensuite eontitiuée lorsqu'elle B'é«
tait plus aussi nécessaire, parce qu^on a douté que les pre-
miers présidents fussent en poûtion d^exereer cette haute pré^
TOgative avec assez d'indépendance et de fermeté, parce qne
tes compétilions individuelles qui divisent les compagnies ont
^u devoir influer sur hs choix phit^ que Tintérèt dti M^
tice^ porce que le pouvoir central s'est cru seul en mesifre
d'apprécier les besoins de la justice et djB subordonner les
prétentions des personnes à la nécessité des affaii'es, enfin,
parce qu'il est difficile, quand ^ gouvernement est UÉe fois
en possession d'une attribution aussi importante, qu^it la dé*
laisse volontairement.
Mais tel ne sera pas sans doute le mode définitif de ces tlé«
légations. Assurément nul ne peut mettre en question ni les
motifs de bonne administration de la justice qui dicteot les
cheiib du minisire, ni rita)(nf tialilé des magist rata ifu^ii choisit
Mais ce n'est pas assë2 : ee n'est pas l'exerciee de la faculté
y« la théorie ilébat, c'est la faculté elle^éme, c'est lechont.
ne suffit pas que la juridiction soit de fait indépendante, îl
(sut que cette indépendance résulte de sa constitution même,
qu'elfe soit affirmée par la loi. Or, peut-^lle paraître complè-
tement assurée quatid le magistrat est attaché au servioe^s
assises par une commission spéciale, quand cette comifiission
n'émane pos du corps même dont il fait parlie, quand eilé
constitue un avantage et un titre* quand il Ta ambitionnée
avant qu'elle lui fût conférée et qu'il Tambitienne encore
dans l'avenir? («a puissance des juges est tout entière dan»
leur permanence^ c'est parce qu'ils sont Kéa d'une manière
fiie à leurs fonctions, c'est paroe qu'ils ne pemeni en être
distraits, c'est parce qu^ils prennent une pari nécessaire à
toutes les sentences de leur juridiction, qne oette juri«Ketioii
8*élévo dans l'esprit des peuples et leur parati rorganemème
de (a justice. Or, quelle est la règle qui assure cette stabilité,
et qui fait que chaque mission du^uge est une mission de la
justice? N'est-ce pas le roulement annuel qui, opéré dans le
sein du corps judiciaire par ee corps lui-même , attribue à
diacun de ses membres une fonction à laquelle il est invio-
lablemeut attaché? Et serait-il impossible, si Ton mninliènt
la prihcipe qui, de chaque assise, fait une section de la Cour
DE L4 COMPOSniOS DE» (.00^2 d'aSSIsES. § 585. 147
îmiiériaîe, que celle Cour, chaque année, en faisant le roule-
ment des eonseîlleK dans les chambres^ désignât a Tavance
eeux qui doivent tenir les assises?
ni. La haute prérogative du ministre de la jastice redon-
nait cependant une double exception.
La première a lieu lorsque le ministre n*a pas usé de son
droit pendant le délai qui lui a été imparti par la loi.
L'art. 16 de la loi du 20 avril 1810 perle « que Péfioqae
de ces nominations sera déterminée par des règlements d'ad-
ministration publique. )> Et Tart. 79 du réglemenldu 6 juillet
suivanl déclare que lorsque les iKïminalions n'auront pas été
failes par le ministre, pondant la durée d'une assise, pour le
trimestre suivant, le premier président les fera daos la hui-
taine du jour de la clôlurc de l'assise.
Le législateur a voulu par cette disposition atténuer quel-
ques-uns des dangers de ces nominalions : faites à une époque
trop rapprochée de la tenue des assises, elles pourraient pa*-
rattrc préparées en vue des affaires qui y seraient portées;
faîtes trois mois i Tavance, elles no soulèvent plus dans le
plus grand nombre des cas la môme ÎBC^uiétcidf. Aussi
M. Treilhard disait, dans l'exposé des moUTsdc la loi : « un
règlement d'administration puMiquo fixera Tépoque oà les
.c)ioix du premier président devront être faits et préviendra
rincouvëment qui pourrait résulter de rarbitrairc en cette
.farlie. > Et le rapporteur du Corps législatif ajoutai! : a ces
nominations faites ainsi à l'avance, à des époques et pour un
temps fixes, ne peuvent plus être considérées avoir le même
danger que si elles avaient lieu à chaque renouvellement d'as*
sises. »
Ainsi, si le droit du ministre n'est pas limité quant à son
étendue, il Test quant au délai dans lequel il peut être exercé,
il expire à la clôture de chaque assise, en ce qui concerne le
pjrésident de l'assise suivante; et dès que la nomination de ce
ftrésident n'a pas été fuite k celte époque, il appartient au
premier président d'y procéder.
La question s*est éleyée de savoir si le ministre, lorsqu'il
a laissé s*écouler, sans nommer le présûlont des prochaines
assises? le délai fixé par Tart. 70 du (l('*cret du 6 juillet 1810,
et que le premier présiilent a procédé à cette nomination,
peut encore, par une ordonnance postérieure^ exercer son
droit. On a dit pour l'atrirmative : a le droit de nomination
appartient d'abord et essentiellement au ministre ; cl* droit,
lis ots COI AS d'aisi^bS.
il Texerce dans tous les ras^ sui?aot h loi, c'est-à-dire alon
même que ia nomination a déjà été Taite par le premier pré»-
denc. En cflet, que signifierait cette expression dons tous Isf
cas? n'indiquc-t-elie pas avec évidence qae rien ne doit
mettre obstacle à la nomination da ministre» et que la ficullé
qui lui est accordée, dans une pensée de haute administration,
ne peut être entraTëe par des choix faits par les chefs des
cours? L'économie de Part. 16 de la loi du 30 ami 1810
proure que ces mots se rapportent aux cas spécifiés aux trois
premiers $ de Tartiole qui s'occupent des nominations qui
peuvent être faites par les premiers présidents. Croiraît-on
trouver une dérogation à cet article dans Tart. 79 du dé-
cret du 6 juillet 1830 ? Faut-il en conclure que le droit
du ministre ne peut s'exercer que dans les limites qui sont
fixées par le décret? Cette objection serait fondée si la loi
avait ait seulement que le ministre a le pouvoir de nommer
les présidents d'assises. Il serait clair alors que le règlement
rendu pour Texécution de la loi aurait limité l'exercice de ce
pouvoir dans les délais qu*ii a fixés. Mais la loi a fait plus,
elle a donné au ministre le droit de nomination dans tous les
cas ; il est évident que ces expressions générales n'auraient
plus de sens, et que le décret Tait pour assurer Texécution de
la loi aurait dérogé à sa disposition, si, après Passise, dont le
ministre ne peut connaître la durée, li était déchu du droit
de nommer. Le décret a seulement fixé Tépoque à laquelle il
serait ordinairement présumable que le ministre ne voudrait
pas exercer son droit; il a dit qu'alors les chefs de cour pro-
céderaient A la nomination y car il faut que les choix des prési-
dents d'assises soient eounus à l'avance des justiciables; ces
désignations ne peuvent être retardées sans de graves incon-
vénients; toutefois ce droit, les premiers présidents ne l'exer-
cent que provisoirement, puisque le ministre peut nommer
danà tous les cas '. » Mais cette doctrine a été repoussée par
un arrêt qui déclare, avec une grande force de raisonnement,
c que, d'après Tart. 16 de la loi du 20 avril 1810, la nomi-
nation des présidents des cours d'assises appartient aux pre*
miers présidents ; qu'à la vérité ce même article aeeante au
ministre de la justice la faculté de les nommer loi*même;
msis que, pour régler l'exercice de ce double droit de nomi-
nation, il H déterminé par l'art. 79, déc. 0 juill. 1810, que
A Réquisitoire do prscurtur général.
le lyiiDÎstre oserait dr son droit, pour chaque trimestre, peu--
dant la durée de l'assise du trimestre précédent, et que, $^il
laissait passer ce délai sans faire la nomination, le premier
président la ferait dans la huitaine du jour de la clôture de
rassise ; que rordonnance rendue par le premier présideul
dans les termes dudit art. 79 ii'est donc que l'exercice du pou-
voir dont il est légalement investi ; qu'elle doit avoir la force
de toutes les ordonnances de justice compétenunent et régu-
lièrement rendues; qu^elle est exécutoire du moment qu'elle
existe, et ne saurait être invalidée ou paralysée par aucun
acte postérieur ; qu'on ne pourrait la considérer comme pro-
visoire et subordonnée à la nomination que ferait ultérieure-
ment le ministre qu'autant que la loi contiendrait à cet égard
une disposition formelle; mais que si le ministre a reçu de
Tart. 16 le droit do nommer datis totis les cas , ces expi es-
sioDS ne peuvent s^en tendre que de Tapplication de ce droit
aux divers cas pour lesquels les trois alinéas précédents du
même article chargent les premiers présidents de nommer; et
qu'on ne peut, sans leur donner une extension qu'elles ne
comportent point, eu induire "que la nomination du ministre,
à quelque époque qu'elle intervienne, doit faire tomber la
nomination du premier président légalement faite ; que l'es-
prit de la législation ne repousse pas moins une telle interpré-
tation ; qu'en efiet , c'est pour assurer aux magistrats qui
doivent présider les assises le moyeu de procéder aux actes
d'instruction ordonnés par la loi ou jugés nécessaires à la ma-
nifestation de la vérité et pour garantir aux justiciables une
bonne administration de la justice, que la loi a filé comme
elle Ta fait les délais de leur nomination ; que ce but serait
iManqué s'il était possible que le magistrat nommé par le pre-
mier {NTésident dùl , après avoir interrogé les accusés et
pris connaissance des affaires en état d'être portées à la ses-
sion, céder les fonctions au président nommé tardivement,
môme à la vdlle de l'ouverture des assises, par le minisire de
la justice \ »
IV. La deuxième exception à l'attribution ministérielle a
lieu lorsque le premier président préside lui-même l'assitc.
L'art. 16 de la loi du 20 avril 1810, après avoir délégué
au premier président le droit de nommer les présideoli d'as-
« Cm, «3 JQOf. iSaS^ ^ap^ M. ViaeeasSl-LauiwU MA. n. la.
1)10 DES COURS I»*ASSISES.
sises, ajoulo : a il pourra les présider Iui-mém«, quand il le
jugera convenable. »
PeuHI les présider dans le cas même où le ministre de la
justice a nommé un président? On aurait pu croire que le
premier président ne pouvait exercer par lui-même uo
droit qu'il ne pouvait plus déléguer et dont un autre magislrflt
se trouvait investi par Tordonnance du ministre. Mais la Cour
de cassation a jugé par deux arrêts : « qu*il résulte des
art. V^ du décret du 30 mars 1808, 16 de la loi du 20 avril
1810, 7 et 39 du décret du 6 juillet 1810, que le premier
président d'une cour impériale, quoique attaché habituelle-
ment à la première chambre civile, conserve toujours le droit
d'aller présider , quand il le juge convenable , les autres
chatnbres de la cour, et même la Cour d'assises, de quelque
autorité qu'émane la nomination de son président titulaire;
que c'est une prérogative inhérente à son titre et à ses fonc-
tions S »
Il peut exercer ce droit dans les assiscâ extraordinaires
comme dans les assises ordinaires : u attendu que les assises
cxtraordinan-es n*ont pas un caractère différent des assises
ordinaires ; que le premier président, en usant de la fa-
culté que lui donne Tart. 16 de la loi du 20 avril iS'^. ne
viole point Part. 81 décr. du 6 juill. suivant, lequel n'a pu
déroger à la loi dont il devait organiser l'exécution^ et qui,
en disposant pour les cas ordinaires, n'a pu ni voulu diminuer
les attributions générales dont la loi investit, dans tous les cas,
les premiers présidents *. »
Il peut exercer ce droit dans une seule affaire des assises
ordinaires ou extraordmaires'.
Que devient dans ce cas le président nommé? Il faut dis-
tinguer : si le premier président ne vient présider que dans
une seule affaire, le président titulaire, suivant les termes de
Tart. ^9 du décret du 6 juillet 1810, reste men^bre de )a
Cour et y £|iége comme premier assesseur ^« Que si» au con-
traire,.il vient présider toute la session, comme il se substi-
tue dans ce cas au président titulaire qui n^a plus aucune mis-
sion à remplir^ ce dernier doit cesser de faire partie de la
Cour d'assises \
* Gafli. 15 nov. 1855» npp. M. Legagneur, BalU n« 356 s 20 jtnr. 1S57,
rapp. M. Legagneur. Bull. W 37.
s Ga88, 18 a?rll 1823, rapp. M, Mérilliou. J. P., t. XXY, p. 389.
%«ct^M*Qttstn^
AB LA COMPOflflOll DIS 00018 1k\sSI8iS. { 585. 151
y, Si le président désigiié S0 trouve, par quelque emp^
cltement, dans rjnipossibilit^ de rpwplir ses (oactiqns, il doit
$tre pourvu h son remplacenient.
Commept c^ renipIacefoM 4piMI ^*opérçrT tl fgut, pour
répondre à cette question, distinguer Tépoqueou sa manilçiito
Si r^nqpèÂeipeqt survient avdut la uotiGcation faîte k
i^baqu^ju^^ dq rejctraitde U li^t^, uotirication prescrite par
Tart» 389 du Code d'iqstr. crlru^; il doit 6tre procédé, par
une conséquence directe de cet article, à la délégation 4 ua
poyveau président,
Ce nouveau président est noptpié comme le preiaier «ui»
vaqt les règles prescrites p^r l'art* 16 de la loi du 30 avril
Il a été jugé dans ce sens ; « que cet article a attribué la
droit de délégation au ministre de la justice, et à son défaot
nu Bremier président *, que la généralité de ce)» termes )a
rendent également fipplicable au cas d'une première oomiHa*
iion et 9U cds d'un remplacement ^. «
Alais la règle qui veut que le droit du ministre expira k la
elâtur^ de la précédente assise pour faire plaise w droit êa
premier président » est-elle encore «pplipable au ^s de ffm*
plnc(^mepi? Cette question se trouve résolue négativemMt
d^ps un arrêt qui déclare : a Que Tart. XQ de U loi du ftO
4vrft 1810, en attribuant au premier président le droit do
fw^ cette délégation, a #Uribué en même temps 9u ministre
d$ 1|L justice la tiaçulte d'exercer le même droit itmê tOMS i^
^; que cette doubla attribution n'ayant reçu aucuna x^tr-
trji^tion 4® la loi, peut s'Appliquer, soit au cas 4'une pre-
.midriç npmwtipni soit au cas du remplacement pour emupe
de Ten^pédiement du magistrat nommé \ que dans le tm de
rciopiacfment comine dans le csus de première nomination, ie
droit du ministre et celui du premier président demeurant
dans les jfAwm t/^rmes^ doivei^ s'exercer dans Tordre qnî a
M tîxé àw^ ce dernier ^as par la toi; que Tart» 79 dudioret
dul^juillÀlSlO dispose qu^ le freipier priésideot ne doit
nrocâer à U détègution du président des assises qu'autant que
{^ mînîstre p'a pis f^ |ui-mâme cette délégation pendant ia
di^ de Vassise du précédent trimestre; que, par suite du
nteeprifteipei 1^ premier président ne peut procéder au
< Cass^I^O avril 1847. rftp[f, W» ViDctns St-LoureiH* BuH. d, 76;
192 DES «XWAt I>*AftSMffl.
TempUeemenl du président des assises empèdié qu^autonl
que le ministre ne procède pas lui-mèmo à ce remplaremeirt;
que sOD droit qui, dans le cas d'une première nomination,
est subordonné è celui du ministre, ne doit pas, dans le cas
d^in remplaçaient, faire obstacle à ce dernier ^ »
Cet arrêt peut donner lieu à quelques observatiotis que
nous avions proposées dans les termes suivants, dans lerapport
qui Ta précédé : cil est clair d*abord que, si le délai fixé par
l'article 79du décret du 6 juillet 1810 n'est pas expiré, iemi^
nistre. qui se trouve encore en possession du droit de nom»
mer, peut, par une conséquence incontestable, remplacer le
président empédié; mais si ce délai est expiré, le minislre,
qui n'a plus le droit de nomination, pourraitril avoir te
droit de remplacement? On prétend que la déchéance ne
9'appli<fue qu'à la première nomination. Mais la raison delà
déchéance ne régit-elle pas la seconde nomination aussi bien
que la pren *èrr? N'est-ce p<')s le danger d'un choix fait à la
veille des assises? £t s'il est indispensable d'y procéder, la
bonne administration de la justice n'exige-t-elle pas qu'il soit
laissé au premier président r On oppose encore que le droit
de remplacement ne peut appartenir qu'à l'autorité qui a
nommé. Quel est le texte qui fait ainsi dépendre la compé-
tence de l'autorité qui remplace de l'origine de la nomina-
tion ? Il n'existe, en dehors de fart. 263 de notre Gode, qu^ttn
seul texte qui ait prévu un C4k$ de remplacement : c'est l'ar-
ticle 81 du décret du 6 juillet 1810, qui prévoit le cas d'em-
pêchement du président de Tassise au moment où la néoessfté
de, la tenue d'une assise extraordinaire se manifeste; or, que
ditcetarticie? « Le remplucement sera fait par le premier
président. » Sans doute l'hypothèse prévue par cet artideest
celle d'une assise extraordinaire; mais n'y a-Vil pas une évi-
dente analogie entre le remplacement dans ceeas et dansée-
lui d'une assise ordinaire? Et cet art. 81 ne senble-t-fl pas
d'ailleurs un corollaire de l'art. 79 du même décret, qui su-
broge le premier président au droit du ministre aussitôt l'ex-
}firation du délai fixé? Pourquoi, en effet, le premier prési-
dent a*t-il seul le droit de nommer dans l'espèce de l'article
81 ? N'est-ce point que, à l'époque de l'assise extraordinaire,
le ministre est déchu de son droit? N'estroe point que le
délai dans lequel il peut nommer est expiré? Ne éoh-^m pas
* Cm»* 27 mai i^l^h^ notre rapport, Ml. a i7i«
DB LA COMMSm^M MSÉ QOWftS D*A6SHICS. § 585. IS^
ifidoire mw toutes les fois ({ue cette limite est dépassée^ qa'il
s*:agisie d'une assise ordinaire ou exiraordiDsire , le premief
prMdeotseuI est compétent? Cette disposition est peut-être
«onfoniie à la nature clés choses. Il est naturel que le premier
président qui est sur les lieui. qui peut pourvoir sur-le-champ
«itTenpIaoemettt , qui connaît les magistrats dont il peut dis-
poeer»*^t seul chargé de faire cette désignation» Il est logi-
que qU'il soit seul chargé de cet ot&ce dans tous les cas où il y
a urgence; Bt il y a souvent plus d^urgence au cas d'une as*
aise ordinaire qui va s'ouvrir qu^au cas d'une assise eitraordi-
naire dont l'ouverture n'est pas encore fixée. Il y a lieu de
lemarquer enfin que , dans l'espèce, le premier président
tfvaîl rendu une ordonnance de remplacement avant l'ordon-
naiiee du ministre. Or cette ordonnance, prise compétem«
ai«nt et régulièrement , doit-elle être subordonnée à la volon-
té ëii ministre, valide, si le ministre ne fait lui-même aucune
ttotmnation. nulle au contraire et sans force, s'il en fait une?
Mais Tordonnance du pnunier président, dès qu'elle est puisée
daas l'exercice d'un droit qu'aucune déchéance n'a vaif frap-
pé, n*esl-elle pas exécutoire et peut-elle être atteinte par un
acte postérieur émaué d'un pouvoir dont elle n'attend aucune
mnetion? •
Le premier président, qu'il ait ou non le droit de rempla-
cer le présiitont empêché» au cas de l'assise ordinaire, a seul
et exclusivement ce pouvoir, au cas d'une assise extraordi-
mite. C'est ce qui résulte du 2« § de Tart. 81 du décret du
# juillet ainsi conçu : • Eu cas de décès, ou empêchement
ïég^tn^j le président de l'assise sera remplacé à l'instant où
* t»^ié6essité de la tenue de Tassise extraordinaire si ra con-
jaiie : le remplacement sera fait par le premier président. »
U est telair que cette disposition précise exclut» dans ce cas
au jooimy le droit ministériel ; et ce point se trouve impli-
oitemedt reconnu, par l'arrêt qui vient d être cité, et qui
ééclare, en cherchant à le restreindre : « que si l'arL 81 dé-
lègue au premier président le droit de nommer immédiate-
méat le président de l'assise extraordinaire, au cas d'emfé^
ehwient du président de l'assise ordmaire, cette dispo^tion
«pédale, pour ce seul cas, est une exception au droit du
DiUiistfey qui doit ^re restretut dans ses termes ^ »
Si rempèchement ne survient qu'après la notification faite
* Gms. S7 anu iSSS» «tt êgprà. p. ihbk
à chaque juré de Texirait do laljstç, le mod^ de rempUçf^*
ment est rormcllerpent prévu par la )oi ; Part. Jt63 porte
aue ; <c Si, depuis la potifioation faite aux jurés ea pxôcu*
tion de Tart. 389 du présent Gode, la président de U Cour
d'assises se trouve dans Pimpossibilité de remplir ses fonc-
tions, il sera remplacé par le plus ancien des autres juges de
la Cour impériale, nommés ou délégués pour l 'assister) çt
s'il n'a pour assesseur auoun juge de la Cour impériale» par
le président du tribunal de première instauce. »
La première question que cet arlicle doit soulever est do
savoir si, même après la limite quMI a posée, après la notifia
cation faite aux jurés, il peut y avoir lieu au remplaœm^Rt
du président empêché, suivant le mode prescrit par l'art, Ifi,
de la loi du 20 avril iSlO, La Cour a résolu catte quostiop
affirmativement par trois arrêts. Dans la première esp^, le
|)résident des assises avait été remplacé, postérieuremeut &
a notification faite aux jurés, par le premier président, et ce
remplacement a paru régulier: a attendu que Tart. 363t le-
quel d'ailleurs n^est pas prescrit à peine de nullité, n'est ap^-
plicahle qu'au cas où le premier président n'a nas osé du
pouvoir à lui conféré par l'art. 16 de la loi au SQ afjril
1810 ^ » Dans les deux autres espèces, le remplacemeuî C«|t
dans la même circonstance par le ministre a été également
maintenu, « attendu que Tart, 263 doit être concilié avoç la
disposition dudit art. 16, et qu'il n^y a lieu de recpqpr au
mode de remplacement quHl détermine, que lorsqu'il n'y a
Sas été pourvu par le ministre^ ou par le prepier prw*
eut '. »
Jl résulte de cette jurisprudence aue Tart. S63 B^'n^nrAÎt
indiqué qu'un mode facultatif de reipplaçement, que ce mq4e
ne serait applicable qu'au cas où, m le mini^re^ ni lie pif-
inier président, n'useraient de leur droit de QpmÎMtJon, et
que ce droit ne serait par conséquent frappé 4'AUCune 4é-*
chéance, quelle ^ue soit l'époque où il préte^P^rait s'^j^ei'^ypr.
Lesobjcclions que soulèvent cette doctrine méritent peut Mre
d'être pesées, La loi, en attribuant au preiuier présida )e
droit igénéral, et au nûnislre la faculté 4e oommer la^ fié*
aidants des asaises, a voulu entourer cette attribution 4 ui>e
haute garantie : cette garantie est le délai dans lequel h
* Cass. 30 juin. 1840. rapp. M. Isambert. Bull. n. 219.
• Cas». 10 avril 1847. rapp, M. VincensSl-Laurenl BuUJmTfi ; et ^7 «al
i^i.tàtéêuprà. ^
DE LA COUfOmiW »ÊS CÛIlAd u'aSSISES. § 585. i5i
nqi^i^^tiop 4f ît l^^re f^M^o. Ce délai, fixé par Tart 79 du dé-
cret çfu 6 juillet 1810) répond que la nomination ne ser(|
pas faite en vue des affaires à juger; il est le gage et U
preuTe de son impartialité. C'est la même pensée qui a diotA
Tart. 263t Notre Code, animé par le môme esprit que le dé-
cret, D^a pas voulu qu'un président nouveau pût être dé»^
gné à la veille de Touverture des débats, et quand le rôle des
afTaires est déjà formé; il a fait lui-même cette désignation.
Cet article a donc eu pour but d'assurer rindépendanco de
la Cour d'assises, en substituant la désignation aiérarchique
à la désignation par le choix^ toutes les fois que le remplace-
ment est assez près du jugement, pour qu'il puisse, non pas
paraître, mais être supposé, môme témérairement, le résultat
d^me influence quelconque. Il est clair que Tart. 263, tel
que Pont interprété les arrêts qui viennent d'être ciiés, a
cessé d'apporter aucune garantie : c'est une régie facultative
d'administration judiciaire; ce n'est plus une régie de
justice.
Cela dit, arrivons à la régie prescrite par Part. 263 : cette
règle est que, postérieurement à la notification faite aux ju-
rés, le président est remplacé par le plus ancien de sesasscs^
scurs, ou par le président du tribunal.
Celle substitution, par ordre biérarchique, ne doit pas être
I^rise dans un sens trop absolu. Ainsi, il a été reconnu quç,
orsque Tassesseur le plus ancien ne peut, à raison de la fai-
blesse de sa santé, diriger les débats, celui qui vient ensuite»
peut remplir à sa place les fonctions de présidents
Mais il ne suffirait pas que Tasscsscur le plus ancien eût
consenti, il faut qu'il ait été réellement empoché : la Cour
de cassation avait paru admettre, en général, « au'aucune
loi D^interdit à un conseiller plus ancien d'abandonner la
présidence à un conseiller moins ancien que lui *. > Mais
cette solution n'a point été étendue à la juridiction des as*
sises^ et il a toujours été reconnu, au contraire, « que la
composition des Cours d'assises., et la désignation de leur pré-
sidenti sont d'ordre public, et se rattachent essentiellement à
la compétence; que, dés lors, il ne peut y être dérogé par le
seul consentement des magistrats appelés & en faire partie ;
que les fonctions de président ne peuvent être remplies que
* Cats Si mai 1827, rapp, M. (ÂWier. J. P., t. XXI.
' Cm. 81 déc 183W rapp. II. Ga'iikrd» J« P., U XXII, ^ il80»
i96 DIS C09M »*Attl|E8.
par UD magistrat à ce délégué par le oÛDistre de la juatice,
et, à son défaut, par le premier président de la Cour du
ressort ; qu'en cas d'empêchement de ce président, c'est la
loi elle-même qui désigne le magistrat qui doit le rem-
placer, ou qui délègue au premier président la faculté de dé-
roger i Tordre tracé par la loi : qu'ainsi il n'appartient ni au
président des assises, ni au magistrat appelé à le remplacer de
désigner celui qui doit diriger les débats ^ »
Dans les départements autres que ceux où siège une Cour
impériale, Tart. 263 ne désigne, pour remplacer le président
empêché, que le président du tribunal; mais cette désignation
n'exclut ni le vice-présidenl, au cas d'empédiement du pré-
sident» ni les juges plus anciens, au cas d'empêchement du
vice-président, car il faut bien que la juridiction puisse se
constituer. Il a été jugé dans ce sens « que, d'après l'art.
253, les présidents et juges plus anciens du tribunal du lieu
de la tenue des assises sont appelés concurremment à compo-
ser la Cour d'assises, et que l'appel du président du tribunal
à suppléer dans la présidence les membres de la Cour nommés
ou délégués, est un appel explicite du vice-président ou des
JÉges plus anciens du tribunal, en cas d'empêchement dudit
président; que cet empêchrmei.t est présumé par cela seul
que ce magistrat n'a pas siégé et que Ip vice-président ou juge
plus ancien est de droit investi des mêmes pouvoirs dans l'ad-
ministration de la justice^. » ) n cutre arrêt décide avec plus
de précision encore: a que ia disposition de l'art. 263 est
purement indic&tive et n'emporte aucune r»*>triction ; qu'il ré-
sulte de la combinaison de cet article avec les art. 253 et 264
qu'en cas dVmpêcbement légitime, le président des assises
doit être remplacé par le président du tribunal, celui-ci par le
vice-président ou le Juge le plus ancien *. »
Enfin, une dernière hypothèse se présente: le président,
soit qu*il ait voté sur la mise en accusation, soit abstention
ou empêchement momentané, se fait remplacer dans une seule
affaire. Comment doit s'opérer ce remplacement temporaire?
Il ne peut évidemment s'efiectuer que suivant la foi me pr^
ciito par Tart. 263, car le remplacement doit être instantané
' Gasi, 8 tTril iSA7, rapp, M. Isambert. BulU o. 78 ; S7 juin ISii. rspp.
M. Fréteau. Bull. n. 941.
* Cass. 81 déc. 1880, rapp. M. Iiambeit. I. P., UXXni. iO»i ;
* Casf. 14 ftf. â85«> à notre npporu BnU a. M»
M LA GOHjNyMTKUf %KS COUM d'aSUSKS. § 585. 157
et il serait dérisoire de déléguer un président spécial pour une
sêJD^afbtre. Ha été jugé dans ce sens «que l'art. 81 du d^
cref du 6 juillet 1810 ne s'applique qu'au cas où il s^agit de
nommer un président pour une session entière, soif ordinaire
soit extraordinaire^ et que, dans le cas où le président se troufe
dans llmpossibilité de remplir ses fonctions à Tégard d'une
seole des afiaires portées au rôle de la session, il y a lieu de
procéder conformément & Fart 263, quand bien même Tin-
capacité du président tiendrait à une cause antérieure à la no-
tiiieation de la liste des jurés prescrite par l'art* 389 ; que le
remplacement même temporaire du président de la Cour d'as-
sises par l'an des magistrats de la même Cour dans l'ordre
biérarchiqQe est un principe d'ordre publie ^ »
VI. Les formes de la nomination des présidents des assises
ont été réglées par les art. 80, 88 et 89 du décret du 6 juil-
let 1820.
Il résulte de ces dispositions que la nomination , qu'elle
émane du ministre ou du premier président, est déclarte par
une ordonnance du premier président; que cette ordonnancOi
qui contient en même temps, aux termes de Tart. 2â de la
loi du 20 avril 1810, le lieu et le jour de l'ouverture de Tas-
sise, doit être rendue publique, au plus tard, le dixième jour
qui buit la clôture de Tassise précédente; que cette publica-
tion a lieu 1* par la lecture qui en est faite, dans les trois jours
de sa réception, à Taudierice des tribunaux de première ins-
tance du département; 2* par son annonce dans les joumanx
do même département; 3* par son affiche dans les chefs-lieux
d^arrondissement eisiégesdes tribunaux depremiére instance.
Ces formes sont importantes: c'est cette publication qui
fait connaître aux citoyens Tépoque de Touverture .des assi-
ses et les convoque à cette solennité judiciaire ; c'est cette
publication qui met les accusés ou leurs défenseurs en de-
meure de piéparer leur» moyens de défense; c'edt cette pu-
blication cuKn qui, en revêidut le président de Tassise de son
caractère, lui permet de procéder aux actes préliminaires de
la session*.
Mais est-il nécessaire que leur observation soit constatée?
Non ; il y a présomption suffisante de cette obstTvation par
cela seul que les ordonnances portent qu'elles seront pu-
* GasK 12 mai I8Â3, rapp. M. Mérilhoj. Bull. u. Hj.
* Cass,'13 nov. idôG» U, V. I^'oucher. fiiilL o. U7>
1*$8 DES C0€h6 d\ss1SES.
MSécs conformtimcnl à la loi. Ainsi, dans une espèce oà le
moyen de cassalion consistait à soutenir que les ordoommc^s
relatives à la composîtion des assises n^avaient pas éié pu-
bliées, le rejet a été prononcé : « attendu que ces ordonnan-
ées portent qu^elles seront publiées dans la forme prescrite
par lo décret du 6 juillet 1810, ce qui Tait suffisamment pré-
sumer que la formalité a été accomplie \ »
L'inaccompHssement même de ces formes n'emporterait
d'ailleurs aucune nullité: c'est ce qui a été reconnu par plu-
sieurs arrêts qui déclarent: a que les formalités établies par
tes art. 16 et 20 de la loi du àO avril 1810, 80, 88 et 89 du
déc. An 6 juillet suivant, ne sont pas prescrites à peine de nul-
lité * ; que ces diverses dispositions ne prescrivent qu'une
mesure d'ordre public et d'intérêt général ; que cette mesure
«st entièrement étrangère aux débats et à la procédure devant
les Cours d'assises et qu'elle n'intéresse point les droits de la
défense*; qu'il ne s'agit que d'une mesure administrative
dont rinobservation no pourrait donner ouverture à cas-
ftfftion^. »
S'iU'agit d'une ordonnance, non de première nomination,
onais de remplaoement, la publication a été jugée inutile. Les
motifs de cette décision sont • que si le décretdu 6 juillet 1810
veut que les ordonnances soient publiées^ il veut en même
temps qu'elles contiennent l'époque fixe de l'ouverture des
assises et que la disposition qui détermine cette époque est
évideumient le motif ,pour lequel l'ordonnance qui la ren-
ferme doit être publiée -, que ce que prescrit ce décret pour les
ordonnances de formation des Cours d'assises, il ne le prescrit
pas relativement aux ordonnances qui ne font que remplacer
un magistrat par un autre et dont la publication serait ainsi
sans utilité ; qu'il peut y avoir d'autant moins de doute à cet
égard que les articles cités disent expressément que les or-
donnances dont ils parlent seront publiées le drxième jour qui
suivra la clôture de l'assise, et que cette disposition est inap-
plicable i des ordonnances de remplacement, nécessairement
subordonnées à des circonstances variables qui pourraient en
vendre l'exécution impossible ^. »
* Cass. 15 n(n'. 18j5. rapp. M. Legagnear. BaJi. tu 85$«
* Cass. 25 avril 1839, rapp. M. Ricard. Bul]« o. 136.
'Cass. 6 juin. 1855. rapp. M. Poultier. Bull. d,*243, '
* Cass. 15 Dov. 1855, cilé suprâ.
* Cass. 13 avril 1816, rapp^, M. Aumonl. J, P., t. Xllî. p. 579,
DE LA COMPOSITION! tlF.9 tOXH» D*JISS19ES. § 585. id^
Enfin ita été également reconnu qu'il n'est pas nécessaire,
lan^6 le premfier président vient occuper te fauteuil de la
prtÉiéélUiè pour une seule aifalre, qu'il déclare préalable-
IM»t par une ordouuance sa résolution et qu'il la publie \
Tlli Si riDobscrvatioD des formes rolalÎTefi rard<Hi«anoo
ae nomination n'exerce aucuna iAfluanoe sur ta validité de Ih
prèttdence, il n'en serait plus ainsi si la légalité de la nomi-
nation ell&-méme était aaiisaorée« Losarrètsqui rajetteat les
pourvois fondés sur rinobservation dvs formes ont soiti da
constater « qu'il n'est pas allégué que io président de la Cour
(fWses n'a pas été régulièrement oefiimé *. »
La régularité 4e k ttominatîon, en effet, mi la condition de
Taxisteeee iégele de la €our d'assises. Il ite sufBt pas que le
praiNt^iilêotlmvesii d'une fonction judîoiarre, <jfu'il ait le titre
dacaosedlef à ie Cour iaipèriale on de memlbt^ du tribunal
do ai^e det «ssisaa^ Ce titre lui donae «ee apCrtetfe à la pré^
lidenae^, comme ittttiaire ott comme remplaçant ; il ne lui
woCèrapea cette fesctiott spéciale; il ne peut rexerccr qu'en
lartu d'uttedélégetien rég«lrère seît de Tufte des deux aato-
lîté qui ottice po«?eiry seil de le M. C'est là ce qui fait la
%ttimélé A^ea miteioii, le droit de son eutefité. Supposer
une délégaiiéa irrégvUére : par etemple, que h président
désigné, n'étant point eiiipéiehé, cdée son ^ége t l'un de ses
ooUégu» <qui Tciit présidor dans telle aSMue, e«t qn'éfànt
Mpéchè) «I soil femplaeé par ue magistrat qui n*a aucun
dnnti cet égard : ea»-oe que 4a €our d'assises, ainm livrée au
oapnee et à la votonlé des membres qui la composeraient ne
pearfait pas de^Miêr uee téritabk commisision? Toutes les
«oodiiienB Imposées au choix de ses membres sont autant de
giraotiefl po«r les joniciable» et pomr la justice cMe^viéme.
ft'ott il suit que les parties^ de même qu'elles pauvènt invo-
qv» eonlre lea jugements d'tfn tribuna) corr^ctiomtel ou
«BMie les «rréts de ta cb«ttibt*e d'tfccusation, l'illégalité de la
«ompoiiiieû de ces jeflridicllons, et par enemple qu'elles n'a-
vaitBi f9ê le nombre de jugea prescrit par la loi, peuvent
également opposer «ex artets rendus par une Cotff d'as-
sises les vices de sa compositioB.
Cette doctrine est sans cesse appliquée par la jinîsprudclice.
• t»t la JWlv, 4S5^. ^a|>^ «. l-^g«Wf. Btf». fa, 87.
• G'asi. 19 avril 1816 et 25 avril lb3U| cilé« twprA»
160 B^S COURS fi'ASftIUEg.
V/9êi aiiisi que» ftur te pourvoi d'un accQ$é qui învoqttati i
Tappui Tirrégularité de la dt^Légation M pféâideni, la^Coor
de casf^ation a pronDncé Fannulation de l'arrêt d^un» Gaur
d'assise» : • Attendu que le^ fonctions di* président de la Cour
d'assiseis ne peuvent être reinplies que par uo magistrat au-
quel elles ont été déléguées dans les termes de la loi ; fue
M. Poli, conseiller h la Cour de Bastia» n'a pas été dés^é
par le premier président, aux termes de Part. 16 de la loi du
20 avril 4810, pour remplir ces fonctions; qiie ce maciaMitt
appelé pour compléter la Cour d'assises, n'était pas le (Moa
ancien des magistrats délégués pour assister te président; qae
l'arrêt attaqué et le procés-verbal des débats ne font aucune
mention de l'empêchement des conseillers plus anciens; que
la composition des Cours d'assises est d'ordre publie et ne
peut être modifiée par le seul consentement des magisMts
qui en font partie; que, dans ces circonstances^ les fonotions
de président de la Cour d'assises ayant été remplies par un
magistrat qui n^avait pas légalement caractère à cet effets les
débats et Tarrêt de condamnation sont frappés de nullité *• *
C'est encore ainsi que, dans une autre espèce, sur le pouryoi
d'un autre accusé qui se fondait sur ce que les débats avaient
été présidés par un conbeiller qui, dans l'absence du prési-
dent, n'était plus le plus ancien des assesseurs, l'annulatioB a
encore été prononcée par un arrêt qui, apr^ avoir rappelé
la même doctrine, ajoute : « que, dans l'espèce, il est cons-
taté que le magistrat qui a présidé les assises ne tenait ses
pouvoirs ni de la loi coumie le plus ancien des assesseurs
désignés, ni de la délégation du premier président, mais exclu-
sivement du consentement des deux magistrats assesseurs,
ses doyens, et que le procès-verbal des débats et l'arrôl de
condamnation ne mentionnent aucunement rempècbeinentiie
ces deux magistrats plus anciens ; d*où il suit que la Cour
d'assises a été illégalement composée, et que les débats qui
ont eu lieu devant elle sont viciés de nullité *• » Ou retrouve
le même principe appliqué dans un grand nonibre d'arrèta» '.
YIII. 11 reste à fixer, pour terminer ce qui coatoarmla
constitution du président, la durée de ses pouvoifi.
[ CsM. S7 Juin 1844 npp. M. Frétean. Bull. n. HU
• Casfti a ivrii'l 847, rapii. M* Isambert. BuJl. il 7*.
^M S?*^ *• Î5^*^ **^''» *■**?»'• M. Isambert Bull. n. 109 ; lî jtn?. 1838, rapp.
îf*i. "^îi^ji"*":^"^ *""• «»-l»î«OJ«i".1840, rapp. M. Itamb^^
BulL n. SiS ; Î7 in»i 1851, à D^re im^, Bm\k n. 474 1 45 miv. 4855* rapp^
M. Legagneur. Bail, n, 86tJ. .
DC LA COlirUSlTMN BCS COOM D'ASftlSSS. § ^6. 161
-.. Les atwes étent trimestrielles, il s'efisait que les pouYolrs
àd ehaqne président ne peuvent commencer et ne peuvent
s'ètettdre au detà des lîmiles du trimestre pour lequel il e>st
ooiBMé. Le premier trimestre a pour point de départ le pre-
pier jour de Tannée et pour terme le dernier jour du trM-
«ème mois; le même mode de computation s'applique aux
trimestres suivants. C'est donc dans cet intervalle que chacun
des ipialre conseillers, qui président successivement les assises
d'oD rodme département dans le cours d'une année, exerce les
poavoirsqui lui sont dévolus; et c*est par suite de cette règle
que, lorsque le nombre ou la gravité des aiïaires oblige k ou-
vrir des assises extraordinaires après la clôture des assises
ordinffreSy le président des assises du trimestre est appelé de
dmit, aux termes de Vart. 81 du décret du 6 juillet 1810» à
présider tes assises extraordinaires*
Il ne soit pas de là que les pouvoirs du président se prolon-
gent nécessairement pendant tout le trimestre; ils expirent
avec la clôture de l'assise, si le rôle des affaires est épuisé» s'il
n'y a pas lieu de oonvoquer une assise extraordinaire ; la fonc-
tien cesse, en effet, dès qu'elle n'a plus d'objet. Il en résulte
seulement que les pouvoirs du président, quand il y a lieu de
les exercer, ne peuvent s'appliquer que pendant la durée du
Irmiestre. Ainsi, il ne pourrait ouvrir les assises avant Tex-
piration du trimestre précédent, il ne pourrait présider losas<>
siaes extraordinaires qui ne s'ouvriraient qu'au commence*
iilmt du trimestre suivant.
Cette règle a été consacrée dms une espèce où le premier
président ayant convoqué une assise extraordinaire au com-
mencement du deuxième trimestre et ayant qualifié cette ses-
sion d'asaise extraordinaire du premier trimestre» avait oru
devoir appeler à sa présidence le président de ce dernier tri-
mestre. Le pourvoi de Tun des accusés jugés à cette session a
été accueilli : « Attendu qu'aux termes de Part. 359 du G.
d'inst. cr. les assises se tiennent tous les trois mois et qu'elles
peuvenlfie tenir pins souvent si le besoin Texige ; qu'il résulte
de la eombînaiflon des art. 16 de la loi du 20 avril» 79 et 81
da déc. du 6 juillet 181 0> que les présidents sont nommés
pour ifftenue aes assises du trimestre entier, et que, parxon-
ire, leurs pouvoirs cessent avec le trimestre» hors le cas où la
C9or dL'asuaes» dkirsen session, se trouve autorisée par Part.
260 à continuer Texpédition des affaires jusqu'à épuisement
de ion rôle; que cet art. 81 ne fait qa*appUquer ce principe
vin. *«
JH décidant qUe ^Mm le ca> prévu par Forii H&fi d'une Mt^roti
«irtra^rdinaire d'aasisesy les préaidentade ia derntèra'aflriae
aont Domméa da droit pour présider Tassiie eitraordiaaire;
^ue ces deuiL ait. 8i et â&9 suppoaeat évidemment b oaaoù,
pendant le trimestre^ rinsuffisance de iaaesfflon ordiurfre
oblige à recourir à une ou plusieurs sessidna ettraofdtnaires ;
qu*eu ce casi Fart. 81 veut que le magialrat qui à préâidé
l'assise ocdinaire, préaide encore les seasio» aupplémentai-
résumais que» ai la session éitruordinaire ne ptîil a^ouvrir
dans le cours du trimestre^ les règlasde compétence et hi dé-
marcation des pouvoirs s^oppoaeht à ce que le pramiet prési-
dent puisse, par un simple changement de nom, en dmnant
arbitrairement à la première aession du trimeitro suivant la
qualification d'assises estraordibairea du précédenltrimesli^e,
enlever au président choisi pour le trimestre le droHde pré-
aider uneaessioA ouverte pendant le temps pour lequel il est
délégué; qu'aussi telle n'est point la portée de Tart^ fti ; que,
dés %u'ii a^agit d'un nouveau trimestre» il ne peut Aire besoin
d'une sessàon extraordinmre qu'après l'expiratioti) el «n cas
d'inaulTisaitce, de la session ordinaire par laquelle ta uMufe
méipe dea choses oblige à commencer | ^^ aitendu^ sur lu
durée du trimeatrej que la loi du 90 avril 1819 et le règle-
ment organique laissent au premier président de la Goor fa
faculté dis fixer l'ouverture des assises de son ressort kt^j^mr
du trimestre qui lui parait convemr le mieux è l'expéditron
des affaires; qu'il a sous ce rapport la plus grande latitude^;
mais qu aussi, par suite même de cette variation forte*' des
éfK>qucs d'ouverture des aeasioHs, il devenait fmposriiU%dc
pftuKlre celte ouverture pour point de départ de ladurée^des
tffimestjnes, sans quoi wi trimestre aurait pu ne comprendre
^'uo ou deux moie^ tandis qu'un autre en aurait réuni que*-
tn^.Oucinq^ ce <|ui serakanasiconfraireà Teaprit qti'aUiièir-
mes de l'art. 259 et aux règles d'une tofine aiarMtatratiéh
dfla îuiÉioedeyaBè une juridiction ausai importante ; ifue^tfeHe
période trîmesUirile ne peut je auppuler régulièrement et
itee le fixité néoesnise qu'en prenenipour pomt dedépahdu
fiaaaier trimestre le pvemier jour 40 l'année et pour liriAu le
deipier jour de troieième «mis et ainsi de suite pour ieetri-
jmateeaauivattis i< a
Ces règles, néanmoins, ne sont pas ^tellement lAiolttes
' CM f ao(M 1849. M. Lcga%ti«tir, Bail, o, IM.
DE LA CÛHPOSITIO!! »IS COCRS I)*ASSUES. § oSQ. ^03
S'eUe^D'admettetit aueanè exception. Eld'abdrd) il réimile
i terme» de Fart; %%0 que, èi h Ckmr d'aftbisttesi 4«g«Miti
lafind'wtriiiieitro^ n'a pas Apaisé sdn rt^leanderifief jMttfe
cç^trioieslre^ elle est autorisée à tatiiihtïéT ses is4atf<»»«ii Mu
piitaDt sur le trimestre suivant^ itciigque lea asatBes ne doifftM
étr0 eleaes qa'aprés i|ue toute* les affaires <H*imtfiell«» qui
étaÎMt en état lors de leur oiiTertdl>e, j onï été poHéM.
. On a demandé ensuite si le président notnané t TavlMice M
4oQt la aomibalion a été publiée ne peut pas, même &¥(lttt
Kouverture de son trimestre, procéder & des actes d'itiHIfitt^
tioD ^pidémeniaiie Se rattachant ftul BÎMte» dont H pré^Mmi
les débats. U a été reconnu que cet exercice de ki f<Mtetltm^
bi^ que t>réniatuféj défait être permis dans riMérèt du i^iMT-
BfliDÎs&ratiôn de la justice, lorsqu i) s'tigit d'aMeè d'iHstfoèlMl
qaî p0fiireBl être urgente et qu'il né petft dti résttlt«r rafcjHi
^udice pour la défense. Ainsi, uti pmirtdi^ foftdê mt m
qu'un présîdem ayalt rendu ùuo <^doo«a(ieè tëUdalit â p^<^
crîre rimprèasm et la distribittim d'dtf ptab diSs llm è ntlk
épot|«e antériemre à reorertore du trin^sstfe podr leqiMf II
âTMt été nommé pfésidènt, a été rejeté t « ètlerfdtt qo« le
prégideat est ibmti du povroir de faire Ibiit suppléflféit d'ite^
t»i9M»i d'etitencke tout témoin et d*ordomfér fntol» NidML
Ifs qu'il îuge nécessaires pour la décodtèfte de H tMti, dh
rinstent où sa nomination est ptMiééj podr tes aflkfirèi qtff
doivent être portées aux assises du trimestre pour lequel il a
été désigné» et que, dès loriy il peut commencer Texercice
de ses fonctions avant rouférturè de ce trimestre ^ »
Mais ce sont là les seuls cas où le président peut, en dehors
dtt triiitèstfei; isite aete d'ane }Citid}etioA otti est èl^fènMe dini
k^éraoMle trimestriellô. Ainsi, on petit ââmetlré qu'il pbiè^c,
Mtte là clôture de la session ordinaire et l'ouvertu^o d'une
i^ioi^ extraordinaire qu'il doit présider, mais dans lo t^ours
ad trimestre, procéder à l'interrogatoire et recevoir les rété*
lations de personnes qui ont été condamnées dans Fassise or-
éioaire qu^tl vient de clore *; Mais dès que le terme m tri-
■Katre est rirrité, îl n'est plus compétent pont procéder i M
lelf actes. Un pourvoi alvaît été fondé sur cc que fe ôféSiAeAi
dm Se trîÉiestrè, aprM évolr ordoùné dans la coUr^ aé 6èttt-
mestre, une audition de témoins, avait procédé ldi*méùtè' JT
* Casa. 13 nov. 1856, rapp. M. V. Foucber. Bull. d. 347.
^ Case, 2$ jaiif 1853, rapp. M* Legagiicur. Journ, cri m, ^353 p. 36S. .
1G4 Ol^S C0UR6 D ASSISES.
Texanien dé quelques- uns de ces témoiDs, après relpiration
de la session et du trimestre. Ce pourvoi n^a été rejeté que
parce que Taccusé n'avait pu ressentir aucun préjudice de ccb
actes irréguliers; Tarrèt déclare^ « qu'il est constaté que les
ordonnances rondues par le président des assises ne s'appU*
quaient qu'à une simple audition de témoins ; que l'informa-
tion qui a eu lieu n'a, en elTet, porté que sur cet objet ; qu'il
ne peut en être résulté aucun grief pour Paccusé, puisque ces
témoins, régulièrement assignés aux débats et dont la listé à
été notifiée i Tavance, y ont déposé en se conformant aux
dispositions de la loi, et que l'information écrite qui avait
précédé cette audition n'a pu être remise et en fait n'a pas été
reiptse an jury au moment de sa délibération ; qu'il devient
dés lors inutile d'examiner si le président de la session du
3* trimestre avait encore compétence pour ordonner l'infor*
mation ci-dessus rappelée et y procéder * . » Ces derniers mots
àà^ Tarrét peuvent quo, dans Topinion de la Cour, le prési-
dent n'avaH pu ni ordonner une information relative à «ne
«Qaire qui ne devait être jugée qu'au trimestre suivant, ni
procéder À cette information quand Je trimeptro où il exer-
'^tv spi fonction était expiré ; le pourvoi n'a donc été rejoté,
malgré ^e double excès de pouvoir, relevé d'ailleurs ë'office,
^ue pajrce que le demandeur^ n'ayant pu en éprouver auoun
l^éjudice, n'avait aucun intérêt.
S 587.
. L.DçftcoDieUlcrs ou juges a8sesseurs.*?>^ II. lear nombre. «- IIL Gom-
meDi ils ftoDl délégués pour siéger aux assises dans les dépar^fneats
où s'régs la cour. ^ 1Y. Daus lesauiresdépariements. — V. Mode
de lear rettmlaeemaiit «laos les départements, où réside h Gbiir.
... -^Tl* Oats les autres départements. —VU. Bifeis des iirégiia-
. . rites. , .; .. .
J(. les art. 252 et 233 du C. d*inst. cr. disposent que la
(V>ur d'assises est composée de trois membres. L'un de ces
membres en est le président, et nous veuons d'en examiner
Torganisation ; il faut rechercher maintenant ceHe defii deox
^mtres membres.
te projet du Code les avait qualifiés d'assesseurs. l)dns la
i CiM* il Jsavi Issa. ripp. V, Bro<l«^t). But?, n* SB.
ne LA coMPû^iTiOM »fi8 cpVRs D'A»S(flts § S87. ieSi
f^il^tipfi du conseil d'État, le prince Caoïbacérès fit re^
ipiiH^er cette expression par le ofiotif « que le mot assessiurê
ipiet une trop grande diDTéreDce entre le président et des juges
(ffi^ dans Tordre coromun, ne lui sont pas inférieurs en di-
gnité S » Cette observation nous semble plus minutieuse
qu'exacte, car, en réalité, le président se trouve fnomentané-
ment investi d'une dignité et d'uneautorité que les deux autres
membres ne partagent point Cette expression, est d'ailleurs
1res commode dans Texocsé de l'organisation de la cour d'as-
sises parce qu'elle en distingue clairement les différents él^-
roents. Nous la conserverons donc, sans lui assigner au sur-
|dus aucune importance particulière.
Trois points distincts doivent être examines au sujet des
juges assesseurs : l'' leur nombre ; 2' le mode de leur délé-
gation ; 3*" le mode de leur remplacement dans les cas d'eropè*
chement
I. Le nombre des assesseurs des tribunaux criminels, cours
de justice criminelle ou cours d'assises a plusieurs fois varié.
L'art. 2 du tit. II de la loi du 16-29 septembre 1791 por-
tait : « le tribunal criminel sera composé d'un président et
de trois juges. » L*art. 266 du C. du 3 brum. an iv modifia
œ nombre : « le tribunal criminel est composé d'un président,
de quatre juges pris dans le tribunal civil... ^ La loi du 27
ventôse an viii dispose k son tour : * art. 9k. Ils (les tribu-
naux criminels] seront composés d'un président, de deux juges
et de deux suppléants. ArL 36. Les jugements du tribunal
criminel seront rendus par (rots juges. » Les art. 252 et 258
du C d'inst. cr., reprenant la disposition du Code des délits
et des peines, décidèrent que les assises seraient tenues « dans
lé département où siège la Cour impériale, par cinq de ses
membres, dont l'un sera président, » et, dans les autres dépar*
temeuts, par un membre de la Cour et « quatre juges pris
parmis les présidents et membres plus anciens du tribunal de
1'* instance. » Enfin, la loi du h mars 1831, reprenant à
soÉi tour rart. 36 de la loi du 27 ventôse an Tin, a réduit à
trois le nombre des membres de la cour d'assises , qui se
trouve ainsi composée désormais du président et de deux as-
sesseurs. '
Cette dernière modification a suscité plusieurs critiques,
OH H jMétendtt qu'elle est en contradiction avec té système
«L€Ci^XXV,iHA3d.
106 DIS C0UK8 D'ASSiSEi.
général de notre Ii^gislatîon ; que ce syslëme est que le nom-
bre des membres des tribunaux s'élève en raison de Timpor-
Mvc^ des affaires qui leur sont attribuées ; qae cette grada-
tion se fait remarquer dans les justices de paix, les tribunaux
de première instance, les cours d'appef et la cour de cassa-
tion ; qu'il est bizarre que les chamores correctionnelles et
les chambres d'accusation des cours impériales ne puissent
siéger à moins de cinq memlîres, ^t que les cours d^àssises,
qui ne sont réputées qu'une sectioq de ces cours, puissent
siégera trois seulement. On ajoute que cette anomalie, loin
de fortifier la justice pénale, tend à rafbibtir ; que les attri-
butions des juges des assises sont, en effet» considérables;
qu'ilfl ne se bornent pasi rappitcatioh littérale de la peine,
qu'A prononcent sur tous les incidents des débats, sur tes et-
cffitiÀns préjudtdelles, sur la position des questions, qu^ls
connaissent indirectement des faits, soit en statuant sur les
Suestions Subsidiaires proposées par la défense, sojt çi^ d^la-
înt si tes déclarations du jury çont complètes et claires, soit
en appréciant s'il y ^ lieu d'abaisser la peipe, au cas de cir-
constances attcpuantes reconnues, d'un ou de deu^i degrés,
spjt enfin en prononçant su^* les dqromagesrîntérèts dçs par-
ties ; que, pouç. une si haute fnission» trois jqges n\r\i jifisufl^-
9ants; qu'ils ne donnant p^ la garantie d'une dit^cubsipn
sérieuse et laissent une trpp g^rande part à l'in^^ènce pré-
sidentielle.
H est facile de répondre à ces critiques. On ne nie pa|s que
*Ie non^bre açluel des n;]em|)res de là cour d'assises puissfi pa-
raître une ai^oma lie dans notre organisation judic*f9iire ; i^ais
éettç anomalie n'existe que pour ceux qui prétendent fippU-
(jucr h cette juridiction des régies qui ne peuYei|;i\t CQUC^^çr
que les jurîçlictions permanentes. A ces juridictions, il iauti|n
dpmbre considérable de juges ; c'est là ce qui fait leur force et
feur ^igoité. Mais iln>p ç^t p\us aîusi dans Ie9 assises où les
yêritables juges ne sont pas les ^ugesi pefn^anenls, mais les
jurés. Les magistrats m ^iennçnt siéççr à cété ^*eux que pour
diriger les débats, conduire leurs délibérations et faire à IcMrs
déclarations Tapplication des lois. Leurs fonctiooj^ ne çont
donc que secondaires et en quelque sorte subordonnées : c'est
'? WS? 9S*> PTonpnça so.^Yera^iwiept ^m l'^qsetidft. Com-
mçi[ij'*dpnc trouvçr i^m ^^a^lpçiç ^ntre ec^te jucÂdictiçn tepi-
poraire et composée d^élémentis divers et les chambres d*ac-
cusation et de police correctionnelle qui prononcent i la fois
>C U COHK>SITiail AU iOlIftft »*4ft&I«E8. S 587. I#7
comme jugea et comme jurés? II est vrai que, dans Fesprit do
législatour de 1810, et nous rayons remarqué, les assises
élaient réputées une section de la Cour impériale : cette régie
aièit été posée oomme une sorte de frein imposé au jury qui
n'avsjt triomphé qu'avec effort è cette époque des répugnant
C9S dont il était l'objet; on avait voulu rattacher les assise»
âla Cour impériale pour en faire rayower l'autorité sur elles.
Ce lien étroit a été, non pas brisé, mais du moins relâché par
h loi du 4 mars 1831 qui est venue, animée d'un autre esprit
que celui de la lot du 30 avril 1810, raffermir r'mdépendancé
du jury« Cette indépendance» eu effet, était-elle co9iplèt«
quand une Cour nombreuse siégeait è céié des jurés et les
feiiait^ pour aiqsi dire, k l'ombre de sa majesté? Ne pouvaient*
ils pas se crqire dans, une condition d'infériorité? n'était^ii
pM à craindre que la ligne flexible qui sépare le Riit et le droit
n'inclinât du c6té d*une Cour qui réunit la science k Tautorité
et qui est disposée è croire tous ses emmétementa légitimes
parJBf qu'elle les croit utiles i Tintérèt judiciaire? La loi nou^
Vf Ile a voulu affrandiir le jury de l'ipiluence magistrale et le
relever avec plus d^éclat : le moyen le plus s&r était de dimi-
nuer rimportance de la Cour en réduisant le nopnbre de ses
membres* Est*il vrai que ce nombre soit insuffisant? Il faut
se rappeler d'abord que lorsque le nombre de ci^q fn^ fixé» la
.loi permettait, dans le cas prévu par l'art. 351 du C. dHnst»
Cf., à la Cour d'entrer dans Tappreciation des queslioaa de
(ait ; il y avait donc nécessité de constituer cette juridiction ea
nm^ des pouvoir étendus qu'elle exerçait alors. Cette fMtri-
butioa ejitraordinaire ayant dispari^ et lacom^lenoe des jti«
ges ayai^ été & peu près enfermée dans les limite? du droiCU
0*] avait plus de motifs de les maintenir au méaif PPinbr^r
lia sf^i encore à la vérité investi^ du droit de statuer aur If9t
exceptions, sur la position des questions, sur l'appUcatiQp ie$
p^qes et sur les réparations civiles. Mais ils ne pconooceatmir
touace^ points qu'à la suite des débats les pluscasxpltfietloa
l^us lumineux, et sous l'influence des impressions qu'ils re-
(Cillent dans le jury. Un seul juge suffit k cette tAcbe eu^a*
glelerre. Comment trois juges n'y suffiraieiUrilspaslQu^si
d'ailleurs ces demièrûsàttributiona semblent trop pesante^^i ii
ea est peut*étre quelques-une^ que h loi pourra quelque jouf
circonscrire» comme, par ex/ç;mple, le pouvoir d'arbitrer nom
le taux de la peine, mais sa nature ou de fixer le droit à des
donimngcs-intéjcHs Mai$ ce qui importe ^Was tous ks. cas,
iùé BE8 COUft^ D*A89lf ES.
c'cM de ootusever au jury son îadépendaKoe et son noloritév et
c'est là l'œuTre inoontestftbte de la loi du k raah*s i 831.
L'art. 98 du décret du 6 juillet 1810 porte que « dm» iw
lieux où réside la Cour împériaie^ la chambre civile que pré-
side lepenier présidenl se réunira k la Ck>ur d^assises pour
le débat et le jugement d'une affaire lorsque notre procvreut
général, è raison de la gravité des eirconstanees, en mra tûL
1» réquisition aux chambres assemblées et qu'il sera intenfeim
arrêt conforme è ces conclusions. » Il nous parait que cetls
disposition tenait à un système que la loi du 4 mars 18S1 a
fait disparaître : à la Cour d'assises, constituée comme une
chambre de la Cour impériale, elle a substitué trois jiiga seu-
lement; or les trois juges, quoiqu'ils n'aient pas cesaé d'ap*
partenir è b Cour dans les lieux ra elle réside<, ne peuvent plus
être considérés c<»nHie une section ordinaire, puisqu'ils ne
sont plus en nombre suffisant; il n'y a donc plus lieu d'inw»
2uer une disposition qui suppose la réunion de deux sections.
Tailleurs cette réunion, qui donnerait k la Cour des propor*
tions égales k peu près au jury , est visiblement contraire à l'es-
prit de la loi qui a voulu assurer la souveraineté du jury.
La règle prescrite par la loi du 4 mars 1831 est au surplus
absolue et n'admet aucune exception. Elle touche à la eoa*
stitutîon des juridictions et il n'est pas permis d'y déroger.
Toutes les opérations d'une cour d'assises seraient nécessai»
rement annulées» si elle était composée de plus de trois jm^
ges, sauf les juges supplémts ' .
m. Quel est le mode de délégation des assesseurs ? Avant
notre Gode, ils étaient, de même que le président, simplement
' puisés dans les tribunaux criminels qui siégeaient au cneMieu
de chaque déjpartement. Depuis sa piomutgation, le mode de
délégation ditTère suivant que les assises se tiennent au chef-
lieu des cours impériales ou dans les autres départements.
Dans-le chcMicu des Cours, ce mode est le même qu'à Tê^
gard des^ présidents. L'art. 252 du C d'inst. cr. porte que
« dans les départements où siègent les cours impériales, les
' assises seront tenues par trois des membres de la Cour, dont
l'un sera président. » L'art. 16 de la loi du 20 avril 1810 dé-
clare que « le premier président noniniera les conseillers qui
devront assister le président aux assis* s dans lesi lieux où siège
la cour impériale. » Le mente article ajoute que c le niints*
< Cascf. 2S avril. iSSl. rapp. M. Gaiilttrd. J. P», U XXIII»
DC LA COlPOflTTION »K9 COUBS 11' ASSISES, f ^"^ ' '^
tèfle de la justice pourra néanmoins dans tous ies cas nommer
)e8 présidents el ka ooDFeillers de la Cour qui derront tenir
lesassises. » Enfin l'art. 83 du décret du 6 ioillet 1810 dia^
pose « que les noroinalions des conseillers qui devront tenir les
assises seront faites de la manière et à l'époque détemiiiiéea
pour les nominations des présidents. »
Les observations que nous avons eipriméessur le mode de
Domination des présidents d^assises s'appliquent naturelle-^
ment ici* Le législateur de 1810 a voulu que les assesseura
comme le président, au lieu d'arriver aux assise^ par le ré^
sultat d'un roulement régulier, n'y siégeassent qu en ver*
tu d'un choin spécial. Nous ne répéterons pas ce que
Doas avons dit à ce sujet : il est évident que œ mode
de composition ne présente point les garanties que toute
juridicUon doit réunir. On peut alléguer en faveur de la
délégation du président que ce magistrat doit posséder
des qualités particulières qui expliquent une désignation spé-
ciale ; mais ce motif n'existe plusTis*à'Vis des assesseurs qui
ne font qu'assister le président et dont les fonctions sont
d'ailleurs très restreintes ; il semble donc que la prévoyance
de la loi s'est montrée à cet égard excessive. On doit ajouter
au reste qu'en général le ministre de la justice n*a point usé
de cette prérogative et que les deux conseillers assesseurs ,
dans les Ûeux ou réside la cour impériale, aont exdusÎTe-
roenl désignés par le premier président.
Ce magistrat ne pourrait déléguer ce pouToir au président
deJa cour d'assises : c'çstun pouvoir personnel qu'il doit exer-
cer» suivant les inspirations de sa conscience et de ses lumières
dansTmtérêtde la bonne administration de la justice. Il a été
décidé dans ce sens : « qu'aucune loi n'autorise le premier
présiffent à déléguer les attributions qui lui sont personnel-
lement et spécialement confiées à des magistrats autres que
ceux dontrart.2du décduSOmars 1808 et l'art. 40 du déc.
du 6 juin. 1810 contiennint la désignation ; que lés fonctions
du premier président, lorsqu'il se trouve absent ou empêché^
sont dévolues au magistrat investi provisoirement par ces ar-
ticles do caractère et de Tuffice de chef de la Cour ; dès lorsque
la délégation reçue par le pi ésident de la Ck)ur d'assises de .la
Seine^ à Peffet de désigne r les conseillers qui seraient appe-
lés à remplacer les assesseurs légitimement empêchés» n^a pti
valablement lui donner ce pouvoir ^
' Cas. 3 août 186i. ffp, M. Rites. Bvil. n. 94S.
170 DES COCU D*AJ58I8BB«
lY. Dans les autres départements que ceux où siège une
cour impériale les assesseurs peuvent être pris soit parmi les
conseillers de la cour, soit prmi les membres du tribuolil
du lieu de la tenue des assises. Les différente^ modifications
qu*a subies la loi n^ont point altéré cette première règle ; elles
n'ont eu trait qu^au mode de désignation des assesseurs.
L'art. 253 du Gode de ISlOportait que ; « dans les autres
départements, la Cour d^assiscs sera composée l^d'un mem-
bre de la Cour impériale délégqé è cet effet... 2® de qiiatreju-
ges pris parmi les présidents et juges plus anciens du tribunal
de 1" instance du lieu delà tenue des a$sises,aL'art.S54 i^ou-
tait : « la Cour impériale pourra cependant déléguer un ou
plusieurs de ses membres pour compléter le nombre de qua-
tre juges de la Cour d'assises. » L'art. 16 de la loi du 80 avril
1810 déclarait en même temps, comme une conséquence de
ce dernier article que le premier président << nomm^ait pa*
reillement les conseillers de la cour qui devront avec le pré-
sident, tenir les asi^ises dans les départements, lorsque ta cour
jugera convenable d'en envoyer. » Le ministre dé la justice
pouvait dans le même cas exercer le même droit. Ainsi ie^
assesseurs, 3*ils étaient pris parmi les conseillers pour les as*
sises autres que celles du cheMieu, étaient délégués par lit
Cour impériale et désignés soit par le mfnistre, soit par let
Eremter président ; s'ils étaient pris parmi les membres du tri-
uiial, la loi les désignait elle-même, c'étaient les présideots
et les juges les plus anciens.
La loi du 4 mars 1 834 -vint remanier le texte des art. S59
et 254. Elle déclarait que « dans les autres départements, U
cour d'assises sera composée... 2* de deux juges pris soit
p^rmi les conseillers de la cour rojale. lorsque celle-ci ju«
géra convenable de les déléguer k cet effet,8oit parmi les pré-
sidents oujuges du tribunal de i'* ipstaocediilieu de la tenue
des assises. »
On voit d'abord que cette loi n'apportait aucune modlflca-
tion relativenentà la délégation facultative des conneitterMS^
sesseurs. Ce premier poipt a é^é reconnu par un arrêt qjui dé**
clare : « ^ue la loi du 4 mars 1831 a eu seulement pour ob«
jet de réduire è trois au lieu de cinq, le nombre des ju^esdlofit
les Cours d^assises doivent être composées; qu^en ce qàteoe-
cerne la nomination des présidents et dés conseillers asses-
seurs, soit dans le lieu ou siège la Cour, soit dans les autres
départements, cette loi ne eontîeat poîm de àspositiona mm-
DE LA COMMSITHm IIS COVftS b*ASSISBS. § S87. 171
fdhif ^ qae la dlélég«lion permise aux Gonrs par l'aTt. 253
Pelait iléjà«tldiiia (es mèines lernies, par Part. SS4 aujoar-
à^hm abrogé } qu'elle doH Mrei entendue de la même manière
atnepeiilpaaprodotredes effets différent$; que la nomina-
tion <9a présidents et des eonseîHers assesseurs, rentrant dans
les actes dVdminiftratfon, demeure donc réglée, comme elle
Pétait auparâni^nt, par la loi orp^amque du-SO avril 1810 ;
fp'ii n'y a été apporté aucune dérogation, et qu^ainsi les
premiers pfésidents ont le droit de blre ces nominations lors-
i|a^allesDe l^nt pas été par le minière de la justice '. »
La dHficuUé parait plus gmve relativement à la délégation
fcs juges d^ i** instance. On a vu que, d'après l'ancien art.
8M, la Cour d'assises était composée de quatre assesseurs
|iris parmi les pré&ideYits et juges plus anciens du tribunal.
Ainsi, c'étaient les présidents d'abord et ensuite les juges
les plus tMiens qui entraient de plein droit dans la composi-
tion de Ut Cour d'assises. La désignation de ses membres se
(rouvail faite pi|r M Iqî ; nulle autorité n'avait k s'en occuper,
fio flM)dQ d# procéder était-il changé par la loi d^ 4 mars
iS3i 7 D'après le texte de cette loi, la Cour d^asslses se
trouvait ^mpf>sée, outr^ le président» de deux juges pris
parmt les présidents et juges du tribuml. Cette nouvelle
jfédae^ja^y dfifis laquelle le| conjonctipa et a été remplacée par
la di^nçt^ye ou^ et qui ne reproduit pas ces mots : les pl^s
at^ia^, prpuvait-ellc que rintçntiopdi; législateur a\aît été
que,sapsfi\Qif égar^ a Tordre hiérarchiquo ou M'anciecineté,
^ jugea ^ !a (49.vtrd*^s^j|Ses fussent indistinctenient pris pfir-
mi les qien^hre; 4m ti'ibvitis^] ? Ls\ Cour de cassation n'avait
pas ^piis ee^le interprétation; ellç avait déclaré par un
sft^y if^i doipeurera i^n monument remarquable de ^ juris*
jur^4etM«« « qVe, d'après ks art* 253 et 264, o^ême avec la
réd|etiçin nouvelle que leur a donné K^rt. 2 4^ la loi du
i[ j^ir^ 1891, les jii^es composant les Cours d'assises dans
\ç^ dép«r^n[lep^ av^rçs que celui où siège I^ Cour, doivent
^ pria FAnçii 1^ ni^oQ^rça du tribunal ifi V* instance, en
npiwt rcu[dre du tableau ; qii'en eOet, Tart. 253 appelle
jeaprèskîeQts avç^t les juges et Tart. 264 appelle à défaut de
M^ Iftf, s]iji|^,(i|léanta ; que cç mode 4e procéder est con-
\»mç. 9px n^ii;^:ipea géoér^u^ de notre organisatiop jijdî-
daire; que le changement do rédaction cflectuépar la loi de
< Casik a eew MM» lapp, BK Srsfioi. Bulk a. SSIb
1 72 Des COITftS D*AftSlSBS.
1831 peut d'aulant moins être considéré comme Qne (irettve
de la volonté d*innovercn cette partie, que«î f'on emvoDta
substituer à la désignation de la loi un choix spéeM; On
n'aurait pas manqué de déterminer dequelie manière ee Aàoi
serait fait; que le service des Cours d'assises dont il 8*agitdoit
donc continuer de se faire, depuis la loi de 1831 , eommeil
se faisait auparavant, c'est-à-dire que les pr-miera ioserits
surle tableau doivent siéger toutes les fois qu'ils n'en sont pas
empêchés, auquel cas ils doivent être remplacés par ceux qsi
les suivent immédiatement, et rlns; de suite, en deseendant
aussi loin qu'il est nécessaire , et même jusqu'aux sup-
pléants, s'il y a lieu ; qu'il n'appartient dés lors à qui que ceMit
de faire, pour assurer ce service, une désignation qui résulte
delà loi même '. »
Telle est l'organisation que la loi du 21 mars 1855 est
venue détruire. Celte loi dispose que «les présidents ou juges
du tribunal de 1'^ instance du lieu de la tenue des assites,
appelés à faire partie de la Cour , seront désignés par le pre-
mier président, qui prendra préalablement l'avis du procu-
reur général. Ces désignations seront faites et publiées selon
les termes et dans les délais déterminés par les art. 79 et 80
du décret du 6 juillet 1820. »
Le législateur a donnée cette loi nouvelle deux principaux
motifs : d'abord, qu'il était nécessaire de soumettre à une rè-
gle uniforme la composition de la Cour d'assises, laquelle se
recrutait suivant l'usage des localités, tantôt par la désigna-
tion du président du tribunal, tantôt par celle ou tribunal lui-
même en assemblée générale , tantôt enfin par Tandenneté,
que les empêchements rendaient trop souvent fictive ; ensuite,
que la régularité de l'administration judiciaire exigeait comme
un corollaire de la régie posée par l'art. 16 de la loi du 20
nvril 1810, que le premier président qui désigne les assesseurs
de la Cour d'assises du chef-lieu de la Cour impériale les dé'
signât également dans les autres départements. Le premier
de ces motifs révélerait que la loi, dont le sens avait été fixé
dans les termes les plus précis par la jurisprudence , n^était
pas généralement observée : l'ordre du tableau était éludé
par des désignations arbitraires ou des empêchements simulés.
Etait-ce là une raison assez puissante pour changer une règle
* Cass. i5nars iaA5. repp. M; Viacens-St-Laurent. Bull. a. 101,
D£ LA C011PÛS1TM9I »I8 C0UB8 D*A8SISIS. § î>87. 173
ifiélêii bonne en soi? &Uiùil impossible d'eu exiger U|ie
«pplicilionplvs exacte ? Une cifculaireou un règlement n'eût-
il^ suCB à eette tâche? Peut-être ia jurisprudence doit-elle
le laprodfteir d*aToir adws trop facilement des présomptions
d'empêchements qui allaient è rendre toute com|H>sition ?a<-
iabte((|iielie. quelle (ut : une interprétation plus rigoureuse»
fttioiposfttot robligation de ooostater les infractions à Tordre
du tableau, eut assuré rcxécution de cette régie et éloigné
dèsi-lors la pensée d'une innovation devenue iaulile^ Le se-
cond motif fait sortir du droit du premier président une coo-
fiéipeace un peu inattendue : on comprend que ce magistrat
puisse désigner les assesseurs des assises du chef-lieu de la
Cour; ces assesseurs sont des membres de la Cour impériale
et il lui appartient , è défaut d'un roulement régulier , de
régler le seivice de la cour qu'il préside. Mais comment in-
duire de là qu'il puisse étendre le n»éme pouvoir aux tribu-
naux du ressort ? Est-ce que chaque compagnie ue régie pas
elle-même son service et ne procède pas au roulement de
ses membres avec la même indépendance que la Cour ? Est-H^
que quelque disposition de loi attribuait jusque-là au premier
président le droit d intervenir dans la distribution des mem-
bres de chaque tribunal entre les différentes chambres? On
a dit, il est vrai, que chaque Cour d'assises est considérée
Gomn^e une section de la Cour impériale, et c'est sur celte fic-
tion on peu affaiblie par la loi du 4 mars 1881» que se fonde
la nouvelle attribution du premier président Mais, cette règle
admise, s'ensuivrait-il que le premier président eut le droit
de composer cette section comme il l'entendrait ? s'en suivait*
il qu^il pût appeler les juges à y siéger autrement que par
ordre d'ancienneté ou par un roulement régulier ? Et puis,
pourquoi cet avis du procureur général pour choisir des juges ?
cette intervention, que la loi du 20 avril 1810 n'avait pas
admisCi ne constitue- t-elle pas en faveur de la partie pour-
suivante une influence exhorbitante sur la composition de la
juridiction ? Le principe posé par le code de 1810 et maintenu
par la jurisprudence nous semblait préférable. Quelque im-
partial et éclairé que soit le choix do premier président, c'est
toujours un choix : ne valait-il pas mieux laisser la loi faire
elle-même cette désignation , désignation impassible , qui
était placée au-dessus de toutes les influences et qu'aucune
circonstance ne pouvait changer, désignation qui no trouvait
peut-^tre pas toujours les mémos qualités, mais qui assurait
174 DES COUES d'a«8ISE8.
^t manifestaii âu plus liaui degré id complète hidëp«nd&nee
de la justice ?
Le premier président foit connaître tes jugéftiqîi'H a dMî^
gnés par rordonuànoe qui fixe TépoqUë dé roUtérittirë de
t'Msiae où ils doivent siéger : cette ordonndboè déit èlW pii^
bliée, ainsi qu'on Ta déjà yu , le dixième jotit ail ptds tftnl
aptes la clôture de Tassise ordtnafrë du pfèeédent MilHtttrè *.
V. Lé. loi a prévu les cas d*empèchcment des assesseurs
comme elle a prévu ceux du président.
Il faut distinguer encore ici enite les assises do ehef-'lieu
de la Cour impériale et celles des autres départements* Les
formes du remplacement dans cel deuK hypothèses ne sont
pas les mêmes.
Dans les assises du chef-lieu, les remplaoemmifts sont régMs
d*abord par Tarticlc 16 de la loi du 30 avril 1810, ettsUhë
par Tart. Mkd\x G. d'insr. cr. ainsi conçu t « les jti^il« id
(lour impériale seroQl,en cas d*absencefou de tout ifut#ë eifi-
pèchemeiit, lemplacés par d'autres juges de la m«më OMt, et
à leur défaut, par des juges de première mstancèi eëttx de
première instance le seront par des suppléants. >
Cet article n'a point été inodifié par la loidd 21 mars I89S,
qui, comme ou le verra toulàTheurc, à inlroJnit nhnoutëàa
mode de remplacenfient dans les autres déi]iaHements. Li loi
du ai mars 18S&, moditicëtivè de l'art. S53 du G. d*ldst. tt,
n'Mt applicable, ainsi que Tindit^ue formeHetfrent jnfiiMftë,
4«0 dans les déptirtemento éiiiHs (^ue teui du èhcff^ltëii des
Cours impériales * ; et II a été jugé en conséquence i{iUi Taffr-
ptîeation deoette foi aux assises duchéf-lieu Viéraiifèui^ ébtiï-
position.' L'annulati(m a été prononcée : a attendu ^ùérilfrâ
Attaqué a été re«d«i pur ta Cour d'assises de Mainè-ét^Léttè,
e'est è dire au siège iiTfèmèdê laCouf impériale û'Ah^èis-^iié
ke att. 96» et i«k, MuquOê H A'a été nUltènient dérc^ pët
M toi du ai mars 1656, ont conservé fôree et V^ufeurét^ù'îU
doivent servir de règle podr là désignation dès diagist^irt^ ap^
pdésà suppléer les ossiessM^s Èiome^itatiétirent enf^éè&és^
qu'en procédant piAt tuHméfftè et par toie^ d'otddMaMée m
rewiplaeement de Tm des assesseurs par Pan des^ coftséMIers
do la Cour, au lieu d'en référer au premier président dild'é(|)M
* Dée. S juiilt 1810, art., 79 et 80.
sctis, 29 noY, 1855» à notre rapport* Insii cr. iaSG, p. 6fi
I»B lA COVPO&ITIOX DE<; CXKM fi*ASSISES< $ 587. i7S
piler ÏQ conseiller ie plus ancien, le président de la Cour
d'assises a commis un excès de pouvoir el violé les disposi-
tions des art. IG de ta loi du SO avril 1810, 252 et 264 du G.
dlçst. cr J »
Le remplacement des conseillers assesseurs empècliés s'op-
jAi^ donc ie deux manières : ou par une nouvelle délégation
n preniier président si rempèchement se produit avant la
notification faite aux jurés en exé(;ulion de Tart. 38d| ou
par Tadjonction du consteller le plus ancien, si elle ne se pro-
duit que depuis cette notification.
Le premier président peut faire lui-même le remplacement
dans le premier cas, car il est de jurisprudences que la gé-
néralité des termes de Tart 16 do la loi du 20 avril ISiO le
rendent également applicable au cas d'une première nomina-
tion et aa iî«s d^un remplacement \ é Le remplacement se
feitd^ns ce cas par une nouvelle ordonnance, mais il n*est
pas nécessaire qu'elle soit publiée : « attendu que ce que
prescrivent les art. 80 et 82 du décret du 6 juill. 1810 pour les
ordonnances de formation des cours d'assises, ils ne le pres-
erivaient pas relativement aux ordonnances qni ne font que
remplacer un magistrat par un autre et dont ta pttbli(!ation
serait ainsi sans utilité ; qu'il peut y avoir d^àutant moins de
doute à cet égard que les articles cités diseht expressément
que les ordonnances dont ils parlent sef ont publiées lo 10* jour
^ui suivra la clôture de l'assise, et que cette disposition
mapphcable à des ordonnances de rcmplaceniént, nétsèissai*
rement subordonnés à des circonstances variables qui pCfàr-
raient eo rendre Texécution impossible S »
Mais si Tempèchement ne se produit qu^aprés la notifica-
tion, il faut recourir au mode indiqué par l'art. 26<^. Dans
une espèce où l'accusé se faisait un moyen de cassation de ce
que le.remplacement n'avait pas été ordonné par lé premier
fésideui, il a été répondu a qu'il n'était pas question de
pfêmiérê tiomination des conseillers qui devaient assis-
ter te pt-ésident de la Cour d'assises pendant le cours
de la session trimestrielle ; que dés lors il n'y avèit pas
lieu à l'application des dispositions prescrites par les articles
{•mués faf lu deu>andeur et notamment de celles con-
tenues eo Tart. 82 du décset du 6 [niUel ISIO ; qui
«Ca««. 5 juinl85«. rapp. M. Le SdTorîer. Bull. n. Î6t.
• Casi ll)aTrii 1847, rapp. M. Vinceus-Sl-Laurent. Bull. n. 70»
» CaH, 43 avril |$i«, taj^. M, Airaiont. S. P» t* Xllî, S78.
1*76 OES COCRS I»'aSS!S£5.
n'exige U délégation expresse du premier présideut que pour
la première désignation des conseillers assesseurs faite pour
Torganisation trimestrielle des Cours d'assises; qu'il était uni-
Juement question de procéder au remplacement de l'un des
eux conseillers assesseurs titulaires de la Cour d'assises lé-
gitimement empêché, empêchement non prévu et survenu à
l'une des séances ; que pour opérer ce remplaceo^ent ce n'é-
tait pas aux art. 79, 80 et 82 du décret qu'il fallait recourir,
mais bien aux art 263 et 264' du C. d'inst. cr.; que cesar-
ticles veulent que si, postérieurement & la notification faite
aux jurés, en exécution de l'art. 389, des juges de la oonr
royale assesseurs de la cour d'assises sont absents ou empê-
chés, ils soient remplacés par d'autres juges de la même cour»
sans assujettir ce remplacement a d'autres prescriptions; que
dés lors Tassesseur titulaire ayant été remplacé par un con-
seiller de la cour, il a été procédé en cela conformément à la
loî'.i
Il faut appeler le conseiller le plus ancien : telle est la
désignation formelle fait par l'art. 264^. Mais il a été admis
par la jurisprudence « qu'il y a présomption légale que des
juges qui siègent & l'audience ont été appelés dans Tordre du
tableau et pour remplacer les magistrats plus anciens légi-
timement empêchés ^ ; » et il a été jugé même que la men-
tion que ferait le procès-verbal qu*un assesseur a été appelé
à tour de rôle » ne serait point exclusive de la présomption
légale de l'empêchement des conseillers plus anciens \ « La
raison de cette jurisprudence, que nous avons déjà appréciée
dans une hypothèse analogue ^, est que tous les membres de
la Cour impériale ont le même caractère de juges et qu'ayant
(pus dès lors qualité pour siéger aux assises, le rang sui-
vant lequel ils sont appelés n'a qu'une importance secon*
daire.
Mab cette présomption légale, ainsi fondée par les arrêts,
n'existe plus lorsque, par l'effet des empêchements le rempla-
cement amène un assesseur pris en dehors des rangs des. con-
* Cass. t mars iSâS, rapp. M. tfejrronnet-St-Marc. Bull. n. 50 ; et ooaC
laJttiU. tSiS» rapp. M. Leoottloor* h P. t XIV, p» D27*
* GaM. M ftv i84t, rapp. II. Bomigaièrea. Bull. a. 5S . lA juill.
IS45, rapp. U» fréleau, n* SSS i 19 avril 4849» rapp. If. Lega^nçar.
tu §7.
■ Caiii k avril isSSi rapp. It Isaabeft Bull* n. iSS*
* Sùf. notre U VI, p. Hh
DE LA COMPOSITION b£S GOtltS D*ASSIS£S. § 587. 177
^t^tèndeh cour. L'art 264 permet de suppléer fes conseil -
lenpar les juges ou juges suppléants de première instance et
iêSttrt.SOde la loi du 23 venïôse an xii et 49 dudécretdu 30
mars 4808 déclarent quewà défaut de suppléants, onappelera
un avocat attaché au barreau et à son déraut un avoué, en
servant Tordre du tableau. » Mais dans ce cas il est néces »
«aire de constater les empéchcm(rnts qui obligent à emprun-
têruft membre du tribunal ou du barreau, car ce n'est qu*au
cas de nécessité qu'il est permis de puiser à cette double
source; il faut donc établir cette nécessité qui fait seule Tap-
tilude des assesseurs ainsi appelés. La Cour de cassation a rc-
eonini ce point dans une espèce où un avocat avait siégé, sans
que Tempèchement des juges et suppléants de première ins-
tance eut été mentionné ; Tarrèt a été cassé : « attendu que
la cour d'assises du lieu ou siège la cour royale ne peut se
compléter, en cas d'empêchement légitime de tous les con-
seillers de la Cour , que par les juges suppléants du tribu-
nal de première instance et qu'elle n'a le droit do s'ad-
joindre un avocat qu'autant que tous les juges sont lé-
gitimement empêchés ; que Tart. 264 est impératif à cet
égard et que ses dispositions relatives à la composition
légale des Cours- d'assises sont substantielles' n.La même
règle devrait, nous le croyons, être appliquée, lorsque la
Gocor d'assises du chef-lieu appelle pour la compléter un
juge dp tribunal. Si ce magistrat a en lui-même le caractère
qui lui permet de siéger » il ne le peut néanmoins qu'à dé-
faul des membres de la Cour ; il faut donc que ce défaut soit
constaté puisqu'il constitue son titre.
Les parties ne sont pas d'ailleurs admises k contester la lé-
gitiaiitédes empêchements allégiïés; ce sont là des faits du
servite judiciaire dont l'appréciation est laissée à la con-
science des magistrats. Dans une espèce où il était établi par
le demandeor que l'asseSseur titulaire, remplacé pour cause
fPenpêchement, avait siégé, le jour d'ouverture des débats, à
la chambre civile, la Gour de cassation a rejeté ce moyen, « at-
tendu que les débats qui ont précédé l'arrêt attaqué ont duré
quatre jours et que les certificats ne s'appliquent qu'à la pre-
mière audience ; que d'aàlleora il n'appartient pas aux parties
des^immiscer dans la discipline et administration intérieure des
"* CasB. S4 avril ISSi. rapp. M. Cboppin. J. P., t XXVI, p. 42^ • h coût
16 iuîn 18îà» ch civ. t XVIII. > 796 ; 19 jan?. i 825. ch. cit. t. XIX, p. 75;
47 nai 18*4, ch. civ., t. XXÏII, p. 1592,
vni. i^-
i78 ma cours d'assisks.
cours et tribunaux; et que la Cour ne saurait prononcer, en
Tabsence de tout contradicteur, sur la validité d'une excuse
et d'un empêchement dont la cause est encore inconnue,
mais dont Tarrët de la Cour d'assises justifie légalement Texis-
tence *.i> Il suffit donc que le (ait de rempôchement soit con-
staté dans Tarrèt ou dans le procès-verbal des débats ; il n'est
pas nécessaire d'en justifier la nature ; sa légalité est couverte
et protégée par une présomption qui n'admet aucun débat '•
¥11. Dansles départements où ne siègent pas les Cours im-
périales, le remplacement des assesseurs se fait, suivant Té-
poque où il a Iieu> soit par le premier président, soit par le
président des assises.
Jusqu'au jolir de l'ouverture de la session il appartient
au premier président de désigner les juges qui doivent rem-
placer les assesseurs empêchés. En eiïet, la loi du 21 mars
1855 dispose, comme on Ta déjà vu, que les présidents ou
juges du tribunal appelés à faire partie de la Cour seront dé-
signés par le premier président. Or, la jurisprudence ayaùt
admis, ainsi que nous l'avons établi, « que la généralité des
termes de Fart. 16 delà loi du 20 avril 181.0 le rendait éga-
lement applicable au cas d'une première nomination et an cas
d'un remplacement, »il serait difficile de ne pas étendre cette
interprétation à la loi nouveliedontles termes nesont pas moins
généraux; car si, par cela seul qu'il a le droit de nommer les
assesseurs dans les assises du ehef-Iieudela Cour, le premier
président a le droit de les remplacer, on ne voitpas comment
le même droit de nomination qu'il exerce maintenant dans
les assises des autres départements n'aurait pas la même
conséquence. S'il n'en était pas ainsi, il faudrait nécessaire-
ment procéder aux remplacements en appelant les juges par
rang d'ancienneté conformément à la règle posée par l'art.
26& et par l'ancien article 253 ; mais ne serait-il pas contra-
dictoire que les juges désignés par le premier président et
remplacés après l'ouverture de ]a session par la désignation
du président des assises, fussent remplacés, dans l'intervalle
de leur nomination à l'ouverture, par l'adjonction faite de
plein droit des juges plus anciens? ou le premier président
a procédé au remplacement avant le premier jour de la ses-
swoo, ou il ne Ta pas fait; dans ce dernier cas, qui sera le plus
fréquent, puisque rempéchement ne peut se manifester en
' Caw. 8 août 4854, rapp. M. de Boissieox. Bull. n. 333.
• Caw, 2 mars 4848.r ipp. M. Me/ronncl-St-MarcBull. n. 59
DV LA COHPOSITION SES COUHS D*ASSISE<5. § 587. J79
général qu'au moment où la fonction commonee, le prési-
deut des assises peut pourvoir îmmédiatementà U désignation
des remplaçants,
A partir du jour où s'ouvre la session, toute difficulté s'ef-
face. Le dernier § de ia loi du 2i mars 1855 porte que :
« à partir du jour de l'ouverture de la session, le président
des assises pourvoira au remplacement des assesseurs régu-
lièrement empêchés. » Cette disposition a l'avantage de sim-
plifier singulièrement les remplacements ; elle met fin à toutes
les présomptions auxquelles on avait recours pour expliquer
le concours aux assises des juges que leur rang d'ancien-
neté n'y appelait pas, maïs elle a en môme temps l'inconvé-
nient d'enlever à cette juridiction la garantié.d'une désigna-
tion jusque là faîte, au moins à compter de l'ouverture de la
session, par la loi elle même. L'administration de la justice
fonctionue plus aisément, mais la justice elle-même perd
peut-être par là quelque chose de sa dignité et de son indé-
pendance.
Ce droit du président des-assises ne s'exerce que dans les
départenieuts où ne réside pas une Cour impériale. La loi du
21 mars 1855; en effet, qui s'est bornée à nidifier le texte
de Tart. 253, ne s'applique, comnie le faisait cet article et
comme l'indique formellement son texte, que dans ces dé-
partements seulement ; ce point a déjà été reconnu par plu-
sieurs arrêts*. Il y a d'ailleurs un motif à l'appui de cette
restriction : c'est que le président des assises ne pourrait dans
la ville où siège la Cour impériale exercer parmi les conseil-
lers de la Cour, qui sont sçs rollôgaes, des désignations qu'il
n'ai^artrent qu'à la loi ou au premier président de faire
tandis que dans les autres départements, ce magistrat, investi
de la même autorité que le premier président exerce au chef-
lieu , peut les faire sans que l'ordre hiérarchique en sort
Uessé.
La loi nouvelle exîge,pour que les remplacementssoientopé-
rés, que les assesseurs soient régulièrement empêchés. Celte
expression indique que, dans l'intention de la loi, il n'y a lieu
d'admettre que des empêchements fondés sur des motifs
graves. Mais on no doit pas en induire que la régularité de
Tempêchement puisse être contestée par les parties : ce texte
ne change rien à la règle, que nous avons précédemment éta-
' Cas9. 29 noT« iSi^5 et 5 juîa i856 cités $upfàf p. 174 et 175é
180 ©Ê* COURS d'asîîtsbs.
blie, et d'après laquelle il n'appartient qu^à radministrafion
de la justice elle-même de contrôler les causes et la gravité
des empêchements.
Le président des assises peut-il appeler un avocat ou un
avoué pour complétera Cour? Il le peut assurément puisque
fart. 30 de la loi du SS ventôse an 12 et l'art. &9 dii décret
du 30 mars 1808 disposent que les juges peuvent être rem-
placés par des avocats ou des avoués, et la jurisprudence a
plusieurs fois consacré Tapplication de cette régie dans la
composition des cours d'assisesMUais celte faculté est subor-
donnée à deux conditions : la première, que tous les juges
et suppléants soient empêchés et que leur empêchement soit
constaté * ; la seconde, que les avocats soient appelés selon
l'ordre du tableau, et après eux les avoués selon la date de
leur réception ; car^n'étant pas investis du caractère déjuges,
ils ne sont aptes à participer à ce caractère qu'autant que
Tordre fixé par la loi pour leur appel a été suivi.
Le président peut^il appeler un juge suppléant quand les
juges titulaires ne sont point empêchés? nous ne le croyons
pas, d^abord parce que c'est une règle générale que les juges
suppléants ne sont appelés qu'à défaut des juges titulaires * ;
ensuite, parce que l'art. 264 de notre code dispose formelle-
ment que « les juges de première instance seront remplacés
par les suppléants, » d'où il suit que ceux-ci ne peuvent sié-
ger qu*en cas d'empêchement des premiers; enfin, parce que
l'art 258> soit dans son texte originaire, soit dans les rédac-
tions que les lois du k mars 1831 et du 21 mars 1855 lui
ont successivement données, ne désigne, pour siéger aux a»"
sises que les présidents et juges du tribunal, d'où Ton doit in-
duire que c'est seulement pat mi ces magistrats que le pre-
mier président et le président des assises peuvent choisir les
assesseurs et que ce n'est, comme le prévoit la loi, qu'à
leur défaut et an cas d'empêchement de tous les juges du
tribunal» qu^on peut recourir aux suppléants >•
YllL Quelles sont les irrégularités qui, dans ces nomida-
tionsouremplacementS) peuvent vicier la procédure T
• CaM.S7 déc iSll. rapp, M. Oudart J. P., U IX, p. 806: iO non 1832.
rapp. 11. Ricard, t. XXIV. p. 4543.
• Gasi. 16 juio 1S3Â, 19 jauT. 1825 et 17 mai i854, eité$ wpnL
• Coof, anal. Ca$8. 22 nov» 1832, rapn. M. Thil, J. P., 1, XXIV,
p. 576
01 LA COMPOftITION htS CQURB 0*AM1SE|. § 587. 181
On Tient de toit qu'il eo est plasieore qai n'ont point cet
effet. ^
Telles sont T les irrégularités relatÎTesè la publication ou
b forme des ordonnances du premier président. Ces formali-
tés n'ont point été prescrites à peine de nullité.
2® Les irrégularités qui proTÎennent ou de oe que lèsent
pécbements n'auraient pas une cause légitime, ou de ce que
cette cause ne serait pas suffisamment graTe» Ce sont là des
questions d^administration intérieure que les parties n'ont pas
à relcTcr.
3° Les irrégularités qui résultent de ce que, dans le cbef-
lieu de la Cour impériale, les conseillers appelés en rempla-
cemeni n'auraient pas été pris dans leur rang d^ancienneté :
elles sont couvertes par la présomption générale que les
conseillers plus anciens étaient retenus par quelque empê-
chement.
Dans ces trois hypothèses la procédure n*est point Ticiée,
parce que, quelle que soit Timportance des formes ou des
régies qui n'ont pas été observées, le juge qui vient siéger
comme assesseur aux assises a le caractère déjuge et qu'il est
appelé en vertu d'une délégation émanée ou de la loi ou
d*uoe autorité compétente.
Mais il est plusieurs cas où Tinobservalion des formes lér-
gales pourrait, en introduisant dans la composition de la Cour
un élément illégal , entraîner la nullité de toutes ses opé-
rations. Car les juridictions ne peuTent exercer Tautorilé dont
elles sont iuTesties qu'à la condition d'être légalement cons-
tituées.
Tel serait le cas, que nous STons déjà mentionné » où un
avocat serait appelé comme assesseur , sans que Tempéche-
ment de tous les juges et suppléants du tribunal fut énoncé
et constaté.
Tel serait le cas où il serait mentionné dansie piocès«Ter-
bai que les conseillers appelés en remplacement dans lechef-^
lieu de la Cour impériale auraient été désignés ou par la Toie
du sort, ou par le' choix du président des assises; car ils ne
peuTent être délégués que par le premier président^ confor-
mément à Tart. 16 de la loi du 20 aTril 1810, ou par la loi,
suiTant leur rang d'ancienneté, conformément à Tart. 26ï.
Tel serait le cas où, dans les autres départements les juges
remplaçants auraient été appelés dans Tordre du tableau, au
lieu d'être désignés par le président des assises. La Cour dç
IBS DES COORS D* ASSISES.
cassation n'a point hésité à prononcer dans ce cas Tannulation
des arrêts : c attendu que les juridictions et les compétences
sont d'ordre public ; qu'à ce titre la Cour d'assises n'existe lé-
galement que lorsqu'elle est constituée conformément aux
dispositions de Tort. 253 du C. d'inst. cr., soit qu'il s'agisse
de l'aptitude et de la capacité des magistrats appelés à la com-
poser, soit qu'il s'agisse de leur mode de nomination ou de
désignation ; qu'en pareille matière tout est rigoureux et de
droit étroit ; que le président, aux termes de la loi du 21 mars
1855, a seul le droit, après l'ouverture des assises, de pour-
voir au remplacement des assesseurs régulièrement empêchés;
que s'il est do principe et admis comme présomption de droit
que les juges qui composent les cours et tribunaux, par cela
même qu'ils prennent part aux délibérations et jugements des
affaires qui leur sont soumises , sont légalement réputés y
avoir concouru dans les limites de leur ci^pacité et selon les
règles et les formes prescrites, il faut néanmoins admettre que
cette présomption doit céder à la preuve contraire ; que bien
que les énonciations du procès-verbal constatent que le pré-
sident des assises ait pourvu au remplacement des assesseurs
empêchés , elles sont au contraire positivement exclusives do
son intervention à cet égard, puisqu'il en résulte directement
et explicitement qu'il aété pourvu à ce remplacement par une
autre voie que celle prescrite par la loi du 21 mars 1855,
ce qui constitue une violation formelle des dispositions de cette
loi ; qu'il suit de là que la Cour d'assises» ainsi viciée dans sa
composition, n'avait ni compétence ni autorité pour procéder
au jugement de l'accusation portée contre le demandeur '• »
Tel serait enfin le cas oà le remplacement aurait été
opéré lorsque l'affaire à laquelle a participé le nouvel asses-
seur était commencée. Car aux termes de l'art. 7 de la
loi du 20 avril 1810 , les arrêts doivent, à peine de nullité,
être rendus par des juges qui aient assisté à tontes les au-
^diences de là cause. L'annulation d'un anét rendu dans
une telle circonstance a été prononcée : « attendu que
les dispositions de l'art. 7 de la loi du âO avril 1810 sont
générales et absolues, et qu'elles sont de droit public; qu^à
la vérité, au cas de renvoi après cassation prévu en l'art. 429,
eC lorsqu'en vertu de l'art. 408, qui ne permet la cassation
dei actes entachés do nullité qu'à partir du plus ancien acte
* Cass. 21 juiu 1855 r&pp. M* AyUi«« Bull. d« 217 ; 30 joio 4099, r«pp«
M. Poullier, ii, 23G.
DE LA COMYOSITION OIft CO0H8 B*AiSISlS. § 587. 183
nul^ la déclaration du jury a été maintenue, ce sont d'autres
juges qui sont appelés à faire l'application de la loi pénale ;
mais cette exception, qui résulte de la combinaison des articles
précités, ne peut être étendue au-delà de ses limites ; d*où il
suit que, dans Tcspèce, par suite de la retraite de Tun des ju»
ges, la Goor d'assises n*a pu se compléter par l'appel d*un
autre magistrat sans violer la 1^ '. »
Néanmoins, cette dernière règle n'est applicable qu'au cti
où le remplacement aurait été effectué au orulieu d'une affaire,
et noa lorsqu'il aurait seulement été opéré pour le jugement
des incidents qui ^ quoique se rattachant à cette afialre, n'ont
été jugés que postérieurement. Ainsi, dans un pr^)cès poui
compte rendu infidèle et de mauvaise foi d'une audience
d^uoe Cour d'assises, le prévenu fondait son pourvoi sur ce
que Tun des conseillers qui avaient rendu l'arrêt attaqué o'sh
vait pas participé aux débats inexactement reproduits : ce
moyen a été rejeté: c Attendu que la loi a'ordonoe pas que
la Cour d'assises appelée à juger une inculpation de délit de
compte rendu infidèle et de mauvaise foi, soit composée des
mêmes juges que ceux qm ûégeaient à l'audience dont k
compte-rendu est incriminé; qu'en effet, si la conviction des
magistrats en cette matière a soiivent pour base les souvenirs
plue oa moins complets qu'ils peuvent avoir conservés lors des
débats dont le compte-rendu est soumis à leur jugement, eUe
se forme également par la comparaison de Tartiele poursum
avec les laits cQQsiaté& soit par le procè^verbal de l'audienee,
soit par Tarrêt intervenu dans le procès qui a été l'objet da
compie-reudu, soit enfin par tous autres moyens d'instructioa
dont la Cour d'assises croit devoir Caire usage *. »
De ce qai précède il faut conclure que ta composition de
U Cour d'asaisca est viciée «1 ses opérations par conséquent
entneliées de nullité, toutes les fois que lea remplacements
ont amené à siéger un membre du barreau sans que l'eapè
choient de tous lesjngcs titulaires on suppléant» soil constaté^
toutes les fois que les juges remplaçants n'ont pas été appelés
en yerto d'une délégation régulière, toulea les fois ente que
les remplacements ont été opéréa éam le cours d'un procès^
de manière à ce que les juges remplaçants n'aient pas assisté à
toute raûdicnce.
' Caas. Si août 1833, rapp. M. Isambert. J. P. t XXV, p. 868»
' Cais, 28 f«T. 1837, irspiw M. Ikhaufiiy, Bull, d. 69,
i^4 ȣs ceuAS d'assises.
I. Des aisesseurs adjoinls.^!!. Modedel«ur désignation. --Ilf. Leurs
fonctions.
T. Les juges, aux termes de l'art 7 de la loi du 20 ayril
1810, ne peuvent prendre part au jugement s'ils n'ont pas as-
sisté à toutes les audiences de la cause. Delà il suit que si
l'un des assesseurs se trouve indisposé dans le cours des débats
d'un procès et qu^il y ait nécessité de le remplacer, il est in-
dispensable d'annuler la parti»" de ces débats à laquelle le juge
appelé en remplacement n'a pas concouru et de la recom*-
mencer*.
C'est pour éviter cet inconvénient que l'usage d'appeler
des afssesseiirs supplémentaires s'est introduit dans les procès
qui peuvent entraîner de longs débats. Notre G)de ne con-
tient aucune disposition sur ce point, mais une loi du 25bra*
maire j^n viii l'avait réglé en ces termes : « ArL 4, lorsqu^un
procès criminel paraîtra de nature à entraîner de longs débats^
le tribunal criminel s^adjoindra deux juges du tribunal civil
pour assister aux débats. »
On a demandé si cette loi était encore en vigueur. La ju-
risprudence a répondu : <x qu'une loi particulière ne peut être
abrogée par une loi générale que par une disposition fonnelle
ou pardes dispositions inconciliables avec celles de cette loi f
. que le Goded^inst. crim», ni la loi du 20 avril 1810 n'ont
point abrogé la loi du 25 brumaire an vui, sur l'adjonction
des juges supplémentaires» par aucune disposition formelle ;
qu'ils ne l'ont pas non plus implicitement abrogée en prescris
vanldes dispositions inconciliables avec elle ; que cette loi sub-
siste donc dans cette partie^ > On peut ajouter que celte me-
sure est virtuellement autorisée par l'art 264^ relatif au
remplacement des juges, et par Part. 394 qui autorise l'ad-
jonction de deux jurés suppléants aux douze jurés de juge-
ment.
Elle se trouve, au surplus, aujourd'hui implicitement con-
firmée par le dernier paragraphe de la loi du 21 mars 1855
qui dispose que « le président des assises désignera , s'il y a
lieu, les assesseurs supplémentaires, a
< CaM. 33 janv. i84ii rapii. M. Defaaassy Bull. n. 23
> Cass. 27 jaili. 1820, rapp. M. Gaillard. U P., t. XVI, p. 69; et conf.
cass. 3i janv. 1812, rapp. M. Bus^chop, i. X, p. 77*
DE LA COHPOSItlON DES COCRS DAS8ISES. § 588. 185
n. Comment doit être ordonnée cette adjonction? Aux ter-
mes de la loi do 25 brumaire an viii, c^est le tribunal crimi<*
nel, aujourd'hui la Cour d'assises, qui doit l'ordonner par un
arrêt, quand cette mesure lui paraît nécessaire. Cependant la
jurisprudence nVst pas demeurée fidèle i ce teite. Dans une
première espèce, où Padjonction avait été ordonnée par lèpre*
mier président, dans la Cour d'assises du chef-lieu, le pourvoi
fondé sur cette irrégularité a été rejeté, mais par ce motifseu-
lementft que le juge adjoint n'a ni rempli les fonctions déjuge
pendant la durée des débats, ni concouru à Tarrét de condam-
nation qui n'a été délibéré que par le président et les asses-
seurs composant avec lui la Cour d'assises'. » Dans une
seconde espèce où l'adjonction wait été ordonnée, dans un
département autre que le chef-lieu, par le président des as-
sises seul, le pourvoi a encore été rejeté: « Attendu que cette
adjonction, loin de préjudicier à Paccnsé. lui assure, au con-
traire, un prompt jugement; que le Code ne contient aucune
disposition contraire à cette mesure qui dès lors rentre dans
les pouToirs que le président des assises tient de la loi pour
assurer l'a bonne administration de la justice *. » Mais ce der-
nier arrêt, qui s'écartait évidemment des termes de la loi, n'a
pas été suivi. La Cour de cassation n'a pas tardé à reconnaître
« que ce droit a été attribué aux tribunaux criminels par la
loi do 35 brumaire an viii qui, en cette partie, et malgré la
substitution des Cours d'assises auxdits tribunaux, doit être
conaîdérée comme ayant posé un principe toujours subsis-
tant *. » Et sur un pourvoi fondé sur ce que l'appel des juges
suppléants avait été ordonné, non par le président, mais par
la Cour d*assises , elle a déclaré plus explicitement encore en
le rejetant, « que le droit de s'adjoindre des juges suppléants,
dans les procès qui paraissent de nature à entraîner de longs
débats, résulte pour les Cours d'assises de l'art. & de la loi du
25bnimaire an viii^. »
Telle est la règle qui doit être encore appliquée. Il faut
distinguer, en eiïet, le droit d'ordonner radjonction d'un où
de deux juges supplémentaires et le droit de désigner ces ju-
' Cttt. sa avril iSiS, rapii. M. OiiWier J. P. t. XIV, 956.
*C«aB. iajuill. 1833, rapp. M. Meyronnet-St-Marc J. P., t. XXIV,
p ISOO.
' Casa.ii mai ISSS. rapp. M. Thil. J. P., t. XXV, p. 458.
* Casa. IS déc 4840, rapp. M. de Ricard. Bull. n. 'ÀbO; et çonf. 91 aoftt
iWt rapp. M. Frtteau. BuU. o. 325.
1S6 DES COURS D*ASSISES.
ges* Le premier de ces droits ap^lieotâ la Cour d'attÎMs;
il faut un arrêt pour déclarer la nécessité deradjonctioa, car
cette mesure n'étant prLic que pour une affaire déterminée^i
ne rentre point dans les attriLutioBS du premier président ou
du président des assises ; et comme la présence d'un nouveau
magistrat qui , comme on va le voir, a un certain droit d'iu-
tervention dans le débat» peut exercer quelque influence
sur le jugement, il importe que la nécessité de cette pré-*
sence soit solennellement constatée. Il est clair, au surplus^
que cette nécessité ne peut-être que celle qUe la loi 4a 25
brumaire an vm a prévue : c'est là Tunique motiC qui doit
déterminer Tarrèt.
Quand au droit de désigner Tassesseuf ou tout au plus les
deux assesseurs supplémentaires que permet la toi, il n'api
partient point à la Cour^ car il ne peut entrer dans ses at*
tributions de régler le service des magistrats. Ce droit est
exercé au chef-lieu de la Cour impériale, par le premier
président qui» puisqu'il désigne les eonseil&rs assesseurs,
peut évidemment désigner les conseillers assesseurs ad-«
joints ; s'il ne fait pas cette, désignation , ces roagù^ts
doivent être appelés suivant Tordre d'ancienneté, suivant
le vœu des art, 252 et 26& du G. d*inat. cr. Dana le&
autres départements, le même droit appartient maintenant
au président des assises, aux termes du dernier $ de la kù
du 21 mars 1855 qui porte que ce magistrat < désignera^
s*il y a lieu,, les assesseurs supplémentaires, d Au surplus^ à
défaut die constatation précise, il y a présomption légal& que
la désignation a été faite régulièrement \
in« L^assesscnr supplémentaire n*est appelé qu'éventuelle-
ment, et pour ïc cas seulement d'un empêchement ultérieur
des membres de la Cour ; il s'ensuit que sa pfësence n'ap*
porte aucune modification dans la composition de cette Cour.
Ainsi, il est arrivé qu'un juge titulaire était appelé conmie
assesseur svppténentarre lorsqu'un jugei suppléait siégeait
comme assesseur, et on a soutenu que cette compositioo n'é-
tait pas régulière. Il a été répondu que : « le juge suppléant
ayant été appelé à composer la Cour attendu Tempècbement
du vice-président et autres juges, et la Cour d'assises étant
aînsr régulièrement composée, elle a, sur les conclostons du
ministère public, et attendu la longueur présumée des dé-
ft Cass. 5 déc. 1839, rapp. M. VinceuA St-UlU^St. Bull, di ^72.
DB LA COMPOSITION DES COVIIS D*ÀSS1SKS. § 588, 187
bais, ordonné qa^il serait adjoint deux jurés au jury et un
juge supplémeutaîre à la Cour d'assises; que c*est par suite
et eD exécutioD do cet arrêt, que M. Eude, juge, a 6iégé;qae
ce fait postérieur à la formation de la Cour d'assises et i
Tarrèt qu^elle avait rendu pour pourvoir éventuellement aux
incidents que pouvait faire naître la longueur des débats, ne
prouvait pas que M. Eude ne fut pas empêché au moment
où la Cour d'assises a été composée ^ que cet empêchement
avait pu cesser depuis la composition de la Cour, et qu^une
fois la Cour d'assises légalement composée et ayant même fait
un premier acte de sa juridiction , le jugo appelé comme sup-
pléinenlairc n'avait pu prendre la place du jugo suppléant ré-
gulièrement investi des fondions d^assesseur '• t
De ce que la présence de Tassesseur supplémentaire ne
modifie pas la composition de la Cour d'assises, on a induit,
comme des corolluires, l"" qu'il n'est pas nécessaire de don-
ner communication à l'accusé de Tordonnancé qui désigne cet
assesseur : « Attendu que, par cette mesure, le premier prési-
dent n'a fait qu'assurer le service de la Cour d'assises et user
d^UD droit qui lui est conféré par la. loi ; que la communica-
tion de son ordonnance à Taccysé n'était exigée par aucune
disposition de nos lois, et aurait été superflue, Taccusé n'apnt
pas la faculté de s'opposer à celte mesure ' : » 2^ qu'il n'est
pas même nécessaire de mettre l'accusé en demeure de pré-
senter des observations à cet égard : « Attendu que cette ad-
jonction a été ordonnée par un arrêt régulier rendu en au-
dience publique, sur les réquisitions du ministère public, en
présence des défenseurs des accusés qui n'ont fait aucune ré-
clamation ; que cet arrêt est une mesuré d'administration de
la justice pour laquelle on ne peut exiger la présence des ac-
cosés qui ne sauraient y former opposition *. »
Nous ne contestons nullement la vérité de cette doctrine ;
mais peut-être en a-t-on déduit des conséquences trop rigou-
reuses. Il n'est pas de la science du droit comme des sciences
exactes : il faut que ses déductions soient admises, non-seule-
ment par la logique, mais encore par là raison. Quelle est la
fonction de l'assesseur supplémentaire? 11 est certain que, celte
* Gais. 56 aTril 1854, rapp. M.Barennei. BqII. d. »3; 5 janv. 18*A.rapp.
U. Isambert. Bull. n. i.
' Ca», 8 octobre IBifip rapp. M* Romiguièrcs. Bail. d. 299.
' Ca», 20 juin 1855, rapp. M. V, Foucher. Bull. n. MO.
i$$ DES COUKS I>*A8618Kft.
fonction étant toute éyentnelle, sA présence ne modifie point
actuellement la composition de la Cour d'assises ; maîftpar ce!a
seul qu'il peut être à tout moment appelé à remplacer un a»«
aesseur et par conséquent à participer au jugement, il suit né-
cessairement qu'il doit se tenir au courant de Tafiaire, qu'il
doit, non point seulement assister, mais prendre part au dé-
bat S'il n'a?ait pas ce droit, comment pourrait-il, le cas
échéant, prendre part au jugement? Et pour qu'il se tienne
en état de juger > ne faut-il pas qu'il remplisse, dans le débat
seolement, la même fonction quo s'il derait juger en effet?
N'est-ce pas là le seul moyen de ne pas recommencer ce débat,
s'il prend la place d'un assesseur titulaire? Donc^ s'il aperçoit
dans quelques points de fait une difficulté, un doute, il peut
demander des éclaircissements ; il peut adresser des questions
aux accusés ou aux témoins ; il peut suggérer soit au prési-
dent, soit à la Cour, les mesures qui lui paraissent propres
à la manifestation de la vérité. Sa présence est un élément
nouveau introduit, non dans la composition de la Cour d'as-
sises proprement dite, mais dans la constitution générale de la
juridiction. Il n'est donc pas rigoureusement vrai de dire, au
moins en termes absolus» que l'accusé n'a aucun intérêt à
l'adjonction et qu'elle ne peut lui causer aucun préjudice :
qu'il ne puisse pas s'y opposer, nous le croyons, parce que
c'est une mesure d'administration judiciaire et non une forme
de procédure ; mais faut-il donc nécessairement conclure delà
que cette mesure doive être prise à son insu et en sou absence,
et qu'il ne doive pas être mis en demeure de présenter, s'il le
veut, ses observations? Gomment, lorsqu'il s'agit d'une me-
sure qui ne peut être prise que par un arrêt» cet arrêt ne se-
rait-il pas rendu contradictoirement? Pourquoi Taccttsé se-
rait-il privé de connaître et de discuter l'utilité d'une adjonc-
tion qui lui donnera peut-être un nouveau juge, et en tous
cas un intervenant plus ou moins influent dans le débat?
S 689.
. Causes d'incompaiibilité. — II. Participation ^ rarréi de mise en
accusation. — 111. Participation aux actes de rinstruaion, — IV.
Effets de l*incompatibililé.
I. L'art. 257 du G. d'inst. cr. dispose que : a. les mem-
bres de la Cour impériale qui auront voté sur la mise en ac-
DE LA COMPOSlTiaX D£S C0UB8 d' ASSISES. § 589. 1S9
euMlioD ae pourroal^ daim la même affaire, ni présider les
assises, ni assister le président, à peine de nullité, il en sera
de même à l'égard do juge d'instruction. »
Cette interdiction est fondée sur ce que les magistrats qui
ont participé à riostruction écrite, ont pu y puiser des préven*-
lions qu'ils apporteraient dans le débat, tandis que leur cou-
YÎction doit se former exclusivement sur la piooédure orale.
Elle s'applique donc à la fois è tous les membres de la Cour
d'assises, au président comme aux assesseurs.
Nous allims examiner : 1** dans quels cas l<>s conseillers
sont réputés avoir pris part à la mise en accusation ; â"* dans
quels cas les juges doivent être considérés comme ayant parti-
cipé à des actes d instruction ; S"" enfin, quels sont les effets
de rinlerdiction et quels sont les actes auxquels elle s'ap-
plique.
U. La loi n'exclut que les conseillers qui, « dans la même
i^aire, auront voté sur la mise eu accusation. » C'est la par-
ticipation' même a Farrêt qui forme le titre de la prohibi-
tion. Or, comme jes exclusions sont de droit étroit, puis-
qu'elles constituent des exceptions au droit commun, il s'en-
suit que la prohibition ne doit pas être étendue au-delà de
ses termes.
Elle ne s'applique donc point au membre de la chambre
d'acensation qui a pris part à un arrêt ordonnant un supplé-
ment d'instruction : <r Attendu que la disposition prohibitive
de l'art. 267, restrictive de sa nature, ne concerne évidem-
ment que ceux des membres des Cours qui ont participé à
l'arrêt dé mise en accusation; qu'elle ne peut être consé-
qoemoient étendue aux conseillers qui n'auraient concouru
qo'à un arrêt préparatoire d'instruction qui a ordonné de
nouvelles informations \ »
Elle ne s'applique point aux magistrats qui, soit comme
président des assises, soit comme remplaçant le président,
procèdent, postérieurement à la mise en accusation, à un sup-
plément d'instruction *.
Elle ne s'applique point aux conseillers qui, siégeant à la
chambre correctionnelle, se sont bornés à déclarer cette juri-
diction incompétente pour connaître de l'affaire : a Attendu
VCa<9^ ii jaillet 1816, rapp. M. Busscliop, J. P., t XU, r> ^àS. £t
conf. 21 jaDT. et 12 août 1818, dev. et car. t. IV, p. 263 el Ai6.
' COS8.20 février 18A1, M.rapp. M, Romigiiières. Bull, m 53.
i90 DES COURS D*ASS1SI8'
que, d'après la disposition de Tart. 257, il n'y a que les mem-
bres do la Cour qui oui vulé sur la mise en accusation qui
ne peuvent, à peine de nuliiié, être membres de la Cour d*as-
sisos *.
Elle ne s^applique point aux magistrats qui ont siégé dans
rassemblée générale où révocation de Taflairo a éiè ordon-
née : « Attendu que, les incapacités et exclusions, étant de
droit étroit, doivent être formellement exprimées et ne sau-
raient être étendues d^un cas à un autre ^. n
Enfin, elle ne s'applique pas au conseiller qui a fait partie
de la première chambre civile de la Cour, au moment ou le
premier président a procédé au tirage du jury et à la forma-
tion de la liste de la session où l'affaire est portée *.
Toutes ces solutions n'offraient aucune difGcullé sérieuse
puisqu'il est évident que, dans ces diverses espèces, le texte
et l'esprit de la loi repoussaient à la fois la prohibition.
IIL L^incompatibilité motivée sur la participation des juges
à rinstruction donne lieu à de plus graves questions.
L'art. 257 n'exclut formellement que le juge d'instruction,
cl de là il faut conclure d'abord que tout arrêt, tout débat
mqtiel aurait pris part le juge chargé de Tinstruction de l'af-
faire serait frappé de nullité *.
Mais il est évident que cette exclusion est attachée, non à
la qualité du juge d'instruction, mais à sa fonction; car c'est
la fonction^ c'est^à-^irelaparticipatioDauxactesde rinsfrof-
tion qui peut jeter dans Fesprit du magistrat uae prévention
souvent mefraçaUe et qui dés 1ers nuit à son imparlkilité» La
eonaéquence est donc que tout juge qui a rempli la fonction
de juge dlostruction dans une affaire doit être atteitii de
t'înterdktion qui frappe celui-ci. IVIais dans quels cas un juge
doit-il être réputé avoir rempli la fonction de juge d'instruc-
tion? C'est ici que viennent les distinctions de la juriapru-
denee«
Il a été décidé que l'interdiction s'applique at^juge qui a
procédé, par remplacement du juge d'instruction, à quelques
actes d^instructton ; et par exemple, au juge qui, mm-seule-
ment à procédé è l'audition des témoins e( à drRïrents intcr-
« Cas8. 6 mars 1824, rapp. M. Rataud. J. P. t. XVIII p. 500.
' Cau. 1 avril 1847. rapp. M. Meyronncl-St-Marc Bull n. 70.
> Cass. isepi. 1828, rapp. M. Mangin. Journ, cr. t. J, p. 38 ; i? oet» iSSS»
rapp. M. laambert. J. P. t.XXy,p. 903.
* Cass. 7 août 1828, rapp. M) Choppin, J. P« r« XXTf , p. 178^
DK LA C01IPÛSmO!f DtS CÛVftS ^'ASSISES, § S88. 491
rogaloircs, mais qui a fail le rapport k la chambre du con-
seil et concouru à Tordonnance de prise de corps * ; — au
joge qui a procédé à un înlerrogaloîre du prévenu, en rem-
placement du juge d'instruction empêché • ; — au juge qui
a été commis pour interroger un individu prévenu de com-
F licite, mis plus tard hors de prévention, et Va confronté avec
accusé principal • ; — au juge qui n'a fait que rapporter à
la chambre du conseil une première instruction à la suite de
laquelle les auteurs du crime étaient demeurés inconnus ^ ; —
au juge qui a décerné contre Taccusé un mandat d'amener et
à donné une commission rogatoireà Teffet d'entendre ses té-
moins *; — au juge qui a, en qualité de président de la Cour
d'assises, interrogé le témoin arrêté à l'audience sous l'incul-
pation de faux témoignage \
Tous ces arrêts sont uniformément fondé? sur les motifs
énoncés dans celui du l*'* août 1829 qui déclare : « Que les
expressions contenues en Tart. 257 sont générales et abso-
lues; que cet article ne fait aucune distinction entre le juge
d'instruction titulaire et celui des juges qui en aurait provi-
soirement exercé les fonctions ; qu'en effet, l'incompatibilité
prononcée par cet art 257 entre les fonctions de juge d'ins-
truction et celles do membre de la Cour d assises prend sa
soorce dans le caractère essentiel du juge d'instruction, qui,
rangé par l'art. 9 parmi les officiers <Je police judiciaire, se
trouve en quelque sorte associé à l'action et k la recherche
du ministère public dans les poursuites où il fait acte d'ins-
truction ; qu'on ne saurait admettre qu'en présence de la dis-
position at)soUie do l'art^ 257 il soit permis de distinguer,
quant à l'application de cet article, entre les cas où les actes
d'inslruction auxquels a pu procéder un juge d'instruction
provisoire sont plus ou moins nombreux, plus moins décisifs
dans la cause; qu'admettre cette distinction, ce serait subs-
tituer une disposition discrétionnaire et facultative à une dis~
fûskim fofwelleinent prohibitive, dans une matière qui est
^Ga». 14 j«in 4StS,ffa|ip.M. SctarandUJ. P., t/XI, p.4f3»iiaoat iSSO,
f?Plp. M. RaUad, t. XVf, liS.
* Cass. 1 aoûtl829, rupp. M. de Crouseillics J. P., t. XXII, p. 1808.
* Cass. 4 DOT. 18â0, rapp. H. Uainbert J. P., t. XXIII. p. 814.
*Gan. 3dinai 1834, rapp. M. de Ricard. J. I>. t. XXyi» 571; 8 juill.
1834, rapp. M. de Ricard. J. P., t. XWi, p. 694.
'Cass. 16 août 1841, rapp. M. Brière-Valiguy. BulL n» 391.
* Cass. 7 octobre 1824, rapp. M. Robcrt'St-yinceos, J, P., t, XYIIIf
P« 4055.
192 DE4 COURS d'assises.
d'ordre public puisqu'clio touche à Tordre des juridicUoos ;
que dès lors il suffit qu'uu juge de première instance ait, dans
le cours d*une instruction^ rempli les fonctions de juge d'ins-
truction, pour qu^il soit atteint par la disposition de
l'art. 257, »
Nous ne voulons point assurément affaiblir les scrupules
que cette jurisprudence atteste : il importe de maintenir avec
fermeté, dans tous les cas où elle laisse soupçonner l'impar-
tialité du juge, une interdiction de siéger qui constitue une
véritable récusation portée par la loi elle-rmème contre un
magistrat dont elle suppose Tesprit prévenu. Mais il faut se
garder en même temps u étendre les empêchements que la loi
a prévus, si ce développement n'est pas réellement utile à la
justice. Quel est le but de Tart. 257 ? c'est d'interdire les
fonctions de membre de la Cour d'assises au magistrat qui a
rempli les fonctions de juge d'instruction dans la même af-
faire. Or, quand un magistrat doit-il être réputé avoir rempli
les fonctions de juge d'instruction ? Suffit-il qu'il ait procédé
à un seul acte d'instruction, si cet acte est purement matériel
et sans influence sur la cause 7 Cette participation instantanée
le place-t-elie nécessairement dans la même situation que
s'il avait dirigé la procédure, ordonné les mesures d'infor-
mation, procédé à l'examen des preuves? Peut-être aurait-on
pu limiter la prohibition au seul cas où le juge aurait pro-
'cédé, non pas à un seul acte isolé, qui ne peut avoir qu'une
importance restreinte, mais à une série d'actes qui consti-
tuent réellement une part de l'instruction. Un acte isolé ne
suppose pas une connaissance approfondie de la procédure ;
une série d'actes, qui ne peut être faite que par un exercice
prolongé de la fonction, doit faire présumer au contraire cette
connaissance. On ne peut admettre qu'un seul acte jette dans
l'esprit du juge qui y a procédé des préventions inaltérables ;
~ on doit admettre au contraire qu'en précédant à des actes suc-
cessifs, le juge s'est formé sur l'affaire une opinion qui ne le
quittera plus. Ces observations trouvent une sanction dans les
arrêts qui ont décidé que l'interdiction ne s'appliquait pas aux
juges de la chambre du conseil qui ont statué sur la mise en
prévention \
Au surplus, il ne faut pas étendre les prohibitions jusqu'à
la procédure complémentaire qui suit quelquefois l'arrêt de
* Gais, se août i853i rapp. M. Jacqulnoti BttlL n* 434; et conf. 17 mai
ISSt, Bull. n. 170.
DC LA COUPOSITION DgS C«UltS »\SSISES. § 589. Vi\
mise en accusatîoQ : cette procédure étant faite ou dirigée
par le président des assises, il est clair qu'il ne peut en résul-
ter un motif d'exclusion pour les membres de la Cour d'assi-
ses. Ainsi, il a été décidé que le magistrat qui a été commis,
suit par le président, soit par la Cour d'assises, pour procéder
à un acte d'instruction, par exemple à la levée d'un plan du
lieu où le crime à été commis, peut siéger, a attendu qu'il
n*y a aucune assimilation à faire entre l'instruction primitive
terminée par Tarrét de la chambre d'accusation et les actes
ultérieurs d*instruction nécessaires pour la manifestation de
la vérité et auxquels le président des assises, en vertu de la
délégation spéciale qu'il a reçue de la loi, peut procéder ou
faire procéder ' . » Quant au président, qui a lui-même fait
quelque acte d'instruction, il a été également reconnu « que
les art. 301, 303 et 806 autorisent ce magistrat à continuer
rinstruction après l'arrêt de renvoi ; que leur disposition ne
permet pas d'étendre au président la prohibition faite au juge
d'instruction de siéger à la Cour d'assises, ni de déclarer les
débats nuls par cela seul qu*après avoir fait des actes d'ins-
truction, il ne se serait pas abstenu de présider *. •
La même solution s'applique aux membres de la Cour
d'assises qui ont statué sar la reconnaissance de l'identité de
Taccusé, « attendu que l'art. 257 exclut de la composition
de la Cour d'assises, à laquelle est déféré le Jugement d'un
accusé, les membres de la Cour impériale qui ont voté sur la
mise en accusation ; mais qu'aucune disposition n'étend cet
empêchement aux magistrats qui ont statué, conformément .
aux art. 518 et 519, sur la reconnaissance d'identité qui est
postérieure à l'arrêt de renvoi devant la Cour d'assises et se
rattache évidemment aux débats ^. »
Que faut-il décider à l'égard du magistrat qui a concouru
à un premier arrêt annulé par la Cour de cassation? Peut-il
siéger dans la Cour saisie par le renvoi? Il est certain qu'il ne
le peut pas, mais ce n'est plus on vertu de l'art. 357 qu'il est
frappé d'exclusion. Lorsque la Cour de cassation annulle un
arrêt rendu en matière criminelle, elle prononce le renvoi du
^ CaM. 9 lepU 1819, rapp. M. Giraud. J. P., t. XV, p. 528 ; 12 déc 1888,
«pp. If. McyronDet-St-Marc U XXV, p. 67h.
^ Cafs.22 avril 1886, rapp. M. Viocens-St- Laurent Bull. u. 127 ; 26 fév.
1841» rapp, M. Bomigoières» n. 58 $ 80 août I84I9 rapp, M. Mejronoet-
St-Harc, n. 805. '
'GaMb lA déc 1854* rapp. M. Scnéca. Bail. n. 342.
VIII. i^
194 Bnfi COURS D*ASSISES.
procès, aux termes de Tarf. 429, devant une Cour d'assiies
autre que celle qui aurarendu l'arrêt. Or, il résulte évidem-
ment de ce texte que la loi a voulu que la nouvelle Cour d'as-
sises fut composée d*autres juges que ceux qui ont concouru
^vi premier arrêt *.
IV. Il reste maintenant à examiner quefc sont les effets de
cette incompatibilité. L'art. 257 dispose que les magistrats ne
pourront ni présider les assises, ni assister le président dans
la même affaire qu'ils ont concouru, à instruire. Que faut-il
entendre par ces mots dans la même affaire? Faut-il res-
treindre ces termes prohibitifs à leur sens précis, c'est-à-dire
apx actes de Taudience, ou faut-il les étendre à tous les ac-
tesjuridiques même antérieurs à randience?
La Cour de cassation a déclaré, en premier lieu, que la pro-
hibition ne peut être étendue à l'acte de participation à une
ordonnance portant indication du jour d'audience auquel de-
vrait être jugée l'opposition à un arrêt par défaut rendu en
matière de presse par la Cour d'assises : « parce qu'une telle
ordonnance ne pouvant exercer aucune influence sur le ju-
gement du fond du procès^ ne saurait être considérée coonrae
un acte d'instruction ^ » Ce premier point est hors de toute
contestation.
Mais en doit-il être de même lorsqu'il s'agît, non plus seu-
lement de fixer le jour d'une audience^ mais de concourir à
la formation de la liste des trente jurés? Sur le second point
la jurisprudence à varié. La Cour de cassation avait décidé
« qu'il j.a une corrélation nécessaire entre la formation de la
liste des trente jurés et les affaires qui sont jugées dans la
même session, par le tirage au sort des jurés qui forment le
jury de jugement ^ » ; d'où la conséquence qu'il suflisait
qu'un juge qui avait concouru à l'instruction eut pris- part à ce
tifage pour qu'il y eut nullité. Cette jurisprudenceétait singu-
lièrement scrupuleuse. H est certain qu'il existe une corré-
lation entre la formation de la liste des jurés et le jugennK.'fit
de chaque affaire ; mai^ cette corrélation doit-elle avoir pour
effet d'interdire au juge frappé par l'incompatibilité de siéger
* Cass. 6 mai iSïh, rapp. M. Brière. BulL a» 6a.
* Cass. 10 avril 1823, rapp. M. DebaussyrJ.Pt, XVf^Z%2.
* Caw, 2 féf. 1882, rapp. M. Brière. J. P., t. XXIV, p. 66»: 20 OCt, 1852,
rapp. M. Rive6. t. XXiV, p, 1521.
DB LA COMPOSITION DES COITRS d'aSSISIS. § 589. 19S
è celte opération aussi bien quau jugement T Gomment les
préventions que ce juge a pu acquérir dans l'instruction pour-
raient-elles se faire jour dans le tirage des trente jurés ? Gom-
ment pourraient elles se mànirester et influer sur Tadmission
des excusas ou Tappel par le sort des jurés? Gomment les
garanties de la défense seraient elles diminuées par l'assis-
tance du juge d'instruction à un acte qui se rattache i toules
les affaires de la session et non à telle affaire en particulier ?
Ces motifs ont déterminé un changement dans* la jurispru-
dence* Un nouvel arrêt a jugé ; « qu'il résulte de la combi-
naison des art« 393 et 399 que les arrêts des Cours d'assises
qui statuent sur les excuses dos jurés portés sur les listes
dressées en exécution des art. 388 et 390, et par suite, sur
l'appel ées jurés supplémentaires et complémentaires, ont
pour objet d'assurer le service général de la session, comme
les opérations antérieures ordonnées par les art. 388 et 390 ;
qu'en statuant ainsi, les Gours d'assises n'ont point en vue
telle ou telle affaire de la session en particulier, et que ces
opérations différent esscnticllcmciil de la formation du jury
de jugement, puisqu'il y est procédé par la Cour d'assises
et non par le président seul, et que la présence des accusés
n'y est pas requise; que si les accusés ne sont pas privés du
devoir de crititjuer cts opérations, s'il y a eu violation de
quelque formalité substantielle ou si parmi les jurés opt été
admis des citoyens qui n'étaient pas pourvus des capacités re-
quises, il ne s'ensuit pas que les magistrats qui y ont pris part
puissent èlre réputés avoir siégé comme juges dans leurs af-
faires particulières '. » Un arrêt postérieur ajoute : « que le
règlement des exoines n'est pas, à l'égard des divers accu-
sés, un acte de juridiction, mais plutôt un acte d'administra-
tion, comme celui des Cours royales au moment où le premier
président tire ia li:>te des jurés de session ; que le niagistrat
qui a pris part à un arrêt de condamnation ultérieurement
cassé, et qui prend part, dans la Cour d'assises de renvoi saisie
de la même affaire, au jugement des excuses des jurés, ne
prend pas pari au jugement de l'affaire qu'il a déjà jugée,
et que dès lors l'interdiction portée par l'art. 257 ne saurait
recevoir aucune application \ »
* Un. 17 cet. 1885, rapp. M. Isambcrl. J. P., XXV, p« 900.
* Gant. 13 maU842> rapp. M. MérUhoo. Boil. d. 116.
10G DRB Qovni^ d'assises.
s 590.
I. Autres causes d^înoompatibilité. — II. Causes de récusation.
— III. De la participation à certains actes juridiques anié-
rieurs.
I. Oatre les causes particulières d'incompatibilité qui dé-
rivent de Tart. 257, les causes générales, que la loi de l'or*
ganisation judiciaire à formulées, s'appliquent aux membres
de la Cour d'assises comme à tous les juges. Ils trouveraient
donc une cause d'incompatibilité dans le degré de leur pa-
renté entre eux '.
IL Ils peuvent également, comme les membres des autres
juridictions, être récusés. Nous avons posé le principe et exa-
miné les causes des récusations en matière correctionnelle '•
Nos observations s'appliquent entièrement ici.
III. Il reste à rechercher dans quels cas la participation du
juge à des actes antérieurs, autres que des actes d'instruc-
tion, peut devenir une cause d'exclusion.
Il y a lieu de remarquer, en effet, qu'il est certains actes
qui, lorsque le juge y a concouru, deviennent contre lui, non
point seulemMit une cause de récusation, mais une cause
d'exclusion. ^
Ainsi, lorsqu'une affaire est renvoyée, après cassation, à
une nouvelle Hour d'assises, aucun des juges qui ont participé
à Tarrét annulé ne peut faire partie de la nouvelle Cour :
e'est une prohibition expresse qui résulte des termes des
art. 438 et 429 ^
Ainsi, lorsque Tun des juges a rempli les fonctions du mi-'
nistère public, la même interdiction subsiste : « Attendu que
c'est une maxime constante de notre droit public que les fonc-
tions du ministère public sont incompatibles avec celles de
juge; que c'est un principe de justice éternelle de ne pas per-
mettre qu'un magistrat puisse être dans la même affiaire par-
tie poursuivante et juge, et que l'incompatibilité entre les
fonctions de juge et du ministère public résulte de leur na-
ture ; que l'art. 257 règle , dans la composition des Cours
' Voy. notre U Vil, p. 541.
• Voy, notre L VII. p, 642.
" Casa, e mal i8S4i rapp. M. Robert de St-Vinceni. J. P., XYIII,
p.;,680.
DK LA COU POSITION OëS COUHS D*AâSl&BS. § 590. i97
d'assises, les empêchements des juges; mais que le Code> en
ce qui concerne le ministère public, s^en est référé en cette
partie au droit commun et universel ^ » Il suffirait même
qu'un magistrat eut rempli par intérim les fonctions du mi-
nistère public au moment du tirage du jury de jugement,
pour qu'il ne put siéger comme assesseur •
Mais en dehors de ces cas qui sont prévus par la loi elle
même ou par des maximes qui ont la puissance de la loi,
la connaissance antérieure que le juge a pu prendre, même
dans ses fonctions, d^une affaire criminelle qu'il est appelé &
juger, ne peut être qu'une cause de récusation.
Ainsi la jurispurdence a reconnu qu'aucune interdiction
n'empêche de siéger à la Cour d^assises : l"* le magistrat qui
a porté la parole comme officier du ministère public dans un
précédent débat ouvert contre un autre accusé compris dans
le même acte d^accusation, car il s'agissait d'un autre fait et
d'un autre débat ' ; 2"^ le magistrat qui prononce une con-
damnation par contumace conlre l'accusé qu'il est appelé à
juger contradictoirement, « attendu qu'il ne résulte ni de
Fart. 257, ni d'aucune autre loi, qu'il soit interdit au ma-
gistrat qui a prononcé sur la contumace de concourir au juge-
ment de raccusatioR, lorsque la décision par lui rendue se
trouve anéantie de plein droit par la représentation de Tac-
cusé 4 ; 9 30 le magistrat qui faisait partie de la première
chambre civile au moment où le premier président a procédé
au tirage du jury et à la formation de la liste de sesaioa ^ ;
4* le magistrat qui a participé comme membre de la cham-
bre correctionnelle à un arrêt déclarant la juridiction correc*
tionnelle incompétente : • Attendu que, d'après Fart. 267, il
n'y a que les membres de la Cour qui ont voté sur la mise en
accusation et le juge qui a fait l'instruction qui ne peuvent à
peine de nullité être membres de la Cour d'assises 6* » 50 le
niagistrat qui a concouru à jugement correctionnel rendu
> Cask il lepL IBtlf rapp. M* Briëre. J. P.» XXI» p. 797. Voy. toa-
lefoi%sur la récusation des officiers du ministère public, notre tome II ,
p. m.
* Cass. 5 déc. 1850»rapp»M. de Gloi. BulL n. HO.
* Cass. 5 afril 183), rapp. M. Rifes. J. P., t. XXIY» 930 ; S8 aTril 1843.
DalUia, i, 345.
^ Ciss. 23 mars i8&&, rapp. M • Jacquinot, Bull. n. i4e;4i oct. 4849,
rapp. M. de Glos. Bull. n. 269,
' Cass. h sept. 4828, rapp. M. Mangin J. P., t, XXII, 270,
* Ca8& 5 aurt 182A, rapp. M. RaUud J. P., t XVIII. 590; 20réT. iSAO.
DaU. 40401
191 DBS €OUBS d'aSSISIS.
contre l'accusé à raison d'une première poursuite : a Aiteadu
que les incapacités étant de droit étroit, la disposition de
Tart 267 doit être restreinte au cas qu'il a préyu ' »; G"" le
magistrat qui a participé à un arrêt de la Chambre civile
prononçant pour cause de fraude la nullité d'un acte dont la
fausseté fait Tobjet de TaccusatioD soumise à la Cour d^ assises ';
7*". EnGn^ le magistrat qui a connu d'une instance civile
entre Taccusé et le plaignant, sur des faits se rattachant ^
Taccusation *•
Dans toutes ces hjpothè-cs, la participation du juge à des
actes antérieurs est impuissante pour fonder une cause d'ex-
clusion, car elle n'est pas comprise dans les termes de l'art.
257; mais elle peut fournir , conformément à Tart. 378 n° 8
du C.de pr. civ., unecaut^e de récusation que Taccuséa la
faculté de faire \aloir, s'il le juge utile à son intérêt, et qui
est appréciée suivant les for mes prévues par les articles 380 et
suiv. du même code.
8*691.
1. Du ministère public près la cour d'assises. — U. Quels magistrats
peuTeut remplir cette fonction.
I. La Cour d'assises, comme toutes les juridictions répres-
sives, n'est constituée que par la présence d'un magistrat du
ministère public. Nous avons déjà établi ce principe en ma-
tière de police^ et de police correctionnelle ^ Il est formelle-
ment consacré en matière de grand criminel par les art. 252,
253, 271 et 284 de notre Code.
La jurisprudence n'a fait que se conformer strictement à
ces textes en décidant que le concours du ministère public est
une condition essentielle de la validité de toutes les opérations
de la Cour d'assises. Ainsi, dans une espèce où la déposition
d'un seul témoin avait eu lieu en l'absence de Tofficier du
ministère public, Tarrèt a été cassé : « Attendu qu'il résulte
de la combinaison des art. 253, 271, 273, 276, 319, 326,
330 et 335, que l'oflicier du ministère public qui est chargé
du service de la Cour d'assises fait nécessairement partie de
* Gass. Si nov. 184â« rapp. M. Rocher. Bull, n, 278.
s Gass. 6 avril 18S8. Dali. àO, i, 369.
> Cass. iS avril 1837, rapp. M, Bresson. Bull. ii. ilO ; et 23 juill. 1819,
rapp. M. AumooU J. P., t. XV, ^34.
* Voy. t. VU, p, 122. — • Voy, U VII, p. 555, ^
DE LA COMPOSITION DKS GOUBS 1> ASSISES. § 591. 199
cette Cour, et que celle-ci n'est régulièrement canstttuée que
par son assistance et son concours ; d'où il suit que sa pré-*
i^Qceè tous les actes de riostruction orale derant les juréa
est une condition substantielle delà régularité des débats\ »
Mais il n'est pas nécessaire que ce soit le mérne officier da
ministère public qui ait assisté aux débats, depuis le oom-
menceroent jusqu'à la fin *•
Il ne faut pas confondre non plus avec Une absence mo^
mentanée, le fait que Tofficier du ministère public aurait
Suitté un moment son siège, s'il n'a pas réellement quitté Tau-*
ience. Ainsi, dans une espèce où la demande en cassation
était fondée sur ce que l'officier du ministère public aurait été
absent de l'audience pendant une partie de la plaidoirie
de Tun des défenseurs, ce moyen a dû être rejeté ; «At-
tendu que, sur rincident élevé à cet égard par Tun des dé-
fenseurs, il a été rendu par la Cour d'assises un arrêt expli-
catif du fait allégué ; qu'il résulte de cet arrêt que si, pendant
la plaidoirie du défenseur» l'officier du ministère public, se
sentant indisposé, est entré dans la chambre du conseil pour
y boire un verre d'eau^ ce même arrêt constate que Tabseneè
de ce magistrat ne s'est pas prolongée et n'a pas même
duré une minute ; que la chambre du conseil est contiguë
immédiatement à la salle d'audiçnce, dont elle n'est séparée
que par une porte qui est restée ouverte, et que, du reste, ce
magistrat est resté présent à tous les actes de l'instruction
orale devant le jury ; que le fait ainsi constaté prouve qu'il
D'y a pas eu absence du ministère publie, dans le sens véri-
table de ce mot, à l'un des actes d^ débats, et notamment à
la plaidoirie de l'un des défenseurs^. »
IL Cette fonction est remplie, au chef-lieu de la Conr im-
périale, < soit par le procureur général, soit par un des avo-
cats généraux, soit par un des substituts du procureur géné-
ral. » (Art. 252, g 2.)
Elle est remplie, dans les autres départements, par le pro-
cureur impérial près le tribunal ou l'un de ses substi-
tuts, (Art 263,)
Toutefois, dans ce dernier cas, l'art 263, après avoir fait
* Cas»/» janv. 4839, rapp. M, Rives. Bail, », 1.
î Voy. l. II, p. A29 ; et cass. 10 août 1837, rapp. M. Isambcrt. Bull.
D. 232.
* Cafs. 23 sept. 1S52^ Joura. Crink t. XXV, p. 109.
201^ DES COURS D ASfilSKji.
cette désignation, ajoute : « sans préjudice des dispositions
contenues dans les art. 265, 271, et28&. j>
Ces dispositions ainsi réservées ont pour objet d'attriboeraa
procureur général le droit de remplir kii-mème les fonctions
du ministère public près les Cours d'assises de ces départe-
ments ou de les déléguer à ses substituts.
Le droit personnel du procureur général est fondé : l"" sur
l'art. 45 de la loi du 20 avril 1810 portant que les procu-
reurs généraux exerceront l'action de la justice criminelle
dans toute l'élendue de leur ressort ; 2* sur Tart. 271 duC.
d^instr. crim. qui dispose que a le procureur général pour-
suivra, soit par lui-même, soit par son substitut, toute per-
sonne mise en accusation ; » 3* sur l'art. 284 du même Gode
portant que « le procureur impérial criminel remplacera près
la Cour d^assises le procureur général dans les départements
autres que celui où siège la Cour impériale» sans préjudice
de la faculté que le procureur général aura toujours de s^y
rendre lui-même pour y exercer ses fonctions. »
Il j a lieu de remarquer au sujet de ce dernier texte que
le procureur impérial criminel^ dontil fait mention, n'existe
plus. L'art, 253 du G. d'instr. crim. de 1810 avait établi ce
magistrat auprès de chaque Cour d'assises. La loi du 26 dé-
cembre 1815 l'a supprimé. L'art. 1*' de cette loi porte :
« Les places de substituts des procureurs généraux faisant
fonctions de procureurs criminels dans les départements sont
supprimées, i L'art. 2 ajoute : n Les fonctions du ministère
public qui étaient attribuées à nos procureurs au criminel se-
ront exercées par nos procureurs près ies tribunaux de pre-
mière instance des arrondissements dans lesquels siègent ies
Gours d'assises, ou par leurs substituts. » G'est en se confor-
mant k cette loi que la loi du 28 avril i832 a rectifié les ter-
mes de l'art. 253.
' Le droit du procureur général de déléguer Tua des mem«*
bres de son parquet a été induit V de Part, 284 qui attri-
bue au procureur général la faculté de se transporter lui-
même ; 2° de l'art. 265 qui lui attribue la faculté de délé-
guer ses fonctions à ses substituts, même étant présent , et par
conséquent lorsqu'il est absent ou empêché; 3^ Defart 47 de la
' loi du 20 avril 1810qui porte que « lessubstitutsdu procureur
général exercent la même action dans les mêmes cas sous la
direction du procureur général ; » 4** De l'art. 42 du dé-
cret du 6 juillet 1810 qui dispose que « toutes les fonctions
DE LA CÛMPOSlTiON DBS COURS d'aSSISKS. § 591. SOI
do ministère public sont spécialement et personnellement
confiées aux procureurs généraux : les avocats généraux et
les sabstituts ne participent à Teiercice de ces fonctions que
soosia direction du procureur général, t Ce droit a été re-
connu par un arrêt qui déclare : « que Tart. SSA- donne au
procureur général la faculté de se transporter lui-même au-
près des Cours d^assises du ressort pour y exercer ses fonc-
tions, et qu'en lui confirmant cette prérogative, les art. &5
et 47 de la loi du 20 avril 1810 lui confirment en outre le
droit de s'y faire représenter par l'un des officiers de son
parquet, lorsqu'il juge cette mesure nécessaire dans l'intérêt
de la justice ^ »
Lorsque le procureur général délègue un avocat général
pour remplir les fonctions du ministère public près d'une
Cour d'assises autre que celle du siège de la Cour, est-il
nécessaire que cette délégation soit connue des accusés avant
Taudience? Un arrêt décide, en rejetant un pourvoi fondé sur
ce moyen, « qu'aucune disposition législative n'exige qu'il soit
donné connaissance de cette délégation à l'accusé avant l'ou-
verture des débats*. » La véritable raison de décider aurait
dû se tirer du principe de l'indivisibilité du ministère public ^r
il importe peu, puisque chacun des membres de ce ministère
est considéré comme son organe, que l'accusé connaisse l'of-
ficier qui doit soutenir l'accusation; il doit se défendre, non
contre tel ou tel magistrat, mais contre le ministère public.
Nous avons établi précédemment i^ que le procureur gé-
néral et le procureur impérial peuvent, en cas d'empêche-
ment, être remplacés par des juges ou des juges suppléants^ :
cette règle ne reçoit point d'exception dans le service des as-
sises^; 2^ que les officiers du ministère public ne peuvent
être récusés^; 3* qu'il ne résulte aucune nullité nonobstant
les termes delà loi du 20 avril 1810, de ce que l'officier du
ministère public, qui a pris des réquisitions, serait parent ou
allié au degré prohibé de l'un des juges de la Cour d'as-
sises?. Nous n avons donc pas à revenir sur ces différents
points.
> CaM. SO nmn 1882, rapp. M. RWes. J. P., U XXIV, p. 906.
* Mène arrtt.
'Voy. BoUre t II, p. iSOt
* Voy. notre t II, p. 195.
* Art. 84 G. pr. dT., 36 G. iost cr« etcass. 35 «Tril i85i, rapf. M. de
(909. Bull. n. 156.
* Voy. noire t. Il, p, ûSO.
^ Toy. notre t. TU, p, 558 et 555.
302 DBS GOORS 0*A»1S1M.
S 592,
I. Du greffier. — II. Sci fonctions.
|. U .est de principe, dan$ notre organisation judiciaire 9
qq*à cbaqujB juridiction est attaché un greffier pour coulater
tes actes du juge et tenir le dépôt des niinutes '.
Cette institution s'applique naturellement à la Cour 4'afi-
sises. L'art. 252 déclare que , dans les départements où
siègent les cours impériales^ « le greffier de la Cour y exer-
cera ses fonctions par lui-même ou par Tun de ses commis
assermentéjs. » L'art. 253 dispose que, dans les autres dépar-
tements, <c la Cour d'assises sera composée.... 4*^ du greffier
du tribunal ou de l'un de ses commis assermentés. »
Il suffit que les commis aient nrôté lo serment professionnel
i( de bien et fidèlement remplir leurs fonctions. » Il a été ré-
pondu à un pourvoi qui invoquait l'omission du serment
politique, a quje les art. 3 et 5 de la loi du 8 août 18&9 n'ont
en d'autre objet que de donner une nouvelle institution à la
magistrature, et que le serment prescrit par l'art. 3 de cette
loi ne peut être appliqué qu'aux magistrats ou aux greffiers
recevant du gouvernement une institution nouvelle ; que les
commis greffiers nommés par le greffier, qui peut les révo-
quer, n'ont point à recevoir celte institution et ne peuvent
dès lors être considérés comme membres des cours et tribu-
naux dans le sens de cette loi et soumis è ses dispositions *. »
Au surplus, les parties ne sont point Tondées à critiquer la
validité de pe serment. Dans une espèce où le pourvoi était
fondé sur ce que le commis greffier n'avait prêté que le ser-
vent professionnel , le rejet a été motivé sur ce « qu'il
n'est point méconnu que le greffier était assermenté ; que
cet officier était dans l'exercice légal de ses fonctions , et que
le demandeur n'est point recevable à contester devant la
Cour et 4 proposer comme ouverture à cassation la validité du
serment professionnel qu'il a prêté ^. j»
II. La présence de eet officier ministériet est une forme
essentielle de la constitution do la Cour d'asases : son con-
* Voy. Dolre t. VII» p. 136 et S57.
> Cais. SI noT. 4850, ft notre rapport. Bn]l. n. 800.
' Cas8. Si jum 1850, rapp, M. Isambert, Dali 1850 5* p. CO, 1. 274»
»! LA COMPOSITION oEs coufts h'assisss § 592. 203
cours est indispensable à tous les actes de la procédure. L'art.
91 du décret du 30 mars 1808 porte, en effet, en thèse gé-
nérale , que u le greffier ou l'un de ses cou^mis assermentés
tiendra la plume aux audiences, depuis leur ouverture jus-
qu'à ce qu'elles soient terminées. » Et l'art. 372 du Code
d*instr. cr. dispose, en ce qui concerne la Cour d'assises, que
« le greffier dressera un procès-verbal de la séance à l'effet
de constater que les formalités prescrites ont été observées. »
On trouve Tapplicalion de ce principe dans un graod nom-
bre de dispositions et notamment dans les art. 313, 318,
349 , etc.
Il y aurait nullité des débats si un arrêt incident avait été
rendu en Tabscnce du greffier ; la raison en est « que le gref-
fier ou le commis qui le remplace fait nécessairement partie
de la Cour d'as^ses et qu'elle ne peut être régulièrement
constituée que par son assistance et son concours ; que d'a-
près Tart. 91 du décret du 30 mars 1808, le greffier doit
tenir la plume aux audiences depuis leur ouverture jusqu'à
ce qu'elles soient terminées, et que l'art. 372 le charge, en
outre, de dresser un procès-verbal de la séance à l'effet de
constater que les formalités prescrites ont été observées ; qu'il
suit de là que cet officier étant institué pour recueillir les
fails qui se passent à l'audience de la Cour d'assises, les con-
stater et en rendre témoignage, sa présence à tous les actes
de la procédure qui concerne l'examen et le jugement est
une condition substantielle de leur régularité ' »
II y aurait nullité lors môme que ie greffier n'aurait été
absent qu'un seul moment si, pendant cet instant, une for-
malité essentielle s'est accomplie et n'a pu être régulièrement
constatée. Ce point a été consacré par un arrêt qui, après
avoir rappelé les dispositions ci-dessus énoncées, prononce
l'annulation d'un^ procédure : « attendu que, sans 'conclure
de ces dispositions que l'absence la plus courte du greffier
doive, dans toutes les circonstances, entraîner la nullité des
débats, il faut en tirer cette conséquence que, dans tous les
cas où le procès-verbal mentionne Taccomplisement d'une
formalité prescrite par la loi, et où il est reconnu par un ar-
rêt qui en donne acte aux parties, qu'à i;e moment le greffier
n'était pas présent à l'audience, cette formalité est comme si
elle n'avait pas été constatée, puisque la Cour d'assises n'é-
* Ca». 18 aTri) 1.837. rapp. M. Brcsson. Bull. n. iiO.
â04 DES COURS «VSSISES.
tait pas complète au moment de cette constatation ; que Ton
objecterait vainement qu'il résulte de Tayeu même de la
partie que la formalité a été remplie ; que les faits, réguliè-
rement constatés par le procès-verbal, présentent seuls le
caractère d'authenticité voulu par la loi ; qu'il est reconnu
par Parrèt incident» rendu sur les conclusions du défenseur
do Faccusé» que le greffier était absent au moment où le
président aurait rempli la formalité prescrite par Part. 335»
qui veut que Taccusé ou son conseil aient toujours la parole
les derniers ; que cetie formalité est essentielle au droit de
la défense, et que faute d^avoir été régulièrement constatée,
elle est comme si elle n'avait pas été accomplie \ »
' Cdss. i7 juin. 1850, rapp. M. Vabse. Bull. n. 25i«
HE LA COMPOSITION Di: JURY. §. 593. 205
CHAPITRE IV.
DE LA COMPOSITION DU JURY,
|. 593. I. Du Jory. — IL Ses origines. — III. premièrt application ea
Franee. — IV.discassion et motifs du Gode. — Y. Examesde oette
iostitution au point de vue juridiq«». — VL Examen au point de rue
général.
§. 594. 1. De la composition du jury sous la loi du i5«29 septembre
1791. — IL Soud la loi du 2 nivôse an ii. — 111. Sous la loi du 5
fraclidor an m. — lY. Sous la loi du 6 germinal an ?iii. — Y. Sous
la loi du ISfructidor an tiii — VL Sous le Gt)de de 181Ô. — Vfl.
SoQs la loi du 2 mai 1827. — YIIL Sous la loi du 9 août 1818. IX.
Sous la loi du 4 juin i8S3. — X. Examen des principes sur lesquels
doit reposer la composition du jury.
$. 59îS. 1. Formation de la liste annuelle du jury. — II. Première com-
mission chargée de dresser les listes préparatoires. — 111. Seconde
commission chargée de dresser la liste définitive. — IV. Listes spé-
ciales des jurés suppléants. — Y. Formation de la liste annuelle de
chaque département.
$. 596. L Conditions générales d'aptitude aux fonctions de juré. — 11.
Bêla qualité de Français. — 111. De Tàge.— IV. Jouissance des droits
civils.
I 597. I. Causes dMncapacité. •— IL Examen des diverses caté-
gories d'incapacités.
i. 598. 1. Causes d'exclusion. ^ IL Domesticité.^ III. Défaut d'ins-
truction. — lY. Aliénation mentale. — V. Maladies.
i* 599. L Causes d*incompatibili(é. — IL ICauses permanentes. —
III Causes accidentelles.
!• 600. L Causes de dispense ou d'exemption.— IL Septuagénaires. —
111. Ouvriers. — lY. Fonctions politiques. — Y. Fonctions antérieures
de juré.
S- 601. L Formation de la liste de la session. —IL Jurés défaillants.
— 111. Excuses et dispenses.— IV. Nombre de jurés nécessaire pour
procéder au tirage. — Y. Jurés complémenuires.
!• 602. I. Notification de la liste des jurés. — 11. Quelle liste doit
être notifiée. •— III. A quelle époque. — I Y. Mode de la notification.
— V. Erreurscommisesdansracoinplissementde cette formalité.^
VI. Règles sur l'effet de ces erreurs.
l 603. L FormaUon du tableau des douze jurés. — IL appel des ju-
rés.—III. présence de l'accusé et du défenseur. — IV. tirage au
sort. — Y. Jurés suppléants.
l 604. L Récusations. •— IL nombre des récusations. «^IIL p.r
qui ailes sont exercées. —IV. quand il y a plusieurs aocusés.
206 DES COCRS d'aSSISIS.
|. 608. I. Chef d« Jury. —il. Rfimphcemcm.
§. 606. 1. Serment des jurés. — 11. droits et devoirs des jurés. —
111. défense de communiquer. — iV. défense de faire coniraîlre leur
opinion.
S 5»8.
1. D« jwy. 'i— 11. son orfgine. — 111. première appficali'drt en
France. —-IV. discussion et motifs du^Clode —V. examen de celle
insiilation a« point de vue juridique.— VI. au point de vue général.
I. Le donxi(^me élément de U composition dt la coiir d'as
sîsos est ie jury.
Les jurés sont des citoyens qui , n'étnnt revêtus d*aucun
caractère public, sont apf)elés à porter, sur les faits qui moti-
vciU Taccusation, une déclaration d'après laquelle les juges
font Tapplication de la loi. La réunion des jur(^s compose le
jury. Celte dénomination leur est donnée à raison du serment
qu'ils prélciit avant cbnqae affaire.
Nous cxamintTDUS, dans ce premier paragraphe, les sour-
ces bisloiiques, les motifs et le caractère généial de cette ins-
titution. Nous développerons, dans les paragraphes suivaots,
les règles qui président à la formalion du juiy de jugement.
U. La recherche des origines du jury a donné lieu k de
nombreux et savants travaux. Les uns ont remonté jusqu'aux
institutions romaines, jusqu'aux formes de la procédure alti-
que pour en retrouver les premières traces; d'autres ont
aperçu ces traces dans les coutumes des peuples du nord qui
ont envahi au v* siècle J'Europo occidentalo ; d'autres fcs ont
constatées encore au moyen âge dans la présence des boiû
Jiomines ou des rachinburgii aux placités des comtes et vi-
comtes, et dans le concours des vassaux ou hommes de
fief aux assises des comnmnautés et des seigneuries ; d'autres
enQn, après avoir dénié touies les analogies, après avoir relevé
tous les traits dislinctifs du Jugement par jiirés, se sont altù-
chés à établir que les racines de celte forme do procédure ne
se trouvent dans aucune des formes antérieure!} et qti*eltes
n'ont germé que sur le sol biitanniquc '.
Il nous semble, après avoir parcouru ces curieuses études,
q«'il n'est pas impossible de concilier leurs côïiclusibfiis op-
* Glanville, de légibus cl consueiudiuibus rpgni anî^liœ lcni|vDrc H^"-
rici 11 î lib. 11, C. 40 et Seq,; Pellingal, an Enquii) ialo ihe usi*ofjuii«r
DE LA COMMSITION DO JVRT. § 593. f07
11 faut distinguer le fait de la parUcipalkm des voisins, des
habitants, des citoyens à la distribution de la justice et la
forme de cette participation ; l'idée et sa formule.
Le fait d'une justice populaire exercée par le peuple kii-
méme ou par des hooiaies ^u'il investit d^une mission tempo-
raire remonte aux âges les plus élo^nés. Nous avons vu les
citoyens siéger comme juges dans les hé^iaste» d'Athènes' , et
comme judices jurtHi dans les quœstiones perpêtuœ de
Rome * ; nous avons trouvé dans les mœurs des peuples bar-
bares les juges élus dans les assemblées populaires et les hom-
mes libres participant aux jugements ' ; enfin nous avons
constaté le concours des boni homines dans les jugements
des comtés ou dans les justices privées de la première race ^ ;
rappel des vassaux et des hommes du iief aux jugements des
justices seigneuriales^, la présence dcsl)Ourgeois dans les as-
sises des communes au xii* siècle ^, celle des hommes nobles
dans les cours féodales dans les causes qui intéressaient les
nobles ?. Ainsi, dans toutes ces législations, soit que la so-
ciété incomplètement organisée soit dénuée de magistrats
permanents, soit que le principe du gouverncmeut n'accepte
pas ces magistrats, ce sont les habitante de la cité, du clan,
de la seigneurie ou de la commune qui, par cela seul qu'ils
en sont membres, prennent part aux jugements.
Mais ces juges populaires ne sont point des jurés : ils en
portenten eux-mêmes le principe,ilsn'enontni l'organisation
ni la forme. Cette forme, soit, comme quelques publicistes
le prétendent, qu'elle se soit manifestée, ce qui importe peu,
dès le règne d'Alfred le Grand, soit qu^'elle n'ait été importée
que par Tinvasion des Normands, qui an laissèrent des traces
vivantes en Normandie, ne s'est développée qu'en Angleterre.
n est probable que la même institution se serait formée sur
aaoog Ihe greks and romans ; Baco, dise, on thc laws and gOTernment
oTEdgland ; Nicholson , prœC ad \\g Anglo-Saiones ; Reeves , Ifist of
die BngUsh law, L I, Ch. 2t Houard, anc. lois franc, t. II, p. 386 ; Hume,
1. 1| du i et 5; Blakstone, H?. 3, ch. 23 ; Haie, Hi»t, of llie common law^
C. 42 ; Haliam, Vîew orihemiddlc agcs, cli. 8; Biener, Beilruge zu der
gesclifclite d€s loquisilions-proces^ses j MHlermaler, Die Oesetiffcbting und
Rfichtsobung uber slrafvcrahren nach iiirer neuesten Forthildung; Diu
MiindJiclikeit, das Anklageprinclp , die EfTcuticbkeit und das gcsciiwor-
neogericiil; Das englisclie slrafverraliren ; RosUin, Wcndq)UDkt das dcul*
cbeo strafverfahren ; Daniels, Ursprurig und VVerlli der Gescbwomcnins-
taaz;W. Forsyth, UisU of Uiai by jury; de! i'IstiluiioDe deViurati 'dcl
gaiseppe Pisanelii.
* Voy. notre U I«% p. 19.—» t. !•% p, 59.—» t. I, P. 161-** 1. 1, p* 1 3/i.
— » 1. 1, p, 294« — M. I, p. ao/l. - M. I, p. 362.
2(^8 DfiS COURS D ASUSfiS.
noire sol par la simple dérivation du (ait de la partioipaiiun
des habitants aux jugements, si cette ancienne coutame eût
continué de vivre ; mais, d'une part, Texistence et les en-
yahissements des justices royales^ d'une autre part, l'or-
donnance d'août 1539 qui substitua la procédure inquisito-
riale à la procédure accusatoire et publique, détruisirent
promptement ces germes.
Oh peut donc assigner au jury> dans notre législation 010*
dernc, deux sources distinctes :
Les lois* et coutumes anciençes qui en contenaient, non les
conditions essentielles, mais le principe, non les formes qai
ont assuré sa puissu^iC^^mais l'idée fondamentale que ces
formes n'ont fait que réaliser ;
Les institutions anglaises qui en présentaient une formule
complète éprouvée par une longue expérience et dont il était
facile» ainsi qu'on le verra plus loin^ de reproduire les bases
principales.
Faut-il ajouter à ces sources de notre législation les études
des publicistes, les travaux juridiques qui^ comme dans tant
d'autres branches de nos institutions, ont pu préparer et faci*
liter le travail du législateur? Nous ne le croyons pas. Les pu-
blicistesqui avaient jusqu'à la fin du 18^ siècle écrit sur le jury,
n'avaient fait que commenter les principes de la constitution
anglaise : tels étaient sir Edward Coke^, lord Haie ', Blak-
stone^, Delolme^. Cette institution avait été, à la vérité,
louée avec enthousiasme par un grand nombre d'écrivains.
Montesquieu avait dit : a La puissance de juger ne doit pas
être donnée è un sénat permanent, mais exercée par des per-
sonnes tirées du corps du peuple, dans certains temps de
Tannée, de la manière prescrite par la loi, pour former un
tribunal qiii ne dure qu'autant que la nécessité le requiert.
De cette façon la puissance de juger, si terrible parmi les
hommes, n'étant attachée ni à un certain état, ni à une cer-
taine profession, devient pour ainsi dire invisible et nulle. Il
faut même que, dans les grandes accusations, le criminel,
concuremment avec la loi, se choisisse des juges, ou du moins
qu'il eu puisse récuser un si grand nombre que ceux qui
restent soient censés être de son choix ^ » Beccaria avait
* lustitutesdes Imt d'Angleterre,
* Hislory of thecommoa Paw.
' GoDimentariei on the Eoglisb Lawk
\CoittUtaUoa d'Angl«lerre. — * Esprit dot lois, iir. X(, ch. 3
bK LA COMPOSITIOM DO JCJHT. § f>93« i{Vj
également prodamé que « c'est ane loi bien sage et dont les
effets sont toujours heureux que celle qui prescrit que chacun
sait jugé par ses pairs ^ » Hais ce n^était là qu'une indica-
tion utile sans doute, ce n'était point un système de Jégis-
latioD. Ni Servan, ni BrissotdeWarville, ni Lacretelle atné
n'entrent dans plus de détails. Pastoret voulait faire reyivre
la législation romaine du temps de la république : <x en
croyant indispensable, disait-il, d'avoir un jugement préli«
minaire sur l'accusation, en croyant également indispensa-
ble de séparer le jugement du fait de celui du droit, Test-il
aussi d'adopter dans toute son étendue la forme des jurés en
Angleterre? J'avoue que celle des Romains me parait préfé-
rable *. » Filangieri est le seul qui eut tracé un plan, maisae
pian n'était à peu prés que le système même de la législation
anglaise *. On peut donc dire qu'aucune étude sérieuse n'avait
avant 1789 sondé profondément cette matière et n'avait
cherché soit à en combiner les formes avec d'autres institu- .
tions que les institutions anglaises» soit à en calculer les ré-
sultats dans d'autres contrées.
m. Tel était l'état de la question quand les regards de Tas-
semblée constituante commencèrent à s'y porter.
M. Bergasse présenta, àla séance du ik août 1789, le rap*
port du comité de constitution sur Torganisation du pouvoir
judiciaire. Cette nouvelle organisation, qui conservait en par-
tie Tanciènne magistrature, y adjoignait cependant l'institu-
tion des jurés. « On s'appercevra facilement, disait-il, qu'il
n'estauean des moyens dont nous parlons qui ne nous ait été
fourni par la jurisprudence adoptée en Angleterre et dans l'A-
mérique libre, pour la poursuite et la punition des délits ;
c'est qu'en effet, il n'y a que cette jurisprudence, autrefois
en usage parmi nous, qui soit humaine; c'est qu'il n'y a que
cette jorisprudence qui s'associe d'une manière profonde avec
\ii liberté ; c'est que nous n'avions rien de mieux à faire que
de l'adopter promptement, en l'améliorant, néanmoins, dans
qmelques-uns de ses détails ; en perfectionnant, par exemple,
encore s'il est possible, cette sublime institution des jurés,
qui la rend si recommandableà tous les hommes accoutumés à
' Des déliu et des peines, Ed, de 1856 ; p. Zk*
* lies lo'.s pénales, l. H, p. 451.
^Scicnzadeilalegisl. 1W. 111, cli. iO.
VIII. ^ '»
J
SIO »Eâ cotRS d'assises.
réfléchir sur robjet de la législation et les principes politiques
et moraux qui doîTent nous gouverner. »
La discussion s'outrit stir ce rappoH; à là séance dû 29 niat's
1790, taais, plusieurs projets ayant été proposés fet tcà pro^
jfetô soulevant des questions très diverses, rassemblée, ptttir
fljiet Tordre de sa délibération, rendit, lé 31 mars; MU flécrel,
Krtant: t L^ Assemblée nationale décrète qu'avant détéglcr
rganisatîon du pouvoir judiciaire, IM questions siiîfdntes
seront discutées et décidées: !• ÉtîïWîra-t-on drS jUrês?
fies ëtélblîra-t-on en matière dvilè bl fc«mlhcllèt 3^ la jus-
tice scra-t-elle rendue par des triburiaut gédentaîrfes btt (>ar
dès juges d'assises, etc. >
Et, toutéfoii, dans la courte dlsetts^fon qui précïéda ccptt-
iTiiér décret, On peut remarquer rînflniMicc sur l'ëSprlt de
l'Assemblée des sources que nous avons indiqtrébè. Si. Bu-
port Invoque l'histoire: a Dans les pays libres, dk-il; Tin-
struclion par jurés ëst établie tarit au cîyil qu'ail ctttrfhîcl :
îiduS èri avons joui tioUsI-mêmes dans Ifes premiers teliups de la
monarchie. Ainsi, la raison, l'eipërience et le^fdltâ faiistci'i-
qucs demandent cette institution. » M. Chabroud rappelle
fës anciens jugements bar pairs, les jurés arigtaisetrôpitiion
des philosophes : « Est-il quelqu'un de vous qui ne ^'arrête,
dans rbîstoire de nos origines, à l'origine des tribnifaut? A
pfCinc sortis des forêts, nos pères n'araient qàe fe bon Sens de
ta nature, et ilssufrent se dormer ces institutiorf^i heurôtfsês par
lesquelles ils firent aller la justice au devant de toustetïrs be-
soins. A côté de nous, un peuple hcureo< et Ifbrc est fier de
ses institutions judiciaires et semble, par le mi^pris (for'tl apoor
lés nôtrcà, Wôus ordonner dé faire mreut qne lui ; et les phi-
losophes qui nous ont les prenrners appris le cbeihin du bon*
heur et de la liberté, ne doivent-ils pas recevoir fa récôVn-
pçnse de leur «èle, en nous voyant profiter de lecrrs hitnièires?»
M. Goupîl de Préfeln ajoutait: « Quâfnd les Romaiias firent
la coffqtiéte desGâfule^, ils y tromèrcnt te germe du gdtîver-
ne^enft municipal, d'o^ est résulté rétabli^emenf des jurés,
puisque les citoyens étaient assesseurs deâ magîstratsr. Dans
ê^B letrrps plus rapprochés, de braves aventuriers, Veft'os du
Ndrd, établirent dans fa province de Normandie lé ^geAi'ent
parjurés, qu^un de ses ducs porta ensuite en Angleterre, lors-
qu'il en fit la conquête. Si cette institution est abolie, c'est
qu'il a fallu, pour rendre S la monarchie son imité, dépouiller
les seigneurs, opposer des corps à des corps, des juges per-
DE LA COMPOSITION DD JURY. § 593. 211
maoei)ts à des ennemis penBauents ; alors le système judi-
ciaire fut imaginé et It^ grands tribunauk furent crées. AinM
la méthode des jugements par jurés n'a point été oubliée
parcp qu'on la trouvait abusive ; eHe a cédé à un nouvd or-
dre de choses. »
La délibération qui suivit le décret porta presque toute en-
tière sur l'application du jury en matière <nvilc. Son applica-
tion en matière criminelie ne souleva aucune objection; l'As*
semblée était unanime à cet égard. Si quelques dîssenfimfents
furent eifrimés, ils eureût pour objet, non ic principe, mais
seulement le mode de soh développement, que plusieurs ora-
teurs examinaient, sanstropTapprofôndir, àravance.M. Tfaou-
fet disait : « To,ut le monde veut le jury, tout le monde nB
le, veut pas de la même manière. » M. Prugnon s'écriait :
« Ne soyons^pas les copistes servîtes de T Angleterre et de TA-
uérique. » M. Pétion de Villeneuve répondait: « Qu'on n'a-
vait cité lès nations voisines que pour prouver que cette ins-
titution était praticable. ». M. Buzot insistait: « Mais de
quelle espèce de jurés vôulez-vous parler? Quelle^ sont Icfs
idées que vous attachez à ce mot ? Si vous parlez des jurés tds
qu ils soat.en Angleterre, je n'en adopte ni au civil ni au cfi-
mioeL » M« l'abbé Sieyes avait rédigé un plan par Tequfel il
puisait les jurés dans un corps principalement composé de
{ens de loi et qu'il oommait conseillers de justice. M. Garât
voulait dès jurés choisis : « Il ne faut pas dire que tooft le
monde est capable de juger Un fait ; ce jugement ne peut être
rènjJu que par les classes les plus éclairées de la société. Se
ne dis pas qu'on doive n'appeler au jury que des gens de loi ;
lacoi;iûaissanpede laloi n'est pas absolument nécessaire, hais
une bonne logique est indispensable. i> EaSa M. Duport
avait paiement présenté un ayslème dilTéreirt de celui du (h^
inilè et se rapprochant de plus près du jury anglais. Il est
évident que rAsseiâblée , incertaine et flottante, cherchait
avec anxiété une forme appropriée aux institutions eft aux
mœurs de la France, et qu'elle ne prétendait nultement
s'enchaîner k la forme pratiquée en An^eterre et aux Etats-
Unis. C£t.te,secende discussion, fut terminée par le décret du
30 avrU 1790, ainsi conçu : a L'Assemblée nationale décrète;
i» qu'il y aura des jurés en matière criminelle ; 9!" quil n'en
fiera point établi en matière civile. >
Restait le mode d'application* M. Duport, au nom des co-
uûlcs de constitution et de jui isprudcnco criminelle, formu-
212 »F ; coi'Rç d'a-^ises.
lait, à la séance du 20 décembre suivant, leur projet en ces
termes: « Un jury d'accusation par district... un seul tribu-
nal criminel par département... un jury de jugement s'assem-
blant pour décider si Taccusé est ou non convaincu du crime
qu'on lui impute, les juges appliquant la peine sur là décla-
ration du jury et d'après la réquisition du commissaire du
roi. » II motivait cette dernière partie du projet comme suit :
« L'objet du jury de jugement est de décider de la vérité ou
de la fausseté de l'accusation. L'instruction entière, c'est-à-
dire l'examen des témoins et de l'accusé se fait devant les
jurés ; alors ils se retirent dans leur chambre pour délibérer et
Taire leur déclaration. Cette déclaration doit toujours être
simple et précise et dire que l'accusé est convaincu ou n'est
pas convaincu du crime porté dans Pacte d*accusation... C'est
en ramenant strictement à décider les questions par oui ou
par non que l'on est sûr que les jurés pourront toujours rem-
plir les fonctions qui leur sont attribuées ; car il faut bien se
rappeler que ce sont de simples citoyens, dont la société attend
une parfaite probité^ mais un sens ordinaire et une intelli-
gence commune, et que c'est à ce niveau qu'elle doit rappro-
cher toutes les questions qu'elle leur présente à résoudre. »
La discussion qui s'ouvrit le 2 janvier 1791 et se prolongea
jusqu'au 22, porta tout entière sur le mode suivant lequel
la conviction des jurés doit s'opérer: fallait-il employer de-
vant eux la preuve orale ou les preuves écrites, les preuves lé-
gales ou les preuves morales? Telle est la seule question qui
fut examinée dans ce long débat et que nous n'avons pas à ap-
précier ici. Le projet des comités fut adopté.
Il fut établi en conséquence, et tel est l'objet des tit 6, 7
et 8 de la loi du 16-29 septembre 1791 , que les jurés seraient
choisis parmi les électeurs, que le procureur, général syndic
du département, formerait tous les trois mois une liste de
deux cents citoyens formant la liste du jury de jugement;
que l'accusateur public et l'accusé avaient la faculté de récu-
ser chacun vingt des deux cents sans donner de motifs ; que
les récusations ultérieures seraient motivées et appréciées par
le tribunal criminel ; que, ces récusations vidées, les douze
jurés sortant de l'urne formeraient le tableau du jury ; qu'ils
composeraient l'assemblée du jury qui se réunissait le 15 de
chaquemois ; qu ils prêteraient un serment dont la formule était
tracée par la loi ; que l'examen des témoins avait lieu en leur
DE LA COMPOSITION »V J6RT. § 5^3. 213
présence, en présence de l'accusé, à l'audience tenue par le
tribunal criminel; que tout cet examen, les débats et la dis-
CBSsion qui en seraient la suite ne seraient point rédigés par
écrit; qu'après ce débat, Taccusateur, la partie plaignante et
Taccusé ou ses conseils seraient entendus ; que le présidentdu
tribunal résumeraitraffaire; enfin quelesjurésse retireraient
dans leur chambre pour y délibérer suivant un mode qui sera
rappelé plus loin, et que sur leur déclaration, circonscrite aux
points de fait, le tribunal criminel ferait l'application de la
loi pénale. La loi admettait d'ailleurs des jurés spéciaux,
c^est'è-dire, ayant les connaissances relatives au genre de
délit, pour le jugement des faux, banqueroutes frauduleuses»
concussion» péculat, et vol en matière de fitiance, commerce
ou banque.
Le Code du 3 brumaire an iv n'avait pas modifié les prin-
ci pales bases de ce système. Le jury de jugement se formait
de la même manière. La loi appelait aux fonctions de jurés
tous les citoyens âgés de 30 ans accomplis qui réunissaient
les conditions requises pour être électeurs (art. 483). Une
liste trimestrielle, dont le nombre était proportionnel au
nombre des habitants, était formée par chaque administration
départementale (art. 485). Les jurés spéciaux étaient main-
tenus dans les mêmes cas (art. 516 et suiv.) Ce même mode
de récusation était continué (art. 504 et suiv.), le même
mode de réunion pour le jury du jugement (art. 332). Toutes
les dispositions concernant Taudition des témoins devant les
jurés étaient fidèlement reproduites (art. 341 et suiv.). Le
débat était purement oral (art. 365 et 366), et les règles qui
présidaient à la délibération des jurés étaient les mêmes» quoi-*
que tracées avec plus de précision et de clarté (art. 372).
IV. Telle fut la législation antérieure à uotre Code. Noul
dvons vu, à Tocçasion du jury d^accusation, les premiers ré-
sultats de cette institution et les anxiétés qui se manifestèrent
à cet égard parmi les légistes ^ Le conseil d'État fut saisi,
le 16 prairial anxji, des questions suivantes: « L'institution
du jury sera-t-elle conservée? y aura-t-il un jury d'accusa-
tion et un jury de jugement? comment seront nommés les
jurés? dans quelle classe seront- ils nommés? qui les nom-
mera ?.comment s'exercera la récusation? L'instruction sera-
t-elle purement orale, ou partie orale et partie écrite ? »
f 14 DEf cevjKs ii'assiiu.
L4 délibération du conseil s'étanl ouverte sur In première
qQé$ti9D| ^« SiméoA attaqua l'iostilutioQ du jury en disant
« q\]iç V^reViTe faij^c; de riostroction par juré» n^tvait point
été bçurç;use et qu*il ayait (alhi la ausponcke dans plusieurs
dépajrtçm^t^ \ que si cette in^ruetiôn remonte presqu'à
Vorigii^tQ ^e^ sociétés, c'est que dans ks temps anciens il n^j
a\4itP9iqt de magistrats et que le peuple pouvait exercer
plus focilib^^ent s^ souveraineté ; que la France s'en était
écartç/^ à a^esu^çe qu*elle eut des justices réglées, des magis-
t/als, des hoqpmes qui se consacrèrent à l'étude et à Pappli-
catio^ai de$ lois ; <|ue les Anglais sont le seul peuple qui aient
retenu cet établissement ; que la réforme faite par le décret
da 1789 suffisait ; qu'il est inconséquent de vouloir que des
hommes étrangers à l'examen des affaires viennent ^bter à
^jj^débiats, souvent de plusieurs jours, entre des témoins, des
%ç€i^s ei leurs défenseurs; qu'occupés à la (ois à Sxer daos
leijr çsprit ce qu'ils entendent, à épier tous les mouvemente
4^ témoins çt des accusés et à combiner les faits et les asser-
tiops contraires^ ,ils se forment une opinion de laquelle dé^
penclen^t \^ve et l'hoimeuc des accusés; que, quelle que soit
l^munièirc d'instruire une cause criminelle, il n'y a pas dVi-
i^n^ge à ai^ir pour juges de simples citoyens plut^ que des
ipdgistc^ts.; que si les magistrats peuvent contracter une ha-
biiiy^o de sévérité, n'a>tTon pas à craindre Tinhabitude des
îi\râ|, leuic induljgence^^ur mollesçe? des juges chercheront
des coupables : pourquoi? qu'y gagneût-ils? Est-ce 4onc un
plaisir de condamner? et les jurés , effrayés de Timpor-
t^uce da (oncibious insolites pour eux et des suites de leurs
cUclacatiomft, iie se trouveront-ils pas heureux d'absoudre?
Il n'y aura pas seulement sûreté pour l'innocence, il y aura
impunité pour le c^ime. Que tout le monde çst d.'açcordque
c'est de la conviction que doit dçpendifc le jugement criminel :
le magistral est-il donc mçins susceptible deçonvictiou ou sa
ççnviçtiop. e^t-eUc pi^s suspecte que celle du jur^T qfxe, le
fu0, quelque attention qu'il apporte aux débats, c'est eu état
de prononce^ autrement que par une §0Ttc ç^'iç^tipcl; qu'il
1^0 pi^ut rendre compte de ses m.otil/s çomjue le ' forait iip
homme' accoutumé à analyser, à raispnuçr ; que Içs magi^-
(raiis^ a^ ço^nlrairQ, ont TljialiiludeL ^'w^cirper cet esprit de cri-
tique nécessaire pour discerner le vrai d'avec le faux, au mi-
lieu d^assertions et de Icmoiguagcs contraires; qu'ils ont^
pour former leur conviction, tous les avantages que ks débals
BK LA COMPOSITION DD JDRT, § 593. 215
fournissent aux jurés, et de plus Tavantage de Texpériençe ;
^e cette conTÎctîon éclairée semble offrir plus de garau-
19 pour rippQcence contre les pièges de la calomnie et
l^s de sillreté pQpr la tranquillité publique pour la punition
Iqtçrifnes- qqe, de plus, le juré n'est responsable qu'à sfi
PWÇcîçRee, iandi^ que le magistrat, outre cçttc reaponsabi-
lit^i répQnd encore de sa condqitc vis-à-vis du public qui le
$Mlt tou^ Ips jourii dans ses fonctions ; sou intégrité est I^
spijrpe ^e ^ considération ; enfin que la publicité de }a pro-
c^dur^ çt 4es débats est la véritable garantie de Isi sÇ^reté ia-
ditjduelte, çt qu^Sivec cette publicité on sera ntiieu^ et plus
çuretpept jugé par dc9 bqiçines en ayant charge et en faisai\t
étude fit profession, qtie par leg premiers venus. » MM- Boi^-
1§ï) Pmiu;>^ortalisetBifi[ot-Préameneu partagèrent la ni^iQP
(tpjnion et reprqduisjrent Tes mëmrs arguments.
Cçttç opinion fut combattue par JAM. Bcriier, Treilhard,
Crefet, Defçrmon, ^egn^qd , Béranger e^; Frochot, On répon-
dait m que, puisqu'on insistait sur l'habjlet^ nécessaire
ponr dénpél^r les faits résultant d'unie accusation crimi-
nelle et pour les juger, il fallait distinguer ce que cette pro-
pQsitH>A t^n<]^tt à confondre ; que sans doute, pour amener la
çonnHis^idnçe des (ait^ par nne instruction page et mesurée, il
fant un tQpi qui ue s'acquiert que par l'expérience ; aussi re-
çonnilt-qn que (es direpteurs du jnrj doivent être des hommes
ç:(esç^9 ae^n^qgi^tjratspermanentç ; niais quand la procéduirt
est. bien ftjte et qu'on \ ^ environnée de tous les éclairçisfe-
n\eatç dont Ifi çau$e est snseeptible, faut-il autre chose que de
la droiture et dq bon sens ppfir prononcer si l'accusé est cou-
pable, ç/^ non^ Voil^ la délégation faite aux jurés et elle ne
%mmt excéder la portée de lenrs lumières. La séparation du
i/lîf, et du di^oit met chaque chose à sa place et évite surtout l'éta-
bi|i39ement d'une corporation d'hommes exclusivenient charg^i
de prononcer sur la vie et Thonneur des citoyens et toujours
eadins à une e^^iréme sévérité par Tendurcissement qui natt
4e iVbitud^. A^ais l'ordre public veut être vengé, et il te sera
pins s^^rement» 4it-on, par des tribunaux composés d'homiçes
exercés que pi^ des jurés quelquefois inhabiles et fouvent
tropcpmpatissants. L'ordre public veut être vengé sans doute,
çainis il doit l'être avec prudence et discrétion ; car si un iu-
nç)cent était condamné, ce ne serait point seulement un pial-
t'çuc particulier, mab un malheur public, et la société est
blessée au cçeur (juand chacun de ses membres est averti, par
^iO DES COURS D'ilS$lbE!3.
une funeste erreur, des dangers qui le menacent. L'ordre
public lui-même est donc mieux servi par une institution qui
laisserait échapper quelques coupables que par celle qui expo-
serait l'innocent. Quand on est appelé à faire toute sa TÎe la
même chose, on se prescrit des règles et on les sait étroite-
ment; mais celui qui statue accidentellement n'est gêné
par aucun système qu'il ait pu se foriner. Il soit néoessaire-
ment l'impulsion de sa conscience ; il n'a qu'elle pour guide.
Tel est le jury; et autant sa conviction morale est aU'-deasus
des preuves légales, autant Tinstitution des jurés en matière
criminelle est au-dessus do toute institution qui les excluerait.
Que si l'on prétend que les juges, dès que la doctrine des
preuves légales est abolie, deviennent des jurés, la question
se réduit à savoir lesquels doivent être préférés des jurés per-
pétuels ou des jurés accidentels; que ceux-ci partagent avec
les autres la facilité de se former une opinion sur la vérité
d'un fait et qu'ils ont sur eux l'avantage de n'apporter à
l'examen de ce fait ni ces préventions, ni cette dureté que
donne Thabitude. Au reste, on s'est trompé sur le principe
du jury lorsqu'on a dit que le but de cette institution est de
faire juger chacun par ses pairs ; elle n'a pas d'autre objet que
de donner une garantie à l'accusé, et il n'y a pas lieu de dis-
tinguer ht sûreté publique de la sûreté particulière, car si
cette dernière était menacée, l'autre se trouverait nécessaire-
ment compromise.G'est cette erreur sur le principe du jury qui
a fait prendre les jurés indistinctement parmi tous les citoyens,
parce que tous sont les pairs de l'accusé, et de là les homaies
incapables qui ont été appelés i ces fonctions. »
Au milieu de ce débat, l'archichancelier Gambacérès disait
« que les avantages et les inconvénients du jury dépendent de
son organisation ; que la distinction entre le fait et le droit est
chimérique, parce que les jurés examinent toujours quel sera
âvj résultat dejeur déclaration ; que la loi du 16-29 septem-
bre 1791 avait laissé trop peu de place à la procédure écrite ;
que cette procédure devait être la base de la procédure orale
et faire charge contre Taccusé, sauf TépRuve des débats ;
qu'il lui paraissait convenable d'un autre côté que les juges
pussent, après l'acquittement, mettre l'accusé sous un plus
ample informé ou le placer sous la surveillance de la police;
enfin, que la question de savoir si l'on conserverait le jury
devait être ajournée comme subordonnée à la manière de le
composer et à l'organisation qui serait proposée. ».
»E LÀ COMPOSITION 1»U JUJlT. § 59t. 2i7
L'EmpcTfur résuma la délibération en disant « qu'on ayait
allégué des rai«ons très fortes pour et contre l'instiiution des
jorés , qu^on ne pouvait se dissimuler qu'un gouvernement
tyraanîque aurait beaucoup plus d'avantages avec des jurés
qu'avec des juges qui sont moins è sa disposition et qui lui
opposeraient plus de résistance; que cependant il admettait
le jury, s'il était possible de parvenir à le bien composer ;
que d'ailleurs il serait nécessaire d'organiser des tribunaux
d'exception pour connaître de certains délits qui seraient au*
dessus de la force des jurés.»
Le conseil adopta en principe que l'institution des jurés se-
rait conservée \
Cependant cette question fut soulevée de nouveau dans la
séance du l*' brumaire an xiu , à l'occasion de la question
non moins grave de la réunion de la justice civile et de la
justice criminelle.
Les partisans de cette réunion ne dissimulaient pas que
dans leur pensée la formation de grands corps judiciaires de-
vait conduire à la suppression du jury.
M. Berlier dit alors t qu'il y avait peut-être une ques-
tion antérieure à décider à celle de la réunion de la justice cir
vile et criminelle : c'est celle de savoir si l'on voulait réelle-
ment la conservation du jury ; que la présence d'un corps
nombreux de juges appellerait de nouvelles attributions qui
lui seraient faites aux dépens du jury et en renversant celui*
ci ; que tel serait le résultat presque nécessaire de l'union des
deux justices ; que la question du maintien du jury était donc
essentiellement préalable. »
L'Empereur répondit « qu'il ne pensait pas comme M. Ber-
lier que le jury soit inconciliable avec la réunion de la justice
civile et de la justice criminelle ; que, sans doute, dans l'or-
ganisation actuelle des tribunaux, on pouvait demander pour-
quoi des individus sans talents et sans connaissances décidaient
seuls du sort des accusés en présence de juges instruits et
exercés qui se trouvent réduits à un rôle passif ; mab que ^
quand on envisage ce système sous ses rapports politiques, on
le trouve raisonnable ; qu'on est obligé de confier à des juges
civils la décision des affaires qui toucbcnt à la propriété ,
parce que le jugement de ces sortes de contestations dépend
de règles qui forment une science particulière et que tous les
' Séance du 16 prairial au xiit Locré, l. 2â p. il el suiv.
ât8 BE8 COIR!:} B* ASSISES.
citoyens ne possèdent pas ; mais qu«, pour prononoer sur un
fait , il DG iûut qae le sixième sens, cest-à-dire la oonscience;
qu'on pourrait donc appeler aux jugements eriminek des ii|-
diyidus pris dans la foule ; que c'est donner une garantie aux
eiloyens que de ne pas abandonner leur henneûv at leur vie
eux juges , qui déjà déci^pt de leur propriété ; que des jo-
ges peuvent avoir oonfu des préfentions contro lin particu-
lier à Toecasion d^affarres ciyikÀ, qu'ils peuvent avoir coosené
du ressentimept parco que, dans d'autres occasions, il aurait
manqué envers eux d'égards et de respect ; que des jurés pris
4ans la masse de la population arrivent dégagés de passioBS. a
Le Conseil d'Etat déclara maintenir la délibéraiion qo^l
avait prise dans sa séance du 16 prairial pour la conservation
du jury >.
Le travail relatif au projet du Code fut suspendu pendant
quatre ans. La question du jury se représenta lers de la re-
prise de ce travail et iut discutée de nouveau dan» la séance
du 30 janvier 1808.
Les adversaires du jury ouvrrrent encore une fois la lutte.
M. Montalîvet dit c qu'on convient généralement aue, pour
former le jury, on est obligé d'appeler des hommes qui ne
remplissent ce ministère que par èontrainte; on convient en-
core que ces hommes sont'ponr la plupart trop peu éclairés:
y/bîHk deux inconvénions très graves. Une idstitntkm à la-
melle la masse de la nation ne se prête que par la crarute des
peines ne peut être ni dans l'opinion ni dana les mœurs des
Français. V^e inMitntion qui niet dix jurés sans lumière» aux
prises avec des hommes exercés et qui les oblige de démêler
les fils nM»breox d'une discussion embarrassée, ne saurait
avoir de bona résultats. » If. Gambacerès dit t que la théorie
du jugement par jury eit belle el sédaîsante ; mais qu'ion ne
. pei^t se dissimuler qc^'eu général les jurés remplissent leurs
fonctions avec beaucoup de faiblesse ; qu^Ht ehooumgeBi le
cvHBepar l'imppnité; que, quelques mesures qu'on prenne,
le jury seça toujpuM mal oomposé, parce qu'il n^^t ^as dens
le canictèipci de la nati4M); quHl existe en France un eaprit
d'industrie qui (ail que eliiatcân n'aime à s''Occuper que de ses
affaires ^ et qu'on n'est pas disposé à les quitta pour des fonc-
tion qui n^ont rien d'attrayant. » Le grand juge ministre de
la justice déclara « que la composition du jury est la princi-
• Lacfé, t. XXIY, p. «».
fe
L
DS LA COHPOSïTWN DU JVIIT. $ 593. tl9
pale des difficultés qui s'opposent au succès de liostitulion ;
qu'on a fait sous ce rapport une foule d'essais , qui tou^i ont
été infructueux.
Les partisans de l'institution ne laissaient pas ces objections
ms réponse. M. Aibiason faisait remarquer « que fous les
incowénifi^tftquft le ju^emont par jurés a entraînés jusqu'ici
Tenaient biea nurà& de l*înstituti<ui mène qu« de la manière
dont le jury a été (ouoér suriout à des éfioquea où il était
diflBcile d^ 1^ omffm^ çomovç U d<^* l'être. » M. Faurc
ajoutttt « qu'une mi^ caus^ avait pu (ui nujre : c'^st U
D)ulttpii«ité de$ ((ULestîoQS qui é^içot souroîsea aux jurés ,
questions d>iliems^ trop oiétaiphysiqyeSk, au-desaus de la
portée de beaucoup d'esprits, çt qui, par leur subtilité, don-
nent ïà focUîté de sayver les coupablei. n ^ Trçilbard dé-
olaraii « que le re(iP0Âdiss£ineQ(de3 citoyens pour les fonctions
de juré Datait pas uu motif d'abolir cette institution; qu'îl
fallait raninfier leur zèle par des récompçnses et par une bonne
composiUoQ ; quiç le débat qui s'ouvre devant le jury de ju-
gement était baj^iGOup plu^ solejdnel q^a les audiences où
Ton juge k» affaires civiles; quei c'était un grand spectacle
quîaUiraitr^U^îlitiou généralet et que le débat no finissait
que lorsque b C4)aviction avait pénétré dans tous les esprits ;
qu'il était imp^blc qu'ua innocent fut condamné et très d^
ficile qu'au coupable fut absous. » Enfin, M. Berlier disait
encore, en ce qui tc^u^che l'objectîga fondée s^r la résistance
des cito^ena appelés à concoure au jury ; % combien de de-
Toiis la soclUé n'iniposç-it-elle pas pour l'accomplissement
d(^ela elte ne consultai point k$ goûte de ceux qu elle y
8ssB}e(lit? Ë&t-il OJ^dinai^e qu'on accepte une tutelle avec
plvs», qH.'Dn p^yQ ^\cc ejQopre^sement se& contributions, en
on BM^qu'-oi» supporte toutes les charges de U cité, sans pro-
Iteer la moindre plainte ?» Il ajoutait : a Ceux qui veulent
des JNgas qui pi^UPPCc^t en même temps suc le tait et sur le
<kaii y tendent à établir, sa^s le vouloir peut-être, le syMèmc
deapEeutes.légaJea; car vainement dirait-on que la légis-
lation pourcait le professer. En effet , ce systènie , trop sou-
vent admis par qp% aopt^pes Gom^ oe Içav était point dicté
pat la kû. On n^ parviendra jatmais k l'çffacer cbe* dçs boin-
mes. qui , passait kuc vte k jugeç , éprQuv.eut le besoin d-a-
dopter des règles qui n'appartiennent pas à telle ou telle af-
faire, mais qui les régissent toutes : vojl^^ l'alju/ç ni^^uçeUe;
220 DES COUKS d'assises.
juger par la conscience n'appartient réellement qu'à des
jurés. »
Le conseil adopta une troisième fois en principe que le
jury serait conseryé *.
^ Ce n'était pas encore la dernière épreuve de cette iosUtu-
tioD. Lorsque le projet de la création des deux justices fut
soumis à la délibération du conseil à la séance du 6 février
1808, une quatrième discussion s'engagea.
M. Jaubert dit «que dès qu'il retrouve dans ce projet Tins*
titution du jury, il doit i sa conscience de la combattre;
qu'on peut assurer sans témérité que le vœu de la nation tout
entière est contre le jury. Et pourquoi? parce que cett6 ins-
titution n'est pas dans nos mœurs , parce que surtout les
abus qu'elle entraîne sont tellement inhérents à sa nature,
qu'il devient impossible de les en séparer ; qu'il est de l'es-
sence du jury que ceux qui le composent soient pris dans
toutes les classes de la société ; mais est'Kîe donc qu'on trouvé
dans toutes les classes des citoyens doués d'assez de sagacité
pour démêler des questions compliquées, pour suivre un ac-
cusé et des défenseurs adroits dans tous les replis d'une dé-
fense insidieuse, des cito^ensd'une probité exacte et de mœurs
irréprochables? On va répondre qu'on ne soumet aux juréi
que des questions de fait, qu'ainsi les lumières les plus com-
munes suffisent pour remplir ce ministère. On dirait en vé-
rité que les jurés ne sont appelés qu'à juger si un cadavre
qu'on leur présente est privé de la vie. Mais ils ont bien d'au-
tres fonctions à remplir. Il leur faut saisir tous les indices,
les rapprocher, les comparer, les peser, percer les nuages qui
enveloppent la vérité, pénétrer dans le fond de la conscience,
y découvrir ou Tinnocence accablée au dehors par des pré-
somptions injustes, ou le crime qui s'y cache et qui triomphe
en secret de l'adresse avec laquelle il a su se dérober à la lu-
niiére. Croit-on qu'un tel ministère soit à la portée de tous les
esprits ?» — L'Empereur proposa un nouveau système :
« N'est-ce pas, dit-il , donner trop aux tribunaux que de les
constituer tout à la fois juges du droit et juges du fait? Ne
doit-on pas craindre aussi que Thabitude ne les endurcisse?
]i est possible de tout concilier. On ne saurait douter qu un
juge qui auiait le pouvoir de prononcer tout à la fois sur le
'Locrt;t.XXIV,p.59i
DE LA COMFOStTION DU JUBr. $ 593. 2ii
droit et sur le fait ne fût trop puissant. Le législateur doit se
défier des passions et ne mettre entre les mains de personne
le moyen de satisfaire des ressentiments personnels. Cette ré-
flexion suffit pour séparer les deux ministères. La distinction
entre les juges du droit et les juges du fait est, au surplus,
dans la nature des choses. Mais il importe que les juges du
fait et les juges du droit soient bien choisis. Les jurés doivent
être des magistrats qui forment avec les juges du droit une
grande tournelle. Si les juges de première instance étaient
assez nombreux, peut-être conviendrait-il de les appeler aux
fonctionsde jurés. » — M. Bigot de Préameneu répondit a que
la séparation du fait et du droit est un des plus grands incon-
vénients du jury; qu'elle force de définir tous les crimes et
met les juges dans l'impuissance de prononcer sur ceux qui
n'ont pas été définis ; or, comment la loi peut-elle prévoir et
graduer tous les degrés de culpabih'té ? qu'il est à remarquer
que, quoique l'Europe ait fait , depuis quelques siècles, de
grands progrès dans la civilisation, aucune nation n'a cepen-
dant adopté le jugement par jury ; en serait-il ainsi, si cette
institation était aussi utile qu'on le prétend ? il est reconnu
que les crimes les plus dangereux sont mal jugés par le jury.
Qui oserait proposer de renverser les tribunaux spéciaux ?
L>e jury ne marche donc qu'étayé d'une autre institution qui
soutient Tordre social. Qu'une garantie bien plus sûre que
celle que peut donner aux accusés le jugement par jurés
serait les deux degrés de juridiction ; eufin que rétablissement
de grandes Cours, dont la nécessité est avouée, ne peut avoir
lieu sans la réunion des deux justices et la suppression du
jury. » — M. Berlier répliqua : « Si le fait et le droit se con-
fondent si essentiellement qu'il soit presque toujours impos-
sible de les diviser, comment la pratique n'a-t-elle pas éclairé
pins tôt sur cette impossibilité? Toutes les fois que les ma-
gistrats chargés de diriger l'instruction «nt eu la sagacité que
requiert un pareil ministère, la séparation du fait et du droit
se fait facilement; mais convient-il que ce soient les mêmes
hommes qui jugent le fait et le droit? Si on arrive à investir
quelques magistrats du pouvoir énorme de prononcer cumu*
laiivement sur le fait et le droit, et d'infliger les peines qui
leur sembleront convenables, où allons-nous ? à un ordre de
choses où les condamnations pour les cas résultant des pro-
cès deviendront la formule ordinaire des arrêts, à un état peu
différent de celui qui existait avant la révolution, et dont los
2t2 DE9 CbURS D*AS?I?rS.
vices ont été pcul-èlt^ tVop oubliés danô tè cours de cette ifi-
clissVotî. On ne disconvient paà que l'ordte piiblîc réclimcsa
f^niranlic comme îà sûreté individuelle réclame la sicbné. De li
il suit qu'il Falidra s'etopresset d'accàeiHîr tout ce qfaî pourra
concilier ces déàx grands intérêts • mais , ^lit-on ti'y point
fébsÊîip ^^arTaitcment , ràbsôl\itÎDn ue (^otrqWes toiij|laD!fô toe
dé^ra jamaft fSltb d'i^paratti^e uni» îhsiîtàtioî^ (Juî gttiribtït \t
fie des innocents. L'erreur qui absout est fâclicuse;rû:rcur
qui cAVôie à l'échnfaud ck\ alTreusîe^, époiiVarilSiBlé, c\ plonge»
cîans Un dcûil profohd la èoclélé lout entière. On a 'oSBÎnvo-
q\)cr contre le jury Te Vœu liatWnal ! Mais ceux qui §è consti-
ttfeht ses interprètes Veuletit-Hs parler de là masSb dds ci-
tojcrts? Non, le c'orps de là nation ne satlrait désirer Tabro-
gfation d'une institution sur laquelle se fonde la plui grande
s'écurîfé die cbacui^ dfe ses membres. Qu^esl-co donc que ce
Prétendu vœu nMiôrtal ? La répugnance de quelques Jurés à
exetdce de ledrè Wiffosantes fonctions et lé désir qu*éproa-
vchl quelques m^glstratd d'étendtc les ^curs, voilà ce qu'on
confond ûVôc le vœu de la nation. »
Le conseil adopta de nouveau et pour la quatrième ibis le
jugement par jurés'.
CeltB dernière décision forma enfin cette longue délibéra-
tion. L'institution fol maintenue en pVincip^ et ta discussion ne
porta plus que sur son organisation. Les expdsésdo mt)tifset
les rapports explicatifs du système et dtô dispositions du
Code y ne s'arrêtèrent paé même à dikcmer ce ptin'cipe.
M. Faure dit dans Tcxposé: « Cette motière, tfà il s'agit d'une
si belle canse, é^t féconde en observations dû plus faant itité-
rêt. Maïs ne perdons point de vue que la quèrêtion rt'êst point
si le jury doit être établi ; cette institution èii^te et satii%src
proposé, non dé Tàbolir, mais A^ Tamêliorer. o Et fe rap-
porteur du Corps législatif sù bornait à reproduire cette dé-
claration : « A notre égard, nous pensons que la derniétc dé-
termination adoptée p&T le gouvernement à décidé la ques-
tion, quant A présent et par rap))ort i noué, pui^ti'il ne
propose poittt de renoncier au jury, mais de ràmètiorei-, et que
reflet immédiat d'une délibération cohtrfeît'e ferait de laisser
Ife jury tel qu'il est en ce moment, c'eSt-à-dlrb avec tdtttei ses
imporfeetion^. b Toutes tes obseriraliônà de t^ rlôcâtn'cnts ne
* Locré, t. XXIV, p, 620,
BE U COHfOSmON DV JIftT. § 593, tS3
s^appKquent, en conséquence, qu'à la coinposiiîon et aux for-
mes du jury. Nous les retrouverons plus loin*
y . ArréiODS-nouB un moment^ avant d'arriver à Torgani-
sation définitive du jury f aux disoussioas importantes qui
tiennent de passer sous Ao^.yeux.
. La question agitée en 1790 était de savoir, si le jury devien-
drait Fan des éléments de nos institutions judiciaires. La ques-
tion examinée en 180^1^ et 1808, était de savoir si cette insti-
tution, fille de ia révolution, serait ms^intenue* Dans, toutes
ces délibérations^ c'est le fondement même du jury^ c'est spn
caractère général, ses avantages, ses périls qui étaient sondés
et appréciés. G^estdonc sur ce point préliminaire et fondamen-
tal que doit se porter notre examen. .
Le jury, considéré comme une institution purement juridi-
que^ en-âl un élément essentiel de radministralion de la jus-
tice? Lui apporte-t-il une puissance n^c^ssaire à son action,
tto moj-cn piys sûr d'arriver à ja vérité? Telle est la première
question qu'il faut poser, car il ne suffirait pas qu*i| put pro-
téger les droits descitovens s'il portait atteinte auf droits de
la justice, et si le but do son établissement peut être à cer-
tains égards politiaucy sa mission est exclusivement judiciaire.
C'est donc aii point de vue de l'accomplissement des fins de la
justice qu'il faut, avant toiit, l'examiner. Si le jury, quels, que
soient ses avaintagesà pn autre point de vue, ne conduit pps
à lu vérité judiciaire, s'il peut égarer la justice et la faire dé-
vier de sa fin, il ne faut pas hésiter à le rejeter; car toute
institution . politique qui appprterait â Tadministration judi-
paire un obstacle sérieux et durable serait mauvaise pn soi :
la justice, tei|e qu'elle doit être pou# faire régner l'ordre,
iinpartiaie et ferme, éclairée et indépendante, est le premier
principe de toute ^iélé. . , . ^
Qu'esl-cc que le jury? c'est la participation des citoyens à
if justice pénale, le jugement des pccusés remis dans les mains
^ peuple; c'est une fonction judiciaire temporairement dé-
légua â,des personnes étranjjèros à la justice, parce qu'elles
semblent plus aptes ^Ja remplir que les juçes eux-mêmes.
Quelques pubîicistes l'ont défini le jugement d'un accus^ par
ses pairs; celte définition, qui rappelle Tépoque féodale, a
cesse d'être rigoureuscinent exacte. Les jurés sont assuré-
ment les joairs. de Taccusé, en ce sens qu*iU sont ses conci-
toyens; ils ne le sont pas dans le sens juridique de ce mot,
224 pBs COURS t)V<ftisr.8.
puisqu'il n'yapoint de jurés spéciaux, puisque la lotn^xigc
ni qu'ils aient la même profession, ni qu^ils soient delà mèiiie
condition. D'autres l'ont défini plus ambitieusement le ju^
ment du pays lui-même : les jurés sont pris dans le sein du
pays, mais ils ne le représentent pas ; ils ne parlent point en
son nom. Ils n'ont point de mission différente de celle de» ach
très juges. Juges temporaires, ils participent aux jugements
comme les juges permanents; s'ils agissent en vertu d'un au<-
tre titre, s'ils accomplissent une fonction particulière, ils ont
les mêmes devoirs; ils travaillent les uns et les autres à Tœu-
tre commune de la justice pénale. Le Gode du 3 bromaire
an IV avait nettement reconnu ce caractère général des jurés:
« Les jurés, porte Tart. 206, sont des citoyens appelés à l'oc-
casion d'un délit pour examiner le fait allégué contre Pac-
cusé...»
Or, cette participation des citoyens aux jugements crimi-
nels, est-elle bonne en soi? Ces nouveaux auxiliaires appoi^
tent-ils avec eux une vue assez nette de la vérité judiciaire?
Apportent-ils les notions et les qualités nécessaires à la dia*
tribution de la justice?
Cette question d'aptitude doit >tre examinée aoua tontes
ses faces. On doit d^ abord supposer deux règles qui serontëia'*
blies plus loin. La première a pour objet les attributîooi
mêmes du jury: il participe aux jugements, mais dans une
certaine mesure, il est juge, mais seulement d'une partie île
la cause. Sa compétence est circonscrite aux pointa de fatt^
c'est-à-dire à l'appréciation des circonstances matérielles' et
des circonstances morales de la cause, à la constatation ëe
l'existence des actes et de la culpabilité des agents; elle eat
étrangère aux points de droit et à toutes les questions qui ont
pour objet l'application de la loi. La limite de cette compè^
tence sera précisée plus loin ; il suffit de l'indiquer ici.
La deuxième règle, qui sera développée dans le $ suiyant^
est qu'il y a lieu de présumer une certaine aptitude dans les
citoyens qui sont appelés à remplir les fonctions de jiiré. On
ne prétend point leur imposer comme aux juges une instruo*
tion supérieure, une expérience des affaires acquise par Fé*
tude ; mais on doit supposer chez eux un sen^ commun qui
saisit les preuves de la vérité et les sépare des illusions de l'er-
reur, une instruction ordinaire qui les rend aptes aux opé-
rations de l'intelligence, une moralité qui leur permet de ca-
ractériser et d'apprécier les actions qui passent sous letfrs
DB LA COMrOSITIOn I)C JCRT, §-593. 2'lo
ycui. Ce sout là les couditioDS qui constituent la rapacité de
jaga';orf comme le jury n'est point un droit, mais une fonc-
ticm, il y a lieu d'admettre que ceux-là seuls seront ap-
tes i l'exercer, qui seront réputés avoir cette capacité.
De ces deux régies, qui posent la double condition d^une
compétence restreinte aux questions de fait et d'une certaine
aptitude intellectuelle et morale chez les jurés, on peut in-
duire déjà qu'ils ne sont pas nécessairement frappés d'une in-
capacité absolue pour l'exercice de leur fonction.
Ce n'est (MIS que les questions de fait soient toujours faciles
èrisoudre Si elles n'exigent pas des notions de droit et des étu-
des de jurisprudence, elles nécessitent l'examen attentif des
circonstances delà cause, l'appréciation exacte des indices et
des preuves, le jugement dans le for intérieur des moyens de
la cause, c'est-à-dire, une opération délicate de la conscience
éclairée par riBtelligence.Toutefois,enréalité,cette opération
le bomeà la déclaration d'un fait et d'une moralité. Point de
reckercbes théoriques ou légales,pointd'opinionssur Tappli-
cationdes bisou la valeur morale des actes; point même d'in-
vestigations pour la découverte de la vérité, puisque le débat
édaircît tous les faits et que la discussion résume toutes les
^ucstioiis. Lesjurôs ne marchent que sur un terrain illuminé
de toute part et dont tous les points ont été sondés sous leurs
yeux. Que leur reste*t-il à faire? ils n'ont plus qu'à décla-
rer (es résultats de cette solennelle enquête ; or, pour une telle
déclaration, une intelligence ordinaire ne sulTit-ellepas?
Sans doute» on doit le dire encore, et nous le constaterons
tout à l'heure» il est difficile de déterminer avec certitude les
ceaditions de cette commune aptitude nécessaire à la fonc-
iioo de juré. La loi se borne à prononcer, en thèse gé-
nénil6) dea exclusions, des éliminations, des déchéances, et
elle s'est confiée ensuite à une opération toute administrative
pdur la composition des listes. Mais il y a lieu de présumer
que les citoyens qui ont traversé ces épreuves, ne sont pas
tout à bit dénués de cette aptitude ; il y a lieu de présumer
que les radiations qui circonscrivent les éléments des listes et
le choix qui les épure,en écartent les incapables aussi bien que
les indignes. C'est là le but constant de toutes les lois qui ont
organisé le jury. Nous supposons provisoirement que ce but
est atteint; s'il ne l'était pas, c'est la législation qu'il faudrait
aecus^ et non l'institution.
Mais, en général» on ne conteste pas que les jurés, dans
vui. ly
2f6 MIS '«OVM to'AMIitS.
une législation prévoyante, ne puissent être aptes à statuer
sor les faits ; ce n est pas là quWt la difficulté, ello consiitc
à savoir si les juges ne possèdent pas eux-mêmes cotte apti*-
tude et ne la possèdont pasà un plus haut degré : que servent
Issîorés^ si l«s*}uges permanents, déliés du joug de» preuves
légakSf juges et jurés 6 la fois, peuvent réunir lesdeuifenc"
iions? PTest-dl pas raisonnaUe de eonfier à des bommcs^ui
joignent à la science des lois l'eipérience des faits^ qui ont
une instruction supérieure et une tatelligonoe éprouvée^ uoe
nission .qui ne peut être remplie que par des liommes intelli<
geDts et capables ? Pourquoi cet élément du jury; étranger à
Tordre judiciaire, quand Tordre judiciaire suffit à Taccomplis-
lement de toute sa tàoke? C'est ici que nous commençons à
pénétrer dans les entrailles de la question.
Si les juges qui prononcent sur le droit ont l'aptitude ué-
eeseaire pour prononcer sur le fait, les jurés soat superflus;
o'est simplifier Torganisation judiciaire que dt» les supprimer. .
Mais cette aptitude, la possèdent-ils? Ce qui fait la force des
corps judiciaires» c'est Tesprit de suite ^ c'est la coneeptiofict
Tapplication de certaines règles aux espèces qui se sUoeédent
i leurs audiences, c'est rétablissement et le maintien d%tie
)urisprudenee qu'ils appliquent uniformément aux cas idaati>»
«ues ou analogues qu'ils onti juger. G^est cette jurisflrii-
denee qui» née de la science, en devient l'appui et qiiie^à' la
lois la plus sûre garantie de ritnpartialiié des jugements^ puis^
qu'elle leur trace à l'avance la voie <^'i<s doivent suivre et
Sk'elle ne leur permet pas d'en dévier. Les juges tqui ne s'en-
atneraîent pas aiasi perdes régies fitesjugeraieol pour ainsi
direà l'aventure el s'exposeraient à peser les mêmes cMses
avec des poids différents. Or, cette pratique habiiueHe,' qui
ix>nstituele plus haute qualité des juges, qu^îts suivent nésss^
saîremeni et qu ils ne pourraient pas abdiquer^ exceiicbte et
précieuse, en ce qui eouceme les points de ^oH^ devîeitiîn-
eoDséquente et fatale, en oequi teucbe les points de faéf.
' Les points do droit doivent toujours être jugés dansics
«èaes termes. C'est cette ibité de la jurisprUdenOe qtil lui
donne Tautorité de ta loi elle^^même et qui^ en tené^ni im-
possible une interprétation capriciease, assure à tous \^ jn-
Sment^ unu base inébranlable* Il en «st autrement dee poinftts
(aiti Lesfaits^ \orn même qu'ils sont de même aatute^lbrs
même qu'ils se produisent dans les mêmes tirconslances, ne
sont jaiifMMS oelnplétement identiques^ Ils difli^renf dabs (jéurs
OK LA 00ll»O;iTI0X »t! JtRT. § 593 1^
élémcfits m^lèriels, ils éiffèreni p*r Tége, rédacation, la fii-
tuaiîon, l'inteation des agesig. Lea degrés qui les séparent
aoDt infinis : ce sont les nuances des flct)6l)S« ce iont les tnôii-
vemenisde la volonté. Tel acte prend son caractère de la fer-
meté de rintention qui l'a aecompagné, oii de son inoerti*
tuile et de sa variation. Tel autre puise son aggravation du
son exeuéedens la position de Tagent» dans son instruction,
dans son état d'aisance ou de détresse, dans les degrés de son
intelligence, dans lésèauaes ifiipulriveé de Tactinn. I) but aai-
tir tùutci les difCèrenees, car la justhfe cesserait d^étre si die
ne ôaestirail pas Tiniensilé de Talarme sociale et de lacrimi-
nalité dé Tagem^ si elle ne propoKionnait pas chaque pénalité
à la gravilé relative de chaque acte, au degré du mai com-
mis. La vérité et par etosèquent la justice, est tMt entière
dM$ Clés nuances.
Or, les juges, parfaitement aptes au jugement des petiots
de droit, apportent-ils la même aptitude à Tappréciation des
faits? Ce qui peut fàife nattre quelque^ doutes à cet égard,
e^est-que ia quatité qui fuit en général leur force, fait ici leur
faiblesse, cest qu'il leur est dilTieilede se dépouiller de l'ha-
Mudc scientifique de généraliser leurs décisions, d'élabli# des
règles, de suivre une jurisprudence, c*est qu*ils sont nuturel*
iementpar suite disposés à grouper lesactes d'après leurs ap-
parences eiLlérieures , à les distinguer d'spfésJeurs analogies
principales, à voir des catégories de faits piutAt que des espè-
ces, des classes d'agenls plutôt que des individus, à étendre
In même sentence aux actions analogues ou plus ou moins
voisines les unes des autres. L'idée même de justice qui est eu
eux les entraîne à ces jugements systématiques, parce qu'ils
ne veulent pas frapper de peines inégales des agents qui com-
paraissent joornellement devant eux avec une criminalité à
peu prèségiilc. Cette méthode n*est d'ailleurs que la conso-
quence de la pratique des audiences qui finit par eflaccr tes
traits distinclifs de chaque agent pouf les revêtir d'une im-
moralité commune. Et puis cette pratique même les con-
firme dans cette voie» parce q<ie c'est l'un des intérêts de la
justice que les affaires soient promi^ement expédiées.
Les jurés ne sont pas tout à fait dans la même situation. Ils
ne sont préoccupés d'aucune idée systématique ; les jugements
qu'ils ont rendi^s n'enefadnent point ceux qu'ite^m àrëHidre;
ils no craignent ni de se contrédnres nî de dévief d'une jutis-
prudence établie; ils ne voient que respèceqiri leur est sou-
St8 Mt c«VRS d'assises.
mw, le fait que le débat agite devant eux ; cette espèce et cç
fait n'ont dans leur esprit aucune liaison avec d'autres faits
antérieurement jugés et qui auraient été l'objet de telle ou
tçlle condamnation; libres de toute pensée préconçue , de
toute doctrine, quelque excellente qu'elle soit en elle-même,
i\ê ne demandent qu'à leur raison^ ils ne cherchent que dans
leur conscience, la sentence qu'ils doivent prononcer.
Oh 1 sans doute, les magistrats sont en général habiles en
tout ce qui touche Fart de bien juger: ils ont la science du
droit» l'étude des actes punissables, la culture derintelligence,
te pénétratiou de l'esprit, la connaissance des choses et des
hommes, ils ont surtout Tamour de la justice et du bien. Tou-
tes ces qualités peuvent se trouver dans les jurés, mais elles
ne s'y trouvent pas aussi généralement, elles ne s'y trouvent
pas au même degré, aussi développées par une constante ap-
plication, aussi perfectionnées par la méditation et le travail.
Mais il faut remarquer qu'on ne conteste point aux juges leur
instruction supérieure, leur prééminence scientifique; on
doute seulement qu'ils soient aptes à faire une appréciation
qui n'exige ni cette science, ni cette instruction. Que demandc-
t*on aux jurés? une intelligence ordinaire, un sens commun,
une instruction vulgaire. Mais pour Tappréciation des faits,
cette intelligence ordinaire est préférable à la science, ce
sens communrfiux plus hautes facultés de l'esprit, cette ins-
truction vulgaire à Tinstruclion scientifique; et il en est ain-
si surtout lorsque la pratique des affaires et les régies
inhérentes aux corps judiciaires ont imbu l'esprit du juge
d'idées en quelque sorte permanentes, qu'il place au de-
vant de chaque espèce et qui lui en voilent le caractère
vrai.
On ne parle pas de Thabitude de juger. On suppose que le
juge aura la force d'en secouer le joug, qu'il ne verra pas dans
chaque prévenu un coupable par cela seul qu^il a vu beaucoup
de coupables dansi'exerdcede ses fonctions, qu'il chercherai
nondc simples indices^ maisdes preuves, non des présomptions,
mais une ctTtitude. Qui ne connaît néanmoins la puissance
presque despotique de l'habitude sur nos esprits? qui ne sait
combien ce qu'on fait tous les jours on le fait avec plus de
mollesse et d'inertie, combien le métier refroidit d'ardeurs et
de résifltances? C'est une chose étrange que la conscience
semble s'assoupir quand elle lutte chaque jour, et que les
mémps actes sans cesse renouvelés fatiguent sa vigilance. Ce
DE u coapositioN i>v JciiT. § 593. 2i9
D^est que peu à peu, quand il a entendu tant de protestattoni
mensongères, tant de comédies d'innocence, tant de coupa<^
blés qui niaient révidence, tant d'agents effrontés et pervers;
que le magistrat laisse entrer dans son esprit une sorte de
présomption d^immoralité et de culpabilité dont il enveloppe
tous !es prévenus. Il ne les apperçoit bientôt plus qu'à trarvers
cette ombre dont il les recouvre et comme son honnêteté s'in-
digne d'une perversité qui continue de s'étaler à ses yeux, il
est porté d'abord à confondre tous ces agents les uns avec les
autres, ensuite à les frapper de pénalités plus fortes, puisque
c'est là le seul remède dont il soit armé. C'est ainsi que la pra-
ti(|ue, tandis qu'elle féconde par une salutaire expérience la
science du juge, lui enlève quelque chose de la perception
claire des nuances de Timmoralrté. Il finit, non pas, comme
on l'a dit à tort, par apercevoir dans tous les plrérenus des
coupables, mais par soupçonner à l'avance leur culpabilité; et
dans cette situation, les actes les plus inoffensifs prennent la
valeur des indices, et les indices celle des preuves.
L'habitude tend surtout à affaiblir dans le juge le senti-
ment d'humanité. On ne parle pas ici de cette fausse piiié qui
s'étend à tous les coupables et qui refuse d'apercevoir le
mal social pour n'apercevoir que le mal de la peine. On parle
de ce sentiment qui, sans faiblesse pour le crime^ voit cepen^
dant dans le coupable un homme et prend en compte pour
apprécier la gravité de l'action, les causes impulsives qui Tottt
déterminée; ce sentiment qui cherche à expliquer l'agent par
le milieu où il a vécu, par ses antécédents, par les événements
qui l'ont sollicité, par les obstacles qu'il a franchis, qui reut
peser toutes les circonstances d'aggravation ou d'atténuation ;
ce sentiment sans lequel il n'y a pas de véritable justice, car
pour juger il faut descendre dans le corar humain, il faut en
sonder les profondeurs, il faut en chercher les défaillances ou
lespassions.Un crime n'est pas un acte matériel dont il saffitde
mesurer les traces et le résultat, c'est un fait moral dont il feat
rechercher la cause et suivre la marche dans Tàme où il est
né. Que si l'on reste étranger à ce travail intérieur de l'agent,
si Ton n'accorde ancune attention à ses luîtes, à ses résis-
tances, i ses entraînements, est-ce un jugerinent que l'on
porte? C'est en ce sens que nous disons que la justice doit être
humaine, qu'elle doit proportionner ses rigueurs aux forces
de rhomme, et ne pas perdre de vue dans ses sentences sa
débilité. Si elle se propose un type idéal, elle sera nétfessaire*
SIO DES C09BS D*ASS1SBI.
i|i€nt cruelle, car par zèle pour la tertu trop haute dont elle
embrassera la eause, elle frappera sans pitié des agents qui
ne lui inspireront plus que de l'horreur. Plus son aspiration
Ters les pures régions de la morale sera ardente, pl|is sesdoups
seront redoublés. C'est là ce qu*il y a lieu de craindre de la
longue pratique et de l'austérité du caractère des magistrats.
Placés plus loin de la sphère où s'agitent les éléments du dé-
sordre, mais où conspirent aussi les misères et les souffrances»
ils sont moins propres à les apprécier. Les prévenus devien-
Dt:)t des ennemis de la société qu^il faut rejeter ou tenir en
garde. Ils s^inquiètent peu des instincts qui n'ont point encofb
été pervertis^ des bons germes que les vices n^ont poiqt dé-
truits, df la lutte des causes accidentelles contre les louables
habJMides. Us prononcotil les peines sans avoir la pensée
qu^elks ^urr^Nit ramener au bien. Ils enveloppent les agents
dans la mainte haine qu'ils nourrissent contre le crime. Ils
croient purifier k société en rejetant dans les prisons et dant
les bagnes, comme dans des espèces de senlines, le limon im-
pur qui rinfeote et la corrompt.
C'est U ce qui nous ramène eneoTe au jury. Les jufés, pris
diins toutes les classes de la société, placés plus près des èlé^
ments 4f trouble et de corruption comprennent mieux les
différents degrés de Talarroe qu'ils doivent causer. Ils «onl
plus humains, en ee sens, que libres de touterègle sicientjifique»
do toute idée systématique^ ils apprécient simplemeni avec
leur eoB(cience les faits iqui iettr eont soumis. Us n'éléveiil
poii^t une distinction entre la conscience de Ttomme el «elle
du juge^ Ils T)û se donnent point une missiou sociale aupé*^
rieure h la mission de juger. Ils ne sont point, daus cette ionc*
tion nouvelle pour eux, amortis en quelque sorte par IlidN-
tude qui, si elje n'endurcit pas le cœur, émousse au moins sa
sensibilité. 14s suivent naturellement la pente de letr eon»
vicfcio».
Nous connaissons les objeelfone qui s'^event tei. La
première, qui a été principalement, formulée par les légistes
de rAltemagne, est que cette conviction intime, h kcpielte
s'arrêtent les jurés, est le rendement le plus dangereux des jti^
gements humains^ et que, tandis [que les juges sont tenus de
soumettre leur opinion à de certaines règles et ilo rendre
compte des motifs de leurs sentences, il est étrange que les
jurés soient dégagés de toute preuve légale et affranchis de
to^te règ4e juridique. Nous avons répondu ailieufs à cette
Dl LA COHMttTJM ftQ ^IIRT« § 593. ÎM
pcQmi^re objectioo ^ ; wms ayoss essayé d'établir que la
pnenYBioprale, la preuve qui résulte d^une eonvictioD intime,
est la seule qui puiflie en matière péqale conduire sûrement
i la yér\\é\ que les f^euYes légalta, que nous avons appré-
cia égafemepl S plus satisfaisantes pour la science jaridique^
parc» qw leur ^ndialnement est le résultat de Tobseryationet
du r^ispuneweoi, n'éclairent la justice que d'une clarté in-
certaine #t trompeuse et peuvent l'égarer sans cesse. Quel
est le but 4e la procédure, le bat de toqtes ses précautions <et
de toutes ses formalités ? C'est la recherche de la yéritè* Or
quel «rt le seul moyen de reconnaître la vérité d'un fait, si ee
n'est la eertitude qu'on ressent en soi-même que ce fait existe
oun'exisiepas? la justice, neusTavons déjà dit, n'a pas d'au^
tre instrument et d'autre organe que l'homme lui<^méme; 4Hr
comment l'homme par?ient-il à comprendre la vérité» si ee
n'est par ^n intelligenoe qui perçoit les faits et les idées, et
par sà eonscience qui les examine et les apprécie? c'est donc
daiis le sens intime du jng», dans la conviction qui se forme
dans soq esprit, qu'il faut la chercher, plutôt que dans une
déduction savante de feits qui ne seraient acquis qu'à t'aide
de preuves définies par la loi et dont la valeur serait à l'a^
vaoee liétermioée. L'institution du jury est donc en parfaite
harmonie ^vec le principe du droit pénal, avec le système le
niieu) approprié i l'oralité du débat, le plus efficace pour la
maufestetioa ^e la vérité. Il faut ajouter que notre légisia*
tien ne eoonait pas d>utie aystéoDe, et que, sauf quelques
exceptions <]tte nous «vioos. notées ^, la Àéorie de l'intîflae
conviction est appliquée dans ICMites nos juridictions pénales;
maiaoeprinoipM9 n'est entouoé nulle part d'autant de garanties
que dans le jury : voilé des citoyens qui, purs de toutes
idées [«écençiies» vÂouieot assister à un débat qui a pour ob*
jet de prouver Texistence d'un fait ; ils entendent la lecture
des pièces et les témoins, les contradictions et la discussion ;
que leur deinande-i*H)n ensuite? leur simple opinion sur
l'eiistence. du faii : point de motifs, car la nécessité d'expii--
quer leur voie, en gèMrait la liberté , mais l'expression naïve
et sincère de. leur ceoviotion intinse» Or, n'y a-t^-il pas. lieu de
ceoire que cette conviction» aiœî recueitlie dans tes cons-
cienceset aussi siu^lement eiprimée, qu'aucun intcrét'n*d>B-
* Voj. «»»re l« V, |î* 420 ol »««• ^ » Voy. notre t. y, p. 434«
^ ¥<u* u$¥» u i'S s^ fi^o 01 6^i^
238 DE» covns »' assises.
curcil, qu'aucune passion ne trouble, qu'aucune habitude ne
Tofroidit, et que la hauteur de leur mission aflennit coïklre . .
toute crainte,sera l'expression de la vérité?
Une deuxième objection^ qui serait plus grave à elle était
fondée, est prise de la faiblesse prétendue du jury i de sea dir
faillances, de ses contradictions, de son penchant habituel i
rindulgence. Delà on arrive à le signaler conuDe une cause
d'affaiblissement dans la^justice répressive. Cet affaibliase*
ment serait constaté par le nombre des acquittements, par la
minimité des peines appliquées, et par Tabus des déclarations
de circonstances atténuantes. Cette objection, nous n'héBiten»
point à le dire, est celle qui nous préoccuperait le plua ai son
exactitude était démontrée, car nous reconnaissons autant
que personne la nécessité d'une répression, intelligente sans
doute, mais ferme.
Nous admettons facilement que le jury ait subi des entraî-
nements et des séductions, qu'il ait commis des actes d'iur-
dulgence ou de faiblesse et qu!il ait déclaré des acquitte-
ments quelquefois regrettables. Cependant il ne faut pas exa-
gérer celte tendance qu'on suppose généralement, sans
prendre la peine de la prouver.
Voyons le nombre des acquittements : avant la loi du âS
avril 1832, ilsr étaient trés-considérables, à raison de Texces*
sive sévérité' de la loi pénale : le principe des circonstauces at^
ténuantes^ qui a permis de proportionner les peines au délit, a
tari cette source d'impunité. Ainsi» jusqu'à 1832, le noiobre
des accusés acquittés s'était élevé jusqu^à 46 sur 100 ;. à
compter de cette époque, ce nombre n'a cessé de dioiinuer
graduellement En 1851« ils ont été de 33 sur 100, en 1S52,
de 31, en 1853, de 27, en 1854 et 1855, de 25. Et la plu;-
part de ces acquittements si restreints ont leurs causes fégi-
tinies : ce sont des accusés que l'instruction écrite, qui craint
de laisser échapper des coupables, a cru devoir renvoyer à
Taudience, quoique les indices fussent faibles ; ce sont des
préventions^ que le débat oral, plus puissant qu'une procé-
dure qui ne se base que sur des présomptions, a détruites ; ce
sont des faits peu graves que le jury juge suffisamment ré-
primés par la détention préventive et la haute leçon imprimée
par le iiébat. Il est difficile d'apercevoir dans de tels chiffres
les traces d'une faiblesse fréquente.
Prenons maintenant les condamnations. Avant la loi du 28
avril 1832 , les déclaratioas du jury, lors même qu'elles r«-
»i£ LA cûMH>sni«N Ut jtRy. { 593. 233
connaissaMiit l*aceu9atioo fondée, ne radmettaient qu'après
r«W!f mutilée. En 1826, 40 accusations seulement sur 100
éUicDt admises entières et sans modifications; ce chiffre était
descendu en 1831 à 31. Mais dès que la loi nouvelle eut
permis d'établir une sorte d'équation entre la peine et le châ-
tfmeiil, le nombre des accusations admises sans changement
s'«l élevé chaque année; ce chiffre qui, dés 1832, était de 38
sur 100 accusations, a successivement monté à 43 sur 100
en 1833, k 42 en 1834, à 43 en 1836, etc., et la statistique
constate qu'il s^pst élevé à 51 en 1850, à 54 en 1851, à 58
en 1852, à 62 en 1853, à 67 on 1854 et 1855. Ces résul-
tat» attestent la fermeté du concours prêté par le jury & la jus-
tice pénale.
Yérifions enfin si les circonstances atténuantes ont été abu-
sivement admises. De 1833 à 1850, sur 100 accusés que le
jury a déclarés coupables, 72 à peu près ont obtenu le béné-
fice de ces circonstances. En 1851, 68 sur 100 ont profité
delà même déclaration; en 1852, elle a été faite en faveur
de 67 sur 100, en 1853 de 69, en 1854 de 67, en 1855 de 68.
Ces chiffres, quoiqu'ils soient très élevés , ne doivent laisser
aucune inquiétude. Il faut remarquer que si les peines sont
atténuées , quant à leur taux, leur application s'étend à un
pins grand nombre de faits; les acquittements ont diminué.
Assuré de pouvoir proportionner les peines avec les délits,
de faire justice suivant sa conscience , le jury est moins in*-
diligent, il est plus ferme. Or, ce qu'il Taut surtout è la jus-
tice répressive, c'est la certitude du châtiment. Il importe as-
sez peu , en définitive , que 1rs peines infligées soient afflic-
tivpsou correctionnelles ; ce qui importe, c'est qu*elles soient
itifligées. On ne doit attacher , sauf en ce qui concerne les
récidivistes, qu^un intérêt secondaire à la durée des déten-
tions; on doit en attacher un très grand *>& ce que tout délit
soit réprimé par un châtiment. Il ne faut pas oublier d'ailleurs
()ne ^introduction des circonstances atténuantes dans notre
législation a eu un double but : d'abord, de fournir au juge
le moyen de prendre en considération , pour mesurer la cul-
pabilité , mille faits divers, mille circonstances qui la modi-
fient sans cesse; ensuite, de porter un remède efficace aux
pénalités exagérées du Gode pénal : le législateur, qui n'avait
Cs le loisir de réviser ce Code qu'il jugeait cependant en
aacoup de points trop sévère, s'est borné à y attacher une
henlté générale dTatténuation qui permet d'établir un rap-
23é D£S COURS d\S8I»S.
port plus exact entr« U faute et )ç châtiment. Les peines,
|M>ur être modérées, pour èlre atténuées, ne sont donc ni
iDCompIèfes ni faibles, elles sont seulement plus justes.
Une troisième objection est Pespèce de préYention, de par-
tialité si l'on veut» que le jury apporte dans certaines affaires.
On lui a reproché à plusieurs époques les dispositions avec
lesquelles il accueillait les causes politiques. Il en est peut-
être encore ainsi dans quelques affaires populaires, telles aae
les rébellions, les résistances aux ordres de Tautorité publi-
que et les voies de fait* Cela est possible ; mais faut>il s'en
effrayer? Dans tous les faita de cette nature, la crinûnalité
est purement relative ; elle tient aux circonstances, aux causes
de Taclion , à l'intensité du trouble qui en a été le résultat;
elle dépend tout entière des dispositions dos prévenus, du
but qu'ils avouent « dos excuses qu ils soutiennent. Il n'est
donc point étrange que le jury, quand il reconnaît que le pé-
ril social a été nul , que les agents ont été égarés , qu^auoune
intention réellement coupable ne les animait , n^incline vers
une solution indulgente. En cela il sert l'Étot plus que ne le
ferait une sentence sévère, parce qu'il est l'organe de l'opÂ-
nion , et que dans la répression de ces délits qui ne sont en
général que des écarts ae l'opinion , il eat utile de ne pas la
froisser.
YI. Ces dernières considérations nous amènent sur un
terrain où la question se présente avec d'autres aspects.
La justice pénale est à la fois le fondement de Tordre et Je
fondement de la liberté civile. Il importe donc au pouvoir
loeîal comme aux citoyens qu'elle soit fortement constituée
et qu'elle présente des conditions inébranlables de fermeté
et de protection. 11 importe que nul ne puisse attaquer, ni
môme soupçonner Tinct^endance ou l'impartialité de ses sen-
tences. Or* suppcfi^ un tribunal composé de ][uges perma-
nente aussi élevés » aussi instruits , aussi expérimentés qu^il
est possible, fieportez-vous aux anciennes toumelles des par-
lei^entset r^lacei&^y leurs seize conseillers. Seront-ils assez
haut pl^ucés. sexont-ijs assez fermes pour sauvegarder ces pré-
cieux intérêts , les plus considérables qui soient dans la so-
ciété ?serout-ilSy vis-à-vis de la population, un assez puissant
r€ff»pajt contre TinQuence du pouvoir? seront-ils, vis-à-vis du
pouvoir, un appui assez sûr contre la domination d'une opi-
nion égarée? Ces magistrats, nommés par le pouvoir et qui
ne peuvent oublier leur origine, commanderont-ils une con-
DK LA GMfMITMN N JVRT. { S93. 235
fiance awei absolue pour que leurs jugements soient univer-
sellemeDt acceptés, pour que la liberté se repose tranquille k
lears pkds , pour que les citoyens lepr remettent sans i|i-
quiétude le dépôt de leur honneur et de leur vie? Et seront
ils en même temps .supérieurs au dé-ir d'une vaine popula-
rité, â l'orgueil d'une fausse indf^pendance.auxentralnemeoU
deravdience, a|u séductions des théories, aux $ollicitatîon$
des parties?
« ¥sMje% , disait vécemment un membre émÎMnt du niî«
niitérp p«Um , de rmmbtttutr Bujnurd'hnî inr la fienaèe eea
aneimoeB eiiambrei mmmellea qui^ bu seni dM pariements,
CMBBfBmiefiit «le tow ks grands crBBWt, ^ dites ii cette par-»
roaaence de ? îgoeurs «t d'eipiatians aaagiantBS me aevait pas
a^ourd'hoi ««Hiessas de bien, desoourages. J'ignore oe qui
ae {nasaH ûmm te <neKir<le nos itevanciera, mats je sais que si ,
aicc M» mmurss nés déiieatcfises^ nos Ames iaelcDéts vers la
doueedr, nous étions mis é de teHes épreuves ., la conseiemso
da magistrart ne laiMiraii pas au derair, sans doute, mais
rilMiiinQ «Quffrirait «t peut-^AIra *vea kii la j^sliaew Prenons
garda de le pas imputer au jury ce qui est la faibtesse de
tons et d^s tefii|)s oà nous somases. Descendons nous-mAmes
au fond de nos cceurs, jugeons nos propres arrêts ; eonsultoaw
ees tables de criminalité w s'inscrivieiit «os jugements vmc
ceux du jury, <st disona si TiiMliilgenee eat toute d'un c6té , ai
bnécessake sévériiô est toute de Taulm '. •
Quelques chiffrée vont démontrer la justesse de cette ob-
scTvalîon. Jos(|ti'à 48îl,lesTpr6renus de délits de presse et
de délits poittiqùes étaient tradûHs devant les tribunaux cor-
rectionnels» et la statistique constate « que ces tribunaui né
se montraient pas trop sévères envers les prévenus de ces
sortes de délits, et quMIs en acqnfttatelit prés de la moitié, ^5
sur 100, tat^dls qu*en toute autre matière ils n'acquittaient
que Sff sur itOO deis prévenus jugés à la requête du ministère
public*. » Que Ton mette à la place des délits politiques tes
crimes communs , les crimes les plus graves , n'est-il pas i
craindre que les juges, plus inquiets cnooro de leur respon-
sabilité, mettants de teuTr propre force , et ne sentant pas
derrière eux une opinion publique qui les soutienne , ne flé*
' Disconre an rentrée 4e M« le ^o«areur gdaoraldc Toulooie. ia57«
> Rapport du compte de 1850.
23l) tES C*IIKS »*ASSI^K8.
chisseot dans raceomplisscment de ces nouYelles et redoutables
fonctions?
On )it dans la même statistique : « Sur 100 aecusés que le
jury reconnaît, 70 k 72 obtiennent le b<^néfice de circonstan-
ces atténuantes : les magistrats en seraient-ils moins prodi-
gués s'ils étaient chargés de les appliquer? Il est permis d'en
douter. Ils en faisaient h la vérité, avant la loi du 28 anil
1832, une bien moins fréquente application. Mais la loi do
25 juin 1824 ne leur laissait le droit de les reconnaître qne
pour certains crimes, tandis que la faculté accordée au jury
s'étend à tous les crimes indistinctement Habituellement
d'ailleurs, les magistrats de la cour d^assises s'asaodeiit plei«-
nement i rindulgence du jury, puisque sept fois sur dii ik
abaissent la peine de deux degrés quand ils pourraient ne
l'abaisser que d'un seul. D'autre part, les juges des tribu-
naux correctionnels font depuis quelques années une apfdica*
tton presque aussi fréquente de l'art. M9 que le jury. Gitom
lesdiiffres qui viennent à l'appui de ces assertions. En 1831
« l'admission des circonstances atténuantes a déterminé ra-
baissement de la peine de deux degrés à l'égard del,682coB-
damnés. Mais il y a lieu de remarquer que, pour 1,096« la
peino ne pouvait pas être abaissée davantage, parce qa'il
s'agissait de la réclusion, du bannissement» de la détention
ou de la dégradation civique qui forment le degré inférieur
dans l'échelle des peines afflictives et iuCamantes* . • En 1853,
c les cours d'assises se sont montrées un peu moins indul-
gentes dans l'application des peines encourues. Ainsi, elles
n'ont abaissé la peine de deux degrés qu'en faveur de 366 sur
1,000 des condamnés admis au bénéfice des circonstances at-
ténuantes, tandis qu'en 1851 elles l'avaient abaissée à l'égarJ
de 400 sur 1,000* » En 1853, « les cours d'assises ont abnissé
lapeinede deux degrés au profit de 1,214 (568sttr 1,000) des
3,300 condamnés admis au bénéfice des circonstances «tlé-
nuantes; elles l'ont abaissée d'un seul degré à l'égard de
2»086 (632 sur 4,000) ; mais pour 1,296 d'entre eux (393
sur 1,000) elles ne pouvaient pas l'abaisser davantage, parce
qu'un seul degré séparait la peine prononcée par la loi des
peines correctionnelles *• » En 1854, « les cours d'assises se
' Rapport dn compte de iS5i. — > Rapport da compte de 185S/
* Rapport du compte de 1851.
DE LA COMPOSITION DO milT. { 593. ^7
sont montrées plus indulgentes qu^en 1853 et 1852 dans
l'abansement des peines encounies par suite de l'admission
des circonstances alténoantes. Ainsi, elles ont réduit la peine
de deui degrés à Têtard de 4*10 condamnés sur i,000 ; elles
n'ont abaissé la peine que d'un seul degré quand elles pou-
vaient la faire descendre de deux è Tégard de 209 ' . o Enfin,
en 1856, le jury a déclaré des circonstances atténuantes en
faveur de 3. 065 accusés, et la cour d^ assises a abaissé la peine
de deux degrés i Tégard dé 1,153. Et si elle ne Ta abaissé
que d'un seul degré à Tégard de 1,912, c*est que vi»*à-vi8
de 1 ,169 eHe ne pouvait la réduire davantage.
Il est ploscurieux encore de toir les juges correctionnels sui-
vre la même voie. Le rapport qui précède le compte de 1850 et
i)ui résume vingt-cinq années de statistique, porte ce qui suit:
«L'application de Part. 463 n*est pas moins fréquente devant
les tribunaux correctionnels que devant les cours d'assises« Le
bénéfice des circonstances atténuantes que les tribunaux
n'accordaient, avant la loi du 28 avril 1852, qu à 33 sur 100
des condamnés pour délits communs, est maintenant accordé
i 56 sur 100. « En 1851, Tart 463 a été appliqué à 54 sur
lOO des préTenus condamnés pour délits communs; en 1852,
i 5J)8ur iOO; en 1853, à 57 sur iOO ; en 1854 et 1855, k
61 sor 100. On lit dans le rapport qui précède le dernier
compte . • Si les tribunaux acquittent un petit nombre pro-
portionnel des prévenus qu'ils jugent, ils fout à C4»ux qu'ils
reconnaissent coupables une application de l'art. 46S presque
aossi large que le jury. En effet, si le juryaadmis en 1855 les
circonstances atténuantes en faveur de 68 sur 100 des accu-
sés qu'il a déclarés coupables de crimes^ les tribunaux cor-
rectionnels les ont admises au profit de 61 sur 100 des pré*
venus reconnus coupables de délits à l'égard desquels cet
article était applicable, et, pour certaines catégories d'infrac-
tion, l'indulgencedestribunaux a été bien plus grande encore.
Ainsi, l'art. 463 a été appliqué à 77 sur 100 des condamnés
pour vol simple, à 82 sur 100 des condamnés pour fraude
commerciale, à 85 sur 100 des condamnés pour vagabon-
dage ; è 89 sur 100 des condamnés pour meuilicité. »
Ces chiflEres éloquents prouvent jusqu'à Tévideuce deux
peiuUimportanU : d'abord que l'application que fait le jury
des circonstances atténuantes est, comme nous le disions tout
* Rapport du compte 4e iSS4«
238 »is co¥H9 p*AS»isii..
à rheiire, pleift^ment justifiée, puisque los mogislmU do la
cour d'assises s'associent hakiiuellemoQi à cette appiicalioù et
en étendent les conséquences; ensuite, que les juges, lors-
qu'ils siègent aux tribunaux correctionnels aussi bien qu'à la
cour d'assises^ font une application à peu près aussi fréquente
que le jury de la faculté d^atlénuatioo établie par Tart. 463.
De là que faut-il conclure? C'est que ni d'un côté ni de Tautre
il n'y a abus; que la justice n'est ni mûlle ni énervée, par cela
seul qu'elle cherche à établir les deux tersies ie Téîquaiion
pénale; qu'il ne faut (las la tater d'itidulgeuoe et de faiblesse
iorsiju't'lle ne fait qu'une appréciation pkis exacte de U ta-
leur morale des aetes humainsi une rétribution plus juste et
plus mesurée des peines. Ce qu'il faut déplorer, c'eet» d'une
pari, les poursuites légères et les instructionsirréfléebtes, c'est,
d antre part, les acquittements qui ne sont pas motivés. Mais
le vrai f ymtptôme de la faiblesse de la justice, suivant la re-
marque de Montesquieu, e^est l'impunité des crimes et non
la modération des peines.
On peut encore inférer des mêmes faits une autre conclu-
sion : c'est que les juges pcrinarients n'ont point toutes les
qualités spéciales dont on prétend qu'ils sent nécessairement
revêtus ; c'est qu'ils ne marchent point en géitéral en oppo-
eition avec les jurés» c'est que les décisions des uns et des au-
tres se concilient entre elles et respirent en général le même
esprit. Où donc est cette énergie qu'on voudroit apercevoir en
eux T où jdonc cette rigueur quon lew impute dans tou-
tes les circonstances? Mous n apercevons qu'une habitude
<le modération, un sentiment général de justice, uoe appré-
ciation ferme sans doute, mais équitable à la fois. C'est là,
disons-le, ce qui fait la forcée de notre justice pénale» lors
même qu'elle n'est peut-être pas constituée «omme eUe de-
vrait t'étre : la sagesse des magistrats supplée aux garanties
qui manquent aux institutions. Les juges, sur leurs siè-
ges permanents, statuelit souvent comme le feratoni les
jurés.
S'cnsuit-il, s'ils semblent animés du même esprit, s'ilsontles
mêmes tendances, s'ils manifestent le mêfûe sentiment d'é-
quité, s'ils puisent leurs sentences dans la même conviction
morale, s'en suit-il qu'ils doivent, puisqu'ils ont tant de rap-
ports avec les jurés, être substitués à ceux-ci et juger à leur
place? Mon, car lors même qu'ils ne mettraient pas plus de ri-
gueur que les jurés dans leurs sentences, ils noni pas les
Dt LA CÔilI'OStTtON ntJ JURT. § 593. 839
qualUfci spéciales que ceux-ci rcçoircnl de leur institution
même. Ils n*ont pds la Tuème ibdépendânce, ifs n'ont pas la
même simplicitë de conviction, tis n'ont pas suftout la tnëmé
pnfisstice. La force que Topinion publique donne au jury leur
manque. Leurs jugements no sont pas leë jugements du pays.
Les jurés, par cela mêhie qu'ils sortent de la foule et qu ils
tonl j rentrer, eipriment Topinion générale et l'HUtorilé dj
leurs verdicts est acceptée de tous. La société leur communi-
que sa force, et Ils en ont le sentiment pendant qu'ils accom-
plissent leur mission ; Ils savent qu'elle les soutient et qu'ils
Agissent pour elle. De là la confiance qu'ils rcsî?entent ot
qo^ils inspirent. Les aflaires les plus graves ne demandent pas
de JQges plus élevés et de plus hauie juridiction.
C'est leur situation même qui les place à cette hauteur.
Us n'eut point d'esprit de corps k ménager, de position à dé-
fendre, de préjugés juridiques à consulter. Ils sont libres de
leur décision ; îlsn'ofit qu'à écouler la Voix de leur conscience
qni est leur seule loi, et ils savent que letit* verdict, quel qu'il
toit, est à l'abri dé toute responsabilité. Maisils savent aussi
qu'ils sont délégués par le pays, qu'un grand devoir leur est
imposé et qu'ils doivent à ta justice leur appui, parce que la
joslice est la seule sauvegarda des droits de tous. Leur force
«'accroît à mesure que les faits s'aggraveht. Us s'associent aux
sentin^ents qui se manifestent dans la société, parce qu'ils les
éprouvent eux-mêmes; ils en ressentent les inquiétudes, ils
font avertis de ses périls. $i les crimes deviennent plus nom-
breux on plus menaçants, ils deviendront plus sévères, car
ils ont partagé Témolion publique. Si quelques verdrcts ont
été entachés d'ttné regrettable itidnlgence, lisseront plus in-
tribgents et pluâ énergiques, car ils ont regretté eux-toêmes
les décisions de leurs devanciers.
Les juges prononcent Sans doute en matière correctionnelle
et p!t)nonceraient peut-être en matière de grand criminel, un
ftiofns grand nombre d'acquittements. C'est là la différence
réelle qu'on peut apercevoir dans les résultats des deux juri-
dictions. Les acquittements prononcés par 1rs tribunaux cor-
rectionnels sont actuellement de 12 h 18 sur 100 prévenus
poorsuivis à la requête du ministère public; les acipiillcmciils
prononcés par le jury sont de 25 sur 100. Cette différence
mplîqpe par la tendance naturelle et légitime des fbnttïons
judiciaires ; mais elle s'explique aussi par la nature différente
des faits et smtout par les erreurs de rinstrUction écrite eu
f40 BEâ COVnS I>\8SiSES
matière de grand crimiDel» et par la prolongation desi
lions préventives. Les mêmes circonstances améneraieiit peut-
èlre devant les juges les mêmes résultats. Au reste, on Ta
déjà dit, ce n^est pas le nombre descondamnattoos, pas plus
que la sévérité des peines, qui fait la force de la justice, c'est
la conviction que ses jugements sont justes, c'est ropinioD
Jumelle ne peut en prononcer qui ne le soient pas. Les jurés
éclarcntr plus d'acquittements que les juges; mais nul ne re-
doute qu'ils condamnent un innocent. Âyec eux la répres-
sion est dans certains cas moins assurée, mais la justice est
plus haute et plus tutélaire. Il convient d'insister sur ce point.
Pourquoi cette grande institution du jury a-t-elle paru en
1789 constituer le plus sûr instrument de la justice pénale?
pourquoi depuis celte époaue a-t-elle résisté à tant d'elTorts
déployés pour la renverser r pourquoi, au milieu des vicissi-
tudes politiques que notre législation a subies, est-elle de-
meuiée debout, au moins en principe, sinon avec une com-
plète application? Ce n'est pas seulement parce qu'elle assure
la vérité des jugements criminels, c'est surtout parce qu'elle
donne à la liberté civile son plus énergique appui. C'est là son
unique principe eu Angleterre ' ; et c'est le principal motif sur
lequel l'Assemblée constituante fondait son application. Il en
résulte en effei qu'en matière criminelle le pouvoir judiciaire
se trouve placé, non seulement en dehors des mains du pou-
voir exécutif, mais en dehors des juges eux-mêmes; il est
placé entre les mains du peuple; il est exercé par des hommes
Eris tout à coup dans son sein, qui ne forment aucune assem-
lée permanente, qu'aucun lien ne resserre les uns avec les
autres, que le sort a réunis et qui se dif^persent aussitôt leur
fonction accomplie. Il n'y a lieu de craindre ni les préventions
mjustes ni les persécutions. Les jurés protègent dans les ac-
cusés le droit de la défense qui est une propriété commune ;
ils protègent les droiU civils dont ils jouissent eux-mêmes et
qu'ils sont intéressés à maintenir; ils n'ont point, ils ne peu-
vent avoir d'autres intérêts que ceux de tous les citoyens II
n'y a point de vraie liberté sans le jury, car elle ne saurait
avoir un autre rempart. Les juges, quelles que pures que
soient leurs intentions, sont placés à un point de vue qui ne
eur permet pas d'apprécier avec une parfaite impartialité les
luttes du pouvoir et de la liberté, luttes qui s'engagent quelw
' Molma U I, p. nu
DE LA COMPOSITION DO /VRIT. § 593. 241
quifeûdans leg poursuites et dans les débals criminels. Il faut
m garantie puissante pour sauvegarder ces deux puissants
intérêts» et cette garantie ne peut être que le jury, sorte d'ar-
bftre délégué par la société entre l'accusation et Taccosé
et doDt le jugement est accepté par Tune comme le ju-
geniQDt dn pays , par Tautre comme le jugement de ses
pairs.
Le pouvoir social lui-même se fortifie ainsi ; car il n'a pas
de fondement plus solide que cette opinion de tous les citoyens
que la justice est indépendante et qu'ils y trouveraient un
asile inviolable contre toutes les persécutions. Or si la liberté
civile est, suivant l'expression de Montesquieu, « celte tran-
quillité d'esprit qui provient de l'opinion que chacun a de sa
sûreté *, » il est évident qu'elle ne doit exister entière, ab-
solue, que lorsque les jurés, c'est-à-dire les citoyens eux-
mêmes, en ont la garde.
Le jury supporte seul, en outre, le poids des jugements
criminels; le pouvoir social 'n'a point à s'en inquiéter : cette
responsabilité, quelquefois si lourde et si périlleuse, ne l'at-
teint jamais. C'est le jury qui condamne ou acquitte; ce sont
ses verdicts qui sont Texpression de la justice sociale. Les
magistrats, dont la responsabilité remonte souvent jusqu'au
pouvoir dont ils émanent» se bornent à enregistrer ces ver-
dicta, et ne font qu'en assurer Texécution. Grâce à cette sé-
paration des attributions juridiques, ceux-ci conservent toute
la pureté de leur caractère judiciaire, ils dirigent impassibles
toutes les procédures, ils préparent et président les débats
de l'audience et l'opinion publique ne les nièle jamais dans
les critiques et les blâmes dont elle enveloppe parfois les'sen-
teoces. Ce n'est que parce qu'elle était^ppuyée sur le jury
et que le jury l'exonérait de la responsabilité des jugements
criminels, que la magistrature a pu traverser les époques les
plus difficiles, calme et sereine au milieu de tous les partis :
ses fonctions, renfermées dans la simple application des
I^is, ne l'avaient associée è aucun et dégagée de l'appré-
ciation des faits, elle se trouvait en dehors des passions
qu'ils recèlent.
Lejury a d'autres résultats encore qui, quoîqu'indîrects,
Be sont pas moins importants. Nous ne dirons pas avec quel-
' Esprit des lois, lîv, XI, cliap, VI.
TIII. 16
S4i DBS COtRS D*ASâlSlSS.
qués éeritains qu'il fait peser une charge considérable sur les
citoyens qui sont appelés à en remplir les fonctions. Geitc
critique part d*un principe égoïste qui sappose les membres
de la société liés, comme une compagnie commerciale, par
un coiQtrat qui ne leur promet que des bénéfices. Il faut wt"
ter sa pensée plus haut et plus loin. Tous les citoyens, liés par
une étroite solidarité, ont des devoirs soit envers Tantofité
IHiblique, aoit envers leurs concitoyens. L'accomplissement
de CCS devoirs est le prix de la tranquillité dont ils jouissent,
de la sûreté qui protège leurs personnes et leurs propriétés.
La fonction du jury est Tun de ces devoirs, et la société peut
légitimenaent en exiger Taecomplissement de tous ceux de
• ses membres qui sont aptes à la remplir. Cette fonction,
. d'ailleurs, u^est-elle pas une véritable distinction? N'est-il pas
honorable de participer à la distribution de la justice, de ve-
nir s'asseoir au prétoire à côté des magistrats^ d'être appelé à
{'uger les causes les plus importantes et qui touchent à la li-
berté et à la vie des hommes? Cette délégation du pouvoir
judiciaire que la loi remet entre les mains des citoyens n'est-
elle pas la marque de la confiance entière que le pays place
dans leur probité et dans leurs lumières ?
La pratique du jury laisse en outre des traces utiles. qII est de
la nature d'une bonne institution, disait M. Thouret à TAsscm-
blée constituante, de tendre à relever l'esprit public, à établir
Tégalité^ à réveiller dans les hommes le sentiment de leur di-
gnité et de leur indépendance et à les rapprocher par les pen-
sées, par les actions qui nourrissent et fortifient le civisme. Ce
sera un des principaux avantages de Tinstitulion des ju-
rés ^ » Les institutions libres, en eflct, aident à la liberté de
Tâmc en donnant carrière aux facultés humaines, elles alTran-
chissent Tintelligence et agrandissent la pensée, elles ensei-
gnent aux hommes qu'ils sont égaux, et elles les fortifient
en les faisant participer aux actes de leur propre gou-
temément. Pense-t-on que Tbomme qui a siégé sur le banc
des jurés, qui a entendu un débat solennel, qui a pris part à
une délibération, qui a déposé son vote dans l'urne, ne reti-
rera d^un tel acte aucune utilité, aucune instruction? Pense-
t-on qu'il ne sortira pas de l'audience avec un esprit plus
élevé, avec des sentiments nouveaux ? qu'il ne puisera pas
une certaine dignité dans sa fonlîoh trmporuire? qu'il n'en
* Séance du 42 janvier 1701 #
DE LA COMPOSITION DU JCRV. § o93. S43
emportera pas dans sa vie privée des impressions qui influeront*
plus tard sur sa conduite?
Et puis, c'est en occupant les citoyens à la chose publique
qu'on les attache à la chose publique. Ils aiment mieux leur
Ci}8 lorsqu'ils preaneat part aux actes qui le toudient le plus,
rsquMls apprécient ses institutions en les pratiquant, lors-
qu'ils y trouvent une sûre protection de leurs droits civils* lis
aiment ces institutions lorsque c'est Tidée de Pégolité qui fait
le titre et Tidée delà liberté qui fait le but de la mission qui
leur est déférée* N'est-ce pas ainsi que se forme Tosprit des
peuples? N'est-ce pas,à l'aide de cette coopération commune,
qu^ils peuvent grandir et se fortifier?
£niin, qu'est-ce donc qu'une audience de la Cour d'assises
sinon une grande et solennelle leçon de morale? Les jurés no
reçeivenl-ils pas à la fois l'impression salutaire des formes ju--
diciaires et l'impression plus haute encore des régies de jus-*
ticedont ils viennent d'assurer l'application? Ils otit entendu
les discussions qui ont établi ces régies» ils sa sont initiés aux
querelles qu'elles soulevaient, aux solutions qu'elles CKi-
Î;earent ; ils se sont instruits, ils ont acquis des notions utiles.
Is les propageront par leurs récits au foyer domestique. N'est-
ce pas là une merveilleuse école? Pourrait-on en citer de plus
hautes et de plus fécondes ? •
Nous nous arrclons. Ni>us n'avons voulu qu'apprécier, en
thèse générale, celte grande institution du jury qui domine
toute notre justice pénale. Nous n'avons point dissimulé ses
imperfections ; quelques-unes tiennent à sa nature môme, et
c'est là le propre de toutes les institutions humaines. Mais Ici
prÎDcipales proviennent de sa composition seule, et nous ver-
rons tout à rheurc qu'il est peut-être possible d'y porter
quelque remèJe. Quelle qu'elle soit , imparfaite ou mieux
organisée, cette institution vivra, parce qu'elle porte en elle-
même l'élément indispensable d'une saine distribution de la
justice, parce qu'elle est le plus solide soutien de la liberté
civile, parce qu'elle allache les citoyens à l'ordre en les fai-
sant concourir aux actes de la répression pénale^ Les juJ^és
Qc &ODt que les juges du fait ; ils ne font qu'apporter aux
juges du droit des qualités que ceux-ci n'ont pas *, ils les
complètent comme le feraient les experts ; et c'est ainsi qu'ils
assurent Taccomplissement de la grande mission que la so-
ciété impose à la justice pénale.
144 DB4 couAf) n^AsnsKS
§ 594.
I. De U cain(>osUioD du jory d'après U loi des 15*29 sept. 1791. •—
il. Sous la loi du 2 nivôse an ii. — III. Sous la loi du 5 fructidor
au lu. — IV. Sous la loi du 6 germioal an tiii. — V. Sous là loi du
16 thermidor an z. -~ VI. Sous le Gode d'inst. or. de 1810* -^
VIL Sous la loi du 2 mai 1S27. — Vlll. Sous la loi du 7 août 1848.
— IX. Sous la loi du 4 juin 1853.— X. Idées générales sur laci>i»-
positioD du jury.
I. La composition du jury a plusieurs Tois varié depuis son
établissemeut. Les lois se sont succédé apportant chacune un
système divers et chacune faisant dépendre raptitjide aux
fonctions de juré d'une condition nouvelle. Il faut suivre ce
long travail de la législation. Nous essaierons ensuite d Vn ti-
rer quelques conclusions.
La loi du 16-29 septembre 1791, fut la première qur es-
saya de résoudre ce problème. Nul ne pouvait être porté sur
les listes soit du jury d'accusation, soit du jury de jugement
« s'il ne réunissait les conditions requises pour être électeur *,»
or les conditions de Télectoraf étaient fixées par la constitu-
tion : « il faut être, disait cette loi, né ou devenu citoyen
français, être âgé de 25 ans accomplis, être domicilié dans la
ville ou dans le canton depuis le temps déterminé par la loi;
payer, dans un lieu quelconque du royaume, une contribu-
tion directe égale au moins à la somme de trois journées de
travail et en représenter la quittance ; n'être pas dans un
état de domesticité, c'est-à-dire de serviteur à gage, être
inscrit dans la municipalité de son domicile au rôle des gar-
des nationaux ; avoir prêté le serment civique* » La qualité
d'électeur ne donnait toutefois qu'une aptitude à être juré,
le droit d'être inscrit sur les listes générales. La formation de
la liste trîmeslriellc de service appartenait, pour le jury d'ac-
cusation, au procureur syndic du district, et pour le jurj^ de
jugement, au procureur général syndic du département :
• Le procureur syndic foimera tous les trois mois la lisle
• Consl. »-iâ sept. 1791, lit. 3, ch. I", sod. 2, ail. 2.
• L. 16-29 sept 1791, lif. X, art. i.
DS LA COMPOSITION W JURT. J 594. 24S
de trente citoyens qui serviront de jurés dans les accusa-
tions ». •. Sur tous les citoyensayant les qualités requises, ins-
crits dans les registres des départements, le procureur géné-
ral syndic du département en choisira tous les trois mois deux
cents qui formeront la liste du jury de jugement *. >
A o6té de ces dispositions générales, queTexpérience n'a-
vait pas encore mûries, la loi établissait un jury spécial pour
le jugement des crimes de faux, banqueroute frauduleuse,
concussion, péculat, ?ol de commis on d'associés en matière
de finance, commerce ou banque, c L'acte d'accusation ainsi '
que l'examen de l'affaire, portait la loi, seront présentés à
des jurys spéciaux d'accusation et de jugement. Pour former
le jury spécial d'accusation, le procureur syndic, parmi les
citoyens éligibles, en choisira seize ayant les connaissances
relatives au genre de délit. Le jury spécial de jugement sera
formé par le procureur général syndic, lequel à cet effet choi-
sira vingt-six citoyens ayant les qualités ci-dessus dési*
gnées^. »
U. Cette législation» qui ne fut mise en pratique qu'à
partir do i*' janvier 1792, ne conserva pas longtemps son
autorité. Elle avait posé un principe dont on ne tarda pas &
abuser, c'était la composition des listes laissée au choix de
certains agents. La Convention nationale s'empara de cette
faculté et l'appliqua avec le plus despotique arbitraire. La
loi du 2 nivAse an II portait : « Art. i . La loi appelle aux
fonctions de jurés tous les citoyens Agés de 25 ans accom-
plis. — Art. 6. A l'avenir, tous les trois mois, l'agent na-
tional de chaque district formera, d'après ses connaissances
personnelles et les renseignements qu'il se fera donner par
les agents nationaux des communes, une liste des citoyens
domiciliés dans l'étendue du district et âgés de 25 ans accom-
plis, qu'il jugera propres & remplir les fonctions de jurés,
tant d'accusation que de jugement. » Les jurés spéciaux
étaient choisis, comme sous la loi du 16 septembre 1791,
prnni a les citoyens ayant les qualités nécessaires pour pro-
noncer sainement et avec impartialité sur le genre du délit. »
Il est évident qu'ainsi constitué, le jury pouvait n'être qu'une
suite de commissions judiciaires. Nous ne nous arrêterons pas
aux autres lois de la même époque et notamment à celles
* Même loi, lit XI, arL S.
* Même loi, tiu XII, arU 3, i el 5. — > L. 16-29 i79i 2* p. Ut, X et XL
qui créaient et nommaient pour siéger au tribunal réYolu-
tionnaire des jurés permanents ^ : ces commissAirofl n^ont pai
pu conserver le nom de jurés,
IIL La constitution du 5 fructidor an III replaça le jury
sur ses premier es bases: les éléments de la loi du 16 septembre
1791 furent repris. Ainsi, l'art. 483 du Code du 3 brumaire
an IV appelait encore aux fonctions de jurés tous les citoyens
qui réunissaient les qualités requises pour être électeurs, et
ces qualités, d'aprrs la nouvelle constitution, étaient les
mêmes. Le jury puisait donc encore ses éléments dans le
corps électoral : tous les électeurs étaient â la fois et de
droit aptes à être juTés. Quelques différences toutefois peu-
vent être signalées : Tégo fixé pour rexercîce de cette fonc-
tion était reculé jusqu'à 30 ans, et la désigation des jurés
était faite suivant la forme proscrite par la loi du 2 nivôse
ah II : « Tous les trois mois, porto Tart. 485 du Gode du
S brumaire, Tadministration départementale forme, d'après
ses connaissances personnelles et les renseignements qu'elle
se fait donner par les administrations municipales, une liste
de citoyens domiciliés dans l'étendue du département, qu'elle
juge propres à remplir les fonctions de jurés. » Cette liste
était de deux cents noms.
Nous retrouvons encore ici les jurés spéciaux. D'une part,
1â constitution créait une baute cour de justice et établissait
de hauts jurés nommés par les assemblées électorales des dé-
partements pour le jugement des crimes politiques. D'un
autre côté, !c Code du 3 brumaire an IV instituait, en répé-
tant les dispositions de la loi du 16 septembre 1791 , des ju*
rys spéciaux pour le jugement des affaires d'attentat contre
la liberté individuelle, de rébellion, de faux, de banqueroute
frauduleuse, de coticussion. Le commissaire du pouvoir exé-
cutif était chargé do choisir, pour former ces jurys, trente
citoyens ayant les qualités et connai^ances nécessaires pour
prononcer sainement et avec imps^rtialité sur le genre du
délit.
IV« La constitution du 2â frimaire an VIII^ qb Hiodifiant
les condition» exigées pour être électeur, modifia, par l'effet
du lien étroit que ne cessaitd'unir les deux listes, les conditions
exigées pour être juré. Aux termes de cette loi, lescitojrens
de chaque commune formaient par leurs suffrages une liste
* Lois 31 juillet i7?3, 22 praiiiul arl. 2, elc.
DE LA COMPOSITION »U JUVT. § S94. 947
communale conteDaot un nombre de noms égal au dixiàmede
leur nombre» losquds étaient seuls éligibles aux fonctioag
communales. Les citoyens portés sur ces listes dans tout le
département nommaient ensuite le dixième d*cntre eux pour
former une seconde listB dite départementale, dont les
membres étaient seuls éligibles aux fonctions départementa-
les. Enfin, les citoyens portés dans la liste départementale
désignaient le dixième d'entre eux pour composer une troi-
sième liste d'éligibles aux fonctions publiques nationales. La
loi du 6 germinal an VIII portait en conséquence : « Lors-
que les listes d'éligibles seront formées, les jurés d'accusation
ne pourront être pris que dans les listes communales et ceux
de jugement que dans les listes départementales. En atten-
dant la formation de ces listes^ chaque juge de paix désignera
tous les trois mois dans son arrondissement un nombre de ci .
tojens triple de celui que cet arrondissement doit fournir ;
il enverra cette liste de désignation au sous-préfet qui, apris
l'aToir réduite aux deux tiers, la fora passer au préfet du dé-
partement. Le préfet , après avoir réduit à la moitié, par
la voie du sort, et en présence du conseil de préfecture, cha-
eune des listes envoyées par les sous-préfets, en composera
une liste générale.
V. Ces éléments furent encore une fois modifiés par le
fiénatus- consulte du 16 thermidor an x. Aux termes de
cette loi, les assemblées de canton, composées de tous lés
citoyens domiciliés dans chaque canton, choisissaient les mem-
bres des collèges électoraux parmi les plus imposés. Le pre-
mier Consul pouvait adjoindre à chaque collège des membres
de la Légion d'honneur et des citoyens pris parmi les plus
imposés. Le sénatus-consulte du 28 floréal an xii déclare
tOQs les membres de laLégion d'honneur membres du collège
de leur ^irrondissement. C'était des listes ainsi composées
que les jurés furent tirés.
YL Notre Code d'instruction criminelle , promulgué
«D I&IO, apporta de nouvelles bases au jury.
Les jurés pouvaient être pris parmi : l"" les membres des
collèges électoraux ; S"" les trois cents plus imposés domiciliés
dans le département; Z"" les fonctionnaires administratifs à la
nomination de l'Empereur; 4" les docteurs et licenciés des
Facultés de droit, médecine, sciences et belles-^leitres ; les
membres et correspondants de Tlobùtut et di6 autres sociétés
gavantes reconnues parle gouvernement; 5« les notaires;
6* les banquiers, agents de change, négociants et marchands
payant patente de l'une des deux preniières classes; 7^ les
administrateurs des administrations publiques jouissant d'an
traitement de 4 000 fr. au moins.
Lorsque cette nomenclature fut soumise au conseil d'Etat,
M. Gainbacérès dit : « Le système ne parait pas être assis sur
sa véritable base. La principale des garanties qu'on puisse
désirer est la propriété. Cependant Fart. 383 ne comprend pas
les propriétaires dans la longue énumératiou qu'il préseale*
Il est vrai qu'il permet de les. appeler, mais c'est par forme
d'exception , tandis que , au contraire , il faudrait faire de la
propriété la seule condition qui soit requise dans un juré. Les
collèges électoraux offrent déjà dans chaque département une
classe nombreuse de personnes dont la fortune est certaine.
Il conviendrait donc d*en faire comme le noyau du jury. On
prendrait aussi les propriétaires qui ne sont pas membres de
ces corps, de manière qu'on devint juré y non comme séna-
teur, comme député, en un mot , à raison de la dignité dont
on est revêtu ou des fonctions qu'on exerce, mais seulement
à raison de la qualité de propriétaire. » M. Beriier répondit
« que le projet avait fait la part de la propriété, en appelant
au jury les membres des collèges électoraux; celle de la
science, en y appelant les membres de Tlnstitut et les gradués
des quatre Facultés , et enfin celle du commerce et de l'in^
dustrie, en admettant les principaux négociants et agents de
change. Qu'on ajoute à ce tableau les fonctionnaires à la ikh
mination de TEmpereur, les officiers de terre et de mer re-
tirés du service et quelques conditions analogues , on y trou-
vera tout ce qui constitue les états supérieurs de la société €t
conséquemment toutes les classes dans lesquelles réside prin-
cipalement la garantie qu'on veut obtenir des jurés. » Telle
fut rid<^e qui présida à la rédaction du Gode. Les jurés spé*
ciaux furent supprimés.
Cette théorie n'aurait pu être défendue avec quelque force
qu'autant que les jurés eussent été puisés dans ces diverses
catégories de personnes avec une parfaite impartialité. Mais
l'art. 387 du Codé portait que « les préfets formeraient soos
leur responsabilité une liste de jurés quinze jours avant Toa-
verture de la session; que cette liste serait composée de
soixante citoyens, et qu'elle serait adressée au président des
assises qui serait tenu de la réduire à trente^six dans les 24
D£ Lk 0Otti^>siTIOM DU JViCS. § 5U4. ^49
heures de la réception. • Or, ce mode de composition enlevait
au jory toute son indépendance ; !*in(ervention directe du
préfet pour la formation de la listo^de chaque session et Té-
poque où cette li^ était formée» c^est-à-dire an moment de
rouverture dos assises et après que les accusations avaient été
portées, imprimaient eneore ici aux citoyens ainsi choisis le ca-
ractère de commissaires plutôt que celui de véritables jurés.
Cette législation subsista pendant dix-sept ans. La seule
modificatioii qu'elle subit pendant ce temps fut une consé-
quence implicite de la loi du S février 1817 qui, en traçant
de nouveau le cercle des électeurs, eut pour effet de faire ad-
mettre ces nouveaux éléments dans la composition des listes.
VII. Le régime constitutionnel amena la réforme du jury.
M. de S^res, répondant à de vives réclamations qui s'élé-
viicDt à ce«sujet , faisait la promesse formelle , lors de la dis-
cQfiBÎon de la loi du 26 mai 1819, de Torganiser sur des bases
qui assureraient sa complète indépendance. Cette promesse
ne iut qu'en partie réalisée par la loi du 2 mai 1827.
Cette loi instituait une liste générale du jury^ qui fut dé-
clarée permanente par la loi du 2 juillet 1828. Cette liste
étiîtdivisée en deux parties : Tune contenait les membres des
collèges électoraux, c'est-à-dire les citoyens payant une con-
tribution directe de 300 fr. au moins. L'autre comprenait :
« 1^ les électeurs qui , ayant leur domicile réel dans le dépar-
tement, exerçaient leurs droits électoraux dans un autre dé-
partement ; ¥ les fonctionnaires publics nommés par le roi
et exerçant des fonctions gratuites ; 3"" les officiers des armées
de terre et de mer en retraite ; k^ les docteurs et licenciés de
Tooe ou de plusieurs des Facultés de droit , des sciences et
des lettres; 5^ les membres et correspondants de l'Institut ,
lei membres des autres sociétés savantes reconnus par le roi ,
let notaires après trois ans d'exercice de leurs fonctions. »
Le préfet était chargé de former chaque année , en puisant
dans ces diverses catégories, une liste composée de 200 noms.
Sur cette liste annuellci la Cour royale procédait chaque tri-
mestre au tirage au sort de 40 jurés destinés au service de
cbiquesessioD.
Ce nouveau système , quoiqu'il apportât d*importantes
améliorations à Ta législation antérieure, pouvait donner en-
core lieu à de graves critiques. Le jury reposait sur deux
éléments différents , la propriété et Tintelligence ; mais ces
250 DE8 COOBS D*AtSISES.
deux élimenls, quoiqu'ils concourussent au même but, ne Fc
combinaicut point ensemble : aux jurés de la première classe
on ne demandait qu'un certain cens représentatif de la pro-
priété, aux autres qu'un titre ou une fonction qui semblaient
attester une certaine capacité. Or, des conditions si diverses,
isolées Tune de Tautro, pouvaient-elles conférer la même ap-
titude 1 Ensuite, toutes ces catégories n'étaient-clles pas trop
étroites ? Etait-ce donc là les seules classes de personnes où la
capacité do juger pût exister? Le jury peut-il manifester la
véritable opinion du pays.lorsqu'il n'est pas pris dans le sein
même de la nation? Enfin , la liste générale ne donnait qu'une
présomption d'aptitude et le choix soûl du préfet, rendu plus
arbitraire i raison de Textension plus grande de la liste, dé-
signait les jurés. La part faite au sort était restreinte & la
formation des listes trimestrielles dont tous les électeurs
étaient nécessairement puisés dans la liste annuelle dressée
par ce fonctionnaire.
VIIL Ces reproches, que nous abrégeons, motivèrent, aus-
sitôt après le révolution do février, la loi du 7 août t8&>8.
Le nouveau système consacré par cette loi fut très simple : il
consistait d'une part, dans la composition d'une liste générale
- sur laquelle figuraient indistinctement tous les citoyens jouis-
sant de leurs droits civils et politiques, et qui n'étaient frap*
pes d'aucune incapacité légale, et d'un autro c6té, dans la
foripalion par le cooix d'One liste annuelle dans laquelle le
sort désignerait les jurés de chaque session. Ainsi, tous les
Français âgés de 30 ans et jouissant des droits civils et poli-*
tiques étaient portés sur la liste générale, à Texcoption :
1* de ceux qui no savaient pas lire et écrire en français ; â"" des
domostiaues et serviteurs à gages; 3"^ des faillis non réhabt*
lités ; 4 des interdits et des individus pourvus d'un conseil
judicaire ; 5« des individus en état d'a^usation et de contu-
mace ; 6** des condamnés à des peines afflictives ou à vm
peine d'emprisonnement de plus d'un an. Une exemption
était stipulée en faveur des septuagénaires et des citoyens qvi
vivent d'un travail journalier.
Cette liste générale était dressée dans chaque commutie
par le maire sur la liste générale des électeurs ; il se bornait
î éliminer les citoyens incapables, exem()tés et frappés de
déchéance. Elle était rendue publique et foumise à toutes
les réclamations des citoyens et aux rectifications qu'iU pou-
Ê
»E LA COUFOàlTlO.N DU JURT. § 59i- ttM
YaieDt obtenir du tribunal civil. Elle était pormamnite.
La liste annuelle du jury pour chaque département com-*
prenait un juré pour deux cents habitants. Elle était oom--
posée dans chaque canton par une commission formée da
conseiller général du canton, du juge de paix et de deux
membres du conseil municipal de chaque commune désignés
)ar ce conseil, La réunion de ces listes cantonales formait
a liste générale du département.
Enfin, dix jours au moins avant Touverture des assises,
la président de la Cour d'appel ou le président du chef-lieu
joaiciaire dans les villes où il n'y *a pas de Cour d'appel,
tiraient au sort, en audience publique»,sur la liste annuelle,
les nom des 36 jurés titulaires et des 6 jurés suppléants qui
formaient la liste de session.
Le premier but de cette loi fut d'affranchir la composition
du jury de l'intervention de l'autorité administrative. La lé-
gislation avait jusque-là chargé le mémo pouvoir de consta-
ter le crime, de le livrer à la justice, et de lui choisir des ju-
ges. La loi du 7 août 1848 voulut placer ce choix dans des
mains indépendantes ; elle le confia à des fonctionnaires élec-
tifs. C'est là ce qui la sépare des lois antérieures.
Mais sauf ce point, capital à la vérité, on retrouve, appli-
qué sur une plus large échelle, le même mécanisme que dans
ces lois: à savoir, une liste générale qui puise ses éléments
dans la liste des électeurs et une liste annuelle composée par
lechoiz, La liste générale,saufquelquesincapacitéset quelques
exemptions, déclare touslesélecteursaptes à être jurés; mais,
comme le suffrage universel a succédé au suffrage restreint,
ils'ensuit qu'en thèse générale, tous les citoyens sont recon-
nus aptes à cette (onction. La liste annuelle, en second lieu,
est puisée comme précédemment dans cette liste générale
par une désignation qui n'est soumise à aucun contrôle ;
Mulemcnt, au lieu d'être faitd par le préfet, celte désigna<*
tioQ est faite par une commission de membres élus, et, au
lieu d'être circonscrits dans une liste étroite, leschoix de cette
commission s'étendent à peu prés h tous les citoyens.
La principale critique que l'application de cette loi a sou-
levée a eu pour objet le travail des commissions cantonnales ;
Ml a prétendu que ce travail était généralement fait avec
nègligeice, que ses rédacteurs n'y apportaient pas la con-
science de la gravité de Tœuvre qu'ils étaient chargés de d'ac-
complir, que tantôt ils écartaient les hommes les plus capa-
252 DES C01IH3 d'assises.
bles pour les exonérer, par une sorte de complaisance,
de ce service public, tantôt ils appelaient des incapables et
n:(^me des indigents. Nous croyons, en effet, que ces com-
n issions, trop voisines des intérêts locaux, n'avaient pas été
placées sur un terrain assez élevé pour apercevoir les intérêts
généraux que leurs opérations pouvaient froisser. Leur com-
position, qui était le résultat d'une réaction contre rinfluence
administrative, s'était peut-être trop exclusivement préoc-
cupée de ce but unique : elles étaient indépendantes sans
doute, mais Tindépendiince ne suffisait pas à Taccomplisse-
ment de leur mission.
IX. La loi du 4 juin 1853^ qui a clos, jusqu'à présent
du moins, la série de ces lois incessamment reconstitutives
du jury, a eu surtout pour objet de remédier aux inconvé-
nients qui viennent d'être signalés.
Celte loi, comme celle du 7 août 1848, déclare d*abord
aptes a remplir les fonctions de juré tous les Français âgés
de 30 ans qui jouissent de leurs droits politiques et civils.
Elle prononce les mêmes exemptions et les mêmes incapaci-
tés; elle étend cependant celles-ci, puisqu'elle fri^pe de
déchéance tous les condamnés à un emprisonnement de trois
mois au uioins , les condamnés à l'emprisounemcntà niisonde
quelques délits qu'elle énumère, quelle que soit la durée de
l'emprisonnement , et les notaires, greffiers et officiers u^i-
nistcriels destitués ; et qu'elle déclare encore incapables pour
cinq ans les condamnés à un emprisonnement d'un mois au
moins.
Mais^ après avoir pris le même point de départ que la loi
antcrii^uie, la loi nouvelle s'en sépare aussitôt. Elle suppriiue
la liste générale du jury, et par-là elle brise le lieu qui unis-
sait jusque-là la liste des électeurs et celle des jurés. Elle
établit une liste particulière qui ne sert qu'au service Judi-
ciaire et qui se renouvelle chaque année. C'est là la véritable
nouveauté de cette législation. Quel est le mode de rédaction
de cette liste annaelle? Telle est ia plus importante de ses
dispositions.
Deux commissions sont instituées, Tune pour composer
ime liste préparatoire, Tautre pour puiser sur cette liste la
liste définitive. La première, chargée de dresser la liste pré-
l)aratoire , se rassemble au cbef-Iieu de chaque canton et se
compose du juge de paix et des maires du canton : elle doit
DR LA COMPOSITION DU JURT. § ^^* Sti3
proposer, c'est-à-dire inscrire sur cette liste le tripledes noms
qui doivent figurer sur la liste définitive. La seconde com-
mission, qui se réunit au chef-lieu de l'arrondissement , se
compose du préfet ou du sous-préfet et de tous les juges de
paix ; elle a pour mission de choisir, parmi les citoyens ins-
crits sur les listes préparatoires, ceux qui feront le sorvice du
jary pendant Tannée. Cette liste compte 2000 jurés dans le
département de la Seine, 500 dans les départements dont la
population excède 300,000 habitants, &00 pour ceux dont
la population est de 2 à 300,000 habitants, enfin de 300
dans ceux dont la population est inférieure. La réunion des
listes des arrondissements, faite par ordre alphabétique,
forme, dans chaque département, la listeannuelle sur laquelle
est tiré le jury de chaque session.
Telles sont les principales dispositions de cette nouvelle
loi. n nous reste à examiner maintenant si cette organisation,
qui régit actuellement notre ordre judiciaire et qui, sous plu«
siears rapports, a effacé les vices des législations antérieures,
est enfin arrivée, après tant d'efforts du législateur, à réaliser
les vrais principes de cette matière.
X. D*où viennent, en effet, toutes les vicissitudes de cette
institution ? D'où vient cette mobilité qui fait que l'histoire du
jary n'est que celle de ses variations? Pourquoi ces lois suc-
cessives qui le tourmentent sans cesse et renouvellent ses élé-
ments pour les détruire et les renouveler encore? On peut
sans doute assigner i toutes ces modifications des motifs soit
dans les inquiétudes que Tindépendance de cette juridiction
peut causer, soit dans les difficultés mêmes auxquelles son
organisation donne lieu; mais leur véritable raison est dans la
oonfasion de principes qui a trop longtemps présidé à cette
organisation.
L'institution du jury, dès son établissement, fut entée sur
rinstitution politique des électeurs et elle a participé dé l'ex-
trême mobilité de celle-ci. Sa composition, tour à tour fon-
dée sur les bases les plus larges ou les plus restreintes, les
plus indépendantes ou les plus arbitraires, ne fut dominée par
aucune règle; elle suivit les mouvements politiques et réflé-
chit successivement les différents systèmes des gouvernements
qui passèrent. C'est ainsi que la qualité de juré est attribuée
en 1791 à la propriété la plus minime, en 1793 au choix le
plus arbitraire, en 1 800, aux électeurs élus par un double de-
954 DES corn? i.'a^'sî^e?.
gré d'élection, en 1615, aux propriétaires psynnt 300 francs
de contributions directes, en 1831, aux proprlélaîres payant
seulement &00 Tr., enfin, en 184^8, à ton» les citoyens, puis-
que le droit de Tolo était universel. La plupart de cesôhan-
gements n'ont atteint qu'indirectement le jury; le légi^Iatear
D^avait en yue que le corps électoral et il atteignait les
deux instHulions à la fois. Il ne se rendait point compte des
différences qui séparent ces deux fonctions, de la misMOn dis-
tincte qui leur est donnée. 11 exigeait pour Tune et pourTau^
Ire les mêmes conditions. Le vote du juré et le Yote de Télcc-
teur n'étaient à ses yeux que deux modes de rexercicc d*an
môme droit.
Cette confusion s'est perpétut^e jtisqu^à la loi du 4 jtiin
1853. On croyait mettre en harmonie ces diverses institutions
et simplifier Tadmintstration en leur assignant une môme
bfiso; il semblait ratiohnel de réunir les deux qualités de Té-
leolettr et du juré, afin que les charges de celle-ci fu^nt
compensées par les privilèges de Tautre; enfin, on s'appuyait
sur ce que le droit de participer au vole des lois et celui de
participer aux jugements criminels, demandaient les mêmes
lumières, la même indépendance, la môme position sociale.
Il est facile de démontrer Terreur de celte proposition.
L'électeur et le juré exercent deux fonctions distinctes qui
n'ont ni la même origine, ni les mêmes eiïcts. La participa-
tion à l'élection d'un pouvoir polit.quc est un droit quj est
lui-même nécessairement politique; c'est un démembrement
de la souveraineté; il s'exerce en vue des intérêts politiques,
et son exercice influe directement sur les destinées de rÈlal.
Le juré, au contraire, ne peut invoquer aucun droit ; il est
simplement appelé à rexercicc d'une fonction judiciaire. Sa
mission s'accomplit en dehors dis intérêts politiques ; il pro-
nonce, non sur les affaires publiques, mais sur les affaires pri-
Tées; il trexamine et ne juge que des procès.
De celte diflerence entre réicctcur et le juré nall nécessai-
rement une dislinclion dans les conditions d'aptitude qui doi-
vent être exigées de l'un et de Taulre. Tous les citoyens, par
cela seul qu'ils font partie de la cité, par cela seul qu'ils sont
intéressés à la bonne administration de TEtat, peuvent re-
vendiquer le droit, qu'ils exercent directement ou indirecte-
ment, de participer au choix des hommes qui, mandataires de
la souveraineté générale, volent les impôts et les lois. Leur
aptitude est uniquement fondée sur l'intérêt personnel qu'ib
DE LA COIirOSlTtON l>U iOIT. § 594. âS5
ont, i qBel<]iie degré que ce sôit, à la conservation de Tasso*
dation générale; on peut ne pas lui demander d'autre condi-
tion que cet intérêt, il n'en est point ainsi du juré. La loi
l'appelle, non plus comme membre da corps politique, mais
comme homme, comme membre de la cité; elle lui commande
même de se dépouiller en montant sur son siège, des opinions
politiques, des saintes inimitiés du citoyen « Le pouvoir po-
litique s'éloigne ; s^il protège Texercice de cette puissance
momentanée» il ne la dirige pas; aucun écho de ses volontés
etde ses débals ne doit retentir dans Tenceiote de la justice.
C'est un expert, c'est un juge qu'elle interroge sur rexisfcnçe
et la moralitéd'une action. Or, quelles sont les conditions
d'aptitude des juges? quels sont les titres qui leur ouvrent
leurs fonctions? Suffit-il qu'ils soient citoyens, suRit-il qu'ils
justifient ou qu'ils soient présumés justifier de leur intérêt i
la conservation de la société? Ce qui leur faut, ce sont des lu-
mières, c'est une instruction suffisante, une expérience des
affaires acquise par l'étude. Ce qu'il faut demander au juré,
o'est donc autre chose qae ce que l'on demande à 1 élec-
teur, ee n'est point un droit de cité, ce n'est pas même un cens
qai n'est point une preuve certaine de ta capacité intellec*
tttelle ; c'est cette faculté de Tesprit qui sait saisir les preuves
de la vérité et les séparer des illusions de Terreur ; c'est cette
aptitude aux opérations de l'intelKgence qui se manifeste par
an exercice habituel des facultés intellectuelles; c'est ce dé-
sir d'une bonne justice qui a pour garantie rhonnèteté de la
vie; c'est, en un mot> la capacité et la volonté de bien juger.
On aperçoit déjè Terreur trop prolongée de la législation.
Elle avait pris le cens représentatif de la propriété comme le
signe ou du moins la présomption de Tinstruction ou des lU'-
BûèreB. Or, cet indice était évidemment incertain, puisque au-
cune capacité intellectuelle ne dérive immédiatement de ce
cens, qui n'est que la preuve d'une propriété foncière ou in-
dustrielle; c'était donner une fiction pour base à une apti-
tude. La propriété, on Ta déjà dit, atteste un intérêt à la
conservation de Tordre qui la protège ; mais elle n^indique en
elle-même, et surtout quand elle est minime, aucune capa-*
cité de procéder & un jugement criminel. H est possible, et les
listes du jury Toot souvent prouvé, que le juré censitaire soit
absolument illétré. Sans doute, lorsque le cens s'élève, la
présomption de capacité acquiert plus de force. Il est raro
qu'un grand propriétaire n'ait pas acquis^ par un exercice
^5^ »es couM d'a8Si.ssSé
habituel de ses facultés intellecttielles, une iostnietÏM nS
sente pour participer utilement aux fonctions du jorrtttiM
alors K présente ce dilemne : ou la loi doit exieer cobhm
signe de cette instruction un ceo; élevé, et alon le iorf «r-
conscrit dans une classe étroite, ne sera plus leiarv c'€rt4.
cessera d& lors d être une présomption fondée de l'intelli-
gence et des lumières.
A plus forte raison leseul titre d'électeur aepoufait fonéer
un droit a siéger comme juré. Non-senlêment, oo vientëe
le yoir, les conditions d'aptitude n'étaient pas les ménet-
mais cette confusion avait pour conséquence d'appeler te
citoyens a des foncUons judiciaires en vertu d'un titre polHi-
que, et, par suite, de les transporter avec leurs prénuA,
leurs passions, leurs haines de parti sur le banc d« uS
gomment ces hommes pouvaient-ils se dépouiller de leur
partialité, lorsque, appelés en vertu du même titre, ib de-
vaient considérer les deux fonctions comme deux mode
d exercice d'un même droit? De là ces déclarations qoi ont
para étonner quelquefois la conscience publique; de là ces
doctrines qui prêchent l'omnipotence du jurV et placent «
capricieuse volonté au dessus de la vérité des faito^ï
quelques acquittements qu'a formulés l'esprit de parti L
plus que l'esprit de justice. Le jury ne faisait qu''obéi àU
loi de sa composition. ^ ^^
sition dulode de 1810, av^t' î&tîP2«:&
une deuxième catégorie de jurè« qui ne nuE/S^
aptitude dans le cens, mais uiiquelnl daK «.^^Sï
dintelligence fondée sur leur profession ou JeurîSK
ciale. Cette disposition nouvelle était déjà une écCÏX
te ion du principe qui avait dominé jusque-là la iSlSn^
c était 1 introduction, quoique timidement essayée d'ansi!
«me qui Se rapprochait davantage de la vérité des SX
La loi du 7 août 1848 avait aperçu la disUnclion^rZ;
fonctions, car elle avaitprescrit des listes dist.W« SS
différents qu elle exigeait pour le jury. La loi du 4 iuta 18S?
est entrée plus avant dans cette \oL : ce n'Z Z k S
élcc orale qu, sert de type et de base à celle d7jrr? Pot
la première fois depuis de longues années, dit le Sp^t ."
DE LA COMPOSITION DU JlfRT. § 594. 2^7
Gwps législatif, le législateur peut, en toute liberté, aflran-
chir ce grand corps judiciaire qu'on appeile le jury, et le re-
placer sur sa base logique. Le ministère du juré cesse d'être
envisagé comme un droit four devenir, ce qu'il est dans la
réalité et ia vérité, une simple fonction ; on n'est plus appefé
à l'exercer parce qu'on est en possession du droit de citoyen,
mais seulement si I on est jugé capable et digne de ta remplir ;
et cette nouveauté d'une haute signification se marque par la
suppression de la liste générale. La commission applaudit à
ce principe qui imprime à la loi le signe d'une œuvre d'éman-
cipatioD, et en reportant la justice dans la sphère supérieure
«px agitations, lui rend ses garanties et sa dignité. » Le prin-
cipe qui sépare rélecteur et le juré, qui reconnaît à la double
mission de l'un et de l'autre une source différente et des con-
ditionsdistinctes d'aptitude, qui élève ainsi une barrière entre
l'ordre politique et Tordre judiciaire, ce principe est' doUc
reconnu et pos^ Nous examinerons tout à l'heure le mode
de son application'. Arrêtons-nous un moment à ce point
primâpaL
Laséparation des électeurs politiques et des jurés est la pre-
mière condition d'une institution rationnelle du jury : c'est
la pierre angulaire de Tédifice. L'un de ces pouvoirs est es«
sentieileaient politique, Tautre civil et judiciaire ; à l'un on
demande un intérêt à la conservation de la chose publique ;
i l'autre la capacité de participer au jugement des délits. Il
eii visible qu'ils doivent reposer sur une base différente.
Quelle doit être cette base à Tégard des jurés ?
Le jury exprime le jugement du pays ; il faut donc qu*il
poisse être considéré comme le pays lui-même ; il faut que ses
raciiies s'étendent au loin ; que sa base populaire soit aussi
large que le pays ; que chaque accusé puisse, pour ainsi dire^
recoonaltresespairs dans ses juges; quêtes intérêts particuliers
s'eflacentdanssa composition, de manière à nelaisser de voix
qu'aux intérêts généraux de la société. Si ses éléments étaient
choisis dans un cercle trop étroit, il pourrait être l'eipression
d'iwe classe, il ne représenterait plus la société; il pourrait être
IWgane de ia vérité, il ne serait plus le jugement du pays.
Son autorité et sa puissance émaocnt de son origine ; sorti
des masses, son verdict est la voix du peuple môme ; choisi
<fains un petit nombre, il perd sou magnifique caractère; son
jogement n'est accepté qu'avec défiance; il n'est plus Tex-
preasion de la conscience publique.
vm. 1"
S8S DIB COVBS »*a69MC0.
Cette règle toutefois trouve une rMtriction 4Mig la nàlvtro
des choses. Le jury est le pays, mais le pays capaMe de jugsr,
ear il s'agit de rendre un jugement, e'est-à-dire de fMirtîcBer
i l'une des opérations les plus délicates de l'intelligenoe ba-
piaine. Si tout citoyen a droit d'être juré, il fout, pour quHI
puisse exercer ce droite qu'il soit apte à cet exercice. Un droit
ftbsolu de remplir ces fonctions, attribué à tous les citoyens
indistinctement, serait une disposition absurde, car le but et
Ja raison de Tinstitution du jury sont d'atteindre une plus saine
distribution de la justice '^ il est donc nécessaire q«e les con-
ditions de Vexercice de ces fondions soient en rapport ayec
cette mission ; autrement le jury, au lieu d'être un instranient
. de justice, ne serait qu^un moyen d'aveugle oppression. Si^ en
^)èse générale, la théorie peut reconnaître à tous les membres
de la cité le droit inhérent à leur qualité d*âtrc jurés, la rai-
son subordonne Texercice du droit à la possession des qualités
indispensables pour remplir cette fonctio% La loi leur dit :
f vous siégerez comme jurés aussitôt que vous vous flAOulre-
rez aptes à rendre la justice. » G^est. là l'unique condilioD qu
doit être imposée; mais rien ne peut dispenser de son accom-
^issement.
Or, quelles sont les conditions d'aptitude aux fonctions de
juré? Gettç aptitude se manifeste dans deux qualités : la
capacité intellectuelle et la capacité morale. La capacité in-
tellectuelle ; car Tappréciation des diverses circonstances et
du caractère d'un fait criminel, le discernement de la vérité
an milieu des ombres qui peuvent l'obscurcir, enfin la décla-
ration des auteurs du fait et des divers degrés de leur crimi-
nalité sont des opérations de l'esprit qui supposent une intel-
ligence plus ou moins exercée, une instruction plus ou moins
cultivée. La capacité morale; car il ne suflR pas que le juré
discerne et saisisse la vérité, si, par faiblesse ou par connivence,
îl la voile ou la déguise dans son verdict. Il faut que son ca-
ractère soit le gage de son impartialité, qu'aucun doute ne
plane sur sa probité et son indépendance ; il faut qu*il ait la
capacité et à la fois le désir de rendre bonne justice. Cette
double condition est la base indispensable des fonctions du
jury, car elle est essentielle à l'existence d*on jugement cri-
minel ; mais elle est leur seule base, car nulle autre condi-
tion n'est réellement essentielle h rexcrcicc de ces fonctions.
Tel est le piincipe qui doit présider à Torganisalion du jory,
et ce principe | aratl hors de contestation. La diflicullé de la
PE LA COMPOSITION BO iSIT. § 5d4. 3^9
jBMAièfty difficulté îmaiensQ, est diippUquer le principe et de
recoDualtre, dans chaque citoyen, l'existence de tette double
^Utiide.
Une question préalable se présente au premier plan de j^et
exatiaen. Tous les crimes ne sont pas composés des niémeg
élèinents. Leur appréciation n'offre pas les mêmes diflicultés.
L'appréciation d'un vol, d'un actede violence, d^un meurtre,
ne donne la plupart du temps qu'un Tait simple i juger! Il
D*en est pas ainsi des faits de banqueroute frauduleuse, cfo
concussion, de faux. Ces actes, dont il est plus difficile de dé-
terminer les circonstances élémentaires et la criminalité ,
exigent de la part des jurés une sagacité plus grande, un
esprit plus exercé. Dès lors, ne semble-t-îl pas naturel de
former parmi les jurés les mêmes classes que fa nature des
dioses a créées parmi les délits? ne faut-il pas demander des
conditions difTérentes d^aptitude suivant la nature et la'dlfTi-
enlté des faits à juger? En un mot, n'est-il pas nécessaire de
constituer plusieurs catégories de jurés, ou, en d'autres ter-
mes, d'établir des jurés spéciaux ? '
Cette question d'organisation est fort grave. U est certain
d^abord que partout où le jury a pris racine, il a compté des
jurés spéciaux. En Angleterre, ces jurés ^nt employé^ dans
diverses circonstances comme une sorte de recour^ contre la
partialité supposée des jurés ordinaires. Aux Étpls-Ums, la
même instilutiorvs'est implantée et a continué de coexister,
quoique dans d'autres conditions, avec le jury. Nou^ çivojas vu
qu'en France , jusqu'au Code d'instruction criminelle, les
jurys spéciaux étaient également considérés comme un corol-
laire nécessaire de l'établissement du jury. On peut dire, en
effet, que la composition spéciale des jurys vis-à-vis ile cer-
tains faits n'est qu'une conséquence du principe qui veut que
la première condition d'aptitude à cette fonction soit la ca-
.p^icité. Elle mesure I intelligence des juges aux difficultés des
jugements; elle exige des lumières particulières lorsque les
actes à apprécier appartiennent à un ordre particulier de
faita. Ainsi , r institution , souple et toujours puissante , se
ploie aux exigences des faits qui lui sont déférés, rétrécissant
le» listes de ses juges dans les rangs les plus éclairés, lorsque
les délits se produisent plus complexes et plus ab&trai\s, et les
ouvrant à la plupart des citoyens, lorsque les faits sont d'une
licile et simple appréciation} n'ayant enfin qu'un seul but, de
^0 DES coulis d'assises.
lier par un rapport constjpt les jurés et les faits qu ils sont
appelés à juger.
Cependant , on n'hésite point à le dire, une telle innova-
tion doit être écartée, non parce qu'elle serait contraire au
principe de la composition du jury; mais parce qu'elle serait
contraire aux mœurs générales, parce qu'elle n'atteindrait
pas le but qu'elle se proposerait , parce qu'elle serait plus
dangereuse qu'utile. S'il est une idée qui ait pénétré dans les
mœurs, c^est la réprobation des tribunaux extraordinaires et
d'exception, c'est l'application du droit commun aux juri-
dictions comme aux^individus. Or, quels que soient les élé-
ments dont on formerait les jurys spéciaux, si ces jurys étaient
pris à part, si on leur demandait des conditions nouvelles, il
serait à craindre qu ils ne parussent de véritables commis-
sions. Si les jurys spéciaux existent en Angleterre et aux
Ëtats-Unisy c'est qu'ils sont librement acceptés par les accu-
sés : ce sont ceux-ci qui les invoquent comme une garantie ;
c'est en leur faveur qu'ils ont été créés ; c'est pour leur assu-
rer une protection plus forte contre les préventions dont ils
peuvent être l'objet. Mais le but d'un jury spécial on France
ne serait point celui-là : les accusés n'ont nul l)csoin d'une
garantie exceptionnelle; le droit commun suffit à tous.
Ensuite, le seul moyen de former un jury spécial serait
d'imposer à ses membres des conditions différentes et plus
élevées, soit de cens, soit de capacité, et d'en former une liste
distincte. Mais ces juges choisis rempliraient-ils bien la mis*
sion spéciale dont ils seraient chargés ? ne reculeraient-ils pas
devant l'idée d'obéir à une mission spéciale ? cette inquiétude
ne génerait-elle pas leur indépendance? la crainte de paraître
injustes ne les empécherait-elle pas d'être justes ? et puis, les
jurés spéciaux, pris dans les classes les plus capables d'appré-
cier le délit, ne peuvent-ils pas avoir un intérêt personnel i
sa répression, et substituer cet intcrél.à l'intérêt général qu'ils
doivent seul écouter?
£ntin , les connaissances indispensables que demande le
jugement des affaires les plus compliquées ne sont point celles
?|ui sont le fruit d'études élevées ou d'une instruction appro-
ondie ou variée, mais bien celles qu'acquiert habituellement
une intelligence ordinaire, celles qui sont l'apanngo du sens
commun, celles qui entrent raciloment dans un esprit droite
même vulgaire. Il n'est nul besoin que les jurés soient initiés
1
DE LA GOHPUSITION- DU JURY. § 594. 261
aux difficultés de la science du droit, aux luîtes de principes
|ue chaque matière peut soulever ; il suffit qu'ils soient doués
e cette sagacité générale qui peut arriver jusqu^au fond des
aiïuires, de ce jpremier degré d*instruction qui permet de
comprendre et de saisir les faits, de cette lueur limpide du bon
sens qui éclaire plus sûrement que toutes le^ lumières de
Tesprit. Or ce terme moyen d^intelligence et d'instruction
doit nécessairement se trouver dans les rangs des jurés ordi*
naires.
Cette question écartée, il faut essayer de déterminer quels
doivent être les éléments, quel doit être le mode de la compo-
sition du jury*
Le jury se recrute par une double opération : la loi dé-
clare d'abord quels sont les citoyens généralement aptes i en
remplir les fonctions ; elle établit ensuite un mode de dési-
gnation de ceux qui, parmi ces citoyens, sont portés chaque
année sur les listes des jurés.
Le principe de cette double opération, né avec le jury lui-
même. Ta suivi dans toutes ses phases et se retrouve dans
toutes les législations, parce qu'il est dans la nature môme
des choses. La loi ne peut procéder à la désignation des classes
de citoyens qui doivent participer aux fonctions du jury que
par masses ou par catégories ; elles ne peut que déclarer que
telle ou telle classe de citoyens ou que tous les citoyens qui
réaniront telle ou telle condition seront aptes à Texercicede
ces fonctions. Cest une présomption de capacité dont elle
eotonre ces classes ou ces catégories de personnes. Mais entre
Taptitude et le droit se trouve toute la distancé qui sépare la
présomption et le fait. De ce qu'une classe de citoyens soit
réputée capable d^exercer telle fonction, il ne s'ensuit pas ^ue
chaque individu de cette classe soit doué de cette capacité.
Or, comme en matière de jugement, le droit de juger doit
être subordonné au fait d'une capacité effective et réelle, il
en résulte que la présomption est détruite toutes les fois que
le fait lui est contraire. Tout citoyen doit réunir d'abord les
conditions d'aptitude générale qui lui ouvrent l'accès de la
fonction, ensuite les conditions d'aptitude personnelle qui le
rendent capable de la remplir. La déclaration de l'aptitnde
n'est, pour ainsi dire, qu'une présentation : elle provoque un
examen ultérieur qui vérifie la capacité individuelle de chacun
des candidats.
26Î DES COURS »'ASSISEiî.
Quels sont Us litres qui doivent fixer celte apliludc? Noos
avons vu sur ce point toutes les variations de la législation :
après avoir exigé, tanlôt, sous les lois de 1791, la propriété
ou Id location d'un bien d'un certain revenu, tantôt sous les
lois do 5 fruclidor an m et 3 brumaire an iv, l'élection par
une assemblée primaire, tantôt, sous leCode de 1810, la qua-
lité de menibrc d'un collège électoral, ou Texprcice d'une cer-
taine fonction, tantôt, sous la loi du 2 mai 1827, le paiement
d'une contribution directe de 300 fr. réduite plus tard à
200 fr.,,ou le titre de fonctionnaire gratuit, d'officier en
retraite, de docteur ou licencié et de notaire, elle est arrivée,
sous la loi <iu 7 août 1848 et celle du 4 juin 1853, à ne plus
exiger aucune condition spéciale; tous les citoyens peuvent
élre îurés, à l'exception de ceux qui en sont déclarés indignes
ou qui en so'nl exclus, exemptés oji dispensés. Ce nouveau sys-
tème est-il préférable au premier?
Il faut remarquer d'abord que si la loi du 7 août 18i8,
qui n'avait point encore séparé l'électeur et le juré, y avait
été fentratnéepar l'application du principe de l 'universalité
du tote politique , ce principe ne devait exercer nulle in-
fluence sur la loi du 4 ]uin 1853, puisque cette loi a enfin
brisé le lien qUi uhissnit ces dettx titres, puisqu'elle à pro-
clamé que \e jury h'était point Sïn droit, mais une simple
fonption, puisqu'elle a déclaré, par Torgane de son irappor-
tbtit, • qu'on li'^est pluô appelé à Tcxercer parce qu'où est eh
pdsseisidn du droit de citoyen, niais îseulcment si Ton est jugé
capable ii digrte de la rcrtîj}lir. » La conséquence dte cette
nonv^lle fel saîiie docirihe semblait donc être de réssferrer le
cercle des aptitudes en les rendarit plus efficaces, de rccher-
clier i tôtéde la qualité de citoyeû les signés de cette capa-
cité que l'on proçlainail lie titre principal de fa fonction, de
ne conférer enfin le droit de participer aux jugements cHnri-
neli qU'dtii personnes qui réuniraient certaines conditions qui
feraient présumer l'Aptitude.
C'est ainsi que les Ibîs anglaises n'accordent une présomp-
tion de eapacité qu'aux individus qui jouissent d'un bertaih
revenu. L'acle de George IV, du 22 juin 1825, porte : t tout
homme, depuils Tàge de vingt-un ans jusqu'à soiiante ans,
rë^Mant dans un comté en Angleterre , qui aura en son pro-
pre nonk, oti qui possédera par les mains d'authii dans ledit
comté, dix livres sterling par année au-des>us de toutes re-
prises, en terres ou téncmcnts, soit en frcchold, copyhoMly
DE LA COMPOSITION OU JORT. § 594. 963
tenuTC coutumière ou de Tancien domaine, soit en rentes dues
par des terres de cotte natnre, à perpétuité, ou qui aura dans
le même comté vingt livres sterling par année au-dessus de
toutes reprises, en terres ou ténements, tenues par bail pour
le terme de vingt-uji ans au moins, ou qui tiendra une mai-
son et ser»s«»umis à rimpôt établi pour les pauvres, pour une
valeur de 30 livres au moins, ou qui occui^era une maison
ayant au moins quinze fenêtres, sera capable et obligé de
servir comme juré dans toutes les cours d assises. nLes Etats*
Unis ont a peu près suivi les mêmes dispositions.
Il est diliicile sans aucun doute de marquer avec exactitude
les signes extérieurs d^uno capacité intellectuelle et morale.
Mais n'en admettre aucun, dispenser à tous les citoyens la
faculté d'être juré, les déclarer également aptes à cette fonc-
tion, ne poser aucune condition, aucune limite, n'est-c£ pas,
de la part de la loi, décliner Tun de ses devoirs? Cette tâche
esl laissée aux commissions qui forment la liste annuelto ;
mais étendre sans mesure le cercle dans lequel elles puisent,
n'est-ce pas étendre au même degré la faculté du choix?
Cette faculté, qui n'a pas d'inconvénients quand elle s^ exerce
dans un terrain limité, ne peut-elle pas en avoir quand ell«
n'a phâde règles? N^appartient*il pas au législateur d^im-
poser au choix de certaines bornes, de lui désigner les oon-
ditiolis qu'il doit rechercher, les règles qu'il doit suivre ?
Qoand il s'agit d'élire des juges» ne cQ|ivient-il pas de décla-
rer où Ton doit les prendre et de stipuler les titres dont
ils doivent justifier?
la capacité a quelques signes qui la manifestent. Les prin«
cipaux sent la propriété, quand elle s'élève à un certain taux ;
la profession, quand elle suppose Texercice des facultés inteU
leetuelles; Tinslruction, prise isolément de la propriété et de
la profession, quand elle révèle, par son degré et sa nature,
une capacité morale. La propriété» quand elle est minime»
est, nous Tavons déjà dit» une mesure inexacte de la capa-
cité intellectuelle; mais, quand elle est puremeut territoriale
et qu'elle atteint quelque importance, elle peut établir une
snttsante présomption de capacité; lé taux où cette présomp-
ts^Q commence est subordonné à la diffusion et au progrès de
l'instruction dans la société. La professiou qui exige des oon-
naissances spèdales» qui révèle un exercice habituel de cer-
taines (acuités de l'esprit, est un autre signe de rintelligencc.
La loi du 2 mai 1827 en avait (ait Tune des bases de ses
264 SES COCftS l)*AS8fSCS.
désignations , niais avec une circoDspection trop grande. On
aurait pu entrer dans cette voie et l'élargir. Ce n'était pas asaes
de comprendre dans le jury lesnotaires^les médecina^lesofficieis
en retraite.Il est d'autres professioosqui supposent uneinstrao-
' tion quelconque et par conséquent qui leur donne uneaptitode
suffisante.Il estun grand norobred'industriesquitontprésumer
un degré de connaissances très élevé. Il y avait là uneâéried'ap-
titudesqu'il était facile de constater. Enfin, un troisiènie signe
indicateur, c'est Tinstruction eIle-»ménie.Laloidu2 mai lé2T
avait admis les docteurs et les licenciés des facultés» {es mem*^
bres et correspondants de Tlnstimt, les membres des sodétés
savantes. On eut pu sans inconvénient aller plus loin etuisir
tous les gradués, tous les officiers de Tuniversîté, tous les
mallres et professeurs, les hommes de lettres et iea personnes
inv^ties d'un titre scientifique. Nous ne faisons , au sor-
plus, qu'indiquer quelques-unes des catégories où poomit
se recruter le jury. Nous ne voulons constater qu'un seul
point, c'est qu'il eut été possible de rétrécir le cerde qu'a
tracé la loi et d'imposer à l'aptitude générale quelques ecm-
ditions qui auraient rendu le choix des coinmissions' plus
facile et en méine temps moins arbitraire.
Nous arrivons maintenant à la rédaction de la liste ma-
nuelle. Les conditions d'aptitude formulées» nous n'avons
point encore de jurés. Les jurés puisent la légitimité de leur
.droit dans leur capagté : une simple présomption, lors même
qu'elle serait appuyée sur leur position sociale, sur leurs
occupation!^ habiluelies, sur leurs propriétés ou sur leurs
études^ ne peut suffire à l'établir; car cette présomption,
quelque forte qu'elle paraisse, peut fléchir à chaque pas de»
vaut la réalité des faits ; ce n'est pas assez, pour remplir Yàh
fice de juge, qu'un citoyen soit réputé apte i cet dfice, il faut
qu'il le soit en effet, il faut que son aptitude soit oostrôlée et
reconnue,' il faut qu'elle ne laisse aucun doute à la société qui
;iccuse, à l'accusé qui se défend. Il faut donc un examen , il
faut un choix.
Cette faculté du choix a été reconnue indispensable dans
toutes les législations qui ont appliqué le jury. En Angleterre
et aux États-Unis, ce sont les officiers des paroisses, élus par
les citoyens, qui dressent la liste des habitants de leurs pa-
roisses réunissant les conditions requises pour être jurés '.
Mais sur ces listes générales le shériff choisit les jurés de
* atat. OMfse lY, » in\n i$3S, «rt. i3
DE LA COaiPOSlTlUN l>l JL'ftT. § 594. 2G5
diàque session. Le statut de George IV dti 22 juin 18^5
porte, art. 4 3, 14 et 15 : « Tout wrît de ventre fadas jura-
iùre$ pour le jugement d'un procès quctcoiique, doit requé-
rir le diériK à enrojer douze hommes bons et légitimes do
corps de son comté, ayant les qualités requises par la loi
Tout shériff; sur le reçu d'un writ de ventre faeias et d'un
ordre pour Teu^oi de jurés, doit envoyer les noms d'hommes
coBtemis dans le livre des jurés pour Tannée courante et non
d'antres**. • Tout shériff oa autre officier auxquel appartiendra '
l'envoi de jurés pour le jugement de procès devant une cour
d'assises, doif , sor son envoi de chaque writ de ventre fadas
annexer audit writ une liste contenant les noms disposés par
c^re alphabétique, avec les lieux de demeure, d'un nombre
suffisant de jurés nommés dans le livre des jurés ; et les noms
desmémes jurés doivent être insérés dans la liste annexée à
duqve venire fadas pour le jugement de tous procès aux
mêmes assises ; lequel nombre des jurés ne sera dans aucun
Gomté|iu-dessous4]e48 ni au-dessus de 72. » Des régies ana-
logues sont également appliquées aux États-Unis. La prin*
cqMile différence qui existe entre les institutions des deux
peuples est qu'en Angleterre le shériff de chaque comté est
nommé par la couronne, tandis qu'en Amérique cet officier
est, dans la plupart des Etats, nommé par le peuple. Au sur-
plus, en Angleterre même, le shériff, quoique choisi par la
couronne, n'est nullement sous sa dépendance : ses fonctions
soot gratuites, annuelles, non révocables, et ne sont déléguées
que sur la présentation des douze juges.
C'est en imitant la pratique anglaise que la loi du 29 sep-
tembre 1791» après avoir fixé les conditions d'aptitude du
jorjy laissait le procureur syndic du district ou du départe-
ment former par le choix, sur la liste générale, la liste tri-
megtrielle de service. La loi du 2 nîvose an n, continuant la
même règle, confia la même opération à l'agent national du
district; l'art. 486 du C. du 3 brumaire an ivaux adminis-
trations départementales ; l'art. 382 du G. d'inst. cr. aux
(ttéfeis; la loi du 7 août i8i8, aux membres des conseils
manicipaux présidés par le conseiller général du canton et le
jttgedepàix.
Ainsi y dans tous les temps et sous toutes les législations,
ia faculté du choix a été admise comme seul moyen de par-
venir à composer un jury éclairé et capable ; et si Ton a
contesté souvent^ depuis le Code d'instruction crimineUe, le
S66 BES COURS 1>\SS1IBS.
mode d^application de cette règle, on n^â jamais eonteslé h
règle elle-même. Il est indisp^.'osable de soumettre l'aptitade
personnelle de chaque juré au contrôle d'un examen préala-
ble; car, si les jurés étaîeni pris au hasard parmi tom les ci*
toyens présumés en général aptes à cette fonction, si le sort
seul Tormait la liste annuelle, il en résulterait un étrange
désordre : l'ignorance et la partialité viendraient s'asseoir sur
le siège et rendre leurs verdicts. Il est possible qae Tinstmc-
tion soit quelque jour assez répandue pour que le sort, en
prenant aveuglément un citoyen quelconque» soit assuré de
prendre un juge capable ; mais cette situation n'est pas celte
de notre société actuelle. Et, d'ailleurs, l'instruction n*est
pas la seule condition indispensable au juré; Tindépendance
et la moralité ne sont pas des qualités moins essentielles. Il
n'y a donc qu'une appréciation individuelle qui puisse consith
ter une aptitude que la loi a présumée, mais qu'ette ne peut
que présumer.
Toutes les objections ne tombent que sur le mode é'^
plicatîon de ce principe. La loi du h juin 1853 institun pour
. le choix des jurés deux commissions. La première» composée,
dans chaque canton, du juge de paix, président, ttde ttMiê
les maires, dresse des listes préparatoires qui fcontiennent trois
fois autant de noftis que le canton' doit en fournir i ta -ifete
annuelle. La seconde, qui siège au chef-lieu de chaque arrofr-
dissenent, et qui est composée du préfet oa dil soo»*préR!t
et des juges de paix tle rarrondissement , choisit sur les Nst«s
préparatoires les jurés qui doiventétrepoitéssnîta iistean-
noellei
La composition de ces deux commissions, dans lesquelles
ne iig:ure aucun membre électif, a donné lien h quelques eh-
servations dans le corps législatif. On a proposé de confier ta
présidence de laeanMnîssion cantonnale au conseiller g^éral
du canton : « Dans te système de la loi , disait le rapport»
c'est le maire qui est ^argé de donner des renseignements;
et pour ne pas retomber dans les abus dont se plamt le
gouvernement, It loi ^ place, à cété du maire, le jog<è de
paix, qu'elle suppose connattre aussi te personne 'de chaque
canton. Comme 'compétence et comme autorité» ta présence
du juge de paix, qn^l ne s'agit pas du reste d'éloig««r, ne
vaut pas évidemment celle du conseiller général. Que sont
aujourd'hui la ph^Mrt des juges de paix députe que la loi a
éleiè le fnîtenffint de leurs looctions? Ce sontio ^s smi«
DE LA «oirosmoN w jv%\\ § 594. 2(n
Tcntde» hommes étrangers à la localité, qui n'ont (h rap-
porig trrégolîers qu^avoc ceux dont ils sont appelés è juger
les différends^ et qui, dans certains cantons, passent souvent
des années sans visiter les communes é!oî;::nces du cheMieu.
Le conseiller général ost> au contraire, l'homme du pays;
c'est là que sont et sa famille et ses intérêts et ses relations ;
c'est \ii qu'il est élu par des hommes qu'il connaît et qui lo
connaisséfit ; et pour lo choix du personnel qui doit former la
liste |>réparatoire du jury, c'est lui évidemment qui repré-
sente la compétence locale, à son plus haut degr^. La corn-
missioti s'attachait d'autant plus à ce concours qu'à côté Aé
son incontestable utilité, elle n'apercevait aucun inconvénient
qui pat causer le moindre ombrage à Tautorité. Il ne s'agtt
pas, m effet, de porter atteinte au principe de la loi, et de
ressaisir entre les mains de l'État la liste do service. Lor^ue,
dans la même commission , siègent tous les maires d'un can^
ton nommés par le gouvisrnement, le juge de paix, et seul
émanant du pouvoir électif, un conseiller général, la raison
dit aises que l'équilibrB ki'est pas rompu et qao la prépondé»
nince^ la décision, reste visiblement à Tautorité. NoUs pour-
rions iiittlti|)liplier les points de vue et montrer l'autorité elle-
mèmlB trouvant dans ce concours d'un agent plus libre, Un
sonlagement à sa propre responsabilité ; les blessures nées des
eiclttsions du jury, cessant de so reporter exclusivement à
l'atAK^té; notns législation n'offrant plus au même degré le
spectUcledu même pouvoir, chargé de constater le crime, de
lelivrar aui tribuhaux et de lui choisir des juges. » Oes ob-
servations ti'Ont donné lieu à aucun amendement et n'ont eu
attctme soRe.
On a jM^posé en second lieU de donner la présidence de la
conn^îôn d^arirondisscment au président du tribunal au lieu
do firéfet o\x du sous-préfet. Le commissaire du gouverne-
meuf à dit « que, pendant quarante années, c'est con«
staimnicM l'autorité publique que la loi a chargée du soin de
drcssrtr là liste du jury. Sans doute, à diverses époques, celle
atiiribution a été vivement contestée à Tadministration. Mais
enfin, àou» l'Empire, sous la Restauration et sous la monar--
cfab de ïuHIePt, le droit est resté intact entre les mains de
rtutorité. On le lui a retiré en 1848 par le décret qui a
transporté la formation de la liste de service aux représen-
tants'du potlVôir électif. C'est entre ces deux systèmes que le
conseil <l'£tat devait se pronoficor. H a défxèé «pae lepYéfet
SG8* DEâ COIHS D^SSISES.
dresserait la liste de service, et il n'a nullement cherché à dis-
simuler la portée du projet de loi. Bien loin de la déguiser, le
conseil d'État proclame 1res haut sa pensée. Il a voulu re-
nouer U tradition rompue en 1848; il ne s'est pas contenté
de confier au préfet cette œuvre ; i! s'est en môme temps
adressé aux agents locaux, aux maires, aux juges de paix ; il
a recouru franchement à eux, parce qu'il n'a pas voulu que le
gouvernement se rttrouvât en présence des obstacles qu'il
avait eu précédemment devant lui. Si le conseil d*Élat n'a
point appelé de membres électifs, il s*est fondé sur ce que la
loi en discussion est une loi judiciaire ; il s'agissait de la faire
avec des conditions de stabilité et de force ; on ne devait donc
pas y introduire l'élément politique, perpétuellement agité et
variable. »
A ces observations, qui manifestent nettement l'esprit de
la loi, nous n'ajouterons que quelques mots.
Il faut distinguer dans cette loi le système général qu'elle
applique et la forme de cette application.
Le système n*est que la réalisation des idées que nous »
avions nous-méme exprimées'. La séparation de la liste du
jury et de la liste des électeurs, la suppression de la liste gé- .
nérale des jurés, la simple présomption d'aptitude conférée
aux citoyens qui peuvent élre appelés à cette fonction, eofia,
l'inscription sur lajiste annuelle des citoyens, non plus seu-
lement présumés, mais reconnus capables, toutes les règles,
que nous avons essayé de justiKer, appartiennent essentielle-
ment à cette niatière et semblent en être les bases en quel-
que sorte naturelles. On doit en inférer, et ces conséquences
formulent toute la doctrine précédemment exposée, que le
jury n'est plus considéré comme un droit, mais coname une
simple fonction, que les citoyens n'y sont plus appelés en
vertu de leur titre, mais en vertu de leur aptitude, enfin
que cette aptitude n'est qu'une présomption qui doit* être
vérifiée dans la personne de chacun d'eux, et que s'ils sont
par conséquent réputés, à raison de la moralité et des lumiè-
res que leur position suppose , capables d*étre jurés, cette
capacité n'est constatée que par une désignation personnelle.
Tous ces principes semblent aujourd'hui à l'abri d'une cri-
tique sérieuse.
Mais, à cété de ces formes organiques de l'institution,
viennent les formes secondaires qui sont chargées de mettre
* Rciru« d^législadoD, iH7, p. 3S5«
DE LA COMPOSITION DU JVRT. § 51)4. âG9
les premières en œuvre et qui leur dooueot en réalité ou leur
retirent toute leur efficacité. Or peut-être la Douvelic légis-
lation laisse-t-elle apercevoir ici quelques dispositions in-
complètes, quelques lacunes. Les listes des électeurs et des
jurés sont séparées, mais les conditions nécessaires de Tin-
scription des citoyens sur Tune et sur Pautre sont-elles dif-
férentes? La liste générale du jury est supprimée, mais tous
les individus qui y figuraient ont-ils cessé d'être aptes à en
remplir les fonctions? Au fond cette suppression n'est-elle
{las purement matérielle, n^est-elle pas sans effet sur la com-
position de la liste annuelle? La présomption d'aptitude
n'est-elle pas universellement étendue à tous les citoyens qui
ne sont atteints ni de déchéance ni dVxclusion? Enfin , lo
mode de désignation des jurés, qui est la partie la plus déli-
cate de tout ce mécanisme, réunit-il toutes les garanties que
la loi aurait dû peut-être accumuler sur ce point? La compo*
siti('n des commissions présenle-t-dle tous les éléments d'uno
complète et sévère impartialité pour tous les intérêts de la
^ justice?
Il eut fallu, pour que la théorie que nous avons exposée
Fut pleinement réalisée, une double modification à ce sys-
tème; il eut fallu, d'une part, la définition, tâche didicile
peut-être, mais non point impossible* des conditions d'apti-
tude aux fonctions du jury ; de Tautre, une garantie plus
assurée, ou du moins plus apparente de Timpartialité des
choix. Sur le premier point, nous ne répéterons pas nos pré-*
cédentes observations. Il appartient à la loi d'imposer aux
fonctions du jury les conditions de leur exercice, de désigner
en général dans quelles classes de citoyens les jurés doivent
^lr£ puisés, de déterminer le degré d'aptiUldc qu ils doivent
apporter. C'est en traçant le cercle dans lequel les jurés doi-
vent être cherchés qu'elle les sépare réellement des électeurs
et élève entre ces deux fonctions une barrière qui n est, dans
le système actuel , qu'une fiction. C'est en définissant les
conditions d'exercice, qu'elle prouve que le jury est une
fonction et non un droit, et qu'elle peut demander aux ci-
toyens les titres de leur aptitude à la remplir. Enfin, c'est en
déterminant ces titres, qu'elle peut, en Teiifermant dans de
certaines limites , diriger l'office des commissions; car, en
n'apportant aucune limite au choix, on n'élève pas l'aptitude
des cilo}ens, on n'accroit que l'arbitraire du choix luimêuio.
Sur le deuxième, point, il y a lieu dt^ regretter^ que les
S70 ^9 COIBS I>*A9«HES.
ameii(]c|x^)ts de la commission n'aicot point été accueillis.
Il faut ncccssaîrcmi^nl que toutes les garanties de la phis
complète indépendance environnent la désignatioiv à» jurés,
car les intérêts de la justice sont les intérêts les plos abnhis
de la société; ils dominent et absorbent toutes les passions
politiques, tous les besoins momentanés des partis, toutes les
agitations qui traversent les peuples; ils sont placés^ pour
ainsi dire, en dehors des pouvoirs humains pour que ceax-ci
ne puissent y mettre la main. La justice ne sert pleinemciit et
ne fortifie Tordre que lorsqu'elle est lihre de toute inflaenoe,
car c'c6t ridée de son iudépeiidaDco qui fait sa force. Elle ne
peut, d'ailleurs, telle qu^une arme de guerre, êiredirigéeen
vue de tel ou tel but : elle n'a d'autre but que la jifsticc
elle-même; elle n'a d'autre mission que raccomplissemept
de ses règles ; elle n'a d'aulrc fonction que de déclarer ce qui
est juste et ce qui ne l'est pas, ce qui est conforme aux lois
ou ce qui leur est contraire. Si le législateur doit élever les
conditions d'aptitude du jury pour le mettre au niveau de
cette grande tâche, il peut donc en même temps sans crainte
assurer à raccomplisscment de ces fonctions la plus entière '
indépendance, puisque la certitude de cette indépendance est
la vie môme de la justice, et puisque la justice, quand elle est
puissante et respectée, prête sa force, non-seulement aux in-
dividus qui y trouvent un appui, mais aux pouvoirs qui vivent
surtout de la sécurité qu'ils assurent.
Nous terminons ici nos observations sur la composition gé-
nérale du jury. Nous avons constaté les progrès sensibles de
la législation dans le labeur de cette composition, et nous
avons essayé dVsquisscr les modifications peu nombreuses
qu'elle pourrait recevoir encore. Le problème législatif est
au surplus maintenant, on peut le dire, résolu, puisque
toutes les bases* de sa solution sont trouvées, et la loi actuelle
servira de type à toutes les législations que l'avenir eufautcra
sur la même matière.
$595.
L FormatioD de la lisie ajiDuelle du jury. «^ H. Première coiDDii>sioa
chargée de rédiger les listes prépar^iloires. — IJl. Seconde cooimis-
ftioD chargée de rédiger les listes définilif es. — IV, Listes spéciaiei
des jurés suppléanu. — V. Formalion de It liste annuelle de chaque
dépanemeai.
I. Après avoir exposé^ trop longuement peutoètre, les
BE LA GOUPOSITiOIf SU JURt. f 595. •?!
«DQflidéralîMs théoriques qui doroiDent cette BMtière, nous
irriTiMis à roppUcation pratique de la loi.
Trois opératioDS sont prescrites par la loi pour a? lÎTer à la
cooippâtion du jury qui siège aux assises :
La formation de la liste annuelle ;
La formation de la liste trimestrielle;
La formation du jury de jugement
U faut successivement décrire les formes de ces trois actes,
dont le premier est Toeuvre du pouvoir administratif et les
deux autres du pouvoir judiciaire. Il faut en môm6 temps
déterminer quelle est la compétence de chacun de ces pou-
voirs dans raceomplisscment de cette mission.
U. Il est formé chaque (tnnée une liste des citoyens, parmi
lesquels sont puisés les jurés qui font le service des assises.
La formation de cette liste annuelle est confiée i deux com-
missions et est le résultat de leur travail saccessif.
La première ne dresse qu^une liste préparatoire. Elle se
' réuoit au chef-lieu de chaque oanton. Elle est composée du
juge de paiXj qui la préside, ei de tous les maires du canton.
A Paris et à Lyon, elle est composée» dans chaque arrondis-
moment, du juge do pai:(, du maire e^des adjoints '. La mis-
MOD de cette commission, qui se rassemble dans la première
huitaine du mois de novembre, est de choisir parmi les habi-
tants du canton ceux qui lui paraissent le plus aptes à rem-
plir les fonctions du jury.
Cette liste préparatoire doit contenir un nombre de noms
triple de celui fixé pour le contingent du canton* Ce contins
geot est déterminé par un arrêté du préfet. Aux termes de
Tart 6 de la loi du 4 juin 1853, « la liste annuelle est com-
posée de 2«000 jurés pour le département de la Seine ; de
500 pour les départements dont la population excède 300,000
habitants; de 400 pour ceux dont la population est de 2 à
300,000 habitants; de 300 pour ceux dont la population est
inférieure à 200,000 habitants. » L'art. 7 de la même loi
ajoute : « le nombre des jurés pour la li^te annuelle est ré-
parti, par arrondissement et par canton, proportionnellement
au tableau officiel de la population. Gilte répartition e&t faite
par arrêté du préfet, pris en conseil de préfecture, dans la
première quinzaine du mois ^'octobre de chaque année, i^
Les listes ainsi dressées sont signées séance tenante et en-
272 ^^ ceoRS d'assises
voyées au préfet pour rarrondissecnent chef-lieu du dépar-
tement» et au sous^préfet pour chacua des autres arron-
dissemcDts '.
m. La seconde commission dresse la Hste définitive. Elle
est compossée du préfet ou du sous-préfet, qui la préside, et
de tous les juges de paix de Tarrondissement '. Elle se .réunit
au chef-lieu d'arrondissement, sur la convocation faite par le
préfet ou le sous-préfet, dans la quinzaine qui suit la récep-
tion des listes préparatoires*.
Cette commission est chargée de choisir sur les listes pré-
paratoires le nombre de jurés nécessaires pour former la liste
d^arrondissementy conformément à la fépartition établie par
le préfet Elle procède par élimination, en effaçant deux sur
trois des citoyens inscrits. Néanmoins, elle peut élever oa
abaisser, pour chaque canton, le contingent proportioanel
fixé par le préfet L^augmentation ou la réduction ne peut, ea
aucun cas, excéder le quart du contingent cantonnai, ni mo-
difier le contingent de Tarrondissement Les décisions sont
prises à la majorité : en cas de partage, la voix du président
est prépondérante ^.
La liste d'arrondissejpent définitivement arrêtée est signée
séance tenante et envoyée sans délai au secrétariat général
de la préfecture, où elle reste déposée ^.
ly. Une liste spéciale de jurés suppléants est égalenient
dressée chaque année. L'art 13 de la loi dispose à cet effet:
If une liste spéciale de jurés suppléants, pris parmi les jurés
de la ville où se tiennent les assises, est aussi formée chaque
année en dehors de la liste annuelle du jury. Elle est compo-
sée de 200 jurés pour Paris, de 50 pour les autres départe-
ments. Une liste préparatoire de jurés suppléants est dressée
en nombre triple dans les formea prescrites par les art 8, 9
et 10 de la présente loi. Néanmoins, dans les villes divisées
en plusieurs cantons, et dans celles qui font partie d'un can-
ton formé de plusieurs communes, la commission n'est com-
posée que des juges de paix du chef- lieu judiciaire, du maire
et des adjoints de la ville. La liste spéciale des jurés suppléants
est dressée sur la liste préparatoire par une commission com-
posée du préfet ou du sous-préfet, président, du procureor
impérial et des juges de paix du chef-lieu. »
* Môme lui, art. 40,
2* * • Mi^meioi, art, H,elc.
DE LA COMPOSITION DU JOBT. { 596. Î73
nr. Le préfet de chaque département, dès qu'il a reçu les
listes des arrondissements, dresse immédiatement sur ces listes
et par ordre aipbahétique,*la liste annuelle du département.
Ces listes ainsi rédigées sont, avant le 15 décembre, trans»
misas au greffe de la cour ou du tribunal chargé de la tenue
desassise8\
S 696.
L La liste aonnelle ne doit eontenir que les noms de citoyens ayant les
goalités requises poor être jaré. — 11. La qualité de français. —
m. L*ftge de 30 ans. — IV. La jouissanee des droits ci?ils.
L Nous Tenons d*exposer oomment se forme la liste an-
nuelle, mais nous ne savons pas encore de quels éléments
elle se c^Hnpose, quels sont les citoyens que les commissions
ont le droit d'y inscrire, quelles conditions et quels titres elles
doivent exiger. C'est lace qu'il faut maintenant examiner.
La liste annaelledu jury ne doit désigner que des individus
qui ont les qualités requises pour Texercice des fouettons de
jurés.
L'art. 1 de la loi du 4 juin 1853, qui ne fait que repro-
duire Tart. 381 du G. d'instr. cr. et l'art V^ du décret du 7
août 1848, porte : « nul ne peut remplir les fonctions de
juré, à peine de nullité, s'il n'est âgé de trente ans accom-
plb, s'il ne jouit des droits politiques, civils et de famille,
et s'il est dans un des cas d'incapacité ou d'incompatibilité
préîu par les articles suivants. »
Nous allons établir, dans ce $, les trois conditions essen-
tielles pour l'inscription des jurés sur la liste. Nous éiiumére-
roos, dans les $$ suivants, les causes, d'incapacité et d'in-
compatibilité qui en écartent certaines personnes.
n. La première condition de l'inscription de tout individu
sur la liste annuelle est la qualité de français. Cette condi-
tion, prescrite i)ar toutes les lois qui se sont succédé, est la
conséquence de la disposition qui exige la jouissance des
droits politiques et civils. 11 est clair que, pour être juré,
aussi bien que pour être juge, il est nécessaire d'être en pos-
session de ces iroits, puisque la fonction môme du jury n'en
est qu'un mode d'exercice.
* Même loi, art. Ift.
▼ni.
18
174 DIS COVaS ft'AttlBBI.
Les (brtnes suivant lesquelles la qualité de français 8*ie*
quiert ou se perd sont formulées par les art. 8 et 10 du Cod.
Nap. , les art. S, 3, 4, 6 et 6 de la toi du 29 Muiaire an Yin,
les lois du 2& mars 1849, 11 déoembre 1849 et lll&rrier
1851.
Quel est Teffet de Tinscription sur la liste d*Un indhrida
qui n'aurait pas la qualité de français ? Il est évident, d^abord,
que cette inscription, quelqu'irrégulicre qu^clle soit, ne peut
produire aucun effet si l'individu qui en est Tobjet n'est pas
appelé par le 6ort à faire partie d'une liste de session.
Il est évident encore que, lors même qu'il aurait été ap-
pelé à faire partie d^unc liste de session, sa présence sur cette
liste n'aurait aucun effet, s'il n'a point siégé parmi les douze
jurés de jugement, et si la liste de session était coi^posée de
plus de trente jurés titulaires; car, il n'a concouru par au-
cun acte au jugement, et Tart. 393 du G. d'instr. cr. ne pres-
crivant de compléter le jqry de session que lorsqu'il ; a moins
de trente jurés présents, il s'ensuit que l'irrégularité de sa
présence n'a pu invalider le tirage du jury opéré sur uqe liste
de trente jurés valides. »
Mais s'il a fait partie du jury de jugeaient ou s'il^ con-
couru au tirage de ce jury lorsque trepte jurés seulement
étaient présents, la nullité du tirage et de tout o^ qui a
suivi doit être prbooiicée, puisque le jugement émane direc-
tement ou indirectement d un juge qui n'avait pas le droit de
juger.
Cependant il y a lieu de rappeler iei une condition knpor-
tante de cette nullité. Il ne peut suffire évidenwient, pour
qu'elle soit prononcée, d'atîéguer que tel juré n'avait pns la
qualité de français. La Cour de cassation a posé en principe,
« que rinscription faite du nom d'un juré sur la lisle géné-
rale du jury par l'autorité adn\inislrative établit à l'égard de
cet individu une présomption de capacité qui ne peut tomber
oue devant la preuve de l'incapacité absolue dudft jurèi
raire partie de cette liste \ » Ainsi, l'allégation, qui n*est
appuyée d'aucun document* de nature à la rendre vraiaera-
biable, serait insuffisante; l'inscription, ainsi qu'on le verra
plus loin, établit jusqu'à preuve contraire que Pindividu,
lont le droit est contesté, réunit les conditions
< Cais. 30 inar$iS54^ rapp, M, V« Foudicr, fiulU Ji« afl«
DE LA COMBAfiinON IHJ lotv» | 596. 275
fom être jiifé I. La charge 4e foire oefio preiHW iocembe
dmic i celui qaî soulève cette contestation.
B ne «iffiraît raèine pas que des doutes fassent élèfés sur
ledsoity sHI y avait possession d'éfat fondée sur des feits et
dbs titres audieatiques. Ainsi, il ne suffirait pas de prouver
qu'lin {uré est né i rétranger, s'il n*est pas justifié que son
père, qui avait la qualité de français, a perdu cette qualité
par l'un des modes prévuf par le Code civil ^. Ainsi, il ne
eDffirait pes mAme d étaMîr que le juré estnéen ^ays étran-
ger d^ua père qui avait perdu la qualité de français, en pre-
nant du service dans ce pays, s'il est reconnu en même temps
9 qu'il est en possession de Texeroice du droit électoral et des
fonctions de membre du conseil d'arrondissement, puisque,
d'après les art. 0 et 10 du G. civ.» il a pu recouvrer, par
eetlç double qualité d'électeur et de membre électif d un
conseil d'arrondissement» la qualité de rran$ais(|ui avait ori-
ginairement appartenu i son père ^ » Enfin, il ne suffirait
pas encore de constater que le juré n'aurajt pas été inscrit sur
laa listes du recrutement militaire eomqie fils d'étranger,
s'il est établi en même temps que ce juré est né en Franco,
' fu'il y a un établissement industriel, qu'il s'y est marié, qu'il
B'a jamais cessé d'y être domieiiié depuis sa naissance, que
SM père, né en pays étranger, avnit formé un établissennent
iadartriel en France, et s'y était marié sous l'enfipfre de la
Constjtutipn du b-ik septembre 1791, tit. S, art. 8 4. En
•Set, aux termes de cette disposition et de la loi du 8 mai
1790, les individus nés, hors du royaume, de parents étran«
gofs, étaient réputés français après cinq ans de domievte con-
tiaa dans le royaume, s'ils avaient acquis des immeubles ou
épousé une fnnçaise , ou formé un établissement de com-
llais lorsqu'il est établi qu'il n^y a qi titre, ni possession
ë'élat, la qualité d'étranger du juré entraine nécessairement
kl i»ullité des opérations judiciaires auxquelles il a concouru,
é^^fMe nullité est prononcée par le pouvoir judiciaire chargé
d'apprécier la validité de ces (^rations. €es deux points sont
canaacréspaf laloi.
* Cass. 6 féfrier 1854, rapp. M. Aar. iforwra. «nlL n, 50, el Cwif. 15
nai 1837, rapp, If. Qmn âm Vfljito. Pf- *^ «J.
9 Qêê^ U iaaf* iS38> rapp. M. Viasans gaintrUaiail. IM. as, hki.
' Gass. SO mai 1859, rapp. M. IiamberU Bull, n» ISS.
* Casa. 50marslS5i, rapp. M. V. Foudier. QuU. jî. 8S, el Conf* 7 mars
18501 rapp. M« Caussbi de PermaU BiiU. «• Otf.
i76 DES CAt:R^ D^ASSIftEf.
La compéteace du pouvoir judiciaire, qui sera d'ailloors
établie plus loin, résulte de Tart. 1 de la loi qui déclare que
€ nul ne peut remplir les fonctions de juré, & peine de nul-
liléy s^il ne jouit des droits politiques et civils. » Il suit de li,
en effet, que les questions relatives à la jouissance légale de
ces droits appartiennent nécessairement au pouvoir qui peut
seul appliquer, B*il y a lieu, la peine de nullité '.
La nullité des opérations n'est que l'application du même
texte. On peut citer quelques exemples de cette application.
Une procédure a été annulée par la Cour de cassation : « at^
tendu qu'il résulte des documents prodoits par les deman-
deurs que Jules Redard, qui a fait partie des trente jurés ap-
pelés à former le jury de jugement» est né en France, d'an
père étranger, que ni son père, ni lui n'ont rempli les for-
malités exigée» par la loi pour se faire naturaliser français ;
qu'ainsi, ledit Redard était étranger , ne jouissait pas, en
Franee, des droits politiques, et qu'ainsi il était incapable
de remplir dans l'espèce les fonctions de juré *. » Une autre
procédure a été également annulée : « attendu que Pierre-
Louis Weber a fait partie du jury qui a prononcé sur Taccu-
sation portée contre le demandeur; que, cependant il résulte
d'un arrêt rendu le même jour par la Cour d'assises que ledit
Weber, né en France, d'un père étranger, n'avait pas, con-
formément à l'art 9 do C. civ., dans l'année qui a suivi l'é-
poque de sa majorité, réclamé la qualité de français ; que,
par suite, la Cour d'assises a ordonné que son nom serait
rayé de la liste du jury 3. t» Enfin, une troisième procédure a
été encore cassée : « attendu qu'il est établi par le procès-
verbal du débat que Ghamiot a été porté sur le tableau des
douze jurés qui ont prononcé sur le sort du demandeur, et
qu'il n'est point établi que, né en pays étranger, d'un père
étranger, il ait rempli aucune des formalités prescrites par
les lois diverses qui se sont succédé en France, pour acqué-
rir les droits politiques et civils, ou qu'il les ait obtenus par
la grftce du roi ; que son admission sur le tableau des douze
jurés a donc été une violation de i art 381 *. »
ID. La deuxième condition, pour Tinscription sur la liste,
est l'âge de trente ans accomplis.
* Cut» 28 octobre 1826, rapp. M. CardooDcl. BqII. n« 14S.
* Gass. 7 DOT. iS5i» rapp. SU Isamberu Bail. o. &67'et S nov. 4S51,
rapp. M. Rocher. Bail. d. 47S.
' Cass. 8 mars 1849, rapp. M. Brière-Valigny. Bull. n. 52.
* Casa. 29 jaavitr 1825, rapp. M. Gaillard. Bull, n 44.
DE LA COHPOSITIOM DU JOIT. f 590. f77
La loi anglaise prend les jurés « depuis l'&ge de vingt-un
ans jusqu'à soixante ans ' . » La loi du 29 sept. 179i et celle
du 2 nivôse an ii fixaient à vingtHsinq ans la limite où les
citoyens pouvaient commencer à être appelés à cette fonction.
L'art 483 du G. 3 brumaire an ly a reculé cette limite à
l'âge de trente ans accomplis, et depuis ce moment elle n'a
plus varié.
Une circulaire du ministre de la justice du 10 sept. 1848,
porte sur ce point : « le juré, pour remplir sa mission judi-
ciaire, a besoin de la sagesse et de Texpérienee que la matu*
rite des années peut seule donner. Il importe dès lors de véri«
fier Tàge avec le plus grand soin et sur des actes auUieiiti-
ques; car les citoyens qui n^ont pas accompli leur trentième
année, sont Irappés d^une incapacité radicale, et leur coiH
cours à un jugement criminel pourrait en entraîner la nullité.
La liste, pour prévenir les erreurs, doit iniUquer Tàge de
chacun des jurés {>ar la date de leur naissance ; il est toujoura
facile de se procurer ce renseignement auprès des oCBciers de
Tétat civil. »
En thèse générale, Finscription sur la liste établit la pré-
somption, comme en ce qui concerne la qualité de français»
que le juré a atteint Tàge de trente ans accomplis. Ce point,
qui sera d'ailleurs examiné plus loin^ a été constamment main*
tenu par la jurisprudence \ Et il en est ainsi lors même que
la liste ne mentionnerait pas, comme le prescrit la circulaire
qui vient d*étre citée , Tàge de chacun des jurés, car si ce
renseignement est très utile, la loi n'en a point fait cepeo-
pendant Tobjet d*une disposition expresse *. Il en est ainn,
à plus forte raison si la liste n'indique l'Age que par le mîi-
lésiule de Tannée de la naissance, sans y joindre le mois'et le
jour *.
II ne suffit donc pas d'alléguer, il faut établir que l'un ou
plusieurs des jurés n'avaient pas TAge exigé par la loi, lorsque
ce défaut d'Asie est le moyen qui sert à attaquer les opéra-
tions judiciaaes auxquelles ont pris part ces jurés. Aussi, tous
* Act George IV, 33 juin 1835, art 1.
* Cass. 30DOV. 1828, rapp. M. Mangin. J. P., t. XXII, p. 864; 13 janv.
183i, rapp. M. Dupaly. Dali. V Inst. cr. n. 1994; 13 a^rU 1SS3, «pp.
M. Briëre. Eod. loc
» Gaaa. 3S juUI. 1837, rapp. M. Rives. Dali. v« InsU cr. d. 1894 : ISsepU
d839, rapp. M. MeyrooDeU Eod. loc. ; 18 mai 1852, rapp. M. Rocber.BuU.
lU 154.
* Cas». 8 mai 1851 j rapp. M. de Boîmeux» Dali. 51, 5,188*
278 »s covas ^^assises.
les poarvois qui se fondent sur la seule assertion de Ilnsufti-
sance de )'ftge des JUrés sont rejetés : « attendu que les de*
mandeufs né justifient pas qae quelques-unS des jurés etisëetit
moins de trente ans ^ »
Il ne sofBraît même pss d'apporter la preuve qite Vun ûeê
jurés avait moins de trente ans, s'il n'est pas établi ëU même
temps que ce juré faisait partie des douze jurés de jugemetlt
oti du moins (]ue le tirage de ces jurés a été bpéré sur line liste
de trente^ dans laquelle figurait te juré*. NonsAvobâtu fôtlt
à rbeare le motif de cette reâtrietion.
Maiâ^ m celtimtr en ce qui touche la qualité de fratiçais, lë
pr&Bve de défaut d'Age quand le juré^ Agé de Inoitis du ireilte
ans^ a conconru au jugement ou pris part avec S9 jurés seu-*
lement nt tirage des jurés de jegement^ entraîne néeessaire-
ment la nuUHê de ces a<;tes« En effet, il en résulte ou tfié le
jury n'était eomposé que de onze jut^, puisque le dOtiiièitid
n'avait pas càraetère légal pour en remplir les ronctioM, dtt
qUe le même jury n'a été tiré que iur une listé de 30 jurés,
tandis que la loi limite à trente le nombre de ceux qui doivetit
concourir A cétirage. De nombreux artéts ont (iié la jurisphi-
dencesuir ee pdiht*.
Tontéloisll faut prendre garde qu'il n'y aurait pat tiulltté^
si le jnré^ bîtn qu'il n'ait pas FAge au moment de 1 inscription
sur la liste, l'évuit atteint au nioftient du il a été appelé A
remplir ses.foncttons. La raiaon en est que Tinscriptioii sut k
liste ne eondre nullement, comme le pensait M. Legrave^
rend ^^ la tiualîté de juré, mais seulement une aptitu^ i re^
vêtir cette qualité-, et dés lors^ lîomme la loi n'exige l'Age de
30 ans accompli:! que pour remplir leS fonctions de jUrA^ il
s'Ieofluit qu'il suffit que oet Age existe au moment où ces fonc-
tions commencent. C'est ce que décide un arrêt qui déclare:
et qu'aux termes de l'arl. 881 et de TArt. i d^ la loi du 4 juin
1858, iLsûfSI;, pour l'exercice légal des fonctions de juré,
d'avoir trente ans accomplis au moment de la formation du
A Gass. 26 ventôse an i?, 19 messidor an iv, 22 pluviôse an m Dali* v* Inst»
crtm. n. i891,
' CsM. iS juillet i866k Bull. n. 355; 19 juillet 1832) rap^. U^ôtUvier.
BuK. D. 279.
' Cass. îl avril 1811. Bull. n. 5*2; 8 août 1811. Bull. d. 118: 13 sept
1811. Bull. D..131; 8 mars 1815. Bull. n. 19; 27 juin 1816. Bun.n.35;5
fer. 1818. Bull. n. 17 ; 26 avril 4822. Bull, m 98; 12 juillet 1822. BulU n«
98; 27 juin 1883. Bull. n. 245 ; 4 avril 1851. Bull. n. 128.
* Log. cr., t. ÏF, p. 79i
DB LA cavfounoN Bv JORY. § .S96. S79
tdbleaa des douze jurés de jugement ; et qu'il n'est pas né-
cessaire que cet âge ait été atteint au moment de la confection
de la liste annuelle, puisque l'inscription sur cette liste ne
fait qu'indiquer une aptitude dont les conditions de légalité
doivent être vérifiées au moment où commence Texercice des
fonctions de juré S »
Hais il n'en serait plus ainsi dans le cas où le juré a'aurait
accompli sa trentième année que dans Tintervalle qui Sépare
la formation du jury et le jugement, car il aurait concouru à
des actes de la procédure lorsqu'il n'avait pas encore la ca-
pacité légale. La Cour de cassation a donc dû prononcer dans
cette hjpoÀèse l'annulation d'une procédure, « attendu que
des reaseignements envoyés à la Cour, il résulte que Davali*-
vian, qui a siégé et prononcé comme juré lors du lugemeat
attaqué, n'avais pas trente ans accomplis le jour ou a com-
mencé le débat sur raceusatioii admise contre Bertrand ; d'où
il suit que la composition du jury était illégale et ino^mplèlai •
et ne pouvait servir de base a un jugement régulier^, i
'Au surplus, Terreur qui aurait été commise dans renon-
ciation de l'âge d'un juré sur ia liste, ne pourrait donner
lien à nullité^ s'il était établi qu'il avait l'Age requis pour
exercer ses fonctions^. S^il lésulte du seul fait de rinscrip-
tien une présomption que chaque juré réunit les conditions
requises par la loi, cette présomption peut être combattue
par la preuve coiftraire, soit dans te cas où ta liste constate
mexactBment une condition non existante, soit dans le cas où
elle omet de constater une condition qui de fait est aoeom-
plie*.
lY. La I1rx>isième condition de l'exercice des fonctions de
juré est la jouissanèe deâ droits politiques, civils et de fa*
mille.
Les personnes qui ne jouissent pas de ces droits, se trou-
vent nécessairement eompriises parmi les incapables qui vont
«tre énutnétés dans le paragraphe suivant.
* Gais. 20 sept. 1855, à noU-e rapport BaU* lu 821, et CkMit UmailSia»
rapp. 11. Dehaussy. Bull. n. 106; 7 août ^845, rapp. M. Mérilhbu. Bull,
n. S5Si.
* Casi. 19 prair. an xii« rapp. M. Baiîre. J. P., t IV; a. aS»
* Casf. 5 août 1830. J« P. A aXHI, p. 112 ; 12 juiiU 1833, rapp. M. BIct«
Wftwt gaînl-Marc ï. P., t XXV, p. 874; 15 oct 1834, même rapp. t P.t
U XXVI, p. Ma.
« Caa, 2f ttOT. 1828» rapp. M, Mangin. I. P», U XXII, p. df 4»
^£90 »tB GOCftS d'assises.
S 597.
1. Causes d'incapacité. — II* Ëoamération des difiérents cas d'î
•ité prénis par la loi.
L Nous venons d'établir que nul ne peat remplir les fi»D-
tioDS de juré, à peine de nullité, s'il n'a la qualité de Françiif,
s'il n'est âgé de trente ans accomplie et s*îl ne jouit pas des
droits politiques, civils et de famille. Ce sont là les conditions
essentielles de l'aptitude à ces fonctions; mais ce ne sont pas
les seules : il faut encore, aux termes des art. 1» 3, 8 et fc
de 1% loi du 4 juin 1853, que les personnes inscrites sur la
liste ne soient dans aucun des cas d'incapacité d'exolosion,
ou d'incompatibilité qu'ils ont prévus.
Nous devons donc énumérer et préciser les diflémtes
causes d'élimination. Nous nous occupons d'abord des cas
d'incapacité.
II. L'art. 2 de la loi du & juin 1853 est ainsi oon^u : -
« Soni incapables d*étre jurés : 1* les individus qui ont été condsnh
nés, soit k des peines afflictives et infamantes, soit k des fieines infa-
mantes seulement ; 2* ceux qui ont été condamnés à des peines correc-
tionnelles pour fait qualifié crime par la loi ; 3o les militaires condam-
nés au boulet on aux travaux publics; 4* les condamnés k sa
emprisonnement de trois mois an moins; 5* les condamnés k un empri*
soonement, quelle que soit sa durée, pour vol, escroquerie, abus de
confiance, soustraction commise par des dépositaires publics, attentais
aux mœurs prévus par les art. 330 et 334 du €. p. , outrage à h morale
publique et religieuse, attaque contre le principe de la propriété et
les droits d^ la famille, vagabondage ou mendicité, pour infraction aes
dispositions des art. 38, 4i , 43 et 45 4e la loi du 21 mars i832 sur le
recrutement de l'armée, et aux dispositions des art. 318 et ^K3 dn C.
p. et de Tart. 1*' de la loi du 27 mars 1851 ; 6* les condamnés poor dé-
lit d*08ure; l'* ceux qui sont en état d'accusation et de contnmaee;
8* les notaires, greffiers et officiers ministériels destitués; 9* les faillis
non réhabilités ; 10* les interdits et les individus pourvus d*un conseil
judiciaire; 11* ceux auxquels les fonctions de juré ont été interdites,
en vertu de Tart. 396 du G. d'instr. cr. et de l'art. 42 du G. p. ; IS^'ceox
qui sont sous mandat d*arrét ou de dép6t ; 4 3* sont incapables pour cinq
ans seulement, k dater de Fexpiration de leur peine, les condamnés à
un emprisonnement d*un mois au moins. »
Cette longue catégorie d'incapables ne paraîtra point sans
doute exagérée, sauf en ce qui concerne peut-élre la dispo-
sition dernière, à tous ceux qui reconnaissent i.la fonclM»
du jury lecaraclère exclusivement judiciaire que nous Iniaroos
assigné* La loi, quand elle appelle les citoyens à TofiBce de
DC LA GÛMPOfimaM nu 4URT. i 597. 29i
juges, aie droit de scruter 8é?èreineiit lear moralité. Elle ne
doit permettre qu^aucuu doute plane sur leur probité et sur
leur indépendance. Elle ne doit appeler que des hommes qui
soient à la fois éclairés et honnêtes.
Cette liste peut se fractionner en plusieurs parties.
La loi écarte d'abord tous ceux qui ont été condamnés à des
peines afflictives et infamantes ou simplement infamantes; les
condamnés à des peines correctionnelles pour faits qualifiés
crimes par la loi; les militaires condamnés au boulet ou aux
travaux publics. Cettf^ première catégorie, qui comprend tous
ceux qui ont commis les plus graves infractions à l'ordre so»
cia), ne peut donner lieu à aucune observation.
La seconde catégorie comprend les individus qui ont été
condamnés pour de simples délits. On lit dans le rapport fait
an Corps législatif; « le législateur se trouvait là en présence
de difficultés plus sérieuses. Fallait-il éloigneV du jury qui-
conque aurait été condamné pour un délit correctionnol^quel
qu'il fût? La sévérité serait excessive et souvent peu en har-
monie soit avec les circonstances, soit avec la nature même
du fait. Fallait-il, au contraire, parcourir toute la série des
lois générales et spéciales pour distinguer entre les faits at-
teints par la loi pénale, mesurer leur gravité et attacher à
quelques-uns seulement l'incapacité? C'est une tâche qui a
paru difficile y dangereuse et peu en rapport avec le but que
la loi se propose. Les omissions seraient presque inévitables
au milieu de la quantité considérable des lois qui prononcent
des pénalités. D'autre part, il est tel fait peu grave en lui-
nièoie et par sa nature , et qui peut le devenir à raison des
circonstances et accuser une véritable perversité. On a donc
jugé plus sage de suivre un autre système. Parmi les délits, il
en est qui sont plus ordinaires, que l'on voit plus générale-
ment dans les habitudes communes de la vie et qui annoncent
anx ;eux de tous une véritable dégradation du sens moral.
Tels sont le vol, l'escroquerie, l'abus de confiance, les atten-
tats aux moaurs. Quiconque a été condamné à l'emprisonne-
OMot quelle que soit sa durée pour ces faits là et pour les au-
tres que prévoit le % 6, est incapable d'être juré. Mais la loi
qui se bornerait à exclure du jury cette seule catégorie de dé-
liiupiantamanqueraitévidemmentde sagesse etde prévovance.
Elle est loin^ en effet, de comprendre tous les criminels dont
la présence sur le siège du juge serait une sorte d'injure pour
la justice elleHnème. Le projet les saisit tous par une seule
Î8S DB8 C0VB8 «'AMISn.
dispomtion. Quel que soit le délit > uno itimplo cèndJamnutiOD
à trois mois do prison suffit pour rendre incapable de remplir
le ministère de juré. La loi n'attache point ici riocapacité à la
nature da délit, mais à sa gttvité et oonsidère que cette gra-
Yité ressort de la séTèrîtémème de la oondamnatioD» •
La commission avait proposé une eiccption pour les délits
de presse, a Les délits de presse, dit te rapport, sont compris,
comme tous les autres délits, dans la disposition du V §; et
cette sévérité ne nous a paru nî en harmonie avec le caractère
du délit, nî en proportion avec sa gravité. Sans doute il est des
délits de presse qui accusent un esprit pervers et qui troublent
Tordre profondémeht. Loin de nous, par exemple, la pensée
dô ranger parmi les simples écarts de Tesprit, et ces libelles
cMculés pour souiller les caractères, et ces.écrits par lesquels
on provoque à la licence et à Tanarchie. Mais, après ces ex-
ceptions , il demeure vrai de dire que les délits de presse
tiennent en général à Topinion, à des préjugés, à des prin-
cipes, & une manière de voir, en un mot, qui peut se concilier
avec le caractère le plus honorable et qu'ils sont aussi souvent
des erreurs d'opinion que des torts de conscience. La com-
mission avait pensé que la présence sur le siège des jurés d*un
écrivain condamné pour simpléopinion n'offrait rien d'opposé
i ce haut caractère de moralité que la loi veut h juste litre
imprimet au Jutv. Nous avons donc proposé au conseil d*Etat
d'admettre dans le jury les condamnés pour délits de presse.
Nous en exceptions ceux que la sentence même avait trappes
de cette interdiction. La justice restait ainsi souveraine appré-
ciatrice, et dans ce jugement de la conscience, Texclusion
puisait un caractère particulier et d'une gtavité plus signifi-
cative. Le conseil d*Etat à rejeté Tamendement.»
La commission n'avait pas adopté la disposition qui (orme
le § 13, Geite disposition avait d'abord été écartée par<>8
qu'elle aggravait une incapacité que la commission croyait
déjà empreinte d'une trop grande sévérité. « La comaiissiOQ,
en effet, dit le rapport, avait pensé qu'éloigner du iucj
l'homme qui , en dehors des délits graves prévus par le g&,
aurait été coudamné à Temprisonnement pour une aniàée,
serait une satisfaction suffisante. 11 y a des faits que la loi
pénale i dû punir et qui ne paraissent pas de nature à eaîrai-
ner une véritable indignité. Tels sont notamment tous cas dé-
lits, fruit de l'imprudence, de la légèreté « d'entraiacments
DE LA COMPOilTIOIl »n lOKT. | 507. 28S
pasgagèr^t bîe& pitls qile de U corruption du èœur. La sup*-
pression de la liste générale enlève, il est vrai, quelqu^SA^uns
des incoElYénieiits qoi étaient attachés à ces soHcs d'exclu-
sions; mais, même àréc la loi actoelle, il restera eneord
assez de publicité pouf qn*une interdiction partiello amène
sur celui qui en sera Tobjet une notoriété fâcheuse» Oà se*«
rait da reste le danger que la loi montrât un peu d'ihdul'*^
gCDce quand les commiseions chargées de composer le jury
soDt investies d'un pouvoir discrétionnaire et illimité? » Oii
peut ajouter qu'en faisant descendre la déchéance jusqu'aux
condamnés à un mois d'emprisonnement, la loi l'a souvent dé-
duîted'înfractions purement matérielleset qui n'altèrent nulles-
méat la moralité des condamnés ; que c'est ainsi qu'elle Té
comprise elle-même, puisqu'elle l'a limitée à cinq ans; et
qu'il est évldëbt qti'une déchéance » qui serait fondée sur
une présomption d'indignité | n'aurait pas un terme aussi
wpidèfc
ta troistéme catégorie d'incapables comprend ceux aux-
queki qu'il y dt ou non emprisonnement, les fonctions de
juré ont été interdites, soit en vertu de l'art. 396 du C.
d iostr. cr., soit en vertu de l'art. 43 du G. pén. L'art. 396
déclare que le juré, qui a manqué trois fois d'obéir à la cita*
tioD qui lui a été donnée, « sera déclaré incapable d'exer-
cer à l'avenir lea fonctions de juré* » L'art. 42 du C. pén.
dispose que les tribunaux correctionnels peuvent» daAs les
cas ou «ne disposition particulière de la loi l'autorise, a in-
terdôre l'exercice du droit d'être appelé aux fonctions de
juré. »
La quatrième catégorie comprend les individus c qui sont
sous mandat d'arrêt et de dépôt ou qui sont en état d'accu-
sation ou ée contumace. » L'art. 5 de h constitution du ââ
frimaire an vin n'accordait cet effet qu'A l'état d'accusation
ou de eoBtuBMlce, et la loi du T aoÂt 1828 n'avait pas franchi
cette limite. Il arait paru que l'arrestation préventive n'é*
tant qu'une mesure de préK^aution, ne laissait pas peser sur
celui qui en est l'objet une prévention assez grave pour
qu'on put y attacher une incafMicité. Mais cette mesure de
précaution manifeste un soupçon grave de la justice, et tant
qae cet état subsiste, convient-il que le prévenu contre lequel
il pèse puisse figiirer sur une liste de juges? Cette incapacité a
d'ailleurs ici cela de particulier qu'elle est pTirement rtiomen*
lanée, car elle n'est qtie la conséquence du fait d^une pré-
284 0ES COURS d'a6B18E0.
venlioD qui peut à chaque instant ton)ber. Il importerait peu,
au surplus, que le prévenu, contre lequel un mandat a été
décerné, eut obtenu sa mise en liberté provisoire* La liberté
provisoire, comme nous Tavons établi ', relâche les liens du
mandat, mais ne le détruit pas; elle ne fait que substituer un
mode d'exécution à un autre mode ; et c'est au fait du mandat
qu'est attachée l'incapacité *.
La cinquième et dernière catégorie se compose des indi-
vidus qui n'ont été ni poursuivis ni condamnés à raison de
crimes commis ou de délits, mais qui, pour des causes diver-
ses, ont dû être écartés de la composition du jury : ce soDt
1^ les notaires, greffiers et officiers ministériels destitués;
2*" le» faillis non réhabilités ; 39 les interdits et les individus
pourvus d'un conseil judiciaire.
L'incapacité qui frappe les notaires et les officiers ministé-
riels destitués, puisée dans le a« 8de l'art, ik du décret or-
ganique du 2 février 1852, sur les élections, se justifie par
elle-même : la destitution d'un office n'est prononcée que
pour des causes graves qui doivent écarter des fonctions ju-
diciaires l'olficier qui en est atteint. Cependant cette mesure
acquiert ici une gravité particulière en ce qu^eile est néces-
sairement perpétuelle, puisqu'aucune réhabilitation ne peut
la faire cesser.
Les faillis non réhabilités ont, à toutes les époques de la
législation, été frappés de cette incapacité. L'art, 5 de la loi
du 22 frimaire au viii disposait que « l'exercice des droits de
citojcn français est suspendu par l'état de débiteur failli. *
Mais la jurisprudence^ en appliquant cette disposition^ a eu
des phases diverses. Il avait été jugé d'abord qu il y avait lieu
d'annuler la déclaration du jury k laquelle un débiteur failli
avait participé ^. Revenant sur cette première décision, la
Cour de cassation déclara plus tard : < qu'il appartient exdu-
sivcmcnt à l'autorité admistrative d'apprécier les qualités ci-
viles et politiques des citoyens qu'elle appelle aux fonctionsde
jurés; et que, par le seul iuii de l'insertion du nom d'un ci-
toyen sur la liste, il est présumé de droit avoir les qualiuss re-
quises^ et que par conséquent il n'est pas permis de relever
* Voy. u V, p. 88J.
> Il existe, en sens contraire, un arrêt da il messidor an vi; mais la lé-
gislation était tout à fait différente.
* Cats. 16 firocUdor an viii , rapu. M. Rapéroa. Dali* t* Inst. crim.
0. 1414.
BB LA COMFOSITIOM DU lUAY. § 597. ^5
après la condamDation la qualité de failli de Turrides jurés ^»
Mais celte jurisprudence fut renversée par un arrêt du 12
Dovembre 1841 qui casse la composition d^un jury : « attendu
qu'aux termes de Tart. 381 du C. d'înstr. cr., celui qui ne
jouit pas des droits politiques et civils ne peut, à peine de nul-
lité, remplirles fonctions de juré; qu'il résulte de rart. 7 du G.
civ.quereiercicedesdroits civiques est réglé par la loi consti-
tatioQDelle; qu'à l'époque où le Gode fut promulgué, la loi
constitutionnelle è laquelle il seréféraitétaitracte du 22 frim.
an VIII; qu'aux termes de l'art 59 de la Charte, le Gode ci-
vil et les lois actuellement en vigueur qui ne sont pas con-
traires à la présente Gbarte restent en vigueur jusqu^à ce
qu'il y soit légalement dérogé ; que la disposition de I art. 5
de Pacte du 22 frimaire an Tiii n'est pas contraire à la
Charte, et qu'il n'y a étédérogé par aucune loi ; que, nonobs-
tant cette incapacité légale, un négociant failli a été compris
au nombre des trente jurés parmi lesquels a été désigné par le
^rt Je jury de jugement et qu'il a encore fait partie de ce
jnry*. »
Cette dernière jurisprudence s'est trouvée confirmée par
l'art. 3 du décret du 7 août 1848 qui avait exclu du jury
les faillis non réhabilités ; la Cour de cassation n'a donc point
hésité è déclarer, sous l'empire de ce décret, que la présence
d'un failli non réhabilité sur le banc des jurés était une caUse
de nullité, toutes les fois qu'il avait fait partie du jury de ju-
gement ou que le tirage de ce jury n'avait été opéré
qu'avec le concours de trente jurés parmi lesquels il figu-
rait 3. La loi du 4 juin 1853 n'ayant fait que maintenir la
même disposition, cette jurisprudence forme aujourd'hui la
règle de la matière.
Le loi ne fait aucune exception pour les faillis dont le cori-
cordat aurait été accepté et homologué. La circulaire du mi-
nistre de la justice du 10 septembre 1848 le reconnaissait déjà
sons la loi du 7 août, tout en faisant une exception qui résul-
terait d'une loi transitoire ; «c L'homologation môme du con-
cordat, portait cette instruction, ne suffit pas pour restituer
* Ca«. 4 juillet 1811» rap^ M. Bauchau. J. P., U IX, p. HO 5 2Î o^
ISlî, npp. &!• RaUud ; 23 oct. 1812, rapp. M. BaïUy. J. P., l. a, p. 752
«l 766.
* Casa. 12 dov. 18&1, rapp. M. Jacquinot. Biiu. n. 822.
* CasK 28 juin 1850, rapp. M. de Boiaaieux; et 25 juillet 1850, rapp.
M. ÀQf . Moreaa. BuU. n. 206 et 238.
SB6 PtB CQUHS 1>*AS8)SES.
aux faillis leurs droits civils. Il faut eyceph^r ccpeudant lei
concordats homologués à la spitedcs suspensions ou cessations
de paiements survenues depuis le ^h février IBiSt Am ier<«
mes de Tari, i" de ce décret, ces suspensions n'entraînent
1^ inipapacités attachées à la qualité de failli que dans le cas
ou le tribunal de cpmmerce refuse d'homologuer le ooneordat^
ou, en rhomologuant, ne décUrp pas le débiteur affranchi de
cette qualification. Cependant la Go(ir de cassutioii déclara,
sous Tempire de la même loi, que le conopprs au jury de je-
gement d^un failli concorciataire n'était pasun^ eatt§e de nul-
lité ' ; mais cette décision était upiquement fondée sur ce qae
l'art. 3 n^'S de la loi du 15 mars 1840 admettait rinscripticn
sur les listes électorales des faillisadmisaucofîCQrdatou déclarés
eiccusables ^ ces faillis jouissaient donc de leurs droite» politiques
à cette époque, et, dès lors» $i leur inscription sur la liste des
jurés était irrégulière, puisque le décret du 7 août 1848 la
prohibait, elle ne pouvait, non plus (|uç leur participation
aux opérations du jury, entraîner aucune nullité. U n'en se-
rait pas ainsi aujourd'hui, puisque le n^ 17 de l'art. 15 dudj*
cret du 2 février 1852 exclut de 1^ liste électorale, coam? I^
loi du 4 juin 1853 le fait de la liste du jury, tous les faiilisqiii
u'ont pas obtenu leur réhabilitation.
U reste à parler des interdits et des individus pourvus d'uD
conseil judiciaire. Mais cette classe d'inpapableS| impropre-
ment placés parmi le$ individus qui fopt l'objet de rârt.2 de
in loi et qui sout pl^s ou moins flétris par les jugements qui
les frappent, nous semble devoir plus oaturellemeol figurer
dans le § suivant.
Il importe de rappeler seulement, en terminant ne para-
graphe, lo Que toutesles incapacités qui y sont énumérées sont
absolues, eu ce sens que les opérations du jury auxquelles au-
rait concouru un individu qui en serait atteint scraieotoulles;
lar Tart 1'' de la loi prononce la peine de nullité, non sea-
lument jsi le juré n^a pas 30 ans et ne jouît pas de ses droits
politiques et civils, mais encore s'il e$t dans Vun de9 fm^in-
cffffiMsiU prépus par l*^rt. %
2^ que toutes les incapacités sont^ par leur natnrc
m^a, de droit étroit ; qu'elles ne doivent point par oonsé'
qoeni être éttndwMau delà de leurs termes précis', qu'ainsi,
par exemple, il n'y a pas lieu de taire peser sur rofficier mi-
* Cass. 48 mai iSSOi h notre rapport» 9. 50| 4, 571.
BE LA COMPOSITION AU JIFKT. § 598. 2g7
nistériel suspenda une déchéance qui ne s'applique qu'à ce-
lui qui est destitué, ni d'étendre la même oécheance, soit à
rhéritier immédiat dubiiii, soif au débiteur qui ce trouve en
déconfiture, soit au coounerçanl contre lequel la séparation
de bien est demandée ; 3"" enfin que les incapacités qui sont
la conséquence d'une condamnation pénale « qu'elles soient
perpétuelles ou temporaires, cessent, aux termes de l'art. 634
du C. d'inst. cr., par la réhabilitation^
S 598.
1. Caasês d^exeloiîoiL — 11. Domesticité. — III. Défaut d'ioslruQiion.
— IV. Aliénation ineoule. — V. Maladies.
I. Après les incapacités absolues qui déritent uniquement
de la volonté de la loi, vîeni^ent les incapacités accidenlelles
qui, bien qu'elles soient également reconnues par la loi ré-
sultent d'un fait qu'elle ne fait que constater, plutôt que
d'une règle générale , et qui , restreintes à la durée de ce
fait, cessent aussitôt qu'il s'eflace lui-même.
L'art. 4 de la loi du 4 juin 1853, porte : « Ne peuvent ê(re
jurës^ les domestiques et serviteurs à gages; ceux qui ne sa-
vent pas lire et écrire en français; ceux qui sont placés dans
un établissement public d'aliénés, en vertu de la loi du 90 juin
18(8. » ^
Ces trois classes d'individus ne sent point déclarés incapa-
bles parla loi; elle se borne k les exclure. Kn effet, cette ex-
chisioo est uniquement attachée au fait de la domesticité^ du
déEautdIustructioo ou de la maladie ; sites personnes ainsi ex-
clues quîUeDt Irar service, si elles acquièrent une instruction
suffisante, si elles cessent d'être malades, leur inaptitude cesse
avec le fait qui la causait. Il n'y a donc point ici d'incapacité
véritable, il o'y a qu'une interdiction dont la cause est acci-
dentelle et qui doit tomber dés que cette cause disparaît. C'est
donc avec raison que le législateur a séparé ces causes d'ex-
clusion, pour ainsi dire naturelles, car elles dérivent de In
nature des choses, de celles qui sont fondées par la loi et qui
mi puisées dans une présoBqitioB d'indignité.
n faut examiner successivement ces trots cas d'exclusion.
II. Le motif qui a fait exclure les dcm^Aiques et servi-
teurs à ga^es est clairement expliqué par rinstructMo du 10
septembre 1848 : o On ne doit pas se tromper siu* l'esprit
de cette exclusion i ejle n'implique ni dédain ni mépris ;
288 Dfis COURS d'assmes.
elle prend sa source au contraire dans une idée élevée et mo-
rale. L'inaptitude qui est attachée à cette situation est foodée,
en eflet, sur ce que le juré doit jouir d^une entière indépen-
dance et être à l'abri de toute espèce d'influence. Il sait de li
qu'il s'applique à la fois, et la double expression employée
par la loi Tindique suffisamment, aux domestiques attadiès
au service de la personne et aux domestiques attachés au
service de la maison. Les uns et les autres n'ont pas une in-
dépendance assez complète pour exercer les fonctioiis de
juge. »
Déjà l'art. 5 de la loi du 22 frimaire an vni déclarait l'exer-
cice des droits de citoyen suspendu a par l'état de domestique
à gages attaché au service de la personne ou du ménage. >
Mais cette disposition fut implicitement abrogée par le décret
du 5 mars 184^8 qui appelait à l'exercice des droits civiques
« tous les Français non judiciairement privés ou suspendus de
l'exercice des droits civiques, i Les lois du 15 mars 18<k8 et
du 2 février 1852 se sont bornées ensuite è reconnaître le
droit d'électeur à tous les Français, sans distinction, jooîi-
sant des droits civils et politiques.
Il suit de là que cette exclusion, bien qu'elle soit justement
fondée sur l'état de dépendance où se trouve la personne,
n'entraînerait point sans doute la nullité de la déclaration du
jury à laquelle un domestique à gages aurait concouru. Son
inscription sur la liste serait irréguliére; maissMl n'est point
frappé d'incapacité et s'il jouit des droits civiques et civils, sa
participation aux opérations du jury ne pourrait entraîner
aucune nullité. Il y a lieu de remarquer ausurplusqueFarti-
cle 1'' de la loi du 4 juin 1853 se borne à déclarer que nul ne
peut remplir les fonctions de juré, à peine de nullité, s'il n'est
âgé de 30 ans accomplis, s'il ne jouit des droits politiques et
civils « et s'il est dans un des cas d'incapacité ou d'incompati-
bilité prévus par les deux articles suivants ; » il n'enveloppe
point par conséquent l'art 4 dans cette nullité.
in. Une deuxième exclusion frappe <x ceux qui ne savent pas
lire et écrire en français. »
Cette disposition, reproduite de Part. 2 du décret duTaoât
1848, a un double objet; elle exclut à la fois du jury : l'ceux
qui ne savent pas lire et écrire ; 2"* ceux qui ne savent pas la
langue française.
DE LA COMPOSITION DU JtRY. § 597. ^^^
Ces deux points avaient fait jusque-là difficulté et avaient
été diversement résolus.
Le défaut d^instruction n'avait point paru une cause d'ex-
clusion, sous l'empire du C. du 3 brumaire an iv : « Attendu
qu'il n'est établi par aucun texte de loi, que les jurés de juge-
ment doivent être lettrés, à peine de nullité des actes auxquels
ils oat concouru. « » Et, sous Temp-re de la loi du 2 mai
J827 : « Attendu qu'il n'existe d'incppacités que celles qui
sont établies par la loi ; qu'il appartient aux préfets, en exé-
cution de Tari. 2 de la loi du 2 mai 1827, d'apprécier le dé-
faut d'instruction et de connaissance des électeurs qu'ils
comprennent dans la liste sur laquelle s'exerce le tirage des
jurés ^ »
L'ignorance de la langue française était au contraire une
cause d'exclusion : « Attendu qu'aucun citoyen ne saurait
exercer les fonctions de juré qu'il ne soit en état de remplir
les devoirs prescrits parla loi, et que pour remplir ces devoirs
illaul qu'il soit suffisamment instruit dans Tidiome dans le-
quel se font l'mstruction et les débats de la procédure ; que,
par conséquent, le défaut de connaissance dudit idiome rend
un juré incapable d'en exercer les fonctions, et le met hors de
l'application de la peine portée parla loi^ » On avait cepen-
dant pensé qu'il serait possible de suppléer à cette ignorance
en plaçant un interprétée côté du juré * ; mais il fut reconnu
plus tard que cette mesure est impraticable : « Attendu
que cet interprète ne peut transmettre au juré tout ce qui
a été dit par les témoins, le ministère public et le président,
pour la manifestation de ta vérité ; qu'il ne peut lui faire coq*
naître que ce qu'il croit lui-même utile pour former sa convic-
tion ; que le juré ne peut apprécier par lui-même les preuves
k charge et à décharge ; que sa conviction est nécessairement
subordonnée à l'opinion d^son interprète; et que la loi veut
néanmoins que les jurés déterminent leur conviction d'après
le sentimenjl de leur conscience sur les débats qui ont lieu de-
vant eux ^. »
Ces diverses solutions doivent continuer de régir la matière
sous la légiflation nouvelle.
* eau. s mess, an tiii« rapp. M« Bayant Dali, t* Init crin. n. i4S7«
* Goar d*aift. de la Sdne, k janT. 1830. M. Jaoquinot Godard, prés.
* CSM. iS fendénu an vui, rapp. M* Basscbop. i. P., 1. 1, p. SOS.
* Giia. S juUl. 1812, rapp. M. Bauehau. J. ^^ U X, p« 53S.
* Ça». SO oct. ISiS, rapp. M. VaDloulon, J. P., t XI, p. 744.
y nu IS
290 >I8 COURS D*ASSltEf.
Ce$i avec une haute raison que le législateur a exigé que
les jurés sussent lire et écrire. Les jurés sont des jpges ; la loi
doit donc exiger, comme condition de leur participation à k
justice, le degré d'instruction indispensable pour saisir les
preuves de la vérité. On ne peut que se référer d'ailleurs aux
termes de U circulaire du 10 septembre 184>8 : c La loi
u^exige des jurés que le premier degré d'instruction : 1^ lec-
ture et récriture ; mais ce premier degré doit être complète-
ment acquis. Le citoyen qui ne sait pas signer son nofn ou
qui ne peut lire que les caractères imprimés ne le possède
pas. L'instruction primaire suppose, quand elle est entière, an
certain développement de l'intelligence qui est la pondilion
essentielle de la fonction. Gomment le juré qui ne pourrait
firendre aucune connaissance des pièces ^e la procédure pour-
ait-il consciencieusement juger? II faut ajouter qu'il e^f ué-^
cessaire que ces notions élémentaires s'appliquent à la}an|^ue
française , puisque c'est exclusivement dans cette langue
que les débats ont lieu et que sont rédigés |es actes. »
Néanmoins, atyourd'bui comme antérieurement à la loj, il
ne résulte pas de nullité de la participation d'un juré illettré
aux opérations du jury. La raison en est que Tart. i" de la
loi du 4 juin 18&3 n'attache la peine de nullité qu'aw^ inca-
pacités et aux incompatibilités établies par cet artide et par
les art. 3 et 3 et nullement aux exclusions énumérées dfns
Tart. 4'. Il s'agit d'une prohibition établie en vue de la
bonne distribution de la justice, mais qui a' entraîne aucune
incapacité absolue.
L'ignorance de la langue française devrait, au contraire,
aujourd'hui comme sous l'empire des h)is antérieures ^ être
considérée comme une cause d'exclusion. £n effet, on ne peut
admettre qu'un juré qui, ne parlant par exemple que h langue
bretonne, la langue alleamnde ou la langue italienae> ignore-
rait entièrement la langue française, puisse, étranger qu'il se-
' rait aux débats, qui ne peuvent avoir lieu qu'en français, de-
venir l'un des juges de ces débats ; et le^ arrêta qui dé-
nient dans ce cas à ce juge le secours d'un interprète, ont
conservé toute leur force, car ils sont l'expression de la rai-
son même.
Hais quel doit être l'effet de cette iucapacité? Cet effet dé-
pend de sa nature même : il s'agit ici d'une incapacité de bit
* Cass. iS mai 185A| rapp. M. J«Uob« Bull. n. iSi i 8 mars iSS^t npP*
M, Rives. Ëull« n, 87*
DE LA GOMPCSinOS OD J0ftY. $ 597. S91
et non ée droit. La loi ne l'a point prononcée et ne le pouvait
peat<-ètre pas ; car conament édicter une incapacité qui ne ré-
fdte que d'une ignorance relative? Il appartient à la Cour
d^MMnde faire l'appréciation du degré de capacité du juré
et de . Técarter «11 ne peut comprendre et suivre les débats.
Hais, si la Gour d^assises Ta admis ou si son ignorance de la
iaiigne française n*a pas été relevée au moment de la forma-
tkm da yarf, il y a présomption qu*il a pu utilement par-
ticiper au jugement. Gomment, en effet, fonder un moyen
de nullité sur la prétendue ignorance que le juré aurait de la
langue? Gomment faire devant la Cour de cassation la preuve
de âtteiguorance? C'est un examen qui ne peut appartenir
qu'A la juridiction devant laquelle se idme le jury.
iV. Une troisième exdusion a pour objet « ceux qui sont
plaoés dans uti établissement public d'aliénés, en vertu de la
Wdla30jiiini888. »
L'art. % B^ 10 avait déjà déclaré incapables « les in-
teidite et les individus pourvus d'un conseil judiciaire. »
Ces den classes de personnes, quoique la cause de Tex-
dnaioB soit souvent identique, doivent être soigneusement
iéparées. À celle-ci s^applique une incapacité de droit ; aux
«rtresone inèapaeitéqui est purement de fait.
C'est le jugement qui prononce l'interdiction on la nomina-
tioo du conseil judiciaire qui crée Tincapacité. Il est évident
ffOD Trodividu qui ne peut exercer ses droits par lui*mëme ou
sans Tassistanoe d*un conseil, ne doit pas participer à un acte
4e justice; il n'a pas la pleine jouissance de ses droits civils;
il ne peut 4lre juré. Cette incapacité est absolue et aux
fermes des art. 1 et % de la loi , elle entraine la nullité des
«périmions auxquelles a concouru le juré interdit ou dans les
Hensd'uneonseil judiciaire. Elle était déjà admise par la ju-
risprudence avant que la loi l'eût prononcée i.
La résidence dans un élabUssement public d'aliénés pro-
duit une incapacité de fait qui peut difficilement être élu-
dée. Mais en supposant qu'elle pût l'être, il ajppartien-
drait sans doute à la Cour d'assises de prendre cette cir-
constance en considération et d'écarte^aux termes même de
la loi, Je juré qui se trouverait dans œtte pontion. Touterois>
û elle n'éteit pas relevée devant 'oette Cour, elle ne pourrait
fonder ultérieurement une nullité, caria loi ne la prononce
* Casa, SSJttillt 1825, rapp. M. Brière. Bull. n. 185.
îl)2 UËS COURS d'assises.
pas et il y aurait lieu de présumer que le juré atteint de h ma-
ladie qui a motivé sa résidence momentanée dans une m<iison
publique d'a^"'énés, ne s'y trouve plus parce qu'il aurait été
complctenirnt guéri. 11 n'y a pas là de titre judiciaire qui éta-
blisse une cause légale et permanente d'incapacité ; il n'y a que
le fait d'une maladie qui peut n'être que temporaire et dont il
ne peut appartenir k la Cour de cassation de constater les effets.
Il en serait ainsi delà résidence dans un établissement privn
d'aliénés, puisque, aux termes de l'art. 8 de la loi du 30 juin
1838, les causes et les formes de Tentrée dans les établisse-
ments publics et privés sont les mêmes.
y. La loi ne s'est point occupée des infirmités qui peuvent
rendre les jurés tout à fait impropres i l'exercice de leurs fonc*
lions, par exemple, la cécité ou la surdité. Elle a pensé qu'il
appartenait soit à la Cour d'assises, parla voie des dispenses
ou des excusos, soit aux parties, par la voie de la récusation,
d'éloigner du jury les impotents et les malades. On ne pour-
rait donc admettre, comme l'a fait cependant la Cour decas-
sation dans une espèce particulière ^ ,que la déclaration du jury
puisse être attaquée par la preuve de la surdité de l'un de ses
membres. Il faudrait décider comme l'a fait la même Cour dans
une espèce plus récente : a que l'appréciation dés motifs d'ex-
cuse des jurés est abandonnée à la conscience et aux lumières
desGoursd'assises;querétat de surdité attribué par lesdemaa-
deursà deux des membres du jury de jugement n'a pas été jugé
parla Gourd'assisesde natureà les rendre incapables de remplir
leur mission ; qu'il y a dès lors présomption légale que ces
deux citoyens se trouvaient dans des conditions de capacité
non susceptibles d'être remises en question en instance de
pourvoi, à l'aide de documents extérieurs qui, en présence
des actes authentiques du procès, n'ont aucune foi pro-
bante*. » * ^
S 598.
I . Causes d^iDCompatibilité. — 11. Incompatibilités permanentes. —
lli. Incompatibilités accideiUeiUs. — IV. Parenté ou alliance des
jurés.
I. Les incompatibilités sont des dispenses ou des exclu-
sions qui sont fondées, non plus sur des Taits personnels aux
* Cas». 27 frim. an vu, rapp. \USautercau. J. P„ 1. 1, p. Î83,
« Ca^s. 30 jan?. 4S/i5, rapp. M. nocliiT. J. crim., t. XVIf, p. 75.
DE LA COMPOSITION DU JIRV. § 598. 293
individus écartés du jury, mais sur les fonctions perma-
nentes ou accidentelles qu'ils remplissent, ou sur les inté-
rè(s qu'ils ont, soit que ces fonctions où ces intérêts soient de
nature à influencer ou corrompre leur impartialité, soit
qu'il en résulte un obstacle à Taceomplissement du service des
assises.
Ces incompatibilités sont de deux espèces : les unes, pré-
vues par Tart. 383 du G. d'inslr. cr., sont permanentes en
ce sens qu'attachées à la fonction, elles subsistent dans la
personne du fonctionnaire pendant toute la durée de son
exercice. Les autres, prévues par Tart. 372, sont purement
accidentelles, puisqu'elles ne s'appliquent qu'aux affaires
dans lesquelles la participation personnelle du juré, sa qua-
lité Gif son intérêt pourraient Xaire suspecter son impar-
tialité.
II. Les incompatibilités permanentes sont énumérées par
Tart. 3 de la loi du h juin 1853, qui a remplacé sous ce rap-
port Tart. 383. Cet article est ainsi conçu : « Les fonctions
de juré sont incompatibles avec colles de ministre, président
du sénat, président du corps législatif, membre du conseil
d'État, sous-secrétaire d'État ou secrétaire général d'un mi-
nistère, préfet et sous-préfet, conseiller de préfecture, juge,
officier du ministère public près les cours et les tribunaux de
première instance, commissaire de police, ministre d'un culte
reconnu par l'État, militaire de Tarmée de terre ou de mer
en activité de service et pourvu d'emploi ; fonctionnaire ou'
préposé du service actif des douanes^ des contributions indi-
rectes, des forêts de l'État ou de la couronne et de l'adminîs-
tration des télégraphes ; instituteur primaire communal. »
Ces incompatibilités sont, en général, les mêmes que celles
que les lois précédentes avaient consacrées ; seulement les
fonctions de conseiller de préfecture, de commissaire de po-
lice et d'instituteur communal ont été ajoutées aux catégories
antérieures.
Il est une de ces incompabilités qui donne Heu à quel-
ques explications.
Que faut-il eniendrepar le mot jtig/dans l'article précité ?
11 est clair d'abord que cette qualification comprend les
membres de la Cour de cassation, des cours impériales et
des tribunaux d'arrondissement.
Conjprend-clie le^ membres des tribunaux de commerce?
tSi DU COUAI D*ASS.tSESr
Oai , « attendu que la dénomination de juges comprend
les magistrats de Tordre judiciaire» nommés et institués par
le roi, et qui administrent la justice en son nom ; que les
membres des tribunaux de commerce sont institués par le roi
et forment une partie importante de Tordre judiciaire; que,
par conséquent, leur qualité de juges s'oppose â ce qu'ib
puissent faire partie du jury K »
Comprend-etle les juges de paix? La réponse doit encore
être affirmative, puisque les juges de paix, dans des limites
de leurs attributions, sont de véritables juges ; ils en ont le
titre, sont nommés par le chef de TËtat et rendent la justice
en son nom*.
Comprend-etle les suppléants des tribunaux de première
instance, des tribunaux de commerce et des juges de paix?
Non, et la jurisprudence n*a jamais varié sur ce point. Il a
été décidé, V à Tégard des suppléants des tribunaux de pre-
mière instance : « que, d'après Tart. 12 de la loi du 27 Tent.
anTiii, les suppléants n'exercent les fonctions de juges que
momentanément et dans des cas purement accidentels ; qu'ils
ne t>euvent donc être assimilés aux juges dont les fonctions
sont habituelles et permanentes ; que Tart. (l de la loi du 30
avril ISfO n'a point détruit celte distinction, puisque le droK
d'assister à toutes les audiences avec voix de consultation et
même délibérative, en cas de partage, qu'il donne aux juges
suppléants, n'étant que purement facultatif, il en résulte que
les fonctions qu'ils sont dans le cas d'exercer, en vertu dudit
article^ sont également momentanées et accidentelles; d'où il
suit que l'incompatibilité que Tarr. 384 a établie entre les
fonctions de juré et celles de juge, ne peut être étendue aux
juges suppléants ; que ceux-ci peuvent donc légalement exer-
cer Tes fonctions de jurés; que si, dans Tart. 5 de la loi du
Snr ventôse an viii, il est dit que les fonctionnaires désignés
en Tart, i, parmi lesquels sont dénommés les juges san-'
pTéants^ ne pourront être requis pour aucun autre servu»
public, cetCe disposition a été modifiée par les lois et r^e-
ments postérieurs 3. » -*- 2^ A Tégard des suppléants des
* Cmu 22 juin 1889, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 20S ; et Conr. f 5 juUir
1S20» rapp. M. Rataud.- Bull. n. 100 ; 2& sept. iS25, rapp. H. Brière. BoU.
n. 192 ; sa nov. 1838, rapp. M. Vincens SULaurent. Bull. n. 360.
* Casa. S prairial an Tfn, rapp. M. Gliasle. Bull. n. 850 ; 25 prair. an ut,
rapp. H. Barria.. J» P.^ t. lY, p. il,
* Cnis. 1 juin 1821, rapp. M. Bussaliop. Bull. n. 85; et Conf. cju« 1%
juin 1821,, rapp. M. Marcheval; 3 janv. 1822, rapp. M, Glauselj 27 ftn
DE LA COMPOSITION »C JUftT. | 898. 29V
tribunaux dé commerce : « que» relatiyeroent aux juget»
rincompaiibilité u'existe qu'à l'égard des juges titulaires
institués par le roi, soit médiatement, à la suite d'une étec^
tKxi régulière, soil immédiatement, en vertu de sa préroga-
tive ; que les fonctions de juges suppléants ne sont pas de
leur nature permanentes, mais exceptionnelles; que dés lors
les r^Iements faits par les tribunaux de commerce sous la
sanction de l'aulorite supérieure , pour rendre les fonctions
des suppléants plus ou moins habituelles, ne peuvent étendre
le cercle des incompatibilités ^ » — Enfin» à IVgard des
suppléants des juges de paix : « que si, aux termes de Tart.
3 de la loi du 4 juin 1853, les fonctions de juré sont incom-
patibles avec celles de juge, les fonctions accidentelles et
momentanées que les suppléants des juges de paix sontappe^
lés à remplir ne peuvent leur conférer le titre déjuge (jui, dana
les larmes de la loi» ne s'applique qu'aux juges qui ont des
fonctions habituelles et permanentes '• »
Cette qualification comprend-elle les conseillers et les
juges honoraires et en retraite? Il faut répondre négativement,
« attendu que si les magistrats honoraires continuent à jouir
des privilèges et prérogatives attachés à leur état, ils n'en sont
pas moins dépouillés de leurs fonctions et ne peuvent ôtrs
considérés cofnme des juges dans le sens de l'art. 883 '. •
Comprend-elle les membres de la cour des comptes? Non
encore, a attendu que l'art. 383 n'a point créé une préroga*
ttve i raison de l'émincncedes fonctions, mais qu'il a déclaré
une incompatibilité fondée sur leur nature môme; que les
inoonipatibilités spnt de droit étroit, et ne peuvent s'étendre
hors des cas pour lesquels elles ont été formellement établies )
que la disposition du Gode, qni déclare les fonctions de juré
incompatibles avec celles de juge, no concerne que lesmagis*
trats de l'ordre judiciaire proprement dit ; que la cour des
comptes a été instituée pour le jugement de la compubilité
publique; que ses arrêts peuvent être attaqués pour violation
jdjtft. rvv».lf« ItatMRt; iO aoftt iSlS, rapp. M. Ollfvi«r; 7 mat IS39, rapp.
M. oîlivicr I 7 nûi899, rapp. M. MaosiQ ; SO loai ISS», rapp. M. C)aase>s
8 janv. 1839, rapp. M. Gaillard; 23 août 1883, rapp. M. doCrouseillieai
4 £l iS46, rapp. M. Oehauasy.
^ VGwb 18 avril ISSO, rapp. M. iMmbert. Bail. a. 118.
• Caift 9» j«ln 1854, rapp, M. Avg* Moreau. Bull. o. 209 , et Conf. eaas*
te août 1838, rapp. M. Ollmer. J. P., t XX, p. 797; so mai 4829, rapp.
M. Cisoiei. ^ Po t- 3^Wi P* A078; 15 no?. 1837, cli. eW., rapp. M.'MiUer.
BbU. ?• iMt, cr. D. 1431.
» GQSS* ^9 mai 1842, rapp. M. de Ricard. BuiJ. p. 124^
290 DKS COUHS B\ftfilS£8.
(les formes ou de la Ioi\ par la voie du recours au conseil
d*Ëtat ; que, par la nature de ses attributions, elle appartient
donc à la juridiction administrative ; qu^ainsi les membres de
cette cour ne se trouvent point placfc dans l'exception prévue
par le § 1 dudit article \ »
La même solution doit s'appliquer encore aux prud'hom-
mes : « attendu que les conseils de prud'hommes, institués
en vertu de la loi du 10 mars 1806, n'appartiennent à l'ordre
judiciaire ni par leur composition, ni par le mode de leur
nomination et de leur établissement, puisqu'il suffit d'être
marchand-fabricant, chef d'atelier, contre-^nafire teinturier
ou ouvrier patenté, pour être appelé à en faire partie ; que les
ordonnances de leur création, dans les communes où leur
utilité est reconnue, sont rendues par le roi sur le rapport du
ministre de l'intérieur ; que les membres de ces conseils no
sont pas nommés par le roi comme les juges civils, ni insti-
tués par sa majesté comme les juges de commerce*, que si ces
conseils exercent, concuremment avec les tribunaux civils et
de commerce, comme les maires avec les tribunaux desimpie
police et les conseils de préfecture avec les tribunaux de police
correctionnelle, une juridiction proprement dite, ils ne font
pas pour cela plus essentiellement partie de Tordre judiciaire
que les maires eux-mêmes, leurs adjoints et les membres des
conseils de préfecture; que tour à tour arbitres, experts et
surveillants, leurs fonctions habituelles sont des fonclioûs de
police et de conciliation entre des individus qui pratiqueiit
une même industrie ou suivent une même profession et ne '
s'étendent pas sur Tuniversaiité des citoyens ; que, s'il no-
dent des jugements, ce n'est qu'entre ces mêmes individus, i
l'égard d^ certaines causes seulement, et par exception, et
sans être revêttis du caractère habituel des juges; que si le
législateur a voulu écarter des fonctions de juré les magistrats
qui, par l'habitude journalière et la longue pratique des af-
faires judiciaires, pourraient ne point apporter dans l'exercice
de ces fonctions cette disposition d'esprit et cette indépendance
(ie toute méthode légale que la loi désire trouver dans les ju-
rés, il est évident qu'elle n'a pu ni voulu appliquer cette in^
capacité àdes hommes recemmandables sous tous les rapports,
investis de la confiance de leurs concitoyens, exerçant des
* Cau. Si aTiil iS&S, rapp. M. Bresson. Bull, n. 87; et Cont casa. iS
manlSlS, rapp* M, OllîTier. Dali. ?• Insu cr. n, 1487 ; !0 fév. 13^1, raM»*
M. CItaoltrejna. Bull. d. J5. '^
DE LA COHrOUTION DV IDIT. § 598. 297
fonctions libres et industrielles, et dont les fonctions tempo-
raires, et ordinairement extra^judiciaires, ne peuvent modiâer
la manière de voir et dominer la conscience dans l'apprécia-
tion des faits et des circonstances qui résultent des débats ou-
verts sur une accusation \ »
Elle s'applique aux maires et adjoints des communes non*
chefs-lieux de cantons, qui connaissent» comine juges de po.
lice» de certaines contraventions commises dans L'étendue de
leurs communes : « attendu qu'ils n'exercent les fonctions de
juges de police qu'éventuellement et dans un petit nombre de
circonstances ; qu'ils ne les exercent qu ^accessoirement à leurs
fonctions principales , et qu'ils ne sont point compris au
nombre des juges proprement dits dont les fonctions habi-
tuelles sont incompatibles avec celles des jurés *• »
Elle s'applique enfin aux greffiers des cours et tribunaux :
« attendu qu'aucune loi n'a déclaré incompatibles les fonc-
tions de juré avec celles de greffier d'un tribunal ^^ »
Ces différentes décisions expliquent nettement le sens du
moXjuge et l'application qui lui a été donnée. Les autres
fondions indiquées comme incompatibles ne demandent au-
cane explication. La jurisprudence avait déclaré que Tincom-
ptKkibililé nes'étendait poinlaux conseillers de préfecture^, aux
commissaires de police >, aux fonctionnaires du service actif
des administrations publiques 6, aux militaires en activité de
serviee?. Ia loi du 4 juin 1863 a modifié ces décisions en
inscrivant parmi les fonctions incompatibles ces fonctionnai-
res et agents.
Les incompatibilités permanentes ainsi reconnues, il nous
reite à établir les règles qui doivent être suivies lorsqu'elles se
produisent.
Toutes les fois qu'un des fonctionnaires qui viennent
d'élre énumérés a participé, soit à un tirage de jurés
effectué avec le codcoivs de 30 jurés seulement, soit à la dé*
* Gais, tk sept 1895, rapp. M. Brière. BalUn. 192.
* Caai» SS mai ISU, rapp. M. Oudaru DaU. ▼• Intt. criin. d. 14SSt et
ConC cas». SI janv.lSlS, rapp. M.Liborel ; 8 ocLlSlS, rappw M.Vanloulon;
25flq>t. 1825, rapp. 11. Brière ; 14 sept, 1837, rtpp. M-Yinceas St-Laurent,
* Gmi. 19 déo. 1807« rapp. M. Busachop. Dali, v* Inst. mm. n. ikkk, et
Coof. caïa. as ft?. 48S», rapp. M. RJTes. Bull. n. 59 ; S jaaf. ISâS. Bail,
n. iS; et 28 jain 1850. DalL 50, 5, lOi.
*CaM. 25iept. 1825. BuIL n. 192; 22 aTril 18&6. Bull n. 99; 25 déc.
1S52. Bull. o. US.
' Casi. 2 mai 1810. Dali, t* Insu crim. n. 1445.
* Gaii. 21 vend., 27 frim. et 19 ventôse an tiii. Bull. ii. 37, 171 et 285.
' Cau. 9 martlSSa. Bull. d. 85.
29S »K8 COURS P ASSISES.
claration du jury, il y a nécessairement lieu d'annuler Tarrèt.
L'ait. 1 de la loi du 4. juin 1853 porte, en effet, que nui ae
peut remplir le9 fondions de juré, à peine de nullité.. «, i^U
€9t imê un des ca$ dHncapacité ou d'incompatibiliU préyos
par les deux articles suivants. » L'art» 8, qui définit m in-
compatibilités permanentes, se trouve donc protégé par cette
^sanction, La loi a établi^ è Tégord des fonctionnaires qu'elû
à exclus, une impossibilité légale de siéger. Peut-être eûtr>il
été possible de diviser ces fonctionnaires en deux catégories :
pour les uns, qui peuvent porter dans le jury des influencer
qui en altéreraient Fcsprit, il y aurait eu réellement impossio
bilité d'en remplir les fonctions; mais pour les autres, qui n'en
softt écartés qu'en raison de la gravité des devoira qui pè«
sent, sur eux et dont ils ne peuvent être même temporairement
sottstraitSf c'était une dispense et non une exclusion que la loi
eût du formuler. Mais cette distineiion^ qui était h coué-
quence naturelle du double molif de Texciusion, n'ayant point
été faite, et la loi ayant confondu toutes les incompatibilités
permanentes dans une même disposition, il s'en suit quel»
seule présence d'un fonctionnaire» quel qu^il 6oil> oompris
diins cc3ineompatibilités,au tirage, s'il n'y a que âO jurés ou
dans le jury de jugement, entraine nécessairemeiit la mitUté
de la procédure^ Le jury n'est légal qu'autant qu'il est formé
et composé selon le vom de la loi ; il est donc illégal qjMndon
y a admis des personnes dent les fonctions sorc ééiclarées n^
compatibles avee celles des jurés.
Uais, à côté de cette règle générale, il faut poser une dou»
ble limite qui, sans fai restreindre^ doit sans cesse la ooolanir
sur le terrain que la loi lui a assigné.
£n premier lieu, Tincompatibiliié même permanente n'est
qu'une exception. En effet, l'obligation de remplir ke fonc-
tions de jurés est une charge publique imposée sus citoyens
Igés de trente ans aooompfis et réunissant les oonditiom
d'aptitude établies par la loi. Toutes les exemptions qui vien*
Beat distraire des citoyens de cette charge, et par conséqpiént
les incompatibilités qui restreignent le cercle des aptitude,
sont donc des exceptions à la règle commune, n suit d^ là
qu'il est rigoureusement interdit de les étendre au delà de
leurs termes. Nous avons vu tout à l'heure, au sujet des
juges suppléants, des juges honoraires, des greffiers, des mai-
res et adjoints , que la jurisprudence n'a jamais cessé d'np-
pliquef cette règle avec sévérité.
DE LA COMPOSITION DV JUAT. f 598. 299
En second Heu» rincompalihtiilé, issue de l'exercice d'une
fonction, cesse nécessairement avec la fonciion d'où elle
dérive. Ainsi, le préfet ou le sous-préfet qui donne sa démis-
sion, le magistrat qui prend sa retraite, le militaire qui est
mis en non activité peuvent être inscrits sur la liste du jury^
Leur exclusion n'est attachée qu'à U fonetion ; elle n'est
poînl une prérogative personnelle; car il n'a point été dans
resprit de la lOi d'en faire un privilège.
Telles sont les deux conditions qui dominent sans cesse
l^applicsition des incompatibilités: que si, en dehors du cer-
cle tracé par la loi, quelques fonctionnaires ou agents trou*
vent, dans leur service, un obstacle au service du jury, ils
peuvent réclamer une exemption de la Cour d'assises, mais
celte exemption leur est accordée à titre de dispense tempo-
raire, el non à titre d'incompatibilité : l'incompatibilité ne
peat pas sortir des termes où la loi Ta posée.
III. Les iocompalibilités purement accidentelles sont pré^
vues par Tart, 392 du G. dinstr. cr. qui porte que « nul ne
peut être juré dans la même affaire où il aura été officier de
police judiciaire, témoin, interprète, expert ou partie^ à peine
de nullité. »
Le caractère propre de ces ineompatibilités, c'est qu'elle
ne produisent leur effet que dans les affaires où le juré a rem->
pli la fonction d'officier de police judiciaire, d'interprète ou
d'expert, où il a figuré comme témoin, où il a été partie. Cet
effet est donc purement temporaire; il expire avec Taffairo
elle-même. C'est la prévention qui peut se former dans l'es-
prit du jaré que la loi a redouta ; elle écarte toutes les per*
sonnes qu*eUe peut présumer subir la même influence, parce
Vi'elle veut avant tout un jury impartial. Tel est Tesprit et le
but de Part. 392.
Ghaame des fonctions ou des qualités auxijuelles est atta-
chée PineompatUrilité, demande quelques explications.
La loi écart» d'abord Vofficier de police judkiaire. Nous
avons vu i qjuels officiers s'applique cette qualification ^.Toas
eeux qui ont procédé à quelque acte de leur fonction, même à
la rédaction d'un procès-verbal ou d'une plainte, ne peuvent
dans la même affaire être jurés ; ainsi, la Cour de cassation a
annulé trois procédures dans lesquelles le maire, après avoir
* Voy. l, IV, p. 78,
300 i»Es GOUKs d'assises.
réaigé en c«ito qualité le procès-verbal constatant le fait im*
puté à Taccusé, avait ensuite siégé comme juré au procès '.
Mais est-il permis, quand la raison de décider est la même,
d^étendre la prohibition à des officiers qui ne pas sont revêtus
de ce titre ? La Cour de cassation a rejeté un pourvoi foodé
sur ce qu'une Cour d'assises avait écarté un juré qui avait
assisté le juge d'instruction comme commis greffier dans
la même affaire : « attendu qu'aux termes de Tarticle 1040
du C. de proc. civ. le juge, dans tous les actes et procès-
verbaux de son ministère , doit toujours être assisté du
greffier; que spécialement lorsque le juge d'instruction se
transporte sur les lieux du crime , il doit être accompa-
gné du greffier (art. 62 du C. d'inslr. crim.); que les té-
moins doivent être entendus séparément, loin de la présence
du prévenu, par le juge d'instruction assisté de son greffier;
que les dépositions sont signées du juge, du greffier et du
témoin ; qu'ainsi le greffier^ officier de justice, auxiliaire légal
du juge d'instruction, entend avec lui les témoins dans leurs
déclarations, le prévenu dans ses interrogatoires; que la
signature apposée aux proc<>s* verbaux en est la garantie lé-
gale ; que s'il n'est point officier de police judiciaire, dans le
sens restreint de cette expression, il est cependant incontes-
table qu'il prend une part nécessaire à l'instruction ; que ses
fonctions s'identifient avec celles du juge d'instruction et ne
permettent pas qu'il devienne un juré impartial et indépen-
dant dans une affaire dont l'instruction est du moins sou
œuvre matérielle ; que comme le témoin, l'interprète, l'ex-
pert, il arriverait à l'audience avec des impressions reçues et
souvent même avec une conviction formée en dehors des dé-
bats, ce qui est essentiellement incompatible avec les prin-
cipes de rinstitution du jury; enfin, que la présence du
greffier à la délibération du jury avec la connaissance des dé-
clarations écrites des témoins et la possibilité d'en reproduire
le contenu, serait une violation du § 8 de l'art, 341 qui
défend de remettre aux jurés lesdites déclarations '. » Cet
arrêt signale avec beaucoup de force une véritable lacune
dans l'art. 392 ; mais lui étaitril permis de la combler? Il est
très vrai que la même raison qui tcarte l'officier de police
judiciaire ou le juge qui procède à une instruction, devrait
> Cass. 16 fruct. an ix, BuU. n* S2i ; 7 noT. 1833, rapp. M.RaUud. Biill.
II. i05; 2i mars ISaO, rapp. M. Gilbert de Voisins. BuU. n. 95.
' Gasi. 5 ocu 1049, rapp. M. de Glos. Dali. 49, S, 80.
DE LA COMPOSITION DU JlRY. § ÎK)8. IM}\
écarter le greffier qui assiste à cetfe instruction et en dresse
tous les actes; mais esi-îl permis d'ajouter à la catégorie dc5
incompntibilités un cas nouveau , de sortir des termes res-
Irictifsdela loi, d'étendre une exception ? )/aprôt exprime,
nous le croyons, le véritable esprit de la loi, miis il s'appuie
sur cet esprit pour créer une disposition nouvelle, et il
semble didicile de le suivre jusques là. Le$ greffiers ne sont
pas plus des officiers de police judiciaire qu*ils ne sont des
jnïres , et la jurisprudence qui a refusé de les comprendre
dans Tart. 383, pourrait être facilement opposée à celle qui
les comprend dans Tart. 392.
Cet article exclut, en second lieu, les témoins. Nul ne peut
être juré dans une atTaire où il a été témoin, car on ne pour-
rait comprendre un juge descendant de son siège pour témoi-
gner et un jugement impartial à côté des impressions person-
nelles du témoin. Ainsi, lorsque les jurés ne sont qu'au nom-
bre de trente et que parmi ces trente figure un des témoins,
ou lorsque ce témoin s'est assis parm' les jurés de jugement,
il y a nullité des débats*. Il suffit même que le témoin ait été
entendu dans l'instruction écrite pour qu'il ne puisse faire
partie du jury, lors même qu'il ne serait pas cité à Taudience :
ce n'e!>i pas seulement le rôle qu'il remplit au débat qui
Texclat, c'est surtout la prévention que la connaissance per-
sonnelle qu'il a eue de Taffaire a jetée dans son esprit.
Il exclut, en troisième lieu, les experts et les interprètes.
Comme les témoins, les experts expriment une opinion sur
l'un des points de la cause, ils n'ont donc point une complète
impartialité, et ils ne peuvent dès lors siéger parmi les juges.
Il suit de là que le juré qui, en sa qualité de médecin, accep-
terait pendant les débats la mission d'une vérification, frap-
perait de nullité la délibération à laquelle il participerait
ensuite : « attendu que si Tart. 383 exclut, à peine de nullité,
des fonctions de juré celui qui, dans la même affaire, a rempli
celles d'expert, il en résulte que le juré qui, dans un débat,
accepte une commission pour faire une visite et une vérifica-
tion, et se sépare de ses collègues pour exercer ainsi des fonc-
tions d'expert, se dépouille de sa qualité de juré ; qu'il la perd
irrévocablement et que sa.participation à la délibération du jury
* Cass. 83 fév. 1821, rapp. M. Aumont Bull. n. 47; 1» julll. 1831. Buli.
n, 114; 2nof. iSîl. Bull. n. 175; 14 mai 1825. Bull. n. 95; 10 mars 1826.
BaU. D.44; 22 mai 1830. Bail. n. 139; 11 janv. 1838. Bull. n. 10; 30
sei.l. i836. Dali, f losl. or. D. 1465; 21 juin 1850. Dali, .50, 5, lOS.
202 V^^ COURS D ASSISES.
en produit la nullité ' . «Muisricn ne slopposcrait (k ee que, dans
le couTBdf's débals, une expertise fût conGéeà Fun des jurés
qui ont participé àla formation du tabieaudu jury s'il n'en fait
point partie '. Il résulte encore de la même régie quele médedn
ou le pharmacien qui » dans le cours de t^instruction, a été
chargé d'une expertise, ne peut ensuite être porté sur la liste
des 30 jurés et qu'il y a lieu d'annuler la procédure dans li-
quelle ce cumul est vérifié : « attendu qu'il résulte des pièces
que le sieur Cosanc, commis par justice dans rinstmction de
l'affaire criminelle poursuivie contre le demandeur, pour vé-
rifier les blessures à raison desquelles la poursuite a été faite
et en dresser procès-yerbal, est le même qui a fait partie des
30 jurés appelés pour la formation du tableau des douze ;
que la vérification par lui faite, en vertu du mandat de justice,
et le procès-verbal par lui dressé lui avaient imprimé le. ca-
ractère d'expert dans cette affaire ; qu'aux termes de l'arti-
cle 883, il était donc frappé d'incapacité pour remplir les
fonctions de juré^^. » Il on résulte enfin que la nullité doit être
prononcée, lors même que l'accusé n'aurait élevé aucune ré-
clamation, lors même que l'expert n'aurait pas prêté serment:
« attendu que le silence de l'accusé à cet égard ne saurait être
opposé au moyen proposé, puisque la formation régulière du
jury de jugement mtéresse l'ordre public ; qu'il est suffisam-
ment <M)nstaté que le juré dont il s^agit avait, lors de Finstroc-
tion de l'affaire, rempli les fonctions d'expert; qu'il imparte
peu que le magistrat instructeur ait négligé de l'assujétiraa
serment prescrit par l'art, kk du G. d'inst. cr. ; que cette in-
fraction à la loi ne détruit pas le fait des opérations auxqudks,
sur la réquisition de la justice, il s'est livré, soit àrégard
des matières soumises à son examen, soit à l'égard de la per-
sonne même de l'accusé, à l'effet de reconnaître en lui l'au'
teur des deux faits criminels dont l'examen a été renvoyé au
jury 'j qu'il suffit que ce citoyen ait été appelé à donner son
opinion sur Tune des circonstances du procès pour qu'ensuite
il ne put en devenir juge^. »
ft Gasi. 2S mai ISi9, rapp, M. GaHhrd, Bull. n. St.
* Cast. 29 août 183S, rapp. M. Rocher. J, P., t. XXVI. p. 802 ; 9 julor
iWT.D.li. »7, 4,480.
* Cass. is juillet 1821, npp. M. Daubers. Bull. o. iOO; 82 mil iSl^
Bull. D. 68 ; 5 juin 1828. Bull n. 71 ; il oct. 1826. Bail. D. 20i : 0 fênier
Iè34. Bull. n. 42«
* Cais 28 avril i88Si r»pp, M. Isambert. Bull, n. 109.
DE LA CMPOftITfON M ttttY. § 598. 303
Enfin U loi e&elut les parties, saivant la règle de jusiicc
qM nul ne peut ètfe jage dans sa propre caase. Qae faut-ii
entendre par partiêif On trouve œ mot eipiiqaé dans un
wréL qui porte: « que si l'art. 883 déelare que nul ne peut
èlre juré dans la même affaire où il aura été partie» on ne
Mut considérer comme tels, dans les affaires eriminelles, que
les dénondsfteurs, les plaignants et les parties poursuivantes
00 les parties eiviles, et que l'ineapaeité prononcée par cet
article ne saurait étreétendue à d'autres personnes, parce qu'il
s'agit d'une disposition d'exclusion qui doit être rigoureuse-
ment restreinte aux cas déterminés pour lesquels elle a été
porté*', s Ainsi, on ne peut considérer comme partie, dans
nne accusation de faui, le porteur d'actions d'une société
ano&jme au préjudice de laquelle le taux aurait été commis ' ;
ma y dans une accusation de banqueroute frauduleuse, celui
qui serait créancier, soit du failli ', soit de la partie cirile ^.
Cependant la jurisprudence a dû faire fléchir cette régie dans
un seul cas : Tinscription du nom du défenseur de l'accusé
sur la liste des trente jurés opère, comme le concours de l'une
des parties, la nullité de la procédure. La Cour de cassation
avait rejeté d*abord cette cause de nullité ; elle avait pensé
que la qualité de défenseur pouvait donner lieu à la récusa-
tion du juré) mais ne pouvait fonder une incompatibilité puis-
que la loi ne Tavait point prononcée ^. Mais un nouvel exa-
men de la question amena une décision contraire : « attendu
que le conseil désigné» suivant TarU fl9kf à Taccusé dans son
dernier interrogatoire, peut, selon les ari. 302 et 305, com-
nuniquw immédiatement après avec Taccusé, prendre com*
Buinication des pièces» prendre ou faire prendre copie de telles
pièc^ qu'il juge utiles à la défense de l'accusé ; qu'il peut
aussi recevoir ses instructions et l'assister au moment du ti-
îage du jury ; et que, sous ces divers rapports, il s'identifie
avec l'accusé, son client^. » Ainsi , par cette raison que les
défenseurs des accusés s'identifient avec eux, ils ne peuvent
être jurés, parce qu'ils sont considérés comme les parties
ft Cass. s lept. 1826, rapp. IL Brière. EolU d. ilk»
• Mêaie arrêt.
s G: st. A nof. 1824.
* Gus. 16 oct iaÂ6, rspp. If. Rocher, ittll. tu 279.
• Cstt. 5 oct 181S, rapp. M. Ollivier. J, P., U XIV, p, 10S7.
* Caié. 28 jant. 1825, rapp, M. Brière. Bull n. Il ; 26 avril 1822» rspp.
11. OUiTier. BoU» lU liS.
uOi DES COURS u'aSSISES.
elles-mêmes. Cette jurisprudence n^a plus farié \ et la Cour
de cassation a maintenu en conséquence plusieurs arrêts par
lesquels des cours d'assises avaient ordonné que le défeoseur
de l'accusé ne ferait pas partie des jurés sur lesquels s*opér«t
le tirage du jury de jugement \ Mais elle en a en inènie
temps restreint l'application dans des term^ étroits : ce n'est
qu^au défenseur, actuellement chargé de la défense, que
s'applique cette fiction qui le confond avec la partie. Ainsi,
dans une espèce où la cour d^assises avait ordonné le retran-
chement avant le tirage du nom de Tun des jurés, sur le fon-
dement qu^il avait été le notaire et le conseil de Taccusé, celte
décision a été cassée : « attendu que cette mesure, . qui ne
rentrait dans aucun des cas d'élimination légale» a eu pour
effet de dépouiller de son droit le juré dont il s'agit, de priver
l'accusé de la garantie éventuelle résultant en sa faveur de
Texercice de ce droit et de vicier l'opération du tirage ; qu'en
dehors des cas d'incapaoité et d'incompatibilité expressémeot
prévus par la loi, et de dispenses ou d'excuses admises par la
cour d'assises lors de la formation de la liste de session, les
jurés ne peuvent être éliminés que par voie de récusation non
motivée et dans les limites du droit respectivement attribué à
ce sujet, soit au ministère public, soit à Taccusé^. » La même
solution s'appliquerait au notaire qui aurait été conseil des
créanciers de la faillite, lorsque l'accusation est dirigée cootre
le failli 4, à Tavocat ou à l'avoué qui aurait exercé ou occupé
dans une instance civile pour ou contre l'accusé ^, et encore
à l'avocat qui a été consulté par la partie lésée pour savoir si
elle devait se porter partie civile ^. Mais il en serait cependaot
autrement à l'égard de l'avoué qui, en sa qualité, aurait sigûé
la plainte concurremment avec la partie lésée : « aueodu
qu'un avoué est un mandataire ad liles^ et qu'il ne peut être
considéré comme personne distincte de la personne dont il
soutient les intérêts; qu'ainsi, dans l'espèce» le juré qui avait
signé la plainte doit être de droit assimilé à la partie, et qtie
dés lors il était frappé de l'incapacité prévue par Tari. 392 à
s GaM. 20 jttin iai9, rapp. M. Ricard. Dali. 99, 1, 884 { il mai 1848»
rapp. M. Iiambert. BoiJ. m 148.
"Gan. n juin 1885, rapp. If. Debauiay. BulU a. 181; 85 avril A889,
rapp. M. Ricard. Bull. n. 186.
* Caaa. 28 jaiifier 1844, rapp. If. Rocher. Boll. n. 25.
* Can. 21 déc. 1848, rapp. M. JacquinoL Bull. n. 825.
• Casa. 2 Bf ni 1820, rapp. M. MaDgin. DalU 2», 1, 208.
• Gaïa. 8 ocu 1844, Gac. des trib. da 4.
M LA fiOMPOSITIM DO IIRT. § 598. 305
peîiw de nullité ; que si de cette incapacité la Cour d'assises
n'a fait qu'une (gestion d'excuse, elle n'en a pas moins agi
légalement en éliminant ce juré et en complétant la liste des
trente par l'appel du premier juré sup]}lémentaire i. »
La parenté ou alliance des jurés, soit entre eux, soit avec
les parties, les juges ou les témoins, est-elle uiie cause d'in-
compatibilité T Non, puisque l'art. 392 est muet sur cette
cause et cpi'aucune autre loi ne Ta établie, puisque les in-
compatibilités sont de droit étroit, enfin puisque les motifs
qui les ont fondées entre les juges permanents n'existent
point, au moins au même degré, entre les jurés.
Ainsi, point d'incompatibilité pour les jurés les uns vis-à-
fis des autres. La C!our de cassation, entraînée par Tanalogia
fà assimile les juges et les jurés, avait d'abord adopté cette
incompatibilité : « attendu qu'en matière criminelle, les jurés
sont véritablement les juges du fait qui leur est soumis; qu«
les jorés ainsi constitués font une partie essentielle et inté-
grante du tribunal criminel ; qu'ainsi les mêmes incompatibi-
lités existent i leur égard et telles que la constitution le dé-
termine pour les tribunaux •; » mais cet arrêt ne fut pas
suivi et il a toujours été décidé depuis : t qu'aucune loi pos-
térienre i l'institution des iurés n'a rendu communes à cette
institution les dispositions des lois relatives aux membres des
cours et tribunaux, parents ou alliés les uns aux autres; que
les jurés n'ayant pas le caractère public déjuges, il n'y a pas
même de raison d'analogie pour appliquer à ceux-là les régies
faites pour ceux-ci ; que ce qui concerne la constitution du
jury est l'objet spécial du chap. 5, sect, 1, tit. 2, liv. 2 du
C. d'inst. cr. ; que, dans cette section, les causes qui mettent
obatacle i l'exercice des fonctions de juré sont déterminées -
qu'il nWest pas parlé d'empêchement résultant de la parenté
•u de ralliance; qu'il n'y est pas dit que ces fonctions ne
paissent pas être exercées simultanément dans les mêmes af-
faires par les citoyens parents ou alliés entre eux, s'ils réunis-
sent d ailleurs les conditions re(]uises, et qu'il n'est pas per-
misde supposer des incompatibilités que la loi n'a pas établies •
que dès que la loi n'a pas fait de la parenté ou de lalliance
des citoyens entre eux, un obsUcle à l'exercice simultané des
fonctions de jurés, on ne saurait admettre^ dans la manière
•€mi. ao noT. iSS7, rtpp. M, iMuberU BuU. n. 4i6.
* Gui, il fraotidor an vi, rapp. If. RaouU Dali. t« Inst, cria. n. i47S.
VIII, 20
BES COURS D ASSISES.
de compter les \oix dont se compose une déclaration deim;,
des règles uniquement faites pour ^es Ju^es parepts oi| nlfiës
3ui ne siégçnt dans les mêmes cours ou tri.]i»unau)( qfKW^ vertu
é dispense accordée par Tautorité royale ^ » Uo autre ajprèt
ajoute : « que si Texercice simultané des fobctioii(S 4cîuri par
deux citoyens parents ou alliés peut présenter quel({ues in-
convénients dan^ rint^èt 4e radmipistratioi^de I9 î^BticeJe
droit de récusation doi^t la loi a investi Tacçys^ et le ministère
public sufBt pour faire disparaître cesi inconvénients et préser-
ver les délibérations du jury de toute in(luenc€ qui pourrait
être dangereuse à la vérité *. » Aii^si, peuvent fftire pfirtîe du
même jury deux cousins •, deu^ be^u^i^-frèrç^ *, 4^u* Ùiief ^
\e beau-père et le gendre «.
Point d'incompatibilité à raison de la parçnt^ ou allj^
des jurés avec les juges : « attendu que les incomp^tiÛIÙés
sont de droit étroit et ne peuvent être étendues } qu'(U30UQ
texte de loi ne s^oppose à ce que le père et ^e f[ls pu^j^eat
connaître de la même affaire, Tuu comme i^ré et laQtf[e
comme membre de la Cour d'assises» et que d& 1^3 ii p^ sau-
rait résulter de leyr concours^ en ces dem qualUéii, amota^
jugement de coodamnation, aucun ipayeq dç nullité 7. »
Point dMncompatibilité à raison de 1^ parenté op (dliliD^
des jurés avec les témoins : « atten^jlp que la patenté d'un
juré avec les témoins produits par le nuips^re public p'^t
|>as au nombre des causes d'iucoutpatibUité qu aiiuii|pfciié
établies par les art. 383 et 392 ; que, même d'après {çs pri^r
cipes du droit commun, eu les supposant appUcablea à \^. pfP^
cédure par jurés, c'est la parenté du juge avec la ps^e (ffi
peut seule former un motif de réçosation ^, » .
^ Gass. 9 mai 1816, rapp. M, AumonU DaU» t^ laiL ^^Tvy % 4I||8, at
Coaf. U vemôM an vni, rapp. M. Jaume; lOtév. 1809, rapp.ll.I)àacoste;
3a ajrU m^ rapp. M. Bus^ckop ;* 19 mai 18â0, rapp. M, fiasschop.
• Cass. 9 sept. 18512, ^ noUc rapport BuU. », SU.
» Gau. 1 compl. an iv, rapp. M. Li?ry, Dali. t« IM, cqin., n^iiaOi
« Casi. 19 d4c 1811, rapp. M, Schwendt. Ui^làT **^'*»""^'^
• Çiw», 45 ocu 1840, rapp. Bf. RWe^ Eod* loc 5 W sept. Mit, npp
If • llater. Bull, n, 8SSU
• Ga88. S5 juin l8S9, rapp. M. Gaillard. Eod loe.
'r^^J^ mai 1826, rapp. M. de Mervîlle. Dall.vo Imtr. crîm., p. HSt;
Si ^^!' ?Z-l*"** ■■ "' ""'P*** **• Schwendt; 7 sept. 1810, rapp. M. BtM»chop ;
20 mai 1817, rapp. M. Busschop; 19 avril 1834, i^ifpi M* BuMfhop; §5
fe'î.^®* *\f 'i *^?^» "PP* ^' OUmer ; 7 août et U mai 1827, ràpp. M.
OlliTier et M. Mangin.
.«* SS?/o?7- ^^^^' ÏÏ'^P- ^' ^''°^^"5 Sl-LaurenL DaU. 31, 1, «8 tatCoaf.
19 avril 1821, rapp. M. Busschop. Bull. n. 64 ; 15 jauv^ %ms &»• ■• ••
DE LA Ç0IIP0SI,T10^ W MJ&Y. § S99. d08
PoÎAt 4'il9^oin|ii4U^iiUc àk cdiâQj^ de U j^i^m^ «n ^anoe
des jurés av^c les accusés e^x-Jfxim^ ; « 9M^« qiw Ift loi, *
dans a^c^D die s^^ 9i:ii^les^ «> <itai>li om^^^ inea^acilé à être
juré, la p^^^té ou ralJiftaç« a^ec Taccu^ ^1 qfi!^[Q a d!%H-
ieuiss\)^^fimsàetït ppurvu h U.§i^rî;té 4^ ce 4er«i^ m Ihm
doDQKQt l%f^«ali|^(ie téçMser ui^^onl^re déi«iiWi& da^jttféa^
99am doxm^c lea i^otifs d^ sa réçiwyUoo ^. »^
ËDt&ii^ ppipt d'iiVîQlppii^biilM^ à( laisoa. d(9* la pawilA ou
aUUnce i^B ju^ési «.vec l^^vb^me : %. s^li^iidu %mB ai Tait 393
déckreque nul ne peut être juré dans la même affaîJcetoèUa
été purtjlQ, w W peut çqqsHMt^t Gown^ paiCtUs. daaa ka af-
faires criminelles , que les dénonciateurs, les plaignaateel les
loties p^ursuUant^ou |^4Xties civil/ea; qoa ria«ap9«ité pro-
noncée pt^ 1^ loi ïïfi aaujcatf étire étQodttid à d'a^jbtreaperaonjiaa,
paisqu^il s'agît <j[*ima ei^clii^oi^ qui dpit être rjgouKenaeflHsai
r^treini^i^ ai^ijx casqu eljlç a détermifiés; que^ d^aa l'eapteai
le juré Poiraoud n'était ni; pj^ignaijt, m partie civile W prorr
ces ; q^'ii a ^ dés Iprs réguiièraoai^at figuras sur U Usta des
trente ^i^rés syix l/^qjgielle o^^té pri^e le jury de jugam^ot, sauf
i Tacci^ ^'il U jtJlge 4. ftf>jfç^y à Técarte/ç piir sa réalisa-^
lion *. >
I. Causes de dispense ou d^exemptîon. — II. SeptaagéaatMs. --
lU. Oan»^ -** lY. Fonctions poiiticmas,/-^ V. Sam» aatédear
da jurj.
L Il,r^sl^ po»iî complétar la lista dm éliminalaMOv ^ >n^
dMfW laaei^mptîbns que la loi 9 aulocisées. Une a^agit phM
ici, nî^. 4'iaca{>aait^ 9 ni d'incompaMlliliiés.; les paasannas
qi^i]ipl4ea.sa»t}p9rraitonient apiies au^t fonctions^de jua^ ; eUw
peuven^saulewent s'en, dispanser soifcpawe qua ces-fenatioM
swaiani tcop. pénibles ou tnop onéceuaea poiuveUas^ soit parce
S 'allas samont une entrave à. ra^oompliasameal d'und>autee
ictipn^ SbQette diapansa diffière des simples ascuses: an o
quft.oallaaH(H»sonftapp5^ées. jjai^le juga» qui geut N «g^r
oiirtfl» raJQter^ tandis^que la dispense, formulée pai) l&k», da»t
* Gais. 15iuin 1820, rapp. M. Giraud.Bull. n' 91 ; el Conf. 10 ocr. 1817.
tappTM. Buischop. J. P./t. XIV, p. A76 ; 10 sepU 1847. DaU. 47, 4, 118,
• Câ», 8 mars 1850, à notre rapport. Bull u. 82.
2IP8 t)ss COURS d'assises.
être prononcée , dès qu'elle est réclamée par celui qui se trouv e
dans Tun des cas que la loi a prévus.
Les art. 5 et 16 de la loi du 4 juin 1853 sont ainsi conçus :
« Art. 5, sont dispensés des fonctions de jurés, 1^ les septua-*"
génaires; 2"* ceux qui ont besoin pour vivrede leur travail ma-
nuel et journalier. — Art. 16, sont excusés sur leur demande:
1* les Sénateurs et les membres du Corps législatif, pendant
la durée des sessions seulement; 2^ ceux qui ont rempli les
fonctions de juré pendant l^année courante et l'année pré-
cédente. »
Ces quatreclasses d'exemptions n'exigent que de très brèves
explications.
II. Les septuagénaires étaient déjà dispensés par Tart. 385
du G. d'instr. cr. ; mais cet article ajoutait, 5' tb le requièrent :
cette condition a été effacée. Il en résulte qu'ils ne doivent
pas être placés sur la liste^ annuelle et que leur âge les écarte
du jurjy sans qu'il soit nécessaire d'attendre leur réquisîtioo.
Un arrêt du 2S sept. 1831 porte : « que la Cour d'assises
a pu, sans contrevenir à aucune loi , ordonner qu'un juré,
quoique porté sur la liste générale comme né en 1763, serait
rayé, sur sa réquisition de ladite liste, comme étant plus qae
septuagénaire, par le motif qu'il était notoirement né en
1757 ^ » La loi ne prescrit aucune forme pour la justîGca*
tion de l'igo et par conséquent cette décision devrait enccMre
Mre suivie.
Un autre arrêt disposait encore : « que la double cirocHos*
tance mentionnée au procès-verbal du tirage du jury, savoir :
la production de Tacte de naissance d'un juré et l'absence de
ce juré établit suffisamment que c'est sur sa demande que son
nom a été rayé delà liste de la session ', » à plus forte raison
devrait-on décider aujourd'hui que, lorsqu'un septuagénaire
a été porté par erreur sur la liste, il suffit qu'il fasse parvenir
son acte de naissance pour être exempté de plein droit.
m. Les individus qui ont besoin pour vivre de leur travail
manuel et journalier sont, comme les septuagénaires, dis*
pensés de plein droit ; ils ne doivent donc pas être portés sur
fa liste ; s'ils y ont été portés par erreur, ils doivent encore
étrs exemptés, aussitôt que leur position est connue. Mais^
en général, il parait diiticile que cette position, quand elle
1 Cass. 38 sept. ISSi, rapp. M. Brièic Dull. 31, 1, 335.
. * Cass. 7 fiv, 199^9 rapp. M, Rocher, {^ir, 34, 4 , 361,
DE LA COMPOSITION DU JURT. § 1199. 309
n^a pas empAché l^inscription, soit constatée sans que ce soit
la personne- intéressée qui la révèle elle-même et la fasse va-
loir. Seulement, sur la preuve qu^elle produit, elle doit être
immédiatement rayée de la liste.
ÎV. La dispense relative aui membres du Sénat et du Corps
législatif n'est pas tout à fait la même ! celle-ci ne fait point
obstacle à Tinscription sur la liste, puisqu'elle n'a d'effet que
« pendant la durée des sessions seulement » ; et, même pen-
dant cette durée, ce n'est que sur une demande formelle
qu'elle doit être accordée. C'est à raison deee caractère tem-
poraire que la loi Ta qualifiée d'excuse ; mais cette expression
est évidemment impropre ; il s'agit ici d'une véritable dis-
pense, puisque celui qui l'invoque ne fait qu'exercer un droit
et que le juge n'est pas le maître de ne pas la prononcer.
V. La dernière dispense concerne ceux qui ont rempli les
fonctions de juré pendant l'année courante et l'année pré-
cédente.
Déjà cette dispense avait été établie par l'art. S87 du C.
d'ÎDstr. crim. qui portait : « nul ne sera porté deux ans de suite
sur la liste pr^(i[^ite par le présent article. » L'art. 391 ajou-
tait : « bors le cas d'assises extraordinaires, les jurés qui au-
ront satisfait aux réquisitions prescrites par l'art. 880, ne
pourront être placés plus d'une fois dans la même année sur liT
liste formée en exécution de Tart. 387. Dans le cas d'assises
extraordinaires, ils ne pourront être placés plus de deux fois
dans la même année. » Il y a entre ces deux dispositions et
fart. 16 de la loi nouvelle une différence notable : ce que
l'andemie loi défendait, c'était l'inscription d'un citoyen deux
fois de suite sur la liste du jury ; ce que défend la loi actuelle^
c'est l'accomplis^^cment de la fonction deux ans de suite. L'ex-
ception exprimée pour le cas d'assises extraordinaires se
trouve dés lors effacée ; car il importe peu que les fonctions
de Juré aient été remplies dans les assises ordinaires ou extraor-
dinaires ; il suffit qu'elles aient été remplies pendant l'année
courante ou l'année précédente.
L'art. 391 ajoutait encore : « ne seront pas considérés
comme ayant satisfait auxdites réquisitions» ceux qui auront,
avant l'ouTerture de la session, fait admettre des excuses dont
la Cour d'assises aura jugé les causes temporaires. » Cette
disposition doit encore être appliquée : celui qui propose
«ne excuse dont la cause est temporaire ne remplit pas les
3iO Mi etufts i>*Amftis.
fonciioiM de juré, pfoisque l'admifrion 4e T^IdêIM à fti^
cMiMot pour effet 4e l'exonérer de te «etvî<%; or ^ là
djifctwe ne s'éleii4 ^'A cevx q« onl rempli «(lË«^voiMlit
ces fonctioDS.
Ce n'est, au evrplus» qu'une dispeâse iacultatifè que le )liré
peut faire valoir, mais à laquelle il peut renoncer. Ce jpoint
avait 4<Sjè été jugé sous la législation antérieure. Un j^eorm
foAdé sur ce que Tun des jurés avait déjà reièpit les mêmes
fondions à la session précédente a été r^eté : « attendu qH^
Texclusion prononcée par l'art. S91 A Tégard des jurés tfai^
ayant satisfait aux réquisitions pi^es^rites f^âr Tari» 369^ ae
{)euYenl être placés plus d'une fois dans la itaème année aur k
iste formée en exécution de l'art. 887 établit en TaTenr de
ces jurés un privilège, une sorte d'ekemptioïi toute persan^*
nelle dont ils peuvent h leur choix user ou ne pas user, mais
fOfii ne {yéut j^amàfs être réclaïtic (]ue par eux et taullement
ittVdqué par les accoisès *. » tt un attire àrrét déclare encore :
« que si l'un des jurés supplémentaires avait fait partie du
jânf de la précédente session , il n'en pouvait résulter un
moyen de nullité pui^^qu'à ce cîtoyeh seul était déférée la fa-
eulM 4e se dispenser, et que son consentement à faire partie
du îutf dé là st^ssion suivante était constaté par sa présence
sa^sèucutite réclamation de sa part ^ »
Cièlte dispense s^appliquc d'ailleurs aussi bien aux jurés
^uppléAiontaifes qu'aux jurés titulaires, car les uns coBMm
les autres doivent obéir à la sommation et se trouver au jour
^i^diqué ^. Maiâ en est-il ainsi des jurés complémentaires t La
négative a été Jugée dans la loi du 2 mai 1827 c « atteada
qUé les seuls jurés aui^ diaprés l'art. 11 de la loi du 2 mai
iBâT, t)e peuvent, iiors le cas d'assises extraordinaires^ être
J placés plus d^uhe fois dans la même année sur la liste des
Urés âottt ceux qui ont satisfait aux réquisitions de Part 389)
c'éM-à-dirô ceux qui, prétenus par le préfet qu'ils fontpar«-
llè de la liite des jurés» se sont rendus à la Cour d'assises pour
en remplir les fonctions ; que la liste sur laquelle» sau? le eaa
d'assises extraordinaires, les jurés ne peuvent pas être portés
uue Seeotide fois dans Tannée» est la liste prescrite par I art 7
de la loi du 8 mai 183T, et conséquemment celle que les prè-
. Î6 sept 1834, rapp. M. Meyronnet Dali. S5, 1, i5S.
• Oi«. 2l tfril 181Î, rapp. W. Brière. Dali, v» Insl. cf. h. 4550.
•Cm.
* Cass» 17 janv^ 183($, rapp* M. ^ Ricard. Sir. 3S, 1, ttt,
DE LA COlIFOilTlO!! DU JOAT. § 599. "'311
fets doivent dresser aprëg le 30 septembre pour le service de
rannée suivante ; que l'art* li de la loi du 3 mai 1827 ne fait
donc nulle mention des habitants des villes où siègent les
Cours d'assises dont la liste doit être adressée tous les ans i
ces courS) en exécution de Tart 895 : qu'au surplus, la loi
devant assurer TactioD de la justice, il était impotetble (ju'ello
di^nstt les habitants du chef-lieu judiciaire de ^remplir plus
d'une fois dakis l'année les fonctions de jurés à titre de rem-
placeilient ; qu'en effet, les Goura d'assises siégeant dans beau*
coup de villes d'une population peu importante, où le nom*
bre de ceux oui réunissent les eonditions imposées par la loi
Mat templit m fondions de juré est nécessairement restreint,
m éours de là justice serait souvent interrompu, si Texception
de TarL li (k la toi du 2 mai 1827 était applicable aux ha-
blCants des cbefs-lleux judiciaires, pour compléter le nombre
de ttente jurés ^ » 11 nous parait que cette solution doit en-
core être suivie. K la vérité, ^argumentation tirée du texte
de là loi h*a plus la même force, puisque ce n'est plus le fait
d^àVoir été placé sur la liste , mais le fait d'avoir rempli la
ftmdioti, qUi produit l'exemption ; et Ton peut ajouter encore
oae rembarras de trouver des jurés complémentaires dans les
villes bù siègent les assises n existe plus au même degré, de-
puis aue la loi . en cessant de définir les conditions d'aptitude,
a multiplié les jurés. Mais quel est le motif de l'e^^emption 7
C^mque le citoych appelé a déjà rempli les fonctions (le juré
JiMbdatit Tatmée èoutante oti l'année précédente. Or, qu est-
Cé que témplif lès fonctions de juré t Est-ce que l'habitant de
la ville où siègent les assises qui est convoqué» peut-être la
retlle uu l'atàilt-Veitle de leur clôture, pour remplacer un
fùtè itt^làde, à reiD[)li ces fonctions dans le sens de la loi? Est*
éé qû^l a subporté la charge dont le poids doit l'exonérer
d^une nouvelle éharge? Ce service purement accidentel et
1ht)méntatié n^est point le service ordinaire du jury : c'est l'ins-
crifition du juré su^ la liste de session, c'est sa préience et
SDH toncoUts àUX actes de cette session qui constituent Tac-
complissemeut des fonctions; or il faut qu elles aient été rem-
t^lies, c'eàt-à-dire <|u^elles Talent été dans toute leUr étendue,
pout que Tetehiption puisse se produire.
« ta», fc ^^. ms, ttpp. M. GlUlard. Dali )8, ï, hlh.
312 BEt cosfti d'assises.
1$ 600.
]. Formation de la liste de session. -^ II. notiBcaiion aux jurés de
^ rcxtrait de cette liste. «- III Comment il est statué sur les îocaipa-
cités» les excuses et les dbpeMC8.*-lV. Gompétenee de li Cour
d'assises pour rejet ou admission des excuses. — V. Quand il y t
' Keu de compléter la liste. — VI. Dans quelles limites elle doit être
complétée. — Vil. Jurés supplémenuires. — YHl. Inrés complémeA-
taîrce. — IX. Dorée de leur sernce.
I. Nous atons successivement exposé comment ne forme la
liste anTiuelIe et de quels éléments elle se compose. Nous
ayons vu que les commissions déléguéespour y procéder, après
avoir écarté fous les individus qui se trouvent dans le cas d'in-
capacité , d'incompatibilité , d^exclusion ou d'exemption <jai
vin ncnl o'éire énumérés , doivent choisir, cour les inaoïre
sur cette liste, ceux qui leur semblent réunir les cooditîoM
d'instruction et de moralité nécessaires pour être juré , poonro
qu'ils aient la qualité de français, Tige de 30 ans et qu'ils
jouissent des droits politiques et civils.
Nous arrivons maintenant à ia formation de la liste de cha-
que session.
Cette liste, composée de 36 jurés titulaires et de 4 jurés
supplémentaires, est puisée dans les listes annuelles djO char-
que département. Elle est composée par la voie d'uu tirace
au sort qui a lieu en audience publique de la Cour ou du tri<-
bunal du chef-lieu du département.
L'art. 17 de la loi du (^ juin 1853, conforme à l'art. 388
du G. d'inst. crim. , porte : « dix jours au moins avant l'ou-
verture des assises, le premier président de la Coi^r ioipériale
ou le président du tribunal du chef-lieu judiciaire , dans les
villes où il n'y a pas de Courd^appel, tire au sort^ enau^
dience publique» sur la liste annuelle, les noms des trente*
six jurés qui forment la liste de la session. Il tire en outre
quatre jurés suppléants sur la liste spéciale. »
Cette opération , quoique toute matérielle , est oepeodant
d^une grande importance ; aussi la loi n'a voulu la con6er
qu'au premier pràiident de la Cour ou au président du tribu*
nal du chef lieu judiciaire, siégeant en audience publique. Ce
magistrat doit s'assurer que tous les noms qui doivent cra-
courîr au tirage ont été exactement déposés dans Turoe ; il
DE LA COMPOSITION! hV JVIIT § 600. 3i3
doit veiller également aa strict accomplissement des formes
qui protégeçt Timpartialité de ce tirage.
La principale de ces formes est la publicité de Tandience.
C'est cette publicité qai est la véritable garantie de la sincé-
rité de l'opération : elle assure aux accusés que le sort seul,
parmi les jurés de Tannée , choisit ceux devant lesquels ils
doivent comparaître. La défense a le droit d'y assister et de la
sunreîner.
La question s'est élevée de savoir si l'absence de cette pu-
blicité doit entraîner Tannullation des procédures dans les-
quelles ont siégé les jurés irrégulièrement désignés. ILest dair
nabord, qu'il ne suffirait pas d'alléguer que le procès-verbal
de la Cour d'assises ne mentionne pas la publicité de Taii-
diénce de la Cour impériale où les jurés ont été tirés : « at«
tendu que le procès- verbal de la séance de la Cour d'assises
ne fait foi que de ce qui se passe à cette audience , et ne doit
qu^énoncer sommairement les faits antérieurs ; qu'en consé-
quence, lorsque ce procés-yerbal énonce que la liste des jurés
a été formée dans une audience des vacations, la présomption
légale est que devant la chambre des vacations ooni les au-
diences sont publiques , les dispositions de la loi ont été ac-
complies; que dans l'espèce rien n'établit le contraire qui
n'est pas même allégué ' » Il ne suffirait ^s même d'allé-
guer ^ue • l'extrait du procès-verbal du tirage des jurés de
la session, joint à Texploit de noti6cation de la liste des jurés
signifiée à l'accusé, ne constaterait pas que te tirage du jmy
de la session eût été fait en audience publique, « car aucune
disposition de loi n'oblige & signifier aux accusés le procès-
▼erbal du tirage des jurés de la session, et aucune réclamation
n'avait été faite contre la régularité de cette opération *. »
Il ne suffirait pas enfin d'alléguer que ni le procés-verbal des
débats, ni celui du tirage du jury de jugement ne désignent
l'audience où le tirage du jury de la session a eu lieu : t air
tendu qu'aucune disposition de loi ne prescrit, à peine de nul-
lité, que mention soit faite dans le procès-verbal de la forma-
tion du jury de jugement» non plus qu'au procès^verbal des
débals, de l'indication de l'audience de la Cour impériale k
laquelle a eu lieu publiquement le tirage au sort du jurvde
I« session ; qu'il n'est point articulé qu'il se soit glissé dans
é
* Cus. 16 jaDT. ISSO, npp. M. Cbanyesa-Lafarde. J. P., U XXlII^pb A9.
* Gasa. sa fan?. iSSi, rapp. 11. Qntaaalt. DalL 51, 1 , 49.
314 KS QOVftS B'AiSlIBS.
celte opération une erreur qui ait pu porter préjadioe à la dé-
fense '. » Dans ces différentes espèces, le pourrai ne se km^
dait que sur le défaut d'une mention el il ne pouvait Mm ac-
cueilli , soit parce que la loi ne presoril pas cette aestioli
dans les proeès-verbaui de la Cour d'assises > ■oit parée
qu'elle n'exige pas que le pro^-nrbaVdil tirago du jurj de
la session soit notifié aux accusée. Il y a lieu de femarqoer
d'ailleurs que chaque arrêt prend soin de constater fse lârfr»
gularité de cette opéraiieli n'était poiitl attaquée.
Cette réaerré feiiisi (bhnûlée bdiqu^ittittefègle qui devait
tm ^\vê tafd appU(|Uée. Uti pourvoi s^est fondé, non ptds siir
eé qué la pbblidte du tirage A^étaît pas mëntioAbee » mais
sttfr ce qu'elle n'avait uéè elisté. La CoUr de cassation, en Tace
d'une aHibblation prééise faite sut ce point , n'a point hé-
rité ft pehser <{ud le démut de publicité , k*\\ était constaté ,
devait attienet Tannulatibh de fa procédure. Etb a , en eon-
séqttenee, rendu Télrrèt suivant : t AttéhdU que la publictlé
du tirage au sort dé)9 jurés dèvaht for met la liste de session
eodititue Ube formalité uui intéresse cssentielk'inebt le^ droîb
deraccUtetioU «t <^éUi de là défense; qu'elle est dè^ lors sub-
stAntielte; qu'il e)rt artieulé p^r lé demandeur que le tirage
dee quâraim jurés de la tes^ion dans laquélb il a été ju^é n'a
paé été fth publiquement t là Coût Avant faire d^bit, or-
doUbé (|tt^il Miré fait apudft à sbU gfetfe du prbcôs-verbll
de ^ém ëti«l;àiiou ^Ulr èlife statué t» qu'il appartiendra \ i
L'Aunulitibft fi^a point en déBnitive él pfobohôée. t1 a été
rcÉÔUbûi hfHréS UUe enquêté» que le tirage, <)UoiquHl eût été
irréguliéreftlisul opéré daus la chiinlbté du ôonseil , l*âvait été
porté» oUvm^ M aV^ eertaiues mesures ^ui lui avaient as-
suré UUe l^bliéité Véritable ; eu conséquence, 1 ibscription de
faux ^ d'âburd MmiÈè ', u'a point été suivie et lé pourvoi a
dû Atte Irejelé \ Mais lé uriittsipe , explicitement cbnsaert par
Tàrtél du arr févtfér IBftV, est demeuré acquis ft la Jurispru-
déttté» L'ttMrtitîUb tfU titiigé des jufés dé la ^i^sioU tombe
iK>us leiftbttlrMé juditiairei L'âccusatiob et la défeniie, dut ont
l'Une et rautrëitttèrét è c« (|u^ cette opération soh entourée
des fornoéii légalb^, ^VeUt ëU signaler téd vices» et la GoUr
A Gass» Si JanT, iS57, rspp, M. Le Serrarier. Bull, n* 40.
>Cms. 17 féy. 1857, rapp. If. IsainberL BulU d. 85.
' Catei » fk là mn 1857, ^pp. h. Illubert, hon iiqpriM.
* Gass 80 BTri! 1857, rttpj(k. H. miâBert, mm imprime.
DB LA COS^SmO!! DD JOJlT. § 600. 315
As éaMrtStyh Mt iahntoltef les verdicts rendus par des jurés
doi\t là détfgt^alidti A'a pas été ré^uKère.
Gotoifteftt t>ott)rra!t-4l en èlte autrement? côhnmeïit com-
prendre q^e t>opéra!lion ifà\ désigne les jugés d'une act^usa-
ttoh pAt ètîls soustraite i toât examen? due, tandis que ta
Coût 4e téssafton doit !A;tuptllet!kséi¥ieht véritier l'^accomptis-
sèment dé toutes les formes de la procédure, etie Tût tenue
dVdtptefr shite éiaifl^n la piyjs impol'tattte de ces fotmes?
qtie latiéfeni^ ott l*acctlsalion ne p\)ssent pas tontestcr la ré-
galante du tirage des jurés de la session, tandis qu'elles peu-
T«ni dlbte&ter la M^léWté de la formation déHnitive dé la
Kftt^d^ te» j\ités^ On a objpèié « que la formation de la liste
des iO JQfl^ titi&s au isôrt pour chaque session d^une Cour
d^âssiàëà èti ^tice de la première chambre de la Cour, opè-
MioD bhtëHeUré è la ré\i)iton de la Cour d'assises, n'eit pas
comprise dans \^ divers cas de cassation prévus par Tarti-
de iés ^ '^ Mais TaH. &08 he d^est point occupé des nullités
résoltabt d^ë eMstitufion illégale ou vicieuse de la juri-
diction y ^i si les débaUd'ùtie Gont d'assises sont annulés parca
tf^e te président ou le^ assesseurs auraient été irréguliére-^
mekit détégiiés ^ pourquoi ne le seraient-iU pas lorîique ce
tobt les jurés, au lieudeB juges, dont la délégation est illégale?
U cbinpo^tiot) thps jurididiohs est d'ordre bub'lc, et lé vice
qu'elle tièeéie firdppe tous letlirs actes dé bullité. Oh a objecté
ebeone que la formation de la liste de session est un acte d'ad-
minislrt^ott judiciail^e qu'il to^appartient pbint aUï acéuééa
de Cfitit)ué)r. Hais si tetté distinction peut justement être
spplfqyiée è la fohnattott de la li^té annuelle, elle ne peut
l'ètfè à là fofttalton de la liste de session; la t)rehiiérë est
l'cMvtëdé rnuiorité adminfetrative et né peut être appréciée
ptdr l'autorité jûdidairé ; l'autre est ûh de^ acte& de cette der-
lùèftlitttôi^ttè et se trouve naturellement sujette à Telamen
qai é'attadte à tnus 1^ actes de la tiiéme natulre. Que les
IMrtiéè he puissent ensuite attaquer les décisions qui^bnt pour
Mnet lék excuses et les dispensés, nous en expliquerons tout
àfhénïéîétuotif; tfiais feut^îl assimiler à de telles décisions
qni modifient, il est vtai, la liste, inais qui ne là changent
pas, TopéMion qUi fouirnit la liste entiéïe, qui nnnime tous
les jntéÉ étf^Ui é^t le aéul titte de lëUr institution? La règle
! Cass. i» janv. ISAA» rapp. M» Ifc^renneU Bull, d* 2«.
31 C MU couM d'amues.
posée par la jurisprudence n'est donc que la eonséquenee des
règles générales qu^elle avait déjà posées; elle ne fait que
donner une sanction à une garantie légale qui eût été effacée.
Elle protège, d'ailleurs, non-seulement la publicité du tirage
du jury, mais toute Topération ; car il est évident qu'il y au-
rait même raison d'annuler si, par exemple, le tirage n^avait
pas été fait en l'audience de la Cour ou du iribunal, quoique
publiquement, s'il n'avait pas été opéré par la voie du sort
ou s'il n'avait pas eu lieu sur tous les noms de la liste an-
nuelle.
Quelles sont les fonctions de la Cour ou du tribunal qutpro-.
cède au tirage de la liste du jury de session? Ces fonctions se
bornent en général à tirer» par la main du président, de l'urne,
où tous les noms des jurés de la iistcannuelledoiventètre dé-
posés, les noms des 36 jurés titulaires, et de l'urne spéciale on
ils sont placés, les noms des jurés supplémentaires: le président
proclame ces noms et le greffier dresse loprocès-verbat de l'o-
pération. Mais quelques incidents peuvent se présenter.
La loi, d'abord, charge cette juridiction de remplacer les
jurés décédés ou devenus incapable» dont le sort amène les
noms. L'art. 15 de la loi du k juin 1853 porte : • Le préfet
est tenu d'instruire immédiatement le président de la Cour
ou du tribunal des décès ou des incapacités légales qui frap-
peraient les membres dont les noms sont portés sur la liste
annuelle. Dans ce cas, il est statué conformément à l'art. 390
du C. d'inst cr. » L'art. 390 dispose que a Si parmi les kO
individus désignés par le sort, il s en trouve uu ou plusieurs
qui, depuis la formation de la liste arrêtée en eiécution de
l'art. 387» soient décédéa, ou aient été légalement privés des
capacités exigées pour exercer les fonctions de juré, ou aient
accepté un emploi incompatible avec ces fonctions, la Cour,
aptes avoir entendu le procureur général, procédera, séance
tenante , à leur remplacement. Ce remplacement aura lieu
dans la forme déterminée par rart«388.ji Cette mesure qui
doit être ordonnée par la Cour ou le tribunal» et non par le
président seul» n'est toutefois prescrite que lorsque l'avis offi-
ciel du décès ou de l'incapacité ont été transmis. Ainsi, sur
un pourvoi fondé sur ce que des jurés décédés avaient été
laissés sur la liste des 40, il a été jugé « que ToUigation de
procéder au remplacement d'un juré qui, par décès ou autre,
ment ,a cessé de faire partie de la liste dressée par le préfett
n'est imposée qu'autant que ce fait est parvenu directement
DE u caMrosmoN w ivkt. § 600. âl7
a la connaissance de la Cour royale, ou qa'ii réaolte de docu-
ments officiels qui, depuis la confection de la liste, lui ont
été transmis par le préfet; qu^i défaut de ces circonstances»
le tirage doit se faire sur la liste telle quVlle a été dressée ' . n
Hais que faudraitnl décider si l'avis officiel avait été transmis
et si les jurés décédés n'avaient pas néanmoins été remplacés ?
Il ne nous paraît pas que cette négligence, regrettable sans
doute, pût vicier la composition du jury, surtout si 30 jurés
titolaires étaient présents au moment de l'ouverture de la
session. La défense se trouve dans la même situation que
lorsque des dispenses auraient été admises irrégulièrement.
Il lui importe peu d^ailleurs que les jurés décédés soient rem-
placés fir la Cour impériale ou le tribunal, ou par la Cour
d'assises. Elle n'a droit qu'au remplacement de ceux qui
luanquent et setilement quand ce remplacement est néces-
saire.
La loi charge encore la mèAie juridiction de rej^lacer dans
Tume les noms des jurés déjà sortis et qui ont fait admettre
avant tout service des excuses temporaires, et les noms de
ceux qui ont été condamnés à Tamende pour défaut deoom--
parution. Les deux derniers $$ de Tart. 391 portent:
« Ne seront pas considérés comme ayant satisfait aux requi-
sitioQSyCeux qui auront, avant Touverture de la session, fait
admettre des excuses dont la Cour d'assises aura jugé les
causes temporaires. Leurs noms, et ceux des jurés condamnés
i Tamende pour la première ou deuxième ibis, seront, immé*
diatement après la session, adressés au premier président
de la Cour, qui les reportera sur la liste formée en exé*
cution de l'art. 387 ; et s'il ne reste plus de tirage k faire pour
la même année , ils seront ajoutés à la liste de l'année stti«-
vaute, »
La Cour ou le tribunal qui procède au tirage de la liste
trimestrielle a-t-il le droit d'écarter le nom d'un juré, parce
qu'il aurait déjà rempli cette fonction l'année précédente ou
Tannée courante t L'afiirmalive a été jugée par un arrêt por-
tant « que si une Cour d'assises ne peut, sans excès de pou-
voir, retrancher de la liste du jury, un citoyen qui a rempli
les fonctions de juré dans une des quatre sessions firécédentes»
parce que cette circonstance, qui est pour lui un motif d'excuse
« Caat. as janv. iSil, rtpp. M. Mmuj. Ba)|. a, 19 1 et Oml 1 Uu
isu» npp. M. Rooher, Bail, m 46.
318 DES COURS d'assises. •
qu*il est libre de faire ou de ne pas faire valoir, ne peut jamais
être une cayse d'exclusion Jl ne saurait çn élre de np^me lors-
qu'une Cour royale, daps upe séance publit]ue, procède en
vertu de Tari. 388 au tirage au sort des 36 jurés titulaires et
des 4 jurés supplémentaires sur la listç qui lui es( trapsfni|«
par le préfet; que dans ce cas Part. 391 dispose formelleiaeiit
et d^une manière impériitive que, hors le c£is d'assises extra*^
ordinaires, U*s jurés qui auront satisfait aux réquisitions pres-
crites par Part, 380 ne pourront être placés plys d*unç fois
dans la mèine année sur la liste formée ep exécution des
art. 887 eV388; qne dés lors, et comme dans les trojs cas
prévus par l'art. 390, la Cour royale a non-seulement la fa-
culté» mais même le droit de retrancher ces ]i|ré$ de la liste
des iO, et cela dans Tiptérèt du service (^es Cours 4'assisés *.»
Il nous semble que rien ne s^oppose, bien que le texte de la
toi ait été modifié, & ce que cette solution conserve son auto-
rité. Si la demande d\\ juré est nécessaire pour procluirç la
dispense, il ne s^ensuit pas que la juridiction qui forme la liste
doive y inscrire des jurés que leur seule réclamation rend
excusables; il est utile, au contrairô, au bien du service
qu'elle les en écarte.
Au surplus, ce n'est point au président seul, è'est à ta
cour ou au trlbpnal auMl appartient de statuer sur les inci-
dents qui peuvent s'élever dans le cours de cette opôralion.
Ce priacipe, établi par Tart. 390, s'applique à toute§ les
questions auxquelles le tirage donne lieu. Il a été iippliqué
notamment dans une espèce où le premier président avait,
par erreur, confondu les noms des jurés titulaires et «Jes jurés
supplémentaires, ce qui avait amené |a cour à anayler le ti-
rage et à ordonner un tirage nouveau. Le pourvoi, que cet in-
cident avait motivé, a été rejeté « attendu que le tirage de la
liste du jury pour chaque session doit être fait par le' prési-
dent de la Cour on du tribunal en audience publiqpe, el
qu'aux termes de l'art. 390 il appartient à la Cour, et npn au
président seulement, de procéder au remplacement dçs jurés
décédés ou incapables dans les cas au'll spécifie ; que far-
ticle 890 renferme un principe qui doit trouver son applica-
tion toutes les fois qu'il s'agit de statuer sur les încidepis m
Euvent s'élever pendant le tirage et sur la formation de la
te de session^ et qui ont pour but la validité de ce tirage
* Ç«99,i9 janv. 4844, rapp. M. Me^fronneU hulU o. EU
UE LA C0]||»Qfiin09 w ^l'&Y- § 600. 3i9
et des npéf^tions ap^quelles il douM lieu de la pari do [mt^
aident ; qu'il apparteiMiit doooà U Cour d'afipel de dMder m,
à raison de Verrear qi^i ^^ait fait plAo^r l« nan de drai juréa
ordinaires d^oa Y\\Ta» dea jurés «uj^imeptoivaa» il b't atait
paa liea d'annuler 1^ opératlops dôjà Iiitaada tifàgo oèsfii-^ .
rés devant «i^er pour ia peaiioB • . a
IL Loraqoe If tirage du jury de session est terminé ^ le
preeèsnverbai de ee tirage esl transmis par le procureur gé«
néral en le precarear impérial, !<> au préfet pour qu'if le
fl«e notifier pat extrait aux jurés désignés ; 2* au présidep^
<)6 la Cour d'assises.
La notification de l'extrait de la liste aux jurés fait Vçl^ût
de l'arl. 88^ qui est ainsi conçu ^ « la liste entière ne. sf^r^
peint envoTée aux citoyens qui ta composent ; mais le préftîi
natitera à cl^cun d'eux l'extrait de la liste qui constate quQ.
son nein y est porté* Cette notification leur sera faite huit
jours au moins ataut celui où la liste doit servir. Gq jour sera
nentionné dans h notification, laquelle contiendra aussi nne
sommation de se tro^^yer au jour indiqué sous les peines por^*
léea au présent colfe. A déraut de notification à la perspnne,
eHe sera feite à son domicile, ainsi qu'à celui du maire ou de
Fadjeint du Heu ; celui-ci est tenu de lui en donner con-.
naissanoe. »
Cette notification est habituellement faite par lu geadart*
merie *, mais elle peut être éî|[Qiement confiée à un bifiaii^ '.
t*a^ent de la force pub)iq\ie r^met au juré on à la peiaann»
trouvée à son domicile copie de l'extrait et de Faote i^ni le
DOtiSe, et il fait signer cette personne mf Yoi\g\mi pawria»Ba«
tater cette remise, Mais le défant de c^te |ign«tttre.ii'fnlève^
rait point à la notification s^ force probaptç.
Si ta notification n'^ pas été(ait6 régMli^':ep[ienti quelle set
rait la conséquence? Il est certain^ d'ajM)rd) ^ue 1^ jiiré$n(Ui
convoqués ne seraient passibles d^aucune peine h r^isop. de
leuf .npn oomparution. C'est ce <fui a été décidé par tin arrêt
qui <| Fejflé un pourvoi fondé sur la violatton de l'art 8â9 :
«attendu que la notification ordonnée par cet article nVst
pa& fgm^ikê à peine de nullité; que seulement rinbbséiv&tion
« Cm* A% Bfv. iSH, i«Hw M. V« VaaiBher. laK< n. êàti49iè6,im't
rapp. M* DehauMj. StOi q. S4a.
2 u 9$ germ^i^l an tx» ar t. dsa» a. 8.
'Dècr*18jttini811,arU71.
3^) •■« GMMI te*AttlftjU.
de cette formalité n'aurait pas permis à la Codr d*aflsisès de
eondamner les jurés absents & Taroende ^. » Toutefois si le
juré, irrégulièrement convoqué, s'estvolontairement présenté,
il doit être considéré comme régulièrement refètu de la fonc-
tion. Mais le déiaut de toute noti6cation h Tégard d'un ou
de plusieurs jurés fnpperait-elle de nullité la composition du
jury? La question s'est présentée sous Tempire du code do
S iMrumaire an iy, et Tannulation a été prononcée : « attendu
J^u'il est établi par les renseignements transmis par la cour
e justice criminelle de Lot-et-Garonne que Sabatier n'a pas
été averti de se rendre à l'assemblée du jury d'accusation ;
qu'il est reconnu qu'il a été néanmoins procédé par le direc-
teur du jury d'accusation au remplacement dudit Sabatier;
que ce remplacement illégal a privé le réclamant d'un lurè
3 ni lui était acquis |>ar la voie du tirage au sort *. » Il nu«-
rait aujourd'hui faire une distinction. Il suffirait, d^aboid,
aux termes de l'art. 393, qu'il y eut trente jurés présents pour
q^ue le jury de la session parut légalement coosUtiiéé Mail
SI les jurés présents n'atteignaient pas ce chiffire et que les
originaux de notificatioa ne fussent pas représentés à l'yard
de auelques-UDs, !a Cour d'assises devrait ordonner cette
notîncation et surseoir jusqu'à ce qu'elle eut été accom-
plie. Passer outre immédiatement au remplacement» ne se-
rait-ce pas enlever à l'accusé des jurés qui lui sont acquis, sans
que leur titre ait été légalement détruit par une cause quel-
conque? Le remplacement, pour qu'il puisse avoir lieu» ne
auppose-t-il pas l'empêchement du juré remplacé? Si ce juré
n'a oas été convoqué» comment constater qu'il est empèèbé?
Le fait de la non convocation, fait personnel à l'agent chargé
de la convocation» pourrait-il équivaloir aux faits d'empèdie-
ment personnels aux jurés? La composition du jury ne de-
vait-elle pas dans ce cas être considérée comme aisiectée dans
ses éléments essentiels?
10. Au jour fixé pour Touverture de la session et à l'heure
indiquée dans la notification, les jurés se réunissent dans Is
aalle d'audience des assises.
Le premier acte de la Cour d'assises est de procéder i Is
« Casi. SSMi AaS7,rspfuM. Gilbert de VoisiiH. flir.SS, t, OU, ctCooC
ai fcad. «û vm, rvp^M. BoHclioii. J. P., 1. 1, |U ses, etl.
^Gms. 15 Julll. iSN, rvpji. M. Vogè^ h P.. U V. p» ASIi SS Ùffm
sa X, rapf» M, U|v« |p p», t. U, p. e»s.
DE LA GDllH»1tlOII MT J0IIT. § 600. 321
formiioa diJB[n\i\^& dvi jurj de la session. CcUc ôpéntion
consbte è constater les causes d'absence, à prononcer sur les
excuses, à déclarer les incapacités, les incompatibilités ou les
dispenses qoe la juridiction qoî a tiré la liste n'aurait pas
écartées.
£si*ce la Cour d'assises, est-ce le président seul qui (foit
procéder à cette opération? Ce pouvoir n'appartient qu'à la
Cour .d'assises : c^est ee qui résulte formellement des art,
397 et 398 qui n'attribuent qu*à ta Cour le droit de oronon-
cer sur la validité des excuses ; c'est ce qui résulte encore de
Tart. 396 qui ne défère également qu'à la Cour le droit de
coodamner les jurés défaillants.
Oo pourrait toutefois citer un arrêt de rejet qui décide que
ie président aurait pu statuer seul sur un cas d'incompatible
\iik Kn voici le texte : « Attendu que l'incompatibilité entre
la q«alité de témoin et celle de juré résulte de la loi ; que ,
dans Tespèce, aucun débat nes^est élevé sur Tobservation du
juré qui! avait été cité k comparaître comme témoin dans
raiTaire en vue de laquelle il était procédé i la composition
da tableau du jury de jugement ; que dès lors le président,
CD décidant seul ^e, par suite de cet empêchement pérempy
taire, le nom du juré serait rejeté de l'urne, n*a commis au j*
cun excès de pouvoir: la Cour rejette* . » Il est facile d'aperce-
voir que cet arrêt ne fait que confirmer le principe auquel il
déroge : c'est parce qu'il s^agissait d'une incompatibilité pé-
remptaire, c'est parce que la loi prescrivait formellement d'é-
carter le juré, c'est parce qu'aucun débat ne s'était élevé à ce
^jét, que l'acte du président est toléré. On sent que Tarrèt;
tout en hésitant & casser dnns une hypothèse aussi favorable^
n'approuve pas cet acte* Et, eneffet, lajiirisprudence n'a jamais
ecssé de maintenir la règle de compétence posée par la loi'.
Dans une espèce où le président seul avait admis l'excuse d*un
juré, Tarrét a été cassé : « attendu que cette excuse ne ppu-
rait être /tigée que par la Cour d'assises, aux termes de I art.
398; et qu'en Tadmettant seul, sous le titre de récusation,
le président de cette Cour a commis un excès de pouvoir et
violé les règles de la compétence ». t
La Cour d'assises doit-elle statuer en audience publique?
• Cass. 19 janv. 1S38, nipp. M. Rocher. J. P., à «a dalC!, et ConCi 7 juillet
iai7« capp. M. Isambert. Bull, n, 153.
• Ca». 17 février laai, ropp. M. Bîtct. h P., t. XXIH, p. 1280.
..... *«
322 hes coviis d'assises.
Les doutes sont nés à cet égard de ce qu'il s'agit d'une 0féi9r
tion préliminaire qui ne touche pas directement à la forma-
tion au jury de jugement. Deux pourvois fondés sur ce que
l'audience, dans laquelle les excuses avaient été admises,
n'avait pas été publique , ont été rejetés, Tun , « attendngue
la publicité n'est nécessaire oue pour le tirage au sort d«s jurés
appelés à compléter la liste qes ^rente ' ; » l'autre c attenju
qu'aucune disposition de la Ipi n'oblige la Cour d'assi$es i
procéder publiquement k la vérification d'un fait d'incompa-
tibilité qui rentrait, comme mesure préliminaire à la forma-
tion du jury de jugement, dans les opérations que la justice
est autorisée à faire sans publicité et hors la présence des ac-
cusés et de leurs conseils '. » Mais, si les arrêts n'ont pas
prononcé une annulation que la loi ne semblait pas suffisam-
fnent autoriser, il ne s'ensuit pas qu'ils aient tracé une^ règle
qui doive être suivie. ÎJous crovons que c'est en audiencfi pu-
blique quç la Qour d'assises doit procéder à cette ôpérQiion
préliminaire. Si la loi ne le prescrit pas en termes exprès, elle
ne dit point non plus qu'il sera procédé en chambre du con-
seil^ et, 4cs lors, il y a lieu d'observer la régie commun^ qui
veut la publicité des actes de la Cour d'assises. A la vérité, le
tirage du jury de jugement peut avoir lieu en chambre du
conseil; mais celte disposition, motivée, sans fondement
d'ailleurs» par l'exercice du droit de récusation, est formelle-
ment écrite dans l'art. 399, et la garantie de publicité est
remplacée par la présence de l'accusé et de son défenseur.
Dans la discussion des excuses, les accusés sont absents ; s*il
n'y a pas de publicité, quelle sera la garantie de I4 défense?
Enfin, l'admission des excuses amène souvent des remplace-
ments, et ce n'est qu'en audiencp publique que les jurés
complémentaires peuvent être tirés. Au surplus, la r^leque
nous indiquons est généralement suivie dans la pratique.
Les parties n'ont point d'ailleùi^ la droit do conirOUsret
d'attaquer les décisions par lesquelles les cours d'assises ad-
mettent ou rejettent, les demander de dispense, £n effet, ces
décisions ne sont que des appréciations de faits qui lont aban-
données à la conscience du juge et qui ne pourraient être re-
levées devant la Cour de cassation. 11 a en conséquence tou-
jours été reconnu « qu'aucune disposition n'autorise les
* Cass. sa sept. 1837, rapp. M. Rocher. DalU iSSS, 4, 419,
Cass, 7 juin. 1847, rapp, M. I3»mb«rt# Bull» n, 153.
DE LA COMPOSITION DU jrnY. § COO. 323
aecasés à discuter les excuses ou les causes de dispense invo-
quées par les jurés; qu'ils ont seulement le droit do vérifier
si les personnes entre lesquelles se fait le tirage ont les qua^
lités requises pour être appelées aux fonctions de juré? Si
elles ont été régulièrement désignées pour composer le
jury i; » — « Que les opérations par lesquelles la Cour d'as-
sises procède à cet examen sont extrinsèques aux débats de
chaque aflaire particulière ' ; » — Enfin^ « que ces arrêts
sont des actes d'administration auxquels ne prennent part ni
les accusés ni leurs conseils et qu'ils sont inhabiles à criti-
quer, du moment où, aux termes de l'art. 393, il reste sur la
liste 30 jurés idoines à Tégard desquels ils peuvent exercer les
xèCQsatioDS que la loi leur accorde '. »
Cependant cette interdiction faite aux parties de critiquer
les arrêts que les cours d^assises prononcent en faveur ou
contre les jurés, n'est pas absolue. Elles peuvent attaquer ce9
arrêts toutes les fois qu'ils sont fondés, non sur des apprécia-
tions de faits, mais sur des motifs de droit, ou toutes les fois
qu'ils rejettent une cause légale d'incapacité ou qu'ils admet-
tent an contraire une cause d'incapacité non prévue par la
loi, tontes les fois enfin qu'il y a eu violation de quelques
formalités substantielles ^. Ainsi, supposez que la Cour d as-
sises ait maintenu sur la liste un juré qui n'avait pas la qua-
lité de Français ou l'âge légal, qui ne jouissait pas des droits
civils ou se trouvait frappé d'incapacité ou d'incompatibilité,
il est évident que celte décision ne ferait point obstacle au
droit de l'accusé de contester la capacité du juré et d'atta-
quer les actes auxquels il aurait pris part C'est ainsi, comme
on l'a déjà tu, qu'ont*été annulées, sur le pourvoi des accu-
séi, de nombreuses déclarations de jury auxquelles avaient
concouru des jurés reconnus incapables ^. Supposez encore
que la Cour d'assises, au lieu de maintenir sur la liste des
jurés frappés d'incapacité, ait écarté au contraire, sans allé-
* Cass. 7 janvier 1813. Sir. 48, 1, 3&2; et Conf. 8 janv, 1818. J. P.,
t XI, p. 15.
* Cas6. 23 mars 1855, rapp. M. Isambcrt. Buil. n. 107.
» Cass. 27 déc 1855, rapp. M. Y. Foucher. Bull. n. 412, el Conf. 4 tev,
1819, nipp. M. GaiUard. J. P., U XV, p. 58.
A Cass. i7 oct. 1833, rapp. M. Isambcrt. J. P., t. XXV, p. 908*
* Cas6. à avrU 1851, rapp. M. Foudicr. Bull. n. 128 ; 7 nov. 1851, rapp*
Bf. laambert. BnlI. n. 467 ; 7 mars 1856, rapp. M. Caussin de Percerai. BuU.
o. 99; 30 mars 1854, rupp. M. Fouchfr. Bull. n. 86 ; 28 oct, 182i. Bull. n.
149; 8 mars 1840, rapp. M, Brtôre-Vaiigny. Bull, n. 53.
guer d'excuses et sous le piétexle d'empêchements non pré-
vus par la loi, des jurés qui réunissaient toutes les conditions
requises, il est évident, dans cette seconde hypothèse comme
dans la première, que le droit de» parties de contester de
telles décisions ne pourrait êire contesté. La jurisprudence
nous offre plus d'une espèce dans laquelle ce droit est formel-
lement reconnu; nous examinerons les arrêts un peu plus
loin *. Nous examinerons également d'autres arrêts qui ont
annulé des procédures parce que la Cour d'assises avait
rayé de la liste du jury ou écarté du tirage, sous pré-
texte d^incapacité, ou d'incompatibilité, des jurés qui réunis-
saient les conditions requises par la loi •. Nous ne Taisons
au reste que poser ici une règle qui sera ultérieurement ap-
pliquée'.
VI. Ces règles générales posées, il faut tracer le cercle
dans lequel la Cour d'&ssises exerce rattribulion qui lui est
conférée. Rappelons d'abord les textes de la loi :
Art. 396. Tout juré qui ne se sera pas rendu k son poste sur la cîu-
tîoB qui lui aura été notifiée, sera condamné par la Cour d'assises à
une amende, laquelle sera — pour la première fois de 500 fr.; — pow h
seconde de 1,000 fr.; — pour la troisième de 1,500 fr. — Cette der-
rière fois, il sera de plus déclaré incapable d*exercer à PaTenir les
fonctions de juré. LVrêt sera imprimé et affiché âi ses frais. >
« L.. 4 juin 1853, art. 19. L'amende de 500 fr., prononcée »w le
î» S de Tan. 396 du C. d*instr. crîm., peut être réduite par la Cour i
200 fr., sans préjudice des dispositions de cet article. »
« Art. 397. Seront exceptés ceux qui justifieront qu'ils éuient dans
l'impossibilité de se rendre au jour indiqué. La Cour prononcera sur la
Talidité de l'excuse. »
« Art. 398. Les peines portées en l'art. 396, seront applicables a
tout juré qui, même s'étant rendu à son poste, se retirerait avant l'ex-
piration de ses fonctions» sans une excuse valable, qui sera également
jugée par la Cour. »
Le premier fait prévu par ces textes est la désobéissance du
juré à la citation qui lui a été remise. Getto désobéissance
• Voy. infrd ,$ 602,
2 Gau.S8 ocU i 834i rapp. M. de Cardonnel. BulU n. i&6 ; 8 mars iSiS,
rapp. M. Brière-Valigny. Bull. n. 59 ; i aviiH851, rapp. M. V. Foucher. Bail.
B. iiS ; 7 nov. tS5i« rapp. M. Isambert Bull. n. 467 ; 30 mais ISSâ^rapp.
M. V. Foudier. Bull, n* 86; 7 mars 1856, rapp. M. Caussin de PerceraU
Bull. n. SS.
* Cass. il janv. 1844* rapp. M. Meyronnet. Bull. n. 9 ; 36 janv. iShhi rapp.
M. Rocber. Bull. n. 35; 2 juill. 1840» rapp. M. Fréfcau. Bull. n. 160; 16
«et* 1846, rapp. M, Rocher. Bull. n. 379 ; 9 mars 1838, rapp. M. Rires.
Bull. n. 65.
1»K U COMPOSITION »U JURY, g 600. 325
est passible d'une amende de 500 francs que la loi du k juiu
permet de réduire k 200 francs, et en cas de première ou de
seconde récidiye, de ramende de 1000 ou de 1500 francs et
de Kincapacité portées par Part. 396.
La Cour d'assises peut surseoir à statuer sur les jurés dé-
faillants jusqu'à ce qu'elle soit éclairée sur les causes de leur
absence, et jusqu'à la fin delà session. Si elle prononce immé-
diatement une peine^ comme cette condamnation est par défaut,
elle peut encore la rabattre, si le juré se présente ou s'il fait
panrenir une excuse légitime, et le décharger de Tamende*
JEnfin , elle peut encore, en admettant l'excuse, ordonner
que le juré retardataire sera replacé sur la liste et fera le
service pendant le reste de la session. La Cour de cassation a
jugé dans ce sens « que si tout juré qui ne s'est pas rendu à
son poste sur la citation qui lui a été notifiée^ doit, confor-
mément à Tart. 896, être condamné h Tamende, la Gour
d'assises peut néanmoins, suivant l'art. 39T, prononcer ulté-
rieurement sur l'excuse par lui produite ; et si elle la juge
admiisible et valable ^ révoquer sa condamnation ; qu'elle
peut donc aussi, en même temps qu'elle anéantit ce premier
arrêt, rétablir sur la liste du jury le juré contre lequel il avait
été rendu et l'admettre à faire le service pendant le cours <lu
reste de la session ^ »
Si les jurés, qu'ils se présentent ou non, allèguent des
causes d'empêchement, la Cour les apprécie. Elle peut même
prononcer d'office et sans être saisie par aucune réclamation,
sur les causes d'exemption qu^elle constate ; elle est investie
à cet égard d'un pouvoir discrétionnaire ; la loi s'en est rap-
portée à sa conscience et à ses lumières ; ses déciiioDt ne
peutent être critiquées. C'est ainsi qu'il a été reconnu ,
lo « qu'aux termes des art. 396, 397 et 398, la Cour d'as-
flses est investie du droit d'excuser et de dispenser les jurés
portés sur la liste des 36, et que Tusage qu'elle fait de cette
attribution ne peut donner ouverture à cassation * » ; 2"* « que
c'est aux Cours d'assises à apprécier les empêchements et à
acorder dans leur conscience ou à refuser Vexoine d'après
cette appréciation ; qu'elles ne sont pas tenues d'entendre les
accusée sur ces empêchements, et moins encore de déférer à
* €a88. 8 aYiil 1850, rapp« fif. Rives. Bail. d. 96.
• Ca». 17 lèT. i828, rapp. M. Gaillard. J. P., U XX, p. ISS, 8 jas?. itlS.
|. P., U XI, p. 15 ; 27 déc 1811. Dev. et Car. U III, p. 455.
i\^% Des couiii» o'assi^rs.
l'tDpposftioD qu'ils voudraient faire à ce que ceà cours les
accueillissent ' » ^ 3*" a que ces décisions ne sont poiat asm*
jetties par la toi à des conditions de droit striot % »
Ainsi y la Cour d'assises peut apprécier tous les faits qm
peuvent constituer des empêchements de siéger, tels que les
maladies, les infirmités, les absences, les occupations actives^
les affaires mêmes '. Il lui appartient souferainement de dé-
cider si ces faits doivent constitocf ou non des causes de
dispense, s'ils ne sont qu^un prétexte pour s'exempter d'une
charge onéreuse ou s^ils sont sérieux et assez graves povr
entraîner une excuse. G^est ainsi qu'il a été décidé « fue la
loi laisse h la conscience des juges l'appréciation des motiis
d'empêchement et de dispense des jurés, et qu'en décidant
qu'un )uré qui, dans le cours du débat, apprend que sa mire
est sur le point de mourir, ne conservera pas le calme el la
liberté d'esprit nécessaires pour prendre part à une délibér»-
tion împorùntc, et que ce juré pouvait se retirer, la Gbtir
' d'assises n'a violé aucune loi 'K ».
Cette souveraineté d'appréciation n'existe plus, on l'a dit
tout-à-rheure, lorsque le fait d'excuse est définr par la loi
ou lorsqu'il prend sa source dans une incapacité légale ou
dans une incompatibilité. Lorsque ce n'est plus un faitqu'elle
apprécie, la Cour d'assises doit compte de ses décisions et les
parties peuvent les critiquer. Cette distinction est nettement
posée dans un arrêt qui déclare : « que la loi n'ayant pas
spécifié les faits et circonstances qui peuvent autoriser ks
excuses, il appartient à la Cour d'assises d'apprécier la posi-
' lion des jurés conformément aux art. 997 el 398 ; que la
Courr de cassation n'est appelée à contrôler les opârations de
la GouT d'assises à cet égard qu'autant qu'il s'agit des in-
compatibilités el dispenses éhumérées en l'art. 383 ^. a
Cependant, il peut arriver que le fait que la loi a déctttré
f>roduire on ne pas produire l'exemption , sèit adnris par
a Cour d'assises, non (joint avec son caradtêrc légal et Ses
* Cass. 7 (léc. 1821, rapp. M. Clausel de Coussergues. J. P., U XVI, p. 098;
S jaill. 18Â6, rapp. M. Jacquinot, BnTI. n. 174*
" CassL sa sepu 1S47, rapp. M. de Cro^seillies* BuU. n. m v et GovC S
avril 1829, rapp. M. Choppin. J. P., U XXII, p. 874 ; el 26 janv. 1833. rapp,
M. Mérilhou. J. P., t. XXV, p. 84.
» Cas». 10 ocl. 1839, rapp. M. Vinccns Si-Laurent Sir. 89, 4, 955: 17
fêf. iSaStDali 36» 1, 1173.; 7 jauv. 1843. Sir. 43, 1, 342.
* Cass. 15 B.Trill830, rapp, M. Gaillard. J. P^ l. XXIII, p. IWL.
* Cass. 31 mars 1836, rapp. M. Isambert. J. P.» h sa date.
DE U OOlPOSmO!! OU lURT. { (MX). Sffî
oodséqiMfneetf , tndis & titre cPéxcase temporarre, ef dans ce
CM éà âédmoû , nniquenieat fondée en fait ^ reprend toute
sob autorité. Ainsi ^ aueune incompatibilité n'existe entre la
c^HA de jtiçe diJppIéant et led fonctions de jaré ' : Farrèt de
la Cour d'assises qui déclarerait Cette inconipatibilité encour-
rait donc sans aucun doute la cassation *• Mais si le juge
suppléattt est écarté du jury, non sûr le tiotif dé droit tiré
de Éà <}ualité^ mais sur le motif de fait que sa présence est
néeessaîre au service du tribunal auquel il est attacbé y cette
appréciation rentre -dans la classe des causes qui appartien-
nent souterainement à la Cour d'assises. Ainsi , la Cour d'as-
diaes peut encore excuser un juté par le motif qu'il n'aurait
pas ton domicile dans le département ^, non en considérant
ce iléfatit de domicile comme une cause légale d'incapacité,
mais en lui attribuant comme une conséquence rëxonéraiioti
d'oué charge que la distance rend plus pesante. Ainsi , en-
core, la Cour d'assises peut dispenser des jurés pour le motif
que, ti?ant d'un travail journalier, ils ne peuvent apporter
les charges d'uù long séjour du chef-lieu des assiM : « éU
tendu que les Cours d'assises sont investies du droit souverain
de statuer sur les excuses des jurés dans les cas non définis
par h loi , et qu'à plus forte raison elles peuvent admettre
poor etcâses des circonstances que la loi reconnaît strfBsadtes
pour àètenir une dispense absolue de service du jury ^. «
les formes des arrêts qui prononcent sur les excuses sont
très simples. Il n'est pas nécessaire qu'ils expriment les mo-
ti& qui font admettre ou rejeter les dispenses ; il suffit quils
déclarent que ces motifs sont légitimes ^. Il n'est pas néces-
saire que Tétat de maladie ou lés autres empêchements allé*
£ués par les jurés soient établis par des certificats ou d'autres
pièces; i( suffit que la Cour d'assises constate que les causes
alléguées s'opposent à ce que les jurés fassent ou continuent
leur service : la loi n'a point déterminé la formé de la preuve
sur laquelle il est permis & la Cour de former sa conviction 6.
« Cais. 3 dée. 1829 wpp. M. Dnpaty. J. P., t. XXII, ^ 1574 ; i oct me*
rapp. U. Dcbaussy. Bull. u. 259. *
< CaSS, 1 juin 1S21, rapp. M. Busscliop. J. P., t. XVI, p. 642.
* CdM. a avril 1811. Dey. et Gtfr. t. III, p. 322.
* Gasi. 13 jnillet 1849, rapp. M. de Bois^ieQX. Datt. 49, 1, 202.
* Caw. 17 oct. 1883, rapp. M. Isambert. J. P., t. XXV, p. 908.
* Cass. 21fept. 1848, rapp. M. Legagneur. Bail. n. 246; 23 mars 1854f
rapp. IL Aug. Horeau. Bull n. 80.
328 « 1>ES GOIRS h*kiiàllàlUi*
Enfin, cesarrètfisontreDdufi bonde la présence desaocuié^, et
c'est en cela Qu'ils diffèrent de ceux quiinterviearieDt nâoie
$ur le même objet, au moment de la forosationdu jury de ju^
geoient : cette différence est relevée par Tun de» arrèUqui
viennent d'être cités et dans lequel on lit « qu*il réaulte de la
combinaison des art. 392 et 399 que les arrêta d^ Cours
d^assises qui statuent sur les excuses des jurés portés sur les
listes dressées en exécution des art. 388 et 390, ont pour
objet d'assurer le service général de la session ; qu'en ata»
tuant ainsi, les Cours d'assises n^ont point en vue tetteea
telle affaire de la session en particulier, et que ces opératiooa
diffèrent essentiellement de la formation du jury de juge-
ment , puisqu'il y est procédé par la Cour d'assises et non par
le président seul et que la présence des aocuséa n*y est paa
requise/ »
Quel est l'effet de ces arrêts? quelle est la mesure de Tau**
tonte qu'ils exercent? Les excuses ou dispenses qu'ila ad-
mettent sont ou temporaires ou permanentes. Les premièrea,
fondée^ sur des empêchementa accidentels, ont pour eSel da
dispenser le juré de siéger duriuit la session ; elles effaceitf
son nom de la liste trimestrielle, ou sanaTeflifliGer elles le di»-
pensentnoomentanément duservice. Lesautres, fondéeasQÎtaur
un empêchement permanent, soit sur une incapacité, ont pour
effet de le dispenser de siéger pendant tous le tempe que son
mseription peut l'appeler aux fonctions de juré, o'est-è-Hlîre
pendant l'année. L'autorité des arrêts nevapasaudelà. Ainsi,
si la Cour d'assises déclare qu'un juré doit être radié de la l»te
parce qu'il est atteint de surdité , de cécité ou de telle «utre
infirmité qui le rend improf^e à cette fonction, son arrêt ne
fait point obstacle à ce que l'autorité administrative, si elle
croit que le fait allégué a cessé d'exister, ait le droit inoontes^
table de remplacer le juré sur la liste de l'année suivante, simf
i l'autorité judiciaire à exercer de nouveau comme elle l'en-
tendra le droit qu'elle tient de la loi. C'est ce qui est imÛqué
par les deux derniers § de l'art. 391 : ràla cause de l'excose
admise a été jugée temporaire, le nom du juré est adressé au
président de la juridiction chargée d^opêrer le tirage do la
liste de session , pour qu'il soit remis dans Turne; si la cause
de Texcuse a été jugée permanente , cette transmission n'a
pas lieu , et le juré se trouve exempt d^un service ultérieur
* C9M. 17 oct. 1830, cit^ suprà.
DE LA GOarosinoN oc JURT. § 600. 3^29
pour le T«Ble de Tamiée. Cette doctrine a soiifetit été oon-
SMrée.Un arrêt décltfe < que les Cours d'assises n'ont de
peu? oir que peur apprécier les motib d'eicuse des jurés qui
wm se présentent pas ou qui réclament et pour les remplacer,
aMI y a lieu y dans le senr ioe pour lequel ib sont appelés de*
vam elles; qu'elles peuvent sans doute, dans Texerdce de ce
peimwr , prendre en considération les questions d'incoBapa*
tiUlhè soulevées devant eHes par les réclamalioi^; mais
qu'elles sont sans pouvoir pour en déduire et prononcer la
radiation définitive du nom du réclamant de la liste générale
du jÉry ; qu'en effet, la formule et la révision générale de ces
Kstes n'entrent point dans les attributions de ces Cours ^. »
Uni autre arrêt dispose encore « que la dispense accordée à
aenr jurés (parce que vivant d'un travail journalier, ik ne
pouvaient supporter la charge du jurj) Ta été pour la session
seulement; et qu elle n'a pas eu pour objet de retrancher dé-
SnitiveBsent lesdits jurés de la liste du jury, laquelle est per-
manente d'après la loi» et ne peut être modifiée par voie de
iHraochement que dans la forme et les délais prescrits par
la loi ; mais que la Cour d'assises ne cesse pas d*être com»
pélente pour prononcer sur les dispenses temporaires demaur
déea par lea jurés dont les motib sont appréciés souveraine^
jMnl par elle *••
Les jurés qui ne se sont pas présentés au premier jour de
l'ouverture de la session et qui ont été condamnés à Ta-
mcAMie, ont la faculté de présenter ultérieurement leurs e»*
eoaes* C'est la disposition formelle de l'art. S97. La Cour
d'assises peut donc, si elle juge l'excuse admissible et valable,
révoquer sa condamnation ; elle peut aussi , en même temps
qu'elle anéantît ce premier arrêt , rétablir sur la liste du jiuy
cehtt eootre lequel il avait été rendu et l'admettre à faire le
service pendant le reste de la session >. Mais, si le juré avait
été momentanément dispensé, un arrêt ne serait pas néces*
saire pour qu'il reprit son service. C'est ainsi qu'il a été re»-
oonnu « que si les jurés remplacés par des jurés supplément
taires appelés en exécution de rart« 395, par suite d'une
eondamnation pour cause d'absence , ne peuvent être réta*
blÎBsnr la liste et admis é faire le service pendant le cours de
* Cau. 4 mars iS43» rapp. M. Romiguières Bull. d. 47*
* Cass. 6 juillet 1849, rapp. M. Dehaossy. BulL n. 145, et 7 fôv. iSS4f
rapp. M. Rocher. J. P., U XXVI, p. 142.
< Can. S avrU 1830, rapp. M. Rivea. h P., t. XXlIf, p. 86S.
380 VËB COURS oV
la session qu'en vertu d'un arrêt qui révoqué \^ condamna-
lions contre eux prononcées , on ne saurait on eonelure que
des jurép excosés ou dispensés ^ de rautorité de la Gom d'air
sises , et momentanément remplacés dans là forme pesoite
par ledit art. 89K, lie puissent reprendre lents fonctions que
d'après un arrêt de cette Gnir , puisque , d'une part , la dii-
-pense ou Texcuse ne font pas perdre aux jurés le caraotéie
qu'ils, tiennent de la loi , et que, de Tautre, elles doivent né-
cessairement 4;esser avec la cause qui les avait fait admettre ,
et qu'il serait contraire à la nature des choses que les rem-
plaçants continuassent k siéger à ta place de ceux qu'ih n'é-
taient autorisés à suppléer que pendant leur absence >• » Le
juré excusé pour cause d'aflnire urgente ou de maladie peot
donc , lorsque cette cause n'existe plus , reprendre ses fonc-
tiona , sans qu'il soit besoin que \û Gour rapporte Farrèt qoi
4'en a temporairement dispensé \
La conqpétence de la Gour d'assises pour statuet sur les
excuses des jurés de la session, cesse nécessairement au mo-
ment de la clôture de cette session. La Cour de cHasatii^ii a
dû en conséquence annuler l'arrêt d'une Gour d'assises qui
s'était réunie quelques jours après là session close, pdur ra-
battre une condamnation à ramcnde qu'elle avait pvofiocwk
contre deux jurés : « attendu qu'aux termes des «ri. ^Od
ibst* crim. et 49 1. 30 avril 181.0> les Cours d'assisea ne sont
investies que d'une juridiction temporaire et pour un timjii
drdétermiiier ; ^ue cette juridietiotf cdmmefice afO jour éè Foo-
verttiredèB assises; que cèjonr est déterminé par le prési-
dent ; qte cette juridictioii unit au jour de la clôtura des assi-
se; qw cette dôture aliea ionique toutes tesaffaitce qti
étaient en état lors^ de l'ouverture y ont été portées ; que les
magistrats qui la composent sont sans caractère tfprèa eetle
clôture ; et que les Gours d'assises ne peuvent, avant do se sé-
parer, (N-oroger leur juridiction sous aucun prétexte '• » Dans
ce cas, Texcuse doit être portée devant la Gour d'assises du
trimestre suivant.
V, La Gour d'assises, après avoir reconnu les absences «t
statué ou sursis à statuer sur les excuses et les dispenses, pfo-
cède à h formation définitive de la liste âe la session.
* Cas8. 7 jafir. 18S5, rapp: U. Aomont. f. P.,t. XIX, p. idf.
> Gass. 6 piDV. 1858, rapp. M. Jalloo, Bull. U. 5.
1 Gass. 25 mars 1826, 1826, rapp, M« Oltfvier. Dot, et Car., oett, n^a?
à sa date.
DE LA COHPOSVriOIl DU JURT. $ 600. 931
Vui. 18 die \à loi da 4 jum 1853, qéi né fait à péti près
que KprodteRre Part. 493 du G. d*in8t. critn., porte: ir 8i» ad
jour indiqué pour le jugement, le nombre des jurés est réduit à
ttoias de trente, par suite d'àbsenee ou pour toute autre
cMse^ oe nmnbre est complété. •• b
Aiasi, €^ B^est que lorsque le nombre des jurés est réduK
à moios^ trente, qu'il j a lieu de compléter la liste : trente
jurés sufBseDt, dans le système de la loi, pour que le droit de
récQtttion puisse s'exercer d'une manière convenable et pour
que les douze jurés qui imposent le jury de jugcmebt soient
réputés avoir été neceptés par Taccusalion et par la défense.
Toutefois si trente jurés suffisent, il faut nécessairement
qae ces jurés réunissent toutes les qualités requises par la loi
pour leur participation aux actes delà Cèor d'assises; car un
joré ine^pable n^est pas un juré,' sa présence est indifférente
puisqu'il ne peut prendre une part utile à aucune opération;
il ne compte donc pas parmi les trente jurés et la liste se trouve
dés lors réduite à tingt-neuf. Or, dès que la loi s'arrête au
chiffre "de trente^ il n'est pas permis de descendre au-dessous
de ee chiffre, puisqu'il en résulterait une restriction du droit
de récusation. La jurisprudence a maintenti ce principe avec
femeté en déclarant « que le tirage du jofy de jugement doit
se faire sur uoe liste qui ne peut pas être de nloins de trente
jwés capables de connaître dé l'affaire qui doit être soumise à
ce jury de jugement, et que Tincapacité absolue du relative
derandetf jurés qui font partie de cette likte des trente ré-=
doiniit les droits de récusation attribués par la loi k l^âccusé
et au ministère pubNc et serait une violation des règles cour
stitotives du jury * » Il a été décidé, en conséquence, qu'il y a
* lied d^tiuler la déclaration du jury s^l se trouvait parmi les
jwésun faidîvidaftgé de moins de 80 ans accomplis *, nn rn-
dfvidu frappé d'incapacité ou d'incompatibilité, oa des té-
BNMimde 1 affaire S le défenseur de l'accusé ^, etc.
' Caii, ïi jaoT. 1888, rapp. M. Mérilhoa. Bull, u* 10*
'Cass. SS ocU 1828, rapp. M. de Cardonnel. J. P., U XVIII, 1070; 10
foSa 185Î, repp. M. OnWîer, t. XXIV, p. ISOl ; 22 juin 1830, rapp; M.De-
hiQ«]r.BiilK]].20S.
1 Gass. 22 juin 1843, rapp. M. Isambert BuU. n.l58 ; 14 mai ld2& rapp,
M. Choppin J. P., U XIX, p. 406.
* Cass. 25 jan?. 1821, rapp. M. de Marcheval. Bull. n. 9 ; et conr. 23 fér.
19 juilL et 2 DOT. 1821. Bull. no« 47, 114 et 175 ; 7 uot. 1812 u. ISd ; IS
marset 13 OCL 1826, n«* 44 et 201 ; 26 avrif, 20 juin. 1832 n«* 145 et 272;
9ftT. I884.n.--12.
• Cas^, 2davrîr 1832, rapp. M. Ollivicr, J. P. t, XXIV, p. 088.
332 AU GQVR0 D*AttUsK8*
Cette règle 8*applique même au cas ou les douze jurés de
jugement étaient tous capables; car elle ue protège pas sea-
lement le jugement, qui ne doit être reeuYre que de juris
eapablee» elle protège encore le droit de récusation, qui n'au-
rait pas sa latitade légale si trente jurés, capables de prendre
part au jugement, ne participaient pas an tirage. Ce peint est
reconnu par tous les arrêts qui viemient d'être cités»
Elle s'applique encore lors oiême que Taccusé et le aniois-
• tère public auraieni consenti à ce que le tirage du jury de ju-
gement fut opéré sur une liste de 29 jurés : • attendu qu-aui
termes de la loi, le nombre des jurés sur lequel doit ètreformé
le jury de jugement doit, dans tous les cas, êire au raoios de
trente; que ce nombre d'au moins trente jurés est substantiel
et d'ordre public, et que du tirage au sort opéré sur un wm-
. bre inférieur résulte une nullité radicale, qui ne peut être
couverte même par l'acquiescement des parties ^ s
Le nombre de trente est le minimum des jurés nécessaires
I)our que le tirage soit régulier ; le maximum est de treole-
six, nombre des jurés titulaires de la liste (rimesCirielle. H
suit de là que dans le cas où plus de trente concourent an ti-
rage, la présence d'un incapable n'est plus une cause de nal-
lité, si cet incapable nHt pas siégé parmi les jurés dejagc-
ment et s'il y a eu trente iurés capables* L'incapacité équivaut
à Tabsence; or, si l'un des jurés était absent^ il en restcfsil
encore trente pour former le jurj déjugeaient.
Mais il y a lieu de compléter la liste de trente foules les
fois que trente jurés capables ne sent pas présents, queUe ^ue
soit la cause de leur absence et lors même que la.Cour d'assi-
ses n'aurait pas encore prononcé sur les excuses. La formalioo
de la liste est indépendante du jugement des excuses ; la Cour
peut surseoir à ce jugement^ mais elle doit compléter immé-
diatement la liste, car il faut des juges aux accusés, il fout
faut faire statuer sur le rôle de la session. C'est en appliquant
cette règle, que la Cour de cassation a successivement jugé,
« que la seule absence des jurés au jour indiqué pour les dé-
bats, et quelque soit le motif de cette absence, suffit pour au-
toriser et obliger à leur remplacement ' s -, — « que la liste
des jurés doit être complétée jusqu'à trente, quelles qtic soleai
* C898. 5 a?ril 18S1, rapp. M. Basire. Dali. ?• lut. cr. d. 1580; n no?.
iSSi rapp. M. Loayot. Lodloc
* GasB, S7maiiS10, rapp» M. Busschop. DalLv Iiut, cr. n. 1555.
OR 1.4 COMPOSITIO!! BU JCRt. $ 600. 333
les causes de l'absence des juré9 de la liste des trente-six, qui
nese aont pas présentés; que la Cour ne doit donc pas exami-
ner si ]i^ jurés qui se sont trouvés absents au jour îndiqoé,
avaient ou non une cause légitim^^ pour nepns coroparatlreU;
— • que mène lorsqu'il y a lieu de procéder, an jour indi-
aoé pour la formation du tableau du jury, au remplacement
des jurés manquants pour quelque cause et de quelque ma-
nière que ce soit, la loi nVxige point qu'il soit préalablement
statué sur la validité ou l'invalidité des motifs de la non com-
parution desdits jurés'; » — « que l'art 393 ne subordonne
point la légalité de l'admission des jurés supplémentaires à la
constatation préalable ou simultanée des jurés titulaires man-
quants'; » — - Enfin « qu il doit être procédé au remplace-
aenides jurés titulaires absents» quoique la Cour ait aiinpie-
inent sursis à prononcer sur les excuses par eux proposées V n
Il y a lieu de compléter la liste quel que soit le nombre des
jurés manquant à Tappel et dans le cas même où , par TeflFet
de ciioonstances extraordinaires , les jurés portés sur la liste
seraient réduits à qucJquesHins. La marcbe de la justice, en
eOet, doit élre régulière et ne peut être subordonnée au fait
des ciloyem convoqués pour remplir les (onctions du jury.
Il en rteulte, à la vérité j quelques difficultés pour l'exercice
<fai droit de récusation » mais ces difficultés tiennent , ainsi
qu'on le verra plus loin , au mode usité pour la notification
de la liste plutôt qu'au complément même de cette liste. La
Cour de cassation n*a point hésité à déclarer qu'il y avait lieu
d'appeler des jurés remplaçants , lors même que la liste des
36 se trouvait réduite , par les excuses et les absences , à
17S à 16% à 8' et même à 2».
L'accusé n'est point , en général y nous Tavons déjà vu ,
Appelé à contrôler cette opération. Il ne lui appartient jamais
d'eetrer dans l'examen des causes des absences et faits d'ex-
*Cass,10oct. 48fl,rapp. M. Clausel de Coiwserjues. J. P., U XIV,
p. 476.
>Cass. 35oct lSSi,rap|». If. RaUud. J. P., t XXI, p. SS^.^
' Giis. i ocL iSIS, rapp.M. Aumont; S6 janv. 1853, rapp. M. MérSlhou.
Dali. T* Inst cr.D. iSSg.
* Cas». IS janr. 4827, mpp. M. de Beroard. J. P., t. XVf. 49.
^Giftt. U moA 1849, rapp. M. Dehauny. Bull. o. 106.
' Cas;;. 98 jan?. 1814, rapp. M. Aumont. J. P., t. XII, p. 59; 29 mars
1806, rapp. M. Verg4s. Dali. v« Inst. cr. n. 1557.
^Caas 25 jaav. 1841» rapp- M. Dcftaassy. Bull. n. 28.
'Cis% 6fév. 18^4, rapp. M. Cboppin. J. P., t. XXVJ, p. 140.
334 1>ES C0UB8 d' ASSISE?.
CQsss et de dispenses. Alnsi^ ou doit admetiro, comme fa dé-
claré un arrêt, a que , quelles que soient les modifications
qu'ait éprouvées la liste de session par les arrête qui aTaîeat
pour objet de statuer sur les excuses et les dispei^ des ju-
rés qui y étaient portés et de constituer ainsi là liste de ser-
vice > et qu'en admettant même que le nom de Ton des jaris
faisant partie de la liste notifiée en aurait mal ^ propos été re-
tranché» le demandeur serait non recevable à critiquer ces
opérations» puisque le jury qui a statué sur l'accusation contre
lui portée a été (prmé régulièrement sur trente iurés présents
ayant capacité et en se conformant aux dispositions de Tai-
ticlé393'. »
Cependant ces retranchements pourraient être critiqaés
dans deux cas : d'abord , s^ils étaient fondés, non sur des ap-
préciations de faits, mais sur des causes légales ; car tontes les
fois que la loi est appliquée , son application est sujette i
Kexamen. Ainsi , dans une espèce où la Gour d'assises anit
illégalement rayé de la liste un juré par cela seul que depab
son inscription un arrêté du préfet , motivé sur ce qu'Ù ne
payait plus lo cens, avait prononcé sa radiation de la Uste gé-
nérale, la Cour de cassation n*a maintenu la procédore» toat
en reconnaissant Tillégalité de la décision, que parée que ce
juré était absent au moment de la formation de la lifte et
qu'il y avait nécessité de pourvoir à son remplacement et de
compléter le jury ».
Les retranchements pourraient être attaqués dans une se-
conde hypothèse, à savoir s!il était régulièrement établi qu ils
eussent été multipliés sans motifs et dans le but d'altérer la
composition du jury. Le droit do la Cour d'assises , quelque
général qu'il soit» trouve nécessairement une limite là où^
[)ar une abusive application, il léserait gravemeni le droit de
la défense et la justice elle-même. C'est dans ce sens qu un
arrêt fonde le rejet d'un pourvoi sur ce « qu'il n'appert d'au-
cune des pièces du procès que les dispenses accordées par la
Cour d'assises aux jurés qui ont été remplacés par des jurés
tirés au sort en audience publique, aient été le résultat d'une
combinaison systématique qui aurait eu pour eiïet d'altérer
la composition du jury dans sa nature et dans son essence ;
' Gass. 3 sept. iSlil, lapp. M. Jacquînot-Godardi*J, cr., I. XX«
* eass. e oct. 183C. rapp. M. Dcliaussy, Bull. D, 333. p. 297; IS jauT.
i843f rapp, M. Roclicr. DalJ» hh ^t l^^*
K
DE LA etmfùsmw w juht. § 600. 33S
et qu^enfiii Tappréeialion des dispenses demandées par les
jarés apparti^si k la Coor d'assises qui y statue soureraine-
meot m sou honneur et conscience \ » 11 est certain que si
un j(el excès du droit de dispense était constaté , ce qui serait
d'ailleurs peut-ètr^ difficile , Tannulation serait cncourpe ;
car ce serait rorgauÎMtion même de la juridiction qui serait
bvissôe^ ce serait ses éléments qui seraient détruits ; et si l'at*
tpbution de la Clour d^assises, en ce qui touche les dispenses,
esl^uyeraine, c'est i la condition qu'elle se renfermera dans
ses limites légitimes, et que, sous le prétexte d'accorder des
dispenses, ^lle ne se proposa pas d'épurer ou de retire la
liste que le sort a formée.
YI. La liste ne doit être complétée^ s'il y a lieu, que jus-
qu'au Tïomhte de trente. C'est ce qui résulte du texte de
Fart. 393 du G. d'instr. crim. et de Part. 18 de la loi du k
juin 18&3 ; et c'est ce qui résulte d'ailleurs de la règle géné-
rale posée par ces deux articles, à savoir, que le concours de
30 jurés suffit i la composition du jury de jugement
La Cour de cassation avait néanmoins d^abord jugé « que
l'art. 395 exige bien que, pour compléter le jury, le nombre
des jurés soit porté à 30, mais qu'il ne défend pas de le por-
ter de 30 à 36 \ » Mais revenant promptement sur cette ju-
risprudence^ elle déclara « que nul citoyen ne peut concourir
poar former le jury s'il n^en a reçu la mission de la loi ; qu'un
jury formé sur un nombre de citoyens parmi lesquels il s'en
trouve un ou plusieurs à qui la loi n^en a pas donné la mis-
sion est donc illégal, et par conséquent sans caractère pour
prononcer sur le sort d*un accusé; que, d'après l'art, 895,
lorsqu'il se présente au jour indiqué pour la formation du
jury, moins de 30 jurés de ceux portés sur la liste qui a été
notifiée aux accusés, il ne peut être joint aux jurés présents
que le nombre nécessaire pour compléter celui de 90 ; que les
citoyens résidant dans la commune où se tiennent les assises,
et qui sont portés sur le tableau qui doit être dressé par le
préfet, conformément audit art 395, n'ont donc de caractère
pour remplir les fonctions de jurés qu'auti^nt qu^ils sont né-
cessaires pour compléter la liste primitive jusqu'à 30 ; d'où
il suit que ceux d'entre eux qui sont appelés au delà de ce
nombre sont sans qualité, et que leur participation à la corn-
' Catt«li maiiSAdf rapp* Bl. Debaussy, BuU. n. iOS»
' Cass* iS man iSi3| rappt M» Baucban Dali, v" Init,cr, n.'i^&5f
posiiioti et à la déclaration du jury vicie ces aclos et les frappe
de nullité S Cette jurisprudence n'a plus varié '.
Il y aurait lieu de prononcer cette nullité dans le cas même
où le nombre 30 ne serait excédé que par les jurés supplé-
mentaires dont les noms sont portés snr la liste notifiée, si
Tan dccesjurés, ainsi appelé irrégulièrement, a fait partie des
douze jnrés de jugement. Ainsi , si le tirage se fait sur 88
jurés parmi lesquels il se trouve un des jurés supplémentaires,
et si ce juré participe au jugement, la déclaration doit être
annulée : « attendu que, d'après les dispositions formelles de
Tart. 393, les jurés supplémentaires ne doivent être appelés
qu'i défaut des jurés de la première partie de la liste et pour
compléter le nombre de 30; que, aans Tespèce^ il est dit
au procès-verbal de tirage au ^rt des jurés, que ce tirage
s'est effectué sur 32 jura de la liste notifiée; qu'il est évi-
dent que ces 33 jurés ne comprenaient pas exclusivement des
jurés de la première partie do la liste, puisque parmi les 13
jurés de jugement se trouve le second des jurés supplémen-
taires; que ce juré ne pouvait être légalement appelé au ti-
rage que poiir compléter le nombre de 30; que dès lors le
tirage s'élaot effectué sur une liste de 32 jurés qui compre-
naient un juré supplémentaire, la composition du jury n'a
pas eu lieu conformément à Tart 393 ; que par suite il y a
eu violation formelle de cet article qui renferme des disposi-
tions substantielles et fondamontales, puisqu'elles déterminent
les règles constitutives de la composition du jury 3. » Mais si
le juré supplémentaire, qui a pris irrégulièrement part au
tirage comme 31« juré, n'a pas fait partie du jury de juge-
ment, cette irrégularité n*ayant causé aucun préjudice i
raccv^, il n'y a plus lieu de prononcer la nullité : c attendu
que s'il est constant en fait, que le tirage du jury de jugemeot
a eu lieu» dans l'espèce, sur le nombre de 31 jurés et que,
par conséquent, c'est mal à propos que le &* jurésupplémeo-
taire a été appelé à concourir au tirage du jury de jugement
qui s'est opéré sur 81 jurés présents, celte irrégularité n'a
porté aucun préjudice à l'accusé, puisque, indépendammeot
« Cass.SO avril 1819, rapp. M. Giraad. J. P.,tXV, p. 243.
* Caw. SI déc. 1819, rapp. M. Gaillard. J. P., t XV, p. 668; ISjanT.
idsa, rapp. M. Aumont, t XV, p. 693 ; 27 mars 1823, rapp. M. Rataad,
I. XVII, p. 999; 9 jaiiYier 1824, rapp. M. Gaillard t. XVIlf, p. 829.
' Cass. 27 aofit 1847, rapp. M de Grouseilhea, Bull., n. 198; 7 juin
1832, rapp. M. Clioppiti. J. P., t. XXIV, p. 11 A8.
DE LA coâ^osrriON dv snn^. § 600. 337
do 4* jaré sapplémentaire qui n'avait pas qualité pour être
juré , 27 jurés titulaires se trouvaient présents et complétés
p» l'appel qui avait eu lieu des 8 premiers juiés supplément
taiffes» dans Tordre du tableau; que le tirage a eu lieu sur
30 jurés idoines dont les noms ont été déposés dans l'urne,
et qoe le 81* Juré, qui était le 4fi juré supplémentaire, n'est
f>as sorti de l'urne par le résultat du tirage et n'a pas fait
partie du tableau des 12 jurés de jugement t. »
Il faut distinguer néanmoins entre les jurés complémen-
taires qui sont appelés pour compléter le nombre de 30, et
ceux qui complètent en effet ce nombre. Rien ne s'oppose à
ce que le président des assises tire de l'urne des jurés
complémentaires un plus grand nombre de noms que celiû
qui lui est nécessaire pour compléter les 30« pourvu que les
premiers désignés par le sort soient seuls appelés à former ce
complément. Cette mesure a pour objet de rendre ce recru-
tement plus facile et plus prompt, en ce qu'un nouveau ti-
rage devient inutile lors même que les premiers noms ne
repondraient pas à Tappel. Il a donc été jugé « que ni l'ar-
ticle 398, ni aucune autre disposition de loi» n'interdisent
au président de tirer un nombre de jurés supérieur à celui
nécessaire pour compléter celui de 30; qu'il suffit 1^ que les
jurés qui doivent compléter ce nombre soient désfgnés par le
f>résident en audience publique de la Cour d'assises et par
a voie du sort; qu'en définitive la liste du jury ne soit pas
supérieure au nombre de trente; 2"" et que, pour compléter
ce nombre, on suive exactement l'ordre dans lequel les noms
sont sortis de l'urne , en sorte que les derniers appelés par le
sort ne soient désignés pour compléter la liste des trente
qu'autant que ceux appelés avant en auraient été empêchés
ou n'auraient pas été trouvés à domicile *. »
TU. La liste est complétée en appelant d'abord , suivant
Tordre de leurs numéros, les quatre jurés supplémentaires
tirés au sort en même temps que les titulaires et dont les noms
«ont inscrits à la suite de la liste. C'est ce qui est indiqué en
termes exprés par l'art. 18 de la loi du 4 juin 1863, qui porte
* CaBs. 25 janv. 1846, rapp. M. Dehaussy. h cr. t. XIX, p. 180.
' Casfl» 19 avril 1SS8, rapp.M. Meyronnet Bail. n. 103; 14 janv. 1841*
rspp. H. IsamberU Bull o» 8 ; 10 sepU A8469 rapp, M. Rocher. J, cr.,
t. XVnp.295,
viif. 22
338 'AE& COURS » ASSISES.
que « ee nombre (de trente )e^t complété par leç jurés sup-
pléants> suivant Tordre de leur inscription* »
Il n'est pas nécessaire^ pour appeler les jurés supplémen-
taires, que la cause de l'absence des jurés titulaires ait été Téri-
fiée et qu'il ait été statué sur leurs excuses ; la seule absence
de ces jurés au jour indiqué pour les débats , suffit, quel que
soit le motif de cette absence, pour autoriser et obliger leur
remplacement ^
Les supplémentaires ne doivent être appelés que suivant
l'ordre de leur inscription. C'est le sort qui a fixé cet ordre;
il faut suivre le sort. Ainsi , il y aurait nullité si , par exemple^
le deuxième juré avait été appelé, lorsqu'aucun motif légitime
n'empêchait le premier de siéger : ce serait une désignation
personnelle substituée & la désignation de la loi. Uannula*
tion d'une procédure a été en conséquence prononcée : « at-
tendu qu'aux termes de Tart. 393, si , au jour indiqué pour
le jugement de chaque affaire , il y a moins de 30 jurés pré-
sents, le nombre en doit être complété par les \uTés supplé-
mentaires, dans Tordre de leur inscription sur la liste ; qu'en
fait f le jour auquel a été formé dans l'espèce le tableau du
jury de jugement , le premier juré supplémentaire , qui avait
été précédemment appelé à compléter le nombre de 30, s'est
retiré sans motif légitime, et que le second juré de la même
liste a fait partie de ces 30 jurés et par suite du jury qui a
statué sur Taffaire ; que dès lors Tordre d'inscription prescrit
par la disposition précitée a été interverti et que le second
juré supplémentaire, qui ne pouvait être appelé qu'à défaut
et en remplacement du premier, a été sans pouvoir pour con-
courir au jugement * • »
Mais il y a lieu de présumer, lorsque le contraire ne ré-
sulte pas du procès-verbal , que les jurés supplémentaires
n'ont été appelés que dans Tordre de leur inscription et que,
par conséquent , si le second a fait partie du jury de ju-
gement , le premier était absent ou avait été excusé.
Ainsi, plusieurs pourvois qui se bornaient à alléguer la pré-
sence du second juré sans que Tabsence du premier fût
expliquée, ont été rejetés : « attendu que, si au nombre de
30 jurés se trouvait le second juré supplémentaire , c'est
« Cass. 17 mai 1810, rapp. M. Busichop ; 10 od. 4817, rapp, M. aauKl)
... -««- ., « ._ ,2 et 333.
t« xxvi Aaf «
tb OcU 1821, rapp. M. Ralaud. Cités êuprà» p. 332 et 333,
• cm, )0 avril imt rapp, M. Rocher, /, P.,
BE LA COMPOSITION! W JURY. § (NK). 339
que Tabsence constatée, et n'importe le motif, de sept jurés
titulaires et du premier juré supplémentaire a nécessité que
ce second juré Ytnt compléter le nombre obligé de trente ', »
On ne doit pas d'ailleurs s'arrêter à des énonciàtions er-
ronées, quand elles sont rectifiées par les constatations mêmes
du procès-Hrerbal. Ainsi , dans une espèce où le procès-'Verbal
de formation du jury énonçait que quatre des jurés supplé-
mentaires avaient été adjoints aux 30 jurés qui avaient
répondu à Tappel , le pourvoi a été rejeté : a attendu que ce
procés-verba) constate que la présence de 34 jurés de la
session ayant été constatée, les noms de ces jurés ont été mis
dans rprne et que le tableau a été formé en tirant successi-
vement de celte urne les noms des jurés qui y sont écrits et
qui n'avaient pas été récusés ; que de cette énonciation il ré-
sulte que les Sk jurés qui ont concouru à la formation du
tableau du jury étaient compris dans la première partie de
la liste de service de la session \ » Dans une autre espèce,
le procès-verbal énonçait qu'un juré supplémentaire avait
été appelé, bien que le nombre des jurés titulaires fût de
trente : un arrêt préparatoire ordonna l'apport des pièces
relatives à la formation du jury, et le pourvoi fut rejeté :
« attendu qu'il césulte des pièces produites que c'est par une
erreur matérielle qu'il a été énoncé dans le procès-verbal du
tirage au sort du jury de jugement , que le tirage aurait eu
lieu sur le nombre de 30 jurés ordinaires ; qu'il est constaté
que, lors du tirage au sort, le nombre des jurés présents non
excusés et non dispensés n'était que do 29, et qu'ainsi c'est
régulièrement que le premier juré supplémentaire a été ap*
pelé •. »
VIIL En cas^ d'insuffisance ou d'empêchement des quatre
jurés supplcrnentaircs, le nombre des jurés est complété, sui-
vant les termes de l'art. 18 de la loi du 4 juin 1853, « par des
jurés tirés au sort, en audience publique, parmi les jurés ins-
crits sur la liste spéciale; subsidiairernent parmi les jurés de
la ville, inscrits sur la liste annuelle. »
Ce sont là les jurés complémentaires; il y a lieu d'|rre-,
courir toutes les fois que les jurés titulaires et supplémen-
* Cass. 8 oct. 18A0, rapp. M. RomiguièreS. Bull. n. 299; 12 mai iWt
rapp. M. Mérilhou* Bull. n« 116,
> Cass, 10 jatiT. j850| rapp. M. Jac(fainut-Goilard« Bull. n. 1*
* GaM, IS cet* it; 49, rapp, M. BaronncSé Dali. 1851, 5« 197*
340 iXfi C0DR8 d'assises.
taires portés sur la liste de session se trouvent, par les ab-
sences ou les dispenses , réduits a moins de trente.
L'appel de cesjurésa des formes spéciales. Ces formes sont
les mêmes que celles qui s'appliquent à la formation de la
liste du jury de la session. La Cour ou le tribunal qui forme
cette liste doit le faire par la Toie du tirage au sort et en au-
dience publique. La Cour d'assises, lorsqu'elle appelle d'au-
tres jurés en remplacement de ceux-là, ne peut également
les appeler que par la Toie du tirage au sort et en audience
publique. C est la continuation de la même opération : la
Cour d'assises, en appelant les jurés complémentaires, comme
la Cour impériale ou le tribunal chef-lieu , en appelant les
jurés titulaires et supplémentaires , ne fait que procéder à la
formation de la liste de la session. Il faut donc que les mêmes
garanties entourent ses actes : il ne serait pas logique que la
constitution du jury, quand elle s'opère k deux reprises, ne
rencontrât pas devant la seconde juridiction les mêmes solen-
nités que devant la première.
De là cette double règle que Tappel des jurés complé*
mentaires doit, à peine de nullité , avoir lieu par un tirage
au sort, parmi les jurés de la liste spéciale et subsidiairemeot
parmi les jurés de la ville, et que ce tirage au sort doit être
opéré en audience publique.
La forme du tirage au sort ne peut être, remplacée par an-
cune autre forme. Elle est essentielle à la constitution du
jury : tout juré ne doit être appelé que par le sort Dans une
espèce où le président avait désigné lui-même un juré com-
plémentaire après avoir pris le consentement de Taccusé et
du ministère public , l'arrêt a été cassé : f attendu que ce
mode de procéder est une violation manifeste de la loi ; que
le sieur Rioust, qui a fait partie du jury de jugement et qui
a participé à la déclaration, sans y avoir été appelé par la
voie du sort, ainsi qu'il est prescrit par la loi , était sans ca-
ractère légal pour concourir à ladite déclaration et que dés
lors cette déclaration était illégale et nulle ; que cette forma^
lité du tirage des jurés par la voie du sort , impérieusement
ordonnée par la loi , tient essentiellement et substantiellement
à la formation du jury; que, sans son observation , le jury
est incomplet , illégal et nul , et que cette irrégularité ne peut
être couverte par aucun consentement qui y soit contraire «. »
* Cass. 42 mars 1824, rapp. M. Chasle. J. P., t. XVIII, p. 521 ; el coiif.
cass. STenlôw aoxi, rapp, M. Dulocq; SSjuuy. 1825, rapp, M. Brière.
BE Lk COMPOSITION DU JURT. § 600. 341
Ge tirage doit aroir lieu en audience publique, c'est-à-dire
dans la salle où se tiennent les assises. Suffirait-il qu'il eût
lieu dans la chambre du conseil , les portes ouvertes? La Cour
de cassation l'a admis» comme on Ta vu précédemment, en
ce qui concerne le tirage de la liste de la session; mais cet
arrêt doit être renfermé dans l'espèce toute particulière où
il a été rendu ^* La diambre du conseil y même les portes
ouvertes, ne présente point la publicité qui est la garantie
de la jiincérité du tirage : la possibilité d'y entrer ne peut
être considérée comme Tassistance effective du public; ce se-
rait substituer une fiction à la vérité. Il faut, au surplus, que
le procès-verbal constate en termes exprès cette publicité.
On ne saurait désormais admettre, comme quelques arrêts
l'avaient fait avant la loi du 2 mai 1827, « que la présomp-
tion de droit est que les noms des jurés supplémentaires ont
été régulièrement tirés au sort * 9; il faut que cette for-
me soit constatée, et la Cour de cassation a prononcé
en dernier lieu l'annulation de plusieurs procédures , qui
ne constataient pas que le tirage avait eu lieu en audience
publique, « attendu que le tirage en audience publique des
jurés appelés en remplacement est une formalité substan-
tielle» dont l'omission entraîne la nullité de tout ce qui a
suivi et qui est censée omise lorsque l'accomplissement n'en
est pas constaté ^. » Toutefois, cette constatation , ici comme
dans toute notre procédure, si elle n'est pas faite en termes
précis dans le procès-verbal » peut résulter d'autres docu-
ments ou d'énoDciations équivalentes"^ • UJaudrait, par exem.
pie, décider^ comme cela l'a été sous la loi du 2 mai 1827»
« que, lorsque le procès-verbal constate que les jurés appelés
à compléter le jury de jugement , ont été tirés au sort de la
manière prescrite à rart.l2, $2 et3, de la loi du2 mai 1827,
il résulte de cette énonciation la pr^juve suffisante que cet ap*
pel a eu lieu en audience publique K > Il suffirait même que
le procès-verbal déclarât que le tirage a été fait conformé-
ment à la loi 6.
A Gatt. S7ftv. iS57. rapp. M* IsamberU Bull* n. 85.
■Gass, Si mars 1835, rapp. If. Robert-St^VinceaU J. P., U XIX,
. p. 871 ; 9 sepi 1834, rapp. M» Ghoppin, t XVIII, p. 1084.
* Cau. 18JaDT. 1881, rapp. M. Ricard. J. P., U XXIU, 1108; SaoùtlSSS,
rapp. M. Ghoppio, U XXIV, p. §855.
^ GassSl fepu 1887, M. Gilbert de Voisins. Bull. n. 280 ; 12 oet. 1S87,
rapp. M. Rocher. BulL n. 809.
" GaM. 10 fév. 1882, rapp. M. Isambert. J. P., UXXIV, p. 706.
' Ca», i8 8^ 1928, rapp, M, QiUYÎer, h P-i U XMI, 289, . .
342 DES COURS l»*AS815ES.
Les autres formes de ce tirage sont légalement les mêmes
que celles du tirage du jury de la session. C'est au président
de là Cour d'assises qu'il appartient d'y procéder» ou è son
défaut au magistrat qui le remplace. Un arrêt d jugé t que la
loi chargeant le président des assises do faire le tiraf^e eu sort
pour le remplacement des jurés absents, confôrc ces fonctions
à tout magistrat appelé légalement à présider les assises \ i
Le mode du tirage consiste è tirer les noms des jurés de
Turne où sont déposés les noms de tous les citoyens qui doi-
vent y concourir. Quelques magistrats avaient placé dans l'urne
des numéros correspondant aux noms de la liste: iV)péralion
ainsi effectuée a été annulée : « Attendu qu'il résulte de la
combinaison des art. 387 et 388 que dans tons les cas où il y
a lieu au tirage au sort en audience publique de la Cour royale
ou de la Cour d'assises pour former ou compléter le jury, ce
sont les noms des individus et non des boules ou desnunncros
qui doivent être extraits des urnes; que les dispositions de ces
articles sont substantielles, d'où il suit qu'on ne peut substi-
tuer un mode quelconque de tirage à ceux qu'ils prescrivent
sans qu'il en résulte une nullité radicale; que le mode de ti-
rage au sort par le président des assises de la Charente, pour
le remplacement des jurés titul ires ou complémentaires, dif-
fère entièrement de celui des articles cités» multiplie et com-
plique inutilement les opérations, peut donner lieu à un grand
nombre d'erreurs et d'inconvénients, substitue à nn mode lé-
gal un mode arbitraire et contient une fausse application de
la loi 3. \»
EnGn» il n'est pas nécessaire que ce tirage ait lieu en pré-
sence des accusés. En effet, lorsque la Cour d'assises y pro-
cède au premier jour de sa réunion , pour compléter la liste
de la session, que les absences laissent incomplète, il n'y a
point encore d'accusés devant elle; elle appelle les jurés qui
sont nécessaires pour juger les affaires; elle ne peut donc com*
mencer encore le jugement d'aucune affaire. Si cette opéra**
tion ne pouvait être faite que contradictoirement, il faudrait
amener et réunir 4 l'audience tous les accusés qui doivent être
traduit3 aux assises dans le cours delà session, car elle les in-
téresse tous au même degré. Mais pourquoi leur présence à ce
tirage partiel auquel procède la Cour d'assises, quand elle
I Cass. 27 avril 1820, rapp, M. Gaîîïard. J. P., t. XV, p. 946.
Cass. 11 oc». 4832, rapp. M. Mcyronoet. J. P., t, XXIV. p. IW».
DE LA COMPOSITION DU JUIIT. § 600. 343
n'est pas exigée devant la Cour impériale ou le tribunal qui
tire au sort la liste entière de la session? Et comment conci-
lierait-on cette présence ayec la disposition de la loi qui ne
donne connaissance aux accusés des noms des jurés que â&
heures ayant Touverture des débats? C'est par ces motifs que
les pourvois fondés sur ce que le tirage des jurés complémeif-
taires avait été opéré en l'absence de l'accusé, ont toujours été
rejetés 1 . Maïs rien ne s'oppose, lorsque la nécessité du rem«-
placement se manifeste dans le cours de la session, h ce que le
tirage des jurés remplaçants ait lieu en présence des accusés
pour le jugement desquels il est opéré: la loi ne défend ni ne
prescrit cette présence ; c'est la force des choses ({ui la rend
difficile au moment de la formation de la liste ; mais cette dif^ •
Cculté s'efface lorsqu'il ne s'agit que de la compléter.
Le ][^résident tire un nombre de jurés complémentaires égal
au nombre des jurés absents ou dispensés; mais il peut, dans
h prévision des absences et des excuses qui peuvent se pro-
duire parmi ceux qu'il appelle, en tirer un plus grand nom-
bre^ : seulement il doit suivre exactement Tordre dans lequel
les noms sont sortis de l'urne, « en sorte que ces derniers ap-
pelés par le sort ne soient désignés pour compléter la liste des
trente qu^autant que ceux appelés avant eux auraient été em-
pêchés ou n'auraient pas été trouvés à domicile *. » Dans une
espèce où le président ayant tiré lés noms de quatre citoyens,
au lieu de deux nécessaires pour compléter, et dans laquelle
les 2^ et 3* avaient concouru à la formation du jury, le pour-
voi a été rejeté « attendu que la Cour d'assises, en ordonnant
le tirage de ces quatre noms, avait statué qu'ils seraient appe-
lés dans l'ordre du tirage, et selon qu'ils seraient trouvés
à domicile, et que le président, en plaçant dans l'urne les noms
des 2* et 3* jurés sortis au tirage complémentaire, a constaté
qu'ils étaient les deux premiers trouvés au domicile par l'huis-
sier*. » Dans une autre espèce où le président avait extrait
de l'urne huit noms au lieu de trois, et dans laquelle l'ordre
du tirage n'avait pas réglé la composition du jury, le pourvoi
a encore été rejeté « attendu que rordonnancc rendue par le
» Cas. 18 jniil. 1822, rapp, M. AamonU Dali. ▼• Inst. cr, n. 16U9 ; U juin
1833, rapp. M. Brière. J, P^ l. XXIV, p. 1162.
«V05. supràp. 387. ^ „ „
iCak i9 avril l838,ra4>p.M.Meyroniiel. BuU. n. 102.
* Cass, ik janvt I841 , rapp. M, Uambcrl, BuU. n. 8.
344 DU COURS »*A8Slil8.
présidente Keffet de constater la nécessité de ce tirage.et de
cet appel, énonce qae les trois premiers jurés qui seront trour
vés à leur domicile, en suivant Tordre du tirage, concourront
à la formation du jury ^ »
Le tirage ne peut être fait que sur la listedes jurés suppléants
formée en exécution de Tart. 13 de la loi du 4 juin 1853, et
ce n*est qu^au cas d'épuisement de cette liste qu^il est permis
de recourir aux jurés de la ville inscrits sur la liste annuelle.
Toute infraction à cet ordre indiqué par la loi , entraînerait
Tannulation de la composition du jury'.
Il n'appartient dans aucun cas à la Cour d'assises de pro*
noncer d'office les excuses ou les dispenses qu'elle croit exis-
* ter dans la personne des individus dont les noms sont tirés;
elle doit attendre que ces exemptions lui soient proposées; elle
ne peut les prévoir et les admettre à l'avance. Dans une es-
pèce où la Cour d'assises avait écarté les noms de plusieurs
individus désignés par le sort, parce qu'ils avaient déjà fait
partie du jury dans la même année, la cassation a été pro-
noncée: « attendu que les personnes désignées les premières
par le sort, doivent être appelées les premières pour complé-
ter le jury et que c'est seulement lorsqu'elles ont fait agréer
par la Cour des excuses ou des motifs de dispenses , que les
personnes dont les noms ont été tirés ensuite doivent être ap«
pelées à compléter le nombre de trente jurés; qu^il n*est pas
permis à la Cour d'assises d'intervertir cet ordre ni d'exclure
d'office les personnes que le sort a désignées; qu'en le faisant
elle commet un excès de pouvoir et vicie la composition du
jury». 0
Le 2* $ de l'art. 18 de la loidu 4 juin 1853 dispose que:
« dans le cas prévu par Tart. 90 du décret du 6 juillet 1810,
le nombre des jurés titulaires est complété par un tirage au
sort fait en audience publique parmi les jurés de la ville io-
scrits sur la liste annuelle. » L'ar(. 90 du décret du 6 juillet
1810 prévoit le cas où la €our impériale convoque les assises
dans un autre lieu que celui où elles se tiennent habituelle-
ment; or, il est clair que dans ce cas on doit recourir aux jo-
* Cas.. 80 déc. 184i, rapp. M. Rocher. Bail. n. 878.
■ Case. 8 oct. 1835, rapp. M. Meyronnet. Bull. n. 388.
» Cass. 23 nov. 1843, rapp. M. Brière Valigny. fiuil. n. 201 ; S déc i84S,
M. Jacqmnol-Godvd. BulJ. o. 299 ; 7 déc i84d| rapp. M, Ji>ek«wy. BaU.
' ]»l LA COMMftlTION W lURT. | 600. 345
rés deja Tille inserite sur la liste 'annuelle, sans passer par
ceux de la liste spéciale.
IX. ^ Quelle est la durée des fonctions des jurés complé-
mentaires? Cette question avait donné lieu à de graves duffi-
cultes sous la loi du 2 mai 1827. En effet, Fart. 12 de cette
loi, portait : « au jour indiqué pour le jugement de chaque
affaire s4l y a moins de 30 jurés. .. » Or, il semblait résulter
de ces expressions restrictives que Tappel des jurés complé-
mentaires devait se renouveler pour le jugement de chaque
affaire. Néanmoins, et quelque impérieux que fut ce
texte, cette interprétation ne put prévaloir, et c*est la néces-
sité même des choses qui porta la Cour de cassation à décla-
rer « que ces expressions ne signifient pas que, pour le ju-
gement de chaque affaire, le nombre des jurés sera complété
par un nouveau tirage; que leur vériteble sens est qu^è
toutes les époques de la session le nombre des jurés sera
complète si, par un événement quelconque, la liste se trouve
réduite au-dessous de ce nombre; que ces expressions ont éte
substituées, dans le cours de la discussion de la loi, à la ré-
daction proposée par la commission de la chambre des dépu-
tés qui portoit : « au jour indiqué pour Touverture des as-
sises, s'il y a moins de 30 jurés présents... »5 rédaction dont
on aurait pu induire que le mode de remplacement déterminé
par Tarticle ne pouvait être pratiqué que le jour de Touver-
tore de la session ^. » Aujourd'hui cette difficulté de texte
n'existe plus : l'art. 18 de la loi du h juin 1853 a évité les
deux écueils signalés par la jurisprudence en adoptent la ré-
daction suivante : « au jour indiqué pour le jugement. •• » Il
soit de là que la question du renouvellement du tirage pour
chaque affaire ne peut plus s'élever.
Il est donc de principe que les jurés complémenteires,
lorsqu'ils ont été régulièrement appelés, conservent leurs
fonctions pendant tout le cours de la session et prennent part
à tontes les affaires qui sont jugées postérieurement à leur
appel. De nombreux arrêts décident en conséquence a que
le mandat des jurés complémentaires se prolonge tenir que
subsiste le motif qui y a donné lieu * » et c qu'ils doivent
* Cm. S4 jaUlet tS28, rapp. Bf. Mangio. BolL n. 317; iS sept iS28t
rapp. M. GidllanL BnlL o. sae.
' (ta. 3Q avril iWt rapp. II. Rocher. PaU, r ImU or. o. iSOlf
340 « DES COURS bABêHKf.
coDtÎDuer leurs fonctions pendant tout le cours de la ^eènon
des assises ' . »
Ils ne doivent les continuer néanmoins qu'autant que les
jnrés qu'ils remplacent ne se représentcat pas^ a puisque,
d'une part, la aispense Ou l'excuse ne font pas perdre aux
jurés le caractère qu'ils tiennent de la loi, et que, de Tautrc,
il serait contraire a la nature des choses que les remplaçants
continuassent à siéger à la place de ceux qu'ils n'étaient
autorisés à suppléer que pendant leur absence *• » Ainsi,
lorsqu'un juré complémentaire est tiré pour compléter le
nombre de 30, et que, postérieurement à ce tirage, l'un des
jurés titulaires absents se représente, il y a lieu de rcnTojer
le juré complémentaire, « attendu que la représentation d*UD
juré titulaire absent ou excusé, môme radié, si, dans ce der-
nier cas, la Cour d'assises rapporte Tarrèt de radiation, a
nécessairement pour conséquence de faire cesser la roissioo
temporaire qu'avait reçu le juré complémentaire ; que dès
lors ce juré complémentaire doit à Tinstant se retirer et que
sa présence au jury de jugement, dans des aflaires postérieu-
rement au retour du juré titulaire , serait une cause de
nullité ^ n
Une question toutefois peut s'élever ici. Le juré complé-
mentaire, appelé en remplacement de tel juré titulaire, n'a-
t-il mission que pour remplacer celui-ci, et cette mission
cesse-t-elle aussitôt qu'il se représente, lors même une les
jurés présents ne seraient pas au nombre de trente? Cette
3uestion semble avoir été résolue allBrmativemcni par un arrêt
ans lequel on lit ; c que la circonstance que le sieur Dopré,
lors de la formation primitive du jury pour la session, aurait
été désigné publiquement et par la voie du sort, en rempli'
cément du sieur Pardessus, ne pouvait, quoi qu'il n'eut pas de
fait remplacé le sieur Pardessus, autoriser la Cour d'assises i
le choisir postérieurenjent nour remplacer le sieur Nouvallou;
cpe, par la comparution du sieur Pardessus, la mission du
sieur Dupré se trouvait terminée^ et qu'en l'absence ou em-
pêchement d'un nouveau juré, il ne pouvait être procédé i
* Cass, 2 avril 1840, rapp. M. Dehaussy. Bail. n. 101 ; 5 avril 1883, rapp.
M. Rives, Bull. n. 128 ; 80 déc. 4841, rapp. M. Rocher. BulU n. 978; 19
jaUl. 1889, rapp. M. Dehaussy. BalU n. 237.
. * Gass. 7 jaoT. 1325, rapp. M. Aumont. Boll. a. 1.
• Casst 28 sept. 1842» rapp. Mr Meyronnet. BolL n. 217.
DK LA C0IIP9SU19N OU JURT. § GOi. lUt
son remplacement que par la voie indiquée par Part. 1 S de la
loi da S mai 1827 ^ » Maisi en regardant de près l'espéee de
eet arrêt, on Toitqu^ily avait en un intervalle entre le retour
dn premier juré et Tabsence du second ; la fonetion dû juré
oomplémentaire avait donc cessé de fait. Aussi, dans une au-*
tre espèce où le retour du juré excusé coïncidait avec une
dispense accordée le même jour à un autre juré, il a èlè dé-^
cidé que le juré complémentaire, appelé en remplacement du
premier» devait être maintenu sur la liste en remplacement
du second : « attendu que la mission légale des jurés complé-
mcntaires, lorsqu'ils sont appelés à remplacer les jurés titu-*
laires régulièrement excusés, n^est point limitée par l'étendue
de la dispense accordée aux jurés qu'ils remplacent ; que leurs
foDctiona copsistent^ non point à suppléer tel ou tel membre
do jury, mais à compléter la liste des trente jurés dont la pré-
sence est nécessaire pour le tirage du jury de jugement ; que,
tant que cette liste est incomplète» soit par suite de l*admis«
sion des premières excuses, soit par Teffet de nouvelles dis-
penses de service accordées postérieurement à l'appel des
jurés complémentaires, le concours de ces jurés à toutes les
appréciations du jury est parfaitement légal \ »
Il importe seulement de ne pas perdre de vue que si, dans
uoe session où deux jurés complémentaires ont été appelés,
Tun des jurés remplacés se représente, on ne doit maintenir
sur la liste que le premier des complémentaires, en suivant
Tordre du tirage au sort de leurs noms : c'est le rapport de cet
ordre avec les dispenses qui constitue le droit de chaque com*
plémentaire à participer aux opérations du jury '.
§601. ^
I. Nottflcation de le lisle des jurés. — II. Nécessité de ceue notifica-
tion. — 111. Qtiels noms doiyent être notiiés. — IV. Epoque de la
notification. — Y. Mode de racconiplissemeni de cette formalités
— YI. Effets des irrégularités dans la liste notifiée.
I. La notification de la liste des jurés aux accusés fait par-*
lie des actes de la procédure préliminaire qui sera Tobjet du
• Cas». iS noT. 18Î9, rapp. M. Meyronnet. Bal!, n, 5Î7.
• Cass. 22 ami 185J. à notre rapporU Bulï. n, 181 ; et conf. i7 cet. 188 8,
rapp. If. Isambert. Bail. n. 44S.
• Caa». 7 janv. 1825, rapp. M. AumonU Bull. n. 1 j 17 arril 1847, rapp.
M. Rocher. J, cr. t. XIX, p. 131.
348 BES COURS I>*A8S1SBS.
chap. YII de ce livre. II serait donc plus logique peut-être
de renvoyer à ce chapitre Texamen de cette formalité. Cepen-
dant il nous a paru préférable de réunir ici toutes les formes
relatives à la composition du jury et de suivre, sans nous arrê-
ter aux actes intermédiaires; Taccomplissement de toutes ces
formes jusqu'à la formation du jury de jugement Telle est
d'ailleurs la marche du Gode lui-même, puisque l'art. 395,
qui prescrit cette notification, est placé au chapitre de la for-
mation du jury.
Cet article est ainsi conçu : « La liste des jurés sera notifiée
à chaque accusé la veille du jour déterminé pour la formation
du tableau ; cette notification sera nulle, ainsi que tout ce
qui aura suivi, si elle est faite plus tôt ou plus tard. »
Nous allons examiner, 1* le principe de cette notificalîoo ;
2* les noms qui doivent être notifiés ; 3** Tépoque où cette
formalité doit être accomplie ; &® le mode de son accomplisse-
ment ; 6^ reflet des irrégularités commises dans les noms in-
scrits sur la liste.
IL La notification de la liste des jurés a pour objet de faire
connaître à chaque accusé ses juges et de le mettre à même
de diriger ses récusations. Cette formalité est donc essentielle
à sa défense, puisqu^l ne peut récuser ses juges s'il ne les
connaît pas, puisque l'exercice de son droit dépend entière-
ment de la connaissance qui lui est donnée de leurs noms.
On peut ajouter qu'elle est essentielle à la formation même
du îuTj, car le jury n'existerait pas, comme on le verra plus
loin, SI le droit de récusation, librement et pleinement exercé,
ne coopérait à sa composition : il ne suffit pas que les jurés
soient désignés par le sort, il faut quMls soient acceptés comme
juges par l'accusation et la défense.
Tel est le motif qui a fondé dans la loi la nécessité de cette
notification. Tel est aussi le motif qui a porté la Cour de cas-
sation à prononcer Tannulation de toutes les procédures dans
lesquelles cette formalité substantielle aurait été omise; elle
déclare « que les jurés dont les noms n'ont pas été notifiés
sont sans caractère légal pour en remplir les fonctions '• »
* CasB. 8 Jamr. i82A» rapp. M, Rataud. Bull • n. 3 s et conC 14 août 1618.
BalL o. iOii ; 28 jany. 1825, n. il ; 15 juUU 1825, n. 181 ; 21 afril 1881.
D. 89 ; 46 juin. 1885, D. 287 ; 29 mars 1888, n. 87 ; août 1889, n. 257 ; il
avrU1847» D.79; 18 JaoT. 1{^A9, d« il ; 12 aoûti850, d«989 s 18 sept. 185^
p. 81$*
DE LA €OII»0§ITION DtJ JURY. § 601 . 349
La notification, s'il y a plusieurs accusés, doit être faite à
chacun d'eux, à peine de nullité '. La nullité devrait être
prononcée lors même qu'elle aurait été faite simultanément
aux deux coaccusés du même crime, sUl n'a été laissé qu'une
seule copie *• Mais s'il est établi que la copie a été laissée à
Top et non à l'autre^ Tanuttlatioii n*est prononcée qu'en ce
qui concerne celui-ci *. .
Il importe peu, au surplus, que l'accusé ne se soit pas
plaint du défaut de notification à l'ouverture des débats. Ce
n'est point la une de ces irrégularités qui peuvent se couvrir
par le silence des parties à l'audience. Elle a affecté le droit
même de la défense, et dés lors elle peut être relevée à toutes
les phases de la procédure. Ce point est implicitement consa-
cré par tous les arrêts qui viennent d'être cités.
m. La nécessité de la notification établie, il faut savoir à
quels noms elle doit s'appliquer. Querlle est la liste qui doit
être notifiée? Est-ce la liste des 36 jurés titulaires et des ju-
rés supplémentaires, telle qu'elle est formée pour le service
de la session, par le tirage de la Cour impériale ou du tribu-
nal du chef-lieu? Est-ce la liste^ rectifiée par la Cour d'as-
sisesi des jurés présents et capables qui font effectivement
le service?
Cette question, l'une des plus débattues par la doctrine et
la jurisprudence, a trouvé dans les nombreux arrêts qu'elle a
suscités deux solutions» sinon contradictoires» au moins op-
posées, et qu'il est plus facile d'expliquer que de concilier.
A la première vue, il ne semble pas que la difficulté soit
grave. La loi dispose que < la liste des jurés soit notifiée » ;
or, quel est le but de cette notification? Nous Tavons déjà
dit, c'est que l'accusé puisse connaître à l'avance ses juges,
a6n qu'il puisse récuser ceux dont il redouterait les préven-
tions ou le caractère. Quelle est la conséquence? C'est que la
liste notifiée soit celle des jurés parmi lesquels le jury de ju-
gement sera tiré ; c'est que cette liste soit celle qui, dégagée
des jurés dispensés et excusés, ne contient que les noms do
ceux qui prennent part au service de la session^ Cette consé-
' Cass. 9 sept. 1847, rapp. M. Isambert. BuH. n. 212«
* Cass. 16 sept. 1852, rapp. M. Fréteau.Bull. n. 815.
'Caii, as man 1620> rapp, M. Robcrt^St-Viacent, h P«i t, XV,
p. B57.
350 DES COURS fi*A8ftlS|B.
quence est iellemeut rigoureuse qu*on ne oompr«id pasd*a-
bord qu'elle puisse être contestée. Supposez, en effet, la no*
tification de la liste des 40 jurés, telle qu'elle est sortie de
Fume de la Cour impériale ou du tribunal cîtiI. Les attein-
tes souvent profondes que reçoit cette liste au moment de
Vouverture delà session la transforment en quelque sorte: les
incapacités, les absences, les maladies^ les aifaires urgentes y
font incessamment des vides, et il faut recourir aux juréseom-
plémcntaires pour les combler. Elle ne sort de cette épreure
ûUG mutilée et en laissant tomber une partie des noms qu'elle
fiortait. Est-ce donc une telle liste dont la loi veut la notîfica-
ion? Peut-elle devenir un élément sérieux du droit de récu-
sation? Laisser ignorer k Taccusé les rectilications qu'elles
subies, n'est-ce pas égarer ses investigations? La loi veut au
moins le concours de 30 jurés capables à toutes les opérations
de la cause; maiss'inquiète-t'On s*ils$e trouvent sur cette liste
primitive? il est possi)jIe que les éliminations en frappent,
comme cela est arrivé, la moitié et même les deui tiers; et
c'est toujours cette liste devenue presque étrangère à la ses^
sion, cette liste à demi déchirée par la Cour d* assises que Ton
continue de notifier, tandis qu'à côlé^sc trouve la listedéfipi-
tivc, la seule qui soit vraie, la seule qui contienne les noms
des juges de Taccuséja seule qui puisse éclairer son droit de
récusation! N'est-ce pas, en les comprenant, en les appliquant
ainsi que les formes les plus importantes de la procédure de-
viennent illusoires et que les garanties qui ont été créées pour
la défense, usées peu i peu par une pratique insouciante^ per-
dent toute leur puissance?
Il y a cependant deux objections à la notification de la liste
rectifiée. La première est qu'il est impossible de notifier celte
liste aux accusés qui doivent être jugés le jour de Touverture
des assises. Gela est vrai à l'égard de ces premiers accusés,
puisque la loi exige que la formalité soit remplie 2k heures
9 l'avance. M t^is ne peut-on pas daws ce cas spécial y suppléer
. par la présence de ces accusés à la formation de la liste de U
session? Nous avons vu que la loi ne prescrit pas cette pré-
sence, mais elle ne la défend pas: elle aurait le doubieavan-
tage de les mettre è même d'exercer leurs récusations en con-
naissance de cause, lors même qu'ils n'ont reçu que la copie de
la liste primitive, et de constituer une sorte de garantie, au
profit do tous les accusés de la session, de la régularité de celte
première opération de la Cour d'assises. Jku surplu9|: c^Ue ob«
BE LA COMPOSITION DU JUBY. § G01 . SS1
jeclloo n'a aucun trail aux accusés des jours suivants : à re-
gard de eeux«-ci, dés que la liste est formée, pourquoi ne pas
la leur notifier T pourquoi continuer de leur donner la copie
de celle qui n'existe plus^ qui ne sert plus au tirage du jury
de jugement, qui est mise de côté?
Ici se présente la seconde objection : prescrire exclusive^
ment la notification de h liste rectifiée, ne serait-ce pas ouvrir
une source de nullités? Car des excuses sont agréées et des
remplacements opérés dans le cours même de la session ; il
faudrait donc que, chaque jour et pour chaque notificatioUi
la liste, ibcessamment modifiée, arrivât entre les mains de
chaque accusé, avec les seuls noms qui doivent concourir au
tirage; or, de fréquentes erreurs ne seraient-elles pas le ré-
sultat d^une règle aussi rigoureuse? Il est évident que cette
objection n'est qu'une question de pratique. Il est sans doute
plus simple et plus expéditif de*continuer à notifier une liste
mutile, en convenant que cette notification ^udira pour étar
tlirla présomption, assez extraordinaire, que les accusés, en
recevant la copie de cette première liste, sont réputés avoir
connaissance de la seconde. Mais serait-il donc bien difficile»
sans tendre des-embûches à la procédure, de substituer cettQ
seconde liste à la première dans la notification? Ne puQirait-il
pas que les huissiers, au lieu de notifier pendant toute la ses-
sion la copie qu^ils ont prise au premier JQur^ rectifiassent
cette copie sur le procès-verbal de la formation du jury?
K*est-il pas étrange que, pour simplifier le travail de ces of-
ficiers ministériels, on frappe de stérilité Tun des droits de la
défense? Et, quant aux nullités, pourquoi les craindre dans
ce système plutôt que dans rautre?Me suiTit-il pas à la régu-
larité de la lornialiié que la liste soit notifiée telle qu'elle a été
modifiée et complétée au premier jour de la session?
La jur'aprudence, un moment hésitante au milieu de ces
diverses considérations qu'elle a dû peser, s'est arrêtée & une
interprétation qui n'est peut-être pas très satisfaisante au point
de vue de la logique, mais qui a Tavanlagede prévenir en gé-
néral les nullités : elle admet comme valable la notification do
la liste primitive dos kO jurés, quelles que soient les modifi-
cations qu'elle ait subies; mais elle admet également comme
valable la notification de la liste rectifiée et réduite par \hs
retranchements qui ont été opérés; de sorte que, quelle que
soit la liste signifiée, la première ou la seconde, Taccusé li*a
point i se plaitidre ; e*est dans Van et l'autre cas la liste près*»
352 DES COURS D*A83ISE8.
crite par la loi. Il dépend de Thuissier de signifier l'une ou
Tautre; c'est à son choix qu'est subordonnée la plénitude de
Texercice du droit de récusation. Il faut constater cette juris-
prudence.
Des arrêts, qui sont trop nombreux pour qu'il soit possi-
ble de les énumérêr ici, ont décidé : 1*^ Sous Tempire du
Code d'inst. crim. : « que la notification qui ne peut» soos
peine de nullité, être faite plus tôt ou plus tard que la veille
au jour déterminé pour la formation au tableau, ne se ré-
féré qu*à la liste des 36 jurés formée, suivant Tart. 387, par
le président de la Cour d'assises, sur celle envoyée par le
préfet ; mais que cette notification est inapplicable à la liste
qui, d'après l'art. 895, lorsqu'il y a, au jour indiqué, moins
de 30 jurés présents, se complète par des citoyens pris publi-
quement et par la voie du sort, entre ceux des classes dési-
gnées en l'art, 382 et résidant dans la commune, cette der-
nière liste ne se formant que le lendemain de la notification
exigée par l'art. 394 ; d'où il suit que les jurés remplaçant
qui se trouvent au nombre des trente n'ont pu ni dû se trou-
ver sur les listes notifiées ^ » 99 Sous Tempire de la loi du
3 mai 1827 : « Que la liste des jurés dont la notification
doit être faite aux accusés, aux termes de l'art. 395, est celle
formée par le premier président de la Cour royale, en exécn*
tion de l'art. 388 ; qu'aucune disposition n'exige la notifi-
cation des noms des jurés appelés en remplacement de ceux
qui ne se présentent pas pour compléter le nombre de trente ;
que dès lors aucune nullité ne saurait résulter du défaut de
notification des noms des jurés ainsi appelés pour compléter
le nombre de trente *• » 3'' Sous la loi du 11 août 1848 :
« Que la liste qui doit être notifiée k chaque accusé est la liste
dressée pour le service de la session et que la régularité de
cette notification ne peut dispenser des excuses, dispenses on
adjonctions de jurés qui peuvent être prononcées jusqu'au jour
de la formation du tableau '• » 4"" Sous la loi du 4 juin 1853^
i Cass. 10 déc iSiS, rapp, M. Lamarque. J. P., t. X« 878 ; et oonf. 6 mai
iSlS, S8 janY. iSli, Si sept. 1815, 11 anil 1817, 20 juin 1817, 6 fér.
iS18, S9 avril 1819, à juin 1824, 17 fér. 1856 et le noT. 1827.
■ Coss. 17 féY. 1848, rapp. M. Brière-Vallgoy, Bull, n.44; et conC Sjaio
1830, ISjauT. 1881, 5, aYritl832, 21 juin 1832, 29 juin 1838, 6 féY. IBSi,
te janYier 1835, 20aYrii 1887 lOJoUU 1839, 0 féY, 1840, 25 joiU, 1844, 26
«Tril 1844t 24 juin. 1845, 8 sepL 1846.
* Cass. 27 juin 18$0, rapp. M» Quénault, Dftilt 00, 5, 108*
DB LA COMFOSmOH DO JUET. § 601 353
« Q'aucaùe disposition de la loi n'oblige le ministèro public à
notifier aux accusés les décisions temporaires ou définitives
qui ont écarté de la formation du jury les jurés compris dans
la liste des 40, régulièrement notifiée à l'accusé ; que cette
mesure souvent inexécutable se trouve en dehors de la pres-
cription de Tart. 395; que lart. 393 et l'arL 18 de la loi du
4 juin 1853 se sont bornés à déterminer les formes à suivre
quand le nombre des jurés présents est réduit à moins de
trente'. »
Mais d'autres arrêts, moins nombreux sans doute, décident
en même temps, d'abord, que l'accusé ne peut se faire un
grief de la notification de la liste rectifiée, bien que la loi ne
la prescrive pas : « Attendu que la liste de complément, for-
mée d'après Tart. 395, a été notifiée à Taccusé; qu'il a donc
connu les jurés sur lesquels des récusations pouvaient être
exercées; qu'il a pu préparer ses récusations; qu'ainsi il est
irrecevable à se plaindre d'une forme de procédure qui a
étendu le moyen de défense. au-delà de ce que pouvait pres-
crire la loi •. » Eiwuile : « Que si par la notification
de la liste des 36, la disposition de l'art. 394 se trouve
pleinement observée, le vœu de la loi est également rem-
pli , lorsque des jurés portés sur cette liste n'ayant pas
comparu ou ayant été dispensés, la lîsle noiifiée à l'accuse
comprend, au lieu des jurés manquants, les noms de ceux ap-
pelés en remplacement; que l'accusé connaissant ainsi à l'a-
vance les noms de tous les jurés qui doivent concourir a la
formation du .tableau» a été mis plus en état «de préparer les
récusations qu'il est en droit de faire, et qu'il ne peut se plain-
dre d'une forme employée dans son plus grand intérêt et qui
a a rien de contraire à la loi ^ » Enfin : o Que la notification
dont i[ s'agit n'a pu que faciliter au demandeur l'exercice du
droit de récusation et qu'elle est sous ce (rapport pleine^
ment conforme à l'esprit do la loi ^. »
Enfin, quelques arrêts, en combinant les deux formes, ont
' Cass. 23 mars 1855, rapp. M. l8aiiil)eruBull. d, i07, et conf. 1 4oct 1853
lU 509; 28 sepU 185Â, n. 290.
^ Cass. 18 oct. 1811, rapp. M.Vasse. J. P., t. IX, p. 689.
' Cass. 17 sept. 1818, rapp. M. Rataud. J. P., t. XIV, p. 4029; C juil'.
1821, rapp. M. Roberl-St-Vincenl, t. XVI, p, 294 ; 25 juin 1824, rapp. ^f,
Busschop,t.XVIII,p. 82^. '*
* Cass. 26 déc, 1838, rapp. M. Rives. I. Cf., t. VI, p. 450,
VIII. â^ -
3114 Dis.Mviis d'amisu.
décidé que la notification était régulière lorsqu'dia compte^
nait, d'une part, la liste primitive des M jurés, et d'autre part,
la liste des jurés conoplémentaires appelés à remplacer les ab-
sents : « Attendu que si on a notifié au demandeur avec la
listes des 36 jurés, les noms de ceux qui avaient été excusés et
les noms des jurés supplémentaires, il n'en saurait résulter
aucun moyen de nullité, puisque c^était une garantie sura-
bondante donnée à Taccusé pour faciliter les moyens de ré-
cusation '. »
Ainsi, d'après la jurisprudence, la notification est régn^
lière, quelle que soit la liste signifiée, soit la liste originaire,
soit la liste rectifiée au premier jour de la session, soit enfin la
liste originaire augmentée des jurés appelés en remplace-
ment. Si rhuissier n'a donné copie que de la liste primitive,
sans mentionner les modifications qu'elle a subies, la loi n'est
point violée, car elle n'exige que la notification de la liste des
jurés sans spécifier celte liste et elle est muette sur ses modi-
fications. Si l'huissier donne copie au contraire delà liste mo-
difiée, cette copie, on le reconnaît, remplit le vœu de la loi et
rentre même dans son esprit. Enfin^ s'il donne à la fois copie
de la liste primitive et des noms appelés en remplacement, il
en résulte une garantie surabondante qui ne saurait vicier la
procédure. Tels sont les termes où la jurisprudence se résume
sur ce point II lui suffit que la formalité soit matériellement
accomplie; elle ne s'inquiète pas si elle a atteint son but lé-
gal, si le mode de son exécution a permis à l'accusé d'exer-
cer son droit en connaissance de cause ; la loi n'a pas défini
la liste qu'elle prescrit de notifier; il est permis dès lors de It
notifier en quelque éUt qu'elle se trouve. Cette jurisprudence
se fonde désormais sur un trop grand nombre d'arrêts pour
qu'il soit possible de la modifier.
Mais il est quelques règles secondaires qui sont relatives
«oit à la liste primitive, soit à la^liste rectifiée, et qu'il ne
faut pas perdre de vue.
Lorsque c'est la liste primitive qui a été notifiée, il importe
peu que les retranchements opérés sur cette liste l'aient ré-
duite même au-dessous de trente» : la notification suffit au
J8SJ,^rapp.M.Bnère,t. XXI, p. «87 , & déc. 1883, rapp/M^iwVt-^^^^^^
• C«»,ie BOT, 1827, rapp. M, a« Berpard, Bull, n, m.
DE LA COMPOSITION DO JCET. § 601. M^
vœu de la loi , « et s'il est désirable» dit ua arrêt S que les
accusés aient une connaissance préalable des changements
sorTenus dans la composition du jury de la session , la loi n'a
pu faire au ministère public une obligation de ce mode de â-
gnification qui serait souvent impraticable, puisque ces chan-
gements ne sont d'ordinaire constatés qu^immédiatement avant
le jugement de chaque affaire, n
Mais lorsque la notification est faite de la liste rectifiée, il
faut nécessairement que cette liste soit complète, c*est-à*dire
qu'elle contienne les noms des trente jurés capables oui la
composent Car, si Thuissier se borne à donner copie de 28
ou de 29 noms, ce n^esi plus la liste, mais une partie de cette
liste qu'il notifie, et la formalité n'est pas accomplie *. Ainsi ,
une annulation a été prononcée : « attendu que la notification
de cette dernière liste ne peut satisfaire à l'obligation de l'ar-
ticle 394 qu'autant qu'elle contient tous les noms des jurés
dont elle est composée, lorsqu'elle est notifiée; qu'il est
prouvé, par la copie produite de la liste des jurés qui a été
notifiée, que cette liste ne contient que les noms de 29 jurés ;
qae la liste notifiée a donc été incomplète et qu'ainsi il y a eu
omission d'une formalité prescrite à peine de nullité ' » Il
faut ajouter que la liste n'est pas réputée contenir trente
< noms, si elle n'atteint ce nombre qu'en y comprenant des
jurés frappés , soit d'incapacité , soit d'incompatibilité ; car^
« si par une induction tirée de l'art. 395, il est permis de ne
notifier i l'accusé que les noms de trente jurés , ce ne peut
être que sous la condition que ces trente jurés jouissent des
capacités requises pour remplir leurs fonctions; que dans le
cas où cette condition ne se rencontre pas, il est évident
que l'accusé ne reçoit que la signification d'une liste insuffi-
sante pour opérer le tirage au sort *. »
Une analogie existe, au contraire, dans les effets de la no-
tification de l'une ou de l'autre liste.
Il y a nullité si l'un des jurés de la liste primitive de 36 a
' GasB. iejanv* 4835, rapp, M. Rocber. Bail. n. 21.
* Casa. 6 juUU 1821, rapp. M. Robert-Sl-ViDceoU J. P., t k^XI, p. 734 ,
SSjtin 1884, rapp. M. Bas5chop,t. XVIII, p. 82Â.
*Casa. 21 sepU 1827, rapp. M. Busscbop. J. P., t. XXI, p. 805«
* Gass. 11 ocL 1827, rapp. M. Man{çin, J. P., t XXI. p. 817; et conf. 15
et22mti 1823, rapp. M. Robert-St-Vinccut. h P., t. XVII, p. lill et 1131;
S5 tout 1820, rappi M« Brl^re, t. XX^ Pi 9A2«
3S6 DES COURS d'assises.
été omis dans la notification qui a été faite de cette liste, lors*
que le juré a concouru au tirage au sort et fait partie du jor)
de jugement ; en effet, le défaut de notification a enlevé à ce
juré son caractère légal ; il est inhabile à en remplir les fonc-
tions. Ce point a été consacré par plusieurs arrêts qui por-
tent a que, de la nullité portée dans l'art 395, il suit que les
jurés de la liste des quarante dont les noms n^ont pas été no-
tifiés aux accusés, ne peuvent avoir le caractère ni eiercer
les fonctions de jurés '. » Quelques arrêts déclarent même
<( que nul ne peut concourir au tirage au sort pou» la forma-
tion du jury de jugement, si son nom n^est pas compris sur
la liste notifiée la veille à l'accusé ' ; » mais cette proposition
est trop générale puisque la notification des jures appelés en
remplacement , comme on vient de le voir» n'est pas exigée.
Il y a nullité lors même que l'omission ne porte que sur
l'un des jurés supplémentaires de la liste des quarante, si,
par la réduction des titulaires , ce juré a concouru à former
le nombre dé trente : << attendu que le jury de jugement a été
formé sans que le demandeur ait été mis à même , par une
notification régulière, d'exercer son droit do récusation à l'é-
gard de ce juré supplémentaire ; que Tacte de notification de
la liste, produit en original , fait foi de cette omission et doit
tenir lieu de la copie notifiée à Taccusé , laquelle n*est pas
représentée ; d'où il suit que par cette omission il a été porté
obstacle à l'entier exercice du droit de récusation ^. b
Enfin , il y a à plus forte raison nullité lorsque , la liste
rectifiée des 30 jurés ayant seule été notifiée , un juré, non
porté sur cette liste, a pris part au tirage au sort du jury de
jugement. Ce point est consigné dans plusieurs arrêts. Ainsi,
dans une espèce où un juré titulaire , d'abord condamné
comme absent, puis réintégré sur la liste » avait concouru au
jugement, bien qu'il ne flt pas parti de la liste des 30, qui
avait été notifiée à l'accusé, l'annulation a été prononcée :
« attendu que ce juré ayant concouru à la formation du ta-
bleau des douze, comme faisant partie de la liste des 36, et
son nom n'ayant pas cependant été notifié à l'accusé, la liste
« Cass. 29(16c. 1837, rapp. M. Mcyronnct. Bull. n. A45, et conf. 10 avril
1819, rapp. M. Giraud, J. P., t. XV, p. 211 ; IG sept. 1841, rapp. M. Gil-
bert de Voisina Bull. n. 279.
* Cass. 24 scj)U 183/i, rapp, M. Meyronnel. J. P., i. XXVI, p. 918.
* Cass, 31 déc, 1835, rapp. M, ïsambvru Ijull^ n, 477.
DE LA COMPOSITION DU JURY. § 601. 3S7
des trente a été illégalement formée et par suite le tableau
des douze '. »Dans une autre espèce, où l'un des jurés, con-
seil de l'accusé , avait été remplacé par l'un des jurés titu-
laires y arrivé tardivement et non porté sur la liste des 30 no-
tifiée à l'accusé, la cassation a encore été prononcée : « At-
tendu que Fun des jurés portés sur la liste des 30, seulement
notifiée à Taccusé, ne pouvant en remplir les fonctions incon-
ciliables ayec celles de conseil de l'accusé, aurait dû être rem-
placé diaprés le mode fixé par Part. 395 , pour compléter le
nombre de trente , et qui l'ayant été par le sieur Golonge ,
porté sur la liste formée, en conformité de Tart. 387, le nom
de ce juré devait être à peine de nullité notifié à Faccusé, et
que , ne Payant pas été , il n'avait pas dés lors le caractère
exigé par la loi pour être compris au nombre des trente, et
concourir par la voie du sort à la formation du jury de juge-
ment, ni en faire partie *. »
Il importerait peu que le juré ainsi illégalement introduit
dans le jury eût été récusé ; car, € la récns;ition exercée
contre le juré par Taccusé ne saurait détruire le fait maté-
riel de la remise audit accusé d'une liste de 29 jurés seule-
ment et couvrir une nullité expressément prononcée par la
loi 3. » Il importerait peu encore que l'accusé-eût expressé-
ment adhéré au concours de ce juré , car, a les accusés ne
peuvent valablement renoncer à l'exécution des formes que
la loi a prescrites d'une manière absolue dans l'intérêt de
leur défense *. d
Mais il n'y aurait pas nullité par cela seul que,.& côté du
nom de plusieurs des jurés portés sur la liste , se trouverait
cette mention , excusée temporairement; car, <x cette men-
tion n'a pas pour objet d'avertir l'accusé qu'aucun de ces
jurés ne fera partie de ceux qui concourront au tirage du
jury de jugement; qu'au contraire, elle a pour objet de pré-
venir cet accusé que lesdits jurés ne sont excusés que tem-
porairement ; que , par conséquent , ils peuvent chaque jour
rentrer dans la Cour d'assises , et reprendre leur place dans
la liste du jury, lorsque les motifs qui les avaient fait dis-
> Cass. n otiU iSSS, rapp. M. OlIWier. J. P. ; t. XVII, p. 643 ;
> CasB. 28 janv. i8S5, rapp. M. Brière. J. P., t. XIX, p. 113 ; 6 juilU
1821, rapp. M. Robert-bt-Vincent, L XVI, p. 734*
* Caas. 13 avrii 182}, rapp. M. ÂumonL J. P., U XVII, p. 206.
* Casa. 19 juin 1823, rapp. M. Gaillard, J. P.> t. XVII, p. 1196.
penser n'existent plus ; d'où il suit que raccusc se Irouve par
là suffisamment averti qu'il dgit étudier et examiner les
causes de récusation qu'il peut avoir contre les jurés qui ne
sont excusés que temporairement, puisqu^il est possible qu'ils
fassent partie des jurés sur lesquels a lieu le tirage du jury
de jugement', p
Il n'y aurait pas de nullité non plus par cela seul que
rhuissier, en énonçant qu'il remet la copie de la liste des 40,
aurait rayé les noms de trois jurés titulaires, lorsque des ar<-
rôts de la Gour d'assises ont dispensé ces jurés du service;
car « en rayant ces noms» l'huissier est réputé avoir exécuté
ces arrêts * »
TV. La liste des jurés, ainsi définie, doit être notifiée « la
Teille du jour déterminé pour la formation du tableau, » et
la notification est nulle « si elle est faite plus tôt ou pins
tard. »
La fixation de ce délai a eu pour objet de prévenir, en dé-
fendant que la notification soit faite plus tôl, les sollici-
tations et les manœuvres qui pourraieut circonvenir les
jurés, et d'assurer en même temps. à Taccuséy en défen-
dant qu'elle soit faite plus tard, le temps nécessaire pour exa-
miner les causes de récusation qu'il doit exercer ; mais le
premier de ces motifs se trouve en quelque sorte effacé par
l'art, 9 de la loi du 2 mai 1827, reproduit par l'art. 17 de
la loi du 4 juin 1853, qui prescrit que le tirage de b Uote de
session a lieu en audience publique. Le seul intérêt du délai
est donc aujourd'hui de prévenir une notification tardive.
C'est là aussi la cause principale de l'interprétation que la
jurisprudence a donnée à Tart, 395.
Dans ks premiers temps qui suivirent la promulgation du
Gode, la notification faite plus têt que la veille de la forma-
tion du tableau était déclarée nulle * : c'était la stricte appli-
cation du texte de la loi. On n'exceptait que les cas où cette
anticipation du délai était le résultat d'un fait accidentel,
* Cass. 17 sept. iSA2, rapp. M. Dehaassy. Bail. n. 243.
2 Cass. 22 mars lS49f rapp. M. Legagneur. fiulL o. S2.
' Cass. 18 juin 1812, rapp. M. Vantoulon. J. P.^ t X. p. A87 s Ik août
181S> rapp* M. Lamarque, t. X,p. 055; 9 oct. 1812, rapp. M. BauoJiaOi t.
X, p* 740. Vo/. cepcadaat au sens contr. à jaiiT.1812, rapp. M, Vas se, t X,
p, S ; 2djaoT, 1812, rapp. M. Oudart, U X, p» 60,
H^ U COVFOSmOll DU JURt. { <k)l. 300
commei par exemple , la prolongation imprévue des afibireB
antérieures'»
Mais œtu première jurisprudence fut promptement réfor-
mée. Il fut bientôt reconnu « que Taccusé éuit sans intérêt
pour se plaindre d'une anticipation qui lui aurait été favora-
ble, puisqu'il aurait eu plus de temps pour se préparer dans
Texerdce du droit de récusation*. » Dès lors il fut déclaré
non recevable à faire yaloir ce moyen '. S'ensuit-il que le
même moyen serait accueilli sur le pourvoi du ministère pu-
blic? La question ne s'est pas présentée» et il ne nous parait
pas que la solution pût être différente. L'anticipation du dé--
lai, en effet, ne porte pas plus de préjudice à l'action publique
qu'à la défense, puisque l'art. 388 du Gode et Tart. 17 de
la loi du 4 juin 1853 prescrivent la publicité du tirage de la
liste de la session. '
Un arrêt a constaté ce point en déclarant t qu'aujourd'hui
et depuis la promulgation de la loi du 2 mai 1827, il y a d'au-
tant moins d'inconvénients d'anticiper la notification qui
doit être faite delà liste des jurés, que le tirage de cette liste,
aux termes de l'art. 388 du Gode rectifié, se fait dix jours au
moins avant {^ouverture des assises, en audience publique,
et par la voie du sort ; que dès lors l'accusé comme le pu<-
blic, peuvent connaître la composition du juty> Ce qui n'avait
pas lieu sous l'empire de l'ancien Gode^. » 11 faut donc tenir
comme une règle générale que l'anticipation du délai ne doit
dans aacaa cas entraîner de nullité. Et cette règle devrait à
plus forte raison» être appliquée, si l'anticipation était le ré-
sultat de eirooDSiances extraordinaires^.
Il n'y a donc plus que la notification tardive qui puisse pro-
duire une nullité, cat elle peut apporter une véritable en*
trave à l'exercice du droit de récusation. Il est de principe, en
conséquence» a que si l'accusé ne peut être admis à se plain-
i Ga». 29 janT.iSIS, rapp, M. Schirondt, J. P., U XI, p^SA ; 2A «▼• iSiS
repp. M. Âtunont, t. XIV, p. 772.
* Cttt. là aoat iS17, rapp. M, Chade. J. P., t XIV* p. A28 $ iO jaiiT.
iS&S, rapp. ai. Rataud. t XiV, p. 5S0; 7 jany.iSSS, rapp. M.OlliYler, t. XX,
p. i9;22 janT. 1829, rapp. U. Mangin, t. XXII, p. 588; 12janv. iSSS, rap.
M. Rocher, U XXV, p. 93.
* Gasa^ S juin iSAS rapp. M. de Boiisleiix. Bail, n* 182 ; 28 déc. 1850,
rapp. M. Debaussy, ii.442; 13 jaor. 1858. rapp< M. Aug. Moreau et M.
AtHci, n. 212 etl3| 25 août 1853, rapp. M. Jallon d, 427.
* Caflf. 20 juiUL 1832, rapp. M. Meyronnet. J. P., t. XXIV, p. 1307.
* Cass. 14 féf. 1822, rapp, M, Marcherai; 18 aTril 1837, rapp. M, Isam-
berU Dali. V" Inst* er. n. 1SS2.
360 DES cours' D^ASiïUKS.
dre de ce que la notificalîon lui a élé faite avant le terme fixe
par la loi, il est fondé à réclamer dans son intégralité le délai
qu'elle lai donne pour exercer utilemeot son droit de récu-
sation : et que toute notification tardivement faite est une
violation de l'art. 396'. »
Daiis quels cas la notification doit-elle être réputée tar-
dive? Elle est tardive, d'abord, toutes les fois qu'elle est
faite le jour même de la formation du tableau, puisque la loi
exige qu'elle soit accomplie la veille de ce jour. Ainsi^ il y a
lieu de prononcer l'annulation de toutes les procédures dans
lesquelles la notification n'a pas été faite au moins la veille de
ce jour * : « attendu que dans ce cas Faccusé n'a point ea le
temps que la loi lui accordait pour préparer ses récusations,
s^il en avait à exercer ' »
Mais sufBt-il qu'elle ait été faite la veille du jour de la for-
mation du tableau? Ne faut-il pas qu'il y ait un délai de 24
heures entre la remise de l'exploit et la formation du tableau?
Quelques arrêts semblent l'établir en prononçant l'annula-
tion par le motif*ff que le délai de 24 heures exigé à peine
de nullité par l'art. 395^ ne s'est pas écoulé entre la signifi-
cation du tableau du jury et le tirage des jurés de jugement,
•en quoi il y a eu violation de cet article*. » Mais ce n'est là
qu^une forme de rédaction à laquelle il ne faut pas s'arrêter.
Il eût élé peut-être désirable que l'art. 395, comme le fait
Tart. 315, pour la liste des témoins, exigeât un délai de S4
heures, mais il ne Ta pas stipulé ; il se borne à désigner la
veille du jour de la formation du jury de jugement comme
le jour où la notification doit être faite ; il est donc évident
qu'à quelques heures de ce jour qu'elle soit faite, la près*
cription légale est exécutée.
Au surplus, la nullité, conséquence de la notification tar-
dive, ne peut en aucun cas être couverte, soit par le silence
de l'accusé, soit même par un acquiescement formel de sa
part. Dans une espèce ou la notification n'avait eu lieu qu'une
heure avant le tirage, il était constaté qu'avant de procéder
à ce tirage, le président*avait averti les accusés, ainsi que leurs
« Cass. li ocu 4849, i8&9, rapp. M, A. Moreau. BqU.ii. 368.
* Cass. 10 juiil. 1819, rapp, M. Busschop. J. P., t. XV, p. 41S ;SljttilL
1823 rapp. M. Roberl'St-VinceDt. J. P., t. XVIII, 80 ; 21 av. rapp. M. L^
gagneur. Bull. n. ISl.
> Cass. 15 (iéc. 1826, rapp. M. Bernard. J. R, t. XX^ p. lOS?.
^ Cass. 21 avril 1848, rapp. M, Legagneur. Pull o, 121^
DE LA COMPOSITION DU JURT. § 601 361
conseils, que la liste des jurés ne leur ayant été notifiée que
le matin, ils ne |)onTaient être jugés & Taudiencede ce jour, à
moins qu'ils ne déclarassent renoncer à se faire un moyen de
cette notîBcation tardive, et qu'alors les accusés, assistés de
leurs conseils avaient déclaré renoncer formellement à se
faire un moyen de nullité de cette tardiveté et consentir à être
jugés immédiatement. Nonobstant cet acquiescement, la nul-
lité , proposée' d'office à la Cour de cassation, a été pronon-
cée « attendu que la formalité prescrite par Fart. 395 est
d'ordre public ; qu^elle intéresse la société commela défense ;
que la défense des accusés a été placée sous la garantie de
certaines formalités substantielles et protectrices, au béné--
fice desquelles le président des assises ne peut provoquer les
accusés à renoncer et les accusés renoncer utilement de-
vant la justice*. »
La tardiveté de la notification se constate par la produc-
tion de la copie de Texploit de notification, si ce fait ne résulte
pas clairement de ToriginaU 'Ainsi, il a été jugé, dans une
espèce où le moyen se fondait sur une surcharge dans la date
de rorîginaly « que les demandeurs ne rapportent point les
copies de la liste des jurés qui leur ont été notifiées ; que dés
lors la notification est présumée avoir été légalement faite ; .
^ue si Toriginal de l'exploit pouvait présenter quelque incer-
titude, à cause de sa surcharge , cette incertitude serait levée
par renonciation faite dans le procés*verbai du tirage au sort,
portant que cette'notification a été faite la veille*. » Mais si
la copie est une preuve nécessaire lorsque Toriginal, par suite
de quelque surcharge, ne fait pas preuve complète» il en se-
rait autrement s*il était constaté pr cet original rapproché
du procès-verbal du tirage que la date des deux formalités est
identique. C'est sur le tu de Toriginal que les différentes
cassations prononcées d^office * sont intervenues.
Enfin, et pour terminer sur ce point, il importe de rappe-
ler que s'il y a plusieurs accusés et que la notification n'ait
été tardive qu'à l'égard d'un seul, la nullité ne profite qu'à
celui-ci. La raison en est « que l'exercice du droit de récu-
^ Cass. 20 juin iSAAi rapp. M.Isambert. BaU. n. S» ; et conf. ii juUlet
1822. npp. M. Bas9chop. J. P., U XVII, p. 490 ; 20 joill. 1S82, rapp. M.
MeyroDoet, t. XXIV. iS07.
' Cm. ih août 1817, rapp. M. Cbasle. J. P., t. XIV, p. 427 et 16i japT.
1S18, rapp. &r. Ratftud, t. XIV, p. 580,
' Vey. êUf/rà,
362 DKS COCRS D*ASSI8K8.
sation est personnel à chaque accusé; que dès lors celui i
l'égard de qui les formalités prescrites ont été régulièrement
observées , n*est pas fondé à se prévaloir de rirrégularHé
commise envers son coaccusé '• »
y. NoQS arrivons maintenant aux formes de Texploit de
notification.
Il 7 a deux choses k examiner : les règles relatives A Tex-
ploit et les règles relatives à la copie de la liste des jurés qui
est remise à l'accusé.
L'exploit a des formes qui sont communes & tous les actes
de ce genre. Les unes ne touchent pas à la validité de Tex-
ploit; les autres, au contraire » sont essentielles k cette va-
lidité.
Il suffit d'indiquer les premières. II n'y a point de nullité
lorsque Texploit a omis d*énoncer le nom de Thuissier qui le
notifie^ pourvu d'ailleurs qu'il soit placé au pied de l'acte
comme signature, car il n'y aurait pas d'acte s'il n'y avait pas
de signature *; 2^ la patente de l'huissier *; S^" enfin lorsque
l'acte n'a pas été enregistré ♦ ou que la date de l'enregislre-
ment est erronée ^. Ce sont là des formalités extrinsèques
qui ne tiennent pas à la substance même de Tacte et qui,
Gr conséquent, ne doivent pas être rigoureusement exigées :
} régies établies par la loi du 35 ventôse an xi, pour la ré-
dactîon des actes, ne s^appliquent point ici ^.
Il en est autrement des formes qui ont pour objet de cons-
tater l'exécution même de l'exploit, c'est-à-dire la remise
de la copie.
Il faut d'abord constater que cette copie a été remise k
l'accusé lui-même. Il résulte, en effet, des art. Si, 68 et 70
du G. de proc. civ. que l'exploit qui constate la notificatioa
doit , A peme de nullité, être remis à personne ou domicile et
spécifier la personne à laquelle la copie a été laissée. Or,
* Gass, iS ftnier 1842, rapp. M. Yinoens-St-Laurenu B. Der. &S« If
tw.
' Cm. 1 airUIB&S, non imprimé (aff. Palfi).
' Gass. S janvier 1834, rapp. M. Gilbert de Voisins. J. P., t XXVI,
p. S.
« Gass. 1 iftv. «aie, npp. M. Anmoat. h P., t. XOI, p. 157; 7 jaaT.
1816, rapp. M. OlUfier, t. XX, p^ia ; .14 jallL ia49 rapp. M. ri«a«.
J. crim., t XVII, p. 211; 15 déé, 1831 rapp. M. Roeher, 1. P., t. XXIV,
S Gass. 16 jaillet 1841» rapp. M. Fiéteao.DaU. il, 1, tSl.
* Gasi. 11 mars 1899^ rapp» M. Mejronnet J. P.» à sa date.
DE LA COMPOSITION DU Jt'RT. § 601, 168
Îuand l'accusé est détenu, ce qui a toujours lieu en matière
e poursuite pour crime^ c'est à sa personne même que la co-
pie doit être laissée ; car la prison , dans laquelle il est dé-
tenu, n'est pas son domicile, et ce n'est que pour les significa-
tions faites à domicile que les concierges et portiers sont eoo-
sidérés , à l'égard des habitants des maisons auxquelles ib
sont attachés, comme des mandataires chargés de recevoir
pour eax les copies d'exploits qui leur sont destinées ' • C'est
parce motif que la notification a été déclarée nulle ; 1^ lors*
qu'elle est faite & un détenu en parlant au concierge de la
prison '; B® lorsqu'elle est faite è son coaccusé^; 3* lorsqu'elU
est faite même à son défenseur^. Il n'en était pas ainsi k l'é*
gard des prévenus de délits de la presse et des délits politiques,
non détenus, lorsque la loi les déclarait justiciables du jury :
la notification devait être faite à leur domicile, en observant^
s'il y avait lieu , le délai des distances ^.
La remise n'est constatée qu'en déclarant à quelle per-
sonne elle a été faite , et par conséquent , en matière crimi-
nelle, qu'elle a été faite en parlant à la personne de Vaccmi,
Ce n'est point là sans doute une formule sacramenteile ; mais
il est nécessaire que cette énonciation résulte formellement
des termes de l'exploit.
Ainsi , il y a nullité si la mention de la personne à laquelle
l^exploit a été remis n'a pas été faite , en d'autres termes , si
le parlant à a été laissé en blanc ^ y càr il résulte de cette
omission que la remise ne se trouve pas constatée. Il pourrait
toutefois être suppléé à cette omission par d'autres énoncia^
lions de l'acte, pourvu qu'elle ne laissassent aucune incerti«-
lude sur ce point \ Il suffirait d'ailleurs de dire : « signifié •
et copie délivrée à tel , parlant à lapersonne *. » Ces niots
indiquent que c'est à la personne du détenu que la signifi-
cation a été faite.
* MertiD, rép. v Jury, S 4.
' Casa. iS no7. 1818, rapp. M. d'Aubers. J. P., t. XIV, p. i062«
' Cass. IS mars iSiS, rapp. M. Olliyier J. P., t. XIV, p. 786.
*Gas5. 26 bnim. anyiii, rapp. M. flifiiiier. J. P., U I, p. 587.
' Cass. 19 mai 188t» vapp. M. JsamiMrt} il«ct. 1661, rapp. Bff, IflaBi|)^t;
13 kl. 1843, rapp. M. Vinoens-SuLanrent. etc.
* Cass. 10 DOT. 1820, rapp. M. Gaillard, i. P.» t. XVI, p. 84 ; iaoftt 1851,
rapp. M. Rives, Bull, n. 817 { il sept t851» à notre rapport. Bolf.
n. 37ai
' Cass. 2 juiii. d857, il notre rapp. Bull. a. 247 ; 6 ocl. le^t, rapp. M.
Qiiinault.Dall. i3,i,228.
'Cass. 30 mai 1850, npp. V. ëeBoiweas. Biil. a^ i7T.
364 DES couns d* assises.
Que faut-il décider si les mots parlant à la personne sont
imprimés à^'avance dans l'exploit? Un arrêt déclare : « quesi
ce mode de constatation est irrégulier, et s'il est dans l'esprit
de la loi que l'officier public ne certifie un fait qu'après l'a-
voir reconnu , Vart. 61 du G. de proc. ciy. n'attache point
la peine de nullité à cette constatation anticipée; qu'elle
n'exige pas non plus que la mention soit écrite de la main de
rhuissier lui-même '• » Un blàme aussi explicitement ex-
primé suffira^i-il pour proscrire ce mode irrègulier 7 II est i
regretter peut-être que la Cour de cassation ait hésité à aller
plus loin et n'ait pas prononcé la nullité d'une telle consta-
tation. Les formules imprimées à l'avance ne donnent an-
cune certitude k l'accomplissement d'une formalité; elles
provoquent par leurs mentions prématurées la négligence des
officiers ; elles affaiblissent la précision de la constatation ;
elles ôtent à la procédure une partie de sa puissance.
S'il y a {plusieurs accusés, il faut que l'exnloit indique que
la notification et la remise ont été faites inaividuellement et
séparément à chacun d^eux ; car chacun d'eux a un devoir
personnel de récusation et doit pouvoir l'exercer librement.
Ainsi > la notification faite à plusieurs accusés est nulle , s'il
n'a été laissé au'une seule copie de la liste '. Elle est nulle
si l'exploit se borne k déclarer « qu'il leur a été délivré la
présente copie ^, ou si , après avoir énuméré les accusés, il ne
contient que cette mention, « j'ai remis copie à l'accusé sus-
dit *, » Cependant si les accusés sont distinctement désignés
dans l'acte et si le coût des différentes copies est relaté dans
le corps et même en marge de l'exploit, on peut ne pas s'ar-
rêter à ces énonciations irrégulières ^. A plus forte raison,
doit-on considérer comme parfaitement suffisantes la mention
« que la copie a été remise aux accusés en parlani à chacun
d'eux nominativement ^ ou la mention qu'elle a été faite « en
parlant à leurs personnes *. » Il y a lieu de remarquer seu-
lement que la nullité est restreinte à ceux des accusés qui
* Gaii. h avril 1856, rapp. M. Ploucoulm. BuU n. 199.
* Gass. S9 JaiU. 1825, rapp. M. OlIiYÎer. J. P., U XIX, p. 7i9; 10 aoftt
i889y rapp. M. RiTes. Bail. n. 257.
' Cass. 22 août 1850, rapp. BC Legag^neur. BoU. n. 206.
* Gass. 5ocU 1818, rapp. IL JacquiaoU Bail, il 258.
* Cass. 10 décembre 1886, rapp. IUL de Crousdlbes ; 28 décembre 1837,
rapp. M. Rocber ; 27 mars 1888, rapp. M. ViDcens-St-LaureaU
^Gass. 2 jolU. 1846, rapp. M. Fréteau. Bull, m 169.
DE LA COMPOSITION DU tVKÏ. § 601. 965
sont présumés n^avoir pas reçu de copie; elle ne profite pas
aux autres.
Enfin , la date de Texploit est au nombre de ses formes
essentielles; car , outre que cette forme est commune à tous
les exploits, elle est prescrite à peine de nullité par l'art. 395
pour la notification de la liste des jurés; il serait impossible,
en eflet, en l'absence de la date précise de la notification, de
s'assurer ai elle a été faite le jour péremptoirement fixé par
la loi. De là les nombreux arrêts qui ont prononcé la nul*
lité de cette notification , toutes les fois que l'exploit , soit
parce qu'elle est restée en blanc, soit parce qu'elle a été sur-
chargée ou raturée sans approbation, soit parce qu'elle a été
grattée, laisse incertaine la date où elle a eu lieu ^
La mention de cette date peut-elle être suppléée par les
antres énonciations de l'exploit ? Un arrêt , rendu dans une
espèce où la notification devait être faite le 28 août au plus
tard, porte a que le mot huit étant surchargé sans approba-*
tion de surcharge, il ne serait pas constaté que la signification
a réellement eu lieu au jour fiié par la loi , si l'exploit de si-
gnification ne présentait pas une énonciation qui donne à la
date du 28 une certitude légale; qu'en effet, on trouve au
bas de cet exploit qu'il a été enregistré le 28 août ; que cette
mention authentiqae se lie essentiellement à Tacte auquel
elle devient inhérente ; qu'il eu résulte nécessairement que
la notification prescrite par Tart. 395 a eu lieu antérieure-
ment au jour fixé par la formation du tableau du jury de ju-
gement et au plus tard la veille de ee jour *. » On doit fa-
cilement admettre cette preuve supplétive quand elle est
puisée dans l'exploit lui-même ou dans les énonciations ac-
cessoires qui , suivant l'expression de la jurisprudence, s'iden-
tifient avec lui.
Mais la mention peut-elle être suppléée par les énoncia-
tions du procès-verbal du tirage du jury de jugement? Un
arrêt avait admis « que si l'original de l'exploit , qui est du
3 juillet, pouvait présenter quelque incertitude à cause de la
' Cass. SI oc». 18SS, rapp. M. Chasle. J. P., U XVII, p. 427; S8 janv.
iS3S, rapp. M. OUivier, U XXIV, p. 632 ; 5 mars 1836, rapp. Mérilbou.
Bail. n. 71 ; 21 sept d839, rapp. M. Ricard, ii. 306; ik moi 1840, rapp.
M. Vincens-Sl-Laurcnt, n. 130; 25 fév. 1843, rapp. M. Dehaussy, ii. 45 ;
i3 mars 1846. rapp. M. Isambert, n. 70; l4 jjuv. 1847, rapp. M, Isambcrt,
n. 7; 12 oclob. 1848. rapp. M. Jacquinot, n* 250 ; 22 mars 1850, rapp.
M. Barennes, n. 108 s 20 janvier 1854, rapp. M. Jallon, n. 13.
* Cass, 10 noT, 1849, rapp. M. BareQoes. Bull. n. 298,
3M i>B9 covas d'assises.
sorcbarge, cette incertitude serait levée par rteoncktioa
faite dans le procès-verbal du tirage au sort des jurés da
4 juillet, portant que cette notification « a été faite la veille,
c'est-i-dire le 8 ' ; » mais un autre arrêt a décidé « que la
date des actes des ofGciers ministériels en cette matière ne
peut résulter que des éléments de l'acte lui* même on des
actes qui s'identifient avec lui, si elle n'est d'ailleurs expres-
sément constatée; que si , dans sa formule pénale, l'exploit
porte que la notification a eu lieu la veille clu jour fixé pour
fa formation du tableau du jury, cette énonciation ne constate
nullement une date positive ; que sans doute si l'exploit por-
tait que les accusés devaient être jugés le 12, la date pourrait
ainsi se trouver suilisamment établie par relation ; mais qa'i
défaut de toute indication à cet égard , il faudrait , pour re-
connaître la date de l'exploit, recourir à des actes qui lui sont
étrangers et qui ne sont pas destinés à en être le complé-
ment *• » Ainsi il faut que l'acte se soutienne par lui-mèine;
ses énonciations peuvent se compléter les unes les autres;
mais il n'est pas permis de chercher en dehors et dans les autres
actes de la procédure, les mentions qu'il est chargé de consta-
ta et qui sont nécessaires à sa validité.
Il reste encore à relater quelques règles qui ont pour
objet ou d'assurer ou de prouver la régularité de la notifi-
cation.
La notification peut et doit être faite même un jour férié,
si ce jour est la veille de Touverture des débats , « atlenda
que l'art, 1037 G. pr. civ. n'est point applicable aux actes qui
ont pour objet la répression des crimes ou délits, et que par
Part. 2 de la loi du 17 thermidor an 6, encore en vigueur,
l'expédition des aOaires criminelles est autorisée les jours fé-
riés *. »
11 n'est pas nécessaire que l'exploit constate , comme le
veut un ancien usage, que la remise a été faite entre les deux
guichets de la prison , espace qu'une fiction répute lieu de
liberté : c attendu qu'aucune disposition du Gode d'inst. cr.
ne prescrit la condition de la notification des actes dont il
s'agit entre deux guichets comme lieu de liberté , que dès
* Gast. ii aofttiSi?, rapp. tf. Chasle. J. P. t. XIV, p. &36
' Gas8« il mai i854, rapp. M. Sénéca, Bull. D.i42«
< Cass. 5 déc. iS50, rapp. M« Dehaassy. Btt11« n, U3| 10 mai i84^i rapr«
Ml Brière-VaUgny, d, ioSi
BE LA COMPOSITION Dt JOHV. § GOl. - 367
htÈ TalMmoe de cette formalité ne constitae aùeuDe irrégu-
larité'••
Les ratures, surcharges et interlignes qui se renouvellent
dansTexploity y produisent le même effet que dans tous les
aatres actes*. Elles entraînent la nullité de la notification,
lorsqu'elles ne sont pas régulièrement approuvées et qu'elles
portent sur des mots énonçant l'observation de formalités
substantielles ; car ces mots, aut termes de Fart. 78 du Code
diost. cr., sont considérés comme non écrits^. Telles sont,
par etemple, les surcharges et ratures qui portent sur la date
de Texploit ^ ou sur les noms des jurés &. Elles n'opèrent , au
contraire, aucune nullité» lorsqu'elles portent sur des mots
qui n'énoncent que des formes accessoires ou qui, quoique re-
latifs aux formes essentielles, n'en altèrent pas la preuve \
Enfin il est quelques présomptions établies par la jurispru-
dence, et qui suppléent, dans certains cas, à la preuve directe
de l'accomplissement de la formalité.
Lorsque l'original de l'exploit est régulier et que la copie
n'est pas représentée, il y a présomption que cette copie est
également régulière. En effet , les vices dont on prévaudrait
que la copie est entadiée ne sont que de pures allégations» dès
que cette copie n'est pas produite ?•
Lorsque l'original est entaché d'une nullité et que la copie
n'est pas représentée, il y a présomption que la même nullité
se trouve dans cette copie. En effet, l'original tient lieu de
la copie notifiée qui d'ailleurs est présumée lui être conforme ;
les nullités qui se trouvent sur Toriginal sont donc présumées
de droit se trouver sur la copie \
Lorsque ni l'original ni la copie ne sont représentés , au-
ft GaSB. i Joillet 1837, rapp. M. Dehanssy. »r. Der. 88, 1, fie.
* Yoy . notre t. 5» p. 630.
" Caas. 15 ocu 1829, rapp. M. OlUrier. J. P. t XXII, p. 1470 ; 28 jan? .
1882, rapp. M. OHiTier, t. XXIV p. 632.
A Casi. 21 sept 1839, rapp. M. Ricard, Bail. n. 306 ; 14 mai 1840. rapp.
M. Yiocens-St-Laareiit, d. 130; 25 fév. 1843, rapp. M. Dehaassy» n. 45; 18
ma» 4846» rspp. M. Isambert, n.^70 etc.
* Gais. 22 août 1850, rapp. M. Legaf near. Bull. n. 266.
* Casa. 80 ao0tl849, rapp* M* Legagoeur. Bull. n. 226; 6 fév. 1851, rapp.
M. Anis. Moreau, n* 50.
* Goifc 14 août 1817, rapp. H. Ghasles. J. P. t. XIV, p. 426; 7 oct. 1825,
tapp. M. Gaillard, t. XIX p. 905.
^ Caw« 16 fév. 1882, rapp. M. InmberU J. P. t XXIV p. 748; 24 déc«
1885, rapp« If, Ii«iiib«rt| Bail» Ot 477 1 17 «Tril i947| mpp, M. Rocher
368 »BS COURS D*ASS18ES.
cunes pièces ne sauraient suppléer à cette production , puis-
qu'il ne saurait résulter de ces pièces la preuve légale de
Fexistence de l'acte, ni la preuve légale de sa régularité, et il
7 a présomption que la formalité n'a pas été accomplie ^
Mais lorsque la copie est représentée , elle sert seule de
base à la décision : régulière, elle couvre les vices de l'origi-
nal; irrégulière, ses erreurs ne sont pas couvertes par la ré«
gularité de cet acte. La règle, en effet» est « que la copie d'ua
exploit tient lieu de l'original à la partie à laquelle la signifi-
cation est faite, et que cette partie ne doit connaître que cette
copie pour apprécier et faire apprécier à son égard la régula-
rité de la signification '. »
YI. L'exploit constate la remise de la copie de la liste des
jurés : il faut donc examiner, en second lieu, les formes de
cette copie et les règles qui s'y appliquent.
11 est indifférent, d'abord» aux yeux de la jurisprudence, que
cette liste soit manuscrite ou imprimée : « attendu, disent les
arrêts» que l'art 372 n'est relatif qu^au procès-verbal des
débats et que la prohibition qu'il établit ne peut être étendue
à la liste des jurés ^ *, et quec^est la signature de l'officier mi-
nistériel, chargé de faire la notification qui donne à cette liste
l'authenticité et la légalisation nécessaires K > Il y a dans
tous les cas , nous l'avons déjà remarqué , de graves inconvé-
nients à employer des imprimés dans la procédure criminelle:
il parait toujours incertain que les formes constatées â l'a-
vance aient été observées. Ici , l'inconvénient est d'une autre
espèce : la liste imprimée est nécessairement la liste originaire
des &0 jurés. Cet usage vicieux coiidainne donc tous les ac-
cusés de la session à recevoir la copie de cette liste, qui le plus
souvent ne sert point à leur droit de récusation et qui quel-
quefois s'égare. U s'ensuit que la notification devient illu-
soire. Une liste manuscrite faite à mesure que la notification
en devient nécessaire, peut seule tenir compte des absences
et des excuses et présenter le tableau exact des jurés.
U est encore indifférent que la liste soit placée en tète de
' Cass. 6 noT. i85i, rapp. M. Nougaicr, Bull. n. 464.
■ Cass. 5 mars i 836, rapp. M. Mérilhou. BuU. 71; et c^iir. U oct 185S|
r;ipp. M. Robert St-Vii»ccnt, J. P. i. XV, p, 862.
^ Cass. ii juillet 183U| rapp. M. Isambert, Bull. n. 324.
* Cass. 23 janv. i8I>l, i app, M. Quiuaolt, Bu)!, n, 8i«
01 LA COHPOSITlOIt DU JUEt. § 60l. 369
l'exploit ou qu'elle soit simplemeat annexée à cet acte,
pourYU qu'elle soit conforme à la liste originale. Un arrêt
déclare c que la loi , en prescrivant de notifier à chaque ac-
cusé la liste des jurés, n'exige pas que la liste soit transcrite
en tète de l'original de l'exploit de notification ou que les
noms compris dans cette liste soient rappelés dans le contexte
de cet exploit ; qu'il suffit qu'il soit régulièrement constaté
que la liste a été signifiée à chaque accusé ^ o
La liste notifiée doit contenir toutes les désignations qui
sont de nature à constater l'individualité de chaque juré.
£lle doit y par exemple, énoncer non-seulement les noms et
les prénoms, mais la qualité ou la profession, l'âge ou le do-
micile. Ce sont toutes ces énonciations qui signalent les jurés
à Tattention de l'accusé et qui le mettent à même d'exercer
son droit de récusation en connaissance de cause.
Hais il peut arriver ou que les désignations soient incom-
plètes, ou qu'elles soient inexactes. Dans Tune et Tautre hy*-
pothèse , il y a lieu de discerner avant tout si l'accusé peut
fonder sur ces lacunes ou ces erreurs un grief sérieux ou si elles
n'étaient pas trop légères pour égarer son droit de récusation.
C'est une règle que la jurisprudence a posée en déclarant
« que la notification de la liste des jurés à l'accusé a pour
objet de le mettre à portée d'exercer , avec pleine connais*
sance de cause , son droit de récusation ; qu'il importe dès
lors que cette liste soit exacte ; mais qu'il ne suffit pas qu'elle
contienne des désignations inexactes pour être considérée
comme nulle et de nul effet ; qu'il faut encore que ces inexac-
titudes aient été de nature à préjudicier aux droits de l'ac-
cusé et à l'empêcher de discerner suffisamment les personnes
qui y sont inscrites *. » Elle décide encore < que la loi ne peut
être* réputée avoir été exécutée, lorsque la copie notifiée aux
accusés renferme sur les noms, les prénoms, la profession ou
le domicile des jurés, des désignations fausses qui détruisent
la personnalité desdits jurés , et ôtent ainsi aux accusés les
moyens de les connaître et de préparer contre eux les récu-
satioDS que la loi leur accorde '. »
La difficulté était de savoir à quelle époque et devant
■ Casa* 3 nov. iSAS, rapp. M. Brière-Valigoy, BuU. n. 201. 17 avril 1847,
rapp. M. Rocher, Bull. u. 78.
" Cass. 10 jain 1825, rapp. M.Gaillard, J. P. t. XIX p. 563.
' Cass. 26 déa 1823^ rapp. M. Gaillard» J» P. t. XYIII p. 390.
vin. 24
370 1>KS COURS D*A891SIS.
quels juges roccusé pouvait faire valoir le préjudice qae lui
avaient causé ces inexactitudes. La Cour de cassation avait
d^abord jugé que ses réclamations & cet égard devaient èlre
portées, i peine de forclusion, au moment de la formation
du tableau, devant la Cour d'assises : « attendu que dans ce
cas il en doit être de même que dans celui prévu par l'art. 315,
qui veut que les noms, la profession et les résidences des té-
moins soient notifiés aux accusés ; mais que cet article ne
prononce pas la nullité de la notification des listes de témoins
dont la profession et la résidence ne seraient pas indiquées
dans les listes; qu'il donne seulement aux accusés le droit de
s'opposera ce que ces témoins incomplètement désignés soient
entendus ; d'où il suit qu'à défaut de cette opposition, la lot
présume que, malgré Tomission dans la liste notifiée des pro-
fessions et résidences des témoins, ces témoins ont été suffi-
samment connus des accusés; la même présomption s'appli-
que au cas où des jurés sont seulement désignés par leurs
noms dans les listes notifiées aux accusés, lorsque ces accusés
ne demandent pas , avant la formation du tableau du jurv,
que les jurés qui doivent concourir à former ce tableau leur
soient notifiés d'une manière plus circonstanciée qu'ils ne
l'ont été dans la liste qu'ils ont reçue ^ )>
Mais cette jurisprudence a été modifiée. Il a paru c|ue toutes
les formes qui ont pour objet Texercice des récusations tien-
nent essentiellement au droit de la défense même ; que les ac-
cusés ne peuvent donc être admis à y renoncer soit explicite-
ment, soit par leur silence; que c'est dans l'intérêt de la vé-
rité que ces formes ont été instituées, et que la société a un
intérêt non moins grand que les accusés eux-mêmes à ce
qu'elles soient fidèlement observées. La Cour de cassation a
été ainsi amenée , dans Texamen qu'elle (ait des procédures
criminelles, à relever les erreurs et les inexactitudes qui
se trouvent dans la liste notifiée et à apprécier elle-même Teffet
qu'elles ont du produire sur l'esprit des accusés dans l'exer-
cice de leur droit de récusation. Elle se pose une double ques-
tion : l'inexactitude a- t-eile été assez grave pour que l'accusé
ait pu être induit en erreur sur l'individualité du juré auquel
s'appliquent les désignations inexactes? En est-il résulté
pour lui un préjudice réel? On pourrait objecter que ce
* Cass. 17 mai d824, rapp. M. Baùre, J. P. U XVI, d. 615} 6 août ISSOi
t. XXIII, p. 743^3 m\ lbd2, lapp. M, Hivos, U XAIY, p^ iOiâ.
DE LA COUVO^ITION W JOKT. § 601. 171
sont là de pures questions de fait ; c'est une erreur ; il no s V
git pas de rechercher et de constater un fait ; cette cod^Uh
tatiou est faite dans la procédure; il s'agit de déduire de ce
fait ses conséquences» d'apprécier s'il a nui à l'exercice d'ua
droit , et de maintenir par là ce droit à l'abri de toute at«
teinte. Abandonner cette appréciation à la Cour d^assises^ 06
serait la supprimer, car Taecusé n'élèvera que rarement une
réclamation qui n'aurait d'autre effet que de retarder les dè^
bats. La Cour de cassation ^ chargée de relever toutes les ir-
régularités de la procédure, toutes les contraventions à la loi^
doit nécessairement constater celles qui entachent la liste
notifiée et en déduisant de ces contraventions leurs consé-
quences légales, elle ne fait qu'appliquer à l'un des actes de
la procédure le pouvoir qu'elle applique à tous les autres.
Quelques règles cependant ont été établies pour restrein-
dre ce pouvoir d'appréciation dans de justes limites.
11 faut distinguer d'abord les erreurs qui sont de nature à
égarer le droit de récusation et celles qui , moins graves, ne
peuvent avoir cet effet. Cette distinction , dont la Cour de cas-
sation se réserve d'apprécier les élément^, a été établie par
un trop grand nombre d'arrêts pour qu il soit possible et
d'ailleurs utile de les citer tous. Nous nous arrêterons aui;
Sirincipaux, à^ceux qui ont posé avec le plus de clarté cettç
imite qui n*a que le tort d'être un peu vague.
Lorsque les erreurs portent sur les noms mêmes des jurés,
la Cour de cassation a jugé qu'il y a lieu de prononcer la nul-
lité : l"" quand la liste notifiée énonce le nom de Levallois
[Pierre^ Jean-François) y marchand^ et que la liste des 30,
sur laquelle le jury a été [orme, ne reproduit que le nota de
Levatois^ sans qualilé ni prénoms ' ; 2" quand la liste noti-
fiée porte le nom de DronioUy tandis que le nom véritable du
juré est Drouin , et que l'arrêt de la Cour d'assises qui L'a
rectifiée n'a pas été signifié à j'accuse ', S"" quand la liste
notifiée énonce le nom de Dufour au lieu de IMàfaur^ et de
Maury pour Maulis ^. Il a paru que dans ces trois espèces les
diflércnces étaient assez graves pour que les accusés pussent
être trompés sur l'individualité des jurés. Mais il n'en serait
plus ainsi si la liste avait simplement écrit le nom de Roulol ,
« Cass. 15 ocU 1329, rapp.M. OUivier J. P., t. XXII, p. 1470.
' Cass. 18 nov. 18&1, lupp. M. Dehaussj. Bull* n. 328.
* Cass. S3 i]iuii850» rnpp, M. Dchaussy- ^^ull. u. 165.
^2 DES coons d'assises.
par exemple, au lieu de Raulol \ celui de Naury au lieu de
JUaury *, celui de Rayer au lieu de Roger ^^ celui de Corn-
pade au lieu de Compadre ^, celui de Corlieux au Heu de
Colieu ^, celui de Sivy au lieu de Sivry *, celui de Forcioli
au lieu de Quercioli ', pourvu d'ailleurs que les autres énoa-
ciatioDS relatives aux jurés dont les noms avaient été aiasi
tronqués fussent exactes et pussent faciliter le contr6Ie et la
rectification de ces erreurs ^.
Lorsque les erreurs portent sur les prénoms, la Cour lésa
considérées en général comme insuffisantes pour fonder une
nullité, parce que ce n'est point en général par ses prénoms
que rindividualité d'un citoyen est signalée ^. Il importerait
peu même que les prénoms des jurés fussent indiqué par des
initiales , quand les autres meniions les désignent suQisain*
ment ^''. Cependant l'inexactitude des prénoms peut produire
une nullité dans deux cas : l"" lorsque cette inexactitude n'est
pas suppléée par des indications suffisantes et qui puissent la
corriger. Ainsi , la nullité a été prononcée dans une espèce
où la copie avait attribué à 21 jurés des prénoms qui ne lear
appartenaient pas, « attendu que ces erreurs nombreuses ont
d'autant plus de gravité que les citoyens portés sur cette liste
n'y sont point désignés par leurs professions respectives,
mais uniquement par la qualité d'électeurs ^' ; a« lorsque
i Casa. 5 déc i8S9, rapp. M. Vincens-St-Laurent. Bull, o* 573.
* Gass. SjuiU. 1847, rapp. M. Jacquinot Bail. nAàS,
* Gass. il mars 1852, rapp. M. Nouguier. Bull, n.' 88.
* Gass. 17 déc 1853, rapp. M. Rocher. Bull. n. &0S.
* Gass. 15 déc 1853, rapp. M. A. Moreau. Bull. n. 581.
* Gass. 12 déc 1850, rapp. Bl. Dehaussy. BulL n. A17.
'* Gass. 81 juil. iUl, rapp. M.Isambert. Bull, d.171.
* Cas*. 8 juiï. 182A, rapp. M. Brière. J. P.,l.XVIII,p. 870; 14 ar. 48Î6.
rapp. M. Choppin, t. XX, p. 878 ; 12 déc 1884, rapp. M. Mériihou, l. XXVI,
p. 112^, 7 déc 1827, rapp. M. Choppini U XXI, p. 929; 16 oct. 1828, rap.
M. Ollivler, U XXII, p. 811 ; 24 déc 1829, rapp. M. Clausel, t. XXII, p.l655;
9 juil. 1835, rapp. M. Isambert. Bull. n. 279; 18 mars 1830, rapp. M. Ri-
card. J. P., t XXIII, p. 278; 26juU. 1832, rapp. M. Ghoppin, L XXIV, p.
1832; 30 août 18Â9, rapp. M. Legagneur. Bull. n. 226; 6 scpU 18&9,
rapp. M. deOlos. Bull. u. 233; 12 juill. 1851 rapp. M. V. Foucher, Bail.
n. 283.
» Cass. 24 sept, i 81 9, rapp. M. Ollivier. J. P. , t. XV, p. 532 ; 7 août 1851,
rap. M. de Clos. Bull. n. 330 ; 20 oct 1831, rapp. M. MeyronncU J. P., t.
XXIV, p. 272; 19 juil. 1852, lapp. M. Meyronnel. J. P., i. XXIV, p. 1800;
i2 avail 1839, rapp. M. Voysin deCartcmpc. Bull. n. 123.
«• Gass. 2isepU 1848, rapp. M. Legagneur. Bull, n, 246.
«* Cass. 7 avril 4837, iapp. M. Viticens-Sl-Laurent. Bull, n, 132;26déC
1823, rapp* M, Gaillard. J. P., t. XXIf f, p. 290.
DE LA COMPOSITION DU JDftT. § 601. S^S
romission on l'erreur des préDoms amène une confasion^soit
entre deux jurés, soit entre un juré et une autre personne.
Ainsi y par exemple, si dans la liste de la session figurent deux
jurés j I un nommé Deltrieu et Tantrc Doirieu , et que dans
la liste des 30, notiBée à l'accusé, se trouve le premier de ces
noms seulement et h la suite les prénoms applicables à l'au-
tre, l'accusé a pu rester dans Tincertitude sur le point de sa-
Toir lequel des deux jurés faisait partie de la liste , et par là
se trouver gêné dans l'exercice de son droit \
Lorsque les erreurs portent sur l'âge des jurés, elles n'em-
portent aucune nullité, à moins qu'elles n'aient dâ infailli-
blement faire naître des doutes sur l'individualité des jurés.
Dans une espèce où il était allégué qu'on juré Agé de 34 ans
avait été porté sur la liste notifiée avec l'indication de l'âge
de 64 ans» le pourvoi a été rejeté , < attendu qu'il n'est pas
articulé qu'il y ait eu inexactitude dans les prénoms, la pro-
fession et le domicile de ce juré , circonstances suffisantes
pour que le demandeur ne pût être induit en erreur sur son
identité *• » Dans une autre espèce où l'âge des jurés avait été
indiqué comme né en 1761, tandis qu'il était né en 1794,
le pourvoi a été également rejeté, « attendu , que l'erreur
commise dans l'indication de 1 âge de ce juré n a pu occa-
sîoner de doute sur son identité, puisque les autres indications
sufiisaient pour fixer le demandeur à cet égard, et que s'il
est vrai , comme on l'allègue , que ce juré babite avec son
père qui est âgé de 70 ans, il est impossible de le confondre
avec lui» puisque ses prénoms et sa qualité de médecin pré-
cisaient complètement son individualité ' » Au surplus , To-
mission même de la mention de l'âge ne vicierait pas la no-
tification, bien que cette mention nous semble très utile, soit
pour faire connaître le juré, soit pour constater sa capacité
légale ^. A plus forte raison faut-il induire de cette juris-
prudence que cette mention « âge requis » serait suffisante ^.
Lorsque les erreurs portent sur la qualité ou la profession»
■ Ga». ii sept iS&O, rapp. M. Vincens^t-Laurent. Ball.n* 268.
s Cass. 6 noT. 1828, rapp. M, Gaillard, J. P., L XXII, 318.
* Ca». 16 DOT. 1832, rapp. M. Ollivier. Dali, ^r** Inst. 15 ocU 1884f rapp.
11. Meyronnet. Eod. loc. crim. lu 1714.
* Cass. 18 sept 1828, rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXII. 289 ; 20 dot.
1828, rapp. M. Mangio, t. XXII, p. 364; 12 avril 1832, rapp. M. Briëre, t.
XXIV, p 957.
* GaM. 30 sept« 1831>rapp,M* Rocher. J. P., t. XXIY, p, 259.
174 DE8 cooRi bVssises.
la notification n'est entachée de nullité qu'autant qu^elles
ont pu avoir pour effet de tromper Taccusé sur Tindividua-
lité du juré : on peut en citer quelques exemples. Un sieur
Alexis Simonnet avait été porté sur la liste notifiée avec là
qualité de maire, tandis que cette qualité appartenait à Jean-
Baptiste Simonnet 9 résidant dans la même commune : de là
s^éievaiC une confusion qui a fait prononcer la nullité \ Dans
une autre espèce, Fun des jurés était désigné dans la liste
notifiée comme officier retraité , demeurant à Co$ae et dans
le procès-verbal du tirage , comme officier de santif demeu^
rant à Nevers : il a paru encore que cette erreur avait pu
susciter des doutes sur Tidentilé de l'accusé et porter préju-
dice à Texercice de son droit de récusatiob '. Dans une troi-
sième espèce , l'un des jurés avait été porté avec la qualité
à^épicier , tandis qu'il était avocat et qu'une autre personne
du même nom exerçait le commerce d'épicerie dans la même
commune : il a été jugé encore que l'accusé avait dû être in-
duit en erreur sur l'individualité de ce juré '. Enfin, dans
une quatrième espèce, deux jurés portant les mêmes noms et
prenons se trouvaient inscrits sur la liste et la profession de
Tun avait été par erreur attribuée à l'autre : il a été jngé
que cette transposition d'une qualification qui pouvait seule
les distinguer Tun de l'autre avait pu porter préjudice au droit
de récusation et entraînait dès lors la nullité de la noUGca-
tion ^* Mais toutes les fois au contraire que Terreur dans Tindi-
catioa de la profession ou de la qualité ûê partit pas sufiisante
pour marquer rindividualité du juré, il n'y a pas lieu de s'y
arrêter, par exemple, quand la qualité de médecin a été sub-
stituée à celle d^avocat ^, quand la qualité d'avoué ou de
notaire a été attribuée à un juré qui avait cessé d'exercer*,
ou enfin lorsque sa qualité même a été omise 7.
Enfin, lorsque les erreurs portent sur le domicile des jarés,
il faut décider encore qu'elles ne peuvent entraîner de nul«-
< Gasi 25 féy. 1825, rapp, M. Gaillard. J. P., t. XIX, p.2S5.
s Casi. 21 juin 1833, rapp. M. Rocher. J. P., t XXV, p. 388.
> Casa, 39 avril 1843, rapp. M. Jacquinot. Bull. n. 94.
* Casa. 2 À juin 1843, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 154. Véj. encore
deux arrèti du 7 février 1822, rapp. MM. Basire et Leuret, J. P., U XTU,
p. 117.
> Casa. 18 août 1829, rapp» M. OlUvier, t. XXIIi p. 1359.
• Cash 5 janv. 184a, rapp. M. Jacquinot DaU. é3, 1, 183; 6 anil.ltfM»
rapp. M. Thll J. P., t. XXV, p. 343.
' Gaw. U avril 1826, rapp. M. Ghoppin. I. P., I. XX, p. S78.
hE LA coMPOsinon DO jciLT. § 601. S7S
Hté qu'autant qae cette circonstance deyient caractéristique
de l'individualité. Tel serait le cas où deux individus du même
nom ayant leur domicile dans deux communes diverses, la
liste signifiée è attribué à Tun la résidence appartenant & l'au-
tre'• Mais cette fausse indication n^a plus aucune conséquence
quand elle ne peut être la cause tl'une erreur sérieuse ou
quand les autres indications de la liste permettent de la rec-
tifier ou de ne pas s'y arrêter. Il existe, dans ce sens, un grand
nombre d'arrêts qui déclarent que Terreur dans l'indication
du domicile est indifférente « lorsque les autres indications
des noms, prénoms et profession sont parfaitement concor-
dantes dans la liste signifiée et dans le tableau, et que te droit
de récusation a pu être exercé en connaissance de cause*. »
Il résulte de tous ces arrêts que la jurisprudence^ qui parait
au premier abord un peu confuse à raison des innombrables
espèces dans lesquelles elle a été appliquée» se traduit en ré-
sumé dans une règle assez précise dans sa formule, mais un
peu arbitraire dans son application : la notification est enta-
chée de nullité toutes les fois que les inexactitudes commises
dans les noms , prénoms, domicile, qualités ou professions
des jurés peuvent induire l'accusé en erreur sur leur indivi-
dualité ; elle est valide, au contraire, nonobstant les irrégu-
larités que contiennent ces indications, si ces irrégularités ne
semblent pas de nature & égarer Tâccusé. Il s'agit donc de dé-
gager une présomption du fait de renonciation erronée ou
inexacte de la copie notifiée, d'apprécier la gravité de cette er-
reur et son influence possible sttr Tesprit de l'accusé, déjuger
en un mot s'il a librement exercé le oroit de récusation que la
loi lui a garanti; mais cette appréciation, qui se trouve déférée
on Ta déjà dit, par la nature même des choses, à la chambre
criminelle de la Cour de cassation, n'a d'autre mesure que la
conscience et les lumières de cette haute juridiction.
Il est cependant une limite^ qui n'est que la stricte consé-
quence de cette jurisprudence elle-même et qu'il importe de
ne pas perdre de vue. Ce n'est pas l'erreur commise dans la
* Cass. 30 jaDT, i8Â2, rapp.M. Mérilbou. Bull. d. 12 ; et 15 nof. 18^9»
rapp. M. VinceDS-St-LaureDt, n. 80i.
> Cass. Si août 1828, rapp. M. OlHTfer. J. P.» tXXII, p. 227 : 1 jnil. 1880,
rapp. M. Choppin, t. XXIU, p. 587; 5 août 1880, rapp. M. ChaaTeaa La-
garde, t. XXlll, p. 7Â2 ; 20 avril 1838, rapp. M. Hocher. BuU. B. 107; S
RT.ISAO, rapp.M« Vhicena-6t4iaarent,ii. 51;tl jtiiK I847> rapp, M • Isam-
bert,ii.l69;elc.
376 BU couRf d'assises.
liste, c'est le préjudice que celle erreur a pu causer qm est
Tunique source de la nullité; elle est^ en effet, prononcée,
non point à raison de l'inexactitude de renonciation, mais à
raison de l'entrave probable qu'elle apporte à la défense. De-
là il suit que là où le préjudice n'existe plus, il n'y a plus lieu
d'annuler la notification, quelles que soient les irrégularités
dont elle est entachée. Qu'importe, par exemple, que des sur-
charges ou des erreurs aient été faites dans les noms des jurés
supplémentaires, si ces jurés n'ont point été appelés, si les ju-
rés titulaires ont suffi aux besoins du service*? Qu'importe
que les erreurs aient même porté sur les noms d'un juré titu-
laire, si ce juré n'est point sorti de l'urne et si plus de 30 ju-
rés ont pris part au tirage du jury de jugement, puisqu'il suf-
fit, aux termes de la loi, que trente jurés capables aient con-
couru à ce tirage • ? Il n'y a donc point de nullité, lors même
qu'une fausse cnonciation de nature à induire en erreur le
droit de récusation se serait glissée dans la liste; si, indépen-
damment des noms qui en sont atteints, il reste sur le tableau
trente noms de jurés capables et si, d'ailleurs, les jurés inexac-
tement désignés n'ont pas fait partie du jury de jugement. Ce
n'est que dans ces deux dernières hypothèses que la nullité
peut être invoquée; car, en écartant le juré sur lequel le droit
lie récusation, égaré par des désignations mensongères, n'a
pu s'exercer, il ne resterait que 29 jurés sur le tableau ou
^^ze seulement sur le siège du jury de jugement^.
S 602.
. Formation du jury de jngemenu — IL Nombre de douze jaréft. —
111. Jurés suppléanis ou adjoints. — IV. Tirage des jurés. —
V. Formes extrinsèques du tirage. — VI. Formes intrinsèques. —
VII. Irrévocabilité du tebleau. — VlII.Procès-verbal de celte opéra-
tion.
I. La liste des jurés de la session étant définitivement for-
mée et dûment signifiée à chacun des accusés, à mesure qu'ils
sont traduits aux assises, il y a lieu de procéder, pour statuer
* Cass. 80 août 1849. rapp. M. Jaoquinot. Bull. n. 236.
^Gass. 18 avril 1845, rapp, M. Jacquinot. BulLn.141;i2 juill. d851,rap.
M. V. Foucher. Bull. n. 283.
« Gass. 10 juin 1825, rapp. M. Gaillard, J. P., t. XIX, p. 563 ; 24 jdin
Ukh rapp* ^ Dehausiy. Bull. n. 154,
L
DB JLA COMPOSITION DU JUftT. § 602. 377
rar chaque accusation, à la constitution du jury de juge*
mefiL
II. Le jury de jugement est conriposé de douze jurés. L^art.
394 du C. d*inst. crim. , conforme sur ce point aux lois du 16
29 sept 1791 et du 3 brumaire an iv, dispose: o Le nombre
de douze jurés est nécessaire pour former un jury, h
La législation anglaise, que nous avons suivie en cela, exige
également douze jurés pour le jugement d'une affaire. Si Ton
cherche la raison de ce nombre, on n'en trouve aucune autre
que la coutume, maiscette coutume remonte jusqu'au moyen
ige et les exemples des juridictions qui siégeaient déslors au
nombre de douze juges sont nombreux. Nous ne connaissons,
au reste, aucune objection sérieuse contre cette règle qui
a été adoptée dans tous les pays où règne le jury et semble
assurer suffisamment un verdict indépendant et éclairé.
Le nombre de douze jurés est essentiel à la constitution de
la juridiction. Il ne peut être ni restreint ni dépassé. Il faut né-
cessairement que douze jurés aient siégé aux débats et ré-
pondu aux questions. C'est sur ce nombre que la loi a établi
la majorité qui forme le jugement.
Il y a donc nullité si la présence de douze jurés n'est pas
constatée. Ainsi, il y a lieu de prononcer Tannulation de la
procédure: l"" lorsque le procès-verbal de la formation du ta-»
bleau du jury déclare que le jury a été composé des jurés dont
les noms sont ensuite énoncés, ^ue ces noms sont écrits par or-
dre de numéros jusqu'à onze mciusivement, et que le n* 13
est resté en blanc M S"" lorsque dans la liste des douze le nom
du même juré se trouve écrit sous deux numéros différents,
lorsqu'il est constaté que deui jurés du même nom ne sont
pas placés sur la liste* ; 3* lorsqu'il est constaté par le procès-
verbal qu'il n'a été tiré que onze jurés non récusés pour for-
mer le jury de jugement 3.
Il 7 a encore nullité si plus de douze jurés ont pris part au
jugement Ainsi, l'annulation doit être prononcée, l<>lor8-
QU il résulte du procès-verbal que le jury, qui a assisté aux
débats et rendu la déclaration sur laquelle la condamnation
* Gass. ai oct iSSl. rapp. M. Gaillard. J. P., t XVII, p. 646.
* Gass. 30juillet i83i, rapp. M. Rives. J.P., UXXIV. 82; 17 août 1843,
npp. M. Isambert, t XXIV. p. 1410 ; 23 août 1832, rapp. M. Chantereyne,
t. XXIV, p. 1427.
> Cfui. 23 mars 1815 rapp. M. Busschop. J» P., t XII, p, 648.
378 DBS coufts d'assises.
est iotcrvcDue, a été composé de treize citoyens * ; 2* lorsque
le procës-Terbal énonce quatorze noms sur lesquels il n*y
aurait pas eu de récusation opérée, bien qu*il soit ensuite
mentionné que douze seulement aient aiégé, a^il est impoMÎ-
bie de connaître les noms de ces douze *.
Il est inutile d'ajouter d'ailleurs que les énooeiatîoDS da
procès-Terbal du tirage du jury» d'où Ton pourrait induire
que le jury a siégé au nombre de plus ou de moina que douzei
doivent être rapprochées des mentions du procès-verbal des
débats et peuvent y trouver une explication ou un complé-
ment Ici, comme dans toute notre procédure, il n'y a point
de formule nécefisaire ; il surfit que la constitution légale de
la juridiction soit constatée.
m. Mais i côté des douze jurés peuvent s'asseoir des jurés
adjoints ou suppléants.
L'art. 337 du G. du 3 brumaire an iv avait ajouté aax
douze jurés de jugement trois jurés adjoints. Une loi du 25
brumaire au viii, portant encore plus loin sa prévoyance,
disposait que, « lorsqu'un procès criminel paraîtra de nature
k entraîner de longs débats, le tribunal, avant le tirage de
ia liste des jurés, pourra ordonner qu'indépendamment des
douze jurés et de trois adjoints, il sera tiré au sort trois aa-
tces jurés qui assisteront aux débats. En cas d'événemeot
qui empêcherait Fun ou plusieurs des douze jurés ou des trois
adjoints, de suivre le^ débats jusques et compris là déclaration
définitive du jury, ils seront remplacés par les jurés sup-
léants. »
À la promutffation de notre Gode, qui supt)r!tDait les trois
jurés adjoints, la question s'éleva de savoir s'il était permis
encore, en vertu de la loi du 25 brumaire an viii, de dési-
gner des jurés suppléants. La jurisprudence, après quelque
hésitation ', se prononça pour Taffirmative ; elle déclara < que
le mode d'adjonction de Jurés suppléants prescrit par la loi
du 25 brumaire an viii pour les cas qu'elle prétoit est inooBi-
patible avec les dispositions du nouveau Gode d'inst. erim.;
qu'ainsi ce mode ne devait point être suivi ; mais qu'il d*co
est point ainsi du principe en lui-même de ladite adjonction,
dont Tusage peut encore être admis toutes les fois qu'il peu^
* Cass. 18 mars 1815, rapp. M.Gha8le. J. P., U XII, 697.
* Cass. 17 iuil. 1828, rapp. M. de Cromeilbea. J. P., U XXII| p» 65,
* Cmu si janv. i8iS,rfpp. M. Bussehop. Bull. n. 20,
DE LA COMPOSlTIOït DU JtRY. § 602. 979
' • se concilier a^ec le nouveau Code*. » Les condHioûs de cette
: mesure étaient que l'accusé restât libre d'eiencer le nombre
' de récusations qui lui appartenaient d'après le nombre total
des jurés présents^ et que les jurés suppléants fussent agréés
parie ministère public et par Paccusé'*
L'art. 13 de la loi du 2 mai 1827, qut forme aujourd'hui
- Tart. 39ii^ du C. d'inst. cr., a changé cet état de choses» Cet
article est ainsi conçu : t Lorsqu'un procès criminel paraîtra
' de nature à entraîner de longs débats^ la Cour n'assises
pourra ordonner, avant le tirage de la liste des jurés, qu'iu-^
dépendamraent de douze jurés, il eh sera tiré au sort un ou
deux autres qui assisteront aux débats. Dans le cas où l'un
ou deux des oouze jurés seraient empêchés de suivre les dé-
bats jusqu'à la déclaration définitive du iury, ils seront rem-
placés par les jurés suppléants. Le remplacement se fera sui-
vant Tordre dans lequel les jurés suppléants auront été appe-
lés par le sort. »
Cette disposition nouvelle, qui remplaçait la loi du 25 bru-
maire an VIII, eut pour conséquence do modifier et de
restreindre le droit de récusation. C'est ce qui résulte do
plusieurs arrêts qui déclarent « que, par l'art. 13 de la loi du
2 mai 1827, la Cour d'assises étant autorisée, lorsqu'un pro-
cès criminel paraîtra de nature à entraîner de longs débats, à
ordonner^ avant le tirage de la liste des jurés, qu'il en sera
tiré au sort un ou deux autres qui assisteront aux débats, il
soit^ par une eonséquenoe imnaédiate et iiéoessaire que le
nombre de récusations à exereer respectivement par le miiiis^
tère public et les accusés est forcément réduit en raison de
ce qu'un ou deux jurés suppléants sont tirés au sori; que tà
le nombre de jurés est de trente et qu'il soit procédé au tirage
d'un seul juré suppléant^ le nombre des récusations à exercer
facultativement est de neuf pour les accusés et de huit pour
le ministère public; mais que s'il est procédé au tirage de
deux jurés suppléants, le nombre de récusations se trouve ré-
duit à huit, tant pour les accusés que pour le ministère pu-
blic; que la loi n*e^t pas susceptible d'un autre sens raison-
nable, puisque, dans toute supposition différente, il dépen-
drait, soit du ministère public, soit des accusés, et en étendant
^ Case 81 jaoT. 1812, rapp. M. Basschop. J. P., t. XVIII, p. 624.
* Cmi. 17 flttrfl 1828, re|)p. M. Aumont, 1. P.. t. XVIII, p. 1839 ; et eonfé
Cass. SO août 1816, 11 aTtil 1817, 27 juil. 1820 etc.
380 BES COURS d'assises.
au delà leurs récusations, de rendre caduc et sans efTet rarrèt
par lequel la Ck>ur d'assises aurait ordonné le tirage au sort
de deux jurés suppléants ' . >
Cette jurisprudence est conforme au texte de la loi, qui
veut que Tarrêt qui ordonne Tadjonction de jurés suppléants
soit rendu « ayant le tirage de la liste des jurés. » Il suit de là»
en effet, que l'arrêt, ayantpour effet de tirer treize ou quatorze
jurés au lieu de douze, restreint d'autant le nombre de ceux
sur lesquels les récusations peuvent s'exercer. Si donc la liste
de la session n*est composée que de trente jurés, Taccusation
et la défense seront réduites à huit récusations. Cesi là une
conséquence imprévue d'une mesure d'ordre nécessaire
en elle-même; et cette conséquence est d'autant plus regret-
table, que ce n'est que dans les affaires les plus graves qu'une
adjonction est indispensable ; de sorte que le droit de récusa-
tion est plus étroitement limité à mesure que l'accusation
acquiert plus d'importance.
On doit du moins induire de cette disposition deux corol-
laires. Le premier, c'est que la Cour d'assises ne doit prendre
cette mesure que lorsqu'elle en prévoit l'absolue nécessité ;
car il n'y a que la nécessité qui puisse régulièrement apporter
une restriction au droit de récusation. Elle ne doit adjoindre
qu'un seul suppléant, si un seul peut sulBre. Elle ne peut
jamais dépasser deux suppléants.
Un autre corollaire est qu'il devrait être permis à l'accusé
de contrôler et de discuter une mesure qui exerce une telle
influence sur le droit de sa défense. Sur ce point quelques
observations sont nécessaires.
La Cour de cassation a établi, par une longue jurispru-
dence, i que la faculté accordée à la Cour d'assises par l'arti^
de 394 est une mesure d'ordre qui est laissée par la loi a la
prudence et à la prévoyance de la Cour d'assises ; d'où il suit
que cet article n'a pas dû prescrire au président de la Cour
d'assises d'interpeller le prévenu ou son conseil sur le point
de savoir s'ils consentent ou s'opposent à l'adjonction d'un
DE LA COMPOSITION DU JVRT. § 602. 381
jaré suppléant '. » Elle a mô^no jugé « que Tarrèt d'adjonc-
tioQ pouvait être rendu hors la présence de l'accusé qui n'a-
vait pas la faculté de s'opposer à cette mesure légale '. »
Il est très vrai que Tadjonction d'un ou de deut jurés sup-
pléants est une mesure d'administration judiciaire et que
l'accusé ne pourrait par son opposition y mettre obstacle.
Mais suit-il de là qu'il ne doive pas être admis à discuter cette
mesure et à contester son utilité ? Lorsque le ministère pu-
blic requiert une mesure quelconque, le huis clos par
exemple» Taccusé^ ainsi qu'on le verra plus loin , n'est-il pas
entendu sur l'opportunité de cette disposition ? Il suffit, pour
que son audition doive avoir lieu , qu'il ait intérêt ; or, corn*
ment serait-il possible de lui dénier cet intérêt, lorsque l'ef-
fet direct de l'adjonction est la restriction de son droit de ré*
cusationtNe peut-il pas d'ailleurs fournir des renseignements
qui rendent cette adjonction superflue, s'il déclare, par exem-
ple , restreindre le nombre des témoins qu'il avait appelés ,
s'il renonce à des exceptions qui pouvaient prolonger le dé-
bat? Deux arrêts réservent formellement, le droit de la dé-
fense en ajoutant aux motifs qui ont été rapportés plus haut ,
« que les accusés et leurs conseils seront toujours à temps de
présenter leurs réclamations contre l'opportunité de l'adjonc-
tion de jurés suppléants, au moment où ils seront appelés pour
le tirage au sort du jury de jugement '. » Or, s'ils peuvent
réclamer au moment du tirage, pourquoi ne le pourraient-ilsT
pas au moment où l'adjonction est ordonnée? ou plutôt pour-
quoi ne pas attendre le tirage pour ordonner une mesure qui
ne peut être exécutée qu'à ce moment? Et si le droit de ré-
clamation existe à un moment quelconque, comment déclarer,
quand l'accusé est présent, qu'il n'est pas nécessaire de l'in-
terpeller ni de l'entendre?
il nous parait qu'il faut séparer ici , comme sur bien d'au-
' Cass. S6 iaiU 1834, rapp. M. Dehauuy. J. P., t XXVI, p. Uk ; 9 avril
1829, rapp. M. Choppin, t. XXII. p. 874d0juiD 1858, rapp. M. Fréteau.
BqIKd. 187; 19 sepU 1839, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 301 ; 8 oct. 1840.
npp. M. Romigaières. Bull. d. S99, 31 mars 1842, rapp. M. Meyronnet.
Bail. n. 75, etc.
■ Cas», 28 juin 1832, rapp, M. Brière J. P., t. XXIV, p. 1015; 1 fév.
1849, rapp. M. Barenues. Dali. 49, 5. 83; 20 fêv. 1851, à noire rapport.
Bull. n. lu
' CasB. 28 déc. 1885, rapp. M. Vluceos-Sl-Laurent. Bull, n, 475) 19 sept.
1839, rapp, M, Dehauuy, n, 301*
39g SES COURS D*ASU8fiS.
très points, la ràgle posée par la jurisprudence et le» motifs
que le» arr^U ont éDoucé& à Tâppui. Le premier arrêt qui a
refusé d'annuler une procéd^ri' dans laquelle rînterpellatàoQ
n'avait pas eu lieu, s'était borné à dire « que ni Tart. 13 de la
loi du 2 mai 1827, ni aucune autre loi n^exigeaient le gûd-
sentement formel de l'accusé à peine de nullité '. » Si les
arrêts qui ont suivi s*étaient bornés à reproduire ce notif so-
bre cl réservé, il n'y aurait rien à dire. Il y a deux sortes de
formalités dans notre code : les formalités essentielles et les
formalités secondaires. Il ne s'agissait point ici d^une forme
essentielle, et il suOisait de le reconnaître. Mais s'ensuit-il que
cette forme soit superflue, sous le prétexte qu'il s'agit d'une
mesure d'ordre? s'ensuit-il qu'il faille négliger d'avertir
l'accusé, sous le prétexte qu'il ne peut s'opposer î s'en-
suit-il enfin qu'il soit permis de rendre un arrêt en son
absence, lorsque cet arrêt n'est exécutoire qu'au moment
du tirage où il est présent , sous le prétexte qu'il récla-
mera s'il le veut à ce moment ? La loi a placé l'obligation
d'interpeller l'accusé et d'entendre ses observations sous la
sanction, non d'une nullité, mais du devoir des magistrats;
les arrêts sont allés plus loin ; ils Pont en quelque sorte ef-
facée. Nous croyons qu'il ne faut pas s'arrêter à quelques ex-
pressions basardées et que les Cours d'assises, se conformant
à un sentiment de justice en même temps qu'à IsMoi , ne doi-
vent ordonner l'adjonction qu'en présence de l'accusé etaprès
l'avoir interpellé de présenter ses observations.
Les formes de cette mesure ont été réglées par Tart.
394.
Il n'appartient, en premier lieu, qu'à la Cour d'assises de
l'ordonner : le président n'a pas ce pouvoir. La procédure
devrait, en conséquence, être annulée si elle n'avait été pres-
crite que par une ordonnance du président : « attendu que,
d'après l'art. 13 de la loi du 2 mai 1827, c^est à la Cour
d'assises, et non au président seul • que la loi accorde la fa-
culté d'ordonner, le cas échéant, qu'indépendammeut des 12
jurés, il en sera tiré au sort un ou deux autres qui assiste-
ront aux débats ; que , par conséquent ^ les deux jurés qui
n'auraient été tirés au sort que par Tordre du président seul ,
ne seraient pas légalement investis du droit d'assister aux dé-
< Gan. Savrit 18S0, rapp. M« Glioppin. J. P., u XXII, p. 874.
BB LA COMPOSITION W JVHJ, § 6dS. 383
bats avec les doaze aalres jurés V » Et la nullité existe »
lors même que les suppléants n'auraient point été appelés à
prendre part au jugement : « puisque la désignation de ces
jurés leur conférait le droit de prendre part au débat en cette
qualité ; qu'ils pouvaient à ce titre adresser des interpella-
tions à Taccusé et aux témoins; et qu^ils pouvaient ainsi
exercer une influence plus ou moins directe sur le débat et
ses résultats *. »
Puisque la Cour d'assises peut seule ordonner radjonction.
il est clair qu'elle ne le peut que par un arrêt '. Mais il suf-
fit que cet arrêt, rendu sur incident , soit consigné dans le
procës*verbal et y soit signé du président et du grefRer K II
a même été jugé « que Texistence de l'arrêt qui a ordonné
Fadjonction de deux jurés suppléants est suffisamment éta-
bli par renonciation qui se trouve à cet effet dans le procés-
verbal de la formation du tableau ; et que cet arrêt ae pure
administration n'est point d'ailleurs soumis aux mêmes for-
mes que les arrêts d'audience ^. »
La Cour d'assises doit-elle le prononcer publiquement? Il
a été reconnu par plusieurs arrêts « que s'il résulte des dis-
positions de l'art. 7 de la loi du 20 avril 1810^ que les arrêts
doivent être rendus en audience publique , il n'en est pas de
même des décisions par lesquelles les Cours d'assises ordon-
nent l'adjonction et le tirage au sort d'un 13* juré, par le
motif de la longueur présumée des débats; qu'en effet, le ti-
rage au sort pour la formation du jury de jugement ayant
lieu en la cbambre du conseil , en présence des accusés et du
ministère public, et la nécessité de l'adjonction d'un juré
suppléant pouvant n'être reconnue que là, il en résulte que
la Cour d'assises, en ne prononçant pas publiquement l'arrêt
rendu par elle A ce sujet , ne viole pas le loi *. » Mais il a
été reconnu en même temps t que lorsque la Cour d'assises
« Cass. SO ocU 1838^ rapp. M. 011i?ier, J. P., t. XXII. p. 815 ; 18 sept.
i834> rapp. M. Defaaassy, L XXVI, p. 939.
• CasB. 5 mai 1883, rapp. M. de Gronseilhes. J. P., t. XXIV, 1017; 30
jai]« ISdS, rapp. M. Rocher, t. XXV, 981.
* Cass. 18 juin. 1883, rapp. M. Rocher. J. P., t. XXIV, 1269.
* Cass. 29 mars 1882, rapp. M. Rives. J. P.. XXIV, p. 905.
■Cass. 13 cet. 1848, rapp» M. Vinceos-St-Laurent. Bull. n. Ht ; 38dée.
ia88.DalL 89» 4,186.
• Cass. 3 sepU 1840, rapp. M. Dehaussy* Bull.n. 2i7; 81 mars iUh
Hpp. Ut Mejrroiuift-St Mire. n. 7S,
384 DK3 COURS D*ASSISCS.
croit deyoir prononcer en audience publique Tarrèt par le*
quel elle ordonne cette adjonction , quoique la loi n^ordonne
pas textuellement cette solennité, elle ne fait qu'ajouter aux
garanties qui doivent résulter de l'accomplissement des for-
malités prescrites et ne commet aucune violation de la loi \ »
Ainsi , Tarrét est régulier, soit qu'il ait été prononcé pabli-
c[uement ou en chambre du conseil. Le seul motif qui paisse
justifier cette jurisprudence , c'est que Tadjonction se con-
fond avec l'opération du tirage ; mais ne doit^on pas alors
conclure que si cette mesure n'exige pas l'audience publique,
elle exige du moins, comme te tirage lui-même» la présence
de l'accusé et de son défenseur?
La Cour d'assises doit, aux termes de Tart. 494, ordon-
ner l'adjonction « avant le tirage de la liste des jurés : » peut-
elle l'ordonuer après? Oui» pourvu qu'il n'en soit résulté au-
cun préjudice pour le droit de récusation; et les arrêts qui le
décident ainsi portent « que la disposition de Tart. 394, qui
autorise cette adjonction , n'a pas prescrit à peine de nullilé
Tordre dans lequel il doit y être statué; qu'il ne pourrait doûC
résulter de nullité de ce qu'il n'a été procédé à l'adjonction
qu'après le tirage des douze jurés de jugement , qu'autaat
que l'accusé aurait été gêné dans Tcxercice de son droit de
récusation*. »
Enfin, rien ne s'oppose à ce que la Cour d'assises rétracte
l'arrêt qui ordonne l'adjonction avant que l'examen et les
débats aient commencé, pourvu qu*ii ne puisse en résulter
aucun préjudice pour l'accusé*.
lY. Notis arrivons maintenant au tirage des douze jurés ;
et s'il y a lieu des jurés suppléants.
L'art. 399 règle les formes de ce tirage en ces termes:
« Au jour indiqué, et pour chaque affaire, l'appel des Jurés
non excusés et non dispensés sera fait avant l'ouverture de
Taudicnce, en leur présence et en présence de l'accusé et du
procureur général. Le nom de chaque juré répondant à l'ap-
pel sera déposé dans une urne. L'accusé premièrement ou
« Cass. 48 juin. 1829, rapp.M. de Crouscilhes. J. P., t. XXfl, p. 1252.
• Cass 29 JHin 1843, rapp. M. Isambert. Dali. 43, 1, 455; etawnlla
loi du 2 mai i827. ConC cass. 8 janv. 1824. rapp. M. Busschop J. P.,
U XVIII, p. 328.
= Ct»sc. 21 aoûf i840, rapp.M. MeyronnetSuMarc Dali, 40. U 435î22
mui 1834, rapp . M. de Ricard. J. P., l, XXVI, p. 64î,
DE LA COII»OSITIOII DU lURT. § ^OS. 385
soa conseil, et le procureur général, récuseront les jurés
qu'ils jugeront à propos, à mesure que leurs noms sortiront
de Turne... Le jury de jugement sera formé à Tinstant où
il sera sorti de Torne douze noms de jurés non récusés. » .
Nous ne nous occupons point encore des récusations, qui
seront l'objet du paragraphe suivant. Nous n'examinons ici
que les formes du tirage.
Ces formes sont de deux espèces : les unes ont pour ob-
jet de garantir la sincérité de l'opération, les autres de ré«
gler le mode même du tirage.
y. Les formes extrinsèques du tirage sont la constitution
de la juridiction devant laquelle il a lieu et la présence du
ministère public, des jurés» de l'accusé et de son défen*
seoT.
Le président des assises peut procéder seul et sans Tassis-*
tance de ses assesseurs au tirage du jury de jugement. Ce pou-
voir est fondé sur l'art. S66 du Gode d'inst crim. qui porte
que • le président est chargé de convoquer les jurés et de les
tirer ausort ; » sur les art. 309 et 405 qui sembleraient limi-
ter l'intervention des assesseurs au moment où commence
l'examen ; enfin sur Fart. 399 qui yeut que le tirage ait lieu
« avant Touverture de l'audience n et qui n'exige point for*
mellement la présence de la cour d'assises a l'opération.
Telle est la solution de la jurisprudence; elle s'appuie sur ce
que « ni l'art. 352, ni Part. 266, ni Tart. 399 n'exigent que
le tirage au sort pour la formation du tableau des douze ju-
rés, soit Lit en présence de la Cour d'assises ; qu'au contraire,
il résulte de la combinaison des art. 809, 395, 399 et 415,
que le président peut procéder à cette opération avant que
les membres de la Cour d'assises se soient réunis pour l'exa-
men et les débats ; et que, pour agir régulièrement, il lui
suffit de le faire en présence du ministère public, du greffier,
de l'accusé et des jurés'. »
Mais la même jurisprudence reconnaît en même tempa
que la présence et le concours des assesseurs ne vicient
nullement l'opération; que c'est même une garantie de
plus dont la défense ne peut se faire un grief; qu'aucune
•
« Cass. 2i sept. 1839. rapp. M. OUirier. J. P., t. XXII, p. 1431 ; etc^aCr'
iO oet 1817, rapp. M. Clansel de Gouasergues, t. XIV, A76; 37 avril
1820, rapp. M. Gaillard, U XY, p. 94S $ 16 juil» 1843. rapp. M, Jocquioot
BuU. o. 185.
viii. Î5
M6 DES COIÎRS B^ftSISES.
disposition de la loi d'ailleurs ne prohibe ce ooneoors «.
Ainsi , aux ternies de la jurisprudence» le tirage du jur;
peut aToir lieu, soit devant le président seul, soit datant la
Cour d'assises entière. Dans Tun et dans Tautre cas, l'opé-
ration est régulière^ et la défense ne peut y puiser aucan
grief,
Cependant doit-on admettre que la loi ait omis de régler
Tune des formes les plus importantes de ce tirage? doit-on
admettre que son esprit ait été d'autoriser indifféremment
la présence d^un seul magistrat ou d*une juridiction entière
et d'abandonner Tune ou Tautre forme à la seule volonté de
la Cour d'assises ? On saisit aisément la pensée de la juris-
prudence : elle a voulu faciliter la pratique des opéirations
préliminaires ; elle a voulu les dégager de tout ce qui pour^
rait leur apporter ou des lenteurs ou des entraves^ et surtout
prévenir des causes de nullité quand les intérêts de la dé-
fense, ne sont pas sérieusement compromis. Mais quand il
s'agit de la délégation d'un acte de juridiction, quand il s'a-
git de procéder à la constitution du jury de jugement, j
a-t-il lieu de présumer que cet esprit de la jurisprudence ait
animé le législateur et qu'il se soit abstenu de régler la com-
position d'une juridiction pour ne pas embarrasser la marche
(les procédures ? estril certain d'ailleurs que la double solu-
tion consacrée par les arrêts ait facilité Topération de la
formation du jury et Tait dégagée de toute nullité?
Il faut remarquer d'abord qu'aucune disposition du Gode
n'écarte les assesseurs au moment de l'appel des jurés» L'ar-
ticle 266, placé sous la rubrique des fonctions du président,
porte que ce magistrat est chargé a de convoquer les jurés
et de les tirer au sort. » C'est là, en effet, une de ses nmc-
tions. Les art. 267, 268» 269, 270 énumèrent les autres ; U
a la police de l'audience, il est armé d*un pouvoir discrétion-
naire pour l'instruction de la cause, il peut rejeter du débat
les éléments inutiles. Est-ce que , lorsqu'il remplit toutes
(cs fonctions, il n'est pas assisté de ses assesseurs? Est-ce
que, lors même qu'il exerce un pouvoir personnel, il ne
siège pas en Cour d'assises, de sorte que les autres membres
de la Cour sont les témoins et au besoin les juges de ses actes?
C'est là la règle générale; la loi y a-tTolle fait une exception?
Csii* 10 juin iSIS, rapp. If. de Ricard, MU t* Iast« crhn.1 d. 17S1.
X»B LA COMPOSITION DU JURY. § 602. 387
r^ artôtscHeàtlesart. 309 et 405. L'art. 309 porte que
« an jourdAsighé poor l'ouverture des assises, la Cour ajant
pth séance, ifoatejurés se placeront... » et Fart. 405 ajoute
qne < Texamen commencera immédiatement après la formation
du jury. » On prétend induire de ces textes que la Cour d'as-
sises ne prend séance qu'au moment de l'examen et après
la formatiofi du jury, par conséquent, ne siège pas avant
cet exanlien, et au moment de ceCte formation. Cette inteiFpré-
taliott n'est pas sérieuse. Les art. 309 et 405 ont pour objet
de régler les formes de l'ouverture du débat; ils ne s'occu-
pent que de ce qui doit se passer à ce moment ; mais de ce
qae la Courd'assbesprend séance dans la salled'audiencepour
TouTerture des débats, s'ensuit-il qu'elle n'ait ^as pu pren-
dre séance dans la cbambre du conseil pour la formation du
jury? De ce (ça'elle procède à l'examen après cette formation,
s'ensuit-il qu'elle n'ait pu se réunir auparavant pour procé-
der d'abord au tirage? L'art. 393 ne suppose-t-il pas qu'elle
s'est déjà réunie pour Tappel des jurés complémentaires, Tar-
lîcle 304 pour l'adjonction des jurés suppléants, l'art. 396
pour la condamnation des jurés défaillants? Les arrêts citent
encore l'art. 399 ; mais cet article ne défère noilement au
président le droit de procéder seul au tirage au sort; il ne
s'occupe nullement de la composition de la juridiction, il ne
règle que les formes du tirage et déclare que Taccusé,
le ministère public et les jurés doivent y être présents. Com-
ment de ces dispositions ferait^on sortir l'exclusion des asses*
seurs? El comment expliquer que la Cour d'assises, qui doit
être complète pour vaquer aux opérations préliminaires pié-
Tues par fart. 393, doive cesser de Télre pour procéder au^
opérations prévues par l'art. 399 ?
La jurisprudence , lorsqu'elle a commencé de se for-
mer, était parfaitement logique. La Cour de cassation
avait reconnu au président un pouvoir exorbitant, celui de
prononcer seul sur tous les incidents qui se rattachaient au
tirage des jurés. Les arrêts rendus à cette première époque
déclarent « qu'il n'appartient point à la Cour d'assises, mais
seulement à son président de diriger la formation du tableau
du jury et de statuer sur les réclamations et les incidents qui
peuvent s'élever relativement à cette opération \ » Or, si
^ Cass. 23 aoQt 18S3, rapp. M. Marchevai ; i déc 1820, ra^p. M. R««
taa d« Dali* \* Inft, crini* ii. i7r>7 cl 180:3.
38g DES CQURS D ASSISES.
le président pouvait seul prononcer sur toutes les réclama-
tions relatives au tirage, comment n^eut-il pas seul, présidé
à l'opération de ce tirage? Ne sont-cc pas là deux pouvoirs
parallèles qui s'exercent au même instant, qui ont le même
objet» et qui doivent se trouver placés dans la même main?
Mais la jurisprudence s* est modifiée à Tégard de Tun de
ces deux points. II a paru que le président ne pouvait pas
être juge des incidents contentieux dans l'opération du ti-
rage des jurés plus que dans touCë autre phase de la procé-
dure. Un premier arrêt a jugé, en ce qui touche les questions
relatives au droit de récusation , « que^ d'après Inorganisation
actuelle des cours d'assises, c'est à elles et hon à leur prési-
dent qu'il appartient de statuer sur tous les contentieux sur
lesquels les parties se trouvent divisées; que, s*il y a excep-
tion pour .les objets confiés au pouvoir discrétionnaire du pré-
sident, on ne peut considérer les difficultés qui s'élèvent sur
l'exercice du droit de récusation, lesquelles doivent être dé-
cidées d'après les règles tracées par la loi, comme abandon-
nées à ce pouvoir; que, si l'art. 266 charge le président de
convoquer les jurés et de les tirer au sort, on ne pourrait eo
induire qu'il est seul juge des difficultés que la formation du
tableau peut amener, sans donner à cette disposition une ex-
tension à laquelle répugnent et son texte et la nature des
choses ^ » Un autre arrêt décide également en ce qui con-
cerne le tirage au sort lui-même a qu'il résulte des modifia
cations apportées dans les art. 394 et 395 du Gode d'instr.
crim. que la Cour d'assises est appelée h intervenir dans les
contestations auxquelles donne lieu la composition du tableau
du jury de jugement «. » C'est dans ce sens que la jurispru-
dence s'est définitivement fixée.
Mais si la Cour d'assises peut seule statuer sur les incidents
du tirage, comment laisser encore au pri^sideot la faculté de
procéder seul à ce tirage? N'est-il pas évident que, dés que
le président n'a pas compétence pour statuer, il ne doit pas
siéger seul, puisque chaque incident proclamerait son im-
puissance? La Cour de cassation a répondu à cette objection
en distinguant le cas où le tirage au sort des jurés ne soulève
aucun contentieux et le cas où des difficultés se produisent :
dans le premier cas, le président suffit; dans le second, il
« Cass 3 déî. 1836, rapp, M. Vincens St-Laurenl. J. P., à sa date,
a Cass. 25 juin 1840, rapp, M. Rocher. Bull. n. 187.
DE LA COMPOSIITIO!! DU JURY. § 602. 389
doit en référer à la Cour d'assises *. Ainsi, elle a rejeté de
nombreux pourvois fondés sur le défaut de concours des as*
sesseuTs, « attendu qu'au moment de la formation du jury,
il ne s'est élevé aucun incident contentieux qui rendit néces-
saire Tintervention de la Cour d'assises ; que dés lors le pré-
sident, en procédant seul au tirage du jury de jugement, n'a
commis aucune violation de l'art. 399 *. »
Amenée à ces termes, il semble que la jurisprudence ne
peut plus que difficilement être soutenue. N^est-il pas étrange,
en effet, que» divisant une compétence réellement indivis!-*
ble, elle prétende attribuer & une juridiction le pouvoir de
procéder au tirage, à une autre le* pouvoir de vuider les in-
cidents de ce tirage? Il est visible que, pour éviter un em-
barras de procédure, on s'est jeté dans une inextricable con<
fusion. Le président, qui continue d*étre chargé du tirage,
doit nécessairement s'arrêter à chaque pas ; la moindre ré-
clamation excède sa compétence et il faut qu'il appelle ses
collègues pour y statuer ; car, s'il passe outre, il y a néces- v
sairement nullité. Comprend-on cette juridiction chargée
d'une opéiation qu'elle est incompétente pour accomplir et
surséant perpétuellement pour recourir à une autre juridic-
tion? Et pourquoi cet embarras 7 Quels motifs de séparer ces
deux juridictions qui n'en sont qu'une ? La cour d'as-
sises n'est elle pas déjà constituée ? Les assesseurs n'étaient-
ils pas là tout à l'heure pour statuer sur les excuses ou
sur les jurés suppléants? Ne doivent-ils pas être présents pour
prononcer,, s'il y a lieu, sur les incidents relatifs aux récusa-
tions? Ne vont-ils pas, à l'instant même, siéger à l'audience
qui suit immédiatement la forntation du tableau? Pourquoi
donc ne siégeraient-ils pas à cette opération quand ils sont
juges de tous ses incidents, quand, pour statuer sur ces in-
cidents, ils ont besoin d'y assister, quand enfin ils sont néces-
sairement présents?
Enfin, il ne faut pas perdre de vue l'importance de l'opé^
ration du tirage au sort. L'esprit de la loi a été de multiplier
les garanties pour en assurer la sincérité. Or, l'une de ces
garanties est la présence et le concours des membres de la
Cour d'assises. La loi a voulu cette présence de tous les mem-
bres de la juridiction pour le tirage des jurés de la session ; elle
a dû la vouloir également pour le tirage des jurés de chaque
* Même arrêt.
* GiH. 29 mai 1887» rapp. M, Gilbert des Voisins. Sir. et De?, 88» 1> 582
390 DCS GOVBS 0' ASSISES.
cause. C'est la même opération : il n'y aFait pas de raison
pour que la même forme ne la protégeât pas dans les'deux
cas. il suffit d^ailleurs que la loi ne Tait pas écartée pour
qu'elle doive être a[)pliquéc ; car, quand tous las actes qui
tiennent à la formation du jury, tels que rapprécjation des
excuses, le jugement des jurés défaillants, Fappel des jurés
complémentaires» la décision des questions relatives au tirage
et aux récusations, quand tous ces actes nécessitent le con-
cours de la Cour d'assises entière, est-il admissible que, pour
un acte intermédiaire que ceux-là précèdent ou suivent, la
loi ait Toulu déléguer, non plus la Cour» mais le président
isolé de ses assesseurs ?
En définitive, si la jurisprudence a été amenée, par les
différentes phases qu'elle a traversées^ à continuer au prési-
dent le pouvoir qu'elle lui avait d'abord reconnu, et si». par
suite, elle ratifie le tirage au sort des jurés opéré par ce ma-
gistrat seul, quand aucun incident ne s'est élevé, nous pen-
sons qu'il est plus conforme à Tesprit et au texte duGode que
la Cour d'assises entière préside à cette opération. Cette pra-
tique, que la jurisprudence elle-même approuve, qui n'est
3ue la conséquence logique des règles qu'elle a posées, est
'ailleurs ' observée aujourd'hui par la plupart des Çf>un
d'assises ^
L'art* 399 exige, en second lieu, la présence du ministère
public. Cette mention pouvait être nécessairo, pujsque l'opé-
ration se passe dans la chambre du conseil.
Il exige, ejti troisième lieu, la présence des jurés; et, en
effet, poiir faire- droit, d'une part, aux exemptiops qu'ils
peuvent jréclamer, et, d'une autre part, pour I exercice des
récusatiqns qui peuvent être dirigées contre eux, il est indis-
pensable qu ils soient tous présents. Nous reviendrons tout i
rheqre sur ce pojnt.
Enfin, il exige, en quatrième lieu, la présence de l'accusé.
Cette présence a un double objet, la surveillance du tirage
au sort des jurés et l'exercice du droit dé récusation. Elle
constitue donc l'une des formes essentielles de la constitution
du jury, et dès lors il y aurait nullité si le procès-verbal ne
la constatait pas \
« Cont Caniot sur l'art. 399, n. i ; LegraTerend, t. H, p. i«6 ; Cubain,
n* 305.
a Cas», ià sept. 1829, rcpp. M. de Ricard. J. P., XXÏI, 1452; 19 aiifi*
i9Api rapp. M. Rocher. Bull, n. 28.
1>K tA COHPOCITION »V JfH.f 602. 30l
L*a€cqsé doit-il être assisté de son défenseur? La jurisoirO'*
deoce a eu sur cette question plusieurs phases distinctes. Il a
été jugé d'abord « que le Code ne permet pas que le conseil
de Taccusé soit présent à la formation des douze jurés i . » Et
toutefois on jugeait en mémo temps a qu'il ne résulte pas de
Tart 399 que la présence du conseil puisse entraîner la ^uU
filé de l'opération \ » Mais cette première jurisprudence prit
bientét un caractère plus sévère. Il fut décidé que la Cour
d'assises pouvait refuser à l'accusé l'assistance de son conseil
au tirage du jury : a attendu qu^il ne résulte d'aucune dis-
position du Code que les accusés aient le droit de se faire as*
sister de leurs conseils lors de Texercice des récusations *. »
Et la Cour de cassation alla même jusqu'à poser comme un
principe « que le droit de récusation est personnel; qu'il doit
être exercé par Taccusé diaprés son sentiment intime^ sans
le concours d'inspirations étrangères qui pourraient ne pas
avoir son intérêt pour objet, qui lui seraient peut-être quel-
quefois nuisibles» et qui au moins ne pourraient le plus sou-
vent être appréciées par lui ; que Taccusé ne doit donc pas
être assistée dans Texercice de ce droit, par un conseil qui
pourrait substituer à sa volonté ses propres préventions ou
ses affections, et qui, du reste, n'étant appelé par la loi que
pour l'aider dans sa défense, serait sans qualité pour interve.
nir ni niême être présent dans des actes qui se font avant que
la défepse soit puverte par la mise en action de l'accusation
devant la Cour d'assises ^. » Ainsi, l'assistance du conseil
était une cause de nullité. Mais cette interprétation rigou-
reuse, soutenue par M. Legraverend ^, n'eut qu'une du-
rée éphémère. La jurisprudence revint à permettre la pré*
sence du défenseur» mais en lui interdisant, à peine de mU
lité» de formuler lui-même les récusations : « attendu que»
dans le silence de la loi sur la présence du conseil lors du ti-
rage au sort, on ne poflt pas prononcer une exclusion qu'elle
n'a pas prononcée eile^me; mais que, dans cette circons-
tance, le conseil ne peut être admis à se placer auprès de l'ac-
cosé que pour l'aider au besoin et non pour le suppléer et le
1 Cav. 1 ocU iSiS, rapp. M* Oadart. J. P. X, 781
* Cass. J» aTril ISiS, rapp. Bl. Oadart. J. P. XI, 881.
* f>ft 17 août 1815, rapp. M. Aumont. J. P. XIII, 45.
* Cass. 1 déc. ifSO. J» P., XVi, 214,
*LégUlcriiiiMt.U>cluxL
. 392 fiBS COURS D ASSISES.
réprésenter dans Toiercice d'un droit essentiellement person*
nel et indélégable ' . »
Telle était la jurisprudence lorsque la loi du 28 avril 18S3
vint la ratifier en ajoutant dans le texte de Tart. 399, apris
le mot accusé, ceux-ci : «rou son conseil. »II résulte de ce
texte que le défenseur se confond avec l'accusé, qu'il est soo
mandataire légal , qu'il peut dés lors exercer en son nom et
avec son consentement le droit que la loi confère à celui-ci.
Il ne peut donc s'élever désormais aucun dissentiment sur le
droit qu'a le défenseur d'assister au tirage et d'exercer par
lui-même, d'accord avec l'accusé, toutes les récusations qu'il
juge à propos. Une seule question subsiste encore, mais elle
n^est susceptible d'aucune difficulté : la présence du défen-
seur est autorisée, mais est-elle nécessaire? La Cour d'assises
peut-elle procéder au tirage lorsqu'il ne se présente pas? U
Gourde cassation a répondu, avec toute l'autorité de la rai-
son, (( que si l'art. 899 donne au conseil de l'accusé le droit
de l'assister lors du tirage du jury de jugement, et s'il a
également ce droit pendant le cours de l'examen et des débats,
il ne s'ensuit pas nécessairement que ce défaut d'assistance
opère nullité; que, lorsqu'il a été pleinement satisfait aux
prescriptions de l'art. 29b par la désignation du conseil de
l'accusé, l'absence de ce conseil pendant les opérations do
tirage ou pendant tout ou partie des débats, ne saurait opé-
rer nullité qu'autant que cette absence serait du fait ou du
ministère public, ou de la Cour d'assfses ; qu'admettre le con-
traire serait supposer que la loi aurait voulu laisser aux con-
seils des accusés la faculté de faire annuler tous les arrêts de
condamnation par une absence toute volontaire ^ » De cette
doctrine il faut déduire deux corollaires : le premier, que la
mention delà présence du défenseur dans le procès-verbal da
tirage n'est pas prescrite à peinede nullité *.Le deuxième, que
ce n'est que si Taccusé avait été empêcbé de se faire assister,
par son défenseur qu'il y aurait nullité ^.Ce que la loi a voulu
établir, c'est le droit de l'accusé d'être assisté de son défen-
seur au tirage des jurés ; ce droit fait partie des privilèges de
* Cas». 4 fév. 1831, repp. »f. Ghantereyne. J. P., XXIII, 1194; nàéc.
1830, rapp. M. Gaiilarrf, XXIII, 1020.
« Cass. 13 janv. 4 86», rapp, M. Nouguîer. Bull. n. 14 ; 3l mars 1852, ^a^
M. MeyroDiiel de Si-Marc. n. 75; 21 fé?. 1833. rapp. M. Isamberl. Dal. f
Inst. crim. d. 1755.
* Cass. 15 janvier 1835, rapp. M. Mérilhou.Dall. n. 1756.
* Cau. 21 féT. 1838, rapp. M, Mérilhou; 10 fé?, 1837, rapp. M^Dchauh
i^tDak V* Jnsti crim, u, 1755.
DE LA COMPOSITION OU JOftT. § 602. 393
sa défense ; il est inutile que son exercice soit constaté ; il
suffit qu'il n^y ait à cet égard nulle réclamation. Maî^ 8*il
était articulé que Taccusé en eût été privé, non par Tabsence .
ToloQtaire de son défenseur, mais par le fait, soit du président
de la Cour d'assises qui aurait changé le jour de l'affaire sans
que le défenseur en eut été prévenu, ou qui n^aurait pas en-
core désigné de défenseur, soit par le fait du ministère public
qui n*aurait pas fait connaître l'absence ou la maladie du dé-
fenseur désigné, quoique l'empêchement lui eût été commu-
niqué , il y aurait lieu sans aoute de vérifier Karticulation ,
et, si elle était constatée, d'annuler une opération dans la-
quelle l'accusé aurait été privé d'une assistance que la loi lui
assure.
L'accusé doitrily s'il n'entend pas la langue française, être
assisté d'un interprète? L'affirmative est évidente» car il ne
comprend pas l'avertiasement que lui donne le président sur
Texerctce de sou droit et il se trouve empêché de l'exercer.
La Cour de cassation n*a donc point hésité à casser le tirage
des jurés, toutes les fois qu'il a été constaté que l'accusé^ne
parlait pas la langue ^rifbçaise et u'avait pas cependant été
assisté d'un interprète pendant cette opération ' . Mais s'il
n'était pas formellement constaté, bien qu'un interprète lui
eût été donné aux débats, qu'il n'entendait pas la langue
française, il y aurait lieu de présumer qu'il l'entendait suffi-
samment pour exercer ses récusations, bien qu'un interprète
pût lui être nécessaire pour entendre les dépositions des té-
moins, et dans ce cas les actes antérieurs aux débats seraient
coDsidéréa comme régulièrement accomplis sans TinterventioD
d'un interprète*. Le président peut-il suppléer l'interprète
pendant le tirage s*il connaît l'idiome que parle Taccusé ? Un
pourvoi fondé sur l'absence d'un interprète pendant cette
opération a été rejeté, « attendu qu'un procès-verbal régulier
a constaté que le président, dans la chambre du conseil et lors
de la formation du jury de jugement, a fait connaître aux
accusés, dans leur idiome, les jurés présents, leur nombre et
l'étendue du droit de récusation que la loi leur ouvrait*. Mais
' Casa. 30 no?. 1837, rapp. M. Bosschop. Dal. y* Inst cr. n. 1752; 17
août i83S,rapp. M. isambert J. P., U XXiV, p. 1410 ; 17 janv. 1856, rap.
M. Debauasy. Bull. n. SO.
'Cass. sa avril 18»5, rapp. M. Isambert Bull. n. 1â9; 18â0, rapp.
U. Mérilhou. BulL n. 132 ; 21 déceàib. 185ii, rapp. M. Sénéca. Bull.
B.350.
' GsMt i8 Pct, 1845» rapp. M* JacquinoU Bail* n* 331.
304 BES COVRS D*AM18Ei.
cet arrêt Ht contraire au texte de Tart. 333, qui défend de
prendre l'interprète parmi les juges, et on peut d'ailleurs lai
opposer un autre arrêt qui, dans une hypothèse identique, a
eassé : « attendu qu'il est constaté que l'accusé n'entendait et
ne parlait pas la langue française, et qu'en conséquence il a
été nécessaire de lui nommer un interprète lors de I ouverture
desdéhats ; que cette nécessité était la même lors de la forma-
tion du jury de jugement et pour l'exercice du droit de récu-
sation; que Tavertissement donné à l'accusé sur le mode
d'exercice de ce droit n'a point été traduit ; que le président
des assises ne pouvait, même du consentement de l'accusé,
exercer les fonctions de Tinterprète ; que cette interdiction
est faite, sous peine de nullité, par Tart. 332 ^ »
La partie civile peut-elle assister au tirage? Aucune disposi-
tion de la loi ne s'y oppose, et il a même été reconnu que
l'intervention de son défenseur dans la supputation des récu-
sations ne pouvait donner ouverture à cassation '.
Le greffier ou l'un de ses commis doit assister à cette opé-
ration; car les juges ne peuvent rempliraucune des fonctions
qui leur sont déléguées par la loi sAis l'assistance des gref-
fiers qui sont institués pour constater les actes faits dans
l'exeréice de ces fonctions et l'accomplissement des formalités
nécessaires pour en établir l« validité, tlies crfficiers sont
d'ailleurs tenus de dresser un procès-verbal du tirage ait
sort des jurés qui doit être revêtu de leur signature et de
celle du président des assises *. Il y aurait, en Conséquence,
nullité si le procès-^rbal constatai! la préseoice dHin commis
greffier et portait la signature d'un autre, car il n^existerait
plus aucune preuve de l'accomplissement des formes essen-
tielles prescrites par l'art. 899 *. Mais il importerait peu que
le commis qui aurait signé le procès-verbal du tirage da
jury l*t un autre que celui qui aurait signé le procès-verbal
des débats^ : ce qui est nécessaire à la validité de cbaqoe acte,
c'est que ce soit le même officier qui ait assisté aux opéra-
tions qu'il constate et qui l'ait dressé.
Enfin le tirage au sort des jurés a lieu dans la chambre du
conseil. L'art. 399 dispose, en effet, que ce tirage sera fait
« C88S, 18 août 488S, rapp. M.Isambert. J. P.. t.XXiy, p. f U|. !
* Cass. 80 mai 1889, rapp. M. Isambert Bail. n. 168.
' et ^ Casa. 28 jany. 1847, rapp. M. Barennes. Bull. n. 15.
* Cais. 5 janvier I8sa, rapp. M* de Grotuellhes. J. P. XXIV, (41.
DE LA COSPOSITION DU JliBT. § 602. 395
« aTani Touverture de Taudience. > La raison de cette dispo-
sition est que l'exercice du droit de récusation a paru, SQii
dans rintérët de la dignité des jurés, soit même dans l'inté-*
rêt de la liberté des récusations, exiger l'exclusion du pu-
blic'. Cependant l'opération n'est point entachée do nullité
par cela seul qu'elle aurait été faite publiquement, et la Cour
de cassation a fréquemment rejeté des pourvois qui étaient
fondés sur ce motif : « attendu que s'il est plus conforme au
texte de Tart. 399 ou à l'esprit qui a présidé à s^ rédactioOf
que le tirage du jury de jugement et les récusations auxquel-
les ce tirage peut donner occasion, aient eu lieu dans la cbanw
bre du conseil, et non en audience publique, cet article n'est
pas conçu dans un sens prohibitif ; qu'il n'est pas prescrit à
peine de nullité ; que, dans tous les cas, ce ne serait jamais
aux accusés à se plaindre de cette publicité qui leur offre
une garantie de plus *. »
VI. Les formes intrinsèques du tirage ao sort sont très sim-
ples : elles se réduisent, l"" à l'appel des jurés ; 2* au dépôt
dans une urne des jurés présents; 3"" au tirage an sort -de
douze noms non récusés par le ministère public et l'accu5é«
l"" L'appel des jurés doit se renouveler pour chaque affaire :
telle est la disposition formelle de l'art. 399, a au jour indi-
qué et pour chaque affaire l'appel des jurés non récusés et
non dispensés sera fait avant l'ouverture de l'audienee. » Cet
appel a deux motifs : d'abord, il importe de constater les
jurés présents, puisque des vides peuvent se faire chaque
jour dans leurs rangs ; ensuite, il fait eonnaltre à i'accasé
chacun des jurés qui vont concourir au tirage et le met à
même de préparer ses récusations. C'est done l'une des for-
mes essentielles de l'opération.
L'appel doit, à peine de nullité, être fait en présence de
l'accusé. Il a même été jugé qu'il suffit que cette présence
ne soit pas constatée par le procès-verbal pour que la nullité
soit encourue : o attendu que la faculté impartie à l'accusé
par l'art. 399 de récuser dans une proportion déterminée les
jurés qui concourent à la constitution du jury de jugement,
« Gaas. i!r janv. 1829, rapp. M. Mangin, J. P., XXII, 566.
• Cus. S7 juin 1859, rapp. M. Meyronnet St-Marc, et Conf. IS octobre
1814. rapp. M. Rataud ; 2 août 1883, rapp. M. Mérilhou ; 8 ocU 18S4, rapp.
Il Dehamay; 3 déc. 1836, rapp. M. Vincena St-Lanrent; IS avril 1837,
rapp« M, Isambert, Dali, y* Initr, crim., d. 1763.
396 DES COURS D*ASSI8BS.
ne serait pas exercée par lui avec la plénitude des garanties
que la loi y a attachées, si d'une part Tappel de leurs noms,
fait en sa présence, ne signalait chacun d*eux à son attention
spéciale, et si d'autre part, il n^était pas mis en situation, au
moyen de cet appel, d'apprécier» eu égard aux limites de son
droit» et d'après l'importance relati 'e de chaque récusation,
quels sont ceux desdits jurés qu'il lui convient le mieux d'é-
carter ou d'accepter pour juges; qu'il ne résulte en termes
exprés d'aucune des énoociations du procès-verbal de tirage
au sort, que cette formalité ait eu lieu ; c^u'il ne saurait être
suppléé par des inductions à la constatation de son accom-
plissement et qu'elle est substantielle au droit de défense;
qi]^'ainsi la procédure est entachée de nullité ^ » Il importe-
rait peu d'ailleurs que l'appel eût été [fait au commencement
de l'audience, en présence de deux accusés étrangers l'un à
Tautre et qui doivent être successivement jugés dans la même
séance, « attendu que ce qu'il y a de substantiel dans l'arti-
cle. 399, c'est que l'appel des jurés présents, sur lesquels le
jury de jugement doit être tiré, soit fait en présence de l'ac-
cusé, et que le nom de chaque juré répondant à l'appel soit
. déposé dans l'urne ; qu'il importe peu que ces formalités aient
été accomplies en présence d'un autre accusé étranger 1
l'affaire du demandeur, puisque cette circonstance no lai a
Erté aucun préjudice, qu'elle ne Fa pas empêché de cootr6.
' l'appel des iuréS) et qu'il a été fait pour son affaire un ti-
rage du jurv de jugement distinct et séparé '. »
L'appel cloit encore, & peine de nullité, constater la pré-
sence de trente jurés au moins, non récusés ni dispensés. C'est
la disposition expresse de l'art. 393. Il y aurait donc liea
d'annuler l'opération si, par l'effet de Tincapacité de Tun des
jurés, leur nombre se trouvait réduit a vingt-neuf. Cette rè-
gle a été consacrée par un arrêt qui décide que la présence
parmi les trente d'un juré qui avait été témoin dans l'iostruo
tion et qui dés lors était incapable, vicie la procédure, « at-
tendu que le tirage du jury de jugement doit se faire sur une
liste qui ne peut pas être de moins de trente jurés capables de
connaître de l'affaire qui doit être soumise à ce jury de juge-
ment; et que l'incapacité absolue ou relative de l'un des
^Casa, i9 jaiiTÎer 1850, rapp. M. Rocher. Bull. n. S8; 4 janfier 4851,
ropp. M. Legagneur, n. 6.
■ Case. 20 sept. 184 «, rapp. Bf. Oehausiy, Dali, t"" Insti crini.» Ot 1799.
1>E LA COMPOSITION hV iURT. § 602. 397
jurés qui font partie tSc celte liste des Ironie réduirait les
droits de récusation attribués pnr la loi à Tacctisô et au mi-
nistère public et serait une violation des régies constitutives
do jury ^» Il est en outre nécessaire que le nombre des
jurés présents soit constaté par le procés-verbal *.
2* Le président, à mesure que chaque juré répond à Tap-
peU dépose dans l'urne son nom inscrit sur un carton ou sur
un papier. Il n^est pas permis de substituer à ce mode, indiqué
par la loi, tout autre mode, et par exemple de déposer dans
l'urne des numéros correspondant aux numéros d'ordre pla-
cés en marge des noms de chaque juré sur la liste, car il pour-
rait en résulter des erreurs, et la Cour de cassation a annulé
en conséquence les tirages opérés par ce moy«*n, « attendu
que les dispositions du 2* § de Tart. 399 sont substantielles;
d^où il suit qu'on ne peut substituer un mode quelconque du
tirage au sort à celui qu'il prescrit sans qu'il n'en résulte une
nullité radicale ^. »
Les noms des jurés présents et répondant à Pappel doivent
seuls être mis dans Turne. Le tirjge serait vicié si le président
y avait déposé par erreur le non d'un juré non présent. Ce^
pointa été formellement reconnu par un arrêt portantt qu'aux*
termes du § 2 de Part. 899 les noms des jurés présents et
répondant à l'appel doivent seuls être déposés dans l'urne ;
que le nom du sieur Bardinet, Tun des jurés de la liste, y
a été déposé quoique co juré n'eût pas répondu à l'appel
étant absent ; qu'il y aurait donc eu violation dudit § ^. »
Hais cette irrégularité n'entraînerait pas de nullité si, en
dehors de ce juré, trente jurés capables avaient concouru au
tirage et si son nom n'était pas sorti, de l'urne K
Que faut-il décider si l'un des jurés, absent au moment de
l'appel, se présente avant que le tirage ait commencé? On
lit dans un arrêt a que si tout juré absent lors de l'appel et
qui se représente avant le tirage au sort pour la formation du
tableau des douze, a droit de concourir à la formation de ce
tableau» et si sa présence exclut l'un des jurés appelés en
* Gais, ii janTier 1888, repp. M. MèriUiou. Bull. n. 10.
* Casi. 18 mai 18A1» rapp. M. Gilbert de Voisins. Bull. n. 188
'Cass.4julnl829, rapp. M. Gaillard. J. P. XXII, 1100; 3 jaill. 1829,
rapp. M. de Ricard. XXII, 1195 ; 1& sept. 1839, rapp. M. de Ricard,
XXII, U53.
' Casa. 6 mars 1838, rapp. M. Gaillaitl. J, P. XXI, 1350.
*Goai;iC«GalMi]i,p.408.
398 DES CÛCR8 D*ASSISSS.
remplacement, co fait hypothétique ne se trouve pas dans
l'espèce'. » Il est certain, en effet, qu'il ne peut exister de
forclusion à Tégard des jurés momentanément absents qui se
présentent avant le tirage ; il suRit que la formalité de Tappel
puisse être remplie à leur égard et que leurs noms soient dé-
posés avant que l'opération du tirage ait commencé.
3* Lorsque fous les noms des jurés présents, aa moins au
nombre de trente, ont été déposés dans Turne, il est procédé
au (irngé des jurés qui doivent composer les douze jurés de
jugement. Ces jurés ne peuvt^nt, en aucun cas, être pris que
parmi ceux dont les noms ont été mis dans Turno en présence
de l'accusé *.
Ce tirage est opéré par la voie du sort. Le président tire
successivement de l'urne les noms des jurés et les proclame.
Tout autre mode est interdit : c'est lo sort qui doit composer
le jurj de jugement comme il compose la liste de la session.
Dans une espèce où le président, pour remplacer l'un des
douze jurés qui n'était pas présent, avait désigné, avec le
consentement de toutes les parties, un autre juré» l'annula-
tion a été prononcée « attendu que cette formalité du lir<ige
des jurés par la voie du sort, impérieusement ordonnée par
la loi, tient essentiellement et substantiellement à la rorma-
tiondu jury; que, sans son observation, le jury est incom-
plet, illégal et nul, et que cette irrégularité ne peut être
couverte par aucun consentement qui y soit contraire ^. »
Le mode de tirage, indiqué par l'art. 399 et conformée la
nature des choses, est que le président tire successivement et
un à un de Turne le nom de chaque juré, aiin que les récusa-
tions puissent s'exercer à mesure que chaque nom est extrait.
Cependant, dans une espèce où le magistrat avait extrait à
la fois et d*un seul coup plusieurs noms, le pourvoi a été re-
jeté : « attendu que l'art. 399 n'étant point prescrit à peine
de nullité, sa violation ne peut donner lieu à cassation qu'au-
tant qu'elle porterait atteinte aux caractères que la loie^ige
dans les jurés pour exercer légalement leurs (onctions; que
le motif allégué ne présente point de violation de c^ttc es-
pèce, puisqu'il ne porte que sur la prétendue omission d'une
formalité extrinsèque, relative au tirage au sort des douze
A Gass. 37 a?ril I8S0» rapp. M. Gaillard. J. P. XV, 946.
* Casa. A sepU ibàU rapp. M. GUbcrt de VoisÎDs. Bull, a, K9t
* Casi. 42 tnofs iSUt >*«??• M, Cba»le« J. P., XVII/f 52i.
BB KA COMMSmOM DU JUKT. § 60S. ^99
jurés ayant d'ailleurs les qualités requises par la loi <• » Le
motif énoncé par cet arrèl ne nous semble pas suffisant pour
jualifier le rejet du pounroi. Le président, s'il tire plusieutf
noms à la fois, ne pourra-t-il pas faire un choix parmi ces
noms, et, en admettant qu'il ne le fasse pas, R*aora«-t-il pas
du moins la facilité de le faire? Or» il ne faut pas, non-seuld-
ment que le choix se mêle au sort pour en limiter les désigna*
tioDS» mais que la possibilité d'un tel concours puisse être
soupçonnée. La loi n'a voulu que la voie du sort : tout mode»
toute pratique qui peut en altérer la décision est contraire à
ses dispositions. On ne saurait d'ailleurs distinguer les cas où
le président aurait ou n'aurait pas abusé de ce mode de tirage ;
car comment le savoir et le constater? Et cependant,, nonobs-
tant celte observation^ il semble difficile de baser sur un tel
fait un moyen de cassation; car, la défense pourra-t-elle le
vérifier? et lors même qu'elle le pourrait, quelle preuve en
fournirait-elle? lui sera*tF*il donné acte d'une forme irrégo-
lièreqai ne sera le plus souvent qu'un fait d'inattention?
C*est l'impossibilité de la preuve plutôt que le silence de la
loi qui doit conduire au rejet. Mais on n'hésite pas à dire que
le président doit éviter avec soin un mode de tirage dont, s'il
n'abuse pas, il lui serait possible d'abuser, car son devoir esti
non«seulement d'appliquer loyalement la loi, mais de laisser
appercevoir à tous les yeux cette loyale application *.
Le tableau du jury de jugement se compose des douze pre-
miers noms qui sont sortis de l'urne et qui ont été aoeeptés
sans récusation par l'accusé et par le ministère public. Le
greffier inscût ces douze noms dans le procès-verbaL U im-
porte peu qu'il maintienne ou intervertisse l'ordçe 4^vtB le-
quel ils ont été tirés '. Il importe peu également qu'il ait
annoté provisoirement les noms des jurés au fur et à mesure
qu'ils sortaient de l'urne et qu'ils étaient récusés, lorsqu'il
constate nettement le résultat de Topération ^.
La formation du tableau du jury de jugement doit suivre
immédiatement l'appel des jurés et le dépôt de leurs noms
dans l'urne. Ces trois opérations n'en farinent qu'une seule
qui ne peut être scindée et continuée à différents iotervaiies,
* Cm, 20 jain «817» rapp. M, Busschop. J. P., XVI , 800.
* GoqC Caroot, U 111, p. SSA; Gabain, p. 109.
'Cass. s mai 1816, rapp. M. Chasle. Dali. t« InsU crim., n. 17^6.
* Caii. U ocU ISSS, rappt M. Brière* MU r Init, crin.» ii« ¥Jk».
400 1>ES COURS D*A8SISEft.
parce que cette exécution partielle et successive admeUnit
trop facilement les irrégularités et les erreurs. Il avait été
constaté qu'à la fin d'une audience le président avait fait l'ap-
pel des jurés et déposé leurs noms dans Turne et qu'à l'ao-
dience suivante, il avait procédé, Fans un nouvel appel, au
tirage au sort. La cassation a été prononcée : « attendu que
les formalités prescrites par la loi, qui ont pour objet la for-
mation du jury de jugement» sont substantielles; que l'appel
des jurés, le dép6t de leurs noms dans une urne et le tirage
immédiat de ces nova^y en présence de l'accusé et du minis-
tère public» sont au nombre do ces formalités ; que l'opéra-
tion du tirage au sort du jury est indivisible; que tous lesao-
tes qui la constituent doivent être exécutés de suite et sans
qu'aucun fait antérieur puisse laisser du doute sur la parfaite
régularité du tirage au sort ; que cette indivisibilité importe
essentiellement à la défense, puisqu'elle est la garantie la plus
efficace contre les erreurs qui pourraient entacher le tirage
du jury ; qu'il résulte des faits constatés que plus de 15 heu-
res se sont écoulées entre le dép6t des noms des jurés dans
l'urne, et le tirage au sort ; que l'opération de ce tirage se
trouve dès lors avoir été scindée , contrairement au vœu for-
mel de l'art. 399; que d'ailleurs il n'est point constaté que
des mesures aient été prises pour placer à l'abri de toute at-
teinte l'urne où étaient placés les noms des jurés pendant
l'intervalle des deux audiences \ »
YII. Le tableau des douze jurés de jugement, dès qu'il se
trouve formé par le tirage au sort, est irrévocable. Il résuite
du dernier § de l'art. 399 portant que « le jurf de jugement
sera formé à l'instant où il sera sorti de Turne douze noms de
jurés non récusés. » Les jurés sortis» en effet, sont acquis î
raccusation comme à la défense ; il ne peut être permis par
quelque cause que ce soit de briser ce premier tirage et de
procÀler à la formation d'un nouveau jury.
Cette règle fondamentale a été souvent maintenue par la
jurisprudence. 11 suffira de citer les arrêts les plus récents. Il
était constaté» dans une première espèce» que le président,
après avoir procédé au tirage avec le concours de trente-trois
jurés, s'étant apperçu que l'un de ces jurés, dont le nom avait
été par erreur mis dans l'urne, était absent, en avait référé à
la Cour d'assises qui avait prononcé l'annulation de ce tirage
* Gmi. 5>nfier 1850, à noire rapport. Bail. n. A.
DK LA COMPOSITION OU JURY § 602, 40i
et avilit ordonné qu*il serait procédé à la formation d*un nou-
vo )u jury. Celte décision a été cassée : « attendu qu^aa mo-
ment où le jury de jugement est formé par un tirage régulier,
il se trouve irrévocablement constitué et que les noms des ju-
rés sortis de Turne sont acquis à l'accusé ; que si quelque er-
reur a été commise, cette erreur doit être reparée après vé-
rification et constatation du fait qui Ta produite, et qu'il ne
peut y avoir lieu d'annuler la formation du jury de jugement
qu'autant qu'il est établi qu'il y a impossibilité de réparer
autrement Terreur commise; que dans l'espèce il n'était pas
impossible de réparer autrement que par l'annulation du jury
tiré au sort l'erreur résultant do l'appel et de la mise dans
Turne du nom d'un juré absent, puisqu'il suiTisait, pour sup*
pléer à cette absence, de tirer le nom d'un douzième juré ;
que dès lors l'annulation prononcée par la Cour d'assises a
sans nécessité enlevé à l'accusé des juges qui lui avaient été
acquis au moment même où les noms des jurés non récusés
étaient sortis de l'urne '. » Dans une autre espèce, treize ju-
rés, au lieu de douze, s'étaient trouvés sur le banc du jury,
et la Cour d'assises, ne connaissant pas la cause de cette er-
reur» avait prononcé l'annulation du tirage. Cette décision a
été cassée : « attendu que l'arrêt se contente de déclarer
qu'une erreur s'est glissée dans l'opération du tirage; qu'il
ne fait pas connaitre en quoi a consisté celte erreur, ni qu'a-
près vériGcation faite, il y ait eu impossibilité de la réparer ;
que rien n'indique d'ailleurs qu'il ait été prétendu par qui
que ce soit que le treizième juré, qui s'était placé sur le banc
des jurés ait dû faire partie du jury de jugement, contraire-
ment aux constatations faites par le président et le greffier ;
que dès lors la Cour d'assises, en annulant le jury déjuge-
mentjrégulièrement formé, a commis un excès de pouvoir*. «
Dans une troisième espèce, la Cour d'assises avait annulé le
tirage parce que le onzième juré désigné par le sort avait dé-
claré ne pouvoir siéger à raison d'un intérêt personnel qu'il
avait dans l'affaire. Cet arrêt a encore été cassé, « attendu
que le juré réunissait toutes les conditions qui rendent un
citoyen apte à exercer les fonctions de juré ; qu'il ne se trou-
vait dans aucune des situations que l'art. 383 déclare incom-
paliblei avec ces fonctions; que L'art. 392 ne lui était appli^
* Ciiss* 16 juin 1855, à notre rapport. BulK« n. 2i5. ;
^ Cass» 14 déc. 1854, rapp. M. Ue QlOS. BuH. tii HU
Yin. M
402 DES CODM d'assises.
cable à aucun titre ; que la circonstance par lui alléguée ne
pouvait donner lieu qu'à une récusation péremptoire et non
motivée ; que dès lors, en annulant un tirage régulier laCoor
d'assises a privé les accusés des juges qui leur étaient légale-
mentacquis et institué un jury incompétent \ 0
Cette régie admet néanmoins, ainsi que les arrêts le sup-
posent eux-mêmes, quelques exceptions qui naissent les ones
de la loi elle-même, les autres de la nécessité des choses.
Il est clair, d'abord , que le tirage du jury se trouve de
plein droit annulé lorsque, dans les cas prévus par les ar-
ticles 306 et 354) l'affaire est renvoyée à une autre session,
puisque les pouvoirs desjurés cessent au terme de la session
pour laquelle ils sont convoqués *. Telle est la décision for-
melle de TarL 406.
Le tirage se trouve encore annulé lorsque la Cour d'assises
renvoie raffairc, si d'ailleurs Taccusé ne s'y oppose pas ', non
pas à une autre session, mais à un autre jour de la même ses-
sion , pour produire de nouveaux témoins, puisque Tart. 405
veut que l'examen de l'accusé commence immédiatement
après la formation du tableau *.
Le tirage doit être annulé lorsque par suite d'empêche-
ment matériel de l'un des jurés, s'il n'a pas été tiré de jurés
suppléants, il y a impossibilité de constituer le jury de juge-
ment. La Cour de cassation a déclaré « que l'art. 394 ne
s'applique qu'au cas où, indépendamment des douze jurés,
il en a élé tiré au sort un ou deux autres qui assistent aoi
débats comme suppléants et sont aptes en cette qualité à rem-
placer un ou deux des douze jurés qui se trouvent empêchés,
mais que cet article ne règle nullement le mode de procéder
lorsqu'il n'a été tiré au sort que douze jurés seulement et
qu'il n'a pas été tiré de jurés suppléants; qu'alors, si l'affaire
étant commencée, l'un des douze jurés vient à se trouver em-
pêché, par un événement quelconque , de suivre les débats
et de continner à siéger, il y a impossibilité de le remplaeer
par un juré suppléant^ puisqu'il n'en a pas été tiré au sort et
*■ Cbss. 16 ocU 4846, rapp. M. Rocher Bull. n. S78 ; et Conf. cass. 18
vetitôsc an x, rapp. M. Barris; 6 mars 4807, rapp* M. Busschop; 10 fér.
1809, rapp. M. Delacoslc; 14 sept. 1821, rapp. M. Ollivier ; 7 janv. 1830,
rapp. M. Choppin. J. P. à leur date.
2 Cass. 7 Dov. 1630, rapp. M. Gilbert de Voisins. Bull. lu 335.
' Môme arrêt.
*Gass. 15 juin 1827, rapp, M. Olliviçr, Dallt v« Insl. crun,, n, 1802*
BB Lk COMPOSITION DIT JORT. § 602. 403
que la loi ne pTéYoit.pas la possibilité de tirages partiels et
successifs de jurés ; que dans cette situation la Cour d^assises
peut, aux termes des art. 405 et 406, renvoyer TafTaire à la
session suivante ; mais que rien ne s*oppose à ce que , dans
l'intérêt de la prompte expédition des affaires et pour épargner
à Taccusé la prolongation d^une captivité préventive , elle
n^annule le tirage du premier jury de jugement et ce qui s'en
est suivi, et à ce qu^elle ne procède au tirage d^un nouveau
jury*. » Toutefois, si Texamen est commencé, l'accusé et le
ministère public ont le droit de s'opposer à un nouveau tirage
qui pourrait les mettre dans la nécessité d'accepter des jurés
qu'ils ont déjà récusés ou d'en faire siéger d'autres qui au-
raient une opinion déjà formée sur l'affaire. Il a donc été re-
connu « que lorsque l'accusé s'oppose formellement à ce que
la même liste de jurés serve à deux tirages successifs, la Cour
d^assises en y procédant nonobstant celte opposition , excède
ses pouvoirs et porte atteinte au droit de récusation et à la
liberté de la défense *• » Dans cette hypothèse, le seul remède
légal est le renvoi à une autre session.
La même solution s'applique au cas d'incapacité recon-
nue dans la personne de l'un des jurés. Ainsi^ dans une
affaire où un juré alléguait que , en sa qualité de juge sup-
pléant, il avait siégé à la chambre du conseil qui avait statué
sur la prévenlion , il a été décidé a que la Cour d'assises , en
reconnaissant l'incapacité légale du juré, alléguée par le ré-
clamant lui-même, et en ordonnant la formation d'un nou-
veau jury, n'a Dullemeut excédé ses pouvoirs, puisqu'elle ne
pouvait être tenue de procéder à des débats qui , par suite
au fait reconnu , auraient été viciés dans leur principe *. »
La même solution s'applique encore au cas d'une ir-
régularité reconnue dans la composition du tableau des douze
jurés. Le président, par exemple, a tiré ces douze jurés, avec
le concours de 30 seulement, tandis que 31 avaient répondu
à l'appel. Il a été décidé dans ce cas a que le premier tirage
avait été évidemment irrégulier, puisque le nom de l'un des
jurés qui avaient répondu à l'appel n'avait pas été déposé dans
l'urne; que cette omission viciait la composition du jury de
jugement, et qu'en réparant la nullité qui en était la consé-
* Casi. 2S Dov. 1838, rapp. M. Dehauisy. Bull. n. 364.
s Casa. 31 man 1842» rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 71.
* Cass. 8 ociobre 1937i 0«U« t* lo9t, crliu», n, l^OS.
404 DES COURS b ASSISES.
quence par la seule voie légale qui était ouverte» le président
de la Cour d'assises n'a commis aucun excès de pouvoir i* »
11 est toujours entendu que ni l'accusé ni le ministère public
ne s'opposent à cette mesure.
La même solution s'applique enfin au cas où des mo-
tifs graves et légitimes, tenant à la bonne administration de
la justice et n'apportant aucun préjudice à la défense Justifie-
raient cette mesure. Tel a été le cas5 sous la législation anté-
rieure 9 où l'un des prévenus d'un délit de presse , qui faisait
déraut d'abord 9 était survenu pendant l'opération du tirage :
on a considéré que l'intérêt de tous les prévenus du mémo
délit étant de ne pas disjoindre la procédure et que le pré-
venu tardivement arrivé devant participer au droit de récu-
sation , il y avait lieu d'annuler le tirage \
Mais ce ne sont là que des exceptions qui ne sont justifiées
que par la nécessité d'assurer à la justice un cours régulier :
ce n'est que parcequ'il n'existe pas d'autres moyens de sub-
venir aux irrégularités ou aux accidents qui se révèlent, que
la jurisprudence a introduit, dans l'intérêt d'une sage admi-
nistration, ce remède exorbitant d'une annulation qui dé-
pouille les juges de l'accusation d'un caractère irrévocable.
Ainsi, supposez que le tirage déjà commencé soit annulé à
raison de l'arrivée tardive d'un 31' juré ti tulaire, cette annula-
' tion est illégale, puisque l'opération faiteavecSOjurésétaitré-
gulière^. Supposez encore que la Cour d'assises, par suite de
quelque événement tel que l'indisposition d'un de ses mem-
bres, ordonne que les débats seront annulés et recommencés,
cette annulation ne saurait frapper la formation du jury, puis-
qu'il ne peut dépendre de la Cour d'assises d'enlever aui
accusés des juges qui leur sont définitivement acquis 4.
Est-ce au président seul, est-ce à la Cour d'assises qu'il
appartient de prononcer, quand il y a lieu, l'annulation du
bibleau des douze jurés ? D'après la jurisprudence» il faut
distinguer si cette annulation est prononcée avant ou après
l'ouverture des débats : si elle est prononcée après, la Cour
d'assises est exclusivement compétente 5; si elle est pro-
i.oncée avûnt> le président ou la Cour d'assises sont l'un et
I
> « Cass. 18 juillet 1856, rnpp. M. Caussin de Perccvul. Bull. n. 255.
* Cass. A janvier 1851, rapp. M. Legagncur. Bull., n. G.
* ' Gass. 29 avril 1847, rapp. M. Meyronnet-Sl-Marc Bull. n. 89.
* Gass. ih oct. 1813, rapp. M. Yautoulon; 10 fév. 1816, rapp. M. VdU-
louloti ; 23 janv. 18^4, rapp. ^f. Dehaussy. Dali, v Inst, GiJtu,i n. ISil*
* Coss i7 avril iboO, rapp. M, Hivcs, Bull, n, 130»
I>E LA COMPOSITION DO JURY. § 602. 405
Tautre égalomcni compétents, suivant que l'un ou Taulro
préside à la formation du jury ^. Quant à nous, il nous pa^
rait qu*il n'appartient qu'à la Cour d'assises, seule, d'ordon*'
ner une mesure aussi jgrave : il n'est point d'incidents, en
effet, qui intéresse à un plus haut degré tous les intérêts qui
sont engagés dans le débat. Nous nous référons au reste à nos
précédentes observations sur ce point *.
VIIL L'opération du tirage au sort des douze jurés doit
être constatée par un procés-verbal. Aucune disposition spé-
ciale du Gode ne prescrit cet acte ; mais Tart. 372 veut que
«le' greffier dresse un procés-verbal delà séance, à Teflet de
constater que les formalités prescrites ont été observées. »
Or, comment serait-il possible de ne pas étendre cette dispo-
sition à l'opération delà formation du jury ? La Cour de cas- ,
sation a donc reconnu avec une haute raison « qu'il est de
principe, dans notre organisation judiciaire, qu'un juge ne
peut exercer les fonctions qui lui sont déléguées qu'avec l'as-
sistance du greffier qui doit constater tout à la fois que les
actes qu'il s'agit de faire ont été faits, et qu'ils l'ont été avec
toutes les formes nécessaires pour leur validité; que les attri-
butions conférées aux présidents des Cours d'assises par les
art. 266 et 399, ayant pour objet la formation du jury, ne
peuvent être exercées sans qu'il en soit dressé procès-verbal
pour constater le libre exercice du droit de récusation et la
conservation des autres garanties données par la loi aux ac-
cusés; que ce n'est pas par des certificats d'une nature plus
ou moins arbitraire, qu'une opération de cette importance
doit être constatée, mais bien par un procés-verbal régulier»
authentique, par la signature du président et par celle du
greffier ; que la loi ne peut exiger moins de solennité pour
établir la légalité delà constitution du jury, que pour prou-
ver la régularité de l'usage qu'il fait de ses attributions '. »
Ce procés-verbal peut néanmoins être imprimé à l'avance.
La jurisprudence a déclaré que la disposition de l'art. 372
qui prohibe cette impression a ne s'applique pas à l'opération
quia pour objet le tirage au sort des jurés; qu'en effet, le
proc^verbal qui constate cette opération est essentiellement
distinct de celui qui rend compte des séances de la Cour d'as-
sises, de même que l'opération du tirage au sort est entié-
* Cass. S5 juin i8&0,rapp«M.Rocher. Bail. D. 187.— ^Voy. sicprà, p.38.%
' Case, ii juin 1835, rapp. M. Mériliiou. BuU. n. 231.
406 DEI CÛUIS D* Assises.
rement distincte de ces séances, puisqu'il n^a pas lieu m
séance publique^» Il nous eut paru plus rationnel, puisque
le procès-verbal du tirage n'est dressé qu'en vertu de Tari.
372, d'appliquer à ce procès-verbal les Tormes prescrites par
cet article. Les actes inf)primés à l'avance sont d'ailleurs ud
des abus les plus étranges de notre procédure ; ils rendent
toutes les constatations illusoires et semblent enlever aux for-
mes légales toute leur sincérité.
Mais il est nécessaire au moins qu'il soit signé du président
et du greffier. Il suffirait méfkie, si le greffier qui i a signé
n'était pas le même que celui qui a signé le procès-verbal
des débats^ que rassistancedecetofficiernefut pasillentîonnée,
pour qu'il y eut nullité *. Toutefois, le procès-verbal du ti-
, rage et le procès-verbal des débats peuvent être réunis dans
un seul contexte ', et dans ce cas il suffit que les signatures
du président et du greffier soient placées au pied de cet acte ^.
Le procès-verbal du tirage doit énoncer sa date, la présence
des jurés, de l'accusé et de son défenseur et du ministère pu-
blic, l'avertissement du président^ le nombre des jurés pré-
sents et le nombre des récusations autorisées, les noms des
jurés récusés et les noms des douze jurés non récusés qui for-
ment le jury de jugement. Ces énonciations, si elles sont
inexactes ou incomplètes, peuvent être rectifiées en les rap-
prochant de celles du procès-verbal des débats ^.
S 603.
I. Droit de récusaiion. — II. Nombre des récusations qui peuvent
être exercées. — III. Par qui elles sont exercées. — IV. S'il y a plu-
sieurs accusés. — V. Incidents auxquels elles donnent lieu./
I. Les récusations sont de l'essence du jury et l'on peut
dire que cette institution est forte ou débile, tutélaire ou dan-
gereuse, selon qu'elles s'exercent avec plus ou moins d'éten-
due. En effet, il ne suffit pas que les jurés soient donnés par
le sort, il faut -qu'ils soient acceptés comme juges par Taceu-
sation et par la défense, il faut qu'ils soient réputés par Tune
* Cass. 10 ocL 1882, rapp. M. de Grouseilhes. J* P. XXIV, 1502 ; et Coor.
26 janv. 1837, 13 juiU. 1887, '^9 août 18A0, 18 mai iShi, etc.
* Cass. 28 janvier 1817, rapp. M, Barcnnes. Bull. n. 15.
* Cass. iS août 1835, rapp. M. Meyronnct St-Marc Bull. n. 818.
* Cass. 31 mars 18A2, rapp. M. Meyronnet de St-MTarc. Bull. u. 75!
•Cass 17 dtr. 48/57, rapp. M. V. Fouchcr. Bull. n. 400.
M LÀ coMFosmoN DU jintT. § 603. 407
et par Tautre dignes de la magistrature temporaire qu'ils re-
yôtent. C'est là ce qui fait la puissance du jury, parcequ'il y
puise, non-seulement la confiance des parties, mais le senti-
ment de son impartialité. Ce n*estque lorsqu'il a été librement
accepté comme un souyerain arbitre que ses sentences peu- *
vent être considérées comme l'expression de la yérité, et que
Itti-méme semble dcYenir Torgane de la conscience sociale.
Détruire le droit de récusation ou le renfermer dans des li-
mites trop étroites, ce serait conférer le droit de juger au ha-
sard, a rignorance, aux passions, aux préjugés ; ce serait jeter
dans le jury tous les germes de discorde ou d'injustice qui
fermentent dans la société; ce serait l'abaisser au lieu de re-
lever, le livrer aux calomnies au lieu de Tenvironner de la
confiance publique, fournir d'inépuisables prétextes à toutes
les récriminations» à toutes les plaintes. Le droit de récusa-
tion est le complément de Tinstitution du jury, son accessoire
indispensable» son principe de vie.
NousavonsrappeléTexercicedecedroitdansIajurisprudence
romaine'. La législation anglaise compte deux espèces de ré-
cusation : la récusation de la liste entière (challenge io the ar-
ray) et la récusation individuelle {challenge to the poils). La
récusation de la liste entière n'a lieu que lorsque l'officier qui
Tacomposée est suspect de partialité. La récusation individuelle
est pèremptoire ou motivée. La récusation péremptoire n'est
admise que dans certains cas ; dans les cas de haute trahison,
Taccusé peut exercer jusqu'à 35 récusations péremptoires *,
dans les cas de meurtre ou de félonie, il peut en exercer 20.
Dans les autres accusations, toutes les récusations sont
motivées. Ellesont été classées en quatre catégories : l"* Prop-
ter honoris respeetum; ce sont les dispenses qui ont pour
cause la dignité dont le juré est revêtu ; 2^^ propter defeclum;
lorsque le juré est frappé d'incapacité, si, par exemple, il est
étranger , s'il n'a pas l'âge requis, s'il ne possède aucune
propriété; ou lorsqu'il est atteint par quelque cause d'incom-
patibilité, si, par exemple, il est parent de Tune des parties,
s'il est intéressé ou témoin dans 1 affaire, sil a émis une opi-
nion ; 3* propter affectum^ lorsque le juré peut être soupçonné
de partialité soit à raison de ses relations avec les parties, soit
à raison des motifs de haine ou de faveur qu'il peut avoir à
leur égard ; k"" propter delictum^ lorsque le juré s'est rendu
indigne de cette fonction par quelque délit ou quelque infrac-
*Voy, nolrct. l"p.74.
40S DES couftfl d'assises.
tion aux lois. Les récusations motivées sont illimitées ; elles sont
proposées par l'accusé, et jugées sur-le-chainp par deux per-
sonnes désignées par la Cour ((n>r<), si aucun juré n'a encore
été admis, ou parles deux premiers jurés non récusés.L'attor-
-ney général n'cxerceaucune récusation péremptoire; il ne peut
proposer que des récusations motivées pour certaines causes^
Aux Ëtas-Unis, les récusations suivent à peu prés les mê-
mes règles; elles s'exercent également de deux manières, i
l'égard delà liste (to ihe panel) ^ ou à l'égard des jurés indivi-
duellement (to an individual juror). La récusation de la liste
entière ne peut être fondée que sur une infraction matérielle
aux formes prescrites pour la convocation du jury, ou sur U
partialité dont le shériiT aurait fait preuve en omettant d'aver*
tir quelques-uns des jurés. La récusation individuelle est ou
péremptoire ou motiyée sur certaines causes. Si l'accusation
emporte la peine de mort ou Temprisonnement à vie, Taccusé
peut exercer vingt récusations péremptoires; dans tonte au-
tre accusation» il ne peut en exercer que cinq. Les récusations
motivées ne sont pas limitées; elles peuvent être proposées
dans les mêmes cas que dans la jurisprudence anglaise et elles
sont examinées et jugées de la même manière. L'accusateur
public exerce à peu prés les mêmes droits que Taccusé*. Ces
règles, généralement appliquées dans les différents États de
l'Union, différent cependant en quelques détails dans quel-
ques-uns de ces États.
L'Assemblée constituante, lorsqu'elle institua le jury, ne
donna pas les mêmes bases an droit de récusation. L accusa-
teur public avait la faculté d'exclure vingt jurés sur la liste
trimestrielle qui en portait deux cents. Le reste des noms était
mis dans une urne pour former, par la voie du sort, le tableau
des douze jurés. Ce tableau était présenté à l'accusé qui pou-
vait dans les 24 heures récuser ceux qui le composaient Lors-
que l'accusé avait exercé vingt récusations sans donner de
motifs, celles qu'il présentait ensuite devaient être fondées
sur des causes dont le tribunal criminel jugeait la validité.
Cette récusation de vingt jurés pouvait être faite par plusieurs
coaccusés» s'ils se concertaient ensemble pour l'exercer; et
* Lord Edward Coke» inst. 156; BlaLstone, U III, p. 859; Pbiltpps,
ebap. 4*
* Gode of criminal procédure of the state of New^York, lit. 0, cbsp» 5 ;
code of procédure of Uie sCate of Loaisiana» Uv. 2, cii« 7, iiist. S.
SE LA COMPOSITION DU XURT. § 603. 409
s'ils ne pouvaient s'accorder» chacun d'eux séparément pou-
vait récuser dix jurés'. Le Gode du 3 brumaire an iv^ nes^é-
(ait pas écarté de cette théorie*.
Notre Code a simplifié en même temps que restreint le
droit d'accusation. Trois régies générales constituent tout
son système: il n'admet que les récusations faites en présence
des jurés ; il rejette les récusations motivées sur une cause dé«
terminée; enfin, il en limite le nombre dans chaque affaire
de neuf à douze, suivant le nombre des jurés présents. Il faut
insister un moment sur chacune de ces règles.
La récusation faite en présence est» nous le croyons, la
seule qui soit sincère et qui remplisse le véritable objet de
cette mesure. Ecarter des noms qui sont inscrits sur une liste,
c'est récuser des hommes qu'on ne connaît qu'imparfaitement
et que le sort n'appellera peut-être pas* « Il y a tel homme,
disait M. Oudart, que j'ai vu se mal comporter dans une cir-
constance remarquable et que je ne connais pas de nom ; cer-
tes, je le récuserais s'il m'était donné pour juré et si je Tavais
sous les yeux.*» Blakstone avait déjà remarqué aque des pré-
jugés inexplicables et des impressions soudaines s'élèvent sou-
vent en nous à la seule vue d^une personne > à l'examen de sa
physionomie et de son extérieur» et qu'il est nécessaire que
la récusation ait lieu en sa présence» pour que l'accusé qui lutte
pour défendre sa vie, n'ait que des juges en qui il ait confiance,
ear ce n'est qu'à cette condition qu'il peut développer sa dé~
feose sans trouble et sans crainte"^. » L'exposé des motifa re-
gardait cette disposition comme un progrés: « L'accusé et le
ministère public, disait M. Faure, n'exerceront plus de récu-
sations sans avoir vu la personne qu'ils croient devoir récuser.
ils oe seront plus exposés à des méprises fondées sur l'identité
des noms, quand ils récusent une personne pour une autre,
soit sur l'oubli du nom, quand ils laissent parmi les jurés ce-
lui qu'ils auraient récusé s'ils avaient pu le voir^. » Vaine-
ment la commission du Corps législatif avait proposé, en re-
prenant en partie le système sde 1791, une disposition ainsi
conçue : c Les accusés seront amenés devant la Cour ; le pré-
vient leur déclarera qu'ils ont la faculté d'exercer quarante
\U iS-2S sept. 1791» tit XI, art. 9» 10, Il et 12.
* Gode 8 brom. an it, art 508 à 508.
'Locrt,t.XXV»p.95.
* GoniBMDtaries, U lY, p. 358. — " Locré, U XXV» p. 588.
410 BBS COUIS ]>*A8818IS*
récusations sur la liste (de deux cents noms) qui leur a été
notifiée et les interpellera de former celles qn^ils entendront
proposer ou de déclarer s'ils n'entendent point en Taire. Le
procureur général pourra exercer aussi quarante récusations.!
Le conseil d'Etat rejeta cette disposition qui n'eut établi
qu'une récusation illusoire et qui d'ailleurs ramenait un mode
dont les inconvénients avaient été reconnus.
La loi n'admet plus, en second lieu, de récusations mo-
tivées ; toutes les récusations sont peremptoires. Elles ex-
cluent d*une manière absolue tous les jurés qu'elles frappent,
tant que lo nombre légal n'est pas épuisé. Il importe peu
qu'elles soient fondées sur Tincapacité des individus, sur
leurs infirmités, sur des motifs d'incompatibilité, sur Tinterai
qu'ils ont dans la cause, sur l'affection ou l'inimitié qu'ils
ont témoignée aux parties : l'effet de toutes ces causes est le
même, et toutes les distinctions de la législation anglaise el
de celle des Etats-Unis n*ont aucune application parmi nous.
11 n'y a lieu ni d'examiner ces causes» ni de les disenter. 11
suffit que la récusation soit proposée ; elle est admise de plein
droit. Ge système nous parait préférable à tous les autres: il
abrège et simplifie les formes préliminaires de la procédure;
il évite des incriminations et des récriminations fâcheuses au
moment de la formation du jury ; il atténue autant que pos-
sible les blessures que peuvent faire les récusations, et du
moins il n'en laisse subsister aucunes traces ; enfin , il per-
met les récusations sans cause précise, celles auxquelles
l'accusé ne pourrait assigner un motif déterminé» qui tienneot
à l'aspect du juré» à sa tenue, aux dispositions qu'il semble
apporter dans l'accomplissement de ses fonctions, et ces ré-
cusations ne sont ni moins légitimes, ni moins nécessaires
que celles qui reposent sur un fait prévu et défini.
Enfin la loi circonscrit le nombre des récusations de 9 à
12 pour chacune des deux parties^ suivant la composition de
la liste de la session^ laquelle doit contenir 30 noms au moins
et 36 au plus. Cette limite n'est que la conséquence du nom-
bre des jurés appelés chaque trimestre au service des assises.
Le législateur, pour atténuer la charge que ce service fait
peser sur les citoyens, a réduit la liste le plus qu'il a pu, et
par suite, il a rétréci le terrain des récusations. Il y a loin
assurément de ce terrain un peu étroit au champ vaste et
presque illimité que la législation anglaise et la légfstation
américaine assurent au droit des accusés. C'est surtout quand
DB LA 60MP0SITI0M DU JVRT. § 603. i\\
Taccasation comprend plusieurs coaccusés que ce nombre, en
se subdivisant, peut paraître insuffisant. Néanmoins on ne
doit pas aisément critiquer sous ce rapport un mode qui
n est que le corollaire du système général de notre législa-
tion, et qui n*a pas révélé de très graves inconvénients. Il
faut prendre garde, pour appliquer des règles que la théorie
affirme, de contrarier une pratique adoptée et d'entourer de
difficultés une institution populaire. Lorsque la liste des jurés
est dressée avec impartialité, il doit suffire à la défense de
pouvoir en exclure le tiers. Ce ne serait pas assez sans doute
si la liste entière était frappée de suspicion, si la manière dont
elle a été rédigée témoignait d'une partialité préméditée; il
faudrait alors, comme dans les législations que nous avons
citées, donnera Taccuséla faculté d'écarter le panel, c'est-,
i-dire la liste tout entière. Mais notre Gode n'a pas prévu
ce péril, parce qu'il n'a pas paru qu'il pût exister; il n'a
prévu que des récusations portant, non contre le tableau,
mais contre quelques individus de ce tableau; et à ce point
de vue, qui suppose que la liste a été composée avec toutes
les garanties que la justice exige, il est certain que neuf ré-
cusations péremptoires sur trente jurés, douze sur Irente-six^
donnent à la défense une protection efficace et sûre.
Tel est le système de notre Code. Si quelques publicistes
ont pensé qu'il ne sauvegardait pas suffisamment les intérêts
de l'accusé S d'autres l'ont attaqué au contraire par le motif
que, non-seulement il les couvrait assez, mais qu'il exposait
même la société à des dangers sérieux •. Ceux-ci regardent
le droit de récusation, tel qu il est organisé, comme une
arme dont se sert habituellement la défense pour écarter les
jurés qu'elle suppose les plus fermes et les plus éclairés, et
qui se trouvent par là l'objet d'une sorte d'ostracisme quand
ils seraient les plus utiles à la justice. Cette critique nous pa-
raît exagérée. Il est évident, d'abord, qu'elle ne peut s'adres-
ser à Tusage que les accusés feraient de leur droit , car,
n'assistant qu'à l'audience où ils sont jugés, ils ne peuvent
connaître les jurés les plus fermes et les plus éclairés. Elle
ne peut donc s'adresser qu'aux défenseurs qui sont présents
autirage> et, par conséquent, s'est cette présence, et non le
droit de récusation lui-môme, qui seule est attaquée. Nous
* Charles Comte^ conndéraUoQS lur le pouvoir judiciaire p. 461 ; Méyer,
iDstjad.,t.V, p. 499.
2 M. Delacuisinc, de l'adin. delà jusl.crim. p. 99.
4J2 DES COURS D*ASSISES.
avons examiné ailleurs Tutilité du concours des défenseurs :
ils sont le pour soutenir les droits de Taccusé, pour diriger
ses récusations, pour lui apporter une sorte de tutelle et
d^appui pendant toute l'opération du tirage. Est- il vrai que
ce concours, nécessaire à la défense, puisse avoir quelque
inconvénient en ce qui touche le choix des jurés? Ce n*est
guères que vers la fin d'une session que les jurés peuvent
être appréciés, car il faut plusieurs épreuves pour connaître
leurs tendances *, or les sessions ne dépassent pas en général
dix ou quinze jours. Ensuite il faut supposer que les mômes
défenseurs aient suivi toutes les audiences de la Cour d'as-
sises, afin d'étudier les dispositions des jurés et de discerner
ceux qui seraient les plus enclins à la sévérité. Il résulte déjà
de ces deux observations que ce n'est que dans des cas très
restreints que l'abus que Ton signale peutse produire.Etpuis,
si les jurés s'apercevaient que ceux d'entre eux dont la ferme
té est soupçonnée sont systématiquement écartés, ne devien-
draient-ils pas aussitôt plus énergiques? Et la défensCj enGo,
a-t-elle réellement quelque profit à exclure du banc de ses
juges les plus éclairés? Admettons qu'elle l'ait fait quelque-
fois, c'est assurément un acte regrettable pour la justice.
Mais quel est le droit, quelque sacré qu'il soit, dont l'exergce
ne puisse révéler quelque inconvénient? La loi, du reste,
a placé le remède à côté. Le droit de récusation du ministère
public, égal à celui de l'accusé, en neutralise en quelque
sorte les effets : si l'accusé écarte les jurés dont il redoute
l'inflexibilité, le ministère public peut écarter ceux dont il
suspecte l'indulgence ou la faiblesse. On objecte, il est vrai,
que les magistrats répugnent à se servir de ce moyen , parce
qu'il en résulte une certaine humiliation et des blessures
d'amour-propre pour les jurés qui en sont l'objet. Cette
objection n'est pas sérieuse. S'il exjstedes motifs de supputer
soit l'impartialité des jurés, soit leurs lumières, le magistrat
qui représente la société ne trahirait-il pas son mandat en
négligeant par une fausse délicatesse de les écarter? Les
sentiments de l'homme ne doivent-ils pas s'effacer devant les
dçvoirs du magistrat? Lui appartient-il de déclarer inutile
et de laisser oisive une arme que la loi a déposée entre ses
mains pour défendre les intérêt» de la société? Quant à l'effet
des récusations sur les jurés, il est généralement admis qu'elles
n'infligent aucun blâme et qu'elles ne sont que la dispense
de la fonction. C'est pour leur enlever tout caractère récri-
DB LA COMPOSITION DU JURT. § 603. 413
minatoire que la loi a voulu qu'elles ne fussent plus motiTées.
Mais fût-il possible de leur donner aun auire sens, qu'im-*
porte? Est-ce des froissements frivoles d^amour- propre qu'il
faut invoquer pour restreindre Tun des droits nécessaires
de la défense dans Tun des ûcles les plus solennels de la
procédure? Il faut essayer sans doute de concilier l'appli-
cation du principe avec les susceptibilités des hommes; mais
doit-il en dépendre?
H. Après avoir établi le caractère général et les limites
(lu droit de récusation » nous devons tracer les formes suivant
lesquelles il s'exerce.
L^art. 399 porte ; « Taccusé premièrement ou sod conseil
et le procureur général récuseront tels jurés qu'ils jugeront
à propos , à mesure que leurs noms sortiront de Turnc
l'accusé^ son conseil , ni le procureur général , ne pourront
exposer Icur^ motifs de récusation. »
il y a lieu d'examiner successivement le mode des reçu-
salions,les personnes qui peuvent les exercer, leur nombre s'il
n'yaqu'unseul ou s'il y a plusieurs accusés,enfin leurs eiïets.
Le mode des récusations est clairement indiqué par la loi.
Elles doivent être faites au moment où chaque nom extrait de
i'mrnc est proclamé par le président. Si cette proclamation
n'est suivie d'aucune réclamation et que le président proclame
un autre nom, le premier est acquis à la cause et la récusa-
lion qui surgirait alors serait tardive. Les arrêts qui consa-
crcot ce point portent : « qu^aux termes du § 2 de l'art. 399,
^i l'accusé ou son conseil et le procureur général veulent user
|lc la faculté que la loi leur donne de récuser tels jurés qu'ils
jugeront à propos, ils doivent le faire à mesure que les noms
(les jurés sortent de Turne; qu'il suit de là que^ lorsque la
sortie du nom d'un juré n'a donné lieu k aucune récusation
el que l'opération du tirage a été continuée , ce juré est ac-
quis à la cause et ne peut être éliminé du tableau par iinc
r(>cusation tardive ; qu'il est impossible d'admettre que son
acceptation doive être subordonnée à la préférence qu'on ac-
corderait plus tard à d'autres jurés dont les noms, par l'évé-
nemcnt du tirage au sort, seraient restés dans Vurnc ; que
Tcsprit, comme la lettre de la loi , repoussent de telles com-
binaisons *. » Il suit de là qu'il sufCt « que les accusés et le
niinistère public aient laissé passer, sans le récuser, le noirt
' Cass, 1 lept, i83dt rapp, M» BreMon, Bull, tii S89.
414 DES COURS d'assises.
(l'un juré avaiU que le nom du juré suivant fût extrait de
Turne et proclamé par le président, pour que ce juré^précé-
dent ne puisse plus être récusé postérieurement i. o
Le président doit extraire et proclamer les noms avec len-
teur et en mettant entre chaque nom un certain intenralle,
afin que Taccusé ait le temps de se recueillir et d'apprécier
s'il doit récuser. Il est évident que si cette opération était
conduite avec rapidité, la défense serait dans l'impossibilité
absolue d'exercer son droit. Elle doit , au surplus, maintenir
sa prérogative, si elle la croit engagée , en prenant des con-
clusions formelles pour constater le fait qui lui préjudicie. Un
accusé alléguait à Tappui de son pourvoi que son défenseur,
avant que le président n'eût mis la main dans l'urne pour
tirer un 2' juré^ aurait dit quMl récusait le premier» à quoi le
président aurait répondu qu'il n'était plus temps : le rejet a
dû être prononcé , « attendu que le procés-verbal du tirage
du jury ne contient aucune mention du fait allégué; qu'il ne
constate non plus en aucune façon que le défenseur ait de-
mandé acte du refus fait par le président d'admettre une ré-
cusation, refus fondé sur ce que cette récusation était faite
tardivement ; qu'il ne peut dès lors y avoir lieu d'admettre le
demandeur à faire preuve du fait allégué, lequel n'ayant été
de sa part Tobjet d'aucune réclamation au moment oùH se
serait passé, ne. peut être présumé avoir porté une atteinte
réelle à rexercice de son droit de récusation *• > Dans une
autre espèce, l'accusé prétendait avoir rétracté la récusation
qu'il avait d'abord formulée : il a été réponduaqu'une récu-
sation, une fois déclarée par Paccusé, ne peut être posté-
tieurement rétractée par lui sous prétexte d'erreur ; que le
procès-verbal constate d'ailleurs que le tirage a été régalier
et qu'il ne mentionne aucune réclamation de l'accusé i cet
égard >. » La récusation aurait pu être rétractée avant le ti-
rage du nom suivant, mais rien ne constatait qu'elle eûtj
devancé ce nom.
Aucune récusation ne peut plus être exercée dès que lej
nom du douzième juré est proclamé et que le président a d('
claré le jury formé. Que si une cause de récusation tnlen^i
* Cas». iS juil. 1853, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. J* P..
674.
' Cass. 24 juU. iSAi, rapp. M. Debaussy. BuU. o. 219.
* ( ass. 31 juîllci 4829, rapp. M, Meyronnet-St-Marc, J. P.f t, XXIÏ»
p. A302.
DB LA COMPOSITION 1^0 mUT. § 603. 4i{$
postérieurémeiit, par exemple) la maDÎfestatioo par un juré
de son opioioa ou la découverte de sou intérêt dang la
cause, il n'y aurait d'autres remèdes que d'ordonner son rom-
piacement par un suppléant, s'il y en a '» ou de renvoyer
I affaire à la prochaine session '.
L'accusé peut-il s'aider de notes écrites pour faire ses ré-
cusalioDs ? pourquoi ne le pourrait>-il pas? quelle disposition
de la loi , quelle règle pourrait-on lui opposer ? comment lui
contester la faculté de consigner par écrit les renseignements
qu'il s'est procurés- sur les jurés et de recourir à ces reusei-
gn<>oients au moment du tirage 7 Toutefois , une Cour d'as-
sises avait dénié ce droit è un accusé et le pourvoi a été re-
jeté, attendu qu'aucune loi n'avait été violée 3. Si aucune
loi n'^t expressément violée par un tel refus» il est évident
que le droit de la défense est au moins restreint et qu'une
(elle restriction, assurément arbitraire, ne peut trouver au-
cun fondement légal. L'arrêt qu'on vient de rapporter est
intervenu à une époque où la jurisprudence voulait que la
récusation fût le résultat du sentiment personnel et intime de
Taccusé et en éloignait toutes les inspirations étrangères ^.
Cette jurisprudence n'a cessé d'exister tout à fait qu'à la pro-
n)ulgalion de la loi du 28 avril 1832.
Enfin, toutes les récusations sont péremptoires et ne peu-
vent être dans aucun cas motivées; elles ne reposent poiut
sur des causes déterminées qui aient besoin d'être appréciées
par les juges ; elles sont donc dé6nitives au moment où elles
sont articulées, à moins qu'elles ne soient immédiatement
rétractées ou qu'elles ne soient formulées qu'après que le
droit de récusation est épuisé *•
III. Quelles personnes peuvent exercer ce droit? Aux
termes de la loi, l'accusé ou son conseil et le ministère public
ont seuls cet exercice.
Le conseil de Taccusé, dont la présence avait seulement été
tolérée jusqu'alors et qui ne prenait pas une part active aux
récusations, a été formellement investi par la loi du 28 avril
' Gass. SSjaoT. 4853, rapp. U. Isambert. BuH. n. S9.
* Gaas. 29 non iSSS, rapp. M. Debaossy, Bull. n. 364.
* Cas8.i5 janT. 1819, non imprimé dans les recueils.
* Cass. 1 déc. 1840, rapp. If. Rataad, citésuprà,
* Cass, 8 sept« 1826, rapp. M| Bri^re, J. P., t. \X| p. 98
L
4iC DES COURS D*ASS19RS.
1832 du droit, non pas seulement d'assister au tirage, mais
d'exercer lui-même et personnellement , dans l'intérêt de
l'accusé, toutes les récusations qu'il juge h propos. Le droit
de récusation, jusques-là personnel i Taccusé, lui a été com-
muniqué. Il' peut donc soit indiquer à son client les jurés que
son intérêt peut lui commander d'écarter, soit les écarler
lui-même et sans aucune autorisation de sa part. Seulement il
ne peut exercer ce droit qu'à défaut de Taccusé : la loi a voulu
réserver à celui-ci le privilège d'être entendu le premier,
Le président peut-il refuser de faire droit à une récusation
du défenseur sous le prétexte qu'elle n'est pas sérieuse et
qu'elle a été sollicitée par le juré pour se dispenser de Tac*
complissement de ses devoirs? Non^ car il ne lui est pas per-
mis d'en scruter les causes, il sullit que la récusation soit ex-
primée pour qu'elle soit acquise ; le droit doit s'exercer sans
aucun contrôle dans les limites qui lui ont été données >.
Le ministère public a le même droit que l'accusé et son
exercice est soumis aux mômes règles. Ainsi, il importe peu
qu'il ait récusé des jurés sur leur demande, « car la demande
de ces jurés à fin de récusation ne liait aucunement le minis-
tère public qui n'a pu se déterminer que d'après dos motifs
puisés dans sa conscience et dans le bien de la justice '. »
Les jures ne pourraient se récuser eux- mêmes, c'est-à-dire,
s'abstenir de connaître d'une affaire. Ce droit ne leur a point
été reconnu par la loi ^. Ils peuvent seulement, s'ils savent
dans leur personne quelque cause d'incapacité, d'incompati-
bilité ou d'exclusion, les exposera la Cour qui peut les dis-
penser s'il y a lieu, ou laisser au droit de récusation le soin
de les écarter» si les parties le jugent à propos.
La partie civile ne peut exercer le droit de récusation : la
loi n'a pas pensé que des intérêts purement civils pussent
motiver cet exercice. Cependant, si l'un des accusés s'était
porté partie civile à Tégard de Taùtre, il n'en résulterait pas
qu*il devint non recevable à prendre part aux récusations ;
mais son droit n'aurait pour titre que l'accusation qui pèse
sur lui ; sa qualité de partie civile n'aurait à cet égard aucune
influence^.
• Cass. 6féT. 183iS, rapp. M. Choppîn. J. P., i. XXVI, p. 459.
* Cuss. 2G août 26A2, rapp. M. Isamberl. Bull. n. 221.
3 Cass* ûscp(.i8i6, rdpiu M. Pnjot. Dali, v" iast. crjm. n. iS62}8septi
ibÛÔ, rai'.p. M. Briùixî. J. P., /. XX, p. 864*
^ Cass* dUec* iddO) rapp, M, yiuceti$-9t-Lauretit, J. Ptt àsadatci
DE LA COMPOSg-IOM DU lOBT. § 603. 4i7
IV. Le nombre des récusations est réglé par les art. &00
et 401.
L^art. 401 dispose que a Taccusé et le procureur-géné-
ral pourront exercer un égal nombre de récusations ; et ce-
pendant si les jurés sont en nombre impair^ les accusés pour-
ront exercer une récusation de plus que le procureur-géné- '
rai. » L*art. 400 ajoute : « les récusations que pourront faire
l'accusé et le procureur-général s^arréteront lorsqu^il ne
restera que douze jurés. »
Il résulte d'abord de ces dispositions que si les jurés ne
sont qu^au nombre de trente, les deux parties peuvent en ré-
caser chacune neuf; que s'ils sont au nombre de trente-deux,
trente-quatre ou trente-six, ils peuvent en récuser chacune
dix, onze ou douze; que s'ils sont au nombre de trente-un, .
trente-trois ou trente-cinq, le ministère*public peut en récu-
ser neuf, dix ou onze, et l'accusé dix, onze ou douze.
On avait pensé d'abord que lorsqu'une des deux parties
n'épuisait pas son droit, Taulre, après avoir exercé ses pro-
pres récusations, pouvait, si elle ne rencontrait pas d'opposi-
tiouy reprendre et épuiser celles dont la première n'avait pas
usé. Ainsi , dans une espèce où, sur trente jurés présents,
le ministère public avait exercé douze récusations « le pour-
voi avait été rejeté , < attendu que si le ministère public a
formé douze récusations, c'est que le condamné présent y a
consenti par cela même qu'il n'a pas exercé autant de récu-
sations qu'il en avait le droit ^» Mais cette première juris-
prudence fut promptcment réformée : il fut reconnu que les
droits des deux parties sont indépendants l'un de Tautrc et
de l'exercice que chacune fait du sien ; que la mesure de ces
droits est déterminée et ne peut s'accroître par le non usage
de Tun d'eux; enfin que le nombre des récusations que le
ministère public et Taccusé peuvent opérer est fixé et que
ni Tun ni l'autre ne peut empiéter sur celles qui ne lui appar-
tiennent pas pour les ajouter aux siennes. Ainsi, dans une
espèce où sur trente-trois jurés présenta, le ministère public
en avait récusé dix-huit , l'annulation fut prononcée : « at-
tendu que la partie publique a porté atteinte au droit de
Taccusé, en exerçant huit récusations au delà des dix qui lui
compétaient; que ces huit récusations ne pouvaient être
exercées que par l'accusé ou ne devaient pas être exercées,
* Ca«:i. 22 ocl. 18J2, lapp. M, fiQUcbau. Dali. \* Insl, crim., n. 4872.
fiii. 27
418 DES C0VI8 D*ASSISKSr 4
Taccnsé ayant gardé le silence ; qu'en effet, du silence de
l'accusé , & rappel des huit jurés qui a été fait à la suite des
dix récusations légalement exercées par la partie publique, il
fallait conclure, non pas que Taccusé renonçait au droit de
récuser et que la partie publique pouvait s'en emparer, mais
seulement que Taccusé ne voulait pas l'exercer sur les hait
jurés dont les noms étaient proclamés '. » La règle ainsi éta-
blie, la question n'a plus été agitée.
De même, de ce que la loi veut que Taccusé exerce son
droit de récusation premièrement, il ne résulte pas que le
droit du ministère public soit paralysé tant que l'accusé
n'exerce pas le sien : tout ce que veut la loi, c'est qu'à la
proclamation de chaque nom, l'accusé ait la parole le pre-
mier pour le récuser s'il le juge à propos; s'il ne le fait pas,
le ministère public peut le faire à son tour : son droit n'est pas
subordonné à celui de l'accusé 5 mais il ne l'exerce à l'égard
de chaque juré qu'après que celui-ci a été mis en demeure
d'exercer le sien. Chacun d'eux est le maître de son action
dans le cercle que la loi lui a tracé; elle n'a fait que ré-
gler le rang dans lequel ils formulent successivement leur
opposition.
L'adjonction des jurés suppléants, sans modifier le droit de
récusation^ restreint les limites de son application. Ainsi, en
supposant le minimum de trente jurés, si la Cour d'assises
tire un juré suppléantj le nombre des récusations à exercer
facultativement sera de neuf pour les accusés et de huit pour
le ministère public ; et s'il est procédé au tirage de deux
jurés suppléants, le nombre des récusations se trouve réduit
à huit tant pour les accusés que pour le ministère public *.
Nous avons déjà signalé cette conséquence de la mesure de
l'adjonction *.
Il est indispensable que le président des assises avertisse
1 accusé, avant de commencer l'opération du tirage, du nom-
bre de récusations qu'il lui appartient d'exercer; car, que lui
servirait son droit, s'il ne sait pas la mesure dans laquelle il
doit en user? Qu'importerait qu'il fut écrit dans la loi, s'il ne
lui est donné aucune instruction sur le mode de son exercice?
* Caw. 9& déc. 4818, rapp. M. Oudot J. P., XI, 848.
* Cas». dO août d887» rapp. M. Brière. J. P., XXI, Wi 8 annl i828,
rapp. M. Gaillard, XXI, 1348? 20 avril 1832, rBpp,M,deRîcttrd,XXrV,989.
» Voy, wprà, p, 378.
1>f LA COMPOSITION DU JOBY. § 603. il9
C'est l'un des devoirs du magistrat qui préside de le mettre à
même, par ses explications, d'en user complètement: car il
lai appartient de veiller à Texécution de toutes les dispo-
sitions qui se rattachent à la procédure des assises et de pro-
téger le libre exercice des facultés qui appartiennent soit
à I accusation, soit à la défense, La loi s'est confiée à cet égard
à sa conscience et à son impartialité : son esprit suppose l'a-
veriissement; son texte n'en parle pas. La jurisprudence a
dû en conséquence, sans dénier la nécessité de cette forma-
lité, déclarer cependant que le défaut de sa constatation n'em-
porte pas de nullité K II faut toutefois excepter le cas où
par Peffet de la négligence du président, il serait établi que
le droit de récusation aurait élé compromis. Cette réserve est
formellement énoncée dans un arrêt qui déclare : c que les
art. 400 et suivants n'établissant pas de peine de nullité pour
défaut de constatation au procès-verbal de cet avertissement
ou pour erreur dans Taccomplissement de la formalité, la
nullité ne pourrait être encourue qu'autant qu'il serait
prouvé que cette erreur a préjudicié à l'accusé et porté at-
teinte à son droit de récusation *. »
V. S'il y a plusieurs accusés, le nombre des récusations
demeure le môme. Le 2* § de l'art. 402 porte : t ils ne
pourront excéder le nombre de récusations déterminé pour un
seul accusé par les articles précédents. » Ainsi, ce nombre,
quel que soit celui des accusés et fut-il plus considérable que
le chiffre des récusations, est limité, à l'égard de tous à la
fois, au minimum de neuf et au nniximum de douze.
Comment ces récusations sont-elles réparties entre les dif-
férents accusés? La loi a prévu trois hypothèses : 1« ils peu-
vent se concerter pour toutes les récusations ; 2'' ils peuvent
se concerter pour une partie seulement ; 3^ ils peuvent ne pas
se concerter et dans ce cas le sort régie le rang dans lequel
ils les font séparément.
La première et la seconde hypothèse sont réglées par les
art. 402 et 403. L'art. 402 porte : « s'il y a plusieurs accusés,
ils pourront se concerter pour exercer leurs récusations. »
L'art. 404 ajoute : «t les accusés pourront se concerter pour
exercer une partie des récusations, sauf à exercer le surplus
suivant le rang fixé parle sort. »Dès qu'il y a concert, il n'y a
* Cafls. & janv. i840,rapp. M. Meyronoet St-Mare. Dali. AO, l| 898; 18
sept. t845» rapp. M. Barennes. Bull. n. 393.
' Casit 38 février i8dd| rapp, M. Legagncur. BttlU n. 67*
4â0 DES COURS D AGSiSF.fî. •
plus de difficulti'». Mais rommcnl se forme et se constate ce
concert? Évidemment par la déclaration des accusés. Le pré-
sident doit accorder un certain délai pour qu^ils conviennent
entre eux de ce qui importe le plus à leurs intérêts ; car,
puisqu'ils peuvent, aux termes de laloi, se concerter, il faut
qu'ils aient le moyen de le faire. Le concert se présume
môme par le seul défaut de réclamation et il a été jugé
9 que les accusés n'ayant point fait connaître au président
qu^ils ne se fussent pas concertés pour exercer leurs récusa-
tions, et le procés-verbal constatant qu'ils ont exercé cinq
récusations sans qu'aucun désaccord so soit manifesté entre
eux c) cet égard , il suit qu'il a été satisfait suffisamment
aux dispositions de la loi ^ » Il a été, au surplus, reconnu
que les accusés peuvent charger un seul d'entre eux d'agir
au nom de tous *, et qu'ils peuvent même déléguer cette
mission à l'un des défenseurs *.
Dans ta troisième hypothèse, les difficultés sont un peu
plus graves. L'art. 403 déclare que « si les accusés ne se
concertent pas pour récuser, le sort réglera entre eux le rang
dans lequel ils feront les récusations. Dans ce cas, les jurés
récusés par un scuU et dans cet ordre, le seront pour toas,
jusqu'à ce que le nombre des récusations soit épuisé. » Cet
article a été clairement expliqué par un arrêt dans lequel on
lit (( que l'art. 403 a voulu évidemment que l'accusé placé
par le sort au premier rang épuisât d'abord son droit, mais
que si ce droit consistait à faire seul toutes les récusations
possibles, il en résulterait que ses coaccusés pourraient être
privés d'en exercer une seule, ce qui n'est nullement dans le
VŒU de la loi ; qu'il y a donc nécessité de diviser proportion-
nellement entre tous les accusés le nombre des récusations &
exercer^ afin qu'au rang près la condition soit la même pour
tous ; qu'à la vérité, il peut arriver qu'au total le nombre des
récusations possibles ne soit pas épuisé, mais qu*il ne le sera
point parce que chacun des accusés n'aura pas voulu épuiser
sa part, ce qui présente moins d'inconvénient que si un seul
pouvait récuser pour tous, ou que si la faculté dont l'un n'au-
rait point usé était reportée à l'autre, puisque, dans ce sys-
tème, certains accusés seraient privés de jurés qu'ils auraient
voulu conserver; qu'à la vérité encore, on prétend écarter ces
* Cass. 8 mai 1884, rapp. M. Debaussy. J« P. XXVI, 400.
* Cass. 8 décembre iH36, rapp. M. Vinccns St-Laureat. Sir. 38, 9, 82«
* Gais, 10 JaDYf 188i| rapp. M, Rives, Sir. 34» 1, 660.
DE LA COMPOSITION DU JURY. § 603. 421
inconvénients en faisanlque Taccusé placé au premier rang, qui
aurait exercé une première récusation, ne fut plus interrogé
sur le nom sorti postérieurement de l'urne qu^aprés interpel-
lation faite aux accusés placés à un rang inférieur; maïs que,
dans ce système» les récusations ne seraient plus faites suivant
Tordre établi par le sort, comme le veut à deux reprises Tarli-
cle k03 ; que le n"" 2 deviendrait le n"" 1 avant que le n» 1 eut
épuisé sa part de récusations, ce qui est inconciliable avec la
règle établie par cet article '. » Il résulte de cette interpré-
tation que le président doit, 1** procéder au tirage au sort des
noms des accusés pour régler le rang qu'ils doivent occuper
dans Texercice du droit de récusation*; 2^ diviser le nombre
des récusations à opérer proportionnellement au nombre des
accusés ; 3^ ne laisser cbacun d'eux exercer que celles qui lui
appartiennent sans qu'il puisse se servir de celles qui appar-
tiennent à ses coaccusés. Ainsi» l'opération serait nulle si le
président* au lieu de fractionner les récusations pour faire la
part de chaque accusé, les interpelait tous successivement, en
suivant Tordre établi par le sort, sur chaque nom de juré
sortant de Furne, tant que la faculté totale de récuser ne se-
rait point épuisée ''. Ainsi l'opération serait nulle encore si le
président laissait le premier des accusés sorti par le sort, en
l'absence de tout concert de leur part, exercer pour eux tous
collectivement le droit personnel de chacun d'eux '•
Que faut-il décider cependant si le nombre des accusés est
supérieur à celui des récusations? L'accusé qui vient au 9"" ou
au 10* rang, si le nombre des récusations est fixé à 8 ou 9,
sera-t-il exclu de toute participation au droit de récusation,
lors même que ses coaccusés ne l'auraient pas épuisé ? Cette
question, qu'un arrêt a réservée sans essayer de la résoudre ^,
présente quelque difficulté à raison de l'interprétation qui
Tient d'être exposée. Si chacun des accusés ne peut exercer
que la part des récusations qui lui a été faite et ne peut pré-
tendre à celle de ses coaccusés , il s'ensuit que celui que le
sort a placé trop loin pour eu avoir aucune» ne peut, lors
même que ses coaccusés n'auraient pas épuisé les leurs, les
reprendre en son nom. Cependant, cette conséquence serait
bien rigoureuse. On ne doit pas assimiler le cas où chacun des
*Gas6. 26 féY. iSAlt rapp* M» Romigoières. Bull. n. 53.
^ MÊme arrêU
> Cass. 2 février 1833, rapp, M. Gilbert de Voisins. J. P., U XXV> p. 1^0,
* Cass. 3 déc i9369 cilé »uprà p. 420.
422 hE$ couAs d'asuses.
accusééi exerce une part, si restreinte qu'elle soit, des récusa-
tions, et celai où quelques-uns, par suite de leur nombre et
du tang que leur sort leur assigne,* n'en exercent aucune.
Dans cette dernière hypothèse^ ks accusés, n'ayant été em-
pêchés d'user de leur droit que par une sorte de force majeure,
peuvent le reprendre aussitôt que cette impossibilité cesse et
elle cesse évidemment dès que les premiers accusés n'ayant
pas exercé les récusations qui leur étaient dévolues, le droit
n'est pas épuisé. Ils peuvent donc en revendiquer à ce mo-
ment l'exercice; et que pourrait-on, en effet, leur opposer?
Que le rang, que le sort leur a fait, a épuisé leur droit? Non,
ce rang n'a fait que les placer dans l'impossibilité de Fexercer,
ai les premiers appelés épuisent le leur ; c^est donc d'une im-
possibilité de fait et non de droit qu'il s'agit ; elle ne peut donc
se prolonger lorsque le fait n'existe plus.
YI. L'exercice du droit de récusation peut donner lieu à
des réclamations, à des incidents sur lesquels il doit être im-
médiatement statué.
Le pouvoir de les vuider, que la iurisprudenco avait d'a-
bord, ainsi qu'on l'a déjà vu ^, exclusivement attribué au
président *, a été plus tard indifféremment attribué soit au
président) soit à la Cour d'assises *• Mais si l'incident prend
un caractère contentieux, c'est^è-^ire s'il y a réclamation de
la part de l'une des parties, il n'appartient plus qu'à la Cour
d'assises seule de statuer ^. 11 est, en effet, de principe, et
nous reviendrons plus loin sur ce point, a que, d'après Tor-
ganisation'des Cours d'assises, c'est à elles et non à leur. pré-
sident qu'il appartient de statuer sur tous les points conten-
tieux sur lesquels les parties se trouvent divisées ^
Cette garantie est surtout indispensable en matière de ré-
cusation ; car, il ne faut pas perdre de vue qu'il n'y a de jury
légalement constitué que celui à l'égard duquel le droit de
récusation a pu librement s'exercer «. La Cour de cassation
9 prononcé l'annulation d'une procédure dans laquelle le
président avait réfusé d'admettre une récusation sous le pré-
t Voy. sapra p, 8S5 et 404*
s Casa, i déc 1820, J. p.,t XVI, lift; 6 mars iSlS, rapp. M. Gaillard,
U XXI, 1350.
> Cass. 28 jaoT. iSAI, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 23.
* Cass. 35 juin 4840, rapp. M. Rocher. Bull. n. 187.
' Cass. a déc 1836, rapp. M. Vincens^l-Laurcnt. Sir. S8, i. 6(>.
' • Mèitoc arrêt. «
DI LA COMPOSITION DO JVVT. § 004. 423
texte qu'elle était concertée avec le juré récusé *. Elle a pro-
noncé encore une autre annulation parce que le président
avait maintenu sur la liste des douze un juré Trappe de récu-
sation * . De tels excès de pouvoir peuvent échapper aux préoc-
cupations d'un seul magistrat ; une Cour d'assises ne pourrait
les commettre.
Lorsque douze jurés sont sortis de Turne, sans avoir été
récusés ou après Fépuisement du droit de récusation, le jury
de jugement est formé.
§604.
I. Da chef da jury. — II. U peut être remplacé. — III.S«sfoDCit<nis.
I. Le jury de jugement étant appelé à délibérer, il est né-
cessaire qu'il ait un président ou chef qui est chargé de diri*
ger ses délibérations et d'en constater le résultat.
Le chef du jury est Tun des douze jurés désignés ou par le
sort ou par les jurés eux-mêmes. L*art. 309 du G. d'inst.
cr. porte que « les douze jurés se placeront dans Tordre dé-
signés par le sort »; et Tart. 342 ajoute : « leur chef sera le
premier juré sorti par le sort ou celui qui sera désigné par eux
et du consentement de ce dernier. »
Lorsque le premier juré sorti par le sort préside les jurés,
il est inutile de constater sa qualité, puisque le procès-ver-
bal du tirage rétablit ; mais lorsque ce n'est pas ce juré qui
remplit cette fonction, il faut constater qu'il a été remplacé.
n. Le remplacement s'opère parla volonté des jurés. Il
suffit qu'ils conviennent entre eux que la fonction de chef du
jury sera exercée par tel juré qui leur parait le plus apte à
cette fonction, pourvu d'ailleurs qu'elle soit acceptée du juré
auquel elle est ofl'erte. Cette délégation doit nécessairement
émaner de la majorité des jurés, puisque ce n'est que par la
majorité des voix qu'un corps délibérant peut manifester sa
volonté. Faut-il le consentement de celui dont le nom est
sorti de l'urne le premier ? Nullement, car ces mots de l'art.
342 € du consentement de ce dernier » ne se réfèrent qu'à
celui que désignent les jurés et non point à celui que le sort a
désigné. Quelque hésitation s'élait manifestée sur ce point
dans la jurisprudence • ; mais le texte de la loi est trop ex-
* Cass. 6 fév. 1834, n»pp« M. Cûoppin, J. P., t. XXVI, p. 139.
2 Cass 14 fé?. 1850, rapp. M. IsamberU Bull. n. 55.
* Cass. 24 déc 1824, rapp. M. Gaillard. Dali. 25, 1, 122 ; 1 août 1827
rapp. M. OlUvicr. Dali. 27, 1, 400.
484 B£S COUIS D ASSISES.
plicite pour qu'elle put 8e maintenir *. SuBordonner le choix
du chef au consentement de celui que le sort a désigné, ce
serait le plus souvent annuler la faculté du choix. Sans doute
il peut en résulter quelques froissements d'amour-propre et
quelquefois même quelques exclusions injustes ; mais ces in-
convénients, qui sont attachés & toutes lesélections, sont lar-
gement rachetés par Timmense avantage de pouvoir placer
à la tète des jurés un homme capable de comprendre et de
diriger ses délibérations. Faut-il i d'un autre côté, le consen-
tement du ministère public ou de Taccusé ? Nullement encore.
C'est là une mesure d'ordre intérieur qui est sans intérêt
pour les parties parce qu'elle est sans influence sur la convic-
tion des jurés *.
Ce remplacement n^est soumis à aucune formalité. Il peut
avoir lieu aussitôt après la formation du tableau et avant la
prestation du serment 3. Il peut n'être déclaré qu^au moment
où les jurés entrent dans leur chambre pour délibérer K
Il importe seulement qu'il soit constaté, car nul ne peut
exercer une fonction sans justifier du titre en vertu duquel
il Texerce. Mais la jurisprudence a admis avec raison une
présomption générale que la fonction a été régulièrement
déléguée, — lorsque le procès-verbal constate que l'un des
juréSi autre que celui désigné par le sort, a rempli TofTice de
chef du jury, sans réclamation des autres jurés*; — lorsque
la déclaration a été signée et lue par l'un des jurés autre que
celui désigné par le sort ^. — Enfin, et à plus forte raison,
lorsque la signature du juré est précédée ou suivie de ces
mots « le chef du jury, désigné par ses collègues, de son con-
sentement, et du consentement du chef désigné par le sort ?.•
La loi n'exige point, en effet, que le chef du jury choisi par
ses collègues soit Fobjet d'une désignation spéciale^ et cette
désignation est suffisamment constatée par sa signature, par
l'assentiment tacite des autres jures dont il lit la déclaration
en leur présence» par la signature du président et par celle
du greffier.
* Cass. 27 déc. 1832, rapp. M. Meyroniict<3t>Marc, I. XXVI, p. i4S7.
* Cass. 24 <iéc. 1824. Cilésuprà. p. 428.
' Cass. 27 scpL. 1822, rapp. M. Clausei, J. P., t. XVII, p. 618.
^ Cass 6 mars 1828, rapp. M. Bri^rc J. P., U XXI, p. 1251.
"Môme arrêt et cass. Sjainldai, rapp. M. Cboppiu J. P, U XXIH,
p. 1655; 8 juJci 1836, rapp. M. Dehaussy. Dalh v* l .truc, cria,
o. 1828.
* Cass. 28réY. 1852, rapp. M. RItcs. Bull. n. 77.
^ Cass. 17 jail, 1857, rapp. M. Souef, Bull. u. 273.
DE LÀ GOHPOSmOM hV JUllT. § G05. 4Î5
Il a même été admis que la délégation peut n'être que par-
tielleet être limitée àla lecture de la déclaration à l'audience ^
Cette délégation pourrait être faite instantanément , si un
empêchement quelconque survenu tout*à-coup mettait obs-
tacle à ce que le chef du jury fit cette lecture; le soin de le
suppléer devrait être conBé à un autre des jurés 2. Mais s^il
y avait réclamation des autres jurés et que le chef du jury
n^cut aucun motif do se refuser à l'accomplissement de sa
fonction, la Cour d'assises pourrait ordonner que la lecture
fat faite par celui à qui elle est régulièrement déférée'.
III. Les fonctions du chef du jury ne commencent qu^aa
moment où le jury entre dans la salle de ses délibérations.
Jusques-Ià, ses droits ou ^s devoirs sont les mêmes que ceux
de ses collègues. Mais, à ce moment ses fonctions spéciales
sont les suivantes : il reçoit du président les questions écrites
et les pièces du procès (art. 3^1); il doit, avant que ladéli*
bération ne commence, faire lecture à ses collègues de Tins-
Iruction qui règle leurs devoirs (art. SïS). U préside etdi*
rige la discussion; il distribue ensuite à chacun des jurés un
bulletin sur lequel ils écrivent leurs votes et qu'ils lui re*
mettent ensuite pour le déposer dans une urne ou boite fer-
mée à cet usage ; il dépouille chaque scrutin et en consigne le
résultat en marge de la question po8èe(Loi du 13 mai 1836);
enfin» il signe la déclaration quand elle est complète (art
349) et en donne lecture à l'audience suivant les formes pres-
crites par l'art. 348. Nous examinerons ailleurs ces formes de
la procédure.
S 605.
1. Serment des jurés.— II. Leurs droits.*- III. Leurs devoirs.— IV. dé^
feose de communiquer et de faire eonnaltie leur opinion.
I. C^est le serment qui fait le juré : c^est de cette formalité
qu'il prend son nom et en même temps son pouvoir. Jusque-
là il n'est qu'un citoyen, il n'a ni mission spéciale^ ni fonc-
tion ; il n'a qu'une aptitude ; le serment^ en lui imposant des
obligations et des devoirs, lui confère un pouvoir et des droits ;
il est la base légale de sa fonction ; c'est de là que dérivent
et sa qualité de juge et toutes les attributions qu'il va exercer.
* Gass. i4 jaDTicr iSAS, rapp. M. Aylies. Bail. n. 17.
' Cass. 20 aoOt 1857, rapp. M. Bressoo. Bull. n. SIC.
* Cass. 8 juUlcl 1821, rapp. M. Brièrc. J. P., XVIII, 870.
426 DES COURS D*ASISSES.
Cette règle^ qui remonte aux origines du jury et qui se
retrouTe à toutes les époques où les jurés se sont retrouvés,
est appliquée en Angleterre comme aux Etats-Unis. La loi
anglaise formule en ces termes le serment que prêtent les
jurés de jugement : c Vous prononcerez bien et sincèrement;
vous ferez une déclaration véritable entre notre souveraine
la reine et le prisonnier à la barre^ qui est mis à votre charge,
et vous rendrez un verdict conforme k la vérité, suivant les
f preuves qui vous seront données. » L'art. 2k du tit. 6 de la
oi du 16-29 septembre 1791 et Tart. 3&3 du G. du 3 bru-
maire an iv avaient adopté une formule à la fois plus nette
et plus étendue que notre Gode n^a fait à peu près que re-
produire.
L^art. 342 est ainsi conçu : « Le président adressera aux
jurés debout et découverts le discours suivant : « Vous jurez
» et promettez devant Dieu et devant les hommes d^examiner
» avec Tattention la plus scrupuleuse les charges qui seront
» portées contre N* , de ne trahir ni les intérêts de Taccusé ni
» ceux de la société qui l'accuse; de ne communiquer avec
» personne jusqu'après votre déclaration ; de n^écouter ni la
» haine ou la méchanceté, ni la crainte ou Taffectiou ; de vous
» décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant
» votre conscience et votre intime conviction, avec l'impar-
M tialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et
)> libre. » Ghacun des jurés, interpellé individuellement par
le président, répondra en levant les mains : je Ujure, à peine
de nullité. »
La prestation de ce serment par chaque juré est, ainsi que
le déclare la loi, substantielle, et son omission emporterait la
nullité de la procédure, car les jurés qui n'ont pas prêté ser-
ment n'ont aucun caractère pour juger '•
Il ne suffit même pas que le serment, en fait, ait été prêté ;
il faut que sa prestation soit formellement constatée par le
procès- verbal des débats. La Gourde cassation a jugé t qa^aax
termes de l'art, 372, il doit être dressé par le greffier de la
Gour d'assises un procès-verbal à l'effet de constater que les
formalités prescrites ont été observées ; que la nécessité d*nn
procès-verbal qui constate l'observation des formalités press-
entes, étant établie par par la loi, il j a présomption de droit
que les formalités qui ne sont pas mentionnées dans ce procès-
* Cass. IC février i 816, rapp. M. Ollivier. J, P., XIII, 286 ; 1 mAR 1S16,
rapp. M. Ollivier, t. XIII, p. 306.
&E LA GOMPOSItToM DU JURT. § 605. 427 «
' verbal, n'ont pas été remplies ; que, dans l'espèce, ce procès-
verbal dressé en exécution de l'art. 372 ne dit ni que le pré-
sident ait adressé aux jurés le discours inséré dans l'art. 312,
ni que les jurés aient, après avoir entendu ce discours, ré-
pondu individuellement, en levant la main, je lejure^ ainsi
qu ils y étaient obligés par la disposition du § 9 du mémo
article ; que cette obligation du serment était imposée aux
jurés à peine de nullité, et ceux qui ont déclaré la culpabi-
lité des réclamants étant réputés ne Tavoir pas remplie, il en
résulte, dans les débats qui ont eu lieu devant eux, un vice
radical qui rend l'annulation indispensable \ »
Quelques arréls ont semblé établir une distinction entre le
discours du président et le serment des jurés, et n'ont attaché
la peine de nullité qu'à Tomission de la constatation du ser-
ment *. Il est évident que cette distinction ne peut-être adop-
tée en principe, car, qu'est-ce que le discours du président,
sinon la formule môme du serment? Et comment les jurés
pourraient-ils prêter serment si cette formule n^a pas été pro
noncée devant eux? Mais c'est précisément è raison de cette'
indivisibilité qu'il a pu être admis que la constatation du ser-
ment emporte celle du discours lorsqu'aucune énonciation du
procéa-verbal ne contredit cette présomption.
Bans une espèce où le procès-verbal énonçait seulement ce
qui suit : « le président a lu aux jurés la formule du serment
contenu en Tart. 812, » la nullité a dû être prononcée, et at-
tendu que si le procès-verbal constate que la formule du ser-
ment a été lue, il ne constate nullementque chacun des jurés
appelés indîviduelletnent par le président ait répondu en levant
la main, je le jure j formalité & l'omission de laquelle l'arti-
cle 312 a attaché la peine de nullité comme à celle de la lec-
ture de la formule du serment par le président aux jurés ^; d
mais ii suffit, pour la régularité de la constatation, qu'il soit
énoncé au procès-verbal que le serment prescrit par l'art. 312
a été prêté par les jurés ^«
Les termes de la formule du serment sont nécessairement
sacramentels, puisqu'ils énoncent les devoirs dont la loi a
* Cass. 44 sept 1820, rapp. M. AumonL J. P., XVI, 457 ; et Conf. 15,
juin 1820, rapp. M. de Marcheval, XV, 10^7; 1 juillet 182â, rupp. M.
Chasle, XVIII, 8Â8; 12 réirier 1825, rapp. M. de Beinard, XIX, 179.
* Cass. 16 rér. el 1 mars 1816, cités suprà, p. 426.
» Cass. 8 nov. i832, rapp. M. Meyronuet Si-Marc. J, P., XXIY, 4537.
* Cass. 5 janv. 1832, rapp. M. de Crouscillies. J. P., XXIV, 511,
428 DES COURS d'assises.
t
voulu consacrer l'observation, puisqu'ils expriment Tobjel
môme du serment. S'il résultait du procès-verbal que le pré-
sident eût prononcé un discours différent, il y aurait donc
nullité, car il s'en suivrait que le serment des jurés ne se ré-
férerait plus à son objet légal, qu'il se relierait aux observa-
tions contenues dans le discours du président, c'est-à-dire que
le serment spécialement prescrit par la loi n'aurait pas été
prêté. Quant aux formes accessoires, qui consistent, de la part
des jurés, à se tenir debout et découverts et à lever la main
droite, et» de la part du président, à interpeller individuelle*
ment chacun des jurés , il n'est pas nécessaire* à peine de
nullité, que leur accomplissement soit constaté.
Si un juré refusait de prêter serment, il serait incapable de
siéger; mais la Cour aurait à examiner si les causes de ce re-
fus pourraient donner lieu à l'application de l'art. 396. S'il
était fondé sur la religion professée par le juré, il devrait être
admis i prêter serment selon le rit de cette religion, quoi-
qu'il ne résulte d'ailleurs aucune nullité de ce que des jurés
appartenant à un culte non chrétien, et par exemple au coite
Israélite, aient prêté serment suivant la forme ordinaire \
Le serment doit être prêté publiquement, lors même que
la Cour d'assises aurait ordonné que les débals auraient lieu
i huis-clos *•
Il doit être prêté à l'ouverture de l'audicuce et avant que
le débat n'ait commencé. C'est ce qui résulte du texte des
art. 310, 312 et 313. Antérieurement à sa prestation, le
président ne peut qu'adresser à l'accusé les interpellations qoi
ont pour objet de constater son identité ^. Dans une affaire où
le serment, omis au débat de l'audience, n'avait été prélé
qu'après le réquisitoire du ministère public^ la procédure a
dû être annulée : « attendu que le serment que les jurés
doivent prêter avant d'entrer en fonction est une formalité
substantielle que rien ne peut suppléer ; qu'ils n'ont dans la
cause le caractère de jurés qu'après avoir rempli cette forma-
lité ; qu'ainsi l'on doit regarder conune omises toutes celles
de l'instruction qui ont précédé la prestation du serment et
qui ne pouvaient avoir lieu qu'après cette prestation \ i
Lesjurés suppléants doivent prêter serment en même teD)|is
A Gasi. iO jmllet 1828, rapp. M. Ifangin. J. P., XXII, 54.
s Cass, 12 décembre 1823, rapp. M. Chaste J. P., XYIIl, 262.
' Casa. 19 sept. 18i^&, rapp. M. Rotber. Bull. n. 829.
* Cass, 10 (lec, 1831 , rapp. M. OlUvier. J. P., XXIV, 424.
DE LA COMPOSITION DU KTRY. C03. 4^
que les dou2C jures. Ils siègent à côté d'eux, ils peuvent les
suppléer à chaque moment, ils suivent les débats Je l'affaire,
ils font partie du jury jusqu'au moment où la délibération
commence, il est donc nécessaire qu'ils soient liés comme
ceux-ci par le serment. La Cour de cassation avait toutefois
rejeté quelques pourvois qui se fondaient sur le défaut de ^
constatation du serment des- suppléants, en s'appuyant sur ce
qu'ils n'avaient pris aucune part i la délibération '• Mais, la
question étant revenue dans une espèce où \e procès-verbal
ne constatait que le serment des douze jurés, bien qu*un
treizième eût siégé comme suppléant, une solution contraire
a été adoptée : <i attendu qu'il n'importe nullement que ce
treizième juré suppléant n'ait pas pris part à la délibération ni
à la déclaration du jury, parce qu'il est de principe constant
que les jurés suppléants font partie du jury jusqu'au moment
où les jurés de jugement se retirent dans leur chambre pour
Y délibérer sur les questions posées ; que, par conséquent,
jusqu'à ce moment, ils prennent part aux débats comme les
douze jurés titulaires ; que dès lors ils doivent, ainsi que
ceux-ci, prêter, à peine de nullité, le serment prescrit par
Tari. 312 '. d La formalité est, au surplus, sudisamment con-
statée à leur égard lorsque le procès-verbal constate que cha-
que juré, sur rinterpellation du président, a prêté serment ':
une mention spéciale n'est pas nécessaire \
II. Nous avons dit que le serment des jurés leur crée des
droits et leur imposo des devoirs. Parlons d'abord des pre-
miers.
Les droits des jurés sont de deux sortes : les uns con<;is--
lent dans l'exercice môme de leur juridiction , dans les at-
tributions qui leur sont conférées, dans le pouvoir de statuer
sur la culpabilité des accusés et sur l'existence des faits qui
sont le sujet des accusations. Nous y reviendrons plus loin.
Les autres consistent dans le mode d'exercice de ces attri-
butions , dans les privilèges auxquels ils peuvent prétendre
pendant le cours des débats, dans les facultés qui sont inbé-
rentes à leur qualité de juges et de membres do la Cour d'as-
sises.
'Cass. 20 mai 1824, rapp. M. Anmont. Dali. ?• Insl. crim., n, 1057.
' Cass. 20 sept. 1849, rapp. M. Dehaussy. Butl. n. 251.
" Cass. 29 mars 1832, rapp. M; Rives. J. P. , XXIV, 905.
' Cass. 8 jauv. 1824» rapp. M. Busschop. J, P., XYIU, 328.
430 BES COURS d'assises.
C'est de CCS derniers seulement dont nous voulons parler
ici.
Une première question , qui a bien peu d^importance et
qui a été cependant souvent agitée, est de savoir si les jurés
peuvent se couvrir pendant la durée de l'audience. On lear
a dénié ce droit en alléguant que si les membres de la Cour,
du ministère public et du barreau sont autorisés à se cou-
vrir, cette faculté est une conséquence du costume dont ils
sont revêtus; mais que les jurés, n'ayant pas de costume,
ne peuvent prétendre au même privilège ; qu'ils doivent
être assimilés sous ce rapport aux témoins et aux experts;
que, s'il en était autrement, leur attitude offrirait un aspect
bizarre qui nuirait à la majesté de Taudience. On a répondu
à ces objections que les jurés sont , aussi bien que les ju([es,
membres de la Cour ; qu'ils sont placés vis-à-vis de ceax-ci
sur le pied d'une parfaite égalité, puisque si les attributions
sont distinctes, elles ne sont pas moins souveraines'; quiis
sont juges en un mot, et que dés lors on ne voit pas par quel
motif ils resteraient découverts quand les autres sont cou-
verts ; que la question du costume ne saurait modifier le droit
et qu'il ne saurait y avoir d^inconvenance è ce que tous les
membres d'une même juridiction usent du même privilège;
que la majesté de l'audience ne consiste point dans ces dé-
tails, et qu'enfin Part. 312, en disposant que les jurés, lors-
qu'ils prêtent serment, seront debout et découverts^ semble
indiquer qu'après le serment prêté, ils doivent être assis et
couverts. Nous inclinons vers ce dernier avis '.
Les jurés ont le droit de prendre des notes pendant le dé-
bat. L'art. 328 dispose, en effet, que, de même que les juges
et le ministère public , « ils pourront pendant rexamen
prendre note de tout ce qui leur paraîtra important, soit dans
les dépositions des témoins, soit dans la défense de Taccusé,
pourvu que la discussion n'en soit pas interrompue. ^ Us
doivent donc être munis de toutes les choses nécessaires à cet
effet. Le même droit appartient aux jurés anglais : « Lors-
que le jury a prêté serment , dit Philipps, il va se placer sur
son siège où le shériff a eu soin de le pourvoir de plumes, d'en-
cre et de papier, pour donner aux jurés la facilité de prendre
des notes. Ces notes doivent être relatives aux chefs d'accu-
* Conf. Legravcrend, I. II, p, 185;Bouguignon, sur Fart, 3i2; M.Cu-
DE LA COMPOSITION DU JUBT. § €0S. 431
satioD, aux traits principaux des témoignages , aux disposi-
tions de la loi telles qu'elles sont exposées par les juges^ et
aux observations que chacun des jurés croit devoir faire dans
les débals sur le verdict *. »
Les jurés ont le droit d'intervenir dans le débat lui-même
et de demander, soit aux témoins, soit aux accusés , tous les
éclaircissements qui leur semblent utiles. L'art. 319 porte,
en effet, « le président pourra demander au témoin et à l'ac-
cusé tous les éclaircissements qu'il croira nécessaire à'Ia ma-
nifestation de la vérité. Les juges, le procureur général et
tes jurés auront la même faculté , en demandant la parole
au président. » Si la question posée par l'un des jurés semblait
suggérée , non par la discussion , mais par un renseignement
étranger, le défenseur pourrait en demander acte, pour éta-
blir une communication extérieure *.
Le droit d'adresser des interpellations appartient non-
seulement aux douze jurés, mais aux jurés suppléants ^ En
effet, ces jurés pouvant à chaque moment être appelés à
prendre part à la délibération , doivent suivre les débats et
signaler les points obscurs qu'ils y découvrent.
De ce que les jurés ont le droit de demander « tous les
éclaircissements qu'ils croient nécessaires à la manifestation
de la vérité, » il s'ensuit naturellement qu'ils peuvent indi-
quer au président, pour être entendus en vertu de son pou-
voir discrétionnaire, les personnes dont ils espèrent obtenir
des renseignements propres à éclairer leur religion 4. Qu'est-
ce , en effet, qu'un témoin nouveau, la production d'une
preuve quelconque^ si ce n'est un éclaircissement pour ar-
river à la vérité ( La loi , qui n'a que la vérité pour but , a
Toulu déférer à tous les juges et à tous les jurés la faculté de
provoquer tels ou tels moyens qui pourraient mettre sur sa
voie. L'art. 319 ne doit donc point être entendu reslriclive-
ment; il ne fait que consacrer d'ailleurs le droit qu'ont tous
les juges de s'éclairer avant de prononcer ; et ce droit ne
peut avoir de limites que celles qu'il trouverait dans la loi
elle-même. La jurisprudence offre plusieurs exemples de
celte interprétation &.
« Chap. IV, p. 373.
'&86^ 22 mars 1839} rapp. M. Meyronnet St-Marc DaU. y^ Inst. criin»,
lU IWO.
• Gass. 23 déc 1826, rapp. &L OUivien J. P., XX, 1061.
*Ca«s. 22 sept 1820, rapp. M. AamonU DaU. v° losL crim., n, ItOO.
* Cass. 10 déc, 1857» rapp. M, Aug, Morcau. Bull, n, 393.
*32 DCA COURS d'assises.
m. A côté des droits que les jurés peuvent reTendiquer
sont les devoirs que leur serment tait peser sur eui. la plu-
part de ces devoirs s^accomplisscnt dans le for intérieur, et
leur accomplissement ne relôve que de la conscience de
l'homme : telles sont les règles qui leur prescrivent d'exami-
ner avec l'attention la plus scrupuleuse les charges qui sont
portées contre Taccusé, de ne trahir ni ses intérêts ni ceux
de la société, de n^écouter ni la haine ou la méchanceté, ni
la crainte ou rafifectlon ; de se décider enfin, avec impartia-
lité, d'après les charges et les moyens de défense, suivant leur
entière conviction. Il est évident que, pour robservation de
ces règles, la loi n'a d'autre garantie que la probité des ci-
toyens qu'elle appelle à la fonction de juré, les sentiments
d*ordrc et d'humanité qu'elle suppose dans leurs cosars, les
principes qu'elle évoque en faisant appel à leur conscience.
Il est cependant une de ces règles dont l'observation peut
jusqu'à un certain point être contrôlée : c'est l'attention que
chaque juré est tenu d'apporter aux débats. Il est impossible
assurément de sonder si cette attention est réelle ou n'est
qu'apparente, si le juré la concentre sur les faits de la cause
ou s'il la porte sur des faits étrangers. Mais si par son attitude,
par ses distractions visibles, par les occupations auxquelles il
se livre, le juré trahit à tous les yeux son inattention, il y a
lieu de prendre des mesures pour protéger les intérêts qu'il
oublie. La première de ces mesures consiste dans l'observation
d'ordrcque le président est autorisé par rart.267 à lui adres-
ser MMaissi cette observation ne sufiitpas, et s'il résulte de la
tenue et des réponses du juré qu'il ne se trouve pas dans les
conditions d'indépendance et d'impartialité nécessaires à la
saine distribution de la justice qu'exigent les art. 312 et 3(3,
la Cour d'assises doit, comme cela a été pratiqué dans quel-
ques cas analogues ', prononcer le renvoi à une autre ses-
sion.
IV. Néanmoins, parmi les prescriptions portées par l'ar-
ticle 312, il en est une dont l'inobservation peut se manifes-
ter par des faits extérieurs, et quand elle est constatée, peut
même dans certains cas, vicier la procédure.
Cet article impose aux jurés la loi f do ne communiquer
• Cass. 80 juin 1888, rapp. M. Frélean. Bull, n, «87.
* Cour d'ass. de la Seine, 28 déc. 1880, M. Aiig. Moreftn, pr6«. DaW. r»
Insl. crim.,n. 2048.
OE LA COUPOSITIO^f DU JORf. § 60ll(« 433
avec persj^une jusqu'après leur déclaration.» Et Tart. 323,
formulant celte prohibition en règle générale» déclare que
« l'examen et les débats une Fois entamés, devront être conti-
nués sans interruption et sans aucune espèce de communica-
tion au dehors, jusqu^après la déclaration du jury inclusive-
ment. »
Cette défense de communiquer s'applique aux communi-
cations écrites et aux communications verbales; aux commu-
nications particulières, relatives à l'affaire, avec les personnes
étrangères à la cause, et h celles qui auraient lieu avec les
personnes qui sont parties ou témoins dans cette cause. Elle
s'applique aussi bien au fait de faire connaître son opinion
qu'à celui de recevoir connaissance de celle d'autrui.
Mais pour mesurer les conséquences de son infraction , il
faut distinguer Tépoque où elle est commise.
A toutes les époques, depuis qu'ils sont désignés pour faire
partie de la liste de la session, les jurés ont le devoir de
s'abstenir de toute communication sur les affaires qui y sont
portées. Ils doivent craindre do recevoir des impressions ou
de subir des influences qui nuiraient à leur impartialité.
Mais ce devoir moral ne trouve une sanction dans la loi que
lorsque son infraction est postérieure au serment qui Ta for-
mulé. Jusques là la loi n'a pu que s^en rapporter à l'honnêteté
du juré; elle ne peut veiller sur lui lorsque sou service n'a
pas encore commencé.
L'infraction antérieure trouve d'ailleurs un remède dans
le droit de récusation : si la communication a été publique,
les parties peuvent s'en prévaloir pour écarter le juré ; si elle
a été secrète, le juré est consciencieusement tenu de la révé-
ler au moment de la formation du jury, afin que les parties
puissent, si elles le jugent à propos, user de leur droit à son
égard.
Mais lorsque !a communication est postérieure à l'ouver-
ture du débat, elle prend un autre caractère : elle n'est plus
seulement une infraction au devoir de ne point communiquer
qui lie les jurés, elle devient encore une infraction à la règle
générale posée par l'art. 323, et qui constitue l'une de ses
formes essentielles de notre procédure.
Or, considérée à ce point de vue, ce n'est point ici le lieu
d'examiner cette infraction et d'en rechercher les conséquen-
ces; nous les retrouverons au chapitre des incidents de Tau**
diencc.
vin. 28
4U DK3 C0VR8 d'assises.
CHAPITRE V.
ATTRIBUTIONS DU PRÉSIDENT, DES JUGES ASSESSEURS,
ET DES JURÉS PENDANT LES DÉBAT&
§. 686. 1. ExDOsé des attribuiioDs des membres de la Cour d* assises.
— II. AltribulIoQS du président.
. 607. 1. Pouvoir du président relativement à la police de.raadieDce.
— II. Mesures qu'il peut prendre.
§. 608. 1. Pouvoir du président relativement à la direction des débats.
— U. Dans quels cas et dans quelles limites il rapplique.
§. 609. 1. Pouvoir discrétionnaire du président relativement à rinstruc-
tioD. — II. Caractère de ce pouvoir. — 111. Dans quels cas il ja
lieu de l'appliquer. — IV. Examen des arrêts rendus à ce sujet.
— V. Règles applicables au mode de son exercice.
§. 6t0. 1. Attributions delà Cour d'assisespendantlesdébau. — II. Elle
est seule compétente pour statuer sur les actes qui lui sont délégués
par la loi. — III. Elle peut statuer dans tous les cas qui n'ont pas
été exclusivement réservés au président. — IV. Elle est compétente
dans tous les incidents contentieux. — V. Elle prononce sur roppo-
sition aux ordonnances du président.
§. 611. I. Attribntionir générales des jurés. Renvoi. —II. Attributions
pendant les débats.
S 606.
I. Exposé des attributions des membres de la Cour d'assises.— -IL Ai-
iributions du président.
I. Nous avons exposé la constitution de la Cour d'assises ;
nous avons examiné chacun des éléments complexes quila
composent : le président, les deux juges assesseurs, les doutt
ATTBIBCTIONS DU FBÉSIDIHT, POUCE DS L*ADDUNCE. § 605. 435
jurés et le greffier , nous avons établi les conditions et le
mode de sa formation.
Il faut rechercher maintenant les attribations diverses it
tous ces membres d'une même juridiction, lorsquUls sont ap-
pelés à des titres si différents, à l^accomplissement de l'œu-
vre commune.
Il faut définir les pouvoirs respectifs du président seul, du
président réuni à ses assesseurs, et enfin des jurés.
Ce n'est qu'après avoir nettement déterminé les fonctions
spéciales de chacune de ces personnes, qui sont les membres
du corps des assises, qu'il sera possible d'exposer avec clarté
les actes de la procédure qui va se développer à l'audience, car
il est nécessaire de connaître avant tout de quelle personne,
de quel pouvoir, chacun de ces actes doit émaner.
C'est là l'objet de ce chapitre.
Nous devons donc déterminer l"" les pouvoirs du président
seul ; 2^ les pouvoirs du président réuni aux juges assesseurs;
2** les pouvoirs des jurés.
IL Le président des assises exerce plusieurs attributions
qu'il importe de distinguer avec soin et de définir exactement.
Nous ne parlons point encore ici des attributions que la loi
lui a conférées comme membre de la Cour d'assises et de la
part qu'il prend aux actes et aux arrêts de cette Cour. Nous
ne parlons que des attributions qui lui ont été personnelle-
ment déférées, qu'il exerce isolément de ses collègues, et qui
l'investissent d'une sorte de juridiction spéciale et quelquefois
extraordinaire.
Ces attributions sont au nombre de quatre ; elles lui con-
fèrent des pouvoirs très distincts dans leur caractère et dans
leurs effets :
1*" Un pouvoir d'instruction supplémentaire^ antérieur aux
débats, et qui fait l'objet des art. 303 et 304.
2o Un pouvoir de police de l'audience, pouvoir commun
aux chefs de toutes les juridictions, et que le S"" § de l'art.
267 lui a expressément attribué.
3"" Ud pouvoir de direction des débats que le f § de Tart.
267 a soigneusement défini et qui se traduit dans une foule
d'actes que la loi ou la jurisprudence ont fait rentrer dans ses
termes.
k'^ Enfin, un pouvoir discrétionnaire de (aire ou d'ordonner
43C DES COURS D*AS«|gi:Q.
tous losaclcf; qui, dans Tinstruction de chaque affaire, lui
semblent utiles à la découverte de la vérité : l'art. 268 a dé-
termiDé le caractère de ce pouvoir et l'art. 369 en a réglé l'ap-
plicatîoD.
Nous renvoyons Texamen du premier de ces pouvoirs, ce-
lui qui concerne l'instruction supplémentaire, au chapitre 6,
qui traite de la procédure antérieure aux débats.
Nous allons successivement examiner les trois autres.
S G07.
I. PôuToirs du président relativement à la police de Taudience.
11. Mesures qu il peut prendre.
I. Le 2« S de l'art. 267 porte que le président « aura la
police de Taudicnce. » Telle était aussi la disposition de l'art.
2, tit. 3, delà loi du 16-29 sept. 1791 et de Tart 275 da C.
du 3 brumaire an 4. C'est là une attribution qui appartient
nécessairement, ainsi que nous Tavons dit déjà S aux prési-
dents de toutes les juridictions.
L'exercice do celte attribution ne peut en général, donner
lieu qu'à peu de difficultés. Cependant quelques questions se
sont élevées à ce sujet.
Les mesures que prend le président, en vertu de ce droit
de police, ont exclusivement pour objet de maintenir l'ordre,
la sécurité et le calme dans les opérations de la justice.
Quelques-unes de ces mesures peuvent être extérieures,
lorsqu'elles sont destinées à protéger la sûreté et l'indépen-
dance de la Cour d'assises. On peut supposer qu'une affaire,
par sa gravité ou par son caractère, vienne à exciter l'opinion
publique et que des démonstrations blâmables d'hostilité ou
de sympathie pour les accusés se manifestent aux alentours
de la salle : le président doit dans une telle hypothèse requérir
le concours de l'autorité militaire pour assurer la complète
indépendance de la Cour.
D'autres peuvent avoir pour objet l'arrangement matériel
de la salle des assises, soit quo, dans une affaire qui comprend
» Vu7. notre U V, p. 194i
AniiBUTiONS DU nésiDEilt, POLICE BB l'audibnce. § 607. 1 437
plasiears accusés, il y ait liea de prendre des dispositions à
leur égard, soit que l'arfluence du public nécessite des pré-
cautions relativement à la salubrité.
D'autres s'appliquent aux places que doivent occuper dans
la salle les personnes qui sont appelées à assister aux débats
et le public. Un arrêt a décidé que le président avait agi dans
les limites de son droit en refusant de laisser la famille de
Taccusé se placer au banc de la défense ^ Un autre arrêt a
également reconnu à ce magistrat le droit de désigner la
place que le défenseur doit occuper pendant l'audition des
témoins'. Un troisième arrêta déclaré qu'il pouvait distri-
buer des billets pour les places de la salle et c au'il ne résul-
tait de là qu'une mesure d'ordre et de police d'audience qui
ne contrarie point la publicité des débats ^ »
On doit s'arrêter un instant sur cette dernière décision.
M. Legraverend l'avait critiquée comme contraire au prin-
cipe de la publicité : « Rien ne s'oppose, sans doute, disait-
il, à ce que le président d'une Cour et le ministère public
prennent des mesures de concert pour prévenir le désordre
et le trouble à l'audience ; mais autre chose est de prendre
des mesures de cette espèce, autre chose est de choisir en
quelque sorte les spectateurs \ n M. Favard de Langlade
ajoutait : « Un auditoire composé en entier ou dans une trop
forte proportion de personnes de choix n'aurait point le ca-
ractère de publicité requis; la loi serait* violée et la nullité
des débats en serait la conséquence/. » Il est certain, en effet,
que la publicité de l'auditoire, c'est l'ouverture des portes au
public, .et le public c'est la foule, c'est tout le monde. Il n'y
a plus de public si à cette foule on substitue des personnes
choisies à Tavance et désignées par les billets qu'elles ont, re-
çus. La publicité est donc restreinte si on ne distribue qu'un
certain nombre de billets; elle cesserait d'exister si toutes les
places leur étaient réservées-
Mais cet usage nous paratt plus vicieux encore à un autre
point de vue. Nous avons déjà dit à ce sujet : « il semble que
la dignité de la justice est blessée par les distributions de bil-
<Cass. 17 avri) 185!» rapp. M. Rives. Bul. n. 147.
* Gass. 5 noY. 1857, rapp. M. Bmson. Bull. o. 367.
' Gass. 6 fév. 181S, rapp. M. Busschop. J. P., t. X» p. 100.
* Légîsl. crim. U H, chap. I*' S 4i p. 25.
* Rép. ¥• audience, S !"»• *•
498 DES COURS D*ÀS81SES.
lets qui transforment la salle d'audience en une salle de
théâtre. Le président en se prêtant à ces actes de complai-
sance, semble promettre des débats pleins d^intérët, des inci-
dents curieux, les émotions et le spectacle d'un drame. Or,
la justice doit-elle se prêter è ce scandale? Convient-il qu'elle
élève un théâtre où Taccusé, principal acteur, concentre sur
lui tout l'intérêt de la lutte et du drame? Si l'audience est
autre chose qu'une solennelle et grave distribution de la jus-
tice, elle doit être un haut enseignement. Ce ne sont point des
émotions qu'il faut lui demander, mais des exemples et des
leçons, ce n'est point un public choisi, c'est la foule qui doit
la remplir. En distribuant des billets, le magistrat compro-
met la majesté de ses fonctions et la niajestéde l'audience; il
abdique son autorité, il pactise avec une coupable curiosité
qui n'est avide que de l'immoralité que le débat peut receler;
il est naturellement entraîné à provoquer le développement
des éléments les plus impurs du procès : il blesse i la fois la
«onscionce publique et Thumanité ^ » On peut ajouter qu en
composant le public devant lequel Taccusé est traduit, on
transforme son procès et on aggrave ^a situation, on le donne
en pftturc àdes curiosités plus avides, on le livre en spectacle
aux gens qui ne veulent que des spectacles, on lui fait subir
les secrètes influences qu'ils exercent autour d'eux. Si la
Cour de cassation n'a pas vu dans cette déplorable coutume
un moyen de nullité, il est permis, du moins, d'y voir un abus
que la magistrature, dans l'intérêt de la dignité de la justice,
devrait faire cesser. C'est dans ce sens qu'une circulaire du
garde des sceaux, du 7 juillet IS&i^ s'est nettement pronon-
cée : < Dans toutes les salles où siègent les Cours d'assises,
porte cette circulaire» une enceinte est spécialement destinée
aux magistrats, aux jurés, aux membres du barreau. Il est
d'usage d'y admettre exceptionnellement les personnes aui-
quelles les fonctions qu'elles exercent et leur position doi-
vent assurer une place à part. Leur présence, en effet, ne peut
jamais nuire à la direction des débats. Mais je suis instruit
que, dans quelques ressorts, l'exception a été trop étendue.
Des personnes étrangères aux habitudes judiciaires, avides d'é-
motions^ et cherchant avant tout h satisfaire leur (^uriosité,
ont été admises près de la Cour. C'est là un vèrilablc abus :
la foule qui, lorsqu'un grand procès l'alliru, se presse dans
i Guzeltc des trib. du 4 j»nr. 1848.
ATTtlBUnOlfS ]>D Pt&IDEMT, POLICB ftS i'AUDlENCK. § 607. 4^9
Fcnceinte résenrée, rend plas difficile la police de l'audience
et peut troubler les témoins. Peut-être est-il à craindre que
les sentiments qu'elle manifeste pour ou contre Taccusé ne
réagissent quelquefois sur le jury et n'influent sur ses opi-^
nions. J'appelle votre attention sur ces abus non moins cou-
. Iraires à Tintérèt qu^à la dignité de la justice. »
Il est enfin des mesures qui ont pour objet de maintenir ou
de rétablir la tranquillité dans Tauditoire. Le pouroir de
police du président lui donne le droit d'ordonner tout ce qui
peut être nécessaire pour assurer Tordre de l'audience, en se
renfermant toutefois dans de certaines limites qu'il importe
depréciser.
Lorsque le trouble est commis par un ou plusieurs indi-
vidus assistant à l'audience, le président peut, aux termes de
Tart. 604 , ordonner leur expulsion de la salle , et s'ils ré-
sistent à cet ordre ou s'ils rentrent, leur arrestation et leur
détention pendant 2k heures au plus dans la maison d'arrêt.
Mais si lé tumulte est accompagné d'injures ou de voies de
fait constituant un délit, ou si le fait de trouble constitue par
lai-mèroe un délit on un crime, il y a lieu» non plus à l'ap-
plication d'une simple mesure de police, mais à l'application
d'une peine , et c'est à la Cour d'assises qu'il appartient de
statuer. Nous reviendrons sur ce point dans le chapitre relatif
aux incidents des débats.
Lorsque le trouble a envahi une partie ou la totalité de
l'auditoire , le président peut ordonner l'expulsion des per-
turbateurs, et par suite l'évacuation partielle et même totale
de la salle. Mais lorsque les circonstances sont assez graves
pour motiver une telle mesure, il faut prendre garde en même
temps que la publicité de Taudience reste complète et assurée.
Si l'évacuation du public n est que partielle , on peut ad-
mettre que la partie qui demeure garantit suffisamment la
publicité ; mais le président ne pourrait, sous le prétexte de
tumulte , faire sortir le public entier de l'auditoire et conti-
nuer les débats dans son absence ; car les débats ne peuvent
avoir lieu à huis clos que dans les cas déterminés par la loi.
La publicité est une condition essentielle de l'Instruction. Il
peut les suspendre et les ajourner à une autre audience ; il
ne peut temr une audience qui ne soit pas publique.
Celte dibtinctidn a été reconnue et consacrée par plusieurs
arrêts qui ont rejeté des pourvois fondés sur ce que les portes
de l'auditoire avaient été momentanément fermées, en cons-
4iO DES coiibS d'assises.
tatant que la publicité de Taudience avait été néanmoins
maintenue* Dans une première espèce , Farrèt déclare, en
rejetant le pourvoi et la demande en inscription de faui
contre le procès-vérbal : « que si le demandeur articule que
les portes extérieures sont restées fermées après TévacuatioD
de la salle 9 ce fait h^est pas contraire au procés-verbal des
débats ; s'il est également articulé que les personnes ex-
pulsées de la salle furent refoulées dans la salle des Pas-
JPerdus de manière à n^y pouvoir rentrer, ce fait n^est pas non
plus méconnu au procès- verbal ; que tout se réduit à savoir,
en fait, si un public différent de celui qui avait donné lieu à
Tévacuation a été admis dans la salle; que si l'entrée fut re-
fusée à des avocats qui n'étaient pas en robe, ou à une per-
sonne se prétendant amie du prévenu , ou si des précautions
furent prises pour que les personnes expulsées ou refoulée
dans la salle des Pas* Perdus ne pussent rentrer, ces mesures
rentraient dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire du pré-
sident et pouvaient être justifiées par le motif qui avait fait
ordonner l'évacuation de la salle et par Timpuissance où Ton
se trouvait ou l'insuffisance de la force armée d'empêcher le
désordre de renaître ^ » Dans une deuxième espèce, dans la-
quelle il était allégué que le président avait fait tenir les
portes fermées pendant son résumé , l'arrêt rejette encore le
pourvoi en déclarant « que le procès-verbal des débats coo^
tate que le public était entré librement dans la salle *, que ,
pendant le résumé , Tordre et le silence ne pouvaient être
maintenus > si l'on ne faisait évacuer une partie de la salle ;
que le tumulte n'ayant pas discontinué aux issues de la salle
d'audience, les portes ont dû rester fermées depuis ce mo-
ment , et que rentrée en a élé défendue par la force armée
contre la populace qui lançait des pierres contre la porte
principale du Palais; en droit, que si Tart. 11 de la loi da
9 septembre 1835 permet à la Cour d'assises de juger et pu-
nir toute personne présente à Taudienco qui cause du tu-
multe pour empêcher le cours de la justice, le nom des per-
turbateurs peut rester inconnu et le tumulte causé par une
intention autre que celle de troubler le cours de la justice ;
que Tart. 367 confère au président la police de l'audience ;
que les faits relevés au procès-verbal justifient suffisamment
la nécessité des mesures que ce magistrat a prises dans l'exer-
' Cass. ià juin 1835» rapp. M, Isambert, J» P., L XXV, p« 569t
inilBCTlOMfi DO IPIUÊSIOENT, POUCE DE L^ACOIENGE. § 607 441
ciee de ce poQToîr ; que révacuation de la partie de la salle
qui avoisinait les issues et la fermeture des portes assaillies
par la populace, ne peut être assimilée à une privation arbi-
traire de la publicité de cette partie des débats ^ » EnGn ,
dans une troisième espèce où il était également allégué que
les portes avaient été fermées pendant plusieurs heures , le
pourvoi a été rejeté « attendu que si , pour maintenir l'or-
dre ^ en éloignant raffluence trop considérable du public qui
envahissait la salle d'audience , le président a ordonné que
les portes en fussent fermées , il est constaté ^ue la place
destinée au public est restée entièrement remplie *• »
Ces exemples nous démontrent le véritable 'caractère du
pouvoir de police du président. Ce pouvoir, qui porte en lui-
même sa définition , s'applique nécessairement à tous les
faits , à tous les incidents qui se rapportent à Tordre et à la
tenue de Vaudience et qui sont étrangers à la direction des
débats, à tous les actes qui ne tombent pas sous la juridiction
de la Cour d'assises et qui ne sont prévus ni par les art. 505
et suivants du du G. d'instr. crim. , ni par les art. 11 et sui-
vants de la loi du 9 septembre 1835, à tous les troubles , en
un mot 5 qui , quoiqu'ils niaient pour but ni d'interrompre
le cours de la justice , ni d'outrager les juges , jettent le dé-
sordre dans l'audience ou enlèvent aux débats leur calme et
leur gravité. 11 n^appartient au reste qu'au président d'ap-
précier l'opportunité des mesures qu'il prend ; il est armé
d'un pouvoir discrétionnaire pour maintenir la police de
l'audience et il n'y a pas lieu d'examiner si les faits étaient
assez graves pour justifier les dispositions qu'il a prises *,
pourvu d'ailleurs que ces dispositions soient légales, qu'elles
n'entravent ni les droits de la défense, ni aucune des garan-
ties prescrites par la loi ; car ce pouvoir n'est discrétionnaire
qu'en ce sens que le président peut prescrire, toutes les fois
qu'il le juge opportun , les mesures de police qui la loi met à
sa disposition ; mais il est clair qu'il ne peut prescrire que
des mesures de police, c'est-à-dire des mesures de prévoyance
et de prudence qui , loin de toucher à aucun des droits éta-
blis par la loi , ne sont destinés qu'à les protéger.
* Case. 80 mai 1889, rapp. M. IsamberU BulL d» i68.
I * Gass. 10 janv. 1850, rapp. M* deGlos. Bull* n. 17t
e ' Casa. 14 juip 1888, cité saprà. p. 440.
412 DES COURS d'assises.
s 608.
]. Pouvoir du président relativement à la direction des débats. ^
11. Mesures qu'il peut prendre dans Texercice de ce pouvoir
I. La direction des débats est la plus importante des nUribu-
tioDS du président et celle qui exige les plus hautes qunlités.
Elle exige, non-seulement la sagacité qui pénétre au fond es
choses , le sens judiciaire qui les apprécie , la connaissance
profonde du cœur humain , enfin Tinteliigence ferme et droiie
qui dispose les faits pour les faire saisir plus facilement et qui
les saisit elle-même dans tous leurs détails à mesure qu'ils
se déroulent ; elle demande encore l'impartialité la plus sé-
vère, une austère probité dans le développement des preuves»
et dans ce ministère placé au-dessus de toutes les passions «
une seule passion peut-être, celle de la justice. Cette direc-
tion n'a qu'un but , la découverte de la vérité, soit qu'elle
soit favorable à Taccusation ou à la défense ; elle met en mou-
vement tous les ressorts de la procédure pour éclairer les fails
de la cause sur toutes leurs faces; elle met en relief tous les
incidents , toutes les circonstances du débat ; elle projette
la lumière sur les coins les^plus obscurs. C'est là la mission
Eropre du président» sa fonction personnelle; il lient ledé-
atpour ainsi dire dans ses mains , il en prépare la trame,
la développe et lui fait parcourir le champ qu'il lui a assigné;
il soumet tous les actes à un examen méthodique et fait luire
ainsi sous les yeux des jurés tous les éléments qui doivent
former leur conviction.
Tel est le pouvoir que les art. 267 et 270 ont formulé dans
les termes suivants : c Art. 267. Il sera de plus chargé per-
sonnellement de diriger les jurés dans Pexercice de leurs
fonctions, de leur exposer l'affaire sur laquelle ils auront à
délibérer^ même de leur rappeler leur devoir, de présidera
toute l'instruction et de déterminer l'ordre entre ceux qui
demanderont à parler. Art. 270. Le président devra rejeter
tout ce qui tendrait à prolonger les débats sans donner lieu
d*espérer plus de certitude dans les résultats. »
Il importe de remarquer que la loi n'a nullement voulu
instituer une sorte de pouvoir influent qui dominerait les
ATTRIBUTIONS OU PRÉ^IDENT^ DIRECTION DES DÉBATS $ 608. 4i3
jurés et leur dictrrait leurs décisions ; c'est un guide et non
point un tuteur qu'eMe a placé à côté d'eux : il leur indique
la Yoie qu'ils doivent parcourir , mais dans cette voie leur
marche reste libre. Reprenons, en effet, les telles qui vien-
nent d'être cités. On y trouve un triple pouvoir : pouvoir
d'exposer l'affaire aux jurés , de leur rappeler leurs devoirs
et de les diriger dans l'exercice de leurs fonctions; pouvoir
de présider à Tinstruction et de régler Tordre des interpella-
lions; pouvoir d'écarter des débats ce qui pourrait inutile-
ment les prolonger. La première de ces attributions n'a qu'un
objet , c'est d'éclairer les jurés sur leurs droits et sur leurs de-
vo rs, c'est de les mettre à même, en leur rappelant leurs obli-
gations légales, d'accomplir leurs fonctions, c'est enfin de leur
faciliter les moyens, en leurexposantlesfaits qu'ils sont appe-
lés à juger, de statuer surlacause. La deuxième réduit expli-
citement le droit du président : à celui a de présider à. toute
l'instruction. » Or, présider à une instruction, c'tst en régler
l'ordre, c'est en disposer les éléments , pour que les mem-
bres de la juridiction puissent l'apprécier; ce n'est pas en
apprécier soi-même les résultats et imposer cette apprécia-
tion comme une direction que la juridiction doit suivre. En-
fin, la troisième ne fait qu'attribuer au président le droit qui
appartient à tous les chefs de juridiction d'écarter du débat
tous les développements qui sont surabondants et ne servent
pas à la cause. Ainsi défini et limité, to pouvoir de direction
des débats est essentiel à la constitution de la juridiction : il
ordonne la discussion, il dispose les preuves , il éclaire toute
la cause ; il laisse intacts les droits des parties et les pouvoirs
des juges et des jurés.
IL Notre Gode ne s'est pas borné à poser ce pouvoir comme
un principe qui domine tous les débats et doit servir à en ré-
gler incessamment les incidents. Il en a dégagé lui-même
quelques corollaires et les a formulés dans ses textes.
C'est ainsi que le président trouve le droit, dans l'art. 306,
d'accorder à l'accusé une prorogation da délai ; dans l'ar-
ticle 307, de joindre dans un même débat plusieurs accusa-
tions connexes; dans l'art. 314, de rappeler à l'accusé ce
qui est contenu dans Tacte d'accusation; dans l'art. 316, de
prendre des mesures pour empêcher les témoins de conférer
entre eux ; dans l'art. 317, de recevoir les dépositions des
témoins; dans l'art. 318, de prendre note de leurs varia-
il4 DES COURS dVS81SES.
lions; dans Tart. 319, de demander aux accasés et aai té-
moins les éclaircissemefiis qu'il croit utiles ; dans Fart. 320,
de maintenir <fans l'auditoire ou d'en écarter les témoins qui
ont déposé ; dans Fart. 326, d'ordonner que les témoins se-
ront entendus de nouveau séparément ou en présence les uns
des autres; dansTart. 327, d'ordonner également que les ac-
cusés soient examinés séparément; dans l'art. 330, de faire
mettre en état d'arrestation les témoins suspects de faux té-
moignage; dans Tart. 332, de nommer des interprètes dans
les cas où la loi l'exige ; dans Tart. 334, de déterminer Tor-
dre dans lequel les accusés sont soumis au débat ; dans Tari
335 , de déclarer que les débats sont terminés; enGo dans
Tart. 836, d'ei\ présenter le résumé.
Il est clair que toutes ces dispositions ne sont que des ap-
f^lications et des conséquences airectes du principe établi par
•art 267. Le droit de diriger les débats emporte nécessaire-
ment celui de prendre toutes les mesures qui ont pour objet
d'en faciliter et d'en régler la marche, et de faire face aux dif-
férents incidents qui surviennent. Nous ne faisons toutefois
qu'en indiquer le caractère et nous en renvoyons rexamen
aux chapitres IX et X.
Mais, indépendamment de ces corollaires que le Gode en
a déduits , le principe édifié par l'art 267 a reçu plus d'une
fois une application directe , et G*est ici le lieu de noter les
questions qui se sont élevées à ce sujet.
En ce qui concerne la direction que le président est ap-
pelé à donner aux jurés , il a été jugé : l*" que, bien que le
président doive s'abstenir de faire connaître aux jurés les
conséquences pénales de leur déclaration, il peut néanmoins,
si le défenseur les a induits en erreur, en les entretenant de
la gravité de la peine , rectifier ce qu'il y a d'erroné dans ces
assertions : cet avertissement n'est point alors un excès de
pouvoir» puisqu'il ne leur est donné alors que par suite de
l'obligation imposée au président de rappeler aux jurés la na-
ture des fonctions qu'ils ont à remplir et pour qu'ils conn
prennent toute la portée des questions qu'ils ont à résoudre >'
2» Que le président peut signaler dans son résumé une er-
reur de droit qu'il impute à la défense, sauf au défenseur
à réclamer contre la «lôture du débat et à demander la
parole le dernier : ce magistrat peut et doit prémunir les jurés
'Gass. iO sept* iSSO. rapp. M, Dehaussy. BuU. n. 354*
ATTRIBUTIONS BD PRéSfDENT, DIRECTION DES DEBATS. § 608. 44t>
contre les erreurs dans lesquelles ils pourraient élre entraînés
par la défense, mais il ne peut préjudicier aux droits de cette
défense elle-même *. 3^ Enfin, que le président a pu, sous
Teropire de la loi du 9 septembre 1835, faire connaître au
jury que si sa déclaration était rendue à la simple majorité,
la cour pourrait user de la faculté que lui donne Tart. 352 :
« attendu que l'interdiction faite aux jurés par Fart. 342
d'envisager les suites de la déclaration qu'ils ont à rendre ,
ne s'applique qu'aux conséquences relatives à l'application
de la loi pénale '• » Cette dernière solution pourrait donner
lieu aujourd'hui à quelques difficultés, car, d'une part, .la loi
du 9 juin 1853, qui a rectifié les art. 341 et 352, n'exigée
plus la mention spéciale de la simple majorité sur le fait prin-
cipal , et d'une autre part , Tapplication de l'art. 352 n'est
plus subordonnée à la constatation de cette simple majorité.
Il n'y a donc plus de prétexte pour cet avertissement qui ne
serait plus dès lors qu une manifestation illégale de Topinion
de la Cour.
En ce qui concerne la direction du débat , il a été jugé :
i"" que le président peut fixer même d'office le jour du juge-
ment de chaque affaire^; 2** quMl peut, en réglant l'ordre
de la discussion, soumettre au débat un moyen de forme
avant d'aborder le fond"^ ; 3^ qu'il peut ordonner que l'un
des accusés soit éloigné des autres » à raison de Tinflucnce
qu'il est présumé exercer sur eux & ; 4*" qu'il peut ordonner
que chacun des accusés soit soumis à un débat spécial , pourvu
qu'ils puissent faire toutes les observations qu'ils jugent utiles
peudant le débat relatif à leurs coaccusés ^ ; 5' qu'il peut re-
fuser d'interpeller les témoins sur la moralité de l'un d'eux,
« attendu qu'il lui appartient, non en vertu de son pouvoir
(liscrctionnairc, mais comme chargé par la loi de la direction
des débals, d'apprécier si les interpellations requises par les
accusés étaient de nature à favoriser ou entraver la manifes-
tation de la vérité ' ; » 6° qu'il peut ne pas poser les ques-
tious que l'accusé adresse aux témoins lorsqu'il les juge in-
• Cass. 43 arrîl 4837, rapp. M. îsarobert. Bull. n. 109.
^C>ss.22 mars i8Â5, rapp. M. Mériihou. Bull. n. 107.
^ Cass. 26 avril 1846, rapp. M. Isarobert. Buil. n. 155.
• Cass. 26 juiu 1851, rapp. M. de Boissieui. Bull. n. 2A9*
• Cass. 6 fév. 1840, rapp. M. Vincens-St-Laurenl. Bull, n, 46,
' Gsss, 2 ioill. 1846, rapp. M. Fréteau. BuH. n. 160.
' Cass. 16 oct 1850, rapp. M» Rocher. Bull, n, 86U
446 DES COURS D*ASSISES.
utiles* ; 7^ qu'il peut refuser la réaudition des témoins déjà
entendus* ; 8<> qu'il peut annuler le serment d'ua;témoiD et
la déclaration émise sous la sanction de ce serment^ lors-
qu'il s'aperçoit de Tincapacité légale de ce témoin ^^ etc
Enfin, en ce qui concerne le droit d'élaguer tout ce qui
-allonge inutilement les débats, il a encore été jugé : l^que
le président peut interdire à la défense de lire deux décisions
du jury rendues dans des affaires étrangères quoique analo-
gues à la cause ^ ; 2^ qu'il peut apprécier l'utilité et la coa-
venance de questions que Taccusé veut adresser aux témoins,
pour écarter celles qui ne conduiraient pas à la manifestation
de la vérité ^. Ces deux solutions, qui se rattachent au droil
de la défense, seront examinées dans le chapitre YI. Noos
nous bornerons à faire remarquer ici que ce n'est qu'avec une
extrême réserve que le président doit user du droit que lui
donne l'art. 270. Cet article ne Tautoriso à rejeter que « ce
qui tendrait à prolonger les débats sans donner lieu d'espérer
plus de certitude dans les résultats. » Il n'est donc autorisé à
écarter les développements de la défense ou les éclarcisse-
nients qu'elle demande que lorsquMl est convaincu que ces
renseignements ou ces observations sont superflus et ne
pourraient apporter aucune lumière dans le débat. A la vé-
rité, la loi s'en rapporte à sa sagesse et à sa conscience ; n)ai>
nous verrons plus loin que si Texercice de ce droit allait jus-
qu'à porter sérieusement atteinte à la défense, raccusé
pourrait en certains cas s'en faire un grief.
S 609*
I. Pouvoir discrétionnaire du président relativement à Tinstnic-
tion. — 11. Caractère de ce pouvoir. — lll. Dans quels cas il
y a lieu de l'appliquer. — IV. Examen de la jurisprudence.-^ V.
Mode de son exercice.
I. Le président est investi, pour la direction des débats
d'un pouvoir que la loi a qualifié de discrétionnaire et dont
* Cass. 38 noY. iSAi, rapp. M. Bresson. BuU. n. 888.
" Cass. 27 août 1852, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 802.
> Cass. 9 juin. 1852, rapp. M. Rocher. Bull. n. 234; 8 sept. 1851, rapp.
M. Rives. Bull. n. 37^.
*Cass. 28 aoftll829. rapp. M. Meyronnet-St-Marc.U. P., t ^XII
p. 1423.
» Casa. 28 iiov. 1844, ciW suprà.
ATTRIBUTIONS DU PRÉSIDINT, POUTOIR, DISCRériONKAIRE . § 609. 447
nous allons essayer de déterminer le caractère et de mesurer
rétendue.
GepouYoir a été établi dans notre législation en même
temps que le jurj. L'art. 2 du tit. 8 de la loi 16-27 sept
1791 portait a le président du tribunal criminel peut pren-
dre sur lui de tûre ce qu'il croira utile pour découvrir la vé-
rité, et la loi charge son honneur et sa conscience d'employer
tousses cflbrts pour en favoriser la manifestation. » L'ing-
truction du 29 sept 1791 développait cette disposition en
ces termes : « On ne peut trop recommander aux électeurs
qui auront à choisir un président du tribunal criminel de se
bien pénétrer de toute l'importance de cette place. Quelle
probité, quelle sagacité^» quelle expérience du cœur humain
ne sont pas requises de celui que la loi investit d'une si
grande confiance I II devra lui-même se pénétrer profondé-
ment des sentiments et des devoirs et de la nature de l'institu-
tion sublime dont il est le principal moteur. La vérité des
faits peut être poursuivie avec bonne foi, avec franchise,
avec loyauté, avec un vrai et sihcère désir de parvenir à la
connaître, Tous les moyens d'éclaicissement proposés parles
parties ou demandés par les jurés eux-mêmes, s'ils peuvent
effeclivement jeter un jour utile sur le fait eii question, doi-
vent être mis en usage ; et comme toutes les demandes des
parties ou des jurés doivent s'adresser au président, il est
sensible que le cœur le plus pur et l'esptit le plus droit sont
les bases de la confiance de la loi, quand elle se repose sur le
président du soin de rendre, d'après les circonstances^ une
oiultitudc de décisions, pour lesquelles on ne peut lui tracer
d'avance aucune règle. Ce pouvoir discrétionnaire est tem-
péré et dirigé par la présence. du public dont les regards doi-
vent toujours être particulièrement appelés sur l'exercice de
toutes les fonctions qui par leur nature touchent à l'arbi-
traire; ils portent avec eux le meilleur préservatif contre l'a-
bus qu'on pourrait tentcrd'en faire. »
Le Gode du 3 brumaire an i^ tout en reproduisant le même
principe, fut plus explicite dans ses termes. Ses art. 276 et
277 étaient ainsi conçus: a En vertu du pouvoir discrétion-
naire dont il est investi, il (le président) peut prendre sur lui
tout ce qu'il croit utile pour découvrir la vérité ; et la loi
charge son honneur et sa conscience d'employer tous ses ef-
forts pour en favoriser la manifestation. Ainsi, il doit mettre
en usage tous les moyens d'éclaircissement proposés par los
448 DES COURS 1>*ASSISP.S.
parties ou demandés par les jurés, qui peuvent jeter un joar
utile sur le fait contesté. »
Enfin notre Gode est venu reprendre à son tour les mêmes
dispositions, en modifiant cependant un peu leur tencar.
L'art. 268 porte : «t Le président est investi d'un pouvoir dis-
crétionnaire en vertu duquel il pourra prendre sur lui tout co
qu^il croira utile pour découvrir la vérité et la loi charge son
honneur et sa conscience d'employer tous ses efforts pour en
favoriser la manifestation. » l)aTt. 269 ajoute: « Il pourra,
dans le cours des débats, appeler^ même par mandat d'ame-
ner, et entendre toutes personnes, ou se faire apporter toutes
nouvelles pièces, qui lui paraîtraient, diaprés les nouveaux
développements donnés à Taudience, soit par les accusés, soit
par les témoins, pouvoir répandre un jour utile sur le fait con-
testé. Les témoins ainsi appelés ne prêteront point serment,
et leurs déclarations ne seront Considérées que comme rensei-
gnements, n
Tcjs sont les textes qui ont constitué le pouvoir discrétion-
naire du président.
Ce pouvoir est nécessaire. Les débats d'une atïaire ne sui-
vent pas exactement la voie ouverte par Tinstruclion écrite;
ils ne sont pas fatalement enfermés dans les mêmes errements,
enchaînés aux mêmes preuves. Des in<îidcnts imprévus les tra-
versent sans cesse et les font dévier d'un côté ou d'un autre.
Ce sont des témoins qui font des révélations jusques-là vaine-
ment attendues ou qui contredisent des assertions qui sem-
blaient acquises au procès; ce sont les accusés cux-méracs
qui, dans leurs défenses ou leurs récriminations,' laissent en-
trevoir des circonstances inapperçues, ou détruisent leurs pre-
miers aveux par des dénégations J ce sont des •paroles qui
échappent, des doutes qui surgissent, des contradictions qui
se formulent, des ombres qui prennent un corps. Faut-il sur-
seoir afin qu'une instruction nouvelle contrôle ces nouveaux
témoignages, vérifie ces assertions et passe au crible d'un se-
cond examen tous les éléments qui viennent à Timprovistesc
jeter dans la discussion? Non, car cette instruction supplé-
mentaire peut se faire sur-le-champ, à l'audience même et
sans aucun péril pour les intérêts de la cause, puisqu'elle s'ap-
plique aux mêmes faiU, qp'elle n'est que la continuation de la
première et qu'elle est engendrée par la lutte même de Tac-
cusation et de la défense. Il faut donc que les preuves produi-
tes, si elles se trouvent insuffisantes, puissent être complétées,
que des témoins nouTeaux paissent être appelés, que les pié*
ces dont Tapport parait utile puissent être apportées, que les
TériGcations qui deviennent indispensables puissent être faites.
C*est à ce besoin de l'audience que répond le pouvoir attri-
bué au président des assises : il pourvoit à toutes les exigences
du débat, il satisfait & toutes les demandes des parties, il ré-
sout toutes les difficultés, il éclaire, autant que cela estpossi*-
ble,toutes les incertitudes qui viennent embarrasser ou ooscur-
cir Tinstruction orale. En ouvrant cette voie d'information^
la loi n^a pas cru d'ailleurs porter atteinte aux régies qui ré-
gissent la production des preuves, puisque l'institution du
jury n*admet pas de preuves légales et qu'aucune condition
n*est imposée à la conviction des jurés.
Tel est le principe du pouvoir discrétionnaire. Considéré en
lui-même et au point de vue purement théorique, ce principe
parait à Tabri de toute critique ; il est en harmonie avec Tin-
struction orale et ne fait qu'apporter aux débats les moyens
de les rendre plus complets et plus vrais. Les difficultés ne
s'élèvent que lorsqu'il s'agit d'en régler l'application, do me-
surer le terrain où il doit s'exercer et de tracer le cercle dans
lequel il doit agir. Faut-il déclarer, comme l'ont (ait quelques
arrêts, p que ce pouvoir, n'a d'autre limite et d'autre régie
que la conscience du magistrat auquel la loi en a déféré l'exer-
cice * i»?Faut-il admettre, en conséquence, qu'il est supérieur
à toutes les lois, qu'il n'est circonscrit ou modéré par aucune
des prohibitions qu'elles contiennent et qu'il comporte toutes
les mes»ures, même contraires au droit commun, qu'il plaît au
président d'ordonner? 11 est plus aisé, ainsi que l'a fait la ju-
risprudence de poser une régie générale en termes absolus
que d'eu modifier l'application à travers toutes les hypothèses
qui peuvent se présentei. Il est certain qu^elIe a évité, en se
maintenant dans ces expressions vagues et indéfinies, une
foule de difficultés et de distinctions embarrassantes.Maisa-t-
clle fidèlement traduit l'esprit et même le texte de la loj? C'est
ce qu'il faut examiner.
n. Les art. 268 et 269 ont un double objet: le premier
établit le caractère général du pouvoir discrétionnaire et le
bal qui lui a été assigné ; l'autre indique les cas où il y a lieu
d^en faire application et les mesures qu'il autorise.
« Cmi. 20 afril ISSS» rapp. M. Rccbcr. BulL n. 107 ; 17 nan iSiS,
nppi V. jMXfQlnol, n. 04, 14 jnîD iO^O, rapR< M. Mcyroonel Saial-lfarr,
fiii. î^
4>$# DES COVMSl D^ASSISES.
Le pouvoir discrétionnaire est un pouvoir d^instructionqui
a pour but de compléter les moyens de preuve préparés par
la procédure écrite. L'art. 268 établit clairement ce carartére
fondameotal en disposant que le président pourra faire
« tout ce qu*il croira utile pour découvrir la vérité; » et s'il
fait appel à Tbonneur et i conscience de ce magistrat, c'est
uniquement pour qu^il emploie « tous ses efforts pour en fa*-
voriser la manifestation.» La loi assigne donc un but exclusit
à toutes les mesures qu'il prend, c'est Ja découverte de la vé-
rité, c*est-à-dire le développement de Tinstruction. Toates
ces mesures ne doivent donc se proposer que de fortifier les
preuves acquises ou d'en apporter de nouvelles. Leur carac-
tère uniforme est de compléter la procédure à mesure que ses
lacunes se révèlent et delà conlinuer lorsqu'elle s'arrête.
Le président n'a pas d'autre mission que colle-là: tou-
tes celles de ses ordonnances qui auraient un autre bat
que la manifestation de la vérité seraient des excès de pou-
voir. C'est en appliquant cette règle que la Gourde cassation
a jugé que le président ne peut introduire dans le débat qd
autre débat étranger à* l'accusé et, par exemple, faire enten-
dre des témoins sur un fait imputé au défenseur' ; qu'il ne
peut autoriser un accusé écroué dans la maison de justice à
se faire transférer dans un lieu pour y opérer des recherches
qu'il croit utiles à la défense * ; qu'il ne peut accorder à un
témoin soupçonné de faux témoignage la faculté de conférer
secrètement avec le défenseur de l'accusé avant de terminer
sa déposition *. Tous ces actes n'étant pas des actes d'ii^struc-
tion laits pour découvrir la vérité dans le procès souniisaox
débats» n'appartenaient pas au pouvoir discrétionnaire.
Cette première règle posée, vient, dans l'art. 269» non la
définition, mais Tindication des cas où ce pouvoir doit s'ap-
pliquer : c'est lorsque, a dans le cours des débats et d'après
les nouveaux développements donnés à l'audience, soit par les
accusés, soit par les témoins, » il y a lieu de penser qu'une
production nouvelle peut « répandre un jour utile sur le fait
contesté. » Ainsi deux premières conditions sont écrites dans
la loi pour l'exercice du pouvoir discrétionnaire : il ne peut
s'exercer que dans le cours des débats ; il ne peut s'exercer
^ Cass. 2A JauTler 1806, rappé &f. Lombarde h P.» V, liS,
' Casa. Si mai iSld, rapp. M*. Comnbal. J. P., XI, 394.
' Casa. 29 janvier i^it rapp» M. Gïïbçn de Yoiaina. Bull o» 9I«
ATTRIBimONS DU ?IliS»£KT| »OUTOm BlSCUlfTIOSClfAUll. § 609. 451
qoe lorsqu'il est provoqué par les nouveaux développements
qui sont donnés à l'audience. D'une part, là loi a délimité le
terrain ; d'une autre part , elle a déterminé les conditions de
son accès. Ce n'est pomt pour compléter une instruction in-
complète qu'elle met ce puissant instrument en mouvement,
ce n'est que lorsque les nouveaux développements de Tau-
dience nécessitent son action , c'est-à-dire lorsque des révé-
lations éclatent^ des incidents s'élèvent, des circonstances
inattendues se produisent; elle suppose la procédure complète
sur les faits incriminés, mais elle prévoit que ces faits pour*
ront néanmoins être contestés et que des allégations ou des
productions nouvelles pourront paraître en modiGer le ca«
ractère ; et c'est en vue de ces modiGcations survenues dans
le débat, en vue des dénégations ou des affirmations qui vien-
nent subitement en changer les bases, en vue de tous les faits
nouveaux qui exigent des preuves nouvelles, que la loi a ins-
titué un pouvoir extraordinaire d'instruction. Ce n'est pas
tout : une troisième condition surgit encore du même texte.
Ce n^est que dans le cas où les nouveaux développements
sont donnés, c soit par les accusés, soit par les témoins, • que
ce pouvoir peut être exercé. Pourquoi cette restriction ? pour-
quoi ne le peut-il pas sur les développements nouveaux du
ministère public ou de la partie civile r C'est que la loi, dans
sa prévoyante sollicitude^ a voulu défendre les accusés contre
toutes les surprises , c'est qu'elle a craint ^ue le ministère
public ou la partie civile attendissent au dernier moment pour
produire contre les accusés des preuves nouvelles qu'ils ne se-
raient pas préparés à combattre ; c'est qu'elle n'a pas voulu
que le pouvoir qu'elle instituait pour la découverte de la vé-
rité fût employé pour l'oppression de la défense.
L'art. 269, après avoir indiqué dans quels cas ce pouvoir
doit être appliqué^ mentionne les mesures qu'il autorise à
prendre, a 11 (le président) pourra appeler^ même par man-
dat d'amener et entendre toutes personnes ou se faire ap«
porter toutes nouvelles pièces. » Ainsi , la loi ne fait que
placer dans les mains du président les moyens ordinaires de
toute instruction criminelle : l'appel des témoins, les apports
de pièces. A la vérité, ces pièces et ces témoins ne sont pro-
duits que sous la forme et avec la valeur de simples rensei-
gnements : c'est la conséquence de leur production instan-
tanée qui s'oppose à ce que les parties puissent les examiner.
Mais ia loi n'a point prévu que le président pût introduire
4fi2 i>ES conis p*AssisE$.
dans l'instruction qa il fait à Taudience d autres éléments de
preuve que ceux que le juge d'instruction emploie dans la
procédure écrite ; elle n'a Tait que transporter momentané-
ment et avec quoique extension entre les mains du premier de
ces magistrats une portion du pouvoir qui forme Tattribution
habituelle de l'autre.
Voilà le sens des art. 268 et 269. On ne prétend pas ce-
pendant que toutes ces limites du pouvoir présidentiel «oieot
infleiibles. La loi ne pouvait , non plus ici qu'elle ne Ta fait
pour le juge instructeur, enfermer ce pouvoir dans un cercle
infranchissable, lorsque les multiples circonstances du débat
Kuvent exiger des mesures qu'il est impossible de précisera
vance. Elle ne pouvait qu'indiquer son esprit en établis-
sant le caractère de l'attribution qu'elle instituait, les cas où
cette attribution devait fonctionner, les mesures qui lui ap-
partenaient. C'est ce qu'elle a fait, sinon avec toute la pré^
cision désirable , du moins avec clarté. Il serait difficile d'e
méconnaître que si les termes de l'art. 269 ne sont pas limita-
tifs, ils sont au moins démonstratifs, qu'ils tracent les règles
générales que le président est tenu d'observer dans lexercicc
d'un pouvoir qui n'est discrétionnaire que dans sa spbére
légale, et que si ces règles ne sont point absolues , elles doi-
vent du moins diriger sa conduite et dominer môme ceux de
ses actes qui ne seraient pas formellement prévus par son
texte. Ainsi , on ne fait point de doute que le président puiissc
exercer cette attribution spéciale , non-seulement lorsqu^il y
est provoqué par les nouveaux développements des accusés
et des^'témoins, mais encore lorsque les premiers développe-
ments de l'instruction écrite lui en font sentir la nécessité. On
ne fait point de doute qu'il puisse prendre d'autres mesures
que celles qui sont indiquées par la loi, qu'il puisse, par
exemple , ordonner séance tenante une expertise , un trans-
port sur les lieux , une levée de plan , une fouille, une re-
cherche, une visite domiciliaire. Kais il est nécessaire que
toutes ces ordonnances du président soient prises en vue de
Tinstruction, car c'est là le principe de son pouvoir; il est né-
cessaire qu'elles soient sollicitées par les incidents ou les dé-
veloppements du débat , car ce sont les cas imprévus f les
circonstances accidentelles et extraordinaires qu'elles ont
pour objet de régler; il est nécessaire enfin que toutes
les mesures qu'elles ordonnent soient des actes d'instruc-
tmn , car les règles qui président à l'instruction des procès
ATTftUVTIOM PU PâifllDKlIT, MVT^IA ftlflCHiTlOMMAlIlE. g 60i). 458
criminels sont les mêmes, (|u'elles soient appliquées par le
présideot des assises on le juge d'instruction , et la loi a
mdiqué par voie de démonstration quel doit être le carac*
tére de ces mesures. En définitive , le président est » pen«-
dani la durée des débats , extraordinairement investi du
droit d'ordonner, pour résoudre les difficultés imprévues qui
surviennent, quelques-unes des mesures qui sont admises par
rinstruction criminelle. C'est dans ces termes que se résume
son pouvoir discrétionnaire.
m. Âpres avoir examiné le sens des art. 268 et 269, il
faut rechercher Tapplication qui en a été faite par la juris-
prudence.
Il est d'abord un très grand nombre de cas dans lesquels
cette application ne peut donner lieu à aucune objection.
Ainsi , il a été décidé avec raison que le président peut pren*
die, lorsque les débats y donnent lieu, les mesures suivantes :
En ce qui concerne i appel de nouveaux témoins, il peut ,
puisque Part. 269 l'autorise à faire entendre toutes per-
sonnels, i** recevoir les déclarations de ceux-mèmes qui au-
raient assisté aux débats et entendre la déposition de tous les
témoins ^ ; 2^ faire entendre un témoin frappé d'aliénation
mentale, pourvu que les jurés soient informés de son état ^ ;
3^ appeler des témoins même après les conclusions du mi-
nistère public et la plaidoirie du défenseur, pourvu que celui-
ci ait la parole ensuite *; 4* faire entendre des témoins que
le ministère public avait cités et à Taudition desquels il a re-
noncé, sans qu'il ait été pris des conclusions dans l'intérêt de
la défense "*] 5* refuser d ordonner Tassignation de témoins à
décharge qui lui sont indiqués par un accusé indigent dans
le cas prévu par fart. 30 et la loi du 22 janvier 1851 ^
En ce qui concerne les expertises, il peut» 1^ faire vérifier
des écritures par des experts^ ; 2^ ordonner toutes les ex-
pertises qui lui paraissent nécessaires ^; 3^ charger de ces
expertises, soit un officier de santé membre de la liste des
* Gasft. 18 février 18S0, rapD. M. Gaillard. J. P., U XXIII, 1S4«
2 Casa. 2i janv. 1839, rapp. M. Rives, (alT. Fabre).
* Cau. 1 fév. 1839, rapp. tf. Yiuceiu-St-Laurent Dali. Sd, 1»
« Caaa. 93 août 1849, rapp. M. Âug. Moreaiu Bull. d. SSO.
* Cass. 23 mars 1855, rapp. M. IsamberU Bull. o. 107.
* Cass. 5 féY. 1819, rap. M. Girard. J; P., l. XV, f. 66,
' Cass, 1 fér. 1899, rapp. M. Vincens-St-Laurent. Dali. SO^ l>a7&'.
454 t)£8 €ODRS d'assises.
jurés , mais ne faisant pas partie da jury de jugement ', soit
des hommes de Tart qui ont procédé à des expertises dans le
cours de l'instruction *, soit des individus portés sur la liste
des témoins '; k"" autoriser la production et Tusage aux dé-
bats d'un procès-yerbal de véri6cation d'écritures, sans qu'il
soit constaté que les pièces de comparaison aient été recon-
nues par les parties 4* 50 fajro distribuer aux jurés un plan
des lieux, dressé par un expert non assermenté *, ou par le
juge d'instruction lui-même ^.
En ce qui concerne les apport et lecture de pièces, il peut
ordonner la lecture et la jonction à la procédure de toutes
pièces dont il juge la production nécessaire à - la manifesta-
tion de la vérité ^ ; et, par exemple, d^une lettre adressée
par l'accusé à son père, saisie et remise au ministère public
par le concierge de la maison de justice ^ ; de lettres pro-
duites par le défenseur pour être représentées à l'un des té-
moins, afin qu^il put en reconnaître récriture ^ ; de pièces
relatives i la moralité de l'accusé ^^;.de dépositions reçues par
un magistrat étranger *^; de lettres adressées à Taccusé par
son fils et saisies à son domicile '^; de la lettre d^un maire non
assigné ni rnlendu dans l'instruction écrite ^^ ; d'uue lettre
de Taccusé produite par un témoin ^^; d^une lettre adressée i
l'accusé sl(ns qu'il lui en ait été donné communication préa-
lable 1^. Il peut également faire suivre la lecture de l'arrêt de
renvoi de là lecture d^autres pièces ^^; il peut donner lecture
d'une déclaration de jurés rendue dans une autre affaire re-
lativement à l'accusé ^^ ; d'un jugement du tribunal correc-
ft Cass* 5 juin 1837, rapp. M. Frèleau. J. P., rapp, 9, 608«
s Gas8« 19 sept 1839, rapp. M» Dehauftsy. Bull, n^ 801.
' Cass. 80 juin 4855, rapp. M. Rives. Bull. n. 387.
* Cass. 4 juil. 4851, rapp. M. Foucher. Bull, d, S37.
* Cass. 40 jaoT. 1B50, rapp, M. Jacquiaot. BuU. n. 7.
« Cass. 4 7 sept. 4857, rapp M. Sénéca, BiiU. n. 8&i.
^ Cass. 8 janY. 48i;6, rapp. M. Rocher. Bull. n. 1).
* Casa.! avril 1840, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. Bail, n. 85.
* Cass. 15 oct. 1857, rapp. M. Barennes. Bull. u. 258.
*^ Cass. 26 sept 1819, rapp. M. OllWier. Dali, v"" lost crim. n.2i88.
^1 Cass. 7 ?any. 1847, rapp. H. Barennes. Bull. n. 7.
** Cass. 28 mars 1883, rapp. M. Rocher. DalL ¥« Inst, crim. d. 2188.
** Cass. 26 déc. 1889, rapp. M. Lsambert.£od. loc.
** Cass. 24 juin 1853, rapp. M. Meyronnet-St-Marc Bull* 0« 2)4,
** Cass. 14 oct. 1851, rapp. M. Rocher. Bull. n. 460*
'* Cass. 20 janT» 1848j rapp. M. Legagoear. Bull. o. 20,
'^ Cus. 7janT, 1880| rapp. M,Dehaussy, BuU. n. ;^,
ATTRiBUTiOKâ DU ^ftésiDENT, i»oi7TOiR ]>iscni£TTmc!f\ia«. J 609. 45S
tioDoel devant leauel raccusé avait d^abbrd été traduit i ; de
pièces non produites jusqu^alors et considérées comme éma«
nant de l'accusé • ; de la déposition écrite cTun témoin en-
tendu dans une procédure non close et étrangère àTaccusa-
tion * ; enfin de toutes pièces n'appartenant pas à la procé-
dure, pourvu qu'elles soient ensuite jointes au dossier et qu'il
en soit donné communication à la défense * . Il peut en même
temps refuser la lecture des pièces qui lui paraissent inutiles
et par exemple d'un interrogatoire de Taccusé dont le dé-
fenseur demande quMl soit donné connaissance au jury ^.
Enfin, en ce qui concerne les vérifications et autres me^
sares d'instruction, il peut i"" ordonner que des sabots saisis
trois jours avant l'ouverture des débats seront essayés par
l'accusé fi ; 2' prescrire des précautions pour qu'un individu,
comprisd'abord dans la poursuite, mais mis hors d'accusa-
tion, et qui se trouve dans l'auditoire, quoiqu'il n'ait pas été
dlé comme témoin, ne soit pas présent aux dépositions des
témoins, parrcqu'il se réserve de le faire entendîire à titre de
renseignements 7; S"" ordonner le transport de la cour, des
jurés et des accusés sur le heu du crime, afin de procéder i
réclaircissement d'un fait contesté^.
DaBS tous ces arrêts, et dans beaucoup d'autres qu'il est
superflu de citer, les actes prescrits par le président sont de
simples actes d'instrucUon, auxquels il est procédé dans le
cours du débat pour l'éclairer : ce sont des témoins non cités
et qui manquent à la discuasion, des expertises devenues né-
cessaires , des pièces et des lettres, dont la production est
postérieure à la clôture de l'instruction et qui peuvent y jeter
un jour utile,desrenseignement8 pris, desdeaceiileB sur lieux.
Toutes ces mesures sont prises dans le légiltme exeroioe du
fionvoir disorèlionnaife, et nulle «eontestation ne s'est élevée
à cet égard.
IV. Mais ce pouvoir, comme tous les pouvoirs institués
» Cass. 8 dée. 1865, à notre>apporL Bail. »• 574.
' Cass, 5 janv. iSîA, rapp. U. Aumont. DalU v« Insl. cr. n.. Jl«V.
• Cass. 9 fér. 1855. rapp. M. Aylica. Bull. n. 88.
*Cas8. Î7 jany. 1852, rapp. M. Nougaler. BulUn, 80S.
• Cass. 15 avril 1887, rapp. M. Rocher. Bull.r d. 1 JO.
• Cass. S avril 1837, rapp. M. Ro her. DàlJ. v» Insl. cr. f^, 1174.
' Casi. 25 janv. 18*8, rapp. M. Bernard. Dali. Eod. loc.
• Cass. 80 août i810, rapp. M. BenveauU. DalU Eod» loc? X^ mari I84»i
rapp. M« Romigtiièr«9.BttU. n. 65,
456 DES COUAS D ASSISES.
par la loi, a nécettairement des limites. Il doit, comme ob Tt
TU tout à rheure, pour répondre aux nécessités de TaudieDce, *
pourvoir à tout ce qui n'a pas été prévu, ordonner toute* lei
mesures que la loi met ^ la disposition de T instruction. Mais,
si étendu qu'il soit, peut-il prescrire des actes que la loi
aurait expressément interdits? Si absolu qu'on le fasse, peut-
il eurreindre les dispositions mêmes de la loi ? En un mot,
où doit-il s'arrêter ?
On trouve d'abord» en continuant Texamen des arrêts, one
régie qu'il faut poser immédiatement, parce qu'elle nous ser-
vira à discuter tout à Theure les différentes hypothèses qoi
se sont présentées.
M. Merlin avait dit, dans Tun de ses réquisitoires^ que t le
pouvoir discrétionnaire, quelque étendu qu'il soit, ne peut
jamais autoriser le président à faire ce que la loi défend par
une disposition générale ^ » La Cour de cassation a sanc-
tionné cette règle en déclarant dans une espèce où le prési-
dent avait ordonné la translation d'un accusé hors de la
maison de justice : « que les attributions des présidents des
cours d'assises sont déterminées par la loi ; que les ordon-
nances ou actes dans lesquels ils en dépassent les limites sont,
par conséquent, une usurpation de i)ouvoirs et une contra-
vention aux régies de leur compétence ; que si l'article â68
les investit d'un pouvoir discréiionnaire pour découvrir la vé-
rité, ce pouvoir ncst pas tel qu'il puisse être étendu jusqu'à
les autoriser à faire ce qui est prohibé par la loi * v Telle est
la règle à laquelle la jurisprudence n'a jamais explicitemeot
dérogé. On la retrouve dans plusieurs arrêts qui répèteot
« que le pouvoir discrétionnaire est illimité en tout ce qoi
ne serait pas contraire aux dispositions de la loi *. » On It
retrouve dans d'autres qui décident que le président oe peut
hors des cas prévus par la loi, renvoyer une affaire à une an-
tre session ^ ; qu'il ne peut autoriser un témoin à caulérer
avec le défenseur de l'accusé, lorsque l'art. 816 interdit aui
témoins toutes communications relatives à l'accusé &; qu il&e
pi ut faire entendre à titre de renseignements, contrairemeot
à l'art. 315, un témoin cité et dont le nom a été notifie à
* Qucit. V* ministère public, n* iO.
* Cas». SI mai 1813, rapp. M. GoOiiihaL J. P., U XI. p. 394.
* Cass. 17 mars 48A2, rapp. M. Jacquinot. BulL n. SA.
* Cas», 40 jaiiv. IW, rapp. M. Brièrc J. P., l. XVIII, p. 533.
* Cmn, 29 ianv. 1841, rapp. M. Gilbert de Veiriiiff. Bon. n. fl.
ATTAlBVmMS VO «WfcSIKMf» tOVrOlA ^MCftÉflCHlUlU. g 609. 457
Taocuié ^ ; qu'il ne peat s'iotroduire daiu la chambre des
délibératioiis des jurés, sous le prétexte d'éclairer leur dé-
claration et de faciliter la rédaction de leurs réponses. 2 u ré-
sulte de tous ces arrêts que le président peut prendie toutes
les dispositions que la loi n'a pas prohibées, mais qu'il doit
fi'arréler là où il rencontre une prohibition foroiello de la loi ,
là où expire sa compétence ; qu'il n'est pomt investi d'un
pouvoir arbitraire, mais d'un pouvoir limité, qu'il ne pour-
rait, par exemple» interdire à un acccusé de conrérer avec
son conseil ^ ; et que la limite qui le circonscrit de toute part
n'est autre que Tensembie des dispositions légales qui inter-
disent certains actes et établissent d'autres droits et d'autres
compétences.
C'est À l'abri de cette première règle que nous allons par-
courir les différentes questions qui sont nées des arL 268 et
269. Nous ne prétendons point en faire une application trop
rigoureuse; l'instruction a des exigences légitimes aux-
quelles il faut nécessairement pourvoir ; mais peut-être arri-
vera-t-on à penser que dans quelques espèces, elle a été un
peu perdue de vue.
On doit se demander, en premier lieu, si le président peut
appeler /0M(6a personne/;, comme le dit Tart» 269, et s'il est
des témoins qu'il lui soit interdit de faire entendre. Plusieurs
bypothèses se présentent.
Peut-il faire entendre les témoins qui ont déposé dans
rinstruction écrite, et qui n'ont pas été cités devant la Cour
d'assises? On peut objecter queTart* 815 veut que les par-
ties connaissent à 1 avance les noms des témoins qui doivent
être entendus aux débats, afin qu'elles puissent vérifier leurs
antécédents et leur situation matérielle et morale vis*à«vis
du fait sur lequel ils vont déposer ; que c'est là la garantie
nécessaire d'une sérieuse discussion ; qu'en permettant au
président d'appel^^r à titre de simples rensei);nements les té-
inoins entendus dans Tinstruction, on enlevé à des témoigna-
ges acquis à la cause les formes légales sans lesquelles ils ne
doivent pas être produits ; qu'il ne s'agit point, dans Tar-
ticlc 269, de témoins déjà entendus dans l'instruction écrite
et dont la citation a été omise ; qu'il s'agit de personnes dont
le nom est révélé pour la première fois uans le débat et qui
* Cui. Il juil. iU^, rapp. M. Bressoiu BaU. n. ISl.
* Cus. locL iSAS, rapp. M. Meyroonet St*Marc. Bull. ii. 391.
' G9S9, 5 mm iSiS, h P., X, 17V.
458 »KS GOCM D*AffilSIS.
acquièrent, par la discussion de l'audience, une importance
qu'elles n'avaient pas; que les noms de ces personnes n^ont
pu ôtre notifiés; qa*aucune négligence ne peut être imputée,
et que le président vient au secours du débat luî-mèmeetnon
de rîmprévoyance de l'accusation. Il faut répondre que les
témoins qui n'ont point été régulièrement cités n'appartien-
nent pas à la cause; qu'il importe peu, s'ils ont déposé dans
la première instruction, que l'omission de leurs noms sur la
liste soit le résultat d'un oubli ou d'une Tausse appréciation de
leurs dépositions ; que, n'étant point acquis aux débats, ils ne
peuvent être . considérés que comme témoins nouveaux, et
que désiorsilya lieu d'appliquer cette réserve de l'art. ^15 :
i sans préjudice de la faculté accordée au président par Far-
ticle3o9.ii>
Peut-il faire entendre des témoins qui ont été régulière-
ment cités, mais dont les noms n'ont pas été notifiés 7 La
question prend ici une face nouvelle : tout témoin régulière-
ment cité comparait en vertu de l'assignation qui lui a été
donnée et se trouve dès lors acquis à la cause. Que si son
nom n'a pas été notifié, cette omission ne lui ôte pas sa qua-
lité, puisqu'il se présente même alors comme assigné par
l'une des parties et non comme appelé par le président ; tout
ce qui en résulte, c'est que la partie i la(]ueile son nom n'a
pas été notifié, peut s'opposer à son audition ; mais, à défaut
d'opposition ou de renonciation de la part de l'accusé ou du
ministère public, il ne peut appartenir au président de le dé-
pouiller de son titre de témoin ordinaire et de le faire enten-
dre sans prestation de serment. Ce point a ^té consacré par
un grand nombre d'arrêts, tant à l'égard des témoins cités ^
non notifiés par le ministère public i qu'à Tégard de témoins
cités et non notifiés par l'accusé \ Il faut prendre garde néaa-
moins qu'il en pourrait être autrement si le ministère public
et l'accusé avaient renoncé à l'audition du témoin cité ou ac-
quiescé à la renonciation de la partie qui l'a cité ; car cette
renonciation a pour effet de faire sortir le témoin du débat,
et rien ne s'oppose dans ce cas à ce que le président ne le
^ Canu 16 sept 1880, rapp. M. OHiWer. J. P., t. XXIII, p. 796 ; SI juil.
1636, rapp. ni. de Gartempe» Bail. n«235;5 |any. iSi4, rapp. M. Ba-
lennes. n. 2 ; 5 janv. 1851» rap. M. Foucher, n. 12 ; 5 janvier 1856.
n. 6.
' Cas8. 7 jaill.1889^ rapp. M. Meyrotinet-St-Marc BolU n. 182 USjuiU
18A2, rapp. Mr Jacqttfnot, n, 178; 91 décembre 1848, rapp. ST. Legagneor,
n. 419,
ATTRIBUTIOHS BU PliSIftEKT, fODTO» DlflCBitlOMNAmE» § 609. 459
saisisse et ne le fasse entendre en vertu de son pouvoir discré-
tonnaire ^ Il en serait encore ainsi si la citation n'avait été
<k>nnée par le ministère public qne pour Fexécution de Tordre
donné par le président *•
Il suit de là qu'à plus forte raison le président ne peut»
sans etcès de pouvoir, faire entendre sans prestation de ser-
ment les témoins qui auraient été cités et dont les noms au-
raient été notifiés, puisqu'ils appartiennent plus étroitement
encore à la cause, à raison de la notification qui a été faite
de leurs noms» et qu'il n'est pas tu pouvoir du président de
les dépouiller du caractère dont ils sont investis par la loi '•
Cette règle admet néanmoins une double exception : i^ pour
le cas où les témoins sont âgés de moins de 1 5 ans ; car l'ar*
ticle 79 se réfère alors à la conscience et à la prudence du
juge pour entendre les témoins avec ou sans prestation de
serment * ; 2* pour le cas où le témoin cité et notifié est parent
an degré prohibé à l'ac^^usé : il a été admis que, dans eecas,
bien que ni raccosé ni le ministère public ne s^opposent à son
audition, le président peut ne point soumettre le témoin à la
prestation du serment, en avertissant le jury de cette omis-
sion ^.
Le président peut-il faire entendre âe$ témoins dont le
témoignage est prohibé par la loi? La jurisprudence s'est
prononcée pour l'affirmative et ses «rrèts sont unanimes dans
ce sens. Il disposent, en termes à peu près identiques, « que
la probibition de l'art. 322 n'est point absolue ; qu'elle n'est
ue relative au cas où il y aurait opposition de l'accusé ou
lu ministère public i l'audition comme témoins des individus
compris dans cet article ; que la prohibition ne se réfère d'ail-
leurs qu'à l'audition des témoins en dépoaition ; qu{ le pou-
voir discrétionnaire dont le président est investi pour favo-
riser la manifestation de la vérité» n'est circonscrit dans
aucune^ limites; qu'à cet effet le président est autorisé par
l*art 269, à entendre , par voie de déclaration, tontes per-
sonnes; que les mots toutes personnes sont généraux et n'ad-
mettent point d'exceptions; que le législateur en donnant
' Cui. Si toàt 1895, npp. M. Fréteaa. Bull. n. 8S5 1 iO août 1838, rapb
M. IsamberU d. 375; Il déc. 1840, r»pp. M. de Rkard, n. 850» SQdéoem-
bre 1856, rapp. M. Leffagneur. n. Â07.
> Gass. 17 déc 1857, rapp. M. Séoéca. BulU n. 841.
' Casa. 11 juin. 1858, rapp. M. Brenon. BalL n. 181,
* Cass. 1 oct. 1857, rapp. IM. Caauin de PercevaU Bullt D» 855.
* Cati. aomars 1856, iinotre rapp. Bail, n, 115,
î
^60 hWè COUKS fi'A88l8BS.
cette faculté sans bornes au président a bien senti qtfii
y a aussi des cas dans lesquels on ne peut acquérir la mani-
festation de la vérité que par le moyen d'entendre des per-
sonnes qui sont conjointes à Taccusé par les plus étroits lieos
du sang \ » On oppose à cette solution, comme Tont fait
la plupart des auteurs *, qu'elle annulle pour ainsi dire la
disposition de Tart. 322 qui ne permet pas que les plus pro-
ches parents viennent déposer aux débats les uns contre les
autres et qui a préféré courir le risque de l'impunité du crime
plutôt que d'arriver h la répression par un moyen qui effraie
la conscience et répugne i la justice elle-même. La raison
qui doit cependant faire hésiter à repousser d'une manière
absolue de pareils témoignages, c'est d'abord que la prohibi-
tion légale n'est que relative, et que la loi ne les considère
pas comme illicites quand ils ne rencontrent pas d'oppositioo;
c'est ensuite que cette prohibition n'est pas admise daib
l'instruction écrite ', et qu'il ne s'agit en quelque sorte qoe
de la continuation de cette instruction. En tous cas, ce n'est
qu'avec une grande réserve que les présidents doivent admet-
tre les dépositions des témoins prohibés, surtout après que les
accusés se sont opposés à leur audition : il est immoral de
faire déposer les enfants contre leur père , l'époux contre
l'épouse, les frères contre les frères, et il est regrettable que
la justice emploie un moyen immoral même pour arriver à
une juste fin. Ces dépositions d'ailleurs ne lui apportent qu'un
médiocre appui, parce qu'elles excitent la défiance ou Lbor-
reur. Ce n'est donc qu'après avoir épuisé tous les moyens de
preuves et seulement lorsqu'ils eonstituent la seule voie d'ar-
river à la vérité, qu'on doit y avoir recours.
Le président peut-il faire entendre le juge d'instnietiofl
qui a instruit l'affaire, l'oflicier du ministère public qui a re-
quis la poursuite, la partie lésée qui s'est portée partie dviie?
S'il peut faire entendre les personnes dont la loi a prohibé k
témoignagei à plus forte raison il peut appeler celles cuoin^
< Cass. 8 ocL 1812, rapp. M. Bco\^nuti. J. P., U X, p. 738 ; 18 d^eab.
1847, rapp. M. Oilivicr, L XiV, p. 5A0; 30 avril «StV, rii|»|i ft{.Girt»c.
U XV, p. 244 ; 25 sept 18^7, rapp. M. B^ère, L XXI, p. 804; 27 avril 1S5S,
rapp. 11. Mc7roDuel*Sl*&Iarc« Buil. n. 115; 29 mai l»iO, rapp. IL Uej*
rounet-Sl-Marc, D. i52; 22 déc. 1842, rapp. M. Romigaières, n. 3^5:
16 déc 1853, rapp. M. Aug. Moreau, d, ô8i«* 22 nov. i95«>, rapp.Itf. Bn^
son, n. 365.
* Voy. Carnot, sur Tart. 822. :
• Vo}. nolreUVjp, &5;$,
XrTXnCTI02(S m M^IDIMT, ^OVTO» BISGR^tlONIUItB. i 609. 461
lesquelles la loi n'a porté aucune prohibition formelle ; les
arrêts ont donc jugé qu il pouvait faire entendre les magistrats
qui ont instruit la procédure ^ et la partie civile qui est en
canse^. Quanta cette dernière partie, il n'y a de difficulté,
ainsi qu on le verra plus loin, que lorsqu'elle est produite
comme témoin par le ministère public; car elle peut être au
sombre ties personnes qui, témoins de vtstf, doivent néces-
sairement être entendues au moins à titre de renseignements.
Il n'en est pas ainsi è Tégard des magistrats qui ont fait ou
reqois Tinstruction et qui ne sont que des témoins de témoins ;
si la loi ne prohibe pas leur témoignage, il semble que les con-
Tenances devraient au moins Técarter.
Peut-il donner lecture des dépositions écrites des témoins?
La jurisprudence est aujourd'hui fixée sur ce point : il a été
successivement reconnu que le président peut donner lecture
en vertu de son pouvoir discrétionnaire, des dépositions écrites
des témoins décédés ou qui, étant absents, n*ont pu compa-
raître*; des témoins qui, régulièrement cités, n'ont pas
néanmoins comparu ^ ; des témoins qui, quoique entendus
dans linstruction écrite , n'ont pas été cités ^ ; des témoins
dont le tcmoigigiage est interdit 6; et par e&emp le des enfants
iTeraccusé ^ , de son père ou de sa mère ", de sa femme 9.
Cette jurisprudence est-elle fondée en droit ? Nous verrons
plus loin que devant le jury le débatest essentiellement oral.
L'art. 365 du G. du 3 brumaire an iv portait : « il ne peut
* Cm. n sept 18SS, rapp. M. Mérilhou. J. P., t. XXIV, p. 1484 ; S8
jaoT. 18S5, rapp. M. ViuceD^-SULaoreoL Bull. b« 50.
2 Casi. 10 revrier i835. rapp. M. Bresson. Journ. cr. t. VII, p. 48.
' Cass. 12 mars 1821, rapp. M. Claosei de Cousserguea. J. P., t XVI, p.
471; 20 iicU 1B20, rapp. M. Rataud. t. XVI, p. 170; 9 avril 1818, rapp. M,
Giraud, U XIV, p. 7Â3; 25 aoÛt;i826, rapp. M. Brière, t. XX, p. 841 ; 14
août 1828, rapp. M. Ollivier, U XXII, p.l09; 30 julli. 1836, rapp. M. Mey -
rooKt-St-M arc Bull. d. 358.
^Cais. 11 avril 1810, rapp. M. de Grouseilbes. Bull. n. 111 ; 21 décemb.
1^3, rapp. M. Jacquinot, ii. 325; 24 juin 1847, rapp. M. Dehaussy, n. 138*
U iepl.lS26, D. 186; 31 mars 1842, u. 78; 8 fév. 18A4« o. 42; 23 mai
1844, n. 17».
*Gas8. 8 lev. 184'it rapp. M. Meyroonet-St-Marc. Bull. n. 42; 7 juillet
1847, rapp. M. de Grouseilbes, n. 154: 22 déc. 1847, d. 335; 18 sept.
1852, n. AlO.
' Caas. 28 mara 1845, rapp. M. Romiguières. Bull. n. 116.
* Ca». 28 déc 1826. rapp. M. Ollivitr. J. P., t. XX, p. 1061 ; 26 mai 1881,
rapo. M. Chuppin, l. XXIII, p. 1620; 29 nov. 1838, rapp. M. Mérilhou.
Bail, c 378 ; 24 juill. 1841, rapp. M. Deliausay. n. 219.
* Gaii.28 jaof. 1825, rapp. M. Brière. J.P., t«XIX.p. 113 ; 10 avril 1818 ,
rapp. M. Gary, U XXI, p. 1356.
* Can, 23 jivo 1832,rapp. M. Itambert, J. I^, t. XXIV, p. 1196.
462 ou COURS ]>'4SS1SE8.
être la ani jurés aucane déclaration écrite de témoios &on
présents à l'audience » • Cette règle géni^rale n'avait qae deax
exceptions : Tune, formulée par i^art 318, quand tU*agissait
de constater les contradictions des témoins; l'autre, consacrée
par l'art. 477, quand il s'agissait de juger des accusés conta-
max. La même théorie a été continuée quoique moins eipii«
citement par notre code : Tart. 817 déclare que «i les té-
moins déposeront oralement » et Tart 341 défend de com-
muniquer aux jurés leurs dépositions écrites. Cette règle
admet ensuite les mêmes exceptions que la législation anté-
rieure : l'art. 818 permet au président de faire tenir note
des variations qui peuvent exister entre la déposition orale
des témoins et leurs déclarations écrites, et par conséquent,
de donner lecture de celles-ci; l'art. 477 veut Clament
que, dans le jugement des accusés qui purgent leur contii-
macoi si des témoins ne peuvent être produits aux débats,
leurs dépositions écrites soient lues à l'audience.
Si ces textes étaient appliqués isolément , il faudrait évi-
demment décider que , hors les deux cas exceptés par les
art 818 et 477, il n'est pas permis de lire ^TaudieDce les
déclarations écrites d'un seul témoin ; mais, en les combinant
avec Tart. 869, on arrive nécessairement à cette solution
que ces déiclarations peuvent être lues, toutes les fois qu'elles
ont, suivant-les termes de cet article, lu caractère de pUca
nouvelles pouvant jeter un jour utile sur le fait contesté. Elles
prennent ce caractère lorsque le témoin est décédé depuis
rinstruction, lorsqu'il est dans Fimpossibilité matérielle de
comparaître aux débats, lorsqu'il a disparu et n'a pu être re-
trouvé ; l'événement qui cause l'empêchement de déposer,
imprime aux déclarations écrites les caractères de pièces nou-
velles, parce qu^elles deviennent nécessaires; ce n'est pas
substituer un témoignage écrit à un témoignage oral, puis-
que le témoignage oral est devenu impossible; c'est fournir
un élément de preuve tel que la procédure Ta recueilli^ tel
que la force des choses l'a fait. Mais lorsqu'aucun empêche-
ment ne pèse ^.ui le témoin, qui a été entendu dans rins-
truction écrite, soit qu'il ait été cité ou non devant la Cour
d'assises, il est plus ditlicile d'admettre qu'on puisse suppléer
à sa présence par la lecture de sa déposition. Le témoin, en
effet, puisqu'il n'est pas empêché, ne peut-il pas être cité
devant la Cour? n'est-il pas possible, s'il ne Ta pas encore
été, d'ajourner l'affaire à une autre audience, ou à une au-
ÂTTiiBimoMS fin FftisiDSNT, FOUfOU DiflcitirioNNArRi. s 609. 4C3
ire sessioD ? Comment taire interveDir le pouvoir discrétion*
naîre, lorsqu'il s'agit, noa de vider uq ÎDcident ÎDattendai
d^entendre un témoin Douveau^ mais d^invoquer dans Tins-
truction préparatoire un témoignage déjà acquis à la cause ?
N^est-ce pas substituer au témoin qui n'est pas appelé^ la dé-
position qu'il a faite devant le juge, et remplacer ainsi le.dé-
bat oral par une discussion de pièces écrites? Il ne faut pas
perdre de vue que les dépositions écrites ont ^lé recueillies
pour servir d^élémentàraccusation, non au jugement ; qu'elles
ont été rédigées par le juge, le plus souvent par le ^greffier»
et non par le témoin lui-même; qu'elles expriment la sub-
stance et le sens de la déclaration^ mais non des paroles et
son texte; enfin, qu'elles ont été reçues sans débats, sanscon-
tradiction , sans publicité. Le nrocés-verbal d'information
peut-il rapporter les hésitations^ les réticences prolongées^ les
suggestions employées pour obtenir la déclaration? peut-il
peindre le trouble qui Taccompagne, l'accent avec lequel elle
est faite? Il ne peut donner qu'une analyse sèche et rapide :
si elle est incomplète ou ambiguë, où chercher son complé-
ment? Et cette déposition fut7elle nette et précise, qui sait
si le témoin l'eût soutenue au milieu des débais, s'il n^eut
point hésité en face de l'accusé ou du ministère public, si,
ému des contradictions qui lui étaient opposées, il eut per-
sévéré dans ses affirmations peut-être irréfléchies? La fausse
déclaration faite devant un juge d'instruction n'est passible
d'aucune peine; devant la Cour d'assises, elle prend le ca-
ractère d'un faux témoignage ; ce n*e&t donc que dans le dé-
bat oral que les dépositions, suivies d'une sanction, offrent
une garantie sérieuse.
Que faul-il conclure de ces observations? Il faut en conclure
d'abord, que ce n'est qu'avec une extrême réserve que les
présidents d'assises doivent ordonner la lecture des déposi-
tions écrites : cette lecture, si elle ne rencontre pas dans la
loi une prohibition expresse, y trouve un principe avec lequel
elle est en opposition directe ; elic enlève au débat son carac-
tère le plus essentiel; elle prive la recherche de la vérité
de Tun de ses moyens les plus actifs , la confrontation des
témoins. Mais faut-il annuler les procédures dans lesquelles
cette pratique vicieuse a été employée ? on doit reconnaître
avec la jurisprudence que , quelque transparent que soit
Tesprit de notre code à cet égard, les règles trop peu préeises
qu'il a posées ne contiennent point de sanction formelle, t)n
464 MS co0ft6 d*a6SI§e§.
peut déclarer avec un arrêt « que le refus fait par un prési-
dent dWdonner la lecture delà déclaration écrite d'un témoin
non assigné aux débats est conforme à Tesprit et à la lettre
de Tart. 3&i i. » On peut encore poser en régie avec un au-*
tre arrêt « que sauf Texception unique portée en l'art. 477t
relatif aux accusés qui purgent leur contumace, les déclara-
tions écrites des témoins ne doivent pas être lues è Taudienct,
et que c'est d'après le débat oral que le jury doit former sa
couTiction*.» Mais cette doctrine, quoique la jurisprudence
ne Tait jamais méconnue et quoiqu'elle soit implicitement
contenue dans les textes de la loi, se trouve, par Tindécision
de ces teiteSf confiée, comme une sorte de dépôt, à la sagesse
du président; la loi» tandisqu^elle la proclamait, semblait
craindre en même temps d'apporter quelque entrave aux
droitsde l'instruction; d'une partelleneprohibaitpas en termes
absolus l'usage des dépositions écrites, d'une autre part elle
n'apportait que de vagues limites au pouvoir discrétionnaire.
De ces dispositions ainsi combinées, il est possible de déduire
une règle, mais cette règle n'est pas assez inflexible pour
ju'elle puisse engendrer une nullité. Gepondant s'il avait été
ait un usage abusif des dépositions écrites, si par exemple on
s'était borné au lieu de citer les témoins d'uneaffaire, à donner
lecture des pièces de l'instruction ou même si on avait pra-
tiqué cette méthode à Tégard d'un certain nombre de témoins,
il y aurait lieu d'examiner si cette violation flagrante du prin-
cipe du débat oral et des droits de la défense, ne devrait pas
vicier la procédure. Il en serait encore ainsi si lecture avait été
donnée d'une déposition infectée d'un vice radical, et, par
exemple, d'une déposition faisant partie d'une procédure an-
nulée parcequ'elle n'aurait été ni libre ni spontanée <.
Le président, au surplus» ne rencontre aucune objection
lorsqu'il ordonne la lecture des interrogatoires d*uu coaccusé
décédé ^; d'un billet produit par un témoin comme émané
de l'accusé et dénié par celui-ci ^ ; d'une lettre d'un membre
«Ca8i.28sept. 1837, rapp.M. Gtasel de Cousserguef. J. P., tXXIi
p. 806.
* Cass. 90 juin. 1SS6, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. BulU n. 353.
> Cass. 10 juin 1841, rapp. M. Isambert. Bull. n. 172. *
« Cass. H aoùi48i7, rapp. M. Chasle. J. P., t. XIV, p. 4S6; 15 arril 1817,
rapp. M. Rocher. Bull. d. 130 ; 33 juia IbSO, rapp. U, Bunchop. h p., t<
XV, p. 10'J2.
•Cass, 8 avril 188^, rapp, M. Meyronnet-St-Marc^ J. P., a XXHI.
p. 1410.
?;
ATTlIBUTIOKâ BH l*RéSmEN7, POtVpïR WSCRÉTIOXSAUE. § 009. MS^\
du minislère public, contenant des renseignements snr Tac*
ciisé';de notes tronvées sur un témoin à décharge"; d'un
eitraiides registres d'un témoin S; d'une lettre écrite à Tac-
cuié par son père^, par une personne quelconque *; d'une
lettre écrite par Taccusé ^, etc. En efiot , les écrits sont un
moyen de preuve 7, cl peuvent dès lors être produits dans le
débat , pourvu qu'ils soient examinés et discutés par les par*
ties. Le président doit seulement, s'ils sont produits au mi-
lieu du débat , ordonner qu'ils seront joints au dossier et
communiqués à la défense ^.
Le président peut-ii faire distribuer aux jurés, pendant la
durée des débats, des documents relatifs à l'instruction?
lia été jugé qu'il pouvait leur faire distribuer un plan des
lieux d, un cahier imprimé indiquant les chefs d'accusa-
tion et sur cliaque chef, les circonstances aggravâmes énon-
cées dans l'arrêt de renvoi et les noms des accusés auxquels
il est imputé *** ; un tableau mentionnant sommairement cer-
tains faits ou documents relatifs ù l'accusation *'; enlin laoïe
d'nccusation iui-mômo ' *. Le président a le droit de faire dis-
tribuer aux jurés les plans ou les notes qui peuvent leur faci-
liter l'intelligence des faits ou qui , dans les causes compli*
quées qui comprennent plusieurs accusés, peuvent soulager
leur mémoire et fixer leurs idées. Mais cette distribution ne
doit avoir qu'un seul but, c'est d'exposer et de faire saisir
plus nettement ^ Tesprit les faits incriminés, c'est d'aider et
de (irovoquer par là la perception de la vérité. Il ne faut pas
qu'elle soit de nature à influencer la conscience des jurés, car
c'est dans la discussion des charges qu'ils doivent puiser leur
conviction , c'est dans le débat qu'ils doivent chercher la vé.
' Coss; 2& JQîll. IS^i, rapp. M. Dchanssy. Bull. n. 249.
' Camm 17 mars 1843, rapp. M» Jacquinou Bull. n. S4«
' Cass. IG nov. ISii, rapp. M. Vincens-Sl-Laurent. Bull. n. 37G,
^ Cass. 3 nTril 18A6, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. Bull. n. 8S.
* CasB. 14 ocL 1854, rapp. M. Rocher. Bull, n. 460.
'Casa* Si juinlSSd, rapp. M. Mejronaei-St-Marc. Bull. n. 234.
' Voy. notre t. V, p. 626.
* Casa. 27 août 1852» rapp. M. Noti(piier. Bull. n. 302.
* Cass. 10 jan?. 1850, rapp. M. Jacquinot. Bull. d. 7; 26 ùéc, 1851,
rapp. M. Oebaussy, n. 540 ; 2 sept. 1852, rapp. M. Jacquinot, n 306 ;
15 DOY. 1856, rap^ M. V. Foucher, n. 347 ; 17 sept. 1S57, np. M. Sàoùcjt,
n.344.
•• Casa. Sférrier 1848,rapp. M.Brière*ValigDy. Dali. y^Inst crioi.n. 2191,
" Cas?» 14 janr. 1848, rapp. M. Vinceos-St-taurenl De?, et Cam. 49,
i, 75.
'- <-a5s. 10 déc 1857, rapp, ^f, Ang. Morof.ii, Bull. n. 3Î^3.
vsii. ;;(}
4^ NUI €9IJM l>'AffIlia.
rite et non dans des docDinentB, fussenirils deg pièces du pro-
cès, i moins que ces documente ne soient soumis i Tépreuve
des débatsou quHlg ne leur soient remis« en vertu de Tart. 361,
au moment où ils vont délibérer. I/arrét qui a rejeté le moyen
pris de ce qu^un exemplaire de l'acte d'accusation awt été
remis à cbccun des jurés, déclare « que Facte d'accusation
est porté à la connaissance des jurés par la lecture qui en est
faite i Taudience par le greffier ; qu'il doit en outre leur
être remis, lorsqu'ils entrent dans la chambre de leurs déli-
bérations, pour rédiger leur déclaration ; qu'aucune disposi-
tion de la loi n'interdit au président de leur on faire distri-
buer copie ; que chargé par Tart. 269 de diriger les juréadans
Texercice de leurs fonctions , il a donc pu prendre sur loi
d'ordonner cette remise et que Tusage qu'il a fait ainsi de
son pouvoir discrétionnaire est sans contrôle, du moment où
il n'a ri( n de contraire à la loi. » On voit que cet arrêt se
borne à constater qu'aucune disposition de la loi ne prohibe
formellement une telle distribution , mais qu'il n'approuve
nullement celte mesure. Comment l'approuver, en effet?
£st'Cc qu'il peut être dans Fesprit de la loi, qui assure les <
mêmes droits à l'accusation et à la défense, que les jurés aient
sous les yeux pendant toute la durée des débats l'acte qui
formule et développe Tac^usation ? Pourquoi Taccusé ne pour-
rait-il pas aussi bien leur faire distribuer les moyens et les
développements de sa défense ^? Autre chose est la lecture au
seuil du débat et la remise au moment du délibéré de Tarrét
de renvoi et de Tacte d'accusation , autre chose est la pos-
session et l'étude de ces actes pendant toute l'audience. Il est
clair que dans ce dernier cas il peut résulter de cette distri*
bution intempestive une impression de nature à influencer
l'opinion des jurés; et dès lors le président , dont le premier
devoir est l'impartialité, ne doit pas l'ordonner.
y. Les observations qui précèdent ont ( u pour objet d'éta-
blir le caractère général du pouvoir discrétionnaire et d'ap-
précier l'application que la jurisprudence en a laite. U nous
reste un point à examiner, c'est le mode d'exercice de ce
pouvoir. Nous trouvons encore ici plusieurs règles importantes
quivontacherer^etracer la direction qui doitlui être donnée.
Une première règle est que le pouvoir discrétionnaire
est personnel } il n'appartient qu'au président seul ; c'est une
« Cour d'au» de la Seine, 10 juin 1390, J. P,| t. T^llh f. M9
ATTRlBïïnONS ftU ^IkéSmKHTy f OÏÏVOÎR l^IfiCRJTIÛNNAIRE. § 609. 467
prérogative de sa fonction; ses assesseurs ne peuvent Texer-
cer ni même participer à son exerciee. Cette r^le a été con«
sacrée par un grand nombre d'arrêts qui déclarent « que les
pouvoirs oonrérés au président des assises sont distincts et
séparés de ceux conférés aux Cours d'assises elles-mêmes ;
qu'ils sont inaHnmunicables , puisque la loi en oliarge ex^
clasivement l'honneur et la conscience du président ; qu'elle
ne s'en remet qu'à sa décision et à sa prudence pour les cas
où il peut être utile à la manifestation de la vérité de déroger,
par la lecture des déposilioas écrites des témoins déçédés,
à la règle du débat oral qui doit former la conviction du
jury', 9
Delà il suit que la Cour d'assises ne peut^ lors même
qu'elle en serait requise, prendre quelqu'une des mesures
qui rentrent dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire ; elle
commettrait un empiétement sur les attributions du prési*
dent. Ainsi , elle ne pourrait ordonner, même sur la demande
du défenseur, que lecture sera donnée de pièces émanées d'un
témoin ' ; que les bardes dont Taccusé était revêtu lors de
son arrestation seront apportées à l'audience et représentées
au jury ^; que les dépositions écrites des témoins absents se-
ront lues *. Elle doit se déclarer incompétente ; car elle nq
peut circonscrire et limiter le pouvoir que la loi a attribué
au président, et celui-ci ne peut non plus y renoncer expres-
sément ou tacitement.
On ne doit pas néanmoins induire de cette règle que le
président ne puisse pas consulter ses assesseurs sur l'utilité des
mesures que seul il peut ordonner. Il serait puéril de lui dé-
nier la faculté d'emprunter les lumières de ses collègues quand
il ne se trouve pas suffisamment éclairé ; leur concours n'est
qu'une garantie de plus contre les abus qu'il pourrait faire de
son pouvoir. Et puis, il ne le communique pas en prenant
un avis, il ne le subordonne pas à cet avis, il conserve son
indépendance; après s'être éclairé*, il décide seul et prescrit
' Case, ih (éf. 1635, rapp. M. Tsami)ert. BulL n. 59; 13 OGt. ISSS, rap.
M. de Ricard. J. P.» t.XXi V, p. 4510.
' Casa, ih féf. 1885, cité supràr ^
* Cas», sa jniQ 4854, rapp. M. JacquinoC* Bail. n. S07.
* Cass. 30 dèc. 1S31, rapp. M. I&amberl. J. P.,t. XXIV, 61S; 80 joli. 1836,
rapp. M. Meyronuet'St-Murc Bull, n, 253; 37 avril l$37,rappi M. Rocher,
Bail, n. 134.
468 hTs covfL^ i!*Amiu,
là mesure '• Lors même que l'avis de la Cour d^ssises se se-
rait manifrsté par un arrêt , il n'y aurait pas de nullité si cet
arrêt réserve le droit du président de ne s y conformer qu'an-
tant qu'il le juge convenable on si du moins le magistrat, (^n
prescrivant la mesure qui est indiquée, d«^clare qu'il as:it,
non par suite de l'imputation qu'il renferme , mais en vertu
d'une inspiration spontanée*.
Rien né s'oppose même à ce que le président demande
aux jurés si telle mesure leur parah utile. Ainsi un arrêt re-
connaît 0 que le président, en demandant aux jurés s'ils dési-
raient qu*il appelât des témoins dont lui-même jugeait l'au-
dition utile, n'a pas subordonné à leur réponso l'exercice du
pouvoir discrétionnaire ^ » Le but de l'instruction orale , en
effet , est de former la conviction du jury ; le président doit
donc s'enquérir des renseignements dont ils oni besoin pour
s'éclairer. Ce n'est qu'une conséquence du principe posé par
I art. 277 du C. du 3 brumaire an iv et par l'art. 319 de
notre Code. Le président d'ailleurs n'est pas lié par leur ré-
ponse ; il demeure le maître d'ordonner ou de ne pas ordon*
ner-la mesure, mais il e.st mieux éclairé sur son opportunité.
Il est inutile sans doute d'ajouter que si le pouvoir discré-
tionnaire est personnel, il ne faut pas en conclure que le ma-
gistrat qui l'exerce puisse personnellement procéder aux actes
d'instruction qu'il ordonne. Ainsi, il pcUt ordonner une
expertise, mais il ne peut remplir lui-même la fonction d'ex-
pert ^; il peut nommer un interprète, mais il ne peut en
exercer l'oflice ^ ; il peut provoquer un débat contradictoire
sur un point litigieux, mais il ne peut soutenir lui-même ce
débat «.
Il est inutile de faire remarquer encore que ce pouvoir ap-
partient nécessairement au magistrat qui préside des assises,
que ce soit le président titulaire ou l'un des assesseurs qui
aurait été appelé à le remplacer pour cause d'empêchement.
II est attaché à la présidence des assises, quel que soit le ma-
gistrat qui en remplisse la fonction. Ce qui résulte seulement
* CasK. S7joill. ISSO, rapp. M-GaUlard. J« P., t; XV], p. 69; S fév, lf^40,
rapp. M. VinceDS-Sl-Luurc'iit. Buil n. &6.
* Ca». 27 avril 4S87, rapp. M. Bochrr. BuU. n. iH.
* Cais. iS od. 188:?, rapp. M. de Ricard. J. P., t XAIV, p. 1510.
* Cass. S ocu i845y rapp M. DehauMy. BuU. n. 309.
» ArU aas et aaa, IdM. crim.
* Ca99. 28 mai 4847, rapp, M.IsaroberL Bull. n. IM,
ATTBifiOTlOIfS W tKUmKÏ, VOCVOIR l^lSCftÉTIOtiNAIHB. § 609. Wj
de son caractère personnel , c'est qu*il no peut être délégué
par ce magistrat, soit à l'un de ses assesseurs, soit au minis-
tère public, c'est qu'il ne se manifeste que par l'inspiration de
sa propre conscience. Mais rien ne s'opposerait néanmoins
qu'après avoir ordonné une mesure, il chargeftt Tun des ju*
ges de présider à son exécution.
Une deuxième règle est que le pouvoir discrétionnaire
est purement facultatif dans son exercice. En effet, tous les
actes qui rentrent dans Texercice de ce pouvoir sont à la dis*
crétion du président, en ce sens qu'il peut les prescrire ou ne
pas les prescrire, selon qu'il les juge nécessaires ou inutiles.
Aucun de ces actes n'est et ne peut lui être imposé; il est
libre de sa détermination ; il ne doit aucun compte des motifs
qui Tont guidé. Celte règle a été consacrée par un arrêt qui
porte u que le pouvoir donné au président s'exerce sans con-
trôle ni partage; qu^il n'a d'autres limites que la conscience
et l'honneur de ce magistrat; que le ministère public ni
l'accusé n'ont à cet égard aucun droit de réquisition ; et que,
dans les décisions qu'il prend, en vertu de ce pouvoir, il n'a
aucun compte à rendre i qui que ce soit \ » Néanmoins, si le
ministère public ou la défense n*ont pas un droit de réquisi-
tion à l'égard de ces actes, il ne s'ensuit pas qu'ils ne puissent
les provoquer. La détermination du président n'est pas moins
libre parce qu'elle lui a été suggérée; elle n'est pas moins
spontanée, parce que l'accusation ou la défense en ont ex-
primé la pensée. Les dcmand* s qui lui sont adressées à cet
égard n'apportent aucune atteinte à son droit ; il est libre de
refuser de les entendre; mais il suffit qu'il se réserve la
liberté de la décision pour que le vœu de la loi soit rempli '.
Une troisième règle « qui n'est qu'un corollaire de la
précédente, est que lé président n'csf pas tenu de motiver
ses décisions. En effets il n'en doit compte à qui que ce scHt,
il ne statue sur aucunes réquisitions, sur aucunes conclusionsj
il ordonne spontanément les mesures qu'il croit utiles, il ne
prononce sur aucun litige, sur aucune question liée; il n'est
donc point tenu de donner de motifs. Et puis, si Texercice
de son pouvoir a été provoqué, il n'est point obligé de rendre
ordonnance dans le cas où il juge la mesure proposée inutile:
il n'a qu'à s'abstenir; et dans le cas où il la juge, au con«
< Ca». 16 jaiiT. 1836, M, Mérilhou. »ir. 36, 1, 324 ; 27 juin 1817, rapp .
M. Aadiei-MassUloD. BulL o, bà»
* Cass, 30 doût 1844» rap(K Me^ronnet-Sl-Marc. Bail* n,305.
470 DES COIRS 1>* ASSISES»
traire, utile, il se borne k la prescrire. Ce n*est point un
jugement, c'est un simple acte d'instruction '•
Une quatrième règle, qui s'enchaîne encore à la précé-*
dente, est que les mesures ordonnées par le président « n'ayant
que le caractère d^actes d'instruction, peuvent être incessam-
ment révoquées et modifiées. Un arrêt décide € que le pré-
sident ne pouvait être lié par son ordonnance qui avait été
rendue dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire, et que,
dans Texercice de ce pouvoir, il n'a d'autre règle que sa
conscience et qu'il peut modifier ses décisions d'après les
différentes circonstances qui peuvent lui paraître exiger des
mesures différentes*». Un autre arrêt ajoute « qu'aucun texte
de loi ne prescrit au président» ni de formuler par écrit les
ordres qu'il donne à 1 effet d'aider à la manifestation de la
vérité, ni d'en exiger l'exécution quand elle est possible, ni
de faire constater que cette possibilité n'existe pas \ »
Une cinquième règle est que le président ne peut, par
lès mesures qu'il prend, apporter dans les débats que de sim'-
pies renseignements. Toutes les pièces dont il prescrit l'ap-
port, toutes les personnes qu'il appelle ne sont lues et enten-
dues qu'à titre de renseignements; la loi n'a point attachée
ces pièces ou à ces déclarations une force probante, car il
aurait fallu que le ministère public et l'accusé eussent les
moyens de les examiner et de les disctiter : ce sont des élé-^
ments recueillis instantanément, qui ne sont produits qu'avec
toute réserve et qui ne méritent qu'une confiance relative.
Ainsi, par exemple, le président peut ordonner dans une
affaire de faux qu'un billet attribué à Taccusé par un lémoiû
sera mis sous les yeux du jury et joint aux pièces du procès,
mais comme simple renseignement et non comme pièce de
comparaison 4. 1| peut ordonner que des témoins, à l'audition
desquels l'accusé s'est opposé et que la Cour d'assises a écar-
tés du débat, seront entendus, mais à titre de renseignements
et non comme témoins ^
Peut être cette distinction n'a-t-elle pas toute Timportance
* Cass. 16 jaiiT. 1856, rapp. M. Mërilhou. Bull. n. 19 ; 38 mare 1855, rap.
M. Itainbert lu 107.
* Cass. 17 août 1821, rapp. H. Olltyrer. J. P., L 3tVI, p» 85i.
■ Cass. S avril 18^2, rapp. M. Rocher. Sir. 42, 1, 887.
* Casa. S afril 1831, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. Star, SI, 1. 865.
' Cass, 21, sept 1848, rapp. M. Legaguevr, Ball« a. 246 elles arr^UCttés
AmiBOnONS DU PRi91DBNT, ftftJfOît MSCAiTMRNÀlU. § 609. 471
que la loi a voulu y attacher ; la confiance que le témcwh
inspire ne résulte pas toute entière du serment qu'il a prêté ^
elle proTient de ses antécédents, de sa position, de la réputa-
tion qui renyironne, de l'accent de ses paroles, de la fermeté
de son attitude. Si sa déclaration parait empreinte de yérité,
les jurés ne se souviendront pas s'il a prêté ou non sçrinent.
L'art. S69 a donc créé une classe particulière de témoins.:
ils sont dégagés de la seule garantie que la justice imposé A*
tous les témoignages, ils sont déliés de la responsalbilité que
toutes les dépositions font encourir à ceux qui les font, et
cependant leurs déclarations ont à peu près, au moin$ Vis-à-vis
des jurés, les mêmes effets. La distinction est dans ja forme
bien plus qu'au fond des choses. ' ' V .
Uais, quelle que soit la distanco^ qui sépare tes t^dioins
assermentés de ceux qui ne le sont pas, il importe de la wm^
teoir avec fermeté, car c^est déjà une chose grave que 4^'tn*
trodaire dans le débat des renseignements nouveaux,- il^ De
faut pas que les jurés puissent attacher à ces renseignements
plus d'importance qu'ils ne le méritent, il faut que leur pen-
sée soit sans cesse ramenée à cette règle que cq ne sont que
de simples renseignements et non des preuves, il faut qu'ils
n'écoutent qu'avec une sorte de réserve mentale la lecture
des pièces ou les déclarations de témoins faites à ce titre. De
là le devoir du président, dans l'exercice de son pouvoir, de
faire connaître aux jurés que chacune des pièces qu'il lit, que
chacun des témoins qu'il appelle, ne sont que de simples
renseignements. Ils sont trop enclins peut-être à confondre
tons les ëlëments qui doivent servir à former leur conviction
et à accorder la même valeur à tous les témoignages; il est
nécessaire de remettre sans cesse sous leurs yeux la différence
légale qui distingue les uns et les autres. La formalité de
ravertissement a donc une véritable importance.
Cependant la jurisprudence, sans méconnattre la nécessité
de cette formalité, a décidé que son omission n'emportait pas
nullité « attendu qu'aucune disposition de la loi n'exige i
peine de nullité que le jury soit averti de ne considérer les
pièces lues ou les déclarations entendues que comme simples
renseignements > . » Il est vrai qu'aucun texte ne pre^srit cet
avertissement; mais il est certain que le législateur en a posé
* Ga96. i6 janv. 1S86, rapp. HL MérUhou. Bail. n. i9 ; iS janvt i855f rap»
BL Saieca, n. i4s i9 fflai&99$» rapp, M, Itamberl, ii« 1C8,
47t »KS «OSAS b ASSISES.
le principe en décidant que les éiémeDis produits par le pré**
sidont ne seront considérés que comme simples reoseigne-
ments. Car qu'est-ce qui doit les considérer ainsi? Ce sont
les jurés ; il faut donc nécessairement que les jurés connais-
sent leur valeur légale ; et comment la connattront-ils s'ils
ne sont pas avertis? Donc, le président est obligé de leur
donner cet avertissement. Quelques arrêts ajoutent qu'il est
peut-être inutile que le président exprime qu'il agît en vertu
de son pouvoir, « parce qu'il se manifeste suffisamment par
son exercice * » Cela est vrai relativement aux juges qoi
doivent discerner les preuves acquises par l'instruclion et les
renseignements obtenus par le président; mais relativement
aux jurés, cette distinction n'existe pas; elle appartient a la
théorie du droit; il faut qu'elle leur soit expliquée. Kous
admettrions facilement une sorte de présomption jusqu'à
preuve contraire que l'avertissement a été donné; mais il
nous semblerait difficile de reconnaître la régularité de la
procédure si Tomission de cet avertissement était constatée,
car sHi appartient au président de provoquer des renseigoe-
rneuts» il ne lui appartient pas de donner ces renseignements
comme dos preuves et de les assimiler aux documents fournis
par l'instruction.
La jurisphrudence a même été plus loin. Lorsqu'un témoin
a prêté serment avant que l'accusé se soit opposé à son audi*
tion et que c'est sur cette opposition que son témoignage a
été écarté, son serment ne fait pas obstacle à ce qu'il soit en-
fendu en vertu du pouvoir discrétionnaire, pourvu que Tau*
nulatîon en soit prononcée et que les jurés soient avertis de
la valeur de sa déclaration *. Mais que faut-il décider si le té-
moin^ appelé par le pouvoir discrétionnaire» a été entendu avec
serment r Un premier arrêt avait jugé qu'il n'y avait pas lieu
de s'arrêter k cette irrégularité parce que , dans Tespêce , il
s'agissait d'un témoin cité et non notifié et que l'accusé avait
expressément consenti à ce qu'il soit entendu avec prestation
de serment ^. Mais un autre arrêt a déclaré résolument : « que
la disposition do l'art. 269, qui porte que les témoins ainsi ap-
* Cass. 10 sept. iS55, à notre rapp. Bull. n. SIS.
sCass. i2déc. 18Â0, rapp. M. Ricard. Bull. n. 350; 27 arril itôS,
rapp. M. Mejrronnet-St-Marc. tu il5; 27 avril 18SS» rapp. M. haoïberT)
n. 149.
* Ca-îs. 0 fév. 1840. rppf . M. VinccBS-Sl-Lattrcnt, Boll. n. 46.
ATTftiAtTIONâ DU FBÉSlbEMT, W>t;VUl& HISCBKTIUX.NAinE. § 601). 473
pelés ne prêteront pas serinent , n'est pas prescrite à peine
de nullité ; que Taccusé y n'ayant point été averti d'avance
qu'ils seraient produits contre lui , peut sans doute s*opposer
à ce que ces témoins prêtent sermeni et donnent par là plus
de poids à leurs déclarations ; mais que, lorsqu'il ne s'y oppose
pas, la nullité des débats ne saurait résulter de l'accomplisse*
iDeot d'une formalité qui fournit une garantie de plus pour
la manifestation de la vérité ^ » Cet arrêt nous semble avoir
méconnu i'esprit^de la loi. C'est précisément parce que le ser-
roent donne plus de poids à la déclaration qu'il est préjudi-
ciable, car il donne à un simple renseignement la valeur d'une
preuve légale • il trompe les jurés sur la Toi qu'ils doivent lui
accorder, il transforme de simples déclarations en véritables
témoignages. Or, le président ne peut apporter que des rensei-
giiements, il ne peut produiredes témoi<>nages; il ne peut donc
faire prêter serment aux personnes qu'il appelle, parce qu'il
ne peut changer la valeur des renseignements qu'elles don-
nent. Ce n'est pas d'ailleurs le serment seulement qui cons-
titue le témoin, c'est l'examen que la défense a pu faire de
sa personne, c'est la faculté de le reprocher, c'est la contra-
diction qui peut attaquer sa déposition; or, cet examen et
celle contradiction sont-ils possibles à l'égard des personnes
qui sont subitement introduites dans le débat? Evidemment
non , et c'est pour cela que ces personnes apportent de sim-
ples renseignements et non des témoignages. Donner à ces
renseignements la sanction du serment, ce n'est pas seule-
ment transgresser la prescription formelle de Fart. :269, c'est
enlever à la défense l'une de ses garanties , car c'est intro-
duire un témoignage qu'elle n'a pas la facultéde discuter, c'est
employer contre elle une arme efTilée tandis que la loi l'avait
soigneusement émoussée.
Une sixième régie est que le pouvoir discrétionnaire
est , quant au temps pendant lequel il s'exerce, enfermé dans
le cercle des débats. L'art. 269 circonscrit formellement son
action « dans le cours des débats. » Ainsi , un président ne
peut ordonner , avant rouvcrlure des débats , que des té-
moins seront appelés pour être ( ntcndusà titre de renseigne-
ments ^ Ainsi , s'il peut appeler des témoins, même après les
conclusions du ministère public et les plaidoiries du défen-
• Cass,
9léf. 1843» rapp. M, Jacqaiuot. Bull, lu 29.
27 fév, i834« rapp. M. Thil, J. P., t, XXVI, p. 214*
474 DKft COUM D*ASSISKS.
seur, c'est parce que les débats ne finissent, d'après Tart. 335,
qu'après les plaidoiries et tes répliques ' . Cependant deux res-
trictions ont été apportées à cette règle par la jurisprudence.
D'une part, il a été admis qu'avant l'ouverture des débats,
le président peut , non pas procéder à un acte du ponvoir
discrétionnaire, mais préparer cet acte et, par exemple, faire
assigner la veille de l'audience des personnes qu'il veut y faire
entendre à titre de renseignements *. D'une autre part , il a
encore été admis que , même après la clôture des débats, de
nouveaux documents peuvent encore être produits, mais à la
condition expresse de rouvrir les débats pour que Taccmation
et la défense puisse les examiner et les discuter ^. Ce ne sont
pas là, à proprement parler, des exceptions, puisque, dans la
première hypothèse > il n'y a qu'un acte préparatoire de la
mesure ordonnée, et que, dans la seconde, les débats cessent
d'être clos ; ce ne sont aue des facilités données à la produc-
tion des preuves. Il ne faut pas du reste confondre ici le pou-
voir discrétionnaire avec le pouvoir d'information que les ar-
ticles 301 et 303 ont attribué au président : ce dernier ne
s'exerce qu'avant l'ouverture des débats K
Une septième et dernière règle est que tous les actes
nouveaux d'instruction, qui interviennent dans le cours des
débats, lors même qu'il ne serait pas constaté que le prési^
dent les aurait ordonnés , sont réputés émanés de son pou-
voir discrétionnaire. C'est uiie présomption , fondée par la
jurisprudence, qui a pour objet de couvrir quelques actes ir-
réguliers que lesdébats voient quelquefois s'accomplir. Ainsi,
lorsque le ministère public donne lecture d'une pièce qui ne
fait pas partie des pièces de Tinstruction , cette lecture doit
être considérée comme ayant ^u lieu en vertu du pouvoir
discrétionnaire ^. Ainsi , lorsqu'un témoin, entendu à titre de
renseignement, a été assigné à la requête du ministère pu-
blic , il y a présomption que le ministère public ai été délé--
gué par le président pour l'exécution de l'ordonnance qui
appelait ce témoin^. Ainsi, lorsque le ministère public lit
* Cass. 1 fév. 1839, rapp. M. Viiicen»>St-LaurenU I. P., ft aadatei i4ocL
1851, rappb 11. Roeher, BuU. d. 480.
* Cait. 44 jaîU. 1858, rapp. M. Aug. Moreau, Bull. n. 859.
* Casa. S juill. 1856, rapp. M. Legagneur. BuU. d. 239 ; 8 fér. 1858, r*p.
M, de Glos, n, 40.
* Cass. 13 no?. 1856, rapp. M. V. Foacber. Bull. n. 847.
"Cass. 24 juill. 1841, rapp. M. Defaaotty. BolK lu 119.
* Cass. 11 déc. 1851» rapp, M, Koeher. BuU, n, 361,
▲rmiBUTIOli» »K U GOUR B A8iI8II. § 610. 47tf
pendant la déposition d^un témoin une pièce du dosûer rela-
tive à ce témoin , cette lecture doit être considérée comme
ayant été autori^ét^ par le président ^ Ainsi , lorsque le pré-
sident lui-même fait un acte quelconque , qu'il n*a le droit
d'jiccompiir qu'en vertu du pouvoir discrétionnaire i îl Y t
lieu de pr(«umer que c^est dans l'intérêt de ce pouvoir qu'il a
agi % 11 faut au surplus remarquer que tous les actes que cette
présomption générale vient régulariser auraient pu être régu-
lièrement accomplis par le président ; il lui suffisait de les au-
toriser en vertu de son pouvoir ; il est donc raisonnable de
penser, puisqu'ils se sont passés sous ses yeux, qu'il les a en
effet r^uliérement autorisés.
S MO.
L Atribatiobs de la Gouir d'assises* — H. Elle statae seule lorsqu'elle
procède en Tenu d*aiie délégation de la loi. — III. Lorsqu'elle accom-
plit des actes qui n*ont pas été exclusivement attribués au prési»-
denU — IV. Lorsqu'elle prononce sur des incidents contentieux.—
V. Lorsqu'elle prononce sur Toppositisn aux ordonnances du pré-
sident.
I. A cAté des attributions personnelles du président , il
faut placer maintenant les attributions de la Cour d'assises.
Le président est investi d'une juridiction particulière ,
mais seulement , comme on vient de le voir, en ce qui touche
la police de l'audience» la direction du débat et l'instruction
du procès.
La Cour d'assises ^ c'est-à-dire le président réuni à ses as-
sesseurs» est investie d'une juridiction générale qui ne s'arrête
pas aux actes de l'instruction, quoiqu'elle prononce sur tous
les incidents et sur toutes les rtclamations que Tinstruction
soulève ; mais qui embrasse toutes les questions préalables et
préjudicielles qui s'élèvent avant le jugement, qui statue
sur toutes les réquisitions ou conclusions des parties et , en
dernier lieu qui prononce sur Papplication des lois pénales
aux crimes et délits, que les jurés ont déclarés constants, aux
accusés qu'ils ont reconnus coupables , et sur les dommages
et intérêts et restitutions qui sont réclamés par les parties.
Nous avons déjà établi , dans le chap. 13 du livre Y, sur
* Casa. SO sept lS5â, rapp. M. Nouguier. BulL m 399,
' Cas». 12 mai 1855» rapp. M, de Glos» Bull» d, 16A.
476 MS COUB 0*AMIfiK5.
la compétence pour le jugement, les attributions de UCouf
d'assises qui conslituont sa compétence proprement dile cl
qui sont relatives aui matières qui lui sont dévolues*. Nous
examinerons plus loin les pouvoirs qu'elle exerce à <»t
^ard*
Ce que nous voulons d'abord établir ici ce sont les attri-
butions dont la Cour d'assises est investie à côté du président,
ce sont les fonctions différentes qu'elle remplit, ce sont les
cas où son intervention est nécessaire pendant la durée
l'audience* La loi a placé dans Le sein de cette Cour de
une double juridiction : il faut déterminer dans quels cas Tune
ou l'autre est compétente. Les textes de la loi ne sont pas
assez précis pour que cette question soit exempte de dilE-
culté.
La Cour d'assises est , en général , appelée à statuer avaol
l'arrêt définitif, dans quatre bypotbéses distinctes :
Lorsqu'elle procède en vertu d'une délégation directe de
la loi ;
Lorsqu'elle accomplit des actes qui n'ont pas été directe-
ment ou exclusivement attribués au président;
Lorsqu'elle statue sur les incidents contentieux , c'esl-^
dire sur les réclamations des parties qui suigissentà l'au-
dience ;
Lorsqu'elle est saisie d'une opposition à l'une des mesures
prescrites par le président.
Nous allons examiner les pouvoirs dont elle est invet^tie
dans ces différentes bypothéses.
II. Il est évident « en premier lieu, que la Cour d'assises
peut seule statuer lorsqu'elle procède en vertu d'une déléga-
tion directe de la loi.
C'est ainsi , comme nous l'nvons déjà établi , qu'elle (leut
seule prononcer sur les excuses et les dispenses des jurés \
sur l'appel des jurés complémentaires ^, sur l'adjonction soii
des jurés suppléants ^, soit d'un ou de deux juges supplé-
mentaires '.
Elle peut seule prononcer encore :
i"" Aux termes de l'art. 87 du C. de proc. civ. et de Tar
ticle 81 de la Gonst. de 15 novembre 1848, demeuré enri-
*Voy. t.VI, |i.«32et8uiT.
■ Voy. $uprd p. 331 et suiv. -. » Voy. suprd p. 831 , — * Voy, supiti |>. 5b«
*yoy,suprdp. 184.
ATHiiBcnoNs ht LA GOOB dViaiies. § 610. 477
gueur, que les débats auront lieu à huis clos, lorsque ia pu-
blicité est dangereuse pour Tordre et les moeurs \
2* Le reiiToi d'une affaire à une autre session, conformé-
ment à Tart 3bk^ : le président peut exercer le même droit
ayant que Taffaire soit portée à Taudience \
2^ Sur toute opposition à Taudition des témoins cités , en
conformité de Part. 315, soit que cette opposition soit fondée
sur leur qualité de parents ou alliés des parties^, soit sur leur
désignation inexacte dans Texploit de notification ^, soit sur
leur intérêt dans l'affaire % soit enfin sur toute autre cause ?.
4"* Sur l'expulsion de Pliccuséde l'audience, conformément
à Part. 10 de la loi du 9 septembre 1835, dans le cas où par
ses clameurs il entraye la marche de la justice s.
5* Sur le renyoi du jury dans la chambre de ses délibéra-
tions, lorsque sa déclaration est irrégulière ou incompléle.
Cette décision, fondée sur les art. Sk8, 3(^9, 350 et 365, est
consacrée par une longue jurisprudence*.
6* Sur toutes les demandes de l'accusé et les réquisitions
du ministère public tendant à user d'une faculté ou d*un droit
accordé par la loi (art. 408). Ainsi» il n'appartient qu'à la Cour
de statuer sur les conclusions du ministère public ou de Tac*
cusé tendant i° à ce que des témoins soient dti nouyeau en-
tendus '<* : 2^ à ce qu'une expertise soit ordormée " ; 3« à une
vérification d'écritures "; 4* à ce qu'une enquête soit faite sur
' Cass. 12 jain 4898, rapp. M.Choppin. J. P., t. XXI, p. 15&6; 5 octob.
185Â, rspp. H. Jacqi:inoU Bail, lu iO.
>Ca«i. di ocL îSil, rapp. M. Aumont. BulU n. 107; 7 téf. 1888, rapp,
H. Mérilhou. J. P.,LXXV, p. 137; 3 mai 1889, rapp. M. Meyronnet-SlMarc
Bail D. 144.
' Cass. 6 fi^v* 482.1, rapp. M. Bri^rc. J. P., t. XiX, p. HZ.
*Cia«. aOsepU «827, rapp. M. Brière. J. P., t. XXT, p, 884; 27 jain
1828, rapp. M. Chanlerejne, U XXI^ p. «605; 21 sept. 1848 rapp. M. Lega-
Rneur, Bull. d. 246.
' CaiS. 9déc 1830, rapp. M. Rocher. J.P., L XXIII, p. 988.
* Cass. 18 déc 1817, rapp. M. Oilivier. J. P.,U XIV, p. 540.
^ Cass 22 mai 1835, rapp. M. Rocher. Bail. n. 198.
* Ca$s.29 jaov. 1857, rapp. M. Lt^Rneiir. Bul. n. 87.
' Caa^9 mai 1811, 14 uiii 1814, 27 oct. 1815, 2 mai 1816, 27 déc. 1817,
S9 avril lël 9, 4 juin 1819, 4 aviill822,16jam.l823,17 aTrill82i, 25aofit
1826,28 janv. 1880. 8 janv; 1836,14 avril 1837 etc.; 12iuill. 1855. Bull.
A* 248 ei les arr. dlés au tullelin en note de cet arrêt
'^ Cass. 8 fév. 1810, rapp. M. Benvenuti. J. P., t, VIII» p. 88.
* < Casi. 17 jaDf. 1839, M. Rocher. Bull. n. 24.
'* Cass. 12 janv. 1833, rapp. M. Rocher. J, P.^ t. XXY, p. 33*
478 ^^^ COVKi D^ftSUIS.
un point contesté ^ ; 5* à faire tenir note des oontradiedom
d^un témoin* ; 6* à ce que l'état mental d'un aocosè au mo-
ment de Touverture des débats soit constaté *•
III, La Cour d^assises est, en second lieu, compétente pour
statuer danatoUs les cas où le président n'a pas reçu une délé-
gation formelle et exclusive.
Le président, en effet, n'exerce, en ce qui concerne Vin-
struction, qu'une juridiction extraordinaire; il s'ensaii qu'elle
doit être strictement enfermée dans le cercle où la loi Ta éta-
blie et que dés qu^elle n'est plus explicitement soutenue par
les textes qui la fondent, il y a lieu de recourir à la Cour d'as-
sises, qui est la juridiction commune et que la loi n^a nulle* i
ment dépouillée de sa pui^ance. j
Delà il suit d*abord que toutes les fois que la Cour d^assiseï
a statué là où le président arait le droit de statuer sea^saof
les cas formellement réservés au pouvoir discrétionnaire, il j
n'y a point de nullité, car Tintervention de la Cour ne («H
qu'apporter une garantie nouvelle à la décision. Ainsi, il a)
a pas de nullité lorsque la Cour prononce, au lieu duprési- |
dent, sur une question qui appartient à la direction dudébat*;
ou lorsqu'elle annule, quand le président aurait pu le faire,
la déposition assermentée d^un témoin frappé d'incapacité'* i
Mous avons cité précédemment d'autres cas où la Cour avait |
exercé des droits attribués au président*. Il n'y a pas d'em-
piétement de pouvoir» tant qu'une réserve expresse ne les^
pas exclusivement conférés à ce magistrat.
Delà il suit encore que , bien que l'art. 306 ait délé-
gué au président le droit de fixer le jour du jugement dcdia-
que affaire et de le proroger? , il a pu être jugé « qu'aucune
disposition de la loi n'interdit à la Cour d'assises de renvoyr
une affaire à un autre jour de la même session '• » — Qu«
bien que l'art. 330 ait conféré au président le droit dWoo-
i Casfi. 87 ftv. 1834, rapp. M, Thil. J. P., U XXVI, p. 2i4.
* Gass. 19 réy. i816,rapp. M. Audier-MassilloD, J. P., U JUII, p. S8S
6 jaînl8S9, rapp. M. Rocher. Bull. d. iSI.
* Casa. 19 août 1819, rapp. M.GaHlard. J. P., t XV, p. 502.
* Cass. 2 juill. Isa, rapp. II. Dcbauisy, Dali. t. Instnct cnak,
B. tihà.
■ Cass. 9 jnill. 1859, rapp. M. Rocher. Bull. d. 83A ; Si teptonbte im
n. 8A6.
• Voy. êuprâ p. 467.
* Cass. 26 avril 4844, rapp. M. IsamberL Bull. n. IM».
* Cms. 17 f<&?. 1848, rapp. M. Brière-Valigny. Bull, n. 44.
AmiiunoNi M (A coui ^'assises § MO. 479
ner Tarrestation d'un témoin suspect de faux témoignage % la
Cour peut exercer le même droit*; — que bien que Fart.
270 attribue au président le droit d'autoriser la réaudition
de témoins déjà entendus', la Cour peut accorder la même
autorisation ^ ; — que bien que le président soit investi par les
art. 267 et 270, d'interdire au défenseur la discussion de la
loi pénale^ la Cour peut statuer également à cet égard*.
Delà il suit enfin que la Cour d'assises peut ordonner d'of-
fice toutes les mesures ordinaires d'instruction qui lui sem-
blent nécessaires pour éclairer sa propre religion et celle des
jarés ; car il appartient à tous les juges d'éclairer leur juge*
ment par tous les moyens que la loi met à leur disposition 7 ;
or, aucun texte n'interdit aux Cour d'assises, lorsqu'elles
croient que telle ou telle mesure d'instruction peut être utile,
d'ordonner cette mesure. |1 a été jugé dans ce sens a que si
Fart. 268 investit le président d'un pouvoir discrétionnaire,
en irertu duquel il peut prendre sur lui tout ce qu'il croit utile
à la découverte de la vérité, le Gode ne va pas jusqu'à inter '
dire dans tous les cas à la Cour d'assises la faculté d'ordonner
elle-même des actes d'instruction ; qu^il faut distinguer entre
les mesures qui dérogent aux règles spéciales de la procédure
devant la Ck>ur d'assises, comme la lecture d'une déposition
écrite contrairement au principe de l'obligation du débatoral,
ou l'introduction aux débats, malgré l'opposition de Taccusé»
d'un témoin dont le nom ne lui a pas été notifie, mesures ex-
traordinaires que le président seul peut prendre sur lui d'or-
donner en vertu de son pouvoir discrétionnaire, et les actes
ordinaires dinstruction, tels qu'une vérification par experts,
qui sont de droit conimuu, même devant la Cour d'assises, et
que toute juridiction a le droit d'ordonner par suite du prin-
cipe qui confère aux juges la faculté de recourir à tous les
moyens propres à l( s éclairer dans la mesure de ce qui n'est
pas prohibé par la loi ; que si, relativement à ces derniers actes,
le président des assises reçoit des art. 268 et 269 un pouvoir
* Casfl, 5 m« 1826, rapp. M. Ollifier. J. P., t. XX, p. 45S.
* Ct>S8. 12 mars 1831, rapp. M. Hivet. J. P., t XXIII, p. 1317.
' Cass. 27 août 185:», repu. M. Nouguier. Bull. n. 392.
* Cas», tt fév, ISiO, ra|ip. M. Beiivenuti. J. P., L VIII, p. 86,
* Cds». 8dëc 1826^ rapp. M. Olii>ifr. J. P., t XX, p. 1017.
* Cass. 36 déc 1823, ra|.p. M. Busschop. J. P., t. XVIII, p. 289 ; 1 août
1851, rapp. M. Meyroimet-bt-Marc^SaU,!!, 820.
'Voy.ngtrel.V,p.756.
4HÛ ht.& cov^?, i)\fisi«:L!$.
suffisant pour les prescrire de lui^mùme, la Cour d'assises n^
conserve pas moins le droit d^y recourir quand clic en a be-
soin pour s'éclairera » Ainsi saur les mesures extraordinaires
que la jurisprudence a fait rentrer dans les termes desart.
268 et 269, et qui ne peuvent ètro prescrites que par le pou-
voir discrétionnaire, parce qu'elles dérogent auxréglesdu
droit commun*, la Cour d'assises peut d^office ordonucr.
comme le président lui-même, tous les actes d^instruction qui
lui semblent utiles ; le pouvoir conréré, quanta ces actes, au
président, ne Ta point déshéritée du même pouvoir. Elle peut
les estimer nécessaires lorsque ce magistrat seul ne s*y arrête-
rait pas ; elle a le droit de s*éclairer puisqu'elle participe au
jugement.
lY. La Cour d^assises, eh troisième lieu, est seule compé-
tente pour statuer sur les incidents contentieux qui s'élèvent
dans le cours des débats^ c'est-à-dire, sur toutes les questions
que soulèvent les réquisitions du ministère public et les con-
clusions de Taccusé. Cette règle, qui résulte de l'ensemble des
dispositions du Gode, est pari iculièrément écrite dans plusieurs
de ses articles ; elle est écrite dans les art. 276 et 278 qui veu-
lent que la Cour d^assisos délibère sur toutes les réquisitions
du ministère public, dansTart. 408quî lui fait une obligation
de statuer ^ur les demandes de l'accusé et les réquisitions du
ministère public, tendante user d'une faculté ou d^un droit
accordé par la loi, dans Tart. 315 qui lui prescrit de pronon-
cer sur toute opposition à Taudition d'un témoin, dans l'art.
331 qui lui dérère, au cas de suspicion contre un témoignage,
le droit de renvoyer Taflairo à une autre session, dans Tart.
332 qui lui attribue le droit de prononcer sur la récusation de
l'interprète, dans Tarticie 356 qui lui défère les réclamatioDS
des témoins condamnés, dans l^art. 36k qui lui réserve la
connaissance des cas d^absolution» etc. La conséquence de toutes
ces dispositions est que la Cour d'assises doit intervenir et sta-
tuer toutes les fois que Taccusé formule quelque demandenu
quelque opposition, toutes Its fois que le ministère publir
pn-nd des réquisitions, toutes les fois enfin qu'une question
quelconque s'élève au sein du débat. Cette règle a reçu de
nombreuses applications ; il suffit d'en citer quelques-unes.
* Caw. 12 mars 1857, rapp, M. Logagneor. BnlL n. 110.
» Cns<», 38 Pfv. 1S50, à noire rapp. BuJl n, 73,
ATTIlIBtmO.MÂ DE LA COCB D*A8fiI8». § 610. 4St
Il a été décidé qu'il n'appartient qu'à la Cour d'assises de
statuer : i® sur l'opposition de Taccusé à la lecture d'une
pièce * ; 2* sur Topposilion du ministère public à Tordon-*
oaocede mise en liberté de l'accusé acquitté * , 3* sur la de*
mande de l'accusé tendant à ce qu'une question soit posée sur
la moralité d*un témoin ^ ; 4* sur l'opposition de l'accusé à ce
que les débats clos soient rouverts^; 5® sur toutes les récla*
mations relatires à l'audition des témoins"; 6* sur toutes les
demandes tendant à ce qu'il soit donné acte de tel ou tel fait
du débat * ; 7<> sur la question de savoir si, en l'absence d'un
témoin, il sera passé outre au débat 7 ; 8** sur toutes les récla-
mations relatives à la position des questions au jury S; 9* sur
toutes les irrégularités commises dans la déclaration des jurés
et qui donnent lieu à les renvoyer à un nouveau déli-
iȎre9;etc.
Tous les arrêts rendus sur les incidents contentieux ne peu-
vent Are rendus qu'après avoir entendu le ministère public
et l'accusé. Plusieurs de ces arrôls ont été annulés, parce qu'il
n'était pas constaté que le ministère public eut été entendu,
« attendu que le ministère public est partie poursuivante et
nécessaire dans toutes les accusations portées aevant les Cours
d'assises; et que quand des conclusions prises par les accusés
soulèvent un incident contentieux, la Cour ne peut y statuer
sans avoir préalablement entendu ou interpellé le ministère
public; que cette règle d'ordre public intéresse la défense aussi
i>ien que Paccusation ; qu'elle constitue une formalité substan-
liclle dont rinobservation entraine la nullité de Tarrèt qui j'a
suivi '''.)> Il en serait de môme des arrêts rendus sur lesréqui-
* Gasfl. 80 avril 1S19, rapp. M. Girard. J. P., t XV, 245.
' Cass, 14 juin 1855, rapp. M. Jallon. Bull. n. 208.
■ Cass. 22 seplemb. 1827, rapp. M. Clausel de Coussergues. J. p., e. XXI,
^ 806.
' Cas». 90 aofttlSl?, rapp. M. Aumout. J. P.» U XIV, p. 46i.
' Cass. 26 mai 1842. rapp. M. de Ricard. Dali. 42» 1, 378.
* Cass. 12 avrU 1855, rapp. M. Jalion.. Bul), n. 123.
^ Gass.Sl mars 1842, rapp.lVI.Meyronnet-St*Marc.Bull«D. 75 ; 23 juin 1832,
r»pp. H. Rires, d. 227»
' Cass. 1 oct. 1813, rapp. M. Busschop. J. P., t. XI, p. 710; 30 mars
1815, rapp, M. Raiaud, t XII, p. 656; 16 juin 1615, rapp. M. Busacbop,
I. XU, p. 772 ; 26 mai 1839, rapp. M. IsamberU Bull. n. 160.
*Cass. 19 mars 1812, rapp. M. Oudart J. P. t. X, p. 228; 17 avril
1824, rapp. M. Brîère, t. XVIII,p. 639; 11 oct. 1827, rapp. M, Maogin,
U XXI, p.' 819 ; 11 mars 1830, rupp. M. Dapaly, t. XXIU. p. 250 ; etc.
^* Cass. 22 janv 1857, rapp. M, Legagneur. Bull, n, 31; 22 janv« 1857»
rapp. Jtf. A. Moreau, n, 32.
vni. 31
sitions du tîiitiislère public, snns qu*il Tut constaté qiic i'accDsé
tt été ekilendu ou interpellé '. Mais le défaut d'audition soit du
ministère public, soit de Taccusé ne vicierait pas l'arrêt, si
rincident n'avait pas un caractère contentieux et s'il ne pou-
tait en résulter aucun préjudice pour la partie qui n'a pas été
Interpellée*.
V. Enfin, el tn quatrième lieu, la Cour d'assises est com--
pétente pour statuer sur i\ipposition aux ordonnances do pré-
sident* Elle est^ sous ce rapport, à l'égard de tous les actes
qui ne constituent pas des mesures extraordinaires émanées
du pouvoir discrétionnaire, une juridiction supérieure, char-
gée d'apprécier, sur l'opposition des parties, les mesures or-
données par le président et d'en juger Tutilité.
Ainsi, lorsque le président a * ordonné la jonction de plu-
sieurs actes d'accusation, les accusés dont les procès ont été
joints ont le droit de réclamer devant la Cour d'assises contre
aette ordonnance toutes les fois qu'ils croient que la jonction
peut être préjudiciable à leurs intérêts *•
Ainsi, lorsque le président refuse, soit de faire une inler-
pellation à un témoin, soit de poser des questions sur la mora-
litéd'un autre témoin, c'est àla Cour d'assises qu'il appartient^
en cas de réclamation,, de décider si l'interpellation sera faite,
si les questions seront posées 4.
Ainsi lorsqu'un accusé demande qu'il soit pris, pour faci-
liter sa défense, des mesures particulières autres que celles
qui ëont ordonnées par la loi en faveur de tous , il appartient
à la Cour, en cas de refus du président et de réclamation de
l'accusé, de juger jusqu'à quel point ces mesures sont conci-
liables avec la disposition des lieux el la police de l'audience ^
Ainsit lorsqu'un accusé demande la communication d'une
lettre anonyme contenant la dénonciation des faits imputés,
et que le président a refusé de faire droit à cette demande ,
attendu que cette pièce n'est pas jointe à la procédure, il
* Cass. il janv. 1859, rapp. M. Rocher. Bul). n. 18«
■ Gasii 16 iBart iSSik, rapp. M. Jacqvinot. BulL m 71 ; 16 mars lS5i,
ravp» M. A. M oretOi n. 78»
^ Cass. 11 mars 1856, ft notre ropp. Bail. n. 88 \ 2S jain 1855^ rapp. M,
Vft Foukher n. 230.
* CasB, 3S sept. 1887, rapp. M. Clausel deCoussergues. J. P., t. XXÎ, p.
«06 1 18 sept 1884, rapp. M. OUivIcr, t. XVilI, p. 1048 ; 1 oct. 1829. t XXli,
P. i4«^
• Cas% 4
!^pt. 1840, rapp. M, Vinefm-St-Laurfot, Bnll, n, 251»
ATTRlBrriOSS 9 F. U COUR D*ASSI5CS. §010. i^t
appailient à la Cour» si des conclusions sont prises à cet effet,
de décider si la cooimyoîcation est utile lux intérêts de la
défense '.
Ainsi en6n,s'i1 y a opposition à l'ordonnance du président
qni ordonne la réouverture des débats ', ou Tarrestalion d'un
témoin *, où la position d'une question subsidiaire ^, c^est
toujours la Cour qui connatt de l'opposition et qui est appelée
à confirmer ou réformer rordonnauce.
Ce pouvoir néanmoins rencontre une limite. Nous ayons
TU précédemment que la Cour d'assises est, incompétente
pour ordonner les mesures extraordinaires que la jurispru-*
dcncc a comprises dans les attributions du pouvoir discrétion-*
naire ^. Or, si elle ne peut les prescrire d'office, elle ne peut
être appelée à apprécier leur utilité lorsque les parties récla-
ment contre leur application. Cette distinction a été posée
par un arrêt qui porte a qu'il ne faut pas confondre les droits
que le président tient des art. 268 et 269, qui lui accordent
un pouvoir discrétionnaire, avec ceux qui lui sont conférés
par des dispositions spéciales; que si, en ce qui concerne
Veiercice de son pouvoir discrétionnaire, le président ne sau-
rait être soumis à le voir critiquer devant la Cour, il en est
difTéremment de celui qu'il tient d'une disposition spéciale
et déterminée ^. » Le pouvoir extraordinaire du président;
confié à son honneur et à sa conscience, ne peut donner lieu
aune réclamation devant la Cour : elle ne peut l'exercer, elle
ne peut donc en critiquer les actes.
Il a été décidé, en conséquence, que l'opposition à un acte'
du pouvoir discrétionnaire ne constitue point un incident con-
tentieux ^; que la Cour d'assises cependant, lorsqu'elle est
saisie par les conclusions de Taccusé ou les réquisitions du
ministère public» a l'obligation de statuer, mais qu'elle doit
examiner si la mesure a été prise ou non par le président dans
les limites du pouvoir discrétionnaire ; que si la mesure n'ap-
partient point exclusivement à ce pouvoir^ elle a le droit de
* Cais* 11 janT. 1851» à notre rapp. Bull, n. SI.
' Cass.27 août 1853. rapp. M. Nouguier. Bull. n. c02«
' Cass. 5 mai 1826, rapp. M, Ollivier. J. P., t. XX^ p, A5f.
* Cass. 27 sept. 1827, rapp. M. Gary. J, P., t»XXl, p. 808.
* Voy. suprd p. 486,
' Cau. 28 juin 1828, rapp. M. Foucher. Bail, lu 290» •
'Casa. 27 juin 1828, rapp. M. Cliantereyne, J. P., t. XXI, p. 1005; 13
avril 1880, rapp, M, Gaillard, t, XXIII, p. 88t),
iiSi OCS C06R6 li*A8^1SES.
gtatoer; que 8Ù au contraire, elle lui est spécialement réser-
vée, elle doit se borner à déclarer son incompétence pour
en connaître * • Qui donc doit statuer sur {^opposition?
C'est le président lui-même : il s'agit d'un acte qu'il peut
seul ordonner et que seul il peut réformer. Un arrêt déclare :
« que Topposition du ministère public à l'audition d'un té-
moin ne change ni n'altère les pouvoirs du président relati?e-
ment à cette audition ; quUl lui avait appartenu de juger s'il
accéderait à la demande de Taccusé ; qu'il lui appartenait de
même de juger si, d'après les réclamations du ministère pu-
blc, il devait refuser cette audition ; que la Cour d'assises, en
déclarant que la contestation rentrait dans rexercice du pou-
voir discrétionnaire, et qu'elle devait se référer à l'autorité
que la loi avait conférée au président» s'est conformée aux
règles de sa compétence; que le président ne pouvait être lié
par sa première ordonnance ; que cette ordonnance avait été
rendue dans reiercicc du pouvoir discrétionnaire et que, dans
Texercice de ce pouvoir, le président n^a d'autre règle que
sa conscience et peut modifier ses décisions d'après les difle-
rentes circonstances qui peuvent lui paraître exiger des me-
sures diiïérentes '. »
Toutefois , une question contentieuse peut s'élever sur
l'exécution d'une mesure. du pouvoir discrétionnaire. Ainsi,
si pendant l'audition d'un témoin entendu à titre de rensei-
gnements, le ministère public requiert la position d'une ques-
tion et que l'accusé s'y oppose, il en résulte un débat con-
tentieux que le pouvoir discrétionnaire ne peut résoudre et
pour la solution duquel la Cour est seule compétente ^.
S 611.
I. Attributions générales des jurés, renvoi. — II. Attributions des ju-
rés pendant les débats,
I. En principe général, les jurés statuent sur l'existence
matérielle des faits et de toutes leurs circonstances et sur leur
• Cass. 22 déc. 1842» rapp. M. Romiguièrcs. BuU. n. S35; 5 téf. iSk%
rapp. U. deCrouseiUiea. n*25| 24JQin 1853, rapp. M. Meyronnet-St-Uirri
II, 22A; 29 juin 185&, rapp. M. Jacquiiiot. n 207.
• Casa. 17 aoQt 1821. rapp. M. Ollivicr. J. P„ i. XVI. 854.
• Casa. 27 juin 1838, rapp. M, Isambert, Jr P , U XXV^ p. 615.
ATTRIBUTIOKS DM JtRÉS. § Cil. l8o
caractère moral; ils sUiueni encore sur la responsabilité
des agents et sur leur culpabilité. Leur compétence est
établie par les art. 337, SSTS, 839, 341 et 343 de notre Code.
La Cour d'assises n'interyient, aux termes des art. 358, 362
et 364, que pour faire l'application de la loi pénale sur les
déclarations du jury.
Mais ce n'est point encore le lieu de développer cette
double compétence du jury et de la Cour : son examen ap-
partient naturellement à nos chapitres 13 et 15 relatifs à la
position des questions au jury et au jugement
*
IL Nous ne voulons parler ici des attributions des jurés
que pendant la durée des débats et jusqu^au moment où corn*
mence leur délibération.
Ces attributions se réduisent à siéger, à prêter serment, h
apprécier toutes les preuves qui sont exposées devant eux et
à prendre, s'ils le jugent nécessaire, une certaine part aux
débats pour en provoquer le développement.
L'art. 309 dispose que « au jour fixé pour l'ouverture des
assises, la Cour ayant pris séance, douze jurés se placeront,
dans Tordre désigné par le sort, sur des sièges séparés du
public, des parties et des témoins> en face de celui qui est
destiné à l'accusé. » .
II a été reconnu avec raison « que cet article ne contient
qu'une disposition réglementaire et de police V» Il suit de là
que les changements opérés, soit dans Tordre où les jurés doi-
vent se placer, soit dans les dispositions matérielles de la sallp,
ne produiraient aucune nullité.
Après qu^ils sont placés, le président leur adresse le dis-
cours contenu en Tart. 512, et chacun d'eux prête serment ".
Ce serment se renouvelle à chaque affaire.
Ils ont le droit, ainsi que cela a été établi plus haut '»
pendant toute la durée du débat, de demander la parole au
président, suivant les termes de Tart. 319, pour obtenir les
renseignements ou les éclaircissements dont ils ont besoin.
Ils peuvent, aux termes do Tart. 328, prendre note de tout
ce qui leur parait important ^.
* Cass il sept 1822, rapp. M. Claasel de 6ou5ser;ties. h P., U XVIT,
p. 618.
* Voy, iuprd p. A26. — * Voy. tuprà p. 43). >
* Voy« iuprà p. &30.
483 • DES couKS d'assises
Enfin, ils doivent, comme nous l'avons déjà dit s'abste-
nir, surtout depuis Touverturc des débats, de toute manites-
tâtion d'opinion et de toute communication extérieure.
Leurs fonctions consistent donc tout entières pendant la
durée de Tinstraction dans l'appréciation attentive qu^ils doi-
vent faire des faits qui sont portés devant eux, dans TexaineQ
des indices et des preuves, dans la patiente audition qu'ils
doivent accorder à Taccusation et à la défense. Elles sont
toutes passives jusqu'au moment où commence leur déli-
béralion.
ArrBIBDTIONS BE iA FABTIK CIVILE { 612. 4S7
CHAPITRE YI.
. ATTRIBUTIONS DU MINISTÈRE PUBLIC, DE LA PARTIE
CIVILE ET DE LA DÉFENSE.
§. 612. I. Objet de ce chapitre. — II. Droits et attributions de la
partie civile pendant les aébats — III. Mode de sa constitution.
§. G13. 1. Droitsetattributioosduministèrepublic. — II. ÂTsntrou*
▼erture des débats. —III. Pendant le cours des débats.
§. 61 4. I. Droit de défeose. — IL Droit d*étre assisté d*un défenseur.
— 111. Choix ou désignation de ce défenseur. — IV. Quelles per-
sonnes peuvent être choisies ou désignées.— V. Effets des empêche-
ments ou absences.
§. 615. I. Règles relatives au droit de défense. — II. Communication
de Taccusé avec son défenseur. — 111. Communication des pièces.
— IV. Mode d'exercice des droits de la défeose. — V. Production
de preuves.— VI. Devoirs et limites du droit de défense.
S 612.
I. Objet du chapitre. — Droits de la partie civile dans les débats. —
111. Mode de sa constitution.
I. Noas continuens d'exposer les attributions des diffé-
rentes fonctions qui vont prendre une part active aux débats.
Nous venons de faire connaître celles des juges, c'esl-à-dire
du président , des juges assesseurs et des jurés ; nous allons
examiner les droits des parties, c'est*à-dire de la partie civile^
du ministère public et de Taccusé.
II. Noua nous sommes déjà occupé à plusieurs reprises de
la partie civile : nous avons établi , d'abord, quelles person-
nes peuvent exercer Faction civile et quelles sont les condi-
tions de cet exercice \* nous avons examiné ensuite les règles
générales relatives à cette action , les droits de la partie qui
l'exerce et la responsabilité qu'^Ue peut encourir '; nous avons
* Voy. notre 1 2« $ 113, p« 30? et suit*
> Voy. notre U 3> S 122, 193 et 34, Pi A5l, i7i et Mi
A9ê DBS COURS d'assises.
enfin exposé quelles sont les formes et quelles sont les consé-
quences de la constitution de la partie civile \ Il ne nous reste
qu'à déterminer les prérogatives dont elle est investie quand
elle s'est constituée devant la Cour d'assises.
Si la partie civile n*est plus, comme dans notre ancienne lé-
gislation , partie principale au procès, si , par une interversion
das rôles, elle est devenue simplement partie jointe à l'aetion
du ministère public', ses attributions sont encore assez
étendues.
Elle est partie au procès. De là il suit : l'' qu'elle a le droit
de citer des témoins devant la Cour d'assises, à la charge de
communiquer nu ministère public la liste de ceux qui sont
assignés à sa requête et de notifier cette liste à Taecusé 34 heu-
res au moins avant Texamen de ces témoins (art» 31 5) ; 2* que
les témoins doivent être interrogés sur le point de savoir s'ils
sont ses parents ou alliés ou s'ils sont attachés à son service
(art. 317); 3° qu'elle peut adresser les questions qu'elle juge
convenables , soit aux témoins , soit à l'accusé, par l'organe
du président (art. 319); 4*» qu'elle peut prendre dans le cours
des débats les conclusions qui lui semblent utiles à ses inté-
rêts ; ainsi , elle peut demander qu'un témoin, dont la dépo-
sition parait fausse, soit mis en arrestation (art. 330); elle
peut mè|ne requérir dans le môme cas le renvoi de Taflaire à
la prochaine session (artv 331); 5"* qu'à la suite des dépositions
des témoins, cette partie ou son conseil est entendu dans les
développements de sa plainte , et que la réplique lui est per-
mise (art. 335); 6^ eniin qu'elle prend, à la suito de la décla-
ration du jury, pourvu que sa constitution antérieure soit ré-
gulière, ses conclusions en dommages^intérèts et restitutions
(art. 358 et 359):
Nous examinerons l'application de chacune de ces dispo-
sitions dans nos chapitres de l'examen et du jugement. Nous
renvoyens spécialement à ces deux chapitres deux questions
importantes : l'une qui est de savoir si la partie civile peut
déposer comme témoin après s'être constituée, ou peut se cons-
tituer après avoir déposé; l'autre, si elle peut conclure à des
l'ellc
boîméei
i demandes.
« Voy. noire l. 5, S 3S6, p. 316 et suîn
= Voy. notre l. 2 p, 16'.
ATTRIBUTIONS 0E LA PARTIE CITILE. § 612. 489
Nous nous bornerons à placer ici quelques observations sui-
des points de pure forme.
Lorsque la partie plaignante s'est constituée partie civile
dans l'instruction écrite % son intervention dans les débats est
de droit, et il n'est pas besoin qu"il en soit donné acte. Lors-
que» au contraire y soit qu'elle ait ou non porté plainte *, elle
ne s'est pas constituée, il est nécessaire que son intervention
soit régularisée par un acte ou par un arrêt.
Lorsque Tintervention n'est Tobjet d'aucune contestation
de la part de l'accusé, il suffit que le président ou la Cour en
donne acte : l'accusé est suffisamment averti par cet acte
donné^Mais lorsque l'intervention est contestée, il est néces-
saire qu'il y ait arrêt de la Cour, car cette contestation forme
unincidentcontentieuxsur lequelelle peutseule statuer. L'ar-
rêt qui vient d'être cité semble admettre qu'une telle déci-
sion peut être rendue sans conclusions préalables du ministère
public et sans motifs ; mais en examinant ses termes, on voit
que tel n'est pas son véritable sens; il porte, en effet , « qu'il
n apparaît aucunement que le sieur Leprince (partie civile)
ait voulu intervenir dans le débat criminel autrement que pour
se réserver le droit de demander des réparations civiles après
le verdict du jury ; qu'il n'a pris aucune part au débat ; que
Taccusé n'a point élevé de débat contentieux à l'égard de
cette intervention; et que la Cour d'assises ne lui a point ac-
cordé les prérogatives d'une partie civile en lui accordant la
parole sur le débat criminel , et s'est bornée à surseoir sur les
conséquences de cette intervention ; d'où il suit que l'arrêt qui
a ainsi statué na d'autre vertu que celle qu'aurait eue l'or-
donnance du président qui aurait donné acte de cette inter-
vention ; que cet arrêt n'a créé dans le débat criminel aucune
influence préjudiciable à la défense de l'accusé ; qu'ainsi l'au-
dition du ministère public n'était pas nécessaire et que le dé-
faut de motifs reproché à cet arrêt n'opère pas une nullité
substantielle'*. » On voit que, par des raisons très contes-
tables en droit i noire avis^ cet arrêt a voulu assimiler la dé-
cision de la Cour d'assises k un donné acte, et n'a pas vu
dans l'espèce un incident contentieux, parce que l'accusé n'a-
' Voy. notret. V, S ^88, p. W.
* Voy. Bod. )oc p. 866.
' Cass. 7 avril 1854i rapp. M. Uambcrt. Bull. n. 09.
• Même arréU
490 DES COURS D^ASSISÊS,
vail opposé aucun préjudice. Il s^ensuit que, d'après cet arrêt
même, si l'accusé avait constaté Tintervention et s*îl avait eu
intérêt k la contester, il aurait fallu, à peine de nullité, que
J'arrêt eût élé motivé et précédé des conclusions du ministère
public. C'est là le point que nous voulons établir. Est-il , en
effet, un incident qui intéresse à un plus haut degré l'accusé
que l'intervention d'une partie civile? Qu'importe que celle
intervention ne touche que les intérêts civils , si elle joint une
partie à la partie publique, un second adversaire à cêté du
premier, si elle apporte dans le débat toute la vivacité des in-
térêts privés Troissés , si , pour parvenir à établir ses dom-
mages , elle prend une part active à la discussion et fait la
preuve du crime pour faire la preuve de la lésion? Il est éri-
dent qu'une intervention qui peut avoir de telles conséquences
ne peut , lorsqu'elle est contestée, être admise ou écartée que
par un arrêt de la Cour, et que cet arrêt doit nécessairement
être revêtu de toutes les formes légales.
La partie civile peut confier à un conseil la défense de ses
intérêts ou les défendre elle-même. Il n'est pas même néces-
saire qu'elle emploie le ministère d'un avoué pour prendre
des conclusions \ Enfin, elle peut ester devant la Cour d'as-
sises sans être munie d'une autorisation , lors rnôme que, s'il
s'agit d'une femme mariée , par exemple , elle serait tenue
d'être autorisée pour agir en justice, ou du moins ce défaut
d*autori$ation ne peut lui être opposé par l'accusé, puisque,
aux termes de l'art. 225 du G. civ., la nullité fondée sur le
défaut d'autorisation ne peut être opposée que par la femme,
le mari ou leurs héritiers *. Elle n'est pas letuienon plus d'ap-
peler en cause le tuteur ou curateur de l'accusé mineur, ou
le syndic de la faillite de l'accusé de banqueroute frauduleuse,
« attendu que la partie lésée peut se porter partie civile jus-
qu'à la ciêture des débats ; que les débats, uue fois entamt5,
doivent être continués sans interruption jusqu'après la dé-
claration du jury; qu'ils ne pourraient être ni retardés ni sus-
pendus par l'appel en cause du tuteur d'un mineur, du rpari
d'une femme, du syndic d'un failli , placés dans les liens u'nne
accusation; que tous sont soumis à l'exercice de l'action pu-
blique pour l'application des peines, sans que l'assistance de
* A contrario^ cass. 3 mars 1842, rapp. M* Vincfn»-Sl-L lurent, Bull,
n» 116é
sCossi 38 scpti 1838) rapp. M. Dcliau»). Bull. \n dl'/n
ATTBIBUTIOKS DU UlNlSTÈaË riBLlC. § 613. 49i
leurs représentants légaux soit nécessaire, quoique celte action
entraîne souvent des condamnations pécuniaires qui grèvent
la fortune et les biens des condamnés ; qu'ils trouvent des ga-
raDtics suffisantes dans la solennité de l'instruction et dans Tac-
complissement des formalités établies pour l'intérêt de la dé-
fense et que les mêmes garanties protègent aussi les intérêts
civils sur lesquels les Cours d'assises sont appelées à pronon-
cer; qu'il n'y a lieu d'admettre une exception à ces règles
pour l'action en dommages-intérêts contre l'accusé acquitté ,
tl'abord , parce qu'elle ne serait point justifiée par les termes
des nrt. 368 et 366, dont les dispositions comprennent dans
une seule et même catégorie les diverses actions en dommages-
inlérètsdont elles attribuent la connaissance aux Cours d'as-
î^i^os, et ensuite parce que celle exception serait inconciliable
^vecla forme de procéder que les articles ont établie*.»
S 613.
I. Droits et altribuLious du ministère public. — il. Avant routerlure
des débals.— Jll. pendant le cour» des débals.
I. Nous avons vu que le ministère public est un membre
essentiel de la Cour d'assises et que sa présence est nécessaire
à toutes ses opérations ^ Nous avons établi quels sont les ma-
gistrats délégués pour remplir cette fonction ^ et quelles règles
les régissent pendant la durée do leur service ^. Nous indi-'
querons ici les droits et les attributions qui leur appartien-
nent au moment où s'ouvrent les débats et pendant leur
tours.
Une règle générale , qui a déjà été posée ^, est que le mi-
nistère public ne peut, à peine de nullité, porter à la Cour
^i'assises aucune autre accusation que celle qui fuît l'objet de
l'arrêt de renvoi. L'art. 271 porte : « le procureur général
|>oursuivra soit par lui-même, soit par son substitut, toute
personne mise en accusation suivant les formes prescrites au
tliap. 1«' du présent titre. Il ne pourra porter à la Cour au-
*Cass. 9 mail845, rapp. M. Bresson. Bull. n. 17; 15 janv.1846, rapp.
M. Vinccns-St-Laureni, n. 21.
l Voy. suprd $ 590, p. 198 et suiv.
' Voy. suprd $ 590, p. J199, et t. Il, % 407, p. 199.
* Voy. nlL J 420 et 124, p.ûl4 cl suiv.
i,r. i:i^
AOî DES cûvvs d'assises.
cunc autre accusation, à peine de nullité et^ s'il y a lien i de
prise à partie. »
Il résulte de ce texte pour le ministère public roblig-.ition
stricte de se renfermer pendant tous les actes de son minis-
tère'dans les faits retenus et dans les qualifications légales que
les faits ont reçues dans Tarrét de mise en accusation*.
Toute sa fonction devant la Cour d'assises se résume à sou-
tenir et à développer Taccusation admise par cet arrêt : tout»
les réquisitions qu'il fait , toutes les mesures qu'il prend
dans chaque affaire ne doivent se proposer que ce bul
unique.
Cela posé, il faut distinguer les réquisitions et mesures di-
verses qu'il est appelé à prendre avant Touverturedes débsis
et celles qui suivent celte ouverture.
II. Parmi les mesures que le ministère public doit accom-
plir avant Touverture des débats , il en est plusieurs qui ont
déjà fait le sujet de notre examen» ce sont celles qui ont pour
objet l'exécution de l'arrêt de renvoi , à savoir, la transmis*
sion des pièces de la procédure au greffe delà Cour d^assiscs',
la translation de Taccusé dans la maison de justice ^, la ré-
daction de l'acte d'accusation 4, la signification de cet ade,
ainsi que de l'arrêt de renvoi aux accusés^.
Il en est une encore que nous avons examinée dans noire
§ 601 ^, c'est la notification qui doit être faite à la requête
du ministère public, de la liste des jurés de la session a cha-
cun des accusés.
En même temps qu'il procède à ces premiers actes, le mi-
nistère public est chargé de préparer les éléments du débat.
Il ne peut procéder à aucun acte d'instruction. Le prési-
dent des assises, aux termes de l'art. 303, est seul compétent
pour compléter, après l'arrêt de mise en accusation et avant
l'ouverture des débats , l'instruction des affaires qui doivent
être portées aux assises , et d'ailleurs, hors le cas de flagrant
délit , la loi n'attribue aux officiers du ministère public que le
droit de réquisition 7.
« Cass. iS aTril 4847, ciiéêuprâU VI, p. 425.
•Voy. t. VI,ii. S 441, p. 403,
» Voy. t VI, S 444, p. 410. — * Voy. t. VI, $ 445, p. 411,
• Voy. t VI, S 448, p. 481. — • Voy. suprd p. 817.
^ Casî. 27 aoûrt 1840, rapp. M. Meyronnel-St-Marc. Bull, n.289.
ATTRIftUTIOX.^ DC HINtaTÈBE FUBLIC. § 613. 493
Mais il est chargé de dresser la liste des témoins qu'il jage
nécessaire de faire entendre dans le débat. L'art. 315, en lui
attribuant la mission de faire notifier celte liste et de la pré-
senter aux débats , lui attribue par là même le droit de la
rédiger ; et la jurisprudence a même déclaré « que la loi s^en
rapporte sans condition au ministère public pour rétablisse-
ment de la liste des témoins dont le témoignagne peut être
nôrossairo dans le débat ^ »
De cette mission exercée par le ministère public , on a in-
duit que s'il ne peut se livrer à aucun acte d'instruction , il
peut du moins faire prendre par ses auxiliaires dos renseigne-
ments qui réclaircnt sur la composition de sa liste. Il peut ,
par exemple, envoyer sur les lieux un brigadier de gendar-
merie pour recueillir ex(ra-judiciairement les déclarations
des personnes qu'il serait utile d'entendre, « attendu que le
ministère public, chargé par la loi de dresser la liste des té-
moins qui devront être assignés à sa requête pour déposer
devant la Cour d'assises , doit employer tous les moyens pour
ne faire citer que des témoins dont la déclaration peut être
utile à la manifestation de la vérité, et qu'il ne lui est nulle*
ment interdit de faire prendre à cet égard des renseignements
par les officiers de police judiciaire, ses auxiliaires légaux \ »
Il peut faire interroger par la gendarmerie, à titre de simples
renseignements, deux personnes qui n'avaient point été en-
tendues dans le cours de l'instruction , « attendu que ces
renseignements ainsi recueillis ne constituaient point un acte
d'instruction '. » Il peut enfin faire prendre le relevé d'un re-
gistre y « attendu qu'en donnant Tordre au commissaire de
police de faire sur les registres de la Caisse d'épargne le re-
levé des sommes qui auraient été déposées par l'accusé, le
procureur impérial n'a pas fait acte d'instruction ; que ce do«
cument, qui a eu pour objet d'éviter le déplacement des re-
gistres et d'épargner à l'audience de longues et difficiles re-
cbercheSj a été joint aux pièces et que Taccusé ou son conseil
ont pu en prendre connaissance ^. »
Cette jurisprudence donne lieu à quelques observations.
1 Cass. i sepL 1853, rapp. M. JacqaiooLBull. n. ih^»
* Cass. 9 novembre 1843, rapp. M. Meyronnet-St-MarcBulI. n. 37S.
* Cass, 9 mars 1855 à noire rapp. Bull, n* 88 ; à août 1854, rapp. M, de
filoa. n. 250 ; 5 mars i85S, rapp. M. de Clos, n. 80.
* Cass, 18 déc 1856, rapp. M. Aug. Moreau. Bull. n. 400.
4M »FS coins n*A?sisr«.
L'arrêt de la chambre d'accusation (crmine Tinstruclion
écrite ; aussitôt qu^il est interTenu» cette instruction, soit que
les éléments quelle a recueillis soient ou non complets, est
et demeure close. S'il survient des faits nouveaux^ c'est au
président des assises quMI appartient de les recueillir. 11 est
hors de doute que le ministère public no pourrait^ sans eicès
de pouvoir, faire procéder i des actes d'instruction, car il ne
dépend pas du ministère public d'intervertir Tordre des
pouvoirs; il ne peut agir que par voie de réquisition,
et les juridictions auxquelles il pourrait adresser ses ré-
quisitions sont épuisées. Mais ces règles incontestables sont-
elles engagées dans les espèces qui viennent de passer sous
nos yeux? sont-ce des actes d'instruction que les renseigne-
mentsTecucillis sur les lieux pour indiquer les témoins les
plus utiles à la cause? Si le ministère public est incompé-
tent pour faire ou ordonner des actes d'instruction, ne con-
serve-t-il pas, même après Tarrèt de reiivoi, la faculté de
recueillir des renseignements qui se rattachent au procès?
C'est en se plaçant à ce point de vue que la Cour de ca>sn<
tion a rejeté les différents pourvois qui avaient relevé ces
actes. Il faut néanmoins prendre garde que, sous le prétexte
de prendre des renseignements sur les témoins, le ministère
public ne soit entraîné, lorsqu'il trouve l'instruction écrite
incomplète, à la compléter par une information dont il s«
servirait ensuite dans les débats. Go serait là un véritable
excès de pouvoir ; car le ministère public est chargé de sou-
tenir Taccusation telle qu'elle a été préparée par la procé-
dure écrite et admise par Torrôt de renvoi ; il n'est pas charge
de la compléter. L'accusé connaît les charges qu'il doit dé-
battre; il n'est pas préparé à débattre les nouvelles charges
que le ministère public introduirait ainsi dans le débat. La loi
n'a attribué qu'au président de la juridiction le droit excep-
tionnel d'y amener des éléments nouveaux.
Le ministère public peut-il faire assigner des témoins apré§
l'ouverture des débats? Un arrêt décide « qu'aucune dispo-
sition de la loi n'interdit au ministère public de faire assigner
au cours des débats de nouveaux témoins dont les dépositiom
lui paraissent nécessaires à la manifestation de la vérité;
pourvu que les noms de ces témoins aient été régulièrornent
notifiés ; que le même droit appartient sous la même condi-
tion aux accusés dans l'intérêt de leur défense. * n Mais si les
* Casf. iA janv» 1858, rppp. M. Aiigr, Moreciu. Bull, n.30.
ATTR1DVT10N3 DU MIN1?»TÉ:RE PlBLir. § (il 3* 49li
(iêhals n'ont que h durée d*une audience» s'il n'est pas pos-
sible dès lors de faire notifier 24 heures avant leur examen
les noms do ceux qui ont été cités^ que fautril décider? Il est
évident qu'ils ne pourront être entendus en vertu de cette
citation qu^avèc le consentement formel, soit des accusés, s'ils
ont été cités par le ministère^ public , soit du ministère pu-
blic s'ils ont été cités par les accusés '.
Les formes de la notification de la liste des témoins, qui
doit être faite à la requête du ministère public, seront expo-
sées dans le cbiipitre suivant relatif à la procédure antérieure
aui débats.
Le ministère public peut, dans certains cas, prendre des
réquisitions avant Pouverture des débats; il peut, aux termes
de Tart. 306, demander que Taflaire soit portée à une autre
session ou à un autre jour de la session commencée; il peut,
aux termes de Tart. 307, demander la jonction de plusieurs
actes d^accusation rédigés à raison du même délit contre dif-
férents accusés; il peut enfin, aux termes de Tart. 308, de-
mander la disjonction de plusieurs délits non connexes com-
pris dans le même acte d'accusation.
lU. Ses droits dans le cours des débats sont, i"* de prendre
des réquisitions toutes les fois qu'il le juge utile à l'instruc-*
tien du procès; 2"* d'être entendu dans tous les incidents qui
s'élèvent et sur toutes les demandes de l'accusé ; 3^ d'inter*
peller les témoins et les parties.
Il a le droit, en premier lieu, de prendre toutes les réqui-^
sitions qu'il juge convenables et la Cour d'assises est tenue d'y
statuer. L'art 276 est ainsi conçu : < Il fait^ au nom de la
loi, toutes les réquisitions qu'il juge utiles : la Cour est tenue
de lui en donner acte et d'en délibérer. » L'art 408 ouvre
en conséquence la voie de la cassation k lorsqu'il aura été
omis ou refusé de prononcer sur une ou plusieurs réquisitions
du ministère public, tendant à user d'une faculté ou d'un
droit accordé par la loi, bien que la peine de nullité ne fut
pas textuellement attachée à Tabsence de la formalité dont
rexécution aura été demandée ou requise. »
Le Gode a indiqué quelques*uns des cas où ces réquisi-
tions peuvent être prises: l'art. 315 lui accorde le droit de
* Voy, mprà P. 158 cl cass, 21 ayril iSAO, rapp. M, Romlgaières. Bull,
i96 »BS coins D*A8SISK8.
requérir que des témoins, dont les noms ne lui ont p» tté
régulièrement notifiés, ne soient pas entendus ; Tart. 318 le
droit de requérir qu'il soit tenu note des variations des té-
moins; Tart. 326 le droit de réquérir que quelques-uns des
témoins soient entendus de nouveau, soit séparément, soit en
présence les uns des autres ; l'art. 330 le droit de requérir
qu'un témoin^dont la déposition parait fausse, soit mis en arres-
tation; Part, 331 le droit de requérir, dans le casde cette ar-
restation, le renvoi de Taflaire à la prochaine session. Ce ne
sont là que des exemples : le droit de prendre des réquisi-
tions, loin d'être limité, est laissé à son entière discrétion.
La Cour d'assises est tenue, à peine de nullité^ de statuer
sur ces réquisitions; mais il ne faut pas confondre le refus de
prononcer atec le rejet de la demande; car rejeter une de-
mande, c'est y statuer '. Le ministère public a seulement
dans ce cas la faculté de se pourvoir, après Tarrét défioitiT,
contre ce rqet : l'art. 278 dispose, en effet, que « lorsque la
Cour ne déférera pas à la réquisition du procureur géoéril,
l'instruction ni le jugement ne seront arrêtés ni suspendus,
sauf, après Tarrèt, s'il y a lieu, le recours en cassation coolre
le procureur général. »
La loi a pris soin d'indiquer la forme des réquisitions. L'art.
277 porte : a les réquisitions du procureur général doivent
être signées de lui ; celles faites dans le cours d'un débat se*
ront retenues par le greifier sur son procès-verbal et elles
seront aussi signées par le procureur général. • Mais cette
forme n'est pas prescrite à peine de nullité et il a été admis
en conséquence « que les réquisitoires du ministère public
sont suffisamment authentiqués par les signatures du prési-
dent et du greffier sur le procès-verbal des débats *. » Il soit
delÀ que les réquisitions peuvent être prises verbalement: ce
n'est que pour en constater la teneur qu'elles «toivenl être
écrites et signées.
Le ministère public doit, en deuxième lieu, être entendu
ou du moins être interpellé de s'expliquer sur tous les inci-
dents qui s'élèvent dans le débat. C'est ce qui résulte^ ait
* Cass. 5 noT. i81S»rapp. M. Bosschop. J. P.» t X. p. 777; 18 jniolSlS.
t. XI, p.478; 8D0?.i8M,rapp. H. Busschop, U XII» p.441i 1 août 4816,
rapp. M. Ralaud« t. XIIL p. 577.
* Cass. «juin 1882, rapp. M. Brîère. J. P., t. XXIV, p. «15;2 janfier
1833, rapp. M. Olliyier, t. XXV, p. à ; 13 d^, 1840, rapp. M. de Ricaitt.
BuH. D.350.
ATTRIBUTIONS hV HMlSTiBE PtBLIC; § 613. 497
376, 315, 318, 3li6, etc., qui provoque son audition dauf^
les incidents qu'ils prévient; c'est ce qui résulte d'ailleurs dû
principe que le ministère public Taisant partie de la Cour»
puisque celles-ci n'est constituée que par son concours, doit
Bécessairement prendre part par ses conclusions à toute déci-
sion judiciaire émanée de cette Cour^. Ce principe a été con-
sacré par de nombreux arrêts qui proclament a que le minis-
tère public doit toujours être entendu '• »
Cependant une distinction a été faite. Il est nécessaire, à
peine de nullité, que l'audition du ministère public, ou Tin-
terpellation qui lui a été faite, soit constatée par le procés-
Yerbal, toutes les fois que Tiucident est cootentieui et que
des conclusions ont été prises par la défense. Cette règle a
été formellement énoncée par un arrêt qui porte « que le
ministère public est partie poursuivante et nécessaire dans
toutes les accusations portées devant les cours d'assises, et
que, quand des conclusions prises par des accmés soulèvent
un incident contentieux, la Cour ne peut y statuer sans avoir
préalablement entendu ou interpellé le ministère public ;
que cette règle d'ordre public intéresse la défense aussi bien
que l'accusation ; qu'elle constitue une formalité substan-
tielle dont l'inobservation entraine la nullité de l'arrêt qui a
suivi *. »
Mais lorsque l'incident n'a pas un caractère contentieux,
lorsqu'il ne s'est élevé aucun débat, le défaut de constatation
des conclusions du ministère public ne produit aucun effet.
Ainsi, dans une espèce où la défense avait déclaré renoncer
«ui déclarations de quatre témoins à décharge non-compa-
îaats, la Cour avait ordonné qu'il serait passé outre, sans
qu'il fut constaté que le ministère public eut été entendu, et
le pourvoi fondé sur cet incident a été rejeté : « attendu que
les accusés n'ayant élevé aucunes réclamations au sujet de la
non-comparution des témoins à décharge qu'ils avaient fait
assigner, n'ayant pas demandé le renvoi de la cause à une
autre session et ayant même renoncé formellement à Tau-
dition de ces témoins, le ministère public n'avait aucunes
conclusions à prendre à cet égard ni aucunes réquisitions i\
formuler* »
* Voy, suprà, $190 pJ98; et caiss.7avril 185ii,nipp.M.Isambert.BuI.D.99.
*Cas8. 12 janv. 1852, rapp. M. Ollivicr. J. P., l, XXIV, p. 560.
' CaiB. 22 jaqv. 1857, rapp, M. Lcgagnear. Bult. n. 51 ; 11 janv. 1889, rap^
M. Rocbcr. D. 18.
* Cuss. 25 jîuiT, 1849, rapp. M, Meyronoel-St-Murc, Bull. n. 19.
vui, 32 J.
498 DES COURS d'ass^hb?.
Enfin, lors même que rincident aurait un caractère oon-
tentieux > Tomission des réquisitions ou de leur oonstatatioa
ne peut opérer nullité au profit de Taccusé, si cette omission
ne lui a causé aucun grief. Ainsi, dans deux espèces où Tac-
cusé avait requis et la Cour accordé qu*îl fût donné acted^un
fait du débat, sans que le ministère public eût été entendu, le
pourvoi a été rejeté : « attendu que le silence du ministère
public n'a pu faire grief à Taccusé, puisque l'arrêt a ordonné
la constatation du fait dont il avait demandé acte à la Cour
d'assises^ . »
Enfin, et en troisième lieu, le ministère public a le droit
d'adresser des interpellations et desquestions soit aux témoins,
soit aux accusés. Ce droit est formellement écrit dans les
deux derniers paragraphes de Tart. 319. Il a été jugé en
conséquence « qu'aucune disposition n'interdit au magistrat
du ministère 'public siégeant dans une Cour d'assises d'adres-
ser, pendant les débats, des questions aux accusés sur les faits
relatifs à l'accusation et que ces questions ne peuvent porter
aucune entrave à la défense ; que le droit d'adresser ces
questions ne peut qu'être utile à la manifestation de la vérité
et que la combinaison des art. 317j 318 et 319 ne permet
- pas de supposer que l'intention du législateur ait pu être
do rendre le ministère public étranger aux débats de l'au-
dience •. »
S 614.
1. Droit de déf«DS6, — IL Assistance d*Qn défenseur. «— 111. Choii
et désignation de ce défenseur. — lV..Parn)i les amis ou parents
de Taccusé. — V. Règles qu'il doit observer. — V rEmpêchcmenl,
abse n ce, remplacemen t .
1. La défense des accusés ne doit être considérée ni comme
un privilège que la loi aurait établi, ni comme une mesure
que l'humanité aurait conseillée ; elle constitue un droit que
toutes les législations, même celles qui l'ont le plus restreint,
ont mis au nombre des droits naturels que les lois positives
peuvent régler sans doute, mais qu'elles ne peuvent jamais
détruire. La jurisprudence romaine n'admettait pas qu'une
personne, même un esclave, pût être traduite en justice
sans être défendue : AU prœtor : si non habebunt advm-
* Cass. 16 janT. 1854, rapp. M. Jacquinot. BuU. n. 71| i9 BtifitM»
rapp. M. Âug. Moreau, n« 93.
a CuM, le mai 1 W, rapp, M, Mirilhott, BuUi n, 146»
ÂTTRIBUTIOBIS DE U ftéFENSE. § 614. 499
/KOI, ego dabo ' . Giceron fait un titre d'accusation contre
Verres d'avoir jugé Sopater et Sthenius, sans avoir entendu
leors conseils quum reus sine pcUrono atque advocatie fuis^
set '. Ammien Blarcellin flétrit un tel jugement comme un
crime : Née audiium damnare nefas ultimum ^ Tous les
légistes, même ceux qui écrivaient au xvi* siècle, déclarent
que la défense ne peut dans aucun «as être étouffée, parce
qu^elle est de droit naturel ^. « Notre Iby d ouïr Taccusé,
dit Ayrault, est des naturelles lois, conséquemment de
celles qui sont sacrées et inviolables ^. » Celte loi» en
effet» n'est qu'un corollaire de la loi générale qui déclare lé-
gitime t la défense» tuition et conservation de soy ». » Le
droit de légitime défense, qui se manifeste par les actes vio-
lents quand il repousse une violente aggression, se produit
dans des explications et des preuves quand il répond k une
attaque judiciaire. C'est la même règle dans Tordre matériel
et dans l'ordre moral. Un citoyen a le droit d'être entendu
quand il est sous le poids d'une prévention dont la vérité n'est
pas encore démontrée et qui peut être injuste, comme il a le
droit de se défendre par la force, vim vi repellere, quand
il est attaqué par la force. C'est donc là l'une de ces formes
essentielles qui, suivant l'expression d'un éminent magistrat»
« seraient obligatoires lors même qu'elles ne seraient consa-
crées par aucune loi ; qui ne sont point d'institution humaine,
mais de droit naturel» et que les lois positives ont pour objet
principal de faire prévaloir et de sanctionner ?. » Delà le
principe proclamé par l'art. Ik , tit. 2, de la loi du 16-24
août 1790 : « tout citoyen aura le droit de défendre lui-même
sa cause. » Delà aussi la vieille maxime : Nemo condemn€Uu$
nisi audilus vel advocatus^ maxime que l'art. 11 de la cons-
titution du 5 fructidor an m avait élevée au rang des droits
constitutionnels des citoyens ; « nul ne peut être jugé qu'a-
près avoir été entendu ou légalement appelé. »
Notre Code» sans reproduire cette formule théorique» en
a fait, en général, l'application à la procédure des assises. La
défense» dans son système, revêt un double caractère ; vis-à-vis
* Ulpian. L. i Dig. de Poslulando; Mcecian. L* 11. De publicîs judiciis ;
Marcian. L, 19, De pœnis.
* 2* act. adv. Verr. lib. secundus, de juridiclione Siciliens!» n. XXX et
seq. — JLib. XV, n.l9.
* Gîgas, De crimine laesae majest.» p. 418; Anton* Bianct practica crinU
naiis, C 38, o. 81. *-
* Instruction judiciaire, 11?. I, m 6. -« ' Eod« loc., lib. i« d« 6*
^ M, le premier pr^ident Porl«li9| Précédente de li Cour des pairs, p. 519«
de Taceusé, elle est un droit ({u'il exerce librement pendant
tout le cours du débat et jusqu'au jugement; ?is-à-vis de la
justice, elle est un moyen d^instruction, une des sources de
la vérité, une foi me essentielle de la procédure. Elle est à la
fois instituée dans l'intérêt des accusés et dans Tinlérét <1e la
société ; dans Fintérèt des accusés, pour qu'ils puissent faire
valoir toutes les exceptions, toutes les justifications, tous les
moyens de fait ou de droit qui leur appartiennent ; dans Tin-
térôt de la société, car le premier besoin de la société est la
justice, et il n'y a point de justice là où la défense n'est pas
entière, car il n'y a pas c^Ttitude de la vérité. La défense n*cst
pas moins nécessaire au juge qu'à l'accusé lui-même. Est-ii
assuré de connaître la vérité s'il n'a entendu qu'une par-
tie, s'il n'a appris que les arguments de Taccusation, s'il
n'a envisagé l'afiairc que sous un seul point de vue, sans té-
moins à décharge, sans confrontation, sans plaidoiries contra-
dictoires? Il ne peut en être assuré que si l'accusé est misa
portée de débattre les témoignages accusateurs, de produire
des faits justificatifs et de se livrer librement à tous les déve-
loppements que la cause comporte. La défense est le droit de
Taccusé, mais elle est en même temps la garantie de la jus-
tice et le moyen le plus puissant d'arriver à la connaissance de
la vérité.
C'est parce qu'elle est non-seulement un droit, mais une
forme essentielle de l'instruction criminelle, que les accusés
ne peuvent renoncer aux mesures établies pour l'assurer. La
jurisprudence a déclaré, en eiïet, dans un grand nombre d*ar-
réts, 0 que les accusés ne peuvent valablement renoncer à
l'exécution des formes que la loi a prescrites d'une manière
absolue dans l'intérêt de leur défense ^ »
C'est parce qu'elle constitue non-seulement un droit, mais
une forme nécessaire de Tinstruction que, lors même que
l'accusé refuserait de se défendre ou d'être assisté d'un con-
seil, la loi, qui ne permet pas qu'un accusé reste sans conseil,
djttpose impérativement qu'il lui en sera nommé un etsur-le-
chnmp, afin quel'instruction orale ait lieu contradictoi^cment^
IL Le premier corollaire du droit de défense est que l'ac-
cusé soit assisté d'un cons^âl.
• Cass. 19 juio 4823, rapp. M. Gaillard. J. P., XV1I,1I96; 10 jaîUetiSS),
rapp. M. AuinoDl, XVIIJ, 23 ; 10 mars 1825, rapp. M. Brière, XIX, 319 ; 7
JaRvicr 1836, rapp. M. Mérilhou. Buil. n. 6.
* Cass. %7 TendéiDÎ^ire ao 8 rapp. \1. MUtw, J. P., ï, 509,
AlfUlBUnONâ DE LA Dlîl'SNSË. § UlS. ^JOl
Nous avons vu que, dans la jurisprudence romaiiio, le prê-
teur Dominait d^oÔice un conseil à tous ceux qui arrivaient
devant le juge sans en être pourvus K 11 en nommait aussi à
ceux qui n'en avaient pas trouvé : Non solum his perêonig
hanc humanitatem prœtor $olet exhibere, verum et si quis
aliussii qui certis excausis, vel ambitione adversarii^ vel
nielu, patronum non invenit^. Cette sollicitude de la justice
sï'lenilait jusqu'aux esclaves ^.
L'assistance d'un conseil demeura» en général, Tune des
formes de la procédure accusaloirc. Mais la procédure in-
quisitbriale, dès qu'elle commença à prévaloir, la supprima"^.
Lnrt. 162 de Tord- d'août 1539, et l'art. 8, tit. 14, de Tord.
de 1670 déclaraient que « les accusés devaient répondre par
leur bouche et sans le conseil et le ministère d'aucunes per-
sonnes. •
L'une des premières réformes de TÂssemblée constituante
fut l'abolition de cette prohibition qui témoignait de l'igno-
rance plus encore que de la cruauté du législateur. Le décret
du 8 octobre 1789 portait, c art. 10, que Taccusé décrété de
prise de corps, pour quelque crime que ce soit> aura le droit
de se choisir un ou plusieurs conseils, avec lesquels il pourra
conférer libroraeot en tout état de cause, et l'entrée de la pri-
son sera toujours permise auxdits conseils. Dans le cas où Tac-
cusé ne pourrait pas en avoir par lui-même, le juge lui eu
nommera un d^office à peine de nullité. » Et Tart. 21 ajoutait
que le conseil pouvait a parler pour sa défen^^c,» a l'judicnco
ou le procès était jugé. La constitution du 3 sept. 1791 se bor-
na à poser en principe qu'on ne pouvait « refuser aux accu-
sés le secours d^un conseil. » Et ce principe n'a plus cessé de
mifier notre législation pénale. L'art. 13, lit. 6, de la loi
du 16-29 sept. 1791 eUes art. 321 et 322 du C. du 3 hrum.
an IV l'appliquèrent dans des termes à p«?u près identiques.
Voici le texte de ces deux derniers articles : « L'accusé peut
choisir un ou plusieurs conseils pour Taider dans sa dôfcnse.
A défaut de choix de sa part, lors de son interrogatoire, le
président ou le juge qui l'interroçe lui désigne un conseil Sur-
le champ, à peine de nullité. Cette dt^signation devient nuMo
si, avant l'ouverture des débals, Taccusè choisit lui-même un
autre conseil. Les conseils de l'accusé ne peuvent communi-
quer avec lui qu'après son interrogatoire. ^>
^ Voj. suprà, p. &98 •— * Ulp., 1. 1« $ 4. Dig. de Postulando.
' dp., I. XIX. Dig. de pœiii». — * Voy. noire t. J, p. «29.
502 DES COURS d'assises.
Toutes ces dispositions ont passé dans notre Code. Son
art* 294 veut que dans les vingt^quatre heures de Tarrivée de
Paccusé dans la maison de justice, a il soit interpellé de décla-
rer le choix qu'il aura fait d'un conseil pour Taider dans sa
défense, sinon le juge lui en désignera un sur-le-champ, i
peine de nullité de tout ce qui suivra. Cette désignation sera
comme non avenue et la nullité ne sera pas prononcée, si
Taccusé choisit un conseil. »
La première règle posée par cet article est Tassistance de
l'accusé par un conseil. Il importerait peu qu'il déclarftt qu'il
se défendra lui-même et qu'il n'a pas besoin d'un conseil : il
lui en serait dans ce cas même désigné un d'office, car la loi
ne veut pas qu'un accusé comparaisse devant les assises sans
être assisté d'un défenseur; elle a introduit le défenseur dans
le déhat comme l'un de ses éléments, comme le contradicteur
légal de l'accusation ; elle lui a attribué le droit personnel
de faire valoir tous les moyens de défense que Texamen lai
suggère ; sa présence est nécessaire non-seulement à Tao-
cusé , mais à la justice. Dans une espèce où le défenseur dé-
signé d'office , pour remplacer momentanément le défenseur
choisi par l'accusé et qui devait déposer comme témoin, avait
été excusé et n'avait pas été suppléé par le président» de sorte
que pendant une certaine partie du débat, l'accusé n'avait pas
eu de conseil , la cassation a été prononcée : c attendu que
l'esprit et le texte de l'art. 29& exigent que Faccasé soit
constamment assisté d'un conseil, et ce à peine de nullité;
que, par le fait du président, Massy, dépourvu de défenseur
pendant une grande partie des débats, n'a pu jouir des moyens
de défense que l'art. 319 l'autorisait à faire valoir par son
conseil comme par lui-même \ » Et cette assistance est né-
cessaire, non-seulement pendant le débat où s'agite la ques-
tion de la culpabilité, mais encore pendant le débat qui a pour
objet l'application de la peine aux faits déclarés par le jury.
Dans une espèce où l'affaire avait été renvoyée après cassation
devant une autre Cour d'assises pour la seule application de
la peine, cette application a été annulée parce qu'elle avait
été faite sans que l'accusé eût été assisté d'un conseil : « at-
tendu que l'art. 394, ne limitant point aux débats Tassis*
tance du conseil qu'il enjoint aux juges de désigner à l'accusé
qui n'en a point choisi, cette désignation ordonnée pour la
' Cas», iSJuUlet 1849, rapp, M. de Doiasieux. BulU n. £59.
ATTRIBITTIOMS DK LA DÊFEKSC. § 614. 50S
totalité de la déCense, est également voulue pour Texercice
du droit qui appartient à Taccusé de plaider sur Tapplication
à faire de la loi à la déclaration du jury; que la généralité du
principe à cet égard est confirmée par Tart. 364, puisque en
défendant à Taccusé et à son conseil de plaider désormais que
le fait est faux , il l'autorise à plaider sur la qualification de
ce fait et sur Tapplication qui doit y être faite par la loi '. »
Une deuxième règle est que le choix du défenseur appar-
tient à l'accusé : « s'il est un choix , a dit M. Dupin , qu'on ne
puisse refuser à un accusé, c^est assurément de choisir libre-
ment rhomme auquel il doit confier le secret de ses pensées ,
de ses erreurs , de sa faiblesse , et son existence toute en-
tière •. » La loi a tellement eu en vue de favoriser ce choix,
qu'elle ne lui a assigné aucun délai et que, à quelque époque
qu'il intervienne, il a pour effet d'annuler la désignation faite
par le président. Aussi il a été jugé « que la 2« disposition
de l'art. 294 est générale ; qu'elle n*est point subordonnée
à l'époque où l'accusé peut avoir fait, avant le débat , choix
tfun conseil *, » et que, lors même que ce conseil n'aurait
été choisi qu'à l'audience et au moment de l'ouverture des
débats, il doit remplacer le défenseur nommé par le prési-
dent*. L'accusé peut d'ailleurs choisir plus d'un conseil, sll
le juge utile & sa défense ^.
Une troisième règle est que , si l'accusé ne fait pas choix
d'un conseil , le président doit lui en désigner un d'office.
Cette désignation doit être faite, soit qu'il néglige de faire
un choix , soit qu'il le refuse ; elle est prescrite à peine de nul-
lité. Mais plusieurs questions s'élèvent ici.
Que doit faire le président losque l'accusé déclare qu'il n'a
pas encore fait de choix , mais qu'il se réserve d'en faire un ?
H a été* jugé dans ce cas « que si Taccusé n'a eu de conseil
qu'aux débats, c'est à lui seul qu'il doit Timputer, puisqu'au
lieu d'accepter l'oflVe qui lui a été faite de lui en désigner un,
il s'est réservé le droit de le nommer lui-même, droit dont il
a usé quand il lui a plu «. » H résulte du texte de l'art. 29*
qu'il suffit que l'accusé n'ait pas choisi un conseil , au moment
* Gass. 22 avril 1818, rapp. M. Baîlly, h P,, XI, 809.
■ De la libre défense des accusés. ^ „ «^ « ivi«B«« « ka
' Casa. 19 dot. 1818. rapp. M. Rob«U DalL »*?• '^^éfens. D. 50.
• Casa. SI août 1818 , rapp. M. Busschop. J. P.» XIV, 1004,
* Casa. 3 Uierm. an x. Bull. d. 215.
• Gau. 18 mwW. an t. DaU. v' Défense, n. 50.
ÎS04 DES GOQilS D*A88l8Eft.
OÙ il e^t ÎDlerpellè, poar que le président doive nommer
d'office; cette nomination sera nulle si raccosé en fait
une. Mais il ne faut pas qu'il soit exposé, par sa négligence,
à ae présenter aui débals sans être assisté ; c^est précisément
à celte négligence qne la loi a voalo pourvoir. Pourquoi aa-
cune désignation nVt*elle lieu quand l'accusé a Tait un choix?
C'est que la défense est assurée; mais elle ne l'est pas encore
quand il se borne à exprimer un projet; il faut donc y pour-
voir en attendant qu'il le fasse lui-même.
Que doit faire le président lorsque le défenseur choisi par
l'accusé est empêché de remplir sa fonction et par exem-
ple s'il doit figurer comme témoin dans la cause? Il doit
nommer un conseil d'office pour le suppléer pendant la durée
de sa déposition. Ce point a été consacré par un arrêt qai
porte a que l'avocat choisi par l'accusé a été appelé comme
témoin par le ministère public et entendu en cette qualité mx
débats ; que , pendant l'audition de ce témoin , il n'a pas été
fait choix pour l'accusé d'dn autre c6nseil , et qu'à défaut de
ce choix, il ne lui en a pas été nommé un d'office par le prési-
dent; que, pour une partie des débats, il n'y a donc «^ pour
J'accuse ni choix d'un conseil de sa part, ni nomination poar
lui par le président; qu'ainsi l'accusé a été privé, pendant cette
époque des débats, sans son fait et sans le fait du conseil anté-
rieurement choisi , de l'assistance d'un conseil ; que , oonsé-
quemmenty il n'a pu jouir des moyens de défense qui l'autori-
saient à faire valoir par son conseil comme par lui*même contre
la déposition de chaque témoin ^ »
Que doit faire le président, lorsque le défenseur choisi par
l'accusé refuse ou ne peut remplir ce mandat? Il doit lui en
désigner un autre au moment même où il apprend le refas
ou rempêchement; car la défense n'est assurée qu'autant
que le choix est suivi d'une assistance efficace ; si l'assistance
ne peut avoir lieu, le choix doit être considéré comne s'il
n'existait plus, et il y a lieu d'y suppléer par la désignation
d'office. Telle est la marche indiquée par la jurisprudence '.
L'assistance d'un conseil n'est point une vaine forme qui
doive être réputée accomplie par le seul fait du choix de co
conseil ; la loi n'a prescrit la désignation que pour assurer
une assistance réelle et complette, et cette assistance ne doit
. * Gass Âjmv. 482i» rapp. M. Basscbop. J. P., XVI, SSSs 30 avril ISdô.
BdII.ii. 16i; 13 juillet 1869, dté.^uprà, p« 509.
3 C«9». 16 sept. ISdJ, rapp. M. Ollivier. J. P., XXIV, S4«.
ATtKIBOTIOHfl 0E LA ttiftSSE» § 01 i. 505
jauiaiënifiuqQer a Taccusé, au moins par le fail du président
uu de la Cour d'assises. La même solution doit s'appliquer
au cas où le défenseur choisi n'aurait pas été agréé par le
président ' ; elledoit s^appliquer également au cas où Tavocat
nommé d'office serait emptehé d'une manière quelconque.
Le président est-il tenu de désigner autant de conseils
qu'il y a de coaccusés? Il a été jugé qu'il suffit de désigner
UD seul défenseur à deux ou plusieurs coaccusés du même
crime qui ont une défense communo' . Mais lors même que
les moyens de défense sont les mêmes, les intérêts sont-ils
toujours identiques? On comprend que, par suite d'un ar-
rangement entre les défenseurs et leurs clients, la défense de
tous soit confiée à un seul ; mais ce n*est pas au président à
régler le mode de la défense, c'est aux accusés eux-mêmes ;
Tart. 294 veut que chacun des accusés soit interpellé de
choisir un conseil ou qu'il lui en soit désigné un ; on ne doit
pas s'écarter de la disposition de la loi.
S\ l'afiaire est renvoyée à une autre session» une nouvelle
désignation est-elle nécessaire? Nullement ; la première dé-
signation continue de subsister *. La jurisprudence est allée
beaucoup plus loin dans cette voie en supprimant même
l'interrogatoire du nouveau président des assises ^.
Le procès verbal de Tinterrogatôire doit, à peine de nul-
lité, Gon$tater|que l'accusé a été interpellé du clioix qu'il a
fait, et s'il n'en a pas fait» que la désignation d'un conseil lui
a été faite d'offico; car c'est là la preuve légale de Taccom-
plissement de la formalité. Cependant cette nullité pourrait
être couverte soit par un choix fait ultérieurement, soit par
une désignation postérieure à Tinterrogatoire, pourvu qu^elle
eût été faite plus de cinq jours avant l'examen ; nous verrons,
en effet, que Jes accusés doivent jouir d^nn délai de cinq
jours au moins pour préparer leur défense ^ ; or ce délai
qui court du jour de l'interrogatoire, quand ils ont été pour-
vus d'un conseil qui a pu immédiatement communiquer avec
eux, ne doit courir que du jour de cette communication lors-
que, par le fait du président» elle a été retardée.
^ Gass. 8 ocL i6S2, rapp. M. Loovot. J« P., XVII, eS4.
* Casa. Î8 mai 4»18, rapp. M. Lecoulour. J. P., XVI, 828; 3 avril iSfS.
rapp. M. Aumont, XIV, 732 ; 23 déc. 1826, rapp. M. Ollivicr. XX, lOSi.
' et * Cass. 6nov. 18A0, rapp. M. Dehaiissy. Sir. 41, i, 523.
' Casa. 39 juin 184«, rapp. M. Meyrouaet St-Marc. Bull., u. 189 ; 31 mai
lSi9, rapp. M, Lcgagncur, n. 121; 14 février 1860. A notre rapporl,
II. 60, elc.
^06 DES CODKS D*A8SISES.
IlL Le choix que peut faire l'accusé et la désignation qae
fait le juge n'avaient point de limites dans la législation in-
térieure ; mais la loi, ayant rétabli les avocats et les aYOoés,
les a circonscrits dans les termes suivants : « Art. 395. Le
conseil de l'accusé ne pourra être choisi par lui ou désigné par
le juge qne parmi les avocats ou avoués de la Cour impériale
ou de sonressort; à moins que l'accusé n'dl)tienne du prési-
dent de la Cour d'assises la permission de prendre pour con-
seil un de ses parents ou amis. »
Cet article renferme deux dispositions distinctes. Exami-
nons d'abord celle qui concerne les avocats et les avoués.
En ce qui concerne les avocats, Tapplication de Part. 395
a rencontré pendant longtemps quelques entraves. L'art. 10
du décret du ik décembre 1810 et Tart. 13 de lordonnance
du 20 novembre 1822 avaient posé en principe que les avo-
cats ne pouvaient exercer leur ministère que devant la juri-
diction à laquelle ils étaient attachés, et que dans les cas ex-
ceptés il fallait une autorisation spéciale ; et la jurisprudence
avait admis que ces dispositions réglementaires avaient im-
plicitement restreint l'art. 295 ^ L'art, k de l'ordonnance du
27 août 1830 vint modifier cet état de choses : tout avocat
inscrit au tableau, porte cet article, pourra plaider devant
toutes les cours royales et tous les tribunaux du royaume
sans avoir besoin d^aucune autorisation, sauf les dispositions
de Tart. 295. » Ce texte a restitué à l'art. 295 toute sa vi-
gueur. Il en résulte que l'accusé et le président ont le Atdi
de choisir un conseil^ non parmi tous les avocats du pajs,
mais parmi tous les avocats du ressort de la Cour impériale
dans lequel est placée la Cour d'assises. Si l'accusé choisit
son défenseur hors de ce ressort, il est nécessaire» ainsi qu^on
le verra tout à l'heure, qu'il soit agréé par le président.
En ce qui concerne les avoués, tandis que le droit des
avocats est restreint par l'art. 295, celui de ces officiers mi-
nistériels se trouve au contraire étendu. Ainsi, s'il leur a été
interdit par les ordonnances des 27 février et 20 novembre
1822 de se livrer à la plaidoirie, cette interdiction ne peutétre
invoquée devant les assises , « attendu que la faculté que
l'art. 295 accorde à tous les avoués n'a été modifiée ou dé-
truite par aucune disposition expresse des lois et règlements
postérieurs ; que les inductions que Ton peut tirer des ordon-
< Cass, S octobre i832, rap'p. M, Louvot, J« P„ XVU, 02(,
ATTWBCTIOSS BB U DifBNSK. 5 ^14. 5507
nances des 27 février et 30 novembre 1823 sont insurfisantes
pour autoriser k priver les accusés du droit de choisir leurs
défenseurs parmi les avoués du ressort; que tout ce qui in-
téresse le droit de la défense doit être soigneusement main-
tenu ^ TU Néanmoins, un autre arrêt a déclaré que ce choix ne
peut s^exercer que parmi les avoués attachés à la Ck>ur ou au
tribunal du lieu ou se tiennent les assises ; et cette interpréta-
tion restrictive se fonde, d'abord, sur ce que les avoués n'ont
de caractère que devant les tribunaux auxquels ils sont atta-
chés par l'acte de leur nomination ; ensuite, sur les art. 112
et 1 1 3 do décret du 6 juil let 1810 qui semblent reconnaître aux
avoués de la Cour ou du tribunal chef-lieu le privilège exclusif
d'exercer leur ministère près la Cour d'assises •. On peut ob-
jecter à cet arrêt que les art. 112 et 113 du décret du 6 juillet
1810, et en général la règle qui n'accorde aux avoués un carac-
tère public quedevant les tribunaux aifcquels ils sont attachés,
n'ont pour objet que l'exercice de leur office ministériel ; mais
qu^îl ne s'agit point ici de ce ministère, puisqu'il n'est point
nécessaire aux accusés devant la Cour d'assises; il s'agit uni-
quement du droit qui leur est conféré de défendre les accusés,
droit qui sort de leurs fonctions habituelles, et qui leur a été
donné, non comme une conséquence de ces fonctions, mais
dans l'intérêt des accusés. Lorsque la loi, pour remédier à
des abus que signalait Torateur du gouvernement dans l'ex-
posé desmotifs% a apporté d'étroites limites au choix des con-
seils, elle a cherché du moins à élargir le cercle où le choix
des accusés pouvait puiser sans danger; c'est dans cette pen-
sée qu'elle a désigné les avoués à côté des avocats. Elle éten-
dait par.|à le droit des accusés, elle ne changeait nullement
les fonctions ordinaires des avoués ; elle les désignait comme
elle eût pu désigner toutes autres personnes qui lui eussent
donné des garanties égales de savoir pour la défense et de dé-
férence pour la justice. La jurisprudence, en considérant
comme un privilège de l'office, ce qui n'était qu'un privilège
de la défense, semble s'être méprise; qu'importe que Tavoué
soît attaché à tel ou tel tribunal? Il suffit qu'il ait le titre d a-
\oué, qu'il réside dans le ressort de la Cour impériale et qu il
ait été choisi. Il ne vient point exercer son ministère d'avoué
puisque son ministère lui interdit la défense; il vient remplir
• Cass. 23 juin 1827, rapp. M. Mangin. J. P., XXI, 5A2 ; i2 janvier 1828,
rapp. M, Mangin, XXI, 1035; 25 janvier 1828, rapp. M, Mangin, XXl,lO»o.
* Cass. 7 mars 1828, rapp. M, Mangin, J. P., XXI, 1258,
■ Voy, infrà, p, 508,
^ • DEà cotas ï}\sSi=Eé.
un mandat particulier que Fart. 295 permet de lui conférer.
Et d'ailleurs est-il permis d'enlever aux accusés un droit que
cet article leur confère et qu'aucune loi ultérieure n'a détruit?
Ëst-il permis de rétrécir arbitrairement le cercle déjà étroit
dans lequel ils peuvent choisir leurs défenseurs?
lY. Le 2*" § deTart 295 autorise l'accusé à prendre pour
conseil un de ses p((rents ou amis, pourvu toutefois qu'il en
obtienne la permission du président des assises.
Cet article n'existait pas dans le projet du Code. Dans la
délibération du conseil d'Etat, le nrinistre de la justice de-
manda i si l'on entendait autoriser l'accusé à choisir pour dé-
fenseur qui il lui plairait, ou s'il serait forcé de circonscrire
son choix parmi les avocats et gens de loi avoués par les tri-
bunaux ; 0 il ajouta a qu'il s'était formé à Paris une association
de misérables qui dupaient les accusés et trompaient la jus-
tice. » M. Treilhard répliqua « qu'il est difficile de donner
des bornes à la confiance de l'accusé, d'autant qu'il peut avoir
un parent, un ami qui se porte à le défendre avec zèle et lai
sauve les frais ; que cependant on doit remédier à l'abus dont
parie le ministre, en autorisant le président à interdire la pa*
rôle à tout défenseur qui se livre à des écarts. » M. Regnaud
dit « qu'il préférerait qu'on ne laissât l'accusé se choisir un
défenseur hors de la classe des avocats qu'avec une autorisation
du président, lequel certes ne la refusera pas sans de justes
motifs. » M. Berlier fit remarquer o que cette proposition
contient une vraiQ restriction du droit naturel qu*a faccuséde
se choisir un défenseur, si Ton subordonne son choix à l'agi é-
ment ou à l'approbation des cours, et si ces cours peuvent arbi-
trairement rejeter ou admettre le défenseur proposé : il faut
craindre d'adopter ici rien qui puisse léser le droit sacré de la
défense ou même en avoir l'apparence. » L'amendement de
M. Regnaud fut néanmoins adopté el devint l'art. 295 '.L'ex-
posé des motifs ex(}tique cet article en ces termes : « l'expé-
rience n réclamé contre la faculté illimitée donnée à l'accusé
pour le choix de son défenseur. I^s accusés ont le plus sou-
ventaccordé leur confiance à dos hommes qui les dépouillaient
au lieu de les défendre et qui, par la conduite qu'ils tenaient
dans le sanctuaire même de la justice, faisaient le plus grand
tort à la cause de leurs clients dans Tesprit des jurés et des
juges. Si l'accusé demande la permission de nommer pour
* Locré , t. XXX, p. 4â9 et i50.
AnmBCTlOKS ]>£ U ])éF£X8E. § 6i4. 50i^
défenseur ud de ses parents ou amis et que le juge pense que
cette nomination peut lui être utile» elle ne sera point refu-
sée. » Le rapporteur du Corps législatif ajoutait : « On se
iromperait bien en regardant cette mesure comme attenta-
toire au droit sacré de la défense de l'accusé; il vous a été
prouvé qu'elle était entièrement dans son intérêt et qu'elle a
pour objet de le mettre à Tabri de la cupidité et de figno-
raoce de ces hommes qui, étrangers à un ressort, au barreau
cl aux connaissances nécessaires, colportent d'un départe-
ment à l'autre des services prétendus et mercenaires. La suite
de Tarticle assure d'ailleurs à l'accusé la faculté de confier sa
ûèkmc à un parent ou à un ami après avoir demandé au
président une permission qui a pour objet de ne pas laisser
souiller le temple de la justice par des individus sans mo-
ralité. »
11 résuite de ces observations qui expliquent très claire-
meni la disposition finale de l'art. 295 :
Que le président est investi du pouvoir d^accorder ou de
refuser â loute personne, hors du tableau des avocats ou
avoués, l'autorisation de défendre l'accusé; mais que celte
autorisation, qu'il ne peut refuser sans de justes motifs, doit
ôire délibérée dans riutérét de la défense, et ne doit-étrc
écartée que, 1® lorsque cet intérêt serait réellemenl compro-
mis; 2° lorsque les personnes proposées seraient suspectes
d'immoralité; 3** lorsque l'ordre de l'audience pourrait être
troublé. La décision du président est d'ailleurs è l'abri de la
cassation ' .
Que par ces mots « parents ou amis » il faut entendre toute
personne qui n'est pas portée sur le tableau des avocats ou
avoués et en qui l'accusé place sa coufiance. Il n'est point
nécessaire que des liens d^amitié rattachent antérieurement
cette personne à l'accusé ; la demande qu'il on fait comme
conseil est un titre sulFisant *.
Enfin, que Taccuséy qui a pris pour conseil une personne
qui n'est pas inscrite au tableau des avocats cl dos avoués,
ne peut ensuite se faire un grief de l'incapacité légale de ce
conseil \ Son choix dispense le défenseur de toutes les con-
(litions réglementaires,' il exerce en le nommant comme Ta
* Cass. 28 juin ISIJ, J. P., IX:, /i27 ; 6 déc. 1850, rapp. M. de Glos. euH»
n* 443; 27 août «852, rapp. M. Nouguier, n. 302.
'Cass. 20 fcvrkr 1824, rapp. M. Urière. J. P., XVIÎÏ, ^75.
* (:»£&. 28 fôv. 4857, rapp. M. ^Sénéca. Bull. n. 88.
5i0 ^ DES COVRS D* ASSISES.
dit H. Berlier, un droit naturel sous la tutelle du président;
il Texerce à ses risques et périls et ne peut s'en prendre qu'à
lui-même s'il s^est trompé.
y. Il résulte de ce qui précède que Faccusé peut prendre
pour conseil soit Tun des avocats ou avoués du ressort, soit
toute autre personne que le président aurait agréée à sa de-
mande; et qu'à défaut d'un choix de sa part, le président
doit lui désigner un conseil parmi les avocats ou avoués.
Mais, rotte désignation faite, il reste à examiner si elle
suffit ou si elle doit être suivie d'une assistance efficace et
réelle à l'audience.
Il importe peu^ d'abord , que l'accusé n'ait pas été assisté à
l'audience du défenseur qu'il avait choisi ou qui lui avait été
désigné^ s'il a été assisté d'un défenseur agréé par lui ; ce
que la loi demande» c'est l'assistance d'un conseil, c'est son
concours aux débats , c'est sa présence à l'audience. Sids
doute il est désirable que ce conseil soit celui qui a été
choisi ou désigné , puisqu'il a pu conférer avec Taccusé et '
préparer sa défense ; mais il peut être empêché de remplir sa
mission et peut n'être pas présent au moment où vont s'oa-
vrir les débats; or, dans ce cas, que faut-il faire? L'accusé
peut demander le renvoi de l'affaire à un autre jour de la
session ; mais, s'il ne réclame pas de nouveau délai, s'il choi*
sit lui-même un autre conseil ou s'il accepte celui que le pré-
sident lui désigne, le droit de sa défense sera-t-il lésèi U
aura été privé sans doute des avis que son défenseur eût
pu lui donner avant les débats, mais s'il juge lui-même ces
avis inutiles, la loi, qui a veillé à ce qu'il fût pourvu d'an
défenseur, doit-elle interrompre le cours de la justice pour
donnera la défense un nouveau délai? Nulle disposition ue
l'exige et la jurisprudence a jugé en conséquence que la subs-
titution d'un avocat, faite à Taudience, à l'avocat choisi ou
désigné lors de l'interrogatoire, n'emporte aucune nullité,
lorsqu'il est constaté que le nouveau défenseur a assisté l'ac-
cusé pendant le débat, a plaidé pour lui et a fait tout ce que
la défense exigeait \ Et il en serait même ainsi, lors môme
que l'accusé n'aurait pas agréé le défenseur qui lui a été dé-
* Cass. 19 DivAse an x, rapp, M. Bussdiop ; 6 août I824f npp* ^* Clan-
sel ; 16 sepU 1831, rapp, M. OUivier; 16 déc, 1835» rapp. M. Gai7 ; 9 airil
18/&0, rapp. M. Meyronnet-St-Marc DaU. v* défense n* 64 et raiTii^^
aoat 1849» rapp, M, Aug. Morean, Ml, 4^9 5*Pt a* iOi,
ATTBIBVTIOm M LA d£fEIISE § 614. 511
signé, lors mémo qu^il aaraitr demandé le renyoi i an autre
jour» si ce renvoi no lui a pas été accordé, pourvu d'ailleurs
queTabsence du premier défenseur ne pût être imputée à un
fait du président ou de la Cour ; car le cours de la justice ne
peut être subordonné à l'intervention d'un défenseur dont le
concours est tout à fait indépendant ; elle ne peut que le
mettre en demeure, par une désignation régulière, de se pré-
senter à l'audience, et, s^il n^obtempère pas à cette invitation»
le remplacer immédiatement.
La question devient plus grave lorsque le défenseur dé*
serte sa mission au moment même où les débats commencent,
ou pendant leur durée.
L'avocat qui a été choisi par l'accusé peut refuser son mi-
nistère; mais il doit faire connaître son refus assez t6t pour
qu'un autre choix puisse être fait ou qu'il puisse y être sup-
pléé par une désignation avant* l'ouverture des débats. Il se-
rait responsable de l'abandon où se trouverait Taccusé et
pourrait être passible d'une peine disciplinaire si, après avoir
paru accepter ce mandat, il manifestait tardivement Tinten-*
(ion de ne pas le remplir.
L'avocat qui a été désigné d'office n'a pas la même faculté
d'option. L'art. 41 de l'ordonnance du 20 mars 1822, com-
plément de Tart. 294, porte que : a l'avocat nommé d'of-
fice pour la défense d'un accusé ne pourra refuser son minis-
tère sans faire approuver ses motifs d'excuse ou d'empêche-
ment par les Cours d'assises ({ui prononceront, en cas de
résistance , Tune des peines disciplinaires. « Ici encore Ta-
vocal doit faire agréer ses excuses avant l'ouverture des dé-
bats ; car la désignation lui imposant un devoir auquel un
empêchement seul peut le soustraire^ il est réputé disposé à
le remplir par cela seul qu'il ne réclame pas , et par consé-
quent, au moment même où le greffier lui notifie cette dési-
gnation, il doit être considéré comme chargé de la défense.
Gela posé , il faut distinguer si le défenseur choisi ou dé-
signé qui n'a pas refusé son mandat ou n'a pas allégué d'ex-
cuse, est absent au moment où s'ouvrent les débats ou si son
absence ne se produit qu'après qu'ils sont ouverts et pendant
leur cours.
Dans la première hypothèse, le président devrait, comme
on le disait tout à l'heure dans une hypothèse analogue, soit
provoquer le choix d'un nouveau conseil , soit lui en désigner
un d'oflico, sauf le droit de l'accusé de demander une proro*
5^12 BFS COURS RASSISES.
gation de délai. En effet , s'il est admis par la jurispradcnce,
ainsi qu'on l'a vu plus haut', qu^il est pleinement satishit
aux prescriptions de Tart. 294, lorsque l'accusé, lors de soo
interrogatoire, a choisi un conseil ou qu^à défaut de choix, il
lui en a été désigné un par le président, c'est à condition que
ce choix ou celte désignation ait eu son effet; or, Tabsenee
du conseil choisi ou désigné , au iroment où s'ouvrent les
débais, manifeste un empêchement quelconque , qui pourra
être apprécié plus tard , mais qui annule évidemment lechoix
ou la désignation. On se trouve dans la même situation qae
s'il n'avait été fait aucun choix ou aucune désignation. Celle
situation , à la vérité, ne peut être imputée qu'au défenseur.
Mais cette faute du défenseur doit-elle avoir pour conséquence
nécessaire que l'accusé soit privé de toute défense? Oui peut-
être, comme on le verra tout è Fheure, s'il n'est pas possible
de suhvenir à cet ahnndon, sans troubler le cours de la jus-
tice; mais non assurément, lorsqu'il est possible de rempla-
cer l'avocat ahsent ; et comment ce remplacement trouverait-
il quelque obstacle sérieux si les débats ne sont pas encore
ouverts? L'accusé sera privé d'une assistance antérieure, et
ce sera là la conséquence nécessaire du fait de Tavocat; mais
pourquoi serait-il privé de l'assistance au débat d'un autre
avocat , lorsque rien ne s'y oppose et lorsque la loi prescrit
formellement cette assistance ? Ne serait-il pas dérisoire de
réputer accomplie cette prescription de la loi, lorsque les for-
malités qui ont pour effet d'en assurer l'ext^cution sont de-
meurées vaines? Faut-il répéter que l'assistance d'undéfeu-
seur n'est point une faculté pour Taccusé , mais une obligation
qui est imposée par la loi ?
Dans la seconde hypothèse, la situation n'est plus la même,
et c'est ici que se présentent les arrêts qui ont décidé, dans
des espèces où l'absence du défenseur n'avait été que mo-
mentanée ou du moins partielle; « que Tabsence du conseil
de Taccusé, pendant tout ou partie du débat ne peut opérer
une nullité qu'autant que celte ahsence serait du fait ou du
mipistère public ou de la Ck)ur d'assises; qu'admettre le
contraire serait supposer qne la loi a voulu laisser aux con-
seils des accusés la faculté de faire annuler tous les arrêts de
condamnation par leur absence volontaire ^. » On comprend .
* Voy. auprd p. 502.
• Cab». 48 juiD 1830, rapp. M, Gaillard. J, P., l. XKllh p. 599 ; îl mars
4844. rapp. M. Bomlfcuièrei. DuU. n. 110} 36juill. 1844, rapp,M.Brf6>f«
ITTHIBiTlOM DE LA DÉFENSE. § fili :^J3
«n effef , que lorsque l'accusé a été effectivement pourvu d'un
conseil , l'absence volontaire de ce conseil pendant une partie
des débats ne peut vicier la procédure, puisque la validité
de cette procédure ne saurait dépendre de la pure volonté
d'un tiers, La loi ne peut dans ce cas que se confier au senti-
ment du devoir qui anime Tavocat et à la responsabilité mo-
rale qui pèse sur lui. H en serait autrement si Tabsence avait
une cause indépendante de la volonté du défenseur par
exemple , s'il était appelé à donner son témoignage dans la
cause même : Taccusé se trouvant privé de son assistance,
sans son fait et sans le fait de celui-ci , pendant une partie
du débat, il y aurait nécessairement nullité \
Cependant si , dans une affaire de nature à occuper plu-
sieurs audiences, le défenseur, après avoir assisté Taccusé
pendant la première audience , s'est retiré, il y aurait lieu
d en désigner un autre, puisque le remplacement est possible
encore. Celte solution est implicitement contenue daps un
7 arrêt qui déclare , en rejetant un pourvoi , « que lors de son
interrogatoire, Taccusé a choisi un défenseur ; qu'au com-
mencement de la première séance, ce défenseur s'est présenté
et a reçu ravertissement prescrit par l'art. 31 1 ; que si, à la
deuxième séance, il n'a pascontinué d'assister l'accusé, il a été
remplacé dès cet instant et pour la plaidoirie par un autre dé-
fenseur qui a également reçu l'avertissement, et que dès lors
la disposition de rart.'294 a été constamment observée*. »
Une dernière hypothèse se présente : l'accusé ne veut
choisir aucun conseil et refuse Tassistance de celui qui lui a
été désigné; comment doit-il être procédé? Il est évident
d'abord que ce refus ne saurait mettre obstacle au juge-
ment; car il ne peut dépendre d'un accusé de suspendreln-
définiment ce iugement en déclarant qu'il ne veut pas être
défendu *. La loi a formellement prescrit qu'il serait assisté
d'un conseil; mais son pouvoir se borne à ordonner une as-
sîslancc matérielle ; elle ne peut le contraindre à se dé-
fendre quand il ne le veut pas, à donner sa confiance à un
défenseur, à avouer et ratifier les paroles de celui-ci, s'il
Valigny. d. 278; 8 dot. ISiS, rapp. M. Eprennes, n. Î60; 40 juin 185Î ,
rapp. M. de Glos; n. 487; 18 janvier 1858, rapp. M.Nouguier, n. 14.
Voj. suprà p. 502.
J Casfi. 2 sept. 4 880, rapp. M. OUÎTier. J. P. t XXIII, p. 792.
lûo.^"* ^ i"»" *»»*• "»PP- M. Choppin. J. P., t, XXITJ, p. 1647 ; 27 TéT.
1832, rapp. M. J9^mher\, U XXIV, p. 788,
?ili. 33
514 BKi cêvu »*AMim.
veut les rejeter et les désavouer. La régie est exécutée par la
présence du défenseur nommé d'office ; mais quant au mode
de la défense, il ne peut dépendre que de Taccusé lui-même.
Ainsi, si raccusé déclare qu'il ne i^eut point être défendu, le
défenseur doit garder le silence, car il ne peut prendre lapa*
rôle contre la \olonté expresse de celui dont il est le man-
dataire; s'il lui interdit seulement le déyeloppement d'un
moyen de défense, le défenseur doit s'abstenir de le présen-
ter. Mais quelleque soit Tinjonction de l'accusée cet égard^
le défenseur ne doit pas se retirer de Taudience : il doit, tant
que le débat n'est pas clos, chercher à éclairer son client sur
les suites de sa détermination, calmer son irritation ou ses
susceptibilités et lui démontrer le danger de la voie où il s'est
engagé ; il doit enfin être prôt jusqu'au dernier moment i loi
venir en aide si, changeant de sentiment, celui-ci réclame l'ap-
pui qu'il avait d'abord repoussé. Il tient son mandat de la loi
en même temps que de l'accusé ; la loi lui prescrit d'être pré-
sent pour prêter son concours à Taccusé; celui-ci peut re-
jeter Icconcours, mais la mission légale ne subsiste pas moins.
§615.
I. Règles relatives au droit de la défense. — II. Communication de l'ae*
ctisé avec son défenseur. — 111. .Comnounicalion des pièces. —
IV. Mode d*exercice des droits de la défense. — V. Appel tans frais
d€s témoins à décharge.— VI. Devoirs et limites du droit de défeose.
I. Après avoir examine l'organisation de la défense, il
faut exaniiner quels sont ses droits à l'audience.
Il n'y a en général aucune distinction à faire ici entre Tac-
cusé et son défenseur. La défense est leur œuvre commune
et ils en exercent l'un et Tautre tous les droits, Tun parce
que cette défense lui appartient personnellement, l'autre parce
qu'il représente l'accusé et s'identifie avec lui. Cependant celte
identification n'est pas lout-à-fait complèie: le défenseur ne
pourrait, par exemple , prendre des conclusions en l'absence
de Taccmé ; le débat ne serait pas contradictoire '.
La plupart des droits de la défense trouveront leurs déve-
loppements dans les chapitres qui sont relatifs à l'examen des
incidents de l'audience et aux plaidoiries. Nous nous bornons
à exposer ici les règles générales auxquelles cette défense o>l
soumise loi squ' elle revendique ces droits et les soutient
\ Cas», 22 mai 1857, rnpp. M, Plougouîm, Bull, n"» 202,
IL tê première de ces r^les eti la communicaiton de l'ac-
cusé et de son défenseur. L'art, aoa déclare qae « le ooneeîl
pourra oommaniqaer avec l'aocnsé aprâs son interrogatoire.»
C'est là le premier acte de la défense : jusqu'à cet int^roga-
toire la procédure est restée secrète et Taccusé n'a été assisté
d'aucun conseil. NotreCode, s'écartantsous cerapportdes art.
10 et 12 de la loi du 8 oct. 1789, a voulu que pendant toute
l'instruction écrite Taccusé fût livré à lui-inéme et ne se dé-*
fendu que par sa bouche. Ce n'est qu'au moment ou l'ins-
truction orale va s'ouvrir que la loi lui permet la lecture des
pièces et lui donne un défenseur.
Cette communication doit être libre et la défense cesse*-
rait d'être si l'accusé n'avait pas le droit de s^entretenir avec
son défenseur seul et sans crainte d'être entendu. Cepen-
dant deux arrêts ont jugé qu'un procureur général avait pu
ordonner que cette communication n'aurait lieu qu'en pré-
sence du geôlier, soit parce que la loi n'a rien prescrit re-
lativement au mode de la communication % et qu'elle n'or-
donne pas formellement qu'elle doit être libre et dégagée
deioute entrave, soit parce que l'art. 6i3 permet au pré-
sident de prendre dans la maison de justice les mesures
qu'il croit nécessaires pour l'instruction*. Une telle jurispru-
dence, si elle était appliquée, détruirait le droit que Tart.
303 a consacré; car la communication ne serait plus qu'un
piège et les aveux que Taccusé aurait versés dans le sein de
son défenseur, trahis par le geôlier apposté pour les écouter,
se retourneraieiit comme une arme contre lui. Nous avons vu
' d'ailleursque l'avocatestdispenséde témoigner des faits qui lui
ont été révélés par son client, parce que, semblable au prêtre,
il reçoit la confession des parties et qu'il doit à celte confes-
sion un secret non moins inviolable que te prêtre lui-même'.
C'est la nécessité du droit de défense qui a créé cette dispense.
Comment comprendre en effet que ce droit puisse s'exercer
si les confidences de l'accusé ne sont pas placées sous le sceau
du secret, si sa confiance n'est pas entière ? El comment le
défenseur pourra-t-il remplir son ministère s'il ne connaît
pas la véritable situation de son client, s'il ignore quel qucs-
wnesdes circonstances de l'affaire, s'il ne sait pas ce qu'il peut
' Cass. 12 jaîll. iSiO, rapp. M. Bosschop. J* P.,!. VIII, p. ^53.
* Cass. 2 oct. 4822, rapp. M. Louvol, J, P., t. XVII, p. C24.
» Voy. Notre t. V. J 357, p. 082.
S.iû BES COVnS b'a9SI8F?.
consciencieusement affirmer ou dénier ? Il n^y aurait plus de
défense si les communications entre Taccnsé et son défens^r
' n'étaient pas protégées contre toute atteinte, si elles n'é-
taient pas libres et inviolables.
Un autre anèt a jugé encore que le président peot, pen-
dant le cours des débats, interdire aux accusés de communi-
quer soit entre eux, soit avec leurs conseils, dans l'intenaiie
d'une séance à Tautre : « attendu qu'en refusant aux accusés,
dans cet intervalle, la faculté autorisée par Part. ^02, le pré-
sidentn'a fait qu'user du droit que lui accordent les art. 268
et 327 : le premier relatif au pouvoir discrétionnaire dont il
est investi ; le deuxième au droit qui lui est accordé de faire
retirer un ou plusieurs accusés de Taudience et de les exami-
ner sur quelques circonstances du procès, à la charge de ne
reprendre les débats qu'après avoir instruit chaque accusé de
ce qui se sera fait en son absence >•» On peut admettre, en se
fondant sur les art. 268 et 327, que le président puisse pres-
crire la séparation des accusés dans Tintervalle de deux au-
diences *, mais il parait impossible qu'il puisse empêcher les
accusés de communiquer avec leurs conseils. Le droit de
cette communication estécriten termes absolus dans rart.30â
et nous avons vu que le pouvoir discrétionnaire ne peuteffacer
un droit de la défense, ou une disposition formelle de la loi'.
Enfin, dans une espèce où il était allégué que Taccusé,
tenu au secret jusqu'à Teuverture du débat, n'avait pu com-
muniquer avec son conseil, le pourvoi a élé rejeté « attendu
que les dispositions de Tart. 302, n'étant pas prescrites à
peine de nullité^ leur violation ne pourrait, aux termes de
l'art. 408, donner ouverture à cassation^. » Le motif de cet
arrêt ne serait plus sudibant dans la jurisprudence actuelle,
puisque cette jurisprudence, ainsi que cela sera établi ension
lieu, admet, à côté des formes prescrites à peine de nullité,
les formes substantielles dont la violation produit les mêmes
oflets, et que, parmi ces formes, elle place celles qui ont pour
objet rexercicc et lo développement du droit de défense. La
question serait donc aujourd'hui de savoir, non si Tart. 302
est prescrit à peine de nullité, mais si le droit qu'il consacre
est essentiel à Texercice du droit de défense. Or, ne voit-oo
* Casfi. 5 marslSlS. J. p., t. X. p. 176.
* Gass. il, mars 1841, rapp. M. Bresson. Bull. n. 59.
* Voy. Suffrà p. ii56.
* Ca55. 21 août 1818, rapp. M. Bnsschop. J. P., t* XIV, p. 1005.
ATTRmunoNs bi: la défense. § 61o. 6\1
pasque la défense neserait pas entière si toute communication
est interdite entre l'accusé et son conseil? Gomment celui-ci
sera-t-il initié à la connaissance des faits, aux moyens qui
peuvent affaiblir ou repousser l'accusation, au système adopté
et mis en pratique par son client? Comment lui donnera-^t-il
ses avis, lui signalera*t-il le péril de cette dérense, lui pré-
lera-t-il un utile secours? La comu^jinication du défenseur
est un des principes conquis en 1789 par la législation pénale,
un des organes nécessaires du droit de défense, une des
conditions de son exercice : déclarer que cette commu-
nication n'est pas prescrite à peinQ de nullité , c'est évi -
deoMnent la supprimer. On doit admettre sans doute que
si le défaut de communication provient d'un événement
qui soit étranger à l'administration de la justice, s'il est le
résultat, par exemple, de la négligence ou de l'absence de
raYOcat choisi ou désigné, l'accusé ne peut s'en faire un grief.
Mais si c'est par un ordre formel du président ou du mi-
nistère public que la communication a été interdite, si
Tentrave que la défense a éprouvée est le fait de la justice elle-
même, l'accusé ne serait-il pas fondé h réclamer devant la
Cour d'assises contre la violation d'un droit que l'art. 302
lui assure ? Et s'il n'obtenait ni la communication qui lui est
nécessaire y ni la prorogation de délai que sa défense exige,
ne pourrait-il pas alors se faire un moyen de nullité de cette
violation? Telle est la distinction que la jurisprudence a con*
sacrée, comme on va le voir tout à l'heure, en ce qui con-
cerne la délivrance de la copie des pièces à l'accusé; et telle
est aussi la règle qui a été appliquée par un arrêt qui a cassé,
sur un pourvoi formé en vertu de l'art. 441, un jugement
(l'un tribunal militaire, « attendu qu'il résulte du refus de
communiquer les pièces de la procédure et de l'interdiction
absolue de communication entre l'accusé- et son défenseur,
que cet accusé a été essentiellement gêné dans l'exercice de
son droit de défense *• y>
A quelle époque cette communication doit-elle avoir lieu?
Les art. 322 et 323 du C. du 3 brum. an iv portaient : « les
conseils de l'accusé ne peuvent communiquer avec lui qu'a-
près son interrogatoire. Le président peut, lorsqu'il le juge
utile pour découvrir la vérité, différer ou suspendre cette com-
munication et tenir l'accusé au secret pendant un tem[)S dé-
' Cass, 2G Dov. 1S42, npp. M. Isdmbert, Buil. a. 30?.
918 DES COURS d'assises.
terminé, pourvu qu'il lui laisse un espace suffisant pour pré-
parer ses moyens de dérense. d L'art. 302 de notre Code est
rédigé dans des termes tout à fait différents; il pose en prin-
cipe le droit de communiquer aussitôt après l'interrogatoire,
mais, d^une part, il ne prohibe plus en termos absolus loute
communication antérieure , et, d'une autre part, il n*a pas
reproduit la disposition facultative laissée au président de
suspendre cette communication même après rinierrogaloire.
De là deux corollaires : le premier que ce magistrat pcal,
lorsqu'il le croit nécessaire à la défense, ce qui a lieu dans
toutes les affaires un peu compliquées, autoriser une com-
munication antérieure à l'interrogatoire; l'autre qu'il ne
peut plus la différer au delà du terme fixé par la loi. Quelques
magistrats avaient cru trouver cette faculté dans l'art. 618
qui reconnaît au président des assistas le droit de donner dans
la maison de justice les ordres qu'il croit nécessaires pour le
jugement ; mais il est évident que ces ordres ne peuvent con-
cerner que les rapports des accusés entre eux ou avec le pu-
blic, et non leurs rapports avec leurs conseils puisqu'ils sont
formellement autorisés par la loi.
III. Le Code, après avoir établi la communication deVac-
cusé et de son défenseur, ordonne que les pièces de l'infor-
mation leur seront communiquées à l'un et à Tautre.
C'est seulement à ce moment que la procédure cesse d'être
secrète; elle se transforme : soumise jusques-là au système
inquisitorial; elle va devenir accusatoire. L'enquête est ter-
minée et c'est sur les charges qu'elle a amassées que se fonde
l'accusation. Il est donc indispensable, pour que le débat
contradictoire puisse s'ouvrir, que ces charges soient connues
de la partie qui doit les débattre. Car, comment discuter une
accusation dont les éléments resteraient cachés? Comment
préparer une défense si les procès-verbaux et les déclarations
qu'elle doit combattre ne sont pas mis à la portée du défen-
seur? De là la nécessité de la communication préalable des
pièces.
Le mode de cette communication n'est par le même à l'é-
gard du défenseur et de l'accusé.
En ce qui concerne le premier, la loi se borne à formuler
le droit de prendre communication ou copie des pièces au
greffe. Le 2* § de l'art. 302 porte : « Il pourra aussi prendre
fX)uinmnication do toutes ks pièces sans déplacement et sans
ATTRIBUTIONS Dl LA ItiFBNSE. § 615. 519
retarder TiDstruction. » L'art. 505 ajoute : t Les conseils des
accusés pourront prendre à leurs frais copie de telles pièces
du procès qu'ils jugeront utiles à leur défense. » Ce droit des
défenseurs ne peut donner lieu à aucune difficulté ; on doit
seulement faire remarquer qu'il s'applique à toutes les pièces
de la procédure, quelles qu'elles soient et sans aucune excep-
tion. La question s'est seulement élevée de savoir si l'accusé
qui refuse le ministère d*un avocat et prétend se défendre lui-
même, peut invoquer le bénéfice de ces dispositions. Un ar-
rêt le lui a refusé, « attendu qu'aucune disposition du Code
ne prescrit de donner communication entière du dossier à
Taccusé qui refuse l'assistance d'un avocat et veut se défen-
drcJui-méme; qu'ainsi, si cette communication a été refusée
au demandeur, il n'en peut résulter de nullité '. » On
comprend que la loi» qui voulait diminuer les frais de copie^
n'ait prescrit la délivrance gratuite aux accusés que de la
copie des pièces les plus importantes ; on comprend égale-
ment que les accusés ne peuvent être transférés au greiïe pour
y prendre communication ou copie des autres; mais, puisque
la communication entière est le droit de U défense» le préîsi-
dent doit prendre des mesures pour que, si Taccusé ne veut
pas avoir d'avocat, elle lui soit faite à lui-même s'il le re-
quiert. Si Tomission de cette communication n'est pas une
cause de nullité, puisque la loi ne la prescrit pas formelle-
ment^ il suffit qu'il puisse en résulter quelque gène pour la
défense pour qu'il doive veiller, suivant les termes du dernier
§ de l'art. 305, à la faire cesser. Au surplus, Taccusé peut
toujours, comme on le verra tout à l'heure» faire prendre
copie à ses frais de telles pièces qu'il juge lui être utiles.
En ce qui concerne Taccusé, la loi, au lieu do la commu-
nication des pièces, se borne à prescrire la remise de la copie
d'une partie de ces pièces.
Cette remise était prescrite en termes généraux par l'art.
320 du G. du 3 brumaire an iv» qui portait : o L'accusé re-
çoit» à peine de nullité de toutes procédures .ultérieures,
copie des pièces de la procédure. Cette copie lui est délivrée
gratis par le greffier. » Mais cette disposition avait été res-
treinte, dans un intérêt fiscal, par l'art. 3 de la loi du 5 plu-
viôse an xiii» portant : « Il ne sera délivré gratuitement aux
accusés, en quelque nombre qu'ils puissent être, et dans tous
' Ca98. A sepCt 1840» rapp. M, Vioceoi-St-LaurinU Bail. n. 251.
320 BKs COURS »'ASsi$;i:s.
les casy qu'une seule copie des procès-verbaux consiatamt k
délit et des déclarations écrites des témoins. Les accusés dc
pourront requérir d'autres copies des autres pièces de la pro-
cédure qu'à leurs frais. »
Noire Code suppose le principe posé par le Code du'3 bru-
maire an i^ct ne fait qu'en régler l'exécution en reproduisant
In première partie de l'art. 5 de la loi du 5 pluviôse anxiii.
L'art. 305 porte : « Il no sera délivré gratuitement aux ac-
cusés, en quelque nombre qu'ils puissent être, et dans tous
les. cas, qu'une seule copie des procès-verbaux constatant le
délit et des déclarations écrites des témoins. »
Cette disposition insuflisante a laissé en dehors de son texte
plusieurs questions que la jurisprudence a dû résoudre.
En premier lieu, quelles sont les pièces dont il doit être
délivré copié gratuite à Paccusé. La loi ne mentionne que
les procès - verbaux constatant le délit et les déclarations
écrites des témoins. La jurisprudence a considéré cette énoti-
ciation comme restrictive, et elle a déclaré en conséquence
qu'il n'y a pas lieu de délivrer copie aux accusés des inter-
rogatoires d'un coaccusé décédé ', d'une lettre écrite par un
témoin au juge d^instruction, laquelle n'est pas une déclara-
tion », d'un plan des lieux 3, de l'ordonnance d'un juge d'ins-
truction ayant pour objet d'annexer à la procédure un rap-
port d'un commissaire de police *, d'un procès-verbal con-
statant, non le délit, mais seulement la culpabilité^, des
rapports d'experts s, d'un procès-verbal dressé par le juge do
paix et ne constatant pas le corps du délit ', d'un procès-ver-
bal dressé par un gendarme et relatif à la moralité des té-
moins s, d'un procès-verbal de descente de lieux 9, enfin de
tous les renseignements joints au dossier par le ministère
public *''. La mémo solution s'applique aux plaintes et dénon-
* Cass. 15 avril i824« rapp. M. Brière. J. P., U XVIII, p. 637 ; 37jaDf.
1853, rapp. M. Aujg. Moreau. Bull. d. 33..
2 Cass. 28 mar. 1829, rapp. M. de Ricard. J. P., t. XXII. p. 858.
> Cass. 2 juin 1853, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. BulL n, 195 ; h sept.
4856, u. S'j7.
* Cass. 3 janv. 1833, rapp. M. Ollivicr, J. P., t. XXV. p. 4*
«"Cuss. 25 juin 1819, rapp. M. Ollivier. J. P., L XV, p. 357.
' Cass. i août 18^3, rapp. M. Isambeit. Bull. n. 192.
^ Cass. ih sept. 1850, rapp. M. Meyronnet-St-Marc. Bull. n. .113.
* Ca&s. 5 mars 1852, rapp. M. dc Glos, Bull. n. 80.
* Coss. 5 mai 1854, rapp. M. toucher. Bull. n. 23,
*' Ciiss 8 ocl, 1840, rapi'. M. iiomiguicres, IJuU. u. 300,
ATTHIBUTIOMS DE LA DÉrENSE. $ 615. 521
clalioDS» aux actes argués de faux et aux procès«verbaux qui
y sont relatirs, aux bilans dans les affaires de banqueroute
frauduleuse, aux rapports des agents et syndics des failli-
tes, etc. * Tous ces actes ne rentrent pas précisément dans les
termes de Tart. 305, et la jurisprudence a sans cesse tendu à
resserrer trop étroitement peut-être les deux catégories d'actes
indiquées par cet article. Mais, tout en évitant de sortir des
limites qu'il a posées, il importe au moins de les maintenir.
Ainsi, il y a lieu de déli>rer copie des dépositions de témoins
entendus dans Tinstruction supplémentaire ordonnée par le
président des assises*. Il y a lieu de délivrer également copie
des procès-verbaux des officiers de santé et pharmaciens appe-
lés à vérifier le corps ou les circonstances du crime'. Ce
sont là des procés-verbaux ou des déclarations qu'il importe
essentielleutent à la défense de connaître et qui rentrent dans
la double énonciation de Part. 305 ^.
J)ans quel délai cette remise des copies de pièces doit-elle
être faite? Le Gode n'en mentionne aucun ; mais il résulte de
la combinaison des art. 303 et 305 qu'elle doit avoir lieu
aussitôt après l'interrogatoire; elle serait d'ailleurs inutile si
elle avait lieu plus tard puisque son unique objet est de servir
à préparer la défense. Mais un accusé peut-il se faire un grief
de ce qu'il n'a reçu la copie que plusieurs jours après son
interrogatoire, et» par exemple, la veille seulement du jour
de Touverlure du débat. Le texte de la loi permettrait diffici-
lement de raccueill'r, et il a été jugé en conséquence « que si
cette copie, qui est destinée à faciliter la défense des accusés,
doit élre expédiée et mise à leur disposition sans retard, la
loi n'a ni fixé ni même pu fixer le délai dans lequel ses dispo-
sitions seraient exécutées, puisque ce délai devait être néces-
sairement en relation avec le nombre et Tétenduo des actes à
expédier ; que la loi ne pouvait prescrire cette exécution cinq
ou six jours au moins avant le débat, puisque, aux termes do
l'art. 393, les accusés sont interrogés dans les 24 heures de
Tarrivée de la procédure au greffe de la Cour d'assises^et que,
d'après l'art. 294, les accusés peuvent être soumis aux débats
cinq jours après cet interrogatoire % »
* M. de Dalmas, Traité des Trais de justice, p. id3.
'Cass, i déc. 1853, rapp. M. Y. Fouclier. Bull, d. 39S; lldéc. 1850, rap.
M. Legagneur, n. 3U2.
' Cass. 27 avril 1827, rapp. M. Briôrc. J. P., t. XXI, p. 387.
* M. de Dalmas, p. 1^7.
' (lasi. 23 sept. 1872, rapp, M. Jacquiiiol. Dui!. ii. '62i.
^^ DES COURS îtKUlAU.
Que faut-il décider cependant si les débats s'ouvrent sans
que l'accusé ait reçu celte copie, si la prescriptiort de l'arti-
cle 305 est demeurée inexéculée? Une jurisprudence cod-
stante déclare que cette prescription n'ayant reçu la sanction
d'aucune nullité, il n'y a pas lieu d'y suppléer*. L'accusé
n'a-t-il donc aucune voie pour revendiquer l'exécution de
la loi? Cette voie lui a été tracée par les arrêts : il doit, s'il
n'a pas reçu les pièces, signaler celte infraction au moment
de rpuverture du débat et réclamer, en même temps que leur
remise, un nouveau délai pour préparer sa défense, et par
conséquent le renvoi, soil à un autre jour, soit à une aulre
session \ S'il est fait droit à celte réclamation, rirréguiarité
est réparée et nul grief ne subsiste ; mais si la remise de la
copie est refusée et qu'aucun délai ne soit départi pour rem-
plir ultérieurement celte formalité, il esl évidemment porté
atteinte à la défense, et dès lors il y a ouverture à cassation.
C'est ce qui a été établi par plusieurs arrêts, qui déclarent
« que les dispositions de Tart. 305 n'élant pas prescrites à
peine de nullité, il ne pourrait y avoir atteinlc au droit de la
défense qu'autant qu'il serait constaté, d'une part, que Tac-
cusé*, avant ou pendant les débats, eût expressément réclamé
la copie gratuite des pièces à laquelle il prétendait avoir droit,
et, d'autre part, que cette copie eût été refusée*, h Ainsi ,
lorsque l'accusé ne réclame pas , la présomption qu'il a
reçu les pièces repousse plus tard son grief; mais s'il a
réclamé et qu'il soit établi que la copie lui a été refusée,
une atteinte a été portée au droit de sa défense^. Aussi,
dans une espèce où les pièces d'une première procédure
faite à raison du même crime et suivie d'une ordonnance
de non lieu avaient été déniées à l'accusé, l'annulation
a été prononcée, « attendu qu'il résulte des disposi*
lions de l'art. 305 qu'il doit être donné aux accusés copie
des procès*verbaux et des déclarations écrites des témoins;
que cette formalité est substantielle et tient essentiellement
au droit de défense ; que les procès-verbaux et les déclara-
* Cass. il juin isis.rapp. M. d*Aub€rs. BuH.a. 73 ; idjanf. 1827, np^
M. de Bernard, n.à; 27 avril 1827, rapp. M. Biière, n. 183 ; 28 mars 1829,
u, 69; Soct. 1840^ n. 300; 1& sept. 1850, o. 813; 4 sep.. 1856, n. 307 etc.
' Cass. 18 janv. 1827, rapp. M. de Bernard. Bull. n. 4.
' Cass. 27 janv. 1853, rapp. M. Aug. Moreau. Bull. n. 33; 20juJll.l837,
rapp. M. Voisin de Garlempe. J. P., à sa date; 17 juin 1889, rapp. tf. Mey-
rouoet-St-Marc. J. P., à sa date.
* Cass. 8 juin, «27, rapp. M, OlHvicr, J. !\, l. XXÎ, p, 585.
ATTEIBDTIOHB 0E LA DÉFENSE. § 615. 523
tions de téoioins constituant une première procédure sur la-
quelle est intervenue une ordonnance de non lieu, s'identi-
fient et font partie de la seconde procédure qui n'a été suivie
que sur des charges nouvelles ; qu'aux termes de Tart. 305,
les procés-verbaui et les dépositions des témoins de cette
première procédure devaient être communiqués au deman-
deur avant l'ouverture des débats par des copies délivrées au
f^refle ; qu'il est constaté par le procès-verbal des débats de
la Cour d'assises que la copie des pièces relatives à la pre-
mière procédure n'a pas été délivrée au condamné avant l'ou-
verture des débats ; que dès lors Tarrôt attaqué a porté at-
teinte au droit de défense ^ . »
Il n'est dû, aux termes de l'art. 305, qu'une seule copie
gratuite des pièces aux accusés, en quelque nombre qu'ils
soient. 11 est évident qu'il s'agit dans cette disposition des
accusés soumis au même débat et jugés ensemble; car il
ne suffirait pas qu'il eât été délivré une copie à iin coaccusé .
du même crime jusqu'à d'autres assises, puisque cette copie
n'a pu servir à la défense de l'accusé jugé postérieurement
et que leur défense n'a pu être commune. 11 y aurait donc ^
nullité si, nonobstant la réclamation de ce dernier, la copte
lui a été refusée par le seul QK>tif qu'elle aurait été délivrée
au premier accusé jugé à de précédentes assises*. Mais l'ac-
cusé qui, par suite de la cassation du premier arrêt, est ren-
voyé à de nouveaux débats, n'a pas droit à une seconde co-
pie*.
Cette délivrance n'est nullement suppléée par la commu-
nication du dossier qui est faite au défenseur : la communi-
cation fait connaître les pièces, mais la délivrance est parti-
culièrement propre A faciliter la préparation et l'exercice de
la défense ; ce sont deux mesures distinctes qui doivent être
exécutées^.
Au reste, la loi n'exige pas, si les accusés n'entendent pas
la langue française , que les pièces soient traduites K £Ue
n'exige même pas que la procédure fasse mention de leur re-
iQise* : la proscription est que cette remise a eu lieu^ jus-
' Ga». 3&niai 1S8S, r»pp. M. Dupaty. J. P., t XIV, p. iOH.
* Casa. 15 juin 1827, rapp. M. BrKre; et 6 juill. 1827, rapp. M. Ollivicr
J* P., t. XXI, p. 520 et 585.
* Cata. 28 juio 1831, rapp. M. Brière. J. P.. 1. 1214.
. Cta. 6 juill. 1827, cité auprd, p. 522.
' Cass. 33 avril 1812. J. P., t. X. p. 327.
* Ca^s. 24 déc, 1835, rapp M. Fréleau. Buli. n. 470.
$24 1^^ COURS b Assises.
qu'à la réclamation de Taccusé. Enfin, elle n'exige pas, au
moins implicitement^ que la copie soit exacte et complète, ou
du moins les inexactitudes et les lacunes qui y ser aient coos-
iatèesne pourraient fonder une nullité ^
Il ne faut pas au surplus perdre de vue qu^il ne s'agit dans
les solutions qui précédent que de la délivrance gratuite des
pièces : l'accusé a toujours le droit, suivant l'art. 3 de la loi
du 5 pluviôse an xiii, de requérir d'autres copies des pièces
mentionnées en Part. 305, ou descopies des autres pièces de la
procédure à ses frais. L'art. 5k du décret du 18 jaia
ISll porte en conséquence : « Les accusés paieront au taux
réglé par notre présent décret lesexpéditions et copies qu'ils
demanderont, outre celles qui leur seront délivrées gratuite-
ment aux termes de l'art, 305. « Le droit de se procurer co-
pie de toutes les pièces qu^ils jugent utiles à leur défense est
le droit de tous les accusés : l'art. 305 ne la nullement
restreint; sa disposition ne s^applique qu^à la remise gratuite
de quelques-unes de ces pièces ; mais , à côté de cette dispo-
sition fiscale, le droit commun, qu'elle ne touche nullement,
« est maintenu. Ce point» qui n'a jamais été contesté» a été plu-
sieurs fois consacré par la jurisprudence *.
Enfin le dernier § de rart.^305 déclare que a les prési-
dents, les juges et le procureur général sont tenus de veiller
à l'exécution du présent article. » C'est donc un devoir pour
les magistrats de surveiller la remise des pièces. La loi a ooih
fié cette mesure à leur conscience.
IV. Une troisième règle est que la défense a le droit d'être
entendue et» s'il y a lieu, de prendre des conclusions pen-
dant toute la durée du débat et jusqu'au jugement définitif.
Les droits principaux de la défense sont de récuser les jurés
dans les limites déterminées par la loi (art. 399); de s'oppo-
ser à l'audition des témoins dont les noms ne lui ont pas
été notifiés ou dont le témoignage est prohibé (art. 315 et
322); d'adresser à chaque témoin, par l'organe du président,
toutes les interpellations et les questions qu'elle juge utiles,
el de dire, tant contre lui que contre son témoignage , tout
ce qu'elle croit devoir lui opposer (art. 319); de faire en-
tendre tous les témoins dont elle a notifié la liste, soit surlo^
faits mentionnés dans l'acte d'accusation , soit pour attesicr
* Cass. 2/) sept 1845, non îinpiimé.
* «Cass. 23 iiov. 1833. rjpp. J. P., t XXV, p. 972; 20 frpt, lb55,rapp.
M.Ibambert. Bull, ii, 324.
ATTRIBimONS DE LA Bl£ PENSE. § 615. 535
que Faccuié est bomme d^honneur, de probité et d'ane con-
duite irréproebable (art. 321); do demander, ou qu'il soit
pris note des variations des dépositions (art. 318), ou que les
iémoios soient entendus de nouveau, en présence les uns des
autres ou séparément (art. 326), on qu'un témoin suspect
de faux témoignage soit rois en état d'arrestation (art. 330)» et
dans ce dernier cas, que TafTaire soit renvoyée à une autre
session (art. 331); de développer par la plaidoirie les moyens
de défense de l'accusé, de manière que le conseil ou Paccusé
ait toujours la parole le dernier (art. 335); de présenter sur
la position des questions au jury les observations nécessaires
et de demander la position dès questions d'excuse (art 337
et suivants); enfin de plaider, si Taccusé a été déclaré cou-
pable, que le fait n'est pas défendu ou qualifié délit par la loi,
ou qu'il ne mérite pas la peine dont le ministère public a re-
quis l'application , ou qu'il ne peut donner lieu aux dom-
mages-intérêts qui peuvent être réclamés (art. 363).
Pour exercer ces droits, sur lesquels nous reviendrons plus
loin, la loi accorde h la défense une double prérogative : d'à*
bord, d'être entendue toutes les foisqu'elle le demande dans le
cours du débat; ensuite de prendre, s'il y a lieu des conclusions
sur lesquelles la Cour d'assises doit nécessairement statuer.
Elle a It droit d'être entendue toutes les fois qu elle le de^*
mande. C'est ce qui résulte des articles qui viennent d'être
cités et spécialement des art. 315, 319, 326, 330 et 335.
La Cour de cassation a déclaré « qu'il résulte de ces
articles, comme de l'esprit général du Code, fondés sur
les principes du droit naturel, que l'accusé et son conseil
ont le droit de dire tout ce qui peut être utile pour sa dé-
fense 1. » Et s'il n'en était pas ainsi, où serait la contradic-
tion du débat? n'est-ce pas dans des affirmations contraires,
dans des dénégations soudaines, qui viennent se heurter
au milieu de l'audience, que la vérité éclate ? n'est-Hse pas ce
droit de contredire librement exercé qui est comme la pierre
de touche de toutes les assertions qui se produisent? il n'est
pas besoin de rappeler d'aïUeursqueccdroita des limites duns
Tart. 267^ qui peimetau président d'écarter tout ce qui trou-
blerait Tordre, et dans Part. 270, qui lui permet derejeter tou-
tes les interpellations qui prolongeraient inutilement le débat
Elle a le droit d'être entendue dans tous les incidents qui
• Cas*. 20jniil. J826, ropp. M. Brière. J. P., t, XX, p. 710.
9M »li MVM »'ASftSBI.
s^ëlèvent dtns le oours des débats et sur toutes les réquisi-
tions du ministère public ou les conclusions de la partieci?ilei .
Elle a le droit de pTendre» s'il y a lieu» des conclusioDS, sort
pour présenter une demande ou une réclamation , soit poar
faire écarter une prétention élevée ou une mesure proposie
par les parties poursuivantes. La Cour d^assises est tenue, aui
termes de l'art. 408, de statuer sur toutes les conel usions de
l'accusé tendant à user d'une faculté ou d'un droit accordé
par la loi : toute omission de statuer dans ce cas entraîne TaD-
nulation de la procédure *« à moins que les conclusions ne
soient pas explicites et précises*, ou qu'elles ne puissent i
raison de leur objet être considérées comme l'exercice d'uoe
faculté ou d'un droit accordé par la loi ^. Ces ^ conclusions
doivent , en général , être écrites et signées par le défeoseor.
Cette forme, quoique la loi ne l'exige pas formellement, est
nécessaire pour en constater la teneur et Tauthenticité ; mais
elle n'est point une condition indispensable pour que la Coar
soit mise en demeure de statuer. Ainsi , il suffirait que le
procès-verbal des débats constatât leur existence pour que la
Cour de cassation dût vérifier s'il y a été fait droit. Ce point
a été jugé en faveur du ministère public, malgré le texte for-
mel de l'art. 277 •, et à plus forte raison la même décision
devrait être étendue à la défense.
Enfin , le défenseur et l'accusé doivent toujours avoir la
parole les derniers, non-seufcment dans les plaidoiries, sui-
vant les termes formels de l'art. 335» mais sur tous les inci-
dents. Ce point a été reconnu par un arrêt qui déclare :
« qu'aux termes de l'art. 335, 1 accusé ou son conseil doi-
vent toujours avoir la parole les derniers; que cette règle
fondamentale domine tous les débats et ne s'applique point
exclusivement à cette dernière période de l'examen pendant
laquelle l'accuse, la partie civile ou son conseil et le ministère
publicsonl entendus et développent lesmoyensdel accusation;
qu'elle s'applique à tous les incidents qui peuvent s'élever
dans le cours des débals et qui peuvent intéresser la défense
ou la justification de l'accufé, soit que ces incidents doivent
* Voy, suprà p. 481.
■ Cas?. 19 juin. 1838, rapp. M. Gilbert de Voisins. Bail. n. 229î 5 fér.
j847.rapp. M. de Crouseilhes, n. 28; 2 juin 1853, rapp. M. IfeyroDoet-St*
Marc. 1). 195; 29 juia 185â, rapp. M. Jacquinot, n. 207.
*Cass. 8 avril 18/|3, rapp. M. Romiguières. Bull. n. 78.
* Cass. 19 déc. 1835, rapp. M, Vinwns-bl-Laurent. Bwll, n, 407.
5 Voy. suprà, p. 4 06.
AnuNTiOM »K u »ériiiti. § 645. $27
être terminés par une ordonnance do président ou par un ar-
rêt ^ i II y aurait dono restriction da droit de la aéfense et
par conséquent nullité si la réplique avait été refusée à l'ac-
cusé ou à son défenseur sur un incident quelconque des dé-
bats. Toutefois leur silence peut être considéré comme une
renonciation au droit qu'ils ont d'être entendus les derniers ^.
Mais ce n'est là qu'une présomption , et il serait préférable
que le président les interpellât pour les mettre en demeure
d'user de ce droit.
V, Une quatrième règle est que la défense peut, pendant
le cours des débats , produire toutes les preuves qu'elle juge
utiles à ses intérêts. Elle peut donc demander les expertises
et les vérifications que les faits peuvent nécessiter. Elle peut,
aoi termes de l'art. 315« faire entendre des témoins à dé-
charge; elte[)eut requérir des apports de pièces ou les pro*
duire elle-même ^ Nous nous expliquerons plus loin sur ce
droit de la défense.
Mais une mesure préliminaire, qui en est la conséquence,
doit être indiquée ici. Dans le système du Code, les frais de
citation et les salaires des témoins cités à la requête des ac-
cusés sont à la charge de ceux-ci, « sauf au procureur géné-
ral, porte Fart. 321, en reproduisant Fart. 2 de la lot du
5 pluviôse an xiii, à faire citer à sa requèto les témoins qui
lui seront indiqués par l'accusé, dans le cas où il jugerait
que leur déclaration peut être utile pour la découverte de. la
Ycrilé. » A côlô de cet article, qui met la production des lé-
moins à décharge à la discrétion de la partie publique, l'art.
30 do la loi du 22 janvier 1851, sur Tassistance judi-
ciaire, a introduit une disposition nouvelle en faveur des
accusés indigents. Cet article dispose que les présidents
des Cours d'assises pourront, même avant le jour fixé pour
i^audiencc, ordonner Tassignation des témoins qui leur se-
ront indiqués par Taccusé indigc'nt, dans le cas où la dé-
claration de ces témoins serait jugée utile pour la décou-
verte de la Ycrilé. Nous avons déjà indiqué l'esprit de cette
nouvelle disposition, en l'appliquant aux matières correction-
nelles*. Un arrêt a jiigé qu'elle accorde au président un pou-
^ Cass. 5,inaî 1S26, rapp. M. OHWier. J. P., t XX, p. &52 ; 28août mU
rapp. M. Vinceus-Sl-Laurent. Bull. ii. 263.
2 Cass. 2U aoùl 1840. S. V. 40, 1, 744.
> Cass. 20 juil. 1826, rapp. M. Briùrc. J. P., t. XX, p. 710.
* Voy.DOtrc t. VU, $ 548, p. 047.
5Sd fiKfl GOUKS D'aSBIUS.
voir discrétionnaire et s'en rapporte à sa conscience et à ses
lumières sur le point de savoir s'il y a lieu d'ordonner cette
citation supplémentaire et ne l'oblige pas de rendre ordon*
nance dans le cas où il ne juge pas cette mesure utile k la
découverte de la vérité ^ » Il suit de là que le refus du pré-
sident de faire assigner les témoins à décharge ne peut don-
ner lieu à aucune opposition devant la Cour d*assises et à au-
cun recours devant la Cour de cassation.
Les mêmes solutions s'appliquent aux apports et produc-
tions de pièces. L'art. 30 de la loi du 22 janvier 1851,
étendant à ce mode de preuve la même mesure qu'à la preuve
par témoins, dispose que a pourront être également ordonnées
d'office toutes productions et vérifications de pièces. » C'est
encore au président qu'il appartient de statuer sur la requête
qui doit lui être adressée à cet égard, s'il y a lieu, par Taocusé.
YL Cependant le droit de défense trouve dans la loi, non
pas précisément des limites, mais quelques mesure*^ destinées
à le contenir contre les excès auxquels il peut se laisser en-
traîner. Quelques-unes de ces mesures ne concernent que le
défenseur.
L'art. 311 porte que « le président avertira le conseil de
l'accusé qu'il ne peut rien dire contre sa conscience ou con-
tre le respect dû aux lois et qu'il doit s'exprimer avec dé-
cence et modération. » L'art. 13 du tit. 7 de la loi du 16-â9
septembre 1791 exigeait du conseil le serment, et l'art. 342
du Gode du 3 brumaire an ly la simple promesse de n'em-
ployer que la vérité pobr la défense de l'accusé. Notre Code
a substitué avec raison un simple avertisssment à cotte pro-
messe : la vérité dans la discussion et la modération dans la
parole sont des devoirs dont la défense ne doit jamais s'écar-
ter ; mais ce n'est pas dans une promesse ou dans un serment
qu*il faut chercher la sanction de ces devoirs. Il a d'ailleurs
été jugé que l'avertissement, quoiqu'il soit utile« n'est pas
prescrit à peine de nullité *. En général, le président se borne
dans la pratique à inviter le défenseur à se conformer aux
dispositions de Tart. 311 , sans en rappeler les termes.
Les écarts de la défense peuvent constituer soit un simple
abus, soit une faute de discipline, soit un délit.
* Cass. 23 mars 1855, rapp. M. Isambert Bull, n, 107.
• Cas», 14 sept. 1B37. DalJ., 38, j,4i6.
ATTRIBUTIONS HE LA BlSriNSE. § 615. Ti^
Quand ils ne constituent qu'un abu9^ le président lrouve«
soit dans Tart. 267 qui lui attribue la police de l'audience,
soit dans l'art. 270 qui lui permet de rejeter ce qui prolonge
inatilement le débat, soit dans Tarticle 311 qui prescrit au
défenseur le respNCct des lois, la décence et la modération, les
ponroirs nécessaires pour le contenir dans les limites d^une
défense légitime. Il peut l'interrompre, il peut le rappeler,
s'il est avocat, aux régies que la loi du 22 ventre an xii et
l^ord. du 20 nov. 1822 prescrivent à sa profession. Ce n'est
toutefois qu'avec une extrême circonspection qu'il doit faire
une interruption, bien qu'il ait été jugé c qu'une interruption
n|a pas pour effet d'entraver la défense ', » car il est souvent
difficile de fixer la limite entre l'interruption et l'entrave, si»
par exemple, Finterruption a eu pour but d'empêcher le dé-
veloppement d'un moyen de défense. Au reste, le défenseur
pourrait s'adresser dans ce casa la Cour d'assises qui statue-
rait.
Lorsque Texcès de la défense prend le caractère d'une faute
disciplinaire, la Cour d'assises est compétente pour prononcer,
s'il y a lieu, les peines de discipline. Ce droit résulte de Tart.
103 du décret du 30 mars 1808, des art. 16 et i9 de l'ord.
du 20 nov. 1822 et de l'art. 23 de la loi du 17 mai 1819.
Il a été reconnu en conséquence qu'une Cour d'assises peut
prononcer contre les avocats qui plaident devant elle toutes
les peines disciplinaires prévues par les règlements et spécia-
lement la suspension pendant une année d'un .avocat qui
avait commis une faute grave à son audience *•
Enfin, lorsque le fait constitue un délit qualifié et puni
par la loi pénale, il semble avoir été admis que la Cour d'as-
sises peut faire l'application des art. 181 et 505 du G. d'inst.
Crim ■• il faut toutefois prendre garde de confondre avec les
délits de la parole les excès d'une défense qui se livre à des
aggressions même injustes, à des récriminations même vio-
lentes ; il faut en quelque sorte excuser jusqu'à l'abus du
droit, pour ne pas paraître l'opprimer. Ce ne sontpas là d'ail-
leurs les délits d'audience qu'ont prévus les art. 181 et 505 ;
et le droit d'interruption du président, et s'il y a lieu, î'ap-
' Cass. 12 janvier iSSS, rap|i. M. Rocher, J. P. t. XXV, p. 83.
' Cass. 25 jaoYier iS36, rapp. M. Isainl>ert. J. P. t. XXVI, p. 38 ; 27 téw.
mi, rapp. M. Isainbert, t XXIY, p. lU i li aoat 1820, rapp. M. Onifier,
t. XVI, p. iiau
' Mêmes arrêU et cass. 80 avril 184S> rapp. M, ^noens-SaiQt-LaareDi.
BqU. ii« 107.
Yin. 34
ij'M W» COUKS D'ASfifU.
plication des peines disciplinaires suiBsent pour ramener la
discussion dans les bornes posées par Tart. 311.
En ce qui touche les accusés eux-mêmes, le président, et
s'il y a lieu, la Cour d*assises peuvent également, soit rejeter
leurs interpellations qui prolongeraient inutilement le débat,
soit leur retirer la parole quand ils en abusent^ soitenGo
leur appliquer les mesures prévues par la loi du 9 septembre
1835, et même» suivant la jurisprudence, les frapper de
peines nouvelles à raison des nouveaux délits qu'ils commet-
traient à l'audience.
Nous reviendrons sur ces différentes mesures dans les cha-
pitres qui ont pour objet les incidents de Taudience et les
plaidoiries.
DE LA PROCEDURE ANTiniEVltE AUX DÉBATS. § 616. 331
CHAPITRE VII.
DE LA PROCÉDURB AJWÊRIEURE AUX DÉBATS,
§ 616. I. Objet de ce ekapitre. — II. Formes préliminaires de!a pro-
cédure orale.
f 6J7. I. De riiterrogatoire de Taccusé. — II. Il n'appartient qu'au
préaideni ou h mb délégué d\ procéder. — lU. Son objet. —
IV. Dans quel délai — Ses formes et leur constatation.
f 618. L Du aunnléroenld'inslniction. —II. A qui il appartient d'y
pn.céder lil. Caractère de celle instruction. — IV. Quels acte»
elle perroeu — V, Mesures contre les témoins.
§619. I. Formation du r6ie. —Il Ne sont point réputées en état et
ne sont pas jugét-s dans la session: !• les affaires d<s a^cufrée ar-
rivés dans l;i maison de justic** «près son ouverture, à moins qu'ils
n y consentent. — III. 2« Celks dans lesquelles Ils ont forn?é on
pourvoi. — IV. 3* (elles dans 'esque'les le délai de cinq jours n'en
pas eipiré. — V, 4- Celles dans iesquellea est notifié un arrêt de
soit communiqué parla Cour de cassation.
§ 620. I. Du renToi de Taffaire à une autre aessîon. — lî. A qui il
appartient de prescrire cette mesure. — 111. Elle peut être ordonnée
jusqu'à l'ouverture des débats. — IV. Quels motifs doivent y donner
lieu. ''
§ 6^1,- 1. De la jonction et de la disjonction des procédures. II A
qui il appartient de l'ordonner. — III. C:iuses de jonction. —IV.
Causes de disjonction. — V. Formes de celte mesure. — VI. Voies
de recoum.
§ 622. 1. De la noti6catîoo des listes desjur^s et des témoins. —II.
Formation de la liste des témoins. — III. Forme de la notification.
-" IV. Elle doit avoir lieu 24 heures avant rauditien. — V. Effets
des irrégularités.
§616.
!• Objet de ce ckapitré, — II. Actes préliminaires de la procédure
orale.
L Noas avons achevé d'expliquer les différents éléments qui
composent la Cour d'assises, les pouvoirs distincts du prési-
dent, de la Cour et des jurés, les droits du ministère public et
ceux de la défense. Kous connaisàons Torganisation de cette
juridiction et toutes les règles qui dirigent son action. Nous
allons commencer maintenant Texamen des actes et des formes
de sa procédure.
53â DES COURS d'assises.
Ces actes et ces formes peuvent se diviser en deux ca-
tégories :
Ceux qui précèdent Taudience et ont pour objet de la pré-
parer ;
Et ceux qui s'accomplissent à l'audience même.
Les premiers, qui ne sont que des formalités prélimioaires
destinées à garantir que l'instruction orale sera complète et
oflicace, font l'objet de ce chapitre.
II. La première de ces formalités est la notification qui
doit être faite à l'accusé de l'arrêt qui le renvoie devant les
assises et de Tacte d'accusation. Nous avons examiné déjà les
formes de cette notification et toutes les questions qui s'y rat-
tachent ' ; et nous n'avons point à y revenir.
Il importe seulement de remarquer que cette première for-
malité^ qui est I une des plus importantes de la procèdare
préliminaire» puisqu'elle a pur but de faire connaître au
prévenu sa mise en accusation et les faits à raison desquels
il doit préparer sa défense, doit être hâtée le plus possible
puisqu'elle est à la fois le point de départ et la base de toaie
la procédure préliminaire.
C'est en effet à partir du jour de cette notification que vont
courir tous les délais auxquels sont assujétis les actes qui sui-
vent. Ce n*est que lorsqu'ils la supposent accomplie, que ces
différents actes, comme autant de corollaires de cette forme
fondamentale, s'accomplissent à leur tour.
Telle est d'abord la translation de Taccusé dans la maison
de justice du lieu où se tiennent les assises. L'art. 243 porte:
u dans les 24 heures qui suivront cette signification, raccusé
sera transféré de la maison d'arrêt dans la maison de justice
établie près la Cour où il doit être jugé. » L'art. 292 répète la
même disposition.
Tel est ensuite le transport des pièces au greffe do la Cour
d'assises. L'art. 291 e^t ainsi conçu : <« quand réccusation
aura été prononcée, si l'affaire ne doit pas être jugée dans le
lieu où siège la Cour impériale, le procès sera, par les ordres
du procureur général, envoyé, dans les 24 heures, au greffe du
tribunal de première instance du cheMieu du département,
ou au greffe du tribunal qui pourrait avoir été désigné. Daus
tous les cas, les pièces servant à conviction qui seront restées
déposées au greffe du tribunal d'instruction, ou qui, auraient
* Voy, notre t, VI, S 443, p. 414.
DE LA FaOCKDURB AiNTLElftlRB AUX DÉBAT9. S ^^7. 533"
été apportées à celui de la Cour impériale, seront réunies dans
le même délai au greffe où doivent être réunies les pièces du
procès.» L'art. 392 ajoute dans son 1^' § : a les 24 heures
courront du moment de la signiGcation faite à Taccusé de
rarrèt de renvoi devant la Cour d^assises. »
Tels sont enfin rinterrogatoire de l'accusé, dont nous allons
parler dans le paragraphe suivant, la désignation du défen-
seur, sa communication avec l'accusé et la délivrance d'une
copie des pièces, dont il a été question dans le chapitre pré-
cédent.
La loi n'a point au reste attaché de nullité à Tobservation
de ce délai. Le procureur général doit faire toutes les dili-
gences nécessaires pour que le jugement de Taccusé ne soit
pas retardé et pour qu'il puisse jouir, à partir du jour de la
notification , d'un laps de temps sufiBsant pouf préparer sa
défense.
1. De rinterrogatoire de raccusô. — IL Par qoî il doit y être procédé.
IIL Caractère de cet acte. — IV. Dans quel délai il doit avoir lieu.
y. Ses formes et leur constatation.
L L^art. 266 porte : a le président est chargé d^entendre
Paccusé lors de son arrivée dans la maison de justice.» L'art.
293 répète avec plus de précision : a vingt-quatre heures au
plus tard après la remise des pièces au grefife et l'arrivée de
Taccusé dans la maison de justice» celui-ci sera interrogé par
le président de la Cour d'assises ou par le juge qu'il aura
délégué. »
Cette formalité, que Part. 10 du tit. 6 de la loi du 16-29
sept. 1791 et l'art. 315 du G. du 3 brumaire an iv avaient
déjà établie avant notre code, est à la fois une mesure de pro-
tection accordée à la défense et une mesure d'instruction.
Sous le premier rapport, elle a pour objet de mettre l'accusé
à même d'exprimer ses réclamations et ses griefs et d'indi*-
quer les modifications qu'il veut faire à ses précédents interro-
gatoires ; elle a également pour but de le munir d'un défen-
seur, s'il n'en a pas choisi, et de lui faire connaître les voies de
droit qu'il peut exercer. Sous le second rapport, elle donne
le mojen de s'assurer du système de défense de l'accusé et de
la nécessité qu'il peut y avoir de procéder, suivant les modi-
fications de ce système 7 à quelques actes d'instruction sup-
plcmeiilairc.
.934 MS COVRS »*ASSUg8.
Il suit de là que cette formalité est substantielle et la jurii-
prudence prononce Tannulation des procédures dans lesquelles
son accomplissement n'est pas constaté : « attendu que cet
interrogatoire, quoique n'étant pas prescrit à peine de nullité,
constitue une formalité substantielle dont l'accomplissement
est indispensable à la manifestation delà vérité, tant dans TiR-
térèt particulier de Taccusé que dans celui de Taccusation;
qu'indépendamment de la désignation du conseil qui doit as-
sister l'accusé pendant lesdébats, et indépendamment de ra?is
donné à Taccusé du droit qu'il a de se pourvoir en cassation
contre Tarrét de renvoi, l'interrogatoire dont il s'agit a pour
but pr'ncipal de mettre l'accusé à même de faire, avant Toa-
verture des débals, des changements qu'il croirait utile d'ap-
porter dans les aveux et dénégations émanés de lui pendant
l'instruction ; de faire connaître au président de la Cour d'as-
sises les modifications apportéesaux éléments de l'instructioD;
et qu'enfin cet interrogatoire est le moyen le plus ordinaire
pour signaler au président, au ministère public et à l'accasé
la nécessité d'une instruction supplémentaire que les art
301 9 3091 et 304 autorisent, même après la notification de
l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation ». »
Cependant il a été admis, sans doute pour ne pas multi-
plier les formes, que cette formalité une fois accomplie, il
n^est pas nécessaire de la renouveler, lors même que le juge-
ment de l'accusé est renvoyé à une autre session *, lors même
qu'une information supplémentaire aurait eu lieu postériea*
rement au premier • ; lors même enfin que TalTitire reviendrait
après cassation devant une autre Cour d'assises 4. Néanmoins
dans ce dernier cas, il est nécessaire que Taccusé soit inter-
rogé au moins sur le choix qu'il a fait d'un défenseur; et il
faut ajouter que, dans tous les cas, le président est libre de
renouveler Tinterrogatoire s'il le croit utile.
II. La loi charge à deux reprises, par les art^ 266 et 293,
le président des assises de procéder lui-même à Tinterroga-
* Cass. 12 juillet i844t rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 261 ; 48 mars 1815,
rapp. M. Brière Valigny, n. 95; 3 jaiivier 1850, rapp. M. Defaaassj, 24 août
I854f rapp, M. Plougoulm, n. 26!.
* Cas8, 28 avril 1838. rapp. M, Mérilhou. Bull. n. 116 ^ 6 od. I859|
rapp. M. Isambert, n. 495 ; 4 décein. 1852, rapp. M. Foucher. o. 391
' Casa. 15 avril 1837, rapp. M. Rocher. Bull. n. 120 ; 80 août 4844, rapp.
M» Meyronnet Saint-Marc, n. 805 ; 10 juin 1852, rapp. M. de GIoi, ■• 187.
* Cass, 27 janr. 1848, rapp. M. Isambert. Bull. 48, 5% p, 245«.
Bl LA FftOCÉBOai AKTiilMRK AUX l»£lATS. f 617. S^
toire. II estatile, en effet, que le magistrat qui doit présider
les débats, connaisse a Ta vance les accusés, leur situation,
leur physionomie, qu^il écoute leurs moyens de défense et qu'il
puisse apprécier la nécessité de procéder à une information
supplémentaire. Cette formalité, nous Tavons déjà dit, nVst
pas seulement destinée à veiller aux intérêts de la défense, elle
a également pour objet de préparer le débat oral, de signaler
les omissions de la procédure écrite. Or^ cette mission légale
ne peut être remplie que par le président lui-même; déji
initié à Tétude des procédures, lui seul peut la diriger en vue
du débat) en vue de la découverte de la vérité; confiée è un
autre magistrat, elle devient vaine et stérile : ce magistrat,
étranger à Taffaire, se borne à donner à Taccusé les avertis-^
sements prescrits par la loi» il neTinterroge pas; il obéit aux
prescriptions matérielles de la loi» il constate Taccomplisse-^
ment de la formalité^ il n'en tire aucune utilité pour rins<-
truclion.
A la vérité, l'art. 293 porte que « Tacçosé sera interrogé
par le président des assises ou par le juge qu'il aura délégué, a
mais cette faculté de déléguer un juge, qui a eu pour objet
de parer aux empêchements qui peuvent survenir, ne devrait
être qu'une exception, et trop souvent peut-être elle est con*-
sidérée dans la pratique comme une règle : la plupart des in«
terrogatoires sont faits hors des chefs-lieux des Cours impé-
riales, par les présidents ou les juges des tribunaux. C'est lA,
nous le croyons, un véritable abus. Il en résulte qu'un acte
destiné A instruire la justice, a cessé de remplir cette mis-
sion et que le but que la loi lui avait assigné est tout è fait
perdu de vue. L'interrogatoire est un simple avertissement
donné à Taccusé qu'il peut choisir un défenseur et se pour*
Yoir contre Tarrêt de renvoi ; il a cessé d'être exécuté comme
un acte dMnstruction.
I^ jurisprudence a contribué à pousser la pratique dans
cette voie. L'art. 266 dit que le président qui doit a enten-
dre Faccusé, » pourra déléguer ces fonctions à l'un des juges.
L'art. 293 veut que Paccusé soit interrogé « par le président
de la Cour d^assises ou par le juge qu'il aura délégué. » Mais
l'art. 91 du décret du 6 juillet 1810 ajoute : < si, vingt-
quatre heures après Tarrivée d'un accusé dans la maison de
justice, le président des assises n'est pas sur les lieux, et qu'il
n'y ait point de juge par lui délégué^ conformément i 1 ar-*
licle 293, pour interroger le^ accusés, il sera procédé k Tin-
536 ' SES fiOVIS D^ASSISIS.
terrogatoire par le président du tribonal de première instance,
ou par un juge qu*il aura commis à cet effet » Cette dispo-
sition réglementaire, qui s'écartait de l'esprit et des ternies de
la loi, sous le prétexte d*en faciliter rexécution, a autorisé U
jurisprudence à déclarer réguliers, dans les départements
autres que le chef-lieu, tous les modes de remplacement do
président des assises, et, par conséquent, a, en réalité» exo-
néré de l'obligation de procéder personnellement à Tinteiro-
gatoire.
Il a été décidé successivement, en ce qui touche les assises
qui se tiennent hors du siège de la Cour impériale, qu'il n'est
pas nécessaire que la délégation prévue par l'art. 293 soit ex-
presse, qu'il suffit qu'elle soit mentionnée dans Tacte d'interro-
gatoire ^ ; que celte délégation s'établit par voie de présomption,
et par cela ou'il est déclaré que le magistrat suppléant agit
a par empêchement de qui de droit ', » ou #- en remplacement
du président > *; que même le juge qui interroge raccuséau
moment de son arrivée dans la maison de justice est légale-
ment présumé avoir reçu une délégation soit du président
des assises , soit du président du tribunal , ou avoir agi par
suite de l'empêchement légitime des membres du tribonal
qui le précédent dans l'ordre du tableau et que toute men-
tion d'une délégation quelconque est superQue *.
Il a été jugé en même temps, en ce qui touche les assises
du chef-lieu, que la loi n'exige point que le juge qui procède
à l'interrogatoire fasse partie de la Cour d'assises ; que, par
conséquent, cette formalité peut être régulièrement accomplie
{>ar un conseiller autre que les conseillers assesseurs *» par
e président des assises ordinaires^ quand il s'agit d'une af-
faire portée à des assises extraordinaires présidées par le pre-
mier président ^, par le président du trimestre précédent.
Il a été reconnu encore que le président du tribunal doit
interroger dans les vingt-quatre heures de l'arrivée dans la
* Gass. 26 juiniS47, rapp.M. Rataud, Bull. n.5d.
* Cas8« ià féTrier 1850, à notre rapport, bull. n, 56.
' Caw* 21 déc 1582, rapp. M. Meyronnet-Salot-Marc. J. P. t. XXIV,
p. 1688.
* Cass. 18 sepu 1827, rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXI, p. 798; 16 mars
1887, rapp. M. ViiiceDs-Saiat-LaureiiU J. P., 1840, t. II, p. 110.
* Casa. 21 déc. 1832, cité iuprd.
* Cass. 5 février 1819. rapp. M. Giraud. J. P., t. XV, p. 68 ; 23 sept, mi,
rapp, M. de Crouscilhcs, Bull, n. 281; 18nov. 1856, rapp. M, V. FoucJjcr,
Il o'i7.
DE LÀ FbOCBDUU ANtltiaVll AUX oiBÀTS. § 617. 537
raakon de justice, lortf même quMI n'a reçu aucune déléga-
tion ', et que la même obligation pèse sur le vice- président ,
en cas d'absence ou d'empêchement du président '. Enfin, il
ne peut résulter aucune nullité de ce que Tinterrogatoire,
soit qu'on le considère comme une forme purement maté-
rielle ou comme un acte d'instruction, soit fait, soit par le
juge qui a instruit Taffaire *, soit par l'un des membres de
la chambre qui a prononcé la mise en accusation *.
On voit que l'interrogatoire est indifféremment confié à
des magistrats qui ne doivent point faire partie de la Cour
d'assises, qui n'ont reçu aucune dt^légation pour y procéder
et qui sont complètement étrangers à l'instruction relative
aux accusés qu'ils interrogent. Getie formalité est donc né-
cessairement réduite aux avertissements prescrits par les
art. 294 et 296; l'interrogatoire prescrit par l'art. 293 est
virtuellement supprimé, car il suppose une connaissance des
pièces que le magistrat suppléant ne peut pas posséder. S'il
constitue, ainsi que Ta voulu la loi, un acte d'instruction, il
est certain que le vœu de la loi est imparfaitement accompli.
m. Nous retrouvons cependant dans l'exécution même de
l'interrogatoire le double caractère qui lui a été assigné.
Il doit porter sur trois points distincts :
Aux termes de l'art. 294, l'accusé doit être interpellé de
déclarer le choix qu'il a lait d'un conseil pour Taider dans sa
défense ; s'il n'en a pasfait, le juge lui en désigne un sur-le-
champ, à peine de nullité de tout ce qui suivra. Nous avons
parlé de ce premier avertissement et du choix ou de la dési-
gnation des conseils dans notre § 614 ^.
Aux termes de l'art. 296, le président doit, en deuxième
lieu, avertir l'accusé du délai que la loi lui accorde pour for-
UÈetf s'il le veut, une demande en nullité contre l'arrêt de
renvoi. Nous avons examiné les formes de ce deuxième aver-
tissement et les effets de son omission dans notre § 444 ^.
Enfin, aux termes de l'art. 293, le président doit interro-
* Cass. 22 juillet 1852, rapp. M. Mater. Bull. n. 248.
2 Ca5S.8 janv. 1856» rapp M. VÎDCens-Saîût-Laurent. BoU. n. 12.
* Cass. 17 sept. 1835, rapp. M. Ckauveau-Lagarde. Bull. ii. 861 ; 17 juin
4853» rapp. M. Aug. Moreau, n. 213.
* Cais. 5 fév. 1819, rapp. M. Giraucl, J, P., t. XV, p. 68.
■ Voy. supra, p. 498.
" Voj . notre U Vi, p. /|55,
£W PU «OUM »*AMItlf •
ger raccu8é; Tari. 266 déclare également qu'il doit l'en*
tendre. Il est évident qu^il doit Tinterroger sur les faits de
Taccusation; qu'il doit rentendre dans ses déclarations
rejalives à ces A'its. Ces deux articles ne peuvent pas avoir un
autre sens. Il s'agit donc, comme on l'a déjà dit, d'nn acte
d'instruction, puisque tout interrogatoire sur d''s faits incri-
minés, toute constatation de .déclarations ou d'aveux sur les
mêmes faits ne peut être qu'un acte d'instruction ; et cet acte
ayant pour objet, d'une part, d'assurer le développement de
la défense, d'une autre piart, de fournir au président les no-
tions qui lui sont nécessaires pour la direction du débat, est
une forme essentielle de la procédure et doit être accomplie
peine de nullité. Il a été jugé par conséquent que, lorsque i
celte question : a persistez-vous dans les réponses consignées
dans ¥os précédents interrogatoires et voulez-vous y ajouter
ou en retrancher quelque chose? » » le procès-verbal ne men-
tionne aucune réponse ni aucun refus de répondre , il n'y a
en réalité aucun interrogatoire, d'où il suit qu'il y a violation
des art. 266 et 293 '. 11 faut ajouter toutefois qu'il n'est pas
nécessaire que l'interrogatoire porte sur chacun des élé*
ments de l'accusation ; il suffit que l'accusé ait été formelle-
ment mis en demeure de fournir ses explications surlesfaits
et charges qui constituaient Taccusation *. C'est ainsi que»
dans une espèce où le pourvoi était fondé sur ce que l'accusé
n'avait pas été expressément interpellé de s'expliquer sur
les faits incriminés, le rejet a été prononcé : < attendu que
l'art. 293 n'a pas déterminé les formes de Tinterrogatoire;
que, dans l'espèce, le magistrat qui a interrogé l'accosé loi
a dit : « Yous savez de quoi vous êtes accusé : persistei-toQS
dans les déclarations que vous avez faites devant le juge
d'instruction? » et que l'accusé lui a répondu « qu'ilyper*
sistait et qu'il n'avait rien à y changer ni à ajouter; » que
cette demande et cette réponse remplissent suffisamment le
vœu de la loi et qu'on ne peut assimiler cette forme d'inter-
rogatoire à l'absence de la formalité substantielle prescrite
par l'art. 293* . »
m. Le délai dans lequel il doit être procédé à l'ioterro-
' Cass. 26 juillet 484i, rapp. M. Brière-Valigny. BolL tu }77;iln«
1854, rapp. M. V. Foucher, o. iiS.
• Cass. 6 sept. 1855, rapp. M. PoulUer. Bull. n. 3!5.
' Casa, i mars 1847, rapp. M, IsamberU Dali., 47, 5, «02,
DE LA PftOG^lIlS AMTiftlIUMB AUX DEBATS. { 617. S39
gatoire est fixé, par la loi : c'est, suivant l'art. 366» a lors de
raiTÎTée de Taccusé dans la maison de justice; » et, suivant
l'art. 293 , a vingt-quatre heures au plus tard » après cette
arrivée.
Mais ce délai, qui n'a d'autre objet que de régulariser et
d'accélérer la marche de la justice, n'est point prescrit à
peine de nullité» et il n'y a pas de motif de suppléer cette
sanction. Aussi, il a toujours été reconnu « que le délai spé-
cifié eh Tart. 293 n'est point prescrit par la loi à peine de
nullité ; que ce qu'il y a de substantiel dans cet article, c'est
que l'accusé soit interrogé et jouisse, soit pour se pourvoir en
cassation, soit pour préparer sa défense et communiquer avec
son défenseur» du délai de cinq jours \ > Nous parlerons plus
loin de ce dernier délai qui doit s'écouler, non plus entre l'ar-
rivée de l'accusé dans la maison de justice et l'interrogatoire,
mais entre l'interrogatoire et les débats.
TV. La loi n'a point déterminé les formes do l'interroga*
toire; elle ne l'a point soumis à une formule sacramentelle * ;
par conséquent la manière dans laquelle le président fait ses
questions et ses avertissements importe peu. '
Ce qui importe seulement, c'est qu'il soit constaté que
Taccusé ait été averti et interpellé de répondre ; et il est dreiné
en conséquence un procèsî-verbal de Tinterrogatoire. Le
2^ S de l'art. 296 porte : « L'exécution du présent article
et des deux précédents sera constatée par un procès-verbal
que .signeront l'accusés le juge et le greffier; si l'accusé ne
sait ou ne veut pas signer, le procès -verbal en fera men-
tion. »
Les formes que ce procès-verbal doit constater» suivant les
art. 294 et 295, auxquels l'art. 296 se ri'fère» et suivant le
1^' § de ce dernier article, sont : l"" l'interpellation relative
au choix du défenseur et, s'il y a lieu, la désignation d'office
de ce défenseur; 2M'interpellation relative au pourvoi contre
l'arrêt de renvoi. Nous avons vu que l'omission de cette dou- '
ble constatation entraînerait ou la nullité de la procédure ou
la réserve ultérieure du droit de Taccusé. Le proeès-verbal
t Cass. 2 janv. 1851» rappi M. IsamberU Bull. n. 9; 16 janY, 1852,
rapp. M. Isambert, n. 49; 4 août 1853, r»pp. M. de GIos» n. 383 ; 10 ocL
dS39, rapp* M. Vioceos-Saint-LaurenU Sir.» 39» 1» 955; 21 8ept. 1837» rapp.
M. Dehaussy, Bull. n. 285.
• Cass. 18 oet 1850, rapp, M. Fréteau, Bull, n. 263.
540 DES COURS d'A5I1SB9.
doit constater encore rinterrogatoîre Itti-mème * ; îl doit con-
stater, enfin, la renonciation de Taccasé au délai de cinq
jours prévu par Vart. 296, s'il se trouve dans le cas préva
parTart. 261.
Quant aux formes du procès-verbal lui-même , elles se
réduisent, aux termes de l'art. 296, à la signature du prési-
dent, qui procède à Tinterirogatoire, du greffier, qui Tassistc
nécessairement dans cet acte, et de l'accusé.
La signature du président est essentielle à la validité de
Tacte, et si elle manque, la formalité n'étant plus constatée
qne par un acte irrégolier, est réputée n^avoir pas été rem-
plie : « attendu que, lorsque la loi a déterminé le mode de con-
statation d'une mesure qu'elle prescrit, si cette constatation
n'existe pas ou n'est pas faite dans la forme légale, il y a pré-
somption de droit que la mesure a été omise * ». En consé-
quence, il y a lieu d'annuler le procès verbal et toute la
procédure qui Ta suivi, toutes les fois qu'il n'est pas revéta
de la signature du magistrat qui a procédé à l'interroga-
toire *. Il y a lieu de prononcer la même annulation lorsque
le procès-verbal, après avoir énoncé que le président a pro-
t^édé à l'interrogatoire, porte la signature d'un autre magis-
trat, puisque le magistrat qui a rempli la formalité peut seul
en certifier raccomplissement *.
La signature du greffier n'est pas moins essentielle que celle
du président, car il est le témoin nécessaire de l'acte et chargé
par la loi de le constater. Il y a lieu en consequence.de consi-
dérer comme nul le procès-verbal qui ne porte pas la signa-
ture du greffier ou du commis greffier qui a assisté le juge :
« attendu que la présence et le concours du juge et du gref-
fier sont exigés pour la constatation de la formalité de l'in-
terrogatoire , comme pour son accomplissement ; qu'en
l'absence du juge ou du greffier, l'interrogatoire est incom-
pétemment reçu, et que faute de la signature de l'un d'eux,
ie procès-verbal n'est ni légal , ni probant ^. » Toutefois, la
* Voy. «upra, p. 858.
^ Cas8. 2 mai 1845, rapp. M. Brière-Valigny. Bull. n. 161.
' Cass. 11 sept 18A5, rapp. 11. Brière-Valigny. BoU. il 288; 1*' ami
1858, rapp. M. Nooguier. n. 113; ih oct 1848, rapp. M. Barennes, o. 357;
!•' avril 1852, rapp. M. Nougttier. Dali., 53, 5, 266.
* Cass. 25 sept 1847, rapp.M. de Croaseilbes. Bull, tu 242 ; 23 fév. 1854f
rapp. M. de Glos, n. 47.
* Cass. 14 octobre 1855. rapp. M. Sénéca. Bull. 0.338; 20 oor. 1846,
rupp, M. Brière-Valigny, n. 293 ; 20 juillet 1844»rapp. M. Brièrc-Valîgo*,
n. 277; 3 jum, 1800, rapp. M, Dcliausbj.Dall., 50, 5, 293.
BB LA PROCl^OVHE ANT^RICVRE AUX DÉBATS. S 617. ^i
signature du greffier ou du commis greffier pourrait être rem-
placée parcelle d'une autre personne, que le magistrat aurait
commise â cet eOet,en cas d'empêchement de ces officiers mi-
nistériels, et dont il se serait fait assister ; il a été reconnu» en
effet, « que les présidents des cours d^assises, comme tous les
juges procédante une instruction, ont, quant aux actes qui
présentent un caractère d'urgence, et en cas d'empêchement,
le droit de remplacer les greffiers qui leur sont attachés, en
commettant toute personne ayant Tàge requis par la loi et la
qualité de Français, à laquelle ils jugent nécessaire de faire
prêter le serment en tel cas requis ^ >
La signature de l'accusé, quoiqu'elle soit mise par Tart.
296 sur la même ligne que celle du président et celle du gref-
fier, n'a pas été réputée par la jurisprudence aussi nécessaire
que celles-ci à la validité de Tacte. Ainsi, dans une espèce où
le procès- verbal ne portait ni signature de Taccusé, ni aucune
mention qui la suppléât, le pourvoi a été rejeté, « attendu
qu'il est énoncé dans la ciêture du procès-verbal qu^il a été
lu à l'accusé qui a déclaré persister dans ses réponses, icelles
contenant vérité; et avons, est-il dit, signé avec le greffier et
non le détenu ; qu'en référant cette dernière énonciation à
celles qui précèdent, il en résulte que Taccusé a été inter--
pellé et qu'il a refusé de signer *. » Et dans une autre espèce,
dans laquelle l'interpellation de signer faite h l'accusé» qui
d'ailleurs ne le savait, n'était suivie d'aucune réponse, le
pourvoi a encore été rejeté, « attendu que, quoique l'art.
296 prescrive l'apposition des signatures de l'accusé, du juge
et du greffier, ces signatures ne sont pas eiigées au même
titre ; que les deux dernières sont nécessaires pour conserver
au procès -verbal le caractère probant et authentique;
qu'elles sont donc substantielles et que sans elles l'acte n'a
pas d'existence légale ; qu'il n'en est pas de même de la
signature de l'accusé, laquelle n'est exigée que comme com-
plément de son interrogatoire; que si elle n'existe pas, l'omis-
sion qui en résulte, quelque grave qu'elle soit, ne doit pas
entraîner une nullité que ne prononce pas l'art. 296, è moins
qu^elle ne fasse grief à l'accusé*. » Ce dernier arrêt, qui sem-
ble ^youloir poser une règle générale, don ne lieu à une obsorva-
' Ca». 5 sept, A85S, rapp. M. Jaoqulnot Dall« 52, 5, 321,
■ Gass. 4 janT. 18A9, rapp. M. Barennes. Dali. 49, 5, 25â.
' Casf . 27 jaillet iSW, rapp. M, liCgagneur, Bull, n. 236.
SéS DKS COVRS D*ÀMKBf.
tion. C'est avec raiBon qu'il assigne ud but dîBérent à la
signature du président et du greffier et à celle de Taocusë :
les premières ont pour objet de constater raccomplissement
des formalités légales ; la seconde» la Térité des réponses
écrites dans le procès-verbal ; et comme ces réponses peuvent
avoir, dans certains cas, une grave influence sur la défense
de l'accusé, il importe qu'elles soient suivies de sa signature.
A la vérité, cette signature n'est pas, comme les deux pre-
mières, nécessaire à la validité de Tacie, aar Taccusé peut ne
savoir signer ou refuser de le faire ; mais la loi a eiigé dans
ce cas qu^il en fût fait mention. Pourquoi cette mention?C'e$t
qu'elle suppose qu'une interpellation formelle a été adressée
à l'accusé; c'est que cette interpellation remplace seule lasigna-
ture. Il importe donc que la nécessité de cette mrntioo soit
reconnue dans tous les cas où il n'y a pas de signature, car il
faut que l'accusé ait été mis en demeure de reconnaître ou de
dénier les déclarations du procës«verb.i|. Il y a lieu de remar'
quer d'ailleurs que, dans les deux arrêts cités, le rejet du
pourvoi est principalement fondé sur la présomption que
l'interpellation avait été adressée.
Ed dehors des formes spécialement prescrites par l'art. 296,
le procès-verbal doit revêtir celles qui sont communes à tous
les procès-verbaux.
Il doit, d'abord, énoncer dans son préambule les noms et
qualités du juge et du greffier dont la présence et le concours
sont exigés pour raccomplissement de rinterrogatoire et dont
la signature est nécessaire à sa validité '.
délai établi par l'art 296 et dont l'interrogatoire est le point
de départ. Ainsi, il a été décidé que l'omission de la date du
procès-verbal ou son énonciation incomplète n'entraîne pis
la nullité des formalités dont il constate raccomplissement,
mais a pour effet de ne pas faire commencer le délai de
cinq jours ' ; d'où il suit que les débats, qui ont suivi se-
raient nécessairement frappés de nullité *, s'il ne pouvait èln
^ Gass. 2 mai 1845 et il oct, 1848. Cité iuprd^ p. 540.
* Gass. S2 janvier 1848, rapp. M. Dehaussy. Bull, n, i9«
' Coss» 18 déc, 184^» rapp. M» Quénault, Bull, n. 84i«
DK LA PROGéDVRE ANTiftlEUlC ACX DEBATS. §618. S43
suppléé k cette omission par aucun autre document authen-
tique \
La question s'est élevée de savoir si le procés-verbal peut
être préparé i l'avance et imprimé. La jurisprudence, sans
acquiescer à cette rédaction prématurée, n^a pas jugé qu'elle
fût une cause de nullité, d^abord, parce que Tart. 872, qui
porte que le procés-verbal des débats ne pourra être imprimé
à Tavance, ne s'applique point au procès -verbal de Tinter*
rogatoire*; ensuite parce que les formules imprimées ne
s'opposent pas à ce que les formaiilés qu'elle» constatent
soient accomplies dans les termes mêmes de ces formules *•
Elle a même été jusqu'à maintenir un procés-verbal dans
lequel la réponse de Taccusé était imprimée, « attendu que,
quelque irrégulière que soitia formule imprimée de cette
réponse , elle ne peut être considérée comme nulle et créer
une nullité en Tabsence d'une disposition prohibitive de Ift
loi; qu'en effet, si cette réponse n'avait pas été conformée la
formule imprimée et avait eu un autre sens ou avait contenu
quelque autre observation utile à la défense, le magistrat
qui procédait à cet interrogatoire, assisté de son grefCer, au-
rait fait inscrire ay procès-verbal la réponse textuelle de l'ac-
cusé *. » Nous avons déjà signalé l'abus des procès-verbaux
imprimés * : cet abus est surtout visible quand il s'agit du
procès- verbal d'un interrogatoire ; car» s'il est possible d'éta-
blir i l'avance l'accomplissement d'une forme, comment
établir une réponse, une déclaration, une réclamation? Il est
regrettable que, pour épargner quelque soin à un greffier,
on affaiblisse les formes les plus importantes et on rende
vaincs toutes les constatations.
S 618.
.' Du complément d'iastructioa. — II. A qui il tppanientd'y procéder.
— III. Caractère de cette instruction complémenuire. — IV. Quels
actes elle autorise. — V. Mesures coercitives contre les témoins.
I. L'art. 293 veut que l'accusé soit interrogé sur les faits
« Cass. 1" avril iB52» lapp, M. Dehaussy. Bull n. IIA; S9 sept, 1853,
di noire rapport, o« 4S6«
* Cass. H fév. 1853» rapp. IL D^aasqr. Bull. a. 81*
* Cass. 2 janr. 1854, rapp. M. Isambert. Bull» n. 2.
* Cash 10 aoatl85At rapp. M. Isambert Bull, n, 253»
S44 DES COURS Ik'ASSISES.
îDcrimÎDégpar raccusatîon. L'art. 245 veut que le proeureur
général donne avis de l^arrét de mise en accusation tant au
maire du lieu du domicile de Taccusé^ s*il est connu, qu'à
cehii du lieu où le délit a été commis ; et cet avis, qui a pour
but de provoquer de nouveaux renseignements, peutaniener
la découverte d'indices et de circonstances nouvelles. D'au-
tres informations peuvent encore par d^autres voies surgir
postérieurement à Tarrét de renvoi. Tous ces éléments, s'ils
se révèlent après la clôture de Tinstruction, ne doivent-ils
pas être recueillis? La procédure est-elle tellement fermée
qu'elle ne puisse se rouvrir pour recevoir les errements nou-
veaux qui s'y rattachent? Il serait absurde de les écarter sous
prétexte de cette clôture; car, quelle que soit Tépoqucoùils
se produisent, la justice a le même intérêt à les connaître ,
tant que Tailaire n^est pas jugée. Est-il une déchéance qui
puisse être opposée aux révélations qui viennent déclarer la
vérité? C'est pour cela que notre Gode, reproduisant une dispo-
sition de la loi du i6-29 septembre 1701, tit. 6, art 13 et
duG. du 3 brumaire an iv, art. 317, avoulu que ces renseigne-
ments nouveaux pussent être reçus et constatés en tout état
de cause et jusqu'au moment où commence l'instruction orale.
La procédure est donc non pas rouverte, mais continuée, non
pas reprise, mais conduite depuis le moment où elle s'est arrê-
tée jusqu'au moment où s'ouvrent les débats, pour y joindre
les pièces ou les circonstances nouvelles qui viennent s'y rat-
tacher et qui ne se produisent qu'après qu'elle a statué.
Tel estTobjetdesart. 301 et 303. L'art. 301 dispose que,
« nonobstant la demande en nuHité, rinstruction sera conti-
nuée. » L'art. 303 ajoute : c S'il y a de nouveaux témoins
à entendre et qu'ils résident hors du lieu où se tient la Cour
d'assises, le président, ou le juge qui le remplace, pourra
commettre pour recevoir leurs dépositions le juge d'instruc-
tion de l'arrondissement où ils résident, ou même d'un autre
arrondissement ; celui-ci, après les avoir reçues, les enverra
closes et cachetées au greffier qui doit exercer ses fonctions
à la Gour d'assises.»
U. C'est au président des assises qu'il appartient de pro-
céder à ce complément de l'instruction. L'art. 303 lai confère
ce pouvoir et il eût été difficile de le déposer en d'autres
mains. Le juge d'instruction, dessaisi par l'ordonnaoce de
mise en prévention, ne peut procéder à aucun acte alténeor
DE LA PROCÉDL'KE ANTÉrIEVIIE AtX I»1bATS. $ GIS. ,ji,S
d'instructioD. La chambre d'accusation, également dessaisîu
par son arrêt» ne peut plus ordonner un supplément d'infor-
mation. Enfin, le procureur général ne peut, ainsi qu^on Ta
déjà dits faire, sauf les cas de flagrant délit, aucun acte
d'instruction ; il ne peut que recueillir de simples renseigne-
ments. Le président seul est donc -en position d'accomplir
cette tâche.
Il peut être toutefois suppléé par le juge qui le remplace ;
et cette suppléance est de plein droit, puisque ce juge, en Te
remplaçant, remplit les fonctions de la présidence. Il doit donc
pourvoir aux actes, urgents par leur nature» de l'information
supplémentaire.
Il peut procéder lui-même aux actes complémentaires
qu'il juge utiles, sans avoir besoin d'une délégation de la
Cour d'assises,, sans qu'une ordonnance préalable soit néces-
saire pour ordonner ce complément d'information *. Il entend
les témoins, s'ils résident sur les lieux ; il fait les visites et les
vériticatioDS, si ces opérations n'exigent pas de déplacement.
Il peut aussi , dans ce cas, déléguer l'un de ses assesseurs '.
Si les dépositions des témoins doivent être reçues ou les
vérificatious faites dans un autre lieu , il délègue le juge
d'instruction de ce lieu^ qu'il soit ou non situé dans le res-
sort de la Cour d'assises *. Il peut même déléguer à cet effet
le juge d'instruction d'un arrondissement ressortissant d'une
Cour d'assises qui avait été dessaisie de l'affaire pour cause
de suspicion légitime \ Il peut même déléguer un juge do
paix , a attendu que les dispositions de l'art. 303 ne sont
qu'indicatives et non limitatives, et qu'il résulte de la com-
binaison de cet article avec l'art. 283, que dans tous les cas
où les présidents sont autorisés à remplir les fonctions d'offi-
cier de police judiciaire ou de juge d'instruction, ils peuvent
déléguer aux juges de paix les fonctions qui leur sont attri-
buées *. Le juge ainsi commis peut déléguer lui-même un
autre magistrat ou officier compétent 7. b
Le président a qualité et compétence pour procéder au
complément d'instruction , dés l'instant que sa nomination
* Voy. suprà, p. â93 et49A«
* Case 27 avril 1849, rapp. M. Jacquinot. Bull. n.98.
« Cass. 24 janv. i83V, rapp. M. Rives. Dali. 39, 1, 147.
* Cais^ 20 janv. 1852, rapp. M.Ollhier. J. P., t. XXIV, p. 804f !
* Cass. 17 fëv. 1843, rapp. M. homigalères. Bail. n. 85.
* Ca». 7 juillet 1847, rapp. M. IsamberU Bull. n. 153.
^ Cass» 11 déc 1850, r9pp. M, Legagneor, Bull, D, 392,
viii/ 35
S46 ftlS COUU D*A981IKS.
€St publiée 5 pour les affaires qui doivent être portées aui
assises qu^il doit présider ^ Il a encore qualité et compé-
tence, lors même que Taffaire aurait été renvoyée à une au-
tre session, pour être procédé à des expertises reconnues né-
cessaires ; il peut dans ce cas , même après la clôture de la
session, nommer les experts ou remplacer les experts em-
1)êchés; car, d*unepart, ces actes, qui ne sont d'ailleurs que
a conséquence du renvoi , ont un caractère d'urgence , et,
d'une autre part, il n'existe aucune autre autorité qui puisse
y pourvoir ».
ni. Quel est le caractère de cette attribution présiden-
tielle? quel est son but, quelles sont ses limites?
On ne doit point y voir, en premier lieu, un acte du pou-
voir discrétionnaire que les art. 268 et 269 confèrent au
président. Ce pouvoir, en effet, comme nous l'avons établi*,
ne s'exerce que « dans le cours des débats, » et ne peut agir
que lorsqu'il est provoqué par de nouveaux développeroeots
donnés à l'audience. Le président ne pourrait donc, en vertu
de ce pouvoir, tel que la loi l'a défini et réglé , ordonner
avant l'ouverture de Taudience les mesures qu'il ne pouira
prendre que lorsque Taudience en aura constaté la nécessité.
Cette première proposition ne rencontre aucune objecttoo.
On ne doit point non plus y voir le droit de procéder à uue
instruction supplémentaiie, mais seulement i quelques actes
complémentaires d'une instruction qui est tei minée. Cette
deuxième propoi^ition exige quelque développement.
Elle a été soulevée dans une espèce qui présentait la ques-
tion de savoir si le président peut appeler devant lui des té*
moins déjà entendus dans Tinsiruction pour compléter ou
rectifier leurs premières déclaratiuos. Un premier arrêt,
rendu dans un cas où le président avait entendu vingt-huit
témoins, dont plus de la moitié appartenaient à l'instrucboa
écrite, a déclaré « que le président autorisé par iea art. âOi
et 302» à continuer rinstiuciiou jusqu'aux débats exclu-
sivement, n'a que le droit, aux tenues de^ fart. 303, dont
les enonciaUous sont restrictives» d'entendre les témoios
non encore entendus dans l'instruction écrite qui a précédé
* Caas. a oct. iSâ4» rapp. M. Viacenv-Samt^Laoreat. Bull lu asit 19
DOV. ftbôd, ra(ip. M. V Fuuclu;r, o. 847.
« Cas», ao auûi 1844, rapp. U, M«!jfn>luietMfit-BCarct Bail. n. W.
■ Voyt fupràf pt AOi/f
DK LA PROcéDÏÏRC ANTÉftlKUAK AfX fiésATS. § 618. 54?
Pordonnance de prise de corps et l^arrêt de mise en accu-
sation , et par conséquent de procéder seulement à un com-
plément d^instruction ; qoe néanmoins » dans Tespéce» le
président a entendu comme témoins plusieurs personnes
qui avaient déjà déposé dans Pinstruction écrite; d'où il suit
qu'en procédant ainsi il a commis un excès de pouvoir,
violé les règles de la compétence et porté atteinte au droit
de la défense ^ » Mais un autre arrêt, rendu à quel-
ques jours de distance, dans une espèce où le président avait
fait entendre par voie de commission rogatoire deux témoins
déjà entendus dans Tinstruction écrite, a déclaré : « que les
articles 301, 303 et 304 autorisent le président à continuer
Tinstruction après Tarrèt de renvoi ; que leur disposition ne
permet pas d'étendre au président la prohibition laite au juge
d'instruction par Tart. 257 de siéger à la Cour d'assises ni
de déclarer les débats nuls, par cela seul qu après avoir fait
desactes d'instruction en vertu de ces articles, il ne seserait pas
abstenu de présider ; que si l'art. 303 parle de nouveaux té-
moins, il n'est point conçu en termes prohibitifs à l'égard
des témoins déjà entendus; que l'art 301 qui le précède et
le domine, en autorisant en termes généraux la continuation
de Pinstruction, Pautorise par toutes les voies de droit ; qu'il
peut importer à la manifestation de la vérité que tous les élé-
ments de preuves pour et contre l'accusé soient, autant quo
possible, réunis et fixés avant l'ouverture des débats, puisque
l'examen et les débats , une fois commencés , doivent être
continués sans interruption jusqu'à la déclaration du jury;
que ce résultat ne serait pas atteint si le président ne pouvait
pas entendre de nouveau les témoins qui ont déjà déposé dans
l'instruction antérieure à l'arrêt de renvoi, toutes les fois
qu'il le juge nécessaire pour vérifier des circonstances sur
lesquelles cette instruction est muette ; quo le pouvoir d'en-
tendre de nouveaux témoins emporte nécessairement avec lui
le pouvoir d'appeler aussi ceux qui ont déjà été entendus*,
soit pour obtenir d'eux Pindication des nouveaux témoins
3u'il pourrait être utile d'entendre , soit pour contrôler les
éclarations de ceux-ci ^ »
Il nous semble que ces deux arrêts, bien que directement
* GaM. IS mars 1836, rdpp.M. Dehanssy. Sir., 86. i> 571.
* Ca«. 9S afril 18S6, ra^p. M. Viiic«ii>«8aiiU-Laaret)t. BuH. n, 127; et
Gont i déc 1852, raj^p. M. V. Foucber, o> 992 1 12 déc. 19$2t rapp. M, Ang,
HaT^ttUi n« 407 ; 4 sioût 185/ii rapp. M, de Gioi, n. 250.
%4$ hKS COURS D^ASflSES.
ooBlraires dans leur solution , se concilient dans leur doc-
trine. Il est très vrai , d'abord , comme le déclare le second ,
que l'art. 357 est ici sans application ; cet article ne veut pas
que le juge qui a préparé l'instruction ou prononcé la mise
en accusation puisse prendre part au jugement; or, le prési-
dent des assises ne se trouve ni dans l'un ni dans l'autre de ces
cas , par cela qu'il a procédé à quelques actes complémen-
taires de l'instruction. La règle qui sépare Tinstruclion et le
jugement, et qui confie ces deux périodes de la procédure à
des juges distincts , afin que les impressions que fait naître
l'une n'exercent aucune influence sur Pautre , ne s^étend
point à lui. Mais pourquoi ne s'y étend-elle pas? Est-ce
que ce magistrat, libre de Tinterdiction qui pèse sur les autres
juges, peut à la fois instruire et juger ? Non; mais c'est parce
que en réalité il n'instruit pas , parce que les actes complé-
mentaires qu'il peut faire ne constituent point une véritanle
instruction , parce qu'il se borne à recueillir des renseigne-
ments et des déclarations sans les apprécier et les juger.
Quelle est, en eifet^ sa mission ? Est-ce qu'il pourrait à lui
seul remanier et refaire toute l'instruction écrite? Est-ce
qu'il est môme appelé à la modifier et à lui imprimer une di-
rection nouvelle? Est-ce que seul il remplace la garantie de
la double juridiction qui a édifié cette instruction ? Sa mission
est restreinte, elle a pour but de pourvoir aux circonstances
extraordinaires, aux cas où des indices, des preuves inatten-
dues se sont manifestés depuis que la chantbre d'accusation
a statué, où des témoins ou des faits nouveaux ont éié indi*
qués, où des révélations ont éclaté. Il importe de recueillir
et de constater ces éléments nouveaux , de rechercher leur
portée et l'effet qu'ils peuvent produire sur la direction du
débat , de déterminer comment ils doivent entrer et être
classés dans Tinstruction orale. C'est là l'oflicc que les ar-
ticles 301 et 303 ont attribué au président et dont ils ont in-
diqué le caractère en assignant pour objet à cette continua-
tion de l'instruction les nouveaux témoins qu'il peut être né«
cessaire d'entendre , c'est-à-dire les faits nouveaux , quels
qu'ils -soient, qui ont surgi depuis que l'instruction estciose
et que i'mtérèt de U justice commande de recueillir pour les
y joindre. Il ne s'agit pomt de recommencer une procédure
qui a été instruite avec des formes plus réfléchies et des ga-
ranties plus sérieuses; il s'agit de continuer cette instructioo,
mais seulement pour y annexer les éléments nouveaux qui
M Lk raOCKOORE ANTÉEIEORE ADX DÉBATS. $ 618. 5i9
se prodaîsept et pour mettre le jury à môme de les apprécier.
Or, cette doctrine n'est contredite ni par Tun ni par l'au-
tre des deux arrêts que nous avons cités. Le premier pose en
principe que le président ne peut procéder qu'à un complé-
ment d'instruction; l'autre n'admet l'audition de témoins
déjà entendus « que pour vérifier des circonstances sur les-
quelles cette instruction est muette, » c'est-à-dire, des cir-
constances nouvelles, ou pour contrôler les déclarations des
nouveaux témoins. Dans le système des deux arrêts, la con-
tinuation de l'instruction n'est donc que la constatation des
faits nouveaux qui ont surgi depuis l'arrôl de renvoi et dont
il est nécessaire de recueillir les preuves avant les débats,
afin de pouvoir les y présenter. Ils diffèrent cependant en un
point : l'un refuse au président le pouvoir d'entendre des
témoins déjà entendus, Tautre autorise au contraire cette
réaudition. Mais cette contradiction trouve son explication
dans le réquisitoire qui a précédé le second arrêt : « Un té-
moin, disait M. Dupin, peut être nouveau de deux maniè-
res : !• s'il apparaît pour la première fois pour déposer sur
des faits déjà connus pour lesquels on a négligé de l'appeler
oo s*il était absent; 2*» s'il surgit un fait nouveau pour lequel
il sera nécessaire d'entendre des témoins qui, pour avoir déjà
été interrogés sur d'autres faits, n'en sont pas moins des té-
moins nouveaux quant au fait nouveau. » C'est en adoptant
ce dernier sens que le deuxième arrêt dit « que le pouvoir
d'entendre de nouveaux témoins emporte nécessairement avec
lui le pouvoir d'appeler aussi ceux qui ont déjà été enten-
dus soit pour obtenir d'eux l'indication des nouveaux témoins
qu'il pourrait être utile d'entendre, soit pour contrôler les
déclarations de ceux-ci. » Ce sont là de nouveaux témoins,
parce qu'ils sont interrogés sur des faits nouveaux, parce
qu'ils fournissent une déclaration nouvelle.
n suit de là que, même en admettant cette interprétation,
qui nous parait raisonnable, le sens des art. 301 et 303
reste le môme : le droit qu'ils confèrent au président ne peut
6tre mis en mouvement que lorsqu'il est sollicité par de nou-
veaux indices^ par des faits ou des renseignements nouveaux,
et toute sa fonction consiste à constater ces indices et ces faits,
soit qu'il procède à l'audition de témoins nouveaux ou de
témoins déjà entendus, mdis seulement sur des circonstances
récemment révélées,; il n'a pour but que de recueillir ces
renseignements pour les faire servir aux débats. La loi n'a
^50 DES COURS d'assises. .
pas voulu que les faits qui se seraient dévoilés depuis la cl6-
iure de Tinstruction fussent perdus pour Taudience ; miis
elle n'a pas voulu non plus que rinstructiou, dont elle airaei
toutes les règles, pût être 4rbitrair<>ment modifiée par aae
instruction extraordinaire qui ne serait entourée d^aucune
garantie. Le président n'est point et ne peut être un joge
d'instruction ^ car il siège comme juge au débat; il ne pro-
cède donc point à une instruction, il ne fait qu'enregistrer les
indices et tes preuves nouvelles pour qu'il en soit fait usage
devant la Cour d'assises.
Il ne faut pas d'ailleurs que Tusage de ces nouvelles pièces
puisse, en surprenant l'accusé par des charges qu'elles peu-
vent contenir, porter atteinte à sa défense. Il a été reconnu en
conséquence, d'une part, « qu'il doit lui être donné comma-
niçalion et copie des pièces de celte instruction supplémeiH
taire comme de& pièces de la première instruction» et d'au-
tre part, que si son droit de défense se trouve gêné parce que
des circonstances nouvelles auraient été révélées à m charge
A une époque trop rapprochée de l'ouverture des débats, il
peut demander une prorogation de délai ^. »
lY. Les actes d'instruction que le président peut ordonuer
ne se bornent pas, au surplus» à raudition des témoios.
L'art. 301 pose en règle générale que « l'instruction est con-
tinuée, » et par conséquent elle peut être continuée par
toutes les voies de droit. Si Part. 303 ne' parle que des té-
moins à entendre^ c'est qu'il n'avait en vue que d'autoriser
leur audition par voie de commission rogatoire^ et ses termei
ne sont nullement restrictifs.
Il a été reconnu en conséquence que ce magistrat peut
ordonner une vérification de livres chez un commerçant ^
toutes expertises qu'il juge nécessaires^, un transport sur
les lieux et la rédaction de leur état descriptifs, la levée du
plan du lieu du crime ^» la visite d'une accusée pour vérifier
si elle est enceinte et en état de supporter les dét>ata^, la
jonction à la procédure dé pièces qu'il croit utiles à la mani^
* Cass. 22 avril 4836. Gîté suprà.
* Cass. il déc 4856, rapp. M Legafpieur, Bull. n. 392.
* Cass. ao aoat 1644, rapp* M. MeyreDnet-Saint-Marc Bull. !!• aOS.
* Cass. 4 février 1836.
» Cass. 24 JanT. 1839, rapp. M. Rives. Dali. a9| 1, 147 ( 13 DOT» 1856,
rtpp. M. V. Foucher. Bull. n. 347.
* Liéfe, 26 juin in9. h P.» lé XXII, pt Il8t.
M LA PROCÉDOiB ÀHTteffiOai AVI DÉBATS. $ 619. S5l
festationde la ▼érité ^ Texhamation et raatopsie d'un cada-
Tre*. La seule condition est que toutes ces mesures aient
pour but, soit de constater ou de contrôler des Taits ou des
témoins nouveaux, soit de préparer Tinstruction orale.
V. L'art. 304. porte que « les témoins qui n'auront pas
comparu sur la citation du président ou du juge commis par
lui, et qui n'auront pas justifié qu'ils en étaient légitimement
empêchés ou qui reruseront de Taire leur déposition, seront
JDgés par la Cour d'assises et punis conformément à l'art. 80. »
Ainsi , le président ou le juge com'uis ne peut ordonner au-
cune contrainte ni prononcer aucune peine contre le témoin
Técalcitrant. Ce magistrat d^it se borner à constater la déso-
béissance et la Cour d'assises, seule compétente pour statuer
sur tous les incidents contentieux, a seule le droit de pronon-
cer la condamnation. Il est peut-être étrange que le juge
d'instruction délégué par le président puisse prononcer cette
condamnation, et que celui-ci, qui le délègue, ne le puisse
pas. C'est que le juge d'instruction trouve ce pouvoir dans sa
propre juridiction, tandis que le président, séparé de la Cour
d'assises^ n'est investi que d'un pouvoir sommaire et restreint
aux mesures urgentes. Il n'est pas nécessaire que le témoin
soit cité de nouveau devant la Cour d'assises : la condamna-
tion peut être prononcée, sans autre formalité ni délai, sur
les conclusions du ministère public ; mais il peut former op-
position conformément à l'art. 81, qui, quoique l'art. 30(h
n'y ait pas renvoyé, n'est pas moins applicable *.
S 619.
1. Formation da rMe de la session. — II. Ne saut pas réputées en état
les alfaires relatives aux accusés qui ne sont pas afouées «tant l'on-^
vertu re des assises. — 111. Les affaires dans lesquelles il y a pourfol
contre l'arrêt de renvoi. — IV. Les affaires dans lesqueUei le délai
de cinq jours n*est pas expiré. •- V. Enfin celles dans lesquelles est
notifié ua arrêt de soit communiqué.
I. Le président des assises, après avoir procédé à Tinter*
rogatoire des accusés qui sont écroués dans la maison do jus«
tice et^ s'il y a lieu , aux actes complémentaires d'instruction
i Cass. 20 mai 1837. Sir.. 57, 1, 652*
> Cass. 30 août 1S44> cité «aiprâ, p. 560.
' Voy. Gonf, Gamot, de l*in8t« criai.,t« II, p« W •
^ DES coins d'assises*
que quelques procédures peuvent exiger, s'occupe de la
formation du rôle des affaires de la session.
Le rôle de chaque session doit comprendre toutes les af-
faires qui sont en état lors de son ouverture : telle est la
prescription de Tart. 260. Les affaires en état sont celles qui
ont été renvoyées par la chambre d'accusation derant les as-
sises assez i temps pour que les accusés aient pu être trans-
férés dans la maison de justice avant leur ouverture*
Le président, après avoir fixé le jour où les assises doivent
a^ouvrir, dresse la liste des affaires en assignant le jour où
chacune d'elles doit èlre jugée. Ce jour peut être soit un di-
manche, sôit un autre jour flxé, sans qu il y ait nullité ; car,
d'après la règle posée par Tart. 2 de la loi du 17 thermidor
an VI, il n'y a pas de jours fériés pour les procédures crimi-
nelles * •
Il ne résulte aucune nullité de ce que le jour fixé sur le
rôle pour le jugement d'une affaire aurait été ultérieuremeot
changé si l'accusé n'en a éprouvé aucun préjudice. Ainsi ,
dans une espèce où le président avait substitué la date du 20
à celle du 21 qui avait été fixée d'abord , le pourvoi a été re-
jeté ! c attendu que la fixation du 20 a été connue des ac-
cusés dans le délai prescrit par la loi , puisque la liste des
Jurés leur a été notifiée le 19 ; que si les témoins à décharge
n'ont été cités que le 21 , cette circonstance n'a porté aucun
préjudice aux intérêts de la défense ; que» d'une part, la lon-
gueur des débats ayant permis de procédera l'audition de ceux
de ces témoins qui n'ont comparu que le 21, on ne saurait at-
tribuer l'absence de ceux qui ne se sont piis présentés qu'à
l'indication erronée de la citation ; que , d'autre part, les
premiers n'ont été entendus qu'après avoir eu connaissance
par la lecture qui leur a été successivement-donnée de l'arrêt
de renvoi et de l'acte d'accusation*. 9 Mais il faut induire decet
arrêt même que la substitution d'un autre jour pourrait de-
venir au contraire une cause de nullité , s'il en est résulté
quelque gêne pour la dérense^ quelque grief pour l'accusé.
Si l'un des accusés se trouve malade, le président doit
faire vérifier par un médecin si cet état de maladie est assez
grave pour l'empêcher de supporter les débats; et en cas d'af-
« Gass. 5 déc 1889, rapp. M. ViaoeDs«Saiiil-Laurent« Bail. n. SSS ; iî
{oillet iSSS, n. 358.
2 Cass. la avril 1835, rapp. M.Rocbcr, J. P., l. XXVII, p. 78.
DE LA PROCÉDURE ANTiilSURE AUX DEBATS- § 6l0. 553
firmafÎTe, il doit, comme od le verra tout à Theare, ordon-
ner le renvoi à la prochaÎRe session.
Que doit faire le président lorsque parmi les accusas se
trouve une femme qui se déclare enceinte? L'art. 1*' de la
loi du 23 germinal an m portait : « A l'avenir , aucune
femme prévenue de crime emportant la peine de mort ne
pourra être mise en jugement qu'il n*ait été vérifié de la ma-
nière ordinaire qu'elle n'est pas enceinte. » Cette loi , qui
ne concernait d'ailleurs que les accusées de crimes emportant
la peine de mort, a cessé d'être en vigueur, puisque Part. 27
du C. pén. a restreint la mesure du sursis qu'elle prescrivait
au seul cas d'exécution de la peine, et puisque aucune dis-
position du G. d1nst crim. ne l'a étendue à la mise en juge-
ment K Le président peut seulement renvoyer l'affaire à une
autre session , s'il juge que la position de ^accusée , que le
fait de Taccusation emporte ou non la peine de mort , ne lui
permet pas de supporter les débats.
Que doit faire le président lorsque l'un des accusés se
trouve en état de démence au moment de Touverture des
débats? Il doit, après avoir fait régulièrement vérifier cet
état, renvoyer le jugement à une autre session; si l'accès
n'est que momentané et s'il est de nature à persister, faire
délibérer la Cour d'assises sur la question de savoir s'il y a
lieu de surseoir au jugement jusqu'à ce que l'interdiction ait
cessé'. La démence 5 en effet, est un empêchement de
droit qui suspend la mise en jugement, comme elle suspend
la poursuite, tant qu'elle subsiste. La raison et l'humanité
s^opposent à ce qu'un accusé soit poursuivi et jugé lorsqu'il
ne peut se défendre. C'est par ce motif que la Cour de cassa*
tioo a déclaré que la prescription , qui court en faveur de
l'agent en état de démence qui n'est l'objet d'aucune pour-
suite ^y est suspendue lorsqu'il est détenu et que son état
inental est la seule cause qui empêche le jugement ^.
n. No sont pas réputées en état les affaires relatives à des
accusés qui n'ont été transférés dan< la maison de justice
qu'après l'ouverture des assises. Le jugement trop hàtif de
* Cais. 7 nov. 1811, rapp. M. Bauchau. J. P., t. IX, p. 681.
2 Casa. 2i fér. 18^2, rapp. M. Dehaussy. Bull. d. SS.
' Casa. 22 a?ril 48iS, rapp. M, Bosschop. J. P., t. XI, p. 510.
* Cass. 8 juiUet 1858, rapp* M. Dehaussy.
^^ Dli GODBf d'AMISBS.
ces affaires pourrait porter préjadice à la défense. Elles ae
doivent donc pas, aux termes de Tari. 261, être portées sur
le rôle de la aesision.
Il y a, toutefois , exception à cette règle lorsque les ae-
cusés eux-mêmes demandent à être jugés dans celte session.
L'art. 361 dispose que « les accusés qui ne seront arrivés dans
la maison de justice qu'après Touverture des assises ne pour-
ront y être jugés que lorsque le procureur général l'aon
requis , lorsque les accusés y auront consenti et lorsque le
président l*aura ordonné. » Et le même article ajoute : • En
ce cas» le procureur général et les accusés seront con-
sidérés comme ayant renoncé à la faculté de se pourvoir
en nullité contre l'arrêt portant renvoi à la Cour d'as-
sises, »
Cette exception n'a été établie que dans l'intérêt des ac-
cusés et pour ne pas prolonger inutilement leur détention
préalable , lorsque leur défense n'exige aucun délai. C'est
par cette raison qu'il a été jugé qu'il y a lieu de l'étendre an
cas où Taccusè est arrivé dans la maison de justice avant
l'ouverture des assises, mais où le délai du pourvoi n*est ex-
piré qu'après; les motifs de cette solution sont « qu'aux ter-
mes de l'art. 260, on doit porter à chaque session d'assises
toutes les affaires qui étaient en état lors de leur ouverture;
que si cette disposition eût été posée comme une régie ab-
solue, les accusés arrivés dans la maison de justice trop tard
pour que leur affaire fût en état avant le commencement de
la session, auraient vu leur détention préalable se prolonger
ju6({u'à la session suivante ; que c'est pour parer à cet ineofl-
vénient, tout en respectant les intérêts de la justice, qu*aété
introduite dans le Code la disposition de l'art. 261, d'après
laquelle les accusés arrivés dans la maison de justice après
l'ouverture des assises, peuvent y être jugés, pourvu que ce
soit du consentement commun de Taccusé , du procureur
général et du président; que le même article, dans la se-
conde partie, décide expressément que le consentement eDh
porte de la part de l'accusé , comme de celle du procureur
général , renonciation à se pourvoir contre l'arrêt de renvoi;
que cette disposition est une conséquence de celle qui pré-
cède ; que si la loi n'a point prévu le cas où, quoique l'accusé
soit arrivé dans la maison de justice avant l'ouverture des as-
sises , les divers délais nécessaires pour mettre son affaire eu
état ne sont expirés qu'après , l'art. 961 doit lui être appli-
DE LA PROCÉDCajl ANliftlBURE AUX ]>ÉBAT8. § 619. SKfô
cable, puisqu'il est dans une position semblable à celte pour
laquelle cet article a été fait . '»
Il suit de là que le consentement de Taccusé est la seule
condition essentielle dp Fapplication de cet article. La réqui-
sition du ministère public et l'ordonnance du président, quoi-
qu'elles soient utiles Tune et l'autre pour attester que les
intérêts de la justice ne sont pas froissés, sont présumées par
le seul fait de Padmission de Taccusé aux débats ; il n'est pas
nécessaire qu'elles soient représentées ni même constatées '.
Mais le consentement de l'accusé doit au contraire être ex-
près et être en même temps explicitement constaté; car il re-
nonce par là à l'un des droits de sa dérense. Nous reviendrons
tout à rheure sur ce point et nous examinerons s*il peut être
suppléé à cette constatation par des présomptions.
La renonciation au délai du pourvoi n'est valable qu'après
la signiflcation de l'arrêt contre lequel le pourvoi peut être
dirigé; car, si l'accusé n'a pas connaissance de cet arrêt,
comment pourrait-il apprécier s'il doit former une demande
en nullité ou y renoncer? Aussi « il a été jugé « que pour la
validité du consentement dont parle l'art. 261, il est néces-
saire que l'accusé connaisse, par une notification préalable >
l'arrêt de renvoi qu'il renonce à attaquer; d'où il suit que le
consentement donné sans connaissance de cause est nul el
non avenu ^. » Mais il suffit que la notification de {'arrêt de
renvoi et l'interrogatoire portent la même date pour qu'il y
ait présomption que l'accusé connaissait l'arrêt lorsqu'il a
déclaré consentir à être jugé de suite, surtout si l'interroga-
toire énonce la formalité de cette notification comme ayant
été précédemment remplie K
Ce consentement peut être donné soit» ce qui arrive le
plus souvent, au moment de l'interrogatoire et sur l'inter-
pellation qui est faite à ce sujet à l'accusé par le président,
soii postérieurement à l'interrogatoire et au moment de l'ou-
verture des débats ^. En effet, la loi ne fixe pas de terme au
consentement que peut donner l'accusé à être jugé avant l'ex-
' Caas. 23 août iShkj nipp« M. VinceM-Saint-Lanrent. Bail, n, 800.
> Cass. 7 nof . 1811, rapp. M. Liborel. J. P., t. IX, p. 688.
' Casa. 7 jaDT. 1836, rapp. M. Merilhon. Bull. n. 6 ; li fér. i8ii, rapp.
M. IsaiLbert, n. 41.
* Gaas. 8 oct 1844, rapp. M. Vincens-Saint-Laurent. Bull. a. 885.
* Casa. 16 avril 1881, rapp. M. Meyronoet-Saint-Marc. J, P.| t« XXIII.
p. 1459; 20 avril 1889, m^mc rapp. BuU, n, 92,
^^6 DBfi COUES D*ASSIgK'r«
piralîon du délai; ce consentement, qui tend à abréger lada-
rée de sa détention préalable , peut donc être donné tant
que ce délai court et suspend la mise en jugement. Il a même
ét^ reconnu que la renonciation au délai peut être régulière-
ment donnée même dans le cours des débats, et que, dans ce
cas, <r cette déclaration a pour effet de valider non-seulement
les débats ultérieurs, mais encore la partie des débats qui
avait eu lieu déjà, car les débals ne forment qu'un seul tout
indivisible\ »
Lorsque, sur le consentement formel et régulièrement
constaté de Taccusé, le jour des débats a été fixé, l'accusé ne
peut revenir sur sa renonciation ; elle est acquise à la procé-
dure et c'est en s'appuyant sur cette renonciation que l'ordon-
nance du président a été rendue et que les formalités prélimi-
naires ont été remplies. Il ne peut dépendre de l'accusé
d anéantir ces actes, en revendiquant un droit au'il a ré-
pudié •. ^
Iir. Ne sont point, en deuxième lieu, réputées en état les
affaires dans lesquelles un pourvoi a été formé contre rarrèt
de renvoi. Le pourvoi, en effet, est, aux termes de l'art. 373.
suspensif, et l'art. 301 veut, en conséquence, que Tinstruc-
tion ne soit dans ce cas continuée que jusqu'aux débats ex-
clusivemcnt. En effet, un arrêt de mise en accusation portant
renvoi aux assises ne peut être considéré comme un simple
arrêt d'instruction, puisqu'il détermine et règle la compé-
tenced'après la qualification donnée aux fait5.
Cette règle admet une exception. La jurisprudence avait
décidé que la Cour d'assises était tenue de surseoir dès qu'un
pourvoi était formé et lors même que ce pourvoi, interjeté en
dehors du délai, était évidemment sans force, « attendu que
Je jugement de sa validité soit en la forme, soit au fond, n'ap-
partient pas à la Cour d'assises et est exclusivement dans
les attributions delà Cour de cassation'. » Cette jurisprudence,
qui avait l'inconvénient de multiplier les pourvois dilatoires,
a été modifiée par la loi du 10 juin 1853.
On lit dans l'exposé des motifs de cette loi : « Il est arrivé
! Cass. 25 avril 188», rapp. M. Mérilhou. Bail. n. 187.
-RAA rfnV M^ v"^^ "l^ "PP- ^' A^^' Moreau. Bull. n. 2i9;Si«oût
1844, rapp. M. Vincens-Saml-Laurent, n. 309.
D£ LA PROCilDOâB AMTÉRlEURB AIX BÉBATS. § 619. 557
qu'à la veille d'être jugés» lorsque les jurés étaient réunis, les
témoins assemblés, et pour ainsi dire au pied même de la
Cour d'assises, les accusés se sont pourvus contre les arrèis de
la chambre des mises en accusation. C'est pour les uns le
moyen de récuser en masse tout un jury, toute une Cour
dont ils redoutent les lumières ou la fermeté; d'autres ont
l'espoir que Tajournement des débats rendra leur situation
moins défavorable* soit par le dépérissement des preuves, soit
par l'altération des témoignages, soit par Taffaiblissement
des émotions de Topinion publique qui s'est soulevée contre
leurs crimes... A cet abus des formes protectrices de la jus-
tice il était urgent d'opposer un obstacle. Trois systèmes
pouvaient être adoptés : le premier consistait à interdire aux
greffiers de recevoir les pourvois tardifs; le second, à faire
déclarer irrévocablement par les Cours d'assises leur irrévo-
cabilité; le troisième, à lever Teffet suspensif dont ils ont le
bénéfice et à ne les soumettre qu'après l'arrêt définitif à la
censure de la Cour suprême. Quoique Tinvalidité de ces pour-
vois ne se consta.te que par la vérification d^une date, il eût
été peut-être' excessif, lorsque d'aussi graves intérêts s^y
rattachent, de confier cette vérification à un simple greffier,
et d^admettre à nMmporte quel degré, sous quelque forme
que ce soit, entre l'accu^^ation et la défense, l'arbitrage d^un
officier ministi'riel. il fallait placer plus haut la confiance de
la justice et exiger aussi une responsabilité plus élevée. Ne
point laisser arriver ces sortes de pourvoi jusqu'à la Cour de
cassation, les retenir dans les Cours d'assises, les soumettre
à leur appréciation définitive, c'eût été restreindre le pouvoir
régulateur qui est à la tête de l'administration judiciaire :
c'est à elle seule qu'il convient de prononcer sur un acte qui
saisit sa juridiction. Il serait dangereux d'admettre, sous
quelque prétexte que ce soit, qu'un tribunal inférieur peut
empiéter sur ses attributions et exercer sa surveillance. Il n'y
arien d'exorbitant, au contraire, & remettre aux Cours d'as-
sises le droit de vérifier la date des pourvois, lorsqu'ils sont
produits à Tappui d'une demande en surséance, pourvu toute-
fois que leur décision puisse être soumise ultérieurement au
contrôle de la Cour de cassation. C'est le système adopté par
le projet de loi. L'addition suivante a en conséquence été
insérée dans l'art. 301 : « Mais si la demande est faite après
raccomplissement des formalités et l'expiration du délai
qui sont prescrits pas Tart. 296, il est procédé h Touverture
tt5S DES covtiê p'assisss.
des débats et au jugement. La demande en nullité et les
moyens sur lesquels elle est fondée ne sont soumis à la Cour
dç cassation qu après I^arrèl définitif de la Cour d'assises. Il
en est de même & Pégard de tout pourvoi formé, soit après
l'expiration du délai légal, soit pendant le cours du délai après
le tirage du jury, pour quelque cause que ce soit, m
De ce nouveau texte on doit inférer deux corollaires : le
premier j que la Cour d'assises ne doit pas surseoir, non- seule-
ment lorsqu'elle reconnaît que le pourvoi a été formé en dehors
du délai, mais encore s*il a été procédé» sans réclamation de
Paccusé, au tirage du jury : la loi établit dans ce dernier cas
une présomption que Taccusé avait renoncé à former une
demande en nullité et que son pourvoi n'est qu'une sorte de
récusation en masse dirigée contre le jury de jugement.
Le deuxième corollaire est que» lorsque le pourvoi est
formé dans le délai» et avant le tirage du jury, la Cour d'as-
sises doit surseoir, lors même que la demande en nullité se-
rait fondée sur une autre cause que celles énoncées en Tar^
ticle 299. Il avait été reconnu par quelques arrêts : < Qœ
les Cours d'assises, en procédant aux débats» nonobstant do
pourvoi tardivement déclaré ou qui ne leur parait pas porter
sur des ouvertures de cassation déterminées par la loi, n'at-
tentent pas & Tautorité de la Cour de cassation, puisqu'elle
conserve le droit et les moyens de statuer sur ce pourvoi qui
doit dans tous les cas lui être transmis et de juger si lesdites
Cours d'assises ont été régulièrement saisies \ n Mais cette
jurisprudence» abrogée en ce qui concerne les pourvois tar-
difs par les arrêts des il mai 1833 et 5 juin 1841, doit l'être
également en ce qui concerne les ouvertures de cassation. Eq
premier lieu, la loi du 10 juin 1853, en créant une exceptioa
relative aux pourvois tardifs, a par cela même laissé sousia
régie commune tous les autres pourvois. Or» cette règle est
que le pourvoi, quel que soit le moyen qui le fonde, est sus-
pensif et qu'il ne peut appartenir qu'à la Cour de cassaiion
d'en apprécier la portée et les eflets. Cette règle prend ici
d'autant plus d'importance qu'il s'agit, non plus de Texamefl
d'une question de forme, mais du fond lui-même.
Lorsque le pourvoiest rejeté, l'affaire peut éire portée aa
A Casa. 5 fév. 1819» rapp. M. Giraud. h P.» t. XV| p, W| 14 M. lSil>
ropp. M, Benvenuti. t, X, p. 916,
[ai U FROCiiDUlS ÀNTilllBVIB AUX 9ÉBATS. § 619. 5M
r6le, sans qu'il soit nécessaire de motiBer è Taccosé le rejet.
La loi du moins n'exige pas cette notification ; l'accusé est
d*ailleurs averti par la fixation du jour fixé pour sa oompani«
tion devant la Cour d'assises ft par raccomplissement des
formalités préalables à cette comparulion \
lY. Ne sont pas encore réputées en état les affaires dans
lesqut Iles le délai de ciuq jours donné aux accusés pour se
pourvoir contre Tarrêt de renvoi n^est pas expiré.
Ce délai est une des formes essentielles de la procédure. Il
est établi par fart. 296 qui porte : « Le juge avertira l'accusé
que dans le cas où il se croirait fondé à former une demande
en nullité, il doit faire sa déclaration dans les cinq jours sui-
vants, et qu'après rexpiration de ce délai il n'y sera plus
recevable. » Il résulte de Fart. 301 que tant que ce délai
D^est pas expiré» l'instruction ne peut être continuée que jus-
qu'aux débats exclusivement. £ûfin, Fart. 802 constate que
ces cinq jours ne sont pas destinés seulement à la délibération
de l'accusé sur la faculté qu'il a de se pourvoir, ils sont des-^
tinés en même temps à lui donner le temps de communiquer
avec son défenseur et de préparer sa défense.
Ce double objet du délai de cinq jours est reconnu et con-
sacré par de nombreux arrêts qui déclarent uniformément :
« que ce délai doit être laissé è l'accusé, soit pour délibérer
sur la formation d'une demande en nullité contre Tarrêt de
renvoi, soit pour préparer sa défense, puisqu'aux termes de
l'art. 302, ce n'est qu'à partir du premier jour de ce délai
quM peut communiquer avec son conseil, et que ce conseil
peut prendre communication des pièces; d'où il suit queTin-
tégralité de ce délai est substantielle à Texercice du droit lé-
gitime de la delense *•
£n matière de police, la citation ne peut être donnée à un
délai moindre que vingt-quatre heures (art. 146). Enmaliëre
correctionnelle, il doit y avoir un délai de troisjours au moins
entro la citation et le jugement (art. 184). En matière crimi-
nelle, pour maintenir une ceitaine harmonie entre les dispo-
sitions de la loi, le délai a été fixé à cinq jours : à la vérité,
A CuB. H non iSSS* rapi». H. Rocher.J. P.l.XXV,p.29S| 19 déc iSSi,
npp. M. Alenliiou, tXXVl, iiSS; S7 août 1847, rapp. M. Vinoens-St-Laa-
reoL, fiolU D. 300.
* Caïa. 7 jaovier 18S6, rapp. M, BlérUbou. Bull.n. 9; 17 aept 1841» rapp.
H* M«f jroiiDet St-Marc, d. 382 ; 14 «oOt 1854* rapp. M, PiOttfoaliiiy n« 181,
et tous 1«8 arrêts cités infr(k
S60 ^ES coVRS d'assises.
Taccusé connaît à TaYance par ses interrogatoires le sujet de
Taccusation ; mais c'est là toui ce que Tinstruction lui a com-
muniqué; il ne connaît ni les procès-verbaux, ni les ordoDDan-
ces du juge d 'instruction , ni les déposilions des témoins, ni les
preuves ou indices recueillis contre lui, ni la qualification
donnée aux faits qui lui sont imputés, ni l'arrêt qui le renvoie
devant les assises, ni Vscio qui Taccuse; la procédure est de-
meurée close et complètement secrète vis-à-vis de lui. Ce n'est
que*du jour où il est interrogé par le président des assises
qu'il a connaissance des pièces de cette procédure et qu'il
peut communiquer avec un défenseur : ce n'est donc que de
ce jour qu'il peut savoir, en examinant tes charges, iesmoyens
de défense qui lui sont nécessaires; ce n'est que de ce jour
quMl peut commencer à combiner sa défense avec son conseil
et à la préparer, soit en faisant venir les pièces qu'il doit op-
poser aux charges, soit en faisant assigner les témoins quidoi-
vent contredire les témoins de Taccusation. Il est éyid«'nt
qu'en réduisant à cinq jours au moins le délai qui doit sépa-
rer cet interrogatoire et le jugement, la loi n'a accordé à la
défense que le temps le plus strictement indispensable ; ce délai
doitdonc lui être maintenu avec une rigoureuse sollicitude.
Tel a été aussi le travail assidu de la jurisprudence. LnCour
de cassation n'a pas cessé d'annuler toutes les procédures dans
lesquelles Taccusé avait été soumis aux débats avant roxpl-
ration des cinq jours : « Attendu que de la combinaison des
art. 296, 301 et 302, il résulte que l'accusé ne peut être ré-
gulièrement soumis aux débats avant l'expiration des cinq
jours que la loi accorde à partir de l'interrogatoire, soit pour
se pourvoir contre l'arrêt de renvoi, soit pour préparer sa
défense, la communication avec son conseil et la communica-
tion des pièces de la procédure ne lui étant permises qu'à
compter de cette époque ; que l'inobservation de ce délai
constitue une violation manifeste et substantielle de la dé-
fense '. » — Quelques arrêts ajoutent ce motif « que des dis-
* Cass. 81 juillet lS58,rapp. M. Bresson. Bull. d. 270; — et CodC Bni«
xelles, 2Â août lSi5, J. P. t. XIII p. 51; Cass. 15 mare 1828. rapp. M.01-
livler, t. XXI, p. 1289; 30 juillet 1836, rapp. M. Mérilhou. Bail n. 251;
11 octobre iHh, rapp. M, Jacquinut, n. 342; 31 juillet 1845, rapp. H. U(J'
ronnet St-Maro^ n. 2^7; 8 janvier 1846, rapp. M. Dehauasy, n. 10; 30 déc
1847, rapp. M. Rives, n. 802; 27 juillet 1848, rapp. M. L^gneur, d.206;
18 janvier 1849, rapp. M. de Boissieux, d. 11 ; 27 avril 1857^ rapp. M' Aih
guste Moreau, u, 170; 24 déc. 1857, rapp. M. Legagaear, d, 4i0| 25nv9
1858, rapp. M. Sénéca, n. 106,
1>E LA FROCI^DUftl AHTiltifitIRE ACS DEBATS. § 619. .H6l
positions expresses de l'art. 301 qui teat que rinstruction^
après la demande en nullité de renvoi, ne puisse être conti-
nuée que jusqu'au! débats exclusiTement, résulte aussi la con-
séquence quUI est interdit de passer outre aux débats, tant
que le délai n'est pas expiré. »
Le délai» comme on Ta dit plus hauts i^o commence k
courir que du jour de Tinterrogatoire ou du jour de la noti-
fication de l'arrêt de renvoi^ si cette notiGcation est posiérieure
à rinterrogatoire, puisque ce n'est que lorsque l'arrêt lui a
été Dotifiéy que Taccusé a pu commencer à l'examiner, à pré-
parer sa défense'.
Les cinq jours sont francs et ne comprennent par consé-
queDt ni le jour à quo ni le jour ad quem, La Cour de cassa-
tion a annulé un grand nombre de procédures dans lesquelles
Taccusé avait été soumis aux débats le cinquième jour après
l^interrogatoire et dans lesquelles par conséquent il n'y avait
pas eu un espace de cinq jours francs entre le jour de Tinter^
rogatioD et le jour de Touverture des débats *• L'accu^, in-
terrogé et averti le l^' d'un mois, ne peut être traduit devant
les assises que le 7 au plus tôt. Si la date de Tinterroga-
toirecst omise, surchargée ou visiblement erronée, il peut y
être suppléé, si cela est possible 4, par les énonciations des
autres actes de la procédure ^.
Le délai de cinq jours peut cependant être abrégé si l'accusé
) consent formellement. Ce délai n'est établi que dans son
intérêt ; il peut donc^ s'il le juge utile à sa défense et pour
éviter de prolonger sa détention préalable, y renoncer; l'ar-
ticle 261 s'applique au délai qui a pour objet de préparer la
défense comme à celui qui a pour objet de délibérer sur la
faculté du pourvoi, car ces deux délais n'en forment qu'un
seul et se confondent ensemble^. Nous avons vu précédemment
^Voy. iuffràf p. 555.
^ Cas& 11 février 18&I, rapp. M. IsamberU Bull. n. 41 ; 7 jaimer 1836,
rapp. M. Mérilbou, n. 6.
'Cass. 17 sept. ISiS, rapp. M. Meyronnel-Sai ut-Marc. Bull. n. 282;
8 jaiiT. 18.i6, rapp. M. Debaussy, u. 10; 10 décembre 1866, rapp.
M. Barennea, n. 800; 18 mars 1846, rapp. M. Legagneur, u. 67;
22 août 1850, rapp. M. V. Foucher, n. 265; 11 oct. 184â, rapp. M. Ja<i*
quinot, o. 842, 25 mars 1858, rapp. M. Sénéca, n. 106.
* Cass. 13 déc. 1849, rapp. M. Quenault. Bull. n. 341.
"Cass. 6 avril 1848, rapp. M. hamberl. Bull. n. 103; 31 juiU. 1856,
rapp. M. Bresson. n. 270 ; 45 juillet 1858, à notre rapport.
* Caas. S juillet 1830, rapp. M. Dupaty, J. P., t XXIII, p. 664; 16 avril
483J, rapp. M. Meyronnet-Saint-Marc, t XXIII, p. U39; 4ocl. 1832, rapp.
M. OUÎYier, t. XXiV, p. 1495; 25 avril 1839, rapp. M. Mérilbou. Bull.
«. 137 ; 2 avril I842f rapp, M» Yiucçns-Sftinl-Laurent, n* 78t
vni. 36
5Û2 DSB C0VR9 o'iJSlSEI.
que celle renoncialion peut intervenir soit au moment de Vin-
terrogatoire, soit ultérieurement, etqu*une fois acquise à la
procâure, elle ne peut plus être rétractée S
Nous avons également établi qu'elle doit être constatée en
termes exprès et formels*. Il a été décidé « que le délai ne
peut, sous peine de nullité» être abrégé sans le consentement
exprès et formel de la partie intéressée ; qu'en ce cas, la simple
présomption résultant de ce que Taccusé a comparu à Tan-
dience sans réclamation, avant l'expiration des cinq jours, et
qu'il a même fait citer des témoins^ n'équivaut pas, à elle
seule» à une renonciation expresse^. » Cette solution n'est
. d'ailleurs nullement contredite par quelques arrêts qui sem-
blent à la première vue admettre des précomptions pour sup-
pléer à une constatation ex presse ; car en regardant de plus près
ces arrêts^ on aperçoit qu'à côté des présomptions se trouvait
établi le fait même de la renonciation ou de Texpiration du
délai. Ainsi, un arrêt déclare « qu'il résulte des faits de la
cause, notamment des citations et notifications données à la
requête de l'accusé à des témoins qu'il se proposait de (aire
entendre pour sa défense, de l'exercice qu'il a fait du droit
de récusation et de sa participation volontaire à toutes l^
parties du débat sans réclamation, un consentement soiït-
sant au jugement et une renonciation au délai; » mais le
même arrêt ajoute « que d'ailleurs il s'est écoulé plus de cinq
jours entre la notification de l'arrêt de renvoi suivi de son
interrogatoire et sa comparution au débat 4. » Un autre arrêt
déclare « que Tintention de l'accusé d'accepter le débat le
jour auquel l'afTaire avait été indiquée, s'est manifestée par
la notification qu'il a fuit faire au procureur impérial des
noms des témoins qu'il entendait produire à cette audience, >
mais le même arrêt ajoute a que l'accusé avait détiaré renoncer
au délai ; que le procès-verbal qui constate cette déclaration
a été signé de lui et du président; que s'il n'a pas été signé
du grcflier, il n'en ressort pas moins que le demandeur a
donné son adhésion formelle à être jugé avant l'expiration
du délai ^. » Un autre arrêt décide encore que la renoncia-
tion de Taccusé est complète, quoiqu'il n'ait expressément
* Voy. svprà, p. 666.
■ Voy. svprà f p. 655.
' Ca^s. 3 A (léc. i857, rapp. M. tegagneur. Ënll. n. 4iO«
* Cass. 5 janvier 1838, rapp. M« Isambert. fiuU. n. 5«
* Im, 25 «Tril 4b57, rapp, M, Aug, Moreau, BoJl» n, 170.
>l LA PftOCÉDntl ANTtfElIVEE kVX DEBATS. § 620. 503
renoncé qu'au délai relatif à la faculté du pourvoi ; mais nous
avons déjà fait remarquer que la loi n'a pas nccordé deux
délais, l'un pour le pourvoi, l'autre pour la défense ; il n'eiiste
qu'un seul et même délai, bien qu'il ait un double objet, et
dès lors la renonciation qui y est faite sous l'un de ces rap-
ports s'applique nécessairement à l'autre \
y. Enfin ne sont point réputées en état, les affaires dans
lesquelles est intervenu et a été notifié un arrêt de soU com-
muniqué rendu par la Cour de cassation sur une demande en
règlement de juges ou sur une demande en renvoi pour cause
de sûreté publique ou de suspicion légitime.
L'art. 531, relatif aux règlements de juges, porte que c< la
notification qui sera faite de cet arrêt aux parties emportera
de plein droit sursis au jugement du procès, et en matière
criminelle, à la mise en accusation, ou si elle a déjà été pro-
noncée, à la formation du jury dans les Cours d'assises, mais
non aux actes et aux procédures conservatoires ou d'instruc*
tion. » L'art. 551 applique la même disposition aux demandes
en renvoi pour cause de sûreté publique et de suspicion légi-
time.
Il suffit de remarquer ici que, d'après le texte formel de
l'art. 531, la Cour d'assises n'est tenue de surseoir qu'autant
que i'arrêt de soit communiqué a été notifié soit à l'accusé,
soit au ministère public, suivant que la demande est formée
par l'une ou l'autre des parties'. Ce ne serait pas assez que
la demande eût été formée et même l'arrêt de communication
préalable rendu, pour qu'il y eût lieu de surseoir.
S 620.
1. Du renTOÎ d'une affaire à une autre session.— 11. Droit du président
d'ordonner le renvoi avant l'ouTerlure des débats. — 111. Droit de
la Cour d'assises. — > IV. Dans quels cas le renvoi peut être ordonné.
L La règle qui veut aue toutes les affaires (jui sont en état
soient portées sur le rôle, reçoit une exception. L'art. 306
est ainsi conçu : t Si le procureur général ou l'accusé ont des
motifs pour demander que l'affaire ne soit pas portée à la pre-
mière assemblée du jury, ils présenteront au président de la Cour
* Cas?, i juillel 1868, rapp. M. Dehaussy*
• Cass. 10 février 1832, rapp, M. Briète, h P., t. XXiV, p. 705,
5(U DES Cdl'RS I»'ASSIfES.
d*assises une requête en prorogation de délai. Le président
décidera si cette prorogation doit être accordée ; il pourra
aussi d'office proroger le délai. »
II. Le droit de rentoyer l'affaire à une autre session appar-
tient au président seul tant que la Cour d'assises n'est pas
encore saisie. L'art. 334 du G. du 3 brumaire an iv l'avait
nUribué au tribunal criminel. La raison de celte différence
est que les tribunaux criminels étant permanents, on pouvait
à toutes les époques provoquer leur décision sur les difficultés
qui s'élevaient, tandis que les Cours d'assises n'ayant qu^unc
existence temporaire, il a été nécessaire de transporter au pré-
sident un pouvoir qu'elles ne peuvent exercer quand elles
n'existent pas encore.
De là il suit que ce droit peut être exercé lors même que
l'affaire aurait déjà été inscrite au rùle jusqu'à l'ouverture de
Taudienco : les art. 331, 354 et 406 le confèrent à la Cour
d'assises exclusivement, aussitôt que l'audience est ouverte.
Cette limite a été marquée par quelques arrêts. Il a d'abord
été posé en régie « que la Cour d'assises n'est investie du
pouvoir de statuer sur le renvoi d'une affaire à la prochaine
session que dans le cas unique où elle en est saisie de fait,
lorsqu'un témoin cité ne comparait pas au jour de l'audience
et avant que les débats soient ouverts par la déposition du
premier témoin ' . »
Pourquoi cette dernière limite? pourquoi le^roitdu pré-
sident peut-il s'exercer jusqu'à la déposition du premier té-
moin ? C'est que l'ait. 354 porte qu'au cas de non comparu-
tion d'un témoin, la Cour d'assises peut, avant que les débats
soient ouverts par la déposition du premier témoin, renvoyer
l'affaire à la prochaine session. De ce que la Cour d'assises est
désignée pour prononcer sur cet incident, on a conclu que son
droit ne commençait qu'à cet incident même. Cette conclu-
sion ne nous parait point exacte. 11 ne s'agit pas ici d'une
attribution du pouvoir discrétionnaire, puisqu'elle cesse à
l'ouverture des débats, et que c'est précisément pendant les
débats que ce pouvoir s'exerce. Il s'agit simplement d'un
pouvoir de prorogation de délai, qui appartient à toutes les
juridictions, et que le président n'exerce qu'accidentellement
il pauo que la juriiliclion qu'il représente n'est pss encore
• Casî». /i fùwWr 4825, rapp. ^^ Briùe. h P., t. XÏX, p. <42t
AB LA PROG^DUM ANTÉKfEURE AUX bÉBAT.^. § 620. 56S
réunie. Donc, aussitôt que cette juridiction est constituée,
aussitôt que la Cour est sur son siège, il lui appartient exclu-
sivement de prononcer, et môme d'office, commo lo président,
le renvoi, si Tun des cas où ce renvoi peut être ordonné se
présente; la question n'a qu'un médiocre intérêt, parce que
îe fait de renvoi prévu par Tart. 354 est habituellement le
premier qui se rencontre au moment où commence Tcxamen ;
cependant il ne faut pas perdre de vue que Fait. 406 prévoit
d'autres événements qui peuvent motiver la môme mesure, et
qu'il peut n^ôtre pas indifférent à Taccusé de soumettre sa
demande au président ou à la Cour d^assises.
La jurisprudence peut d^ailieurs être invoquée à l'appui de
cette doctrine. Un arrêt déclare que le président, qui seul a
connaissance de l'instruction écrite, peut seul apprécier les
motifs de la prorogation de délai , « lorsque la demande en
renvoi a été prononcée avant Touverture des débats et avant
que la Cour d'assises puisse connaître les éléments propres à
fixer sa détermination •. » Un autre arrôt répèle que le droit
du président avait été, dans une espace, régulièrement exercé,
parce qu'il l'avait été « avant que la Cour d'assises fût sai-
sie •. 0 Un troisième arrôt annule» comme contenant un excès
de pouvoir, l'ordonnance d'un président qui, après les débals
ouverts, avait ordonné le renvoi de l'affaire parce que les
débals avaient révélé un témoin non cité >. Enfin, un quatrième
arrôt déclare avec plus de précision « que les Cours d'assises
sont exclusivement compétentes pour prononcer le renvoi
dans le cas où il y a lieu de le prononcer postérieurement au
tirage au sort du jury de jugement *. »
Cette limite doit être acceptée. Le président doit seul sta-
tuer sur le renvoi jusqu'au tirage du jury de jugement, parce
que jusqu'à ce moment il siège seul, parce que seul il possède
encor6 les éléments de la décision. Mais lorsque la Cour est
réunie, c^cst-à-dire, lorsque ce tirage est terminé, elle de-
vient aussitôt exclusivement compétente, puisqu'il s'agit d'un .
acte de sa juridiction que le président n'exerçait qu'à sou
défaut, et puisqu'elle trouve dans Texamen les éléments pro-»
près à former sa décision»
* Cass. 7 juin 1816, rapp. &f. Robert. Dali, v» InsL Qrim.» n. SOOi.
' Cass. 25 juin iSàO, rapp. M. Kocher. BulU n. 187.
* Cass. 1 0 janvier 182 J, rapp. M.Brîèrc, J. P., t. XVHÎ, p. 332.
* Cas». JS7 aTril 1850, rapp. M. Rives, S. D. 50. 1. 811,
à
500 DES fOVRS »*ASSl0Et.
IIL Le président, aux termes de Fart. 306, et la Cour
d'assises, aux termes de Tart. 331, peuvent ordonner cette
mesure d'office, s*il y a lieu ; ils peuvent également l'ordon-
ner sur la requête du ministère public ou de Faccusé.
Jusqu'à quel moment ces deux parties peuvent-elles pré-
senter cette requête? Un arrêt a décidé « que pour qu'il y ait
lieu & l'exercice de ce droit , il faut que le jury ne soit pas
encore formé et surtout quMI ne soit pas réuni; que lorsque
les débats sont ouverts ou qu^ils sont au moment de s'ouvrir
par la réunion des juges, des jurés et des témoins, il n'y a plus
lieu & Tapplication de l'art. 306 ; que la loi n'accorde à Tac-
cusé le droit de demander, après rouvertore des débats, le
renvoi de l'affaire que dans le seul cas des art. 330 et 331...;
que, dans l'espèce, les membres de la Cour d'assises, les ju-
rés et les témoins étaient réunis en séance publique et l'au-
dience commencée lorsque le défenseur a demandé le renvoi
de l'affaire à la prochaine session, à raison de l'absence de
plusieurs témoins à décharge ; que cette demande n'ayant pas
pour objet l'exercice d'uqp faculté ou d'un droit accordé à
l'accusé par la loi, la Cour d'assises a pu dire qu'il n'y avait
lieu à délibérer, sans qu'on puisse voir dans cette décision le
refus de prononcer *. »
Cet arrêt donne-t-il à l'art. 306 son vrai sens ? Cet article
contient deux dispositions : l'une qui reconnaît le droit des
parties de demander une prorogation de délai ; l'autre qui
établit le pouvoir du président de statuer sur cette prorogation.
Le pouvoir du président expire au moment de la formation
du jury ; il se confond à cette époque avec le pouvoir géné-
ral de la Cour d'assises et devient l'une de ses attributions.
S'en suit-il que le droit des parties cesse en même temps
d'exister? De ce que la juridiction qui prononce a changé,
s'en suit-il que l'action ait pu recevoir quelque atteinte? De
ce que le président n'est plus compétent, faut-il conclure que
les parties ne peuvent plus réclamer? La limite du ^roit du
président est-elle forcément la limite du droit des parties? Où
serait le motif d'une telle indivisibilité? La compétence du
président ne cesse que parce qu'elle* est absorbée par celle
de la Cour d'assises, ou plutôt elle est continuée par celle-ci.
Le droit des parties ne doit cesser que lorsqu'il ne peut plus
s'exercer, c'est-à-dire à l'ouverture des débats qui, une foi«
* Cass, 13 octobre 1815, rapp, M. Aumonl. J, P., I. XFU, p. 81.
M LA raOCtoVIIB AHntRIEUlR AUX bllBATS. § 620. ^
commencés, et sauf les cas préyus par la loi, ne peuvent plus
être interrompus. Il ne faut pas sans doute, comme on Ta déjà
dit au sujet de Tapplication de Tart. 261» fournir aux accusés
un moyen indirect de rejeter en masse le jury que le sort leur
a donné ; mais quel est donc le droit que confère Tart. 306 ?
C'est simplement de former une demande, de présenter une
requête à la Cour d'assises; et quel est Teffet de ce droit?
C'est que la Cour d'assises doit y statuer conformément à
Tart. 408 ; c'est que la demande, au lieu d'être rejetée par
une fin de non recevoir, soit examinée. Il n'y a donc point là
de récusations déguisées ; il n'y a qu'une question portée de-
vant la Cour pour qu'elle Tapprécie. On objecte qu'elle n'est
pas tenue de 1 apprécier, parce qu'il ne s'agit pas de l'exercice
d'un droit accordé par la loi : qu'a donc stipulé l'art. 306?
nedonne-t-îl pas le droit de demander le renvoi à une autre
session f Et quel est le texte qui assigne un autre terme à
Texercice de ce droit que l'ouverture même des débats f
La demande en renvoi pourrait-elle, lorsque le président
y a déjà statué, être portée devant la Cour d'assises f II faut
distinguer si le président a ordonné ou refusé le renvoi ; s'il
Ta ordonné sur la requête d'une des parties, l'autre ne pour-
rait faire opposition à son ordonnance^ car Teflet de cette
ordonnance a été de faire rayer Vaflaire du r6Ie : laCour n^est
donc plus saisie et se trouve dès lors incompétente. La ques-
tion est plus délicate lorsqu'il Ta rejetée. Un arrêt, rendu sur
un pourvoi fondé sur ce que dans ce cas la Cour d'assises avait
refusé de statuer, a rejeté ce pourvoi, « attendu que la de-
mande en renvoi avait été soumise au président; que ce
magistrat y avait statué ; que dès lors la Cour d'assises, en
refusant de statuer sur une demande déjà jugée par le juge
compétent» n'a violé aucune loi ' ». Que si la cour d'assises
s'était référée à l'ordonnance du président pour en adopter la
solution, on le comprend ; mais on ne comprendrait pas
qu'elle eût refusé de statuer. Est-ce qu'elle n'était pas com-
pétente si elle était saisie de la demande avant l'ouverture
des débats 7 Est-ce que cette compétence n'était pas indépen-
dante de celle dn président? On oppose une sorte de chose
jugée, comme si la chose jugée pouvait s'appliquer à des
mesures purement préparatoires, comme si la Cour d'assises
n'était pas sans cesse appelée à statuer, ainsi que nous l'avons
* Cass. % octobre 1S93, rapp. M. Gilbert. Dali. v^Inst. crim., n. SOOl.
568 DES COURS l>*ASSISBS.
établi S sur l'opposition aux ordonnances du président. Dans
une matière complètement analogue» la Cour de cassation a
décidé « que les accusés dont les procès ont été joints ont le
droit do réclamer devant la Cour d'assises contre Tordonnance
du président qui a réuni les procédures» toutes les fois qu'ils
croient que cette jonction peut être préjudiciable à leurs
intérêts '. » On ne voit pas pourquoi la même décision ne
s'appliquerait pas aux ordonnances qui ont rejeté la demande
en renvoi.
IV. Les motifs qui peuvent donner lieu au renvoi n'ont
point été définis par la loi. La jurisprudence a successivement
admis que le président peut ordonner le renvoi d'une affaire,
soit à raison de Tétat de maladie de l'accusé ^, soit pour pro-
céder, dans l'intérêt de sa défense, à un complément d'in-
struction ^ ; et que la Cour d'assises peut également ordonner
la même rnesure lorsque l'accusé n'a pas reçu copie des pièces
de la procédure ^» ou lorsqu'un juré, au moment où il vient
d'être désigné pour le jugement de Taffaire, fait connaître son
opinion ^.
Au reste, l'appréciation des causes de renvoi appartient
souverainement, soit au président^ soit à la Cour d'assises. Il
a été déclaré, 1^ à l'égard du président, < que la loi abandonne
à sa conscience l'appréciation des motifs qui peuvent le déter-
miner d'office, dans l'intérêt de la manifestation de la vérité,
& renvoyer à une autre session que celle qui va s'ouvrir, l'af-
faire dont la Cour d'assises est saisie 7 ; 2» à l'égard de la Cour
d'assises, (t que de quelque manière qu'elle prononce sur cette
demande, son arrêt ne peut présenter en cette partie aucune
ouverture en cassation ^^ »
Le président et la Cour d'assises doivent donc examiner si
la prorogation de délai peut être, non pas même nécessaire,
mais seulement utile aux intérêts, soit de l'accusation^ soitde
la défense» et, au cas de l'affirmative, ils ne doivent pas hésiter
SI raccorder* Il faut sans doute que cette utilité soit constatée ;
* Voy. $upràf p. 487.
* Cass. il mars 1853, à notre rapport. Bull. n. 88«
' Cass. 16 avril 1818, rapp. M. OlIiTÎer. J. P., t. XIV, p. 756.
' Cass. 25 jain 1840, rapp. M. Rocher. Bull. u. 187,
" Cour d'ass. du Tarn, 10 mai 1828. Dali, v InsU cr.» n. 200a.
* Cour d'ass. du Gard, 19 mai 1838. Dali. ▼• Iiisl. cr., n. 200»,
^ Cass. 27ayril 1850, rapp. M. Rives S. Dev. 50. 1. 811.
* Cass. 25 sept. 1824, rapp. M. Brière, Dali, y» Inst. crim., n. SOOi
I»E LA rROGÉDURB AMTltlilBUIlB ACX DEBATS. S 62i. S69
car, d'une part, la prorogation fait peser sur l'accusé une
prolongation de la détention préalable, et, d^une autre part,.
elle crée une ei^ception à la règle qui veut la prompte expé-
dition des aiïaires criminelles. Mais, toutes les fois que la
demande s^appuie sur une cause sérieuse, il doit y être fait
droit, car c'est Tintérèt même de la justice qui exige que le
débat ne s'ouvre que lorsque toutes les preuves peuvent y
HîQ produites. La Cour d'assises doit peser les motifs de renvoi
avec d'autant plus de scrupule qu'elle prononce souveraine-
ment à cet égard. La Cour de cassation a déclaré « qu'il n^est
pas de sa compétence d'apprécier le temps nécessaire à Tac-»
cusé pour préparer sa défense, et que, sous ce rapport, s'il
croit qu'il lui est préjudicié, c'est devant la Cour d'assises
qu'il peut présenter ce moyen préjudiciel en réclamant un
délai ' . j>
Il est inutile d'ajouter que le droit d'ordonner le renvoi à
une autre session emporte, à plus forte raison, celui d'ordon-
ner le renvoi, soit à une assise extraordinaire de la même
session *, soit à un autre jour plus éloigné de la même assise ^.
La prorogation de délai doit-ètre mesurée sur la nature de la
cause alléguée et sur la gravité dé Taffaire.
S 621.
I. De la juiictîon et de la disjonction des procédures. *- II. — A qat
il appartient de Fordonner. — 111. Causes de jonction. — IV. Causes
de disjonction. — V. Formes de celle mesure. — VI. Voies de
recours.
L II est encore deux incidents qui peuvent survenir avant
rouvcrture des débats et modifier le rôle des assises. Plusieurs
accusés peuvent être poursuivis séparément à raison du même
délit ou de délits connexes, ou plusieurs délits distincts peuvent
se trouver réunis dans le même acte d'accusation. Dans Tune
et l'autre hypothèse, la honne administration de la justice
exige, là, que les procédures^ qui sont également en état,
soient réunies, ici, qu'elles soient séparées* Le but des art.
307 et 308 a été de remédier à ces deux irrégularités par la
jonction ou la disjonction des procédures, et de restituer par
là aux débats leur unité,
* Cass. 3 réfrier 1851. rapp. M. Brière. DaH. V InsU crim., n. J005.
' Cas». 18 mai i8Â9, rapp. M. de Ricard. Bull. n. 119.
' Cfl»9. M ayril 18/i4i rapp. M. hambcrt. Bull. n. 155,
Sr70 l»BS COORft l>VB8IBB9i *
Nous avons établi» au chapitre de la compétence pour le
jugement ', les cas où il y a heu à la prorogation de la juri-
diction & raison de la connexité des délits * ou de Tindifi-
sibiiité des procédures *. On doit se reporter aux règles qui
ont été posées sur ce point.
Les art. 307 et 308, dont nous avons exposé les origines ^,
sont ainsi conçus : c Art. 307. Lorsqu'il aura été formé» à
raison du mOme délit» plusieurs actes d'accusation contre
différents accusés» le procureur général pourra en requérir la
jonction et le président pourra l'ordonner mémo d'office. —
Art. 308. Lorsque Tacte d^accusation contiendra plusieurs
délits non connexes, le procureur général pourra requérir que
les accusés ne soient mis en jugement» quant à présent, que
sur l'un ou quelques-uns de ces délits, et le président pourra
Tordonner d'office. »
Il y a lieu d'examiner l^ la compétence du président, et,
dans quelques cas» de la Cour d'assises pour ordonner cette
mesure; 2** les causes de jonction; S'' les causgs de disjonc-
tion ; 4" les formes de cette mesure ; 5* les voies de recours
qui sont ouvertes contre elle,
IL La compétence du président est seule indiquée par la loi
dans les deux hypothèses. La loi du 18 germinal an iv n'avait
établi au contraire que celle du tribunal criminel. La raison
de cette différence est que la Cour d'assises n'étant pas perma-
nente comme le tribunal criminel, il a fallu transporter au
président une attribution que la Cour ne pouvait exercer avant
d'être constituée et dont l'exercice devance le plus souvent
cette époque.
Le président peut ordonner la jonction ou la disjonction
d'office ; il peut ^ordonner également sur les réquisitions du
ministère public. Le peut-il sur la requête de l'accusé? Rien
ne s'y oppose, et l'accusé a toujours la faculté de provoquer
les mesures qu'il peut croire favorables à sa défense. Mais si le
président peut faire droit à sa demande, il peut aussi ne pas
y statuer; la loi ne reconnaît point à l'accusé le droit de la
présenter, et les termes de T-art. 306, relativement à la pro-
rogation de délai, ne se retrouvent point dans les art. 307
1 Voy. l. VI, p. 61C. — * Voy. t. YI, p. 652. ^ » Voy. t Vf, ^ «40. -
* Voy. t. 6, p. 641 cl suiv*
DE LA PEOcéDUftB AOTiftlBORE AUX DEBATS. § 621. 57i
et 308. Il n*y a donc point ici do droit accordé par la loi et
sur Texercice duquel il y ait obligation de statuer.
Il a -été admis que, dans les départements où ne siège pas
une cour impériale, le président du tribunal peut ordonner
cette mesure à la place du président des assises. Les deux
arrêts qui ont consacré ce pomt déclarent : « que de la com- •
binaison des art. 263, 307 et 308 il résulte que, dans les cas
où depuis la notification faite aux jurés, en exécution de
l'art. 389, le président des assises, par absence ou pour toute
autre cause, se trouve dans l'impossibilité de remplir ses
fonctions, il est de droit remplacé dans toutes les Cours d^as-
sises qui ne tiennent pas à la résidence de la Cour par lo
président du tribunal de première instance*. » Celte règle,
que nous avons établie précédemment; s'applique à toutes les
fonctions du président des assises; son application ici ne peut
donc donner lieu à aucune difficulté'.
Mais il est évident que la loi a statué pour le cas le plus
ordinaire, pour le cas où la nécessité de la jonction ou de la
disjonction se manifeste avant la réunion de la Cour d'assises.
Mais quand cette Cour est réunie et qu'elle est saisie, appar-
tient-il encore au président de prononcer? La Cour de cassa-
tion a déclaré c que Fart. 307, rédigé d'une manière démon-
strative et non limitative, n'est pas prescrit à peine de nul^
lilé ; qu'il ne fait donc point obstacle à ce que la Cour d^assises
ne puisse, avant Touverture des débats, sur le réquisitoire
du ministère public, pour la bonne administration delà jus-
tice comme aussi pour la manifestation de la vérité, ordonner
la jonction de plusieurs actes d'accusation dressés contre le
même individu, dans plusieurs procédures qui sont toutes en
état et dont elle se trouve simultanément saisie ^. i> Un arrêt,
dans une espèce identique, déclare encore en termes plus
absolus «c que la cour d'assises, en joignant les causes dans
Tinlérètde la prompte et bonne administration de la justice»
a usé d^un droit qui lui appartenait \ » Enfin, dans une
espèce où l'accusé se faisait un grief de ce que c'était la Cour
qui avait statué sur une demande en disjonction qu^il avait
formée, le rejet a été prononcé, « attendu que la Cour d'as-
* Cass. 27 scpl. 4882, rapp. M. Me]rronnet«Saint*Marc. J. P., t. XXVI,
p. iA87; 29 avril 1884, rapp. M. Vincens-Saint-Laiirent, t. XXVI, p. 1075.
* Voy. ëvprày p, 452.
* Cass. 18 mars ISAli rapp. M. Meyroiinct Sainl-Marc, Bull, n* 70.
* Ca». 7 fér. 1828, rapp. M. de Bernard. J. P. XXI, II41,
37 DB8 COUHS d'assises.
sises avait seule le droit de prononcer sur cette demande*. »
II ne faut pas cependant trop généraliser la règle quo
posent ces arréls : la Cour d'assises ne peut pas statuer, dam
tous les cas, sur la jonction ou la disjonction des causes, car
cette mesure^au moment même où elle se réunit^ serait tardiTe.
S'il s'agit de joindre deux accusations connexes ou de dis-
joindre deux accusations non connexes dirigées contre une
même personne, la Cour d'assises peut statuer jusqu'à l'ou-
verture des débats et même après cette ouverture; car, qae
le cercle de l'accusation soit élargi ou rétréci, l'accusé de-
meure le même, et le jury, qui a été formé pour le juger et
qu'il a accepté, reste compétent. C'est là l'hypothèse dans
laquelle les trois arrêts qui précèdent ont été rendus.
Mais s'il s'agit de joindre deux accusations connexes^ ou
de disjoindre deux accusations non connexes dans lesquelles
figurent des accusés différents, la Cour d'assises n'est compé-
tente que jusqu'à la formation du jury. Il est clair, en effet,
qu'on ne pourrait comprendre dans le débat un accusé qui
n'aurait pas concouru à la formation du jury, ou maintenir,
pour juger un seul individu, un jury formé avec le concoun
et les récusations de deux ou plusieurs accusés»
III. Dans quels cas la jonction peut-elle être ordonûée?
Uart. 307 n'en indique qu'un seul, « c'est lorsqu'il aura été
formé, à raison du même délit, plusieurs actes d'accusatioa
contre le même accusé. » Mais il a été admis par la jurispru-
dence que la disposition de cet article n'est pas limitative, et
qu'il est permis aux tribunaux d'ordonner la jonction des
causes dont ils sont simultanément saisis, môme hors du cas
prévu par cet article, lorsqu'ils le croient nécessaire pour la
manifestation do la vérité et pour la bonne administration de
la justice*.
Cette régie, que nous avons déjà examinée 3, a d'abord été
appliquée aux accusations relatives & des délits connexes; par
exemple, aux cas où il aurait été fait, à raison du même
crime, plusieurs actes d'accusation contre différents accusés ;
au cas où il aurait été fait, à raison de crimes connexes, plu-
sieurs actes d'accusation contre le même accusé ; enfin au cas
* Cm. 22 sept, 1826, rapp. M. Gaillard. J. P. XX, 87S.
sCass. 29 Doy. 1834, rapp. M. Vincens-Saint-LaurenU J. P. XXÏÏ,
1075; 20 déc. 1835, niénierâpp. Bull. ti. &75; 25 nQV. 1837, même rapp.»
n. 410 ; 28 ayril 1838, rapp. M, Mérilliou, n. 116.
=» Voy. l, VI, p, 662,
DE LÀ P&OCl^DtJliE iNtéBIfiCftE ÀCX D|£bAT9. $ 621. 573
OÙ îi aurait été fait, contre différents accusés^ plusieurs actos
d'accusation à raison de faits connexes. Cette application des
art. 226 et 327 ne peut donner lieu à aucune difficulté :
Tart. 307 prévoit la jonction dans un cas de connexité ; il est
naturel d'étendre sa disposition à tous les cas où des accusa-
tiens connexes sont inscrites h la fois sur le rôle des assises.
Le président ou la Cour d^assises font alors ce que la chambre
(l'accusation aurait pu faire si elle ayait été saisie à la fois do
CCS différentes affaires '. L^aclion de cette dernière juridiction
est restée incomplète ; l'autre Tacbéve et dispose à sa place.
La même règle a encore été appliquée au cas où les diverses
accusations , quoiqu'elles aient pour objet des crimes distincts
et non connexes, sont dirigées contre le même accusé. La
jonction s'appuie ici sur les art. 365 et 379, qui supposent
qu'un accusé doit être mis en jugement à raison de tous les
iTiéraits qu'il a antérieurement commis*. lia été jugé, dans
ce sens, c qu'aucune loi ne limite le droit de jonction au cas
où les crimes et délits sont connexes aux termes de l'art, 227,
et que l'art. 365, prescrivant l'application d'une peine unique
à (les faits qui n'ont entre eux aucun rapport de connexité,
donne par conséquent au droit de jonction pour le jugement
définitif plus de latitude que l'art. 227 ^ »
Mais lorsque les faits ne sont point connexes, lorsque les
accusations distinctes ne sont pas dirigées contre une même
personne, la jonction peut-elle encore être ordonnée? Faut-il
admettre que les règles prescrites à la chambre d'accusation
par les art. 226 et 227 ne doivent point être observées par
le président, et que, ce que celte chambre n'aurait pu faire,
celui-ci puisse le prescrire ? La Cour de cassation a évidem -
nienl hésité à cet égard, car elle a considéré comme régulière
la jonction de plusieurs accusations dirigées contre différents
accusés y « lorsque les faits se liaient entre eux par les
circonstances de temps, de lieu et par les motifs allégués pour
justifier leur perpétration * ; mais elle a ensuite déclaré irré-
' CasJ. h nov. 1836, rapp. M. Vincens-Saînt-Laurent. Bull., n. 868 ;
28 afril 1831, rapp. M. Meyronnet Saint-Marc. J. P. XXIJI, 1622.
ï Voy. U Vl,p. 650.
* Cass., 28 a?ril 1838, rapp. M. Mériihou. Bull. n. I4C ; et conf. 7 féir.
1828, rapp. M. de Bernard. J. P. XXI, 1141 ; 29 nov. 1834, rapp. M. Vin-
ctns-Sainl-Laurenl, XXIII, 1075 ; 24 sepU 1825, rapp. M. Brière, XIX, 895;
22 fév. 1855, rapp. M. V. Fouchcr, Bull., n. 66.
* Cas». 28 déc 1838, rapp. M. Cbauveau-Lagarde, Bull., n. 39i, et Casa.
2'i (l«c. 1836, ïapp. M, Viocçns-Sl-l-aurçnl. BmH, n. 397,
tn4 VBS GOlIftS P*A$SIUS.
gulière, sur notre rapport, la jonction de trois actegd'acciua-
tion dressés contre différents accusés, à raison de trois accu-
sations distinctes de faux, par le seul motif que ces Taux,
commis par substitution de personnes dans Texamen du bac-
. calauréat-és*IettreSy avaient présenté les mêmes circonstances
et le même objet. L'arrêt dispose « que si la disposition de
l'art, 307 n'est pas limitative, et si elle n'exclut pas Tappli-
cation de la même mesure, même en dehors des termes de
cet article, dans les cas analogues à celui qu^il a prévu, lors-
qu'elle est sollicitée par Tintérèt de la découverte de la vérité
et de la bonne administration de la justice, il ne s'ensuit pas
néanmoins qu'elle puisse être étendue arbitrairement, et au
détriment de la défense, à des accusations qui n'auraient entre
elles aucun lien de connexité et qui ne seraient pas intentées
contre les mêmes accusés \ » Cet arrêt pose une limite qui
ne doit pas être franchie. Il ne faut pas confondre la cor^él^
tion des crimes et leur connexité : la connexité confond en
quelque sorte les faits dans un même fait et établit du moins
entre eux un lien que la procédure ne doit pas briser ; la cor-
rélation n'est qu'un rapport accidentel qui n'établit entre les
faits aucun lien, et ne donne par conséquent nullement le
droit de confondre et de faire asseoir les unsà côté des autres,
en faisant ainsi réfléchir sur les uns la criminalité des autres,
des accusés qu'aucune association n'a réunis et qui sont étran-
gers entre eux*.
EnGn, la jonction pourrait même dans certains cas consti-
tuer une infraction aux règles de la compétence. Une affaire
avait été renvoyée à une autre session à raison d'une préven-
tion de faux témoignage qui s'était élevée aux débats conire
deux témoins. Cette nouvelle poursuite se trouvant en état à
l'ouverture de la session suivante, le président crut devoir
ordonner sa jonction avec Taccusation principale. Cette or-
donnance a été cassée parce que le jugement du faux tèmoi-
, gnage constitue une question préjudicielle qui doit être vidée
avant que l'accusation principale soit soumise aux débats '.
Enfin, il importe de remarquer que^ môme au cas de con-
nexité, la loi n'ordonne pas la jonction, comme le faisait la loi
du 18 germinal an ly, mais permet seulement de Tordonner.
* Casa, ii mars 4858, à notre rapport, Bull., n, 88.
• Voy. t. VI, p. 665.
" Casa. SO déc i8A5, rapp, M. Meyronuet-St-Marc* Bull, n, 309« >^)i
loulefoUCpsa, 18 sept. i856, rapp. M. Sén^ca, Bull» n. ai4.
Dl Là PEOC&UM AMTiAIKO&l ▲QX D^ATfl. J 621. WlH
Ce n'est point une prescription, mais une simple faculté. Il
a été jugé « que la disposition de Fart. 307 est purement
facultatiTe, et que la connexité des délits est sans doute un
motif légitime de la réunion des procédures, mais qu'elle ne
doit pas la faire opérer lorsque de cette réunion pourraient
résulter des retards qui amèneraient le dépérissement des
preuves et nuiraient à l'action de la justice S »
IV. Dans quels cas y a-t-il lieu de prononcer la disjon&-
tioD? L'art. 308^ comme l'art. 307, n'indique qu'un seul
cas, c'est « lorsque l'acte d'accusation contiendra plusieurs
délits non connexes. » Mais il faut dire, dans celte seconde
hypothèse, comme dans la première, que la disposition de la
loi n'est nullement restrictive et qu'elle n'a fait qu'une indi-
cation.
Le caractère de cette indication néanmoins ne doit point
élre perdu de vue. L'accusé n a, en général, qu'un intérêt
secondaire à s'opposer & la réunion de plusieurs procédures
dans le même débat ; car, si le reflet des autres accusations
peut se projeter sur la première, la défense, du moins, n'en
éprouve aucune restriction; mais il peut avoir un intérêt très
grave à ce que la procédure ne soit pas scindée, car ses diver-*
ses parties, bien qu'elles ne soient pas connexes, peuvent
s'éclairer les unes par les autres. Il est certain que l'art. 308
n'a voulu consacrer aucune exception au principe de l'indi-
visibilité ' ; il n'a point voulu qu il fût permis de scinder les
éléments d'une même accusation. Il a seulement permis de
diviser une accusation qui contient des faits distincts et non
connexes. Or, si tous les auteurs d'un même délit ont droit à
un jugement commun, l'agent mis en accusation à raison de
plusieurs délits, n'a point un droit absolu à èite jugé sur
tous à la fois ^;il y a donc lieu de discerner avec soin la dis--
jonction qui peut porter atteinte au principe de l'indivisibilité
et celle qui n'y porte aucune atteinte.
Ainsi» un accusé, poursuivi comme com)[>lice d'un faux,
ne peut se faire un grief de ce que deux autres faux, aux^
quels il est étranger, et qui sont imputés à l'agent principal
ont été joints dans la même procédure ^. Mais, si l'accusation
Cas9. 80 mai 1818^ rapp. M. Ollivier, J. P. t. XIV, 689.
Voy. notre t. \l, p. 640.
Voy. notre U VI, p. 651.
Qm. 18 mUMlif rapp. M. Àumont. h P» U XVI» 529,
576 DKs cooiiâ d'assibIi.
relative à l'un de ces derniers faux n'est pas en état, si un
complément d'instruction ou Tabsence d*un témoin en font
retarder le jugement, il peut y avoir lieu de diviser laprocé*
dure pour ne pas prolonger inutilement la détention préa-
lable].
y. Les art; 307 et 308 n^attribuent point i l'accusé,
comme l'a fait Tart. 306, le droit de présenter une requête
au président. De là il a été induit que ces articles ne donnent
qu'au procureur général seul la faculté de requérir que les
délits non connexes contenus dans le même acte d'accusation
soient jugés séparément, ou que les délits connexes contenus
dans différents actes d'accusation soient réunis, et que les
accusés n'ont pas la même faculté *• Jl ne suit pas de là que
les accusés ne puissent demander cette jonction ou cette dis*
jonction, mais seulement que leur demande, n'étant pas Tex-
pression d'un droit, le président n'est pas tenu d'y statuer.
Mais devant les assbes leur position n'est plus la même :
le droit do leur défense est de proposer toutes les exceptions
et de prendre toutes les conclusions qu'ils jugent leur être
utiles» et la Cour d'assises^ à moins que la demande ne ren-
tre dans les attributions du pouvoir discrétionnaire, doit y
statuer. Quelques arrêts ont voulu voir dans la faculté de join-
dre ou de disjoindre les procédures une application de ce
pouvoir 3 ; mais c'est là une erreur, puisque le pouvoir discré-
tionnaire ne s'exerce» aux termes de l'art. 269, que « dans
le cours des débats. » Aussi, il a été jugé « qu'il ne faut pas
confondre les droits que le président tient des art. 268 et 269
avec ceux qui lui sont conférés par des dispositions spéciales
et notamment par l'art. 307 ^ Il suffit donc que la loi ne leur
ait point interdit de proposer une telle demande, dont ils
trouvent d'ailleurs le principe dans les articles 307 et 308,
pouf qu'ils soient admis à la formuler.
C'est d'après cette doctrine qu'un pourvoi fondé sur la
jonction d^une procédure étrangère au demandeur a été re-
jeté : a Attendu que si un accusé pense que la jonction d^un
* BourgoigQOD, t* II, p. 86*
^ Voy. supràj p. 570, el cass. H janr. iSSS, rapp. M. Glauzel de Cgus-
sergues. J. P. t XXI, 4028.
' Cass. 29 nov. iS3à, cWé suprà et il janv. 1839, rapp. M. Vinccft5-St-
Laurent. Bull. n. 19.
* Cass.28 jui» 1855, rapp, M. V. Foiicher, BmU, iv 2dO.
DE LA PROCÉDURE ANTÉR1E0RE AUX DÉBATS. § 6^1. 577
a^tc d^accusation relatif à.uD crime qui lui est étranger soit
préjudiciable à sa défense dans le débat qui lui est personnel^
il doit exposer ce grief et requérir la disjonction ; que de son
silence il résulte la présomption que la jonction dont il s'agit
n^élait pas nuisible à sa défjnse; que, dans l'espèce, le
coaccusé du demandeur a seul conclu devant la Cour d'assi-
ses à la disjonction de Taccusation qui lui était personnelle'.»
Non-seulement les accusés ont le droit de demander la
jonction ou la disjonction des procédures à la Cour d'assises,
au moment où vont s'ouvrir les débals, mais ils peuvent
même former opposition devant elle à Tordonnance du prési-
dent qui aurait pris, d'oifice ou sur la réquisition du minis-
tère public, une telle mesure. Un arrêt déclare nettement:
« que les accusés dont les procès ont été joints ont le droit de
réclamer devant la Cour d'assises contre l'ordonnance du
président qui «a réuni les procédures, toutes les fois qu'ils
croient que cette jonction peut être préjudiciable à leurs inté-
rêts*. » Un autre arrêt ajoute que si, en ce qui concerne
l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, le président ne sau-
rait être soumis à le voir critiquer devant la Cour d'assises,
il en est différemment de celui qu'il tient d'uno disposition
spéciale et déterminée comme l'jsst l'art. 307 ; et que l'accusé
a le droit de réclamer devant la Cour d'assises contre Tusagc
que le président a pu faire de la faculté que la loi lui ac-
corde d'ordonné^ la jonction de deux accusations'.
Mais ce recours devant la Cour d'assises est le seul qui,
m général , soit accordé aux accusés contre l'usage du droit
de jonction ou de disjonction. C'est là l'un de ces droits dont
Texercice est abandonné à la sagesse et à la conscience des
juges du fait et qui n'a pas de C()ntr6le. Ainsi, dans une es-
pèce où la jonction avait été arbitrairement ordonnée, la Cour
de cassation a rejeté le pourvoi , « attendu que si les acciyiés
u'ont élevé aucune réclamation à cet égard, il y a lieu de pré-
sumer que la jonction des accusations n'a apporté aucune
entrave à leur défense , et qu'ils sont non recevables à se faire
ultérieurement un grief de cette mesure , puisque la loi n'a
allaché aucune nullité à l'inobservation de Tart. 307, et que
l'arl. 4.08 ne permet de prononcer Tannulalion des anèls,
à raison de l'infraction des formalités auxquelles la loi n'a pas
* Cass. SO sept 1855, rapp. M. |$aint)ert. BuU. n. 324.
2 Co5s. 41 mars 4853, cUé suy^rd p. 57 A«
^ Cass. 28 juin 1855» cité éuprâ p. 576.
fin. 37
578 DES cociis d'assises.
textuellement attaché la peine de nullité, que dans le cas où
il n'aurait pas été statué sur la demande de l'accusé tendaol
a la stricte observation de la loi *. »
Il faut conclure que la Cour de cassation ne peut être sai-
sie que lorsque la Cour d'assises a refusé ou omis de statuer
sur la demande portée devant elle; ou lorsque la décision ne
serait plus un simple exercice du droit formulé dans les ar-
ticles 307 et 308 et constituerait un excès de pouvoir dont
aurait souffert Taccusation ou la défense ^
VI. Quelles doivent être les formes de cette mesure? Elle
est prononcée soit par une ordonnance, soit par un arrêt. Mais
s'il est statué par la Cour d'assises, il n'est pas nécessaire que
son arrêt soit motivé , a attendu que les arrêts qui ordonnent
une jonction sont des arrêts de pure instruction qui n'ont pas
besoin pour leur régularité d'être motivés 3. o f | n'est pas né-
cessaire qu'il soit rendu publiquement^ s'il est rendu avant le
tirage du jury ^. Et s'il est statué par le président, il n'est pas
nécessaire que son ordonnance soit notifiée, a attendu qu'il
ne résulte d'aucune disposition du Code que l'ordonnance
rendue aux termes de l'art. 307 doive être signifiée aux ac-
cusés ou portée à leur connaissance avant Touvertare des dé-
bats^. »
Cette dernière solution serait néanmoins bien rigoureuse
si elle était strictement exécutée; car la iléfen^e n'a-t-elle pas
intérêt à connaître à l'avance la jondionou ladisjonetioD des
procédures? La Cour de cassation refuse d'examiner le
grief résultant d'une jonction illicite , si les accusés n'ont pas
réclamé devant la Cour d'assises, et un arrêt a motivé le rejet
en déclarant, <( que l'ordonnance de jonction a été notifiée â
chacun des accusés; qu'elle a de plus été lue à l'audience et
qu'elle fi'a été l'objet d'aucune réclamation devant la Cour
d'assises; qu'en cet état, ils ne peuvent critiquer, sous le pré-
texte qu'elle serait contraire aux droits de k défense, l'or-
donnance dont s'agita » Il est clair que le droit de réclama-
tion suppose une notification préalable; et si la jurisprudence
^ Cass. il mars 1853> cité suprà^ p. 574.
* Voy. notre t. 6, p. 673| et/Gass. 24 déc. 1886, rapp. M. Viacen^-SMan-
rent. Bttil.n. 897,
' Cass. 25 Dov. 4837, rapp. M. Vincens^St-LaureDt BalL n. Mi«
* Cass. 2à sept. 1825, rapp. M. Biière. J. P. t. XIX, 895.
" Casa. 26 jatiy. dfi55, rapp. M> Ai|g. Moreau. Bull. n. H; 26 déc. 1835.
rapp. M. Vincens-Sl-Laurenl. Bull. r. A75.
* Cass, 18 sept. 1856, rapp. M. Sénéca. Bull. o. 81&.
DE Lk PROCÉDURE AMTéRIEUIlE AUX DÉBATS. § 6â2. 579
n'a pas voulu attacher à cette forme la peine de la nullité, il
n est pas moins dans les devoirs du président et du ministère
public de veiller à son exécution.
S 622.
I. De la notification des listes des jurés et des témoius. — 11. For-
mation de la liste des témoins. — III. Formes de la notification.
lY. Elle doit avoir lieu 24 heures avant Faudition des témoins. — -
y. Effets des irrégularités.
I. Deux actes terminent la procédure préliminaire : la no-
tification de la liste dès témoins et la notification de la liste '
des jurés.
Nous avons examiné le caractère et les formes de celte
dernière notification dans le chap. YI, relatif à la formation
du jury *.
Notis allons examiner maintenant la notification de la liste
des témoins.
IL Le ministère public, la partie civile et Taccusé dressent
la liste des témoins qu'ils veulent faire entendre aux débats.
La rédaction de cette liste est nécessairement laissée à la vo-
lonté des parties qui consultent les intérêts de l'accusation ou
de la défense. Il a étéjugé en conséquence, « que la loi s'en
rapporte sans condition au ministère public pour l'établisse-
ment de la liste des témoins dont le témoignage peut être
nécessaire dans le débat *. »
Les témoins sont cités à la requête de chaque partie. Le
2« § de Part. 321 porte : « Les citations faites à la requête
des accusés seront à leurs frais, ainsi que les salaires des té-
moins cités, s'ils en requièrent. » Néanmoins les accusés peu-
vent demander au ministère public qu'il fasse citer lui-m(>me
les témoins qu'ils croient utiles à leur défense. La loi ajoute,
en effet : « sauf au procureur général à faire citer à sa re-
quête les témoins qui lui seront indiqués par l'accusé, dans le
cas où il jugerait que leur déclaration peut être utile pour la
découverte de la vérité ; » mais cette disposition n'est que fa-
cultative, et le ministère public demeure l'appréciateur des
* Voy. fvprd, $601, p. 347.
^ Gass. i" sept. 1858, rapp. M. Jacquîncti Bul1« n. 4Â8; 7 janv. 1858,
rapp. M. Gau55in de Perceval, n, S.
580 DES COURS D* ASSISES.
cas où il y a lieu de l'appliquer '. Les accusés peuvent éga-
lement , s'ils sont indigents, demander au président qu'il or-
donne Tassignalion de ces témoins *.
La liste des témoins qui doivent être entendus dans chaque
aflaire est formée avânt l'audience de Faddition des témoins
cités par toutes les parties.
III. Les témoins néanmoins ne sont portés sur cette liste,
-qu'autant que la partie, à la requête de laquelle ils ont été
assignés, en a notifié à Tavance les noms à Tautre partie.
Celte noliOcation préalable est nécessaire, afin que chacune
des parties puisse prendre des renseignements sur les témoins
qui lui sont opposés et préparer ses reproches ou ses inter-
pellations.
L*art. 315 dispose que « elle ne pourra contenir que les
témoins dont les. noms, profession et résidence auront été
notifiés, vingt-quatre heures au moins avant l'examen de ces
témoins, à Taccusc par le procureur général ou la partie ci-
vile, et au procureur général par Taccusé. »>
La loi prescrit la notification de l'accusé au minislùre pu-
blic, et du ministère public et de la partie civile à l'accusé.
Elle ne prescrit pas la notification de l'accusé à la partie civile,
parce que celle-ci peut prendre connaissance de la liste au
parquet, ni celle de la partie civile au procureur général,
parce quMl n'est pas probable que la partie qui s'est jointe à
raccusalioii ait gardé des témoins utiles inconnus à celle-ci.
L'accusé n'est pas non plus oblige de notifier les témoins qu'il
fait citer à ses coaccusés ^.
Cette notification doit être faite avec les mômes formes que
les autres notifications d'actes^. Ainsi, il ne suffirait pas de
la remise faite à Taudience, au ministère, public par le défen-
seur de l'accusé de la liste des témoins de celui-ci ^ : il faut
une signification régulière faite par huissier' , que cette signi-
fication soit faite, soit à l'accusé en personne 7, soit au parquet
du procureur impérial ou du procureur général ; et qu'elle
contienne les noms, profession et résidence de tous les témoins
* Cass. 6 mai 1847, rapp. M. Mérilhou. Journ. crim., t. SO, p. 80i.
■ Voy. %uiprà^ p. 527.
* Cass. 22 avril iSAl, rapp. M. Gilbert de Voisios. Bull, n* i04.
* Voy. iMprà^ p. 347.
* Cass. 16 sept. 18S0, rapp. M. Ollivîer. Bnl'. n. 215.
* Ca-^s. 31 juillet 1847, rapp. M. IsambcrU Bull. n. 171.
^ Cass. 17 prairial an ix, rapp. M. Borcl. J. P,, t. H, 208.
D8 Li PftOCÉDDRS ANliftieUlE AUX DÉBATS. § 62^. 581
que la partie, à la requête de laquelle elle est faite, veut faire
entendre *.
On ne doit point s'arrêter aux simples irrégularités qui
peuvent Tentacher. Ainsi, l'incorrcclion granimaticale com-
mise dans la constatation de la remise de la copie *, cette
remise faite par un acte séparé, mais dont Tcxploit constate
Pexistcncc^, Pomission de Page ou des prénoms des témoins^,
les inexactitudes relatives à leur résidence ou à leur profes-
sion ^, la désignation d'un témoin sous un nom qui n*est pas
lésion, mais qu'il porte habituellement*, le défaut d'indica-
tion de la profession d*un autre témoin quand il est constaté
qu'il n'en avait aucune 7, toutes ces circonstances qui ne
peuvent égarer l'accusé sur l'identité des témoins, sont in-
différentes et ne peuvent fonder une réclamation sérieuse •.
Si les irrégularités sont plus graves et peuvent jeter des
doutes sur Tidentité des témoins signifiés, nous verrons tout
à rheure que l'accusé peut s'opposer à leur déposition et
qu'il appartient à la Cour d'assises de statuer à cet égard.
ly. L'une des formes les plus importantes de la notification
est le délai dans lequel elle doit être faite. L'art. 315 veut
que c les noms, profession et résidence des témoins aient été
notifiés vingt-quatre heures au moins avant l'examen de ces
témoins. » Le but de cette formalité est de mettre les parties à
même de connaître les témoins, de savoir quel degré de foi ils
méritent, et de prévoir les objections qui pourraient s'attacher
à leui s personnes.
Il suit de là que l'exploit doit contenir la date exacte de
sa remise, et si celte remise a eu lieu la veille du jour de
l'ouverture des débats, l'heure à laquelle elle a été ciïcctuée.
Cependant cette mention de Pheure n'a pas été jugée indis-
pensable^, et la jurisprudence a admis trop facilement peut-
être que, lorsqu'il est constaté que la remise a eu lieu la
* Gass. 12 avril 4827, rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXI, p. S47.
' Gass. ià juillet 1837, rapp. M. Mérilhou. J. P., à 59, Dali.
' Gass. 2 mars 1843, rapp. M. Mcyronnet-Sl-Marc. Bull. n. 50.
^ Gass. 36 avril 1838, rapp. M. Vincens-StLaurent. Bull. n. 111.
* Gass. 5 janv. 1x63, rapp. M. Jacquinot. Dali. 43» i» 133 ; 8 sept. 1858,
rapp. M. Jallon. Dali. 53, 5, 145.
*Gass. 25 août 1826, rapp. M. Brière. J. P., t. XX, 841 ; 15 ocL 18i7,
rapp. M. Barennes. Bull. n. 258.
' Gass. A sept. 1828, rapp. M. Ollivier. J. P., t. XXII, 269.
* Gass. 31 mars 1836, rapp. M. Isaïubsrt J. P. t. XXVII, 12Î2.
* Gass. 26 janvier 1837, rapp. M. VincensSl-Laurent. Dali. 37, 1, 504.
582 DBS COURS D* ASSISES.
veille, il y a présomption qu'elle a eu lieu vingt-quatre heures
au moins avant Tcxamen \
Mais si Toxploit a omis de constater la date % on ce qui est
la mémo chose, s*i! y a dans la date une surcharge non ap-
prouvée", ou enfin s'il rt^suUe des éuonciatîons de l'exploit que
moins de vingt-quatre heures se sont écoulées entre la remise
delà liste et Taudilion des témoins^, que fautai l décider?
Celte irrégularité , ainsi que cela va être indiqué tout à
l'heure, ne donne à Taccusé d'autre droit que celui de s'op-
poser devant la Cour d'assises à Taudition des témoins compris
dans celle liste.
Cependant une question doit être examinée ici. L'art. 315
veut que ia liste soit notifiée « vingt-quatre heures au moins
« avant l'examen des témoins. » De ces expressions faut-il
induire qu'il suffit que la notification précède de vingt-quatre
heures, non ruuveriurc des débats, mais l'audition des té-
moins, de sorte qne si l'affaire remplit plusieurs audiences,
des listes supplémentaires do témoins puissent être notifiées,
môme après l'affaire commencée, pourvu que vingt-quatre
heures séparent la notification et la déposition ? Cette questions
reçu diverses solutions. L'art. 346 duCode du 3 brumaire au IV
n'admettait qu'une seule liste des témoins qui était lue i
l'ouverture des débats. Mais Part. 2 de la loi du 5 pluviôse
an XIII reconnut « le droit de la Cour de justicecriminelle d'or-
donner, dans le cours des débats, lorsqu'elle le jugera utile,
que de nouveaux témoins seront entendus. » Et deux arrêts
éiablireni, d'après ce texte, qu'une nouvelle liste de témoins
prouvait être signifiée postérieurement à l'ouverture des dé-
bats^ : Tun de ces arrêts enseignait même, pour concilier
cette liste avec le délai de ia notification, « que la Cour aurait
dû suspendre les débats^ faire faire à l'accusé la notification
desnoms, âge, profession et domicile des témoins qu'il s'agissait
d'entendre, afin que Paccusé pût avoir le temps de préparer sa
* Gass, 26 jain 18S8, rapp. M. MangÎD. J. P. U XXI, 1597; 37 sept. i8U>
rapp. M. MeyroDDet-ShMarc, t. XXIV, p. 1687.
2 Cass. 2 juillet i86d, rapp. M. JacqainoU Bâti. n. i&8»; 7 oet I8S5,
lapp. M. Gaillard, J. P., l. XIX, 905; 2 jaili. 1847, rapp. M, Jac^ioot.
Bull, n^ i/ia.
* Gass. 13 mai 1852, rapp. M. Rocher. Boll. d. 154; 27 aai IStft à
B#tre rapport, n. 170.
* Gass. 13 avril 1837, rapp. M. Meyronnel-Sl-Marc* Dev. et Car., 87« li
1024.
' Cass» 23 frimaire an xiv, rapp« M. Minier. J. P., t. V, 87 ; 20 bmI 1S08»
rappw M, Lefessier-Grandpré. VI, 694.
DE LA PROCEDURE AïfrÉRICURE AUX DÉBATS. § 622, 583
défense et de proposer ses reproches. >» Lorsque la question se
présenta sous le Gode d'inslr.crim., M. Merlin combattit cette
solution : « A quelle époque, dit-il, la liste des témoins doit-elle
être présentée par le procureur général ? Immédiatement
après la lecture de l'acte d^accusation. Or, à cette époque, le
procureur'général peut-il savoir combien de temps il s^écou-
lera avant que chacun des témoins assignés soit appelé
pour déposer? Non, et personne ne peut le savoir plus que
lui. Cependant la liste qu'il présente ne peut contenir que les
témoins dont les noms lui ont été notifiés. Il faut donc né^
cessairement que la notification précède la lecture de la
liste. Mais s'il faut qu'elle la précède, il faut nécessairement
que co soit de vrngt-qiiatre heures, car les termes « vingt-
quatre heures au moins avant )> sont, dans Part 315, insé-
parables du terme « notifiés. » C'est donc de Touvertofe des
débats et non de Taudition des témoins que la loi entend
parler. Ce n'est pas sans do graves raisons que le législateur
l'a ainsi réglé : une fois les débats commencés , tous les
soins, toute l'attention du procureur général et de Taccusé
se concentrent sur ce qui- se |wssc. Ni l'un ni l'autre n'a ïé
temps de faire des recherches au dehors pour comiattre les té*
moins qu'on pourrait lui opposer par la suite. Enfin, il peut
arriver que les débats soient sur le point cPètre terminés, et
que vingt-quatre heures ne soient pas encore écoulées depuis
la notification d'une nouvelle liste : faudrait-il que le présî^
dent continue les débats au lendemain ' ? » La Cour de cassa*
tion confirma d'abord cette doctrine en déclarant « qu^d'aprèt
l'esprit et l'ensembledcs disposilioris de l'art, 315, Icdélaidè
vingt-qualre heures qui y est fixé pour radmmislration des
témoins doit être pris dans l'intervalle de la notificatron de la
liste à l'ouverturo de la séance pour les débats * ; qu'aucune
liste subsidiaire, ou supplétive de témoins, rre peut être rrof-^
tifiée après l'ouverture des débats et quo les personnes dont
les déclarations peuvent être ultérieurement jugées utiles M
doivent être entendues qu'en vertu du pouvoir discrétionnaire
du président^. » Mais cette interprétartron, longtcwips cow*
tînuée, n'a point élé maintenue. Un arrêt, rendu sur le rap-
port de M. Vincens-Saint-Laurent, déclare d'abord « qufl
' Rép, v« Témoin judiciaire, 5, 3, art. 6, n. 7.
^ Gass. 5nof?. 181 2^ rapp. M. Basschdp. J. P., t. X, "77^.
* Cass. iJ ayriï 1827, ^app. M, Gayiard, h P., t. XXI, 34e»8Oarrni8l0.
rapp. M. Giraud. XV, 24A.
584 DES COURS d'assises.
suffit, pour que le témoin cité par Tune des parties soit reça à
déposer en cette qualité» que sou nom ait été notifié à Tautre
avant son audition ; qu'il n*en résulte nullement que cette
notification doive avoir lieu vingt-quatre heures avant lou-
verture des débats '. » Un autre arrêt décide enfin a qa'au-
cune disposition do la loi n^nterdit au ministèrtî public de
faire assigner au cours des débats de nouveaux témoins dont
les dépositions lui paraissent nécessaires à la manifestation de
la vérité, pourvu que les noms de ces témoins aient été ré-
gulièrement notifiés; que le mémo droit appartient sous les
mêmes conditions aux accusés dans Tintérèt de leur défense;
que les témoins ainsi assignés appartiennent aux débats et
doivent être entendus sous la foi du serment^. » Cette nou-
velle jurisprudence, qui renverse celle que M. Merlin avait
fait prévaloir, est-elle plus conforme à l'esprit ffénéral de
notre procédure? L'art. 315 ne s*appliquc qu'à la liste qui
a été préparée avant l'ouverture des débats; mais n'interdit-il
pas par-là même et virtuellement qu'il en soit rédigé posté-
rieurement une autre? On objecte qu'il peut surgir des dé-
bats la nécessité d'entendre des témoins dont l'audition avait
été jugée d'abord inutile ; et que c'est le droit de la juridictioo,
le droit des parties de les appeler pour éclairer la cause; eofio
que tous les efforts de la procédure doivent tendre à la
manifestation de la vérité. Oui, mais à la condition que le dé-
bat n'emploiera pas d'autres éléments que ceux que 1^
parties ont pu examiner. L'arrêt du 12 avril 1827 voulait que,
tes débats une fois ouverts, il ne pût être appelé de témoins
nouveaux que par le président armé de son pouvoir discré-
tionnaire], parce que le président ne peut fournir que des dé-
clarations non assermentées et des renseignements. C'est là
que réside l'esprit de la loi. Sans doute il est préférable d'en-
tendre des témoins produits par une citation régulière et prê-
tant serment; sans doute encore le pouvoir discrétionnaire
n'appartient qu'au président, les parties n'en disposent points
tandis que le droit de citation est leur propriété et leur per*
met d'appeler les témoins qu'elles jugent utiles, sans de-
mander aucune autorisation. Mais celte considération per^
met-elle de s'écarter des termes de la loi? Ne faut-il pas
craindre de surprendre les parties par une production inatteo**
* Cass. 16 iio¥. 1844t rapp. M. Vincens-St-Laurent. BuU. n. 376.
* Cass. 27 janvier 1850, rapp. AI. Aug. Moreau* Buil. d. 30 ; 9 déc, iSit,
rapp. M. IsamberL Bull. d. 897.
DE LA PROCéDURB AMÉRIEURE AUX DÉDATS. § 62^. 585
due, et qui, une Toisle débat entamé, ne peut être Tobjet d'au-
cun examen antérieur î N'y a-t-il pas quelque péril soit pour
Taccusation, soit pour la défense, dans cet emploi instantané
d*drmes, ignorées jusque-là de Tune ou de Tautre dos par-
ties, et qui ont pu être mises en réserve pour en faire usage,
lorsqu'elles ne peuvent plus être éprouvées?
Il est certain, au reste, que ce droit, qui ne peut être exercé
que dans les affaires de longuedurée, ne doit apporter aucune
interruption dans les débats: si, au moment de leur clôture,
les témoins appelés ne sont pas encore aptes à déposer, la
Cour doit passer outre. « Les listes supplétives, lorsqu'il en
est formé, dit M. Legraverend, doivent être présentées uu
commencement de chaque audience qui suit l'expiration des
vingi-quatre heures depuis la notification, et il doit être statué
sur les oppositions et sur les reproches dirigés contre les
témoins inscrits sur ces listes, de la même manière qu'il est
statué sur les témoins portés sur la liste principale \ a
V. Recherchons maintenant quel est Teflet dB toutes les
irrégularités qui peuvent être relevées, soit dans la rédaction
de l'exploit de notification, soit dans la computation du délai
de vingt-quatre heures.
Le dernier g de l'art. 315 porte : « L'accusé et le procu-
reur général pourront s'opposer à l'audition d'un témoin qui
n'aurait pas été indiqué ou qui n'aurait pas été clairement
désigné dans l'acte de notification. La Cour statuera de suite
sur cette opposition. »
Ce droit d'opposition est la seule sanction prescrite par
l'art. 315^ qui ne porte point de peine de nullité, à la régula-
rité de la notification. Cette régularité est un point de (ait qui
peut être apprécié par la Cour d'assises el c'est à cette Cour
que la loi Ta expressément déféré. Il importe peu que les noms
des témoins aient été inexactement notifiés, ou qu'ils ne l'aient
pas été dans le délai prescrit, ou même qu'aucune notification
n'ait été faite : le droit du ministère public et de l'accusé est
dans tous ces cas le même ; ils ne peuvent que s'opposer à
l'audition de ces témoins : s'ils ne Tout aucune opposition, les
témoins régulièrement cités, mais inexactement ou même non
notifiés, sont entendus avec serment, et les parties ne peuvent
uliérieurement se faire un grief de ces irrégularités devant
la Cour de cassation. De nombreux arrêts ont posé et
* Législ. crim., t. S, p. 194.
586 DES C0CR3 P' ASSISES.
incessamment maintenu cette règle importante '. Nous y
reviendrons dans le chapitre de VÀudiîion des témoin».
S^il y a opposition, la Goar d^assises doit, aux termes de
l'art. 408, nécessairemen'l statuer : elle peut renvoyer l'affaire
à la prochaine session» , elle peut, en appréciant les inégu-
larités, décider qu'elles n'ont apporté aucune entrave dans le
droit dVxammer et de reprocher les témoins, et prononcer
le rejet*; elle peut enfin, si la déposition des témoins ne
parait pas indispensable» déclarer qu'ils ne seront pas enten-
dus et passer outre.
Cette décision de la Cour d'assises peut-elle être atiaquée
devant la Cour de cassation? Non, si elle n'a fait qu'appré-
cier des irrégularités de fait*; car l'appréciation de ces vices
de forme lui a été déférée ; il suffit qu'elle ait statué, quelle
que soit sa décision. Mais si cette décision, tout en statuant
sur les irrégularités de la notification, consacrait la violatimi
d'un droit, si elle enfreignait une règle légale, il nVst pas
> douteux qu'elle pût encourir la censure de la Cour de cassa-
tion, car l'art. 408 qui garantit aux accusés et au ministère
public que leurs demandes ou leurs réquisitions ne seront pas
passées sous silence, ne déclare point irréfragables les décisions
rendues sur ces demandes ou réquisitions \
* Cass. 20 aTTÎI 18i9, rapp. M. Ollhîer. J. P., t. XV. p. 2hi ; n jota
1820. rapp. M Busschop, t. XV, p. 1065; 13 jnitJel 1820, raff.
M. Aumonl. t. XVI, p. 32 ; 22 mars 1821, rapp. M. Ollivier. U XVI, p. hlU
29 juillet 1825, rapp. M. Ollivier. U XIX, p. 749; V* avril 1837, rapp.
M. Mcyronnel-St-Marc. J. P., à sa date; 17 oct. 1837, rapp. Bff, Rocher.
Bail. 1). 315; 11 avril 1840, rapp. M. de Crouseilhes, n. lil; iJ^aTril ISSSi
rapp. M. de Glos, n. 125 ; 22 juîll. 1852, rapp» M. Mater, n. 243; 22 .dée.
1852, rapp. M. Nouguier, n, 417» etc.
' Cass. 80 sept, 1 841 f rapp. M. Meyronoet-St-Marc Bull, m 2$&
* Cass. 14 juin 1838, rapp. M. Dehaussy. Bull. d. 168.
* Cass. 11 fév. 1813, rap. M. VanlouloD. J. P., t. XI, p, 118; 3 nor.lSil,
rapp. M. Busschop, t. XII, p. 441- Et Merlin, Rép., v«, Témoin judiciaire,
S it art. 6.
' Cass. l'2 avril 1827, rapp. M. Gaillard. J. P., U XXI, p. 347.
FORMES GÉNiRALES DE LA PROCÉDCRB DES ASSISES. § 6S3. SR7
CHAPITRE VUI.
FORMES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE DES ASSISES.
$ 623. Objet de ce chapitre : formes générales de la proeédare orale.
$ Gi4. I. Publicité de Taudience. — II. Définition de cette publicité.
— m. Mode de sa constatation.
S 6^. 1. Restriction du principe de la publicité : le huis clos. —
IV Formes de cette mesure. — III. A quel moment elle peut com-
mencer. — IV. Quels actes elle doit comprendre. — V. A quel
moment elle doit cesser. — VI. Son exécution.
$626. I. L'instruction doit être orale. — II. Application de ce prin-
cipe dans le cours des débats. III. Son application à Taudition des
témoins.
S 627. 1. Continuité de l'instruction sans interruption. — 11. Com-
oieDt cette règle doit être appliquée.
S 628. I. Interdiction de toute communication au dehors. — II. Mani-
festation des opiniops->lII. Caractère delà communication prohibée.
— IV. Communication à l'audience. — V. Communication en de-
hors de Taudiçnce.
S 629. I. Nomination d'interprètes dans le cours des débats. —
11. Cas où il y a lieu à cette nomination. — 111. Quelles perBoanea
peuvent être interprètes. -— IV. Récusation des interprètes. —
V. Leur serment. — VI. Leurs fonctions.
S 623.
Formes générales de la procédure des assises.
Lorsque toutes les formalîtés qoi précèdent l'audience sont
accomplies, que les communications de pièces ont eu lieu,
que les notifications ont étô'faites, qu'il acte pourvu auxré-
clamalioi>s d'une tardive défense, l'audience s'ouvre enfin, et
l'instruction, jusque-là confinée dans la procédure écrite et
secrète, vase développer oralemnet et publiquement.
Celle instruction a des formes générales qui la suivent pon-
dant toute sa durée et s'appliquent à toutes ses phases et à
tous ses incidenls.
Elle a ensuite des formes particulières qui s'appliqtietit
588 DES COURS D ASSISES.
successivement à chacun de ses actes et qui ont pour objet
d^en régler le mode et d'en assurer Taccomplissement.
II convient d'établir en premier lieu les règles générales
qui constituent le système même de la procédure orale, qoi
en sont les ressorts principaux, en forment en quelque sorte
les grandes artères, puisque c'est sous leur protection conti-
nue et en s^appuyant à chaque pas sur elles, que la procédure
déroule tous ses replis, vide tous ses incidents et procède à
toutes ses solennités. Poser ces premières règles et les déve-
lopper, c'est donc définir le caractère de cette procédure,
c'est indiquer et aplanir le terrain sur lequel elle va mar-
cher, c'est en préparer et en éclairer les actes.
Ces règles sont les suivantes:
La publicité de l'audience;
La faculté du huis clos dans les cas prévus par la loi;
Llnstruction orale ;
La continuité de l'instruction jusqu^au jugement;
La prohibition de toute communication extérieure;
Enfin l'intervention des interprètes toutes les fois que leur
ministère est nécesssrtre.
Telle est la matière de ce chapitre.
$62k.
I. Publicité de raudience.—U. {Application à la procédare des assises.
111. Mode de sa constatation.
L La publicité de l'audience en matièrecriminellea été l'ane
des premières règles posées par l'Assemblée constituante. La
loi du 8-9 octobre 1789 s'était hâtée de l'introduire parmi
les formes provisoires qu'elle avait établies. L'art. d4, tit.2,
de la loi du 16-24 août 1790 déclare que: c En toute
matière civile ou criminelle, les plaidoyers^ rapports ou juge-
ments seront publics. » L^art. 15 ajoute: « La procédure {)ar
jurés aura lieu en matière criminelle: rinstruction sera faite
publiquement H aura la publicité qui sera déterminée.'
La Constitution du 5 fructidor an m, art. 208, l'art. 64 de la
Charte de 1814, l'art. 55 de la Charte de 1830 et Tart-Sl
de la Constitution de 1848 ont tour à tour répété ce principe
qui est devenu une maxime constitutionnelle. Les art. 153»
490 et 309 de notre Code en ont fait l'application en matière
FORMES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE DES ASSISES. $ 624. 589
de police correctionnelle el de grand criminel. Enfin Tari. 7
de la loi du 10 avril 1810 dispose que les arrêts qui n'ont pas
élé rendus publiquement seront déclarés nuls.
La publicité de Taudience est donc une Torme essentielle
de la procédure, la plus essentielle peut-être, car elle éclaire
tous les actes du juge, elle les défère, à mesure qu'ils s'ac-
complissent, à Texamen et au contrôle du public, elle con-
tient tous les excès en permettant déjuger tous les jugements,
elle rassure les justiciables, elle rehausse enfinlesTonctionsdc
la justice en y attachant plus de considération et d*éclat. C'est
pour Tavoii effacée peut-être que les législations de 1539 et
i670 se sont si subitement écroulées. Elle ne peut assurément
suppléer seule aux autres formes de Tinstruction, mais telle
est sa force réelle que, lorsqu'elle est largement appliquée,
toutes ces formes, quelles qu'elles soient, ne semblent plus
en quelque sorte que secondaires.
II. Que faut-il entendre par cette publicité? Il faut enten-
dre l'accès de Tauditoire librement assuré au public. Une au-
dience est publique quand les portes de l'auditoire sont ou-
vertes et que toute personne indistinctement peut y entrer. Il
importe peu que la portion de la salle réservée au public soit
remplie ; il faut qu'ello soit accessible à tous.
Il est arrivé quelquefois que le président, par des mesures
prises dans l'exercice de son droit de police, a restreint à cer-
tains égards la publicité do l'audience, soit en distribuant à
Tavance des billets, soit en réservant certaines places à des
p rsonncs désignées , soit en ordonnant des dispositions qui
pouvaient lui paraître nécessaires pour maintenir Tordre.
Nous avons apprécié ces mesures ' ; mais, si elles ont apporté
dans quelques circonstances quelque entrave à Tapplication
du principe, elles n'ont jamais attaque le principe lui-même.
Ce principe, formulé par tant de lois, n'a jamais cessé de rayon •
ner sur la jurisprudence qui l'a rigoureusement proclamé et
maintenu dans toutes ses décisions.
La publicité doit éclairer, non-seulement les débats, mais
toute Taudience. Il y a nullité par conséquent, — lorsqu'une
partie quelconque de Tinstruction a été faite les portes fer-
mées * , lorsqu'il n'est point établi que la lecture de la
* Vny. suprà^ p. ^36 et suiv.
■ CaU. 17 mai 1810, rapp. M. OadoU J. P., U VIII, p. 812.
590 DES GOOftS D*A«SISES.
décU ration du jury, les réquisitions du ministère public et les
réponses de l'accusé aient eu lieu publiquement ^ , —lors-
que la publicité d'une partie de l'audience, depuis la plai-
doirie du ministère public jusqu'à la lecture de ia déclaratioQ
du jury, n'est pas établie'; — lorsque le président s*est
introduit, sans y être provoqué, dans la chambre des délibé-
rations du jury, pour y donner des éclaircissements qui! oe
devait donner qu'à l'audience^.
III. Il ne suffit pas, au reste, que la publicité ait existé ea
fait, il faut qu'elle soit régulièrement constatée. Il est oéces-
gaire, en effet, que la procédure justifie de Tapplicationdes
formes légales, et l'art. 372 veut qu'un procès-verbal cons-
tate, que les formalités prescrites ont été observées. Il a été
établi en conséquence par la jurisprudence « que lorsqu'il
n'est pas fait mention expresse des formalités substantielles
ordonnées par la loi, elles sont présumées de droit avoir éè
omises ; que la publicité est une forme substantielle ; quedè>
qu'elle n'est point constatée dans le procès-verbal des dé-
bats , la loi est présumée avoir été violée * . »
Il ne suffit pas qu'il soit énoncé dans le procès-verbal que
<t l'arrêt a été prononcé publiquement, » car il ne résulte pas
de celte constatation, qui ne peut èlre étendue au delà de ses
termes, que la publicité ait été observée dans Texamen, le
débat, la discussion qui l'a suivie et la déclaration du jury qui
a servi de base à Tarrét^ »
Il ne suffit pas, si l'affaire a duré plusieurs séances, queU
publicité soit constatée pour une ou quelques-unes seule-
ment de ces séances; elle doit Pètre pour chacune s^paré-
iTunt. Ainsi, il y a nullité lorsque l'examen du procès apot
occu|HUrois séances, la publicité de 1 a première a seule été
conslatôc 6, la publicité n'est déclarée d'une manière expresse
et formelle que pour les deux dernières 7.
La loi cependant n'a point prescrit de formule particulière
* Cass. 25 juin. i833. rapp. M. OUivier. J. P., t XXV, p» 731.
2 Cass. SS jaind827, nipp. M. Ollivier. J. P., UXXI, p. 544.
' Cass. 8 mara â826, rapp. M. Gaillard* J. P., U XX, p, 296.
A Cass. 28 jany. 1825, rapp. M« Brière. J. P., t XIX, p. 11%19^>
1825, rapp. M. Aumont, t. XIX, p. 197; 13 sepL 1834, rapp. M. deRkari
t. XXVII, p. 989; 2 juiU. 1846, rapp. M. JacquinoU Bail. n. 170.
" Cass. 2 juin. 18AC, cilé si/prô.
* Cass. no¥. 1830, rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXIII, p. 847.
^ Cass. a^ jiiio 4831, rapp. M. Dupaty. J. P., t. XXIII, p. 1333«
FORMES G^NÉBALES DE LA PBOC]tOOBE DES ASSISES. § 624. 59i
pour coDsUter la publicité. Il s'ensuit que toutes les formu-
les peuvent être adoptées pourvu qu'il ne puisse en résulter
aucun doute sur le fait lui-même. Ainsi la Cour de cassation a
jugé que la publicité était suHisamment établie: V Lorsque
le procès-verbal des débats porte ces oiots, <r Taudi^'nce étant
publique ^ ; » 2^ lorsqu'il énonce que < le président a fait ou-
vrir raudîence et que les téinoins et le public ont été intro-
duits*; » 3"* que la Cour d'as<;iscs s'est assemblée « en au-
dience publique » pour procéder audébat de telle procédure' ;
4^ que la Cour d'assises ayant ordonné le buis clos, « la salle
a été évacuée et les portes fermées, » d'où suit la publicité du
commencement de l'aridience^; 5° lorsqu'il constate « qu&la
séance ayant été suspendue pendant un quart d'heure, l'au-
dience a été reprise : » la reprise d'une audience, dont la pu-
blicité est établie, prouve suffisamment que cette reprise a été
publique comme l'audience dont elle n'était que la continua-
tion ^ ; G"" lorsqu'il établit que la séance publique n'a point
été levée pendant la suspension : eu ce cas, la mention que
Taudience a été reprise est m^me inutile, puisque la publicité
n'a pas été luterrompue^ ; 7° lorsqu'il constate qu'à l'ouver-
ture de la séance, le public a été introduit dans la salle d'au-
diciice; que toutes les opérations ont eu lieu de suite et sans
ioterruption, et qu'ainsi il y a lieu de présumer que la publi-
cité déclarée au commencement de la séance a continuée jus-
qu'à sa clôture ? ; S"" lorsqu'il est constaté a que la place des-
tinée au public est restée entièrement remplie, »> bien que,
pour maintenir l'ordre, les portes aient été niomentanément
» fermées^o.
Si Taffaii^ s'est prolongée pendant plusieurs audiences, il
à été également reconnu que la publicité de chacune des
audiences était suflBsamment constatée, 1* lorsque le procès-
verbal énonce que la première séance a été publique et qu'elle
a été continuée au lendemain où elle a été reprise»; 2* lors-,
• Cass, 27 aTiil 1838, rapp. M. Meyronnel-Sl-Marc. BuU. n. 115.
" Casf. 5 janvier 183S, rapp. M. de Cronseilbe?. J. P., t. XXIX, p. 6ii.
» Cass. 5 rérrier 1885, rapp. M. Dehaussy. J. P., t. XXVI, p. 1859.
• Cass. 16 sept 1853, rapp. M. Jacqainot. BuU. d. 316.
■ Cajs. 2 avrU 1810, rapp. M. Dehaussy. BuU. n. 101 ; 14 sept. 1843,
rapf. M. Meyronnel-Sl-Marc, n. 246.
• Cass. 23 juin 1831, rapp. M. OUÎYÎer. J, P., t. XXHI, p. 1732.
' Cass. 18 sept. 184«, rapp. H. Bareanes. BuU. n. 293.
• Ca^s. 10 janvier 1851, rapp. M. dcGlos. Bail. n. 17.
• Cass. 22 mars 1832, rapp. M. Chantereyne. J. P., t. XXIV, p. 884 , 12
ocU 1837. DuU, 37,1, 102i. •
59S VES cotins d'assises.
que le procùs-vcrbal énonce la publicité de la première et de
la dernière audience et mentionne, en ce qui concerne cha-
cune des audiences inlermédiaires, qu'elle a élé la reprise de
celle qui Ta précédée*. Il a é!é d'ailleurs établi déjà que, lors-
que la durée d'une aiïaire s^étend à plusieurs audiences,
la mention de la publicité, placée au terme de la dernière,
enveloppe tous les actes de l'instruction qui la précède et s*y
réfère».
S 625.
1. Restricûon des principes de la publicité : le huis clos.— 11. Forme»
de cette mesure. — lii. A quel moment elle doit commeocer. —
)Y. Quels actes elle doit comprendre. — V. A quel moment elle
doit s^arréter. — Vi. Sun exécution.
L Le principe de la publicité des audiences, quelque for-
mel etabsolu qu'il soit, admet une exception. Notre ancienne
jurisprudence avait introduit, dans les matières qui se discu-
taient publiquement, les audiences à huis clos, c'est-à-dire,
à portes fermées, a II arrive quelquefois, dit Denisart, que,
pour éviter le scandale que pourrait occasionner la plaidoirie
publique de certaines causes, on ne laisse entrer à raudieiice
que les avocats, les procureurs et les parties de la cause, et
cela s'appelle plaider à huis clos, parce que pendant ces plai-
doiries, les portes de Taudience restent fermées 3. »
La législation de 1791 n'admit point cette exception et
lorsque quelques tribunaux, entraînés par leurs souTenirs,
voulurent la reprendre, la Cour de cassation prononça Vi\\\'
nulation des procédures, « attendu que la publicité est une
garantie accordée par la loi aux accusés et dont on ne peut
les priver sous aucune espèce de prétexte*. »
Elle a été rétablie en matière civile par fart. 87 du C. |>r.
<iv. qui porte « pourra cependant le tribunal ordonner
qu'elles (les plaidoiries) se feront à huis clos, si la discu.^^sion
publique devait entraîner du scandale ou des inconvénients
graves, » et en matière criminelle par Tart. 6!^ de la chai te
* Cass. h janvier 1851, rapp. M. Rocher. Bull. n. 9.
^ Voy. U V, p. 782, et cass. à avril 1856; rapp. M. Gallon. Bull. n. UO;
cl 2 1 août 185G, à notre rapport, n. 293.
* Cas?. Y. huis clos,
* Cass. 17 mai 1810, rapp. M. Oudot. J. P., U VllI, p. 312.
FOBMES GénÉlÂLES DE LA PROCÉDURE DES ASSISES. § G25. b93
de 1814, dont la disposition a été répétée et maintenue par
l'art. '55 de la charte de 1830, et par Tart. 81 de la const.
du 4 nov. 1848. Ce dernier article est ainsi conçu : « Les
débats seront publics, à moins que la publicité ne soit dan-
gereuse pour Tordre et les mœurs, et dans ce cas le tribunal
le déclare par un jugement. »
La Cour de cassation a déclaré : « Que les dispositions de
Tart. 87, C. pr, civ. et des const. de 1830 et 1848, qui ont
autorisé les tribunaux à ordonner que les débats auront lieu
à huis clos, lorsque la publicité peut devenir dangereuse
pour l'ordre et les mœurs, constituent une exception main-
tenue par Part. 56 de la const. du 14 janv. 1852^ » Cet ar-
ticle porte < que les dispositions des codes, lois et règlements
existants, qui ne sont pas contraires à la présente constitution,
restent en vigueur jusqu'à ce qu'il y soit légalement dérogé.»
IL La mesure du huis clos ne peut être ordonnée que par
la Cour d'assises : c^est ce qui' résulte du texte même de la
loi. Le législateur a pensé que, lorsqu'il s'agit d'enlever à la
justice l'immense garantie de la publicité de l'audience, la
juridiction toute entière doit en prendre la responsabilité.
Plusieurs procédures dans lesquelles le huis clos avait été
prescrit par une ordonnance du président ont été en consé-
quence annulées*.
Il ne peut être ordonné que par un arrêt. Une procédure a
été cassée, « attendu que le ministère public ayant requis que
les débats eussent lieu à huis clos» le procis--yerbaI des débats
s*est borné à énoncer que la Cour a rendu un arrêt conforme
à ces conclusions; que des pièces produites, en exécution de
i'arrèt interlocutoire, il résulte quMI n'existe point de minute
de cet arrêt ; qu'ainsi, on ne peut s'assurer s'il a été rendu
dans les formes prescrites par la loi et que renonciation por-
tée au procès- verbal ne peut suppléer au défaut de minute*.»
Mais cet arrêt n'étant qu'une décision incidente au débat, il
sufGt qu'il soit signé du président et du greffier, et lorsqu'il
est relaté dans le procès-verbal des débats, il se trouve suffi-
saïQment revêtu d'un caractère authentique par la signature
* Cass. 32 janvier 1852, rapp. M. de Glos. Balh n, SA.
* Cass. 12 juin 1828, rapp. M. Choppin. J. P., t XXJ, p. 1545 ; 12 jhUK
18{(3, rapp. M. Meyronnet-Sl-Martj t. XXV, p. 078.
' Cass. 9 noT. 1838, rapp. M. Gboppin. J» P., t. XXV, p. 916.
viu. • 38
i(94 DES COVRS D*A8SIM8.
du président et du greffier apposée au bas du procèsHreifaal'.
L'arrêt qui ordonne le huis clos doit être rendu publique-
ment à peine de nullité*. En effet» tous lesairéts doivent,
aux termes de la loi, être readus publiquement, et rexeeptioo
du huis clos, restreinte aux débats, doit être renfermée dans
ses limites; or, Tarrét qui déclare la nécessité de cette me-
sure est extrinsèque aux débats. Il est nécessaire d'ailleurs que
le public soit averti de rapplication de cette exception.
Cet arrêt doit être motivé : la Cour d'assises doit constater
que la publicité serait dangereuse pour Tordre ou les mœurs;
c'est-là la condition du pouvoir qu'elle exerce ; l'énoncer, c'est
donc donner le motif nécessaire de sa décision V Les termes des
constitutions ne sont pas d'ailleurs sacramentels, mais il faut
qjie la déclaration soit faite dans des termes équivalents : il ne
suffirait pasque l'arrêt eût simplement énoncé le titre de la pré-
vention 4, où la citation de l'article du Code pénal qui qualifie
le fait incriminé^. Ce n'est pas là déclarer la nécessité delà
mesure; car les faits n'emportent pas par leur seule nature
cette nécessité. Mais il a été admis que si l'arrêt, rendu à la
suite d'un réquisitoire qui déclare le danger de la publicité,
ajoute ces seuls mots, « faisant droit au réquisitoire, » il y a
là une déclaration suffisante, parce qu'il s'approprie celle qui
le précède 6.
Enfin, cette mesure peut être ordonnée d'office ?; elle peut
l'être aussi sur le réquisitoire du ministère ou les conclusioDS
de l'accusé. La Cour n'est point tenue d'interpeller les par-
ties, avant ^e l'ordonner, pour les mettre à même de préseo-
ter leurs observations ; car « le droit donné aux tribunaux de
suspendre en matière criminelle la publicité des débats, quauJ
cette publicité serait dangereuse pour l'ordre et les mœurs,
est l'application d'un principe d'ordre public et^ n*e&t subor-
« Cass. 19 janv. 18S7, rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXI, p. 61; ftSafril
1830, rapp. M. Mcyroonet-St-Marc, t. XXIII, p. S80 ; 13 dot. 1856, npp.
M. V. Fouchcr. BuU. n. 347 ; 1" oct. 1857, rapp. M. Caussin de|;;Pereeva),
s. 855.
* Casa. 12 déc 1823, rapp. M. Chasle. J. P.^ U XVIII, p. 262; 29 aTril
1826, i^app. M. OlliTÎer, t. XX, p. 485.
> Casa. 18 janTier 1827, rapp. M. Mangin, J. P.* t. XXI, p. 56 ; iTintir)
1827« rapp. M. Mangin, U XXI, p. 263.
* Cass. 28 avril 1837, rapp. M. Vincens-St-Laurent. BolL n. 136»
• Cass. 6 sept 1830» rapp. M. Gaillard. X. P., u XXIV, p. IH.
• Gais. 23 juin 1821, rapp. M. Aumont. J. P., U XVI, p. 89f s 26 joiHct
1828, rapp. M. Brière, t. XXII, p. 131,
^ Cass. U jaavier iHh mm ïmfnmé$
FOBMES GÉNÉRALIS DE LA PROCtDVEK DES ASSISES. § 625. tNH^
donné à aucun autre intérêt; dés lors Texercice de ce droit
est entièrement abandonné à la conscience des magistrats qui
ne sont nullemeni tenus de consulter l'accusé à ce sujet '• »
Cependant^ si cette interpellation n*est pas une obligation
stricte, il est convenable de la faire, car la mesure importe
assez aux intérêts des parties pour qu'elles soient appelées à
la discuter. Un arrêt reconnaît d^ailleurs « que les accusés
peuvent être entendus sur les réquisitions tendantes à l'appli-
cation de cette mesure*; » mais il sufBt qu^aucun empêche-
ment ne soit apporté à ce qu'ils contredisent ces réquisitions
pour que la loi soit réputée exécutée K
III. Si Tappréciation des cas dans lesquels il y a lieu de
procéder à huiscJos est abandonnée à la prudence de la Cour
d'assises, il n'en est pas ainsi des limites dans lesquelles ce droit
pent être exercé. Ce n'est que lorsque la publicité pourrait
être dangereuse pour Tordre et pour les moBurs qull y a lieu
de la suspendre ; donc l'exception ne doit eompreÎMlre que les
actes dont la publicité présente ce danger.
De là trois questions : A quel moment le buis clos doit*il
commencer? Doit-il se restreindre a«x débats proprement
dits? A quel moment doit-il finir?
Le huis clos ne peut commencer qu'au moment où
commencent les débats; car ce n'est que la partie de la
procédure constitutive des débats que la loi a permis de
soustraire à la publicité; mais à quel moment commencent
les débats? L'art. 354- déclare que, au cas d'absence d'un
témoin, la C!our pourra renvoyer l'affaire à la prochaine ses-
sion, « ayant que les débats soient ouverts par la déposition
du premier témoin inscrit sur la liste. » Hais cette règle, qui
n'a été posée qu'en vue du renvoi, ne doit point être étendue
en dehors de ce cas, car, il faudrait admettre que la lecture
de l'acte d'accusation , Texposé du ministère public etTinter-
rogatoire de l'accusé ne font point partie des débats ^. La ju-
risprudence a établi « que les débats commencent au moment
* Cass. eaTrii i85A, rapp. M. Séoéca. Bnli. n. 95, et casa, ii sept. i817«
rapp. M. MaDgiu. J. P.» L XXI» p. 800$ 16 juin 1865, à notre rapport BuU.
11.214.
' Caïa. 8 janvier iS4B, rapp. M. iBamberU Bull. n. 6.
* Gaae. « octobre iS&li, rapp. M. DdMnuj. Dali. &i, U iS'-
« Cass. 17 avril 183&, rapp. M. Ileyroottet-Sc-Marc. J. P., t. XXVI, p.
899; 4 sept. 1840, infime rapp. Bull. n. S50; tS déc. 18&S, npp. M. Roni-
goières, n. 835 s 28 janvier ia&8, rapp. M. Brière-Valigoy. n. 36.
596 DIS C00R8 DASS11E8.
OÙ le serment des jurés est prêté S » ou en d^autres termes,
c au me nent où il est procédé à la lecture de Tarrêt de ren-
voi et de Pacte d'accusation *, » et par conséquent elle a au-
torisé à enfermer dans le buis clos la lecture de ces deui
actes^
Peut-être eù(-il été plus régulier de les séparer ici en leur
reconnaissant à l'un el à l'autre un caractère distinct. L'arrêt
de renvoi, qui saisit la Cour d'assises et qui se borne à énoa-
cer les faits pour les qualifier, devrait être lu publiquement
dans tous les cas ; Tacte d^accusation, au contraire, qui déve-
loppe les moyens de Taccusation, se rattache nécessairement
aux débats et les commence en en exposant les éléments. Il
semble donc que c'est seulement à la lecture de l'acte d'accu-
sation que le huis clos devrait commencer^. Quelques arrêts
ont admis cette distinction ^. En tous cas, toutes les formalités
qui précèdent cette lecture doivent, à peine de nullité, avoir
lieu publiquement, car il est clair que ni la demande qui est
faite à l'accusé de ses noms, ni l'avertissement donné en
vertu de Tart. 311» ni la prestation de serment des jurés ne
sont des actes du débat ^.
A plus forte raison, il faut décider qu'en deçà de cette li-
mite, la Cour d'assises est libre de fixer le moment du huis
clos 7 ; ^lle peut déclarer (|u'il no commencera qu'après la
lecture Je Tarrèt de renvoi et de l'acte d'accusation^; elle
peut décider qu^il ne s'appliquera qu'à quelques actes du
débats si la publicité de ces actes présente seule des dangers,
par exemple, qu'il ne s'étendra qu'à la lecture de Tacte d'ac-
cusation et du rapport d*un médecin*, qu'à l'audition d^un
seul témoin' ""yquiau débat relatif à unseul chef d'accusation^ ^
Il importe seulement de remarquer que, dans tous les cas où
le huis clos n'est prononcé que pour une partie du débat, cette
* Gass. a janvier 1816, rapp. M. Robert-Saint-VinocQt, X P.,t.Xin,
p. 2t&.
s Gass. S7 juin 1828, rapporteur M. MerTille. h P., t XXI, p. 1603.
* Même arrêt.
* Gonr. M. CubaiD, n. fi«9.
* Gass. 5 août 1880, rapp* M. Gliauvean-Lagarde. J. P., t. XXIII, p.741;
1 «et. 4857, rapp. M. Gaussin dePerceval. Bull. d. 855*
* Gass, à sept. 18A0, rapp. M. Meyroonei-St-Marc. Bull.n. S50.
' Gass. 10 mars 4827. rapp. M. Mangin. J. P„ t. XXI, p. 240,
* Gass. i féT. 1830, rapp. M. Vjoceii»-8t-LaarenU J. P.t à sa dale.
* Gass. 7 janv. 18AI| non iœp.imé.
«• Gass. 19 ré¥. 1841, rapp. M. Meyronnet-Sl-Mare. BulU n. AS.
<< Gass. 28 août 1853, rapp. M. Legagiieur, Buli. n. 428.
FOIIHES CAnÉBALES DE LA PROCtDVRE DES ASSISES. 625. 697
mesure exceptionnelle doit être rigoureusement renfermiie
dans les termes de^l'arrèt qui Ta prononcée. Ainsi, dans une
espèce où le huis* clos n'avait été étendu qu'à l'audition de
deux témoins et où il était constaté qu'il avait été continué
au delà, la procédure a été annulée, a attendu qu'une partie
des débats, autre que celle pour laquelle le huis clos f été or-
donné, a eu lieu sans publicité'. »
lY. Cette mesure peut comprendre tous les débats, mais
elle ne peut comprendre que les débats. Or les incidents qui
5*élèvent dans leur cours donnent lieu, tantôt à des ordon-
nances^ tantôt à des arrêts qui, quoiqu'ils statuent sur des
fail& relatifs aux débats, n'en Tont pas cependant nécessaire-
ment partie. La question s'est donc élevée de savoir dans
quels cas ces ordonnances et ces arrêts peuvent être prononcés
à huis clos, dans quels cas les portes doivent être ouvertes
pour leur prononciation.
La jurisprudence a admis que l'audience peut demeurer
close : 1<> Quand il s'agit de statuer sur une demande en
sursis pour appeler de nouveaux témoins '; 2^ quand il s'agit
de statuer sur la demande de l'accusé tendante à ce que les
débats redeviennent publics, a attendu qu'un tel incident
fait nécessairement partie des débats qui ont été déclarés
devoir être secrets'; » S^ quand le président prononce des '
ordonnances pour déclarer que des témoins prohibés, à l'au-
dition desquels l'accusé s'oppose, ne seront pas entendus *»
ou pour ordonner un acte au pouvoir discrétionnaire ^. Ces
arrêts et ces ordonnances ont été considérés comme faisant
partie des débats.
Mais il n'en est plus ainsi des arrêts qui interviennent dans
le cours des débats sur les incidents que font naître les réqui-
sitoires du ministère public ou les conclusions de la défense,
et qui, par l'opposition qu'ils soûlèrent ou par les droits qu'ils
engagent, prennent un caractère contentieux. Il est évident,
en effet, que la publicité de ces arrêts ne peut avoir aucun
danger pour l'ordre ou pour les mœurs; il n'y a donc aucun
motif de les placer sous l'empire de l'exception. 11 a été posé
« Cass. S2 janvier i85S, rapp. M. de Glos, Bail. d. 34.
' Cass. 17 janvier 1829, rapp. M. Mang^in. J. P., t XXII, p. 580.
* Cas». S9 avril 1826, rapp. M. Ollivier, J. P., t. XX, p. 435.
* Gass. 4 sept. 1840, rapp. M. Meyroniiet-St*Marc Bull. n. 250.
* Gass. 1 IcT. 1839, rapp. M. Vlaceas-St-UareaU Dali. 39, 1, 377| 6 avril
i854» rapp. M, Sèoêca. Bull, d, 97,
898 DES COURS d'assises.
en règle^ par une longue et invariable jurisprudence, o qne
Texception établie par la loi, pour le cas où la publicité se-
rait dangereuse pour l'ordre et pour les mœurs, ne peut être
étendue aux arrêts qui statuent sur les incidents élevés dans
le cours des débats, puisque la publicité de oes arrêts ne peut,
dans aucun cas, être considérée comme dangereuse pour
l'ordre ou pour les mœurs i. »
La Cour do cassation a prononcé l'annulation des procé-
dures dans lesquelles n'avaient pas été prononcés publique-
ment : 1^ un arrêt statuant sur Topposition du ministère
public à ce que la Temme de Taccusê fût entendue comme
témoin ' ; V un arrêt statuant sur l'opposition d'un accusé à
la déposition d^un témoin cité à la requête du ministère pu-
blic ' ; 3* un arrêt déclarant qu'on témoin assigné ne serait
pas entendu^ ; ko ou qu^un témoin, n'étant pas allié au degré
prohibé, serait entendu^ ; 5<> un arrêt portant que, malgré
Tabsence d'un témoin, il serait passé outre aux débats ^ ; 6® un
arrêt qui déclare que, sans s'arrêter aux conclusions prises
par la défense, les questions indiquées dans ces conclusions
ne seraient pas adressées à un témoin ? ; 7° un arrêt ipii dé-
cide qu'il sera procédé h de nouvelles expertises sur des
objets faisant partie des pièces de conviction ^ ; 8"* on arrêt
qui statue sur un acte donné quand il y a contestation 9;
' 9* un arrêt qui rejette une demande de renvoi à une autre
session '* ; 10 Tarrêt qui décide, nonobstant Topposîtion delà
défense, que des pièces relatives à une poursuite antérieure
seront lues'^; 11<> un arrêt qui ordonne qu'un témoin, qui
Tient d'être entendu, se retirera de Tauditoire pendant l'au-
dition d'un autre témoin '\
* Cass. 16 juin 1853, à noire rapp. BuU. n. 212.
*Gasfl. 28jaDv. 4836, rapp. M. Rocher. Bull. n. S2.
< Cas9k 14 sept 1897, rapp. 9f. Vincens-St-Laurent. Bull, n* 972; fi oeC
IJ888, rapp. M. Gilbert ée Voisios, u* 329; 4 janv. 1839* rapp. M. Vojcinde
Garumpe, n. 6; 19 mars 18à0, rapp. M. Bresson, n. 83; 27 a?rtl 1848, ragp.
ir. Isamberr, n, 125; 5 oct. 4854, rapp. M. Jacquiiiot, n. 298.
^ Gaas. 25 mars 1889, rapfi. M. Mérilboa. BuU. n. 49.
* Ca«. il mars 1841, rapp. M. de Crouseilbes. BuU. d. 60.
* Cass. 19déc, 1844, rapp. M. Jacquiuot. Bull. n. 407; SjuilL 1832, à
notre rapp, n. 230.
* Ca». 6 sepU 1838, rapp. M. Rives. Bull. n. 300.
■ Casa. 28 déc. 1850, rapp. M. de 6los. Bull. n« 439; 17 janr. 1839.
npp. M. Rocher, n. 22.
* Gais. 24 déc 4849, rapp. M. Vincens-StvLaurent. Bail. n. 982.
«*Gaar. 22 juill. 1652, rapp. U. Aug. Horeau. Bull. o. 240.
** Casa. 16 juin 4853, à notre rapport Bult n. 212.
" Gass. 10 mars 1853, rapp. M. de Gïob, Bull. n. 93.
FORMES GÉNiRALBS VE LA PROCÉDCBE DES ASSIIIS. § 625. 599
Il résulte de cette jurâpriidence que les simples mesures
d'instruction peuvent être prononcées à huis clos, mais qu'il
faut nécessairement rouvrir les portes pour prononcer tous
les arrêts qui n'ont pas ce caractère. Cette distinction, que
nous ayons déjà établie pour distinguer les pouvoirs du pré-
sident et de la Cour d'assises *, n'est pas sans quelque dilB-
calté. Ainsi, par exemple, un arrêta cassé une procédure dans
laquelle l'admission de la partie civile avait été prononcée à
hais clos*; un aptre arrêta rejeté le pourvoi formé dans une
aflaire où il avait été donné acte à huis clos de Tintervention
de cette partie : « attendu que la garantie de la publicité
n'est nécessaire qu'au cas où les arrêts incidents, statuant sur
un dfoît prétendu et contesté, vuidcnt un incident conten-
tieux'. » Il y a donc lieu de discerner dans cette hypothèse si
rinterveution est ou n'est pas contestée pour décider si Tarrôt
peut ou non être prononcé à huis clos.
Au reste, lorsqu'un arrêt incident qui devait être prononcé
publiquement, l'a été à huis clos, cette nullité peut étreuti-
lementréparée en provoquant de nouvelles conclusions et en
statuant sur le noième incident par un arrêt nouveau qui est pu-
bliquement prononcé. S'il aétéprocédéàdesactesd'instructioa
en vertu de Farrêt irrégulièrement rendu, ces actes sont re-
commencés en vertu du nouvel arrêt. Le pourvoi a été rejeté
dans une afiaire où la Cour d'assises, après avoir à huis clos
statué sur une demande en renvoi à une autre session, avait
une seconde fois statué publiquement sur là même demande :
c attendu ^ue le juge, gardien de la loi, doit veiller rigou»
reusement à Taccomplissement des formalités qu'elle pres-
crit ; qu'il doit surtout être attentif à faire jouir les accusés
des garanties qu'elle leur a données; que s'il lui arrive
d'omettre une formalité substantiel le, cette irrégularité ne
constitue pas un droit acquis, lequel ne se forme que par la
décision qui intervient à la suite d'un litige sur des prêten*-
tions contraires ; que le retour à l'observation de la loi étant
toujours favorable tant que la mission du juge n'est pas ter-
minée et qu'il n'a pas définitivement statué sur l'affaire au
jugement de laquelle il procède, il est encore à temps de ré-
parer Terreur qu'il a commise et de rentrer dans les voies lé-
* Gass. 19 jaUT» i8A4i rapp- M. Mérilhou.
* Gasti ilj«i& iVSSi^Mpp. M. ffoufUier. Bolk d« tfO.
600 DES cocis d'assises.
gales 1 . » Cette question se représentera plus loin dans une
hypolhëse plus grave.
Y. Le huis clos est levé au moment où se terminent les
débats. Sur ce point, aucune difficulté ne peut naître. Il a
été décidé par de nombreux arrêts c que Tart. 55 de la
Charte restreint formellement aux débats seuls Texercice de
la faculté par lui accordée aux Cours d'assises; que, suivant
les art. 335 et 336, les débats sont terminés lorsque, après
les dépositions des témoins et les dires respectifs auxauels elles
auront donné lieu, la partie civile et son conseil et le procu-
reur général ont été entendus sur les moyens de l'accusatioD,
et que Taccusé ou son conseil a présenté sa défense ; que le
résumé du président est donc, ainsi que tout ce qui le suit,
extrinsèque aux débats et demeure soumis à la règle générale
de la publicité ^ » C'est donc au moment où le président
déclare, conformément à Part. 335, que les débats sont ter-
minés, au moment où il va résumer TafTaire, que les portes de
l'auditoire doivent, à peine de nullité, être rouvertes.
YI. Il reste à dire quelques mots sur l'application de la
mesure du huis clos.
Il appartient au président, chargé de la police de Tau-
dience, de faire exécuter Farrët qui ordonne cette mesure ; il
doit donc donner les ordres nécessaires pour faire évacuer la
salle et fermer les portes.
A-t-il le droit de faire des exceptions d'autoriser des per-
sonnes à demeurer dans l'auditoire, de faire rester ou de
renvoyer celles qu'il veut? On lit dans un arrêt « qu'au
président appartient la police de l'auditoire; que le
huis clos est une mesure d'ordre public ; qu'il est dans les
attributions de ce magistrat d*en déterminer l'importance et
l'étendue, et que l'introduction ou le maintien dans la salle
d'audience de personnes même étrangères au barreau^ quand
l'un ou l'autre ont été autorisés par le président et n'ont été
l'objet d'aucune réclamation de l'accusé , ne peuvent être
réputés préjudiciables à la défense et ne constituent aucune
violation de la loi*. » Nous croyons également qu'il ne ré-
* Cass, 20 janv. i8/i4i rapp. M. Breflson. Bull« d. 36.
* Cass. 23 juin 18S9, rapp. M. Dehaussy. Bull, n» 303; 33 avril 1830^
n. 56; SO août 1823, n. 120; 80 sepU 1834, d. 138; 36. mai i8di« o» US;
80 mars 1887, n. 94, etc.
' Cass. 19 fév. 1841 f rapp. M. Meyromiet-St«Mar4v BulU n. 48»
roams cLiÉftALES DI la PROCltVDRE DIS ASSttBS. § 626. 601
suite aucune nullité , dont l'accusé puisse se préyaloir, de
rinexécution de la mesure de huis-clos. Mais peut-on ad-
meltre qu'il soit loisible au président d'exécuter à demi Par-
rèt qu'il est chargé de Taire exécuter dans son entier? peut-on
admettre qu'il dépende de ce magistrat de créer une situation
mixte qui n^esf ni le huis-clos ni la publicité? que si les
débats sont dangereux pour l'ordre et les mœurs, pourquoi
ravoriser la présence de quelques personnes qui n'y sont pas
nécessaires et qui sont attirées par l'attrait du scandale? que
si le danger ne parait pas grave, pourquoi enlever à la jus-
tice rimmense garantie de la publicité? Dira-t-on que le dan-
ger est pour la foule et non pour les quelques personnes
choisies à qui l'on permet de rester? Comment le savoir? N'y
a-t-il pas lieu de craindre que Ton ne pèse ainsi sur la défense
en lui donnant un public particulier dont l'influence pénètre à
Tentour ? et enCn la loi a-t-elle autorisé une demi-publicité,
les huis à demi-clos? Si le président, si la Cour d'assises sont
libres de tout contrôle dans l'application qu'ils donnent au
huis-clos, ce n'est pas une raison pour qu'ils s'écartent de la
régie légale et laissent des usages abusifs s'introduire dans
la pratique.
§026.
I. L'instruction doit être orale. — II. Application de cette règle à
la déposition des témoins.
I. L'instruction qui se fait à l'audience doit être exclusi-
vement orale. C'est là une règle fondamentale de notre
procédure criminelle. La discussion orale est la seule qui
puisse faire jaillir la vérité d'un débat : elle place les accusés
et les témoins en face les uns des autres ; elle provoque les
explications et les révélations, les dénégations ou les aveux;
elle dépouille les faits de leurs premières apparences et les
livre aux yeux dans leur nudité. La discussion écrite , plus
froide et plus réservée , n'a ni ces épanchementS5 ni ces chocs
qui font briller l'éclair; elle est parfaitement propre à re-
cueillir les éléments du débat; mais le débat, c est-à-dire la
discussion de toutes les preuves , l'examen de tous les élé-
ments du procès, ne peut se faire qa'oralement à l'audience.
Nous ayons vu que c'était là la base de l'institution du jury.
Les jurés forment leur conviction dans le débat qui s'ouvre
6M ym wnm «'amibes.
devant eux, dans les dépositions , dans ta parole plus oa
moim assarée, Paccent plus ou moins sincère des témoins,
dans Tatlitude , les explications , la physionomie même des
accusés. Les preuves qu^ils recoeiiient, ce sont ces impres-
sions du débat que reçoit la conscience , sans qu'ils puissent
en analyser les éléments. Enfin , Tinstruction orale est la seule
forme de procédure qui se concilie avec le principe de la con-
viction intime qui fait aujourd'hui le fondement de tous les
jugen^nls ^ ; car ce principe suppose h certitude morale , et
cette certitude, seul critérium de la vérité, ne s'acquiert que
par la libfe discussion des accusés et des témoins.
Cette règle est écrite à toutes les pages de notre Code.
L'ait. 317 veut, en règle générale , que les dépositions des
témoins soient orales; l'art. 318, ne permet de faire usage
des déclarations écrites que pour constater les variations dei
témoins qui déposent ; l'art. 341 défend formellement de re-
mellre aux jurés, avec les pièces de la procédure , les décla-
rations écrites des témoins; enlin , l'art. 477 n'autorise à lire
les dépositions des témoins que dans un seul cas, dans le jth
gement des accusé» contumax, lorsque les témoins eu-
mêmes ne peuvent être produits aux débats.
Le débat doit donc être exclusivement oral ; il doit rfôter
pur du contact de l'instruction écrite ; il ne connaît que les
charges et les preuves qui sont proiiuiles à l'audience; il
ferme rinttruction sur pièces, dont on ne se sert qu« comme
moyen de contrôle ; il poise en lui-même tous les élémeots
de sa libre discussion. La Cour de cassation a déclaré avec
autant de force que de netteté « que devant la Cour d^assises
le débat est essentiellement oral , et que c'est d'après ses ré-
sultats et non d'après les pièces de la procédure que doit se
former la conviction du jury ; que c'est par suite de ce prin-
cipe que la remise de ces pièces aux jurés , ordonnée par l'ar-
ticle 341, n'est pas prescrite à peine de nullilé'. »
H. Il ne faut pas néanmoins étendre cette règle au delà de
ses légitimes exigences.
Elle ne fait aucun obstacle à la production dans le débat de
titres, d'actes, et' en général d'écrits de toute nature qui
peuvent y répandre quelque lumière; car il ne faut pas perdre
■* Voy. t V. p. iM.
^ Gan. 7 jonv. iWt i^PP- BL Vinocns-St-Laureot. Bail, lu !•
FORMES GÉNÉRA LES DE LÀ PROGÉDOKE DBS ASSISES. § 626. 603
de vue qu'en matière de grand criminel les preuves écrites
peavent, aussi bien que les preuves orales, être invoquées i*
Mais^ en faiaant usage de ces pièces, Tinstruction ne change
pas de caractère : elle les soumet d'abord, comme les témo^
guages eux-mêmes, à Tépreuve de la discussion; ensuite elle
leur dénie, quelle que soit leur authenticité, toute force
légale : elle n'est ni arrêtée, ni enchaînée par leur autorité ;
elle se borne à y puiser, s'il y a lieu, les éléments de la
preuve morale que tous ses efforts tendent à former ; en un
mot, elle n*y cherche que des renseignements propres < à
établir la conviction et elle s'en réserve la souveraine appré-
ciation.
Elle ne fait également aucun obstacle à la lecture des dé-
clarations écrites des témoins, lorsque cette lecture n'a lieu
que poursuppléer les dépositions orales, devenues impossibles,
des témoins décédés ou absents, ou pour contrôler les déclo-
rations faites à l'audience. Nous avons vu que si le pouvoir
discrétionnaire s'est trop souvent écarté de cette règle en
introduisant dans le débat la lecture de déclarations faites par
des témoins qui n^étaicnt ni absents ni empêchés, la juris*
prudenee ne s'est point associée à ces écarts et s^est bornée à
déclarer que Texeroice du pouvoir discrétionnaire était confié
à rhonneur et. à la conscience du président'. C'est ainsi que
la Cour de cassation a annulé les procédures dans lesquelles
cette lecture avait été ordonnée, non par le président, mais
par la Cour d'assises, attendu que la Cour d'assises ne peut
déroger à la régie qui déclare « que c'est d'après le débat
osai que le jury doit former sa conviction; » mais a que
cependant, dans des circonstances graves et extraordinaires
(quW président seul il appartient d'exercer), la loi adonné à
ce magistrat, dans Tcxprcice de son pouvoir discrétionnaire,
pendant le cours des débats, en s'en remettant à son honneur
et à sa conscience, le pouvoir d^ordonncr là lecture d'une ou
de plusieurs dépositions écrites, pour favoriser la manifesta-
tioD de la vérité, et en prévenant à Tavance les jurés qu'ils ne
peuvent considérer ce qu'elles contiennent que comme ren-
Mignement * que c'est là le but des dispositions exception--
aeUes des art, -266 et 269, dans l'exécution desquelles n'ont
point à s'ingérer les Cours d'assises'. » Et, dans une autre
' Voy.t. v.p.aîs.
I Voy. ftipra, p. 461 et suit.
Gass. 80 juiU..iMQi r^M^ M» Meyro^nelrSt-MaMip.BulU.]). SM.
604 DES COURS d'assises.
espèce, la lecture, même en verlu du pouvoir discrétionnaire,
de la déclaration d'un témoin qui était présent, mais à Taudi-
tion duquel les parties^ avaient renoncé, a paru un excès dece
pouvoir, qui eût entaché les débats si le président lui-roème
n'avait suspendu celte lecture et si la Cour d'assises n'avait
annulé la partie de l'instruction relative à cet incident. L'arrêt
déclare : « que si la lecture d'une partie de la déposition écrite
du témoin a eu lieu en vertu du pouvoir discrétionnaire da
président, celte lecture a été interrompue avant qu'elle ftt
terminée et en vertu du même pouvoir discrétionnaire, et que
le président a averti le jury qu'il ne devait avoir aucun égard
au commencement de la déclaration dont lecture avait été
faite; qu'il a ainsi neutralisé Teffet que cette lecture aurait
pu produire sur Tesprit des jurés ; et qu'enfin la Cour d'as-
sises, en annulant par un arrêt toute la partie des débats rela-
tive à cet incident, a détruit Teflet et la possibilité de tout
préjudice pour la défense qui aurait pu résulter de la lecture
d'une partie de la déposition écrite du témoin dont il s'agit,
et qu'il n'y a pas eu violation du principe qui veut que le débat
soit oral en matière criminelle *. »
On peut induire de là doux corollaires : en premier liea,
la règle qui veut que l'instruction soit orale exige nécessai-
rement que tous les éléments de cette instruction, qui peoveot
être recueillis verbalement, soient présentés sous cette fonoe
à l'audience; tels sont les témoignages, les déclarations, Ifô
rapports d'experts. Mais, en second lieu, la forme de Tins-
truction ne met point obstacle à ce que les éléments d'un«
autre nature, que la parole ne peut ni représenter, ni rem-
placer, soient produits; elle ne rejette ni les preuves maté-
rielles, ni les preuves écrites : elle les débat et les apprécie.
III. L'art. 317 prescrit expressément que a les témoios
déposeront oralement. » Cette règle est claire et positive;
elle n'admet aucune exception. La loi veut que la dépositioo
des témoins soit spontanée, qu'ils déclarent ce qu'ils odIto
et entendu, qu'ils ne consultent que leurs souvenirs et lears
impressions personnelles. Pour être à l'abri de tontes les
influences extérieures, pour conserver cette spontanéité, leor
déposition doit nécessairement être orale^ car, si ella était
écrite, elle aurait été préparée à l'avance, et celte prépara-
' Cass. 17 tTril i85it rapp. M, DebauMy, Bull. i% W*
I
L^
FORMES GÉNÉRALES DE LA PHOCÉDCRE BES ASSISES. § 626. 605
tioD^ loiD des regards de Taudience et des contradictions du
débat, la rendrait accessible à toutes les suggestions.'
On a demandé si un témoin peut se servir de notes pour
aider sa mémoire. En thèse générale, le motif qui fait pros-
crire les déclarations écrites s'applique aux notes aussi bien
Îu'aux déclarations entières ; une note n'est qu'une portion
0 la déposition, et si, sur le point qui en fait l'objet, le
témoin ne s'est pas fié à ses souvenirs, n^y a-t-il pas lieu de
craindre que ses souvenirs sur ce point ne soient pas exacts,
2a'il n'ait voulu arranger son récit, qu'il n'ait altéré la vérité ?
l'est en ce sens qu'on doit entendre un arrêt qui rejette un
pourvoi fondé sur ce qu'un témoin s'était servi d'une note,
« attendu qu'en admettant, comme l'ont soutenu les défen-
seurs, et malgré les dénégations du ministère public et du
témoin, que celui-ci, en commençant sa déposition, le fût
aidé d'une note placée au fond de son chapeau, la Cour a
ordonné qu'après le dép6t de cette note, qui a été jointe aux
pièces du procès, le témoin recommencerait sa déposition ;
qu'il Ta en effet recommencée et qu'elle a été entièrement
orale ; qu'ainsi il a été satisfait à ce que prescrit l'art. 317 ^ n
Cet arrêt constate la nécessité d'une déposition orale entière :
il ne peut dépendre d'un témoin, en lisant une note, de fairq
écarter son témoignage ou d'introduire une nullité dans la
procédure ; il suffit qu'il soit interrompu dès que cette irrégu-
larité est aperçue et qu'il soit tenu de recommencer sa dépo-
sition.
Mais s'il n'a point été interrompu et que la déposition ait
été faite en totalité sur des notes écrites, en résultera-til une
nullité? Un arrêt a répondu négativement « attendu que
l'art. 317 n'attache pas indistinctement la peine de nullité à
l'inobservation de chacune de set dispositions, mais seulement
à l'inobservation de celle qui prescrit la formalité du serment
qui doit être prêté par les témoins ; d'où il suit que le défaut
d'entendre oralement les témoins ne peut, aux termes de
Tan. 408, donner ouverture à cassation*. » Cet arrêta rendu
dans une espèce où un militaire, s'appuyant sur la loi du 18
prairial an 2, avait envoyé sa déposition par écrit, est anté-
rieur à la jurisprudence qui a admis les formes substantielles;
or quelle forme est plus substantielle que l'audition orale des
* CaM. iS anil IbSQ, rapp. M, Vojûa de Gart mpe. BoU. n. i38.
^Cm.Ah avril i8i&, rapp. M« BusSchop. J. P., U XJI, p. 678.
606 DE8 GOURS D*AMI8ES.
témoins? Cette forme n'est-'clle pas h la fois la base du dAat
public et de TiDstitution da jury? Si la peine de noHUé n^a
pas été expressément attachée à son observation, c'est qae
le législateur, qui en faisait le fondement raèmede sa proeè-
dure, ne pouvait supposer qu^elle pût être enfreinte. Toutes
les dispositions du Gode tendent à établir et à pratiquer cette
forme : l'art 25k ^ en autorisant le renyoi à une autre session,
. lorsque les témoins cités ne comparaissent pas i Taudienoe;
l'art. 355 en prononçant des peines contre les témoins « qui
peuvent être amenés par la force devant la Cour pour y être
entendus » ; l'art. 356 qui n'admet d'autres excuses pour les
témoins que tes empèdiements légitimes et répudie par li
toute idée d'une audition par écrit ; Part. 316 qui ne veut pas
que les témoins assistent au débat avant de déposer et pres-
crit qu'ils se retireront jusque-là dans la chambre qui lear
sera destinée ; l'art. 317 qui régie les formes de leur déposi-
tion ; Tart. 319 qui veut que les témoins répondent à toutes
les questions qui leur sont adressées; l'art. 320 qui leur
prescrit de rester dans l'auditoire. Il n'est pas douteux que la
procédure qui admettrait aujourd'hui un témoin à envoyer
au président sa déposition écrite fût viciée : il s'agit id des
intérêts de la vérité et de la justice ; l'instruction de l'audieDoe
serait frappée d'impuissance, si les dépositions écrites venaient
y remplacer les dépositions orales; la discussion, qui fait si
seule force, serait stérile, et toutes ses formes se résumeraieot
en une lecture de pièces*
Cependant on peut admettre l'emploi de simples notes
dtins quelques offaires spéciales, par exemple, dans les aftires
de banqueroute frauduleuse, de soustraction de deniers, de
concussion. Les dépositions peuvent consister dans des chif-
fres et la mémoire serait quelquefois incapable de les retenir.
On peut les admettre encore de la part des experts qui vien-
nent expliquer les opérations scientifiques. On trouve ane
application de cette exception dans une affaire où un médecin
avait fait usage de notes pour rappeler ses souvenirs : le poar-
Toi fut rejeté « attendu qu'il résulte du procès-verbal des
débats que le sieur Aliès, docteur-médecin, appelé comme
témoin pour donner des explications sur tous les faits qu'O
avait constatés dans un rapport écrit, a- fait usage, pour rap-
peler ses souvenirs et avec le consentement du ministère pu-
blic ei de l'accusé, dès notes, refatives à la confection de son .
rapport'; que Tùsagede ces notes, fait sans aucune opposition
FORMES GÊNÉBALlSS DB hk F^^DCRE DES ASSISES. § 026. 60.7
des parties, par ud témoin qui avait rempli les fonctions d'ex-
pert, pour préciser les faits qu'il ayait constatés et pour faire
connaître les éléments de son appréciation scientifique, ne
peut être oonaidéré comme une violation de l'art. 317, qui
veut que les témoins déposent oralement ^ n
Celte règle, au reste, ne serait point enfreinte par cela
seul que, pour rappeler les faits à la mémoire du témoin, il
lui serait donné lecture de déclarations écrites ou d'antres
pièces. Il a été jugé « que le principe qui veut que le débat
soit oral n'a pas été méconnu, soit parce qu'un témoin a été
mis après sa déposition en présence de déclarations écrites,
propres à réveiller ou rectifier ses souvenirs, soit parce qu'un
autre témoin, provoqué par la Cour & revenir sur un point
que fia déposition avait laissé obscur, a fait usage pour l'éclair-
cir de pièces étrangères au dossier, qui, sur la réquisition des
accusés, y ont été immédiatement annexées, soit enfin parce
que le témoin et l'un des accusés se seraient respectivement
interpellés à ce sujet par l'intermédiaire du président qui, en
autorisant par son silence ces interpellations, n'a fait qu'user
de son pouvoir de direction du débat et de police d'au-
dience*. »
L'art. 318 permet au président de faire tenir note des varia-
tions qui peuvent exister entre la déposition d'un témoin et
ses précédentes déclarations. Suit-il de là qu'il puisse faire
précéder la déposition orale des témoins de la lecture de sa
déclaration écrite? Non, car ce serait anéantir l'instruction
orale en la soumettant à l'influence de l'instruction écrite.
La Cour de cassation a constaté expressément cette règle en
déclarant : « que s'il peut devenir nécessaire qu'il soit fait
lecture des dépositions que les témoins peuvent avoir précé-
demment faites par écrit, cette lecture ne peut jamais ôti*e
faite devant eux qu'après qu'ils ont déposé oralement ; que
cette déposition orale doit, en effet, être libre, indépendante
et dégagée de toute Tinfluence que pourrait exercer sur l'es-
prit erainlif d'un tém(Hn la déposition écrite qu'il pourrait
avoir faite antérieurement; que, relativement aux juges et
aux jurés, c'est, hors les cas prévus, par la loi, sur ce qui est
Terbalement déclaré devant eux et sur les débats que leur
eonviction doit se former ; qu'il n'est pas permis de prévenir
' Cass. 20 mars 1851, à notre rapp. BuU, n. lOf*
* Cass. 2 déc 1S42, rapp. M* Rocher. BuU. d. 810*
608 »ns couns, d'assises.
OQ de diriger celle conviction avant Taudition craie, en fai-
sant lire, avant cette audition» la déposition écrite d'untéoioiQ
qui a comparu pour être entendu ^ »
Il faut, au surplus, distinguer entre la déposition du té-
moin et les lettres et pièces qu^il produirait à Fappui, et dont
il donnerait lecture. Il n'est pas douteux qu'il ne pourrait
donner cette lecture qu'avec l'autorisation du président,
agissant en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Mais il est
clair que ces lettres et pièces, fùt-il ou non autorisé à les lire,
ne pourraient être considérées comme faisant partie de sa dé-
position. Il a été reconnu dans ce sens c que la lecture d'une
lettre dans le cours de la déposition d'un témoin n^empècbe
pas que la déposition ne soit orale» conformément au vœu de
la loi, puisque cette lecture n'est pas la déposition mèroeda
témoin ; mais que» par sa nature même, la lettre est distincte
de cette déposition, n'étant pas Tceuvre du témoin lui-même,
mais bien un document émané d'une autre personne et dont
il donne connaissance à la justice par une simple lecture au-
torisée par le président ^ »
Enfin la mention, faite au procès-verbal des débats que
Tart. 317 a été exécuté, constate suffisamment que les té-
moins ont déposé oralement ^ .
S 627.
]. GontiDuité de rinstruclîon jusqu^au jusement. — II. DistioctioQ
entre riaterruption et la suspeasion. — Caractère et durée de ]asits>
pension. — Iv. Peut-elle avoir d'autres causes que le repos des per-
sonnes ?
I. L'art. 353 de notre code, qui n'a 'fait que reproduire
l'art. 418 du code du 3 brumaire an lY , dispose que : « l'exa-
men et les débats, une fois entamés, devront être continués
sans interruption et sans aucune espèce de communication au
dehors, jusqu'après la déclaration du jury, inclusivement. Le
président ne pourra les suspendre que pendant les intervalles
nécessaires pour le repos des juges, des jurés, des témoins et
des accusés. »
' Cass. 20 octobre 1820, rapp. M. Gaillard. BnU. d. 137; et conf. 31 jan-
vier 1857, rapp. M. Leserrurier, d. 40.
■Cass. 22 janvier 1841, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 19; C cet. ISiS,
rapp. M. Meyronnet-S)-Marc, n. 260.
' Cass. 26 noT. 1832, rapp. M. Mérilhou. Dali. 33, 1, 226.
FORMBS GÉNÉRALES DB LA PROC^DUKE DES ASSISES. § 627. 609
Celte règle est fondée sur plusieurs motiTs. Elle a pour
but : 1*^ de maintenir Tunité dans Tinstruction , de manière
que toutes les parties du débat s'enchaînent entre elles et que
les jurés puissent en saisir plus facilement l'ensemble et le
résultat; 2"* de préserver les jurés de toutes les influences ex-
térieures, soit en les isolant de toute communication, soit en
éloignant les distractions qui pourraient effacer de leur es-
prit les impressions de Taudience ; S"" de supprimer tous les
retards, toutes les lenteurs, tous les incidents qui pourraient
prolonger la procédure et reculer le jugement.
On Yoit de suite que c'est là une règle d'ordre qui intéresse
surtout la bonne administration de la justice. Les consé-
quences qui vont en résulter, c'est que l'application en est
en général laissée à la prudence du président de la Cour d'as-
sises, et que ce n'est que dans les cas où son inexécution au-
rait pu apporter quelque préjudice à la défense que celle-ci
peut s'en faire un grier.
II. La loi distingue, en premier lieu, Tinterruption des dé-
bats et leur suspension. Les débats ne peuvent être interrom-
pus; ils doivent continuer jusqu'à ce que la cause soit ter-
minée par le jugement ; mais ils peuvent être suspendus
pendant des intervalles nécessaires au repos des juges , des
jurés, des témoins et des accusés. LMnterruplion suppose que
la Cour d'assises procède à d'autres actes , s'occupe d'une
autre affaire, délaisse, en un mot, même momentanément,
l'affaire entamée , et c'est là ce que la loi a voulu interdire.
La suspension n'interrompt pas les débats, elle les ajourne à
une autre heure, à un autre jour; elle ne fait que placer au
milieu de leur cours quelques intervalles nécessaires au repos ;
elle n'emploie ces intervalles à aucun acte, à aucune autre
affaire; elle ne brise pas l'unité de l'instruction; elle la con-
tinue à travers ces moments de relâche ; elle ne facilite pas,
ou du moins elle ne doit pas faciliter les communications ex-
térieures; elle n'apporte aucun retard au jugement; elle ne
fait que lui apporter plus de maturité et de réflexion ; elle ne
fait que rendre praticable la règle qui veut la continuité
des débats, en la conciliant avec le besoin de repos indispen>
sable à toutes les personnes qui assistent à l'audience.
11L II reste à examiner dans quels cas il y a suspension
et à fixer la limite qui , dans la pratique, sépare la suspension
de l'interruption.
vui. 39
610 DES CODBS D^ISSISES.
La Cour de cassalioii a posé en thèse générale « ({ue Tar-
ticle 358 a confié au président le droit de suapendre l^au-
dience, afin de procurer aux juges, aux jurés, aux témoins
et aux accusés le repos dont ils peuvent avoir besoin ; qofea
ne fixant pas la durée de ee repos , le législateor s*es est
rapporté pour son appréciation à la conscience du magislnt
par lui investi du pouvoir de la déterminer; d'ov la consé-
quence que ce ({uie le président a cru devoir juger ter ce
point ne saurait donner ouverture à cassation ^ » Hie a
d'ailleurs ajouté « q]u*il ne lui est point interdit 9 pour cette
fixation , de consulter k vœu des jurés et Tinlbérèt de le ma-
nifestation de la vérité *. » Mais de là faut-il eonolune qne le
président peut arbitrairement suspendre les séances et les
renvoyer à des intervalles éloignés ? NullemenL L^ineaiécatioD
de la règle est confiée à sa prudence ; il lui appartient de
mesurer» d'après la longueur de raOaico et la fatigue pié-
sumée des personnes qui assistent à Taudience, les intervalles
de repos qui leur sont nécessaires. Mais ce pouvoir d'appré-
ciation n'est,. en quelque sorte, discrétionnaire qu'autant
qu'il se renferme soigneusement dans ce cercle ; sMl tentait
d'en sortir , il trouverait un contrôle efficace 9 et ce qui le
Erouve, c'est que la Cour de cassation, en rejetant les nom-
reux pourvois qui lui ont été soumis à ce sujet, n'a jamais
manqué de constater dans chaque espèce le temps et le but
de la suspension.
Elle a d'abord jugé que la suspension de quelques heures,
par exemple, de midi à 3 heures, de 4 heures de relevée i
7 heures du soir, était régulière, lorsqull était constaté
d'ailleurs que cette suspension n'avait eu Keu que pour le
repos nécessaire aux juges et aux jurés '.
Elle a ensuite naturellement étendu ce droit de suspension
du jour au lendemain, lorsque rafiaire embrasse deux ou
plusieurs jours. Ainsi plusieurs arrêts déclarent « que, lors-
qu'il résulte du procès-verbal que l'audience a été levée à 5
heures i/3 du soir et renvoyée au lendemain à 10 heures du
matin > il est par là suffisarmment établi que, conformémeot
* Gass. 4 noT. 1836, rapp. M. Vinceos-St-Uorent. Bail» o. 863 ; et coof.
casa. 18 janvier 1821, rapp. M. Robert de Sainl- Vincent. J. P. t. XVI,
p. 819 ; 1er avril 1880, rapp. Ifi. Ricard, t. XXIII, p. 838 ; 7 juill. 1847i
rapp. M. de Crouseilhes. Bull. n. 15^
* Gass. l no?. 1886, rapp. M. Vmccns-St-Laurcnl. BuU. n. 863.
* Gass. 9 sepU 1819, rapp. M. Giraud, J. P. t. XV, p. 598; 16 dèc. J8»,
rapp. M. Brière. t. XIX, p. 1046.
FOEMBS GÉnARALKS K UL HlOCaÉMBB »E8 ASSISES. § '627. 6M
à l'art. 353, Pinterruplion n'a ea lieu que pendant rinlervalle
néoessaire pour le repos des juges , des jnrés , des témoins
etdesaeeusés'. »
Elle a enfin autorisé la suspensioB jusqu'au sariendemani,
quand le lendemain est un dimanche ou jour férié. Il a paru
que si cette suspension, dViileurstooie -facultative, avait le
danger d'offrir plus de fricilité aux communications et aux
distractions , elle avait l'avantage de concilier le service
avec les habitudes, les idées et lesbesoins des populations. Il
n'y aurait aucune irrégularité si les débats ouverts le sanMdî
étaient contmués le dimaoebe *. U n'y en avait non plus
aucune s'ils avaient été remis au lundi , « attendu <pM n'ayant
pas fixé la durée nécessaire au repos, la loi s'en est rapportée
pour l'appréciation de cette nécessité à la prudence du pré-
sident, et que ni raecusé ni son défenseur n'ont trouvé d^in-
eonvénieot à la remise de le séance à 36 heures '• » Et» dans
une affaire ou les débats avaient été suspendus tout uu jour
à trois reprises différentes, il a été reconnu « que si les débats
ont été suspendus les 1*', 7 et 14 d'un mois, le procès-ver^
bal énonce que ces suspensions ont été ordonnées pour le
repos et qu'elles n'ont point excédéles limites dans lesquelles
le président devait se renfermer, puisque les débats qui ont
duré 27 jours étaient de nature à fatiguer ceux qui devaient
y prendre part ♦. »
Elle a décidé encore , relativement au moment de la sus-
pension : l"" « que nulle disposition ne prohibe la suspension
intermédiaire entre la clôture du débat et la déclaration du
jury 5 ; » 2* « qu'en renvoyant au lendemain la prononciation
de l'arrêt de condamnation, à cause de l'heure avancée, le
président s'est conformé à l'art. 363 6. »
Mais cette jurisprudence, qui se justifie par les termes in*
définis et par l'esprit de l'art. 353, doit rencontrer peut-être
quelque difficulté dans deux hypothèses qui semblent sortir
de la prévision de cet article.
' Cass. 7 aoat ftS45, rapp. H. Uérilhoa. BalL ■. 155; et coaf. 9 aoat
iBli. J. P. U IX, p. 6Â5; 4 déc iSi2. X, p. 841» 16 jany. 1812, rapp.
M. Vasse. U X, p. 41 s 15 ocU 1812, rapp. M. BaUly, X, p. 748.
' Cass. ià avril 4815, rapp. M. Busschop. J. P., t XII, p. 678.}
* Can. 23 juin 1881, rapp. BL Offirier. J. P., t* XXXIU. p. 1789.
* Casa. 23 mars 1827, rapp. M, Mangin. J. P. t. XXI, p. 288; 5 aTril
1832^ rapp. M. Rives, t XXIV, p. 988,
' Cass. 11 avril 1817, rapp. M. Olllvier, J, P., t XIV, p. 177.
* Cass. 10 févr. 1850, rapp. M. Atig. Moreta. Bail* n. 65,
642 DES COURS d'assises.
La première est celle où la Cour d'assises procède à quel-
que acte étranger à l'affaire dans Tintervalle de la suspension.
La Cour de cassation a jugé que la Cour d^assises avait pu :
V recevoir le serment d^un garde , t attendu que la réception
de ce serment ne peut être considérée comme une interrup-
tion des débats ouverts, car lorsque cette réception a eu liea,
Texamen et les débats suspendus pour le repos n^avaient
point encore été recommencés , et les magistrats devant les-
quels le serment a été prêté formaient un tribunal civil et
non une Cour d'assises > ; » 2^ ordonner la restitution d'un
effet saisi dans une affaire précédemment jugée, < attendu que
ce n'est point par suite d'une interruption, mais dans Finter-
valle d'une suspension régulièrement prononcée que laCour,
avant de reprendre son audience, a fait, par l'organe de son
président, un simple prononcé d'un arrêt sur requête ; qu'un
pareil acte ne peut constituer une interruption de Taffaire
prohibée par l'art. 353 '• » Il ne pouvait exister aucun doute
dans ces deux espèces , puisqu'il avait été procédé à l'acte
intermédiaire dans l'intervalle de la suspension et sans en
retarder le terme, et puisque d'ailleurs cet acte n'avait pu
entraîner l'attention des juges et des jurés en dehors de l'af-
faire commencée. Mais ces exemples démontrent le vrai sens
de la règle et la sévérité qui doit être apportée à son appli-
cation.
IV. La deuxième hypothèse est celle où la suspension est
prononcée pour quelque cause accidentelle autre que le re-
pos des personnes qui prennent part au débat
La jurisprudence a commencé par déclarer a que l'ar-
ticle 353 n'emporte pas la peine de nullité^. » De là elle a
induit : a qu'il n'exige pas que la cause de la suspension soit
énoncée ^ ; » et enGn qu'il n'établit point de distinction entre
les causes morales ou physiques qui peuvent rendre le repos
nécessaire ^. Ainsi la suspension peut avoir lieu pour per-
mettre aux jurés de se recueillir après un long débat > aussi
bien que pour lu réfection de leurs forces physiques.
De là on a été conduit à relever d'autres causes de suspen-
« Gass. 22 DOT. 1832, rapp. M.Thil. J. P., t. XXIV» p. 1576.
* Cass* 49 «vril i849, rapp. M. Legagneur. Bu», u. 87.
> Gass. 23 mari 1820, rapp. M. Oilivier. J. P., U XV, p. 877*
* Gass. 12 janv. 1843, rapp. M. de Ricard. Bull. o. 3.
* Gass. 26 mai 1826, rapp. M. Brière. J. P., U XX^ p. 513.
FORMES GÉNÉRALES DE LA PROCéDCRB DES ASSISES. § 627. 613
sion. Ud arrêt décide que Taflaire a pu être renvoyée au len-
demain pour indisposilion subite du défenseur \ Un autre
arrêt autorise le même renvoi pour vérifier si l'élat de santé
d'un accusé permet de continuer l'instruction •. » On a établi
enfin en thèse générale « que les débats ouverts peuvent être
suspendus à raison de circonstances particulières et impré-
vues que la Cour d'assises doit apprécier et sur lesquelles elle
doit statuer dans sa conscience '. »
Delà enfin il a été induit comme autant de corollaires: l*que
la Cour d'assises, avant de statuer sur la demande en renvoi
à une autre session, fondée sur l'absence d'un témoin , peut
surseoir jusqu'au lendemain pour donner le temps au témoin
d'arriver * ; 2*" que la Cour d'assises peut suspendre les débats
pendant un jour pour faire rechercher les pièces de convic-
tion qui n'ont pas élé produites à l'audience : « attendu que
l'art. 353 n'a rien de limitatif, et que la Cour d'assises qui ,
pendant Tintervalle jugé par elle indispensable à l'instruction
orale de raiTaire, n'a vaqué à aucune autre, n'a pas excédé
son droit en interrompant le débat jusqu'à ce qu'il pût être
utilement repris 5 ; » 3" que la Cour d'assises peut sus-
pendre pour assurer l'exécution d'une ordonnance du pré^
sident qui appelle plusieurs témoins : t attendu que le
motif allégué justifie la suspension ; qu'il n'en est pas
d'une [simple suspension pendant laquelle il n'a été vaqué à
Texpédition d'aucune autre affaire comme du renvoi à une
autre session, qui ne peut avoir lieu que dans les cas établis
par la loi 6. »
Il Tant bien reconnaître qu'ici la jurisprudence s'est écartée
des termes de la loi : l'art. 353 veut que « les débats, une fois
entamés, soient continués sans interruption ; o il déclare
que « le président ne pourra les suspendre que pendant les
intervalles nécessaires pour le repos » des personnes. La ju-
risprudence, au lieu de se renfermer dans cette prescription,
crée un cas nouveau de suspension: elle permet de surseoir,
non-seulement pour le repos des personnes, mais pour une
A Cass. 12 avril 1882, rapp.M. Brièrc, J. P., t XXIVy p. 957.
> Cass. 18 mai 1887. Non imprimé.
' Cass. 22 mars 1821, rapp. Glausel de Gouflsergues* J. P.f t« XVIy
p* 472.
* Cass. 31 août 1644* Non imprimé.
* Cass. 10 ocU 1850, rapp. M. Rocher. Bull. n. 801.
* Cass. 27 juin 1883, rapp. M. IsamberU J. P.^ t. XXV, p. OiO.
Si4i DES OMM »*AW1U6.
Térificatiofl, lui apport de {>ièce9^ an appel deténaoiiis. Asra*
sèment od ne saurait contester soit à la Cour d'assises, soit ao
président le droit d'ordonner la producdaa des preuves né^
oessaires à la constatation de la vérité. Mais ne faut-il pas
concilier l'exercice de ce droit avec l'art 353? La loi, lors-
Qu'elle formulait pour la Cour d'assises oette règle spéciale
e la continuité du débat sans interruption, ne considérait-
elle pas qu'en matière de grand criminel Tinstruction n'arri?e
k l'audience qu'après avoir été préparée avec soin et année
de toutes ses preuves; que la défense ne doit avoir à débattre
que les charges qu'elle connaît et qui lui' ont été commuoir
qnées à l'avance, en un mot, que la recherche est close et les
éléments de la discussion fixés? Si les incidents du procès ma-
nifestent quelques éléments nouveaux, il serait possible, il
nous semble, de distinguer si ces éléments, à raison de leur
importance et du délai nécessaire à la production., doivent
Hiotiver un sursis; ou si, se trouvant pour ainsi dire sous la
main, et n'étant que le complément ae la preuve déji faite,
ils peuvent être produits, séance tenante, sans préjudice pour
la défense. Dans le premier cas, il y a lieu de prononcer» cod-
formément à l'art. 406, le renvoi à la session prochaine; dans
le second, il y a lieu d'appeler à l'audience ces éléments com-
plémentaires, mais à la condition que les débats ne soientpas
suspendus pour les attendre, car la loi n'a autorisé leur so»-
pension que pour un seul cas et ce n'est pas celui-là.
S 628.
k l>e k conunimicatiMi des jurés aa dehors. — II. Manifesutoi
d^opinioDs. — III. Caractère des commuoicatioas prohibées. -*
IV. Communications à Taudience. — Y. Communications en debon
de l'audience.
I. Les jurés n'exercent qu'accidentellement les fonctions Ae
juge. La loi a donc dû leur rappeler^ à chaque fois qu'ils rem-
plissent ces fonctions, les principaux devoirs qu'elles com-
mandent. Uwvt de ces devoin rst l'abstenlton qu'ils doivent
s'imposer de toute communication extérieure, afinque^Jibn»
de toute influence étrangère, ils ne puisent que dans les 4è*
bats les éléments de leur conviction.
Nousayonsdéji relaté les textes des art. 31 2» 343 et S63
FORIISS «ÉNÉRALES DE LA PROCÉDURB DES ASSISES. § 628. 615
qui fondent cefdle prohibition ^ Nous ayons également établi
que si les jurés doivent s'abstenir de communiquer sur les
affaires de la session avant qu'ils aient été appelés parle tirage
an sort^ aussi bien que depuis qu'ils font partie du jury de
jugemeift, ee n'e^ cependant que depuis la formation de ce
jury, depuis qu'i4s ont été acceptés comme juges de Taffaire,
que l'infraction à ce devoir prend un caractère grave et peut
compromettre le sort de la procédure*. La Cour de cassation
a jugé dans ce sens « que la prohibition de Tart. 353 et Tin-
jonction analogue faite aux jurés par l'art. 312 ne sont rela-
tii^ qu'aux communications postérieures à l'ouverture des
débats^. »
A partir de la formation du jury, que Touverturc des dé-
bats, suivant le vœu de Part. 405, doit suivre immédiatement,
la prohibition de toute communication de la part des jurés
qni en font partie, constitue uoe forme de la procédure es-
sentielle au jugement par jurés, et dont l'infraction peut, dans
certains cas, si elle introduit dans le jugement un élément
pris en dehors de Finstructton, motiver une annulation.
Dans quels cas y a^t-il communication prohibée par la loi?
dans quels cas cette communication peut-elle vicier la procé-
dure? Cette question, qui a donné lieu à de nombreux ar-
rêts, quelquefois contradictoires en apparence, parce que les
49Îro9iistances dans lesquelles les communications se sont pro-
duites sont très-diverses, peut être facilement ramenée à des
termes simples.
n. H faut poser une première distinction entre la manifes-
tation d^opinion et la communication.
La manifestation d'opinion n'est point une communication
dans le sens des art. 312 et 353 \ mais comme elle est, ainsi
que la communication, une violation des devoirs du juge ^,
qtfelle fait également présumer une influence antérieure et
qu'elle place le juré dans la même impossibilité de juger,
puisqu'il annonce une opinion arrêtée à l'avance, cette hy-
pothèse a été assimilée au cas de communication qu'elle sup-
pose et la même règle y a éié appliquée.
* Voy. supràj p. A82 et 488.
* Voy. suprd p« ASS.
* Cass. ISodt. IS489 rapp* M. TiBcens-StoLaurent. BuH. n, 265; f8 férr»
iS46, D. 49.
* Ord. aTril 1667. tiU XXIV, art. 6 ; Codeproc. oiv. art 878, Di S.
616 DES COURS d'assisbs.
La manifestation ne peut être relevée, comme la commu-
nication, que lorsqu'elle est postérieure à la formation da
jury: jusque-là, la récusation fournit le moyen légal d'écar-
ter le juré ^
La manifestation ne peut, en second lieu, être relevée que
lorsqu'elle implique l'expression d'une opinion déjà formée
sur le fait qui est Tobjet du procès ou sur Tune des circonsian-
ces de ce fait. Il convient d*éclaircir ce point par quelques
exemples.
Il n'y a pas manifestation d^opinion de la part du juré
l^qui, après avoir examiné la tête do la victime, dit à haute
voix qu'elle appartenait à un sujet de 25 à 35 ans; car ce
juré n'exprime pas par là d'opinion sur les conséquences à
déduire de ce fait' ; â"" qui a fait observer, après la déposition
d'un témoin, que le fait attesté par ce témoin et contesté par
Taccusé, avait été déclaré déjà par un autre témoin ; car, « en
provoquant ainsi une nouvelle audition de cet autre témoin,
afin d'obtenir des renseignements qu'il croyait utiles à la ma-
nifestation de la vérité, ce juré, bien loin d'émettre son opi-
nion sur Paccusalion, n'a fait qu'user du droit mentionné en
Part. 319^ ; » 3® qui aurait dit> dans un débat relatir à un
assassinat: a U est impossible qu'on se trompe sur le point de
savoir si les brûlures ont été faites avant ou après la mort; v
car u ces mots ne contiennent pas l'expression d'une opinion
sur les questions du procès, mais seulement sur un pdnt
théorique de la science médicale^ ; » &'' qui a demandé que
Tun des accusés fût éloigné d'un de ses coaccusés qui parais-
sait exercer de l'influence sur lui ; car « cette demande ne
tendait qu'à l'éclaircissement de la vérité^; » &" qui a dit,àla
suite' d'une question adressée à Faccusé, relative à ses vête-
ments, < je ferai observer que, lorsqu'on a dit que les billets
étaient peut-être cachés dans ses vêtements, Paccuséa pâli; >
car, « cette observation, tout irrégulière qu'elle aoit, n'im-
plique pas la manifestation d'une opinion sur l'accusation
d'incendie pour laquelle l'accusé était renvoyé devant les
assises 6; » 6^ enfîn qui aurait dit> en opposition avec la dé-
* Voy. 9Uprà p. 433.
'Gass. SI septembre 1889, rapp. M. Viocens-SainULaurcnt. Dali. 40f
p» 373.
' Cass. 5 janv. 1843, rapp. M. Jacquiiiot Dali. 43, 1, 133.
* Cass. 14 oct. 1847, rapp. M. de Crousdlhes. Dali. i7, 1, 948.
* Cass, 6 fév. 1840, rapp. M. Vincens-St-LaurcDr. Bull. n. 46.
* Ca^s. A4 juin 1855, rapp. M. V« Fouchcr. Bull. lu S04«
FORIIKB GÉNÉRALES DE LA PBOCÉOUKE DES ASSISES. § 628. 617
position d^uu témoin « que le trou fait dans une balle n^a-
\ait pu être fait par un pique-balle, » car a ces paroles ne
comportaient pas par elles-mêmes un caractère nécessaire d'il-
légalité préjudiciable '. »
Il y a, au contraire, manifestation d'une opinion formée à
Tavance dans les espèces suivantes. Un juré interpellé par
laccusé sur le point de savoir s'il n'avait vu tel jour en un lieu
indiqué tel individu, avait répondu affirmativement : il a été
décidé que celte réponse était à la fois une sorte de témoi-
gnage et Tesipression d'une opinion sur un point de raffaire ;
en conséquence, la procédure a été annulée*. Un juré, au
moment où le président faisait remarquer à l'accusé qu'il ne
s'éiait pas servi d une arme à part, s'était écrié : « cependant
il ne Ta pas manqué. » L'annulation a été prononcée a at-
tendu qu'en proférant ces paroles qui furent entendues du
ministère public et de la Cour, ce juré avait manifestement
exprimé son opinion sur la culpabilité de Taccusé et qu'il ne
pouvait plus concourir au jugement^. »
On voit par ces exemples que, dans Tcsprit de la jurispru-
dence, il ne suffit pas, pour frapper le juré d'incapacité, qu'il
ait proféré une exclamation ou môme énoncé quelque obser-
vation dans le débat. Il faut qu'il ait émis une opinion ou du
moins exprimé quelque réflexion révélant une opuiion sur un
point de l'affaire ; et, en effet, le juré qui.provoque des éclair-
cissements ou des renseignements, ne fait qu'user de son
droit ; il ne s'en écarte que lorsque, au lieu de chercher à s'é-
clairer, il prétend décider, avant que le moment de la délibé-
ration ne soit venu, le sujet du débat ; il laisse présumer alors,
en n'attendant pas le terme de la discussion^ pour former son
opinion, qu'il Ta puisée dans des faits extérieurs, et que, par
conséquent, il a subi des inffuenccs qui gênent son indépen^
dance.
Il faut, en outre, que cette manifestation ait eu lieu assez
publiquement pour pouvoir être constatée. On ne saurait pré-
tendre que la Cour d'assises dût procéder à des enquêtes sur des
conversations privées et épier pour ainsi dire tous les propos
que les jurés peuvent tenir. C'est le scandale d'une opinion
exprimée assez haut pour qu'elle ait pu être entendue à Tau^
dience qui frappe le juré d'incapacité ; il ne p**ut plus prendre
' Cass. 16 ami 1657, rapp. M. SéDéca. Bail. n. 150.
* Cass. 10 août 18^9, riipp. M. Legagneur. Bull. n. 198.
' Cass. l8jaDT. 1855, rapp. M. Rives. BuIK n. 13.
ùiB DES •emsm d'assises.
part au jugement d'une affaire qu'il déetare avoir déjà jugée
à Tavancc. Ainsi, dans une espèce où le dérenseur, après la
lecture de la déolaralioa du jury, avait demandé acte de cer-
tains propos tenus par un juré à l'audience, la Cour d'assises
avait refusé d'en donner acte et même d'interpeller le juré i
cet égard, attendu qu'elle n'avait pas entendu les propos; et
le pourvoi a été rejeté ' .
m. Ge premier point vidé, nous arrivons à la communica-
ti» <(ui fait l'objet explicite) des art. 312, 3A3 et 353.
Il faut poser d'abord quelques règles qui vont fixer de saite
le caractère général des communications prohibées par la loi.
La première de ces règles est que les communications œ
sont illicites, que lorsqu'elles ont pour objet Taffaire même
ifoi est soumise au débat. Cette règle, qui s'explique par elle-
aème, a été plusieurs fois appliquée. Il était établi dans une
eipèce, que quelques-uns dos jurés avaient établi pendant les
débats des colloques avec des personnes assises devant eux.
Le pourtoi a été rejeté « attendu que les art* 312 et 353 ne
portent point la peine de nullité ; que dès lors elle ne peut être
prononcée indistinctement pour toute communication des ju-
rés au dehors, mais seulement pour celle qui serait relatife
«ux faits du procès et pourrait par suite exercer sur TopinioD
des jurés une influence illégale ; que îe procès-verbal desdé-
è«ts n'établit point que la comnkinication ait porté sur les
faits du procès*. » Il était constaté dans une autre espèce
ffo'une lettre avait été remise à un juré pendant la durée du
débat : le pourvoi a été rejeté, « attendu que la remise pen-
dnnt le cours des débats à Tun des jurés d'une lettre roissive
ètcangère à l'affaire dont les débats se poursuivent, ne constitue
pts une communication au dehors que les art. 312 et S53
ont eu pour but de prohiber, et qui ne peut s'entendre que
d'ooe communication relative à l'affaire*. » D'autres arrêts
répètent la même décision \
Une seconde règle est que la communication, même rela-
tive à l'affaire, ne rentre dans les termes de la loi que lors-
qu'elle est de nature à exercer quelque influence sur Tesprit
^ Cas9. 22 mars 1845, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 107.
* Cas8. 12 sept. 1883, rapp. M. Meyroanet-Saint-Marc J. P., U XXV,
^879.
' Cass. 19 a?ril 1844, rapp. M. Dehaussy. Bail. d. 1&4*
* Cass. 6 jailU 1854* ropp. M. Jacquinot. Dali, 54i 5, 309.
FOUUS GÉKÉKALBS DB LÀ IttOOiMIU MES ASSISES. § 628. 619
du juré. Geite deuxième limite est indiquée par la raison : ce
que la loi a voulu proscrire, c'est une influence extérieure ; si
riofluaDce a été nulle, la communication devient indifférente.
La seule difficulté dans ce cas est d'apprécier l'effet que la com*
municalion a pu produire. Dans une espèce où il était établi
qu'un des jurés s'était entretenu avec un témoin à charge, le
pourvoi a été rejeté, t attendu que la nullité ne peut être pro-
noncée indistinctement pour toute communication des jurés
au dehors, mais seulement pour celle qui serait relative àfaf-
faire soumise à leur décision et pourrait exercer sur cette déci«
sion une influence illégale i. » Dans une autre espèce où l'un
das jurés avait demandé à un témoin si un objet, qui figurait
parmi les pièces de conviction, était placé de telle façon dans
la maison de la victime, le pourvoi a encore été rejeté, « at-
tendu qu'il ne résulte pas de là une de ces communications
qui, par les circonstances accessoires, les craintes qu'elles au-
toriseraient, leur gravité, leur durée, pourraient exercer sur
Tesprit et sur l'opinion des jurés une influence illégale et nui-
sible à l'accusé*. » La même solution a été appliquée l^ au
cas où, pendant la déposition d*un témoin, un autre témoin
se serait approché d'un des jurés et lui aurait dit qu'il voulait
oompiéter sa première déposition pour éclaircir un fait* ; 2^ au
cas où Tun des jurés serait sorti de la chambre des délibéra-
tions pour avertir le président que le jury demandait une ex*
plication sur les questions posées^. Il s'agit ici, au surplus, de
l'appréciation d'un point de fait : il faut peser la gravité delà
eomouAnieation et rechercher quel a pu être son effet, suivant
la nature de la cause et Tétat de l'instruction, sur Topinioa
& juré. Les arrêts ne posent point de règle générale et Ton ne
doit pas les isoler des faits qu'ils ont appréciés &.
Une troisième règle est que la communication, quelle
qu'elle soit, pour rentrer dans les termes de la loi, doit être,
non point accidentelle, OMis volontaire de la part du juré;
car, subordonner le sort d'une procédure à une communica^
tion purement accidentelle, ce terait la faire dépendre d'un
événement fortuit : c'est la volonté du juré de chercher les
éléments de sa conviction en dehors de l'instruction qui fait
' Cul léiaarsISSS, n^ M* Rocker. BuiU ■• 38.
^ Cass. 8 oct. 1640, rapp. H. EUmifiiièra». R«f». o. SOO,
' Cass. 16 mars iMl, rapp. M. Vaym de Garterape. DalL 87, 1, W*
* Casa, armais 18S5, rapp. M«.Aag. Moreau. Bull. o. 102.
* 0888.28 jttiD i%M8, rapp. M. Isambert Str. Dev. 88, 1» 510; 10 déoenab.
1857, rapp. M. Aog. Moraan. Bull. n. 898.
620 DES COURS D*ASStSE8.
tout le danger de la communication ; quand cette Tolontén'^
pas révélée par les faits, il ne faut attacher aucune importanœ
à un incident que le hasard seul a fait naître et se fier à h
conscience du juré. Dans une espèce où un tiers était allé an
domicile de deux jurés pour leur parler de Taffaire, il a été
déclaré < que cette communication prétendue aurait été îqyo-
lontaire de la part des deux jurés et quMI ne peut dépendre
d'un tiers, en faisant, hors de l'audience, à des jurés des com-
munications qu'ils] ne peuvent éviter d'entendre, d'arrêter le
cours de la justice et de les placer ainsi en dehors du serment
qu'ils ont prôté ^ » Dans une autre espèce, il a été déclaré en
termes plus explicites encore « que les dispositions des arli*
des 312 et 353 ne sauraient s^entcndre que d'une communi-
cation volontaire de la part du juré et non pas des paroles que
ce juré peut entendre par hasard, sans le vouloir et même
malgré lui'.» Dans une troisième espèce, le chef du jury avait
dit, les portes deTauditoire étant encore fermées : « le jury
est instruit indirectement, que le frère de Taccusé est ici et
qu'il cherche à. intimider les témoins ; » et le pourvoi a été
encore rejeté : « attendu que les art. 312 et 353 ne sauraient
s'entendre que d'une communication spontanée» volontaire, et
non d'un renseignement venu du dehors, et que le jury, par
]'organe de son chef, aurait transmise au président des assises
comme pouvant intéresser la police de Taudience*. »
Il résulte de ce qui précède que la communication ne reo*
tre dans les tcrn>es prohibitifs de la loi que lorsqu'elle réunit
ces trois caractères : qu'elle ait été relative à Taffaire;
qu'elle ait été de nature à influencer l'opinion du juré qui
Ta reçue ; enfin qu'elle ait été volontaire de la part de ce juré.
Lorsque la communication est entachée de ce triple vice,
la nullité de la procédure peut être prononcée; car il peut
en résulter un grave préjudice , soit pour l'accusation , soit
pour la défense, puisque la conviction d'un ou de plusieurs
jurés peut s'être formée 9'après des éléments que les parties
n'ont ni connus ni discutés. Cette nullité a été consacrée par
plusieurs arrêts qui seront examinés plus loin ^.
* Cass. 8 DOT. 1836, rapp. Bf. IsamberU BulL n, 862.
* Casa. 29 nov. 1838, rapp. M. Mérilhoo. Bail n, 878; et eonC casb 3
ocU i8A4, rapp. M. Meyronnet-St-Marc, n. 336.
' Cass. 15 sept. 1843, rapp. M. Bressoiu Bull. n. 248.
* Cass. 20 juin 1835, rapp. M. Meyronnet-St-Marc J. P., t. XXV, p. 886;
16 fév. 1838, rapp. M. Rocher. Bull. n. àà ; 19 mai 18&2, rapp. H. De-
baussy, d. 123 ; 80 mars 1854» rapp. M. Jacquinoti n. 85.
F0RIE8 GÉNéRALES. DE LA PROCÉDURE DES ASSISES. § 623. 621
IV. Mais pour qu'elle puisse être prononcée, il faut néces-
sairement que la communication soit régulièrement constatée,
et c'est ici que se produit la véritable difficulté de cette ma-
tière.
Il y a lieu de distinguer, pourlo mode de cette constatation,
si la communication s'est Taite pendant la durée de Taudience
ou en dehors de cette audience.
Lorsqu'elle s'est faite pendant la durée de Paudience , la
Cour d^assises la constate par son propre témoignage et doit
statuer sur-le-champ.
Si elle reconnaît les caractères d'une communication il-
licite, elle peut, s^il y a un treizième juré suppléant, ordonner
que le juré qui a communiqué s'abstiendra de juger et sera
remplacé par ce suppléant ^. Peut-elle ordonner, è raison de
cet incident, le renvoi de Taffaire à une autre session ? Quel-
ques Cours d'assises n'ont pas hésité à le faire \ Nous exa-
rDlnerohs ce point, que la Cour de cassation n'a pas encore
été appelée à apprécier , dans le chapitre des Incidents de
faudience*
Si elle ne peut ou si elle ne croit pas devoir prendre au-
cune de ces deux mesures, ou si la communication ne lui pa-
rait pas de nature à vicier la procédure , elle doit , s'il y a
réclamation, en donner acte et passer outre.
Est-elle tenue d'ouvrir une enquête pour vérifier les cir-
constances du fait dans le cas où elles seraient contestées? Ce
point est entièrement abandonné à sa prudence. Il a été re-
connu qu'il n'était pas nécessaire qu'elle vérifi&t le contenu
d'une lettre remise à un juré pendant la durée des débats,
« lorsqu'il résulte des explications du juré que cette lettre
était étrangère & raffaire^. » Il a été reconnu encore qu'il
suffit qu'un juré qui avait communiqué avec un individu
étranger & l'affaire, déclare que cette communication n'avait
aucun rapport avec le procès, « attendu que l'art. 312 s'en
rapporte à l'honneur des jurés pour l'observation du devoir
de ne pas communiquer; et qu'aucune loi n'oblige la Cour
d'assises & provoquer des témoignages pour contrôler la dé-
' Cas8.i6 jailL 1857, rapp. M. Lascoux. Bull. d. S68.
' Coar d*A8S. de la Seine des 16 juin el 23 déc ieS9, Jt cr. U VIII, p.l80
el 362.
' Cssfi. 28 junv. 1848, rapp. M. BrlèiC-Yalygny. Bull. n. 26. :
622 DES COOBS B'AUinS.
claration du jnré de service sur la natore des eomnmnicalions
qu'on lui reproduit'. »
Si le fait de ooimmDicâlioD commis à l'andiwieii^a donné
lieu à aucune observation et si le procès -verbal n'en a gardé
nulle trace, les parties sont» en général» non recevables i le
relever devant la Gpur de cassation *. On verra toutetois tout
à l'heure que cette règle admet quelques restrietions.
Si le fait est constaté dans le procès-verbal , soit incidem-
ment, soit par un donné acte, la Cour de cassation peut l'ap-
précier et en déduire les conséquences qu'elle juge conte,
nable. C'est ainsi qu^un arrêt prononce l'annulation d*uue
procédure, « attendu qu'il e9t constaté par le procès-verbal
des débffts que, dans le cours de l'audition des témoins, l'an
d'eux s'ètant appreché des jurés et'leor parlant i voix basse,
l'avocat général leur a représenté qu'ils ne deraient point
conférer ensemble, et qv^alorsH. le président, prenant ia
parole, a demandé aux jurés. s'ils avaient adressé au témoin
des questions sur l'affaire et si eelui-ci leur en avait parlé;
que les jurés et le témoin ont répondu négativement ;qa1l
suit de là que, dans le cours même des débats, il y a eu corn-
munieation à voix basse entre le témoin et les jurés; que
cette comnuwieation a même excité Tattention et hi sollid-
tude de Tofficier du ministère pid»lic qui a cru devoir repré-
senter aux jurés et aux témoins cp'ili aedbivmt point com-
muniquer ensemble ; que ces (ails aânsi constalés eonstitoent
une violation formelle deadisfiositions de l'ait. 312 *. •
De là il faut inférer : l"" que loff6|pie>la «ommunkation i
eu lieu à Taudience et qu'elle est constatée par \t prooè-
verbal des débats, elle peut, d'aptes Tappréoiatioii.de sa na-
ture et de ses effets, devenir une cause de nullité; S° e^
particulièrement, que cette cause de nullité existe iorsqoe
des jurés ont conféré à voix basse avec un témoin et qiieeelU
conl'ércDce , publiquemeni signalée , a pu jdter des doottf
sur soaobiet dans, Fespritt des, parties.
y. Lorsque la communication a lieu eu dehors do l'au-
dience, pendant l'intervalle qui sépare les séances, il est plus
difficile de la constaler et par conséquent d^attacher une duI-
liteaux infractions qui sont faites à la prohibition légale.
* Casa. 35 nov. #837, rapp. M- HérilhOtt. Dali. 38, i; 496.
■ Cass. 30 juin 1838, rapp. M. Fréteau. Sir. 38, 4, 760.
> Cass. âb juîn^8a4,ira{»p..Ai.lf«yMnitft-S(*MarcJ.P.«r«,XXVp,1^6.
FORMES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE DBS ASSISES* § 628. 623
Aussi la Cour de cassation n'a jamais cessé de poser en
règle générale que les communications commises en dehors
de Taudience, échappant aux regards de la justice, échappent
par là même à la sanction pénale. Elle a jugé « que si les
jurés ont communiqué au dehors pendant les intervalles de
repos, il en pourrait bien résulter de leur part une désobéis-
sance à la loi , mais non une nullité de procédure ^ ; « et que
a quand une aSaire est renvoyée au lendemain , il suffit que
le président invite les jurés à ne communiquer avec personne
relativement à rafTaire \ » Enfin, particulièrement an ce qui
cooceme les relations des jurés et des témoins^ que « quand
il est constaté que les faits se sont passés pendant la juspen- .
sien de Taudience et hors du palais de justice, » on ne doit
point y voir une infraction à l'art. 312 *.
Cette jurisprudence s^explique aisément. La présence si-
muUauée dans les mêmes lieux publics pendant les interval-
les de repos des jurés et des témoins, donne lieu à un rap--
prochement inévitable qu^aucune surveillance ne pourrait
empêcher. Ce n'est qu'en diminuant le plus possible la durée
des suspensions qu'on parvient à en diminuer les inconvénients.
La justice ne peut que s'en rapporter ensuite à la probité des
jurés et au serment qu'ils ont prêté. C'est par ce motif que la
ici n'a point voulu attacher en termes absolus la peine de
nullité à toutes les contraventions que la nécessité même des
choses favorise et peut enEanter, et mettre la validité des pro-
cédures à la merci des bruits de la place publique, des pro-
j)os de café ou d'auberge, des indiscrétions d'un témoin, ou
de la conduite plus ou moins réservée d'un juré. Elle s'est
bornée à poser une règle prohibitive en en subordonnant
l'application et le maintien à la possibilité de la preuve. De
là la jurisprudence qui déclare que la eonununication, faite
en dehors deTaudience, que la Cour d'assises ne peut ni sur-
veiller ni constater, ne peut vicier la procédure. De là aussi
les restrictions que les faits eux-mêmes sont venus successi-
vement apporter à cette règle générale, lorsqu'il a été pos-
sible de les saisir et de les vérifier* On peut en chef quelques
exemples.
* Gass. 6 février dSiS, rapp- H. Busichop. J. P., U X, p. â08 : i7 aoat
1815, rapp. M. Aumont, L XIII, p. 65.
* Cass. 12 avril 1882, rapp. M. Brière. J. P., U XXIV» p. 957.
' Gass. 3 nov. 1859, à notre rapp. Bull. n. 525; 24 oct. 1657, rapp. M.
Dehaussy, d, 850.
624 DES COUR$ j>'assipes.
Dans une affaire de meurtre, le défenseur avait demandé
acte de ce que, pendant une des suspensions de raudience,
cinq des jurés de jugement s'étaient transportés sur le lieu où
l'homicide avait été commis, et avaient conféré, soit avec la
veuve de l'homîcidé, soit avec les personnes de sa famille ou
de sa maison. La Cour d'assises avait simplement donné acte
de celte allégation. La Cour de cassation, en se fondant sur
ce donné acte qui était appuyé par la production de plusieurs
documents,aprononcé l'annulation de la procédure, « attendu
que du procès-verbal d'audience et des autres documents de
la cause, il résulte que plusieurs des jurés de jugement se sonl
transportés, hors de la présence de la Cour, de l'accusé et de
son conseil, sur les lieux où s'est passé le fait, objet de l'ac-
cusation, et que là ils ont reçu, tant de la partie plaignante
que des témoins, des renseignements relatifs à ce fait; que
la communication au dehors, prohibée par les art. 312 et
353, au moyen de laquelle ces renseignements ont été obte-
nus, constitue une vîoialirn du droit de défense, puisque
l'accusé, n'ayant pu les contredire, ni même les connaître, a
été privé des garanties qui lui étaient assurées par les art. 317
et suivants \ »
Dans une deuxième espèce, la Cour d'assises avait donné
acte « de ce que ce matin, avant l'audience, l'un des jures
est allé chez un témoin et de ce que ce témoin lui a fait voir
comment sa porte s'ouvrait, comment les deux chambres com-
muniquaient.. . 9 La Cour de cassation a déclaré « que ce fait
constitue, de la part de l'un des jurés de jugement, une
communication volontaire au dehors avec l'un des témoins
sur l'afTaire, dans le cours des débats, et que cette communi-
cation a pu exercer sur la conviction de ce juré une influeoce
préjudiciable à la défense ; » en conséquence, elle a cassé*.
Dans une troisième espèce, un juré ayant pénétré, pendant
une suspension, dans la chambre du conseil de la Cour, avait
dit, au sujet d'un incident, « qu^un renvoi serait fftcheui,
parce qu'il s'agissait d'une affaire très-simple où la convie-
tion doit facilement se former, i et le président avait répomlo
« qu'il était vrai que c'était une de ces accusations qui ne
s'inventent pas. » A la reprise de l'audience, ce magistrat
crut devoir rendre compte de ce fait et ordonner qu'il serait
* Cas?. 16 fév. 1838, rapp. M. Hocher. BuU. n. 44.
^Cns. 49 mai 18&8, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 123.
. FOBIES GÉNÉRALES DE LA PBOCÉDURE DES ASSISES. § 628. 6SS
relaté au procès-verbal. La Cour de cassation a annulé , c aU
t^Ddu que le fait relevé au procès-verbal et porté à la con-
Daissance de Taccusé, de Tordre du président, constitue une
communication de Tun des jurés pendant le cours des débats ;
que dans cette communication, qui a été volontaire de la part
da juré et a eu lieu hors de l'audience, ce juré a trouvé l'oc-
casion, non-seulement de faire connaître son opinion/ mais
encore de recevoir, par la manirestation de l'opinion d^une
autre personne sur Taccusation, une influence directe sur sa
conviction et d'une nature préjudiciable à Taccusé ^. »
Il Taut induire d'abord de ces arrêts que, lors même que la
communication n'a eu lieu qu'en dehors de l'audience et dans
rintervalle des suspensions, elle peut encore devenir, suivant
les circonstances, une cause dé nullité; mais il faut ajouter,
pourvu qu'elle puisse être régulièrement constatée. Ainsi»
dans les deux dernières espèces, elle est relatée dans le pro-
cès-verbal mêine, et dès lors il n'existe plus de différence entre
la communication commise & l'audience ou hors de l'audience ;
les effets de l'une et de l'autre sont les mêmes, et la difficulté
de la preuve étant le seul point qui les sépare, dès que la
preuve est faite, la même règle doit être appliquée.
Il n'y a de diflficulté que lorsque, comme dans la première
espèce, le procès-verbal des débats ne constate pas ou ne con-
state pas suffisamment la communication alléguée ; et c'est
ce qui arrive le plus souvent lorsqu'il s'agit d'une communi-
cation du dehors.
La Cour d'assises, en effet, peut refuser de donner acte
d'un fait qui s'est passé hors de sa présence et qu'elle n'a pu
apprécier. Si elle n'est pas tenue d'ouvrir une enquête au
sujet d'un fait qui s'est passé à Taudience même, à plus forte
raison peut-elle ne pas l'ordonner lorsque le fait s'est accompli
en dehors de l'audience. Une Cour (rassises avait refusé de
donner acte d'une conversation entre un juré ot un témoin à
charge, et d'entendre à ce sujet le témoin et le juré, « parce
que la loi permettant de suspendre les débats pour prendre
un repos nécessaire, elle doit nécessairement s'en rapporter
à la conscience des jurés et à leur serment quant à la défense
de communiquer pendant l'intervalle des audiences, et qu'on
ne pourrait, sans se livrer à des investigations arbitraires,
faire des enquêtes et les interpeller sur la nature des rapports
* Cass. 30 mars 1854} rapp* M, Jacquinot. Bull. n. 85.
vui. . 40
g^ DKS C00R8 D*A$SI8ES.
et des conversalions qu^ils ont pu avoir en dehors des débats, t
Cet incident, ayant été dénoncé à la Cour de cassation, le
pourvoi a été rejeté « attendu qu'en refusant de donner acte
d'un Tait qui s'était passé avant l'ouverture de Taudience, et
par conséquent hors de sa présence, et qui consk^lait dans une
simple allégation, la Cour d^assisesn'a fait qu^userdn droit
d'appréciation qui lui appartenait ^ »
Toutefois, le môme droit d'appréciation qui lui permet de
refuser de donner acte du fait allégué lui permet de vérifier
ce fait, si Tallégatiou lui parait grave, pourvu que la réelamii'
tion se produise avant la déclaration du jury. C'est ce que
reconnaît un arrêt qui déclare « que c'est seulement après la
lecture de la déclaration du jury, en présence de Taccosé.
3ue le défenseur a demandé acte de ce que dans le coun
os débats, et pendant une suspension d'audience, l'an àts
jurés de jugement aurait communiqué avec le dernier témoin
entendu ; que la Cour d'assises ne pouvait constater l'existence
d'un fait qui n'avait pas eu lieu en sa présence et dont elle
n'avait point dès lors une connaissance personnelle; qoeleseui
moyen pour elle de s'assurer s'il avait réellement eu lieu et
d'en vérifier la nature et la portée eût été de rouvrir un débat
qui n'était plus possible, alors que la déclaration do jury était
devenue définilive ; qu'en rejetant les conclusions de la dé-
fense, la Cour d'assises s'est conformée i la loi 3. »
Lorsque la Cour d'assises a refusé de donner acte du iait,
ou lorsque le donné acte n'a pas étéréclamé, est-il posâblede
le relever en cassation et d'en faire un grief à l'appui du pour-
voi? Cette question se réduit à savoir s'il est possible de faire
devant la Cour de cassation une (jreuve qui n'a pas été faite
devant la Cour d'assises. A cet égard il y a lieu de distin-
guer.
Si la partie qui a formé le pourvoi ne présente k l'appui
que de simples allégations ou des actes extrajudieiaires, il
serait dilTicile que la Cour pût s'y arrêter. Quel moyen aurait-
elle de vérifier ces allégations ou ces actes? Devrait-eUe or-
donner une enquête? Il n'est point dans les usage» de la Cour*
quoique aucune loi ne s'y oppose ouvertement, de recourir à
des mesures do vérification qui conviennent plus à des jttgts
(lu fait qu'à des juges du droit. La Cour de cassation statue
I CaiS» Si jaUl. 1843, rapp. M. Meyronnet-Saiul-Marc. BulL n. iSS.
* Ca^s. 19 d<:c. 185a, lapp. M. Aug* Moreau.. Bull. u.. 609-
FQIUIES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE DES ASSISES. § 628. 627
sur des jogements ou des arrêts ; elle ne statue pas sur des
faits* elle apprécie des actes définitifs, des instances consom-
mées; elle ne s'occupe pas d'éclaircir ou de rechercher les
faits qui en ont été r(rf>jet ; elle prononce sur les pièces qui
sont produites devant elle, et elle n^est point appelée à sup-
pléer aux preures qui en résultent. Il a été jugé en ce sens
<c qu'aucune disposition de la loi ne charge la Coar de cassa-
tion d'ouvrir des enquêtes sur les allégations en dehors des
faits constatés au procès-verbal des débats ; qu'à défaut de
preuves matérielles pséeiistantes» la Cour doit présumer que
les jurés ont rempli les devoirs à eux imposés par la loi et
leur serments »
Et néannwins, si on allègue devant elle, ou que le procès-
verbal des débats renferme de fausses énonciations, ou que des
pièces dont on excîpe, et qu^on ne peot [produire, sont de
nature à influer sur le jugement du procès, l'inscription de
faux, dans le premier cas, est acquise à tonte partie, devant
quelque tribunal qu'elle soit en cause, pourvu qu'elle rem-
plisse les conditions auxquelles l'exercice en est subordonné
et so soumette à la responsabilité qu'elle entraîne; et, dans le
second cas, un apport de minutes, la production faite, d^au-
torité de la Cour, de tout renseignement préexistant propre
à éclairer sa religion, la mettent en situation, non d'appré-
cier les faits, mais de vérifier les pièces qui, en tant qu'elles
se lient à la question du pourvoi, peuvent être considérées
comme nécessaires à sa solution*. Ainsi ce n'est que par lu
voie (le Tinscriplion de faux, ou par des apports ou produc^
tîons de pièces, qu'il est possible de suppléer aux énonciationr
da procès-verbal : tout autre moyen de preuve est écarté de-
vant la Cour de cassation.
II résulte de ce qui précède que la jurisprudence, sauf la
double resfrietfon qui vient d'être énoncée, ne veut, lorsqu'il
s'agit d'une commumcation à Taudience, admettre d'autre
preuve que le procès-verbal même des débats qui doit cons-
tater tout ce qui s'est passé à Taudience, et lorsqu'il s'agit
d'un« communication hors l'audience, que les conclusions des
parties et les constatations faites par la Cour d'assises en sta-
tcRint sur ces conclusions. Cest donc, en dernière analyse, à
* Cass. 80 juill. ^BÂO, rapp. M. Isambert. Bull. n. 219 ; et 12 déc 1840^
rapp. M. de Ricard, n*. 350.
«Rapport de M. le coiiseiRer Hodier dans Taffaire dans laquelle a été
rendu Parrêidu ISfév. 1888.
628 DES COURS D ASSISES.
la preuve que lui fournit le procès -verbal des débats que se
réfère la Cour de cassation. S'il n'y a eu ni observation ni
réclamation, les parties sont forcloses ; s'il y a eu réclamation
et qu'elle n'ait amené aucune constatation précise, la Cour
peut ordonner, s'il y a lieu, un apport de pièces supplétives;
enfin, s'il y a eu, sur les conclusions des parties, la constata-
tion d'une communication quelconque, la Cour en apprécie
la nature et les effets. Nous avons déjà indiqué la raison de
cette jurisprudence : il ne fallait pas laisser sans aucun freia
entre les mains des parties un moyen de nullité dont les élé-
ments se puisaient dans les actes même de la vie des jurés, de
sorte qu'elles auraient pu, par de scandaleuses enquêtes,
flétrir leurs juges tout en attaquant les arrêts. Il en résulte
sans doute la possibilité de quelques communications qui de-
meurent hors de toute atteinte, et par conséquent de quelques
influences illicites '. Mais cet inconvénient, quoique réel, a
paru moins grave que celui de faire sortir un moyen de droit
de faits qui ne peuvent être facilement constatés, et de laisser
une porte sans cesse ouverte aux haines et aux récriminations
des parties.
S 629.
1. Assistance des interprètes. — II. Dans quels cas il est nécessaire
de les appeler. — III. Peine de nullité au caia d'infraclioD. -
IV. Formes de leur Domination. — V. Quelles personnes peuYent
assister ceux qui parlent des langages différents. — VI. Quelles pe^
sonnes peuvent assister les sourds-muets et les infirmes. — VII. Lear
récusation et ses formes. — VIII. Leur serment. — IX. Règles
relatives à Texercice de leurs fonctions.
1. Une dernière forme générale de la procédure des assises
est l'assistance des interprètes aux débals toutes les fois que
cette assistance est nécessaire.
Il ne suffit pas qu'un accusé soit présent à l'audience, il
faut qu'il entende et qu'il comprenne tout ce qui s'y fait et
ce qui s'y dit, les dépositions, les explications, toutes les pa-
roles qui y retentissent. Si ces paroles ne parviennent pas net-
tement à son intelligence, il n'y a plus de débai^ car Taccu-
rapp
* Cass. 2 sept. 1852, rapp. M. Jacquinot. Dali. 52, 5» 156; à juin 1840 1
pp. M. Isamt>ert. Dali, v* lusl. cr. o. 1990.
rORMES GÉNiBALES DE LA PROCÉDURE DES ASSISES. § 629. 629
sation, n'étant pas comprise, n'est pas déballue; il n'y a plus
de défense, car l'accusé, qui ne saisit pns l'attaque, ne s'oc-
cupe pas de la repousser. C'est comme si un homme, dont les
facultés intellectuelles seraient altérées par une maladie, était
traduit aux assises.
Il ne suffit pas non plus qu'un témoin Tienne déclarer à
Taudience ce qu'il a vu ou entendu ; il faut qu'il soit com-
pris des juges, des jurés et des accusés, il faut qu» sa décla-
ration, intelligible pour tous, provoque les interpellations de
toutes les parties. Il est clair qu'une déposition, qui n'est pas
entendue et comprise de toutes les personnes intéressées, cesse
d'être un élément du jugement, car elle n'a pas subi l'épreuve
delà discussion.
De là la pécessité de la présence des interprètes au débat,
toutes les fois qu'un accusé ne comprend ou ne parle pas la
langue qui est employée dans ce débat, toutes les fois qu'un
témoin^ un expert, une personne entendue ne parle pas cette
langue ou fait usage d'un idiome particulier, toutes les fois,
en un mot, qu'un langage commun, un moyen de commu-
nication général ne porte pas à la fois à la connaissance des
juges et des parties les faits et la discussion de l'audience-
Cette nécessité est tellement dans la nature des choses que la
législation ancienne l'avait consacrée aussi bien que la nôtre
et que les dispositions qui vont être examinées y ont été en-
tièrement puisées (1).
Ces dispositions se réduisent aux art. 332 et 333 de notre
Code qui sont ainsi conçues :
« Art. 332. Dans le cas où raccusé, les témoins ou l'un d'eux ne
parleraient pas la même langue ou le même idiome» le président nom-*
mera d'office, à peine de nullité, un interprète âgé de 21 ans au moins,
et lui fera, sous la même peine, prêter serment de traduire fidèlement
les discours à transmettre entre ceux qui parlent des langages diffé-
rents. L'accusé et le procureur général pourront récuser l'interprète,
en motivant leur récusation. La Cour prononcera. LMnlerprète ne
pourra, à peine de nullité, même du consentement de l'accusé, ni du
procureur général, être pris parmi les témoins, les juges et les jurés. »
« Art. 333. Si l'accusé est sourd-muet et ne sait pas écrire, le pré-
sident nommera d'office pour son interprète la personne qui aura le
plus d'habitude de converser avec lui. lien sera de même à l'égard du
témoin sourd-mnet. Le surplus des dispositions du précédent article
sera exécuté. Dans le cas où le sourd-muet saurait écrire, le greffier
écrira les questions et observations qui lui seront faites ; elles seront
remises à Paccusé ou au témoin qui donneront par écrit leurs réponses
On déclarations. 11 sera fait lecture du tout par le greffier. >
(i)Ord. 1070; tit. XIV, arU XI; et til. XVIll. arl. I et suiv.
630 DES COURS d'assisfb.
Nous allons successivement examiner, 1** dans quels cas
il y a lieu à rem|)loi des inlerprèîes; 2* quelles personnes
peuvcnl exercer cet emploi ; 3* les formes de la récusation
dont elles peuvent Hrct Tobjel ; 4** les formes de leur nomina-
tion ; 5<» les règles relalivesà l'exercice de leurs fondions.
II. Il n'y a lieu, d'après la loi, à la nomination d'un in-
terprète qjuc dans deux cas : 1° quand un accusé ou un témoin
ne parle pas la langue française ; 2" quand un accusé ou un
témoin est sour J-mucl. Mais on verra tout à l'heure que cette
disposition n'est pas limitative.
Examinons d'abord les deux cas prévus par h loi.
Dans la première de ces deux hypothèses, l'art. 332 se sert
de ces termes : « dans le cas où Taccusé, les témoins ou Tun
d'eux ne parleraient pas la même langue. » Que faut- il en»
tendre par ces mois? Il est évident, en premier li-u, puisque
les débats ont lieu dans la langue française, qu'il suffit qu'uB
des témoins ou des accusés ne parle pas cette langue pour
qu'il soit nécessaire de lui donner un interprète. Mais si
l'accusé, sans la parler, entend la langue dont se sert le témoin,
y a-t-il lieu à la désignation de l'interprète? L'ord. de i670,
til. XIY, art. XI, exigeait cette assistance lorsque raccusé
« n'entendait pas la langue française » ; notre Code, en Texi-
^eant, « lorsqu'il ne parle pas cette langue, » a-t-il substitué
à l'ancienne règle une règle nouvelle et plus restreinte?
Quelques arrêts semblent Tavoir admis. Un pourvoi* fondé
sur ce qu'un accusé, ne parlant pas la langue française, n'a*
vait pas eu d'interprète, a été rejeté, « attendu que le procès-
verbal des débats ne constate pas queTaccusé n'enlenditpas
la langue française et se borne à dire qu'il parle une langue
■étrangère '• Un autre pourvoi, motivé sur ce que raccusé
n'entendant pas la même langue, n'avait pu entendre la dé-
position d'un témoin qui ne lui avait pas été traduite, a en-
core été rejeté, a attendu qu'il n'y a lieu de nonuner unior-
terprète que dans le cas où l'accusé^ les témoins ou l'un d^ev
ne parleraient pas ta même langue ou le même idiome;
qu'aucune réclamation ne s'est élevée à cet égard pendant les
débats; et que dès lors il y a présomption que la déposibon
du témoin a pu êire entendue par l'accusé, les jurés et les
magistrats '. » Enfin, dans une espèce où le président avait
* Gass. 23 avril 1885, rapp. M» Tambert. Bail. o. 149.
* Cass. 23 mai iS39, j-app, M. Isambcrt Bull, su 103*
FORMES GlÎNiBALES DE LA PttOCtflMJBE DES ASSISES. § 629. 6Si
lu des dépositioQS reçues en Angleterre, le rejet a été pro*-
noncé» « attendu que l'emploi d'un interprète n'est exig^
que dans le cas où les accusés ou les témoins ne pai'IeraiaAt
pas la même langue ; que les accusés n'ont point prétendu
ne point entendre les dépositions reçues en Angleterre et
quils n'ont point réclamé Tappel d'un interprète pour en
faire la traduction '. »
Ln distinction, que ces arrêts semblent implicitement éta-
blir entre l'aecusé qui ne parle pas la langue française et
celui qui ne l'entend pas , ne nous paraîtrait pas fondée.
Il importe peu qu'un accusé entende la langue dans la»-
quelle se fait une déposition» il suffît qu'il ne la parle pas
pour que l'interprète soit nécessaire: la loi est formelle sur
ce point. C'est que cVst l'usage d'une langue qui seul peut
donner la mesure de l'intelligence de cette langue ; c'est que
celui qui ne la parle pas est réputé ne pas la connaître ou du
moins ne la connaître qu'imparfaitement ; c'est que, pour re»-
pousser une imputation rédigée dans une langue étrangère.,
il De suCEk pas d'en saisir quelques mots, il faut connaître
toutes les nuances et toute la portée de ses termes. Quel esjt
le vœu de la loi? c'est que Taccusé ait la parfaite intelligence
de ce qui se fait et se dit devant lui ; aussi, c'est le langage^
c'est-à-dire Tapplication même de la laii.gue qu'elle a con^
sidéré comme le signe légal de la connaissance de cette lan-
gue. Dès qu'il est constaté, dès qu'il est allégué même, pourvu
que cette allégation soit sérieuse et se produise au débat, que
l'accusé uje parle pas la langue dont il est fait usage, il y a
nécessité de lui donner un interprète, lor« même que l'on
pourrait présumer qu'il peut entendre cette iajigue.
La deuxième hypothèse prévue par la loi est celle où l'ac-
cusé ou le témoin serait sourd-muet. Il est évident d'abord
que la disfiosition de la loi n'est applicable qu'à celui qui est
affligé d'une infirmité réelle^ et il a é(é jugé^ conformément à
iacèfleposéeparlesarjt. 7et8dutit.XYUIderord.dei670,
que la Cour d'assises peut faire examiner par des gens de
Tart l'accusé qui se prétend sourd-muet, et sur leur avis
que riofirmité alléguée est simulée, ordonner que le débat
aura lieu oralement en la forme ordinaire \
Y.a-:t-il lieu à la nomination d'un interprète si t'accMsé est
' Cass, 7 janv. 18à7, rapp. M. Baronnes. InsL cr. t. XX, p. d45.
* Cass. 30 juill. 1835. rapp. M. Rocben Bull. d. 806.
632 DES .COURS d'assises.
muet sans être sourd, ou sourd sans être muel? Il est clair
d'abord qu'il n'y a pas de question s'il ne sait pas écrire ,
car l'écriture est dans l'un et l'autre cas le seul moyen de
cotnmunication ordinaire qui soit praticable. S'il sait écrire,
les questions lui sont adressées de vive voix dans le premier
cas, et il y répond par écrit; elles lui sonl au contraire adres-
sées par écrit dans le second et il y répond de vi?e voix. Mais
ce moyen de communication dispense-t-il de l'interprète? Non,
car l'interprète doit suppléer à ce que l'écriture a d'incomplet
lorsqu'elle traduit un débat oral ; il explique les paroles que
l'écrivain )-ésume; il développe les résultats qu'elle formule.
Telle était la décision de l'art. 6, tit. 18 de l'ord. de 1670.
Il en est ainsi à l'égard du sourd-muet qui sait écrire. La
loi veut que les questions et observations qui lui sont Taites
soient écrites par le greffier, et qu'il donne par écrit ses ré-
ponses et ses déclarations. Or, de ce que cette voie de com-
munication est indiquée par la loi, s'ensuit-il qu'elle remplace
entièrement l'interprète? La raison de douter est que la loi
ne la prescrit que pour « les questions et observations
qui sont faites à l'accusé. » Or, en dehors de ces questions et
observations directes, ne faut-il pas qu'il sache ce qui se fait
et se dit devant lui? 11 lui faut donc un interprète^ comme
s'il ne savait pas écrire, pour toute la partie du débat qui ne
lui est pas communiquée par écrit.
Et toutefois l'assistance de l'interprète ne justifierait pas
dans ce cas la suppression de la communication écrite. Cette
voie de communication, qui permet à l'accusé d'exprimer lui-
même et dans les termes qu'il veut employer ses explications,
est une forme essentielle de sa défense; il ne pourrait en être
privé. Dans une espèce où l'accusé, complètement sourd, n'a-
vait point reçu la communication écrite, lors du tirage du jury,
des noms des jurés appelés par le sort, la procédure a été
annulée, a attendu que le procès-vèrbal de l'interrogatoire de
l'accusé par le président déclare que, vu Tétat de surdité de
cet accusé, toutes les questions et interpellations ont dû lui
être adressées par écrit ; que le procès-verbal des débats dé-
clare également que, vu le même état de surdité toutes les
interpellations que Ja loi prescrit de faire à l'accusé lui ont
été faites par écrit; qu'il lui a été donné connaissance par
écrit de ce qui était contenu en l'acte d'accusation, et qu'a-
près la déposition de chaque témoin le président a fait encore
mettre par écrit ce que le témoin avait déposé pour le com-
FORMES GéllÉRALES DE LA PROCiDURB DES ASSISES. % 629. 693
muniquer à l'accusé ; que ces différentes éuonciations consta-
tent que Taccusé était atteint d'une surdité complète et que
sachant lire et écrire, l'écriture était la seule voie de commu-
nication qui pût être employée avec lui;... aue le procès-
verbal du tirage du jury n'énonce point qu'il fût assisté d'un
conseil, et que la nomination d'un interprète ne saurait sup-
pléer, puisque celte nomination n'est exigée par les art. 332
et 333 et ne peut avoir un résultat utile qu'à l'égard des
sourds-muets qui ne savent pas écrire ou des personnes qui
parlent un langage différent; qu'il y a donc eu violation de
l'un des droits de la défense S »
On doit induire de cet arrêt d'abord que les termes de
l'art. 333, et nous allons revenir tout à l'heure sur ce point, ne
sont point restrictifs, puisqu'il assimile les sourds aux sourds-
muets ; ensuiteque l'assistance d'un interprète ne supplée point
à la connaissance personnelle que l'écriture permet de donner à
l'accusé. Mais il en résulte encore, et sur ce point une expli-
cation est nécessaire, que le ministère d'un interprète serait
inutile lorsque, dans le cas prévu par le deuxième paragraphe
de l'art. 333,raccusé sourd-muet ^aît écrire. Ce ministère est
en effet inutile lorsque, comme dans l'espèce de l'arrêt, l'é-
criture a traduit, non-seulement les questions et interpella-
tions directement faites à l'accusé^ mais toutes les réquisitions^
toutes les dépositions^ tous les avertissements, enfin toutes
les paroles du débat. Mais si cette procédure écrite a été
maintenue dans les termes restrictifs de cet article, si elle
s'est bornée à communiquer les questions directement adres-
sées à l'accusé, il n'y a plus de raison de lui refuser une assis-
tance qui lui est indispensable pour lui faire connaître le sur.
plus du débat.
Au reste, les dispositions des art. 332 et 333 ne doivent
point être enfermées dans. leurs termes: la loi n'a prévu que
deux cas d'assistance ; mais le principe en vertu duquel ces
cas sont formulés^ s'étend à tous les autres cas où cette assis-
tance est également nécessaire. Ainsi, il a été successivement
jugé que le ministère d'un interprète est nécessaire : 1° lors-
que l'accusé ne parle pas la même langue que les juges et les
{'urés ' ; 2^^ lorsque le langage d'un témoin est inintelligible^
^ien qu'il ne parle pas une langue différente, « attendu que
les art. 332 et 333 ne sont pas limitatifs ; qu'ils ont été édictés
'JCass. 29déc 1854, à notre rapp. Bull. n. 358.
* Gass. 6. bruiu. anym. Bail. 1'* partie, p. 155»
i634 Dss GOOM d'assises.
pour les cas les plus ordinuires et qu'ils poseoi une règle qui
doil être appliquée dans tous les cas analogues ^ ; 3^ lorsqu^un
téoMMO, atteint d'idiolisnae» n'arlicule qu'avec peine sa dépo-
sition, « attendu qu'en dehors des cas que les art. 332 et 333
ont expressément prévus, les infirmités physiques ou morales
d'un accusé ou d^im téinoin peuvent révéler la nécessité de
Je faire assister d'un tnterprèle, afin que la communication de
la pensée soit entière et que la manifestation de la véritésoit^
autant que possible, dégagée de toute entrave ' ; » 4*" lorsque
J'uu des jurés ne comprend pas la langue employée dans les
dôbats, «attendu que lorsque Tidiome dans lequel s'expri-
jPDCDi les accusés et les témoins n\'st pas compris par tous les
juges et tous les jurés, il y a nécessité d'appeler aux débats
un interprète pour traduire les dépositions orales des témoins
et les explications de Taccusé; que sans cela ces dépo&itiois
et .explicatioios, d'après lesquelles doit se former la conviciioa
du jury, pourraient n'étro pas comprises et par suite être mal
appréciées par les jurés appelés à prononcer sur raccusatioB;
qu'ainsi la défense serait entravée ou compromise*. »
Cette jurisprudence est parfaitement conforme à Tespritet
i la raison de la loi. La Cour de cassation l'a même appliquée
dans un cas où le président avait d'office nommé un inter-
prète à un témoin c parlant très-bas è cause de son graad
Âge et étant d'ailleurs un peu sourd ^. » Les présideats des
assises doivent en général, dans l'intérêt de la justice , 1 éten-
dre à tous les cas où il est douteux que Taocusé ou les té-
moins, a raison de leurs infirmités, puissent énoncer claire-
Hietnt leurs idées ou comprendre les paroles qui leur sont
adressées. 11 faut que lu communication des pensées soit en-
tière. L'absence d'un interprète peut produire une nullité
dans tous les cas ou son assistance était nécessaire. Sa pré-
sence, lors même qu'elle semblerait surabondaute» ne vide
jamais le débat.
ni. L;i présence de l'interprète, dans les cas où elle est
tépulée nécessaire^ est prescrite à peine de nullité, et lecon-
* Cass. 18 mai 4855, rapp. M. de GIos.' BulU n. 164 ; 21 juHI. 1843, rapp.
M. Meyronnel-St-Marc. n. 188.
* Gass. 28 sept. 1868, rapp. M. Jtoessoa^ Bull n. 251. -
' Gass. 2U mai 18^3, rapp. M. Briërc-Valigny. Bail n. 117; U xgl
1840, rapp. M. de Crouseilhes. Dali 40, 1. 443.
* Gass. 21 juin. 1843, rapp. M. de Grouseilhes. Dali v lasU criiD.,
lU 2320.
FORMES GÉNÉRALES 01 LA PftOGÉDVRB SES ASSISES. § 629. Q3t#
sentement de Taccusé ioi-mème ne couvrirait pas l'infraclionS
L'application de cette nuHité, dont la jurisprudence a craint
l'abus, a donné lieu à quelques règles qui ont pour but de la
limiter.
li est certain d'abord que si la nécessité de Tinterprète eist
constatée, le prooès^verbal doit constater à la fois, à peine de
nullité, son assistance. Ge n'est là que la stricte appiication
de la loi, puisque le procès- verbal doit, aux termes de Tar^-
ticle 372, énoncer l'accomplissement des formes prescrHes
par la loi, et que cette énonciation est ia seule preuve de leur
observation. Ainsi, lorsqu'il résuHe du proeès-vertïal des dé^
bats que Taecuséne parlait que la langue allemande, qu'on
lui a traduit l'acte d^accusation, il ja nullité si ce procès^
verbal ne mentionne pas la présence d'un interprète aux
débats *. Ainsi, lorsqu'il est étspbli que quelques<-uns des
témoins ne parlaient pas la langue française, il y a nullité s'il
n'est pas établi que leurs déclarations ont été traduites parle
secours d'un interprète ■.
Mais il sufKt que le procès-verbal constate la nomination
de l'interprète ; il suffit même qu'il énonce « qii on s'est
conrormé è ce qui est prescrit par 1 art. 33â ^. » Il n'y a pas
de formule spécialement consacrée à la constatation de cette
formalité.
Il suffit également que sa présence soit relatée ; il en ré-
sulte la présomption que Tassistaoce a été prêtée. Il a été
décidé par un arrêt « que la présence de l'interprète étaiit
constatée à toutes les séances de la Cour d'assises, il en résulte
une présomption suffisante que cet interprète a rempli ses
fonctions toutes les fois que son intervention a été nécessaire^;»
et par un autre arrêt « qu'aucun article de loi n'impose au
greffier l'obl^ation de constater que Tinterprêie a traduit tout
ce qui a été dit et lu dans le coursdes débats, et que sa pré-*
scnce établît la présomption légale qu'il a rempli ses fonc^
tions^. »
* Cass. 2i fév. 1842, rapp. M. Benvenuti. J. P., l.X, p. 138; 17 août
1832, rapiv M. Ist^mbert, XXI V. 14iO.
* Casa. 6 brumaire an VIII. rapp. iMf. Ilanié. Dali. ▼** lost. cr. u. 2323.
' Bruxelles, 18 fé?. âSi5. Dali. Eod. loc.
* Casa. 15 janr. 1S29, rapp. M. Brière. Bull. n. 7.
' Cass«. 33 avril 1835, rapp. M. Isambert. Bull. n. iA9.
* Cass. 23 février 1S5U, à noire rapport. Bull. a. 78 ; 12 déc. 1850,
rapp. H. Dehaussy, o. 417 ; 29 septeoibre 1853, à notre rapport. 'CuU.
D. 486.
636 DBS COURS D*ASSISES.
Enfin 9 si le procès- verbal ne contient aucune énonciation
relative à l'interprète» il y a présomption qu^aucune récla-
mation ne s'étant élevée à ce sujet, son assistance a été jugée
inutile. Cette présomption est établie par de nombreux arrêts
qui rejettent les pourvois d'accusés dont le seul grief était de
n'avoir pas été assistés d'interprètes, et qui déclarent que cette
assistance n'était pas nécessaire : 1"^ lorsque rien ne constate
que l'accusé n'entendait pas la langue française ; qu'il résulte
même des débats qu'il avait bien compris ce qui avait été dit
à sa charge ou à sa décharge, et que nulle réquisition de
nommer un interprète n'a été faite ni par lui, ni par son dé-
fenseur ^; 2"^ lorsque rien dans la procédure n'indique que le
demandeur ait eu besoin d'un interprète, et qu'il n'en a poiot
réclamé *; S"" lorsque d'après les nombreux interrogatoires
des accusés, il est évident qu'ils entendent et parlent la lan-
gue française de manière à n'avoir aucun besoin d'inter-
prètes 3 j 4» lorsque l'accusé a répondu en français aux qae^
tions du président, et que ni lui» ni son défenseur n'ont
réclamé l'intervention d'un interprète ^ ; S"" lorsqu'il résulte
des circonstances d'une affaire que le patois dans lequel s'e^
exprimé un témoin, habituellement employé au lieu du domi-
cile de Taccusé, était compris de cet accusé ; que cet accusé
n'a élevé aucune réclamation, et que le président qui avait
répété en français les réponses du témoin, n'avait eu pour
objet que de fixer quelques points du débat & ; 6® lorsqu'il
ne résulte ni de l'interrogatoire de l'accusé par le président,
ni du procès-verbal du tirage du jury, ni du procès-Terbal
des débats qu'il n'entend pas la langue française, et qu'assisté
de son défenseur il n'a pas réclamé l'assistance d'un inter-
prète ^.
D'autres arrêts décident encore que cette présomption ne
peut être détruite : 1^ par des allégations appuyées de certi-
ficats ou actes de notoriété postérieurs i la condamnation ' ;
car dès que le procès-verbal ne fait aucune mention, c'est
que l'accusé n'a saisi la cour d'aucune réclamation ; dès qu'il
' Gass. 7 prair. an ix, rapp. M. Barris, Dali, v* lost. crim.D. !K311>
' Gass. 20 DOT. 1838, rapp. M. Mangin. DalL v^" InsL crim. d. S311.
* Gass. i8 déc 1828, rapp. M. Gliausserègue. Eod. loc
Z.* Gass. 15 juillet 1830, rapp. M. Ghoppin. Eod. ioc. n. 2312; i3 jam
1885, rapp. M. de Ricard. J. P., t. XXVII, p. 306.
' Gass. 30 janv. 1851, rapp. M. QuénaulU Bull. n. 39.
* Gass. 12 mai 1855, rapp. M. de Clos. Bull. n. I6A.
* Gass. 23 mai 1839, rapp. M. Isambert. Bull. n. 163.
^ FORMES GÉ^éRALES DE LA PROGÉDORE DES ASSISES. $ 6i9. 637
n'a pas réclamé, c^est qu'il a suffisamment compris et suivi le
débat : les actes extrajudiciaires qu'il est facile de produire
De peuvent prévaloir contre l'appréciation faite par la Cour
d'assises et Tassentiment de l'accusé lui-même ; 2* par la jus-
tiflcation de Textranéité de Taccusé ; car « ce n'est point à la
qualité d'étranger que Fart. 332 attache la nullité provenant
du défaut de nomination d'un interprète^ mais au fait que
l'accusé n'entendait pas la langue ou l'idiome qui a eu lieu
aux débats ^ »
Cette jurisprudence demande quelques explications. On
ne doit point en inférer que le président doive attendre la
réclamation de l'accusé pour procéder à la nomination d'un
interprète. L'art. 332 impose à ce magistrat le devoir de faire
cette nomination d'office, si elle est nécessaire. Mais lorsque
le président a pensé qu'elle était inutile, deux hypothèses
peuvent se présenter : ou une réclamation s'élève à l'ouver-
ture ou pendant la durée des débats, ou il ne s'en produit
aucune. Dans la première hypothèse, soit que la demande ait
été accueillie ou rejetée, l'accusé peut se faire un grief de-
vant la Cour de cassation ou de son rejet ou de son applica-
tion restreinte : le fait, quel qu'il soit> est constaté ; il peut
être apprécié. Ce n'est que dans la seconde hypothèse, c'est-
à-dire lorsqu'aucune réclamation n'a été formée dans le
cours des débats^ que s'applique la présomption établie
par la jurisprudence et d'après laquelle le silence de Taccusé
couvre la nuIlTté que l'absence d'un interprète aurait ou-
verte. Ainsi limitée, cette présomption est fondée ; car il se-
rait difficile d'admettre qu'un accusé, qui n'entendrait pas la
langue française, ait pu traverser les débats sans que ni le
président, qui l'a interrogé^ ni les jurés, qui ont entendu ses
réponses, ni son défenseur, qui l'a assisté» aient provoqué
l'intervention d'un interprète.
ly. Les art. 332 et 333 règlent la forme de la nomination
des interprètes.
Elle est faite, en général, d'office par le président soit à
louverture des débats, soit lorsque quelque circonstance des
débats en fait reconnaître la nécessité ou l'utilité '. Ce magis-
* Cass. 28 août 181 4f rapp. M. Vasse. Dali, v* InsU crim. n, S31d ;
7 juin 18&4» rapp. M. Isambert. Eod, loc.
> Cass. 7 ocu i84if rapp. M. Dehaussy. Dali, t* Inst crim. n. 3526.
636 DB3 C06R9 »' ASSISES.
trat ne doil donc point attendre qu^il y ait une réclamaiioa
de Taccusé. La loi, dan» rintérèt de la justice, l'oblige à aller
au-devant de Tembarras que cet accusé peut éprouTer. Il
doit rechercher, en examinant le lieu de son origine, sesan-
tf^cédents et ses connaissances intellectuelles, s'il est eo état
de suivre les débats et de les comprendre ; il doit s'enquérir,
en rinterrogeant, s^il parle suffisamment la langue française
pour se défendre ; et s'il conçoit un seul doute sur ce point,
il doit lui nommer un interprète. Il doit encore prendre b
même mesure toutes les fois qu'un incident du débats Taadi-
tion d'un témoin qui ne parle qu'une langue étrangère, la lec-
ture d'une pièce écrite dans une autre langue que la langue
française, rendent nécessaire l'intervention d'un interprète.
Si le président ne fait pas cette nomination, l'accusé a le
droit de la réclamer et le ministère public celui de la provo-
quer. Il s^agit^ en effet, d'une mesure qui tient essentielle-
ment au droit de la défense, et qui peut intéresser en même
temps la marche même delà justice; toutes les parties peu-
vent en demander l'application.
Le président, s'il n'y a pas de contestation, statue seul sor
cette réclamation ; mais s'il y a contestation, ou si le prési-
dent refuse de nommer un interprète, il appartient à la Goor
d'assises de prononcer. Ce droit résulte de Tart. 333 qui,
dans un cas amiogue» celui d'une récusation proposée contre
l'interprète, déclare la eoùipétence de la Cour* 11 résulte
surtout de la compétence dont les cours d'assises sont iaies-
ties pour prononcer sur tous les incidenta eontentieui qui
s'élèvent dans le cours des débats et sur Tôpposition faite aux
ordonnances du président, en dehors du pouvoir discrétioD-
iiairc '•
La nt)minatiQn est faite à l'ouverture des débats, lors-
qu'elle est motivée, par exemple, su/ ce qu'il est reconnu que
l'accusé ne parle pas la langue française. Mais elle peut n^é-
trc faite que dans le cours des débats lorsqu'elle est motÎTée
soit par quelque circonstance, comme l'audition d'un témoin
étranger^ soit par la réclamation de Taccusé, qui prétendrait
no pas entendre suffisamment la langue. Dans ce dernier cas,
la nomination de Tinterpréte, reconnue nécessaire» ne s'ap-
plicjuant qu'aux actes à venir, doit-elle avoir pour effet d'iu-
vaiidcr les actes accomplis, en faisant supposer que l'accusé
^ Voy. êuprà^ p» 482.
FORMES fi^Nl&BALBS M Là PEOC^OUBB DBS ASSISES. § 629. GSt
ne les a pas compris? Cette question est délicate; car si la
connaissance de la langue de la part de Faccusé est déclarée
insuffisante pour Tavenir, comment admettre qu'elle ait pa
être suffisante pour le passé? La jurisprudence néanmoins a
aplani cette difficulté en appliquant une présomption de non-
nécessité de l'interprète jusqu'au moment de la nomination,
soit qu'elle ait tieei d'office ou sur la réclamation de l'accusé.
Plusieurs arrêts déclarent : 1* « que de ce que Taccusé n'a
rédamé d'interprète qu'à l'occasion de la déposition d'un té-
moin, il y a li^tt de présumer qu'il a suffisamment compris les
parties antérieures du débat ' ; » ^ « que s'il n'est pas établi
qne l'aceusé ail été assisté d'un interprète, lofs du Itrage da
jury, it résulte du procès-terbal du tirage et du procès-verbal
de Taudienee que la nécessité d'un interprète n'a été rérélée
que pendant la déposition des témoins; d*où il suit que les
actes antérieur» ont été régulièrement consommés sans l'in*
terventiofi d'un interprète • ; » 3** « qu'il est de principe que
la nomination d'un interprète ne doi€ être faite qu'au mo->
ment oè la nécessité s'en est révélée » ; » 4® « que la nomi-
nation d'un interprète ne devient indispensable que lorsque
l'accosé la réclame ou que la nécessité s'en révèle ; que, hors
CCS cas, il n'y a lieu de nommer un interprète que lors^jue
qnelqoc citfconsfanee du débat fait reconnaître la nécessité ou
rntiKté de cette nomination *; » 5* que, « lorsque l« néces-
sité d'un interprète ne s'est révétée qu'au moment de l'audi-
tion d'un lémoÎDy il y a présomption que l'accusé a suffi-
samment compris » toutes les autres parties du débat ^ .
Néanmoins, et nonobstant tous ces-arrèt», il ne faut pas
regafder la présomption qu'ils établissent comme aussi ai)So-
lue que celte qvr résulte du défaut de toute réclamation. Il
y a évidemment ici une part à faire au:! circonstances de
chaque espèce. S il était prouvé, par exemple, à une époque
(pelconque des débals, que l'accosé ne parle et ii'enlend pas
la langue française, que p.ir cooséqifent l'aide d'uu interprète
i«icst indispensable pour suivre l'insfrûcïion, comm3nt ré--
pondrc encore qu'il y a liett êe présumer qu'ava»nt cette
* Gass. Si mars 1836, rapp. M. Isambert. J. P., t. XXVII, p. 1223.
' Cass. i&mai i840, rapp. M. Mérilltou. Bull. 133; 30 jaiv. 18ôl,
rapp. !Vf. Quémult n. 39.
* Casj. 25 janr. 1860, rapp^ i!tf. Me^roniiet-Saini-Miipe. Bull. ■• 19.>
* Cass. 7 ocL 18il, rapp. M. Deliaussy. Dali, v» ii. 2330.
* Cuss. 29 avril 1 636, rapp. i^ HejrrotMiet-Saiui-Mard; Sù<L hu
640 DES COURS D*A&SI5S8.
adjonction il a pu comprendre et parler cette langue ? Cette
présomption, formellement contredite par le motif de la no-
mination, ne serait plus qu'un mensonge destiné à couvrir
la procédure d'une fausse régularité. Dés qu^à un moment
du débat l'ignorance est constatée, il semble difficile que le
débat antérieur ne soit pas vicié par Tabsence de Tinterprète.
La nomination de l'interprète se fait par une ordonnance
du président , ou , en cas d'incident contentieux , par un ar-
rêt de la Cour d^assises. Mais la loi n'exige point que cette
nomination soit consignée dans une ordonnance spédaleou
dans un arrêt en forme ; il suffit qu'elle soit mentionnée dans
le procès-verbal des débats. Il suffit , par exemple, qu'il soit
énoncé que le président a reçu de telle personne nommée et
agréée interprète le serment prescrit par l'art. 332 ^
y. Quelles personnes peuvent remplir l'office d'interprète?
Il faut distinguer le cas où Taccusé ou l'un des témoins ne
parlent pas la même langue et le cas où l'accusé ou l'un des
témoins seraient sourds-muets ou atteints de quelque infir-
mité qui les empêcherait de parler.
Dans la première hypothèse, toute personne peut être in-
terprète , pourvu qu'elle remplisse les deux conditions sui-
vantes : l"" qu'elle soit âgée de 21 ans au moins ; 2'' qu'elle
ne soit pas choisie parmi les témoins , les juges et les jurés.
La loi n'exige aucune autre condition. La fonction de l'in-
terprète n'est point une fonction publique. Ce n'est qu'an
intermédiaire chargé de traduire et de transmettre les pa-
rôles de ceux qui ne parlent pas la même langue. Il suiEt
que son ftge garantisse sa capacité , et que l'incompatiÛlité
qui l'écarté de certaines fonctions garantisse son impartia*
lité. Ajouter d'autres conditions eût été apporter d'inutiles
entraves à la justice, car il s'agit d'une mission nécessaire et
instantanée pour laquelle il faut qu'elle trouve à chaque mo*
ment un agent sous sa main. C'est par ce motif qu'il a été
reconnu que la loi n'exclut de ces fonctions ni les femmes',
ni les étrangers *, ni les domestiques K
L'interprète doit, à peine de nullité , être âgé de 21 ans
> €ass. 21 déc 1856, rapp. M. Sénéca. Bull. n. 950.
» Cass. 16 avril 1818, rapp. M. Ollivier. J.P., t. XIV. p. 766.
* Cass. 30 novembre 1809, rapp. M. BenveDUti. DaU. v* lustr. crini.
n* 2336.
* Cuss. Smars 1827, rapp. M. Mangin. EotU loe.
rORHES GéRÉBALES DE LA PROCiDDRE DES ASI1SE8. § 629. 641
au moins; mais il n'est pas nécessaire que son Age soit cons-
taté par le procès-verbal. Il a été décidé « que ce qu'exige à
peine de nullité Part. 332, ce n*est pas que l'âge de Tinter-
firète soit énoncé dans le procès-verbal de la séance, mais que
'interprète soit âgé de 21 ans au moins, et que la présomp-
tion de droit est que Tindividu appelé par le président à rem-
plir les fonctions dMnterprète, aJmis au serment par ce ma-
gistrat etque n^ont récusé ni les accusés ni le ministère public,
a?ait, à Tépoque du procès, Tâgc requis par la loi ^ » Cette
présomption, qui écarte toutes les réclamations qui ne se sont
pas produites aux débats, a été sans cesse maintenue par la
jurisprudence*.
L'interprète doit en deuxième lieu , à peine de nullité ,
n'être choisi ni parmi les juges, ni parmi les jurés, ni parmi
les témoins , même du consentement de l'accusé et du nii-
nistère public.
Il y a lieu de remarquer d'abord qu'on ne doit entendre,
dans Tart. 332, par juges, jurés et témoins, que les personnes
qui ont pris part à Tailaîre dans l'une de ces qualités. Ainsi »
la prohibition ne s'applique qu'aux jurés faisant partie du
jury de jugement et nullement aux autres individus portés
sur la liste et qui n'ont pas été désignés par le sort *. Ainsi
elle nes^applique qu'aux témoins qui ont été cités à ce iitro
et pour porter un témoignage, et nullement à l'individu qui ,
quoique compris dans la lisfe des témoins, n*a été assigné que
pour remplir la fonction d'interprète *.
De Tincompatibilité relative aux juges, il résulte que Ip
président ne peut en aucun cas servir d'intermédiaire entre
l'accusé et les témoins parlant un langage différent. Il y a
donc nullité lorsque a le président, au lieu de nommer un
interprète, a rendu lui-mèm« en français la dépos>tion faite
oralement par le témoin ^. » Cependant il a été admis dans
une espèce où le président, après avoir adressé en patois plu-
sieurs questions à un témoin , avait répété en patois les ré-
ponses qu'il avait reçues, « que cette intervention du prési-
< Cass. 3 avriUSiS, rapp. M. Aumont J. P., U XI V, p. 732.
' Cass. 8 juin 1815, rapp. M. Audier. Dail. v* IdsL crim. n. 2385; 9 a?»
1866, rapp. M. Dehatissy. Bull. n. 98.
* Cass. 21 mai 1813, rapp. M. Vaulonloo. J. P., t. X, p. 4l2 ; 16 juillet
1812, rapp. M. Vassp, t. X, p, 577*
* cais. 23 juin 1827, rapp. M. Mangin.Dall. T* InsU*. crim. n. 2339,
■ Cass. 21 fév. 1812, rapp. M. neutenuti. J. P., U X, p. 138; 18 août
1833. Bun. D. 312,
vui. 41
^ DES COOU D^SSISES.
dent , qui a eu pour objet de bien fixer quelques points des
débats n'établit point , dans les circonstances où elle a eu
lieu , que la nomination d'un interprète fût nécessaire ». »
En tous cas , la loi n'interdit pas au président de faire con-
naître à un accusé qui avait été momentanément éloigné da
débat, la traduction faite par l'interprète».
De l'incompatibilité relative aux témoins, il résulte qu'il
y a nullité toutes les fois qu'un témoin, porté sur la liste pour
porter son témoignage dans l'affaire, est désigné pour rem-
plir la fonction d'interprète •. La loi ne fait même aucune
distinction entre les témoins cités et les témoins appelés en
vertu du pouvoir discrétionnaire, et ce point a été décidé par
un arrêt qui déclare « que cette prohibition qui a pour objet
d'assurer la complète impartialité du ministère de l'inter-
prète, s'applique nécessairement à tous les témoins, soit qu'ils
aient été cités et quHs soient entendus sous la foi du sermeot,
soit qu'ils aient été appelés par le président et qu'ils soient
entendus à titre de renseignements; qu'en effet, les uns et
les autres, ayant pris part au débat, ne présentent plus à la
justice les garanties d'une impartialité complète; qu'on doit
donc entendre par témoins , dans le sens de l'art. 332^ non-
seulement les personnes placées sur la liste des témoins,
conformément à Tart. 315, mais encore celles qui, suiTant
les termes de l'art. 269, sont appelées en vertu du pouvoir
discrétionnaire *. * Il a toutefois été admis qu'un témoio,
qui avait lu une lettre que l'accusé lui avait adressée dans
une langue étrangère, avait pu la traduire lui-même en fai-
sant sa déposition^.
Au reste, nous avons déjà vu que les incompatîbililés,
comme toutes les exceptions, sont de droit étroit et ne peuvent
être étendues au delà de leurs termes. Toutes personnes, en
dehors des juges, des jurés et des témoins, peuvent donc exer-
cer le ministère d'interprète, et c'est avec raison que la ju-
risprudence a admis le greffier qui tient la plume à l'au-
dience *, et le gardien de la prison ?. Si la partie publique et
* Cass. 80jaDT.i85i, rapp. M. Qoénault BulU n. 09*
a Cass. 16 avril 1818, rapp. M. OlIÎTier. J. P., t XIV, p. 756.
s Cass. 30 déc. 1853, rapp. M. de GIos. Bull. n. 608.
* Cass 28 sept. 1843, rapp. M. Bresson. Bull. n. 251; 16 janv» iSM, à
notre rapp. Bull. n. 22. ,
» Cass. 6 oct, 1842, rapp. M. Meyroiinet-Sl-Marc Bull. n. 260.
* Cass. 22 janv. 1808, rapp. M. Minier. Sir. 8, MU
^ Cass. 23 juÎQ 4827, rapp. M.Mangin. Dali, t» Inst cr.n. 23i2.
FORMES GÉNÉRALES M LA PROCil>VRI DBS ASSISES. $ 629. 048'
la puaitie civile doivent être également exclues, ce n^est plus
en vertu de la même prohibition, c'est parce qu'aucune deg
parties qui figurent dans un procès ne peut remplir une mis*
sion judiciaire, soit comme témoin, soit comme expert, dans
le même procès.
La pr^mption qui suppose, quand le procès-verbal ne
rénonce pas, que Tiolv rprète avait T&ge légal, doit-elle être
appliquée vis-à-vis de Tincompatibilité? La difficulté est plus
grande, car la règle de rincompatibilité a plus d'influence
que Tâge sur Texercice de la fonction, et il est plus aisé de
Téluder ; il est donc nécessaire d'en vérifier Tapplication, et
pour cela il faut que le precès-verbal énonce le nom et la
qualité de Tinterprète. C'est par ce motif qu'une procédure,
dans laquelle le procès^verbal portait seulement que le pré-
sident avait nommé d'office pour interprète une personne âgée
de vingt et un ans, a été cassée ; l'arrêt porte a que ces énonr
ciations, muettes sur le nom et la qualité de Finterprète dé^
signé, ne permettent pas de vérifier si, comme le soutient le
demandeur à l'appui du pourvoi et comme l'établissent les
pièces jointes au dossier, Tinterprète nommé dans l'espèce
par le préadent était l'un des témoins assignés à la requête
du ministère public et entendus aux débats; qu'il suit de là
que le procès-verbri a omis de constater les formes qui con<-
stituent la légalité de l'intervention de l'interprète et qui ont
pour objet de garantir Timparlialité de son ministère ^ »
VL Dans la deuxième hypothèse, c'est-à-dire lorsqu'il
s'agit d'un sourd-muet ou d'une personne infirme, les deux
conditions qui viennent d'être établies ne sont plus appli-
cables.
En effet, l'art. 333 n'exige dans ce cas qu'une seule chose,
c*est que l'interprète désigné soit a la personne qui a le plus
d'habitude de converser avec l'accusé ou le témoin. » C'est
la nécessité qui fait cette désignation. Il n'y a souvent qu'une
seule personne qui puisse se faire entendre du sourd-muet ou
de {'infirme. Il faut bien la prendre, quelle qu'elle soit,
quel que soit son âge, quelle que soit sa qualité.
L'âge de vingt et un ans, d'abord, cesse d'être une con-
dition de la fonction. Ce premier point a été résolu par un
arrêt qui déclare « que les art. 332 et 333 disposent pour
• /
* Cass, Si jaDT. i858t à notre rapp« BolU m iS*
(^ , DES C0VB8 0*18818Sf.
des cas différents; qae l'art. 332 prescrit, à peine de nullité,
que les interprètes nommés d'office aux accusés ou aux té-
moins qui ne parlent pas la même langue, soient &gés de
?ingt et un ans au moins; que c'est une règle générale
applicable à tous les cas où il y a lieu à la nomination d'in-
terprètes traducteurs; que l'art. 833 statue pour un cas par-
ticulier^ celui où Taccûsé ou le témoin serait sourd-muet;
qu'il prescrit au président de leur donner pour interprète la
personne qui aura le plus d'habitude de converser avec eux ;
qu'il n'exige pas que cette personne ait un âge déterminé;
qu'il ne pouvait pas l'exiger, puisque cette mesure aurait
Im, dans certains cas, paralyser l'action de la justice» puisque
a personne qui a le plus d*habitude de converser avec l'ac-
cuséou le témoin sourd- muet pourrait n'avoir pas atteint
rage que la loi avait déterminé ; que le texte de l'art. 33S
Srouve d'ailleurs jusqu'à l'évideAce que son alinéa premier a
érogé, relativement à l'âge de l'interprète, à la disposition
de l'art. 333, puisqu'il ajoute: « le surplus des dispositions
du précédent article sera exécuté '. »
La qualité de juge, de juré, de témoin cesse également
d^élre un obstacle à l'exercice de la fonction. Telle est la dé-
cision portée par un arrêt qui déclare « que l'art. 333 ren-
ferme une exception à la règle générale pour le cas où l'ac-
cusé ou le témoin est sourd-muet et ne sait pas écrire ; que
dans ce cas le même article veut que le président nomme
d'office, soit à cet accusé, soit & ce témoin» la personne qui a
le plus d'habitude de converser avec lui '• »
On peut objecter à cet arrêt que, dans le système de la loi«
rincompatibililé entre la fonction d'interprète et celles de
'uge»de juré et de témoin est tellement irritante que la nul-
lité résultant de leur concours ne peut être couverte par an-
cune circonstance, pas même par le consentement de l'accusé,
Ks même par le consentement de toutes les parties; que si
irt. 333 permet de choisir un mineur, il veut que le surplus
des dispositions de l'art. 332 soit exécuté, ce qui semble s'ap-
pliquer à l'incompatibilité ; que, quand il s'agit d'un inter-
prète traducteur, il y a une garantie dans le contrôle des juges
et du public; mais que, quand il s'agit de l'interprète d un
A Cass. 28 déc. 4834, rapp. M. Gaillard. J. P., t XVIII» p. 1260.
* Ga«.8 juill.iSiS, rapp. M. Meyroanet-SUMarc Bull. n. 473: 20jaiif.
1858, à DOtrc rapp. n. 18.
i
FORMES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE DES ASSISES* § 629. 645
sourd-muel, Tinterprétation est abandonnée à sa discrétion ;
qu^il faut donc maintenir une prohibition qui peut seule as-
surer son impartialité. La seule réponse qu^on puisse opposer
est la crainte qu'une exclusion quelconque puisse entraver
ia justice, en frappant la seule personne capable d^interpréter
quelque témoignage utile, ou de traduire la défense d*UQ
accusé. Cest en prévision de cet événement purement acci*
dentel que la jurisprudence a voulu n'apporter aucune bar-
rière au choix de l'interprète et le placer, dans ca cas, au*
dessus de toutes les règles.
Au surplus, la disposition de Tart. 333 est simplement
indicative lorsqu'elle désigne pour interprète la personne qui
a le plus d^habitude de converser avec le sourd-muet; elle ne
met point obstacle à ce que, si cette personne n'est pas pré*
sente ou si elle ne peut être appelée dans le cours des débats,
le président désigne une autre personne qui soit en état de
transmettre avec fidélité et exactitude les questions ou inter-
pellations à Taccusé ou au témoin et ses réponses ou déclara-
tions ^ Mais, dans ce cas, si ce n'est plus la nécessité qui
dirige la désignation, l'exception, que cette nécessité avait
créée, cesse, et la règle générale doit être appliquée*
VII. L'interprète peut être récusé. Cette récusation ne peut
.s'exercer qu'au moment où il est désigné par le président.
L'art. 332 porte que « l'accusé et le procureur général
pourront récuser l'interprète. » Il résulte de ces termes évi-
demment restrictifs que la partie civile n'a pas le même droit.
Le même article ajoute que les récusations seront moti-
vées. Cette disposition a dispensé la loi d'indiquer les causes
qui peuvent être invoquées. Il ne s'agit point dès lors de causes
précises et formulées à l'avance^ comme à l'égard des témoins,
mais de causes accidentelles^ telles que l'inimitié de l'inter*
prête, son intérêt personnel, son ignorance de la langue ou
des signes avec lesquels s'exprime l'accusé ou le témoin.
La Cour d'assises prononce seule sur cette récusation, et
elle prononcesouverainement; ainsi, si la récusation estrejetéei
celle appréciation de fait, qui lui appartient exclusivement|
ne peut donner ouverture à cassation.
La loi n'a point imposé au président Tobligation d'avertir
* Catt. 27 mars iSSA» rapp. M. Isambert. J. P., t. XXVI, t. 842.
6i6 DBS COURS D^ABSISeS.
r&cousé (le la faculté qu'il a de récuser Tinterprète, Il a été
[lilusieurs fois reconnu que romission de cet ayertissement
n'emporte pas de nullité ' .
VIII. L'interprète doit, sous peine de nullité, a prêter ser-
ment de traduire fidèlement les discours à transmettre eatre
ceux qui parlent des langages différents. »
Ce serment, qui trace les devoirs de la fonction, est la ga-
rantie de leur accomplissement. Le procès-verbal doit donc
constater qu'il a été prêté; l'omission de cette constatation fe-
rait présumer que la formalité elle-même a été omise et la
nullité serait prononcée *.
Le serment doit être prêté dans les termes mêmes de la loi.
Ainsi, il a été décidé qu'il y a nullité s'il résulte du procès-
verbal que l'interprète n'a fait qu'une promesse au lieu de
prêter serment, « attendu qu'en employant ce mot serment, le
législateur a voulu qne la religion de Tinterprète donnât, de
la fidélité de sa traduction, une garantie spéciale d'une toute
autre force que celle résultant d'une simple promesse faite i
la justice'. » Cependant quelques arrêts ont admis a qu'aucun
article de loi ne dispose que le serment exigé de l'interprète
est une formule sacramentelle dont on soit obligé d'employer
les expressions identiques i peine de nullité ; qu'il suffit, pour
accomplir le vœu de la loi, que le serment prêté rende parfai-
tement le même sens et impose les mêmes obligations que
celui qui est énoncé dans l'art. 332 \ » Il nous semble que la
formule de tous les serments doit être réputée sacramentelle ;
ils tracent, dans les termes précis que la loi a consacrés, les
devoirs qu'elle a voulu prescrire, et il y a lioa de craindre
qu'en substituant à ces termes des expressions plus ou moins
analogues, on n'affaiblisse cas devoirs ; il est difficile ensuite
(l'apprécier si des mots différents ont une valeur identiqae, s'ils
emportent la plénitude du même sens, s'ils donnent la mène
* Gass. 26 bruni* an», nipp. M. Liger; 15 mars 1816, rapp. tf. Gail-
lard; SLmars dS36^ rapp. M. Isambert. Dali* f* Inst €rim.iLSa&4.
> Gass. 8 juill. 1818, rapp. M. Benvenuti ; 6 jasnr. 1838, ra|ip. M. Gaiy.
Pe?. et Car. 4» 1> 891, et 8, 1« 258.
> Cass. A joio 1812, rapp. ML BaiUy.Dall. v« loMi-er. b. t9k9; « Jottl.
^813, rapp. M, fienvenud. BalL n. 148.
* Cass. 16 avrîl 1818, rapp. M. OIHvier. J. P., t XIV, p. 756 ; k Unkt
1819, rapp. M. Gaillard, t. XV, p. 58 ; 15 arri! 182A, rapp. M. Brière, t.
XVIII, p. 687; 27 aTrU182(rt rapp. M. OUivier. DaU. t* IasL
u. 28i7.
FORMES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE DES ASSISES. § 6^. 647
garantie. Pourquoi créer toutes ces difficultés? Le simple em-
ploi de la formule de la loi présente moins d'inconvénient. II
eût mieux valu, pour poser une règle utile, annuler quelques
procédures,^ que de perpétuer une source d'embarras, en per-
mettant de transiger avec 'cette règle, sans qu'il en résulte
aucun avantage dans la pratique.
Le serment une fois prêté suffit pour toute la durée de l'af-
faire. Ainsi, Tinterprète qui a prèle serment pour assister
l'accusé lors du tirage des jurés, n*est pas tenu de prêter à
Touverture des débats un nouveau serment \ Ainsi, lorsque
les débats durent plusieurs séances, le serment prêté à l'ou-
verture de la première ne doit pas être renouvelé aux suivan-
tes '. Ainsi, le serment prêté pour Taudition d'un témoin
suffit pour l'audition d'autres témoins *. Mais il n'a plus au-
cune force aussitôt que l'affaire, dans laquelle il a été prêté,
est terminée. Ainsi, si le même accusé était jugé le même
jour pour deux faits distincts qui seraient l'objet de deux
débats séparés, le serment prêté dans la première aiïaire
ne suffirait plus pour la seconde, « attendu que, d'après
Tan. 322, l'interprète doit, à peine de nullité, prêter
serment pour chaque affaire où il est appelé à remplir son
ministère ; que le serment prêté dans la précédente affaire,
jugée par la même Cour, avait cessé d'avoir son effet dès
l'instant où l'affaire pour laquelle il avait été prêté avait
reçu son jugement et ne pouvait se rattachera l'instruction
des autres procès devant la même Cour d'assises, quels que
fussent les individus contre lesquels ces procès étaient diri-
gés^, n
Le serment est le même, soit qu il s'agisse d'un individu
parlant une langue étrangère ou d'un sourd-muet. Mais il ne
s'applique qu'à la transmission des paroles et non point à la
traduction des écrits. Cette distinction a été établie par un
arrêt qui déclare que l'art. 322 n'est relatif qu'au cas où les
«témoins et l'accusé ne parleraient pas le même langage ; que
ce n'est que dans ce cas, et lorsque l'interprète est chargé de
traduire les discours qu'ils tiendraient en langage différent,
' Gass. 1 avril 1837, rapp. H. Meyronoet-St-Marc Dali. 37, 1, 5tS ; 25
DOT. 1837, i»pp. M. Mérilhou. Dali. 38, i, &26.
>Ga88. 15 juUh 1813, rapp. M. SchwendU J. P., t. XI, p. 558.
' Gass. ih mai 1840, rapp. M. Mérilhou. Bull, n. 132 ; 26 mai 1842, rap*
'B.Rièard. D'ail. 42,1,384.
* Gasa. 10 Âûc 1836, rapp. M, Mérilhou. Bull. lu 884.
648 DES COURS D^ASSISBS.
que le serment énoncé en cet article est prescrit à peine de
nullité ; que,^pour Tinterprète chargé de traduire desécrits^
il suflit du serment ordinaire de remplir en son âme et con-
science la mission pour laquelle il était appelé ". s De là est
résulté quelque confusion. Il a été reconnu, d^une part, t que
l'interprète qui a prêté serment pour assister un témoin par-
lant en langue étrangère, a pu, sous la foi de ce sermenti
procéder à la traduction d'un passage d'une pièce d^un pro-
cès * ; » et, d'une autre part^ < qu'une Cour d'assises, ea
jugeant que le serment prèle par Tinterprète pour des fonc-
tions de traducteur le dispensait du serment particulier exprès-
.sèment voulu par l'art. 332, avait créé une exception con-
traire à la loi 3. «Il suit de là que l'expert traducteur ne
peut, sans un nouveau serment, procéder à la fonction d'in-
terprète, tandis qu'au contraire l'interprète peut, sans ser-
ment nouveau, faire des actes d'expert traducteur. On peut
admettre cette distinction lorsqu'il se rencontre dans le cours
du débat quelque pièce, comme, par exemple, la déclaration
écrite d'mi témoin qu'il soit nécessaire de traduire : cette dé-
claration peut être considérée comme un discours et rentrer
dans les termes de Tart. 332. Mais la jurisprudence est ailée
plus loin ; elle a décidé que l'interprète pouvait» sans prêter
un nouveau serment, être chargé do la traduction écrited'une
pièce du procès^, ou être interpellé par le président « sur les
questions de savoir s'il se serait aperçu que l'accusé, en le
supposant étranger^ aurait conservé Taccentde sa langue, et
et qu'il eût donné des preuves qu'il n'entendait pas la langue
française*^ ; § enGn, qu'un témoin peut traduire une lettre,
a attendu que la disposition de la loi est moins impérativo
lorsqu'il s'agit de traduire, non pas un discours, mais un
écrit*. » Or il est évident que I interprète, lorsqu'il traduit
par écrit un document ou lorsqu'il énonce une opinion per-
sonnelle sur l'accent de l'accusé ou sur sa connaissance de la
langue, que le témoin lorsqu'il fdit une traduction, n'agit
plus comme interprète ou comme témoin, mais comme expert;
* Ca8s.iS jdlU 1816, rapp. M. Ollivier. J. P., t XIII, p. 540.
* Cass. 26 mai 1842) rapp. M. de Ricard. Dali. 42,4, 884.
* Gass. 21 oct 1815, rapp. M. VanlouloD. J. P., U XI, p. 730.
* Caas. 26 mai 1842. Cilé suprà.
' * Gass. 25 fêv. 1830, rapp. M. CbauTeau-Lagarde. Dali, ?• InsU
a» 2355.
' Gask 6 oct. 1642, rapp. M. MejrroDDet-St-Marc BulL n. 160.
rOlVIS GiNÉRÀLBS DE LA PROCiDURB »ES ASSISES. § 629. .649
c*est une nouvelle mission qui lui est conférée et qu'il rem«
plit. Il serait donc plus régulier de lui faire prêter le serment
d'eipert avant de l'entendre en cette qualité. Au surplus, la
jurisprudence a confondu dans quelques espèces la double
qualité d'expert traducteur et d'interprète, lorsquMl »s*agit
d'un traducteur stssermenté attaché en cette qualité à la juri«-
diction^.
Le serment de l'interprète est^ en général, prêté en séance
publique, en présence du ministère public et de Taccusé
qui peuvent, avant sa présentation, exercer, s'il y a lieu, leur
récusation. Mais comme son ministère peut être nécessaire
pour le tirage du jury, et qu'il peut être procédé à ce ti-
rage en chambre du conseil, il a été admis que le serment
pouvait être prêté avant l'ouverture de la séance publique ^
Il a même été décidé « que l'art. 332 ni aucune autre dispo«>
fiition de la loi n'exige la présence du ministère public ou
de l'accusé à la prestation de serment de l'interprète; que
dès lors aucune nullité ne peut résulter de ce que ce serment
aurait été reçu par le président hors leur présence *• » 11 est
clair néanmoins que, aans ce dernier cas, l'accomplissement
de cette formalité ne porterait aucune atteinte au droit des
parties de récuser l'interprète, si elles ont des motifs de ré*
cusation.
IX. Les fonctions de Tinterprète , lorsqu'il est donné à
l'accusé, sont : 1^ de l'assister pendant toute la durée de
l'affaire jusqu'au jugement; 2^ de traduire fidèlement
les paroles qu'il prononce pour sa défense et de lui trans-
mettre toutes les paroles et déclarations qu'il ne comprend
pas.
L'assistance de l'interprète n'est pas prescrite par la loi i
peine de nullité; elle se borne à ordonner sa nomination.
Mais disposer qu'il sera nommé un interprète à l'accusé et que
cet interprète traduira les discours à transmettre entre ceux
qui parlent des langages différents, n'est-ce pas prescrire
qu'il sera présent à l'audience, pour transmettre à chaque
moment et chaque fois qu'il y a nécessité^ les paroles de l'un
l Casa, 5 août 18A7, rapp. M. Vincens-St-Laurent Bull. n. 178.
u .•?**• * *^^ **^7» ™PP» *•• Meyronoct-St-Marc ;25 nov. 1837, rappb
«.Ménlhou. J. P., 1887, à leur date.
Cass» 8 juiD iSi^a, rapp. M. Brière-Valigoj. Bail, tu 138.
580
DES COURS D ASSISES.
OU de l'autre? L'interprète oompléte, pour ainsi dire, la per-
sonne de l'accusé ; il lui apporte la notion qui lui manque pour
prendre part au débat ; le débat n'est plus entier si l'accusé,
devenu muet par l'absence de l'interprète, y reste étranger.
A la vérité, il ne peut dépendre de cet interprète, pas plus
qu'il ne dépend du défenseur, comme on l'a vu plus haut, de
yicier la procédure par une retraite volontaire. Il peut arriver
d'aiUeurs que sa présence, ordonnée par mesure de précau-
tion, soit reconnue inutile ; que« prescrite pour un incident,
sa nécessité expire avec cet incident. Mais si, tant que sa mis-
sion n'est pas pleinement accomplie, son absence n'entache
pas la procédure de nullité, c'est à la condition que le beioia
4e «on ministère ne se sera pas fait sentir. Il n'en est pas ici
comme du défenseur qui peut n'être pas remplacé lorsque,
les débats une fois commencés, il s*absente volontairement: il
faut néoessaîrement que Taccuséy qui ne parle pas la langue
française, soit assisté d'un interprète tant qu'il peut y avoir
:des discours à transmettre, et si l'interprète nommé s'est ab-
senté pour une cause quelconque, le président doit ou le rap-
peler ou en désigner inmiédiatement an autre.
La jurisprudence fait résulter la présomption de la présence
de rinterprète aux débats^ quand cette présence n'est pas
formellement constatée par le procès-verbal : !• de ce que ce
procès-verbal énonce qu'il a été nommé d'office et accepté
par l'accusé et le ministère public '; 2* de ce que le pro-
cès-verbal énonce la désignation de l'interprète et son ser-
'ment ^
La traduction de toutes les paroles et de tous les actes que
l'accusé ne comprend pas est en général nécessaire ; cependant,
cette nécessité ne se manifeste pas au même degré relativement
ta chacun de ces actes et de ces discours , et la jurisprudence,
.te conséquence, n'a pas attaché les mêmes effets au défaut de
4eur traduction.
Il y a nullité lorsque l'accusé» qui ne parle pas la langue
fraB$aiae^ n'a pas été assisté d'un interprète pendant Topén-
lîm du tirage du jury pour lui transmettre l'avertissemeot
nelatif au droit de récusaiÂon et les noms amenés par le soit
pour traduire ses récusations'. Les arrêts qui ont établi ce
' Gass. sa juin iS37, rapp. M. Mangin. Dali. ? ^ InsC. erini» n. saca.
. i Cass. SS Juin 1831, rapp. M. Meyronnet-St-Marc» Eod. (oc.; iM ae^
1839, même rapp. Eod, loc^
» Voy, êuprà p. 393.
FORMES GÉNÉRALIS DK LA PAOGÉbVftB 9ÊB ASSISES. $ 6^- ^^
premier point déclarent « que le droit de récusation que
l'art. 399 accorde à l'accusé forme une partie essentielle de
son droif; de défense ; que tout obstacle apporté au libre exer-
cice de ce droit emporte nullité de plein droit et vicie radica-
lement la composition du jury ; qu'il est constaté que lors de
la formation du tableau , Taccusé n'a point été assisté d'an
interprète et qu'ainsi il n'a pu comprendre l'avertissement
que le président lui a donné en langue française, relativement
à son droit de récusation , d'où est nécessairement résulté un
obstacle au libre exercice de ce droit ^ » Toutefois s'il était
attesté par le procés-verbal que l'accusé avait chargé son
conseil n'exercer son droit et qu'il a rempli cette mission, l'as-
sistance de l'interprète ne serait plus nécessaire. Il a été jugé
dans une espèce analogue « qu'il résulte du procès-verbal que-
les accusés s'étaient concertés entre eux pour confier à l'un
de leurs conseils l'exercice du droit de récusation dans leur
commun intérêt; et qu'en effet, c'est avec l'intervention du
conseil par eux désigné que ce droit de récusation a été com-
plètement épuisé ; qu'il suit de là qu'il n'y avait pas lieu de
procéder alors conformément aux prescriptions de Tart. 3^,
lequel^ en l'état , devenait sans application *. »
Il y a nullité lorsque l'interprète n'a pas traduit à l'accusé,
qni n'entend pas la langue française , toutes les dépositions
des témoins , et par exemple, s'il a omis de traduire les ré-
ponses d'un témoin aux interpellations du président : « attendu
que la loi, en exigeant la nomination d'un interprète pour le
cas où l'accusé et les témoins ne parleraient pas la ménae
langue, a voulu donner à l'accusé le moyen de discuter, con-
tredire ou expliquer tout ou partie des déclarations du témoin,
au moment même de son ànission, droit qui constitue une
partie essentielle de la défense, d après l'art. 319 ; que la
nuDité prononcée par l'art. 332 , pour le cas où Tiiiterprèëe
n'a pas été nommé, s'applique évidenunent au cas où l'inter-
prète nommé n'aurait pas rempli sa mission pendant toute ia
durée des débats; que le prooès-verbal établit que l'inter-
prète n'a pas traduit à l'accusé les déclarations enlises par le
lémoin Piétri lorsqu'il a été interpellé par k frésident sur
• Cass. 80 no?. 1827, rapp. M. Busachep. J. P., t. XXI, p. 992; 18 août
i8S2, rapp. M. IsamberU t XXIV. p. 1412; 8 juinl84ô, rapp. M. Brière-
VaUgny. BuIL n. 133; 17 jau¥. 185a» rapp. M. Dehauwy. n. 20.
* Cais. 10 ocu 18i5. BulL d. 381.
652 OBS COURS D*A8SUES.
un des chefs contestés aux débats '. » Néanmoins , quelqoes
arrôls ont admis que s'il résulte du procès-verbal quun té-
moia n*a déposé avec le secours de l'interprète que pour uDe
partie de sa déposition, il y a lieu de présumer que son inter-
venlion n'a pas été nécessaire pour le surplus *. L'apprécit-
tion des circonstances énoncées dans le procès- verb^il peut
ainsi modifier l'application do la règle » mais non la règle
elle-même.
Il y a nullité lorsque l'interprète n'a pas traduit les décla-
rations écrites dont le président a donné lecture. L'arrêt qui
établit ce point déclare c que si le président a pu^^en verta
de aon pouvoir discrétionnaire» faire lire à l'audience les dé-
positions des deux témoins qui ne comparaissaient pas, la
teneur de ces dépositions, qui était en langue française,
devait être traduite et transmise aux accusés pour qu'ils pussent
y répondre et dire, tant contre les témoins défaillants que
contre leurs témoignages, tout ce qu'ils pouvaient croire utile
à leur défense ; que la faculté accordée à l'accusé par Tart. 319
de conserver tant la crédibilité du témoin que la vérité du té-
moignage, est de l'essence môme de la défense et ne peutélre
exercée d'une manière efficace que parla traduction du témoi-
gnage, lorsque l'accusé n'entend pas la langue dans laquelle
le témoignage est donné *. »
Il j a nullité lorsque l'interprète n'a pas traduit les
questions posées par le président comme résultant des débits.
Un arrêt a admis qu'il n'est pas indispensable de traduire les
questions posées au jury, quand elles sont conformes à Tarrét
de renvoi et au résumé de l'acte d'accusation a attendu que h
teneur des questions est dans ce cas légalement présumée
connue de l'accusé par la notification à lui faite de l'arrêt de
renvoi et de l'acte d'accusation et par le rappel que le pré-
sident fait à l'accusé en exécution de l'art. 514'« » Hais il
résulte de cet arrêt même que la présomption qu'il invoque
cesse aussitôt que les questions qui sont posées ne sont plus
les mêmes que celles que l'arrêt de renvoi avait énoncées;
il faut nécessairement que l'accusé connaisse les modifications
qui sont apportées à l'accusation primitive ; pour qu'il puis<
* Cass. 8 fér. 1858, rapp. M. Mériihou. Bull. o. 37.
* Cass. 10 avril 1847, rapp. M. Vinceas-St-Laurent. BoIL IL 7dL
* Cass. 3 mars 1836, rapp. itf. Mériihou. BuU. n. 61,
* CaaSi 5 juin 1851, rapp. M. Dehiussy. BuU. n. 207.
FORMES GtmÉKALKS DE LA PROCÉDURE DES ASSISES. § 630. 6S3
les discuter ; or , comment peut-il les connaître si ce n'est
par l'interpréta lion qui doit lui cn.ètre donnée?
Il y a nullité, enGn, lorsque Tinterprète ne traduit pas à
raccusé la déclaration du jury , la réquisition du ministère
public relativement à l'application de la peine, et Tavertis-
seinent qui le met en demeure d^y répondre.
Mais celte sanction ne s^appliquc pas à la traduction des
actes ou des discours dont Tinterprétation est abandonnée &
la conscience des magistrats, ou qu'il est présumé déjà con-
nallrc ou qui n^ont qu^une importance secondaire.
Ainsi, il n'est pas nécessaire que le procès-verbal constate
lassistance d'un interprète , lorsque l'accusé subit Tin-
terrogatSire prévu par Tart. 293 ; « attendu que l'assistance
d'un interprète est exclusivement établie en vue des débats
qui ont lieu devant la Cour d^assi^es et pour en assurer Ten*
tière intelligence , tant à l'accusé qu'à tous ceux appelés à y
concourir ; que l'art. 293 n'exige dans aucun cas l'interven-
tion d'un interprèle; que la loi s'en repose sur le magistrat
du soin de s'assurer que les questions qu'il adresse à l'accusé
et les avertissements qu'il doit lui donner sont entendus par
lui '. » Tout ce qu'il faut induire de cette jurisprudence c'est
que le procès-verbal ne doit pas, à peine de nullité, constater la
présence d'un interprète à l'interrogatoire ; mais il est évident
que cette présence est nécessaire si l'accusé , d'une part, et le
président et le greffier, de l'autre, parlent des langues diffé-
rentes; si cette nécesisité ne trouve pas un appui dans la nullité
de la procédure, il en résulte pour le président le strict devoir
d'y pourvoir, et lorsque ce magistrat atteste, en signant le
procès- verbal, que les formalités qui y sont relatées ont été
accomplies, il atteste par là môme que l'accusé, s'il n'entend
pas la langue française, a été pourvu d'un interprèle.
' Il n'est pas nécessaire qu'il soit constaté que l'interprète a
traduit l'arrêt de renvoi et le résumé de l'acte d'accusation *,
l'eiposé de l'affaire par le ministère public*, l'arrêt ordon-
nant la ra>tiation du nom d'un témoin décédé^, les avertisse-
ments adressés aux témoins relativement aux pièces de con-
Yiciion^, la formule du serment que prêtent les témoins^, les
* Cass. 2'4 juitl. iSi5, rapp. M. Bareones. Bull. n. SiO i 29 sept. 1858,
àootrerapp. n« i86: 21 déc 1854, rapp. M.Sénéca, n. 850.
' Cass. 29 mai 1840, rapp. M. MeyronnetSt-Marc BuU. d« 152.
* Cass. 17 mars 1850, à notre rapp. Dali. 50, 5, 395.
* cl • Cass. ik noY. 1850, à notre rapp. Dali. 50, 6, 296.
* Cass. 21 mars 1827, rapp. M. OUivier. J. P., I. XXI» p. 786.
054 l>B8 COURS >' ASSISES.
pièces écrites faisant partie da dossier i, les réquisitions du
ministère public, autres que celles qui sont relatives i Tap-
piication de la peine, et les développements des moyens de
l'accusation donnés par cet officier à Paudrence ', les plai-
doiries des conseils^, enfin le résumé du président <. Tous
ces actes ou sont déjà présumés connus de Taccusé, oa
n^intéressent pas efisentiellement la défense» ou ne peureot
donner lieu, comme le résumé, à aucune observation de sa
part.
Il y a lieu de remarquer toutefois que^ même en ce qui
touche ces actes, il y a lieu de les traduire ou d^en traduire
au moins certaines parties toutes les fois que l'accusé le de- |
mande expressément; car c'est> après tout, son droit; il est
possible de supposer^ lorsqu'il ne l'eierce pas, quMI n'a pas
d'intérêt à le faire ; mais quand il en réclame TapplicatioD,
il est impossible de la lui dénier. Un arrêt déclare en consé-
quence « que la mission de Finterpréte s'applique principa-
lement aux parties dés débats oii Taocusé ne peut être sappléé
par le conseil dont ii est assisté, et qu'il n y a lieu de (aire
traduire à Taccusé par Tinterprète les développements donnés
par le ministère public aux moyens de Taccusation, qu*aa-
tant que Taccusé Ta expressément demandé &. »
Mais la jurisprudence a établi ici encore la présomption
générale que, dès que la présence de l'interprète est constatée
. à toutes les séances delà Cour d'assises» il a rempli ses fonc-
tions toutes les fois que son intervention a été nécessaire^
Nous citerons plus particulièrement une arrêt qui décide
a qu'aucun article de loi n'impose au greffier robligationde
constater que l'interprète a traduit tout ce qui a été dit et la
dans le cours des débats^ et que sa présence établit la pré-
somption légale qu'il a rempli ses fonctions 7» et un autre
arrêt, a que lorsque le proeès-verbal ne constate l'inlerTeD-
* Cass. ii juill. iSaO, rapp. M* Vincenfe-SULaurent Dati 5S, 5, 5M.
3 Casa. 29 fév. i8&4» rapp. M. Brière-Valigny. Bail, n* 69.
> Oass. jiôn. iSSl, rapp. M. OHifier. J.P., t. XXIV, p. iSOi.
* Gasfl.29fév. 18A4 etl9 juill. iSdS. GitéisNprà.
6 Cass. 21 juill. iSil, raj|p. M. Dchaussy. Bull. n. 219.
* Cass. 23 aTriliSSS, rapp. M. IsamberU BuU. n, 1^9; 26 avril I85S, np.
M. Yinccns-St-Laurcnt, n. iii; 5 ao6t i8â7, même rappw n. 173 : 20 jaar.
18i^8, rapp. M. Legagneur, d« 20; 26 avril 1849, rapp. M. Barcnnes p. 93 :
20 fév. 1851, à notre rapp. d. 71.
' Cass. 23 fé?. 1850^ à notre rapp, Buil. n. 78 ; i2 déc 1850, japp. K.
Dehaussy, n. 417.
FOUIES GÉIfÉRALBS DB LA PROCÉDUIK DES ASSISES. § 629. 055
tîoD de rinterprète que pour les dépositions des témoins, il y
a présomption qu^il a rempli rofiice pour lequel il a été appelé
et qu'il a traduit tous les discours qu^l y a eu lieu de trans-
mettre entre ceux qui parlaient des langages différents '. •
Nous ferons observer, en terminant cette matière, d'abord,
que si la traduction, pour être fidèle, comme Texige la loi,
doit être autant que possible littérale, il est impossible d'exiger
cependant une reproduction textuelle: il suflit que le sens du
discours à transmettre soit exact et complet; ensuite, que
l'interprète, qui n'a pas les mêmes obligations que le témoin,
n'est point assujetti aux mêmes règles, et peut, par exemple,
sans inconvénient assister k la partie des débats qui précède
l'accomplissement de sa mission'.
* Gaïf» ii juili. d850,rapp. M. Vincens-St-Laoreiit DalU 50, 5, S90»
3 Cass. 3 août ISôâ, rapp. M. Nouguier. DalL 54» 5, 208.
C56 BES CODAI D^AWlSEf.
CHAPITRE IX.
OUVERTURE DES DÉBATS.
I 630. I. L*examen suit la formation du jury. — II. OuYertiire de
Taudience. — III. Premières formalités.
I 631. I. Comparution de Taccusé. — -^ II. Refus de comparution. *
m. Constatation de son identité.
% 632. I. Avertissement du président relativement à la lecture de
l'arrêt de renvoi de Pacte d accusation. — II. Lecture de ces actes
par le greffier. — • III. Nouvel avertissement du président.
I 633. I. Exposé du ministère public. «— II. Appréciation de cet ex-
posé. — 111. Il n*est pas prescrit à peine de nullité.
S 634. I. Présentation de la liste des témoins. — II. Premières opé-
rations auxquelles donne lieu cette liste. — III. Défense de coor
muniquer imposée aux téMoins.
§630.
I. L*examen suit la formation du tableau. — IF. Ouverture de fai-
dience. — III. Premières formalités.
I. L^art. &05 dispose que « Texamende l'accusé commcn-
cera immédiatement après la formation du tableau. »
La loi entend par Texamen de raccusé, Texamen de l'af-
faire, en d'autres termes, Touverture des débats. C^est ce qui
résulte, tant des art. 405 et 406 que de la rubrique du cha-
pitre du Gode dans lequel ces artices sont placés.
Uouverture des débats de chaque affaire doit donc suivre
immédiatement la formation du jury de jugement. Noos
avons vu cependant que la jurisprudence avait admis qu^un
certain intervalle peut séparer ces deux actes * ; et la rai-
son qui en est donnée par les arrêts, est « que la disposition
< Toyei êupràs
OUVERTURE DES diEbats. § 630. 657
de i^art. 405 n'étant qu^unc mesure d^ordre non prescrite
à peine de nullité, il suffit, pour que le vœu de cet article
soit rempli, que les débats se soient ouverts dans un temps
rapproché du moment du tirage du jury * . » C'est en général
dans rintérèt des jurés et pour alléger le poids de leur ser-
vice, que la règle posée par Karl. 405 n'a pas été littérale-
ment appliquée. Mais on ne doit pas perdre de vue que celte
régie est une prescription précise de la loi, que tout ce qui
résulte de l'omissiorr d'une sanction c'est que la Cour d'assi-
ses peut en l'appliquant ménager les nécessités du service ju-
diciaire, mais que si cette application» ainsi entendue, a peu
d'inconvénients, il en serait autrement si, sans aucune cause
légitime» la Cour s'écartait des termes de la loi; car Tunité et
la continuité de la procédure, ces deux règles qui préservent les
juges etles jurés des impressions étrangères et concentrent leur
attention sur le procès, seraient évidemment euHreintes, et
rinstructîon abdiquerait Tune des formes qui assurentsa puis-*
sance. On ne doit donc, en général , placer aucun inter-
valle entre le tirage des jurés et l'ouverture des débats , et si
quelque nécessité, qu'il est facile d'éviter, sépare ces deux
actes, il faut au moins que cette suspension soit aussi brève
que possible , car la disposition de la loi est formelle et doit
être exécutée.
IL Aux termes de Tart, 309, « au jour fixé pour Touver-
lure des assises, la Cour ayant pris séance, douze jurés se
placeront; dans Tordre désigné par le sort, sur des sièges sé-
parés du public , des parties et des témoins , en face de ce-
lui qui est destiné à l'accusé. » Cette disposition, qui ne fait
que reproduire Tart. 25, tit. 6, de la loi du 16-29 sept. 1791
et les art. 338 et 339 du C. du 3 brumaire an iv, est princi-
palement destinée à ré^er la tenue de l'audience.
Il faut cependant faire observer que ces mots « au jour fixé
pour Touverture des assises, » qui se réfèrent à la formation
du rôle de la session, ne doivent point emporter l'idée d'une
fixation définitive qui ne pourrait être ultérieurement modi-
fiée. Nous avons vu que ce jour peut être changé, pourvu que
la défense conserve le délai qui lui est nécessaire pour se pré-
parer *. Ce qui importe seulement, c'est que l'accusé con-
* Cass. 8 mars 1838, rapp. M, Dehaussy. Dali, v* Insl, cr. n. Î067,
» Voy . MUprd, p. 652.
VHI. 4^
659 SES couKS d'assisks.
naisse à Tayance le jour fixé pour qu'H puisse faire citer ses té-
moins. La loi n'exige point qu'il soit donné de citation i Tac*
cQsë et iTi jurisprudence a dû rcconnalire en conséquence que
cette citation était superflue ^ . Mais, soit que rayerliasenieat lui
en soit donné par le président dans son interrogatoire, ou par la
notification de la liste des témoins» il faut qu'il soit averti d^une
manière quelconque du jour où il comparaîtra devant le jur;;
. ear le défaut de cette indication peut entraver toute sa défense
et justifierait pleinement une demande de renvoi i une autre
session*.
Ouant à la place que doivent ocAper lea jurés dan» la nUe
des assises, la loi a un douUe motif : lea jwé» doivent être sé-
parés du public , des parties et des témoin» ^ pepoe qn^ im-
porte de les préserver de toutes les impt essioiia étrânfères aa
débat; ils doivent èire placés en face der l'aecuflé, peree qu'il
est utile qu*iU puissent observer sa pbjsioooniie , enleûdre
clairement ses explications et cbercber dan» son attitude et
ses gestes des indices de la vérité.
m. Lorsque Taudience est ouverte et que le publie a été
introduit dans la salle, il est procédé à raccomplicsementile
quelques formes préliminaires, qui ont pour objet d'avertir
chacune des personnes qui vont prendre part aux débals oa
au jugement de lenra fonctions ou de leurs* dreite » et de pdser
avec netteté le» questions qui ¥oni fawe le sujet de Texamei.
Ceefiotmeapréliminaffreti sont V la eonsteltftion^dte l'identité
'de Taoeusé; 2* ravertiaeement données défenseur ; 3* te ser-
ment des Joré»;. k"" la lecture de l'arrêt de remm et de Fade
d'acK^tsaiion et Taverliesemefit qov le pr«deéde et le sait;
h^ Texpc^é dm ministère pubtic; 6^ la lecture de ha liatedes
témoins et le renvoi de cds témoins dadvta chambfift qni Ifffr
est destinée; V taân^ i'interrûgaloiréfde TaNseo^^
Moufl «tons déjà exposé le caractère et la fi^rttie 1' de Ta-
v«ttiâëenient donné eu défcn«enr*; ^ du sennent' def jn-
réa^^
Nous aHons examiner d«iM ce cba^re ehaeme êétf citK[
autres fiorawlrtéa
* Cass. 22 sepU 1842, Sir. ai, 1, 768.
* Cass. 26 avril 18Ai» rapp. M. Isamberl. Bull. n. 15a#
* Voy. sujfràf p. 52fl.
* Voy. tupr*> .i).625,
ODYCRTimE ]»B VtûklS. § 631. 699
s «3f .
I. Comparation de Faccusé. — H. Refus de comparattre. "— HL Coâ-
statirtion de son identité. — lY. Dénégaiioa de cette îdentîté —
V. Aetepiafion du débti.
L L'aoeusé doit élre posent aox débats, lersqne la procé^
dore n'est pas instruite por contumace. 9a compariiHon est la
première forme que. prescrit la foi.
Il doit comparaître libre de toute entrave. L'art. 3iO porte :
«L^accusé comparaîtra libre et seulement accompagné de gar-
des pour l^empècher de s'évader. » L'art, l*», titre T, de la
]oide$16-29 sept. 1791 et l'art. 341 du G. du 3 bmm. an iv
ajoutaient a Hbre et sans fers. i> Tel était aussi l'usage
&DS notre ancien droit lorsque l'accusé était interrogé à la
chambre du conseil ^ « La loi a voulu, dit Pinstruction du
29 sept. 17di, écarter de Taccusé tout ce qui pourrait influer
sur sa liberté morale en gênant sa liberté physique. i» Et, en
effet, la défense ne paraîtrait pas libre si l'accusé était chargé
de fers; il semblerait que le poids de ses chaînes dât entraver
son esprit aussi bien que ses membres, et s'opposer au déve^
loppement de ses moyen?.
Cependant la Cour de cassation a, dans deux espèces, au-
torisé l'emploi des fers. Le premier de ces arrêts, rendu dans
une espèce où l'aceusé avait gardé ses fers jusqu^à la déclara*
ration du jury, porte : « que l'art. 967 attribue au président
la police de l'audience, et par conséquent le droit de prendre
toute? les précautions nécessaires au maintien de l'ordre et à
la sûreté des personnes; que, dans l'espèce, il résulte du pro-
cès-verbal de la séance que, d'après les débats, le président a
reconnu que l'accusé était d'un caractère bouillant et emporté ;
et ^'il était agile, très- adroit et très-robuste; qu'en ordon-
nant par ce motif aux gendarmes, qui allaient ramener l'ac'
cusé à l'audience pour entendre la lecture de la déclaration du
jury, de prendre à son égard les mesures convenables, et en
autorisant ainsi la traduction de Taccnsé avec des menottes « le
président n'a pas excédé les mesures de ses attributions*. »
Le 3* arrêt rejette également te pourvoi « entendu que la dis-
< Joasse, t. II, p. 268.
■ Gass. 7 oct. 1830, rapp* 1&. CMIIi«sr«l. ^.,tr Xxillt P* SM.
660 DES COURS D* ASSISES.
position de Tart. 510, quelque importante qu'elle soit, n*esi
pas prescrite à peine de nullité; qu'il n'y aurait lieu à pronon-
cer cette nullité qu'autant qu'il résulterait des faits constatés
que Tentrave corporelle à laquelle a été soumis Paccusé a
pu être de nature à compromettre la liberté physique et mo-
rale dont il a besoin pour être défendu; qu'il est constaté,
dans l'espèce > que cet accusé avait été condamné aux travaux
forcés, et que les fers lui avaient été laissés dans la maison de
Glairvaux, où il était détenu au moment de la perpétration
du nouveau crime pour lequel il comparaissait devant la Cour
d'assises, par mesure de précaution et de sûreté ; que ces
fers lui ont été enlevés, de l'ordre du président, immédiate-
ment après la lecture de l'acte d'accusation et avant qu'il fut
procédé à son interrogatoire *. »
Ces deux arrêts forment jurisprudence , car si le pre-
mier seulement autorise l'emploi des fers pendant les dé-
bats , le second déclare que la disposition de l'art. 310 n'est
pas prescrite à peine de nullité. Il en résulte donc une sorte de
faculté d'appliquer ou de ne pas appliquer cette disposition,
suivant les circonstances de la cause et le caractère des ac-
cusés. Il nous semble dilïicile d'admettre cette interprétation.
La comparution à l'audience de l'accusé « libre et sans fers »
est une règle tellement essentielle à la liberté de la défense,
que notre ancienne jurisprudence, lorsqu'elle avait aboli toute
autre défense que celle qui avait lieu par la bouche de l'ac-
cusé, l'avait maintenue. Il ne nous serait pas possible de croire
une défense libre, lorsque chacun des mouvements de Taccusé
ferait retentir le bruit de ses chaînes, lorsque la gène qu'il cd
ressentirait pourrait opprimer ses idées et sa parole. On ac-
corde qu'il y aurait nullité si l'entrave corporelle était de na-
ture à compromettre la liberté physique et morale dont il a
besoin pour se défendre; mais comment apprécier l'effet
qu'elle a pu produire? comment savoir à quel degré le poids
des fers, la captivité des membres, l'humiliation de ce servage
public ont paralysé son intelligence? quel sera le juge de la
souffrance physique et de la souffrance morale? On oppose le
danger que la liberté de l'accusé peut faire courir; mais, d'a-
bord, si l'accusé, dans la première espèce, a pu être dégagé
do ses entraves après la déclaration du jury et avant qu'il fût
statué sur l'application de la peine^ et dans la seconde^ après
* Casa, s janv, 1857, rapp, M. Isombert, Bull. d. i.
ODTEETVRE DES DÉBATS. § 63i. 661
la lecture de l'arrêt de renvoi et de Tûcle d'accusation, pour-
quoi n'aurait-il pas pu l'être avant ce moment? Ensuite, on
peutredoubler les précautions autour de lui; on peut augmen-
ter lenombre deses gardes; on peut Tisolcr au milieu de la salle;
00 peut, par toutes les mesures de surveillance, calmer les in*
quiétudes les plus exagérées; mais sa personne doit demeurer
libre de toute entrave corporelle; car, d'une part, Tentrave
corporelle réagit sur la situation de l'esprit, et il importe qu'il
jouisse, pour diriger sa défense, de toute la puissance de sa rai-
son, de tout le calme conciliable avec sa position d'accusé; et,
d'une autre part, ce n'est plus un accusé ordinaire que vous
traduisez devant le jury, si vous le chargez de fers; cette pré-
caution extraordinaire en fera un objet de terreur ou de pi-
tié : la déclaration des jurés sera le résultat de cette impres-
sion. Nous croyons donc qu'il faut maintenir dans son entière
application la règle de procédure que toutes les législations
qui se sont succédé ont jusqu'à présent respectée, et qui peut
seule concilier les droits de la justice et de Thumanité.
Il faut ajouter en même tenaps qu'il n'est pas nécessaire
que le procès-verbal des débats mentionne à chaque séance
que l'accusé a comparu libre ' ; que, lorsqu'il constate, par
exemple, pour la première séance, cette libre comparution,
il y a présomption qu'elle a continué aux séances sui-
vantes' ; que cette présomption s'étend k tous les cas où l'ac-
cusé n'a pas réclamé, où le procès-verbal ne renferme
aucune énonciation contraire ^ ; enfin , qu'un accusé ne
pourrait se faire un grief de ce qu'on lui a laissé ses fers de
forçat évadé, lorsqu'il s'était lui-même opposé à ce qi/on
lesluiôlàl^.
L'art. 310, combiné avec l'art. 309, donne lieu à une
seconde observation. Ce dernier article porte que « le siège
qui est destiné & l'accusé » doit être placé en face des sièges
des jurés, et l'art. 310 se borne à prescrire qu'il doit com-
nttre libre, sans ajouter aucune mesure particulière. De
i résulte qu'aucune forme particulière ne doit distinguer
le siège des accusésdes autres sièges. Il n'en était pas ainsi dans
notre ancienne législation : les accusés, lorsqu'ils compa**
* Gass, IS août 1829, rapp. M. Choppin. J. P.» t. XXII, 1340.
■Casa. 12 oct. iSiS, rapp* H. Vincens-St-Laarent. fioll. n. 252.
* Casa. 12 sept. i8A2, rapp. M. de Ricard. J, cr. U XV, p. 65.
* Cas»; 10 ami 1843, non imprime.
raîssaient devant la cbamLrc du conseil pouryfiubirlfiiei-
nler interrogatoire, étaient placés sur la selklte, sorte d'es-
cabeau en bois , séparé de tout Autre siège ' : cet escabeaa
Stait recouvert de velours ou de tapisserie , si Taccusé était
une personne de qualité ; il était rennpiacé par un siège or-
dinaire placé derrière le barreau, lorsque les conclusions de
lajpartÂe publique ne tendaient pas.à fapplicationjd'une peine
anlictive^. Cette législation était évidemment injuste; l!ac-
cusé, tant qu'il n'est pas déclaré ooupabJe, ne doit être l'ob-
jet d^aucune mesure autre que celle nécessaire à sa garde.
II. Si Taccusé refuse de comparaître à Vaudience, il y a
lieu de recourir à une forme spéciale de procédure.
Le Code d'instruction criminelle n^avait point prévu une
telfe résistance , ou plutôt il avait supposé, en se réiérantà
d^anciennes pratiques, qu^elle serait nécessairement va^cue
^par Inapplication de mesures coercitives , et que , suivant la
malime que force doit demeurer à justice , la présence forcée
des accusés remplacerait leur comparution volontaire* Telle
est la marcbe qui fut indiquée lorsque cette sorte de rébellion
aux ordres de la justice se manifesta. Mais les difficultés qm
s^élevèrent & ce sujet amenèrent les art. 8, 9 et 12 de Ta loi
du 9 septembre 1835 sur les Cours d'assises. Yoici le texte
de ces articles :
ic Ari. vui. Au îour iadî^ué poiirrla ûomparutiott àrftadlenoe»Àiis
pcévenas ou qaelquea-uns d^enUe eux refuseot de comparatue, smr
ma^ion d^obéir à justice leur sera faîteau nom de la loi par un haîssicr
commis à cet effet par le président de la Cour d^assises et assisté 4e h
force publique. L^nuissier dressera procès- verbal de la toomatîan «t
de la;répoBfiedes.piiévaHis. • < AtUjk. Si les pféiv«în«an*^bte«pèreiit
point à la sommation^ le président pourra ordonner qu'ils soienLaffleaés
par la force devant la Cour ; il pourra également, après lecture Giite
I l^udience, du procès-verbal constatant leur résistance , ordonner qoe
BMiobsUnt leur absence, 41 stra passé ootre^aai: débats. Après eh^ac
«ndienee^iil sera» far le greffier deia GfMir4^a88Î8es, daoné leflareaut
préxonu&^i n'auront .point congru, du ^ocès -verbal desdébat^ell
leur sera signifié cqpie des séquisitoires ou ministère publie, ain«i que
des arrêts rendus parla Cour, qui seront tous réputés contradielaîres.>
c AdPt. mi. Les éisposîtieM des avt. 8 «t 1^ s^appHqmiil an jogcBait
de tous les crimes et délits devant toutes les juridictions, i
« Ord. 4«70, tir. d4,.avft. Jl*
• Jousse, LH, p. 207; Qorofter* I^A Pm Wi^
• Déd. du roi du iS avril i70d.
OUyZRTUEE DES DÉBATS. § 631. 6(^
L'exposé des motifs decelte loi déclare qi]c «les juridictions
établies tiennent leur autorité de la loi, ndn du coasentemeat
des accusés ; ceux-ci n'ont point à accepter le débat , mais à
le subir ; et 8*ib veulent se soustraire à la nécessité de ren^e
compte de leurs actions , il faut qu'ils puissent y être cou*
traints par la Torce , car la justice doit rester maAtresse, sous
peme de devenir esclaiw des aecssés. Mats c»iifieBt'îl,ii}ou-
laitie rapporteur de la Cbtinbre des paîn, de réduire 4es'
Bwgiatcats à U tr'wile néeessîté d'user deee poufoir daa» teotes
Jef cmonstanoef oè les accusés refuseront d'assister a« dé-
l»ts,oa domnt^ilsèlreiiiifestîsd'uneauftoritélwuitelmfNW
cwdoiiDer qae ks aceusés seront amené» par U foi^e, ou qtfil
sera passé outre a« dékats dans leur abseocs, lorsqu'ils ne
jugefootpas leur présence nécessaire? Deux opinioiis ont pW'
tagé la eomanission : Tune demandait la oomparolkm foMée
des accusés, eosemble ou séparément; l'autre a admis la sim-
ple faculté de l'altemative. Yoîeî les observations en fareur
de la première opinion : l'esprit général des fois criimieHes
qui nous régissent est la publicité; «Ile n'existe pour les ma-
gistrats, ies témoins, les jurés et le public que par la compa-
rution dès aeeusés devant eux. La confrontation «t la reemi-
naimaoce par les léosoins ne peuvent s'opérer sans cette
comparution ; on pourrait abuser d'une disposition qui per-
mettrait de condamner un iodîvida qui n'aurait pas coupafu
à I^audience sur les seules déclantioas consignées daosdes
procès-verbaux. Il n'existe ni impossibittié , ni même diffi-
culté réelle d'amener des accusés une seule fois à l'audrenoe ;
•céder à leur volonté et à leur refus serait ub acte de faiUesse.
lu» partisans de la seconde opinion ont répondu : subordon-
ner l'emploi de la force à la décision de la justice, ce n'^ast
pas flécbir devant la volonté des accusés; loin de céder à leur
résistance, le projet ordonne de la vaincre toutes les foeque
la recherche de la vérité l'exigera ; l'opinion des oiagistea^
réglera seule cet emploi suivant les circonstances*. « »
Les formes de cette procédure exceptionnelle, qui n'auront,
il but l'espérer, qu'une rare application^ se réduisent aux
points suivants ; 1^ au cas de refus de comparution , somma-
tion d'obéir à justice est faite par un huissier, et il est dressé
procès-verbal de la sommation et des réponses de l'accusé ;
2^ s'il n'est pas obtempéré à cette sommation, le président
•ordonne ou qu'il sera fait emploi de la force ou que , non-
obstant son absence, il sera passé ovtre amtdéfcaM; Si*' dans
664 DES COURS d'assises.
cette dernière hypothèse, il lui est, après chaque audience,
donné lecture du procès-verbal des débats, et signifié copie
des réquisitoires du ministère public et des arrëls de la Cour;
4>.^ enfin , toute cette procédure est réputée contradictoire et
les arrêts ont un caractère définitif.
Nous nous bornerons à faire remarquer sur le premier
point y qu'il importe de discerner les cas de résistance to-
lontaire et les cas où le refus serait motivé par une maladie
quelconque , physique ou morale , de l'accusé*: la procédure
spéciale est exclusivement réservée à la rébellion aux ordrfô
de la justice; sur le deuxième point, que, bien que la loi sem-
ble ne déférer qu'au président le droit de décider si l'accusé
sera amené de vive force à l'audience ou s'il sera passé outre
aux débats dans son absence , ce droit appartiendrait à b
Cour d'assises si le ministère public ou le défenseur de l'ac-
cusé prenaient des conclusions formelles sur le yu du procès-
yerbal constatant la résistance ; sur le troisième point , que
la lecture et la signification ne concernent que ce qui s'est
passé à l'audience depuis le refus de comparaître et ne s'ap-
pliquent pas, par exemple, au réquisitoire tendant à rappli-
cation de la loi du 9 septembre 1835'; sur le quatrième
point, enfin, que la disposition qui répute contradicioires
tous les arrêts rendus par la Cour d'assises en Tabsence de
Taocusé s'applique à 1 arrêt de condamnation aussi bien
qu'aux ordonnances et arrêts rendus dans le cours des dé-
bats' .
Nous ne faisons, au surplus, qu'indiquer ici ces mesures
exceptionnelles sur lesquelles nous reviendrons en traitant
des incidents de l'audience.
m. Nous reprenons l'exposé des formes ordinaires de la
procédure.
La première de ces formes est la constatation de l'ideotité
de Taccusé. L'art. 310 porte : t Le président lui demandera
son nom 9 ses prénoms , son âge, sa profession , sa demeure
et le lieu de sa naissance. »
Ces questions faites au seuil de l'audience et avant que le
sujet de l'accusation soit connu, et que les jurés aient prêté
* GaS8. iS déc. 1840, rapp. M. de Ricard* Bail. d« 350.'
' Gass. S9 janvier 1857, rapp. M. Legagoeur. Bull. d. d7.
OUVERTURE DES DÉBATS. § 631. 665
serment, ont pour but unique de constater Tidenlité de Tac-
cusé. Elles doivent donc être strictement circonscrites dans
les termes de la loi.
L'accusé, pendant que les questions lui sont adressées^ doit-
il être debout ou peut-il rester assis? L'art. 1", tit. 7, de la
loi des 16-29 septembre 4791, et l'art. 341 du C. du 3 bru-
maire an IV» portaient : « Le président lui dira qu'il peut
s'asseoir et lui demandera... » L'art. 310 n'ayant pas re-
produit ces premiers mots, on en a conclu que l'accusé ne
pouvait répondre que debout. Cette induction est peut-être
un peu forcée. On pourrait aussi bien soutenir que, puisque
lart. 309 lui donne un siège et que Tart. 310 ne lui prescrit
point de rester debout pour répondre au président, il y a lieu
d'admettre que, comme Tadmettaient ]es lois antérieures, il
peut répondre assis. Aureste, la question est très-secondaire en
ce qui concerne la constatation de l'identité, qui n'exige que
quelques moments, et il est même permis de penser que,
pour cette constatation, il est nécessaire que Taccusé soit
debout, afin que Pexamen de sa personne soit plus facile et
plus complet. Mais elle devient plus grave lorsqu'il s'agit de
rinterrogatoire qui constitue, dans la pratique des assises,
uu véritable examen et qui se prolonge quelquefois pendant
plusieurs heures. Or, lorsque la loi ne prescrit rien à cet
égard et que la volonté du président est la seule règle, est-
il convenable, est-il humain de maintenir l'accusé debout,
comme l'exigent quelques magistrats, pendant tout le temps
qu'ils l'interrogent? A la fatigue de l'esprit, tenu en éveil par
les questions multipliées qui lui sont adressées, doit-il join-
dre la fatigue du corps que lui fait ressentir une telle posi-
tion? Pour que l'intelligence soit libre, il faut que les mem-
bres n'éprouvent aucune gêne ; pour que l'accusé puisse se
recueillir avant de répondre, pour qu'il ne hâte point ses
explications et qu'il puisse les peser, car c'est là le droit de sa
défense, il faut qu'il ne soit pas contraint de garder une atti-
tude énervante et qu'il puisse s^asseoir s'il le veut.
IV. Si l'accusé dénie son identité et soutient que les dési-
gnations de l'ordonnancé de prise de corps et de l'acte d'ac-
cosation ne s'appliquent pas à sa personne, cette dénégation
doit être considérée comme un moven de défense qui, comme
tous les autres tendant à établir qu il n'est pas coupable, doit
066 DEs'couas d^assisbs.
être apprécié par le jury lorsqu'il prononce sur Taccnsa-
tioB '. Les art. 518 et 519, qui réservent à la Coard'assees
siégeant sans jurés la reconnaissance de ridentîté des indÎTi-
dus condamnés, évadés et repris, doivent être renfermés dans
le cercle tracé paf leurs termes.
Si Faccusé avait été précédemment condamné par conto-
mace, la question de Tidentité appartiendratt-elle k la Goai
d'assises ou au jury ? Nous renvoyons l'eiamen de cette qves-
tion controversée au livre IX de ce traité, dans ieifwi sen
exposée la matière de la reconnaissance de l*identité.
y. L'accusé est réputé accepter le débat; it l'accepte lors-
qu'il ne forme aucune demande en renvof, lorsqa'îLne pro-
pose aucun déclinatoire, lorsquMI prend part à la formation
du jury de jugement, lorsqu'il fait assigner ses témoins et
prépare ses moyens de défense»
Mais est-il nécessaire qu'il sdit mis en demeure par one
interpellation de déclarer cette acceptation? La loi ne Ta
point eiigé, et le pourvoi d^un accusé qui se faisait un grief
de ce silence a dû être rejeté, « attendu que b procédure qui
a précédé Touverture des débats ayant été suivie dans les
délais et avec les formes que la loi détermine, le demandeur
a pu mettre sa défense en état ; que d'ailleurs il n*a pas osé
de la faculté qui lui était accordée par Fart 306 de detnan-
der une prorogation, s'il avait des motifs pour que Taffaire ce
fut pas portée devant le jury *. o
3 6i2.
I. Fonnaljiés ^ut sulveni la constaUiîon de rid«Qtité de raccosé. «^
il. Avertissement .da président. — III. Lecture de Tacle de lenroi
et de Tacte d'accusatîan. — fV. Second! ^arverikseaieat dv ^pré^deii.
I. Lorsque t'ideuiité de Faccusé est constatée, le frrfisideQt
adresse au conseil de Taccusé Tavertisiement prescrit par
Tart. 311 Ml n'est pas nécessaire à la validité de la procé-
dure que cet avertissement soit constaté par le procé^-verbil
• Case. i«-seplembre 1853, rapp. M. JficgmBot. B«iU. 9* M^
• Voy. $upràf p. SB8.
OUTBISOBU MA «iMTt. g 632. 4(7
des dàbals, t puisque d'uu cAté cette formalité est prescrite
dans on intérêt autre que celui des accusés, et que, dlautne
part, robservAtion de Tart 311 n'est pas prescrite ii peine
dennliitéV. »
Le prérident adresse ensuite -aux jurés la fonmle icrile
dans Vm%. 312 el reçoit leurs sennents '.
II. Ces premières fermalités remplies,*!! est procédé à la
lecture de l*arrèt de renvoi et de Tacte d'accusation.
L'art 313 porte : c Immédiatement après, le président
avertira Taçcusé d'être attentif à ce qu'il va ^entendre. Il or-
donnera au greffier de lire l'arrêt de la Cour impériale por-
tant renvoi à la Cour d'assises et l'acte d'accusaiion. l.e jgref-
fier fera cette lecture à haute Toii. »
L'avertissement d'être attentif que le président doit donner
è l'accusé ne se réfère pas seulement à la lecture de l'^réft
de renvoi et de Tacte d''accusation ; il se réfère à tous les dé*
bats qui vont se dérouler devant lui. La loi a voulu que son
attention tùl spécialement attirée sur les actes qui vont suivre
et qui commencent l'instruction. Il a été jugé, dans une es-
pèce où la formule légale avait été modifiée, « que les termes
de cet avertissement ne sont pas sacramentels ; qu'il suffit
que ceux qui ont été employés par le président aient appelé
Fattention de l'accusé sur la lecture de l'arrêt de renvoi et de
l'acte d''accusation , puisque cet avertissement 8'appli(iue
implicitement à tout ce qui suivra cette lecture ; que le pro-
cès^erbal oonalate, dans Taspèce, qu'après la firestatioB de
sermeat des jurés et avant la lecture de TarrM de renvoi et
de l'acte d'accwatioD, lepféaident a|)révenif f aocuaè c d'élre
attentif à ce qu'il allait entendre Iwe ; i> que la teneur de cet
avertissement ne diSèrede celle contenue dans l'art. 813 que
par l'addition eu mot lire, lequel n^ rie» de restrictif et m
peut avoir pour effet de limiter à la leelave de f arrêt de renvoi
et de l'acte d'aoettsalîon l'attention que l'aeeua^ .doit^ipporter
auxdébsrtft'.n
CSet aoreitissemeBl «^eslt feint prescrit -è peine «de «uNîté.
* Cais. 24 m»» i%kh^ rapp.M. RoaMsaière9.S&ttU. n^UO ; iijepU iJBa7«
nsp. M. Aiirea. IHU. 88» 1« m.
» Voyei «uprd, p, 426.
> Qm.$Aiw id47> xm^ VU Mututfjr. Bna.«.<iaa.
DES COURS D ASSISES.
Ce n*est pas un motif pour le négliger, car il importe qae
l'accusé, étranger pour la plupart du temps aux formes de
l'audience, suive celles qui intéressent sa défense. Nous pen-
sons même que le président doit renouveler son avertisse-
ment toutes les fois que l'accusé est plus spécialement inté-
ressé à prêter attention à ce qui se passe autour de lui.
III. Le greffier lit à haute voix Tarrêt de renvoi et Facie
d'accusation. Celte lecture a pour objet de faire connaître à
l'accusé, aux juges et aux jurés, d'une part» l'acte qui saisit
la Cour d'assises , d*une autre part, le sujet et les charges de
l'accusation. Elle peut être faite par un huissicr*en rempla-
cement du greffier ^
L'omission de cette formalité n'emporte encore aucane
nullité. Il a été jugé « que cette lecture n'est pas prescrite i
peine de nullité, et qu'elle ne constitue point une formalité
substantielle dont l'inobservation puisse entraîner la nullité
de la procédure lorsque les accusés n'en ont point demandé
l'accomplissement *• » La véritable raison qui doit faire ad-
mettre cette solution est que l'accusé a reçu la signification
de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation; d*où il soit
qu'à son égard la lecture de ces actes est surabondante. En-
suite Tallocution du président, prescrite par l'art. 314, et
Texposé du ministère public, prescrit par 1 art. 315, peuTeot
suppléer complètement cette lecture, en formulant l'un et
l'autre le sujet de l'accusation.
Les témoins doivent-ils être présens à la lecture de l'arrêt
de renvoi et de l'acte d'accusation 7 La loi ne le dit pas, et il
a été décidé « que l'art. 315, en prescrivant que la lecture de
la liste des témoins aurait lieu dans un moment où le greffier
a déjà donné lecture de Tarrèt de renvoi et de l'acte d'accu-
sation, n'a pu exiger que ces témoins assistassent, sous peine
de nullité, à cette lecture ^. >
Ils y assistent néanmoins en général» puisque les deux for-
malités se suivent immédiatement; mais l'audition de ces ac-
tes n'est nullement nécessaire pour éclairer et diriger lem
* Cass. 23 mars i8i&3. Sir., 44» 1» 545.
' Cass. 5 sepu 18ii, rapp. M, Vasse. J. P., IX, p. 6S7; 29 mai 1849.
Dali., 40, 418; 10 dot. 1849, rapp. M. Barennes. Bail. d. 298 ; 10 déc.
1857, rapp. M. Â. Moreau. Bull. d. 828.
< Cass. 28 féTiier 1882, rapp. M, de Gronsdllhes. J. P., t. XXIV, p. 76%
OUVERTURE DES DÉBATS. § 632. 669
dépositions; et c'est avec raison qu'an arrêt déclare <c que
Tabsence d'un témoin à la lecture de l'acte d'accusation ne
met aucun obstacle à ce qu'il fasse devant la Cour d'assises
une déposition spontanée et complète sur les faits du procès
qui sont à sa connaissance personnelle, parce que ce n'est pas
dans l'audition de l'acte d'accusation qu'il doit puiser les
éléments de sa déposition, mais bien dans les souyenirs de ce
qu'il a vu et entendu, et que c'est par ce motif que les arti*
des 314- et 315 n'ont pas exigé que les témoins assignés fus*
sent présents à la lecture de l'acte d'accusation et à l'exposé
que le ministère public présente immédiatement après cette
lecture*. »
Le président peut, s'il le croit utile^ faire lire, à la suite
de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accusation^ les procès-ver-
baux qui constatent le délit. La Cour de cassation a reconnu
« que l'art. 313 ne défend pas de faire suivre la lecture de
ces premiers actes de la lecture d'autres pièces que le prési-
dent jugerait utiles à la manifestation de la vérité et qu'il ne
peut ressortir de nullité de cette manière de procéder •. » Et,
en effet, ce magistrat pourrait faire lire ces pièces dans le cours
des débats : pourquoi ne le pourrait - il pas avant qu'ils
commencent, et lorsque cette lecture peut en rendre la dis-
cussion plus facile et plus immédiate? L'art. 341 lui prescrit
d'ailleurs de remettre aux jurés, au moment où ils vont dé-
libérer, l'acte d'accusation et les procès- verbaux qui consta-
tent le délit; il n'est donc pas contraire à l'esprit de la loi de
faire connaître avant les débats toutes les pièces dont elle or-
donne^ après le débat, la remise aux jurés.
IV. L'art. 314 ajoute : « Après cette lecture, le président
rappellera à l'accusé ce qui est contenu en Tacte dlaccusation,
et lui dira : t Voilà de quoi vous êtes accusé; vous allez en-
tendre les charges qui seront produites contre vous. »
La loi a craint que l'acte d'accusation n'ait pas été suffi-
samment compris ; elle a voulu que le président en résume en
termes brefs et simples le sujet, pour que l'accusé et les jurés
puissent aisément le saisir. Ce n'est point un exposé des faits
et des circonstances du crime, car l'acte d'accusation vient de
le présenter, et le ministère public va le reproduire en l'ana-
' Cass. 7 janr. 18A9, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 3.
* Cass, 20 janv. 1848, rapp» M. Legagncun Bail. n. 2J«
0T(y DBS oonn h^mta.
lysanl; c^ett la nmple ésoDcnlioVy ^ds là ferme la plos
bfève, da Ent qor est l'alijet de raccusatmiw H m s'agHr que
défaite bien compiMdv^ hr sujet sor teqoel^ iee^ déMi ¥€101
perler.
S 633.
L Exposé da oûMltee iMiUie. ^ If. Sa foesie. -^ JM. fekt de
nallité au cas d'omissioa.
I. L'art. 315 porte que < le procureur général exposeca
le sujet de Faccusation.. t
Cet exposé peut être considéré eomnie une forme surabon-
dante. Le greffier vient de donner lecture de l'arrêt de cen-
Yoî et de l'acte d'accusation. Le président » r-ésumé ensuite
ces actes, en énonçant en termes nets et limpides le sujet de
l'accusation. Que sert donc Texposé du ministère public qui
vient en troisième lieu ? L'accusé et les jurés ne conoaissaîeat-
ils pas dé^ le Cait que Tinstruetion va débattre? Est-il besoin
de le répéter une troisième fois? £t ces inutiles rèpétUions ne
tendent-elles pas à fatiguer l'attention et à compliquer la
procédure?
U. Cette allocution préalable a d'ailleurs quelle» dan-
gers, car la loi n'en a point réglé la forme et de li il a été
induit : 1** « Que le mode à suivre pour Texposé d^une affaire
est entièrement facultatif de la part du ministère public '. »
Quesi, dans une espèce, le ministère public a, par son exposé,
nommé quelques témoins et fait connaître substantidlemeat
leurs déclarations, il n'a, en le faisant, violé aucun artide de
loi ni porté d'atteinte aux droits généraux de la défense *; »
3° qu'il peut même donner lecture des procès- verbaux de cons-
tatation du délit renfermant la déclaration de plusieurs Céiuoins
présents, « attendu que TarL 315 ne déterminant pas le
mode de l'exposé, on n'est pas fondé à soutenir que le mi-
nistère public soit allé au delà de son droit,, en donnant
lecture des procès*vtïrbaux rédigés pouc la constatation du
délit '. 0
' Cass. 18 sept. 1845, rapp. M. Barennes. Bull. n. 293.
> Cass. 8 jany. 1833, rappw If. Oiinrier. J. P., U XXV, p. U
' Cass. 2 ocu 1852, nipp. M. Jnc^MMOt* IM^ n, aas.
OOTERTORI 08S HÊBATÈ. { C33. ^1
Cette jorispradenee tend à transformer cet exp^ préalable
en une yérîtable plaidoirie. Est-il vrai qne le nnnrstère public
puisse lire et discuter à Tavance les dépositions des témoin^,,
examiner les procès-Terbani qui constatent le délit et établir
ainsi les faits qui sont Fobjet de Taecusation? Est-ce là le droit
que lui donne la loi? Il suffit de se reporter à ses termes. Le
ministère public est chargé é^exposer et non d'établir Taccu-
sation : tout Tesprit de Part. 315 est dans cette expression.
Qu'importe qu^il n'ait point réglé la forme de cet exposé t la
formeest dans le mot lui-même; il ne s'agit que d'une simple
exposition des faits : les preuves et leur discussion viendront
plus loin, n ne s'agit que de poser devant Taccusé et les jurés
les points qui vont être débattus et qui doivent occuper leur
attention. Gomment la loi eût-elle permis de développer l'ac*
cusatîon quand les débats n'ont pas encore commencé, et de
discuter des preuves qui n'ont pas encore été produites? Gom*
ment eût-elle permis de jeter dans l'esprit des jurés des im-
pressions défavorables à la défense, avant que leur examen
soit ouvert» avant que les éléments de leur conviction leur
aient été soumis?
Et puis la conséquence se produit inmiédiatemeirt : si le mi-
nistère public discute, au lieu d'exposer, la défense a le droit
délai répondre; et ce droit est même dans ce cas tellement
évident» qo'oa présidefit n'a pas hésité i le reoennattre, en
autorisant Taecusé à prendre b parole api^ès l'exposé, et le
potfirvoi formé àraison de cet incMent a élé rejeté, c attendu
que l'ordre établi par les art. 315 et 335 enlue ceux qui doi-
vent prendre la parole devant la Cour d'assises n'est point
prescrit à petaede nullité, et qne t'interversion de cet ordre
ne peut donner ouverture à cassation que s'il en résultaîl
uae violation des droits de la défense ^ » Assurément cet ar-
rêt est à l'abri de toute critique ; mais»qu'eu réaolt^t-il î Qw
la discossion, qui doit logiquement suivre le débat, le préh
cède, ou plutêt qu'une double disooseion se preduil avant
Taudition des témoins, et après cette audition; or cette mar-
che, quin'est que la suite nécessaire de la déviation du prin-
cipe de l'exposé, n'est-elle pas directement contraire aux rè-
gles posées par les art. 315 et 335?
m. Au surplus, il est de jurisprudctice t que Fart. 315
« Cass. 8 juîû 1850, rapp. M. Ouéoaulr. BaTI., 5V, 1, t'TS.
67S DES coutts d'assises.
n'impose pas au ministère public robligation d'exposer le
sujet de l'accusation après la lecture de l'acte d'accusation;
que cet article lui donne seulement un droit et une faculté
dont il lui est loisible d*user ou de ne pas user; que, par con-
séquent, il peut s'en rapporter à l'exposé contenu dans l'acte
d'accusation, et que la disposition portée en l'art, 315 n'est
pas prescrite à peine de nullité S »
Il suit de là que le ministère public doit s'abstenir de (aire
cet exposé^ toutes les fois que l'accusation se réduit à des ter-
mes simples et clairs ; qu'il peut y avoir recours lorsque la
complication de l'affaire le rend utile^ pour discerner les dif-
férents chefs de l'accusation ou la position différente des divers
accusés ; et que, dans tous les cas , il doit se borner à exposer
les faits sans les discuter, à faire connaître le sujet du débat
sans l'examiner.
S 634.
I. Lecture de la lisle des témoins. — II. Témoins défaillants. —III.
Reuvoi, s'il y a lieu, à un autre jour ou à une autre session. — IV.
. Séquestration des témoins.
I. L'art. 315 dispose que le ministère public, après avoir
exposé le sujet de Taccusation, a présenlett^ nsuite la liste
des témoins qui devront être entendus, soiti i a requête, soit
à la requête de la partie civile, soit i celle de l'accusé. Cette
liste sera lue à haute voix par le grefTicr. »
Cette formalité, qui n'est destinée qu'à constater la pré-
sence des témoins assignés à la requête des parties, n'est
point prescrite à peine de nullilé^ : son omission ou Pomis-
sion de sa relation dans le procès-verbal ne pourrait doue vi-
cier la procédure. Il importe néanmoins à l'ordre du débat
qu'elle soit exactement remplie, surtout quand les lémoios
sont nombreux, car il faut que la Cour et les parties paissent
connaître immédiatement ceux qui n'auraient pas répondu i
< Gass. 8 mai 183&, rapp. M. Dchaussy. J. P. , t. XXVI, p. * 360 ; 17 août
1827, rapp. M. OUivier. J. P., t. XXI, p. 737 ; 29 mars 1832, rapp.
M. Rives. J. P., t. XXIV, p. 906; 5 fév. 1836, rapp. M. de Ricard. BulL
n. â2 ; 24 jain 1847, rapp. M. Dehaussy. Bail. n. 138 ; 9 fév. 1850, rapp.
M. Dehaussy. Bull. n. 50.
* Gass. 23 mars 18&3, rapp. M. Romiguîèrcs. Bull. o. 45 ; 13 mars 1845,
non imprimé; 8 sept. 1858, rapp. M. Zangiacomi.
OUVERTÙftÉ BKS DEBATS. § 134. 6t3
la citation. La lecture peut être faite par un huissier à la place
du greffier'.
Cette liste ne peut, aux termes de Tart. 315, contenir que
les témoins dont les noms ont été notifiés par la partie qui les
produit à l'autre partie. L'omission ou Firr^gularilé de celte
noliQcalion ne donne, d'ailleurs, ainsi qu'oa l'a déjà dit •,
d'autre droit, soità l'accusé, soit au ministère public, que celui
de s'opposer à Taudition des témoins irrégulièrement notifiés.
Ce droit d'opposition est expliqué dans le chapitre suivant.
IL Si quelques-uns des témoins cités ne comparaissen
pas, il y a lieu, soit d'admettre les excuses qu'ils présentent,
soit de les condamner à l'amende, soit d'ordonner qu^ils seront
contraints par corps à venir donner leur témoignage!
L'art. 355 reconnaît à la Cour d'assises, lorsqu'un témoin
nécessaire ne comparait pas, le droit d'ordonner « que ce té-
moin sera amené par la force publique devant la Cour pour y
être entendu, » et le même article ajoute : « Dans tous les
cas^ le témoin qui ne comparaîtra pas ou qui refusera, soit de
prêter serment, soit de faire sa déposition, sera condamné à
la peine portée par l'art. 80. • Enfin l'art. 356 est ainsi
conçu : a La voie de l'opposition sera ouverte contre ces con-
damnations, dans les dix jours de la signification qui en aura
été faite au témoin condamné ou à son domicile, outre un
jour par cinq myriamètres, et^ l'opposition sera reçue, s'il
prouve qu'il a été légitimement empêché ou que Tamendo
contre lui prononcée doit être modérée, »
Nous avons déjà amplement expliqué la matière des excuses
et des condamnations des témoins, en examinant soit les art.
80 et 81 relatifs à l'information ', soit les art. 157 et
158 relatifs à l'instruction des tribunaux de police^, soit
les art. 189 et 190 relatifs à Tinstruction des tribunaux cor-«
rectionnels*. Nous n'ajouterons rien sur ce point.
C'est à la Cour d'assises qu'il appartient de statuer sur les
absences et sur les excuses^. Ses arrêts doivent nécessairement
• Cass. SS mars 1843, cité supràf'^» Ô72.
• Voyei iupràf p. 585.
» Voyex t V. p. 544.
• Voyeit. VII, p.287.
• Voyex t. VU, p. 693,
• Gu». ao août 1929, rapp, M, Oliivien'J. P., U XXII, f. ION.
ViUi 43
6trë tfioiiv^ K Si 1 opposition du tétnoi» défailtatit nW lof«
mée qu'après la clôtutc de la session^ elle est portée à la sei'
sion suivante ^é
III. La Cour d^asslses, après avoir admis tes eicuses ou
prononcé les amendes, doit examiner les mesures que peut
nécessiter la non .comparution des témoins.
Elle peut renvoyer TalTairc soit à un autre jour, soit à
une autre session, en ordonnant que les témoins défaiilauts
seront ou réassignés ou amenés par la force publique à Tau-
dience.
Elle peut ordonner purement et simplement quil sera
passé outre immédiatement aux débats.
La première de ces mesures ne doit être pri^eque dans le
cas où la déposition du témoin absent est indispensable à la
manifestation de la vérité. Lors de la rédaction du Code,
M. Béai avait dit, en parlant de Tart. 355, « que la loi de-
vrait exprimer que la disposition ne sera appliquée qu'aui
témoins dont la présence serait indispensable. » M. Oudart
répondit « que Tarlicle le suppose évidemment, puisqu'il ne
fait retomber lesfrais que sur le témoin dont l'absence a obligé
la Cour de renvoyer l'affaire à une autre session *• »
Le renvoi dans ce cas peut être fait, soit à un autre jour de
la même session, soit à une autre session.]
Lo renvoi à un autre jour de la même session, quoique la
loi ne l'ait pas formellement prévu, résulte, par voie de consé-
quence, de la faculté de renvoyer à une autre session *. La ju-
risprudence a plusieurs fois consacré cette mesure^ qui a,
lorsqu'elle suOit pour faire arriver les témoins absents, le
double avantage do n'apporter aucun retard au jugement et
d^éviter la condamnation aux frais d'une nouvelle procédure.
Il n'est pas douteux d^ailleurs qu'elle ne puisse être accom-
pagnée des me&ures coërcitivcs autorisées par les art. 80, 157
et 355.
« Cass.l3 août 1834, ropp. M. Rocher. J. P., t. XXIV, p. iSS.
2 Cass. 29 avril 1817, rapp. M. AumonU J. P., U XIV, p, 201.
' Procès-verbal du conseil d'Élat ; séance du 7 vend, an ziit. Locré, t. XMV,
p. 276.
A Voy. tupt^àf p. 569.
* Cass. 15 juin 1827, rapp. H. ollivier. Dali. T*Inst crim. d. 1803 ;i bot*
1839, rapp. M. Vojsin-de-Garlempe. Bull. n. 335 ; 31 mars 1842, rapp.
M. Dehaussy, n, 71 ; 26 avril 1846, rapp. M. IsamberU d. 155{ 6 ao(U ltdf|
rapp. M* Me^ronuet, n. 313»
Lé febVoi à une autre ieÉsiM he doit étté ptoûOûCé <}u<l
lorsque la durée de la flession serait insuCbante pour que les
témoins défaillants pussent être cit^de nouveau ou amenés
devant la Cour d'assises.
Ce renvoi peut être ordonné, soit sur la demande de Vac*
cusé, soit sur les réquisitions du ministère public, soit d'office
par la Cour d'assises.
Il peut être ordonné sur la demande de Taccusé. Le. droit
de l'accusé de demander le renvoi, à raison de la non com-
parution des témoins cités, avait d'abord été dénié par la
jurisprudence, qui se fondait sur ce «que, d'après Tart. 35fc,
il n'y a que le procureur général qui puisse requérir le renvoi
à une autre session, lorsque les témoins par lui cités ne corn*
paraissent pasS » Mais est-ce que l'indication du droit du
ministère public peut exclure celui de l'accusé T Est-ce qu'il
est possible d'enlever à cet accusé qui, sans qu'aucune faute
lui soit imputable, se trouve dans l'impossibilité de produire
ses preuves, le droit de demander un délai pour faire cette
production? La jurisprudence est revenue sur ses pas, et elle
a reconnu que « lorsque des témoins cités devant la Cour
d'assises ne comparaissent pas aux débats, aucun article de
la loi n'ôte à l'accusé le droit de réclamer son renvoi aux
sessions suivantes *. » En sorte que, si sa demande était re-*
jetée, non parce qu'elle ne serait pas fondée, car la Cour
d'assises a nécessairement le droit de l'apprécier^ mais par
Tunique motif que le ministère public aurait seul qualité
pour requérir le renvoi, il y aurait nullité, et c'est par cette
raison que la Cour de cassation a déclaré « qu'une Cour
d'assises qui avait jugé qu'elle ne pouvait renvoyer la cause
aux assises suivantes que sur la réquisition formelle du mi«-
nistère public, qui s'y opposait, avait fait une fausse appli-
cation de l'art, dbk et viulé le droit de la défense de Taccusé
qui demandait le renvoi *. » Il y a lieu de remarquer que cet
arrêt né distingue point entre le cas où les témoins ont été
assignés par le ministère public ou par l'accusé, et, en effet,,
cette distinction ne serait pas fondée ; car, d'une part, il est
*Gas8« i3 ocL 1815,raivp. M. AumonU J. P., t. XIU,p.82 ; 2à àéc 1824«
rapp. M. de Bernard, U XVUI, p, 120A ; 16 sept. 1831, rapp. M, Ollivier,
U XXIV, p. 2A7,
• Cass. 12 janf. 1832, rapp. M, OUWier, J. P., U XXIV, 5«0,
•MeiaearrOt;
G7â ^SS €00R8 d'assises.
possible quo l'accusé attende sa justification des déclarations
mêmes des témoins à cbarge^* de leurs variations, de leurs
réponses contradictoires, de leurs hésitations; et, d'un autre
côté, Tarticle 321 autorisant le ministère public è faire citer
à sa requête les témoins qui lui sont indiqués par Taccusé, il
s'ensuit que les témoins à décharge, confondus a?ec les au-
tres, se trouvent le plus souvent sur la liste du ministère
public*
Le renvoi peut être ordonné, en second lieu, sur la réqui-
stlion du ministère public ; c'est là Thypothèse spécialement
prévue par l'art. 354. Ce droit de réquisition n'est pas iinûté
au cas où les témoins absents ont été cités par le ministère
public : la loi ne fait aucune restriction et cette restriction se-
rait contraire au principe de Tinstitution du ministère publi(b
qui a pour objet, non de soutenir toutes les accusations, mais
de rechercher la vérité qu elles contiennent, non d'apporter
exclusivement le$ charges aux débats, mais de produire toutes
les preuves, qu^ellessoicrit favorables à l'action publique ou à
la défense, qui peuvent éclairer la justice.
Le renvoi peut, en troisième lieu, être ordonné, même
d'office, et sans aucune demande ou réquisition préalable,
par la Cour d'assises. Les arrêts qui consacrent ce droit por-
tent simplement a que, dans le cas d^e Fart. 306, le président
peut d'office renvoyer une affaire à une autre session ; que la
Cour d'assises peut, par conséquent, dans le cas de l'art 35i,
exercer aussi ce droit de renvoi d'office ^ » La véritable rai-
son est que la Cour d'assises, comme toute juridiction ré-
pressive, a le droit d'ordonner l'apport des preuves qui lui
semblent nécessaires pour éclairer ses décisions, et par con-
séqtent, de retarder l'ouverture des débats jusqu'à ce que
cette production soit faite. Il est inutile d'ajouter» car nous
l'avons déjà établi >, que la Coui* d'assises seule est compé-
tente pour prononcer ce renvoi, car c'est là un point étranger,
soit au pouvoir de direction, soit au pouvoir discrétionnaire
du président >•
La Cour d'assises n'est liée, ni par les conclusions de la dé-
fense, ni par les réquisitions du ministère public ; et de même
« Casa, ii oct. iSSi.rapp. M. GhaDtereyne. J. P., t. XVI, U M5; tOaott
iSSii, rapp. M. Brière^ UXVIII, p. 593,
i\oj.suprdp, &64<
> Cm 19 oct. 1899| rapp# Bl, Viflceos-St-Laurent, S. V, 89^ 95$,
OUTERT01K»DE| DÉBATS, I 03 i. 077
qu'elle peut prononcer le renvoi, lorsqu'aocane des parties
ne le réclamei elle peut ordonner, contrairement aux réqui-
sitions du ministère public ' ou de Taccusé % que nonobstant
Tabsenco des témoins, il sera passé outre aux débats : la rai-
son en est « que l'art. 3bk est seulement facultatif et suppose
que Taudition de ces témoins serait jugée utile pour la mani-
festation de la mérité'. » Or, la Cour d'assises est exclusive-
ment compétente pour apprécier cette utilité; elle doit donc
ordonner le renvoi ou retenir la cause, suivant qu'elle juge la •
présence des témoins absents nécessaire ou inutile à la solu-
tion de l'affaire ^, et sous ce rapport, de quelque manière
qu'elle ait prononcé, sa décision est souveraine et ne peut
donner ouverture à cassation ^. Elle peut môme, dans le cas
oà deux affaires ont été jointes 6, disjoindre celle dans laquelle
les témoins n'auraient pas comparu, et retenir l'aulre sans
que l'accusé puisse se faire un grief do celte disjonction ?.
Toutes les fois que quelques-uns des témoins cités no com-
paraissent pas, le président doit interpeller chaque partie de
faire ses observations à cet égard, et la Cour d'assises doit
rendre arrêt pour décider ou que la cause est renvoyée, ou
qu'il est passé outre aux débats. Cette marche régulière, en
prot oquant toutes les explications, sauvegarde tous les droits.
Elle n'est que la stricte application de Part. 3bi> ; car, puisque
cet article ouvre h chacune des parties la faculté de demander
le renvoi, il en résulte qu'elles doivent être mises en demeure
de former cette demande. Mais la jurisprudence a fléchi sur ce
point. Elle a déclaré que la Cour d'assises peut passer outre
sans que les parties aient éléentendues^ ; qu'il n'est même pas
nécessaire de les interpeller à cet égard, a attendu que les
droits de la défense ne sont pas moins entiers lorsque TaccurBé
a toute liberté de demander la remise ou de prendre telles
conclusions qu'il croit convenables^; que s'il lui est loisibte
« Cass. 20 août 18J4, et 12 janv. 1882. Cités auprà, p. 075 et 676.
Cass. ôféT. 1840, rapp M. Vincens^t^Laurenl. Dali. 40, 1, 878 •, 21 mars
1839, même rapp. J. P., à sa date.
* Cass. 20 ocu 1820, rapp. M. Bataud. h Pti tt XYI, p. 170,
* Cass. 12 jan?. 1832, cité iuprà^ ^^ ^^ «.« ,.
» Cass. 25 sept 1824, rapp. M. Brièrc. J. P., U XVIII, p* 1048i la wpt.
i8S9, rapp. M. Gary, r. XXIJ, p. 1454.
* Voy. iuprdt p. 872. , ,»
' Cass. 6 Ky, 1834« rapp. M. Choppln J. P., t. XXVI, p. 140.
* Cass. 25 jany. 1849» rupp. M. Meyronnel-St-Marc Dali. 49, 5, 279«
* Casi. 14 déc, 1887, ropp. M. Vinceiis-St-LaureoU J. P«» à sa dale«
678 bfiâ C0VR9 D*X$SISË9.
de soumettre à la Cour les observations dont il croit les con-
clusions du ministère public susceptibles dans son intérêt, elle
n'est pas préalablement tenue de ^inte^pelleTàcetcga^d^ v
Elle a décidé encore qu^il est inutile de rendre arrêt lorsqu'il
n'y a point de réclamation *; s*il y a arrêt, qu'il est inutile de
le motiver ', et enfin, « qu'une décision de la Cour d'assises
pour prononcer le passé outre aux débats n'est nécessaire
qu'au cas où cette mesure a formé l'objet d'un contentieux
devant elle; que, hors de là, le droit de l'ordonner rentre
dans les attributions du président ^. » Toutes ces décisions,
qui ont un but raisonnable, celui d'éviter des nullités inutiles,
ont le tort d'exprimer des motifs surabondants et qui tendent
à énerver les formes de la procédure. Ne suffisait-il pas de
déclarer que, quelqu'impor tantes que fussent ces formes^la
loi n'avait point prescrit^ à peine de nullité, que les parties
fussent mises en demeure de faire leurs observations et que
la Cour rendit un arrêt en forme quaqd elle n'était saisie d'au-
cune réclamation? Pourquoi ajouter, en opposition avec
d'autres arrêts^ que le président peut, dans ce cas, ordonner le
passé outre, qu6 les réquisitions sont inutiles» qu'une inter-
pellation préalable est superflue? C'est ainsi que les règles
sont ébranlées et que la pratique n'a plus de terrain fixe pour
porter ses pas. Il n'est pas exact de dire que le président peut
ordonner le passé outre, il ne peut que formuler la décision
de la Cour, puisqu'il s'agit de Futilité d'un preuve que la
Cour seule peut apprécier. 11 n'est pas exact de dire que les
conclusions des parties soient inutiles et que dès lors il esl
superflu de les interpeller, puisqu'il s'agit de savoir quelle
est l'importance d'un témoignage et si elles y renoncent,
puisqu'il s'agit de maintenir ou d'écarter des témoins. Il est
possible de recommander l'application d*une règle sans altu-
cher à son inobservation la peine rigoureuse de la nullité, et
la jurisprudence perd trop souvent de vue cette tâche que le
législateur a confiée à sa sagesse lorsqu'il édicté tant de for-
mes qui ne sont pas substantielles.
i Cats. 2^ juin 1832, rapp. M. RWei. J. P., t XXIV, p. 1196 ; 21 mars
A8A4, rapp. M, Romigulères. BuJl. n. 110 s cass. 22 fév. 1855, rapp. M. ià-
Ion, n. 57.
* Cass. 16 mai 1823, rapp. M. Mangin. J. P., t XXI, p. 763 ; 2 sept 1830,
rapp. M. OUivier, t XXIil, p. 7U2; 22 avril 1811, rapp. M. Meyroaaei-Si<
MarcDaU.Al» ^361.
* Cas«. IQsepu 1856* rapp. M. Dressom fiull. u. 318.
^ Quu n août 1I37> Hpp, MiQiUrlert I. P^r t* XXt| p. 7e«i
ouvfnTOAe des débats. S 03^« 619
Au surplus , l'absence d^un ou de plusieurs témolos ne
donne à l'accusé d'autre droit que celui de demander le ren«
Toi & un autre jour ou à une autre session, avec contrainte par
corps contre les témoins défaillants; il ne peut conclure à
Tamende contre ces témoins; ce droit n'appartient qu'au
ministère public ^
IV. Lorsqu'il est passé outre aux débats, les témoins qui
ont comparu se retirent immédiatement dans la chambre qui
leur est destinée.
L'art. 316 est ainsi conçu : « Le président ordonnera aux
témoins de se retirer dans la chambre qui leur est destinée,
lis n'en sortiront que pour déposer. Le président prendra des
ifl-écautions, s'il en est besoin^ pour empêcher les témoins de
conférer entre eux du délit et de l'accusé avant leur dépo-
sition. ))
Cette disposition n'est point prescrite à peine de nullité, et
la jurisprudence a déclaré que les formes qu'elle établit ne
sont pas de nature à ce qu'il y ait lieu de suppléer cette peine •.
Les parties ne pourraient donc se faire un grief, soit de ce que
le procès-verbal des débats ne constaterait pas que les té-
moins se sont retirés dans une salle particulière^, soit de ce
qu'il aurait été incidemment constaté qu'un ou plusieurs té-
moins seraient restés dans l'auditoire et auraient assisté aux
dépositions des témoins qui les ont précédés ^.
La loi s'est confiée au président du soin de maintenir la
séparation des témoins ; ce n'est point là une forme dont l'in-
fraction puisse vicier la procédure ; elle ne peut vicier que la
vérité. Pourquoi les témoins doivent-ils être exclus de l'au-
dience jusqu'à leur déposition? pourquoi le président est-il
armé de la faculté de prévenir toute conférence entre eux ?
C'est qu'il importe qu'ils ne subissent aucune influence exté-
rieure, c'est qu'ils doivent compte à la justice de leurs impres-
sions personnelles, et qu'ils pourraient en modifier l'expres-
sion s'ils entendaient des dépositions ou s'ils conféraient avec
des témoins qui ne seraient pas complètement d'accord avec
eux. Leur isolement est donc une forme très importante ; mais
on comprend que le législateur n'ait pas voulu y attacher le
* Cass. 4 sept. 18À0, rapp. M. Vinceus-St-Laurcnt. Bull. n. 251.
* Cuss. 25 janvier 1838, rapp. M. Viiicens-Sl-LaurenU J. P,, âi sa date*
* Ca^s 3 avril 1818, rapp. M. Aumout. J. P«, t. XIV, p. 732,
* Ciu>s»lo avril 1919» rapp» hU GlrauJi h P.| U XV» p» dVli
C80 PES COURS 0*ASSI8K8.
sort de la procédure, parce que son application dépendait en
f)arlie de la volonté même des témoins. La sanction de cette
orme est» d'abord, on vient de le dire, dans la vigilance
du président; elle est ensuite dans le droit qu'ont les parties
d'opposer au témoignage Tinfluence qu^il a pu recevoir de
la communication.
Ainsi, rien ne s^oppose à ce que le ministère public on
Taccusé, lorsque cette communication leur est révélée, ne
signalent, en discutant la déposition du témoin, rinfiueoce
extérieure qu^elIc a subie. Dans une espèce où raccusése
Taisait un grief devant la Cour de cassation de ce qu'un des
témoins s^était furtivement introduit dans l'auditoire avant
d'être entendu, Tarrèt a répondu a qu^il ne peut dépendre
d^un témoin de vicier la procédure à sa volonté, et qu'il ne
peut résulter de cette circonstance qu'un moyen de discus-
sion contre la déclaration du témoin qui s'est ainsi introduit,
discussion dont le jury apprécie la gravité, comme celle des
autres éléments du procès ' . »
Au surplus, le président peut prendre d'autres précautions
pour empêcher les témoins de conférer soit entre eux, soit
avec des tiers. Ces précautions consistent à les isoler jusqu'au
moment où ils sont appelés à faire leur déposition. Un pré-
sident avait tenu les témoins à décharge dans une chambre
séparée dont ils ne leur avait pus permis de sortir pendant la
suspension. Le pourioi, qui s'était fait un grief de celte
séquestration, a été rejeté, « attendu que le président a agi
dans l'exercice du pouvoir à lui conféré par Tart. 316, et que
la faculté à lui attribuée par Part. 353 est subordonnée aux
mesures qu'il croit utiles à la manifestation de la vériié;
que, dans l'espèce, les témoins ne se sont pas plaints de la
clôture à laquelle ils ont été soumis; qu'elle n'a pu violen-
ter leur déposition et par conséquent nuire à la défense de
l'accusé % »
* Cass. 3 avril 18^0, rapp. M. de Grpusenhes. Dall.dO, 1, 405: 29 mai 18^0,
rapp. M. Dehaussy. Dali. 40, i . A\ 8.
' Cass. 23 avri) 18A0, rapp, M. Isambcrt. Bull. o. iiO,
CHAPITRE X.
AUDITION DES TÉMOINS-
§ C35. 1. Règles générales relatives à Taudilion des témoins. -^
Quels témoins peavent être entendus aux débats. — III. Tous les
téiDoins régulièrement produits doivent être entendus. — IV. Ex-,
ceptions à celte règle.
§ G36. 1. Quelles personnes ne peuvent être témoins. — 11* Per-
sonnes incapables de porter témoignage. — III. Effet des incapaci*
t'is. — IV. Témoins prohibés pour cause de parenté ou alliance. —
V. Droit d'opposition contre leurs dépositions. — VI* Dénoncia-
teurs. — VII. Parties civiles. — VIII. Témoins divers. — IX. Té-
moins exerçant des fonctions incompatibles avec cette qualité.
§ 637. Appel des témoins. — II. Ordre de leur audition. — III. Ex-
ception en ce qui concerne certains fonctionnaires et les militaires.—
IV. Interpellation relative aux noms et qualités.
i 6^8. I. Droit des parties de renoncer à Faudition des témoins. —
II. Droit des parties de s'opposer h cette audition. — III. Comment
il est statué sur cette opposition. — IV. Les témoins à Tégard des-
quels il n'y a ni renonciation ni opposition, doivent être entendus.
— V. Exceptions. — VI. Dispenses de témoignage.
§ 639. I. Serment des témoins. — II. Formule du serment. —
III. Mode de sa constatation. — IV. Forme du serment. — V. Un
seul serment sufût à toutes les réponses. — VI. Exceptions à Tégard
des mineurs de quinze ans. —VII. Des membres des sectes reli-
gieuses qui n'admettent pas le serment.
S 040. 1. Forme de la déposition. — II. Les témoins déposent se-*
parement. — III. lis déposent oralement. — IV. Sans interruption,
-^ V. Ils doivent être entendus et non interrogés,
§ 641. l. Examen des témoins. — H. Interpellations aux témoins. -^
m. Questions aux témoins. — IV. ConfronUtions.
§ 64*3. h Notes des variations et des contradictions des dépositions
orale?. — 11. Obligation des ictnuins de rester dans Tauditoire.
tel MS COURS D*A38ISBa.
S 63 5.
I. Règles relatives h raudîtion des témoins. ^ II. Quels témoins jyeu-
venl être entendus aux débats, t- III. Tous les témoins régulière-
ment produits doivent -éire entendus. — * IV. Exceptions à celle
règle.
I. Le témoignage des hommes tient le premier rang parmi
les preuves judiciaires. Il constitue la plus sûre de C€s preuves,
parce que, à la différence des preuves purement matérielles,
il explique les faits qu'il vient attester. Il est en même temps
celle qui est le plus fréquemment employée, parce que, parmi
les actes humains» il en est un bien petit nombre qui puissent
se dérober entièrement aux regards des hommes. De là
l'application habituelle que la procédure pénale fait de celle
preuve. De là toutes les r^les dont elle l'a enveloppée et
fortifiée pour la préserver, autant que possible, des inexacti-
tudes et des erreurs. Nous avons développé ces règles au cha-
pitre de V information », et nous n'avons point à y revenir.
Il en est une néanmoins qui concerne spécialement la ma-
tière traitée dans ce chapitre, et qui, quoiqu'elle soit com-
mune à toutes les juridictions répressives, a été appliquée
avec plus de sollicitude i celle des assises : c'est la faculté
illimitée d'entendre toutes les personnes dont le témoignage
peut être utile à la manifestation de la vérité. Toutes les
portes s'ouvrent, pour ainsi dire, pour leur livrer accès;
toutes les formes s'inclinent pour ne pas leur apporter d'en-
traves.
Ainsi, laloiy on l'a déjà vu ', attribue en même temps au
ministère public, à Taccusé, à la partie civile eUe-méme, le
droit de dresser, comme ils l'entendent» la liste des témoins
qu'ils veulent produire, de placer sur celte liste toutes les
personnes dont le témoignage peut servir les divers ioléréis
qu'ils défendent, et de les faire citer eux-mêmes, chacun à
sa requèle, pour venir déposer à Taudience.
Ainsi, la loi, comme on le verra tout à Theure dans l'ex-
posé des formes de l'audition, a tellement été préoccupée di
désir d'élargir le cercle des témoignages et de n'en écarter
aucun qui pût être utile, qu'après avoir établi les prohibitions
et les déchéances, elle n'a point voulu qu'elles fussent une
barrière insurmontable k Taudition des témoins prdiibés et
qu'après avoir soumis la production des témoins à certaines
« Voy. ti V. p, 631 et suivi
• Voy, êuptù p, Ô79i
AUDITION DE» dllOIMg. | 63S« 689
formeâi elle a fait ces formes assez souples pour se prêter dans
tous les cas aux dépositions même irrégulièrement intro-
duites. Sou but a été d'ouvrir l'audience à tous les témoi-
gnages, de quelque part qu'ils vinssent et quel que Tût l'intérêt
qui tes amenât. Elle a sacrifié jusqu'aux garanties communes
de la procédure pour assurer l'audition de personnes qu'elle
n'exclut jamais d'une manière absolue, lors même que leur
audition serait ifrégulière ou prohibée, et qu'elle reprend en-
core, à titre de renseignements» si Topposition des parties les
écarte, quand elle ne peut plus les fairç entendre à titre de
témoignages. La pensée qui domine le législateur est la
nécessité d'assurer la manifestation de la vérité ; mai$ peut-
ôire le domine-t-elle trop exclusivement; carpette nécessité,
si impérieuse qu'elle soit, ne doit pas entraîner à écarter des
formes qui , après tout, sont les plus solides et môme les
seules garanties de cette vérité. Nous nous bornons à indiquer
ici cette tendance générale de lu loi, parce qu'elle va se mani-
fester à toutes les pages de ce chapitre. Nous l'examinerons
dans quelques cas d'application.
IL. Les témoins peuvent être produits par toutes les par-
tics. Aux termes de l'art. 315, « le procureur général pré-
sentera la liste des témoins qui devront être entendus soit
à sa requête, soit & la requête de la partie civile, soit à celle
de Taccusé. » Il ajoute que « cette liste ne pourra contenir
que les témoins dont les noms, profession et résidence auront
été notifiés, vingt-quatre heures au moins avant l'examen de ces
témoins. » Et Tart. 324 déclare que « les témoins produits par
le procureur général ou par l'accusé seront entendus dans
le débat, même lorsqu'ils n'auraient pas préalablement
déposé par écrit, lorsqu'ils n^ auraient reçu aucune assigna-
tion, pourvu, dans tous les cas, que ces témoins soient portes
sur la liste mentionnée dans l'arL 315. d Cette dernière dis-
position, quoiqu'elle ne mentionne pas la partie civile, s'ap-
plique aussi aux témoins qu*elle a produits, car la raison est
la même.
Il résulte, en premier lieu, de ces textes qu'il importe peu
que ces témoins aient déjà été entendus dans l'instruction
écrite ou soient introduits pourra première fois dans l'affaire :
la loi n'exclut aucun témoignage même nouveau, elle ne
rejette aucune preuve, Jors même que cette preuve n'aurait
point été ét))rouVé6 pur un enainen Antérieur.
684 PE3 CCCRS D*A0»5Bf»
Il en résulte, en second lîcu » que les seules condiiioos
auxquelles les parties soient assujetties, pour produire leurs
témoins, sont 1^ la citation qu'elles doivent leur faire adres-
ser & leur requête; 2*" la notification qu'elles doivent faire de
leurs noms et qualités vingt-quatre heures avant l'audience.
Il en résulte enfin, que lors même que ces témoins n'au-
raient reçu aucune assignation» ou à plus forte raison, au-
raient été irrégulièrement assignés, lors même que les parties
les auraient amenés à Taudience, comme cela se pratique en
matière de police et de police correctionnelle 5 ils doivent
être entendus, pourvu que leurs noms aient été préalable-
ment notifiés.
Il faut ajouter de suite, pour compléter cet ensemble de
règles, que, suivant le dernier § de Part. 315, le défaut ou
Tirrégularité de la notification n'a d'autre cITet que d'armer
les parties auxquelles la notification n'a pas été faite ou l'a
été irrégulièrement^ de la faculté de s'opposer à l'audition
des témoins.
Ainsi, d'une part, le ministère public, la partie civile et
l'accusé sont investis du droit absolu d'appeler i l'audience
toutes les personnes qu'elles veulent faire entendre à la double
condition de les faire citer et notifier en temps utile; et,
d'une autre part, la loi, eiïaçant presque ces deux conditions
de l'audition^ permet de ne pas s'arrêter au défaut do citation
et n'attache qu'une faculté d'opposition au défaut de notifi;
cation. Telle est la disposition générale de notre Code.
Il faut encore, è côté de cette disposition, placer 1"* le droit
de la Cour d'assises d'appeler, en vertu de son pouvoir jur>
tlictionnel, les témoins qu'elle juge nécessaires à la décou-
verte de la vérité; 2° le droit du président d'appeler égale-
ment, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, et faire
entendre, à titre de renseignements , toutes personnes qui
lui paraîtraient, d'après les développements donnés i Tau-
dience, pouvoir répandre un jour utile sur les faits contestés
La Cour d'assises a incontestablement le droit d'ordonner
que de nouveaux témoins, dont le débat fait sentir la nécessité,
seront assignés» Si ce droit n'est poiut écrit dans la loi, il est
la conséquence de l'attribution qui appartient à tout jUt;^
d'éclairer son jugement par tous les moyens qui sont à la dis*
posion de la justice. La Cour d'assises peut ordonner un
apport de pièces , une expertise , une visite de lieux» uae
assignation de témoins; car ce sont lÀ des moyens de preuve
AUDITIOft. I>ES TÉMOINS. § Ê3S. £85
que toutes les juridictions répressives peuvent employer et
que la loi n'a point interdit à la Cour d'assises. La jurispru-
dence a consacré cette doctrine en déclarant qu'une Cour
d'assises peut prescrire « les actes ordinaires d'instruction,
qui sont de droit commun, même devant cette Cour, et que
toute juridiction a le droit d'ordonner, par suite du principe
qui confère aux juges la Taculté de recourir à tous les moyens
propres à les éclairer dans la mesure de ce qui n'est pas
prohibé par la loi '. » Les parties conservent dans ce cas leur
droit d'opposition.
Quant au droit du président, on a vu précédemment*, qu'il
est investi du pouvoir discrétionnaire d'appeler et faire
entendre, mais comme simples renseignements seulement,
toutes personnes qui lui paraissent pouvoir répandre un jour
ulile sur les faits contestés.
IIL Tous les témoins régulièrement produits aux débats
doivent èjlre entendus, & moins l"" que leur audition ne soit
prohibée par la loi; 2" qu'elle ne soit impossible, s'ils ne se
sont pas présents; i"* ou inutile, si les parties y ont renoncé.
Les art. 315 et 317, en ciïct, n'ont point répété les mots
s'il y a lieu que les art. 163 et 190 ont appliqués à l'audition
des témoins devant les tribunaux de police et les tribunaux
correctionnels. Or, s'il a été décidé, même eA matière de
police et de police correctionnelle, « que ces mots ne doivent
pSiS être entendus en ce sens que le tribunal ait le droit arbi-
traire d'entendre ou de ne pas entendre les témoins produits,
mais seulement en ce sens que le tribunal peut s'abstenir de
les entendre si les faits qu'ils doivent établir sont tenus pour
certains*, » à plus forte raison, il faut décider que la Cour
d'assises n'a point le droit arbitraire d'entendre ou do ne pas
entendre lès témoins produits, puisque la loi n'a voulu, par
aucun terme ambigu , paraître laisser cette audition à sa
volonté, puisqu'il ne peut appartenir à cette Cour d'appré-
cier si la preuve est nécessaire pour former la conviction des
jurés.
Le droit des parties est absolu ; elles peuvent produire, soit
* Cas9. 12 mars 1857, rapp. M. Legagneur. BulK n. iiO ; 16 oct. 1850,
rapp. M. Rocher, n. 861 ; lOdéc. 1841, rapp. M. Isambert. d. 950.
« Voy. iuprà, p. 451.
' \oy, loue Yll| p. 089 et 090,
086 £IËS eobftâ il^ASSiiîii
pour soutenir l'aceusatioti> soit pour ëoUtenir tûdéfetisé.iôtli
les témoins qu'elles jugent pouvoir leur être utiles. La loiti^a
soumis l'^exercice de ce droit qu'à la double condition de la
citation et de la notification de ces témoins ; elle ne Va sou-
mis à aucune autorisation, à aucun agrément de la part du
juge. Elle ne Taurait pas pu ; car il eût été trop facile d'abu-
ser d*une telle faculté ; il eût été trop facile de détruire
l'accusation ou la défense en écartant arbitrairement des té-
moins sous le prétexte qu'ils seraient inutiles ou surabon*
dants. La loi, qui a laissé un grand pouvoir au président et i
la Cour d^assises pour instruire Taffaire, ne leur en a donaé
aucun pour TétoufTen II n'appartient qu^aux parties- elles-
mêmes de juger de l'utilité des preuves qu'elles produisent,
11 no faut pas qu'elles puissent croire que la précipitation
préside au jugement et qu'une preuve rejetée sans eiamea
eût pu en modifier les dispositions. La Cour d^assises ou son
président ne peuvent écarter que les témoins que Ja loi elle-
même a prohibés ou exclus ; ou ceux qui ne viennent pas
déposer ou dont la déposition parait inutile à toutes les par-
tics; ils ont la mission de faire observer la loi, non celle de
disposer des preuves ; ils doivent veiller au maintien du droit
de chaque partie ; ils ne peuvent en diriger l'exercice.
La sanction de ce droit est dans l'art. 408 : les parties, si
l'audition d'un ou de plusieurs témoins était écartée, diMvent
prendre des conclusions ou des réquisitions pour faire con-
stater que, malgré la demande qu'elles en ont faite, ils n'ont
pas été entendus. La Cour de cassation apprécierait ce refus.
Le droit des parties peut néanmoins rencontrer, non point
une exception, mais une certaine restriction dans la disposi-
tion de Part. 270 qui, comme on l'a vu S attribue le pou-
voir de rejeter « ce qui tendrait à prolonger les débats sans
donner lieu d'espérer plus de certitude dans les fésultats. •
Mais cette disposition facultative, qui s'applique principale-
ment aux développements quelquefois surabondants de la dis-
cussion, ne doit s'appliquer qu'avec une grande réservée la
production des preuves, puisqu'il est difficile de les appré-
cier avant qu'elles soient faites, à moins que les parties
elles-mêmes» reconnaissant leur inutilité» ne déclarent ne
pas insister.
lY. La jurisprudence n'a jamais cessé de maintenir œUe
* Voy, êupràf p, 443*
tègUé Ëtic a déclaré) datiàles termes les pludetprés, « qne^
lorsqu'un témoin a été produit par Tune des parties, le prési^
dent des assises et la Cour d*assises elle-^méme ne peuvent^
sans motif légitime, le rejeter du procès ^ x> Voilà la règle
générale.
Elle a déclaré ensuite, à la vérité, c que la loi n'impose
pas aux juges Tobligation d'entendre indistinctement tous les
témoins à décharge qu il plairait à Paccusé de faire citer de-
vant eux * ; 1 mais il résulte de l'arrêt dans lequel cette
proposition, très-exacte d*ailleurs, est écrite, que le minis<-
tère public s'était opposé à Taudition de plusieurs témoins à
décharge, dont les noms lui avaient été incomplètement no-
tifiés, et que la Cour d'assises ne les avait écartés que parce
motif. Il est certain que c'était là une raison légitime de leur
non audition, aux termes du 2"" § de l'art. 315; car la loi
n'a pas fait d'exception pour les témoins à décharge.
Elle a décidé 5 dans une espèce où le procès-verbal des
débats constatait que le défenseur de l'accusé et le mi-
nistère public avaient renoncé à l'audition d'un témoin , que
1 accusé ne pouvait se faire un grief de ce que ce témoin n^a-
vait pas été entendu, « attendu qu'il n'est pas exact de pré-
tendre que tout témoin régulièrement assigné et notifié est
irrévocablement acquis aux débats et doit être entendu, puis-
qu'il est toujours loisible au ministère public et à l'accusé de
renoncer à Taudition d'un témoin dont la déposition* leur
parait superflue et de nature à prolonger sans utilité les dé-
bats. '» Cette décision n'est que la conséquence du droit de
renonciation qui sera examiné plus loin.
Elle a rejeté le pourvoi de plusieurs accusés qui se faisaient
un grief de ce que des témoins par eux produits n'avaient pas
été entendus, a attendu que si ces témoins n'ont point été en-
tendus, il n'y a eu à cet égard de la part des accusés aucune
réclamation sur laquelle il ait dû être statuée par la Cour
«rassises . ^» Dès que l'accusé, en effet, peut renoncer, il est
permis d'induire cette renonciation de son défaut de récla-
mation, lorsque les témoins qu'il acitésne sont pas entendus.
* Cass. 29 sept. 1843, rapp. M. Bresson. Bull. n. 250.
* Cass. 8 noT. 1816, rapp. M. Lecoatour. J. P., t XUI,80i.
* Cass. 6 nov. 1840, rapp» V. Dehaussy. DalU 41, If 133.
* Cass. h Tév. 1819, rapp. Bf. Gaillard. J, P.« t. XV, p» 58 ; 18 mm 1826,
rapp* M* de Bernard, ï, XX, p« 806«
C8S. DES cotns d'a<?i>e3.
Elle a décidé , enGn , « que la Cour d'assises n'est point
tenue d^entendre tous les témoins à charge ou à décharge,
en quelque nombre qu'ils aient été produits; qu'elle peut
écarter Taudition de ceux dont elle juge les dépositions n'être
propres qu'a prolonger les débats sans utilité pour la mani-
festation de la vérité ^ ; » mais à côté de co motif, qui n*est
que l'application de Tart. 270, l'arrêt constate « qu'au sur-
plus y dans l'espèce , la Cour d'assises n'a refusé Taudition
d'aucun témoin , et que si, sur les onze témoins que les ac-
cusés avaient fait assigner à. leur décharge, le procés-verbal
de la séance ne fait mention que de Paudition de dix, il y a
présomption légale que le onzième, par une cause quelcon-
que, n'a point comparu aux débats; que, d'ailleurs, l'ab-
sence do ce témoin n'a fait l'objet d'aucune réquisition, soit
de la part des accusés , soit de la part du ministère pu-
blic. » Cet arrêt ne fait que démontrer, conformément i nos
observations, la réserve avec laquelle la disposition deTar-
ticlc 270 est appliquée, et qu'il est nécessaire que chacune
de ses applications soit expliquée par les faits constatés dans
le procès-verbal. En cette matière » la réclamation ou le si-
lence des parties fait la mesure de leur intérêt : la Cour
d'assises ou le président ne peuvent écarter comme inutiles
que les témoins dont nulle voix ne réclame l'audition ; c'est
le défaut de toute réclamation qui établit la présomption de
leur inutilité *•
S 635.
I. Personnes qui ne peuvent être témoins. — II. Personnes iccapa-
blés de témoignage. — lU. Application des incapacités. — IV. Per-
sonnes reprochables pour cause de parenté ou d*alliance. — V. Droit
d'opposition des parties. — VI. Personnes suspectes de partialité :
dénonciateurs. — VII. Parties civiles. — VIJl. Témoins dirers.—
IX. Pessonnes exerçant des fonctions incompatibles avec celles de
témoin.
I. Toutes personnes peuvent être témoins en matière cri-
minelle, hors celles dont la loi commande ou autorbc de ne
pas admettre le témoignage.
. « Cass. 10 arril 18ÎI, rapp. M. Bnsscbop. J. P., t. XVI, |i. 559,
* Cass. S8 févr. iWt rapp, M, Brière-Ynlignj, Bull. d. ^2,
AUDITION DIS TiMOIHS. | 636. 099
Ces personnes exceptées par la loi sont : 1« celles qu'elle
déclare incapables, à raison d'une condamnation qui Icuren*
lève le droit d'être crues en justice; 2"* celles qu'elle déclare
reprochables, comme les parents et alliés des accusés ; 3* cel-
les dont une cause de suscipion entache le témoignage, cVst*
à-dire, les dénonciateurs et les parties civiles ; 4<» enfin, celles
qui exercent une fonction qui les empêche de témoigner dans
la cause. Ces dispositions , qui ont leur première source dans
la loi romaine ^ ont été principalement empruntées au tit. XY
de l'ord. de 1670.
L'examen de cette règle générale et des exceptions qui U
circonscrivent vont faire Tobjet de ce paragraphe.
II. L^incapacité de témoigner en justice ne peut résulter
que du fait d*une condamnation pénale.
Sont incapables d'être témoins, si ce n'est pour donner de
simples renseignements : 1* les individus qui ont été con-
damnés à une peine aiflictive ou infamante ; 2" ceux à qui
un jugement correctionnel a expressément interdit ce droit.
Notre ancienne jurisprudence écartait également ces témoins
comme étant infâmes de droit**
Les condamnés à une peine afhiGtive ou infamante sont
déclarés incapables par l'art. 84 du G. pénal , qui dispofe
que la dégradation civique entraîne « l'incapacité de déposer
en justice autrement que pour y donner de simples renseigne*
ments. » Or, aux termes de l'art. 2 de la loi du 31 mai 1854,
portant abolition de la mort civile, a les condamnations à des
peines afflictives perpétuelles emportent la dégradation ci-
vique; » et, aux termes de l'art. 28 du G. pén., la condam-
nation à la peine des travaux forcés à temps^ de la détention,
de la réclusion ou du bannissement emporte également la
dégradation civique.
Les condamnés à des peines correctionnelles ne sont pas
de plein droit, comme les condamnés i des peines aftlictives
ou infamantes, déchus du droit de témoigner en justice^, mais
ils peuvent en être privés lorsqu'une disposition particulière
de la loi a autorisé cette interdiction , en vertu de Fart, 42
du G. pén. y qui dispose que c les tribunaux jugeant corrcc-
tionnellement pourront, dans certains cas, interdire. . . le droif
^ Dîg. de Testibust 1. S, 4» et 5.
* Farinaciu8,qu3est, 50, n. 7 et 18, J. Clara», qUiest. 24 et 13.
VIII Ai
00ê . DES ctmtis Vkèsi^.
de témoignage en justice, autrement <|tiepotï)'yfsire dedm-
pl«s déclarations. » Ce n^est plus ici le cai^ctère seul de h
condamnation , mais la disposition particnlîère da jngettient
qui crée Titrcappacité.
L^incapacité c6^Tt da jour ou la condamnation est defenoe
irré?ocable '. ïl a été jugé, dans une espèce, qa'elleffent être
appliquée même avatjt ce jour, et dans ISntervàflle <pii 4e sé-
pare de celui oà cette condamnation devient définitive : îtfeui
individus avaient été condamnés à tme peme corredîoïimlle
et k la privation des droits mentionnés en TatîL 42duC. pén.
pour crime de faux témoignage. Cités le lendemain ^ifiir dé-
poser dans Taffalre où le faux témoignage avait étéVMiiilHis^
la Cour d'assises crut devoir écarter leur témoignage, quoi-
que le délai du pourvoi ne fût pas écoulé, et le Jpooryoi
fondé sur cette décision a été rejeté , « attendu que la
Cour d'assises a pu, en s'appuyant sut les considérations les
plus graves , exclure le témoignage des deux condamnés, bien
que Tincapacité résultant de la condamnation ne les eût pas
encore atteints '. » On peut dire, à Tappoi de cet arrêt , qœ
la peine correctionnelle prononcée contre les deux térooifts
avait commencé à courir, aux termes de Tart. 24 du C. pén.,
du jour même de Tarrêt, en admettant qu'aucun pourvoi ne
serait formé ou que la peine ne serait pas réduite sur le pour-
voi , et que, dans cette hypothèse exceptionnelle, la peine,
quoique conditionnelle encore au moment de la déposition ,
avait pu néanmoins être considérée comme en cours d'eié-
cution. Mais, en thèse générale, on ne pourrait admettre qoc
l'incapacité, qui est la conséquence du jugement, puisse pré-
céder le moment où ce jugement est exécutoire , et qu'un
fait d'exécution puisse s'accomplir quand le délai du pourvoi
n'est pas expiré. Sans doute, il y avait quelque scandale i
faire déposer sous la foi du serment des indivicKis dont le pre-
mier témoignage venait d'être déclaré faux ; mais cette con- *
sidération ne suffit pas pour justifier l'infraction d^une règle
légale^ ne serait-ce pas introduire, en dehors des termes de
la loi, de& causes d'indignité qui seraient laissées i la discré»
tion des juges? Notre législation n*a pas reproduit celle doc-
trine de l'ancienDe jurisprudence^ qui plaçait a côté des té«
« Cass. iS janv. 1838, rapp. M. Vincens-Sl-Laurenl, BuU. q, 15; iî cet.
i 842, rapp. M. Dehaussy, d. 577.
• Gau. 38 fév, 18i0, à notre rapp. Bull. n. 7».
AUBITIOM MM TÉVOINS. | 636. 691
m<m$ rejetés comme infâmes de draitf ceux qu^elIe réputait
i9^âme$ ée fait \ Noos croyons donc que cet arrêt doit être
renfermé dans l'espèce particidière où il 'est -întervena et
qa'on ne doit pas en étaidre la décision.
L'incapacité ne pent être effacée ni par la commutation de
la peine ni par la grâce entière * : elle ne peut cesser que
par la réhabilitation du condamné **
Quels sont ses effets? c^est que les individus qui en sont
frappés ne peuvent être entendus i titre de témoins et avec
serment : la loi » en les dépouillant de la capacité de témoi»
gner, déclare qu% ne seront entendus en justice que pour
y domMT de simples renseignements, ti nonMtprobwU^ sal^
tem ut proiit nd veritatem <
m. A qui appartient-il de reconnaître et d'appliquer Fin-
capacité? La jurisprodence distingue ki : il n'appartient qu'à
la Cour d'assises de déclarer le témoin incapable et de décider
que son témoignage sera écouté ; il n'appartient qu'au pré-
sident d'ordonner qu'il sera entendu pour donner de sim*
pies renseignements. Un arrêt annule en conséquence une
procédure dans laquelle une Cour d'assises avait statué sur
ces deuiL points, « attendu que si la Cour d'assises a pu ex-
clure le témoignage de deux condamnés» elle ne pouvait sans
excès de pouvoir ordonner que les deux individus, qu'elle
dépouillait de la qualité de témoin, seraient entendus aux dé-
bats sans prestation de serment; que le président seul pou-
vaity en vertu de son pouvoir discrétionnaire, ordonner l'au-
dition de ces deux individus par forme de renseignements ;
que la Cour, en donnant un tel ordre, a méconnu les limites
de ses attributions ^. »
Cette distinction est-elle fondée? Elle l'est évidemment
lorsqu'il s^agit, non d'un témoin incapable, mais d'un témoin
reprochabie que la Cour d'assises écarte sur l'opposition des
parties, et qui^ s'il est entendu ensuite par forme de rensei-
gnement^ ne peut l'être qu'en vertu du pouvoir discrétion-
naire du président. Mais lorsque le témoin est écarté comme
* Farioacius, qaœsU 56. n. 115 et 120. J. Clarus^ qusst. 2&D. 17.
* Cass. I3janv. 1838, rapp. M. Vînc€iis-Sl-Laurenl. Bull. n. 15; Î9 OcT,
1818, rapp. M. Aumont. J. P., t. XIV, p. 1043; S juilU 1627, rapp, M. 01*
Mvier,t.XX],p. 887.
* Voy. Doire t. IX, chap. de la réhabililation,
* Jul. Clarus, quaest. 24 n. 18.
* Cata, as ftr. 1650, Cité tuprà, p. 690.
MS COURS d'assises.
vvz, — ^
încaDable,cen'e8tpluseBtertadu pouvoirdiscrétionnaire qu il
csuCàdonnerLtenseigneB.ents, c'est en verludel. bu
ce sont les art. 35 et 42 du G. pén. qui, en prononçant la
SécïlS^^îèg entlemode de l'audition. Il ne s'aptque^^^^
Suerce^atLlesetnondefaireunactedepouYO^^^
Sel. Or, s'il appartient à la Ck)ur d'assises d'écarter le Itooi-
ie, en exéfition de la première disp<»iUon de ces artide^^
Comment ne lui appartient-ils plus d'ordonner, en ex^cuUon
de la deuxième, qu'ils seront entendus sous forme de simple
déclaration? Ces deux décisions ne se confondent^Ues pas
d'aiUeure dans une seule? La Cour d'assis^ Pf t-e"«^'*«?:
lièrement écarter le témoin comme incapable et s arrêter l»f
Non car la loi n'a pas séparé les deux mesures qu elle pres-
crit •' elle déclare le condamné indigne d'être cru sur son ser-
ment, mais elle vent néanmoins, dans l'intérêt de la justice,
que ses déclarations soient reçues, La Cour d assises doit
donc à la fois écarter le témoignage et recevoir la déclara-
tion, ou, en d'autres termes, ordonner que le témoin, ne
pouvant être entendu sous la foi du serment, sera entendu
sous forme de renseignement. Elle ne peut scinder cette dé-
cision, car il ne lui est pas permis d'écarter le témoin inca-
pable sans l'entendre à titre de renseignement. L analogie
qui a conduit à réserver au président un droit qu il exerce
vis-à-vis des témoins reprochés est tout à fait inexacte, pmis-
que ce n'est point par l'autorité et sous la responsabilité du
pouvoir discrétionnaire que les témoins incapables sont ap-
pelés et entendus, et puisque le président est aussi étranger
à leur citation qu'à la forme de leur audition. C est une
disposition spéciale de la loi qui règle ce cas; ilnes'agil
que d'en faire l'application, et on ne voit pas comment
la Cour d'assises, compétente jwur reconnaître 1 incapa-
cité, ne le serait pas pour en induire une conséquence néees-
Lorsque le fait de la condamnation qui engendre Tincapa-
cité est déclaré par le témoin ou opposé par les parties, et
qu'aucune contestation ne s^Mève à cet égard, la Cour d as-
sises peut considérer ce fait comme établi et faire Tapplicalion
des art 34 et 42 du C. pén. ; en effet, il serait difficile d'exiger
4e sa part une vérification qui pourrait entraîner des délaib
et des sursis qui ne conviennent point aux formes de sa pro-
<;édure. Il a donc été constamment jugé que Taccusé, qw n a
pas réclamé au débat, ne peut se faire ultérieurement un
AUDITION DXS TÉMOIMS. § 035. 693
grief de ce qu'un témoin, prétendu incapable^ a été entendu
par forme de simple déclaration^ . Cependant, s'il apportait la
preuve que le témoin n'était point incapable, il y aurait lieu
d'examiner si l'audition illégale de ce témoin, sous forme d'un
simple renseignement, n'a pas nui à sa défense et s'il n'a pas
été privé d'un droit que lui assurait la loi *.
Mais si l'erreur avait été reconnue avant la clôture des dé-
bats, la Cour d'assises pourrait la réparer en faisant entendre
une seconde fois avec prestation de serment, le témoin déjà
entendu sous forme de renseignements. Ce point a été reconnu
par deux arrêts qui rejettent les pourvois : < attendu que Ter-
reur par suite de laquelle un témoin a été affranchi de la prcs*
tation de serment a été réparée avant la clôture des débals
par l'accomplissement régulier de cette formalité ; qu'on no
saurait considérer la déclaration émise par ce témoin» en vertu
du pouvoir discrétionnaire y comme ayant mis obstacle à la
liberté de sa déposition ; qu'admettre une semblable supposi-
tion serait présumer le mensonge^ et qu'on ne peut induire
de l'absence d'une garantie de la loi une contradiction éven*
tuelle entre la déclaration dénuée de cette garantie et la
déposition postérieurement faite avec prestation de ser-
ment '. »
Le président doit avertir les jurés que le témoin, dont l'in-
capacité est reconnue, ne sera entendu que par forme de
simple déclaration et que cette déclaration ne doit être consi-
dérée que comme renseignement , mais cet avertissement,
bien que nécessaire à l'appréciation de la déclaration, n'est
pas prescrit à peine de nullité ^.
Au reste» l'audition même avec serment d'un condanné in-
capable de témoignage n'emporte pas nullité, lorsque les par-
ties ne font aucune opposition. La raison en est puisée dans
Tart. 322 , que la jurisprudence applique par analogie
aux témoins incapables*, elle est surtout dans la présomp-
A Cass. ai mai 1827. rapp. M. Brière, J. P. t XXI, p. 488; SS ocU ibhP,
rapp. M. Dehaussy. Bail. d. 31& ; 26 fév. 1857, rapp. M. Foucher, n. 79.
s Cass. 26 déc 4835, rapp. M. ViDceos-St-Laurent. Buli. d. â75.
* Cass. 9 mai 1883, rapp. M. Rocher. J. P., t. XXV, 450 ; 7 oct. 1630, rap.
M. OliÎTier, t. XXIII, 806.
* Cass. 7 janT. i84l'« rapp. M. Rocher. BulU n. 3.
■ Cass. 22 janv. 1825, rapp. M. Blondel d'Aubers. J. P., t. XIX, p. Sa ;
8 avril 1826, rapp. M. Ollmer, U XX, 854; 13 oct. 1833, rapp. M. Ricard,
t. XXIV, p. 1510 ; 14 jany. 1841, rapp. M ViDcens-Sl-Laureut. Dali. 41, 1 ,
872 ; 20 mars 1851, rapp. M. Rives. Bull. u. 105.
094 wa cornu i>*ANniM.
tîon que le serinent n-a caasé aucaii préjwiiot. Mais si le
serment avait été prêté malgré l'opposition de i*iHi6 des
parties (jui apporterait la preuve (f une condamnation anté-
rieure, il y aurait nullité, car il y aurait violation fatta ea
connaissance de cause de la prohibition portée par les art. 34
et 42 du G. pénal. G^est ce qui a été décidé par un arrêt qui
déclare : « que si Taccusé s'opposait à l'audition de témoins,
à raison de leur condamnation légalement constatée, alors seu-
lement il y aurait lieu à annulation, parce qu'ils auraient été
entendus comme témoins contre le texte de Tart, 28 du G.
pénal, dont la Cour d'assises n'aurait pu ignorer que la disposi-
tion leur était applicable ^. »
lY. La seconde cause qui permet d'écarter les témoins est
le lien de parenté ou d'alliance qui les unit auxaccoiés.
Il ne s'agit plus ici d'une incapacité, mais d'une prohibi-
tion qu'un sentiment d'humanité et une règle de morale ont
fait établir : la loi n'a pas voulu que les plus proches parents
vinssent déposer les uns à légard des autres ; il a paru que
l'impunité du crime était préférable à l'emploi d'un moyen
qui effraie la conscience et répugne à la justice elle-même ;
que, d'ailleurs, la déposition des proches parents, si elle esta
la décharge de Taccusé, n'est d'aucun poids, et si elle est à sa
charge, perd son autorité, à raison du sentiment de défiance
ou d'horreur qu'elle inspire. Cette cause d'exclusioa ^wi
été consacrée par la loi Julia publioorumjudiciorum. * ; elle
avait été développée dans la procédure ioquisitortale ' et ap-
pliquée par l'art. 153 de l'ord. d'août 1539 et par letit. XV
de Tord, de 1670.
Les- personnes dont l'audition est prohibée sont désignées
par l'art. 322 qui est ainsi conçu : « Ne pourront être reçues
les dépositions l"" du père, de la mère, de Taïeul) de Taièttle,
ou de tout autre ascendant de Taccusé, ou de l'un des accusés
présents et soumis au même débat ; 2'' du fils, fille, petit-fils,
petite-fille , ou de tout autre descendant ; 3'' des frères et
sœurs ; 4"* des aHiés aux mêmes degrés ; 5^ du mari et de la
femme. » Cet article ne diffère de l'art. 358 du G. du 3 bru-
maire an IV que sur un seul point : ce deruier article n'éteo-
* Cass. iS nor. 1819, rapp. M. AumonL 1. P., t. XV, p. 56i«
9 L. 4 Dig. de Tcslibu».
' Ju). Clarus, quaest.SI, n. i2; Fann»cîus,q(igen, f I, n. ?, 4 et 10.
ACDlTlOlf DES TÉMOINS. ( 636. ^
daitia prohibition qa'aux parents et alliés de chaque accusé.
Une loi du 15 yentose an iv, « considérant que l'ipstri^ciio»
est indivisible sur le fond de l'accusation à Tégard de tous les
coaccusés du même fait, lorsqu'ils sont compris dans le mémo
acte d'accusation, et qu'il n*y a à Tégard de tous qu'une
seule et même déclaration sur le Eaitj » décréta que c les p9k-
rents et alliés de l'un des coaccusés du qiéme fait et com-
pris dans le même acte d'accusation, ne seront pas entendus
comme témoins contre les autres accusés. » L'art. 322 a
recueilli cette disposition en la restreignant toutefois aux
parents et alliés qu'il énumère et aux accusés soumis au
même débat.
Il faut examiner en premier lieu les difficultés qui se sont
élevées au sujet des personnes contre lesquelles les reprpches
peuvent être opposés.
La prohibition est-elle applicable aux. ascendants natu-
rels? Il a été décidé t que, dans les dispositions générales
des loisj l'enfant naturel n'appartient pas & la famille de sa
mère ; que, dans les cas particuliers où elles font exception
à cette règle générale, elles en font mention expresse, commo
dans l'art. 3f 2 du G. pén. où il s'agit du parricide ; que les
art. 880 du G. pén. et 822 du G. d'inst. cr, ne disposent
qu'en général des ascendants ; d'où il suit qu'ils ne doivent
s'entendre que des ascendants légitimes* les seuls reconnus
par la loi \ »
Est-elle applicable & la belle-mére de Taccusë après \e
décès de sa fille? L'affirmative a été décidée, « attendu
qu'aucune disposition de la loi ne fait cesser d'une manière
absolue l'alliance par le décès sans enfants de la personne qui
l'avait produite ; que cette circonstance en fait seulement
cesser quelques effets dans les cas où la loi s'en est expliquée
expressément, mais qu'on ne trouve aucume disposition à cet
effet dans le Code d'inst. cr., et que l'art. 232 du G. de proc.
civ., au titre des enquêtes, déclare formellement les alliés en
ligne directe et les beaux- frères et belles-sœurs reprocha-
bles, nonobstant le décès sans enfants de l'époux qui faisait
Tailiance •. »
Est-elle applicable aux enfants naturels de l'accusé?. Oui;
car a Tart. 322 se sert de termes généraux et n'établit pas
«Liège, Î4 déc 1823. 1. P., t, XVIII, p. 388.
s Gass. iO ocU 1839, rag[>p. M, Viuceus-St-LaureoU Sir. 39, i, 055.
tn^ DES COUaS B ASSISES.
de distinction entre les enfants légitimes et les enfaDts na-
turels '• »
Est-elle applicable à Tenfant issu du prenfiier mariage de
la femme de Taccusé? L'affirmative a été jugée sous le Gode
du 3 brumaire an iv *, et la même solution serait encore
nécessairement adoptée. Mais en serait-îl encore ainsi, si
]*enfant de la femme de Taccusé était issu d'un commerce
adultérin ? Cette seconde question a été résolue affirmative-
ment, « attendu que la prohibition d'appeler en témoignage
le fils et la fille de Taccusé et les alliés au même degré com-
prend nécessairement la prohibition du témoignage des en-
fants de la femme ou du mari à l'égard de l'autre conjoint,
à cause de l'alliance que le mariage établit entre les conjoints
et leurs enfants respectifs; que rien ne peut empêcher cette
alliance d'exister^ dès qu^elle a été produite par un mariage
valablement contracté ; qu^en conséquence le vice de la nais-
sance d'un enfant n'est d'aucune considération à Tégard do
mari qui a contracté une union légale avec la mère de l'enfant
illégitime ; qu'on doit le décider ainsi par la raison qu'il exû>te
toujours un lien naturel entre la mère et son enfant, lors même
que cet enfant serait un bâtard adultérin ; que l'ei^istence de ce
lien naturel est indépendante du droit positif; il existe par cela
seul qu'il est physiquement impossible qu'il n'existe pas; et, dès
lors, on ne peut rien conclure, contre sa réalité et contre ses ef-
fets , d'os dispositions de la loi civile concernant l'élat et les
droits du bâtard adultérin ^ soit dans la société, soit envers les
auteurs de sa naissance , ces dispositions étant uniquement re-
latives à Tordre civil, et ne pouvant rien changer aux règles
immuables de la nature ; que, par une déduction nécessaire
de ces principes, il faut dire que, comme le bâtard adultério
ne pourrait, dans l'objet et l'esprit de la loi prohibitive^ être
admis à déposer sur le crime imputé à sa mère , il ne peut
également être admis à rendre témoignage sur l'accusation
dirigée contre celui qui, en devenant Tépoux de sa mère, a
acquis à l'égard de l'enfant les rapports inaltérables d'une
alliance naturelles. »
£st-elle applicable aux enfants adoptifs? Cette question
fut soulevée dans le conseil d'Etat lors de la rédactioo
* Cass. 19 sept. 1833, rspp M. Brière. J. P.. t. XXIV, p. 1476.
* Cass. 1 theriD. an tu, rapp. M. Pépin. J. P., t. i, p. A89.
« Cag. 0 avril 1809, rupp. M. Guien. J. P., VII. 477.
AUDITION DES TÉHOINS. § 636. 697
du Gode; on lit dans le procès-verbal de la séance du 7
vendémiaire an xiii : a M. Regnaud observe, que Par-
tîcle ne parle pas des enfants adoptifs. M. Treilhard répond
qu'ils sont compris sous la dénomination générique d'en-
fants. M. Berlier dit que ce que demande M. Regnaud est
dans l'esprit de l'article : le mot fils comprend l'adoptif
comme le légitime , et même encore les enfants naturels re-
connus» que pourtant Particle ne nomme pas expressément ,
par la raison que lorqu'on exprime le genre, on peut se pas-
ser de Pénumération des espèces. Au reste, il n'y a nul in-
convénient i adopter l'amendement. Le ministre de la justice
pense qu'il serait utile de s'expliquer avec plus de précision ;
car ces expressions ou de tout autre descendant pourraient
faire croire que la disposition ne comprend que les enfants
naturels. L'article est adopté avec cet amendement ^ » L'a-
mendement; adopté i cette époque , n'a point été maintenu
en 1808, lorsque la discussion du Gode fut reprise, sans
doute parce qu'il fut jugé inutile. Il n'en faut pas moins dé-
cider, comme l'avaieiU fait M. Treilhard et M. Berlier, qu'il
n'y a point lieu de distinguer entre les enfants naturels et
adoptifs; l'expression de la loi est générale, et le même mo-
tif s'appliquc^aux uns et aux autres.
Enfin la prohibition relative aux frères et sœurs et aux al-
liés au nGfême degré , qu'ils soient légitimes , naturels ou
adoptifs, ne peut être étendue aux maris et femmes des alliés*,
€ attendu que l'alliance dont parle la loi est celle qui se con-
tracte par le mariage entre l'un des conjoints et les parents
de l'autre ; qu'un époux n'a par conséquent pour alliés du
chef de son conjoint que ceux qui en sont les parents, et
qu'ainsi les alliés de ce dernier ne lui sont rien dans Taccep*-
tion juridique de ce mot *. »
Au surplus, les dispositions de l'art. 322 sont nécessaire-
ment restrictives, car 'les prohibitions du droit commun de
téDQOÎgner en justice sont de droit étroit; elles s'arrêtent donc
dans la ligne collatérale aux frères et sœurs et aux alliés du
même degré. Il a été reconnu en conséquence que ces dis-
positions ne s'appliquaient ni aux oncles ou tantes de l'ac^
• Locré, t. XXIV. p. 272.
' Gaas. 6 frimaire, an 9, rapp. M. Busschop. J. P. II, 69.
' Gass. 5 prairial an 13, rapp. U. Babille. J. P., IV. 560; 11 avril 1841.
IX. 258; 40 sept 1812. X. 718 ; 28 ami 1808, rapp. M. Vasse. VI. 656.
698 »ES OOUU D*A88ISS&i
çqai % m a ses piçve^x oix niècea% oi à ses coosioe ger-
ineJDs3« Il suU eoooxe 4e la véoie régie que, lorsqu'un
témoin déclare qu^il est parent de Vacci]|9é,,s^s pouvoir dire
à quel degi;é, il y a lijçu, d,e présuiQer qu'il ^^e<t pas parent
au degré>pi;ohil|é y et que dès lors ce témoin w doit pas être
entendu à titre de repsf^igneœeots, puisque ai la loi D'inter-
dit pas d'entendre comme témoins tous les parents et alliés
de Taccusé, à quelque degré que oe puisse être, mais seule*
ment ses ascendanis, descendante, (rôrea et soeurs et alliés au
môme degré *. » Enfin , une dernière conséquence est (pie
riea ne a'oppoae à ce que des témoins déposent, sauf a,ux jurés
, à apprécier la valeur d'une déposition par oui dire^ de oe
qu'ils ont entendu dire à un témoin au degré prohibé, t car
la prohibition portée par Tart. 322 ne se réfère qu'à l'audi-
tion orale des témoins dans les débats ^\ » et il est interdit
d'en étendre les termes.
y. Les témoins au degré prohibé sont écartés, aoit par
l'opposition des parties» soit dx>ffîce par la Cour d^assises ou
son président.
Ils sont écartés, em premier Ueu, lorsque le ministère pu-
blic, la partie civile ou Taccusé s'opposent à ce qu'ils soient
entendus ; l'art, 322» ecK effet, après avoir U Aulé la prohi-
bition, ajoute : « sans néanmoins que l'audition des person-
nes ci-dessus désignées puisse opérer une nullité lorsque, soit
le procureur général» soit la partie civile, soit les accusés ne
se sont pas opposés à ce qu'elles sojiententendues. » De là cette
double conséquence 1* que l'opposition des parties est la voie
ordinairement employée pour arriver à l'application die la
prohibition \ 2"* que l'audition, des témoins prohibés, malgré
celte opposition, entraîne nécessairement la nullité de la pro-
céduce ^.
L'opposition peut, si l'instruction (jpmprend plusieurs ac-
cusés, éti^e (ocmée par chacun d'eux, lors môo;^ que les té-
moins ne sont proches pareute que d'un seul, car la prohibi*-
< Gasi. 15 janvier iSao, rapy^. M. d'Apbera. J. Pm ^V. 094<i
'Gass. 23 janvier i 835, rapp.M. Vincens-St-Laurent. Bull. o«30.
' Cass. i5 sept. 1853, rapp. AI. JacquinoU Bull. o. 4SI.
* Gass. 17 oct')bre 1836, rapp. M. Vinceas-St-Laurent. Bull. n« 350.
■ Cuss. 30 m»il8i8, rapp. M. O.livier. J. P. XIV, 832, 9 août 1881» rapp.
.M. Gaillard XXIII, 1070.
* Caas. 15 septembre i881, rapp. M. de Ricard. J. P« XIV, 831 ; 9 arril
1831, rapp. M. Gaillard. XXUI, 1070.
Aromo» nrs Ti«»iii8« § 636. 990
tien s'étonéà toate riBgtroctioii. K Elle peiH être formée par
la partie mèriM qui. a eîté le ttmoia^ oar, a lu disposition de
l'art. 323, qui repose sur une raiBon d'ordre public, est gé-
nérale^ «tMokie et sans distinction ; eUs ne limite pas le droit
d'opposition aux témoins qui n'auraient pas été appelés aux
débats par Tune ou par l'autre des parties; ce droit s'étend
à tous les témoins cités et notîBés, quelle que soit- la pastie l
la requête de laquelle ilsont été cités et notifiés. *.
L'opposition doit se formuler au moment où le témoin se
présente pour faivi^ sa déposition ; elle peut se produire encore
même après le serment prêté et tant que la déposition n^eat
pas commencée. C'est ce qui résulte du texte de Tart. 993^
qui autorise les parties à s'opposer k ce que les personnes
comprises dans sa prohibition « soient entendues » comme té-
moins ; d'où il suit quelles peuvent user de ce droit jusqu'au
moment où le témoignage commence. Plusieurs procédures,
dans lesquelles l'opposition avait élè considérée comme tar-
dive après le serment prêté, ont été» en conséquence, annu-
l<^es c attendu que la déposition du témoin n'étant pas com-
mencée, Topposition était régulière et légale et devait pro-
duire son effet 3, s dans ce cas le serment est déclaré annulé
par la Cour d'assises 4, ou même considéré comme virluellé-
mcnt annulé et comme non avena^.
L'opposiiion pourrait encore être formulée fers même que
Taccusé aurait consentie la déposition, s'il s'estrétraotéavant
qu'elle ne Mt commencée ; car cette adhésion momentanée
ne suffit pas. pour lui faice perdre son droit tant qu'il est dans
le délai pour rexercec*. Il en sérail encore ainsi lora même
]ue L'oppositien ne se produirait qu'au moment d'une seconde
mdilion et quandraccusé ne se serait pas opposé àk première 7 ;
;ar cette opposition, qui ne peul rétroagir sur la première
lépositiôn, doit nécessairement produire someiSet sur la se*-
îonde. Enfin, l'opposition formée au moment où le témoin
l'est présenté pour déposer ne serait point un obstacle à ce que,
* Cass. 98a?ril 4808» rapp. M. Vasse. J. P., VI, 056,
' Cass. 13 janvier 1853, rapp. M; Nouguier. Bult. n. ià,
* Ciass. 5 déc€m, 1850, rapp. M. Jacquinot. ^ull. n. 409 ; IS déc. i9dO.
3pp. M. de Ricard, n. 350; 27 afril 1836, rapp. M. Rleyroo^eUSt-Marc,
. 115.
* Cass. 15 sppt. 1331, rapi*. M. de Ricard. J. P.,5^XIV. Ufi^
■ Cass. 16 avril 1840, rapp. M. Romiguîères. Dal). 40, 1, 4,1;»*
* Cass. 21 sepL 1848, rapp. M. Legagneur. ffulL n. 216.
^ Cass. h «Tril 1846, rapp. M. Dehaoïsy, J. cr., t. 17, p. i36.
700 DKs couas u'amisks.
si l'accusé en s^nt la nécessité pi as tard, il puisse demander
que le même témoin soit entendu avec serment '.
Est-ce à la Cour d'assises, est-ce au président à proDon-
cer sur l'opposition T En principe, ce droit n'appartient qu'c
la Cour, car Topposition est par elle-même un incident con-
tentieux * ; mais il a été admis par la jurisprudence, pour or
pas charger les débats de trop de formes, qu'il y a iieud
distinguer si Topposition soulève une question ou si elle
n'en soulève aucune. La Cour d^assises peut seule proDOD<
cer si Tincident se complique de quelque difficulté; si,
par exemple, Topposition ne s'est produite qu'après le ser-
ment prêté, et qu'il faille annuler ce serment ' ; si la pa-
renté ou l'alliance au degré prohibé est contestée, si Top-
position est entachée d'irrégularité ^ ; mais s'il ne s'agii
que do la déclaration d^un motif péremptoire d'exclosion
qui, fondé sur les dispositions formelles de la loi, nepeat
donner lieu à aucune contestation, il a été jugé qu^un arrêt
n'est pas nécessaire, et qu'il suffit alors que le président fasse
droit à l'opposition s.
Les témoins prohibés sont, en second lieu, écartés d'of-
fice, soit par la Cour d'assises, soit par le président L'ar-
ticle 322 déclare, en effet» que a les dépositions de ces té-
moins ne pourront être reçues. » En présence de cette prohi-
bition formelle, la juridiction a assurément le droit de di'
pas les entendre ; elle n'est nullement tenue d'attendre Top-
position des parties, car l'interdiction n'est point subordon-
née à cette condition. En les rejetant, elle ne fait qu'appli-
quer la loi. Que si l'audition de ces témoins ne vicie pas les
débats, quand elle a eu lieu sans opposition, il ne s'ensuit
pas qu'elle soit permise ; il suit seulement que la loi n'a pas
voulu poser une règle absolue, pour ne pas multiplier les
écueils dont sont semées les procédures, et pour ne pas pri-
ver la justice de ressources qui, bien que regrettables, lai
sont quelquefois utiles. A la vérité , dans l'hypothèse de
* Gass. i2 janTier 1848 (affi Roussel), non imprimé.
■ Gass. 12 janvier 1848 (am Roussel), nou imprimé.
* Gass. 15 sepU ISSl, cité suprà, p. 699: 21 sept. iShS, rapp. M. I^
gagneur. BuIU n. 246 ; à avril 1845, rapp. M. Dehaussj. J. cr. 17,
p. 126.
* Gaïa. 5 déc 1850, rapp. M. Jacquinot. Bull. n. i09.
* Gats. 8 avril 1888, rapp. M. Rocher. DalU 48, 1, 869; 8 avril )858, i
notre rapport. Bull. n. 118.
AIIDITIO!) DES TÉMOINS. § 636. '"•
l'art. 315, les témoins cités et non notiBés, sont acquis à la
c»use et ne pourraient, comme on le terra plus loin, être
écartfe des débats; mais l'hypothèse de l'art. 322 est diffé-
rente; comment considérer comme acquis, soit à l'accusa-
tioD soit à la défense, des témoins que la loi rejette et qu elle
défend d'admettre? Comment assimiler des témoins capables
à des témoins incapables? U Cour d'assises ne les dépouille
pas d'ailleurs dç leur qualité; elle ne fait que constater et
déclarer leur incapacité; c'est la loi qui en déduit elle-
même les effets.
Cette doctrine a été appliquée dans un arrêt qui déclare :
. que l'art. 322 dispose, en termes exprès, que les dépositions
de la mère, de la sœur et des alliés, au même degré de I ac-
cusé, ne peuvent être reçues ; que si ce même article ajoute
que l'audition de ces personnes n'opérera pas nullité lors-
qu'elle aura lieu sans opposition, cette disposition ne peut,
ni d'après sa lettre, ni d'après son esprit, avoir pour effet
de rendre obligatoire leur audition à tiire de témoins, et
avec serment, par cela seul qu'aucune des parties ne s y op-
Dose- aué si cette conséquence a été attachée par amris-
Ld'enceà la disposition analogue de l'art. 315. relatif aux
lèmoiDS non notiBés, lequel est d'ailleurs rédige en termes
différents, c'est que, dans le cas qu il prévoit, il s agit uni-
quement des intérêts de l'accusation et de la défense que
l'on doit croire satisfaites, lorsque ni le ministère public, m
l'accusé n'usentdes droits queleur ouvrentces articles; mais
que la prohibition de l'art. 322 est fondée aussi et principale-
ment sur l'honnêteté publique, qui ne permet pas que des
Srents ou alliés, d'un degré si proche, puissent être tenus
de déposer, sous la foi du serment, les uns contre les au-
u'Cour d'assises, et s'il n'y a pas de réclamation, le pré-
sident peut donc, lois même, qu'aucune des parties ne s op-
pose à h déposition du témoin prohibé, l'écarter d'office I«r
la seule application de la prohibition. La lurisprudence e^t
LééZ cV point. Le droit du président a été particulière-
ment consacKpap plusieurs arrêts qui ont déclaré dans une
Se où ce magistrat avait écarté d'office la belle-mère et
SÏÏÎe-Tœut de l'accusé. « qu'en ne lesadmettant pa, à dé-
i Ca». 10 octobre 188». rapp. M. Vinon^St-Laurenl. Bull. 11840.
n. 2A5.
702 »E8 «OUM D'âMUMS.
poser avec serment, le président n'a fait que «e eonfermer au
TXBu de la loi ; qu'il a pu prendre seal celle déteroMnatk»,
puisque c'efl^t à lui qu'appai*tient la direction des débats, et
qu'aucune contestation ne s'est élevée à ce sujet qui appettl
rinterventimi de la Cour d'assises '; » etdans une espèce ou il
avait écarté la femme et la £lle de Tacousé « que» quoique
ces deux femmes fussent comprises daos la liste de» ^moias
donnée par le ministère public et notifiée à l'accusé^ ie pré-
sident a pu, même en l'absence de toute opposition, soit de
la part du ministère public, soit de celle de l'accusé, s'abste-
nir de recevoir leurs dépositions sous la foi da serment *. •
La Cour d'assises exerce seule ce droit, dès qu'une contes-
talion s'élève sur son application ^ •
Mais lorsque les témoins ont été ainsi écartés, soit par Top-
position des parties, soit d'office par la juridiction, le jvési-
dent peut les reprendre et les faire entendre, non plus, a la
vérité, à titre do témoins, mais à titre de simple rensei-
gnements, en vertu de son pouvoir discrétionnaire. Kous
avons apprécié précédemment ce droit exorbitant que la juris-
prudence a attribué au président *.
II y a lieu de remarquer, toutefois, que ce droit du prési-
dent ne peut régulièrement s'exercer que vis-à-vis des té-
moins dont la prohibition légale rejette Taudition avec ser-
ment. Ce n'est que parce qu'ils ne peuvent être entendus
comme témoins que ie magistrat peut, s'il le croit indispen-
sable à la découvefte de la vérité, les faire entendre ensuite
à titre de renseignements.
Un accusé s'étant opposé à l'audition d'un témoin, régu-
lièrement cité, parce qu'il était lé mari de. la veuve de soa
frère, le président avait cru pouvoir Técarter du débat, et
avait ordonné son audition comme renseignement. Le pourvoi
à 1 appui duquel il rdeva cette irréguiière audition, a été
rejeté, parce que, d'une part, a l'opposition, émanée de Fac-
cusé lui-même le rend aujourd'hui sans intérêt, et par con-
* Gass. iO octobre 1839, rapp. M. Vincens^-Laurent. Bail. 1840. n. US»
' Gass. 9 juillet 1846, rapp. M. MeyroDoet-St-Marc. J. cr. 1. 18, p* 3|3;
et conC 4 avril 1845, rapp. M. Déhaussy. J. cr. L 17, p. 126 ; 27 déc iSà%
rapp. M. Legagneur. Bail. o. 366,
' Gass. 21 sepU 1848, i^app. M. Legagneur. Bull. n. 246; 27 aTrillSSS,
rapp. M. Meyronnet-St-Marc, n. jl5 ; 5 décembre 1850. rapp. V. JaGOoinott
B.A09. "^^
* V. supràj p. 459 et les arréli citéi p, m.
AUDITION Ma TÂSUMNi. § 636. 703
fléqtt#Dt sans ^<Mt d^exciper que la décision {Mrfee Tavait éié
par le président scrul, «t «on {)ar la Cour id assises; » et,
d^aoe autre part, « que cette opposition était une renoocia-^
lion formelte à Faudition de ce témoin ; que» devant cette
opposilioo, le iBÎoitftère public a ^ardé le silence ; qu'il y a
ainsi acquiescé, et s'est implicitement approprié coUe Tenons
ciatioB ^ que, dans cet état des faits, le témoin avait cessé
d'appartenir i aucun titre aux débats» et ^ue, dès lors, il a
été dans le droit du jirésident de 4 'appeler et Tentendre sans
prestation^ aerment ^ » Mais il résulte de cet arrêt, qui
n'est arrivé au rejet qu'A traven la fiction d'une double re^
nonciaticii desfMirties, que le président avait commis un véri-
table e&cés de pouvoir en écartant, sous le prétexte de T^p-
plication de l'art. 322, un témoiu, qui n'était pas allié au
degré prohibé de l'accusé ; l'opposition était dénuée ^e fon-
dement; la Cour d'assises devait l'écarter et ordonner qu'il
serait jMissé outre à l'audition du témoin.
VI, La troisième classe de témoins qui peuvent èlro écar-
tés du débat comprend ceux qui sont suspects (le4)ap(ialité,
à raison de l'intérêt personnel qu'ils ont dans l'affaire : tels
sont les dénonciateurs dont la dénonciation est récompensée
pécuniairement par la loi et les parties civiles.
Les dénouciaieurs* quoiqu'ils ne soient point parties au
procès, ne peuvent en général y servir de témoins, « par la
raison, dit Bruneau, qu'ils ont intérêt de faire réussir la dé-
nonciation^ de peur d'être jugés calomniateurs, si l'accusé
venait à être renvoyé absous '. » L'art. 357 du C. du ^ brum.
an rv défendait, en conséquence^ de produire pour témoins
les âénonciateursy « quand il s'agit de délits dont la dénon-
ciation est récompensée pécuniairement par la loi ou lorsque
le dénonciateur peut, de toute autre manière^ proGtcr de l'ef-
fet de sa dénonciation. »
Notre Gode n'a conservé que la première de ces deux
prohibitions, mais en attachant néanmoins un avertissement
û la qualité de dénonciateur. L'art. 322 porte que : « ne
pourront être reçues les dépositions... 6"" dis dénonciateurs
dont la dénonciation est récompensée pécuniairement par la
* Ca». 22 novembre 1S55, rapp. II. Bressoo. Bull. n. ass.
' Bttmeav, ttaùmes, ^ 141 et 208; Caroiidas, Cùée Henri, Ht. 7, tit
4 , n. 7. _
704 DES COURS D*AH1ie8.
loi » sans que néanmoins leur audition puisse opérer une
nullité, lorsqu'aucuoe des parties ne s'y est opposée. Et
Part. 323 ajoute : « les dénonciateurs autres que ceux ré-
compensés pécuniairement par la loi, pourront être entendus
en témoignage; mais le jury sera averti de leur qualité de
dénonciateurs. »
Que faut-il entendre par les dénonciateurs t qui sont ré-
compensés pécuniairement parla loi? » Il faut entendre ceoi-
là seulement qui auraient reçu une prime, une gratification,
une indemnité à raison de la découverte qu'ils auraient
faite du crime ou de? indices qu'ils auraient fournis à la
poursuite; car, on ne doit point comprendre dans cette
classe les fonctionnaires ou agens que leurs fonctions obligent
de dénoncer, même de constater les crimes et les délits; ils
sont rétribués à raison do leurs fonctions, et non à raison de
chacun des faits qu'ils ont constatés \
Quant aux dénonciateurs, quels qu'ils soient, fonction-
naires ou simples particuliers, qui ne reçoivent aucune ré-
compense pécuniaire à raison de leur dénonciation, la loi n'a
point écarté leur témoignage; elle n'a point vu dans le seul
fait de la dénonciation la présomption d'un intérêt personne.
Mais comme il serait possible qu'ils fussent poussés par le dé-
sir de nuire ou par la crainte de la responsabilité qui pourrait
peser sur eux en cas d'acquittement, ou conduits par un sen-
timent d'amour-propre à soutenir les faits qu'ilsont dénoncés,
la loi a voulu que leur qualité de dénonciateur fût déclarée
au jury. Toutefois cet avertissement^ nécessaire à l'apprécia-
tion dHa valeur du témoignage, n'étant point prescrit à peîue
de nullité, demeure confié à la conscience du président *•
Il ne faut pas» au reste, en ce qui concerne cet avertisse-
ment, confondre les dénonciateurs, soit avec les témoins, &oit
avec les plaignants.
Les dénonciateurs déclarent spontanément et volontaire-
ment ce qu'ils savent ; les témoins ne le déclarent que lors-
qu'ils sont appelés en justice pour en déposer; les premiers
n'attendent pas la citation ; ils vont au-devant et saisissent
« Cass. g juillet 182A, rapp. M. Brière. J. P. XVIII. 870.
* Cass. 16 juillet 1812, rapp. M. Vasse. J. P. X. 577; 18 mai 1815, rapp.
M. Âumont. XII, 735; 10 ocU 1817, rapp. M. Busschop. XI V. A76; 5 f^f.
1810, rapp. M. Giraud. XV. 67; 30 avril 1835, rapp. M. Rocher. Bnli. ».
16) ; 29 août 1844, rapp. M. Bresson. d. 803 ; 30 mars 1848» rapp. Bf. a«-
clirr. Dall«, 5« p., t. 333.
ADOITIOM DKS TÉMOINS, f 636. 705
eux-mêmes la jastice; les autres attendent son ordre et ne
font que lui obéir ^
IIsdifTèrent également des plaignants; car ils signalent à
la justice des actes qui ne les oni pas personnellement lésés,
donl ils n'ont soufièrt aucun dommage, et ils sont censés ne
recevoir d'impulsion que de Tintérèt public, tandis que les
plaignants, l^és par les faits qu'ils dénoncent, ne font que
demander, sinon la réparation du préjudice qu'ils ont souf-
ferty du moins la répression du crime ou du délit qui a causé
ce préjudice. Cette distinction évidente a souvent été mainte-
nue par la jurisprudence qui en a déduit la double consé-
quence : d*abord, que les plaignants doivent être entendus
comme témoins^, et ne pourraient être arbitrairement dé-
pouillés de cetie qualité *; ensuite, que l'avertissement pres-
crit par Tart. 323 ne les concerne nullement *.
YII. Les parties civiles» en ce qui concerne la forme ot la
valeur de leur témoignage, ont donné lieu à quelques diffi-
cultés.
Il faut examiner^ en premier lieu, si la partie lésée, lors-
qu'elle s'est constituée partie civile, peut être entendue comme
témoin.
On ne trouve sur cette question importante aucun ensei-
gnement dans le droit romain. L'accusateur, investi de toute
la puissance de raccùsation, n'aurait pu évidemment donner
un témoignage et la loi ne prend pas même la peine d'en for-
muler la prohibition. Elle se borne à exclure la famille de
l'accusateur : testes eos, quos accusator de domo j^oduxerit
interrogari nonplacuit ^; et à poser cette règle générale^
puisée dans la raison et le sentiment de l'équité, que nul ne
peut être entendu dans sa propre cause : nullus idoneus tes--
tis in re suâ intelligitur \
Ce n'est qu'au xv"" siècle que l'institution des parties civiles
commença à s'introduire dans notre législation. Le droit d'ac*
^ Gass. 26 mai 1826, rapp* M. Blondel d'Aubers. J» P. XX. 512, 30 jail.
1831, rapp. M. Gilbert de Voisins. XXIV. Si.
»Cass. 30 avril 1835, rapp, M. Rocher. Bol!, n. 161 ; 24 décembre 1840,
rapp. M. Bomiguières. n. 361 ; 27 nov. 1845, rapp. M. lsambert,n. 348.
»Cass. 4 5 novembre i 833, rapp. M. Chauvoau Lagardc. J. P. XXV. 941.
* Ca«8. 30 mars 1848. Cité suprà, p.704; 23 janvier 1851, rapp. M. Que-
liault. Boll. n. SI.
* Paul, 1. 24- Dig. de Teatibus. ^
* Pomponius, I. 10. DIg. de Testibus ; et 1. 10. fpd. eoda lif«
▼m. ^•»
706 SES COURS D\sStSE9.
cusation, placé jusqu'alors dans les mains d^s parties lésées,
se partagea à celte époque entre ces parties et le ministère
public ^. L'accusation prit le nom de plainte et le plaignant
celui.de partie civile, parce que ses intérêts civils étaient de-
venus le but unique de son action. Ce n'est donc qu'à la lé-
gislation que constituèrent les ordonnances de 1539 et de
1070 que Ton peut demander quelques précédents sur ce
point.
La pratique du xvi« siècle n'hésita point k rejeter le témoi-
gnage de la partie civile : le légiste, qui a le plus exactement
résumé la jurisprudence de ce siècle, s'exprime en ces termes:
Sicui in civiHbus testis in cau$âpropriânon admimrnr, ita
fiec etiam et multo minus admilteiurin criminibuê et propte-
rea accusaiorem conirà acctuatum redpi in testem vaiie uh-
surdum repulatur *. La déposition de cette partie, qui était
alors la partie poursuivante, si elle avait été reçue, ne formait
pas même un indice: ejus depositio contra accusatum nullum
prorsus faciat indicium ^; ses parents, ses domestiques étaient
écartés ^» et s'il y avait plusieurs parties, dont une seule était
admise à poursuivre, les autres étaient néanmoins déchues da
droit de déposer dans la cause : in pluribus aecusatoribuses
quibus judex eligit magis idoneum, et cœteri repellantur à
testimonio ^. Pierre Ayrault enseignait également « que celui
qui est offensé, s'il se rend partie, il ne peut plus estre tes-
moing ^ » Ces solutions avaient été acceptées par les légistes
des siècles suivants : Rousseaud de la Combe pose en principe
a qu'une partie civile ne peut être témoin dans le procès cri-
minel qu'elle poursuit ?. » Et Jousse^ tout en admettant que,
dans les cas où Ton ne peut avoir une autre preuve, on peut
recevoir la déposition des témoins qui ont intérêt dans la cause,
en y ayant égard suivant les circonstances, déclare que « la
déposition du plaignant contre Taccusé n'est point admise,
quant aux dommages-intérêts qu'il peut prétendre contre Tac-
cusé ^. )» Toutefois^ le même légiste, reprenant une distinctioB
« Voy. notre 1. 1", p. 614,
* Farinaciqst de oppos. centra per^, ^Oftioin, qaest» SO, im];d.S4«
* Qiuest. 60. num. 65.
* QueaL 60. num. SS*
*Qu«at.ao«DaiD.6a.
* Instruction judiciaire, p. f 00.-
* IfaUères crim. p. 47S,
* Tom. I. p. 709.
AUDITION l^BS litfOIRd. $ 63S. 707
propesée par Farinacius% pense que, en matière dci vol, le plai-
gnant doit déposer avec serment pour la quantité des choses
volées ; et on retrouve la même distinction développée dans
la jurisprudence allemande : « S'agit-il d'un délit contre la
personne même du plaignant, dit M. Mittermaier, il y a lieu
de craindre qu'en ce qui touche les diverses circonstances du
fait, lé déposant ne mérite pas foi pleine et entière. S^agit-il
d'un délit contre la propriété? les difficultés s'évanouissent ou
deviennent bien moindres en ce qui touche la désignatioij
non de l'argent , mais du corps du délit '• »
Toute cette doctrine qui , môme avec ses distinctions , té-
moigne de la défiance qu'eicitait la déposition de la partie
civile, est, en thèse générale, parfaitemen exacte. Telle est, en
effet, la débilité humaine, quela bonne foi qui nous guide, quel-
que scrupuleuse qu'elle soit, peut s'égarer quand nos iniérèts
sont en jeu. L'esprit de Thomme, quand il est exalté par unq
passion , que ce soit la vengeance ou Tintérét y se trouble et
perd à la fois et la clarté de ses jugements et la conscience
de la vérité. Or, est-ce à cet homme que le préjudice qu'il a
souffert aveugle, ou qui du moins n'envisage les faits qu'à tra-
vers les sentiments qui l'animent, est-ce au plaignant que la
loi doit conférer le droit déporter témoignage? La partie ci-
vile est encore aujourd'hui partie au procès, et nous avons
énuméré toutes les aflributions que là loi , en vertu de cette
qualité, a dû lui conserver '. Elle n'a plus, à la vérité^ mis-
sion de requérir les peines ; mais ne poursuit-elle pas indirec-
tement leur application en démontrant la culpabilité de l'ac-
cusé, en apportant les preuves du crime dont elle à souffert?
La condamnation n'est-elle pas la base des dommages-inté-
rêts qu'elle attend? ne fournit-elle pas ses mémoires? ng
produit' elle pas ses témoins? n'est-elle pas présente au débat,
adversaire déclaré del'accusé; contrôlant ses interrogatoires,
combattant ses défenses, relevant ses contradictions? N'a-^-
elle pas, en un mot, tous les caractères d'un accusateur privé,
circonscrit seulement, quant aux effets de son accusation,
dans les limites d'une répnralion civile? Et même, à côté et
au delà de cet intérêt pécuniaire , n'a-t-elle pas un intérêt
moral qui l'excite et la porte à seconder l'action publiquiç,
* Qoest 60. nom. 71.
2 De la preave en mat crim. p. 8S9.
» Voy. êuprd. p. W et 488.
108 DBS COURS 0\SSISE8,
bien que cette action ne soit plus dans ses mains? Ainsi, elle
accuse et elle a intérêt à réussir dans son accusation. En cela,
elle dififôrede la partie lésée qui ne forme aucune demande;
car celle-ci se borne à porter plainte et ne prend aucune part
à la poursuite ; elle n'a aucun intérêt avoué et appréciable
à la condamnation. Elle diffère également des dénoncîateors,
lors même qu*ils auraient une récompense pécuniaire; car
ceux-ci ne peuvent avoir qu'un intérêt secondaire et à peine
appréciable à la condamnation. Ce caractère spécial de la par-
tie civile est indiqué d'ailleurs par la loi. LVt. 317 veut que
le président demande publiquement ai^x témoins c s'ils soDt
parents ou alliés de la partie civile et à quel degré. » Le lé-
gislateur a donc pensé que les seuls rapports de la partie ci-
vile avec les témoins pouvaient altérer la confiance due à leurs
dépositions ; comment donc aurait-il permis à cette partie
elle-même de figurer comme témoin ? L'art. 322 lui attribue
le droit de s'opposer à l'audition des témoins reprocbables;
or, comment admettre que la partie qui , investie de la même
prérogative que le ministère public et l'accusé, est appelée à
contrôler les témoignages , puisse donner le sien 7 La loi, à
la vérité, ne Ta point formellement exclue; mais n'est-ce pas
Fexclure que de Tadmetlre comme partie jointe au procès,
et que de lui reconnaître les droits et les privilèges d'une par-
tie? Devait-elle répéter Tadagc de la loi romaine? Cette
maxime , qui est fondée sur Téquité naturelle , ne doit-eiic
pas régir la procédure dès qu'il n'y a pas été dérogé ?
La jurisprudence est conforme sur ce point à la doctrioe.
Un arrêt pose le principe a que nul ne peut être, daus la même
affaire, témoin et partie; que ce principe est d'ordre public
et substantiel à la défense; que son application ne peut être
éludée par le juge sur le fondement qu'il aura à la déposition
du témoin tel égard que de droit \ » Un autre arrêt casse uoc
procédure dans laquelle la partie civile avait été entendue
comme témoin : « Attendu , en droit, que l'art. 315 autorise
la partie civile à présenter la liste des témoins assignés à sa
requête et qui doivent être entendus ; qu il résulte implicite-
ment de cette disposition que la partie civile, investie par la
loi du droit d'exercer son action contre Taccuséet d'appuyer
cette action du témoignage des personnes qu'elle a fait as-
signer pour être entendues comme témoins, ne peut elle-
* Cus. arS déc. 4888, rapp. M. Rocher, Bull, n. 389.
▲umnoN Ms TÉHoiMs. I 635. 709
même figurer au procès en ladite qualité de témoÎD, qui est
incompatible avec celle de partie poursuivant» dans son in-
térêt privé, devant les tribunaux de répression, la réparation
civile d'un dommage ; que Part. 317 prescrit au président qui
procède à Taudition des témoins de leur demander « s'ils sont
parents ou alliés soit de Taccusé, soit de la partie civile, et &
quel degré , » et s'ils ne sont pas attachés au service de l'un
ou de l'autre; que cette précaution du législateur à l'égard
de la partie civile démontre assez clairement qu^il n'a jamais
considéré celte partie comme idoine à être eiUendue elle-
même en qualité de témoin , dans un procès où elle exerce,
soit comme partie principale, soit comme partie intervenante,
son action civile; que, en effet, la position de la partie civile
relativement à Taccusé doit être assimilée à celle du dénon-
ciateur dont la dénonciation est récompensée pécuniairement
par la loi, et dont l'art. 322 prohibe l'audition, puisque cette
partie a, comme le dénonciateur, un intérêt personnel et direct
à la condamnation de Taccusé ; d'où il suit qu'elle ne peut
être entendue sous la foi du serment dans le procès de ce der-
nier, surtout s'il s'oppose à son audition *. »
Mais, ce principe ainsi posé, doit-il être appliqué d^une
manière absolue? La partie civile, exclue du témoignage,
doit-elle vicier toutes les procédures où elle est entendue ?
Il est nécessaire de faire plusieurs distinctions.
En premier lieu, le plaignant qui ne s^est pas constitué
avant les débats, et qui a été assigné comme témoin, peut,
après avoir déposé en cette qualité, se constituer ultérieure*
ment partie civile. En effet, l'art. 67 porte que « les plaignants
pourront se porter partie civile en tout état de cause, jusqu'à
la clôture des débats. « Or, Tassignation qui leur a été donnée,
et la déposition qu'ils ont faite en qualité de témoins, font-elles
obstacle à Texercice ultérieur de celle faculté? La loi ne
le dit pas, et, dès lors, il est clair que la Cour d'assises, dès
qu'elle est saisie avant la clôture des débats, doit statuer,
conformément à Part. 366, sur les dommages-intérêts. Les
arrêts qui ont jugé ce point, ajoutent « que la maxime
nullus idoneu$ teslis in re $ua^ qui est un principe du
droit commun, reconnu en matière criminelle par les art. 315,
321 et 335, n'est applicable qu'au cas où les individus cités
et entendus comme témoins, ont fait connaître leur qualité
« Gaw. lloclobre 1839, rapp. M. Dchaaisy. Dali, 40. l, 37S.
l^Q DIS COCBS D*A8SISM.
de parties ciyiieg ; qae^ jusqu'à cjDtie iMfiifestatieD» et qoel
que soit leur intérêt dans le procès* leur dépositm est con-
sacrée par les lois, sauf Tappréciation qui est réservée aux
f*uges et aux jurés i d II convient toutefois que, dans ce cas,
e président avertisse les jurés que^ par suite de la constitutioD
des plaignants, leur déposition ne doit plus être considérée que
comme de simples renseignements, car il importe de relever
l'influence que la qualité qu'ils ont prise doit exercer sur la
valeur de leurs témoignages. Il a été décidé xlans ce sens,
a que dés que les plaignants ont pris la qualité de partie
civile, ils deviennent parties au procès, et cessent d'être té-
moins ; que, dés lors, en av.ertissant le jury du caractère
que pouvait donner à leurs dépositions antérieures leur inter-
vention, comme parties civiles, le président n'a violé aucune
disposition du Gode et n'a porté aucun préjudice à l'accusé * •
En deuxième lieu, la partie civile, si elle ne peut être en-
tendue à titre de témoin et avec serment, peut l'être sous
forme de simple déclaration. D'une part^ en eflet» l'art. 269
permet au président d'appeler et de faire entendre toutes
personnes qui lui paraisseut pouvoir répandre un jour utile
sur le fait contesté, i la condition que leurs déclarations ne
seront considérées que comme renseignements ; et, d'une au-
tre parl^ l'art. 335 donne à la partie civile le droit de fournir
à la justice tous les renseignements qu'elle peut posséder. Ce
point a été consacré par plusieurs arrêts. Dans une espèce
où l'accusé se faisait un grief de ce que la partie civile^ ap>
pelée comme témoin, n'avait pas prêté serment, le rejet a été
prononcé, « attendu que, dès l'origine du procès, Villette a
rendu plainte, et s'est constitué partie civile devant le juge
d'instruction ; qu'il est intervenu en cette qualité devant la
Cour d'assises à l'ouverture des débats ; que si, à la demande
du conseil de l'accusé, un arrêt a ordonné qu'il serait en-
tendu comme témoin» cet arrêt n^a pu vouloir et n'a pas dît
que Yillette abdiquerait sa. qualité de partie civile, ou que»
contrairement aux règles les plus ordinaires du droit, aux
principes de la morale et de la saine raison, il viendrait, sous
* Cass. 25 jantier 1858* rapp. M. l8ainl)erU Bull. n. 89 ; el CdBf. 12 |ai>-
fier 1828, rapp. M. OUirier. J. P. XXI. 10844? janvier ia37« rapp. M.
Vojsin de Gartempe. Bull. n. 8 ; 27 novembre 18/1O, rapp« Ut lUvO» D. 840;
23 février 18^8, rapp. M. Brière-Valigny. Sir. 43. 1, 549.
« Cass. 5 mai 1854, rapp. M, Y, Fouchcr. Ouil, n, 135.
AUDITION M§ I^BOMi. f 636. 71 1
la foi do Serment, porter témoignage dans la pr^rë lHi«e }
que Farrèt dont il s^agit a eu manifestement pour but dW
bliger la partie eirile, lorsqu'elle pourrait se faire représëb.
ter à l'audience par tin bvoué^ à s^ j présenter en personbe, à
répondre aui interpellations qui lui seraient faites, à donilef
sur les faits led éclaireissenfients qui lui seraient demandés |
que c'est ainsi que cet ërrét a été eiéouté \ qu^, dans ce cas,
la déclaration de la partie civile ne derait être considérée
que comme renseignement \ » Les autres arrêts se borneut
k déclarer « qu'il esl vrai, en principe, que les parties ci*
yilea ne pëuvenl^ ea cette qualité^ bortei aucun témoignage}
mais qu'il n'est pas interdit par la loi de leur demander des
reiiseignements *• »
En troisième lieu, la partie civile ne peut-^elie pas» lors^
que, ni le ministère public, ni Taccusé tie s'y opposent, par
analogie avec le cas prévu par Fart 823» être enteddae^
même aveeserment> sans qu'il j ait nullité? Ce ptiint a été
résolu eOBrmativement par la jurisprudence* Le plus forte-»
ment motivé de ses arrêts porte» • que le législateur» con^
vaincu de la nécessité d'asêurer lé répraasioa des crimes qui
attaquebt la 60<$iélé> a dbnaé pour appui à l'action du «i*
nistère public la preuve testimoniaie; qiie, relativeittent è
l'idonéité des témoins, il n'a pas créé d'idcapacitéa absolues;
qu'en effet, si, par des considérations d'faonnêteté publique^
rart« 322 exclut le témoignage de ceut qui sont unis à l'àe*
cusé par les liens du sang, au degré qu'il a pris soin de
déterminer; si, par des motifs du même ordre, il repoussé
les dépositions des dénonciateurs dotit la dénonciation est ré-
compensée pécuniairement par la loi , le même article se
termine ainsi : « sans néanmoins que l'audition des per«
sonnes*. • »; qu'on ne saurait admettre qu'il existe conlrts
le témoignage de la partie civile des motifs d'exclusion plus
péremptoires que ceux qui s'appliquent aux personnes dési-
gnées dans l'arti 822 ; que son intérêt personnel les place
dans une position identique à celle du dénonciateur qui re«-
çoit de la loi une récompense pécuniaire; que sa déposition,
quand il n'y a pas eu d'opposition à ce qu elle fût reçue^
* Gass. 10 féT. 1835, rapp. M. Bresson. J. P. XXVI. 1373.
* Cass. 5 fév. 1819, rapp. M. Giraud. J. P. XV. 68; 30 mai 1839, rapp.
M. Isambert Bail. n. 168; 10 mars 18A5, rapp. M. Rocher. J. cr., 1. 15, p.
iOl; 6 oclobre 1853, rapp. M. Isamberl. Bull. n. 49â.
712 0K8 COURS D*AfiftlSBS.
ne peot donc non plus être une cause de nullité de la procé-
dure *.»
Il nous paraltque, sur cette question, la jurisprudence s'est
écartée du vrai principe de la matière. Il n'est pas exact de dire
d'abord que la position de la partie civile et celle du dénoncia-
teur salarié soientidentiques. Le dénonciateur n'a qu'un intérêt
secondaire à la répression, celui quesa dénonciation ne soit pas
inutile ou reconnue mensongère; la partie civile, quia été per-
sonnellement froissée, a un intérêt direct et pressant à la con-
damnation; le premier ne demande rien, Tautre demande
des dommages-intérêts ; l'un est en dehors de l'affaire où il
ne comparait que pour donner ses renseignements; l'autre
est partie, 6gure aux débats, discute les preuves et prend des
conclusions. Où se trouve entre l'un et l'autre celte identité
que l'arrêt affirme? Y a-t-il du moins analogie entre la posi-
tion de cette partie et celle des témoins qui font Tobjet de
Tart. 322? Si la prohibition qui frappe ces témoins n'est qne
relative, c'est que les causes qui les fondent ne produisent
pas les' mêmes effets dans toutes les circonstances : il est des
cas où Taccusé lui-même a besoin du témoignage de ces per-
sonnes, où il provoque l'accusation à les produire, où il se-
rait inhumain d'en refuser la comparution. L'adhésion des
parties les relève alors de l'incapacité qui les frappe. La par-
tie civile se trouve-t-elle dans la même situation? Elle est
l'adversaire de Taccusé, elle est investie d'une portion des at-
tributions de l'accusation, elle poursuit la condamnation ci-
vile qui doit suivre la condamnation pénale. Ce n'est donc
point seulement une présomption de partialité qui repousse sa
déposition, ce n'est point un sentiment de pudeur qui répu-
gne à mettre Tâffeclion aux prises avec le devoir, c'est la cer-
titude que cette partie, enchaînée par la mission qu'elle pour-
suit, ne pourra plus être impartiale dans une cause qui est la
sienne ; c'est l'incompatibilité évidente qui sépare les fonc-
tions de l'accusateur et du témoin. Et la partie civile, plus
encore que l'accusateur lui-même, doit être suspecté de par-
tialité ; car le magistrat qui dirige l'accusation ne peut être
emporté en dehors de la vérité que par les illusions de la
cause et lo zèle qui le passionne pour le devoir de sa fonction.
Mais la partie civile n'a pas seulement ces illusions excusables
*■ Cass. 28 nor. 1844, rapp. M. Bresson. BulL n. 583; el coof. ctsfc» iA
mai iSil, rapp. M. MeyroDoel-St-Murc. n. iOd.
AUDITION 0B8 TÉMOIHd. §'636. 713
et cette passion élevée du magistrat, elle a le sentiment per-
sonnel du préjudice qu'elle a éprouvé» elle a surtout Tintérèt
de la réparation pécuniaire qu'elle veut obtenir. Or» cet inté-
rêt, elle ne Tabdique jamais ; il la suit dans tous les actes
de la procédure ; il la suivrait dans son témoignage. L'inca-
pacité qui pèse sur elle est donc absolue, elle n'admet au-
cune restriction. Elle est absolue, car la disposition de
l'art. 322, qui est invoquée par l'arrêt, donne à cette partie,
comme au ministère public et à l'accusé, le droit de s'oppo-
ser à l'audition des personnes qu'il énumère; or. comment
seraitril possible que la partie, qui a le droit de s'opposer à
l'audition des témoins, vint témoigner elle-même et concen-
trât ce double rôle dans sa personne? Elle est absolue, car
elle dérive, non, comme les personnes désignées par l'ar-
ticle 322» d'une simple présomption, mais de rincompatibilité
résultant de la fonction exercée dans la causée : celte incom-
patibilité est la même que celle qui frappe Tinterprète, le
juré, le ministère public et le juge.
La jurisprudence admet cependanl un cas de nullité : il ne
lui suffit pas, comme nous serions disposé à l'edmettre, que
ia partie civile, après s'être constituée, ait été entendue à
titre de témoin et avec serment, pour que la procédure soit
viciée; mais si le ministère public ou Taccusé s'est opposé à
cette audition et qu'elle ait eu lieu malgré cette opposition,
la nullité est encourue. Un arrêt porte « que s'il y a opposi-
tion à l'audition de la partie civile comme témoin, à cause
des intérêts opposés qui résultent de sa constitution, la Cour
d'assises doit admettre cette opposition et appliquer le prin-
cipe de la loi romaine ; et de l'omission ou du refus de sta-
tuer sur cetle opposition résulterait la nullité prévue par
l'art. 408 ^ » Un autre arrêt prononce dans le même cas
l'annulation *.
YIII. Les prohibitions légales, au surplus, ne doivent
point, nous l'avons déjà dit, être étendues ; car le vœu de la
joi a été d'affranchir le plus possible la preuve testimoniale
de toute entrave, et toute exclusion doit être restreinte dans
ses termes. C'est, en appliquant cette règle générale que la
* Gan. iS novembre 1846, rapp. M. Isambert. Bull. n. S90.
' Gass. il octobre 1839, cité wprà^ p. 709.
714 ACi a»^^ D*AMIU8.
jurisprudence a maintenu parmi les témoins (»rdinaires les
persônbcs qui suivent : ^
Le plaignant qui ne s'est pas constitué partie ci-
vile *. .
Le plaignant qui^ après s'être constitué partie dvile devant
la Cour d'assises, ne s'est pas constitué devant la nouvelle
Cour devant laquelle le procès a été renvoyé,, après Tannula-
tion des premiers débats, « attendu qu'on ne peut considérer
comme encore subsistante Tinlervention d'une partie civile
qui n'avait formé son action que parce qu'elle trouvait un
appui dans les preuves que l^annulation des débats a fait dis-
paraître*.»
Les parents et alliés de la partie civile» bien que l'art. 317
charge le président de demander aux témoins s'ils ont èeite
qualité, car « le but du législateur, en prescrivant cette for-
malité, a été que la Cour d'assises et le jury fussent avert»
du degré de confiance qu'il convient d'accorder à destémoios
dont la déposition peut n'être pas toujours entièrement im-
partiale ; mais son intention n'a pu être de priver la justice
de temoi^ages souvent nécessaires a la manifestation de la
vérité «. a
Les individus qui> d'abord compris dans la même poursuite,
ont été mis hors de cause ou acquittés^ « attendu que Tin-
ték-èt qu'ils peuvent avoir dans le procèis n'est pas une raîacHi
suffisante pour ne pas les entendre isn téo^oignage^. » La
même Solution s'applique à l'individu qui serait poursuivi
en pays étranger comme complice dû mênae crime ^.
Les individus à l'égard desquels le président à dû prendre
les mesurer autorisées par l'art. 830 et qui se sont rétractés
d'une première déposition 6»
Leis ibdiVidus déjà entendus Sur les mêmes faits ûtùs une
instance civile 7.
A Tôjf. les urrêucilës ««pri» p, 705.
* Caas. il DOT. 1841* rapp. M^ Bressoa. Bail. n. 315«
*Cass. 5 octobre 1835, rapp. U. Dehaassy. J. P.^ XXt. SSS; et eont» 2i
therm. an 15, rapp. m. Ao(lier>Ma8sillon. IV. 705; 27 mai 18S7, ftppw SI*
Rocher. Bail» n. 16A; 8 aoatl851« rapp. M. Meyroiioet-St-Marcw B.8SS,
* Casa. 6 mai 1815, rapp. M. Lecootoar. J, P.» XII, 716: S7 juin 1838»
rapp. if, Ghaotereyne. XU, 1605 ; 29 mars 1852, rapp. bL IUtcSi XJUY,
905.
* Casa. 20 juin 1829, rapp. M. Brière. J. P., XXII, 115i.
* Casfi. 25 DOT. 1843, rapp. M. Brière Valiffny. Bull. d. SSA.
* Gass. 30 mars .1832, rapp. M. dcRicard, }. P., XXIV. 912.
AUDiTiOM vêA Tiaeins. | 635. 71 S
Les ayndieâ d'tiiie faillite svr les faitâ iolptiltdfl aa failli « ;
et les créâDcicrs de la faillite, lors même que les syndics M
seraient port^ parties civiles; feer, « il ne saurait résulter de
ce pelés syndics d'une faillite se seraientrenduspartiesciviles^
que tous les créanciers du failli doivent également être corisi^
dérés comme parties civiles '; » enfin le jug^e^ommissaire do
la faillite*.
L'avocat qui a été le conseil de Taccusé dans un procès re-^
latif aux faits qui motivent l'accusation et l'avoué qui l'y a re-
présenté *.
Les témoins instrumentaires dans la poursuite en faut,
exercée à raison d'an acte qu'ils ont signé \
Les officiers de police judiciaire qui ont rédigé le procès*
verbal constatant le corps du délit ^, ou qui, par commission
rogatoire du juge d'instructioh, oAt entendu des témoins ?•
Enfin, les grefliers ou commis greffiers qui ont tenu la
plume dans le cours de l'instrUt^iûh ^.
iX. Pour compléter la nomenclature des personnes dont
le témoignage doit ou peut être écarté des débats, il faut men-
tionner encore celles qui remplissent une fonction incompati-»
ble avec celle de témoin.
La loi a attaché cette incompatibilité aux fonctions des per-
sonnes qui composent la Cour d'assises ou qui remplissent
prés d*eile une mission nécessaire à la justice.
Ainsi, l'art. 392 porte « que nul ne peut être juré dans la
même affaire où il aura été ofBcier de police judiciaire, témoin
interprète, expert ou partie, à peine de nullité. x>
Ainsi l'art. 332 porte encore que « l'interprète ne pourra,
à peine de nullité, même du consentement de l'accusé ni du
« Cass. n «ept 1819, rapp. M. Otlivier. 1. P., !xV, 532; 15 ayril 1825|
rapp. M. Brittc XIX, iOS.
' Gass. 14 mai 1847, rapp. M. IVfeyronnet-St-Mare. Bull. d. lOS.
" Cass. S déc. 1838, rapp. M. ViDcens-St-Laurent. Dali. 37» 1» 473.
* Casf). 18 jaiûl835, rapp. M. Rocher. Ëall, d. 24).
* Gass» laVril 1808, rapp. M. Guien. J. P., VI, 595.
* Gass. 12 Juillet 1810, rapp. M. Lamarque, J. P., VIIIi 468 1 81 octohn
4 817, rapp. M. Aumont XIV, 490 ; 19 mars 1829, rapp. M, Gaillard, XXII,
820.
^ Gass. 9 janvier 1840, rapp. M, Vincens-St-LaurenU Bail. n. 11 ; 11 dé-
cembre 1851, à notre rapport, n. 519.
* Gass. 3 octobre 1844» rapp. M. Meyroniiei^StrMara Bull, m 1601 S fév.
1809. J» P., VU. 347,
716 DBS COURS l>*A88ttES.
procureur-général y être pris parmi les témoins, les juges et les
jurés. »
Nous avons examiné ces deux incompatibilités^ : il est
évident qu'elles doivent s'appliquer , non-seulement aux ju-
rés, mais à tous les membres de la Cour d'assises, non-seule-
ment aux interprètes , mais aux greffiers qui tiennent le pro-
cès-verbal de l'audience. Il en résulte que nul ne peut être
juge et témoin, partie poursuivante et témoin , enfin, oiBcier
remplissant une fonction dans le débat et témoin dans la même
affaire; en d^autres termes, que la loi a voulu séparer par une
incompatibilité absolue les personnes qui constituent la Cour
d'assises et y remplissent près d^elle un office, et les témoins.
§ 637.
I. Appel des témoiis. — II . Ordre de lear audilion. — III. Ex-
ception à regard des princes et de certains foDctionDaires. —
IV. InterpellaiioQ sur les noms et qualités de chaque ténoia.
I. Nous avons vu que la liste des témoins dont les noms ont
été notifiés et qui doivent être entendus aux débats était lue
au commencement de Taudience par le greffier, et que ces
témoins, sur Tordre du président, se retiraient dans la cham-
bre qui leur est destinée *• L'art. 316 ajoute : a Us n'en sor-
tiront que pour déposer. »
Ils en sortent successivement et l'un après l'autre, sur l'ap-
pel qui est fait do leurs noms par le greffier, et ils se présen-
tent pour déposer à Taudience.
II. L'ordre dans lequel ils sont appelés n'est point fixé^i
termes exprès.
L'art. 315 charge le ministère public du soin de dresser la
liste des témoins ; il s'en uit qu'il peut établir Tordre dans le-
quel il veut qu'ils soient entendus.
L'art. 321 , d'un autre côté, trace une règle à cet égard en
disposant que « après l'audition des témoins produits par le
procureur-général et par la partie civile, Taccusé fera enten-
dre ceux dont il aura notifié la liste. » Il suit de là qu'on doit
* Voy. mjifràt p. S09 et p. 641*
• Voy. iuprd, p. 679.
AUI>IT102f DES TlêHOINS. § 637. 717
entendre d'abord les témoins à charge, ensuite les témoins à
décharge.
Hais ces dispositions ne sont jpoiot prescrites à peine de
nullité, et la jurisprudence a décidé que Tordre dans lequel
les témoins sont produits au débat n'est pas une forme subs-
tantielle du droit de défense'. En conséquence, il a été re-
connu que le président» chargé de la direction du débat» peut
intervertir cet ordrc^ « attendu que cette interversion peut
être nécessaire ou utile pour la manifestation de la vérité* et
que le président doit employer tous ses efforts pour favoriser
cette manifestation 3 » Elle est d'ailleurs quelquefois com-
mandée par les circonstances, par exemple, par la maladie
d'un témoin^. L'accusé ne peut, dans aucun cas, se faire un
grief de ce que Tordre suivi dans la liste notifiée n'a pas été
observé 5.
m. Il faut noter ici» avant d'arriver à Taudition, une
triple exception à la régie qui prescrit la comparution des
témoins à Taudience ; elle s'applique avec des formes dif-
férentes : 1* aux princes, grands dignitaires et ministres;
S*" à certains fonctionnaires de TËtat ; 3° aux militaires en
activité de service.
Première exception. — On en trouve les raisons dans l'an-
cienne législation. Les constitutions impériales prescrivaient
aux juges d'envoyer recevoir à leur demeure les dépositions
des personnes illustres * et des évéques '. La jurisprudence
des parlements avait appliqué la même forme lorsque les
princes du sang étaient appelés à porter témoignage : ils
pouvaient être dispensés des confrontations par ordonnance
du roi» et leurs déclarations données par écrit et signées par
eux étaient simplement lues aux accusés ^.
Le projet du Code avait prévu la dispense de comparution
à raison d'un service public, il ne l'avait pas établie à raison
« Cass. ih jaiHet i8S7» rapp. BI« MaDgin. J. P., XXI» 614 ; ià déc 1837»
rapp. M. Rocher. DalL 38, 1, Â28.
» Cass. 22 juin 1820, ropp. M. Busschopp. J. P., XV. 1063«
" Cass. 15sepi. i 843, rapp. M. Bressoo. Bull. ii. 245.
* Cass. 20 avril 1838, rapp. M. Rocber. Bull. n. 107.
* Cass. 6 mai 1824, rapp. M. Brière. J. P., XVlil, 680.
* L. 15 Dig. de Jurejur.; 1. 2 S 1 Cod. de Jurejur, propter calumniam.
^Nov. 128 cap. VU.
* ConsulL de BIM. Talon et BignoD» rapp, par Serpilloo» 1 1. p. 730;
Muyart de Vouglans. Inst. crim. p. 524.
718 i>ss couu j>*ÀS8ises.
de la dignité. M. Bcrlier disait : « Les rédacteurs n'ont tu
la dispense de comparaître en personne que dans ses rapports
avec rintérët publie qui s'oppose à ce que certains foncfion-
naijres quittent le lieu ou les attachent d'importantes fonctioiis.
La dispense n'a pas été créée à raison de la dignité , car k
coDiparutioq en témoignage ne blesse la dignité de per-
sonne 1. » II parut au conseil d'Etat que c'était li une lacune
qu'il fallait combler; de là les art. 51Q et suivants de notre
Code, complétés par les art. 1 et 2 ihi décret du 4 mai 1812.
Les princes ou princesses du sang impérial, les grands di-
gnitaires et les ministres ne peuvent jamais être cités comme
témoins, même devant la Cour d'assises, k moins qu*çn décret
rendu sur le rapport du ministre de la justice n'autorbe leur
comparution (art. 510 etdécr. du 4 mai 1812, art 1^^). Si
la comparution est autorisée, le décret règle en même temps
le cérémonial qui doit être observé à l'audience (art. 513, et
décr. du 4 mai 1812, art 2). Si la comparution n'est pas au-
torisée, les dispositions sont rédigées par écrit et reçues par
le premier président de la Cour ou le président du tribunal à
la demeure de ]a personne (:irt. 511). Les dispositions ainsi
reçues sont immédiatement remises au grefie et envoyées
closes et cachetées à celui de la Cour ou du juge requérant,
et communiquées sans délai au ministère publip. Dans l'exa-
men devant le jury, elles sont liées publiquement aux jurés
et soumises aux débats, sous peine de nullité (art. 512).
Deuxième exception. — Avant notre Gode , la loi du 23
thermidor an iv, les arrêtés des 14 germinal an viu et 7
thermidor an ix, et le décret du 20 juin 1806, avaient auto-
risé lesi membres du Corps législatif, du Corps diplomatique
en pays étranger, du Sénat et du conseil d*Etal à déposer par
voie çlp commission rogatoire , quand leurs dépositions n'é-
taient pas absolument nécessaires. Telle a été la source des
art. 514 et 517 qui, en recueillant cette exception , en res-
treignirent néanmoins Leç limites. M. Treilbard était d'avis de
n'y comprendre que les généraux en activité et les ambassa-
deurs, t Ce sont les seuls, disait-il , auxquels leur service ne
permet point de se déplacer. Tous les citoyens doivent à la
justice cet hommage de comparaître devant eU.e toutes les
fois que le bien public le leur commande* Oç^ f^ $ans 4j^-
tLocré, t.XXiV,p. 356.
AUDITION DES TÉMOÎna. $ 637. 7i9
cuUé permettre aue certaips fpncHonnaîres envolent par écrit
leur déposition, lorsqu'il ne s\^g!t encore que de l'instruction.
Maïs rien ne doit les dispenser de se trouver aul débats. Pour-
quoi priver Taccusé de l'avantage qu'il peut tirer de leur pré-
SfenceîOn répondra que leur service peut les appeler ailleurs.
S'ils se trouvent empêchés, ils peuvent en prévenir le ministre
de la justice qui fait remettre Taffaire ^ »
Le Code, qqi admet Vexception en ce qui concerne les
grands officiers de la couronne, les conseillers d'Etat chargés
d'une administration publique, les ingénieurs en chef actuel-
lement en service et les ambassadeurs ou autres agents ac-
crédités près les cours étrangères, dislingue si le témoignage
de ces fonctionnaires est requis au lieu de leur résidence ou
i celui où ils se trouvent accidentellement 9 ou s'il est requis
hors de ce Heu. Pans le premier cas, ils doivent fournir leur
déposition dans les formes ordinaires (art. 514). Dans le se-
cond, elle est reçue par écrit «levant le juge du lieu de la ré*
sidence, et Iq disposition de Tart. 512 est appliquée (art. 515
et 616). Et, néanmoins , quand il s'agit de comparaître de-
vant le jury, un décret est nécessaire pour les en dispenser
(art. 517).
^ Mais ces dispositions du Code ont été, illégalement à la vé-
rîié, modifiées par le décret du 4 mai 1812. Ce décret qui
ajoute aux fonctionnaires énumérés par le Code les ministres
d'Etat, les présidents du conseil d'État et les préfets, sub-
stitue au système des art. 514 et 517 un autre sjstènjc : quel
que soit le lieu où le témoignage est requis, les fonction-
naires cités comme témoins peuvent s'en excuser en alléguant
la nécessité de leur service, et, dans ce cas, il n'est pas donné
suite i la citation (décr. du 4 mai 1812, art. 4), et leurs
dépositions sont reçue» conformément aux art. 512 et 516.
S'ils ne s'excusent pas, « ils sont reçus par un huissier à la
première porte du Palais de justice, introduits dans le par-
quet et placés sur un siège particulier. Ils sont reconduits
de la même manière qu'ils ont été reçus 0 (décr. du '4 mai
1812, art. 5).
Lorsque l'un de ces fonctionnaires s'est excusé, sa déposi-
tion éciite tient lieu de sa déposition orale; ell^ dqil être
soumise aux débats, et il y aurait nullité si elle n'était lue
qu'à titre de renseignements. C'est ce qui a été décidé par un
* Locfé, U XXIV, p. 857.
720 DES COURS d'assises.
arrêt qui déclare « que cette dispense est générale et que ks
fonctionnaires désignés par le décret peuvent en user^ soit
que leur déposition ait été requise devant un juge d'inslmc-
tion , un tribunal , ou qu'elle le soit devant une Cour d'as-
sises ; que Tari, k du décret ^eut , en effet , que sur Texcep-
ception d^excuse, il soit procédé ainsi qu'il eft prescrit a Tar-
ticle 516, lequel se réfère à Tart. 512» et qu'il résulte de leur
combinaison que les dépositions ainsi reçues doivent être ren-
voyées closes et cachetées au greffe de la Cour ou du juge
requérant, communiquées à Tofficier chargé du ministère
public» et , dans Texamen devant le jury, lues publiquemest
aux jurés et soumis aux débats ; que la déposition reçue pr
écrit tient lieu de la déposition orale que le fonctionnaire dis-
pensé aurait faiie devant le jury ; que cela est d'autant plus
certain que^ d'après les art. 512 et 516, cette disposition
doit être lue aux jurés et soumise aux débats sous peine de
nullité; qu'il faut donc aussi que les parties trouvent, dëtis
le serment prêté par celui qui dépose» la garante légale de
la sincérité de sa déclaration ; que, dans les affaires soumises
aru jury, les témoins doivent» à peine de nullité, prêter le
serment; que cette formule est sacramentelle et ^'oit être re-
ligieusement observée ; que lorsqu'un témoin a été produit
par Pune des parties, le président des assises et la Cour d'as-
sises elle-même ne peuvent, sans motif légitime, le rejeter
du procès; qu'il n'est pas plus en leur pouvoir de le dépouil-
ler de son caractère» d'enlever à sa déposition la force qu elK*
aurait reçue de la foimalité du serment et de réduire son té-
moignage à la valeur d'un simple renseignement *. »
Toutefois, dans une espèce où le fonctionnaire» cité à la re-
quête d'un accusé, s'était excusé» il a été admis qu'il aTaîtpi:
être appelé en vertu du pouvoir discrétionnaire et entendu «i
titre de renseignements, « attendu qu'aucun des accu^-
n'ayant demandé Texécutionde l'art. 4 du déc. du k mai 1812
et des art, 512 et 516, le préfet n'a pas été acquise la causi
comme témoin, et a pu être appelé plus lard, en vertu du
pouvoir discrétionnaire, pour donner de simples renseigne*
ments *. »
Troisième €a:ception. — La loi du 18 prairial an ii a in-
troduit des formes spéciales pour le témoignage des militaire?
* Cass. 29 sept. 1842, rapp. M. Bresson. Butl. n. 250.
• Cass. i 3 août 1882, rapp. M. de Ricard. J. P. U XMV, p. iMfl.
▲CDirroif DES TiÊioivs. § 637. 72]
et des individus attachés aux armées ou employés h leur suite.
Quand ils sont présents sur les lieux, ils sont cntindiis cl
donnent leurs déclarations dans la forme ordinaire. Seule-
ment, comme la discipline ne permet pas qu'ils s'absentent
sans la permission de leurs chefs, il convient que le ministère
public donne avis do la citation au chef du corps vingt-qua-
tre heures avant sa notification '.
Quand ils sont éloignés des lieux où le témoignage est re-
quis, leurs dépositions font reçues par forme de commission
rogatoire et envoyées écrites au juge qui la requiert. Mais,
lorsqu'il s'agit d'une affaire soumise au jury, le président,
après que les dépositions ont été lues publiquement, demande
aux jurés s'ils sont en état de prononcer sans entendre orale-
ment les témoins; et si les jurés répondent négativement, il
est sursis è prononcer sur Taccusation jusqu'à ce que les mi-
litaires aient été assignés à comparaître en personne *.
Ces formes anormales sont-elles encore en vigueur? L'af-
firmative parait afiBrmée par la jurisprudence % et par les lé-
gistes 4. Mais comment les concilier, soit avec l'art. 514 du
C. d'instr. cr., qui ne comprend dans la dispense de compa^
rution que les généraux actuellement en service, soit avec
Fart. 31T, qui dispose en termes absolus que « les témoins
déposeront oralement»? Que , lorsque le militaire est au
corps, il soit donné avis de la citation au chef du corps ; que,
s'il est éloigné, il soit entendu dans le cours de Tinstruction,
par voie de commission rogatoire, ces formes n'ont rien de
contraire au droit de la justice ; mais quand il est cité aux dé-
bats d'une Cour d'assises, il faut, pour le dispenser de com-
paraître, une loi formelle et qui soit en harmonie avec la lé-
gislation générale. Or, n'est-il pas visible que la loi du 18
prairial an ii, faite pour un temps de guerre, ainsi que le
prouvent ses art. 16 et 17, cl abrogée, en ce qui touche les
généraux en chef, par Fart. .51 4 du Code, n'a pu cantinuer
de vivre sous un Gode qui, d^une part, a restreint les cas de
dispense, qui, d'une autre part, pose la règle générale du té-
moignage oral, et enfin qui n'attribue qu'à la Cour d'assises
* Circmîn. de la jiislice des 15 sept. 1820 cl 6 dôc. 18/|0.
« Art. 12 et sui?. de la loi du 2 prairial an ii.
s Casa. 9 frim. an zii, rapp. M. Borel. J. P.» t. III, p. 519 ; 14 ar. 1815,
rapp. M. Busschop, t. XII, p. 678.
^ Legraverend, l.I, p. 270; Bourguignon, l. U, p. ;' ; ruvcr^çcr, ï. ir,
p. «07.
722 MIS G00R8 0*ASS1SS8.
et aux parties, et nulleoBent aux jurés» le dfott d'apprécier
Inutilité des témoins absens?
lY. Ces exceptions aînsi exposées, nous revenons aux for-
mes de l'audition des témoios qui ont comparu.
Le président doit commencer par constater leurs noms et
qualités. L'art. 817 porte ; « Le président leur demandera
leurs noms, prénoms, âge» profession, leur domicile ou rési-
dence ; s^ils connaissaient Taccusé ayant le fait mentionné dans
Tacte d'accusation; s'ils sont parents ou alliés, soit de T^ic-
cusé, soit de la partie civile, et à quel degré ; il leur deman-
dera encore s'ils ne sont pas attachés au service de Tua ou de
l'autre, i»
Quelques magistrats ont pensé que cette interpellation dok
suivre le serment et non le précéder. Le texte et la raison de
la loi repoussent à la fois cet avis. L^art. 317, après avoir
prescrit l'interpellation , ajoute : « cela fait, les témoins dépo-
seront ; » et le même article dispose, daus un autre alinéa^
« qu'avant de déposer ils prêteront serment. » 11 suit de là
qu'ils doivent d'abord faire connaître leur individualité, et
ensuite prêter serment immédiatement avant de déposer.
U n'en petit d'ailleurs être autrement ; car, c'est avant de
prêter serment que le témoin doit faire connaître les causes
d'incapacité qui sont en lui ou les causes de dispense qui s'op-
posent à son témoignage, que les parties doivent annoncer si
elles y renoncent ou si elles s'y opposent, que la Cour d'as-
sises elle-même doit décider si, pour quelque motif légitme,
elle l'écarté du débat. Il est donc indispensable que son indi-
vidualité soit d'abord reconnue, aGn que toutes les réclama-
tiens puissent se produire. C'est pour n'avoir pas observé celte
marche logique que les Cours d'assises ont été amenées si
souvent à ce remède bizarre d'annuler un serment prêté et à
cette conséquence plus bizarre encore de séparer ce serment
des déclarations qui le suivent. On eût évité ces subtilités de
droit, que les jurés ne comprennent pas, en suivant ce qu'in-
diquent le bon sens et l'ordre rationnel de la matière : d'abord,
les noms et qualités du témoin, ensuite, s'il n'y a ni incapa-
cité ni opposition, son serment, puis enfiu sa déposition.
Au surplus, la jurisprudence a déclaré, d*une part, qu'il
importe peu que Tinterpellalion ait précédé ou suivi le scr^
ment, puisque c la déclaration des témoins sur les circons-
tances individuelles et la déposition sont deux choses dis-
AUDITION DIS TÉMOINS. § 638. 723
tincltt » qui ne doivent jamais être confondues' ; et, d'une
autre part, qu'il n^est pas Bécessaire, à peine de nullité, que
cette mierpellation soit consacrée par le procès-i-verbat des
débats*. B ne faut pas induire, toutefois, de cette dernière
solution, que cette forme soit inutile, puisque elle est le seul
moyen de reconnattre les témoins ; il faut en induire seule-
ment qu'il y a présomption qu'elle a été accomplie lorsque
aucune védamation ne s'est élevée.
S 638.
DroU des parties de renoncer à Taudition des lémoîns. — II. Droit
des parties de s*oppo6er à cetle audition. — III. Gomment il est
sutaé sur celte opposition. — IV. Les témoins à Tégard desquels
il n'y a ni renonciation ni opposition doivent être entendus avec
serment. — V. Excepiious. — YI. Dispenses de témoignage.
I. Lorsque les témoins appelés à déposer ont fait connaître
leurs noms et qualités, les parties ont la faculté, avant qu'ils
ne connaissent leur déposition, ou de renoncer à leur audi-
tion, ou de s'opposer à ce qu'ils soient entendus.
Il faut examiner ces deux facultés et les conséquences qui
sont attachées à leur exercice.
Les parties ont le droit de renoncer à l'audition des té-
moins qu'elles ont amenés. Ces témoins, en effet, d'après la
marche que les débats ont suivie, ont pu devenir inutiles :
c'était un moyen de preuve qu'elles se réservaient d'employer
au besoin et qu'elles reconnaissent superflu. De même quil
leur a appartenu de les produire, il leur appartient de les re-
tirer, pourvu que cette renonciation soit le résultat de leur
libre appréciation. La jurisprudence a sanctionné ce droit en
déclarant « qu'il n'est pas exact de prétendre que tout témoin
régulièrement assigné et notifié est irrévocablement acquis aux
débats et doit être entendu, puisqu'il est toujours loisible au
ministère public et à l'accusé de renoncer à l'audition d'un
i Cass. se avril 1838, rapp. M. Vincens-St-Laurenl. Bull. n. 111.
< Cass. 16 juill. 1818, rapp. M. Lcconiour. J. P., t. XIV, p. 9i7; 13 sv.
iSJl. rapp. M. Aumont. t. XVI, p. 6Î9; 29 juill. 1825, rapp. ^f. Oliivicr,
t. XIX, p. 740 j 10 ocl, 1828, rapp. M. OHiTlor, I. XXIf, p. 309.
724 DBS covns d^assmu.
(émoÎD dont la déposition leur parait superflue et de nature
à prolonger sans utilité les débats ^ »
Mais comme les témoins régulièrement produits sont, jus-
que-là, acquis aux débats, la renonciation de la partie qui les
a fait citer ne suffirait pas pour les écarter, il faut nécessaire-
ment Tacquiescement des deux parties, puisque la notification
les a fait entrer dans la cause et que leur déposition appar-
tient à rinstruction. Il a été jugé en conséquence c qu'il ne
suffit pas qu'à raudience le ministère public déclare renoncer
à Taudition d^un témoin pour qu'il soit dépouille p:ir cela seul
du caractère que lui confèrent les actes de la procédure *• »
Mais, lorsque le ministère public a formulé sa renonciation,
il suffit « que les accusés, par leur silence, y aient acquiescé »
pour que le témoin ait cessé de faire partie des débats^.
Il faut ensuite que la double renonciation du ministère pu-
blic et de Taccusé soit constatée dans le procès-terbal. Ainsi,
Tadhésion qu'aurait donnée le ministère public à ce qu'il fût
passé outre malgré Tabsence d'un témoin ne pourrait être
considérée comme une renonciation à Taudition de ce té-
moin. Ce point a été reconnu par un arrêt qui déclare « qoe
la qualité de témoin ne peut cesser que par quelqu'une des
causes qui rendent un individu incapable, o*aprcs la loi, de
prêter témoignage en justice ; que l'absence d*un témoin au
commencement de l'audience ne donne à la Cour d'assises que
le droit de prononcer contre lui les peines attachées à cette
absence^ en cas qu'il n'y ait pas d'excuse suffisante^ et celui
d'examiner si cette absence permet de passer outre aux dé-
bats, mais non celui de le dépouiller de la qualité qui lui aYaik
été imprimée ; que, à la Yéritc, le ministère public avait re-
noncé à son audition, et que la Cour d'assises a donné acte de
cette renonciation ; mais qu'il n'en a été donné d'autre motif
que celui tiré de ce que cette absence ne devait pas empêcher
de passer outre aux débats, et qu'ainsi il n'y avait pas d'in-
capacité en la personne du témoin 4. »
La jurisprudence a néanmoins admis dans quelques espèces
qu'il y avait présomption d'une renonciation^ lorsque le mi-
nistère public, après avoir fait citer et notifier un témoin,
* Cas8* 6 Dov. iSAO, rapp, M. Debaussy. Dali, ait 1, ISS.
■ Casa. 17 sept. i834* rapp.M. de Crouseiihes. J. P., f. XXVL
* Casa, 10 août 1838, rapp. M. Isaœbert. Bull, ii, 275.
* Casa. 17 moi 18A4i rnpp, M. IsambcrU Bull n. 173; et il sept. î^hi
cil<î «tfpr«.
AUDITION DES TÉMOINS* $ 63S. 725
n'avait pas placé son nom sur la liste ', lorsque le procès-
verbal ne mentionne aucunes conclusions, aucune réclama-
tion de la part de la défense pour que le témoin soit entendu
avec serment ', lorsque les parties déclarent ne pas insister
pour l'audition ou demandent qu'elle n'ait lieu qu'à tilre de
renseignemenls^.
La renonciation, lorsqu'elle est fondée sur une erreur de
fait, doit conserver son effet, car le sort de la procédure ne
peut dépendre de la vérité du motif qui l'a dictée. Mai§ doit-
' il en être ainsi lorsqu'elle est fondée sur une erreur de droit?
il y a eu rejet d'un pourvoi à Tappui duquel il était allégué
que l'alliance qui avait motivé la renonciation n'existait pas
aux yeux de la loi, « attendu que le ministère public avait re-
noncé à l'audition de ce témoin à raison de sa parenté avec
l'accusé ; que l'erreur de ce motif n'a pas vicié la renonciation
à laquelle l'accusé à tacitement acquiescé en ne demandant
pas le maintien de ccf témoin aux débats 4. » On pourrait peut-
être objecter contre cette solution que la renonciation, qui
n'est motivée que sur une raison de droit, est en quelque sorte
enchaînée par la loi ; que, si cette raison de droit est erronée»
le consentement n'existe pas, et qu'il appartient à la Cour
d'assises de l'apprécier dans ce cas; enfin qu'il est difficile de
considérer une fausse application de la loi comme une cause
légitime qui dépouille régulièrement le témoin de sa qualité.
Quel est l'effet d'une renonciation régulière? C'est que les
témoins n'appartiennent plus aux débats, c'est qu'ils déposent
leur qualité de témoin, c est qu'ils sont écartés de la cause,
c'est enfin que la citation qu'ils ont reçue, la notification et
l'inscription sur la liste de leurs noms sont considérées comme
non-avenues. 11 suit de là que rien ne s'oppose, dans cecas, à
ce que le président, en vertu du pouvoir qu'il tient de l'ar-
ticle 269, appelle et fasse entendre ces personnes à titre do
simples renseignements ; c'est un point que la jurisprudence a
souvent consacré ^. Mais, avant d'ordonner celte audition, il
importe que ce magistrat fasse constater dans le procès-ver-
bal la double renonciation du ministère public et de l'accusé,
*■ Cass. 33 août 1849^ rapp. M. Aug. Moreau. Bail. n. 220 ; 15juiii 1854,
notre rapport, 190.
* Cass. 32 jailL iSAS, rapp. M. Jacqulnot. Sir. 431, 688.
' CaM. 21 aoùll835, rapp. M. Fréteau. Bull. n. 325.
* Casa. 12déc 1846, rnpp. M. de Ricard. Ou!l. n. 3'?^
■ Ca». 10 aoûl 1838, 12 déc. I8i0,cilés uipra.
726 DES COUM D* ASSISES.
car il résulte de la même jurispradence « quetoat iémoin €ité
et dont le nom a été notifié par le ministère public ou fwr Tac-
cusé ap()art!ent au débat et ne peut être entendu que sous ia
foi du serment, si le ministère public et Taccnsé n'ont pas re-
noncé à son audition» et que, lorsqu'il ne ressort pas explici-
tement des énonciations du procès-yerbal que le ministère pu-
blic ait renoncé et que Taccusé ait acquiescé & cette renon«
ciation, il ne peut appartenir au pouvoir discrétionnaire de
dépouiller le témoin du caractère que lui avait imprimé la ci-
tation ^ ï> Cette nullité a été plusieurs fois consacrée '.
IL Les parties ont, en second lieu, le droit de s^opposer à
ce que les témoins produits aux débats soient entendus.
Ce droit d'opposition a été établi par la loi dans deux hy-
pothèses : lorsque le témoin est parent ou allié au degré pro-
hibé de l'accusé ou dénonciateur du èrime , et lorsaoe ses
noms et ijualités n'ont pas été notifiés vingt-quatre neures
au moins avant l'examen.
Nous avons examiné la première de ces hypothèses, qui fait
l'objet de l'art. 322, dans notre § 636 *. Il nous reste à parier
de la seconde.
Le dernier § de l'art. 315 dispose que « Taccusé et le pro-
cureur général pourront s'opposer 'k l'audition d'un témoin
qui n'aurait pas été indiqué ou qui n'aurait pas été clairement
désigné dans l'acte de notification. La Cour statuera de suite
sur cette opposition. x>
Cette opposition peut se formuler par des conclusion^ écrites
ou verbales et même par de simples observations. La loi n'a
prescrit aucune forme, et sa validité n'est subordonnée à ao^
cune condition extérieure.
Elle doit se manifester au moment où le témoin vient de
décliner ses noms et qualités. Il convient et il est utile que le
président interpelle à ce moment l'accusé s'il entend â'opposer
à Taudition du témoin. A la vérité, cette interpellation n'est
point prescrite par la loi^ et la Cour de cassation a dû le dé-
clarer lorsque des accusés se faisaient un grief de n'avoir pas
été mis en demeure de formuler leur opposition ♦ ; mais ce
* Cass. 3 fév.i855, rapp. M. Plougoolnr. Bail. n. 31»
* Cass. 17 sepu 183â, 17 mai 1844, cités suprd, et coaf. 23 Uf. 1654, np^
M. Jallou. Bull. n. 48; 4 nov. 1830, rapp. M. Isambort. J. P., u XXIII»
p. 814; 11 avril 1850, rapp. M. Aug. Moreau. Buli. n. 1Î3.
» Voy. suprà p.
* Cass. 11 déc. 1851, à noire rapp. BuU. ii. 51».
AUDITION DES TÉHOmS. § 637. 727
nVst pas un motif pour ne pas la faire , si elle parait néces-
saire pour qae l'accusé puisse exercer son droit.
Le droit d'opposition peut s^exercer, ainsi qu^on Pa déjà
vu % jusqu'au moment où le témoin commence sa déposition.
Le serment qu'il aurait prêté n'y fait auctm obstacle, puisqu'il
a été admis par la jurisprudence que dans ce cas Ils serment
pont être annulé*. Nous nous référons à ce que nous avons
déj&dità cet égards
L'opposition ne peut se fonder, lorsqu'elle s'exerce en vertu
de l'urt. 315, que sur l'omission ou les irrégularités de la
notification. Il n'appartient, en effet, ni au ministère public
ni à Taiccusé de mettre obstacle à l'audition des témoins idoines
respectivement produits par l'un ou par l'antre ; ils ne peuvent
que relever les irrégularités de la production.
Ces irrégularités doivent être relevées devant la Gbur d'as-
sises, au moment où le témoin va déposer, à peine de forclù*
sion. Il a été jtigé pat de nombreux arrêts, « qu'en cas d'fr-
régularités ou d'inexactitudes dans la liste des témoins notifiés,
Tart. 315 donne au mihistére public et è Taccusé, à titre de
drofit Unique, la faculté de s'opposer è l'audition de ceux de^
témoins sur lesquels porteraient ces inexactitudes ou ces irré-
gularités; et que lorsque l'accusé ne s'est point opposé à Tàtl*
dition de^dits témoins, il n^ pent se faire devant la Goui* de
cassation un grief de ces vices prétendus ^. »
Ainsi, l'accusé qui n'a pas usé du droit qn'il avait de s'op-
poser à Taudition des témoins irrégulièrement produits et dé
demander en eonsêqûehce le renvoi de l'affaire & une autre
session, n'est plus admis ultérieurement à Se prévaloir de ces
irrégularités : les témoins ainsi produits, dès qu'aucune ré-
clamation ne s'élève, sont réputés acquis aux débats ^.
Il n'appartient, au surplus, qu'à l'accusé et au ministère
public d'exercer le droit d'opposition consacré par Fart. 315 :
la partie civile^ i laquelle aucune notification de témoins n'est
• Voy, suprà, |p. 699.
« Voy. suprà, p. 699.
" Voy. suprdf p. 700.
^Gass. 24 déc. 1852, rapp. M. Nougaier. Bull. n. 417; et coDf. iSjulll.
1820, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVI, p. 32 ; 8 juill. 1836, rapp. M. Dc"
baussy. Bull. u. 224; SOscpU 1841» rapp. M. Meyronnet-St-Marc. Bull. n.
293; 22 jaov. 1848, même rapp. n. 20; 5 mars et 15 avril 1852, rapp. M.
de Glos, n. 80 et 125.
^ Gass. 29 avril 1819, rapp. M. Ollivicr. J. P., t. XV, t 2li ; 22 juiu
1820. rapp. M, Basschop, t. XY» p. 1068 ; 22 mars 1821, rapp. M. Clausel de
728 DES couHS d\ssises.
faile, n'a point à se plaindre des inei^aciiludes de celte noti*
(ication.
III. Lorsqu'une opposition a été déclarée, la Goor d'as*
sises est tenue d'y statuer.
II y a lieu de remarquer d'abord que c'est à la Cour, et
non au président, qu'il appartient de statuer. La loi le porte
en termes exprès, et la raison en est, d'une part, que l'oppo-
sition élève un incident contentieux pour la décision duquel
la Cour est exclusivement compétente, et d'une autre part,
qu'un témoin régulièrement cité et acquis À la cause ne peut
être écarté que par un arrêt ^ Il importe sous ce rapport de
distinguer les témoins qui ont eu eux-mêmes la capacité lé-
gale de déposer et ceux qui n'ont pas cette idonéité. Ces .
dernières^ comme par exemple, les parents et alliés au degré
prohibé, peuvent être, comme on l'a dit plus haut % dépouillés
de la qualité de témoin par la seule autorité du président,
parce qu'il ne fait en cela q&'appliquer la prohibition légale
et que cette application n'est susceptible d'aucune contestation.
Mais il n'en est plus ainsi à l'égard des témoins qui, n'étant
frappés d'aucune incapacité, sont acquis aux débats; ces té-
moins, même avec le consentement du ministère public et de
l'accusé, ne peuvent être rayés de la liste que par un arréi
formel de la Cour % car il ne s'agit plus de déclarer une inca-
pacité, mais de statuer sur une opposition, sur une réclama-
tion, sur un point contentieux, sur une application contro-
versée de la loi, et cette décision excède le pouvoir que le
président exerce pour la direction des débats *.
La Cour d'assises doit, en second lieu, statuer sur l'oppo-
sition. L'art. 315 trouve à cet égard sa sanction dans l'ar-
ticle 408, et il y aurait nullité s'il y avait omission ou refus
do st€^tuer.
Elle peut ou faire droit à l'opposition et ordonner, soit que
Coassergues t. XVI, p. 470 ; 29 juill. 1825, rapp. M. OUivier, XIX, 749:
43 janv. 1827, rapp M. de Bernard, i. XXI, |>. U95 ; 6 avril i8&8, rapp. M.
Lcgagneur, n. 104 ; i5 ocl. 1847, rapp. M. àureiineâ, u. 258 ; 23 sepU 1843»
rapp. M. AfeyroDDet-Sl-Marc n. 247.
* Gass. 30 juin 1831, rapp. M. Dupaly. J. P , t. XXIII, p. 1702; 30 jojo
188", rapp. RI. Rocher. Bull. n. 195.
* Voy. suprd p, 470.
" Cass. 12 janv. 1837, rapp. M. Meyronnel-Sl-Marc. Bull. n. 15; 25 fc».
185'!, rapp. M. Jallon, n. 48.
* Cass. î?2 iiiailSoO, rapp. M. Rocher. Bull. u. 198.
AUDITION PES TÉMOINS, f 638. 729
le témoin sera écarté des débats , soit que rafTaire sera ren-
voyée à une autre session ; ou la rejeter, en déclarant que
les irrégularités relevées n'existaient pas en fait ou ne sont
pas de nature à apporter obstacle à Texamen du témoin, et
ordonner qu'il sera passé outre à son audition.
Cette décision peut-elle être attaquée devant la Gourde cas-
sation? Nous avons déjà dit^ que» lorsque la Cour d'assises
se borne à apprécier des irrégularités de fait, cette apprécia-
tion est à l'abri de la censure * ; mais qu'il en est autrement
si la décision a pour effet de priver l'accusation ou la défense
d'un droit qui leur est reconnu par la loi. Supposons» par
exemple, que l'opposition fût fondée sur ce que le témoin ne
serait pas porté sur la liste notifiée et que , nonobstant cette
opposition , la Cour eût ordonné son audition avec serment :
il y aurait évidemment violation des dispositions de Tari. 315
ot l'arrêt devrait être annulé ^. C'est vainement qu'on objcc-
Icrait-dans ce cas qu'il a été statué sur l'opposition et quainsi
il a été satisfait à la disposition de l'art. 408 ; car, ainsi que
le déclare formellement un arrêt, ^ il ne s'ensuit pas que
toutes les fois qu'il aura été statué sur les demandes ou les
réquisitions, il ne pourra y avoir lieu à prononcer l'annulation,
c|uelle que puisse être la décision intervenue ; que l'art. 408,
qui garantit au ministère public et aux accusés que leurs de-
mandes en réquisitions ne seront pas négligées , ne déclare
point irréfragables les décisions rendues sur ces demandes et
réquisitions^. » Donc, toutes les fois que l'opposition est fon-
dée sur le texte de la loi et que le fait allégué à l'appui , loin
d'être détruit par l'arrêt de la Cour d'assises, y trouve sa cons-
tatation, les parties peuvent se faire un grief du rejet de cette
opposition et le faire valoir devant la Cour de cassation.
lY. Lorsque, au contraire, il n'y a pas d'opposition, les té-
moins, qu'ils aient ou non été notifiés et quelles que soient
les irrégularités de leur production, doivent nécessairement
l'être entendus avec serment. Cette règle, sévèrement, mainte-
nue par la jurisprudence, ne l'a été néanmoins qu'à travers
f.les difficultés que nous devons examiner.
* V07. mprd, p. 586.
^ CaM. ih juin 1838, rapp. M. Debaussy. Bull. n. 168; et les arr. des li
ré V. 1813 et 8 nov. 181â, cités suprà, p. 546.
' Casa. 15 mars 1810, rapp. M. BeiiYenuUi. J. P., t. VIII, p. 171.
^ Cass. 12 avril 1827, rapp. M. Gaillard. J. P., I. XXI, 3'|6.
730 M8 COVtS D*i
Gei diffieultés ont «a deux tonroei : ks irrégiriarifés rela-
ity«B Ml mode ée prontction des ténoîns , et les irrégularités
reiatives a« méde de leur audition. Les Cours d'asnses araient
pensé qu*il leur appattenait de relever d^oSce eês irrégula-
rités^ lorsque les parties gardaient le «lenoe à cet ègn^ , et
4l*en déduire des conséquenoes légales relativement à la qua-
lité des témotïis. Cette prétention a été condamnée ^r Ton et
Tautre point , mais par des motife différents.
Les irrégularités relatives Ho mode de production des té-
moiliSs lorsqu'elles n'ont donné lieu à aucune rédaoïalioii de
la part des paKies, sont considérées comme non avenues. Les
formes de lé notificatipn, en effet, n*ont été établies 4|ue dans
rintérét des parties et pour les mettre à même d'exercer le
droit de s'opposer à Taudition des témoins reprocbables ou
de constater leurs déclarations. Dès lors, si elles ne se- plai-
gnent pas de Tomission de ces formes, il y a lieu de présumer
que cette ooMssion ne leur a causé aucun préjudice. Le prin-
cipe général est donc t que les témoins assignés, soit i la re-
quête du ministère public, soit à celle de raccu»&, et compris
ser la liste notifiée en conformité de Tart. 815, ne peovent
être dispensés de prêter le serment prescrit par Tart. 317;
qu'ils ne comparaissent point à l'audience en vertu du pou-
voir discrétionnaire» mais en vertu de la citation qui leur u été
donnée, et qu'ils né peuvent être dépouillés de la qualité de
témoins appelés comme élément lègA de Tinstraetion ^ . »
Il impoirte peu que les témoins aient été lardivemetot no-
tifiés ; car k toute significàtiên tardive de teui% noms et do-
micile è l'accusé ne leur ôte pas la qualité de témoius ordi-
oaires» et n'a d'autre résoilat, d'après l'art. 315> (|«m de
donner à l'accusé le droit de s'opposer à leur audition ; d'où il
suit que lorsque Taccusé n'a pas usé de cette faculté, il doit
être passé outre à l'audilt'on de ces témoins*, to
Il importe peu qu'ils n'aient pas été du tout notîHlis ; c car
le défaut de toute notification de leurs noms, soit aut Accttsfe,
soit au mtnfstèra public , ne leur retire pas la qualité de lé-
moins ordinaires > mais donne seulérni^nt te droit & celle
des deux parties qui n'a pas reçu cette notiSealion de s'op-
poser à l'audition de ces témoins; d'où il suit que, lorsque^
' Cass. 2 mars 1848, rapp. fl£. Bareones. Bull. n. ji9; lia?ri] 1^50^ ns,
M. Aug.Moreau. A. iS3; lA janv. i843« rapp M. Jaotioniot. n. 7.
* Cass. i avril 1837, rapp. M, Meyronoet-St-Marc. Bail. n. 99.
ACDiTiOM Dss TÉionw | 638. 731
fioit l« iHKM^èère pvMte, soit tes éredttséft) ti^usent |>8S éé cette
Tacirilé, il doit être passé x)iiths è ('«'editioli de <^es témoins^
d\aprés les règles ^N-dinaires pf«'!Kîrili&s pfft l'art. 317 *. »
Il importe pea que hi notifieation soit entaekée d'irrëg^a^
laritéset d'inexaclitades; car « l'an. 316, en Mtribtttiiit soit
au ministère pabKc, soit à Taccusé, le droit de s'opposer è
Faudition d'un témoin qui n'aurait pas été indiqué, ou qui
n'aurait pas été elairement désigné, maintient virtuellement
le caractère légal de témoins à ceux qm sont entendus sans
opposition *.
Il itoiporte peu enfin que les témoins aient été tardive«-
ment cités, car il faut répéter encore « que la circonstance,
que la citation et la notification auraient eu lieu le jour
inétne do rouverture des débats ne donnerait qu'uu droit aux
parties, celui de s'opposer à leur audition *. »
Ainsi tous les témoins cités, qu'ils soient ou non notifiés^
que la notification soit ou non régulière, que là citation ait
été donnée avant ou depuis l'ouverture des débats» doivent
être entendus avec serment, lorsque les parties n'ont déelâM
ni s'opposer, ni renoncer à leur témoignage. Telle «st la règle
constamment maintenue nar la jurisprudence. On pourrait y
objecter peut-être que le g 3 de l'art 315 ne permet de por-
ter sur la liste que les témoins dont les noms ont été notifiés,
et que le g fc du même article n'ouvre le droit d'opposition
qu'à raison des irrégularités de cette notification ; d'où ta
conséquence que les témoins qui n'ont pas été seulement irré-
gulièrement notifiés, mais qui ne l'ont pas été du toVit^ u6
devraient pas être considérés eomme «cquis aux débafô. \A
réponse est d'abord dans le texte même dû ^ i de l'art. 915',
qui appU^e le droit d'opposition, non^seulemetit nu tcas où
^ Gas& il janv. 1851, rapp. M. Meyronnct-St-Sîurc. %u\), 'n. ÏS ; cl oônf,
cass. 16 sept. 4830, rapp. M. Ollivicr. J. P., t. XXIII, 79S ; U DAaï^ 1833,
lapp. M. Rocher, t. XXV, 266; 8 fév. 1835, rapi^.M» ViiioeB»â-i<attr««iti
BuU. D. ÂH; 13 mai 1836, rapp. M. Mérilliou, n, iM; %i juilL 136, rapp.
M. M. Voisin de Gartempe, n. S35 ; 7 joiti 1839,M.Meyronnet-St-Marc, ii.
182 ; 15 juin. 1842, rapp. M. lacqoinqt, n. 178; h (loût 1S4S, taf^, Itf.
Meyronnet-St-Marc, I1..198; 5 jauyier 1844, rapp. M» Barennesb «• S; tS
fûv. i854t rapp* M. JailoD, n.4S, 9 janvieV- 4851, rapp. M. V. Fouclier^ u,
12 ; 4 Janvier 1856, rapp. M. Vabse, n 6; 1^'déc 1856, rap)). M. Lascoux.
n. 398 ; 36 déc ISSd, rapp. M. Lçgagttear, tt. 401, SI déc lSS7i ra{)t>.nP.
Legagnear, n, 419. .
* Cass. 5 mars 1852, rapp. M. de Glos. Bull. n. 80. - .. .
3 Cass. 3 aoÛLt 1854, rapp. fA. Nougufer. Bull. n. 247 ; et conf. 8 novemb.
1836,rapp.H. Gilbert de Yoysins» D.258; et 4 ni&rs 18589rBpp.M.de Glos u.80.
733 DES COURS d'assises.
le témoin n'aurait pas été clairement désigné dans Facto de
notification, mais encore à celui où il n'y aurait même été
indiqué. Or, si Tomission d'un témoin» sur la liste nolifiée
ouvre, à l'égard de ce témoin, le droit d'opposition, il en
doit être nécessairement ainsi, si la notification de tous les
témoins a été omise. Ensuite» pourquoi des témoins, réguliè-
rement cités» seraient-ils dépouillés de leur qualité par cela
seul qu'ils n*ont pas été notlGés? On comprend que la loi,
dont lesystéme est parfaitement rationnel» ait ouvert danser
cas aux part' es le droit d'opposition : dés qu'elles n'ont pas
été mises à même de préparer leurs objections contre le té-
moignage, elles doivent avoir la faculté de Técarter ; l'oppo-
sition est la conséquence du défaut de notification et a pour
objet d'effacer le tort qui peut en résulter. Mais si cette op-
position ne se produit pas, si les parties n'éprouvent aocaa
grief de la production irréguliére des témoins, par quel mo*
tif leur qualité leur serait-elle enlevée? Ils tiennent cette
qualité de la citation, c'est-à-dire du droit qui appartient
aux parties de les produire, et si la notification peut être
une condition de leur audition, elle n'en est pas une du titre
même de témoin ; d'où il suit que si le témoin est entendu,
quoique la condition n'ait pas été remplie, et sans que la par-
tie à qui la notification n'a pas été faite ait réclamé» il dc
peut être entendu qu'avec la qualité que la citation ouTa-
vertissement lui a donnée, et qu'il ne peut perdre que par
l'opposition de la renonciation des parties, et par l'application
des causes légales d'incapacité. Cette interprétation est con-
forme d'ailleurs au principe que nous avons rappelé et qui est
de maintenir entre les mains des parties la facile production de
tous les moyens de preuve, et par conséquent des témoi-
gnages, et de conserver à ces témoignages les garanties qui
peuvent seules assurer leur crédibilité.
Nous arrivons maintenant aux irrégularités qui tiennent au
mode même de l'audition.
Il a été successivement reconnu par la jurisprudence que
la Cour d'assises ne peut» à peine de nullité, écarter un té-
moin de sa qualité et le dépouiller de sa qualité :
Parce qu'il n'aurait pas été présent à l'appel des témoins
fait au commencement de l'audience ; car a la qualité de té-
moin ne peut cesser dans sa personne que par quelqu'une
des causes qui rendent un individu incapable, d'après la loi ,
de prôter témoignage en justice ; que son absence de la pre-
AUUITI0.1 DES TÉMoms. f 638. 733
rnière audience ne peut autoriser la Cour d'assises à ordonner
^a radiation de la liste des témoins, puisque aucune loi n'at-
lacbe à cette absence, qui peut n'être que momentanée, Tef-
fcl d'opérer une incapacité personnelle et définitive; qu'ainsi
cette absence ne donnait h la Cour d'assises que le droit de
prononcer contre le témoin Tibscnt les peines attachées k son
absence, en cas qu'il n^eût pas d'excuses suffisantes ; et, en
outre, le droit de passer outre aux débats, si le témoignage
(le l'absent ne paraissait pas indispensable '. »
Parce qu'il n'aurait pas été porteur, au moment où il a
comparu, de la copie de la citation; car t cotte circonstance
ne lui ôtait pas la qualité de témoin *• »
Parce que, absent au moment de Tappel de son nom » sa
déposition écrite mirait clé lue aux débals ; car « la lecture
que, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, le président
avait fait donner à la première audience , ne pouvait mettre
obstacle à ce que ce témoin, lors de sa comparution subsé-
quente aux débats, ne fit sa déposition devant la Cour d'as-
sises en cette qualité, et par conséquent sous la Toi du ser-
ment^. »
Parce que le témoin aurait assi>ic h la déposition des
t^'moins qui le précédaient; car « cette circonstance n'empè-
chnit pas qu'un témoin acquis au procès par une citation et
lire notification officielle ne pût être entendu avec serment,
à peine d'infraction à la disposition de l'art, 317, prescrite à
peine de nullité *. »
Dans ces nouvelles hypothèses, comme dans celles qui ont
été mentionnées plus haut, la Cour d'assises avait excédé son
pouvoir en écartant arbitrairement les témoins que les parties
avaient produits. Elle ne peut les écarter, il faut le répéter,
que lorsqu'ils se trouvent sous le coup de Tune des causes lé-
gales qui peuvent mettre obstacle à ce qu'ils soient entendus
à titre de témoins : ces causes sont, d'une part, ainsi qu'on
* Cass, 25 fév. 1836, rapp. M. Mérilhou. Dull. n. 59; cl conf. 17 sept-
I83â,rapp. M. Brlère. J. P., t. XXVI. p. 841; 17 sept. 4836, rapp. M.
^bauvcau-Logarde. Bu1I,tî. 302 ; 30 juin 1837, rapp. M. Rocher, n. 195;
\ n mai 16:U, rapp. M. Isamberf, n. 173 ; 11 avril 1850, n. i23.
• Cas». 6 sept. 1838, rapp. M. Vincens-Sl-Laurcnt. Bull. n. 301.
» cfass. 22 avril 1841, rapp. M. Meyronnel-St-Marc. Dali. 41, 1, 8CJ . 29
lars 4832, rapp. M. Rives. J. P., I. XXIV, p. 905.
* Cass. 4 nov, 1830, rapp. M. Isambert. J. P., t. XXHI, 8!4; 22 mai
335, rapp. M. Rocher BuU. u. 198 ; arr. coalr. 13 avril 1821, rapp. M. Au-
ront. J. P„ t. XXI, p. 529.
7H . M» Qo«ia fc'AflMffis.
Ta vu» Idft ÎDcaiMiMtés, les probibition&et les ineompatifailHés
q.ili enlèvent aux témouas leur droit de porter téimîgDftge ,
et, di'ujike a^tce part, la renoaciatioa des parties os leur op-
positioD, da^a les cas où eUe est admise. Hors de ces cas ,
c'est-à-dire si les témoins produits sout idoines et s'ib ne
sont l'objet d'aucu»e réclamation fondée» ni d'aucune leoon-
ciatioa, ils doWe«t être entendus en leur qualité, à peiae de
nullité de la procédure*
IV. La règle générale ainsi posée, il convient de noter
les cas oà la jurisprudence, sans s'en écarter formellement,
ne Ta pas rigoureusement appliquée, et les exceptions qui,
dans quelques circonstances, lui ont été apportées.
II n*y a point de nullité lorsque la Cour d'assises, aTant
de clore les débats, a réparé l'erreur qu'elle avait commise,
en entendant régulièrement le témoin qu'elle avait d'abord
irrégulièrement dépouillé de sa qualité» lors môme qu'à la
suite de la première décision, son audition a eu lieu à titre
de renseignements. Le pourvoi formé dans cette espèce a été
rejeté, « attendu que l'erreur par suite de laquelle le témoin
a été affranchi de la prestation du serment a été réparée par
l'accomplissement régulier de cette formalité ; qu^on ne sau-
rait considérer la déclaration faite parle témoin , en vertu du
pouvoir discrétionnaire, comme ayant mis obstacle à la li-
berté de sa déposition-; qu'admettfo une semblable supposi-
tion serait présumer le mensonge, et qu'on en peut induire
de l'absence d'une garantie de la loi une contradiction éven*
tuelle entre la déclaration dénuée de cette garantie et la dé-
position postérieurement faite avec prestation de serments »
Nous avons déjà vu que la jurisprudence a admis que toutes
les nullités qui sont réparables peuvent être utilement répa-
rées avant le jugement \
Il n'y a point de nullité lorsque le témoin entendu par
forme de renseignements, en vertu du pouvoir discrétion-
naire, après avoir été dépouillé de la qualité do témoin, a
néanmoins irrégulièrement prêté serment. La jurisprudence
« Cass, 9 mal 183S. J. P., U XXV, p. 460.
' Voy. «tfprà, p. 582 et 693; et conf.Ga8S» U avrîl iSSS, lapp. K* Voisiii
de Gartempe, Bu11.d. 128; 17 avril 18M| rapSk M« Dehaïuty.. m US; 5 vm
et 9 juil]« 1854. Bull, n«* 135 et 234.
AVDlTIOtt M» TÉ1I0JM8. § 638. 7)5
est arrAtée sur ce pokit^; dou» ne pomWM que non» ré^
férer aux observainns qoa ivuis atoiis d^ faites à cet
égards
li n'y a p^int de EuUilé lotaqae le Mmohfi, assigné k (a
Tcquôte d'uae personne qui D*a fiaf qualité i eet effet, n^a
été enteoilii qu'à tîtte de renseignements seulement Ainsi,
par ej^emplii» ai un témoiii a éléoité par un procureur impé-^
rial autre que eelui qui rea^rfît les fonctions àe ministère pu-
blic préa k Cour d'assises, el <^tt'il n'ait été compris ni dans
la Urte des témoina notifiés ni dainâ ceHe des témoins produits
à l*audàenc6, la Cour d'assises, et sHI ne s^élèYe aucune ré-
clanatioii, le président peut, puisque la quaKté de témoin
ne lui est pas acquise, ordonner qu'il ne déposera pas avec
prœtation de serment 3.
H n'y a pas de nullité si les témoins, régulièrement dé*
pouillés de leur qualité par la Cour d^ assises, sont ensuite
appelés par le pouvoir discrétionnaire et entendus sous forme
de simples renseignements. Nous avons établi cette règle en
définissant les attributions du pouvoir discrétionnaire^.
Enfin, il n'y a pas de nullité si les témoins écartés n'a-
vaient été ni cités ni compris dans les listes respectivement
notifiées, ou si des circonstances du procès il est résulté la
présomption que les parties avaient renoncé à leur audition.
Ainsi, plusieurs pourvois, fondés sur Tauditinn i titre de
renseignements de témoins produits par les parties, ont été
rejetés: 1^« Parce que le ministère public aToit demandé
lui-même que trois témoins cités tardivement à sa requête
ne fussent pas entendus avec prestation de serment, sur le
motif que leurs noms n'avaient pas été compris sur la liste
notifiée à Taccusé, et que celui-ci n'avait fait aucune obser-
vation " V ; 2* « Parce qu'il y avait lieu de présumer que la
citation tardive donnée à la requête du ministère public ne
l'avait été que pour assurer reiécution d'une mesure du
* Cass, h fév. 1819, rapp. M. Gaillard. J. P., l., XV, p. 58 ; il mars cl
30 avril 1841, rapp. MM. Bressoa et Meyronnel-St-Marc. Bull. d«>' ôU et
422; 9 fén 1843» rapp. M. Jacquinot, n. 29; 11 jauv..l851, à noire rapp.
11* 21 ; 19 janv. 1855, rapp. M. Séoécat, n. 16.
■ Voy. iuprd, p. 472.
" Cass. 21 jan?.1843. rapp. M. Jacquinot. Bull. n. 19.
* Voy. iuprà p. 457 et p. 702.
ft Cass. 21 aoQt 1835, rapp. M.Fréteau, BuU. n. 325; 6 féT. 1S40, rapp.
M. VinceDS-St-Laureut» n. 4S; 34 avril 1840, rapp. M. Romi^^uièreJ»
n. iiS.
730 DES C0D18 D\9SI8Bt.
pouvoir dlserétionnaire' x>; 3* « Parcequll y avait lieu d'in-
duire de ce que le ministère public n'avait pas porté le nom
des témoins sur la liste produite par lui aux débats qu*il
avait renoncé à son aoditioD^et qu'aucune conclusion n*a été
prise dans Tintérèt de Taccusé pour qu*il fui entendu avec
prestation de serment * » ; 4* « Farce que si le témoin avait
été cité à la requête de Taccosé, cette circonstance ignorée
du ministère public et du président, et qui n'avait été révé-
lée par aucune notification ni même par aucune indkatioo,
ne pouvait faire obstacle à Paudition de ce témoin en vertn
du pouvoir discrétionnaire * » ; 5* « Parce qu'il était cods-
taté que le président avait annoncé l'intention d'entendre,
en verlu de son pouvoir et sans prestation de serment, deux
témoins assignés à la requête du ministère public et dont les
noms n'avaient pas été notifiés, et que le ministère public et
les accusés ont déclaré ne point s'y opposer 4. »
Tous ces arrêts, d'où l'on pourrait peut-être induire que
les régies les mieux établies fléchissent quelquefois, se sou-
tiennent cependant à raison des circonstances particulières de
chaque espèce. Il ne faut pas en effet en faire découler,
comme une conséquence générale, que les témoins ou tardi-
vement cités ou non notifiés, peuvent être arbitrairemeot
éloignés du témoignage ; nous avons démontré que la cita*
tion tardive ou le défaut de notification ne dépouillait nul-
lement les témoins de leur qualité. Tout ce qui peut en
résulter, c'est que le défaut soit de citation en temps
utile, soit de notification, peut faire présumer que les par-
ties, en négligeant ces formes, ont renoncé à l'audition
des témoins : il est nécessaire alors qu'ils soient en quelque
sorte revendiqués par une réclamation expresse ; à défaut de
cette réclamation, la présomption est confirmée. Celte juris-
prudence, un peu flexible, ouvre sans doute la porte à quel-
ques applications abusives du pouvoir discrétionnaire à l'é-
gard des témoins tardivement cités, mais, au fond, elle do
s'écarte pas des régies qui ont été posées.
y. Enfin, il y a^dcs témoins qui, bien qu aucune incapa'
* Cass. 20 avril 1853, rapp. M. Jallon. Bull. n. 140.
2 Cass. 45 juin 1854, à notre rapp. BuU. n,i9a.
* Cass. 19 janv. 1855, rapp. M. Séneca. Bull. n. iO.
* Cass. 26 déc d856, rapp. M. Lcgagncur. Bull, lu 607 | 18 déc 185^
ropp. M. Lascoiix, n. 398.
Atjvman veé témhm. f 639. 737
méj Aucane probibifîon, aucune incompatibilité ne fos
frappe, bien que leurs nonjs aient été notifiés et qu'ils soient
acquis aux débats^ peuvent être dispensés de témoigner k
raison de la profession ou du ministère qu'ils exercent : ce
sont les médecins, chirurgiens et sages-femmes, les ministres
du culte catholique, les avoués et les notaires.
Nous avons examiné ailleurs la raison de cette dispense,
les cas dans lesquels elle peut être appliquée et la forme de
son application \ Nous n'avons rien à ajouter sur ce point.
S 039.
I. Serment des témoins. — > 11. Refus de prestation de serment. —
111. Formate du serment. --* IV. Sa constatation. — V. Les sourds*
muets ne sachant pas écrire. — Vi. Esceptions en ce qui conoeme
les ^mineurs de quinze ans. — VI i. Les membres des sectes reli-
gieases qui n'admettent pas le serment.
I. Les témoins, appelés dansTordre qui vient d'être établi,
sont tenus, après avoir décliné leurs noms et qualités et avant
de commencer leur déposition, de prêter serment.
L'art. 347 déclare impérativement que, « avant de dépo-
ser, ils prêteront, à peine de nullité, le serment. .. »
Cette solennité du serment, que nous retrouvons h tons les
âges de la législation*, a été regardée dans tous les temps
comme le lien le plus puissant dos actions humaines : Nullum
frinculum, dit Gicéron, ad adsiringendam fidem jurejurando
majores artius êsse voluemnl *. Le serment, on effet, qui
ost prêté qtuisi Deo teste , engage la foi de celui qui le prête
et donne à son témoignage la plus haute sanction qui puisse
accompagner la parole de Phomme ; il impose en outre au
témoin une sorte de fonction publique , en lui indiquant la
nature du devoir qu'il va remplir et rinfluence que sa dépo-
sition peut exercer sur le jugement; enfin, il attache à cette
déposition une responsabilité pénale^qu'une déclaration non
assermentée n'emporte pas. Nous ne pensons pas néanmoins
que le serment, quelque important qu'il nous semble, soit la
source exclusive de la foi accordée au témoignage et nous ne
répéterons pas la maxime que quelques docteurs avaient pui-
* Voy. iioU« t V, p. 857et 56S.
^Vof. notrv 1. 1, p. S5, S78 et 081.
" Cie» De ofidls, lib. III, L XXXI. Voy. sur ce point Groiias, iif . If, cbap,
JLIUi Paflèulort iiv, IV, cb. II.
vwu 47
738 BKg COCBS D*A8BISKS.
sèe dans quelques textes de la loi romaiue >« nontr0diiwr
injuralis; c*est le témoin, nous Tavons déjà dit 2, et non la
forme du témoignage qui commande la confiance , tesiilm^
fiùn testimoniU crediturum ^ ; mais le serment exerce une
notable influence : il contient» d'une part, les témoins, en les
rendan^t plus réfléchis et plus réservés dans leurs déclarations ;
il dispose, d'une autre part, les juges à accorder une plus
grande attention aux déposition^; il établit une présooiptioD
de leur sincérité, il porte à y ajouter foi, ut honestioritm
potius tesiibus fides adhibeaturK
Cette formalité est, au reste» d'ordre public; elle est pre^
crite dans Tintérêt de la justice pour éprouver et forti&r la
preuve qui se forme devant elle. 11 n^est donc point au poa-
Toir des parties d'y renoncer et de délier du serment les té-
moins qu'elles produisent. Elles peuvent renoncer à l'auditioD
des témoins eux-mêmes, s'ils leur semblent inutiles, elles
peuvent s'y opposer, s'ils sont reproehables ou s'ils ont été
irrégulièrement notifiés; mais elles ne peuvent les faire en-
tendre qu'avec les formes prescrites par la loi. C'est là une
règle qui a été puisée dans notre ancienne jurisprudence : les
témoins ne pouvaient dans aucun cas» sauf les cas de reproche
ou d'incapacité» être dispensés du serment, suivant la maxime^
necessUaiem lex imponit, non voluntaiem permitlit^. La loi
n'accorde qu'au président, agissant dans Texercice de soo
pouvoir discrétionnaire, le droit de faire entendre des témoios
à titre de simples renseignements; ce 'pouvoir n'appartient
point aux parties^
La jurisprudence a dû prononcer» en conséquence, Tanno-
lation de toutes les procédures dans lesquelles des témoins
idoines et capables, régulièrement produits par les parties,
avaient été entendus sans prestation de serment. Les motifs
de ces arrêts sont « que Tart. 817 est général et absolu, et
que tout témoin doit êh'e entendu avec serment, à moins que
la Cour d'assises n'ait décidé pour une cause quelconque que
k témoin ne serait pas entendu, sauf toutefois la réserve faite
^ li. 8.et 18» Cod. De Testibus.
• Voy, suprà, p. A74, *
"L. SDig. DeTestibus.
^JU4)Dig.De Teftiiboi.
^ Jl^^^J^/^^ 4u«»t, 71, n, SQet suiv. s P h, BçffBicrf owt fwki «d^
AUDITION BIS nUioufs. { 639* 739
«ia préi|id(9nt^ d'entendre ce témoin en vertu de son pouvoir
discrétionnaire et par forme derenseignements S »
serment, soit de dé-
355 qui porte,
I témoin qui ne 'compa-
raîtra pas ou qui refusera soit cle prèler serment^ soit de faire
sa déposition, sera condamné à la peine portée par l'art. 80. d
Cette peine est une amende qui ne peut excéder cent francs.
Cette mesure est légitime. ).e témoignage constitue k la
fois Paccomplissement d^un devoir civique, puisque tout ci-
tôvien ^oit concourir^ autant qu'il le p§ut, au bien général de
l'pltat. et l'accomplissement d'un devoir -naturel^ puisqu'on
taisant )a vérité, le témoin d'un fait quelconque peut contri-
buer à la lésion d'un droit. La loi a donc le droit d'exiger
<]u*il fiasse connaître à la justice ce qu'ij a vu et entendu. Elle
peut l'exiger dans l'intérêt de l'Etat qui veut la répression
des crimes, et dans l'intérêt de la justice qui ne peut les ré-
primer si la preuve n'en est pas administrée.
Les téipoins ne peuvent s'exempter de cette obligation sous
le prétexte qu'il pourrait en résulter pour eux quelque pré-
judice, car les devoirs doivent être accomplis lors même qu'ils
ne peuvent l'être qu'avec quelque péril. Ils ne peuvent s'en
exempter en se fondant sur une opinion morale ou religieuse
qui condamnerait les serments, car le culte du témoin peut
seulement, comme on le verra tout à l'heure, modifier, non
)a teneur» mais W forme du. serment. Enfin, ils ne peuvent
s'en exempter ep alléguant une convention ou une promesse
qu'ils auraient faite de taire la vérité, car une telle conven-
tion, évidemment illicite, pe peut produire aucun lien *.
Ce dernier point a été consapré dans une espèce où un ma-
gistrat, après avoir dénoncé un complot contre les lois de
l'Etat, refusait d'en fournir la preuve, parce qu'il se préten-
dait lié par un serment. La Cour de cassation a déclaré a qu'un
serment prêté volontairement, hors la nécessité de fonctions
civiles ou religieuses, ne peut être un motif légitime de re-
fuser a la justice les févèlaiions qu'elle requiert dans l'intérêt
^ Caas. 80 juin 1831, rapp. M. Dupaty. J. P., t. IXOl^ p. 1762; 191.
1841, rapp. M. Heyronnet-St-Marc, Bull. o. 48; 27 joili* I84t^ rapp. tf.
XsaÎDbert,n.210.
^ Grotitts, loc, du S 19 } Puffendorf, S ^i G et 7.
Ï40 DtS OOVtfl D'AMIfC9.
de la société ; que le refus du sieur Madier de Montjan de ré-
pondre a donc été une infraction à la loi et une désobéissance
à la justice '. >
Cette contrainte était établie par la loi romaine : Conslt/u-
iio jubet unumquemque cogi teslimonium perhibere de hi$
qucB novit cum sacramenti prçBstatione '. Elle l'était égale-
ment dans notre ancienne législation : « Si le témoin refuse
de prêter serment, dit Jousse, on peut Ty contraindre par les
mêmes voies qu'il peut être contraint de comparoir en jus-
tice *• Quand il refuse de déposer, et qu'il allègue des raisons
de son refus, le juge qui fait l'instruction doit en dresser
procès-verbal, et cela forme un incident qui doit être com-
muniqué au procureur du roi, et porté ensuite en la cham-
bre du conseil pour y être décidé. S^'l est jugé que le refus
du témoin n'est pas fondé et qu'il doive déposer, on lui signi-
fie ce jugement avec nouvelle assignation, et s'il fait défaut,
ou qu'il comparaisse en persistant dans son refus, on peut le
contraindre de déposer par amende ou per emprisonnement^.»
La seule peine qui puisse être appliquée aujourd'hui est
une amende qui ne peut eicéder cent francs et qui peut être
graduée en raison de la validité des motifs allégués par le té-
moin : aucune contrainte ne peut être employée en dehors de
celte peine. Il est inutile d'ajouter qu'elle ne doit être appli-
quée qu'autant que le témoin ne se trouve, par ses fonctions
civiles ou religieuses, dans un des cas de dispense qui ont été
énumérés plus haut ^.
La jurisprudence n'a pas toujours exactement apprécié les
caractères du refus de serment. Dans la poursuite dirigée
contre les adeptes du saint-simonisme, un témoin avait, avant
de prêter serment, demandé l'autorisation de l'un des préve-
nus. La Cour d'assises décida qu'il ne serait pas entenda,
« attendu que le serment est un acte libre, qui doit ânaner
de la volonté seule et spontanée de celui qui le prête; que le
témoin n'a déclaré être prêt à prêter serment qu'autant qu^il
serait autorisé par Tun des prévenus qu'il nomme le père;
«Cass. ch. réuiu 80 noT.';i820, rapp. M. ZaogiaoomL 1. P.,UXVi;
p. 209.
' JubUnian. L. 16 Cod. de TesUbos ; et nov. 90, capw Y.
* Ord. 1670, Ut V], arL 6 portant amende sur le premier délkat et m*
prifoonementaur le scoond.
«1te.Il, PL SI.
» Vojr. nprét p. 7aa,
AimiTlOM DES TÉMOIRS. g ^39, 741
qu'uD pareil serment» soumis à la volonté de celui qui est in-
téressé dans la cause , ne peut inspirer aucune conGance à la
justice, et que ce n'est pas là Tacte soifs la foi duquel les dé-
positions méritent la confiance que la loi y attache. » Et le
pourvoi a été rejeté, «attendu que le témoin, en subordonnant
ainsi à Tautorité de Pun des prévenus, sur sa propre déter-
mination, Taccomplissement de la formalité qui pouvait seule
attacher à sa déposition la confiance de la justice, avait cessé
de conserver, dans toute leur plénitude, l'indépendance et
la liberté qu*un témoin doit apporter devant elle ^ »
Cet arrêt donne lieu à plusieurs observations. D'abord» et
Tarrèt le reconnaît, i) n'y avait pas dans Tespèce le refus que
l'art. 355 a prévu, car cet article n'a été ni invoqué ni appli-
qué. 11 ne s'agissait pas d'un refus formel, mais d'un refus
en quelque sorte conditionnel , et la Cour d'assises n'a pas
/ consenti à vérifier l'accomplissement de la condition. Le té-
moin n'a donc pas été puni , mais simplement écarté. Cette
mesure était-elle régulière? On a confondu, en premier lieu,
la spontanéité du serment et sa liberté. Il doit être librement
prêté, en ce sens qu'il doit être, autant qu'il est permis de le
constater, l'expression de la volonté du témoin. Mais comment
serait-il spontané puisqu'il n'est prêté que par l'ordre de la
justice et que l'obligation en est imposée avec une sanction
pénale? Le serment cesse-t-il d'être l'expression de la volonté
du témoin, parce qu'il demande pour le prêter l'assentiment
d'un tiers? C'est là qu'est la question ; or, la volonté cesse-t-elle
d'être libre parce qu'elle consulte une autre volonté? subit-
elle en cela une oppression qui l'annihile? L'acte qu'elle ac-
complira, après cet assentiment reçu, sera-til accompli sous
l'empire d'une violence ou d'une contrainte? îTa-t-on pas ici
encore confondu une influence qui était visible et une con-
trainte qui n'existait pas? Non-seulement l'influence n'était
pas niée , elle était publiquement avouée ; mais est-ce que
l'influence qu'un accusé exerce sur les témoins qu'il produit
aux débats est une cause légale d'exclusion? Est-ce que les
dépositions des témoins suspects, quand la suspicion n'est pas
formellement écrite dans la loi , comme en ce qui concerne
les parents au degré prohibé et les dénonciateurs, ne doivent
pas être régulièrement reçues, lorsqu'elles émanent de té-
moins idoines et capables? La jurisprudence n'a-t-elle pas
i GtM. 15 déc, ISIt, rtpp, M. Rires. J. P., t. XXIY, p. i05>*
742 DB8 COURS D*ÀStlfl(IS.
admis le térooigpiage soit des parties civiles^ soit des témoins
qui avaient subi des influences eitèrieùres, en déclarant (^u'il
suffisait que le jury fût averti des circonstances qui pouvaiéDt
diminuer Tautorité du témoin? ï)ans l'espèce, il n'y avait ni
refus de serment ni preuve d'une contrainte susceptible de le
vicier; il n'y avait qu'une influencé hautement proctamèe; il
en résultait une suspicion qui pouvait infirmer le témoignage,
mais qui ne pouvait écarter le témoin.
Ht. La formule du serment est^ aux termes de Tart. 317.
a de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité
et rien que la vérité, o
Cette formule est la plus complète que notre l^islation ait
adoptée. Nous avons reproduit ailleurs celle de la jurispru-
dence romaine ' et celle de notre ancienne jurisprudence '. La
loi du 16-29 septembre 1791, & laquelle Part. 317 a emprunté
ses termes, avait inutilement ajouté, au milieu de la formule,
ces mots : « de dire la vérité. » L'art. 330 du Code du 3 bru-
maire an iv avait reproduit les mêmes termes, en substituant
seulement le mot a promettre » aux mots a prêter serment s
Cette formule est sacramentelle : il est indispensable qu^au-
cun de ses termes ne soit omis dans le serment, car la loi a
prescrit à peine de nullité la formule qu'elle a tracée, et To-
mission de la moindre de ses expressions enlèverait quelque
chose de l'étendue ou de l'énergie du serment. Aucun mot
équivalent, quel qu'il soit, n^est même admissible, car une
fois entrée dans cette voie, la pratique ne s'arrêterait plus,
et il importe de maintenir, dans toute sa plénitude et dans
toute sa netteté, Tobllgation qui est impose aux témoins.
Cette règle, qu'une laborieuse jurisprudence est parvenue i
garder intacte, a donné lieu, au milieu de nombreux arrêts
3ui n'ont que peu d'intérêt, à quelques décisions (|u'ii est utile
e rappeler.
Il faut noter d'abord que quelques cours d^assises, après la
mise en activité du Code» avaient cru pouvoir cotltinuer,
cpmme sous le Code du 3 briunaire an iv, d'exiger dès témoins
la simple jprome^se de parler saus haine et sans crainte, etc.
Les procéduresi entachées de cette irrégularité otit iia être
cassées^ a attendu que les témoins entendus aux débats h'oht
»Voy. UI, p. 85.
« Voy. t. 1, p. 681,
AVDmoif ras nlKOuii. S ^^* 743
fait qa'une simple promesse ; qu'ils n^ont pas fait cette pro-
messe sous la foi da serment ; qo'ils n^ont donc pas donné à
leurs dépositions la garantie de sincérité que la loi exige à
peine de nullité ^ » Ettoutefois^ il a été admis que si le pro-;
cés-yerbal constate que les témoins ont fait « la promesse
exigée par Tart. 317» » il y aurait a une présomption légale
que cette prqmesse a été faite sous la religion du serment *• »
)l faut constater ensuite que la jurisprudence a succe^ive-
ment rejeté les formules suivantes :
Pes témoins avaient juré « de dire la vérité » au lieu « de
dire toute la vérité. » La cassation a été prononcée « attendu
que la formule employée n'est point celle que la loi a près-
ente à peine de nullité; que les expressions la viriti ont
beaucoup moins de force que. celles-ci : toute la vèriti; qu'il
peut arriver, en efiet, que des témoins, par des motifs quel-
conques, tout en déposant des faits vrais en eux-mêmes, ne
déclarent pas cependant tous les faits yrais qui sont à leur
connaissance, et que, par cette réticence coupable, ils troih*
pent la surveillance de la loi et la garantie qu'elle a voulu
donner, soit à Tordre social dans Tadministration de la justice,
^ soit aux accusés ^. »
D'autres témoins avaient omis les mots « sansbaine et sans
crainte. » L'annulation a été prononcée, a attendu que la
formule du serment est sacramentelle et que son omission, en
tout ou en partie,. vicie d'une manière radicale la procédure
et les débats *. » '
D'autres témoins avaient seulement omis les mots t sans
haine. » L'annulation a encore été prononcée, « attendu
qu'on doit tenir pour sacramentelle chacune des expressions
4lont doit se composer le serment *:v>'
D'autres témoins enfin avaient omis, soit les mots « rien
« Cass. & juin iSlS» rapp. M. Vantoalon. J. P., tpC, p. 4Ai t et sMift te
déc iSiit rapp. M« LiboMl, !• IXt ^ 799 1 id JaoT. 1812, npp. M« 4a<fler-
M anilloni I* X« p. 41«
aCass. 2 juil. 1813, rapp. Bf. Anmont J. P., t X« p. 58t.
" Cass. 29 mai iSid, rapp. M. Gbasle. J. P.* t. XI, p. 494 1 8 ttv. 1814«
t. XII» p. 75 ; 16 juio 18U, t. XII, p. 267 $ 8 oct. 1814« t. XII, p. 427 ; 27
janf. 1815» U XII, p. 5ÔS ; 12 sepL 1816, r. XIII, p. d34 ; 18 mai 1821, t.
XVI, p. 617; 8 avril 1824, t. XVIII, p. 818 ; 14 sept. 1848. Bull. n. 241 ;
31 sept 1848, n. 245; Iféf. 1849, d. 22;13 éept.1849,11. 238;.etc
* Cass. 10 juU. 1851, rapp. M. de GIds. Bull. n. 27&; et coDf.29 sepU
1842, rapp. M. Bresson, d. 250; 80 jaill. 1847, rapp. M. Rocher, b. 168.
* Gass. 8 juin. 1856, rapp. M. Nougtiier. BuU. n. 238*1
744 »M «OVJIf D*A8tlBll.
que la vérité, » soit les mots « toote la vérité, » et le même
molif a dicté la nnéme annulation '.
lY. Il ne suffit même pas que les témoins aient prêté le
serment légaU il faut que le procès-verbal des débats consiste
l'accomplissement de cette formalité. L'art. 373» en effet, a
voulu qu'il fût dressé par le greffier un procès-verbal de la
séance à l'effet de constater que les formalités prescrites ont
été observées. Il suit nécessairement de \k que les formalités,
dont il n'a pas été fait dans ce procès-verbal une mention
expresse, sont présumées de droit avoir é(é omises.
Il y a donc nullité : 1^ si le procès -verbal ne bit
nulle mention du serment des témoins ; ' 2* s'il n'en lait
nulle mention» lors même qu'ils auraient des causes de dis-
pense» si ces causes ne sont pas énoncées *; 3^ s'il y a eu
omission d'un ou de plusieurs mots dans la formule transcrite
dans le procès-verbal, car l'omission d'une ou de deux lettres
serait insignifiante ^ : par exemple, s^il y a eu omission des
mots sans haine '^y ou des mots sans haine et sans crainte,
bien que le procès- verbal eût ajouté que « les témoins ont
rempli les formalités prescrites par Tart. 317 ^, » ou da
mots rien que la viriti ? ; 4* si le procès-verbal se borne à
constater que « les témoins ont déposé après serment ; a car
le Gode contient plusieurs formules de serment ; il faut donc
indiquer celle qui a été employée* ; ou s'il déclare seulement
« que les témoins ontétéappeléset ont fait leurdéclaxation*,i
i Cass» 2S juin. ISia, rapp. M. Lamarque. J. P., i. XI« p. S7$; 16 arrit
iSSi, rapp. M. Gaillard, U XVJ, p. 567; 9 juill. 1840, rapp.ll. MeyronHI-
St-Marc. Bull. n. 197; 18 avril 18&9, rapp. M. Legagneur, m 80; S aoAt
1850, rapp. M. de Boiasieuz. n. 249, 13 afrii 1818» rapp. 11. Inaibot,
n* 147.
< Can. 17 sept 1818, rapp. M. Busschop. J. P., U XIV, p. 1019; 7/a«r.
1819, même lapp. t XY, p. 17 ; 17déc. 1845, rapp. M. Breason, BolL b
886; 8 arril 1847, rapp» M. Brière-Valignj, n. 740.
* Gasi. 81 mai 1827, rapp M. Brière J. P., U XXI, p. 488.
* Cass. 18 avril 1840, rapp. M. IsamberU Bull. n. 116.
" Cass. 8 fér. 1814, rapp. M. Yantoulou. J. P., t XIII, n, 75; M ja«f.
1827^ rapp. M. Gaillard, t. XXI, p. 89.
* Cass. 8 juill. 1852, à notre rapp. bull. n. 231.
' Casa. 8 fév. 1858, rapp. If. lalbn. Bull. n. 42.
* Cass. 11 man 1841, rapp. IL bambert. BalL n. 58.
* Cass. 8 joiD 1854, rapp. M. Rives. Bull. a. 186.
AimmoM' uu TÉKOutt. s <^39. 745
ou même « qu'ils ont prêté le serment Toula ptria loi'.»
Mais il suffit que le procès-verbal déclare que les témoins
ont prêté « le serment prescrit par Tart. 317 ^^ » ou qu'ils
ont prêté serment « dans les termes prescrits par rart.
317 ', » ou même « que les témoins ont prêté serment et
rempli les formalités prescrites par Fart. 317 ; » car, si cette
formule est incorrecte, il en résulte néanmoins la preuve du
serment *. Il suffit également qu'il soit constaté par une seule
éoonciation que c tous les témoins entendus ont piété le ser-
ment dans les termes prescrits par l'art. 317 ; » car la men-
tion du nom de chaque témoin après le serment n'ajouterait
rien à la validité de la constatation ^.
Lorsqu'une affaire s'est prolongée pendant plusieurs
séances, il est indispensable que le procès-verbal <de chaque
séance fasse mention expresse du serment des témoins qui y
ont été entendus ; car, c si te procès-verbal d'une séance ul-
térieure peut servir de supplément au procès-verbal d'une
séance précédente et constater l'observation d'une formalité
antérieurement remplie et qu'on aurait omis de constater en
temps et lieu, il est impossible que les énonciations contenues
dans le procài-verbal d'une séance antérieure puissent servir
i constater les formalités observées dans les séances suivantes
et que ces procès-verbaux n'auraient pas constatées, puisque,
d*une part, on n'a pu remédier d'avance à une omission qui
n'existait pas encore, et que, de l'autre, on n'a pas pu con-
stater la veille l'observation d'une formalité qui, en admet-
tant qu'elle eût été accomplie, n'a pu l'être que le lende-
main ^. » Ainsi, la mention de la prestation du serment des
témoins entendus dans la première séance ne peut s'étendre
aux témoins entendus dans les séances suivantes 7, *
' Cats. Sjanf.iSM, rapp. M. V.Foacher. Bull. n. iS; 15 lept. iS64*
rapp. M. Aylio» n. 2S2; 15 a?rU 1882. rapp. 11. Brière J. P., t XVJII,
p. 017.
9 GasB. 17 ocU 1832» rapp. M. de Ricard. J. P., t XXfV» p. 1515 ; SI mti
1S89, rapp. M. Isambert Bull. n. 168.
* Casa. 17 fér. 18A9, rapp. M. Meyronnet-St-Bf arc Bull. n. AO.
^ Casa. 28 juio 1856, à notre rapp. Bail. o. 228.
* Cai. 28 mars 1827, rapp. M. Mangin. J. P., t. XXI, p. 287 i 16 aepL
«881, rapp. If. OUifier, U XXIV, p. 245; 11 JoUI. 1889, rapp. M. Isambcrt.
Bail. n. 221.
* Caaa. 11 déc. 1824, rapp. de Bernard. J. P., U XVIII, p. 121L
^ Ca». 18 ami 1812, rapp. If. Ghasie. J. P., U X, p. 812 ; 1 août 1816,
rapp. M. RuUnd, t XIII, p. 575; 20 wpt. 1821, rapp. M. Bailly, t. XVI,
p. 902 ; 17 déc 1845, rapp. If. Brenon BolL n. 866.
74C fiM flOUU D*AlBlfllt«
Il faut décider également que la mention da aerment des
témoidB entendus dans la deuxième $éance ne saurait enve-
lopper les témoins entendus la veille ; car chaque séance vent
un procès-verbal séparé dont les constatations né peuTeat
s'appliquer qu'aux formalités qui s^y accomplissent ^ Il faut
cependant excepter le cas où le second procès-verbal se rëlS-
Ferait formellement au premier. Ainsi, si le procès-verbal de
la deuxième séance mentionne, après avoir rehté celui de la
veille, « que les autres témoins ont été entendus sous la fc»
du serment et sous Tobservation des formalités ci-dessos
énoncées, » on doit reconnaître c que cette déclaration con-
state clairement et explicitement que les dispositrons de ces
témoins ont étc recueillies dans la même forme et avec les
mêmes solennités que celles des témoins entendus le premier
jour des débats \ » Mais il ne sufiQrait pas de déclarer que les
témoins non encore entendus c ont été introduits, comme il
est dit plus haut, et ont déposé '; » car cette mention est
muette sur la formalité du serment.
L'art. 817 s'applique aux témoins produits par Taccnsé
comme à ceux produits par le ministère public ^. Le serment de
ees témoins doit donc être constaté dans les mêmes termes et
avec la même rigueur ^. La question s'est élevée dans une
espèce de savoir s*ii suffisait que le procès-verbal eût dit : « les
témoins de justification ont été entendus exactement de la même
manière que les témoins a charge. » La difficulté venait de
ce que les constatations par relation à une autrq n'offrent pas
en général un degré sultisant de certitude. Il a été jugé que,
bien que ces sortes de formules soient irrégulières, elles doi-
vent suffire néanmoins quand elles ne font naître auctia doate,
et le pourvoi a été rejeté ^.11 suffirait, à plus forte raison, que
le procès-verbal eût constaté « que, relativement aux témoins
à décharge, les formalités de l'art. 317 ont été remplies ?. »
* Casa. 8 Janr. iSiS, rapp, M. ÂumoQL J. P., t X» p. 8 ; Si mal iSlS,'
ititaferapp. UX, p. 4iS; 8S juill. i8i2,L X, p. 606; iS sept iSlS, tX,
p. 72i;» jiiîU. iSid» raiip. M. Oadart, t. XI, p. 53 j ; 8 fér. iSU, rapp* ■•
Vkntfoulba, t. Xll, p. 75; 16 marà 1815, rdpp. M. Busschop, U XH» p. 657;
15 mars 1622, rapp. M. Basire, U XViU, p. Idl .
' CaMi 16 dèc,.'i852, rapp. M. Aiig. Moreau. ButU D. 607.
' Cass. 5 juilU 164^, rapp. NL de Bojssieux. BulU n. 146^
* Cass. ^ oct. I8l7, ràpp. M. Leboulour. J. P. t. XIV, p. 474.
^ Gass. 12 jdia 1812, rapp. fit. ÂUmoDt. Jj P., L X, p. 464; 18 cet 1826,
rapp. M. OUivier, U X^ p. ^85 ; 1 av. 1658, ra^p. M. Rives. BuU. d. 114.
* Gas^ 5 Juin 1856, rapp. M. V.FoucIfer, dod imprimé.
7 MerliD, Rèp., f« Serment. S 9i n. ;! ; Jousse, U 2, p. 91,
AVBinoii DIS TiHOiM. } 699. 747
y. En général, la fornie en «ennent consiste à dire, en
levant la main droite, je jure de faire ou de dire telle ckoae '•
L'art. 312 a expressément maintenu cette forme relativement
aux jurés; mais ce n'est point là une forme substantielle, et
dans une espèce où d'ailleurs le témoin était estropié, il a été
reconhu « qu'aucune disposition de l'art. 817 n'ei^ige qu'en
prêtant le serment prescrit^ le témoin lève la main droite; que
si d'autres textes et TUsage opt attaché quelque solennité à
cet acte de la part de celui appelé à prêter un serment, on peut
d'autant moins induire de son omission un moyen de nullité
que, dans Tespèce, le témoin était privé de son bras droit \ »
Le président prononce la formule du serment, et chaque
témoin doit repondre « je le jure. » Cependant une simple af-
firmation suffirait s'il était auihentiquement constaté « que
la formule vous jurez se trouvait dans Tinterpellation faite à
chacun des témoins par le président et que la réponse des té-
moins reproduisait implicitement la formule sacramentelle'. »
Si les témoins ne parlent pas la langue française ou s'ils
sont sourds-muets, ils prêtent serment par l'organe de Fin*
terprète ou de la personne qui a le plus d'habitude de camer
avec eux, et après que la formule leur a été traduite *. Nous
avons expliqué les dispositions relatives à l'assistance des in-
terprètes *•
Les règles qui précèdent, quoique généralemeiit absolues,
. admetteiit cependant dans leur application quelques restric-
tions qu'il importe de noter.
Bt d'abord lorsqu'un témoin est appelé plusieurs fois dans
le cours d'un même débat à prendre la parole pour expliquer
oa pour compléter ses premières déclilratiôns, il n'est pas né-
cessaire qu'il renouvelle chaque fois le serment qu'il a prêté
avant de commencer sa déposition : ce serment s'étend à toute
cette dépositioD, et, par conséquent, à toutes les déclarations
ou réponses qu'il est appelé à faire, et qui n'en sont que la
suite et la continuation. Il a été jugé dans ce sens « que le
serment s'applique à toutes les parties des déclarations faites
pendant le cours des débats» et qu'il n'existe aucune disposi-
tion de loi qui impose au président Tobligation d'en prévenir
* Gass. 6 sept 1889, npp* M. Rocher. Bail. n. S98.
* Gass. 8 ocU 1840, rapp. M. Romiguières. Bull. n. 199.
» Gass: 2 sept t85f • ivpp. M. IsdtiibiBrt: Bail. D4 807.
* Gass. ik sept i84S/rapp. M. Meyronnet-St-Marc. Bull. D« Ht»
* Voy. «t.|irà, p. 628 et suJt,
74S DM QOVftg D'AMMIi.
les Mmoinf à chaqoe nouvelle interpellation ^ n Ainsi, les té^
moins qui ont été chargés, après avoir déposé, d'une exper-
tise et qui viennent donner ensuite à Taudience de nouvelles
explications, peuvent les fournir sous la foi du serment qui les
liait *; mais à la condition toutefois qu'ils auront,donné ces
explications comme témoins, et non pour rendre compte de
la mission qui leur a été confiée '.
y. La loi a admis ensuite une exception en ce qui cod-
cerne les mineurs de quinze ans. L^art. 79 , qui n^a fait, comme
on Ta déjà vu ^, que reproduire sinon les termes, du moins le
sens de l'art. 5 du tit YI de Tord, de 1670, porte que c les
mineurs de Fun et de Tautre sexe, au-dessous de Tàge de
quinze ans» pourront être entendus par forme de déclaration
et sans prestation de serment. »
Cette disposition, quoique placée au chapitre de rînstni&-
tion écrite, s'applique également aux débats, car le degré de
certitude que peut fournir le témoignage des enfants ne peut
donner lieu à deux régies différentes. La Cour de caasatioo,
qui avait d'abord hésité à faire cette application ^, en a fait
une règle générale par un arrêt des chambres réunies qui dé-
clare a que si la disposition de Tart. 317 est générale, elleesl
néanmoins subordonnée dans son exécution au principe eoii-
sacré par Kart. 79, qui s'applique à Taudition des témoiiis
dans les débats, comme à celle qui a lieu dans la première
instruction , et que, d'après ledit art 79 , les enfants de moins de
quinze ans ne doivent être entendus que par forme de décla-
ration, sans prestation de serment, et pour donner à la justice
de simples renseignements^. »
Mais cette exception, ainsi que l'indiquent les termes de
Tart 79j est purement facultative. Il appartient au prési-
dent , d'après le degré de discernement qu'il suppose à Ten-
fant y de le soumettre à la prestation de serment ou de l'en
* Cass. 10 jaofier lS5i, rapp. M. de Glos. Bail. n. 17.
* Gass. 17 janv. 1851, rapp. M. JacquinoU BalL ■• S7«
' Casi« si août 1835, rapp» M. Fréteau. BiiU. n. 825.
«Voy. L V,p. 508.
* Gass. 7 féf. et A Jnio 1812, rapp» MM. RaUod et Aonioot. j; P.» t X,
p. 105et44S*
* Gass. ch. réun., 8 déc. 1813, rapp. M. Aamont J. P., U X, p, SS7; <
oct. 1857, rapp. M. Caussin de Peroefai. Bttil.o. 855.
AfrMTHni ras HÉmtm, f (K39, 749
affraDcbir : cVst une conséquence du pouvoir de direction
des débats que la loi lui a donné. Il a Âé jugé dans ce sens
« que cette eiception, d'après ses termes mêmes, loin d*è(rc
impérative et absolue y est purement facultative ; que la loi
s*eD remet entièrement à cet égard à la prudence et à la dis-
crétion du magistrat qui , selon Tige plus ou moins avancé de
l'enbnt et son degré dMntelligence y de discernement et d'é-
ducation y lui fera prêter serment ou l'en dispensera, sans que
jamais et dans aucun cas, la prestation comme le défaut de
prestation du serment» puisse donner ouverture à cassa-
tion'. » Il ne peut doncy avoir de nullité que lorsque Ten-
fant , entendu sans prestation de serment, avait» au moment
de sa déposition, plus de quinze ans accomplis ; car Fart. 79 ne
s'applique qu'aux enfants au-dessous de cet âge*. Mais suffit-
il , pour que cette nullité soit encourue, que l'âge de plus de
quinze ans du témoin soit établi postérieurement aux débats ?
Oui , si son acte de naissance est joint aux pièces de la procé--
dure ou si lesénonciationsoontenuesdanscespiècesmettaientla
Cour d'assises à même de vérifier l'âge ; car alors l'audition sans
serment a eu lieu au mépris de faits qu'elle a pu constater *.
Ii(on, si aucune pièce de la procédure au moment des débats ne
désignait l'âge réel du témoin, et si, lorsqu'il a déclaré être âgé
de moins de quinze ans, cette déclaration n'a été l'objet d'au-
cune contestation ou réclamation , soit de la part de Taccusé»
soit de la part du ministère public» car lorsque la Cour d'assises
n'a été mise en situation ni de vérifier l'âge du témoin » ni de
statuer sur une contestation relative à cet âge, la Cour de cassa-
tion , en présence d'une déclaration précise et non contestée
sur l'âge du témoin» ne peut relever aucune violation de la loi *.
Le président doit*il » lorsqu'un enfant est entendu sans pres-
tation de serment » avertir le jury que sa déposition n'a que
la valeur d'un simple renseignement? Il le doit sans aucun
àoute» car son devoir est d'éclairer le jury sur la valeur des
* Cass. 8 mars i888, tvpp. M. Meyronnet-St-Marc J. P., à sa dalé| el conC
3 îaiiT. iSiS, rapp. M. OUivier, J. P., U XIV, p 558; 27 avril 1SS7, rapp.
M. Brière UXXI, p. 8S7| 46 jailL 1885, rapp. II^Meyronnet-SUMarc, Bull,
n. JOJ; 6 ocl. 484J, mêmerapp. lU 360.
* Cass. 48 mai 1848, rapp. M. Brière-Valigny. Bail. n. 150.
* Casa. 15 nov. 1888, rapp. M. ChauTeau-Lagarde. J. P., U XX?» p. 941;
S6 déc 1851, rapp. M. Aug. Moreau. Bull. n. 589 ; 8 dèc 1853, lapp. IC*
Ajliee.n. 886; 9 aoùtl855, rapp. M. Plougoalm» o. 383.
« Cass. 3 sept. 1843» rapp. Bl. Bresson. ButL ii. 339 ; 19 fér. 1807, rapp
M. ialloii. n. 70.
7SN) DB8 CODIB d'aS^IW.
preuves qui lont produites défaut lui K Mail il ue rétultmit
aucaae nullité de ee que cet ayerUiseineut ne aérait pai re-
laté dang le proeès-^yerbal , « attendu qu'aucun artiele da
Gode n'oblige ce magistrat à donner cet ayertittement et qoe
par le seul (ait qa^un enfant est entendu en témoignage sus
prestation de serment, le jury est saflisaminent averti qu'il ne
doit pas ajouter à la déposition de cet enjfant le même deffé
de confianee *• a Ge dernier motif , qui s^appliquerait atw
bleu à toutes les déelarations entendues sans serment, ya m-
deHineqt trèp loin » car il faudrait déclarer dans tous 1^ cis
inutiles tous les ayertissements qui sont donnés à cet égard ta
YIL Une Mitre exception, admise par la jurisp rodence, est
fondée suf le principe de la liberté des cultes. U a été reoomia
« que )a garantie du serment ne peut être refusée à la justice,
i moins que les principes du culte religieux des témotK oe
s'y opposait K »
Cbaque témoin doit être admis & prêter serment soiyantlt
forme établie par la religion qu'il professe ^ car loi imposer
une Ibrme que sa conscience repousse serait d'une part on
acte d'oppression, et d'une autre part lui demander un gage
peu solide de sa foi. Cette règle, que la loi romaine aTik
déjà posée ^, est donc à la fois un corollaire des principes de
la liberté des cultes et un corollaire du principe qui yeut un
serment sérieux et qui lie la conscience du témoin. Elle a été
consacrée par la jurisprudence qui a déclaré « que le sermeot
étant un acte religieux doit être prêté suivant le rite partice-
lier au culte de chaque témoin ^. »
U en résulte que les témoins qui professent une autre ré-
gion peuvent demander à être admis au serment suiyant le
rite prescrit par leur culte. Ge point a été consacré par ]do-
sieurs arrêts en ce qui concerne le serment prêté moreju-
daïco ^, U a été consacré en ce qui concerne le culte mabo-
Ôuste par un arrêt qui porte ; « que les divonstanees que le
* Cass. n déc iSAO, ^p. M. Dehaus«y. BulLn. 363.
»Cas8. i5«frill8M, rapp.M. Meyronnet-St-Marc. BuU. su 97,
A ^^} ^^'i* *®*2, rapp. M. Aumont. J. P., UX, p. 285,
• Wp. 1'. 5, S 1 et 3, Dig. De jurejurando,
Çass, 12 juUl. 1810. De?, et Car. Coll. nouv. IH, p. 212; etoôoit Ver-
?iT I%Ï,^™^°^.S*' "••^ ; Legraverend, 1. 1, p. 274 ; Garnol. Inst. a^
ti II, p* 342; Bourguignon, U I, p. 183.
•CMfca4décm2.j.p,,t,x,p,s305i8ia, uxi,p,i4«.
AUDITION DBS iTÉHOUIS. { 639. 751
serment a été prêté par le témoin la main posée sur le Coran,
dans la forme usitée chez les mahométans et par devant Tâs*
sesseur musulman, -sont des circonstances purement acces-
soires aux yeui de la loi française; qu'elles ne peuvent altérer
la régularité intrinsèque du serment prêté dans la fornàOy daiis
le lieu et devant les magistrats que la loi détermine '. » Il 9
été encore consacré en ce qui concerne les quakers, par un
arrêt rendu en matière civile qui porte : « que la liberté des
cultes est garantie par les lois du royaume à tous ceux qui ha-
bitent son territoire; qu'il est universellement reconnu que
la religion reconnue sous le nom de quakérisme interdit â ses
sectateurs de jurer au nom de Dieu, et ne leur permet pas do
prêter d'autres serments que d'affirmer en leur âme et con-
science; qu'il est reconnu que le témoin est un sectateur çi^
cette religion ; d'où résulte que l'arrêt attaqué en décidant
que l'affirmation prêtée par ce témoin était un véritable ser-
ment, n'a pu violer les articles du Gode civi), qui n'a pas pres-
crit de formes particulières pour cet acte religieux '. »
Mais, si les témoins qui professent un autre culte ont le
droit de prêter serment suivant les rites de leur culte, faut^il
en conclure que ces témoins ne peuvent prêter un autre ser-
ment que celui-là, et qu'ils ne pourraient prêter le serment
ordinaire ? Cette question, fort débattue en matière civile^, n'a
soulevé que de faibles objections en matière criminelle, et il
a été reconnu par plusieurs arrêts : « que tous M Français
sont égaux devant la loi, et qu'où ne peut» sans violer la
liberté de conscience garantie par la loi, imposer à personne
une formule de serment autre que celle établie par la loi ;
que la formule de ce serment qui consiste à jurer, de parler
sans haiae... et qui s'identifie avec celui de l'article 312, est
faite. en présence de la Divinité, et que la violation de ce ser-
ment constitue un parjure puni parle Code pénal ; qu'elle lie
donc la conscience des Français professant le culte israélite
co mme celle de ceux qui professent les autres cultes légale-
ment établis, et que, dans Tçspéce, le témoin, en refusant de
s'expliquer sur son culte et en prêtant volontairement le ser-
ment de l'article 317, à l'exclusion du serment morejudaïco.
* GttBS. i6 iév. 1888, ra|ip. M. Iférilbocu rapp. a. 42*
* Cass, 28 mars iSiO. h P., L VIU» p. 2i3U
' Touiller, t. X, n. di2 et suIt.; DuraDloD, L XIU, A» {>jtô« Favard dl
LangUide» Vt S^nuent judiciaire, aeit» 9| S 1» n* 29»
7i(S ht$ COURS 9*At8Ut».
a usé de son Jroit et a satisbit aux prescriptions Jk fa fol '. >
Ainsi, la procédure est régulière soit que le témoin ait
suivi les formes et les rites particuliers à son culte, soit qu'il
ait suivi les formes prescrites par le Gode. Dans le premier
cas, le principe de la liberté des cultes exige que le témoia
soit libre de suivre les pratiques de sa religion ; dans le second
la justice est satisfaite puisque la loi a été exactement appli*
quée, et il serait d*ailleurs contraire encore à la liberté de
conscience de scruter les opinions religieuses d'un témoin
pour lui imposer telle ou telle forme de serment Ce que
Yeut la loi, c*est une garantie plus forte de la vérité des dé-
positions que celle que pourrait offrir une simple affirmation ;
or, elle trouve cette garantie soit dans les formes qu'elle a
Erescrites pour tous les citoyens sans exception, soit dans les
)rmes spéciales que quelques sectes religieuses emploient
Il est seulement nécessaire, lorsque les formes sont appliquées,
de constater que le témoin qui s^en est servi appartenait aa
culte qui les a adoptées; car c'est ce fait qui constitue toale
la légitimité des serments spéciaux.
S 640.
h Forme delà déposition, — II. Les témoins déposent séparément.—
III. Oralement. — IV. Sans interruption. — '^ V. Autres règles de
cette ma^e.
I. Les témoins, aussitôt après qu'ils ont prêté serment,
commencent leur déposition.
Cette déposition est soumise à plusieurs règles, dont qnel*
ques-unes ont déjà été indiquées, et qu'on doit rappeler ici.
H. L'art. 317 dispose, en premier lieu» que « les témoins
déposeront séparément Tun de Tautre. » C'est là une précao-
tion qui a pour objet d'empêcher que les dépositions soKnt
influencées les unes par les autres et de conserrer à chacune
son caractère propre et sa spontanéité.
Ce n'est point là toutefois une forme essentielle de la pro-
cédure, et la Cour de cassation a dû rejeter les pourvois qoi
s'élajeot fondés sur l'instruction de cette forme « attendu que
* Cais. iSnov. iS47, npp» If. Isamberl. Bull. n. 278 ; et emtL tf Mi
182S, rapfi. M. de Bernard. J. P. , t. XX» i», 488 ; 10 JoBI. iSlS» ran, M. Ite-
fiii.UXXII,p.84.
ADDITION DU TÉMOINS. § 640. 753
Part. 317 ne prescrit à peine de nullité que la prestation de
serment des témoins, et que cette peine n'est pas attachée à
la disposition ordonnant d'entendie les témoins séparément
Tun de Tautre '» . La loi n^a pas dû, en effet, prononcer do
nullité dans ce cas^ parce qu'une règle absolue eût pu devenir
une entrave à la découverte de la vérité; elle en a conRé
Tapplication à la prudence de la Cour d'assises. Il n'est donc
pas interdit d'entendre deux ou plusieurs témoins simultané-
ment, lorsque les circonstances paraissent Texigcr; * etd'ai'-
leurs la règle qui Veut qu^ils soient entendus séparément ne
se. rapporte qu'à leur déposition ; car nous verrons tout à
rbcure que l'art. 326 autorise expressément, sur la demande
des parties, cette audition simultanée, mais seulement après
l'audition individuelle.
Cependant les parties pourraient puiser dans Fart. 317 le
droit de réclamer, si Paudition simultanée n'était pas motivée
par les circonstances ou si elle leur semblait porter préjudice
aux intérêts de la justice; et il devrait être statué sur cette
rcclamalion '•
111. L'art. 317 dispose, en second lieu, que « les témoins
déposeront oralement. »
Nous avons déjà examiné cette règle en exposant les for-
mes générales de la procédure des assises ^, et nous avons
également mentionné les exceptions qui lui ont été apportées
cil faveur de certains fonctionnaires ^ et des militaires en acti-
vité de service *. .
lY . L'art. 319 dispose, en troisième lieu, que « le témoin
ne pourra être interrompu. » Toute interruption, en effet,
peut troubler l'ordre des idées du témoin et gêner la sponta-
néité de sa déposition. Il est libre de faire ses déclarations
comme il l'entend et son droit doit être protégé. Le président
ne doit donc permettre, aucune interpellation avant que la
* Cass. 16 avri!1818, rapp. M.OUivier. J. P., t. XIV, 0. 756 ; 19 août 1819,
rapp. M. Giiaud, t. XV, p, 501 ; 3 avril et 29 mai iB40, rapp. M. Mérilliou
CL AI. Ddiaussy. Jouro. cr. t. XHI, p. 179.
* Cass. 15 déc. 1832, rapp. M. Rives. J. P., t. XXIV, p. 1659.
" Cass. 3 janvier 1833, rapp. M. OUivicr. J. P,, !• XXV, p. 6.
* Voy. supràt p. 594 et suiv.
* Voy. supràj p. 717.
* Voy. supràf p» 731.
vu.-. 48
■JK4 DBS COURS D^ÀSSISES.
déposition ne soit achevée, et il doit lui-même se garda soi-
gneusement d'y mêler aucune observation qui ne soit pas
strictement nécessaire '. ... ,
Il a été iujté, sous le Code du 3 brumaire an iv, « que lors-
que des témoins désignés par l'accusé ont été produite et ciWs,
l'accusé les fait entendre sans que la loi ait prescrit de bornes
dans la latitude que chacun des témoins doit obtenir pour s»
déposition; que le silence imposé à un témoin à 1 égard de
faite repris en l'acte d'accusation ou de la moralité de 1 accuse,
neut nuire à sa légitime défense, et que ces actes d autorité.
Bortantdes bornes du pouvoir discrétionnaire, sont une.usur-
nation de pouvoir *. » La même doctrine serait encore appli-
cable, pourvu que la défense, par des conclusions expresses,
eût réSé coAtre l'abus de pouvoir et l'eût fait consUlet
dans le procès-verbal. Il faut ajouter cependant que si le
président ne peut interrompre le témoin quand il dépose,
ïomme l'arrêt le constate, sur les faite de l'accusation ou la
moralité de l'accusé, il peut l'arrêter quand il sort du sujet
des débate et se livre à d'inutiles divagations. C est dans «
sens qu'il faut entendre un arrêt qui décide « que 'e préa-
denl en invitant les témoins à se renfermer dans 1 objet de
l'accîisation et à en écarter tous les faite qui lui sont étran-
gers, a exercé un droit et rempli une obligation qm lui éUrt
^'MSsTc'taut-i entendre par les faite étrangers à l'accusa-
tion? Dans un procès de presse, un témoin avait dit : < Si je
ne dois dire que ce qui,est à ma connaissance personnelle, je
S-ai plus rien à déclarer. Mais s'il-m'esl permis de déposer
sur Jes bruite généraux, j'en connais qui m ont >nsp.réde U
confiance. » Le président ayant déclaré qu'il ne l interpelle-
rait oas sur ce point, des conclusions furent posées et un arrM
intervint portant que le témoin continuerait sa déposition, en
tant Qu'elle porterait sur des faite positifs, et non surdespro-
S)s et conversations qui n'émaneraient pas d'une pei^mc
«Décialement désignée. Le pourvoi formé contre cet arrêta
été reS : « Attendu qu'en écartant de la déposrtionda
témoin seulement les bruite vagues qui, n'émanant d aucune
personne déterminée, ne pouvaient donner lieu d espéttr
• Cent Camot, Inst. cr., t II, ^ «9. .,„-,,
» Cas». « ttita. an xi,rapp. M. Borel, /•?•»»•"{; P* "• ,
• cm. 18 sept. 1829, rapp. M. Gary. J. P., t XXU, p. 1455.
»
AUDITION »IS TÉMOIHt. § 6iO. 7S5
plus de certitude dans les résultats, le président et la Goor
d'assises n'ont pas eicédé le pouvoir que leor conrére l'arti-
cle 270 et qu'aucane entrave n*a été apportée aux droits de
la défense ^ > Cet arrêt ne fait que maintenir une distinction
que posait Tancienoe jurisprudence entre les bruits vagues et
les ouï-dire : les bruits vagues, quand le témoin ne les fait
remonter à aucune source certaine, ne sont point écoutés en
justice : Vanœ voces populi non sunt audiendœ *. Les oui-
dire, au contraire, quand le témoin indique la personne dont
il les tient, servent à former des indices et présomptions; et
s'ils sont joints à d'autres indices, peuvent étresuffisants pour
former une preuve *. Il n'est donc pas permis de les écarter.
Ce n'est, au reste, qu'avec beaucoup de discrétion que le
président doit interrompre le témoin pour lui faire observer
qu'il s'écarte de l'objet de la déposition. Il y a des esprits
qui ne peuvent arriver au but qu'à travers des détours, et il
nefâut pas contrarier leurs allures. II y a des circonstances
ensuite qui semblent au premier moment étrangères à Taccu-
sation et qui s'y rattachent par des rapports que le témoin a
omis d'indiquer. Enfin, il importe, aux yeux de la défense
. comme aux yeux du public, de laisser au témoin sa liberté
et ce n'est qu'au cas où il en abuse évidemment qu'il y a lieu
d'exercer la faculté que l'art. 270 a réservée à ce magistrat.
Y. Les témoins doivent être entendus dans leur déposition
et non point interrogés. Nous avons déjà établi cette distinc-
tion ^, qui est conforme aux textes du Gode, puisque tous les
articles qui se réfèrent aux témoins , et notamment les arti-
cles 315, 321, 322, 323 et 32&, portent qu'ils sont entendus
dans leur déposition.
Cependant si, lorsque le témoin déclare avoir dit ce qu'il
avait à dire,- le président s'aperçoit que la déposition n'est pas
complète, ou n'est pas suOisamment claire, il peut^ avant
Fexamen de cette déposition, lui venir en aide, non en lui
suggérant ce qu'il doit dire, mais en lui signalant simplement
les circonstances dont il n'a pas fait mention ou qu'il a obscu-
rément rapportées. Car, s'il importe que le témoignage soit
* Cass. 16 déc 1831, rapp. M. de Graasdlhei. J. P., t« XXIV, p. àôO.
s L. 12 Coâ.depœiii8,
' Voy. t. V, p. 611 ; et Farioadus, quxst. 69» n. 20 et 509.
* Voy. t T, p. 606.
756 DES COURS D*ASSISB8.
libre et spontané, il faut en même temps qu^il soit énoncé en
termes intelligibles et non équivoques; il Taut surtout que les
témoins rendent raison de leur iémoignagej suivant l'expres-
sion (le Tarticle 15 de Tord, de mars 1&.98, c'est-à-Hiire qu'ils
déclarent comment ils ont eu connaissance du fait dont ils
S 6AI.
I. Examen des témoins. —11 Interpellations du président. — III. Ques-
tions des parties aux témoins. — IV. Demandes d^éclaircissemeot.
— V. Gonfronuitions.
I. Après que chaque témoin a terminé sa déposition spon-
tanée, commence ce que Tart. 316 appelle Tezamen du té-
moin, c'est-à-dire la discussion de son témoignage.
IL Le président doit d'abord constater l'application du té-
moignage à Taccusé.
L'art. 319 porte : « Après chaque déposition, le président
demandera au témoin si c'est de l'accusé prissent qu'il a
entendu parler. »
Cette interpellation, quoique nécessaire, n'est pas prescrite
à peine do nullité % et la Cour de cassation a déclaré « que
s'il est utile que le présidept se conforme aux prescriptions de
l'art. 319, puisqu'elles ont pour objet de prévenir toute équi-
voque de la part du témoin dans la déposition qu'il vient de
faire, néanmoins l'observation de cette prescription n'est pas
ordonnée par la loi à peine de nullité; que dès lors elle ne
saurait, par son omission, devenir un moyen de cassation •• •
Le président doit également faire représenter, s'il y a lieu,
aux témoins les pièces relatives au délit et pouvant servir à
conviction : telle est la disposition formelle de Tart. 329. Vais
cette seconde formalité nest, pas plus que la première, pre-
scrite à peine de nullité. C'est au président qu'il appartient de
juger des cas où son application est nécessaire *.
< Jutius Clarns, quaest. 53, nnm. S2 ; Farinacius, quaesL 70, n« 14.
s Gass. 9 aYril 1818, rapp. M. Lecontour. Bull. o. 50 ; 5 fér. 1819^ rap.
M. Giraud, n. i7; 11 mai 1827, rapp. M. Oliivier, n. 112; 20 jain 1S29,
rnpp. M. Brière, n. 140; 8jnill. j836, rapp. M. Dehaussy, n. 224; 20 av.
1638, rapp. M. Rocher, n. 107; 11 juin 1840, rapp. M. Meyronjiei-St-lfarr.
D« 168; 22 sept. 1848, rapp. M. Brière Vaiîgoy, n. 248.
< Cass. 22 juin 1830, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 201.
* Cass. 1 mai et 5 déc. 1852, rapp. M. Qaénault et M, Jalloo, BaU. &
145 et 389.
AUDITION D8S TilOIMS. $ 641 . 757
III. Ces premières formalités remplies , le président doit
avertir Taccusé du droit qui lui est donné de discuter le té-
moignage.
L^art. 319 porte : « il demandera ensuite à Taccusé s'il veut
répondre à ce qui vient d'être dit contre lui. 0
L'avertissement du président n'étant point prescrit à peine
de nullité, la jurisprudence ne l'a pas considéré comme une
formalité essentielle et n'a attaché aucune conséquence à An
omission ' . C'est à la sollicitude du président pour les intérêts
de la défense que son exécution est confiée.
L'art. 319 ajoute : a Taccusé ou son conseil pourront
questionner le témoin par l'organe du président, après sa dé^
position^ et dire, tant contre lui que contre son témoignage,
tout ce qui pourra être utile à la défense de Taccusé. »
Il est nécessaire» pourapprécierrétenduede ce droit de ladé-
fense» de rapprocher le texte de cet article de l'art. 353 du C. du
3 brumaire aniv, dans lequel il a été puisé. Ce dernier article
était ainsi conçu : c L'accusé peut, par lui-même ou par ses con-
seils, questionner le témoin et dire, tant contre lui personnel-
lement que contre son témoignage , tout ce qu'il juge utile à
sa défense. » On voit que, dans le système d<^ cet article, l'ac-
cusé ou son conseil était le seul arbitre de l'utilité et do la con-
venance des questions qu'il posait et des allégations qu'il
émettait; il suffisait qu'il jugeÂt ces questions et ces alléga-
tions utiles à sa défense pour qu'il exerçât le droit illimité de
les faire au témoin ou de les énoncer contre lui. Notre Code,
à ces mots qu'il a jugés trop étendus, a substitué ceux-ci :
« tout ce qui pourra être utile à sa défense. » L'accusé ou
son conseil ne peut donc plus opposer au témoin tout ce
gu'il juge utile à sa défense , mais seulement tout ce qui
pejAt lui tire utile. Il suit de là que son droit se trouve
circonscrit dans de certaines limites. Ces limites sont faciles
i poser.
Toutes les fois que les questions ou les observations de la
défense se rattachent soit aux faits de l'accusation , soit à la
moralité de l'accusé ou des témoins, il y a lieu de les admettre;
car Tart. 319 autorise l'accusé à dire, tant contre les témoins
que contre leur témoignage , tout ce qui peut être utile à
sa défense. Cette règle a été nettement appliquée dans l'es*
pèce suivante. Un individu, accusé du crime d'incendie, avait
« Gass* 18 mars i85S» rapp. M. Dehaassy, Bail, n. 99*
^56 BIB COURS D*ASSI8B8.
demandé que les témoins qu'il avait produits fossenl inter-
rogés sur la moralité de la famille à laquelle appartenait la
maison incendiée et sur le point de savoir si le bnst paMic
n'accusait pas cette taioillo d'avoir mis le feu à sa propre
maison. La Cour d'assises arait rejeté cette demande psrce
. qu^elle tendait à diffamer des témoins à charge et à attirer
sur eux la vindicte publique. La Cour de cassation a cassé
cet arrêt : « attendu que les questions ou les interpellations
que l'accusé demandait qu^on adressât aux témoios k dé-
charge, si elles étaient de nature è compromettre les témoins
à charge, se rapportaient à l'accusation et tendaient i établir
-que l'accusé n'était pas Tauteur de rincendie; que dés lors
1 arrêt attaqué n'a pu lui refuser de les adresser aux témoios
sans restreindre la faculté accordée aux accusés par Tart. 319
et sans violer cet article \ »
!^ Ainsi , il importe pou que les interpellations aient pour
effet d'attaquer la moralité des témoins, si elles se rattachent
aux faits de Taccusation ; il importe peu qu'elles prenneat
même, sinon dans la forme, au moins au fond, un caraclère
diffamatoire, si elles sont utiles A la défense. C'est ainsi qu'il
a été reconnu dans une poursuite pour outrage envers un
fonctionnaire public , qu'il devait être permis d^interpeller
un témoin sur l'état d^ivrcsse du fonctionnaire au moment
de l'outrage '. Il serait étrange, en effet, que des raisons de
convenance et d'égards personnels pussent arrêter des inter-
pellations qui peuvent conduire à la vérité. LMntérftt de li
justice est le seul intérêt qu'il faille consulter. Les interpel-
lations sont une voie d'instruction y un moyen de preuve ; il
u'est pas plus permis de les dénier & l'accusé que de lui dé-
nier le droit de produire des témoins ou des pièces. II est re-
grettable sans doute que le débat puisse froisser quelques
personnes et dévoiler quelques faits ; mais il serait plus re-
grettable que, pour ne pas toucher à ces personnes , la jus-
tice s'ej^posàt à ajouter foi & une déposition suspecte ou in-
téressée. Le degré de confiance que mérite un témoignage
dépend non-seulement des affirmations au il contient • mais
de la probité du témoin qui affirme : la aiscussion du témoi-
gnage emporte nécessairement celle de la probité, et la loi
• Cass. 18 sept, i8Si, rapp. M. Ollivier. J. P., L XVIIL a 4841.
> Cour d 888. du Cantal, 16 nov. 1833. Dali. 85, J, 160.
k
AUDITION DES TÉHOINS. § 641. 759
Ta compris ainsi lorsqu'elle a permis à l'accusé de tout dire,
({ tant contre lui que contre son témoignage. »
Mais il ne peut dire que < ce qui peut être utile à sa dé-
fense. » Ce n^est point là une restriction de son droit qui de-
meure absolu en tout ce qui peut servir à sa défense ; c'est
une régie de son application. L'accusé peut pousser ses in-
terpellations jusqu'à blesser les personnes, mais à la condi-
tion qu'elles soient utiles à sa cause ; il peut poser des ques-
tions-qui entachent la moralité de tiers qui ne sont même pas
dans le procès, mais à la condition que les questions se rat-
tachent étroitement aux faits du procès. C'est l'intérêt de sa
défense qui fait son droit ; dès qu'il n'a plus , soit pour l'ap-
préciation des faits, soit pour 1 appréciation des preuves, un
motif qui puisse être expliqué de provoquer telle ou telle ré-
ponse, tel ou tel renseignement 5 l'interpellation lui est in-
terdite ; Tintèrêt de la défense couvre tout, même les atta-
ques personnelles» même les suggestions diffamatoires; car
attaquer une personne c'est, dans ce cas, discuter une preuve
ou repousser une imputation , mais ce n'est qu'un moyen de
défense; la légitimité de ce moyen est tout entière dans son utî
lité ; s'il ne sert pas, il est abusif, il peut même être blâmable.
C'est en appliquant cette distinction que la jurisprudence
a décidé : l"" qu'il n'y avait pas lieu de poser une question
sur un fait étranger aux faits de l'accusation et qui n'avait
pas pour objet d'établir la moralité de l'accusé ^ ; 2'' que la
question de savoir si le plaignant jouissait d'une bonne répu-
tation avait pu être écartée dans une affaire, « attendu qu'elle
n'était point de nature à faciliter la manifestation de la vé-
rité *.; » 3» que les investigations sur la conduite des témoins
devaient s'arrêter aux actes qui avaient rapport avec les faits
de l'accusation et qu'il n'était pas permis de poser une ques-
tion « renfermant une calomnie du genre le plus grave et un
outrage aux mcours, » lorsque « cette question était sans
utilité pour la défense de l'accusé, quelle c^u eût été la réponse
du témoin '; » 4* que les injures et les mvectives contre les
témoins ^ ne pouvant jamais porter aucune utilité à la dé-
fense, lui sont interdites * \ S^ enfin, qu'il n'est pas permis à
* Ga9B.i ùtu Isift, J. p., t xXtt, t* ^4^^
«Ca». Uavrili — "
•CaM.S2 8epl.l._.,_„,
^ Casa. 6 mars flSil, repp.
760 DES G0UK8 d'assises.
un accasé, poursuivi pour avoir mis de fausses signatures au
pied d'une pétition contraire aux lois , de den^ander aux té-
moins s'ils aufaient consenti à signer cette pétition ^ « parce
que cette question avait pour objet , non une interpellation
sur un fait à la connaissance du témoin^ mais seulement une
appréciation du domaine exclusif de la conscience du témoio,
et qu^elle avait pour conséquence d'associer moralement le
témoin à la perpétration du fait'. »
A qui appartient le pouvoir d'apprécier si Tinterpellation
peut ou ne peut pas être utile à la défense? Le président,
chargé de la direction des débats et qui peut, par une con-
séquence de cette attribution , rejeter ce qui tendrait à les
prolonger inutilement, a le droit de déclarer que telle ou telle
interpellation lui parait inutile ou étrangère à Taccusation et
Técarler *. Ce droit du président a été consacré par plusieurs
arrêts qui décident « que si Fart. 319 permet à Taccusé de
questionner le témoin par Torgane du président^ cette dispo-
sition doit se concilier dans l'art. 270, lequel impose au pré-
sident le droit de rejeter tout ce qui tendrait à prolonger le
débat sans donner lieu d^espérer plus de certitude dans ses
résultats; quMl suit de là que le président est investi d'un
pouvoir discrétionnaire pour apprécier l'utilité et la conve-
nance des questions que Paccusé veut adresser aux témoios
et pour écarter celles qui ne conduiraient pas à la manifesta-
tion de la vérité ^. » Il y a lieu de remarquer toutefois que le
mot discréiionnaift employé par cet arrêt est inexact : le
pouvoir de direction des débats n'est nullement discrétion-
naire; il est permis de réclamer contre ses décisions *.
Si ta décision ne donne lieu à aucune difficulté, il est passé
outre ; mais, s'il y a réclamation , c'est à la Cour d'assises à
statuer. La jurisprudence a maintenu cette attribution par de
nombreux arrêts qui déclarent « que si l'art. 319 autorise
l'accusé à dire, tant contre les témoins que contre leur témoi-
gnage , tout ce qui peut être utile à sa défense, » c'est à la
Cour d'assises qu'il appartient, en cas de difficulté, de juger
si la question ou l'interpellation que veut faire l'accusé est
ou non utile à sa défense ; le législateur l'a voulu ainsi , afin
* Gass. 19 déc. 1850, rapp. M. Y. Foueher. Bull, n* 4l6.
' Cas8« 11 afril 1817, rapp. M. Ollivier. J. P., U XIV, p. 177 ; SI oet.
1835. Sir. 85, 1,851.
> Ga88. 28 noT. 1844, rapp. M. Breison» BoU* n» 8M>
* VoY. $uprà, p. 445 et 489.
AUDITION DES TÉMOINS. $ 611. 761
d'éviter que, sous le prétexte de sa défense , Taccusé ou son
dérenseur ne se livrent à des reproches contre les témoins ou
à des investigations de leur conduite qui , n^ayant aucun rap-
port avec les faits de Taccusation, pourraient dégénérer contre
eux* en diffamation ou en injure ; mais que le devoir de la Cour
d'assises ne saurait lui donner le pouvoir de restreindre en au«
cun cas le droit sacre de' la défense, tel qu'il a été déterminé
par la loi '• » Ainsi, il sufSt que l'accusé ou son défenseur
prennent des conclusions pour que, l'incident devenant con-
tentieux , la Cour d'assises soit tenue de statuer \
L'arrêt qui est rendu sur ce point est-il à Tabri de toute
censure? Oui, si Tutilité de l'interpellation dépend d'une ap-
préciation des faits que la Cour de cassation ne peut faire *;
non, si la décision de la Cour d'assises implique le mode d'ap-
plication ou retendue des droits de l'accusé , car il appar-
tient à la Cour de veiller à la stricte application des droits
que la loi a consacrés ^ ; et elle n'a pas hésiié en conséquence
à prononcer Tannulation des procédures dans lesquelles le
droit, que l'art 319 a prévu, avait été violé ^.
On ne doit pas séparer les interpellations qui sont adressées
aux témoins des observations qui suivent leurs dépositions : il
importe que .les uns comme les autres accompagnent le té-
moignage et s'y incorporent en quelque sorte pour en faire
mieux apprécier la valeur; c'est là ce qui constitue, à vrai
dire, le débat; c'est en discutant les témoins et leurs décla-
rations à mesure qu'ils se produisent, que la vérité se fait
jour. On lit dans un arrêt « que les dispositions de l'art. 319
doivent étro entendues dans un sens où elles se concilient
avec celles de l'art. 268 et de l'art. 270; d'où il résulte que
c^est au président qu'il appartient d'apprécier si les observa-
tions que le défenseur veut présenter aux jurés, après l'audi-
tion d'un témoin, sont de nature à être proposées à ce mo-
ment même, ou doivent être ajournées au moment où la dé-
« Cass. 18 sept. 1824, rapp. M. Ollivier. J. P., U XVUI, p. 1042» et coof.
41 arrii 4817 m6me rapp. t XIV, p. 177 ; M sept. 1827, rapp. M. Giausel,
t. XX[, p. 896 ; 5oct. 1832, rapp. M. de CiouseUhes, U XXIV, p. 1497. '
' Cass. 14 aTrill837, rapp, M. Dehaussy. J. P., à sa date; 21 ocU 1835.
Sîr. 35, 1, 851,
» Casa. 1 ocL 1829, J. P., t XXII, p. 1468 ; 20 mm 1847, rapp. M. Fré-
teatu Journ. cr., t. XIXtp. 850.
* Cass. 17 déc 1850, rapp. Al V. Fottdieri Bull» n* 4S0.
9 Cass. 28 sept* 1824, cité iujfrd.
702 DÉS COURS d'aSSISBS.
fense de Taccusé sera présentée. '» Sans doute, le président
a ce droit et il doit en user si, à l^occasion de Paudition d*ua
témoin, le défenseur prétendait faire une plaidoirie ; mais s*il
se borne à présenter ae brèves observations^ il est utile dejes
écouter à la suite de la déposition, parce qu'elles en (ont res-
sortir la force ou la faiblesse et qu'elles provoquent, aussi bien
que les interpellations, des explications qui peuvent éclairer
le débat. Le défenseur, si le président refusait de Tentendre,
pourrait prendre des conclusions qui nécessiteraient Tinter-
Tention de la Cour d'assises. Mais il ne parait pas que l'arrêt
de cette Cour pût donner sur ce point ouverture à cassation,
car il ne s'agit plus du refus d'exercer un droit, mais du mo-
ment où ce droit doit s*exercer , et c'est là une appréciation
qui appartient & la direction du débat.
Si, nonobstant la décision du président ou de la Coar« Tac*
cusé ou son défenseur adressent aux témoins des interpella-
tions injurieuses ou leur imputent des faits diffamatoires, la
C!our d'assises peut^ si les paroles ont le caractère d'un délit,
ou appliquer séance tenante les peines portées par la loi,
conformément à l'art. 181 , ou r&erver Tactiou correction-
nelle. Ce n'est toutefois qu'avec une extrême modération
qu'elle doit prendre Tune ou l'autre de ces mesures, car les
excès de la défense doivent être appréciés avec quelque in-
dulgence. Mais, si la Cour n'a pris ni l'une ni l'autre, il n'y^a
lieu à aucune poursuite ultérieure , a attendu que l^art 23
de la loi du 17 mai 1819 doit être combiné avec Tart. 319;
que, d'après ce dernier article, l'accusé a le droit de dire,
tant contre la personne du témoin que contre sa déposition,
tout ce qui peut être utile à sa défense; que s'il sort, en
usant de ce droit, des bornes d'une défense légitime, il appar-
tient au président de l'y faire rentrer; que si les paroles
prennent le caractère d'un délit, la Cour d'assises a le droit,
en vertu de l'art. 181 , de prononcer , soit sur la réquisition
du ministère public, soit sur celle du témoin outragé, les pei-
nes et les dommaffes-intérêts qui peuvent être encourus ; qu'à
défaut de rèpressioti immédiate par la Cour d'assises, le tribu-
nal correctionod ne pourrait en connaître plus tard qu'autant
oue cette Goût, juge naturel de la question de savoir si te
akaours tenus par l'accusé portaient sur des faits étrangers a
la cause et s'ils n'étaient pas nécessaires dans l'intérél delà
' Cm. Si oct. 1885. Sir. 85,. i, 851,
AUDITION 1>B8 TÉMOINS. $ 641 763
défense, aurait réservé Faction ; que lorsque la Cour d'assises
n'a ni réprimé ces discours, ni réservé raction, il y a pré-,
somption que Taccusé n'est pas sorti des bornes de la légitime
défenses »
iy.L'art.S19,aprèsavoirdéterrainéledroitderaccusé,ajoute
dans ses deux derniers paragraphes : « le président pourra égale-
ment demander au témoin tous les éclaircissements qu'il croira
nécessaires à la manifestation de la vérité. Les juges, le pro-
cureur-général et les jurés auront la même faculté en deman-
dant la parole au président. La partie civile ne pourra faire
de question que par l'organe du président. »
n y a lieu de remarquer que, dans le système de cet article,
Faccusé, non-seulement est armé d'un droit plus étendu ou
du moins plus soigneusement défini, mais est placé le premier
pour l'exercer. Lorsque le témoin a terminé sa déposition,
c'est donc à Taccusé qu'il appartient d'engager le débat et de
faire, avant toute autre personne, les questions et interpella-
tions qu'il juge utiles à sa cause. Les éclaircissements que
peuvent demander le ministère public, la partie civile et les
membres de la Cour viennent après. Il a toutefois été jugé
€ que l'art. 319 n'est qu'énonciatif des personnes qui ont le
droit d'adresser des questions aux témoins et n'a point pour
objet de fixer d'une manière invariable Tordre suivant lequel
chacune d'elles doit user de son droit; et que le président,
chargé de la direction des débats, a le droit d'adresser au té-«-
moin les interpellations qu'il croit convenables avant de don-
ner la parole à l'accusé ou à. son conseil pour qu'ils le ques-
tionnent à leur tour • »
La distinction que fait la loi entre Taccusé et la partie ci-
vîle, d'une part, qui ne doivent faire de questions que par
l'organe du président, et le ministère public et les membres
de la Cour qui peuvent adresser directement leurs questions,
après avoir demandé la parole, n'est qu'une disposition d'or-
dSre ; et il a été reconnu en conséquence qu'il ne résulte au-
tBime irrégularité de ce qu'un témoin et un accusé se seraient
respectivement interpellés sans l'intermédiaire du président,
« attendu que ce magistrat, en autorisant par son silence ces
. SI aottt iSdB, rapp. If* Vineêiis4Sfc«Laarf!au Bull. n. S87.
* Gass. Si sept 1839, rapp. M. VinceDS-St-LaurenU Dali. A8, !> 871 ; M
janv. 1851» rapp* M, QiièQaaUk Bull. n« 89.
76 i DES CODES D^ASSIIES.
ÎDlerpellations, n'a fait qu'user de sou pouvoir de direction
des débats et de police d'audieuce ' . »
Les témoins peuvent-ils être questionnés sur des faits au-
tres que ceux qui font Tobjet de Taccusation, lorsqu'ils oat
trait à la moralité de Faccusé? En thèse générale, il ne peut
exister aucun doute à cet égard, car, de même queTaccusé a
le droit d'établir la pureté de sa vie antérieure, l'accusation a
le droit d'en relever les désordres et les fautes : l'existence
entière deTagent plaide pour ou contre lui; elle doit être ex-
posée aux yeux des jurés. Dans une espèce où l'accusé se
plaignait de ce que les témoins avaient été questionnés sur
un acquittement prononcé antérieurement' en sa faveur, il a
été déclaré « qu'aucune disposition de la loi n'obligeait la
Cour d'asàises à restreindre son audition aux faits spédaax
do l'accusation dont le jugement se poursuivait devant elle,
et qu'elle avait pu, sans violer l'autorité de la chose jugée,
les entendre surtout ce qu'ils savaient relativement à Tac-
cusé, parce qu'en procédant ainsi , elle avait évidemment eu
pour but, non de remettre en question l'acquittement pro-
noncé en faveur de l'accusé, mais bien d'éclairer le jury sur
sa moralité antérieure ' »
Mais il ne faudrait pas cependant construire à Taudienee
une accusation étrangère à l'accusation présente^ et à Faide
du reflet qu'elle- projetterait sur l'accusé , compromettre sa
défense sur le fait qui lui est actuellement imputé. Un arrêta
jugé « que le ministère public a toujours le droit de faire
citer des témoins sur des faits autres que ceux qui font la
matière de l'accusation, parce qu'il peut être utile à la dé-
couverte de la vérité d'éclairer le jury sur la moralité de l'ac-
cusé, et que l'audition de témoins assignés pour cet objet ne
constitue aucune violation des art. 239» 231, 2H et 271;
qu'il n'y aurait infraction aux règles tracées par ces articles
qu'autant qu'il aurait été soumis au jury, dans les questions
qui lui ont été posées, des faits qui n'auraient pas été Tobjet
de l'arrêt de mise en accusation ". » Cette règle est en elle-
même a l'abri de toute critique; mais, dans l'espèce de cet
arrêt, l'accusé se faisait un grief de ce que, renvoyé devant
A Cass. 2 déc 18^9, rapp. M. Rocher. Bull. d. SIS.
> Cass. 7 jan?. iSS6, rapp. M. Dehaussj. BulL n. 5; 27 av. raf^ M* Bireii
II. 189.
* Cass. 24 juitt. iWt rapp. IL Dehaussy. Bail. n. 119.
AUDITION DES TÉMOINS. § Gil. 765
les assises pour un crime d'assassinat ; Taccusation avait
fait citer des témoins pour déposer d'un autre homicide
ctd'un incendie dont il se serait rendu coupable et qui nV
vaient été Tobjct d'aucune poursuite. Or, s'il est permis d'é-
tablir la mauvaise réputation de Tnccusé, les bruits qui cou-
rent sur son compte, ses habitudes vicieuses, est- il permis
d'édifier une autre accusation à côté de la première? Ne pour-
rait-il pas arriver que si celle-ci n'est pas prouvée, les jurés
ne la déclarassent néanmoins constante, pour ne pas laisser
impunis les faits nouveaux révélés aux débats? et ainsi, bien
que les questions fussent fidèles à l'arrêt de renvoi, que la dé-
claration des jurés s'appliqu&t à une autre accusation que
celle qui a fait l'objet de cet arrôl? On voit donc que la règle,
quelque incontestable qu'elle soit, ne doit être appliquée
qu'avec une certaine réserve : les témoins peuvent cire ques-
tionnés sur tous les faits qui se rattachent à la moralité du
Paccusc, mais pour établir seulement le fait général de cette
moralité et non pour établir l'accusation avec d'autres accu-
sations étrangles à celle-ci; pour rendre compte de ses ha-
bitudes, de ses mœurs, do sa situation, non pour dresser une
enquête imprévue sur telle ou telle action de sa vie qui n'est
pas incriminée.
V. Les témoins peuvent être recelés et confrontés enïre
eux. L'art. 326 porte : « Taccusé pourra demander, après
qu'ils auront déposé, que ceux qu'il désignera se retirent do
l'auditoire, et qu'un ou plusieurs d'entre eux soient introduits
et entendus de nouveau, soit séparément, soit en présence les
uns des autres. Le procureur- général aura la môme faculté.
Le président pourra aussi l'ordonner d'office. »
Cette audition, qui est une exception aux règles des arti-
cles 317 et 320, n'a lieu qu'après la première déposition. C'est
un nouveau moyen d'instruction ouvert h l'accusé et au mi-
nistère public, et que le président peut employer d'office. Il y
aurait nullité, s'il n'avait pas éléstatué sur la demande formée
à cet effet i. Il appartient au président d'y statuer % sauf le
droit de la Cour en cas de réclamation.
Les témoins, lors même qu'ils sont mis en présence les uns
' Cass. Ijuill.lSU, rapp.M. Chasle. J. P.,t.Xir, p. 387; il janr. 1817,
rnpp. M. busschop. t. XIV, p. 22.
*Cas% 27 aoOl i852, rapp. M. Nouguier. BuIU n. 30?. ,
766 M8 COURS D*ASS18ES.
des autres, ne doivent jamais, aux termes de l*art. 325, s'in-
terpeller entre eux. Mais c'est une règle de police d*audience
dont l'inobservation n'entraîne aucune nullité ^
§ 642.
I. Notes des varialions et contradiclions des dépositions orales. —
II. Obligation des témoins de rester dans Tauditoire.
L La loi ne veut pas qu'il soit fait mention au procès-ver-
bal des débats du contenu aux dépositions. Elle a voulu pros-
crire, à côté de la déclaration souveraine du jury, toute trace,
toute constatation du débat oral.
Mais Part. 312, qui établit cette prohibition à peine de
nullité, ajoute : « sans préjudice toutefois de l'exécution de
l'art. 318, concernant les changements, variations et contra-
dictions dans les déclarations des témoins. » L'art. 518» qui
consacre, en effet, une exception à la prohibition, est ainsi
conçu : « le président fera tenir note par le greffier des addi-
tions, changements ou varialions qui pourraient exister entre
la déposition d'un témoin et ses précédentes déclarations. Le
procureur-général et l'accusé pourront requérir le président
de tenir note de ces changements, additions et variations, b
Cette constatation est une mesure de précaution en cas de
suspicion de faux témoignage; et un acte préparatoire, s'il y
a lieu» de la mesure de Tarrestation du témoin, autorisée par
l'art. 330.
II suit dû là, d'abord, que cette mesure ne peut s'appli-
quer aux témoins qui n'ont pas été entendus dans Tinstruc-
tion écrite ; car il ne s*agit que des variations qui peuvent
exister entre leurs déclarations actuelles et leurs précédente
déclarations '. Il faut toutefois excepter le cas ou les déclara-
tions de ces témoins seraient nécessaires comme complément
des déclarations suspectes ^ . Pourrait-on l'appliquer au té-
moin qui aurait été entendu à différentes reprises dans le cours
d*unméme débat? Nousne le pensons pas, parce que l'art. 318
se réfère aux |déclara tions qui ont précédé le débat et que toutes
les déclarations faites dans une ou plusieurs audiences d'une
' Cass. di avril 1817, rapp. M. Ollivîer. J. P., U XIV, p. 177.
* Cass. 10 avril 1835, rapp. M. de Ricard. Bull. o. 155 ;6 janv. 1835, rapp.
M. Yincens-Sl-Laurc'iit, ii. 8; 23 juiii. 1857, rapp. M. Aug. Moreau^D. 28i.
* Ca«8. 6 scpU 184S, rapp. M. de Ricard. Bull. u« 234.
AUDITION DES TÉHOINS. $ 642. 7g7
même cause ne constitaent qu'une seule et même déposition.
Il suit de là, en second lieu, que cette mesure ne peut
s^appliquer aux témoins qui ne sont entendus qu^à titre do
renseignement; car leurs déclarations n^étant pas reçues sous
la roi du serment, ne peuvent servir d'éléments à une incul-
pation de faux témoignage.
Il suit de là, enfin^ qu'elle ne s'applique qu'aux additions,
changements ou variations qui peuvent exister entre la dé-
position écrite et la déposition orale. Il y aurait donc nullité
si le procés-verbal mentipnnait, même en substance, la dé-
position d'un témoin sur un fait dont Finstruction écrite
n'avait aucune trace ^
Le président peut-il faire tenir note, dans le procès- verbal,
d^une déclaration inculpant Taccv.séà raison d'un fait étran-
ger à l'accusation? Un arrêt Fa jugé, « attendu que la tenta-
tive de subordination, révélée par la déposition orale d'un
témoin» inculpant l'accusé sur un autre fait que celui de l'ac-
cusation, le devoir du président était de faire retenir cette
partie de la déclaration du témoin, qui, en cas d'acquittement
et de réserves du ministère public, pouvait faire ordonner de
nouvelles poursuites et que, sous Tun comme sous l'autre de
ces rapports, il ne peut y avoir violation de la disposition pro-
hibitive de l'art. 372 " .» On peut objecter à cet arrêt, d'a-
bord, que ce cas est tout à fait hors des termes de Part. 318,
ensuite, qu'il rentre dans la prévision de l'art. 361 qui admet
un procès-verbal distinct, lequel ne prend pas place dans le
procès-verbal des débats.
Au surplus, les accusés ne peuvent se faire un grief de ce
qu'il n'aurait pas été tenu note des variations des témoins ;
car, la disposition de l'art. 318 n'est pas prescrite à peine de
nullité, et il y a lieu de présumer, lorsque ces prétendues va-
riations n'ont pas été relevées, ou qu'elles n'existaient pas,
ou qu'elles ne sufiisaient pas pour établir une suspicion de
faux témoignage *. Ils ont d'ailleurs le droit, ainsi que le mi-
nistère public, de requérir le président de faire tenir note, et
cette réquisition oblige la Cour d'asssises de statuer ^.
* Cass, 1 oct. 1857, rapp. M. Lascoux. Bull. n. 356.
* Cas». 10 janT. 1850, rapp. M. Jacquinol. BuU. n. 7.
» Cas& 41 avril 1817, rapp. M. OiHvier J, P.. t. XIV, p. 177 ; 7 ocL1855,
rapp. M. Gaillard. J. P., U XIX, p. 905 ; 28 avril 1835, rapp. M. Isambert.
BuU. D. 1A9 ; 8 ocU 1853, môme rapp. n. 495.
* Ca5s.l9 avrill821, rapp. M. Busschop. J, P., t. \VI, p. 559 ; 22 sept.
1848, rapp, M. Brière-Yaligoy. Bull, n. 248*
768 DES COCfiS D*ASS1<ES.
' 'Us ne peuvent, d^unc autre part, se faire un grief de ce que
le président aurait ordonné d^oflScc la constatation des addi-
tions ou variations, lorsque le procès-verbal des débats dé-
clare que c*est à titre d'addition ou de changement à la dépo-
sition qu'elle a été faite t ; car c'est la stricte exécution de la
loi. Il suiïit d'ailleurs d'indiquer le motii de l'iasertico, ci
l'ordre du président , qui signe le proçès-verbal, se pré-
sume '.
A plus fort6 raison ne pourraient-ils se plaindre de Tin-
sertion, si c*élait sur leur demande qu'elle avait eu lieu '.
II. L*art. 320 dispose que « chaque témoin, apr&s sa de-
position, restera dans l'auditoire si le président n'eu a or-
donné autrement, jusqu'à ce que les jurés se soient reiirés
pour donner' leur déclaration. »
Il y a dans cet article deux dispositrons : l'une qui prescrit
aux témoins de rester dans l'auditoire après qu'ils ont dé-
posé; il n'y a plus de raison, en effet, de les isoler quand leur
déposition est achevée ; d'ailleurs, Tart. 326 pennqt encore
celte séparation, si elle est nécessaire. L'autre qui leur pres-
crit de ne se retirer qu'après les débats terminés, .$*ils n'en
obtiennent auparavant la permission; il faut, en cflct, qu ils
demeurent à la disposition de la Cour, car il peut être ulilc
soit de leur demander de noufv^ltos explications, soit de faire
répéter leurs dépositions.
Mais CCS deux dispositions' ne sont point prescrites à pein«
(ic nullité et ne sont point considérées comme des formes es-
sentielles de la procédure. L'accusé peut réclainpr la^ Més<^ce
des témoins tfii s^afosehtèraiéni; Jr peut s^opposér a ce que
ta-permîssiDn de se tt^tirct sbit accordée à ceux qui la de-
mandent. S'il ne le' fait pas, il ne peut plus se faire uUerlcu-
riment un grief de cet incident <. ' ' ' .
' ' » < •
* Cass, 30 mars 1849, rapp. M, Brij^c-Vîtigny. Bull, n-7i : SOjvin|<il
ran>. M. Cbasie. J. P., t. xrV, S9è ; 28 mul 1818, rai p. ^^ Lccoutoun J.
J>^, t^XlV, pi. fi!î7» .. ' u .. • r. . '• i . « • • !»• ■'.
* Çass. G sept. 184^, cil^jâ f^prà , |v 7«6;. 7 m»^ 18^10, M^^i-tfj Ar'è#-
Viitîsfiiy, Bull.n. H3. . , . . ,,,'
- i* Oiss. V jai>¥. I8d8, rapp. RT; éePcfc «val. mlîl. n." tiV
,/ Cav«.i7 ayi'il 48^7, rapp. M/Maiigio.Ji R.v:l.3/Xl,f J 9^ ; l^^n<r« ISfl.
râpp. M. Clausel,!. XV], p. 672; 23 avril 1885, rapp. M.Isambett. Buli. n,
141) ; 11 nor. 18A7, rapp. M. Vincens-St-Ltiurent, J. ci., t XX, p. 300; 13
juin. 1849, rapp. &f. Rives. Bull. n. 160 ; 18 janv. 1865, ra-ip^M. 9'ii^ca.
n, 14 ; 8 mars 1855, rapp. M. Pouliier, Rs^^* ' . •
CHAPITRE XL
PREUVES DIVERSES
QUI PIOTDfT ftTBB PAODUinS DANS Ll COURS DIS DEBATS*
§ 643. l. Interrogatoire des accusés. — II. Interrogatoire après qu'ils
ont été éloignés de Taudienee.
§ 644. I. Production des pièces de conviction. — II. Représentation
de ces pièces anx accusés et anx témoins.
S 645. Visite des lieux. — II. Formes du transport de la Cour d'as-
sises.
g 646. 1. Véri6cations et expertises. '^ II. |Par qni elles sont or-
données. — 111. Qui peut être expert. — IV. Serment des experts*
-^ V. Formes des expertises.
§ 647. I. Production et lecture de pièces. — II. Quelles pièces peu-
vent être lues. — III. Jonction des pièces au dossier.
s 6«.
1. Interrogatoire des accusés. — II. Interrogatoire après qu'ils ont été
éloignés de l'audience.
I. Nulle disposition de la loi ne prescrit Tinterrogatoire
des accusés à l'audience. L'art. 810 veut que le président
demande leurs noms, prénoms , âge et domicile; mais cette
première question a pour but unique de constater leur iden-
tité '• Les formalités qui précèdent et qui suivent Taudition
des témoins ne font aucune mention d'un interrogatoire. Si
Tart. 405 porte que « l'examen de l'accusé commencera im-
médiatement après la formation du tableau, » il ne faut pas
se méprendre sur le sens de cet article : l'examen de l'ac-
cusé c'est, ainsi qu'on l'a vu', Texamen de Taifaire, Tou-
verture des débats. Ainsi , dans le système du Gode^ l'accusé
* Voy. siiprd, p. 664*
* Voy. êuprà^ p« 6$d«
Tnt.
49
770 DES COVIS d\8SISES,
n^flst «omm k muan intenugâtuiii» préalaMe et nécessaire ;
il assiste aux dépositions des témoins, il a le droit de les dé-
battre et de leur adresser lui-même des questions; mais il
n'est tenu de faire connaître ses explications et son système
de défense qu'après que ces tfépositûuis sont terminées; sa
défense ne précède pas le débat , elle le suit.
L'art. 319, qui commence par consacrer le droit de Tac-
cusé d'adresser des questions au témoin, ajoute : a le prési-
dent pourra également demander au témain et à r«cciisé
tous les éclaircissements qu'il croira nécessaires à la vérité. ■
Le même article accorde la même faculté aux juges et aux
jurés, au ministère public et à la partie civile. L'art. 527 dé-
clare ensuite que « le président pourra, avant, peadantoa
après Taudition d'un témoin^ faire retirer un ou plusieurs ac-
cusés et les examiner séparéaieni sur quelques circonalanDes
du procès. »
II résulte de ces textes que ce n'est qu'au milieu de Taa-
dition des témoins et lorsque les dépositions rendent néces-
saires les explications de l'accusé , que le préaident est auto-
risé, non pas à lui faire subir un interrogatoire, mais k lui de-
mander des éclaircissements et à l'exafluiner. Noua ne voulons
point restreindre le droit du président : il y a peu de diffé-
rence à nos yeux entre le droit d'interroger l'accusé et le
droit de lui demander les éclaircissements et de l'examiner;
et lorsque la jurisprudence a déclaré qu'il appartient au pré-
sident d'apprécier l'ordre dans lequel il doit être procédé aox
débats et de décider, sauf la réclamation de l'accusé, si son
interrogatoire doit précéder l'audition des témoins \ nous
n'avons aucune abjection à opposer à cette décision , car les
débats , si la défense n'en est pas lésée et si elle ne réclame
pas, doivent suivre l'ordre le plus susceptible de conduire à
la découverte de la vàrité.
Mais il importe de remarquer néanmoins que la pratique
habituelle des assises, qui veut que k-premier aefte du débit
soit l'interrogatoire de l'accusé^ n'est pas en barroottie avec
la théorie de la loi. Cette prati^e est un dernier vestige de
la procédure inquisitoriale qui coesidérait l'interrogatoiie
définitif comme un élément nécessaire de la sentence ' et qui
* Cass. à sept. 18^4, rapp. M. Rocher. Boll. Ht i, 4S7;3 déc 183S, rap.
M. Vinceos-St-Laurent. J. P., à sa date ; 23 sepu 18^7, rapp, M. Dehanssj.
lourD. Cf., t. XX, p. 318.
« Voj. U I, p. 638.
PBBUTR8 DITBRaES. § 643. 771
faisait placer Taccusé sur la sellette pour le subir. Les prési-
dents qui suivent ce mode de procéder dans toutes les afiaires
ne 8e sont pas rendu compte de la théorie de notre Code qui,
s'il a maintenu le système de la procédure inquisitoriale dans
l'instruction écrite, a appliqué au contraire à rinsiruction
orale de l'audience les régies de la procédure accusatoire*.
Au surplus, nous avons établi, en expliquant les règles de
la procédure écrite , que l'interrogatoire est è la fois un
moyen de défense et un moyen d'instruction •. Il m\i de là
que le magistrat qui adresse è l'accusé des questions et lui
demande des éclaircissements ^ a le droit de l'interpeller et
pour provoquer sa justification et pour provoquer l'aveu de
sa culpabilité j il doit , sans le presser ni le troubler, mais en
le mettant à même de s'expliquer, favoriser le libre dévelop*
pement de sa parole; il doit chercher enfin avec la plus com-
plète impartialité et uniquement la vérité. Il suit de là encore
que Taccusé a le droit, s'il le juge utile à l'intérêt de sa dé*
fense , de refuser de répondre , sans toutefois que ce refus
puisse suspendre le cours de l'instruction ^ Mous avoas déjà
exposé toutes les règles qui doivent être appliquées à l'inter-
rogatoire des prévenus ^. Ces règles s'appliquent nécessaire-*
ment aux questions qui sont adressées aux accusés dans le
cours des débats.
II. Le président , comme chargé de la direction des dé-*
bats^ i'^détermine, aux termes de Tart. 334, l'ordre dans I^
quel les accusés, s'il y en a plusieurs, doivent être soumis aux
débats; 2'' et , s'il y a lieu, ordonne, conformément à l'ar-
ticle 327» qu'ils seront exaihinés séparément.
La première de ces mesures est exclusivement relative â
Tordre du débat, et son application ne peut donner lieu à
aucune nullité K
La seconde touche au droit même de la défense, et la loi
ne l'a autorisée qu'en y attachaat une condition, qui en est
inséparable.
Le président peut, comme le prévoit Tart. 327, séparer
' Voy. 1. 1, p. 695.
«Voy.t-V.pw 699. ' .
» Voy. t. V, p. 708.
* Voy. t. V, p. 713.
» Cass. 4 aoftt i8^, npp. M. JacquiMt. BalL & iM$ S déc» 185& ramu
M. Vinceiw^t-Laurent, J. P^ à « date. "^
77Î I>B9 COPRS |k*ASÇlSB8,
les eoaoeuflés pour leur adresser, isolément. le^ uns dçs autres,
des questions sur quelques circoôslances du procès, ou les
éloigner pendant l'audition d'un témoin ; il peut prendre
«ette dernière mesure au cas où il nj a qu'up accusé comme
au cas où il y en a plusieurs ^, au cas où il s'agit d'inter-
peller non- seulement un témoin, mais plusieurs ', et^ dé-
eision à cet égard ne peut donner ouYertute à cassation '.
Mais il ne le peut qu'à la charge, suivant les ierm£S for*
mels de Tart. 327, « de ne reprendre la suite des détiats gé^
nérauz qu'après avoir instruit chaque accusé de ce qui se sera
fait en son absence et de ce qui eu sera résulté. ^
La jurisprudence avait hésité d'abord à considérer raccom-
EHssement de cette condition comme une forme essentielle*
^eux arrêts avaient déclaré c que l'art. 327 n*est pas prescrit
à peine de nullité ^. » Mais cette interprétation fut bientôt
rejetée, et il fut reconnu que l'obligation de rendre compte i
l'accusé de ce qui s'est pas^é en son absence est nécessaire à
sa défense, puisqu'il £aut qu'il soit mis i même de combattiçe
les charges qui ont été produites contre lui et de détruire les
expre>sion8 qui ont pu en résulter, et que si la nullité n'a
pas été attachée à l'inobservation dec^tte disposition de Far-
ticle 327, elle n'en doit pas moins être pronpncée 6. La ju-
risprudence n'a plu3 varié sur ce point ; il suffit dojic que ^
procès- verbal, après avoir constaté qu'un accusé a été éloigné
de Taudienoe, ne constate pas qu'il lui a été rendu compte
decequi'S'estpassé en son absence pour qu'il ; ajt nullité.
Il suffit même» pour que la formalité soit réputée omise, que
le procès-verbal énonce le doute du président sur son accom-
{plissement et l'incertitude des souvenirs de la Cour d^assises ?.
U importe peu d'ailleurs que le président fasse conna(t^
ce qui s'at passé ou que les témoins entendus, en l'absence de
l'accusé répètent leurs déclarations après qu'il, a été ramené
* Cass. 19 aoat 1819, rapp. IL Glraud, J. P.^ t XV, p, 901.
la jan? • 1829, rapp. M. Bferville, t. XXII, p. ^4.
* Gaas, ISnan 1839, rapp. M. de Riprd. J. P., t XXII. p, 858. ,
* Gass. 2 juin 1841, rapp.M. Behaussy. DalL %i, f , 42i;
* Cast. a atril 1818, rapp. U. ÂomoDt. J. P., t XIV. p. 782 ; lô .ànâ
iai9,rapp. M.Giravd.l.XV,p.2H. , .
*Gasa» 16 janir. 1829, rapp. M. Chasle. J. P.,.t. XVII, p. 820, f5 Jaill.
1825, rapp. M. ChcippiD, t. XIX, p. 700; 12 aoOt 1825, rapp. BT. Robert-
St-VinoenU t. XIX, p, 800; 10 mars 1831, rapp. M. Blejnmoec Bail
n. 121.
, « CaM. 17 Mpt. 1829, rapp. M. OUivier. J. P., t XXII, p. 1453,
^ Caai. 2 jailtetl885,rapp.ll. Rocher. Bail. d. 208. |
puEtV£& bitAiics.' ! 643. 178
à1*anUKence *;H iiiit)orte peu éplemetit que le préndenl, au
lîeu de rendre tontpte lut^ménie» charge uti d^ juges de le
suppléer à cet égard \ IIsuflGt que communicatm pleine et
eptièresoît donnée à Taccusé^de tout cequil a mièrêtàeon*
haKre. «...
L'omi^sîontlteeettecôi'mnQnicatioti pourtirit d'ailleurs être
réparée sfle'^pr'ésident s'en aperçoit avant la clôture des dé-
bets. Airisi, il à été reconnu, dans une espèce où le préeidfent,
après àToir fait revenir raccBsé» avait procédé immédial»-
kneht et sans lui rendre compte d'ofn iiitem>gaiiN)ire anU ea
son absence, à Taudition de plusienrs témoins, que la Cour
d'assises avait pu annuler ies débats, à partir de la formalité
omise, et ordonner « qu*il serait procédé & une nouvelle au«
dition des témoins déjà entendus, après que Faccusé aurait
été informé des réponses faites par 86n coaccusé *. »
L'arrt. 8âT veut que Taccusé soit instruit de ce qui s'est fait
en son 'aketice avant que le président ne' reprenne la>suite
des débats généraux ; il suit de là qu'il doit en être instruit
lôr^U'ifestiraméfré à l'audience, et avant qu'il soit passé* ou-
tré à un autre acte quelconque du débat. Mais peut-il être
interrogé avai^t que ce compte lui soit rendu? La jurispn»*-
^ce^a rébondu affirmativement : « Attendu que rart dSK
a énipoûr nut'id'ëmpêcher que des coaccusés aient letempaeC
les moyens de préparer d'avance et de concerter leurs répott*
1^,' et de foire qUe les contradictions qui peuvent résulter
àës réponses suodessives de ces accusés hors la présiyioe les
tins des âWtres, )puisketit conduire plu« facilement et plui^sd^
reikieiït ) la niaûifestatioii de là vérité, et que cette «ige prê^
vièion de la lot serait khanquée* si, à là tentrêe du seeottd
accusé dans l'auditoire, et avant qile lui-même eftt été inter-
rogé k sbntour, le président était tenu de lui rendre compte
des réponses faites par son coaccusé en iM>n absence . ^»
* Gan. Si août 4a40/ra|»ii. Mp RonUgàières. D^U. 40, i, âlS/
* Gau» sa mai ^aSS, rapp. M'. Brlère. J. P., t. XX, p. 518.
' Cas& 21 jdDV. lé41, rapp. M. Vîncetis-St-taiirehL Boll. n. iSet aaal«
casa. 40 janf. 1898, vapp. M, nivea, J. Pm t, IXV, p* 35. '
* Ga». 21 mars 1844» rapp. M. Romfguières. BàH; n« 110;etoonf: 48 an
1883, rapp. M. MériUioa. J. P. , t. XXV, p. iSS ; 10 jèia 1886; Vapp. M. Fh^
teau. Bull. 0. 1^5 ; iQ arit 1^41, rapp. M. 'Meyrt>ii»et. a. 121 ; 8 oeU^AShAt
itèïàe Tapfh a'« 988 ;.17 atril 184jS. rspp. M, Hocher. Mira. oriiD.| t. XVni;
p.'m. ^ - •'^ - -'• ^ •- . ■• i ; .; «''•../ .^
774
DU coirts s Assisrt.
S 644.
I. Production des pièces de eonnction.— II. Représentation deea
pièces aux accasés et aux témoins.
I. On a Ta qa^è oAté de la preuve testinfioniale et de celle
qni peut résulter des déclarations de raocusé, la loi crimi-
nelle avait admis tous les moyens de preuve qui peuvent ^r-
vir à la conviction du juge et notamment Texamen des pièces
de conviction, l'inspection personnelle du juge, les vérifica-
tions par experts et la discussion des écrits, titres et autres
pièces ^ Nous allons examiner les Formes qui doivent entou-
rer remploi de ces différentes preuves devant la Cour d'assises.
L'emploi des pièces de conviction est formellement auto-
risé par l'art. 829 qui porte : « Dans le cours on à la suite des
dépositions, le président Tera représenter à Taccusé toutes les
pièces relatives au délit et pouvant servir à conviction; il Tin-
ter pellera de répondre personnellement s'il les reconnaît :
le président les fera aussi représenter aux témoins, s'il y a
îîeu. »
Que faut-il entendre par « les pièces relatives au délit et
pouvant servir à conviction? » Il faut entendre les pièces spé-
cifiées par les art. 35 et 37 du Code, et dont nous avons va le
juge d'rastruction ordonner la saisie *. C'est parce que ces
pièces sont un moyen de conviction que la loi a prescrit, par
tes^rt. 38 et 39, les mesures les plus propres à assurer leor
Identité *. Il ne faut pas confondre d'ailleurs les pièces de cod-
tiction avec les pièces du procès dont il est donné copie i
l'accusé en conformité de Part. 305, et qui sont remises «ox
jurés en conformité de Tait. 3^1 ^; Jes lettres, les notes, les
écrits quelconques, qui n'émanent pas de Taccusé, et qui con-
tiennent des renseignements soit sur tiM» soit sur les ténoîns,
sont coi^sidéréeSy non comme des pièces relatives au délit,
mais comme des pièces relatives au procès, et soot sîmplemeal
jointes au dossier ^
*Voy. t V,p.4S«.
•Voy, t. V, P.4S9.
» Voy. L V, p. 520.
* Cass. 16 mars 1854, rapp. M. Jacquinot. Bull. ii. 71.
* Cass. Si oct.l8i7, rapp. M. AumoQt. J. P., t. 490.
775
L'aooiiBé ne pe«l se faire un moyen de nullité oontre Tar-
rèt de la Cour d'asaiaei des îrréfuiaritéa ^ auraient acoom*
pagné la saisie ou le dép6t des pièoes 4e eevfîction ^. Mais il
pe«t, en se fondant sur ee$ irrégidarifeés, contester Tidentité
de ces pièoea, eft celte AMgttioB soifii alws peur les dépouil-
ler de la falev jndicîaîre que peut seul leur attribuer une
{NToductîoo précédée et enrîroiinée des garanties déterminées
per laloi *•
Las pîècea rektives au éilil étant un neyen de preuve, il
peut en éire (ait tel usage que oornsMiideot (es néceasHés im-
préy«ea4tt débat oral '^ et ai ces pièoes n'avaient pas été ap-
portées a Taudience, la Cour d'assises devrait, soit sur la ré-
clamation de Taccusé ou du ministère public, soit d'office,
ordonner imoiédiatement leot support, dût-elle surseoir jus-
qu'au lendemain, pour qu'il pût être effectué ^.
n. L'examen des pièces de conviction doit être fait par les
accusés, et s'il y a lieu, par les témoina.
Le président doit demander à chaque accusé s'il les recom-
nalt. Mais cette formalité n'étant pas prescrite è peine de nul-
lité, la jurisprudence a admis que son inobservation ne peut
donner ouverture à cassation ^, sauf, toutefois, le cas où, par
des conclusions formelles, Taccusé aurait demandé son exé-
cution, et où il n'aurait pas été statué sur cette demande ^.
Cette jurisprudence a été appliquée même en matière de faux,
lorsque la pièce de oonvictlonest le corps même du délit 7.
Cependant, s*il s'agissait d'une pièce nouvelle, dont le
président aurait ordonné rapport ^, et que l'accusé n'eût pas
ACass. 17 sept. iS40, rapp. M. Romiaiiièref. Bail, n* 283.
< G890. 8 ttf. iSSa, rapp. IL Rocher. BctlU n. S8.
'Cm. A7 ja«r. lasa, np». If. Roehov BolU n.94.
** Can, ieoct. 1817, rapp. Mb Roebet. Bnll. a, Sdl.
* CâSê. saocU 1817, rapp. U. Rataad. J. P., UXIV, p. 686, 19 aT. 1821,
rapp. M. Bosschop, t. XVI, p. 559; SO^mai 1839, rapp. M. Isambert. Bail. n«
168 ; 3 ayril 1840, rapp. ILDehaussy, n. 101 ; 10 sepL 1840, rapp. M. Vin-
aMMt*L«ttanw m saai 39 aoa» tSM, rapp* KrBrmm^ b. ata ? 1 oetob.
(laift, nppyuUkmmji U «et. 1816, rappi li. Brière-Vallpiy. lawni.
cr.,U XVIII, p. 178 et 191.
• Cass.1 mai 1852, nppwlL QaCMnlt. BalL ife4|6 ^êûéc 4aS2, rap.
IL JaHoa, b. 889 et 2 oc*, lan», cit« an^d.
^ Cass. 24 déc. 1840, rapp. M. Romiguières. JouriKer»,!* XIII, p^ 189 1
28 Janf. 1345, rapp. M. Rocher, U XVIII, p. 140.
*Gasa. 2 avrii 1881, rapp. IL Udjûmmk^Mêifu 1. P., t. XXIIIt
p. 1410. ^ '
776
été k même d'examiner juiqueJà » il 7 aurait nullité si dh
ne lui était repréMotée, pour qtt'il puisse eotnbattre les con-
séquenees qui peuvent en résulter à sa ebarge''.
La même représenlatiou doit èlre faite aux témoins. Mais
cette formalité , comme Tindique la loi par les mots « 8*it 7 a
lieu, a est purement facultatif e *. Il faut toutefois remar-
quer « que c'est sous la foi du aerraent 'prêté que tes pièces
de conviction peuvent leur être représentées et peuvent être
reconnues par eux» et que la peine de nullité prononcée par
Tart. 317 s'applique aussi bien à la déposition du témoin qu'à
la reconnaissance par lui faite des pièces de conviction sans
prestation de serment*. »
S 645.
L Visite des lieux. — II. Formes du transport de là Coiir ^d^assises.
I. L'inspection personnelle des lieux est^ ainsi que nous
Tavons établi 4» Tun des moyens de preuve les plus efficaces
que la loi ait mis à la disposin'on de la justice ; et , bien qu'elle
ne Tait expressément prévu que relativement au juge d'ins-
truction, il appartient à toutes les juridictions répressives;
car tons les juges qui ont la mission de découvrir la vérité,
ont par cela même le droit d'employer tous les moyens que
la loi ne leur a pas interdits. La Cour d'assises exerce à cet
égard le même droit que tes tribunaux de police et les tribu-
naux correctionnels^. La règle générale est que le Juge cri-,
minel^ comme tout autre juge, « peut ordonner toute me-
sure interlocutoire, telle que descente et vue de lieux, dès
qu'il le croit nécessaire pour éclairer sa religioq ^. p
La Cour de cassation a reconnu que cette mesure avait été
régulièrement ordonnée dans deux espèces. Elle a }ugé par
un' prenrier arrêt c( qu'une Cour d'assises ^ en.se trapspcMrUnt
' Gasf. aOnoy. 1848, rapp. IL Viaoens-Si-LanreaU BnlLiu 106 ; ii JMr.
iS51t à notrerapp. n. 2i ; 80 déc, 1880, rppp. M, GaUlard» J> ?«» I* XmU
p. 4060.
' Gaas. 17 janf • 1889» npp. M. Roéfaer. BtOL o. là. /
' Casa. 18 mars 18A1, rapp. M^Meyroimeu BjûAU a. 71 ; 90 sqil« iSil*
même rapp. n. 251.
AVoy. t.V,p.iiO.
•Voy. t. VII, p. 824 et 784*
* CasSi 12 janv. 1880, rapp* BI, Bresioiu Bull» o. 18*
PREQVM »IVIEtM. |. $45. 777
avec les jurés, raccusé et son défenseur, dans une cour atte-
nante au palais et en y procédant publiquement à des véri-
fications jugées nécessaires à la manifestation de la vérité et
en exerpant ensuite dans le lieu de ses séances 9 n'a violé aa-
cune loi 1 . > EUe a jugé encore, dans uocas où la Cour d'as-
sises s'était transportée sur le lieu où le crime avait été corn-
niis, « qu'il n'est point interdit au président d'une Cour d'as-
sises d'ordonner que les défaits seront momentanément conti-
nués hors la salle ordinaire des audiences des assises, à Tefiét
de procéder à une vérification des lieux ou à une opération
qui ne saurait être faite dans l'intérieur de cette salle; qu'il
suffit que le transport soit effectué aTec toutes les conditions
requises pour la constitution de la Cour d'assises et pour
l'observation du prindpe de la publicité ; qu'il n'y a là ni cette
interruption des débats , ni cette communication au dehors
proscrites par l'art. 353 *. d
II. Mais il faut, comme on l'a vu en ce qui concerne las
juges de police et les juges correctionnels 3, et comme le dé-
clare Tarrèt qu'on vient de lire que le transport soit effectué
avec toutes les conditions requises pour la constitution de la
Cour d'assises : l'audience continue sur les lieux du trans-
port ; il faut donc la préisence de tous les membres qui consti-
tuent la juridiction, il faut la présence des parties, il faut enfin
l'application des formes essentielles de la procédure.
Il y aurait donc nullité si la visite des lieux avait été ef-
fectuée par les jurés seuls hors la présence des magistrats et
des accusés ^i et h plus forte raison si quelques-uns des jurés
seulement ont procédé à une telle visite avec la partie plai-
gnante, hors la présence des autres jurés , de la Cour et de ,
l'accusé^. Il est évident, en elTet, qu'un transport ainsi opéré
est une violation du droit de la défense , puisque l'accusé
n'ayant pu ni contredire les rçnseigoemeuls ainsi obtepus» ni
même tes connaître, a été privé des garanties qui lui sont a:i-
surées'.
* Cass. 33 maiiSSi, rapp. Bf. Ricard. Bail. n. 156.
s Cas». 33 mars iSAS, rapp. M. Romif uière. Bail* n. 65.
* Voy. t. VII, p. 325 Cl 754.
* Cass. 35 «q)t. 1S38. raiJp. M. Ofllvier, J. P,, t. XXII, 395.
^ Caas. le féT, 16SS, rapp. M. Rocher. Bull. n. Ad.
778 Dtt flOV» I»*AaBlSB8.
$646.
i. Yérifications et expertises. — 11. Par qni elles sont ordonnées.—
III. Qai peut être expert. — IV. Sermeatdes experts. — T. Formes
des eipertiseB.
I. Nous STonf expoié ptécédeminent le caractère général
des expertiBes et les règks auxquelles elles soot soainises i.
Notre Gode, «près avoir prém et réglé Teaciploi de ces
opératioas judiciaires dans riostruction préliminaire % ne
s^en est plus occupé kmqull a tracé les formes de Tinstrac-
lion orale. Il les a considérées comme on moyen de preare
qni était i la disposition de tous les jvges, puisqull ne l'a
interdit à aucun, et que toutes les jurÛuctioos pouvaient em-
ployer en appliquant les mêmes formes que le juge d'in-
struction.
De là est née quelque confusion dans rapplication qui en
a été faite par les cours d'assises et dans la jurisprudeoce qui
s'est formée à ce sujet.
II. En premier lieu, par qui sont ordonnées les expertises
quand il y a lieu d'y recourir dans le coqrs des débals ? Est^
ce par la Cour d'assises t est-^e par le président seul ?
ita jurisprudence a admis qu'elles peuvent être indillïrem-
ment ordonnées par le président et par la Cour : par le pré-
sident» puisque Tart. 269 lui donne le droit d'appeler dans
le cours des débats toutes personnes qui lui parattraient
pouvoir répondre un jour utile sur le fait contesté ^; par h
Cour, puîaqu'fl suffit qu'elle juge qu'un acte d'inslmdioo
est néoêfisaire pour qu'elle puisse l'ordonner^. Cette double
attributioane peut être contestée ; nous avons, eo effet, éta-
bli, d'une part, que les termes de Tart. 269 sont purement
déaMostratiCs et que le pouvoir discrétionnaire n'est pas stric-
tement limité dans les cas qui y sont prévus ^, et d'une autre
part, que la Cour d'assises peut ordonner, même d'office,
*Voy.LV, P.S18.
•Voy. t V,f.«St.
• Casa. 19 sept. dSdS^rapp. ICDebauHgr. Bull. a. SSi ; a9aMii840» npfb
M. Meyronnet, n. 152 ; 2 juitl. 48Â6, rapp. M. Fréteaa, o. 1S9.
A Casa. 17 jann 1889, rapp. M. Rocher. Bull. n. là. ^
* Voy. iupràf p, 452.
PREUVES DIVERSES. $ 646. T79
toutes les mesures d'iDStruclion qui lui semblent nécessaires
pour éclairer sa propre religion et ceHe des jurés ^
Mais si le président et la Cour peuyent ordonner la même
mesure, cette mesure, suivant qu'elle est ordonnée par l'un
ou par Tautre, ne doit pas apporter dans le débat la même
autorité : toutes les mesures que prend le président, en vertu
de son pouvoir discrétionnaire, ne doivent, comme on Ta vu *,
Stre.considérées que comme de simples renseignements ; toutes
celles, au contraire, que prend la Cour ne peuvent être pro-
duites qu'avec le caractère de preuves. Cette distinction fon-
damentale a été perdue de vue dans quelques espèces. Il a
été jugé que le président a pu, sur la réclamation des accusés,
nommer trois experts médecins pour procéder à une opéra-
.tîon et en rendre compte au jury *. Il a encore été admis que
les experts appelés par le pouvoir discrétionnaire avaient pu
procéder» non point seulement i titre de renseignements,
mais sous la foi du serment ^. Ce sont là des déviations qu'il
suffit de signaler. Les experts exercent une mission souvent
très importante, et leur opinion peut exercer une influence
quelquefois décisive sur le Jugement ^ : îl importe donc que
cette opinion ne se produise qu'avec l'autorité qui lui appar-
tient, comme simple renseignement, si c'est lo pouvoir dis-
crétionnaire qui Ta provoquée, comme élément de la preuve,
si c'est la Cour d'assises, sur la réclamation des parties ou
i d'office, qui l'a introduite dans le débat.
m. Le choix des experts est laissé, soit au président, soit
à la Cour d'assises : nous avons tracé les règles qu'ils doivent
observer à cet égard ^. Comme les expertises ont pour objet
d*apporter aux juges et aux jurés les connaissances spéciales
qui leur sont nécessaires pour comprendre les faits du procès,
ils doivent choisir les personnes qui possèdent le plus parfai-
tement ces connaissances et qui sont le plus capables d'éclai-
rer les points douteux ou contestés.
Les experts ne peuvent être pris, à peine de nullité, ni
' Voj. Muprà^ pb 679.
xVcy. «vin^d» p. 470.
*Cb8s« 29 mal 18&0, rapp. M. Meyroim^ BnlK n. i52«
* Ga». ioov. iSaa, rapp. M. Vincens-St-Laurent. Bull. n. 868; 2;jaiU.
1816, rapp. U. FréCeau. n. 169.
•Voy.UV.p. 651. :
• Voy. U V, p. 662.
7d0 DES COURS d'assises.
, pajiBi i^ jpe^y ni parmi les jurés '; n^ajs cette exception
faite et les parties également écarté^, a)p^i ^ue les indiwclQs
privés d(^ droit d^ëtre çxpc^^ en justice^ en vertu des arti-
cles 34 et 42 du C pén^, toqtes p^rspanè^ sont aptes.à rem-
plir cette missÎQQ : — les.étrangejrs, car ce n^est poSni là tint
lippction publique *, Les té^ioins^ même dans la aiême affaire,
car aucune dispûsitioQ, de Ip loi ^'interdit le cumul des foncr
tions de témoin et d'expert 3, les jurés eux-mêmes lorsqu'ils
ne font point partie du jury dç jugement. ^ .
IV. Les experts, lorsqu'ils ont été appela par un arrêt de
ta Ck>ttr d'assise»! doivent, à peine de i^llité». prê^r serment;
car « les dispositions de la )oi touchapt Taffirmatioo sous la
foi du serment, des rapports ou de^ téptpigqageç^ sont çnhsiaih
tielles à Tinstruciion, et les fori^aljtés qu^el|ea presçriveiit
sont îflstituéeBi dans Tinterèt 4^ la niai^iG^s^^iqu d^ la vé-
rité 5 »^ .
■ 'r ' ■
La formule de ce serment, qui est prescrite par Tart. M,
est a de faire leur rapport-et 'de 'donner leui< avw««a leur
bonneor et conscience. » Elle n'^ passactauietldie^enee
'^ens que si quelque terme lotit & faît<équi|KiU«iit« Mérni>-
Èiitué à un des terhies de la loi, il n'y a ^9lS4% fautUlé «;*«aif
ts ttullité serait encourue si la formiile ava# été tma^née, et
par exemple si à cette formuM ii en avait étésubstàlaè qm
autre; car <i les formules légales de serment sont inrôkèics
tomme le serment lUi-^même, et unede ces forouijos^ae peut
àTbrtrairement'étre^b^Uuéeàittie^aatre.T'iBi > . •
Il a été admis que l'expert qui n^est appelé devant la Coo
d'assises que pour rendre compte des opérations aQxquefles
il a procédé dans le cours de Tinstruction écrite, peut Hre
^kMisidéré comme témoin et que le serment qufil prêta en
' • '• ■ . .^' *■•.■••■ ^•'•
^Voj, sûprà, p. ioU ''.' . ' ' ' , ' '"' •*' ' •
,, > Gass. 39aoùtf85a, rapp. If. Rocher. J.^., i.XXV;p.'86lit7se^.f8S5»
rapp.M.CIiau?eau-Lagarde.BulI. D. 361. ' ,';
„ * Çasi. 39 aoai 1833, dlA dans la noie qttîjarécède. ' ' '/^ •' '! • '
• ' Caia.,19JM?iw 1827, rapi). &L CaîUafd. i. P., t mf'p^'0lrS7dK
I • C^ss, i6ju|ll. 48319, r«\ff. M. de Croiuseilhes. J^ Py U XXII. p, tlSli
9t vot. t. V, ik.60l. .y v .1 .c.^T lA.vc »r .> 1
' fiime onS el suprd] pliai " '''''" ' " -^'" ' -^ "'^ ' '
PRBVTCS B1VBI8K8. § 646- 781
cette qualité ne vicie pas la procédure ^ C'est là une juris-
prudence qui, quoique bien arrêtée aujoord'btti, 'n'est pas
moins contraire à la vérité des faits ; car les eiperts ne disent
pas, comme le$ (érooins, ce qu'ils ont vu ou entendu, mtiis
ce qu'ils pensent de tel Tait ou de telte chose ; ils tie sont pas
responsables, comme les témoins, de la sincérité de leurs dé^
claralions; ils jugent, ils ne témoignent pas. Ckitte cov^fasion
d'ailleurs n'était pas nécessaire; car Texpert, qui a procédé
dans la première instruction à quelque vérification, peut être
appelé à l'expliquer devant la Cour d'assises sons la foi du
serment qu'il avait prêté devant le juge d'instruction *.
Le serment que l'expert prêterait comme témoin serait
d'ailleurs insuffisant : 1^ s'il n'avait pas prêté avant de pro-^
céder à l'expertise celui d'expert, car le premier de ces ser-*-
ments ne se rapporte qu'aux explications verbales et non i
l'opération et à la rédaction du rapport ^ ; 8" s'il venait a étra
chargé à Taudiehce d'unef expertise quelconque ^, è menis
que les explications qu'il donne ne soient que la suite de la
première opération ^.
Le serment d'expert serait également insuffisant si l'ex-
pert est appelé à un double titre , non-seulement çomn](e
expert, mais eomme témoin» par exemple, s'il a été cité comme
ténnoin, ets'il a été nommé expert par la Cour d'assises, car
le double devoir qu'il est appelé à remplir ne peut l'être qu'a»
vec la garonlied'un doubte serment «.
Au surplus, s'il ne s'agbsait pas d'une vérification empor-
tant une appréciation de faits, mais d'une œuvre purement
manuelle, comme de décharger ua fusil, ou de délier un
* Cass. a janvier 4846, rapp. M. Vioceos-St-Laoreot. Bull. n. iS ; 5 nor.
1846» rapp. M. Barennes, n. 285 ; Si juill. 1841, rapp. M. Dehaassy^ n. Sl9;
19 f(ëv. ISIltrapp. M. Itfeyronnet, n. 48; 8 ocL i84(^« rappb Mi Bomigatèréi,
n. 299; i6 JailU 1029, rap^ M. de CrooseUtet. h P*«t» ^PUI, 9* UW ; U
août 4835, rapp. M. Fréteau. Bull. n. 325.
' Cass. 13 août 1829, rapp. M. Ghoppîn. J. P., t XXII, p. 1340 ; 21 août
1885, rapp. M. Fréteau. Bull n. 825; 2 juill. 1846, même rapp. o. 169;
4 janr. 1839, rapp. M. MeyrooDjSt.Dall. 40^/» 398.
■ Caiff.. 27rdéc. 1^4f rapp. M. de Ricard. J. P., t. XXVI, p. Ii92.
* Cass. 4 sept. 1840, rapp. M. Vincens-St-taorcot Bull. n. 251 ; 8 avril
1847, rapp. M. Brière-Valigny, n. 75. ^
*GfKs.^ oct. ^^0, rapp. SI. Romîg^ujères, Bull. n. 299; 10 oct 1889,
rapp. M. VinceD»-âi-Laureat BuU. 1840. â. 245; 27 avril 1827, rapp.
M. Brière; J. P., t. XXÏ, p. 387; 15 janv.'l829, rapp. M. Mangin, t. XXlI,
p. 266. -1
' Cas«. 13' ao6t "(835, rapp. M/ de CrotiseUhès. Bup. n. 317; 2 'avril
f 840y rapp. M. Debanwj, d. 101; 11 joill. 1846, rapp. »[• B^essorf^ i|: Hî.
782 M
paquet renfennant des pièces de conyictÀon^ aucun serment
ne serait nécessaire; car ce ne sont pas là des expertises ^
V. Nous avons déjà exposé les formes générales des ex-
pertises judiciaires'. Neas ajouterons seulement que l'exper-
tise peut être confiée à un ou à plusieurs experts» suiyant
que le président ou la Cour le juge convenable; que Topé-
ration peut être faite, soit à Taudience mème^ si son caractère
le comporte, sbit en dehors de Taudience, mais à la charge
d'en faire connaître le résultat publiquement et en présence
des accusés >; qae les experts ainsi désignés peuvent bire
leur rapport en présence Tun deFautre; enfin qu'ils peuvent
se mettre eo communieatiott avec les premiers experts nooi-
mes dans T instruction K
S 647.
i. Production et lecture de pièces. — II. Quelles pièces peuvent être
lues aux débats. — III. Jonction au dossier.
LNous avons précédemment établi que, dans noire lé-
gislation moderne y les écrits sont un moyen de preuve que
le juge apprécie sans être lié par eux ; ils peuvent être produits
dans le débat; ils sont examinés et discutés f^ar les parties;
ils apportent dans la cause tous les éléments de preuve qu'ils
contiennent ; mais ils n'ont aucune puissance légale; et qnd
que soit leur caractère, quelleque soit même leur authenticité,
ils n'enchaînent point la conviction du juge ^.
LMnstrnction qui se fait à l'audience est essentiellemeot
orale ^. Mais le caractère de Pinstruction ne fait jamais ote*
tacle à ce que l'un des éléments de la preuve soit un écrit ,
un titre , une lettre, pourvu que celte pièce soit librement
examinée et discutée par les parties , pourvu que cet examen
fasse partie du débat oral . Il en est ainsi de l'examen des fûèees
« Cass. 18 avril 1883, rapp. M, MériHiou. J. P., U XXY. p. 383; 29 aiiî
lasO. DalL 50, 4, hU.
» Voy. L V, p. 662.
* Cass. 17 a?rU 1838, rapp* M. MeyronneU Bull. n. 145.
♦ Csss. 21 juill. 18A3, rapp. M. MeyronneU Bull. n. 188.
» Voy. t. V, p. 621 et suiv.
• Voy. Muprà, p. 591 et 592.
de coBTÎctioD^ des expertises^ des opérations de to«te nature
qui sont soumises au débat et n'en changent point le ca-
ractère.
C'est par application de cette règle que l'art. 306 veut que
les pièces du procès qui, suhant les termes de Tart. 37 ^peu-
vent serf ir i conviction ou à décharge, soient communiquées
à l'accusé et que copie lui sott donnée des procès-verbaux
constatant le délit; c'est par suite de la même règle que Tar-
ticle 341 prescrit de remettre aux jurés les mêmes procèfr-
Terbaux et les mômes pièces , tands que Tart. 342 recom-
mande à ces derniers de ne pas considérer comme suffisamment
établie une preuve qui n'est formée que de tel procèfr-verbal
on de telles pièces, et de ne consultef que leur intime con-
viction.
II. Quelles sont les pièce.^ (^t écrits dont il peut être donné
lecture dans le cours des débats? La jurisprudence a succes-
sivement reconnu qu'il peut être donné lecture : 1^ des
procès-verbaux constatant le délit; car si l'art. 313 n'or-
donne la lecture que de l'arrêt de renvoi et de l'acte d'accu-
sation, cet article n'est point limitatif, et d'ailleurs l'art. 341
prescrit la remise de ces actes aux jurés»; 2*" des procès-
Terbaux constatant le délit, lors même qu'ils contiennent des
déclarations de témoins, car l'art. 341, qui défend la remise
de ces déclarations aux jurés, n'est pas prescrit à peine de nul-
lité*; 3o des interrogatoires d'un coprévenu décédé ou mis
hors du procès par la cbambre d'accusation, puisque ce ne
sont pas là des déclarations de témoins ^; 4* des interroga-
toires des parents qui ne pourraient témoigner contre l'ac-
cusé, lorsqu'ils les ont subis à titre d'iiiciitpéi^; fr^^des dé-
clarations écrites des témoins , dans les cas qui ont été ci-
dessus spécifiés 5- 6« enfin des écrits divers qui, tels que des
lettres missives trouvées an domicile de l'accusé ^, peuvent
* Cass. J2 juin 1820, rapp. M. Busschop. J. P., t. XV, 1068 ; 8 sept. 1812,
rapp. M. Bauchau,l.X,p.706. , « • viv « *«;« « r*.
* Cass, 29 mai 1817, rapp. M. Busschop, J. P., t. XIV, p. 253 ; 6 fér.
48a2. rapp. M. Isamberl, t. XXIV, p. 67S.
» Cass-TDov. 1830, rapp. M. Isambert. J. P., t. XXÏII, p. 814 ; 10 jany.
4817, rapp. M. Roberl-St-Vincent, t XIV, p. 19. .-,= -. ..
* Ca8sr27jaîn 1828, rapp. M. Busschop. J.P., t. XVII, p. 1215; 10 avrJ
1828, rapp. M. Gary, XXI, p. 1356;
* Voy. tuprdf p. /i61.
* Cass. 28 mars 1833, rapp. M. Rocher. J. P. XXV, p. 815.
784 DES COURS D^SSISBS.
jeter du jour sor le fait incriminé , ou donner des renseigne-
ments sur la moralité de Paccusé ou sur celle des témoins*.
Il y a lieu toutefois de rappeler que , toutes les fois qu'il
s'^agit, soit de la déclaration d'une personne dont le témoi-
gnage est prohibé, soit de dépositions écrites de témoins» soit
d'un document nouveau ne faisant pas partie des pièces da
procès, la lecture ne peut en être ordonnée que par le prési-
dent , en vertu de son pouvoir discrétionnaire et sous sa res-
ponsabilité personnelle : c'est là une mesure extraordinaire
3ui est en dehors des règles tracées par la loi, et que la Cour
'assises, chargée d'appliquer ces règles , ne pourrait pres-
crire •, même du consentement de raccusé*.
De ce que cette lecture ne peut être ordonnée qne par le
pouvoir discrétionnaire, il s^ensuit que le président pent re-
fuser de Tautoriser, lorsqu'elle est réclamée par Taccusé;
mnis , dans ce cas, la défense conserve le droit de foire usage
dans la plaidoirie de la pièce dont la lecture a été interdite
dans le débat ^.
III. Toutes les fois qu'un document quelconque est intro-
duit dans le débat, soit par Tordre du président, soit parle
ministère public ou l'accusé, ce document doit être déposé et
joint aux pièces, afin de mettre Tune et l'autre partie à même
d'en apprécier et d'en débattre la valeur et la portée ^.
Toutes les fois qu'une pièce quelconque est jointe è la pro-
cédure, il y a lieu de la remettre aux jurés , lorsqu'ils ïont
délibérer» avec les autres pièces du procès. Mais nous avons
vu qu*aucune nullité n'est attachée à cette disposition.
* Voy. «vprà, p. liH et tnhr.f p. 59S et soif.; et can. SS sept 1831, n^
M.Brière. J. P. , t. XXIV, p. 258.
* Casa. 30 déc, 188 J, rapp. M, Choppin. J, P„ t. XXÏV, p. 518; 13 jai
1839, rapp. M. Isambert. Bull. n. 188 ; et cont 1& sept. 1826. Bail d. 1^'*
Hééc 1835, n. 669 ; 80 JoUI. 1886 1 o. 189 ; 27 avril 1887, n. 184.
» Cas». 18 juilI.184i, rapp. M. IsamberL jouro. cr. tXVJ, p. 803.
* Cass. 2 déc. 1842, rapp. M. Rocher. Bull, n, 316 ; 9 ju»!. 1840, rapp.
M.Mérilhoa. n.l99; 80 juiU. 1847, rapp. M. JacquiDot, n. 168.
* Cass. 7 janvier 1836, rapp. M. Deiiaussj. Bull. n. 5.
ClTÀtlTRE )pll,
INCIDENTS DE VAqWBNCE,
§ ^w. 1. ïncidenis dé Taudience. — IL Diverses ^spè4:es.
§ 61t. I. ExeepHoiiB et Éfti* de nonreéeVoir: — ! n. Questions de
, oompéleikce. -^ Jl. Exceptions aui lendéfH II IVxiinciîon de Tao-
tioQ — JIY. £;zcepiUu^ ^î ten<ieniiii*annolsiieo>ou k lasuspen*-
sion de la procédure. — T. Excepii^qs préjudicielles à Ugûco^
S 650. h Sospicloti ée faux témoignage. — [ÎT. Arrestation des lé-
molDS suspects. — ÎII. Mise en sunreillance de ces témoins. '
S, (m L Renvoi derafTair^ k ui)fi!$iQlre<9fssioT».^II. lo Lbrstiie la
disposition d'iin témoin paraît feusse..— ; IIL. %• Toutes (es (ois
' qn^uri événement le rend nécessaire. — iV. Par qui le renvçiesi or-
§ 6;S2. L Xrf^h^e «l d«)iu> d'^mlieio». _]l . HéfoèNîon de Faceusé H
^nn. expulsion de raqçH^ftca. .-r UI. Q4couirett^ d'on nouveau tfme
^ à raMdîerice. — IV; Tumulte et délits cpmïûiisvr«udi^<». . •.
•'■•'•- 1''- 'î •■ §''64*.
' ' I. Incidents de l*nudieftce. —ÎJ, DîverseiS e^i tces. .
t. tef iocldents qui peuvent s'élever dai s le cours i)e^
dé bats sont nombreux et il serait dilBdle de l'es |)ré|Vpir tous.
Toutes los questions ot; dcnriandesque^^ôiilèveiiit Vàrâisalkuv
ou la défense, touie^ les piesurès qulordoonent leprésident
ou la Cour d'assises, sont des incidents qui changent d'objet
et de caractère suivant les circonstances multiples des affaires
et les réclamations infinies auxquelles elles donnent lieu.
Lorsqu'il s'agit uniquement de faire à ces incidents Tapplica-
tion des règles générales établies par la loi> il suffit d'expliquer
ces régies et de rappeler les différentes espèces dans lesquel-
les elles ont été invoquées. Hais il est plusieurs faits qui sont
viu 50
786 DES COCMI hASSiStB.
de nature à se représenter souvent avec le même caractère
et qui dès lors exigent des règles particulières. Ce sont ces
faits dont nous allons nous occuper.
II. Nous avons déjà examiné quelques-uns de ces incidents:
tels sont ceux qui ont pour objet la police de l'audience i, les
mesures d'instruction ordonnées dans le cours des débats^ les
renvois de rafiaire à un autre jour ou à une autre session
dans les cas prévus par les art. 306 et 354 %les jonctions ou
disjonctions de procédures ^, le huis-clos ^, les interruptions
des débats S les communications des jurés au dehors 7, l'as-
sistance des interprètes s, et enfin les incidents variés de Tau-
dition des témoins 9. Nous avons constaté aussi le droit qui est
attribué au ministère public ou à la défense de prendre sur
tous ces incidents des réquisitions ou des conclusions et
l'obligation imposée à la Cour d'assises d'y statuer ^^.
Il nous reste à parler : l"* des exceptions, questions pré-
judicielles et demandes en nullité ; S"" des suspicions de Uux
témoignage qui s'élèvent contre les témoins ; 3"" des renvois
à une autre session à raison de quelque événement survenu
dans le cours des débats ; &® des cas où il y a lieu à l'expul-
sion de l'accusé ; et 5"" des délits révélés ^ou commis à l'au-
dience.
S 649.
I. Exceptions. — IL Exceptions de compétence. — 111. Exceptions
qui tendent à Textinction de Faction. — IV. Nullités de procédiin>
et exceptions tendant à faire déclarer Taccusation non re:erablf
quant à présent. — V. Exceptions préjudicielles.
I. Nous avons longuement examiné toute la matière des ei-
ceplions^i. Nous ne voulons ici que distinguer brièvement, en
appliquant les règles qui ont déjà été établies, les exceptions
et fins de non-recevoir qui peuvent être proposées devant la
Cour d'assises et celles qu'il n'est plus permis d'y soulever.
* Voy. iuprd, p. 486. — • P. 453 et 479.
■ P. 5«3 et §74. ^ * P. 569.
6 P. 592. — • P. 598. .
» P. 614. — • P. 628.
• P. 684 et suiv.— *• P. 495 et 820.
" Voy. t. III, p. iSG et £05 ; U VJ, p. 606 j U VII, p, 9B0ti IkL
iNciDïNTa lui L'AUD^u^:E. { 649. 717.
Il ▼ a (fois sortes d^eiœplions : celles qn ont pour objet
de dédiner le compétence de la juridicâoD saisie, ceHes qii
tendent à rextinction de Taclion» et celles en6n qui ont pour
but on de surseoir ail jugement, ou de frapper la procédure
de nuiMé.
II. Toute exception de oompétence est interdite devant la
Cour d'assises : il est de principe, en effet, que celte Cour,
lorsqu'elle a été régulièrement saisie par un arrêt de la diâm*
bre des mises en accusation, ne peut se déclarer incompétente»
soit à raison àe la qualité de Taccusé, s'il était militaire et
qu'il eût commis le crime à son corps» soit à raison de son
ftge, s'il a moins de seize ans, et quSI ne soit justiciable que
de la juridiction correctionnelle, soit k raison de ce que le fait
ne constituerait qu'un délit ou qu'une contravention, sok à
raison de ce que son ressort ne serait ni le lien du crime, ni
celui de la résidence ou de l'arrestation de Taccusé» soit enfin
à raison de ce que le crime aurait été commis sur le territoire
étranger. Il suffit qu'elle soit régulièrement saisie : la pléni-
tude de juridiction dont elle est investie lui attribue une com-
pétence générale pour juger tous les faits et tous les accusés
qui sont renvoyés devant elle. Nous avons examiné précédem-
ment ce principe et relaté les arrêts sur lesquels il s'appuie *.
Tout ce qu'on doit en inférer ici, c'est qu'aucun déclinatoire
ne peut être proposé devant la Cour d'assises et que ses arrêts
ne peuvent, en aucun cas, être attaqués pour cause d'incom-
pétence, quelle que soit la cause de cette incompétence,
qu'elle soit ratione ïoci, personœ vel materiœ ••
m. Les exceptions qui tendent à l'extinction de l'action,
telles que l'exception de chose jugée, la prescription ou l'am-
nistie, peuvent, au contraire, être proposées devant la Cour
d'assises, toutes les fois qu'elles ne l'ont pas été devant la
cbambre d'accusation.
Si la chambre d'accusation, en effet, a statué sur ces ques-
tions^ il y a chose jugée, et il n'est plus permis de mettre en
discussion les points de droit qu'elle a admis ou rejetés^, à
moins toutefois que les éléments de sa décision ne fussent
* Voy. t. VI. p. 588.
» Voy. t. VI, p. 585.
» Voy, U VI, p. 608 et 60».
788 »■• couM i»*Àts(fu»
puisés dans des faits que le débat a pu modifier ' • Mais si cettt
chambre, soit que les questions aient été ou non soulevées
devant elle, n'a pas statué, Taccusé, lors même qu'il ne se
serait pas pourvu contre Tarrét, peut les élever de nouveau
devant la Cour d'assises; car, dès qu'on ne peut lui opposer
la chose jug^e, il est impossible de lui dénier le droit de sou-
tenir que l'action est éteinte ou que le fait a cessé d'être pu-
nissable. Nous avons développé précédemment ce point de
doctrine >•
lY. A côté des exceptions qui tendent à Textinction de
Taction, il y a encore celles qui tendent à l'annulation de la
procédure et celles qui tendent à ce que l'action soit déclarée
quant à présent non recevable.
Les exceptions qui tendent à Tannulation de la procédure^
ou, en d'autres termes, les nullités de la procédure écrite
sont couvertes par le défaut de pourvoi contre l'arrêt de ren-
Toi : ces nullités doivent être relevées devant la chambre
d'accusation > et ne peuvent être proposées que devant cette
chambre qui est le juge de la procédure écrite. Si l'accusé ne
les oppose pas à ce moment, elles sont voilées par son si*
lence;et la Cour d'assises , d'ailleurs, serait incompétente
pour connaître de ces nullités , c'est-i-dire pour annuler la
procédure écrite^.
Les exceptions qui tendent à ce que l'action soit déclarée
quanta présent non recevable présentent plus de difficulté.
Elles peuvent principalement être élevées : 1^ à raison du
défaut de plainte préalable dans les poursuites pour rapt, pour
crimes des fouini&^eurs de TElat et pour crimes commis à
l'étranger & ; 2* à raison du défaut d*autorisation de mise en
jugement , lorsque Taccusé a la qualité d'agent du gouver-
nement ; S"" à raison du défaut de jugement de la question
l'Etat, dans les poursuites qui tendent à modifier Tétat dvil
d'une personne ; 4® entin , à raison du défaut d'une preuve
littérale dans les crimes résultant de la violation d'un con-
trat.
Quant aux deux premières exceptions^ la solution ne nous
• T. VI, p. 608 et 609.
■ T. VI, p. 611.
» T. VI, p. 49».
• Voy. cependant un «rrét da 9 mai 1845, rapp, t. VT, p, 505.
• Voy. t. If, p, 33,
INCIDBNTB OK t*AUDlSNCB, f ^^V- ^99
a pas paru douteuse ^ Si le législateur n^a pas voulu > par des
motifs d'intérêt général, que certains crimes Tussent poursui*
vis sans une dénonciation des parties lésées et que les agents
du gouvernement fussent mis en jugement sans une autori-
sation préalable, ce sont là des formes dont la violation est
couverte par le défaut de pourvoi contre l'arrêt de renvoi. On
doit supposer, en effet, lorsque la procédure est parvenue sans
réclamation h ce terme » ou que les parties y ont acquiescé
ou qu'il n'était besoin ni de plainte ni d'autorisation.
La troisième exception , que nous avons déjà examinée*,
a été nettement résolue par la jurisprudence : il a été reconnu
que lorsque la question d'état , que la procédure écrite n*a
pas soulevée, ne s'est produite que devant la Cour d'assises,
cette Cour, lors même que Tarrêt de renvoi est passé en force
de chose jugée» doit déclarer, en présence de la question de
filiation qu'elle ne peut juger, qu'il n'y a lieu de procéder
quant à présent au jugement >•
Nous arrivons maintenant à l'exception tirée de l'absence
d'une preuve littérale. Faut-il assimiler cette exception à celle
qui résulte de la question d'état? faut^il ne voir, dans ces
deux hypothèses, qu'une même infraction à la prohibition de
la preuve testimoniale en matière de suppression d'état et de
violation de contrat? faut-il permettre à Texception fondée
sur le défaut de preuve écrite de se produire en tout état de
cause? Cette question , que nous avons déjà entrevue 4, est
délicate et mente que Ton s'y arrête un moment.
Assurément , dans la poursuite des délits qui consistent
dans la violation d'un contrat, la preuve du contrat , néces-
saire pour arriver à la preuve du délit , ne peut , aussi bien
que la preuve de la filiation, en matière de suppression d'é-
tat, être faite que conformément aux règles du droit civil. La
prohibition de la loi n'est pas moins formelle dans un cas que
dans l'antre. L'intérêt des familles ne serait pas moins blessé
par les attaques téméraires dont les conventions seraient l'ob-
jet que par celles qui seraient dirigées contre la vérité des
filiations. Il semble donc, à la première vue, que l'exception
doit avoir le même effet dans les deux hypothèses, et que si la
* Voy. t. VI, p. 612.
■Voy.L m, p. 206.
' Cas». 21 mai.lS18 et 22 juin 1820, rapp. U III, p.i207 el 208.
*Voy.t.VI, p.612.
790 DES COURS B*ASS1SES.
Cout d'assises doit d'arrêter devant la question d'étal^ elle
doit fe^rréter ègalomeût devant lô contrat qu'aucune preuve
écrite ne vient constater. Mais Une réflexion plus attentive
fait retiiarquer une notable différence.
En matière dinfractions <^ui soulèvent une question d*ètat,
l'incompétence de la juridiction répressive est absolue ; elle
ne peut, lors même que Faction criminelle lui est déférée, en
connaître et y statuer. Le jugement préalable de la question
d'état par les tribunaux civile est la condition essentielle de
sa compétence ; jusqu' à ce que ce jugement ait été rendu et
soit devenu définitif, elle ne peut procéder à aucun acte ; elle
est, pour ainsi dire, fermée à une action qui ne peut naître
encore. Elle est donc tenue de déclarer cette action non rece-
rable» à quelque degré de la procédure qu'elle soit parvenue.
Les règles qui régissent la preuve des contrats ne sont point
aussi absolues. Ainsi, la preuve qui interdit la preuve par té-
moins contre et outre le contenu aux actes admet plusieurs ex*
ceptions; elle en admet notamment lorsqu'il existe un commen-
cement de preuve écrite, et l'on considère comme un oommeor
cernent de preuve l'aveu que ferait la partie. Or» la juridiction
répressive est compétente pour apprécier s'il existe ou non un
coflomencement de preuve par écrit ^. Ce n'est point là une
question préjudicielle qui soit de la compétence des trilNiDaux
civils : les tribunaux criminels sont tenus d'observer les rè-
gles relatives à l'admissibilité de la preuve en matière civile;
mais cette limite de la preuve n'est point une limite de la
compétence ; ils obéissent aux règles de la matière civile,
mais ils les appliquent eux-mêmes.
Cela posé, lorsqu'il n'y a pas eu opposition de la part da
prévenu dans le cours de la procédure écrite, il peut arriver,
ou que son silence soit considéré comme une sorte d'aveu de
l'existence du contrat» ou que l'information irrégulièrement
ordonnée fasse surgir un commencement de preuve par écrit
I)ans le premier cas, les juges peuvent induire du défaut de
contestation une sorte de reconnaissance de Texistence de la
convention ; dans le second, ils peuvent régulariser une preuve
irrégulièrement admise, en déclarant qu'il existe dans la cause
un commencement de preuve écrite \ Ce n'est pas que la pro-
* T. VII, p. 730.
• T. VU, p. 783.
INCIDENTS DB l'acdiencb. § 649. 791
hibiliôn dû l'art. 1341 du God. eîv. puisse être considérée
comme Une findénon-recevoirquele prévenu peut opposer
ou ne pas opposer. Nous avons vu que cette prohibition est
établie^ non dans le seul intérêt des parties, mais dans un in-
térêt public*, et que le juge est chargé de la maintenir. Mais
s'il ne peut suppléer à la preuve écrite quand elle manque» il
peut iTechercher s*îl y a dans le procès un commencement de
cette preuve et la compléter alors par la preuve testimoniale.
Or, ce commencement de preuve peut se trouver dans les dé-
clarations du prévenu, dans ses explications, dans ses contra-
dictions, dans toutes ses paroles. C'est ce pouvoir d^apprécia-
tion que, dans de certaines limites, la jurisprudence a reconnu
au juge, qui fait toute la difficulté de la question.
la Cour de cassation a rejeté deux pourvois fondés sur
remploi devant la Cour d'assises de la preuve testimoniale
pour établir Texistence d'un contrat Les deux espèces sont
presque identiques ; voici la dernière : un individu avait dénié
qu'il eût autorisé sa femme à souscrire un acte de cautionne-
ment d'une obligation de plus de 150 francs. Le serment
décîsoire lui ayant été déféré, il le prêta et fut poursuivi pour
faux serment en matière civile. Il ne proposa aucune excep-
tion devant la chambre d'accusation et ne forma aucun pour-
voi contre l'arrêt qui le renvoya devant la Cour d'assises.
Condamné par cette Cour, il s'est pourvu et a fait valoir pour
la première fois comme moyen de rtuUilé que l'art 1341 avait
été violé, puisque la fausseté du serment n'avait pu être éta-
blie qu'en prouvant par témoins l'existence d'une obligation
dont il n'existait aucune preuve écrite. Le pourvoi a été re-
jeté, «attendu que Taccusé ne s'est pas pourvu contre l'arrêt
de la chambre d'accusation qui l'a renvoyé devant la Cour
d'assises ; que cet arrêt a donc irrévocablement acquis l'auto-
rité de la chose jugée et qu'il doit être réputé avoir saisi léga-
lement la Cour d'assises; que, relativement aux débats qui
ont eu lieu devant cette Cour et à la déclaration du jury qui
en a été la suite, il ne peut rester aucune trace sur les élé-
ments des preuves d'après lesquelles a pu se former la con-
viction du jury ^. »
Il résulte bien de cette jurisprudence que la fin de non-
* T. VII, p. 732.
* Gass. il déc. 1857, à notre rapp. Bull. d. 39â ; 5. scpU iSl^r réfpp.
M, Bcuvenuti, J« P„ U X, p. ih*
792 l»ES CODES 1>*àMUBS.
recevoir ne peul se produire poar la première fois devant It
Cour de cassation ; et, en effet, lorsqu'elle ne s*est produite
ni devant la chambre d'accusalion, ni devant la Cour d'assises,
il serait impossible d'apprécier si quelque commencement de
preuve écrite n'a pas traversé la procédure orale.
Mais en résulte-l-il que l'accusé ne puisse soulever devant
la Cour d'assises l'eiceplion qu'il u'a pas proposée devant la
chambre d'accusation ? La jurisprudence ne le dit pas explici-
tement, parce que ce n'était pas précisément cette question
qu'elle avait à juger; mais il est évident que la négative est
au fond de ses arrêts. Si l'arrêt de la chambre d'accusation,
en effet, a acquis la force de chose jugée, il enchaîne néces-
sairement la Cour d'assises ; s'il est réputé avoir légalement
saisi cette Cour, c'est qu'il en résulte la présomption qu^ cet
arrêt, en saisissant une juridiction où le débat est essentielle-
ment oral, a constaté que les éléments de l'accusation pou-
vaient être discutés oralement, c'est-à*dire, si l'un de ces
éléments était l'existence d'un contrat, qu'il y avait déjà dans
la cause preuve écrite ou commencement de preuve écrite de
ce contrât. Les deux arrêts de la Cour de cassation se fondent
ensuite sur le caractère même de la procédure des assises pour
arriver à l'impossibilité de discorner si la preuve produite aux
débats a été testimoniale ou écrite ; c'est là peut-être la plus
forte considération qui doive écarter l'exception. Celte excep-
tion est contraire au principe de cette procédure ; elle ne peut
se concilier avec un débat qui ne rejette aucune preuve, avec
des juges dont la conviction nesubit l'entrave d'aucune règle ;
elle est présumée écartée au moment où TaSaire arrive devant
les assises* Elle peut se produire tant que la procédure n'a
pas saisi cette juridiction ; elle ne peut plus se produire
après.
y. Après toutes ces fins de non recevoir et ces exceptions,
viennent enfin les questions préjudicielles : nous ne répète*
ronspasici les règles qui ont déjà été posées pour le jugement
de ces questions soit en matière de police ^, soit en matière
correctionnelle *• Ces règles s'appliquent également en ma-
tière criminelle lorsque, ce qui d'ailleurs est très rare, les
questions de cette nature y sont soulevées.
' T. VU, p. 881,
» T. VII, p. 74Î.
INCIDENTS M l.*AirmENGE. f 649. 793
En thèse générale, les questions préjudicielles peuvent être
portées devant la Cour d^assises lorsqu'elles n'ont pas été ju-
gées par la chambre d'accusation ou lorsque, bien que reje-
tées par cette chambre, elles trouvent une base nouvelle dans
les faits que relèvent les débats. En effet, elles sont, aussi bien
que les exceptions péremptoires, des moyens de défense i, et
elles ne peuvent être écartées du débat que par une décision
formelle passée en forme de chose jugée.
Maïs, parmi ces questions, et c'est ici qu'est toute la dif-
ficulté de cette matière, en est>il dont la solution appartienne «
comme en matière de police et de police correctionnelle, à la
juridiction civile ou à la juridiction administrative, et qui dès
lors doive emporter le sursis?
Dans la plupart des cas» le fait préjudiciel, comme par
exemple la contrainte, l'obéissance à Tordre d'un supérieur,
la démence, Tivresse, la légitime défense, se confondent avec
le fait de l'accusation et sont nécessairement appréciés par le
même juge. Nous ne devons donc parler que des cas excep-
tionnels dans lesquels le fait préjudiciel se détache pour ainsi
dire du fond de l'affaire et i l'éj^ard desquels la juridiction
criminelle a été ou a pu être contestée.
En inalière de banqueroute frauduleuse, on a demandé si
le jury est compétent pour décider si l'accusé a la qualité de
commerçant et s'il est en état de faillite, et si ces deux ques-
tions préjudicielles à l'accusation ne doivent pas être ren-
voyées préalablement à la juridiction consulaire *. Nous avons
déjà examiné cette thèse au sujet de la poursuite de banque-
route simple, et quel que soit le talent qui ait été employé à
la soutenir, nous persistons à croire, avec les arrêts que nous
avons cités ', que le jury, qui apprécie tous les éléments des
crimes, est compétent pour rechercher et déclarer tous les
faits constitutifs de la banqueroute frauduleuse. Au surplus,
cette question a été en dernier lieu résolue dans une espèce
où l'accusé produisait un jugement de la juridiction consu-
laire déclarant qu'il n'était 'pas en état de faillite ; Tarrét
qui rejette le pourvoi ne fait qu'appliquer la doctrine que
nous avons développée sur les effdts de la chose jugée au
*T.vii, p. aai.
> Traité ducoatrat de commiuion, par MM. Delamarre et Lepoitvin, t V,
p. 203 ; et Texcellente disseruUon de M. Loais Guion sur cette question.
*T, VU, p. 74bettuiv.
794 DEà coukâ i^*AâsisÎBs.
civil sur l'aotron pxibttàue '; it déclare « qu'il est de principe
géiléra) et de dtoit public ëù France que Tes juridictioQS et-
vile et crthiînèlle Sont indépendantes l'une de Tautre ; que ce
principe est fondé, entre autres considérations, sur ce moliC
Îue^eS décisions civiles ne peuvent jamais réunir à rencontre
é Taction publique, et sauf, bien eniendu, les exceptions
fbriAelletnent autorisées par latoi> les conditions constitutives
de la chose jugée ; qu'en effet, il n^existe entre les deux in-
^nce& ni identité des parties, puisque le ministère public,
partie poursuivante en matière criminelle^ n est jamais partie
dans fég instances civiles auxquelles il n'assiste pas quand
il s^agit de la jmidiclitbn commerciale et auxquelles il n'as-
siste que comme partie jointe, s'il s'agit de la juridiction ci-
vile proprement dite ; ni identité d*objet, alors même que les
deux actions portent sur le même fait, puisqu'elles ne i^eovi-
sâgent pas âoUs le même rapport, n'en déduisent pas les mé-
mes conséquences et ne tendent pas aux mêmes fins ; ni
lïiéme identité dans les moyens de preuve, puisque la preuve
testimoniale, qui est, en matière criminelle, de règle gêné-
raie, n'est en matière civile qu'une exception rarement el
étroitement limitée ; que l'indépendance^ ainsi établie, àes
deux juridictions entre elles, ne souffre d^exception, d'après
l'ensemble de nos lois, qu'au cas où l'action publique sou-
lève une question préjudicielle, parce que dans ce cas le juge
de l'action n'est pas juge dé Texception, la connaissance et
étant exclusivement dévolue à la juridiction civile ; qu'il est
impossible d'attribuer, dans une poursuite pour banqueroute
isimple ou frauduleuse, le caractère d'exception préjudicielle
au point de savoir, d'une part, si le prévenu est commerçant;
d'autre part, s'il est en état de cessation de paiement ; que ce
caractère ne convient pas à la vérification de points de fait
d'une telle nature, puisque indépendamment du peu de va-
leur, à ce point de vue, dé ces faits envisagés en eux-mêmes,
il est aujourd'hui de doctrine incontestée que la juridiction
commerciale n'a point été saisie {ie leur connaissance » la
justice répressive^ loin d*ètre obligée de surseoir, ce qui
devrait être âù cas d'une véritable question préjudicielle, est
obligée tout au contraire d'en rester saisie et d'y statuer
immédiatement ; d'où il suit qu'en ne s'arrêtaBl pas à l'arrêt
lendtt aur civil par la Cour impériale d9 ParB, relatitemeni
* «Voy.UlII,p.607.
maDEMTS DE L*AUDIENGC. § 649. 795
au poiût dB savoir sll y àvftit lieu à déclamation de faillite, en
refusant à cet arrêt toute influence légale sur Inaction crimi-
nelle, en décidant que l*accusé n'avait pas plus le droit de
s'en prévaloir qu'on n'ayait le droit de s en prévaloir contre
lui, en ordonnant par suite qu'il serait nonobstant passé outre
aux débats, la Cour d'assises» loin de violer Tautorité de la
chose jugée ou les dispositions de la loi, en a fait une exacte
application '. x>
Il n'y a pas lieu non plus i surseoir^ lorsque Taccusé se
borne à dénier son identité et soutient que les désignations do
Tordonnance de prise de corps et de l'acte d'accusation ne
s'appliquent pas à sa personne. Ce n'est là qu'un moyen de
défense qui équivaut à une dénégation de sa culpabilité et
qui doit être apprécié par le jury ^.
En matière de bigamie» au contraire, la jurisprudence a
admis que la question relative à la validité du preitaier ma-
riage forme une question préjudicielle qui, si elle n'a point
été résolue avant que la Cour d'assises ait été saisie, peut
être proposée utilement devant celte Cour et peut motiver le
sursis et le renvoi devant les tribunaux civils. Nous avons
rapporté précédemment les arrêts qui ont consacré cette
solution *.
Il peut également y avoir lieu à sursis et à renvoi devant
la juridiction administrative lorsqu'un accusé, qui s'était réfu-
gié en pays étranger et dont l'extradition n'a été elTeetuéo
qu'après l'arrêt de mise en accusation, allègue on l'illégalité,
ou les termes restrictifs de l'acte d'extradition. Nous avons
examiné cette question préjudicielle et rapporté touft les mo-
numents administratifs ou de jurisprudence qui s'y ràtta--
cbent ♦. Quelques arrêts intervenus récemment sur cette ma-
tière n'ont fait que confirmer la doctrine que nous avons
énoncée ^
Il y a enfin lieu à sursis lorsque, sur une demande en ré-
gie de juges ou sur une demande en renvoi pour cause
de sûreté publique ou de suspicion légitime, h GoUr de ca^«
* Casa. 6 mars 1857, rapp. M, Nougoier. Bail* n. 97*
' Voy. «iipra, p. 665.
* Cass. 25 juin. 1811 et 16 janv. 1S26, rapp. t. VI, p. 618 et 614. Voy.
aussi aa arrétt conU'atre du 1 mars 1811, rapp M. Liborel. J, P., t. IX,
p. 134.
* Voy. t. II, p. 709et8Uiv.
* Cass. 18 juill. 1851, rapp. M. Fréleau, BuU.n. 292; 23 déc, 1852,
rapp. M, Foucber, n, 412,
796 DB8 COURS D* ASSISES.
sation a ordonné la commanication aux parties et qae rarrM
de soit communiqué a été notifié : cette notification emporte
de plein droit» aux termes des art. 531 et 551, sursis au ju-
gement du procès*.
$ 650.
I. Suspicion de faux témoignage. — II. ÂrresUtion des témoios 9»
pects. — 111. Mise en sarTeillance de ces témoins.
h L'un des incidents les plus graves qui puissent s'éleTer
dans le cours des débats est la mise en arrestation des témoins
dont la déposition parait fausse.
Nous avons vu que l'art 318 permet de faire tenir note des
additions, changements ou variations qui peuvent exister
entre la déposition d*un témoin et ses précédentes déclara-
tions, et nous avons établi que c^ était là une mesure de pré-
caution en cas de suspicion de faux témoignage *.
L'art. 330 ajoute, en effet : «Si, d'après les débats, la dé-
position d^un témoin parait fausse, le président pourra, sur
la réquisition, soit du procureur général, soit de la partie ci-
vile, soit de l'accusé, et même d'office, faire sur-le-champ
mettre le témoin en état d'arrestation. Le procureur général
et le président ou Tun des juges par lui commis rempliront
à son égard, le premier, les fonctions d'ofGcier de police
judiciaire ; le second, les jfonctions attribuées aux juges d'in-
struction dans les autres cas. Les pièces d^instructîon seront
ensuite transmises à la Cour impériale pour y être statué
sur la mise en accusation. »
IL 11 y a lieu d'examiner d'abord les cas dans lesquels cet
article doit être appliqué.
Suffit-il qu'il soit constaté que le témoin a fait des additions,
des changements ou des variations à ses précédentes déclara-
tions? Est-il nécessaire qu'il y ait inculpation de faux témoi-
gnage? La réponse est dans le texte même de Part. 330» qtu
n'autorise la mise en arrestation du témoin que dans le ca«
« Cass. 10 fér. 1883, rapp. M. Brière. J. P., t. XXIV, p. 705.
* Voy. supràf p. 766.
MClDIHTg Dl L'ÀimiENCK* § dSO. 797
oà, « d'après les débats, sa déposition paratt fausse. » L'arti-
cle 307 du C. du 3 brumaire an nr, qui a* servi de type k
l'art. 330, ne permettait cette mesure que « si la déposition
paraissait évidemment fausse. » La nouvelle rédaction est
plus conforme à la règle qui n'exige pas pour une mise en
prévention que le crime soit évident, mais seulement qu'il y
ait des indices graves de sa perpétration. Or, il s'agit ici d'une
véritable prévention de faux témoignage, car une prévention
seule peut autoriser la mise en arrestation d'un citoyen. La
loi, d'ailleurs, suppose nécessairement cet état de prévention
lorsqu'elle cbarge le ministère public de remplir à Tégard du
témoin inculpé les fonctions d'officier de police judiciaire et
le président celles de juge d'instruction, et lorsqu'elle or-
donne la transmission des pièces de l'instruction à la Cour
impériale pour y être statué sur la mise en accusation.
De là cette conséquence que les variations d'un témoin
dans sa déposition, les additions et changements qu'il fait à sa
première déclaration, ne sont pas nécessairement des indices
d'un faux témoignage. Il y a lieu à cet égard d'établir une
distinction. Il est possible queses souvenirs l'aient trompé dans
ses premières déclarations; il est possible qu'après les avoir
médités de nouveau il ait senti la nécessité de rectifier des
faits qu'il n'avait pas présentés sous leur véritable jour. Cette
rectilication, dès qu'elle est sincère» lui est imposée comme
un devoir : la loi n'a point voulu que les dépositions recueil-
lies dans l'instruction écrite demeurassent invariables, puis-
qu'elle n'en a fait que les éléments de l'accusation et qu'elle
a ordonné qu'elles fussent renouvelées dans le débat qui pré-
cède le jugement. Mais si les variations, au lieu de trouver
nne légitime eiplication dans la conscience du témoin, n'en
trouvent aucune, si leur but présumé est de détruire ou
d'afloiblir dans un intérêt quelconque l'effet des premières
déclarations; enfin, si la fausseté des faits ajoutés ou modi-
fiés est probable, il peut y avoir lieu de le mettre en pré-
Tention.
On doit appliquer la même distinction aux réticences* Le
simple refus de répondre aux interpellations qui lui sont
adressées ne peut constituer un faux témoignage, car le refus
de témoigner ne contient pas un témoignage ; le témoin ne
trompe pas la justice, il refuse de l'éclairer, il s'abstient :
c'est une simple désobéissance aux ordres de la justice que
l'art. 304 a punie d'une amende* La Cour des pairs a fait
7Qg |»ES ÇQ^U P*AS8IS^
^iér^^iy^aeni re(usé de oopopicir une personne donl ^ avait
parlé dans sa déposition ^ Or, une réticence simple n'osi qu'un
çefua de répondre $^r un point déterminé, et il a élé jugé en
ce sens « qu^une réticence simple^ quand elle n^est pas liée à
(a dépuration dont elle altère le sens et le résultat, ne peut
constituer seule le faux témoignage, puisqu'elle se réduit alors
h un simple refus de r^ondre •. » U ne suflit même pas que
la réticence toit liée à la déposition pour qu'elle puisse être
incriminé^, ci\r le silence du témoin sur telle ou telle circoa-
stapce, s'il est une infraction à son devoir, n'est pas néces-
sairement et dau$ tous les cas une altéication de la vérité,
Ia réticepce ne peut être considéréç comme un élément du
crime que lorsqu'elle dénature la déposition et lui donne ua
sens contraire à la vérité. Ainsi, le témoin qui déposerait
d'un fait imputé par erreur h un autre que le vrai coupable
et qui» par hai^ç pour cet individu, ne déclarerait pas, quoi-
qu'il le sût, qu'il n'est pas le coupable, pourrait être mis en
prévention, car sa réticence a précisément pour effet de doa-
oer à sa déposition un sens contraire k la vérité en la faisant
peser sur la personne assise au banc des accusés. C'est con-
formément à cette distioctioD qu'il a été décidé ^ que les
dénégations et les réticences d'un témoin assermenté entenda
aux débats n'ont le caractère de faux témoignage que lor^
qu'elles équivalent à l'expression d'un fait positif contraire à
la vérité, sçit en faveur» soit au préjudice de l'accusé '. »
On doit encore appliquer la même distinction «ux déposi-
tions négatives, c'est-à-dire, à celles par lesquelles le témoia
uie avoir vu ou entendu les faits sur lesquels il est appelé à
donner son témoignage. 11 est possible» en effet, que ce té-
moin» eùt-41 été en position de voir ou d'entendre, n^ait eu
aucuue perception sensible de l'action ou ne l'ait saisie qae
d'une manière vague et conCuse ; mais il est possible aussi que
sa dénégation n'ait pour but que de supprimer une prouve au
préjudice de la défeiise ou de l'accusation ^. La Cour de cas-
* àn^ 4tt i juiaifilM» r99P< pa« M. Gancl^, précédents de k Cmt 40
pairs, p. 496.
s Cass. 20 mai 1808, rapp. M.Lefessier. J. P., U VI, p. 695.
« Cass. 1 sept t81A, rapp. M. Audier-MassiltoD. S. P., U XII» p^ 41 ti
« Yoy.XliéorîedH Cotte péaal, a^ M«l. IV,f. 496»
INCIDENTS Df l'aPPI^^ g C50. t&9
s!(jt\pn a dPMC jagè « que s'il est mi qu'âne défMMilion sim*
plqijicot p^i^Uye ipie cQDstitlio p^s essftnlidleiiieôt et par elle-
même Iç crime 4e hw témoigtiage, paioe qu'il est possible
qu un témoin n's^it point va ou n'ait pobt Mitendu ce qu'il
avait été en situation de voir ou d'entendre, il est cependant
évidept qu'une dèpo^on de oe genre conslHue oe cirime lors-
qu'elle est faite de mauvaise foî et dans une intention crrim-
neUc, c'est-à-dire dans le but d'infirmer la preuve ou Tévi-
depce du fait incriminé et de se meltre en oontradiction avec
la vérité ^ » Toutefois, il serait nécessaire, même dans ce
dernier cas, que la déolaration négative fut en contradiction
absolue avec la vérité ; car, si elle n'excluait pas le fait af-
firmé par rinstruction, elle ne pourrait être incriminée *.
Nous pourrions encore appliquer la même règle aux con-
tradictions, aux exagérations , aux erreurs mêmes. Il suffit
de rappeler qu'il ne peut, en général, y avoir de prévention
de faux témoignage qu'autant que la déposition eat contraire
à la vérité , qu'elle est faite sous serment et dans la cause
d'autrui» qu'elle porte sur les circonstances essentielles du
procès, qu'elle est faite avec intention de nuire et qu'elle em-
porte avec elle la possibilité d'un préjudice ^. Or, ce n'est
que lorsque la déposition réunit ces caractères qu'il est pos-
sible de mettre le témoin en état de prévention, et par consé-
quent qu'il est permis d'ordonner sa mise en arrestation.
C'est au président qu'il appartient de prendre cette me-
sure, car l'art. 330 la lui a expressément déléguée, et il en
est ainsi, soit qu'il statue à cet égard d'office, soit qu'il statue
sur les réquisitions du ministère public ou les conclusions des
parties ^, et son ordonnance n'a pas besoin d'être motivée ^.
Toutefois il a été reconnu « que l'intervention de la Cour
d'assises dans l'exercice du droit que l'art. 330 donne au
président seul ne constitue pas une violation de cet article qui
puisse vicier les débats 6. » 11 a été également reconnu que
les parties ont le droit de former opposition à l'ordonnance du
* Caas. 17 mars 1827,rapp.M.Mangîn. J.P., t. XXI, p. 261.
*Ga5S. 12 janT. 1812^ rapp. M. Benvenuti. J. P., L X, p. 25.
» Tliéoriedu G. pén., 3« éd. t. IV, p. A39.
«Gass. 2 mars 1827, rapp. M. Mangin. J. P., t. XXI, p. 214; 2a 4éc.
1838» rapp. M. Ghauveau-Lagarde. Bail. n. 891 ; 23 ami 1840, rapp.
M. Isambert. n. lia.
* Gass. 24 jau?. 1851, rapp. M. Isambert. Bail. n. 32.
* Gass. 12 mars 1831* rapp. M. RiTCS. h P., U XXni, p, 1317.
800 DIS COVM ft*A88I8Kt.
préndcot, qu'elles doiv^ût néoessairetnent être enteDduéé sûr
œi ÎDcident, paisqoe de sa solotiori peut dépendre Texistence
des faits sur lesquels repose l'accusation» et que dans ce cas
la Cour d'assises est seule compétente pour statuer*.
III. L*art. 830 n'a prévu et n*a autorisé d'autre mesure
que la mise en prétention du témoin et par suite son arres-
tation* Mais la jurisprudence, à côté de cette mesure d^n-
struction, en a permis une autre qui n'a pas tout à fait le
même caractère.
On doit accorder que le président qui constate la fausse
Toie où s*engage un témoin, qui s'aperçoit que ses réticences
où ses variations ont un caractère repréhensible, peut, arant
de le mettre en prévention de faux témoignage, l'avertir des
soupçons qu'il fait nattre; ce n'est là qu'un simple avertisse-
ment, ce n'est point une mesure de contrainte *.
Mais, doit-on admettre, comme Ta fait la jurisprudence,
que le président puisse placer le témoin, non point comme
le veut la loi, en état de prévention, mais en état de suspi-
cion, et qu'il puisse ordonner, non son arrestation, mais sa
mise en surveillance? Doit-on admettre que, avant toute pré-
ventiao, il puisse prendre des mesures pour menacer sa li-
berté, et par exemple, qu'il le fasse placer el déposer entre
deux gendarmes s?
Cette pratique a causé quelque embarras à la juris-
prudence qui, d'une part, craignait, en la déclarant illé-
gale, d'enlever une arme utile à l'instruction du débat, et
qui, d'une autre part, ne savait trop à quelle disposition de
loi la rattacher. Les arrêts présentent à cet égard les motils
les plus divers : les uns déclarent « que la mesure de la sur-
veillance rentre dans le pouvoir discrétionnaire confié au pré-
sident par l'art 268 ^ ; n les autres, « qu'elle n'est qu'une
mesure d'exécution de l'art. 330 ^, puisqu'elle a pour objet
€ que les témoins ne puissent se soustraire aux mandats qui
peuvent être décernés ultérieurement contre eux 6; » tes au-
tres, enfin « que, puisque le président peut d'office ordon-
* Cass. 5 mai 18S6, rapp. M. Oilivier. J. P., L XX, p. 452.
■ Caas. 28 mare 48S9, npp. M. de Ricard. J P., i. XXII, p. 858.
l Casa. 30 acùl 48i9, rapp. M. Oilivier. J. P„ t. XV, p. 509.
* Casa. S4 janr. i85i, rapp. M. IsamberU Bull. d. 32.
* Casa. 11 avril iSAO, rapp. M. de Crouseilhes. Buil. n. 111.
« Cass 80 mai 1818, rapp. M. Oilivier. J. P„t. XIV, p. 832.
llfCIDENTS DE L^ACftlBNCfi. § 6S0. 801
ner l^arrestation d'au témoin, il peut, à plus forte raison, or-
donner qu*ii sera simplement gardé à vue jusqu'à la fin des
débats K » Aucun de ces moti^ ne peut soutenir un examen
sérieux.
Il n'est pas exact de dire que la mise en surveillance d'un
témoin soit un acte du pouvoir discrétionnaire. Nous avons
vu, en premier lieu, que le président ne peut ordonner, en
vertu de ce pouvoir, que les mesures ordinaires de Tinstruc-
tion ' ; il peut prescrire au milieu du débat, pour compléter
les preuves préparées par l'instruction écrite, quelques-unes
des mesures qui sont admises par Tinstruction criminelle; il ne
peut rien au delà. Or, les réglesde l'instruction criminelle [ne
permettent pas de mettre un inculpé en surveillance avant de le
mettre en prévention. Ensuite la loi ne prescrivant spéciale-
ment que la seule mesure de la mise en prévention^, n'a-t-
elle pas par là même interdit toute autre mesure? Lorsqu'un
incident est prévu et réglé par la loi, est-il permis de substituer
à cette régie légale une régie purement arbitraire? La juris-
prudence, au reste, n elle-même reconnu, contrairement à un
motif hasardé dans l'un de ses arrêts, que ce n'est point là
un acte du pou\oir discrétionnaire puisqu'elle a consacré le
droit de la Cour d'assises de statuer en cas de réclamation ;
or, on a vu que la Cour d'assises, étrangère au pouvoir dis-
crétionnaire, ne peut jamais connaître de l'opposition faite à
SCS actes
Il n'est pas exact de dire non plus que la mise en surveillance
n'est qu'un acte d'exécution de la mise en prévention auto-
risée par l'art. 330 ; car le seul acte d'exécution qu'autorise la
mise en prévention est la délivrance d'un mandat, l'arrestation
du témoin. II faut bien se fixer sur le sens de cet article : toute
sa disposition consiste à prescrire la mise en prévention, séance
tenante, du témoin dont la déposition parait fausse; le procu-
reur général remplit à cet égard les fonctions de ministère pu-
blic, le président celles de juge d'instruction : le témoin est
interrogé et mis sous mandat de dépôt ; un procès-verbal est
dressé de cet interrogatoire et des variations de ses déposi-
tions, et les pièces sont transmises à la chambre d'accusation.
* Cass. 28 déc 18S8, rapp. M. Chauveau-Lagaide. BolL n. 891; iS sept.
d48A, même rapp. Dali. AO, 1, 845; 38 avril 1840, rapp, M« JaamberL Bull.
II.116.
* Voy. tuprdf p. 453.
»Voy. tuprà, p. 483.
Tlll- SI
802 DES coojis d'assise?.
Pourquoi celte instruction immédiate? Pourquoi ne pas ren-
voyer le prévenu devant iejuge d'instruction? G*est> d'une
part, que le faux témoignage ne peut être saisi et caradértsé
qu'à l'audience même au milieu des contradictions qu'il sou-
lève et qui lui sont opposées, et, d^une autre part, qu'il im-
porte de le faire juger le plus promptement possible, puisqu'il
peut constituer une exception préjudicielle au jugeaient de
TafTaire dans laquelle il s^est manifesté. Mais TexceptiiNi se
borne à Tabréviation des délais et au transport entre les nuMis
(lu président des pouvoirs du juge d'instruction ; les régies
demeurent les mêmes, car la loi n'a nullement dérogé aux
gataïitî^ô dont elle entoure tous les prévenus. Or, esi<8 qu'un
juge d'instruction peut employer d'autres mesures que celles
que \î\ loi met à sa disposition? Est-ce qu'il peut ajiplii)uer
d'autres moyens de contrainte que les mandats d'anaenerY de
dépôt ou d'arrêt?
11 n'est pas exact enfin de dire que, par cela seul que Tar-
restation est permise, la mise en surveillance doîl l'être i plus
forte raison, car la règle que, qui peut le plus peut le moins,
ne pcfut attendre de ^arrestation à la surveillance, puisqu'il
n'y a aucune parité entre ces deux mesures. L'arrestatim est
la mainmise de la justice sur le prévenu; la mise en surveil-
lance est ou une arrestation sans mandat de justice, ou une
simple menace, c'est-à-dire une mesure d'intimidation. Nulle
part dans notre droit l'arrestation n'est précédée d'une ganle
à vue; la garde à vue n'est donc pas une conséquence, un acie
d'exécution de l'arrestation ; celle-ci ne conduit donc pas 'à
celle-là. On dit que la surveillance n'est qu'un acte de pré-
caution destiné à empêcher que le témoin ne s'éloigne ; mais
c'est précisément à cela qu'est destinée l'arrestation. L arres-
tation, à la vérité, suppose une prévention, et il se peut qœ U
prévention ne soit passuITisamment établie ; mais alors qu'esta
donc que celle surveillance qui est ordonnée lorsqu'il n'y a
pas de prévention ? Ce n'est donc pas un acte d'exécution de
la prévention, c'est autre chose; et que pourrait-elle être sinan
un moyen de ^opprimer les doutes et les hésitations du té-
moin eh lui inspirant la crainte d'une mesure plus aceibe?
Or, une'telle pratique, qui tendrait à influencer et quelque-
fois môme à contraindre les témoignages, ne pourrait trouver
dans foilf^ tful(*e législition atrton tette quila soutienne; no-
ire loi crîmtbdllene connaît que les actes ^l'instruction; elfe
a banni les actes d'intimidation.
INCIDENTS DE L^ADDIEMCE. § fôl. S03
Au surplus, les présidents d^assises pourrajent facilement
éyjtier d'eljfi ployer une mesure éTidemment arbitraire et en
dehors des termes de U loi, puisque la loi leur fournit
].e moyen régulier d'arriver au même but. La mise en
arrestation du témoin est une mesure essentiellement provi-
soire, carie crime de faux témoignage np pouvant être con-
sommé qu'à la clôture des débets, puis<|ué jusque-là le té-
moin a la faculté de se rétracter, la continuation de l'arresta-
tion, lors même qu'elle est la conséquence jd*une prévention
régulière et l'exécution d'un mandat, est nécessairement su-
bordonnée à la persistafiice 4u téi^jp dans ses d^êolaraljions
j)résumées fausses; s'il i^epersi^e pas, il eçt évident que rhp-
culpation tombe et par conséquent }p mandat. La jurispny-
derce l'a jugé ainsi dans les ter^iea les pjus forpnels \ Il n'y
a donc point k craindre q^e r^rrestation ait des conséqijieiiicfs
plus rigoureyses que la simple surveillance; les effets enjfopt
entière ment les mêmes, )1 n'e^t point à craipdre que sop ap-
plic/atiop soit moins facile : il ne faut^ dans un cfs con^n^edans
l'autre, que Tordre du président. A la v^àté, Tarrest^tiQ^ ^e
peut être ordonnée qu'en vue d'une prévention existant,
qu'en présence d'upe déposition qui parait f^sse ; mais c'eçl
là une barrière que la loi elle-même a posée, et c'est là a^ssi
ce qui pousfail incliner pour sa stricte application, il est né*-
cessaire que les témoins qui se laissent entraîner ^ commet/s
un faux témoignage soient, lorsqu'ils sont surprip en Qagrai^it
délit, rois sur-le-champ en prévention ; mais il serait dif^fin^
ble que, lorsqu'i,! n'existe aucun indice grave du criipô ii|t
que leurs tergiversaûonsne font que révéler leurs ii^certit^de^
ils ^u2:se^t poussés à aflirmer ce qu'ils ^e savent pfif ou à x^v
ce qu'ils savent par rapprében^oxi d'une mesure qui »'«ttr
Tait aucune base juri^iqMe.
1 Renvoi à une antre session. — M. !• lorsque la déposition d*un té-
noia p$rati fausse. — 111. ^ toutes les fois qu*un évéueineqt le rend
nécasHiire. r- 1 V. Par qui te te» w pw tee ordwué.
L Le renvoi de Taffaire à une autre session peut être
ordonné dans plusieurs hypothèses : il pcaU ^tra ordonné,
« Cass. 11 nov, 1858, rapp, M. LegsgWir. <Aft Martia.)
BO'i DES COUIS D^ASSISES.
conformëment à l'art. 306, avant ronyerlure des débals, el
nous avons déjà examiné cette première hypothèse ^; il peut être
ordonné, conformément à l'art. 354> lorsqu'il témoiQ qui t
été cité ne comparaii ^as, et nous avons encore exanûiié cette
.^cconde hj|jclhèse •; il peut être ordonné, 4?jpfiD, conrormé»
ment à Tait. 331, lorsque la déposition d'vD lémoîn parait
fausse, et conrormcment à Tart 406, si quelque événement
rend ccetle mesure indispensable. Ce sont ces deux dernières
hypothèses qui font l'objet de ce paragraphe.
II. Nous avons examiné, dans le paragraphe qui précède,
l'incident prévu par TarJ. 330 et produit par la disposition
présumée fausse d'un témoin.
L'art. 331 ajoute : « Dans le cas de l'article précédent, le
procureur général, la partie civile ou l'accusé pourront im-
médiatement requérir et la Cour ordonner, même d'office le
tenvoi de l'affaire à la prochaine session. » '
Il est évident qu'il n'y a lieu à renvoi, à raison d'une pré-
vention de faux témoignage, que lorsque la déposition incri-
minée est un élément nécessaire du jugement de l'affaire^ et
lorsque, par conséquent, la prévention de faux lémoignage
est une question préjudicielle à ce jugement. Il a donc été
jugé « que, d'après l'art. 331, le renvoi de l'aflaire est fa-
cultatif ; qu'en effet, la conviction de la vérité ou de la faus-
seté des faits peut résulter de témoignages plus ou naoins
nombreux non suspects^. » Il y a donc lieu d'examiner rin--
fluence du témoignage suspect : le renvoi doit nécessairement
être ordonné toutes les fois que ce témoignage, s'Û était sin-
cère, pourrait exercer quelque influence sur la décision. S'il
y a plusieurs chefs divisibles , on peut ne renvoyer que le
chef sur lequel porte le faux lémoignage.
L'art. 331 se lie étroitement à l'art. 330 ; car il ne dispose
que « dans le cas de Tarticle précédent, x> c'est-à-dire iT^
d'après les débats, la déposition d'un témoin parait fausse. ■
H s'ensuit que le renvoi ne pourrait ôlre demancjé à raison
des simples variations d'une déposition, si elle n'est ms pré-
sumée fausse, ou à raison d'un fait de subornation de téaioiD
si ce fait n'a pas été suivi du faux témoignage 4. '
* Voy. ntprd^ p. 56»,
• Voy. supra, p. 675.
. ■ Gass. iO mai isae, rapp. M. IsamJbert. Bull n. 15a.
; * Cass.ao août 1819, rapp. M. OlIiTier. J. P., t XV, p. 508. :
laciPISHTB DK |.*ADD1IIICB. § 651. S(K^
Les parties ne pourraient se faire an grief de ce que 1^
Cour d^assises n'aurait pas ordonné le renyoi ; il suffit qu'elle
ait statué ; car l'appréciation de Tinfluence d'une déposition
est une appréciation de fait qui ne peut être utilement con-
trôlé^. Cependant, s'il n'y avait qu'un seul témoin cité et
tiue oe téoDoin eût été mis en prévention pour faux témoi-
gnage, Tatrèt qui refuserait le renvoi pourrait être justement
attaqué.
m. Le dernier article qui s'occupe du renvoi à une autr^
session est l'art. 406 qui dispose que : <( si, par quelquç
événement, l'examen des accusés sur les délits ou queiques-
nns des délits compris dans les actes d'accusation, est ren-
voyé à la session suivante, il sera fait une autre liste, il sera
procédé à de nouvelles récusations et à la formation d'un
nouveau tableau de douze jurés^ d'après les règles prescrites
ct-dessus, à peine de nullité. <»
Quels sont les cas auxquels s'applique cet article? Ce^
inots « par quelque événement » se rapportent-ils unique-;*
ment, dans Tesprit du législateur, aux événements prévus par
les art. 331 et 354, ou doit-on les étendre à tous les inci-
dents, â tous les faits que les débats font surgir et qui peu-
vent motiver l'emploi d'une telle mesure? La jurisprudence a
déclaré que l'interprétation de l'art. 406 ne doit point être
restrictive et que le renvoi peut être ordonné toutes les fois
que quelque événement le fait juger utile à la manifestation
de la vérité où a l'ordre public «. Les arrêts portent simple-
ment a que les causes de renvoi à une autre session, indi-
quées aux art. 330, 331 et 354, ne sont pas limitatives;
gu'il suffit, d'après l'art, 406, qu'il soit survenu un évépe-
ment qui ait paru assez grave à la Cour d'assises pour motiver
ce renvoi; qu'elle est seule juge de la gravité des incidents
de cette nature, puisqu'elle dépend de la nature des débats;
que les renvois amsi prononcés ne peuvent doue fournir d'ou-
verture à cassation ; qu'ils ne sont d'ailleurs que des arrêts
préparatoires ^ »
Cette doctrine^ quoique fondée en thèse générale, ne doit
* Cass. il DOT. 18^ rapp. M. RiTe$. J. P., .. XXIII, p. 627; S8 anil 1831
rapp. M. Meyroonet-St-Marc, t. XXUI, p. 1532. ,
■ Cass. 11 juill. 1839, rapp. M, Isambert. Bull, n, 3I4; U sepl. 1 <;37,
rapp. M. Vinoens-St-Laurent. S^r^ 39» ^> A20.
806 DES COURS b*ÂSSISES.
fcfepeHflàiit*éli'6 Ëccëjitée qti'avéc iiûè terlalné iréSëWe. Oïl doit
admettre l^ue les étU 331 et 3^4 île sont pas litnitalirs, c)u il
t)et[t survenir à{)rès l*ou\drlufe des débats des accidents ex-
Iraordinàfii-es (}ùi tie përmelteht pas de continuei' llnslruciion,
et <}tie l'art. 406 à eu précisétiitHit pour but de poutvôir à
cefe fcas de force majeure, eh altribtiànt à la Couf le droit de
*furSeoîr toutes les fois qufe le jugclhétit est devehu ihipôssl-
ble. Mais on peut considérer en même temps que Ces dêUi
articles, s'Hs ne sont pas restrictifs, sont du moins démons-
frâtifs de la ùdtUre des évéïiebiënfs qui .f)euVeht motiVër le
iffeùToi. Cl*ë9t. d'après leur texte , l'ab^dnce d'un têfaidln né-
cessaire, c'est la fausseté présumée d*unb dépositiob, c'est par
<;6bké^tiént tlh événement grave (jtii tnet lin obstacle sérieti:k
k ce ^ue là vérité se manifeste. Il est donc tiécessailre qiie la
justice rencdntre une entrave, soit dans ses filojens d^actiôn ,
soit dans les mesures (Ju'ellé emploit^ pour arriver ft la VéiiU} :
c'est une entrave, quelle qu'elle soit, qui seule justifie le ren-
voi, car il ne faut pas perdre de vUé que lé renvoi enlève l'ac-
cusé aux juges que le sort lui a donnés et aux chances qu'il
aVait le droit d'attendre. Il ne faudi^ait dotic p^s confondre
avec les causes de t*envoi le^ causes de nullité qui peuvent se
glisser dans la procédure : il n'appartient pas à la Cour d'a^-
sisés , si elle ne peut les i*éparer, de rcprimelr elle-même k>
nullités qui peuvent entacher ses opérations; il lui appai-
tient seulement d'apprécier les incidents qui viennent s*of-
poser, soit à la manifestation de la vérité, soit aii jugemeni.
Ce n'est que lorsque ces obstacles sont constatés et ne peu-
vent être levés qu'il y a lieu de pronohcer le renvoi à ui,c
autre session.
Cela dit , parcourons les diverses hypôlhè3es dans les-
quelles le renvoi a été prtJnbdté pal" application de Tart. 400.
Il a été adihis d'abord aVec rlaisôn qu'il y a lieu à ren\u
toutes les fois que , par un évéïiement imprévu , l'accusé oii
le ministère public ne se trouvent pas en mesure de souter.ii
Taccusàlion ou la défense : par exemple, si l'accusé se trouve ,
au moment de l'ouverture des débats , en état de démence .
« attendu qiië tant que fcet étal subsisté, M y a împossibîlii.
pour lui de produire sa défense avec touie la latitude que ta K i
lui accorde ' ; » ou si le ministère public constate que 1 acit*
iCass. 6juin i839|rapp. M. Hoclier. Bull, n, iSl; 24rér«i84S, ra^^
M.Dehaussy, u. 33.
INCIDENTS DB L*AUD1ENCS. § 651 . 807
d^^cciisation a donné & )a perpétration da crSme une date er-
ronée sur laquelle l'accusé s'appuie pour fonder un alibi ,
« attendu qtfil importe de constater d'une manière formelle
la date précise du crime , et que ce serait compromettre Tac-
eusation que de la soumettre au jury dans l'état où elle se
trouve *; » ou si Taccusé, après avoir refusé de répondre k
toute interpellation dans Tinstruction écrite et avoir annojicé
qu'il ne ferait connaître son système de défense que devant
le jury, a fondé ce système sur des documents tout à fait in-
connus au ministère public et étrangers à Tinstruction, t at-
tendu que si , d'un côté, la Cour d'assises ne doit rien négli •
ger pour que la défense puisse établir Tinnocence de Taccusé»
d^un autre c6té, le ministère public ne doit pas être exposé à
se voir désarmer à Timproviste par des moyens inconnus et
réservés à dessein •; » ou si Paccusé a fait distribuer à tous
les jurés de la session des écrits ou mémoires dans lesquels
les faits de l'accusation sont présentés et discutés à l'avance ,
«attendu que les jurés pourraient arriver aux débats sou,s
l'influence d'impressions qui ne leur permettraient plus d'ac-
complir le devoir de ne se décider que d'après les charges et
moyens de défense ; que la partie publique serait placée dans
l'impossibilité de répondre à des moyens qui, n'ayant pas fait
l'objet des débats» ne seraient point à sa connaissance*. )>
Il a encore été admis qu'il y a lieu à renvoi toutes les fois
que, par l'effet d'un trouble ou d'un tumulte qui éclate à
Taudience, la Cour d'assises se trouve dans l'impossibllîié
de continuer avec calme et recueillement la suite des débats.
Ainsi, on ne peut qu'approuver l'arrèl d'une Cour d'assises
qui ordonne le renvoi, « attendu que, malgré les obsQr^^a-
tions réitérées du président, un tuitiulle scandaleux s'r»si
él6Vé dans les débats, à l'occasion de la déposition d'un té-
Rioin^ soit dans l'audience, soit parmi les personnes assises
dans l'enceinte réservée aux témoins; qu'après la délibération
de la Cour et sur le réquisitoire du ministère public tendani
à ce que la salle soit évacuée, loin de céder aussitôt aut tti-
jonclions qui lui ont été adressées par le président, le public
.s'est JivrÀ à des exclamaiious tamultuéuaei qm Oftt irandu
•l'adminislralioû de lu juslico ifiipossiblo ; qoe ee désprdro a
«Cass.3ittaiia39, nipn. M«MeynNRiicl-Si-M«i%. Bioll. n. iiâ.
* Ass. de VA\sm%/il «uai 1S34.. J. P., t ^XVl, p. ;>2». -- CoftU Cstëê. 17
fév. IBûa, ramù M. Romiguières. BuiJ. >i. 3ô.
' Ass. Ue la Scîue du 10 juin 1830. S. V. '60, 2, 191.
808 ' Dtt COURS D*AtBtS<i.
soulevé ritidignaiioti its jurés, et qne, saite'fdiré connatlre
leur opinion sur le fond de l^affaire, ils ont vivement mani-
festé les iropressiôus qu'ils en ressentaient aux défenseurs des
accusés; qu'an tel état de choses ne permet pas 'à la Cour
d'être assurée que le procès puisse être examiné avec le calme
et l'impassibilité nécessaires à tme sage et^bonné administra-
tion de la justice \ » '
i Mais quelques' doutes se sont élevés dans les hypothèses
suivantes. Y a-t*îl lieu à renvoi lorsque le développement des
débats révèle la nécessité d'entendre des témoins non cités?
Quelques arrêts Tout admis, u attendu qu'il résulte des dis-
positions générales de l'art. 406 que la défense faite par Tar-
tide 353 d'interrompre les débats une fois entamés, n*est
pas tellement péremptoire et absolue que la Cour d'assises ne
puisse , dans des circonstances graves et pour la décou-
verte de la vérité, interrompre les débats et renvoyer l'af-
faire à une autre session '. » Cependant un autre arrêt, reudu
dans rintérét de la loi, semble» à la première vue, contrarier
cette jurisprudence ; mais, en y regardant de près, on aper-
çoit que la cassation a été prononcée, non pas à raison de la
cause du renvoi, mais à raison de ce que cette mesure avait
été ordonnée par \e président seul dans un cas où elle ne pou-
vait être ordonnée que par la Cour ^. » Assui^ément la né-
cessité d'une preuve doit être considérée comme une cause
légitime de renvoi toutes les fois que la production de cette
piaive ne peut être faite instantanément ; car i) ne suffit pas
que l'affaire soit jugée, il faut qu'elle le soit en pleine con-
naissance de cause et avec tous les éléments qui peuvent l'é-
clairer.
Y a'^t-il lieu i renvoi lorsque l'un des témoins se trouve
inculpé de complicité dans le crime qui fait l'objet de Tiaceo-
saticn? Cette inculpation n'est pas une cause faécesâaire de
renvoi^, mais elle peut le devenir s^il y a lien d'attendre de
l'information qui sera faite à ce sujet des éclàirci^ikients
utiles, € attendu qu'il résulte de la disposition générale de
' *' Au. delà Seine 14 jain 1S81. !• P., t. XXXI, p. 356 ; S. V. SS» 2, 7k.
' Gass. sa BOT. 182», rapp. M. Brière. J. P.^ t. XXII, p: ISSU; et cooL
1 QCU 1813, rapp. M,BQ«stliop,.C M, p. .712; 11 nov. ISSèv rappbiC Ri-
ves, t XXIII, p. 826.
* Cass. 10 janT. 1824, rapp. M.Brière. J. P., L XVIII, p. 832.
* Gask 9 avril ISiS» rapp. M. Lecontov. J. P., t XfV, p. 7U { 30 uni
1818, rapp. M. OUI]rier, t. XIV, p. 83t.
INCIDGNTS PË .lVu^IKHGE. $651. ^^^^
l'art 406 qa'il y a des cas, non prévus par le législateur où 1^
renvoi peut être aussi ordonné ; que rexercîce do ce pouvoir
est laissé à Tarbitrage des juges lorsqu'il est fondé sur des
motifs qui ont pour objet la manifestation de la vérité et qui
ne sont point en oppositiouavec un texte de la loi ^ »
. Y a-t-il lieu & renvoi lorsque la Cour d^assises s'aperçoit
que la procédure se trouve entachée de nullité par suite d*un
vice dans la signification de la liste des jurés à Taccusé? Moo,
c attendu qu'aux termes de l'art. 353, l'examen et les débats
une fois entamés, doivent être coniinués sans interruption
jusqu'après la déclaration du jury, sauf Texception écrite
dans Fart. 331; que si, antérieurement aux débats, des
nullités ont été commises dans la procédure» il n'appartient
pas à la Cour d'assises, lorsque les débats sont commencés, de
prononcer sur les nullités dont l'appréciation est dévolue à la
Cour de cassation par les art. 407 et 408 ; que la Cour d'a»-
sises ne s'est trouvée ni dans le cas de Tart. 352, ni dans
celui prévu par Tart. 354 ; qu'enfin et postérieurement à
Touverture des débats, il n'e^t survenu aucun événement qui,
aux termes de Vart. 406, ait nécessité l'interruption des dé-
bats et un renvoi à une autre session ; qu'ainsi la Cour d'as-
sises, en renvoyant l'affaire à une autre session, a commis un
excès de pouvoir, violé l'art. 353 et fait une fausse applica*
tion de l'art. 406 \ »
La même solution s'appliquerait-elle au cas ou la nullité
aurait été conmiise postérieurement à la réunion de la Cour
d'assises? On ne voit aucune raison de faire une distinction
à cet égard, car il n'appartient pas à la Cour d'assises de pro-
noncer sur des nullités commises après plutôt qu'avant Tou-
i^erture de ses débats; elle peut, s'il s'agit de formes omises,
réparer les omissions ; mais^ s'il s'agit d'un vice non répara-
ble, elle est tout à fait incompétente pour en apprécier les
effets et déclarer indirectement la nullité de la procédure en
ordonnant par un renvoi h une autre session qu'elle sera
recommencée. Ce n'est point là, d'ailleurs, un do ces événe-
ments qui, suivant la prévision de Tart. 406, viennent mettre
obstacle au développement de l'instruction, ce n'est point
une entrave à la continuation des débats. On ne peut changer
le caractère des faits et transformer arbitrairement chaque
* Gasi. iS fév. dSlS, rapp. M. Lecoutoar. J. P., t. XIV, p. 640.
* CaM.28fëT. 1893, r«pp. M. Thil. J. P., t. XXV, p. 213.
810 D0 CODIU »*ABSISKS.
incident du procès en tipeciroomstatice extraordjnaife qui ar*
rète 4e cours de )a justice. V^ vices d'ooe procédure» fusseitt-
iin cOMtatés» u^eibpéclient rri \n prodactioa des preuves^ nî
leur diseussion ; il n'eu résulte aucune impossibilité de pour-
suivre le procès sans risquer de perdce les traces de la vérité.
L'art. 406 ne peut donc sous aucun rapport s'y appliquer.
n a été jugé par une€oar d'assises, contrairement à cette
distinction» qu'il pouvait y avoir lieu à renvoi lorsqu'un
Juré a communiqué avec un tiers relativement aux faits du
procès' ; ou lorsqu'un juré a^ par une observation, manifesté
une opinion sur Taffoire \ Ce sont là des faits que la Cour
d'assises, si elle ne peut les empêcher, ne peut que constater,
s'il y a lieu, dans le procès- verbal de ses débats-, mais il lui
est interdit de les apprécier; car ce n'est point à elle qu'ap-
partient le jugement de la régularité des procédures. Elle uc
doit les considérer que comme des incidents dont elle n'a à s«^
préoccuper que si c'est devant elle qu'ils s'élèvent ou s'il lui
en est demandé acte, et elle doit passer outre; car elle ny
trouve aucun obstacle à la continuation de rinstructîon dont
elle est chargée.
Il a été jugé, au contraire, et conformément è notre doc-
trine : l"" que les conversations tenues par des jurés, dans
l'intervalle des séances, ne sont pas une cause de renvoi,
c attendu que les jurés se trouvant exposés pendant I.
durée des suspensions à enlendre exprimer devant eux dt ^
opinions diverses sur l'affaire qui leur est soumise^ il est d '
leur devoir de se prémunir contre les impressions que c«^
opinions pourraient exercer sur leur esprit, mais que la l( i
s'en est rapportée à leur conscience et au serment qu'ils oni
prêté do ne communiquer avec personne ^; 2^ que les excès de
la défense, les erreurs de droit qu'elle avance, les incrimi-
nations dont elle s'appuie ne sont jamais une cause de renvoi,
parce que s'il peut y avoir dans ce cas lien d^interromprc
le défenseur, il ne peut y avoir lieu d'interrompre on délai
commencé ^.
Enfin, on a demandé s'il y a lieu à renvoi lorsque l'on
des juges, l'un des jurés ou le défenseur se trouvent indis-
posés dans le cours des débats. Il a été jugé, sous l'empire du
A As8. de la Seine, 16 juin et 18 déc.1836. Journ. cr. t. VIII, p. 186 et 361.
* Gass. il bruqiaire an XII, rapp. M. VieîllarU i..K, U lO, ^ 486«
' Ass. de la Sâne, 22 juio 1831. Jooro. crim. L 3, p, a07.
* CasSf li brumaire an XI, bull. n. 10.
IHCIOENTS DE L^AUDIEMCB. { 651. 8il
Codé i'\x 3 brufitaîre an ïV, mi ce qiil côiicërfte le président)
€ que fimpuissùnce biôriichla'i^cc où H se trouve 3e continuer
r^xâtnen n'est pas tin iliotif suftisaDt pout cesser Texamen dû
procès et soustraire les acctisés au jagement d'un jury Ic^ga-
leinent formé, puisque Heh ne s^oppose & ce qu^après Tad-
jonction d'^un suppléant la Gotu* ne recommençât les débats
devant le même jury ^. »
Mais cette décisiob ne péilt avoir sôiis notre Gode aucune
autorité, puisque Tart. 406 prescrit formellement que, dans
le cas de renvoi, il sera fait une autre liste de jurés et pro^
cédé à de nouvelles récusations, ce qui a lieu parce que le
droit dé récusation pourt-ait Cire gêné s'il s'exerçait deux fols
sur la même liste. Ce n'est donc qu*alitant que Taccusé ne
s'opposerait pas au renvoi h un autre jour de la même ses-
sion que ce renvoi pourrait être ordonné.
La même règle s'applique au cas de Tindisposîtion dêt^'un
des jurés. La jurisprudence a reconnu régulier Tarrèt par
lequel la Cour d'assises avait dans ce cas annulé le tirage déjà
fait et ordonné qu'il serait procédé à un nouveau tirage,
a attendu que Taccusé ni son conseil ne se sont ôppo§(^s à ce
mode de procéder •. » Mais elle a en même temps déclaré
irrégulière la même mesure, en présence de la demandé do
renvoi à une autre session formée dans le même cas par Tâc-
cusé, « attendu que lorsque l'accusé s*oppose formellemmi à
ce que la même liste de jurés serve à deux tirages Successifs,
la Cour d'assises en y procédant nonobstant cette opposition,
excède ses pouvoirs et porte atteinte au droit de récusa-
tion et à la liberté de la défense de Tact^dsé ^. )> tt y avuit
donc lieu dans ce cas de prononcer le renvoi à là sessloti sui-
vante.
La même règle s'applique encore iTihdispôsItîoh dll dé-
fenseur. S'il peut être remplacé immédiatement sans nuirb
aux intérêts de la défense, et si ce remplacement est accepté
par Taccusé, la Cour d'assises peut refuser le renvoi 4. Mais
si le remplacement n'est pJis possible ou n^est pas accepté par
l'accusé, il y a lieu nécessairement soit à une aUtre session,
soit, si l'accusé y consent, à un autre jour de le mêrtie ses-
* Qu% i themw an xu, rapp, M. Lech^se. J. P.,U IV, p. 668.
* GasSb 21Î noT. 1838, rappt M. Debauasy.Bull. u. 96^.
' Cats. 81 mars 1843, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 71 ; iO ocU 1839, rapp.
M. Vinceo»-St>Laurent. S« V. 39, 1, 955»
* Cass. 2 juin 1851, rapp. M. Ghoppin. J. P., t. XXIII, p. 1647.
812 DES COURS D* ASSISES.
• » • • '« . ' . • •: i'i>M ' i : ■ ' •
sioD. Toutefois, <)aiis ce dernier ca3 ^ la,popi;.d>83ise^ oe
pourrait se bori^er à annuler les débaU iComm^ncis et .à or-
donner qu'ils s'ouvriraient de nouveau d^y^nt )e mèiiiie^jury
avec un autre défenseur; « car It résujite dq.la cfuntii prison
des art. 353 et 406 que la formation du ubjej^ii et .les (dé-
Ivitssont indivisibles dans raflair^ qui en e^K l'objet, ^^çii il
si^itque les cours d'assises ne peuvent annuler. les uns.et con-
server les autres!. » Il serait donc. nécessfir^^DS(Cje(;as de
procéder à un nouveau tirage. > . i . ;. i i
. lY.. Dan^ les cas prévus par les art. 331 et 406, comotc
dap9 celui prévu, pa^ Part. 354, le renvoi nç peui ,étre^ or-
donné, comme l'indiquent d'ailleurs ces articles, que par la
0)ur d'assises *. Cette Cour est saisie ; il ne peut appartenir
qu'à elle seule, dans les cas où la loi le permet, de se des*
saisir*
Quelques Cours d'assises avaient. cru po^iirpir , au cas de
quelque événement qui suspend le débat > ne point se des-
laisir e|; n'ordonner le renvoi qu*i un autre, jour de la session,
^u lieu de l'ordonner, comme le prévoit la loi , à la sesâoa
suivante. La.Cour de cassation à déclaré «. qu!Q^cu9^ dispo-
sition du Code n'autorise le renvoi à un autre jour de la même
session ; que si un tel renvoi n'est pas prohibé, si par suite il
peut être ordonné , ce n'est qu*autant que cette mesure ne
porterait pas atteinte aux droits de la défense ou à ceux du
ministère public; qu'au nombre de ces droits se trouve le
droit de récusation accordé par Part. 399 à l'accusé et au
procureur général ; que Texercice de ce droit important pour-
rait être gêné si l'on procédait à la formation d*ua second
jury de jugement sur la même liste qui a déjà servi à la même
opération et sous l'influence des récusa^ons déjà ^ejcéçs ;
que c'est pourcela que Tart. 406» dans le cas di^ renvoi i une
s^utre s^si^îon , dit expressément qu'il sera fourni un^ autre
liste et procédé i de nouvelles récusations; que toute mesure
qui contrarie ce^ dispositions, ne peut être tolérée dans l'in-
térêt de la prompte expédition des affaires , qù^iautan'C que
toutes les parties intéressées y consentent '• » Il résulte de
* Cass. 6 août i8S5,,rapp. V. Meyromieu BuU. o. 313; '
> Cas». iO janvier 4834. rapp. M. Brière. J. P., t. XyiII» p, S3S ; n
sept. 1837, rapp. M^ Vioceos-St-LaureiiL S. V. 39» i, àiO; \0 ocC. iSZT\
même rapp. S. V. 39, 1, 955.
' Case. 12 déc. i^kà, rapp. M. Vîncc^s-St-Laurent. Bull. n. 39(>.
INCIDENTS BI L^UMEMCF. $ 652. 813
cette jurisprudence, que nous avons déjà indiquée et qui té-
moigne d*un respect scrupBleux pour le droit de récusation,
que la règJe générale portée par la loi est le renvoi à une miré
session ^ et que s'il n'est pas interdit , dans Tintérét de la
prompte eipéditibn desr affaires, de prononcer le renvoi à un
antre jour de la même session, ce n'est qu'à la condition que
hs paKiesy adbèreiit eipressément et ne demandent pas le
retovol à line abtiie session, car cette setrle demande Serait une
opposition au renvoi à tin jour plus prochain i. ' ' *
Le renvoi peut être prononcé^ soit sur la demande ûes
parties, soit d'office ; mais, dans ce dernier cas, la Courd'aa-
sises doit, avant de prononcer cette mesure, provoquer de la
part des parties des observations qui peuvent réolatirer et les
mettre à même de prendre des conclusions •.
L'arrêt qui ordonne ou refuse le renvoi, étant de' pure ins-
truction , peut n'être pas motivé*. Toutefois, tin pourvoi ,
fondé sur ce défaut de motif, a été rejeté, « parce que ce
moyen n'est pas fondé' en fait, puisque l'arrêt dont il s'agit,
en accueillant les conclusions motivées du ministère public à
ce sujet, se les ail nécessairement appropriées 4. » On doit in*'
férer de là que les motifs sont , sinon nécessaires, au moins
utiles, puisquMl s'agltd^unemesure très grave et dont il im*'
porte de connaître la cause.
S 652.
U Troubles e^ délits d'audience. — IL Rébellion de Tacçusé ponvaot
^ donner lieu â son expulsion. — III. Délits qui se révèlent à Tau-
' 'dience; mode de leurconsUUtion. — IV. Délits qui se commettent à
l^iudte'nce ; nwde de leur Téptession.
I. Il faut prévoir encore quelques incidents qui ont un
caractère particulier : ce ne sont plus des exceptions de droit
qui s'èlèvenl, des preuves qui manquent, des faits nouveaux
à vérifier des empêchements personnels; ce sont des troubles
et des faits de rébellion qui éclatent au milieu des débats, des
• ■'■.' • • » ■
* Cass. 7nov. 1889, rapp. M. Gilbert de Voisin. BuU. D;a85; 12 ûée.
'^'IVsl'^iKfsstrSpiM. Onhter. I. Pi .. XXIH. ^ 560.
• Cass. 2 loin liM, rapp. M. Çhoppin. J. P., t. XXIII, p. 4847.
* i.aM. Î3 juin 488?, rapp. M. Rite*. J. P., t. XXIV, p. MW.
814 BKS COURS d' A^ISBf 9 ^ . ,
intçrruptiûQS violentes ou des résJM>tnces à 1^, justice, doft, dé-
lite qdi se rév^èrt où même cjm se coaundttent pepdaiit rau-
dïehce. *A iccs acte^ tout spéciaux Ha fallu une législation
SjièdaTe : ce sontlés (fispositions de celle législation qu'il feol
exaniinér Ici. Au reste, les faits de cette nature sont heu-
reusement rarçs 0t n*ont laissé (jue peu de trac^ dans la jm-
rispr^dencé.
II. L^ loi a ptèTu deux actes de résiçtance envers la justice
de la part de Taccusé :
Le refus de comparaître ft Taudience, dont nous nous
swmnes déjêt occupé ; •
Kt le tomulte causé è ^audience ipème pour empêcher le
cours de la justice. C'est de ce dernier fait qu'il s^agit main-
tenant.
LeCJode d'instruction cfimmelle n'avait pas plus prévu ces
sortes de rébellion contre la justice qu'il n'avait prévu le
refiw de comparaître. On ne trouve également dans l'an-
ciettne légisfation aucune disposition qui se rapporte i ces
fcyportrèses , sauf les art, 7, 8, 9 et 10 du tit. 10 de Tord,
de i6T0, qui prévoient le cas où un accusé refuse, non pas de
comparaître, maïs de répondre. Les questions qui furent son-
lefées devant la €our des pairs, dans l'affaire d'avril 1834,
firent pour la première fois sentir le besoin de compléter la
législation à cet égard» et les art. 10 et 11 de la loi du
9 septembre 1835 sont venus eombler cette lacune.
<r An. 10. La Cour pourra faire retirer de l'audieuce et recooduire
en prisoQ tout prévenu qui, pa^r des (Rameurs ou par tous autres
Qioveps propres à causer du tumulte» mettra obstacle au libre cours
de la justice, et, dans ce cas, il s^a procédé auK débats et au jose-
Dfient comme il est dit aux deux articles précédents^. » — ArU 11.
« Tout prévenu ou toute personne présents à Faudience d'une cour
d'asûses, ç^ eajuaerait du Um^ie poivr eupécher le cours de la jus-
tice, sera, audience teqav.te, déclaré coupablo de rébellion et paû
d'un emprisonnement qui n'excédera pas deux ans, sans préjodîce des
peines portées âu Code pénal contre les outrages ou vioienees tnnn
tes magisiraïa. «
, Assurément Taccusation ne délie point Taocusé de sês de-
Y^s janvect Jla ÉOciétA. <]«lle^ a le 4r«t iU loi densMdcr
* Voy. mprà, p. û^i^ *
* Voy, ces ,dc»\ jirtiqtes êupjrét.l^ 9pi^
INCIDENTS hZ L*AlIfiIENCâ« $ 6S2. M$
compte des acbes qui ont troublé Tordre» a»î# «Ife a Toblî*
gntion d^assurer la complète liberté de m défeiifie. L'eeeuaé
a le droit d'employer tous les moyeos qui peuvent éUUir
son innocence, mais il a TobligatâcD de ne pas maequey de
respect aux juges devant lesquels il comp^rall ; il peut se
défendre sans insulter la justice et saus eiifreiudr« la loi. AioM»
s'il commet cette infraction ou cette insulte, si, par sespno-
testationsou ses cris, il suspend violemment rinstnactioada
procès, il y a là, non plus un acte die défense, mais uuMte
de rébellioD contre la justfœ. Qu'y «4*il i faire en présence
d'un tel excès? faut-il continuer l'instriietioa? mais la juitioe
pourrait-elle procéder avec calme en fâce d^une rébelboft
insensée qui, par ses vocifèratioos, rendrait i'auditioa desi té-
moins impossible et, par ses outrages, enlèveraitaux juges ieor
impartialité? faut-il faire reconduire l'accusé dans sa prison
et attendre qu'il soit revenu à une plus juste appréciation de
son intérêt? mais doit-il dépendre de lui de retarder indé-^
finiment son jugement et de priver ainsi [a société de Veiemr
plarité de la répression, tandis qu il gagnerait la chance du
dépérissement des preuves? On est donc amené à la nécessité
de le juger lors même qu'il n*est plus présent, lors même que
le tumulte qu'il cause le fait retenir hors de Taudyienoe. Cette
nécessite est aussi le seul motif allégué par les auteurs delà
loi pour expliquer celte disposition ^
Les art. 9 et 10 de la loi du 9 septembre 1835 consacrent,
en effet, Texception la plus grave aux règles de la procédure.
La loi veut que le débat soit oral , que l'accusé soit représenté
aux témoins et quMl soit mis en demeure de contredire leuns
dépositions ; elle veut que le débat s'engage entre Taocusation
et ses preuves à charge et la défense et ses preuves à dé«-
charge; et pourquoi le veut-elle ainsi? C'est pajcce que oe
débat oral et contradictoire est la voie la plus sûre, la seule
voie peut-être d'arriver avec certitude à la vérité : « Il ne
faut pas interrompre le cours de la justiae, disait M. Portalis;
mais pour (]ue la justice ait son cours, il faut que ce soit Ja
justice. La justice ne consiste pas aeulement i procéder d'une
manière quelconque au jugement des accusés , mais à y pro-
céder sans s'écarter de ceiqui fait U aubstoiee de tout )Qge«-
ment^ »
* Moniteur du 23 aoûtUIS.
« Préoédeoude laCovr te pain^ m Me.
Si 6 »ES C0DR8 »*ASStSSâ.
Ce n*cst donc qu'au cas où les clameurs de l'accusé reo-
denf la continuation du débat impossible, au cas où il j a né-
cessité absolue d'éloigner l'accusé , au cas eniin où il est la
seule cause du tumulte, qu'il y a lieu de recourir à cette me-
sure exceptionnelle , puisque c'est cette nécessité seule qui
fait sa légitimité. Et il n^appartient qu'à la Cour d'assises de
la constater par un arrêt. Le projet de loi avait écrit dans
Part 10 ces roots: «tenterait de mettre obstacle; kun
amendement y a substitué ceux-ci : a [mettrait obstacle '. >
II s'ensuit qu'une simple tentative, quelle qu'elle soit, oc
suffit pas ; il faut qu'il y ait un obstacle réel à ce que le dé-
bat continue.
L'expulsion n'est point limitée aux débats; l'art. 10 dé-
clare qu'il sera procédé, hors la présence de l'accusé, « aux
débats et au jugement.» La Cour de cassation a pu juger pd
conséquence « qu'en autorisant la Cour d'assises à faire sor-
tir de l'audience l'accusé qui entrave la marche de la justice,
la loi du 9 septembre 1835 établit une mesure éminemment
protectrice de l'ordre social, sans laquelle il suffirait des vio-
lences de Taocusé pour mettre la loi du pays dans Pimpossi-
J)ilité d'atteindre et de réprimer ses méfaits; que cette mesure
étend ses effets à tous actes de la justice qui se produisent à
raudience après son expulsion et même au prononcé de Tar-
lét définitif, si la Cour n'en ordonne pas autrement; que cela
résulte des termes de Tart. 10, qui déclare qu'il sera fïocéié
aux débats et au jugement^ et de l'art, d qui, s'il ne prie
d'abord, dans son %V^^ que de passer outre aux débats,
énonce ensuite que les arrêts rendus par la Cour; hors la pré-
sence de l'accusé, au cas qu'il prévoit, seront tous répotés
contradictoires, sans qu'il excepte de cette régie Tarrét défi-
nitif, et sans que ni l'un ni l'autre de ces articles mentionne
une rentrée de l'accusé à l'audience dont il vient d'ôtre éloigné
avant l'arrêt de condamnation '. >
Ebt-il nécessaire de faire à l'accusé expulsé une sommation
de comparaître après les débats clos et avant la lecture de ia
ilcirlaration du jurj ? Il a été répondu parle même arrêt « qu'il
convient de distinguer entre le cas de l'art. 8, où l'accusé re-
fuse de se rendre à l'audience et celui <)e l'art. 10 où il y com-
parait volontairement, mais qui s'y Itvreàdes'violerKTS ; \]^n*
* Moniteur du i& août 18S5, 2« suppL p. 1858.
* Cass. 29 janv. 1857, rapp. M. I^tf^agneur. Boll. d. 57.
INCIDENTS DB l'auoience. § 652. 817
tes sommalions Je coroparatlre, nécessaires àans la pne^nière
hypothèse, n'aoraient pas de raison d*ëtre dans la secondç* »
^'ous nous référons au surplus à ce qui i^ déjà, été dit au
sujet de la piccédure instruite dans le cas. où l'accusé r^^fuse
de eCTuparaUre ^ On doit ajoufer seulement qM^il D'y a Ika
de donner lecture à l'accusé du procés-vçrb^i de^débats qu'à
te suite de, chaque séance, et non à chaque svs|ieiision de
^audience V Tarf, 9, ne prescrit cette leoturç qu'apr/ès chaque
audience , et Tart. 372 du Code, supppse ^alcnvent.que le
pjrocéà-vêrlal n'est dressé que pour chaque séaqce \
\ Quant à Papplication d'une peine à l'accusé qui cause du
tu multe pour empêcher le cours de la jusIiee^.Doiis y revien-
d rons tout à Theure en parlant 4es délils ^ui soBt eomnis à
faudiênce.
ill. La loi prévoit, en second lieu, plôsieura cas où des
d élits, précéden>ment ccmmis, se rété^ent dans le cours des
d ébats : tels sont les cas où Taccufé est inculpé de faits nou**
y eaux distincts de raccusation , où des tAnnoins sont inculpés
d e participation au crime qui est soumiSQUx débats, où il ré*-
suUedes pièces produites ded- indices sut un faux et sur la
férsonnequi l!^ jcommis.ll importe de déterminer ce que doit
aire le président ou la Cour d'assises en présence de chacun
de ces incidents.
Si l'accusé est inculpe dand le cours des débats » soit par
des pièces, soit par les dépositions des témoins, d'un nouveau
fait , il y a lieu de distinguer le cas où il est acquitté de là
première accusation et le cas où il est condamné : dans le
premier caâ^ Tart. 361 dispose que « le président, après avoir
prononcé qu'il est acquitté de l'accusatiou, ordonne qu'il foit
poursuivi à raison du nouveau fait et le renverra en état de
mandat de comparution ou d'amener, et même en état de
mandat d'ùriét , s'il y é<^et, devant le juge d^instruction dp
Tari ondissemeut où siège la Cour, pour étire procédé à une
nouvelle iuslruction. » Dans le second cas , Tart. 379 porte
que « la Cour, si les érimes nouvellement manifestés mérF-
tj^t une peine plus grave que les premiers, oti ^i l'accusé a
d es complices m état d'anestation, ordonnera qu'il sôii pour-^
* Voy. «iprri, p. 6ô4,
* Même arrêt etcass. 12 déc ISi^O, rapp« M. de Ricard» Bull. d. 350.
M 52
818 DES COURS d'assises.
suivi à raison de ces nouveaux faits , suivant les formes pre-
scrites par le présent Code.
Nous avons déjà tu ôe qu'cta Adit eûtcndf è par « fait nou-
veau » dans le senà de ces deux articleé * : tous les faits, qui
ne sont que dès niodificatitîns du fait principal l'objet de
l'accusation , doivent être soumis au jury comme faits ré-
sultant des débats ' ; totls lès faits, au contraire, qui sont dis-
tincts et séparés et qtii cotistituent une accusation principale
peuvent donner lieu à une ttoutelle poufstlile. Tels sont, dans
une accusation d'înfaniicidc, le fait de suppression d'état,
dans une atcàsatî6n de meurtre le fait de port d'anne$ de
guerre, dans une accusation de faux le fait d*escroquerie^.
Au reste < il ne faut pas perdre de vue, en ce qui conoeme
rapplieatton de Tart. 361, 1** que cet article n*est applicable
qu'au cas où l'accusé a été acquitté et que ce n'est que dam
ce cas que le président doit le renvoyer devant le juge d'ins-
truction du lieu où siège la Cour, qui devient alors le lieu de
TarresUtion *\ S*" que cette disposition ne doit même être exé-
cutée, aux termes du 2^ g de l'art. 361 , c que dans le cas où,
avant la clôture des débats, le ministère public aura fait des
réserves à fin de poursuite ; » non que ces réserves soient né-
ce: mes pour que le ministère public puisse exercer Tactioa
puhtjque ^« mais seules elles autorisent l'arrestation.
Il y a lieu de rappeler également, en ce qui concerne Tap-
plication de Tart. 379 , 1"^ qu'il ne faut pas induire de cet
article que si le crime mérite une peine moins grave, il ne
doit pas être poursuivi , mais que seulement dans ce cas il est
inutile que la Cour d'assises ordonne qu'il sera poursuivi
parce qu'il n'y a pas lieu de surseoir à l'exécution du premier
arrêt ^; 2© que si l'art. 379 n'a pas désigné, comme Ta fait
Fart. 361, le juge d'iustruction devant lequel Taccasé doit
être renvoyé, c'est que, dans l'hypothèse de ce dernier ar-
ticle, le lieu où siège la Cour d'assises étant le lieu où le
prévenu est trouvé et arrêté, ce juge d'instruction a nécessai-
rr ment compétence, tandis que dans l'hypothèse de l'art* 379
cette compétence peut ne pas exister.
«Voy.t. U; p;5«àel8ttiV.
■ Voy. L m, pé 614
' Yoy.t. ïll,p. 615.
.«S30.
/674.
' Voy.t. ïll,p. 615.
* Cass. 29 fé?. 4828, rapp. M. deBcruanl. J. P., t. XXI, p« i
" Cass. 2 avril 4829, rapp, M. Qllhier, J, P., t. XXU, p, 87^
• Voy. MII,p.760. ^ ^
MCIDEKTS DR l«*ACDIENCK, § 652. 819
Si le fait qui se révèle dans le cours des débats est ud crime
de faux et si cVst à une autre personne que Taccusé qui! est
imputé, il y a Heu de renvoyer les pièces au procureur împé-
riol près le tribunal qui doit être le lieu de Tinslruction. Cette
hypothèse est spécialement prévue par Tart. 462 qui est ainsi
conçu : « Si une Cour ou Un tribunal trouve dans là visite
d^un procès , même civil , des indices sur un faux et sur la
personne qui Ta commis, l'oflicier chargé du ministère public
ou le président transmettra les pièces au substitut du procu-
reur généra] près le juge d'instruction, soitdu lieu où le défit
paraîtra avoir été commis, soit du lieu où le prévenu pourra
être saisi, et il pourra même délivrer le mandat d'amener. »
Cet article ne fait que reproduire l'art. 359 du Code du 3
brumaire an ivavec cette addition que roflicier du ministère
public a le même droit que le président, non-seulement pour
transmettre les pièces, mais pour décerner le mandat d'ame-
ner ; la loi assimile ainsi ce cas au cas de flagrant délit. Il y a
lieu de remarquer sur cet article, d'abord, que le droit soit
de rofljcier du ministère public, soit du président, ne s'ouvre
que lorsque la Cour d'assises a trouvé « des indices sur un
faux et sur la personne qui Ta commis; » il faut donc que
ces indices soient reconnus pour que les mesures indiquées
puissent être prises. Il y a lieu de remarquer ensuite que, aux
juges d'instruction que Tarticlc désigne, il faut ajouter le juge
d'instruction du lieu où il aurait fait usage de la pièce fausse,
puisque ce juge est également compétent*.
Enfin , si l'un des témoins esl inculpé d*élre complice de
Taccusé, comment faut-il procéder? On lit dans un arrêt
rendu dans une espèce où l'accusé se faisait un grief de ce
que le ministère public avait fait arrêter et sortir de l'audience
l'un des témoins assignés à sa requête, « qu'il est constaté par
le procès-verbal des débats qu'après que le témoin Robert
Finot eut terminé sa déposition, le président crut devoir le
DicUre en présence de deux autres témoins entendus, et qu'à
raison des faits qui résultaient de celle confrontation, le pro-
cureur général ordonna Tarrcstalion de Robert Fino£ et le fit
(mmener de l'audience par la gendarmerie; qu'aussitôt après
cet incident un aude Icmoin fit sa déposîlion ; mais que, sur
roLservalîon de l'un des conseils des accusés, que la déposi-
tion de ce témoin aurait dû être faite en présence de Kobèrt
•Voy,l,V,p, 201, #
820
FÎQOt, la Cour proDOuça TanDulaiioa du débat en ce qui con-
cernait rauditioD du dernier témoin, ondoima que Robert
Finot serait ramené à Taudience et que le témoin serait réea-
tendu en sa présence, ce qui a été immédiatement exécuté ;
que s*ii n'appartenait pas au ministère public d'écarter de
J'audience le témoin qu'il avait couûéi la surveilianee de la
gendarmerie sous l'inculpation d'incendie, cette irrégutarité
a élé immédiatement réparée par l'arrêt qui a ordonné que
Robert Finot serait ramené à l'audience et que tout ce qui
avait été fait en son absence serait recommencé ; que ce fait
n'a pu causer aucun grief à Taccusé et n*a pu apporter au-
cune entrave à sa défense *• » Il résulte de cet arrêt que la
mesure prise par le ministère public était illégale, et elle
Tétait, en effet, sous un double rapport : d'abord^ il ne lui
appartenait pas, lorsque la loi ne lui donne aucune délégation
spéciale, d'ordonner une mesure d'instruction; ensuite, il
ne pouvait distraire du débat, un témoin qui était acquis i
l'affaire; et le président eût été fondé à revendiquer ce té*
moin et à annuler l'extraction ordonnée par le ministère
public.
Mais l'arrêt qui vient d'être cité, en blâmant une mesnre
arbitrairement prise, n'indique pas celle qu'il eût fallu adop-
ter. Fallait-il suivre la marche prescrite par Tart. 330 pour
le cas de faux témoignage? On peut objecter que cet article
a édifié une attribution extraordinaire, puisque le président
remplace le premier degré de la juridiction d'instruction et
saisit directement la chambre d'accusation; que cette excep-
tion doit nécessairement être enfermée dans ses termes; qu'elle
a d'ailleurs pour unique motif le caractère particulier du faux
témoignage qui se consomme à l'audience même ei ne peut
être constaté que là, puisque ce n'est que là qu*il est possible
(le saisir les contradictions et les variations du témoin ; or ce
motif ne saurait être invoqué à l'égard d'un fait de compli-
cité qui peut ré&ulter d'actes extérieurs qu'il faut vérifier, ou
qui doit être établi par des preuves nouvelles qu'il faut re-
chercher. Fallait-il appliquer, au contraire, la règle posée
par les art. 361 et 379? Il est encore évident qu'on n'aurait
pu appliquer littérahment ni l'un ni Taùlre de ces articles,
puisque l'art. 361 prescrit de saisir le juge d'instruction du
lieu où siègent les assises, et que ce juge, quoique compétiht
' Cass. 23 mars lS5i, rnpp. M, \ug. Moreaii.BuU. ii. 80.
INCinENTS DE L*AUPIKNCE. § 6t)^, 821^
commo jugâ du lieu de l'arrestation, pourrait n'ôtre pas en
position de procéder utilement à l'instruction, -et puisque,
d'une autre part, Tart. 379 n'autorise la Cour à ordonner
des poursuites dans le cas qu'il prévoit que pour amener le
sursis à l'exécution des condamnations prononcées, ce qui
n'est pas nécessaire dans notre hypothèse. Il est donc hors
de doute qu'aucune de ces dispositions ne peut être directe-
ment invoquée et que la loi n'a point de texte qui soit posi*
tivement applicable. Mais on peut néanmoins induire de
Teosemble de ces dispositions, on peut induire notamment de
l'art. 4(i2, que la loi a voulu attribuer au président» i l'égard
des inculpations que le débat fait naître, un droit qui, dans
ceilaiiis cas, peut s'étendre jusqu'au droit d'instruire» mai^
qui, dans les cas ordinaires, est simplement le droit de pren-
dre les mesures conservatoires propres i réserver Tinstruction
et à la diriger vers le juge compétent. Il réunit alors au droit
de dénonciatioii qui appartient, aux termes de l'art. 29, à
taute autorité qui dans l'exercice de ses fonctions découvre-
un délits un droit de mainmise sur la personne de Tinculpé
ot sur les pièoes qui se rattachent à cette inculpation» dont on
trouve le principe dans les art. 267, 330, 361 et 462, oi
dont la loi n'a fait qu'indiquer quelques cas d'application sans
le limiter expressément à ces eas. Il nous parait donc que le
président aurait pu décerner un mandat d'amener contre le
témoin et le renvoyer devant le tribunal compétent pour
instruire.
IV. Il nous reste à parler des traublea et des tumultes qui
sont causés è l'audience soit par les accusés eux*-mèmes, soit
par lespersoûnes qui sont dans l'auditoire. Nous avons déjà
emaininé l'application qui peut être faite dans ce cas, soit des
masures de police qui appartiennent au président ^, soit des
art. 10 ^t U du G. de proc. civ., &04, &05 et &06 du G«
d'i«8t, crim., et 11 de la loi du 9 septembre 1885 *. Il faut
déterminer maintenant les cas d'application des art. 507
et .508.
t Art. 507. A. l'égard, des voies de fait qui auraient dégénéré en
crimes, ou de tous autres crimes flagrants et commis à raudience de
la Cour de cassation, d*une Cour impériale ou d'unç Cour d'assises* la
t Voy. suprd, p.
* Voy. t. VII, p. 2S5 et 761.
122 DES COUM D*A8S18ES.
Cour procédera aa jugement de saite et sans désemparer. Elle enten-
dra les témoins, le délinquant et le conseil qu*il aura choisi oa qai lui
aura été désigné par le président : et après atoir constaté les faits et
ouï le procurei^r générai ou son substitut, le tout publiquementj elle
appliquera la peine par un arrêt qui sera motivé. » — Art. SÛ8. « Dans
le cas de Tarticle précédent, si les juges présents à Taudience sont an
nombre de cinq ou six, il faudra quatre foix pour opérer la condam-
nation; B*ils sont au nombre de sept, il faudra cinq toîz pour eoa*
damner ; au nombre de huit et au delà, Tarrét de condamnation seia
prononcé au trois quarts des voix, de manière toutefois que dans le
calcul de ces trois quarts, les firaciions, s'il s*en trouve, soient appli-
quées en feveur de l'absolution. »
' Ces deux articles, qai peraiettent de juger un crime inci-
demmeut et au moment môme où il vient d'être commis,
constituent une grave innovation dans notre législation pé.
nale. L'art. 658 du G. du 3 brumaire an iv portait seal^
ment : « Si les outrages, par leur nature ou les circonstances
méritent une peine plus forte (que celle de huit jours d*em-
{irisonnement), les prévenus seront renvoyés à subir, derant
es officiers compétents, les épreuves de Tinstruction correc-
tionnelle ou criminelle. » Lors de la première rédaction du
Code, il fut* admis d'abord que le tribunal offensé pourrait
appliquer, non-seulement les peines de police, mais encore
celles de police correctionnelle. Mais si le fait commis à Tau-
dience prenait le caractère d'un crime, il y avait seulement
lieu à renvoi devant le juge compétent. M. Bigot Préameneu
disait à ce sujet : « Dès lors qu'il n'y a point de jurés dan^
une Cour d'appel, il est impossible de lui confier le jugement
du crime commis envers elle. » M. Berlier ajoutait : « Qaant
aux peines de l'ordre criminel, elles ne peuvent en aucun
cas être prononcées incidemment '. » Lorsque les articles qui
consacraient ce système furent soumis une deuxième fois au
conseil .d'État, à la séance du 3 août 1808, M. Cambacérts
dit « que cette rédaction demandait à être revue et enten
due ; qu'il convenait de distinguer entre les actes de polît<>
et les actes de juridiction ; que tous les tribunaux doivent
avoir un pouvoir de police qui leur permette de condamner j
un emprisonnement de trois jours ; mais qu^ils doivent avoir
en mèriie temps une juridiction à l'égard des crimes et dc>
délits qu'il ne leur appartient pas de juger ordinairement,
que ce serait dégrader leur caractère que de les réduire à
*^Locré, t. XXIV. p. 373.
INCIDEirrS DK L*AIJDIBMGE. $ 651. 823
celoi de simple témoin S » C'est sur cette jse^Ie ohaenratior)
ei sans aqtre discussion que les art. 507 et 608 furent iniro-:
duits dan9 le Gode. M. Éer]ier en exposait les iQotifs en c^s
termes : « Un renvoi, qui ne fait qu*attest^r l'impuissance des
magistrats outragés . a semblé peu propre à leur garantir le
respect qui leur est où et le besoin de cberqher des vengeurs
hors de leur propre enceinte a paru, en ce qijii jregarde )es
cours et tribunaux, contraster avec leur ipstitution métpe.
j^coutorisla loi romaine : Omnibus magUtratibus... secun-^i
dùmjus potestatis suœ, eoncessum est juridiclionen^ suam
iefefidere pcetiali judicio ^. Ce texte renfern^e d'une manière
précise la pensée principale oui a présidé h la rédaction de ce
chapitre... Lorsqu'il s'agit d'une poursuite criminelle et de
peines aCQictives ou infamantes, les juges inférieurs, qui ne
peuvent y pourvoir, doivent renvoyer le prévenu devant le
juge compétent. Mais si le crime a été commis devant 1^9
juges supérieurs, et à l'audience d'une Cour, l'élévation do tels
juges, leur nombre et le besoin de ?es faire JQijir de tout lo
respect qui leur est dû, ont tracé leur conpé(encQ et la leur
ont assurée sans restriction. j>
Cette attribution^ considérée au point de yue théQriquc,
peut paraître excessive. La loi romaine, que l'exposé deç mo-
tiis invoque, n'attribuait à chaque iuridiction que le pouvoif
dé se défendre des outrages dont elle était l'objet, et qe lui
donnait que le droit d'appliquer une peine dans les limites de
sa compétence, secundum jus potestatis suœ. La Cour d'as-
sises n'est compétente pour prononcer sijr Jes faits que la loj
a qualifiés crimes qu'avec le concours du jufy : séparée de^
jurés, elle n'est plus qu une section de la Cour impériale dont
la compétence, d'après les règles ordinaires, est limitée, ç\]
ce qui louche les jugements, à l'application des peines correc-
tionnelles. On prétend, pour juslilier une ^i grave dérogaiiou
au droit commun, que la nécessité d'assurer à la dignité deii
Juges le respect qui lui est dû exige cette ai^ibutiop extraor-
dinaire. Mais d'abord, il eût fallu peut-être di^tmguer j^^
crimes qui sont dirigés contre la justice elle-mènie et çe^;^
qui, quoiqiie commis à l'audience, ne sont dirigés Q\xe çontjr^
les particuliers 5 car ceux-ci ne renferment d'autre olïense q^Q
celle qui peut résulter accidentellement du lieu où ils sont.
* Locré, U XXVIÎ, p. iBf,
' L. un Dig. Si quis jus dicendi non oblemper avcrit.
824 DES COURS D^ASSISES.
commis. Ensuite, est-il bien certain que ladigoîté delajog*-
tice soit inléressée à ce jugement « de suite et sans désempa-
rer » que la loi prescrit? L'exposé des molifs dit que la juridic*
diclion ne doit pas chercher d'autre vengeur qu'eile-mème :
est-ce donc d'une vengeance qu'il s'agit? Et^ en vérité, ce
jugement immédiat, sons Tinfluence de l'indigoatioa cau-
sée par le crime, et prononcée en face même de ce crime
encore flagrant, ne semble-t-il pas prendre le caractère d'une
vengeance? Ce n'eét pas ainsi, il nous semble, qu'on doit
comprendre la distribution de la justice; quelle que soit la
grandeur de Toutrage, elle ne doit pas cesser d'être la justice ,
elle doit donc procéder avec calme et lenteur, SaHignité est
dans son impassibilité et sa modération et non dans la pré-
ci(^itation. La loi aurait pu se borner à disposer que U
Cour d'assises ou le président dresserait un procès-verbal
et renverrait le prévenu devant le juge compétent en état
de mandat d'amener ou de dépôt. C'est ainsi qu'il est pro-
cédé quand le crime de faux témoignage est commis à soo
audience; pourquoi la même forme ne serait-elle pas em-
ployée à l'égard de tout autre crime ? Au surplus, l'art. 507 a
été si rarement appliqué, que sa disposition, ne parùtrelle pas
excessive, pourrait au moins être jngée complètement inutile.
L'art. 507, en parlant de la Cour d'assises, désigne les
juges qui forment cette Cour séparément des jurés. Ce point,
qui résulte d'ailleurs du texte de cet article et de celui qui le
suit, a été consacré par un arrêt qui déclare : « que, d'après
l'art. 1*' de la loi du k mars 1831» les Cours d'assises se com-
posent des magistrats désignés pour en faire partie, du mi-
nistère public et du grefiier; qu'elles existent indépendam-
ment des jurés, dont le concours n'a lieu que pour prononcer
sur des faits qui leur ont été déférés dans les formes prescri-
tes par la loi; qu'elles prononcent sur les incidents de Tau-
dience, appliquent la peine, statuent sur les dommages-inté-
rêts et jugent les contumaces ;que les dispositions combinées
des art. 507 et 508 repoussent Tidée que l'intervention des
jurés présents à la perpétration flagrante, même d'un crime,
soit nécessaire pour le constater; qu^en efl'et, les jurés pré-
sents au délit ou au crime commis à Taudience, soit qu'il Tait
été à l'occasion du fait de l'accusation, soit qu'il provienne
d'un fait entièrement étranger, n'en sont pas moins sans qua-
lité et sans juridiction pour en connaître, parce que leur pou-
voir est circonscrit dans le fait unique pour lequel ils ont été
INCIDENTS DE l'aHDIKNCK. $ 65Î. ^-^
désignés par le sort et acceptés par l'accusé comme juges;
qn'obli^i^é de procéder au jugement de suite et sans désempa-
rer, la Cour d'assises doit donc constater et punir les délits
flagrants qui sont commis à son audience ' . »
L'art. 508, qui fixe la majorité à laquelle les juges doivent
appliquer la peine en cas de crime, a donné lieu à deux ques-
tions. On a demandé, d'abord, quelle a été Tinfluence sur cet
article de la loi du 4 mars 1831 qui a réduit à trois les juges
de la Cour d'assises. Cette première question, sur laquelle la
Cour de cassation avait d'abord hésité *, parait avoir été dé-
cidée en ce sens que la majorité de deux voix suffit'. On
pourrait peut-être objecter que l'art. 508 crée dans toutes
les juridictions une majorité exceptionnelle; qii^il ne permet
nulle part moins de quatre voix pour opérer la condamnation,
et que, si le nombre des juges a été réduit de cinq à trois,
c'est une raison de plus de compenser la garantie du nombre
par la garantie de l'unanimité.
La seconde question est celle de savoir si cette majorité
spéciale doit être explicitement constatée. La Cour de cas-
sation, lorsque cette question s'est présentée devant elle,
s'est bornée à juger « que par ces expressions « après en avoir
délibéré et conformément à la loi, » la Cour impériale d'Amiens
avait suffisamment constaté qu'elle s'était conformée aux pres-
criptions de l'art. 508 ^. > Que ce soit là ou non une consta-
tation suffisante, nous croyons qu'une constatation est néces-
saire. La seule garantie de la juridiction extraordinaire créée
par l'art. 507 est la majorité ; or, comment être assuré que
cette majorité a existé si elle n'est pas expressément constatée?
* CaiB. 97 fév. 4882, rapp. M. Isambert J. P., t XXV, p. 748.
* Même arrêr.
» Cass. 43 sepl. 488Î, rapp. M. OlliTÎer.GitéparM. Parent, lois de la pressp,
p. 266.
* Cass. 8 noT. 485A, rapp. M. Y. Foucher. Bull. n. 806.
CHAPITRE Xni.
GLOTURB pES DiBATS.
§ 6Ï$3. Disenssbn du procès.
I 654. I. Goicluiioiii de U ptrtie civile* •*- lU Umitet de um droU,
I 6S5. !• Réguisîtions da ministère public. — II. Prodaetlon de
pièces. — Iil. Droit de répliqae.
§ 656. I. PUidoirie de la défense. — II. Proits et limitai.. -^ IIU Ré-
pliques.
S 657. I. GIMure des débats. — II. Incidents relatifs l'ceite olétwe.
$ 658. I. Résumé du président. — II. Règles relatives à ce réfoinê.
S 653.
Discussion du procès.
Lorsque tous les témoins, tant à charge qvL*k décharge, ont
été entendus, lorsque les personnes appelées à titre de ren-
seignements el les experts ont fait leurs déclarations, que
l'accusé a été interrogé, que les preuves écrites ont été pro-
duites et les pièces de conviction représentées à Faudieiice,
lorsque toutes ces preuves ont été respectivepient exaaiiDée<
par les parties, le débat proprement dit est terminé et la dis-
cussion commence.
L*art. 335 est ainsi conçu : « À la suite des dépositions
des témoins el des dires respectifs auxquels elles auront donné
lieu, la partie civile ou son conseil et le procureur généra!
seront entendus et développeront les moyens qui apprécient
l'accusation. L'accusé et son conseil pourront leur répondre.
La réplique sera permise à la partie civile et au procureur
général ; mais Taccusé ou son conseil auront toujours la pa*
CLCTUIIE DES DEBATS. § 653. S27
rolc les derniers. Le président déclarera ensuite que les dé-
bats seront terminés. »
Voilà Tordre de la discussion tracé. Elle se compose :
i*" des conclusions de la partie civile; 2^ du réquisitoire du
ministère public ; d^ des plaidoiries de la défense.
S 654.
I. ConclasîoDS de la partie civile. — IL Les limites de son droit.
L La partie civile, aux termes de Tart. 370 du Gode du 8
brum. an iv, n^avait la parole qu'après le ministère public.
Il en résultait que, trouvant Taccusation déjà développée^
elle se bornait a renonciation des faits qui se rattachaient à
ses intérêts personnels. Aux termes de Tart. 335 de notre
Ck)de, c'est sa parole qui ouvre les plaidoiries, et, comme les
moyens qui fondent son action sont, en général, ceux qui
fondent l'accusation elle-même, la cons:^quence est que, dans
la plupart des procès où il y a partie civile, c^est à cette partie
ou à son conseil gu'échoit réellement le développement de
l'accusation. L'û1:dre prescrit par le Gode du 3 brumaire
an lY nous semble préférable } la partie civile ne devrait être
entendue qu'après le ministère public, puisqu'elle n'est que
partie jointe.
IL Nous avons énuméré ailleurs les droits que la partie
civile exerce, soit dans les débats, soit à la suite des débats '.
Mais il est une limite que, dans leur exercice, elle ne doit
jamais perdre de vue. Elle est partie au procès, mais son rôle
est restreint et secondaire ; eile n'accuse pas, elle ne peut
que faire valoir les dommages qu'elle a éprouvés ; elle a le
droit de prendre la parole, mais seulement pour soutenir ses
intérêts privés. Il suit de là que le ministère public, s'il ne
prétend pas abdiquer ses fonctions, ne doit jamais lui aban-
donner la direction et le développement de l'accusation. Elle
peut assurément discuter les faits» mais au point de vue du
préjudice qu'elle a souffert, et non au point de vue de la cul-
pabilité de l'accusé^ elle peut plaider son action, elle ne peut
' Voy. suprà^ p. 687 et suir.
828 DES COURS d'assises.
soutenir raceusation. Il y a entre son rôle et la mission do
ministère public une distance que le président doit mainteoiff
et le ministère public pourrait au besoin requérir que les
écarts de ses conclusions sous ce rapport fussent sérieusement
contenus.
La partie civile peut, comme le ministère public et Taccusé,
donner lecture dans le développement de ses conclusions et
sauf le droit d'opposition des parties d'une pièce qoeJocn-
que ; il a été reconnu, en effet, « qu^aucune disposition de la
loi ne détermine d'une manière limitative les éléments dont
les parties civiles, le ministère public et les accusés ou leun
conseils peuvent se servir dans le cours des phiîdoirîes ; qu*ainsi
la lecture d^unepièce, d'un document quelconque ne serait
contraire au principe du débat oral que si cette lecture avait
été le sujet d'une opposition formée par la partie intéressée
i empêcher cette lecture et si elle avait préjudicié à la défense
de raccusé \ » Toutefois, ce droit ne pourrait aller jusqu'à
li^e les dépositions écrites des témoins entendus*) jusqu'à
produire subrepticement des preuves écrites. qui, n'auraient
pas été communiquées, ou jusqu'à faire distribuer aux jurés
des mémoires relatifs à Tafibire s. »
$655. •
I. Réquisitions du ministère public. «^ II. Prodiotion de pièces, -»
lit. DrQJL de réplique,, . . , . •
J. Nous avons examiné les droits du ministère public dans
IVxercice de l'action publique avant et dans fes débats de
l'audience*. *
* La tâche la plus haute de ses fonctions est, sûivatrt fà dé-
finition de Part. 335, le développement des moyens de Pàccn-
sàtion. C'est dans ce développement que la'âderièe} té latent
et le caractère même du magistrat se manifestent à là fois.
Nàus ne devons faire à cet égard qu^une seule observation :
c'est qu'il ne doit pas perdre de vue, ainsi qûé notsi Pavôn^
« Cass. 17 fév. ta48, rapp. M. Romlguj&res, BuIL n. 95.
> Cass* S sept. 1842. rapp. M. de Rîeard. Bail. n. 234.
• Cass. 17 fé?. 1843. Cilé suprâ,
* Voy. iuprd, p. 495.
GLOTURK DSâ Di^ATS. § 655. 829
indiqué ailleurs •, que l'action publique qu'il soutient appar-
tient à U société et qu'elle a pour mission unique de faird
régner le droit qui est le fondement de la vie sociale. Le but
de ses efforts ne doit donc pas être le succès de Faccusation,
mais le triomphe de la vérité, 'car ce qui importe à la société»
ce n'est pas que l'accusation réussisse, c'est que la justice ne
soit pas froissée, c'est que le jugement soit la sanction du
droit. Il doit donc relever religieusement toutes les circonsp*
tances du fait, tous les éléments de la cause, Qu'ils soient
favorables à {^accusation ou qu'ils lui soient contraires, car il
ne plaide pas pour celle-ci, il n'est point attaché comme un
avocat i son client, sa fonction est bien plus grande, it ne
défend» il ne soutient que la vérité, et il doit la déclarer par-
tout où il l'aperçoit, dans les preuves à charge ou dans les
paroles de l'accusé. Enfin , lors même qu'en face d'un crime
qui se débat contre l'évidence, son devoir lui commande de
porter, par la mise en lumière et l'enchaînement des preuves»
la conviction dans l'esprit des jurés, s'il doit être inflexible
dans ses réquisitions, il doit les développer avec calme, car
la passion» qui peut enflammer la défense, ne doit jamais ani-
mer sa parole; le langage de la justice est sobre et sévère;
elle redoute, si elle ne les rejette pas, les charmes puissants
de l'éloquence ; elle craint qu'ils ne lui masquent la yérité.
II. Au surplus, la parole do ministère public ne doit ren-
contrer & l'audience aucune entrave; il a le droit de dire tout
ce qu'il croit convenable et nécessaire au bien de la justice,
et de donner toutes les explications qui lui paraissent utiles,
sauf le droit de l'accusé de discuter et de débattre son argu-
mentation. Il est, en efl^et, de principe « que les officiers du
ministère public sont indépendants de l'auiorité des magistrats
devant lesquels ils exercent leurs fonctions; que, dans les
documenls qu'ils produisent et les documents qu'ils invoquent
à l'appui de leurs réquisitions, ils ne peuvent être gênés ou
arrêtés par le pouvoir du juge et qu'ils n'ont d'autre règle
que leur conscience et leurs lumières •.
Mais ce droit du ministère public est-il absolu? s'il ne
trouve aucune entrave à l'audience, ne trouve-t-il aucune li-
^ îCaL^iiullu'lB/i?, iapp,M.Mérilliou,BulUn. 141; 20jaa?. 1848, rapp.
M. Brière-Yaligny.^u. 17.
830 BRS GODM D*AS8tSn.
mite dans la loi? La jtarisprcidenee a suocesBiYenent^déelaré
1* qiie l'accusé ne peut demander ade âès réserves qu'il pré-
ienil (aire & raison des imputations que le ministère public
aurait Ârigées contre lui relativement à des faits étrangers à
la poursuite " ; 2^ que le ministère public , qui poursuit uu
délit de presse, peut se prévaloir, pour établir Tintentionae
Fauteur, d'écrits autres que Técrit incriminé *; 3* qu'il peut
faire connaître aux jurés les conséquences légales de leur
déclaration ^
Nous ne ferons aucune objection à ces décisions. Mais faut-
il aller jusqu'à admettre qu'il peut faire usage de déclarations
reçues dans une autre affaire *y qu'il peut s'appuyer sur les
déclarations écrites de la procédure préliminaire *, qu'il peut
donner lecture d'un procès- verbal contenant des déclarations
de témoins que le président des assises avait reçues et qui
n'avaient point été communiquées à la défense*?. Ces der-
niers arrêts semblent ouvrir une voie qui pourrait être dan-
gereuse. Le ministère public a le droit de produire toutes Its
preuves , tous les documents , tous les renseignements <]ui
peuvent servir d'appui à l'accusation ; mais il doit les produire
dans le cours du débat , il doit les soumettre à l'eiamea des
parties. Lui reconnaître îa faculté de soustraire ces docu-
ments k cet examen et de les introduire plus tard et subrep-
ticement dans sa plaidoirie , c'est à la fois transporter l'ins-
truclion dans le réquisitoire et lui ôter la garantie de la con-
tradiction. Ou dit « qu'il est de l'essence du ministère public
d'être indépendant dans Texercicedc ses fonctions 7t>; mais le
ministère public dont la parole, nous l'avons établi, est com-
plètement indépendante, est, quanta la production des preu-
ves, tout à fait dépendant des règles posées fs^xla loi : est-ce
qu'il peut produire des témoins qu'il n'a pas noUGès ? Est-ce
qu'il peut appeler des personnes à titre de renseignemenls'.-
Est'-ce qu'il peut donner Ipctuie dans le débat des dépositions
écrites des témoins? Ce n'est p^s à lui que la.loi a conCé le
pouvoir di$cièiionnaire; il peut eu provoquer l'excrâce ^ il
* Cass. 11 jant. 1851, à notre rapp. Bull. n« Si.
' Cbbs. 25 UOT. 1881, rapp. M« Isaibbvrt. J. P.» t. XXIV, p. 359»
' Cass. 6 fév. d848, rapp. M. Vincens-Sl-Laurent. Dali. 40, i, 398.
^ Câss. 7. fi}v, ±S-6$, rapp. M. Mérllliou. J. P.t t. XXV» ^ 157»
' Bruxelles, 28 fév. dbSC. J. P., t. XX, p. 224.
* Cus», 48 jauvicj 180ii,rup^).. M, i^éiiéco, BuJI. i\ 14..
' Môiifdcs deux arrêts ùvh :J() joiiv, l^V^S, et l^jânv, 185*5^ ' '
CLOTUBE DM BéBATS. § 656. 831
«e peut l'exercer lui-piéme. On dit encore que Taccusé n*est
pâs privé de la faculté d^apprécler ces Jocboienis nouveaux
dtins sa défense. Mais il est évident que sur ce point sa dé-
fense ne sera pas préparée » qu'il sera privé des éléments
qu'un débat contradictoire aurait pu soulever, et que, surpris
par une attaque imprévue, il pourra ne pas trouver les moyens
de réfutation qu'il peut avoir. On dit enfin que ce ne sont là
que de simples renseignements et non des preuves; mais
nous avons déjà fait remarquer que cette distinction est plus
théorique que réelle, puisque la conviction intime fonde seule
la décision des jurés et que cette conviction ne doit aucun
compte des éléments qui la forment. Il faut considérer comme
une règle que, en général , c'est dans le cercle de Taccusation,
c'est dans les faits sur lesquels elle repose ou qui s'y ratta-
chent directement , c'est dans le débat auquel elle a donné
lieu que le ministère public doit chercher ses preuves et pui-
ser ses arguments. Si la jurisprudence ne lui interdit pas de
les prendre àii dehors, si elle ne lui interdit pas d'invoquer
des documents qui n'ont pas été débattis, il ne doit user de
cette facuïté , qui a été considérée peut-être à tort comme
une conséquence de son indépendance, qu'avec une extrême
réserve; car elle pourrait devenir oppressive pour la défense,
en même temps qu'amener le trouble dans la marche du
débat.
IIL Le ministère public et la partie civile elle-même sont
autorisés à répliquer à l'accusé et à son défenseur. Cette fa-
culté était nécessaire pour prévenir les eflets des assertions,
quelquefois dénuées de fondement, et des allégations, quel-
quefois inexactes, de la défense, pour rectifier les faits qu'elle
a pu tronquer ou dissimuler , pour rétablir l'accusation sur
ses bases réelles. Mais c'est là le seul but de la réplique. Silo
ne doit pas contenir et développer des moyens nouveaux , des
arguments gardés en réserve, elle doit simplement réfuter k
système de la défense, rétablir la question si la plaidoirie Ta
fait dévier de son terrain et résumer rapidement les motifs
qui fondent l'action publique.
g 656.
I. Plaidoirie de la défeose.— IL Droits et lîoiitei. -^ IJI. Répliques,
I. L^accusé ou son conseil ont la parole liwiiAt «prte le
83â »KS COUftà D*A$S15CS.
rêquisitoiie du ministère public. Nous avons exposé précc-
(Idiiïr.er.i les droits et les devoirs de la défense, ses préroga-
tives et les obligations qui pèsent sur elles dans le cours des
délats 1. Nous ajouterons ici les règles qui se rapporleolspé-
cialenfient aux plaidoiries-
L'art. 335 , «pi es avoir établi le droit de la parUe civile
et celui du ministère public, a ajouté : « Taccusé et sou con-
seil pourrc nt leur répondre. » Ce droit de se défendre, quoi-
qU)B prononcé sous la forme d'une simple faculté, est absolu ;
ni le piésideut ni la Cour ne pourraient refuser la parole à
l'accusé ni à son conseil ; car, comme le disait Ayrauit» « la
défense est de droit naturel '; d et la loi criminelle , qui ne
fait ici que consacrer l'application de ce droit, n'a laissé de
facultatif que son exercice.
L'ordie r<^glé par la loi ne l'est point è peine de nullfté,
pourvu que la défense n'éprouve aucun préjudice. Dans une
espèce où l'accusé avait dû prendre la parole avant que le mi-
nistère public eût développé les charges de l'accusation, ce
pourvoi a été rejeté : « attendu qu'il résulte du procès-verbal
des débats que la discussion a été ouverte par la ploidoiric
de la partie civile ; que le procureur général , jugeant sacs
doute qu'il n'avait pas à reproduire les arguments de cette
partie, ni a y ajouter, s'y est référé par son silence; que s'il a
plus tard répondu au défenseur, il résulte d'une mention ex-
presse que celui-ci a eu la parole le dernier ; qu'ainsi il a été
satisfait au vœu de la loi , qui veut que l'accusé soit rois en
situation de débattre contradictoirement, tant en plaidoirie
qu'e.n réplique, tout ce qui a été dit à sa charge *. •
S'il y a plusieurs accusés, il appartient au président de ré-
gler l'ordre des plaidoiries. Cependant, si les intérêts ne sont
pas oppo&és les uns aux autres', il convient de laisser aux dé-
fenseurs le soin d'établir entre eux l'ordre de la défense. Ib-
peuvent, en effet, se partager entre eux les différentes partie?:
de leur t&cbe, el dès lors il importe qu'ils soient entendus sui-
vant la division qu'ils ont faite eux*mèmes des faits et des
matières.
II. Il est très-difficile de poser une limite entre ce qui
* Voy, suprd, p. ^198 el 514.
* Jnstriiciioii judiciaire. Ut. III, ii. h9,
* Cass. 13 mai itibi, rapp, M. Rocher. Buil, u, 35'.
CLOTUBE ftSS DÉBATS. § 056. 833
appartient, nécessairement au droit de la défense, et ce qui
ne lui appartient pas, et de distinguer son légitime exercice
de ses écarts ou de ses excès.
La plaidoirie a pour objet la discussion des faits et des
preuves sur lesquels l'accusation est fondée. La mission du
défenseur est de combattre ou d'atténuer les charges produites
contre Taccusé, de relever les contradictions apparentes ou
réelles des témoins, d'indiquer les invraisemblances ou les
raisons de douter que les circonstances de la cause présen-
tenty d'établir les faits de moralité qui peuvent jeter sur l'ac-
cusé un jour favorable, en un mot, d'exposer tous les moyens
qui naissent des débats et qui militent en faveur de la dé-
fense, et de les soutenir avec méthode, avec adresse, avec
fermeté. Toutes les discussions, toutes les considérations qui
peuvent conduire au but qu'il se propose lui appartiennent,
et il a le droit de les développer. La loi ne lui a imposé que
deux limites : l'une, écrite dans l'art. 311, est « de ne rien
dire contre sa conscience, contre le respect dû aux lois, et de
s'exprimer avec décence et modération. » L'autre^ consacrée
par l'art. 270, et qui permet au président « de rejeter tout
ce qui tendrait & prolongerles débats sans donner lieu d'es-
pérer plus de certitude dans les résultats, n
L'application de cette double restriction a donné lieu à
plusieurs questions qu'il faut examiner.
Le président peut-il fixer à l'avance la durée des plaidoi-
ries? Evidemment non» caria défense doit être entière, com-
plète, accompagnée de tous ses développements, et le défen-
seur seul doit apprécier dans sa conscience le temps qui lui
est nécessaire, sauf l'application du pouvoir que le président
a d'écarter les redites, les discussions oiseuses, les développe*
ments inutiles. Il a été déclaré, dans une espèce où il ne s'a-
gissait que des répliques, a que l'avertissement donné par le
président aux défenseurs des accusés qu'un quart-d'heure
semblait devoir suffire à chacun d'eux, ne peut être considéré
comme une restriction illégale de la défense, surtout s'il a
été déclaré par la Cour d'assises, dans un arrêt incident, que
les conseils des accusés avaient dit tout ce qu'ils avaient
voulu, et terminé leurs observations en faveur de leurs clients
comme ils l'avaient voulu, sans que la parole leur eût été re-
tirées » Il résulte de cet arrêt que l'avertissement n'avait pas
* Casi. s ôéc. 188a, rapp. M. Vincens-St-LaurenU S« V. 35, 1, 82.
VIII. 53
834 DCS COIIBS D*A88nCS.
été suivi d'effet, que c'éUît simplement une invitation d'être
bref, et il est évident dès lors que cette énoncîalfon ne pou-
Tait entraîner une nullité.
Le président, et s'il y a réclamation, la Cour d'assises peu-
fent-ils îbterdire dfejprésenfer la défense en vers? Cette ques-
tioh é été résolue àmrmativement et le pourvoi a été rejeté:
«r attendu que là Cour d'assises, en interdisant à Bastide h
faculté de présenter là défense en vers et en TautorisaDt ila
présputer dans Te langage ordinaire, n'a pas entravé la dé-
ferise *. » ïl n'y a pas d'entrave, en effet, dans la prohibition
d\hie foi^e de langage qui ne convient pas à la sévérité des
tofthd^ judiciaires , et qui pourrait compromettre la gravité
dé l'atfdic^rire et îa dignité de la Cour d'assises.
Le pTt^sîdeht peût-il interdire de citer des décisions de jury
dans des affaires analogues? Il a été répondu affirmativenient,
« fittcndu que par celte décision il n*a été porté aucun pré-
judice k fa juste défense de l'accusé qui ne pouvait s'appuyer
qiie 5ur la compfète connaissance des faits et sur les consé-
t^iitfvfdèii déduites de ces faits •. » On ne peut encore qo'ap-
profùVéfr cette solrition : ce qui fait la force juridique des jurés,
c'eèt qu'ils ùe sont préoccupés d'aucune idée s)'j5tématique,
c'est <}ue, comme tes juges, ils ne songent point à généralisa
leurs décisions, à fonder ou à suivre une jurisprudence; ils
ne doivent donc voir que l'action qui leur est soumise et la
fait que le débat agite devant eux 3. »
Le président peut-7f interdire la discussion des questions de
droit qui se rattachent à l'affaire? Il est évidemftient inutile
de discuter devant le jury les questions de droit qu'il n'a
point i résoudre. Ainsi, lorsqu'il s'agit du caractère authen*
tique ou commercial d'une écriture, la discussion de cette
question doit être renvoyée au moment où le défenseur plai-
dera sur l'application de la peine 4; mais si fa question do
droit, ce qui se présente quelquefois, est ititimement liée aà
fait, comrme la question do fifiation dans le parricide, oo cefle
de la fonction dans les crimes Imputés à des fonctioônaires
ou commis contre eux , ^1 sembte difficile d'en écarter là dè-
cussion , cafr eflé détient h\àts un des faits cônstitatils do
* Coss. 43 juin 18^3, npp. M. Dehamij. J. cr», t. VI, p^ 117.
> Cass. 28 août 1829, M. Mejronuet-Sl-Marc. J. P., t«XXII,m lAU,
* Voy. rttpra, p. 2^.
* Casa. 36 9^ 1846, rapjK M, isambert «ttU.a. 353.
CLOTUM PU VtBàfK. § 68& 885
crime, et, percewéqiient, m des élénents et la défeine.
Le préstdeiftpeutxîl interdire de faire connattre aux jurés
les conséquences légale^ de la déclaration qn^ilsTontreiiéfe?
Un arrêt a décidé que le président av«t ce droit, mais qoe,
s'il n'en usait pas, il ne tésultait aucune nullité des paroles
du défenseur. Les motifs de cet arrêt sont « qu'il résulte de
la combinaison des art. 84S et 868 et du principe de la divi-
sion des pouvoirs entre le jury et les cours d'assises que le
jury Ht doit pas se préoccuper des conséquences légales des
faits par lui reconnus et constatés; que la discussion relative
à ce point ne peut être soulevée par l'accusé, son conseil ou
Je ministère public qu'après la déclaration du jury ; que la-
loi du 28 avril i832, en appelant les jurés à déclarer s'il y a
lie u lexistence des circonstances atténuantes, n'a pas cbangé
la nature de leurs attributions, puisqu'elle a réservé exclusi-
vement à la Cour d'assises le droit d'apprécier et de délermi-
ner la modification qui, par suite de cette déclaration, doit
être apportée à la peine ; que si le conseil de l'accusé ^'é-
carte, contrairement è ce qui lui est imposé par l'art. 311,
du vœu de la loi, son infraction ne peut avoir d'autre effet
que de provoquer contre lui, soit une injonction du président,
soit en cas d'insufGsance, l'application d'une peine discipli-
naire ; mais qu'il ne saurait dépendre de l'avocat ni de l'accusé
de créer une nullité qui ne peut résulter que d'un vice de
procédure, de la violation d'une disposition prescrite par la
loi ou de l'omission d'une formalité substantielle ^ » Il est
certain que cet arrêt ne fait que formuler le système du Gode,
tel qu'il résulte, en termes un peu vagues peut-être, des arti-
cles 311» 343 et 363. On peut ajouter que si ce système a été
un peu éèranlé par les dispositions et surtout par l'esprit nou-
veau de la loi du 28 avril 1832» on doit admettre cependant
que cette loi, en s'incorporant dans la législation de 1810,
en a respecté les règles générales ; et de là il est permis d'in-
férer, comme Je fait l'arrêt, même en présence de l'exposé des
motiis de la loi nouvelle, même en présence des attributions
faites au jury, que la division des deux pouvoirs est demeurée
la mênie. Néanmoins, cette séparation» identique en théorie,
en fait a cessé d'être aussi tranchée. Ce n'est pas ici le lieu
de tracer avec précision la ligne qui les divise. Mais si la loi
n'a pas voulu définir les éléments des circonstances attéuuau-
* Caû. 25 mars 1886, rapp^ M« de Ricard J. Pt| U XX?I, p. UOf«
S3G DES CODES D* ASSISES.
les, n'est-ce pas pour y faire entrer tous les faits qui sont de
nature à motiver une atténuation de la peine? Et lel^latenr
lui-Diéme n'a-t^il pas admis que la considération de la ri-
gueur de la pénalité était Tun de ces éléments? Ensuite, la
théorie du Gode n'est-elle pas àcAté de la vérité des choses?
Les jurés ne doivent pas se préoccuper de la peine ; mah est-4]
vrai qu'ils ne s'en préoccupent pas? Est-il vrai q«*ils rendent
machinalement leur verdict sans s'inquiéter de ses consé-
quences, sans se demander quelle sera la pénalité appliquée?
Or, s'ils se livrent à cet examen, si c'est là même quelquefois
un des motifs de la déclaration quils font des circonstances
atténuantes, n'est-il pas à craindre qu'ils ne s'égarent dans
leur calcul, et ne vaut-il pas mieux les éclairer? On ne sau-
rait plus aujourd'hui soutenir en termes absolus, comme l'a
fait un arrêt, avant la révision du Gode, que le défenseur n'a
pas le droit d'exposer aux jurés le peu de proportion qu'il
aperçoit entre la gravité du fait imputé et la durée de la peine
encourue * ; car l'unique but du système des circonstances
atténuantes n'est-il pas d'arriver à une plus exacte propor-
tion entre le délit et la peiné? Et comment obtenir celte pro-
portion s'il n'est pas permis d'en parler avant la déclaration?
Au reste, les présidents les plus éclairés ne craignent pas que
le jury soit averti des conséquences légales de son verdict- ils
se bornent donc à interdire la critique et non la simple indi-
cation de la loi pénale.
Le président peut- il interdire de discuter les termes de la
loi pénale pour soutenir que les éléments constiluti& du crime
n'existent pas dans le fait incriminé? Dans une accusation de
pillage, le président avait interdit au défenseur de soutenir
que les faits, tels qu'ils étaientconstatés, ne constituaient pas
le crime prévu par la loi, et le pourvoi a été rejeté, « attendu
que le jury n'est appelé è prononcer que sur l'existence ou
la non existence de faits et de circonstances de faits qui con-
stituent l'accusation et sur la culpabilité des accusés *. »
A la vérité, Tarrét ajoute « que l'arrêt attaqué a^ seulement
interdit au défenseur des accusés d'entrer dans desdiscusâons
générales de droit, et qu'il lui a laissé la faculté dediscuter
tous les faits constitutifs du crime. » Il suit de là qu'il serait
permis de discuter chacun des faits constitutifs du crime, mais
^ Casa. 31 mars 4825, rapp« M. Gaillard, J. P., t. XIX;, n. 879.
* Cm. 20 mai dW, rapp. hff. firière. J. P.,t. XXIII, p. ie06w
CL0T9BB DES DÉBATS, § 656. 837
non l'ensemble de ces faits ; cette distinction peut paraître ua
peu puérile. Est-ce que, dans une accusation de meurtre^ il
ne sera pas permis de soulenir qu'il n'y a pas meurtre, parce
que rhomîcide aurait été commis dans un duel, ou parce que
FacGusé n'aurait fait qu'accomplir Tordre de la victime? Il ne
faut pas trop fadiement scinder la discussion, il ne faut pas
tracer autour des jurés un cercle trop étroit. La plaidoirie
doit admettre toutes les considérations qui se rattachent aux
faits de la cause. Or, Texamen théorique du caractère de ces
faits, la raison de la loi pénale et les questions que soulève
son application se rapportent intimement à ces faits. La dis-
cussion, quelque élevée qu'elle soit, pourvu qu'elle ne sorte
pas du procès, est légitime. La loi n'a proscrit que les divaga-
tiens et les doctrines subversives des règles légales ^
Enfin, le président peut-il interdire le développement des
faits atténuants qui ne constituent pas des excuses légales?'
Un arrêt, rendu dans une espèce où le défenseur soutenait
que Taccusé était en état d'ivresse» porte a que le défenseur
n'a pas plaidé une pure question de démence; n^ais qu'il a.
voulu se prévaloir do la prétendue ivresse de l'accusé et des
passions qui l'animaient au moment de la perpétration de
son crime ; que la Cour d'assises , en introduisant ce mode
de défense , par le motif qu'il ne s'agissait ni d'une excuse
légale, ni du cas prévu par l'art. 54 du C. pén., n'a fait que
se conformer à la loi et n'a pas porté atteinte à la liberté de la
défense «. » L'art. 463 du C- pén. n'a pas fait autre chose que
de comprendre dans une seule formule toutes les excuses in-
déterminéesqui échappaiontaux définitions de laloi : lescircon*.
stances alténuantessont, entre autres, la mauvaise éducation^'
l'abandon de la famille, les détestables influences, la misère,
l'ivresse. Comment plaider l'atténuation de la culpabilité, s'il
n'est pas permis de soutenir l'existence de ces circonstances?
Ne deviennent-elles pas, sinon des excuses légales, au jaioiDU
de véritables excuses, aussitôt que le jury les accueille et dé-'
clare qu'elles sont atténuantes? Puisque la loi pénale a ad-^
mis des degrés dans la culpabilité , il; doit être permis de las^
coustatoT
Quant aux écarts de la défense, nous avons déjà vu par ,
* Voy. infrà, VtB arrêt du20 juilf. 1826, cité p. 858.
» Casa.! juin 1813, rapp. M. Isamberl. Dali. 48, 1, 376, et ans». 30 tfrji
1831, rapp. M. Brière. J.P.,t.XXlIl, p. 1607,
838 MA G0VR8 D*A8S18KS.
quelles mesures ils peuvent èUe aA\:étés et r^rio^és'.
ni. La jurôprodeaoe a reeonoa au défenMiTt comme au
ministère public, I4 dj^oit de produire- pour la première fois
dans sa plaidoirie des docuoient^ aQi^reaui: , de^ oeriifieata »
des pièces à Tappui de la défense.
Une Cour d'assises, en rejeta^it la réqiiisitioa da défenaoBr
tendant à donQer lecture dan^ ^ d6bat a une consnUatioo da
mi^decins, Ipi avait réservé le droit de faic^ valoir cp déco-
ment dans sa plaidoirie, et le popirvQi ^ été rejeté» • attendu
que cette Cour lui a aio^ reconnu et conservji \p droit de re-
lever dans sa défense tous les moyens qu'il pourrait par lui*
même puiser dans ladite consultation et de les faire connaître
aux juriés • *j»
Une autre Cour d'assises avait refusé au défeoseur le droit
de lire pendant sa plaidoirie une opinion de doctrine sur une
question médico«-légale. f^a procédure a été annulée : « At-
tendu qu'il résulte des art. 294 et 335, comme de l'esprit
général du Gode > fondés sur les principes du droit naturel^
que Taccusé et son conseil ont le droit de dire tout ce qui
peut être utile pour la défense de l'accusé ; qu'ils ont, par une
conséquence nécessaire , le droit de lire tout ce qu'ils pour-
raient dire pour la même défense , pourvu (et parce que le
débat doit être oral ) qu'ils ne lisent pas les déclarations écrites
des témoins , pourvu que le conseil de l'accusé ne dise rien
contre sa conscience et contre le respect dû aux lois et qu'il
s'exprime avec décence et modération , et encore pourvu que
Taccusé et son conseil ne se livrent pas à des divagations étran-
gères aux questions du procès ; que toute autre limitation est
une violation des droits sacrés de la défense, la privation
d^une faculté accordée par la loi qui emporte virtuellement
avec elle la nullité du débat et tout ce qui s'en est suivi '• •
Assurément cette doctrine , que nous avons nous-môme
précédemmeut soutenue, nous semble à l'abri de la critique;
mais a-t-elle été exactement appliquée dans ces deux espèces?
Mous avons reconnu d'une part à la défense le droit de pro-
duire, pendant le cours des débals , toutes les preuves, tous
les documents qu'elle juge convenables ^, et djautre part » le
A Voy. «tiprà, p. 528*
• Gass. 15 mars 1822» rapp. M. Basire. J. P., U XVU, p. I9L
I Gass. 20 juilU i626, rapp. M. Brière. J, P.,* u XX, p»3ii.
* Voy. tupràt p. 627.
CLOTUM M8 DÉBATI . % 0S6. 839
droit de discuter dans sa plaidoirie tous Les éjii$.ii9,ents ^ pro-
cès. Mais suit-îl de là qu'elle puisse plaider ayi. ôiooieat QÙ ^e
produisent les preuves et faire ses productions au mjliiei^ do
sa plaidoirie T La jurisprudence qui a reconnu cette (acuité
au minisière public a dû, pour être logique, la reconnaître ai
^accusé. Il nous parait qu*il fallait la déaier à r^n et à Toiuire.
Les productions doivent être faites quand elïe^ peuv,ent ètr^
examinées et contredites et non quand qn doit se borner à eu
déduire des conséquences. Le président qui renvoie à la plai-
doirie la lecture des pièces doot le défenseur veut faire usdgo
confond ce qui appartient au débat et ce qui appartient à la
plaidoirie. Il en résuite, d^une part, que ces pièces ainsi lues,
n'ont pas la même force que si ellof avaient s^ui>jii)E^ c.f.4^9?^
sérieux, et, d'une autre part, que la cpzi^cijbnce du jury peut
être surprise par des documents improvisés.
lY. Le 3* S de Tart. 335 porte que « Taccttsé QU ^n opur
seil auront toujours la parole les derniers. 9
Cette disposition constitue un droit essentiel do la défenfie :
la loi a voulu que Taccusô fdt mis en situation de déb^itre
tout ce qui a été dit à sa charge et que l'impression que la
parole peut projfùire ne fût eHacèe par aucune autre. Le re-
Tus qui lui serait fait de le laisser répliquer, soit au ministère
public, soit à la partie civile, emporteraient donc nullité S et
cette règle , ainsi qu'on l'a déjà vu % s'applique non-seule-
ment à la discussion qui suit le d^ébat» m^i^ à toutes les dis-
cussions qui s'élèvent dans le cours de ce débat-
Son observation doit être régulièrement constatée 3. '|'ou-
tefois^ il a été admis que i*accusé est présumé avoir ei^ la pa-
role le dernier , lorsqu'il n'a fait aucune réclamation k ce|
égard ^, lorsqu'il est constaté que le président lui a dein^Dâe
s'il n'avaii rien à ajouter pour sa défense ^, lorsqu'il es^ c<yig,-
tatè qu'il a eu la faculté dp répliquer*, lorsqu'il n\est poi^|
établi qu'il ait demandé à répliquer \
Il est d'usage, pour constater que I4 jdéfjpnise a ét^ fiifWr
* Cas». S mal 1826, rapp. Bf« Ollivier. J« P., t. XX, p. &59.
* Voy, ««prÀ, p. 626,
' Cas». 13 mai 1852, rapp. M. Rocher, Bull. n. 154.
* Cass. S avril 1819, rapp. M. Vauloulon. J. P., t. XI,p. 379.
* Cass, 2 sept. l83Q« rapp. M. Oilivier. J, P., i. XXUr, p;792.
* Cass. S di^ IttS^, njKp, M. Vjiioen»4t*Laurfiii. J:' P., ft'sa date.
^ Cass. 15 oclob. 18Â7, rapp. M. Barennes. Boli. n. 258.
840 PBg coDRs d'assises. .
plète ou pour mettre Taccugé à même de Uicompléter, que
le président, après la réplique du défeuseurb «dresse à l'aocusé
une interpellation directe pour lui demander s^il n'a rien à
ajouter aux paroles de la défense. Cette inierpeilation est
utile, elle assure la plénitud<^ da droit du défense, die pro-
voque quelquefois des explications inatte(iduies« Mais romis-
sion de cette formaliste» que les présidents doivent nakiteDÎr
et maintiennent avec soin, ne saurait ouvrir aucape nullité,
puisqu'elle n'est prescrite par aucun t^xtedeb loi '•
[8 657.
1. Clôture des débats. -^ IL lis peavent être rouvertA^ 6t dans qneb
Cas. — III. Formes de ces débats additionnels.
I. Après les plaidoiries et les répliques,, le président dé-
clare, aux termes du dernier paragraphe de Tart. 335»» que les
débats sont terminés. »
Après cotte clôture termipée, toute discussion est interdite
et le président ne pourrait accorder, la parole soit à Taecasé,
soit au ministère public, soit h la partie civile. Il ne pourrait
procéder à aucun acte d'instruction *• Les élémmtsdu juge-
ment sont réputés avoir été complément e^iposés. Il ne reste
plus qu*à le faciliter par le résumé du président.
n. Toutefois cette clôture n^est pas définitive : les débate,
mèiite déclarés terminés, peuvent être rouverts si rinstnictioa
Tetige. On a contesté la légalité de cette mesure sur laquelle
la loi ne s^expli^ue pas 3. Il nous semble qu^elle est justifiée
par la nécessité des choses. Faut-il, parce que la loi ne Ta
point prévu, refuser d'entendre un témoin tardivement arrivé
ou de lire une pièce tardivement produite, et qui peut jeter
un jour nouveau sur le procès? Tant que le jugement n^est
pas prononcé, il est dans l'esprit de la loi de favoriser la pro-
duction de tout ce qui peut manifester la vérité, et ce serait
méconnaître cet esprit que d^invoquer, pour faire obstacle à
cette productiort^ des formes qui n^ont été établies que pour
rassurer.
« Cm. lis jaiii 18^6; i-app. M. Frètearu. Bail. n. 495.
' GasB. 37 a?ril iSdS, rapp. M. Rifes, J. P., t.XXIV» p« 9^
• Garnot, t. II, p. 569, n, 7,. j » ?. • ^ . '
CL«TOItB DU DÉBATS. § 657. 841
G^est eD ce sens que la jurisprudence s'est formée, cl W a
été décidé en conséquence que les débats, quoique déjà clos,
peuTent être rouverts : 1^ lorsque l'accusé demande la posi-
tion d'une question d'excuse qui donne lieu à l'examen de
faits nouveaux sur lesquels le débat n'a pas porté ' ; 2'' lorsque
le président croit nécessaire d'adresser de nouvelles interpel-
lations à uft témoin entendu dans le débat * ; 3* lorsqu'un
témoin cité et qui n'avait pas comparu, se présente * ; 4"" lors*
qu'un témoin demande à rectifier la déposition qu'il a faite ^;
5* pour réparer une omission commise dans le débat, par
exemple si le président , après avoir interrogé un accusé en
Tabsence de ses coaccusés, avait omis de rendre compte à
ceux-ci de ce qui s'était passé en leur absence ^; ou si l'in-
terprète avait omis une traduction * ; 6* lorsque le président,
sortant du cercle des preuves discutées ou relevées dans les
débats, aurait présenté dans son résumé des faits nouveaux
ou des pièces nonvelles ^ : nous reviendrons tout à l'heure sur
ce dernier point.
m* La réouverture des débats peut être prononcée tant que
les jurés et les juges n'ont pas épuisé leurs pouvoirs, tant
que le jugement n'est pas rendu. Ainsi, il ne faudrait pas
admettre, comme Ta fait un ancien arrêt, que les jurés, une
fois retirés dans leur chambre» ne pourraient plus demander
cette réouverture pour adresser de nouvelles interpellations
aux témoins ^ ; cette demande du moins ne serait pas tardive^.
Mais à quel moment les jurés et les juges ont-ils épuisé leurs
pouvoirs? Un arrêt déclare : o que la déclaration du jury, s'il
ne survient pas avant que la Cour d'assises soit dessaisie de
TafTaire, des faits nouveaux qui doivent modifier ceux des
débats, et qui» y ayant été ignorés, n'ont pu être la matière
des questions, est irrévocable, qu'elle a consommé le pouvoir
« Gau. 8 DOT. tSSS, rapp. M. ThlK J. P., t XXIV, p. 1536.
*CaM. 27 mars 1684, rapp. M* Dehaussy. J. P., t. XXVI, p. $h^.
* Ca9S.2 fér. iSiA, noD imprimé.
* Cass. 10 avril 1738, rapp. M. Gilbert de Voisins. Bail. n. lld.
• Cass. 10 jan?. 1638, rapp. M. Riyes. J. P.,U XXV, p. 25.
* Cass. 6 sept 18&9, non imprimé.
^ Cass. 28aTrai820, rapp. Bif. AumonU J. P., t. XV, p.350;28arrill837,
rapp. M. Mérilhoa. Bull. o. 116; 22 juin 1839« rapp. M. Debaussj,
D. 20A.
• Casa. 12 mets, an m, J. P.« 1. 1,. p. 422.
• Cass. 29 juillet 1885 et 31 août 1687, non imprimé.
$42 DIS GOQBl IrkUHU.
des jarés elt j{i^*eljle ne p^ein^ ^s ^(re r^s(r^ÎBt^ ni entendue ;
que^ (lans k) cas çfii^enx^fî^ 0^ ^P^^ 'l leçjlwio de cette déda-
raljîon, mais ayaqt fue ^ Coçr (i'«||}^s y ait prononcé ponr
rappTicatlon delà I91 pénale» i) serait dé|||^rert quelque non-
veau fait qui n*eût pas été connu ^ar 1m débita, et qui' aèan*
moÎDS paraîtrait de natpre à derpif ^X9Tfiiàf^ de l*mflaeno0 sôr
la prélève des faits de Taccii^^tion ou ((qr la pejne qu'ils doi-
yént (aire encourir, il appartiendra k la Cpur d'assises, qui
n*à pas encore épujsé ses poqiyoi^, ^e juger si cette «tifluence
est réelle ; auÎB qans c^ cas elle devrai^ ^np^ler U cbbture des
di^bats et ouvrir un noi^VQaû dé(^at'sw( çq Uit '• » On pour-
rait objecter i'cet arrôt que si I4 Gouif d'ass||f9S n'a pte en-
core, après la déclaration au jury, éjpuisi^ ses pQUfoirf, le jury
a épuisé les siens * ; mais on peut répondre que w dé^^nttoii
peut ôlre considérée comme étant incomplète^ pi)ifqa'elto n^a
pas statué sur un fai^ qui dev^i( pTi^ndre pl«ce pacmi les élé-
raents du procès.
Les débats ne peuvent être rouverts que par un arrèl de
la Cour d'assises . II a toutefois été admif que, s'il 9*} a^pis
de contestation, le président^ qui a prononcé |a clôtura, peut
en prononcer l'annulation *. Il peut aussi dans le tg^toe oss
refuser cette annulation \
Les formes qui doivent être suiyieç après l'^nnuUtion de
la clôture sont les mêmes que celles qui sont eo^ployée^ cUns
lé premier débat; ainsi, il a été jugé « que, sur ce noaveau
débat, le président doit faire un nouveau résumé , et poser,
s^ii y a lieu^de nouvelles questions '<^.» Il a été jugé aiissi
qu^il faut qu'il soit constaté que l'accusé et le ministère pu-
blic aient été entendus 7^ et, éoQç, que l'accusé ait ét6 en-
tendu le dernier ^.
f
* Cass. 16 Juin 1820, rapp. M. Bosichop. J. P., t XV, p. 1052.
* LegraTerend, t II, p. 342.
*Gas«. 8 DOT. 1832. rapp. M. ThU. J. P., t XXIV, p. 1S3S.
«Ca83. 19 amri8i7, ràpp. ftf« Gilbert de Ypisias. BaÙ* n. iOS; SO aoll
1817, rapp. M. Aatnont, t. XIV, p. 461.
■ Gass. S fév. i853, rapp. M. deGlos. Bail. n. Ifi.
* GaM. 16 jniD 1820, cité $ûpr<L
^ Gasa. 27 mars 18Sà, rîrpp. Itf. Oehaassy. J. P., U XXV|, p. 342.
*Casi. 9 ami 1835, rapp. BC.de Ricard. Bail a. 1^4,
CLOTOKK BIS diEbats $ 6S8. 943^
§ 658. ■
I. Résumé du président. -^ II. Règles qui doîyent s*y appliquer. -*-
III. Formé essentielle de U procédare. -—Sa constaution.
I. L'art 836 est ainsi cpnça : « la préaidaat r^omaifa
l'araire. |1 fera remarqaQr les priaoïpàles preave^ pour ou.
cooltre raccu8é..ll leur rappellera lès Coactions qu'ils ont t
remplir. »
jGet article n'est qae la reprodaoUon de Part. 19, tit vu
de la loi du 16 septembre 1791, et de Part 383 du G. du
Sbrum. an k. Uinstructioa publiée par rAssemblôe oonsti-«
tuante pour éclairer rapplicatiôn de la première de ces lois,
renfermait Tëxplication sui?an(e : « le président fdit un résumé
de l'affaire et la réduit à ses points les plus simples. Il Tait
remarquer au jurés les principales preuves produites pour ou<
contre Taccusé. Le résumé est destiné à éclairer le jury , à
fixer son attention, à guider sou jugement ; il ne doit pas ^*
ner sa liberté. »
IL Cette forme de la procédure, que rassemblée consti*
tuante avait établie et que notre Gode n'a fait que maintenir,
a été attaquée par plusieurs publicistes qui ont été surtout
frappés dos abus de son application \ Il ne nous parait pas
inutile qu* après les paroles quelquefois passionnées des plai-
doiries une voix grave et calme se fasse entendre, qu'aux dis-
cussions tumultueuses du débat succède un résumé simple et
clair, et que toutes les questions qui viennent d'être agitée»
et qui ont pu détourner l'esprit'des jurés de la voie qu'ils oqt
à suivre, soient ramenées à des termes nets et précis. Ainsi
compris le résumé complète le débat en fixant les points k
décider, et le président qui» pendant tout ledé$)at, a tA, sui-
vant la même instruction, a poursuivre la vérité des faits avec
bonne foi^ avec franchise, ave« loyauté, avec uln vrai et sincère
désir de parvenir à la connaître, » ne fait qu'achevét' cette
t&che en déterminant les principaux élémenls du procè».
Mais, pour être ulilemeolt reiaplie, cette baute et dèlieate
attribution doit réunir les trois conditions que là loi ii soi*
gneusement énoncées. Le résumé doit être bref : il n'est un
« Henitenr du 7 déc, 1881, S* lappL
84i DBI COURS d'ASSISBS.
résamé qu'à <;ette condition ; la loi l^a défini par le mot
même dont elle s'est servie. Gela ne lui a pas même suffi ; elle
ajoute qu'il ne doit rappeler que les principales preuves. C'est
à grands traits qu'il doit retracer l'esquisse des débats. Il ne
doit pas reconstruire les réquisitoires et les plaidoiries ; il doit
simplement aider le travail de méditation qui se fait dans
Tesprit des jurés. Que leur servirait un nouveau discours sur
Taffaire? que leur servirait la reproduction de tous les argu-
ments qu'ils viennent d^entendre? Leur attention déjà fati-
guée ne se prêterait que difficilement à ce nouveau travail.
Ce qu'il faut, c'est faire revivre^ à leurs yeux, siuiplement et
en peu de mots, les bks principaux du procès, c'est indi-
quer les points les plus importauU, c^est analyser rapide-
ment les preuves, c'est amener le débat à ses éléments les
plus lessGQtiels^ c'est en poser les questions.. Ce n'est qu'en
suivant ce plan que le résumé peut être utile : il dégage les
points contestés, il les éclaire en les simplitiant, il déblaie le
terrain, il rend la décision plus facile.
Le résumé doit, en second' lieu, être complètement împar-
ti|^]. L^a loi exige qu'il rappelle les preuves « ponr ou contre
l'accusé, n Le président n'est l'avocat ni de l'aecusation ni de
la défiense, ou plutêt il est l'avocat de l'une et de l'autre. Il
doit tenir entre ces deux intérêts une balance égale, plaçartt
successivement dans chacun des plateaux les preuves de l'une
et de l'autre, mais sans faire apercevoir celui 'qui l'emporte. Il
A'a qu'un but« c'est la vérité, et ce but il doit Tatteindre,
non point en plaidant pour elle, mais en indiquant rigoureu-
sement et consciencieusement tous les faits, toutes les circon-
stances qui peuvent la dévoiler. Le président peut avoir une
opinion, mais il i»e doit ni l'exprimer, ni méttie la faire entre-
voir; il est le so^en de tous les droJts^ de tous les intérêts,
il n'enembrasA/ aucun, il descendrait 4ie la hatrtêiirâesa
fonction s'il se jetait à droite ou à gauche dans l'uhe Ues deax
causes qui se débattent devant lui. Son opinion, quelle qu'elle
fût, gênerait celle des jurés ; car, inaccoutumés qu'ils sont
aux luttes de Tandience, ne seraient-ils pas disposés à se ré-
férer à l'avis du magistrat dont le devoir est rimpartialité?
Ils ne doivent demander consal qu'à leur jconsctenoe» k la
conviction ^lils doivent chercher en etix-mêmes. Lo fésnme
doit'préparer cette conviction et non la dicter ; il ne doit donc
être que le reflet fidèle du débat ; il r^orte, il n'apprécie
pas, il ne juge pas.
CLOTOKE DES BltSÀTS. § 0^6. S45
Le résumé doit, en troisième lieu, ne puiser ses élémeuts
que dans le sein même des débats; c'est Taffaire, telle qu'elle
a été instruite devant le jury, qu^il résume; ce sont les prea«
ves, qui ont été débattues, qu*il rappelle. Il ne peut invoquer
aucun fait qui n'ait été discuté, aucune preuve qui n'ait été
produite ; il ne fait que présenter le tableau du débat, il ne
peut rien y ajouter.
Ces trois conditions, que la loi elle-même impose au ré-,
sumé, la jurisprudence n^a jamais cessé de les reconnaître et
de les proclamer. Les arrêts déclarent 1<» € que le résumé du
président doit se borner/ comme Tindique assez la significa-
tion du mot, è réduire Taffaire à ses points les plus simples,
c'est^à^lire à la dégager de tout ce qui est inutile et pour-*
rait distraire l'attention des jurés de ce qui doit fixer leur
détermination ^ ; » S* « qu'il doit être le complément de la
défense et de l'accusation; qu'il fait partie des moyens de
défense que la loi accorde aux uoousés '; » 3* qu'il doit rap-
peler les preuves qui ont été mises sous les yeux dee jurés et
non leur en présenter de nouTeBes^; > qu'autrement, « le
discours du président ne serait pas le résumé du débat» il ne
serait que Tauxiliaire de l'accusation ou delà défense ^. »
Mais ces règles ainsi établies trouvent-elles une sanction?
Il est de principe, d'abord, que le président doit, à peine de
nullité, résumer chaque affaire, «attendu que le résumé est
le complément de la défense coi^tme de l'accusation, et que
l'omission d'un mo^en de défe&^ ordonné par la loi produit
une nullité substantielle *>. »
Mais quant à la forme de ce résumé» il a été admis « que
lorsque la loi a confié au président cet acte important de Fin-
struction criminelle, elle n'a pu en soumettre l'impartialité
et l'exactitude qu'au jugement de sa propre conscience ^, »
et que « le 2^ § de l'art. 336 ne contient qu'une instruction
« Casa. 9 firuclidor an a, rapp. If. SeigDette. J. P.9 1. Il, p. S97.
* Cass. iS déc 1823, rapp. M. GaiUardL J. P„ t XYUI, p. S7S.
* Cass. 9 frucUan ix,cîté «uprà.
* 22 juin 1839, rapp. If. Dehansay. Bntl. u. lOft.
^ Ca&s. 18 «xc i82d, cité êuprà; 8 janv. iSSO» rapp^ BL de fUcard. BulL
n. 7; 22 déc 1843, rapp» M. Brière-Yaligojj n. 928; ^ juin 1847» rapp,
Meyrônnet, n. IM.
* Casa. 28 avril 1890^ fppp. Bl. Damonl, J« P.» t XV, ' p. 949,
S46 Dia COURS d^asusis.
sur les éléineDts.de ce résumé^ doht Ja forqi^ est j^baudoimée
i li çoMciencede ceinagîstrat f • ^ , ..
^ ij suit ae ta qu'il, n'y a point de nullité lorsque le.président
se jjVre à une apf^réciation personnelle des cluurges de Tacco-
saHôn ^; lorsqu^il avertît les jnrés des conséquences légales
de leur déclaration *: lprsqu*il signale une erreur de droit
'^cbappiée à là défense ^ ; enfin, lorsqull snppléj^ aux omissions
de Taccusation et de la défense et appelle Inattention des jn-
Ms stjr âfèfs éircWïstatîces qui auraient pt constituer une aj-
feratatîè'n S. ll a ujénie été ajouté « qu'à l'égard de ce réstfmé
,il dàh être reconnu et maintenu en principe qu'il ne peut élre
ittérronftpu par aucune observatiop ou ancAne réclamatidè,
soit do tfifnistère |)ublic» soit dès parties, soit âe \éat^ dé-
fétiseurs 6. »)
11 ft'cst qu'un ÈetA cas où le tésumé petrl dontfér ïîcu, «oit
k des obsènatWris, stfit h iflefe condusîons des Iprfrtîes : c'est
lorsque le pi^si Jent, sotlant du cercfe des preuves éi^iAées
ou relevées difns les défcrcri^, fyi¥senfe iëB faits tdmem^ ou
des pétées lïtfiivelles. ïl 'a été décltirt « qu'à IVgatB fle ces
nouveaux fàfts et de ces pièces nouvelles, le discours du pré-
sident n'étant pas le résutné du débat, l'accusé ou le minis-
tère public seraient fondés à demanda d'être entendus; et
qu'à cette fin^ lefurs conclusions devraient tendre à ce qne fa
clôture du débat fût annulée par la Cour d'assises et que les
débats fussent continués surles (ai(set sur Jes pièces sur les-
quels ils n'auraient pas été mis à même de présenter leurs
moyens 7. »
III. Le procès-verbal des débats doit nécessairement con-
stater que le président a fsfit son résumé ; car « toute formalité
dont f^acctfïnplissement n'a pas été couseùti est présumée avoir
été omîse ; dès lors, du silence dû procès- verbal sur Tacconi-
pKsscmetft de la formstKté du résumé résillte la présomption
* Cass. 27 mai i85S, à notre Bapport BuU. n* 170; iO juin iSSO» rapp.
M. Gaillard, J. P., t. XXIU, p. 565.
s Cass. a jtnn 1889, rffpp. ft. Ôefaatnsy. BtilL lUltOf.
* Cass. iO sept ISas, rapp. M. Dehaàssy. Btif. n. 954 ; S2 laiDrs 1845,
rapp. M. Mériihou, d. i07.
4 Cass. 13 avril 1837, rapp.' M. Isambert. BnlL d, lt)9 ; 18 avril 1850,
rapp. M. de Boissfeut, n, îiVI,
* Ca89. S9 atôtt 1856, rapt». M. Bresson. Bufl. n. 80a.
* Cass. 28 avril 1820. rapp. M. Aiimont. J. P., U XV, p, Sf$i.
' Cass. H avril 1820, i8 avril 1826 et 22 jtfln 18^, cites IK;^
CLOTORB DBS DÉBATS. $ 688. 8(7
qu^elle n'a pas été accomplie, et qu'ainsi il y a eu violation
rormelle des droits de la défense et deTart. 336 '. » Mais il
suffit qu'il soit énoncé que le président a résamé l'affaire : le
procés-verbal n'a point à constater le mode suivant lequel
cette formalité a été accomplie, mais seulement son accom-
plissement*.
Toutefois, si le procès- verbal énonçait « qu'à raison de son
état de souffrance le président s'est borné i inviter les jurés
à rappeler dans leur souvenir les impressions qu'avaient pro*
duits sur eux les moyens de l'accusation et ceux de la dé-
fense» » la formalité ne serait point réputée avoir été accom-
plie, car ce qui résulte d'une telle énonciation, c'est que
le président a été dans l'impossibilité de remplir cette partie
de ses fonctions^. »
' Cas». 2S déc. 1843, rapp. M. Brière-ValidpDy. Bull* lu 328.
* Casft. lAdéc. 1815. rapp. M. Ollivier. J. P., t. XIII, p. 175; 10juinl830»
rapp. M. Gaillard. J. P., t. XXIII, p. £65; 8 janv. 1836, rapp. M. de Ricard.
Bull. D. 7; 18 déc 1823, rapp. M. GaiJlard. J. P., t. XVIil, p. 278.
* Gass. là oct 1881, rapp. M. Rocher. J. P., t. XXIV, p. 267.
FIN DU TOME HUITIÈME.
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TABLE
DES MA'JlhRES COMLNLES DANS CE VOLUME.
SLITE Dl LIVRE SEPTIÈME.
Paget.
CHAPITRE VII. — De l'ajpll des jcgliibnts correctionnels. 1
§ 569. ï. De rappel en matière correciionnelle. 2
Il Principe de cette inslilutioQ. 2
III. Examen île ruiiiriêde Tappel. 8
§ 570. 1. De quels jngemeni^ou peui appeler. 1.^
II. Il faut quele.s jngeinents soient dérinîtirs. 15
III. Exceplion pour les jugements qui statuent sur les
rontravenlions. 19
IV. Faut-il admettre une deuxième eiception pour ceux
relatifs aux témoins défaillants? SI
§ 571. 1. Qui peut appeler? 53
II. Appel du prévenu. 2i
Ilf . Appel des parties responsables. 26
IV. Appel des parties civiles. 27
V. Appel des administrations publiques. 29
VI. Appel du ministère public. .'.2
§ 572. 1. Délais de Tappel. 35
II. Mode de computation de ces délais, .'{%
m. Point de départ du délai. liii
IV. Déchéance des appels principaux ou incidents formés
en dehors de ces délais. 42
V . Exceptions au délai de dix jours, i • à Tégard de Tap-
pel du procureur général. 4îi
VI. 2* En matière de contributions indirectes. 4!>
VII. 3" Eu miitière de récusations. 50
§ 573. 1. Formes de l'appel. f>0
II. Formes de la déclaration d'appef. 51
III. Requête contenant les moyens d*appel. 53
IV. Quelles personnes doivent signerla déclaration et la
requête. 5 V
lïi. 54
65
73
8S0 TABLC I)ES MATIÈRES.
V. Formes exceptionnelles de Fappel du procureur gé-
néral. 56
VI. De rappel en mtiîàre de contributions indirecte. 61
§ 574.1. Effets de rappel. 61
II. Du sursis à regard des divers jugements. 6i
m. Distinction entre les jugements d'acquittement et
de condamnation. ^
IV. JugemenU statuant sur les incidents ou des a-
ceptions.
V. Conséquences du sursis.
VI. Exceptions à la règle du sursis.
§ S75. 1. De quels faits le juge d*appe1 est saisi.
II. Il n*est saisi que des faits qui ont été soumîà aux pre-
miers juges.
ÎII. Mais il peut les qualifier autrement.
IV. Il n^est saisi que de Taction portée devant les pie*
miers juges.
V. Mais il est saisi de tous les faits dont le premier juge
a été saisi.
VI. Il est saisi de toutes les exceptions à Faction, même
non proposées en première instance.
II est saisi de tous les moyens même nouveaux. '^^
VIIl.Il est saisi du préjudice souffert depuis le juge-
ment et provenant des mêmes faits. 1^
§ 576. I. Mesure de la compétence du juge d*appel. '^
II. Compétence quand il est saisi par Tappel du prévenu. '^
III. Quand il est saisi par la partie responsable. ^
IV. Quand il est saisi par la partie civile. ^^
V. Quand il est saisi par le ministère public. ^
VI. Quand il est saisi par Tune et l'autre des parties si-
multanément. ^
§ 577. I. Quels sont les pouvoirs du juge d*appel pour statuer
sur rappel. ©
II. Lorsque les premiers juges ont régulièrement stataé
sur le fond. ^
III. Lorsqu'ils ont statué irrégulièrement sur le fond. ^
IV. Lorsqu*ils n'ont pas statué sur le fond. ^
V. Restrictions de la mesure de l'évocation. ^
VI. Formes de révocation. iW
§ 579. 1. Formes de l'instruction sur Tappel; mesures préli-
minaires. lOi
II. Ciution des parties. lui
III. Formes à l'audience. Rapport : lû-i
IV. Interrogatoire flu prévenu. 1'^'
V. Audition des lémoms s'il y a lieu. I^^
VI. Conclusions et plaidoiries. li'*
VII. Jugement : sa rédaction et ses foi mes. 1'^
Ënoncialions du dispositif. i-<
TABLE DKB HATiÈUS. 8SS1
LIVRE Vin
ORGANISATION, COMPÉTENCE ET PRO|CÉI)URE
DES COURS D'ASSISES.
CHAPITRE !•'. —Observations pii*lihinaïiie8. 125
§ 579. I. Coup (l'œil sur les formes du grand crioainel. i^Vt
II. Exposé historique des iostitulioos pénales en cette
matière. l^G
CHAPITRE II. — De l*organisation des coims d'assises. 129
§ 580. 1. Des assises. 129
H. Du lieu où elles se tienDj^nt. 129
III. Deux exceptions relatives au lieu. 130
§ 581. I. Epoques des sessions. 133
II. Mode de fixation du jour deTouverture. 134
III. Epoque de leur clôture. 135
§ 582. 1. Division d'une assise en plusieurs sections, 136
II. Dans quels cas cette mesure est autorisée. 136
§ 583. 1. Assises extraordinaires. 137
II. Comment et par qui elles sont convoquées. 138
III. Règles qui leur sont applicables. 138
CHAPITRE III. — De la GOMPOsmon des codrs d'assises. 139
§ 584. I. Composition générale de la Cour d'assises. 139
II. Reuvoi au chapitre IV, en ce qui concerne le jury. 140
III. Delà Cour d'assises proprement dite. 140
§ 585.1. Du président des assises. 141
II. Sa nomination par le ministre de la justice. 141
Appréciation de ce mode de délégali( a. 145
m. Cas où iî est nommé par le premier président. 147
IV. Le premier président peut aussi présider lui-même, 149
V. Mode de son remplacement en cas d'empêchement. 151
Distinction des différentes hypothèses où Teppêche-
ment se manifeste. 152
VI. Formes de la nomination des présidents. 157
VII. Conséquences de Tobservation de ces formes. 159
VIII. Durée des pouvoirs du président. ' 160
Dans quels cas il jpeut procéder hors du trim^stie. 162
§ 587. 1. Des conseillers ou juges assesseurs. 164
II. Leur nombre. " \ 165
III. Comment ils sont délégués pour siéger qtix assises
, dans les départements oîi siège la Cour. 168
IV. Dans les autres départements. 170
V. Mode de leur remplacement dans les départements
où réside la Cour. 174
VI. Dans les autres départements. 178
Vil. Effets des irrégularités. 180
^'O'I TABLE DF.S MATIÉSEi.
§ 5S8, 1. Des assesseurs adjoints. \fU
U. Mode de leur désignation. iS5
III. Leurs fonctions. 186
§ S89. I. Causes d'incompatibilité. 1S8
U. Participation d(>s juges à Tarrét de mise en accusation. Î89
111 P^rtîcipalion aux actes de 1 instruction. 190
IV. Effets de riiicompalibilité. 194
f S89. 1. Âuires causes d'inconipatibilité. 196
II. Causes de récusation. 196
III . Participation à certains actes juridiques antérieurs. 196
S £90. 1. Du ministère public près les Cours d'assises. 197
11. Quels magistrats peuvent remplir ces foncuoDs. 198
S S91. I. Du greflier. 202
11. Ses fonctions. 202
CHAPITRE IV. — De LÀ composition nu joet. 205
§ S92. I. Du jury. 206
II. Ses origines. 206
III. Première application en France. 209
IV. Discussion et motifs du Code. 213
T. Examen de Finstitution du jury au point de vue jorî-
ëique. -^ 223
VI. Examen delà même institution au point de Tue gé-
néral. 231
S 693. 1. De la composition du jury d'après la loi du 16-29 sep-
tembre 1791. 244
II. Sous la loi du 2 nivôse an ii. 245
Jll. Sous la loi du 5 fructidor an m. 246
IV. Sous la loi du 6 germinal an vin. 246
V. Sous le sénatus-consulte du 16 thermidor an x. 247
VI. Sons le Code d'instruciion criminelle de 4810. 247
Vil. Sous la loi du 2 mai 1827. 249
VIII. Sous la loi du 7 août 1848. 2S0
IX. Sous la loi du 4 juin 1853. 252
X. Idées générales sur la composition du jury. 253
S 594. ]. Formation annuelle de la liste du jury. 283
11. Première commission chargée des listes prépara-
toires. 271
m. Seconde commission chargée des listes définitives. 272
IV. Listes spéciales des jurés suppléants. 272
V. Formation delà liste annuel le de chaque département. 273
S 595. 1. La liste annuelle ne doit contenir que les noms des
citoyens ayant les qualités requises pnur être jurés. 273
II. Trois qualités nécessaires : La qualité de Français. 273
III. L'âge de trente ans. 276
IV. La jouissance des droits civils, 279
5 596. 1. Causes d'incapacité. 280
U. Enumération des différents cas d'incapacité prévus
par la loi. 280
§ 597. L Causes d*eiclusion« 287
V II. Domesticité. 2^7
111. Délaut d-instractiou. 28i{
TAULE DKS MATlikRUà. S53
JV. Aiiénaiioti meoule. ^)i
V Maladies. 29Î
§ 598. I. Causes d'incompatibilité. S92
IL Incompatibilités permanentes. 293
]n. Incompatibilités accidentelles. 299
IV. Parentés ou alliances des jurés. 305
§ 599. I. Causes de dispense ou d*exemption. 307
II. S>*piuagénaires. 308
III Ouvriers. 308
IV. Fonctions publiques. 809
V. Service antérieur du jury. 309
§ 600. 1. Formation de la liste de la session. 312
II. Noiification aux jurés de Textrail de cette liste. 319
III . Comment il est siatué sur les incapacités, les excuses
et les dispens«*s. 320
IV. Compélence de la Cour d'assises pour le rejet ou
Tadmission des excuses. 32i
V. Compélence pour compléter la liste. 330
VI . Dans quelles limites elle doit êire complétée. 335
VIL Jurés supplémeniaires. 337
VIII. Jurés complémentaires. 339
IX. Durée de leur service. 345
§ 601. 1. ^oiiiication de la lisle des jurés aux accusés. 347
II. Nécessité de cette notification. 3i8
III. Quels noms doivent éire notifiés. 349
IV. Epoque de la noiification. 358
V. Mode de Taccomplissement de cette formalité. 362
VI. ËffHisdes irrégularités dans les noms notifiée. 368
VU. ElTet^ des irrégul:i rites dans Pacte de notification. 369
S 602. 1. Formation du jury de jugement. / 376
H Nombre de douze jurés. 377
III Jurés suppléants ou adjoints. 378
IV. Tirage des jurés. 384
V. Formes du tirage : Formes extrinsèques. 385
VI. Formes intrinsèques. 395
Vil Irrévocabilité du tirage au sort. 400
VIII. ConsUtation de ropéraiion par un procès-verbal. 405
§ 603. I. Droit de récusation. 406
II. Nojpbre des récusations qui peuvent être axercéos. 41 3
m. Par qui elles sont exercées. 415
IV. Comment elles le sont quand il y a plusieurs ac-
cusés. 417
V. Incidents auxquels elles peuvent donner lieu. 419
S 604. I. Du chef du jury. 423
11. 11 peut être remplacé. 423
m. Quelles sont ses fonctions. 4*^^
I 605. I. Serment des Jurés. 425
II. Leurs droits dans Texercice de leurs fonctions. 4i9
m. Lecrs obligations. 43!2
IV. Défense de communiquer et de faire coiuiaUrj' Ivii^
opinion i >-
8S4 TABLK DES HATltlIES,
CHAPITRE y.— Attributions du prAsidemt, des juges assesseurs»
DES JURÉS ET DU GREFFIER. 434
$ 606. I. Exposé des attributîoDS des membres de la Cour
II. Attributions du président. 435
g 607. 1. Pouvoirs du président relativemeat à la police de Tau-
dience. 436
IL Mesures qu*il peut prendre. 437
$ 608. I. Pouvoirs du président relativement à la direction des
débats. 442
II. Mesures qu*il peut prendre dans Texercice de ce
pouvoir. 443
S 609. 1. Pouvoir discrétionnaire du président relativement ài
Tinstruclion. 446
II. Caractère de ce pouvoir. 4-4^
m. Examen de Tapplicàtion qui en a été faite par la
Jurisprudence. 453
W, Quelles sont ses limites légales et les règles de son
application. 455
S 610. I. Attributions de la Cour d'assises. 475
11. Elle statue seule lorsqu'elle procède en vertu d'une
délégation de la loi. 476
fil. Lorsqu'elle accomplit des actes qui n'ont pas été
exclusivement attribués au président. 478
IV. Lorsqu'elle prononce sur des incidents contentieux. 480
y. Lorsqu'elle prononce sur l'upposition aux ordon-
nances du président. 48â
§ 611. I. Attributions générales des jurés. 484
IL Attributions des jurés pendant les débats. 485
CHAPITRE YL — Attributions du ministère public, de la partie
aiVlLE ET DE LA DÉFENSE. . 487
s 61â. 1. Objet de ce chapitre. 487
IL Droits et attributions de la partie civile pendant les
débats. 487
§ 613. 1. Droits et attributions du ministère public. 491
II. Avant l'ouverture des débats. 49â
III. Pendant le cours des débats. 495
§ 614. 1. Droit de la défense. 498
II. Assistance du défenseur. 490
III. Choix et désignation de ce défenseur. ^ 496
IV. Parmi les parents ou amis de l'accusé. 498
V. Empêchement, absence, remplacement. 510
§ 615. I. Règles du droit de défense. 51 i
IL Communication de Taccusé avec son défenseur. 515
III. Communication des pièces de la procédure. 518
IV. Mode d'exercice des droit de la défense. 551
V. Droit de produire les preuves qu'elle juge utiles. 5î27
Appel sans frais des témoins à décharge. 5â'<
VI. Limites du droit de défense. 528
CHAPITRE VIL Procédure antérieure aux débats. 531
§ 616. 1. 01»j('t (le co clKipitre. 531
TABLE DES UATliBES. S55
II. Formes préliminaires d« la procédure. o32
S Gi7. I. De i'inlerrogittoil'e de Taccusé dans !a maison (fe jus-
tice. b'X)
II. Par qai il doU y ôlre procédé. 534
Remplacement dïi président des assises. 535
III. Caractère de T interrogatoire. 537
IV. Dans quel délai il doit avoir lieu. 538
V. Ses formes et sa consutatioo. 539
§ 618. 1. Instructiou complémentaire. 543
II. A qui il appartient d'y procéder. 544
III. Caractère de cette instruction. 546
lY. Quels actes elle autorise. 550
V. Mesures coercitives contre les témoins. 551
§ 619. I. Formation du rôle de la session. 55!
IL Ne sont pas réputées en état les affaires relatives
aux accusés qui ne sout pas arrivés avant L'ouverture
des assises. 553
m. Ne sont pas réputées en état les affaires dans les-
quelles il y a pourvoi contre Tarrêt de renvoi. 556
iV. Ne sont pas réputées en état les affaires dans les-
quelles le délai de cinq jours n'est pas expiré. 559
V. Enfin ne sont pas réputées en état celles dans les-
quelles est notifié un arrêt de soit communiqué. 563
$ 620. 1. Renvoi d'une affaire à une autre session. 563
II. Droit du président d'ordonner le renvoi avant l'ouver-
ture des débau. 564
III. Jusqu'à quel moment ce renvoi peut être ordonné. 566
IV. Dans quels cas. 568
§ 621. 1. Jonction et disjonction des procédures. 569
II. A qui il api)artient de l'ordonner. 570
m. Causes de jonction. 572
IV. Causes de disjonction. 575
V. Droits de la défense à cet égard. 576
VI. Formes de cette mesure. 578
§ 622. 1. Notification des listes des jurés et des témoins. 579
II. Formation de la liste des témoins. 579
m. Formes de la notification. 580
IV. £11 e doit avoir lieu vingt-quatre heures avant Taudi-
tion des témoins. 58!
V. Effets des irrégularités. 585
CHAPITRE VlU. — Formes GiN^RALES de là procédom des
ASSISES. 587
^ 623. Objet de ce chapitre : Formes de la procédure orale. S87
l 624. 1. Publicité de l'audience. 588
II. Application à la procédure des assises. 589
III. Mode de constatation de cette piiblicité. 590
i 625. I. Restriction du principe de la publicité : le huis-clos. 592
11. Formes de celle mesure 593
m. A quel moment le huîs-clos peut commencer. 595
IV. Quels actes elle doit comprendre. 597
V. A quel moment elle doit s'arrêter. 600
/
856 TAHLK DC9 «ATi£K£S.
Yl. Mode d'application de cette mesure. 60ii
S 625. I. L*iDstruction doit être orale. 60t
II. Application de cette règle à la déposition des té-
moins. 60S
S 626. 1. Continuité de rinstraeiion jusqu'au jugement. 608
II. Disiinciion entre Tinterropiion et la suspension. 60*i
III. Caractère et durée de la suspension. 609
IV. Peut-elle avoir d*auire cause que ie repos des per~
sonnes? . fi\-l
S 628. 1. De la communication des jurés au dehors. 614
II If anifeslation des opinions des jurés. 615
III. Communications prohibées. Caractère de ces actes. 618
IV. Communications à Tandience. 621
V. Communications en dehors de Taudienee. 622
§ 629. I. Assistance des interprètes. 6i^
Il Dans quels cas ii est nécessaire de les appeler. 63()
IH. Peine de nullité en cas d*infraction. 63^
IV. Mode de leur nomination. 637
V. Quelles personnes peuvent assister ceux qui parlent
des langages différents. 640
VI* Quelles personnes peuvent assister les sourds-muets
, et les inGrroes 6iS
VU Leur récusation ei ses formes. 645
VUI. Leur serment et questions qui s'y rattachent. 646
IX. Règles relatives à Texercice de leurs fonctions. 649
CHAPITRE IX. — OcvEniriRE des débats. 656
§ 631. I L*examen suit la formation du tableau du jury. 656
H. Ouverture de Taudieuce. 657
III. Premières fonnaliiés. 658
§ 631. I. Comparution de Paccusé. 659
11. Relus, de Taccusé de comparaître. 662
m. Constatation de s m identité. 664
IV. Dénégation de cette identité. 665
V. Acceptation du débat. 666
$ 632. 1. Formalités qui suivent la conauution de Tidentilé de
Taccusé. 6(î6
Avertissement du président au conseil de Ta : itsé. 666
II. Avertissement à Taccusé. 667
III. Lecture de Tarrét de renvoi et de Pacte 1 accu-
sation. 668
IV. Nouvel avertissement du président. 669
S 633. I. Exposé du ministère public. 670
II. Forme de cet exposé. 670
III. Point de nullité en cas d'omission. 671
$ 634. 1. Lecture de la liste des témoins. 67^
11. Mode de procéder à l'égard des témoins défaillaols. 67J
m. Dans quels cas leur absence peut motiver le renvo
de Taifaire à un autre jour ou à une autre session. 6Ti
IV. Séparation et séquestration des témoins. 677
CHAPITRE X. —Addition dbs témoins. 681
§ ()3^. 1 Règles générales relatives à l'audiliou des témoins. tiS-
TABLR DBS HATIÈBES. 8S7
II. Quels témoins peuvent être entendus aux débats. 6^
III . Tous les témoins régulièrement produits doivent être
entendus. 685
IV. Exceptions à cette règle. 686
S 636. 1. Personnes qui ne peuvent être témoins. 688
JI. Personnes incspables de témoigner en justice. 689
III . Mode d'application des incapacités. 691
IV. Personnes reprocbables pour cause de parenté oo
d*alliance. 694
V. Ces personnes sont écartées soit sur Topposîtion des
parties, soit d*olGce. 698
VI. Personnes suspectes de partialité : 1<» Les dénon-
ciateurs. 703
Vil. 2* Les parties civiles. 705
Dans quels cas et avec quelles formes les parties civiles
peuvent être entendues. 707
VIII. 3* Témoins divers que la prohibition n^atleînt pas. 713
IX. Personnes exerçant des fonctions iocompatibles avec
celle de témoin. 715
S 637. 1. Appel des témoins. 716
II. Ordre de leur audition. 716
III. Excepiions relatives aux princes, grands dignitaires,
à certains fonctioonaiies et aux militaires. 747
IV. Interpellation à chaque témoin sur ses noms et
qualités. 72â
§ 638. I. Droit des parties de renoncer à Taudition des témoins. 7^3
II . Droit des parties de s'opposer à leur audition. 726
m. Gomment il est statué sur celte opposition. 728
IV. Les témoins à Tégard desquels il n'y a ni renoncia-
tion, ni opposition doivent être entendus avec serment. 729
V. Exceptions apportées par la jurisprudence à cette
refile. 734
VI. Dispenses de témoignage en faveur de certaines per-
sonnes. 736
§ 639. 1. Serment des témoins. 737
II. Refus de prestation de serment. 739
III. Formule du serment et son application. 742
)V. Nécessité et mode de sa constatation. 744
V. Forme de la prestation de serment. 747
VI. Exceptions au serment quand le même témoin est
entendu plusieurs fois. 747
Vil . Qu^nd le témoin est âgé de moins de ^inze ans. 748
VIII. Quand le témoin professe un culte qui n'admet pas
le serment. 750
§ 640. I. Formes de la déposition. 752
H. Les témoins déposent séparément. 752
J11. Ils déposent oralement. 753
IV. Ils déposent sans interruption. 653
V. Ils doivent être eittenduset non interrogés. 755
§ 641. I. Examen des témoins. 75(>
IL 1 nier; eflaiions du président. 756
111. Questions des parties aux témoins. TST?
w
8S8 TABLB DES MATIÈRKS.
lY. Demandes d'éctoirciBS«iiieiit& du président, de juges
et des jurés. *ÏG3
Y. ConfronUtion des témoins enice eia. 'ÏG'J
§ 642. I. Notes des yariatîons et contradictions des dépositions
orales. "760
II. Obligation des témoins de demeurer dans Fauditoire ^.
«près leur déposition. "68
CHAPITRE XI. — Prkdtes iMmans qui feuveiit ÉmB pnonvi-
TKS DANS LE COURS DES DÉBATS. 769
§ 643. I. Interrogatoire des accusés. 771
H. Interrogatoires séparés les uns des autref. 773
§ 644. I. Production des pièces de conviclion. 774
II. Représentation de ces pièces aux accusés et aiu
Témoins. 77o
§ 64S. I. Yisite des lieux. 776
II. Formes du transport de la Cour d*assises. 777
§ 646. I. YériOcations et expertises. 778
II. Par qui elles sont ordonnées. 778
III. Qui peut être expert. 779
lY. Serment des experts. 780
Y. Formes des expertises. 7s2
§ 647, I. Production et lecture de pièces. 782
II. Quelles pièces peuvent être lues aux débats. 783
III. Jonction au dossier des pièces produites. 784
CHAPITRE XII. — Incidents de l'audience. 785
S 648. L Incidents de Taudience. 785
II. Diverses espèces d'incidents. 786
§ 649. 1. Exceptions et fins de non recevoir. '86
II. Exceptions d^incompétence. 787
III. Exceptions qui tendent à Textinction de l'action. 787
lY. Nullités de procédure et exceptions qui tendent à faire
déclarer Faction non recevable quant à présent. 788
Y. Exceptions préjudicielles. 79^
§ 650. I. Suspicion de faux témoignage. 796
II. Arrestation à Taudience des témoins snspects. 796
III. Mise en surveillance de ces témoins. 800
Examen de la régularité de cette mesure. 80 i
§ 6ol. I . Renvoi de TafTaire à une autre session. 803
II. i« Lorsque la déposiiion d'un témoin paraît fausse. 804
III. 2** Toutefois qu'un événement rend ce renvoi néces-
saire. 805
Cas divers où cette mesure a été ordonnée. 8(H>
IV. Par qui le renvoi peut être ordonné. 81^
§ 6S2. 1. Troubles et délits d'audience. 813
II. Rébellion deTaccosé pouvant motiver son expulsion. 814
III. Délits qui se révèlent à Faudîence; leur consUU-
lion. 817
IV. Délits qui 50 conimcfriit à raiidlcr.co; leur répres-
sion. 82i
TABLE DK3 MATiftilES. 859
CHAPITRE Xlfl. — Clôture des débats. 826
S 653. Discussion du procès. 826
S 654. 1 . Conclusions de la partie civile. 827
1 1 . Etendue et limites de son droit. 827
§ 655. 1. Réquisitions du ministère public. 828
II. Production de pièces. ' 829
III. Droit de réplique. 831
i 656. 1. Plai<1oiries de la défense. 831
II. Droits et limites de la défense. 832
III. Répliques. 839
§ 657. I. Clôture des débats. 840
11 Incidents relatifs à cette clôture. 841
§ 658. I. Résumé du président. 843
II. Règles relatives à ce résumé. 846
FIN DE LA table DU HUITliWE VOLBMK.
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