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Full text of "Traité de métapsychique"

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TRAITÉ 


-DE 


MÉTAPSYCHIQUE 


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CHARLES   RICHET 

Professeur  à  l'Université  de  l'aris, 
Membre  de  l'Institut. 


TRAITÉ 


DE 


MÉTAPSYCHIQUE 


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^ISOtthin  good  Wks  lie  îwir  ied  ireasures 


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PARIS 

LIBRAIRIE  FÉLIX  ALCAN 

108,    BOULEVARD    SAINT-  GERJK  AIN,    i  08 

192'2 

Tous  droit»  de  traduction,  de  reproduction  et  d'adaptation  réservi 
pour  toi     pays 


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Copyright  by  Charles  Richet, 
Paris,  Janvier  1922. 


Omnia  jnm  fient  fieri  quse  posse  negabam. 


Ce  livre  est  dédié  à  la  mémoire  de  mes  illustres 

amis  et  maîtres 

Sir  WILLIAM  CROOKES 
et  FRÉDÉRIC  MYERS 

qui,  aussi  grands  par  le  courage  que  par  la  pensée, 
ouf  tracé  les  premiers  linéaments  de  cette  science. 


AVANT-PROPOS 


Ceux  qui  espèrent  trouver  dans  ce  livre  des  considérations 
nuageuses  sur  les  destinées  de  l'homme,  sur  la  magie,  sur  la 
théosophie,  seront  déçus.  J'ai  voulu  tenter  d'écrire  un  livre  de 
science,  non  de  rêve.  Je  me  suis  donc  contenté  d'exposer  les 
faits  et  de  discuter  leur  réalité,  non  seulement  sans  prétendre 
à  une  théorie,  mais  même  en  mentionnant  à  peine  les  théories  ; 
car  celles  qu'on  a  jusqu'ici  proposées,  en  métapsychique,  me 
paraissent  d'une  fragilité  effarante. 

Qu'une  théorie  passable  puisse  quelque  jour  être  présentée, 
c'est  possible,  presque  probable.  Mais  l'heure  n'est  pas  venue 
encore,  puisqu'on  conteste  les  faits  sur  lesquels  aurait  à  s'édi- 
fier une  théorie  quelconque.  Il  faut  donc  d'abord  établir  les  faits, 
les  présenter  dans  leur  ensemble  et  dans  leur  détail,  pour  en 
approfondir  les  conditions.  C'est  notre  devoir  préalable  :  c'est 
même  notre  seul  devoir. 

La  tâche  est  d'ailleurs  assez  lourde.  En  effet,  comme  il  s'agit 
de  phénomènes  peu  habituels,  le  public  et  les  savants  ont  pris 
le  parti  de  les  nier,  tout  simplement,  sans  examen. 

Cependant  ces  faits  existent  :  ils  sont  nombreux,  authen- 
tiques, éclatants.  On  en  trouvera  dans  le  cours  de  cet  ouvrage 
des  exemples  si  abondants,  si  précis,  si  démonstratifs,  que  je 
ne  vois  pas  comment  un  savant  de  bonne  foi,  s'il  consent  à 
l'examen,  oserait  les  révoquer  tous  en  doute. 

On  peut  résumer  en  trois  mots  les  trois  phénomènes  fonda- 
mentaux qui  constituent  cette  science  nouvelle. 


FI  WÀNT-PROl'OS 

1°  La  cryptesthésie  [Lucidité  des  auteurs  anciens)  ;  c'est-à-dire 
une  faculté  de  connaissance  qui  est  différente  des  facultés 
de    connaissance    sensorielles  normales. 

2°  La  télékinésie  ;  c'est-à-dire  une  action  mécanique  différente 
des  forces  mécaniques  connues,  qui  s'exerce  sans  contact,  à 
distance,  dans  des  conditions  déterminées,  sur  des  objets  ou 
des  personnes. 

3°  L'ecloplasmie  (matérialisation  des  auteurs  anciens)  ;  c'est- 
à-dire  la  formation  d'objets  divers  qui  le  plus  souvent  sem- 
blent sortir  du  corps  humain  et  prennent  l'apparence  d'une 
réalité  matérielle  (vêtements,  voiles,  corps  vivants). 

Voilà  toute  la  métapsychique.  Il  me  semble  qu'aller  jusque- 
là,  c'est  aller  déjà  très  loin.  Plus  loin,  ce  n'esi  pas  encore 
de  la  science. 

L 

Mais  je  prétends  que  la  science,  la  sévère  et  inexorable 
science,  doit  admettre  ces  trois  étranges  phénomènes  qu'elle 
s'est  refusé  jusqu'à  présent  à  reconnaître. 

En  écrivant  ce  livre  sous  la  forme  qui  est  donnée  aux  traités 
classiques  des  autres  sciences,  physique,  botanique,  pathologie, 
nous  avons  voulu  arracher  aux  faits  qu'on  appelait  occultes, 
et  dont  beaucoup  sont  indiscutablement  réels,  l'apparence 
surnaturelle  et  mystique  que  leur  ont  prêtée  les  personnes  qui 
ne  les  niaient  pas  \ 

« 
1.  Pour  la  bibliographie,  qui  n'a  d'ailleurs  pas  la  prétention  d'être  complète, 
on  a  adopté  l'abréviation  A.  S.  P.  pour  Annales  des  sciences  psychiques,  et 
P.  S.  P.  R.  pour  Proceedings  of  the  Society  for  psychical  Research,  J.  S.  P.  R. 
pour  Journal  of  the  Society  for  psychical  Research.  Am.  S.  P.  R.  pour  Procee- 
dings of  the  American  Society  for  psychical  Research. 


TRAITÉ  DE  MÉTAPSYGHIQUE 


LIVRE  PREMIER 
DE  LA  IVIÉTAPSYCHIQUE  EN  GÉNÉRAL 


t  1.  —  DÉFINITION  ET  CLASSIFICATION 

De  tout  temps  les  hommes  ont  constaté  que  des  faits  singuliers, 
irréguliers,  imprévoyables,  se  mêlaient  aux  événements  ordinaires 
de  l'existence  quotidienne.  Alors,  ne  pouvant  pas  trouver  d'expli- 
cation rationuelle,  ils  ont  supposé  l'intervention  de  forces  surnatu- 
relles, et  l'action  de  Dieux  ou  de  Démons  tout  puissants. 

Peu  à  peu,  avec  les  progrès  de  nos  connaissances,  la  foi  en  ces 
ingérences,  divines  ou  démoniaques,  dans  nos  petites  affaires  hu- 
maines, a  perdu  du  terrain.  Qu'il  s'agisse  d'une  aurore  boréale,  d'une 
éclipse,  d'une  comète,  ou  simplement  d'un  orage,  nous  ne  voyons 
plus  là  aujourd'hui  qu'un  phénomène  naturel  dont  nous  avons 
appris  à  préciser  quelques  lois.  Qu'il  s'agisse  de  l'épilepsie  ou  de 
l'attaque  hystérique,  nous  ne  faisons  comparaître  ni  Hercule,  ni 
Satan1. 

Pourtant  nos  sciences,  malgré  leurs  prodigieux  progrès,  n'ont  pas 
pu  donner  la  raison  d'être  de  certains  phénomènes  exceptionnels 
auxquels  les  lois  jusqu'ici  connues  de  la  physique,  de  la  chimie, 
de  la  physiologie,  ne  s'appliquent  plus.  Gomme  ces  événements  et 
ces  forces  étaient  inexplicables  par  la  science  classique,  la  science 
classique  a  pris  un  parti  très  commode  :  elle  les  a  ignorés.  Mais  ces 

1.  La  bibliographie  des  sciences  magiques  est  tout  un  monde.  Si  l'on  veut  en 
avoir  une  idée,  même  incomplète,  on  consultera  Grosse  (G.  J.  Th.).  Bibliotheca 
magicaet  pneumalica,  Leipzig,  Engelmann,  in-8°,  1843,  175  p.,  et  R.  Yves-Plessis. 
Essai  d'une  bibliographie  française  de  la  sorcellerie.  Paris,  Ghacornac,  1900. 

Uu-.HET.    —  Métaps;  chique.  1 


2  METAPSYCHIQUE    EN    GENERAL 

faits  étranges,  qu'ils  soient  niés  ou  acceptés,  n'en  existent  pas  moins. 

Qu'un  fait  rentre  ou  ne  rentre  pas  dans  le  cadre  des  notious 
enseignées,  vraiment  cela  lui  importe  peu. 

Il  nous  a  paru  qu'il  fallait  présenter  dans  leur  ensemble  l'exposé 
méthodique  de  ces  phénomènes.  Il  est  inadmissible  que,  pour  inha- 
bituels qu'ils  soient,  ils  ne  soient  pas  soumis,  eux  aussi,  à  des  lois, 
et  par  conséquent  accessibles  à  l'étude,  c'est-à-dire  à  la  science. 
Oui  !  Nous  croyons  qu'il  peut  y  avoir  une  science,  ou  tout  au  moins 
une  étude,  du  surnaturel  et  de  l'occulte. 

Mais  le  mot  surnaturel,  comme  le  mot  supranormal  deFR.  Myers, 
est  mauvais,  car  il  ne  peut  y  avoir  dans  l'univers  que  du  naturel  et 
du  normal.  Un  fait,  du  moment  qu'il  existe,  est  nécessairement 
naturel  et  normal.  Nous  rejetons  donc  les  mots  de  supranormal  et 
de  surnaturel,  de  même  que  le  mot  occulte,  car  sciences  occultes, 
cela  veut  dire,  et  très  naïvement,  qu'elles  sont  mystérieuses,  et 
par  conséquent  inabordables  pour  nous.  En  1905,  j'ai  proposé  le 
terme  de  métapsychique  qui  a  été  unanimement  accepté.  Ce  mot  a 
pour  lui  (et  ce  n'est  pas  négligeable)  l'autorité  d'ARisroTE.  Aristote, 
ayant  traité  des  forces  physiques,  a  voulu  écrire  ensuite  un  cha- 
pitre sur  les  grandes  lois  de  la  nature  qui  dépassent  les  choses 
de  la  physique,  et  il  a  intitulé  ce  livre  :  «  Après  les  choses  physiques  » 
(^£t<x  Ta  cpuerixa,  métaphysique) l. 

Il  importe  maintenant  de  définir  la  métapsychique. 

Ce  qui  caractérise  le  fait  métapsychique,  quel  qu'il  soit,  c'est  qu'il 
semble  dû  à  une  intelligence  inconnue  (humaine  ou  non  humaine). 
Dans  la  nature  nous  ne  voyons  d'intelligence  que  chez  les  êtres 
vivants  :  chez  l'homme,  nous  ne  voyons  d'autre  source  de  connais- 
sance que  par  les  sens.  Nous  laissons  à  la  psychologie  (classique) 
l'étude  de  l'intelligence  des  animaux  et  de  l'homme.  Les  phénomènes 
métapsychiques  sont  autres  :  ils  paraissent  dus  à  des  forces  intelli- 
gentes inconnues,  en  comprenant  dans  ces  intelligences  inconnues  les 
étonnants  phénomènes  intellectuels  de  nos  inconsciences. 

1.  Quand  j'ai  présenté  pour  la  première  fois  en  1905,  dans  mon  adresse  prési- 
dentielle à  la  S.  P.  R.  de  Londres,  le  mot  de  métapsychique,  M.  W.  Luros- 
lawski  m'a  fait  observer  que  dans  un  écrit  polonais  (Gracovie,  1902,  Wyklady 
Jagiellonskie),  il  avait  déjà  suggéré  ce  mot,  mais  ce  fut  pour  des  notions 
assez  différentes.  E.  Boirac  a  proposé  le  terme  de  parapsy chique,  qui  n'a  pas 
prévalu,  tandis  que  le  vocable  de  métapsychique  est  maintenant  partout  adopté. 


DEFINITION  ET    CLASSIFICATION  3 

La  métapsychique,  —  en  laissant  de  côté,  bien  entendu,  la  psy- 
chologie dont  l'objet  est  nettement  limité  —  est  la  seule  science  qui 
étudiedes  forces  intelligentes.  Toutesles  autres  forces  que  lessavants 
ont  jusqu'à  présent  étudiées  et  analysées  au  point  de  vue  de  leurs 
causes  et  de  leurs  effets,  sont  des  forces  aveugles,  qui  n'ont  pas 
conscience  d'elles-mêmes,  dépourvues  de  caprice,  autrement  dit  de 
personnalité  et  de  volonté.  Le  chlore  se  combine  au  sodium  sans 
que  nous  puissions  soupçonner  la  plus  petite  parcelle  d'intellectua- 
lité  dans  le  chlore  et  le  sodium.  Le  mercure  se  dilate  par  la  chaleur 
sans  rien  y  comprendre,  et  sans  rien  y  pouvoir  modifier.  Le  soleil 
projette  ses  rayons  caloriques,  électriques  et  lumineux  dans  les 
espaces,  sans  aucune  intention  volontaire,  sans  fantaisie,  sans 
choix,  sans  personnalité  pensante. 

Or  les  forces  qui  déterminent  les  pressentiments,  les  télépathies, 
les  mouvements  d'objets  sans  contact,  les  apparitions,  et  certains 
phénomènes  mécaniques  et  lumineux  paraissent  ne  pas  être 
aveugles  et  inconscientes,  comme  le  chlore,  le  mercure  et  le  soleil. 
Elles  n'ont  pas  ce  caractère  de  fatalité  attaché  aux  phénomènes 
mécaniques  et  chimiques  de  la  matière.  Elles  semblent  avoir  des 
intellectualités,  des  volontés,  des  intentions,  qui  ne  sont  peut-être 
pas  humaines,  mais  qui,  en  tout  cas,  ressemblent  aux  volontés  et 
aux  intentions  humaines.  L'intellectualité,  c'est-à-dire  le  choix, 
l'intention,  la  décision  conforme  à  quelque  volonté  personnelle, 
inconnue,  voilà  le  caractère  de  tout  phénomène  métapsychique. 

Je  diviserai  la  métapsychique  en  métapsychique  objective  et  méta- 
psychique subjective. 

La  métapsychique  objective  mentionne,  classe,  analyse  certains 
phénomènes  extérieurs,  perceptibles  à  nos  sens,  mécaniques,  phy- 
siques ou  chimiques,  qui  ne  relèvent  pas  des  forces  actuellement 
connues,  et  qui  paraissent  avoir  un  caractère  intelligent. 

La  métapsychique  subjective  étudie  des  phénomènes  qui  sont 
exclusivement  intellectuels.  Ils  se  caractérisent  parla  notion  de  cer- 
taines réalités  que  nos  sensations  n'ont  pu  nous  révéler.  Tout  se  passe 
comme  si  nous  avions  une  faculté  mystérieuse  de  connaissance, 
une  lucidité  que  notre  classique  physiologie  des  sensations  ne  peut 
encore  expliquer.  —  Je  propose  d'appeler  cri/ptesthésie,  c'est-à-dire 
sensibilité  dont  la  nature  nous  échappe,  cette  faculté  nouvelle. 


4  METAPSYCHIQUE    EN    GENERAI. 

La  métapsychique  subjective  est  donc  la  science  qui  traite  de 
phénomènes  uniquement  mentaux  et  qu'on  peut  admettre  sans  rien 
changer  à  toutes  lois  connues  de  la  matière  vivante  ou  inerte,  ni 
aux  diverses  énergies  physiques,  lumière,  chaleur,  électricité, 
attraction,  que  nous  avons  l'habitude  de  mesurer  et  de  déterminer. 

Au  contraire,  la  métapsychique  objective  traite  de  certains  phé- 
nomènes matériels  que  la  mécanique  ordinaire  n'explique  pas  : 
mouvements  d'objets  sans  contact,  maisons  hantées,  fantômes, 
matérialisations  photographiâmes,  sonorités,  lumières,  toutes  réa- 
lités tangibles,  accessibles  à  nos  sens. 

Autrement  dit,  la  métapsychique  subjective  est  intérieure,  psy- 
chique, non  matérielle  :  la  métapsychique  objective  est  matérielle 
et  extérieure. 

La  limite  entre  les  deux  ordres  de  phénomènes  est  parfois  incer- 
taine ;  mais  souvent  elle  est  très  tranchée,  et  nulle  confusion  n'est 
possible.  Par  exemple,  à  Paris,  le  11  juin  1904,  l'assassinat  de  la 
reine  Draga  est  formellement  indiqué,  alors  qu'il  n'y  avait,  à  la 
médium  qui  l'a  révélé,  aucune  connaissance  rationnelle  possible  de 
ce  crime,  qui  s'est  produit  à  Belgrade  à  la  minute  même  où  il  a 
été  indiqué  à  Paris.  Voilà  un  fait  de  métapsychique  subjective. 

Eusapia  Paladino  met  ses  mains  à  cinquante  centimètres  au-dessus 
d'une  lourde  table  :  on  lui  tient  les  mains,  les  pieds,  les  genoux,  le 
torse,  la  tête,  la  bouche  :  alors  la  table  se  soulève  des  quatre  pieds 
sans  contact.  Fait  de  métapsychique  objective. 

Souvent  les  phénomènes  participent  aux  deux  métapsychiques  à 
la  fois.  Alors  la  dissociation  est  difficile,  sinon  impossible.  A  voit 
apparaître  l'image  B  de  son  père  mourant.  Evidemment  c'est  une 
vision  uniquement  subjective  si  d'autres  personnes  étaient  à  côté 
de  A  et  n'ont  rien  vu.  Mais,  si  l'image  de  B,  en  même  temps  qu'elle 
apparaissait  à  A,  a  été  vue  par  d'autres  personnes  que  par  A,  si 
de  plus  l'apparition  a  pu  être  photographiée,  si  elle  a  laissé  sa  trace 
sur  des  plaques  sensibles,  ce  n'est  pas  seulement  un  fait  subjectif, 
c'est  encore  un  fait  objectif,  car  il  y  a  eu  un  phénomène  matériel, 
et  la  vision  qu'a  eue  A  cesse  d'être  un  phénomène  subjectif. 

La  fréquence  des  phénomènes  subjectifs  est  bien  plus  grande  que 
celle  des  phénomènes  objectifs  :  les  médiums  donnant  des  phéno- 


DÉFINITION    ET    CLASSIFICATION  *o 

mènes  objectifs  sont  rares.  D'ailleurs,  quand  il  se  produit  des 
phénomènes  matériels,  presque  toujours  il  y  a  simultanément  des 
faits  importants  de  métapsychique  subjective  qui  se  trouvent  mêlés 
aux  phénomènes  matériels. 

La  métapsychique  peut  donc  se  définir  :  une  science  qui  a  pour 
objet  des  phénomènes,  mécaniques  ou  psychologiques,  dus  à  des  forces 
qui  semblent  intelligentes  ou  à  des  puissances  inconnues  latentes  dans 
l'intelligence  humaine . 

C'est  donc  une  science  profondément  mystérieuse  encore.  Son 
mystère  même  fait  qu'il  faut  en  aborder  l'étude  avec  une  prudence 
scientifique  extrême. 

|  2.  —  Y  A-T-IL  UNE  MÉTAPSYCHIQUE? 

La  question  doit  être  posée  ;  car,  pour  beaucoup  de  savants,  rien 
de  ce  qui  est  allégué  dans  le  domaine  du  magnétisme  et  du  spi- 
ritisme ne  mérite  d'être  considéré  comme  sérieux.  «  On  ne  fait 
pas,  disent-ils,  une  science  avec  des  commérages;  or  les  récits 
épars  que  vous  apportez  ne  sont  que  des  commérages.  Les  halluci- 
nations, racontées  avec  force  détails  par  des  gens  naïfs,  appartien- 
nent au  domaine  de  l'aliénation  mentale,  et  les  représentations 
données  par  les  médiums,  à  de  vulgaires  escroqueries.  Les  médiums 
qui  se  prétendent  doués  de  propriétés  surnaturelles,  et  qui  disent 
être  des  intermédiaires  entre  le  monde  des  morts  et  le  monde  des 
vivants,  sont  des  hallucinés  ou  des  farceurs.  Dès  qu'on  prend  des 
précautions  contre  la  crédulité  et  la  fraude,  toujours  on  finit  par 
dévoiler  l'erreur  ou  l'imposture.  Devant  des  commissions  d'enquête 
ayant  quelque  autorité  scientifique,  jamais  un  fait  irrécusable  de 
lucidité  ou  de  mouvements  d'objets  sans  contact  n'a  pu  être  établi. 
Si  l'on  élimine  les  hasards,  les  fautes  d'observation,  les  superche- 
ries, il  ne  reste  plus  rien  de  la  soi-disant  métapsychique  qu'une 
immense  illusion.  A  mesure  que  les  conditions  sont  plus  rigou- 
reuses, les  phénomènes  deviennent  moins  intenses,  et  finalement 
s'évanouissent.  Une  science  se  prétendant  expérimentale  et  s'ap- 
puyant  sur  des  expériences  qui  ne  peuvent  se  répéter,  ce  n'est  pas 
une  science.  Vous  affirmez  des  faits  extraordinaires,  invraisem- 


6  METAPSYCHIQUE    EN    GENERAL 

blables,  qui  renversent  tout  ce  que  la  scieuce  a  jusqu'ici  reconnu 
comme  vrai,  mais  vous  êtes  incapables  d'en  donner  la  preuve,  car 
jusqu'ici  cette  preuve  a  échappé  à  toute  recherche  méthodique.  Ce 
n'est  pas  à  nous  de  prouver  que  les  faits  affirmés  par  vous  sont 
faux  ;  c'est  à  vous  de  nous  prouver  qu'ils  sont  vrais. 

«Et  puis,  même  si  nous  les  voyions,  ces  faits  étranges,  nous  nous 
croirions  dupés  ou  illusionnés,  car  vous  évoluez  parmi  des  impos- 
teurs, et  vos  affirmations  sont  trop  absurdes  pour  être  vraies.  » 

Tel  est  à  peu  près  le  langage  des  savants  honorables  qui  dénient 
à  la  métapsychique  toute  réalité.  S'ils  avaient  raison,  ce  livre  serait 
terriblement  inutile,  voire  ridicule.  Il  pourrait  s'intituler  :  Traité 
d'une  erreur. 

Mais  pour  notre  part,  comme  nous  essaierons  d'en  donner  la 
preuve  abondante,  nous  croyons  que  ces  faits,  qu'on  appelle 
occultes  parce  qu'ils  sont  incompris,  existent. 

Nous  avons  lu  et  relu,  étudié  et  analysé  les  ouvrages  qui  ont  été 
écrits  sur  ce  sujet,  et  nous  déclarons  énormément  invraisemblable, 
et  même  impossible,  que  des  hommes  illustres  et  probes,  comme 
sir  William  Crookes,  sir  Oliver  Lodge,  Reichenbach,  Russell  Wal- 

LÀCE,    LOMBROSO,    WlLLIAM    JâMKS,   ScHIAPARELLI,    Fr.    MyERS,    ZÔLLNER, 

A.  de  Rochas,  Ochorowicz,  Morselli,  sir  William  Barrett,  Ed.  Gurney, 
G.  Flammarion,  et  tant  d'autres,  se  sont  laissé  tous,  à  cent  reprises  dif- 
rentes,  malgré  leur  science,  malgré  leur  vigilante  attention,  duper 
fépar  des  fraudeurs,  et  qu'ils  furent  victimes  d'une  étonnante  crédu- 
lité. Ils  n'ont  pas  pu  être  tous  et  toujours  assez  aveugles  pour  ne  pas 
apercevoir  des  fraudes  qui  ont  dû  être  grossières  ;  assez  imprudents 
pour  conclure  quand  aucune  conclusion  n'était  légitime;  assez 
malhabiles  pour  ne  jamais,  ni  les  uns,  ni  les  autres,  laire  une  seule 
expérience  irréprochable.  A  priori,  leurs  expériences  méritent 
d'être  méditées  sérieusement,  et  non  rejetées  avec  mépris  l. 

1.  Voici  comment  ose  s'exprimer  un  illustre  savant  anglais,  lord  Kelnvin  (cité 
par  Fr.  Myers,  A.  S.  P.,  1904,  XIV,  365). 

«  Je  tiens  à  repousser  toute  apparence  d'une  tendance  à  accepter  cette  misé- 
rable superstition  du  magnétisme  animal,  des  tables  tournantes,  du  spiritisme, 
du  mesmérisme,  de  la  clairvoyance,  des  coups  frappés.  11  n'y  a  pas  un  septième 
sens  d'espèce  mystique.  La  clairvoyance  et  le  reste  sont  le  résultat  de  mauvaises 
observations,  mêlées  à  un  esprit  d'imposture  volontaire,  agissant  sur  des  âmes 
innocentes  et  confiantes.  » 

Tel  est  le  degré  d'aveuglement  auquel  est  conduit  un  des  plus  grands  esprits  de 


Y  A-T-IL    UNE    MÉTAPSYCHIQUE  ?  7 

L'histoire  des  sciences  nous  apprend  que  les  déco n vertes  les  plus 
simplesont  été  repoussées,  à  priori,  sous  prétexte  qu'elles  étaient  con- 
tradictoires avec  la  science.  L'anesthésie  chirurgicale  fut  niée  par 
Magendie.  Le  rôle  des  microbes  a  été  contesté  pendant  vingt  ans 
par  tous  les  académiciens  de  toutes  les  Académies.  Galilée  a  été 
mis  en  prison  pour  avoir  dit  que  la  terre  tourne.  Bouillaud  a 
déclaré  que  le  téléphone  n'était  que  de  la  ventriloquie.  Latoisier  a 
dit  que  nulles  pierres  ne  tombent  du  ciel,  parce  qu'il  n'y  a  pas  de 
pierres  dans  le  ciel.  La  circulation  du  sang  n'a  été  admise  qu'après 
quarante  ans  de  stériles  discussions.  Dans  un  discours  prononcé 
en  1827,  à  l'Académie  des  Sciences,  mon  arrière-grand-père, 
P.-S.  Girard,  considérait  comme  une  folie  l'idée  qu'on  peut  par  des 
conduits  amener  de  l'eau  dans  les  étages  élevés  de  chaque  maison. 
En  1840,  J.  Mùller  affirmait  qu'on  ne  pourra  jamais  mesurer  la 
vitesse  de  l'influx  nerveux.  En  1699,  Papin  construisait  un  premier 
bateau  à  feu.  Cent  ans  plus  tard,  Fulton  refaisait  cette  découverte, 
et  elle  ne  fut  reconnue  applicable  à  la  navigation  que  vingt  ans 
après.  Quand,  en  1892,  guidé  par  mon  illustre  maître  Marey,  je 
faisais  mes  premiers  essais  d'aviation,  je  n'ai  trouvé  qu'incrédulité, 
dédain  et  sarcasme.  On  pourrait  écrire  tout  un  volume  en  contant 
les  billevesées  qui  furent  dites,  au  moment  de  chaque  découverte, 
contre  cette  découverte  môme. 

Remarquons  qu'il  n'est  pas  ici  question  du  vulgaire  ;  —  l'opinion 
du  vulgaire  est  sans  importance,  —  mais  des  savants.  Or  les  savants 
s'imaginent  qu'ils  ont  tracé  des  limites  que  la  science  future  ne 
saurait  franchir.  Comme  le  dit  spirituellement  C.  Flammarion, 
«  passés  à  l'état  de  bornes,  ils  jalonnent  la  route  du  progrès  ». 

Lorsqu'ils  déclarent  que  tel  ou  tel  phénomène  est  impossible,  ils 
confondent  très  malheureusement  ce  qui  est  contradictoire  avec  la 
science,  et  ce  qui  est  nouveau  dans  la  science.  Il  faut  insister;  car 
c'est  là  la  cause  profonde  du  cruel  malentendu. 

Les  corps  se  dilatent  par  la  chaleur.  Alors,  si  quelqu'un  vient 
nous  dire  que  le  mercure,  le  cuivre,  le  plomb,  l'hydrogène,  dans  les 
conditions  habituelles  de  notre  expérimentation,  ne  se  dilatent  pas 

notre  époque  :  il  ne  daigne  ni  regarder,   ni  étudier,  ni  essayer  de  comprendre. 
Il  nie.  C'est  beaucoup  plus  facile. 


8  META.PSYCHIQUE    EN    GENERAI. 

quand  ou  les  chauffe,  j'aurai  le  droit  de  nier  cette  affirmation;  car 
il  y  a  là  flagrante  coutradiction  avec  les  faits  observés,  cous- 
tatés  et  étudiés  chaque  jour.  Mais  qu'on  ait  découvert  un  métal 
nouveau,  et  qu'un  savant  nous  vienne  dire  que  ce  métal,  au  lieu  de 
se  dilater,  se  contracte  par  la  chaleur,  je  n'aurai  pas  le  droit  de  nier 
a  priori.  Si  invraisemblable  que  soit  cette  anomalie  aux  lois  de  la 
physique,  je  devrai,  sous  peine  d'une  blâmable  présomption,  véri- 
fier cette  assertion  singulière,  puisqu'il  s'agit  d'une  substance  nou- 
velle, peut-être  différente  des  autres. 

Toute  vérité  nouvelle  est  d'une  extrême  invraisemblance.  Or  il 
s'en  présente  à  chaque  instant  dans  l'évolution  des  sciences,  et, 
dès  qu'un  chercheur  quelconque  en  émet  une,  elle  suscite  toutes 
les  indignations.  Au  lieu  de  vérifier,  on  nie. 

Claude  Bernard  dit  que  les  animaux  fabriquent  du  sucre.  Alors 
aussitôt  les  objections  se  multiplient.  «  C'est  déranger  l'harmonie 
du  monde  vivant  que  d'admettre  la  formation  du  sucre  par  les  ani- 
maux. Ce  sont  les  végétaux  qui  font  du  sucre,  et  les  animaux  qui 
le  consomment.  Le  sucre  qu'on  a  trouvé  dans  les  organismes  ani- 
maux était  du  sucre  amassé  par  l'alimentation,  ou  résultant  d'une 
altération  cadavérique.  Bref  le  sucre  ne  peut  pas  être  fabriqué  par 
un  organisme  animal.  » 

On  sait  ce  que  ces  phrases  sont  devenues. 

Supposons  qu'on  n'ait  encore  aucune  connaissance  des  propriétés 
attractives  de  l'aimant,  et  que  l'aimant  soit  un  corps  extrêmement 
rare,  presque  introuvable.  Arrive  un  voyageur  qui,  ayant  rencontré 
un  aimant,  mais  ne  pouvant  le  retrouver,  raconte  qu'il  a  vu  un 
corps  qui  attire  le  fer.  Son  affirmation  provoquera  une  indignation 
et  une  dénégation  universelles.  Pourquoi  le  fer  a-t-il  cette  propriété 
que  ne  possèdent  ni  le  cuivre,  ni  le  plomb,  ni  aucun  autre  corps? 
Pourquoi  un  corps  qui  attire  ?  Jamais  on  n'a  rien  vu  de  semblable. 
Si  c'était  chose  véritable,  on  la  connaîtrait  depuis  longtemps l. 

Tout  ce  que  nous  ignorons  paraît  toujours  invraisemblable.  Mais 
les  invraisemblances  d'aujourd'hui  deviendront  demain  des  vérités 
élémentaires. 

1.  Quand  on  a  parlé  de  la  contagion  de  la  tuberculose,  un  professeur  de  la 
Faculté  de  Paris  a  dit  :  «  Si  la  tuberculose  était  contagieuse,  on  le  saurait  ».  Et 
à  l'Académie  do  Médecine,  on  l'a,  presque  unanimement,  en  1878,  approuvé. 


Y  A-T-IL    UNE    MÉTAPSYCHIQUE  ?  9 

Pour  ne  prendre  que  les  découvertes  presque  contemporaines, 
celles  qu'à  cause  de  mou  grand  âge  j'ai  pu  voir  se  développer  sous 
mes  yeux,  j'en  prendrai  quatre  qui  eussent  paru  en  1875  mons- 
trueuses, absurdes,  inadmissibles: 

1°  Ou  peut  entendre  à  Rome  la  voix  d'un  individu  qui  parle  à 
Paris.  (Téléphone)  ; 

2°  On  peut  mettre  en  bouteille  les  germes  de  toutes  les  maladies 
et  les  cultiver  dans  une  armoire.  (Bactériologie)  ; 

3°  On  peut  photographier  les  os  des  personnes  vivantes. 
(Rayons  X). 

4°  On  peut  transporter  cinq  cents  canons  à  travers  les  airs  avec 
une  vitesse  de  300  kilomètres  à  l'heure.  (Aéroplanes). 

Celui  qui,  eu  1875,  eût  émis  ces  assertions  audacieuses  eût  été 
traité  d'aliéné  dangereux. 

Notre  intelligence  routinière  est  ainsi  faite  qu'elle  se  refuse  à 
admettre  ce  qui  est  inhabituel.  Et,  en  effet,  à  bien  examiner  les  faits 
qui  nous  entourent,  il  faudrait  se  contenter  de  dire  :  il  y  en  a  d'ha- 
bituels, il  y  en  a  d'inhabituels.  Nous  ne  devrions  rien  dire  de  plus. 
Surtout  il  faudrait  se  garder  de  faire  deux  classes  de  faits  :  ceux 
qui  sont  compris,  et  ceux  qui  ne  sont  pas  compris.  Car  en  vérité 
nous  n'avons  rien  compris,  absolument  rien,  à  aucune  des  grandes 
ou  petites  vérités  delà  science. 

Qu'est-ce  que  la  matière  ?  Est-elle  continue  ou  discontinue? 
Qu'est-ce  que  l'électricité  ?  L'hypothèse  de l'éther  est-elle  comprise 
par  ceux  qui  la  professent  ?  Nous  voyons  une  pierre  retomber  sur  le 
sol  quand  on  l'a  lancée  en  l'air  :  avons-nous  compris  l'attraction  ? 
Deux  gaz  se  combinent  pour  former  un  nouveau  corps  qui  est  tout 
différent  et  dans  le  liquide  formé  ou  trouve  les  mêmes  atomes  que 
dans  les  gaz  qui  se  sont  combinés:  avons  nous  compris?  Pourquoi 
tel  ovule  fécondé  par  uu  certain  zoosperme  va-t-il  produire,  selon 
ses  origines,  un  chêne,  un  oursin,  un  éléphant,  ou  un  Michel-Ange? 
Pourquoi  l'araiguée  ourdit-elle  sa  toile?  Pourquoi  les  hirondelles 
traversent  elles  les  mers?  Ces  merveilles  ne  nous  étonnent  pas, 
parce  que  nous  y  sommes  habitués.  Mais  il  faut  avoir  le  courage 
de  reconnaître  que,  tout  habituelles  qu'elles  sont,  elles  sont  absolu- 
ment des  mystères. 


10  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

Les  faits  de  la  métapsychique  ue  sont  ni  plus  ni  moins  mystérieux 
que  ceux  de  l'électricité,  de  la  fécondation  et  de  la  chaleur.  Ils  ne 
sont  pas  aussi  habituels  ;  et  voilà  toute  la  différence.  L'absurdité 
serait  donc  énorme  de  ue  pas  vouloir  les  étudier,  sous  prétexte 
qu'ils  ne  sont  pas  habituels  '. 

Ce  qui  est  constant,  c'est  que  les  observateurs  et  les  auteurs  qui 
se  sont  occupés  de  métapsychique,  ont  une  très  fâcheuse  tendance 
à  considérer  leurs  observations  comme  seules  exactes,  et  à  rejeter 
absolument  les  autres.  Ainsi  —  sauf  exceptions,  bien  entendu  — 
quand  on  s'est  beaucoup  et  exclusivement  occupé  de  télépathie  et 
de  métapsychique  subjective,  on  attache  une  importance  prépon- 
dérante à  la  métapsychique  subjective  et  on  se  refuse  à  admettre  les 
phénomènes  de  télékinésie  et  d*ectoplasmie,  si  bien  constatés  qu'ils 
soient.. 

C'est  le  cas  de  plusieurs  membres  éminents  de  la  Société  anglaise 
de  recherches  psychiques.  Ils  sont  assez  facilement  satisfaits  quand 
il  s'agit  de  transmission  mentale,  quoique  celle-ci  soit  parfois  expli- 
cable par  des  coïncidences  ;  mais,  dès  qu'il  est  question  de  phéno- 
mènes physiques,  ils  exigent  d'impossibles  preuves,  même  quand 
celles-ci  sont  inutiles  à  la  démonstration. 

Inversement  tel  expérimentateur,  qui  a  cru  voir  une  matérialisa- 
tion superficiellement  étudiée,  la  considère  comme  bien  établie, 
mais  se  montre  d'une  sévérité  exagérée  et  ridicule  pour  les  trans- 
missions de  pensée  ou  les  matérialisations  décrites  par  d'autres 
observateurs, peut-êtreaussi  compétents  que  lui! 

1.  J'ai  pu  constater  un  curieux  exemple  des  sottises  que  la  crainte  de  l'inha- 
bituel (néophobie)  peut  inspirer  à  un  savant  honorable.  Lors  de  l'Exposition  de 
1900  à  Paris,  j'ai  présenté  aux  membres  du  Congrès  de  Psychologie  un  enfant 
de  trois  ans  et  trois  mois,  Pepito  Arriola,  espagnol,  qui  jouait  étonnamment  du 
piano,  composait  des  marches  funèbres  ou  guerrières,  des  valses,  des  habaneras, 
des  menuets,  et  exécutait  de  mémoire  une  vingtaine,  et  peut-être  plus,  de  mor- 
ceaux difficiles.  Los  cent  personnes  du  Congrès  l'ont  entendu  et  applaudi.  Ce 
minuscule  petit  pianiste,  véritable  prodige  de  précocité,  je  l'ai  fait  venir  chez 
moi,  et  dans  mon. salon,  deux  fois  dans  la  journée,  une  fois  le  soir  devant  de 
nombreuses  personnes  différentes,  il  a  joué  du  piano,  sur  mon  piano,  loin  de  sa 
mère...  Et  voilà  qu'un  psychologue  américain,  M.  Scripture,  a  annoncé,  quatre 
ans  après,  que  j'avais  été  victime  d'une  illusion,  et  que  les  airs  entendus  avaient 
été  joués  non  par  Pepito  Arriola,  trop  petit  pour  jouer,  mais  par  sa  mère!... 
(Americ.  Journ.  of  Psychology,  1905.) 

L'incrédulité  portée  à  ce  degré  d'aberration  est  digne  de  la  crédulité  de  l'il- 
lustre géomètre  Chasles  qui  montrait  avec  orgueil  une  lettre  autographe  —  en 
français  —  de  Vercingétorix  à  Jules  César.  Le  scepticisme  de  M.  Scripture  est 
de  même  acabit  que  la  crédulité  de  M.  Chasles. 


Y   A-T-IL    UNE    MÉTAPSYCHIQUE   ?  14 

Quaud  un  phénomène  est  inhabituel,  on  ne  l'admet  que  si  on  l'a 
soi-même  vérifié,  même  quand  on  est  accessible  aux  vérités  nou- 
velles. 

Ilsemble  pourtant  que  nous  devrions  tous  être  moins  personnels, 
et  que  notre  critique,  pour  sévère  qu'elle  soit  —  et  doive  être  — 
tâche  de  s'exercer  autant,  sinon  plus,  sur  nos  propres  expériences, 
que  sur  les  expériences  d'autrui. 

Si  je  me  permets  de  critiquer  la  mentalité  des  savants  en  fait  de 
métapsychique,  c'est  que  j'ai  commis  la  même  erreur.  Je  n'ai  pas 
suivi  les  procédés  de  travail  employés  pour  l'étude  des  autres 
sciences.  Avant  d'étudier  dans  les  livres,  j'ai  expérimenté.  J'ai  donc 
commencé  par  me  faire  une  conviction  personnelle  (qui  n'était  nul- 
lement livresque).  C'est  plus  tard  seulement  que  j'ai  lu  et  médité 
les  travaux  des  expérimentateurs,  anciens  et  contemporains,  qui 
"s'étaient  adonnés  à  ces  recherches.  Alors  j'ai  été  en  vérité  stupéfait 
devant  la  quantité  et  la  rigueur  des  preuves.  De  sorte  que  de  par  mes 
expériences  et  de  par  les  expériences  d'autrui  j'ai  fini  par  acquérir 
la  conviction  profonde  que  la  métapsychique  est  une  science,  et 
une  science  véritable,  et  qu'il  faut  la  traiter  comme  on  traite  toutes 
les  sciences,  méthodiquement,  laborieusement,  pieusement. 

Eh  bien  oui  !  ces  phénomènes  inhabituels  sont  réels.  1°//  y  a  une 
faculté  de  connaissance  autre  que  les  facultés  habituelles.  2°  Il  y  a  des 
mouvements  d'objets  autres  que  les  mouvements  habituels-  Et  il  serait 
terriblement  absurde  de  ne  pas  vouloir  étudier  des  phénomènes 
inhabituels  par  les  méthodes  qui  nous  ont  si  heureusement  servi 
pour  les  autres  sciences,  c'est-à-dire  par  l'observation  et  par  l'ex- 
périence. 

Claude  Bernard  a  admirablement  formulé  les  conditions  diverses 
des  sciences  d'observation  et  des  sciences  d'expérimentation.  La 
métapsychique  participe  des  unes  et  des  autres.  Souvent  elle  est 
expérimentale,  comme  la  chimie  et  la  physiologie  ;  mais  souvent 
aussi  elle  se  rapproche  des  sciences  traditionnelles,  comme  l'his- 
toire, puisqu'elle  est  parfois  contrainte  de  s'appuyer  uniquement 
sur  le  témoignage  humain. 

La  partie  expérimentale  doit  être  traitée  comme  une  science  expé- 
rimentale, avec  le  développement  ordinaire  des  moyens  techniques 


12  MÉTAPSYCHIQUE  EN   GÉNÉRAL 

d'investigation.  Balances,  photographies,  méthodes  graphiques,  les 
métapsychistes  doivent  employer  tous  les  procédés  de  mensuration 
adoptés  par  les  physiologistes.  Je  ne  vois  pas  de  différence  essen- 
tielle dans  les  méthodes,  à  cela  près  que  le  chimiste  ou  le  physiolo- 
giste agit  avec  un  matériel  qu'il  peut  se  facilement  procurer,  tandis 
que,  pour  faire  une  expérience  métapsychique,  nous  avons  besoin 
d'un  médium,  sujet  rare,  fragile,  éminemment  fantaisiste,  qu'il  faut 
savoir  manier  avec  une  finesse  diplomatique  toujours  éveillée. 
Mais,  une  fois  que  l'expérience  a  commencé,  celle-ci  doit  se  pour- 
suivre avec  autant  de  rigueur  qu'une  expérience  sur  la  pression 
artérielle  ou  sur  la  chaleur  de  combustion  de  l'acétylène. 
-  Dans  une  expérience,  quelle  qu'elle  soit,  on  n'est  jamais  absolu- 
ment le  maître  de  toutes  les  conditions.  Voilà  un  axiome  de  méthode 
scientifique  encore  plus  vrai  pour  la  métapsychique  que  pour  les 
autres  sciences.  Peut-être  l'obscurité  est-elle  nécessaire,  et  le  silence 
(ou  le  bruit)  ?  Peut-être  faut-il  certaines  conditions  psychologiques 
encore  mal  déterminées?  Après  tout,  il  en  est  ainsi  toutes  les  fois 
qu'une  science  se  constitue.  Dans  laphase  embryonnaire  on  ignore 
les  conditions  nécessaires  au  développement  des  faits  qu'il  s'agit 
de  prouver.  Et  alors,  on  commet  à  chaque  instant,  par  iguorance, 
de  grossières  erreurs,  et  on  échoue,  tandis  que  naïvement  on 
croyait  avoir  amassé  toutes  les  conditions  de  succès. 

La  métapsychique,  en  tant  que  science  d'observation  et  de  tradi- 
tion, est  riche  en  documents  de  toutes  sortes.  Ces  documents  sont 
de  valeur  prodigieusement  inégale,  et  il  faut  savoir  faire  un  choix, 
séparer  le  bon  grain  de  l'ivraie,  exercer  une  critique  sévère.  Mais 
condamner  la  méthode  de  tradition  serait  absurde.  Toute  science 
historique  n'est-elle  pas  fille  de  la  tradition  ?  Et  la  médecine  n'a-t- 
elle  pas  été,  jusqu'à  Claude  Bernard  et  Pasteur,  une  science  d'obser- 
vation ?  Ne  l'est-elie  pas  encore,  pour  une  bonne  part,  aujour- 
d'hui? Une  observation  bien  prise,  disait  un  grand  physiologiste, 
vaut  une  bonne  expérience.  C'est  peut-être  exagérer  un  peu  ;  car  la 
certitude  que  donne  une  observation  est  toujours  de  moindre  qua- 
lité que  la  certitude  donnée  par  une  bonne  expérience.  Toutefois 
les  sciences  d'observation  sont  parfois  profondes  et  solides,  et  ce 
serait  folie  que  de  vouloir  les  rejeter. 

Mais  il  n'y  a  pas  lieu  d'opposer  une  méthode  à  l'autre-  Quand 


Y  A-T-1L    UNE    MÉTAPSYCHIQUE  ?  13 

l'observation  et  l'expérience  aboutissent  auxmêmes  résultats,  elles  se 
confirment  l'une  par  l'autre. 

Il  y  aura  donc  toujours,  dans  ce  livre,  soit  pour  la  lucidité  {cryp- 
testhésie),  soit  pour  les  mouvements  d'objets  (télékinésie),  soit  pour  les 
matérialisations  (ectoplasmie),  deux  chapitres  :  un  premier  chapitre 
d'expériences,  un  second  chapitre  d'observations. 

La  méthode  d'expérimentation  est  relativement  facile,  tandis 
que  la  méthode  d'observation  est  d'une  extrême  difficulté.  Car  les 
documents  trop  souvent  sont  douteux.  Ils  sont  nombreux,  et  même 
trop  nombreux;  la  science  métapsychique  est  compliquée  par  l'en- 
combrement d'expériences  mal  faites  et  d'observations  mal  prises. 
Il  se  trouve  qu'au  lieu  d'être,  par  ceux  qui  la  cultivent,  traitée 
avec  la  rigueur  qui  convient  à  une  science,  la  métapsychique  a  été 
envisagée  par  ses  adeptes  comme  une  religion.  Erreur  grave,  qui  a 
eu  des  conséquences  néfastes. 

Les  spirites  ont  voulu  mêler  la  religion  à  la  science,  et  c'a  été  au 
grand  détriment  de  la  science. 

Non  certes  que  je  veuille  jeter  le  blâme  sur  les  efforts  des  spi- 
rites. Ce  serait  d'une  assez  sinistre  ingratitude.  Alors  que  les  savants 
officiels,  suivis  par  l'immense  majorité  du  populaire,  rejetaient 
dédaigneusement,  sans  examen,  et  souvent  avec  une  insigne  mau- 
vaise foi,  les  travaux  de  Crookes,  de  Walla.ce,  de  Zollner,  les  spi- 
rites s'en  sont  emparés,  et  courageusement  se  sont  misa  l'ouvrage. 
Mais  tout  de  suite,  au  lieu  de  faire  œuvre  scientifique,  ils  ont  fait 
œuvre  religieuse.  Ils  ont  entouré  de  mysticisme  leurs  séances,  fai- 
sant des  prières,  comme  s'ils  étaient  dans  une  chapelle,  parlant  de 
régénération  morale,  se  préoccupant  avant  tout  de  mystère,  satis- 
faits de  converser  avec  les  morts,  se  perdant  dans  des  divagations 
enfantines.  Ils  n'ont  pas  voulu  voir  que  les  choses  de  la  métapsy- 
chique ne  sont  pas  du  tout  les  choses  de  Yau-delà,  et  même  qu'il 
n'y  a  peut-être  pas  d'au-delà.  L'au-delà  les  a  perdus  :  ils  se  sont 
noyés  dans  des  théologies  et  des  théosophies  puériles. 

Quand  un  historien  étudie  les  Capitulaires  de  Charlemagne,  il 
ne  pense  pas  à  Yau-delà;  quand  un  physiologiste  enregistre  les 
contractions  musculaires  d'une  grenouille,  iï  ne  parle  pas  des 
sphères  ultra-terrestres  ;  quand  un  chimiste  dose  l'azote  de  la  léci- 


14  MÉTAPSYGHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

thine,  il  ne  se  livre  à  aucune  phraséologie  sur  les  survivances 
humaines.  Il  faut  en  métapsychique  faire  de  même,  ne  pas  rêver 
aux  mondes  éthérés,  ni  aux  émanations  animiques  ;  il  faut  rester 
terre  à  terre,  être  sobre  de  toute  théorie,  et  se  demander,  très  hum- 
blement, si  tel  ou  tel  phénomène  qu'on  étudie  est  vrai,  sans  pré- 
tendre en  déduire  les  mystères  de  nos  destinées  antérieures  ou 
ultérieures. 

Par  exemple,  quand  on  étudie  la  cryptesthésie  et  qu'on  cherche  si 
tel  sensitif,  sans  aucun  signe  de  notre  part,  va  indiquer  le  nom 
auquel  on  pense,  toute  notre  vigilante  attention  doit  consister  à  ne 
donner  aucun  signe,  absolument  aucun  signe,  et  à  comparer  les 
lettres  dites  par  le  sujet  aux  lettres  du  nom  qui  a  été  pensé,  en  cal- 
culant la  probabilité  de  l/25e,  puisqu'il  y  a  vingt-cinq  lettres  à 
l'alphabet.  Si  l'on  étudie  la  télékinésie,  il  faut  tenir  les  membres 
du  médium  assez  solidement  pour  que  la  table  ne  puisse  être  mue 
ni  par  ses  mains,  ni  par  ses  pieds,  ni  par  un  artifice  quelconque. 

Aller  plus  loin  ne  m'intéresse  pas.  Je  me  passionne  pour  ces 
tâches  modestes,  qu'il  faut  avoir  le  courage  de  se  proposer,  sans 
méditer  sur  l'immortalité  des  âmes. 

Que  de  précieuses  observations,  que  d'admirables  expériences 
ont  été  ainsi  dénaturées,  déformées,  par  le  perpétuel  et  dangereux 
souci  de  constituer  les  bases  d'une  religion  nouvelle  !  La  religion 
spirite  est  l'ennemie  de  la  science.  Et  je  prendrais  volontiers  pour 
l'épigraphe  de  toutes  nos  études  une  parole  empruntée  à  la  Bible. 
Omnia  in  numéro  et  pondère,  dit  l'Ecclésiaste.  Principe  admirable 
qui  s'applique  à  toutes  les  sciences,  et  qui  est  la  négation  même  de 
la  mystique  religieuse. 

S'il  fallait  une  religion,  nous  dirions  que  c'est  celle  de  la  vérité, 
de  la  vérité  toute  nue,  sans  parure,  et  sans  verbiage.  Constatons 
les  phénomènes,  tâchons  de  les  relier  ensemble  par  une  théorie 
quelconque,  aussi  vraisemblable  que  possible,  mais  ne  sacrifions 
jamais  la  théorie  aux  faits,  lesquels  sont  certainement  vrais, 
tandis  que  la  théorie  est  probablement  fausse. 

Certes  maintes  fois  les  phénomènes  métapsychiques  semblent 
nous  pousser  à  des  conclusions  nuageuses  sur  l'immortalité  des 
humains,  sur  les  émanations  d'une  volonté  inconnue,  sur  la  réincar- 
nation, sur  des  fluides  intelligents  émanant  de  nous  ou  des  morts. 


Y   A-T-IL    UNE    MÉTAPSYCHIQUE  ?  15 

J'ai  tâché  de  me  défendre  —  encore  que  je  n'aie  pu  y  réussir  com- 
plètement —  contre  ces  théories  prématurées.  A  quoi  ont  servi 
tous  les  gros  livres  d'alchimie  avant  Lavoisier  ?  Il  a  plus  fait  avec 
sa  balance  que  toutes  les  dissertations  de  Goclenius,  d'AGRippA,  de 
Paracelse.  Si  nous  voulons  que  la  métapsychique  soit  une  science, 
commençons  par  établir  fortement  les  faits.  Nos  descendants  iront 
plus  loin,  je  n'en  doute  pas,  mais  notre  mission  aujourd'hui  est 
plus  humble.  Ayons  la  pudeur  de  la  modération  qui  sied  à 
l'ignorance. 

Et  pourtant  la  métapsychique,  à  certains  égards,  n'est  guère  com- 
parable aux  autres  sciences.  Qu'il  s'agisse  de  métapsychique  sub- 
jective ou  de  métapsychique  objective,  les  phénomènes  paraissent 
être  dus  à  une  intelligence,  alors  qu'il  n'y  a  aucune  intelligence 
dans  les  manifestations  diverses  de  l'énergie.  Certes  il  est  possible 
que  cette  intelligence,  qui  apparaît  dans  les  manifestations  méta- 
psychiques,  soit  tout  simplement  humaine,  mais  alors  c'est  une 
région  de  l'intelligence  humaine  qui  nous  est  tout  à  fait  inconnue  ; 
puisqu'elle  nous  révèle  sur  les  choses  ce  que  nos  sens  ne  peuvent 
nous  révéler,  et  qu'elle  agit  sur  la  matière  autrement  que  par  des 
contractions  musculaires.  En  tout  cas  le  domaine  des  choses  méta- 
psychiques  est  différent  du  domaine  des  autres  forces,  qui  sont 
très  certainement  aveugles  et  inconscientes.  Peut-être  un  jour 
sera-t-il  prouvé  que  les  forces  métapsychiques,  productrices  des 
phénomènes,  sont  tout  aussi  inconscientes  que  la  chaleur  et  l'élec- 
tricité. Alors  la  métapsychique  rentrera  dans  les  cadres  de  la  phy- 
sique classique,  de  la  psychologie  classique.  Et  ce  sera  un  immense 
progrès.  Loin  d'en  être  émus  ou  attristés,  nous  en  serons  plutôt 
heureux,  car  il  y  a  une  vraie  douleur  intellectuelle,  que  personne 
ne  ressent  plus  vivement  que  moi,  à  supposer  des  forces  inconnues, 
arbitraires  et  fantaisistes,  comme  tout  ce  qui  est  intelligent. 

Mais  ce  jour  n'est  pas  venu  encore,  et  provisoirement  nous  con- 
clurons :  1°  que  les  faits  de  la  métapsychique  sont  réels;  2°  qu'il 
faut  les  étudier,  sans  souci  religieux,  comme  on  étudie  les  autres 
sciences  ;  3°  qu'ils  semblent  dirigés  par  des  intelligences,  humaines- 
ou  non  humaines,  dont  nous  ne  saisissons  que  fragmentairement 
les  intentions. 


16  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 


§  3.  —  HISTORIQUE 


Les  événements  et  les  découvertes  se  succèdent  en  de  tels  enche- 
vêtrements que  toute  division  en  périodes  distinctes  est  fatalement 
artificielle.  Pourtant  il  faut  la  faire,  cette  division,  pour  mettre  de 
la  clarté  en  un  sujet  obscur  et  touffu. 

Nous  proposons  donc  les  quatre  périodes  suivantes  : 

1°  Période  mythique,  qui  va  jusqu'à  Mesmer  (1778)  ; 

2°  Période  magnétique,  qui  va  de  Mesmer  aux  sœurs  Fox  (1847); 

3°  Période  spiritique,  des  sœurs  Fox  à  William  Crookes  (1847-1872)  ; 

4°  Période  scientifique,  qui  commence  avec  William  Crookes 
(1872). 

Oserai-je  espérer  que  ce  livre  aidera  à  inaugurer  une  cinquième 
période,  classique? 

1°  Période  mythique. 

C'est  aux  historiens,  plutôt  qu'aux  savants,  à  chercher  dans  les 
vieilles  religions  et  les  anciennes  traditions  populaires  tout  ce 
qui  a  été  dit  sur  le  surnaturel,  l'occulte,  le  magique,  l'incompréhen- 
sible. Ce  voyage  à  travers  les  livres  sacrés,  les  Kabales,  les  Magies, 
ne  présente  qu'un  faible  intérêt  scientifique  l. 

Dans  presque  toutes  les  religions,  les  miracles  et  les  prophéties 
ont  joué  un  grand  rôle.  De  vrais  phénomènes  métapsychiques, 
télékinésies  pour  les  miracles,  prophéties  pour  les  prémonitions, 
sont  peut-être  à  l'origine  de  certaines  croyances  religieuses.  Mais 
quel  fond  pouvons-nous  faire  sur  des  récits  datant  de  vingt  siècles, 
traosformés  par  les  légendes  successives  qu'entretenaient  des 
prêtres,  aussi  ignorants  que  crédules  ?  Quand  il  s'agit  d'un 
fait  contemporain,  étudié  dans  uu  laboratoire  par  des  savants 
expérimentés,  avec  tout  le  secours  de  la  technique  instrumentale 
moderne,  nous  hésitons  souvent  à  conclure.  Alors  comment  oser 
rien  affirmer  d'une  histoire  invraisemblable  qui  se  serait  produite 
il  y  a  deux  mille  ans  devant  trois  fanatiques  et  quatre  illuminés  ? 

1.  Un  exposé  excellent,  extrêmement  détaillé,  en  a  été  donné  par  G.  de  Vesme. 
Storia  dello  spiriiismo,  3  vol.,  Torino,  Roux  Frascati,  1896-1898.  Tr.  ail.,  Leipzig. 
1904.  Pour  la  bibliographie  on  trouvera  des  documents,  suivis  parfois  d'une  ana- 
lyse sommaire,  dans  uu  bel  ouvrage  d'AntEirr  Caillât.  Manuel  bibliographique 
des  sciences  psychiques  ou  occultes,  3  vol.,  8°,  Paris,  L.  Dorbon,  1913. 


HISTORIQUE  17 

Probablement  tout  n'est  pas  faux  ;  mais  la  séparation  du  vrai  et  du 
faux  ue  peut  pas  être  faite.  Aussi  laisserons-nous  de  côté  délibéré- 
ment tous  les  miracles  des  religions,  tous  les  prodiges  qui  out  signalé 
la  mort  de  César,  ou  celle  de  Jésus-Christ,  ou  celle  de  Mahomet. 

Pourtant  on  trouve,  dans  cette  démesurément  longue  période  de 
crédulité  et  d'ignorance,  quelques  faits  digues  d'être  mentionnés. 

C'est  d'abord  la  très  curieuse  bistoire  du  démon  de  Soorate1. 

Ainsi  que  le  disent  formellement  les  deux  disciples  illustres  de 
Socrate,/ Platon  et  Xénophon,  Socrate  prétendait  avoir  un  génie 
familier,  un  démon,  qui  lui  indiquait  l'avenir  et  parfois  lui  dictait 
sa  conduite.  Même  Socrate  pensait  que  cet  être  était  étranger  à  lui, 
différent  de  lui,  car  il  lui  révélait  des  cboses  inconnues.  Ce  démon 
fut  ce  qu'eu  langage  spirite  on  appelle  un  guide. 

Dans  le  Théagète,  Platon  fait  dire  à  Socrate  :  «  Depuis  mon 
enfance,  grâce  à  la  faveur  céleste,  je  suis  suivi  par  un  être  presque 
divin,  dont  la  voix  me  déconseille  parfois  d'entreprendre  quelque 
cbose,  mais  jamais  ne  me  pousse  à  faire  telle  ou  telle  action.  Vous 
connaissez  Charmide,  le  fils  de  Glaucon.  Un  jour  il  me  dit  qu'il 
veut  disputer  le  prix  des  jeux  néméens...  Je  cherche  à  dissuader 
Charmide  de  son  dessein,  en  lui  disant  :  Pendant  que  tu  me  parlais, 
j'ai  entendu  la  voix  divine...  Ne  va  pas  à  Némée !  Il  n'a  pas  voulu 
m'écouter  !  Eb  bien  !  vous  savez  qu'il  est  tombé  ». 

Dans  Y  Apologie  pour  Socrate,  Xénophon  lui  fait  dire  :  «  Cette  voix 
propbétique  s'est  fait  entendre  à  moi  dans  tout  le  cours  de  ma  vie  : 
elle  est  certainement  plus  authentique  que  les  présages  tirés  du 
vol  ou  des  entrailles  des  oiseaux  :  je  l'appelle  Dieu  ou  Démon 
(0s6s  vi  8ai[i.ûu).  J'ai  communiqué  à  mes  amis  les  avertissements  que 
j'en  ai  reçus,  et  jusqu'à  présent  sa  voix  ne  m'a  jamais  rien  affirmé 
qui  ait  été  inexact  ». 

C'est  là  un  point  sur  lequel  à  maintes  reprises  Socrate  a  insisté. 
Les  prédictions  de  son  génie  familier  se  sont  toujours  vérifiées. 

Dans  toute  l'antiquité,  l'histoire  du  démon  de  Socrate  était 
parfaitement  connue  en  tous  ses  détails. 

Plutarque  en  parle 2  :  «  Socrate,  ayant  un  entendement  pur  et 

1.  Le  démon  de  Socrate,  spécimen  d'une  application  de  la  science  psychologique 
à  celle  de  l'Histoire,  par  F.  Lélut,  Paris,  1836. 

i>.  Du  daemon  de  Socrate.  trad.  d'Amyot  Paris,  Gussac,  XX,  1803. 

Riohet.  —  Mélapsychique.  2 


18  MÉTAPSYCHIQCE    EN    GÉNÉRAL 

net,  était  facile  à  être  touché  par  ce  qui  l'atteignait,  et  ce  qui 
l'atteignait,  nous  pouvons  conjecturer  que  c'était,  non  une  voix 
ou  un  son,  mais  la  parole  d'un  daemon  qui  touchait  sans  voix  la 
partie  intelligente  de  son  âme.  Les  intelligences  des  daemons, 
ayants  leur  lumière,  reluysent  à  ceulx  qui  sont  susceptibles  et 
capables  de  telle  lueur,  n'ayants  besoiugny  des  noms  ni  des  verbes, 
dont  usent  les  hommes  en  parlant  les  uns  aux  autres,  par  lesquelles 
marques  ils  voient  les  images  des  intelligences  les  uns  des  autres, 
mais  les  intelligences  propres,  ils  ne  les  cognoissent  pas,  sinon 
ceulx  qui  ont  une  propre  et  divine  lumière  ». 

Socrate,  lorsqu'il  entendait  ces  voix,  s'interrompait  au  cours 
d'une  conversation,  s'arrêtant  dans  le  chemin,  et  disant,  pour 
expliquer  sa  conduite,  qu'il  venait  d'entendre  le  Dieu. 

Fr.  Myers  a  parlé  excellemment  du  démon  de  Socrate,  et,  avec 
grande  raison,  ce  semble,  il  assimile  ces  voix  entendues  par 
Socrate  aux  voix  que  dès  son  enfance  a  entendues  Jeanne  d'Arc1. 
Il  ne  trouve  d'ailleurs  qu'un  seul  exemple  authentique  de  clair- 
voyance donné  par  le  démon  de  Socrate.  Comme  le  philosophe 
causait  avec  Eutyphron,  soudain  il  s'arrête,  et  dit  à  ses  amis  de 
revenir  en  arrière.  Ils  ne  l'écouteut  pas.  Mais  mal  leur  en  prend, 
car  ils  rencontrent  uu  troupeau  de  cochous  qui  les  bousculeut  et 
les  roulent  dans  la  poussière. 

Dans  sou  traité  de  Dwinatione  Cicéron  parle  couramment  de  la 
prédiction  de  l'avenir,  comme  il  en  était  pour  Socrate,  dit-il.  Mais, 
chose  singulière,  il  ne  s'en  étonne  pas.  Sans  y  croire,  il  ne  se 
refuse  pas  à  l'admettre.  «  Je  pense,  dit-il  -,  qu'il  y  a  réellement  une 
divination,  ce  que  les  Grecs  appelaient  M-av^././,.  Si  nous  admettons 
qu'il  y  a  des  Dieux  dont  l'esprit  régit  le  monde,  que  leur  bonté 
veille  sur  le  genre  humain,  je  ne  vois  pas  pourquoi  ou  se  refuserait 
à  admettre  la  divination.  »  Il  donne,  d'après  sou  frère  Quintus, 
quelques  exemples  de  prémonition,  notamment  un  rêve  de  Quintjs 
qui  voyait  son  frère  Tullius  tomber  de  cheval  (ce  qui  était  réel). 
Tullius  lui  répond  —  et  cette  réponse  lui  paraît  satisfaisante:  — 
«  L'inquiétude  où  tu  étais  de  moi  t'a  fait  rêver  de  moi.  C'est  le 
hasard  qui  a  fait  la  simultanéité  du  rêve  et  de  l'accident  ». 

1.  Fk.  Myers.  The  daemon  of  Socrales,  P.  S.  P.  H.,  1S89,  V,  522-j47. 

2.  De  Legibus,  II,  §  32  et  33. 


HISTORIQUE  19 

Cicéron  donne  le  récit  d'un  autre  phéoomèDe  métapsychique, 
que  j'abrège '. 

Deux  amis,  étaut  arrivés  à  Mégare,  allèreut  loger  eu  deux 
maisons  différentes.  L'un  d'eux  rêve  que  son  camarade  lui  deman- 
dait secours  pour  l'empêcher  d'être  assassiné.  Il  se  réveille, 
comprend  que  ce  n'est  qu'un  rêve,  et  se  rendort.  Mais  de  nouveau 
son  ami  lui  apparaît,  et  lui  dit  :  «  Puisque  tu  n'as  pas  pu  me  sauver 
la  vie,  au  moins  faut-il  me  venger,  se  interfectum  in  plaustrum  a 
caupone  esse  conjectum,  et  supra  stercus  injection.. .  Hoc  somnio 
commotus  mane  bulbulco  praesto  ad  portam  fuisse,  quaesisse  ex  eo 
quid  esscl  in  plaustro,  illum  perterritum  f agisse,  mortuum  erutum 
esse;  cauponem,  re  patefacta,  poenas  dédisse  ».  Et  Cicéron,  sans 
s'étonner  outre  mesure  de  cette  monitiou,  ajoute  :  «  Quid  hoc  somnio 
dici  divinius  potest  ?  >■> 

Plus  loin,  il  dit  en  parlant  des  divinations,  auxquelles  il  croit 
un  peu  cependant:  «Multa  falsa,  imo  obscura,  idque  fortasse  nobis... 
facilius  etenit  appropinquante  morte,  ut  animi  fulura  augurent ur  ». 

Tacite  parle  d'une  vision  qui  apparut  à  Curtius  Rufus  !  :  oblata 
ci  species  muliebris  ultra  modum  humanum,  et  audita  estvox. 

Si  l'on  voulait  bien  chercher  dans  l'histoire,  ou  trouverait 
quantité  de  faits  d'ordre  métapsychique.  Mais  toute  conclusion 
sérieuse  est  impassible. 

Qui  donc  oserait  aujourd'hui  parler  sérieusement  de  Simon  le 
Magicien,  ou  d'ApoLLONius  de  Tvane,  voire  de  Cardan,  de  Corneille 
Agrippa  ?  Les  mages,  magiciens,  mystiques,  n'ont  rien  à  faire  avec 
la  science  contemporaine,  ni  avec  la  métapsychique  saine,  telle  que 
nous  la  comprenons  aujourd'hui. 

L'apparition  d'un  fantôme  à  Brutus  mérite  cepeudaut  d'être 
rapportée.-  La  voici  d'après  Pluïarque  3. 

«  Une  nuit,  bien  tard,  tout  le  inonde  estant  endormy  dedans  son 
camp  eu  grand  silence,  ainsi  qu'il  estoit  en  son  pavillon  avec  un 
peu  de  lumière,  il  luy  fut  advis  qu'il  ouit  entrer  quelqu'un,  et 
jettant  sa  veue  à  l'entrée  de  son  pavillon,  apperçut  une  merveilleuse 

•].  De  dicinatione,  I,  §27,  Ciceronis  Opéra,  Ed.  Amar,  XVI,  1824,  248. 

2.  Annales,  XI,  §  21. 

3.  PlutaRque,  Fies  des  hommes  iliuslres:  trad.  par  Amyot,  Paris.  lSi'2,.  IX,  Vie 
de  Bru! us,  p.  152. 


20  METAPSYCHIQUE  EN   GÉNÉRAL 

et  monstrueuse  figure  d'un  corps  étrange  et  horrible  lequel  s'alla 
présenter  devant  luy  sans  dire  mot  :  si  eut  bien  l'assurance  de  lui 
demander  qui  il  estoit,  et  s'il  estoit  dieu  ou  homme,  et  quelle 
occasion  le  menoit  là.  Le  fantosme  luy  répondit  :  «  Je  suis  ton 
^mauvais  ange,  Brutus,  et  tu  me  verras  près  la  ville  de  Philippes  ». 
Brutds,  sans  autrement  se  troubler,  lui  réplique  :  «  Et  bien,  je  t'y 
«verrai  donc  ».  Le  fantosme  incontinent  se  disparut,  et  Brutus 
appella  ses  domestiques,  qui  luy  dirent  n'avoir  ouy  voix,  ni  veu 
vision  quelconque.  » 

Les  voix  et  les  visions  de  Jeanne  d'Arc  rentrent  sans  doute  aussi 
dans  les  phénomènes  métapsychiques1.  Ses  voix  et  ses  visions 
n'étaient  perçues  que  d'elle  seule,  de  sorte  qu'il  faut  admettre 
qu'elles  étaient  subjectives.  Il  est  trop  facile  de  supposer  que 
c'étaient  des  hallucinations  simples,  car  ces  hallucinations  ont  été 
suivies  par  trop  de  faits  réels,  et  par  des  prédictions  trop  souvent 
vérifiées  pour  admettre  le  délire  d'une  aliénée.  On  ne  peut  guère 
douter  que  Jeanne  d'ARc  ait  été  inspirée. 

Tout  de  même,  comme  pour  le  fantôme  vu  par  Brutus,  comme 
pour  les  apparitions  de  Lourdes,  comme  pour  les  miracles 
d'ApoLLONius  de  Tyane  et  de  Simon  le  Magicien,  une  appréciation 
scientifique  de  ces  vieux  témoignages  est  impossible,  et  il  vaut 
mieux  admettre  comme  probable,  sans  prétendre  à  une  démonstra- 
tion quelconque,  que  Jeanne  d'Arc  avait  certains  pouvoirs  métapsy- 
chiques. Telle  est  à  peu  près  l'opinion  de  Fr.  Myers. 

11  y  aurait  quelque  profit  à  étudier  les  hagiographies,  car  souvent 
des  saints  et  des  saintes  ont  eu  manifestement  de  très  réels 
phénomènes  métapsychiques. 

L'auréole  entourant  la  tète,  la  bilocation,  l'odeur  de  sainteté, 
l'incombustibilité,  la  lévitation,  le  parler  en  langues  étrangères,  la 
prophétisation,  se  retrouvent  dans  les  vies  de  beaucoup  de  saints  : 
saint  François  d'Assise,  sainte  Thérèse,  sainte  Hélène,  saint  Alphonse 
de  Ligori,  saint  Joseph  de  Gopertino  (1603-1663). 

Je  laisse  volontairement  de  côté  l'histoire  des  stigmates,  et  en 
général  de  tous  les  phénomènes  organiques  observés  sur  les  saints  ; 
car  cette  influence  de  l'esprit,  —  c'est-à-dire  du  système  nerveux 

1.  Voy.  de  Vesme,  Storia  dello  spiritismo  (II,  290). 


HISTORIQUE  21 

central  —  sur  la  circulation  et  la  nutrition  de  telle  ou  telle  partie 
du  corps  (nerfs  tropbiques)  n'a  rien  de  métapsychique,  et  il  suffit 
de  se  référer  à  quelques-unes  des  publications  que  les  médecins 
ont  multipliées  sur  ce  sujet  '. 

J'hésite  à  nier  tous  les  faits  anciens  de  lévitation,  Gorres  n'en 
cite  pas  moins  de  72  cas.  Encore  ne  les  rapporte-t-il  pas  tous, 
dit-il.  Mais  il  est  impossible  de  savoir  le  degré  de  vérité  de  ces 
miracles.  Le  saint  qui  a  eu  les  lévitations  les  plus  fréquentes  est 
certainement  saint  Joseph  de  Copertino  (béatifié  en  1753)  (1603- 
1063).  «  Ses  saisissements  et  ses  ascensions  n'eurent  pas  seulement, 
dit  Gorres  (p.  308),  pour  témoins  le  peuple  et  les  religieux  de  son 
ordre.  Le  pape  Urbain  VIII  le  vit  un  jour  dans  cet  état,  et  il  en  fut 
hors  de  soi  d'étonnement.  Joseph,  considérant  qu'il  était  en  pré- 
sence du  vicaire  de  Jésus-Christ,  tomba  en  extase,  et  s'éleva  au- 
dessus  de  terre.  » 

Pendant  longtemps,  hier,  aujourd'hui  encore,  on  a  raillé  maintes 
crédulités,  les  lévitations  des  saints,  les  divinations  des  somnam- 
bules, les  pressentiments  de  mort  par  les  rêves,  les  guérisons 
extatiques,  les  stigmates,  les  maisons  hantées,  les  apparitions,  et 
on  a  pêle-mêle  confondu  toutes  ces  croyances  dans  un  immense 
mépris,  insoucieux  de  tout  examen. 

Il  me  paraît  que  c'est  une  grave  faute.  Tout  n'est  pas  vrai 
assurément  dans  ces  histoires  :  mais  tout  n'est  pas  faux  non  plus. 
Les  récits  étranges  que  parfois  on  nous  apporte  excitent  un  sourire 
railleur,  et  nous  sommes  tout  d'abord  portés  à  croire  qu'on 
déraisonne.  Eh  bien  !  on  ne  déraisonne  pas  ;  on  ne  ment  pas  ;  il 
n'y  a  jamais  ou  presque  jamais  de  mensonge  dans  les  récits  fantai- 
sistes qu'on  nous  [confie,  et  très  rarement  des  illusions  totales.  On 
exagère,  on  transforme,  on  arrange  les  choses,  on  oublie  des  détails 
essentiels,  on   ajoute  des  détails  imaginaires  ;  mais  toutes  ces 


1.  A.PTB  (M.),  Les  stigmatisés,  étude  historique  et  critique  sur  les  troubles  vaso- 
moleurs  chez  les  mystiques.  Th.  de  doctorat,  Paris.  1903.  —  Kohnstamm,  Hypno- 
tische  Stigmatisierung,  (Zeilsch.  /'.  d.  Ausbau  d.  Enlwicklungslehre,  1908,  II, 
314-321).  — Gorres,  La  mystique  divine,  naturelle  et  diabolique,  trad.  fr.,  Paris, 
1854,  II,  174-210.  —  Bourneville,  Science  et  Miracle,  Louise  Lateau,  ou  la  stigma- 
tisée belge,  8°,  Paris,  1875.  —  Carré  de  Muntgeron,  La  vérité  des  miracles  opérés 
par  l'intercession  du  diacre  Paris,  11,  Cologne,  1747.  —  Alfred  Maury,  La  magie 
et  l'astrologie,  Paris,  1895.  —  P.  Janet,  Bullet.  de  VJnstitul  psychologique  inter- 
national, juillet  1901.  —  A.   de  Rochas,  A.  S.  P.,  janvier  1903. 


22  •      MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

légendes  contiennent  quelque  fragment  de  vérité.  L'histoire  des 
sciences  nous  prouve  qu'il  a  fallu  bien  souvent  revenir  à  des  idées 
considérées  d'abord  comme  puériles.  L  hypnotisme,  et  surtout  le 
spiritisme,  sont  là  pour  établir  à  quel  point  les  négations,  si 
elles  s'étalent  sans  examen,  font  que  la  science,  au  lieu  d'avancer, 
se  fossilise,  quand  la  routine,  et  non  l'amour  du  progrès,  anime 
l'âme  des  savants. 

Mais  je  renvoie  au  livre  de  Gôrres,  très  complet,  naturellement 
d'une  crédulité  sans  limites,  pour  toutes  ces  légendes,  desquelles 
jamais  sans  doute  on  ne  saura  extraire  la  quantité  de  vérité  qui 
y  est  incluse1. 

Ce  qui  est  intéressant,  c'est  de  constater  que  presque  tous  les 
phénomènes  du  métapsychisme  contemporain  sont  indiqués. 

Il  est  vrai  que  la  naïveté  des  chrétiens  d'alors  n'attribue  pas  à 
Dieu  seul  et  aux  bons  anges,  et  aux  saints,  ces  pouvoirs  métapsy- 
chiques.  Le  diable  est,  lui  aussi,  capable,  quand  il  prend  possession 
d'une  malheureuse  femme,  de  bien  des  merveilles.  Il  est  presque 
aussi  puissant  que  Dieu,  et  il  communique  au  possédé  ou  à  la 
possédée  des  pouvoirs  étranges  : 

1°  Faculté  de  connaître  les  pensées,  même  non  exprimées  ; 

2°  Intelligence  des  langues  inconnues  au  possédé,  et  faculté  pour 
lui  de  les  parler  ; 

3°  Connaissance  des  événements  futurs  ; 

4°  Connaissance  de  ce  qui  se  passe  dans  les  lieux  éloignés,  ou 
situés  hors  de  la  portée  de  la  vue  ordinaire  ; 

5°  Suspension  en  l'air  (lévitation). 

Ce  sont  là  des  phénomènes  essentiellement  métapsychiques.  Il 
n'est  donc  guère  douteux  que,  pour  les  possédés  comme  pour  les 
saints,  de  tels  phénomènes  ont  dû,  çà  et  là,  se  manifester  de  tout 
temps. 

Même  on  trouve  dans  l'antiquité  mentionnées  les  tables  tour- 
nantes divinatoires  (Mensae  divinatoriœ) .  Tertullien  parle  des 
chaînes  et  des  tables  qui  prophétisent,  et  il  ajoute  que  c'est  un  fait 

1.  J'ai  essayé  d'analyser  un  phénomène  ancien  de  possession  fort  curieux, 
à  Presbourg  en  1641.  mais  on  ne  peut  en  rien  déduire  (Phénomènes  métapsychi- 
ques d'autrefois,  A.  S.  P.,  1905,  197-217;  413-421). 


HISTORIQUE  23 

vulgaire1.  D'après  Ammien  Maucellin,  on  avait  construit  uue  table, 
sur  laquelle  était  posé  un  plateau,  portant  gravées  les  vingt-quatre 
lettres  de  l'alphabet.  Un  anneau  suspendu  par  un  fil  était  tenu  par 
un  des  assistants,  et  se  balançait  au-dessus  des  lettres.  Ou  inscri- 
vait la  lettre  à  laquelle  il  s'arrêtait,  et  on  avait  ainsi  une  consul- 
tation divinatoire. 

2°  Période  magnétique  '. 

Avec  Mesmer,  tout  change  :  Mesmer  a  été  l'initiateur  du  magné- 
tisme animal,  qui,  sans  pouvoir  être  confondu  avec  le  métapsy- 
ehisme,  lui  est  cepeudant  étroitement  uni. 

En  1766,  Antoine  Frédéric  Mesmer  (1733-1815)  fait  paraître  à 
Vieune,  pour  thèse  inaugurale  de  doctorat  en  médecine,  une  étude 
sur  l'inlluence  physiologique  des  planètes".  Pendant  dix  ans,  de  1766 
à  1776,  il  étudie,  réfléchit,  analyse,  essayantde  réunir  l'astronomie 
à  la  médecine,  et  cherchant  activement  le  bruit  et  la  publicité.  En 
1778,  il  arrive  à  Paris,  et  l'année  suivante  publie  son  premier 
ouvrage  dogmatique  *. 

Tout  de  suite  on  comprit  qu'il  s'agissait  là  de  faits  nouveaux  et 
extraordinaires.  La  vogue  s'eu  mêla.  La  Société  royale  de  Médecine, 
l'Académie  des  sciences  et  la  Faculté  intervinrent.  11  fut  prouvé  que 
par  les  méthodes  de  Mesmer  un  certain  état  psycho-physiologique 
était  provoqué,  qui  pouvait  parfois  être  efficace  dans  la  guérisou 
des  maladies. 

La  doctrine  nouvelle  conquit  tout  de  suite  de  nombreux  adeptes, 
médecins,  magistrats,  gentilshommes,  savants.  Bientôt  le  magné- 
tisme animal   fut  couramment  pratiqué.  Ce  fut  surtout  grâce  à 

1.  Voy.  Figuier,  Histoire  du  merveilleux,  Paris,  187;>,  I,  18. 

2.  Sur  l'œuvre  de  Mesmer  et  les  origines  du  magnétisme,  voir  surtout  l'ar- 
ticle remarquable  de  J.  Ociiorowicz.  Hypnotisme,  in  Dict.  de  Physiologie,  de  Ch. 
Richet,  Paris,  190'.).  Vlll.  700-777.  —  K.  Kiesewetter,  Geschichte  des  neueren 
Occullismus  ;  geheimwissenschaf'tliche  Système  von  Agrippa  bis  Karl  du  Prel., 
1»  édit.,  Leipzig,  1007.  Quant  à  la  bibliographie  du  magnétisme  ariimal  et  de 
l'hypnotisme,  on  la  trouvera  dans  le  livre  de  M.  Dessoir. 

3.  Diss.  pliysicv-medica  de  planetarum  influxu.  4S  p.,  16°,  Vindobonae,  Ghelen, 
1766. 

4.  Mémoire  sur  la  découverte  du  magnétisme  animal,  Sa  p.,  12°,  Genève  et 
Paris.  P. -F.  Didot,  177'J.  —  Voir  aussi  Mémoire  sur  la  découverte  du  magnétisme 
animal.  46S  p.,  8°.  Paris.  1799.  —  Ochobowicz  a  rendu  pleine  justice  à  Mesmer, 
qui  l'ut  vraiment  un  précurseur. 


24  MKTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

de  Puységur,  lequel,  modifiant  les  méthodes  de  Mesmer,  a  vraiment 
créé  (avec  d'EsLON,  et  avec  le  naturaliste  Deleuze,  bibliothécaire  de 
la  Bibliothèque  du  Jardin  des  Plantes),  le  magnétisme  animal  (som- 
nambulisme provoqué)  tel  que  nous  le  connaissons  aujourd'hui l. 
Mesmer,  en  adoptant  le  mot  magnétisme,  voulait  seulement  dire 
action  à  distance,  comme  jadis  Paragelse  ou  Goglenius,  quand  ils 
parlaient  de  l'action  magnétique  des  astres  ou  des  substances.  C'est 
dans  ce  sens  que  Mesmer  est  plus  métapsychiste  que  ne  l'ont  été  ses 
successeurs  immédiats. 

Avec  de  Puységur,  d'EsLON,  Deleuze,  la  magnétisation  devint  sur- 
tout un  pocédé  thé  rapeutique.  Pourtant,  de-ci  delà,  des  faits  méta- 
psychiques,  l'action  à  distance,  la  vision  à  travers  les  corps  opa- 
ques, la  clairvoyance  (ou  lucidité),  furent  observées.  Mais  —  ce 
qui  est  assez  singulier  —  presque  tout  l'effort  des  magnétiseurs 
s'est  concentré  sur  la  diagnose  et  la  thérapeutique  des  maladies2. 
Pététin,  médecin  de  Lyon,  a  cité  divers  faits  de  cryptesthésie 
qu'il  explique  d'une  manière  naïve  par  une  sensibilité  spéciale  de 
l'épigastre.  Une  de  ses  malades,  cataleptique,  quand  on  lui  mettait 
une  carte  sur  l'estomac,  reconnaissait  cette  carte.  Pététin  est  un 
des  magnétiseurs  du  temps  passé  qui  ont,  avec  le  plus  de  soin,  étu- 
dié les  phénomènes  psychologiques,  ou  pour  mieux  dire,  métapsy- 
chiques,  qui  accompagnent  si  souvent  l'hypnose. 

Le  baron  Du  Potet,  et  Husson,  médecin  de  l'Hôtel-Dieu  et  membre 
de  l'Académie  de  Médecine,  firent  en  1825  des  expériences  retentis- 
santes sur  le  somnambulisme  provoqué  à  distance  3.  Un  rapport 
mémorable,  présenté  à  l'Académie  de  Médecine  de  Paris,  parut  en 
1833  (Husson,  rapporteur). 

Parmi  les  conclusions  qui  furent  adoptées,  je  signalerai  les 
suivantes,  qui  sembleront  téméraires,  même  aujourd'hui  : 

1.  Maxime  de  Puységuu,  Rapport  des  cures  opérées  à  Bayonne  par  le  magnétisme 
animal,  adressé  à  M.  Vabbé  de  Poulouzat,  conseiller  clerc  au  Parlement  de  Bor- 
deaux, Bayonne,  1784.  Mémoires  pour  servir  à  l'établissement  du  magnétisme  ani- 
mal, Paris,  8°,  1820.  —  Deleuze.  Histoire  critique  du  magnétisme  animal,  lre  édi- 
tion, 1813.  —  Pététin,  Electricité  animale,  mémoires  sur  la  catalepsie.  —  Foissac, 
Rapport  et  discussio?is  sur  le  magnétisme  animal,  Paris,  1825.  —  Deleuze,  Instruc- 
tion pratique  sur  le  magnétisme  animal,  dern.  éd.,  Paris,  1853. 

2.  Pourtant  il  y  a  un  ouvrage  posthume  de  Deleuze,  Mémoire  sur  la  faculté 
de  prévision,  avec  des  noies  de  M.  Miellé,  Paris,  1834. 

3.  Rapports  et  discussions  de  i Académie  royale  de  Médecine  sur  le  magnétisme 
animal,  8°,  Paris,  1833. 


HISTORIQUE  25 

«  La  volonté,  la  fixité  du  regard,  out  suffi  pour  produire  les  phé- 
nomènes magnétiques,  même  à  l'insu  des  magnétisés. 

«L'état  de  somnambulisme  peut  donner  lieu  au  développement 
de  facultés  nouvelles  désignées  sous  le  nom  de  clairvoyance,  d'in- 
tuition, de  prévision  intérieure. 

«  Par  la  volonté,  on  peut  non  seulement  agir  sur  le  magnétisé, 
mais  encore  le  mettre  complètement  en  somnambulisme,  et  l'en 
faire  sortir  à  son  insu,  hors  de  sa  vue,  à  une  certaine  distance  et  au 
travers  des  portes  fermées. 

«  Nous  avons  vu  deux  somnambules  distinguer,  les  yeux  fermés, 
les  objets  que  l'on  a  placés  devant  eux  :  ils  ont  désigné,  sans  les 
toucher,  la  couleur  et  la  valeur  des  cartes,  ils  ont  lu  des  mots  tra- 
cés à  la  main,  ou  quelques  lignes  de  livres  que  l'on  a  ouverts  au 
hasard.  Ce  phénomène  a  lieu  alors  même  qu'avec  les  doigts  on  fer- 
mait exactement  l'ouverture  des  paupières.  » 

Malgré  ces  affirmations,  le  scepticisme  des  savants  officiels 
triompha.  Le  rapport  de  Husson  fut  combattu,  puis  oublié,  et  les 
phénomènes  métapsychiques,  dont  les  romanciers  s'emparèrent, 
furent  niés  ou  plutôt  dédaignés  par  les  hommes  de  science. 

En  Allemagne,  il  y  eut  une  observation  remarquable,  celle  de 
Federica  Hauff,  que  Justus  Kerner,  médecin  et  poète,  a  pendant 
longtemps  étudiée,  avec  une  prédilection  justifiée  par  les  facultés 
extraordinaires  de  ce  médium  remarquable1. 

Il  n'est  pas  douteux  que  Federica  Hauff  n'ait  été  une  puissante 
médium.  Elle  voyait  des  esprits,  et  même  elle  pouvait  provoquer 
des  matérialisations.  «  Un  jour,  dit  Kerner,  pendant  que  je  conver- 
sais avec  son  frère,  il  me  dit  :  Silence  !  Voici  un  esprit  qui  traverse  la 
chambre  et  qui  va  vers  ma  sœur.  Alors  je  vois  près  du  lit  de  Federica 
Hauff  une  forme  indécise,  comme  une  colonne  lumineuse,  ayant 
la  taille  d'un  être  humain  qui  est  au  pied  du  lit  de  la  voyante,  et 
qui  lui  parle  à  voix  basse.  » 

Autour  d'elle  on  entendait  des  coups  frappés  spontanément, 

1.  Die  Seherin  von  Prevorst,  Erôffnungen  iiber  das  innere  Leben  d.  Menschen 
und  iiber  das  Hereinragen  einer  Geisterwelt  in  die  unsere,  Stuttgart,  1829, 
t"  édit.,  Stuttgart.  1877.  Die  Seherin  von  Prevorst  und  ihre  Geschichte  in  der  Geis- 
terwelt, nach  Just.  Kerner,  von  einem  ihrer  Zeitgenossen,  Stuttgart,  1869.  — 
A.  Reinhard,  Justinus  Kerner  und  das  Kerner  haus,  zu  Weinberg,  Tubingen,  1886. 
—  J.  Kerner,  Blâtter  aus  Prevorst  Originalien  und  Lesefrilchte  fur  Freunde  des 
innern  Lebens,  Stuttgart,  1831-15539. 


■2>'>  MÉTAPSYCHIQOE    EN    GÉNÉRAL 

même  elle  pouvait  les  provoquer  dans  les  objets  voisins,  sur  des 
tables,  sur  le  bois  de  sou  lit.  Les  objets  pouvaient  se  mouvoir  sans 
contact,  et  il  est  probable  qu'elle  parlait  des  langues  inconnues. 
Elle  a  eu  des  phénomènes  de  lévitation. 

C'est  pendant  trois  ans  seulement,  de  1826  à  1829,  qu'elle  a  pu 
donner  ces  remarquables  phénomènes.  Pendant  ces  trois  années, 
elle  était  très  malade  et  ne  pouvait  presque  plus  quitter  son  lit. 
Tous  ceux  qui,  au  lieu  de  railler,  ont  étudié  Fedèrica  Hauff,  ont  été 
convaincus,  non  seulement  de  sa  boune  foi,  mais  encore  de  ses 
phénomènes  métapsychiques  (on  disait  alors  surnaturels)  ;  par 
exemple  le  magistrat  Pfaffer  et  Strauss,  le  célèbre  auteur  de  la 
Vie  de  Jésus. 

A  cette  époque  aussi  en  Allemagne  paraissaient  les  travaux  de 
Reichenbacii.  Son  œuvre  est  d'ailleurs  plutôt  un  chapitre  (bien 
obscur)  de  physiologie  que  de  métapsychique  ;  car  l'actiou  de 
l'aimant  sur  les  organismes  ne  peut  se  confondre  avec  la  cryp- 
testhésie  ou  la  télékiuésie.  Les  travaux  de  Reichenbach  ont  été 
malheureusement  bien  moins  étudiés  que  contestés1. 

Ce  qui  se  rapporte  tout  à  l'ait  à  la  métapsychique,  ce  sont  les  obser- 
vations de  lucidité  que  donnèrent,  surtout  en  France,  des  somnam- 
bules lucides,  comme  Mad.  Pigeâire  et  Alexis  Didier.  Cependant, 
de  1830  à  1870,  les  savants  et  les  médecins,  sauf  de  rarissimes  excep- 
tions, ne  s'occupèrent  du  somnambulisme  que  pour  le  combattre. 
Et  on  comprend  assez  bien  leur  état  d'âme.  Profitant  de  la  soi-disant 
vertu  thérapeutique  du  magnétisme,  de  nombreux  cabinets  de 
somnambules  consultantes,  lucides  ou  extra-lucides,  s'établirent 
partout,  en  France  comme  à  l'étranger,  dans  toutes  les  grandes  et 
petites  villes.  Il  y  eut  des  somnambules  dans  tous  les  champs  de 
foire.  Cela  deviut  une  profession,  et  de  moralité  problématique.  Les 
somnambules  tiraient  les  cartes,  ou  devinaient  l'avenir  dans  le  marc 
de  café,  ou  faisaient  de  la  chiromancie.  Le  public  crédule  allait  leur 
rendre  visite,  et  les  savants  haussaient  les  épaules.  Au  milieu  de 
tout  ce  fatras,  la  clairvoyance  de  certaines  somnambules,  comme 
Mad.  Lenormand,  Mad.  Pigeâire  et  Alexis,  disparaissait  et  devenait 


t.  A.  de  Roi:h\s  les  a  partiellement  publiées  en  français,  avec  îles  additions 
inléressantes. 


HISTORIQUE  27 

quantité  négligeable.  Pourtant  il  y  eut  alors  quelques  ouvrages 
sérieux  l. 

3°  Période  spiritique. 

En  1847,  un  événement  survint,  insignifiant  en  apparence,  en 
réalité  d'une  importance  considérable,  qui  introduisit  dans  le 
monde  des  faits  imprévus  et  des  doctrines  aussi  imprévues  que  les 
faits. 

Le  magnétisme  animal,  à  force  de  n'être  plus  qu'une  douteuse 
thérapeutique,  ne  faisait  pas  de  progrès.  Le  spiritisme,  apportant 
de  nouvelles  pratiques  et  de  nouvelles  théories,  constitua  une  ère 
nouvelle  :  c'est  la  troisième  période,  (spiritique),  des  sciences  méta- 
psychiques,  qui  va  de  1847  à  1874. 

En  1846,  dans  la  petite  ville  d'Hydesville  (Arcadie),  près  de  New- 
York),  un  certain  Michel  Weakman  entend  un  bruit  insolite  au 
dehors.  Il  sort,  ne  voit  rien.  Mais  comme  les  bruits  se  renouvellent 
et  l'importunent,  il  quitta  Hydesville.  Sa  maison  fut  occupée  par 
un  sieur  John  Fox  qui  vint  là  avec  ses  deux  filles,  Catherine  et 
Marguerite,  âgées  de  douze  et  quatorze  ans.  Une  nuit,  en  se  met- 
tant au  lit,  Catherine  et  Marguerite  entendirent  des  coups,  des  chocs, 
(raps)  et  elles  constatèrent  (déc.  1847,  mars  1848),  que  ces  coups 
étaient  intelligents  2. 

Bientôt  les  phénomènes  se  développèrent  :  diverses  personnes 
constatèrent  que  ces  raps  intelligents  témoignaient  quelque  con- 

1 .  Du  Potet,  Essai  sur  renseignement  philosophique  du  magnétisme,  8°,  Paris. 
1845.  —  La  Fontaine,  L'art  de  magnétiser  ou  le  magnétisme  vital  considéré  sous 
le  point  de  vue  théorique,  pratique  et  thérapeutique,  Paris,  1847,  58  édit.,  1887. 

—  Bertrand  A.,  Du  magnétisme  animal  en  France,  suivi  de  considérations  sur 
l'apparition  de  l'extase  dans  les  traitements  magnétiques,  Paris,  1826.  —  Teste, 
Manuel  pratique  du  magnétisme  animal,  12°,  Paris,  1840.  —  Ellîotson,  Animal 
magne tism.  Lancet,  1837.  1838,  p.  122,  282,  377,  400,  441,  516,  546,  585,  615,  634. 

—  Esdaille,  Reports  of  the  magnetic  Ilospital,  Calcutta,  1848,  761.  —  Passavant, 
Untersucliungen  uberden  Lebenmagnetismus  und  das  Hellsehen,2*  édit.,  Franck- 
fuit,  A.  M,  1837. 

De  nombreux  journaux  ont  paru,  qui.  en  général,  ont  eu  une  existent  e  éphé- 
mère. D'autres,  au  contraire,  ont  vécu  longtemps.  Le  Journal  du  Magnétisme 
édité  par  Du  Potet,  1845-1885.  —  The  Zoist,  journal  of  cérébral  physiology  and 
mesmerism  and  their  application  to  human  welfare  (Londres.  II.  Baillière,  1843- 
1853).  —  Archiv  fur  den  thierischen  Magne tismus,  Altenburg  et  Leipzig,  1817- 
1822.  On  pourrait  en  citer  bien  davantage. 

2.  Explanation  and  history  of  the  mysterious  communion  with  spirits  in  wes- 
tern New-York  (New-York,  Foxler,  and  Wels,  1850)  ;  London,  1853.  —  E.  Capron, 
Modem  spiritualism,  ils  facts  and  Fanaticism  (Boston,  1855;. 


28  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAI. 

naissance  de  faits  tenus  secrets.  La  famille  Fox,  en  août  1848,  quitta 
Hydesville,  pour  aller  à  Rochester.  Léa  Fish,  sœur  aînée  de  Cathe- 
rine et  de  Marguerite,  se  joignit  à  ses  deux  sœurs  pour  les  manifes- 
tations spiritiques. 

Ou  imagina  (Isaac  Post)  de  construire  un  alphabet  et  de  conver- 
ser par  le  moyen  de  cet  alphabet  avec  les  forces  inconnues,  qui  se 
disaient  des  esprits. 

Pour  contrôler  sérieusement  les  faits  annoncés  par  les  sœurs  Fox, 
et  qui  attiraieut  une  assistance  chaque  jour  plus  nombreuse,  il  y 
eut  des  réunions  parfois  tumultueuses,  parfois  enthousiastes.  La 
première  enquête  scientifique  paraît  dater  de  juin  1852  à  Saint- 
Louis  (Missouri).  Elle  semble  avoir  été  favorable.  Et  cependant  la 
famille  Fox  n'était  rien  moins  que  désintéressée.  Les  expériences 
étaient  payantes,  et  des  représentations  publiques  étaient  données, 
où  on  payait  sa  place  comme  à  un  cirque. 

Tous  ces  débuts  du  spiritisme,  le  hasard  d'abord,  puis  un  mer- 
cantilisme éhonté,  sont  en  somme  assez  misérables  *. 

Mais  l'impulsion  était  donnée.  En  Amérique,  puis  bientôt  en 
Europe,  la  pratique  des  tables  tournantes  et  la  doctrine  du  spiri- 
tisme firent  en  trois  ans  d'extraordinaires  progrès.  Comme  en 
1780  pour  le  magnétisme  animal,  l'engouement  fut  extraordinaire 
pour  les  tables  tournantes  en  1850,  et  il  est  assez  puéril  de  ne  voir 
là  que  l'effet  d'une  colossale  et  collective  illusion. 

D'ailleurs  à  la  crédulité  fanatique  d'une  masse  aveugle  et  igno- 
rante, et  à  la  dénégation  railleuse  d'une  masse  tout  aussi  ignorante 
et  tout  aussi  aveugle,  venaient  se  mêler  des  opinions  réfléchies  et 
des  convictions  raisonnées.  Il  fut  prouvé  bientôt  que  les  phéno- 
mènes de  raps  et  de  télékinésie  pouvaient  être  observés  avec 
d'autres  médiums  que  les  sœurs  Fox  -. 

1.  Il  y  eut  quelque  chose  d'analogue  pour  l'admirable  découverte,  faite  aussi  en 
Amérique,  de  l'anesthésie  chirurgicale.  Elle  est  due  au  hasard,  et  tout  de  suite 
Horace  Wells  et  Morton  ont  songé  à  prendre  un  brevet  et  à  tirer  profit  de  cette 
invention.  Mais  cette  âpreté  au  gain  ne  change  rien  à  la  réalité  des  choses.  0.  et 
W.  Wright  n'ont  pas  davantage  négligé  de  prendre  un  brevet  pour  leur  ma- 
chine volante.  La  grandeur  de  leur  découverte  n'en  est  guère  diminuée. 

2.  Une  singulière  aventure  s'est  produite.  Marguerite  Fox,  devenue  Mad.  Kane, 
a  imaginé  en  1888,  pour  en  tirer  quelque  profit,  qu'elle  avait  trompé  jadis,  et 
que  tous  ses  récits  d'enfant  et  de  jeune  iiile  n'étaient  qu'impostures. 

La  séance  où  elle  prononça  cette  étonnants  déclaration  fut  tumultueuse,  et 
indigna  toute  l'assistance  (Académie  musicale  de  Boston).  L'autre  sœur,  Catherine, 


HISTORIQUE  29 

Parmi  les  adhésions,  nulle  n'exerça  d'influence  plus  puissante 
que  celle  du  juge  Edmunds,  sénateur,  homme  considéré  dans  tous 
les  États-Unis,  tant  pour  sa  probité  que  pour  sa  sagacité. 

Les  médiums  sont  le  plus  souvent  d'une  telle  instabilité  mentale 
que  leurs  affirmations,  positives  ou  négatives,  n'ont  pas  grande 
valeur.  Que  plus  tard,  après  le  prodigieux  essor  du  spiritisme,  con- 
sécutif à  leurs  premières  expériences,  les  sœurs  Fox  aient  simulé, 
triché,  c'est  possible,  c'est  probable,  c'est  presque  certain.  Nous 
avons  de  nombreux  exemples  de  médiums  très  puissants,  qui  ont  eu 
d'abord  des  phénomèuesauthentiques,  maisqui,plus  tard,  par  cupi- 
dité, ou  par  vanité,  voyant  que  leur  pouvoir  médianimique  décrois- 
sait, ont  essayé  de  le  remplacer  par  la  fraude.  Il  est  difficile  d'ad- 
mettre que  le  phénomène  des  raps,  qui  est  certainement  vrai,  ait 
été  inventé  de  toutes  pièces  par  les  sœurs  Fox,  sans  avoir  aucune 
réalité.  Avant  1847,  on  ne  savait  rien  des  coups  frappés  et  des  raps1. 
Arrivent  les   sœurs  Fox,  deux  petites  filles,  qui   en  donnent  des 
exemples  mémorables  et  éclatants.  Alors,  de  toutes  parts,  ce  même 
phénomène  est  authentiquement  constaté,  et  après  que  les  exemples 
se  sont  multipliés,  les  sœurs  Fox  prétendent  qu'elles  ont  menti!  Il 
est  probable  que  c'est  cette  dénégation  qui  est  un  mensonge.  Elles 
ont  essayé,  voyant  la  faveur  et  l'argent  du  public  s'éloigner  d'elles, 
d'appeler  de  nouveau,  par  un  démenti,  l'attention  du  public  sur 
leurs  chétives  personnes. 

Or,  en  1847,  Marguerite  Fox  avait  quinze  ans  ;  Kate,  douze  ans. 
Peut-on  admettre  que  ces  deux  enfants  aient  machiné  une  fraude 

devenue  Mad.  Joncken,  puis  Mad.  Sparr.  adonnée  d'ailleurs  à  l'alcool,  fît  la 
même  déposition  en  novembre  1888  à  Rochester.  Mais,  en  1892,  Marguerite  et 
Catherine,  revenant  sur  leurs  soi-disant  confessions,  les  rétractèrent.  Ces  faits 
lamentables  ne  prouvent  rien,  sinon  la  fragilité  mentale  des  médiums. 

Au  demeurant,  quand  on  a  aftirmé  un  fait,  il  ne  suffit  pas  de  dire  plus  tard 
qu'on  a  menti,  il  faut  encore  indiquer  comment  on  a  pu  mentir  et  tromper. 

Un  sieur  Blackman  a  raconté  qu'il  avait,  par  d'habiles  subterfuges,  de  concert 
avec  G.-A.  Smith,  trompé  longuement  Gurney,  Myers,  Podmore,  IL  Sidgwick  et 
Barrett  {Confessions  of  a  lelepathist,  J.  S.  P.  R.,  octobre  1911,  116).  Mais  dans 
cette  soi-disant  révélation  il  a  certainement  menti.  Je  crois  bien  qu'aussi  Marthe 
Béraud,  une  fois,  à  un  certain  avocat  d'Alger,  jadis,  a  raconté  qu'elle  avait  simulé 
à  la  villa  Carmen;  mais  elle  l'a  nié  plus  tard,  et  l'affirmation  de  cet  individu  n'est 
guère  valable.  Il  y  aurait  un  petit  chapitre  assez  curieux  à  écrire  sur  les  pseudo- 
confessions des  médiums. 

1.  Cependant,  d'après  J.  Maxwell  (Les  sciences  psychiques,  Revue  de  Paris, 
1«  mars  1921)  l'évêque  Adrien  de  Montalembert  aurait  en  1526  constaté  le  phé- 
nomène des  coups  chez  uno  religieuse  de  Lyon. 


30  MÉTAPSYCHÎQUE    EN    GÉNÉRAL 

qui  a  fait  l'objet  de  milliers  de  coustatatious  pendant  trois  quarts 
de  siècle"?  La  réalité  des  râps  ne  dépend  plus  des  sœurs  Fox. 
En  1888,  il  était  trop  tard  pour  se  dédire,  et  leur  palinodie  ne 
prouve  rien1. 

Tl  est  déplorable  de  penser  que,  dès  Tannée  1849,  la  famille  Fox 
donnait  déjà  des  séances  payantes  pour  des  expériences  théâtrales 
de  spiritisme.  Cela  ne  diminue  pas  la  vérité  des  phénomènes,  plus 
que  les  brevets  pris  par  Wells  et  Morton  pour  l'emploi  de  l'éther 
ne  contredisent  la  réalité  de  Tanesthésie2. 

On  ne  peut  suivre  ici  le  développement  rapide  du  spiritisme. 
En  1852,  une  pétition  portant  14.000  signatures  était  présentée  au 
Sénat  des  Etats-Unis,  demandant  qu'une  commission  scientifique 
fût  nommée  pour  l'étude  de  toutes  les  questions  se  référant  au 
spiritisme. 

Et  déjà  c'était  comme  une  religion  nouvelle.  Les  cercles  spirites, 
les  journaux  spirites  se  multipliaient. 

Parmi  les  premiers  adeptes,  à  côté  d'EDuuNDs3,  il  faut  citer,  en 
Amérique,  le  professeur  Britton,  David  Wells,  Byrant,  Bliss,  pro- 
fesseurs à  l'Université  de  Pensylvanie,  et  surtout  le  D'  Robert  Hare, 
professeur  de  chimie  à  Harvard  Collège4,  qui  fut  converti  après 
avoir  été  incrédule. 

En  Europe,  le  spiritisme  se  développa  très  vite5.  Et  bien  entendu 
ce  ne  fut  pas  sans  provoquer  de  vives  réactions. 

1.  Les  expériences  faites  par  àksàk'off  et  Boutleroff  avec  Rate  Fox,  assez  peu 
intéressantes  d'ailleurs,  sont  rapportées  plus  loin  (.4.  S.  P.,  1901,  XI,  192). 

2.  Pour  plus  de  détails  dans  l'histoire  du  spiritisme,  on  consultera  E.  Morsellt, 
qui  donne  des  renseignements  abondants  et  précis  {Psicologia  e  spirilismo,  Torino, 
1908,  I,  12-27). 

3.  Ses  écrits,  en  collaboration  avec  Talmadge,  ancien  gouverneur  du  Viscon- 
sin,  et  le  Or  Dexter,  sont  publiés  sous  lu  titre  :  Spirilualist  tracts  (New-York, 
1858-1860)' 

4.  Hare.  Expérimental  investigations  of  the  spiril  manifestations  démons Lrating 
the  existence  of  spirits,  and  tlieir  communications  wilh  mortals,  Philadelphie, 
\$a&.  —  MA.iL\$,Modemmysteries  explained  andexposed,  Boston,  1855  (University). 

5.  Voyez  de  Mirville,  Pneumalologie  des  esprits  et  de  leurs  manifestations 
diverses  (fluidiques,  historiques,  etc.),  Paris,  1"  édit.,  1853,  5«  édit.,  a  vol..  Paris, 
1863-lSGi.  —  Gasparin  (A.  de),  Des  tables  tournantes,  du  surnaturel  en  géné- 
ral, etc.,  Paris,  1854.  —  Thiéky  (2),  Les  tables  tournantes  considérées  au  point  de 
vue  de  la  physique  générale,  Genève,  Kessniann,  1855.  —  Hornung  (E.),  Spirituel- 
listische  Mittheilungen  aus  der  Geislerwelt,  Berlin,  1859  etl8G2.  —  Kiesewetter  (C), 
Die  Entwickelungsgeschichte  des  Spiritismus  von  der  Vrzeit  bis  zur  Gegenivart, 
Leipzig,  Spohr,  1893.  —  Leymarie,  Histoire  du  spiritisme,  compte  rendu  du  con- 
grès spirite  de  1880,  Paris,  librairie  spirite,  1890,  p.  3-45.  —  Malgras,  Les  pionniers 
du  spiritisme,  Paris,  Lib.  des  sciences  psychologiques,  1906. 


HISTORIQUE  31 

Les  savants  notamment  se  refusèrent  à  admettre  l'authenticité 
des  phénomènes,  et,  pour  expliquer  le  fait  incontestable  des  tables 
tournantes  et  des  raps,  ils  ont  imaginé  des  hypothèses  assez  com- 
pliquées, et  des  explications  parfois  très  exactes,  parfois  très  sub- 
tilement erronées. 

A  cette  époque,  en  ellet,  c'est-à-dire  vers  1854,  ou  ignorait  à  peu 
près  complètement  le  phénomène  des  mouvements  inconscients 
assez  bien  connus  aujourd'hui.  C'est  Caiivurcur,  qui  a  eu  le  grand 
mérite  de  les  expliquer  et  d'eu  donner  une  interprétation  ingé- 
nieuse, rationnelle1.  Celte  théorie  de  Chevreul  fut  appuyée  par 
Babixet2,  Faraday8,  Carpentkr,  et  en  général  par  tous  les  physio- 
logistes et  les  physiciens. 

De  fait  l'étude  des  tables  tournantes  est  une  des  plus  difficiles  de 
la  métapsychique  objective  ;  car  rien  n'est  plus  malaisé  que  de 
déterminer  la  part  de  l'inconscient  dans  les  mouvemeuts  oscilla- 
toires de  la  table.  La  bonne  foi  des  assistants  n'est  pas  douteuse, 
mais  évidemment  ils  ne  peuvent  être  ni  conscients  ni  responsa- 
bles de  coutractions  musculaires  inconscientes  et  involontaires. 
Aussi  la  preuve  qu'il  y  a  mouvement  de  la  table  sans  contraction 
musculaire  ne  put-elle  être  alors  faite  d'une  manière  rigoureuse. 

De  même  pour  les  raps.  Un  physiologiste  émiuent,  M.  Schiff,  fit 
sur  lui-même  une  expérience  singulière.  Il  prouva  qu'en  déplaçant 
par  une  contraction  musculaire  le  tendon  du  muscle  péronier  laté- 
ral il  pouvait  faire  entendre  un  craquement,  tout  à  fait  compa- 
rable aux  raps  que  produisent  les  soi-disant  esprits.  Cette  explica- 
tion enfantine,  qui  fait  aujourd'hui  sourire,  trouva  bon  accueil 
auprès  des  savants  d'alors,  qui  n'avaient  probablement  pas  entendu 
les  raps  qui  font  vibrer  le  bois  d'une  table,  bruits  parfois  retentis- 
sants, parfois  rythmés  musicalement,  alors  que  les  craquements 

1.  Chevi>eul,  De  la,  baguette  icoire,  du  pendule  explorateur,  et  des  tables 
tournantes.  Paris,  18-34. 

2.  Babinet,  Etudes  et  lectures  sur  les  sciences  d'observation,  Paris,  1856.  —  Car- 
I'K.nter,  Principles  of  mental  physiology  et  psychological  curiosities  of  spiritua- 
lism  (Pop.  se.  Monlkly,  1877,  III,  128.  —  Faraday,  The  table  turning  delusion. 
Lance t,  1So3.  —  Cumbf.iu.and,  Fraudaient  aspects  of  spirituulism,  Journ.  of 
mental  science,  1881,  XXVII,  280-628.  —  Moiun  (M. -S.),  Le  magnétisme  et  les 
sciences  occultes,  Paris,  185u. 

3.  Voir  sur  les  travaux  de  Faraday  le  réc.pnt  article  de  Fr.  Grûxewald,  Faraday 
ùberd.  Tischrticken.  Paych.  Stud;,  1920,  XLVIT,  toi,  298,293 


32  MÈTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

du  tendon  du  péronier,  si  tant  est  que  d'autres  personnes  que  l'il- 
lustre physiologiste  de  Florence  puissent  les  produire,  n'ont  rien 
de  commun  avec  les  vibrations  du  bois.  Les  assertions  de  M.  Schiff 
avaient  été  précédées  par  celles  de  A.  Flint,  autre  distingué  phy- 
siologiste, qui,  après  avoir  étudié  les  sœurs  Fox,  attribuait  aux 
craquements  du  genou  les  raps  produits1. 

A  ces  objections  d'ordre  expérimental,  assez  pauvres  d'ailleurs, 
les  spirites  répondirent  mal.  Ils  eussent  dû  sans  doute,  comme  il 
fut  fait  plus  tard,  répondre  par  des  expériences,  mais  ce  fut  par 
des  théories  et  par  l'essai  d'une  religion  nouvelle. 

C'est  surtout  à  M.  H.  Rivail,  docteur  en  médecine  (1803-1869), 
à  peine  connu  sous  ce  nom  de  Rivail,  célèbre  sous  le  pseudo- 
nyme de  Allan  Kardec,  que  fut  due  cette  théorisatiou  du  spiri- 
tisme2. 

La  théorie  spirite  d'AnAN  Kardec  est  assez  simple.  11  n'y  a  pas 
mort  pour  lame.  Après  la  mort,  l'âme  devient  un  esprit,  qui 
essaye  de  se  manifester  par  le  moyeu  de  certains  êtres  privilé- 
giés, qui  sont  les  médiums,  capables  de  recevoir  les  ordres  et  les 
impulsions  des  esprits.  V esprit  cherche  à  se  réincarner,  c'est-à-dire 
à  revivre  sous  la  forme  d'un  être  humain  dont  il  est  l'âme.  Tous 
les  êtres  humains,  comme  le  pensait  déjà  Pythagore,  passent  par 
des  phases  successives  migratoires.  Leur  périsprit  peut,  dans  cer- 
taines circonstances  exceptionnelles,  se  matérialiser.  Les  esprits 
connaissent  le  passé,  le  présent  et  l'avenir.  Parfois  ils  se  matéria- 
lisent, et  ont  le  pouvoir  d'agir  sur  la  matière.  Nous  sommes 
entourés  d'esprits.  Au  point  de  vue  moral,  on  doit  se  laisser  guider 
par  les  bons  esprits,  qui  nous  dirigent  vers  le  bien,  et  ne  pas 
écouter  les  mauvais  esprits  qui  nous  induisent  en  erreur. 

Il  faut  admirer  sans  réserve  l'énergie  intellectuelle  d'AïAAN  Kar- 

1.  Flint  (A.),  On  the  discovery  of  the  source  of  Ihe  Rochester  knockings.  and  on 
sounds  produced  by  the  movements  of  joints  and  tendons.  Quarlerly  Journ.  Psychi- 
cal  Med.,  New-York,  1869,  III,  417-446.  —  M.  Schiff,  Comptes  rendus  de  t'Ac.  des 
sciences.  18  avril  18o9,  — Jobert,  Velpeac,  Cloouet.  Discussion  sur  le  même  sujet. 
Ibid.,  passim. 

2.  Le  livre  des  esprits,  Paris,  1857,  1™  édit.  Le  livre  des  médiums,  Paris,  1861, 
1">  édit.  Il  y  a  eu  plus  de  trente  éditions  de  ces  livres  célèbres.  Des  traductions 
en  toutes  langues  ont  paru.  Allan  Kardec  fut  le  fondateur  de  la  Revue  spirite 
qui  se  continue  encore  aujourd'hui,  et  qui  est  à  sa  30e  année. 


HISTORIQUE  33 

dec.  Malgré  une  crédulité  exagérée,  il  a  foi  dans  l'expérimenta- 
tion. C'est  toujours  sur  l'expérimentation  qu'il  s'appuie,  de  sorte 
que  son  œuvre  n'est  pas  seulement  une  théorie  grandiose  et  homo- 
gène, mais  encore  un  imposant  faisceau  de  faits. 

Elle  a  cependant,  cette  théorie,  un  côté  faible,  douloureusement 
faible.  Toute  la  construction  du  système  philosophique  d'AixAN 
Kardec  (qui  est  celle  même  du  spiritisme),  a  pour  base  cette  éton- 
nante hypothèse  que  les  médiums,  en  lesquels  s'est  soi-disant 
incarné  un  esprit,  ne  se  trompent  pas,  et  que  les  écritures  automa- 
tiques nous  révèlent  des  vérités  qu'il  faut  accepter,  à  moins  qu'on 
ne  soit  déçu  par  de  mauvais  esprits.  Aussi  bien,  si  l'on  suivait 
la  théorie  d'ALLAN  Kardec,  serait-on  amené  à  prendre  pour  argent 
comptant  toutes  les  divagations  de  l'inconscient,  qui,  sauf  excep- 
tions, témoignent  toujours  d'une  très  primitive  et  puérile  intelli- 
gence. C'est  une  bien  grave  erreur  que  d'édifier  une  doctrine  sur  les 
paroles  des  soi-disant  esprits,  qui  sont  des  pauvres  d'esprit. 

Tout  de  même  Allan  Kardec  est  certainement  l'homme  qui, 
dans  cette  période  de  1847  à  1871,  a  exercé  l'influence  la  plus  péné- 
trante, tracé  le  sillon  le  plus  profond  dans  la  science  métapsy- 
chique1. 

En  Angleterre,  le  spiritisme  fut  défendu  par  Dale  Owen  et  par 
A.  R.  Wallace.  Alfred  Russell  Wallace  est  le  grand  savant  qui  eut 
la  gloire  de  devancer  Darwin.  Il  ne  craignit  pas  d'entrer  dans  la 
mêlée,  et  ses  livres  témoignent  de  sa  vaillance,  car  il  fallait  de  la 
vaillance  pour  défendre  la  cause  d'une  science  qui  avait  si  peu  les 
caractères  d'une  science  *. 

En  Allemagne  Zollner  est  resté  isolé. 

Les  temps  étaient  mûrs  pour  qu'enfin  parût  le  grand  pionnier  dé 
la  métapsychique,  sir  William  Crookes. 


1.  Owen  (K.-D.),  Footfalls  on  the  bour.dary  of  another  world.  with  narrative 
illustrations,  Philadelphie,  1877.  —  Onvem  (R.-D.),  The  debatable  land  between 
this  worldandthe  next,  New-York,  London,i871.  (Trad.allem.,  Bas  streilif/e  Land, 
Leipzig,  1876).  —  W.vllace,  A.  Russell,  A  defenceof  modem  spiritualism  (Fortnigh- 
'  tly  Beview,  London,  1874,  XV,  630-657).  —  The  scientific  aspect  of  the  super' 
nalural,  London,  1866  :  (Trad.  allem.,  Die  wissenschaftliche  Aussicht.  etc.,  Leipzig, 
1874).  —  On  miracles  and  modem  spiritualism,  London,  1873.  (Trad.  fr.,  Les  Mi- 
racles, etc.,  Paris,  Leymarie. 

Richet.  —  Métapsychique.  3 


34  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GENERAL 

* 

4°  Période  scientifique. 

Quelque  considérable  que  soit  le  mérite  de  Crookes,  aussi  grand 
que  son  courage,  Crookes  a  été  précédé  par  les  membres  de  la 
Société  dialectique  de  Londres,  qui  en  janvier  1869,  sur  la  proposi- 
tion d'EDMUNDS,  se  réunirent  au  nombre  de  trente-six  pour  étudier 
scientifiquement  les  phénomènes  du  médianimisme.  Parmi  eux  le 
savant  ingénieur  Cromwell  Varley,  et  le  grand  Russell  Wallace, 
avec  un  homme  de  haute  intelligence,  Sergeant  Cox,  paraissent 
avoir  joué  un  rôle  prépondérant.  Des  savants  réputés,  comme  Tyn- 
dall,  Carpenter,  ref usèrent  de  faire  partie  de  la  commission.  Même 
il  y  eut  des  dissidences  au  sein  de  la  commission.  Notamment  le 
président  Lubbock  et  le  vice-président  Huxley  étaient  opposés  aux 
conclusions  favorables  delà  majorité1. 

Les  faits  coustatés  par  la  Société  dialectique  étaient  d'une  évi- 
dence éclatante  :  ils  n'entraînèrent  pourtant  pas  la  conviction  des 
savants,  mais  ils  eurent  un  admirable  résultat  :  ils  engagèrent 
William  Crookes  à  étudier  la  question.  Par  une  heureuse  fortune, 
Crookes  trouva  deux  médiums  extrêmement  puissants  avec  lesquels 
il  put  expérimenter  :  D.Douglas  Home  et  Florence  Cook. 

Crookes  avait  alors  trente-sept  ans,  il  était  dans  toute  la  vigueur 
de  1  âge  et  de  l'intelligence.  C'était  déjà  un  savant  illustre.  Il  avait 
découvert  un  nouveau  métal,  le  thallium  (1868),  et  poursuivi  des 
recherches  fructueuses  sur  la  spectroscopie,  l'astronomie,  la  météo- 
rologie. Il  était  directeur  des  Chemical  News  et  du  Quarterly  journal 
of  science: 

Alors  il  se  décida  à  étudier  les  propriétés  extraordinaires  de 
Home.  De  1869  à  1872,  il  publia  des  mémoires,  remarquables  par  la 
précision  du  langage  et  la  sévérité  de  l'expérimentation,  qui  con- 
trastaient avec  le  style  habituel  des  publications  spirites.  C'était 
l'avènement  de  la  période  scientifique  du  spiritisme2.  Je  ne  dis  pas 
que  c'est  possible,  disait  Crookes,^  dis  que  cela  est. 

1.  Reporl  on  spirilualism  of  the  committee  of  ilie  London  dialectical  Society, 
toqelhev  wilh  the  évidence,  oral,  and  written,  and  a  sélection  from  the  correspon- 
dance (Longmans  et  Green,  London,  1871,  trad.  fr.,  Libr.  spirite,  1903.  Trad. 
allem.,  Leipzig,  Miïtze). 

2.  Beaucoup  de  ses  écrits  sont  des  écrits  de  polémique.  Je  me  contenterai  de 


HISTORIQUE  3o 

Mais  le  respect  des  idées  habituelles  était  idolàtrique  à  ce  point 
qu'on  ne  se  donna  la  peine  ni  d'étudier,  ni  de  réfuter.  On  se  con- 
tenta de  rire,  et  j'avoue,  à  ma  grande  honte,  que  j'étais  parmi  les 
aveugles  volontaires.  Oui!  je  riais,  au  lieu  d'admirer  l'héroïsme  du 
grand  savant  qui  osait  dire,  en  1872,  qu'il  y  a  des  fantômes,  qu'on 
peut  entendre  leur  cœur  battre  et  prendre  leur  photographie. 

Mais  ce  courage  fut  sans  grand  effet  immédiat.  11  devait  produire 
ses  fruits  plus  tard.  C'est  aujourd'hui  seulement  qu'on  peut  bien 
comprendre  Crookes.  Encore  aujourd'hui,  la  base  de  toute  méta- 
psychique  objective,  ce  sont  les  expériences  de  Crookes.  C'est  du 
granit,  et  nulle  critique  ne  les  a  pu  atteindre.  Aux  derniers  jours 
de  sa  glorieuse  et  laborieuse  vie,  il  disait  encore  qu'il  n'avait  rien 
à  rétracter  de  tout  ce  qu'il  avait  affirmé  jadis. 

Désormais  les  spirites  vont  savoir  comment  il  faut  expérimenter, 
il  ne  s'agit  plus  d'une  doctrine  d'aspect  religieux  ou  mystique 
perdue  en  de  nébuleuses  considérations  spiritualistes  ou  thé  0  0 
phiques  :  il  s'agit  d'une  science  expérimentale,  dédaigner^se  ^ 
théories,  aussi  exacte,  dans  sa  précision  voulue,  que  la  rjnjmje   ja 
physique,  et  la  physiologie. 

Le  magnétisme  animal  passait,  lui  aussi,  par  \\QG  évolution  ana- 
logue. Depuis  Puységur,  Deleuze,  et  Du  Potet  j|  n'avait  pas  Dr0. 
gressé.  J.  Braid,  de  Manchester,  en  l'appelar^  hypnotisme,  ne  l'avait 
guère  dégagé  de  ses  voiles  mystiques  p?iS  plus  que  de  ses  infortu. 
nées  tendances  thérapeutiques  ',  de  ^orte  que  les  médecins  et  les 
physiologistes,  en  1875,  n'y  croyardnt  pas  beaucoup  plus  qu'ils  ne 
croyaient  aux  matérialisations  (\q  k.vty  King. 

citer  :  Expérimental  investigations  -on  psyckic  force,  London,  Gillmann  4871 
tr.  fr.,  Libr.  des  se.  psychologiques.  Paris.  1897.  -  Researches  on  the  phenomenà 
of  spirituahsm,  Londres,  B'arns,  1894.  Cet  ouvrage  a  été  traduit  en  français, 
Pans,  1878,  en  allemand.,  Leipzig,  1874,  en  italien,  Locarno,  1877.  —  On  psy- 
chical  research.  Report  ^mithsonia?i  institution,  Washington,  1898-1899,  185-205. 
—  Psyckic  force  and  modem  spiritualism,  a  reply  to  the  quarterly  Revieiv  and 
other  critica  (Londo/Q,  1872).  —  Discours  récents  sur  les  recherches  psychique 
(Tr.  fr.,  Paris,  Leyrnarie,  1903). 

1.  Bhaid  (J.)v  Neurypnology  or  the  rationale  of  nervous  sleep  considérai  in 
relation  with  animal  magnetism.  lllustrated  by  numerous  cases  of  ils  sucessful 
application  in  the  relief  and  cure  of  diseuses,  London,  Churchill,  1843.  Nouvelle 
édit.,  Lo-udres,  1899.  —  Power  of  mind  Upon  the  Body,  London,  1846.  —  Der 
Hypnotismus,  trad.  allem.,  Berlin,  1882.  -  Neurypnologie,  trad.  fr.,  Paris,  Dela- 
haye,  1883. 


36  METAPSYCHIQUE    EN    GENERAI. 

Eu  1875,  étant  étudiant  encore,  j'ai  pu  prouver  qu'il  s'agit  d'un 
phénomène  physiologique  normal,  et  que  l'intelligence,  dans  cet 
état  provoqué,  reste  entière,  et  parfois  est  suractivée,  qu'il  n'y  a 
pas  lieu  de  supposer  quelque  action  magique  ou  magnétique. 
Quelques  années  plus  tard,  j'ai  donné  aussi  les  premiers  exemples 
de  dédoublements  de  la  personnalité,  entrevus  par  Philips  et  par 
Azam1.  Et  ces  changements  de  personnalité  éclairent  singulière- 
ment tous  les  phénomènes  dits  spiritiques. 

Certainement  rien  de  ce  que  je  disais  dans  mon  mémoire  de  1875 
n'était  absolument  nouveau.  Les  anciens  magnétiseurs  avaient  vu 
les  mêmes  faits.  De  même  assurément,  quand  en  1872  Cuookes  éta- 
blissait la  réalité  des  fantômes,  il  ne  disait  à  peu  près  rien  que  les 
spirites  n'eussent  déjà  dit.  Mais  ce  qui  était  nouveau,  c'était  l'appli- 
cation rigoureuse  de  la  science  expérimentale  à  des  phénomènes 
incomplètement  étudiés,  imparfaitement  établis,  et  qui  jusqu'alors 
a  cause  de  ces  incomplètes  et  imparfaites  analyses,  étaient  rejetés 
hors   de  la  science. 

*  \.A  s"uite  de  mon  mémoire,  de  toutes  parts,  de  nombreuses  expé- 
riences fu  rent  fcutes,  el  le  magnétisme  animal  ne  fit  plus  partie 
des  sciences  t occultes-. 

L'eiïort  des  stTvaul;s  Q11*  étudient  la  métapsychique  doit  être  de 
faire  sortir  de  l'occ>u^e  cette  science,  comme  le  magnétisme  animal 
est  sorti  de  l'occulte. 

Un  événement  mémorable  tout  aussi  important  que  les  publica- 
tions de  Cuookes,  se  produisit  en  Angleterre  aussj.  Ce  fut  la  fonda- 
tion de  la  Society  forpsychical  Re^arck,  dont  E.  Gdrney  et  Fa.  Myers 

i.  Gh.  Richet,  Du  somnambulisme  provoqua-  Journ   de  Vawl l   et  de  la  physio- 

look,   1875,   XI,  348-378.  —  Revue  philosophique  1680,  X,  oo7-384;  -  A    t.  pour 

il  i  w„„  »»,-<,«  s.*»    vtoimQ    iss-t     IX    50-60     —  Azam,  Le  dédoublement  de 

l  avancement  des  sciences,  tieims,  îooi,  ia,  ou  uu. 

la  personnalité,  liev.  scientif-,  1890,  XLVI,  136-141. 

2  Heidenhain,  Zur  Kritik  hypnotischer  Untersuchunjen,  Brest,  aertztl.  Zeitsch., 
1880,  52-ou  et  Rev.  scientifique,  1880,  XVIII,  1187-1190.  -  Chambaud,  arl.  Somnam- 
bulisme du  Dict.  encycl.  des  Se.  Médicales. 

Je  n'ai  pas  à  mentionner  ici  les  observations  de  Charcot  et  de  Beknheim,  toutes 
postérieures  à  mon  mémoire  de  1875,  et  manifestement  inspires  par  lui  (1878- 
1885).  L'histoire,  si  curieuse,  de  la  suggestion  ne  relève  pas  du  ,+out  de  la  méta- 
psychique. ,     ,.         ,.        , 

La  bibliographie  complète  jusqu'à  1902  se  trouve  dans  1  article  hypnotism  de 
l'Index  catalogué,  (2),  1902,  Vil,  743-706  (Voir  aussi  Morselli  (E.),  il  mWgnehsmo 
animale,  la  fascinazione,  gli  sUUi  hypnotici,  2«  éd  ,  Torinô,  188G). 


HISTORIQUE  37 

furent  les  obstinés  et  ardents  inspirateurs.  Un  groupe  de  personnes 
éminentes  se  constitua,  résolues  à  pousser  leurs  investigations 
dans  les  terres  maudites  de  l'occultisme,  et  à  dégager,  grâce  à  l'em- 
ploi rigoureux  des  méthodes  scientifiques  exactes,  la  vérité  cachée 
dans  la  confusion  des  faits  étranges1. 

Ainsi  ont  pu  être  amassés  faits,  expériences,  théories,  colossal 
travail  qui  est  devenu  la  base  de  toute  la  métapsychique  d'aujour- 
d'hui2. 

Ce  mouvement  de  rénovation  ne  resta  pas  limité  à  l'Angleterre. 
Nous  fîmes,  en  France,  un  effort  analogue,  essayant  d'imiter, 
quoique  ayant  des  ressources  moindres,  et  des  dévouements  moins 
nombreux,  l'exemple  que  Gurney  et  Myers  nous  avaient  donné. 
Nous  constituâmes  ainsi,  avec  Th.  Riuot  etL.  Marillier,  une  Société 
de  psychologie  physiologique,  qui  bientôt  disparut,  car  nous  avions 
eu  la  fâcheuse  idée  de  prétendre  intéresser  les  psychologues,  les 
physiologistes,  les  médecins,  aux  recherches  de  métapsychique.  Ils 
ne  consentirent  jamais  à  s'en  occuper  sérieusement.  C'est  alors  que 
je  fondai,  avecDARiEx,  les  Annales  des  Sciences  psychiques  (1890-1920) 
dont  C.  de  Vesme  devint  ensuite  le  zélé  directeur.  Les  A.  S.  P.,  que 
remplace  aujourd'hui  l'excellente  Revue  métapsychique  dirigée  par 
Geley,  établissent,  comme  les  P.  S.  P.  R.,  une  juste  balance  entre 
la  crédulité  des  journaux  spirites  et  l'ignorance  aveugle  des  recueils 
de  psychologie  officielle. 

Cependant,  si  importantes  que  soient  les  sociétés  psychiques,  si 

1.  Les  présidents  de  cette  société  ont  été  Henry  Sidgwick,  1882-1884,  1884-1892. 
—  Balfour  Stewart,  1885-18S7.  —  A.-J.  Balfour,  1893.  —  William  James,  1894- 
1895.  —  William  Crookes,  1896-1899.  —  Fred.  Myers,  1900.  —  Oliver  Lodge. 
1901-1903.  —  Sir  William  Barrett,  1904.  —  Charles  Richet,  1905.  —  G.  Balfour, 
1906-1907.  —  Mrs  H.  Sidgwick,  1908-1909.  —  A.  Arthur  Smith,  1910.  —  Andrew 
Lang,  1911.  — Garpenter,  1912.  —  H.  Bergson,  1913.  —  Schiller,  1914.  — Gilbert 
Murray,  191b.  —  Jacks.  1917.  —  Lord  Rayleigh,  1919.  —  W.  M.  Dougall, 
1921. 

2.  Les  Proceedings  of  the  Society  for  psychical  Research  (London,  Trubner) 
forment  une  collection  de  28  volumes  auxquels  il  faut  annexer  le  Journal  of  the 
Society  for  psychical  Research  (1884-1920),  non  destiné  à  la  publicité  (for  private 
circulation  only).  Un  index  très  bien  fait  a  paru  en  1904,  où  sont  indiqués  les 
principaux  cas  des  Phant.  of  the  Living,  des  P.  S.  P.  R..  du  Journal  S.  P.  R.  et 
des  Proceed.  of  the  Ame  rie.  S.  P.  R.,  London,  Johnson,  1904.  —  Le  siège  de  cette 
société  est  à  Londres  (W.),  20,  Hannover  Square.  —  Les  Phantasms  of  Living,  par 
E.  Gurney,  Fr.  Myers  et  Podmore  ont  été  traduits  en  français  (et  abrégés),  sous  le 
titre  Hallucinations  télépathiques,  par  L.  Marillier,  Paris,  Alcan.  C'est  une 
œuvre  admirable,  monument  de  sagacité  et  de  patience,  tout  à  la  fois. 


38  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GENERAL 

utiles  que  soient  les  journaux,  ces  efforts  ne  valent  que  par  les 
recherches  expérimentales  effectuées  par  les  individus  isolés.  De 
fait,  il  n'y  a  pas  de  métapsychique  sans  médium.  Le  rôle  des 
sociétés  psychiques  est  précisément  de  ne  pas  laisser  s'éteindre, 
sans  aucun  profit  pour  la  science,  dans  l'obscurité  de  séances  peu 
scieutifiques,  dépourvues  de  contrôle  rigoureux,  le  pouvoir  de  cer- 
tains médiums  remarquables. 

De  1885  à  19â0,  il  y  eut  des  médiums  très  puissants  :  Slade,  Eglin- 
ton,  Stainton  Moses,  Eusapia,  Mad.  d'Espérance,  Mad.  Thomson, 
Marthe  Béraud,  Stanislawa  Tomczyk,  Miss  Goligher,  Mad.  Léonard. 

Tout  de  même,  s'il  fallait  n'en  citer  que  deux,  je  ne  parlerais 
que  de  Mad.  Piper  (pour  la  métapsychique  subjective;  et  d'EusAPiA 
Paladino  (pour  la  métapsychique  objective). 

Mad.  Piper,  de  Boston,  étudiée  par  William  James,  puis,  avec  une 
extraordinaire  patience,  par  R.  Hodgson,  puis,  avec  non  moins  de 
persévérance,  par  Hyslop,  puis  par  Fr.  Myers,  Sir  Oliver  Lodge,  Sir 
Barrett,  possède  des  pouvoirs  de  clairvoyance  et  de  cryptes- 
thésie  qui  dépassent  probablement  tous  ceux  qu'on  avait  jusque-là 
observés.  Aux  personnes  qui  viennent  la  voir,  elle  dit  tout  de  suite, 
presque  sans  hésitation,  les  noms  des  divers  membres  de  leur 
famille,  en  racontant  sur  eux  des  épisodes  que  le  visiteur  lui-même 
ignore,  et  dont  il  ne  constate  l'authenticité  qu'après  une  longue  et 
laborieuse  enquête. 

Même  s'il  n'y  avait,  en  fait  de  médium,  que  Mad.  Piper  dans  le 
monde,  ce  serait  assez  pour  que  la  cryptesthésie  fût  scientifiquement 
établie. 

Eusapia  Paladino  a  été,  par  tous  les  savants  de  l'Europe,  cent  et 
cent  fois  étudiée,  analysée,  Schiaparelli,  Porro,  Aksakoff,  G.  Finzi, 
A.  etFR.  Myers,  0.  Lodge,  E.  Feilding,  Lombroso,  A.  de  Rochas,  Ocho- 
rowicz,  J.  Maxwell,  A.  de  Schrenck-Notzing,  C.  Flammarion,  Bottazzi, 
Morselli,  Foa,  Sabatier,  A.  de  Watteville,  A.  de  Gramont,  Car- 
rington,  et  bien  d'autres,  ont  tour  à  tour  constaté  la  réalité  des 
mouvements  sans  contact,  et  des  matérialisations1. 

Même  s' il  n'y  avait,  en  fait  de  médium,  ^m'Eusapia  Paladino  dans  le 

1.  La  bibliographie  complète  des  publications  relatives  à  Eusapia  Paladino  sous 
Je  titre  suggestif  de  Bibliografia  P  ala'diniana,  a  été  donnée  par  E.  Morselli, 
dans  un  livre  remarquable,  Psicologia  e  spiritismo,  Torino,   Bona,  1908,  134-170. 


HISTORIQUE  39 

monde,  ce  serait  assez  pour  que  la  télékinésie  et  Vccloplasmie  fussent, 
scientifiquement  établies. 

Mad.  Piper  et  Eusapia,  pour  toutes  les  investigations  scientifiques, 
ont  montré  toujours  une  complaisance  parfaite.  Elles  acceptaient 
tous  les  contrôles,  malgré  les  soucis  et  les  affronts.  C'est  en  grande 
partie  grâce  à  elles  que  la  métapsychique,  dans  ces  dernières 
années,  a  pris  un  tel  développement.  Il  faut  donc  que  les  savants 
de  l'avenir  aient  pour  Tune  et  l'autre,  comme  pourD.  Home  et  Flo- 
rence Cook,  qui  les  ont  précédées,  une  reconnaissance  émue. 

Plus  récemment  les  expériences  faites  avec  Staniseawa  Tomczyk, 
avec  Marthe  Béraud,  avec  Miss  Goligher,  ont  ouvert  à  la  métapsy- 
chique objective  des  horizons  inattendus. 

Ainsi,  depuis  1880  jusqu'à  aujourd'hui,  la  métapsychique,  pour 
laquelle  j'ai,  en  1905,  demandé,  en  lui  donnant  ce  nom,  le  droit 
d'être  une  science  autonome,  s'est  dégagée  d'une  part  de  l'hypno- 
tisme et  du  magnétisme  animal,  d'autre  part  du  spiritisme.  En 
effet,  dans  le  magnétisme  animal,  il  y  a  un  élément  physiologique, 
presque  normal,  c'est  l'hypnotisme,  c'est-à-dire  un  état  mental  pro- 
voqué, tel  que  la  conscience  habituelle  est  modifiée,  transformée, 
et  que  des  consciences  nouvelles,  parfois  multiples,  peuvent  appa- 
raître, pendant  que  la  conscience  habituelle  sommeille.  Mais,  en 
définitive,  c'est  encore  de  la  psychologie,  de  sorte  que  l'étude  du 
somnambulisme  ne  relève  de  la  métapsychique  que  lorsque  se 
manifeste  une  faculté  de  connaissance  qui  n'existe  pas  à  l'état 
normal,  ce  que  j'ai  appelé  la  cryptesthésie . 

Que  par  l'hypnotisme  ou  le  magnétisme,  ou  le  somnambulisme, 
la  cryptesthésie  se  développe,  ce  n'est  pas  douteux,  mais  l'hypno- 
tisme n'intéresse  la  métapsychique  que  par  l'intensification  de  la 
cryptesthésie. 

D'autre  part,  à  l'autre  pôle  pour  ainsi  dire  des  sciences  dites 
occultes,  se  trouve  le  spiritisme, 'dans  lequel  nous  devons  disso- 
cier la  théorie  et  les  faits.  La  théorie  qui  aboutit  à  une  religion, 
c'est  le  spiritisme,  selon  la  formule  d'ALLAN  Kardec  et  de  quelques 
autres.  Mais  uous  voilà  très  loin  de  la  science.  Non  que  la  méta- 
psychique doive  s'abstenir  de  toute  théorie.  Une  science  ne  peut, 
quelque  jeune  qu'elle  soit  encore,  faire  fi  de  toutes  théories,  même 
hypothétiques.  Mais  au  moins  faut-il  que  la  théorie  cède  devant 


40  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

les  faits,  et  ne  s'établisse  pas,  en  dominatrice,  au-dessus  des  faits 
eux-mêmes,  regardés  comme  accessoires,  par  rapport  à  une  reli- 
gion. 

C'est  là  ce  qu'ont  tenté  les  vrais  fondateurs  de  la  science  méta- 
psychique,  Gurney,  Myers,  et  Crookes. 

Assurément  il  ne  faut  dédaigner  ni  les  magnétiseurs  ni  les  spi- 
rites.  Ce  serait  une  injustice  très  lourde.  Malgré  les  sarcasmes  et 
les  hostilités,  ils  ont  contribué  à  la  fondation  de  la  métapsychique, 
et  pendant  qu'ils  étaient,  par  les  savants  officiels,  rejetés  comme 
indignes,  ils  ont  poursuivi  leurs  investigations  laborieuses. 

Mais  nous  voici  à  une  autre  époque.  Il  n'est  plus  permis  mainte- 
nant, quandun  médium  se  manifeste,  de  le  laisser  évoluer  dans  un 
cercle  restreint,  sans  recourir  aux  méthodes  de  recherche  adoptées 
par  toutes  les  sciences,  balances,  photographies,  cinématographies, 
inscriptions  graphiques.  De  même,  au  point  de  vue  de  la  psycho- 
logie subjective,  des  enquêtes  rigoureuses,  sévères,  analogues  à 
celles  que  la  S.  P.  R.  a  instituées,  sont  indispensables.  Il  faut  plus 
que  des  demi-certitudes,  il  faut  des  Certitudes  tout  entières. 

En  résumé,  la  métapsychique  contemporaine  devra  se  limiter, 
pour  ce  qui  est  subjectif,  aux  phénomènes  psychologiques  que  toute 
intelligence  humaine  consciente,  aussi  perspicace  qu'on  la  suppose, 
est  incapable  de  produire,  et,  en  métapsychique  objective,  aux 
phénomènes  matériels,  produits  par  une  cause  qui  est  en  appa- 
rence intelligente,  et  que  les  forces  connues  et  classées  (lumière, 
chaleur,  électricité,  attraction,  force  mécanique)  sont  insuffisantes 
à  expliquer. 

Quoique  ce  soit  un  champ  déjà  très  vaste,  nous  ne  sommes  cer- 
tainement qu'au  début  :  aussi  plus  tard  la  métapsychique  aura- 
t-elle  le  droit  d'avoir  des  visées  plus  hautes,  de  se  tourner  vers  une 
morale,  une  sociologie,  une  théodicée  nouvelles.  Qui  sait?  Mais  à 
chaque  époque  suffit  sa  peine.  Les  temps  ne  sont  pas  mûrs  pour  la 
synthèse.  Restons  dans  l'analyse. 

Dans  ce  court  exposé  historique,  je  n  ai  pas  pu  indiquer  les  tra- 
vaux considérables  qui  ont  été  faits.  La  bibliographie  est  déjà 
énorme.  Je  voudrais  pourtant  signaler  les  principaux  ouvrages, 
toujours  utiles,  parfois  indispensables,  aux  savants  curieux  d'étu- 


HISTORIQUE  41 

dier  le  spiritisme,  l'occultisme,  la  métapsychique  du  demi-siècle 
qui  vient  de  s'écouler. 
Les  ouvrages  généraux  principaux  seront  seulement  notés  ici. 

Aksakoff,  Animismus  und  Spiritismus,  Versuch  einer  Kritischen  Priifung 
der  mediumnistischen  Phaenomene,  Leipzig,  Mutze,  1890,  4e  édit.  en  2  vol., 
1902,  trad.  fr.,  Libr.  des  sciences  psychologiques,  1895.  —  Bozzano(E.),  Ipotesi 
spiritica  e  teorie  scientifiche,  Genova,  Donath,  1903.  —  Bhofferio  (A.),  Per 
lo  spiritismo,  lro  édit.,  Milano,  Briola,  1892,  3e  édit.,  Torino,  Bocca,  1903, 
trad.  ail.,  Berlin,  1894.  —  Delanne  (G.),  Le  spiritisme  devant  la  science, 
Paris,  Channuel,  1895,  5e  édit.,  1897.  Les  apparitions  matérialisées,  Paris, 
Leymarie,  2  vol.  8°,  1911.  Recherches  sur  la  médiumnité,  Paris,  1896.  — 
Myers  (Fr.),  The  human  personnality  and  its  survival  to  bodily  death. 
London,  Longmans,  2  vol.  8°,  1902,  trad.  fr.,  Paris,  Alcan,  1905.  —  Oliver 
Lodge,  La  survivance  humaine,  trad.  fr.,  Paris,  Alcan,  1912.  — A.  de  Bochas. 
L'extériorisation  de  la  motricité,  Paris,  Channuel,  1896,  4e  édit.,  1906.  L'exté- 
riorisation de  la  sensibilité,  Paris,  Channuel,  1895,  5e  édit.,  Chacornac,  1905. 
Les  états  profonds  de  l'hypnose,  Paris,  Chacornac,  1892.  Les  états  superficiels 
de  l'hypnose,  Paris,  Chacornac,  1902.  —  J.  Maxwell,  Les  phénomènes  psy- 
chiques. Recherches,  observations,  méthodes,  Paris,  Alcan,  1905.  Metapsy- 
chical  Phaenomena,  London,  Duckworth,  1905.  —  E.  Boirac,  L'avenir  des 
sciences  psychiques,  Paris,  Alcan,  1907.  La  psychologie  inconnue,  Paris, 
Alcan,  1915.  —  Carmelo  Samona,  Psiche  misteriosa  :  i  fenomeni  detti  spiri- 
ticci,  Palermo,  Beber,  1910.  —  E.  Flammarion,  Les  forces  naturelles  incon- 
nues, Flammarion,  Paris,  1907.  L'inconnu  et  les  problèmes  psychiques, 
Paris,  Flammarion,  1900,  trad.  ital.  Bari,  Latezza,  1904.  La  mort  et  son 
mystère,  Paris,  1920. —  Morton  Prince,  A  dissociation  of personality ,  Boston, 
Turner,  1906;  trad.  fr.,  Paris,  Alcan,  1911.  —  Zollner,  Wissenschafftliche 
Abhandlungen,  t.  III,  Die  transcendentale  Physik  und  die  sogenannte  Philo- 
sophie, Leipzig,  Stachmann,  1878-1879.  —  Hyslop  (J.-H.),  Science  and  a 
future  life,  Boston,  Turner,  1905.  —  Innocenzo  Calderone,  La  Rincarna- 
zionc,  Milano,  édit.  Veritas,  1913.  —  Stainton  Moses  (Oxon),  The  higher 
aspects  of  spiritualism,  London,  1880.  Spirit  identity,  London  (Spiritualist 
alliance,  1902).  —  G.  Geley,  De  l'inconscient  au  conscient,  Paris,  Alcan, 
1919.  L'être  subconscient,  4e  édit.,  Paris,  1919.  —  Grasset  (J.),  L'occultisme 
hier  et  aujourd'hui,  Montpellier,  Coulet,  1908.  — Osty,  Lucidité  et  intuition, 
Paris,  Alcan,  s.  d.  —  Marryat  (Florence),  There  is  no  death,  Leipzig, 
Hèinemann,  1892.  —  Chevreuil,  On  ne  meurt  pas,  Paris,  1914.  —  Otto- 
lenghi  (S.),  La  suggestione  a  le  facolta  psichiche  occulte  in  rapporto  alla  pra- 
lica  légale  e  medico  forense,  Torino,  Bocca,  1900.  —  Amiral  Usborne  Moore, 
Glimpses  of  the  next  staate ,  Londres,  Watts  et  C°,  1912.  —  Du  Prel,  Das 
Ràthsel  des  Menschen,  Leipzig,  Mutze,  1885,  trad.  it.,  Milano,  Galli,  1894. 
Monistischc  Seeleneehre  ;  ein  Beitrag  aufLôsung  des  Menschenrâthsels,  Leipzig, 
Gùnther,  1888.  —  Denis  (L.),  Après  lamort,  exposé  de  la  doctrine  des  esprits, 
dern.  édit.,  1918,  Paris,  Leymarie,  trad.  ital., Milano,  1914.  —  Podmore  (Fr.), 
Modem  spiritualism  ;  a  history  and  a  criticism,  London,  Methuen,  2  vol., 
1902.  —  Wahu,   Le  spiritisme  dans  l'antiquité,  et  dans  les  temps  modernes, 


42  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

Paris,  Leymarie.  2  vol.,  1885.  —  Schrenck-Notzing.  Physikalische  Phaeno- 
mene  des  Mcdiumnimus,  Mùnchen,  Ueinhardt,  1920. 

Si  l'on  ajoute  à  cette  bibliographie,  très  sommaire,  que  j'aurais  pu  faci- 
lement amplifier,  et  qui  sera  complétée  au  cours  de  ce  livre,  les  articles 
publiés  dans  d'importants  recueils,  comme  Light  (Londres).  —  Banne r  of 
Liôht  (Boston).  —  Religio-philosophical  Journal,  (New-York).  —  Harbinger 
of  Light  (Melbourne).  —  Revue  spirite  (Paris).  —  Revue  scientifique  et  morale 
du  spiritisme  (Paris).  —  Luce  e  ombra  (Milano,  recueil  remarquable).  — 
Zeitschrift  fur  Spiriiismus  (Leipzig).  —  Psychische  Studieu  (Berlin)  —  on 
pourra  se  faire  quelque  idée  de  la  richesse  de  la  littérature  métapsychique. 

|  IV.  —  LES  MÉDIUMS  » 

Le  mot  de  médium,  exécrable  d'ailleurs,  est  consacré  par  l'usage. 
Il  n'est  plus  possible  de  le  bannir  2.  Il  signifie  intermédiaires  entre 
le  monde  des  vivants  et  le  monde  des  morts. 

Entre  les  médiums  puissants,  énergiques,  qui,  comme  Home, 
Eusapia,  Staintox  Moses,  Florence  Cook,  ont  des  phénomènes  objec- 
tifs, éclatants,  et  les  médiums  ne  donnant  que  des  phénomènes  sub- 
jectifs, il  y  a  une  distance  considérable.  Nous  devons  donc  faire  une 
classe  à  part  pour  les  médiums  à  effets  physiques,  télékinésies  et 
matérialisations. 

Ceux-là  sont  des  êtres  exceptionnels,  extrêmement  rares.  Même 
ceux  qui  peuveut  donner  des  raps  sans  contact  sont  assez  rares 
aussi. 

Leur  psycho-physiologie  n'est  pas  bien  riche  en  enseignements. 
On  ne  saurait  dire  d'eux  qu'ils  sont  plus  ou  moins  intelligents  que 
le  commun  des  mortels.  Rien  ne  les  distingue  du  vulgaire,  et  on 
ne  peut  les  séparer  des  autres  humains  que  par  l'étrange  faculté 
qu'ils  possèdent,  seuls  parmi  les  hommes,  de  donner,  dans  des 
séances  spiritiques,  des  matérialisations  de  formes  (mains,  per- 
sonnes), et  des  mouvements  de  la  matière  (bruits,  coups,  voix, 
odeurs). 

1.  Dans  le  cours  de  ce  livre  on  trouvera  sur  les  médiums  maints  détails  qui 
n'ont  pas  pris  place  ici.  Ce  chapitre  est  donc  nécessairement  écourté,  pour  ne  pas 
faire  double  emploi  avec  ce  qui  sera  dit  plus  loin.  De  vrai  l'histoire  des  médiums, 
c'est  presque  toute  la  métapsychique. 

2.  Doit-on  aussi  employer  ce  mot  au  féminin  ?  Il  semble  qu'on  pourrait  dire 
la  médium. 

Le  pouvoir  des  médiums  s'exprime  par  le  terme,  très  mauvais  aussi,  de  pou- 
voir médianimique .  La  faculté  d'être  médium,  c'est  la  médiunïmité  ou  médiumnité. 
Que!  dommage  qu'on  ne  puisse  changer  ce  patois  hideux? 


LES    MÉDIUMS  43 

Cette  rareté  extrême  des  pouvoirs  télékinésiques  n'est  pas  une 
objection.  Il  est  nécessaire  d'admettre  que  tous  les  hommes  ne 
sont  pas  exactement  semblables.  Certains  enfants  extraordinaires 
sont  doués,  à  uu  très  jeune  âge,  de  puissances  de  mémoire  et  de 
calcul  tellement  surprenantes  que  nous  restons  ébahis  devant 
eux.  Nous  pouvons  concevoir  sans  peine  qu'il  y  a,  parmi  la  foule 
des  humains,  des  individus  exceptionnels. 

Les  pouvoirs  cryptesthésiques  sont  beaucoup  plus  communs  que 
les  pouvoirs  télékinésiques.  La  cryptesthésie  en  tous  ses  degrés 
de  puissance  est  tellement  répandue,  et  la  télékinésie  est  tellement 
rare  qu'on  ne  peut  pas  assimiler  les  cryptesthésiques  (assez  com- 
muns) aux  télékinésiques  (très  rares). 

Nous  dirons  donc  qu'il  y  a  en  fait  de  médiumnité  deux  groupes 
très  distincts  : 

1°  Médiums  à  effets  physiques  ; 
2°  Médiums  à  effets  psychiques. 

La  télékinésie  est  un  phénomène  nettement  caractérisé;  les 
matérialisations  le  sont  plus  nettement  encore.  Le  phénomène 
télékinésique  élémentaire,  celui  que  d'assez  nombreux  médiums 
obtiennent,  sans  pouvoir  aller  jusqu'à  la  télékinésie  et  à  la  maté- 
rialisation, c'est  le  rap,  c'est-à-dire  une  vibration  sonore  (sans  con- 
tact) dans  le  bois  d'une  table  ou  d'une  chaise.  Déjà  pourtant  la  déli- 
mitation entre  médiums  capables  ou  incapables  de  raps  devient 
assez  difficile,  car  assez  souvent  on  entend  de  petits  bruits  très 
légers,  à  peine  perceptibles,  dans  une  table  que  touche  à  peine  le 
médium,  et  le  bruit  est  tellement  faible  qu'on  peut  presque  en  douter. 

Il  faudrait  retracer  ici  la  biographie  des  grands  médiums  à  maté- 
rialisations et  à  télékinésie.  Mais  nous  en  parlerons  dans  le  cha- 
pitre des  matérialisations. 

Quand  nous  aurons  cité  Home,  Florence  Cook,  Stainton  Moses, 
Eusapia,  Mad.  d'Espérance,  Eglinton,  Linda  Gazzera.  Slade,  Marthe 
Béraud,  Miss  Goligher,  Stanislawa  Tomczyk,  nous  aurons  nommé  les 
principaux.  On  voit  que  le  nombre  en  est  restreint. 

Le  nombre  des  médiums  donnant  des  raps  est  énormément  plus 
grand.  Mais  je  ne  saurais  donner  quelque  statistique  à  cet  égard. 


44  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

Malheureusement  ces  médiums  à  effets  physiques  mésusent  sou- 
vent de  leur  pouvoir.  Ils  s'imaginent  qu'ils  pourront  s'enrichir  par 
leur  puissance  à  demi-miraculeuse,  et  alors,  comme  les  sœurs  Fox, 
comme  les  frères  Davenport,  comme  Eglinton,  comme  Slade,  ils 
donnent  des  séances  publiques  pour  tirer  un  profit  monétaire  de 
leurs  facultés.  De  là  à  la  fraude,  il  n'y  a  qu'un  pas,  et  un  pas  qu'ils 
ont,  sinon  toujours,  au  moins  très  souvent  franchi. 

Aussi  bien  les  médiums  professionnels  à  effets  physiques  sont- 
ils  terriblement  suspects,  et  les  précautions  à  prendre  contre  leurs 
machinations  doivent  elles  être  d'une  sévérité  implacable.  (Au  reste, 
même  si  leur  bonne  foi  consciente  était  absolue,  il  faudrait 
prendre  les  mêmes  précautions.) 

Il  y  a  de  très  bonnes  raisons  pour  ne  pas  repousser  a  priori  toute 
expérimentation  avec  les  grands  médiums  professionnels. 

1°  Ils  ont  dû  certainement,  au  début  de  leur  carrière,  fournir  des 
phénomènes  authentiques.  Léa  et  Catherine  Fox  n'auraient  pas,  de 
propos  délibéré,  inventé  toute  cette  histoire  des  raps  de  Hydesville, 
si  elles  n'avaient  pas  commencé  par  avoir  réellement  des  raps. 

2°  Les  médiums  comme  Mad.  d'Espérance,  comme  Florence  Cook, 
comme  Linda,  comme  Eusapia,  comme  Marthe  Béraud,  n'ont  jamais 
pris  quelque  leçon  de  prestidigitation  et  AHUusionisme.  Elles  ont 
constaté  des  phénomènes  étranges,  et,  presque  malgré  elles,  ont 
suivi  la  voie  qui  leur  était  ouverte.  C'est  pour  les  besoins  de  la 
cause  qu'on  leur  attribue  une  habileté  technique  extraordinaire, 
supérieure  à  celle  des  professionnels  les  plus  experts,  Robert  Hou- 
din,  Hamilton,  Maskelyne,  puisqu'elles  auraient  trompé  les  savants 
les  mieux  avertis,  dans  des  conditions  de  contrôle  sévère,  en  de 
multiples  et  variées  séances,  alors  que  d'ailleurs  ni  R.  Houdin,  ni 
Hamilton,  ni  Maskelyne  n'ont  jamais  pu  imiter  ce  qu'elles  font. 

Quant  aux  médiums  à  seuls  effets  psychiques,  toutes  les  transi- 
tions les  plus  nuancées  s'observent  entre  eux  et  les  individus  nor- 
maux. Il  me  paraît  même  que  tout  individu  normal  est  capable, 
en  un  moment  donné  de  sa  vie,  d'avoir  quelque  lucidité  passagère. 
Mais,  afin  de  ne  pas  nous  écarter  trop  de  la  terminologie  habituelle, 
nous  appliquerons  provisoirement  la  dénomination  usuelle  de 
médiums  aux  individus  qui  croient  être  en  relation  avec  des 
personnalités  étrangères. 


LES    MÉDIUMS  45 

Eu  effet,  nous  avons  adopté  pour  la  définition  de  la  métapsy- 
cliique,  une  science  qui  a  pour  objet  les  phénomènes  qui  paraissent 
relever  d'une  intelligence,  et  d'une  intelligence  autre  que  V intelligence 
humaine.  Les  médiums  sont  alors  des  individus,  à  inconscience 
partielle  ou  totale,  qui  disent  des  paroles,  accomplissent  des 
actes,  font  des  gestes,  paroles,  gestes,  actes  qui  semblent  soustraits 
à  leur  volonté,  et  paraissent  indépendants  de  leur  intelligence. 
Pourtant  ces  phénomènes  inconscients  sont  intelligents,  systéma- 
tiques, parfois  coordonnés  avec  une  merveilleuse  pénétration.  Donc 
tout  de  suite  il  s'agit  de  chercher  si  les  phénomènes  inconscients 
sont  dûs  à  une  intelligence  humaine,  ou  à  une  intelligence  surhu- 
maine. 

Soit,  pour  prendre  un  exemple  concret,  classique,  Hélène  Smith, 
écrivant  par  l'écriture  automatique  des  messages  abondants  qu'elle 
attribue  à  Mauie-Antoinette.  Est-ce  l'intelligence  d'HÉLÈNE  qui  fait 
tout?  Est-ce  une  autre  intelligence  que  celle  d'HÉLÈNE?  soit  Marie- 
Antoinette,  soit  une  force  intelligente  quelconque,  qui  actionne  les 
gestes,  les  paroles,  l'écriture  d'HÉLÈNE? 

Nous  entrerons  plus  loin  dans  la  discussion  approfondie  des 
deux  hypothèses. 

Pour  le  moment  nous  montrerons  seulement  qu'il  y  a  des  tran- 
sitions graduelles,  presque  insaisissables,  entre  ces  soi-disant 
médiums  et  les  individus  normaux.  La  démarcation  est  non  seule- 
ment difficile,  mais  impossible,  tandis  qu'entre  les  médiums  vrais, 
c'est-à-dire  à  effets  physiques,  et  les  normaux.,  il  y  a  un  hiatus 
énorme,  un  fossé  profond,  une  différence  essentielle. 

On  peut  établir  la  gradation  suivante. 

A.  —  Le  premier  degré  de  l'écart  avec  la  normale,  c'est  la  production 
de  mouvements  inconscientslégers,  presque  imperceptibles,  lesquels 
suffisent  cependant  pour  faire  percevoir  à  un  individu  exercé  les 
sensations  et  volontés  de  l'inconscience.  Et  certes,  il  y  a  plus  de 
50  p.  100  des  normaux  qui,  par  un  léger  frémissement  musculaire, 
qu'ils  ignorent,  décèlent  leur  pensée  :  comme  dans  le  jeu  du  willing 
game,  qui  donne  parfois  des  résultats  surprenants. 

Ces  mouvements  involontaires  et  inconscients  s'observent  si  sou- 
vent, si  nettement,  que  c'est  un  chapitre  de  la  physiologie  normale. 
Nous  voilà  loin  de  toute  métapsychique. 


46  MÉÏAPSYGHIQUE    EN    GÉNÉHAL 

B.  —  Le  second  degré,  c'est  par  l'hypnotisme  la  création  d'une 
personnalité  nouvelle.  La  personnalité  normale  reparaît  au  réveil, 
mais,  pendant  l'hypnose  et  la  suggestion  hypnotique,  une  person- 
nalité nouvelle  apparaît,  qui  est  évidemment  factice,  puisque  le 
magnétiseur  l'a  créée  selon  sa  propre  fantaisie,  et,qu'elle  peut,  si 
le  magnétiseur  par  suggestion  verbale  l'impose,  se  maintenir. 

Cette  nouvelle  personnalité,  arbitraire,  transitoire,  artificielle, 
rentre  encore  dans  la  psychologie  normale  classique. 

C.  — Le  troisième  degré,  c'est  l'état  médianimique,  c'est-à-dire  la 
production  d'une  personnalité  nouvelle  que  le  médium  s'est  créée 
par  auto-suggestion.  L'hypnotisme  agit  par  hétéro-suggestion  ;  le 
médiumnismepar  auto-suggestion.  Il  n'y  a  qu'une  bien  faible  dif- 
férence entre  la  personnalité  de  Marie-Antoinette,  qu'HÉLÈNE  Smith 
a  prise  toute  seule,  ou  la  personnalité  de  Marie-Antoinette, 
qu'HÉLÈNE  Smith  aurait  prise  parce  que  son  magnétiseur  la  lui  a 
imposée. 

Les  écritures  automatiques  appartiennent  à  ce  groupe,  et  il  n'y  a 
pas  lieu  de  donner  à  cette  importante  manifestation  psychologique 
une  place  quelconque  dans  la  métapsychique,  —  au  moins  quant  au 
phénomène  seul  de  l'écriture  automatique  —  car  l'hypothèse  d'une 
intelligence  étrangère,  non  humaine,  n'a  dans  la  plupart  des  cas 
aucune  raison  d'être.  Puisque  je  puis  suggérer  à  Alice  qu'elle  est 
devenue  Marie-Antoinette,  puisqu'ALicE  joue  admirablement  le  rôle 
de  la  malheureuse  reine,  pourquoi  vais-je  supposer,  quand  Hélène 
Smith  prend  spontanément  ce  même  rôle,  et  le  joue  avec  non  moins 
de  perfection,  que  c'est  la  reine  de  France  qui  s'est  incarnée 
en  Hélène  Smith  ?  C'est  une  supposition  enfantine,  toute  gratuite. 

D.  — Le  quatrième  degré,  c'est  quand  cette  personnalité  nouvelle 
est  capable  de  cryptesthésie  ;  quand  elle  paraît  vraiment  connaître 
des  choses  que  le  médium  ne  connaissait  pas,  des  faits  que  la  per- 
sonnalité seconde  pouvait  seule  connaître.  C'est  le  cas  de  Mad.  Piper 
incarnant  Phinuit  ou  GeorgesPelham. 

Le  guide  du  médium  (autrement  dit  la  personnalité  nouvelle  qui  a 
apparu)  semble  être  alors  une  force  étrangère,  vraiment  étrangère. 
Nous  pouvons  appeler  ces  phénomènes  des  phénomènes  métapsy- 
chiques,  puisque  à  tout  prendre  l'intelligence  normale  ne  suffit  pas 
à  expliquer  les  étranges  et  puissantes  cryptesthésiesque  présentent 


LES    MEDIUMS  47 

ces  seusitifs.  Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  l'opinion  qu'une  force 
étrangère  agit  sur  eux  n'est  qu'une  hypothèse. 

Peut-être  faudrait-il  réserver  le  nom  de  médium  aux  individus 
capables  d'action  matérielle  mécanique,  sans  contact,  et  de  maté- 
rialisations. C'est  le  cinquième  degré.  Alors  aux  phénomènes  de 
cryptesthésie,  aux  hallucinations  survenant  dans  la  trance  spiri- 
tique,  voisine  de  la  trance  hypnotique,  viennent  s'ajouter  des  phé- 
nomènes matériels,  lévitations,  télékinésies,  raps,  et  surtout  maté- 
rialisations. 

Rien  ne  prouve  encore  que  les  personnalités  secondes  ne  soient 
pas  toujours  exclusivement  humaines,  dues  à  des  modalités  de  l'in- 
telligence humaine,  tandis  qu'avec  les  phénomènes  matériels  appa- 
raît quelque  chose  de  nouveau,  de  transcendental,  de  vraiment 
métapsychique,  qui  dépasse  la  psychologie  normale,  et  qui  ne  peut 
guère  s'expliquer  sans  l'intervention  de  forces  inconnues  paraissant 
intelligentes. 

Comme  ce  livre  est  surtout  un  traité  didactique,  je  vais  donner, 
pour  préciser,  des  exemples  de  chacun  de  ces  cas  psychologiques, 
qui  constituent  les  transitions  insensibles  de  l'état  normal  à  l'état 
de  médium. 

1er  degré.  —  Antoinette  n'est  pas  hypnotisable.  Mais,  si  je  lui 
preuds  la  main  et  que  je  lui  demande  de  penser  à  un  objet  qu'elle  a 
caché  dans  un  coin  de  la  chambre,  elle  est  très  étonnée,  lorsque, 
guidé  par  elle  et  par  ses  mouvements  inconscients,  je  découvre  cet 
objet. 

2°  degré.  —  Alice  est  hypnotisée.  Si  je  lui  dis  qu'elle  est  un  vieux 
général,  elle  donne  l'image  caricaturesque  d'un  vieux  général;  elle 
tousse,  crache,  parle  brusquement,  jure,  demande  une  absinthe,  etc. 
Et  elle  joue  cette  naïve  comédie  avec  une  rare  perfection  pendant 
une  heure  entière. 

3e  degré.  —  Hélène  Smith  s'est  par  auto-suggestion  imaginé  être 
Marie-Antoinette.  Elle  en  parle  le  langage,  a  des  allures  pleines 
de  dignité,  retrouve  presque  l'écriture  et  l'orthographe  de  la  reine 
de  France.  En  absolue  sincérité  elle  joue  cette  extraordinaire 
comédie  avec  uue  merveilleuse  perspicacité,  pendant  des  semaines 
et  des  mois. 

Mad.  C.vmus  met  la  main  à  la  table,  et  écri  t  de  longues  phrases,  fébri- 


48  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

lement,  dont  elle  ignore  le  sens  ;  elle  ne  sait  pas  ce  qu'elle  écrit  et 
elle  parle  d'autre  chose  pendant  qu'elle  écrit.  C'est  l'esprit  Vincent 
qui  la  guide,  qui  est  soi-disant  l'inspirateur  de  toutes  les  banales 
dissertations  métaphysiques  et  théosophiques  dont  elle  couvre  le 
papier. 

4e  degré.  —  Mad.  Piper  perd  peu  à  peu  sa  conscience  normale.  Alors 
c'est  tantôt  Phinuit,  tantôt  Georges  Pëlham,  tantôt  Myers,  tantôt 
R.  Hodgson,  qui  parlent  pour  elle.  Mais  ces  personnalités,  très  pro- 
bablement imaginaires  et  dues  à  des  auto-suggestions,  sont  douées 
d'une  puissance  cryptesthésique  étonnante.  Monitions,  prémoni- 
tions, télépathies,  toutes  ces  lucidités  éclatent  à  chacune  des  paroles 
que,  parla  voix  de  Mad.  Piper,  disent  Phinuit  ou  George.,  Pelham,  ou 
Myers  ou  R.  Hodgson,  de  sorte  qu'il  faut  un  grand  effort  de  rationa- 
lisme —  qui  est  même  peut-être  une  erreur  —  pour  ne  pas  attri- 
buer à  une  intelligence  autre  que  celle  de  Mad.  Piper  ces  phéno- 
mènes de  presque  surhumaine  intelligence. 

Mad.  Léonard,  Mad.  Briffaut,  Stella,  la  voyante  de  Pkévorst, 
beaucoup  d'autres,  sont  des  médiums  de  cet  ordre. 

5e  degré.  —  Eusapia  tombe,  sans  être  hypnotisée,  en  état  de  transe. 
Alors  par  l'intermédiaire,  dit-elle,  de  John  King,  elle  fait  mouvoir 
des  objets,  qu'elle  ne  touche  pas;  elle  matérialise  les  mains,  quel- 
quefois là  tête  de  John  King,  et  d'autres  fantômes  parfois  appa- 
raissent. 

Home,  Mad.  d'Espérance,  Florence  Gooic,  Stainton  Moses,  Sta- 
nislawa  Tomczyk,  Miss  Goligher,  Marthe  Bûraud,  sont  des  mé- 
diums du  même  genre.  Et  le  plus  souvent,  en  même  temps  que 
les  phénomènes  mécanico-physiques  matériels,  apparaissent  des 
cryptesthésies.  La  possession  par  une  intelligence  étrangère  paraît 
complète,  non  seulement  par  la  connaissance  de  choses  inconnues 
au  médium  lui-même,  mais  encore  par  le  pouvoir  qui  lui  est  donné 
sur  la  matière. 

D'ailleurs,  en  fait,  le  plus  souvent  les  médiums  vrais  (à  téléki- 
uésie)  sont  aussi  des  sensitifs  ;  c'est-à-dire  qu'ils  ont  des  cryptes- 
thésies parfois  admirables.  Stainton  Moses  et  Home  étaient  dans 
ce  cas.  Eusapia  n'avait  que  des  effets  physiques  mécaniques,  et 
Mad.  Piped  n'a  que  des  effets  psychologiques. 

Sans  prétendre  en   rien  inférer,   il  est  de  fait  que  les  grands 


LES    MÉDIUMS  49 

médiums,  dès  le  début  des  phénomènes  produits,  soit  mécaniques, 
soitcryptesthésiques,  attribuent  toutleurpouvoirà  nnguide.  Même, 
si  l'on  veut  avoir  de  bonnes  expériences,  il  faut  expérimenter 
comme  si  l'on  était  assuré  que  ce  guide  existe  réellement,  et  s'est 
incarnédans  le  médium.  C'est,  au  sens  rigoureux  du  mot,  une  hypo- 
thèse de  travail,  presque  nécessaire  à  la  production  des  phénomènes. 

La  science  est  une  langue  bien  faite,  a  dit  un  philosophe.  Donc 
nous  ne  devrions  pas  conserver  ce  même  nom  de  médium  à  des 
individus  aussi  différents  par  exemple  qu'EusAPiA  et  Mad.  Piper. 
Nous  pourrions  appeler  médiums  les  individus  donnant  des  effets 
physiques  ;  sensitifs,  les  individus  ayant  des  phénomènes  cryptes- 
thésiques  qu'ils  attribuent  à  une  force  étrangère  ;  automates,  les 
individus  qui  sans  cryptesthésie  semblent  présenter  par  l'écriture 
automatique  des  personnalités  secondes,  créées  sans  doute  par 
auto-suggestion,  mais  qui  paraissent  spontanées. 

Comme  toute  classification,  celle-ci  est  arbitraire.  Les  sensitifs 
sont  toujours  des  automates,  tandis  que  rarement  les  automates 
sont  des  sensitifs.  On  pourrait  citer  des  centaines  de  cas  d'écriture 
automatique,  qui  ne  sont  que  des  fantaisies  médiocrement  intéres- 
santes de  l'inconscience  déchaînée,  sans  lucidité,  sans  cryptesthésie, 
sans  rien  qui  vaille  la  peine  d'être  noté,  sinon  l'extraordinaire 
puissance  de  l'inconscient. 

Pourtant,  malgré  mon  ardent  désir  de  faire  rentrer  autant  que 
possible  ces  phénomènes  métapsychiques  dans  la  psychologie  nor- 
male, je  ne  voudrais  pas  les  dénaturer,  les  mutiler,  sous  prétexte 
de  rationalisme.  L'état  de  monoidéisme  et  d'automatisme  que 
créent  les  transes  soit  hypnotique,  soit  spiritique,  développe  une  si 
extraordinaire  aptitude  à  la  cryptesthésie,  que  bien  souvent,  comme 
pour  Mad.  Piper,  commepour  Mad.  Léonard,  comme  pour  Mad.  Ver- 
rall,  on  est  tenté  de  croire  qu'il  y  a  intervention  d'une  intelligence 
étrangère.  Ce  n'est  pas  dans  ce  chapitre  que  nous  discuterons  la  ques- 
tion; on  verra  plus  loin  que  nous  n'auronsaucunetimiditéà  l'aborder 
franchement. 

Ni  les  sensitifs,  ni  les  automatiques,  ni  même  les  médiums,  ne 
peuvent  être  caractérisés  par  des  diagnoses  de  quelque  vraisem- 
blance. Ils  sont  comme  tout  le  monde.  L'âge,  le  sexe,  la  nationalité 
ne  paraissent  pas  avoir  grande  influence. 

Richet.  —  Mélapsychique.  4 


50  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

On  a  souvent  parlé  d'hystérie  ;  mais  il  semble  bien  que  l'hystérie 
ne  soit  pas  une  condition  favorable,  à  moins  de  donner  une  déme- 
surée extension  à  cette  forme  morbide.  Les  hystériques  sont  sou- 
vent hypnotisables  ;  mais  l'aptitude  à  être  hypnotisé  est  tellement 
générale  que  ce  n'est  pas  du  tout  une  caractéristique.  Les  médiums 
sont  plus  ou  moins  névropathiques,  sujets  à  des  céphalées,  des 
insomnies,  des  dyspepsies.  Mais  tout  cela  est  bien  peu  significatif. 

En  tout  cas,  je  me  refuse  absolument  à  les  considérer  comme 
des  malades,  ainsi  qu'est  trop  disposé  à  le  faire  P.  Janet1.  Certes 
il  y  a  quelque  désagrégation  de  la  conscience.  Mais,  chez  les  ar- 
tistes, les  savants,  même  les  individus  vulgaires,  n'y  a-t-il  pas  sou- 
vent d'analogues  désagrégations  de  la  conscience,  avec  automatisme 
partiel. 

J.  Maxwell  a  insisté  sur  l'existence  chez  la  plupart  des  médiums 
d'une  tache  sur  l'iris.  11  conviendrait  peut-être  de  faire  là-dessus 
quelques  recherches  statistiques.  Mais  la  difficulté  sera  toujours  de 
savoir  où  il  faudra  s'arrêter,  car  il  n'y  a  pas  de  ligne  de  démarcation 
entre  un  sensitif  et  un  normal,  entre  un  automatique  et  un  normal. 
Telle  personne  à  écriture  automatique  se  borne  à  tracer  fébrile- 
ment et  sans  conscience  de  grands  ronds  informes  sur  des  feuilles 
de  papier  blanc  ;  une  autre  écrira  des  mots  incohérents  ;  une 
autre  fera  des  phrases  suivies  :  une  autre  composera  de  petits 
poèmes  complets;  une  autre  écrira  des  volumes  et  des  romans 
entiers.  Il  y  a  tous  les  degrés  de  l'automatisme. 

Le  talent  de  l'inconscient  a  plus  de  variétés  encore  que  le  talent 
du  conscient. 

La  sensibilité  cryptesthésique  comporte,  plus  encore  peut  être, 
tous  les  degrés.  Tel  individu  qui,  dans  le  cours  de  sa  longue  vie, 
aura  été  parfaitement  normal,  verra  un  jour  une  apparition  véri- 
dique,  ou  entendra  des  voix  prémonitoires.  On  ne  peut  pas  dire 
qu'il  soit  un  sensitif.  Il  l'aura  été  pendant  quelques  minutes,  ou 
plutôt  pendant  quelques  secondes,  et  ce  sera  tout.  Des  personnes 
d'apparence  normale  regardent  dans  le  cristal,  et  au  bout  de 
quelques  instants  aperçoivent  des  visions,  des  scènes  plus  ou  moins 
dramatiques  qui  se  déroulent  dans  la  petite  boule  de  verre.  On  ne 

1.  Cette  critique  ne  diminue  en  rien   ma  haute  estime  pour  les   travaux    de 
P.  Janet.  poursuivis  avec  une  rare  sagacité. 


LES    MÉDIUMS  51 

peut  prétendre  qu'ils  sont  des  seusitifs  :  ou  ue  peut  pas  soutenir  le 
contraire  non  plus.  En  tout  cas,  il  n'y  a  pas  lieu,  là  encore,  quant 
au  mécanisme  même,  de  faire  intervenir  une  intelligence  étrangère. 

Même  les  grands  médiums  sensitifs,  comme  Mad.  Piper,  comme 
Stainton  Moses,  n'ont  aucune  caractéristique  physiologique  ou  psy- 
chologique qui  les  distingue.  Ces  individus  privilégiés,  qui,  selon 
la  doctrine  spirite,  reçoivent  messages  des  disparus  et  entrent 
en  conversation  avec  les  morts,  ne  paraissent  se  signaler  par 
aucune  autre  supériorité  intellectuelle  ou  physique.  Assurément, 
par  suite  de  la  facilité  avec  laquelle  leur  conscience  peut  se  désa- 
gréger, ils  ont  une  certaine  instabilité  mentale,  une  susceptibilité 
assez  ombrageuse.  Leur  responsabilité,  au  moins  pendant  l'état 
de  trance,  est  quelque  peu  diminuée.  Mais  ce  ne  sont  là  que  des 
nuances,  et  je  conclurais  volontiers  qu'en  dehors  de  leurs  visions, 
de  leurs  trances  et  des  apparentes  incarnations  qui  se  manifestent, 
ces  sensitifs  sont  comme  tout  le  monde. 

Le  plus  souvent  c'est  par  hasard  qu'ils  ont  découvert  leur  sensi- 
bilité. L'histoire  détaillée  des  origines  de  la  médiumnité  serait  bien 
intéressante  à  faire.  On  verrait  sans  doute  que,  pour  chaque  grand 
médium,  le  point  de  départ  a  été  assez  différent.  En  tout  cas  ce 
n'est  jamais  par  un  acte  de  volonté  délibérée  qu'ils  sont  devenus 
médiums.  Leur  pouvoir  s'est  développé  spontanément. 

Ce  qui  est  bien  curieux,  —  et  d'ailleurs  assez  décourageant,  — 
c'est  que  ce  pouvoir  ne  fait  guère  de  progrès.  Il  naît  spontanément, 
sans  qu'on  sache  ni  pourquoi,  ni  comment,  et,  s'il  a  la  fantaisie  de 
disparaître,  il  s'en  va  sans  qu'on  puisse  le  retenir.  Rate  King  a  quitté 
Florence  Cook  et  Crookes  en  donnant  pour  toute  raison  que  ce  départ 
était  nécessaire.  Mon  regretté  et  savant  ami,  le  Dr  Ségard,  m'a  dit 
que  jadis  sa  fille,  âgée  de  douze  ans  environ,  avait  présenté  pen- 
dant trois  jours  des  phénomènes  remarquables  de  télékinésie 
(lévitation  d'une  lourde  table,  raps,  mouvements  de  gros  objets 
sans  contact),  puis  que  subitement  tout  avait  disparu.  Ces  faits 
datent  d'il  y  a  vingt-cinq  ans,  et  Mad.  L...,  la  fille  de  Ségard,  n'a 
jamais  eu  depuis  lors  quelque  phénomène  analogue. 

Toute  éducation  est  inopéraote.  Je  serais  même  tenté  de  croire 
que  nos  efforts  pour  scientifiser  les  phénomènes  ont  plus  d'incon- 
vénients que  d'avantages.  Aussi,  dans  mes  expériences,  ai-je  abso- 


52  MÉTAPSYCHIQUE    EN    GÉNÉRAL 

lument  renoncé  à  vouloir  indiquer  à  un  sensitif  ou  à  un  médium 
comment  il  doit  procéder.  Il  faut  l'abandonner  à  lui-même,  car 
notre  influence,  si  nous  en  avons  une,  serait  probablement  mau- 
vaise. Un  médium  puissant  est  un  instrument  extrêmement  délicat 
et  fragile  dont  on  ne  connaît  absolument  pas  les  secrets  ressorts.  On 
s'expose  à  le  fausser  en  le  maniant  d'une  main  maladroite.  Lais- 
sons donc  en  pleine  liberté  se  développer  les  phénomènes,  sans 
prétendre  les  guider.  C'est  probablement  une  grave  erreur  que  de 
s'obstiner  à  éduquer  son  médium. 

Pourquoi  cette  fatalité?  Il  ne  me  paraît  pas  du  tout  qu'on  doive 
en  conclure  qu'il  y  a  ingérence  d'une  intelligence  étrangère.  Car, 
même  sur  les  enfants  et  les  adolescents  normaux,  notre  puissance 
de  transformation  éducative  est  assez  limitée  (et  d'ailleurs  c'est 
peut-être  heureux). 

On  n'a  pas  jusqu'à  présent  été  équitable  pour  les  médiums.  On 
les  a  calomniés,  bafoués,  vilipendés.  On  les  a  traités  cyniquement 
comme  des  animae  viles.  Quand  leurs  facultés  étaient  en  décrois- 
sance, on  les  a  laissés  s'éteindre  dans  l'obscurité  et  le  dénuement. 
Quand  on  les  rétribuait,  c'a  été  chichement,  en  leur  faisant  bien 
comprendre  qu'ils  n'étaient  que  des  machines.  Il  est  temps  que  ces 
mœurs  détestables  prennent  fin. 

Si  par  hasard  on  découvrait  un  grand  médium  à  effets  physiques 
puissants,  ou  à  effets  psychiques  exceptionnels,  au  lieu  de  l'expo- 
ser à  la  curiosité  banale  des  ignorants,  des  journalistes,  des 
grandes  et  petites  dames  qui  vont  les  consulter  pour  un  chien 
perdu  ou  un  amant  infidèle,  il  faudrait  leur  assurer  très  largement 
le  vivre  et  le  couvert,  et  peut-être  un  peu  davantage,  afin  que  leur 
médiumnité  ne  fût  pas  déshonorée  par  des  divinations  de  basse  qua- 
lité. C'est  ce  que  Mad.  Bisson  a  fait  pour  Marthe  Béraud;  lord  Dun- 
raven  pour  Home,  E.  Imoda  pour  Linda. 

En  un  mot,  il  faudrait  réserver  les  médiums  à  la  science,  la 
sévère,  généreuse  et  juste  science,  au  lieu  de  laisser  se  prostituer 
leurs  facultés  merveilleuses  aux  crédulités  enfantines  ou  aux  sar- 
casmes impudents. 

Mais  il  faudra  en  même  temps  ne  pas  se  départir  de  la  sévérité 
scientifique,  ne  pas  demander  des  expériences  stupéfiantes,  ou  des 


LES    MÉDIUMS  53 

incursions  dans  l'au-delà.  Il  faut  nous  résigner.  Ne  quittons  pas  le 
sol  de  notre  planète.  Traitons  les  phénomènes  de  la  métapsychique 
comme  des  problèmes  de  pure  physiologie.  Expérimentons  avec 
les  médiums,  êtres  rares,  privilégiés,  admirables,  et  répétons-nous 
qu'ils  ont  droit  à  tout  notre  respect,  mais  aussi  qu'ils  exigent  toute 
notre  méfiance. 


LIVRE  DEUXIEME 
DE  LA  MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 


CHAPITRE  PREMIER 

MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE  EN  GÉNÉRAL 

|  1.  —  DES  LIMITES  ENTRE  LE  PSYCHIQUE 
ET  LE  MÉTAPSYCHIQUE 

Tout  de  suite  nous  nous  heurtons  à  une  difficulté  primordiale. 
Car  enfin,  dès  qu'on  peut  expliquer  par  une  extrême  acuité  de 
l'intelligence  humaine  et  par  une  construction  systématique  incons- 
ciente certains  phénomènes  de  soi-disant  lucidité,  il  est  évident 
que  nous  n'avons  plus  alors  à  invoquer  la  métapsychique,  c'est-à- 
dire  à  supposer  soit  des  facultés  inconnues  de  notre  intelligence, 
soit  des  ingérences  d'autres  intelligences.  Il  nous  suffira  de  dire  : 
«  Ce  ne  sont  que  les  effets  d'une  intelligence  humaine  très  péné- 
trante, n 

Nous  voici  donc  contraints  tout  d'abord  d'examiner  quelles  sont 
les  limites  de  l'intelligence  humaine. 

Problème  d'autant  plus  ardu  que  des  phénomènes  intellectuels 
multiples  se  produisent  sans  que  la  conscience  en  soit  avertie.  Et 
cela,  c'est  de  la  psychologie  normale,  classique  depuis  Leibniz. 
L'esprit  peut  travailler  sans  que  la  conscience  assiste  à  ce  travail  ; 
des  opérations  intellectuelles  très  compliquées  se  produisent  à 
notre  insu  ;  tout  un  monde  d'idées  frémit  en  nous,  que  nous  ne 
connaissons  pas.  Probablement  nul  souvenir  du  passé  ne  s'est 
effacé.  La  conscience  oublie  beaucoup  :  la  mémoire  n'oublie  rien  ; 
tout  l'amas  des  anciennes  images  est  conservé,  presque  intact, 
quoique  ayant  disparu  de  la  conscience.  Car  l'inconscience  veille  : 
elle  continue  à  s'agiter  à  coté  de  la  conscience  endormie.  Sans 


56  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

doute  aussi  alors  des  comparaisons,  des  associations,  des  jugements 
se  forment,  phénomènes  intellectuels  auxquels  notre  moi  conscient 
ne  prend  aucune  part. 

On  ne  saurait  attacher  trop  d'importance  à  ces  phénomènes  de 
l'inconscience.  Or,  comme  il  est  nécessaire  d'éliminer  de  la  méta- 
psychique  tout  ce  qui  peut  être  expliqué  par  la  psychologie  nor- 
male, et  que  le  travail  inconscient  de  l'esprit  relève  de  la  psycho- 
logie normale,  nous  devons  constamment  nous  dire  ceci,  qui  sera 
une  loi  absolue  :  L'inconscient  est  capable  de  tout  ce  que  peut  faire 
le  conscient. 

Nos  sens  nous  donnent  une  certaine  notion  des  choses,  et  nous  ne 
connaissons  des  choses  que  ce  qui  nous  a  été  apporté  par  les  sens. 
(Nihil  est  in  intellectu  quod  non  prius  fuerit  in  sensu) .  Mais  les  arran- 
gements de  ces  données  sensorielles  peuvent  apporter  à  nos  idées 
une  complexité  extraordinaire.  C'est  ainsi  que  l'inconscient  peut 
fabriquer  des  poésies,  des  discours,  des  drames,  des  mathéma- 
tiques, c'est-à-dire  tout  ce  que  peut  fabriquer  l'intelligence  humaine, 
consciente.  Pourtant  cette  inouïe  richesse  n'est  qu'une  richesse  docu- 
mentaire ;  l'intelligence,  consciente  ou  inconsciente,  si  nous  ne  lui 
supposons  pas  quelque  faculté  nouvelle  de  connaissance,  ne  pourra 
jamais  fournir  plus  que  ce  qui  lui  a  été  donné.  Elle  ne  pourra  tra- 
vailler que  sur  des  matériaux  à  elle  apportés  par  les  voies  senso- 
rielles normales. 

De  même,  suivant  une  comparaison  célèbre,  un  moulin  à  café 
est  excellent  pour  moudre  ;  mais  il  ne  pourra  jamais  fournir  autre 
chose  que  ce  qu'on  lui  a  donné  à  moudre. 

Supposons  qu'HÉLÈNE  Smith  n'ait  jamais  entendu  un  mot  de  sans- 
crit, qu'on  ne  lui  ait  jamais  parlé  cette  langue,  qu'elle  n'ait  lu  et 
pu  lire  aucun  livre  de  sanscrit.  Alors,  s'il  lui  arrive  de  converser  ou 
d'écrire  en  sanscrit,  autrement  dit  de  réinventer  cette  langue,  je 
déclarerai  le  fait  miraculeux,  et  j'y  verrai  un  phénomène  métapsy- 
chique  ;  car  nulle  intelligence  humaine  n'est  capable  de  ce  prodige. 

Mais,  avant  d'en  arriver  à  cette  extrémité,  je  ferai  toutes  suppo- 
sitions que  me  suggérera  ma  répugnance  à  admettre  le  supra- 
normal.  Il  faudra  d'abord  qu'HÛLÈNE  m'établisse  qu'elle  n'a  jamais 
ouvert  un  livre  de  sanscrit,  et  la  preuve  n'est  pas  facile  à  donner. 
Car,  même  si  elle  est  de  bonne  foi,  elle  a  pu  oublier  qu'un  jour, 


LIMITES    DU    PSYCHIQUE    ET    DU    MÉTAPSYCHIQUE  57 

jadis,  dans  une  bibliothèque  publique  ou  privée,  elle  a  feuilleté  un 
livre  où  il  y  avait  du  sanscrit.  En  outre,  il  faudra  que  la  phrase  de 
sanscrit  ne  soit  pas  une  simple  citation,  mais  bien  un  vrai  discours 
adapté  aux  circonstances  présentes.  Les  conditions  nécessaires  pour 
que  daus  ce  cas  je  puisse  admettre  scientifiquement  la  nature 
transceudentale  du  phénomène  sont  tellement  dures  que  je  doute 
fort  qu'on  puisse  souvent  les  trouver  réunies. 

De  même  encore  A...,  qui  n'a  jamais  écrit  en  vers,  dont  l'esprit 
n'est  nullement  poétique,  compose  en  état  médianimique  une  série 
de  poèmes  curieux  où  apparaît  un  sens  poétique  délicat  et  original. 
Elle  écrit  ainsi  plusieurs  volumes  de  vers,  dictés  avec  une  telle 
rapidité  qu  on  a  peine  à  la  suivre.  Voilà  certes  qui  est  bien  éton- 
nant, bien  imprévu.  Mais,  avant  de  dire  qu'une  intelligence  inter- 
vient, autre  que  celle  de  A...  je  supposerai,  ce  qui  est  plus  simple, 
que  A...  a  des  facultés  poétiques  inconscientes.  En  effet  ses  vers,  si 
charmants  qu'ils  soient,  n'ont  absolument  rien  qui  dépasse  l'intel- 
ligence humaine. 

Je  sais  bien  que  les  spirites  et  occultistes  vont  s'indigner,  comme 
ils  se  sont  indignés  contre  mon  savant  ami  T.  Flournoy.  Mais  leur 
indignation  ne  se  justifie  guère  ;  car  c'est  à  eux  qu'il  appartient 
de  prouver  l'ingérence  d'une  intelligence  étrangère.  Or,  cette 
preuve,  ils  ne  me  la  fourniront  que  s'ils  parviennent  à  établir 
l'absolue  incapacité  de  l'intelligence  humaine  à  composer  incon- 
sciemment tels  ou  tels  vers,  à  retenir  inconsciemment  telles  ou 
telles  bribes  du  langage  sanscrit. 

Laplace  dit  quelque  part  à  peu  près  ceci  :  La  rigueur  des  preuves 
doit  se  proportionner  à  la  gravité  des  conclusions.  Or  admettre  qu'une 
intelligence  extra-terrestre  anime  le  cerveau  d'HÉLÈNE  Smith  pour 
lui  insuffler  le  sanscrit,  ou  le  cerveau  de  A...  pour  lui  dicter  des 
vers  français,  cela  est  tellement  grave,  tellement  monstrueux,  telle- 
ment contraire  au  bon  sens  et  à  la  logique,  que  j'admets  toute  hypo- 
thèse, sauf  l'absurde  et  l'impossible,  plutôt  que  l'hypothèse  d'une 
intelligence  extra-terrestre.  Après  tout  il  est  assez  simple  de  sup- 
poser qu'HÉLÈNE  a  fixé  dans  son  impeccable  mémoire  quelques 
phrases  de  sanscrit  lues  dans  un  livre  il  y  a  dix  ans,  et  que  A... 
dans  son  inconscience,  fabrique  des  vers  aussi  rapidement  qu'un 
poète  professionnel. 


58  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Avant  qu'où  ose  affirmer  l'intervention  d'une  autre  intelligence, 
il  faut  avoir  épuisé  toutes  les  hypothèses  normales,  aussi  bien  que 
celle  d'un  travail  inconscient  de  l'esprit,  que  celle  d'une  mémoire 
à  laquelle  rien  n'a  échappé.  Dans  le  cours  des  chapitres  qui  sui- 
vront, je  donnerai  des  exemples  de  cette  rigueur  nécessaire. 

Stella  me  dit,  par  les  mouvements  de  la  table,  comme  si  elle 
incarnait  Louise  :  Donne  à  Stella  le  marbre  qui  est  dans  ton  salon.  Or 
je  n'avais  jamais  dit  à  Stella  qu'il  y  avait  un  marbre  dans  mon 
salon.  Tout  de  même,  encore  que  ce  soit  extrêmement  invraisem- 
blable, je  ne  suis  pas  absolument  certain  que  je  ne  le  lui  ai  pas  dit. 
Je  n'oserais  pas  condammer  un  homme  à  mort  là-dessus.  Or  il  faut 
être  aussi  sévère  pour  une  conclusion  scientifique  qu'on  le  serait 
pour  une  condamnation  à  mort.  En  outre,  quelqu'un  a  pu  dire  à 
Stella  que  j'avais  un  marbre  dans  mon  salon.  C'est  peu  probable, 
puisque  je  crois  bien  que  Stella  n'a  jamais  parlé  à  quelqu'un  qui 
est  entré  dans  mon  salon.  Et  pui§  Stella  peut  avoir  dit  cette 
phrase  à  tout  hasard.  En  somme,  quoiqu'il  s'agisse  là  d'hypo- 
thèses peu  vraisemblables,  il  en  est  une  autre  plus  invraisem- 
blable encore,  c'est  que  l'intelligence  de  Louise,  ou  une  intelli- 
gence étrangère  quelconque,  a  révélé  à  Stella  qu'il  y  avait  un 
marbre  dans  mon  salon  l. 

Assurément,  il  y  aura  une  limite  à  cette  sévérité,  et  on  ne  doit  pas 
la  pousser  jusqu'à  l'absurde.  Pour  reprendre  le  cas  d'HÉLÈNE  Smith,  si 
Hélène,  toute  jeune  encore,  n'ayant  jamais  fréquenté  ni  une  biblio- 
thèque, ni  un  orientaliste,  n'ayant  jamais  été  en  Orient,  tient  une 
longue  conversation  en  sanscrit,  au  lieu  d'écorcher  (comme  elle 
le  fait  en  réalité)  quelques  mots  incohérents  de  cet  idiome,  si  elle 
saisit  les  finesses  grammaticales  et  philologiques  de  ce  langage  com- 
pliqué, autrement  dit,  si  elle  sait  le  sanscrit  sans  l'avoir  appris, 
il  me  sera  impossible  d'admettre  l'hypothèse  d'une  mémoire 
inconsciente.  Elle  n'a  pas  étudié  le  sanscrit,  cela  est  certain.  Alors, 
si  elle  le  parle  bien,  je  ne  vois  pas  comment,  même  en  admet- 
tant, dans  toute  son  intensité,  une  mémoire  inconsciente,  impec- 

1.  Il  est  vrai  que,  lorsque  la  cryptesthésie  aura  été  par  de  multiples  preuves 
solidement  démontrée,  on  pourra  accepter  bien  des  faits  qu'on  ne  peut  invoquer 
aujourd'hui.  Aujourd'hui  la  démonstration  est  à  faire.  De  là,  l'absolue  nécessité 
d'éliminer  impitoyablement  tout  ce  qui  n'est  pas  irréprochable,  en  fait,  de  démons- 
tration. On  aura  le  droit  plus  tard  d'être  moins  exigeant. 


LIMITES    DU    PSYCHIQUE    ET    DU    MÉTAPSYCHIQUE  59 

cable  l,  et  un  travail  inconscient  compliqué,  toute  une  laDgue  sans- 
crite couuue  et  parlée  dans  tous  ses  détails  pourrait  être  élaborée 
sur  quelques  rares  données  de  la  mémoire  inconsciente.  La  divi- 
nation d'une  langue  inconnue  deviendra  uu  phénomène  métapsy- 
chique. 

Stella,  quand  je  lui  demande  le  nom  d'une  des  femmes  qui  ont 
été  près  de  moi  dans  mon  enfance,  me  dit  :  Mélanie.  Je  ne  pensais 
pas  du  tout  à  Mélanie,  et  je  suis  sur,  irréprochablement  sûr,  que 
le  nom  de  Mélanie,  laquelle  a  disparu  de  ma  vie  depuis  cinquante 
ans,  et  à  laquelle  je  n'ai  jamais  pensé  depuis  cinquante  ans,  n'a 
jamais  été  prononcé  par  moi.  Alors,  dans  ce  cas,  je  suis  forcé  de 
conclure  qu'il  y  a  eu  là  un  phénomène  métapsychique,  car  ni  la 
pantomnésie,  ni  le  travail  inconscient,  qui  élabore  de  vieux  souve- 
nirs, ne  peuvent  justifier  ce  nom  de  Mélanie  (et  je  laisse  toujours  de 
côté  l'hypothèse  du  hasard). 

On  ne  sera  donc  pas  étonné  si  maintes  fois  nous  n'admettons  pas 
comme  métapsychiques  des  phénomènes  qui,  pourtant,  aux  yeux  des 
crédules,  ont  une  apparence  métapsychique 2.  Gràceà la  pantomnésie 
et  au  travail  inconscient  de  l'esprit  certains  individus  sont  capables 
de  rapidement  construire  des  édifices  poétiques,  romanesques, 
scientifiques,  très  complexes,  qui  excitent  l'admiration,  mais  qui 
ne  doivent  pas  plus  nous  surprendre  que  s'ils  étaient  conscients. 

Stella,  qui  à  l'état  normal  ne  compose  jamais  de  poésies,  à  l'état 
médianimique  dicte  par  la  table  des  vers,  parfois  excellents,  sur 
un  sujet  donné,  lesquels  ont  le  nombre  de  mots  demandé  arbitrai- 
rement. Mais,  simultanément,  sans  que  j'en  tire  le  moins  du  monde 
vanité,  j'ai  pu,  par  une  sorte  de  concours  poétique  avec  Pétrarque, 
qui,  disait  la  table,  parlait  par  l'intermédiaire  de  Stella,  compo- 
ser consciemment  quatre  vers  sur  un  sujet  donné,  avec  le  nombre 
de  mots  demandé,  et  cette  poésie  de  commande  n'a  été,  somme  toute, 

1.  Le  mot  impeccable  n'est  pas  bon.  Pour  indiquer  que  la  mémoire  n'a  rien 
oublié,  et  que  tout  ce  qui  a  frappé  nos  sens  reste  fixé  dans  le  cerveau  incons- 
cient, je  proposerai  le  mot  de  pantomnésie,  ce  qui  veut  dire,  d'après  l'étymologie, 
que  nul  vestige  de  notre  passé  intellectuel  ne  s'est  effacé.  Probablement  nous 
sommes  tous  pantomnésiques.  Dans  l'appréciation  des  phénomènes  métapsy- 
chiques, nous  devons  admettre  que  nous  n'avons  absolument  rien  oublié  de  ce 
qui  a  une  fois  frappé  nos  sens. 

2.  Je  répéterai  ici  que  pour  le  mot  métapsychique  je  me  rapporte  à  la  défini- 
tion même  ;  un  phénomène  est  métapsychique,  quand  il  suppose  l'intervention 
d'une  force  étrangère,  ou  d'une  puissance  inconnue  de  notre  humaine  intelligence. 


60  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

Di  meilleure,  ni  pire,  que  celle  de  Pétrarque.  J'aime  mieux  supposer 
que  Stella  a  composé  inconsciemment  ce  que  j'ai  pu  composer 
consciemment.  Ce  n'est  pas  là  une  hypothèse  bien  invraisemblable. 
En  tout  cas,  c'est  beaucoup  plus  simple  que  de  supposer  l'inter- 
vention de  Pétrarque. 

On  connaît  —  et  nous  les  citerons  plus  loin  —  les  vers  magnifi- 
ques que  Victor  Hugo  a  adressés  à  l'ombre  de  Molière.  La  réponse 
de  Molière  est  très  belle  aussi,  mais  elle  est  tout  à  fait  dans  le  style 
de  Victor  Hugo.  Même  si  elle  était  du  style  de  Molière,  il  vaudrait 
mieux  croire  que  c'est  le  médium,  qui,  par  un  pastiche  inconscient 
et  habile,  a  composé  et  dicté  des  vers  à  la  manière  de  Molière,  plutôt 
que  de  supposer  l'intervention  réelle  de  Molière. 

Victorien  Sardou  a  tracé,  en  état  médianimique,  un  dessin 
étrange,  célèbre,  intitulé  :  la  maison  de  Mozart.  Rien  n'est  plus  sin- 
gulier. Pourtant  il  me  paraîtra  toujours  plus  simple  d'admettre  que 
la  belle  intelligence  de  Sardou  a  fait  un  travail  inconscient,  plutôt 
que  de  supposer  l'âme  de  Mozart  mort  revenant  animer  les  muscles 
de  Victorien  Sardou. 

Il  faut  que  toujours  chaque  cas  spécial  soit  scrupuleusement  étu- 
dié, et  dans  tous  ses  détails,  avant  d'affirmer  qu'il  s'agit  vraiment 
d'un  phénomène  métapsychique. 

Or  l'analyse  délicate,  difficile,  de  tous  ces  cas  particuliers  nous 
amènera,  comme  on  le  verra  plus  loin,  à  cette  conclusion  qu'il 
est  un  certain  nombre  de  faits  intellectuels  subjectifs  (beaucoup 
moins  nombreux  d'ailleurs  que  ne  le  croient  les  spirites)que  ni  les 
pantomnésies,  ni  l'élaboration  inconsciente  de  ces  pantomnésies  ne 
peuvent  expliquer. 

Et  cependant,  même  pour  ces  faits  inexplicables  par  la  panto- 
mnésie,  nous  ne  concluerons  pas  qu'il  y  a  alors  intervention  d'une 
intelligence  étrangère  ;  car  une  autre  hypothèse  est  possible,  c'est 
quel' intelligence  humaine  a  une  extension  plus  grande  que  celle  que 
nous  avons  coutume  de  lui  attribuer. 

L'axiome  nihil  est  intellectu  quod  non  prius  fuerit  in  sensu...,  est 
un  axiome  hypothèse.  Certains  philosophes  ont  ajouté...  nisi  ipse 
intellectus.  Et  ils  ont  eu  raison,  car  après  tout  l'intellect  est  peut-être 
beaucoup  plus  profond  que  nous  ne  le  croyons. 


LIMITES    DU    PSYCHIQUE    ET    DU    MÉTAPSYCHIQUE  61 

D'ailleurs  ici  il  ne  s'agit  pas  de  l'intelligence  seule;  maisdes  sensa- 
tions perçues  par  l'intelligence.  Il  y  a  peut-être  d'autres  sens  que 
les  cinq  sens  à  nous  connus.  Certains  animaux,  comme  les  pigeons 
par  exemple,  ont  un  sens  de  directiou,  qui,  malgré  tous  nos  efforts 
d'analyse,  nous  a  échappé  à  peu  près  complètement.  Pourquoi 
n'existerait-il  pas  des  facultés  de  connaissance  autres  que  nos  sens  ? 
Nous  croyons  savoir  que  l'aimant,  quoiqu'il  agisse  sur  le  fer,  n'in- 
fluence pas  nos  cellules  nerveuses.  Pourtant,  si  Ton  venait  à  prouver 
que  la  force  de  l'aimant  influence  le  système  nerveux,  je  n'en  serais 
pas  extraordinairement  surpris.  La  télégraphie  sans  fil  nous  a 
appris  qu'on  peut  envoyer,  sans  fil  conducteur,  des  messages  à  tra- 
vers l'espace.  Donc  il  est  bien  possible  que,  par  des  mécanismes 
analogues,  invisibles,  inappréciables  à  nos  appareils  de  physique 
et  à  nos  sens,  le  cerveau  puisse  être  influencé,  sans  que  nous  sachions 
rien  dire,  soit  de  l'appareil  récepteur,  soit  de  l'appareil  transmet- 
teur. C'est  notre  ignorance  qui  limite  à  nos  cinq  sens  toute  connais- 
sance possible  du  monde  extérieur. 

Donc,  avant  de  conclure  à  une  intelligence  extérieure,  j'admet- 
trais volontiers,  au  moins  provisoirement,  cette  hypothèse  qu'il  y 
a  dans  notre  intelligence  des  facultés  de  connaissance  qui  ne  sont  pas 
déterminées  encore,  qui  ne  sont  ni  banales,  ni  quotidiennes,  mais  irré- 
gulières dans  leurs  manifestations  encore  mystérieuses. 

Or  cela,  c'est  de  la  métapsychique,  et  il  s'agira  alors  de  décider 
entre  ces  deux  hypothèses. 

1°  Est-ce  une  intelligence  étrangère  qui  agit  sur  la  nôtre  ? 

2°  Est-ce  que  notre  intelligence  est  dotée  de  facultés  de  connais- 
sance nouvelles? 

Pour  conclure  en  faveur  de  l'une  ou  l'autre  supposition,  il  ne 
faudra  pas  se  contenter  des  seuls  phénomènes  de  métapsychique 
subjective.  Il  conviendra  de  voir,  comme  nous  le  ferons  plus  tard, 
si  le  faisceau  des  preuves  diverses  qui  tendraient  à  faire  croire  à 
une  intelligence  extra-terrestre  est  assez  fort  pour  faire  prévaloir 
soit  l'hypothèse  d'une  intelligence  humaine,  dotée  de  facultés  nou- 
velles, soit  l'hypothèse  d'une  intelligence  étrangère,  s'incorporant, 
s'incarnant  dans  l'intelligence  humaine. 

En  tout  cas,  au  point  de  vue  de  la  méthode,  ce  qui  importe  avant 
tout,  c'est  que  jamais  on  ne  perde  de  vue  le  précepte  de  Laplace. 


62  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Avant  d'arriver  au  métapsychique,  il  faut  épuiser  toutes  les  possi- 
bilités du  psychique.  Or  la  psychologie  nous  apprend  d'abord  qu'il 
y  a  pantomnésie,  c'est-à-dire  qu'aucun  souvenir  ancien  n'estefîacé,  et 
ensuite  qu'il  y  a,  dans  l'inconscient,  tout  comme  dans  le  conscient, 
peut-être  même  plus  que  dans  le  conscient,  de  longues,  et  savantes, 
et  compliquées  élaborations. 

En  résumé,  pour  séparer  le  psychique  et  le  métapsychique,  nous 
adopterons  le  critérium  suivant  :  Tout  ce  que  peut  faire  une  intelli- 
gence humaine,  même  très  profonde  et  très  subtile,  est  psychique.  Sera 
métapsychique,  tout  ce  qu'une  intelligence  humaine,  même  très  profonde 
et  très  subtile,  ne  peut  pas  faire. 

Si  Hélène  Smith  parle  couramment  et  correctement  le  sanscrit, 
sans  avoir  lu  ou  entendu  un  seul  mot  de  sanscrit,  c'est  métapsy- 
chique, car  aucune  intelligence  n'est  en  état  de  reconstituer  le  sans- 
crit. 

A...,  croyant  qu'elle  est  inspirée  par  son  guide,  compose  des 
vers  très  élégants  rapidement  écrits  :  c'est  psychique,  car  beaucoup 
de  personnes  —  et  par  conséquent  peut-être  A...  —  sont  capables 
de  composer  des  vers  élégants,  avec  autant  de  rapidité. 

Stella  me  dit  le  nom  d'une  vieille  domestique  qui  était  il  y  a 
cinquante  ans  chez  mes  parents.  C'est  métapsychique,  car  en  toute 
certitude  jamais  elle  n'a  entendu  prononcer  ce  nom  ;  et  aucune 
intelligence  humaine,  consciente  ou  inconsciente,  n'est  en  état  de 
dire  ce  nom,  sans  qu'on  le  lui  ait  appris. 

T...  vient  de  quitter  son  ami  J...  qu'il  a  laissé  en  bonne  santé.  Il 
le  voit  apparaître  devant  lui,  note  l'heure,  et  dit  :  «  C'est  à  21  heures 
que  J...  est  mort.  »  C'est  métapsychique,  puisque  aucune  notion 
psychologique  normale  n'a  pu  apprendre  à  T...  que  J...  est  mort 
à  21  heures. 

Et  alors  le  travail  d'analyse,  auquel  il  faudra  apporter  une  scru- 
puleuse attention,  sera  d'examiner  si  les  faits  invoqués  sont  expli- 
cables par  les  lois  connues  de  l'intelligence,  ou  s'il  ne  faut  pas, 
comme  je  pense  pouvoir  le  démontrer  par  des  preuves  multiples, 
supposer  une  sensibilité  spéciale  que  j'appellerai  cryptesthésie,  une 
faculté  de  connaissance  nouvelle,  qui.  est  la  lucidité  des  anciens 
auteurs,  la  télépathie  des  auteurs  modernes. 


CALCUL    DES    PROBABILITÉS  63 

§  II.  —  LE  HASARD  ET  LE  CALCUL  DES  PROBABILITÉS 
DANS  LES  FAITS  MÉTAPSYCHIQUES 

Dans  les  expériences  où  s'étudie  la  lucidité,  deux  cas  peuvent 
se  présenter.  Tantôt  c'est  une  combinaison,  de  probabilité  P,  qui 
apparaît  spontanément,  tantôt  c'est  la  même  combinaison,  de 
même  probabilité  P,  qui  apparaît  sur  demande.  La  valeur  testi- 
moniale n'est  pas  du  tout  la  même  dans  les  deux  cas.  Faute  d'avoir 
établi  cette  distinction,  on  commet  de  graves  méprises. 

Je  demande  à  Andrée  :  «  Quel  est  le  nom  de  la  personne  qui  m'a 
écrit  ce  matin  la  lettre  que  fat  dans  mon  portefeuille?  »  Elle  me 
répond  :  «  C'est  un  nom  de  fleur  :  Marguerite  ».  Or  ce  nom  n'est  pas 
Marguerite,  mais  Hélène.  Soudain,  je  me  souviens  que  j'ai  ce  matin 
même  reçu  une  lettre  qui  avait  pour  toute  signature,  en  très  grands 
caractères,  Marguerite,  lettre  que  j'avais  laissée  chez  moi,  et  à 
laquelle  je  ne  pensais  nullement  en  interrogeant  Andrée.  Comment 
calculer  la  probabilité? 

Si,  ayant  dans  mon  portefeuille  la  lettre  de  Marguerite,  j'avais 
demandé  :  «  Quel  est  le  nom  de  la  personne  qui  m'a  écrit  la  lettre  que 
j'ai  dans  mon  portefeuille'?  »  et  qu'il  m'eût  été  répondu  :  Marguerite, 
l'expérience  eût  été  irréprochable,  et  le  calcul  des  probabilités 
aurait  pu  pleinement  s'exercer.  Il  m'eût  suffi  alors  de  savoir  qu'il 
y  a  environ  cinquante  prénoms  très  usuels.  La  probabilité  d'une 
bonne  réponse  eût  donc  été  de  1/50°.  C'est  à  peu  près  la  probabilité 
de  désigner  par  avance  dans  un  jeu  de  cartes  quelle  sera  la  carte 
qu'on  va  tirer. 

Mais,  si  je  n'ai  pas  voulu  obtenir  ce  nom  de  Marguerite,  tout 
change. 

D'abord,  il  y  avait  deux  prénoms  possibles  :  Hélène  et  Margue- 
rite. La  probabilité  est  donc  au  moins  2/50e. 

Or  il  faut  aller  beaucoup  plus  loin  ;  car,  si  un  autre  prénom 
avait  été  donné,  Louise,  ou  Madeleine,  ou  Alice,  est-ce  que  je  n'au- 
rais pas  pu  prétendre  qu'hier  j'ai  reçu  une  lettre  de  Louise,  avant- 
hier  une  de  Madeleine,  et  une  d'ALicE,  il  y  a  trois  jours?  C'est  donc 
à  peine  si  j'ai  le  droit  de  dire  qu'il  y  a  eu  un  succès  avec  une  pro- 
babilité de  2/50e.  Une  réponse,  quand  elle  n'est  pas  une  réponse  directe 
à  la  question  posée,  a  une  valeur  probative  toujours  faible. 


64  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

C'est  un  peu  comme  si,  dans  un  examen,  je  demande  à  un  élève  : 
quel  est  le  gaz  qui  se  combine  à  l'hydrogène  pour  faire  de  l'eau  ? 
et  qu'il  me  réponde  :  le  chlore  se  combine  au  sodium  pour  faire  du 
chlorure  de  sodium. 

Quoiqu'il  soit  parfaitement  exact  que  le  chlore  se  combine  au 
sodium,  je  n'aurai  pas  été  satisfait  de  cette  réponse. 

Le  calcul  des  probabilités  ne  s'exerce  que  si  l'on  s'est  mis  dans 
des  conditions  d'extrême  rigueur,  car  le  moindre  défaut  dans  l'ex- 
périmentation va  modifier  énormément  le  chiffre  obtenu.  D'autre 
part,  si  l'expérimentation  est  irréprochable,  absolument  irrépro- 
chable (ce  qui  est  d'ailleurs  assez  rare),  le  calcul  des  probabilités 
pourra  lui  être  appliqué  rigoureusement. 

Supposons  donc  l'expérience  irréprochable,  et  voyons  quel  chiffre 
nous  permettra  de  dire  qu'il  ne  s'agit  plus  du  hasard. 

En  pratique  les  savants  n'admettent  pas  le  hasard  dans  leurs 
dosages.  Voici  un  chimiste  qui  veut  connaître  le  poids  atomique 
de  l'argent,  et  qui  trouve  108,42.  Il  ne  lui  viendra  jamais  à  la  pensée 
que  c'est  le  hasard  qui  lui  a  donné  ce  nombre.  Tout  de  même,  il 
refera  l'expérience,  et,  si  dans  l'expérience  consécutive  il  trouve 
108,34,  il  ne  va  pas  non  plus  croire  au  hasard;  mais,  prenant  la 
moyenne  de  ces  deux  nombres,  il  adoptera  108,38  comme  poids  ato- 
mique de  l'argent. 

On  ne  voit  pas  bien  d'abord  pourquoi  on  refuserait  à  la  métapsy- 
chique  le  droit  de  conclure  de  deux  expériences,  puisqu'on  ne  le 
refuse  ni  à  l'astronomie,  ni  à  la  chimie,  ni  à  la  physiologie.  Et 
pourtant,  après  réflexion,  on  comprend  pourquoi,  en  métapsychique, 
cette  possibilité  du  hasard  se  pose;  car  l'expérience  ne  va  pas, 
comme  en  chimie  ou  en  physiologie,  se  répéter  avec  des  résultats 
analogues  qui  permettront  de  prendre  la  moyenne. 

Si,  après  avoir  trouvé  le  premier  jour  108,42  pour  le  poids 
atomique  de  l'argent,  le  chimiste  trouvait  le  lendemain  22,87,  il 
serait  forcé  de  conclure  que  son  premier  résultat  est  dû  au  hasard. 
De  fait  il  trouvera  le  lendemain  un  nombre  très  voisin  du  nombre 
trouvé  le  premier  jour,  et  le  surlendemain  aussi,  de  sorte  que 
les  trois  résultats  108,42;  108,34;  108,35  ne  peuvent  être  attribués 
au  hasard.  Au  contraire,  ils  se  corroborent  l'un  par  l'autre. 

Après  que  Andrée  m'a  dit  Marguerite,  je  lui  demande  le  lende- 


-     CALCUL    DES    PROBABILITÉS  65 

main  un  autre  prénom.  Réponse  erronée.  Le  surlendemain  je 
demande  un  autre  prénom.  Réponse  erronée  encore-.  Alors  je  suis 
vraiment  forcé  de  tenir  compte  de  ces  mauvaises  réponses,  et  à  la 
rigueur,  je  puis  supposer  que  le  résultat  heureux  Marguerite  est  dû 
au  hasard,  tandis  que  pour  la  détermination  du  poids  atomique 
de  l'argent,  tous  les  résultats  étant  très  voisins,  il  ne  peut  être 
question  de  hasard. 

Terrible  vice  des  expériences  métapsychiques.  Elles  ne  peuvent 
presque  jamais  avec  certitude  se  renouveler.  On  n'est  jamais  sûr 
que  demain  on  obtiendra  les  mêmes  bons  résultats  qu'on  a  eus 
aujourd'hui.  Avec  tel  médium  on  a  eu  toute  une  série  de  beaux 
succès  de  lucidité  ;  mais,  quelques  jours  après,  avec  le  même 
médium,  devant  une  sévère  commission,  si  l'on  veut  répéter  une  seule 
de  ces  expériences,  on  échoue  piteusement. 

Ce  n'est  pas  à  dire  qu'il  faut  désespérer,  et  encore  moins  renoncer 
au  calcul  des  probabilités.  Loin  de  là.  Ne  craignons  jamais  de 
recommencer  les  expériences.  N'imitons  pas  Don  Quichotte,  qui, 
après  avoir  construit  un  casque,  voulut  savoir  si  l'objet  était 
robuste  :  il  lui  asséna  un  bon  coup  d'épée  qui  le  brisa.  Alors  il 
fabriqua  un  autre  armet;  mais,  pour  ne  pas  risquer  de  le  briser 
encore,  il  ne  voulut  pas  l'essayer  à  nouveau  et  se  contenta  de  celui 
qu'il  venait  de  bâtir  sans  éprouver  s'il  était  bien  solide. 

Après  qu'une  expérience  a  été  faite  et  a  réussi,  ne  redoutons  pas  de 
l'infirmer  ou  de  la  confirmer  par  une  répétition.  Au  contraire  cher- 
chons si  elle  est  solide,  cette  expérience,  et  si  elle  va  résister  à  une 
nouvelle  épreuve. 

Plus  les  constatations  se  multiplient,  plus  elles  acquièrent  de  va- 
leur. Afin  de  prendre  l'exemple  des  prénoms,  nous  avons  vu  que 
pour  Marguerite  la  probabilité  est  de  1/50,  mais  qu'en  fait  dans  ce  cas 
elle  était  de  2/S0e.  Admettons  même,  pour  les  raisons  données  plus 
haut,  que  la  probabilité  soit  de  5/50e  (ou  de  1/1 0e).  Nous  voici  avec 
une  probabilité  qui  n'est  pas  très  petite,  et  qui  interdira,  après  une 
seule  expérience,  toute  conclusion  ferme.  Mais  si  pendant  dix  jours 
je  répète  cette  expérience  et  si  j'obtiens  constamment  un  succès 

/  l  \  ,0 
à  probabilité  de  1/1 0e,  ce  sera  une  probabilité  de  \Jq-)    ,  c'est-à- 
dire  l'absolue  certitude  (morale). 

Ricket.  —  Métapsychique.  5 


66  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Or  jamais  ou  n'obtient  une  série  prolongée,  non  interrompue, 
de  succès.  Mais  cela  n'interdit  nullemeut  l'application  du  calcul 
des  probabilités.  En  effet,  on  peut  par  le  calcul  introduire,  parmi 
les  expériences  qui  n'ont  pas  réussi,  les  expériences  qui  n'ont  pas 
réussi  (probabilité  composée]. 

La  formule  classique  est  : 

S! 


a!  [i! 


a*  fis 


Cette  formule  indique  une  série  d'expériences  de  nombre  S  dans 
laquelle  il  y  a  eu  alternativement  des  succès  en  nombre  a  avec  une 
probabilité  p  et  des  échecs  en  nombre  p  avec  une  probabilité  q. 
Naturellement  a  -j-  (S  ==  S. 

Le  signe  !  indique  la  multiplication  successive  1  X  2  X  3,  etc., 
jusqu'au  chiffre  S,  comme  daus  les  arrangements. 

Telle  est  la  probabilité  totale,  composée. 

Soit  une  urue  contenant  six  boules,  cinq  noires  et  une  blauche. 
Je  fais  douze  tirages  en  remettant  daus  l'urne  après  chaque  tirage 
la  boule  tirée. 

p  pour  la  boule  blanche,  est  -y  , 

q  pour  la  boule  noire  est  -%-  ■ 

Je  suppose  que  l'expérience  me  donne  sur  douze  tirages  5  fois 
une  boule  blanche  et  7  fois  uue  boule  noire  (a  =  5  et  {S  =  7).  La 
probabilité  de  5  boules  blanches  sur  12  épreuves  sera  : 

1  X  2  X  3  X  4  X  5  X  fi  X  7  X  8  X  9  X  10  X  11  X  12         e   i  _  B 

X  5  F  X  7 


(1x2x3x4x5)       (1x2x3x4x5x6x7) 


6     ^    '    6 


ce  qui  conduit  à  peu  près  à  la  fraction  de  l/40e. 

Le  calcul  des  probabilités  est  très  intéressant  à  manier  et  sa 
fécondité  est  grande,  mais  il  ne  faut  en  user  qu'avec  une  pru- 
dence extrême.  Car  la  plus  petite  erreur  expérimentale  annihile  tous 
les  calculs. 

D'ailleurs,  sans  aucune  arithmétique,  tout  de  suite  le  simple  bon 
sens  permet  de  conclure.  Si  le  mot  de  Kerveguen  m'est  donué  en 
épelant  les  lettres  de  l'alphabet,  alors  qu'il  s'agit  réellement  du 
mot  Kerveguen,  il  est  inutile  de  chiffrer  la  probabilité  (car  celle-ci 


CALCUL    DES    PROBABILITÉS  67 


est  prodigieusement  faible,  (-ôt)  '  Pour  affirmer  que  le  hasard  ne 

peut  être  pour  rien  dans  la  bonne  réponse.  Il  y  a  donc  certitude 
morale  qu'il  y  a  cryptesthésie. 
On  n'objectera  pas  qu'il  n'y  a  pas  de  certitude  mathématique, 

/  1   \  100 

puisque,  même  avec  (i^)     ,  la  certitude  mathématique  ne  serait 
pas  obteuue.  De  fait,  avec  h^l    ou  I— J      la  certitude  morale 

est  la  même.  Elle  serait  presque  la  même  encore  avec  (-kt)    '■>  car 

ou  n'a  jamais,  quand  on  fait  une  seule  expérience,  un  succès  quand 

i 

la  probabilité  de  ce  succès  est  aussi  faible  que   .        ,    . 

Il  est  beaucoup  plus  important  d'avoir  exercé  une  rigueur  irré- 
prochable dans  l'expérimentation. 

Pour  montrer  à  quel  point  le  calcul  des  probabilités  estfallacieux, 
si  l'expérience  n'est  pas  parfaite,  je  citerai  le  cas  des  demoiselles 
Creery  qui  avaient,  dans  une  longue  série  d'expériences  de  trans- 
mission mentale,  présenté  des  résultats  merveilleux,  dont  la  proba- 
bilité n'était  que  de  : 

1 

100.000.000.000.000 

Qu'il  y  ait  quelques  zéros  de  plus  on  de  moins,  ce  n'est  pas  bien 
intéressant.  Ce  qui  importait,  c'est  que  l'expérience  fût  sans  défaut. 
Or  les  demoiselles  Creery  ont  fini  par  reconnaître  qu'il  y  avait 
quelquefois  supercheries  dans  leurs  réponses,  de  sorte  que  leurs 
magnifiques  séries  ne  prouvent  absolument  rien. 

Sans  qu'il  y  ait  supercherie  manifeste,  éclatante,  il  peut  y  avoir 
quelque  erreur  expérimentale,  aussi  faible  qu'on  voudra,  mais  suf- 
fisante cependant  pour  fausser  tous  les  calculs.  L'erreur  est  d'au- 
tant plus  dangereuse  qu'elle  est  parfois  due  à  de  minuscules 
influences.  Dans  un  jeu  de  cartes,  par  exemple,  l'attention  incons- 
ciente du  sujet,  laquelle  est  toujours  en  éveil,  pourra  fort  bien 
découvrir  certains  points  de  repère,  inaperçus  pour  la  plupart  des 
personnes,  ce  qui  lui  permettra  aussitôt  de  reconnaître  telle  ou 
telle  carte.  Et  puis  qui  sait,  quand  nous  avons  vu  une  carte  et  que 
nous  la  donnons  à  deviner,  si,  par  certaines  expressions  de  notre 


68  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

physionomie,  malgré  nous,  nous  ne  donnons  pas  à  un  médium 
perspicace  de  vagues  indications  dont  consciemment  ou  incons- 
ciemment il  va  profiter. 

Au  jeu  de  la  roulette  toutes  les  cases  sont  rigoureusement  égales. 
Pourtant,  s'il  en  est  une  qui  soit  un  peu  plus  large,  d'un  dixième 
de  millimètre,  peut-être,  cette  imperceptible  différence  suffit  pour 
que  le  calcul  des  probabilités  ne  s'applique  plus.  Sur  360  tirages, 
par  exemple,  le  n°  23  (un  peu  plus  large),  sortira  20  fois,  alors 
qu'il  n'eût  dû  sortir  que  16  fois. 

On  n'a  le  droit  d'appliquer  le  calcul  des  probabilités  que  quand  l'ex- 
périence est  absolument  sans  défaut. 

Il  y  a  une  autre  raison  pour  laquelle  il  faut  se  méfier  du  calcul 
des  probabilités,  c'est  que  certains  faits  ne  s'y  prêtent  pas,  et  que 
le  calcul  devient  impossible.  Mad.  Green  aperçoit  deux  jeunes 
filles  qui  se  noyent,  et  dont  les  chapeaux  flottent  à  la  surface.  Au 
même  moment  en  Australie  deux  jeunes  filles,  dont  une  nièce  aus- 
tralienne que  Mad.  Green  n'avait  jamais  vue,  se  noyaient,  et 
leurs  chapeaux  sont  vus  quelques  heures  après  flottant  à  la  surface 
de  l'eau.  Par  quel  artifice  de  calcul  arrivera-t-on  à  transformer  en 
chiffres  cette  improbabilité  énorme? 

Quand  Stella,  à  qui  est  demandé  le  prénom  du  fils  de  G...  médit  : 
jEAN,laprobabilitéestrelativementfacileàcalculer.  Etcependant?... 
Vais-je  prendre  tous  les  noms  masculins  possibles?  (Il  y  en  a  près 
de 200),  ou  les  noms  assez  répandus?  (Il  y  en  a  100),  ou  les  noms  très 
répandus?  (Il  y  en  a  30).  Alors  le  calcul  me  donnera,  suivant  ma 

1  l  1 

fantaisie,  et  très  arbitrairement,  ^j-  ou  -^  ou  -^j-  -  En  outre,  je 

suppose  qu'il  n'y  a  pas  eu  le  moindre  geste  de  G...,  indiquant  à 
Stella,  quand  j'ai  épelé  la  lettre  J,  qu'il  faut  s'arrêter  au  J. 

En  somme  servons-nous  du  calcul  des  probabilités  ;  c'est  un 
instrument  précieux.  Mais  manions-le  avec  réserve  ;  car  il  expose 
à  de  téméraires  affirmations. 

D'ailleurs  le  calcul  des  probabilités  —  et  cela  ne  laisse  pas  que  de 
demeurer  assez  étrange  — est  impuissant  à  amener  une  conviction 
définitive.  Par  une  sorte  d'instinct,  à  demi  légitime,  on  se  refuse 
à  en  admettre  les  couséquences  qui  ne  paraissent  pas  évidentes  à 
première  vue. 


ERREURS    d'oRSERVATION  69 

§  3.  —  DES  ERREURS  D'OBSERVATION 

Le  calcul  des  probabilités  est  d'une  application  très  facile,  et  il 
n'y  a  pas  d'écolier  qui  ne  soit  capable  de  résoudre  les  petits  pro- 
blèmes d'arithmétique  élémentaire  qu'il  suppose,  au  moins  en  méta- 
psychique.  Mais,  autant  les  calculs  mêmes  sont  simples,  autant  les 
précautions  à  prendre  pour  une  irréprochable  observation  sont  mul- 
tiples, délicates,  exigeant  une  attention  soutenue,  toujours  eu  éveil. 

Je  vais  essayer  de  donner  quelques  préceptes  à  cet  effet  :  car  on 
ne  saurait  exagérer  l'importance  d'une  rigueur  expérimentale 
eutière.  Eviter  les  illusions,  c'est  probablement  le  chapitre  fonda- 
mental de  la  métapsychique  subjective. 

1°  Erreurs  de  mémoire.  —  Tout  d'abord,  il  faut  se  méfier  de  sa 
mémoire,  autant  que  de  la  mémoire  des  autres.  En  réalité,  pour  la 
métapsychique  subjective  tout  au  moins,  il  n'y  a  pas  beaucoup  de 
menteurs,  de  trompeurs,  de  tricheurs  ;  mais  le  nombre  de  ceux 
qui  racontent  mal  une  histoire  et  l'arrangent  involontairement, 
modifiant  et  altérant  les  phrases,  les  réponses,  les  détails,  les 
dates,  les  heures,  les  mots  prononcés,  ce  nombre  là  est  énorme. 
Nous  sommes  tous  sujets  à  caution.  En  pareille  matière  je  ne  me 
fie  à  personne,  même  pas  à  moi.  Quand  on  est  séduit  par  l'hypo- 
thèse de  la  lucidité,  malgré  soi  on  expose  avec  complaisance  tel 
ou  tel  fait,  en  passant  légèrement  sur  les  détails  contradictoires, 
en  omettant  les  détails  gênants,  en  insistant  démesurément  sur  les 
détails  favorables.  Un  petit  mot  passé  sous  silence;  un  autre  petit 
mot  ajouté;  et  voilà  de  profonds  changements  à  la  conclusion 
qu'on  va  pouvoir  extraire. 

A  force  de  raconter  autour  de  soi  une  histoire,  on  la  transforme, 
on  l'amplifie,  on  la  dénature  (en  toute  bonne  foi  d'ailleurs)  et  on 
arrive  à  des  résultats  mirifiques,  mais  fallacieux. 

Il  ne  faut  avoir  d'absolue  confiance  qu'au  récit  écrit  immédiatement 
après  l'événement.  C'est  ce  récit  seul  qui  compte.  Quand  à  diverses 
reprises  on  a  conté  une  histoire,  si  l'on  vient  quelque  jour  à  se 
reporter  au  récit  anciennement  écrit,  souvent  on  peut  constater  qu'il 
s'était  opéré  dans  la  mémoire  des  transformations  successives,  qui, 
s'ajoutant  les  unes  aux  autres,  finissaient  par  rendre  l'histoire 
contée  assez  différente  de  l'histoire  écrite.  Disons-nous  constam- 


70  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

ment  que  la  mémoire  est  très  infidèle.  Il  n'y  a  pas  un  seul  obser- 
vateur qui  puisse  se  dispenser  d'écrire,  immédiatement  après  une 
expérience,  les  détails  de  toute  cette  expérience. 

Et  on  ne  donne  jamais  assez  de  détails.  Les  plus  minimes  circons- 
tances sont  importantes  à  préciser.  Il  ne  faut  pas  de  sobriété  dans 
les  notes  qu'on  prend.  C'est  tout  le  contraire  d'un  ouvrage  qu'on 
livreà  la  publicité.  Il  faut  être  prolixe,  long,  etfatigant.  La  profusion 
des  détails  n'est  jamais  un  défaut  dans  les  récits  qu'on  écrit  pour  ses 
notes  personnelles.  En  réalité  on  pèche  toujours  par  excès  de  con- 
cision. Tout  est  à  noter.  Et  même  il  est  utile,  quand  plusieurs  per- 
sonnes ont  assisté  à  une  expérience,  que  chacune  d'elles  écrive  le 
récit  de  ce  qui  s'est  passé.  Dans  les  expériences  que  je  fis  sur  Eusapia 
avec  Oghorowicz,  j'avais  pris  le  parti,  afin  que  tous  les  détails  fussent 
donnés  sans  altération,  de  dicter,  pendant  l'expérience  même,  à  un 
secrétaire  placé  dans  un  coin  de  la  pièce,  toutes  les  circonstances 
accompagnant  chaque  phénomène,  et  il  est  regrettable  qu'on  ne 
puisse  toujours  agir  ainsi. 

Aussi  les  récits  faits  après  coup,  et  qui  se  rapportent  à  des  expé- 
riences anciennes,  lesquelles  n'avaient  pas  été  consignées  par  écrit, 
ne  peuvent-ils  jamais  avoir  qu'une  valeur  médiocre. 

Ce  qui  est  précieux,  c'est  la  conclusion  qu'en  a  tirée  l'expérimen- 
tateur au  moment  même  de  l'expérience,  surtout  si  cet  expérimen- 
tateur sait  bien  observer.  L'opinion  qui  s'est  emparée  de  lui  pen- 
dant l'expérience  même,  alors  que  toutes  les  circonstances  se 
présentaient  intensivement  à  son  esprit,  fera  foi  beaucoup  plus 
qu'une  histoire  racontée  dix  ou  vingt  ans  après. 

En  effet,  presque  toujours,  quand  nous  faisons  une  expérience, 
et  quand  elle  se  continue,  nous  opérons,  pendant  qu'elle  se  pour- 
suit, une  synthèse  rapide  de  toutes  les  conditions  ambiantes,  de 
manière  à  nous  former  une  conviction  personnelle,  plutôt  intui- 
tive que  raisonnée,  mais  très  importante  cependant.  Maints  détails 
peuvent  s'échapper  de  notre  mémoire,  mais  il  reste  le  souvenir  de  notre 
conviction. 

Pour  ma  part,  j'ajoute  grand  poids  à  cette  conviction  du  moment 
(conviction,  appréciation  qu'il  sera  bon  de  fixer  par  écrit  dans  nos 
notes  tout  de  suite  après  l'expérience),  car  nous  serons  plus  tard, 
et  généralement,  à  tort,  par  suite  des  déficiences  du  souvenir, 


ERREURS    D  OBSERVATION  71 

amenés  à  modifier  notre  première  impression  dans  le  sens  soit  du 
scepticisme,  soit  de  la  crédulité,  ce  qui  sera  également  regrettable. 
Concluons  qu'une  grande  part  des  erreurs  d'observation  est  due 
à  l'insuffisance  des  documents  immédiatement  écrits  et  à  l'imper- 
fection des  souvenirs. 

2"  Dans  le  cours  de  l'expérience  même,  il  faut  que  l'attention  porte 
sur  toutes  les  circonstances,  même  celles  qui  paraissent  les  plus 
indifférentes.  S'il  s'agit  de  métapsychique  subjective,  chacune  de 
nos  paroles  doit  être  réfléchie,  chacun  de  nos  gestes  doit  être  mesuré. 
Les  moindres  jeux  de  physionomie,  un  soupir  ou  un  sourire,  une 
interjection  banale,  un  léger  mouvement  de  main,  un  signe,  si  imper- 
ceptible qu'il  soit,  de  satisfaction,  ou  d'impatience,  ou  de  méconten- 
tement, ou  de  surprise,  tout  est  capable  de  mettre  le  médium  sur 
la  voie,  et  il  ne  faut  pas  lui  accorder  le  plus  faible  indice. 

Tout  cela  est  fort  difficile.  Pour  arriver  à  l'absolue  impassibilité, 
une  longue  étude  est  nécessaire.  Même  je  m'imagine  que,  si  les 
expériences  de  télépathie  semblent  réussir  beaucoup  plus  souvent 
que  les  expériences  de  lucidité  simple,  c'est  surtout  parce  que,  pour 
la  télépathie,  comme  on  connaît  la  réponse  à  obtenir,  on  aide  invo- 
lontairement cette  réponse,  tandis  que,  s'il  s'agit  de  lucidité  simple, 
nul  secours  au  médium  ne  peut  être  apporté.  On  ne  corrige  pas  ses 
erreurs,  ses  bafouillages.  Hélas!  en  général,  dès  que  nous  savons  le 
mot  qui  doit  être  donné,  dès  que  nous  attendons,  pleins  d'espérance, 
une  réponse,  nous  sommes  assez  peu  maîtres  de  nous,  et  assez  mala- 
droits pour  laisser  voir,  quand  la  réponse  a  commencé,  qu'elle 
commence  bien  ou  qu'elle  commence  mal. 

Avec  les  expériences  de  table  surtout,  les  précautions  doivent  être 
extrêmes.  Certes  les  mouvements  de  la  table  sont  en  général  dûs 
au  médium  seul,  mais  les  assistants,  s'ils  ont  les  mains  sur  la 
table,  peuvent,  eux  aussi,  exercer  mécaniquement  quelque  action 
sur  ses  élévations  ou  ses  soubresauts.  La  plus  légère  pression  suffit 
pour  déceler  la  pensée  de  ceux  qui  appuient  leur  main  à  la  table. 
Or  il  faut  toujours  se  répéter  que  les  médiums,  avec  ou  sans  con- 
science, gardent  constamment  leur  attention  très  éveillée  -,  ils 
épient  tout  ce  qui  pourrait  être  l'indice  révélateur  du  mot,  de  la 
phrase,  ou  de  l'idée  qu'ils  cherchent.  Rien  ne  leur  échappe;  les 


72  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

plus  faibles  pressions  exercées  sur  la  table  deviennent  des  signes 
qu'ils  savent  habilement  interpréter.  Cette  perspicacité  des 
médiums  n'est  nullement  de  la  fraude  ;  car  leurs  interprétations, 
déductions,  observations,  conclusions,  évoluent  dans  le  domaine 
de  l'inconscient.  Elles  n'en  faussent  pas  moins  les  résultats,  tout 
autant  que  s'il  y  avait  de  répétées  tentatives  de  fraude. 

Alors  il  n'est  pas  permis,  quand  on  veut  faire  une  expérience 
sérieuse  de  lucidité,  de  laisser  toucher  l'objet  mobile  qui  doit 
donner  les  réponses,  par  un  individu  connaissant  la  réponse  qu'il 
s'agit  de  donner.  J'ai  été  souvent  surpris  de  la  stupéfiante  crédu- 
lité de  certaines  personnes  qui  s'étonnaient  naïvement  des  miri- 
fiques réponses  que  leur  donnait  la  table.  Hé  oui  !  sans  doute  ces 
réponses  étaient  exactes,  mais  nullement  étonnantes,  puisque  c'est 
l'interrogateur  lui-même  qui  les  donnait.  Beaucoup  d'expériences 
de  métapsychique  subjective  sont  dans  ce  cas,  car  on  ne  se  préoc- 
cupe jamais  assez  de  soustraire  à  la  vigilance  du  médium  la  phy- 
sionomie, les  gestes,  les  paroles  de  la  personne  qui  connaît  la 
réponse  qu'il  faut  fournir. 

Il  faut  en  somme  un  tact  exquis  pour  ne  pas  se  laisser  séduire 
par  les  apparences.  Une  bonne  expérience  de  métapsychique  sub- 
jective est  d'une  extrême  difficulté.  On  ne  pourra  l'obtenir  qu'en  se 
méfiant  de  tout  et  de  tous,  et  surtout  de  soi-même.  Notre  désir 
extrême  de  voir  l'expérience  réussir  ne  doit  pas  nous  pousser  à 
nous  tromper  nous-même. 

3°  Autant  la  fraude  est  commune  en  métapsychique  objective, 
autant  elle  est  rare  en  métapsychique  subjective  ;  car  je  suppose, 
bien  entendu,  qu'on  ne  consentira  jamais  à  expérimenter  avec  des 
individus  manifestement  fourbes.  La  bonne  foi  des  assistants  et  du 
médium  est  le  plus  souvent  complète. 

Mais  cette  hypothèse  de  la  bonne  foi  des  opérateurs  ne  doit  en 
rien  diminuer  la  sévérité  des  précautions  à  prendre.  On  doit  cons- 
tamment agir  comme  si  les  médiums  étaient  de  déterminés  frau- 
deurs. Et  en  effet,  si  la  bonne  foi  conscienle  est  la  règle,  la  mauvaise  foi 
inconsciente  est  la  règle  aussi.  Tout  médium  fait,  par  un  travail  in- 
conscient qui  ne  se  lasse  pas,  des  efforts  désespérés  pour  trouver 
une  réponse  favorable,  et  il  emploie  tous  les  moyens  possibles  pour 
la  trouver. 


ERREURS    D'ORSERVATION  73 

Je  demande  le  nom  du  frère  de  Marguerite,  par  exemple.  Or  il 
se  peut,  que  jadis,  à  un  moment  donné,  le  médium  ait  entendu  dire 
que  Marguerite  avait  un  frère  qui  fut  un  de  mes  amis.  Alors  son 
cerveau  travaillera  pour  savoir  parmi  mes  amis,  dont  elle  connaît 
peut-être  les  prénoms  (?),  Henri,  Louis,  Charles,  Gustave,  Paul, 
Gaston,  Lucien,  Robert,  s'il  se  trouve  celui  qui  est  le  frère  de  Mar- 
guerite. De  par  certains  détails  que  son  inconscience  a  retenus,  elle 
sait  que  Louis,  Henri  et  Charles  n'avaient  pas  de  sœur.  Restent 
donc  cinq  noms  seulement,  et  alors,  si,  pendant  l'interrogation  de 
la  table,  on  laisse  sans  mot  ni  geste  passer  les  lettres  de  l'alphabet 
jusqu'à  R,  il  ne  restera  que  le  nom  Robert  :  alors  elle  dira  Robert. 
Si  je  ne  suis  pas  exigeant,  je  trouverai  la  réponse  très  satisfaisante. 

Ainsi,  pour  que  la  lucidité  soit  établie,  il  faut  impossibilité 
absolue  —  je  dis  absolue  —  d'une  perspicacité  quelconque  mettant 
le  sujet  sur  la  voie  de  ce  qui  est  à  dire. 

C'est  à  ce  prix  seulement  que  des  observations  concluantes  pour- 
ront être  prises.  Quand  il  s'agira  de  métapsychique  objective,  les 
dispositifs  à  prendre  contre  la  mauvaise  foi  des  médiums  seront 
tout  autres,  aussi  sévères  évidemment,  mais  d'une  nature  diffé- 
rente. 


CHAPITRE  II 

DE  LA  CRYPTESTHÉSIE  (OU  LUCIDITÉ)  EN  GÉNÉRAL 

§  i.  —  DÉFINITION  ET  CLASSIFICATION 

Presque  toute  la  métapsychique  subjective  peut  se  ramener  à  un 
seul  phénomène,  celui  que  les  magnétiseurs,  il  y  a  un  siècle,  ont 
appelé  lucidité  ou  clairvoyance  (Hellseheri)  ;  qu'on  appelle  mainte- 
nant (avec  quelques  nuances  dans  le  sens)  la  télépathie,  et  que  je 
proposerai  d'appeler  la  cryptesthésie.  Myers  avait  dit  télesthésie. 

Cryptesthésie,  d'après  son  étymologie  grecque,  indique  qu'il  y  a 
une  sensibilité  cachée,  une  perception  des  choses,  inconnue  quant  à 
son  mécanisme,  et  dont  nous  ne  pouvons  savoir  que  les  effets. 

Nous  essayerons  donc  de  prouver  qu'il  y  a  dans  notre  intelligence 
une  faculté  spéciale,  mystérieuse  encore,  qui  lui  permet  de  savoir 
certains  faits,  passés,  présents  ou  futurs,  que  les  sens  n'ont  pu  lui 
révéler.  Pour  que  Stella  puisse  me  dire  le  nom  d'une  vieille  ser- 
vante, Mélanie,  nom  qui  n'a  jamais  pu  frapper  ses  yeux  ou  ses 
oreilles,  il  faut,  si  ce  n'est  pas  le  hasard,  qu'une  vibration  quel- 
conque ait  touché  son  intelligence  et  lui  ait  révélé  le  nom  de  Mélanie. 
Par  conséquent,  il  y  a  dans  l'intelligence  de  Stella  une  sensibilité 
mystérieuse,  cryptique  (cryptesthésie),  qui  lui  fait  connaître  ce  que 
jamais  ses  seus  normaux  n'auraient  pu  lui  apprendre.  Par  quels 
indices  ?  Par  quelles  voies?  Nous  l'iguorons.  Nous  chercherons  — 
sans  y  réussir  d'ailleurs  —  à  le  savoir.  En  tout  cas,  le  fait  est  là, 
indiscutable.  Il  y  a  uue  cryptesthésie. 

C'est  à  démontrer  l'existence  de  cette  sensibilité,  nouvelle  faculté 
de  l'être  humain,  que  sera  consacrée  une  grande  partie  de  ce  livre. 

Mais  avant  d'aborder  les  chapitres,  très  divers,  qui  constituent 
l'histoire  de  la  cryptesthésie,  il  faut  examiner  d'abord  deux  points 
essentiels  : 


CRYPTESTHESIE    EN    GENERAL  75 

1°  Les  rapports  de  la  cryptesthésie  avec  la  lucidité  et  la  télé- 
pathie; 

2°  Les  phénomènes  psychiques  qui  prennent  l'apparence  de  phé- 
nomènes métapsychiques,  et  qui,  à  un  examen  superficiel  et  impar- 
fait, pourraient  passer  pour  relever  de  la  cryptesthésie. 

§  2.   —  RAPPORTS   DE   LA   CRYPTESTHÉSIE 
AVEC  LA  LUCIDITÉ  ET  LA  TÉLÉPATHIE 

Le  mot  lucidité  est  dû  aux  anciens  magnétiseurs  (Mesmer,  Puy- 
ségur,  Du  Potet),  qui  constataient  chez  leurs  sujets  le  pouvoir  de 
voir  des  objets  enfermés  dans  des  boîtes  opaques,  de  lire  dans 
des  livres  fermés,  de  faire  des  voyages  dans  des  endroits  à  eux 
inconnus,  et  de  les  décrire  exactement,  de  deviner  la  pensée  du 
magnétiseur  et  des  assistants. 

Plus  tard,  Fr.  Myers  a  imaginé  l'excellent  mot  de  télépathie,  qui  a 
eu  une  heureuse  fortune,  et  qui  signifie  qu'à  distauce  une  pensée 
humaine,  sans  le  secours  d'aucune  vibration  extérieure  apparente, 
peut  agir  sur  une  autre  pensée  humaine. 

Mais  supposer  les  vibrations  synergiques  de  deux  cerveaux 
humains,  c'est  une  hypothèse.  Il  convient  donc  d'examiner  cette 
hypothèse  avec  quelque  détail  ;  car  il  y  a,  parmi  les  personnes  s'oc- 
cupant  de  métapsychique,  maintes  idées  sur  la  télépathie  que  je 
crois  erronées  et  que  je  tiens  à  discuter. 

Volontiers  on  s'imagine  que  tout  est  dit  lorsqu'on  a  dit  télé- 
pathie. C'est  la  puissance  magique  des  mots  qui  introduit  cette 
erreur  que  la  télépathie  est  un  phénomène  simple. 

Pour  reprendre  l'exemple  cité  plus  haut,  quand  Andrée  me  dit  : 
«  Vous  avez  reçu  une  lettre  signée  par  une  femme  qui  a  un  nom  de  fleur. . . 
Marguerite  »,  on  dit  aussitôt  :  il  n'est  pas  surprenant  qu'ÂNDRÉE 
vous  ait  dit  «  Marguerite  »  ;  ce  nom  était  dans  votre  pensée.  Andrée 
a  lu  dans  votre  pensée,  et  a  dit  Marguerite,  parce  que  vous  pensiez 
à  Marguerite. 

Et  alors  deux  hypothèses  se  présentent  (eu  laissant  de  côté  pour 
le  moment  l'hypothèse  du  hasard  et  celle  d'une  observation  défec- 
tueuse). Andrée  a  dit  Marguerite,  ou  bien  parce  que  le  nom  de  Mar- 
guerite était  dans  ma  pensée,  ou  bien  parce  que,  grâce  à  une  luci- 


76  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

dite  spéciale,  elle  a  lu,  dans  ma  chambre,  à  deux  kilomètres  de  là, 
le  nom  de  Marguerite  sur  la  lettre  qui  m'a  été  écrite. 

Or  la  difficulté  est  la  même  au  point  de  vue  de  la  science  actuelle. 
Il  est  tout  aussi  impossible  de  comprendre  comment  le  nom  de 
Marguerite  peut  être  connu,  soit  parce  que  je  l'ai  lu  ce  matin,  et  que 
ce  souvenir  inconscient  persiste  dans  mon  cerveau,  soit  parce  qu'il 
est  écrit  textuellement  au  bas  d'une  lettre  qui  m'a  été  envoyée. 

Que  j'aie  lu  cette  lettre  ou  que  je  ne  l'aie  pas  lue,  le  problème 
est  également  mystérieux.  Ni  plus  ni  moins.  Quoique  l'étoile 
polaire  soit  plus  éloignée  de  la  terre  que  Sirius,  à  quelques  tril- 
lions  de  milliards  de  kilomètres  au  delà  de  Sirius,  l'impossibilité 
d'y  parvenir  est  la  même.  Lire  dans  ma  pensée  est  aussi  diffi- 
cile que  de  lire  une  lettre  qui  est  sur  mon  bureau,  décachetée  ou 
non,  à  deux  kilomètres  ou  deux  mille  kilomètres  de  distance. 

Même  il  me  paraît  presque  moins  difficile  d'admettre  la  lecture 
d'une  signature  à  distance  que  la  lecture  d'un  mot  dans  mon  cer- 
veau ;  car  enfin,  puisque  nous  sommes  dans  le  domaine  de  l'inex- 
pliqué, on  comprend  un  peu  moins  mal  qu'une  vue  perçante  puisse 
franchir  les  kilomètres,  traverser  des  murs  et  des  papiers  épais, 
que  de  pénétrer  le  sens  verbal  que  peuvent  signifier  par  leurs  moda- 
lités les  vibrations  des  cellules  cérébrales  enfermées  dans  mon 
crâne.  Hypothèse  pour  hypothèse,  j'aime  mieux  supposer  une  vision 
rétinienne,  prodigieuse,  des  choses  écrites,  que  la  lecture  dans 
mon  cerveau,  où  rien  n'est  écrit,  et  où  s'agitent  tant  d'images,  tant 
de  souvenirs,  tant  de  combinaisonspossibles  qui  se  font  et  se  défont 
avec  une  complexité  inouïe,  combinaisons  qui  sont  des  modifica- 
tions ultra-microscopiques  du  protoplasme  cellulaire  et  n'ont 
aucune  relation  (que  dans  ma  conscience)  avec  la  sonorité  verbale 
«  Marguerite  »  ou  le  signe  phonétique  «  Marguerite  ». 

On  croit  avoir  tout  expliqué  quand  on  a  dit  :  télépathie.  Mais  on 
n'a  rien  expliqué  du  tout.  La  vibration  cérébrale,  consciente  ou  non, 
reste  un  mystère  profond,  beaucoup  plus  mystérieux  qu'une  signa- 
ture. Une  signature,  c'est  quelque  chose  de  positif,  de  réel,  de  tan- 
gible. Elle  serait  visible,  cette  signature,  si  la  rétine  possédait  une 
acuité  suffisante.  Au  contraire  la  lecture  de  la  pensée  ne  peut  être 
expliquée  par  aucune  acuité  d'aucun  de  nos  sens,  si  intense  qu'on 
la  suppose. 


CRYPTE STHESIE    EN    GENERAL  77 

Il  y  a  beaucoup  de  raisons  —  et  qui  ne  sont  pas  très  bonnes  — 
pour  lesquelles  l'hypothèse  de  la  télépathie  est  par  le  public  non 
scientifique,  ou  même  scientifique,  accueillie  avec  tant  de  faveur, 
et  considérée  comme  si  simple,  qu'elle  semble  dispenser  d'aller 
plus  loin. 

1°  La  première,  c'est  qu'elle  s'accorde  admirablement  avec  l'insuf- 
fisance de  l'expérimentation.  Il  est  clair  que,  si  je  ne  connais  pas 
le  mot  de  Marguerite  inscrit  dans  une  lettre  non  décachetée  par 
moi,  je  ne  pourrai  en  aucune  manière  aider  Andrée  à  dire  ce  mot. 
Mais,  si  je  ne  m'observe  pas  avec  grande  attention,  si  Andrée  hésite, 
cherche,  bafouille,  je  lui  fournirai  très  naïvement  des  indications 
qu'elle  n'aura  garde  de  négliger.  Je  rectifierai  ses  erreurs  ;  je  serai 
son  complice  involontaire.  Ce  ne  sera  pas  l'inertie  absolue,  impla- 
cable, que  je  suis  forcé  de  garder  si  je  ne  sais  pas  que  le  mot  à 
trouver  est  Marguerite.  Ayant  fait  quantité  d'expériences,  je  sais 
trop  bien  à  quel  point  il  est  difficile  de  ne  donner  aucun  signe 
d'encouragement  ou  de  désapprobation,  quand  on  connaît  le  mot 
qu'il  s'agit  pour  le  médium  de  deviner. 

2°  La  seconde  raison,  non  moins  mauvaise,  c'est  que,  dans  des 
représentations  théâtrales,  souvent  est  présenté  au  public  un  sujet 
qui  possède  la  soi-disant  lecture  de  la  pensée.  L'habileté  de  ces 
exhibitionsest  parfoisextraordinaire.  UnejeunefemmeA...,dontles 
yeux  sont  bandés,  est  assise  sur  un  fauteuil,  face  au  public.  Debout, 
à  côté  d'elle,  B...?  son  magnétiseur,  prie  une  des  personnes  de  l'as- 
semblée de  venir  prèsde  A...  Et  certes,  ce  troisième  personnage  G- . 
n'est  rien  moins  qu'un  complice.  Alors  C...  montre,  sans  rien  dire, 
sa  carte  de  visite  à  B...  B...  la  regarde,  et  presque  aussitôt  A... 
épelle  cette  carte,  avec  quelque  hésitation  souvent,  mais  parfois 
très  couramment,  sans  faute,  sans  retard,  sans  hésitation,  très  vite, 
même  quand  il  s'agit  de  mots  difficiles. 

L'expérience  est  amusante.  Pourtant  elle  ne  prouve  rien,  sinon 
la  prestigieuse  adresse  des  opérateurs.  Il  est  en  effet  certain  qu'il 
y  a  un  code  de  signaux  qui  permet  à  A...  de  comprendre,  ayant  les 
yeux  plus  ou  moins  complètement  bandés,  ce  que  B.. .  lui  transmet, 
par  des  signes  quelconques,  des  paroles,  une  attitude,  des  mouve- 
ments du  pied  droit,  ou  gauche,  de  la  main  droite,  ou  gauche,  du 
torse,  de  la  tête,  tous  très  légers  signes  que  le  public  ne  sait  pas 


78  MÉTAPSYCHIOUE    SUBJECTIVE 

remarquer,  et  qui,  grâce  à  la  mémoire  excellente  de  A...  lui  font 
dire  les  chiffres  ou  les  mots  que  B...  lui  a  transmis  par  des  signaux 
secrets,  et  par  un  alphabet  moteur  conventionnel.  Ce  n'est  pas  plus 
la  lecture  de  pensée  chez  A...  que  n'est  la  compréhension  d'un 
télégramme  Morse  chez  les  employés  du  télégraphe,  quand  ils 
entendent  les  sons  intermittents  émis  par  l'appareil,  au  moment  où 
un  télégramme  est  transmis,  et  qu'ils  saisissent  le  sens  de  ce  télé- 
gramme. 

Mais  le  plus  souvent  ces  représentations  sont  si  habiles,  si 
rapides,  que  le  public,  qui  ne  demande  qu'à  être  trompé,  est  satis- 
fait, et  s'en  va  disant  avec  une  conviction  naïve,  irraisonnée  :  «  C'est 
la  lecture  de  pensée  ».  Or,  uue  fois  qu'ils  ont  dit  lecture  de  pensée, 
télépathie,  suggestion  mentale,  ils  s'imaginent  avoir  compris,  et 
ils  ne  se  rendent  pas  compte  qu'il  s'agit  là  d'un  des  plus  effarants 
mystères  de  notre  existence  humaine. 

3°  Une  autre  forme  de  la  pseudo-lecture  de  pensée  est  donnée  aussi 
dans  d'autres  représentations  théâtrales.  Un  individu  A...,  sensible, 
ou  soi-disant  sensible,  en  tout  cas  très  intelligent,  se  fait  fort,  en 
tenant  la  main  d'une  personne  quelconque,  de  deviner  sa  pensée. 
Il  amène  sur  la  scène  un  individu  B...  pris  au  hasard  dans  la  foule. 
Le  malheureux  B...  intimidé  à  se  voir  donné  ainsi  en  spectacle, 
hésitant,  gauche,  prend  la  main  de  A...,  A...  le  fait  marcher  à  côté 
de  lui,  vite  ou  lentement,  et,  d'après  la  démarche  de  B  ..,  bientôt 
devine,  grâce  à  une  certaine  perspicacité,  où  B...  veut  le  conduire. 
Il  arrive  ainsi  tout  droit  jusqu'à  un  des  points  de  la  salle.  (C'est  le 
poiut  auquel  B...  avait  pensé.)  Il  s'arrête  devant  un  des  assistants, 
et,  tenant  toujours  la  main  de  B...  qui  continue  par  ses  mouvements 
à  le  diriger,  fouille  les  poches  de  l'assistant,  retire  un  mouchoir, 
prend  ce  mouchoir  et  va  le  porter  en  un  autre  point  quelconque  du 
théâtre  :  tout  cela  au  grand  ébahissement  de  l'assistance,  et  surtout 
de  B...  qui  a  voulu  tous  ces  mouvements,  et  qui  s'imagine  que  A... 
a  lu  dans  sa  pensée.  En  réalité  A...  a  tout  simplement  interprété 
habilement  les  mouvements  inconscients,  involontaires  et  naïfs  de 
ce  pauvre  B...  lequel  ne  sait  pas  qu'il  a  lui-même  avec  ses  muscles, 
par  de  légers  mouvements,  donné  des  indications  extrêmement  pré- 
cises. Et  le  public  quitte  la  salle,  de  plus  en  plus  convaincu  qu'il  y 
a  télépathie,  de  sorte  que  la  croyance  à  la  télépathie,  phénomène 


CRYPTESTHÉSIE    EN    GÉNÉRAL  79 

évident  et  simple,  s'impose  à  la  foule.  Mais  il  n'y  a  là  pas  plus  de 
télépathie  que  dans  la  contraction  des  muscles  d'une  grenouille 
excités  par  une  pile  électrique1. 

C'est  pour  de  telles  raisons,  sans  doute,  que  la  télépathie  est 
acceptée  plus  facilement  que  la  lucidité.  De  fait  les  deux  phéno- 
mènes, nullement  contradictoires,  sont  probablement  vrais,  et  on  ne 
doit  considérer  la  télépathie  que  comme  un  cas  particulier  et  très 
fréquent  de  lucidité. 

Remarquons  d'ailleurs  que  presque  toujours,  sinon  toujours, 
quand  on  demande  à  un  sujet  A...  de  répondre  à  une  question,  on 
fait  une  demande  dont  on  connaît  la  réponse.  Quand  on  ne  la  con- 
naît pas,  cette  réponse,  il  est  tout  de  même  à  peu  près  certain  qu'il 
y  a  une  autre  intelligence  humaine  qui  la  connaît,  de  sorte  qu'on 
pourrait  pousser  le  respect  de  la  télépathie  jusqu'à  dire  :  «  Si  A... 
a  lu  le  mot  de  Marguerite  dans  une  lettre  qui  n'a  pas  été  déca- 
chetée par  B...  A...  ne  pouvait  certainement  pas  lire  dans  la  pensée 
de  B...  ce  qui  n'y  existait  pas.  Mais  il  y  a  une  personne,  C...,  c'est- 
à-dire  Marguerite  elle-même,  dont  A...  a  lu  la  pensée.  C'est  la  pen- 
sée de  Marguerite  qui  a  été  lue,  et  non  le  mot  de  Marguerite  inscrit 
dans  la  lettre  non  décachetée.  » 

On  va  même  parfois  plus  loin  encore.  Puisqu'il  y  a  des  faits  que 
nul  être  vivant  ne  connaît,  mais  que  ces  faits  ont  été  connus  par 
B.. .,  qui  est  mort,  c'est  assez  encore  pour  la  télépathie.  B...  mort, 
a  connu  le  nom  de  Marguerite,  et  alors  c'est  encore  de  la  télépa- 
thie, à  savoir  la  pensée  de  B...  mort,  qui  se  transmet  à  A... 

Ces  explications  alambiquées  prouvent  amplement  qu'on  ne 
connaît  absolument  rien  des  voies  par  lesquelles  la  connaissance 
cryptesthésique  arrive  à  notre  intelligence. 

C'est  surtout  pour  les  cas,  très  fréquemment  observés,  de  moni- 
tions  au  moment  de  la  mort,  qu'il  convient  de  discuter  s'il  y  a  soit 
télépathie  (transmission  d'une  pensée  humaine),  soit  simplement 
lucidité  (c'est-à-dire  connaissance  d'un  fait  extérieur). 

Et  je  prendrai  un  exemple  presque  schématique,  quoiqu'il  soit 

1.  Il  y  a  toute  une  bibliographie  sur  cette  question  des  mouvements  incons- 
cients. Je  ne  puis  même  la  résumer  ici.  C'est  le  Willing  game,  appelé  quelque- 
fois Gumberlandisme,  du  nom  de  Cumberlvnd,  qui  l'a  pratiqué  un  des  premiers. 
Grasset  fait  intervenir,  puur  l'expliquer,  sa  théorie  du  polygone,  lequel  est  tout 
simplement  un  ingénieux  schéma  de  l'inconscient. 


80  MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

réel.  A...  voit  une  nuit  dans  son  sommeil  apparaître  B...  son  ami, 
pâle  comme  un  cadavre.  A...  inscrit  le  prénom  de  B...  sur  son  car- 
net, avec  les  mots  :  God  forbid.  Or,  en  ce  moment  même,  B...,  à 
l'autre  bout  de  l'hémisphère,  périssait  dans  un  accident  de  chasse. 

Et  alors  deux  hypothèses  —  les  deux  mêmes  hypothèses  que  tout 
à  l'heure  —  se  présentent.  Ou  c'est  la  notion  du  phénomène  exté- 
rieur qui  a  été  perçue  par  A...  (à  savoir  que  B.  .,  meurt  d'un  acci- 
dent) ;  ou  c'est  la  pensée  de  B...  mourant  qui,  traversant  l'espace, 
a  été  impressionner  l'esprit  de  A... 

Je  n'ose  prendre  définitivement  parti  pour  l'une  ou  l'autre  de  ces 
hypothèses,  car  elles  me  paraissent  également  mystérieuses,  sup- 
posant, dans  l'être  humain,  une  faculté  de  connaissance  qui  ne 
rentre  pas  dans  l'ordre  de  ses  procédés  de  connaissance  habituels. 
Pourtant  j'estime  qu'il  vaut  mieux  rester  dans  le  rigide  domaine  de 
la  science,  et  dire,  —  ce  qui  n'explique  rien,  mais  laisse  la  porte 
ouverte  à  toutes  les  explications  futures—  à  certains  moments  notre 
esprit  peut  connaître  des  réalités  que  nos  sens,  notre  perspicacité  et  nos 
raisonnements  ne  nous  permettent  pas  de  connaître.  Parmi  ces  réalités, 
il  y  a  évidemment  la  pensée  humaine,  mais  la  pensée  humaine 
n'est  pas  une  condition  nécessaire.  La  réalité  de  la  chose  suffit,  sans 
qu'elle  ait  passé  par  un  esprit  humain.  N'allons  donc  pas  plus  loin, 
et  contentons-nous  de  dire,  en  présence  de  ces  faits  inhabituels,  que 
notre  mécanisme  mental,  plus  compliqué  encore  qu'il  ne  paraît, 
possède  des  moyens  de  savoir  qui  échappent  à  l'analyse,  et  même 
à  la  conscience.  En  parlant  ainsi,  on  ne  fait  pas  d'hypothèse.  On  ne 
suppose  pas  que  la  connaissance  cryptesthésique  est  due  à  la  vibra- 
tion d'une  pensée  humaine  :  on  se  coutente  d'énoncer  un  fait.  Or  il  est 
plus  scientifique  d'énoncer  un  fait  sans  commentaires,  que  de  s'em- 
pêtrer dans  des  théories  qui,  comme  la  télépathie,  sont  absolument 
indémontrées. 

Le  mot  télépathie  implique  une  hypothèse.  Le  mot  cryptesthésie 
a  ce  grand  avantage  qu'il  n'en  introduit  aucune.  Si  A...  voit 
son  ami  B...  mourant,  au  vrai  moment  où  meurt  B...,  c'est  une 
hypothèse  que  de  dire  :  la  pensée  de  B...  a  été  frapper  A...  Mais  ce 
n'est  pas  une  hypothèse  que  de  dire  ://  y  a  eu  chez  A...  une  sensibi- 
lité spéciale  qui  lui  a  fait  connaître  la  mort  de  B...  La  télépathie  n'est 
nullement  contradictoire  avec  la  cryptesthésie  :  c'est  une  explica- 


CRYPTESTHKS1K    EN    OÉNÉRAI,  81 

tion,  probablement  vraie  dans  plusieurs  cas,  mais  certainement 
insuffisante  dans  beaucoup  d'autres.  Or,  en  un  sujet  aussi  obscur, 
il  faut  éviter,  autant  que  possible,  les  hypothèses  inutiles. 

A...  a  une  sensibilité  spéciale  qui  lui  fait  connaître  la  mort  de 
B. . . .  Cela,  ce  n'est  pas  une  hypothèse.  La  pensée  de  B. . .  se  transmet 
à  la  pensée  de  A...  Cela,  c'est  une  hypothèse,  et  il  n'est  pas  sûr 
qu'elle  soit  vraie. 

D'autant  plus  que  jamais,  ou  presque  jamais,  il  n'existe  de 
faits  inconnus  à  toute  personne  humaine.  On  pourrait  alors  tou- 
jours dire  :  c'est  de  la  télépathie.  Il  importe  assez  peu,  au  moins 
théoriquement,  que  B...,  pour  transmettre  sa  pensée  à  A...,  soit  à 
deux  mètres  ou  à  deux  mille  kilomètres.  Ainsi,  comme  il  est  diffi- 
cile de  supposer  qu'un  fait  quelconque  soit  ignoré  de  tous  les  habi- 
tants du  globe,  on  pourrait  pour  tous  les  phénomènes  de  lucidité, 
presque  sans  exception,  supposer  une  transmission  télépathique. 
Mais  ce  sera  terriblement  invraisemblable  dans  certains  cas.  Quand 
Mad.  Green,  à  Londres,  voit  sa  nièce  (qui  ne  la  connaît  pas)  se 
noyer  en  Australie,  est-il  vraiment  admissible  de  supposer  que  c'est 
la  pensée  de  cette  nièce  qui  a  été  trouver  Mad.  Green?  N'est-il 
pas  plus  simple  d'admettre  —  sans  aucune  hypothèse  —  que 
Mad.  Green  a  eu  une  lucidité,  une  cryptesthésie,  une  seusibilité  spé- 
ciale? 

Aussi  bien,  dans  le  cours  de  ce  livre,  parlerons-nous  souvent  de 
la  télépathie,  mais  il  faut  qu'il  soit  bien  entendu  que  pour  nous 
la  télépathie  n'est  qu'un  cas  particulier  de  la  lucidité,  et  qu'elle  ne 
s'en  sépare  pas.  Elle  est  un  égal  mystère1. 

§  3.  —  PHÉNOMÈNES  PSYCHIQUES  SE  RATTACHANT 
A  LA  PSYCHOLOGIE  NORMALE  ET  N'AYANT  QUE  L'APPARENCE 

DE  LA  CRYPTESTHÉSIE 

Nous  avons  insisté  plus  haut  sur  la  nécessité  de  ne  pas  introduire 
dans  la  métapsychique  des  faits  qui  peuvent  s'expliquer  par  les  lois 
de  la  psychologie  normale,  classique. 

1.  Je  reçois  à  l'instant  môme  le  n°  d'avril  1921  des  P.  S.  P.  R.,  où  se  trouve  un 
admirable  article  de  Mad.  H.  Sidgwick  (242-398)  :  An  examinatïon  of  Book-Tests. 
Elle  arrive  à  une  conclusion  identique.  Je  regrette  de  ne  pouvoir  analyser  cet 
important  mémoire. 

Richet.  —  Métapsychique.  6 


82  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Il  est  remarquable  que,  presque  toutes  les  lois  qu'on  fait  une 
expérience,  les  médiums,  même  quand  ils  ont  de  la  littérature 
spirite  une  teinte  très  légère  (parfois  même  nulle  s'ils  débutent 
dans  la  médiumnité),  attribuent  à  une  personnalité  différente  d'eux- 
mêmes  l'origine  des  pensées  transmises  par  la  table,  par  la  plan- 
chette, par  l'écriture.  Il  m'a  paru,  et  aussi  à  tous  ceux  qui  ont 
expérimenté,  qu'il  est  avantageux,  pour  réussir  les  expériences,  de 
faire  cette  supposition  qu'une  personnalité  intervient.  Assurément, 
cela  n'implique  pas  une  croyance  quelconque  à  la  réalité  de  cette 
personnalité.  Ce  n'est  qu'un  procédé  d'expérimentation,  une  mé- 
thode d'investigation,  une  hypothèse  de  travail,  suivant  l'expression 
de  Claude  Bernard. 

Dans  presque  toutes  les  expériences  de  spiritisme,  il  y  a  person- 
nification. J'emprunte  le  mot  à  J.  Maxwell,  qui  a  dénommé  ainsi 
la  tendance  qu'ont  les  médiums  dans  leurs  réponses,  à  attribuer 
les  phénomènes  et  les  réponses  à  une  personnalité  distincte.  Ces 
personnalités  sont  quelquefois  multiples,  mais  en  général  il  en 
est  une  qui  prend  le  pas  sur  les  autres,  et  ne  permet  pas  aux 
autres  personnalités  de  prendre  la  place.  C'est  ce  qu'en  langage 
spirite  on  appelle  un  guide.  Les  remarquables  phénomènes  (objec- 
tifs) que  présentait  Eusapia  Paladino  étaient  par  elle  attribués  à 
John  King.  De  même  les  phénomènes  (subjectifs)  présentés  par 
Mad.  Piper  étaient  par  elle  attribués  à  Phinuit. 

Cette  personnification  s'explique  très  bien  par  l'inconscience. 
L'inconscient  est  comme  un  étranger  habitant  en  nous,  qui  a  des 
mouvements,  des  idées,  des  souvenirs,  des  volontés,  des  senti- 
ments, lesquels  sont  tout  à  fait  en  dehors  de  notre  conscience. 
Alors,  tout  naturellement,  cet  inconscient  se  fabrique  une  person- 
nalité. 

Pour  savoir  si  cette  nouvelle  personnalité  est  réelle  ou  imagi- 
naire, il  faut  étudier  ce  qu'on  décrit,  dans  la  psychologie  clas- 
sique, sous  le  nom  de  dédoublements  et  de  changements  de  per- 
sonnalité. 

Des  médecins  avaient  observé  que,  dans  certains  cas,  d'ailleurs 
assez  rares,  une  transformation  se  fait  de  toute  la  mentalité  d'une 
personne  A...  A...  devient  autre,  s'attribue  un  autre  nom,  le  nom  de 


CRYPTESTHESIE    ET    CHANGEMENTS    DE     PERSONNALITÉ  83 

B...  par  exemple,  et  perd  ses  souvenirs  pour  en  acquérir  qui  sont 
spéciaux  à  ce  B...  imaginaire.  Tout  se  passe  alors  comme  si  A...  et  B... 
étaient  deux  personnes,  avec  des  goûts,  des  sentiments,  des  gestes, 
des  attitudes  complètement  distinctes.  Depuis  le  cas  célèbre  de 
Azam,  on  en  a  donné  maints  exemples  :  M.  Prince,  en  Amérique, 
a  rapporté  quelques  faits  remarquables. 

Dans  l'état  hypnotique,  les  magnétiseurs  avaient,  d'une  manière 
extrêmement  vague,  signalé  qu'ils  pouvaient  transformer,  par  des 
affirmations  verbales,  tel  sujet  endormi  en  une  personnalité  nou- 
velle. Mais  ils  n'avaient  guère,  à  ce  qu'il  semble,  compris  la  portée 
de  cette  expérience,  et  tout  en  était  contesté.  J'ai  fait  en  1887 
l'étude  méthodique  de  ces  changements  de  personnalité,  qui, 
depuis  cette  époque,  ont  pris  rang  parmi  les  phénomènes  classiques 
de  l'hypnotisme. 

Voici  en  quoi  consiste  ce  fait  singulier.  Je  dis  à  une  jeune 
fille,  Alice,  hypnotisable  et  hypnotisée...  «  Vous  n'êtes  plus  Alice; 
vous  êtes  une  vieille  femme.  »  (Peu  importe  qu'on  ait  pratiqué  ou 
non  des  passes  magnétiques  :  la  suggestion  verbale  fait  tout.) 
Alors  aussitôt  Alice  prend  la  toux,  la  démarche,  la  voix  cassée 
d'une  vieille  femme.  Pendant  une  heure,  pendant  deux  heures, 
pendant  plus  longtemps,  si  la  patience  des  observateurs  ne  se 
lasse  pas,  elle  se  comporte  en  pensées  et  en  gestes  absolument 
comme  une  vieille  femme.  Ce  n'est,  si  Ton  veut,  qu'une  comédie, 
mais  c'est  une  comédie  qui  est  involontaire,  fatale,  déchaînée, 
dans  l'intelligence  docile  d' Alice,  par  la  suggestion  et  l'hypnotisme. 
Rien  n'est  plus  extraordinaire ,  et  j'oserai  dire  plus  amusant, 
que  cette  adaptation  rapide,  exacte,  totale,  à  une  personnalité 
nouvelle. 

On  n'a  pas  à  objecter  la  simulation.  Certes  une  simulation  est  pos- 
sible. Mais  il  n'y  a  pas  de  simulation.  Aujourd'hui  la  question  est 
jugée,  et  nous  n'y  reviendrons  pas.  Et  puis  il  importe  énormément 
peu  de  savoir  si,  au  tréfonds  de  sa  conscience,  Alice  n'a  pas  con- 
servé quelque  vague  souvenir  qu'elle  est  Alice.  Ce  qui  est  évident, 
incontestable,  c'est  qu'elle  se  laisse  aller,  sans  pouvoir  s'arrêter, 
à  jouer  le  personnage  qu'on  lui  a  imposé.  Qu'il  reste  en  elle  un 
résidu  de  sa  personnalité  antérieure,  c'est  plus  que  possible,  c'est 
certain  ;    mais    en  tout   cas  l'intelligence  tout  entière  s'adapte 


84  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

momentanément  à  la  personnalité  suggérée,  et  cela  avec  une 
énergie,  une  ténacité,  une  perfection  que  les  plus  habiles  comédiens 
seraient  radicalement  impuissants  à  égaler. 

La  conformité  à  la  personnalité  nouvelle  est  telle  que  l'écriture 
même  est  changée. 

On  peut  ainsi  imposer  à  Alice  toutes  les  personnalités  possibles  ; 
on  est  obéi  immédiatement.  Elle  devient  un  général,  un  petit  gar- 
çon, un  pâtissier,  une  grande  dame,  une  femme  de  la  halle.  On  a  la 
comédie  qu'on  veut. 

L'expérience  peut  être  poussée  plus  loin  encore.  Certains  sujets 
peuvent  prendre  des  personnalités  animales.  Je  dis  à  mon  excellent 
ami  H.  Ferrari,  hypnotisé  par  moi.,  et  que  j'avais  changé  en  perro- 
quet :  Pourquoi  as-tu  l'air  préoccupé?  Et  il  me  répond  :  Est-ce  que  je 
peux  manger  le  grain  qui  est  dans  ma  cage?  Le  mot  ma  cage  est 
typique,  car  il  indique  à  quel  point  F...  avait  transformé  sa  person- 
nalité en  celle  d'un  perroquet. 

Voici  où  je  veux  en  venir.  C'est  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de 
s'étonner  ingénument  si  les  messages'  spirites  semblent  provenir 
d'une  personnalité  réelle.  Rien  n'est  plus  simple  pour  l'esprit 
humain  que  de  créer  une  personnification.  Que  la  formation  de 
cette  personne  ait  été  provoquée  par  une  suggestion  étrangère, 
ou  par  un  événement  extérieur  quelconque,  ou  par  une  auto- 
suggestion, le  phénomène  est  le  même.  Il  n'a  rien  de  métapsy- 
chique.  La  formation  d'une  personne  factice  appartient  à  la  psy- 
chologie normale.  Et  alors,  toutes  fois  que  des  phénomènes  incons- 
cients se  produisent,  ils  se  groupent  autour  d'une  personnalité 
qu'ils  créent. 

J'ai  comparé  ce  phénomène  à  la  cristallisation  d'un  sel  en  solu- 
tion saturée.  Les  cristaux  viennent  se  former  autour  de  tel  ou  tel 
centre.  De  même  les  souvenirs,  les  émotions,  vont  se  concentrer 
autour  de  telle  ou  telle  personnalité  inventée. 

C'est  surtout  par  l'écriture  automatique,  ou  par  les  mou- 
vements de  la  table,  ou  plus  rarement  par  les  coups  frappés 
dans  la  table,  que  se  manifestent  ces  personnalités  spiritoïdes. 
Parfois  elles  empruntent  la  voix  du  médium.  La  conviction  est 
si  profonde,  la  comédie  si  parfaite,  l'inconscience  si  absolue, 
que  les  assistants  sont  gagnés  à  leur  tour  et  ne  peuvent  supposer 


CRYl'TESTHÉSIE    ET    CHANGEMENTS    DE    PERSONNALITÉ  85 

que  toutes  ces  attributions  psychologiques  s'adressent  à  un  être 
imaginaire1. 

Voici  une  femme  qui  prend  un  crayon,  et  sans  rien  vouloir,  sans 
rien  comprendre,  saus  rien  savoir,  avec  une  rapidité  fébrile  écrit  des 
pages  et  des  pages  ;  son  écriture  devient  tout  à  fait  différente  de 
son  écriture  normale  ;  pendant  dix  minutes,  une  demi-heure,  par- 
fois plus  longtemps,  elle  écrit,  elle  écrit  encore.  Les  phrases 
se  succèdent  sans  fin.  Quand  une  feuille  de  papier  est  couverte 
d'écriture,  tout  de  suite  une  autre  feuille  de  papier  blanche  est  prise 
pour  être  en  un  clin  d'œil  barbouillée  de  nouveau.  Et  cependant 
la  personne  qui  écrit  ne  sait  pas  du  tout  ce  qu'elle  fait  ;  elle  a  pu, 
pendant  tout  le  temps,  continuer  la  conversation,  très  posément, 
très  correctement,  avec  les  gens  qui  sont  autour  d'elle.  Tout  se 
passe  comme  si  sa  personnalité  disparaissait  pour  être  remplacée 
par  une  autre  qui  emprunte  sa  main  pour  écrire. 

Et  alors  c'est  en  toute  bonne  foi  qu'elle  dit  :  Ce  n'est  pas  moi! 
C'est  en  toute  bonne  foi  que  les  assistants  disent  :  Ce  n'est  pas  elle  ! 
Et  pour  peu  que  cette  écriture  soit,  pendant  une  série  de  jours, 
cohérente  comme  graphisme,  comme  style,  comme  idées  —  et  elle 
est  en  général  extrêmement  cohérente  —  pour  peu  que  soit  habile 
le  pastiche  du  style  de  tel  ou  tel  personnage  évoqué,  chacun  dans 
l'assemblée  est  convaincu,  profondément  convaincu,  que  ce  person- 
nage (un  esprit)  est  intervenu,  qu'il  a  écrit,  qu'il  nous  a  fait  con- 
naître ses  volontés. 

Mais  en  vérité  on  ne  peut  admettre  là  une  personnalité  nou- 
velle, plus  que  lorsque  je  dis  à  Alice  :  Vous  voilà  un  vieux  général,  et 
qu'elle  parle  comme  un  vieux  général.  Qu'il  reste  de  la  personna- 
lité antérieure,  normale,  une  conscience  précise,  ou  vague,  ou 
nulle  ;  dans  aucun  cas  la  réalité  d'une  personnalité  étrangère  n'est 
acceptable. 

Et  cela  est  vrai  aussi  bien  pour  les  médiums  que  pour  les  som- 
nambules. Seulement,  au  lieu  d'être,  comme  chez  les  somnambules, 
une  personnalité  qui  a  été  imposée  par  suggestion,  c'est  chez  les 
médiums  une  personnalité  qui  s'est  créée  de  toutes  pièces,  par 

1.  Le  plus  bel  exemple  peut-être  de  ces  changements  de  personnalité  est  le 
cas  d'HéLÈNE  Smith,  devenant  Marie-Antoinette.  Tu.  Floornov  en  a  fait  une 
étude  approfondie. 


86  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

auto-suggestion.  Mais  cela  n'importe  pas.  La  personnalité  qui  arrive 
est  factice,  arbitraire  :  elle  n'a  pas  plus  de  réalité  extérieure  que  les 
créations  des  poètes  :  La  Esmeralda  ou  Carmen,  Figaro  ou  Don  Juan. 
De  cette  écriture  automatique,  je  donnerai  quelques  exemples, 
ne  fût-ce  que  pour  établir  l'épaisse  invraisemblance  d'une  person- 
nalité qui  a  prétendu  revenir1. 

Vous  me  négligez,  vous  m'oubliez  au  milieu  des  petits   soins  de  votre 

monde.  Vous  me  faites  attendre  quand  j'implore  une  simple  réunion  de 

famille.  Vous  me  mettez  comme  dans  une  machine  pneumatique  :  je  ne 

peux  marcher  dans  l'inconnu,  dans  le  vide. 

Molière. 

Venise,  que  tant  d'auteurs  célèbres  ont  chantée,  Venise  la  florissante, 
aux  palais  somptueux,  que  reste-t-il  de  sa  gloire?  La  gloire  de  Venise  n'est 
plus;  les  vices  de  ses  arrogants  dignitaires  l'ont  tuée!  Sublimes  enseigne- 
ments de  Jésus,  qu'êtes-vous  devenus?  Tout  a  disparu.  La  croix  a  projeté 
une  ombre  funeste,  parce  que  des  fantômes  interceptaient  ses  rayons. 

PVTHAGORE. 

La  vie  planétaire  sert  à  mettre  en  pratique  les  résolutions  prises  à  l'état 

erratique,  c'est-à-dire  pendant   la  vie  sidérale.  Dans  cette    dernière,   les 

besoins  du  corps  n'étant  plus  là  pour  forcer  l'esprit  d'agir,  la  vie  pourrait 

n'être  que  contemplative. 

J.-J.  Rousseau. 

Quels  tristes  temps  !  Quels  tristes  jours  !  Comme  mon  âme  est  voilée  ! 
Comment  suis-je  tombé  si  bas?  Pourquoi  ne  puis-je  oublier?  Pourquoi, 
devant  mes  yeux  des  rayons,  puis  tout  à  coup  des  ténèbres  ?  et  le  vague  sen- 
timent d'un  passé  que  je  sens  cruel  et  que  je  ne  puis  reconstituer  !  Oh  !  cris 
de  terreur,  sang  qui  coule,  fumant  encore  !... 

FoUQUIER-TlNVILLE. 

Et  sans  doute  ces  paroles  de  sang  fumant  encore  ont  éveillé  dans 
l'esprit  du  médium  le  souvenir  de  MUe  de  Sombreuil,  car,  tout  de 
suite  après  Fouquier-Tinville,  MIle  de  Sombreuil  est  arrivée,  et  elle 
a  dit  ces  choses  étonnantes  : 

J'aime  Fouquier-Tinville.  Je  l'aimai  depuis  cet  instant  où  il  me  sauva  la 

1.  Mad.  Nocgerath,  une  femme  de  cœur  généreux,  morte  très  âgée,  il  y  a 
quelques  années,  a  tenu,  avec  différents  médiums,  pendant  près  d'un  demi  siècle, 
un  grand  nombre  de  séances,  et  a  consacré  sa  vie  tout  entière  à  propager  la  doc- 
trine spirite  en  laquelle  sa  foi  était  profonde.  Elle  a  publié  dans  un  livre  :  La 
Survie,  sa  réalité,  sa  manifestation,  sa  philosophie .  Echos  de  l'Au-delà,  Paris, 
Flammarion,  181)7,  les  messages  soi-disant  communiqués  par  les  esprits  des  morts  : 
Pythagore,  Socrate,  Boudha,  Fénelon,  Bossuet,  Molière,  Abélard,  Moïse,  Saint- 
Jean,  Robespierre,  Cuvier,  Diderot.  Cette  énumération  seule  suffirait  à  montrer 
le  néant  de  cette  foi. 


ÉCRITURE    AUTOMATIQUE  87 

vie.  Je  le  vis  beau,  je  le  vis  grand  à  sa  manière.  Oui  !  je  l'aime  !  je  souffre 
tant  lorsqu'on  exalte  ma  vertu,  et  qu'on  l'appelle  un  monstre,  lui  que  j'aime, 
ah  !  l'amour!  l'amour! 

M110  DE  SOMBRKUIL, 

Laissons  ces  divagatioûs  :  elles  prêteraient  à  rire  si  elles  n'avaient 
pas  —  ce  qui  est  tout  de  même  assez  douloureux  —  été  considérées, 
par  des  personnes  honorables,  comme  des  documents  positifs.  De 
fait,  elles  ne  sont  que  des  manifestations  de  l'intelligence  incons- 
ciente des  médiums,  qui  est  si  souveut  au  dessous  de  la  médiocrité. 

Il  y  a  évidemment  des  exceptions  à  la  pauvreté  physiologique 
des  communications  spirites.  M.  Carmelo  Samona  l,  avant  demandé 
à  un  esprit  pourquoi  il  ne  lui  disait  rien  de  l'Au-delà,  a  obtenu 
immédiatement,  par  des  coups  frappés,  cette  réponse  symbolique, 
vraiment  assez  belle  :  Non  mangerai  pane  il  cui  semé  non  abbia  dormi- 
to  prima  nello  nuda  terra,  la  cui  bionda  spiga  non  si  sia  curvata  al 
soffw  del,  vento,  e  non  sia  caduta  poi  sotti  V inexorabile  falca  del  mie- 
titore. 

En  quelques  minutes,  Laure,  s'adressant  à  Pétrarque,  lui  dit  :  (par 
l'intermédiaire  de  Stella,  qui  à  l'état  normal  n'est  pas  poète)  : 

Si  j'étais  l'air  que  tu  respires, 
Ami,  comme  je  serais  doux  ! 
J'effeuillerais  sur  ton  sourire, 
Des  baisers  exquisément  fous  ! 

Mais  parmi  les  exceptions  les  plus  remarquables  sout  les  vers 
dictés  à  Victor  Hugo,  qui  a  cru  au  spiritisme2. 

Jules  Bois,  dans  un  intéressant  ouvrage3,  nous  donne  des  détails 
curieux  sur  Victor  Hugo  spirite.  Il  fut  converti  par  Madame  Emile  de 
Girardin  à  Jersey,  le  6  septembre  1853.  A  la  première  séance,  Vac- 
querie  demanda  :  «  Quel  est  le  mot  que  je  pense?  »  La  table  répondit  : 
«  Tu  veux  dire  souffrance  ».  La  pensée  de  Vacquerie  était  amour. 
Réponse  ingénieuse  et  inattendue. 

1.  Psiche  misteriosa,  (1910.  Palermo),  64. 

2.  «  La  table  tournante,  ou  parlante,  a  été  fort  raillée.  Parlons  net.  Cette  raillerie 
est  sans  portée.  Remplacer  l'examen  par  la  moquerie,  c'est  commode,  mais  peu 
scientifique...  La  science  est  ignorante  et  n'a  pas  le  droit  au  rêve.  Un  savant  qui 
rit  du  possible  est  bien  près  d'être  un  idiot.  L'inattendu  doit  toujours  être 
attendu  par  la  science.  »  {Shakespeare,  Lacroix,  Paris,  8°,  1864). 

3.  Le  Mirage  moderne,  Paris,  Ollendorff,  1907. 


&8  MÉTAPSYCHIOUE    SUBJECTIVE 

Dans  les  séances  ultérieures,  Victor  Hugo  n'était  pas  à  la  table. 
C'était  Charles  Hugo  le  médium.  Il  ne  savait  pas  l'anglais.  Un 
Anglais  arriva,  invoquant  lord  Byron,  qui  répoudit  en  anglais  : 

Vex  not  the  bard,  his  lyre  is  broken, 
His  last  song  sung,  his  last  word  spoken. 

Des  réponses  étrauges,  apocalyptiques,  sont  attribuées  à  Ezéchiel, 
au  lion  d'ANDRocLÈs.  Sur  le  manuscrit  il  y  a  en  marge  cette 
phrase  stupéfiante  de  Victor  Hugo  :  «  Les  volumes  dictés  à  mon 
fils  Charles  par  la  table  contiennent  une  réponse  du  lion  d'ANDRO- 

CLÈS.    » 

Chacun  de  ces  vers  est  en  soi  admirable  ;  mais  il  y  a  uue  presti- 
gieuse incohérence  dans  le  développement  : 
Voici  comment  s'exprime  Eschyle  : 

Non,  l'homme  ne  sera  jamais  libre  sur  terre  : 
C'est  le  triste  captif  du  bien,  du  mal,  du  beau, 
Il  ne  peut  devenir  —  c'est  la  loi  du  mystère  — 
Libre  qu'en  devenant  prisonnier  du  tombeau. 

Fatalité,  lion  dont  lame  est  dévorée, 
J'ai  voulu  te  dompter  d'un  bras  cyclopéen, 
J'ai  voulu  sur  mon  dos  porter  ta  peau  tigrée, 
Il  me  plaisait  qu'on  dît  :  «  Eschyle  néméen  ». 

Je  n'ai  pas  réussi  :  la  bête  fauve  humaine 

Déchire  encor  nos  chairs  de  son  ongle  éternel. 

Le  coeur  de  l'homme  est  plein  encor  de  cris  de  haine, 

Cette  fosse  aux  lions  n'a  pas  de  Daniel. 

Après  moi  vint  Shakspeare,  il  vit  les  trois  sorcières, 
0  Némée,  arriver  du  fond  de  la  forêt, 
Et  jeter  dans  nos  cœurs  ses  troublantes  chaudières, 
Les  philtres  monstrueux  de  l'immense  secret. 

Il  vint  dans  ce  grand  bois,  la  limite  du  monde  ; 
Après  moi,  le  dompteur,  il  vint,  lui,  le  chasseur. 
Et,  comme  il  regardait  dans  son  âme  profonde, 
Macbeth  cria  :  «  Fuyons  »,  et  Hamlet  dit  :  «  J'ai  peur.  » 

11  se  sauva.  Molière,  alors  sur  la  lisière, 
Parut,  et  dit  :  «  Voyez  si  mon  àme  faiblit. 
Commandeur,  viens  souper  ».  Mais  au  festin  de  Pierre 
Molière  trembla  tant  que  Don  Juan  pâlit. 


ÉCRITURE    AUTOMATIQUE  89 

Mais  que  ce  soit  le  spectre,  ou  la  sorcière,  ou  l'ombre, 
C'est  toujours  toi,  lion,  et  ta  griffe  de  1er. 
Tu  remplis  tellement  la'grande  forêt  sombre, 
Que  Dante  te  rencontre  en  entrant  dans  l'enfer. 

Tu  n'es  dompté  qu'à  l'heure  où  la  mort,  belluaire, 
T'arrache  de  la  dent  l'àme  humaine  en  lambeau. 
Te  prend,  dans  la  forêt  profonde  et  séculaire, 
Et  te  montre  du  doigt  ta  cage,  le  tombeau. 

Quelquefois  Victor  Hugo  interrogeait  les  esprits,  et  naturelle- 
ment, c'était  eu  vers  admirables.  Uu  jour  il  s'adresse  à  Molière  : 

Les  rois,  et  vous,  là-haut,  changez-vous  d'enveloppe  ? 
Louis  quatorze  au  ciel  n'est-il  pas  ton  valet  ? 
François  premier  est-il  le  fou  de  Triboulet  ? 
EtCrésus,  le  laquais  d'Esope? 

Ce  n'est  pas  Molière  qui  a  répondu  :  c'est  I'Ombre  du  Sépulcre. 

Le  Ciel  ne  punit  pas  par  de  telles  grimaces, 
Et  ne  travestit  pas  en  fou  François  premier, 
L'enfer  n'est  pas  un  bal  de  grotesques  paillasses, 
Dont  le  noir  châtiment  serait  le  costumier. 

Mal  satisfait  de  cette  réponse,  Hugo  s'adresse  encore  à  Molière  : 

Toi  qui  du  vieux  Shakspeare  as  ramassé  le  ceste, 
Toi  qui  près  d'Othello  sculptas  le  sombre  Alceste, 
Astre  qui  resplendis  sur  un  double  horizon, 
Poète  au  Louvre,  archange  au  ciel,  ô  grand  Molière  ! 
Ta  visite  splendide  honore  ma  maison. 

Me  tendras-tu  là  haut  ta  main  hospitalière  ? 
Que  la  fosse  pour  moi  s'ouvre  dans  le  gazon. 
Je  vois  sans  peur  la  tombe  aux  ombres  éternelles  ; 
Car  je  sais  que  le  corps  y  trouve  une  prison, 
Mais  que  l'àme  y  trouve  des  ailes. 

Alors  I'Ombre  du  Sépulcre,  probablement  irritée,  a  répondu  : 

Esprit  qui  veux  savoir  le  secret  des  ténèbres, 
Et  qui,  tenant  en  main  le  céleste  flambeau, 
Viens,  furtif,  à  tâtons,  dans  nos  ombres  funèbres, 
Crocheter  l'immense  tombeau  ! 

Rentre  dans  ton  silence,  et  souffle  tes  chandelles, 
Rentre  dans  cette  nuit  dont  quelquefois  tu  sors, 
L'oeil  humain  ne  voit  pas  les  choses  éternelles, 
Par  dessus  l'épaule  des  morts. 


90  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Beaux  vers,  mais  qui  ne  sont  certainement  pas  plus  de  Molière 
et  (I'Eschyle  que  du  lion  d'Androclès. 

Dans  les  premières  séances  données  par  Hélène  Smith,  c'a  été 
Victor  Hugo  qui  l'inspirait.  Or  le  Victor  Hugo  interprété  par  Hélène 
Smith  faisait  des  vers  curieusement  mirlitonesques1  : 

L'amour,  divine  essence,  insondable  mystère, 
Ne  le  repousse  point.  C'est  le  ciel  sur  la  terre. 
L'amour,  la  charité  seront  ta  vie  entière  : 
Jouis  et  fais  jouir  ;  mais  n'en  sois  jamais  fière. 

Le  lion  d'Androclès  était  beaucoup  plus  poète  que  le  Victor  Hugo 
d'HÉLÈNE  Smith. 

D'ailleurs  I'Ombre  du  Sépulcre  parlait  aussi  en  prose,  et  eu  une 
prose  également  magnifique.  Comme  Victor  Hugo  lui  avait  repro- 
ché d'user  d'expressions  symboliques,  I'Ombre  a  répondu  : 

«  Imprudent  !  Tu  dis  :  I'Ombre  du  Sépulcre  parle  le  langage  humain, 
«  elle  se  sert  des  images  bibliques,  des  mots,  des  métaphores,  des 
«  mensonges,  pour  dire  la  vérité...  L'Ombre  du  Sépulcre  n'est  pas 
«  une  mascarade,  je  suis  une  réalité.  Si  je  descends  à  vous  parler 
«  votre  jargon  où  le  sublime  consiste  en  si  peu  de  tempête,  c'est 
«  que  vous  êtes  limités.  Le  mot,  c'est  la  chaîne  de  l'esprit;  l'image, 
«  c'est  le  carcan  de  la  pensée;  votre  idéal,  c'est  le  collier  de  l'âme; 
«  votre  sublime  est  un  cul  de  basse  fosse  ;  votre  ciel  est  le  plafond 
«  d'une  cave  ;  votre  langue  est  un  bruit  relié  dans  un  dictionnaire. 
«  Ma  langue  à  moi,  c'est  l'Immensité,  c'est  l'Océan,  c'est  l'Ouragan. 
«  Ma  bibliothèque  contient  des  milliers  d'étoiles,  des  millions  de 
«  planètes,  des  millions  de  constellations...  Si  tu  veux  que  je  te 
«  parle  dans  mon  langage,  monte  sur  le  Sinaï,  et  tu  m'entendras 
«  dans  les  éclairs  ;  monte  sur  le  Calvaire,  et  tu  me  verras  dans 
«  les  rayons  ;  descends  dans  le  tombeau,  et  tu  me  sentiras  dans  la 
«  clémence.  » 

Si,  comme  l'hypothèse  est  vraisemblable,  c'est  l'inconscient  de 
Charles  Hugo  qui  a  dicté  cette  prose  et  ces  vers,  l'inconscient  de 
Charles  Hugo  atteignait  au  génie  du  maître. 

Il  est  d'autres  cas  assez  intéressants,  pour  lesquels  il  est  tout 

1.  Flournoy,  loc.  cit. 


ÉCRITURE    AUTOMATIQUE  91 

aussi  nécessaire  de  supposer  une  intervention  exclusivement  hu- 
maine. 

Hermance  Dufaux,  jeune  fille  de  quatorze  ans,  a  donné  une  Vie  de 
Jeanne  d'Arc,  dictée  par  Jeanne  d'Arc1  et  les  Confessions  de  Louis  XL. 
Allan  Kardec  se  porte  garant  de  la  sincérité  de  cette  jeune  fille, 
lorsqu'elle  affirme  avoir  écrit  ces  livres  par  inspiration,  sans  com- 
pulser les  archives  et  documents  de  l'histoire. 

Quatre  hypothèses  se  présentent  : 

1°  Une  fraude  grossière,  simple,  qui  consiste  à  aller  chercher, 
dans  des  bibliothèques  publiques  ou  dans  des  livres  faciles  à  se 
procurer,  les  renseignements  nécessaires.  De  même  que  P.  Mérimée 
a  pu  écrire,  avec  un  délicieux  talent,  sans  aucune  prétention  spi- 
rite  d'ailleurs,  le  théâtre  de  Clara  Gazul. 

L'hypothèse  est  bien  vraisemblable  ;  pourtant  il  faudrait  une 
astuce,  une  habileté,  une  fourberie,  dont  cette  honorable  jeune  fille 
était  peut-être  incapable  (?) 

2°  Une  irréprochable  mémoire,  avec  inconscience  partielle,  qui 
fait  retrouver,  à  Hermance,  au  moment  voulu,  tout  ce  qu'elle  a  lu  et 
entendu.  Son  intelligence  inconsciente,  plus  avisée  que  son  intelli- 
gence consciente,  reprend  tous  les  détails  lus  et  entendus  pour  les 
classer,  les  condenser,  les  vérifier,  en  attribuant  à  la  soi-disant  per- 
sonnalité de  Jeanne  d'Arc  et  de  Louis  XI  les  souvenirs  de  toutes  ses 
lectures.  Que  pourrions-nous  dire  et  écrire  si  nous  retrouvions  ainsi 
tous  les  vestiges  de  toutes  nos  lectures  !  Même  à  quatorze  ans  on  peut 
avoir  déjà  beaucoup  lu! 

Hermance  Dufacx,  parlant  comme  Jeanne  d'Arc  ou  Louis  XI,  c'est 
un  peu  comme  Hélène  Smith,  qui  se  croit,  très  sincèrement  et 
avec  une  merveilleuse  faculté  d'adaptation,  tantôt  la  reine  Marie- 
Antoinette,  tantôt  Cagliostro. 

C'est  cette  hypothèse  que  j'admets  comme  presque  aussi  vrai- 
semblable que  la  première,  encore  qu'à  l'extrême  rigueur  une  troi- 
sième hypothèse  soit  acceptable. 

3°  Par  notions  cryptesthésiques,  Hermance,  qui  est  une  médium 
sensitive,  connaît  des  faits,  des  noms,  des  dates,  des  événements, 
que  ses  sens  normaux  ne  lui  ont  pas  appris.  Et  alors  ces  connais- 

1.  Revue  spirite,  1858,  p.  73,  et  la  Vérité,  29  mai  18(54  (1  vol.,  E.  Dentu,  Paris, 
1858). 


92  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

sauces  d'ordre métapsychique  se  groupent  autour  de  la  personnalité 
que  l'auto-suggestion  a  créée. 

Avant  d'admettre  cette  aventureuse  hypothèse,  il  faudrait  —  ce 
qui  à  plus  d'un  demi-siècle  de  distance  est  impossible  —  savoir 
exactement  quelles  ont  été  les  limites  des  lectures  de  la  jeune  Her- 
mance. 

4°  C'est  Louis  XI,  c'est  Jeanne  d'Arc,  dont  les  consciences  n'ont 
pas  disparu  de  l'univers,  qui  ont  écrit  par  la  main  d'HERMANCE. 

Et  voilà  une  hypothèse  effroyablement  absurde.  Il  n'en  doit  pas 
être  question  tant  qu'on  n'aura  pas  au  préalable  démontré  la  radi- 
cale impossibilité  des  trois  premières  suppositions. 

Si  j'ai  insisté  sur  ce  cas  d'HERMANCEDuFAux,  c'est  qu'il  s'applique 
exactement  à  tous  les  cas  d'écriture  automatique  qu'on  a  invoqués 
pour  supposer  l'identification  des  personnes  mortes. 

Bersot  »  raconte  qu'en  1853  on  a  imprimé  à  la  Guadeloupe  Jua- 
nita,  nouvelle,  par  une  chaise,  suivie  d'un  proverbe  et  de  quelques 
autres  inepties  analogues  du  même  auteur. 

L'histoire  de  Ch.  Dickens,  dictant,  après  sa  mort,  la  fin  de  son 
roman  :  The  mystery  of  Edwin  Drood,  est  plus  étonnante  encore'2.  En 
1872,  un  jeune  mécanicien  cordonnier,  nommé  James,  n'ayant  reçu 
qu'une  éducation  scolaire  limitée,  se  découvrit  des  aptitudes 
médianimiques  pour  l'écriture  automatique.  En  octobre  1872,  par 
l'écriture,  Dickens,  qui  venait  de  mourir,  lui  témoigna  le  désir 
d'achever  un  roman  commencé,  qu'avait  interrompu  la  mort.  James 
se  mit  à  l'œuvre,  c'est-à-dire  à  l'écriture,  sous  la  dictée  de  Dickens, 
et  il  écrivit.  Le  tout  fait  un  assez  gros  volume  que  certains  cri- 
tiques ont  considéré  comme  tout  à  fait  digne  de  Dickens.  Je  suis 
incompétent  pour  en  décider,  de  même  que  pour  apprécier  la  simi- 
litude des  écritures,  l'emploi  du  dialecte  de  Londres  au  lieu  des 
expressions  américaines,  la  connaissance  de  la  topographie  de 
Londres  ;  mais  nous  savons  tous  que  les  pastiches  sont  faciles 
(voyez  A  la  manière  de...  parMuixERetP.  Reboux).  Aussi  bien,  même 
si  le  pastiche  était  plus  parfait,  n'irais-je  pas  en  conclure  que  l'àme 

1.  Cité  par  Grasset,  loc.cit.,  195. 

2.  The  mystery  of  Edwin  Drood,  1873,  chez  Clark  Bryan,  Springfields,  Mass. 
The  Spiritualist,  1873,  322. 


ÉCRITURE    AUTOMATIQUE  93 

de  Dickens  est  intervenue.  Même  si  la  bonne  foi  de  James  était  établie, 
même  si  l'incapacité  de  l'intelligence  normale  à  créer  ce  pastiche 
génial  était  dûment  prouvée,  j'y  verrais  tout  autre  chose  que  la  sur- 
vivance de  Dickens.  Toutes  les  suppositions  me  paraîtraient  préfé- 
rables à  cette  hypothèse  naïve  et  simple,  mais  terriblement  invrai- 
semblable, et  pour  moi  inadmissible,  que  Ch.  Dickens  est  revenu  de 
l'autre  monde  pour  mouvoir  les  muscles  brachiaux  de  James. 

Le  langage  martien,  créé  par  le  formidable  génie  d'HÉLÈNE  Smith, 
indique  tout  ce  dont  est  capable  l'inconscient.  Personne  ne  peut  rai- 
sonnablement supposer  que  cet  idiome  ait  quelque  réalité,  c'est-à- 
dire  que  les  habitants  de  Mars  (s'il  y  en  a)  parlent  ce  langage 
baroquement  dérivé  du  français.  Flournoy  a  montré,  dans  son  livre 
incomparable,  quels  étaient  les  mécanismes  mentaux  ayant  procédé 
à  cette  création  d'une  langue  nouvelle.  Le  langage  martien  d'HÉLÈNE 
Smith  fait  supposer  que  le  langage  sanscrit  parlé  par  elle  relève  de 
la  même  inspiration  inconsciente1. 

Cependant  le  problème  est  un  peu  plus  incertain  pour  le  sans- 
crit d'HÉLÈNE  Smith  que  pour  son  langage  martien,  car  le  sanscrit 
est  une  langue  véritable,  d'ailleurs  extraordinairement  difficile.  Or 
Hélène  n'a  pas  eu  de  livres  sanscrits  à  sa  disposition  (les  livres  sans- 
crits ne  sont  pas  très  abondants)  ;  elle  n'a  pas  fréquenté  les  biblio- 
thèques publiques,  et  cependant  ce  qu'elle  dit  est  manifestement 
du  sanscrit,  un  sanscrit  rudimentaire,  défectueux,  informe,  mais 
enfin  du  sanscrit2. 

M.  de  Saussure,  s'adressant  aux  lecteurs  innombrables  auxquels  le 
sanscrit  est  inconnu,  et  voulant  les  mettre  à  même  d'apprécier  la 
correction  du  sanscrit  d'HÉLÈNE,  a  eu  l'ingénieuse  idée  de  montrer 
par  une  comparaison  avec  le  latin  ce  qu'est  le  sanscrit  d'HÉLÈNE  : 

1.  Un  autre  essai  de  langage  martien  et  de  roman  martien,  assez  misérable 
d'ailleurs,  a  été  tenté  par  Mad.  Smead,  que  J.  Hyslop  a  étudiée.  Jl  n'y  a  pas 
grand  enseignement  à  en  tirer,  J.  Hvslop.  G.  La  médianimité  de  Mad.  Smead, 
A.  S.  P.,  1906,  VI,  461-502). 

2.  Dans  ses  Nouvelles  observations  (p.  212-213)  Flournoy  dit  qu'une  personne 
dans  la  maison  de  laquelle  Hélène  donnait  des  séances  avait  une  grammaire 
sanscrite  qui  se  trouvait  dans  la  pièce  même  ou  les  séances  avaient  lieu.  Mais 
comment  Hélène  aurait-elle  pu  trouver  au  milieu  d'une  séance  le  temps  de  méditer 
cette  grammaire  à  l'insu  de  tous  pour  en  pénétrer  les  éléments?  A-t-elle  en 
cachette,  inconsciemment  peut-être,  emporté  pendant  quelque  temps  le  livre  chez 
elle? 


94  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Meate  domina  mea  sorore  forinda  indi  deo  indesingodio  deo  primo 
nomine  obéra  mina  loca  suave  tibi  offlsio  et  ogurio  et  olo  romano  sua 
dinata  pcrano  die  nono  colo  desimo  ridere  pevere  nove. 

C'est  un  latin  sauvage,  incompréhensible,  dans  lequel  il  y  a,  par 
ci  par  là,  quelques  mots  ayant  un  sens  isolément. 

Eu  tout  cas,  —  ce  qui  est  d'ailleurs  bien  étrange  —  il  n'y  a  pas  la 
lettre  /"dans  le  sanscrit  d'HÉLÈNE.  Or  la  lettre  /'n'existe  pas  en  sans- 
crit, et  certes  il  faut  avoir  déjà  quelque  initiation  de  cette  langue  pour 
savoir  qu'il  n'y  a  pas  de  f.  Il  est  vrai  qu'il  n'y  a  pas  d'w  non  plus, 
mais  ou,  que  parfois  Hélène  a  prononcée,  encore  qu'elle  ait  écrit  ou. 

Ce  problème  du  sanscrit  d'HÉLÈNE  Smith  est  très  délicat,  et  ne 
peut  être  traité  à  la  légère.  Je  tendrais  à  admettre,  non  pas  certes 
l'incarnation  d'un  prince  indien,  mais  une  certaine  cryptesthésie 
qui  a  permis  à  Hélène  de  se  servir  de  quelques  bribes  de  langue 
sanscrite.  C'est  l'opinion  réfléchie  de  Fa.  Myeks,  et  je  l'adopte,  avec 
toutes  les  réserves  nécessaires. 

Par  l'écriture  automatique,  beaucoup  d'autres  livres  ont  été 
écrits.  Mais  il  faudrait  être  d'une  maladive,  et  presque  criminelle, 
crédulité  pour  admettre  que  c'est  Thermotis,  la  fille  d'un  Pharaon 
égyptien,  qui  a  dicté  l'ouvrage  intitulé  le  Pharaon  Menephtah  l. 

L'esprit  Rochester,  qui  a  dicté,  conjointement  avec  Thermotis,  ces 
pages  singulières,  fruit  d'un  automatisme  mental  aussi  humain  que 
médiocre,  a  été,  paraît-il,  autrefois,  un  certain  Cmos  Lucilius.  De 
pareilles  fantaisies  ne  valent  pas  la  peine  d'être  retenues. 

D'ailleurs  c'est  toute  une  littérature.  Je  citerai  les  Letters  from  a 
living  dead  man,  par  X...  (Londres  et  New-York,  1914);  X...  était 
un  magistrat  américain,  versé  dans  les  sciences  philosophiques 
(probablement  David  P.  Hatch,  de  Los  Angeles,  Californie).  C'est 
encore  X...  qui  a  écrit,  par  l'intermédiaire  d'ELSA  Barrer,  donc  par 
l'écriture  automatique,  les  War  Letters  from  the  living  dead  man 
(Londres,  Ryder,  1918).  Même  vague  et  généreux  idéalisme  que  dans 
les  écrits  similaires.  Rien,  absolument  rien  ne  prouve  qu'il  y  eut  une 

1.  Le  Pharaon  Menephtah,  2  vol.,  2°,  Paris,  Ghio,  édit.  et  Libr.  des  se.  psycho- 
log.,  et  du  même  auteur  :  Episode  de  la  vie  de  Tibère,  1  vol.,  L'Abbaye  des  Béné- 
dictins, 2  vol. 


ÉCRITURE    AUTOMATIQUE  95 

autre  intelligence  que  l'intelligence  inconsciente  du  scripteur  auto- 
matique. Tout  récemmeut  un  livre  vient  de  paraître  à  New-York, 
qui  a  été  tout  entier  écrit  par  l'écriture  automatique,  c'est  le  second 
de  la  série.  Mais  il  n'y  a  pas  le  plus  faible  indice  d'une  intelligence 
différente  de  l'intelligence  humaine  ordinaire,  très  noblement  idéa- 
liste, mais  d'un  idéalisme  que  toute  personne  d'esprit  cultivé  peut 
atteindre  sans  peine1. 

Le  caractère  de  cette  littérature  de  l'inconscient  est  assez  nette- 
ment tranché  pour  qu'on  le  reconnaisse  facilement.  C'est  avant  tout 
une  tendance  aux  grandes  phrases  mystiques  et  vagues  sur  les  des- 
tinées de  l'âme,  sur  les  forces  impérissables  de  l'âme  humaine. 
Toujours  ces  divagations  de  l'inconscient  sont  très  fortement  reli- 
gieuses, comme  s'il  s'agissait  de  tracer  les  linéaments  d'une  religion 
nouvelle,  avec  rites  et  doctrines.  C'est  aussi  toujours  un  amour 
de  l'humanité  qui  serait  touchant  s'il  ne  s'agissait  pas  d'une  philan- 
thropie nuageuse  et  emphatique.  Les  écrits  automatiques  détes- 
tent la  précision.  Ils  se  dérobent  à  toute  indication  précise,  se 
complaisant  à  des  banalités  très  banales.  On  dirait  des  poètes  qui 
ne  connaissent  pas  la  poésie  ;  des  philosophes  qui  ne  connaissent 
pas  la  philosophie;  des  prêtres  qui  ne  connaissent  pas  la  religion  ; 
mais  qui  fontles  uns  et  lesautresun  louable  effort  pour  nous  donner, 
en  un  langage  poétique  et  nébuleux,  des  conseils  sur  une  philo- 
sophie et  des  préceptes  pour  une  religion. 

En  tout  cas,  sauf  de  rarissimes  exceptions,  malgré  leurs  puéri- 
lités comiques,  toutes  ces  émanations  de  l'inconscient  sont,  comme 
Myers  l'indique  justement,  d'une  incontestable  moralité,  ten- 
dant à  développer  ce  qu'il  y  a  de  meilleur  dans  la  générosité 
humaine. 

Un  petit  livre,  intéressant,  sur  l'écriture  automatique  a  été  donné 
par  Mad.  Hesther  Travers  Smith,  qui  raconte  elle-même  les  carac- 
tères de  sa  médianimité.  Elle  opérait  d'ailleurs,  tantôt  par  l'écri- 
ture, tantôt  par  la  planchette.  Elle  avait  quatre  guides,  Peter,  Eyen, 
Astor  et  Shamar.  Les  résultats  ne  sont  pas  bien  démonstratifs,  soit 
comme  cryptesthésies  pragmatiques  (psychométrie)  soit  comme 

1.  To  woman  from  Meslom,  a  message  from  Meslom  in  the  life  beyond,  received 
automatically  by  Mary  Me  Evilly,  New- York,  Brentano,  1920.  Voir  aussi  A  Record 
of  Psychic  experiments. 


96  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

prémonitions.  Mais  on  trouvera  des  données  utiles  sur  lacon_ 
duite  à  tenir  dans  les  séances  d'écriture  automatique  ou  de  plan- 
chette. 

A  côté  de  l'écriture  automatique,  il  y  a  le  dessin  automatique, 
et  parfois  les  résultats  en  sont  intéressants.  Hélène  Smith  a  tracé 
des  tableaux  spirites  curieux1.  Elle  avait  une  vision  (hallucina- 
toire) devant  elle,  et  elle  reproduisait  sur  le  tableau  les  contours 
et  les  couleurs  de  cette  vision.  Mais,  comme  elle  mettait  lougtemps 
à  peindre,  ne  donnant  parfois  que  deux  ou  trois  coups  de  pinceau 
par  jour,  il  fallait  plus  d'une  année  pour  achever  tel  ou  tel  tableau. 
Elle  l'achevait  pourtant,  et  chaque  fois  qu'elle  voulait  peindre,  ou 
qu'elle  était  poussée  à  peindre,  la  vision  reparaissait. 

D'autres  dessins  ont  été  reproduits  aussi  par  M.  Glaparède2. 

Le  commandant  Le  Goarant  de  Tromelin  m'a  envoyé  souvent  de 
très  étranges  dessins  spirites,  composés  par  lui-même  dans  un  état 
de  demi-somnambulisme.  Chaque  lettre  est  constituée  par  des  figures 
humaines  ou  animales  juxtaposées.' 

Geley  connaît  une  dame  qui  lui  a  montré  des  cartons  où  ont  été 
automatiquement  représentées,  avec  beaucoup  de  finesse,  diverses 
abstractions,  la  colère,  la  gourmandise,  l'avarice,  sous  des  formes 
de  personnages  caricaturesques. 

Je  viens  de  voir  les  dessins  produits,  en  état  médianimique, 
par  Mad.  Blocus,  de  Saint-Amand  (Cher).  Elle  n'est  nullement 
médium  professionnelle,  quoique  sa  mère  ait  depuis  longtemps 
l'écriture  automatique.  Ses  dessins,  parfois  d'une  esthétique  char- 
mante, sont  des  dessins  d'ornementation,  très  variés,  et  composés 
avec  une  rapidité  étonnante. 

Jules  Bois  a  cité  de  très  nombreux  cas  de  dessins  médianimiques. 
Il  raconte  l'histoire  de  Victorien  Sardou  qui  composa  un  dessin 
inspiré  par  Bernard  de  Palissy,  et  qu'il  a  intitulé  la  Maison  de  Mozart 
(Bernard  de  Palissy  était  un  drame  que  Sardou  avait  composé,  et  qui 
lui  avait  été  refusé).  Il  y  a  aussi  la  Maison  de  Zoroastre  dessinée 
dans  le  même  style,  par  Victorien  Sardou  encore .  Fernand  Desmoulin, 

1.  A.  Lemaitre,  Une  étude  psychologique  sur  les  tableaux  médianimiques  de 
Mad.  H.  Smilh  (Arch.  de  Psychologie,  de  Genève,  juillet  1907). 

2.  Bull,  de  la  Soc.  Méd.  de  Genève,  3  juin  1918,  A.  S.  P.,  1909,  XIX,  147. 


ÉCRITURE    AUTOMATIQUE  97 

Hugo  d'Alési,  peintres  de  talent  quand  ils  sont  dans  leur  état  cons- 
cient, ont  pu,  dans  l'état  médianimique,  c'est-à-dire  daus  l'incons- 
cience, composer  des  tableaux  curieux  et  des  dessins  parfois 
remarquables. 

Le  mécanisme  est  tout  à  fait  le  même  pour  les  dessins  automa- 
tiques que  pour  l'écriture  automatique.  La  main  dessine,  et  même 
colorie,  au  lieu  d'écrire  ;  voilà  toute  la  dilïérence.  L'impulsion  est 
irrésistible,  involontaire,  paraissant  tout  à  fait  indépendante,  non 
seulement  delà  volonté,  mais  encore  de  la  conscience  du  médium. 
Eu  un  point  du  papier  est  indiqué  un  trait  dont  personne,  et  le 
médium,  pas  plus  que  les  autres,  ne  comprend  le  sens.  Pourtant  ce 
trait  se  relie  curieusement  à  d'autres  traits  analogues,  qui  parais- 
saient, étant  isolés,  dépourvus  de  toute  signification,  et  qui  finalement 
en  acquièrent  une,  qui  est  très  nette.  Parfois  des  individus  incultes, 
et  inbabiles  au  dessin,  produisent  ainsi  des  compositions  singu- 
lières et  compliquées,  toujours  symboliques.  Ce  sont  là  phénomènes 
propres  au  somnambulisme.  Il  semble  difficile  d'y  voir  une  influence 
métapsychique  quelconque. 

La  littérature  spirite  abonde  en  productions  de  cette  nature.  Mais 
il  faudrait  une  coupable  dose  de  crédulité  pour  voir  là  autre  chose 
que  les  élucubrations  esthétiques  de  l'inconscient.  Elle  ont  à  peu 
près  toutes  un  caractère  de  symbolisme  vaguement  oriental,  qui 
parfois  n'est  pas  sans  quelque  étrange  beauté  l. 

En  réalité  toutes  ces  écritures,  toutes  ces  peintures,  eussent  abso- 
lument pu  être  des  œuvres  humaines.  Nulle  part  nous  n'y  voyons 
le  quid  divinum,  qui  nous  permettrait  de  les  attribuer  à  quelque 
intelligence  supérieure  à  une  intelligence  humaine,  de  niveau 
moyen.  Par  conséquent,  voulant  rejeter  du  métapsychique  tout 
ce  dont  le  psychique  est  capable,  nous  ne  les  ferons  pas  entrer  dans 
la  science  métapsychique.  Elles  n'en  constituent  pas  moins  un  très 
curieux  chapitre  de  la  psychologie  normale,  que  nous  engageons 
tous  les  psychologues  à  étudier  soigneusement. 

§  4.  —  CLASSIFICATION  DES  MODALITÉS  DE  LA  CRYPTESTHÉSIE 
Les  phénomènes  de  cryptesthésie  sont  si  nombreux,  si  variés,  si 

1.  Voir  les  dessins   médianimi<|ues  de  Machneb  (.4.   S.  i'.,  1908.  XV,  86)  et  de 
Petit  Jean  (^  .S.  P.,  1911,  XXI,  360). 

liisfti.  —  McUjjsj  chique- 


98  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

mystérieux,  qu'on  doit,  pour  mettre  un  peu  d'ordre  dans  ce  chaos, 
en  tenter  une  classification. 

Mais  il  ne  faudra  pas  se  faire  illusion  sur  la  valeur  absolue  de 
pareils  groupements.  Ils  sont  nécessaires  pour  un  enseignement 
dogmatique  ;  insuffisants  pour  l'interprétation  adéquate  des  phé- 
nomènes complexes  qui  se  présentent.  Jamais  les  choses  réelles  ne 
se  classent  dans  nos  cadres  arbitraires  avec  la  précision  que  nous 
leur  attribuons.    , 

Nous  séparerons  tout  d'abord  la  cryptesthésie  expérimentale,  sus- 
citée intentionnellement  dans  uue  expérience,  et  la  cryptesthésie 
accidentelle,  qui  se  manifeste  à  l'improviste.  On  pourrait  l'appeler 
spontanée;  mais  le  mot  spontanée  ne  serait  pas  tout  à  fait  exact  ;  car 
cette  cryptesthésie  accidentelle  est  provoquée  par  un  phénomène 
extérieur. 

Il  est  fort  possible  qu'il  n'y  ait  pas  d'essentielle  différence 
entre  ces  deux  sortes  de  cryptesthésie  ;  mais  la  méthode  d'étude 
est  toute  différente;  car  elles  ne  se  produisent  pas  de  la  même 
manière. 

La  cryptesthésie  expérimentale  s'observe  dans  une  expérience 
provoquée,  et  par  conséquent,  en  principe  au  moins,  elle  est  mieux 
analysée,  tandis  que  la  cryptesthésie  accidentelle  survient  soudaine- 
meut,  sans  être  voulue  par  un  expérimentateur,  mais  par  hasard, 
sans  effort,  chez  tels  ou  tels  individus  normaux,  rêvant,  ou  éveillés, 
ou  à  demi-éveillés,  qui  sont  surpris^par  le  phénomène  même. 

Cette  division  méthodique  de  la  cryptesthésie  en  expérimentale  et 
accidentelle  prouve  que  la  métapsychique  est  une  science  à  la  fois 
d'expérimentatiou  et  d'observation.  Ce  serait  la  mutiler  douloureu- 
sement que  de  négliger  soit  l'expérience,  soit  l'observation. 

La  cryptesthésie  expérimentale  peut  être  étudiée  : 

A.  —  Chez  les  sujets  normaux. 

IL  —  Chez  les  individus  hypnotisés. 

C.  —  Chez  les  médiums. 

D.  —  Chez  les  sensitifs. 

De  là  quatre  chapitres  distincts,  encore  que  la  séparation  ne  soit 


CLASSIFICATION    DES    CHYPTESTHÉSIES  99 

jamais  très  nette  entre  ces  diverses  conditions.  Car  dune  part 
les  médiums  entrent  dans  des  trances  qui  ressemblent  singuliè- 
rement à  l'hypuose.  (Quelquefois  même  on  les  hypnotise  pour 
que  se  produise  l'état  médianimique).  D'autre  part  nous  ne 
savons  jamais  jusqu'à  quel  point  les  iudividus  que  nous  croyons 
normaux  sont  voisins  de  l'état  hypnotique  ou  de  l'état  médiani- 
mique. 

Il  y  a  cependant  entre  les  médiums  et  les  hypnotisés  cette 
différence,  que,  dans  la  plupart,  sinon  dans  la  totalité,  des  cas, 
les  médiums  parlent,  ou  écrivent,  ou  meuvent  table  ou  plan- 
chette, comme  s'ils  étaient  inspirés  par  une  personnalité  étran- 
gère ;  tandis  que  les  hypnotisés  n'invoquent  aucun  guide.  Mais 
cette  distinction  est  plus  artificielle  que  réelle  ;  car  sans  doute 
lWucata'imdessensitifs.  des  médiums,  des  hypnotisés,  joua  un  rôle 
prépondérant  dans  le  maintien  ou  la  perte  de  leur  personnalité 
normale. 

Quant  aux  sensitifs,  ce  sont  des  individus  d'apparence  normale, 
mais  qui  semblent,  sans  être  ni  médiums,  ni  somnambules,  capables 
de  lucidité  et  de  clairvoyance,  dans  de  certaines  conditions  non 
accidentelles,  mais  expérimentales  (vision  par  le  cristal,  psycho- 
métrie,  etc.). 

La  cryptesthésie  accidentelle,  c'est  celle  qui  ne  survient,  ni  dans 
l'état  hypnotique,  ni  dans  l'état  médianimique,  et  qui  se  manifeste 
soudainement  chez  des  individus  tout  à  fait  normaux. 

Toutes  les  cryptesthésies  accidentelles  peuvent  être  appelées  des 
monitions. 

Les  monitions  sont  la  révélation  (par  une  voie  qui  n'est  pas  celle 
des  sens  normaux)  d'un  événement  passé  ou  présent.  Les  prémoni- 
tions sont  les  révélations  d'un  fait  à  venir. 

Comme  les  monitions  sont  nombreuses  et  diverses,  nous  sépa- 
rerons les  monitions  portant  sur  des  événements  quelcon- 
ques, tantôt  légers,  tantôt  graves  (graves  s'ils  sont  terminés  par  la 
mort).  Les  monitions  de  mort,  en  effet,  représentent  un  groupe 
considérable  de  faits  assez  homogènes  qu'il  y  aurait  inconvénient 
à  dissocier. 

Les  monitions  collectives  formeront  un  chapitre  séparé  :  car  elles 
constituent  une  transition  entre  les  phénomènes  subjectifs  et  les 


100  MÉTAPSYCHIUUE  SUBJECTIVE 

phénomènes  objectifs  de  la  métapsychique,  et  par  conséquent  com- 
portent une  discussion  tout  à  fait  spéciale. 

Enfin  il  faut  à  la  cryptesthésie  rattacher  les  phénomèues  de 
divination  par  la  baguette,  et  peut-être  aussi  les  singulières  mani- 
festations d'intelligence  calculatrice  donnés  par  certains  animaux1. 

1.  Si  l'on  me  trouve  trop  sévère  pour  les  théories,  je  me  contenterai  de 
répondre  en  citant  Claude  Behnakd,  le  maître  incontesté  des  sciences  expérimen- 
tales. 

«  Dans  les  sciences  la  foi  est  une  erreur,  et  le  scepticisme  un  progrès.  Tous  les 
systèmes...  que  les  sciences  ont  créés  dans  leur  époque  embryonnaire  doivent  plus 
tard,  quand  la  science  tend  à  se  constituer,  être  oubliés,  et  disparaître  comme  des 
moyens  transitoires  devenus  inutiles.  Le  progrès  n'est  donc  pas  de  restaurer  ou 
de  réveiller  les  anciens  systèmes  :  le  vrai  progrès  consiste  à  les  oublier,  et  à  les 
remplacer  par  la  connaissance  de  la  loi  des  phénomènes.  »  (Leç.  de  pathologie 
expérimentale,  1872,  3'J9). 


CHAPITRE  III 

CRYPTESTHÉSIE  EXPÉRIMENTALE 

.  |  1.  —  CRYPTESTHÉSIE  CHEZ  LES  INDIVIDUS  NORMAUX 

Des  expériences,  assez  nombreuses,  insuffisantes  d'ailleurs,  ont 
été  faites  sur  les  personnes  normales. 

Bien  entendu  elles  donnent  des  résultats  très  différents,  suivant 
qu'il  s'agit  de  telles  ou  telles  personnes.  Tout  de  même,  si  la  luci- 
dité, comme  cela  est  démontré,  existe  chez  certains  êtres  excep- 
tionnels, il  est  probable  qu'elle  va  exister  aussi,  fût-ce  à  l'état  de 
trace  infime,  chez  les  autres  individus.  Il  est  hautement  invrai- 
semblable qu'à  côté  des  sujets  souvent  lucides  il  n'y  ait  pas  d'au- 
tres sujets  possédant  quelque  lucidité,  si  rare  et  si  faible  qu'on  la 
suppose. 

11  faut  donc  rechercher,  et,  si  possible,  déceler  cette  trace  de  luci- 
dité chez  les  personnes  normales,  ce  qui  peut  s'indiquer  sous  cette 
forme  : 

Quand  un  individu  désigne  au  hasard  un  fait,  un  nom,  un  chiffre, 
un  dessin,  dont  la  probabilité  est  connue,  la  'probabilité  de  cette  désigna- 
tion change-t-elle  par  le  fait  de  la  cryptesthésie  ? 

J'ai,  il  y  a  longtemps,  proposé  cette  méthode,  et  j'ai  fait,  à  cet 
effet,  de  nombreuses  expériences,  répétées  et  confirmées  par  mes 
savants  collègues  de  la  S.  P.  R. l. 

Ces  expériences,  portant  sur  des  personnes  non  sensibles,  ou  à 
peine  sensibles,  ont  été  faites  avec  des  cartes  de  jeu,  avec  des  dessins 
et  des  photographies.  Parfois  pour  cette  divination  j'ai  fait  usage 
de  la  baguette  divinatoire  (qui  révèle  des  mouvements  musculaires 

1.  Ch.  Richet,  La  suggestion  mentale  et  le  calcul  des  probabilités.  (Rev.  Philo- 
sopha 1884,  XVIII,  609-671),  —  Phantasms  ofthe  Liv.,  I,  31-70. 


102  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

inconscients).  Dans  tous  ces  cas,  la  probabilité  pouvait  être  calculée 
exactement. 

Or  il  s'est  trouvé  que  le  nombre  des  succès  a  été  toujours  légère- 
ment supérieur  au  nombre  probable.  Par  exemple  sur  1103  tirages, 
(cartes  de  jeu)  le  calcul  des  probabilités  indiquait  525,  et  le  nombre 
trouvé  a  été  552.  L'excès  est  très  faible.  Mais,  pour  bien  juger,  il 
convient  d'éliminer  les  expériences  faites  le  même  jour  en  trop 
grand  nombre  —  au  delà  de  100 par  exemple,  —  car  alors  il  y  a  sans 
doute  fatigue  et  confusion.  En  ne  tenant  pas  compte  des  expériences 
qui  par  jour  n'excèdent  pas  100,  on  trouve  que,  le  nombre  probable 
des  succès  sur  1 .132  tirages  étant  de  280,  le  chiffre  des  succès  obtenus 
a  été  de  315.  Ce  n'est  presque  rien  encore. 

Des  expériences,  dont  nous  parlerons  plus  loin,  faites  en  Angle- 
terre par  cette  même  méthode,  ont  donné,  pour  17.653  tirages,  un 
nombre  de  succès  égala  4.760,  excédant  de  347  le  nombre  probable. 
C'est  quelque  chose,  mais  c'est  peu. 

Il  semble  d'ailleurs  qu'on  puisse  ainsi  distinguer  telles  ou  telles 
personnes  ayant  plus  ou  moins  de  lucidité. 

Mes  amis  G.  F...  et  H.  F...  étaient  certainement,  l'un  et  l'autre, 
mais  très  vaguement,  des  sensitifs.  Opérant  avec  la  baguette  divi- 
natoire, alors  que  les  probabilités  étaient  : 

l  l  1 

8  6         48 

Ils  ont  obtenu  sur  5  expériences  : 


1 

8 

1 
6 

1 
48 

1 

succès, 

échec, 

échec. 

2 

succès, 

échec, 

échec. 

3 

succès, 

succès, 

succès. 

4 

succès, 

échec, 

échec. 

5 

succès, 

succès, 

succès 

Ainsi,  quand  la  probabilité  était  de  l/8e,  il  y  a  eu  5  succès  sur 
o  expériences  ;  la  probabilité  de  ces  o  succès  n'était  que  de  32  ooo  ; 

c'est  la  certitude  morale  qu'il  y  a  eu  cryptesthésie. 
Au  contraire,  pour  A.  P...  et  moi-même,  dépourvus  l'un  et  l'autre 


CRYPTESTHÉSIE    CHEZ    LES    NORMAUX  103 

de  toute  lucidité,  et  qui  opérious  à  côté  de  G.  F...  et  de  H.  F...  le 
résultat  a  été  : 

1  succès,  échec,  échec. 

2  échec,  échec,  échec. 

3  échec,  échec,  échec. 

4  échec,  échec,  échec. 

Pour  A.  P...  et  moi,  il  u'y  a  pas  eu  d'écart  appréciable  eutre  le 
nombre  probable  des  succès  et  le  nombre  réellement  obtenu,  tandis 
que  cela  fut  tout  différent  pour  G.  F...  et  H.  F... 

Plus  récemment,  dans  une  série  de  5 expériences,  faites  simulta- 
nément sur  des  cartes  que  personnelle  voyait,  par  B...,  par  S...  et  par 
moi,  il  y  a  eu  5  échecs,  pour  B...,  1  succès  pour  moi,  2  succès  pour 

S...  douée  de  puissances  médianimiques.  La  probabilité  composée 

1 
(de  2  succès  pour  5  expériences,  à  probabilité  simple  de  ■=_■  )  est  de 

0  6k 


250 


Nous  ne  pouvons  entrer  daus  tous  les  détails  consignés  au  rapport 
de  sir  William  Barrett1.  Tout  de  même  il  convient  de  signaler  à 
cause  de  sou  importance  une  expérience  de  Sir  Oliver  Lodge,  faite 
sur  des  jeunes  filles  qui  n'étaient  ni  hypnotisées,  ni  médiums. 
C'est  M.  Malcolm  Guthrie  qui  avait  institué  le  dispositif  expéri- 
mental et  qui  opérait  -. 

Il  s'agissait  de  la  reproduction  de  dessins.  Dans  un  cas  le  dessin 
à  deviner  était  le  drapeau  national  ;  cette  figure  fut  reproduite  en 
entier  sans  hésitation. 

Les  conditions  de  ces  expériences  étaient  parfaites.  Vingt  ans 
après,  Sir  Oliver  Lodge  écrit  :  «  Je  déclare  énergiquement  que  l'expé- 
rience était  tout  à  fait  satisfaisante,  et  qu'aucun  doute  ne  m'est  venu 
depuis  sur  sa  valeur  ». 

218  tirages  ont  été  faits  par  six  personnes,  la  probabilité  étant 
de  1/6*.  Sur  54  expériences,  Mad.  H...  et  Mad.  B...  (qui  ont 
l'une  et  l'autre  de  vagues  facultés  médianimiques)  ont  eu  22  suc- 
cès, alors  que  le  chiffre  probable  était  de  10;  tandis  que  les 
quatre  autres  personnes  ont  eu,  sur  162  expériences,  un  chiffre  réel 

1.  P.  S.  P.  R.,  Expérimental  Telepathy.  Ph.  of  the  L„  I,  20-29  ;  [,  47-63. 

2.  0.  Lodge,  Nature,  XXX,  145.  et  la  Survivance  humaine,  tratl.  fr.,  1912,  26. 


104 


METAPSYCHTQUE    SUBJECTIVE 


de  45  succès,  alors  que  le  chiffre  probable  était  de  32  ;  le  rapport 
du  chiffre  réel  au  chiffre  probable  était  de  220  pour  Mad.  H...  et 
Mad.  B...  ;  de  140  pour  les  quatre  autres  personnes. 

Dans  une  expérience  faite  chez  M.  Herdmann,  professeur  à  Cam- 
bridge, on  a  eu  : 


DESSIN   DEVINE 

Rouge. 

Jaune. 

R. 

E. 

Triangle  rectangle. 

Un  tétraèdre. 

'ô  de  trèfle. 


DESSIN   REEL 

Rouge. 

Couleur  d'or. 

R. 

E. 

Triangle  isocèle. 

Pyramides  d'Egypte. 

5  de  pique. 


De  pareilles  expériences  sont  très  démonstratives. 

De  même  celles  qu'OcHORowicz  indique  dans  son  excellent  livre 
sur  la  suggestion  mentale  (livre  qu'il  faut  lire  si  l'on  veut  se 
rendre  compte  des  multiples  précautions  qu'il  convient  de  prendre 
pour  éliminer  les  causes  d'erreur). 

A  Brighton,  en  1882,  avec  G.  A.  Smith,  comme  percipient, 
Ed.  Gurney  et  Myers  ont  obtenu  des  résultats  fort  remarquables,  que 
les  bizarres  dénégations  ultérieures  de  M.  Smith  ne  parviennent 
pas  à  infirmer  (P.  S.  P.  R.,  VIII,  536). 


PENSÉ 

lre  RÉPONSE 

2°  RÉPONSE 

Barnard. 

Harland. 

Barnard. 

Bellairs. 

Hamphreys. 

Ben  Nevis. 

Johnson. 

Jobson. 

Johnson. 

Régent  Street. 

Rembrandt  Street. 

Régent  Street. 

Hobhouse. 

Hanter. 

» 

Black. 

Drack. 

Blacke. 

Queen  Anne. 

Quechy. 

Queen. 

Wissenschaft. 

Wissie. 

Wisenaft. 

Plus  récemment,  Sir  Oliver  Lodge,  expérimentant  avec  Mlles  de 
Lyro,  a  constaté  qu'elles  étaient  l'une  vis-à-vis  de  l'autre  très 
sensibles.  Elles  se  tenaient  la  main,  de  sorte  que,  comme  le  dit 
0.  Lodge,  on  peut  à  l'extrême  rigueur  admettre,  non  pas  une  fraude, 


1.  Cités  par  Delanne,  hoc.  cit.,  p.  268. 


CRYPTESTHÉSIE    CHEZ    LES    NORMAUX  105 

mais  une  transmission  par  contact,  ce  qui  n'est  plus  tout  à  fait  de 
la  cryptesthésie,  mais  ressemble  à  une  transposition  des  sens,  phé- 
nomène très  voisin  de  la  cryptesthésie  :  «  Les  réponses  devenaient 
incohérentes,  dès  que  le  contact  cessait,  il  semblait  que  l'on  coupât 
ou  rétablit  un  fil  électrique1  ».  Il  est  à  noter  que  la  réponse  était 
extraordinairement  rapide,  même  pour  des  chiffres  un  peu  com- 
pliqués. Le  nombre  pensé  «  3145  »  fut  répété  très  rapidement  : 
3146.  Au  nombre  715,  il  fut  dit  :  714,  non,  715.  Pourtant,  malgré 
l'autorité  de  Lodge,  je  pense  que  ces  très  intéressantes  expériences 
sont  profondément  différentes  des  expériences  dans  lesquelles  il 
n'y  a  pas  contact. 

Dans  de  bonnes  expériences  de  transmission  mentale,  F.  L. 
Usheu  et  Burt  2  oot  constaté  sur  eux-mêmes,  quoique  n'étant  pas 
sensitifs  dans  le  sens  ordinaire  du  mot,  que  la  désignation  d'une 
carte  par  le  percipient  se  rapprochait  plus  de  la  réalité  que  ne 
pourrait  le  faire  supposer  le  hasard,  même  si  la  distance  était 
considérable  (de  Bristol  à  Londres,  200  kilomètres,  ou  de  Prague  à 
Londres,  1.C00  kilomètres).  Sur  60  tirages  il  y  a  eu  : 

NOMBRE  OBTENU      NOMBRE  PROBABLE 

Succès  complets 4  1,1 

Valeur  de  la  carte 14  4,5 

Couleur  de  la  carte 28  30 

Mais,  si  la  distance  était  moindre,  dans  la  même  chambre,  toutes 
les  précautious  d'ailleurs  ayant  été  prises  pour  qu'il  n'y  eût  aucun 
signe  extérieur  donné  par  l'agent,  on  a  eu  sur  36  tirages  : 

NOMBRE  OBTENU      NOMBRE  PROBABLE 

Succès  complets 9  0,7 

Valeur  de  la  carte 15  2,7 

Couleur  de  la  carte 20  18 

L'ensemble  est  très  satisfaisant,  puisque,  sur  96  tirages,  alors 
que  le  nombre  des  succès  n'eut  dû  être  que  de  2,  il  a  été  de  13  ; 
pour  la  désignation  de  la  valeur,  les  succès  ont  été  de  29,  alors 
qu'ils  n'eussent  dû  être  que  de  7. 

1.  La  Survivance  humaine,  trad.  fr.,  p.  44. 

-1.  Quelques  expériences  de  transmission  de  la  pensée  à  grande  distance  {A.  S.  P., 
1910,  XX,  14-21  et  40-54). 


106  MÉTAPSYCHTQUE    SUBJECTIVE 

Ce  qui  prouve  que  l'expérience  a  été  bien  faite,  c'est  que  pour 
les  couleurs  le  nombre  des  succès  a  été  48,  et  que  le  nombre 
probable  était  aussi  de  48. 

D'autres  expériences  ont  été  faites  avec  des  dessins.  Quelques- 
unes  des  reproductions  sont  intéressantes,  mais  elles  se  prêtent 
mal  au  calcul  des  probabilités.  Nous  aurons  dailleurs  l'occasion 
d'y  revenir,  à  propos  de  la  clairvoyance  des  sensitifs. 

Un  mémoire  important  sur  la  lucidité  a  été  présenté  en  1913,  à 
Konigsberg,  comme  dissertation  inaugurale,  par  MaxHoppe.  M.  Hoppe 
fait  l'analyse  méthodique,  détaillée,  des  cas  de  lucidité  pour  divi- 
nation des  cartes  et  des  chiffres.  Et  il  peut  établir,  ce  que  je  lui 
accorde  volontiers,  que  les  preuves  ne  sont  pas  extrêmement 
rigoureuses,  même  quand  on  a  opéré  sur  des  sujets  sensibles.  Mais 
il  faut  aussi  reconnaitre  que,  malgré  la  facile  application  du  calcul 
des  probabilités  à  ces  divinations,  ce  n'est  pas  par  ces  sortes 
d'expériences  que  se  peut  définitivement  démontrer  la  cryptes- 
thésie.  Les  somnambules  et  les  médiums  n'aiment  pas  ces  épreuves, 
qui  n'ébranlent  pas  leurs  sensibilités  comme  peuvent  le  faire  la 
flamme  d'un  incendie  ou  le  fracas  d'une  automobile  renversée. 
Pourtant  la  critique  de  M.  Hoppe  est  pénétrante.  Il  critique  avec 
juste  raison  mes  expériences  faites  avec  Léonie  ;  mais  je  n'avais 
pas  attendu  le  mémoire  de  M.  Hoppe  pour  les  trouver  très 
médiocres.  Il  n'admet  pas  non  plus  la  lucidité  de  M.  Reese.  Or, 
sur  ce  point,  ses  objections  me  paraissent  sans  aucune  valeur. 
Quant  aux  expériences  qu'a  faites  M.  Hoppe  avec  une  seule  per- 
sonne, elles  sont  négatives  :  mais  cela  ne  prouve  absolument  rien. 
En  somme  M.  Hoppe  s'est  limité  à  la  critique,  justifiée  d'ailleurs, 
de  mes  vieilles  expériences  de  1884.  Je  pense  qu'il  lui  serait  difficile 
maintenant  de  garder  la  même  opinion,  sur  mes  expériences  ulté- 
rieures, et  sur  celles  des  innombrables  savants  qui  ont  étudié  la 
lucidité. 

Le  D'BlairThaw,  de  New-York,  expérimentant  avec  Mad.  Thaw, 
a  obtenu  des  cryptesthésies  très  nettes  pour  les  couleurs,  sugges- 
tions mentales  télépathiques  évidentes2. 

1.  Ueber  Hellsehen,  Berlin,  Haussmann,  1916. 
"2.  Hyslop,  Science  and  future  life,  25-30. 


CRYPTESTHESIE    CHEZ    LES    NORMAUX 


107 


COULEURS    l'ENSÉES 

COULEURS    DITES 
i">  fois. 

COULEURS  DITES 
2°  fois. 

Bouge  clair. 

Kouge  clair. 

» 

Vert. 

Vert. 

» 

Jaune. 

Bleu. 

Jaune. 

Jaune  clair. 

Jaune  clair. 

» 

Kouge  foncé. 

Bleu. 

Rouge  foncé. 

Bleu  foncé. 

Orange. 

Bleu  foncé. 

Orange. 

Vert. 

Héliotrope. 

Misses  Wïngfield,  qui  ont  certainement  des  pouvoirs  médiani- 
miques  notables,  ont  fait  une  belle  série  d'expériences  (400)  qui 
entraîneraient  la  certitude  absolue  s'il  ne  s'est  pas  introduit 
quelque  erreur  systématique  (que  j'ignore). 

Sur  400  tirages,  le  nombre  probable  des  succès  était  de  4.  Or  le 
nombre  des  succès  obtenu  par  lecture  de  pensée  a  été  de  27.  Dans 
41  cas  le  nombre  a  été  donné  renversé.  La  probabilité  de  ces  deux 
nombres  est  extrêmement  faible,  et  si  elle  ne  donne  pas  la  certitude 
mathématique,  elle  donne  la  certitude  morale.  Le  hasard  ne  four- 
nit pas  de  pareilles  concordances.  Mais  l'expérience  est-elle  irré- 
prochable ?x 

Miss  Lindsay  -  et  M.  Shilton  2  ont  eu  aussi  de  notables  succès, 
bien  au  delà  du  chiffre  probable3. 

Mais  en  de  telles  expériences,  si  intéressante  que  soit  l'appré- 
ciation mathématique,  il  faut  toujours  se  rappeler  que  celle-ci  n'a 
de  valeur  que  lorsque  aucune  défectuosité  n'est  cachée  dans  le 
procédé  expérimental.  C'est  la  rigueur  expérimentale  absolue  qui 
est  la  condition  essentielle. 

Un  sujet  observé  par  Lombroso  a  les  oreilles  et  les  yeux  com- 


i.  Ph.  of  Ihe  L.,  II,  653,  669. 

2.  A.  S.  P.,  1909,  XIX,  123. 

3.  La  bibliographie  est  vaste.  Je  citerai  surtout  J.  Ochorowicz,  La  suggestion 
mentale,  Paris,  1884.  —  Gh.  Richet,  La  suggestion  mentale  et  le  calcul  des  proba- 
bilités, Rev.  Philosophique,  décembre,  1884.  —  Fr.  Myers,  On  a  télépathie  expia- 
nation  ofsome  so  called  spiritualistic  phenomena  (P.  6.  P.  R.,  1883,  1884,  p.  217). 
Automatic  writing.  ibid.,  1885,  p.  1,  mai,  1887,  209  ;  juin,  1889,  222.  D'autres  cas 
curieux  ont  été  cités  dans  la  2°  édition  des  Phantasms  of  Living,  II,  670-671.  Il 
ne  faut  pas  tenir  compte  des  expériences  faites  par  les  demoiselles  Creery  (et 
rapportées  dans  les  Phantasms  of  Living,  I,  25)  car  il  a  été  prouvé  qu'il  y  avait 
fraude  (Note  relating  to  some  of  Ihe  published  expeviments  in  thoughl  transfe- 
rence,  P.  S.  P.  R.,  1884,  269-270). 


108  MÉTAPHYSIQUE    SUBJECTIVE 

plètement  bouchés,  et  on  écrit  derrière  son  dos,  quelque  chose 

qu'il  essaye  de  lire.  D'abord  on  écrit  Margharita  :  il  écrit  Maria, 

puis  Margharita.  On  écrit  Amore  :  il  écrit  Moirier,  puis  Amore.  On 

écrit  Andréa,  il  écrit  Andréa. 

Le  D1  J.  Ch.  Roux,  étant  étudiant  en  médecine,  a  fait,   avec 

un  jeu  de  cartes  de  32  cartes,  en  des  conditions  irréprochables, 

diverses  expériences  qui  établissent  nettement  la  cryptesthésie.  Il 

a  eu  5  succès  complets,  ce  qui  donne  une  probabilité  composée  de 

l 
3.000 

Dans  une  autre  série  de  81  expériences,  54  fois  la  valeur  a  été 

donnée,  alors  que  le  hasard  comportait  seulement  20  succès.  Il  y  a 

eu  8  succès  complets,    alors   que    la  probabilité  n'en  indiquait 

que  l1. 

Un  instituteur,  dont  le  nom  n'est  pas  indiqué,  a  fait  une  expé- 
rience de  ce  genre  dans  une  classe,  non  plus  avec  des  cartes,  mais 
avec  des  lettres  (six  lettres).  Sur  7  expériences  de  30  tirages  faites 
avec  plusieurs  élèves  simultanément,  le  nombre  probable  était  de 

5  940 

—rr—  ,  soit  9(,)0  ;  le  nombre  obtenu  des  succès  (c'est-à-dire  des 

voyelles  indiquées  par  les  percipients),  a  été  de  1.050,  c'est-à-dire 
dépassant  un  peu,  mais  très  peu,  le  hasard.  Pourtant  dans  les 
7  séries  d'expériences,  constamment,  il  y  a  eu  excès  : 

NOMBRE  PROBABLE  NOMBRE  OBTENU 

180  196 

170  180 

150  154 

140  149 

40  44 

175  179 

135  148 

La  probabilité  d'un  excédent  quelconque  (sur  les  nombres  pro- 
bables) des  nombres  obtenus  étant  de  1/2,  il  s'ensuit  que  la  proba- 

/ 1  \  "'  1     » 

bilité  de  7  séries  avec  un  excédent  est  de  (— J  ,  soit  j^r  • 

1.  A.  S.  P.,  III,  1893,  205. 


CRYPTESTHESIE    CHEZ    LES    NORMAUX 


109 


Si,  au  lieu  de  prendre  la  totalité  des  30  tirages,  ou  ue  prend 
que  les  12  premiers,  alors  le  résultat  est  bien  meilleur  : 


NOMBRE  PROBABLE 
108 
102 

90 
84    ' 
24 
105 
81 


NOMBRE  OBTENU 

129 
109 
105 

86 

32 
110 

90 


soit'  au  total  594  nombre  probable,  et  661  nombre  obtenu. 

Une  expérience  de  télépathie  pour  les  cartes,  sur  une  petite 
fille  de  treize  ans,  a  donné  à  0.  Lodge1  des  résultats  intéressants. 
Nous  mentionnons  seulement  les  résultats  obtenus  alors  que  le 
père  de  l'enfant  n'avait  pas  vu  la  carte. 


CARTE  REELLE 

Cinq  de  carreau. 
Quatre  de  cœur. 

» 

» 
As  de  cœur. 
Roi  de  carreau. 

» 

» 
Dix  de  carreau. 
As  de  carreau. 
Trois  de  carreau. 
Trois  de  pique. 


Valet  de  trèfle. 


Dix  de  trèfle. 


Dix  de  cœur. 

» 
» 

» 


CARTE    DÉSIGNÉE 

Cinq  de  trèfle. 

Deux  de  cœur. 

Trois  de  cœur. 

Quatre  de  cœur. 

As  de  cœur. 

Un  huit. 

Un  roi. 

Un  roi  de  trèfle. 

Un  roi  de  cœur. 

Dix  de  carreau. 

Deux  de  trèfle. 

Quatre  de  pique. 

Deux  de  cœur. 

Quatre  de  pique. 

Deux  de  pique. 

Deux  de  cœur. 

Une  figure. 

Valet  de  trèfle. 

Une  figure. 

Un  six.  , 

Neuf  de  trèfle. 

Un  huit. 

Une  figure. 

Un  sept. 

Cœur. 

Dix  de  cœur. 


1.  Report  on  a  case  of  telepathy.  J.  S.  P.  R.,  mai  1913, 103. 


HO  MÉTAPSYCHÏQUE    SUBJECTIVE 

Ce  qui  est  bien  instructif  dans  l'expérience  de  Lodge,  c'est  que 
l'enfant  réussissait  bien  quand  la  carte  avait  été  vue  par  Lodge,  et 
né  réussissait  pas  quand  il  ne  l'avait  pas  vue.  De  sorte  que  Lodge, 
sans  le  dire  expressément,  incline  à  penser  qu'il  y  avait  télépathie 
et  non  lucidité  (non  télépathique),  autrement  dit  que  la  cryp- 
testhésie  s'exerçait  par  la  transmission  mentale. 

Les  expériences  de  M.  Henry  Rawson  avec  des  dessins  sont  tout  à 
fait  positives,  et  elles  entraîneraient  la  certitude  absolue  de  la 
cryptesthésie  télépathique,  s'il  n'y  avait  pas  quelque  erreur  expé- 
rimentale, que  d'ailleurs,  je  ne  peux  pas  plus  trouver  que  pour 
les  expériences  de  Misses  Wingfield.  Dans  les  premières  expé- 
riences, M.  Rawson  était  seul  dans  la  chambre  avec  Mad.  L..., 
l'agent,  et  Mad.  B...,  le  percipient  (Mad.  B...  et  Mad.  L...  sont 
sœurs).  Elles  avaient  le  dos  tourné,  et  il  était  absolument  impos- 
sible à  Mad.  B...  de  voir  le  dessin  que  retraçait  Mad.  L... l. 

Des  faits  analogues  out  été  observés  par  M.  Kirk.  Il  y  eut  de  très 
beaux  succès,  et  cependant  Miss  G...  la  percipiente,  était  très  loin 
de  l'agent,  à  600  kilomètres  de  distance-.  Il  y  eut  dans  ces  con- 
ditions des  succès  remarquables  :  notamment  une  main  a  été 
figurée  par  M.  Kirk,  et  une  main  a  été  reproduite  par  Miss  G... 
(p.  621).  Daus  un  autre  cas,  ce  fut  uu  petit  chien.  Plus  tard, 
M.  Kirk.  ayant  essayé  de  magnétiser  à  distance,  et  à  son  insu, 
Miss  G...,  ne  semble  pas  avoir  réussi. 

Fr.  Myers  mentionne  aussi,  d'après  M.  A.  Glardon.  des  expé- 
riences de  transmission  de  pensée,  à  grande  distance,  de  Tour  de 
Peilz,  eu  Suisse,  à  Ajaccîoen  Corse,  ou  Florence,  entre  M.  Glardon 
et  une  sienne  amie,  Mad.  M...  Les  résultats  ont  été  parfois  excel- 
lents. Il  y  a  eu  des  échecs,  mais  les  succès  sont  tels  qu'ils  entraînent 
la  conviction  d'une  véritable  cryptesthésie. 

Nous  verrons  plus  loin  que  les  correspondances  croisées,  très 
analogues  à  ces  expériences,  ont  eu  de  bons  résultats  aussi,  peut- 
être  moins  décisifs. 

M.  Max  Dessoir,  très  averti  sur  les  phénomènes  hypnotiques,  a 

1.  Myers,  Humait  personality,  I,  614. 

2.  Mveks,  ibid.,  620. 


Fig.  I.  —  Trois  expériences  faites  par  M.  Guthkie  et  rniss  Edwards. 
A  droite  le  dessin  reproduit  par  miss  Edwards,  à  gauche  le  dessin  original. 
Miss  E...  avait  les  yeux  bandés  :  elle  était  trop  loin  pour  pouvoir  rien  voir, 
même  si  le  bandeau  n'avait  pas  été  mis. 


112  MÉTAPSYCHlyUE    SUBJECTIVE 

essayé,  sur  lui-même,  de  voir  ce  que  donuait  la  diviuation,  les 
dessins.  Les  résultats  ont  été  très  médiocres,  dépassant  à  peine  ce 
que  peut  donner  le  hasard  l. 

Des  expériences  analogues,  mentionnées  plus  haut,  avaient  été 
faites  antérieurement  par  M.  Guthrie,  deLiverpool2  avec  Miss  Relph 
et  Miss  Edwards.  Le  nombre  des  expérieuces  a  été  d'environ  150 
(octobre  1883).  Quelquefois  le  succès  a  été  complet.  Pour  qu'on 
puisse  se  faire  une  idée  de  la  similitude  des  reproductions,  nous  en 
donnerons  (fig.  I,  p.  111)  trois  qui  sont  satisfaisantes.  Le  percipient 
avait  les  yeux  bandés,  et  le  dessin  à  reproduire,  au  lieu  d'être 
daus  une  enveloppe  opaque,  était  regardé  par  la  personne  qui 
voulait  transmettre  son  impression,  tandis  que  le  sujet  avait  les 
yeux  bandés. 

M.  J.  Edgar  Cùover  s  dans  un  mémoire  volumineux,  a  relaté  beau- 
coup d'expériences  faites  avec  des  cartes  de  jeu,  qui  ne  sont  pas 
absolument  négatives,  quoi  qu'il  en  dise.  Elles  semblent  indiquer 
qu'il  y  a  chez  les  personnes  normales  un  certain  degré  (extrême- 
ment faible)  de  cryptesthésie  (lucidité). 

Sur  5. 135  expériences  de  télépathie,  les  nombres  probables  étaient 
513  et  128  (succès  complets;,  les  nombres  obteuus  ont  été  538  et  153 
(succès  complets)  C'est  très  peu,  douloureusement  peu  ;  mais  c'est 
quelque  chose. 

Sur  4.865  expériences  (de  lucidité)  les  nombres  probables  étant 
486  et  122  (succès  complets)  les  nombres  obtenus  ont  été  488  et  141 . 
C'est  encore  un  presque  imperceptible  excès  sur  les  nombres  pro- 
bables. 

Il  est  bon  de  constater  que  certaines  personnes  paraissent  mieux 
douées  que  d'autres. 

En  choisissant  quatorze  personnes  qui  semblent  avoir  quelque 
lucidité,  on  a  pour  leurs  résultats  119  et  54,  (711  expériences)  les 
nombres  probables  étant  71  et  18. 

L'excès  est  considérable,  mais  il  faut  faire  des  réserves  quant  à 
cette  méthode  de  choisir  les  meilleures  expériences. 

1.  Phantasms  of  the  Living,  II,  642. 

2.  Phantasms  of  the  Living,  I,  38. 

3.  Experiments  in  Psychical  Resewck,  Stanford  University  (Calif).  Analysé  in 
P.S.P.R.  par  F.G.S.  Schiller  ;  nov.  1916,  XXX,  261-273. 


CRYPTESTHÉSIE    CHEZ    LES    NORMAUX  113 

On  ne  peut  suivre  M.  Coover  dans  les  détails  qu'il  donne,  trop 
longs  pour  être  exposés  ici.  En  définitive,  malgré  tous  ses  efforts, 
M.  Coover  a  plutôt  montré  par  ses  expériences  mêmes  le  fait  qu'il 
y  a  un  peu  (très  peu)  plus  que  le  hasard  dans  la  désignation  d'une 
carte  tirée,  que  ce  soit  la  télépathie  ou  la  lucidité. 

Pickmann,  qui  présentait  sur  un  théâtre  des  séances  publiques  de 
transmission  de  pensée  (très  probablement  grâce  aux  mouvements 
musculaires  de  l'individu  dont  il  tenait  la  main)  n'était  peut-être 
pas  sans  avoir  quelque  faculté  cryptesthésique  assez  développée.  Il 
aurait  donné  à  Lombroso,  avec  grand  succès,  une  séance  de  sugges- 
tion mentale1. 

Il  est  venu  chez  moi  un  jour,  et  j'ai  fait  avec  lui  une  expé- 
rience qui  est,  je  crois,  irréprochable  quant  à  la  méthode.  J'étale 
sur  une  table  à  jeu,  sans  Pickmann  qui  est  dans  une  autre  pièce, 
un  jeu  de  52  cartes.  Le  hasard  me  désigne  une  de  ces  cartes  (par 
tirage  dans  un  autre  jeu  de  cartes,  ou  par  un  autre  moyen). 
Alors  je  regarde,  attentivement,  mais  sans  la  déranger,  la  carte 
que  le  hasard  a  désignée,  en  tâchant  de  me  la  représenter  visuel- 
lement, puis  je  vais  chercher  Pickmann,  dans  la  pièce  voisine, 
et,  en  tournant  le  dos  au  jeu  de  carte  étalé,  je  prie  Pickmann  de  déter- 
miner la  carte  à  laquelle  j'ai  pensé.  Il  eut  dans  la  première 
expérience  un  succès  complet  (l/52e),  succès  qui  nous  a  énormé- 
ment surpris  et  enchantés  l'un  et  l'autre.  Mais  les  expériences 
ultérieures  n'ont  pas  réussi  (trois  échecs). 

Je  noterai  par  curiosité,  sans  y  attacher  d'importance,  une  expé- 
rience qui  m'est  personnelle.  Elle  est  à  noter,  encore  qu'elle  soit 
unique  et  que  le  hasard  puisse  être  mis  en  cause. 

J'avais  dans  la  matinée  acheté  un  jeu  de  tarots,  précisément 
pour  les  donner  à  deviner  à  quelqu'un  des  sujets  sur  lesquels 
j'expérimentais.  Dans  la  journée,  Henri  Ferrari  vint  me  voir.  Je 
lui  dis  :  «  Faisons  une  expérience,  regarde  attentivement  un  de  ces 
tarots,  j'essaierai  de  dire  ce  que  tu  as  vu  ».  Après  quelques  instants, 

1.  Lombroso,  cité  par  Delanne,  Gaz.  litl.  Turin,  1892;  mais,  n'ayant  pu  recourir 
à  l'original,  je  ne  saurais  dire  exactement  dans  quelles  conditions  l'expérience  a 
été  faite. 

Rickit.  —  Métapsychique.  8 


114  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

je  ne  sais  pourquoi,  je  lui  dis  :  «Ce  sont  des  paysans  qui  fauchent, 
qui  moissonnent  ».  De  fait,  le  tarot  représentait  la  mort  squelette 
tenant  une  faux.  Il  n'y  avait  qu'un  seul  tarot  avec  une  faux  dans 
tout  le  jeu,  et  je  n'avais  pas  regardé  le  jeu. 

Il  est  regrettable  que  ces  études  de  cryptesthésie  chez  les  indi- 
vidus normaux  ne  soient  pas  plus  souvent  entreprises,  car  le  calcul 
de  la  probabilité  est  très  simple  ;  et  c'est  une  méthode  qui  permet 
de  découvrir  à  telle  ou  telle  personne  des  puissances  de  lucidité. 

Mais  il  ne  faut  pas  croire  qu'il  soit  facile  de  réaliser  une  expé- 
rience irréprochable.  Au  contraire,  cette  expérimentation  est  très 
délicate,  et  certaines  règles  sont  à  observer  : 

1°  L'agent  doit  être  absolument  immobile,  muet,  le  dos  tourné.  C'est 
là  le  précepte  fondamental  ; 

2°  Le  choix  du  chiffre,  de  la  carte,  du  dessin  doit  être  donné  par 
le  hasard  seul  ; 

3°  Le  résultat  (échec  ou  succès)  ne  doit  pas  être  communiqué 
avant  la  fin  de  la  séance  au  percipient  ; 

4°  Le  nombre  des  expériences  ne  doit  pas  dépasser  une  vingtaine, 
tout  au  plus,  par  jour  ; 

5°  Tous  les  résultats,  quels  qu'ils  soient,  doivent  être  intégra- 
lement donnés. 

6°  Il  faut  que  le  percipient  ne  puisse,  en  aucune  manière,  voir 
quoi  que  ce  soit,  même  par  la  vision  indirecte.  Mieux  vaut  qu'il 
ait  les  yeux  bandés  et  le  dos  tourné  ; 

Ici  se  pose  une  question  importante  que  nous  examinerons  plus 
loin.  Y  a-t-il  lucidité  (sans  télépathie)  ou  lucidité  (avec  télépathie)  ? 
La  cryptesthésie  télépathique  existe  certainement.  Elle  est  prouvée 
par  de  multiples  expériences.  La  cryptesthésie  non  télépathique 
est  prouvée  aussi,  mais  de  nouvelles  expériences  sont  néces- 
saires *, 


i .  Voici  alors,  semble-t-il,  comment,  pour  éclairer  ce  problème  ardu  et  essen- 
tiel, l'expérimentation  pourrait  être  tentée.  On  trouverait  sans  doute  dans  une 
école  primaire  un  instituteur  intelligent  et  dévoué  qui  consentirait  à  la  faire. 
Soit  une  classe  de  30  élèves,  l'instituteur  demanderait  à  ces  30  élèves  de  dire  à 
quoi  ils  pensent,  et  leur  donnerait  le  choix  entre  36  images.  Il  y  aurait,  je  sup- 


CRYPTE9THESIE    CHEZ    LES    NORMAUX 


H5 


Cette  méthode  ne  conduit  pas  à  des  résultats  dramatiques 
émouvants,  comme  les  autres  expériences  de  lucidité  faites  avec 
des  médiums  puissants,  comme  les  monitions  de  mort,  mais  elle 
est  précise,  indiscutable,  quand  l'expérimentation  est  bien  faite, 
et  que  les  résultats  sont  nets.  On  n'admet  pas  le  hasard  dans  les 
sciences  physico-chimiques  :  pourquoi   l'admettrait-on  dans  les 


pose,  6  groupes,  dont  chacun  serait  constitué  par  6  images  homologues,  mais 
différentes,  que  je  donne  ici,  comme  schéma  possible  : 


1°  Règne  végétal  : 
Chêne, 
Rose, 

Champignon, 
Pommes  de  terre, 
Champ  de  blé, 
Palmier. 

3»  Hommes  célèbres  : 
Ésope, 
César, 

Christophe  Colomb, 
Napoléon, 
Charlemagne, 
Président  Carnot. 

5°  Figure  anatomique  : 
Oreille. 
OEil, 

Squelette, 
Main, 
Cœur, 
Bouche  et  lèvres. 


2°  Règne  animal  :  x 

Poisson, 
Araignée, 
Cheval, 
Eléphant, 
Pigeon, 
Troupeau  de  moutons. 

4°  Objets  fabriqués  : 
Clef, 
Livre, 
Lampe, 
Voiture, 
Navire, 
Fusil. 

6°  Scène  historique  ou  tableau 
La  crucifixion  du  Christ, 
La  bataille  d'Eylau, 
La  mort  de  César, 
Les  Pyramides, 
L' Angélus  de  Millet, 
Les  noces  de  Cana. 


Chacun  de  ces  dessins  porterait  un  numéro  d'ordre  de  1  à  36,  et  serait  repro- 
duit sur  un  jeu  de  36  cartons.  Les  sujets  choisis  sont  tels  qu'il  n'y  a  pas  de  con- 
fusion possible.  Dans  chaque  groupe,  il  y  en  aurait  deux  en  bleu,  deux  en 
rouge,  deux  en  jaune.  De  sorte  que  la  probabilité  du  choix  porterait  :  1°  sur  le 
groupe  1/6,  2°  sur  la  couleur  1/3,  3°  sur  la  totalité  1/36,  4°  sur  le  "groupe  et  la  cou- 
leur 1/18. 

L'expérience  se  ferait  alors  de  la  manière  suivante  : 

1°  Pour  la  lucidité  télépathique.  L'Instituteur  tirerait  au  sort  une  de  ces  36  cartes, 
et  la  regarderait  avec  attention  en  essayant  de  se  représenter  l'image  et  d'en  pro- 
noncer mentalement  le  nom,  et  il  prierait  chacun  des  30  élèves  d'écrire  silencieu- 
sement, sans  communication  avec  les  voisins,  le  dessin  pensé.  Ce  serait  la  pre- 
mière réponse. 

2°  Pour  la  lucidité,  non  télépathique.  Une  ou  deux  minutes  après  la  première 
expérience,  l'instituteur  tirerait  au  sort  une  des  36  cartes,  mais  ne  la  regarderait 
pas,  et  personne  ne  pourrait  savoir  quelle  a  été  la  carte  tirée.  Alors  les  élèves 
feraient  une  seconde  réponse. 

En  répétant  avec  30  élèves  cette  expérience  pendant  dix  jours,  on  aurait  un 
total  de  600  expériences,  ce  qui  permettrait  déjà  une  conclusion. 

A  l'Institut  métapsychique  de  Paris,  nous  tiendrons  ces  jeux  de  36  cartes  à  la 
disposition  de  ceux  qui  voudraient  tenter  cette  décisive  expérience. 

Bien  évidemment,  il  faudra  donner  toutes  les  réponses,  sans  exception,  éviter 
toute  possibilité  aux  élèves  de  voir  la  physionomie  de  l'agent  pendant  la  lucidité 


H6  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

sciences  métapsychiques  ?  Si  un  événement  se  produit,  dont  la 
probabilité  n'est  que  de  100  000  >  je  n'irai  pas  en  conclure  que 

c'est  le  hasard,  et,  si  l'événement  m'est  indiqué,  il  me  suffira  de  deux 
ou  trois  indications  aussi  peu  probables  pour  me  donner  la  certitude. 
Toute  la  question  est  de  savoir  jusque  à  quel  point  l'expérience  a  été 
bien  faite.  C'est  à  réaliser  cette  impeccable  expérience  que  doivent 
se  concentrer  tous  nos  efforts. 

Concluons  donc  que,  par  ces  expériences  auxquelles  le  calcul 
peut  s'appliquer,  la  lucidité,  ou  transmission  de  pensée,  existe, 
même  chez  les  personnes  normales,  sans  qu'on  puisse  invoquer 
l'hypnotisme  ou  le  spiritisme.  Autrement  dit,  il  existe  à  peu  près 
chez  tous  les  hommes,  même  les  moins  sensibles  en  apparence,  une 
faculté  de  connaissance  autre  que  les  facultés  de  connaissance  habi- 
tuelles. Mais,  chez  les  non-sensitifs,  cette  faculté  de  connaissance  est 
extrêmement  faible,  presque  négligeable. 

Sans  doute  cette  connaissance  s'exerce  plus  facilement  pour  une 
grande  émotion,  pour  une  scène  tumultueuse,  que  pour  la  repré- 
sentation d'un  chiffre  abstrait,  ou  d'une  carte  de  jeu.  Pourtant  on 
réussit  (très  faiblement)  même  en  employant  un  chiffre  abstrait  ou 
une  carte  de  jeu. 

Ainsi  chez  la  plupart  des  non  sensitifs  la  cryptesthésie  n'existe 

télépathique,  et,  si  possible,  prendre  les  noms  de  ceux  qui  auront  répondu,  pour 
savoir  si,  parmi  les  30  élèves,  il  ne  s'en  trouve  pas  quelques-uns  ayant,  plus  que 
les  autres,  des  pouvoirs  cryptesthésiques  développés. 

M.  Carré,  instituteur  à  Oissery,  a  eu  l'obligeance  de  faire  cette  expérience. 
Avec  télépathie,  c'est-à-dire  connaissance  par  lui  du  dessin,  la  probabilité  étant 
de  1/36,  sur  1.215  réponses  (27  élèves),  le  nombre  des  succès  a  été  de  31,  le  nombre 
probable  était  de  33;  c'est  tout  à  fait  le  hasard.  Sans  connaissance  par  l'institu- 
teur de  la  carte,  le  nombre  des  réponses  a  été  de  1.125  (25  élèves)  ;  le  nombre 
des  succès  a  été  de  48,  alors  que  le  nombre  probable  n'était  que  de  31.  Il  y  a  eu 
une  différence  notable  entre  les  divers  élèves.  Le  nombre  probable  sur  90  réponses 
pour  chaque  élève,  étant  de  2,  il  y  en  eut  un  qui  a  bien  dit  7  fois  ;  deux  autres, 
6  fois. 

Il  y  a  là,  à  ce  qu'il  semble,  ample  matière  à  de  nombreuses  et  curieuses 
recherches.. 

M.  Warcollier  a  signalé  aussi  un  ingénieux  procédé  ;  c'est  d'utiliser  le  jeu 
(ancien)  dit  de  la  rencontre.  Soit  les  13  cartes  de  carreau  par  exemple  ;  on  prend 
les  13  cartes  de  pique  et  on  choisit,  pour  en  accoler  à  un  des  carreaux  (qu'on 
n'a  pas  vu),  un  des  piques  (qu'on  voit).  La  probabilité  du  succès,  c'est-à-dire  du 

1 
même  point  pour  le  carreau  et  le  pique,  est-ry.  On  peut  intéresser  le  jeu,  et 

dire  que  le  banquier  payera  13  fois  la  mise  à  chaque  rencontre  et  recevra  1  franc  à 
chaque  non  rencontre.  Le  jeu  est  équitable  et  amusant.  Le  problème  change-t-il 
si  le  banquier  connaît  la  carte  de  carreau  (télépathie)  ou  s'il  l'ignore  (lucidité)  ? 


CRYPTESTHÉSIE    CHEZ    LES    NORMAUX  117 

que  très  vague,  très  indistincte,  à  peine  marquée,  difficile  à  cons- 
tater, mais,  en  multipliant  les  expériences,  on  arrive  à  prouver 
qu'elle  existe  à  l'état  de  traces. 

Il  est  probable  que  cette  cryptesthésie  est  souvent  télépathique. 
Mais  sans  doute  la  télépathie  n'est  qu'un  cas  particulier,  quoique 
le  plus  fréquent  peut-être,  de  la  cryptesthésie.  En  tout  cas,  dans 
les  expériences  faites  sur  les  normaux,  on  constate  souvent  aussi 
bien  la  télépathie  que  la  lucidité.  Toutes  deux,  si  faibles  et  si  impar- 
faites qu'elles  soient,  sont  probables. 

Donc,  par  des  liens  mystérieux,  la  pensée  d'un  homme  est  reliée 
à  la  pensée  des  autres  hommes.  Nous  ne  sommes  plus  des  isolés. 
Nous  sommes  en  communion  obscure  avec  tous  les  humains.  Et 
sans  doute  il  y  a  quelque  vérité  dans  ce  qu'on  a  appelé  l'âme  des 
foules.  Un  courant  vague  et  puissant,  de  sympathie  ou  de  colère, 
d'indignation  ou  d'enthousiasme,  détermine  dans  une  assemblée, 
réunie  en  un  théâtre,  ou  en  un  forum,  ou  en  un  Parlement,  un 
sentiment  presque  unanime  :  c'est  un  torrent  qui  emporte  toutes 
les  digues.  Est-il  permis  de  comparer  cette  émotion  d'une  foule 
à  la  transmission  mentale  observée  dans  les  expériences  mention- 
nées plus  haut? 

Malheureusement  les  mathématiques  n'ont  pas  grande  force  de 
conviction.  On  objecte  toujours  le  hasard,  et  on  a  peut-être  raison  ; 
car  l'écart  entre  le  nombre  probable  et  le  nombre  obtenu  par  cryp- 
testhésie n'est  pas  suffisant  pour  convaincre.  Mais  nous  allons  voir 
que  ce  phénomène  étrange  de  la  cryptesthésie  se  développe  énor- 
mément par  l'hypnotisme  et  par  la  médiumnité.  Et  alors  la  con- 
viction sera  complète. 

§  II.  —  CRYPTESTHÉSIE  DANS  L'HYPNOTISME 
ET  LE  SOMNAMBULISME 

L'histoire  de  l'hypnotisme  est  très  singulière  :  elle  nous  donne 
un  éclatant  exemple  de  l'évolution  des  idées  ;  évolution  qui  est  une 
révolution,  car,  pendant  longtemps,  de  1790  à  1875,  le  somnanbu- 
lismeetle  magnétisme  animal  passaient  pour  des  sciences  occultes, 
et  il  était  presque  interdit  aux  savants,  non  seulement  d'y  croire, 
mais  de  s'en  occuper.  C'était  un  domaine  maudit,  une  terre  infâme. 


118  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Certes  Mesmer,  puis,  après  Mesmer,  Puységur,  Deleuze,  Husson, 
Braid,  Liébeault,  avaient  fait  de  très  remarquables  expériences, 
mais  elles  étaient  assez  imprécises  pour  ne  pas  entraîner  la  consé- 
cration officielle,  toujours  très  lente,  toujours  retardataire.  Elles 
n'avaient  pas  pu  dégager  la  physiologie  de  l'hypnotisme  des  nuages 
magiques  où  ce  phénomène  s'enveloppait. 

J'ai  pu,  en  1875,  étant  étudiant  encore,  établir  que  l'hypnotisme 
n'était  pas  une  illusion  due  à  des  fraudes  habiles  ou  grossières,  que 
c'était  un  fait  physiologique  et  psychologique,  aussi  naturel,  aussi 
expérimentalement  démontrable  que  le  tétanos  provoqué  par  la 
strychnine,  et  le  sommeil  provoqué  par  l'opium. 

D'ailleurs,  pour  indiquer  quel  était  l'état  des  esprits  en  1875, 
quand,  deux  ans  avant  Charcot  et  avant  Heidenhain,  je  publiai  mes 
recherches,  il  me  suffira  de  citer  les  paroles  par  lesquelles  je  com- 
mençais mon  mémoire  :  «  il  faut  un  certain  courage  pour  prononcer 
le  mot  de  somnambulisme.  »  Peut-être  aujourd'hui  faut-il  moins  de 
courage  pour  prononcer  le  mot  de  fantômes. 

Actuellement,  le  somnambulisme  est  un  fait  avéré,  incontesté, 
qui  n'appartient  plus  à  la  métapsychique. 

Tout  de  même,  il  y  a  dans  l'histoire  du  somnambulisme  deux  ou 
trois  chapitres  qui  relèvent  de  la  cryptesthésie.  On  peut  en  effet  se 
demander:  l°si  l'action  dite  magnétique  du  magnétiseur  a  quelque 
chose  de  spécifique,  en  d'autres  termes  s'il  y  a  des  effluves  magné- 
tiques, appréciables  seulement  par  les  sensitifs  ;  2°  si  l'état  d'hyp- 
notisme crée  la  cryptesthésie. 

a.  —  Effluves  magnétiques. 

Il  s'agit  de  savoir  si,  quand  on  magnétise  d'après  l'ancien  mode, 
par  des  passes  magnétiques,  comme  le  faisaient  Du  Potet,  Deleuze, 
Lafontaine,  comme  je  l'ai  fait  maintes  fois,  comme  on  le  fait  souvent 
encore,  on  dégage  un  certain  fluide  magnétique,  spécial,  une  force 
humaine,  agissant  sur  les  êtres  humains.  Malheureusement  nous 
ne  pouvons  à  cette  importante  question  apporter  de  réponse  satis- 
faisante. Tout  est  encore  incertain. 

L'hypothèse  la  plus  simple,  celle  qu'on  teud  à  adopter  aujourd'hui, 
c'est  que,  si  un  sujet  s'endort,  c'est  par  suggestion,  verbale  ou  non 
verbale,  que  par  conséquent  toutes  les  passes,  dites  magnétiques, 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    L'HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME      119 

sont  accessoires,  inutiles  (sinon  peut-être  comme  symboles  de  la 
suggestion).  Ainsi,  dit-on,  il  ne  se  dégage  pas  de  fluide  magnétique, 
mais  le  demi-silence,  la  demi-obscurité,  une  certaine  tension 
d'esprit  provoquée  par  ces  manœuvres,  une  série  de  suggestions, 
exprimées  ou  tacites,  parviennent  à  mettre  un  sujet  en  état  d'hyp- 
uose.  L'émotion  un  peu  dramatique  qu'amènent  les  passes  contri- 
bue aussi  au  sommeil.  Plus  tard,  après  qu'un  demi-sommeil  a  été 
une  première  fois  obtenu,  l'éducation  et  l'habitude  jouent,  pour 
les  sommeils  ultérieurs,  un  rôle  prépondérant.  Les  passes  ne  sont 
toujours  que  symboles.  Si  un  individu  a  été  endormi  une  fois,  il 
sera  ensuite,  non  seulement  par  le  même  magnétiseur,  mais  même 
par  d'autres  individus,  facilement  endormi.  Il  n'y  aurait  donc  nul 
besoin  d'invoquer  un  fluide  magnétique,  une  nouvelle  force  énergé- 
tique. Telle  est  au  moins  l'opinion  actuelle  de  la  plupart  des  méde- 
cins (Babinski). 

La  suggestion  par  imitation  suffit  souvent,  disent-ils  encore,  à 
expliquer  les  phénomènes  de  l'hypnotisme.  On  sait  que,  dans  une 
salle  de  malades  par  exemple,  ou  dans  une  caserne,  ou  dans  une 
école,  ou  dans  un  cloître,  si  l'on  a  réussi  à  endormir  un  malade,  un 
soldat,  un  eufant,  ou  une  nonne,  on  parvient  sans  peine  à  endormir 
la  plupart  de  leurs  camarades.  Il  existe  une  vraie  contagion  ner- 
veuse, comme  en  témoignent  les  épidémies  démoniaques,  observées 
au  moyen  âge,  convulsionnaires  ou  hystériques,  à  des  époques  plus 
récentes. 

Chez  les  animaux,  une  sorte  de  sommeil  hypnotique  se  produit 
par  la  fixation  d'un  objet  brillant.  On  peut,  comme  déjà  l'a  indiqué  le 
Père KiBCHERau xvne  siècle,  paralyserles  mouvements  d'une pouleen 
la  mettant  sur  le  dos  et  en  traçant  à  partir  de  son  bec  une  raie  blanche 
sur  le  sol.  De  même,  en  faisant  regarder  fixement  à  certaines  per- 
sonnes un  objet  brillant,  une  boule  de  cristal,  par  exemple,  on  pro- 
voquerait, dit-on,  l'état  d'hypnose. 

Je  n'ai  jamais  rien  pu  constater  d'analogue.  Chez  les  sujets  habi- 
tués, le  sommeil  magnétique  survient  sans  doute  par  la  fixation 
d'un  objet  brillant.  Mais  chez  ceux-là  tout  endort.  Bientôt  les  yeux 
se  ferment,  et  il  y  a  une  insensibilité,  d'abord  peu  marquée,  mais 
qui  va  bientôt  en  s'accentuant,  à  mesure  que  la  conscience  dis- 
paraît. 


120  MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

A  cette  méthode  d'hypnotisme  par  un  objet  brillant,  il  faut  ratta- 
cher sans  doute  l'hypnotisme  par  fascination.  Un  individu  nommé 
Donato  était  doué  à  cet  égard  d'une  puissance  (ou  d'une  habileté) 
prodigieuse.  Dans  une  salle  de  théâtre,  pleine  de  spectateurs,  il 
choisissait  cinq,  six,  douze,  vingt  personnes,  qui  assurément 
n'étaient  ni  des  compères,  ni  des  complices.  11  les  amenait  sur  la 
scène,  les  regardait  fixement,  les  yeux  dans  les  yeux,  et,  au  bout 
d'une  demi-minute,  peut-être  plus  vite  encore,  parvenait  à  les 
rendre  automates,  à  leur  faire  perdre  toute  iuitiative.  Si  au  bout 
d'une  demi-minute  il  n'avait  pas  réussi,  —  ce  qui  arrivait  assez 
souvent,  —  il  laissait  de  côté  le  sujet  rebelle  et  passait  à  un  autre. 
En  quelques  minutes,  il  avait  récolté  ainsi  une  quinzaine  d'indi- 
vidus, le  plus  souvent  de  très  jeunes  gens,  qui  lui  obéissaient  doci- 
lement, suivaient  tous  ses  mouvements  et  acceptaient  les  sugges- 
tions (verbales)  les  plus  invraisemblables. 

On  a  rapproché  ces  cas  de  fascination  de  la  fascination  qu'exer- 
cent parfois  les  regards  des  animaux  ;  celui  du  chien  d'arrêt,  ou 
du  serpent.  Mais  ce  ne  sont  que  des  analogies  assez  vagues. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  sommeil  hypnotique  peut  être  provoqué  non 
pas  chez  tous  les  individus,  mais  chez  beaucoup  d'individus,  par 
certaines  manœuvres.  Et  ces  manœuvres  sont  différentes  :  passes, 
fixation  d'un  objet  brillant,  fixation  parle  regard,  suggestion  ver- 
bale. L'imitation  et  la  répétition  favorisent  beaucoup  les  phéno- 
mènes. 

Mais  est-ce  tout?  Avons-nous  quelque  preuve  positive  qu'il  se 
dégage  une  vibration  volontaire  du  corps  du  magnétiseur,  et  que 
par  conséquent  une  force  inconnue,  qu'on  a  appelée  magnétique, 
intervient,  qui  se  transmet  à  l'individu  hypnotisé  ?  Si  l'on  était 
aussi  peu  exigeant  et  aussi  imprécis  que  le  furent  les  magnétiseurs 
de  1840,  on  pourrait  alléguer  quelques  raisons  en  faveur  de  l'hy- 
pothèse d'un  fluide  humain .  Mais  nous  sommes  devenus  plus 
difficiles. 

Je  laisserai  donc  de  côté  les  idées  de  Reichenbach  sur  l'od,  de 
Babaduc  sur  les  effluves,  de  Chazabain  sur  la  polarité  humaine;  car 
leurs  allégations,  en  général  plus  mystiques  que  scientifiques,  ne 
sont  fondées  que  sur  des  données  insuffisantes.  Mais  tout  de  même 
il  y  aurait  quelque  imprudence  à  repousser  sans  examen  l'hypo- 


EFFLUVES    MAGNETloUES  121 

thèse  d'un  fluide  magnétique1.  Aussi  en  ferons-nous  une  étude 
sommaire. 

D'abord  il  est  très  vraisemblable  que  certains  magnétiseurs 
peuvent,  plus  que  d'autres,  exercer  une  action  hypnotisante.  Et 
cela  n'est  guère  contestable,  pour  peu  qu'on  ait  su  observer. 

Si  je  pouvais  citer  mon  propre  exemple,  je  dirais  que  jadis, 
quand  j'opérais  certainement  moins  bien  qu'aujourd'hui,  je  provo- 
quais le  sommeil  assez  facilement,  chez  maintes  personnes  même 
peu  sensibles,  tandis  qu'aujourd'hui  je  ne  puis  presque  plus  jamais 
chez  qui  que  ce  soit  provoquer  la  moindre  hypnose.  La  même 
observation  a  été  faite  par  le  Dr  Maingot  et  le  Dr  Emile  Magntn, 
qui  ont  été  de  très  puissants  magnétiseurs...  Ils  faisaient  ce  qu'ils 
voulaient,  me  disent-ils.  Et  maintenant,  quoiqu'ils  ne  soient  pas 
très  âgés,  ils  s'étonuent  d'être  presque  impuissants  à  amener 
l'hypnose  profonde. 

J'ai  cru  voir,  dans  diverses  circonstances  où  il  fut  essayé  de 
m'hypnotiser,  que  certaines  personnes,  comme  par  exemple 
J.  Ochorowicz,  le  magnétiseur  Cannelle,  le  Dr  Faivre,  agissaient 
assez  vite  sur  moi  pour  provoquer  nettement  un  état  de  vague  som- 
nolence, tandis  que  tout  essai  fait  par  d'autres  personnes  restait 
infructueux. 

M.  Sydney  Alrutz,  professeur  à  l'Université  d'Upsala2,  incline  à 
croire  —  et  c'est  aussi  l'opinion  de  sir  William  Barrett  —  que  par 
le  magnétisme  humain  on  dégage  un  certain  fluide,  qui  agit  direc- 
tement sur  la  sensibilité.  En  magnétisant  un  doigt  de  son  sujet,  à 

* 

travers  un  verre  épais,  les  yeux  du  sujet  étant  bandés,  il  produit 
l'insensibilité  absolue  de  ce  doigt.  Mais  il  est  presque  impossible 
d'éviter  toute  suggestion,  et  l'expérience  paraît  uue  des  plus  diffi- 
ciles à  bien  faire. 
Donc  actuellement  la  question  est  encore  ouverte.  Il  serait  inté- 

1.  Baréty,  Le  magnétisme  animal  étudié  sous  le  nom  de  force  neurique  rayon- 
nante et  circulante  dans  ses  propriétés  physiques,  physiologiques  et  thérapeu- 
tiques, Paris,  Doin,  1887.  —  Baraduc  (H).  Les  vibrations  de  la  vitalité  humaine, 
Paris,  J.-B.  Baillière,  1904.  —  La  force  vitale,  notre  corps  vital,  fluidique,  une 
formule  barométrique,  1905.  —  M.  Benedikt.  Die  latenlen  Emanationen  der  C/ie- 
mikalien  (C.  Konegen,  Wien,  1915). 

2.  Sydney  Alrutz,  Erscheinungen  in  der  Hypnose  [Zeitsch.  fiir  Psychologie,  1909). 
—  W.-F.  Barrett,  Some  récent  hypnotic  e.rperiments  (J.  S.  P.  R.,  janvier  1912, 
179-186). 


122  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

ressant  d'en  faire  une  étude  approfondie.  Est-ce  un  fluide  magné- 
tique? Est-ce  la  suggestion  verbale?  Est-ce  l'hypersensibilité 
des  sens  normaux?  Est-ce  la  télépathie?  Toutes  les  hypothèses 
sont  également  admissibles.  Malgré  d'innombrables  travaux,  il  est 
impossible  de  conclure.  Myers  disait  :  «  Il  est  probable  que  les 
passes  magnétiques  ont  un  certain  pouvoir  spécifique  per  se»  l. 

Je  vais  un  peu  plus  loin  dans  le  doute,  et  je  dirai  que  c'est 
presque  probable. 

On  ne  peut  guère  ajouter  grande  confiance  aux  dires  des  magné- 
tisés sur  la  vision  des  effluves.  «  La  plupart  des  somnambules, 
disait  Deleuze,  en  1813,  voient  un  fluide  lumineux  et  brillant  envi- 
ronnant leur  magnétiseur  et  sortir  avec  force  de  sa  tête  et  de  ses 
mains.  »  Mais  cela  n'a  pas  été  répété,  et  cette  vision  est  assurément 
un  cas  de  suggestion.  De  même,  malgré  son  grand  talent  et  ses  admi- 
rables efforts,  A.  de  Rochas  n'a  pu  en  toute  rigueur  scientifique 
démontrer  l'extériorisation  de  la  sensibilité.  Je  laisse  de  côté  la 
perception  des  effluves  de  l'aimant,  car  l'étude  de  cette  radia- 
tion de  l'aimant  ne  rentre  pas  dans  le  domaine  de  la  métapsy- 
chique. 

Si  je  ne  puis  accepter  les  idées  de  A.  de  Rochas  sur  l'extério- 
risation de  la  sensibilité,  c'est  qu'il  n'a  vraiment  pas  su  se  mettre 
en  garde  contre  la  suggestion .  Sauf  les  cas  où  il  agissait  sur 
les  malades  de  Luys,  à  la  Charité  (malades  qui  certainement  frau- 
daient) les  sujets  de  A.  de  Rochas  étaient  de  bonne  foi  ;  mais 
les  succès  qu'obtenait  de  Rochas  —  et  que  rarement  d'ailleurs 
d'autres  ont  pu  obtenir  après  lui  —  ne  semblent  dus  qu'à  des  sugges- 
tions. 

D'après  J.  Maxwell,  on  peut,  en  se  mettant  dans  une  obscurité  pro- 
fonde, et  après  que  les  yeux  sont  restés  longtemps  dans  cette  obscu- 
rité, voir  des  effluves  lumineux  qui  se  dégagent  des  doigts.  Cette 
question  des  effluves  lumineux  a  été  traitée  par  A.  de  Rochas  d'une 
manière    approfondie  2.  Il  rapporte    des    observations    dues   au 

1.  Human  Personality,  I,  404.  Voy.  aussi  Mad.  Sidgwick  et  À.  Johnson,  S.  P.  R., 
janvier  1912,  184. 

2.  Les  radiations  lumineuses  du  corps  humain  (A.  S.  P.,  XXI,  septembre  1911, 
264.      • 


EFFLUVES    MAGNÉTIQUES  123 

Dr  Walter  Kilner  de  l'hôpital  Saint-Thomas  de  Londres,  et  d'autres 
du  D'  0  Donnell,  du  Mercy  Hospital  à  Chicago.  Il  paraît  qu'eu 
regardant  le  corps  nu  d'une  personne  humaine,  à  travers  certains 
écrans,  on  peut  voir,  dans  une  obscurité  complète,  des  effluves 
lumineux  se  dégager,  qui  suivent  les  contours  du  corps.  Mais, 
comme  ces  deux  médecins  ne  nous  révèlent  pas  quelle  est  la  nature 
de  ces  écrans,  c'est  absolument  comme  s'ils  ne  nous  disaient 
rien1. 

A.  de  Rochas  cite  à  ce  propos,  fort  justement,  les  belles  recherches 
de  Reichenbach,  contestables,  mais  qu'on  devrait  cependant  méditer 
et  reprendre. 

Quant  à  l'auréole  des  saints  et  aux  mains  lumineuses ,  on  ne 
peut  guère  leur  accorder  la  moindre  valeur  scientifique. 

En  somme  toute  cette  étude  est  à  reprendre  ab  ovo,  avec  les 
procédés  rigoureux  d'investigation  que  nous  possédons  aujour- 
d'hui. 

Ce  n'est  pas  à  dire  que  le  problème  soit  facile  à  résoudre.  La 
curieuse  histoire  des  rayons  n,  de  Blondlot,  nous  montre  combien 
il  est  difficile  de  se  défendre  contre  les  illusions  et  les  hypothèses. 

L'aura,  le  corps  astral,  le  pénsprit,  l'effluve  odique,  sont  des 
expressions  diverses  pour  exprimer  un  même  phénomène,  une 
radiation  humaine  (ou  animale).  Il  est  possible  que  cette  radiation 
existe,  puisque  tout  est  possible  ;  mais  jusqu'à  présent  on  n'a  pas 
pu  la  démontrer.  Le  jour  où  elle  sera  enfin  établie,  sans  doute 
alors  on  pourra  la  rattacher  à  tout  ce  qui  a  été  dit  par  Reichenbach, 
par  A.  de  Rochas,  par  les  anciens  magnétiseurs,  et  nous  ne  serions 
pas  énormément  surpris  si  cette  très  grande  découverte  était  faite. 
Elle  ne  l'est  malheureusement  pas  encore,  et  il  n'y  a  pas  même  un 
bon  commencement  de  preuve. 

Le  Dr  Joire  a  fait  sur  l'extériorisation  de  la  sensibilité  quelques 
expériences2,  desquelles  il  semblerait  prouvé  qu'il  y  a  bien  une 
certaine  extériorisation  de  la  sensibilité.  Mais  il  n'y  a  pas  lieu  de 
supposer  que  cette  sensibilité  s'exerce  près  de  la  surface  cutanée  à 

1.  Est-ce  la  dicyanine?  Voy.  G.  de  Fontenaï,  L'aura  humaine  et  les  écrans  du 
D*  Walter  Kilner  {A.  S.  P.,  mars  1912,  74). 

2.  L'extériorisation  de   la  sensibilité.   Etude  expérimentale  et  historique,  par 
A.  de  Rochas,  1  vol.,  8»,  Paris,  Chacornac,  6«  édit.,  1909. 


124  MËTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

1,  2,  10  centimètres  de  distance.  Il  est  plus  probable  qu'elle  n'est 
qu'un  cas  spécial  de  lucidité,  ou  cryptesthésie.  Le  mécanisme  en 
est  certainement  moins  simple  que  ne  l'a  supposé  de  Rochas  (voyez 
la  figure  schématique  qu'il  en  donne,  fig.  A,  p.  57)  quand  il  figurait 
une  série  de  couches  sensibles  formant  une  enveloppe  imaginaire 
du  système  cutané1. 

Les  magnétiseurs  appelaient  rapport  la  relation  qu'ils  suppo- 
saient exister  entre  le  magnétiseur  et  le  magnétisé  ;  relation 
telle  que  les  sensations  ressenties  par  le  magnétiseur  étaient  res- 
senties par  le  magnétisé,  lequel  devinait  la  pensée  de  son  magné- 
tiseur, même  sans  qu'une  parole  fût  prononcée.  P.  Janet,  obser- 
vateur attentif  et  sceptique,  a  constaté  que  Léonie  B...,  endormie 
par  lui  (ou  par  son  frère  avec  lequel  magnétiquement  elle  le 
confondait),  reconnaissait  exactement  la  substance  qu'il  mettait 
dans  sa  bouche,  sucre,  sel,  ou  poivre.  Un  jour,  dans  une  chambre 
voisine,  son  frère  J.  J.  se  brûle  le  bras  droit  au-dessus  du  poignet. 
Léonie,  sans  rien  en  savoir  normalement,  témoigne  alors  une  vraie 
douleur,  et  montrée  P.  Janet,  qui  l'ignorait,  le  point  exact  où  était 
la  brûlure.  Evidemment  ce  n'est  pas  le  hasard  ;  mais,  plutôt  que 
de  croire  à  un  transfert  de  sensibilité,  je  dirais  que  c'est  un  fait  de 
cryptesthésie,  ce  qui  ne  nécessite  aucune  hypothèse. 

G.  Delanne  cite  les  diverses  expériences  dans  lesquelles  le  som- 
meil a  été  provoqué  à  distance,  sans  que  le  sujet  ait  pu  avoir  con- 
naissance normale  des  efforts  du  magnétiseur  pour  l'endormir2. 
Mais  la  perspicacité,  consciente  ou  inconsciente,  des  sujets  est  si 
grande  qu'on  ne  peut  guère  adopter  une  conclusion  ferme.  Dans  les 
célèbres  expériences  du  Dr  Husson  avec  Mad.  Sanson,  on  n'a  pas 
pris,  selon  toute  apparence,  les  précautions  nécessaires3. 

Rien  n'est  donc  moins  démontré  que  l'existence  d'un  fluide  vital, 

1.  A.  S.  P.,  1897,  voir  la  discussion  qui  s'est  engagée  J.  S.  P.  R.,  décembre, 
1906,  p.  535.  —  Voy.  aussi  :  Reichenbach,  Le  fluide  des  magnétiseurs,  précis 
d'expériences  sur  ses  propriétés  physiques  et  physiologiques,  classées  et  annotées, 
par  A.  de  Rochas,  d'AiGLux,  8°,  Paris,  Carré,  1891. 

2.  F.  Delanne,  Rech.  sur  la  médiumnité,  1902,  259-280. 

3.  On  pourra  consulter  sur  le  même  sujet,  qui  demeure  très  obscur,  Fr.  Myers 
(Human  perso?iality ,  I,  524-533).  Il  y  a  des  observations  de  J.  Héricourt,  de  Dufay, 
de  Wetterstranu,  de  Man.  de  Tolosa-Latour  ;  mais,  je  le  répète,  il  me  paraît  diffi- 
cile de  conclure. 


SOMMEIL    MAGNÉTIQUE    A    DISTANCE  125 

d'un  effluve  magnétique.  Pourtant  je  pencherais  à  croire  que,  si 
des  individus  sensibles  à  l'hypnotisme,  mais  n'ayant  pas  été 
hypnotisés  encore,  étaient  magnétisés  successivement  par  deux 
personnes,  A  et  A'  ;  A  étant  doué  d'un  fort  pouvoir  magnétique,  A' 
procédant  (en  apparence)  exactement  comme  A,  mais  dépourvu  de 
toute  puissance  magnétique  personnelle,  presque  tous  les  sensitifs 
seraient  endormis  par  A,  alors  que  presque  aucun  ne  pourrait  être 
endormi  par  A'.  Bien  entendu,  il  s'agit  là  d'une  allégation  témé- 
raire, sans  preuves  à  l'appui.  Je  l'indique  seulement,  car  elle  me 
paraît  pouvoir  se  prêter  à  une  expérimentation  directe  qui  don- 
nerait quelques  résultats  nets,  si  elle  était  faite  correctement. 

Si  Donato  —  ainsi  que  d'autres  —  provoque  une  rapide  et  brutale 
fascination,  quelle  est  la  part  de  l'habileté  acquise  par  une  longue 
expérience?  et  quelle  est  la  part  de  l'action  personnelle?  Je  ne 
saurais  me  prononcer  :  mais  je  m'imagine  qu'on  n'a  pas  tout  dit  en 
parlant  de  l'habileté  de  Donato,  et  qu'une  action  physiologique, 
spéciale  à  Donato,  et  émanant  de  lui,  n'est  pas  sans  quelque  vrai- 
semblance. 

En  réalité  tout  cela  est  bien  vague. 

Les  passes  magnétiques  agissent-elles  sur  les  animaux  ?  On  peut 
hypnotiser  des  lapins,  des  grenouilles  ;  ou  du  moins  les  mettre 
dans  un  certain  état  de  torpeur  et  d'inertie  qui  se  rapproche 
quelque  peu  de  l'état  hypnotique  chez  l'homme.  Mais  si  l'hypnose 
des  animaux  (cataplexie  de  Prbyer)  est  vraie,  et  absolument  vraie, 
et  facile  à  vérifier,  autant  que  toute  expérience  de  physiologie  élé- 
mentaire, on  n'en  peut  rien  déduire  au  point  de  vue  des  soi-disant 
effluves  humains.  Si,  ainsi  que  je  l'ai  noté  maintes  fois,  une  gre- 
nouille, après  avoir  été  massée  doucement  pendant  quelques 
minutes,  se  tient  alors  tout  à  fait  immobile,  et  semble  paralysée, 
faut-il  voir  là  l'effet  de  petites  excitations  cutanées  répétées  épui- 
sant le  système  nerveux  de  la  grenouille?  Faut-il  admettre  la 
frayeur  possible?  car  certains  animaux  (des  insectes  notamment) 
ont  comme  procédé  de  défense  le  moyen  de  rester  soudainement 
immobiles,  et  de  faire  le  mort. 

Pour  cette  action  physiologique  des  effluves  magnétiques,  nous 
errons  dans  une  terre  absolument  inconnue.  Je  ne  vois   même 


126  MÉTAPHYSIQUE    SUBJECTIVE 

pas  comment  l'expérience  pourrait  être  faite  —  et  bien  faite  —  pour 
établir  la  réalité  de  ces  effluves. 

Le  magnétiseur  La.  Fontaine  raconte  qu'il  a  magnétisé  un  lion. 
L'histoire  est  amusante,  mais  ne  résiste  pas  à  la  critique. 

Le  magnétisme  humain  agit-il  thérapeutiquement  sur  les  mala- 
dies? Certes,  assez  souvent,  si  un  magnétiseur  exercé  pose  la  main 
sur  une  région  malade,  il  soulage  la  douleur.  Mais  quelle  est  la  part 
de  la  suggestion,  puisqu'on  sait,  depuis  Bernheim  et  beaucoup 
d'autres  médecins,  que  par  la  suggestion  on  atténue  énormément 
certaines  névralgies,  céphalées,  douleurs  rhumatismales? 

Liébeault  a  pu  obtenir  des  effets  thérapeutiques  sur  des  enfants  de 
moins  de  trois  ans  :  il  cite  aussi  46  cas  de  traitement  chez  des  enfants 
de  moins  de  quatre  ans,  ce  qui  exclut  la  suggestion.  Ochorowicz 
m'a  maintes  fois  affirmé  avoir  pu  nettement,  sur  des  enfants  de 
moins  de  deux  ans,  soulager  la  douleur,  diminuer  des  actions  mor- 
bides, par  l'imposition  des  mains.  Des  guérisseurs  procèdent  parfois 
ainsi,  et  l'action  curative  n'est  peut-être  pas  imaginaire1. 

En  somme  tout  cela  est  assez  peu  de  chose,  ou  même,  à  un  point 
de  vue  strictement  scientifique,  ce  n'est  rien.  Il  n'y  a  rien  encore 
qui  établisse  nettement  qu'un  fluide  particulier  est  dégagé  par  la 
volonté2. 

Le  seul  procédé  démonstratif  pour  prouver  l'action  magnétique 
serait  d'établir  que  le  magnétiseur  peut  endormir  un  sujet  à  dis- 
tance. 

Malheureusement  l'expérience  n'est  pas  simple  du  tout,  car  il 
faut  tenir  compte  de  la  vigilance  extraordinaire  des  sujets,  qui, 
consciemment  ou  inconsciemment,  en  recueillant  les  plus  faibles 
indices,  cherchent  avec  une  sagacité  déconcertante,  — mais  qui  n'a 


1.  A.  et  Fr.  Myers,  Médium  Faithcure,  and  the  miracles  of  Lourdes,  1893,  et 
M.  Mangin  (A.  S.  P.,  décembre  1907,  813-866). 

2.  Je  ne  puis  aborder  ici  l'bistoire  du  magnétisme  curatif,  thérapeutique,  qui 
commence  avec  Paracelse  et  Goclenids,  De  magnetica  vulneris  curatione  citra 
ullam  et  superstilionem  et  dolorem  et  remedii  applicationem,  Marpurgi,  1 6 J  0 . 
Les  guéiïsons  par  la  foi,  les  miracles  de  Lourdes,  les  stigmates,  pourraient  être 
aussi  examinés  ici.  Mais  l'action  du  système  nerveux  central  psychique  sur  les 
cellules  vivantes  ne  rentre  pas  du  tout  dans  le  cadre  de  la  métapsychique.  Il  est 
vraisemblable  que  tout  n'est  pas  suggestion  dans  le  magnétisme  thérapeutique. 
Mais  quelle  est  la  part  de  la  suggestion  ?  C'est  indéterminé  encore. 


SOMMEIL    MAGNÉTIQUE    A    DISTANCE  127 

rien  de  métapsychique  —  à  deviner  les  intentions  du  magnétiseur. 
Le  moindre  bruit,  le  moindre  regard  des  personnes  de  l'ambiance, 
suffisent  pour  qu'elles  devinent  la  présence  du  magnétiseur  ou  ses 
intentions,  et  s'empressent  de  s'y  conformer.  Dans  une  expérience 
célèbre,  Du  Potet  en  1827  a  endormi  Mad.  Sanson,  sans  que  Mad. 
Sanson  pût,  dit-il,  connaître  sa  présence.  Mais  de  cela  est-on  bien 
assuré  ?Hcfsson  et  Récamier  assistaient  à  l'expérience  ;  mais  leur  pré- 
sence même  n'était-elle  pas,  pour  Mad.  Sanson,  un  indice? 

De  nombreuses  expériences  ont  été  faites  à  diverses  reprises  pour 
établir  une  action  fluidique  à  distance.  Je  citerai,  parmi  les  der- 
nières, celles  de  Pierre  Janet  et  Gibert,  de  Boirac,  de  J.  Ochorowicz, 
de  J.  Héricourt,  du  D'Dusart,  et  les  miennes.  Pour  le  dire  tout  de 
suite,  ni  les  unes  ni  les  autres  n'entraînent  la  conviction. 

Et  pourtant,  si,  comme  nous  le  démontrerons  abondamment  plus 
loin,  il  existe  vraiment  une  sensibilité  spéciale,  cryptesthésique, 
qui  nous  révèle  des  faits  que  nos  sens  normaux  ne  peuvent  nous 
apprendre,  on  conçoit  bien  que  cette  influence  du  magnétiseur 
puisse  être  perçue  plus  ou  moins  nettement  par  le  sujet  sensible.  De 
sorte  que  la  magnétisation  à  distance  n'est  qu'une  des  modalités  de 
la  cryptesthésie. 

Même  en  admettant  l'effluve  humain,  émission  d'un  fluide  spé- 
cial, vibration  particulière,  rien  ne  dit  que  cette  vibration  soit 
comparable  à  la  force  rhabdique,  celle  qui  fait  tourner  la  baguette 
divinatoire,  force  émanant  des  choses  et  éveillant  la  cryptesthésie. 
Les  émanations  des  choses  ne  sont  probablement  pas  identiques  au 
fluide  des  magnétiseurs.  La  volonté  n'y  est  alors  pour  rien,  puis- 
qu'il s'agit  de  l'action  de  choses  inintelligentes. 

La  distance  n'y  est  pour  rien  non  plus.  Des  cas  de  lucidité  ont  été 
signalés,  alors  qu'il  y  avait  plus  de  mille  kilomètres  de  distance 
entre  l'agent  et  le  percipient,  de  sorte  que  l'extériorisation  de  la 
sensibilité,  par  des  cercles  entourant  notre  tégument  cutané  et  ne 


1.  P.  Janet  et  Gibert,  Sur  quelques  phénomènes  de  somnambulisme,  Bull,  de  la 
Soc.  de  psychologie  de  Paris.  Revue  philosophique,  1886,  (1),  XXI,  190-198.  — 
Ch.  Richet,  Un  fait  de  somnambulisme  à  distance,  Ibid.,  199-200.  —  J.  Héricocrt, 
Un  cas  de  somnambulisme  à  distance,  Ibid.,  200-204.  —  A.  Ruault,  Le  mécanisme 
de  la  suggestion  mentale  hypnotique.  Revue  philosophique,  1886,  (2),  G91.  — Boirac 
(cité  par  Flammarion),  L'inconnu  et  les  vroblèmes  psychiques,  310.  —  Dus  art  (cité 
par  Flammarion),  Ibid.,  308. 


128  METAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

dépassant  pas  quelques  mètres,  ne  peut  être  une  explication  plau- 
sible. 

Il  semble  enfin  que  l'impression  soit  parfois  tellement  précise 
(une  figure,  un  nom,  une  image)  qu'on  ne  peut  se  contenter  de 
dire  :  un  effluve  amenant  le  sommeil.  La  connaissance  des  choses 
est  détaillée,  minutieuse,  complète.  Autrement  dit,  il  est  prouvé 
que  certains  individus  acquièrent,  grâce  à  la  cryptesthésie,  des  con- 
naissances que  les  sens  ordinaires  ne  donnent  pas.  Mais  voilà  tout 
ce  qui  est  démontré.  On  n'a  pas  encore  pu  établir  qu'il  y  a  des 
effluves  humains  que  dégage  la  volonté  du  magnétiseur  et  qui  ont  le 
pouvoir  de  provoquer  le  sommeil. 

Quant  à  l'influence  d'une  pensée  humaine  sur  une  autre  peusée 
humaine  (thought  transference,  suggestion  mentale,  télépathie),  ce 
n'est  plus  un  cha  pitre  de  l'hypnotisme  ;  c'est  le  chapitre  fondamental 
de  la  métapsychique  subjective,  et  nous  l'étudierons  plus  loin  avec 
détails.  A  ce  point  de  vue  le  sommeil  somnambulique  à  distance 
et  l'action  du  fluide  magnétique  rentrent  tout  à  fait  dans  la  cryp- 
testhésie. Mais  la  cryptesthésie  est  prouvée,  tandis  qu'il  n'y  a 
encore  rien  qui  établisse]  la  réalité  d'un  fluide  magnétique,  émis 
par  la  volonté  du  magnétiseur  et  déterminant  le  sommeil. 

(J.  —  Développement  de  la  cryptesthésie  par  l'hypnotisme. 

Assurément,  dans  certains  cas,  on  constate  la  lucidité  en  dehors 
de  toute  hypnose  ou  de  tout  sommeil,  puisque  la  plupart  des 
exemples  de  monitions  (que  nous  donnerons  tout  à  l'heure)  se  réfè- 
rent à  des  individus  normaux.  De  même  certains  faits  très  remar- 
quables de  lucidité  expérimentale,  observés  pendant  les  séances 
spirites,  ont  été  fournis  par  des  médiums  que  personne  n'avait  hyp- 
notisés, et  qui  semblaient  —  mais  ce  n'était  peut-être  qu'une  appa- 
rence, —  absolument  dans  leur  état  normal . 

Ainsi  il  est  évident  qu'il  y  a  cryptesthésie  en  dehors  de  l'état  hyp- 
notique. Tout  de  même  il  n'est  pas  moins  établi  que  l'hypnotisme 
augmente  la  cryptesthésie.  Mainte  personne,  incapable  quand  tous 
ses  sens  sont  éveillés,  de  donner  quelque  phénomène  transcen- 
dental,  deviendra,  par  moments,  lucide,  quand  on  l'aura  hypno- 
tisée. 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    L  HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME      129 

Au  lieu  de  supposer  l'existence,  très  douteuse,  d'un  fluide  magné- 
tique (inconnu)  qui  aurait  provoqué  la  cryptestbésie,  il  vaut  mieux 
admettre  que  l'état  hypuotique  facilite  la  cryptesthésie,  parce  qu'il 
abolit  ou  diminue  V  esthésie  normale . 

C'est  une  hypothèse,  mais  une  hypothèse  vraisemblable. 

A  l'état  normal  nous  sommes  conscients  de  notre  existence,  nous 
percevons  très  distinctement  des  sensations  multiples,  celles  que 
nos  sens  nous  apportent.  La  vue,  l'ouïe,  nous  donnent  à  chaque 
instant  de  multiples  indications  qui  arrivent  à  la  conscience,  et  la 
maintiennent  éveillée.  Ces  sensations  sont  tellement  fortes,  et  si 
nombreuses,  qu'il  n'y  a  plus  de  place  pour  les  autres  vagues  et 
confuses  notions  que  peuvent  nous  donner  d'autres  sensibilités 
mystérieuses.  Nous  sommes  à  peu  près  comme  un  individu  qui  se 
promène,  au  grand  soleil  de  midi,  sur  une  route.  Alors  il  ne  pourra 
pas  voir  la  lueur  falote  du  ver  luisant  qui  rampe  sous  une  feuille. 
Mais  que  la  nuit  vienne  à  tomber,  cette  luminosité  du  ver  luisant 
sera  très  facilement  et  nettement  perceptible. 

Ce  n'est  là  qu'une  comparaison.  Tout  de  même  cette  comparaison 
explique  assez  bien  pourquoi  l'hypnotisme  et  le  sommeil  nor- 
mal, qui  tous  deux  abolissent  ou  diminuent  les  sensibilités  nor- 
males, favorisent  la  lucidité. 

Les  sujets  très  profondément  hypnotisés  sont  insensibles.  On  a 
pu  faire  des  opérations  chirurgicales,  sans  provoquer  de  douleur, 
sur  des  personnes  hypnotisées.  J'ai  souveut  vu  une  jeune  femme, 
plongée  en  un  sommeil  hypnotique  profond,  qui  ne  faisait  ni 
un  mouvement,  ni  un  geste,  quand  les  mouches  se  promenaient 
sur  sa  figure,  déambulant  sur  ses  lèvres  et  ses  narines.  Parfois 
les  bruits  les  plus  violents  ne  les  réveillent  pas,  et  ne  sont  pas 
entendus.  Les  grands  sujets  magnétisés  sont  insensibles  aux 
excitations  seasorielles  ordinaires  ;  ce  qui  les  rend  peut-être  plus 
sensibles  à  ces  excitations  de  nature  inconnue  qui  émeuvent  la 
cryptesthésie. 

De  même  beaucoup  de  monitionsont  été  relatées,  qui  ont  eu  lieu 
pendant  le  sommeil  normal.  M.  Warcollier  a  statistiquement  cons- 
taté la  fréquence  des  monitions  pendant  le  sommeil  ou  le  demi- 
sommeil.  C'est  qu'alors,  comme  dans  l'hypnotisme,  les  sens  sont 
engourdis.  Alors  les  vibrations  inconnues,  très  faibles  sans  doute, 

Ricbet.  —  Métapsj  chique.  9 


130  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

qui  émeuvent  la  eryptesthésie,  peuvent  mieux  être  perçues.  Pour 
entendre  certain  faible  bruit,  il  ne  faut  pas  que  nous  soyons 
entourés  par  des  bruits  multiples  et  retentissants,  car  ils  masquent 
ce  léger  bruit  qu'il  faut  percevoir.  L'bypnotisme  et  le  sommeil 
mettent  la  conscience  dans  le  silence  et  dans  l'obscurité  néces- 
saires pour  la  perception  de  minuscules  énergies. 

11  faut  rattacher  à  l'étude  de  la  eryptesthésie  les  soi-disant  divi- 
nations faites  par  les  somnambules  (consultations)  sur  le  dia- 
gnostic ou  sur  la  thérapeutique  des  maladies. 

Je  n'insisterai  pas  sur  la  thérapeutique.  L'appréciation  d'une 
action  thérapeutique  efficace,  même  dans  la  médecine  non  occulte, 
est  si  délicate,  qu'il  est  impossible  de  dire  quoi  que  ce  soit  de  sérieux 
sur  la  thérapeutique  recommandée  par  les  somnambules.  Et  puis 
sur  les  malades  la  suggestion  peut  agir,  et  avec  beaucoup  de  force, 
comme  dans  certains  cas  cela  a  été  surabondamment  démontré. 
Personne  n'ignore  qu'on  a  raconté  des  cas  de  guérisons  extraordi- 
naires observés  à  Lourdes,  de  notre  époque,  comme  ceux  qu'il  y 
a  deux  siècles  ou  a  vus  sur  la  tombe  du  diacre  Paris.  Peut-être  y 
aurait-il  lieu  d'introduire  dans  la  science  métapsychique  quelques- 
unes  de  ces  guérisons  miraculeuses  et  authentiques.  Je  me  conten- 
terai, sans  conclure,  d'en  signaler  trois  qu'il  faut  pourtant  men- 
tionner, à  cause  de  la  complexité  des  phénomènes,  qui  à  certains 
égards  touchent  à  la  métapsychique. 

Il  s'agit  d'abord  d'une  observation  remarquable  très  bien  prise 
par  Emile  Mag.mn1. 

Une  jeune  fille  de  vingt-huit  ans,  MlleB...,  est  paraplégique  depuis 
vingt-cinq  mois  :  «  les  bras  seuls  peuvent  faire  quelques  mouve- 
ments ;  c'est  à  peine  si  elle  peut  tourner  la  tête.  Il  y  a  au  rachis 
deux  convexités,  aux  poumons  râles  et  submatité  ;  la  température 
est  de  39a  le  soir.  »  Trois  médecins  portent  successivement  les 
diagnostics  suivants  : 

1°  Paraplégie  :  pronostic  très  grave  ;  - 

2°  Mal  de  Pott  :  compression  de  la  moelle  et  paraplégie; 

3°  Paraplégie  :  lésion  médullaire  ;  pronostic  très  grave. 

1.  Devant  le  mystère  de  la  névrose.  De  la  guérison  de  cas  réputés  incurables, 
in-12,  Paris,  Vuibert,  1920. 


CRYPTESTHESIE    DANS    LA    DIAGNOSE    DES    MALADIES  131 

Lorsque  M.  Magnin  la  vit  le  26  février,  M110  B...  aperçut  à  côté  de 
M.  Magnin  la  forme  d'une  jolie  dame,  qui  dit  à  M"e  B...  qu'elle  gué- 
rirait, et  qui  même  put  préciser  eu  disant  que  le  8  mai  elle  pourrait 
se  lever.  Du  26  février  au  8  mai,  souvent  M.  Magnin  la  magnétisa. 
Or,  pendant  son  sommeil  magnétique  elle  voyait  toujours  apparaître 
la  jolie  dame.  Le  8  mai,  Mllc  B...  est  complètement  guérie.  Elle  se 
lève,  pose  les  pieds  à  terre,  marche,  embrasse  la  tête  imaginaire  de 
sa  petite  amie  (la  jolie  dame),  et  le  15  mai  elle  semble  être  revenue 
à  l'étal  normal  ;  les  lésions  thoraciques  et  rachidiennes  ont  disparu. 
Depuis  lors  la  guérisou  s'est  maintenue,  M1Ie  B...  s'est  mariée,  a  eu 
deux  enfants  '. 

Assurément  ce  cas  est  remarquable  :  il  n'est  guère  vraisemblable 
qu'il  y  a  eu  trois  colossales  erreurs  de  diagnostic,  et  qu'il  s'agissait 
uniquement  de  phénomènes  hystériques. 

Voici  deux  autres  cas,  cités  par  Marcel  Mangin,  pour  lesquels 
l'explication  par  l'hystérie  est  également  insuffisante. 

Un  ouvrier,  nommé  Derudder,  avait  été  blessé  en  février  1867, 
à  la  jambe.  Les  deux  os  étaient  brisés.  Le  mal  s'aggrava;  il  y 
avait  une  suppuration  abondante,  nulle  tendance  à  la  consoli- 
dation osseuse.  La  partie  inférieure  de  la  jambe  était  mobile  clans 
tous  les  sens.  Huit  ans  après,  faisant  une  visite  (avec  prière)  à 
Oostaker,  près  de  Gand  (Belgique)  —  il  y  a  là  une  grotte  sacrée, 
du  genre  de  la  grotte  de  Lourdes  —  Derudder  se  sent  soudaine- 
ment guéri;  il  peut  se  tenir  droit;  il  marche;  ses  deux  jambes 
appuient  à  terre.  Or,  depuis  huit  ans,  il  ne  marchait  qu'avec  des 
béquilles. 

Tout  dépend  évidemment  de  l'exactitude  de  cette  observation  rap- 
portée par  deux  médecins. 

La  seconde  observation  n'est  pas  moins  étrange.  En  1897,  Gargam, 
à  la  suite  d'un  grave  accident  de  chemin  de  fer,  est  pris  de  para- 

1.  M.  Magnin  rapporte  un  fait  de  prémonition  bien  singulier  que  lui  aurait 
donné  M»°  B... 

Un  jour,  après  avoir  été  endormie,  la  petite  amie  revint  (la  petite  amie  étant 
la  seconde  personnalité  de  Mlle  B...)  et  assura  a  M.  Magnin  qu'elle  le  ferait  mourir. 
M.  Magnin  la  dissuada,  non  sans  peine,  de  ce  projet  sinistre  :  alors  elle  lui  dit  : 
«  Je  vous  montrerai  qu'il  m'eût  été  facile  de  mettre  mon  projet  à  exécution.  » 
Deux  jours  après  M.  Magnin  alla  au  bord  de  la  mer  à  Veules  et  pour  lire  il  s'assit 
sur  un  rocher,  au  pied  d'immenses  falaises.  Après  quelques  heures  de  lecture,  il 
retourna  au  casino.  A  peine  était-il  parti  que  la  falaise  s'éboula. 


132  METAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

plégie,  avec  atrophie  musculaire  et  commencement  de  gangrène. 
Deux  rapports  médicaux  (daus  un  procès  contre  la  Gie  P.  0.) 
concluent  à  l'incurabilité  et  à  l'évolution  progressive  de  la 
maladie. 

Or,  arrivée  Lourdes,  Gargam  guérit  presque  subitement  quand  il 
entre  dans  la  grotte.  Il  peut  faire  quelques  pas  chancelants.  Le  len- 
demain, les  blessures  du  pied,  qui  suppuraient,  paraissent  guéries. 
Il  peut  marcher  sans  appui,  malgré  l'atrophie  musculaire.  Trois 
semaines  après,  il  a  augmenté  de  10  kilogrammes,  et  peut  faire  un 
service  actif1. 

Même  si  ces  deux  observations  sont  exactes,  elles  ne  prouvent 
nullement  une  force  métapsychique  nouvelle  ;  elles  indiquent 
seulement  que  le  système  nerveux  central,  dans  certaines  condi- 
tions, possède  un  inhabituel  et  tout  à  fait  extraordinaire  pouvoir 
sur  les  phénomènes  organiques. 

Ce  qui  complique  énormément  la  question,  ce  n'est  pas  seulement 
la  difficulté  même  de  l'appréciation  thérapeutique,  c'est  que  des 
considérations  étrangères  l'ont  obscurcie.  Pour  les  guérisons  mira- 
culeuses, ce  furent  les  idées  religieuses,  comme  eu  témoigne 
l'enthousiasme  des  foules  qui  vont  aujourd'hui  à  Lourdes  et  qui 
allaient  jadis  au  cimetière  de  Saint-Médard '. 

1.  A.  S.  P.,  décembre  1907. 

2.  Il  y  a  les  Faith  Cures  et  de  nombreux  faits  relatifs  à  la  C/irislian  Science. 
Cette  société  a  été  l'ondée  vers  1866,  par  Mrs  Mahy  Gloveh  Eddy  (morte  en  1910). 
Voir  Ramacharaka  (le  Yogi),  The  science  of  psychic  Healing,  Chicago.  Yogi 
Publication  Society,  Masonic  Temple,  1909.  —  Une  secte  dissidente  s'est  formée, 
celle  de  l'évoque  Oliver  Sabin,  qui  a  écrit  de  nombreux  livres  qui  ont  eu  de 
multiples  éditions.  Christology,  Science  of  Health  and  îlappiness,  etc.,  Washington, 
32e  édit.  Mais  le  point  de  départ  de  tous  ces  livres  est  l'ouvrage  de  Miss  Mary 
Eddy,  ouvrage  qui,  en  1898,  avait  déjà  140  éditions.  Science  and  Health,  with  Key 
to  the  Scriptures,  Boston,  Armstrong,  1898.  Pour  l'historique  complet  de  cette 
secte,  on  consultera  aussi  Dresser  H.-W.,  Health  and  the  inner  Life,  New-York, 
Putman,  1906. 

Relativement  aux  miracles  de  Lourdes,  voir  :  Diday  P.,  Examen  médical  des 
miracles  de  Lourdes,  Paris,  Masson,  1873. 

Boissarie(D.),  Histoire  médicale  de  Lourdes,  1838-1891,  1  vol.,in-12°,  Paris,  1891. 

Baucher,  Lourdes  et  un  cas  de  tuberculose  aiguë  généralisée,  A.  S.  P.,  1895, 
156-158. 

Berteaux,  Lourdes  et  la  science,  Rev.  de  l'Hypn.  et  Psychol.  Physiologiques. 
Paris,  1894,  1895,  IX,  210-216  et  275-278. 

Backer  (F.  de),  Lourdes  et  les  médecins,  Paris,  Maloine,  1905,  iu-12». 

Artus  (Ei.),  Les  miracles  de  Notre-Dame  de  Lourdes,  guérison  de  Juliette  Four- 
nier,  Paris,  Palmé,  1872.  Histoire  complète  du  défi,  à  la  libre  pensée  sur  les 
miracles  de  Lourdes,  Paris,  Palmé,  1877,  in-12°. 

Noriagok,  Notre-Dame  de  Lourdes   et  la  science  de  l'occulte,  Chanuel,  Paris, 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    LA    DIAGNOSE    DES    MALADIES  133 

Quant  aux  guérisons  que  prétendent  apporter  les  consultations 
des  somnambules,  c'est  toute  une  industrie,  assez  peu  lucrative  sans 
doute,  mais  tout  de  même  qui  est  exploitée  intensivement  en  tous 
les  pays,  et  d'ailleurs  réprimée  par  toutes  les  législations  comme 
constituant  exercice  illégal  de  la  médecine. 

L'exploitation  abusive  de  l'industrie  des  somnambules  profes- 
sionnels fait  que  les  soi-disant  guérisons  merveilleuses  consécutives 
à  des  révélations  somuambuliques  ne  peuvent  être  considérées 
comme  autheutiques. 

Et  cependant  on  aura  quelque  peine  à  admettre  que  les  consulta- 
tions innombrables  données  depuis  plus  d'un  siècle  dans  tous  les 
pays  du  monde  par  des  somnambules  eussent  pu  prendre  pareille 
extension  et  se  généraliser  avec  autant  de  force  et  de  promptitude, 
s'il  n'y  avait  pas  quelque  minime  parcelle  de  clairvoyance  théra- 
peutique dans  leurs  conseils.  Sans  cela  elles  ne  pourraient  guère 
continuer  à  exercer  leur  métier,  et  seraient  vite  abandonnées. 
D'ailleurs,  entre  elles,  elles  disent  volontiers  :  «  X...  a  beaucoup 
de  lucidité,  Y...  en  avait  autrefois,  elle  n'en  a  plus  maintenant; 
Z...  en  a  rarement,  mais  à  certains  jours  elle  est  tout  à  fait 
lucide  ».  Il  ne  faudrait  peut-être  pas  repousser  trop  dédaigneu- 
sement l'histoire  de  cette  divination  thérapeutique  exercée  par 
les  somnambules. 

Il  faut  être  plus  réservé  encore  avant  de  nier  toute  clairvoyance 
dans  le  diagnostic  des  maladies.  Il  semble  que  naturellement,  ins- 
tinctivement, pour  ainsi  dire,  les  somnambules  soient  incitées  à 
parler  de  l'état  de  santé  des  personnes  qui  les  entourent.  Même  sans 
qu'on  leur  demande  une  consultation,  elles  ont  tendance  à  dire  que 
tel  ou  tel  qui  leur  parle  ou  qui  les  touche  est  malade  du  cœur,  de 
la  tête,  ou  de  la  poitrine.  Tout  se  passe  comme  si  elles  ressentaient, 
par  une  vraie  télépathie  (organique  plutôt  que  psychique),  les  affec- 
tions morbides  des  personnes  qui  sont  près  d'elles. 

Cette  télépathie  organique  s'aperçoit  nettement  dans  toutes  les 
paroles  qu'elles  prononcent.  Alice,  qui  n'a  jamais  donné  de  consul- 
tations, et  qui  n'est  ni  somnambule,  ni  médium  professionnelle, 

18'JS,  et  surtout  les  divers  ouvrages  de  H.  L\sskkre  (uu  des  premiers  malades 
guéris  à  Lourdes),  Notre-Dame  de  Lourdes,  4»  édit.,  Paris,  Palmé,  1885,  et  nouv. 
ôdit.j  Paris,  Sanard,  1898,  2  vol.  in-4°. 


134  MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

quand  on  lui  remet  les  cheveux  d'un  malade,  dit  :  «  J'étouffe,  je  me 
sens  toute  saisie,  cela  me  donne  des  crampes,  des  spasmes,  et  une  boule 
à  la  gorge.  »  Eugénie,  qui  est  une  professionnelle,  toute  jeune  d'ail- 
leurs, et  croyant  très  naïvement  en  son  art,  parle  de  même.  De 
même  aussi,  Héléna,  qui  n'est  pas  une  professionnelle,  mais  qui 
jadis,  à  des  amis,  a  donné  des  consultations l. 

Mais  tout  est  encore  trop  incertain  pour  qu'on  puisse  affirmer 
quoi  que  ce  soit  sur  la  lucidité  de  cette  cryptesthésie  organique 
spéciale.  Peut-être,  si  l'on  voulait,  sans  préjugés,  l'étudier  méthodi- 
quement, arriverait-on  à  des  résultats  curieux.  Dans  les  53  expé- 
riences (diagnostics  de  maladies  par  des  somnambules),  que  j'ai 
menées  avec  assez  de  soin  pour  éviter  toute  suggestion  de  ma  part, 
et  toute  perspicacité  normale  de  la  part  des  somnambules,  je  n'ai 
eu  que  des  résultats  bien  médiocres.  11  y  a  eu  des  réponses  assez 
précises,  mais  insuffisantes  à  éliminer  l'hypothèse  des  coïncidences 
fortuites.  Pour  un  individu  atteint  d'une  forte  diarrhée,  Eugénie  a 
dit  :  «  Inflammation  de  l'intestin  ».  Pour  un  enfant  atteint  de  rou- 
geole, Héléna  a  dit  :  «  C'est  la  rougeole,  j'ai  misa  figure  toute  rouge  ». 
La  meilleure  expérience  peut-être  est  celle  d'HÉLÉNA  (Exp.  XIII) 
Héléna  dit  :  «  Angoisse,  étouffement,  douleur  là  (montrant  le  creux 
épigastrique).  C'est  comme  une  poche  qu'il  faudrait  vider,  lly  a  de  la 
fièvre.  Cette  poche-là,  sous  le  cœur,  me  donne  de  l'angoisse.  Il  faut  vider 
cela.  »  Or  il  s'agissait  d'un  malade  tuberculeux,  ayant  une  caverne 
tuberculeuse,  remplie  de  pus,  à  la  base  du  poumon  gauche,  avec 
suffocation,  dyspnée,  œsophagisme.  Dans  tous  ces  cas,  la  consul- 
tation était  donnée  sans  que  le  malade  fût  présent  :  il  s'agissait  de 
psy chômé trie,  —  ce  que  j'appelle  cryptesthésie  pragmatique  —  c'est- 
à-dire  que  je  remettais  des  cheveux,  ou  un  objet,  ou  une  lettre, 
venant  du  malade  en  question. 

Ce  ne  sont  là  que  des  résultats  bien  imparfaits.  Pourtant,  dans  les 
nombreux  traités  du  magnétisme  animal  de  1825  à  1855  on  trouve- 
rait sans  peiue  assez  de  documents  pour  encourager  les  métapsy- 
chistes  —  parmi  lesquels  il  y  a  beaucoup  de  médecins  —  à  étudier 
de  nouveau  la  question,  à  la  reprendre  ab  ovo,  sans  craindre  les 
railleries.   L'histoire  du  somnambulisme  et  du  spiritisme  nous 

1.  P.  S.  P.  R.,  juin  1888,  119. 


AUTOSCOPIE  135 

montre  douloureusement  combien  la  science  officielle  a  été  mal 
inspirée  eu  rejetant  a  priori,  sans  examen,  des  faits  que  plus  tard 
elle  a  été  forcée,  eu  faisant  amende  très  honorable,  de  recon- 
naître. 

Il  est  uu  cas  particulier  de  cryptesthésie  organique  qui  mérite 
quelque  attention  ;  il  a  été  signalé  et  bien  indiqué  par  les  magnéti- 
seurs de  la  première  moitié  du  xixe  siècle  :  c'est  ce  qu'on  appelle 
ïautoscopie. 

Souvent,  en  effet,  les  somnambules  sont  en  état  de  voir  leurs 
organes,  et  ils  en  donnent  de  curieuses  descriptions. 

Mais  c'est  à  peine  si  l'autoscopie  relève  de  la  métapsychique  ; 
c'est  presque  de  la  psyclio-physiologie. 

A  l'état  normal,  nos  organes  viscéraux  n'éveillent  dans  la  cons- 
cience aucune  sensation  précise.  Le  cœur,  les  poumons,  le  foie,  les 
intestins,  le  cerveau  fonctionnent  sans  qu'il  y  ait  perception  de 
l'organe  et  connaissance  de  son  fonctionnement.  Cependant,  ainsi 
que  toutes  les  expériences  de  physiologie  le  prouvent,  nos  viscères 
possèdent  des  nerfs  de  sensibilité  qui  font  parvenir  aux  centres 
nerveux  quelques  notions  sur  l'état  même  de  ces  organes. 

Ces  notions  sont  indistinctes.  Elles  arrivent  certainement  à  la 
moelle,  au  bulbe  et  au  cerveau,  mais  elles  ne  touchent  que  rarement 
la  conscience.  C'est  seulement  lorsqu'ils  sont  malades  que  nous  sen- 
tons notre  estomac,  nos  intestins,  notre  foie.  Ce  n'est  pas  par  défaut 
de  conduction  nerveuse  sensible  que  nous  les  ignorons,  c'est  parce 
que  leurs  nerfs  de  sensibilité  n'émeuvent  pas  la  conscieuce.  Aussi 
pouvons-nous  admettre  comme  vraisemblable  que,  dans  certaines 
conditions  psycho-physiologiques  spéciales  comme  par  exemple 
l'état  d'hypnose,  la  conscience  modifiée  (amplifiée)  puisse  être 
ébranlée  par  ces  sensations  viscérales. 

Encore  que  l'autoscopie  ait  été  couramment  observée  dès  le  début 
du  magnétisme,  c'est  probablement  Féub  qui  en  prononça  le  mot 
le  premier1  (?)  Mais  il  appliquait  le  mot  d'autoscopie  à  la  vision  de 
son  double  par  le  personnage  probablement  halluciné.  Or  cette 
sorte  d'hallucination  (autoscopie  externe),  si  intéressante  qu'elle  soit 

1.  Note  sur  les  hallucinations  auloscopiqites  ou  spéculaires,  et  su>'  les  halluci- 
nations altruistes  illull.  de  la  Soc.  de  Riol.  de  Paris,  1891,  451.) 


136  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

au  point  de  vue  médical,  n'a  aucun  intérêt  métapsychique, 
quoique  les  théoriciens  du  spiritisme  aient  fait  de  grands  efforts 
pour  lui  attribuer  une  importance  dont  elle  me  paraît  tout  à  fait 
dépourvue. 

L'autoscopie  interne,  mentionnée  par  Du  Potet,  a  été  bien  étudiée 
par  le  Dr  Comar  l  et  ensuite  par  le  Dr  Sollteh,  qui  en  a  fait  l'objet 
d'uue  monographie  intéressante2. 

Nous  n'avons  pas  à  examiner  ici  dans  le  détail  les  modalités  de 
l'autoscopie,  puisque  aussi  bien  nous  sommes  ici  au  vrai  border iand 
qui  sépare  le  psychique  et  le  métapsychique.  Pour  que  notre  con- 
science ait  la  représentation  visuelle  de  nos  viscères,  il  n'y  a  pas 
à  supposer  quelque  propriété  nouvelle  de  l'esprit  ou  du  système 
nerveux. 

Tout  de  même  cela  conduit  à  une  conclusion  curieuse. 

S'il  est  vrai  que  certains  individus,  hypnotisés,  hystériques, 
anormaux,  ont  la  notion  visuelle  de  leurs  organes,  —  et  on  est 
forcé  de  considérer  le  fait,  quelque  exceptionnel  qu'il  soit,  comme 
établi,  —  il  s'ensuit  que,  dans  certains  cas  de  maladie,  la  patiente 
(hypnotisée  ou  hystérique)  pourra  se  rendre  compte  qu'elle  a  telle 
ou  telle  lésion  organique,  dont  elle  peut  diagnostiquer  le  siège,  en 
voyant  cette  lésion.  Et  en  effet,  parfois  des  malades  magnétisés 
ont  tendance  à  décrire  leur  maladie,  son  étendue,  sa  localisation, 
en  même  temps  qu'à  en  indiquer  les  remèdes. 

C'est  même  peut-être  par  cetteautoscopie  interne  que  peuvent  s'ex- 
pliquer les  cas  assez  nombreux  et  bien  authentiques  d'auto-prémo- 
nitions. Or  ces  auto-prémonitions  de  mort  ou  de  maladie  ne  sont 
pas  des  prémonitions  véritables.  C'est  l'autoscopie  qui  permet  à 
un  somnambule  de  faire  une  prévision  sur  sa  mort  ou  sur  sa  mala- 
die, absolument  comme  un  médecin  expérimenté  peut,  en  exami- 
nant les  organes  d'un  de  ses  malades,  prévoir  qu'il  est  en  danger 
de  mort,  et  annoncer  révolution  de  sa  maladie. 


4.  L'autoreprése?ilalion  de  l'organisme  chez  quelques  hystériques.  Revue  neuro- 
logique. 1901,  491. 

2.  Les  phénomènes  d'auloscopie,  Paris,  Alcan,  1903.  Pour  qu'il  n'y  ait  pas  de 
confusion,  il  faut  distinguer  l'autoscopie  interne  et  l'autoscopie  externe.  Elle  est 
externe  quand  l'halluciné  voit  son  double  distinct  de  lui.  Elle  est  interne  quand  un 
somnambule  aperçoit  ses  organes,  cœur,  foie,  intestins,  et  en  décrit  les  formes, 
pathologiques  ou  non. 


CRYPTESTHÈSIE    DANS    L'HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME      137 

§  II.  —  CKYPTESTIIÉSIE  DANS  L'HYPNOTISME 

La  cryptesthésie  expérimentale  peut  être  étudiée  tautôt  chez  les 
individus  hypnotisés,  tantôt  chez  les  médiums.  Pourtant,  le  plus 
souvent,  le  médium,  pendant  la  séance,  est  daus  un  état  de  trance; 
mais  cette  trance  spontanée  se  coufond  singulièrement  avec  l'état 
hypnotique  proprement  dit,  comme  si  le  médium  s'était,  pour  ainsi 
dire,  hypnotisé  lui-même,  sans  que  des  mauœuvres  dues  à  un 
magnétiseur  aient  été  nécessaires. 

Or  ce  n'est  pas  encore  là  une  différence  essentielle.  La  différence 
principale,  c'est  que  le  médium  croit  qu'il  est  en  rapport  avec 
des  personnalités  réelles,  différentes  de  lui,  et  que  ces  personnalités 
nouvelles,  ses  guides,  parlent  par  sa  voix,  écrivent  par  sa  main. 
En  tout  cas,  chez  l'hypnotisé  comme  chez  le  médium,  il  y  a,  à  des 
degrés  divers,  assoupissement  des  sens  normaux,  et  diminution  de 
la  conscience. 

Cependant  en  apparence  chez  beaucoup  de  médiums  la  conscience 
est  restée  intacte.  Ilscontinuentà  parler,  à  causer  avec  les  personnes 
présentes,  alors  que  leur  inconscience  élabore  d'autres  conversa- 
tions, d'autres  actes,  lesquels  se  traduisent  par  des  mouvements 
musculaires  qu'ils  connaissent  et  qu'ils  contrôlent  à  peine  (écri- 
ture automatique  ou  mouvements  de  la  planchette).  C'est  ce  que 
j'ai  appelé  Y  hémi-somnambulisme. 

Parfois  même  cette  dissociation  entre  la  personnalité  consciente, 
normale,  et  les  nouvelles  personnalités  qui  apparaissent,  est  plus 
compliquée  encore.  Car,  dans  certains  cas,  avec  la  main  droite,  le 
médium  écrit  des  phrases  cohérentes,  répondant  à  la  personnalité 
d'une  personne  D...  —  tandis  qu'avec  la  main  gauche,  il  écrit  de 
tout  autres  phrases  cohérentes,  comme  si  c'était  une  autre  person- 
nalité G...  —  Et  pendant  ce  temps,  il  continue  à  paraître  normal,  il 
rit,  il  cause,  il  chante,  il  discute  avec  les  diverses  personnes  du 
cercle. 

Mais  cette  dissociation  de  la  personnalité,  soit  dans  le  somnam- 
bulisme, soit  dans  l'hémi-somnambulisme,  n'a  rien  de  métapsy- 
chique.  C'est  encore  de  la  psychologie  classique.  Il  suffit  d'admettre 
le  fait  banal,  qu'on  a  si  souvent  constaté,  d'un  dédoublement,  et 


138  MÉTAPSYCHTQUE    SUBJECTIVE 

même  parfois,  quoique  bien  plus  rarement,  d'un  détriplement  de  la 
personnalité. 

Or  ce  qui  nous  intéresse  ici,  ce  ne  sont  pas  tant  ces  variations 
de  la  personnalité  que  les  manifestations  de  lucidité,  c'est-à-dire 
de  cryptesthésie. 

De  cette  étonnaute  cryptesthésie,  les  preuves  sont  tellement  nom- 
breuses et  certaines  qu'il  faut  se  contenter  de  faire  un  choix,  et  de 
ne  citer  que  les  principales l. 

A.  —  Expériences  sur  les  sujets  hypnotisés. 

Les  anciens  magnétiseurs,  dès  le  début  du  magnétisme  animal, 
ont  insisté  sur  la  clairvoyance  ou  lucidité. 

J'en  citerai  seulement  quelques  cas 2. 

Le  général  Noizet3  raconte  qu'une  somnambule  (en  1842)  lui  a 
raconté  avec  une  précision  extrême  ce  qu'il  avait  fait  dans  la  journée, 
et  cependant  ce  n'était  pas  ordinaire.  Il  avait  été  aux  Tuileries  dans 
l'appartement  du  duc  de  Moutpensier,  fils  du  roi,  de  là  en  voiture 
avec  le  duc  de  Moutpensier  à  l'Hôtel  des  Invalides,  pour  étudier  les 
plans  reliefs  des  places  fortes.  Tout  cela  fut  dit  très  exactement.  (Le 
récit  en  est  trop  long  pour  être  donné  ici.) 

D'après  une  lettre  du  Dr  Despine  à  M.  Charpignon4,  Mad.  Sghmitz, 
à  Genève,  étant  malade,  demande  au  Dr  Julliard  d'écrire  une  con- 
sultation pour  elle.  Le  D1'  Julliard,  dans  la  plus  profonde  obscurité 
de  toute  la  salle,  lui  met  le  papier  sous  les  pieds.  Elle  dit  :  «  Voilà 

4 .  On  me  permettra  de  citer  avec  quelque  prédilection  mes  expériences  person- 
nelles. Je  m'excuse  d'avance  pour  la  part,  probablement  trop  grande,  que  je 
donne  à  mes  propres  recherches,  mais  quelques-unes  sont  inédites,  et  méritent, 
je  crois,  d'être  retenues. 

2.  Dans  les  vieux  journaux  de  magnétisme  (allemands,  français,  anglais,  italiens), 
on  trouve  nombre  de  cas  de  lucidité  des  magnétisés.  Mais  il  n'est  pas  certain 
que  le  bandeau  ait  toujours  été  assez  bien  mis  sur  les  yeux  pour  empocher  toute 
vision;  car,  même  en  mettant  de  l'ouate  de  chaque  côté  du  nez,  le  tampon 
d'ouate  peut  se  déplacer,  et  permettre  de  voir  un  peu.  Or  un  peu,  c'est  trop.  Il 
est  probable  que  la  clairvoyance  de  la  petite  fille  de  Pigeaire,  par  exemple,  était 
aulhentique,  mais  la  preuve  n'en  est  pas  suffisante  (voir  Journal  du  magnétisme 
animal,  parJ.-J.-A.  Ricard,  Paris,  Bourgogne  et  Martinet,  1840,  et  Toulouse,  1839, 
t.  I,  p.  624. 

3.  Cité  par  Flammarion,  loc.  cit.,  339. 

4.  Physiologie,  médecine  et  métaphysique  du  magnétisme,  Paris,  J.  Baillière, 
1848,  114. 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    [/HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME      139 

ma  lumière!  »  et  elle  lit  ce  qu'avait  écrit  M.  Julliard.  Charpignon  cite 
aussi  d'autres  cas  de  clairvoyance  ou  transposition  des  sens.  Mais 
alors  on  n'avait  pas  la  même  sévérité  qu'aujourd'hui  pour  l'authen- 
tification  de  pareils  faits,  de  sorte  qu'il  est  permis,  et  même  néces- 
saire, d'en  douter. 

Il  faut  toujours  être  très  prudent  dans  les  conclusions.  Aussi  bien 
vais-je  rapporter  un  exemple  de  cryptesthésie  qui  probablement 
comporte  une  erreur.  Ce  sera  comme  une  indication  des  précau- 
tions nécessaires  à  une  bonne  expérience.   , 

En  présence  de  M.  Legludic,  directeur  de  l'École  de  Médecine 
d'Angers,  le  Dr  Binet  Sanglé1  fit  quelques  expériences  de  cryptes- 
thésie. Une  femme  de  quarante-cinq  ans  est  endormie,  face  au  mur, 
et  les  yeux  bandés.  Le  Dr  Legludic  ouvre  un  livre  au  hasard  et  sou- 
ligne le  mot  vautour.  Sans  rien  dire,  M.  Binet  Sanglé  dessine  la 
tête  d'un  vautour  et  M...  dit  :  «  C'est  un  drôle  d 'oiseau,  il  n'a  pas 
d'ailes,  c'est  un  vautour  ».  Dans  une  autre  expérieuce,  ouvrant  un 
livre  au  hasard,  M.  J...  souligne  le  mot  limace.  Alors  M...  dit  :  «  C'est 
une  limace  ».  Dans  une  autre  expérience,  plus  étonnante  encore, 
M.  J...  souligne  le  vers  suivant  : 

Souffle,  bise,  tombe  à  flots,  pluie  ! 

0...  dit  :  S...  SS...  S...  et  enfin  :  Souffle,  bise... 

Enfin,  dans  ce  même  livre  ouvert  au  hasard,  M.  J...  souligne  ce 
vers  :  Le  Dieu  ne  viendra  pas.  L'Église  est  renversée.  M...  dit  alors  :  Le 
Dieu  ne  viendra  pas. 

Cette  expérience  serait  décisive,  si  une  complicité  n'était  pas 
possible,  et,  à  ce  qu'il  semble,  probable,  entre  0...  et  M...  les 
deux  sujets  qui  étaient  présents.  Aussi  ne  faut-il  pas  plus  l'ad- 
mettre que  les  expériences  de  Misses  Creery.  Il  faut  se  méfier  des 
complicités,  voulues  ou  inconscientes,  dans  toute  expérience  de  cryp- 
testhésie. 

William  Gregory-,  professeur  de  chimie  à  l'Université  d'Edim- 
bourg, a  constaté  que  le  major  Bcckley  a  pu  développer  la  lucidité 

1.  Expér.  sur  la  transmission  directe  delà  pensée,  A.  S.  P.,  1902,  XII,  131-143. 

2.  Letters  to  a  candid  inquirer  on  animal  magnetism  (18-ïl)  cité  par  E.  Boirac, 
in  A.  S.  P.,  1893,  III,  242. 


140  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

chez  maints  individus  hypnotisables,  assez  pour  leur  faire  lire  avec 
exactitude  des  devises,  des  lettres,  des  adresses,  des  empreintes 
postales,  enfermées  dans  des  enveloppes  ou  des  boîtes  de  carton  et 
de  bois.  Dans  un  cas  Sir  T.  Wilshire  avait  écrit  le  mot  concert,  et 
croyait  avoir  écrit  correct.  Le  voyant  lut  concert.  Sir  Wilshire  lui 
dit  que  c'était  une  erreur,  mais,  en  ouvrant  la  boîte,  il  constata  que 
c'était  bien  concert  qui  avait  été  écrit. 

La  statistique  que  donne  le  major  Buckley  serait  absolument 
décisive,  s'il  n'y  avait  pas  possibilité  de  quelque  erreur  systéma- 
tique. Il  a  été  lu  des  devises  contenues  dans  4.680  coquilles  de 
noix,  et  comprenant  environ  36.000  mots. 

Herbert  Mayo,  médecin  et  physiologiste  anglais  éminent,  qui 
soignait  en  Angleterre  le  colonel  C...  envoya  à  un  ami  américain 
qui  habitait  Paris,  une  boucle  de  cheveux  d'un  de  ses  malades, 
le  colonel  G...  Une  somnambule  de  Paris  déclara  que  C.  .  avait  uue 
paralysie  partielle  des  hanches  et  des  jambes,  et  que  pour  une 
autre  affection  il  avait  l'habitude  de  se  servir  d'un  instrument  de 
chirurgie. 

Si  je  cite  ce  fait  de  lucidité,  ce  n'est  pas  qu'il  soit  plus  remarquable 
que  beaucoup  d'autres,  mais  c'est  parce  qu'il  est  attesté  par  un 
physiologiste  expérimenté,  tel  que  M.  H.  Mayo,  et  qu'il  fut  assez 
net  pour  avoir  convaincu  ce  savant  distingué  que  la  lucidité  existe  l. 

Le  Dr  Dufay  de  Blois  a  eu  avec  une  somnambule  non  profession- 
nelle, nommée  Marie,  de  bons  exemples  de  cryptesthésie2. 

Il  reçoit  le  matin  une  lettre  d'un  officier  de  ses  amis  qui  est  en 
Algérie,  malade,  dysentérique,  forcé  de  coucher  sous  la  tente.  Il 
place  la  lettre  sous  deux  enveloppes  qui  ne  portent  aucune  indica- 
tion, et  met  le  soir  la  lettre  entre  les  mains  de  Marie.  Elle  dit  qu'il 
s'agit  d'un  militaire,  malade  de  dysenterie.  Et,  pour  aller  le 
retrouver,  elle  s'embarque  (imagiuairement),  a  le  mal  de  mer, 
voit  des  femmes  en  blanc,  qui  ont  de  la  barbe  (sans  doute  des 
Arabes).  Elle  voit  l'officier,  très  maigre,  malade,  avec  un  lit,  trois 
planches  sur  des  piquets  au-dessus  du  sable  humide. 

1.  Cités  par  Boirac,  La  métagnomie  {A.  S.  P.,  novembre  1916,  159-162). 

2.  C.  Wallace,  loc.  cit.,  tr.  fr.,  92. 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    L  HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME       141 

L'autre  exemple  donné  par  le  Dr  Dufay  est  peut-être  plus  remar- 
quable encore.  Un  iudividu  dans  la  prison  de  Blois  venait  de  se 
suicider,  eu  s'étrauglaut  avec  sa  cravate.  Le  Dr  Dukay  coupe  un 
morceau  de  cette  cravate,  l'enveloppe  dans  plusieurs  doubles  de 
papier,  et  remet  l'objet  à  Marie.  Celle-ci  déclare  qu'il  s'agit  de 
quelque  cbose  qui  a  tué  un  homme,  une  corde...,  non,  une  cravate; 
c'est  un  prisonnier  qui  s'est  pendu  parce  qu'il  avait  assassiné  un 
homme.  Elle  dit  qu'il  l'a  tué  avec  un  gouel  (une  hachette  de  bûche- 
ron) et  elle  indique  l'eudroit  où  le  gouet  a  été  jeté-  De  fait,  en  sui- 
vant les  indications  données  par  Marie,  on  a  retrouvé,  au  lieu  indi- 
qué, le  gouet,  instrument  du  crime. 

Le  D'  Vidigal,  à  Saint-Paul  (Brésil),  amène  chez  lui  une  jeune 
domestique  de  douze  ans,  qui  vieut  d'arriver  d'Espagne  comme 
émigraute.  Le  soir  même  de  son  arrivée,  elle  est  endormie  par  un 
ami  du  Dr  Vidiual,  et  elle  voit  une  vieille  femme  dont  la  description 
ressemble  à  celle  de  la  mère  du  Dr  Vidigal,  morte  il  y  a  trois  mois. 
La  fillette  ajoute  que,  dans  la  chambre  de  la  défunte,  il  y  a  un  vête- 
ment de  soie  noire  et  une  poche  cousue  dans  le  vêtement,  où  se 
trouvent  75  milreis.  On  entre  dans  cette  chambre  en  laquelle  personne 
n'avait  pénétré  depuis  longtemps,  et  on  trouve  eu  effet  dans  la 
robe  de  soie  noire  75  milreis.  Il  est  à  noter  que  M.  Vidigal  avait 
pu  à  peine  pourvoir  aux  frais  de  l'enterrement  de  sa  mère  *. 

En  1837  à  New- York,  Loraine  Brackett,  de  Dudley,  une  jeune 
femme  qu'un  traumatisme  avait  rendue  complètement  aveugle, 
étant  hypnotisée,  fait  mentalement  divers  voyages  témoignant  de 
sa  lucidité.  Notamment  elle  a  pu  décrire  exactement  un  tableau 
vu  par  M.  Stone,  en  une  autre  ville,  représentant  trois  Indiens 
autour  d'un  tronc  d'arbre  énorme,  avec  des  hiéroglyphes  sur  le 
tronc.  Loraine  dit  :  Three  Indians  sittmg  in  a  hollou)  three,  which 
looks  as  though  it  had  been  dug  out  on  pur pose  ;  and  the  trees  filled 
with  marks.  Personne,  sinon  M.  Stone,  ne  connaissait  ce  tableau2. 

Mad.  Sidgwigk(E.  H.)  rapporte  divers  cas  de  lucidité  magnétique 

1.  Bozzaxo,  A.  S.  P.,  1910,  120. 

2.  Animal  magnetism,  Letter  of  M.  Stone  to  Dr   Bigham,  P.  A.  S.  P.  R.,  1907, 
106. 


142  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

donnés  par  Jane1.  Ils  sout  extrêmement  intéressants,  et  nous 
renverrons  au  mémoire  de  Mad.  E.  H.  Sidgwick  pour  plus  de 
détails. 

LeD'F...  qui  magnétisait  Jane, avertit  un  de  ses  clients,  M.  Eglin- 
ton, relevant  d'une  maladie,  qu'il  va  essayer  de  faire  dire  à  Jane 
ce  qu'il  fera  dans  la  soirée  de  8  à  10  heures.  Jane  dit  :  «  Je  vois  un 
monsieur  très  gras,  il  a  une  jambe  de  bois,  il  lïa  pas  de  cerveau.  Il 
s'appelle  Eglinton.  Il  est  assis  devant  une  table  où  il  y  a  du  brandy, 
mais  il  ne  boit  pas.  » 

Résultats  bien  curieux  ;  car  M.  Eglinton,  qui  est  très  maigre, 
avais  mis  sur  une  chaise  un  mannequin  bourré  de  vêtements,  de 
manière  à  lui  donner  une  forte  corpulence,  et  avait  placé  ce  man- 
nequin devant  une  table  chargée  d'une  bouteille  de  brandy. 

Dans  uue  série  de  quatorze  séances  à  Brighton,  Alexis  joua  aux 
cartes  les  yeux  bandés,  nommant  les  cartes  de  ses  adversaires  aussi 
bien  que  les  siennes,  déchiffra  les  lignes  d'un  livre  fermé,  décrivit 
le  contenu  enfermé  dans  des  boîtes  opaques. 

Robert  Houdin,  le  célèbre  prestidigitateur,  eut  une  entrevue  avec 
Alexis.  R.  Houdin  tira  un  livre  de  sa  poche,  et,  l'ouvrant,  demanda 
à  Alexis  de  lire  une  ligne  à  un  niveau  particulier  huit  pages  aupa- 
ravant. Le  clairvoyant  enfonça  une  épingle  pour  marquer  la  ligne, 
et  lut  quatre  mots  qui  furent  trouvés  sur  la  ligne  correspondant  à 
la  dite  page  antérieure.  Houdin  trouva  cela  stupéfiant,  et  signa  cette 
déclaration  :  «  f  affirme  que  les  faits  relatés  plus  haut  sont  scrupuleu- 
sement exacts  ». 

Robert  Houdin,  après  avoir  constaté  que  les  phénomènes  de  clair- 
voyance se  produisant  chez  Alexis  ne  pouvaient  être  imités  par 
aucun  prestidigitateur,  raconte  que,  le  Dr  Chomel  ayant  montré  une 
médaille  à  Alexis,  Alexis  lui  dit  (ce  qui  était  absolument  exact)  : 
«  Cette  médaille  vous  a  été  donnée  dans  des  circonstances  bien  singu- 
lières. Vous  étiez  dans  une  mansarde,  étudiant,  à  Lyon.  Un  ouvrier  à 
qui  vous  aviez  rendu  service,  ayant  trouvé  cette  médaille  dans  les 
décombres,  vous  l'offrit  '-.  » 

Alexis  a  donné  aussi  au  premier  Président  Seguier  une  preuve 

1.  A.  S.  P.,  1891,  I,  280. 

-.  Del anne,  Rech.  sur  la  médiumnité,  1902,  2o6. 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    L  HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME     143 

de  lucidité  (et  non  de  télépathie)  très  curieuse1.  Alexis,  faisant  uu 
voyage  dans  la  chambre  du  Président  (qui  n'avait  pas  donné  sou 
nom),  voit  sur  la  table  une  sonnette.  «  Non,  dit  M.  Seguier,  il  n'y  a 
pas  de  sonnette.  »  Mais,  rentré  chez  lui,  M.  Seguier  constate  que, 
dans  l'après-midi,  une  petite  sonnette  avait  été  déposée  sur  sa  table 
de  travail. 

Beaucoup  d'autres  preuves  de  la  lucidité  extraordinaire  d'ALExis 
sont  rapportées  par  C.  Flammarion.  D'autre  part  le  Dr  Bertrand,  les 
magnétiseurs  Petetin  et  Lafoxtaine,  et  surtout  le  D1  Frapart,  en  ont 
réuni  tant  d'exemples,  variés  et  probants,  qu'il  est  impossible  de 
mettre    en    doute   les    facultés    métapsychiques    extraordinaires 

d'ALEXIS  DiDIEIt. 

A  diverses  reprises,  Robert  Houdin,  qui  fut  certainement  uu  des 
plus  experts  prestidigitateurs  de  tous  les  temps,  a  constaté  et  attesté 
la  clairvoyance  d' Alexis2.  Il  atteste  que,  pendant  qu'il  jouait  aux 
cartes  avec  Alexis,  Alexis  devinait  les  cartes  que  lui,  Robert  Houdin, 
avait  dans  son  jeu,  et  môme  celles  qu'il  allait  tirer  d'uu  paquet  de 
cartes  neuf. 

Alphonse  Karr,  Victor  Hugo,  ont  obtenu  aussi  avec  Alexis 
(endormi  par  Maiullat)  des  preuves  décisives  de  cryptesthésie.  Evi- 
demment les  témoignages  d'ALPHONsE  Karr  et  de  Victor  Hugo 
seraient  insuffisants  s'il  s'agissait  d'uue  partie  de  cartes  jouée  avec 
Alexis,  môme  Alexis  eut-il  eu  les  yeux  baudés  ;  car,  en  fait  de  tour 
de  cartes,  les  prestidigitateurs  font  ce  qu'ils  veulent.  Mais  il  y  a 
beaucoup  mieux.  Alexis  a  dit  à  Alphonse  Karr  qu'il  avait  mis  une 
branche  d'azalée  blanc  dans  une  bouteille  vide  (ce  qui  était  vrai). 
Victor  Hur.o  avait  préparé  chez  lui  un  paquet  ficelé  sur  lequel  il 
avait  écrit  le  mot  politique  :  le  mot  fut  lu  par  Alexis.  Alexandre 
Dumas  a  raconté  aussi  une  séance  mémorable,  mais  son  témoignage 
est  moins  précis. 

Alexis3,  que  M.  Vivant  vient  consulter,  lui  dit  que  c'est  pour 

1.  Cité  par  Delaage,  Les  mystères  du  magnétisme. 

2.  Confidences  d'un  prestidigitateur,  une  vie  d'artiste,  Paris,  libr.  nouvelle, 
18o9,  2  vol.  in-8°.  Si  l'on  ne  peut  pas  recourir  aux  journaux  du  temps,  on  lira 
avec  profit  l'étude  qu'en  vient  de  faire  Camille  Flammarion,  La  mort  et  son  mys- 
tère, Paris,  E.  Flammarion,  1920,  I,  12»,  209-233. 

3.  Cité  par  Delaage.  Le  sommeil  magnétique,  d'après  Bozzano.  Dei  fenomeni  di 
telestesia.  Luce  e  ombra,  1920,  XX,  124. 


144  METAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

retrouver  une  chose  qui  a  été  perdue  ;  quatre  billets  de  mille  fraucs, 
ce  qui  était  exact.  Et  il  ajoute  :  «  ne  faites  pas  de  plainte  à  la  police  ; 
car  on  ne  vous  a  pas  volé  ces  billets,  vous  les  trouverez  dans  votre 
secrétaire  :  ils  sont  tombés  derrière  un  tiroir  de  ce  secrétaire  ».  Et 
en  effet,  rentrant  chez  lui,  M.  Vivant  retrouve  ces  billets  à  l'endroit 
que  lui  avait  indiqué  Alexis. 

Je  ne  comprends  guère  comment  Hyslop  se  refuse  à  admettre  la 
cryptesthésie  d'ALExis,  alors  qu'il  l'admet,  si  complète  et  si  parfaite, 
chez  Mad.  Piper1. 

M.  Osty2  a  donné  de  nombreux  documents  sur  les  conditions  de 
l'hypnose  et  delà  lucidité  chez  Mad.  M....  Il  doit  d'ailleurs  prochai- 
nement publier  un  ouvrage  détaillé  où  les  beaux  cas  de  lucidité 
donnés  par  Mad.  M...  seront  complètemeut  iudiqués.  J'en  connais 
quelques-uns  qui  sont  remarquables.  Mais,  dans  l'ouvrage  publié, 
qui  représente  un  si  persévérant  effort,  il  n'y  a  guère  un  seul  cas 
qui  puisse  être  cité  comme  témoignant  de  quelque  lucidité.  Il 
est  vraisemblable,  d'après  ce  que  dit  M.  Osty,  que  Mad.  M.  Freya 
et  M.  Flourière  lui  en  ont  donné  beaucoup  ;  mais  nous  sommes  forcés 
de  croire  M.  Osty  sur  parole.  Cependant  (p.  304),  il  cite  un  cas  de 
lucidité  qui  paraît  positif,  tout  en  omettant  de  nous  dire  jusque  à 
quel  point  les  déclarations  du  sensitif  était  exactes. 

Le  Dr  Souza  Coûta,  de  Lisbonne,  dans  une  séance  à  laquelle  assis- 
tait le  D1  d'O...  de  Lisbonne,  demande  à  un  médium  intrancé  d'aller 
visiter  la  maison  du  Dr  d'O...  Le  médium  dit  qu'il  voit  deux  dames, 
dont  une  jeune  fille,  lisant  un  livre  :  le  Diable  à  la  cour.  Il  décrit  la 
pièce,  une  salle  à  manger  avec  deux  vases  dont  il  donne  la  forme, 
et  un  piano3. 

M-  Melvil  Roux,  architecte,  raconte  qu'il  eut  l'occasion  de  voir 
une  femme,  d'une  soixantaine  d'années,  domestique,  magnétisée 
par  M.  Salles,  libraire  à  Nîmes.  Trois  années  auparavant,  M.  Roux, 
comme  architecte,  avait  été  chargé  de  faire  des  réparations  au 

1.  Enigmas  of  psychical  Research,  Boston,  1906,  274. 

2.  Lucidité  et  intuition,  Etude  expérimentale,  Paris,  Alcan,  s.  d. 

3.  A.  S.  P.,  1905.  XV,  707. 


CRYPTESTHÉS1Ë    DANS    L'HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME       145 

caveau  funéraire  du  collège  d'Alais.  Le  sujet  de  M.  Salles  décrivit 
exactement  le  caveau,  et  malgré  sa  frayeur  regarda  :  elle  dit  tout 
d'abord  :  «  Il  y  a  de  la  neige  »  (c'était  de  la  chaux)  ;  puis  dit  qu'il  y 
avait  des  vêtements  sacerdotaux.  Elle  lut  même  quelques  mots1. 

Dariex  cite  le  cas  de  lucidité  d'une  femme  nommée  Marie.  La 
personne  qui  la  magnétise  lui  a  mentalement  donné  maintes  fois 
des  ordres  qui  furent  exécutés.  Un  jour,  est  cachée  une  montre  dans 
la  bibliothèque.  Elle  va  à  la  bibliothèque,  se  précipite  sur  les  livres, 
et  saisit  la  montre,  toute  joyeuse.  C'était  Tordre  mental  qui  lui 
avait  été  donné.  Une  autre  fois,  conformément  encore  à  l'ordre 
donné  mentalement,  elle  va  chercher  un  verre,  y  met  de  l'eau  avec 
quelques  gouttes  d'eau  de  Cologne. 

En  1850,  alors  que  onze  navires  de  pêche  étaient  partis  de 
Peterhead  pour  chasser  la  baleine,  un  individu  magnétisé  annonça 
que  le  premier  bateau  qui  reviendrait  serait  VHamilton  Ross,  et  que 
le  second  de  ce  bâtiment,  M.  Cardno,  avait,  par  suite  d'uu  accident, 
perdu  quelques  doigts  de  la  main.  Les  deux  faits  étaient  exacts2. 

Un  de  mes  parents,  distingué  magistrat,  m'a  raconté  que  dans 
sa  jeunesse,  étant  étudiant  en  droit,  il  avait  entendu  la  vieille 
bonne  d'uu  de  ses  amis,  mise  en  somnambulisme,  lui  annoncer 
que  le  frère  de  cet  ami,  officier  du  génie,  alors  à  Sébastopol,  était 
blessé  grièvement  au  bras  droit  :  la  nouvelle  était  exacte. 

La  femme  du  major  d'artillerie  de  Colaba,  à  deux  milles  de 
Bombay,  magnétisait  une  indienne,  Ruth,  métisse,  qui  voyait  dans 
un  verre  d'eau,  et  qui  lui  donna  maintes  preuves  de  lucidité.  Avant 
un  grand  tournoi  de  polo,  Ruth  décrivit  un  des  officiers  qui  devait 
prendre  part  au  tournoi,  et  finit  par  nommer  le  capitaine  X... 
annonçant  qu'il  allait  être  mordu  à  la  jambe  par  un  cheval.  Ce  qui 
fu-t  exact.  Une  autre  fois,  devant  le  juge  d'un  canton  (voisin,  Ruth 
décrivit  la  chambre  du  juge,  le  coffret  qui  s'y  trouvait,  et  indiqua 

1.  Flammarion,  loc.  cit.,  329. 

2.  A.  S.  P.,  1891,  I,  270. 

3.  A.  S.  P.,  1893,111,  145. 

Richet.  —  Mélapsycliique-  10 


146  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

que  les  papiers  en  avaient  été  volés  par  un  individu  qu'elle  décrivit, 
que  le  juge  reconnut,  et  dont  la  culpabilité  fut  démontrée. 

Le  Dr  Ferroul,  maire  de  Narbonue  et  député  de  l'Aude,  fit  quel- 
ques expériences  remarquables  de  lucidité  avec  une  jeune  femme 
nommée  Anna  B...  qu'il  mettait  en  état  de  somnambulisme.  Un  fait 
amusant  a  été  à  ce  propos  signalé  par  lui.  Étant  directeur  de  la 
République  Sociale,  journal  socialiste  de  Narbonne,  et  ayant  maille 
à  partir  avec  le  préfet  de  l'Aude,  il  avait  pu  obtenir  par  A . . . ,  hypno- 
tisée, des  renseignements  confidentiels  qu'il  publia  dans  son 
journal.  A  la  suite  de  cette  publication,  le  préfet,  imaginant  que 
cette  révélation  était  due  à  l'indiscrétion  de  deux  agents  du  service 
de  Sûreté,  les  renvoya.  Il  fut  prouvé  alors  qu'ils  étaient  innocents. 
C'est  uniquement  par  la  lucidité  d'ANNA  que  M.  Ferroul  avait  eu 
connaissance  des  faits  qu'il  divulguait  dans  son  journal. 

Des  expériences  très  intéressantes  ont  encore  été  faites  avec  la 
même  Anna,  qui  semblaient  d'abord  établir  nettement  la  vision  à 
travers  les  papiers  opaques.  Un  pli  fut  remis  où  étaient  ces  mots  : 
«  Votre  parti  certainement  se  tue  par  l'asservissement.  »  Ce  papier 
était  dans  une  enveloppe  extérieure,  verte,  opaque,  enfermant  une 
autre  enveloppe  en  papier  anglais  et  recouverte  de  deux  feuilles  de 
papier  quadrillé.  Les  lignes  furent  lues  par  Anna.  Grasset,  l'éminent 
professeur  de  la  Faculté  de  Médecine  de  Montpellier,  donna  ensuite 
à  Ferroul  une  autre  enveloppe  opaque  contenant  deux  vers  qui 
furent  en  une  minute  lus  par  Anna1. 

Il  y  eut,  cependant,  après  cette  expérience,  qui  paraissait  décisive 
à  Grasset,  une  expérience  négative.  Une  commission  fut  nommée, 
et  le  succès  fut  nul.  Mais  on  sait  qu'en  général,  pour  des  raisons 
diverses,  les  commissions  scientifiques  ne  peuvent  arriver  que 
rarement  à  des  conclusions  formelles.  Néanmoins  un  grave  doute 
persiste  pour  les  expériences  du  Dr  Ferhoul  avec  Anna  B.... 

Les  corps  peuvent  être  plus  opaques  encore,  sans  que  la  vision 
soit  interceptée.  Mon  savant  ami,  Abelous,  professeur  de  physio- 
logie à  la  Faculté  de  Montpellier,  plaça  dans  une  boîte  d'un  bois 
épais,  à  côté  de  deux  plaques  photographiques,  non  impressionnées, 

i.A.  S.  P.,  1896,  VI,  U5. 


CRYPTESTHES1E    DANS    L  HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME      147 

une  enveloppe  blanche  fermée  par  un  cachet  de  cire  rouge.  Sous  la 
pression  du  cachet  la  cire  avait  fusé  tout  autour  en  formant  des 
bavures  rouges.  Un  jeune  homme,  sensitif,  hypnotisé  par  le 
Dr  Marques,  vit  quelque  chose  de  rond  et  de  rouge  qui  semble  dégager 
des  rayons.  En  une  autre  boîte,  Abelous  avait  mis  dans  un  écrin 
la  médaille  du  professeur  Grasset.  Le  voyant  dit  que  c'était  «  une 
médaille  représentant  une  physionomie  d'homme,  avec  une  barbe  et 
des  cheveux  emmêlés  ».  C'était  assez  caractéristique  de  l'image  du 
professeur  Grasset.  Il  n'est  pas  probable  qu'il  s'agit  là  d'une  hyper- 
acuité  rétinienne.  Il  semble  que  nous  soyons  en  présence  d'une 
faculté  nouvelle,  inconnue  l; 

Le  Rév.  Lefroy,  ne  croyant  nullement  à  la  lucidité,  fait  une  expé- 
rience avec  Miss  X...  à  Zermatt.  Il  écrit  le  mot  Heautontimoroumenos 
sur  un  bout  de  papier  que  Miss  X...  ne  peut  pas  voir.  Elle  dit  : 
«  C'est  un  mot  très  long-,  il  y  a  deux  M,  cela  commence  par  un  H.  » 
Alors  M.  Lefroy  essaie  des  mots  plus  simples,  il  écrit  Ink  et 
Miss  X...  dit  :  «  Ink  ».  Il  écrit  Toy  et  Miss  X...  dit  :  «  Yot  »2. 

Le  D1  Terrien,  président  de  la  Société  de  médecine  de  Nantes,  va 
voir  un  malade  à  Chauché  à  8  kilomètres  de  la  ville  qu'il  habi- 
tait. Là  divers  malades  le  retiennent,  entre  autres  un  enfant  qui  en 
tombant  d'une  échelle  s'était  blessé  au  genou.  Tout  cela  fut  dit 
par  une  jeune  fille  de  quatorze  ans,  qui  travaillait  à  la  couture 
chez  Mad.  Terrien,  et  qui  avait  des  accès  de  somnambulisme3. 

M.  Adamson,  qui  occupe  une  position  élevée  dans  l'administration 
de  l'Australie  du  Sud  \  ayant  perdu  un  porte-crayon  auquel  il  atta- 
chait grand  prix,  interroge  une  jeune  fille  présumée  clairvoyante, 
qui  lui  déclare  que  l'objet  a  été  trouvé  sur  la  grand'route  et  que 
quelqu'un  l'a  ramassé,  mis  dans  une  boîte.  Elle  décrit  la  maison  et 

1.  Sur  une  observation  de  vision  extra-sensorielle,  Mélanges  biologiques  pour  le 
jubilé  de  Ch.  Richet,  Paris,  Alcan,  1913,  1-5. 

2.  Phantasms  of  the  Living,  II,  1885,  655. 

3.  Essai  d'interprétation  d'un  cas  curieux  de  vision  et  d'audition  à  grande  dis- 
tance chez  une  hystérique  de  quatorze  ans  durant  l'état  de  somnambulisme . 
(A.  S.  P.,  juillet  1914,  XXIV,  198-203). 

4.  A.  S.  P.,  1891,  I,  159. 


148  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

l'aspect  de  la  personne  ayant  trouvé  l'objet.  En  réalité  ce  porte- 
crayon  fut  rapporté  le  lendemain  ;  mais  tous  les  détails  sur  la 
maison,  la  forme  et  la  découverte  du  porte-crayon,  puis  sa  mise 
dans  une  boîte,  furent  reconnus  exacts. 

Le  Dr  Osty  a  étudié  dans  les  plus  grands  détails  un  cas  admirable 
de  cryptesthésie,  un  des  plus  complets  qu'on  ait  encore  pu  cons- 
tater. Mais,  par  suite  de  diverses  circonstances,  on  ne  peut  donner 
les  noms.  Je  prendrai  donc  des  pseudonymes,  et  changerai  les  dates 
et  les  lieux. 

Le  23  septembre  1919,  M.  Nicolas  Cordier,  conseiller  municipal, 
célibataire,  possesseur  d'une  assez  grande  fortune,  adonné  aux 
recherches  botaniques,  part  pour  aller  faire  une  excursion  botanique 
dans  les  montagnes  des  Vosges  :  mais  le  soir  il  ne  rentre  pas  chez 
lui.  Sa  mère  et  les  parents  qui  demeurent  avec  lui  s'inquiètent  : 
toute  la  nuit  du  23  au  24  on  cherche  à  avoir  des  détails  sur  son 
excursion.  Le  lendemain  matin  on  ne  le  revoit  pas.  Ou  sait  seule- 
ment qu'à  3  heures  deux  passants  Font  aperçu  dans  la  montagne, 
en  une  région  accidentée,  et  relativement  dangereuse.  Alors  on 
fait  des  recherches  plus  actives  ;  non  seulement  la  police,  mais 
encore  des  soldats  du  régiment  voisin  explorent  les  ravins,  les  val- 
lons abrupts  ;  on  ne  trouve  aucun  indice.  Les  journaux  de  la 
localité,  et  même  les  journaux  de  Paris,  mentionnent  la  dispari- 
tion deM.  Cordier.  Safamillepromet  unerécompense  de  5.000  francs 
à  celui  qui  pourra  découvrir  le  corps,  et  les  recherches,  assidues, 
persistantes,  continuent  du  23  septembre  au  7  octobre. 

Le  7  octobre,  en  désespoir  de  cause,  le  frère  de  M.  Cordier  adresse 
une  lettre  au  Dr  Osty,  en  le  priant  d'essayer  la  clairvoyance  de 
quelque  somnambule.  M.  Osty,  averti  par  un  télégramme,  est  à 
peine  au  courant  des  conditions  dans  lesquelles  M.  Cordier  a  dis- 
paru. On  lui  envoie  quelques  vêtements  habituels  de  M.  Cordier; 
il  prend  simplement  une  jarretelle,  et,  sans  autre  objet,  sans 
donner  la  moindre  indication  sur  la  personne  et  sa  disparition, 
met  la  jarretelle  entre  les  mains  deMad.  M. ..,  endormie.  Mad.  M... 
tout  de  suite  dit  qu'il  s'agit  de  quelqu'un,  qu'elle  décrit  assez  exacte- 
ment, qui  a  été  dans  la  montagne,  qui  avait  des  touffes  d'herbes 
à  la  main,  et  qui  a  été  précipité  dans  un  ravin  qu'elle  décrit, 


CRTPTESTHÉSIE    DANS    L'HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME      140 

en  mentionnant  un  lac,  et  en  fournissant  quelques  indica- 
tions. 

Nouvelles  indications  plus  précises  le  8  octobre,  et  enfin,  le 
9  octobre,  grâce  aux  renseignements  donnés  par  Mad.  M...  au 
D'  Osty,  et  transmis  par  M.  Osty  au  frère  de  M.  Cordier,  on  retrouve 
le  cadavre  fracassé  de  M.  Nicolas  Cordier. 

D'autres  détails,  très  exacts,  ont  été  donnés,  que  je  ne  puis  indi- 
quer ici.  Il  mesuffitde  constater  qu'il  est  absolument  impossible  que 
Mad.  M...  ait  pu,  par  la  voie  normale  de  la  connaissance,  savoir  : 
1°  qu'il  s'agissait  de  M.  Cordier  ;  2°  qu'il  avait  été  dans  la  montagne; 
3°  en  quel  endroit  précis  il  était  tombé. 

La  prime  de  5.000  francs  n'a  été  attribuée  à  personne,  puisque 
c'est  la  famille,  qui,  guidée  par  les  indications  de  M.  Osty,  a  fait  la 
recherche  et  la  découverte  du  corps.  Je  ne  sais  pas  si  Mad.  M... 
qui  y  avait  cependant  quelques  droits,  a  touché  cette  prime. 

M.  Suhr  cite  le  cas  d'un  sieur  Balle1  magnétisé  par  Hansen,  un 
avocat  de  Copenhague.  M.  Balle,  hypnotisé,  fait  un  voyage  (imagi- 
naire) pour  aller  retrouver  la  mère  de  M.  Suhr  à  Roeskilde.  Balle 
la  voit  légèrement  malade,  au  lit,  dans  la  rue  Skromagerstrade. 
M.  Suhr  croit  que  c'est  une  double  erreur,  mais  il  a  été  prouvé  que 
la  mère  de  M.  Suhr,  contrairement  à  toute  prévision,  était  malade 
rue  Skromagerstrade.  M.  Balle  n'avait  jamais  été  à  Roeskilde. 
Deux  autres  cas  de  clairvoyance  ont  été  donnés  par  M.  Balle. 

Voici  un  très  beau  fait  de  cryptesthésie  somnambulique  qui 
vient  de  m'être  adressé  par  Madame  D...  une  femme  de  haute  élé- 
vation morale  et  de  grande  intelligence. 

Mad.  D...  va,  pour  la  première  fois  de  sa  vie,  en  compagnie  de  sa 
fille,  Mad.  R...,  consulter  une  somnambule  (qui  ne  peut  savoir  son 
nom),  à  propos  d'un  vol  qui  vient  de  lui  être  fait.  La  somnambule 
lui  dit  :  «  C'est  le  nom  d'un  mort  qui  a  servi  à  pénétrer  chez  vous,  et 
quel  mort  !  Un  vrai  héros,  extraordinairement  courageux,  et  qui  a  fait 
plus  que  son  devoir.  Il  s'est  sacrifié  pour  un  autre.  »  Tout  cela  était 
absolument  exact;  dépassant  debeaucoup  soit  le  hasard,  soit  la  saga- 

1.  Cité  par  H.  Sidgwick  (P.  S.  P.  R.,  VII,  1892,  366. 


150  MËTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

cité.  Le  fils  de  Mad.  D...  avait  été  mortellement  blessé  au  Bois  de  la 
Caillette,  en  se  portant,  sous  un  affreux  bombardement,  au  secours 
d'un  de  ses  hommes,  blessé.  En  1919,  le  jour  anniversaire  de  cette 
mort  glorieuse,  un  individu  s'était  introduit  chez  Mad.  D...,  en  se 
disantl'ami  de  Marcel  D...,  le  fils  de  Mad.  D...,  et  il  avait  dérobé, 
en  attendant  Mad.  D...,  un  tableau,  un  Corot,  auquel  Mad.  D... 
attachait  un  grand  prix.  • 

La  lucidité  de  la  somnambule  a  été  plus  loin  encore,  jusqu'à  la 
prémonition.  Elle  a  dit  que  le  tableau  était  un  paysage,  que  le 
voleur  avait  donné  son  nom,  et  que  le  tableau  serait  rapportée 
Mad.  D...  :  car  c'est  le  mort  qui  l'a  voulu.  Et  en  effet,  ce  qui  est  bien 
singulier,  le  voleur  avait  donné  son  véritable  nom,  et  le  lendemain 
il  faisait  rapporter  chez  Mad.  D...  le  tableau  volé. 

Dans  le  grand  hypnotisme  spontané  de  Charcot  (qui  est  la  mani- 
festation d'une  attaque  d'hystérie)  il  y  a  eu  parfois  accès  de  lucidité 
et  de  cryptesthésie.  Les  faits  de  voyance  allégués  dans  les  vies  des 
saints  se  rapportent  le  plus  souvent'à  leurs  périodes  de  crises  ou 
d'extases,  quelle  que  soit  la  forme  que  prenne  l'accès  (catalepsie, 
léthargie,  convulsions).  Les  démoniaques  qui  parlaient  des  langues 
inconnues  (?),  qui  devinaient  les  pensées  de  leurs  interlocuteurs  (?), 
nous  fourniraient  l'occasion  de  citations  nombreuses.  Mais  il  y 
avait  tant  de  crédulité  et  d'aveuglement  chez  les  juges  qu'on  ne 
peut  guère,  scientifiquement,  en  faire  état. 

Voici,  à  cet  égard,  une  observation  plus  moderne  due  au 
Dr  Fanton1.  A  Marseille,  il  reçoit  de  M.  X...  habitant  Genève, 
une  lettre  dans  laquelle  M.  X...  lui  annonce  son  retour.  En  même 
temps,  M.  Fanton  est  appelé  auprès  de  Mad.  X...  habitant  Mar- 
seille et  en  proie  à  une  violente  attaque  hystéro-cataleptique.  Dès 
l'entrée  de  M.  Fanton,  Mad.  X...  lui  dit  :  «  Vous  mangiez  de  l'ome- 
lette et  vous  faites  dire  que  vous  n'êtes  pas  chez  vous!  »  ce  qui  était 
exact.  Mad.  X^..  ajoute  :  «  Mon  mari  vous  a  envoyé  un  télégramme 
et  vous  dit  qu'il  arrive,  mais  il  n'arrivera  pas,  car  il  s'endort  dans  le 
train  ». 

Cependant  Mad.  X...  ne  pouvait  rien  savoir,  ni  de  l'omelette,  ni 

1.  A.  S.  P.,  décembre  1910. 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    L'HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME      loi 

du  télégramme  de  M.  X...,  ni  surtout  du  fait  singulier,  qui  s'est 
vérifié  (prémonition),  que  M.  X...  s'endormirait  dans  le  train  (à 
Culoz). 

J'ai  rapporté  une  expérience  de  lucidité  remarquable  obtenue 
par  moi  il  y  a  très  longtemps.  Elle  m'a  énormément  frappé.  Et, 
pendant  près  de  trente  ans,  je  n'ai  rien  pu  obtenir  de  semblable. 
Etant  très  jeune  étudiant,  à  l'Hôtel-Dieu,  je  magnétisais  une  jeune 
fille  convalescente,  mais  qui  était  encore  à  l'hôpital.  Un  jour 
j'amène  avec  moi  un  de  mes  camarades,  étudiant  américain,  qui 
n'était  jamais  venu  à  l'Hôtel-Dieu  encore,  et  [je  dis  à  T...  endormie  : 
«  Connaissez-vous  le  nom  de  mon  ami^.  »  Elle  se  met  à  rire.  Alors  je 
dis  :  «  Regardez...  quelle  est  la  -première  lettre  de  son  nom1?  »  — 
«  II  y  a  cinq  lettres,  dit-elle,  la  première  est  H,  puis  E,  je  ne  vois  pas 
la  troisième,  la  quatrième  est  R,  et  la  cinquième  N.  »  —  Mon  cama- 
rade s'appelait  Hearn1. 

J'ai  fait  avec  certains  sujets  hypnotisés,  en  particulier  avec  Alice, 
des  expériences  de  voyage,  comme  agissaient  les  anciens  magné- 
tiseurs avec  leurs  sujets,  et  parfois  le  succès  fut  étonnant. 

Alice  va  visiter  la  maison  de  M.  C...,  au  Mans,  maison  que 
je  ne  connais  pas,  mais  que  connaît  très  bien  M.  P.  Renouard,  pré- 
sent à  la  séance.  Elle  voit  un  jardin  avec  des  murs  et  une  balan- 
çoire (détail  exact,  mais  que  P.  Renouard  ignorait,  car  la  balan- 
çoire avait  été  mise  depuis  qu'il  avait  été  au  Mans).  Elle  voit 
une  pendule  à  colonnes,  qu'elle  décrit  assez  exactement  pour 
que  je  puisse  faire  le  dessin.  Après  ce  dessin  (voy.  plus  loin  fig.  2 
et  3,  p.  152),  P.  Renouard  dessine  la  pendule  qui  se  trouve  réelle- 
ment dans  le  salon  de  M.  G... 

Un  autre  jour,  Alice  décrit  la  maison  du  Dr  P.  Rondeau  (qui 
est  présent).  Sur  la  cheminée  des  draperies,  un  cadran,  un  person- 
nage appuyé  sur  le  bois,  qui  regarde  le  cadran,  et  dont  on  voit  l'épaule. 
Un  grand  tab.leau,  qui  représente  un  paysage.  Entre  la  ville  et  la  mer, 
quelque  chose  de  pointu,  comme  une  tourelle  ou  le  toit  d'une  église... 
De  fait,  dans  la  maison  de  campagne  de  M.  Rondeau,  qu'AncE  n'a 
jamais  vue  ni  pu  voir,  il  y  a  une  cheminée  et  une  statue  (Pénélope) 

1.  Phant.  of  the  Living,  II,  1886,  665. 


152 


METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 


dont  l'épaule  est  en  saillie  et  dont  la  tête  est  tournée  vers  le  cadran. 
Le  tableau  est  une  copie  d'un  tableau  de  Canaletti  qui  représente 


Fig.  2.  —  Pendule  que  je  dessine  grossièrement 
(d'après  les  indications  d'AucE). 


Venise.  Au  premier  plan  le  canal,  au  second  plan  se  détache  l'église 
San  Georgio  Maggiore. 


^vr—sss---^"» 


«*u 


Fig.  3.  —  Pendule  réelle  de  la  maison  de  M.  C...,  dessinée 
par  Pli,  Renouàrd. 


Certains  faits  de  lucidité  m'ont  été  donnés  par  Léonie  B..1,  très 

d.  Léonie  B...  est  celte  personne  avec  laquelle  le  Dr  Gibkht  du  Havre,  et  Pierre 
Janet,  ont  essayé  de  prouver  qu'on  peut  provoquer  le  sommeil  à  distance. 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    L'HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME     153 

rarement  d'ailleurs,  encore  que  j'aie  beaucoup  expérimenté  avec 
elle. 

Un  jour,  Pierre  Janet  lui  fait  faire,  quand  elle  était  au  Havre,  un 
voyage,  dans  le  seus  que  les  anciens  magnétiseurs  attachaient  au  mot 
voyage.  Elle  va  (dans  son  rêve  hypnotique)  à  Paris,  —  M.  Gibert 
étant  parti  pour  Paris  où  j'étais  alors,  —  pour  me  voir,  et  voir 
M.  'Gibert.  Tout  d'un  coup,  elle  dit  :  «  Ça  brûle  ».  P.  Janet  essaye  de 
la  calmer.  Elle  se  rendort  et  se  réveille  de  nouveau  en  disant  : 
«  Mais,  M.  Janet,  je  vous  assure  que  ça  brûle  ». 

Eu  effet,  à  6  heures  du  matin,  quelques  heures  auparavant, 
mou  laboratoire  de  la  rue  Vauquelin  était,  le  15  novembre,  détruit 
par  un  incendie.  Janet  avait  endormi  Léonie  ce  même  jour,  à 
17  heures,  et  à  cette  heure-là  personne  au  Havre  ne  pouvait  con- 
naître l'incendie1. 

Léonie  m'a  donné  un  jour  un  magnifique  exemple  de  lucidité, 
encore  qu'il  ne  s'agisse  que  d'une  lucidité  accidentelle  plutôt 
qu'expérimentale,  et  que  les  détails  donnés  par  elle  portent  sur 
des  faits  minuscules.  Expérimentant  un  soir  avec  elle,  sans  aucun 
succès  d'ailleurs,  sur  les  cartes  et  les  chiffres,  je  lui  parle  de  mon 
ami  J.-P.  Langlois,  et  je  lui  demande  :  «  Qu  est-ce  qui  lui  est  arrivé, 
à  M.  Langlois?  »  Alors,  très  vite,  elle  me  dit  (peu  respectueusement)  : 
«  Il  s'est  brûlé  la  patte.  Pourquoi  ne  fait-il  pas  attention  quand  il  verse  ? 
—  Quand  il  verse,  quoi?  —  Une  liqueur  rouge  dans  un  petit  flacon...  Sa 
peau  a  soufflé  tout  de  suite.  »  Or  rien  n'était  plus  exact.  Deux  heures 
auparavant,  en  préparant  une  solution  d'hypobromite  de  soude, 
J.-P.  Langlois,  qui  était  mon  chef  de  laboratoire,  avait  versé  trop 
rapidement  du  brome  (liqueur  rouge)  qui  s'était  répandu  sur  sa 
main  et  sur  sou  avant-bras.  La  brûlure  instantanée  avait  provoqué 
immédiatement  la  formation  d'une  phlyctène  assez  étendue.  Or 
Léonie  n'avait  pu  aller  au  laboratoire,  et  personne,  venant  du  labo- 
ratoire, n'était  venu  chez  moi.  J'étais  alors  seul  à  Paris,  et  je  n'avais 
rien  dit  à  qui  que  ce  soit  de  ce  petit  accident  survenu  deux  heures 
auparavant. 

1.  A  propos  de  cet  incendie,  il  y  a  eu  deux  prémonitions  bien  intéressantes 
(prémonitions  ou  monitions  :  car  l'heure  du  rêve  n*est  pas  déterminée).  Dans  cette 
nuit  du  14  au  15  novembre,  mes  deux  plus  intimes  amis,  H.  Ferrari  et  J.  Héri- 
coort,  ont  rêvé  l'un  et  l'autre,  indépendamment  l'un  de  l'autre,  qu'il  y  avait  de 
grandes  llammes,  et  le  feu. 


154  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Le  Dr  Bagkmann  (de  Kalmar,  Suède)  a  observé  une  jeune  fille, 
Alma  L...,  servante  chez  lui,  qui  lui  a  donné  de  fréquents  exemples 
de  lucidité  en  sommeil  hypnotique1.  Dans  un  cas  très  intéressant, 
et  qui  semble  indiquer  plus  que  de  la  lucidité,  Alma  est  priée 
d'aller  chez  le  directeur  général  du  pilotage,  à  Stockholm  où  elle 
n'avait  jamais  été.  Elle  voit  le  directeur  assis  devant  sa  table  à 
écrire  et  décrit  exactement  la  chambre  où  il  se  trouve.  Alors  on 
donne  à  Alma  Tordre  formel  de  saisir  le  trousseau  de  clefs  qu'ALMA 
avait  vu  sur  la  table,  de  serrer  les  clefs,  et  de  mettre  son  autre 
main  sur  l'épaule  du  directeur  pour  attirer  son  attention.  Alma 
déclare  que  le  directeur  général  faisait  attention  à  elle.  Le  direc- 
teur, qui  n'avait  pas  la  moindre  idée  qu'on  faisait  sur  lui  une  expé- 
rience, dit  plus  tard  qu'il  avait  ressenti  quelque  chose  de  singulier 
au  jour  et  à  l'heure  en  question.  Il  était  assis,  occupé  à  un  travail, 
quand,  sans  aucune  espèce  de  raison,  ses  yeux  tombèrent  sur  le 
trousseau  de  clefs,  posé  près  de  lui  sur  la  table,  et  cependant  il 
n'avait  jamais  eu  l'habitude  de  les  poser  là.  Il  entrevit  alors  comme 
une  forme  de  femme.  Pensant  que  c'était  la  femme  de  chambre, 
il  n'y  attacha  pas  d'importance.  Mais,  le  fait  se  répétant,  il  appela 
et  se  leva  pour  voir  ce  qui  se  passait.  Or,  personne,  ni  sa  servante, 
ni  aucune  femme,  n'était  venu  dans  la  chambre.  Il  n'observa  d'ail- 
leurs aucun  bruit,  ni  aucun  mouvement  venant  du  trousseau  de 
clefs. 

Un  individu  ayant  été  arrêté  pour  un  meurtre,  un  des  sujets  du 
Dr  Backmann,  Agda  Olsen,  décrivit  très  exactement  la  maison  où  le 
crime  avait  été  commis,  et,  quoique  n'ayant  jamais  vu  le  meur- 
trier, elle  dit  que  celui-ci  avait  une  cicatrice  à  la  main  droite. 
Le  constable  de  Kalmar,  M.  Ljung,  qui  avait  interrogé  l'assas- 
sin, n'avait  pas  d'abord  constaté  de  cicatrice,  et  c'est  après  que  le 
Dr  Backmann  le  lui  eût  dit  qu'il  a  vérifié  qu'en  effet  cet  individu, 
à  la  suite  d'un  ancien  abcès,  disait-il,  avait  une  cicatrice  à  la  main 
droite. 

Alma  ayant  donné  de  notables  preuves  de  lucidité,  je  résolus,  avec 
Fr.  et  A.  Myers,  d'aller  à  Kalmar,  pour  faire  quelques  expériences 
avec  elle.  Voici  le  cas  intéressant  de  lucidité  qu'elle  me  présenta, 

1.  A.  S.  P.,  1892,  II,  98. 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    l'hYPNOTISMK    ET   LE    SOMNAMBULISME      155 

tel  qu'il  a  été  raconté  par  Fr.  Myers,  dont  la  sagacité  et  la  perspi- 
cacité étaient  irréprochables  l. 

«  M.  Richet  me  remit  une  lettre  qu'il  venait  de  recevoir,  et  que 
je  ne  connaissais  pas,  et  sortit  de  la  pièce  où  Alma,  hypnotisée,  était 
interrogée  par  le  Dr  Backmann.  Alma  dit  :  «  L'auteur  de  cette  lettre 
exprime  un  désir.  Il  est  question  de  quelque  chose  en  métal;  l'objet  de 
métal  peut  s'ouvrir  et  se  fermer.  C'est  une  qtiestion  de  temps  et  d'oppor- 
tunité. C'est  quelque  chose  de  scientifique  qui  sera  déterminé.  »  Or, 
cette  lettre  était  de  V.  Tatin  avec  qui  j'expérimentais  en  ce  moment 
(avril  1891)  sur  les  aéroplanes.  Il  était  dit  dans  cette  lettre  :  «  Nous 
avons  essayé  la  petite  machine;  elle  tournait  toujours  du  même  côté. 
Nous  avons  eu  un  temps  satisfaisant.  Le  fonctionnement  des  lames 
était  parfait.  » 

Il  va  de  soi  que  je  n'avais  jamais  parlé  à  M.  Backmann  de  mes 
essais  d'aviation  (1891),  tenus  par  moi  extrêmement  secrets. 

Évidemment  la  réponse  d'ALMA  n'est  qu'un  succès  incomplet  : 
pourtant  il  est  difficile  de  n'y  voir  qu'une  simple  coïncidence. 
Mais  Alma,  par  le  fait  de  notre  présence  sans  doute,  était  alors  dans 
un  état  d'assez  grande  émotion.  Lorsqu'elle  était  seule  avec  le 
Dr  Backmann,  elle  était  peut-être  plus  lucide.  Elle  a  lu  une  fois  la 
première  lettre  H  du  mot  écrit  par  le  Dr  Kjelmann,  dans  la  salle 
voisine,  une  autre  fois,  le  mot  écrit  étant  Land  (pays)  elle  a  dit  : 
la  première  lettre  M,  la  seconde  A,  la  troisième  R  ou  iVet  le  mot 
suggère  l'idée  de  printemps.  Ce  n'est  pas  très  démonstratif,  mais 
on  verra  bientôt,  en  étudiant  les  magnifiques  cryptesthésies  de 
Mad.  Piper,  que  la  lucidité  peut  aller  beaucoup  plus  loin. 

Les  preuves  de  lucidité  données  par  la  reproduction  ou  la  des- 
cription des  dessins  enfermés  dans  des  enveloppes  opaques,  sont 
de  très  grand  intérêt  :  elles  ont  maintes  fois  conduit  à  des  résul- 
tats remarquables.  Mais  là,  plus  que  pour  toutes  autres  épreuves 
de  lucidité  peut-être,  il  faut  se  mettre  en  garde  contre  deux  causes 
d'erreurs  possibles  : 

A.  Une  inconsciente  assistance  donnée  au  sujet  lucide; 

B.  La  possibilité  d'une  coïncidence  fortuite. 

1.  Fr.  Mveus,  Notes  sur  une  visite  à  Kalmar,  A.  S.  P.,  1892,  II,  160. 


156  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

A.  Il  faut  s'abstenir,  quand  on  connaît  le  dessin  enfermé,  de  tout 
signe  d'approbation  ou  d'impatience.  C'est  très  difficile.  Eu  effet, 
quand  on  voit  le  sujet  pendant  une  heure,  deux  heures,  et  parfois 
davantage,  tâtonner,  questionner,  hésiter  douloureusement,  on  est 
tenté  d'en  avoir  pitié,  et  naïvement  de  l'aider  pour  que  l'expé- 
rience réussisse.  Il  est  pourtant  nécessaire  de  rester  absolument 
impassible.  Ou  n'arrive  qu'à  grand'peine  au  mutisme  absolu,  à 
l'immobilité  absolue  ;  car  on  est  tenté  de  renforcer  les  bons  résul- 
tats, de  corriger  les  mauvais.  On  se  tait  dans  un  silence  désap- 
probateur quand  le  sujet  est  en  mauvaise  voie  :  on  l'encourage 
à  continuer  quand  il  est  en  bonne  voie.  J'en  parle  par  expé- 
rience. Ce  n'est  pas  sans  de  longues  études  qu'on  peut  arriver, 
imparfaitement  peut-être,  à  cette  glaciale  impassibilité.  Et  je 
suppose  que  les  personnes  moins  expérimentées  que  moi  ne  pour- 
raient pas  toutes  et  toujours  garder  la  même  attitude  silencieuse  et 
impartiale. 

Aussi  le  meilleur  moyen  pour  obtenir,  dans  ces  épreuves  de  luci- 
dité, des  expériences  irréprochables,  me  paraît-il  être  d'ignorer 
totalement  quel  est  le  dessin  enfermé  dans  l'enveloppe.  Il  est  vrai 
qu'on  exclut  ainsi  la  transmission  mentale,  et  qu'il  ne  reste  plus 
d'autre  explication  du  succès  que  la  cryptesthésie  non  télépa- 
thique.  Mais,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  la  transmission  mentale  n'est 
qu'un  cas  particulier  de  la  lucidité,  et  je  serais  disposé  à  croire 
que,  si  l'on  paraît  réussir  mieux  avec  la  transmission  mentale 
qu'avec  la  lucidité  sans  transmission  mentale,  c'est  bien  souvent 
parce  que,  connaissant  la  réponse  qu'on  veut  obtenir,  on  opère 
avec  moins  de  rigueur. 

B.  L'hypothèse  du  hasard  et  de  la  coïncideuce  fortuite,  malgré  la 
parfaite  similitude  entre  le  dessin  enfermé  et  le  dessin  reproduit, 
n'est  pas  négligeable. 

Voici  à  cet  égard  une  constatation  instructive.  J'avais  fait  deviner 
aux  divers  sujets  sur  qui  je  tentais  des  essais  de  lucidité  environ 
180  dessins  *.  Sur  ces  180  dessins,  j'ai  eu  maints  échecs;  mais, 

1.  Je  ne  donne  pas  ici  le  détail  de  ces  expériences,  et  je  me  contente  de  résu- 
mer ici  le  mémoire  qui  a  paru  dans  P.  S.  P.  R.,  1888,  XII,  18-168.  Relation  de 
diverses  expériences  sur  la  transmission  mentale,  la  lucidité,  et  autres  phéno- 
mènes non  explicables  par  les  données  scientifiques  actuelles. 


CRYPTESTHKSIE    DANS    L'HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME     157 

somme  toute,  20  succès,  dont  quelques-uns  absolument  remar- 
quables. 

Alors  j'ai,  par  une  série  de  combinaisons,  dans  le  sens  des  com- 
binaisons mathématiques,  associé  ces  dessins  les  uns  aux  autres,  et 
je  suis  arrivé  à  réaliser  ainsi  5.408  tirages  dans  lesquels,  pour  l'as- 
sociation de  deux  dessins  quelconques,  le  hasard  était  seul  en 
cause.  Le  nombre  des  succès  a  été  192,  et  sur  -ces  192  il  y  en  eut 
10  qui  étaient  tout  à  fait  remarquables  comme  identité.  Par  consé- 
quent le  hasard  m'a  donné  (pour  100  épreuves),  3,5  succès  :  et  la 
lucidité  12.  La  différence  est  notable,  mais  moins  grande  qu'on 
n'eût  pu  le  supposer  a  priori. 

Remarquons  d'ailleurs  qu'à  ces  expériences  il  est  presque  impos- 
sible d'appliquer  rigoureusement  le  calcul  des  probabilités,  car, 
pour  juger  si  un  dessin  a  été  plus  ou  moins  exactement  reproduit, 
l'appréciatiou  d'un  échec  ou  d'un  succès  est  éminemment  arbi- 
traire, tandis  que,  si,  au  lieu  de  prendre  des  dessins,  on  prend 
des  cartes  à  jouer  ou  des  nombres,  la  probabilité  se  calcule  faci- 
lement. 

D'ailleurs,  on  pourra  juger  tout  à  l'heure  à  quel  point  il  est  diffi- 
cile d'admettre  le  hasard  pour  quelques-uns  des  succès. 

Je  ne  peux,  bien  entendu,  citer  toutes  mes  expériences  relatives 
aux  dessins,  ni  reproduire  tous  les  dessins,  ce  qui  serait  pourtant 
presque  nécessaire. 

Alice,  qui  n'est  pas  un  médium  professionnel,  et  qui  n'a 
jamais  été  endormie  que  par  moi,  m'a  donné  de  très  beaux  cas  de 
lucidité. 

Un  jour,  ayant  fait  chez  lui,  pour  le  soumettre  à  Alice,  devant 
moi,  un  dessin,  J.  Héricourt  a  choisi  un  passe-partout  de  photogra- 
phie ayant  la  forme  suivante  (fig.  4,  p.  158). 

Alice  dit  :  «  C'est  un  médaillon,  un  ovale  dans  le  cadre,  une  tête 
d'homme.  Il  a  des  soutaches  transversales  sur  le  devant,  c'est  montant, 
et  cela  ferme.  Il  y  a  six  ou  sept  soutaches  transversales.  Il  n'a  pas  la 
tête  nue,  mais  un  képi.  Ce  képi  a  trois  galons.  Aux  manches  quatre  ga- 
lons, qui  sont  en  bas  de  la  manche,  circulaires.  C'est  la  figure  de 
quelqu'un  qui  est  maigre,  peut-être  assis.  Je  le  reconnais,  mais  je  ne 
peux  pas  dire  qui  c'est.  »  (Fig.  5,  p.  158.) 


158 


MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 


L'expérience  est  admirable,  car  la  ressemblance  est  absolue 
entre  la  description  de  la  photographie  et  la  photographie  dont  le 
cadre  seul  avait  été  dessiné,  et  remis  à  Alice,  en  enveloppe  cachetée. 
Cette  photographie,  qu'HÉRicouRT 
avait  sous  les  yeux  en  dessinant 
le  passe-partout,  est  sa  photogra- 
phie, à  lui,  en  uniforme  mili- 
taire. Alice  ne  l'avait  jamais  vu 
ainsi,  et  ne  savait  pas  qu'il  avait 
été  militaire.  Si  l'on  pouvait  dé- 
duire une  conclusion,  on  dirait 
qu'il  y  a  eu  là  télépathie  et  non 
lucidité.   Alice  a  vu  l'ancienne 


Fig.  4  et  5.  —  Cadre  de  photographie  qui  avait  été  mis  dans  une  enveloppe 
opaque  cachetée,  et  dans  laquelle  Alice  a  vu  la  photographie  suivante  (fig.  5) 
qui  n'était'pas  dans  l'enveloppe,  mais  qui,  chez  M.  Héricourt,  était  placée 
dans  le  cadre.  Il  y  a  donc  eu  deux  cryptesthésies  successives. 


pensée  d'HÉRicooRT,  mais  nullement  le  dessin  qui  était  dans  l'en- 
veloppe. 

Dans  une  autre  expérience  faite  avec  Alice,  était  présent  mon 
éminent  ami  Th.  Ribot,  directeur  de  la  Revue  Philosophique.  Ribot 
avait  apporté  une  photographie  dans  une  enveloppe  opaque.  Je  dis 
à  Alice  qu'il  s'agit  de  la  photographie  d'une  ville. 

Alice  dit  :  «  Ce  n'est  pas  seulement  une  rue  :  c'est  l'ensemble  d'une 
ville.  Ce  que  l'on  voit  le  plus,  c'est  une  grande  maison.  On  a  voulu 
prendre  cette  maison  plutôt  que  le  reste.  Elle  domine  le  reste.  Il  faut 
monter  pour  aller  à  la  maison  et  passer  à  gauche  en  faisant  un  tour,  » 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    L  HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME      159 

Et  la  photographie  (de  la  ville  de  Tolède)  est  tout  à  fait  conforme  à 

cette  description  donnée  par  Alice. 
Le  dessin  suivant  (fig.  6)  (que  j'ignore  absolument)  m'a  été  remis 

par  H.  Ferrari,  qui  n'est  pas 
présent.  L'expérience  est 
sans  défaut;  et  le  résultat 
excellent  (fig.  7).  Tout  com- 
mentaire est  inutile. 

M.  Hanriot  me  remet  un 
dessin  fait  d'un  trait  léger, 
le  papier  est  en  triple  dans 
une  enveloppe  fermée.  J'en 


Fig.  6  et  7.  —  Dessin  donné  par  H.  Ferrari.  Je  l'ignore  absolument.  Ferrari  est 
absent.  Le  dessin  a  été  mis  dans  une  enveloppe  opaque,  et  choisi  parmi  vingt 
enveloppes  opaques. 

Dessin  reproduit  par  Alice.  La  similitude  est  saisissante. 

D'après  les  conditions  irréprochables  de  l'eipérience,  c'est  donc  ou  le  hasard  ou  la  cryptesthésie. 


ignore  absolument  la  nature.  Alice  en  fait  une  description  confuse, 
mais  très  nettement  cette  description  éveille  en  moi  l'idée  d'un 
serpent.  Alice  avait  dit  :  «  Des  ronds  entrelacés  comme  de  petits 
anneaux  le  long  de  la  tige,  comme  une  ancre.  »  Alors  je  pense  à  la 
marque  de  librairie  des  éditions  d'A.-A.  Renouard,  mon  arrière- 
grand-père,  et  je  la  dessine. 

Le  dessin  d'HANRiox  était  l'image  d'un  serpent. 

Le  24  janvier  1888,  je  donne  à  Alice  trois  dessins  que  j'ignore  : 

A.  —  Une  épée  :  elle  dessine  deux  fleurets,  réunis  ensemble. 

B.  —  Un  tambour  :  elle  dit  un  chapeau. 


160  MËTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

C.  —  Un  chapeau  :  elle  ne  dit  rien. 

Eugénie,  somnambule  professionnelle,  qui  souvent  donne  de  bons 


Fig.  8.  —  Dessin  (une  grappe  de  raisin)  mis  dans  une  enveloppe  opaque, 

et  dont  j'ignore  le  contenu. 

Dessin  fait  par  Alice.   Successivement  elle  a  fai t  cim(  dessins  (que  je  ne  donne  pas  ici,  brevi- 
tatis  causa)  s'approchant  de  plus  en  plus  du  résultat  final. 

exemples  de  lucidité,  dit  :  «  C  est  une  tête  de  cheval,  une  petite  tête  de 
mouton  ou  de  bœuf.  » 
Or,  le  dessin  original  représentait  une  silhouette  de  gazelle1. 


Fig.  9. 


Dernier  dessin  donné  par  Alice  pour  la  grappe  de  raisin. 
1.  Experiments  in  Thouqht  transference,  P.  S.  P.  R.,  1888,  XII,  169-216. 


CRYPTESTHÉSIE    DANS    L  HYPNOTISME    ET   LE    SOMNAMBULISME      161 

Mais  je  ne  puis  insister  davantage,  car  il  faudrait  entrer  dans 
trop  de  détails,  hors  de  proportion  avec  les  autres  phéno- 
mènes métapsychiques. 

Ces  expériences  faites  avec  Eugénie  et  Alice  sur  des  dessins  ont 
un  intérêt  tout  spécial,  car  il  ne  peut  pas  être  question  de  télépathie, 
ni  de  transmission  mentale  :  c'est'de  lacryptesthésie.  Si  l'on  suppose 
que  les  rayons  lumineux  peuvent  filtrer  à  travers  les  corps 
opaques,  cette  prodigieuse  hyperesthésie  rétinienne  serait  évidem- 
ment une  modalité  de  la  cryptesthésie. 

Je  ne  citerai  que  ces  six  exemples  : 

DESSINS    ENFERMÉS    DANS    L'ENVELOPPE  DÉSIGNATION 

1°  Une  table.  1°  Un  ovale  avec  un  bâton  (Eugénie). 

2°  Une  ancre.  2°  Une  épée  en  croix  — 

3°  Une  bouteille.  3°  Un  oiseau  avec  une  tête 

et  un  cou  — 

4°  Un  valet  de  cœur.  4°  Une  croix  de  Malte  (Alice). 

5°  Une  épée.  S0  Des  fleurets  — 

6°  Un  chapeau  et  un  tambour.  6°  Un  chapeau  — 

M.  Schmoll  et  M.  Mabire  ont  fait  121  expériences  de  dessins, 
peut-être  dans  des  conditions  moins  rigoureuses,  puisque  le  sujet 
qui  devinait  était  entouré  de  plusieurs  personnes  qui  savaient 
toutes  quelle  était  la  nature  du  dessin  à  reproduire  par  vision 
mentale.  Et  en  outre  ce  dessin  n'était  pas  enfermé  dans  une  enve- 
loppe hermétiquement  opaque  :  mais  le  papier  était  tout  ouvert,  le 
sujet  ayant  le  dos  tourné  et  les  yeux  fermés. 

Les  résultats  ont  été  parfois  excellents.  Sur  121  expériences,  il  y 
eut  6  succès  très  remarquables;  ce  qui  dépasse  la  limite  du  hasard; 
sans  que  cependant  l'excès  soit  bien  considérable. 

B.  —  Conclusions. 

En  étudiant  de  près  ces  exemples  de  cryptesthésie  (que  j'aurais  pu 
rendre  beaucoup  plus  nombreux)  on  en  trouvera  sans  doute  quel- 
ques-uns qu'on  jugera  peu  démonstratifs.  Il  en  est  qui  peuvent  être 
dûs  au  hasard  :  il  en  est  d'autres  qu'explique  une  expérimentation 
défectueuse.  Mais  il  y  en  a  tant  qui  ont  été  si  bien  observés,  et 
avec  tant  de  scrupuleuse  exactitude,  que  le  doute  est  impossible. 

Dans  l'ensemble,  il  est  inadmissible  que  cette  immense  et  répétée 

Richet.  —  Métapgyichque.  \\ 


162  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

erreur  se  soit  prolongée  depuis  près  d'un  siècle,  propagée  par 
des  savants  illustres  de  tous  les  pays,  acceptée  par  des  incrédules, 
soumise  à  des  contrôles  multipliés.  Le  hasard  ne  joue  pas 
dans  les  expériences  un  rôle  assez  considérable  pour  que  des 
probabilités  d'  ———'  d'  in  nnn   interviennent  sans  cesse.  Loin  de 

1.000  10.000 

là.  Nous  nous  mouvons  dans  des  probabilités  bien    plus  fortes. 

1 
L'événement  qui  a  ■■  QQ0  de  probabilité  en  fait  ne  se  produit  pas. 

On  n'a  peut-être  pas  suffisamment  réfléchi  à  ceci  :  c'est  que,  dans 
la  vie  quotidienne,  les  événements  improbables  ne  se  produisent 
que  rarement.  Nous  évoluons  dans  l'enchaînement  de  petits  évé- 
nements très  probables.  Les  visites  que  je  reçois,  les  lettres  qui 
m'arrivent,  les  personnes  que  je  rencontre,  les  nouvelles  qu'on  me 
donne,  ne  sont  que  très  rarement  invraisemblables.  Le  probable  et 
le  vraisemblable  mènent  notre  vie.  C'est  un  truisme  et  une  naïveté 
que  de  le  dire  ;  mais  cependant  il  faut  le  dire. 

De  là,  en  effet,  une  conséquence  qui  s'impose  :  c'est  que  nous  ne 
prévoyons  pas  V invraisemblable.  Donc,  quand,  par  le  fait  de  quelque 
cryptesthésie  monitoire  ou  prémonitoire,  l'invraisemblable  est 
annoncé  et  prévu,  c'est  qu'il  y  a  une  raison  d'être  à  cette  indication. 
Et  cette  raison  d'être,  c'est  l'avertissement  donné  à  notre  inconscience 
par  quelque  vibration  inconnue. 

Pour  prendre,  parmi  des  centaines  de  monitions,  un  exemple 
concret,  M.  Fraser  Harris  voit  par  la  pensée  sa  femme  causant  avec 
un  mendiant  qui  tient  un  balai,  au  moment  même  où  sa  femme 
cause  avec  un  mendiant  tenant  un  balai.  Voilà  un  fait  assez  peu 
probable,  auquel  M.  Harris  n'aurait  certainement  pas  pensé,  si 
quelque  chose  n'avait  pas  provoqué  dans  son  cerveau  cette  image. 
Il  est  absurde  de  dire  :  c'est  le  hasard.  C'est  à  peu  près  comme 
si  l'on  avait  tendu  sur  la  route  une  corde.  Qu'un  bicycliste  vienne  à 
tomber  en  ce  point,  on  ne  dira  jamais  :  c'est  le  hasard  qui  l'a  fait 
tomber.  On  en  conclura  avec  raison  que,  s'il  est  tombé,  c'est  à  cause 
de  la  corde.  Il  n'y  a  pas  d'effet  sans  cause.  Annoncer  un  fait  invrai- 
semblable et  voir  se  réaliser  ce  fait  invraisemblable,  cela  ne  peut 
être  dû  qu'à  la  cryptesthésie,  car,  dans  le  cours  de  notre  existence, 
—  sauf  exception,  bien  entendu  —  nous  ne  prévoyons  pas  l'invrai- 
semblable, et  l'invraisemblable  ne  se  produit  pas . 


CRYPTESTHESIE    DANS    L  HYPNOTISME    ET    LE    SOMNAMBULISME      163 

Si  je  fais  une  expérience  sur  le  poids  atomique  de  l'argent  et. 
que  je  trouve  108,4,  je  ne  vais  pas  attribuer  le  résultat  au  hasard. 
Si  j'interroge  Stella  et  que  je  lui  demande  le  nom  du  fils  de  N...  et 
qu'elle  me  réponde  Jean,  pourquoi  vais-je  dire  :  «  C'est  le  hasard  » 
plus  que  je  ne  l'eusse  dit  pour  avoir  trouvé  108,4  au  poids  atomi- 
que de  l'argent  ? 

Certes,  il  eût  été  préférable,  au  lieu  d'opérer  avec  des  dessins, 
des  voyages,  des  prénoms,  des  événements  quelconques,  d'expéri- 
menter uniquement  avec  des  cartes  ou  des  nombres,  car  les  indi- 
cations de  cartes  et  de  nombres  comportent  des  calculs  mathéma- 
tiques rigoureux  ;  mais  il  faut  savoir  que  les  somnambules  se 
prêtent  malaisément  à  ces  sortes  d'expériences.  M.  Osty  dit  avec 
raison  que  c'est  alors  demander  à  la  lucidité  ce  qu'elle  ne  peut  pas 
donner. 

Quand  j'essaye  de  faire  deviner  des  cartes  ou  des  nombres  à  Léonie, 
je  n'ai  que  des  échecs  piteux  (peut-être  parce  que  sa  volonté  inter- 
vient, qui  masque  les  enseignements  de  son  sens  cryptesthésique), 
tandis  que.  s'il  s'agit  d'un  incendie  de  mon  laboratoire,  ou  de  la 
brûlure  de  mon  ami  Langlois,  elle  dit  la  réalité  très  exactement, 
(sans  d'ailleurs  que  je  lui  en  aie  fait  la  demande)  avec  une  précision 
telle  que  la  probabilité  (encore  qu'elle  ne  puisse  être  exprimée  par 
un  nombre  déterminé)  est  très  faible. 

Les  faits  de  lucidité  chez  les  somnambules  se  présentent  le  plus 
souvent  avec  la  même  imprévoyabilité  que  la  chute  des  aérolithes. 
On  ne  peut  pas,  —  sauf  en  de  rares  circonstances,  —  compter  sur  le 
succès  quand  on  expérimente,  pas  plus  qu'on  ne  peut  escompter, 
à  heure  dite,  en  un  endroit  précisé  par  avance,  l'arrivée  d'un 
bolide. 

Des  choses  vraies,  inaccessibles  à  nos  sens  normaux,  sont  indi- 
quées, mais  souvent  —  ce  qui  est  fâcheux  —  ce  ne  sont  pas  des 
réponses  précises  à  des  questions  précises.  Les  somnambules  (et 
aussi  les  médiums)  ne  répondent  pas  exactement  aux  questions 
qu'on  leur  pose,  et,  tout  en  disant  des  choses  vraies  que  leurs  sens 
normaux  n'ont  pu  leur  faire  connaître,  disent  des  choses  à  côté. 

Je  l'avoue,  il  est  regrettablequ'avec  les  sujets  hypnotisés,  dont  la 
sensibilité  morale  est  très  aiguë,  on  ne  puisse  agir  comme  on  ferait 
avec  une  machine  à  calculer.  Mais  un  voyage  les  intéresse  beaucoup 


164  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

plus  que  l'indication  d'un  huit  de  pique.  Ils  s'intéresseront  plus  à 
une  maison  qui  brûle  ou  à  un  bateau  qui  arrive,  qu'à  compter  le 
nombre  de  points  noirs  qu'il  y  a  sur  une  carte.  Je  reconnais  que 
c'est  malheureux,  mais  il  faut  accepter  les  conditions  des  expé- 
riences. 

Elles  sont  décisives,  ces  expériences.  A  elles  toutes  seules,  elles 
suffiraient  pour  établir  solidement  cette  supérieure  et  mystérieuse 
faculté  de  connaissance  que  j'ai  appelée  la  cryptesthésie.  On  va  voir 
que  les  expériences  faites  avec  les  médiums  l'affirment  avec  plus 
de  force  encore. 

§  3.  —  CRYPTESTHÉSIE  SPIRITIQUE 

A.  —  Exposé  des  faits. 

Nous  appelons  cryptesthésie  spiritique  la  cryptesthésie  expéri- 
mentale qui  se  manifeste  dans  les  expériences  de  spiritisme. 

Précisons  ce  qu'il  faut  entendre  par  expérience  spiritique. 

Le  spiritisme  est  une  théorie  d'après  laquelle  les  morts  n'ont  pas 
perdu  la  conscience.  Leur  âme  continue  à  exister  sous  forme  d'es- 
prit. Ces  esprits,  âmes  des  morts,  peuvent  entrer  en  communication 
avec  les  vivants,  grâce  aux  médiums. 

Par  définition,  nous  dirons  que  l'état  spiritique  est  un  état  psy- 
chologique tel  que  l'individu  avec  lequel  on  expérimente,  et  qu'on 
appelle  médium,  gardant  ou  ne  gardant  pas  la  nette  conscience  de 
sa  personnalité  normale,  fait  des  mouvements  (parole,  écriture, 
mouvements  ou  bruits  dans  la  table,  manœuvres  de  la  planchette) 
qui  ne  sont  pas  voulus  par  lui.  Il  prétend  qu'une  personnalité  autre 
que  la  sienne  agit  sur  lui  et  l'influence. 

Cette  définition,  bien  entendu,  ne  préjuge  rien  quant  à  la  réalité 
objective  de  cette  personnalité  étrangère.  Nous  examinerons  la 
question  plus  tard  avec  tous  les  détails  nécessaires.  Dans  ce  cha- 
pitre nous  n'en  indiquerons  que  les  résultats  au  point  de  vue  de  la 
cryptesthésie,  sans  traiter  de  son  mécanisme. 

Autrement  dit,  nous  rechercherons  si,  chez  les  médiums,  dans  des 
expériences  instituées  à  cet  effet,  il  y  a,  par  un  procédé  quelconque, 
révélation  ou  indication  de  faits  que  leur  intelligence  humaine 
normale  ne  pouvait  connaître,  c'est-à-dire  cryptesthésie. 


CRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  165 

Que  ce  soit  par  des  raps  (vibrations  sonores  de  la  table),  par  des 
messages  écrits  automatiquement,  par  récriture  directe,  par  des 
voix  entendues,  par  des  paroles  prononcées,  il  importe  peu,  pourvu 
que  le  fait  de  cette  connaissance  supra-normale  soit  dûment  constaté. 

Or  le  fait  est  établi  par  des  preuves  si  abondantes,  si  indiscu- 
tables, qu'on  est  surpris  de  voir  qu'il  a  été  nié  et  contesté.  Il  est 
vrai  qu'il  n'est  contesté  et  nié  que  par  des  gens  qui  n'ont  ni  expé- 
rimenté, ni  lu,  ni  étudié,  ni  réfléchi. 

La  cryptesthésie,  rendue  assez  probable  par  les  expériences  sur  les 
individus  normaux,  extrêmement  probable  par  les  expériences  sur 
les  hypnotisés,  devient  d'une  évidence  éblouissante  quand  on  étudie 
sa  modalité  dans  les  expériences  de  spiritisme. 

«J'ai  amené,  dit  Richard  Hodgson,  résumant  ses  expériences  avec 
Mad-  Piper,  au  moins  cinquante  personnes  que  je  savais  étrangères 
à  Mad.  Piper,  et  j'avais  pris  toutes  les  précautions  possibles  pour 
l'empêcher  d'obtenir  des  renseignements  sur  ces  personnes1.  A  la 
plupart  il  fut  parlé  de  faits  qui  ne  pouvaient  certainement  pas  être 
connus  de  Mad.  Piper.  On  se  servit  même,  pendant  plusieurs  jours, 
de  détectives  pour  s'en  assurer.  » 

En  étudiant  les  comptes  rendus  de  ces  innombrables  séances,  on 
voit  que  plus  de  deux  cents  noms  différents  ont  été  dits  cor- 
rectement. Il  m'est  par  conséquent  impossible  de  les  mentionner 
ici,  même  en  résumé.  A  moins  de  supposer  cette  prodigieuse  absur- 
dité de  la  mauvaise  foi  ou  de  l'imbécillité,  aussi  bien  de  M.  Hodgson 
que  de  M.  Hyslop,  on  est  forcé  d'admettre,  comme  deux  cents  fois 
démontrée,  la  cryptesthésie  chez  Mad.  Piper. 

Il  faudrait  un  volume  pour  résumer  tous  les  récits  de  cryp- 
testhésie que  R.  Hodgson  nous  a  transmis.  Après  avoir  lu  les 
comptes  rendus  détaillés  de  ces  expériences,  il  est  vraiment  impos- 
sible de  mettre  en  doute  la  cryptesthésie.  Et  d'ailleurs  il  apparaît 
bien  que,  si  en  général  cette  cryptesthésie  est  télépathique  (ce  qui 
s'explique  parce  que,  lorsqu'on  fait  une  question,  on  connaît  la 


1.  A  côté  de  ces  nombreux  faits,  si  bien  étndiés.  mon  témoignage  personnel 
est  sans  intérêt.  11  me  sera  permis  de  dire  cependant  que,  dans  l'expérience 
que  j'ai  faite  avec  Mad.  Piper  (je  ne  l'ai  vue  qu'une  fois),  elle  m'a  indiqué,  après 
maintes  erreurs  diverses,  le  nom  d'un  petit  chien,  Diqk,  que  j'avais  eu  dans  mon 
enfance,  nom  qu'elle  ne  pouvait  absolument  pas  connaître  par  les  voies  senso- 
rielles normales. 


166  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

réponse  qu'il  convient  de  faire)  elle  ne  l'est  pas  dans  certains  cas, 
comme  par  exemple  quand  M.  Thaw  apporte  à  Mad.  Piper  des  che- 
veux dans  un  papier.  Mad.  Piper  dit  que  c'était  un  sachet  religieux, 
et  c'était  vrai.  M.  Thaw  s'était  trompé  dans  la  remise  de  l'objet. 

Si,  parmi  les  médiums  puissants  au  point  de  vue  objectif,  les 
plus  remarquables  ont  été  Florence  Cook,  Home  et  Eusapia,  on  peut 
affirmer  qu'au  point  de  vue  subjectif,  pour  manifester  une  cryptes- 
thésie  intense,  le  plus  puissant  a  été  certainement  Mad.  Piper. 

R.  Hodgson,  William  James,  James  Hyslop,  P.  Bourget,  Fr.  Myers, 
Mad.  Verrall,  sir  Oliver  Lodge,  ont  eu  avec  elles  de  nombreuses 
séances  et  ont  conclu  formellement,  indiscutablement,  à  la  télépa- 
thie. 

Voici  ce  que  dit  Myers'. 

«  Les  faits  à  moi  personnels,  et  accessibles  —  bien  que  je  ne  pense 
pasqu'ils  l'aient  été  —  par  des  documents  imprimés,  ou  par  des  collu- 
sions et  des  enquêtes,  n'ont  pas  été  indiqués  en  plus  grand  nombre 
que  les  autres  :  des  messages  me  furent  donnés  comme  émanant 
d'un  ami  mort  depuis  nombre  d'années,  et  certaines  circonstances 
indiquées,  dont  Mad.  Piper  était  dans,  l'impossibilité  d'avoir  con- 
naissance. Je  connais  des  faitsénoncés,  quifureut  supprimés  comme 
trop  intimes.  La  relation  d'un  ou  deux  de  ces  faits  est  plus  con- 
cluante en  faveur  d'une  connaissance  supranormale2  que  la  men- 
tion de  douzaines  de  noms  de  personnes  diverses,  que  le  consul- 
tant n'avait  aucun  motif  de  taire, 

«  Tous  les  observateurs  s'accorderont  à  affirmer  que  beaucoup 
des  faits  énoncés  ne  peuvent  avoir  été  connus  même  par  un  habile 
détective  et  que  pour  les  autres  faits  il  eût  été  nécessaire  de  faire 
des  dépenses  de  temps  et  d'argent  invraisemblables.  » 

«  Je  suis  absolument  certain,  dit  William  James,  comme  je  le  suis 
de  n'importe  quel  fait  personnel,  que  Mad.  Piper  connaît,  pendant 
sa  trauce,  des  choses  dont  il  lui  est  impossible  d'avoir  eu  connais- 
sance à  l'état  de  veille.  » 

«  En  introduisant  des  étrangers  anonymes,  et  en  l'interrogeant 
moi-même  de  différentes  manières,  dit  sir  Oliver  Lodge,  je  me  suis 

1.  Cité  par  Lodge,  loc.  cit.,  tr.  fr.  153. 

2.  C'est  le  mot  que  Myers  employait  pour  désigner  ce  que  j'ai  appelé  la  cryp- 
testhésie. 


CRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  167 

assuré  que  beaucoup  de  renseiguements  qu'elle  fournit  dans  l'état 
de  trance  ne  sont  point  acquis  par  les  méthodes  banales  ordi- 
naires. Elle  peut  alors  diagnostiquer  les  maladies,  et  désigner  les 
possesseurs  ou  les  anciens  possesseurs  de  menus  objets,  dans  des 
conditions  qui  excluent  l'emploi  des  voies  sensorielles  normales.  » 

Voici  quelques  exemples  donnés  par  sir  Oliver  Lodge  : 

Le  professeur  Gonner  fut  amené  par  Lodge  sous  un  nom  d'em- 
prunt. Alors  il  fut  parlé  de  son  oncle  William,  mort  d'un  trou  à  la 
tète.  De  fait,  le  professeur  Gonner  avait  eu  un  oncle  William,  mort 
dans  une  émeute  électorale,  il  y  a  très  longtemps,  avant  même  la 
naissance  de  M.  Gonner.  Une  pierre  le  frappa  à  la  tête. 

«  Le  père  de  ma  femme,  dit  Lodge,  est  mort  alors  qu'elle  n'était 
âgée  que  de  quinze  jours,  d'une  mort  dramatique  et  émouvante. 
Phinuit  fit  le  récit  des  circonstances  de  cette  mort  d'une  manière 
saisissante.  De  même  la  cause  de  la  mort  du  beau-père  de  ma  femme 
(chute  au  fond  de  la  cale  de  son  bateau)  fut  exactement  précisée.  » 

Un  médecin  de  Liverpool  fut  présenté  sous  le  nom  du  Dr  Jones. 
Sir  Oliver  Lodge  et  Lady  Lodge  le  connaissaient  peu.  Mad.  Piper  lui 
parla  dune  de  ses  filles,  nommée  Daisy,  dit  qu'elle  était  char- 
mante, mais  infirme  (Daisy  est  sourde  et  charmante)  :  «  Il  y  a  près 
d'elle  une  femme  nommée  Kate,  que  vous  appelez  Kitty.  »  Kate  est 
la  bonne  des  enfants  du  docteur. 

Le  sténographe  était  venu  à  une  séance  pour  écrire  ce  que  dirait 
Mad.  Piper.  Phinuit  le  prit  à  partie  et  lui  dit  qu'il  avait  un  cousin 
s'appelantCHARLEY  :  «  Six  enfants  dans  votre  famille  (quatre  garçons, 
deux  filles)  ;  Minnie  est  votre  sœur  ;  vous  vous  appelez  Ed. . .  »  Tous  ces 
détails  étaient  exacts. 

Par  Mad.  Piper  des  souvenirs,  extrêmement  anciens,  et  qui  se 
vérifient  exacts,  sont  mentionnés  sur  tous  les  parents  et  les  grands- 
parents  de  la  personne  qui  l'interroge.  Très  souvent  il  faut  de 
longues  vérifications  pour  savoir  s'ils  sont  vraiment  authentiques. 
Un  des  frères  du  père  de  Lodge  avait  un  frère  jumeau  dont  Mad.  Piper 
dit  le  nom.  Jerry  pour  Jeremiah,  ainsi  que  Robert,  le  frère  jumeau. 
Mad.  Piper  dit  qu'il  était  aveugle  (exact)  et  que  dans  son  enfance  il 
avait  mis  de  côté  une  peau  de  serpent,  détail  absolument  authen- 
tique d'un  fait  qui  s'était  passé  il  y  a  soixante-six  ans,  fait  qu'OLivER 
Lodge  ignorait,  et  qui  s'est  trouvé  véritable.  Il  parla  aussi  d'une 


168  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

traversée  à  la  nage  d'un  bras  de  rivière,  traversée  que  Jerry  avait 
faite. 

Mad.  Piper,  dans  une  deslpremières  séances,  s'était  assise  sur  un 
certain  grand  fauteuil.  Phinuit,  en  touchant  ce  fauteuil,  déclara 
qu'il  avait  été  donné  par  la  tante  Annie,  que  la  tante  Annie  avait  un 
fils  nommé  Charley  (tous  détails  exacts).  La  tante  Annie,  parlant 
par  Phinuit,  dit  :  «  Je  suis  triste  que  Charley  ait  mangé  l'oiseau.  Cela 
l'a  rendu  malade.  »  De  fait,  exactement  à  cette  époque,  Charley, 
qui  était  au  Canada,  avait  tué  indûment  à  la  chasse  une  poule  d'eau , 
l'avait  mangée,  et  avait  été  malade  quelques  jours  après. 

Les  premières  communicatiousde  Georges  Pelham  par  l'intermé- 
diaire de  Mad.  Piper,  sont  très  importantes,  aussi  bien  pour  la  cryp- 
testbésie  que  pour  la  possible  identification.  Nous  les  donnerons 
sommairement1. 

En  présence  de  R.  Hodgson,  M.  Hart  (un  ami  de  Georges  Pelham) 
reçut  des  détails  circonstanciés  se  rapportant  à  des  actes  ou  à  des 
paroles  de  Georges  Pelham.  Georges  Pelham  (pseudonyme  de  Robin- 
son),  par  la  voix  de  Mad.  Piper,  lui  dit  que  ses  boutons  de  man- 
chettes avaient  appartenu  à  G.  P...  11  donna  les  noms  de  M.  et 
de  Mad.  Howard,  amis  de  G.  P...,  et  de  leur  fille  Kalérine,  et  ajouta  : 
«  Dites-lui,  pour  qu'elle  me  reconnaisse,  que  je  veux  résoudre  les  pro- 
blèmes Kalérine.  »  M.  Hart,  ne  comprenant  pas  ces  paroles,  alla  trou- 
ver la  famille  Howard  (que  Mad.  Piper  ne  connaissait  nullement),  et 
là  il  apprit  que  G.  P...,  la  dernière  fois  qu'il  vit  Kalérine,  jeune  fille 
de  quinze  ans,  lui  avait  parlé  de  Dieu,  de  l'Éternité,  du  Temps,  de 
l'Espace,  en  lui  disant  qu'un  jour  il  lui  parlerait  de  ces  problèmes. 

Après  cette  séance,  les  Howard  eurent  d'autres  réunions  avec 
Mad.  Piper.  «  Les  questions  traitées,  dit  R.  Hodgson,  étaient  carac- 
téristiques, et  de  la  nature  la  plus  intime  et  la  plus  personnelle. 
Les  amis  communs  furent  cités  par  leurs  noms.  Les  Howard,  qui 
ne  prenaient  aucun  intérêt  aux  recherches  psychiques,  acquirent, 
dans  ces  séances  avec  Mad.  Piper,  l'intime  conviction  qu'ils  avaient 
causé  en  réalité  avec  la  personnalité  de  l'ami  qu'ils  avaient  connu 
pendant  tant  d'années.  » 

Après  la  mort  de  R.  Hodgson,  ce  fut  un  autre  savant  et  conscien- 

4.  Si  malheureusement  on  ne  peut  pas  recourir  aux  documents  originaux,  on 
les  trouvera  bien  résumés  par  Delanne.  loc.  cit..  363. 


CRYPTESTHÉSIE    SP1RITIQUE  169 

cieux  psychologue  américain,  secrétaire  général  de  Y  American 
Society  for  psijchical  Research,  M.  James  Hyslop  (mort  récemment, 
en  juin  1920),  qui  étudia  Mad.  Piper'.  Le  guide  de  Mad.  Piper  fut 
alors  R.  Hodgson  lui-même,  et  les  faits  de  cryptesthésie  furent  tout 
à  fait  éclatants. 

M.  Hyslop,  l'ayant  interrogée  sur  son  père  à  lui,  Hvslop,  Mad.  Piper 
fit  allusion  à  maints  détails  exacts  :  elle  dit  l'endroit  où  il  avait 
laissé  ses  lunettes  quand  il  mourut.  Elle  parla  de  ses  livres,  d'un 
bonnet  tricoté  pour  lui,  d'un  couteau  à  manche  brun  avec  lequel 
il  avait  l'habitude  de  se  nettoyer  les  ongles.  Elle  mentionna  diverses 
cannes  que  possédait  M.  Hyslop  père,  une  canne  avec  un  anneau, 
une  autre  avec  un  insecte  doré  (un  scarabée),  une  autre  avec  un 
manche  recourbé,  qui  avait  été  brisée;  tous  détails  qui  furent 
reconnus  exacts,  et  que  M.  J.  Hyslop,  au  moins  consciemment, 
ignorait. 

Mad.  X...  se  fait  introduire  sous  le  faux  nom  de  Marguerite 
Brown,  apportant,  pour  avoir  quelque  réponse,  trois  boucles  de 
cheveux,  X.  B.  S.  Elle  ne  connaît  comme  origine  que  la  boucle  S. 
Pour  la  boucle X.,  Mad.  Piper  lui  dit  :  «.Mais  c'est  de  Fr éd.. .  Imogène? 
Qu'est-ce  que  Fmogène?  »  En  effet,  la  boucle  de  cheveux  était  d'iMO- 
gène  Garnay,  que  M.  Fred.  Day  avait  coupée  pour  la  donner  à  Mar- 
guerite Brown.  Pour  la  boucle  B.,  Mad.  Piper  dit  :  «  Une  personne 
très  malade.  »  En  effet  la  personne  dont  les  cheveux  étaient  présen- 
tés est  morte  dans  l'année.  Pour  la  boucle  S.,  Mad.  Piper  dit  :  «Elleest 
avare  de  ses  cheveux.  »  Or  Marguerite  avait  coupé  cette  mèche 
de  cheveux  à  sa  mère  par  surprise.  «  C'est  votre  mère,  elle  a  quatre 
enfants,  deux  garçons,  deux  filles.  «Tous  ces  détails  sont  exacts-. 

R.  Hodgson,  dans  une  séance  avec  Mad.  Piper,  reçoit  un  message 
de  Mad.  Éliza  qui  dit  avoir  assisté  M.  F...  au  moment  de  sa  mort. 
F...  venait  de  mourir  la  veille,  et  la  nouvelle  de  sa  mort  avait  été 
donnée  par  les  journaux  de  Boston.  Deux  ou  trois  jours  après,  R.  Hod- 
gson apprit  qu'en  effet,  au  moment  de  mourir,  F...  dit  avoir  vu  Mad. 
Éliza  qui  l'appelait.  Mad.  Piper  ne  connaissait  pas  Mad.  Éliza. 

1.  Voir  l'analyse  donnée  par  Marcel  Mangin,  A.  S.  P.,  1902,  XII,  218.  La  vie 
après  la  mort. 

2.  Voir  Bozzano,  A.  S.  P.,  1906.  XVI,  546. 

3.  A.  S.  P.,  1909.  XIX,  107. 


170  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Un  phénomène  curieux  est  le  mélange  de  diverses  personnalités. 
Il  semble  — mais  ce  n'est  sans  doute  qu'une  symbolisation  — ,  que, 
lorsque  telle  ou  telle  personnalité,  qu'il  s'agisse  de  Phinuit,  d'HvsLOP 
père,  de  Georges  Pelham,  ne  peut  pas  donner  tels  ou  tels  détails, 
alors  elle  appelle  à  son  secours  une  autre  personnalité  mieux  ren- 
seignée. Le  professeur  Newbold  donne  une  phrase  en  grec,  langue 
que  Mad.  Piper  ignore  complètement.  Mais  Georges  Pelham  dit  : 
«Je  vais  demander  à  Stainton  Moses,  qui  est  helléniste»  et  peu  après 
la  traduction  des  mots  grecs  est  donnée.  Une  autre  fois  Rector 
et  Hodgson,  parlant  par  l'intermédiaire  de  Mad.  Piper,  ne  peuvent 
trouver  le  nom  de  la  belle-mère  de  Robert  Hyslop.  Ils  sortent  de  la 
machine,  selon  l'expression  pittoresque  de  Mad.  Piper,  c'est-à-dire 
qu'il  se  fait  un  certain  silence,  et  que,  quelque  temps  après, 
Georges  Pelham  revient  en  disant  :  «  Elle  s'appelle  Marguerite.  » 
Mais  il  est  vraiment  difficile  de  croire  à  la  réalité  de  ces  diverses 
personnifications  qui,  dans  le  monde  des  esprits,  se  cherchent,  se 
trouvent,  se  renseignent. 

Le  cas  de  Hannah  Wild,  bien  analysé  par  M.  Sage,  est  curieux, 
car  il  est  un  très  bel  exemple  de  télépathie,  coïncidant  avec  défi- 
cience complète  des  faits  connus  du  décédé  seul.  Mad.  Blodgett 
interroge  Mad.  Piper,  et  c'est  la  sœur  de  Mad.  Blodgett  (Hannah  Wild) 
décédée  depuis  deux  ans,  qui  revient.  Or  Hannah  Wild  avait  écrit 
une  lettre  où  se  trouvaient  des  paroles  que  personne  ne  pouvait 
connaître.  Rien  de  cette  lettre  ne  put  être  dit  par  Mad.  Piper,  et 
pourtant  toutes  les  pensées  (et  les  actions)  secrètes  de  Mad.  Blodgett 
furent  dites  avec  précision.  De  sorte  que  cette  expérience,  si  impar- 
faite pour  la  théorie  de  la  survivance  personnelle,  est  excellente 
au  point  de  vue  de  la  télépathie  et  de  la  cryptesthésie. 

Avec  Mad.  Verrall,  une  observatrice  d'esprit  pénétrant  etsagace, 
les  résultats  ont  été  très  beaux.  Mad.  Piper  lui  dit  :  «  Votre  grand- 
père  était  paralysé,  il  avait  une  sœur  qui  s'appelait  Suzanne,  et  un 
fils  qui  s'appelait  Henri.  Cet  oncle  s  est  marié  avec  une  de  ses 
parentes,  une  dame  Keley.  »  Mad.  Verrall,  qui  n'était  plus  en  rela- 

1.  Si  l'on  ne  peut  pas  lire  dans  le  texte  original  les  gros  volumes  que  Hodgson, 
Hyslop,  YAmeric,  S.  P.  R.  et  la  S.  P.  R.  anglaise  ont  consacrés  à  l'étude  de  cette 
admirable  Mad.  Piper,  on  en  aura  une  idée  suffisante  par  le  livre  de  M.  Sage 
(Madame  Piper,  par  M.  Sage,  4e  édit.,  Paris,  Leymarie,  1902).  C'est  un  ouvrage 
de  lecture  facile. 


GRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  171 

tious  avec  cette  partie  de  sa  famille,  a  pu  ensuite,  en  faisant  de 
laborieuses  recherches,  constater  que  tout  cela  était  exact.  Son 
grand-père  avait  une  sœur  Suzanne,  née  en  1791,  et  un  de  ses 
enfants,  Henri,  s'est  marié  à  Mad.  Keley1. 

Paul  Bourggt-,  interrogeant  Mad.  Piper  qui  avait  alors  la  per- 
sonnalité de  Phinuit,  lui  montre  une  petite  pendule  de  voyage. 
Mad.  Piper  a  pu  lui  dire  à  qui  elle  avait  appartenu,  ce  que  faisait 
autrefois  le  possesseur  de  cet  objet  et  sou  genre  de  mort  (suicide 
par  un  poison).  «  Elle  décrit  avec  une  exactitude  remarquable  l'ap- 
partement que  j'occupais  à  Paris.  Elle  a  dit  Fétage  et  mentionné  un 
escalier  intérieur.  Elle  a  vu  sur  le  mur  un  objet  qu'elle  a  décrit  et 
un  portrait  sur  la  cheminée  qu'elle  a  pris  pour  le  portrait  d'un 
jeune  homme.  C'est  une  photographie  de  femme  avec  des  cheveux 
coupés  courts  !  » 

M.  Hyslop,  parlant  à  son  père  défunt  (incarné  en  Mad.  Piper) 
demande  des  nouvelles  de  M.  H.  C...  Il  lui  est  répondu  que  M.  H.  C... 
s'occupe  de  l'église  et  de  l'orgue  de  l'église.  Or  précisément,  —  ce 
que  M.  Hyslop  ignorait  —  M.  H.  C...  s'était  retiré  de  l'église,  parce 
qu'on  y  avait  placé  un  orgue,  ce  qu'il  désapprouvait3. 

M.  Vernon  Buiggs,  qui  avait  été  à  Honolulu,  interrogeant 
Mad.  Piper  à  propos  de  Kalua,  petit  garçon  indigène  qu'il  avait 
amené  en  Amérique,  reçoit  de  Mad.  Piper  deux  mots  de  langue 
kawaienne  Lei  (guirlande  de  fleurs)  commeKALUA  aimaità  en  tresser, 
et  A loha  qui  veut  dire  salutations.  Comme  M.  Briggs  lui  demande 
le  nom  de  l'île  qu'habitait  Kalua,  elle  dit  Tawaï,  et  sa  main  écrit 
Kawaï.  Or,  le  nom  s'écrit  en  réalité  Kawaï,  mais  les  indigènes 
disent  Tawaï. 

A  Mad.  veuve  M...,  Mad.  Piper  écrit  les  noms  de  Brown  et  de 
Parker  :  ce  sont  les  noms  du  docteur  et  de  la  garde-malade  qui  ont 
soigné  M.  M  ..  pendant  sa  dernière  maladie.  «Il  me  fut  alors  parlé, 
dit  Mad.  M...,  par  Mad.  Piper,  comme  pouvait  seul  le  faire  mon 
mari.  Des  affaires  qui  le  concernaient,  et  que  j'étais  seule  à  con- 
naître, furent  mentionnées.  Il  me  fut  parlé  aussi  d'un  ami  intime  de 
mon  mari,  désigné  par  son  nom.  Il  fut  fait  allusion  à  notre  der- 

1.  Voir  pour  les  détails  Hyslop,  Science  and  a  future  lïfe,  Boston,  1905,  157. 

2.  A.  S.  P.,  1895,  V,  72. 

3.  Hyslop.  loc.  cit.,  222. 


172  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

nière  promenade  dans  le  parc,  à  T...  et  répondu  à  la  question  que 
je  lui  fis  quand  il  était  mourant  et  trop  faible  p'our  parler.  Et  cette 
réponse  fut  faite  de  façon  que  M.  Hodgson  ou  tout  autre  étranger 
ne  pouvaient  comprendre  ce  dout  il  s'agissait  :  mais  c'était  parfai- 
tement clair  pour  moi1.  » 

A  Mad.  William  James  et  à  son  frère,  dans  une  séance  avec 
Mad.  Piper,  il  est  appris  (par  Phtnuit),  que  la  tante  Kate  est  morte  à 
2  heures  ou  2  heures  30  du  matin,  et  qu'ils  vont  recevoir  lettre  ou 
télégramme  qui  l'annonce.  Et  en  effet,  un  télégramme  arrive  dans 
la  matinée,  annonçaut  que  la  tante  Kate  était  morte  quelques 
minutes  après  minuit. 

Je  pourrais  multiplier  de  tels  récits  relatés  avec  un  soin  minu- 
tieux par  des  observateurs  habiles.  Le  phénomène  de  la  cryptes- 
thésie  est  maintenant  indiscutable. 

Si,  pour  affirmer  cette  puissance  mystérieuse  de  notre  intelli- 
gence, nous  n'avions  que  les  expériences  faites  avec  Mad.  Piper, 
ce  serait  largement  suffisant.  La  preuve  est  faite,  et  d'une  manière 
définitive. 

Par  conséquent,  nous  pouvons  aller  de  l'avant,  et  indiquer,  parmi 
des  centaines  d'exemples,  les  expériences  coufirmatives  faites  avec 
d'autres  médiums. 

Si  l'on  désire  faire  l'étude  complète  de  ces  beaux  phénomènes, 
si  démonstratifs,  il  faudra  recourir  aux  P.  A.  S.  P.  R.  (passim)  et 
aux  P.  S.  P.  R.  (passim).  Mais  on  en  aura  une  excellente  notion 
dans  les  ouvrages  de  Myers,  et  de  Lodge,  et  de  Hyslop. 

Hyslop  divise  en  trois  périodes  les  périodes  de  lucidité  de 
Mad.  Piper  :  premier  Rapport  de  Hodgson  ;  deuxième  Rapport  de 
Hodgson  ;  Rapport  de  Hyslop. 

Déjà,  après  le  premier  Rapport  de  Hodgson,  quand  Georges  Pelham 
n'était  pas  venu  encore,  et  qu'il  n'y  avait  que  Phinuit,  Hodgson 
disait'2  :  «  Les  résultats  très  compliqués,  très  suggestifs,  établissent 
qu'il  y  a  indications  de  noms  et  d'incidents  qui  sont  inconnus  des 
assistants  (ce  qui  exclut  l'hypothèse  de  la  télépathie  comme  cause 
unique  des  phénomènes).  »  Après  le  second  Rapport  de  Hodgson, 
la  majorité  de  ceux  qui  assistaient  aux  séances  avaient  acquis  la 

1.  Hyslop.  Science  and  a  future  life,  1905, 179. 

2.  Voyez  Hyslop,  loc.  cit.,  192. 


CRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  173 

certitude  (indubitable  évidence)  qu'il  y  avait  là  quelque  chose  de 
supranormal.  Telle  semble  être  aussi  la  conclusion  de  M.  J.  Hyslop 
pour  ses  expériences,  comme  aussi  celle  de  Lodge. 

Ilest  vrai  que  certains  savants,  qui  n'eurent  que  quelques  séances 
(Weir  Mitchell,  James  Mark  Baldwin,  professeur  Trowbiudge,  pro- 
fesseur Eliot  Norton),  ne  furent  pas  convaincus.  Pourtant  j'oserai 
leur  déclarer  qu'en  uue  question  si  difficile  on  ne  peut  se  per- 
mettre quelque  conclusion,  dans  un  sens  ou  dans  un  autre, 
qu'après  une  longue  série  d'expériences.  Or  ils  n'ont  pas  prolongé 
leurs  études  sur  Mad.  Piper.  Et  c'est  une  grave  erreur. 

M.  Hyslop,  répondant  à  Fr.  Podmore,  a  fait  une  étude  très  minu- 
tieuse du  calcul  des  probabilités  appliqué  aux  cryptesthésies  de 
Mad.  Piper1.  Il  n'a  pas  de  peine  à  montrer  que  la  probabilité  du 
succès,  dans  la  plupart  des  cas,  est  tellement  faible,  qu'on  ne  peut 
l'expliquer  par  le  hasard.  On  arrive,   en  faisant  la   preuve  des 

j      147 

succès,  à  des  chiffres  comme  -rr  •  Or,  comme  nous  l'avons  dit  à 
maintes  reprises,  le  calcul  des  probabilités,  quand  on  le  manie 
correctement,  est  un  procédé  admirable  de  coutrôle,  à  la  condition 
que  les  expériences  aient  été  bien  faites.  Tout  est  là.  Et  il  semble 
que  les  expériences  de  Hyslop  avec  Mad.  Piper  aient  été  irrépro- 
chables. 

Voici,  pour  l'application  du  calcul  des  probabilités,  quelle  fut 
l'ingénieuse  idée  de  Hyslop.  Il  a  interrogé  diverses  personnes  (en 
grand  nombre)  en  leur  faisant  les  mêmes  questions  qu'il  adressait 
à  Mad.  Piper,  et  comparé  ces  réponses  des  non-sensitifs  aux  réponses 
de  Mad.  Piper,  sensitive.  Il  a  fait  ainsi  105  questions  (auxquelles 
Mad.  Piper  avait  bien  répondu),  il  a  supposé  alors,  avec  raison,  que 
les  réponses  des  non-sensitifs  étaient  celles  que  donne  le  hasard,  et 

il  arrive  ainsi  au  chiffre  prodigieux  d'une  probabilité  de  \tq) 
Pour  donner  un  exemple  de  cette  méthode,  voici  la  question  46  : 
Votre  père  a-t-il  fait  un  voyage  dans  l'Ouest  ? 

a.  A-t-il  eu  alors  un  accident  de  chemin  de  fer  ? 

b.  A-t-il  été  traumatisé  dans  cet  accident? 

c.  Votre  belle-mère  était-elle  avec  lui? 

1.  Chance  coïncidence  and  r/uessing  in  a  mediumistic  experiment  (Proc.  Ame- 
ric.  S.  P.  R.,  août  1919,  XIII.  1-89). 


174  MÉTAPSYCH1QUE    SUBJECTIVE 

d.  Le  train  a-t-il  eu  cet  accident  sur  un  pont  ? 

c.  Y  a-t-il  quelque  temps  que  cet  accident  a  eu  lieu  ? 

/'.  A-t-il  été  malade  à  la  suite  de  cet  accident  ? 

Pour  la  question  générale,  sur  420  personnes,  il  y  en  a  eu  1/4  qui 
ont  répondu  oui,  10  ont  eu  un  accident  de  chemin  de  fer  et  une 
seule  personne  a  eu  cet  accident  sur  un  pont.  En  réalité,  sur 
420  réponses,  personne  n'a  répondu  «  oui  »  à  toutes  les  questions, 

de  sorte  que  la  probabilité  est  certainement  inférieure  à  -j^r-  Mais 

on  doit  aller  plus  loin,  et  calculer  la  probabilité  séparée  de  chaque 

1 
question,   ce  qui  donne   une  probabilité   totale  de  :  o  kqq  qqq  quo 

c'est-à-dire  la  certitude  (morale)  que  le  hasard  n'a  pas  pu  donner 
ces  réponses  à  Mad.  Piper. 

La  méthode  que  j'ai  employée  dans  mes  expériences  avec  Stella 
est  plus  simple,  mais  conduit  aux  mêmes  conclusions  ;  impossibi- 
lité d'expliquer  par  le  hasard  les  résultats,  à  la  condition  que  l'ex- 
périence a  été  rigoureuse,  comme  je  crois  qu'elle  le  fut  pour  mes 
expériences  et  celles  d'HysLOP. 

William  James  relate1  les  expériences  faites  avec  Mad.  Piper 
qui  paraissent  lui  donner  une  preuve  non  seulement  de  lucidité, 
mais  même  de  survivance,  puisqu'il  s'agissait  de  R.  Hodgson, 
décédé,  parlant  par  l'intermédiaire  de  Mad.  Piper.  Il  cite  le  fait  sui- 
vant :  v  Il  y  a  un  individu  nommé  Child  qui  arrive  soudainement  et 
qui  envoie  son  amour  à  William  (William  James)  et  à  sa  femme  (la 
femme  de  Child)  qui  est  vivante.  Il  dit  L...  »  Telles  sont  les  paroles 
de  Mad.  Piper  à  Miss  Robbins  ;  or,  ni  Miss  Robbins,  ni  Mad.  Piper 
ne  connaissaient  Child,  lequel  était  l'ami  le  plus  intime  de  William 
James  (décédé).  Le  prénom  de  Mad.  Child  commence  par  L. 

Et  William  James,  cet  admirable  savant,  conclut  à  la  supernor- 
malité des  phénomènes  (unquestionably  suyernormal) . 

Il  est  impossible,  mêmeauxplus  sceptiques,  de  ne  pas  être  ébranlé 
par  ce  consensus  d'hommes  comme  Fr.Myers,  Oliver  Lodge,  William 
James,  R.  Hodgson,  J.  Hyslop,  qui  tous,  après  des  enquêtes  multi- 
pliées, laborieuses,  ayant  duré  vingt  ans,  s'accordent  à  reconnaître 
la  lucidité  de  Mad.  Piper. 

1.  Report  on  Mrs  Piper'  S.  Hodgson  Control  (Proceed.  Americ.  S.  P.  R.,  1909, 
III,  470. 


CRYPTESTHESIE    SPIRITIQUE  175 

Quoique  la  cryptesthésie,  dans  toutes  ces  expériences  de 
Mad.  Piper,  soit  absolument  et  irréprochablement  démontrée,  la  sur- 
vivance, en  réalité,  ne  l'est  pas.  Certes  les  divers  personnages  qui 
se  présentent  :  R.  Hodgson,  Hyslop  père,  Phinuit,  Georges  Pelham, 
Stainton  Moses,  Fr.  Myers,  ont  marqué  en  traits  saisissants  leur 
individualité  psychologique,  et  l'ont  conservée  imperturbablement, 
qu'il  s'agisse  de  la  voix,  de  l'écriture,  des  gestes,  du  style  ou  de  la 
pensée.  Mais  est-ce  une  preuve  suffisante?  Avec  des  personnalités 
factices,  comme  Marie-Antoinette  d'HÉLÈNE  Smith,  il  en  est  exacte- 
ment de  même. 

Et  alors  une  conclusion  s'impose.  Puisque  avec  un  médium  aussi 
puissant  que  Mad.  Piper,  — supérieure  à  tous  les  autres  médiums  — 
la  survie  n'est  pas  démontrée,  elle  pourra  encore  moins  bien  l'être 
par  d'autres  médiums.  Mais  il  ne  faut  pas  s'en  émouvoir.  A  chaque 
époque  suffît  sa  tâche.  Notre  tâche  aujourd'hui  est  de  prouver  qu'il 
y  a  une  faculté  de  connaissance  supernormale,  une  cryptesthésie. 
Et  Mad.  Piper  est,  sans  contestation  possible,  de  tous  les  médiums, 
celui  qui  en  a  donné  les  preuves  les  plus  nombreuses,  les  plus 
étranges  et  les  plus  décisives. 

Non  seulement  ces  expériences  prouvent  une  faculté  supernor- 
male, mais  encore  elles  établissent  que  la  télépathie  n'est  pas  une 
explication  suffisante.  C'est  bel  et  bien  la  clairvoyance,  la  lucidité, 
c'est-à-dire  la  connaissance  de  faits  qu'aucun  être  vivant  ne 
connaît. 

Quoique  Home  fût  surtout  remarquable  par  sa  médiumuité 
objective,  il  a  donné  des  preuves  éclatantes  de  lucidité.  Il  avait 
parlé,  chez  des  visiteurs  qu'il  voyait  pour  la  première  fois,  à  Hart- 
ford, d'une  petite  femme  vêtue  d'une  grande  robe  de  soie  grise  qu'il 
avait  entrevue,  et  qui,  paraît-il,  était  un  fantôme,  puisqu'elle  avait 
disparu  du  monde  des  vivants.  Home  alors  entendit  une  voix  qui 
lui  disait  :  «  11  me  déplaît  qu'un  autre  cercueil  soit  placé  sur  le  mien; 
je  ne  le  souffrirai  point.  »  Il  ne  comprit  pas  ce  que  cette  phrase  énig- 
matique  signifiait.  Comme  le  lendemain  on  était  allé  au  cimetière 
pour  visiter  la  tombe  de  la  dame  à  la  robe  de  soie  grise,  au  moment 
de  mettre  la  clef  dans  la  serrure  du  caveau,  le  gardien  dit  :  «  Par- 
donnez-moi; mais,  comme  il  y  avait  un  peu  de  place  au-dessus  du 


176  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

cercueil  de  Madame,  nous  y  avons  mis  hier  le  petit  cercueil  de  l'enfant 
de  L...  Nous  n'avons  pas  eu  le  temps  de  vous  prévenir.  » 

Devant  Home,  Miss  Andrews,  non  professionnelle,  mais  douée 
d'une  notable  lucidité,  reçut  la  visite  de  M.  Colley  Grattam,  auteur 
distingué,  consul  à  Anvers  et  à  Boston,  et  qui  raillait  quelque  peu 
le  spiritisme  :  «  Ne  raillez  pas,  dit  Miss  Andrews,  vous  avez  près  de 
vous  un  esprit  qui  s'appelle  Emma,  debout  à  vos  côtés...  —  Que  savez- 
vous  d'elle?  dit  M.  Colley  Grattam,  tremblant...  —  Elle  veille  sur 
cous  pour  vous  protéger  ;  car  vous  avez  été  bon  pour  elle.  Par  une 
nuit  d'orage  vous  lui  avez  porté  secours  et  la  fîtes  entrer  chez  vous,  en 
lui  donnant  à  boire  du  vin  chauffé  :  vous  avez  provoqué  son  mari 
pour  sa  conduite  lâche  et  inhumaine...  —  Oui,  dit  Colley,  le 
monstre,  quoique  membre  du  Parlement,  avait  mérité  l'échafaud.  Adieu, 
je  ne  puis  en  entendre  davantage,  jamais  plus  je  ne  raillerai  votre 
doctrine1  ». 

M.  Britton,  écrivain  célèbre,  raconte  qu'en  faisaut  une  expérience 
avec  Home,  à  Greenfield,  la  table,  sur  laquelle  étaient  frappés  des 
coups  d'une  violence  inusitée,  s'adressant  à  M.  Britton,  lui  dit  : 
«  On  vous  demande  chez  vous  :  votre  enfant  est  très  malade,  partez  tout 
de  suite,  ou  ce  sera  trop  tard...  ».  «  Alors,  dit  M.  Britton,  je  saisis  ma 
valise,  et  je  partis.  Dans  la  rue  j'entendais  le  sifflet  de  la  locomo- 
tive; c'était  le  dernier  train.  En  courant  de  toutes  mes  forces,  je 
pus  arriver  au  moment  où  le  train  allait  partir  ;  je  m'accrocbai  à 
l'arrière  du  dernier  wagon.  Arrivé  chez  moi,  je  constatai  l'absolue 
vérité  du  fait  annoncé2.  » 

M.  Hyslop  a  fait  des  expériences,  très  intéressantes  aussi,  quoique 
moins  brillantes  qu'avec  Mad.  Pipkr,  avec  Mad.  X...  qui  n'est  pas 
une  médium  professionnelle.  Il  se  présenta  chez  elle  sous  le  nom 
de  Robert  Brown.  Or,  dès  qu'il  entra,  Mad.  X...  l'appela  James  H... 
en  lui  disant  que  le  nom  de  Robert  n'était  pas  sou  vrai  nom,  mais 
le  nom  de  son  frère.  Elle  donna  aussi  le  prénom  Mary  de  la  femme 
(décédée)  de  M.  Hyslop.3 

Un  message  médianimique  annonce  au  prince  Wittgenstein  que 

1.  Home,  La  lumière  et  les  ombres,  1883,  trad.  fr.,  247. 

2.  Home,  ibid.,  trad.  fr.,  1883,  259. 

3.  Science  and  a  future  life,  Boston,  1905,  255. 


CRYPTESTHÉSIE    SPIR1TIQUE  177 

le  testament  de  son  ami  le  général  de  Korff,  mort  depuis  quelques 
mois,  est  dans  uue  armoire  spéciale  de  la  maison  où  il  est  mort.  Le 
prince  écrit  alors  à  la  sœur  du  baron  Korff  pour  le  lui  apprendre. 
Or  on  avait  vainement  cherché  ce  testament,  et,  quand  est  arrivée 
la  lettre  du  prince,  on  venait  de  trouver  ce  testament  juste  à  l'en- 
droit qui  avait  été  indiqué  par  le  message  l. 

M.  Heueward  Carrington2  rapporte  l'histoire  suivante.  Le  père 
d'un  soldat  anglais,  tué  en  novembre  1916  à  Beaumont,  se  décide, 
après  avoir  lu  Raymond,  de  Sir  Oliver  Lodge,  à  aller  trouver  (sans 
dire  son  nom)  un  médium,  M.  A.  Vout  Peters,  qui  lui  dit  d'emblée 
quatre  noms  :  John,  Elisabeth,  William  et  Edouard.  Or  le  père  de 
M.  X...  s'appelait  John;  sa  mère,  Elisabeth;  son  frère,  William. 
Edouard  est  le  nom  d'un  neveu  mort  il  y  a  longtemps.  Peters  dit  à 
M.  X...  que  le  fils  mort  s'appelait  Po...r.  Eu  réalité  il  se  nommait 
Rogeu,  et  ce  qui  est  singulier,  c'est  qu'on  l'appelait  familièrement 
Poger  et  non  Roger. 

Mad.  X...  avait  cru  voir  un  matin  le  fantôme  de  sou  fils  en 
pleine  lumière  du  jour.  Elle  va  dans  la  journée  consulter 
Mad.  Annie  Brittain,  qui  lui  dit  :  «  Votre  fils  me  charge  de  vous  dire 
que,  si  vous  l'avez  vu,  c'était  bien  lui,  et  non  un  rêve,  et  que  Jeanne 
l'a  vu  aussi.  »  Et  en  effet  la  jeune  Jeanne,  que  ne  connaît  pas  du 
tout  Mad.  Brittain,  avait  vu  aussi  l'apparition. 

Le  capitaine  James  Burton,  écrivant  par  l'écriture  automatique, 
communique3  avec  son  père  décédé  :  «Je  ne  savais  pas,  dit-il,  que 
ma  mère,  qui  habitait  à  une  distance  de  soixante  mille  environ, 
avait  perdu  le  chien  que  mon  père  lui  avait  donné.  La  même  nuit, 
j'eus  par  mon  écriture  automatique  une  lettre  de  lui  prenant  part  à 
la  peine  de  ma  mère.  Un  secret  des  plus  sacrés,  connu  seulement 
de  mon  père  et  de  ma  mère,  concernant  une  chose  arrivée  plusieurs 
années  avant  ma  naissance,  me  fut  révélé  avec  cette  recommanda- 
tion :  «  Dites  ceci  à  cotre  mère,  et  elle  comprendra  que  c'est  moi,  votre 

1.  a.  s.  P.,  1910,  XX,  120. 

2.  Psychical  Phenomena  and  the  war  (New- York,  1919,  272). 

3.  Cité  par  Conan  Doyle,  La  Nouvelle  révélation,  trad.  fr.,  1919,  159. 

Richf.t.  —  Métnp«ychir|iic.  12 


178  MKTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

«  père,  qui  écris.  »  Quand  j'appris  cela  à  ma  mère,  jusque-là  incré- 
dule, elle  s'évanouit.  » 

Il  est  à  noter  que  l'écriture  automatique  du  capitaine  Burton  est 
tellement  fine  qu'il  faut  une  loupe  pour  la  lire. 

Voici  un  récit  fait  à  C.  de  Vesme,  récit  qui  a  agi  sur  lui  avec 
assez  de  force  pour  le  décider  à  s'occuper  désormais  de  sciences 
occultes.  Le  narrateur  était  Albert  deN...  qui  en  avait  été  témoin  à 
Rome. 

Une  nuit,  en  1871,  la  mère  de  M.  de  N...  tout  d'un  coup  se  mit  à 
pousser  des  cris  désespérés.  Le  jeune  Albert  de  N...  et  sou  père, 
M.  de  N...,  accoururent.  Mad.  de  N...  était  par  terre,  terrorisée,  les 
cheveux  en  désordre.  Elle  raconta  quelle  avait  été  transportée  par 
les  esprits  au  bas  de  son  lit. 

Le  lendemain,  à  7  heures  du  matin,  on  sonne  à  la  porte.  C'est  le 

colonel    baron  Daviso  qui  arrive,  absolument   inconnu  de  M.  et 

de  Mad.  de  N...  pour  demander  des  nouvelles  de  ce  qui  s'était  passé. 

t  ... 

On  lui  avait  annonce,  dans  une  séance  spintique,  que  les  esprits 

allaient  jouer  un  tour  à  une  dame  habitant  précisément  la  maison 

où  était  Mad.  de  N...  et  le  baron  Daviso  était  venu  pour  vérifier  le 

fait l. 

Un  fait  de  cryptesthésie  spiritique,  obtenu  par  les  mouvements 
de  la  table,  a  été  observé  à  Cambridge  par  Hélène  Verrall2. 

Le  29  janvier  1907,  à  18  heures,  les  mots  suivants  ont  été  dictés  : 
Felloiv  of  Royal  Society  Potter,  dead  this  afternoon  4.  30  Edditor  of 
Physiological  Review  London  43  Belsize  gardens  Kensington,  married, 
fixe  children. 

Le  message  s'applique  bien  à  l'éminent  physiologiste  Foster  (et 
non  Potter)  éditeur  du  Journal  of  physiologij,  membre  delà  Société 
royale,  marié,  père  de  cinq  enfants,  et  demeurant  à  Londres  (il  y  a 
eu  erreur  sur  l'adresse),  Le  professeur  Foster  n'est  pas  mort  le  29  à 
16  heures  30,  mais  dans  la  nuit  du  28  au  29.  La  nouvelle  n'en  est 
arrivée  à  Cambridge  que  tard  dans  la  soirée  du  29  par  les  journaux 
londoniens  du  soir.  D'ailleurs  Hélène  Verrall  et  M.  Bayfield,  qui 

1.  A.  S,  P..  1909,  XIX,  109. 

2.  Journ.  S.  P.  R.,  mars  1907,  36. 


CRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  179 

était  à  la  table  avec  elle,  n'avaient  vu  personne  dans  la  journée  et 
n'avaient  regardé  aucun  journal. 

Il  est  à  noter  toutefois  que  M.  Michael  Foster  a  été  longtemps 
professeur  de  physiologie  à  Cambridge,  et  que,  ainsi  que  M.  Verrall, 
le  père  d'HÉLÈNE,  il  a  appartenu  à  l'Université. 

J'ai  fait  plusieurs  expériences  très  nettes  avec  Stella.  Stella,  qui 
n'est  pas  un  médium  professionnel,  mais  une  jeune  fille  qui  ne  s'est 
occupée  de  spiritisme  que  par  hasard.  Un  jour  elle  a  découvert 
qu'en  mettant  la  main  sur  la  table  ou  sur  la  planchette  elle  donnait 
des  réponses  curieuses.  Avec  Stella  j'ai  pu  obtenir  des  preuves 
éclatantes  de  lucidité,  sans  pouvoir  décider  d'ailleurs  si  cette  luci- 
dité était,  ou  non,  télépathique. 

J'ai  procédé  avec  autant  de  rigueur  expérimentale  que  possible. 
Nous  étions,  dans  ces  huit  expériences,  trois  personnes  :  Stella, 
G...  et  moi.  G...,  licencié  es  sciences,  physicien  habile,  n'avait 
jamais  vu  Stella,  et  moi-même  je  ne  connaissais  absolument  rien 
de  la  famille  de  G...  Dans  ces  expériences,  non  seulement  G...  ne 
mettait  pas  la  main  sur  la  table  (soulèvement  de  la  table  à  telle  ou 
telle  lettre  de  l'alphabet)  ;  mais  encore  il  nous  tournait  le  dos,  ne 
pronouçait  pas  une  parole,  et  ne  faisait  pas  un  geste.  Or,  dans  ces 
huit  séances,  Stella  a  pu  dire  les  prénoms  de  la  femme,  des  frères, 
du  fils,  du  père,  du  beau-père  de  G...,  tous  prénoms  que  Stella 
et  moi  nous  ignorions  absolument.  En  admettant  une  probabilité 
de  1/40%  calculée  en  supposant  qu'il  y  a  à  peu  près  40  prénoms  usuels 

masculins,  et  40  prénoms  usuels  féminins,  on  a  comme  probabi- 

/  1  \  6  1 

lité  l-^-J    c'est-à-dire  25  000  000  000  '   ce  ^U1  équivaut  sinon  à  la 

certitude  mathématique,  au  moins  à  la  certitude  morale. 

Mais  le  calcul  des  probabilités  doit  être  manié  avec  plus  de  pru- 
dence, car  il  n'est  pas  tout  à  fait  exact  de  dire  que,  sur  ces  six 
expériences,  il  n'y  a  pas  eu  d'insuccès,  de  sorte  que,  si  des  insuccès 
sont  mêlés  aux  succès,  il  n'est  pas  possible  d'admettre  la  probabi- 
lité (tq-)  Admettons,  en  exagérant,  qu  il  y  eut  six  hésitations, 
équivalant  plus  ou  moins  à  des  insuccès,  on  a  alors  la  formule  : 

s! 
TTJTpaq* 


180  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

formule  dans  laquelle  les  succès  a  ont  une  probabilité  p,  les  insuccès 
p  une  probabilité  q.  Naturellement  p  +  q  —  l 

a  -f-  p4  ==s. 

Alors,  en  admettant  six  écbecs  et  six  succès,  sur  douze  expé- 
riences, la  probabilité  composée  devient  ^  Q00  0QU  ;  ce  qui  est  la 
même  certitude  morale  que  si  la  probabilité  est  mille  fois  plus 
faible. 

Même  certains  de  ces  écbecs  sont  très  instructifs.  Ainsi  il  est 
demandé  le  prénom  de  l'enfant  de  G...  La  réponse  est  Georgette 
(ce  qui  est  une  erreur,  puisque  l'enfant  est  un  garçon  qui  s'appelle 
Jean).  Alors  G...  nous  dit  (ce  que  Stella  et  moi,  naturellement,  nous 
ignorions),  quesa  femme  et  lui,  sil'eufantavaitétéunefille,  l'eussent 
appelée  Georgette. 

G...  demande  le  nom  d'un  frère  mort.  La  réponse  est  «  André,  il 
vit  ». 

Le  nom  du  frère  mort  de  G...  n'est  pas  André.  Or  G...  a  un  autre 
frère  vivant,  qui  s'appelle  André.  "Et  il  semble  bien  que  cela  ait 
voulu  être  précisé,  puisque,  tout  de  suite  après  André,  sont  venus 
les  deux  mots  étonnants  :  il  vit.  On  peut  presque  dire  que  cet  échec 
est  plus  intéressant  qu'un  succès. 

Stella  et  moi  nous  savions  que  G...  est  né  eo  Bretagne,  mais  rien, 
déplus.  Nous  demandons  le  nomde  la  ville  où  ilestné.  La  réponse  est 
Loria.  Nous  peusionsà  Lorietit:  maisdefaitG...  est  né  à  Morlaix.  Or, 
comme  il  y  a  confusion  possible  entre  les  lettres  voisines,  L  peut  très 
bien  avoir  été  dit  pour  M  et  /pour  L.  Quoique  Stella  et  moi  nous 
fussions,  après  les  premières  lettres,  convaincus  qu'il  s'agissait  de 
Lorient,  la  cinquième  lettre  qui  est  venue,  malgré  nous,  a  été  .4... 

Stella  a  pu  dire  aussi,  toujours  par  la  table,  le  nom  d'un  ami 
d'enfance  de  G...  et  le  mot  de  Kerveguen,  qui  f  ut  le  nom  de  l'habita- 
tion de  G...  à  Morlaix.  G...  venait  de  recevoir  une  lettre  conte- 
nant quelques  détails  sur  son  fils,  qui  avait  de  la  fièvre.  On  demande 
ce  qu'il  y  a  dans  cette  lettre,  tout  à  fait  inconnue  de  nous  La 
réponse  a  été  :  «  Jean  fièvre  »  et  il  a  été  ajouté  «  Rit  voiture  ».  Or 
G...  avait  récemment  donné  à  son  petit  Jean  une  voiture  avec 
laquelle  l'enfant  s'était  énormément  et  anormalement  amusé. 

A  maintes  reprises,  Stella  m'a  donné  des  preuves  de  lucidité 


r.RYPTKSTHESIE    SPIRITIQUK  181 

remarquable,  mais  je  ne  veux  pas  —  encore  qu'elles  soient  à  mes 
yeux  très  probantes  —  les  mentionner  ici.  Je  n'accepte  comme 
démonstratives  que  les  expériences  dans  lesquelles  il  est  rigoureu- 
sement impossible  à  Stella,  consciente  ou  inconsciente.,  d'avoir  eu 
par  les  voies  sensorielles  normales  la  connaissance  de  ce  qu'elle  dit. 

Je  citerai  seulement  deux  faits  : 

1°  J'avais  été  porter  une  lettre  à  mon  ami  le  professeur  W.  Stirling 
de  Manchester,  qui  venait  d'arriver  à  Paris,  boulevard  Saint-Michel. 
Bien  entendu,  jamais  je  n'avais  prononcé  devant  Stella  le  nom  de 
M.  Stirling.  Or,  le  lendemain  du  jour  où  j'avais  été  porter  cette 
lettre,  je  dis  à  Stella  :  «  A  qui  ai-je  été  porter  une  lettre,  boulevard 
Saint-Michel!  »  Elle  répond  immédiatement  :  «  A  votre  ami  de 
Londres.  »  Réponse  très  invraisemblable,  car  rien  ne  pouvait  faire 
soupçonner  à  Stella,  parmi  les  nombreuses  lettres  que  je  pouvais 
aller  porter  au  boulevard  Saint-Michel,  que  ce  fût  à  un  ami  anglais 
dont  elle  ignorait  l'existence.  Un  ami  anglais  au  boulevard  Saint- 
Michel,  c'était  bien  peu  vraisemblable! 

L'observation  suivante,  est  encore  plus  remarquable.  Je  vois 
Stella,  le  2  décembre,  dans  la  journée,  et  en  partant  je  lui  dis  : 
«  Je  vais  faire  une  leçon  sur  le  venin  des  serpents.  »  Elle  me  répond 
aussitôt  :  «  J'ai  rêvé  de  serpents,  ou  plutôt  d'anguilles,  cette  nuit.  » 
Alors  —  et  naturellement  sans  lui  dire  pourquoi  —  je  la  prie  de 
me  raconter  son  rêve,  et  voici  textuellement  ses  paroles  :  «  C'étaient 
plutôt  des  anguilles  (deux  anguilles')  que  des  serpents  ;  car  je  voyais  leur 
ventre  blanc,  luisant,  et  leur  peau  visqueuse,  et  je  me  disais  :  je  n'aime 
pas  beaucoup  ces  bêtes-là,  mais  cependant  cela  méfait  de  la  peine  quand 
on  leur  fait  du  mal.  »  Ce  rêve  a  été  étonnamment  conforme  à  la  réalité 
de  ce  que  j'avais  fait  la  veille,  le  1er  décembre.  J'avais  ce  jour-là  — 
pour  la  première  fois  depuis  vingt  ans,  —  expérimenté  avec  des 
anguilles.  Voulant  leur  prendre  du  sang,  j'avais  mis  les  deux 
anguilles  sur  une  table.  Leur  ventre  blanc,  nacré,  reluisant,  visqueux, 
m'avait  frappé.  Elles  avaient  été  fixées  sur  la  table  pour  qu'on  pût 
leur  enlever  le  cœur.  Je  n'en  avais,  en  toute  certitude,  pas  parlé  à 
Stella  (que  je  n'avais  pas  vue  depuis  longtemps)  et  Stella  n'est 
en  relation  avec  aucune  des  personnes  qui  fréquentent  mon  labo- 
ratoire. 

Je  noterai  ici,  comme  caractéristique  de  la  médiumnité  de  Stella, 


182  MÉTA.PSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

et  sans  doute  aussi  de  beaucoup  d'autres  sensitives,  que  rarement, 
sauf  dans  le  cas  cité  plus  haut  de  ma  lettre  à  Stirling,  elle  fait 
une  réponse  précise  à  la  question  précise  que  je  lui  adresse.  Je  ne 
l'avais  pas  du  tout  interrogée  sur  l'emploi  de  ma  journée  la  veille, 
et  le  rêve  qu'elle  a  fait  ne  se  rapportait  nullement  à  moi  dans  son 
idée.  Elle  a  vu  deux  anguilles,  et  voilà  tout. 

Ce  n'en  est  pas  moins  un  fait  remarquable  de  cryptesthésie  ;  car, 
après  les  paroles  prononcées  par  Stella,  qui  répondent  si  bien  à 
l'impression  que  la  veille  j'avais  très  fortement  éprouvée,  on  ne 
peut  parler  de  hasard. 

Lady  Mabel  Howard,  écrivant  par  l'écriture  automatique,  est 
interrogée  par  une  de  ses  amies  au  sujet  d'un  vol  de  bijoux.  Elle 
écrit  qu'on  les  trouvera  au-dessous  du  pont  de  Tebay,  ce  qui 
était,  paraît-il,  tout  à  fait  invraisemblable.  Un  moisaprès  on  retrouva 
les  bijoux  au-dessous  du  pont l. 

Miss  A...,  médium  écrivain,  donne  à  Lady  Radnor  le  nom  d'ANNA 
Chambers.  Ce  nom  était  tout  à  fait  inconnu  de  la  famille  actuelle. 
Après  de  minutieuses  recherches,  on  arriva  à  découvrir  par  Y  Office 
des  Armoiries  qu'une  certaine  Lady  Exeter,  ancêtre  de  Lady  Radnor, 
s'appelait  avant  son  mariage  Anna  Chambers. 

M.  Gordigiani,  ancien  élève  de  l'Ecole  militaire  de  Florence,  dès 
l'âge  de  quinze  ans,  eut  des  phénomènes  médianimiques  spontanés. 
Un  jour,  en  1883  (il  avait  alors  dix-sept  ans),  comme  une  dame 
américaine,  Mad.  veuve  B.  M...,  faisait  faire  son  portrait  par 
M.  Gordigiani,  le  père  de  ce  jeune  homme,  elle  voulut  avoir  une 
séance  avec  le  médium,  qui  écrivit  :  «  H  y  a  une  inimitié,  que  je  ne 
puis  comprendre,  entre  Madame  et  feu  son  mari  ».  Lorsque  la  phrase, 
écrite  en  français,  fut  traduite  à  Mad.  B.  M...,  elle  se  leva,  toute 
pâle,  et  dit  :  «  Comment  !  encore  !  » 

Puis,  comme  on  demandait  une  autre  réponse,  plus  conciliante, 
l'inexorable  écriture  automatique  répondit  :  «  Impossible,  il  est  en 
Nigritie  :  il  a  pour  mission  d'influencer  pour  l'abolition  de  l'esclavage. 
C'est  un  nègre.  » 

l.P.  s.  P.  fi.,  IX,  44. 


CRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  183 

Mad.  B.  M...,  très  émue,  se  retira.  Le  lendemain,  elle  raconta  que 
son  mari  était  homme  de  couleur,  ce  qui  avait  amené  entre  les 
deux  époux  une  longue  inimitié l. 

Le  vendredi  3  octobre  1906,  à  Naples,  Zingaporoli,  à  8  heures  du 
soir,  fait  une  séance  de  spiritisme  avec  un  jeune  médium  et 
M.  Marzoiuti,  directeur  de  l'excellente  Revue  Luce  e  Ombra.  Pen- 
dant le  cours  de  cette  séance,  le  médium  annonça  qu'un  sous-lieu- 
tenant d'infanterie  de  la  caserne  de  Piedigrotta,  Guillaume  Pater- 
nostro,  venait  de  succomber  d'un  coup  de  revolver.  Le  fait  était 
exact,  et  a  été  relaté  dans  le  Maltino  de  Naples,  4  octobre  1906 -. 

Dans  des  expériences  spiritiques  avec  Mad.  Frondoni  Lacombe, 
des  réponses  furent  faites  par  le  moyen  de  raps  à  l'éminent  profes- 
seur Feijao,  de  Lisbonne.  Le  nom  de  son  père  lui  fut  donné.  Il 
retira  ses  mains  aussitôt  de  la  table  et  pourtant  il  obtint  des  réponses 
nettes,  et  absolument  exactes,  à  des  questions  auxquelles  aucune 
des  personnes  présentes  ne  pouvait  répondre'. 

Le  Dr  Mouïin  avait  donné  des  soins  à  une  dame  Joubert,  qui, 
atteinte  de  choléra,  cria,  quelques  minutes  avant  de  mourir  : 
«  Glace  !  glace  !  »  en  montrant  un  miroir  qui  était  sur  la  cheminée. 
M.  Joubert,  le  mari,  marin,  était  absent.  Le  Dr  Moutin  lui  écrivit 
pour  lui  raconter  le  fait,  et  M.  Jodbert,  sachant  que  la  défunte 
cachait  souvent  de  l'argent,  chercha  de  l'argent  partout,  et  n'eu 
trouva  pas.  Quinze  mois  après,  dans  une  séance  spiritique,  l'esprit 
de  Mad.  Joubert  revint,  et  annonça  à  M.  Moutin  qu'une  obligation  de 
la  Cie  Fraissinet  était  cachée  dans  une  glace  que  M.  Jcubert  n'avait 
pas  visitée  et  qu'elle  indiqua.  M.  Moutin  écrivit  alors  à  M.  Joubert, 
qui  fit  aussitôt  de  nouvelles  recherches  et  trouva  l'obligation  en  ques- 
tion v. 

Lady  Mabel  Howard  a  donné  à  Fr.  Mvers  de  bous  exemples 
de  clairvoyance.  Myers  avait  été  invité  à  un  luncb,  et  il  lui  est 

1.  A.  S,  P.,  1898,  VIII,  261. 

2.  A.  S.  P.,  1906,  XVI,  718. 

3.  Les  expériences  de  Mad.  Fhondoni  Lvcombe  portent  presque  uniquement  sur 
la  métapsychique  objective.  Nous  en  parlerons  plus  loin  avec  détail. 

4.  Bozzano,  A.  S.  p.,  1910,  XX,  1222. 


184  MÉTA.PSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

dit,  alors  que  Lady  Mabel  ignorait  même  que  ce  lunch  avait 
eu  lieu,  qu'il  y  avait  là  six  personnes,  et  que  le  gentleman  qui 
était  à  côté  de  lui  à  table  s'appelait  Mo...  En  réalité,  il  y  avait 
six  personnes,  et  M.  Moultrie  était  àcôté  de  Myers. 

Dans  une  autre  expérience,  on  demande  :  «  Où  est  Don  ?  »  Le 
crayon  écrit  «  Don  est  mort  »  ce  qui  était  vrai  et  ce  que  personne 
ne  savait.  —  «  Quelle  est  la  meilleure  amie  d'une  petite  fille  qui  est 
là  ?  »  La  réponse  a  été  :  «  Mary  »,  et  c'était  exact.  Un  livre  a  été 
découvert  qu'on   avait  vainement  cherché    pendant  longtemps. 

Le  cas  Tausch,  observé  par  Hyslop,  prouve  une.cryptesthésie  écla- 
tante. Mad.  Chenoweth  (pseudonyme du  médium  de  M.  Hyslop),  est 
interrogée  au  sujet  d'un  Allemand,  dont  la  veuve  avait  écrit  à 
M.  Hyslop  pour  avoir  quelques  communications  de  son  mari  défunt. 
Hyslop,  sans  rien  à  dire  Mad.  Chenoweth,  obtint  le  nom  de  Taussh, 
Tauch,Taush;  il  fut  dit  que  Taush  connaissait  William  James,  qu'il 
était  un  philosophe,  qu'il  n'était  pas  chez  lui  quand  il  est  mort,  qu'il 
avait  la  manie  de  mettre  les  montres  à  l'heure  exacte,  qu'il  possédait 
un  sac  où  il  mettait  ses  manuscrits  et  ses  lunettes  ;  détails  minuscules 
que  la  télépathie  ne  peut  expliquer  :  c'est  de  la  clairvoyance. 

M.  Isaac  Funk,  le  grand  éditeur  de  New-York,  expérimentant 
avec  Mad.  Pepper,  lui  remet  une  lettre  cachetée  dans  laquelle  il  a 
écrit  le  mot  Mère  .  Alors  Mad.  Pepper  prend  la  lettre,  donne  le 
prénom  de  la  mère  de  M.  Funk  et  lui  indique  que  Mad.  Funk  mère 
ne  marchait  que  sur  une  seule  jambe.  «  Est-ce  que  vous  ne  vous  sou- 
venez pas  de  cette  aiguille  ?  »  (Mad.  Funk  s'était  blessée  en  s'enfonçant 
une  aiguille  dans  le  pied.)  Mad.  Pepper  voit  aussi,  à  côté  de  Mad.  Funk 
mère,  son  petit-fils,  Ciiester.  A  ce  moment  M.  Funk  ne  se  rappelle 
aucunement  ce  nom  deCHESTER.  Pourtant,  après  enquête,  il  s'assure 
que  sa  mère  avait  en  effet  un  petit  fils  nommé  Chester,  mort,  il  y  a 
vingt  ans,  en  bas  âge,  dans  les  États  de  l'Ouest1. 

Yza  Trisk,  dans  une  séance  spiritique  à  Stockholm,  reçut  la  com- 
munication suivante  :  «  J'ai  quitté  la  terre  depuis  vingt-quatre  heures, 
et  je  viens  te  remercier  ».  Il  y  avait  aussi  un  dessin  médianimique 

1.  A.  S.  P.,  1905,  XV,  246. 


CRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  185 

qui  fut  reconuupour  être  le  portrait  d'un  poète  finlandais  que  tout 
le  monde  croyait  vivant.  De  fait,  ce  poète,  qu'YzA  Tuisk  connaissait 
uu  peu.,  auteur  de  l'hymne  finlandais,  venait  de  mourir  en  Italie. 

Est-il  avéré  qu'aucun  journal  à  Stockholm  n'avait  déjà  annoncé 
cette  mort  au  moment  de  la  séance? 

Le  commandant  L arget,  accompagné  de  sa  femme  et  de  sa  fille, 
interroge  Mad.  Bonnard,  une  médium  professionnelle  qui  parle 
alors  comme  si  elle  était  la  mère  de  Mad.  Darget.  Mad.  Darget 
insistant  pour  avoir  une  preuve  d'identité,  il  fut  dit  :  «  J'ai  eu 
grande  satisfaction  de  voir  qu'on  a  mis  des  fleurs  toutes  blanches  sur  ma 
tombe-  »  De  fait,  en  passant  à  Poitiers  où  était  enterrée  la  mère  de 
Mad.  Darget,  une  cousine  avait  mis  sur  la  tombe  un  bouquet  de 
fleurs  toutes  blanches. 

W.  Stead,  en  présence  de  Mad.  R...  écrivit,  par  l'écriture  auto- 
matique, venant  soi-disant  de  Jdlia,  amie  de  Mad.  R...,  que  Mad.  R... 
avait -fait  une  chute  et  s'était  lésé  l'épine  dorsale.  Dénégation  de 
Mad.  R...  Julia  (toujours  par  la  main  de  Stead)  dit  :  «  Elle  l'a 
oublié  :  c'était  il  y  a  sept  ans,  à  Streaton  dans  V Illinois  :  il  y  avait  de  la 
neige.  En  arrivant  devant  la  maison  de  Mad.  Buell,  Mad.  R...  glissa 
sur  le  bord  du  trottoir,  tomba  et  se  lésa  le  dos.  »  A  ce  moment, 
Mad.  R...  se  souvint  de  ce  petit  fait  qu'elle  avait  totalement  oublié. 

En  1874,  après  avoir  été  magnétisé  par  le  baron  Du  Potet,  Stainton 
Moses  écrit  automatiquement  :  «  Je  me  suis  tué  aujourd'hui.  »  L'écri- 
ture est  accompagnée  d'un  dessin  très  grossier  avec  ces  mots  : 
«  Sous  le  rouleau  à  vapeur,  dans  Baker  Street,  où  le  médium  a 
passé.  »  Le  lendemain,  après  enquête,  St.  Moses  apprend  qu'un 
homme  a  été  écrasé  à  Baker  Street  par  le  rouleau  à  vapeur*. 

M.  MACKENSiE5,-quoique  n'étant  pas  chasseur,  passe  une  journée  à 
la  chasse  ;  le  soir  il  fait  deux  parties  de  billard  avec  son  père,  et 

1.  Bozzano,  A.  S.  P.,  1910,  264. 

2.  Bozzano,  A.  S.   P.,  1909,  XIX,  322. 

3.  A.  S.  P  ,  1909,  XIX,  110. 

4.  Delanne,  loc.  cit.,  34. 

;;.  a.  s.  p..  1919,  xxix,  n«  ho. 


186  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

gagne  les  deux  parties.  Or,  ce  même  jour,  M.  Nicholson,  qui 
demeurait  à  200  kilomètres  de  là,  et  qui  connaissait  à  peine 
M.  Mackknsie,  obtient  par  la  table  le  nom  delVUcKENsiE  «  il  joue  au 
billard  avec  son  père,  il  gagne  deuxpai'ties,  il  a  été  à  la  chasse  ». 

Mad.  Effia  Bathes  fut  convertie  au  métapsychisme  par  le  fait 
suivant,  absolument  démonstratif. 

Elle  se  rendit  chez  une  clairvoyante  professionnelle  qu'elle  ne 
connaissait  pas,  et  qui  ne  la  connaissait  pas.  Celle-ci  lui  décrivit 
minutieusement  un  frère  défunt,  lequel,  prenant  (médianimique- 
mentj  la  parole,  lui  dit  qu'il  s'était  rendu  à  la  maison  paternelle, 
qu'il  avait  vu  que  sa  collection  de  fossiles  ne  se  trouvait  plus  dans 
sa  chambre  et  qu'il  en  était  profondément  attristé. 

Or  le  frère  de  Mad.  Bathes,  étudiant  à  Cambridge,  passionné 
pour  la  géologie,  avait  réuni  une  belle  collection  de  fossiles.  Après 
sa  mort,  une  partie  de  ces  fossiles  avait  été  léguée  au  Musée  de 
Cambridge.  L'autre  partie  était  restée  chez  lui,  dans  sa  chambre. 
Quelque  temps  après,  Mad.  Bathes  apprit  que  leur  mère  avait 
donné  ces  fossiles  au  Musée  de  Bristol,  ce  que  Mad.  Bathes  igno- 
rait. 

A  Vilna,  le  15  janvier  1887,  chez  l'ingénieur  Kaigodoroff, 
MHe  Emma  Sthamm,  servant  de  médium,  révèle  qu'AuGusi-E  Duvanel 
est  mort  d'un  engorgement  de  sang.  Quinze  jours  après,  le  père 
d'EMMA  Stkamm  écrit  une  lettre  à  sa  fille  pour  lui  annoncer 
qu'AuGusTE  Duvanel  est  mort  d'un  engorgement  de  sang.  Puis  une 
autre  communication  survint,  annonçant  au  contraire  qu'AuGusTE 
Duvanel  n'était  pas  mort  d'un  engorgement  de  sang,  mais  qu'il 
s'était  tué  à  Zurich  le  15  janvier  1887.  Il  paraît  que  le  père  d'EMMA 
Stramm,  aussi  bien  que  le  guide  qui  donnait  les  réponses  par  la 
table,  avaient  voulu  l'un  et  l'autre  éviter  à  Emma  la  douleur 
d'apprendre  qu'AuGusTE  Duvanel  s'était  tué  (par  désespoir  d'amour 
malheureux  pour  Emma).  Cette  histoire  romanesque  ne  signifie  rien. 
Il  est  regrettable  que  dans  des  livres  sérieux  ou  fasse  état  de 
pareils  récits. 

Un  médecin  émineut,  le  D1  Santo-Liquido,  directeur  de  l'Office 


CRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  187 

d'Hygiène  de  Rome,  a  aualysé  avec  une  grande  pénétration  des 
phénomènes  de  cryptesthésie  qu'il  a  eu  l'occasion  d'observer  sur 
une  personne  de  sa  famille,  une  dame  de  grande  distinction,  qui 
s'est  trouvée  présenter,  sans  les  avoir  recherchés,  des  phénomènes 
de  typtologie  et  d'écriture  automatique.  M.  Santo-Liquido,  comme 
chacun  de  nous,  était  d'abord  absolument  sceptique  sur  tous  les 
phénomènes  dits  spiritiques.  Mais  il  lui  a  fallu  se  rendre  à  l'évi- 
dence, et  accepter  qu'il  y  a  parfois  chez  les  médiums  des  connais- 
sances qui  dépassent  nos  connaissances  normales.  Une  fois,  Louise 
—  c'est  le  nom  du  médium  —  lui  dit,  en  état  de  trance  :  «  Au  lieu 
de  critiquer  mes  expériences,  tu  devrais  V occuper  de  ton  rapport  qui 
n'est  pas  achevé.  »  Or  le  rapport  important  que  M.  Santo-Liquido 
devait  remettre  au  ministre  de  l'Intérieur  avait  été  depuis  quinze 
jours  achevé  et  envoyé.  Du  moins  M.  Santo-Liquido  en  était  absolu- 
ment convaincu.  Mais  le  lendemain  il  acquit  la  preuve  que,  par  la 
singulière  négligence  d'un  de  ses  subordonnés,  le  mémoire  était 
resté  enfoui  dans  un  carton. 

Maintes  fois  Louise  a  indiqué  avec  précision  des  faits  imprévus, 
et  elle  a  donné  de  très  beaux  exemples  aussi  bien  de  cryptesthésie 
que  de  prémonition.  Une  fois  elle  dit  à  M.  Santo-Liquido  :  «  Tu  vas 
être  appelé  à  Gênes,  mais  M.  Giolitti  ne  te  permettra  pas  d'y  aller.  » 
C'étaient  deux  invraisemblances.  Le  lendemain  de  ce  même  jour, 
M.  Santo-Liquido  est  rappelé  d'urgence  à  Gênes  par  un  membre  de 
sa  famille,  et  en  même  temps  M.  Giolitti  lui  télégraphiait  qu'il 
avait  un  absolu  besoin  de  lui,  et  qu'il  fallait  à  tout  prix  rester  à 
Rome  l. 

M.  Tola  Dorian,  faisant  une  expérience  spiritique,  apprend  que  son 
ami  H .  de  Lacretelle  vient  d'être  désincarné,  c'est-à-dire  de  mourir  à 
Paris.  Et,  en  effet,  M.  H.  de  Lacretelle  mourut  ceite  nuit-là  (16  février 
1899)  à  Paris,  et  non  à  Mâcon,  comme  le  croyaitM.  Tola  Dorian.  2 

Quelques  faits  de  cryptesthésie  spiritique  se  trouvent  men- 
tionnés dans  le  livre  de  E,  Cornillier  :î.  Malheureusement  ils  sont 

1.  Communication  faite  en  juin  1920  à  L'Institut  métapsy chique  de  Paris.  Bull, 
de  l'Institut  mélapsychique,  1020,  n°  1. 

2.  A.  S.  P.,  XXIX,  242. 

3.  P.-E.  Cornillier,  La  survivance  de  l'âme,  et  son  évolution  après  la  mort, 
Comptes  rendus  d'expériences,  Paris,  Alcan,  1920,  570  pp. 


488  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

rares,  cet  ouvrage  étant  destiné  moins  à  démontrer  la  clairvoyance, 
qu'à  faire  connaître  les  imaginations  du  subconscient  sur  les 
théories  spirites,  de  sorte  que  Ton  peut  très  difficilement  citer 
quelques  exemples,  à  peine  probants,  de  lucidité. 

Il  s'agit  d'une  jeune  fille,  Reine  X...,  âgée  de  quinze  ans,  qui, 
la  première  fois  qu'elle  a  fait  une  expérience  spiritique,  a  obtenu 
des  coups  sans  contact.  Alors  elle  fut  magnétisée  par  M.  Cornillier, 
et  tous  les  phénomènes  (uniquement  subjectifs)  présentés  ensuite 
par  elle  l'ont  été  dans  l'état  de  somnambulisme.  Toutefois  nous 
devons  les  classer  comme  relevant  plutôt  du  spiritisme,  car  elle 
avait  un  guide  (Vetteli.ini  ?)  qui  lui  dictait  ses  réponses.  Peu 
importe  d'ailleurs  que  ce  soit  somnambulisme  ou  spiritisme  ;  car 
les  deux  modalités  psycho-physiologiques  se  confondent  bien 
souvent. 

La  première  fois  que  M.  Cornillier  endormit  Reine,  celle-ci, 
descendant  en  pensée  dans  l'appartement  de  M.  Cornillier,  distinct 
de  son  atelier,  et  où  elle  n'avait  jamais  été,  donne  des  détails 
précis,  brosses  en  ivoire  posées  sur  une  table,  une  glace  ovale, 
deux  petits  portraits  de  M.  C...  sur  la  cheminée. 

Une  autre  fois,  Reine  va  visiter  M.  S.  0...,  un  ami  de  M.  Cornil- 
lier. Elle  le  voit  assis  à  son  bureau,  et  écrivant  une  lettre  d'affaires. 
A  côté  de  lui,  une  dame,  dans  un  fauteuil  à  la  droite  du  bureau. 
Tous  ces  détails  sont  exacts.  Mais  que  prouvent-ils? 

Reine,  étant  envoyée  pour  visiter  la  demeure  de  M.  X...,  décédé  il 
y  a  six  ans  à  R...  dit  qu'il  y  a  une  haute  tour,  datant  des  temps 
anciens  (ce  qui  estexact),etparlautdeM.  X...  dit  :«.  Il  aimait  le  plus 
se  promener  et  la  peinture  »  ce  qui  est  tout  à  fait  caractéristique 
deX... 

Elle  sembla  aussi  avoir  eu  une  prémonition  (p.  417).  Elle  a  vu  le 
26  août  1913,  M.  Cornillier  prenant  le  chemin  de  fer,  vêtu  en  habit 
noir  ;  l'air  triste.  Cette  vision  s'est  répétée  dans  la  nuit  du  28  août. 
Le  30  août,  elle  voit  M.  C...  préparant  sa  valise.  Or,  le  1er septembre, 
M.  C.-.,  recevait  la  nouvelle  qu'un  sien  cousin  était  mort,  et  il  prit 
le  train  aussitôt  pour  suivre  le  convoi  (en  habit  noir).  Malheureu- 
sement, M.  Cornillier  ne  nous  dit  pas  si  Reine  n'a  pas  pu,  par 
les  voies  sensorielles  normales,  connaître  la  maladie  de  son 
cousin. 


CFtïPTEStHÉSfE    SPltUTlQUE  ÎH'J 

Reine  a  pu  donner  «aussi  le  nom  d'une  dame  Jeanne  B...  morte  à 
quarante-sept  ans,  qui  s'est  incarnée  eu  elle  (p.  504)  et  qui  a  donné 
maints  détails  exacts  :  sur  un  fils,  nommé  Marcel,  soldat  dans  la 
cavalerie,  et  sur  sou  mari,  avec  qui  elle  avait  divorcé,  et  qui 
l'avait  rendue  très  malheureuse.  Tous  ces  détails  ont  été  ultérieu- 
rement vérifiés.  Mais  il  est  impossible  d'admettre  comme  démontrée 
(et  presque  comme  vraisemblable)  qu'il  y  a  eu  cryptesthésie  :  car 
ou  ne  nous  dit  nulle  part  que  Reine  n'avait  pas  pu  connaître 
Mad.  B...  modiste. 

Tous  ces  faits  n'ont  donc  qu'une  très  mince  valeur. 

Ainsi,  malgré  tout  le  labeur  dépensé  par  M.  Cornillier,  dans  son 
livre,  il  y  a  de  telles  faiblesses  et  de  si  graves  lacunes  que  nous 
n'en  pouvons  tirer  aucun  parti.  Les  opinions  de  Vettellini,  c'est-à- 
dire  de  l'inconscient  de  Reine,  sur  les  choses  et  les  hommes  de  ce 
monde  et  de  l'autre,  nous  laissent  terriblement  indifférents.  La  plus 
petite  constatation  rigoureuse  d'une  cryptesthésie  ou  d'une  prémo- 
nition irréprochables,  auraient  une  valeur  scientifique  autre.  A  cet 
égard  les  précieux  rapports  de  Mad.  Sidgwick,  de  R.  Hodgson  et  de 
J.  Hyslop  s,ont  incomparables.  C'est  surtout  l'admirable  rapport 
donné  par  Sir  Oliver  Lodge  de  ses  séances  avec  Mad.  Piper,  qui 
me  paraît  être  le  modèle  du  genre. 

M.  Mamtchitch  assiste  à  une  séance  spirite  pour  la  première  fois 
en  1875  à  Kieff,  Rentré  chez  lui,  il  se  met  à  la  table,  et  interroge 
l'alphabet.  Le  nom  de  Palladia  lui  est  donné,  et  cette  phrase  : 
«  Remets  l'ange  à  sa  place,  ou  il  va  tomber.  »  M.  Mamtchitch  se  rend 
le  lendemain  au  cimetière,  où  il  n'avait  jamais  été,  et  finit  par 
découvrir  la  tombe  ensevelie  sous  la  neige.  La  statue  de  marbre, 
représentant  un  ange,  avec  une  croix,  penchait  fortement  d'un 
côté1. 

M.  M.vssey2,  allant  voir  une  médium,  Mad.  Lottie  Fi.ower,  lui 
donne  le  gant  d'un  de  ses  amis,  M.  Pigott,  absolument  inconnu  à 
Miss  Flower  ;  elle  dit  :  «  C'est  absurde,  je  ne  peux  rien  dire  que  Pig. 
Pig...». 

1.  Bozzano,  A.  S.  P.,  1909,  XIX,  324. 

2.  Mvers,  Humatt  Personnalily ,  II,  5G2. 


190  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Sir  William  Barrett1  raconte  un  fait  de  cryptesthésie  dû  à  la 
femme  d'un  éminent  médecin  Irlandais,  laquelle  a  la  faculté  de 
l'écriture  automatique.  Cette  dame  écrit  le  nom  d'un  sien  cousin 
tué  aux  armées,  qui  annoncequ'il  avait  une  fiancée,  et  donne  de  sa 
fiancée  le  nom,  le  prénom  et  l'adresse.  Or  ces  fiançailles  avaient 
été  tenues  absolument  secrètes  pour  la  famille  même  du  défunt. 

Le  Dr  Speakman,  expérimentant  avec  deux  demoiselles  anglaises, 
à  Pau,  avec  la  planchette,  leur  parle  d'une  dame  Sahah  Lamy,  morte 
depuis  quelques  jours.  Sarah,  par  la  table,  annonça  que  sa  fille 
s'appelait  Rose  (exact)  et  qu'elle,  Sarah,  manifesterait  sa  présence 
à  son  mari  en  frappant  au  pied  du  lit.  Et,  en  effet,  le  soir  même, 
M.  Lamy  entendit  des  coups  répétés  dans  le  dossier  du  lit.  Elle 
ajouta  qu'il  aurait  des  difficultés  avec  les  notaires,  et  en  effet  des 
difficultés  imprévues,  indépendantes  de  la  mort  de  Mad.  Lamy, 
survinrent.  D'autres  détails  véridiques  furent  encore  donnés2. 

Mad.  Léonard,  celle-là  même  qui  a  douné  à  Sir  Oliver  Lodge 
d'admirables  témoignages  de  clairvoyance,  a  donné  à  Miss  Radcylffe 
Hall  et  Lady  Tuoubridge  de  très  bonnes  preuves  de  cryptesthésie3. 

Le  mémoire  est  divisé  en  cinq  chapitres*. 

1°  Description  du  communicateur,  c'est-à-dire  du  personnage 
évoqué.  11  s'agit  de  Mad.  A.  V.  B...  une  amie  de  Miss  R.  H...  et  de 
LadyT...  morte  à  cinquante-sept  ans,  totalement  inconnue  de 
Mad.  Léonard,  qui  a  été  exactement  décrite  par  Féda,  le  guide  de 
Mad.  Léonard.  Dans  quelques  circonstances,  Miss  R.  H...  touchait 
très  légèrement  la  table;  mais  le  plus  souvent  la  réponse  se  faisait 
par  des  paroles.  Féda  a  pu  dire  que  Mad.  A.  V.  B...  avait  une 
paralysie  de  la  bouche,  à  droite,  ce  qui  était  exact.  Toute  la  des- 
cription de  Mad.  A.  V.  B...  a  été  faite  avec  une  remarquable  préci- 
sion. 

1.  Cité  par  Mad.  Dallas,  A.  S.  P.,  XXVI,  juillet  1916,  112. 

2.  A.  S.  P.,  XIX,  330. 

3.  On  a  séries  of  siltings  with  Mrs  Osborne  Léonard,  par  Miss  Radclyffe  Hall  et 
lady  Tuoubridge,  P.  S.  P.  R.,  décembre  1919,  XXX,  330-547. 

4.  Quoique  sûres  de  la  sincérité  de  la  médium,  comme  il  s'agissait,  somme 
toute,  d'une  médium  professionnelle,  Miss  R.  H...  et  Lady  T...,  qui  n'avaient  d'ail- 
leurs jamais  fréquenté  les  médiums  et  les  cercles  spirites,  se  sont  assurées,  par 
des  détectives,  qu'aucune  enquête  secrète  n'avait  été  conduite  par  Mad.  Léonard. 


CRYPTESTHÉS1E    SP1RITIQUE  191 

2°  Des  descriptions  complètes  ont  été  données  de  lieux  absolu- 
ment inconnus  de  Mad.  Léonard,  et  que  Mad.  A.  V.  B...,  pendant 
qu'elle  était  en  vie,  a  visités  avec  Miss  R.  H...  Il  s'agit  notamment 
de  Ténérifïe  et  des  Iles  Canaries.  Elle  parle  de  deux  petits  singes, 
d'un  climat  ni  trop  chaud,  ni  trop  froid,  d'une  route  où  on  marche 
sur  des  cendres,  d'un  endroit  nommé  Cruth,  Vera.,.  Vera  Cruth... 
Téuérifïe,  Mazagal.  (Ténérifïe,  Santa  Cruz,  et  (au  Maroc)  Mazagra, 
sont  les  lieux  que  Miss  R...  et  Mad.  A.  V.  B...  ont  visités.) 

3°  D'autres  preuves  de  grande  lucidité  ont  été  ensuite  données, 
pour  lesquelles  Miss  R...  et  Lady  T  ..  ne  peuvent  fournir  de  détails, 
car  il  s'agit  de  choses  trop  intimes  pour  être  publiées.  La  maison 
de  Lady  T...,  sa  robe  de  chambre  bleue,  sa  salle  à  manger,  ont  été 
exactement  décrites. 

4°  Des  détails  abondants  out  été  apportés  par  Féda  sur  une 
personne  nommée  Daisy  (pseudonyme)  que  Mad.  A.  V.  B... 
avait  conuue,  détails  que  ne  pouvaient  savoir  ni  Miss  R...  ni 
Lady  T.. 

Sans  pouvoir  entrer  dans  un  récit  plus  circonstancié,  il  demeure 
évident  que  la  cryptesthésie  de  Mad.  Léonard  est  très  puissante, 
et  eu  outre  qu'elle  a,  tout  comme  Mad.  Piper,  connaissance  de  faits 
qu'aucune  transmission  mentale  ne  peut  expliquer.  Ainsi  ces 
expériences  remarquables  prouvent,  une  fois  de  plus,  que  la  cryp- 
testhésie existe  et  que,  dans  nombre  de  cas  on  ne  peut,  pour  l'ex- 
pliquer, invoquer  quelque  télépathie 

Mad.  Thompson  a  donné  de  beaux  exemples  de  cryptesthésie  à 
Fr.  Myers  »  et  à  d'autres  personnes. 

Cette  cryptesthésie  se  manifeste  chez  elle  quand  elle  tombe  en 
état  de  somnambulisme,  état  qui  survient  spontanément,  dès 
qu'elle  veut  faire  une  expérience.  Alors  c'est  une  petite  fille  (Nelly, 
une  enfant  qu'elle  a  perdue)  qui  s'incarne  en  elle  et  parle  avec  un 
langage  enfantin  (comme  Féda  de  Mad.  Léonard). 

Les  phénomènes  présentés  par  Mad.  Thompson  sont  intermédiaires 
entre  la  cryptesthésie  hypnotique  et  la  cryptesthésie  spiritique. 

Mad.  Thompson  m'a  donné  une  très  belle  preuve  de  lucidité. 

1.  Voir  auisi  Dr  Fr.  van  Eedeh,  Quelques  observations  sur  les  phénomènes  dits 
spirites.  Congr.  Univ.  de  psychologie  de  Paris.  1900  et  A .  .S.  /'..  1901,  XI,  240-52. 


192  MÉTAPSYCHNjUE    SUBJECTIVE   - 

Fr.  Myers  l'avait  amenée  chez  moi,  pour  expérimenter.  Ce  soir-là, 
mon  fils  Georges  lui  remet  sa  montre,  en  lui  demandant  si  elle  ne 
pourrait  pas  en  dire  quelque  chose.  Mad.  Thompson  prend  la  montre, 
et,  après  quelque  hésitation,  dit  :  «  Three  générations  mixed.  »  Il 
était  difficile  de  mieux  dire.  En  efïet  cette  montre  avait  été  donnée 
par  le  grand-père  de  Georges  (Félix  Aubry)  à  son  fils  Georges  Aubry. 
Après  la  mort  de  Georges  Aubry,  tué  à  la  bataille  de  Vendôme  en 
1870,  M.  Félix  Aubry  avait  repris  cette  montre,  et  en  mourant  il 
l'a  laissée  à  mon  fils  Georges. 

Mad.  Thompson,  étant  dans  le  jardin  de  la  terrasse  de  Monaco,  voit 
un  vieux  monsieur  et  une  vieille  dame  jouant  avec  un  petit  chien. 
Alors  elle  s'approche  d'eux  et  leur  adresse  la  parole,  tout  de  suite, 
sans  aucune  raison  valable,  ex  abrupto.  Bientôt  elle  leur  dit  qu'elle 
leur  a  parlé  parce  qu'elle  a  vu  le  mot  de  Carqueiranne  au-dessus 
de  leur  tète.  Or,  précisément,  M.  et  Mad.  Moutonnier  devaient  aller 
à  Carqueiranne  pour  rencontrer  Mad.  Thompson  elle-même,  avec 
Myers  qui  était  à  ce  moment  mon  hôte  à  Carqueiranne.  Mad.  Thomp- 
son n'avait  jamais  entendu  parler  de  M.  et  de  Mad.  Moutonnier. 

Le  D1'  Fkédéric  van  Eeden,  médecin  hollandais,  habitant  Bussum, 
fut  mis  par  Myers  en  relation  avec  Mad.  Thompson.  On  prit  un  soin 
extrême  pour  cacher  son  nom  et  sa  nationalité.  Or,  dans  le  cours 
de  la  séance,  Mad.  Thomson  l'appela  M.  Bussum,  dit  qu'il  avait  un 
parent  s'appelant  Frédéric,  et  qu'il  était  jardinier  d'EDEN.  M.  van 
Eeden  avait  apporté  une  pièce  de  vêtement  d'un  jeune  homme 
qui  s'était  suicidé,  sans  mettre  personne  dans  la  confidence. 
Mad.  Thompson  a  donné  son  prénom  et  décrit  son  caractère.  Elle 
a  indiqué  qu'il  avait  du  sang  sur  la  gorge  (ce  qui  est  con- 
forme au  genre  du  suicide).  Quand  M.  van  Eeden  s'exprimait  en 
hollandais,  Mad.  Thompson,  sans  cependant  parler  cette  langue,  la 
comprenait  très  bien.  Elle  a  rappelé  exactement  à  M.  van  Eeden 
la  conversation  qu'il  avait  eue  avec  le  suicidé.  M.  van  Eeden 
a  fini  par  être  absolument  convaincu  qu'il  y  a  eu  réelle  communi- 
cation avec  une  personne  décédée.  Or  cette  conviction  personnelle 
d'uu  psychologue  expérimenté  comme  M.  van  Eeden  a  un  grand 
poids. 

James  Hyslop  a  étudié  avec  un  soin  extrême  un  cas  de  cryptes- 


GRYPTESTHIÎSIIC    SPIRITIQUE  103 

thésie  qui  lui  paraît  une  preuve  d'identification  personnelle  . 
M.  Thomson,  orfèvre-photographe,  avait  un  peu  connu  un  peintre 
distingué,  Robert  Swain  Gifford,  qu'il  avait  rencontré  une  ou  deux 
fois  aux  marais  de  Nord  Bedford.  Une  fois  même  il  lui  avait  rendu 
visite. 

Gifford  meurt  en  janvier  1905,  et  Thompson,  dans  l'été  de  1905,  res- 
sent une  première  impulsion  (l'impulsion  d'esquisser  et  de  peindre). 

A  l'exposition  des  œuvres  de  Gifford,  il  lui  sembla  entendre  une 
voix  lui  disant  :  «  Finissez  ce  que  j'ai  commencé.  »  A  la  sortie  de 
cette  exposition,  Thomson  se  mit  à  dessiner  des  tableaux  tout  à  fait 
dans  le  style  de  Gifford,  quelques-uns  d'une  étonnante  similitude. 

S'il  était  rigoureusement  prouvé  que  Thomson  n'avait  ni  vu  ni  pu 
voir  les  dessins  de  Gifford,  la  démonstration  de  la  cryptesthésie  serait 
étonnante.  Or  Thomson,  malgré  toute  sa  loyauté,  ne  peut  répondre 
des  souvenirs  pantomnésiques  de  son  inconscient,  et  alors  le  cas 
n'est  pas  bien  probant.  Il  faudrait  établir  que  les  dessins  de  Gifford 
ont  été  absolument  inconnus  de  Thomson.  Flournoy  a  été  bien  plus 
sévère,  et  avec  raison,  pour  Hélène  Smith. 

Il  nous  paraît  impossible  d'admettre  la  possession  de  Thomson 
par  Gifford. 

De  môme  le  cas  cité  par  Aksakoff  ne  peut  être  considéré  comme 
démonstratif.  Dans  la  petite  ville  de  Tambofî,  en  Russie,  meurt 
une  infirmière,  Anastasie  Perelyguine,  qui  s'est  empoisonnée  le 
16  novembre.  Le  18  novembre,  dans  cette  même  ville  de  Tambofî, 
le  nom  d'ANAsTAsiE  arrive,  avec  des  détails  sur  son  suicide.  Il 
importe  peu  que  les  assistants  et  le  médium  déclarent  avoir  ignoré 
tout.  Il  suffit  qu'ils  aient  pu  en  entendre  parler  dans  la  ville  (et 
l'avoir  oublié)  du  16  au  18  novembre,  soit  pendant  deux  fois  vingt- 
quatre  heures,  pour  que  leur  mémoire  inconsciente  soit  en  cause. 

Ce  sont  là  des  cas  douteux,  extrêmement  douteux,  dont  il  ne  faut 
pasfaireétat;car,  en  métapsychique  comme  dans  les  autres  sciences, 
les  démonstratious  insuffisantes  font  plus  de  tort  que  de  bien. 

Grasset,  dans  son  livre  de  1908,  semble  avoir  délibérément  omis 

\.  Amer.  S.  P.  U..  1910  et  A.  S.  P.,  1910,  XX,  193-264. 

Ricukt.  —  Métapsychique.  13 


194  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

les  cas  (Je  télépathie  probante,  et,  comme  il  ne  fait  mention  que  des 
récits  médiocres,  incertains,  il  n'a  pas  de  peine  à  établir  le  néant 
de  la  télépathie  (cryptesthésie).  Mais  ce  ne  sont  pas  là  procédés  de 
discussion  équitables.  Les  histoires  de  Y  Écho  du  merveilleux,  comme 
aussi  trop  souvent  les  récits  d'AKSAKOFF,  sont  en  général  très  contes- 
tables, autant  pour  l'observation  môme  que  pour  l'interprétation  *. 

Mad.  G...,  qui  n'est  nullement  médium  professionnelle,  donna 
une  séance  à  M.  Venzano  et  à  M.  Bozzano  au  Cercle  Minerve  à  Gênes. 
Dès  le  début,  il  est  indiqué  par  les  raps  à  Mad.  C..,  que  son  jeune 
enfant  Robert,  qu'elle  avait  laissé  bien  portant  chez  elle,  est 
atteint  d'une  forte  fièvre.  Aussitôt  Mad.  C...  quitte  la  séance,  et  elle 
constate  qu'en  effet  son  fils  Robert,  à  la  grande  iuquiétude  de  la 
domestique,  était  en  pleine  crise  fébrile  (40°). 

Le  fait  n'est  guère  probant  pour  maintes  raisons. 

M.  Venzano,  expérimentant  avec  Mlles  G...  qui  ne  sont  pas  des 
médiums  professionnelles,  et  qui  ont  seules  les  mains  sur  la 
table  (les  réponses  s'opérant  par  des  raps),  pense  à  un  sien  ami, 
camarade  mort  il  y  a  quelques  anrîées.  Ce  nom  est  donné,  et  aussi 
le  nom  d'un  des  condisciples  de  Venzano  lui-même  et  de  l'ami.  Au 
moment  où  l'expérience  allait  prendre  fin,  le  nom  de  Giompari  est 
donné.  Or,  en  fouillant  dans  sa  mémoire,  Venzano  découvre  que 
c'était  le  nom  (familier)  d'un  sien  parent  assez  proche,  mort  octo- 
génaire il  y  a  quelques  années.  Puis  la  table  donne,  sans  que 
Venzano  l'ait  demandé,  le  nom  de  Teresa  Bartolini,  qui  fut  la 
femme  de  Ciompari  2. 

Le  comte  Ugo  Baschieri3  dans  une  séance  privée,  chez  Mad.  J.  H... 
à  Paris,  rue  Saint-Charles  (XVe  Arr.)  près  des  fortifications,  le 
31  juillet  1914,  dit  tout  à  coup  :  «  Un  personnage  très  important 
va  être  assassiné.  Que  de  sang  !  Quelle  heure  est-il  ?  »  Alors  on 
regarde  l'heure  :  il  est  21  heures  40.  «  Eh  bien!  il  se  passe  quelque 

1.  Grasset,  Loc.  cit.,  316.  Le  chapitre  Exposé  des  faits  a  13  pages,  sur  les- 
quelles Mad.  Gouesdon  (la  voyante  de  la  rue  Saint-Denis),  en  a  deux,  et  M.  Dace 
(ce  jeune  occultiste  bien  connu)  (??)  en  a  deux  aussi.  Est-ce  une  critique  digne  de 
Grasset  ? 

2.  A.  S.  P.,  1905,  XV,  694. 

3.  De  Vesme,  Un  clairvoyant,  A.  S.  P.,  XXV,  novembre  1915,  263. 


CRYPTESTHÉSfR    SPHUTIQUE  195 

chose  vers  te  boulevard  des  Italiens.  »  Or,  le  31  juillet  1914  entre 
9  heures  35  et  9  heures  40,  à  quelque  300  mètres  du  boulevard  des 
Italiens,  le  graud  orateur  Jaurès  était  lâchement  assassiné. 

On  ne  peut  faire  entrer  ce  cas  dans  les  prémonitions  ;  car  le  fait 
a  été  indiqué  au  moment  même  où  il  se  produisait. 

Encore  qu'on  puisse  comme  toujours,  quand  on  est  résolu  à  tout 
nier,  invoquer  le  hasard,  c'est  une  bien  médiocre  explication. 

On  rapprochera  ce  cas  du  cas  de  l'assassinat  de  la  reine  Draga, 
mentionné  plus  loin,  et  aussi  du  cas  célèbre,  cité  par  de  Vesme, 
d'ApoLLONius  de  Tyane,  qui,  faisant  un  discours  à  Éphèse,  s'inter- 
rompit subitement  en  disant  qu'on  venait  de  tuer  le  tyran  Domitien 
(à  Rome) .  Le  récit  en  a  été  donné  par  Philostrate  et  par  Dion  Cassius 
dans  son  histoire  romaine.  Mais  peut-on  y  croire  ? 

M.  Lemaire,  professeur  à  Genève,  expérimentant  avec  H.  Smith1, 
raconte  que  le  médium,  au  début  de  la  séance,  a  senti  une  odeur 
de  pierres.  Elle  prétend  que  Jean  est  venu  pour  Mad.  N...  qui  avait 
assisté  à  quelques  séances  déjà.  Or  Mad.  N...,  consultée  ensuite, 
interrogeant  d'anciens  souvenirs,  se  rappelle  que,  lorsqu'elle  était 
enfant,  un  ouvrier  carrieur,  nommé  Jean,  l'avait  prise  en  grande 
affection.  Le  genre  de  son  travail  était  d'ailleurs  de  préparer  et 
d'allumer  des  mèches  de  soufre.  C'est  peu  de  chose  :  ce  n'est  rien. 

M.  Arthur  Hill2  rapporte  des  expériences  très  concluantes.  Un 
de  ses  amis,  M.  Franck  Kmght  arrive,  absolument  incognito,  chez 
Miss  Mac  Donald,  médium  professionnelle,  qui  lui  dit  son  prénom 
(Franck),  le  nom  de  sa  mère,  Freda  Katherine,  les  noms  (Janet  et 
Herbert)  de  ses  frères  et  sœur,  et  de  Benjamin,  son  oncle. 

Un  autre  médium,  M.  Watson,  a  donné  à  M.  Fr.  Knight  le  nom 
de  sa  mère,  Mary  Katherine,  de  son  arrière  grand-père,  Oliver 
Upton,  de  deux  parents  de  M.  Fr.  Knight,  Kathleen  Thornes  et 
Benjamin  Thornes,  auxquels  noms  Watson  ajouta  le  nom  de  Carter, 
qui  est  celui  de  la  famille  de  M.  Knight,  mais  à  une  date  très 
ancienne,  remontant  à  plus  d'un  siècle. 

1.  À.  S.  P.,  1897,  VII.  74. 

2.  New  Evidence  in  Psyckical  Research,  avec  une  introduction  de  Sir  Oliver 
Lodge,  London,  W.  Ridder,  1911. 


196  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

D'autres  expériences  très  nombreuses,  avec  Watson,  ont  été  faites 
encore,  qui  paraissent  avoir  entraîné  l'évidence  de  la  cryptesthésie 
même  chez  une  personne  aussi  peu  crédule  que  M.  Arthur  Hill. 
En  supposant,  ce  qui  est  assez  absurde,  que  M.  Watson  a  été  faire 
une  enquête  dans  les  cimetières,  de  manière  à  prendre  connais- 
sance des  noms  inscrits  sur  les  tombes,  se  rapportant  à  la  nom- 
breuse famille  de  M.  Knight,  tout  n'est  pas  explicable.  Il  reste  Vim- 
possible.  Toute  cette  discussion  est  soigneusement  établie,  avec  tous 
les  détails  nécessaires,  par  M.  A.  Hill  (p.  113-1 16). 

Je  crois  donc  que  M.  A.  Hill  a  raison  de  dire  : 

1°  Que  les  fraudes  dues  à  des  recherches  persévérantes,  difficiles, 
presque  impossibles,  et  multipliées,  faites  parles  médiums  pour 
mieux  tromper  la  personne  qui  les  consulte,  sont  à  l'extrême 
invraisemblables.  Les  détectives  qu'on  a  mis  aux  trousses  de 
Mad.  Piper  n'ont  rien  obtenu. 

Remarquons  bien  —  ce  qui  est  important  à  noter  —  que  les 
médiums  qui  feraient  de  telles  recherches  s'exposeraient  toujours 
à  être  pris  en  flagrant  délit  d'imposture  préparée,  ce  qui  les  per- 
drait définitivement. 

2°  Il  n'y  a  pas  d'hallucinations  de  la  part  des  observateurs. 

3°  La  probabilité  de  certains  succès  obtenus  dans  les  recherches 
cryptesthésiques  est  parfois  tellement  petite,  qu'on  ne  peut 
décemment  invoquer  le  hasard. 

4°  Tout  dépend  en  somme  de  la  rigueur  dans  l'expérimentation. 
Si  l'expérimentateur  reste  complètement  muet,  sans  donner  le 
moindre  signe  d'approbation  ou  de  négation  :  s'il  est  absolument 
impassible,  et  qu'il  prenne  des  notes  complètes  sur  tout  ce  qui  est 
dit,  alors  l'expérience  est  valable.  D'ailleurs  l'impassibilité,  aussi 
bien  que  le  rigoureux  et  complet  enregistrement  de  toutes  les 
paroles  du  médium,  c'est  vraiment  fort  difficile. 

Mad.  Briffaut,  à  Paris,  a  donné  des  preuves  admirables,  absolu- 
ment certaines,  de  lucidité  ;  je  me  contenterai,  parmi  beaucoup 
d'autres,  de  donner  les  suivantes. 

Mad.  M.  G.  de  Montebello,  rendant  visite  à  Mad.  Briffaut,  alors 
qu'en  toute  certitude  Mad.  Briffaut  ne  pouvait  savoir  son  nom,  ni 
rien  d'elle,  reçoit  tout  de  suite  une  preuve  démonstrative  de  la 


CRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  197 

cryptesthésie.  «  Je  vois  quelqu'un  qui  se  nomme  L...  —  Louis,  n'est-ce 
pas?  —  (Signe  de  tête  d'acquiescement  de  la  part  de  Mad.  de  M...) 
C'est  votre  fils?...  —  Oui.  —  lia  été  tué  pendant  la  guerre?  —  Non... 
—  Pourtant,  dit  Mad.  Briffaut,  il  me  fait  signe  qu'il  est  mort  brus- 
quement, brutalement,  tout  d'un  coup...  »  Or  de  fait  Louis  de  Monte- 
bello, avant  la  guerre,  a  été,  par  un  rare  et  tragique  événement, 
frappé  de  la  foudre.  On  remarquera  que,  si  Mad.  Briffaut  a  fait  une 
erreur,  c'est  une  erreur  d'interprétation.  Elle  a  vu  la  mort  brutale, 
brusque,  soudaine,  de  Louis,  et  elle  en  a  conclu  (à  tort,  mais  selon 
toute  vraisemblance)  que  c'avait  été  par  un  fait  de  guerre.  D'autres 
indications  précises  et  précieuses  ont  été  données.  A  côté  de 
Mad.  de  Montebello,  Mad.  Briffaut  voit  une  vieille  dame  qui  écri- 
vait, écrivait  constamment.  Il  s'agissait  très  nettement  de  la  grand' 
mère  de  Mad.  de  Montebello  qui  a  passé  à  écrire  ses  mémoires  les 
quinze  dernières  années  de  sa  vie. 

Il  est  à  remarquer  que  cette  expérience  avec  Mad.  de  Montebello 
est  très  belle  ;  et  que  cependant  avec  d'autres  personnes  Mad.  Brif- 
faut a  eu  des  résultats  tout  à  fait  nuls.  La  clairvoyance,  dans  ces 
cas,  semble  dépendre  presque  autant  du  percipient  que  de  l'agent. 
En  général,  Mad.  de  Montebello,  quand  elle  va  consulter  un  médium, 
un  sensitif,  un  somnambule,  obtient  des  réponses  extraordinaire- 
ment  détaillées  et  précises,  de  sorte  que  je  serais  tenté  de  supposer 
que  la  lucidité  du  médium  ne  s'exerce  pas  indifféremment  pour 
tout  le  monde.  Il  y  a  des  personnes  qui  les  inspirent,  et  d'autres  qui 
ne  les  inspirent  pas. 

Mad.  A.  G.  Le  Ber,  ma  fille,  dont  Mad.  B...  connaissait  le  nom, 
a  reçu  quantité  de  précisions,  dont  la  valeur  se  trouve  à  peine 
atténuée  par  ce  fait  que  le  nom  de  Mad.  Le  Ber  était  connu  de 
Mad.  Briffaut.  En  effet,  pour  savoir  tout  ce  qu'elle  a  dit,  Mad.  Brif- 
faut eût  dû  se  livrer  à  une  prolongée  et  difficile  enquête.  En  tout 
cas  Mad.  Briffaut  a  textuellement  indiqué  une  conversation  abso- 
lument intime  que  Mad.  Le  Ber  a  eue  avec  son  frère,  mon  fils  Albert, 
tué  pendant  la  guerre,  et  cette  conversation  intime,  personne  de 
vivant  ne  le  connaissait  que  Mad.  Le  Ber. 

Arnaud  de  Gramont,  avec  le  pseudonyme  docteur  X...,  va  voir 
Mad.  Briffaut  et  lui  dit  qu'il  a  perdu  un  fils  à  la  guerre.  Mad.  B... 
lui  dit,  ce  qui  est  vrai  :  «  il  a  été  tué  d'une  blessure  à  la  tête,  il  est 


198  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

tombé  de  très  haut  :  il  était  dans  l'aviation...  »  Elle  voit  le  prénom 
S...  mont.  (Le  prénom  du  fils  de  A.  de  Gramont  était  Sanche.) 

Le  Bulletin  de  l'Institut  Métapsychique  de  Paris,  1920,  numéros  1 
et  2,  contient  encore  diverses  indications  très  intéressantes  sur 
les  cryptesthésiesde  Mad.  Briffaut.  A  M.  Jean  Lefebvre,  tout  à  fait 
inconnu  d'elle,  Mad.  Briffaut  dit  le  nom  de  son  frère  Pierre  et  de 
son  autre  frère  Joseph.  Elle  dit  que  la  femme  de  Joseph  est  morte 
il  y  a  moins  d'un  an,  d'une  opération  faite  au  foie,  ce  qui  est 
exact.  A  M.  Lange  Mad.  Briffaut  donne  des  détails  que  personne  ne 
peut  connaître.  A  M.  Lemerle,  averti  et  sagace  observateur,  que 
Mad.  Briffaut  ne  pouvait  connaître,  Mad.  Briffaut  dit  tout  de 
suite  :  «  Je  vois  Jacques!  un  jeune  homme  mort  d'une  manière  tra- 
gique... Et  je  l'entends  qui  appelle  :  il  écrit  Jean,  Henri...  »  De  fait 
les  deux  fils  de  M.  Lemerle  avaient  été  victimes  d'un  grave  accident 
d'automobile  :  ils  s'appelaient  Henri  et  Jacques.  Henri  a  été  tué,  et 
Jacques  a  échappé  à  la  mort.  Il  y  a  aussi  de  Mad.  M.  Forthuny  (Revue 
spirite,  mai  1921, 144),  un  très  beau  cas  de  clairvoyance  donné  par 
Mad.  Briffaut. 

Des  faits  tout  à  fait  analogues  à  ceux  que  donna  Mad.  Briffaut  à 
Paris,  Mad.  Léonard  à  Londres,  ont  été  obtenus  par  un  sensitif 
nommé  Ludwig  Aub,  de  Munich1.  Un  étudiant  en  médecine,  ne 
donnant  pas  son  nom,  ni  sa  profession,  va  trouver  Aub,  qui  lui  dit  : 
«  Vous  êtes  étudiant  en  médecine,  vous  aimez  la  musique  et  surtout 
Mozart.  Votre  père  était  médecin  ;  votre  grand-père,  médecin  de 
campagne  à  Stettin.  »  Au  DrO...  Aub  dit  :  «Votre  père  était  un  philo- 
sophe, votre  mère  est  d'origine  anglaise,  mais  elle  a  vécu  en  Autriche. 
Vous  venez  de  vous  marier.  »  Tous  détails  exacts.  Au  Dr  S. . .  Aub  dit  : 
«  Ce  qu'il  y  a  de  caractéristique,  c'est  que  vous  avez  chez  vous  une 
grande  peinture  du  temps  d'ALBERT  Durer.  Elle  est  précieuse,  et  c'est 
votre  orgueil.  »  Tout  cela  est  exact.  Au  Dr  G. . .  Aub  dit  :  «  Vous  avez 
une  prédilection  pour  Gustave  Flaubert.  »  De  fait  le  matin  même  le 
Dr  G...  écrivait  une  préface  aux  œuvres  de  Flaubert 

M.  Hayward  a  analysé  méthodiquement  les  réponses  de  Mad.  K. 

1.  VonR.Tischner.  Eine physiologisch-okkultistische  Siudie  {Psychische  Studien. 
XLVII,  1920,  598-612).  Tischner  cite  diverses  publications  sur  Aub,  qui  ont  paru 
à  Munich,  du  Dr  Dingfelder,  de  G.  W.  Surga,  etc. 


CRYPTESTHÉSIE    SPIRITIQUE  499 

(près  de  Montréal).  Mais  il  ne  paraît  pas  qu'il  y  ait  eu  quelque  luci- 
dité supérieure  (Fortune  telling.  Am.  P.  S.  P.,  R),  1021,  18Ti. 

En  résumé,  de  toutes  ces  expériences  de  cryptesthésie,  tant  sur  les 
sensitifsque  sur  les  médiums  et  les  somnambules,  une  conclusion 
très  nette  se  dégage,  incontestable,  c'est  qu'il  y  a  une  faculté  de 
connaissance  par  d'autres  voies  que  les  voies  sensorielles  ordinaires. 

A  l'heure  actuelle  (1921)  il  n'est  plus  permis  d'en  douter,  et  c'est 
devenu  une  notion  presque  banale,  qui  bientôt  deviendra  classique, 
et  qu'on  s'étonnera  d'avoir  été  si  méconnue,  si  raillée,  si  niée  par 
toute  la  science  officielle. 

Il  me  sera  permis  de  rappeler  avec  quelque  fierté  qu'en  1888,  P.  S. 
P.  R.,  (v),  j'avais  nettement  affirmé  ce  fait  étrange  qui   aujour 
d'hui  domine  toute  la  métapsychique  subjective. 

«  //  existe,  chez  certaines  personnes,  à  certains  moments,  une 
faculté  de  connaissance  qui  n'a  pas  de  rapport  avec  nos  facultés  de 
connaissance  normales.  » 

Je  n'ai  rien  à  changer  à  ce  que  je  disais  en  1888  ;  sinon  qu'aujour- 
d'hui cette  proposition,  qui  paraissait  terriblement  téméraire,  est 
sur  le  point  d'être  unanimement  acceptée,  notamment  par  Mad. 
H.  Sidwgick,  par  sir  Oliver  Lodge.  Demain  elle  paraîtra  tellement 
simple  qu'on  ne  voudra  pas  croire  qu'il  y  eut  quelque  témérité  à 
la  soutenir. 

Le  phénomène  de  la  cryptesthésie  est  aussi  certain  que  tous  les  faits 
avérés,  reconnus  par  la  science.  Pour  nier  cette  cryptesthésie,  il  fau- 
drait être  rebelle  à  tout  ce  qui  est  une  démonstration  scientifique. 

Toutes  ces  expériences  de  Mad.  Briffaut,  comme  celle  de 
Mad.  Léonard,  de  Mad.  Piper,  semblent  —  et  c'est  à  mon  corps 
défendant  que  je  fais  cet  aveu  —  apporter  une  sorte  de  confirma- 
tion à  la  théorie  spirite.  Car  la  lucidité  de  ces  voyantes  ne  paraît 
s'exercer  que  parce  qu'un  esprit  semble  intervenir  pour  leur 
apprendre  tel  ou  tel  fait,  Je  n'ai  garde  d'en  inférer  que  les  choses  se 
passent  ainsi,  mais  tout  se  passe  comme  si  l'esprit  du  mort  inter- 
venait pour  dire  son  nom,  ses  relations,  les  faits  qu'il  connaît  et 
converser  avec  le  guide  du  médium. 

Mais  ce  n'est  sans  doute  qu'une  apparence.  Le  procédé  de  connais- 
sance reste  mystérieux.  L'hypothèse  que  les  faits  nous  sont  com- 


200  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

muniqués  par  un  être  à  apparence  humaine  est  une  hypothèse 
après  tout  très  anthropomorphique.  On  peut  en  faire  état,  mais 
provisoirement  :  pourtant  il  est  permis  de  prendre  la  position  scien- 
tifique qu'en  cette  matière  délicate  j'ai  adoptée  :  je  considère  la  cryp- 
testhésie  comme  absolument  démontrée,  mais  je  me  refuse,  pour 
insuffisance  de  preuves,  à  toute  hypothèse  sur  l'origine  de  ces  révé- 
lations et  de  ces  divinations. 

Il  est  maints  autres  faits  intéressants,  que  nous  ne  mentionnons 
pas,  signalés  par  Myers,  par  Bozzano,  et  par  d'autres  auteurs  ;  car 
on  peut  les  expliquer  —  encore  que  le  plus  souvent  l'explication 
soit  assez  invraisemblable  —  par  des  notions  oubliées,  incon- 
scientes, mais  normales.  Pour  nous  il  faut  qu'il  y  ait  absolue 
impossibilité  d'une  connaissance  normale  pour  permettre  d'intro- 
duire l'hypothèse  d'une  cryptesthésie.  M.  Heintzer,  par  exemple, 
voit  son  père  lui  apparaître  en  frac,  avec  une  barbe  blanche.  Il 
savait  que  son  père  était  mort,  mais  il  ne  l'avait  connu  qu'avec  une 
barbe  non  blanche.  Or,  pendant  que  M.  Heintzer  fils  était  à 
l'étranger,  on  avait  enterré  M.  Heintzer  père,  en  frac,  et  sa  barbe 
était  devenue  rapidement  blanche  pendant  le  cours  de  sa  dernière 
maladie.  N'est-il  pas  possible  que  M.  Heintzer  fils  l'ait  su,  encore 
qu'il  affirme,  très  loyalement  sans  doute,  l'ignorer? 

Il  est  possible  que  Flournoy  ait  raison  en  supposant  que  le  nom 
de  Burnier  n'est  pas  arrivé  par  voies  métapsychiques  ou  cryptes- 
thésiques.  Quoique  l'explication  par  voies  normales  soit  terrible- 
ment entortillée  et  invraisemblable,  il  faut  l'admettre  toutes  les 
fois  qu'elle  est  possible. 

Il  faut  admettre  aussi  que  la  mémoire  latente  possède  d'extraor- 
dinaires pouvoirs  qui  rendent  l'illusion  possible.  Stainton  Moses, 
écrit  automatiquement, l,  sous  la  dictée  de  Rector  :  «  Allez  dans  la 
bibliothèque,  et  prenez  l' avant-dernier  livre  sur  le  second  rayon,  voyez 
le  dernier  paragraphe  de  la  page  94,  et  vous  y  trouverez  cette  phrase...  » 
Suit  une  très  longue  phrase...  Alors  Stainton  Moses  se  lève,  va 
chercher  le  livre,  et  vérifie  que  la  citation  est  exacte  et  à  la  page  94. 
Mais  on  doit  supposer  qu'il  n'y  a  là  qu'une  réminiscence  très  par- 
faite, très  complète,  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'y  voir  là  un  fait  de 

1.  Delanne,  Rech.  sur  la  médiumnité,  342. 


CRYPTESTHÉSIE    SP1RITIQUE  201 

cryptesthésie.  Peu  après  R...  écrit  :  «  Pope  est  le  dernier  grand  écri- 
vain, etc..  Prenez  le  onzième  volume  du  même  rayon,  ouvrez-le, 
et  vous  trouverez  cette  phrase...  »  Et,  en  effet,  Stainton  Moses  se 
levant,  ouvre  le  livre,  et  à  la  page  145  y  trouve  cette  citation. 
Le  récit  est  bien  singulier.  Comment  le  livre  fut  il  ouvert  juste  à 
la  page  où  était  la  citation  ?  Est-ce  une  conïucidence  fortuite  ?  Mais 
le  hasard  n'explique  rien.  Est-ce  qu'en  état  d'hémi-somnambulisme 
M.  Stainton  Moses  avait  déjà  ouvert  le  livre  à  cette  page  ? 

Mad.  R...  m'a  donné  d'admirables  exemples  de  cryptesthésie  qui 
ne  peuvent  pas  s'expliquer  parla  télépathie. 

Mad.R...  est  une  dame  de  quarante  ans,  qui  n'est  pas  une  médium 
professionnelle.  Elle  est  mariée,  mère  de  famille.  Si  elle  s'est 
occupée  de  spiritisme,  c'est  parce  que,  dans  une  tragique  occasion, 
étant  très  jeune,  elle  a  eu  une  vision  qui  l'a  préservée,  dit-elle, 
d'un  grand  danger.  (Il  y  a  eu  pour  Hélène  Smith  une  protection 
analogue,  au  début  de  sa  vie.) 

Les  communications  qu'elle  donne  sont  tantôt  par  l'écriture  auto- 
matique (le  plus  souvent)  ;  quelquefois  par  des  paroles  ;  et,  tout  à 
fait  rarement,  par  des  raps. 

Je  citerai  trois  faits  très  démonstratifs. 

1°  Il  s'agissait  d'un  de  mes  chers  amis,  mort  depuis  peu,  qu'elle 
n'avait  jamais  connu,  et  dont,  à  ce  que  je  crois,  je  n'avais  pas  pro- 
noncé le  nom  devant  elle.  Elle  me  dit  qu'il  s'appelait  Antoine,  que 
je  suis  entré  dans  sa  chambre  quelques  instants  après  sa  mort,  et 
que  je  l'ai  embrassé  sur  le  front;  elle  ajoute  qu'il  m'appelait  Car- 
los. Or,  ce  nom,  le  détail  relatif  à  ce  baiser,  et  surtout  ce  fait  qu'il 
m'appelait,  seul  de  tous  mes  amis,  Carlos,  est  caractéristique. 

Antoine,  parlant  par  Mad.  R...  dit  encore  qu'avec  Lucie,  sa  femme, 
il  a  été  à  Fontainebleau.  «  Là,  nous  avons  été  tristement  heureux.  »  Le 
séjour  à  Fontainebleau,  et  l'expression  dont  il  se  sert  tristement 
heureux,  d'après  le  témoignage  de  la  veuve  d'ANTOiNE,  étaient  détails 
absolument  inconnus  de  tous,  même  de  moi,  et  très  exacts.  Le  nom 
de  Lucie  n'est  pas  tout  à  fait  une  erreur.  En  effet,  comme  me  l'a  dit 
plus  tard  la  veuve  d' Antoine,  souvent  Antoine  lui  disait  :  «  Quel 
dommage  que  tu  ne  t'appelles  pas  Lucie  !  c'est  le  nom  que  je  préfère  l  » 

2°  L'autre  cas  est  plus  saisissant  encore.  Un  de  mes  proches  parents, 


202  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

un  jeune  homme  de  vingt  et  un  ans,  un  soir  s'empoisonne  (par  de 
la  strychnine).  On  tient  absolument  cachée  à  tout  le  monde  la  cause 
de  cette  mort.  (Son  père,  son  oncle,  et  moi,  axons  été  seuls  à  le 
savoir.)  Aucun  journal  bien  entendu  n'en  avait  parlé  et  n'en  parla 
jamais.  Trois  semaines  après,  je  demande  à  Mad.  R...  le  nom  d'une 
personne,  proche  parente  de  moi,  qui  est  morte.  Mad.  R.  me  dit  : 
«  //  s'appelle  Georges  »  ;  et  elle  ajoute  :  «  Vous  avez  été  à  son  lit  de  mort, 
il  avait  une  écume  rouge  aux  lèvres...  »  ce  qui  est  absolument  exact... 
puis  elle  dit  :  «  Lulu,  Lulu  ».  Or,  dans  sa  famille  on  avait  l'habitude 
d'appeler  Georges,  «  Lolo  ».  Je  laisse  de  côté  de  très  graves  et 
nombreuses  erreurs.  Mais  il  y  a  un  détail  caractéristique.  Georges, 
parlant  par  Mad.  R...  dit  :  «  Stephen,  Stephen  !  Oh  !  cette  écriture,  il 
me  semblait  que  je  ne  pourrais  jamais  la  finir!  »  Or  voilà  un  détail 
d'une  précision  étonnante,  et  absolument  ignoré  de  tous.  Avant  de 
se  tuer,  le  malheureux  Georges  avait  écrit  une  longue  lettre,  laissée 
ouverte  sur  la  table,  à  un  sien  ami  Etienne.  Cette  lettre,  personne 
(sauf  son  père,  son  oncle,  et  moi)  ne  l'a  vue.  Or,  Mad.  R...  qui 
vivait  très  solitaire,  qui  ne  connaît  personne  de  ma  famille,  ne 
pouvait  absolument  rien  savoir  de  tous  ces  faits,  tenus  rigoureuse- 
ment secrets  par  trois  personnes.  Pour  ma  part,  j'ignorais  complè- 
tement le  nom  d'ÉTiENNE,  ami  de  Georges.  (Le  mot  anglais  Stephen 
répond  au  mot  français,  Etienne.) 

3°  Le  troisième  fait,  de  majeure  importance  (car  après  réflexion, 
il  me  paraît  un  des  cas  les  plus  frappants  de  cryptesthésie  qu'on  ait 
pu  obtenir  encore),  est  le  suivant  : 

Je  le  donne  en  détails,  car  toutes  les  conditions  en  ont  été  rigou- 
reusement notées,  et  il  témoigne  dune  lucidité  éclatante,  s'exerçant 
à  2.000  kilomètres  de  distance. 

En  juin  1906,  à  10  heures  et  demie  du  soir,  après  diverses  phrases 
incohérentes,  en  présence  de  mon  ami  Octave  Houdaille,  de  Mad.  S..., 
de  Mad.  R...  et  de  sa  fille,  âgée  de  douze  ans,  nous  avons  la  phrase 
suivante  par  des  raps,  plus  nets  que  nous  n'en  eûmes  jamais.  (Il  y 
eut  à  peine,  deux  ou  trois  fois,  dans  le  cours  de  toutes  mes  expé- 
riences avec  Mad.  R...  des  phrases  intelligibles  dites  par  les 
raps.) 

Bancalamo. 

Alors  je  ne  peux  m'empêcher  de  dire  :    «  Hé  !  c'est  du  latin, 


CRYPTESTHÉS1E    SPIRITIQUE  203 

Calamo  !  »    Mais,   imperturbable,  la  dictée  par  raps  continue  : 
«  Banca  la  mort  guette  famille.  » 
A  partir  de  ce  moment,  les  réponses  furent  incohérentes. 
Je  crus  d'abord  qu'il  s'agissait  du  mot  italien,  Bianca —  Blanche. 
—  Mais  aucune  des  personnes  présentes  ne  put  attribuer  à  une 
Blanche  quelconque  cette  phrase  énigmatique. 

Le  lendemain,  jeudi,  à  14  heures,  arriva  à  Paris  la  nouvelle  de 
l'assassinat  de  Draga,  reine  de  Serbie.  Des  officiers  serbes,  après 
avoir  acheté  la  complicité  des  vils  personnages  du  palais,  étaient 
entrés  à  minuit  dans  le  palais  du  roi  Alexandre,  et  l'avaient  assas- 
siné, lui,  et  la  reine  Draga,  sa  femme.  Les  deux  frères  de  Draga 
avaient  été  tués  aussi.  Draga  avait  deux  sœurs,  qui,  ce  soir-là,  n'ont 
échappé  à  la  mort  que  par  miracle. 

Mais  pas  un  instant  je  ne  songeai  à  relier  ce  tragique  événement 
à  la  séance  intime  que  nous  avions  eue  la  veille.  Ni  personne  de 
nous,  ni  Mad.  R...,  nous  ne  pensâmes  à  une  relation  quelconque, 
même  lointaine. 

Le  surlendemain  vendredi,  en  lisant  dans  Le  Temps  quelques 
détails  relatifs  à  ce  crime,  j'appris  que  le  père  de  Draga  s'appelait 
Panka,  et  ce  fut  pour  moi  comme  un  trait  de  lumière. 

1°  Le  mot  de  Banca,  c'est  à  peu  de  chose  près  le  nom  de  Panka  (je 
reviendrai  là-dessus  tout  à  l'heure). 

2°  La  minute  à  laquelle  le  message  a  été  donné,  22  heures  30, 
à  Paris,  correspond  exactement,  minute  pour  minute,  au 
moment  où  les  officiers  assassins  sortaient  de  l'Hôtel  de  la  Cou- 
ronne de  Serbie  pour  aller  dans  le  palais  tuer  Draga  (c'est-à-dire 
minuit).  (L'heure  de  Belgrade  avance  de  1  heure  30  sur  l'heure  de 
Paris.) 

3°  Les  paroles  s'appliquent  exactement,  avec  une  saisissante  pré- 
cision, à  un  péril  qui  menace  toute  la  famille  de  Panka. 

De  fait,  même  en  cherchant,  on  ne  trouverait  pas  mieux  que  ces 
mots  :  La  mort  guette  famille,  pour  indiquer  quel  était  à  minuit 
l'état  menaçant  des  choses  pour  la  famille  de  Panka. 
Venons  maintenant  à  la  question  de  savoir  si  les  cinq  lettres 

Banca  peuvent  s'appliquer  au  père  de  Draga. 

l 
Sur  ces  cinq  lettres,  à  probabilité  de-^z-  ,  il  n'y  en  a  que  trois  de 


204  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

bonnes.  La  probabilité  totale  composée  est  alors  en  chiffres  ronds, 
de  1/1 580e. 

Mais,  à  l'analyse,  on  voit  que  la  probabilité  est  encore  beaucoup 
plus  faible.  D'abord,  pour  la  totalité  du  mot,  il  y  a  le  nombre  de 
lettres  qui  est  le  même.  On  aurait  pu  avoir  4,  5,  6,  7,  8,  9, 10  lettres 
(Jean,  Marie,  Robert,  Etienne,  Julienne,  Éléonore,  Marguerite)  :  par 
conséquent,  la  probabilité  qu'on  aura  le  même  nombre  de  lettres, 
est  de  1/7  et  la  probabilité  composée  devient  ,  ce  qui  com- 

mence  à  être  assez  faible. 

Il  y  a  mieux.  La  lettre  B  pour  la  lettre  P  n'est  pas  une  complète 
erreur,  au  cas  où  la  communication  aurait  eu  lieu  par  un  son. 
Gomme  on  sait,  le  B  et  le  P  se  prononcent  à  peu  près  de  même  ;  les 
Allemands  disent  une  pataille,  une  pipliothèque,  comme  ils  disent 
un  brophète. 

L'erreur  relative  à  la  quatrième  lettre  du  mot  Banca  est  bien 
curieuse.  Dans  le  nom  du  père  de  Draga,  cette  quatrième  lettre  est, 
en  alphabet  serbe,  une  seule  lettre  qui  se  prononce  dj  ou  dz  ou  tz, 
lettre  que  notre  alphabet  romain,  le  seul  que  nous  pouvions  épeler, 
ne  contient  pas.  Il  fallait  donc  trouver  une  lettre  unique  de 
l'alphabet  romain  qui  répondît  tant  bien  que  mal  à  la  lettre 
serbe,  et  il  semble  que  le  C  soit  à  peu  près  celle  dont  la  sonorité 
est  la  plus  voisine.  Admettons,  si  l'on  veut,  que  B  est  une  com- 
plète erreur  ;  mais  au  moins  reconnaissons  que  C  est  la  lettre 
juste,  et  nous  avons  la  probabilité  totale  (composée)  de  1/500. 000e. 
Ce  n'est  pas  la  certitude  mathématique  :  c'est  l'absolue  certitude 
morale. 

Dans  toutes  les  expériences  de  métapsychique  subjective,  il  n'y 
a  que  trois  hypothèses  possibles. 

A.  — Celled'une  mauvaise  observation,  d'une  collusion,  ou  d'une 
illusion  ; 

B.  —  Celle  du  hasard. 

C.  —  Celle  de  la  cryptesthésie. 

Or,  dans  cette  belle  expérience,  l'hypothèse  d'une  collusion  ou 
d'une  illusion  doit  être  absolument  écartée.  Lamonition  a  été  écrite 
avant  que  l'événement  ait  été  connu.  Personne  à  Paris  ne  savait  le 
10  juin  à  22  heures  qu'un  complot  allait  éclater  contre  la  reine 


CRYPTESTHÉSIE    SPIttlTIOUE  205 

Draga.  A  plus  forte  raison,  parmi  les  cinq  personnes  qui  se  trou- 
vaient là,  qui  ignoraient  probablement  qu'il  y  avait  une  reine 
Draga,  qui  n'eurent  oncques  relation  avec  un  balkanique  quel- 
conque, et  qui  n'avaient  sur  la  Serbie  que  des  notions  pri- 
maires. 

Donc  il  ne  reste  plus,  comme  hypothèses,  que  le  hasard  ou  la  cryp- 
tes thésie. 

Mais  ce  n'est  pas  le  hasard  !  Car  non  seulement  un  nom  a  été  dit, 
dont  la  probabilité  n'était  que  de  1/500.000°,  mais  encore  la  phrase 
fatidique  :  «  La  mort  guette  famille  »  prononcée  à  22  heures,  ne  s'ap- 
plique peut-être  pas  à  une  seule  des  cinquante  millions  de  familles 
existant  ce  soir-là  en  Europe,  avec  autant  de  précision  qu'à  la 
famille  de  Panca,  dont  trois  enfants  allaient  périr  dans  quelques 
minutes. 

Grasset  n'a  cependant  pas  craint  de  dire  que  le  hasard  avait 
donné  Banca  pour  Panka,  et  que  les  mots  :  la  mort  guette  famille, 
pouvaient,  à  cette  même  minute,  s'adresser  à  des  milliers  d'autres 
familles  autres  que  la  famille  de  Panka.  L'objection  est  vraiment 
ridicule. 

En  effet,  si  c'est  une  force  intelligente  qui  a  inspiré  cette  phrase 
—  et  l'apparence  est  pour  cette  hypothèse  hardie  —  il  semble  que 
cette  intelligence  ait  voulu  faire  une  désignation  dont  V authenticité 
pouvait  être  constatée.  Si  Panka  avait  été  un  vieux  ouvrier  bou- 
langer des  faubourgs  de  Belgrade,  il  m'eût  été  radicalement  impos- 
sible de  jamais  savoir  si  cette  monition  était  véridique  ou  fantai- 
siste. Ce  n'est  pas  sur  cinquante  millions  de  familles  de  la  planète 
terrestre  que  portent  des  constatations  possibles  ;  c'est  sur  une  cen- 
taine de  familles  tout  au  plus. 

B.  —  Méthode  de  l'alphabet  caché. 

Ici  je  dois  indiquer  une  méthode  différente  que  j'ai  imaginée 
pour  constater  la  cryptesthésie.  Elle  n'a  réussi,  d'ailleurs,  cette  mé- 
thode, que  parce  que  j'expérimentais  avec  un  médium  doué  de  la 
sensibilité  spéciale  qui  s'y  adaptait.  Mais  Sir  William  Barrett  a 
montré  qu'avec  d'autres  médiums  elle  pouvait  réussir.  Eu  tout 
cas,  Userait  désirable  d'en  faire  souvent  usage,  car  elle  a  de  précieux 


206  MÉTAPSYCRTQUE    SUBJECTIVE 

avantages.  C'est  la  méthode  que  j'ai  appelée  de  l'alphabet  caché1. 
Je  n'oserais  pas  cependant  la  recommander  avec  insistance;  car 
il  me  paraît  plus  sage  de  laisser  chaque  médium  agir  selon  son  ins- 
piration, sans  lui  indiquer  par  qnelles  voies  il  doit  donner  ses 
réponses. 

Ces  expériences  étaient  faites  avec  Gustave  Ollendorff,  Henri  Fer- 
rari, Louis  Olivier,  Albert  Père  et  Gaston  Fournier,  presque  tous 
morts,  hélas  !  mes  aimés  et  fidèles  camarades.  Le  médium  était  mon 


Fig.  10.  —  Disposition  de  l'expérience  dite  de  l'alphabet  caché  (Ch.  Richet). 

E,  D,  C,  sont  à  la  table.  Les  mouvements  de  la  table  sont  indiqués  par  une  sonnerie,  grâce  à 
une  disposition  électrique  telle  que  la  sonnette  retentit  dès  qu'un  des  pieds  de  la  table  se  soulève 
A,  parcourt  l'alphabet  qu'il  tient  caché  à  E,  D,  C,  qui  ont  le  dos  tourné.  B,  au  moment  où  la  son- 
nerie (indiquant  le  mouvement  de  la  table)  retentit,  inscrit  la  lettre  correspondante  sur  laquelle  A 
avait  arrêté  un  instant  le  crayon. 


regretté  ami  Gaston  Fournier,  âgé  alors  de  trente-deux  ans,  aimable 
homme,  de  sûre  et  perspicace  intelligence  (mort  en  1917). 

L'expérience  était  faite  de  la  manière  suivante  : 

G...  le  médium,  tient  les  mains  sur  la  table,  et  chaque  mouve- 
ment de  la  table  actionne  une  petite  sonnerie  électrique  :  C...  et 
D...  tiennent  aussi  les  mains  sur  la  table,  mais  n'ont  aucune  action. 
A  trois  ou  quatre  mètres  de  distance,  à  une  autre  table,  est  placé 
un  alphabet  derrière  un  grand  carton,  disposé  de  telle  sorte  que 
G...,  qui  lui  tourne  le  dos,  ne  puisse  rien  voir,  même  s'il  n'y  a  pas 
de  carton  pour  cacher  l'alphabet.  A  cette  table  sont  assis  A...  et  B... 
A...  parcourt  l'alphabet,  B...,  a  un  crayon  et  inscrit  la  lettre  qui 

1.  Voyez  Ch.  Richet,  La  suggestion  mentale  et  le  calcul  des  probabilités,  Rev. 
Philosophique,  octobre  1883,  609.  —  Des  mouvements  inconscients  [Hommage  à 
M.  Chevreul),  Paris,  Alcan,  août  1886  et  Revue  de  l'hypnotisme,  1886,  170  et  209. 
—  Une  excellente  analyse  en  a  été  donnée  in  P.  S.  P.  R.,  1884,  i'asc.  VII,  239.  — 
Relation  de  diverses  expériences,  etc.,  P.  S.  P.  R.,  juin  1888,  138. 


CRYPTESTHÉSIE    SPIR1TIQUE  207 

répond  au  mouvement  de  la  table,  mouvement  qui  se  passe  loin  de 
lui,  mais  qu'il  connaît  par  la  sonnerie  (fig.  10,  p.  206). 

Or  il  se  trouve  que  les  lettres  ainsi  indiquées  donnent  des  mots 
et  des  phrases  qui  ont  un  sens.  Par  conséquent,  les  pressions  mus- 
culaires inconscientes  que  G...,  le  médium,  exerce  sur  la  table 
sont  déterminées  par  une  étonnante  lucidité,  la  perception  de  la 
lettre  qui  doit  être  dite.  Tout  se  passe  comme  si  G...,  voulant 
envoyer  un  message,  voyait  l'alphabet.  Or  il  ne  peut  pas  le  voir, 
car  cet  alphabet,  auquel  il  tourne  le  dos,  est  caché  par  un  carton, 
et  les  mouvements,  forcément  irréguliers,  du  crayon  qui  passe  sur 
les  diverses  lettres  de  l'alphabet,  se  font  sans  le  moindre  bruit.  Il 
faut  ajouter  que,  pendant  l'expérience,  intentionnelremeut  nous 
parlons,  chantons,  récitons  des  vers,  en  faisant  un  tel  vacarme  que 
c'est  à  peine  si  A. . .  qui  inscrit,  peut  entendre  la  sonuette. 

Un  jour,  par  surcroît  de  précaution,  au  lieu  d'un  alphabet 
carré,  j'ai  employé  un  alphabet  circulaire.  En  outre,  je  ne  commen- 
çai pas  par  l'A,  mais  par  une  lettre  quelconque,  et  je  parcourus 
l'alphabet  à  une  vitesse  très  différente.  La  réponse  a  été  une  réponse 
intelligente  :  Fa  zol  do.  Or,  c'est  là  un  phénomène  de  cryptesthésie, 
car  Fa  zol  do,  ce  ne  sont  pas  des  lettres  jetées  au  hasard. 

Aussi  bien  toutes  les  réponses  qui  ont  un  sens,  même  si  en  elles- 
mêmes  elles  n'indiquent  rien  d'intéressant,  sont-elles  une  indica- 
tion de  la  cryptesthésie,  une  cryptesthésie  d'une  nature  spéciale, 
qui  est  la  connaissance  (par  Gaston,  le  médium)  de  telle  ou  telle 
lettre  de  l'alphabet  caché,  sans  que  ni  la  vue  normale,  ni  l'ouïe 
normale,  ne  puissent  le  lui  apprendre. 

Il  y  a  eu  des  phrases  complètes,  des  vers  français  retournés, 
comme  par  exemple  : 

«  Tombe  aux  pieds  de  ce  sexe  à  qui  tu  dois  ta  mère.  » 

ou  des  vers  latins  : 

«  Infandum,  rejina,  jubés  renovare  dolorem  » 

ou  des  phrases  de  vieux  français  :  quand  c'était  soi-disant  Villon 

qui  répondait  : 

«  OU  sont  les  neiges  d'antan? 

«  Louys  le  Cruel, 

«  Essai  sur  daemoniomanie. 


208  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Ces  phrases  sont,  en  soi,  parfaitement  insignifiantes,  mais  elles 
témoignent  toutes  de  la  cryptesthésie,  puisqu'il  était  absolument 
impossible  à  Gaston,  dont  les  muscles  mouvaient  la  table,  de  savoir 
en  quel  point  était  le  crayon  que  je  promenais  irrégulièrement, 
silencieusement,  sur  l'alphabet  caché. 

L'illustre  William  Crookes  est  venu  un  jour  chez  moi  pour  assister 
à  une  de  ces  expériences.  Il  avait  fait  une  question  mentale.  «  Quel 
est  le  nom  de  mon  fils  aîné?  »  Gaston  ne  sait  pas  du  tout  l'anglais. 
Pourtant  par  l'alphabet  caché  nous  avons  eu  la  réponse  «  I  know 
only  the  slang.  »  Non  seulement  l'alphabet  était  caché,  mais  encore 
il  n'était  éclairé  que  par  une  petite  lampe  qui  permettait  à  peine 
de  voir  les  lettres.  La  réponse  peut  s'appliquer  à  peu  près  à  toutes 
les  questions,  mais,  ce  qui  est  important,  c'est  que  les  mouve- 
ments de  la  table  correspondaient  aux  mouvements  du  crayon  sur 
l'alphabet,  mouvements  qui  ne  pouvaient  pas  être  normalement 
perçus  par  Gaston. 

Ces  expériences  montrent  en  outre  la  puissance  de  l'inconscient, 
car  Gaston,  comme  nous  tous,  pendant  ces  expériences  très  com- 
pliquées (parfois  la  dictée  à  l'envers  d'un  vers  latin),  chantait,  riait, 
parlait,  discutait.  Toute  la  partie  consciente  de  sa  personnalité 
était  en  grande  activité,  pendant  que  la  partie  inconsciente,  indé- 
pendamment de  la  consciente,  avait  une  activité  non  moindre,  et 
s'exerçant  dans  un  domaine  tout  autre. 

Cette  cryptesthésie  spéciale  pour  l'alphabet  est-elle  télépathique? 
C'est  fort  possible.  Rien  ne  nous  permet  de  l'affirmer  ou  de  le  nier. 
Pourtant  dans  un  cas  il  y  a  eu  certainement  cryptesthésie  non 
télépathique,  au  moins  pour  les  personnes  présentes,  encore  que 
le  résultat  (calculé  par  la  méthode  des  probabilités),  ne  soit  pas  du 
tout  saisissant.  Je  dis  à  M.  D...  très  sceptique,  qui  n'assistait  pas 
à  ces  expériences  :  «  Pensez  à  un  nom  quelconque,  que  ce  soit  un 
personnage  historique  ou  un  inconnu,  nous  le  trouverons  par  la  table 
et  je  vous  le  dirai  demain.  »  La  réponse  a  été  F.  N.  T.  B.  T.  Si  l'on 
prend  la  lettre  précédente  (ce  que  l'on  est  parfaitement  autorisé  à 
faire),  on  a  EM  S  A  S. 

Or,  le  nom  pensé  par  M.  D...  était  César  ou  Coesar.  Sur  S  lettres, 
il  y  en  a  donc,  avec  la  probabilité  de  4/25%  2  de  bonnes,  soit, 
comme  probabilité  totale,  d'après  la   formule   citée   plus  haut, 


MÉTHODE    DE    L  ALPHABET  CACHÉ  209 

environ  1  /42e,  ce  qui  est  peu.  Mais  en  réalité,  il  y  eu  a  beaucoup 
plus.  Car  c'est  un  mot  de  5  lettres,  répondant  à  un  mot  pensé  de 
5  lettres,  soit  une  probabilité  de  1/7C  environ,  d'avoir  5  lettres. 

Alors  cela  devient-^.  C'est  même  plus  encore,  car,  si  la  table 

retardait  la  réponse,  la  dernière  lettre  H  a  été  indiquée  comme  S, 
la  première  lettre  C  a  été  indiquée  avec  un  retard  un  peu  plus 
grand,  et  alors  on  a  DMSAR,  ce  qui  se  rapproche  passablement 
de  Coesar. 

Si  j'indique  cette  expérience  qui,  à  côtéde  toutes  les  belles  expé- 
riences que  j'ai  mentionnées  plus  haut,  est  terriblement  médiocre, 
ce  n'est  pas  que  j'en  veuille  faire  état  :  c'est  seulement  pour  mon- 
trer que  le  calcul  des  probabilités,  quand  l'expérience  est  irrépro- 
chable, comme  celle-là,  est  d'une  grande  utilité.  Pour  ma  part,  je 
préfère  une  expérience  irréprochable,  qui  se  présente  avec  une  pro- 
babilité assez  forte,  qu'une  expérience  dont  la  probabilité  est  énor- 
mément faible,  mais  où  il  y  a  un  léger  vice  qui  lui  enlève  toute 
valeur. 

Je  mentionnerai  une  autre  expérience  encore.  Paul,  le  frère  de 
Gaston,  assez  sceptique,  et  qui  n'est  nullement  médium,  assistait 
à  la  séance  sans  toucher  à  la  table.  Nous  lui  demandons  de  penser 
un  nom  quelconque.  Le  nom  qu'il  pensait  a  été  indiqué  Cheval 
pour  Chevalon.  Or  une  Mad.  Chevalon,  morte  il  y  a  quelque  temps, 
était  l'amie  de  la  famille  de  Gaston  et  de  Paul.  Nous  demandons  alors 
à  l'esprit  Chevalon  de  nous  dire  quelque  chose  de  caractéristique. 
Par  la  table  et  l'alphabet  caché,  nous  avons  cette  phrase  :  «  Com- 
mentl  va  ta  mère?  »  Là-dessus  (il  faut  bien  l'avouer),  Gaston  a  été  véri- 
tablement effrayé.  A  partir  de  ce  moment  il  n'a  plus  voulu  faire,  ni 
ce  soir-là,  ni  les  soirs  suivants,  des  expériences  où  il  jouait  le  rôle 
de  médium.  Je  n'ai  jamais  pu  le  décider  à  continuer. 

Les  expériences  sur  l'alphabet  caché,  que  je  crois  extrêmement 
importantes  pour  donner  une  preuve  éclataute  de  la  cryptesthésie, 
ont  été  reprises  récemment  avec  grand  succès  par  sir  William 
Baurett  l. 

1.  Compte  rendu  par  Miss  Dallas.  Expériences  avec  l'Oui-ja,  les  médiums  opé-    ', 
rant  les  yeux  bandés  (A.  S.  P.,  mars  1916,  XXVI,  45). 

Richet.  —  M&apsychiquc.  14 


210  MKTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Les  médiums,  amis  personnels  de  sir  William  Barrett,  avaient 
les  yeux  complètement  bandés  ;  un  masque  impénétrable  couvrait 
leur  visage;  les  lettres  de  l'alphabet  ne  leur  étaient  donc  pas 
visibles,  et  en  outre  ces  lettres,  placées  en  désordre,  étaient  recou- 
vertes d'une  plaque  de  verre  et  d'un  tapis  de  table.  Dans  ces  con- 
ditions il  y  eut  des  messages  ayant  un  sens.  Peu  importe,  dans  le 
cas  actuel,  le  sens  de  ce  message  ;  il  suffit  d'établir  que  les  lettres 
indiquées  par  le  mouvement  très  rapide  et  très  vigoureux  de  la 
planchette  ne  se  succédaient  pas  au  hasard,  mais  comportaient  une 
signification  très  précise. 

Dans  un  castrés  bien  observé  par  Sir  W.-F.  Barkett,  le  médium, 
H.  Travers  Smith,  avait  un  bandeau  sur  les  yeux,  ainsi  que 
M.  Lennox  Robinson,  et  les  lettres  de  l'alphabet  étaient  placées  au 
hasard  sous  une  glace  transparente.  Un  soir,  peu  d'heures  après  le 
torpillage  de  la  Lusitania,  il  fut  indiqué  par  l'alphabet  ainsi  manié 
que  M.  Hugh  Lane  (un  ami  des  deux  médiums,  qu'ils  savaient  d'ail- 
leurs en  Amérique)  avait  été  noyé.  Pendant  la  séance  même,  alors 
que  déjà  cette  indication  avait  été  donnée  par  la  table,  un  journal, 
dans  son  édition  du  soir,  donnait  le  nom  de  Hugh  Lane,  comme  une 
des  victimes  du  désastre  de  la  Lusitania  l. 

Il  n'est  guère  possible  de  considérer  cette  monition  comme  très 
probante,  car  le  médium  savait  qu'il  y  avait  eu  torpillage  de  la 
Lusitania.  Sir  Hugh  Lane  était  parti  pour  l'Amérique  depuis  quel- 
ques jours.  De  là,  pour  l'inconscient,  facilité  de  conclure  que  Sir 
Hugh  Lane  était  une  des  victimes. 

Il  semble  que  l'expérience  suivante,  très  analogue  d'aillenrs,  rap- 
portée aussi  parMad.  H.  Travers-Smith,  est  bien  meilleure.  Un  soir, 
après  une  séance  infructueuse,  tout  d'un  coup  la  table  dit  :  «  Ship 
sinking,  ail  bands  lost,  William  East  oner  board.  Women  and  children 
weeping and  ivailing  ;  sorrow,  sorrow,  sorrow  !  !  »  Ace  moment, un 
crieur  dans  la  rue  annonce  une  grande  nouvelle  !  Mad.  Smith  va 
chercher  le  journal.  C'était  le  naufrage  du  Titanic.  William  East 
signifiait  vraisemblablement  William  Stead. 

Si  le  cas  de  Sir  Hugh  Lane  n'est  pas  probant  pour  la  monition 


1.  Le  récit  très  détaillé  de  cette  monition  a  été  donné  par  Mad.  Hesther  Tra- 
veiss  Smith,  Voices  from  the  voici.  London,  W.  Rider,  1919,  35. 


MÉTHODE    DR    L ALPHABET    CACHÉ  211 

même,  il  n'en  reste  pas  moins  que  la  production  de  messages  par 
l'alphabet  caché,  ainsi  que  Mad.  Travers-Smith  en  a  donné  beau- 
coup, est  une  très  belle  et  décisive  preuve  de  cryptesthésie. 

Un  savant  professeurde  philosophie  de  l'Universitéde  Groningen, 
M.  Heymans,  a  entrepris,  par  une  méthode  un  peu  différente,  des  expé- 
riences qui  lui  ont  donné  des  résultats  remarquables.  Il  expérimen- 
tait avec  un  médium  non  professionnel,  un  étudiant,  Il  n'a  encore 
rien  publié  à  cet  effet  ;  mais  il  m'a  envoyé  une  lettre  très  explicite, 
que  je  donne  textuellement. 

«  Nos  expériences  de  télépathie  sont  exécutées  dans  deux  cham- 
bres superposées  de  mon  laboratoire  ;  dans  la  chambre  inférieure, 
qui  est  éclairée,  se  trouve  le  sujet,  dont  lesyeux  sont  bandés,  et  qui 
est  placé  dans  une  sorte  d'armoire  fermée  de  trois  côtés  et  au-des- 
sus, et  ayant  dans  la  paroi  de  devant  une  ouverture,  par  laquelle  le 
sujet  passe  la  main.  Cette  main  peut  se  mouvoir  au-dessus 
d'un  tableau  horizontal  divisé  (ainsi  qu'un  échiquier)  dans 
6  x  8=  48 cases  quadrangulaires.Dans  leplafondde cette  chambre 
(qui  est  construit  en  béton  armé)  se  trouve  une  fenêtre  de 
32  x  52  centimètres  fermée  au-dessus  et  au-dessous  par  une  vitre 
de  verre  ;  et  par  cette  fenêtre  l'un  de  nous,  qui  se  tient  dans  la 
chambre  supérieure,  regarde  le  tableau  et  la  main  du  sujet,  et 
tache  de  diriger  (mentalement  (R)  cette  main  vers  une  case  déter- 
minée d'avance  par  le  sort.  Comme  cette  chambre  supérieure  est  pen- 
daut  les  expériences  obscurcie,  le  sujet  ne  pourrait  rien  voir  de  ce 
qui  se  passe  là,  même  si  le  bandeau  et  l'armoire  avaient  été  enlevés. 

«  Le  son  ne  peut  pénétrer  le  plafond.  Même  en  criant  on  ne  peut  se 

faire  comprendre,  etcependautla  bonne  case  (probabilité  -ttt]  aété 
indiquée  32  fois  dans  80  expériences.  »  La  probabilité  de  ces32  succès 
est  de  ("ïq-)  à  la  21°  puissance. 

11  y  a  peut-être,  dans  ces  élégantes  expériences,  télépathie  ;  mais 
en  tout  cas  il  y  a  cryptesthésie,  puisque  le  succès  dans  l'indication 
de  la  case  comporte  deux  éléments  :  1°  l'exécution  de  la  pensée  de 
l'agent,  et  là  il  y  a  télépathie,  c'est-à-dire  une  des  modalités  de  la 
cryptesthésie  ;  2°  après  que  la  case  a  été  pensée,  l'indication  même 
de  cette  case,  ce  qui  ne  peut  être  que  de  la  cryptesthésie,  puisque 


212  -      MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

la  chambre  supérieure,  pendant  l'expérimentation,  est  obscure,  et 
que  l'agent  ne  peut  rien  voir,  pas  plus  que  le  percipient. 

Le  soin  avec  lequel  ces  expériences  ont  été  faites  par  l'éminent 
psychologue  donne  beaucoup  de  prix  à  ces  résultats  excellents. 

Il  semble  qu'il  y  aurait  grand  intérêt  à  reprendre  encore  ces 
expériences  de  l'alphabet  caché  avec  des  médiums  très  puissants, 
qu'on  pourrait  sans  doute  exercer  à  correspondre  de  cette  manière. 

On  voit  en  tout  cas  que  la  cryptesthésie  comporte  une  grande 
extension  dans  l'expérimentation  même,  et  qu'elle  recèle  des  fécon- 
dités imprévues. 

C.  —  Correspondances  croisées. 

La  méthode  des  correspondances  croisées  (cross  correspondance) 
est  un  procédé  ingénieux  pour  constater  la  lucidité,  procédé  que, 
dans  ces  derniers  temps,  les  Anglais  et  les  Américains  ont  très 
amplement  développé. 

Voici  quel  en  est  le  principe.  Deux  personnes,  A...  et  P...  con- 
viennent de  s'écrire  simultanément  une  lettre,  pour  savoir  si  leurs 
pensées  coïncident.  Les  deux  lettres  sont  datées  et  portent  les 
timbres  de  la  poste.  Il  y  a  donc  un  agent  A...  et  un  percipient  P... 
L'expérience  est  irréprochable,  surtout  si  c'est  le  hasard  qui  déter- 
mine A...  à  choisir  telle  ou  telle  pensée,  telle  ou  telle  image.  Mais, 
même  quand  ce  n'est  pas  le  hasard  qui  a  fait  le  choix,  il  y  a  peu 
de  vraisemblance  que  les  deux  correspondants,  dont  la  bonne  foi 
est  certaine,  s'accordent  sur  telle  ou  telle  idée. 

Miss  Ramsden  et  Miss  Miles  ont  eu  par  la  Cross  Correspondance  des 
faits  digues  d'être  notés  l.  Miss  Miuss  était  à  Londres  et  Miss 
Ramsden  à  Bulstrode  (30  kilomètres  de  Londres).  Miss  M...  était 
l'agent,  et  Miss  R...  le  percipient. 

27  octobre.  —  Miss  M...     lunettes, 

27  octobre.  —  Miss  R...     lunettes, 

30  octobre.  —  Miss  M...     une  montre, 

30  octobre.  —  Miss  R...     un  médaillon  sur  une  chaîne. 

31  octobre.  —  MissM...  en  peignant  le  soir,  voit  lecoucher  du  soleil 
sur  l'oratoire  de  Brampton,  dont  la  coupole,  surmontée  d'une  croix, 

1.  Expériences  de  transmission  de  pensée  à  distance,  A.  S.  P.,  1906,  XVIII, 
160  et  P.  S.  P.  R.,  octobre  1907. 


CORRESPONDANCES    CROISÉES  213 

se  dessine  dans  le  ciel.  C'est  l'objet  même  qu'elle  veut  transmettre 
par  la  pensée  à  Miss  R...   . 

31  octobre.  —  Miss  R...  croit  que  Miss  M...  a  voulu  lui  faire  voir 
une  crucifixion.  Elle  est  étonnée  de  ne  voir  que  la  croix  sans  les 
saintes  femmes  au  pied  de  la  croix. 

4  novembre.  —Miss  Ramsden  décrit  :  des  arches  gothiques  comme 
des  cloîtres  :  des  hérons  à  long  cou,  et  des  oiseaux  d'eau  :  rang  de 
fusils  avec  lesquels  on  fait  feu  :  une  femme  habillée  en  plaid  de 
berger  :  chien  aux  longs  poils,  un  lévrier  et  un  beau  retriever. 

4  novembre.  —  Miss  Miles  va  à  l'église  à  Malnesburg,  où  il  y 
avait  des  arches  gothiques,  semblables  à  celles  d'un  cloître.  On  a 
parlé  de  la  chasse  au  lapin  ;  il  y  a  des  cygnes  ;  on  a  vu  un  héron  ; 
il  y  avait  des  lévriers  et  des  retrievers.  Mad.  de  Beaufort,  une 
amie  de  Miss  Miles,  portait  un  plaid  de  berger. 

Par  la  méthode  des  correspondances  croisées,  d'autres  preuves 
de  cryptesthésie  ont  été  données.  Je  citerai  seulement,  d'après 
Mad.  Johnson,  le  fait  suivant1  :  «  L'écrit  de  Mad.  Forbes  prétendant 
émaner  de  son  fils  Talbot  mentionnait  qu'il  allait  prendre  congé 
d'elle  parce  qu'il  cherchait  un  autre  sensitif  écrivant  automatique- 
ment afin  d'obtenir  la  confirmation  de  ses  propres  écrits.  Le  même 
jour,  Mad.  Verrall  écrivit  un  message  où  il  était  question  d'un  pin 
planté  dans  un  jardin.  La  communication  était  signée  d'une  épée  et 
d'un  clairon  suspendu.  (Tel  était  l'écusson  du  régiment  auquel  avait 
appartenu  Talbot  Forbes.)  Mad.  Forbes  avait  dans  son  jardin 
quelques  pins  provenant  de  graines  envoyées  par  son  fils.  Tous 
ces  faits  étaient  absolument  inconnus  à  Mad.  Verrall.  Mad.  Ver- 
rall, dans  un  autre  cas  (1904),  donna  des  détails,  vérifiés  depuis, 
sur  les  occupations  de  Mad.  Forbes  :  elle  eut  l'impression  que 
Mad.  Forbes  était  assise  dans  son  salon,  et  que  son  fils,  debout  à 
côté  d'elle,  la  regardait.  Le  même  jour,  Mad.  Forbes  écrivait  que 
son  fils  était  là,  et  qu'une  preuve  décisive  était  donnée,  en  ce 
moment,  à  Cambridge,  de  sa  survivance  ». 

C'est  à  la  méthode  des  correspondances  croisées  qu'il  faut  ratta- 
cher les  laborieuses  études  de  M.  Hubert  Wales2.  Il  recevait  les 

1.  Voyez  0.  Lodge,  La  survivance  humaine,  trad.  fr.,  p.  257. 

2.  A  Report  on  a  séries  of  cases  of  apparent  thought  transference  without  cons- 
cious  Agency.  P.  S.  P.  R.,  XXXI,  1920,  924-218. 


214  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

notes  que  lui  envoyait  de  Londres  Miss  Samuel  presque  quotidien- 
nement, et  lui-même  prenait  des  notes,  à  Hiudhead,  à  20  kilomètres 
de  Londres.  Il  s'agissait  de  voir  s'il  y  avait  une  relation  entre  ces 
notes.  La  méthode  est  excellente  ;  tout  de  même  il  semble  que  les 
résultats  ne  sont  pas  bien  démonstratifs  au  point  de  vue  de  la 
cryptesthésie. 

M.  Wales  a  classé  les  notes  en  trois  groupes  : 

1°  Véridiques,  c'est-à-dire  difficilement  attribuables  à  des  coïnci- 
dences, 16  ; 

2°  Partiellement,  incomplètement  et  confusément  véridiques,  200; 

3°  Sans  relation,  159. 

C'est  donc  375  observations  recueillies  pendant  huit  mois. 

Or  même  pour  les  16  cas  considérés  par  M.  H.  Wales  comme 
véridiques  (soit  environ  4  p.  100),  il  est  difficile  de  formuler  une 
conclusion  ferme.  Et  cependant  il  y  eut  des  résultats  très  encoura- 
geants, notamment  pour  les  apparent  premonitory  impressions 
(p.  200-205). 

L'étude  des  correspondances  croisées  a  été  poussée  très  loin.  Avec 
patience  ininterrompue,  Mad.  Verrall,  Miss  Hélène  Verrall,  Mad. 
Holland,  Miss  Alice  Johnson,  M.  Piddington,  le  Dr  Verrall,  Mad.  Sid- 
gwick  ont  institué  toute  une  série  d'expériences  remarquables, 
exigeant  de  longs  efforts,  et  qui  ne  pouvaient  être  menées  à  bien 
que  par  des  personnes  ayant,  comme  Mad.  Verrall,  à  la  fois  une 
sagacité  scientifique  admirable,  une  connaissance  approfondie 
des  littératures  anciennes,  et  des  pouvoirs  médianimiques  excep- 
tionnels. Mais  l'analyse  en  est  difficile  et  minutieuse. 

Assurément,  dans  certaines  paroles  de  Mad.  Piper,  il  semble  que 
la  personnalité  de  Myers  se  retrouve;  de  même  dans  certains 
écrits  de  Mad.  Verrall.  Mad.  Piper  ne  sait  nullement  ni  le  latin, 
ni  le  grec,  et  pourtant  elle  fait  des  citations  et  des  allusions 
si  nombreuses,  si  habiles,  si  compliquées,  qu'il  est  inadmissible 
qu'elle  ait  préparé  cette  perverse  supercherie.  Alors  on  a  supposé 
que  c'était  Myers  lui-même,  mort  depuis  peu,  et  pendant  sa  vie 
très  versé  dans  les  littératures  anciennes,  qui  était  l'inspirateur  de 
ces  écrits.  De  nombreuses  tentatives  ont  été  faites  pour  trouver  une 
relation  entre  les  écrits  de  Mad.  Verrall  (Myers  V.)  et  les  paroles 


CORRESPONDANCES    CROISÉES  215 

de  Mad.  Piper  (Mvers  P.).  La  coïncidence  de  ces  paroles  eùl  été,  non 
la  preuve  absolue,  mais  un  commencement  de  preuve  en  faveur  de 
la  survivance  personnelle  l. 

Il  n'est  pas  possible  d'entrer  ici  dans  plus  de  détails.  Il  me  suffira 
de  citer  les  opinions,  ou  mieux  les  conclusions  (d'ailleurs  diamétra- 
lement opposées),  de  J.  Maxwell  et  de  Mad.  Sidgwick  -.  J.  Maxwell 
pense  qu'il  y  a  une  place  exagérée  accordée  au  symbolisme  et  à  l'in- 
terprétation, parfois  fantaisiste,  parfois  alambiquée,  de  ces  sym- 
boles. Il  est  tenté  de  croire  qu'en  accordant  cette  confiance  auda- 
cieuse à  l'écriture  automatique,  et  en  voulant  toujours  y  reconnaître 
des  symboles  lointains  et  compliqués,  on  finirait  par  trouver  des 
relations  transcendentales  partout. 

Aussi  n'admet-il  pas  qu'on  puisse  conclure  dans  le  même  sens 
que  Mad.  VERRALLetM.  Piddington.  «Il  est  impossible,  dit-il  (p.  139; , 
de  conclure  à  l'intervention  d'un  esprit.  Nous  avons  besoin  d'une 
preuve  et  de  faits.  Or  le  système  des  correspondances  croisées  est 
fondé  sur  des  faits  négatifs,  ce  qui  est  une  base  instable.  Au  con- 
traire, les  faits  positifs  ont  une  valeur  en  soi,  ce  que  ne  peuvent 
donner  (jusqu'à  présent  au  moins)  les  correspondances  croisées.  » 

Mad.  Sidgwick  pense  tout  autrement  que  J.  Maxwell3.  Selon  elle, 
la  probabilité  de  l'identité  personnelle  (p.  399),  est  appuyée  par  le 
caractère  général  des  communications,  qui  montrent  en  toute  évi- 
dence que  les  idées  et  les  arrangements  des  mots  sont  plus  en 
rapport  avec  les  idées  des  communicateurs  (dans  le  sens  spirite) 
qu'avec  les  idées  des  médiums.  Or  cet  argument  de  Mad.  Sidgwick  n'a 
pas  grande  force,  car  la  souplesse  de  l'inconscient  chez  les  médiums 
est  assez  grande  pour  reconstituer  d'une  manière  saisissante  les 
personnalités  de  Myers  ou  de  tout  autre.  Mad.  Sidgwick  ajoute, 
avec  grande  raison,  qu'il  faut  des  preuves  nouvelles  plus  positives. 

M.  Gérard  W.  Balfour*  (p.  236),  conclut  que  cette  longue  et 
laborieuse  étude  conduit  lentement,  mais  sûrement,  à  la  conviction 

1.  Voyez  sur  cette  question  les  P.  S.  P.  R.,  de  1910  à  1914,  passim. 

2.  J.  Maxwell,  Les  correspondances  croisées  et  la  méthode  expérimentale,  P. 
S.  P.  R.,  Part.  LXV,  1912,  54-144. 

3.  A  reply  to  Dr  Joseph  Maxwell' s  Paper  on  cross  correspondances  and  the 
expérimental  method,  P.  S.  P.  R  ,  juillet  1913,  part.  LXVII,  375-401. 

4.  Some  récent  sci-ipts  affording  évidence  of  personal  survival,  P.  S.  P.  R., 
1914,  XXVIT,  221-243. 


216  MÉTAPSYCHUjUE    SUBJECTIVE 

que  beaucoup  de  faits  qui  apparaissent  dans  cette  correspondance 
croisée,  ne  peuvent  recevoir  d'explication  satisfaisante  que  par  l'hy- 
pothèse spirite. 

M.  Balfour  formule  ainsi  ses  conclusions  sur  les  longs  écrits 
automatiques  obtenus  simultanément. 

«  Les  trois  médiums  mentionnent  le  nom  d'EumpiDE.  Tous  les  trois 
indiquent,  plus  ou  moins  clairement,  qu'EuRipiDE  est  le  sujet  de  la 
Cross  Correspondance.  Deux  d'entre  eux  rattachent  Euripide  à  Her- 
cules furens.  » 

Dans  un  autre  cas,  considéré  bon  par  M.  Balfour,  Mad.  Piper  dit  : 
«  Light  in  West  »  et  Mad.  Verrall  dit  :  «  Les  mots  étaient  de  Maud  : 
vermeil  est  l'est  ».  La  vraie  citation  de  Maud  est  :  «  vermeil  est 
l'ouest  ». 

Certes  ce  sont  des  cas  de  cryptesthésie  bien  caractérisée.  Mais 
qu'il  y  ait  cryptesthésie,  ou  lucidité,  ou  télépathie,  cela  n'implique 
nullement  la  survivance  d'une  conscience  personnelle. 

D'autre  part,  M.  Hereward  Carrington  conclut  ainsi  (et  je  cite  ses 
paroles  parce  qu'elles  me  paraissent  résumer  avec  précision  ce  qu'il 
convient,  selon  moi,  de  conclure  deces  correspondances  croisées).  » 
L'ensemble  de  ces  faits,  «  are  ail  fully  explained  upon  purely  psycholo- 
gical  and  naturalistic  Unes.  They  almost  invariabily  résolves  them 
into  simple  subconscious  memory  associations.  Le  hasard  y  a  joué 
une  beaucoup  plus  grande  part  qu'on  ne  le  croit.  Toutes  ces  com- 
munications, malgré  le  grand  labeur  qu'elles  représentent,  appor- 
tent pour  la  survie  une  moindre  preuve  que  les  séances  de  Mad.  Piper 
incarnant  Georges  Pelham.  »  (') 

11  semble  que  ce  jugement  de  M.  Carrington  est  justifié  :  mais  il 
faudra  cependant  reconnaître  avec  lui  que  beaucoup  de  phénomènes 
de  correspondance  croisée,  s'ils  ne  prouvent  pas  la  survie,  établis- 
sent tout  de  même  qu'il  y  a  des  phénomènes  de  télépathie  et  de 
cryptesthésie  qui  se  manifestent  avec  évidence. 

§  4.  -  CRYPTESTHÉSIE  CHEZ  LES  SENSITIFS 

Si  nous  appelons  spiritiques  les  phénomènes  dans  lesquels  une 
personnalité  étrangère  a  paru  intervenir,  toutes  réserves  étant  faites 

1.  A.  S.  P.,  1909,  XIX,  294. 

2.  A  Discussion  of  tke  Willett  scripts,  P   S.  P.  fi  ,  Part.,  LXX,  1914,  458-465. 


i ; RVPTESÏH KSI E    PRAGMATIQ U E  217 

quant  à  la  réalité  même  de  cette  personnalité,  nous  voyons  que  la 
cryptesthésie  apparaît  avec  une  intensité  croissante  : 

1°  Chez  les  normaux  ; 

2°  Chez  les  hypnotisés  ; 

3°  Cbez  les  médiums; 

Mais  il  est  des  crytesthésies  qui  ne  peuvent  entrer  dans  ce  cadre  : 
car  certains  individus  sont  doués  d'une  lucidité  manifeste,  encore 
qu'on  ne  puisse  les  classer,  ni  parmi  les  somnambules,  ni  parmi  les 
médiums,  ni  parmi  les  normaux. 

Nous  les  appellerons  des  sensitifs. 

Comme  les  faits  défient  toujours  toute  classification,  il  s  agit  là 
de  distinctions  éminemment  arbitraires  :  car  les  médiums,  même 
quand  ils  ne  sont  pas  en  trance,  sont  des  sensitifs,  et  les  individus 
hypnotisables,  même  quand  ils  ne  sont  pas  hypnotisés,  sont  bien 
souvent  des  sensitifs.  Et  enfin  certains  individus,  non  hypnoti- 
sables, non  médiums,  ont  des  pouvoirs  cryptesthésiques  assez  fré- 
quents et  assez  intenses  pour  qu'on  ne  puisse  les  considérer  comme 
normaux  :  ils  sont,  eux  aussi,  des  sensitifs. 

D'ailleurs  toujours  le  passage  de  l'état  normalà  l'état  de  trance,  de 
l'état  d'hypnose  à  l'état  de  veille,  est  graduel,  parfois  insaisissable, 
et  toutes  les  transitions  s'observent.  Rien  n'est  plus  factice  que  la 
séparation  tranchée  de  ces  quatre  états  :  l'état  normal,  l'état  d'hyp- 
nose, l'état  de  trance  médianimique,  l'état  de  sensitivité.  Cette  diffé- 
renciation n'a  qu'une  valeur  didactique. 

Pour  que,  chez  les  sensitifs,  la  lucidité  expérimentale  s'exerce,  il 
est  parfois  certaines  conditions  extérieures  qui  vont  aider  le  pbé- 
nomèue  :  la  psychométrie  :  la  vision  par  le  cristal. 

Psijchométrie  ou  cryptesthésie  pragmatique. 

Le  mot  de  psychométrie  (mesure  de  l'àme)  est  si  détestable  que 
nous  n'avons  pas  le  courage  de  le  maintenir  dans  le  langage  scien- 
tifique :  il  a  été  imaginé  par  Buchanan1. 

\.  Voir  sur  cette  question  Buchanan,  Manuel  de  Psychométrie,  Boston.  — 
W.  Denton  et  Elisabeth  Denton,  Nature' s  secret  or  psychométrie  researchs, 
Londres,  Houlston  et  Wight,  1863.  —  W.  Denton,  The  soûl  of  things.  —  L.  Dei- 
nh.uvd,  Psychométrie,  Sphinx,  X.  —  Jos.  Petbr,  Psychométrie  {Die  Ubersinnliche 


218  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Eu  réalité  la  psychométrie  de  Buchanan  et  de  quelques  expéri- 
mentateurs n'est  qu'un  procédé  pour  développer  la  cryptesthésie. 
Aussi  proposerous-nous  de  dénommer  cryptesthésie  pragmatique, 
(c'est-à  dire  par  les  choses),  ce  qui  a  été  jusqu'ici,  si  déplorable- 
ment,  appelé  psychométrie. 

La  cryptesthésiepragmatiquedoilêtre  entendue  dans  unsens  assez 
différentdu  sens  que  Buchanan  avait  donné  au  début  à  la  psychomé- 
trie. Ce  début  est  assez  singulier.  Elisabeth  Denton  (Mad.  Buchanan), 
regardant  et  touchant  un  fragment  d'une  assise  géologique,  recons- 
tituait le  paysage  d'autrefois  des  époques  siluriennes  ou  juras- 
siques !  Mais  il  faudrait  être  bien  naïf  pour  s'en  ébahir.  Il  n'y  a  là 
que  le  résultat  d'une  très  brillante  imagination  chez  l'épouse  d'un 
géologue  expérimenté  ;  nous  ne  pouvons  donc  à  tous  les  récits 
d'E.  Denton  attribuer  qu'une  importance  littéraire. 

Depuis  lors  la  psychométrie  a  pris  une  extension  assez  grande. 
Si  l'on  donne  un  objet  quelconque  à  un  sensitif,  celui-ci  va  fournir 
maints  détails  curieux  sur  les  personnes  à  qui  appartenait  cet  objet; 
dans  ces  conditions,  on  obtient  parfois  de  beaux  phénomènes  de 
lucidité  cryptesthésique.  Les  magnétiseurs  de  1820  à  1850  procé- 
daient ainsi  ;  leur  seule  supériorité  sur  Buchanan,  c'est  qu'ils 
n'avaient  pas  employé  le  mot  de  psychométrie . 

Malgré  ces  beaux  cas  de  lucidité  si  souvent  observés,  il  n'est  pas 
prouvé  du  tout  que  la  présence  même  de  l'objet  soit  indispensable. 
De  même  qu'il  n'est  pas  certain  du  tout  que  la  soi-disant  transmis- 
sion de  pensée  soit  autre  chose  qu'une  connaissance  d'un  fait  réel, 
connu  parce  qu'il  est  réel,  de  même  il  n'est  pas  certain  que  le  con- 
tact d'un  objet  soit  indispensable  à  la  connaissance  (métapsychique) 
de  cet  objet.  La  cryptesthésie,  —  dont  la  réalité,  comme  nous  l'avons 
vu,  ne  peut  être  niée  —  s'exerce  presque  aussi  bien  sans  contact 
matériel  qu'avec  contact  matériel. 

Pourtant  il  est  possible  que  les  objets,  malgré  leur  apparente 
inertie,  émettent  quelques  vibrations  (inconnues)  capables  d'éveil- 

Welt,  Irad.  in  A.  S.  P.,  1910,  XX,  231-240.  276-280.  — Thaneg  (pseudonyme  de  Des- 
cormiers), Méthode  de  clairvoyance  psychométrique,  Libr.  des  Se.  Psych.,  Paris, 
1902.  —  Coates  (James),  Seeing  the  invisible  :  Praclical  studies  in  psychometry, 
thought  Iransference,  telepathy  and  allied  phenomena  (London  and  New-York, 
Fowler  and  Wells,  1909,  in-8°.  —  Duchatel  (Edmond),  Enquête  sur  des  cas  de 
psychométrie.  La  vue  à  distance  dans  le  temps  et  dans  l'espace  (préface  de 
J.  Maxwell),  Paris,  Leymarie,  1910,  in-8°. 


CRYPTESTHÉSIE    PRAGMATIQUE  219 

1er  la  cryptesthésie.  Mais  l'inclusion  de  vibrations  cryptiques  daus 
un  objet  est  à  peine  une  hypothèse  présentable,  et  nous  sommes 
réduits  à  d'assez  piteuses  conjectures  pour  l'appréciation  des  forces 
qui  excitent  le  sens  cryptesthésique. 

Les  mers  sont  encore  ébranlées  par  le  sillage  des, vaisseaux  de  Pompée. 
Certes.  Mais  que  d'autres  navires  ont  ébranlé  les  flots  !  Toutes  les 
fois  que  nous  parlons  de  cryptesthésie,  nous  ne  pouvons  parler  que 
du  phénomène  lui-même.  C'est  un  fait  :  voilà  tout.  Et  il  nous  est 
interdit  d'en  assigner  les  modalités,  les  conditions  et  les  limites. 

La  clairvoyance,  dit  G.  Delanne  *,  est  une  faculté  dont  l'existence 
est  certaine.  Mais,  dit-il,  vouloir  s'en  servir  pour  tout  expliquer, 
c'est  aller  contre  la  logique  et  les  règles  de  la  méthode  scientifique, 
et  il  ajoute  :  «  Elle  obéit  à  des  lois  et  se  produit  dans  des  conditions 
déterminées.   » 

Certainement  oui,  la  clairvoyance,  ou  cryptesthésie,  obéit  à  des 
lois,  mais  ces  lois,  nous  les  ignorons  totalement.  Elles  ne  sont, 
hélas!  nullement  déterminées  encore,  quoi  que  prétende  fièrement 
Delanne.  Nous  savons  que  certaines  personnes  sont  mieux  douées 
que  d'autres,  encore  que  peut-être  la  cryptesthésie  ne  fasse  défaut, 
à  un  très  faible  degré,  chez  personne.  Nous  savons  qu'il  y  a  des 
sujets  peu  sensibles  et  des  sujets  très  sensibles.  Nous  savons  que, 
dans  l'hypnotisme,  la  cryptesthésie  se  développe;  nous  savons  que, 
chez  les  médiums,  dans  les  expériences  spiritiques,  elle  s'accentue 
encore,  pour  devenir,  chez  les  grands  médiums,  extrêmement 
intense.  Mais  voilà  à  peu  près  tout  ce  que  nous  en  pouvons  dire. 
Pourquoi  Gallet  a-t-il  prévu  le  chiffre  de  voix  qu'allait  obtenir,  dans 
quatre  heures,  Casimir  Périer?  Pourquoi  Thoulet  a-t-il  lu  le  télé- 
gramme qu'on  enverrait  à  son  ami  dans  deux  jours?  C'est  tout 
aussi  difficile  à  comprendre,  —  ni  plus,  ni  moins,  —  que  de  com- 
prendre pourquoi  Mad.  Piper  connaît  si  parfaitement  tout  ce  qui 
touche  Georges  Pelham.  Lorsque  nous  disons  lucidité,  clairvoyance, 
prémonition,  cryptesthésie,  nous  sommes  en  présence  d'une  faculté 
qui  nous  est  totalement  inconnue,  et  dont  nous  ne  pouvons  voir 
que  les  résultats.  Ses  conditions  nous  échappent  pleinement.  A 
Londres,  Mad.  Gueen  voit  en  rêve  ses  deux  nièces  se  noyer  (en  Aus- 

1.  Loc.  cit.,  334. 


220  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

tralie)  et  leurs  chapeaux  flotter  à  la  surface.  Mad.  R. . . ,  à  Paris,  fait 
allusion  à  la  mort  des  enfants  de  Panca,  toute  une  famille  que  les 
officiers  serbes  vont  assassiner,  à  cette  minute  même,  à  Belgrade. 
Nous  ne  comprenons  pas.  Et  même,  nous  ne  voyons  pas  par  quel 
mécanisme  se  peut  produire  l'éveil  de  la  sensibilité  cryptesthésique. 

Cependant  les  apparences  sont  très  fortes  que  les  médiums, 
en  certaines  conditions  de  trance,  reçoivent  les  inspirations  d'un 
guide,  qui  se  serait  incarné  en  eux;  — je  parle  le  langage  des 
spirites,  sans  que  cela  implique  une  adhésion  quelconque  à  leurs 
doctrines  —  et  alors  les  phénomènes  de  cryptesthésie  deviennent 
parfois  très  intenses. 

Pour  ce  qui  est  de  la  psychométrie,  on  ne  saurait  préciser  quel 
est  le  rôle  véritable  de  l'objet  tenu  en  main  par  le  sensitif,  ni  la 
part  qu'il  prend  à  la  sensation  éprouvée.  Mad.  Thompson,  dont  j'ai 
plus  haut  raconté  l'histoire,  prenant  en  main  la  montre  de  mon  fils, 
dit  :  «  Three  générations  mixed  »  ;  mais  cette  remarquable  preuve  de 
cryptesthésie  n'établit  pas  du  tout  que  c'est  par  des  vibrations 
(antérieures)  accumulées  et  contenues  dans  cette  montre  que  la 
connaissance  du  passé  a  été  acquise.  M.  Dufay  a  cité  le  cas  de 
MariaB...  Pendantque  Maria  est  en  étatdhypnotisme,  il  lui  montre 
un  objet  ayant  appartenu  à  un  assassin.  Alors  elle  décrit  l'assas- 
sinat'.  Mais  l'objet  était-il  indispensable?  Miss  X...  a  conté  à  la 
S.  P.  R.2  qu'on  lui  montra  des  papiers  qui  semblaient  être 
insignifiants;  mais  qu'elle  a  aussitôt  ressenti  un  intense  senti- 
ment d'horreur  et  de  sang.  Or  les  papiers  avaient  été  recueillis  sur 
le  champ  de  bataille  de  Sedan. 

Mad-  Piper,  à  maintes  reprises,  en  maniant  des  mèches  de  che- 
veux, ou  des  objets  ayant  appartenu  à  telle  ou  telle  personne, 
donne  de  précis  détails  sur  cette  personne  même. 

Je  citerai  seulement,  parmi  beaucoup  d'autres,  l'admirable 
exemple  de  cryptesthésie  pragmatique  qui  a  été  donné  par  Mad. 
Piper  à  Oliver  Lodge  3. 

Le  R.  John  Watson  remet  à  Lodge,  avec  une  lettre,  une  chaîne  de 

1.  Dufay  et  Azam,  Rev.  philosoph.,  sept.  1899  et  fév.  1889,  cités  par  Boirac.  La 
psychologie  inconnue. 

2.  General  meeting,  mai  1895,  J.  S.  P.  R.,  V,  247. 

'à.  La  survivance  humaine,  trad.  fr.,  1912, 169  et  177. 


CRYPTESTHÉSIE    PRAGMATIQUE  221 

montre  qui  avait  appartenu  à.  son  père.  «  Mad.  Piper  lut  la  lettre  tant 
bien  que  mal  :  elle  vit  les  mots  :  «  Je  vous  envoie  des  cheveux  Seflon 
Drive  Poole  J.  N.  W.  »  (en  disant  Cook  à  la  place  de  Poole,  et 
J.  B.  W.  à  la  place  de  J.  N.  W.)  Elle  dit  aussi  que  la  montre  avait 
appartenu  à  un  vieillard  qu'elle  nomma  ;  James  Watson,  un  prédica- 
teur absent  pour  cause  de  santé  ;  et  elle  ajouta  quantité  de  détails 
connus  de  moi  et  tous  exacts.  » 

E.  Bozzano  a,  comme  toujours,  très  bien  étudié  la  part  possible 
de  la  psycbométrie  dans  les  expériences  de  Mad.  Piper,  et  il  croit, 
avec  quelque  raison,  ce  semble,  que  ni  la  télépathie  ni  la  cryptes- 
thésie  pragmatique  n'expliquent  tout.  Il  arrive  à  cette  conclusion 
que  l'bypotbèse  spirite  seule  est  suffisante.  Mais  pourquoi  va-t-il 
si  loin  ?  Ne  serait-il  pas  plus  sage  de  dire,  avec  moi,  que  la  cryptes- 
thésie,  une  faculté  de  connaissance  inhabituelle,  existe.  Il  est  impru- 
dent d'aller  au  delà,  quant  à  sa  cause  et  à  sou  mécanisme. 

Une  commission  d'enquête,  à  la  Société  des  Sciences  psychiques, 
à  Paris,  a  examiné  quatre  psychomètres,  dont  M.  Phaneg2.  Le  rapport, 
rédigé  par  M.  Warcollier,  dit  que  les  résultats  ont  été  assez  pauvres. 

Je  ne  sache  pas  d'ailleurs  qu'il  y  ait  eu  d'études  méthodiques 
entreprises  sur  ces  individus  qui  ne  sont  ni  médiums  ni  hypnoti- 
sables. 

Le  maniement  d'objets  a  été  couramment  pratiqué  par  tous  les 
somnambules  de  profession,  et  paraît  être  une  des  conditions  de 
leur  lucidité. 

Toute  la  question  est  de  savoir  jusqu'à  quel  point  est  utile  l'objet 
extérieur.  Nous  sommes  à  cet  égard  dans  une  ignorance  absolue. 

Il  n'est  pas  du  tout  absurde  de  supposer  que  les  objets  émettent 
certaines  vibrations  aptes  à  émouvoir  nos  facultés  cryptesthé- 
siques. 

Cette  cryptesthésie  spéciale,  qu'il  faut  appeler  crypteslhésie  prag- 
matique pour  remplacer  le  vocable  odieux  de  psychométrie,  se 
rattache  peut-être  à  une  autre  singulière  propriété  des  corps 
d'émettre  des  vibrations  qui  émeuvent  le  système  nerveux  et  pro- 

1 .  Télépathie  et  psychométrie  en  rapport  avec  la  médiumnité  de  Mrs  Piper,  A. 
S.  P.,  nov.  1911,  XXI,  janv.  11)12,  XXII,  9-15. 

2.  Enquête  sur  la  Psychométrie,  A.  S.  P.,  1911,  XXI,  203-210. 


222  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

voquent  des  réactions  iutenses  sans  qu'il  y  ait  d'action  chimique 
ou  physique  connue. 

Nous  ne  pouvons  pas  nier  que  quelque  vibration  des  choses  en 
apparence  inertes  ne  soit  parfois  capable  d'émouvoir  notre  sensibi- 
lité. Les  faits  relatifs  à  la  baguette  divinatoire  sont  là  pour  l'établir. 
On  verra  plus  loin  qu'il  est  maintenant  démontré  qu'il  y  a  une  force 
rhabdique  qui  détermine,  indirectement  c'est-à-dire  en  provoquant 
des  contractions  musculaires  inconscientes,  la  flexion  de  la  ba- 
guette. On  ne  peut  expliquer  le  phénomène  que  par  une  certaine 
action  rayonnante,  une  force  inconnue,  qui  est  la  force  rhabdique. 
Puisque  cette  force  existe,  il  est  vraisemblable  que  ce  n'est  pas 
seulement  sur  les  sourciers,  tenant  en  main  la  baguette,  que  cette 
force  pourra  se  manifester. 

Par  d'autres  procédés  que  celui  de  la  baguette,  l'influence 
des  corps  et  substances  chimiques  a  été  assez  souvent  étudiée, 
depuis  Reichenbach  et  les  métallothérapistes.  Mais  nous  laisserons 
de  côté  les  expériences  pour  lesquelles  on  peut  alléguer  une  action 
magnétique  ou  électrique. 

Les  Drs  Bourrc  et  Burot1  ont  étudié  l'action  des  substances  chi- 
miques incluses  dans  des  flacons  bien  bouchés.  Or,  malgré  le 
soin  avec  lequel  ont  procédé  ces  distingués  médecins,  il  ne  paraît 
pas  prouvé  que  les  effets  très  nets  qu'on  observe  alors  ne  sont 
pas  dus  a  la  suggestion  (verbale)  et  à  Yexpectant  attention. 

MM  Bourru  et  Burot  expérimentaient  sur  des  sujets  hypnoti- 
sables  et  présentant  tous  les  phénomènes  du  grand  hypnotisme. 
Chez  de  pareils  sujets,  les  suggestions  sont  extrêmement  puis- 
santes. Qu'on  leur  mette  dans  la  main  un  flacon  de  laudanum, 
bouché  à  la  lampe,  et  qu'on  leur  dise  :  ((Attention  !  »  ils  éprouveront 
maints  effets  physiologiques  aussi  accentués  qu'on  voudra,  sans 
que  soit  justifiée  l'hypothèse  que  les  vibrations  du  laudanum  ont 
traversé  le  verre.  On  ne  peut  éliminer  l'hypothèse  d'uue  suggestion 
qu'en  prouvant  que  ces  effets  sont  spécifiques,  c'est-à-dire  qu'en 
mettant  dans  un  flacon  une  solution  de  morphiue  qui  fait  dormir  ; 
dans  un  autre,  d'émétique  qui  fait  vomir  ;  dans  un  troisième,  de 

1.  La  suggestion  mentale  et  l'action  à  distance  des  substances  toxiques  et  médi- 
camenteuses, 1  vol.,  12»,  Paris,  J.-B.  Baillière,  1887.  Voyez  aussi  Revue  philoso- 
phique, mars  1886.  —  Alliot  (E.),  Même  sujet,  Paris,  J.-B.  Baillière,  1886. 


CRYPTESTHÉSIE    PRAGMATIQUE  223 

strychnine  qui  convulsé  ;  dans  un  quatrième,  d'alcool  qui  enivre, 
on  aura  des  effets  physiologiques  tellement  nets  que  l'expérimenta- 
teur (ignorant  le  contenu  de  ces  flacons)  pourra  dire  :  celui-là  ren- 
ferme une  solution  de  morphine  ;  cet  autre,  d'émétique  ;  cet  autre, 
de  strychnine;  cet  autre,  d'alcool. 

Or  cette  diaguose,  nécessaire  pour  conclure  à  une  action  spéci- 
fique qui  ne  soit  pas  la  suggestion  (verbale)  n'a  pas  été  faite  avec 
précision.  Daus  quelques  cas,  trop  peu  nombreux,  j'ai  essayé  cette 
expérience  avec  une  vague  apparence  de  succès,  mais  je  m'interdis 
toute  conclusion.  En  somme,  Bourru  et  Burot  se  sont  contentés  de 
noter  des  effets  physiologiques  intenses,  très  singuliers  d'ailleurs. 
Mais  ce  n'est  pas  assez  pour  parler  d'une  action  spécifique  ;  car  la 
suggestion  peut  les  expliquer. 

M.  Wasielewski  l  a  tenté  une  pareille  épreuve  sur  Mile  de  B...  Et 
son  expérience  a  réussi  très  bien  quand  il  s'agissait  de  substances 
odorantes,  comme  la  menthe  et  le  cognac.  De  sorte  que  je  suis  tout 
à  fait  convaincu  qu'il  s'agit  là  simplement  d'une  hyperesthésie 
de  l'odorat.  Quelque  soin  qu'on  prenne  pour  boucher  le  flacon  (au 
liège)  il  n'est  pas  possible  qu'il  ne  reste  pas  quelque  odeur  appré- 
ciable à  des  sens  hyperesthésiés.  Il  y  a  eu  pour  quatre  substances 
non  odorantes  —  quinine,  saccharine,  acide  citrique,  eau  distillée 
—  échec  pour  la  quinine  et  l'eau  distillée,  succès  pour  l'acide 
citrique  et  la  saccharine. 

Miss  Edith  HowTHORNEa  donné  de  bons  cas  de  cryptesthésie  prag- 
matique. M.  Samuel  Jones  lui  envoie  un  fossile  trouvé  par  un  mi- 
neur dans  des  couches  de  charbon.  Or  le  père  de  ce  mineur  avait 
été  par  unaccident  tué  dans  la  mine,  il  y  a  vingt  ans.  Miss  Haw- 
thorne  dit  qu'elle  a  une  vision  horrible,  un  homme  gisant  sur  le 
sol, inanimé,  livide,  avec  du  sang  à  la  bouche  et  au  nez.  D'autres 
iudications  intéressantes,  mais  vagues,  sont  données  sur  les  nom- 
breux objets  envoyés  par  M.  Jones  à  Miss  Hawthorne. 

M.  Pagenstecher  -  a  entrepris  quelques  recherches  sur  Mad.  Z... 
qui  lui  ont  semblé  prouver  une  hyperesthésie  sensorielle  tellement 
intense  qu'elle  devient  presque  de  la  cryptesthésie.  Mais  il  faut 
attendre,  avant  de  se  faire  une  opinion,  que  les  expériences  de 

1.  Sur  un  cas  de  lucidité  spontanée,  A.  S.  P.,  juillet  1914,  XXIV,  193. 

2.  A  notable  Psychometric  Test.  Am.  S.  P.  R.,  XIV,  386-418,  1920. 


224  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

M.  Pagenstecher,  de  Mexico,  soient  données  avec  plus  de  détails. 
Dès  maintenant,  il  semble  bien  qu'elles  donnent  un  réel  appui  à  la 
cryptesthésie  daus  l'hypnotisme. 

En  somme,  ces  résultats  divers  sont  bien  peu  satisfaisants.  Tout 
de  même,  c'est  assez  pour  tenter  la  curiosité  des  expérimentateurs 
qui  auraient  de  grands  sujets  hypnotiques,  ou  des  médiums,  à  leur 
disposition.  Ce  n'est  pas  tout  à  fait  de  la  métapsychique.  Mais 
qui  sait  si  l'action  des  corps  à  distance  n'apportera  pas  quelque 
éclaircissement  au  phénomène  métapsychique  de  la  cryptesthésie? 

L'action  des  métaux,  l'action  des  aimants,  l'action  des  substances 
toxiques  à  distance,  voilà  des  problèmes  qui  me  paraissent  bien 
dignes  de  susciter  des  travaux  et  des  recherches  nouvelles1. 

Faut-il  faire  rentrer  dans  la  cryptesthésie  pragmatique  toutes  les 
superstitions  relatives  aux  amulettes,  aux  fétiches,  que  non  seule- 
ment les  sauvages,  mais  encore  des  civilisés  regardent  comme  des 
protecteurs  efficaces?  Les  anciens  magnétiseurs  croyaient  ferme- 
ment qu'on  peut  magnétiser  de  l'eau  et  un  objet  quelconque,  de 
manière  à  douner  à  ces  objets  une  vertu  particulière.  Mais  ils 
n'ont  pas  suffisamment,  même  comme  A.  de  Rochas  qui  a  ébauché 
cette  étude,  éliminé  la  suggestion. 

Je  puis  donner  à  cet  effet  un  cas  qui  m'est  personnel,  et  qui  est 
ud  très  beau  cas  de  suggestion,  mais  nullement  de  fétichisme, 
malgré  les  apparences. 

Un  de  mes  élèves,  jeune  homme  très  loyal,  très  naïf,  d'une  pro- 
bité et  d'une  délicatesse  rares,  le  Dr  Mar...,  quelques  semaines 
après  avoir  passé  sa  thèse,  vint  me  faire  une  confidence  doulou- 
reuse. Il  était  hanté  par  des  idées  de  suicide,  si  tenaces,  si  mena- 
çantes, qu'il  me  dit,  en  pleurant  :  «Je  suis  convaincu  que  je  finirai  par 
me  tuer.  Est-ce  que  vous  ne  pouvez  pas  me  sauver?  »  Il  n'avait  d'ail- 

1.  Loc.  cit.,  p.  240.  —  Sur  lorigine  de  la  métallothérapie  et  sur  l'action  à  dis- 
tance des  métaux,  phénomènes  qui  ne  rentrent  guère  dans  la  métapsychique,  on 
consultera  Burcq  (V.),  Etude  expérimentale  sur  la  métallothérapie  et  la  métallos- 
copie,  Rapports  faits  à  la  Société  de  Biologie  1877-1878,  8°,  Paris,  1876.  —  Mori- 
court  (J.),  Manuel  de  métallothérapie  et  de  métalloscopie,  appliquées  au  traite- 
ment des  maladies  nerveuses,  etc.,  12»,  Paris,  1888.  —  Dumontpalliek,  Métalloscopie 
et  métallothérapie.  Union  médicale,  Paris,  1879,  XXVIII,  333,  381,  421,  457,  473, 
£67. 


CRYPTESTHÉSIE    PRAGMATIQUE  225 

leurs  aucune  raison,  d'amour,  d'argent  ou  de  santé,  qui  justifiât  ces 
idées  sombres.  Alors  j'eus  une  inspiration.  Il  y  avait  sur  ma  table 
de  travail  un  cachet,  surmonté  d'une  toute  petite  figurine  en  bronze, 
un  casque  de  chevalier  (le  chevalier  de  la  Mort)  dont  la  visière. se 
relevait  et  laissait  voir  le  squelette  de  la  face.  Je  dis  à  mon  ami  le 
Dr  Mar...  :  «  prenez  cette  statuette;  et  gardez-la  toujours  sur  vous;  elle 
a  des  vertus  magiques  et  elle  vous  protégera  ».  Mar...  me  remercia 
avec  effusion.  Quelque  six  mois  après  il  revint  me  voir.  Il  était  guéri, 
gai,  souriant,  et  ne  pensait  plus  du  tout  au  suicide  l. 

Est-ce  coïncidence?  N'est-ce  pas  plutôt  une  suggestion?  En  tout 
cas  je  ne  suis  pas  assez  enfant  pour  attribuer  quelque  influence 
pragmatique  au  chevalier  de  la  Mort. 

Il  me  paraît  que  les  fétiches,  amulettes,  cornes  de  corail,  et 
autres  bibelots  n'agissent  que  par  suggestion.  Mais  la  suggestion 
n'est  pas  négligeable.  Et  puis,  après  tout,  qui  sait?  Soyons  presque 
aussi  réservés  dans  nos  négations  que  dans  nos  affirmations. 

C'est  encore  à  l'influence  des  choses  qu'il  faudrait  rapporter,  s'il 
y  avait  l'ombre  d'une  preuve  en  faveur  de  leur  efficacité,  l'histoire 
des  envoûtements,  et  des  sorts  jetés.  De  toutes  les  légendes  popu- 
laires, ce  sont  les  plus  répandues  ;  encore  aujourd'hui  dans  maintes 
contrées  superstitieuses  on  croit  qu'il  y  a  des  sorcières  et  des  sor- 
ciers, des  objets  funestes,  des  pierres  qui  portent  malheur,  des  jelta- 
turas,  et  autres  billevesées  de  même  farine.  Pourtant,  si  les  choses 
inertes  ne  sont  inertes  qu'en  apparence,  on  comprend  qu'il  doit  y 
en  avoir  de  favorables,  et  d'autres  qui  sont  funestes.  Mais  jusqu'à 
présent,  en  ce  domaine,  il  n'y  a  rien  de  sérieux,  et  il  faut  laisser 
aux  contemporaines  de  Catherine  de  Médicis  ou  de  Mad.  de  Mon- 
tespan  la  croyance  aux  messes  noires,  et  aux  figurines  de  cire  pour 
envoûtements2. 

Mais,  je  le  répète,  même  pour  ces  superstitions  ridicules,  il  faut 
être  prudent  dans  la  négation.  Si  nous  admettons,  comme  cela 
paraît  prouvé,  qu'il  y  a  parfois  dans  les  choses  comme  une  émana- 
tion qui  agisse  sur  notre  cryptesthésie,  il  ne  serait  pas  absurde 

1.  Le  Dr  Mar.  .,  est  mort  de  mort  naturelle,  quelques  années  après. 

2.  On  lira  avec  grand  intérêt  les  pages  spirituelles  et  érudites  qu'A,  de  Rocius 
a  écrites  sur  l'envoûtement  {De  l'extériorisation  de  la  sensibilité). 

Richet.  —  Métapsychique.  15 


226  MÈTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

qu'une  vibration  quelconque  se  dégageât  des  choses,  capable  d'agir 
soit  sur  notre  intelligence,  soit  sur  celle  des  autres  hommes. 

Et  puis  il  y  a  un  tel  enchevêtrement  des  événements  que  tout  est 
possible. 

Mais  il  ne  faut  pas  se  laisser  aller  à  ces  rêveries.  Et,  d'ailleurs, 
même  en  admettant  qu'il  y  a  quelques  relations  entre  tel  ou  tel 
objet  et  tel  ou  tel  événement,  nous  ne  pouvons  absolument  pas 
savoir  quelle  est  cette  relation,  et  le  mystère  reste  aussi  profond, 
aussi  inabordable  que  si  cette  relation  n'existait  pas. 

La  cryptesthésie  est,  chez  les  sujets  sensitifs,  aidée  par  certaines 
conditions  extérieures. 

Les  somnambules  de  métier,  qui  sont,  par  intervalles,  lucides  — 
car  si  elles  ne  dounaieut  pas,  de  ci,  de  là,  quelques  exemples  de 
lucidité,  elles  ne  pourraient  guère  réussir  dans  leur  singulière 
profession  —  se  servent  souvent  des  cartes  pour  aider  la  lucidité.  Il 
serait  fou  d'imaginer  quelque  rapport,  autre  qu'une  coïncidence 
fortuite,  entre  telle  ou  telle  carte,  et  tel  ou  tel  fait.  Mais  ce  qui 
n'est  pas  fou,  c'est  de  supposer  que,  la  cartomancie  des  tireuses 
de  cartes  est  une  préparation  à  leur  lucidité.  Une  cartomancienne 
connue  en  a  fait  l'aveu  à  Osty. 

La  chiromancie  est  déjà  un  peu  plus  près  de  la  physiologie  saine, 
car  il  n'est  pas  douteux  que  les  formes  de  la  main  sont  absolument 
différentes  chez  les  diverses  personnes,  et  que,  très  vaguement, 
mais  très  certainement,  les  mains,  comme  la  physionomie,  tra- 
duisent quelque  peu  la  constitution  physiologico  psychologique 
des  individus.  De  là  à  conclure  quoi  que  ce  soit  sur  le  détail  des 
événements  passés,  présents  ou  futurs,  il  y  a  loin.  On  distinguera 
les  mains  d'une  duchesse  et  celles  d'une  cuisinière.  Mais  il  n'y  a 
rien  là  que  de  très  banal. 

Pourtant  les  chiromanciens  ont  eu  la  prétention  de  lire  dans  les 
lignes  de  la  main1. 

1.  Voyez  Desbarolles,  Les  mystères  de  la  main.  Paris.  —  Gaunier  d'Arpentigny, 
La  science  de  la  main,  Paris,  1857.  —  E.  Magnin,  Journal  du  magnétisme  et  du 
psychisme  expérimental,  décembre  1911.  —  Je  citerai  aussi  le  livre  suivant, 
curieux,  ne  fût-ce  que  par  son  titre  :  Hôping,  Inslitiiliones  chiromanticae,  oder 
Kurtze  Unterweissung,  Wie  man  aus  denen  Linien  Bergen,  und  Ndgeln  deren 
Hdnde,  auch  das  Jahr,.Monat,  Wocken  und  Tage  in  welchen  einem  was  Gliick  oder 
v ng lit c /clichés    bevorsleht ,   mullimaslich    judiciren    kann,     sampt   einer    ganlz 


CHIROMANCIE,    GRAPHOLOGIE  227 

Si  parfois  il  y  a  eu  des  divinations  saisissantes,  il  faut  les  mettre 
sur  le  compte  soit  du  hasard,  soit  de  la  lucidité  stimulée  par  un 
fait  extérieur  ;  le  fait  extérieur  étant  l'examen  de  la  main  pratiqué 
par  un  sensitif. 

La  graphologie,  à  certains  égards,  se  rapproche  de  la  chiro- 
mancie. Mais  il  ne  faut  pas  méconnaître  que  la  graphologie  a  une 
base  physiologique,  nullement  métapsychique,  qui  est  inatta- 
quable. 11  est  absolument  certain  que  nos  gestes,  et  par  conséquent 
notre  écriture,  répondent  à  nos  sentiments  et  à  notre  caractère.  Un 
individu  ivre  laissera  voir  son  ébriété  par  son  écriture.  Qu'il  soit 
furieux  ou  serein,  son  écriture  ne  sera  pas  la  même.  Il  est 
impossible  qu'une  personne  très  bête  ne  laisse  pas  transparaître 
un  peu  de  sa  bêtise.  Les  imbéciles  et  les  gens  d'esprit  ne  peuvent 
pas  avoir  le  même  graphisme.  Quidmens  imaferat  scripto  tuadextra 
notabit.  Mais  nous  ne  sommes  plus  du  tout  dans  la  métapsychique, 
et,  si  des  sensitifs,  comme Mad.  Freya,  emploient  la  graphologie,  ce 
n'est  sans  doute  que  pour  aider  leur  lucidité.  La  lettre  qu'on  confie  à 
un  graphologue  lui  révélera  maintes  particularités  psychologiques 
du  scripteur,  à  condition  que  ce  graphologue  ait  antérieurement 
étudié  beaucoup  d'écritures,  et  qu'il  soit  observateur  sagace  et 
prudent.  Mais  on  ne  peut  pas  parler  de  lucidité1. 

Pour  être  complet,  il  faudrait  mentionner  Vastrologie,  qui  fut  en 
si  grand  honneur  autrefois,  qui  n'a  rien  de  sérieux,  quoique  d'énig- 
matiques  journaux,  les  Nouveaux  Horizons,  continuent  obscurément 
à  la  défendre. 


neun  und  ausfùhrlichen  Harmonia  oder  Uebereinstimmung  aller  Linien  auck  aus- 
fiihrlichen  Abmessung  der  Saturninae,  des  Berges  Lunae,  und  anderer  Berge,  mit 
Fleiss  verfestiget,  3°  édit.,  8°,  Iéna,  1681.  —  Voyez  surtout  Vaschide  (N.),  La 
psychologie  de  la  main,  Paris,  1909.  —  Chéiro's.  Language  of  the  hand  :  Complète 
practical  work  on  cheirognomony  and  cheiromancy  containing  the  System,  Rules 
and  expérience  of  Cherio  (couito  de  Hamond),  New-York,  Tennyson.  London,  Ni- 
chols  and  C°,  1897,  XV,  162  pages,  avec  32  planches. 

1.  Voyez  sur  la  graphologie  surtout  Crépieux-Jamin,  L'écriture  et  le  caractère. 
Il  existe  en  France  un  bon  journal  de  graphologie,  organe  d'une  intéressante 
Société  de  graphologie,  qui  a  la  sagesse  de  ne  pas  mêler  la  métapsychique  à  ce 
fragment  de  la  psycho-pliysiologie  normale.  Mon  expérience  de  graphologie  avec 
H.  Fertari  et  J.  Héricourt,  Revue  philosophique,  1886,  est  demeurée  classique. 
Chez  deux  personnes  hypnotisables  et  tout  à  fait  ignorantes  de  la  graphologie, 
nous  avons  obtenu  totale  transformation  de  l'écriture,  et  adaptation  de  l'écriture 
à  la  personnalité  nouvelle  créée  par  suggestion  hypnotique. 


228  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Nous  sommes  donc,  de  fait,  absolument  ignorants  encore  des 
conditions  de  la  cryptesthésie.  Nous  ne  pouvons  même  pas  dire,  — 
ce  qui  serait  un  commencement  de  science  —  que  les  objets  exté- 
rieurs ont  une  action  émouvante  quelconque,  et  produisent  une 
sensation  cryptique  qui,  par  association  d'idées,  éveille  tel  ou  tel 
souvenir  (comme  par  exemple  l'odeur  d'un  parfum  nous  fait  songer 
à  la  personne  connue  de  nous  qui  a  l'habitude  de  ce  parfum).  Nous 
devons  nous  résigner  à  ignorer  les  voies  par  lesquelles  est  mise  au 
jour  la  faculté  cryptesthésique. 

p.  —  Transposition  des  sens. 

Il  est  des  cas  où  la  sensibilité  tactile,  énormément  accrue, 
paraît  jouer  un  rôle. 

Un  médecin  de  Lyon,  Petetin  (1744-1808)  avait  déjà,  il  y  a  plus 
d'un  siècle,  observé  le  phénomène  du  transport  des  sens  (nous  con- 
servons l'expression  dont  il  se  sert,  sans  qu'elle  implique  dans 
notre  pensée  aucune  hypothèse  ').  Il  a  pu  chez  trois  grandes  hysté- 
riques constater  des  phénomènes  d'hyperesthésie  —  ou  pour  mieux 
dire  de  cryptesthésie  —  qu'il  a  racontés  avec  détails,  dans  le  style 
singulier  de  son  temps.  Il  semble  bien  que  l'observation  ait  été 
exactement  prise. 

Il  faut  laisser  de  côté  évidemment  la  soi-disant  anesthésie  audi- 
tive de  l'oreille;  car  la  surdité  n'était  qu'apparente;  les  malades 
n'entendaient  pas  quand  on  leur  parlait  à  l'oreille,  mais  enten- 
daient quand  on  leur  chuchotait  quelques  paroles  au  bout  des 
doigts  ou  au  creux  de  l'épigastre.  Or  l'insensibilité  aux  paroles  pro- 
noncées à  l'oreille  est  une  de  ces  hallucinations  négatives  dont  les 
recherches  modernes  sur  le  somnambulisme  ont  montré  la  réalité. 

Il  n'en  est  pas  de  même  pour  la  sensibilité  visuelle.  Ici  la  trans- 
position des  sens  est  évidente.  Voici  comment  s'exprime  Petetin 
(p.  44).  Sa  malade,  Mad.  A...,  âgée  de  dix-neuf  ans,  était  en  cata- 
lepsie (c'est-à-dire  en  somnambulisme). 

«  Je  glissai  sous  les  couvertures  une  carte  qu'enveloppait  ma 

1.  Petetin,  père,  Electricité  animale.  Catalepsie  hystérique  ances traie.  Décou- 
verte du  transport  des  sens,  dans  l'épigastre  à  l'extrémité  des  doigts  et  des  orteils. 
—  Rapports  du  fluide  nerveux,  principe  de  ce  phénomène,  avec  le  fluide  électrique. 
Expériences  qui  les  confirment  (Lyon,  1808). 


TRANSPOSITION    DES    SENS  229 

main,  et  la  fixai  sur  son  estomac...  je  vis  sa  physionomie  changer  ; 
elle  exprimait  tout  à  la  fois  l'attention,  l'étonnement  et  la  douleur. 
«  Quelle  maladie  ai-je  donc?  je  vois  la  dame  de  pique.  »  Je  retirai  aus- 
sitôt la  carte  et  la  livrai  à  la  curiosité  des  spectateurs.  Ils  pâlirent 
en  reconnaissant  la  dame  de  pique.  Je  plaçai  une  seconde  carte 
avec  les  mêmes  précautions.  «  Cest,  dit-elle,  le  dix  de  cœur.  »  Enfin 
une  troisième...  «■  Salut  au  roi  de  trèflel...  »  J'en  fus  bouleversé. 
J'entendis  un  bruit  confus  autour  de  moi,  je  ne  remarquai  même 
pas  la  consternation  qui  se  peignait  en  traits  énergiques  sur  toutes 
les  physionomies.  » 

Comme  la  malade  hystérique  de  Tambow,  la  malade  hystérique 
de  Lyon  distinguait,  par  les  doigts,  la  saveur  de  diverses  subs- 
tances :  brioche,  abricots,  mouton  rôti,  pain  au  lait,  bœuf  bouilli, 
mais  toutes  les  conditions  étaient-elles  bien  notées? 

D'autre  part,  Mad.  A...  semble  avoir  présenté  des  phénomènes 
de  cryptesthésie  et  de  prémonition  que  le  transport  des  sens  ne 
peut  pas  expliquer.  Elle  reconnaissait  les  objets  placés  dans  une 
boîte.  «  Formait-on  une  pensée  sans  la  manifester  par  la  parole,  la 
malade  en  était  instruite  aussitôt,  et  exécutait  ce  qu'on  avait  l'in- 
tention de  lui  commander.  » 

Sur  une  autre  malade  hystéro-cataleptique,  Mad.  de  Saint-P..., 
âgée  de  vingt-quatre  ans,  les  résultats  ont  été  moins  nets.  D'ailleurs 
Petetin  ne  prenait  pas  les  précautions  -que  nous  jugeons  aujour- 
d'hui absolument  nécessaires.  Il  est  probable  qu'il  y  eut  alors  des 
cryptesthésies  intéressantes,  mais  elles  ne  nous  sont  pas  rapportées 
avec  une  suffisante  précision. 

En  tout  cas  la  première  observation  de  Petetin  est  remarquable, 
car  les  phénomènes  sont  étonnamment  identiques  à  ceux  qui  ont 
été  observés  chez  la  malade  de  Tambow.  Mais  nous  sommes 
devenus  plus  difficiles  qu'on  ne  l'était  en  1830  sur  le  caractère 
métapsychique  des  phénomènes. 

Peut-être  Mad.  Pigeaire,  qui  fut  une  somnambule  très  lucide, 
avait-elle  une  sensibilité  de  ce  geûre.  Elle  lisait  une  lettre  (cachetée) 
qu'on  lui  mettait  sur  le  front.  Sir  0.  Lodge  a  observé  qu'en  expé- 
rimentant avec  Mlles  L...  les  phénomènes  (suggestion  mentale 
d'une  sœur  à  l'autre)  étaient  beaucoup  plus  nets  lorsqu'elles  se  tou- 
chaient à  peine  par  le  petit  doigt,  fût-ce  pour  la  reproduction  d'un 


230  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

dessin.  Boirac  a  signalé  un  très  beau  cas  de  lecture  par  hyperes- 
thésie  tactile1.  Mad.  V.. .,  somnambule,  se  fait  bander  les  yeux 
par  un  fort  bandeau.  On  lui  colle  du  papier  gommé  sur  les 
yeux,  et  alors  elle  lit  sans  hésitation  les  lignes  imprimées,  même 
en  caractères  très  fins.  Elle  lit  l'heure  sur  une  montre  enveloppée 
d'un  mouchoir.  Tel  fut  le  rapport  du  Dr  G.  D...  à  Boirac,  qui 
résolut  d'expérimenter  sur  un  autre  sujet,  préparé  par  lui.  Le  sujet 
de  Boirac  fut  un  certain  Ludovic  S...,  qui  parvint  à  lire  avec  le  bout 
de  ses  doigts,  comme  s'il  avait  quelque  extériorisation  de  la  sensi- 
bilité. Une  lecture  fut  faite  quand  l'obscurité  était  complète,  toute 
lumière  dans  la  chambre  étant  éteinte,  Ludovic  ayant  en  outre  les 
yeux  bandés.  «  Il  ne  me  paraît  donc  plus  possible  de  douter,  dit 
E.  Boirac,  que  le  phénomène  présenté  par  S...  soit  exclusivement, 
comme  nous  l'avons  dit,  un  phénomène  du  toucher,  auquel  la  vue 
reste  complètement  étrangère.  » 

Une  autre  expérience,  plus  curieuse  peut-être  encore,  a  été  faite 
par  E.  Boirac.  Il  plaça  Ludovic  près  de  lui,  le  dos  tourné,  les  yeux 
bandés,  et  s'assit  sur  l'autre  siège,  en  priant  Ludovic  de  lui  tenir  le 
coude.  Alors  E.  Boirac  plaça  les  doigts  sur  les  lettres  d'un  journal,  et, 
à  mesure  qu'il  passait  sur  telle  ou  telle  lettre,  Ludovic  épelait  et 
lisait.  Le  résultat  fut  le  même,  même  lorsque  E.  Boirac,  fermant 
les  yeux,  ne  pouvait  plus  lire  les  lettres  que  parcouraient  ses 
doigts. 

Il  est  bien  désirable  que  des  recherches  nouvelles  soient  faites 
sur  cette  hyperesthésie  tactile.  Cela  nous  permettrait  peut-être  de 
conclure  que,  dans  certains  cas  tout  au  moins,  le  sens  du  toucher 
a  pris  une  telle  acuité  que  cela  devient  presque  de  la  cryptesthésie  -. 

Un  très  beau  cas  de  cryptesthésie,  explicable  peut-être,  quoique 
difficilement,  par  une  acuité  prodigieuse  du  toucher  et  de  la  vision, 
a  été  signalé  par  le  Dr  A.  N.  C.  Chowrin,  directeur  de  l'asile  des 
aliénés  de  Tambow  3. 

1.  E.  Boirac,  La  psychologie  inconnue,  Paris,  Alcan,  1908,  p.  245.  Un  cas  d'ap- 
parente transposition  des  seîis. 

2.  On  ne  peut  aujourd'hui  faire  état  des  étonnantes  recherches,  inachevées  encore, 
de  Louis  Farigoule.  La  vision  extra-rétinienne  et  le  sens  paroptique.  (Nouvelle 
Revue  française,  1920,  104,  pp.). 

3.  Ce  mémoire  a  paru  en  russe  en  1898.  Mais  je  ne  le  connais  que  par  la  tra- 


TRANSPOSITION    DES    SENS  231 

Il  s'agit  d'une  femme  fort  intelligente,  Mad.  M...,  très  cultivée, 
de  trente-deux  ans,  non  mariée,  qui  fut  prise  de  troubles  ner- 
veux assez  graves  (grande  hystéro-épilepsie).  Le  D1'  Ciiowrin  fut 
amené  à  s'occuper  d'elle,  parce  qu'un  jour,  en  sa  présence,  ayant 
reçu  une  lettre  qu'elle  maniait  en  sa-  main,  sans  l'ouvrir,  elle  se 
mit  soudain  à  pleurer,  disant  qu'il  y  avait  un  grand  malheur  dans 
cette  lettre.  De  fait  la  lettre  annonçait  la  mort  d'une  de  ses  nièces. 

Diverses  expériences  ingénieuses  furent  alors  entreprises.  M.  Ciio- 
wrin, parfaitement  au  courant  des  supercheries  dont  les  hysté- 
riques sont  capables,  lit  des  expérimentations  rigoureuses,  de 
concert  avec  ses  collègues  de  la  Société  médicale  de  Tambow.  Des 
lettres  cachetées  entourées  de  noir  d'aniline,  enfermées  parfois  dans 
des  papiers  photographiques  sensibilisés,  étaient  écrites  en  carac- 
tères si  fins  qu'on  ne  pouvait  les  distinguer  qu'à  la  loupe.  (Il  faut 
étudier  dans  le  mémoire  original  le  détail  de  toutes  les  excellentes 
précautions  prises.) 

La  lecture  de  ces  lettres  fut  faite  quarante  fois  environ,  et 
M.  Chowiun  ajoute  :  «  Si  M...  a  la  propriété  d'ouvrir  ces  lettres  et 
de  les  recacheter  intégralement,  de  manière  à  ramener  au  statu  quo 
mite  les  signes,  les  cachets,  les  enveloppes,  les  papiers  photogra- 
phiques sensibilisés  et  non  impressionnés,  c'est  aussi  extraordi- 
naire que  de  lire  les  lettres  sans  les  avoir  ouvertes.  » 

Dans  une  autre  série  d'expériences,  M...  lut,  eu  présence  de 
diverses  personnes,  des  lettres  hermétiquement  closes.  Tantôt  la 
lettre  était  lue  avec  son  texte,  tantôt  le  sens  de  la  lettre  était  indi- 
qué par  des  images  qui  se  présentaient  à  elle.  Par  exemple,  dans 
une  lettre  écrite  par  le  Dr  Andréoff,  il  y  avait  :  «  Dans  les  sables  de 
l'Arabie  s'élevaient  trois  palmiers  entre  lesquels  coulait  une  source 
murmurante.  »  M...  dit  :  «  Un  grand  espace.  C'est  du  sable,  blanc 
comme  de  la  neige,  mais  ce  n'est  pas  de  la  neige  ;  trois  arbres,  très 
hauts.  Je  n'ai  jamais  rien  vu  de  pareil.  Peu  de  feuilles,  mais  de 
larges  feuilles,  une  source  dont  j'entends  distinctement  le  mur- 
mure. » 

Dans  une  autre  expérience,  le  Dr  Troizki  écrivit  sur  un  bout  de 

duction  allemande  donnée  par  A.  de  Schrenck-Notzing,  Experïmen  telle  Unter- 
suchunçjen  auf  dem  Gebiete  des  raumlichen  llellsehens,  der  Kryptoscopie  und  ina- 
daequaten  Sinneserregung,  E.  Reinhardt,  Miïnchen,  1919,  80  p. 


232  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

papier  (qu'il  eûroula  seize  fois  sur  lui-même)  ces  mots  :  «  Sophie 
Alexandrovna  est  au  lit,  et  regarde  le  mur  ».  Ce  jour-là,  Sophie 
Alexandrovna,  c'est-à-dire  Mad.  M...,  avait  une  fluxion  dentaire  et 
était  au  lit.  Elle  prit  le  papier,  le  tint  pendant  quelque  temps  dans 
une  de  ses  mains,  et  dit  :  «  Je  vois  un  lit,  c'est  moi  qui  suis  sur  mon 
lit,  avec  une  mentonnière»,  et  elle  regardait  fixement  le  mur.TRonzKi 
et  Speranski,  qui  étaient  présents,  n'ont  pas  quitté  de  vue  un  ins- 
tant le  papier  enroulé. 

D'autres  expériences  encore  lurent  très  significatives.  Par  le  tou- 
cher, Mad.  M...  put  distinguer  les  couleurs.  Devant  la  Société  de 
Médecine  de  Tambow,  elle  put  reconnaître  la  couleur  de 
trente  flacons,  de  diverses  couleurs,  placés  sous  une  épaisse  cou- 
verture, et  entourés  de  papier.  De  même  par  le  toucher  M...  pou- 
vait distinguer  les  saveurs.  On  prenait  des  flacons  contenant  des 
solutions  de  soude,  de  chlorure  de  sodium,  de  chlorhydrate  de 
quinine,  de  sulfate  de  zinc,  on  trempait  de  petits  fragments  de 
papier  dans  une  de  ces  solutions,  on  les  lui  mettait  sous  l'aisselle, 
et  elle  sentait  aussitôt  le  goût  du  salé,  de  l'acide,  de  l'astringent  ou 
de  l'amer.  Comme  les  expérimentateurs  ne  savaient  pas  quelle 
avait  été  la  solution  employée,  toute  transmission  mentale,  comme 
aussi  toute  erreur  expérimentale,  était  écartée. 

C'est  par  une  extrême  hyperesthésie  auditive  qu'il  faut  expliquer 
les  télépathies  obtenues  par  le  professeur  Gilbert  Murray,  en  appa- 
rence admirables,  mais  en  apparence  seulement  l. 

M.  Murray  sortait  du  salon  et  allait  dans  une  chambre  voisine. 
Alors  quelqu'un  dans  le  salon,  en  général  la  fille  aînée  de  M.  Murray, 
prononçait  quelques  paroles  tout  haut  qui  étaient  aussitôt  écrites. 
Ces  paroles  indiquaientun  tableau,  un  geste,  une  scène,  un  incident. 
M.  Murray  revenait,  disait  aussitôt  ce  qui  lui  venait  à  l'esprit,  et  on 
confrontait  les  paroles  de  Miss  Murray  et  celles  de  G.  Murray.  Or  la 
similitude  est  saisissante,  et  il  est  inutile  de  mentionner  ces  iden- 
tités indiscutables.  Mais  cependant,  ainsi  que  Mad.  Yeriull  l'a 
d'ailleurs  indiqué,  on  peut  expliquer  tout  ou  presque  tout  par 

1.  Voir  l'adresse  de  G.  Muuk-vy  à  la  S.  7'.  R.,  juillet  1915  et  Mad.  Verkall  P.  S. 
P.  R„  XXIX.  Voir  aussi  S.  M.  Kingsford  :  Psychical  Research  for  tke  Plain  Man, 
London,  Kegan  Paul,  1920. 


TRANSPOSITION    DES    SENS  233 

une  hyperesthésie  auditive.  Or  M.  Murray  n'avait  nullement  cons- 
cience d'avoir  entendu  quelque  chose.  De  sorte  qu'il  s'agit  là  d'une 
hyperesthésie  auditive  inconsciente,  phénomène  très  curieux  et  qu'il 
serait  intéressant  d'étudier  à  nouveau  d'une  manière  approfondie. 
En  tout  cas  l'hyperesthésie  poussée  si  loin  est  très  étonnante  et  se 
rapproche  quelque  peu  de  la  cryptesthésie.  Quelquefois  d'ailleurs 
l'exactitude  des  paroles  prononcées  par  M.  Murray,  confrontées 
avec  la  réalité,  allait  beaucoup  plus  loin  que  les  paroles  émises 
tout  haut  par  Miss  Mdrray. 

Les  faits  invoqués  par  M.  Murray  sont  tout  à  fait  insuffisants 
pour  faire  admettre  la  cryptesthésie,  mais  il  y  a  tant  d'autres 
exemples  de  cryptesthésie  métapsychique  qu'on  peut  à  l'extrême 
rigueur  supposer  qu'elle  a  joué  aussi  quelque  rôle  dans  ces  expé- 
riences, quoi  que  j'adopte  uniquement  pour  ce  cas  spécial,  l'hypo- 
thèse d'une  simple  hyperacuilé  auditive. 

Il  s'agit  sans  doute  d'hyperesthésie  visuelle  chez  M...,  une  grande 
hystérique,  soignée  à  l'asile  d'Alexandrie  par  le  Dr  Frigerio1.  On 
lui  fermait  les  yeux  avec  les  doigts  sur  les  paupières,  et  elle  lisait 
couramment  le  titre  d'un  livre  ;  de  même,  au  contre-jour,  les  yeux 
également  fermés  par  les  doigts,  elle  lisait  le  contenu  manuscrit 
d'une  carte  postale.  De  même  encore  quand  on  tenait  un  livre 
tellement  haut  qu'il  eût  été  impossible  de  le  lire,  même  si  elle 
avait  eu  les  yeux  ouverts.  Mais  ce  cas  d'hyperesthésie  rétinienne 
n'a  pas  été  suivi  ayec  autant  de  précision  que  le  cas  de  Chowrin. 

Le  Dr  Naum  Kotik2  a  obtenu  de  bons  résultats  de  cryptesthésie 
avec  une  petite  jeune  fille  de  quatorze  ans,  Sophie  B. . .  Quand  le  père 
de  Sophie  B...  (un  alcoolique  qui  a  fini  par  suicide  dans  une  mai- 
son d'aliénés),  était  avec  sa  fille,  encore  qu'on  ne  pût  déceler  une 
parole  ou  un  geste  qui  indiquât  ce  qui  devait  être  deviné,  Sophie 
devinait  la  pensée  de  son  père  d'une  manière  étonnante.  Mais  il  ne 
faut  tenir  aucun  compte  de  ces  expériences;  car  la  tromperie  est 

1 .  Ravi  fenomeni  osservati  in  una  ipnotizzata  ed  in  particulare  délia  sugges- 
lione  reciproca  e  délia  lettura  ai  occhichiusi  da  essa  presenlati.  (Arch.  di  psi- 
chiatria,  etc.,  Torino,  XV,  1894,  101.) 

2.  Die  Emanation  der  psycho-physischcn  Energie.  Wiesbaden,  1908. 


234 


METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 


trop  facile.  Pourtant,  d'autres  fois,  le  père  de  Sophie  étant  absent, 
Sophie  a  pu  deviner  la  pensée  de  M.  Kotik. 


Chose  pensée  par  M.  Kotik. 
Spitschka. 
Noshik. 
Nilki. 
Plessimètre. 

Une  mounaie. 
Patron. 
Bulewka. 
Noshuizy i. 


Chose  dite  par  Sophie. 
Spitschka. 
Noshik. 
? 

Instrument  analogue  à  ceux 

des  verriers. 
Un  bouton,  une  monnaie. 
Une  Pa...  da... 
Bulawka. 
Noshik...  Noshhiry. 


Ces  expériences  ont  réussi  encore,  même  quand  Sophie  se  trou- 
vait séparée  de  l'agent  (le  père  ou  M.  Kotik)  par  une  porte  complè- 
tement close. 

Aussi  pour  M.  Kotik  le  fait  de  la  transmission  mentale  est-il 
absolument  établi.  11  va  même  jusqu'à  indiquer  les  lois  de  cette 
transmission  mentale,  en  disant  qu'elle  se  transmet  principalement 
sous  la  forme  phonétique  et  qu'elle  peut  traverser  les  murs  en 
perdant  une  partie  de  sa  force. 

M.  Kotik  a  pu  faire  d'autres  intéressantes  expériences  avec  une 
jeune  fille,  Lydia  W...,  de  dix-huit  ans,  capable  de  l'écriture  auto- 
matique, et  d'esprit  très  cultivé. 

Les  preuves  de  cryptesthésie  spiritique  ont  été'très  abondantes  ; 
pour  ne  citer  qu'un  exemple  : 


Pensée  de  M.  Kotik. 
Lumière. 
Baiser. 
Neige. 
Daprer. 
Cheval. 
Journal. 


Réponse  de  Lydia. 

Lumière. 
? 

? 

D'après. 
Cheval. 
Journal. 


1.  Ces  divers  mots  signifient  en  russe   allumettes,   couteau,   ciseau,   gomme, 
anneau,  etc. 


TRANSPOSITION    DES    SENS  235 

Il  y  avait  toujours  une  analogie  phonétique  entre  la  chose  pensée 
et  la  chose  indiquée  par  Lydia,  môme  quand  elle  se  trompait. 

Mais  cette  transmission  peut  aussi  être  une  transmission  visuelle  ; 
car,  dans  une  autre  série  d'expériences,  M.  Kotik  regardait  une 
carte  postale  (que  bien  entendu  Lydia  ne  pouvait  pas  voir)  et 
alors,  par  l'écriture  automatique,  Lydia  décrivait  —  parfois  avec 
une  exactitude  admirable  —  ce  qui  était  sur  cette  carte  postale.  Il 
paraît  que  la  conduction  de  cette  transmission  mentale  se  fait  mieux 
quand  on  relie  l'agent  et  le  percipient  (Lydia  et  le  Dr  Kotik)  par  uu 
fil  métallique. 

Enfin  daus  ses  dernières  expériences,  ingénieuses,  M.  Kotik 
a  essayé  de  fixer  sa  pensée  (pensée  d'un  objet,  d'un  paysage,  d'un 
sentiment)  sur  une  feuille  de  papier  blanc,  et  il  a  donné  cette  feuille 
à  Lydia  pour  qu'elle  devinât  ce  qui  y  était  fixé  par  la  pensée.  Les 
résultats  ont  été  absolument  remarquables. 

Je  ne  citerai  qu'un  exemple  de  ces  fixations  de  la  pensée  sur  le 
papier.  Le  Dr  Bernstein  pense  au  paysage  suivant  —  le  bord  de  la 
mer  :  un  bateau  où  il  y  a  des  individus  :  sur  la  rive  un  bâtiment  qui 
est  entouré  de  verdure.  —  Or  ce  que  Lydia  a  vu  est  :  «  la  surface  de 
Veau,  comme  un  miroir;  sur  le  rivage  çà  et  là  des  maisons  entourées 
d'arbres  ;  sur  Veau  un  bateau  ». 

Le  hasard  n'a  guère  pu  donner  ces  ressemblances,  quoique  il 
y  ait  quelque  monotonie  dans  les  paysages  donnés  à  deviner.  Tout 
de  même,  la  similitude  est  saisissante  entre  l'image  vue  par  Lydia, 
et  l'image  mentale  que  le  Dr  Bernstein  a  fixée  sur  le  papier  donné 
à  Lydia. 

Voici  les  conclusions  de  M.  Kotik.  La  pensée  est  une  énergie  qui 
rayonne  au  dehors.  Cette  énergie  a  des  propriétés  physiques  et  psy- 
chiques, de  sorte  qu'on  peut  l'appeler  énergie  psycho-physique. 
Cette  énergie,  née  du  cerveau,  passe  aux  extrémités  du  corps.  Elle 
se  transmet  difficilement  par  l'air,  se  propage  par  Jes  conducteurs 
métalliques,  et  peut  se  fixer  sur  le  papier. 

D'après  M.  Kotik,  il  y  a  deux  conditions  à  envisager  :  la  sensibilité 
du  sujet  :  l'énergie  vibratoire  qui  met  en  jeu  sa  sensibilité.  C'est 
cette  énergie  vibratoire  qu'a  surtout  étudiée  M.  Kotik  ;  mais  il  ne 
semble  pas  qu'elle  soit  spéciale  à  la  pensée  humaine  ;  il  est  possible 
que  toutes  choses  rayonnent  d'une  certaine  énergie  vibratoire. 


236  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

puisque  les  sujets  sensibles  indiquent  non  seulement  les  choses 
auxquelles  tels  ou  tels  individus  ont  pensé,  mais  même  des  choses 
inertes  auxquelles  nulle  pensée  n'a  été  attachée. 

Il  nous  semble  plus  prudent  de  ne  pas  adopter  d'autre  hypo- 
thèse que  celle  d'une  sensibilité  spéciale  qui  permet  aux  individus 
hypnotisés  et  aux  médiums  (peut-être  parce  que  leur  incons- 
cience a  une  grande  force)  de  savoir  ce  qui  est,  qu'il  s'agisse  d'une 
pensée  ou  d'un  objet. 

Le  Dr  Rudolf  Tischener  l  vient  de  publier  un  travail  important  sur 
la  lucidité.  Je  ne  le  suivrai  pas  dans  sa  discussion  théorique.  Les 
temps  ne  sont  pas  mûrs  :  et  tout  est  d'une  désolante  fragilité,  mais 
je  m'attacherai  aux  faits  :  et  M,  Tischener  en  cite  de  fort  remar- 
quables. 

Après  avoir  expérimenté  avec  Mad  de.  B.,  qui  a  donné  à  Wasie- 
lewski  de  bons  résultats  cryptesthésiques,  M.  Tischener  a  expéri- 
menté avec  un  individu  nommé  Re...,  un  homme  de  trente-deux 
ans,  fils  d'un  employé  de  la  poste,  et  lui-même  employé  de  com- 
merce. Plusieurs  mots  étaient,  à  l'abri  de  la  vue  de  Re...  écrits  et 
mis  sous  une  enveloppe  opaque.  Les  phrasesou  mots  étaient  repliés 
et  mis  dans  des  enveloppes  cachetées,  opaques  (lichtdickt...  mais 
quel  était  le  degré  de  l'opacité  ?) 

Les  résultats  de  nombreuses  expériences  ont  été  remarquables. 
Il  ne  peut  s'agir  de  lecture  de  pensée  ;  puisque  plusieurs  des  enve- 
loppes cachetées  étaient  mélangées,  et  que  M.  Tischener  ignorait  ce 
que  contenait  l'enveloppe  remise  à  Re... 

Sur  68  expériences,  il  y  en  eut  24  de  -négatives.  Mais  cela 
n'importe  pas,  car,  sur  les  44  qui  ont  réussi,  le  succès  est  tel  qu'il 
est  radicalement  impossible  de  supposer  une  coïncidence. 

Athen  pour  Athen. 
Barbara  pour  Baelbara, 
Eberhard  pour  Ebarhard. 
Madalene  pour  Madelene. 
Pater  pour  Dater. 

1.  Uber  Télépathie  und  Hellse/ien,  Mùnchen,  Bergmann,  19i0. 


TRANSPOSITION    DES    SENS  237 

M.  Albert  Hofmann  (de  Mehlen) '  a  fait  de  curieuses  expériences  de 
télépathie  avec  ua  docteur  eu  médeciue,  M.  Fueddenberg.  M.  Hofmann 
avait  été  percipient  dans  les  expériences  de  M.  R.  Tischener  :  cette 
fois  il  a  agi  comme  agent.  Il  demeurait  dans  une  maison  distante 
de  28  mètres.  Daus  l'expérience  I,  Hofmann  suggéra  Alaof  Kôln,  et 
Freudenuerc.  dit  Kôln.  L'expérience  II  ne  réussit  pas.  Dans  l'expé- 
rience III,  H...  suggéra  Groenendael,  Freudenberg  vit  un  joli  bois,  avec 
des  étangs,  ce  qui  est  tout  à  fait  le  bois  de  Groenendael,  près  de 
Bruxelles.  Dans  une  autre  série  d'expériences,  plus  récentes,  les 
expérimentateurs  habitaient  deux  demeures  distinctes,  à  800  mètres 
de  distance.  Il  y  eut  des  succès  très  nets,  transmission  de  couleurs 
et  de  visions.  Le  mot  encrier  a  pu  être  transmis.  Notons  aussi  un 
résultat  bien  singulier.  Freudenberg  avait  suggéré  Jules  César  ; 
Hofmann  a  pensé  au  pont  de  Bonn,  où  il  y  a  une  statue  de  J.  César. 
Malheureusement,  après  ces  séances  qui  réussirent,  il  y  eut  une  série 
d'échecs. 

Il  est  inutile  de  continuer  cette  énumération.  Ce  n'est  pas  le 
hasard  :  ce  n'est  pas  non  plus  la  télépathie.  Est-ce  l'hyperacuité 
rétinienne  poussée  au  point  d'être  de  la  cryptesthésie  ?  ou  bien  y  a- 
t-il  —  ce  que  je  ne  pense  pas  —  quelque  erreur  systématique  due  à 
ce  que  Re...  avait  pu  voir  ce  qu'écrivait  M.  Tischener  ?  Il  est  à  noter 
que  M.  Tischener  est  très  instruit  des  fraudes  possibles  sigualéespar 
les  psychologues  américains. 

Le  D1'  Waldemar  de  Wasielewski2  a  rapporté  des  cas  intéressants 
de  cryptesthésie  pragmatique,  qu'il  convient  de  rapprocher  des 
faits  de  rhabdomancie,  car  vraiment  il  semble  que  ce  soit  un 
phénomène  du  même  ordre.  Mlle  von  B...,  observée  par  lui,  daus 
des  conditions  telles  qu'aucune  fraude  n'était  possible,  a  pu  sou- 
vent dire  quels  étaient  les  objets  enfermés  daus  une  boite  bien 
ficelée,  dire  s'ils  étaient  en  bois,  ou  de  tel  ou  tel  métal.  Daus  la 
statistique  très  imparfaite  qu'il  nous  donne,  il  dit  qu'il  y  a  eu  cin- 
quante expériences  et  six  insuccès.  Mais  il  faudrait  savoir  quelle 
était  la  probabilité  du  succès. 

M.  Wasielewski  a  fait  aussi  quelques  autres  expériences  portant 

1.  Versuche  ùber  Télépathie  (Psych.  Slud.,  janvier  1921,  1-12. 

2.  Un  cas  de  lucidité  spontanée,  A.  S.  P.,  juin  1914,  XXIV,  165. 


238  MÉTAPSYCH1QUE    SUBJECTIVE 

sur  des  dessins  et  sur  des  mots  enfermés  dans  des  boîtes.  Il  faudra 
lire  le  détail  dans  l'original.  M.  de  W...  avait  écrit  en  écriture 
renversée  ;  Mlle  de  B...  lut  comme  si  l'écriture  n'avait  pas  été  ren- 
versée. Il  est  vrai  que  dans  cette  dernière  expérience  l'écriture 
n'était  pas  enfermée  dans  une  boîte,  mais  simplement  mise  sous 
une  enveloppe. 

Avec  raison  M.  de  W...  pense  qu'il  ne  s'agit  pas  là  de  télépathie, 
mais  plutôt  de  l'influence  des  choses,  plus  ou  moins  analogue  à  la 
force  rhabdique,  cette  vibration  mystérieuse,  qui,  se  dégageant  des 
eaux  souterraines  ou  des  métaux,  détermine  les  muscles  des 
baguettisants  à  faire  plier  la  baguette  de  coudrier. 

M.  Warcollier,  ingénieur  chimiste,  a  fait  sur  la  télépathie  de 
nombreuses  expériences,  très  méthodiques,  qu'il  a  rapportées  dans 
un  livre  qui  n'a  pas  paru  encore,  mais  dont  le  manuscrit  m'a  été 
obligeamment  communiqué  par  M.  Warcollier. 

Plusieursdesexpérieucesdetélépathieontété  faites  parM.  Warcol- 
lier comme  percipient,  sur  des  dessins.  Elles  sont  bien  intéres- 
santes. 

Sur  10  expériences  il  y  a  eu  une  fois  un  succès  remarquable  (expé- 
rience IV). 

Le  dessin  fait  était  un  ballon  dirigeable  avec  une  hélice  ;  le 
résultat  a  été  un  ballon  dirigeable  et  une  hélice. 

Dans  d'autres  cas  il  y  a  eu  demi-succès  :  le  dessin  à  deviner  était 
un  drapeau  tricolore  ;  il  y  a  eu  9  dessins  successifs,  parmi  lesquels 
il  y  a  un  drapeau  tricolore.  Dans  l'expérience  VIII  il  y  avait  uncor  de 
chasse  ;  sur  5  essais  de  divination  il  y  a  eu  une  coquille  de  limaçon 
qui  ressemble  tout  à  fait  à  un  cor  de  chasse.  Dans  le  dessin  n°  10 
il  y  avait  un  perroquet  ;  le  percipient  a  tracé,  parmi  douze  dessins, 
un  oiseau  blessé  qui  tombe  par  terre. 

Résumant  ses  recherches,  M.  Warcollier  arrive,  sur  35  faits,  à 
constater  qu'il  y  en  a  eu  13  de  négatifs  ;  5  à  éliminer  par  suite  d'une 
coïncidence  vraisemblablement  due  au  hasard,  10  demi  succès, 
et  7  succès  complets.  Mais  la  part  de  la  probabilité  est  difficile  à 
calculer. 

En  comparant  les  diverses  télépathies  qu'il  a  eu  l'occasion 
d'observer,  et  par  des  méthodes  trop  longues  à  exposer    ici,  qu'il 


TRANSPOSITION    DES    SENS  239 

faudra  lire  dans  le  livre  original,  M.  Warcollier  classe  ainsi  les 
diverses  facilités  de  transmission. 

Couleurs 70  p.   100 

Attitudes 55       — 

Dessins 45       — 

Objets 38       — 

Idées 37       — 

Images  mentales 10       — 

Mots,  chiffres 10       — 


C'est  une  tentative  intéressante  de  classification,  rudimentaire 
encore,  que  seules  pourront  justifier  de  plus  nombreuses  expé- 
riences ;  mais  il  ne  sera  pas  facile  de  trouver  des  sensitifs, 
comme  M.  Warcollier,  qui  seront  en  même  temps  capables  de  cal- 
culs et  d'analyses  pénétrantes. 

Ce  qui  prouve  que  M.  Warcollier  est  un  sensitif,  c'est  la  belle 
cryptesthésie  qu'il  a  observée  sur  lui-même.  Rentré  tard  dans  la 
soirée  chez  un  ami  qui  demeurait  à  la  campagne,  il  se  couche,  s'en- 
dort, et,  se  réveillant  à  demi,  il  aperçoit,  dausla  pièce  éclairée  par 
une  veilleuse,  un  gros  paquet  ficelé  de  forme  quadrangulaire,  enve- 
loppé d'un  papier  d'emballage  jaune.  Il  s'écrie  :  «  Qu'est-ce  que  ce 
paquet  ?».  Mad.  Warcollier  se  réveille,  s'étonne,  —  car  il  n'y  a  pas 
de  paquet  daus  la  chambre  —  et  alors  M.  Warcollier  lui  décrit  l'ob- 
jet qui  en  effet  avait  été  monté  par  mégarde  dans  la  chambre,  et  il 
y  avait  séjourné,  avant  l'arrivée  de  M.  Warcollier  dans  la  maison, 
quelque  temps  ;  puis  il  avait  été  retiré. 

M.  Abronowski  (cité  par  M.  Warcollier),  sur  324  suggestions,  dont 
le  succès  avait  une  probabilité  de  1/3,  a  eu  157  succès,  soit  50  p.  100, 
ce  qui  dépasse  notablement  le  chiffre  probable.  Il  est  vrai  que, 
dans  ces  expériences,  il  y  avait  contact  des  mains,  ce  qui  enlève 
beaucoup  de  valeur  à  l'expérimentation.  Toutefois,  avec  un  perci- 
pient  plus  sensible  que  les  autres,  Jeanne  Hirschberg,  il  y  a  eu, 
sans  contact  des  mains,  62  p.  100  de  succès. 

M.  Warcollier  d'une  part,  et  d'autre  part  M.  Abronowski,  ont 
fait  timidement  des  hypothèses  pour  expliquer  la  télépathie,  et  ils 
ont  eu  raison  d'être  timides. 

Après  tout  l'hypothèse  de  la  télépathie,  par  vibration  du  cerveau 
A,  à  la  suite  de  la  vibration  du  cerveau  B,  n'est  pas  valable,  au 


240  MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

moins  comme  explication  générale  adéquate,  car  très  souvent  il  y 
a  lucidité  sans  vibration  du  cerveau  B.  Les  spirites  ont  une  expli- 
cation plus  simple  ;  c'est  celle  des  esprits  omniscients  et  omnipo- 
tents. Mais  c'est  une  explication  enfantine. 

Mieux  vaut  se  réfugier  dans  mon  aveu  d'absolue  ignorance  quant 
au  mécanisme  et  à  la  cause. 

Lombroso1  rapporte  le  cas  d'une  jeune  fille  hystérique,  qui,  à  cer- 
tains moments,  perdait  la  faculté  de  voir  par  les  yeux,  et  voyait  par 
les  oreilles.  Elle  lisait,  les  yeux  bandés,  quelques  lignes  d'impri- 
merie qu'on  plaçait  à  son  oreille. 

A  propos  de  cette  transposition  des  sens,  Flammarion  dit  que  les 
sujets  s'imaginent  à  tort  voir  par  le  front,  ou  l'épigastre,  ou 
l'oreille.  Je  serais  tenté  cependant  de  croire  qu'il  y  a  en  réalité  une 
impression  sensitive  peut  être  tactile,  une  excitation  sensorielle 
périphérique,  au  moins  dans  quelques  cas. 

Ces  faits  d'hyperesthésie,  ou  de  paresthésie,  sont  donc  indubi- 
tables, tout  comme  dans  le  cas  de  Ludovic  S...  rapporté  par  Boirac. 
Mais  il  n'est  pas  possible  d'adapterà  l'hyperesthésie  sensorielle  les 
phénomènes  multiples  de  la  cryptesthésie.  L'explication  par 
l'acuité  invraisemblable  des  sens  normaux  ou  par  la  transposition 
des  sens  n'est  valable  que  pour  un  petit  nombre,  très  restreint, 
d'observations.  Encore  même  là  ne  sommes-nous  pas  assurés  que 
cette  interprétation  est  exacte.  Une  rétine  capable  de  percevoir  des 
rayons  lumineux  qui  ont  passé  à  travers  une  triple  enveloppe  de 
cartons  épais,  c'est  une  rétine  tellement  différente  de  la  rétine  nor- 
male que  son  étude  relève  de  la  métapsychique  plutôt  que  de  la 
physiologie. 

Toutefois,  c'est  peut-être  un  réel  progrès  que  d'avoir  permis, 
pour  quelques  cas  exceptionnels  tout  au  moins,  d'attribuer  à 
l'acuité  sensorielle  des  phénomènes  qui  passaient  jusqu'alors 
comme  inabordables.  Et  il  sera  très  intéressant  de  l'étudier  chez 
les  sensitifs.  On  ne  sait  jamais,  lorsqu'on  commence  une  étude 
expérimentale,  si  des  résultats  inespérés,  imprévoyables,  inatten- 
dus, n'en  seront  pas  le  fruit. 

1.  Cité  par  Flammahion  :  La  mort  et  son  mystère,  1920,  p.  255.     . 


TRANSPOSITION    DES    SENS  241 

C.  Lombroso  a  indiqué  quelques  cas  de  cryptesthésie  très  nets  *. 
Dans  ses  expériences,  aidé  des  Drs  Ottoi.enghi,  Sartoris  et  Ronca- 
rini,  il  a  trouvé  un  jeune  homme  de  vingt  et  un  ans,  Régis,  commis 
de  magasin,  qui  a  réussi  à  reproduire  quelques-unes  des  expé- 
riences de  Picivmann  (mais  sans  contact).  M.  Lombroso  a  écrit  sur  une 
ardoise  le  mot  de  Pitckerel.  Alors  Régis,  les  yeux  et  les  oreilles  ban- 
dés, à  une  distance  de  10  mètres,  a  écrit  Vitche  sur  une  autre 
ardoise.  Ou  lui  remet  un  dessin  dans  une  enveloppe,  il  a  les  yeux  ban- 
dés, et  il  en  fait  un  fac-similé  très  étonnant.  Il  y  eut  pourtant  quel- 
ques échecs.  Régis  but  ce  jour-là  un  demi-litre  de  rhum,  de  manière 
à  être  très  ivre.,  ce  qui  n'est  pas  une  bonne  condition  pour  machi- 
ner une  fraude  habile.  M.  B...  (de  Nocera),  âgé  de  vingt  ans,  a 
donné  aussi  au  Dr  Grimaldi,  en  présence  de  Lombroso,  d'intéressants 
exemples  de  cryptesthésie. 

Des  expériences  de  télépathie  ont  été  récemment  entreprises  par 
les  Drs  F. -H.  Van  Loon  et  A.  Weinberg  2. 

Gomme  leur  mémoire  n'a  pas  paru  en  totalité,  on  ne  le  peut  juger 
définitivement.  Il  semble  que  les  résultats  soient  favorables  à  la 
télépathie  ;  les  sentiments  émotionnels  paraissent  avoir  été  perçus 
plutôt  que  les  noms,  les  chiffres,  les  figures.  Avec  les  cartes,  il  y  a  eu 
échecs.  Il  y  a  eu  succès  quand  un  des  agents  mettait  dans  sa  bouche 
de  l'acide  chlorhydrique  ou  un  bonbon  (mais  est-ce  que  toutes  pré- 
cautions ont  été  prises?)  En  somme  il  est  difficile  de  conclure  quoi 
que  ce  soit  de  cette  laborieuse  expérimentation,  inspirée  par  cer- 
taines observations  extrêmement  douteuses  de  thought  transference 
et  de  luiUing  game. 

La  bonne  foi  des  percipients  n'est  pas  contestable.  Mais  il  peut  y 
avoir  des  excitations  sensorielles,  faibles  et  inconscientes,  qui  déter- 
minent, sans  aucune  influence  métapsychique,  de  vagues  percep- 
tions. Même  quand  les  percipients  sont  de  bonne  foi,  il  faut  être 
aussi  sévère  que  si  on  les  soupçonnait  de  tricherie,  car  l'incons- 
cient est  toujours  éveillé  et  recueille  les  plus  légers  indices  qui 
peuvent  le  mettre  sur  la  voie.  Quand  l'agent  soulève  un  poids  lourd, 
et  que  le  percipient  dit  éprouver  une  sensation  de  fatigue,  il  faut 

1.  Mon  enquête  sur  la  transmission  delà  pensée,  A.  S.  P.,  1904,  XIV,  264-273. 

2,  A  Metliod  of  investigation  inlo  thought  transference  (J.  S.  P.  R.,  janvier 
1921,  3-23. 

Richet.  —  Métapsychique.  16 


242  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

prendre  d'extrêmes  précautions,  pour  que  le  percipient,  dont  les 
sens  sont  extraordinairement  hyperesthésiés,  ne  comprenne  pas 
que  derrière  lui  on  soulève  un  livre.  Tout  mouvement  de  l'agent 
doit  être  absolument  éliminé,  avant  qu'on  puisse  conclure  à  une 
cryptesthésie. 

Il  faut  rattacher  à  la  cryptesthésie  pragmatique,  les  très  beaux 
phénomènes  donnés  par  M.  Reese2. 

Les  faits  dont  nous  allons  donner  brève  relation  ont  été  constatés 
par  des  observateurs  très  avertis,  Carrington,  A.  de  Schrenck-Not- 
zing  et  J.  Maxwell,  qui  ont  isolément  expérimenté  avec  Reese. 

Notons  que  M.  Carrington  a  spécialement  étudié  la  prestidigita- 
tion et  est  uu  psychologue  expérimenté. 

M.  Reese  était,  en  1913,  âgé  de  soixante-douze  ans.  Il  est  né  en 
Pologne  prussienne,  à  Posen,  puis  il  a  passé  en  Amérique  où  il  a 
vécu.  Il  raconte  volontiers  qu'il  a  eu  des  entrevues  avec  tous  les 
puissants  de  ce  monde,  surtout  avec  les  grands  financiers  améri- 
cains, car  un  de  ses  pouvoirs,  paraît-il,  est  de  découvrir  les  sources 
d'eau  ou  même  de  pétrole.  Le  fait  est  qu'il  a  donné  des  preuves 
éclatantes  de  lucidité. 

Edison  a  rapporté2  des  expériences  faites  avec  Reese  qui  lui  ont 
paru  décisives.  Il  va  dans  une  pièce  éloigDée  de  la  chambre  où  se 
tenait  Reese,  et  écrit  cette  question  :  «  Y  a-t-il  quelque  chose  de 
mieux  que  ïhydroxyde  de  nickel  pour  une  batterie  de  matières  alca- 
lines? »  Puis  il  rentre  dans  la  salle  où  était  Reese,  qui  lui  dit  tout 
de  suite  :  «  Non,  il  n'y  arien  de  mieux  que  ïhydroxyde  de  nickel  pour 
une  batterie  de  matières  alcalines.  »  Deux  ans  après,  on  annonce  à 
Edison  la  visite  inopinée  de  Reese.  Alors  Edison  écrit,  en  caractères 
microscopiques,  le  mot  de  Keno,  et  met  le  papier  dans  sa  poche. 
«  Quai- je  écrit  ?  » demande-t-il  à  Reese,  et  Reese  lui  dit  sans  hési- 
tation :  «  Keno  ».  Le  Dr  Jamet  Hanna  Thompson,  médecin  aliéniste  et 
sceptique  avéré,  fut  absolument  convaincu  à  la  suite  d'une  séance 
qu'il  eut  avec  Reese. 


1.  Schrenck-Notzing  (A),  Un  clairvoyant,  A.  S.  P.,  1913.XX1II,  65.  —  Maxwell  (J.), 
Même  sujet,  ibid.,  67.  —  Caurington,  Compte  rendu  d'une  séance  avec  Bert  Reese 
(ibid.,  357). 

2.  A.  S.  P.,  août  1913. 


TRANSPOSITION    DES    SENS  243 

A.  Schrenck-Notzing  déclare  que  Reese  est  un  des  hommes  les 
plus  extraordinaires  de  ce  temps.  Schrenck  écrit  sur  cinq  bouts  de 
papier  des  questions  dilïéreutes  :  1°  Quel  est  le  nom  de  ma  mère? 
2°  Quand  irez-vous  en  Allemagne?  3°  Mon  livre  aura-t-il  du  succès? 
4° Une  question  d'ordre  intime?  5°  Quel  est  le  nom  de  mon  fils  aîné? 

Reese,  sans  avoir  touché  les  papiers,  ou  à  peine,  répond  correc- 
tement à  quatre  questions,  très  vite,  en  quatre  ou  cinq  minutes, 
tout  au  plus,  et  il  ne  peut  s'agir  de  lecture  de  pensée,  puisque,  après 
avoir  mêlé  les  différents  papiers,  Schrengk  ignorait  ce  que  conte- 
nait tel  ou  tel  de  ces  papiers. 

Avec  J.  Maxwell,  Reese  a  obtenu  des  résultats  tout  aussi  sur- 
prenants. Il  n'a  pas  touché  les  sept  papiers  que  Maxwell  avait 
écrits,  et  il  a  répondu  à  chacun  de  ces  papiers,  encore  que  Maxwell 
ignorât,  les  ayant  mêlés,  quel  était  tel  ou  tel  de  ces  sept.  Le  pré- 
nom, peu  commun,  de  la  mère  de  Maxwell  (Marie-Angéline)  a  été 
donné  avec  une  petite  erreur  insignifiante.  MARiE-ANGELiEestlenom 
véritable. 

H.  Carrington  décrit  avec  beaucoup  de  détails  une  expérience 
analogue.  Il  note  avec  soin  que  les  trucs  classiques  des  prestidigi- 
tateurs n'ont  pu  être  mis  en  usage.  H.  Carrington,  après  plusieurs 
expériences  très  méthodiques,  a  été  convaincu  complètement  qu'il 
s'agissait  d'un  cas  authentique  de  clairvoyance,  et  non  d'un  sys- 
tème d'escamotage  quelconque. 

M.  F.  Hollaender1  a  donné  aussi  un  très  intéressant  récit  d'une 
séance  qu'il  eut  avec  Reese.  D'après  lui,  Reese  a  pu,  à  une  Société 
commerciale,  indiquer  la  page  où  se  trouvait  une  comptabilité 
frauduleuse.  On  lui  a  accordé  de  ce  fait  5  p.  100  de  la  somme 
détournée,  et  il  a  touché  2.500  marks.  Comme  à  Maxwell,  comme 
à  Carrington,  comme  à  Schrenck-Notzing,  Reese  adonné  des  réponses 
exactes  aux  questions  tout  à  fait  personnelles,  intimes,  spéciales, 
que  Hollaender  avait  écrites,  en  l'absence  de  Reese,  sur  des  papiers 
qu'il  gardait  dans  ses  poches. 

M.  Drakoulès  a  confirmé  ces  faits,  d'après  Miss  Felicia  Scatche- 
red2.  C'est  toujours  la  même  expérience  qui  réussit  également. 

1.  Encore  le  voyant  Reese,  le  juif  éternel,  A.  S.  P.,  septembre  1913,  XXIII,  257- 
261. 

2.  International  Psychic  Gazette,  mars  1916. 


244  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

M.  Drakoulès  écrivit  diverses  phrases  sur  dix-huitpapiers  qu'il  plaça 
dans  des  tiroirs  différents,  et  M.  Reese  les  lut  tous,  alors  qu'ils 
étaient  encore  plies  et  enfermés  dans  le  tiroir.  Il  put  dire  le  nom 
des  jeunes  filles  (Pénélope,  Anastasie,  Giuletta),  de  Mad.  Drakoulès. 

En  1916,  à  New-York,  Reese  fut  condamné  comme  disorderly  con- 
duct.  En  appel,  il  convainquit  le  juge  Rosalsky  non  seulement  de 
son  innocence,  mais  encore  de  sa  lucidité1. 

Les  témoignages  obtenus  (à  la  suite  d'expériences  indépendantes) 
par  des  hommes  aussi  expérimentés,  sagaces  et  prudents  que  von 
Schrenck-Notzing,  J.  Maxwell  et  H.  Carrington,  mettent  hors  de 
toute  contestation  la  cryptesthésie  pragmatique  de  Reese.  C'est 
grand  dommage  qu'il  ne  consente  pas  à  se  soumettre  à  de  nou- 
velles épreuves  £. 

Un  autre  cas  remarquable  de  lucidité  a  été  donné  par  Ludo- 
vic H...,  israélite,  âgé  de  quarante  ans,  observé  par  le  professeur 
Schottelius,  de  Stuttgart3. 

Les  expériences  sont  tout  à  fait  identiques  à  celles  que  fait  Reese. 
Schottelius,  s'enfermant  dans  sa  chambre,  écrit  sur  trois  papiers 
des  phrases  qui  lui  viennent  à  l'esprit  ;  il  prend  un  papier  dans  sa 
main  droite,  un  autre  dans  sa  main  gauche,  les  poings  fermés;  et  le 
texte  de  ces  papiers  est  écrit  immédiatement  par  Ludovic.  Un  juge 
d'instruction,  un  médecin  aliéniste,  un  médecin  conseiller  du  dis- 
trict, l'assesseur  de  justice,  tous  personnages  peu  suspects  de  cré- 
dulité, ont  fait  avec  Ludovic  des  expériences  analogues  *. 

Je  viens  de  constater  le  phénomène  cryptesthésique  dans  tout 
son  éclat  chez  un  individu  remarquable,  non  professionnel,  M.  0..., 
ingénieur  polonais.  Geley,  Lange  et  moi,  nous  avons  eu,  à  Var- 
sovie, en  avril  1921,  l'occasion  de  l'observer  soigneusement.  Nous 
nous  sommes  parfaitement  rendu  compte  que  les  faits  merveilleux 
qu'on  nous  avait  racontés  de  M.  0.  .,  n'étaient  nullement  exagérés. 

i.  A.  S.  P.,  mai  1916,  80. 

2.  Max  Hoppe  (Uber  Hellsehen,  Diss.  in.,  Berlin,  1916)  a  formulé  diverses  critiques 
de  ces  expériences  de  Reese,  mais  l'hypothèse  qu'il  propose  (une  part  de  hasard, 
une  part  de  sagacité)  me  paraît  bien  faible. 

3.  A.  S.  P.,  mars  1914,  XXIV,  65. 

4.  Quelques  épisodes  remarquables   de  clairvoyance  (  A.  S.  P.,  1914,  175). 


CRYPTESTHESIE    CHEZ    LES    SENS1TIFS  245 

A  la  fin  d'un  dîner,  Lange,  très  loin  de  l'endroit  où  était  M.  0..., 
écrit  quelques  mots  sur  un  bout  de  papier,  et  met  le  papier  dans 
une  enveloppe  qu'il  ferme.  M.  0...  lui  dit,  en  chiffonnant  le  papier 
dans  sa  main,  et  sans  ouvrir  l'enveloppe  :  «  C'est  écrit  en  anglais... 
je  vois  une  lettre  isolée,  puis  cons...  et  puis  vendredi.  »  Or  M.  Lange 
avait  écrit  en  anglais  «  I  consider  that  y  ou  are  loonderful  ».  Gela 
est  intéressant  parce  que  c'est,  à  ce  qu'il  semble,  plutôt  une  lecture 
visuelle  {vendredi  pour  loonderful)  qu'une  lecture  de  pensée. 

Le  lendemain  matin,  à  l'hôtel  d'Europe,  M.  0...  vint  me  rendre 
visite  :  j'écrivis  sur  un  papier,  très  vite  et  avec  une  assez  mauvaise 
écriture,  une  phrase  qui  me  vint  à  l'esprit  :  M.  0...,  debout  dans  la 
chambre,  assez  loin  de  moi.  n'a  pu  rien  lire  ;  en  tout  cas,  il  n'aurait 
pu  voir  que  de  très  loin  et  à  l'envers.  La  phrase  écrite  était  la  sui- 
vante, qui  m'est  venue  à  l'esprit,  sans  avoir  été  évoquée  par  une 
conversation  antérieure  quelconque  :  «  Jamais  la  mer  ne  paraît  plus 
grande  que  quand  elle  est  calme.  Ses  colères  la  rapetissent.  »  Je  pliai 
le  papier  et  le  mis  dans  une  enveloppe  que  je  fermai,  et  que 
M-  0...,  malaxa  fébrilement,  sans  l'ouvrir.  Au  bout  d'une  dizaine 
de  minutes,  il  me  dit  :  «  Je  vois  beaucoup  d'eau  !  que  d'eau  !  C'est  la 
mer  !  vous  voulez  coller  une  idée  à  la  mer...,  une  idée  que  je  ne  vois 
pas  bien.  La  mer  est  tellement  grande  qu'à  côté  de  ses  mouvements... 
je  ne  vois  plus.  » 

Résultat  admirable,  rendu  peut-être  quelque  peu  incertain  parce 
qu'à  l'extrême  rigueur,  M.  0...  a  pu  inconsciemment  et  imparfaite- 
ment voir  ce  que  j'avais  écrit. 

Cette  objection  n'est  pas  valable  pour  l'expérience  suivante,  plus 
démonstrative  malgré  quelques  fortes  erreurs. 

J'avais  pris  deux  lettres  que  j'avais  reçues  l'avant-veille,  et,  étant 
seul  dans  ma  chambre,  je  les  avais  mises  chacune  dans  une  enve- 
loppe soigneusement  fermée,  puis  je  prends  au  hasard  une  de  ces 
deux  lettres,  ignorant  d'ailleurs  si  c'était  la  lettre  A  ou  la  lettre  B 
et  je  la  donne  à  0...  quand  il  arrive.  Alors  0...  me  dit  :  «  C'est  une 
lettre,  en  français,  qui  ne  vient  pas  de  Paris,  c'est  une  réponse  à  une 
lettre  de  vous  :  un  monsieur  de  cinquante  ans  parle  d'une  dame  qui 
a  un  nom  allemand  plutôt  que  français  :  il  vous  invite  de  venir  là  où 
il  est,  au  bord  de  la  mer;  il  a  l'intention  de  venir  à  Paris.  »  et  il 
ajoute  divers  détails,  soit  non  caractéristiques,  soit  erronés.  Il  me 


246  MÉTAPSYCHIQUK    SUBJECTIVE 

dit  alors  :  «  Gardez  la  lettre,  M.  Geley  me  la  remettra  demain,  et 
j'achèverai  de  la  dire.  »  Or  le  lendemain  Geley,  à  qui  j'avais  remis  l'en- 
veloppe, toujours  fermée,  sans  rien  lui  dire  d'ailleurs  au  sujet  de 
cette  lettre,  obtient  de  M.  0...,  la  réponse  suivante,  immédiate.  — 
«  Il  est  parlé  d'une  dame  Berger.  C'est  un  monsieur  de  cinquante  ans 
qui  a  écrit  cette  lettre  :  c'est  une  invitation  :  elle  vient  d'un  endroit 
près  de  la  mer.  » 

Or  cette  lettre,  dont  ni  M.  0...  ni  Geley  ne  pouvaient  rien  con- 
naître, et  qu'il  était  absolument  impossible  de  voir  par  les  sens  nor- 
maux, est  d'un  Allemand,  le  professeur  R.  Berger,  qui,  en  réponse 
à  une  lettre  de  moi,  m'écrivait  de  Berlin,  pour  me  prier  de  m'arrê- 
ter  chez  lui  à  mon  retour.  R.  Berger  a  environ  cinquante  ans. 

Avec  Geley  l'expérience  a  été  peut-être  plus  belle  encore. 

Geley  écrit  sur  une  carte  de  visite  :  «  Rien  n'est  plus  émouvant  que 
l'appel  à  la  prière  par  les  muezzins.  »  Geley  a  écrit  ces  mots  sous 
la  table,  sur  ses  genoux.  La  carte  a  été  mise  (sous  la  table)  dans 
une  enveloppe  épaisse,  cachetée.  M.  0...  dit  :  «  Ily  a  un  sentiment 
de  prière,  un  appel,  des  hommes  qui  sont  tués,  blessés...  non,  ce  n'est 
pas  cela...  Rien  qui  donne  plus  d'émotion  que  l'appel  à  la  prière,  c'est 
comme  une  prière  envers  qui  ?  une  certaine  caste  d'hommes,  mazzi, 
madz...  Une  carte...,  je  ne  vois  plus.  » 

A  ces  expériences  admirables,  M.  0...  en  a  joint  quelques  autres, 
non  moins  étonnantes,  mais  je  ne  peux  insister;  car  bientôt  nous 
aurons  l'occasion,  à  l'Institut  métapsychique,  d'observer  avec  toute 
la  minutie  nécessaire  ces  belles  cryptesthésies. 

Somme  toute,  le  phénomène  de  la  cryptesthésie  chez  ces  clair- 
voyants, êtres  exceptionnels,  ne  peut  être  révoqué  en  doute. 

y.  —  Vision  par  le  cristal. 

La  vision  par  le  cristal  semble  être  une  bonne  condition  pour  le 
développement  de  la  cryptesthésie  chez  les  seusitifs. 

Il  semble  que  ce  procédé  ait  été  employé  par  les  magiciens  de 
toutes  les  époques  (miroir  magique). 

Grasset1  cite  les  procédés  anciens  de  divination  par  l'eau  d'une 
fontaine  (hydromancie),  ou  des  vases  pleins  d'huile  (lécanomancie) 

l.Loc.  cit.,  135-143. 


VISION    PAR    LE    CRISTAL  247 

(c'est  ainsi  qu'ULYssE  interrogea  Tirésias)  ;  ou  des  miroirs  (cato- 
ptromancie),  ou  des  boules  de  verres  (cristallomancie).  Plus  simple- 
ment on  regardait  l'ongle  de  la  main  couvert  d'un  peu  d'huile 
(onychomancie) .  Au  xvie  siècle,  un  petit  cristal  était  montré  par 
un  Anglais,  John  Dee,  et  on  y  pouvait  lire  l'avenir.  Saint-Simon 
raconte  dans  ses  mémoires  qu'un  fripon  montrait  au  Duc  d'Orléans, 
dans  un  verre  rempli  d'eau,  tout  ce  qu'il  désirait  savoir». 

Quand  une  personne  sensitive  regarde  dans  le  cristal,  souvent 
elle  aperçoit  des  objets,  des  scènes  vivantes,  des  figures.  Voici  com- 
ment s'exprime  Mad.  Verrall  :  «  Les  visions  obtenues  en  regar- 
dant intentionnellement  dans  un  verre  d'eau  ou  une  boule  de 
cristal  sont  différentes  des  impressions  visuelles  :  une  certaine 
obscurité  favorise  l'apparition  des  images. 

«  L'image  semble  construite  avec  lespoints  brillants  du  cristal,  et, 
quand  une  fois  elle  s'est  produite,  elle  a  une  réalité  qu'aucune  ima- 
gination ne  peut  donner.  Quelquefois  il  y  a  du  mouvement.  Quel- 
quefois je  sais  que  c'est  telle  ou  telle  couleur,  encore  que  je  ne 
puisse  pas  voir  (optiquement)  la  couleur.  » 

Voici  comment  Miss  A. ..,  qui  n'est  pas  médium  professionnelle, 
et  dont  le  nom  n'a  pas  été  publié,  décrit  les  impressions  éprou- 
vées :  «  Je  ne  connaissais  rien  de  la  Crystal  Vision.  Un  jour  que  je 
lunchais  avec  quelques  amis,  la  conversation  tomba  sur  ce  sujet. 
Ils  soutenaient  qu'avec  un  verre  d'eau  claire  on  obtenait  des  résul- 
tats de  vision...  Je  regardai,  et  je  crus  voir  au  fond  de  mon  verre 
une  petite  clé  en  or.  C'était  si  distinct  que  je  cherchai  sur  le  tapis 
de  la  table,  croyant  qu'il  s'y  trouvait  réellement  une  clé.  »  Ayant 
fait,  à  la  suite  de  cette  première  tentative,  d'autres  expériences  avec 

1.  Un  historique  très  détaillé  a  été  donné  par  Miss  X...,  Récents  experimenlsin 
Crystal  vision,  P.  S.  P.  R.,  mai  1889,  V,  486-504.  —  Voir  aussi  Adeline  Fr.  von 
May.  Visionen  im  Wasserglasse,  1876.  —  Hyslop,  Experiments  in  crystal  vision, 
P.  S.  P.  R.,  XII,  259.  —  Myers  (F.),  Experiments  in  crystal  vision,  P.  S.  P.  R., 
VIII,  459.  —  P.  Janet.  On  experiment  in  crystal  vision,  lbid.,  XV,  385.  —  A.  Lang, 
On  crystal  vision,  lbid.,  XV,  48-50.  —  Fr.  Myers,  De  la  conscience  subliminale, 
A.  S.  P.,  1897,  n-  5  ;  1898,  n»  2,  3  et  4  ;  1899,  n°»  3,  4  et  5  ;  1900,  n»  1  et  2. 

La  voyante  de  Prévorst  voyait  parfois  des  scènes  toutes  entières  dans  les 
bulles  de  savon  qu'on  faisait  devant  elle. 

Outre  les  écrits  de  Fr.  Myers  sur  la  Conscience  subliminale,  on  consultera 
P.  Janet,  Automatisme  psychologique,  et  Andrew  Lang,  The  Making  of  religion, 
1897,  trad.  et  anal,  par  E.  Lefebvre,  A.  S.  P.,  1898,  VIII,  129-148.  —  Andrew 
Lang,  Dreams  and  Ghosts,  1897.  —  W.  Stead,  Real  ghosts,  1897,  65-66.  —  P.  Joiri, 
Méthode  d'expérimentation,  etc.,  A.  S.  P.,  1901,  XI,  329. 


248  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

une  boule  de  cristal.  Miss  A...  décrit  ainsi  ses  sensations  :  «  Le  cris- 
tal est  entouré  d'une  étoffe  noire,  et  une  seule  partie  en  est  décou- 
verte. Peu  importe  qu'il  y  ait  de  l'obscurité.  Au  bout  d'une  ou  deux 
minutes  apparaît  une  lumière  très  brillante,  qui  disparaît,  devient 
un  brouillard,  daus  lequel  apparaissent  des  paysages,  des  lettres... 
qui  sont  quelquefois  écrites  à  l'envers.  Les  images  qui  se  présen- 
tent sont  parfois  très  intéressantes,  parfois  sans  rapport  avec  un 
événement  réel  ».  D'après  Miss  X...,  les  choses  vues  dans  le  cristal 
ont  de  vraies  couleurs  :  elles  sont  comme  des  images  souvenirs, 
seulement  plus  distinctes. 

M.  J.Hyslop  a  donné  quelques  exemples1  de  vision  par  le  cristal, 
obtenues  par  Mad.  D...  qui  voit  des  scènes  très  nettes.  Il  constate 
qu'il  y  a  des  coïncidences  fréquentes  entre  la  vision  et  l'événement, 
mais  il  ne  croit  pas  qu'on  puisse  éliminer  l'hypothèse  de  la  coïnci- 
dence fortuite.  Les  exemples  sont  cependant  assez  nombreux  et 
assez  saisissants  pour  qu'il  y  ait  vraisemblance  que  la  vision  soit 
due  à  une  vraie  lucidité.  Dans  un  cas,  Mad    D...   voit  une  per- 
sonne qu'elle  ne  connaît  pas  et  qui  est  près  de  sa  sœur  dans  un 
cercueil-.  Or,  à  ce  moment,  une  amie,  inconnue  à  Mad  D...,  était 
dans  la  maison  de  la  sœur  de  Mad.  D...,  extrêmement  malade.  Sur 
sept  photographies  que  M.  Hyslop  a  apportées,  elle  fut  reconnue. 
En  un  autre  cas,  dans  le  cristal  elle  a  vu  le  vieux  cimetière  autre- 
ment disposé  qu'elle  le  pensait.  L'arrangement  nouveau  des  tombes 
et  des  monuments  était  en  réalité  tel  qu'elle  le  vit,  comme  elle  le 
constata  quand  elle  y  alla  pour  vérifier  l'exactitude  de  sa  vision. 
Mais  il  s'agit  peut-être  de  paramnésie.  En  somme  M.  Hyst.op  con- 
clut en  disant  que  les  visions  par  le  cristal  ne  donnent  pas,  au 
moins  dans  le  cas  de  Mad.  D...,  cette  certitude  d'une  connaissance 
supérieure  qu'exige  la  sévère  science  (strict  science). 

LeR.P.LEscoEUR3  raconte  qu'il  a  connu  une  femme  qui,  en  regar- 
dant dans  un  verre  d'eau,  a  vu,  à  sa  grande  surprise,  se  dessiner 
une  tête  de  Christ,  infiniment  douloureuse.  «Je  me  retirai,  poussant 
une  exclamation  d'étonnement;  mais,  regardant  de  nouveau,  cette 
fois  le  visage  d'un  véritable  Ecce  homo  m'apparut-de  profil  ;  puis  il 

1.  Some  experiments  in  Cryslal  vision,  P.  S.  P.  R.,  1898,  XII,  p.  259-276. 

2.  Dans  ce  cas  spécial  il  ne  s'agissait  pas  de  vision  par  le  cristal,  mais  de  rêve. 

3.  Cité  par  Grasset,  loc.  cil.,  140. 


VISION    PAR    LE    CRISTAL  249 

diminua  peu  à  peu  et  s'évanouit.  Celaavait  duré  à  peine  une  minute.  » 

C'est  un  fait  d'hallucination  provoquée  parla  vision  dans  le  cris- 
tal, mais  qui  n'a  absolument  rien  de  cryptesthésique. 

Myers  décrit  ainsi  la  vision  dans  le  cristal,  dont  il  a  fait,  expéri- 
mentant surtout  avec  Miss  Freer,  une  étude  attentive1. 

«  On  engage  le  sujet  à  regarder  attentivement,  mais  sans  le  fati- 
guer, dans  un  miroir  ou  dans  un  fond  transparent  et  clair,  arrangé 
de  façon  à  réfléchir  le  moins  possible,  aussi  bien  la  figure  de  l'ob- 
servateur que  les  objets  environnants.  On  entoure  la  boule  de  cris- 
tal d'une  étoffe  noire.  Il  est  préférable  que  le  sujet  reste  seul  dans 
la  pièce,  et  qu'il  se  trouve  dans  un  état  de  passivité  mentale.  Au 
bout  d'une  dizaine  de  minutes,  il  commence  parfois  à  s'apercevoir 
que  la  glace  ou  la  boule  se  ternit  et  à  distinguer  quelque  figure 
dans  la  boule  même.  Une  personne  sur  vingt  aura  peut-être  l'occa- 
sion de  réussir  cette  expérience,  et  sur  ces  vingt  visionnaires,  un 
seul  peut-être  sera  capable  de  développer  cette  faculté  de  vision 
interne  au  point  de  recevoir  des  informations  (véridiques),  qu'il 
est  impossible  d'obtenir  par  des  moyens  normaux.  » 

La  vision  dans  le  cristal  ne  produit  d'ailleurs  pas  le  sommeil 
hypnotique,  comme  on  l'a  parfois  affirmé.  Elle  ne  paraît  avoir 
aucun  inconvénient  pour  la  santé,  sauf  un  peu  de  fatigue,  si  l'ex- 
périence se  prolonge. 

Peu  de  phénomènes,  ajoute  Myers,  sont  aussi  fantastiques  et 
aussi  invraisemblables.  Les  visions  semblent  n'être  soumises  à 
aucune  loi  ;  c'est  uu  mélange  de  souvenirs,  de  rêves,  de  connais- 
sances télépathiques  ou  télesthésiques,  de  récognitions  et  de  préco- 
gnitions.  Pour  tout  dire,  c'est  un  moyen  très  empirique,  inconnu 
quant  à  son  mécanisme,  de  mettre  en  jeu  la  cryptesthésie. 

Mad .  Leeds  2,  dont  le  mari  était  de  service  la  nuit  au  chemin  de  fer, 
se  réveille  en  sursaut  au  milieu  de  la  nuit  ;  elle  aperçoit  un  verre 
d'eau  qu'elle  avait  mis  sur  sa  table  de  nuit,  et,  au  moment  où  elle 
va  pour  porter  le  verre  à  ses  lèvres,  elle  voit  dans  l'eau  une  peinture 
mouvante  représentant  un  train  de  chemin  de  fer  avec  une  guérite  à 
l'extrémité.  Ellevoit  alors  les  voitures  rouler  les  unes  sur  les  autres  ; 
celle  du  serre-frein  est  endommagée.  Deux  heures  après  M.  Leeds 

1.  hoc.  cit.,  trad.  fr.,  208. 

2.  J,  S.  P.  R.,  décembre  1903. 


250  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

rentra  chez  lui,  et  apprit  à  sa  femme  qu'un  accident  de  cette  nature 
avait  eu  lieu,  et  que  le  serre-frein  avait  été  grièvement  blessé. 

Miss  A...1  regardant  dans  le  cristal  en  présence  de  Sir  Joseph 
Burnby,  décrit  une  dame,  grande,  brune,  qui  est  dans  une  chambre 
d'hôtel  dont  la  porte  est  ouverte  :  elle  est  en  train  de  sa  laver  les 
mains.  Sir  Joseph  croit  tout  d'abord  qu'il  est  question  de  sa 
femme.  Miss  A...  ajoute  :  «  Elle  porte  une  robe  en  serge  avec  beau- 
coup de  galons  sur  le  corsage,  et  une  bande  de  galon  d'un  côté  de  la 
jupe  »  Sir  Joseph,  à  cette  description,  s'imagine  qu'il  ne  s'agissait 
pas  de  sa  femme;  mais  quand  il  retourna,  quelques  jours  après,  à 
Eastburne,  où  habitait  alors  LadyBcRNBY,  il  constata  qu'elle  venait 
d'acheter  et  de  revêtir  une  robe  de  serge  telle  que  Miss  A...  l'avait 
décrite.  L'attitude  de  Lady  Burnby  se  lavant  les  mains,  devant  la 
porte  ouverte  de  la  chambre  d'hôtel,  était  exacte.  Miss  A...  ne  con- 
naissait pas  du  tout  Lady  Burnby.  Or,  quelques  mois  après,  quand 
par  hasard,  elle  la  vit  entrer  dans  une  salle  de  théâtre,  elle  dit  : 
«  Voilà  la  dame  en  robe  de  serge  que  j'ai  vue  dans  le  cristal.  » 

Dans  certains  cas,  au  lieu  de  regarder  dans  le  cristal,  on  peut 
écouter  par  la  coquille  (les  conques  marines  de  certains  grands  gas- 
téropodes marins,  dans  lesquels  les  enfants  s'amusent  à  entendre, 
disent-ils,  le  bruit  de  la  mer).  C'est  encore  un  moyen  empirique 
parfois  employé  pour  développer  la  cryptesthésie.  Quand  Miss  X... 
écoute  par  la  coquille,  elle  entend  des  bruits  confus,  parfois  des 
sons  musicaux,  parfois  des  voix  humaines  et  des  paroles  distinc- 
tement prononcées.  Un  jour  elle  entend  tout  d'un  coup  les  mots 
«  Endsleighstreet  »  une  rue  qu'elle  ne  connaissait  pas.  Quelques 
minutes  après,  on  lui  dit  que  M.  H...  est  arrivé  d'Oxford  à  Londres. 

Habite-t-il  ici,  comme  à  l'ordinaire?  Non,  lui  fut-il  répondu.  Il  a 
pris  une  chambre  à  Endsleighstreet. 

Une  autre  fois,  Miss  X...  entend  ces  mots  :  «  Êtes-vous  donc  végé- 
tarien? »  comme  s'ils  étaient  prononcés  par  M.  Smith  qu'elle  venait 
de  quitter.  Or,  quelques  instants  après,  M.  Smith,  causant  avec 
M.  M...,  qu'il  rencontre  par  hasard,  lui  demande  :  «  Êtes-vous  donc 
végétarien?  »  La  lettre  que  Miss  X...  a  adressée  à  M.  Smith  précède 

1.  Citée  par  Mters.  A.  S.  P.,  1901,  XI,  297. 


VISION    PAR    LE    CRISTAL  2'ol 

le  moment  où  elle  a  appris  que  réellement  M.  Smith  avait  prononcé 
ces  mots. 

La  vision  par  le  cristal,  ou  l'audition  par  la  coquille,  ne  semblent 
réussir  que  chez  des  sujets  sensibles.  Ce  n'est  donc  pas  un  cha- 
pitre de  cryptesthésie  chez  les  personnes  normales,  mais  chez  les 
sensitifs. 

A  côté  des  beaux  résultats  obtenus  dans  les  séances  spiritiques, 
la  vision  par  le  cristal  donne  assez  peu  de  chose. 

|  VF.  -  CONCLUSIONS  RELATIVES  A  LA  CRYPTESTHÉSIE 

EXPÉRIMENTALE 

En  définitive,  qu'il  s'agisse  de  normaux,  de  sensitifs,  de  som- 
nambules, de  médiums,  le  phénomène  de  la  cryptesthésie  est  indis- 
cutable. 

Même,  si  nous  admettons  —  ce  qui  est  bien  absurde  —  que  les 
trois  quarts  des  faits  rapportés  ici  sont  erronés,  il  n'en  reste  pas 
moins  une  série  de  constatations  qui  défient  toute  critique,  et  qui 
rendentabsolumentcertaine  cetteétrange  facullédel'homme  d'avoir 
des  connaissances  que  ses  sens  normaux  ne  peuvent  lui  apporter. 

Limiter  ce  pouvoir  cryptesthésique,  dire  qu'il  n'entrera  en  jeu 
qu'à  tel  jour,  qu'à  telle  heure,  dans  de  telles  conditions,  cela  me 
paraît  tout  à  fait  antiscientifique. 

Puisque  existe  cette  faculté  de  connaissance  supérieure  (supra- 
normale,  disait  Myers),  pourquoi  ne  pas  dire  :  nihil  a  me  alienum 
puto?  Nous  avons  vu  qu'elle  n'est  limitée,  cette  cryptesthésie,  ni 
par  le  temps,  ni  par  l'espace.  Alors  servons-nous  en  pour  caractéri- 
ser les  phénomènes  demonitions,  de  prémonitions,  de  clairvoyance, 
si  nombreux,  si  incontestés.  Elle  suffit  à  rendre  compte  de  presque 
tout  ce  qui  apparaissait  si  merveilleux.  Du  moment  que  nous  pou- 
vons, par  un  procédé  quelconque,  savoir  ce  qui  est  inclus  dans  une 
lettre  fermée,  ce  qui  émeut  la  personne  qui  est  près  de  nous  ou 
l'ami  éloigné  qui  pense  à  nous,  quelles  limites  va-t-on  assigner  à 
ce  pouvoir?  Pour  ma  part  je  n'en  vois  pas.  En  présence  d'un  fait 
de  métapsychique  subjective,  si  admirable  qu'on  le  suppose,  je  me 
garderai  de  dire:  «  La  lucidité  ne  peut  pas  le  donner!  » 

Certes,  la  cryptesthésie  est  très  étrange,  et  nous  ne  la  compre- 
nons nullement,  mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  faire  intervenir, 


252  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

quand  nous  ne  comprenons  pas,  les  dieux,  les  anges,  les  démons, 
les  esprits,  à  la  manière  des  sauvages  qui  attribuaient  aux  forces 
de  la  Nature  une  Divinité,  et  une  Divinité  fantasque  récompen- 
sant ou  tourmentant  les  pauvres  mortels. 

Il  est  donc  peu  rationnel  de  faire  intervenir  les  morts.  Nous  ne 
reconnaissons  dans  les  cryptesthésies  qu'une  puissance  humaine, 
une  faculté  supérieure  et  inconnue  encore  de  l'intelligence.  Nous 
devons  nous  arrêter  là,  au  moins  provisoirement. 

Nous  irons  pourtant  un  peu  plus  loin.  Pour  qu'il  y  ait  cryptes- 
thésie,  il  faut  que  quelque  chose  en  nous  soit  ébranlé,  car  il  n'est 
pas  d'effet  sans  cause.  Il  y  a  donc  quelque  vibration  extérieure 
mystérieuse,  agissant  sur  notre  organisme.  C'est  dans  ce  sens  que 
la  cryptesthésie  est  forcément  pragmatique  ;  car,  s'il  n'y  avait  rien 
au  dehors  pour  l'émouvoir,  l'intelligence  ne  pourrait  rien  percevoir. 

Mais  quelle  est  cette  vibration?  Nous  l'ignorons  totalement  et 
étant  donné  l'état  embryonnaire  de  notre  science,  nous  ne  le  cher- 
cherons pas. 

Ce  qui  importe,  c'est  cette  conclusion  que  parfois  certains  indivi- 
dus connaissent  des  choses,  ressentent  des  impressions,  qui  sont  en 
rapport  avec  des  faits  extérieurs  réels,  sans  que  les  sens  normaux 
puissent  justifier  de  ces  connaissances  ou  de  ces  impressions. 

Cette  affirmation  résulte  de  diverses  preuves.  Nous  les  résume- 
rons ici.  / 

1°  Si  l'on  fait  des  expériences  de  transmission  mentale  (thought 
transference)  ou  de  télépathie  (ce  qui  n'est  qu'un  cas  particulier  de 
cryptesthésie),  on  voit,  même  en  expérimentant  sur  des  personnes 
normales,  pour  peu  qu'on  multiplie  les  expériences,  qu'il  y  a  cons- 
tamment un  très  léger  excès  du  nombre  réel  de  succès  (bonnes 
réponses)  sur  le  nombre  probable,  donné  par  le  calcul  des  probabi- 
lités, mais  l'excédent  est  trop  faible  pour  qu'on  puisse  conclure. 

2°  Chez  les  hypnotisés  et  les  sujets  hypnotisables,  l'écart  entre  le 
nombre  probable  et  le  nombre  réel  des  succès  est  tellement  grand 
qu'il  est  absolument  impossible  de  supposer  que  l'excédent  du 
nombre  des  succès  a  été  donné  par  des  hasards  heureux. 

Chez  certains  somnambules,  il  y  a  eu  parfois  des  réponses  si  pré- 
cises, des  descriptions  si  exactes,  des  reproductions  de  paroles, 
d'écritures,  de  dessins,  si  complètes,  si  abondantes,  que  la  réalité 


CRYPTESTHÉSIE    EXPÉRIMENTALE    :    CONCLUSIONS  253 

de  la  cryptesthésie,  déjà  probable  par  les  expériences  sur  les  nor- 
maux, devient  incontestable. 

3°  Dans  les  expériences  spiritiques,  où  une  personnalité  étran- 
gère semble  apparaître  et  dicter  des  réponses,  et  spécialement  cbez 
les  grands  médiums,  comme  Mad.  Pipkr,  par  exemple,  la  preuve  de 
la  cryptesthésie  apparaît  avec  une  évidence  éclatante,  sans  que  cepen- 
dant il  soit  possible,  en  toute  rigueur  scientifique,  de  conclure  à 
l'intervention  d'une  personnalité  étrangère,  intelligente. 

4°  Dans  les  expériences  sur  les  sensitifs,  il  y  a  des  exemples  mul- 
tiples, parfois  éclatants,  de  belles  cryptesthésies,  aussi  démonstra- 
tives que  dans  les  expériences  sur  les  hypnotisés  ou  sur  les  médiums. 

5°  La  cryptesthésie  se  manifeste  avec  une  fréquence  relative- 
ment plus  grande  parla  télépathie  (lecture  de  la  pensée)  ;  mais  elle 
existe  aussi  pour  la  connaissance  de  faits  qui  sont  inconnus  des 
personnes  présentes. 

Et  maintenant,  puisque  par  l'accumulation  de  ces  preuves  la 
démonstration  de  la  cryptesthésie  est  faite,  essayons  un  peu  de  la 
comprendre. 

Une  comparaison  rendra  l'explication  plus  simple,  et  abordable 
à  chacun. 

Supposons  qu'aucun  individu  de  l'espèce  humaine  ne  possède  le 
sens  de  l'odorat,  personne  n'aura  la  moindre  idée  de  ce  que  peut 
être  une  odeur.  En  passant  à  côté  d'un  tas  de  fumier,  ou  d'un 
champ  de  violettes,  nous  ne  sentirons  ni  le  fumier,  ni  les  violettes  ; 
et  alors,  si  le  fumier  ou  les  violettes  sont  cachés  derrière  une 
planche  ou  un  mur,  comme  ni  les  violettes,  ni  le  fumier  ne  sont 
visibles  et  ne  font  de  bruit,  nous  ne  saurons  absolument  pas  dire  si 
nous  passons  près  des  violettes  ou  près  du  fumier. 

Si  alors  un  individu  quelconque,  exceptionnel,  est  doué  d'odo- 
rat, il  nous  surprendra  tous  énormément,  parce  que,  même  lors 
qu'il  ne  verra  rien,  en  passant  à  côté  d'un  tas  de  fumier,  il  dira  : 
«  Il  y  a  là  du  fumier  »  et  en  passant  à  côté  des  violettes,  il  dira  : 
«  Il  y  a  là  des  violettes  ». 

En  outre  cet  individu,  qui  seul  parmi  les  hommes  est  doué  d'o- 
dorat, pourra  par  l'odorat  connaître  des  faits  très  anciens.  Si  dans 
une  vieille  armoire  a  été  placé,  il  y  a  quelque  dix  ans,  un  milli- 


254  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

gramme  d'iodoforme,  au  bout  de  dix  ans  cette  armoire  sentira 
encore  l'iodoforme.  Alors  quelle  lucidité  étonnante,  au  cas  où  toute 
la  race  humaine  serait  dépourvue  d'odorat,  si,  après  dix  ans,  un 
jour  quelque  individu,  doué  de  sensibilité  olfactive  transitoire, 
venait  dire  :  «  Il  y  a  eu  de  l'iodoforme  dans  cette  armoire». 

Déjà  nous  avous  quelque  peine  à  comprendre  la  finesse  de  l'o- 
dorat dont  sont  doués  certains  animaux,  par  exemple  comment  les 
papilloDs  mâles  sont  attirés  à  des  distances  considérables  par 
l'odeur  du  papillon  femelle,  comment  un  chien  peut  suivre  à  la 
trace,  dans  une  prairie,  le  lièvre  qui  y  a  passé  il  y  a  une  heure. 
Nous  sommes  surpris,  mais  enfin  nous  comprenons,  tant  bien  que 
mal,  qu'il  y  a  là  hyperesthésie  extrême  d'un  sens  que  nous  possé- 
dons à  l'état  rudimentaire.  Si  nous  étions  dépourvus  totalement 
de  ce  sens,  nous  ne  comprendrions  plus  rien  du  tout. 

Revenons  à  l'individu  qui,  exceptionnel  parmi  les  hommes,  est, 
de  temps  à  autre,  capable  de  percevoir  quelques  vagues  sensations 
olfactives.  S'il  ne  peut  pas  analyser  son  imparfaite,  et  rudimentaire, 
et  fugitive  sensation,  il  sera  très  embarrassé  pour  expliquer  pour- 
quoi il  a  dit  :  «  Il  y  a  du  fumier  à  gauche,  il  y  a  des  violettes  à 
droite.  »  Comme  sa  sensation  est  fugace,  il  essaiera  de  la  faire 
revenir,  mais  elle  aura  disparu,  et  il  ne  trouvera  plus  rien.  Il  a 
dit  :  «  Il  y  a  là  des  violettes,  »  et  soudain  l'odeur  des  violettes  a  dis- 
paru. Il  ne  sait  même  pas  pourquoi  il  a  dit  :  a  II  y  a  là  des  violettes.  » 
Cette  connaissance,  dont  il  ne  se  rend  pas  compte,  a  traversé  sa 
pensée  comme  un  éclair,  et  maintenant  il  est  devenu  pareil  aux 
autres  hommes.  Il  n'a  plus  la  moindre  sensibilité  olfactive  :  il 
ignore  même  ce  que  c'est  qu'une  odeur.  Il  sait  qu'il  a  eu  l'idée  des 
violettes,  et  voilà  tout.  Plus  il  essaiera  d'approfondir,  moins  il  com- 
prendra ce  qui  lui  a  fait  dire  :  «  Voilà  des  violettes  !  » 

Assurément,  il  ne  faut  pas  prendre  celte  analogie  pour  autre 
chose  qu'une  analogie.  Tout  de  même,  nous  pouvons,  grâce  à  cet 
exemple,  concevoir  comment  certaines  vibrations  du  monde  exté- 
rieur, éveillant  des  notions  confuses  et  passagères,  sont  capables  de 
nous  arriver  et  de  nous  donner  des  connaissances  dont  l'origine 
nous  est  impénétrée  et  peut  être  impénétrable. 

C'est  dans  le  domaine  de  l'inconscient  que  se  meuvent  ces  idées, 
ces  connaissances.  Le  moi  conscient  en  est  à  peine  ébranlé.  Lodge 


CRVPTËSTHÉS1E    EXPÉRIMENTALE    :    CONCLUSIONS  255 

compare  ingénieusement  le  conscient  et  l'inconscient  à  un  individu 
qui  nage.  La  tête  seule  émerge  et  est  à  la  lumière.  Tout  le  reste 
du  corps  est  dans  l'obscurité,  mais  n'en  existe  pas  moins. 

Il  est  probable  que  la  cryptesthésie  existe  surtout  chez  les  indivi- 
dus dont  le  moi  couscieut  est  peu  actif.  Les  mouvements  automa- 
tiques, inconscients,  de  l'écriture  ou  de  la  planchette,  se  produisent 
presque  toujours  quand  le  moi  conscient  est  en  état  de  demi-somno- 
lence. Alors  les  sensations  inconscientes  deviennent  plus  efficaces 
et  vont  déterminer  des  mouvements  plus  précis  que  si  le  moi  était 
envahi  par  le  tourbillon  des  idées  réfléchies,  voulues,  méditées,  con- 
scientes. Si,  dans  le  sommeil  hypnotique,  la  lucidité  est  plus  fré- 
quente que  dans  l'état  normal,  si,  dans  le  sommeil  il  y  a  plus  de 
monitions  que  dans  la  veille,  c'est  sans  doute  parce  que,  lorsque  nous 
sommes  bien  éveillés  et  conscients,  les  énergies  mécaniques  exté- 
rieures, ambiantes,  ébranlent  fortement  nos  sens  normaux  et  alors 
nous  empêchent  de  percevoir  les  énergies  inconnues  (probablement 
beaucoup  plus  faibles)  qui  émeuvent  notre  cryptesthésie. 

Mais,  quelle  que  soit  la  théorie,  la  cryptesthésie  existe.  Autre- 
ment dit,  l'intelligence  humaine  a  des  procédés  de  connaissance  qui 
nous  sont  inconnus. 

Pour  peu  qu'on  y  réfléchisse,  on  n'a  pas  à  en  être  surpris,  car 
tout  d'abord  il  est  évident  qu'il  existe  dans  la  Nature,  dans  l'im- 
mense et  féconde  Nature,  des  forces  que  nous  ne  connaissons  pas. 
Il  faudrait  être  dépourvu  de  toute  trace  d'intelligence  et  de  bon  sens 
pour  supposer  qu'il  n'y  a  pas  d'autres  forces  dans  le  Kosmos  que 
celles  qui  sont  éuumérées  et  analysées  en  nos  traités  de  physique. 

Donc,  puisqu'il  y  a  des  forces  inconnues  dans  l'univers,  il  est 
possible  qu'elles  ébranlent  notre  être.  Toute  la  question  est  de 
savoir  si  notre  être  en  est  ébranlé.  Affirmer  qu'il  y  a  des  forces 
inconnues,  ce  n'est  pas  prouver  que  la  cryptesthésie  existe,  mais 
simplement  qu'elle  est  possible. 

Autrement  dit  encore,  il  y  a  des  forces  que  notre  conscience  nor- 
male ne  perçoit  pas  ;  mais  il  est  possible  que  notre  inconscience  les 
perçoive  quelquefois.  S'il  était  prouvé  qu'il  n'y  a  pas  d'autres  forces 
dans  la  Nature  que  la  chaleur,  la  lumière,  l'électricité,  la  pesanteur, 
alors  nous  aurions  presque  le  droit  de  nier  toute  cryptesthésie,  mais 


250  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

du  moment  qu'il  existe  d'autres  forces1  —  et  cela  ne  peut  guère 
être  nié,  encore  qu'on  ne  les  ait  pas  décrites  ou  découvertes,  — 
alors  la  cryptesthésie  devient  non  seulement  possible,  mais  même 
vraisemblable. 

Est-ce  à  dire  que  le  fait  de  la  cryptesthésie  va  bouleverser  la 
science,  et  établir  une  ère  nouvelle  dans  la  psychologie,  ou  la  phy- 
siologie, ou  la  physique  ?  Au  point  de  vue  théorique  peut-être,  mais 
pratiquement,  si  intéressant  que  soit  ce  phénomène,  il  modifiera 
peut-être  bien  peu  notre  existence  sociale. 

La  cryptesthésie  semble  se  présenter  dans  des  cas  si  exception- 
nels, ou  avec  des  artifices  d'expérimentation  si  particuliers  que 
dans  la  vie  quotidienne  de  chacun  elle  ne  joue  peut-être  qu'un  rôle 
assez  effacé. 

Et  cependant  il  est  probable  que  le  monde  extérieur  non  percep- 
tible normalement,  —  et  par  le  monde  extérieur  j'entends  aussi  la 
pensée  des  autres  hommes,  —  peut  influencer  nos  actes,  notre 
volonté,  nos  sentiments,  parce  qu'il  agit  constamment  sur  nous, 
quoi  que  nous  ne  puissions  nous  en  rendre  compte.  Pour  être  tou- 
jours faibles,  et  toujours  vagues,  souvent  inefficaces,  les  pensées 
humaines  ambiantes,  et  les  vibrations  inconnues  des  choses  n'en 
ont  pas  moins  quelque  action. 

En  tout  cas  ce  n'est  pas  parce  qu'elles  sont  encore  profondément 
mystérieuses  qu'il  faut  se  refuser  à  les  étudier. 

Elles  existent,  ces  vibrations  inconnues.  Elles  sont  certaines.  Elles 
sont  à  de  rares  moments  capables  de  toucher  les  éléments  incon- 
scients de  notre  intelligence  et  par  là  d'arriver  ensuite  jusque  à  la 
conscience.  C'est  déjà  beaucoup  que  de  faire  cette  précise  affirma- 
tion en  présence  des  négations  dédaigneuses  de  la  science  officielle 
et  de  l'incrédulité  sarcastique  du  vulgaire. 

§  VII.  —  DE  L'IDENTIFICATION  DES  PERSONNALITÉS  SP1RITIQUES 

En  étudiant  l'écriture  automatique,  nous  avons  fait  allusion  à 
l'hypothèse  admise,  presque  comme  un  article  de  foi,  par  tous  les 
spirites,  qu'il  y  a  intervention  d'une  personnalité  humaine  ayant  dis- 

1.  Voir  à  ce  sujet  l'admirable  conférence  de  Sir  William  Grookes  sur  la  conti- 
nuité probable  dos  phénomènes  vibratoires  de  l'univers  et  les  lacunes  de  notre 
organisation  animale  pour  la  perception  de  la  plupart  de  ces  vibrations. 


IDENTIFICATION    SPIR1TE  257 

paru,  incarnation,  c'est-à-dire  qu'un  moi't  revient,  et  que  sou  intelli- 
gence anime  le  corps  du  médium  (que  ce  soit  par  la  parole  ou  par 
l'écriture).  L'identification  des  personnalités  spiritiques  avec  les 
morts  est  uue  grave  question  qu'il  faut  résolument  aborder.  Elle 
nécessite  uue  discussion  approfondie  ;  car  les  personnalités  qui 
apparaissent  semblent  vraiment  réelles,  et  il  faut  un  grand  effort 
de  rationalisme  pour  ne  pas  admettre  l'hypothèse  simple  et  sédui- 
sante que  les  morts  sont  revenus. 

La  célèbre  médium  de  Flournoy,  Hélène  Smith,  avait  pris  la  per- 
sonnalité de  Marie-Antoinette,  dont  elle  a  joué  le  rôle  pendant  de 
longs  mois  avec  une  perfection  que  les  plus  habiles  comédiennes 
pourraient  lui  envier.  Mais  tout  de  même  il  est  difficile  de  voir  là 
autre  chose  qu'une  prolongée  et  merveilleuse  auto-suggestion.  A 
moins  de  preuves  formidables,  —  qu'HÉLÈNE  Smith  n'a  pas  fournies, 
—  je  me  refuse,  ainsi  que  mon  savant  ami  T.  Flournoy,  à  admettre 
que  c'est  l'âme  de  l'infortunée  reine  de  France  qui  est  venue  s'incar- 
ner dans  l'humble  personne  d'HÉLÈNE  Smith. 

Mad.  Piper  a  eu  une  première  incarnation,  celle  d'un  certain  méde- 
cin français,  de  Metz,  portant  le  nom  bizarre  de  Phinuit,  son  guide, 
et  qui  parlait  par  la  voix  de  Mad.  Piper.  Mais  jamais  on  n'a  pu 
retrouver  le  nom  de  Phinuit  dans  les  archives  de  Metz,  et  d'ailleurs 
Phinuit  ne  parlait  pas  français.  Quand  on  lui  demandait  pourquoi 
il  avait  oublié  le  français,  il  répondait  sérieusement  qu'il  avait 
parmi  ses  clients  à  Metz  tant  d'Anglais  qu'il  avait  désappris  sa 
langue  maternelle. 

Entre  la  première  hypothèse,  que  Marie-Antoinette  s'incarna  dans 
Hélène  Smith  ;  Phinuit,  dans  Mad.  Piper  ;  Dickens,  dans  le  médium 
James,  et  la  seconde  hypothèse,  que  Hélène  Smith,  Mad.  Piper  et 
James,  ont  une  assez  aiguë  et  pénétrante  intelligence  (inconsciente) 
pour  tenir  les  rôles  de  Marie-Antoinette,  de  Phinuit  et  de  Dickens,  je 
n'hésite  pas  un  instant  à  préférer  la  seconde  hypothèse.  L'intelli- 
gence humaine  est  si  magnifiquement  et  mystérieusement  agencée 
qu'elle  permet  sans  doute  de  jouer  avec  perfection  les  personnages 
les  plus  compliqués.  Gela  est  fort  étrange  assurément  ;  mais  cette 
étrangeté  n'est  pas  tout  de  même  l'énorme  absurdité  que,  malgré  la 
guillotine  et  les  vers  du  tombeau,  Marie- Antoinette  et  Dickens  revien- 
nent nous  voir,  et  que  leur  âme  se  mêle  à  notre  existence. 

Richet.  —  Mélapsychique.  .  [~ 


258  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

D'autant  plus  qu'en  réalité,  comme  maintes  expériences  l'ensei- 
gnent, l'âme  des  désincarnés  (pour  me  servir  encore  de  l'expres- 
sion des  spirites)  est  extrêmement  différente  de  leur  âme  réelle, 
c'est-à-dire  de  celle  qu'ils  avaient  lors  de  leur  passage  dans  la  vie 
terrestre.  Les  cas  aussi  extraordinaires  que  celui  de  Marie-Antoi- 
nette et  de  Dickens  sont  des  exceptions  rarissimes.  Presque  toujours 
les  désincarnés  sont  de  très  médiocre  intelligence,  et  s'abandonnent 
à  des  banalités  qui  ont  un  type  spécial,  une  allure  spiritoïde,  pour 
prendre  le  barbarisme  pittoresque  que  Flournoy  et  Lombroso  ont 
adopté.  Ils  ont  à  peine  la  souvenance  de  ce  qu'ils  furent.  Ils  répon- 
dent mal  aux  questions  les  plus  élémentaires.  Dans  une  séance  avec 
EusapiaPaladino  (qui  d'ailleurs  ne  produisit  jamais  de  phénomènes 
subjectifs  digues  d'intérêts),  une  main  me  toucha,  et  il  fut  dit  par 
John  King  que  c'était  la  main  de  mon  père.  Comme  premier  signe 
d'ideûtité,  je  lui  demandai  son  prénom  (qu'il  était  si  facile  de 
savoir).  Mais  même  le  prénom  de  mon  père  ne  put  m'être  dit. 

Dans  une  autre  expérience,  faite  avec  un  médium  professionnel, 
écrivant  par  l'écriture  automatique,  et  ne  me  connaissant  absolu- 
ment pas,  j'obtins  un  long  message,  verbeux  et  insignifiant,  qui  se 
termina  par  un  calembour.  «  Je  fais  une  —  ;  je  dis  nous,  j'admire 
l'art;  réunis  ces  trois  mots  et  tu  as  le  nom  de  ta  mère.  »  Ma  mère  s'ap- 
pelait en  effet  Renouard.  (Raie  nous  art.)  C'est  assurément  un  fait 
de  cryptesthésie  ;  car  ces  mots  —  raie  nous  art  —  ne  peuvent  être 
fortuits  ;  mais  je  me  refuse  formellement  à  conclure  que  l'âme  de 
ma  mère  n'ait  trouvé  à  me  dire  que  cet  infâme  jeu  de  mots. 

Qu'Aristote  revienne  parmi  nous,  pour  nous  dire  en  français,  ou 
en  anglais,  ou  en  italien,  que  l'avenir  de  l'humanité  est  dans  la 
croyance  aux  esprits,  j'aurai  toujours  une  répugnance  extrême  à 
admettre  l'hypothèse  que  c'est  bien  Aristote  qui  parle.  Ce  qui  est 
dicté  par  lui,  c'est  tellement  loin  de  l'œuvre  d'AïusioTE,  que  certai- 
nement ce  n'est  pas  lui. 

Ce  qui  fait  une  personnalité,  c'est  le  corps  et  l'intelligence.  Ne 
parlons  pas  du  corps,  depuis  deux  mille  ans  transformé  en  pous- 
sière et  en  boue,  mais  de  l'intelligence.  Or  l'intelligence  d'un  être 
humain,  ce  sont  ses  imaginations,  ses  espérances,  ses  volontés,  ses 
sentiments,  son  langage,  et  surtout,  plus  que  le  reste,  ses  souvenirs. 
Si  rien  ne  reste  de  cette  collection  d'images,  de  sentiments,  de 


IDENTIFICATION    SPIRITE  259 

volontés,  de  souvenirs,  reliés  entre  eux  par  la  conscience  qui  était 
lui,  j'ai  presque  le  droit  d'afïirmer  que  l'intelligence,  comme  le 
corps,  a  disparu. 

Pourtant  je  ne  veux  pas  me  laisser  aveugler  par  mon  rationa- 
lisme. Et  je  reconnais  qu'il  y  a  certains  cas,  extrêmement  troublants, 
qui  tendraient  à  faire  admettre  la  survivance  des  personnalités 
humaines;  le  cas  surtout  de  Mad.  Piper  (Georges  Pelham),  le  cas 
de  Raymond  Lodge,  et  quelques  autres. 

Et,  à  cause  de  l'importance  de  la  question,  je  dois  entrer  dans 
quelques  détails. 

Le  cas  de  Mad.  Piper  est  sans  doute  le  plus  intéressant  de  tous. 
Dans  toute  la  métapsychique  subjective,  Mad.  Piper  est  vraiment 
le  médium  qui  fut  le  plus  remarquable.  On  a  d'ailleurs  étudié 
les  manifestations  de  sa  clairvoyance  avec  un  soin  extrême,  comme 
jamais  auparavant  on  n'avait  eu  la  patience  de  le  faire.  Près  de  trois 
gros  volumes  ont  été  imprimés  par  les  soins  de  ïAmeric.  S.  P.  R. 
On  comprendra  que  dans  un  ouvrage  didactique,  qui  comprend 
toute  la  métapsychique,  je  ne  puisse  en  donner  qu'un  résumé 
imparfait  et  incomplet1. 

Mad.  Piper  a  eu  la  bonne  fortune  d'être  étudiée  pendant  plusieurs 
années,  d'abord  par  Richard  Hodgson,  puis  par  J.  Hyslop,  de  Boston. 
R.  Hodgson  n'était  rien  moins  que  crédule,  puisqu'il  avait  été  dans 
l'Inde  pour  examiner  les  faits  étranges  attribués  à  Mad.  Blavatski, 
et  qu'il  avait  conclu  à  des  supercheries  :  comme  aussi,  trop  légère- 
ment, il  avait  conclu  à  la  fraude  pour  les  séances  d'EusAPiA  à 
Cambridge.  Mais  Mad.  Piper  l'a  convaincu  de  la  réalité  métapsy- 
chique des  phénomènes.  C'est  l'illustre  William  James  (croyant  à 
la  force  métapsychique  de  Mad.  Piper)  qui  avait  présenté  Mad.  Piper 
à  R.  Hodgson. 

Tout  d'abord  le  pouvoir  cryptesthésique  de  Mad.  Piper  n'est  pas 
douteux.  Nous  en  avons  donné  plus  haut  quelques  exemples 
formels.  Mais  dans  ce  chapitre  des  personnifications,  puisque  la 
cryptesthésie  est  hors  de  cause,  il  ne  sera  parlé  que  de  la  personni- 

1.  Une  analyse,  assez  médiocre  d'ailleurs,  en  a  été  donnée  par  Marcel  Mangin 
dans  les  A.  S.  P.,  1898,  I,  XVIII,  228-254,  268-294.  —  Voyez  aussi  le  livre  de  Sage. 
Sir  Oliver  Lodge  a  donné  une  analyse  excellente,  modèle  d'investigation  scien- 
tifique. 


260  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

fication  de  Georges  Pelham  dans  Mad.  Piper.  Y  eut-il  réellement 
une  incarnation  de  Georges  Pelham?  Voilà  le  point  qu'il  s'agit 
d'examiner,  et  non  la  cryptesthésie  qui  est  manifeste,  et  dont 
Mad.  Piper  a  donné  de  magnifiques  preuves. 

Pendant  longtemps  le  guide  de  Mad.  Piper  a  été  le  Dr  Phinuit.  cet 
étonnant  médecin  français  de  Metz,  qui  ne  savait  plus  parler  fran- 
çais. Or  un  jour  Phinuit  déclara  qu'il  allait  partir  et  qu'il  serait 
remplacé  par  un  autre  personnage.  Cet  autre  fut  Georges  Pelham 
(pseudonyme  de  Robinson)  dont  Mad.  Piper  connaissait  à  peine  le 
nom,  et  qui,  le  7  mars  1888,  avait  assisté  à  une  séance  donnée  par 
Mad.  Piper,  sans  d'ailleurs  avoir  été  convaincu.  Georges  Pelham 
mourut  en  février  1892.  Phinuit,  daus  une  de  ses  dernières  séances, 
nomme  Georges...  l'oncle  de  John  Hart.  Et  tout  d'un  coup  il  dit  : 
«  Il  y  a  un  autre  Georges  qui  désire  vous  parler.  »  Alors  tout  de 
suite  l'autre  Georges,  c'est-à-dire  Georges  Pelham,  arrive,  donne  son 
nom,  son  prénom,  le  nom  de  ses  plus  intimes  amis,  insiste  pour 
que  son  père  et  sa  mère  viennent  converser  avec  lui.  Il  demande 
d'autres  personnes  encore,  et  alors,  les  jours  suivants,  non  seule- 
ment le  père  et  la  mère,  mais  encore  plusieurs  amis  de  G.  P...  ont 
obtenu  d'abondants  et  précis  détails  sur  les  variées  conversations 
qu'avait  eues  avec  eux  G.  Pelham,  lorsqu'il  était  en  vie.  Il  dit  à 
Mad.  Howard  :  «Est-ce  que  vous  jouez  toujours  aussi  mal  du  violon0!  » 
Il  parle  à  Evelyne  du  livre  qu'il  lui  a  donné,  et  où  il  a  écrit  quel- 
ques mots.  A  un  ami  de  G.  Pelham,  Mad.  Piper,  prenant  toujours  le 
rôle  de  G.  Pelham,  écrit  une  longue  lettre  contenant  des  choses 
très  intimes,  et,  après  l'avoir  écrite  et  que  M..".  H.  l'a  lue,  brus- 
quement la  reprend  et  la  déchire  avec  violence. 

Pour  transmettre  ainsi  les  idées  et  les  souvenirs  de  G.  Pelham, 
Mad.  Piper  se  sert,  tantôt  de  la  voix,  tantôt  de  l'écriture,  indiffé- 
remment. Peu  importe  au  point  de  vue  qui  nous  occupe.  Il  s'agit 
de  savoir  si  l'hypothèse  de  la  survivance  de  Georges  Pelham  est 
plus  rationnelle  que  l'hypothèse  d'une  cryptesthésie  intensivement 
développée. 

Pour  ma  part,  je  considère  comme  un  peu  moins  invraisemblable 
l'hypothèse  de  la  cryptesthésie  intense.  Car,  même  avec  Phinuit 
comme  guide,  Mad.  Piper  avait  déjà  donné  de  décisives  preuves  de 
lucidité.  Or  Phinuit  n'avait  jamais  été  une   personnalité  vivante. 


IDENTIFICATION    SPIRITE  261 

Puis  doue  cfue  Mad.  Piper  a  un  pouvoir  cryptesthésique  aussi 
intense,  il  n'y  a  pas  lieu  de  le  lui  supposer  absent,  ce  pouvoir, 
quand  G.  Pelham  préteud  s'incarner  en  elle.  Pourquoi  croire  à 
une  intelligence  autre  que  celle  de  Mad.  Piper,  extrêmement  lucide? 
Pourquoi  ne  pas  admettre  que  cette  lucidité  se  cristallise  pour  ainsi 
dire  autour  de  la  personnalité  de  Pelham  ? 

Nous  examinerons  plus  tard  ce  que,  pour  la  personnification, 
autrement  dit  pour  la  survivance,  pourra  nous  apprendre  la  méta- 
psycliique  objective.  Mais  dès  ce  moment  nous  pouvons  formuler 
certaines  conclusions  en  ne  faisant  état  que  des  données  de  la  méta- 
psychique  subjective. 

Quelles  que  soient  les  étonnantes  réponses  de  Georges  Pelham, 
l'hypothèse  de  sa  survivance  est  très  fragile.  Car  enfin,  si,  en  dehors 
de  toute  hypothèse  de  personnification  ou  de  survivance,  nous 
admettons,  comme  nous  sommes  forcés  de  l'admettre,  qu'il  y  a, 
dans  l'intelligence  humaine,  des  facultés  de  connaissance  cryptes- 
thésiques,  qui  échappent  à  nos  habituelles  constatations,  il  est 
possible  que  Mad.  Piper  ait  la  notion  de  choses  connues  par  Georges 
Pelham,  et  même  connues  de  lui  seul.  La  cryptesthésie  semble 
simple  à  admettre,  même  si  elle  est  vaste  et  intense.  Cette  faculté 
nouvelle  de  l'esprit  est  beaucoup  plus  simple  que  la  survivance  ; 
car  la  survivance  suppose  quantité  de  faits  invraisemblables, 
inouïs,  qui  heurtent  de  front  toutes  les  vérités  physiologiques 
admises  et  qui  sont  contraires  aussi  à  la  logique,  laquelle  nous 
avertit  que  ce  qui  est  né  doit  périr. 

L'aptitude  de  l'humaine  intelligence  à  grouper  ses  souvenirs 
et  ses  connaissances,  métapsychiques  ou  non,  transcendentales 
ou  non,  autour  d'une  personnalité  quelconque,  imaginaire,  n'est 
pas  une  hypothèse  :  c'est  un  fait.  Et  alors  l'hypothèse  simpliste, 
que  c'est  la  conscience  de  Marie- Antoinette  ou  celle  de  Dickens  qui 
reviennent  est  absolument  inadmissible,  en  présence  de  l'autre 
hypothèse  (l'explication  cryptesthésique),  car  cette  autre  hypo- 
thèse très  élémentaire  s'appuie  sur  deux  propositions  certaines  : 

A.  — Il  y  a  dans  l'intelligence  des  facultés  de  connaissance  mys- 
térieuses. 

B.  —  Ces  connaissances  mystérieuses  ont  une  tendance  invincible 
à  se  grouper  autour  d'une  personnalité  nouvelle. 


262  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Assurément,  il  serait  plus  agréable  peut-être  (je  dis  peut-être  ;  car 
ce  n'est  pas  bien  sûr)  de  supposer  que  la  mort  n'est  pas  la  mort, 
que  nous  sommes  appelés  à  survivre,  que  les  morts  nous  écoutent, 
nous  entourent,  nous  protègent.  Mais  il  ne  s'agit  pas  de  chercher  ce 
qui  est  agréable,  ou  commode.  Eu  fait  de  science,  il  faut,  hypothèse 
pour  hypothèse,  accepter  celle  qui  a  pour  soi  la  simplicité  et  la 
vraisemblance,  celle  qui  est  la  plus  rationnelle.  Eh  bien!  la  doc- 
trine de  la  survivance  me  paraît  si  riche  en  impossibilités,  tandis 
que  l'autre  hypothèse,  celle  de  la  cryptesthésie  intense,  est  (relati- 
vement) si  facile  à  admettre,  que  je  n'hésite  guère. 

Je  vais  même  jusqu'à  prétendre  —  au  risque  d'être  démenti  par 
quelque  découverte  nouvelle,  imprévue,  —que  la  métapsychique 
subjective  sera  toujours  radicalement  impuissante  à  démontrer  la 
survivance.  Même  si  un  nouveau  cas,  plus  prodigieux  encore  que  le 
cas  de  Georges  Pelham,  se  présentait,  j'aimerais  mieux  supposer  une 
extrême  perfection  de  connaissances  transcendentales  fournissant 
de  multiples  notions,  groupées  autour  d'un  centre  imaginaire, 
lequel  s'attribuerait  une  certaine  personnalité  imaginaire,  que  de 
supposer  que  ce  centre  n'est  pas  imaginaire,  qu'il  a  une  réalité  per- 
sonnelle, qu'il  est  une  survivance  ;  c'est-à-dire  une  âme,  une  volonté, 
une  conscience  d'un  moi  qui  a  disparu,  d'un  moi  qui  dépendait  d'un 
cerveau  maintenant  réduit  en  impalpable  poussière. 

Nous  sommes  d'ailleurs  aux  débuts  d'une  science  profondément 
ténébreuse,  assez  pour  que  toute  affirmation  —  comme  toute  néga- 
tion —  soit  téméraire.  Mais,  plus  l'incertitude  et  même  l'absurdité 
sont  épaisses,  plus  il  faut  être  prudent  dans  les  conclusions  doctri- 
nales (car  pour  les  expériences  l'audace  ne  sera  jamais  assez 
grande). 

Or,  pour  affirmer  la  survivance,  nous  avons  comme  preuve  prin- 
cipale, ou,  à  mieux  dire,  pour  preuve  unique,  l'affirmation  du 
médium.  11  dit  :  «  Je  suis  Georges  Pelham  »  (après  qu'il  a  été  Phinuit) 
«  et  je  prouve  que  je  suis  Georges  Pelham,  parce  que  je  sais  tout  ce  que 
savait  Georges  Pelham  ».  Mais  le  fait  qu'il  sait  tout  ce  que  savait 
Georges  Pelham,  n'est  absolument  pas  suffisant,  car  il  faudrait  prouver 
que,  parquelque  faculté  métapsychique  transcendentale,  Mad.  Piper 
n'a  pas  la  connaissance  des  choses  que  Pelham,  au  temps  où  il  était 
personne  humaine,  terrestre,  connaissait.  Cette  preuve  nécessaire 


IDENTIFICATION   SPIRITE  263 

est  impossible  h  donner.  Voilà  pourquoi,  provisoirement,  la  métapsy- 
chique  subjective  ne  peut  pas  démontrer  la  réalitéde  la  survivance. 
Il  est  vrai  que  les  spirites,  quand  nous  objectons  la  pauvreté  des 
paroles  dites  par  les  esprits,  leur  langage  en  une  langue  que  Y  esprit 
au  temps  de  sa  vie  terrestre  ne  connaissait  pas,  leur  indifférence 
absolue,  et  leur  ignorance  étonnante  pour  les  idées  qui  les  passion- 
naient jadis,  prétendent  que  l'instrument  est  défectueux  :  «  l'instru- 
ment, disent-ils,  est  le  médium,  et  Yesprit  ne  peut  le  manier  à  son 
aise.  11  a  peine  à  se  faire  comprendre,  et  à  communiquer  sa  pensée.  » 
Tout  de  même  le  désaccord  (sauf  certains  cas  extrêmement  rares) 
est  si  grand  entre  la  mentalité  du  désincarné  pendant  sa  vie  et  après 
sa  mort,  que,  dans  l'immense  majorité  des  expériences  spirites,  il 
est  tout  à  fait  impossible  d'admettre  la  survivance,  même  comme 
très  provisoire  hypothèse.  Je  supposerais  plus  facilement  une  intel- 
ligence non  humaine,  distincte  à  la  fois  de  l'intelligence  du  médium 
et  de  l'intelligence  du  désincarné  que  la  survivance  mentale  du 
désincarné. 

Un  livre  remarquable  sur  la  survivance  i  a  été  publié  par  Sir 
Oliver  Lodge,  et  ce  livre  mérite  une  attention  spéciale,  à  la  fois  par 
l'intérêt  des  faits  eux-mêmes,  et  par  l'autorité  que  donne  à  ces  faits, 
scrupuleusement  examinés,  la  pensée  d'un  grand  savant,  tel  que 
Oliver  Lodge.  lime  pardonnera  si,  tout  en  acceptant  comme  authen- 
tiques, et  aussi  sagement  observés  qu'analysés,  les  faits  qu'il  nous 
rapporte,  je  ne  suis  pas  en  accord  avec  lui  quant  à  la  conclusion 
qu'il  en  dégage. 

Voici  les  faits.  Raymond  Lodge,  second  lieutenant  au  régiment 
South  Lancashire,  a  été  tué,  pendant  la  guerre,  le  14  septembre  1915, 
en  Flandre,  près  de  Saiut-Eloi. 

La  nouvelle  de  sa  mort  arriva  à  Londres  le  17  septembre  1915. 

Le  25  septembre,  Lady  Lodge,  mère  de  Raymond,  ayant  une  séance 
avec  Mad.  Léonard,  obtint  le  nom  de  Raymond,  et  ces  mots  :  «  Dites  à 
père  que  j'ai  rencontré  plusieurs  de  ses  amis...  Myers...  » 

Le  27  septembre,  Sir  Oliver  Lodge  eut  une  séance  avec  Mad.  Léo- 
nard. Le  guide  de  Mad.  Léonard  est  une  petite  fille  nommée  Feda.  A 
partir  de  ce  jour  les  séances  se  sont  succédé,  nombreuses,  tantôt 

i.  Raymond,  or  Life  and  Death,  par  Sir  Oliver  Lodge,  Methuen,  W.  London, 
1918. 


264  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

avec  Mad.  Léonard,  tantôt  avec  W.  A.  Vout  Peters,  tantôt  avec 
d'autres  médiums.  Ceux  qui  prenaient  part  à  ces  séances  étaient 
tantôt  Sir  Oliver  Lodge,  tantôt  Lady  Lodge,  tantôt  quelqu'un  des 
frères  et  sœurs  de  Raymond. 

Un  fait  caractéristique  annoncé  par  ces  médiums,  c'est  qu'il  y 
avait  une  photographie  du  groupe  d'officiers  dont  faisait  partie  Ray- 
mond. Personne  à  Londres  ne  soupçonnait  l'existence  de  cette  pho- 
tographie. Beaucoup  de  détails  exacts  ont  été  donnés  avant  que 
cette  photographie  arrivât  en  Angleterre  et  spécialement  ce  fait 
(hautement  exceptionnel  dans  les  photographies  analogues  de 
groupes  d'officiers)  qu'un  des  personnages  debout,  derrière  Ray- 
mond qui  est  assis  par  terre,  lui  a  mis  la  main  sur  l'épaule. 

L'épisode  de  la  photographie  est  un  des  plus  beaux  cas  de  cryp- 
testhésie  qui  aient  été  mentionnés.  Voici  la  succession  des  événe- 
ments *. 

W  juillet  l'dlb.  — Dernière  visite  de  Raymond. 

24  août  1915.  —  Photographie  prise  au  front.  Le  journal  de  R... 
en  parle  ;  mais  il  n'a  pas  écrit  cela  à  ses  parents. 

44  septembre  1915.  —  Mort  de  Raymond. 

27  septembre  1915.  —  Peters  annonce  qu'il  y  a  une  photographie. 
15  octobre  1915.  —  La  photographie  (négatif)  est  envoyée  par  le 
capitaine  B...  à  Aldershot  pourêtre  développée. 

25  novembre  1915.  —  Mad.  Cheves  écrit  spontanément  qu'elle  a 
un  groupe  photographique  des  officiers  du  2e  régiment  des  South- 
Lancashire.  Elle  offre  de  l'envoyer. 

3  décembre  1915.  —  Mad.  Léonard  complète,  dans  une  séance,  là 
description  de  cette  photographie. 

6  décembre  1915.  —  Lady  Lodge  trouve  dans  le  journal  de  Raymond 
une  note  indiquant  que  la  photographie  a  été  prise  le  24  août  1915. 

7  décembre  1915  (matin).  —  Avant  l'arrivée  de  la  photographie, 
Sir  Oliver  Lodge  écrit  à  M.  Hill  son  impression  sur  ce  que  la  photo- 
graphie devra  être. 

7  décembre  1915  (après-midi).  —  Arrivée  de  la  photographie  à 
Mariemont. 
Dans  d'autres  expériences,  Raymond,  parlant  par  l'intermédiaire 

1.  Sir  Olivier  Lodge.  Raymond,  trad.  fr.  Paris,  Payot,  1920,  177. 


IDENTIFICATION    SPIRITE  265 

de  Mad.  Léonard  et  conversant  avec  Feda,  indique  quantité  de  petits 
faits  très  significatifs,  que  Mad.  Léonard  ne  pouvait  absolument  pas 
connaître  ;  le  nom  d*un  de  ses  camarades,  Mitchell,  officier  avia- 
teur ;  les  noms  des  deux  sœurs  de  Raymond;  le  chant  de  My  Orange 
Girl,  que  Raymond  aimait  à  chanter;  une  sorte  de  monition  assez 
vague  sur  la  mort  d'un  vieux  serviteur  des  Lodge. 

L'épisode  relatif  à  M.  Jackson  est  curieux.  Feda  dit  qu'on  parle 
souvent  de  M.  Jackson  et  qu'on  mélange  son  nom  avec  celui  d'un 
oiseau,  sur  un  piédestal.  Et  Raymond,  à  propos  de  Jackson,  de  l'oiseau 
et  du  piédestal,  fait  des  plaisanteries  et  semble  beaucoup  s'amuser. 

De  fait,  M.  Jackson  est  le  nom  que  Raymond  et  les  enfants  de 
Oliver  Lodge  donnaient  à  un  dindon  de  la  basse-cour.  Ce  dindon 
venait  de  mourir  quelque  temps  auparavant  :  on  l'avait  fait  em- 
pailler et  mettre  sur  un  piédestal. 

Dans  des  expériences  croisées,  faites  simultanément  à  Edgbaston 
et  à  Londres,  le  mot  de  Honolulu  a  été  prononcé  par  Raymond  (Feda) 
à  la  même  heure. 

D'ailleurs,  pour  se  rendre  compte  de  la  valeur  de  ces  preuves,  il 
faudra  évidemment  recourir  au  livre  lui-même,  dont  nous  ne 
pouvons  donner  ici  qu'un  bref  et  misérable  abrégé. 

De  tous  ces  documents  Sir  Oliver LoDGEConclut  qu'il  y  a  survivance 
de  Raymond.  Nous  avons  discuté  et  repoussé  cette  conclusion  à 
propos  des  faits,  au  moins  aussi  probants,  de  Georges  Pelham  et  de 
Mad.  Piper. 

Des  constatations  multiples  établissent  avec  force  qu'il  y  a  luci- 
dité, cryptesthésie,  télépathie,  c'est-à-dire  qu'il  y  a,  par  une  voie 
que  nous  ignorons,  notions  de  faits  réels,  mais  tout  cela  est 
impuissant  à  prouver  que  la  conscience  de  Raymond  a  per- 
sisté. 

Si  nous  supposons  comme  admises  ces  deux  vérités  (qu'on  ne  peut 
d'ailleurs  pas  révoquer  en  doute)  :  d'abord  que  certains  médiums 
connaissent  des  choses  que  les  sens  normaux  n'enseignent  pas; 
ensuite  qu'ils  ont  tendance  à  grouper  ces  connaissances  normales 
ou  supernormales  autour  de  telles  ou  telles  personnalités,  réelles  ou 
imaginaires;  cela  nous  suffit  amplement  pour  tout  expliquer.  Mad. 
Léonard  et  Vout  Peters  ont  perçu,  relativement  à  Raymond,  tels  ou 


266  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

tels  détails,  alorsaussitôt  leur  inconscience  a  fabriqué  le  personnage 
de  Raymond,  personnage  imaginaire,  en  ce  sens  que  Raymond  n'existe 
plus,  personnage  réel  en  ce  sens  qu'ils  ont  groupé  autour  de  cette 
auto-suggestion  beaucoup  de  faits  vrais  que  leurs  sens  normaux 
ne  pouvaient  leur  avoir  appris. 

Car  enfin,  si  c'était  réellement  Raymond  parlant  par  l'intermé- 
diaire de  Feda,  pourquoi  serait-il  si  avare  de  preuves  ?  pourquoi 
tant  de  paroles  (comme  celles  qui  sont  relatives  à  Faunus  et  à  Myers), 
si  obscures,  si  symboliques  ?  Pourquoi  si  peu  de  noms,  de  dates,  et 
même  de  souvenirs  précis?  La  cryptesthésie  est  toujours  partielle, 
insuffisante,  symbolique,  mélangée  de  tant  d'erreurs  et  d'eufantil- 
lages,  qu'il  est  difficile  de  croire  que  la  conscience  survivante  d'un 
décédé  puisse  être  à  ce  point  insuffisante,  alors  que  pour  pouvoir 
affirmer  scientifiquement  notre  croyance  à  l'immortalité,  nous 
aurions  grand  besoin  de  plus  instructifs  témoignages. 

Mad.  Léonard  dit  que  Raymond  est  photographié  avec  la  main  d'un 
camarade  sur  son  épaule.  Personneà  Londres  ne  connaît  cette  pho- 
tographie ;  et  voilà  un  fait  de  lucidité  incontestable.  Mais  je  ne  vais 
pas  en  conclure  que  c'est  Raymond  qui  survit,  et  qui  nous  donne  ce 
détail.  Il  est  plus  simple  d'admettre  la  lucidité  de  Mad.  Léonard. 
D'autant  plus  que,  dans  bien  des  cas,  elle  adonné  des  preuves  de 
lucidité  dans  lesquelles  l'intervention  d'un  décédé  ne  peut  pas  être 
invoquée.  Très  vraisemblablement,  si  le  vaillant  Raymond  n'avait 
pas  été  tué,  Mad.  Léonard  aurait  pu  tout  aussi  bien  parler  de  cette 
photographie,  puisque  elle  a,  dans  maintes  occasions,  prouvé,  sans 
le  secours  d'un  mort,  qu'elle  connaissait  certains  faits  par  des  voies 
supernormales. 

Hélas  non  !  la  survivance  n'est  pas  du  tout  prouvée  ainsi  ;  et  le 
beau  livre  de  Sir  Ouver  Lodge,  malgré  tout  le  génie  de  l'auteur,  et 
sa  noble  foi  en  l'avenir  des  consciences  humaines,  n'a  pas  fait 
faire  le  pas  décisif. 

Même,  si  je  devais  formuler  une  conclusion,  je  conclurais  que  la 
survie  de  la  conscience  n'existe  pas,  tant  ces  soi-disant  consciences 
sont  fragmentaires,  symboliques,  incertaines,  étonnammentpauvres 
en  précisions.  Et  c'est  avec  un  profond  regret  que  j'arrive  à  cette 
négation  ;  car  il  m'en  coûte  de  me  séparer  aussi  formellement  de 
Myers  et  de  Lodge,  qui  ont  toute  ma  coufiance  et  toute  mon  admiration. 


IDENTIFICATION    SPIR1TE  267 

D'ailleurs,  au  milieu  même  de  ma  négation,  je  fais  toutes  mes 
réserves.  Nous  ne  sommes  qu'à  l'aurorede  la  science  métapsychique, 
et  toute  négation  définitive  doit  être  proscrite. 

En  somme  trois  hypothèses  :  A)  c'est  l'intelligence  du  médium  ; 
B)  c'est  l'intelligence  d'un  mort  ;  C)  c'est  une  autre  intelligence,  non 
humaine,  un  ange,  un  démon,  une  force  quelconque. 

Si  l'on  ne  tenait  compte  que  de  la  métapsychique  subjective,  de 
ces  trois  hypothèses,  la  première  serait  certainement  la  plus  vrai- 
semblable, puisqu'il  suffirait  d'admettre  que  l'esprit  humain  a  des 
procédés  de  connaissance  mystérieux  ;  la  seconde  paraît  bien  peu 
admissible,  car  elle  est  en  absolu  désaccord  avec  toute  la  physiologie, 
et  elle  comporte  d'innombrables  invraisemblances  d'ordre  psycho- 
logique ;  la  troisième  semble,  pour  le  moment,  au  'point  de  vue 
de  la  seule  métapsychique  subjective,  absolument  inutile,  et  il  n'y 
a  aucune  raison  sérieuse  pour  la  supposer. 

Plus  tard,  en  étudiant  la  métapsychique  objective,  nous  verrons 
s'il  y  a  lieu  de  modifier  cette  première  opinion. 

Un  grand  nombre  de  cas  de  soi-disant  identification  spirite  ont 
été  publiés  dans  les  journaux  spirites,  notamment  dans  Banner 
of  Light.  M.  J.  Burns,  directeur  de  la  Revue  The  Médium  and  Day 
break,  en  a  recueilli  beaucoup  de  cas,  dûs  à  M.  Morse  comme 
médium. 

Malheureusement  on  ne  peut  guère  en  profiter,  ni  pour  l'identi- 
fication, ni  pour  la  cryptesthésie  ;  car  la  bonne  foi  du  médium  — 
que  je  serais  disposé  à  accepter  —  ne  prouve  absolument  rien.  La 
pantomnésie  explique  très  bien  que  M.  Morse  peut  écrire  :  «  Je 
suis  Thomas  Wallers,  j'habitais  Chirfton  Road  à  Manchester.  Je  suis 
mort  en  mai  de  cette  année,  à  l'âge  de  plus  de  soixante  ans.  »  Car  il  fau- 
drait donner  la  démonstration  rigoureuse  qu'il  a  été  absolument 
impossible  à  M.  Morse  de  savoir,  consciemment  ou  inconsciemment, 
qu'un  certain  Thomas  Wallers,  de  Manchester,  est  mort  en  mai  à 
soixanteans.  Or,  même  si  cette  difficile,  presque  impossible,  démons- 
tration nous  était  fournie,  nous  ne  pourrons  en  déduire  que  la  cryp- 
testhésie et  nullement  la  persistance  de  la  conscience  de  Thomas 
Wallers. 

Comme  preuve  de  la  survie,  on  cite  souvent  le  cas  de  Abraham 


268  METAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

Florentine  l.  Mais,  si  ce  cas  prouve  la  cryptesthésie,  il  ne  prouve 
nullement  la  survie. 

Voici  le  fait.  En  août  1874,  Stainton  Moses  reçoit  un  message 
provenant  d'un  certain  Abraham  Florentine,  ancien  combattant  de 
1812,  venant  de  mourir  à  Brooklyn,  âgé  de  quatre-vingt-trois  ans, 
un  mois  et  dix-sept  jours.  Après  maintes  recherches  il  fut  établi 
qu'en  effet  il  était  mort  à  Brooklyn  un  ancien  combattant  de  1812, 
âgé  de  quatre-vingt-trois  ans,  un  mois  et  vingt-sept  jours.  Aucun 
journal  américain  ni  anglais  n'en  avait  fait  mention,  de  sorte  que 
la  connaissance  de  ce  fait  n'avait  pu  être  donnée  à  M.  Moses  que 
par  des  voies  supra-normales. 

Mais  faut-il  conclure  que  cette  voie  de  connaissance  cryptesthé- 
sique  comporte  comme  unique  explication  la  survie  d'ABRAHAM  Flo- 
rentine ?  Cela  me  paraît  très  téméraire,  et  résolument  antiscienti- 
fique.  On  peut  imaginer  quantités  d'autres   hypothèses,  invrai- 
semblables,   mais   moins   follement  invraisemblables  que   celle 
d'ABRAHAM  Florentine  revenant  animer  la  main  de  Stainton  Moses. 
En  effet,  si  nous  donnons  à  la  cryptesthésie  toute  sa  mystérieuse 
force,  nous  voyons  qu'elle  s'étend  à  toutes  les  réalités,  si  loin- 
taines qu'elles  soient,  si  insignifiantes  qu'elles  paraissent.  Les  faits 
sont  là  pour  établir  qu'il  y  a  cryptesthésie,  même  quand  il  n'y  a 
pas  eu    mort  d'homme.   Par  conséquent    il  est  bien  inutile  de 
supposer  la  survivance  des  morts,  puisque  d'autres  faits  sont  connus 
cryptesthésiquement,   sans   qu'aucun   mort  ait  eu  à  intervenir. 
Gomme  pour  Georges  Pelham,  comme  pour  Raymond  Lodge,  il  n'y  a 
pas  lieu  pour  Abraham  Florentine  de  conclure  à  la  survie.  C'est 
de  la  clairvoyance  très  belle,  très  saisissante,  mais  il  ne  faut  pas 
aller  au  delà. 

Un  cas  peu  probant  a  été  cité  par  Bozzano.  Dans  un  cercle  spirite 
de  Nancy,  l'esprit  deCAucHY  (mort  en  1855)  dicte  cette  phrase  latine 
qui,  paraît-il,  est  sur  son  cimetière  à  Sceaux  :  Bealus  qui  intelligit 
super  egenum  et  pauperem.  Or  il  a  été  prouvé  que  l'inscription 
(réelle,  et  conforme  à  la  dictée  du  médium)  était  recouverte  d'herbes 
qu'il  a  fallu  enlever  et  arracher  pour  déchiffrer  ces  lettres.  Mais  que 
de  choses  à  prouver!  1°  qu'aucune  parole,  aucun  écrit  n'avaient 

1.  Voy.  Barrett,  loc.  cit.,  p.  208. 


IDENTIFICATION    SPIRITE  2C9 

appris  le  fait  au  médium,  consciemment  ou  non  ;  2°  que  l'inscrip- 
tion était  absolument  illisible,  malgré  les  herbes,  il  y  a  un  an,  deux 
ans,  dix  ans  ;  3°  qu'aucun  livre  ni  aucune  biographie  de  Gauchy  ne 
mentionnaient  l'inscription  latine  mise  sur  cette  tombe. 

Je  ne  crains  pas  de  répéter  une  fois  de  plus  qu'on  ne  doit  admettre 
la  cryptesthésie  pour  tel  ou  tel  fait  qu'après  avoir  épuisé  toutes  les 
autres  explications  dites  naturelles  et  normales. 

Un  certain  nombre  de  cas  ont  été  réunis  par  Bozzano1. 

Il  est  vraisemblable  que  ces  cas,  qui  en  général,  témoignent  de 
quelque  puissaucecryptestliésique,  ne  sont  souvent  que  des  illusions 
pautomnésiques.  En  tout  cas,  ils  ne  prouvent  rien  quant  à  la  survi- 
vance d'une  conscience  humaine.  Aussi,  malgré  l'intérêt  de  ces 
belles  observations  recueillies  par  Myers  et  par  Bozzano,  ne  croyons- 
nous  pas  devoir  les  mentionner  ici.  Un  jour  viendra  peut-être  où 
elles  trouveront  quelque  explication,  mais  provisoirement  nous 
u'irons  pas  jusqu'à  l'hypothèse  d'une  survie,  absolument  indé- 
montrée, et  presque  indémontrable. 

Je  citerai  pourtant  le  cas  suivant,  très  émouvant 3,  qui  vient  seu- 
lement d'être  publié,  quoiqu'il  date  de  1904. 

Le  guide  du  médium  était  son  père  Luigi.  Mais  ce  jour-là  Luigi, 
comme  terrifié,  dit  que  des  esprits  mauvais  étaient  autour  du 
médium,  et  de  fait,  tout  d'un  coup,  L.  D...  le  médium,  se  mit  en 
fureur,  jetant  des  yeux  féroces  autour  de  lui,  et  se  précipita  avec 
violence  sur  un  certain  X...  qui  était  là.  Il  écumait  de  rage,  et  essaya 
d'étrangler  X...  en  criant  :  «  Je  t'ai  trouvé,  enfin,  misérable!  J'ai  été 
soldat  de  la  marine  royale.  Te  souviens-tu  d'Oporto...  c'est  toi  qui  m  as 
assassiné,  mais  je  vais  me  venger  et  f  étrangler.  »  Sa  violence  était 
telle  que  le  malheureux  X...  était  presque  asphyxié.  A  grand  peine 
on  put  le  libérer,  et  il  fallut  les  efforts  réunis  des  quatre  assistants 
pour  le  dégager. 

Or  X...  avait  jadis  été  officier  de  marine  et  avait  dû  depuis  long- 
temps donner  sa  démission.  S'il  avait  quitté  la  marine,  c'est  à  la 
suite  d'un  incident  tragique.  (Il  serait  bien  intéressant  de  savoir 

1.  A.  S.  /*.,  1910,  XX,  267-208. 

2.  Des  cas  d'identification  spirite,  A.  S.  P.,  1910,  XX,  145-149. 

3.  Di  un  caso  drammatico  d' identificazione  spiritica.  (Lnce  e  Ombra.  XXI,  1921, 
119-123). 


270  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

(ce  que  ne  nous  dit  pas  Bozzano)  si,  comme  c'est  probable,  la  cause 
de  cette  démission  était  connue  des  assistants).  Il  y  a  plusieurs 
années,  X...,  officier  de  marine,  était  avec  son  bâtiment  à  Oporto 
en  Portugal.  Un  soir,  à  terre,  comme  il  passait  dans  une  rue  écartée, 
il  entend  dans  uu  cabaret  des  sonorités  italiennes.  Il  entre,  ren- 
contre des  matelots  avinés  dont  uu  lui  répond  mal  et  l'injurie. 
Alors  X...  prend  sa  petite  épée  d'ordonnance  et  tue  l'agres- 
seur. Pour  ce  fait  il  fut  condamné  à  six  mois  d'arrêt  dans  une 
forteresse,  et  invité,  après  la  fin  de  sa  peine,  à  donner  sa  démission. 
Le  médium  savait-il  que  X...  avait  eu  cette  terrible  et  ancienne 
histoire?  Même  l'eût-il  ignorée,  elle  eût  pu  lui  être  révélée  par  la 
cryptesthésie.  Alors  la  reconstruction  de  la  scène  est  explicable 
plus  facilement  par  la  cryptesthésie  seule,  que  par  le  retour  du 
soldat  assassiné  à  Oporto. 

Le  problème  delà  survie  était  celui  qui  passionnait  Fr.  Myers.  Il 
y  croyait,  et  l'espérait.  Il  avait  proposé  à  ses  amis  de  la  S.  P.  H., 
d'écrire  sous  pli  cacheté,  avant  de  mourir,  un  fait  connu  d'eux  seuls. 
L'enveloppe  ne  devait  être  ouverte  qu'après  qu'un  médium,  se  pré- 
tendant en  communication  avec  l'esprit  du  mort,  aurait  cru  lire  le 
contenu  de  la  lettre.  Or  le  résultat  de  cette  expérience  a  été  nul, 
comme  Sir  Oliver  Lodge  l'a  indiqué.  Nulle  aussi  la  prétendue  pro- 
messe de  R.  Hodgson  de  revenir1. 

Camus  Julius,  en  marchant  au  supplice,  disait  à  ses  amis  -  :  «  Je 
me  tiens  prest  pour  voir  si,  en  cet  instant  de  la  mort  si  court 
et  si  brief,  je  pourrai  appercevoir  quelque  deslogement  de  l'âme, 
etsi  elle  aura  quelque  ressentimentde  son  yssue,  pour,  si  j'en  apprens 
quelque  chose,  en  revenir  donner  après,  si  je  puis,  advertissement 
à  mes  amis.  »  Mais  Ganius  Julius  n'estpas  revenu. 

Faut-il  parler  de  Gaston  Crémieux  fusillé  à  Marseille  eu  1871  ?  Dans 
sa  prison,  avant  le  supplice,  il  déclara  croire  à  l'immortalité  de 
Tâme, et  promitàses  amis,  dontCLOvisHuouEs,  de  revenir.  Au  moment 
même  où  il  était  fusillé,  Clovis  Hugues,  qui  ignorait  la  mort  de  son 
ami,  entendit,  dans  son  propre  cachot,  des  coups  très  distincts, 
paraissant  intelligents. 

i.  A.  S.  P.,  1906,  124  et  392. 

2.  Montaigne,  Essais,  II,  VI.  Ed.  d'Amsterdam,  1659,  571. 


IDF-NTIFICATION    SPIMTE  271 

M.  Happerfield  avait  promis  à  son  vieil  ami,  John  Harford,  lorsque 
Harford  était  sur  son  lit  de  mort,  de  veiller  sur  sa  veuve.  Et  en 
efïet  il  prit  des  mesures  pour  que  Mad.  Harford  fût  à  l'abri  du 
besoin.  Elle  fut  confiée  aux  soins  d'un  sien  neveu  qui  s'occupa 
d'elle.  Longtemps  après,  un  matin,  vers  l'aube,  M.  Happerfield  vit 
apparaître  son  ami,  qui  lui  dit  :  «  Tun'as  pas  tenu  ta  promesse,  ma 
femme  est  malheureuse  ».  M.  Happerfield,  non  effrayé  d'ailleurs, 
réveille  sa  femme  et  tout  de  suite  s'enquiert  de  Mad.  Harford.  Elle 
était  réduite  à  l'extrême  misère. 

Il  semble  bien  inutilede  voir  là  autre  cbose  qu'un  vague  remords, 
symbolisé,  de  M.  Happerfield. 

Maintes  fois  deux  amis,  deux  époux,  se  sont  promis  que  le  pre- 
mier qui  serait  mort  se  manifesterait  au  survivant.  Mais  les  quel- 
ques rares  cas  constatés  rentrent  dans  les  phénomènes,  d'ailleurs 
bien  avérés,  de  monitions  cryptesthésiques. 

Et  pour  terminer  je  ferai  une  remarque  qui  n'a  peut-être  pas 
encore  été  faite,  et  qui  est  grave,  contre  l'identification  des  forces 
métapsychiques  avec  les  défunts  ;  c'est  que  les  morts  qui  reviennent 
sont  le  plus  souvent  des  personnages  connus  et  illustres.  Pourquoi 
les  médiums  n'incarnent-ils  pas  des  êtres  vulgaires,  inconnus  ?  Si  la 
conscience  persiste,  cette  persistance  doit  exister  pour  les  gens  du 
commun  autant  que  pour  les  individualités  célèbres.  Et  il  y  a  cent 
mille  fois  plus  de  gens  du  commun  que  d'individualités  célèbres.  Or 
les  incarnations  portent  soit  sur  des  êtres  fantaisistes  comme  Rector, 
Imperator,  John  King,  Katie  King,  Phinuit,  soit  sur  des  notabilités. 

En  définitive,  il  serait  téméraire  de  nier  la  survivance  ;  mais  il 
est  mille  fois  plus  téméraire  encore  de  l'affirmer. 

En  tout  cas  cette  négation  de  la  survivance  n'implique  absolu- 
ment pas  la  négation  de  la  cryptesthésie.  Il  faut  dissocier  complè- 
tement la  cryptesthésie  et  la  survivance.  La  cryptesthésie,  faculté 
extraordinaire,  supra-normale,  de  connaissance,  est  un  fait.  La  sur- 
vivance de  la  conscience  des  morts  n'est  qu'une  hypothèse1. 

1.  Aksakokf  lui-même,  malgré  sa  robuste  foi  dans  la  survie,  dit  (p.  623)  : 
«  La  preuve  absolue  de  l'identification  spirite  est  impossible  à  obtenir  :  flous 
devons  nous  contenter  dune  preuve  relative.  »  Or,  en  bon  français  preuve  rela- 
tive signifie  hypothèse. 


272  MËTAPSYCH1QUE    SUBJECTIVE 


|    VIII.    —   XÉNOGLOSSIE 

Il  faut  faire  rentrer  dans  le  groupe  des  phénomènes  cryptesthé- 
siques  le  parler  en  une  langue  inconnue  (ce  que  j'ai  appelé  xéno- 
glossie)  (compréhension,  lecture,  écriture,  prononciation,  d'une 
langue  qu'on  n'a  pas  apprise).  On  en  possède  quelques  cas  qui,  sans 
permettre  une  conclusion  ferme,  sont  troublants1. 

D'abord  nous  ne  pouvons  appeler  xénoglossie  les  langages  ima- 
ginaires créés  par  les  médiums. 

Le  cas  le  plus  célèbre,  merveilleusement  analysé,  est  le  langage 
martien  d'HÉLÈNE  Smith.  Flournoy  a  démontré,  en  toute  rigueur,  que 
cette  langue  nouvelle  n'était  que  du  français  modifié.  Quelle 
mémoire  étonnante  !  quelle  stupéfiante  richesse  d'invention  !  Hélène 
Smith  en  six  mois  est  arrivée  à  parler  couramment  la  langue  nou- 
velle qu'elle  avait  imaginée  de  toutes  pièces.  Flournoy  lui  ayant 
fait  quelques  objections,  elle  a  changé  son  langage  martien  et  a 
trouvé  l'ultra-martien.  C'est  admirable. 

Inspirée  par  le  roman  martien  d'HÉLÈNE  Smith,  Mad.  Smead,  en 
Amérique,  a  imaginé  aussi  un  autre  langage  martien-. 

Ces  créations  indiquent  la  fécondité  de  l'inconscient.  Elles 
n'ont  rien  à  faire  avec  la  cryptesthésie.  La  xénoglossie  reste  le 
parler  en  une  langue  étrangère  qui  était  inconnue  au  médium,  et 
qui  est  une  vraie  langue  existante. 

Le  cas  le  plus  frappant  est  celui  de  Laura  Edmunds,  la  fille  du 
juge  Edmunds,  qui  fut  président  du  Sénat,  et  membre  de  la  Cour 
Suprême  de  justice  de  New- York,  personnage  d'une  haute  intelli- 
gence, et  d'une  loyauté  irrécusable.  Laura,  sa  fille,  fervente  catho- 
lique, très  pieuse,  ne  parlait  que  l'anglais.  Elle  avait  appris  à 
l'école  quelques  mots  de  français,  mais  c'est  tout  ce  qu'elle  savait 
en  fait  de  langues  étrangères.  Or,  un  jour  (en  1859),  M.  Edmunds 
reçut  la  visite  de  M.  Evangélidès,  de  nationalité  grecque,  qui  put 
s'entretenir  en  grec  moderne  avec  Laura  Edmunds. 

Au  cours  de  cette  conversation,  à  laquelle  assistèrent  plusieurs 

1.  Ils  sont  cités  par  C.  r>E  Vesme  (A.  S.  P.,  1885.  XV,  319). 

"2.  V.  Hyslop,  La  médiumnité  de  Mad.  Smead  (A.  S.  P.,  1906,  461). 


XÉNOGLOSSIE  273 

personnes,  M.  Evangélidès  pleura,  car  Laura  Edmunds  lui  apprit  la 
mort  (en  Grèce)  de  son  fils.  Elle  incarnait,  paraît-il,  la  personnalité 
d'un  ami  intime  d'EvANGÉLiDÈs,  mort  en  Grèce,  M.  Botzaris.  S'il  faut 
en  croire  Edmunds,  c'est  par  l'intermédiaire  de  Botzaris  que  Laura 
pouvait  parler  en  grec  moderne  et  savoir  que  le  fils  d'EvANGÉUDÈs 
venait  de  mourir  en  Grèce  (ce  qui  fut  d'ailleurs  reconnu  exact). 

Et  M.  Edmunds  ajoute  :  «  nier  le  fait,  c'est  impossible,  il  est  trop 
flagrant,  je  pourrais  tout  aussi  bien  nier  que  le  soleil  nous  éclaire. 
Le  considérer  comme  une  illusion,  je  ne  le  saurais  davantage,  car 
il  ne  se  distingue  en  rien  de  toute  autre  réalité  constatée  à  n'importe 
quel  moment  de  notre  existence.  Cela  s'est  passé  en  présence  de 
huit  à  dix  personnes,  toutes  instruites  et  intelligentes.  Nous 
n'avions  jamais  vu  M.  Evangélidès.  11  nous  fut  présenté  par  un  ami 
le  soir  même.  Comment  Laura  a-t-elle  pu  lui  faire  part  de  la  mort 
de  son  fils?  Comment  a-t-elle  pu  comprendre  et  parler  le  grec, 
langue  qu'elle  n'avait  jamais  encore  entendu  parler1? 

Le  juge  Edmunds  raconte  encore  la  xénoglossie  de  Mad.  Young,  de 
Chicago,  laquelle,  se  trouvant  sous  l'influence  d'esprits  allemands, 
parla  et  chanta  en  allemand  dans  un  cercle  où  personne  ne  con- 
naissait l'allemand.  «  Je  priai,  dit  M.  Young,  un  médium  allemand, 
M.  Euler,  de  venir.  Il  vint  deux  fois,  et  s'entretint  avec  le  médium 
en  allemand,  pendant  plus  d'une  heure,  à  chaque  visite.  En  d'autres 
occasions,  Mad.  Young  parla  l'espagnol  et  l'italien.  C'était  une 
ouvrière  qui  n'avait  reçu  d'autre  instruction  que  celle  des  écoles 
primaires.  » 

J'ai  observé  un  cas  curieux,  et  d'interprétation  difficile,  voisin  de 
la  xénoglossie,  car  on  ne  peut  dire  que  c'est  une  xénoglossie  véri- 
rable.  En  voici  l'exposé  sommaire. 

Mad.  X...,  jeune  femme  de  trente  ans  environ,  n'a  jamais  appris 
le  grec,  et  il  est  absolument  certain  qu'elle  ignore  le  grec.  Pourtant 
elle  a  devant  moi  écrit  de  longues  phrases  de  grec,  avec  quelques 
fautes  qui  indiquent  nettement  que  c'était  la  vision  mentale  d'un 

1.  DeVesme,  Xénoglossie,  L'écriture  automatique  en  langues  étrangères,  A.  S.  P., 
1905,  XV,  317-353.  La  xénoglossie  de  Miss  Laura  Edmunds,  A.  S.  P.,  1907,  XVII, 
603. 

2.  (Athènes,  1846,  1"  édit.  ;  1856,  2»  édit.). 

Richet.  —  Métapsychique.  18 


274  MKTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

ou  plusieurs  livres  grecs.  J'ai  pu  après  maiutes  recherches,  aidé  par 
le  hasard  plus  que  par  ma  perspicacité,  grâce  à  mes  amis  Courtier 
et  le  Dr  Vlavianos,  d'Athènes,  trouver  le  principal  livre  où  Mad.  X. . . , 
avait  puisé  les  longues  phrases  de  grec  qu'elle  écrivait  devant  moi. 
C'est  un  livre  introuvable  à  Paris  (qui  existe  cependant  à  la  Biblio- 
thèque Nationale)  le  Dictionnaire  grec-français  et  français-grec  de 
Bvzantios  et  Coromélas.  Comme  c'est  un  dictionnaire  de  grec 
moderne,  il  n'est  jamais  en  usage  dans  les  classes  de  nos  lycées. 

Or  Mad.  X...  a,  de  mémoire,  écrit  devant  moi  une  vingtaine  de 
lignes  grecques,  avec  des  fautes  peu  nombreuses  (8  p.  100  environ, 
pour  les  accents  surtout).  Les  fautes  sont  celles  qu'on  doit  faire 
quand  on  transcrit  du  grec  sans  le  comprendre.  Ainsi  au  lieu  de 
5-co).i<j[x.oûç,  Mad,  X..„  a  écrit  axoliap.o8ç ;  au  lieu  de  6(Uàouç,  Sjjuàouç;  au 
lieu  de  iuuapoSw,  su-rcap  8<p  ;  au  lieu  de  juxpdv,  (juxpau  ;  toutes  fautes 
qui  indiquent  nettement  que  c'est  une  copie  visuelle,  et  que 
Mad.  X...  ne  sait  pas  le  grec,  puisque  elle  ne  commet  ces  fautes  que 
par  la  transcription  imparfaite  d'une  image  visuelle. 

La  reproduction  de  ces  mots  fautifs  est  certainement  une  repro- 
duction visuelle  défectueuse. 

Je  suis  absolument  certain  que  Mad.  X...  n'a  eu,  en  écrivant  ces 
lignes,  aucun  texte  sous  les  yeux.  Elle  regardait  dans  le  vide,  et 
écrivait  comme  si  elle  copiait  imparfaitement  un  texte  d'une  langue 
inconnue,  dont  elle  voyait  les  signes,  mais  dont  elle  connaissait  à 
peine  le  sens.  Quoique  elle  ne  les  comprît  certainement  pas,  il  est 
remarquable  que  les  phrases  ainsi  écrites  s'appliquaient  assez  bien 
aux  circonstances.  Un  soir,  au  coucher  du  soleil,  Mad.  X...  écrit  en 
grec  une  phrase  qui  se  trouve  dans  le  Dictionnaire  de  Byzantios. 

Quand  le  soleil  est  à  son  levant  ou  à  son  couchant,  l'ombre  se  pro- 
jette au  loin.  La  phrase  est  transcrite  sans  accents.  AvaxeUovio; 
xxi  Suovtoç  xou  YjAiou  t)  cxia  sxTeiva-cai  jxaxpav  (il  y  a  une  légère  erreur, 

exTeivotTai  pour  ixxetvexai). 

Il  ne  reste  donc  que  deux  hypothèses  :  ou  l'hypothèse  d'une 
fraude,  aidée  par  une  prodigieuse  et  inouïe  mémoire  visuelle,  ou 
l'hypothèse  d'une  cryptesthésie  extraordinaire. 

On  doit  toujours  supposer  la  fraude  possible.  Admettons  donc  la 
fraude;  sachons  accepter  les  invraisemblances  psychologiques 
qu'elle  suppose.  Admettons  :  1°  que  Mad.  X...  a  acheté  en  secret  le 


XKN0GL0SSIR  275 

livre  de  Byzantios,  l'Apologie  de  Socrate,  le  Phèdre  de  Platon,  l'Évan- 
gile de  Saint  Jean,  c'esl-à-dire  les  quatre  livres  dans  lesquels  elle 
a  puisé  les  phrases  quelle  écrivait  devaut  moi;  2°  qu'elle  a  lon- 
guement médité  sur  ces  quatre  ouvrages,  pour  retenir  l'image 
visuelle  de  caractères  dout  elle  ne  comprenait  pas  le  sens. 

Les  deux  hypothèses  sout  admissibles  si  l'on  accepte  une  machi- 
nation longuement  et  méthodiquement  poursuivie,  ce  qui  est  pos- 
sible après  tout.  Mais  ce  qui  est  singulier,  c'est  que  Mad.  X...,  sans 
avoir  compris  ces  phrases,  puisqu'elle  ignore  absolument  le  grec, 
en  a  gardé  une  image  visuelle  assez  nette  pour  reproduire  de 
mémoire  une  vingtaine  de  ligues  (622  lettres  avec  6  p  100  d'er- 
reurs). Le  cas  de  Mad.  X...  n'est  pas  tout  à  fait  de  la  xénoglossie; 
car  elle  ne  parlait  ni  ne  comprenait  le  grec.  Elle  écrivait,  d'après 
une  vision  mentale  —  comment  avait-elle  acquis  cette  vision?  — 
de  longs  textes  grecs.  Et  c'est  assez  différent  du  parler  en  une 
langue  étrangère.  En  définitive,  il  faut  admettre,  pour  expliquer  le 
cas  étrange  de  Mad.  X-..,  ou  la  cryptesthésie,  ou  une  mémoire 
visuelle  prodigieuse,  dont  ou  ne  pourrait  guère  citer  d'exemple 
analogue. 

On  trouve  encore  çà  et  là  divers  exemples  de  xénoglossie. 

La  petite  fille  (onze  ans)  de  M.  et  Mad.  Brown1  (Melbourne)  par 
l'écriture  automatique,  écrivit  des  caractères  chinois  (en  maniant 
sa  plume  comme  font  les  Chinois).  Il  paraît  que  ce  message  était 
mal  écrit,  mais  en  partie  lisible.  Or  l'écriture  chinoise  est,  comme 
on  sait,  d'une  difficulté  extrême.  Mais,  même  si  le  fait  a  été  bien 
observé,  que  conclure? 

Un  cas  bien  remarquable  a  été  cité  par  M.  Chedo  Miyatovitch, 
diplomate  serbe2.  M.  M...  était  venu,  avec  un  de  ses  amis  croates, 
M.  Hinkovitch,  avocat  à  Agram,  consulter  une  médium  profession- 

1.  Une  discussion  s'est  engagée  à.  ce  sujet  à  la  S.  P.  R.  (voy.  J.  S.  P.  R.,  juin 
1906,  276).  Sir  William  Gkookes,  qui  présidait,  a  estimé  que  c'était  d'après  une 
représentation  visuelle  (in  a  visionary  manner  copied  from  their  visionary  proto- 
type). On  trouvera  aussi  à  ce  sujet,  dans  les  P.  S.  P.  R.  de  très  intéressantes 
remarques  de  Mad.  Verrall.  Sir  Oliver  Lodge,  M.  Piddington,  et  M.  F. -G.  Cons- 
table.  Voir  enfin  les  critiques,  assez  justes  d'ailleurs,  de  M.  Dessoir.  Vom  Jen- 
seils  der  Seele,  4»  éd.  Enfle,  1920,  97-100. 

2.  Deux  extraordinaires  séances  avec  la  médium  Mad.  Wriedt  à  Londres.  Light., 
8  juin  1912,  et  A.  S.  P.,  juin  1912,  161. 


276  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

nelle,  Mad.  Wriedt,  américaine.  Ua  vieux  médecin  croate  s'incarna 
en  elle,  parla  croate  à  M.  HiNkovrrcH,  et  ils  conversèrent  quel- 
que temps  dans  leur  langue  maternelle.  Une  autre  fois  Mad.  de 
Wriedt  parla  en  serbe  au  nom  de  la  mère  de  M.  Mivatovitch.  Une 
autre  fois  encore,  Mad.  Selenka,  allemande,  étant  présente,  le  mari 
de  Mad.  Selenka  (incarné  en  Mad.  de  Wriedt)  chanta  une  chanson 
allemande. 

On  a  élevé  des  doutes,  auxquels  Sir  W.  Barrett  a  vigoureusement 
répondu,  sur  l'authenticité  des  phénomènes  de  Mad.  de  Wriedt.  En 
tout  cas  il  est  difficile  d'admettre  qu'elle  parle  couramment  le 
croate  et  le  serbe. 

Eglinton,  qui  ne  connaissait  pas  l'allemand,  a  donné  (par  l'écri- 
ture directe),  des  messages  en  allemand1.  Dans  une  expérience  à 
laquelle  prit  part  l'illustre  Gladstone,  il  y  eut  des  réponses  par 
l'écriture  directe,  en  espagnol,  en  français  et  en  grec.  Or  Eglinton 
ne  sait  pas  un  mot  d'espagnol  ni  de  grec,  et  il  comprend  à  peine 
quelques  mots  de  français.  Mais  la  sincérité  d'EGLiNTON  est  bien  pro- 
blématique. 

Mad.  Thompson  a  pu,  en  état  de  transe  hypno-spiritique,  parler  en 
hollandais  au  Dr  van  Eeden,  quoiqu'elle  ignorât  absolument  le  hol- 
landais. 

M.  Damiani,  dans  un  rapport  à  la  Société  dialectique  de  Londres, 
indique  qu'il  a  eu  en  Sicile  de  nombreuses  communications  en 
allemand,  en  français,  en  latin  et  en  anglais,  données  par  un  médium 
tout  à  fait  illettré,  appartenant  à  la  classe  ouvrière. 

M.  Burns,  dans  un  rapport  fait  à  la  même  Société,  a  vu  sa  belle- 
soeur,  Mary  Burns,  écrire  des  messages  dans  des  langues  qu'elle  ne 
connaissait  pas. 

On  trouve  dans  la  Revue  spirite  (15  janvier  1886),  l'histoire,  rap- 
portée par  M.  Didelot,  instituteur,  d'un  chanoine  de  la  cathédrale 
de  Nancy,  l'abbé  Garo,  qui,  avec  plusieurs  prêtres  vénérables  du 
diocèse,  expérimenta  sur  un  jeune  garçon  qui  était  le  médium 
observé  par  M.  Didelot.  Une  réponse  fut  faite  en  latin  à  des  ques- 

1.  Cité  par  Erny,  Loc.  cit.,  57. 

2.  Cité  par  Delanne,  Rech.  sur  la  médiumnité,  423. 


XENOGLOSSIE  277 

tions  posées  par  les   prêtres,  et  enfermée  dans  une  enveloppe 
cachetée  posée  sur  la  table. 

Quelques  faits  de  xénoglossie  très  passagère  ont  été  observés  par 
le  Dr  Cadello,  de  Palerme1. 

Il  s'agit  d'une  jeuue  fille  de  Palerme,  Minfa  Filituto,  de  seize  ans, 
qui  fut  prise,  en  1849,  d'accès  de  somnambulisme  spontané.  Dans 
une  de  ses  crises,  elle  dit  qu'elle  était  grecque  et  écrivit  des  phrases 
italiennes  avec  des  lettres  grecques.  Elle  ne  connaissait  pas  le  grec, 
mais  on  lui  avait  prêté  une  grammaire  grecque.  Le  lendemain  elle 
parlait  couramment  français,  langue  dont  elle  connaissait  à  peine 
les  éléments.  Le  troisième  jour,  alors  qu'elle  n'avait  jamais  appris 
un  mot  anglais,  et  qu'on  n'avait  jamais  parlé  anglais  devant  elle  (?) 
elle  parla  un  excellent  anglais,  dit  M.  Cadello,  devant  deux 
gentlemen  anglais  qui  purent  soutenir  une  longue  conversation 
avec  elle.  Ces  trois  jours-là  (jours  de  grec,  de  français  et  d'anglais) 
elle  avait  oublié  complètement  sa  langue  maternelle.  Le  quatrième 
jour,  elle  parla  en  italien  qu'elle  connaît  mal  (étant  sicilienne),  et 
qu'elle  ne  parle  jamais.  Le  cinquième  jour,  la  crise  étant  terminée, 
elle  se  remit  à  parler  sicilien,  ayant  oublié  complètement  les 
épisodes  de  xénoglossie  antérieure. 

Que  dire  de  l'histoire  rapportée  par  le  Dr  Grand  Boulogne?  Une 
dame,  par  l'écriture  automatique,  alors  qu'elle  ne  connaissait 
nullement  le  latin,  écrivit  avec  une  rapidité  inouie,  «  Sacerdos  a  deo 
dilecte,  cur  manifesta  negas?  Cur  concedens  omnia  potenti  Deo  non 
fateris  veritatem,  oculorum  aciem  perstringentem.  Sacrae  litterae 
mémento,  crebrae  sunt  manifestationes  angelicis.  Vide  etcrede».  Le 
style  est  étonnamment  du  mauvais  latin  d'église,  et  ce  n  est  que 
plus  curieux.  Mais  il  faudrait,  pour  entraîner  notre  conviction, 
mieux  connaître  les  conditions  de  l'expérience,  et  surtout  avoir 
obtenu  la  répétition  du  phénomène.  Le  Dr  Grand  Boulogne  fait 
remarquer  que  pendant  cette  écriture  des  coups  retentissaient 
dans  la  table  et  au  plafond. 

Le  Dr  Bôhm3  a  observé  une  personne  qui  donnait  en  écrivant  à  la 

1.  Stoi-ia  di  un  caso  d'isterimo  con  segnazione  spontina.  Palermo,  1853,  Anal, 
par  Hahn,  in  A.  S.  P.,  1901,  149-159. 

2.  Cité  par  Delanne,  Rech.  sur  la  médiumnité,  p.  420. 

3.  Uber  wissenchaftlick  durckfuhrte  Versuche  und  Gedankenlesen  (Psych.  Stu- 
dien,  1917,  XLIV,  575). 


278  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

craie  sur  un  tableau,  une  réponse  à  la  question  posée.  Elle  écrivait 
en  grec,  ou  en  latin,  ou  en  hébreu,  alors  qu'elle  ignorait  ces  trois 
langues.  Mais  le  compte-rendu  de  ces  expériences  est  trop  som- 
maire pour  permettre  une  couclusion. 

Le  Rev.  Shirman  S  qui  avait  passé  une  partie  de  sa  vie  dans  les  Iles 
du  Pacifique,  eut  des  séances  chez  une  médium  professionnelle, 
Mad.  Allams  à  Providence  (Rhode-Island)  et  là  il  vit  une  forme  de 
femme  indigène  des  Iles  Marquises,  qui  lui  parla  dans  sa  langue 
maternelle.  Mais  il  est  bien  probable  qu'il  y  a  eu  quelque  fraude  ; 
car  c'est  six  mois  après  avoir  connu  M.  Shirman  que  Mad.  Aliams  a 
produit  le  phénomène. 

Mad.  d'EspÉRANCE  ne  connaissait  pas  le  grec.  Lorsqu'elle  donnait 
une  matérialisation,  apparaissait  une  forme  de  femme  d'une  rare 
beauté,  qui  se  nommait  Népenthès.  Népenthès  a  écrit  en  grec  clas- 
sique sur  le  calepin  du  professeur  L...  «Je  suis  Népenthès,  ton  amie. 
Loi*sque  ton  âme  sera  oppressée  par  trop  de  douleur,  invoque-moi, 
Népenthès,  et  j'accourrai  promptement  pour  soulager  tes  peines  »*-. 

Il  faut  être  sévère  pour  certaines  pseudo-xénoglossies.  Gibier  cite 
le  cas  de  Mad.  Salmon  qui  ne  parlait  pas  le  français  et  qui  a  dit 
en  français,  sans  accent  :  «  Ma  tante,  ma  tante,  je  suis  si  heureuse 
de  vous  voir  ».  En  vérité  il  est  toujours  possible  d'apprendre  ces 
huit  mots  de  français,  et  de  les  dire  sans  accent.  Ajoutons  que 
Mad.  Salmon  est  médium  professionnelle,  d'énigmatique  loyauté3. 

Je  mentionnerai  pour  mémoire  les  récits  qu'ont  donnés  à 
maintes  reprises  les  exorcistes  qui  aux  xvie  et  xvne  siècles  ont  eu 
affaire  à  des  possédées,  à  Loudun  et  ailleurs.  Les  diables  qui  se 
démenaient  chez  ces  pauvres  hystériques  répondaient  couramment 
en  latin  aux  demandes  que  leur  faisait  l'exorciste.  Mais  quelle  est 
la  part  de  l'erreur  et  de  l'illusion? 

A  la  xénoglossie,  il  faut  sans  doute  rattacher  aussi  les  cas  assez 

1.  Aksakoff,  Animisme  et  spiritisme,  trad.  fr.,  618. 

2.  Cité  par  Bozzano,  A.  S.  P.,  1910,  9.  Le  cas  de  Népenthès  est  intéressant  ; 
mais  il  faut  toujours  être  extrêmement  réservé  pour  les  expériences  données  par 
Mad.  d'EsPÊRANCE. 

3.  Voir  Delanne,  Apparitions  matérialisées,  II,  505. 


XÉIN0GL0SSIE  279 

rares  dans  lesquels  des  enfants  écrivent  sans  connaître  les  lettres 
de  l'alphabet.  Bozzano  en  doune  plusieurs  cas;  il  cite  aussi 
quelques  faits  rapportés  par  Aksakoff*. 

Mvkrs  et  R.  Hodgson  ont  vu  les  mots  ta  tante  Emma  qu'avait 
écrits  uue  petite  fille  de  quatre  aDs  qui  ne  savait  pas  un  mot  des 
lettres  de  l'alphabet.  Les  docteurs  Dusart  et  Ch.  Broquet  ont  donné 
un  crayon  et  du  papier  à  une  petite  fille,  Cémna,  de  trois  ans  et 
demi,  complètement  illettrée,  et  qui  cependaut  écrivit  :  «  Je  suis 
heureuse  de  me  manifester  avec  un  charmant  petit  médium  de  trois 
ans  et  demi  qui  promet  beaucoup.  Promets-moi  de  ne  pas  le  négliger  ». 

Mais  on  ne  peut  rien  affirmer  de  ces  faits  isolés. 

Le  Dr  Quintard  a  communiqué,  en  1894,  à  la  Société  de  Médecine 
d'Angers,  le  cas  très  curieux  d'un  enfant  de  sept  ans,  qui  non  seu- 
lement faisait  des  calculs  assez  compliqués,  mais  encore  devi- 
nait la  pensée  de  sa  mère.  A  vrai  dire,  des  précautions  suffisantes 
n'ont  peut-être  pas  été  prises  pour  éliminer  toute  collusion,  cons- 
ciente ou  inconsciente,  entre  la  mère  et  l'enfaut.  Quant  à  la  préco- 
cité de  l'enfant,  elle  est  très  étonnante,  mais  on  connaît  plusieurs 
exemples  analogues2. 

Je  ne  puis  nullement  considérer  comme  métapsychiques  les  cas 
de  précocité  musicale  rapportés  par  M.  Gower  et  attribués  par  lui 
à  quelque  pouvoir  mystérieux3,  car  il  s'agit  d'un  enfant  de  onze 
ans  (Eric  Rorngold).  M.  Gower  cite  aussi  le  cas  de  Blanche  Cobacker, 
âgée  de  douze  ans,  qui  joue  et  compose  merveilleusement.  Or,  à 
onze  ou  douze  ans,  tout  est  explicable  par  un  développement  intel- 
lectuel plus  rapide  que  chez  les  enfants  ordinaires. 

Le  Dr  Urysz  raconte  l'histoire  d'une  petite  paysanne  de  quatorze 
ans,  sachant  à  peine  lire,  qui  lui  écrivit  comme  si  elle  était  une 
des  malades  que  le  Dr  Urysz,  il  y  a  six  ans,  avait  soignée  à  Lemberg. 

1.  Des  cas  d'identification  spirite  (A.  S.  P.,  1910,  XX,  10). 

2.  Delanne,  Recfi.  sur  la  médiumnilé,  Paris,  1902,  206.  Pepito  Arriola  à  trois 
ans  et  trois  mois  était  déjà  un  assez  habile  musicien.  Mais  ni  moi,  ni  personne, 
nous  n'avons  pensé  à  imaginer,  pour  expliquer  cette  précocité  merveilleuse,  l'in- 
tervention d'un  esprit. 

3.  J.  S.  P.  R.,  1913,  56.  Musical  prodigies  and  automatism. 

4.  Je  noterai  ici,  mais  sans  en  rien  inférer,  que  M.  Gower  a  revu  Pepito  Arriola 
en  1911,  ce  même  Pepito  Arriola  qui,  en  1900,  était  déjà  un  vrai  artiste,  et  qu'il  a, 
à  la  grande  surprise  de  Pepito  lui-même,  constaté  que  Pepito  avait  le  don  de 
l'écriture  automatique.* 

5.  Psychische  Studien,  septembre  1906. 


280  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

«  Merci  de  l'injection  que  tu  nias  faite  à  mon  lit  de  mort  le 
18  novembre  1900.  Caroline  C. . .  ».  Il  est  possible,  quoique  improbable, 
qu'il  y  a  six  ans  cette  enfant  de  huit  ans  ait  connu  cette  Caro- 
line C. . .  (?)  En  tout  cas,  Caroline  C. . .  demeurait  à  Lemberg,  et  la  petite 
paysanne  à  Bralyhanen.  L'écriture  de  l'enfant,  à  l'état  normal, 
était  très  grossière,  enfantine,  mais  le  message  était  absolument  de 
l'écriture  de  Caroline  C...  11  a  été  transmis  d'ailleurs  par  l'écriture 
directe  (?) 
Cette  histoire  singulière  est  en  tous  points  contestable. 

En  résumé,  aucun  de  ces  faits  soit  de  xénoglossie,  soit  d'écriture 
automatique  par  des  enfants  ou  des  illettrés,  n'a  une  suffisante 
valeur  probative.  Nous  ne  pouvons  donc  pas  leur  donner  droit 
définitif  de  cité  dans  le  riche  royaume  de  la  métapsychique  subjec- 
tive. Je  penche  à  croire  qu'un  jour,  bientôt  peut-être,  on  pourra 
en  admettre  quelques-uns  comme  authentiques.  Mais,  en  atten- 
dant, il  faut  tâcher  de  trouver  de  meilleurs  exemples,  et  de  les 
donner  moins  fragmentaires,  moins  imparfaits  que  les  exemples 
connus  jusqu'à  ce  jour.  Aujourd'hui  limitons-nous  aux  faits  qui, 
par  des  milliers  d'exemples  soût  prouvés,  et  bien  prouvés,  et  ne 
considérons  les  phénomènes  rares  et  singuliers  de  xénoglossie  que 
comme  les  jalons  de  la  science  métapsychique  future,  celle  que  nul 
ne  peut  écrire  encore. 


CHAPITRE  IV 

LA  BAGUETTE  DIVINATOIRE 

Les  faits  singuliers  relatifs  à  la  baguette  divinatoire  semblent  au 
premier  abord  sans  relation  avec  la  métapsychique  :  mais  bientôt 
on  voit  que  ces  phénomènes  —  connus  depuis  longtemps  et  aujour- 
d'hui bien  démontrés  —  permettent  des  hypothèses  intéressantes 
sur  la  cryptesthésie,  autorisent  à  mentionner  certaines  analogies, 
et  jettent  quelque  clarté  sur  les  forces  inconnues  qui  émeuvent 
l'inconscience. 

§  1.  —  Historique. 

L'histoire  de  la  baguette  divinatoire  est  assez  ancienne1. 

Voici  en  quoi  consiste  le  phénomène  dit  de  la  Baguette  divina- 
toire. Quand  certains  individus  sensibles  tiennent  entre  les  doigts 
une  flexible  baguette  de  coudrier,  sans  vouloir  la  courber  ou  la  dis- 
tendre, ou  la  mouvoir,  il  semble  que  dans  certaines  conditions  la 
baguette  s'infléchit.  Elle  tourne  entre  les  mains  de  l'individu  qui 
la  tient  et  même  semble  tourner  toute  seule,  très  fortement,  indé- 
pendamment de  la  volonté  de  l'opérateur. 

Lorsque  ces  individus,  tenant  la  baguette  en  main,  passent 
au-dessus  d'une  région  traversée  par  des  nappes  d'eau  souterraines 

i.  Des  monographies  importantes  ont  été  publiées.  Même  il  en  est  qui  portent 
uniquement  sur  la  bibliographie.  On  trouvera  beaucoup  de  documents  dans 
l'ouvrage  de  Henri  Mager,  Les  Baguettes  des  Sourciers  et  les  forces  de  la  nature. 
1  vol.,  8»,  Paris,  Dunod,  1920.  Il  faut  faire  une  place  à  part  au  premier  livre, 
d'apparence  scientifique,  qui  ait  paru  sur  la  baguette  :  La  Physique  occulte  ou 
traité  de  la  baguette  divinatoire,  par  l'abbé  de  Vallemont,  Paris,  1693,  —  On 
consultera  aussi  le  mémoire  de  Chevreul,  De  la  baguette  divinatoire,  du  pendule 
dit  explorateur  et  des  tables  tournantes,  1  vol.,  8°,  Paris,  1854.  —  J.  Maxwell, 
L'élude  de  Chevreul  sur  la  baguette  divinatoire,  et  les  tables  tournantes  (A.  S.  P., 
1904,  XIV,  276-290,  337-358).  Surtout  il  faudra  se  reporter  à  l'admirable  travail 
de  sir  W.  Barrbtt  :  On  the  so  called  divining  Rod,  P.  S.  R.,  XIII  et  XIV.  La  biblio- 
graphie est  excellemment  faite  dans  C.  v.  Kling  Kowstroem.  Bibliographie  der 
Wunschelruthe  (0.  Shônhuth,  Munich,  1911). 


282  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

et  inconnues,  la  baguette  s'infléchit  brusquement  et  avec  une  force 
presque  irrésistible.  Pendant  longtemps  on  s'est  servi  de  ce  moyen 
pour  découvrir  des  sources.  De  là  le  nom  de  sorciers  ou  sourciers 
donné  aux  individus  dotés  de  ce  mystérieux  pouvoir.  M.  Mager  a 
proposé  en  1908  le  mot  de  baguettisant,  qui  est  tout  à  fait  accep- 
table. 

En  1854,  à  la  suite  d'un  mémoire  de  M.  Riondel,  sur  la  recherche 
des  eaux  souterraines,  une  commission  fut  nommée  par  l'Académie 
des  Sciences  de  Paris  pour  examiner  la  réalité  de  ce  phénomène. 
Le  célèbre  chimiste  Chevreul  fut  chargé  du  rapport.  Mais,  ainsi 
que  le  montre  bien  J.  Maxwell,  Chevreul,  dans  son  mémoire  — 
car  le  rapport  ne  fut  pas  présenté  à  l'Académie,  mais  publié  comme 
livre  indépendant  —  établit  seulement  ceci,  que  le  mouvement 
n'est  pas  produit  par  une  force  physique,  mais  par  les  mains  et  les 
muscles  du  sourcier. 

Il  reprenait  ainsi,  en  les  développant,  les  idées  ingénieuses  qu'il 
avait  émises  en  1833  sur  les  mouvements  inconscients,  qui  sont 
cause  des  mouvements  du  pendule  explorateur. 

Le  pendule  explorateur  est  un  instrument  qui  sert  à  la  divina- 
tion depuis  longtemps.  Il  consiste  en  un  objet  suspendu  à  un  fil. 
L'extrémité  supérieure  du  fil  est  tenue  à  la  main.  Les  mouvements 
de  l'objet  qui  se  balance  servent  d'indication.  Quelquefois  c'est  un 
anneau  suspendu  au  milieu  d'un  cercle  sur  lequel  sont  inscrites  les 
lettres  de  l'alphabet.  L'anneau  frappe  successivement  diverses 
lettres  qui  forment  alors  des  mots  et  des  phrases. 

On  voit  tout  de  suite,  sans  qu'il  soit  besoin  d'insister,  que  ce 
sont  les  mouvements  inconscients  (involontaires,  et  cependant 
intelligents),  de  la  personne  tenant  le  fil,  qui  détermine  ces  mouve- 
ments indiquant  des  lettres,  des  mots,  des  phrases,  des  réponses. 
Essentiellement  le  phénomène  est  tout  à  fait  le  même  que  celui  de 
l'écriture  automatique,  des  conversations  par  la  planchette,  du 
Willing  game,  du  Cumberlandisme,  et  autres  faits  analogues,  bien 
connus  à  présent  ;  c'est-à-dire  de  mouvements  musculaires  involon- 
taires et  inconscients,  pouvant  s'organiser  en  une  sorte  de  syn- 
thèse. Cette  synthèse  inconsciente  est  parfois  si  cohérente  qu'elle 
fait  supposer  l'intervention  d'une  personnalité  nouvelle. 

Avec  un  jeune  garçon  naïf,  on  peut  faire  l'expérience  suivante, 


BAGUETTE    DIVINATOIRE  283 

bien  démonstrative.  On  lui  met  le  pendule  à  la  main,  et  on  lui  dit 
que  le  pendule  va  indiquer  sou  âge  ;  et  en  effet,  si  le  garçon  a  douze 
ans,  le  pendule  va  frapper  douze  coups  sur  un  écran  disposé  près 
de  la  boule  terminale.  Et  le  jeune  garçon  sera  stupéfait;  il  dira  : 
Je  suis  resté  immobile.  Or  en  réalité  il  n'est  pas  du  tout  resté 
immobile  :  c'est  lui  qui  a  frappé  les  douze  coups.  Mais  il  ne  l'a  pas 
voulu,  et  il  ne  s'est  pas  aperçu  de  ses  mouvements.  Il  aurait  pu 
tout  aussi  bien  dicter  une  phrase  quelconque  par  les  mouvements 
de  l'anneau  autour  du  cercle  alphabétique  :  c'est  son  inconscient 
qui,  après  avoir  pensé  cette  phrase,  l'a  traduite  par  de  presque 
imperceptibles  mouvements  musculaires  en  lettres  désignées  par 
l'anneau. 

Ces  faits  sont  maintenant  incontestés.  Chevreul  aura  eu  le  mérite 
en  1833  d'en  indiquer,  quoique  assez  vaguement,  le  principe1. 
D'après  lui,  d'après  Babinet,  d'après  Barrett,  d'après  la  plupart 
des  auteurs  qui  s'en  sont  occupés,  les  mouvements  de  la  baguette 
sout  uuiquement  déterminés  par  les  contractions  musculaires 
inconscientes  du  baguettisant. 

La  question,  envisagée  ainsi,  paraît  assez  simple;  mais  cette 
simplicité  n'est  qu'apparente. 

|  2.  —  Exposé  des  faits. 

Le  fait  d'une  inflexion  de  la  baguette  au  niveau  des  sources  ou 
des  métaux  est  incontestablement  vrai.  De  récentes  expériences 
l'ont  établi  en  toute  certitude. 

Des  mesures  précises  ont  été  prises  en  grand  nombre,  et  il  n'est 
pas  possible  de  nier  le  phénomène,  aussi  certain  que  tout  phéno- 
mène de  chimie  et  de  physiologie.  Je  me  contenterai  de  citer  les 
plus  récentes  expériences,  notamment  celles  de  M.  Paul  Lemoine, 
faites  à  Toulouse,  au  laboratoire  de  chimie  de  l'Institut  catholique. 
L'abbé  Gaubin,  baguettisant  très  expérimenté,  a  pu,  avec  des 
baguettes,  déceler  diverses  masses  métalliques. 

La  nature  de  la  baguette  a  exercé  une  influence.  Sur  huit  expé- 
riences, une  baguette  de  bois  a  donné  8  succès;  une  baguette  de 
cuivre,  4  succès  sur  7  expériences  ;  une  baguette  de  fer,  2  succès 

1.  H.  Mager,  Loc.  cit.,  Paul  Lemoink,  Quelques  observations  sur  la  baguette 
divinatoire  (Bull,  de  la  Soc.  Philomathique  de  Paris),  1913,  V,  10,  17. 


284  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

sur  4  expériences  ;  une  baguette  de  verre,  0  succès  sur  5  expériences. 

L'expérience  suivante  est  tout  à  fait  intéressante.  Des  poids  d'or 
différents  ont  déterminé  des  mouvements  de  la  baguette  à  des  dis- 
tances de  plus  en  plus  grandes  selon  que  le  poids  d'or  était  plus 
considérable.  L'abbé  Gaubin  n'ignorait  pas  la  quantité  de  métal  mise 
là  pour  actionner  la  baguette,  mais  P.  Lemoine  s'est  assuré  que  les 
mouvements  volontaires  de  l'opérateur  n'y  étaient  pour  rien. 

Voici  les  chiffres  trouvés.  On  remarquera  que  les  mouvements 
inconscients  n'ont  nullement  été  mis  hors  de  cause. 


DISTANCE    A    LAQUELLE    LA   BAGUETTE 

QUANTITÉ 

d'or 

COMMENCE  A  TOURNER  (EN  MÈTRES) 

3 

1,70 

16 

2,20 

32 

2,7 

48 

3,3 

64 

4,0 

90 

4,6 

Il  y  eut  une  série  d'épreuves  publiques  en  1913,  au  bois  de  Vin- 
cennes  (épreuves  relatées  par  H.  Mager)  et  il  fut  démontré  nette- 
ment que  des  masses  métalliques  enfouies  dans  le  sol  peuvent  être 
découvertes,  aussi  bien  que  reconnue  l'existence  de  nappes  souter- 
raines d'eau  qui  circule.  Que  le  mouvement  de  la  baguette  corres- 
ponde à  l'existence  de  nappes  souterraines,  il  n'est  plus  permis 
d'en  douter,  puisque  c'est  presque  devenu  une  industrie.  Dans 
maints  pays  on  utilise  administrativement  la  faculté  des  sourciers, 
dans  diverses  régions  de  France,  en  Tunisie,  en  Algérie,  aux  États- 
Unis,  dans  l'Afrique  allemande.  S'il  y  a  des  différences  d'habileté 
entre  les  sourciers,  ce  n'est  pas  que  la  baguette  ne  tourne  pas 
entre  leurs  mains,  c'est  qu'ils  ne  peuvent  pas,  avec  une  égale  maî- 
trise, interpréter  ses  mouvements  pour  indiquer  quelle  est  l'étendue 
de  la  nappe  d'eau,  à  quelle  profondeur  elle  se  trouve,  et  dans  quel 
sens  se  dirige  le  courant. 

Quoique  l'histoire  de  la  baguette  divinatoire  ne  touche  qu'indi- 
rectement à  la  métapsychique,  le  fait  est  d'une  telle  importance 
que  nous  devons  mentionner  les  travaux  récents  qui  l'établissent1. 

1.  Je  mentionnerai  en  première  ligne  les  travaux  de  M.  Armand  Viré,  docteur 
ès-sciences,  président  de  la  société  préhistorique,  qui  est  un  baguettisant  habile 
(Bulletin   du  Muséum   d'histoire  naturelle,    et   Comptes  rendus  de  l'Acad.   des 


BAGUETTE    DIVINATOIRE  285 

Devant  A.  Martel,  assez  sceptique,  A.  Viré  a  pu  déterminer  exac- 
tement (mot  souligné  par  Martel)  à  la  surface  du  sol,  sur  un  kilo- 
mètre de  longueur,  le  cours  d'une  rivière  souterraiue.  Il  importe 
assez  peu  qu'il  ait  connu  antérieurement  la  région  ;  caria  connais- 
sance du  sol  extérieur  ne  peut  fournir  de  documents  sur  la  direc- 
tion des  eaux  souterraines.  Martel  cite  aussi  les  résultats  démons- 
tratifs obtenus  dans  l'Afrique  allemande1. 

Résumant  ses  recherches  dans  une  note  inédite  qu'il  a  eu  l'obli- 
geance de  m'adresser,  M.  Viré  établit  la  statistique  suivante  des 
expériences  complètement  vérifiées  et  exécutées  depuis  1913  par 
MM.  Pélaprat,  le  colonel  Vallantin,  Probst,  l'abbé  Mermet,  Jouf- 
freau  et  A.  Viré. 


NOMBRE 

D  EXPERIENCES 

PROPORTION 
CENTÉSIMALE    DES    SUCCÈS 

Eaux  souterraines 

19 

89 

Cavités  souterraines 

23 

87 

Métaux  et  pilons 

métalliques 

11 

80 

Houille 

9 

55 

On  remarquera  que  c'est  un  calcul  défavorable  que  de  compter 
la  proportion  centésimale  des  succès  ;  car  un  cas  suivi  d'un  écla- 
tant succès  compense  (et  au  delà)  beaucoup  d'insuccès.  Autrement 
dit  la  probabilité  d'un  succès  n'est  pas  de  1/2,  mais  beaucoup  plus 
faible. 

Par  exemple  M.  Pélaprat  et  M.  Viré  (exp.  inédite)  ont  donné  à 
M.  A.  C...  conseiller  d'État,  des  indications  pour  creuser  un  puits 
dans  sa  propriété  de  Juillac  (Lot).  Plusieurs  sondages  avaient  été 
faits  sans  résultat.  MM.  Pélaprat  et  Viré  indiquèrent  un  filet  d'eau 
à  13  mètres  de  profondeur.  Un  puits  fut  foré  au  point  indiqué,  et 
à  13  mètres  on  trouva  un  filet  d'eau,  suffisant  pour  l'usage. 

Les  observations  des  Anglais2  concordent  avec  celles  des  Alle- 
mands et  des  Français3. 

Sciences,  22  décembre  1913,  GLVII,  1460).  Voir  aussi  E.  A.  Martel,  Traité  des 
Eaux  souterraines.  Paris,  Doin,  1921,  740-752,  et  P.  Landesque,  Hydrologie  et 
Hydroscopie,  Paris,  Dunod,  1920. 

1.  Voir  Verband  zur  Klârung  der  Wùnschelruthefrage,  Suttgart,  1912. 

2.  Outre  le  mémoire  de  Barrett,  voir  Sanitary  Record,  2  mai  1913. 

3.  (L'analyse  des  travaux  du  Congrès  de  Halle  a  été  donnée  par  E.  Noël  dans 
le  journal  l'Eau  (15  nov.  1913).  V.  Das  Wasser  (Leipzig,  1913).  M.  Argner  est  le 


286  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

M.  Landesqde,  conducteur  des  pouts  et  chaussées,  dans  un  très  inté- 
ressant livre,  a  donné  le  récit  de  ses  propres  expériences  en  Tunisie. 
Je  ne  citerai  que  le  fait  suivant,  caractéristique.  Le  poste  de  Ramsa 
avait  un  puits  en  dehors  du  camp.  M.  Landesque  dans  le  camp 
indiqua  une  source  à  une  profondeur  de  6  mètres.  On  fit  un  forage 
et  on  ne  trouva  rien.  Alors  M.  Landesque  dit  qu'il  ne  fallait  pas 
se  décourager,  mais  creuser  un  peu  davantage,  et  à  7  mètres  on 
trouva  de  l'eau. 

Ces  faits  sont  très  importants,  et  M-  Martel,  qui  résume  toutes 
les  opinions,  conclut  impartialement  pour  la  probabilité  d'une  force 
rhabdique,  en  ajoutant,  ce  qui  est  d'ailleurs  évident,  que  de  nou- 
velles expériences  sont  nécessaires  :  j'ajoute  que  c'est  pour  éclaircir 
les  conditions  du  phénomène,  mais  non  pour  établir  ce  phénomène 
lui-même,  qui  paraît  incontestable. 

Ce  qui  nous  intéresse,  c'est  de  constater  ce  fait,  confirmé  par  des 
expériences  multiples,  et  riche  de  conséquences  théoriques  impor- 
tantes, qu'au-dessus  d  une  masse  d'eau  la  baguette  tourne  vigoureu- 
sement dans  la  main  du  sourcier. 

Dans  une  expérience1,  deux  baguettisants,  Falcoz  et  Probst, 
reconnurent  par  la  baguette  des  plaques  de  métal  enveloppées  dans 
du  papier.  Les  cinq  métaux  étaient  différents.  Les  deux  expérimen- 
tateurs tombèrent  d'accord  pour  la  reconnaissance  de  ces  cinq 
métaux,  et  ce  fut  exact.  Ainsi  sur  10  expériences  à  probabilité  de 
4/5,  il  y  a  eu  10  succès,  ce  qui  donne  la  certitude  Cl/5)10. 

Mais,  puisque  le  fait  est  avéré,  nous  n'avons  pas  ici  à  calculer  la 
probabilité  plus  que  s'il  s'agissait  de  savoir  combien  de  fois  l'ai- 
guille aimantée  va  se  mouvoir  quand  on  l'approchera  d'un  courant. 

S'il  y  a  encore  tant  d'hésitations  pour  les  conclusions  relatives  à 
la  baguette  influencée  par  les  sources,  ou  même  les  métaux,  c'est 
qu'on  veut  en  faire  un  instrument  de  mesure.  On  prétend  à  son 
utilisation  industrielle  pour  la  direction  et  le  captage  des  cours 
d'eau  souterrains,  et  alors  les  interprétations  sur  le  sens  et  la  pro- 
fondeur des  courants  dépendent  de  l'observateur  plus  ou  moins 
expérimenté.  Mais  ce  que  nous  cherchons  ici,  ce  n'est  pas  la  prévi- 

directeur  d'une  revue  spéciale,  uniquement  consacrée  à  cette  étude,  Die  Wiins- 
chelrulhe,  Leipzig  (1909-1921). 
î.  Mager,  loc.  cit.,  24. 


BAGUETTE    DIVINATOIRE  287 

sion  exacte  et  la  minutie  des  renseignements  fournis  par  la  baguette, 
mais  seulement  de  savoir  si  réellement  il  y  a  une  émanation,  une 
force  rhabdique  —  c'est  le  terme  nouveau  que  je  propose  —  agis- 
sant sur  l'organisme  nervo-museulaire  de  l'homme,  et,  par  l'inter- 
médiaire de  cet  organisme,  sur  la  baguette. 

Il  semble  bien  qu'on  n'en  puisse  plus  douter  aujourd'hui l. 

Mais  est-ce  un  phénomène  de  physique,  ou  un  phénomène  méta- 
psychique  ? 

Par  définition  même,  le  mouvement  de  la  baguette  semblerait 
échapper  à  la  métapsychique,  puisqu'il  ne  s'agit  pas  de  forces 
intelligentes  actionnant  notre  sensibilité. 

Pourtaut  l'histoire  de  la  baguette  divinatoire  doit  nous  occuper. 
Si  des  forces  naturelles  (nappes  d'eau  souterraines,  métaux 
cachés)  exercent  une  action  inconnue  sur  notre  intelligence  incons- 
ciente, c'est  qu'il  y  a  là  des  vibrations  inconnues  qui  éveillent  notre 
sensibilité  cryptesthésique.  Par  là  nous  rentrons  dans  la  métapsy- 
chique qui  étudie  les  vibrations  inconnues  des  choses. 

L'inflexion  de  la  baguette  est-elle  un  phénomène  de  contraction 
musculaire  inconsciente  du  baguettisant,  ou  une  action  directe  sur 
la  baguette  d'une  force  physique  quelconque  émanant  des  choses? 

Éliminons  tout  de  suite  les  hypothèses  de  la  supercherie,  du  mou- 
vement volontaire,  du  hasard.  Ce  n'est  ni  par  le  hasard  ni  par  la 
fraude  que  les  sourciers  découvrent  les  sources  souterraines.  La 
baguette  tourne  fortement  entre  leurs  mains,  malgré  eux,  pour 
ainsi  dire,  et  elle  tourne  aux  bons  endroits,  en  donnant,  par  le  sens 
de  sa  force  et  de  sa  rotation,  des  indications  —  d'ailleurs  fort  diffi- 
ciles à  interpréter  correctement—  sur  la  profondeur  et  la  direction 
de  la  uappe  souterraine. 

Il  n'y  a,  en  définitive,  que  deux  hypothèses  : 

.4.  Les  mouvements  de  la  baguette  sont  dus  à  des  contractions 
musculaires  inconscientes. 

B.  Les  mouvements  de  la  baguette  sont  indépendants  des  con- 
tractions musculaires  de  l'opérateur. 

1.  Pour  ne  citer  que  des  faits  tout  récents,  je  mentionnerai  les  travaux  de 
M.  Landesque,  conducteur  des  Ponts  et  Chaussées,  sur  les  nappes  souterraines  de 
Tunisie.  Ses  indications  ont  été  vérifiées  par  les  ingénieurs  des  Ponts  et  Chaus- 
sées (Voy.  Marage,  Ce  qu'il  faut  penser  de  la  baguette  des  sourciers.  Revue  scien- 
tifique, 14  février  1920. 


288  MÉTAPSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

La  première  hypothèse  est  très  simple,  et  sans  doute  la  seule 
acceptable  :  c'est  celle  qu'ont  adoptée  Ghkvreul  et  Barrett. 
Incitée  par  une  force  physique  (force  rhabdique)  inconnue,  l'in- 
conscience du  baguettisant  fait  contracter  se9  muscles,  qui  font 
alors  tourner  la  baguette. 

Mais  cette  hypothèse  soulève  certaines  difficultés. 

En  effet  les  mouvements  de  la  baguette  sont  tellement  forts 
que  parfois  la  baguette  se  brise.  Les  parties  qui  se  trouvent  dans 
la  main  de  l'observateur  ne  bougent  pas  ;  c'est  le  reste  de  la  baguette 
qui  tourne.  On  peut  même,  comme  l'a  fait  P.  Lemoine,  mettre  les 
deux  bouts  de  la  baguette  dans  une  sorte  d'étui  qu'on  tient  à  la 
main.  La  baguette  tourne  dans  l'étui  (voyez  la  figure  que  donne  Paul 
Lemoine). 

Est-ce  une  observation  suffisante,  malgré  sa  précision,  pour  nous 
faire  admettre  que  les  muscles  sont  sans  action?  Nous  ne  le  pen- 
sons pas.  Comment  supposer  que  la  baguette  est  influencée  physi- 
quement et  directement  par  les  nappes  d'eaux,  les  métaux  ou  les  sels 
métalliques  ?  Est-il  possible  qu'elle  se  meuve  toute  seule,  pendant 
que  les  muscles  de  la  main  demeurent  absolument  inertes? 

S'il  en  était  ainsi,  point  ne  serait  besoin  des  sourciers  pour 
découvrir  les  sources.  Un  appareil  de  physique  à  déplacement 
angulaire  suffirait,  et  on  noterait  l'angle  par  une  simple  lecture, 
comme  on  lit  des  mesures  galvanométriques,  barométriques  ou 
thermométriques.  Mais  ce  n'est  pas  ainsi  que  les  choses  se  passent. 
Dans  ces  conditions  toutes  les  baguettes  restent  désastreusement 
immobiles.  Il  faut  un  baguettisant,  un  rhabdomancien,  un  sourcier. 
L'influence  de  la  personnalité  humaine  est  nécessaire  et  prépondé- 
rante. 

H.  Mager  incline  à  penser  que  tous  les  individus,  s'ils  prennent 
les  précautions  nécessaires,  sont  aptes  à  devenir  baguettisants  ; 
mais  il  ne  donne  aucune  preuve  de  cette  affirmation.  Le  fait  posi- 
tif, indiscutable,  c'est  qu'entre  les  mains  de  certaines  personnes  la 
baguette  tourne  avec  grande  force,  tandis  que,  tenue  par  d'autres, 
elle  reste  absolument  immobile. 

Mager  a  construit,  pour  déceler  les  métaux,  un  appareil  (indica- 
teur galvanométrique  des  eaux  souterraines)  qui  n'a  pas  réussi 
encore,  mais  qui,  paraît-il,  —  sans  que  la  présence  d'un  sourcier 


BAGUETTE    DIVINATOIRE  280 

soit  nécessaire  —  est  impressionné  par  le  potentiel  des  forces  qui 
accompagnent  les  eaux  souterraines  en  mouvement.  Mais  jusqu'à 
quel  point  ces  légères  variations  de  l'aiguille  aimantée  sont-elles 
comparables  aux  énormes  courbures  des  baguettes  de  coudrier? 
L'action  d'un  courant  d'eau  sur  un  galvanomètre  est  un  problème 
de  pure  physique,  sur  lequel  nous  n'avons  pas  à  insister  ici.  Eu  tout 
cas  cette  action,  si  elle  existe,  est  extrêmement  faible.  Donc  il 
paraît  impossible  d'attribuer  à  ces  minuscules  phénomènes  élec- 
triques la  très  forte  flexion  d'une  baguette  de  coudrier. 

Tout  est  obscur  d'ailleurs  dans  cette  difficile  question.  Les 
baguettes  de  différentes  substances  n'ont  pas  la  même  aptitude  à 
tourner  ;  ce  qui  semblerait  bien  indiquer  qu'il  y  a  une  action  phy- 
sique sur  la  baguette  même,  car,  si  c'était  uniquement  contraction 
inconsciente,  on  ne  voit  pas  pourquoi  la  baguette  de  cuivre  tourne- 
rait plus  mal  que  la  baguette  de  coudrier,  et  mieux  que  la  baguette 
de  fer. 

On  doit  tout  de  même  conclure  qu'il  n'y  a  aucun  mouvement 
propre  de  la  baguette  sans  le  secours  des  muscles  humains.  Alors 
nous  dirons  avec  Ghevreul,  avec  Barrett,  qu'il  y  a  uniquement 
contraction  musculaire  inconsciente. 

Mais  souvent  le  sourcier  s'oppose  (ou  paraît  s'opposer)  au 
mouvemeut  de  la  baguette.  «  La  baguette,  dit  P.  Lemoine,  tourne 
malgré  la  volonté  de  l'opérateur.  Dans  certains  cas,  quand  elle 
tourne  à  fond,  il  a  beaucoup  de  peine  à  la  retenir  ;  quelquefois  cela 
lui  est  même  impossible.  » 

Remarquons  l'analogie  de  ce  phénomène  avec  le  mouvement  vio- 
lent des  tables  tournantes,  mouvement  qui  a  une  énergie  extrême, 
quand  un  médium  puissant  a  les  mains  sur  uue  table  qu'il  touche 
à  peine. 

A  la  fin  de  ses  recherches,  ajoute  P.  Lemoine,  les  mains  de  l'abbé 
Cadrin  étaient  couvertes  de  callosités,  non  seulement  à  la  paume 
des  mains,  mais  encore  aux  articulations  des  diverses  phalanges. 
Quelques  sourciers,  ou  bague  Misants,  sont  persuadés  que  la 
baguette  tourne  elle-même,  sans  qu'il  y  ait  action  musculaire.  Et 
il  est  à  noter  que  si  la  main  est  dans  un  gant  de  soie,  ou  de  laine, 
elle  ne  tourne  plus. 

Mais  l'opinion  de  ces  professionnels  de  la  baguette  divinatoire  — 

Richet.  —  Métapsycliique.  19 


290  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

opinion  qu'il  ne  faut  certes  pas  négliger  —  n'est  pas  un  article  de 
foi.  Ils  sont  très  sincères  évidemment,  mais  ils  ne  peuvent  vrai- 
ment pas  avoir  conscience  de  leurs  mouvements  inconscients.  Nous 
sommes  donc  aussi  embarrassés  que  lorsqu'il  s'est  agi  de  savoir  si 
les  mouvements  de  la  table  tournante,  quand  ils  sont  violents, 
et  que  le  médium  touche  à  peine  la  table,  sont  dus  à  des  contrac- 
tions musculaires. 

Nous  montrerons  plus  loin  que  certains  médiums,  exceptionnels, 
produisent  des  raps  et  des  mouvements  à  distance  (télékinésie).  Si 
les  influences  de  la  baguette  ne  sont  pas  dues  à  des  contractions 
musculaires,  elles  constitueraient  alors  une  sorte  de  télékinésie  spé- 
ciale ?  Car  évidemment  les  forces  qui  actionnent  la  baguette  n'agis- 
sent que  par  l'intermédiaire  d'un  individu  humain. 

Il  serait  très  intéressant  de  rechercher  méthodiquement  si  les 
baguettisants  ne  sont  pas  des  médiums  pouvant  agir  sur  les  tables, 
et,  parallèlement,  si  les  médiums  agissant  sur  les  tables  ne 
seraient  pas  aussi  des  baguettisants.  Ce  serait  là  une  question  toute 
neuve,  méritant  d'être  approfondie.  t 

Elle  ne  semble  pas  impossible  à  résoudre.  D'après  J.  de  Tristan, 
d'après  H.  Mager,  il  y  aurait  sur  100  personnes  près  de  20  individus 
capables  d'actionner  la  baguette,  peut-être  même  davantage.  Ce 
devrait  faire  l'objet  de  recherches  nouvelles,  certainement  fruc- 
tueuses. 

S'il  était  prouvé  que  le  mouvement  de  la  baguette  n'est  pas  pro- 
duit par  une  contraction  des  muscles  humains,  on  aurait  alors  un 
vrai  phénomène  de  télékinésie.  H.  Mager  a  essayé  de  démontrer  que 
la  matière  dégage  des  forces  (dont  il  a  même  essayé  d'indiquer  la 
direction  et  le  potentiel)  capables  défaire  tourner  la  baguette  :  phé- 
nomène de  physique  absolument  nouveau  et  encore  inconnu.  Mais 
sa  démonstration  est  faible,  voire  nulle.  En  tout  cas  un  être  humain 
est  nécessaire  pour  la  production  de  ces  mouvements  et  il  n'y  a 
rotation  de  baguette  que  s'il  y  a  un  baguettisant.  Donc,  puisque  une 
baguette  pouvant  tourner  dans  un  appareil  ne  tourne  pas,  puisque 
la  main  du  baguettisant  est  indispensable,  il  faut  admettre  ou  bien 
que  c'est  la  contraction  musculaire  de  la  main,  on  bien  que  c'est 
une  sorte  d'action  télékinétique  humaine. 


BAGUETTE    DIVINATOIRE  291 

Il  n'est  guère  permis  d'hésiter  entre  ces  deux  hypothèses.  Quoi- 
que je  n'aie  pas  d'expérience  personnelle,  je  préfère  à  l'opinion 
des  sourciers  celle  des  savants.  Pour  les  sourciers  la  baguette  tourne 
toute  seule  ;  pour  le  savant,  la  baguette  tourne  parce  que  les 
muscles  du  sourcier  la  font  tourner1. 

§3.  —  De  la  force  rhabdique. 

Donc  les  mouvements  de  la  baguette  sont  dus  à  la  contraction 
musculaire  inconsciente  de  l'individu  qui  tient  la  baguette.  Donc 
il  est  avéré  que  des  nappes  d'eau  souterraines,  des  métaux,  cachés 
sous  terre  ou  dans  une  boîte,  exercent  une  action  sur  notre  incon- 
science, et  que  cette  action  mystérieuse  est  uue  force  physique 
inconnue;  car  ce  n'est  ni  l'humidité,  ni  la  chaleur,  ni  l'électricité. 
Evidemment  cette  force  émanant  des  choses  est  profondément 
inconnue  ;  mais  l'hypothèse  que  cette  force  existe  est  une  hypo- 
thèse nécessaire;  car  on  ne  comprendrait  pas,  s'il  n'y  avait  pas 
quelque  influence  énergétique  déterminée,  qu'il  y  ait  mouvements 
musculaires  en  étroit  rapport  avec  la  réalité  de  telle  ou  telle  chose 
extérieure. 

Cette  force  rhabdique  a  été  suffisamment  étudiée  pour  q»'e* 
puisse  déjà  en  indiquer  quelques  lois. 

Tout  se  passe  comme  s'il  y  avait  conduction  de  cette  force  par  le 
corps  humain  du  sol  à  la  baguette  même,  et  comn?  j  si  cette  force 
pouvait  être,  ainsi  que  l'électricité  et  la  chaleur,  arrêtée  par  de  mau- 
vais conducteurs,  par  des  gants  de  soie  ou  de  laine,  par  des  chaus- 
sures en  caoutchouc. 

Cette  force  n'est  pas  seulement  celle  qui  se  dégage  d'une  nappe 
d'eau  souterraine.  Dans  les  anciennes  observations  il  s'agissait 
presque  uniquement  de  la  détection  d'eau  par  les  sourciers;  mais 
des  expériences  récentes  ont  montré  que  les  métaux  ont  une  même 
action  manifeste. 

Il  y  a  des  différences  d'action  entre  les  différents  métaux.  Cela  a 
été  prouvé  par  J.  de  Tristan,  par  H.  Mager,  Paul  Lemoinb2. 

1.  Voir,  le  chapitre  xvi,  1res  obscur,  de  H.  Mager,  et  J.  de  Tristan,  Recherchée 
sur  quelques  effluves  terrestres  (1826),  et  les  Comptes  rendus  du  H»  congrès  inter- 
national de  psychologie  expérimentale  de  4 913. 

2.  Voir  H.  Mager,  Les  moyens  de  découvrir  les  eaux  souterraines  et  de  les  uti- 
liser, Paris,  Dunod,  1912. 


292  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Les  résultats  obtenus  indépendamment  l'un  de  l'autre  par 
H.  Mager,  d'une  part,  et  d'autre  part  par  P.  Lemoine  (avec  l'aide  de 
l'abbé  Caubin),  sont  très  concordants. 

Soit  1  gramme  la  quantité  d'or  qui  peut  agir  sur  la  baguette,  il 
a  fallu  pour  obtenir  les  mêmes  effets  : 

Argent ier,2 

Nickel 6  gr. 

Aluminium 15  — 

Zinc .       ...  40  — 


Plomb 75  — 

Cuivre 125  — 

Bien  entendu  on  ne  doit  pas  considérer  ces  chiffres  comme  aussi 
précis  que  la  mesure  d'une  action  magnétique,  mais  c'est  assez  pour 
établir  que  l'émission  et  la  transmission  de  la  force  rhabdique  sont 
abordables  aux  déterminations  physiques  précises. 

En  définitive,  voici  établi  un  fait  de  première  importance,  c'est 
qu'une  certaine  force  se  dégage  des  métaux,  des  nappes  d'eau,  des 
sels  métalliques,  force  qui  agit  sur  l'organisme  de  certains  individus 
avec  assez  d'énergie  pour  déterminer  dans  leurs  muscles  des  con- 
tractions violentes,  involontaires. 

Il  n'y  a  pas  d'effet  sans  cause.  Si  les  nappes  d'eau  souterraine 
provoquent  des  inflexions  de  la  baguette,  c'est  parce  qu'elles 
agissent  comme  une  cause  —  c'est-à-dire  comme  une  force  —  sur 
la  baguette.  Evidemment  c'est  par  l'intermédiaire  de  nos  muscles  ; 
mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  y  a  là  une  force  physique  nou- 
velle, et  une  force  doDt  on  peut  mesurer  le  sens  et  la  conduction. 

Cette  force  rhabdique  qui  agit  ainsi  sur  les  muscles  n'agit  cer- 
tainement pas  sur  les  muscles  eux-mêmes,  mais  sur  le  système 
nerveux  qui  donne  le  mouvement  aux  muscles  :  les  muscles  ne 
sont  jamais  que  les  serviteurs  passifs  du  système  nerveux.  Et  nous 
voici  ainsi  amenés  à  cette  conclusion  dont  l'importance  n'échappera 
à  personne,  c'est  qu'une  force  émanant  des  métaux,  des  nappes 
d'eau,  des  sels  métalliques,  force  inconnue  qu'on  peut  appeler  rhab- 
dique, agit  sur  le  système  nerveux. 

Allons  plus  loin  encore  dans  l'étude  du  phénomène.  Est-ce  par 
une  action  directe  sur  le  système  nerveux  inintelligent?  Ou  est-ce 
par  une  action  sur  l'intelligence  inconsciente  qui  élabore  la  notion 


BAGUETTE    DIVINATOIRE  293 

reçue?  Ce  ne  sont  pas  là  deux  données  ideutiques.  La  lumière  d'un 
signal  ne  provoque  notre  course  que  parce  que  nous  en  avons  com- 
pris le  sens.  En  soi  cette  faible  excitation  lumineuse  serait  tout  à 
fait  inefficace  pour  déterminer  un  mouvement  quelconque.  Si  elle 
nous  fait  marcher  et  courir,  c'est  parce  que  cette  lumière  a,  par  un 
réflexe  psychique  compliqué,  provoqué  l'intelligence  à  répondre. 
Il  nous  paraît  probable  que  le  mouvement  de  la  baguette  est  de  cet 
ordre  ;  et  que,  si  les  muscles  l'infléchissent  énergiquement,  ce  n'est 
pas  parce  que  le  système  nerveux  est  directement  excité,  mais  bien 
parce  que  l'intelligence  inconsciente  a  été  éveillée  par  la  force  rhab- 
dique.  C'est  une  notion  reçue  par  l'inconscience,  puis  élaborée  par 
elle  et  transformée  en  un  ordre  de  contraction  :  en  tout  cas  ce  n'est 
pas  une  excitation  brute  des  centres  moteurs.  L'intelligence  incons- 
ciente intervient  pour  transformer  cette  excitation  très  faible  en 
uue  excitation  très  forte. 

Si  au  lieu  de  la  baguette  on  emploie  le  pendule,  les  résultats  ne 
sont  pas  moins  extraordinaires.  Entre  les  mains  du  sensitif,  en 
apparence  inerte,  tout  d'un  coup,  lorsqu'il  passe  par  certaines 
places,  le  pendule  se  met  à  osciller  avec  énergie;  dans  quelques 
cas  c'est  comme  un  tourbillonnement.  Ce  sont,  bien  entendu,  des 
mouvements  musculaires,  mais  parfaitement  inconscients,  telle- 
ment inconscients  que  l'opérateur  en  est  lui-même  surpris.  Le  pen- 
dule, comme  la  baguette,  n'est  que  l'indice  d'une  certaine  excita- 
tion nerveuse. 

L'excitation  nerveuse  est  quelquefois  assez  violente  pour  que 
certains  sensitifs,  comme  A.  Viré  me  l'a  raconté,  soient  pris  d'une 
sorte  de  crise  convulsive,  en  passant  au-dessus  d'une  source  sou- 
terraine (qu'ilsignorent  cependant).  Une  hyperesthésie  aussi  intense 
est  très  rare;  mais  dans  bon  nombre  de  cas  le  sensitif  éprouve  une 
sorte  de  frémissement,  de  vibration  générale. 

Ainsi  l'ébranlement  du  système  nerveux  déterminé  par  la  force 
rhabdique  se  rapproche  de  la  cryptesthésie  :  c'est-à-dire  qu'au 
lieu  de  donner  une  simple  sensation  il  donne  une  sensation  accom- 
pagnée d'une  certaine  connaissance  des  choses  :  et  bien  entendu 
cette  connaissance  des  choses  demeure  toujours  inconsciente. 

Ce  qui  le  prouve,  c'est  que,  s'ils  mettent  dans  la  main  qui  tient 
le  pendule  et  qui  le  fait  inconsciemment  osciller,  un  métal  quel- 


394  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

conque,  fer,  or,  cuivre,  le  pendule  ne  tourne  que  si  le  sensitif 
passe  au-dessus  d'une  masse  de  fer,  d'or  ou  de  cuivre.  Si,  c'est  de 
l'eau,  il  lui  suffira  de  prendre  une  bouteille  d'eau  dans  la  main  ;  et 
si  c'est  une  grotte,  une  caverne,  il  prendra  un  petit  tube  vide  creux, 
qu'il  se  mettra  dans  la  main,  et  cela  ne  laisse  pas  que  d'être  assez 
comique.  Le  fait  de  pouvoir  distinguer  tant  bien  que  mal  des  osse- 
ments, des  grottes,  des  morceaux  de  foute,  des  liugots  d'or,  des 
sources,  c'est  plus  qu'une  simple  excitation  nerveuse,  c'est  la  con- 
naissance des  choses,  c'est-à-dire,  somme  toute,  de  la  cryptesthésie. 
Aussi  les  études  faites  sur  la  baguette  divinatoire  sont-elles  extrê- 
mement importantes  pour  édifier  quelque  théorie  sur  la  cryptes- 
thésie. La  divination  par  la  baguette,  c'est  une  sorte  de  cryptes- 
thésie pragmatique. 

On  ne  peut  donc  pas  nier  l'existence  de  forces  pragmatiques,  ou 
telluriques1,  mais  que  je  préfère  appeler  rhabdiqiœs,  qui  mettent 
en  jeu  la  cryptesthésie  du  baguettisant,  absolument  comme  chez  un 
sensitif,  le  coutact  d'un  objet  lui  apporte  des  connaissances  spé- 
ciales que  ses  sens  normaux  ne  lui  peuvent  révéler. 

§  4.  —  Conséquences  au  point  de  vue  de  la  cryptesthésie. 

Nous  paraissions,  par  1  étude  de  la  baguette  divinatoire,  nous 
être  écartés  de  la  métapsychique,  et  voici  que  l'existence  de  la  force 
rhabdique  nous  fait  rentrer  complètement  dans  l'histoire  de  la 
cryptesthésie. 

En  effet,  dans  le  chapitre  de  la  cryptesthésie  pragmatique,  ou  psy- 
chométrie,  j'ai  pu  montrer  que  les  choses  exercent  certainement 
sur  notre  intelligence  une  certaine  action.  Si  l'on  donne  à  une 
médium  ou  à  une  somnambule  quelque  objet  qui  a  appartenu  à  une 
personne  A..,  le  médium  ou  la  somnambule  vont  quelquefois 
donner  quelques  caractéristiques  de  A...,  encore  qu'elles  ne  puissent 
par  leurs  sens  normaux  en  rien  connaître.  J'ai  appelé  cette  cryptes- 
thésie pragmatique,  parce  qu'elle  paraît  liée  à  une  émanation 
(inconnue)  des  choses.  Certes  la  cryptesthésie  pragmatique  est  loin 
d'expliquer  tous  les  cas  de  lucidité  ;  elle  n'en  explique  même  qu'un 


1.  C'est  le  terme  dont  se  sertie  professeur  M-  Benedikt.  Ruten  und  Pendellehre. 
1  vol.  12».  Hartleben,  1917. 


BAGUETTE    DIVINATOIRE  295 

assez  petit  nombre.   Tout  de  même  il  est  incontestable  qu'elle 
existe. 

Et  alors  je  conclurai  en  disant  : 

La  baguette  divinatoire  est  un  instrument  capable  de  mettre  en  jeu 
la  cryptesthésie  pragmatique  :  c'est-à-dire  de  révéler  sur  les  choses  des 
faits  que  nos  sens  normaux  sont  impuissants  à  nous  apprendre. 

L'étude  des  conductions,  des  résistances,  des  obstacles  à  ce  flux 
de  force  nous  montre  que  uolis  pourrions,  sans  doute,  par  une 
analyse  attentive,  avoir  quelques  données  précises  sur  ces  forces 
inconnues,  émanant  des  choses,  et  capables  d'émouvoir  sinon  notre 
conscience,  au  moins  nos  organes. 

Il  n'y  a  qu'une  analogie  assez,  lointaine  entre  la  force  qui  se 
dégage  d'une  nappe  d'eau  souterraine  pour  faire  contracter  les 
muscles  d'uu  sourcier,  et  la  force  mystérieuse  qui  se  dégage  d'une 
mèche  de  cheveux,  d'une  montre,  d'une  bague,  pour  faire  dire  au 
médium  que  ces  objets  ont  appartenu  à  Marguerite,  Georges  ou 
Robert,  et  lui  permettre  de  donner  quelques  indications  sur  les  per- 
sonnalités de  Marguerite,  Georges  et  Robert. 

Tout  de  même  c'est  un  phénomène  du  même  ordre  de  grandeur. 

Nous  ne  les  assimilons  pas  :  nous  ne  prétendons  pas  que  les  mou- 
vements de  la  baguette  soient  identiques  à  la  cryptesthésie  pragma- 
tique, ni  même  qu'ils  expliquent  les  mouvements  de  la  table  tour- 
nante. Pourtant  il  se  dégage  deux  lois,  qui,  bien  comprises,  donnent 
un  solide  point  d'appui  à  la  métapsychique. 

A.  Des  forces  inconnues  se  dégagent  des  choses,  obéissant  à  des 
lois  physiques  susceptibles  de  mesure  et  de  comparaison. 

B.  Ces  forces  inconnues  n'influencent  ni  notre  sensibilité  cons- 
ciente, ni  nos  appareils  de  physique,  et  cependant  elles  agissent 
—  suivant  des  lois  ignorées  encore  —  avec  une  très  grande  éner- 
gie sur  notre  organisme  inconscient,  de  manière  à  lui  faire  con- 
naître des  réalités  que  les  sens  normaux  ne  pourraient  lui 
apprendre. 

On  peut  comparer  les  baguettisants  aux  médiums  qui  font 
tourner  les  tables.  En  réalité  l'analogie  est  très  grande.  La  force 
rhabdique  qui  agit  sur  un  organisme  humain  et  fait  contracter  les 
muscles,  révèle  à  la  conscience  des  faits  que  la  conscience  n'aurait 
pas  pu  savoir  toute  seule;  de  même  qu'un  médium  fait  par  l'in- 


296  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

termédiaire  de  la  table  des  réponses  qui  le  stupéfient  lui-même. 
Les  mouvements  musculaires  inconscients  sont  donc  —  pour  la 
baguette  divinatoire  comme  pour  la  table  tournante  —  révélateurs 
des  vibrations  que  les  émanations  des  choses  provoquent  dans  notre 
intelligence  inconsciente  *. 

i.  Ce  chapitre  relatif  à  la  baguette  divinatoire  est  très  écourté  ;  j'aurais  du 
donner  de  tout  autres  développements  à  cette  question  importante.  Mais  ce  livre 
est  déjà  si  étendu  qu'il  ne  m'était  pas  possible  d'insister  davantage. 


CHAPITRE  V 

MÈTAPSYCHIQUE  ANIMALE 

On  peut  se  demander  s'il  y  a  une  métapsychique  animale,  non 
humaine.  La  question  mérite  d'être  posée  ;  car  on  a  essayé  d'expli- 
quer par  des  phénomènes  médianimiques  les  étranges  phénomènes 
présentés  par  les  chevaux  calculateurs  d'Elberfeld  et  les  chiens 
de  Manuheim.  Nous  croyons  que  ce  problème  —  d'ailleurs  extrême- 
ment iutéressaut  et  aussi  obscur  qu'intéressant  —  ne  relève  pas  de 
la  métapsychique.  Nous  devons  cependant  mentionner  ces  faits, 
ne  fût-ce  que  pour  savoir  s'il  faut  les  éliminer  des  cadres  de  notre 
science,  ou  les  conserver. 

Vers  1892,  à  Berlin,  Wilhelm  von  Osten  fit  connaître  des  faits 
étrauges  ;  il  avait  enseigné  le  calcul  à  un  cheval  :  der  kluge  Hans. 
On  nomma  une  commissioû  scientifique  qui  ne  sut  pas  conclure, 
Les  choses  en  seraient  restées  là,  si  un  ingénieux  et  enthousiaste 
négociant  d'Elberfeld,  Karl  Krall,  n'avait  repris  les  expériences 
de  von  Osten,  et  développé  avec  beaucoup  de  talent  et  d'énergie 
le  génie  calculateur  de  quelques  chevaux  K 

Voici,  très  résumés,  les  faits  relatifs  à  cette  puissance  de  calcul 
des  chevaux. 

Quatre  chevaux,  dressés  par  M.  Krall,   soit  Muhamed,  Zarif, 


1.  Pour  la  bibliographie,  très  étendue  déjà,  je  citerai  surtout  l'ouvrage  de 
K.  Krall,  Denkende  Thiere.  On  ne  peut  citer  les  nombreux  articles  de  polémique 
que  cet  ouvrage  a  provoqués  en  Allemagne,  mais  il  faut  faire  une  place  à  part 
au  livre  de  0.  I'iungst.  Maeteklink  a  consacré  des  pages  spirituelles  aux  che- 
vaux d'Elberfeld  qu'il  a  été  voir  {L'hôte  inconnu).  G.  de  Vesme  a  résumé  très 
bien  la  question  dans  les  .4.  S.  P.  Les  chevaux  pensants  d'Elberfeld.  A.  S.  P., 
1912,  352-363.  —  Toujours  les  chevaux  d'Elberfeld,  ibid.,  1913,  117-128.  11  faut 
mentionner  surtout  deux  mémoires  excellents  de  Ed.  Clatahède.  Arch.  de 
Psychol.  de  Genève,  1912,  XII,  263  ;  et  1913,  XIII,  244-284.  On  pourra  lire  aussi  les 
articles  de  Mackenzie  (Riv.  di  psïcologia,  novembre  1912),  d'AssAGiou  (Psiche, 
novembre  1912,  trad.  fr.,  in  A.  S.  P.,  1913,  1-15),  de  Ferrari,  {Riv.  di  Psicologia) 
et  de  Zikgler  (Deutsche  Zeitung,  décembre  1912).  Mais  ces  indications  ne  donnent 
guère  l'idée  de  tous  les  articles  qui  ont  été  publiés  sur  le  sujet.  E.  Duchatel. 
Les  animaux  savants  de  Mannheim  (A.  S.  P.,  1913,  289-303). 


298  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Hânschen  (un  poney),  Barto  (un  vieux  cheval  aveugle)  out  été 
capables  de  résoudre  des  problèmes  d'arithmétique  simples,  et 
même  des  calculs  très  compliqués.  Ils  donnaient  leur  réponse 
en  frappant  avec  le  pied  un  certain  nombre  de  coups.  Par  exemple 
pour  dire  54,  ils  frappaient  5  coups  du  pied  gauche,  et  4  coups  du 
pied  droit. 

Ces  chevaux  sont  capables  de  faire  des  additions,  des  soustrac- 
tions, des  multiplications,  et,  ce  qui  n'est  peut-être  plus  extraor- 
dinaire qu'en  apparence,  des  extractions  de  racines  carrées. 

M.  Assagioli,  seul  avec  le  petit  poney  Hânschen,  écrit  au  tableau  : 
33  +  44.  Et  Hânschen  répond  77.  Puis  M.  Assagioli  écrit  12-|- 33+33  ; 
la  réponse  est  87  ;  c'est-à-dire  les  nombres  intervertis  (ce  qui  est 
assez  commun),  87  pour  78.  ' 

En  l'absence  de  M.  Krall  et  du  palefrenier,  Muhamed  dit,  en  quel- 
ques secondes,  à  M.  Claparède  la  racine  quatrième  (!!)  de  456.776; 
et  la  racine  cubique  de  15.376.  Maeterlinck  a  spirituellement 
raconté  qu'il  avait  indiqué  au  hasard  un  chiffre  pour  que  Muhamed 
en  donnât  la  racine  carrée,  mais  Muhamed  n'a  pas  répondu,  parce 
que  ce  nombre  n'avait  pas  de  racine  carrée  exacte,  ce  qui  a  beau- 
coup  surpris  Maeterlinck. 
Mais  il  y  a  peut-être  mieux  encore. 

Les  chevaux  d'Elberfeld,  en  choisissant  successivement  des  car- 
tons dont  chacun  représente  une  des  lettres  de  l'alphabet,  peuvent 
entretenir  des  conversations.  En  réalité  ils  parlent  par  l'alphabet, 
et  ils  parlent  phonétiquement,  sans  introduire  les  voyelles  dans 
leur  transcription  de  langage. 

Leur  conversation  est  singulière,  comme  bien  ou  pense.  Un  jour, 
Muhamed  a  dénoncé  le  palefrenier  comme  ayant  frappé  Hânschen. 
Quelquefois  ils  disent  qu'ils  sont  fatigués  et  ne  veulent  pas  répondre. 
D'après  eux  une  des  personnes  présentes  était  une  dame  parce  qu'elle 
avait  des  cheveux  longs. 

Tout  cela  est  curieux  et  baroque  ;  mais,  avant  d'aller  plus  loin, 
il  s'agit  de  savoir  s'il  y  a  supercherie  ou  illusion. 

La  supercherie  de  M.  Krall  est  inadmissible.  Tous  les  observa- 
teurs sont  d'accord  là-dessus,  même  ses  contradicteurs-  Sa  loyauté 
est  incontestée.  Et  d'ailleurs,  en  maintes  circonstances,  il  est  sorti 
de  la  salle  où  son  cheval  travaillait,  et  a  laissé  l'observateur  seul 


MÉTAPSYGHigUE    ANIMALE  299 

avec  lui.  Dans  de  très  nombreuses  expériences  il  en  a  été  ainsi.  La 
'présence  de  Krall  ou  des  palefreniers  n'est  pas  nécessaire  pour  que  la 
réponse  donnée  soit  juste.  Parfois  même  on  a  laissé  le  cheval  tout 
seul  dans  l'écurie,  et  on  observait  ses  mouvements  à  travers  une 
petite  ouverture  vitrée  percée  dans  la  muraille. 

Et  puis  souvent  la  solution  du  calcul  est  trop  rapide  pour  qu'un 
individu,  même  excellent  calculateur,  puisse  la  donner  avec  la 

3  I 

même  rapidité.  M.  Krall  écrit  au  tableau  y  91125,  nombre  que  lui 
a  donné  M.  Assagioli,  et  immédiatement,  en  quelques  secondes, 
plus  vite  que  n'eût  pu  le  faire  un  habile  calculateur,  Muhamed  a 
donné  la  solution  juste. 

En  présence  de  ces  faits  singuliers,  invraisemblables,  les  savants 
allemands  (officiels;  ont  rédigé  une  étonnante  protestation.  Vingt- 
quatre  professeurs  ont  signé  ce  manifeste  ridicule,  et,  sur  ces  vingt- 
quatre  professeurs,  il  n'y  en  a  que  deux  qui  aient  vu  les  chevaux.  Ces 
deux  là  avaient  le  droit  de  dire  que  les  observations  de  Krall  étaient 
des  illusions,  mais  les  vingt-deux  autres  n'avaient  le  droit  que  de 
se  taire. 

Aussi  bien  cette  protestation  n'apporte-t-elle  aucun  élément  nou- 
veau dans  la  question.  Il  y  est  dit  qu'accorder  à  des  chevaux  le 
pouvoir  de  calculer  comme  des  hommes  contredit  complètement  la 
conception  évolutive  (sic) i. 

Voici  quelles  seraient  provisoirement  nos  conclusions  : 

1°  L'hypothèse  d'un  dressage  pour  répondre  à  des  signes  conven- 
tionnels doit  être  complètement  éliminée.  Une  mystification  est 
chose  absurde  et  impossible. 

2°  Il  faut  éliminer  aussi  l'hypothèse  de  Pfungst,  qui,  après  avoir 
longuement  étudié  le  langage  et  le  calcul  des  chevaux,  avait  sup- 
posé qu'ils  répondaient  à  des  signaux  inconscients  donnés  par  les 
observateurs.  Et  en  effet  souvent  les  chevaux  ont  répondu  en 
l'absence  de  tout  témoin  et  par  conséquent  de  tout  signe  exté- 
rieur. 

Une  analyse  méthodique  des  conditions  dans  lesquelles  se  fait 
la  réponse  a  permis  à  Claparède  d'établir  les  faits  suivants,  impor- 
tants pour  la  théorie. 

1.  Ce  curieux  manifeste  est  rapporté  par  Claparède  {Loc.  cit.,  p.  265). 


300  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

1°  Après  quatre  ou  six  mois  d'école,  les  chevaux  ne  font  plus  de 
progrès.  Krall  considère  ses  élèves  comme  ayant  l'intelligence 
d'enfants  de  six  à  huit  ans,  intelligents,  mais  ignorants. 

2°  Ils  ne  sont  pas  capables  d'invention,  et  ils  ne  font  que  les  opé- 
rations qui  leur  ont  été  enseignées.  Si  compliquée  que  soit  l'extrac- 
tion d'une  racine  cubique,  c'est  une  opération  arithmétique  que 
tout  enfant  moyennement  intelligent,  de  dix  ans,  est  en  état  de 
faire  après  quelques  mois  d'étude. 

3°  Ils  sont  souvent  hors  d'état  de  résoudre  des  problèmes  très 
simples,  par  exemple  de  dire  combien  il  y  a  de  personnes  autour 
d'eux  dans  l'écurie.  C'est  beaucoup  plus  facile  —  d'après  nos 
idées  anthropomorphiques  —  que  d'extraire  la  raciue  quatrième  de 
456.776. 

4°  Ils  ne  semblent  pas  travailler  ni  chercher.  C'est  à  peine  même 
s'ils  regardent  les  chiffres  inscrits  au  tableau.  Ferrari  et  Probu  ont 
insisté  sur  cette  inattention  du  cheval  Tripoli  qu'ils  avaient  en  Ita- 
lie essayé  de  dresser  comme  les  chevaux  d'Elberfeld.  Tripoli  répon- 
dait en  regardant  à  peine  et  distraitement. 

5°  Les  erreurs  sont  souvent  des  transpositions  de  chiffres,  comme 
si  c'étaient  des  erreurs  de  lecture.  Quand  l'animal  n'est  pas  sûr  du 
résultat,  il  donne  un  coup  timidement,  mais  il  frappe  avec  force 
quand  le  résultat  est  bon. 

Ainsi,  pour  ce  qui  concerne  le  fait  lui-même,  en  présence  de  ces 
résultats  incohérents,  nous  devons  rester  incertains,  comme  nous 
fûmes  trop  souvent  forcés  de  le  faire  dans  les  autres  questions 
métapsychiques. 

Pourtant,  je  pencherais  à  croire,  étant  données  les  affirmations 
positives  d'excellents  observateurs  comme  Claparède,  Ferrari, 
Edinger,  Ziegler,  Assagioli,  Hartkopf,  etc.,  que  les  chevaux  calcu- 
lent réellement,  et  que  ces  opérations  arithmétiques  sont  des 
manifestations  de  leur  intelligence. 

D'ailleurs,  il  n'y  a  pas  que  les  chevaux  capables  de  pareils  cal- 
culs. Krall  a  pensé  que  l'éléphant,  dont  l'intelligence  est  si  remar- 
quable, pourrait  donner  de  plus  beaux  résultats.  11  a  pris  un  jeune 
éléphant,  Kana,  mais  le  petit  Kana  était  très  paresseux  et  n'a  donné 
que  des  déboires. 


MÉTAPSYCHIQUE    ANIMALE  301 

Le  chien  Rolf,  de  Mannheim,  et  la  chatte  Daisy,  ont  présenté  des 
faits  curieux  du  même  ordre.  Il  paraît  que  Rolf  a  spontanément 
indiqué  qu'il  savait  calculer,  et  il  avait  appris  le  calcul  en  enten- 
dant des  leçons  données  à  un  entant l. 

Or  nous  ne  pouvons  pas  supposer  que  Muhamed,  Rolf,  Hànschen, 
Berto,  soient  des  êtres  exceptionnels.  S'ils  ont  donné  des  preuves 
d'intelligence,  il  est  à  peu  près  certain  que  d'autres  animaux  les 
donneraient  aussi.  Alors  pourquoi  les  faits  relatifs  aux  chevaux 
d'Elberfeld  et  aux  chiens  de  Mannheim  ne  se  sont-ils  pas  répé- 
tés? Pourquoi  sont-ils  restés  isolés  dans  la  science,  ou  dans  la 
légende? 

Si  l'aptitude  des  chevaux  au  calcul  était  un  phénomène  vrai,  et 
non  une  illusion,  on  devrait  pouvoir  faire  des  centaines  de  che- 
vaux calculateurs.  Or  il  n'en  est  pas  ainsi.  Le  silence  s'est  fait  sur 
les  chevaux  d'Elberfeld.  On  n'eu  a  pas  montré  d'autres.  Pourquoi, 
si  ce  n'a  pas  été  uue  illusion,  idola  temporis? 

Telle  est,  à  mon  sens,  l'objection  la  plus  grave  qu'on  puisse  oppo- 
ser aux  faits  allégués  par  Khall2.  Elle  est  tellement  grave,  cette 
objection,  qu'elle  entraine  presque  la  négation. 

L'incertitude  où  nous  sommes  encore  sur  la  réalité  des  faits  nous 
commande  d'être  brefs  sur  la  théorie. 

On  a  émis  l'opinion  que  c'était  un  phénomène  de  télépathie. 
Mais  c'est  tout  à  fait  inadmissible.  Grabow  a  obtenu  des  réponses 
exactes  à  des  chiffres  qu'il  présentait  au  cheval,  et  que  lui, 
Grabow,  ne  connaissait  pas.  Dans  certains  cas  le  cheval  a  répondu 
quand  il  était  seul  dans  l'écurie. 

De  fait,  il  n'y  a  aucune  raison  valable  pour  chercher  à  admettre 
la  télépathie.  On  n'explique  pas  obscura  per  obscuriora. 

G.  dr  Vesme  a  soutenu  une  ingénieuse  hypothèse  :  c'est  qu'il 
s'agit  de  faits  médianimiques.  Après  tout,  puisqu'il  y  a  des  raps 
intelligents  dans  une  table,  pourquoi  n'y  aurait-il  pas  uue  force 

1.  Voy.  Buchslabierende  Hunde,  Psycli.  Studien,  1918,  XLV,  14-Y 

2.  Depler,  directeur  de  l'Institut  vétérinaire  de  Prague,  a  osé  dire  que  cette 
intelligence  du  cheval  n'était  pas  possible,  parce  qu'il  a,  relativement  au  poids 
corporel,  10  lois  moins  de  cerveau  qu'un  homme  (!!)  C'est  ainsi  que  jadis,  à  la 
Société  d'anthropologie,  quelqu'un  a  dit  que  Gambette  n'était  pas  intelligent, 
parce  que  le  poids  de  son  cerveau  était  au-dessous  de  la  moyenne  des  cerveaux 
humains. 


302  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

intellectuelle  actionnant  les  muscles  et  le  cerveau  d'un   cheval, 
comme  elle  fait  vibrer  les  planches  d'une  table  ? 

C.  de  Vesme  cite  à  ce  propos  la  curieuse  observation  d'un  jeune 
homme  de  dix-neuf  ans,  appartenant  à  une  famille  très  honorable, 
qui  au  moyen  de  la  planchette  (spirite),  pouvait  donner  instantané- 
ment, c'est-à-dire  au  bout  de  trois  à  quatre  secondes  au  plus,  le 
résultat  d'additions  de  plusieurs  nombres,  de  six  à  sept  chiffres 
chacun,  opération  arithmétique  qu'il  n'eût  pu  faire,  avec  du  crayon 
et  du  papier,  qu'en  plusieurs  minutes.  L'automatisme  inconscient, 
dans  ce  cas,  fait  plus  vite  et  mieux  que  ne  pourrait  le  faire  le  cons- 
cient. 

Aussi  de  Vesme  pense-t-il  qu'il  y  a  chez  les  chevaux  d'Elberfeld 
un  automatisme  mental  ressemblant  à  celui  du  médium.  Et  cela 
me  paraît  devoir  être  accepté,  quoique  à  vrai  dire  ce  ne  soit  guère 
une  explication. 

En  tout  cas  l'automatisme  de  l'intelligence  calculatrice  des  che- 
vaux n'implique  aucunement  l'hypothèse  d'un  phénomène  méta- 
psychique,  c'est-à-dire  d'une  force  -intelligente  différente  des  forces 
connues. 

Après  tout  nous  ne  savons  rien  (ou  très  peu  de  chose)  sur  l'intel- 
ligence des  animaux.  Personne  ne  nous  a  indiqué  quelles  en  sont 
les  limites.  Donc  si  un  chien  et  un  cheval  font  ce  que  peut  faire 
un  enfant  de  dix  ans,  dûment  éduqué,  cela  indique  seulement  une 
grande  extension  de  l'intellectualité  des  animaux. 

Aussi  provisoirement  dirai-je  que  l'intelligence  calculatrice  des 
chevaux  d'Elberfeld,  si  elle  existe,  comme  cela  est  possible,  prouve 
que  les  chevaux  sont  aptes  aux  calculs  et  aux  raisonnements,  mais 
que  ces  calculs  et  ces  raisonnements  ne  dépassent  pas  l'intelligence 
des  jeunes  enfants. 

C'est  extraordinaire;  c'est  invraisemblable  ;  mais  cela  n'a  rien  à 
faire  avec  la  métapsychique  qui  nous  ouvre  des  mondes  inconnus. 

f 


CHAPITRE  VI 

A.  —  MUNITIONS 

i.  —  des  monitions  en  général 

§  1 .  —  Classification  et  définition. 

On  n'aurait  qu'une  très  incomplète  notion  de  la  cryptesthésie, 
aussi  bien  pour  la  démonstration  du  phénomène  que  pour  l'étude 
de  ses  modalités,  si  l'on  omettait  la  cryptesthésie  qui  se  manifeste 
chez  des  individus  normaux  sans  avoir  été  provoquée  par  quelque 
tentative  expérimentale. 

Ces  phénomènes  de  cryptesthésie  accidentelle,  survenant  à  l'im- 
proviste  chez  des  personnes  normales,  nous  les  appellerons  des 
monitions1,  sans  que  ce  mot  de  monition  implique,  l'hypothèse 
d'une  volonté  monitoire  extérieure;  et  nous  les  diviserons  en  trois 
chapitres  : 

1°  Monitions  qui  portent  sur  des  événements  légers  ou  graves 
(autres  que  la  mort). 

2°  Monitions  de  mort. 

3°  Monitions  ayant  probablement  une  objectivité  matérielle  ;  car 
elles  sont  collectives. 

C'est  intentionnellement  que  je  n'emploie  pas,  pour  ces  moni- 
tions, le  terme  hallucination,  même  en  lui  accolant  des  épithètes 
explicatives  :  véridiqne,  télépathique,  symbolique. 


1.  D'après  son  étymologie  latine,  le  mot  monition  indique  qu'on  est  averti  de 
quelque  chose.  Mais  cela  n'indique  pas  nécessairement  l'intervention  d'une  intel- 
ligence étrangère.  Le  mot  en  effet  est  encore  applicable  au  cas  où  la  monition 
viendrait  de  notre  intelligence  inconsciente,  qui  aurait  acquis  la  connaissance 
—  par  cryptesthésie  —  d'une  réalité  extérieure,  et  qui  la  symboliserait. 


304  CRYPTESTHESIE    ACCIDENTEL!. E 

Eu  effet,  il  me  paraît  qu'il  faut  réserver  le  mot  hallucination  à 
un  phénomène  morbide,  qu'on  peut  définir  ainsi  :  une  image 
mentale  extériorisée  sans  qu'il  y  ait  de  réalité  extérieure  objec- 
tive. 

Or,  dans  les  hallucinations  dites  télépathiques  ou  véridiques,  c'est- 
à-dire  correspondant  à  une  réalité  extérieure  proche  ou  lointaine, 
il  y  a  certainement  une  réalité  extérieure  objective  (peu  importe 
que  nous  la  connaissions  ou  non)  une  vibration  quelconque  de 
l'éther  (de  nature  inconnue),  une  force  extérieure  qui  conditionne 
l'hallucination  même. 

Au  contraire,  dans  l'hallucination  de  l'absinthisme,  de  l'alcoo- 
lisme, de  la  paralysie  générale,  de  la  manie  aiguë,  dans  l'halluci- 
nation provoquée  par  suggestion  chez  les  somnambules,  dans 
l'hallucination  du  rêve,  et  dans  les  rêves,  il  n'y  a  rien  d'extérieur  : 
tout  est  vibration  cérébrale  intérieure. 

L'hallucination  est  un  des  symptômes  les  plus  nets  de  l'aliéna- 
tion mentale  :  elle  se  produit  à  peu  près  dans  toutes  les  formes  de 
délire.  Il  y  a  des  hallucinations  après  certaines  intoxications;  daus 
l'absinthisme  et  l'alcoolisme  aigus..  Dans  l'empoisonnement  intense 
par  le  hachich,  les  illusions  sont  si  fortes  qu'elles  vont  jusqu'à 
l'hallucination  véritable  :  peut-être  même  la  belladone  et  l'atropine 
produisent-elles,  quand  la  dose  est  forte  sans  être  mortelle,  des 
hallucinations  passagères.  On  peut  chez  les  somnambules  provo- 
quer de  longues  et  méthodiques  hallucinations,  leur  faire  vivre  un 
rêve;  car  après  tout  le  rêve  ressemble  beaucoup  à  l'hallucination. 
Rêver  tout  éveillé,  et  ne  pas  croire  qu'on  rêve,  c'est  avoir  une  hal- 
lucination. 

Mais  ces  hallucinations  n'ont  aucune  réalité  objective.  Quand  un 
alcoolique  voit  des  rats  qui  se  précipitent  sur  lui,  qu'il  entend 
leurs  cris  et  qu'il  sent  leurs  morsures,  il  n'y  a  pas  de  rats.  Quand 
on  dit  à  un  sujet  hypnotisé  :  «  entrez  dans  cette  maison  qui  est  là, 
montez  au  perron,  et  asseyez-vous  dans  le  fauteuil  »  :  il  n'y  a  ni  mai- 
son, ni  perron,  ni  fauteuil.  Quand  un  persécuté  entend  des  voix,  il 
n'y  a  pas  de  voix. 

Il  est  extrêmement  rare  qu'un  individu  normal,  qui  n'est  ni 
malade,  ni  ivre,  ni  hypnotisé,  ait  à  l'état  de  veille  une  représenta- 
tion visuelle,  auditive,  tactile,  de  choses  qui  n'existent  absolument 


MONITIONS  305 

pas.  La  vieille  opiniou  des  médecins  aliénistes,  que  l'hallucination 
est  le  meilleur  signe  d'une  maladie  mentale,  et  la  caractéristique 
infaillible  de  l'aliénation,  cette  opinion  me  paraît  encore  absolu- 
ment valable.  Sauf  exception  —  car  il  y  a  toujours  des  exceptions 
à  tout  —  un  individu  normal,  sain,  éveillé,  n'a  pas  d'hallucina 
tions.  S'il  voit  des  apparitions,  c'est  que  ces  apparitions  ont  une 
réalité  objective  quelconque. 

En  définitive,  il  n'y  a  d'hallucinations,  quand  toute  réalité  objec- 
tive fait  défaut,  que  chez  les  aliénés  et  les  alcooliques. 

Mais  il  faut  bien  s'entendre  sur  ce  mot  réalité  objective.  Par 
exemple,  pour  prendre  un  cas  concret,  à  Menton,  Mad.  Bagot  voit 
son  petit  chien  Judy  traverser  la  salle  à  manger,  et  cela  au  moment 
même  où,  en  Angleterre,  Judy  vient  de  mourir.  Ce  n'est  pas  une 
hallucination  dans  le  sens  ordinaire  du  mot,  car  l'image  qui  a 
apparu  répond  à  un  phénomène  réel  :  la  mort  de  Judy.  Mais,  d'autre 
part,  nous  n'irons  pas  prétendre  qu'il  y  a  eu  dans  la  salle  à  manger 
de  Menton  un  fantôme  de  Judy,  avec  un  dégagement  d'énergies 
mécaniques  et  lumineuses,  correspondant  à  une  fautasmisation  de 
Judy.  Le  phénomène  matériel  extérieur  qui  a  fait  naître  chez 
Mad.  Bagot  l'image  de  Judy,  nous  demeure,  quant  à  sa  nature 
même,  profondément  inconnu,  et  il  est  probablement  tout  différent 
d'une  fautasmisation.  Et  je  ne  vais  pas,  avec  quelques  théoriciens 
outranciers  du  spiritisme,  soutenir  que  le  corps  fluidique  de  Judy 
s'est  transporté  de  Londres  à  Menton.  Tout  de  même,  il  y  a  une  rela- 
tion entre  la  mort  de  Judy  et  la  vision  de  Mad.  Bagot.  C'est  une 
monition,  qui,  par  une  voie  quelconque,  inconnue,  mystérieuse,  a 
touché  l'intelligence  de  Mad.  Bagot,  et  alors  cette  monition  s'est 
présentée  à  elle  sous  uue  forme  adaptée  à  l'intelligence  humaine, 
c'est-à-dire  par  un  phénomène  visuel. 

Eu  tout  cas,  on  ne  peut  assimiler  cette  vision  à  l'hallucination 
d'un  aliéné,  car  il  y  avait  une  réalité  objective  (la  mort  de  Judy)  qui 
a  été  la  cause  déterminante  de  cette  vision,  à  la  fois  véridique  et 
symbolique. 

Nous  n'emploierons  donc  pas  le  mot  hallucination  (car  l'halluci- 
nation que  ne  conditionne  aucune  réalité  externe  est  un  phénomène 
morbide),  mais  seulement  le  mot  de  monition,  qui  signifiera  une 
hallucination  à  la  fois  véridique  et  symbolique. 

Richet.  —  Métapsychique.  20 


306  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

Envisagées  ainsi,  les  monitions  peuvent  être  considérées  comme 
des  cas  de  lucidité  :  elles  diffèrent  cependant  de  la  lucidité  précé- 
demment étudiée  par  deux  caractères  tout  à  fait  particuliers.  ■ 

1°  Elles  ne  sont  pas  expérimentales,  mais  accidentelles.  Les  don- 
nées que  nous  possédons  sur  les  monitions  sont  dues  à  des  obser- 
vations éparses,  et  non  à  des  expérimentations  méthodiques.  Par 
définition  donc  nous  appellerons  monitions  les  phénomènes  de 
lucidité  accidentelle,  non  expérimentale. 

2°  Pour  qu'il  y  ait  ébranlement  de  l'esprit  du  percipient,  il  faut 
un  phénomène  objectif  quelconque.  Mais  ce  phénomène  n'a  le  plus 
souvent  aucune  ressemblance  avec  les  phénomènes  objectifs  habi- 
tuels. 

Quand  Mad.  Hutchins  voit  son  mari  lui  apparaître  et  l'appeler 
«  Mary,  Mary  »,  au  moment  même  où  M.  Hutchins  meurt  subite- 
ment, il  faut  admettre  que  cette  représentation  visuelle  et  auditive 
n'est  pas  le  phénomène  mécanique,  physico-chimique,  ordinaire, 
d'une  personne  présente  qui  appelle.  C'est  une  force  quelconque  se 
produisant  près  de  Mad.  Hutchins,  et  ayant  provoqué  cette  image 
par  des  émotions  cryptesthésiques  dont  le  sens  nous  échappe.  Cette 
vibration  inconnue  a  frappé  l'esprit  de  Mad.  Hutchins,  mais  n'au- 
rait sans  doute  pas  eu  d'effet  sur  une  autre  personne. 

Dans  certains  cas,  tout  à  fait  analogues  au  cas  de  Mad.  Hutchins, 
le  phénomène  extérieur  objectif  ressemble  aux  objectivations  ordi- 
naires. Alors  en  effet  plusieurs  personnes  ont  simultanément  la 
même  image,  comme  par  exemple  dans  le  cas  de  Mad.  Téléchoff. 
Son  chien  et  cinq  enfants  voient  l'apparition  d'un  petit  garçon, 
André,  qui  plane  dans  la  chambre,  au  moment  même  où  meurt  cet 
enfant  dans  une  maison  voisine.  Certainement  alors  il  y  a  un  phé- 
nomène extérieur,  un  fantôme,  ayant  des  contours  réels,  comme  en 
aurait  une  personne  vivante.  Il  aurait  probablement  impressionné 
une  plaque  photographique,  si  une  plaque  photographique  avait 
été  là. 

On  ne  peut  donc  pas  faire  de  démarcation  absolue  entre  ce  qui 
est  subjectif  et  ce  qui  est  objectif  ;  et  certaines  monitions  établissent 
une  relation  étroite  entre  la  métapsychique  objective  et  la  méta- 
psychique  subjective. 

1°  Les  monitions  sont  toutes  objectives,  mais  c'est  d'une  objectivité 


MONITIONS  307 

spéciale,  qui  n'a  aucun  rapport  avec  ce  que  nous  appelons  l'objec- 
tivité ordinaire. 

2°  Si  nous  nous  conformonsau  langage  usuel,  et  si  nous  n'appelons 
objectif  que  ce  qui  est  l'habituel  ébranlement  de  nos  sens  par  des 
vibrations  mécaniques,  physiques  ou  chimiques,  classiques,  alors 
nous  dirons  que  presque  toutes  les  monitions  sont  subjectives. 

Ainsi,  en  reconnaissant  d'ailleurs  tout  ce  que  cette  distinction 
a  de  factice,  nous  classerons  les  monitions  parmi  les  phénomènes 
de  la  métapsychique  subjective,  et  nous  supposerons  que,  dans 
tous  les  cas  de  monitions  nou  collectives,  l'image  (visuelle,  auditive 
ou  tactile),  n'a  pas  été  suscitée  dans  l'esprit  du  percipient  par  une 
force  extérieure,  mécanique,  physico-chimique,  analogue  aux  forces 
extérieures  connues. 

Mais  les  monitions  accidentelles  ressemblent  trop,  par  certains 
caractères,  aux  monitions  collectives  et  même  aux  matérialisations 
expérimentales,  pour  que  nous  ayions  le  droit  (parce  que  c'est 
plus  commode)  d'éliminer,  dans  beaucoup  de  monitions,  l'hypo- 
thèse d'une  matérialisation,  ou  quelque  chose  d'analogue.  Nous 
discuterons  la  question  plus  loiu.  Pour  le  moment,  dans  ce  chapitre 
d'exposition,  laissant  de  côté  toute  théorie,  nous  classerons  les 
monitions  parmi  les  phénomènes  subjectifs,  mais  de  phénomènes 
ayant  ce  double  caractère  : 

1°  D'être  accidentels,  non  expérimentaux. 

2°  D'être  en  rapport  avec  tel  ou  tel  fait  réel,  qui  n'a  pas  pu  être 
connu  du  percipient  parles  voies  ordinaires  de  la  connaissance. 

§  2.  —  Des  conditions  nécessaires  pour  que  les  monitions 
méritent  d'être  considérées  comme  telles. 

1.  La  première  condition  est  la  sincérité  des  témoignages.  Or 
il  ne  paraît  pas  possible  de  supposer  —  sauf  bien  entendu,  çà  et  là, 
quelques  rarissimes  exceptions  —  que  les  histoires  à  nous  rappor- 
tées aient  été  racontées  à  plaisir.  Que  dans  les  milliers  de  cas 
signalés,  il  s'en  trouve  un,  ou  deux,  ou  quatre,  ou  même  dix,  qui 
soient  dus  à  des  mystificateurs,  c'est  possible,  encore  qu'invrai- 
semblable. Même  je  serais  tenté  de  croire  plutôt  qu'il  n'y  a  jamais 
eu,  ou  presque  jamais,  de  mystifications  intentionnelles  dans  ces 
récits. 


308  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

2.  Mais  d'autre  part,  l'inexactitude  est  aussi  certaine  que  la  sincé- 
rité. Et  c'est  là  une  cause  de  grave  erreur. 

Quand  un  récit  est  douné  de  seconde  main,  après  qu'il  a  passé 
par  l'imagination  et  la  mémoire  (créatrice  et  infidèle)  de  deux  ou 
trois  personnes,  ce  récit  est  déformé.  Malgré  soi,  on  tend  à  le  cor- 
ser, c'est-à-dire  à  lui  ajouter  des  détails  qui  le  rendront  plus  mer- 
veilleux, plus  extraordinaire,  et  à  omettre  d'autres  détails  qui  le 
rendraient  plus  naturellement  explicable. 

La  bonne  foi  est,  dans  l'immense  majorité,  presque  dans  la  tota- 
lité des  cas,  absolue;  mais  l'inexactitude  est  tout  aussi  absolue.  On 
ne  trompe  jamais,  mais  on  se  trompe  presque  toujours. 

Je  citerai  un  fait  à  ce  propos  :  celui  du  livre  de  bord  du  trois- 
mâts  Jacques  Gabriel.  Sur  le  livre  de  bord  est  écrite,  mais  avec  une 
encre  différente,  l'annotation  suivante  :  «  En  arrivant  à  Vîle  Mau- 
rice, nous  apprenons  la  mort  de  la  femme  du  second,  M.  Penaud,  décé- 
dée le  même  jour  et  à  la  même  heure  où  le  bruit  s'était  fait  entendre.  » 
Sur  le  livre  de  bord,  c'est  à  la  date  du  17  juillet  qu'est  annoncé  le 
fait  qu'une  voix  de  femme,  en  pleine  mer,  avait  été  entendue  sur  le 
trois-mâts  Jacques  Gabriel.  Or  le  registre  des  décès  de  Paimbœuf 
indique  que  la  mort  de  Mad.  Penaud  a  eu  lieu  le  16  juin.  Donc,  en 
ajoutant  à  son  livre  de  bord  l'annotation  relative  au  décès  de 
Mad.  Penaud,  le  capitaine  Mangot  a,  en  toute  bonne  foi  sans  doute, 
et  sans  se  rendre  compte  qu'en  fait  de  science  il  faut  des  don- 
nées d'une  précision  absolue,  rapporté  la  date  du  décès  de  Mad. 
Penaud,  au  jour  de  la  voix  entendue,  quoiqu'il  y  eût  une  différence 
d'un  mois. 

Certainement,  il  est  nombre  de  cas  analogues  pour  lesquels, 
comme  dans  le  cas  du  trois-mâts  Jacques  Gabriel,  le  contrôle  rigou- 
reux n'a  pas  été  possible,  de  sorte  que,  souvent,  quand  il  n'y  a  pas 
quelque  document  écrit  datant  du  moment  même,  de  notables 
réserves  sont  à  faire.  Mais  ces  réserves  portent  moins  sur  le  fait  lui- 
même, et  sur  la  monition  hallucinatoire,  que  sur  le  moment  où  elle 
s'est  produite,  moment  qui,  s'il  coïncidait  avec  l'événement,  entraî- 
nerait une  correspondance  de  temps  avec  la  réalité  objective.  Il 
serait  donc  bien  injuste  de  rayer,  sans  autre  forme  de  procès,  tous 
les  cas  pour  lesquels  les  documents  écrits  immédiats  nous  font 
défaut  ;  car  la  mémoire,  infidèle  peut-être  quant  à  la  date  précise,  à 


MONITIONS  309 

quelques  heures  près,  ne  peut  guère  l'être  pour  quantité  de  détails. 
C'est  même  un  fait  bien  singulier  que  les  monitions  —  est-ce  à 
cause  de  leur  caractère  un  peu  théâtral,  ou  parce  qu'on  les  a  racon- 
tées souvent,  ou  pour  une  autre  raison  plus  profonde  ?  —  se  gravent 
en  traits  indélébiles  dans  l'esprit  des  personnes  qui  les  ont  eues,  et 
au  bout  de  dix,  de  vingt,  de  trente  ans,  ont  gardé  encore  toute  leur 
vivacité,  toute  leur  fraîcheur  d'impression.  Sans  doute  il  y  a 
quelque  déformation,  mais  le  fond  reste  vrai.  Sans  doute  on  a  pu 
oublier  que  la  lumière  était  allumée  ou  éteinte;  que  l'on  a  parlé 
tout  haut,  ou  qu'on  est  resté  silencieux;  que  ce  jour-là  il  pleuvait 
ou  qu'il  y  avait  du  soleil  ;  mais  le  fait  essentiel  subsiste.  Sans 
doute  on  se  fait  illusion  sur  la  concordance  rigoureuse  des  heures, 
peut-être  même  des  jours  (je  l'accorde  volontiers)  ;  en  tout  cas,  ce 
sont  des  changements  qui,  malgré  leur  importance,  ne  dénaturent 
pas  de  fond  en  comble  le  fait  lui-même  dans  ce  qu'il  a  d'essentiel 
et  de  caractéristique. 

3.  Un  point  plus  difficile  peut-être  à  établir,  c'est  de  constater, 
dans  tel  ou  tel  cas  spécial,  l'impossibilité  pour  le  percipient  d'avoir 
eu,  par  les  voies  habituelles  de  la  connaissance,  la  notion  du  fait 
annoncé  par  la  monition. 

Voici  un  cas,  par  exemple,  où  il  s'agit  vraisemblablement  d'un 
souvenir  inconscient1. 

M.  Newnham,  se  promenant  jadis  à  Haughton,  avait  cueilli  des 
violettes  qu'il  avait  rapportées  à  sa  femme  malade.  Douze  ans  après, 
comme  il  se  promenait  au  même  endroit,  et  qu'il  pensait  aux  vio- 
lettes jadis  cueillies  là,  Mad.  Newnham  lui  dit  :  a  Je  sens  qu'il  y  a  des 
violettes  dans  la  haie.  »  Sans  doute  ce  fut  un  souvenir  inconscient 
de  Mad.  Newnham  (peut-être  une  coïncidence).  Mad.  Newnham  dit  : 
«  J'avais  complètement  oublié  le  fait.  »  Elle  est  parfaitement  sincère; 
mais  la  mémoire  inconsciente  n'oublie  jamais  rien. 

Chaque  cas  mérite  d'être  étudié  d'une  manière  spéciale. 

Très  souvent  il  est  question  d'une  personne  extrêmement 
malade,  presque  mourante,  et  alors  l'hypothèse  d'une  imagination 
hallucinatoire  devient  possible.  Mais  il  ne  faut  pas  exagérer  cette 
possibilité. 

1.  Hall,  tél.,  tr.fr.,  327. 


310  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

D'abord  à  l'état  normal,  on  riapas  d'hallucination.  Et  ensuite,  la 
concordance  entre  l'heure  de  la  mort  et  le  moment  de  la  monition 
est  parfois  tellement  précise  qu'elle  ne  peut  être  due  à  la  soi-disant 
imagination  hallucinatoire  (très  rare).  M.  William  savait  que  son 
beau-frère  Georges  était  extrêmement  malade,  presque  mourant. 
Un  matin,  il  voit  près  de  son  lit  la  figure  de  Georges,  et  il  dit  à  sa 
femme  :  «  fai  vu  Georges  ;  il  est  venu  durant  une  minute  au  lever  du 
soleil.  »  Loin  de  là,  Georges,  mourait  dans  les  bras  de  son  père  qui 
disait  :  «  Le  soleil  se  lève  juste  au  moment  où  notre  cher  fils  s'élève  vers 
la  patrie  céleste.  » 

La  concordance  de  l'heure  est  si  exacte  que  le  fait  que  Georges 
était  en  imminence  de  mort  enlève  peu  de  valeur  à  cette  monition, 
à  cause  de  la  concordance  précise  dans  les  temps. 

0.  Hoddaille,  appelé  auprès  de  son  grand-père,  très  malade, 
étant  dans  le  train  qui  le  mène  à  Mirecourt,  entend  un  profond 
soupir;  il  se  lève,  regarde  l'heure,  et  dit  à  son  frère  :  «  Il  est  une 
heure  du  matin,  mon  grand-père  doit  être  mort,  ou  mourir.  »  M.  B..., 
le  grand-père  de  0.  Houdaille,  entrait  en  agonie  à  une  heure  du 
matin  exactement. 

Même  si  l'on  élimine  —  et  il  ne  faut  pas  les  éliminer  —  tous  ces 
cas  dans  lesquels  il  s'agit  d'une  mort  très  prochainement  atten- 
due, il  reste  un  grand  nombre  de  cas  où  le  percipient  croyait  que 
l'individu  dont  il  a  reconnu  la  forme  par  une  monition  était  en 
parfaite  santé  ou  à  peine  malade. 

Ainsi,  quand  M.  Z...  quitte  son  jeune  ami  B...,  B...  était  en  par- 
faite santé.  Ils  avaient  causé  de  choses  indifférentes,  et  pourtant, 
deux  heures  après,  Z...  fait  un  rêve  terrible,  au  moment  même  où 
B...  se  suicidait  ». 

On  pourrait  sans  doute  diviser  les  monitions  en  monitions  vrai- 
semblables et  monitions  imprévues. 

Sont  vraisemblables  les  monitions  de  mort  dans  lesquelles  il 
s'agit  d'un  mourant.  Sont  imprévues  les  monitions  de  mort  qui 
portent  sur  des  individus  en  pleine  santé.  Or  la  ressemblance, 

1.  Il  m'a  semblé  —  mais  ce  n'est  qu'une  impression  qu'une  statistique  précise 
devrait  étayer  —  que  les  cas  de  monition  sont  relativement  fréquents  après  les 
suicides.  On  en  connaîtrait  sans  doute  davantage,  si,  dans  les  familles  où  il 
y  a  eu  suicide,  on  n'évitait  avec  soin  de  raconter  l'événement  lui-même  et  les 
conditions  dans  lesquelles  il  s'est  produit, 


MUNITIONS  311 

pour  ne  pas  dire  l'identité,  dans  la  modalité  des  uneset  des  autres, 
est.  telle  qu'il  s'agit  certainement  du  même  phénomène,  de  sorte 
qu'il  serait  irrationnel  de  rejeter  les  monitions  de  faits  vraisem- 
blables, sous  prétexte  que  les  faits  sont  vraisemblables.  Etd'ailleurs, 
est-il  suffisant  de  penser  qu'un  frère  est  très  malade,  presque  à 
l'agonie,  pour  voir  apparaître  son  fantôme?  Vexpectant  attention, 
à  laquelle  on  a  attribué  monts  et  merveilles,  ne  peut  vraiment  pas, 
chez  un  individu  normal,  faire  entendre  une  voix,  faire  voir  une 
figure.  Il  faut  donc  donner  droit  de  cité,  dans  la  inétapsychique, 
aux  monitious,  même  quand  elles  portent  sur  des  faits  très  vrai- 
semblables. 

4.  Toutes  les  fois  qu'une  explication  simple,  non  métapsychique, 
peut  être  donnée  d'une  soi-disant  monition,  il  faut  s'empresser  de 
l'adopter,  autrement  dit  être  d'une  extrême  sévérité  dans  la  cri- 
tique. 

M.  Barwell  et  M.  Earle  voient  dans  un  train  leur  ami  VV...  à  la 
portière.  Ils  l'aperçoivent  au  moment  où  le  train  se  met  en  marche  : 
W...  leur  fait  des  signes  avec  la  main,  et  bientôt  le  train  est  loin. 
A  ce  moment  même,  chez  lui,  W...  était  pris  d'une  syncope  grave. 
Mais  est-ce  assez  pour  affirmer  que  le  double  de  W...  était  dans  le 
train  ?  Qui  sait  si  ce  n'était  pas  quelqu'un  qui  lui  ressemblait,  un 
étranger  quelconque,  qui,  voyant  qu'on  lui  faisait  des  signes,  a 
répondu  en  saluant  avec  la  main  ?  Voilà  une  hypothèse  beaucoup 
plus  simple  que  l'hypothèse  du  double  de  W...  Alors  il  faut  réso- 
lument rejeter  ce  récit l. 

Le  cas  très  intéressant  de  M.  Noell,  jeune  étudiant  en  pharmacie 
de  Montpellier,  qui  voit  dans  la  nuit  sa  sœur  mourante,  et  qui 
s'entend  appeler  par  elle,  a  un  côté  défectueux.  Des  télégrammes 
lui  annonçaient  la  maladie  grave  de  sa  sœur.  Or  la  servante  qui 
devait  les  lui  remettre  les  a  sottement  rangés  dans  un  tiroir.  Qui 
sait  si,  en  état  de  demi-inconscience,  M.  Noell  n'a  pas  lu  et  ouvert 
ces  télégrammes  ?  C'est  assez  improbable  ;  mais  ce  n'est  pas  im- 
possible. Cela  suffit  pourtant  à  rendre  le  cas  de  M.  Noell  douteux. 

Même  si  les  explications  non  métapsychiques  sont  alambiquées 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  380. 


312  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

et  peu  vraisemblables,  pourvu  qu'elles  aient  quelque  possibilité 
lointaine,  il  faut  les  adopter,  plutôt  que  de  recourir  à  une  faculté 
mystérieuse. 

Ainsi  le  Rev.  Killick  croit  entendre  une  voix  lui  disant  que  sa  fille 
Etta  se  noie L.  Quelques  mois  après  il  apprend  qu'au  jour  et  à  l'heure 
où  il  avait  cru  entendre  cette  voix  sa  fille  Etta  avait  failli  se  noyer. 
Esl-on  assuré  qu'il  n'y  a  pas  là  un  fait  de  paramnésie,  une  illusion 
de  la  mémoire?  Est-on  assuré  que  le  danger  d'ETTA  n'a  pas  été, 
après  coup,  exagéré  ? 

Le  Dr  J.  Smith  entend  une  voix  qui  lui  dit  trois  fois  de  suite  : 
«  Envoie  un  pain  chez  James  Gandy  ».  Alors  il  se  décide  à  envoyer 
un  pain  chez  J.  Gandy,  dont  il  connaissait  (mais  vaguement)  l'exis- 
tence. Et  eu  effet,  les  Gandy  étaient  réduits  à  une  extrême  misère,  et 
les  enfants  pleuraient  de  faim.  Mais  il  est  possible  que  le  Dr  Smith 
ait  pu  savoir  que  les  Gandy  étaient  dans  le  dénûment.  Le  conseil 
charitable  qui  lui  a  été  donné  par  hallucination  auditive  ne  néces- 
sita pas  une  explication  par  la  cryptesthésie. 

Chaque  cas  particulier  de  monition,  avec  cryptesthésie  acciden- 
telle, comporte  une  critique  particulière.  Elle  a  été  faite  déjà,  avant 
que  tel  ou  tel  fait  eût  été  livré  à  la  publicité,  par  les  auteurs  des 
Phantasms  of  Living,  par  G.  Flammarion,  par  les  directeurs  des 
Annales  des  sciences  psychiques,  par  les  membres  de  la  Society  for 
psychical  Research.  Mais  cette  critique  n'empêche  pas  qu'il  a  été 
publié,  à  côté  des  cas  excellents,  des  cas  faibles,  peu  probants,  qui 
sont  peu  démonstratifs,  mais  profitent  des  cas  qui  sont  pleinement 
démonstratifs.  Nous  avons  cherché  à  ne  donner  ici  que  des  cas  peu 
reprochables;  mais  tout  de  même  il  en  est  quelques-uns,  trop  nom- 
breux encore  sans  doute,  qui,  s'ils  étaient  isolés,  seraient  sans 
autorité. 

5.  Comme  notre  intention  est  surtout  ;de  prouver  la  réalité  de 
la  cryptesthésie,  nous  éliminerons  les  cas  où  il  y  a  une  notion 
vague,  sans  récognition.  Ainsi  Mad.  Martyn  a  une  sensation  intense 
de  peur  et  d'horreur.  Elle  n'associe  rien  de  précis  à  cette  sensation,  et 
elle  apprend  le  lendemain  qu'une  personne,  qu'elle  avait  très  peu 

1.  Hall,  tél.,  trad.  fr.,  305. 


MUNITIONS  313 

vue  depuis  deux  ans,  est  morte.  Vraiment  il  n'y  a  pas  lieu  de 
parler  ici  de  monition.  C'en  est  peut-être  une  ;  mais  rien  ne  le 
prouve. 

11  faut  en  dire  autant  de  l'observation  du  Rév.  WiLsoNqui  a  une  sen- 
sation vague  et  intense  de  maladie,  au  moment  où  meurt  son  frère 
jumeau.  «  C'était,  dit-il,  une  trayeur  panique  :  je  frissonnais  comme 
à  l'approche  de  la  mort.  Mon  frère  est  mort  à  peu  près  quatre  heures 
avant  que  je  n'aie  été  saisi  de  cette  impression  douloureuse.  »  Qu'il 
y  ait  eu,  dans  ce  cas,  monition,  c'est  assez  possible;  car  il  s'agissait 
de  sou  frère  et  de  son  frère  jumeau,  tout  de  même  M.  Wilson  n'a 
pas  alors  pensé  à  lui,  de  sorte  qu'il  vaut  mieux  supposer  une  simple 
coïncidence  entre  ce  malaise  indéterminé  et  la  mort  du  frère  de 
M.  Wilson1. 

Si  nous  nous  plaçons  au  point  de  vue  de  la  lucidité,  nous  n'avons 
pas  à  faire  état  de  ces  monitions  vagues,  qui  ne  se  rapportent  pas 
à  un  fait  réel,  concret,  déterminé,  totalement  inconnu  du  sujet. 
Même  nous  ne  les  appellerons  pas  des  monitions,  car  nous  réser- 
vons ce  mot  à  l'avertissement  d'un  fait  extérieur  réel.  Tant  que  le 
percipieut  n'a  aucune  connaissance,  plus  ou  moins  précise,  de  cette 
réalité,  ce  n'est  plus  une  vraie  monition. 

A.  —  De  l'hypothèse  d'une  coïncidence  fortuite. 

La  plus  fréquente  critique  qu'on  adresse  à  la  réalité  des  moni- 
tions, c'est  que  le  hasard  peut  les  donner. 

Nous  allons  présenter,  comme  il  convient,  cette  objection  dans 
toute  sa  force. 

«  Il  y  a,  tant  en  France  qu'en  Angleterre,  environ  1.500.000 
décès  par  an,  et  mille  fois  plus  de  chutes,  de  blessures,  d'ac- 
cidents sérieux,  redoutables,  suivis  de  syncopes,  d'hémorragies,  de 
délires,  sans  compter  les  minuscules  incidents  tels  que  ceux  dont 
les  monitions  sont  indiquées  ;  cela  fait  environ  1500  millions  de  cas. 
Or,  comme  l'enquête  s'étend  sur  soixante  années  environ,  c'est  à 
peu  près  cent  milliards  de  cas  fortuits  pouvant  être  objets  de  moni- 
tions. Or  on  a  pu  (péniblement)  recueillir  500  cas;  la  proportion 
des  monitions  aux  faits  pouvant  les  provoquer  est  donc  de  500  sur 

1.  Hall,  tél.,  trad.  fr.,  88. 


314  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

100  milliards,  soit  d'un  cent-millionième,  moins  encore  sans  doute. 
Par  conséquent,  il  y  a  eu  en  France  et  en  Angleterre,  en  soixante  ans, 
un  cent-millionième  seulement  de  cas  (à  monition  possible)  où  il 
y  a  eu  monition.  C'est  très  peu  ;  c'est  si  peu  qu'on  peut  considérer 
ce  cent-millionième  comme  négligeable,  d'autant  plus  que,  si  l'on 
éliminait  les  observations  inexactes,  les  exagérations,  les  défectuo- 
sités de  mémoire,  il  faudrait  sans  doute  rameuer  ce  cent-millio- 
nième à  une  quantité  beaucoup  plus  faible  ». 

Cette  objection  est  quelque  peu  analogue  à  la  remarque  de  l'in- 
crédule qui,  voyant  dans  une  chapelle  les  témoignages  de  recon- 
naissance que  les  marins  sauvés  du  naufrage  avaient  adressés  à 
saint  Pierre  leur  patron,  demanda  à  voir  les  noms  de  tous  ceux  qui 
furent  noyés  malgré  leurs  prières. 

N.  Vaschide  n'a  pas  pu  obtenir  de  résultats  positifs l,  mais  la  cri- 
tique de  N.  Vaschide  est  bien  peu  précise.  Il  dénie  d'abord,  contrai- 
rement à  tout  bon  sens,  encore  qu'il  allègue  en  sa  faveur  le  bon 
sens,  l'application  du  calcul  des  probabilités.  Surtout,  après  avoir 
établi,  par  uneenquête  personnelle,  que  leshallucinations  constatées 
par  lui  n'étaient  pas  véridiques,  il  en  conclut  que  l'enquête  de  la 
S.  P.  R.  n'est  qu'une  illusion  ;  mais  la  science  en  pareil  cas  ne  peut 
prouver  une  négation,  et  je  comparerais  volontiers  cettenégation  de 
Vaschide  à  celle  du  médecin  vénitien  Primerose,  qui  répondant  à 
Harvey,  lui  dit  :  «  Il  est  possible  qu'à  Londres  tu  aies  entendu  le 
cœur  battre  dans  la  poitrine,  mais  nous,  à  Venise,  nous  n'entendons 
rien  de  semblable  ». 

On  peut  répondre  à  Vaschide. 

1°  Le  nombre  des  personnes  qui,  pour  une  raison  ou  une  autre, 
par  insouciance,  par  paresse,  par  inattention,  par  crainte,  ne  veu- 
lent pas  donner  leur  témoignage,  est  assez  considérable.  Mais  sur- 
tout est  énorme  le  nombre  de  ceux  qui  n'ont  jamais  entendu  parler 
de  nous  et  de  notre  enquête.  Quelle  est  la  proportion  des  individus 
passant  à  Trafalgar  Square,  ou  à  la  Place  de  l'Opéra,  qui  ont  ouï 
parler  d'une  enquête  sur  les  Hallucinations  véridiques  et  qui  pen- 
seraient à  écrire  une  lettre  pour  raconter  le  fait  qui  leur  est  per- 

1.  Les  hallucinations  têlépathiques,  ouvrage  posthume,  Paris.  1908. 


STATISTIQUES    DES    MUNITIONS  3<5 

sonnel?  Et  dans  les  campagnes,  et  dans  les  petites  villes?  Ou  peut 
dire  hardiment  qu'il  n'y  en  a  pas  une  sur  100.000.  Par  conséquent 
la  proportion  d'un  cent-millionième  devient  celle  d'un  dix-mil- 
lième, ce  qui  est  déjà  assez  différent. 

2.  Si  au  lieu  de  prendre  les  cas  de  télépathie  et  de  monition,  qui 
se  rapportent  à  des  événements  quelconques,  on  ne  prend  que  les 
monitions  se  rapportant  à  la  mort,  c'est,  en  n'acceptant  bien  entendu 
que  les  cas  bien  authentiques,  avec  documents  et  témoignages  à 
l'appui,  250  cas  seulement  qu'on  aura.  Or,  sur  250  cas,  il  y  aura  eu 
en  soixante  ans  750  millionsdemorts,  soit,  ensupposantquel/10.000» 
seulement  ait  pu  être  touché  par  l'enquête,  250/75. 000e,  soit  1/300°. 
Telle  paraît  devoir  être  à  peu  près,  parmi  les  personnes  aptes  à 
répondre,  la  proportion  de  celles  qui  ont  eu  une  monition.  C'est 
peu  que  1/300°;  mais  ce  n'est  plus  une  quantité  négligeable. 

3.  L'hypothèse  d'une  coïncidence  fortuite  devient  tout  à  fait 
insoutenable  quand  la  monition  coïncide  exactement,  au  point  de 
vue  du  temps,  avec  l'événement.  J...  a  quitté  son  ami  F...  alors  que 
F...  n'avait  qu'une  très  légère  indisposition.  Or,  peu  après,  dans  sa 
chambre,  J...  voit  nettement  l'apparition  de  F...  Il  demande  l'heure 
à  sa  femme  :  «  9  heures  moins  12  minutes.  —  C'est  donc  à  9  heures 
moins  12  minutes,  dit  J...,  que  F...  est  mort.  Je  viens  de  le  voir .  »  Or  F... 
est  mort  entre  8  heures  35  et  9  heures  du  soir.  Admettons  8  heures 
45  comme  moyenne.  Nous  avons  l'exacte  concordance  de  l'heure. 

Que  J...  ait  une  hallucination  dans  sa  vie,  et  que  cette  hallucina- 
tion concorde  exactement  avec  la  mort  de  F...  cela  peut  presque  se 
calculer.  La  coïncidence  est  exacte  à  quinze  minutes  près.  Par  con- 
séquent pendant  vingt  ans,  pour  J...,  à  raison  de  96  quarts  d'heure 
par  jour,  et  de  365  jours  par  an,  cela  fait  une  probabilité  de  1/700. 000e 
pour  que  cette  coïncidence  ait  existé  l. 

N'est-il  pas  beaucoup  plus  rationnel  de  supposer  que  J. . . ,  qui  n'est 
ni  mystique,  ni  sujet  aux  hallucinations,  a  eu  ce  jour-là,  à  cette 

1.  Par  une  autre  méthode  de  calcul  C.  Flammarion  (Revue  spirile ,  février  1921, 

1 
p.  34),  est  arrivé  à  une  probabilité  de   o00  Mn  nnfl  P°ur  le  même  cas  ;  mais,  que 

1  1 

ce  soit  700  0QU    °U   800  000  000  '  c  est  tout  ^  ^  ^a  même  improbabilité  morale. 


316  GRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

minute  précise,  une  hallucination,  la  seule  de  toute  sa  vie,  parce 
qu'une  vibration  objective  a  éveillé  son  pouvoir  cryptesthésique  ? 

4.  Mais  la  principale  raison  pour  laquelle  il  faut  résolument  éli- 
miner l'hypothèse  du  hasard,  c'est  qu'il  y  a  parfois  des  détails,  si 
précis,  si  abondants,  qu'on  ne  peut  parler  de  coïncidence  fortuite. 

Mad.  Escourrou  à  Paris,  voit  le  portrait  de  son  fils  s'animer,  avec 
un  œil  (l'œil  gauche)  crevé  et  sanglant,  sortant  de  l'orbite.  Or,  ce 
même  jour,  son  fils,  capitaine  de  zouaves,  à  l'assaut  de.  la  Puebla 
au  Mexique,  avait  l'œil  gauche  crevé  par  une  balle. 

Mad.  Grebn  rêve  de  deux  jeunes  filles  en  voiture  à  un  cheval,  qui 
se  noient  dans  un  lac,  et  elle  voit  deux  chapeaux  de  femme  flotter  à 
la  surface  de  Veau.  Au  même  moment,  à  l'autre  bout  du  monde,  une 
nièce  de  Mad.  Green,  faisant,  avec  une  amie,  une  promenade  dans 
une  voiture  à  un  cheval,  se  noyé  dans  un  lac,  et  on  retrouve  les 
deux  corps  parce  qu'on  a  vu  deux  chapeaux  flotter  à  la  surface.  La 
probabilité  d'une  coïncidence  fortuite  entre  ce  rêve  et  la  réalité  est 
tellement  petite,  qu'elle  équivaut  tà  la  certitude  morale  qu'il  ne 
s'agit  pas  du  hasard. 

Ne  parlons  pas  de  la  certitude  mathématique.  Celle-là,  on  ne  l'a 
jamais.  Il  n'est  pas  certain  qu'en  jetant  au  hasard  toutes  les  lettres 
de  l'alphabet,  celles-ci  ne  vont  pas  s'assembler  pour  former  le  com- 
mencement de  l'Iliade.  Cette  combinaison  existe  parmi  toutes  les 
combinaisons  possibles,  mais  tout  de  même  personne  ne  va  sup- 
poser, si  l'Iliade  est  formée  ainsi,  qu'il  y  a  eu  là  un  effet  du  hasard. 

5.  Dans  un  petit  nombre  de  cas,  il  y  a  eu,  à  n'en  pas  douter, 
des  phénomènes  objectifs  accompagnant  la  monition.  L'hypothèse 
du  hasard  devient  alors  plus  insoutenable  encore. 

Mad.  Bettany  voit  dans  sa  chambre  une  vieille  femme  avec  un 
long  manteau,  accroupie  par  terre.  M.  Bettany  voit  aussi  la  même 
forme.  Et  ils  reconnaissent  que  c'est  Mad.  X...  Est-il  possible  qu'il 
n'y  a  pas  eu  là  un  phénomène  extérieur?  Est-il  vraisemblable  que 
ce  phénomène  extérieur  ne  soit  pas  lié  à  la  mort  de  Mad.  X...,  mort 
quia  eu  lieu  au  même  moment? 

6.  Nous  avons  fait  appel  tout  à  l'heure  au  calcul  des  probabilités. 


MONITIONS    ET    PROBABILITÉ  317 

Mais  ce  calcul,  déjà  assez  décevant  quand  il  s'agit  de  données 
mathématiques  abstraites,  devient  absolument  illusoirequand  inter- 
viennent les  éléments  complexes  et  confus  qui  entourent  une  moni- 
tion.  Alors  il  faut  recourir  au  bon  sens  plutôt  qu'au  calcul. 

M.  Wingfield  inscrit  sur  son  carnet  :  R.  B.,  W.  B.  noms  et  prénoms 
de  son  frère,  Richard  Baker,  William  Baker,  il  note  l'heure  et  la 
date,  et  il  ajoute  sur  son  carnet  :  «  God  forbid.  »  A  la  même  heure, 
son  frère  mourait  d'un  accident  de  chasse. 

Le  bon  sens  le  plus  élémentaire  fera  conclure  qu'il  y  a  une  rela- 
tion entre  les  deux  événements,  et  que  ce  n'est  pas  un  simple 
hasard  qui  a  fait  voir  à  M.  Wingfield  l'apparition  de  son  frère. 

Si  encore  ce  cas  était  isolé,  à  la  rigueur  on  pourrait  prétendre 
que  le  hasard  a  pu  amener  chez  un  individu  normal  une  hallucina- 
tion (phénomène  extrêmement  rare  quand  on  est  normal),  et 
que  cette  hallucination  a  été  précisément  le  fantôme  de  son  frère, 
juste  au  moment  où  ce  frère  est  mort.  C'est  énormément  invrai- 
semblable ;  mais  enfin,  si  ce  cas  était  unique,  ou  presque  unique, 
on  n'en  pourrait  guère  conclure.  Or  il  y  en  a  plusieurs  centaines 
d'analogues,  et  la  répétition  de  ces  mêmes  coïncidences  fait  que 
décidément  on  ne  peut  parler  du  hasard. 

Si,  un  jour,  au  jeu  de  la  roulette,  sur  100  tirages,  la  rouge  sort 
80  fois,  c'est  assez  peu  vraisemblable  ;  pourtant  on  n'en  pourra  rien 
conclure.  Mais  si,  pendant  un  mois,  constamment,  sur  100  tirages, 
la  rouge  sort  toujours  à  peu  près  80  fois,  on  en  devra  conclure  en 
toute  certitude  que  la  machine  est  faussée.  Dans  le  cas  de  la  rou- 
lette, on  peut  calculer  la  probabilité;  dans  le  cas  des  monitions,  on 
ne  peut  faire  de  calculs  aussi  précis  ;  mais  la  conclusion  est  la  même. 

En  étudiant  la  lucidité  expérimentale,  nous  avons  pu  démontrer 
que  l'âme  humaine  a  uue  faculté  mystérieuse,  et  que  certains  élé- 
ments de  connaissance  parviennent  à  notre  intelligence,  autres  que 
les  notions  dues  à  nos  sens  et  à  nos  sensations.  Voici  que  l'étude 
de  la  lucidité  accidentelle  conduit  à  cette  même  conclusion,  et  la 
corrobore  avec  une  force  d'évidence  incontestable. 

Il  y  a  d'autres  voies  a  la  connaissance  que  les  voies  habituelles. 
C'est  là  notre  conclusion  ferme,  aussi  solidement  établie  que  les  faits 
les  plus  certains  de  la  physique,  de  la  chimie  et  de  la  mathéma- 
tique. 


318  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

§  3.  —  Des  conditions  dans  lesquelles  se  produisent 

les  monitions. 

Les  monitions  se  produisent  dans  les  conditions  les  plus  variées, 
et  cependant  il  y  a  entre  elles  certains  points  de  ressemblance  qu'on 
constatera  en  lisant  les  récits  que  nous  donnons  plus  loin. 

1°  En  général,  pour  les  monitions  visuelles,  c'est  une  forme  indé- 
cise, vaporeuse,  uu  nuage,  qui  permet  de  voir  les  objets  qui  sont 
derrière,  quoique  dans  d'autres  cas  les  objets  placés  derrière  soient 
occultés,  tout  comme  si  l'image  était  un  être  réel,  opaque. 

2°  Les  détails  de  la  figure  sont  parfois  perçus  avec  une  netteté 
extrême.  On  distingue  les  yeux,  le  nez,  les  rides,  la  couleur  des 
cheveux,  l'apparence  de  gaieté  ou  de  tristesse.  En  un  mot  tout  se 
passe  comme  s'il  s'agissait  d'un  être  vivant  et  se  mouvant  dans 
le  monde  réel. 

3°  Quelquefois  la  forme  parle  ;  quelquefois  il  y  a  phénomène 
auditif,  sans  phénomène  visuel;  quelquefois  —  mais  rarement  — 
il  y  a  phénomène  tactile,  de  sorte  que  l'impression  de  la  réalité  est 
absolue,  puisque  tous  les  sens  contribuent  à  faire  admettre  l'exté- 
riorisation de  l'image.  Souvent  il  y  a  nette  compréhension  de  ce 
que  la  forme  a  voulu  dire,  sans  qu'il  y  ait  perception  de  telle  ou 
telle  parole  nettement  prononcée.  Absolument  comme  dans  un  rêve, 
on  sait  ce  qui  est  dit,  sans  qu'il  y  ait  souvenir  d'une  émission  ver- 
bale particulière  ou  d'une  parole  ayant  frappé  nos  sens. 

4°  La  monition  a  très  souvent  lieu  par  un  rêve.  Alors  l'individu, 
à  son  réveil,  se  rappelle  les  circonstances  exactes  de  son  rêve.  Sou- 
vent aussi  son  rêve  le  réveille,  sans  que  l'apparition  disparaisse 
tout  de  suite.  Rarement  (comme  dans  le  cas  du  Dr  Orsi),  le  rêve 
monitoire  se  répète  plusieurs  nuits  de  suite.  Ce  rêve  arrive  souvent 
dans  l'état  intermédiaire  à  la  veille  et  au  sommeil  (Borderland,  hal- 
lucinations hypnagogiques  de  Maury). 

5°  La  récognition  est  variable.  Souvent  la  forme  est  indécise,  de 
sorte  que  le  percipient  ne  peut  d'abord  être  assuré  qu'il  s'agit  de 
telle  ou  telle  personne.  C'est  un  malaise,  une  angoisse,  une  inquié- 
tude vague.  D'abord  le  percipient  ne  pense  pas  à  telle  ou  telle  per- 
sonne plus  qu'à  une  autre.  Mais  peu  à  peu  il  précise  sa  notion,  et 
relie   le  phénomène  visuel  constaté  à  la  vision  de  telle  personne 


MUNITIONS  319 

déterminée,  sans  qu'il  l'ait  vraiment  reconnue.  Il  sait,  il  comprend 
que  c'est  elle,  sans  bien  savoir  pourquoi  et  comment  il  le  sait, 

Cette  difficulté  dans  la  récognition  est  intéressante  à  constater  : 
car  elle  semble  prouver  deux  processus  intellectuels  successifs.  C'est 
d'abord  un  ébranlement  de  notre  esprit  par  une  vibration  quel- 
conque, qui  a  un  sens,  mais  dont  le  sens  est  obscur.  Ensuite  cette 
sensation  obscure  se  précise,  mais,  pour  se  préciser,  c'est-à-dire 
pour  sortir  de  l'inconscience  et  pénétrer  dans  le  moi  conscient,  elle 
a  besoin  de  se  manifester  sous  une  forme  accessible  à  notre  cons- 
titution mentale  ;  une  vision,  une  audition.  Jusque-là  nous  n'avions 
pas  compris.  La  récognition  s'est  produite  parce  que  l'inconscient 
a  pris  le  moyen  d'une  hallucination  symbolique  pour  révéler  un  fait 
au  conscient. 

Quand  la  récognition  est  douteuse,  on  ne  peut  plus  guère  parler 
de  cryptesthésie.  Aussi  convient-il  d'accorder  une  importance  fon- 
damentale à  ce  que  le  percipient,  avant  que  le  fait  réel  lui  ait  été 
annoncé  par  les  voies  normales,  ait  raconté  sa  monition  formelle- 
ment à  tel  ou  tel  témoin,  ou,  ce  qui  vaut  mieux  encore,  qu'il  l'ait 
écrite  sur  un  agenda. 

Il  ne  peut  y  avoir  monition  lucide  que  lorsque  la  récognition  a 
été  nette.  Ainsi  Mad.  Woodham  voit  une  figure  devant  elle,  très  dis- 
tinctement, assez  pour  que  Mad.  Woodham  s'éveille  et  dise  tout  haut, 
de  manière  à  être  entendue  de  sa  sœur  qui  couchait  à  côté  d'elle  : 
«  Qui  êtes-vous  ?  Que  voulez-vous  ?  »  Le  lendemain  matin,  elle  apprend 
la  mort  d'une  vieille  servante  qu'elle  affectionnait  et  qui  était 
malade,  et  alors  elle  dit  tout  de  suite  :  «  C'est  elle  que  j'ai  vue  cette 
nuit  ».  Mais  comme,  au  moment  de  l'apparition,  elle  ne  l'avait  pas 
reconnue,  le  cas  n'est  pas  démonstratif. 

Il  faut  toujours  se  méfier  de  la  paramnésie,  phénomène  relative- 
ment fréquent,  et  que  le  narrateur,  malgré  toute  sa  bonne  foi,  ne 
peut  connaître  ;  car  c'est  cette  méconnaissance  même  qui  constitue 
la  paramnésie. 

6°  Les  monitions  portent  en  général  sur  la  mort  ;  souvent  aussi 
sur  des  maladies,  ou  sur  des  accidents  graves,  parfois  sur  des  évé- 
nements légers  et  insignifiants. 

Ce  ne  sont  pas  moins  des  monitions.  La  monition  d'un  phéno- 
mène minuscule  est  aussi  intéressante  que  la  monition  d'une  mort 


320  CRYPTESTHESIE    ACCIDENTELLE 

ou  d'un  cataclysme,  car  dans  maintes  circonstances  les  nionitious 
de  petits  faits  sont  accompagnées  de  détails  précis  qui  rendent  la 
cryptesthésie  évidente.  Par  exemple  M...  voit  sa  femme  causer  avec 
un  mendiant  qui  tient  un  balai.  La  monition  en  soi  est  tout  à  fait 
insignifiante.  Elle  prend  un  grand  intérêt  par  l'abondance  et  la 
précision  des  détails. 

7°  Il  n'y  a  pas  de  rapport  nécessaire  entre  la  vivacité  de  l'hallu- 
cination (ou  du  rêve)  et  la  précision  de  la  monition.  Souvent  même 
il  n'y  a  rien  ou  presque  rien  ;  c'est  comme  une  vision  interne,  très 
légère,  très  fugitive,  mais  qui  révèle  cependant  un  détail  de 
majeure  importance.  Quelquefois  au  contraire  la  vision  est  très 
vivante,  perçue  avec  une  intensité  extrême,  et  cependant,  au  point 
de  vue  de  la  cryptesthésie,  on  ne  peut  en  tirer  grand  parti.  Ce  con- 
traste apparaît  bien  dans  le  rêve.  Que  de  rêves  très  animés,  ayant 
toute  l'apparence  de  la  réalité,  qui  cependant  ne  signifiaient  rien, 
tandis  que  quelquefois  des  rêves  très  passagers  ont  été  monitoires. 

8°  Le  temps  de  latence  entre  l'événement  même  et  la  monition 
est  variable.  Fr.  Myers  suppose,  sans  méconnaître  que  c'est  une 
hypothèse,  que  l'impression  télépathique  est  immédiate,  mais  que 
l'impression,  restée  latente  dans  L'esprit  du  sujet,  n'émerge  dans 
sa  conscience  qu'après  un  certain  intervalle,  soit  comme  une  vision 
pendant  la  veille,  soit  comme  un  rêve,  soit  sous  une  autre  forme. 
Dans  presque  tous  les  cas,  dit-il,  où  un  fantôme  véridique  a  précédé 
la  mort,  c'est  qu'il  y  a  eu  maladie,  et  non  accident.  Et  alors,  l'agonie 
avec  son  coma  et  ses  convulsions,  avant  qu'il  n'y  ait  arrêt  définitif 
du  cœur,  c'est-à-dire  mort,  peut  devenir  l'origine  de  la  transmis- 
sion télépathique  et  par  conséquent  précéder  la  mort.  Dans  les  cas 
d'accident,  la  vision  est  presque  toujours  consécutive  à  la  mort. 
Myers  (p.  273)  cite  deux  cas  qui  paraissent  faire  exception  à  la  règle  ; 
mais,  dans  un  de  ces  cas,  il  a  pu  y  avoir  prémonition  :  dans  l'autre, 
comme  il  s'agissait  d'un  suicide,  Myers  suppose  que  l'agitation 
mentale  du  malheureux  qui  voulait  se  tuer  a  suffi  pour  provoquer 
le  phénomène  télépathique. 

Si  l'on  traçait  la  courbe,  selon  le  temps,  de  la  fréquence  des 
apparitions  après  la  mort,  on   verrait  que  leur  nombre  va  en 

i.  Phant.  of  the  Living,  i™  édit.,  I,  952. 


MONITIONS  321 

décroissant  rapidement,  pour  devenir  presque  nul  au  bout  de 
quelques  jours. 

Peut-être,  quand  le  fait  causal  est  très  proche,  le  retard  est-il 
moins  grand  que  lorsqu'il  est  éloigné  (?) 

M.  Warcollier,  en  analysant  les  conditions  des  monitions  télépa- 
thiques  mentionnées  par  les  principales  enquêtes,  est  arrivé  à  cette 
statistique. 

(  Hommes 194  64  p.  100 

AGENTS.     .     .    j    Femmes 1Q6  36         — 

(  Hommes 161  54      — 

PERC1PIENTS  .         „ .,iri  ,  a 

(  Femmes 139  46      — 

De  même  il  a  comparé  l'état  de  veille  et  de  sommeil  (en  assimi- 
lant au  sommeil  l'évanouissement,  le  coma,  l'agonie). 

AGENT       PERCIPIENT  NOMBRE  DE  CAS 

Veille.                 Veille 7 

Veille.                  Sommeil 15 

Sommeil.            Veille 19 

Sommeil.            Sommeil 59 

Il  arrive  à  cette  conclusion,  corroborée  par  ses  nombreuses  expé- 
riences personnelles,  que  l'état  de  sommeil,  de  demi-sommeil  (bor- 
derland)  est  favorable  à  la  télépathie  ou  à  la  clairvoyance. 

9°  L'apparition  visuelle  ne  se  prolonge  guère.  Généralement, 
elle  disparaît  au  bout  de  quelques  secondes.  C'est  tout  à  fait 
exceptionnellement  qu'elle  persiste  longtemps,  comme  dans  le 
cas  du  matelot  Spring,  qui  a  vu,  sur  son  bateau,  pendant  une 
tempête,  son  père  (qui  venait  de  mourir  en  terre  ferme)  se  pro- 
mener sur  le  pont  à  côté  de  lui  pendant  deux  heures. 

10°  Il  y  a  des  monitions  qui  sont  certainement  objectives.  Ce  sont 
celles  qui  sont  collectives.  Alors  il  est  très  difficile,  sinon  impos- 
sible, d'admettre  qu'il  n'y  a  pas  eu  quelque  phénomène  extérieur, 
analogue  aux  phénomènes  extérieurs  habituels,  d'ordre  mécanique, 
qui  ébranlent  nos  sens  normaux. 

M.  Lemonnier,  pharmacien  à  Rennes,  entend  un  bruit  violent  à 
sa  porte.  Le  bruit  se  répète  trois  fois.  Il  se  lève  et  ne  voit  rien.  Dans 
une  autre  maison,  M.  Nivot,  ami  de  M.  Lemonnier,  entend  au  même 
moment  à  sa  porte  un  bruit  violent  qui  le  réveille.  Et  tous  deux 

Richet.  —  Métapsy  claque.  il 


322  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

pensent  à  la  mort  d'un  de  leurs  amis  qui,  en  effet,  mourait  en  ce 
moment.  Est-il  admissible  que  M.  Lemonnier  et  M.  Nivot  aient  eu 
en  ces  deux  points  différents  de  la  ville  l'un  et  l'autre  uûe  halluci- 
nation ?  N'est-il  pas  probable  que,  si  d'autres  personnes  avaient 
été  là,  elles  eussent  entendu  les  mêmes  bruits. 

Le  filsde  Lady  X...,  âgé  de  douze  ans,  voit  (et  sa  mère  la  voit 
aussi)  une  forme  qui  traverse  la  chambre,  et  il  dit  :  «  Maman,  c'est 
le  major  ».  —  J'ai  cité  le  cas  de  Mad.  Téléchokf  et  de  son  chien  Mous- 
tache, et  de  ses  cinq  enfants.  —  M.  et  Mad.  Bettany  ont  vu  une 
vieille  femme  dans  leur  chambre.  —  Mad.  Paget  et  ses  deux  filles 
ont  entendu  les  pas  d'ARTHUR  dans  le  corridor.  —  Le  colonel 
Wynyard,  et  M.  Sherbrooke  ont  vu  passer  M.  Wynyard.  —  M.  Weld 
et  sa  fille  ont  vu  marcher  dans  une  avenue  Philippe  Weld, 
qui  venait  de  mourir.  —  La  mère  et  les  sœurs  du  Colonel 
Aylesbury  ont  entendu  la  voix  de  M.  Aylesbury.  —  M.  et  Mad.  L... 
ont  entendu,  tous  les  deux,  la  voix  de  leur  fils.  —  M.  Done  et  Rosie 
se  sont  entendus  appeler  par  Mad.  Eustance,  chacun  successive- 
ment, par  son  nom  ;  mais  il  ne  paraît  pas  que  Done  ait  entendu 
appeler  Rosie,  ni  que  Rosie  ait  entendu  appeler  «  Uncle,  Uncle  ». 

Tout  de  même,  malgré  l'apparence,  on  ne  peut  pas  admettre 
qu'il  y  a  eu,  dans  tous  ces  cas  d'hallucination  collective,  un  phé- 
nomène extérieur  de  l'ordre  des  phénomènes  extérieurs  connus, 
puisque  l'hallucination  a  été  différente. 

10°  Presque  toujours,  en  toute  certitude,  la  monition  a  été  absolu- 
ment subjective.  M.  K...  du  Royal  Military  Collège,  voit  dans  la  cam- 
pagne une  femme  qu'on  transporte,  mais  il  est  seul  à  la  voir. 
L'ami  qui  l'accompagne  ne  voit  rien.  —  Mad.  Taunton  voit  au 
théâtre,  entre  l'orchestre  et  elle,  la  forme  de  son  oncle.  M.  Taunton, 
qui  était  à  côté  d'elle,  ne  voit  rien,  et  lui  dit  :  «  Qiïavez-vous?  »  — 
M.  B...  prenait  le  thé  avec  son  fils  et  sa  belle-fille,  il  voit  une  figure 
à  la  fenêtre,  mais  ni  son  fils  ni  sa  belle-fille  ne  la  voient.  —  Miss 
Stella  voit  un  jeune  garçon  entrer  ;  elle  lui  parle,  lui  offre  un 
manteau  ;  le  Dr  G...  qui  arrive  à  ce  moment,  s'étonne,  et  lui  dit  : 
«  A  qui  parlez-vous  ?  —  »  Kate  Shermann  voit  le  fantôme  de  son  frère, 
elle  en  parle  à  sa  sœur  qui  repose  à  côté  d'elle,  mais  Elisabeth 
Shermann  ne  voit  rien. 

Très  souvent  le  percipient  interroge  les  gens  de  la  maison  pour 


SYMBOLISME    DES    MUNITIONS  323 

savoir  s'ils  ont  vu  entrer  ou  sortir  quelqu'un;   mais  en  général, 
presque  sans  exception,  rien  n'a  été  vu. 

Et  cependant  dans  ces  divers  cas  l'apparition  a  revêtu  toutes  les 
apparences  de  la  réalité. 

Les  cas  d'apparition  véridique  uniquement  subjective  sont  telle- 
ment fréquents  que,  si  l'on  ne  tenait  pas  compte  des  matérialisa- 
tions expérimentales,  on  pourrait  presque  conclure  que  toutes 
les  monitions  sont  subjectives  Mais  encore  une  fois  il  faut  bien 
s'entendre  sur  le  mot  subjectif.  C'est  ce  que  je  vais  chercher  à  expli- 
quer dans  le  chapitre  suivant. 

§  4.  —  De  la  forme  symbolique  que  prennent  les  monitions. 

Du  moment  que  le  percipient  a  notion  d'un  fait,  connaissance 
d'un  phénomène  que  les  sens  normaux  ne  peuvent  lui  révéler,  il 
faut,  de  toute  nécessité,  qu'une  vibration  extérieure  se  soit  produite, 
qui  touche  son  intelligence.  Par  conséquent,  il  est  possible  que 
cette  vibration  se  soit  communiquée  à  d'autres  qu'à  lui,  et  alors 
qu'une  personne,  autre  que  lui,  ait  éprouvé  aussi  cette  moni- 
tion.  C'est  ainsi  peut-être  que  se  peuvent  expliquer  certaines 
monitions  collectives  (mais  non  pas  toutes).  M.  Done  entend  une 
voix  qui  crie  :  «  Uncle!  Uncle!  »  et  au  même  moment  Rosy  entend 
une  voix  qui  dit  :  «  Rosy  !  Rosy  ».  Il  semble  que  l'appel,  entendu 
par  deux  personnes  à  la  fois,  se  soit  produit  par  un  symbole  diffé- 
rent chez  l'oncle  Done  et  chez  Rosy. 

Ce  qui  domine  l'histoire  de  toutes  les  monitions,  c'est  la  tendance 
au  symbole.  Nous  nous  mouvons,  même  à  l'état  normal,  comme  l'a 
dit  un  grand  poète,  dans  une  forêt  de  symboles.  Et  les  cryptesthésies 
deviennent  symboliques  pour  émouvoir  notre  conscience.  Tout  se 
passe  comme  si,  pour  se  faire  comprendre  de  notre  intelligence, 
ces  monitions,  d'origine  intellectuelle  assurément,  avaient  besoin 
de  s'adapter  à  notre  intelligence  même.  Elles  se  dramatisent,  et  il 
est  impossible  de  ne  pas  admirer  la  fécondité  de  ces  inventions 
dramatiques,  —  car  ce  sont  certainement  des  inventions  —  qui 
aboutissent  finalement  à  uue  monition  déterminée. 

E.  Bozzano,  le  psychologue  à  qui  sont  dues  tant  d'études  péné- 


224  GRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

trantes  et  sagaces  sur  les  divers  points  de  la  métapsychique, 
a  insisté  sur  la  forme  symbolique  des  cryptesthésies.  Ainsi 
Mrs  Thompson,  dont  la  force  cryptesthésique  est  tout  à  fait  remar- 
quable, au  lieu  de  dire  Merrifield,  dit  Merri  mann,  Merri  thought, 
Happy  field1. 

J'ai  raconté  la  curieuse  histoire  de  Mad.  X...  qui,  étant  seule 
chez  elle,  dans  une  expérience  de  lucidité,  cherchait  à  deviner  le 
nom  de  la  personne  qui  causait  avec  moi.  Elle  voit  une  forme 
humaine  bien  caractérisée,  qui  prend  le  nom  de  Henri.  Mais  en  même 
temps,  devant  sa  porte,  se  tenait  un  héraut  d'armes,  avec  hallebarde, 
souliers  à  rubans  et  tricorne  galonné,  empêchant  les  autres  esprits 
de  venir  dans  la  chambre  ;  car  ils  se  précipitaient  pour  entrer, 
et  il  ne  fallait  pas  qu'une  confusion  s'établît  entre  eux  et  Henri2. 

Mad.  A...  m'a  raconté  qu'en  rêve,  une  nuit,  elle  entend  sonner  à 
la  porte.  La  femme  de  chambre  entre,  effarée,  et  lui  dit  :  «  Madame, 
c'est  la  Mort  ».  Alors  Mad.  A...  se  dit  qu'on  ne  peut  pas  faire  attendre 
la  Mort,  et  soudain  elle  se  trouve  en  présence  d'un  cercueil.  Dans 
ce  cercueil,  elle  reconnaît  Mad.  Gaston  Tissandier,  dont  elle  ignorait 
la  mort  récente. 

Jean-Jules  Bigard  rêve  qu'il  est  mort,  et  qu'un  employé  de  mairie 
lui  montre  son  acte  de  décès  ;  ce  qui  le  fait  rire.  Cette  même  nuit 
était  blessé  mortellement  le  soldat  Jean-Jules  Bigard,  son  oncle. 

Le  Rév.  Mark  Hill  voit  un  homme  qui  se  jette  sur  lui,  avec  tant 
de  violence  que  M.  Mark  Hill,  effrayé,  prend  un  verre  sur  la  table 
et  le  jette  à  la  tête  du  fantôme. 

Emma  Burger  voit  entrer  son  fiancé  dans  sa  chambre.  La  porte 
s'ouvre  et  se  ferme. 

Longet,  professeur  de  physiologie  à  la  Faculté  de  Médecine  de 
Paris,  a  vu  en  rêve  son  ami  Cloquet,  qui  venait  de  mourir  sans  que 
Longet  le  sût,  entrer  dans  sa  chambre,  jeter  ses  livres  sur  le  plan- 
cher, et  dire  :  «  Maintenant,  je  n'ai  plus  besoin  de  rien  !  » 

M.  Weld  voit  son  fils  Philippe  se  promener  sur  la  route  avec 
deux  autres  personnes  (imaginaires). 

1.  A.  S.  P.,  1907,  638. 

2.  Ch.  Richet,  Discours  présidentiel  à  la  Soc.  f.  Psych.  Res.,  6  février  1905, 
P.  S.  P.  R  ,  fasc.  4.  Le  nom  de  Henri  a  été  dit  exactement,  avec  une  probabilité 
(calculée)  de  1/20°. 


SYMBOLISME    DES    MUNITIONS  325 

Miss  Barr  voit  une  main  qui  agite  le  rideau  de  son  lit  :  cette 
main  porte  une  bague  qu'elle  reconnaît  pour  être  la  bague  de  son 
cousin,  le  capitaine  X...  qui  au  même  moment,  mourait  acciden- 
tellement au  Canada1. 

M.  Brighton,  étant  dans  sa  cabine,  fait  un  rêve  très  compliqué. 
Il  voit  deux  fantômes  qui  sont  suspendus  près  du  tuyau  de  la 
cheminée,  qui  descendent  sur  les  cordes  qui  retenaient  les  amarres 
du  bateau.  Ces  deux  fantômes  émettent  des  sons  musicaux  qui  se 
chaugent  en  cris  de  triomphequand  les  deux  ombres  s'aperçoivent 
qu'elles  ont  détaché  le  bateau.  Alors  celui-ci  va  à  la  dérive,  est  pris 
par  des  tourbillons.  M.  Brighton  se  réveille,  saute  de  sa  couchette, 
et  monte  sur  le  pont.  La  nuit  était  calme,  mais  l'amarre  qui  retenait 
le  bateau  était  déchirée.  A  grand'peine,  M.  Brighton  et  son  cama- 
rade purent  trouver  d'autres  cordes,  et  éviter  ainsi  un  grave 
danger2. 

C'est  un  bel  exemple  de  rêve  symbolique  ;  mais  il  est  difficile  d'y 
voir  là  quelque  cryptesthésie.  C'est  très  probablement  la  notion 
inconsciente  du  danger  qui  est  arrivée  à  la  conscience  de  M. Brigh- 
ton, sous  cette  forme  pittoresque  et  dramatique. 

Tout  aussi  symbolique  est  le  dîner  rêvé  par  Mad.  B...  dîner  où 
tout  le  monde  cause,  sauf  l'oncle  A...  qui  reste  muet.  A  ce  moment 
l'oncle  A...  venait  de  mourir.  Or  Mad.  B...  qui  faisait  ce  rêve,  igno- 
rait la  mort  de  l'oncle  A...  Elle  ne  l'a  compris  que  parce  qu'à  ce 
dîner  l'oncle  A...  seul  ne  parlait  pas  3. 

Mad.  J.  Adam  voit  l'image  de  sa  grand-mère  qui,  pour  lui 
apprendre  qu'elle  est  bien  morte,  lui  montre  ses  yeux  dont  les 
orbites  sont  vides  '. 

Les  exemples  de  symbolisme,  recueillis  par  Bozzano,  sont 
admirables,  et  témoignent  de  la  fécondité  de  l'intelligence  incons- 
ciente,, certainement  plus  riche  que  l'intelligence  normale  pour 
l'imagination  des  détails.  D'ailleurs  la  forme  imaginative,  créatrice 
du  rêve,  est,  comme  on  sait,  d'une  variété  infinie. 


1.  Ph.  of  the  L.,  p.  416. 

2.  Fr.  Myers.  P.  S.  P.  R.,  VIII,  401. 

3.  A.  S.  P.,  XVII,  728. 

4.  Bozzano,  Symbolisme  et  Phénomènes  métapsy chiques,  A.  S.  P.,  1907,  XVII, 
716. 


326  CRYPTESTHÉSIE   ACCIDENTELLE 

Mad.  Johnson,  toutes  les  fois  qu'elle  a  un  souci;  voit  des  mouches 
l'assaillir  qui  surgissent  d'en  bas  et  volent  contre  son  visage. 
L'illusion  est  complète,  et  elle  ne  sépare  pas  ces  mouches  imagi- 
naires de  la  réalité. 

Mad.  Wilve,  femme  du  Dr  Wilve,  voit  un  cheval  blanc  et  un 
cheval  noir  galoper  dans  les  champs  en  traînant  une  voiture  dans 
laquelle  Mad.  Wilve  reconnaît  quelqu'un  à  qui  doit  arriver  un 
accident  grave. 

Très  fréquemment  l'idée  de  mort  se  présente  sous  la  forme  de 
cercueils. 

Mad.  A...  voit  en  rêve  sa  mère  arriver  avec  trois  bouquets  ;  elle 
veut  en  prendre  un  (le  second);  mais  il  tombe,  et  Mad.  A...,  qui  a 
trois  frères,  pense  au  second  de  ses  frères.  En  effet,  ce  jeune  homme 
mourait  quelque  temps  après. 

Un  cas  invraisemblable  de  symbolisme  a  été  rapporté  par  Flamma- 
rion1. Mad.  Maréchal  à  Paris,  voit,  dans  un  demi-rêve  cauchemar, 
un  spectre  qui  lui  dit  en  lui  serrant  le  bras  :  «  II  faut  que  de  ton 
mari  ou  de  ta  fille  l'un  des  deux  meure.  Choisis  ».  Moment  d'angoisse 
affreuse.  Elle  se  décide  (mentalement)  à  accepter  le  sacrifice  de 
son  mari  pour  sauver  sa  fille.  Cinq  jours  après,  M.  Maréchal,  qui 
n'était,  en  apparence,  nullement  malade,  meurt.  «  J'ai  interrogé  sépa- 
rément sur  ce  sujet  Mad.  Maréchal  et  sa  fille,  dit  Flammarion,  et 
pour  moi  l'authenticité  de  cette  étrange  histoire  ne  faitpas  dedoute?  » 

Mad.  Wickham,  un  soir,  en  se  déshabillant,  sent  une  main  se 
poser  sur  sa  tête  et  sur  son  cou  ;  une  bouche  froide  et  glacée  frôle 
la  sienne,  et  elle  entend  une  voix  qui  lui  dit  :  «  Adieu  !  adieu!  ».  — 
M.  Bard  voit  Mad.  Fréville  se  promener  dans  le  cimetière.  — 
M.  Jones  voit  un  cercueil,  et,  dans  ce  cercueil,  l'image  de  sa  sœur. 
—  Mad.  Beaugrand  entend  un  bruit  effroyable  de  tempête  au 
moment  où  son  mari  périssait  dans  un  naufrage.  —  M.  T. . .  aperçoit 
l'image  d'une  tombe  où  est  inscrit  le  nom  de  son  ami...  —  Le  lieu- 
tenant V...  rêve  que  son  ami  le  lieutenant  L...  est  tombé  dans  un 
trou  d'obus,  entouré  d'ennemis,  et  appelle  au  secours.  —  Mad.  Paget 
entend  le  pas  lourd  de  son  domestique  dans  le  corridor,  s'arrêter 
à  l'endroit  où  il  y  a  un  bec  de  gaz  à  éteindre.  —  Mad.  Mattews  voit 

1.  La  mort  et  son  mystère,  p.  95. 


MONITIONS  327 

Suzanne  qui  relève  les  couvertures  de  sou  lit,  et  se  couche  à  côté 
d'elle.  —  Le  fantôme  du  père  de  Sikgs  se  promène  sur  le  pont  du 
navire,  touche  sou  fils  à  l'épaule,  et  lui  dit  :  «  Gare  à  ton  gouvernail, 
Joe.  —  M.  Noru,  entend  sa  sœur  qui  l'appelle  d'une  voix  plaintive, 
et  lui  dit  :  «  Viens,  Louis,  viens  donc  !  » 

Or  toutes  ces  images  étaient  des  monitions;  car  elles  correspon- 
daient à  des  morts,  à  des  événements,  que  le  percipient  ne  pouvait 
pas  connaître  par  la  voie  normale. 

Il  est  bien  vraisemblable,  —  et  même  presque  certain  —  qu'en 
toutes  ces  circonstances  des  faits  objectifs  extérieurs,  mécanique- 
ment et  physiquement  analogues  àl'image  hallucinatoire,  ne  se  sont 
pas  produits,  que,  s'il  y  avait  eu  des  plaques  photographiques,  des 
microphones,  des  balances,  des  phonographes,  il  n'y  aurait  pas  eu 
d'inscription  graphique.  La  monition  —  dont  le  processus  nous 
est  radicalement  inconnu  —  s'est  traduite  pour  le  percipient  par 
un  symbole.  Et  qui  dit  symbole,  dit  le  contraire  de  la  réalité.  Il 
correspond  à  une  réalité  :  il  n'est  pas  la  réalité  même. 

Ce  qui  semble  prouver  que  dans  la  plupart  des  cas  l'hallucina- 
tion est  symbolique,  c'est  que,  lorsqu'il  s'agit  d'un  phénomène 
visuel,  le  fantôme  n'est  pas  nu,  mais  habillé.  Il  a  tels  ou  tels  vête- 
ments, habituels  ou  inhabituels.  Il  ouvre  une  porte  et  la  referme. 
Il  enlève  les  couvertures  du  lit.  S'il  s'agissait  de  matérialisations, 
il  faudrait  donc  admettre  la  matérialisation  simultanée  d'étoffes,  de 
vêtements,  d'objets  divers,  apparaissant  en  même  temps  que  le  fan- 
tôme. Certes  cela  est  possible,  comme  l'indiquent  les  matérialisa- 
tions expérimentales.  Tout  de  même  il  est  plus  simple  d'admettre 
qu'il  n'y  a  pas  de  matérialisation  d'étoffes  ou  d'objets,  et  que  tout 
se  passe  dans  l'esprit  du  percipient.  11  me  semble  évident  que  la 
plupart  des  monitions  sont  uniquement  subjectives.  Je  n'oserais 
dire  qu'elles  le  sont  toutes,  mais  les  monitions  nettement  objec- 
tives sont  rares,  ou  du  moins  l'objectivation  ne  se  présente  pas 
sous  la  forme  d'une  objectivation  ordinaire,  mécanique,  lumineuse, 
thermique. 

Même  lorsque  en  apparence  l'objectivité  est  complète,  on  peut 
encore  en  douter. 

Quelques  minutes  après  la  mortdeMad.  L...  toutes  les  personnes 
qui  étaient  dans  la  chambre  mortuaire  (sauf  Miss  H...),  c'est-à-dire 


328  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

Eliza  W...,  Charlotte  et  le  Dr  G...  qui  avait  donné  des  soins  à  la 
mourante,  entendirent  pendant  quelques  secondes  des  voix  de 
femmes,  trois  voix,  une  musique  extrêmement  douce,  comme  une 
harpe  éolienne.  Même  Eliza  W...,  crut  entendre  des  paroles  :  «  The 
strife  is  over,  the  battle  donc  ».  Deux  personnes  qui  étaient  sorties 
de  la  chambre  y  rentrèrent  pour  entendre  cette  musique.  La  nuit 
était  parfaitement  calme;  il  n'y  avait  personne  dehors. 

Et  cependant  les  phénomènes  ont  été  certainement  subjectifs, 
d'abord  parce  que  M.  L...  qui  était  présent,  n'a  rien  entendu,  et 
ensuite  parce  que  les  différentes  personnes  qui  ont  entendu  ces 
chants,  se  les  sont  représentés  chacun  d'une  manière  différente1. 

C'est  donc  là  un  cas  extrêmement  intéressant,  puisqu'il  établit 
qu'il  peut  y  avoir  des  hallucinations  qui,  quoique  collectives, 
gardent  cependant  un  très  évident  caractère  de  subjectivité. 

Nous  n'avons  pas  séparé  les  monitions  reçues  pendant  le  som- 
meil, et  celles  qui  ont  été  reçues  à  l'état  de  veille.  En  effet,  il  y  a 
une  série  d'états  intermédiaires  (borderland)  entre  la  veille  et  le 
sommeil,  des  transitions  nuancées,  qui  ne  permettent  guère  de 
classer  résolument  toutes  les  monitions  dans  l'un  ou  l'autre  groupe. 
Bien  souvent  elles  commencent  dans  le  sommeil,  et  s'achèvent  pen- 
dant la  veille  ;  quelquefois,  mais  plus  rarement,  c'est  l'inverse.  Par- 
fois le  percipient  est  pris  d'une  sorte  d'effarement  et  de  stupeur  qui 
se  rapprochent  singulièrement  du  sommeil. 

Même  lorsque  le  percipient  reste  éveillé,  la  vision  prend  nette- 
ment le  caractère  d'un  rêve.  Alors  c'est  le  même  état  de  crédulité, 
suivant  l'heureuse  expression  d'A.  de  Rochas  :  l'absence  d'étonne- 
ment,  l'acceptation  des  choses  les  plus  imprévues.  En  effet,  il  n'y 
a  guère  qu'une  seule  différence  entre  l'état  mental  d'un  individu 
qui  rêve,  et  celui  d'un  individu  qui  veille;  c'est  que  l'individu 
endormi  ne  peut  pas  arrêter  son  attention  sur  les  objets  réels  qui 
l'entourent.  Il  est  transporté  dans  un  monde  imaginaire,  et  il  ne 
corrige  pas,  par  des  sensations  précises,  les  divagations  de  sa  pen- 
sée. C'est  cette  absence  de  correction  qui  constitue  essentiellement 
l'état  de  rêve.  On  ne  sait  plus  où  on  est.  On  n'est  pas  rappelé  à  la 
réalité  concrète  par  les  énergies  mécaniques  et  physiques  du  monde 

1.  Phant.  of  the  Living,  I,  446. 


MONITIONS  329 

ambiant.  L'attention  ne  peut  se  fixer,  et  il  n'y  a  plus  de  volonté 
directrice.  Tel  est  à  peu  près  l'état  mental  des  individus  qui 
reçoivent  une  monition. 

Pour  la  plupart  des  monitions,  ne  pas  supposer  qu'elles  sont 
subjectives,  c'est  aussi  insensé  que  de  supposer  que,  dans  nos  rêves, 
les  images  qui  nous  apparaissent  ne  sont  pas  uniquement  subjec- 
tives. Si  nous  voyons  en  rêve  un  enterrement,  un  cercueil,  et,  dans 
ce  cercueil,  notre  frère,  il  serait  démesurément  absurde  de  suppo- 
ser qu'un  cercueil  a  été  apporté  dans  notre  chambre  avec  le  corps 
de  notre  frère  dans  le  cercueil.  Pourquoi  en  serait-il  autrement 
dans  l'hallucination  véridique  ?  On  rêve  tout  éveillé.  Voilà  tout. 
Et  ce  n'est  pas  une  raison  suffisante  pour  croire  à  un  phénomène 
objectif  que  de  dire  :  «  Mais  j'étais  éveillé.  »  Gomme  si  la  construc- 
tion d'un  rêve  devait  être  impossible  parce  qu'on  se  croit  éveillé. 

Qu'elles  se  produisent  dans  le  sommeil,  dans  l'état  intermédiaire, 
ou  dans  la  veille,  les  monitions  ont  toujours  le  même  caractère 
symbolique.  En  eux-mêmes,  les  détails  de  la  vision  n'ont  pas  plus 
d'importance  que  les  détails  bizarres,  multiples,  extraordinaire- 
ment  fantaisistes,  qui  accompagnent  en  général  tous  nos  rêves. 
Pourtant  les  narrateurs  ont  absolument  raison  d'insister  sur  ces 
détails;  car,  à  côté  du  fait  principal,  de-  l'essentielle  monition, 
il  y  a  des  faits  accessoires,  souvent  très  exacts,  qui  permettent  de 
préciser  le  phénomène.  Dans  ce  singulier  mélange  de  réalités  et  de 
constructions  imaginaires,  la  lucidité  va  s'exercer,  non  seulement 
sur  le  fait  essentiel,  mais  aussi,  et  quelquefois  avec  une  curieuse 
prédilection,  sur  les  circonstances  extérieures  accessoires.  Donc 
dans  un  récit  il  ne  faut  rien  omettre,  car  on  risquerait  de  passer 
sous  silence  ce  qui  est  le  plus  intéressant.  Et  cela  s'applique  aussi 
bien  au  rêve  qu'à  l'état  de  veille. 

Ne  soyons  donc  pas  surpris  de  la  forme  symbolique  de  beaucoup 
de  ces  monitions,  et  n'attachons  pas  une  valeur  démesurée  à  la 
forme  de  ces  divers  symboles.  Ce  qui  importe,  c'est  la  lucidité, 
c'est-à-dire  la  perception  (cryptesthésique)  d'un  phénomène  vrai, 
phénomène  que  notre  imagination  agrémente  de  détails  tantôt 
exacts,  tantôt  fantaisistes.  Et  je  ne  pense  pas  qu'il  y  ait  de  meilleure 
expression  pour  définir  ces  monitions  à  forme  hallucinatoire  que 
de  les  appeler  des  rêves  qu'on  fait  tout  éveillé. 


330  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

F.  —  De  l'hypothèse  télépathique  dans  les  monitions. 

Quoique  les  auteurs  des  Phantasms  of  Living,  dans  leur  admi- 
rable ouvrage,  considèrent  les  monitions  comme  étant  des  cas  de 
télépathie,  et  tendent  à  admettre  que  très  souvent,  sinon  toujours, 
il  y  a  eu  de  la  part  de  l'agent  comme  un  effort  pour  faire  parvenir 
sa  pensée  au  percipient,  je  suis  loin  de  considérer  cette  hypothèse 
comme  la  plus  rationnelle  (car  bien  évidemment  on  ne  peut  en 
parler  que  comme  d'une  hypothèse). 

On  trouve  tout  simple  dédire  :  «  la  pensée  de  A...  se  transmet  à 
la  pensée  de  B...  ». 

Mais,  comme  je  l'ai  indiqué  plus  haut,  à  maintes  reprises,  cette 
proposition  n'est  pas  simple  du  tout.  Alors,  dans  l'état  d'ignorance 
où  nous  sommes  des  lois  et  des  causes,  je  préfère  une  autre  hypothèse 
qui  ne  préjuge  rien,  et  je  mécontenterai  de  dire  —  car  notre  pauvre 
science  ne  peut  guère  aller  plus  loin  —  B...,  par  un  phénomène 
qui  m'est  inconnu,  sait  ce  que  A...  a  pensé,  mais  il  sait  bien 
davantage.  Il  sait  ce  qu'a  pensé  A.. . ,  certes,  mais  c'est  parce  que  la 
pensée  de  A...  est;  en  effet  il  peut  savoir  ce  que  nul  ne  sait  :  il  sait 
ce  qui  est. 

Je  dis  à  Stella  :  «  Dites-moi  le  nom  de  deux  servantes  qui  étaient 
auprès  de  moi  dans  mon  enfance.  »  Elle  me  répond  (mais  seulement 
le  lendemain)  Mélanie.  Or  je  ne  pensais  absolument  pas  à  Mélanie. 
Pendant  plus  de  cinquante-cinq  ans,  son  nom  ne  s'est  pas  présenté 
à  ma  mémoire.  N'est-il  pas  plus  simple  de  supposer  que  Stella  a 
dit  la  réalité,  la  vérité,  plutôt  que  d'admettre  qu'elle  a  lu  une  de  mes 
pensées  les  plus  inconscientes,  et  pénétré  un  souvenir  refoulé  dans 
le  coin  le  plus  obscur  de  ma  mémoire 1  ? 

Quand  Mad.  Green  aperçoit  deux  femmes  qui,  en  Australie,  se 
noient,  il  est  vraisemblable  que  ces  jeunes  filles  qui  n'étaient  jamais 
venues  en  Angleterre,  et  qui  ne  connaissaient  pas  Mad.  Green,  tante 
de  l'une  d'elles,  aient  pensé  à  Mad.  Green  avec  une  telle  force  que 
ceite  vibration  a  pu  faire  20.000  kilomètres  :  au  lieu  d'aller  émou- 
voir leurs  parents  qui  étaient  tout  proches.  Mad.  Fréville  ne  con- 
naissait pas  M.  Bard,  ou  à  peine.  M.  Phibbs  voit  son  chien  Fox  mor- 

1 .  Pour  être  exact,  il  s'agissait,  dans  mon  idée,  de  deux  autres  servantes  : 
Dohothée  et  Louise.  Je  ne  pensais  aucunement  à  la  troisième,  qui  était  Mélanik. 


MONITIONS  331 

tellement  blessé  au  pied  d'un  mur.  Il  est  beaucoup  plus  raisonnable 
de  supposer  que  c'est  la  notion  de  ce  fait  qui  a  frappé  son  esprit, 
au  lieu  d'admettre  que  l'âme  de  Fox  a  été  ébranler  le  cerveau  de 
M.  Phibbs. 

Finalement,  la  lucidité  accidentelle,  qui  se  traduit  par  des  muni- 
tions, nous  conduit  à  la  conclusion  que  nous  avait  apportée  la  luci- 
dité expérimentale,  à  savoir  qu'il  y  a  des  procédés  de  connaissance, 
pour  l'intelligence,  qui  sont  différents  de  nos  procédés  de  connais- 
sance habituels. 

Il  est  possible  qu'il  y  ait  dans  certaines  familles  une  aptitude 
héréditaire  à  la  lucidité.  Le  Dr  Ludwig  f  en  cite  un  cas  assez  intéres- 
sant, deux  frères  et  deux  sœurs,  ayant  eu  tous  les  quatre  des  phéno- 
mènes de  cryptesthésie  assez  nets. 

M.  Emile  Laurent1  a  insisté  avec  raison  sur  certains  caractères 
généraux  des  monitions,  en  montrant  qu'elles  paraissent  s'arrêter 
dès  que  la  monition  a  été  comprise.  11  semble  que  l'effet  choisi  par  le 
manifestant,  ait  été  précisément  celui  qui  avait  le  moins  de  chances 
de  passer  inaperçu,  étant  le  plus  susceptible  d'éveiller  l'attention. 
Ou  est  tenté  d'admettre  qu'une  sorte  de  choix  a  été  fait,  parmi  les 
manifestations  possibles,  de  celle  qui  ne  pouvait  résulter  de  causes 
vulgaires.  M.  Laurent  en  conclut  que  les  monitions  sont  intelli- 
gentes. Cette  conclusion  paraît  nécessaire.  Mais  il  ne  s'ensuit  pas 
du  tout  que  l'intelligence  produisant  la  monition  ne  soit  pas  celle 
du  percipient  lui-même.  Tout  de  même,  on  est  forcé  de  supposer, 
au  moins  provisoirement,  que  les  monitions,  quelle  que  soit  l'hypo- 
thèse qu'on  adopte  sur  leur  origine,  le  plus  souvent  sont  choisies  et 
bien  choisies . 

Ajoutons  :  1°  qu'elles  sont  symboliques;  2°  qu'elles  font  dans  la 
mémoire  du  percipient  une  impression  tellement  forte  qu'il  en 
garde  tous  les  détails  présents  à  l'esprit  pendant  longtemps  ; 
3°  qu'elles  ne  provoquent  pas  la  prodigieuse  frayeur  qu'on  pourrait 
supposer. 

On  ne  peut  mentionner  les  histoires  légendaires  (et  peu  vraisem- 
blables des  rêves  monitoires  historiques. 

Il  parait  que  Sophocle,  le  grand  poète,  eut  un  rêve  cryptesthé- 

1.  Telepathische  Veranlagung  (Psychische  Studien,  XLVII,  1920,  456). 

2.  Remarques  sur  les  manifestations  télépathiques ,  A .  S.  P., 1907,  XVII,  161-176. 


332  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

sique,  Hercule  lui  apparut,  et  lui  indiqua  où  était  une  couronne 
d'or  qui  avait  été  dérobée.  Une  récompense  considérable  était 
réservée  à  celui  qui  saurait  la  découvrir,  et  Sophocle  obtint  cette 
récompense1. 

Une  monition  célèbre  de  Swedenborg  attira  l'attention  de 
Kant1.  Mad.  Martiville,  veuve  de  l'ambassadeur  de  Hollande,  à 
Stockholm  fut  sommée  par  un  orfèvre  de  payer  une  certaine 
somme  d'argent  (achat  fait  par  le  mari  défunt).  Mad.  Marti- 
ville, convaincue  que  cette  somme  avait  été  payée,  a  la  pensée 
étrange  de  demander  à  Swedenborg  s'il  ne  pourrait  pas,  en  con- 
versant avec  son  mari  décédé,  savoir  la  vérité  relative  à  cet  achat. 
Trois  jours  après  Swedenborg,  sans  rien  expliquer  quant  à  l'ori- 
gine de  sa  connaissance,  alla  trouver  Mad.  Martiville  et  lui 
dit  que  la  somme  avait  été  payée  et  que  le  reçu  se  trouvait  dans 
tel  tiroir,  de  tel  meuble,  de  telle  chambre.  Ce  qui  était  exact. 

De  tous  ces  faits,  nouveaux  ou  anciens,  nous  conclurons,  une 
fois  de  plus. 

Il  existe  dans  la  nature  des  vibrations  inconnues  qui  émeuvent  l'in- 
telligence humaine,  et  qui  lui  révèlent  des  faits  que  les  sens  sont  impuis- 
sants à  lui  faire  connaître. 

Si  l'on  admet  la  télépathie,  il  n'y  a  qu'un  mot  à  modifier  à  cette 
proposition.  Il  suffira  de  dire  vibrations  de  la  pensée  humaine,  au 
lieu  dédire  vibrations  inconnues.  Mais  c'est  restreindre  singulière- 
ment la  cryptesthésie,  et  par  conséquent  la  dénaturer,  que  de  la 
limiter  aux  vibrations  de  la  pensée  humaine. 

§  5.  —  De  la  fréquence  des  monitions. 

Les  faits  de  monitions  sont  beaucoup  plus  fréquents  qu'on  ne  le 
croit.  Quand  on  vient  à  en  parler  avec  quelqu'un  qui  affecte  d'être 
sceptique,  il  répond  le  plus  souvent  :  «  Je  pourrais  vous  citer  un 
fait  de  cet  ordre,  qui  m'est  personnel,  et  qui  est  bien  singulier  ». 
Et  ce  fait  singulier,  qui  lui  paraît  probant,  il  l'accepte  volontiers; 


1.  Freudenberg.  Ein  Hellseher  im  Klassischen  Alterthum  (Psychische  Studien, 
XLV1I,  1920,  495). 

2.  Voy.  Oliver  Lodge,  La  survivance  humaine,  trad.  fr.,  98. 


MUNITIONS  333 

il  le  raconte  avec  une  naïve  complaisance;  mais  pourtant,  dans  son 
enfantine  inconséquence,  il  se  refuse  à  admettre  d'autres  faits,  plus 
probants  sans  doute,  qui  ne  viennent  pas  de  lui. 

Je  ne  crains  pas  de  dire  que,  dans  presque  chaque  famille  sans 
exception,  on  pourrait  recueillir  des  récits  plus  ou  moins  bons  de 
télépathie.  Si  on  ne  les  livre  pas  à  la  publicité,  c'est  d'abord  parce 
qu'ils  sont  assez  peu  probants  (et  alors  on  a  tout  à  fait  raison  de  ne 
pas  en  encombrer  la  littérature),  ensuite  parce  qu'on  craint  le 
ridicule,  et  surtout  parce  qu'on  ne  veut  pas  faire  le  petit  effort  qui 
consisterait  à  entourer  de  documents  précis,  de  dates,  de  chiffres, 
de  lettres,  de  papiers  officiels,  un  fait  qui,  simplement  raconté,  et 
dépourvu  de  documents,  ne  possède  pas  grande  valeur. 

Les  monitions  se  produisent  à  peu  près  indépendamment  de 
l'âge  et  du  sexe.  Elles  ont  lieu  le  jour  peut-être  un  peu  moins  sou- 
vent que  la  nuit,  au  début  du  sommeil,  ou  au  moment  du  rêve. 

Surtout  soyons  persuadés  que  c'est  un  phénomène  psychologique 
plus  commun  qu'on  ne  le  croit  en  général.  Dès  qu'on  n'aura  plus 
peur  d'être  pris  pour  un  visionnaire  parce  qu'on  a  eu  une  monition, 
les  cas  vont  se  multiplier.  Il  serait  fou  de  les  attribuer  soit  à  une 
fraude  colossale  se  répétant  depuis  cinquante  ans  dans  tout  pays, 
soit  à  une  série  d'illusions  grossières.  Il  serait  tout  aussi  déraison- 
nable de  considérer  tous  ces  cas  comme  fortuits.  La  multiplicité, 
riuvraisemblance,  la  précision  de  quelques  détails  interdit  cette 
conclusion. 

Nous  sommes  donc  en  présence  d'un  phénomène  inexpliqué,  mais 
connu.  N'est-ce  pas  le  caractère  de  la  plupart  des  faits  de  la  science  ? 
De  fait,  dès  qu'on  vient  nous  signaler  quelque  nouveau  cas  de 
monition,  nous  pouvons  presque  toujours  lui  trouver  une  analogie 
avec  les  cas  classés.  De  même  que,  si  un  botaniste  rapporte  dans  sa 
boîte  quelques  plantes  qu'il  vient  de  recueillir,  il  pourra  toujours 
rattacher  ces  plantes  à  des  espèces  connues.  Voilà  ce  qui  constitue 
le  caractère  scientifique  d'une  connaissance. 

Grâce  à  l'expérimentation  nous  avons  eu  la  preuve  irréprochable 
de  la  cryptesthésie.  Grâce  à  l'observation,  par  d'autres  méthodes, 
différentes,  mais  presque  aussi  certaines,  la  même  preuve  nous  est 
apportée  aussi. 

Pour  qu'on  puisse  se  rendre  compte  de  l'intérêt  de  ces  monitions, 


334  GRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

j'en  ai  réuui  dans  les  pages  qui  vont  suivre  un  assez  grand  nombre. 
Que  la  lecture  en  soit  monotone,  ce  n'est  que  trop  certain,  mais  il 
s'agit  ici  d'un  livre  de  science,  d'une  démonstration  à  faire,  et  non 
d'un  livre  d'agrément. 

C'est  intentionnellement  que  nous  avons  voulu  réunir  ici  beau- 
coup des  nombreux  cas  de  monitious  qui  ont  été  dûment  constatés. 
Ils  valeut  en  effet,  non  seulement  par  leurqualité,  mais  encore  par 
leur  quantité.  Il  n'est  pas  possible,  il  est  extrêmement  absurde  que 
tous  ces  faits,  dout  beaucoup  sont  authentifiés  par  des  enquêtes  et 
des  contre-enquêtes,  soient  faux,  ou  erronés.  Chaque  personne  non 
prévenue  qui  lira  ces  témoignages,  acquerra  la  certitude  qu'il  n'y 
a  ni  mensonges,  ni  exagérations,  ni  hasards  multipliés  qui  puissent 
expliquer  toutes  ces  monitions. 

Les  faits  que  nous  donnons  proviennent  de  sources  diverses. 
La  principale,  la  plus  abondante,  et  en  même  femps  la  plus  juste- 
ment sévère,  est  l'enquête  conduite  par  la  Society  for  psychical 
Research.  Les  savants  et  consciencieux  auteurs  des  Phantasms  of 
the  Living,  Ed.  Gurney,  Fit.  Myers  etPoDMORE,  ont  consigné  dans  ce 
livre  admirable  leurs  observations.  Ils  ont  été,  avec  raison,  très 
exigeants  pour  les  témoignages,  et  n'ont  admis,  sauf  rares  excep- 
tions, que  les  récits  faits  par  le  percipient  lui-même.  De  plus,  ils 
ont  constamment  pris  soin,  quand  il  s'agissait  d'une  monition  de 
mort,  de  rechercher  l'acte  officiel  indiquant  la  mort. 

L'enquête  de  la  Society  for  Psychical  Research  peut  être  considérée 
comme  un  modèle  de  persévérance  et  de  courage.  Elle  a  une  pré- 
cision scientifique  que  les  autres  enquêtes  ne  peuvent  guère  espérer 
égaler. 

Cette  enquête  se  continue  encore  aujourd'hui.  Les  Proceedings  de 
la  Société  contiennent,  dans  chacun  de  leurs  numéros,  des  données 
d'un  extrême  intérêt,  et  on  ne  peut  rien  faire,  même  de  passable, 
sans  avoir  consulté  ces  documents,  et  ceux  de  la  société  américaine 
similaire. 

Une  autre  enquête  importante,  courageuse  et  scientifique  à  la 
fois,  a  été  entreprise  par  Camille  Flammarion  dans  les  Annales  poli- 
tiques et  littéraires,  le  Petit  Marseillais  et  la  Revue  des  Revues.  Il  y  a 
eu  4.280  réponses  :  2.450  ont  répondu  qu'ils  n'avaient  pas  de  phéno- 


MONITIONS  335 

mènes  métapsychiques  à  coûter,  1.824  ont  répondu  oui.  Il  a  fallu 
éliminer  un  assez  grand  nombre  de  réponses  insignifiantes.  Il  en 
reste  786  dont  une  cinquantaine  seulement  méritent  d'être  retenues  ; 
car  il  faut,  comme  très  sagement  l'a  décidé  la  Society  for  psychical 
Research,  éliminer  à  peu  près  tous  les  récits  qui  ne  sont  pas  de 
première  main.  Ou  trouvera  ces  documents  consignés  dans  un 
excellent  livre  de  G.  Flammarion,  livre  riche  de  faits  et  d'idées,  mais 
parfois  trop  accueillant  pour  des  récits  d'authenticité  douteuse. 

Dans  l'enquête  anglaise,  il  y  a  eu  5.705  réponses.  Sur  ces  5.705, 
il  y  a  eu  590  hallucinations  subjectives,  et  423  où  l'hallucination 
semble  avoir  été  extériorisée. 

Mais  de  telles  statistiques  sont  inopérantes,  car,  en  général, 
lorsqu'on  n'a  rien  d'intéressant  à  dire,  on  ne  répond  pas. 

La  petite  enquête  que  j'ai  entreprise  au  Bulletin  des  Armées, 
pendant  la  guerre,  m'a  amené  une  centaine  de  réponses,  dont  une 
trentaine  sont  à  retenir  ;  et  parmi  ces  trente  il  y  en  a  sept  à  huit  qui 
sont  d'un  puissant  intérêt.  On  les  trouvera  plus  loin. 

Il  faut  ajouter  à  ces  documents  les  faits  consignés  dans  les  livres 
et  journaux  spéciaux,  dans  les  Annales  des  sciences  psychiques,  les 
Psychische  Studien,  Light,  Religio-philosophical  Journal,  Luce  e  Ombra, 
Banner  of  Light,  etc. 

L'ensemble  est  une  masse  documentaire  imposante.  Certes,  quand 
on  considère  isolément  chacun  de  ces  récits,  on  en  trouve  qui 
sont  imparfaits,  et  ne  fournissent  qu'une  vague  démonstration. 
Mais  c'est  la  condition  même  des  sciences  d'observation,  qu'elles 
ne  peuvent  jamais  atteindre  la  certitude  que  donnent  les  sciences 
expérimentales,  et  qu'elles  ont  besoin  d'être  multipliées  pour  auto- 
riser uneconclusion 

Si,  après  avoir  lu  avec  soin  les  récits  que  nous  donnons  ici,  on 
n'ose  pas  conclure  qu'il  y  a  des  mouitions,  c'est-à-dire  une  relation 
(dont  le  mécanisme  reste  mystérieux)  entre  tel  événement  exté- 
rieur et  notre  intelligence,  sans  que  ni  nos  seus  ni  notre  raison  aient 
pu  nous  rien  faire  connaître  sur  cet  événement,  alors  il  faut  renon- 
cer à  toute  science  d'observation  ou  de  tradition.  Il  faut  douter 
qu'il  y  a  des  aérolithes,  et  que  Charlemagne  a  existé. 

1.  L'Inconnu  et  les  problèmes  psychiques,  Paris,  in-12°,  1900. 


336  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

En  définitive,  les  monitions  (lucidité  accidentelle)  confirment  la 
lucidité  expérimentale,  de  même  que  la  lucidité  expérimentale 
corrobore  très  fortement  la  lucidité  accidentelle. 

II.  —  DE  QUELQUES  MONITIONS  NON  COLLECTIVES, 
AUTRES  QUE  LES  MONITIONS  DE  MORT 

L'illustre  William  James  cite  et  analyse  un  cas  magnifique  de 
cryptesthésie1. 

Une  jeune  fille,  Berthe,  disparaît  le  31  octobre  1898,  à  Enfield 
(New  Hampshire).  On  la  recherche  activement.  Plus  de  100  per- 
sonnes sont  envoyées  pour  explorer  les  bois  et  les  rivages  du  lac. 
On  savait  qu'elle  s'était  dirigée  vers  le  pont  Shaker  ;  mais  on  ne 
l'avait  pas  vue  au  delà.  Un  scaphandrier  avait  fait  des  recherches 
dans  le  lac  et  près  du  pont,  mais  n'avait  rien  pu  trouver.  Or,  dans 
la  nuit  du  2  au  3  novembre,  Mad.  Titus,  à  Lebanon,  qui  est  à  8  kilo- 
mètres d'Enfield,  rêve  qu'elle  voit  le  corps  de  Berthe,  en  un  endroit 
déterminé.  Le  lendemain  matin,  elle  va  sur  le  pont  Shaker,  et 
indique  au  scaphandrier,  très  exactement,  à  un  pouce -près,  l'endroit 
où  devait  se  trouver  le  corps  de  Berthe,  la  tête  en  bas,  dit-elle,  et 
de  manière  qu'on  ne  pouvait  voir  que  le  caoutchouc  d'un  de  ses 
pieds.  Le  scaphandrier,  suivant  les  indications  de  Mad.  Titus, 
trouva  le  corps.  Le  corps  était  enveloppé  dans  les  branchages,  à 
6  mètres  de  fond  ;  l'eau  était  très  obscure.  «  Je  fus  très  impressionné, 
dit  le  scaphandrier.  Les  cadavres  dans  l'eau  ne  me  font  pas  peur, 
mais  j'avais  peur  de  la  femme  qui  était  sur  le  pont.  Comment  une 
femme  peut-elle  venir  de  7  kilomètres  pour  me  dire  où  est  le 
corps?  Il  gisait  dans  un  trou  profond,  la  tête  en  bas.  11  faisait  si 
noir  que  je  ne  pouvais  rien  voir.  » 

Le  Rev.  Drake  va  voir  un  jour  un  de  ses  amis,  M.  Wilson,  dont 
la  fille  Jessie  était  partie  pour  les  Indes  depuis  quelque  temps,  et  il 
lui  dit  :  «Je  sais  que  votre  fille  est  arrivée  aux  Indes,  aujourd'hui 
5  juin.  —  Mais  c'est  impossible,  dit  M.  Wilson,  le  navire  ne  doit 
arriver  que  vers  le  15  juiu  au  plus  tôt.  —  Vous  ne  croyez  pas  ce  que 
je  dis.  Écrivez-le  sur  votre  carnet,  et  notez  la  date.  »  Alors  M.  Wil- 

1.  /'.  Amerie.  S.  P.  R.,  I,  2. 


MUNITIONS  337 

son  écrivit  sur  son  carnet  :  «  Rév.  J.  Drake  et  Jessie,  5  juin  1860.  » 
On  n'a  guère  pu  savoir  comment  M.  Drake  avait  eu  ce  rêve,  cette 
vision,  on,  comme  il  avait  l'habitude  de  le  dire,  cette  clairvoyance, 
qui  lui  avaitdonué  la  certitude. 

M.  Bachelot,  d'Angers,  reçoit,  du  sergent  Morin,  une  petite  bague 
d'aluminium,  telle  que  les  soldats  artistes  en  fabriquaient  commu- 
nément à  leurs  heures  de  loisir,  aux  tranchées.  Une  nuit  (nuit  du 
7  au  8  mars)  M.  Bachelot  est  éveillé  par  une  douleur  très  vive  au 
doigt  qui  porte  cette  bague,  et  éprouve  la  sensation  qu'on  serrait 
son  doigt  dans  un  étau.  Machinalement,  à  demi  endormi,  il  la  retire, 
et  le  lendemain  matin  croit  l'avoir  perdue.  L'idée  qu'il  est  arrivé 
malheur  à  son  ami  Morin  s'empare  de  son  esprit.  Il  envoie  chercher 
de  ses  nouvelles,  et  parle  de  ses  craintes  à  trois  personnes  :  M.  G..., 
M.  S...,  et  Mad.  S...  (qui  certifient  ces  détails).  Le  lendemain  il 
apprend  que  Morin  a  été  blessé  (peu  grièvement)  dans  la  nuit  du  7 
au  8  mars,  exactement  le  8  mars  à  4  heures  du  matin l. 

L'histoire  est  curieuse;  mais  il  n'y  a  peut-être  là  qu'une  coïnci- 
dence. 

Dans  la  nuit  du  23  au  24  septembre,  Mad.  K...  écrit  à  sa  mère  : 
«  Que  faites-vous  tous  les  trois?  J'espère  que  vous  êtes  en  bonne  santé, 
quoique  j'aie  rêvé  ces  jours-ci  que  maman  s'était  cassé  la  jambe.  Pensez 
un  peu!  ».  Or,  le  samedi  23  septembre,  la  fillette  de  Mad.  K..., 
âgée  de  12  ans,  qui  était  en  villégiature  chez  sa  grand-mère,  la 
mère  de  Mad.  K...,  s'était  cassé  le  bras.  Dans  son  rêve,  Mad.  K... 
parmi  de  nombreux  cauchemars  voyait  nettement  la  maison  de  sa 
mère,  et  avait  l'impression  qu'un  accident  était  arrivé  à  un  des 
siens2. 

Là  encore  il  s'agit  d'un  cas  bien  peu  démonstratif,  puisque  il  y  a 
deux  fortes  erreurs  :  le  bras  cassé  de  la  fille,  au  lieu  de  la  jambe 
cassée  de  la  mère. 

Mad.  Claughton  a  donné  un  bel  exemple  de  lucidité  qui  a  été 
contrôlé  avec  le  plus  grand  soin  par  Fr.  Myers.  Nous  sommes  forcé  s 

1.  Enquête  du  Bulletin  des  Armées. 

2.  Enquête  du  Bulletin  des  Armées. 

Richkt.  —  Métapsychique.  22 


338  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

d'abréger  beaucoup  cet  intéressant  récit,  plus  remarquable  peut- 
être  comme  prémonition  que  comme  monition1. 

Mad.  C...  demeurait  dans  une  maison  (Blake  street,  n°  6)  appar- 
tenant à  Mad.  Appleby.  Cette  maison  était,  paraît-il,  hantée  par  la 
mère  de  Mad.  Appleby,  Mad.  Blackburn,  qui  y  était  morte.  Mad.  G... 
y  était  depuis  5  jours,  quand  elle  voit  une  forme  semblable  à  celle 
de  Mad.  Blackburn  :  «  Si  vous  doutez  que  ce  soit  moi,  dit  le  fantôme, 
voici  la  date  de  mon  mariage  aux  Indes.  »  Le  fantôme  indique  alors 
à  Mad.  C...,  qu'elle  devait  aller  à  Maresby,  voir  la  tombe  de 
M.  Georges  Howard  (dont  le  nom,  la  datcde  mariage  et  la  date  de 
décès  furent  données),  qu'on  trouverait  dans  l'église  la  sépulture 
de  Robert  Hart,  qu'en  arrivant  à  Maresby  on  ne  lui  demanderait  pas, 
à  elle,  Mad.  C...,  son  billet  de  chemin  de  fer,  qu'elle  logerait  chez 
un  homme  brun,  nommé  J.  Wrigh^,  que  la  femme  de  ce  Joseph 
Wright  avait  un  enfant  enterré  au  cimetière,  qu'elle  trouverait  des 
roses  blanches,  sur  les  tombes.  En  réalité,  tout  se  passa  comme 
Mad.  Claughton  l'avait  prévu. 

On  notera  que  jamais  Mad.  Claughton  n'avait  entendu  parler  ni 
de  Maresby,  ni  d'aucune  des  personnes  mentionnées. 

M.  Fred.  Marks,  étant  à  Newhaven,  a  vu,  dans  la  journée,  alors 
qu'il  s'était  endormi  sur  son  lit,  son  frère,  qui  était  sur  un  petit 
bateau  à  voile,  prêt  à  sombrer  dans  une  tempête.  Il  vit  deux  jeunes 
gens,  dont  son  frère,  dans  le  bateati.  L'un  des  deux  essayait  de 
rejeter  l'eau,  l'autre  d'accrocher  la  voile  du  mât.  Le  navire  se 
redressa  enfin,  et  parut  aborder  au  rivage.  Or,  ce  même  jour,  à 
200  milles  de  là,  à  Wallingford,  sur  le  lac  Oneida,  Charles  Marks 
et  un  sien  ami  faillirent  être  noyés  dans  une  tempête  terrible,  qui 
les  assaillit  sur  le  lac  Oneida. 

Le  D1  Marcel  Baudouin,  que  je  connais  pour  un  observateur  scru- 
puleux, a  pu  (ce  qui  est  rare),  observer  un  cas  de  monition.  Étant 
en  visite  chez  Mad.  X...,  il  la  voit  tout  d'un  coup,  à  11  heures  et 
demie  du  matin,  pleurer  d'abondantes  larmes,  au  milieu  d'une  con- 
versation banale.  Une  heure  après,  on  venait  chercher  Mad.  X... 

1.  11  faut  le  lire  avec  soin  dans  le  récit  original,  P.  S.  P.  R-,  XI,  547. 


MOMTIONS  339 

pour  lui  dire  que  sa  sœur  était  grièvement  malade.  De  fait  Mad.  Z... 
la  sœur  de  Mad.  X...  avait  été  prise  d'une  crise  aiguë  (et  mortelle) 
d'angine  de  poitrine,  à  l'heure  même  où  Mad.  X...  avait  eu,  en  pré- 
sence du  Dr  M.  B...  une  crise  de  larmes  inopinées,  elle  qui  ne  pleure 
presque  jamais,  que  jamais  le  Dr  Baudouin  n'avait  vue  pleurer,  et 
qu'il  n'a  pas  vue  pleurer  depuis1. 

Le  capit.  M...  est  frappé,  le  27  août  1914,  d'une  balle  en  pleine 
poitrine,  et  laissé  pour  mort  sur  le  terrain,  vers  23  heures  et 
demie.  Or  cette  nuit,  à  la  même  heure,  un  de  ses  fils,  âgé  de 
quinze  ans,  qui  dormait  profondément,  se  lève,  va  réveiller  sa 
mère,  et  lui  dit  :  «  Maman,  papa  est  blessé,  mais  il  n'est  pas  mort  ». 

M.  Fryer  s'entend  appeler  par  son  frère  «  Rod  »,  avec  tant  de 
netteté,  qu'il  le  cherche  dans  toute  la  maison.  Plusieurs  jours  après, 
son  frère  lui  dit  qu'en  descendant  du  wagon  il  est  tombé  violem- 
ment sur  le  quai,  et  qu'en  tombant  il  avait  crié  le  nom  de  son 
frère  :  «  Rod  !  »  Les  heures  correspondent  exactement. 

Mad.  X...,  nullement  mystique,  et  n'ayant  aucune  tendance  à 
croire  aux  choses  dites  occultes,  voyageant  en  chemin  de  fer  dans  la 
journée,  s'endort  un  instant,  et  voit  une  scène  qui  lui  paraît  réelle. 
Un  de  ses  amis,  à  cheval,  essayant  avec  son  cheval  de  franchir  un 
petit  mur,  faisait  une  chute  sans  trop  de  gravité.  Or  ce  fait,  que 
rien  d'habituel  ne  pouvait  lui  faire  connaître,  était  exact. 

Mad.  West,  en  Norvège,  attendant  son  père  et  sa  mère  qui  voya- 
geaient, rêve  qu'elle  les  voit  en  un  traîneau  qui  se  heurte  contre  un 
autre  traîneau  allant  en  sens  inverse.  Mad.  West  voit  son  père  faire 
cabrer  le  cheval  qui  passe  sur  lui  ;  elle  s'écrie  alors  :  «  Père,  père!  » 
puis  elle  se  réveille,  effrayée,  et,  quand  le  matin  son  père  arrive, 
elle  lui  raconte  son  rêve  :  «  Vous  n'êtes  donc  pas  blessé?  J'ai  vu  le 
cheval  se  cabrer!  mais  je  n'ai  pu  voir  si  vous  étiez  blessé  ou  non  ».  En 
réalité,  M.  Cowes,  père  de  Mad.  West,  en  descendant  rapidement 
une  pente,  croisait  une  carriole,  et,  pour  ne  pas  la  heurter,  faisait 
cabrer  le  cheval  qui  se  renversa.  M.  Cowes  fils,  qui  suivait,  fut  fort 

1.  A.  S.  P.,  1900,  X,  129. 


340  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

inquiet,  et  il  ne  se  rassura  que  lorsqu'il  eut  vu  son  père  sans  bles- 
sures. 

A  l'hôpital  de  Munich1  un  soldat  aviateur,  retenu  à  l'hôpital  pour 
une  affection  pulmonaire,  se  réveille  au  milieu  de  la  nuit,  dans  la 
cour  ;  il  a  eu  un  accès  de  somnambulisme,  et  il  a  rêvé  qu'il  a, 
en  avion,  volé  jusqu'à  Schleisheim,  qu'il  a  vu  là  une  sentinelle, 
son  ami  N...,  qui  s'est  mis  à  trembler  de  peur.  «  Ne  me  reconnais- 
tu  pas  ?  »  dit  alors  A...  «  Ah!  c'est  toi,  dit  N...,  que  viens-tu  faire  ici?  » 
Le  lendemain  matin,  A...,  persuadé  qu'il  y  a  quelque  chose  de  réel 
dans  son  rêve,  écrit  à  N...  pour  le  lui  raconter.  En  même  temps, 
comme  l'indique  le  timbre  de  la  poste,  N...  écrit  à  A...  pour  lui 
dire  qu'étant  en  sentinelle  pendant  cette  même  nuit,  il  l'a  vu,  lui  a 
dit  :  «  C'est  toi,  Joseph?  »  J'ai  entendu  distinctement  sa  voix, 
ajoute-t-il.  Les  deux  lettres  se  sont  croisées. 

Mad.  May  Lichfield,  lisant  le  soir  dans  sa  chambre,  a  la  sensa- 
tion soudaine  que  quelqu'un  entre  chez  elle.  Elle  ne  voit  rien,  mais 
sent  un  long  et  tendre  baiser  sur  le  front.  Levant  la  tête,  elle  aper- 
çoit son  fiancé,  debout,  derrière  sa  chaise,  et  qui  se  penchait  sur 
elle  comme  pour  l'embrasser  encore.  Puis  tout  disparaît;  mais  elle 
a  le  temps  de  distinguer  tous  les  traits  de  sa  figure,  sa  haute  taille, 
ses  larges  épaules.  Ce  même  jour,  loin  de  là,  M.  Lichfield,  son 
fiancé,  était  victime  d'un  grave  accident  de  cheval,  qui  ne  se  ter- 
mina pas  mal  ;  mais  il  perdit  connaissance,  et  pendant  longtemps 
fut  assez  malade.  Au  moment  où  l'accident  lui  arriva,  il  pensait  à 
May,  et  disait  :  «  Ma  petite  May,  que  je  ne  meure  pas  sans  te  revoir '  » . 

Mad.  Paget  à  22  heures  descend  à  la  cuisine,  et  soudain  elle  voit 
son  frère  Miles  qui  entre  et  se  dirige  vers  elle  pour  s'asseoir.  Il 
avait  son  uniforme  de  marin,  et  l'eau  brillait  sur  sa  vareuse  et  sa 
casquette.  Elle  supposa  que  c'était  la  pluie  qui  avait  mouillé  ses 
vêtements,  et  s'écria  :  «  Miles,  d'où  viens-tu?  »  Alors,  il  répondit 
avec  sa  voix  habituelle,  mais  très  vite  :  «  Pour  l'amour  de  Dieu,  ne 

i.  Zwei  deutsche  Professoren  gegen  die  Télépathie,  par  S.  Clep.icus  (Psychische 
Studien,  XLIV,  1917,  350. 
2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  315. 


MUNITIONS  341 

dis  pas  que  je  suis  ici  ».  Et  il  disparut.  «  J'eus  très  peur,  dit 
Mad.  Pagkt,  et  j'écrivis  la  date  sur  uue  feuille  de  papier,  sans  en 
rien  dire  à  personne  ».  Trois  mois  plus  tard,  Miles  revint,  et  raconta 
à  sa  sœur  qu'il  s'était  presque  noyé  dans  le  port  de  Melbourne,  et 
qu'on  l'avait  ramené  sans  connaissance.  Les  dates  coïncident.  Etant 
donnée  la  différence  de  longitude,  il  y  a  un  retard  de  10  heures 
entre  l'accident  et  l'apparition1. 

Mad.  A.  Dudlay,  de  la  Comédie  Française,  a  rapporté  divers  faits 
de  monitious  relatives  à  la  guerre,  mais  les  récits  sont  trop  peu 
détaillés,  et  n'ont  pas  de  précision  suffisante2. 

Le  major  Kobbé  éprouve  un  jour  le  désir  de  visiter  le  cimetière 
de  Green  Wood  à  six  milles  de  New- York.  Or  jamais  il  n'allait  au 
cimetière,  ni  lui,  ni  personne  de  sa  famille.  Le  voyage  au  cimetière 
est  long  et  difficile.  En  arrivant  au  cimetière  il  y  rencontre  son 
père  qui  y  venait  pour  une  exhumation  d'un  membre  de  sa  famille. 
La  lettre  par  laquelle  son  père  lui  donnait  ce  rendez-vous  inat- 
tendu ne  lui  était  pas  parvenue.  M.  Kobbé  est  arrivé  exactement 
à  l'heure  nécessaire3. 

Un  cas  de  monition  s'est  produit  dans  une  séance  de  Mad.  d'Espé- 
rance1. Mais  il  est  très  complexe,  car  il  y  eut  en  même  temps 
matérialisation. 

Le  3  avril  1890,  Mad.  d'Espérance,  écrit  automatiquement  en 
grandes  lettres,  sans  savoir  pourquoi  :  «  Svens  Stromberg  ».  Ni 
Mad.  d'Espérance,  ni  personne  autour  d'elle  ne  connaissaient  ce 
nom.  Deux  mois  après,  dans  une  séance  spiritique,  à  laquelle  pre- 
naient part  Aksakoff  et  Boutleroff,  il  fut  dit  que  Stromberg,  néà  Jemt- 
land,  était  mort  le  13  mars  dans  le  Wisconsin.  Et  en  même  temps, 
par  une  photographie  (spirite  ?)  une  figure  apparut,  (?)  et  le  guide  de 
Mad.  d'Espérance  dit  que  cette  photographie  était  celle  de  Strom- 


1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  317. 

2.  Quelques  visions  véridiques  dans  le  sommeil  sur  les  faits  de  guerre,  A.  S.  P., 
1919,  XXIX,  13-16. 

3.  Hall,  tél.,  trad.  fr.,  90. 
S  4.'  Light,  1905,  43. 


342  CRYPTESTHESIE  ACCIDENTELLE 

berg,  et  qu'il  était  mort,  non  le  13  mars,  mais  le  31  mars.  Après 
maintes  recherches  longues  et  laborieuses,  on  arriva  à  découvrir 
qu'un  certain  Svens  Ersson,  né  au  Jemtland,  avait  émigré  au  Canada, 
et  qu'il  était  mort  dans  la  nuit  du  31  mars.  La  photographie  fut 
identifiée,  et  il  fut  prouvé  que  de  New  Stockholm,  la  localité  cana- 
dienne où  il  était  mort,  la  nouvelle  ne  pouvait,  même  par  le  télé- 
graphe, être  arrivée  à  Gothenbourg,  en  Suède,  au  moment  où  son 
nom  avait  été  donné. 

Bozzano  estime  que  ce  cas  peut  être  compté  parmi  les  mieux 
documentés,  mais  cela  nous  paraît  gravement  exagéré. 

Voici  un  cas  extrêmement  intéressant,  car  il  y  eut,  ce  qui  est 
extrêmement  rare,  plusieurs  apparitions  successives  qui  ont  abouti 
à  la  même  monition. 

Miss  Minnie  Wilson,  âgée  de  17  ans,  élevée  dans  un  couvent 
catholique  en  Belgique,  au  moment  de  se  mettre  à  genoux,  voit 
son  oncle  Oldham  venir  à  elle;  elle  en  est  extrêmement  surprise. 
L'oncle  Oldham  alors  lui  dit  qu'il  fallait  prier  pour  lui,  car  il 
s'était  tué  d'un  coup  de  revolver  à  cause  d'un  amour  repoussé. 
Le  lendemain  il  y  eut  retour  de  la  même  vision,  et  le  surlendemain 
encore.  Elle  sentait  le  contact  de  sa  main,  mais  ne  l'entendait  pas 
marcher,  ni  faire  craquer  le  banc.  Quand  il  disparaissait,  c'était 
en  s'effaçant  peu  à  peu.  Plus  tard  elle  apprit  que  son  oncle  Oldham 
s'était  tué  d'un  coup  de  revolver  par  désespoir  d'amour1. 

La  monition  prend  quelquefois  le  caractère  absolument  net  d'une 
monition,  c'est-à-dire  d'un  avertissement  formel. 

Hyslop  -a  authentifié  la  curieuse  histoire  de  M.  Me.  Cready,  direc- 
teur du  Daily  Telegraph  qui,  à  l'église  de  Saint-John  (N.  B.),  uu 
dimanche,  a  une  impression  extrêmement  forte...  c'est  comme  une 
voix  qui  lui  dit  :  Retourne  à  ton  office.  L'ordre  était  si  impérieux 
que  M.  Me.  Gready  traverse  l'église  en  courant,  comme  un  fou,  arrive 
aux  bureaux  du  journal,  devant  ses  rédacteurs  stupéfaits,  et  ouvre 
la  porte  d'une  salle  voisine  ;  une  lampe  à  pétrole  brûlait,  à  grande 

i.  A.  S.  P.  1908,  XVII,  266. 

2.  Am.  S.  P.  B...  1907,487,  cité  par  Bozzano,  Dei  Fenomeni  di  telestesia.  Luce 
e  Ombra,  1920,  XX,  136. 


MUNITIONS  343 

flamme,  et  versait  des  torrents  de  fumée  dans  la  chambre.  Toute  la 
chambre  et  la  personne  même  de  M.  Me.  CREADYont  été  absolument 
couvertes  d'une  couche  épaisse  de  fumée. 

A  ce  propos  et  à  propos  d'autres  monitions  analogues,  Bozzano 
discute  la  question  de  savoir  si  de  tels  faits  nécessitent  l'ingérence 
d'une  intelligence  étrangère. 

Mad.  Tonelli,  à  Saint-Marin,  voit,  un  soir,  alors  qu'elle  essayait 
de  s'endormir,  sou  fils  renversé  par  une  voiture,  et  semblant 
agoniser.  Alors  elle  se  lève,  fait  ciuq  kilomètres  sur  la  route  qui 
conduit  à  Costa  di  Borgo,  et  voit  son  fils  étendu  dans  un  champ  au 
fond  d'un  ravin  daus  lequel  il  avait  roulé.  Ainsi,  malgré  l'obscu- 
rité et  l'orage,  malgré  son  âge,  Mad.  Tonelli  s'était  levée  au  milieu 
de  la  nuit,  sans  avoir  aucun  sujet  normal  d'inquiétude,  pour  faire 
cette  longue  route  *. 

M.  Searle,  avocat,  était  à  son  bureau,  au  Temple,  lorsqu'il  voit 
tout  d'un  coup,  aussi  distinctement  que  dans  un  miroir,  la  figure 
de  sa  femme,  la  tète  renversée  en  arrière,  livide  et  comme  morte. 
Exactement  à  cette  heure-là,  sous  l'influence  d'une  vive  frayeur, 
Mad.  Searle,  qui  n'avait  jamais  eu  encore  d'évanouissement,  s'était 
évanouie2. 

A  Syracuse  (N.Y.),  M.  Lee  au  milieu  de  sou  sommeil  se  réveille 
brusquement.  Il  a  vu  son  père  tomber  dans  l'escalier  avec  grand 
bruit.  (Le  père  de  M.  Lee  était  évêque  à  Owa.)  Il  se  lève,  éveille  sa 
femme,  lui  demande  si  elle  a  entendu  du  bruit,  regarde  l'heure  à 
sa  montre  (2  heures  45).  Or,  exactement  à  cette  même  heure,  à 
Owa,  l'évêque  Lee  tombait  dans  son  escalier,  faisait  une  chute 
grave,  et  mourait  quelque  temps  après. 

M.  Hunter  Watt3  rêve  qu'un  plâtre  de  la  Vénus  de  Milo,  relégué 
dans  un  coin  de  son  jardin,  est  tombé,  et  qu'il  a  été  par  la  chute 
décapité,  ce  qui  était  exactement  le  cas. 

1.  A.  S.  P.,  4905,  V,  i70. 

2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  229. 

3.  Fr.  Myers,  Human  personality.  I,  379. 


344  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

Mad.  Severn,  à  7  heures  du  matin,  se  réveille  en  sursaut.  Elle 
croit  sentir  qu'elle  a  reçu  un  coup  violent  sur  la  bouche,  et  a 
éprouvé  la  sensation  que  la  lèvre  a  été  coupée  et  qu'elle  saigne  de 
la  lèvre  supérieure.  Elle  y  porte  un  mouchoir,  et  s'étonne  de  ne  pas 
voir  de  sang.  A  cette  même  minute,  son  mari,  qui  était  sorti  de  bonne 
heure  pour  faire  une  promenade  sur  le  lac,  a  été  surpris  par  un 
coup  de  vent.  La  barre  du  gouvernail  est  venue  le  frapper  à  la  lèvre 
supérieure.  Il  a  par  cette  blessure  perdu  beaucoup  de  sang1. 

Mad.  Swithinbank  voit  son  jeune  fils  (dix  ans)  debout  sur  un  mur 
élevé  qui  est  face  à  la  fenêtre.  Elle  se  lève  précipitamment  pour  lui 
demander  pourquoi  il  a  quitté  l'école.  L'enfant  la  regarde  avec 
effroi,  et  disparaît.  Mais  on  ne  peut  pas  le  retrouver.  Au  bout  de 
quelques  minutes,  un  de  ses  amis  de  classe  le  ramène  dans  un  cab, 
presque  évanoui.  Il  paraît  que  pendant  une  dictée,  soudain  il  était 
tombé  en  arrière  sans  connaissance,  en  s'écriant  :  «  Maman 
saura  »2. 

Mad.  Richardson,  aux  Indes,  rêve  que  son  mari,  major  général 
qui  combattait  à  150  milles  de  là,  dans  la  campagne  de  1848  (siège 
de  Moultan),  est  tombé  grièvement  blessé,  et  elle  entend  sa  voix 
disant  :  «  Otez  cette  bague  de  mon  doigt  et  envoyez-la  à  ma  femme  ». 
A  peu  près  à  cette  heure,  à  21  heures,  le  général,  très  grièvement 
blessé,  donnait  sa  bague  au  major  Lloyd,  qui  commandait,  et  lui 
disait  :  «  Otez  cette  bague  de  mon  doigt  et  envoyez-la  à  ma  femme  ». 
Le  général  R...  survécut  à  sa  blessure3. 

M.  Gigon,  intendant  militaire4,  était  à  Aurillac,  au  café,  à  faire 
une  partie  de  cartes  avec  des  amis.  Soudain,  étreint  par  une  angoisse 
irrésistible,  il  se  lève  brusquement,  et  écrit  à  sa  femme  :  «  J'ai 
entendu  un  appel  pressant,  angoissé.  Oh  !  dis-moi  ce  que  tu  as  voulu. 
Est-ce  peine  ?  Est-ce  danger  ?  »  Or,  exactement  à  la  même  heure,  c'est- 
à-dire  à  21  heures,  le  22  décembre  1878,  la  petite  fille  de  M.  Gigon, 

1.  Ciieviïeuil,  Loc.  cit.,  53. 
•2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  251. 

3.  Hall,  tél.,  tr.  fr.  144: 

4.  Flammarion,  Loc.  cit.,  166. 


MUNITIONS  345 

avait  été  (à  Saint-  Servan)  brûlée  très  sévèrement  par  une  boule 
d'eau  trop  chaude,  mise  dans  le  berceau. 

Mad.  R...  écrit  le  matin  sur  son  carnet  au  15  mars  :  «  nuit  de  ce 
jour,  mars  1874  ».  Elle  a  vu  près  d'elle  la  tête  et  les  épaules  d'un 
homme  se  dessinant  dans  le  brouillard  comme  un  nuage.  Elle  s'écrie 
alors  :  «  Cest  le  capitaine  W...  ».  Le  capitaine,  un  de  ses  amis,  était 
alors  en  Nouvelle-Zélande,  et  il  avait  promis  à  Mad.  R...  que,  s'il 
venait  à  mourir,  il  lui  apparaîtrait.  Or  le  moment  de  cette  vision 
concorde  exactement  avec  une  chute  violente  de  voiture  que  fit 
M.  W..,  si  grave  qu'il  est  resté  longtemps  sans  connaissance,  et 
qu'il  fut  longtemps  avant  de  se  remettre1. 

M.  Phibbs,  étant  à  Infracombe,  fait  entre  22  heures  et  22  heures  et 
demie  un  rêve  qui  lui  montre  son  chien  Fox  étendu,  blessé  et  mou- 
rant au  pied  d'un  mur.  Il  le  dit  à  sa  femme.  Or,  à  ce  moment, 
dans  sa  maison  de  Nailsworth,  son  chien  Fox  était  attaqué  par  deux 
bull-dogs,  mortellement  blessé,  et  tombait  au  pied  d'un  mur2. 

M.  J.  P...  voit  soudain,  en  plein  jour,  pendant  qu'il  lisait,  en  se 
promenant,  un  sien  camarade,  Louis,  qui  tombait  à  la  renverse  en 
pleurant,  avec  le  geste  classique  des  soldats  blessés,  la  main  sur  le 
cœur.  Il  raconte  cette  vision  à  sa  famille.  Quelques  jours  après,  il 
apprend  que  Louis,  ayant  blessé  à  la  chasse  son  frère,  s'était 
évanoui  de  terreur  en  disant  :  «  Si  Charles  meurt,  je  me  tue  »  \ 

M.  Martial  Lagrange  rêve  qu'il  a  un  cancer  à  l'estomac,  et  qu'il 
est  opéré  par  le  Dr  Guinard.  Dans  cette  même  nuit,  le  Dr  Guinard 
(chirurgien  des  hôpitaux),  ne  pouvant  dormir  à  cause  d'une  névralgie 
dentaire  intense,  passe  la  nuit  à  travailler  un  mémoire  sur  le 
traitement  chirurgical  du  cancer  de  l'estomac,  et  naturellement  il 
pense  aussi  à  aller  rendre  visite  à  M.  Martial  Lagrange,  qui  n'était 
cependant  pas  son  dentiste  habituel.  Dès  qu'il  entra  dans  le 
cabinet  de  M.  Lagrange,  celui-ci  lui  dit  :  «  J'ai  rêvé  de  vous  cette 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  184. 

2.  A.  S.  P.,  1905,  XV,  428. 

3.  Flammarion,  Loc.  cit.,  155. 


346  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

nuit;  j'avais  un  cancer  de   l'estomac,  et    vous   alliez   m'ouvrir  le 
ventre1. 

M.  Haggard2  fait  un  rêve  très  douloureux  :  il  a  une  sensation 
d'oppression  comme  s'il  était  sur  le  point  de  se  noyer.  Peu  à  peu 
le  rêve  prend  une  forme  plus  précise.  «  Je  voyais,  dit-il,  le  bon  vieux 
Bob  (un  chien  qu'il  affectionnait  beaucoup)  étendu  entre  les  roseaux 
d'un  étang.  Bob,  s'efforçant  de  me  parler  et  ne  parvenant  pas  à  se  faire 
comprendre  par  la  voix,  me  transmettait  l'idée  qu'il  était  en  train 
de  mourir.  »  Au  matin,  il  ne  s'inquiéta  pas;  on  avait  vu  Bob  en 
bonne  santé  la  veille  ;  mais,  dans  la  journée,  Bob  ne  reparut  pas.  On 
constata,  quelques  jours  après,  qu'il  avait  été  écrasé  par  un  train  en 
cette  nuit  du  rêve  de  M.  H...  et  le  choc  l'avait  jeté  dans  l'étang  voisin. 

Le  comte  Nicolas  Gomanys,  médecin-major  dans  l'armée  grecque, 
est  envoyé  à  la  garnison  de  Zante.  Comme  il  approche  de  l'Ile,  il 
entend  une  voix  qui  lui  dit  en  italien  :  «  Va  voir  Volterra  ».  «  Cette 
phrase,  dit-il,  fut  répétée  si  souvent,  que  j'en  fus  comme 
étourdi  et  même  alarmé,  parce  que  je  croyais  à  une  hallucination 
auditive.  Rien  ne  me  faisait  penser  au  nom  de  Volterra  qui  habitait 
Zante,  que  je  n'avais  pas  vu  depuis  dix  ans,  et  à  qui  je  n'avais 
jamais  parlé.  A  l'hôtel,  pendant  que  je  défaisais  ma  malle,  la  voix 
ne  cessait  de  me  harceler.  Soudain  on  vint  me  prévenir  que  M.  Vol- 
terra était  là.  Il  venait  me  supplier  de  le  suivre  immédiatement, 
pour  donner  des  soins  à  son  fils  qui  était  très  malade3  ». 

Le  commandant  Grima  était  allé,  avec  sa  femme,  à  une  soirée 
nationale  à  la  Sorbonne  et  au  Chàtelet  (14  juillet  1915).  En  reutrant, 
le  soir,  à  Saint-Denis,  Mad.  Grima  s'aperçoit  qu'elle  a  perdu  un  dia- 
mant à  Paris.  Le  lendemain  matin,  le  jeune  fils  de  M.  et  Mad.  Grima 
dit  à  sa  mère  :  «  J'ai  rêvé  cette  nuit  qu'une  petite  fille  avait  trouvé  la 
bague  et  qu'elle  te  la  rapportait .  Ta  l'as  donc  perdue,  maman?  »  Et  en 
effet,  quand  M.  et  Mad.  Grima  étaient  rentrés  le  soir  chez  eux,  leurs 
enfants  étaient  couchés  et  dormaient. 

Mais  ce  n'est  pas  là  le  côté  étrange  de  cette  histoire;  car  peut- 

1.  A.  S.  P.,  1893,  III,  140. 

2.  A.  S.  P.,  1905,  XV,  424. 

3.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  306. 


MONITIONS  347 

être  les  enfants,  à  demi  endormis,  ont-ils  pu  entendre  leurs 
parents  parler  de  la  bague  perdue.  Trois  mois  après,  par  le  plus 
grand  des  hasards,  la  bague  était  retrouvée.  C'était  une  petite  fille 
de  douze  ans,  appartenant  à  une  honorable  famille  parisienne, 
qui  avait  retrouvé  la  pierre  sur  les  marches  de  la  Sorbonne.  Il  y  a 
eu  donc  là  en  tout  cas  une  prémonition  bien  extraordinaire1. 

Mad.  Bagot,  étant  à  Menton,  à  la  table  d'hôte,  voit  son  petit  chien 
Judy,  qu'elle  avait  laissé  en  Angleterre,  traverser  la  salle,  et  sans 
réfléchir,  elle  dit  :  «  Comment!  Judy  est  ici»  /Elle  raconte  le  fait  à  sa 
fille  malade,  et,  avec  son  mari,  son  autre  fille  et  sa  mère,  on  plai- 
sante sur  le  fantôme  de  Judy.  Cela  fut  même  noté  dans  le  Diary  de 
Mad.  Bagot.  On  s'assura  qu'il  n'y  avait  pas  de  chien  dans  l'hôtel. 
Or  à  cette  même  heure  Judy,  en  Angleterre,  était  mort  brusquement, 
frappé  d'un  mal  soudain  (il  y  a  quelque  incertitude  sur  la  date)  *, 

M.  G...,  de  Boston,  voit  devant  lui,  tout  à  fait  vivante,  l'image  de 
sa  sœur  morte  depuis  quelque  temps  :  il  remarquesur  la  joue  droite 
du  fantôme  une  longue  égratignure.  Il  en  parle  aussitôt  à  sa  mère  qui 
est  stupéfaite  et  s'évanouit  presque  de  terreur.  Or  la  mère  de  G...,  en 
ensevelissant  sa  fille,  avait  égratigné  la  figure,  et  personne  au  monde 
ne  savait  cet  incident2. 

M.  G.  Parent,  maire  de  Wiege,  rêve  une  nuit  que  le  feu  est  à  la 
ferme  de  Chevennes.  Il  fait  des  efforts  impuissants  pour  y  courir, 
et  il  assiste,  terrifié,  à  cet  incendie  où  tout  s'écroule.  Il  se  lève  tout 
tremblant  et  raconte  le  rêve  à  Mad.  Parent.  Le  lendemain,  une 
partie  de  la  ferme  de  Chevennes  a  été  détruite  par  un  incendie3. 

Le  récit  suivant  *  est  trop  important  pour  que  nous  ne  donnions 
pas,  sans  y  rien  changer,  la  lettre  qui  nous  fut  écrite  par  le  capi- 
taine V...  (14  janvier  1917)  \ 

«Le  3  septembre  1916,  lors  de  l'attaque  du  Chemin-Creux  (entre 
Maulpas  et  Cléry)  le  sous-lieutenant  D...  du  13°  bataillon  de  chas- 

1.  A.  S.  P.,  1895,  XV,  434. 

2.  Cité  par  Bozzano,  A.  S.  P.,  1909,  XIX,  322. 

3.  Flammarion,  Loc.  cit.,  456. 

4.  Enquête  inédite  du  Bulletin  des  Armées. 


348  CRYPTESTHÉS1E  ACCIDENTELLE 

seurs  alpins,  fut  atteint  par  une  balle  aux  deux  bras,  et  quitta  la 
ligne  pour  aller  se  faire  panser  à  l'arrière.  Le  soir,  et  quinze  jours 
de  suite,  il  manqua  à  l'appel.  On  le  chercha  en  vain  dans  toutes 
les  ambulances.  Il  fut  porté  disparu. 

«  Le  18  septembre  1916,  le  13e  bataillon  revint  dans  le  même  sec- 
teur où  la  ligne  avait  été  portée  à  environ  3  kilomètres  en  avant. 
Dans  la  nuit  du  18/19  un  ami  intime  deD...,  le  sous-lieutenant  V..., 
vit  en  rêve,  dans  un  trou  d'obus,  au  bord  du  Chemin  Creux,  au  pied 
d'un  saule,  D...  agonisant,  qui  lui  reprochait  violemment  de 
laisser  ainsi  mourir  sans  secours  son  meilleur  ami. 

«  V. . .,  officier  le  plus  froid  du  monde,  calme,  sceptique,  était  pour- 
tant obsédé  par  son  rêve.  Il  alla  trouver  S...,  son  commandant,  qui 
ne  le  prit  pas  au  sérieux  d'abord,  puis,  par  complaisance,  et  pour  en 
finir,  accorda  une  courte  permission  à  V...  pour  faire  une  enquête 
dans  le  Chemin  Creux.  V...  y  arrive,  et  retrouve  le  cadre  de  son 
rêve.  Au  pied  d'un  saule,  une  baguette  avec  cette  étiquette.  «  Ici 
deux  soldats  français  ».  Rien  ne  pouvait  faire  soupçonner  la  présence 
en  cet  endroit  des  restes  de  D...  Pourtant,  en  fouillant,  on  décou- 
vrit que  c'était  bien  D...  qui  avait  été  inhumé  là  depuis  quinze  jours 
environ.  Cet  étrange  fait  pourrait  être  attesté  par  les  officiers  du 
13e  bataillon  de  chasseurs;  mais  ils  ont  autre  chose  à  faire  ». 

Le  Dr  Ollivier  (à  Huelgoat,  Finistère)  part  à  cheval  pour  voir  un 
malade,  dans  la  campagne,  à  20  heures.  La  nuit  est  noire.  Son 
cheval  bute,  M.  Ollivier  tombe  et  se  casse  la  clavicule.  A  ce  moment 
même,  (21  heures)  Mad.  Ollivier,  allant  se  mettre  au  lit,  est  prise 
d'un  tremblement  nerveux,  appelle  sa  domestique,  et  lui  dit  :  «  7/ 
est  arrivé  quelque  malheur,  mon  mari  est  mort  ou  blessé i  ». 

On  peut  supposer  la  monition  ;  mais  une  coïncidence  fortuite  est 
possible,  et  même  vraisemblable. 

Un  soldat,  paysan  de  la  Creuse,  raconte  en  termes  très  naïfs 
à  M.  Raymond  Mialaret,  qu'un  matin  sa  petite  fille,  de  sept  ans, 
l'a  vu  en  rêve,  étendu  à  terre  et  ayant  du  sang  au  bras  gauche. 
Elle  a  raconté  le  rêve  à  sa  mère,  qui  a  dit  que  c'était  un  cau- 

i.  Hall,  tél.,  trad.  franc.,  78. 


MONITIONS  349 

chemar.    Or   cette    même    nuit    le    soldat    fut   blessé   au    bras 
gauche  l. 

M.  Fraser  Harris,  maître  de  conférences  à  Saint-Andrew,  étant 
absent  de  Londres,  va  passer  son  dimanche  dans  un  petit  hôtel  de 
famille,  quand  soudain  il  aperçoit  la  façade  de  sa  maison  de  Londres. 
Sa  femme  était  devant,  sur  le  pas  de  la  porte  et  parlait  à  un  ouvrier 
qui  tenait  un  grand  balai  dans  ses  mains.  «  Ma  femme  avait  l'air 
très  affligé.  »  M.  Harris  comprit  que  cet  homme  très  misérable  lui 
demandait  secours.  Or,  à  ce  moment  précis,  Mad.  Fraser  Harris,  à 
Londres,  voyait  un  malheureux  qui  cherchait  du  travail.  Il  deman- 
dait à  balayer  la  neige  qui  encombrait  la  rue,  et  déclarait  n'avoir 
rien  à  manger  ni  pour  lui,  ni  pour  ses  enfants.  Plus  tard,  revenu  à 
Londres,  M.  F.  Harris  reconnut  que  cet  individu  correspondait  en 
réalité  à  sa  vision-. 

Le  lieutenant  G..,  en  secteur  aux  environs  de  Reims,  n'a  pas 
reçu  de  lettres  de  sa  femme  depuis  trois  jours.  Une  nuit,  il  rêve 
qu'il  la  voit  étendue  sur  un  lit,  pâle  et  comme  morte.  Il  se  réveille 
en  sanglotant  et  attend  des  nouvelles  avec  impatience.  Ce  n'est  que 
trois  jours  après  qu'il  apprend  que,  la  nuit  de  sou  rêve,  sa  femme 
avait  failli  périr  d'asphyxie  et  d'incendie.  La  chambre  a  été  toute 
noircie,  et  il  a  fallu  changer  les  literies.  Longtemps  Mad.  G...  s'est 
ressentie  de  ce  commencement  d'asphyxie3. 

Une  petite  fille  de  dix  ans,  à  Montluçon,  voit  en  rêve  son  papa  (le 
lieutenant  D . . .,  officier  au  front)  dans  le  train,  venant  en  permission , 
et  elle  ajoute  qu'il  avait  un  manteau  de  caoutchouc  (qu'on  ne  lui 
connaissait  pas).  Le  lendemain  matin,  le  lieutenant  D...  arrive  un 
mois  plus  tôt  qu'on  ne  l'attendait,  et  avec  un  manteau  de  caout- 
chouc acheté  en  cours  de  route  *. 

Le  professeur  S.  Venturi,  directeur  de  l'asile  d'aliénés  de  Garo- 
falo,  raconte  qu'il  était  parti  à  la  campagne  à  Possuoli,  quand, 
poussé  par  un  pressentiment  de  force  inconnue,  malgré  toutes  diffi 

1.  Enquête  inédile  du  Bulletin  des  Années. 

2.  Chevreuil,  Loc.  cit.,  45. 

3.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 

4.  Communiqué  par  M.  Mialaret,  Enquête  inédite  dti  Bull,  des  Armées. 


350  GRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

cultes,  il  veut  à  tout  prix  rentrer  chez  lui  à  Nocera.  Il  rentre 
donc  et  trouve  sa  femme  en  grand  émoi.  Sa  petite  fille  venait  d'être 
atteinte  du  croup,  et  menacée  de  mort.  Mad.  Ventcri,  dans  un 
grand  état  d'agitation,  criait  et  appelait  son  mari  avec  angoisse1. 

M.  Keulemans,  dessinateur  ornithologique  renommé,  a  eu  plu- 
sieurs cas  assez  intéressants  de  cryptesthésie.  Sans  entrer  en  état 
de  trance  caractérisée,  il  a  une  sorte  de  visualisation  assez  nette 
quand  il  dessine,  en  s'y  appliquant,  une  tête  d'oiseau,  ou  mieux  des 
yeux  d'oiseau.  Mais  les  cas  de  télesthésie  signalés  par  M.  Keulemans 
ne  sont  pas  assez  précis  pour  déterminer  une  conviction.  Ils  sont 
très  intéressants  par  leur  forme  symbolique2. 

On  me  permettra,  pour  terminer  cette  énumération  très  incom- 
plète des  monitions  non  suivies  de  mort,  de  rapporter  une  moni- 
tion  qui  m'est  personnelle.  Elle  n'est  guère  un  témoignage  de  cryp- 
testhésie, car  il  n'y  a  pas  coïncidence  des  dates,  et  il  n'y  a  pas  eu 
de  récognition.  Toutefois  les  phénomènes  psychologiques  sont  trop 
identiques  à  ceux  qui  accompagnent  les  monitions  lucides,  pour  que 
je  ne  la  mentionne  pas  ici. 

C'était  pendant  le  second  mois  de  la  guerre,  dans  la  nuit  du  22 
au  23  septembre  1914.  J'étais  alors  en  Italie,  à  Rome,  car  j'avais  cru 
nécessaire  de  faire,  dès  le  début  de  la  guerre,  pour  notre  sainte  cause 
nationale,  une  propagande  active  en  Italie.  L'hôtel  Quirinale,  dont 
j'habitais  le  premier  étage,  était  absolument  désert.  J'étais,  je  crois 
bien,  le  seul  voyageur  demeurant  à  cet  étage.  Une  nuit,  comme  je 
dormais  assez  profondément,  je  suis  réveillé  par  trois  coups,  très 
nets,  mais  pas  très  forts,  frappés  à  la  porte  de  ma  chambre.  Je 
m'assois  sur  mon  lit;  j'allume  la  lampe  électrique;  et,  aussitôt,  de 
nouveau,  j'entends  trois  coups.  Alors  je  dis  :  «  Entrez  ».  Soudain, 
derrière  la  porte,  mais  semblant  tout  près  de  moi,  j'entends  une 
voix  très  distincte,  une  voix  de  femme,  suppliante,  comme  une 
femme  parlant  à  voix  basse  et  assez  lentement  :  «  Docteur  !  Docteur  !  » 
en  traînant  beaucoup  sur  la  dernière,  syllabe.  Alors,  tout  à  fait 
éveillé,  assis  sur  mon  lit,  je  dis  tout  haut  :  «  C'est  bon,  je  viens  ».  Ma 
réponse  a  été  presque  automatique  ;  car  ma  première  pensée,  très 

1.  Tamburini,  Observ.  sur  la  télépathie  (A.  S.  P.,  1893,  III,  292). 

2.  A.  S.  P.,  1903,  XII,  217. 


MUNITIONS  351 

fugitive,  avait  été  qu'on  venait  me  demander  un  secours  médical 
quelconque.  Mais  il  n'y  eut  plus  rien.  J'ouvris  la  porte  (mais  de 
celajene  suis  pas  absolument  sûr),  et,  ne  voyantpersonne,  j'inscrivis 
sur  un  bout  de  papier  l'heure  exacte,  1  heure  20  (car  je  m'étais, 
depuis  quelques  secondes,  rendu  compte  qu'il  s'agissait  d'une  hallu- 
cination). Je  n'étais  cependant  nullement  effrayé,  et  je  pus  sans 
peine,  au  bout  d'une  demi-heure  environ,  me  rendormir. 

Pourtant  mes  cinq  fils  étaient  en  ce  moment  à  la  bataille,  exposés 
aux  pires  périls.  Mais,  comme  il  y  avait  une  voix  de  femme,  et  que, 
ces  jours-là,  ma  belle-fille  devait  accoucher,  je  me  suis  imaginé 
que  c'était  la  monitiou  de  cet  accouchement.  Même  j'inscrivis  là 
précise  prévision  de  cet  événement  sur  mon  carnet. 

Ce  n'était  pas  cette  monition-là.  On  ne  peut  même  pas  parler 
dune  autre  monition  quelconque.  Six  jours  auparavant,  sans  que 
la  nouvelle  me  fût  encore  parvenue,  le  17  septembre,  à  Reims,  dans 
l'après-midi,  mon  fils  Jacques  avait  été  sérieusement  blessé,  et  fait 
prisonnier. 

De  par  cette  expérience  personnelle,  je  peux  donc  me  rendre 
compte  du  caractère  d'une  monition  auditive.  (Qu'elle  soit  lucide, 
ou  non,  peu  importe  au  point  de  vue  du  caractère  psychologique 
qu'elle  revêt.)  Si  je  puis  en  juger  par  mon  cas,  c'est  aussi  net  qu'un 
phénomène  de  la  vie  normale.  Au  début,  quand  je  m'éveillai,  et 
que  j'étais  dans  le  Borderland,  il  y  eut  un  peu  d'incertitude  ;  mais 
en  quelques  secondes  l'extériorisation  se  précisa.  Et  même  il  est 
remarquable  que  tous  les  détails  s'en  soient  fixés  solidement  dans 
ma  mémoire.  Ils  se  déforment  quelque  peu  sans  doute,  mais  la  trame 
reste  solide. 

Pour  ce  qui  est  de  cette  monition  personnelle,  il  est  absolument 
impossible  de  prouver  qu'il  s'agit  là  d'une  monition  relative  à  la 
blessure  et  à  la  captivité  de  mon  fils  Jacques.  Pourtant  je  demeure 
convaincu  —  sans  d'ailleurs  demander  que  cette  conviction  soit 
partagée  —  qu'il  s'agit  là  d'une  monition  véritable.  L'analogie  est 
trop  grande  avec  les  innombrables  cas  observés. 

C'est  la  seule  monition  hallucinatoire  que  j'aie  reçue. 

Cependant,  j'ai  eu  deux  fois,  dans  le  cours  de  ma  vie,  si  longue 
déjà,  deux  éclairs  de  cryptesthésie,  un  dans  la  veille,  un  autre  dans 
l'état  de  rêve. 


352  CRYPTESTHÉS1E    ACCIDENTELLE 

Un  soir  de  l'hiver  1899,  j'étais  dans  ma  bibliothèque  de  la  rue  de 
l'Université,  à  travailler.  Ma  femme  avait  été  ce  soir-là  à  l'Opéra, 
avec  ma  fille  Louise.  Soudain,  vers  22  heures  30,  je  me  suis  imaginé 
(la  première  fois  de  ma  vie  et  sans  qu'il  y  eût  la  moindre  odeur  de 
fumée  dans  la  chambre)  qu'il  y  avait  un  incendie  à  l'Opéra.  Ma 
conviction  fut  assez  forte  pour  que  j'écrivisse  sur  un  bout  de 
papier  :  «  Feu!  feu!  »  Quelques  minutes  après,  je  me  figurai  que  ce 
n'était  pas  assez  et  j'écrivis  :  «  AU!  »  (c'est-à-dire  attention). 
Puis,  sans  inquiétude  d'ailleurs,  je  me  remis  à  mon  travail.  Vers 
minuit,  dès  que  ma  femme  et  ma  fille  rentrèrent,  tout  de  suite,  je 
leur  demandai  :  «  Est-ce  qu'il  y  a  eu  un  incendie?  »  Elles  furent 
extrêmement  surprises.  «  Non,  me  dit  ma  femme,  il  n'y  a  pas  eu 
d'incendie,  mais  nous  avons  eu  très  peur.  A  un  moment,  dans  un  entre- 
acte,  une  fumée  s'est  élevée  de  l'orchestre  ;  il  y  a  eu  une  rumeur;  je  suis 
sortie  précipitamment  de  la  loge  pour  savoir  ce  qui  en  était,  et  j'ai  dit 
àma  fille  :  «  Quand  je  reviendrai,  pars  tout  de  suite  sans  rien  attendre  !  » 
On  ma  rassurée,  et  la  représentation  a  continué  sans  encombre.  » 

Mais  ce  n'est  pas  là  le  seul  élément  singulier  de  cette  cryptes- 
thésie.  Au  moment  où  j'écrivais  sur  mes  notes  :  Feu!  feu!  AU.  », 
ma  sœur,  Mad.  L.  Ch.  Buloz,  dont  l'appartement  n'est  séparé  du 
mien  que  par  une  porte,  s'imagine  qu'il  y  avait  le  feu  chez  moi.  Elle 
va  jusqu'à  la  porte,  et,  au  moment  de  l'ouvrir,  comprenant  que 
sa  crainte  était  chimérique,  elle  s'arrête  en  disant  :  «  Non,  je  ne  vais 
pas  pour  cette  sottise  déranger  mon  frère  ». 

Ainsi,  au  même  moment,  ma  sœur  et  moi  nous  avons  eu  une 
impression  d'incendie.  C'est  l'expression  la  plus  exacte  que  je  trouve 
pour  indiquer  la  notion  très  vague  que  j'ai  ressentie,  pendant 
qu'à  un  kilomètre  de  là,  il  y  avait  à  l'Opéra,  où  se  trouvaient 
Mad.  Charles  Richet  et  ma  fille,  une  sérieuse  menace  d'incendie. 

Est-ce  coïncidence?  Est-ce  parce  que  rue  de  l'Université  il  y  a  eu 
une  odeur  de  feu  et  de  fumée,  si  faible  qu'elle  n'a  pas  été  perçue 
par  la  conscience? 

Voici  maintenant  pour  le  rêve  à-demi  cryptesthésique. 

J'étais  assez  profondément  endormi  vers  8  heures  du  matin, 
en  1907.  Je  rêvais  à  ce  moment  que  j'étais  avec  Mad.  Charcot  (pour- 
quoi Mad.  Charcot,  que  je  neconuais  absolument  pas,  à  qui  je  n'ai 


MONITIONS  353 

jamais  parlé,  que  je  n'ai  même  jamais  vue?)  et  que  nous  étious 
ensemble,  en  automobile,  dans  une  avenue  de  platanes.  Mais  l'auto 
allait  tellement  vite  que  j'avais  peur  d'un  accident.  L'accident 
arrive,  et  me  réveille.  L'accident  était  tout  simplement  le  facteur 
qui  m'apportait  une  lettre  chargée.  Et  tout  de  suite,  en  prenantcette 
lettre,  —  je  ne  sais  vraiment  à  quoi  attribuer  cette  impression,  — 
je  me  suis  imaginé  qu'il  y  avait  une  relation  entre  mon  rêve  et  la 
lettre  chargée  qui  m'arrivait.  J'en  étais  tellement  certain  que,  pour 
avoir  un  signe  matériel  de  ma  certitude,  je  fis  une  petite  croix 
(qu'on  pourrait  sans  doute  retrouver  encore)  sur  le  registre  postal 
des  signatures,  témoignage  commémoratif.  Or  la  lettre  venait  des 
Iles  Açores.  Elle  était  de  mon  ami  le  colonel  Chaves,  qui  me  deman- 
dait un  mot  de  recommandation  pour  Jean  Charcot  (que  je  ne  con- 
naissais d'ailleurs  aucunement),  lequel  devait  d'ici  à  quelques 
semaines  arriver  aux  Açores  avec  son  yacht. 

Pour  ces  trois  cas  personnels,  que  je  viens  de  citer,  je  crois  bien 
qu'il  y  eut  cryptesthésie,  et  que  ce  ne  furent  pas  des  coïncidences. 
Mais,  d'autre  part,  je  n'en  suis  convaincu  que  parce  qu'il  y  a  d'autres 
nombreux  faits,  bien  plus  démonstratifs,  de  cryptesthésie.  En 
eux-mêmes,  ces  trois  cas  n'ont  aucune  force  probatoire,  mais,  ils 
bénéficient  des  nombreux  cas  probatoires  et  démonstratifs  qu'ont 
réunis  des  observateurs  plus  heureux1. 

\.  Les  laits  de  monitions  et  de  prémonitions  que  je  donne  ici  ont  dû  être 
abrégés.  C'est  vraiment  assez  lamentable,  car,  pour  les  bien  juger,  il  faut  en 
approfondir  les  détails.  Le  squelette  dé  ces  récits  n'apporte  pas  la  conviction 
forte  et  décisive  que  donne  l'exposé  circonstancié  des  phénomènes.  J'espère  fer- 
mement que  les  personnes  intéressées  à  ces  problèmes  troublants  ne  se  conten- 
teront pas  de  ces  récits  sommaires  et  voudront  avoir  recours  aux  documents 
originaux. 


Richet.  —  Métapsychique. 


III.  —  MUNITIONS  DE  MORT  » 

Les  monitions  de  mort  sont  fréquentes. 

Si  j'en  donne  tant  d'exemples,  c'est  que  j'ai  voulu  faire  pénétrer 
la  conviction  dans  l'esprit  du  lecteur  grâce  à  la  variété  et  à  la  com- 
plexité des  monitions  de  mort,  surtout  grâce  à  la  remarquable  mul- 
tiplicité des  témoignages. 

Essentiellement  les  monitions  de  mort  ne  diffèrent  pas  des  moni- 
tions d'autres  événements  :  mais  il  faut  cependant  leur  faire  une 
place  à  part,  à  cause  de  leur  fréquence. 

Les  cas  que  nous  rapportons  eussent  pu  être  bien  plus  nombreux 
encore  si  nous  n'avions  exercé  une  assez  sévère  critique,  même  sur 
ceux  qui  ont  été  publiés.  Cette  critique,  je  le  reconnais,  eût  pu  certai- 
nement être  plus  sévère  encore,  et  j'admets  volontiers  que  la  moitié 
des  cas  cités  n'a  pas  une  absolue  valeur  probatoire.  Il  n'en  restera 
pas  moins  un  notable  nombre  de  faits  authentiques,  indiscutables, 
qui  défient  tout  scepticisme. 

Ne  fût-ce  qu'au  point  de  vue  historique,  il  est  intéressant  de  citer 
la  monition  très  nette  qu'eut  Chevreul,  l'illustre  chimiste2. 

C'était  en  1814,  un  peu  avant  l'entrée  des  Alliés. 

Il  voit  dans  sa  chambre,  entre  les  deux  croisées  de  son  cabinet, 
une  forme  pâle  et  blanche  semblable  à  un  cône  allongé  que  sur- 
montait une  sphère,  forme  qui  paraissait  d'ailleurs  immobile. 
Chevreul,  frissonnant,  détourna  les  yeux,  et  cessa  de  voir  le  fan- 

i.  L'ordre  qui  a  été  adopté  est  à  peu  près  l'ordre  alphabétique.  Pourtant  il  y  a 
des  exceptions;  car  j'ai  parfois  groupé  ensemble  les  cas  analogues.  J'ai  dû  résumer 
ces  communications,  à  mon  grand  regret;  car  tous  les  détails  ont  de  l'impor- 
tance. Aussi  bien  faut-il  conseiller,  aux  personnes  curieuses  de  ces  phénomènes,  de 
recourir  aux  documents  originaux,  dont  je  donne  l'indication  bibliographique. 

2.  Elle  est  rapportée  dans  le  tome  II  de  YAnalomie  comparée  du  système  ner- 
veux, par  Leuret  et  Gratiolet  (Paris,  1857,  534). 


MUNITIONS    DE    MORT  355 

tome,  puis,  regardant  au  même  endroit,  il  le  revit  encore.  Cette 
épreuve  fut  répétée  trois  fois,  avec  le  môme  résultat.  Alors  le  jeune 
homme  se  décideàse  retirer  dans  sa  chambre  à  coucher.  Mais  ce  mou- 
vement l'oblige  à  passer  devant  le  fantôme,  qui  alors  s'évanouit. 

La  vision  n'a  probablement  pas  été  reconnue.  Mais  au  même 
moment,  mourait,  loin  de  Paris,  un  vieil  ami  de  Chevreul  qui  lui 
léguait  sa  bibliothèque,  et  Chevreul  ajoute  :  «  si  j'avais  été  supers- 
titieux, j'aurais  pu  croire  à  une  apparition  réelle  ». 

Chevreul  raconte  aussi  l'histoire  d'un  anatomiste  illustre  de  la  fin 
du  xviii0  siècle,  qui  dit  un  jour  au  perruquier  qui  le  coiffait,  et  qui 
en  fut  stupéfié  :«  Pourquoi  me  serrez-vous  le  bras  ?  »  C'est  à  ce 
moment  même  qu'un  de  ses  amis  se  noyait.  Le  savant  eut  l'esprit 
tellement  frappé  de  cette  coïncidence  qu'il  ne  voulut  plus  jamais 
entrer  seul  dans  sa  chambre. 

Brierre  de  Boismont  rapporte,  dans  son  livre  surles  Hallucinations, 
l'histoire  d'une  jeune  fille  qui  voit  en  rêve  sa  mère  mourante,  qui 
s'entend  appeler,  qui  décrit  toute  une  scène  de  mort.  Or  tous  les 
détails  étaient  véridiques,  et  Mad.  R...,  mère  de  cette  jeune  fille, 
mourait  à  ce  moment  même. 

Brierre  de  Boismont  ajoute  :  «  Si  nous  voulions  citer  tous  les  noms 
des  personnages  connus  ayant  une  haute  position  dans  la  science, 
un  jugement  excellent,  des  connaissances  très  étendues,  qui  ont  eu 
de  ces  avertissements,  de  ces  pressentiments,  il  y  aurait  matière  à 
plus  d'une  réflexion  ». 

C'est  précisément  parce  qu'il  faut  y  réfléchir  que  ce  livre  a  été 
écrit. 

Mad.  J.  Adam,  l'éminente  écrivain,  à  2J2  heures  était  dans  sa 
chambre,  et  nourrissait  sa  petite  fille.  Réveillée  par  les  pleurs  de 
l'enfant,  elle  voit  sa  grand'mère  au  pied  de  son  lit  :  «  Quelle  joie, 
dit-elle,  grand'mère,  de  te  voir!  »  Mais  l'ombre  ne  répondit  pas  et 
leva  la  main  vers  l'orbite  de  ses  yeux.  «  Je  vis,  écrit  Mad.  Adam, 
deux  grands  trous  vides.  Je  me  jetai  au  bas  de  mon  lit,  et  courus 
vers  ma  grand'mère.  Au  moment  où  j'allais  la  saisir  dans  mes  bras, 
le  fantôme  disparut.  »  La  grand'mère,  en  réalité,  était  morte  ce  jour- 
là  à  20  heures1. 

1.  Flammarion,  Loc.  cit.,  187. 


356  CRYPTESTHESIE    ACCIDENTELLE 

Mad.  Allom,  étant  jeune  fille,  âgée  de  dix-sept  ans,  faisait  ses  études 
en  Alsace.  Un  jour,  elle  lisait  dans  la  grande  salle  de  l'école,  quand 
elle  voit  subitement,  à  l'autre  bout  de  la  chambre,  la  figure  de  sa 
mère,  couchée  comme  dans  un  lit,  vêtue  d'une  chemise  de  nuit.  Elle 
souriait,  et  une  de  ses  mains  était  levée  vers  le  ciel.  L'apparition 
passa  lentement  à  travers  la  pièce,  en  s'élevant  peu  à  peu,  et  dis- 
parut. Deux  jours  après,  la  maîtresse  fit  appeler  dans  sa  chambre 
la  jeune  fille,  qui,  tout  de  suite,  lui  dit  :  «  Vous  n'avez  rien  à 
m' apprendre,  je  sais  que  ma  mère  est  morte  ».  Or  Mad.  Carrick, 
mère  de  Mad.  Allom,  était  morte  au  même  jour  et  à  la  même  heure. 

Alexis  Arbonsoff  (dePskofï,  Russie)  rêve  le  matin,  étant  dans  son 
lit,  que  sa  mère  s'approche  de  lui,  l'embrasse,  et  lui  dit  :  «  Adieu, 
je  meurs  !  »  Il  se  réveille  avec  un  frisson  glacé,  et  regarde  l'heure  : 
il  est  7  heures  30.  Mais  il  ne  peut  se  rendormir.  Dix  minutes  après, 
toute  la  maison  était  en  émoi.  La  mère  de  M.  Arbonsoff  s'était  levée  à 
7  heures,  elle  avait  été  embrasser  sa  petite  fille,  puis  faire  ses  prières 
devant  les  icônes,  et  là  elle  était  morte  subitement,  à  7  heures  30  l. 

Mad.  Van  B...,  à  Ypres,  s'éveille  en  sursaut  à  4  heures  45  du 
matin,  prise  d'une  étrange  oppression.  Elle  s'imagine  que  son  père 
est  très  malade,  mort  sans  doute.  Elle  réveille  son  mari  qui  tâche 
de  la  calmer,  en  lui  disant  que  c'est  un  cauchemar.  Or  le  père  de 
Mad.  Van  B...,  à  Bruxelles,  mourait  au  même  moment2. 

Le  Rév.  Ball,  de  Cambridge,  rêve  qu'il  est  avec  son  ami  Dom- 
brain,  dans  un  beau  paysage.  Tout  d'un  coup,  une  vive  lumière 
apparaît  devant  lui.  Alors  il  se  réveille  tout  à  fait,  et  voit  son  ami 
Dombrain  qui  traverse  la  lumière,  en  souriant.  M.  Ball  se  lève 
brusquement,  et  crie  à  haute  voix  :  «  Robert  !  Robert!  »et  la  vision 
disparaît.  Il  se  trouvait  que  le  jeune  domestique  de  la  maison  s'ap- 
pelait Robert.  11  croit  qu'on  l'appelle  et  accourt.  M.  Ball  alors  a  la 
notion  que  son  ami  est  mort,  aussi  nettement  que  s'il  avait  été  à 
son  chevet  d'agonie.  Il  regarde  l'heure.  Il  est  5  heures  3  minutes.  Or 
c'est  exactement  à  5  heures  3  minutes  que  mourait  Robert  Dombrain. 

1.  Flammarion,  Loc.  cit.,  435. 

2.  A.  S.  P.,  1899,  IX,  71. 


MONITIONS    DE    MORT  357 

Le  fait  suivant,  dû  à  M.  Pyrrhus  Bessi  l,  est  uu  cas  de  monition 
de  mort  par  la  cristalloscopie  accidentelle.  M.  Bessi,  à  Panicole  (en 
Italie,  près  de  Pérouse),  étant  la  nuit,  seul  dans  sa  chambre,  à  tra- 
vailler, se  repose  un  moment.  Alors  sa  lampe  s'éteint  à  demi  ;  il  la 
veut  rallumer,  et  la  lampe  s'éteint  tout  à  fait.  Pourtant  la  chambre 
reste  éclairée  d'une  vague  lueur  :  et  il  aperçoit  dans  un  vieux  miroir 
qui  était  dans  sa  chambre,  comme  s'il  y  avait  une  ouverture  qui 
laissait  entrevoir  une  autre  pièce  de  la  maison,  une  autre  chambre, 
d'autres  meubles,  et  dans  cette  chambre  une  vieille  dame,  qu'il 
reconnut,  qui  s'assit  devant  une  table,  prit  quelques  feuilles  de 
papier  dans  un  tiroir,  et  se  mit  à  écrire  lentement,  puis  plaça  le 
papier  dans  une  enveloppe,  posa  sa  tête  sur  le  fauteuil,  et  s'en- 
dormit. Le  lendemain  matin  M.  Bessi  apprit  que  cette  dame  était 
morte  dans  la  nuit,  et  que  dans  le  tiroir  de  la  table  on  avait  trouvé 
son  testament  olographe. 

Le  récit  suivaut  vient  de  m'être  donné  par  un  membre  éminent 
du  barreau  de  Paris,  que  j'appellerai  A...  car  je  n'ai  pas  le  droitde 
mentionner  son  nom.  Le  fait  est  très  ancien,  puisqu'il  s'agit  de  la 
grand'mère  de  M.  A... 

Mad.  A...  veuve  de  très  bonne  heure,  avait  étéun  soircourtiséeun 
peu  trop  vivement  par  un  très  proche  parent  B...  et  elle  en  avait 
été  quelque  peu  offensée.  A  quelque  mois  de  là,  étant  à  la  campagne, 
en  hiver,  et  soignant  son  enfant  malade,  elle  trouve  qu'il  fait  froid 
dans  la  chambre,  et,  comme  c'était  au  milieu  de  la  nuit,  pour  ne 
pas  éveiller  les  domestiques,  elle  descend  au  bûcher  afin  d'aller 
chercher  du  bois.  Au  moment  où  elle  ouvre  la  porte  du  bûcher,  elle 
voit  devant  elle  B...  qui  se  met  à  genoux,  lui  prend  les  mains, 
et  lui  dit  :  «  Pardonnez-moi  !  pardonnez-moi  !  »  Elle  est  interlo- 
quée ;  car  la  vision  est  aussi  nette  que  la  réalité...  Mais  bientôt  tout 
disparaît.  Au  matin,  elle  apprend  par  un  télégramme  que  B... 
venait  de  mourir. 

Le  Rév.  Barrer,  à  23  heures,  étant  dans  son  lit,  aperçoit  avant 
de  s'endormir  la  figure  (souriante)  d'une  de  ses  tantes  qui  était  à 

1.  J'ai  vu  et  j'ai  entendu.  —  Revue  des  Etudes  Psychiques,  1901,  21-33  ;  97-168. 


358  GRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

Madère.  Il  tressaille,  raconte  aussitôt  la  vision  à  sa  femme,  et  le 
lendemain  matin  à  différentes  personnes.  Or  cette  tante  de  M.  Barker 
à  la  même  heure  (en  tenant  compte  de  la  différence  de  longitude) 
mourut  à  Madère1. 

M.  Baeschly,  de  Saverne,  âgé  de  vingt  ans,  est  seul  avec  son  père 
dans  la  maison,  quand,  vers  minuit,  il  se  fait  un  terrible  fracas.  Le 
père  et  le  fils  se  lèvent,  n'y  comprenant  rien.  Une  seconde  fois  le 
même  fracas  recommence.  Le  père  et  le  fils,  après  s'être  recouchés, 
se  relèvent  etse  rencontrent  de  nouveau  devant  la  porte  ouverte.  Une 
troisième  fois  la  porte  se  rouvre  avec  fracas.  Alors  ils  la  lient  avec 
une  grosse  corde.  Quelque  temps  après  une  lettre  leur  annonce  que 
le  frère  de  M.  Baeschly  était  mort  en  Amérique,  le  même  jour,  à  une 
heure  de  l'après-midi.  Il  paraît  que,  mourant,  s'éveillant  d'un  coma 
prolongé,  il  avait  dit  :«  Je  viens  de  faire  un  grand  voyage;  j'étais 
chez  mon  frère  à  Brunatte  »3. 

Miss  Beale,  alors  âgée  de  quatorze  ans,  voit  entrer  dans  sa 
chambre,  au  milieu  de  la  nuit,  la  figure  d'un  homme  habillé  d'une 
robe  de  chambre  flottante;  il  semblait  avec  la  main  chercher  son 
chemin,  et  disparut.  Miss  B...  effrayée,  appelle  une  de  ses  com- 
pagnes, qui  couchait  dans  la  même  chambre.  Celle-ci  lui  dit  : 
«  C'est  sans  doute  C. . . ,  mon  frère  ».  Le  lendemain  matin ,  au  déjeuner, 
C...  affirme  qu'il  n'est  point  venu,  mais  il  avait  vu,  lui  aussi, 
au  même  moment,  une  forme  entrer  dans  sa  chambre  et  une  forme 
qu'il  avait  reconnue  pour  être  l'ombre  d'un  ami  (de  mauvaise  santé, 
mais  qu'il  ne  croyait  pas  en  danger)  qui  jadis  lui  avait  dit  :  «  Celui 
qui  de  nous  deux  mourra  le  premier  viendra  voir  l'autre  ».  Or,  en 
réalité,  cet  ami  était  mort  cette  même  nuit,  comme  on  l'apprit 
plus  tard  4. 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.  249.  Ce  cas  est  noté  par  Grasset1  comme  ne  prouvant  rien. 
Mais  la  critique  de  Grasset  est  inopérante.  En  effet  il  parle  d'un  rêve  banal, 
léger,  comme  probablement  le  R.  P.  Barker  en  a  eu  des  centaines  et  des  milliers 
dans  sa  vie.  Mais  non  !  mais  assurément  non  !  Ce  fut  une  hallucination  assez  nette 
pour  qu'il  la  raconte,  comme  un  phénomène  singulier,  peut-être  unique  dans  sa 
vie,  à  sa  femme  et  à  ses  amis.  Et  puis  est-ce  que  la  simultanéité  du  jour  et  de 
l'heure  ne  compte  pas  ? 

1.  Loc.  cit.,  p.  341. 

3.  Chevreuil,  Loc.  cit.,  334. 

4.  A.  S.  P.,  1891,  I,  13. 


MONITIONS    DE    MORT  359 

M.  Beaugrand,  journaliste  du  Havre,  connu  de  moi  personnelle- 
ment, ma  raconté,  avec  documents  à  l'appui,  que  sa  mère,  au 
Havre,  le  2  novembre  1856,  avant  de  se  coucher,  étant  encore 
éveillée,  entend  un  bruit  effroyable  de  tempête,  et  voit  la  cheminée 
trembler,  comme  s'il  y  avait  un  grand  vent.  Elle  songe  alors  à  se 
réfugier  dans  une  autre  chambre.  Pourtant  il  n'y  avait  en  réalité 
ni  cyclone,  ni  vent,  ni  tempête.  Or,  le  même  jour,  à  11  heures  du 
soir,  son  mari,  qui  allait  de  New-York  au  Havre,  et  qui  s'était 
embarqué  le  matin,  périssait  dans  une  tempête  à  quelques  milles 
de  New-York1. 

Elsa  Barker,  auteur  de  divers  romans  (The  son  ofMary  Bethel,  etc.) 
étant  à  Paris,  est  soudain,  sans  cause  connue,  poussée  à  écrire  par 
l'écriture  automatique.  «  Je  suis  là,  je  peux  vous  voir  ;  je  me  suis 
trouvé  devant  l'inévitable,  etc.  »  La  signature  était  de  X...,  une  per- 
sonne vivant  en  Amérique,  qu'elle  connaissait  à  peine,  magistrat,  de 
soixante-dix  ans  environ,  philosophe  et  écrivain.  Elsa  Barker  inter- 
roge une  de  ses  amies  pour  savoir  qui  était  ce  X...  qu'elle  n'avait 
vu  que  de  loin  en  loin.  Un  ou  deux  jours  après  Elsa  Barker  apprend 
que  M.  X...  est  mort  quelques  jours  avant  qu'elle  ait  reçu  le  mes- 
sage. Elle  pense  qu'elle  est  la  première  personne  en  Europe  qui  ait 
eu  connaissance  de  la  mort  de  M.  X... 

Cet  écrit  de  X...  a  été  suivie  de  nombreuses  écritures  automa- 
tiques publiées  en  un  volume  qui  n'a  au  point  de  vue  scienti- 
fique qu'un  intérêt  secondaire.  Mais  on  doit  le  lire  avec  soin  pour 
se  rendre  compte  de  la  puissance  de  l'inconscient  en  un  aussi 
éminent  écrivain  qu'ELSA  Barker3. 

Le  4  mai,  Lord  Beresford,  naviguant  entre  Gibraltar  et  Marseille, 
voit  dans  sa  cabine  un  cercueil,  et  dans  le  cercueil  il  reconnaît  son 
père,  aussi  distinctement  que  si  c'était  une  réalité.  Il  en  parle  à  ses 

1 .  Le  récit  de  ce  cas  très  ancien  ne  pourrait  à  lui  tout  seul  avoir  grande  force 
probatoire:  car  avec  le  temps  les  souvenirs  se  déforment.  Pourtant  il  est  pro- 
bable que  ces  cas  anciens,  si  analogues  aux  cas  contemporains,  sont  exacts  dans 
l'ensemble.  On  en  trouvera  trois  bons  exemples,  trop  longs  pour  être  reproduits 
ici,  racontés  par  C.  Flammarion.  Les  apparitions  au  moment  de  la  mort  (Revue  spi- 
rite,  fév.  1921,  33. 

2.  Letters  from  a  Living  clead  man,  London,  W.  Rider,  1917. 


360  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

camarades.  En  arrivant  à  Marseille,  il  apprend  que  son  père  est 
mort  le  29  avril,  etqu'il  a  été  enterré  le  4  mai  *. 

M.  Berget,  professeur  de  physique  à  la  Sorbonne,  raconte  que  sa 
mère,  étant  jeune  fille,  a  entendu  soudain  la  voix  d'uue  amie  qui 
était  loin  de  Paris,  et  qu'elle  eut  une  telle  frayeur  qu'elle  a  perdu 
connaissance.  Quand  elle  revint  à  elle  :  «  C'est  horrible,  s'écrie- 
t-elle,  Amélie  se  meurt.  Elle  est  morte  ;  car  je  vieus  de  l'entendre 
chanter  comme  il  n'y  a  qu'une  morte  qui  puisse  chanter.  »  Et  en 
effet  cette  jeune  fille  mourait  à  ce  moment  même  (15  heures)  à 
Strasbourg,  dans  le  couvent  où  elle  était  religieuse2. 

Le  Rév.  P.  Bec  (de  Southbank,  Yorkshire),  se  sent  un  soir  après 
dîner,  dans  un  état  de  tristesse  inexplicable.  A  8  heures  moins 
10  exactement,  sortant  sur  le  palier  de  l'escalier,  il  aperçoit  une 
femme  qui  descend  l'escalier.  Mais  Mad.  Bec,  qui  descendait  en  ce 
moment,  ne  voit  rien.  L'apparition  avait  la  taille,  et  la  robe,  et  tout 
l'extérieur  de  la  mère  de  M.  Bec.  Cependant  M.  Bec  ne  la  reconnut 
pas.  Or  la  mère  de  M.  Bec  était  morte  subitement  d'une  maladie  de 
cœur,  à  quelque  cent  milles  de  là,  exactement  à  la  même  heure  3. 

M.  Belbéder,  du  6e  colonial,  était  allé  passer  chez  ses  amis  quel- 
ques jours  de  vacance,  à  Ribérac  (Dordogne) .  Au  moment  où  il  s'en- 
dormait, il  voit  passer  une  ombre  blanche  et  transparente  qui  se 
détache  lentement  de  la  cheminée,  s'avance  vers  le  lit,  se  penche 
vers  lui.  «J'ai  parfaitement  compris  qu'elle  disait  :  «  Sois  toujours 
«  ïami  de  mon  fils.  »  Puis,  l'ombre  s'étant  relevée  lentement,  j'ai 
reconnu  la  forme  de  la  mère  d'un  de  mes  meilleurs  amis,  que  j'avais 
quittée  en  bonne  santé.  Je  me  suis  levé  pour  savoir  si  j'étais  victime 
d'une  illusion.  11  n'y  avait  pas  de  lune,  la  nuit  était  très  noire.  »  De 
fait  la  personne  dont  la  forme  a  été  reconnue  était  morte  deux 
heures  auparavant  *. 

M.  Binet,  âgé  alors  de  quinze  ans,  a  de  la  peine  à  s'endormir.  Vers 
minuit  et  demi,  il  lui  sembla  voir  un  rayon  de  lune  marcher,  puis 

1.  A.  S.  P.,  1907,  XVII,  727. 

2.  Flammarion,  Loc.  cit.,  78. 

3.  A.  S.  P.,  1891,  I,  367. 

4.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 


MUNITIONS    DE    MORT  361 

cette  ombre  lumineuse,  qui  flottait  comme  une  grande  robe,  prit 
la  forme  d'un  corps  et  s'avança  vers  son  lit.  Je  criai  :  «  Léontine  !  » 
M.  Binet,  avant  de  rien  savoir,  raconte  cette  apparition.  Elle  s'est 
produite  au  jour  et  à  l'heure  où  la  petite  Léontine  était  morte1. 

La  monition  suivante  est  loin  d'être  plus  remarquable  qued'autres. 
Si  je  la  rapporte,  c'est  que  je  viens  d'en  être  pour  ainsi  dire  témoin 
(octobre  4919),  et  que  je  puis  la  conter  avec  quelques  détails.  Elle 
rentre  absolument  dans  le  cadre  des  monitions  classiques. 

Dans  la  nuit  du  22  au  23  octobre  1919,  Adèle  Bureau,  veuve, 
âgée  de  quarante  et  un  ans,  au  service  de  ma  belle-fille,  Mad.  Albert 
Kichet,  à  Carqueiranne  (Var),  entend  dans  son  sommeil,  vers  3 
heures  du  matin,  frapper  à  sa  porte  comme  si  quelqu'un  voulait 
entrer.  Elle  veut  essayer  de  dire  :  «  Entrez  »  ;  mais  elle  est  comme 
paralysée.  Il  lui  semble  que  sa  chemise  la  colle  su?'  son  lit,  de  sorte 
qu'elle  ne  peut  rien  dire,  ni  faire.  Alors  elle  voit  une  forme  de 
femme  tout  en  blanc,  sur  le  seuil  de  la  porte,  comme  si  la  porte 
s'était  ouverte.  Elle  ne  peut  pas  distinguer  la  figure,  car  la  forme 
s'est  évanouie,  et  a  tourné  le  dos  dès  qu'ADÈLE  a  voulu  la  regarder. 
Et  presque  aussitôt  la  forme  a  disparu,  s'est  évanouie  comme  si  elle 
était  sortie  par  la  porte,  mais  la  porte  ne  s'était  ni  fermée  ni  ouverte. 
Malgré  son  émotion,  Adèle  a  pu  se  rendormir,  quoique  difficilement. 

Elle  n'a  pu  reconnaître  la  forme,  mais  elle  a  pensé  à  une  sienne 
nièce  qu'elle  aimait  tendrement  et  qui  était  gravement  malade.  Le 
23  octobre,  à  15  heures,  après  qu'elle  a  raconté  son  rêve  (cauche- 
mar, selon  son  expression),  à  ma  belle-fille,  elle  reçoit  une  dépêche 
lui  annonçant  la  mort  de  sa  nièce. 

Adèle  m'a  dit  qu'elle  n'a  pas  reconnu  sa  nièce,  n'ayant  pas  vu  la 
figure,  mais  qu'elle  a  pensé  à  elle.  Elle  a  vu  un  vêtement  blanc, 
comme  une  robe  de  mariée,  et  elle  pense  qu'on  a  dû  l'ensevelir  avec 
cette  robe  (elle  était  mariée  depuis  un  an).  L'émotion  de  la  mort  (et 
peut-être  aussi  de  la  vision)  a  été  si  vive  chez  Adèle  qu'elle  a  été 
assez  malade  (larmes  et  céphalées)  dans  la  soirée  du  23  octobre2. 

i.  Flammarion,  Loc.  cit.,  84. 

2.  La  dépêche  était  ainsi  conçue  :  «  Mad.  Bureau,  Carqueiranne,  23  octobre, 
Chissey  en  Morvan  (Saône-et-Loire).  Jeanne  décédée  ce  matin,  obsèques,  vendredi 
onze  heures,  Bertbelon  ».  C'est  la  première  fois  qu'ADÈLE  Bureau  a  eu  une  appa- 
rition. Il  y  a  quelques  années,  après  la  mort  d'une  de  ses  tantes,  elle  a  eu  pen- 


362  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

Voici  une  monition  qui  n'est  pas,  à  proprement  parler,  une  moni- 
tion  de  mort,  mais  qui  a  un  certain  caractère  monitoire  remarquable, 
car  elle  constitue  un  appel  très  singulier  l.  Le  Père  Brompton  (pseu- 
donyme) doit  aller  le  lendemain  matin  donner  les  derniers  sacre- 
ments à  une  femme  très  malade  :  il  donne  à  la  garde  son  numéro 
de  téléphone  pour  qu'on  l'appelle  si  la  malade  empirait.  Au  matin, 
à  l'aube,  il  est  éveillé  et  voit  une  forme  humaine  qui  lui  dit  -.«.Il  y 
a  un  message  téléphonique  pour  vous».  Il  était  4  heures  15  du 
matin.  Il  s'habille  précipitamment  et  arrive  juste  à  temps  pour 
donner  les  derniers  sacrements  à  la  malade. 

Or  il  a  été  constaté  qu'on  ne  lui  avait  jamais  téléphoné,  et  que 
personne  n'était  venu  le  matin  pour  le  réveiller. 

Faut-il  voir  là  simplement  une  hallucination  (visuelle  et  auditive) 
du  Père  Brompton,  préoccupé  du  devoir  qu'il  avait  à  accomplir  auprès 
de  la  mourante  ?  Etant  donnés  les  nombreux  faits  authentiques  de 
monitions  que  nous  connaissons,  on  peut  supposer  qu'il  s'agit  là 
d'une  vraie  monition  impliquant  la  lucidité,  et  non  d'un  phénomène 
morbide,  hallucination  non  véridique,  comme  en  ont  seulement  les 
aliénés  et  les  alcooliques. 

Mad.  Bishop,  voyageant  dans  les  Montagnes  Rocheuses,  avait  fait 
là  la  connaissance  d'un  métis  connu  sous  le  nom  de  Mountain  Jim. 
«  Dans  le  cours  d'une  conversation,  il  me  dit  :  «  Je  vous  reverrai 
a  quand  je  mourrai.  »  En  1874,  dix  ans  après,  étant  à  Interlaken,  le 
matin,  dans  mon  lit,  vers  6  heures,  j'étais  occupée  à  écrire  quand 
je  vois  Mountain  Jim  devant  moi  ;  ses  yeux  étaient  fixés  sur  moi,  et, 
lorsque  je  le  regardai,  il  me  dit  à  voix  basse,  mais  très  distincte- 
ment :  «  Je  suis  venu  comme  f  'avais  promis  »  puis  il  me  fit  un  signe 
de  la  main  et  il  ajouta  «  Adieu  ».  Nous  prîmes,  Mad.  Ker  qui  était 
dans  le  même  hôtel  avec  moi,  et  moi,  note  de  l'événement,  en  indi- 
quant la  date  et  l'heure.  La  nouvelle  de  la  morj  de  Mountain  Jim 
nous  arriva  plus  tard.  La  date,  si  l'on  tient  compte  de  la  différence 
de  longitude,  coïncidait  avec  celle  de  l'apparition  ». 

dant  plusieurs  nuits,  des  cauchemars  dans  lesquels  elle  se  croyait  poursuivie, 
étouffée  par  sa  tante.  Elle  a  fait  dire  des  messes,  et  les  cauchemars  ont  dis- 
paru. Adèle  Bureau  est  d'ailleurs  fort  intelligente,  et  se  rend  bien  compte 
de  tout  ce  qu'elle  ressent.  La  défunte  n'a  pas  été  enterrée  avec  sa  robe  de 
mariée. 

1.  Journ.  S.  P.  R.,  juillet  1919,  84. 


MONITIONS    DE    MORT  363 

L'acte  de  décès  de  Mountain  Jim  indique  qu'il  est  mort  à  Fort 
Collius  (Colorado)  le,  7  septembre  1874,  à  3  heures  de  l'après-midi, 
heurequi  corresponde  10heuresdumatin,à  Interlakeu.  Mad.  Bishop 
ne  dit  pas  si  cette  vision  a  eu  lieu  le  7  ou  le  8  septembre.  Si  c'est  le 
8  septembre,  la  vision  a  suivi  la  mort  de  vingt  heures;  si  c'est  le 
7  septembre,  la  vision  a  précédé  la  mort  de  quatre  heures. 

Mad.  Stella  l,  âgée  alors  de  dix-sept  ans,  voit  entrer  dans  sa 
chambre  un  jeune  ami  de  même  âge  qu'elle,  son  camarade  assez 
intime.  «  La  porte  s'ouvre,  écrit-elle,  et  je  le  vois  entrer.  Je  me  lève 
pour  lui  pousser  un  fauteuil  près  du  feu,  car  il  paraissait  avoir  froid 
et  il  n'avait  pas  de  manteau,  bien  qu'il  neigeât.  Je  me  mis  à  le 
gronder  d'être  sorti  sans  se  bien  envelopper.  Au  lieu  de  répondre, 
il  met  la  main  sur  sa  poitrine  et  sur  sa  tête.  Je  parlais  encore,  quand 
le  Dr  G...  entra  et  me  demanda  à  qui  je  parlais.  «  Voici,  dis-je,  cet 
«  ennuyeux  garçon  sans  manteau,  avec  un  si  mauvais  rhume  qu'il  ne 
((peut  parler.  Prêtez-lui  donc  un  manteau  et  renvoyez-le  chez  lui.  » 
Jamais  je  n'oublierai  l'horreur  et  la  stupeur  peintes  sur  la  figure 
du  docteur  ;  car  Bertie  venait  de  mourir  depuis  vingt  minutes  à 
peine.  J'avais  entendu  tourner  le  bouton  de  la  porte  et  ouvrir 
la  porte.  La  figure  marcha  dans  la  pièce,  et  s'assit,  pendant  que 
j'allumais  les  bougies.  L'apparition  n'a  pas  duré  tout  à  fait  cinq 
minutes.  » 

Le  Rév.  Field2,  en  Nouvelle  Zélande,  étant  endormi,  s'entend 
appeler  :  «  HarryI  Harry!  »  Il  reconnaît  avec  une  netteté  absolue 
la  voix  de  sa  mère  (qui  l'appelait  cependant,  en  général,  Henry  et 
non  Harry...)  C'était  le  28  novembre  1873.  A  ce  même  moment, 
étant  donnée  la  différence  de  longitude,  mourait  à  Londres  la  mère 
du  Rév.  Field,  qui,  en  mourant,  sur  son  lit  de  mort,  répéta  plusieurs 
fois  «  Harry  !  Harry  !  ». 

Le  récit  suivant  a  été  recueilli  par  un  peintre  illustre,  A.  Besnard. 
Il  n'est  que  de  troisième  main ,  et  par  conséquent  ne  doit  être  accepté 
qu'avec  une  extrême  méfiance.  Le  13  juillet  1842,  Mad.  B...,  très 
malade,  mourante,  à  midi,  se  réveille  en  sursaut  et  s'écrie  :  «  Quel 

1.  A.  S.  P.,  1892,  II,  17S. 

2.  A.  S.  P.,  1892,  H,  175. 


364  GRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

malheur,  le  duc  d'Orléans  vient  de  périr  !  »  C'était  vrai.  Quand,  à 
3  heures,  le  Dr  Vidal  vint  voir  la  mourante,  il  dit  :  «  Savez- 
vous  la  nouvelle?  le  duc  d'Orléans  vient  d'être  tué  à  Neuilly  par 
un  accident  de  voiture.  »  Alors,  M.  Brémon,  se  tournant  vers  la  mou- 
rante, dit  :  «  Elle  nous  fa  appris,  je  le  savais  »  l. 

Mad.  Bloch,  étant  à  7  heures  à  sa  toilette  (à  Rome)  voit  tout  d'un 
coup  à  côté  d'elle,  son  neveu  René  Kraemer,  qui  lui  dit  en  riant  :  «  Mais 
oui,  je  suis  bien  mort  ».  Effrayée,  elle  va  prévenir  son  fils,  qui 
essaye  de  la  rassurer.  Or  René  Kraemer,  âgé  de  quatorze  ans,  avait 
été  pris  d'une  péritonite  aiguë,  le  matin  du  même  jour  ;  il  entrait 
en  agonie  à  7  heures,  et  il  mourut  à  midi 2. 

Mad.  Boniface,  directrice  d'école  à  Etampes,  étant  tout  enfant 
(sept  ans),  à  Niort,  a  rêvé  qu'elle  entraitdansunechambre  sombreoù 
était  un  cercueil.  Elle  en  sort  précipitamment,  et  dans  la  pièce  voi- 
sine elle  sent  une  main  se  poser  sur  son  épaule.  Elle  reconnaît  son 
père,  qu'elle  n'avait  pas  vu  depuis  deux  ans,  et  qui  lui  dit  d'une 
voix  très  douce  :  «  N'aie  pas  peur,  embrasse-moi,  petite  ».  Or  son 
père,  à  Paris,  était  mort  dans  la  soirée  3. 

Lord  Brougham  raconte  dans  ses  mémoires*  qu'en  1799,  étant  en 
voyage,  en  Suède,  à  Gothemburg,  et  prenant  un  bain,  il  vit,  sur  la 
chaise  où  il  avait  déposé  ses  habits,  un  de  ses  amis  intimes  (qui  était 
parti  pour  l'Inde  et  auquel  il  n'avait  pas  écrit  depuis  longtemps). 
G...  était  assis  etregardait  Lord  B...  avec  un  trèsgrand  calme.  C'était 
le  19  décembre,  et  G...  mourait  le  19  décembre. 

Le  Dr  Rowland  Bowstear6,  en  courant  après  une  balle  de  cricket, 
voit  soudain  auprès  d'une  haie  son  beau-frère,  habillé  en  chasseur 
et  portant  un  fusil  sur  le  bras.  L'ami  qui  accompagnait  M.  R.  B. 
ne  voit  rien,  quoique  M.  R.  B.  lui  signale  l'apparition,  laquelle 
disparaît  soudain.  11  était  13  h.  10.  Le  jour  et  la  date  coïncident 

1.  Lettre  de  A.  Besnard  à  Jules  Bois,  L'Au-Delà  et  les  forces  inconnues,  Paris, 
1903,  127. 

2.  Flammarion,  L'Inconnu  et  les  problèmes  psychiques,  70. 

3.  Flammarion,  Loc.  cit.,  407. 

4.  Life  and  times  of  lord  Brougham,  1871,  201-203. 

5.  Cité  par  Flammarion.  La  pensée  productrice  d'images  cinématographiques. 
Revue  spirile,  déc.  1920.  p.  356. 


MONITIONS    DE    MORT  365 

avec  la  mort  subite  du  beau-frère  de  M.  R.  B.,  qui  portait  en  ce 
moment  un  costume  de  chasseur,  et  avait  un  fusil  sur  le  bras. 

Le  Dr  Bock  i  va  un  soir  avec  son  frère  à  un  music-hall  de  Munich. 
Ils  s'amusaient  fort,  lorsqu'à  un  entr'acte  M.  Bock  entend  un  coup 
très  fort,  et  voit  le  visage  de  sa  mère,  étendue,  cadavérique,  sur 
son  lit,  avec  une  croix  entre  les  mains.  Alors,  persuadé  que  sa 
mère  est  morte,  il  veut  partir,  malgré  son  frère  qui  ne  comprend 
pas  cette  frayeur,  leur  mère  n'étant  pas  malade.  Mais  M.  Bock 
dit  :  «  Ma  mère  est  morte  ;  je  pourrais  l'affirmer  par  serment.  »  Il 
prend  arrangement  avec  un  de  ses  confrères  pour  être  remplacé,  et 
prépare  ses  vêtements  de  deuil.  Le  lendemain  matin  il  recevait 
de  W...  où  habitait  sa  mère,  un  télégramme  annonçant  qu'elle  était 
morte  à  l'heure  même  où  il  avait  eu  la  vision. 

Emma  Burger  2  dans  la  nuit  du  15  au  16  août  (elle  était  femme  de 
chambre  de  la  comtesse  d'UssEL)  couchait  dans  une  chambre  con- 
tiguë  à  celle  de  la  comtesse,  la  porte  de  communication  étant  ouverte. 
Soudain  elle  voit  distinctement  la  personne  de  Charles  B...,  son 
fiancé,  qui  reste  dans  l'entre-bâillement  de  la  porte  (du  petit  escalier) . 
«  Il  avait  son  costume  de  voyage,  et  j'ai  aperçu  avec  une  netteté  ex- 
trême tous  ses  traits,  sa  physionomie,  et  le  détail  de  son  costume.  Il 
avait  une  figure  souriante,  et  il  m'a  regardée  sans  rien  dire.  Alors 
je  lui  dis  :  «  Partez! partez  donc  /»  ...  Mad.  d'UssEL,  qui  était  dans  la 
chambre  voisine,  m'entend  et  médit  :  «  Mais,  Emma,  qu'avez-vous? 
«  Vous  rêvez?  »  Alors  je  dis  à  Charles,  à  voix  plus  basse  :  «  Mais  par- 
ai tez,  partez  donc'.  »  Il  disparut,  non  pas  subitement,  mais  comme 
quelqu'un  qui  ferme  une  porte  et  qui  s'en  va...  Le  lendemain,  je 
demandai  si  l'on  m'avait  envoyé  quelqu'un  dans  ma  chambre.  » 

Le  18  août,  Emma  recevait  la  nouvelle  que  Charles  B...  était  mort 
d'une  maladie  de  cœur  dans  la  nuit  du  15  au  16  août3. 

M.  Basserolle,  instituteur  en  Bretagne,  avait  reçu  une  lettre  le 
mandant  près  de  son   père  malade.  Dans  la  gare   de  Redon,  à 

1.  Quelques  noies  sur  la  clairvoyance,  A.  S.  P.,  juillet  1913,  195. 

2.  Phanlasms  of  the  Living,  II,  1886,  696. 

3.  Emma  Burger  a  été  à  mon  service  pendant  quinze  ans,  et  sa  bonne  foi  n'est 
pas  douteuse  (Ch.  R.). 


366  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

46  heures  40,  M.  B...  est  pris  d'un  malaise,  d'un  évanouissement. 
Au  moment  où  il  revient  à  lui,  avant  de  voir  personne  dans  la  salle, 
il  aperçoit  la  figure  de  son  père  qui  disparut  tout  de  suite. 
M.  Basserolle  père  est  mort  à  48  heures  *. 

M.  Jacques  G...,  à  Grenoble,  venait  de  se  coucher,  lorsqu'il  voit 
la  porte  de  sa  chambre  s'ouvrir  doucement,  presque  sans  bruit,  et 
Marthe  entra  (une  jeune  fille  dont  il  avait  été  épris,  mais  les  fian- 
çailles avaient  été  rompues).  Elle  était  vêtue  de  blanc,  les  cheveux 
épars  sur  les  épaules.  M.  G...  est  certain  qu'il  ne  dormait  pas.  La 
vision  s'approcha  de  sou  lit,  se  pencha  légèrement.  G. . .  veut  prendre 
la  main  de  la  jeune  fille.  Cette  main  était  froide.  Il  pousse  un  cri  ;  le 
fantôme  disparait,  et  G...  se  retrouve  avec  un  verre  d'eau  à  la  main. 
Marthe  était  morte  à  Toulouse,  à  la  même  minute,  cette  même  nuit 2. 

Miss  Bibby,  âgée  de  dix-neuf  ans,  est  éveillée  par  la  sensation  que 
quelqu'un  est  dans  sa  chambre.  Elle  voit  la  figure  de  songrand-père, 
qu'elle  reconnaît,  et  qui  l'appelle  Miss  NellieMaam...  comme  il  avait 
coutume  de  le  faire  en  plaisantant.  Le  lendemain  elle  parla  de  cette 
apparition.  Quelque  temps  après,  elle  apprit  que  son  grand-père  était 
mort  au  moment  où  elle  avait  eu  cette  monition. 

M.  Bertrand,  âgé  de  dix-neuf  ans,  rêve  qu'un  de  ses  cousins  ger- 
mains, sous-lieutenant  d'infanterie,  au  Tonkin,  est  entouré  d'en- 
nemis, se  défend,  lutte,  et  disparaît  dans  un  nuage.  Il  raconte  ce 
rêve  à  sa  sœur  et  à  sa  mère,  et  on  n'y  pense  plus.  Trois  semaines  plus 
tard,  on  apprend  que  cet  officier  est  mort  le  30  avril  1888,  à  Yon 
Luong,  à  la  date  du  rêve  de  M.  Bertrand  3. 

Dans  la  nuit  du  13  au  44  juillet  4916,  M.  Jean-Jules  Bigard,  ser- 
gent au  424erégiment  d'infanterie,  en  permission,  rêveque  dans  un 
combat  il  a  les  deux  jambes  coupées,  et  qu'ensuite  un  employé  de 
mairie  présentaità  ses  parents  son  acte  de  décès  au  nom  de  Jean-Jules 
Bigard.  «Je  riais,  écrit-il,  de  cette  farce  macabre.  Au  réveil  je  racontai 
mon  rêve  à  mes  parents,  qui  n'y  firent  pas  attention.  »  Peu  de 
temps  après,  il  apprend  que  son  oncle  Jean  Jules  Bigard  (c'est  à-dire 

1.  Flammarion,  Loc.  cit.,  128. 

2.  Flammarion,  Loc.  cit.,  164. 

3.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 


MUNITIONS    DE    MORT  367 

ayant  les  mômes  noms  et  prénoms  que  lui),  a  été  tué  à  Biacbe,  les 
deux  jambes  coupées  par  un  obus  ». 

M.  Beresford  Christman  a  entendu  dire  à  son  père  l'bistoire  sui- 
vante :  assez  saisissante  (mais  elle  n'est  que  de  seconde  main). 
Elle  lui  a  été  racontée  par  son  oncle  J...  comme  par  son  père  G... 
Les  deux  frères,  allant  à  Saint-Thomas,  étaient  dans  leur  cabine, 
par  un  temps  très  calme  et  un  clair  de  lune  qui  permettait  de  voir 
presque  comme  en  plein  jour.  Ils  sont  éveillés.  (Par  quoi?)  Et  tous 
deux  alors,  se  dressant  sur  leur  lit,  voient,  pendant  un  temps  très 
court,  qui  leur  paraît  très  long,  la  forme  de  leur  père  qu'ils  recon- 
nurent. La  forme  étendit  la  main,  et  montra  à  ses  deux  fils  qu'il 
avait  les  yeux  fermés.  Ils  consignèrent  le  fait  dans  leur  logbook.  Il 
paraît  que  le  moment  de  cette  vision  coïncidait  minute,  pour 
minute  au  moment  où  mourait  le  père  de  J.  et  G.  Christman  2. 

Voici  un  fait  de  grand  intérêt  qui  a  été  adressée  Sir  Oliver  Lodge3 
par  le  lieutenant  aviateur  Larkin.  Le  7  décembre  1918,  un  cama- 
rade du  lieutenant  Larkin,  le  lieutenant  D.  M.  Connell,  à  11  heures  30 
du  matin,  entre  dans  la  chambre  du  lieutenant  Larkin  et  lui  dit 
qu'il  va  conduire  un  aéroplane  à  Tadcaster,  mais  qu'il  sera  de 
retour  pour  l'heure  du  thé.  Trois  heures  après  environ,  comme 
M.  Larkin  était  dans  sa  chambre,  devant  le  feu,  la  porte  s'ouvre,  et 
Connell  apparaît,  qui  dit  :  «  ...  Hallo  !  boy  !  »  joyeusement.  M.  Lar- 
kin se  retourne,  le  voit  avec  ses  vêtements  d'aviateur,  son  casque,  sa 
capote  d'hydravion,  il  lui  dit  alors  :  «  Vous  voilà  déjà  de  retour...  » 
Connell  lui  répond:  «  Tout  s'est  bien  passé,  j'ai  fait  bon  voyage  ». 
Puis  il  ferme  la  porte  et  s'en  va.  Il  était  3  heures  30.  Alors  Larkin 
descend  au  mess,  s'étonne  de  ne  pas  voir  Connell.  On  apprend, 
dans  la  soirée,  que  Connell  a  fait  une  chute  et  qu'il  s'est  fracassé, 
avec  sa  machine,  aux  environs  de  Tadcaster,  vers  3  heures  25. 

Il  est  impossible  d'admettre  que  Larkin  a  parlé  à  un  autre  offi- 
cier, qu'il  aurait  confondu  avec  son  ami  Connell.  La  chambre  était 
petite  et  bien  éclairée. 

1.  Enquête  inédile  du  Bull,  des  Armées. 

2.  Pliantasms  of  Ihe  L.,  II,  17. 

3.  Apparition  al  Ihe  time  of  Death,  Journ.  S.  P.  R.,  juillet  1919,  76. 


368  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

M.  Vicary  Boylb  l.  étant  à  Simla,  voit  ea  rêve  son  beau-père  qui 
habitait  Brighton  (en  Angleterre)  étendu  pâle  dans  son  lit,  tandis 
que  sa  belle-mère  traversait  silencieusement  la  chambre,  et  prodi- 
guait des  soins  à  son  mari.  La  vision  se  dissipa  bientôt.  M.  Boyle 
continue  à  dormir,  mais  en  se  réveillant  il  avait  la  ferme  convic- 
tion que  son  beau-père  (qu'il  ne  savait  nullement  malade,  et  auquel 
il  n'avait  pas  pensé  depuis  quelques  jours)  était  mort.  La  mort  du 
beau-père  de  M.  Boyle  avait  eu  lieu  neuf  heures  avant  le  rêve. 

Mad.  Collyer,  de  New-Jersey2,  le  3  janvier  1856,  va  se  coucher 
de  bonne  heure,  se  sentant  mal  à  l'aise.  Elle  s'asseoit  sur  son  lit  et 
soudain  voit  dans  sa  chambre  son  frère  Joseph,  debout  près  de  la 
porte.  «  11  fixait  sur  moi  des  regards  graves  et  tristes.  Sa  tête  était 
entourée  de  bandages.  Il  portait  un  vêtement  blanc,  pareil  à  un 
surplis,  extrêmement  sale.  »  Or,  exactement  à  ce  moment,  une  col- 
lision eut  lieu  entre  navires  sur  le  Mississipi,  à  1.800  kilomètres 
de  là.  Joseph,  le  frère  de  Mad.  Gollyer,  qui  était  sur  le  vapeur  Alice 
qu'il  commandait,  fut  tué  par  la  chute  du  grand  mât  qui  tomba 
sur  lui  et  lui  fendit  le  crâne.  Avant  l'accident,  il  s'était  retiré  dans 
sa  chambre  ;  il  était  en  chemise  de  nuit  quand  il  fut  tué. 

Mad.  Gouesnon,  de  Jassy,  dans  un  demi-sommeil,  voit  un  sien 
ami,  A...,  assis  sur  son  lit,  en  costume  de  nuit,  qui  lui  disait  :  «  Oh  ! 
je  souffre  /»  Il  était  alors  2  heures  du  matin.  Cette  même  nuit,  A... 
mourait  au  Tyrol,  à  2  heures  20 3. 

En  1913,  P.  Gotté,  élève  de  l'école  d'horticulture  de  Villepreux, 
étant  au  lit,  et  commençant  à  s'endormir,  voit  devant  lui  une  forme 
indécise,  qui  s'appuyait  sur  la  barre  de  son  lit.  Cette  forme  se  pré- 
cisant, il  reconnut  son  frère  nourricier,  A...,  âgé  de  trente-cinq 
ans,  et  atteint  depuis  longtemps  d'une  maladie  incurable.  Sa  voix, 
qu'il  reconnaît,  lui  dit  :  «  Comment  vas-tu,  Pierre  ?  Adieu  !  moi,  je 
pars!  »  Alors  C...  se  dresse  sur  son  lit,  appelle  son  ami;  mais  la 

1.  Cité  par  Myers.  La  personnalité  humaine,  tr.  fr.,  133.  Ed.  angl.  I,  138. 

2.  Hallucinations  lélépalhiques,  trad.  fr.,  117. 

3.  Flammarion,  Loc.  cit.,  419. 


MONITIONS    DE    MORT  369 

forme  avait  disparu.  Le  moment  de  l'apparition  coïncide  exacte- 
ment avec  le  moment  de  la  mort1. 

Le  lieutenant  R.  Martin,  étant  en  convalescence,  est  assez  inquiet 
au  sujet  de  son  meilleur  ami,  dont  il  n'avait  pas  de  nouvelles  depuis 
huit  jours,  j'eus  alors  un  rêve.  Mon  ami  m'apparut.  Il  était  pressé, 
et  me  dit  :  «  Pourquoi  ne  viens-lu  pas  avec  moi  ?  ce  que  t'es  ballot*  !  » 
J'ai  été  frappé  par  le  ruban  rouge  qu'il  venait  de  gagner,  et  que  je 
ne  lui  avais  jamais  vu.  J'ai  raconté  ce  rêve  à  deux  amis  le  lende- 
main matin.  Par  la  suite,  j'appris  que  mon  ami  avait  été  tué  par  un 
obus  à  Verdun,  à  5  heures  du  soir,  quelques  heures  avant  mon 
rêve...  Je  suis  étudiant  à  la  Sorbonne,  en  mathématique  :  je  n'ai 
jamais  cru  un  mot  des  sciences  occultes3.  » 

M.  Gonil,  étant  enfant  (onze  ans  environ),  voit  en  rêve  son  oncle 
mourir.  Il  entend  les  paroles  qu'il  dit,  comme  s'il  assistait  à  ses 
derniers  moments.  Son  oncle  est  mort  à  2  heures  la  même  nuit, 
juste  au  moment  où  M.  Conil  s'était  réveillé.  «  J'entendais  très 
distinctement,  dit-il,  ses  paroles;  je  pourrais  les  répéter,  car  cette 
vision  m'a  fait  une  telle  impression  qu'elle  est  présente  à  mon  esprit 
comme  si  elle  datait  d'hier.  Tout  était  d'une  exactitude  absolue  *.  » 

Voici  ce  que  raconte  Mad.  Cox. 

«  Le  21  août  1869,  vers  21  heures,  j'étais  dans  ma  chambre  à 
coucher,  quand  mon  neveu  (sept  ans),  entre  en  courant  et  me 
dit  :  «  0  tante,  je  viens  de  voir  mon  père  tourner  autour  de  mon 
lit.  »  Il  est  si  effrayé  qu'il  ne  veut  plus  rentrer  dans  sa  chambre 
et  que  je  dois  le  faire  coucher  dans  mon  lit.  Alors  vers  minuit,  sans 
être  endormie,  je  vis  distinctement,  près  de  la  cheminée,  la  forme 
de  mon  frère  qui  était  d'une  pâleur  mortelle.  Je  fus  si  effrayée  (mon 
frère  était  à  Hong-Kong)  que  je  me  cachai  la  tête  sous  les  couver- 
tures. Peu  après,  j'entendis  nettement  sa  voix  m'appeler  par  mon 
nom,  répété  trois  fois.  Lorsque  je  regardai,  il  était  parti.  Je  pris 

1.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 

2.  Ballot,  en  argot  militaire  signifie  empêtré,  maladroit,  gauche,  embarrassé. 

3.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 

4.  Flammarion,  Loc.  cit.,  454. 

Richet.  —  Métapsychique.  24 


370  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

acte  du  fait.  »  Le  frère  de  Mad.  Gox  est  mort  le  même  jour,  à  Hong- 
Kong,  subitement,  d'une  insolation1. 

La  femme  du  colonel  Craigie,  dans  l'Inde,  étant  à  côté  de  sa 
jeune  fille,  à  22  heures,  en  train  de  se  déshabiller,  avant  de  se 
coucher,  entend  la  jeune  fille  qui  lui  dit  :  «  Oh,  maman  !  voilà 
M.  B...,  oui!  maman,  ne  le  voyez-vous  pas?  Il  médit  :  «  Adieu, 
Sissy,  adieu...  »  Voilà  qu'il  s'en  va.  Voilà  qu'il  est  parti...  »  Ou  fait 
aussitôt  des  recherches  dans  la  maison,  et  on  ne  trouve  pas  M.  B... 
De  fait,  M.  B...  s'était  tué  le  même  jour  à  20  heures 2. 

Le  13  novembre  1914,  à  Fez,  le  lieutenant  G...,  du  2e  étranger,  se 
réveille  en  sanglotant,  et  dit  à  son  camarade  M...,  qui  couchait  dans 
la  même  chambre  :  «  Je  viens  d'avoir  un  rêve  affreux  ;  un  malheur 
est  arrivé  à  l'un  de  mes  frères,  je  ne  sais  lequel,  mais  à  l'un  d'eux 
sûrement.  »  M...  écrit  cela  aussitôt  à  son  colonel,  qui  nous  a 
transmis  les  renseignements.  Or  le  frère  du  lieutenant  C...,  le  com- 
mandant G...,  était  tué  au  combat  d'Elhenni  (Maroc)  le  même  jour, 
et  probablement  quelques  heures  avant  le  rêve. 

Mad.  H.  D...  rêve  qu'elle  voit  une  sienne  amie,  Maria,  faisant 
une  partie  d'échecs  avec  le  Dr  D...,  mais  elle  a  un  voile  noir  très 
épais.  Mad.  D...  lui  dit  :  «  Tu  vas  perdre  en  restant  ainsi  voilée.  » 
Et  Maria  lui  répondit  :  «  C'est  que  je  suis  morte,  regarde...  »  Elle 
soulève  son  voile  de  crêpe,  et  Mad.  D...  voit  une  tête  de  mort,  sans 
dents,  les  orbites  vides.  Le  matin,  Mad.  D...  recevait  un  télé- 
gramme :  «  Venez  vite,  Maria  est  morte  dans  la  nuit.  »  Maria  était 
d'ailleurs  en  parfaite  santé  apparente3. 

«  J'avais,  dit  M.  D...  (un  avocat  en  qui  Mad.  Sidgwick  a  pleine 
confiance),  il  y  a  trente  ans,  un  ami  XY,  que  je  voyais  très  souvent. 
Je  savais  qu'il  pouvait  mourir  subitement.  Mais  il  paraissait  dans 
un  état  normal  de  santé.  Dans  la  soirée  du  7,  je  restai  longtemps 
dans  sa  chambre  à  causer  de  divers  sujets.  Il  était  gai  et  de  bonne 
humeur.  Puis  je  rentrai  chez  moi  me  coucher.  Le  matin  du  8,  je 
m'éveillai  avec  un  sentiment  de  crainte  et  de  détresse.  Il  faisait 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  372. 

2.  Ph.  of  tke  Liv.,  II,  581 . 

3.  Flammarion,  Loc.  cil.,  430. 


MUNITIONS    DE    MORT  371 

jour,  et  dans  mon  rêve  je  vis  à  travers  les  persiennes  XY  gisant  sur 
le  parquet,  les  genoux  relevés,  les  mains  rejetées  en  arrière,  la 
mâchoire  tombante.  Je  réveillai  ma  femme  en  lui  disant  :  «  Je  vois 
«  XY  mort  sur  le  parquet.  »  Elle  me  dit  :  «  Oh  !  vous  rêvez.  »  Je  me 
rendormis.  Mais  à  11  heures,  comme  XY  n'était  pas  venu  aux 
bureaux,  et  que  sa  femme  de  ménage  était  inquiète  parce  qu'elle 
n'avait  pas  eu  de  réponse  en  frappant  à  sa  porte,  je  fis  prendre  une 
échelle  et  monter  par  la  fenêtre.  Sur  le  plancher  était  étendu  XY 
mort  exactement  comme  je  l'avais  vu  dans  mon  rêve.  Depuis  le 
jour  de  l'événement  jusqu'à  aujourd'hui,  j'ai  toujours  été  certain 
que  ce  n'était  pas  un  rêve.  Je  n'ai  pas  été  inconscient  depuis  le 
moment  où  j'ai  ouvert  les  yeux  et  où  j'ai  vu  l'apparition.  J'avais  un 
sentiment  de  détresse  indescriptible,  comme  lorsqu'on  est  réveillé 
en  sursaut  et  qu'on  se  trouve  en  face  d'un  spectacle  terrible.  Voilà 
trente-trois  ans  que  cela  s'est  passé,  et  chaque  détail  est  aussi  clair 
dans  ma  mémoire  que  si  la  chose  avait  eu  lieu  hier.  » 

M.  D...  rêve  un  matin  qu'il  voit  un  de  ses  ouvriers,  R.  Mackenzie, 
qui  lui  dit  :  «  Je  suis  accusé  d'une  chose  que  je  n'ai  pas  faite;  je  suis 
innocent,  vous  le  saurez  bientôt.  »  Le  rêve  se  dissipait  à  peine  que 
Mad.  D...  entre  dans  la  chambre  de  son  mari  et  lui  dit  :  «  Un  acci- 
dent tragique  s'est  passé  cette  nuit,  M.  Mackenzie  s'est  suicidé.  — 
Non,  dit  M.  D...,  il  vient  de  me  dire  qu'il  est  innocent.  »  Mackenzie, 
en  effet,  venait  de  mourir,  en  avalant  par  erreur  de  l'eau-forte, 
croyant  prendre  du  whisky1. 

Mad.  Deupès,  à  Nice,  au  milieu  de  la  nuit,  entend  une  voix  qui 
l'appelle  distinctement  par  deux  fois  :  «  Marie  !  Marie  !  »  Elle  se 
lève,  éveille  son  mari  qui  dormait  dans  la  chambre  voisine  et  lui 
demande  s'il  l'a  appelée.  Sur  sa  réponse  négative,  elle  se  rendort. 
De  nouveau  la  voix  l'appelle.  Alors  elle  dit  à  son  mari  :  «  J'ai  peur  : 
allumez  la  bougie  »,  et  elle  passe  le  reste  de  la  nuit  dans  la  chambre 
de  son  mari,  avec  la  bougie  allumée.  «  Souvenez-vous,  dit-elle  à  son 
mari,  que  nous  allons  apprendre  la  mort  de  M.  Gautier,  de  Mar- 
seille, je  crois  avoir  reconnu,  dans  les  appels  successifs,  le  timbre 

1.  Cité  par  Bozzano,  A.  S.  P.,  1909,  XIX,  324. 


372  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

de  sa  voix.  »  M.  Gautier,  paraît-il,  est  mort  cette  nuit-là,  à  la  même 
heure  où  Mad.  Deupès  avait  cru  l'entendre  y. 

L'abbé  Dontaz,  curé  de  Domdidier,  près  Fribourg,  en  Suisse2, 
étant  tout  jeune  homme  (dix-huit  ans),  rêve  deux  fois  de  suite  qu'il 
voit  sa  sœur  mourante.  Son  père  lui  a  apparu  en  lui  disant  :  «  Ta 
sœur  Joséphine  est  mourante  ;  mais  ta  mère  ignore  la  douloureuse 
nouvelle.  »  Le  lendemain  matin,  allant  au  lycée,  il  ouvre  une  lettre 
de  son  père  qui  lui  disait  :  «  Ta  sœur  est  mourante  à  Paris,  mais  ta 
mère  ignore  la  douloureuse  nouvelle.  » 

La  monition  suivante  est  des  plus  remarquables.  Pour  la  bien 
comprendre,  il  faudra  se  reporter  au  récit  complet  détaillé3. 

Le  samedi  3  janvier,  un  photographe  de  Newcastle,  M.  Dickin- 
son,  reçoit  la  visite,  à  8  heures  du  matin,  d'un  monsieur  Thompson, 
dont  il  avait  fait  la  photographie.  Il  se  reporte  alors  à  son  livre,  lit 
le  nom  et  l'adresse,  et  à  M.  Thompson  dit  :  «  C'est  bien  cela  :  si  vous 
voulez  repasser  dans  quelques  jours,  vous  aurez  vos  épreuves.  » 
M.  Thompson  s'en  va.  La  demoiselle  de  magasin,  interrogée,  est  un 
peu  étonnée,  car  la  veille  M.  Thompson  père  était  passé  à  l'atelier 
pour  demander  d'urgence  ces  photographies.  Or  il  a  été  prouvé  : 
1°  qu'à  cette  date  du  samedi  3  janvier,  M.  Thompson,  très  gravement 
malade  d'une  fièvre  typhoïde,  était  dans  son  lit  et  ne  pouvait  se 
lever  (il  devait  mourir  dans  la  journée)  ;  2°  que  dans  son  délire  il 
parlait  toujours  des  photographies,  et  que  c'est  pour  cela  que  son 
père  avait  été  chez  M.  Dickinson  la  veille  ;  3°  que  le  personnage  vu 
par  M.  Dickinson  ne  peut  être  que  le  double,  le  spectre,  de  M.  Thomp- 
son mourant  et  alité. 

M.  Charles  Demay,  professeur  à  l'Ecole  normale  d'instituteurs  de 
Dijon*,  voit  le  10  juillet,  à  Paris,  un  de  ses  camarades,  G...,  qui  lui 
fait  une  demande  pressante,  (à  laquelle  M.  Demay  ne  peut  pas  satis- 
faire), et  qui  le  quitte  assez  désespéré  le  10  juillet  à  23  heures  30, 
près  du  pont  Saint-Louis.  Dans  la  nuit  du  12  au  13  juillet,  M.  Demay, 

1.  Flammarion,  hoc.  cit.,  132. 

2.  Flammarion,  La  Mort  et  son  mystère,  172. 

3.  A.  S.  P.,  II,  310..  Ce  cas  extraordinaire,  appuyé  de  nombreux  témoignages, 
confine  par  maintes  particularités  à  la  métapsychique  objective. 

4.  Cité  par  Boirac,  Deux  rêves  télépathiques,  A.  S.  P.,  XXII,  1912,  178. 


MUNITIONS    DE    MORT  373 

étant  à  Soulancourt  (350  kilomètres  de  Paris),  rêva  qu'il  descendait 
la  Seine,  au  pont  Saint-Louis,  en  bateau.  Il  laissait  pendre  sa  main 
dans  l'eau.  Soudain,  il  se  sent  mordu  au  poignet,  retire  vivement 
la  main  ;  c'était  un  poisson  dont  la  mâchoire  lui  serrait  le  poignet. 
Ce  poisson  avait  la  tête  de  G...  M.  Demaysc  réveille,  regarde  l'heure. 
Il  était  2  heures  20  du  matin.  Quelques  jours  après,  M.  Demay,  (qui 
avait  raconté  son  rêve  à  la  sœur  de  G...),  apprit  que  G...  s'était  jeté 
dans  la  Seine,  dans  la  nuit  du  12  au  13  juillet,  et  qu'on  l'avait 
retiré  de  l'eau  à  2  heures  30  du  matin. 
C'est  un  cas  saisissant  de  symbolisme  cryptesthésique. 

Justinus  Kerner1  raconte  que  Angelica  Hauffe,  pendant  les  trois 
journées  successives  qui  précédèrent  la  mort  de  son  père,  à  un 
moment  où  on  n'avait  encore  reçu  aucune  nouvelle  de  sa  maladie, 
étant  à  l'état  de  veille,  a  vu  un  cercueil  recouvert  d'un  drap  mor- 
tuaire, et  qu'elle  a  pensé  aussitôt  à  son  père. 

J.  Kerner  raconte  aussi  l'histoire  d'un  sieur  Hubschmann,  de 
Stuttgart.  Un  matin,  au  lever  du  jour,  ses  enfants  l'éveillent  et  lui 
disent  :  «  Grand-père  est  arrivé  »;  ce  qui  n'était  pas  réel.  Quelques 
jours  après,  le  frère  de  P.  Hubschmann,  à  Strasbourg,  lui  écrit  qu'il 
est  très  inquiet  au  sujet  de  leur  père,  car  il  avait  cru  le  voir  et  le 
reconnaître,  et  cela  le  même  jour  où  les  enfants  de  M.  Hubschmann 
avaient  cru  voir  (à  Stuttgart)  leur  grand-père.  Or  M.  Hubschmann 
était  mort  en  Bothnie,  au  moment  précis  où  il  apparaissait  à  Stutt- 
gart et  à  Strasbourg. 

Mad.  Duck,  qui  travaillait  à  ramasser  du  bois  dans  une  forêt, 
voit,  à  10  heures  du  matin,  son  mari,  David  Duck,  et  elle  lui  crie  : 
«  Ohé  !  David  !  quel  vent  t'amène  ici  ?  »  Elle  rentre  chez  elle,  et  n'est 
pas  surprise  quand  on  lui  annonce  que  son  mari  vient  d'être  tué 
par  une  voiture  qui  lui  avait  passé  sur  le  corps.  «  Je  le  savais,  dit- 
elle,  je  n'avais  pas  besoin  qu'on  me  le  dit  ;j'ai  vu  son  spectre2.  » 

La  belle-sœur  de  M.  Dyne,  de  Londres,  voit,  dans  la  journée 
(16  décembre  1875),  un  homme  mort,  couché  sur  un  petit  lit,  qui  a 
les  yeux  grands  ouverts.  La  chambre  est  nue,  sans  tapis  et  sans 

1.  La  voyante  de  Prévorst,  trad.  franc,  par  Dusart,  Paris,  Chamuel,  1900,  61. 

2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  257. 


374  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

meubles.  Elle  pense  à  M.  X...,  parti  à  l'étranger,  depuis  près 
d'un  an,  et  qui  l'avait  soignée.  Or,  ce  même  jour,  mais  dix  heures 
auparavant,  M.  X...  mourait  dans  l'hôpital  d'un  petit  village,  en 
une  chambre  correspondant  exactement  à  la  vision  de  Mad.  Dyne1. 

Un  sous-lieutenant  du  génie,  M.  E...,  revenant  de  permission, 
fait  en  voiture  le  trajet  de  la  gare  de  débarquement  jusqu'au  train 
régimentaire  de  sa  compagnie.  Soudain  il  aperçoit  nettement 
l'image  d'une  tombe,  sur  la  croix  de  laquelle  étaient  peints  ces 
mots  :  «  X...,  adjudant  à  la  ...  compagnie  du  génie,  mort  au  champ 
d'honneur,  14  juin  1917.  »  Or  la  mort  de  X...  était  peu  vraisem- 
blable. Cet  adjudant  était  le  plus  ancien  des  chefs  de  section;  il 
avait  trente-sept  ans,  et  était  père  de  famille.  A  cause  de  cela,  on 
lui  avait  donné,  avant  le  départ  de  E...  des  fonctions  militaires  où 
le  péril  était  moindre  qu'ailleurs.  X...  avait  été  tué  le  7  juin  1917 -. 

Mad.  Galichon,  dans  la  nuit  du  8  au  9  novembre  1916,  à  Paris, 
rêve  que  son  petit-fils,  aspirant  au  6e  bataillon  de  Chasseurs  alpins, 
entre  en  coup  de  vent  dans  son  salon  pour  en  sortir  aussi  vite.  La 
vision,  très  nette,  lui  en  étant  restée,  elle  raconte  son  rêve  à  sa 
domestique.  Quelque  temps  après,  Mad.  G...  reçoit  la  nouvelle  offi- 
cielle de  la  mort  de  son  petit-fils,  frappé  par  un  obus  à  Saint-Pierre- 
Vast,  le  8  novembre  au  soirs. 

Mad.  Escourrod*,  entrant  dans  la  chambre  où  se  trouvait  le  por- 
trait de  son  fils,  officier  de  zouaves,  envoyé  au  Mexique,  voit  sur  le 
portrait  un  des  yeux  crevés  et  le  sang  coulant  sur  le  visage.  Le  por- 
trait paraissait  animé  et  vivant.  Un  œil  proéminait  et  semblait 
vouloir  sortir  de  son  orbite.  Il  était  probablement  13  heures,  c'était 
après  le  déjeuner.  Ce  même  jour,  jour  des  Rameaux,  29  mars  1863, 
le  capitaine  Escourrou  était  frappé  à  17  heures  d'une  balle  à  l'œil 
gauche.  La  différence  de  longitude  fait  qu'il  y  a  eu  six  heures 
d'avance  ;  vraie  prémonition,  puisque  13  heures  à  Paris  correspon- 
dent à  environ  7  heures  au  Mexique. 

i.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  84. 

2.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 

3.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 

4.  A.  S.  P.,  1891,  I,  148. 


MONITIONS    DE    MORT  375 

Le  cas  de  Escourrou  a  été  analysé  avec  le  plus  grand  soin  par 
Dariex,  qui,  désirant  faire  une  enquête  rigoureuse,  à  plusieurs 
reprises  rendit  visite  à  M.  et  à  Mme  Escourrou  l. 

Or  G.  Flammarion  vient  de  relater,  dans  la  Revue  Spirite,  un 
récit  extraordinairement  analogue  2.  A  vrai  dire  l'authenticité 
de  ce  nouveau  récit  me  parait  assez  faible,  car  nous  n'avons 
pas  de  documents  à  l'appui,  et  d'ailleurs  il  y  a  inexactitude  pour 
la  date  (17  mars  1863,  au  lieu  de  29  mars  pour  l'assaut  de  la 
Puebla). 

Voici  ce  que  rapporte  Flammarion. 

En  1863,  à  un  dîner  à  Paris,  la  baronne  de  Boislève  recevait 
diverses  personnes,  entre  autres  le  général  Fleury,  et  le  premier 
président  Devienne.  Soudain,  entrant  seule  dans  le  salon,  Mad.  de 
Boislève  aperçut  son  fils,  debout  devant  elle,  avec  l'œil  gauche 
ensanglanté.  Or  son  fils,  lieutenant  de  chasseurs  à  cheval,  était  au 
Mexique.  Mad.  de  Boislève  tomba  par  terre,  inanimée.  Huit  jours 
après,  elle  apprit  que  son  fils  avait  été  tué  à  l'assaut  de  la  Puebla 
par  une  balle  dans  l'œil  gauche. 

L'analogie  est  telle  avec  le  cas  Escourrou  (l'œil  gauche  blessé  !!) 
que  j'ai  grande  méfiance,  et  je  voudrais  bien  savoir  si  le  lieutenant 
Escourrou  et  le  lieutenant  de  Boislève  ne  sont  pas  une  seule  et  même 
personne. 

Flammarion  ajoute  :  «  LeDrNÉLATON  a  communiqué  à  ses  collègues 
de  l'Académie  des  Sciences  un  procès-verbal  de  l'événement,  écrit 
tout  entier  de  la  main  du  premier  président  Devienne,  et  signé  par 
tous  les  convives  du  fameux  dîner  ». 

Mais,  avant  d'affirmer  qu'il  ne  s'agit  pas  d'une  déformation  sin- 
gulière du  récit  Escourrou,  il  faudrait  savoir  où  se  trouve  ce  procès- 
verbal. 

On  voit  par  cet  exemple  combien  il  est  nécessaire  de  redoubler 
les  constatations,  les  documentations,  les  contrôles.  La  S.  P.  R. 
anglaise  a  grandement  raison  de  s'entourer  de  preuves  et  d'attesta- 
tions. Il  n'y  en  a  jamais  trop,  ni  même  assez. 

Mad.  Eustance,  sur  son  lit  de  mort,  parla  avec  insistance  de  son 

1.  A.  S.  P.,  1891,  p.  152. 

2.  LX1V,  2  janvier  1921. 


376  CRYPTESTHESIE    ACCIDENTELLE 

beau-père  qu'elle  appelait  «  Uncle  Done  ».  Pendant  qu'elle  était  à 
l'agonie,  M.  Done,  qui  la  savait  d'ailleurs  fort  malade,  entend  une 
voix  qui  l'appelle  :  «  Uncle!  Uncle.  »  En  même  temps,  une  jeune 
fille,  Rosy,  nièce  de  M.  Done,  et  qui  demeurait  chez  lui,  entend  une 
voix  qui  lui  disait  :  «  Rosy  !  Rosy  !  »  Elle  sort  de  sa  chambre,  au 
milieu  de  la  nuit,  croyant  qu'elle  est  appelée  par  M.  Done  et  ren- 
contre son  oncle,  qui  croyait,  lui  aussi,  qu'il  avait  été  appelé  l. 

M.  Everitt  est  éveillé  brusquement  et  fortement  au  milieu  de  la 
nuit.  Il  entend  du  bruit  dans  la  chambre,  mais  ne  voit  rien.  Alors 
la  voix,  très  douce,  de  sa  mère  se  fait  entendre,  lui  dit  par  trois 
fois  :  «  Tommy  »  et  ajoute  :  «  Votre  mère  est  morte.  »  M.  Everitt  a 
raconté  le  fait  avant  d'avoir  appris  la  mort  de  sa  mère,  qui  est  sur- 
venue à  ce  moment. 

M.  Farber2,  archidiacre,  se  réveillant  daus  la  nuit,  voit  un  sien 
ami,  assis  au  pied  de  son  lit  :  il  était  ruisselant  d'eau.  L'apparition 
secoua  la  tête  sans  parler.  Elle  revint  deux  fois  durant  la  nuit. 
Bientôt  après  vint  la  nouvelle  que,  peu  de  temps  avant  le  moment 
où  l'apparition  avait  été  vue  par  M.  Farber,  son  ami  s'était  noyé  en 
se  baignant. 

Mad.  TJlric  de  Fonvielle,  la  femme  du  distingué  écrivain,  était 
couchée  depuis  quelques  minutes,  et  encore  éveillée,  lorsqu'elle 
voit  devant  elle,  au  pied  du  lit,  les  rideaux  s'écarter,  et  une  amie 
d'enfance,  avec  qui  elle  était  brouillée  depuis  trois  ans,  lui  appa- 
raître en  une  netteté  aussi  parfaite  que  si  la  personne  était  là, 
vivante.  Elle  était  vêtue  d'un  grand  peignoir  avec  ses  cheveux  noirs 
tombant  sur  les  épaules.  Elle  regarda  fixement  Mad.  de  Fonvielle, 
et,  lui  tendant  la  main,  lui  dit  :  «  Je  m'en  vais  à  présent  ;  pouvez- 
vous  me  pardonner  ?  »  Mad .  de  Fonvielle  s'assit  sur  son  lit  et  lui  ten- 
dit là  main,  mais  la  vision  disparut.  La  pendule  sonnait  minuit. 
Le  lendemain  matin,  au  moment  où  Mad.  de  Fonvielle  racontait 
cette  apparition,  arrivait  de  La  Haye  un  télégramme  :  «  Marie  décé- 
dée hier  soir,  à  11  heures  45  3.  » 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  345. 

2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  130. 

3.  Flammarion,  Loc.cit.,  80. 


MONITIONS    DE    MORT  377 

Voici  un  fait  rapporté  par  mon  ami  Gaston  Fournies  lequel  m'a 
donné  à  diverses  reprises  des  preuves  d'une  médianimité  très 
forte.  Il  est  possible  que  sa  présence  ait  exercé  une  certaine  influence 
sur  ce  très  beau  phénomène. 

Allant  dîner  chez  ses  amis,  M.  et  Mad.  B...,  Gaston  s'étonne  de 
ne  pas  voir  leur  ami  commun  d'E...  qui  était  attendu.  Ou  dîne 
gaiemeut.  Gaston,  ainsi  que  M.  et  Mad.  B...,  devaient  aller  au 
théâtre  ensemble.  Mad.  B...  passe  dans  sa  chambre  pour  mettre  son 
chapeau.  Soudain  on  l'entend  pousser  un  cri  de  frayeur.  Pendant 
qu'elle  était  devant  sa  glace,  elle  avait  vu,  dans  le  miroir,  M.  d'E... 
entrer  par  la  porte.  Il  était  pâle  et  triste,  le  chapeau  sur  la  tête. 
Mad.  B...,  sans  se  retourner,  lui  avait  dit  :  «  Tiens,  d'E....  vous 
voilà!  asseyez-vous  donc.  »  Comme  il  ne  répondait  pas,  elle  s'était 
retournée,  mais,  ne  voyant  rien,  elle  avait  pris  peur  et  poussé  un 
cri.  Elle  insiste  pour  qu'on  sache  ce  qui  est  advenu  de  d'E...  On  va 
chez  d'E...  qui  n'était  pas  sorti  de  chez  lui.  Personne  ne  répond 
au  coup  de  sonnette  :  on  force  la  porte,  et  on  le  trouve  mort.  Il  s'était 
tué  d'un  coup  de  revolver  (probablement  à  10  heures  du  matin l.) 

M.  Louis  Noell,  pharmacien  à  Cette,  raconte  que,  lorsqu'il  était 
étudiant  à  Montpellier,  dans  la  nuit  du  23  au  24  novembre,  il  voit, 
vers  4  heures  du  matin,  étant  dans  un  état  de  demi-rêve,  sa  sœur, 
pâle,  sanglante,  inanimée,  l'appeler  d'une  voix  plaintive  :  «  Louis, 
mon  Louis,  mais  viens  donc,  viens  donc!  »  Il  est  pendant  plusieurs 
heures  obsédé  par  cette  vision  terrifiante,  et  le  matin  il  raconte  son 
rêve  à  ses  camarades.  Le  soir,  il  reçoit  la  visite  de  sa  sœur  aînée, 
en  grand  deuil,  qui  lui  apprend  qu'HÉLÈNE,  leur  sœur,  était  morte 
d'une  diphtérie  suraiguë  à  Perpignan,  le  23  novembre,  à  4  heures 
du  matin.  On  avait  envoyé  à  Louis  des  télégrammes  qui  ne  lui 
étaient  pas  parvenus2. 

Un  très  distingué  médecin  de  Madrid,  mon  ami  Manuel  Tolosa 
Latour,  étant  encore  enfant,  est  réveillé  au  milieu  de  la  nuit  par  sa 
mère  qui  lui  dit  en  pleurant  :  «  Priez  pour  votre  grand-père  qui 

1.  A.  S.  P.,  1891,  I,  22. 

2.  A.  S.  P.,  I,  39. 

3.  On  peut  supposer,  encore  que  ce  soit  assez  invraisemblable,  que  Louis  Noell 
avait  eu  dans  la  nuit  un  accès  de  somnambulisme  et  avait  lu  les  télégrammes 
qu'une  servante  avait  enfermés  dans  un  tiroir. 


378  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

vient  de  mourir.  »  Elle  s'était  réveillée  en  sursaut,  ayant  vu  en  rêve 
son  père  mort.  Et  la  nouvelle  était  vraie.  «  La  mort  de  mon  grand- 
père,  dit  M.  Tolosa  Latoub,  avait  précédé  de  quelques  heures  seu- 
lement le  rêve  de  ma  mère1.  » 

Mad.  G...  s'étant  couchée  de  bonne  heure,  ne  dormait  pas,  lors- 
qu'elle voit,  à  la  lueur  d'une  veilleuse,  la  figure  du  major  G...  pas- 
ser au  fond  de  la  chambre.  Il  était  habillé  comme  d'habitude.  «  Ce 
n'était  pour  moi,  dit-elle,  ni  un  rêve,  ni  le  délire,  ni  la  fièvre  »; 
c'était  un  peu  avant  23  heures.  Or  le  major  G...  était  mort  précisé- 
ment à  22  heures  45.  Mad.  G...  le  savait  gravement  malade,  mais 
elle  le  connaissait  fort  peu  et  ne  pensait  pas  du  tout  à  lui2. 

Lady  G...,  qui  avait  laissé  sa  mère  en  bonne  santé,  se  réveille  au 
milieu  de  la  nuit  et  dit  à  son  mari  :  «  Ma  mère  est  malade  ;  faites 
atteler  pour  que  faille  chez  elle.  »  En  arrivaut  près  de  la  maison 
de  sa  mère,  elle  rencontre  une  autre  voiture,  celle  de  sa  sœur,  qui, 
inquiète,  elle  aussi,  était  partie  au  milieu  de  la  nuit.  Les  deux  sœurs 
étaient  venues  pour  assister  aux  derniers  moments  de  leur  mère, 
tombée  malade  subitement3. 

L 

Peut-être  les  filles  de  lady  G...  avaient-elles,  la  dernière  fois 
qu'elles  ont  vu  leur  mère,  constaté  quelque  signe  grave,  faisant 
prévoir  la  mort,  et  ayant  frappé  leur  inconscience  seule. 

Mad.  Gay,  à  Saint-Jean-de-Luz,  a  eu  deux  rêves  monitoires,  inté- 
ressants parce  qu'il  y  a  eu  une  transformation  graduelle  d'une 
ombre  à  une  autre. 

Pour  le  premier  rêve,  il  s'agit  d'un  M.  X...,  mort  depuis  un  an 
et  demi.  Peu  à  peu  ses  traits  s'effacent,  et  il  devient  un  autre  per- 
sonnage, le  père  de  Mad.  J.  J...  Plusieurs  fois,  dans  le  rêve,  la 
même  métamorphose  se  produit.  Le  matin  une  lettre  de  Mad.  J.  J... 
apprenait  à  Mad.  Gay  la  mort  de  son  père. 

Le  24  mars,  Mad.  Gay  voit  en  rêve  son  père  (mort)  accompagné  de 
M.  L...  que  Mad.  Gay  connaissait  fort  peu.  Ce  rêve  fit  une  impres- 

1.  A.  s.  P.,  1891,  I,  35. 

2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  140. 

3.  Cas  communiqué  par  le  Dr  E.  de  Gcilford,  in  Chevreuil,  On  ne  meurt  pas, 
40. 


M0NITI0NS    DE    MORT  379 

sion  si  profonde  sur  Mad.  Gay  qu'elle  conclut  que  M.  L...  était 
mort.  Or  M.  L...  n'était  pas  mort;  mais  c'est  lui,  qui,  dans  une 
lettre  écrite  quelques  jours  après,  annonça  à  Mad.  Gay  que  le  capi- 
taine Edmond,  frère  de  Mad.  Gay,  était  mort. 

Le  5  avril,  alors  qu'on  était  sans  nouvelles  d'EDMOND  et  déjà  assez 
inquiet,  la  fille  de  Mad.  Gay,  âgée  de  vingt-huit  mois,  dit  qu'elle  a 
vu,  dans  son  dodo,  l'oncle  Edmond  avec  une  tache  rouge  sur  la  tête. 
La  nouvelle  de  la  mort  d'EDMONDiie  parvint  à  Mad.  Gay  que  quelques 
heures  plus  tard  le  S  avril  par  la  lettre  de  M.  L...  Le  frère  de  Mad. 
Gay,  capitaine  d'artillerie,  avait  été  tué  le  23  mars  par  un  éclat 
d'obus  à  la  tempe. 

M.  Goodall  l  se  réveille,  en  pensant  qu'il  a  parlé  tout  haut  et  a  dit  : 
«  fai  perdu  ma  chère  petite  May.  »  A  ce  moment,  une  autre  voix 
(qu'il  ne  reconnaît  pas)  lui  dit  :  «  No,  not  May,  but  your  youngest 
boy...  »  Peu  de  temps  après  lui  arrive  la  nouvelle  que  son  petit 
garçon  était  mort. 

Miss  Gollin  2,  le  25  janvier  1896,  à  12  heures  30,  à  l'Office  de  VEve- 
ning  Post  (New-York)  a  la  sensation  que  quelqu'un  est  derrière  sa 
chaise  pendant  qu'elle  est  à  son  travail  à  l'Office.  Elle  se  retourne 
et  voit  son  fiancé  vêtu  de  noir,  qui,  au  bout  de  quelque  temps,  dis- 
paraît. Alors  elle  s'adresse  à  une  de  ses  camarades,  Miss  Burrows, 
et  lui  dit:  «  Avez-vous  vu  quelqu'un  derrière  ma  chaise?  »  Miss  Bur- 
rows n'a  vu  personne.  Au  même  moment  mourait  le  jeune  homme 
dont  elle  avait  vu  la  figure.  Il  était  malade  depuis  quelques  jours, 
mais  Miss  Gollin  croyait  que  c'était  une  très  légère  indisposition. 

Le  témoignage  de  Miss  Burrows  indique  nettement  que  la  moni- 
tion  était  absolument  subjective. 

Mad.  Green3,  en  Angleterre,  rêve  qu'elle  voit  dans  une  petite  voi- 
ture deux  femmes,  que  le  cheval  tombe  dans  l'eau,  que  les  deux 
femmes  perdent  leurs  chapeaux  et  se  noient.  Elle  ne  reconnaît  pas 
ces  deux  femmes.  De  fait,  à  ce  même  jour,  et  à  cette  même  heure 
(avec  la  différence  de  longitude)  une  nièce  de  Mad.  Green  se  noyait 

i.  Fr.  Myers,  Human  personality,  II,  213. 

2.  J.  S.  P.  R.,  mai  1908,  234. 

3.  A  S.  P.,  I,  49. 


380  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

avec  une  de  ses  amies,  accidentellement,  en  Australie.  Toutes  deux 
étaient  parties  en  voiture  à  un  cheval.  On  retrouva  leurs  corps  et 
le  corps  du  cheval;  deux  chapeaux  de  femme  flottaient  à  la  sur- 
face. Mad.  Green  n'avait  jamais  vu  sa  nièce,  elle  ne  pouvait  donc 
pas  la  reconnaître. 

On  notera  l'abondance  des  détails  précis  qui  fait  que  ce  rêve  moni- 
toire  est  un  des  meilleurs  que  nous  possédions. 

Le  général  Fytche,  en  Birmanie,  voit  un  matin,  à  son  lever,  en 
plein  jour,  un  vieil  ami,  qu'il  croyait  loin,  entrer  dans  sa  chambre. 
Puis  l'ami  disparaît.  Personne  de  la  maison  ne  l'avait  vu  entrer  ni 
sortir.  Et  cependant  le  général  avait  cru  le  voir  en  chair  et  en  os. 
Quelque  temps  après,  il  apprit  que  son  ami  était  mort  subitement, 
vers  le  même  moment,  à  quelque  600  milles  de  là1. 

Marianne  Griffiths,  sortant  de  la  table  de  famille  au  milieu  du 
déjeuner,  un  dimanche,  va,  sans  cause  appréciable,  dans  le  jardin, 
et  contemple  pendant  longtemps  l'eau  du  bassin.  Puis,  à  sa  sœur 
qui  arrive  la  chercher,  elle  dit  avec  terreur  :  «  Il  se  passe  quelque 
chose  d'horrible  !  0  mon  pauvre  cher  H...  »  A  ce  moment,  H..,  frère 
de  Marianne,  se  noyait  en  prenant  un  bain  dans  une  rivière  peu  pro- 
fonde. Il  n'y  avait  aucune  raison  pour  que  Marianne  eût  quelque 
inquiétude  sur  le  sort  de  son  frère2. 

LecoloDelH.Aétantà  Londres,  couché  dans  sa  chambre,  s'éveille 
à  l'aurore  et  voit  devant  lui  Poole,  son  compagnon  d'armes,  en 
costume  kaki,  avec  une  épaisse  barbe  noire  (qu'il  ne  portait  pas 
quand  H...  le  connaissait).  H...  savait  que  G...  était  parti  pour  le 
Cap  (guerre  du  Transvaal).  L'apparition  était  si  nette  que  H...  la 
prit  presque  pour  une  réalité  :  il  distingue  la  figure,  les  yeux  tout- 
à-fait  vivants,  le  costume  kaki,  et  le  casque.  H...  s'assied  sur  son  lit, 
regarde  le  fantôme  de  P...  et  lui  parle  ;  alors  P..  lui  répondit  :  «  Je 
suis  tué  (I am  shot) ...  à  travers  les  poumons  » .  Et  en  disant  cela  il  leva 
lentement  sa  main  droite  sur  la  poitrine.  «  Le  général  me  commanda 

1.  A.  S.  P.,  1891,1,  362. 

2.  A.  S.  P.,  1891,  I,  364. 

3.  G.  Delanne,  Les  apparitions  matérialisées,  1911,  II,  18  et  P.  S.  P.  R.  v.). 


MUNITIONS    DE    MORT  381 

démarcher  »,  dit-il.  M.  H...  raconta  cette  apparition  à  quelques 
camarades,  et  il  apprit  le  lendemain  que  Poole  avait  été  tué  à  la 
bataille  de  Sangshook.  Il  avait  l'uniforme  kaki,  portait  toute  sa 
barbe,  et  le  poumon  droit  avait  été  traversé.  Les  heures  coïncident. 
La  nouvelle  de  la  mort  de  Poole  n'arriva  à  Londres  que  vingt- 
quatre  heures  après  que   le  colonel  H...   eut  raconté  son  rêve. 

M.  Marius  S.  Griffin,  à  la  Jamaïque,  voit  en  rêve  une  vieille  dame 
pour  laquelle  il  avait  beaucoup  d'affection.  Elle  paraissait  vêtue 
de  blanc.  Cela  commença  par  un  rêve,  et  finit  par  une  vision,  très 
nette,  qu'il  aperçut  au  pied  de  sou  lit.  «  Et  cependant,  dit  il,  je 
n'aurais  pas  pu  distinguer  les  traits,  tant  la  nuit  était  noire,  si 
c'avait  été  une  personne  vivante.  »  Il  écrit  son  rêve  sur  son  carnet. 
Bientôt  il  apprend  que  cette  dame  est  morte  au  même  moment  qu'il 
l'avait  vue.  Il  paraît  que,  quelques  minutes  avant  de  mourir,  cette 
dame  disait  :  «  Dites  à  Marius  que  fai  pensé  à  lui1». 

Le  général  H...  étant  sous  la  tente,  près  de  Bombay,  voit,  à 
2  heures  de  l'après-midi,  la  forme  de  sa  sœur,  en  vêtements  de  nuit. 
Il  écrivit  aussitôt  pour  en  demander  des  nouvelles,  et  il  apprit 
qu'elle  était  morte  au  moment  où  elle  lui  avait  apparu...  «  Je  suis 
aussi  sûr  du  fait  que  de  ma  propre  existence,  »  ajoute  le  général2. 

M.  H...  de  Genève,  étant  élève  d'un  pensionnat,  raconte  qu'un 
matin  un  de  ses  camarades  dit  à  haute  voix  devant  plusieurs  per- 
sonnes qu'il  a  vu  le  frère  du  professeur  (professeur  du  même  pen- 
sionnat et  absent  pour  quelques  jours)  étendu  sur  l'herbe,  avec  un 
trou  noir  au  milieu  du  front.  Ce  rêve  effrayant  fait  une  grande 
impression  sur  tous  les  élèves.  Le  lendemain  on  apprend,  sans  que 
M.  H...  puisse  exactement  préciser  la  coïncidence  du  jour  et  de 
l'heure,  que  le  rêve  était  conforme  à  la  réalité,  et  que  X. . .  était  mort 
d'un  accident  de  chasse.  En  voulant  traverser  un  fossé,  le  fusil  était 
parti,  et  la  charge  tout  entière  lui  avait  pénétré  dans  la  tête. 

Suzanne  H...  anciennement  servante  de  Mad.  A...  se  marie  et  va 

1.  Hall,  tél.,  160. 

2.  Hall,  tél.,  246. 


382  CRYPTESTHÉS1E    ACCIDENTELLE 

habiter  une  ferme  éloignée  de  la  ville  où  habitait  Mad.  A...  Une 
nuit  elle  s'éveille  et  dit  à  son  mari  :  «  Entends-tu  !  c'est  Mad.  A...  qui 
m'appelle.  »  Le  mari  n'entend  rien,  et  Suzanne  se  calme.  Or  Mad. 
A...,  prise  d'une  indisposition  subite,  était  morte  dans  la  nuit,  au 
moment  même  où  Suzanne  entendit  la  voix  de  sa  maîtresse1. 

Clovis  Hugues,  qui  fut  un  poète  distingué,  avait  été  en  1871,  après 
les  événements  de  la  Commune,  enfermé  à  la  prison  de  Marseille. 
Avec  lui,  prisonnier  aussi,  était  son  ami  Gaston  Crèmieux,  con- 
damné à  mort.  Un  soir,  Grémieux  dit  à  C.  H...  :  «  Quand  on  me 
fusillera,  j'irai  vous  prouver  l'immortalité  de  l'âme  en  manifestant 
dans  votre  cellule  ».  Or,  le  matin  du  30  novembre  1871,  à  la  pointe 
du  jour,  «  je  fus,  dit  Clovis  Hugues,  réveillé  par  le  bruit  de  petits 
coups  secs  donnés  dans  ma  table.  Je  me  retournai  ;  le  bruit  cessa, 
et  je  me  rendormis.  Quelques  instants  après,  le  même  bruit  recom- 
mença. Je  sautai  alors  de  mon  lit.  Je  me  plantai  bien  éveillé  devant 
la  table.  Le  bruit  continua.  Cela  se  reproduisit  encore  une  ou  deux 
fois  ».  Or,  à  ce  moment-là,  Gaston  Crémieux  venait  d'être  fusillé2. 

M.  Martin  Halle  (de  Cette),  rêve  qu'il  voit  une  jeune  fille  tomber 
de  la  fenêtre.  Il  fait  part  de  ce  rêve  horrible  à  sa  famille.  Le  matin, 
il  s'étonne  que  le  cocher,  qui  venait  d'habitude  le  chercher  en  voi- 
ture, ne  soit  pas  venu.  C'est  un  autre  qui  arrive  avec  un  assez  grand 
retard.  A  5  heures  du  matin,  au  moment  même  du  rêve,  la  fille  du 
cocher  habituel  de  M.  Halle,  tombant  de  la  fenêtre,  s'était  tuée3. 

Mad.  Hers,  en  entrant  dans  sa  chambre,  à  14  heures  30,  voit  sa 
mère  couchée  sur  son  lit,  coiffée  d'un  bonnet  de  mousseline  ruchée 
qu'elle  ne  lui  avait  jamais  vu,  et  morte.  Elle  sanglote,  s'évanouit 
presque.  Au  bout  de  quelques  instants,  on  lui  apporte  un  télégramme 
lui  annonçant  que  sa  mère  (à  Strasbourg)  est  très  malade.  «  Elle 
est  morte,  dit  Mad.  Hers,  je  l'ai  vue.  »  Mad.  Hers  mère  en  réalité 
est  morte  à  15  heures  30  (heure  de  Strasbourg)  et  elle  avait  un 
bonnet  de  mousseline  ruchée 4. 

1.  Flammarion,  L'Inconnu  et  les  problèmes  psychiques,  140. 

2.  Flammarion,  L'Inconnu,  etc.,  76. 

3.  Flammarion,  Loc.  cit.,  460. 

4.  Flammarion,  Loc.  cit.,  104. 


MUNITIONS    DE    MORT  383 

Le  célèbre  Home,  qui  a  donné  les  plus  beaux  exemples  connus 
d'ectoplasmie,  a  eu  parfois  quelques  faits  de  lucidité.  Au  jour  et  au 
moment  même,  à  une  minute  près,  dit-il,  de  l'heure  à  laquelle  est 
mort  Au.an  Kardec,  uu  des  protagonistes  de  la  doctrine  spirite,  il 
recevait  le  message  spiritique  suivant  :  «  Je  regrette  d'avoir  ensei- 
gné la  doctrine  spirite,  Allan  Kardec  ».  Le  message  fut  reçu  en 
présence  du  comte  du  Dunraven1. 

Mais  tout  de  même  il  serait  intéressant  de  savoir  exactement 
dans  quelles  conditions  ce  message  a  été  transmis. 

M.  Octave  Houdaille,  appelé  à  Mirecourt  (Vosges)  par  une  maladie 
très  grave  de  son  grand-père,  part,  avec  son  frère  Georges,  de  Paris 
à  22  heures  et  il  s'endort  dans  le  train.  A  1  heure  du  matin,  il  est 
réveillé  brusquement,  entendant  un  profond  soupir.  Il  se  lève, 
appelle  son  frère.  «  Il  est  une  heure  du  matin,  lui  dit-il,  mon  grand- 
père  doit  être  mort  ou  mourir.  Je  viens  de  l'entendre  distinctement 
rendre  le  dernier  soupir.  »  De  fait,  la  mort  avait  eu  lieu  exactement 
à  1  heure  30  du  matin  -. 

Mad.  Hosmer,  sculpteur  célèbre,  étant  à  Rome,  se  réveille  au 
moment  où  la  pendule  sonne  3  heures,  et  voit  près  de  son  lit,  à  l'in- 
térieur des  rideaux  du  lit,  la  forme  d'une  jeune  Italienne,  nommée 
Rosa,  qu'elle  avait  eue  comme  servante,  et  qu'elle  savait  légèrement 
malade.  Il  lui  sembla  que  Rosa  lui  disait  :  «  Adesso  son  felice,  so7i 
contenta  ».  Le  lendemain  matin,  elle  raconte  son  rêve  pendant  le 
déjeuner  à  Miss  Lydia  Child,  qui  n'y  croit  pas.  Elle  envoie  cepen- 
dant chercher  des  nouvelles  de  Rosa  et  apprend  que  Rosa  était  morte 
à  5  heures3. 

M.  Hutchins  meurt  subitement  à  Cardifî,  à  80  kilomètres  de  la 
maison  qu'habitait  sa  femme.  M.  Hutchins  fils  part  en  voiture  pour 
annoncer  la  triste  nouvelle  à  sa  mère.  Sa  mère  est  à  la  porte,  et  sa 
première  parole  est  pour  lui  dire  :  «  Daniel,  ton  père  est  mort.  »  — 
«  Comment  le  savez-vous  ?  »  —  «  Il  est  venu  m' appeler  hier  soir  vers 

1.  D.-D.  Houe,  Les  Lumières  et  les  Ombres  du  spiritualisme,  trad.  fr.,  Paris,  1883, 
Dentu,  114. 

2.  A.  S.  P.,  1891,  99. 

3.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  146. 


384  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

9  heures,  puis  il  a  disparu  tout  de  suite.  Je  ne  rue  suis  pas  couchée 
depuis.  Il  m'avait  appelée  par  mon  nom  :  «  Mary  !  Mary  ! i  » 

Le  Dr  Jean  (à  Cogolin,  Var)  est  appelé  auprès  d'un  petit  garçon  de 
sept  ans  environ,  atteint  de  fièvre  avec  délire.  A 10  heures  du  matin, 
en  se  réveillant,  l'enfant  est  terrifié,  voit  de  l'eau  partout,  et  crie  : 
«  Au  secours  »,  en  disant  que  son  père  se  noie.  De  fait,  le  père  de 
l'enfaut,  qui  voyageait  à  Nice,  s'était  noyé  à  cette  même  heure2. 

Deux  employés  du  même  bureau,  J...  et  F...3  étaient  amis  très 
intimes.  Un  jour,  F...,  atteint  d'indigestion,  ne  vint  pas.  Le  médecin 
lui  avait  conseillé  de  se  reposer  quelques  jours.  Le  soir  J..,  étant 
rentré  chez  lui,  comme  il  était  dans  sa  chambre  avec  sa  femme,  voit 
distinctement  son  ami  F...  habillé  comme  d'habitude,  et  une  canne 
à  la  main.  Il  fixa  son  regard  sur  J...  et  s'en  alla.  Alors  J...  se  cita  à 
lui-même  les  paroles  de  Job...  «  et  un  esprit  passa  devant  ma  face, 
et  le  poil  de  ma  chair  se  hérissa...  »  Puis  il  demanda  l'heure  à  sa 
femme  :  «  9  heures  moins  12  minutes  »,  dit-elle,  «  c'est  donc  à 
9  heures  moins  12  minutes  que  F...  est  mort.  Je  viens  de  le  voir.  » 
Or,  F...  était  mort  de  la  rupture  d'un  anévrisme  au  même  moment, 
c'est-à-dire  entre  8  heures  35  et  9  heures  du  soir. 

Ce  cas  de  monition,  par  la  précision  des  détails  et  par  son  impré- 
voyabilité,  est  des  plus  remarquables. 

M.  Jukes4  entend  en  rêve  la  voix  d'un  de  ses  camarades,  qui  lui 
dit  :  «  Votre  père  Mark  et  Harriet  sont  partis  tous  les  deux.  »  Il  se 
réveille,  mais  l'impression  est  si  forte  qu'il  écrit  ces  paroles  aussi- 
tôt sur  un  petit  bout  de  papier.  Il  en  est  même  tellement  ému  qu'il 
ne  descend  pas  le  lendemain  matin  pour  déjeuner.  Or,  à  ce  même 
moment,  son  père  Mark  mourait  en  Amérique  du  choléra  ;  sa  belle- 
sœur  Harriet  mourut  deux  jours  après. 

M.  Grant  se  réveille  au  milieu  de  la  nuit,  et  sent  comme  une  pré- 
sence dans  sa  chambre,  mais  ne  voit  rien.  Il  acquiert  alors  la  con- 
viction que  le  père  de  son  ami  Bruce  est  mort.  Il  regarde  l'heure. 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  297. 

2.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 

3.  A.  S.  P..,  1891,  I,  301. 

4.  Hall,  tél.,  tr.,fr.,  126. 


MUNITIONS    DE    MORT  385 

Il  est  minuit  14  minutes.  Le  matin,  il  en  parle  à  plusieurs  per- 
sonnes; le  soir  il  inscrit  sur  son  journal  qu'il  en  a  parlé.  Or  ce 
n'était  pas  le  père  de  M.  Buuce,  mais  son  frère,  qui  était  mort  (en 
Chine)  quelques  heures  (douze  heures  sans  doute)  auparavant'. 

Mad.  L...,  à  Farnborough,  voit,  à  3  heures  de  l'après-midi,  entrer 
un  vieux  monsieur  dans  sa  chambre.  Il  avait  un  vêtement  démodé 
et  une  canne.  Malgré  la  pluie,  il  était  sans  parapluie,  et  ses 
vêtements  n'étaient  pas  mouillés.  Elle  reconnaît  son  oncle,  et  lui 
parle  comme  s'il  était  une  personne  réelle.  Mais  lui,  sans  répondre, 
sort  par  la  porte  à  demi  ouverte .  Les  domestiques  questionnés 
assurèrent  n'avoir  vu  personne.  Or,  à  ce  moment,  exactement,  mou- 
rait à  Leicestershire  son  vieil  oncle,  qu'elle  ne  savait  pas  malade2. 

Le  capitaine  Lagarrue,  étant  à  Saint-Louis  (Sénégal)  commençait 
à  s'endormir  lorsqu'il  se  sent  brusquement  secoué  avec  une  forte 
pression  sur  la  poitrine.  Il  se  lève  sur  son  coude,  se  frotte  les  yeux 
et  voit  devant  lui  sa  grand'mère,  qui  le  regarde  avec  des  prunelles 
presque  éteintes  :  il  entend  sa  voix  faible  qui  lui  dit  :  «  Je  viens  te 
dire  adieu,  mon  cher  petit,  tu  ne  me  verras  plus.  »  Alors  il  se  fait  à 
haute  voix  cette  réflexion  :  «  Voyons,  ce  n'est  pas  un  rêve!  »  et  il  se 
lève.  L'apparition  n'avait  duré  que  quelques  secondes.  Le  moment 
coïncide  exactement  avec  le  moment  où  est  morte  à  Rochefort  la 
grand'mère  du  capitaine,  fort  âgée,  mais  dont  la  santé  n'inspirait 
pas  d'inquiétude5. 

Jules  Lermina  rapporte  le  cas  suivant,  peu  démonstratif  d'ailleurs, 
écrit  par  une  personne  qu'il  connaît  particulièrement4. 

«  J'étais  allée  prendre  un  plat  à  la  cuisine,  quand  j'entendis  la 
voix  d'un  de  mes  cousins  à  la  fenêtre.  Je  levai  les  yeux  et  le  vis 
courbé  vers  la  fenêtre,  me  disant  bonjour  de  la  tête,  et  me  répétant  : 
«  Bonjour,  Loole.  —  Bonjour,  Wenand,  »  répondis-je  ;  puis  j'allai  lui 
ouvrir  la  porte.  Mon  père,  étonné  qu'on  ouvrit  la  porte  sans  qu'on 

1.  Hall.   tél.,t\\  fr.,  93. 

2.  Hall.,  tél.  tr.  fr.,  205. 

3.  Flammakion,  Loc.  cil.,  182. 

4.  A.  S.  P.,  1895,  202. 

RicHEr.  —  Métapsycliique.  25 


380  CRYPTESTHÉS1E    ACCIDENTELLE 

eût  sonné,  vint  voir  ce  qui  se  passait.  Lorsque  je  lui  eus  dit  que 
j'étais  venue  pour  voir  Wenand,  il  me  dit  :  «  C'est  impossible  »  et 
alors  il  m'annonça  que  Wenand  était  mort,  mais  que  lui,  mon  père, 
n'avait  pas  voulu  me  le  dire  encore. 

Malgré  l'autorité  de  M.  Carrington,  je  ne  puis  accorder  grande 
confiance  à  l'histoire  qu'il  nous  raconte  de  Mad.  H...,  une  femme 
du  peuple  sans  doute.  Elle  voit  son  fils,  qui  était  au  front,  devant  sa 
porte,  et  s'étonne  de  ne  pas  le  revoir  dans  la  soirée.  Elle  laisse  la 
porte  ouverte,  mais  l'enfant  ne  revient  pas.  Le  lendemain  il  repa- 
raît de  même,  puis  disparaît.  Le  surlendemain  il  revient  une  qua- 
trième fois.  «  Cette  fois,  dit-elle,  mon  fils,  ne  me  laisse  pas  :  assieds- 
loi  et  prends  une  tasse  de  thé  avec  moi  ».  Alors  le  fils  monte 
dans  la  chambre.  Elle  le  suit.  Il  s'afïale  sur  le  lit,  puis  il  disparaît, 
et  le  lit  était  couvert  de  sang.  Le  premier  jour  de  l'apparition  coïn- 
ciderait avec  la  mort  de  ce  jeune  homme. 

Ce  récit  est  d'une  si  haute  invraisemblance  (psychologique)  qu'on 
ne  peut  en  rien  accepter.  Tout  au  moins  faudrait-il  avoir  quelques 
documents  sur  l'état  mental  de  Mad.  H... 

En  mars  1890,  la  comtesse  E.  Kapnist1,  sortant  du  théâtre  avec 
sa  sœur,  au  moment  où  elle  va  entrer  dans  sa  voiture,  hésite,  car  elle 
voit  dans  la  voiture  une  figure  à  silhouette  émoussée,  diaphane, 
presque  indécise.  La  vision  ne  dure  qu'un  instant;  cependant  on 
peut  distinguer  les  moindres  détails,  le  nez  prononcé,  la  raie  des 
cheveux  de  côté,  la  barbe  rare  et  d'un  blond  foncé,  pas  de  chapeau, 
et  une  redingote  noisette.  La  sœur  de  la  comtesse  E.  K...  ne  voit 
rien,  quoique  Mad.  E.  K...  lui  ait  dit  :  «  N'as-tu  rien  vu  en  face  de 
toi?  »  A  quelque  temps  de  là,  Mad.  E.  K...  apprend  qu'un  certain 
sieur  P...,  qui  répondait  tout  à  fait  à  la  description,  est  mort,  à  la 
suite  d'une  longue  maladie,  deux  jours  après  la  vision.  M.  P. . .  avait, 
en  mars  1889  promis  à  I.  K...,  sœur  de  la  comtesse  Kapnist,  de 
reparaître  devant  elle,  mais  sans  l'effrayer. 

Le  D'  Liébexult  rapporte  le  cas  de  Mad.  B...,  de  la  Nouvelle- 
Orléans,  qui,  magnétisée  par  M.  Liébeault,  ne  tarda  pas  à  donner 
des  preuves  de  lucidité  par  l'écriture  automatique.  Un  matin,  elle 

i.  Myehs,  Humait  personality,  II,  49. 


M  (INITIONS    l>K    MORT  387 

se  sent  poussée  à  écrire.  Le  message  provenait  d'une  certaine  Mar- 
guerite qui  annonçait  sa  mort  (à  Coblenz  dans  un  pensionnat).  On 
a  vérifié  par  la  suite  que,  réellement,  Marguerite,  l'amie  de  Mad .  B. . . , 
était  morte  le  même  jour  ' . 

Un  de  mes  confrères,  médecin  distingué,  nullement  crédule, 
m'écrit  que  dans  la  nuit  il  rêve  qu'il  passe  devant  une  jeune  femme 
de  ses  amies,  Mad.  L...,  en  pleurs,  la  figure  couverte  d'un  grand 
voile  de  deuil.  Au  réveil,  le  lendemain  matin  il  en  parle  à  ses  parents, 
en  s'étounant  que  cette  jeune  femme,  habituellement  gaie  et  insou- 
ciante, se  soit  présentée  à  sa  pensée  en  habits  de  deuil.  «  Vers 
8  heures  du  matin,  ma  sœur,  dont  Mad.  L...  est  une  belle-sœur,  nous 
téléphone  que  M.  L...,  souffrant  depuis  trois  jours,  a  été  pris  dansla 
soirée,  la  veille,  de  symptômes  graves  de  péritonite,  qu'il  a  été  trans- 
porté àJa  maison  de  santé,  opéré  à  minuit  dans  un  état  désespéré, 
et  qu'il  vient  de  mourir.  Je  n'avais  pas  vu,  ajoute  le  Dr  X...,  M.  et 
Mad.  L.  .  .  depuis  une  quinzaine,  et  ma  sœur,  seule  relation  com- 
mune, ignorait  avant  cette  nuit  que  M.  L...  fût  souffrant.  » 

Ce  qui  est  très  intéressant  dans  cette  monition,  c'est  qu'elle  est 
manifestement  symbolique.  Ce  n'est  pas  du  tout  le  mort  qui  se  pré- 
sente. C'est  une  information.  Et  c'est  important  pour  la  théorie, 
puisque  cela  semble  prouver  que  les  soi-disant  apparitions  ne  sout 
pas  des  fantômes  des  morts  qui  arrivent,  mais  des  informations, 
de  véritables  monitions. 

Mad.  Frances  Lightfoot  est  réveillée  dans  sa  chambre  par  un  bruit 
violent.  Il  lui  sembla  qu'on  ouvrait  violemment  sa  porte  (fermée  à 
clef  d'ailleurs)  et  que  quelqu'un  ou  quelque  chose  entrait  dans  la 
chambre.  Une  figure  apparut,  couchée  horizontalement  au-dessus 
de  son  lit  et  une  voix  impérieuse  lui  dit  clairement  et  distincte- 
ment :  «Frances,  j'ai  besoin  de  vous.  Venez  avec  moi,  tout  de  suite.  » 
Elle  pense  alors  à  Mad.  Reed,  une  de  ses  meilleures  amies,,  qui  était 
aux  Indes,  et  dit  :  «Elle  est  morte  »,  puis  elle  inscrivit  son  rêve  sur 
son  carnet.  Le  lendemain,  causant  avec  sa  sœur,  elle  lui  dit  : 
«  Mad.  Reed  est  morte  ».  La  vision  a  eu  lieu  huit  à  neuf  heures  après 
la  mort  de  Mad.  Reed*. 

i.  Pliant,  of  the  Living,  I,  293. 
2.  Hall,  tél.,  tr.  lr.,  154. 


388  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

À  Holywood,  Mad.  Kerr  rêve  qu'un  de  ses  fils,  chaufïeur-mécani- 
cioa  d'uue  locomotive,  est  tombé  de  sa  machine,  qu'il  a  eu  la  tête 
fracassée  sur  le  parapet  d'un  pont,  et  une  jambe  broyée,  et  aussi  que 
le  train  a  passé  sur  son  corps.  Il  est  environ  22  heures  50.  Or, 
quelques  minutes  auparavaut,  loiu  de  là,  à  Paisley,  à  22  heures  35, 
Edouard  Kerr,  le  fils  de  Mad.  Kerr,  tombait  de  sou  teuder,  au  para- 
pet d'un  pont  ;  la  tète  fut  fracassée,  et  il  eut  la  jambe  broyée  (il  est 
mort  le  lendemain). 

Le  cas  est  discuté  avec  graud  soin  par  Sir  James  Crichton  Browne 
et  le  Dr  Clakke  ».  Certes,  il  y  a  lieu  d'avoir  quelque  méfiance  pour  un 
récit  fait  dix  ans  après  l'événement,  mais  les  détails  sont  si  précis, 
et  la  bonne  foi  de  Mad.  Kerr  si  évidente,  qu'il  paraît  difficile  de  con- 
tester l'authenticité  de  cette  belle  monition. 

Mad.  de  Lagenest  2  voit,  un  matin,  à  8  heures,  devant  elle,  dans  sa 
chambre,  son  oncle,  M.  Bonnamy,  qu'elle  croyait  en  bonne  santé. 
C'était  une  figure  qui  la  regardait  avec  douceur.  Mad.  de  L...  passe 
de  l'autre  côté  du  lit,  mais  le  fantôme  prend  la  place  qu'elle  vient 
de  quitter.  Alors  elle  sort  de  la  chambre  pour  aller  retrouver  son 
mari  au  rez-de-chaussée.  De  nouveau  le  fantôme  se  dresse  devant 
elle.  «  Mais,  mon  oncle,  dit-elle  alors,  pourquoi  venez-vous?  Vous 
êtes  donc  mort  ?  »  Aussitôt  l'apparition  disparut.  Bientôt  après  on 
sonne  à  la  porte  de  la  rue,  et  Mad.  de  L...  dit  au  domestique  : 
■«  Allez  chercher  la  dépêche  qui  arrive,  mon  oncle  est  mort  ».  De 
fait,  M.  Bonnamy  était  mort  à  1  heure  15  dans  la  nuit. 

Mad.  Macklin  s  dans  la  nuit  du  27  au  28  mars  1918  voit  en  rêve, 
et  en  rêve  très  lucide,  son  fils  David,  lieutenant  dans  l'infanterie 
anglaise,  qui  lui  apparait,  en  uniforme  de  soldat,  ce  qui  la  surprend 
beaucoup.  Il  a  un  casque,  son  équipement  de  campagne  :  elle  lui 
dit  :«Oh!  mon  fils  David,  pourquoi  n'ëtes-vous  plus  officier,  et  avez- 
vous  le  costume  d'un  Tommy  ?  »  Elle  raconte  son  rêve  à  deux  per- 
sonnes qui  en  témoignent.  Le  3 avril  elle  reçoit  la  nouvelle  que  son 
fils  a  été  tué  dans  la  nuit  du  27  au  28  mars. 

1.  Report  of  a  Co-cognitive  dream.  Amer.  S.  P.  R.,  novembre  1905,  14o. 

2.  A.  S.  P.,  1900,  X,  63. 

3.  J.  S.  P.  R.,  Janv.  1919,  3-7. 


MUNITIONS    DE    MORT  389 

On  n'a  pas  retrouvé  le  corps  de  David  Macklin.  Pour  les  attaques 
de  nuit,  parfois  les  officiers  prenaient  des  uniformes  de  soldats. 

M.  Marchant  (de  Redhill)  à  2  heures  du  matin,  voit  une  personne 
entrer  dans  sa  chambre.  Il  lui  vient  à  l'esprit  que  c'est  Robinson 
Kesley,  auquel  il  ne  pense  jamais,  et  qu'il  a  vu  une  fois  par  hasard 
depuis  vingt  ans.  Il  le  reconnaît  à  ses  longs  cheveux  emmêlés.  L'ap- 
parition se  regarde  dans  le  miroir.  Dès  que  M.  Marchant  lui  parla, 
elle  s'enfonça  doucement  dans  le  sol.  (Robinson  Kesley  est  mort 
exactement  à  2  heures  du  matin  le  même  jour.)  Le  lendemain 
matin,  avant  de  rien  savoir,  M.  Marchant  avait  raconté  son  rêve  à 
diverses  personnes1. 

Moritz-  cite  l'histoire  d'une  femme  dont  le  mari  était  absent 
et  lui  envoie  une  lettre  où  il  était  dit  que  tout  allait  bien.  Pour- 
tant en  rêve  elle  le  voit  mourant,  avec  une  large  blessure  au  côté  : 
un  officier  était  à  côté  de  lui.  Et  c'était  vrai.  Quatre  mois  après,  elle 
rencontre  dans  une  église  un  officier,  et  elle  le  reconnaît  pour  être 
celui  qui  avait  assisté  aux  derniers  moments  de  son  mari. 

Ces  récits  anciens  sont  probablement  en  grande  partie  authen- 
tiques, car  ils  concordent  bien  avec  ce  que  les  faits  récents  nous 
enseignent  ;  mais  ils  ne  sont  pas  en  état,  à  eux  seuls,  d'entraîner  nos 
convictions  ;  car  on  ne  mettait  pas  jadis  la  même  rigueur  qu'on  met 
aujourd'hui,  et  qu'on  doit  mettre,  dans  le  contrôle  et  les  attestations 
des  témoins. 

Le  Dr  Weir  Mitchell  rapporte,  d'après  son  père,  médecin  d'un 
asile  d'aliénés,  qu'il  apprit  un  jour  que  la  femme  d'un  des  individus 
internés  à  l'asile  venait  de  mourir.  Il  va  alors  en  informer  son 
malade,  qui  lui  dit  tout  de  suite  :  «  Vous  n'avez  besoin  de  rien  me 
dire.  Ma  femme  est  morte.  Je  le  sais.  Je  l'ai  vue  cette  nuit,  et  elle 
m'a  parlé.  »  Après  enquête,  le  Dr  Mitchell  apprit  que  pendant  cette 
même  nuit  le  malade  parlait  tout  haut.  Le  gardien  s'était  approché 
de  lui  pour  lui  faire  faire  silence,  mais  le  malade  reprocha  vivement 


1.  Hall,  tél.,  trad.  fr.,  12. 

2.  Cite   par   Passavant   J.-C,    Unlers.    ilber  den  Lebensmaynelismus,  2«  édft., 
Frankfurt  a  M.,  1837,  132. 


390  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

au  gardien  d'avoir  chassé  sa  femme  qui  était  en  train  de  lui  parler 
et  de  dire  qu'elle  veuait  de  mourir  l. 

On  trouvera  dans  l'excellent  livre  de  J.  Hyslop  divers  exemples 
qui  sout  intéressants  à  mentionner,  d'une  part  parce  que  M.  Hyslop 
a  choisi  les  cas  où  le  percipient  était  d'une  loyauté  irréprochable, 
et  d'une  haute  intelligence,  d'autre  part,  parce  que  la  critique 
pénétrante  et  perspicace  de  M.  Hyslop,  nullement  crédule,  mérite 
d'être  considérée  comme  conclusive. 

M.  Andrew  Lang  raconte  dans  l'article  Apparitions  de  VEncyclo- 
pedia  britannica,  qu'il  a  vu  un  membre  éminent  d'une  Université 
anglaise  au  moment  où  cette  personne  mourait,  à  cent  milles  de 
distance  (?) 

M.  Keulemans,  dessinateur  et  coloriste  habile,  a  entendu  le 
matin,  dans  un  demi-rève,  étant  à  Paris,  la  voix  de  son  fils  Isidore, 
il  a  vu  son  sourire  et  ses  yeux.  L'image  et  la  voix  étaient  plus 
réelles  qu'un  rêve  ordinaire.  Dans  la  journée,  il  a  de  nouveau 
entendu  la  voix  d'IsmoRE,  et  il  a  assuré  à  sa  femme  que  l'enfant 
devait  être  mort.  En  réalité  l'enïant  mourait  (à  Londres),  au 
moment  même  de  l'apparition. 

James  Cotter  Morison,  le  professeur  Estlin  Carpenter,  rapportent 
des  cas  semblables,  à  eux  personnels. 

M.  Hensleigh  Wedgwood,  beau-frère  de  M.  Darwin,  rapporte  une 
vision  véridique  qu'a  eue  sa  belle-fille,  avec  des  détails  très  précis. 

Le  marquis  de  Bute  et  le  Dr  Ferrier  ont  décrit  le  fantôme  d'une 
personne  morte  qu'ils  ne  connaissaient  pas.  La  description  est 
tout  à  fait  suffisante  pour  permettre  d'affirmer  qu'il  s'agit  d'une 
hallucination  véridique. 

Le  R.  Mark  Hill,  un  soir,  comme  il  commençait  son  souper,  voit 
la  figure  d'un  homme  de  grande  taille  qui  veut  se  jeter  surlui.  II  se 
lève,  fait  le  tour  de  la  table  et  prend  un  verre  pour  le  lui  jeter  à  la 
figure  et  se  défendre.  Mais  la  figure  avait  disparu,  et  cependant  le 

{.  Hyslop,  Sciente  and  a  future  life,  51. 


MUNITIONS    DE    MOUT  391 

verre  a  été  lancé.  Il  pense  alors  à  un  de  ses  oncles,  qui  en  effet  est 
mort  le  même  jour  (S  avril  1864) l. 

Le  Dr  F.  de  M...,  étudiant  en  médecine  à  Paris,  rêve  que  son 
oucle  (à  la  Havane),  qui  lui  teuait  lieu  de  père,  est  en  train  de 
mourir.  De  sorte  que,  lorsque  le  domestique  au  matin  entre  daus 
sa  chambre,  il  trouve  M.  F...  tout  en  larmes,  qui  lui  raconte  ce  rêve 
douloureux.  La  coïncidence  du  jour  était  exacte,  sinon  celle  des 
heures  2. 

Le  sergent  Nègre,  en  1912,  entend  dans  la  nuit  du  8  novembre  sa 
femme,  qui  était  à  côté  de  lui,  sangloter  et  pleurer  en  dormant.  Il 
la  réveille,  et  elle  lui  dit  :  «  Mon  frère  Alexis  est  mort  ».  Ce  qui  était 
malheureusement  vrai.  Un  mois  après,  le  8  décembre,  à  1 1  heures 
du  soir,  même  rêve.  Mad.  Nègre  pleurait  éveillée,  et,  quand 
M.  Nègre  lui  demanda  :  «  Qu  as-tu?  »  elle  lui  dit  :  «  Maman  est 
morte,  j'en  suis  sûre  »,  et  cela  était  vrai  aussi. 

Le  frère  de  Mad.  Nègre  est  mort  le  8  novembre,  et  sa  mère  est 
morte  le  8  décembre  1912". 

Mad.  A.  Eugénie,  de  Lavadina  (Italie),  croit,  le  8  juin  1916, 
entendre  dans  son  sommeil,  à  22  heures,  les  pas  de  son  fils 
Alphonse,  soldat  au  55e  d'infanterie.  L'escalier  grinçait.  Elle  sort  du 
lit  :  «  Alphonse,  mon  cher  fils,  enfin  !  je  puis  V embrasser  ».  Il  lui 
semble  qu'elle  sent  son  fils  qui  soupire  entre  ses  bras.  Mais  ce 
n'était  qu'une  ombre.  Mad.  Eugénie,  persuadée  que  son  fils  était 
mort,  fit  dire  pour  lui  les  prières  des  morts.  Alphonse  s'était 
embarqué,  ce  que  sa  mère  ne  savait  pas,  sur  le  Principe  Umberto, 
navire  qui  fut  coulé  le  8  juin  1916,  entre  20  et  22  heures  *. 

Mad.  veuve  Palliser  voit  en  rêve  son  fils  unique,  Matteo,  mort 
noyé.  Elle  se  lamente,  et,  convaincue  que  c'est  la  réalité,  va  trouver 
plusieurs  personnes,  entre  autres  M.  Clarke,  grand  négociant  de 
Hull,  qui  essaie  de  la  rassurer.  M.  Clarke  promet  d'écrire  à  New- 

1.  Pliant,  of  the  Living,  II,  1886. 
i\  Flammarion',  Loc.  cit.,  413. 

3.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 

4.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées,  lettre  de  M.  Fragonese. 


392  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

York  pour  avoir  des  nouvelles  de  Matteo,  et  chaque  jour,  pendant 
un  mois,  Mad.  Palliser  vient  lui  demander  s'il  a  reçu  quelque  nou- 
velle. Enfin  on  apprend  que  Matteo  s'est  effectivement  noyé,  à  la 
date  du  même  jour  où  Mad.  Palliser  avait  eu  ce  rêve1. 

A  Chicago,  Mad.  Paquet2  voit  son  frère,  chauffeur  à  bord  d'un 
petit  steamer  du  port,  entraîné  par  deux  cordes,  tomber  dans  l'eau, 
se  noyer.  Il  avait  son  pantalon  relevé,  de  manière  qu'on  pouvait  en 
voir  la  doublure  blanche.  Il  était  sans  habit,  ne  portant  que  sa  che- 
mise bleue  de  matelot.  Plus  tard,  tous  ces  détails  furent  reconnus 
exacts.  Quand  M.  Paquet  apprit  la  nouvelle,  il  dit  à  sa  femme  : 
«  Edmond  est  malade  et  à  l'hôpital.  »  —  «  Non,  répondit  Mad.  Pa- 
quet, il  s'est  noyé,  je  l'ai  vu  tomber  à  l'eau  ». 

M.  Georges  Parent,  maire  de  Wiege  (Aisne)  voyageant  la  nuit,  en 
voiture,  entend  son  nom  prononcé  dune  voix  étouffée.  Il  s'arrête, 
descend  de  voiture,  ne  voit  rien.  Il  allait  remonter  dans  la  voiture, 
quand  soudain  il  entend,  comme  si  quelqu'un  était  dans  la  voi- 
ture, son  nom  prononcé  d'une  voix  déchirante.  Il  reconnaît  la 
voix  d'une  vieille  bonne  qui  l'avait  élevé,  et  qui  le  chérissait.  A 
peine  remonté  en  voiture,  il  entend  de  nouveau  la  même  voix, 
très  douce.  A  quelque  cent  mètres  de  là,  ayant  continué  sa 
route,  il  entre  dans  une  auberge  pour  inscrire  sur  son  carnet  ce  fait 
extraordinaire.  Rentré  chez  lui,  il  apprend  que  la  vieille  Sophie 
venait  de  mourir'. 

Un  psychologue  éminent,  M.  Piéron,  a  raconté  avec  détails  une 
monition  remarquable*. 

Dans  le  laboratoire  de  psychologie  de  M.  Piéron,  à  l'asile  de  Ville- 
juif,  se  trouvait  à  travailler,  le  25  juin  1902,  une  jeune  fille,  X... 
qui,  ce  jour-là,  était  très  triste,  et  qu'on  chercha  vainement  à  dis- 
traire. A  15  heures  7  minutes  elle  avait  cru  entendre  la  voix  de 
Jeanne,  une  de  ses  amies,  qu'elle  savait  d'ailleurs  très  malade. 

1.  Hall,  tél.,  tr.fr.,  150. 

2.  A.  S.  P.,  1891,  I,  208. 

3.  Flammarion,  Loc.  cit.,  100. 

4  .  Un  cas  d'apparence  télépathique,  le  fait  et  l'interprétation.  A.  S.  P.,  XII, 
303-309. 


MONITIONS    DE    MORT  393 

Or,  ce  même  jour,  chez  elle,  Jeanne,  presque  mourante,  appelait 
tout  d'un  coup,  à  15  heures  précises,  à  grands  cris,  son  amie  X... 
L'agonie  commence,  pendant  laquelle  Jeanne  demande  qu'on  fasse 
autour  d'elle  le  plus  grand  silence  pour  qu'elle  puisse  entendre 
venir  son  amie  X...  A  16  heures  6  minutes,  elle  se  sent  envoler... 
«  Si  c'était  pour  aller  voir  ?...  »  elle  ne  put  achever...  elle  eut  un 
hoquet.  Elle  était  morte. 

X...  savait  que  Jeanne  était  perdue  à  bref  délai,  mais  croyait 
qu'elle  vivrait  encore  quelque  temps. 

Le  récit,  très  circonstancié,  de  M.  Piéron,  mentionne  en  outre 
divers  faits  curieux  qu'on  pourrait  expliquer  par  la  cryptesthésie 
chez  Jeanne  mourante.  Mais  nous  croyons  qu'ils  peuvent  s'expliquer 
plus  simplement  par  des  coïncidences.  Il  n'en  reste  pas  moins 
avéré  qu'il  y  a  eu  pour  X...  cryptesthésie  évidente,  avec  une  moni- 
tion  auditive  très  nette. 

M.  RAWLiNsoN(Cheltenham),  étant  en  train  de  s'habiller,  voit  dans 
son  cabinet  de  toilette,  distinctement,  la  figure  de  son  ami  X... 
auquel  il  n'avait  pas  écrit  depuis  longtemps.  A  ce  moment  même 
M.  X...  mourait1. 

Au  commencement  d'août  1878,  mon  grand-père,  M.  Charles  Re- 
nouard,  âgé  de  quatre-vingt-quatre  ans,  est  légèrement  souffrant2. 
Mais,  comme  sa  santé  est  excellente,  cette  petite  indisposition  ne 
l'empêche  pas  de  rester  levé,  d'aller  et  de  marcher  comme  d'habi- 
tude. Il  demeurait  alors  au  château  de  Stors  (Seine-et-Oise)  chez 
Mad.  Chedvreux,  sa  belle-sœur.  Le  dimanche  11  août,  je  vais  à  Stors 
et  je  trouve  mon  grand-père  très  bien  portant.  Il  est  convenu  que 
ma  femme  et  moi  nous  irons  la  semaine  suivante  à  Stors  pour 
passer  quelques  jours  avec  lui.  Nous  étions  alors  à  Meudon,  aux 
environs  de  Paris. 

Le  samedi  matin,  17  août,  à  7  heures,  comme  j'étais  déjà  levé,  et 
achevais  de  m'habiller,  ma  femme  se  réveille  en  pleurant,  et  me  dit  : 
«  C'est  affreux,  je  viens  de  voir  ton  grand-père  très,  très  malade. 
Il  était  dans  son  lit,  et  ta  mère  était  debout  à  côté  de  lui.  » 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  231. 

2.  Proc.  ofthe  S.  P,  R.,  1888,  162. 


394  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

Je  ne  tiens  pas  compte  de  ce  rêve  ;  car,  à  cette  époque  lointaine,  je 
ne  croyais  pas  du  tout  aux  rêves  véridiques-  Je  rassure  ma  femme 
facilement,  et  nous  partons  pour  Paris  en  voiture.  Je  me  rappelle 
fort  bien  que  nous  avons  été  très  gais  pendant  le  voyage.  En  arri- 
vant à  Paris  nous  trouvons  un  télégramme  nous  annonçant  que, 
dans  cette  nuit  du  16  au  17  août,  mon  grand-père  était  mort  subite- 
ment, en  quelques  minutes,  d'une  lésion  du  cœur,  vers  3  heures  du 
matin.  J'ajoute  que  nous  ne  savions  pas  du  tout  que  ma  mère  était 
à  Stors  ;  c'est  par  hasard  qu'elle  s'y  trouvait.  Le  rêve  de  ma  femme 
retarde  environ  de  quatre  heures  sur  la  mort  de  mon  grand-père. 

M.  R...,  rédacteur  à  l'administration  des  Postes,  voit,  tout  d'un 
coup,  le  16  mars,  au  moment  où  il  allait  monter  en  omnibus  pour 
reutrer  chez  lui,  sa  mère  couchée  dans  son  lit,  sur  le  dos,  et  très 
malade.  Il  lui  sembla  qu'il  disait  dans  ce  rêve  :  «  Attends,  maman, 
je  viens!  »  Il  était  près  de  18  heures  S.  Eu  rentrant,  il  trouve  un 
télégramme  lui  annonçant  une  maladie  grave  et  soudaine  de  sa 
mère,  et  alors  il  raconte  à  l'ami  L...  qui  l'accompagnait,  cette  visiou. 
L...  lui  dit  qu'il  avait  eu  alors  Vair  tout  drôle.  Mad.  R...  tombait 
malade  le  16  mars  dans  la  matinée  f  elle  mourait  à  22  heures1. 

M.  Riondel,  avoué  à  Moutélimar,  dans  la  nuit  du  1er  au  2  avril 
1894,  entend  un  bruit  insolite  et  violent  qui  le  réveille  avec  un 
sentiment  de  terreur,  à  1  heure  45.  Sa  mère  entend  ce  même  bruit.  A 
la  même  heure  exactement,  lefrère  de  M.  Riondel,  qui  venait  d'écrire 
que  sa  santé  était  excellente,  mourait  subitement  à  Marseille"-. 

M.  Runciman3  donne  des  détails  précis  sur  sa  monition.  Elle  a  com- 
mencé par  un  rêve.  Il  a  vu,  en  rêve,  M.  J.-H.  EUggit  couché  dans 
son  lit.  Alors  il  s'est  éveillé  en  se  demandant  :  «  Est-ce  que  je  suis 
éveillé,  ou  est-ce  que  je  rêve  ?  »,  il  y  avait  un  peu  de  lumière  de  gaz 
dans  la  chambre.  «A  coup  sûr,  ditM.  R...  j'étais  aussi  éveillé  qu'au 
moment  où  j'écris  ceci,  quand  l'apparition  s'est  évanouie.  J'allais 
lui  parler,  mais  tout  a  disparu.  J'en  ai  parlé  à  mon  réveil  à  diverses 
personnes.  » 

1.  A.  S.  P.,  1899,  IX,  77. 

2.  A.  S.  P.,  1895,  V,  200-202. 

3.  Phantasms  of  t.he  Living,  I,  433. 


MUNITIONS    DE    MORT  395 

Or  M.  Haggit,  qu'il  avait  cru  voir,  est  mort  le  même  jour,  à  la 
même  heure.  Il  était  malade,  mais  non  très  gravement  malade. 

En  novembre  1904,  il  y  eut  des  soulèvements  populaires  et  des 
conflits  sanglants  à  Rio  de  Janeiro  :  parmi  les  élèves  de  l'École 
Militaire  (alferes  alumno)  était  le  jeune  Sylvestre  Cavalcante,  qui 
fut  tué  dans  la  nuit  du  14  au  15  novembre,  très  exactement  à 
23  heures,  par  une  balle  dans  la  tète.  Cette  même  nuit,  vers  2  heures 
du  matin,  à  Copacabana  (Brésil),  Mad.  Rieken,  dont  la  fille,  Maria- 
Luiza,  était  fiancée  au  jeune  Cavalcante,  vit  entrer  dans  sa  chambre 
à  2  heures  et  demie  du  matin,  Cavalcante  portant  un  uniforme 
kaki,  différent  de  son  uniforme  habituel,  et  un  foulard  rouge 
autour  du  cou.  Il  dit  :  «  Quarda  Mimi  »  (Protège  Mimi).  Mimi  était  le 
petit  nom  qu'il  donnait  à  sa  fiancée.  Puis  il  disparut.  Le  lendemain 
matin,  Mad.  Rieken  raconta  à  son  mari  et  à  son  fils  cette  étrange 
vision.  Personne  à  ce  moment,  à  Copacabana,  ne  savait  rien  de 
l'émeute,  et  à  plus  forte  raison  de  la  mort  de  Cavalcante  \ 

M.  Anatole  France  raconte  spirituellement  une  monitiou  qui  lui 
fut  racontée  par  sa  grand'mère2. 

«  Dans  l'émouvante  nuit  du  9  au  10  thermidor  de  l'an  III,  on 
avait  appris  les  événements  :  l'arrestation  de  Robespierre  et  l'agita- 
tion extrême  qui  secouait  la  Convention  et  la  ville.  On  ne  savait 
rien  de  plus.  «  Ma  grand'mère,  dit  Anatole  France,  se  tenait  dans  sa 
chambre,  avec  mon  père,  Mad.  de  Laville  et  la  jeune  Amélie,  sœur 
de  Mad.  de  Laville.  A  1  heure  et  demie  du  matin,  Amélie,  penchée 
sur  une  glace,  semblant  contempler  une  scène  tragique,  s'écrie  :  «  Je 
«  le  vois  !  je  le  vois  !  qu'il  est  pâle!  le  sang  s'échappe  à  flots  de  sa 
«  bouche  !  ses  dents  et  ses  mâchoires  sont  brisées  !  Louange  à  Dieu, 
«  le  buveur  de  sang  ne  boira  plus  que  le  sien  ».  Puis  elle  poussa  un 
cri  d'horreur  et  s'évanouit.  A  la  même  heure,  dans  la  salle  du  Con- 
seil de  l'Hôtel  de  Ville,  Robespierre  recevait  un  coup  de  pistolet  qui 
lui  brisait  la  mâchoire  ». 

Bien  entendu  toutes  réserves  sont  nécessaires  pour  ce  fait 
raconté  plus  d'un  siècle  après  l'événement. 

1.  Ce  cas  est  rapporté  par  le  professeur  Alexandeu,  J.  S.  P.  /{.,  avril  4905,  59. 

2.  Le  livre  de  mon  ami.  98. 


396  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

Mad.  S...,  de  Luxeuil,  dans  un  demi-sommeil,  voit  son  frère 
couché  et  serré  dans  un  cercueil  de  pierre,  pareil  aux  pierres  tom- 
bales romaines  de  l'établissement  thermal  de  Luxeuil.  Le  cercueil 
se  rétrécit  de  plus  en  plus.  Son  frère  la  regarde  en  suppliant,  puis 
ensuite  d'un  air  résigné.  Mad.  S...  alors  se  réveille.  Il  est 
3  heures  30.  C'est  l'heure  à  laquelle  le  frère  de  Mad.  S  ..,  d'ailleurs 
assez  malade,  se  mourait1. 

Miss  Sandars  s'entend  un  matin,  étant  éveillée,  appeler  à  plu- 
sieurs reprises  par  son  prénom.  Elle  reconnaît  la  voix  d'un  sien  ami 
auquel  elle  n'avait  pas  pensé  depuis  longtemps.  Elle  note  le  jour  et 
le  fait  dans  son  journal  (27  octobre  1879).  C'est  à  cette  date  que  mou- 
rait du  choléra,  dans  les  Indes,  l'ami  dont  elle  avait  reconnu  la 
voix2. 

M.  Marcel  Sérizolles,  magistrat  et  homme  de  lettres,  cite  quel- 
ques cas  de  monitions3.  Pendant  une  excursion  en  montagne,  il  se 
sentit  soudain  frappé  à  la  nuque  par  un  coup  violent.  Il  s'arrête  et 
prononce  à  haute  voix  ces  mots  :  «  J'ai  une  dépêche  à  la  ville  :  il 
vient  de  m'arriver  un  malheur  »..  En  effet,  son  père,  qui  était  en 
apparence  d'excellente  santé,  venait,  à  600  kilomètres  de  là,  de 
mourir  subitement.  Le  télégramme  était  arrivé  à  la  ville  de  L...  où 
demeurait  alors  M.  S...,  à  l'heure  exacte  où  la  commotion  avait  été 
ressentie. 

La  femme  de  M.  Sérizolles  a  eu  aussi  une  monition. 

Pendant  un  voyage  à  Grenade,  elle  rêve  (et  dit  à  son  mari)  qu'elle 
a  vu  Mad.  de  B...  très  souffrante  et  mourante.  Or,  Mad.  deB...,  (en 
état  de  grossesse  avancée  et  cependant  en  parfaite  santé,  mourait 
au  même  moment  (les  dates  exactes  font  défaut). 

M.  Sérizolles  raconte  encore  un  autre  rêve  monitoire  assez  inté- 
ressant. Son  père  était  magistrat  à  Montauban.  Or,  parmi  ses  rela- 
tions était  un  jeune  avoué,  nommé  L...  En  1883,  après  la  mort  de 
M.  Sérizolles  père,  M.  L...  fut  nommé  juge  à  N...  (Dordogne).  Deux 
ou  trois  années  après,  M.   Sérizolles  rêva  qu'il   voyait  son  père 

1.  Flammarion,  Loc.  cit.,  408. 

2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  296. 

3.  A.  S.  P.,  i895,  V,  277. 


MUNITIONS    DE    MOUT  397 

comme  flottant  dans  un  nuage.  Soudain  sortit  du  nuage  une  forme 
qui  prit  l'apparence  de  M.  L...et  le  dormeur  entendit  nettement  son 
père  dire  :  «  Tiens,  c'est  vous,  L...  c'est  donc  votre  tour?  »  L... 
répondit  simplement  :  «  Mais  oui,  c'est  bien  moi  !  »  et  ils  se  ser- 
rèrent la  main.  Quelques  jours  plus  tard,  M.  Sérizolles  apprenait 
que  M.  L...  (très  jeune  encore)  était  mort  ce  même  jour. 

La  maréchale  Serrano  raconte  que  le  maréchal,  duc  de  la  Torre, 
son  mari,  étant  extrêmement  malade,  et  presque  mourant,  un  matin 
se  réveille  de  la  torpeur  que  lui  avaient  apportées  la  morphine  et  la 
maladie,  et  qu'il  se  lève,  en  criant  d'une  voix  forte,  dans  le  silence 
de  la  nuit  :  «  Vite,  qu'on  monte  à  cheval  et  qu'on  coure  au  Prado, 
le  Roi  est  mort.  »  Puis  il  s'assoupit,  et  de  nouveau  il  répéta,  mais 
d'une  voix  affaiblie  :  «  Mon  uniforme  !  mon  épée  !  le  Roi  est  mort.  » 
Et  en  effet,  à  ce  moment  même,  mourait  au  Prado,  Alphonse  XII, 
assez  loin  de  Madrid  où  était  le  maréchal1. 

Évidemment,  nous  ne  citons  ce  fait  qu'avec  de  multiples  réserves, 
nécessaires. 

Kate  Sherman  sent  une  main  lui  toucher  l'épaule,  quand  elle  est 
au  lit.  Elle  voit  son  frère  Stewart  devant  elle.  Alors  elle  éveille  sa 
soeur/ qui  ne  voit  rien,  et  qui  la  plaisante  sur  sa  terreur.  Elle  se 
rendort,  met  la  tète  sous  ses  couvertures,  et  de  nouveau  revoit  son 
frère  Stewart,  dont  l'image  persiste  quelque  temps,  puis  peu  à  peu 
disparaît. 

Kate  éveille  de  nouveau  sa  sœur.  Or  Stewart  mourait  à  la  même 
heure  (1  heure  de  la  même  nuit,  du  4  au  5  juillet). 

Voici  un  récit  donné  par  Victor  Hugo,  dans  Choses  vues.  Nous  le 
reproduisons  textuellement  ;  on  n'a  pas  le  droit  de  modifier  les 
paroles  du  maître.  Le  cas  est  doublement  intéressant  :  car  il  y  a, 
outre  la  monition  même,  ce  fait  que  l'apparition  du  mort  s'est 
adressée  à  une  personne  légèrement  malade,  et  qui  cependant  allait 
mourir,  en  lui  disant   :  «  Venez-vous  ?  » 

«Le  27  novembre  dernier,  une  vieille  femme  appelée  Mad.  Gdérin, 
âgée  de  soixante-six  ans  et  demeurant  rue  des  Fossés-du-Temple, 

1.  Flammarion,  Loc.  cit.,  439. 


398  CRYPTESTHÉSÏE    ACCIDENTELLE 

n°  34,  au  quatrième,  était  malade  dune  maladie  qui  paraissait  peu 
grave  et  que  le  médeciu  avait  qualifiée  indigestion.  Il  était  5  heures 
du  matin;  sa  fille,  veuve,  nommée  Mad.  Guérard,  qui  logeait  avec 
elle,  s'était  levée  de  bonne  heure,  avait  allumé  sa  lampe  et  travail- 
lait assise  au  coin  du  feu,  près  du  lit  de  sa  mère.  Tout  en  travail- 
lant, la  fille  dit  à  la  mère  :  «  Tiens  !  Mad.  Lanne  doit  être  revenue 
de  la  campagne  ».  (Cette  Mad.  Lanne  était  l'ancienne  épicière 
du  coin  de  la  rue  Saint-Louis  et  de  la  rue  Saint-Claude,  une 
bonne  grosse  femme  d'une  soixantaine  d'années,  retirée  avec 
40.000  livres  de  rente  et  logée  au  premier,  boulevard  Beaumarchais, 
n0...,  dans  la  maison  neuve).  «  Il  faudra,  ajouta  Mad.  Guérard, 
que  j'aille  lavoir  aujourd'hui.  — r  C'est  inutile,  dit  la  mère.  — Pour- 
quoi, ma  mère  ?  —  C'est  qu'elle  est  morte  il  y  a  une  heure.  —  Bah  ! 
ma  mère,  que  dites-vous  là?  rêvez-vous?  —  Non,  je  suis  bien 
éveillée,  je  n'ai  pas  dormi  de  la  nuit,  et  comme  4  heures  du  matin 
sonnaient,  j'ai  vu  passer  Mad.  Lanne,  qui  m'a  dit  :  «  Je  ni1  en  vais; 
venez-vous  ?  » 

«  La  fille  crut  que  sa  mère  avait  fait  un  rêve.  Le  jour  vint,  elle  alla 
voir  Mad.  Lanne.  Cette  femme  était  morte  dans  la  nuit,  à  4  heures 
du  matin.  Le  même  soir,  Mad.  Guérin  fut  prise  d'un  vomissement 
de  sang.  Le  médecin  appelé  dit  :  «  Elle  ne  passera  pas  les  vingt- 
quatre  heures.  »  En  effet,  le  lendemain,  à  midi,  un  second  vomisse- 
ment de  sang  la  prit,  et  elle  mourut. 

«J'ai  connu  Mad.  Guérin  et  je  tiens  le  fait  de  Mad.  Guérard,  femme 
pieuse  et  honnête  qui  n'a  jamais  menti  de  sa  vie.  » 

M.  J.  Addington  Symonds,  l'éminent  écrivain,  étant  encore  très 
jeune,  à  Harrow,  s'éveille  au  milieu  de  la  nuit,  voit  ses  livres  sur 
une  chaise,  et  se  rend  compte  qu'il  doit  tourner  la  tête.  Alors  il 
aperçoit,  entre  la  porte  et  lui,  debout,  le  Dr  Macleane,  ayant  les 
vêtements  noirs  d'un  clergyman.  Cette  forme  alors  lui  dit  :  «  Je  vais 
faire  un  long  voyage;  prenez  soin  de  mon  fils  ».  Puis  tout  disparaît. 
Or,  cette  même  nuit,  M.  Macleane  mourait  à  Clifton.  M.  Symonds 
savait  M.  Macleane  atteint  d'une  maladie  chronique,  mais  ne  le 
croyait  pas  plus  malade  que  d'habitude1. 

1.  Cité  par  Hyslop,  Science  and  a  future  life,  50 


MUNITIONS    DE    MORT  399 

M.  Sings,  un  matelot  assez  peu  cultivé,  quitte  son  père,  matelot 
aussi,  le  Vendredi  Saint,  et  s'embarque  sur  un  grand  voilier.  Après 
quelques  jours  de  navigation,  par  un  très  gros  temps,  il  voit  son 
père  près  de  lui,  marchant  sur  le  pont,  et  lui  disant,  selon  son  habi- 
tude: «Gare  à  ton  gouvernail  !  Job».  Il  continue  à  voir  son  père,  allant 
et  marchant  sur  le  pont,  pendant  trois  heures.  Son  père,  à  plusieurs 
reprises,  lui  frappait  l'épaule  et  lui  disait  de  prendre  garde  à  la  roue. 
Inquiet,  Joe  se  dit  que  son  père  doit  être  noyé,  pour  lui  apparaître 
ainsi,  de  sorte  que  lui,  Joe,  ne  veut  plus  rester  au  gouvernail.  La 
date  et  les  heures  correspondent  avec  la  mort  de  M.  Sings  père1. 

M.  Shirving,  maître  maçon  à  la  cathédrale  de  Winchester,  se 
sent  tout  à  coup  poussé  par  une  force  irrésistible  à  quitter  son  tra- 
vail, qui  était  urgent.  Il  retourne  alors  à  10  heures  du  matin  à  son 
domicile.  Sa  femme  venait  d'être  écrasée  par  une  voiture,  et  appe- 
lait son  mari  en  pleurant2. 

Mad.  de  Thiriat,  tante  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  qui  raconte 
ce  récit,  se  sentant  mourir,  parut,  quatre  ou  cinq  heures  avant  sa 
mort,  se  recueillir.  «  J'appelle,  dit-elle,  Midon  pour  mon  enterre- 
ment ».  Deux  heures  après,  Midon,  une  ancienne  servante  qui  habi- 
tait à  10  kilomètres  de  là,  arrive  en  vêtements  noirs,  disant  qu'elle 
a  entendu  Mad.  de  T..  l'appeler  pour  la  voir  mourir3. 

Mad.  S-roRiAfait  un  rêve  très  détaillé  relatif  à  un  accident  dechemin 
de  fer  (le  détail  de  ce  rêve  est  trop  long  pour  être  donné  ici)  ;  elle  voit 
sou  frère  William,  étendu  sur  le  sol  avec  la  cheminée  d'une  ma- 
chine près  de  sa  tête.  La  mort  de  son  frère,  par  un  accident  de  che- 
min de  fer,  a  eu  lieu  le  même  jour,  à  21  heures  55,  18  juillet  1874*. 

Le  colonel  Swiney,  étant  au  camp  de  Shornoliffe,  a  vu  dans  la 
journée,  son  frère,  qu'il  croyait  aux  Indes,  s'avancer  vers  lui,  puis 
disparaître.  Il  le  dit  à  ses  camarades.  L'heure  coïncide  (en  tenant 
compte  de  la  longitude)  entre  le  moment  de  l'apparition  et  celui  de 
la  mort  du  frère  de  M.  Swiney". 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  318. 

2.  Chevreuil,  On  ne  meurt  pas,  31. 

3.  Flammarion,  L'Inconnu, 
i.  Hall,  tél.,  tr.  fr..  112. 
b.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  253. 


400  CHYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

Voici  plusieurs  cas  rapportés  par  M.  Tambuhini,  professeur  à 
l'Université  de  Rome1. 

Mad.  V.  Guicciardi,  femme  du  médecin  principal  de  la  maison  de 
santé  de  Reggio,  s'entend,  alors  qu'elle  était  endormie  dans  son  lit, 
appeler  à  haute  voix  par  son  nom.  Elle  va  dans  la  chambre  voi- 
sine trouver  son  mari,  et  se  rendort.  Alors  elle  rêve  que  son  amie 
G...,  assez  malade,  mais  qui  pourtant  il  y  a  deux  jours  avait  écrit 
qu'elle  allait  légèrement  mieux,  se  mourait  et  était  morte.  Il  était 
6  heures  du  matin.  A  8  heures,  un  télégramme  arrive,  annonçant 
la  mort  de  G... 

L'autre  cas  n'est  probablement  pas  une  coïncidence,  encore  que 
la  coïncidence  soit  très  possible.  Une  malade  démente,  à  l'asile 
de  Reggio,  meurt  le  21  mai  1892,  à  11  heures  du  matin.  Son  mari 
n'avait  jamais  demandé  de  ses  nouvelles,  depuis  le  20  décem- 
bre 1890.  Mais  le  23  mai  au  matin,  uue  lettre  de  Mantoue  arrive 
où  le  mari  demande  des  nouvelles  de  sa  femme.  Il  avait  eu 
le  21  mai  un  malaise  lui  annonçant  qu'un  malheur  devait  lui 
arriver. 

Le  D'  Giacchi,  étudiant,  étant  à  dix-huit  ans  à  Pise,  voit  son  père 
livide, mourant,  qui  lui  dit  :  «  Donne-moi  le  dernier  baiser ,  car  je 
vais  te  quitter  pour  toujours  »  et  il  sent  le  froid  contact  de  ses  lèvres 
sur  sa  bouche.  Quoiqu'il  n'ait  aucune  raison  de  penser  à  un 
malheur,  le  lendemain  matin,  il  part  pour  Florence,  et,  en  arri- 
vant, il  apprend  que  son  père  était  mort  la  nuit  précédente,  à 
l'heure  même  de  sa  vision. 

C'était  en  1853,  par  conséquent  à  une  époque  où  les  communica- 
tions télégraphiques  étaient  imparfaites.  Tout  de  même  le  récit 
donné  par  le  Dr  Giacchi  est  trop  ancien  pour  qu'il  ne  soit  pas  sujet 
à  caution. 

Le  Dr  G.  Orsi  voit  en  rêve  (2  juillet  1858)  une  tempête  assaillir 
YAdria  Doria,  sur  laquelle  son  frère  s'était  embarqué.  La  deuxième 
nuit,  il  fait  le  même  rêve.  La  troisième  nuit,  il  revoit  encore 
la  tempête,  le  bateau  brisé  sur  des  rochers,  des  naufragés 
courant  éperdus  de  tous  côtés  :  mais  il  sentait  que  son  frère  était 
sauvé.  Le   8   juillet,   il   reçoit   un  télégramme   de    Gibraltar  lui 

1.  Critiques  et  observations  sur  la  télépathie  {A.  S.  P.,  1893,  III,  292). 


MUNITIONS    DE    MOUT  401 

annonçant  que  le  navire   avait  péri  dans  nue  tempête  du  2  au 
3  juillet,  mais  que  son  frère  Alexandre  était  sain  et  sauf. 

Le  Dr  Cornis,  de  Parme,  conte  que  sa  sœur,  étant  extrêmement 
malade,  reçoit  la  visite  de  son  frère  Henri,  lieutenant  de  bersa- 
glieri,  qui  part  pour  l'armée,  mais  qui  ne  laisse  pas  à  sa  sœur 
soupçonner  ce  départ.  Quelque  temps  après,  mourante,  et  dormant 
à  demi,  elle  s'éveille  et  dit  :  «  On  a  tué  Henri  ».  De  fait,  ce  même 
jour,  Henri  était  tué  à  CustozzA  (24  juin  1866). 

Mad.  Tealb,  dont  le  fils  Walter,  assez  malade,  devait  revenir 
du  Soudan,  où  il  servait,  voit,  en  Angleterre,  à  son  grand  effroi, 
son  fils  qui  se  baisse  pour  l'embrasser,  et  qui  disparaît.  Or  elle 
apprit  depuis  que  Walter  était  mort  le  même  jour,  cinq  ou  six 
heures  auparavant 1. 

La  doctoresse  Marie  de  Thilo,  étant  à  Lausanne,  entend,  à  6  heures 
du  matin,  des  coups  frappés  à  sa  porte.  La  porte  s'ouvre.  Une 
forme  apparaît,  enveloppée  d'une  espèce  d'étoffe  vaporeuse  blanche, 
comme  un  voile  sur  un  dessous  noir.  «  Mon  chat,  que  j'avais  dans 
ma  chambre  pour  me  protéger  contre  les  souris,  grondait  furieu- 
sement, le  poil  hérissé,  tremblant  et  grognant.  »  Quelque  temps 
après,  Mad.  de  Thilo  apprit  qu'une  de  ses  meilleures  amies,  à 
laquelle  d'ailleurs  elle  n'avait  pas  pensé  au  moment  de  l'apparition, 
était  morte  de  péritonite  aux  Indes  la  nuit  qui  avait  suivi  le  rêve2. 

Comme  il  n'y  a  pas  eu  de  récognition,  nous  ne  pouvons  guère 
attacher  grande  importance  à  ce  rêve,  en  tant  que  monition.  On 
notera  cependant  l'épisode  du  chat  qui  a  semblé  voir  quelque  chose, 
de  sorte  que  l'apparition  n'était  peut-être  pas  uniquement  subjec- 
tive. Mais  l'émotion  du  chat  mal  interprétée  peut-être,  ou  exagérée, 
n'est  pas  suffisante  pour  nous  faire  admettre  l'objectivité. 

Le  soldat  S...  va  voir  un  de  ses  camarades,  malade  à  l'ambulance, 
lequel,  au  moment  où  S...  le  quitte,  lui  dit  :  «  Adieu,  et  pense  à 
moi  ».  Dans  la  nuit  du  27  mars,  S...  fait  un  rêve.  Voici  les  termes 
de  son  carnet  de  route  :  «  28  mars.  J'ai  vu  G...  mourant  :  uue  clarté 

\.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  280. 

2.  Flammarion,  Loc.  cit.,  156. 

Richei.  —  M<Hap8yclii<|ue.  26 


402  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

violente  l'entourait  et  rayonnait  autour  de  lui...  son  visage  était 
affreusement  maigre  et  défait  ;  je  ne  le  reverrai  donc  plus...  J'ai 
peur...  18  avril.  C'est  donc  vrai,  il  est  mort  il  y  a  treize  jours... 
personne  près  de  lui  pour  l'aimer  à  ses  derniers  moments  !  je  le 
vois  dans  le  cercueil  et  tout  autour  les  enfants  de  chœur  en  rouge 
qui  se  chatouillent  le  cou  en  riant.  »  Il  semble  bien  résulter  de  la 
lettre  de  S...  que  son  ami  est  mort  le  28  mars1. 

Le  soldat  D...,  instituteur  à  Lieuron  (Ille-et-Vilaine)  étant  au  front, 
écrit  à  sa  femme  :  «  Tu  diras  peut-être  que  je  suis  foie,  mais  je  crois 
que  ma  mère  est  morte...  Dis-moi  la  vérité  ».  La  femme  de  D... 
reçoit,  en  même  temps  que  cette  lettre,  une  dépêche  lui  annonçant 
le  décès  de  Mad.  D...  mère.  Pourtant,  Mad.  D...  mère  n'était  pas 
malade.  Elle  avait,  après  une  courte  maladie,  repris  ses  travaux2. 

M.  Via.ud\  professeur  au  lycée  de  Bordeaux,  a  son  fils  à  l'armée, 
qui  est  parti  pour  les  Ardennes  avec  son  régiment,  le  6  août  1914. 
On  reçoit  régulièrement  des  nouvelles  de  lui.  «  Le  22  août,  à 
21  heures  15,  ayant  été  sollicité  (par  une  influence  extérieure)  à 
gagner  ma  chambre  à  coucher,  j'avais  à  peine  la  tète  sur  l'oreiller, 
aussitôt  l'électricité  éteinte,  j'aperçus  au  pied  de  mou  lit  l'image 
très  nette  de  mon  fils. . .  une  large  tache  noire  couvrant  l'œil  gauche. . . 
J'eus  la  conviction  que  mon  fils  avait  été,  dans  la  journée,  blessé 
mortellement.  La  vision  persistant,  je  m'écriai  mentalement  :  Assez  ! 
Aussitôt  la  manifestation  lumineuse  cessa.  Il  ne  s'agit  pas  d'un  rêve.  » 

Le  24  août  arriva  une  lettre  datée  du  20.  Mais  à  partir  de  ce  jour 
plus  de  lettres.  Or  le  jeune  Viaud  a  disparu  dans  une  bataille  de 
Belgique,  le  22  août  1914. 

On  n'a  plus  eu  de  ses  nouvelles  depuis,  et  on  ne  sait  comment  il 
est  mort. 

Le  caporal  Lebrun  a  un  rêve,  ou  plutôt  un  cauchemar,  qui 
V  ébranle  jusque  dans  les  replis  les  plus  profonds  de  son  être.  Il  note 
le  fait  sur  son  calepin  (qui  a  été  égaré)...  Il  rêve  qu'il  est  mêlé  à 
une  foule  en  deuil  :  c'est  un  enterrement,  tout  le  monde  pleure,  et 

1.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 

2.  Enquête  inédite  du  Bull,  des  Armées. 

3.  A.  S.  P.,  mars  1916,60. 


MONIÏIONS    DE    MORT  403 

il  pense  alors  à  uue  sienne  cousine   qu'il  aime  beaucoup.  Et  en 
effet  sa  cousine  venait  de  mourir  subitement l. 

M.  Uranenko  était  endormi.  Quelqu'un  le  réveille  en  lui  touchant 
le  dos  ;  il  ouvre  les  yeux,  et  voit  sa  sœur,  âgée  de  quinze  ans, 
assise  sur  son  lit,  à  lui,  Uranenko  :  «  Adieu,  Nadia  »  lui  dit-elle, 
puis  elle  disparaît.  Elle  était  morte  le  même  jour,  à  cette  même 
heure,  5  heures2. 

Mad.  d'Ulric  3,  pseudonyme  qui  cache  un  écrivain  distingué, 
entend,  dans  la  nuit  du  l01'  juillet  1919,  vers  23  heures  et  demie, 
des  coups  répétés  sur  sa  table.  Elle  s'asseoit  sur  son  lit  pour  mieux 
entendre.  Le  rythme  est  le  même  que  le  rythme  avec  lequel  son 
fils,  tout  petit,  disait  «  Maman  !  maman  !  »  puis  les  coups, 
augmentant,  ébranlent  deux  petits  vases  de  cristal.  Elle  tâche  de 
se  persuader  que  ce  n'était  pas  une  mauvaise  nouvelle.  Pourtant, 
en  réalité,  cette  même  nuit,  son  fils,  sergent  d'infanterie,  était 
tué. 

Le  8  novembre  1864,  un  matin,  Sarah  Wight  entend  qu'on 
l'appelle  du  dehors  par  son  nom.  M.  Hazhatt,  qui  était  avec  elle, 
l'entend  aussi  distinctement.  Mais  il  n'y  avait  personne.  La  date  de 
la  mort  de  Mad.  Wight,  mère  de  Sarah,  coïncidait  avec  celle  du 
jour  où  Sarah  s'était  entendue  appeler4. 

L.  V...  5,  à  Bordeaux,  étant  à  sa  table  de  travail,  a  la  sensation 
qu'une  porte  s'ouvre.  Il  se  retourne  un  peu  dans  la  direction  de  la 
porte,  et  voit,  pendant  un  temps  très  court,  son  oncle  G...  Un  quart 
d'heure  après,  un  télégramme  lui  apprend  que  son  oncle  s'était 
suicidé.  La  monition  avait  eu  lieu  à  9  heures  30;  le  suicide  à 
5  heures.  Le  télégramme  était  arrivé  à  Bordeaux,  à  8  heures. 

Valentine  C...  avait  dans  sa  chambre  la  photographie  de  son 
amie  Hélène.  Un  soir,  après  dîner,  retirée  dans  sa  chambre,  alors 

1.  Enquête  médite  du  Bull,  des  Armées. 

2.  Flammarion,  hoc.  cit.,  436. 

3.  A.  S.  />.,  XXIX.  24-29. 

4.  Chevreuil,  Loc.  cit.,  49. 

5.  A.  S.  P.,  1897,  Vif,  114. 


404  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

qu'elle  étudiait  uu  problème  de  géométrie,  elle  fut  comme  con- 
trainte de  fixer  son  attention  sur  cette  photographie.  Tout  d'un 
coup,  elle  vit  l'image  remuer  les  paupières,  la  bouche  s'ouvrir, 
comme  si  elle  allait  parler.  La  pendule  sonna  20  heures.  Valen- 
tine,  pensant  rêver,  se  frotte  les  yeux  et  regarde  de  nouveau.  Cette 
fois,  elle  voit  distinctement  le  portrait  remuer  les  lèvres,  ouvrir 
démesurément  les  yeux,  puis  les  refermer  lentement  et  pousser 
un  soupir.  Valentink,  effrayée,  n'ose  plus  regarder,  et  se  couche  à 
la  hâte,  sans  pouvoir  s'endormir.  Bientôt  un  télégramme  lui 
annonçait  la  mort  d'HÉLÈNE,  qui,  paraît-il,  la  veille  de  sa  mort 
répétait:  «  Peut-être  Valentine  re'garde-t-elle  ma  photographie?  »*. 

Le  fait  suivant  mérite  d'être  noté,  encore  qu'il  ne  soit  pas 
raconté  par  M.  le  Dr  Vogler,  percipient,  mais  par  un  ami  qui  le 
tient  de  M.  Vogler  lui-même.  M.  Vogler,  voyageant  en  Allemagne, 
entend  la  porte  au  bas  de  l'escalier  s'ouvrir  et  se  fermer.  Puis  des 
pas  traînants  se  font  entendre,  qui  viennent  jusqu'à  la  porte  de  la 
chambre.  Cette  porte  s'ouvre,  sans  que  personne  apparaisse.  Mais 
les  pas  continuent  et  semblent  s'approcher  du  lit.  Eu  même  temps 
il  entend  un  profond  soupir,  et  reconnaît  la  voix  de  sa  grand'mère 
qu'il  avait  laissée  en  bonne  santé  au  Danemark.  Pourtant  il  ne  voit 
rien.  Il  regarde  l'heure,  et  prend  note  de  l'événement.  Il  fut  cons- 
taté que  la  grand'mère  de  M.  Vogler  était  morte  justement  à 
l'heure  indiquée. 

Ce  cas  est  intéressant,  parce  qu'il  y  a  eu  non  seulement  réco- 
gnition, mais  encore  dissociation  très  nette  des  phénomènes  senso- 
riels de  la  monition  2. 

M.  W...  rêve,  au  commencement  de  la  nuit,  qu'il  voit  devant 
lui  une  vieille  dame,  à  cheveux  blancs,  à  sourcils  noirs,  qui  le 
regarde  fixement,  touchant  d'une  façon  nerveuse  les  rubans  de 
son  bonnet.  Il  ne  la  reconnaît  pas,  mais  (toujours  dans  son  rêve) 
sa  tante  arrive  et  lui  dit  :  «  Comment,  John,  ne  vois-tu  pas  que  c'est  ta 
grand'mère  ?  »  Au  réveil,  il  note  ce  rêve  sur  son  carnet.  Quelque 
temps  après,  il  apprend  que  sa  grand'mère  est  morte  à  la  même 

1.  Flammarion,  Loc.  cit.,  165. 

2.  Flammarion,  Loc.  cit.,  72. 


MONITIONS    DE    MORT  405 

heure,  loin  de  là,  à  l'île  de  Wight.  La  grand'mère  de  M.  W...  avait 
les  cheveux  blancs  (ce  que  son  petit-fils  ignorait,  ne  l'ayant  pas 
vue  depuis  longtemps)1. 

Le  Rév.  Wanley  rêve  qu'il  voit  un  sien  ami,  éloigné  de  Londres, 
d'ailleurs  en  bonne  santé,  M.  N...,  professeur  de  mathématiques 
au  collège  de  Guerûesey.  Le  matin  M.  Wanley  dit  à  sa  femme  qu'il 
est  convaincu  que  M.  B...  est  mort.  Or  c'était  exact,  pour  le  jour 
certainement,  et  probablement  pour  l'heure. 

Mad.  Wheatcroft  2,  dont  le  mari,  capitaine  de  dragons  de  la 
garde,  était  parti  pour  les  Indes,  voit,  dans  la  nuit  du  14  au 
15  novembre  1857,  à  deux  reprises  différentes,  l'ombre  de  son 
mari  se  penchant  sur  elle,  et  faisant  effort  pour  parler.  Le  matin, 
elle  en  parle  à  sa  mère,  et  est  convaincue  que  son  mari  a  été  tué. 
Un  mois  après,  elle  apprend  qu'il  est  mort  le  15  novembre.  Elle 
dit  que  ce  n'est  pas  le  15  novembre,  mais  le  14  novembre  qu'il  est 
mort,  et,  en  réalité,  à  la  suite  d'une  enquête  minutieuse,  on 
apprend  que  son  mari  avait  été  tué  le  14  novembre,  et  non  le 
15  novembre. 

Ce  cas  est  extrêmement  remarquable  et  mérite  d'être  considéré 
comme  un  des  plus  probants  de  toutes  les  enquêtes,  puisqu'une 
monition  métapsychique  a  déterminé  une  administration  officielle 
à  faire  un  changement  dans  les  registres  des  décès. 

M.  William  est  endormi  dans  sa  chambre,  les  mains  hors  de  sa 
couverture,  quand  il  est  éveillé  par  la  sensation  que  ses  mains  sont 
saisies  et  pressées.  Il  se  redresse  et  voit  près  de  son  lit  son  jeune 
beau-frère  Georges,  âgé  de  dix-neuf  ans,  qu'il  savait  d'ailleurs  extrê- 
mement malade.  Il  le  regarde  avec  tendresse,  et  il  ne  se  sent  nulle- 
ment effrayé.  Le  soleil  levant  éclairait  la  chambre.  Il  se  lève  et  dit 
à  sa  femme  :  «  J'ai  vu  Georges,  il  est  venu  durant  une  minute  au 
lever  du  soleil  ».  Au  mèmemoment,  en  un  autreendroitde  Londres, 
Georges  s'éteignait  dans  les  bras  de  sa  mère  et  de  son  père,  lequel 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  329. 

2.  A.  S.  P.,  1891,  1,51. 


40ft  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

disait  :  «  Le  soleil  se  lève  juste  au  moment  où  notre  cher  fils  s'élève 
vers  la  patrie  céleste  »*. 

Mad.  Williams  a  entendu  la  voix  de  sou  fils  qui  criait  :  «  Mère! 
mère!  »  Elle  sent  une  main  se  poser  sur  sa  poitrine,  elle  voit 
l'image  de  son  fils  qui  lui  paraît  très  malade.  M.  Williams,  à  qui  sa 
femme  raconte  cette  vision,  ne  veut  pas  y  ajouter  foi.  Or  le 
fils  de  Mad.  Williams  était  mort  de  la  fièvre  jauue,  au  même  moment, 
en  mer-. 

M.  Wingfield,  dans  la  nuit  du  25  au  26  mars3,  voit  en  rêve  sou 
frère,  Richard  Wingfield  Baker.  La  réalité  de  ce  rêve  est  si  forte 
que  M.  W...  se  lève  et  va  regarder  si  réellement  son  frère  n'est  pas 
dans  la  pièce  voisine.  L'impression  est  telle  qu'il  pressent  un 
malheur,  et  écrit  sur  son  carnet  :  «  Apparition,  nuit  du  jeudi 
25  mars,  1880,  R.  B,  W.  B,  God  forbid  ».  Or,  le  jeudi  25  mars, 
Richard  Baker  William  Baker  mourait  d'uu  accident  de  chasse 
survenu  dans  la  journée. 

Cette  monitiou  est  assurément  uue  des  plus  certaines  qu'on 
possède,  à  cause  de  la  notation  précise  de  l'événement  imprévu, 
sur  le  carnet  agenda. 

Mad.  Wright  laisse  sa  fille,  âgée  de  quatre  ans  et  demi,  aller 
jouer  dans  la  rue.  Peu  d'iustants  après,  en  traversant  la  cour,  elle 
voit  l'enfant  passer  devant  elle  comme  une  ombre  lumineuse.  Elle 
s'arrête,  ne  reconnaît  pas  l'enfant,  et  la  regarde  attentivement 
pendant  près  d'une  demi-minute.  Un  instant  après,  on  l'appelle 
pour  lui  dire  que  l'enfant  venait  d'être  écrasée  sur  la  route,  par 
une  voiture  '.  Quoiqu'il  n'y  ait  pas  eu  de  récognition,  le  fait  est  inté- 
ressant par  la  précision  des  détails. 

Le  Dl  Woolcott,  médecin  du  navire  Plantagenet,  qui  allait  des 
Indes  en  Angleterre,  rêve  qu'il  a  vu  sa  mère  mourante  et  qu'un 
de  ses  cousins,  chirurgien  de  l'artillerie  royale,  qu'il  croyait  en 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.  142. 

2.  Phant.  of  the  Living,  I,  440. 

3.  A.  h.  P.,  1891,  I,  45. 

4.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  268. 


MONITIOIfS    DE    MORT  407 

Chine,  était  près  du  lit  do  mort.  Le  rêve  fut  si  intense  que  le 
Dr  Woolgott  alla  réveiller  uu  de  ses  amis  pour  calmer  l'angoisse 
qui  l'étreignait.  En  arrivant  aux  docks,  M.  Woolcott  voit  sou  père, 
qui  n'était  pas  eu  deuil,  venir  à  lui,  et  il  se  dit  :  «  Tout  est  bien  : 
mon  rêve  m'a  trompé  ».  Pourtant  le  rêve  était  conforme  à  la 
réalité.  La  mère  de  M.  Woolgott  était  morte,  et  son  cousin  avait 
assisté  à  la  mort.  La  coïncidence  entre  le  jour  de  la  mort  et  le 
moment  du  rêve  est  quelque  peu  incertaine  l. 

Mad.  Wiokham,  étant  à  Malte,  a  eu  le  13  mars  de  vives  angoisses 
au  sujet  de  la  santé  d'un  sien  ami  à  Brighton.  Elle  va  dîner  eu 
ville,  mais  reste  triste  et  inquiète.  Rentrant  chez  elle,  pendant 
qu'elle  défait  sa  coiffure,  elle  sent  une  main  se  poser  sur  sa  tête  et 
sur  sou  cou  ;  puis,  quelque  temps  après,  uue  bouche  froide  et 
glacée  sembla  se  placer  sur  sa  joue,  et  elle  entendit  la  voix  de  son 
ami  qui  disait  :  «  Adieu  !  adieu  !  ».  Elle  s'endort  tout  de  même, 
voit  son  ami  entrer  dans  la  chambre.  Il  était  livide.  Il  l'embrassa 
et  disparut.  La  date  du  rêve  fut  notée  par  écrit.  Quelques  jours 
après,  la  nouvelle  lui  arrivait  à  Malte  que  son  ami  était  mort  à 
l'heure  et  au  jour  de  la  sensation  qu'elle  avait  éprouvée,  le 
13  mars,  à  10  heures. 

Le  capitaine  Calt2  en  se  réveillant  brusquement,  voit  son  frère, 
alors  officier  eu  Crimée  (4854)  qui  le  regarde  avec  affection  et 
tendresse.  Le  capitaine  marche  à  travers  l'apparition  :  tout  de 
même  l'apparition  se  montre  derrière  lui  avec  un  peu  de  sang  à  la 
tempe.  Inquiet,  Calt  quitte  la  chambre  et  va  dans  la  chambre 
d'un  ami.  Le  lendemaiu  son  père  lui  défend  de  raconter  cette 
histoire.  De  fait  l'apparition  avait  eu  lieu  quelques  heures  après 
la  mort  ûVOliver  Calt,  tué  par  une  balle  à  la  tempe,  à  l'assaut  du 
Redan. 

M.  Bard,  jardinier  à  Hinston  3,  rentre  chez  lui  en  passant  par  le 
cimetière,  et  là  il  voit  Mad.  Fhévillk,  habitant  Hinston,  personne 

1.  Hall,  tél.,  tr.  ir.,  108. 

2.  A.  S.  P  ,  1891,  I,  166. 

3.  A.  S.  P.,  1891,  I,  171. 


408  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

un  peu  bizarre.,  qui  s'intéressait  aux  tombes  du  cimetière.  Mad.  FnÉ- 
ville  était  habillée  comme  d'habitude.  Sa  figure  était  toute  blauche. 
Elle  regardait  M.  Bard  fixement,  et  le  suivait  des  yeux  Bientôt  elle 
disparut,  sans  qu'il  fût  possible  de  voir  par  où.  M.  Bard  vérifia 
alors  qu'aucune  tombe  n'avait  été  ouverte.  De  fait,  Mad.  Fréville, 
dont  M.  Bard  ignorait  totalement  la  maladie,  mourait  à  ce  moment 
même.  L'impression  avait  été  extrêmement  forte,  de  sorte  que 
M.  Bard  était  absolument  persuadé  que  c'était  la  réelle  Mad.  Fré- 
ville qu'il  avait  vue  (car  il  ignorait  sa  maladie  et  sa  mort). 

M.  Jones,  officier  anglais,  étant  en  Birmanie»,  causant  gaiement 
avec  ses  amis,  voit  soudain  un  cercueil  et  dans  le  cercueil  une  de 
ses  sœurs.  Il  s'arrête  au  milieu  de  sa  conversation,  et,  comme  il 
était  fort  sceptique  en  pareilles  matières,  raconte  en  riant  ce  qu'il 
vient  de  voir.  Le  même  jour,  sa  sœur  était  morte  (en  Angleterre)1. 

Le  cavalier  Seh.  Fenzi  étant  à  Fortoula,  au  bord  de  la  mer 
(à  100  kilomètres  environ  de  Florence),  poussé  par  un  grand  senti- 
ment d'angoisse,  voit,  malgré  une  pluie  torrentielle  et  un  orage, 
marchant  tranquillement  de  roc  en  roc,  comme  si  le  temps  était 
calme,  son  frère,  le  sénateur  Carlo  Fenzi,  qu'il  reconnaît  à  ses 
grosses  moustaches  blanches.  Alors  il  agite  la  main  et  l'appelle 
par  son  nom,  aussi  fort  que  possible.  Mais  G.  F...  disparaît  derrière 
les  rochers.  A  ce  moment  sort  du  bois  voisin  un  sien  jeune  cousin, 
tout  différent,  avec  sa  barbe  noire,  de  Carlo  Fenzi,  et  qui  n'avait 
pas  passé  par  les  rochers.  En  rentrant  chez  lui,  M.  Fenzi  apprend 
que  son  frère  Carlo  était  à  l'agonie.  Il  part  immédiatement  pour 
Florence,  mais  n'arrive  pas  à  temps  pour  le  voir  encore  vivant. 
Quelques  mois  avant  sa  mort,  le  sénateur  Carlo  Fenzi  avait  dit  à 
son  frère  Sébastien  :  «  Celui  qui  mourra  le  premier  viendra  avertir 
l'autre,  mais  je  suis  sûr  que  je  mourrai  avant  toi  ;  daoïs  trois  mois 
je  n'existerai  plus  ».  La  conversation  avait  eu  lieu  en  juin,  et  la 
mort  de  C.  Fenzi  date  du  2  septembre  1881 2. 

Mad.  X... 3  voit  le  28  décembre  1906,  à  23  heures,  devant  son  lit, 

1.  A.  S.  P.,  I,  173,  4891. 

2.  A.  S.  P.,  1891,  I,  174. 

3.  A.  S.  P.,  1907,  XVII,  607. 


MONITIONS    DE    MORT  409 

une  forme  de  femme  dont  elle  distingue  parfaitement  les  traits  et 
tous  les  détails  du  vêtement.  Cette  forme  disait,  d'une  voix  voilée  : 
«  Je  suis  Hélène  Ram,  je  viendrai  vous  prendre  ;  nous  serons 
ensemble  dans  Vautre  inonde  ».  Mad.  Hélène  Ram  est  morte  à  Hyères 
le  28  décembre,  à  4  heures  du  matin.  Il  y  a  donc  eu  un  retard  de 
vingt  heures.  Les  détails  sur  les  vêtements  étaient  exacts.  Mad.  Ram 
n'était  pas  malade,  et  Mad.  X...  la  connaissait  peu. 

Le  général  X...,  une  des  plus  hautes  personnalités  de  l'armée 
française,  écrit  à  M.  A.  de  Rochas1. 

«  En  1832,  j'avais  cinq  ans.  On  m'envoie  chez  ma  grand'mère 
maternelle.  Je  couchais  avec  un  cousin  de  mon  âge.  Nous  étions 
dans  notre  lit  à  babiller.  On  venait  d'emporter  la  lumière,  lorsque 
je  vis  au  pied  de  mon  lit  passer  l'image  de  ma  grand'mère  pater- 
nelle que  je  venais  de  quitter  et  qui  m'aimait  tendrement.  Or,  à 
l'heure  même  où  elle  m'était  apparue,  cette  grand'mère  mourait. 

M.  S...  voit,  pendant  le  jour,  dans  une  galerie  assez  longue  de 
son  habitation,  une  sorte  de  brouillard  qui  se  concentre,  s'épaissit, 
prend  la  figure  d'un  homme  dout  la  tête  et  les  épaules  deviennent 
de  plus  en  plus  distinctes.  Le  reste  de  sou  corps  est  enveloppé 
d'un  vêtement  de  gaze,  comme  d'un  manteau  qui  traîne  à  terre  et 
cache  les  pieds.  L'apparition  est  sans  couleur.  La  tête  se  tourne 
vers  lui  avec  un  sentiment  de  douceur  et  de  paix,  puis  en  un  ins- 
tant tout  disparaît,  comme  un  jet  de  vapeur  au  contact  de  l'air 
froid.  Alors  Z...  pense  à  un  sien  ami  qu'il  n'avait  pas  vu  depuis 
quelques  semaines,  et  auquel  il  n'avait  pas  pensé  ce  jour-là.  Cet 
ami  était  mort  subitement  au  même  jour  et  à  la  même  heure 2. 

M.  A.  Z..,  après  avoir  très  amicalement  causé  de  choses  insi- 
gnifiantes avec  son  jeune  ami  B...,  rentre  chez  lui,  et  se  met  à  lire. 
Soudain  il  entend  la  porte  du  dehors  s'ouvrir  avec  bruit.  Il  y  a  des 
pas  précipités  sur  le  chemin,  distincts,  sonores.  M.  Z...  a  la  con- 
science que  quelque  chose  se  tient  près  de  lui,  en  dehors,  séparé 
seulement  par  la  vitre  de  la  fenêtre.  Il  entend  une  respiration 

1.  A.  S.  /'.,  1891,  I,  260. 

2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  182. 


410  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

courte,  haletante,  comme  celle  de  quelqu'un  qui  cherche  à 
reprendre  haleine  avant  de  parler.  Puis,  pareil  à  un  coup  de  canon, 
un  cri  épouvantable,  un  gémissement,  une  plainte  prolongée 
d'horreur  qui  semble  s'évanouir  dans  les  sanglots  d'une  atroce 
agonie.  Cependant  la  femme  de  Z...  n'avait  rien  entendu. 
En  voyant  l'alarme  de  son  mari,  elle  dit  :  «  Qu'y  a-t-il?  — 
Il  y  a  quelqu'un  dehors,  lui  dit  M.  Z...  mais  c'est  si  étrange 
et  si  horrible  que  je  n'ose  pas  le  braver  ».  A  ce  moment  même,  à 
une  distance  trop  grande  pour  qu'aucun  bruit  pût  parvenir  à 
la  maison  de  Z...,  B...  rentré  chez  lui,  s'était  empoisonné  en 
buvant  de  l'acide  cyanhydrique,  et  il  était  tombé  en  poussant  un 
grand  cri1. 

Mad.  Menneer,  femme  du  principal  du  collège  de  Torre  à  Tor- 
quay,  a  son  père  qui  est  aux  Indes,  dans  l'armée.  Une  nuit  elle 
rêve  qu'elle  voit  la  tète  décapitée  de  son  père,  M.  Wellington,  posée 
dans  un  cercueil  au  pied  de  sou  lit.  Or  à  ce  même  moment,  M.  Wel- 
lington, pris  dans  un  combat  par  les  Chinois,  avait  eu  la  tête  tran- 
chée, et  les  ennemis  avaient  apporté  en  triomphe  cette  tête  dans 
leur  camp-. 

Le  cas  suivant,  encore  qu'il  ne  s'agisse  pas  d'une  monition  de 
mort,  ressemble  tellement  aux  monitions  de  mort  qu'on  peut  le 
ranger  dans  ce  groupe. 

Le  Dr  Bkuce  (de  Micanopy,  États-Unis)  voit  en  rêve,  dans  la  nuit 
du  27  au  28  décembre  1883  une  rixe,  et  dans  cette  rixe,  un  homme 
sérieusement  blessé,  la  gorge  coupée.  Il  ne  le  reconnaît  pas,  car 
il  avait  les  mains  sur  la  figure  ;  mais  le  Dr  Bruce  voit  en  rêve  sa 
femme  (à  lui  le  Dr  Bruce)  qui  se  tient  à  côté  du  blessé  et  dit  qu'elle 
ne  veut  pas  partir  avant  qu  il  n'ait  reçu  des  soins. 

De  fait,  le  beau-père  du  Dr  Bruce  avait  été,  dans  cette  même  nuit 
du  27  au  28  décembre,  au  cours  d'une  rixe,  blessé  d'un  coup  de 
poignard  qui  lui  avait  traversé  le  cou. 

Il  paraît  aussi  que  dans  cette  même  nuit  tragique,  une  autre 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  302. 

2.  Myers,  Human  personality,  I,  424. 


MONITIONS    DE    MORT  411 

sœur  du  blessé  avait  rôvé  d'uue  homme  dont  la  gorge  avait  été 
coupée,  mais  saus  l'avoir  reconnu1. 

Mad.  Suzanne  Bonnefoy,  que  j'ai  connue  comme  étant  d'une  haute 
intelligence  et  d'un  grand  cœur,  raconte  qu'elle  reçoit  (en  1902,  à 
Cherbourg)  un  télégramme  lui  annonçant  la  mort  (à  Marseille)  de 
Mad.  Bonnefoy,  mère  de  son  mari  le  D'  Bonnefoy.  Le  Dr  Bonnefoy 
était  alors  à  l'hôpital  depuis  vingt-quatre  heures.  Quand  il  apprit 
la  douloureuse  nouvelle,  il  dit  à  sa  femme  :  «  Ma  mère  doit  être  morte 
vers  10  heures  hier  soir;  »  (l'heure  fut  vérifiée  ensuite,  comme 
exacte)  ;  «  car  hier,  à  demi  éveillé  dans  mon  lit  ici,  il  nia  semblé  que 
quelqu'un  m'embrassait  et  me  caressait  :  j'ai  mênïe  demandé  tout  haut  : 
Est-ce  toi,  Suzanne!  »  Quoique  absolument  sceptique  en  fait  de 
métapsychique,  le  Dr  Bonnefoy  a  été  convaincu  qu'il  y  avait  une 
relation  étroite  entre  la  sensation  qu'il  a  très  nettement  ressentie 
et  la  mort  de  sa  mère  -. 

Le  Dl*  Aug.  Manceau,  de  Paris,  voit  en  rêve  l'image  d'une  tante 
qu'il  chérissait,  très  âgée,  mais  en  parfaite  santé.  «  L'image  était 
peu  nette,  mais  aucun  doute  n'était  possible.  Ce  n'était  pas  un 
tableau  ;  c'était  comme  une  lueur  ressemblante  ». 

Il  envoie  un  télégramme  pour  avoir  de  ses  nouvelles,  et  apprend 
qu'elle  est  morte  à  l'heure  où  elle  avait  apparu s. 

Mad.  Belot,  de  Montpellier,  était  séparée  de  son  mari,  qui  était  eu 
Algérie.  Un  jour,  à  4  heures  de  l'après-midi,  comme  elle  sommeil- 
lait, il  lui  sembla  que  c'était  son  mari,  aux  traits  pâles  et  amai- 
gris, qui  était  devant  elle,  et  qui  lui  disait  :  «  Adieu  !  je  m'en  vais  ». 

Le  lendemain  elle  apprit  par  un  télégramme  que  son  mari  était 
mort  en  effet  ce  jour-là,  à  4  heures  de  l'après-midi  *. 

En  1893,  M.  Moureau,  capitaine  de  frégate,  étant  en  mer,  au  large 
des  Antilles,  rentre  dans  sa  cabine  pour  dormir,  vers  11  heures  du 
soir.  Soudain,  comme  il  commençait  à  s'endormir,  il  a  la  sensation 
très  nette  d'un  petit  corps  humain  qui  s'appuie  sur  sa  poitrine,  il 

1.  MyerS,  Human  personality,  I,  413. 

2.  Flammarion.  La  mort  et  son  mystère,  11,  1921,  333. 

3.  Flammarion.  La  mort  et  son  mystère,  11,1921,  408. 

4.  Flammaiuom.  Loc.  cit.,  IIV  355. 


412  GRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

sent  deux  bras  entourer  son  cou  et  une  bouche  embrasser  la  sienne. 
Il  saisit  le  corps  à  deux  mains  et  le  repousse  brusquement.  Il 
allume  uue  allumette  pour  voir  s'il  y  a  quelqu'un  dans  sa  cabine, 
et  il  ne  voit  rien.  Au  lendemain  matiu  il  raconte  le  fait  à  un  sien 
ami.  Arrivé  à  Gibraltar,  il  apprend  que  cette  nuit-là,  son  petit 
enfant  âgé  de  deux  ans,  était  à  ce  moment,  mort  brusquement  de 
diphtérie  ». 

M.  X...  de  Montiers  (Vendée)  rêve  qu'il  va  chez  ses  parents,  et 
qu'il  voit  dans  leur  chambre  un  lit  improvisé,  autour  duquel  se 
presse  la  foule  qu'il  écarte,  et  il  reconnaît  son  père,  mort,  étendu 
sur  un  matelas  posé  sur  des  tréteaux.  Il  se  réveille  en  sanglotant 
et  raconte  ce  rêve  sinistre  à  sa  femme.  Son  rêve  répondait  exacte- 
ment à  la  réalité2. 

M.  Contamine,  à  Gommentry,  voit,  dans  la  glace,  en  s'habillant,  la 
porte  de  sa  chambre  s'ouvrir,  et  un  sien  ami,  entrer,  en  costume  de 
soirée.  M.  Contamine  se  retourne,  et  très  surpris,  ne  voit  rien.  Alors 
il  sort  de  la  chambre,  interpelle  le  domestique  qui  était  dans 
l'escalier,  et  qui  n'a  vu  personne.  Or  cet  ami,  à  cette  même 
heure,  s'était  suicidé  :  il  avait  le  costume  dans  lequel  M.  Contamine 
l'avait  vu  8. 

Voici  textuellement  la  lettre  du  capitaine  de  frégate  E.  P.  N. 
«  Le  9  janvier  1892,  étant  couché,  à  Toulon,  je  me  sens  réveillé  par 
quelqu'un  et  je  vois  l'amiral  Peyron,  debout  près  de  mon  lit,  les 
mains  dans  les  poches,  qui  me  pousse  du  ventre,  en  disant  :  «  Adieu, 
«  P...,  je  viens  vous  dire  adieu  ».  Je  me  lève,  j'allume  la  bougie,  l'ap- 
parition n'est  plus  là.  A  peine  commençais-je  à  me  rendormir  que 
l'amiral  me  pousse  de  nouveau,  comme  la  première  fois,  en  renou- 
velant ses  adieux  :  seulement  sa  figure  se  voile  rapidement  d'un 
nuage  et  son  corps  se  dissipe  comme  une  vapeur.  » 

L'amiral  Peyron  avait  été  le  chef  du  capitaine  P...  Il  était  grave- 
ment malade  ;  et  il  est  mort  en  effet  cette  nuit-là. 

Il  est  curieux  de  noter  que  M.  G...  mécanicien  en  chef  de  la 
marine,  a  eu  cette  même  nuit  la  même  vision  en  rêve.  L'amiral 

1.  A.  S.  P..  1919,  71. 

2.  Flammarion,  loe.  cit.,  p.  340. 

3.  Flammauiow,  loc.  cit.,  p.  386. 


MONITIONS    DE    MORT  413 

Peyron  lui  a  apparu  eu  lui  disant  :  «  Mon  cher  G...  le  moment  est 
venu  de  nous  quitter,  il  faut  en  passer  par  là,  adieu  !  » 

Le  caractère  cryptesthésique  de  cette  double  mouitiou  n'est  pas 
détruit  par  ce  fait  que  le  capitaine  P...,  et  M.  G...  savaient  l'amiral 
très  gravement  malade  l. 

Mad.  Suzanne  Ollendorff,  la  femme  d'un  de  mes  excellents  amis, 
PàulOllendorff,  raconte  qu'un  matin  elle  a  soudainement  pensé  à  une 
sienne  tante,  et  qu'elle  s'est  dit  :  «elle  est  morte,  et  le  curé  de  X..., 
l'endroit  qu'elle  habite,  va  venir  me  l'annoncer  ».  Paul  Ollendorff, 
qui  n'était  pas  encore  marié  avec  Mad.  Suzanne  L...,  lui  rend  visite 
dans  la  journée,  et  elle  lui  raconte  son  rêve  en  lui  disant  :  «  si  le  curé 
deX...étaiten  ce  moment  derrière  cette  porte,  je  n'en  serais  pas  sur- 
prise ».  Paul  Ollenoorsv  demeure  sceptique,  car  le  curé  de  X... 
n'était  pas  là.  Mais  dans  la  journée  —  il  était  alors  le  directeur  du 
journal  \eGil-Blds  —  il  reçoit  la  visite  du  curé  deX...,  lui  annonçant 
la  mort  de  cette  dame,  frappée  pendant  la  nuit  d'une  congestion 
cérébrale  '-. 

M.  Leadbater  raconte  que  M.  X...,  en  qui  il  a  confiance,  a  eu 
pendant  la  même  nuit,  trois  fois  de  suite,  une  hallucination  très 
nette  :  M.  X...  a  vu  la  forme  de  son  père,  à  la  lumière  d'un  grand 
feu  brûlant  dans  sa  chambre,  d'abord  à  10  heures  et  demie  du 
soir,  puis  de  nouveau,  vers  minuit,  puis  de  nouveau  encore  vers 
2  heures  moins  dix.  11  essaya  de  saisir  l'apparition,  mais  celle-ci 
disparut,  les  formes  s'effaçant  peu  à  peu,  et  les  mains  qui  voulaient 
la  toucher  ne  rencontraient  que  le  vide.  Or  le  père  de  M.  X. ..  était 
mort  cette  nuit-là  même.  Son  agonie  a  commencé  à  10  heures  du 
soir  ;  et  il  est  mort  vers  minuit3. 

Conclusions. 

Nous  voici  arrivés  au  terme  de  cette  longue  énumêration.  Elle 
est  décisive  ;  car  on  ne  peut  expliquer  toutes  ces  apparitions,  toutes 
ces  monitions,  toutes  ces  sensations  puissantes  par  le  délire  ou  la  folie 

1.  Flammarion,  loc.  cit.,  411. 

2.  Flammarion,  loc.  cit.,  273. 

3.  Flammarion7,  loc.  cit.,  p.  330, 


414  CRYPTESTHÉSTE  ACCIDENTELLE 

hallucinatoire  des  individus  —  d'ailleurs  parfaitement  normaux  — 
qui  les  ont  rapportées.  Et  il  serait  tout  aussi  inepte  de  supposer 
une  anormale  et  prolongée  série  de  coïncidences  dues  au  hasard. 

Il  est  donc  bien  prouvé  qu'au  moment  de  la  mort  assez  sou- 
vent une  vibration  se  produit,  qui  ébranle  quelque  chose  dans  le 
monde  et  qui  va  déterminer  chez  certaines  personnes  sensibles  la 
connaissance  de  cette  mort.  Or  cela,  c'est  de  la  cryptesthésie,  c'est- 
à-dire  une  faculté  de  connaissance  superaormale,  inhabituelle,  spé- 
ciale à  des  sensitifs. 

Généralement  c'est  sous  la  forme  d'une  vision  ou  d'une  audition  ; 
mais  il  est  extrêmement  probable  que  dans  la  plupart  des  cas  il  ne 
s'agit  que  d'un  symbole  hallucinatoire.  A  meurt  et  la  notion  de 
cette  mort  arrive  à  l'inconscience  de  B.  Mais,  pour  que  la  con- 
science de  B  puisse  comprendre,  l'inconscience,  avec  sa  puissante 
imagination  créatrice,  fabrique  un  fantôme  qui  ressemble  plus  ou 
moins  à  A;  et,  tout  comme  dans  la  fantaisie  du  délire  et  du  rêve, 
entoure  de  maints  détails,  tantôt  symboliques,  tantôt  véridiques, 
tantôt  à  la  fois  symboliques  et  véridiques,  l'apparition  qui  paraît 
extérieure,  mais  qui  n'est  qu'une  vision  interne. 

Provisoirement  nous  supposerons  que,  si,  plus  que  les  auties 
faits  extérieurs,  la  mort  est  apte  à  provoquer  la  monition,  c'tst 
parce  que  la  mort  est  un  phénomène  plus  violent,  plus  intensi- 
vement vibratoire  que  les  faits  vulgaires  de  la  vie  quotidienne. 

Donc  admettons  le  fait  de  la  cryptesthésie,  qui  est  évident,  mais 
n'allons  pas  plus  loin,  ne  formulons  aucune  théorie,  disons  tout 
simplement  :  la  mort  de  A  est  une  réalité,  et  alors  B,  par  sa  faculté 
cryptesthésique,  perçoit  cette  réalité  qui  est  la  mort  de  A,  et  se  la 
représente  sous  une  forme  symbolique,  la  seule  qui  soit  accessible  à 
notre  humaine  intelligence. 

En  parlant  ainsi  on  ne  fait  aucune  théorie  :  on  ne  propose  aucune 
hypothèse.  C'est  l'énoncé  des  faits  eux-mêmes.  C'est  l'adaptation  (au 
fait  qui  est  la  mort  de  A)  de  la  puissance  cryptesthésique  de  B. 

Il  va  de  soi  que  ces  nombreuses  monitious  de  mort,  qui  sont  des 
hallucinations  véridiques,  confirment  énergiquement  tout  ce  que 
nous  avons  dit  plus  haut  sur  la  cryptesthésie  expérimentale.  Si  l'on 
avait  eu  quelques  doutes  malgré  les  belles  expériences,  il  paraît 


MUNITIONS    DE    MORT.    CONCLUSIONS  415 

bien  que  maintenant  on  n'eu  peut  plus  avoir,  après  les  belles 
observatious.  Il  devient  évident  que  la  connaissance  chez  l'être 
humain  n'est  pas  limitée  aux  notions  que  ses  seus  peuvent  lui 
transmettre.  Il  est  évident  qu'il  y  a  un  sens  cryptesthésique,  une 
faculté  mystérieuse  de  connaissance. 

Essayons  pourtant  un  commencement  d'analyse.  La  volonté  du 
mourant  joue-t-elle  un  rôle? 

Précisons.  Au  moment  où  A...  meurt,  sa  pensée  se  porterait 
vers  B...  qui  est  son  ami,  et  à  qui  peut-être  il  a  promis  d'appa- 
raître; et  alors  cette  pensée,  traversant  l'espace,  irait  influencer  la 
pensée  de  B... 

L'idée  simpliste,  celle  qui  vient  à  l'idée  tout  de  suite,  pour 
l'explication  de  ces  monitions  de  mort,  c'est  que  c'est  le  mort  lui- 
même  qui  revient,  en  son  corps  astral.  Mais  c'est  là  une  conception 
hypothétique  qu'il  est  difficile  de  défendre;  car,  dans  des  cas  assez 
nombreux,  ce  n'est  pas  l'image  du  mort,  ou  son  fantôme  qui  repa- 
raît ;  c'est  par  l'arrivée  d'une  tierce  personne,  ayant  assisté  ou  non 
à  la  mort,  que  la  monition  de  la  mort  est  donnée1. 

Des  détails  divers  apparaissent  quelquefois,  que  le  mourant  ne 
pouvait  pas  connaître,  de  sorte  que  la  conclusion  semble  être  qu'il 
y  a  connaissance  de  la  vérité,  mais  connaissance,  soit  par  un  sym- 
bole, soit  par  un  fantôme,  comme  si  le  fantôme  n'était  lui-même 
que  symbolique. 

Et  alors  ce  qui  paraît  le  plus  vraisemblable,  c'est  que  l'àme 
humaine,  l'intelligence  du  percipient,  est  ébranlée  par  une  force 
quelconque  qui  lui  révèle  la  vérité,  ou  plutôt  un  fragment  de  la 
vérité;  mais  il  est  bien  difficile  de  savoir  si  cette  vérité  est  annoncée 
par  une  intelligence  qui  veut  l'annoncer,  ou  si  elle  résulte  de  la 
vibration  seule  des  événements  qui  se  déroulent. 

Si,  au  lieu  de  se  confluer  à  l'étude  des  monitions,  ou  analyse 
l'ensemble  des  phénomènes,  on  est  parfois  porté  à  croire  qu'il  y  a 
comme  une  intention  de  monition,  comme  un  effort  de  se  faire 
comprendre,  et  alors,  pour  être  compris,  de  se  présenter  sous  une 


1.  Voy.  Mail.  A.  Sidgwick,  J.  S.  P.  B.,  novembre  1006,  321.  Case  L.  1153  et  Phan- 
tasms  of  the  Liv.,  I,  357  et  P.  S.  P.  fi.,  X,  261. 


416  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

forme  symbolique.  Mais  c'est  peut-être  un  raisonnement  anthro- 
pomorphique  que  d'attribuer  aux  choses  une  pareille  intention. 
Le  paysan  dont  le  champ  est  désolé  par  la  sécheresse  s'imagine 
volontiers,  quand  une  pluie  bienfaisante  arrive,  qu'une  divinité 
compatissante  lui  a  apporté  la  pluie. 

Et  cependant  il  est  assez  difficile  d'expliquer  certaines  moui- 
tions  collectives,  et  certaines  prémonitions,  et  certains  phénomènes 
de  hantise,  sans  voir  là  l'effort  d'une  puissance  intelligente  exté- 
rieure à  nous,  qui  vient  nous  révéler  un  fragment  de  vérité,  abor- 
dable seulement  à  notre  défectueuse  intelligence,  par  une  représen- 
tation symbolique  (visuelle  ou  auditive)  du  phénomène  même. 

En  effet  assez  souvent  il  existe  comme  une  vague  intention 
de  A,  qui  est  perçue  par  B.  Jeanne  mourante  appelle  à  grands  cris 
M"0  X...  et  meurt  en  disant  :  «  Si  c  était  pour  aller  voir!...  »  et 
MUe  X...  s'entend  appeler.  —  La  sœur  de  M.  Noell,  mourante, 
appelait  désespérément  son  frère.  —  M.  Dickinson,  très  gravement 
malade,  était  préoccupé  de  sa  photographie  et  son  double  a  été  chez 
le  photographe.  —  Jim  avait  promis  à  Mad.  Bishop  daller  lui  rendre 
visite  au  moment  de  sa  mort.  —  Le  R.  Field  entend  sa  mère 
l'appeler  :  «  Harry  !  Harry  »  au  moment  où  sa  mère  mourante  criait  : 
«  Harry  !  Harry  !  Harry  !  ».  —  M.  D...  voit  son  ouvrier  Mackensie  pré- 
occupé de  justifier  sa  conduite. 

D'autre  part,  combien  de  cas  dans  lesquels  le  fantôme,  c'est-à- 
dire  le  symbole  cryptesthésique,  s'est  montré  à  des  indifférents  ! 
Mad.  Green  ne  s'intéressait  pas  du  tout  à  sa  nièce  australienne 
qu'elle  n'avait  jamais  vue.  —  Quand  le  duc  d'Orléans  est  mort,  il 
ne  pensait  certainement  pas  à  Mad.  Brémon,  pas  plus  que  Robes- 
pierre  à  Mad.  X...  —  Quand  M.  Halle  a  vu  la  petite  fille  de  son 
cocher  tomber  de  la  fenêtre,  l'enfant  n'a  certainement  pas  eu  la 
volonté  de  se  communiquer  à  M.  Halle,  plus  que  le  chien  de 
M.  Phirbs,  à  M.  Phibbs. 

En  l'obscurité  où  nous  errons,  il  me  paraît  sage  de  réserver  notre 
jugement.  Disons  seulement  que,  dans  la  plupart  des  cas,  la  moni- 
tion  ne  semble  pas  intentionnelle  de  la  part  de  A,  et  que  la  notion 
de  la  mort  de  A  est  perçue  par  B,  parce  que  c'est  une  réalité,  et 
que  B,  grâce  à  la  cryptesthésie,  perçoit  la  réalité. 

Ce  n'est  donc  pas  mutiler  les  faits  que  de  se  refuser  à  admettre 


MONITIONS    DE    MOUT.    CONCLUSIONS  417 

cette  intention  des  mourants,  ou  cette  intervention  du  corps 
astral;  c'est  se  refuser  à  aller  au  delà  des  démonstrations.  Il  est 
fort  possible  qu'un  jour,  quand  la  métapsychique  aura  fait 
des  progrès,  nous  arrivions  à  admettre  cette  transmission  télépa- 
thique  des  mourauts  aux  vivants.  Personne  ne  peut  prévoir  ce  que 
réserve  la  scieûce  future  à  nos  arrière-neveux  ;  mais  à  l'heure 
actuelle  personne  n'a  le  droit  de  faire  cette  supposition  gratuite, 
de  construire  cette  théorie  fragile. 

Restons  dans  le  domaine  des  faits  établis,  indiscutables,  et  disons 
que  souvent  la  mort  d'un  être  humain  est  connue  par  les  êtres 
humains  vivants,  sans  que  les  sens  normaux  puissent  expliquer 
cette  connaissance  :  que  de  plus  cet  avertissement  de  la  mort  se 
manifeste  par  des  symboles  dont  la  diversité  est  infinie;  et  enfin 
que  les  monitions  presque  toujours  sont  uniquement  subjectives, 
quoique,  dans  des  cas  exceptionnels,  elles  paraissent  avoir  une  réa- 
lité objective. 

Telles  sont  les  conclusions  qui  se  dégagent  des  monitions  de 
mort;  mais,  ainsi  que  Geley,  Bozzano,  et  Sir  Oliver  Lodge  le  font 
remarquer  avec  raison,  l'explicaliou  qu'on  donne  de  telles  ou  telles 
séries  de  faits  est  insuffisante  si  elle  ne  peut  s'appliquer  qu'à  cette 
série  spéciale  de  faits.  Tout  doit  se  tenir  et  être  cohérent.  Une 
théorie  ue  peut  être  édifiée  d'après  les  seuls  faits  de  monitions 
de  mort,  ou  de  cryptesthésie,  ou  d'ectoplasmie.  Il  faut  que  la  théorie 
proposée  satisfasse  plus  ou  moius  à  tous  les  faits.  Aussi  est-il  plus 
sage  de  réserver  à  la  fin  des  chapitres  divers  de  ce  livre  toute  con- 
clusion géuérale  d'ensemble. 


Richet.  —  Métapsychique.  27 


IV.  —  MONITIONS  COLLECTIVES 

Les  monitions  collectives  sont  rares. 

Avant  de  les  étudier,  nous  montrerons  que  certaines  monitions 
non  collectives,  c'est-à-dire  perçues  par  une  seule  personne,  se  sont 
produites  dans  des  conditions  telles  que,  s'il  y  avait  eu  réellement 
phénomène  extérieur  ordinaire,  mécanique,  ou  physico-chimique, 
il  y  aurait  eu  impression  collective,  puisque  plusieurs  personnes 
étaient  présentes.  Ces  monitions  ont  donc  été  indiscutablement 
subjectives. 

Et  je  reviens  encore,  à  cause  de  son  importance,  sur  la  significa- 
tion précise,  dans  notre  science  métapsychique,  des  mots  sub- 
jectif et  objectif. 

Aux  excitations  sensorielles  normales  tous  les  individus  normaux 
sont  à  peu  près  également  sensibles.  Un  coup  de  fusil  est  tiré  à  cent 
mètres  de  distance;  il  faut  être  sourd  pour  n'avoir  pas  entendu. 
On  fait  partir  une  fusée  éclairante  qui  monte  dans  le  ciel;  il  faut 
être  aveugle  pour  ne  pas  l'avoir  vue.  Ces  deux  faits,  qu'on  peut 
d'ailleurs  constater  par  des  appareils  enregistreurs  ou  des  photo- 
graphies, sont  objectifs. 

Or,  pour  qu'une  monition  se  produise-,  il  faut  de  toute  nécessité 
une  vibration  quelconque  des  forces  ambiantes  ;  par  conséquent, 
de  toute  nécessité,  il  faut  un  phénomène  extérieur,  objectif.  Mais 
ce  phénomène  objectif,  qui  met  en  jeu  la  sensibilité  des  sensitifs, 
n'a  pas  le  caractère  d'objectivité  d'un  ébranlement  de  l'air  par  le 
son,  ou  de  l'éther  par  la  lumière;  c'est  une  objectivité  spéciale,  de 
nature  parfaitement  inconnue,  et  qui  a  ce  caractère  singulier  de 
n'agir  que  sur  certains  individus,  de  n'être  pas  perçu  par  les 
autres,  et  de  ne  pas  être  enregistré  par  nos  appareils  de  physique. 

Quand  Mad.  Thompson,  prenant  la  montre  de  mon  fils,  dit  : 
«  Trois  générations  mélangées  »,  il  y  a  sans  doute  une  vibration  quel- 


MUNITIONS    COLLECTIVES  419 

conque  venant  de  la  montre  qui  lui  a  donné  cette  notion  ;  mais  nul 
être  vivant  autre  que  Mad.  Thompson  n'aurait  été  capable  de  perce- 
voir cette  vibration. 

Eu  fait  de  cryptestbésie  la  sensibilité  des  divers  individus  varie, 
comme  de  1  à  100.000  je  suppose  ;  tandis  que  pour  les  divers  indi- 
vidus, les  variations  de  la  sensibilité  aux  sons,  aux  couleurs,  aux 
lumières,  aux  odeurs,  ne  sout  que  de  10.000  à  10.001. 

Ce  n'est  pas  tout.  Lorsqu'une  vision  apparaît  à  B  et  qu'il  croit 
reconnaître  A,  il  n'est  pas  prouvé  du  tout  que  la  forme  A  (qu'il 
croit  voir),  soit  A,  dans  le  sens  que  nous  attachons  banalement  à  ces 
mots  :  voir  A.  Tout  ce  que  nous  pouvons  dire,  c'est  que  B  a  la  notion 
de  A.  Cette  notion  de  A  est  interprétée  par  B  comme  étant  la  réalité 
de  A.  C'est  quelque  chose  évoquant  A  qui  arrive.  Mais  qu'est-ce  qui 
arrive?  La  transformation  de  cette  confuse  notion  de  A  en  l'image 
visuelle  et  précise  de  A  devient  alors  un  phénomène  tout  à  fait 
subjectif. 

Il  ne  s'agit  pas  là  d'hypothèses  :  ce  sont  des  faits.  Dans  quelques 
cas  bien  authentifiés,  B  est  entouré  de  personnes  qui  ne  voient  rien, 
alors  quelui,  B,  voit  nettement  quelque  chose.  Donc  en  toute  évidence 
la  perception  de  B  est  subjective,  dans  le  sens  ordinaire  du  mot. 

Voici  quelques-unes  de  ces  monitions  non  collectives,  mais  qui 
eussent  dû  être  telles,  si  le  phénomène  n'avait  pas  été  subjectif. 

Mad.  Taunton,  étant  à  un  concert,  voit  devant  elle,  entre  l'orchestre 
et  elle,  l'apparition  de  son  oncle  M.  W..  ■  qu'elle  ne  savait  pas  malade, 
qui  paraissait  couché  dans  son  lit,  l'appelant  comme  font  les  mou- 
rants. L'apparition  n'était  pas  une  vapeur  :  pourtant  on  pouvait 
voir  l'orchestre  à  travers  ce  corps.  M.  Taunton  demanda  à  sa  femme 
pourquoi  elle  était  ainsi  fascinée.  La  vision  disparut,  et,  après  le 
concert,  Mad.  T...  expliqua  ce  qu'elle  avait  vu.  De  fait  M.  W... 
était  mort  exactement  à  l'heure  où  la  vision  avait  apparu. 

Mad.  Purton  entend,  dans  la  nuit,  un  cri  terrible  et  des  gémisse- 
ments d'angoisse  qui  remplissent  toute  la  maison,  avec  un  vacarme 
épouvantable.  Elle  se  réveille  terrifiée,  parcourt  la  maison  qui  est 
tranquille  et  où  tout  le  monde  dort.  Le  matin  elle  demande  si  l'on 
a  entendu  un  bruit  inaccoutumé,  mais  on  n'a  rien  entendu.  Peu  de 
temps  après  arrive  la  nouvelle  de  la  mort  de  son  fils  Franck  qui 
revenait  d'Australie  sur  le  Royal  Charter.  Le,  Royal  Charter  a  fait 


420  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

naufrage,  avec  tous  les  passagers,  au  moment  où  Mad.  Purton  a  eu 
cette  monition. 

M.  King,  du  Royal  Military  Collège,  en  rentrant  chez  lui,  avec  un 
de  ses  amis,  par  la  campagne,  à  22  heures  dit  tout  d'un  coup  : 
«  Regardez-la,  regardez-la!  »  et  il  montre  du  doigt  un  endroit  du 
bois.  Mais  M..,  son  ami,  ne  voit  rien.  King  tombe  par  terre  en 
gémissant.  Puis  il  se  relève,  et  les  deux  amis  reprennent  leur 
marche.  King  était  comme  ivre,  et  il  ne  disait  rien.  Tout  d'un  coup 
il  s'écrie  :  «  Où  Vont-ils  portée?  Je  vous  dis  qu'ils  la  portaient  !  ».  Le 
lendemain  matin  King  ne  se  souvenait  de  rien  ;  il  apprit  alors 
qu'une  vieille  dame,  qu'il  aimait  beaucoup,  était  morte  subitement 
d'une  maladie  de  cœur  exactement  à  22  heures1. 

Berta  Hurly2  allait  souvent  rendre  visite  à  Mad.  Ewans,  une 
vieille  femme  assez  malade,  mais  non  en  danger  immédiat.  Un 
soir,  étant  à  table,  avec  sa  famille,  elle  voit  une  figure  de  femme 
habillée  comme  Mad.  Ewans,  qui  traverse  la  chambre  et  disparaît. 
«  Je  dis  :  «  Qu'est  cela?  »  et  ma  mère  me  dit  :  «  Qu'avez-vous  ?  »  Je 
réponds  :  «  Cette  femme  qui  a,  passé  d'une  porte  à  Vautre,  cest 
Mad.  Eioans.  »  On  se  mit  à  rire  de  moi.  »  A  cette  même  heure, 
Mad.  Ewans,  prise  de  délire,  commençait  son  agonie.  Elle  mou- 
rait à  8  heures  du  matin. 

M.  B.  .,  prenant  le  thé  chez  son  fils,  avec  son  fils  et  sa  belle-fille, 
dit  tout  d'un  coup  :  «  Qui  regarde  par  la  fenêtre  ?  »  Or  personne  ne 
pouvait  monter  là.  MB...  insiste,  disant  qu'il  voit  une  femme  avec 
une  figure  pâle  et  des  cheveux  noirs.  Il  n'est  tranquille  qu'après 
qu'on  a  fait  (inutilement  d'ailleurs)  le  tour  de  la  maison.  Il  est 
17  heures  45.  Le  même  jour  mourait  à  Guernesey,  à  17  heures  45, 
la  mère  de  Mad.  B...,  belle-fille  de  M.  B...  qui  avait  eu  la  vision3. 

M.  Mouat,  allant  à  son  bureau,  rencontre  son  employé  qui  cause 
avec  le  portier,  et  il  aperçoit  devant  la  porte  le  Rév  H...  Générale- 
ment leRév.  H...,  qui  travaillait  au  bureau  de  M.  Mouat,  n'arrivait 
pas  de  si  bonne  heure.  Un  autre  employé,  descendant  de  son 
bureau,  a  vu  M.  H...  et  est  sorti  après  avoir  essayé,  sans  succès,  de 

1.  Hall,  lél.,  tr.  fr.,  247. 

2.  A.  S.  P.,  1891,  I,  5'J. 

3.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  180. 


MUNITIONS    COLLECTIVES  421 

plaisanter  avec  lui.  Resté  seul  avec  le  Rév.  H...,  M.  Mouat  le  regarde 
bien  en  face,  s'étonne  de  lui  voir  l'expression  mélancolique,, et 
remarque  qu'il  n'a  pas  de  cravate  :  «  Mais  qu'avez-vous?  lui  dit-il; 
Vous  semblez  ennuyé?  »  H...  ne  lui  répond  pas  et  continue  à  le 
regarder  fixement.  A  ce  moment  arrive  l'employé  qui  ne  voit  rien, 
et  H...  disparaît.  Or  il  est  avéré  d'une  part  que  ni  l'employé,  ni  le 
portier,  n'ont  vu  H...  et  d'autre  part  que  H...  ce  jour-là  était  absent 
de  Londres1. 

Evidemment  ce  cas  est  très  troublant,  plus  incompréhensible 
encore  que  les  autres,  puisque,  sur  quatre  personnes,  il  en  est 
deux  qui  ont  vu  le  Rév.  H...  (et  lui  ont  adressé  la  parole),  tandis  que 
les  deux  autres  n'ont  rien  vu.  La  matérialisation  —  puisque  nous 
adoptons  provisoirement  ce  mot  —  n'a  été  telle  que  pour  deux  per- 
sonnes sur  quatre.  Elle  n'était  donc  pas  un  fait  objectif,  ou  plutôt 
elle  était  à  la  fois  objective  et  subjective. 

A.  —  Monitions  collectives,  dans  lesquelles  la  monition 
n'a  été  ni  simultanée,  ni  identique. 

Reprenons  l'exemple  donné  plus  haut  d'une  race  humaine  insen- 
sible aux  odeurs.  Ainsi  nous  pourrons  un  peu  moins  mal  nous 
rendre  compte  de  la  signification  que  comportent  ces  phénomènes 
mystérieux. 

Supposons  que  dans  une  chambre  où  se  trouvent  réunies  des  per- 
sonnes insensibles  aux  odeurs,  soudain  un  coup  de  vent  apporte 
l'odeur  des  violettes.  Ces  personnes,  étant  insensibles,  ne  sentent 
rien,  évidemment.  Mais  que  l'une  des  vingt  personnes  présentes 
soit  sensible  à  l'odorat  (pendant  quelques  secondes),  elle  aura  la 
notion  de  violettes.  Les  autres  personnes  n'auront  rien  senti  : 
même  la  personne  sensible  ne  sentira  plus  rien  du  tout  au  bout 
d'une  seconde  ou  d'une  demi-seconde. 

Que  si  alors  en  d'autres  endroits  voisins,  à  peu  près  au  même 
moment,  le  même  vent  chargé  de  particules  odorantes,  apporte  à 
une  personne  exceptionnellement  sensitive  aux  odeurs  cette  même 
impression  de  violettes,  cette  sensitive  aura,  elle  aussi,  seule  parmi 
d'autres  personnes  présentes,  la  notion  des  violettes. 

i.  Hall,  tél.,  tr.  f r  ,  3S8. 


422  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

Voilà  donc  une  monition  collective,  mais  non  simultanée.  Car 
nous  pouvons,  non  saus  quelque  vraisemblance  analogique,  com- 
parer les  individus  doués  de  cryptesthésie,  momentanée  ou  durable, 
à  des  individus  possédant  un  odorat  au  milieu  de  toute  une  race 
humaine  dépourvue  d'odorat. 

Mad.  Hunter  »  voit,  étant  éveillée,  et  dans  la  journée,  un  large  cer- 
cueil déposé  sur  le  lit,  et  au  pied  du  lit  une  vieille  femme,  grande 
et  forte,  qui  regarde  le  cercueil;  la  vision  est  si  nette  qu'elle  peut 
décrire  les  vêtements. 

La  vision  disparaît,  et  Mad.  Hunter  raconte  le  fait  aux  personnes 
qui  viennent  lui  rendre  visite.  Le  soir,  la  gouvernante,  très  effrayée, 
lui  dit  qu'elle  a  vu  une  vieille  dame  dans  le  salon,  qui  a  paru  se 
dissoudre  quand  elle  l'a  regardée,  et  elle  décrit  le  vêtement,  exacte- 
ment comme  Mad.  Hunter  l'a  vu.  La  petite  fille  de  Mad.  Hunter,  âgée 
de  cinq  ans,  un  peu  plus  tard,  se  mit  à  crier,  en  montrant  du  doigt 
un  endroit  où  la  nourrice  ne  voyait  rien  :  elle  disait  en  pleurant  : 
Va-t'en  !  va-t'en  !  vilaine  méchante  vieille  !  » 

Le  Rev.  Jupp,  directeur  d'un  orphelinat,  se  réveillant  au  milieu 
de  la  nuit,  aperçoit  une  lueur  dans  le  dortoir.  Au-dessus  du  lit  d'un 
des  enfants  flottait  un  petit  nuage  lumineux.  M.  Jupp  s'assit  sur  son 
lit,  prit  sa  montre  (il  était  minuit  55).  Il  eut  l'idée  de  se  lever  pour 
toucher  ce  halo  lumineux  étrange.  Mais  soudain  il  sentit,  plutôt 
qu'il  n'entendit  (telle  est  sa  descriptiou)  qu'il  lui  était  dit  :  «  Restez 
couché,  vous  ri  aurez  pas  de  mal  ».  Et  il  se  rendormit.  Le  lendemain 
matin,  un  des  enfants  (celui  qui  était  couché  dans  le  lit  près  duquel 
avait  flotté  la  lumière)  lui  dit  :  «  Ma  mère  est  venue  auprès  de  moi 
cette  nuit,  l'avez-vous  vue  ?  »  L'enfant  avait  quatre  ans  :  sa  mère 
était  morte  depuis  six  mois. 

Les  trois  frères  Swithinbànk  ont  eu  tous  les  trois,  quoique  vivant 
séparément,  le  même  rêve  dans  la  même  nuit.  Tous  les  trois  virent 
leur  mère  mourante,  encore  qu'elle  ne  fût  pas  malade2. 

Miss  Beaxe  voit  entrer  dans  sa  chambre  (qui  est  fermée)  un  homme 
en  robe  de  chambre  flottante,  et  daus  la  même  nuit,  G...  qui  couche 

1.  Bozzano,  A.   S.   P.,  1907,  XVII,   631,  Symbolisme  et  phénomènes  métapsy- 
chiques. 

t.  f'hant.  of  the  Living,  II,  382.      . 


MUNITIONS    COLLECTIVES  423 

dans  la  chambre  voisine,  voit  aussi  la  forme  d'un  homme  qui  lui 
rend  visite,  et  qu'il  reconnaît. 

Mad.  Treloar,  rentrant  dans  sa  chambre  à  20  heures,  voit,  de 
l'autre  côté  de  son  lit,  une  forme  de  femme,  pâle,  avec  une  grande 
expression  d'angoisse.  Elle  avait  un  chapeau  et  une  voilette.  La 
lampe  en  éclairait  tous  les  détails,  assez  pour  que  Mad.  T...  puisse 
distiuguer  des  taches  de  rousseur  sur  le  uez.  Mad.  T...  reconnaît 
sa  sœur.  Puis  la  forme  disparaît  graduellement.  A  ce  moment 
arrive  la  jeune  nièce  de  Mad.  T...  qui  dit  :  «  J'ai  vu  tante  Annie! 
j'ai  vu  tante  Annie!  ».  Cette  apparition  ne  répond  pas  au  moment 
même  de  la  mort  d'ANNiE,  mais  à  une  attaque  de  diphtérie  sur- 
aiguë qui  la  fit  périr  eu  vingt-quatre  heures1. 

Les  superstitions,  les  légendes  religieuses  ou  païennes,  les 
croyances  populaires,  ne  m'inspirent  qu'une  foi  très  médiocre,  ou, 
pour  mieux  dire,  tout  à  fait  nulle. 

Cependant  il  ne  faut  peut-être  pas  tout  jeter  par  dessus  bord 
sans  examen.  De  même  les  faits  extraordinaines  racontés  dans  les 
vies  des  saints  ne  sont  sans  doute  ni  des  mensonges  complets,  ni 
des  erreurs  absolues,  comme  les  lévitations  par  exemple.  Il  y  a  très 
probablement  quelque  parcelle  de  vérité  enfouie  au  fond  de  tous  ces 
récits.  Au  lieu  de  chercher  à  la  découvrir,  cette  minuscule  quantité 
de  vrai,  comme  au  lieu  de  la  nier  aveuglément  il  vaut  mieux  tenter 
de  nouvelles  expériences  et  provoquer  de  nouvelles  observations. 

Si  je  parle  ici  des  superstitions  populaires,  c'est  qu'il  en  est  beau- 
coup qui  se  rapportent  à  des  mouvements  d'objets,  à  des  bruits  par- 
ticuliers, correspondant  à  la  mort  de  telle  ou  telle  personne.  Je 
pourrais  mentionner  ici  bien  des  récits  qui  rentrent  dans  les  moni- 
tions,  mais  ces  récits  divers  ne  donnent  que  rarement  la  récogni- 
tion ;  ce  sont  des  bris  de  glaces,  des  chutes  d'objets,  des  tableaux 
tombant  des  murs,  des  grands  coups  ébranlant  les  portes,  tous  faits 
qui,  dit-on,  avertissent  d'un  deuil  ou  d'un  désastre.  Je  me  conten- 
terai d'indiquer  quelques-unes  de  ces  monitions  ;  car,  tant  qu'il  n'y 
a  pas  de  précise  récognition,  on  peut  toujours,  et  même  on  doit, 
admettre  des  coïncidences. 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fi\,  290. 


424  CRYPTESTKESIE    ACCIDENTELLE 

Voici  pourtant  un  fait  de  cet  ordre  qui  est  intéressant  à  men- 
tionner. 

A  Berlin,  M.  Jaffé,  au  milieu  de  la  nuit,  étant  couché,  mais  par- 
faitement éveillé,  entend  le  tic-tac  de  l'horloge  de  la  mort1.  Il  se 
lève,  entend  le  bruit  qui  se  déplace,  suivant  l'endroit  où  M.  Jaffé 
se  promène  dans  la  chambre.  Le  lendemain  matin,  Mad.  Jaffé  dit 
à  son  mari  :  «  J'ai  vu  en  rêve  ta  mère  qui  avait  un  mouchoir  lié  sous 
le  menton  et  contorsionnait  sa  bouche  ».  Peu  après,  M.  Jaffé  appre- 
nait la  mort  de  sa  mère,  survenue  cette  nuit-là.  Elle  contor- 
sionnait sa  bouche  d'une  manière  horrible,  de  sorte  qu'on  avait 
dû  immobiliser  la  mâchoire  à  l'aide  d'un  mouchoir  lié  sous  le 
menton. 

Th.  Lemonkier,  pharmacien  à  Rennes,  avait  deux  amis  iutimes, 
M.  EscoLANetM.  Nivot,  chirurgien  dentiste.  La  santé  de  M.  Escolan, 
infirme,  bientôt  s'aggrava.  Atteint  de  tuberculose  aiguë,  il  fut 
conduit  à  l'hôpital. 

Un  matin  de  septembre  1891,  à  5  heures  45.  M.  Lemonnieu  est 
éveillé  par  un  bruit  insolite,  violent,  dans  les  volets  de  fermeture 
de  sa  pharmacie.  «  Quel  est  donc,'  peusai-je,  le  client  qui  frappe 
ainsi,  au  lieu  de  se  servir  de  la  sonnette  de  nuit?  car  il  semblait 
tambouriner  à  coups  de  poing  dans  ma  devanture,  et  ce  bruit  per- 
sista quelque  temps,  une  ou  deux  minutes  peut-être.  Je  m'habillai 
en  toute  hâte  et  allai  ouvrir.  Il  n'y  avait  dans  la  rue  que  des 
balayeuses  qui  m'affirmèrent  n'avoir  vu  personne  ». 

Une  heure  environ  après,  M.  Lemonnier  voit  arriver  à  7  heures 
son  ami  M.  Nivot. 

«  Il  m'arrive  quelque  chose  de  singulier,  dit  M.  Nivot.  Imagine- 
toi  qu'à  5  heures  45  j'ai  été  brusquement  réveillé  par  des  coups 
redoublés  frappés  à  la  porte  de  ma  chambre  :  «  Frappez  donc  moins 
«  fort,  ai-je  dit,  je  ne  suis  pas  sourd.  Qui  est  là?  »  Le  bruit  a  continué. 
J'ai  ouvert  la  porte.  Il  n'y  avait  personne,  et  tout  le  monde  dormait 
encore.  Le  portier  m'a  affirmé  que  personne  n'était  eutré  dans  la 
maison  ». 

1.  IL  s'ayil  d'une  croyance  populaire,  suivant  laquelle,  au  cas  d'un  décès,  les 
parents  et  les  amis  du  mourant  en  reçoivent  l'annonce  au  moyen  d'un  battement 
caractéristique,  analogue  au  tic-tac  d'une  pendule. 


MONITIONS    COLLECTIVES  425 

M.  Lemonnier  et  M.  NrvoT  eurent  alors  la  pensée  que  leur  ami 
Escolan  venait  de  mourir.  Ils  vontàTHôtel-Dieu,  et  là  ils  apprennent 
qu'EscoLAN  était  mort  exactement  à  5  heures  45. 

Mad.  Mattiiews  s'éveille  au  milieu  de  la  nuit,  et  voit,  à  sa  grande 
terreur,  une  jeune  fille  nommée  Suzanne,  femme  de  chambre  comme 
elle,  et  qui  avait  quitté  la  maison  depuis  quelques  mois  :  «  Elle 
était  en  costume  de  nuit,  vint  droit  à  mon  lit,  releva  les  couver- 
tures, et  se  coucha  à  côté  de  moi.  Je  sentis  un  frisson  glacial,  et  je 
crois  que  je  m'évanouis.  Lorsque  je  recouvrai  mes  sens,  l'appari- 
tion avait  disparu  ;  mais  je  suis  sûre  que  ce  n'était  pas  un  rêve  » 
La  même  nuit,  le  fils  de  M.  Matthew»,  qui  demeurait  dans  la  même 
maison  que  sa  mère,  se  sentit  en  proie  à  une  terreur  anormale.  Il 
regarda,  mais  ne  vit  rien.  Effrayé,  il  se  cacha  sous  ses  couvertures 
et  ne  put  dormir  de  la  nuit.  Suzanne,  qui  était  entrée  à  l'hôpital 
pour  une  maladie  du  foie,  laquelle  ne  paraissait  pas  très  grave, 
mourait  cette  même  nuit1. 

Mad.  Beilby  raconte  qu'un  jour  elle  entendit,  ainsi  que  son  mari, 
la  voix  d'une  de  leurs  jeunes  amies  qui  appelait  :  «  Johnnie, 
Johnnie!  »  Cette  jeune  amie,  Mad.  Snelle,  qui  demeurait  chez  eux, 
était  partie  pour  faire  une  promenade  à  cheval  (à  Victoria,  en  Aus- 
tralie). A  une  dizaine  de  kilomètres  de  là,  Mad.  Snelle,  ayant  eu 
un  accident  sérieux,  avait  appelé  à  l'aide,  criant  :  «  Johnnie, 
Johnnie!  »  Johnnie  était  le  jeune  garçon  qui  l'accompagnait  géné- 
ralement dans  ses  excursions.  L'impression  fut  si  nette  que  M-  et 
Mad.  Beilby  appelèrent  les  domestiques  aussitôt2. 

Le  Rév.  Tweedale  (de  la  Société  astronomique  de  Londres)  voit 
le  10  janvier  1879,  au  milieu  de  la  nuit,  apparaître  sa  grand'mère. 
Cela  dura  quelques  secondes.  Elle  était  coiffée  d'un  bonnet  à  l'an- 
cienne mode.  Son  père,  M.  Tweedale,  voyait  la  même  apparition  au 
même  moment  au  chevet  de  son  lit.  La  sœur  de  M.  Tweedale  père, 
à  30  kilomètres  de  là,  avait  la  même  apparition  à  2  heures  de 
matin.  L'heure  a  été  fixée  avec  précision.  Pour  le  Rév.  Tweedale 

J.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  350. 
2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  363. 


426  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

ce  fut  à  2  heures  19  du  matin.  La  grand'mère  était  morte  à  mi- 
nuit 15». 

En  1872,  Mad.  W...  partit  de  Londres  avec  son  mari  pour  Boston. 
Peu  de  temps  après,  elle  tomba  malade  et  mourut  de  la  variole.  Le 
jour  de  sa  mort  (encore  que  les  heures  et  les  dates  ne  puissent  être 
fixées  en  toute  certitude)  son  apparition  se  manifesta  à  trois  per- 
sonnes. Sa  belle-sœur,  Mad.  Coote,  vit  entre  5  et  6'  heures  une  appa- 
rition qui  se  penchait  sur  son  lit,  et  qu'elle  reconnut  être  Mad.  W. . . 
dout  elle  distingua  bien  la  figure  et  qu'elle  put  toucher.  Le  mari  de 
Mad.  Coote,  qui  dormait  à  côté  de  sa  femme,  ne  vit  et  n'entendit  rien. 
Mad.  W...  apparut  encore  à  Eppiug  (Essex)  à  sa  tante,  Mad.  B..., 
une  vieille  dame  de  soixante-dix  ans.  L'apparition  fut  tellement 
nette  que  Mad.  B...  put  distinguer  la  broderie  de  la  robe  de  nuit. 
Une  autre  dame,  Mad.  N...  la  vit  aussi,  en  un  autre  endroit,  presque 
au  même  moment2. 

Dans  la  nuit  pendant  laquelle  s'est  tué,  en  prenant  de  la  strych- 
nine^..., cousin  de  mes  enfants,  mon  fils  Georges,  àgéde  viugtans, 
et  ma  fille  Louise,  âgée  de  dix-huit  ans,  se  communiquèrent  le 
matin,  à  l'heure  du  premier  déjeuner,  leurs  impressions  :  tc'J'm  fait 
un  rêve  funèbre,  dit  Georges,  j'ai  rêvé  qu'il  y  avait  une  mort  d'un 
ami  à  moi...  Pourvu  que  ce  ne  soit  ni  X...,  ni  Y...  Mais  ce  n'est  ni 
l'un,  ni  l'aufre.  —  Moi,  dit  Louise,  j'ai  rêvé  que  notre  cousin  P.  A. 
était  mort,  et  je  dis  à  Jacques,  mon  frère  :  ce  n'est  pas  possible 
qu'il  soit  mort,  puisque  tu  es  allé  avec  lui  à  l'Opéra  ». 

Or,  1°  P .  A.  est  un  cousin  de  mes  enfants,  au  même  titre  que  X  ; 
2°  X.  avait  été  la  veille  de  sa  mort  au  théâtre  avec  mon  fils  Jacques. 

Mad.  Young,  prenant  le  thé  avec  son  mari  et  ses  enfants,  entend 
un  bruit  violent  à  l'étage  supérieur.  Un  vent  violent  lui  paraît  l'en- 
tourer. Son  mari  n'a  rien  entendu,  ni  rien  senti.  Loin  de  là,  le  frère 
de  Mad.  Young,  le  capitaine  Adams,  qui  naviguait,  s'est  au  même 
moment  entendu  appeler  à  haute  voix...  John  !  John  f  et  il  reconnaît 
la  voix  de  son  père...  Il  monte  sur  le  pont  :  personne  ne  l'a  appelé. 

i.  A.  S.  P.,  1906,  XVI,  p.  610. 
2.  Hall,  tél.,  tr.  h\,  351. 


MONITIONS    COLLECTIVES  427 

A  ce  moment  même  était  noyé  dans  un  naufrage  M.  Adams,  père 
du  capitaine  Adams  et  de  Mad.  Young1. 

B.  —  Monitions  complètement  et  simultanément  collectives. 

Ce  groupe  de  monitions  est  d'une  importance  fondamentale, 
d'abord  parce  qu'elles  confirment  avec  grande  force  l'hypothèse  de 
la  cryptesthésie,  ensuite  parce  qu'elles  semblent  bien  démontrer 
que  dans  certains  cas  la  monition  revêt  une  objectivité  normale, 
quelque  chose  comme  une  matérialisation  véritable. 

Voici  un  récit  assez  ancien,  qui,  malgré  toutes  les  probables 
déformations  que  le  temps  apporte  à  une  histoire,  lorsque  un  docu- 
ment écrit  n'en  fixe  pas  tous  les  détails  immédiats,  peut  être  consi- 
déré comme  exact  dans  l'ensemble. 

Dans  l'île  du  cap  Breton,  le  colonel  Wynyard  et  sir  Sherbrooke 
dînaient  à  la  caserne.  Soudain  une  forme,  habillée  de  vêtements 
simples,  passe  devant  eux  :  «  Dieu  bénisse  mon  âme,  dit  Sherbrooke. 
Qui  est-ce? —  C'est  mon  père,  dit  le  colonel  Wynyard,  et  je  suis 
sûr  qu'il  est  mort  ».  Les  deux  officiers  constatèrent  que  personne 
n'avait  pu  venir  là.  On  en  prit  note  dans  les  archives  du  régiment, 
et  peu  après  on  apprit  que  le  père  de  Wynyard  était  mort  au  même 
moment,  en  Angleterre,  d'un  accident  de  chasse. 

Sir  John  Sherbrooke  n'avait  jamais  vu  John  Wynyard.  Mais  uu 
jour,  à  Londres,  il  rencontra  un  individu  qui  lui  ressemblait  étran- 
gement :  «  Voilà  l'homme  que  f 'ai  vu  »,  dit-il.  Défait  c'était  un  indi- 
vidu, qui  ressemblait  à  tel  point  à  W.  Wynyard  qu'on  le  prenait 
constamment  pour  lui2. 

Mad.  E.  Wickhàm,  à  Malte,  allait  tous  les  jours  à  l'hôpital  où 
était  soigné,  pour  une  blessure  reçue  à  Tell-El-Kébir,  M.  B...,  un 
officier  anglais.  La  blessure  se  compliqua  de  gangrène;  et  la  mort 
était  imminente.  Pourtant,  pensant  que  la  fin  n'aurait  pas  encore 
lieu  cette  nuit-là,  Mad.  Wickham  consentit  à  rentrer  chez  elle.  Vers 
3  heures  du  matin,  son  jeune  fils,  âgé  de  neuf  ans,  l'appelle  en 
criant  :  «  Maman,  Maman,  voilà  M.  B...  !  ».  — «  Je  me  levai  préci- 
pitamment, écrit  Mad.  Wickham  :  la  forme  de  M.  B...  flottait  dans  la 

1.  Pli.  of  the  Living,  II,  632. 

2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  383. 


428  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

chambre,  à  environ  seize  centimètres  du  plancher,  et  disparut  au 
travers  de  la  fenêtre  en  me  souriant.  Il  était  en  toilette  de  nuit, 
mais  le  pied  malade  gangrené  me  parut  semblable  à  l'autre  pied. 
Mon  fils  et  moi  nous  Pavons  remarqué.  Une  demi-heure  après  on  vint 
m'avertir  que  M.  B...  venait  de  mourir.  » 
Ce  cas  est  uu  des  plus  remarquables  qu'on  ait  signalés1. 

Il  y  a  maintes  années,  Mad.  de  Barrau,  une  femme  de  très 
noble  et  serein  caractère,  m'a  cité  un  fait  analogue  dont  elle  avait 
été  témoin.  Je  n'en  ai  pas  pris  note  à  ce  moment,  —  ce  qui  est 
regrettable  —  de  sorte  que  je  ne  rapporte  le  fait  que  de  mémoire, 
mais  le  récit  m'a  frappé  assez  pour  que  les  principaux  traits  en 
soient  sans  doute  exacts. 

Mad.  de  Barrau  avait  une  jeune  parente  extrêmement  malade  à 
laquelle  elle  donnait  des  soins.  C'était  à  la  campagne,  dans  une 
maison  assez  isolée,  donnant  sur  une  prairie.  Dans  la  prairie  un 
ruisseau,  avec  des  saules  le  long  du  ruisseau.  La  jeune  fille  était 
mourante,  et  il  y  avait,  à  côté  d'elle,  sa  mère  et  une  infirmière  pro- 
fessionnelle. Le  lit  de  la  malade  était  au  rez-de-chaussée,  et  la 
chambre  de  Mad.  de  Barrau  au  premier  étage.  Une  nuit,  après  une 
assez  longue  veille,  Mad.  de  Barrau,  pour  se  reposer  un  peu,  monte 
avec  l'infirmière  dans  sa  chambre.  Au  bout  de  quelque  temps, 
regardant  par  la  fenêtre,  soudain  Mad.  de  Barrau  voit  —  et  l'infir- 
mière la  voit  aussi  —  une  forme  blanche  flotter  au-dessus  des 
arbres  et  disparaître  dans  la  nuit.  A  ce  moment  même  la  mourante 
rendait  le  dernier  soupir. 

Mad.  Pearson  veillait,  avec  sa  sœur  Mad.  Coppinger,  au  chevet  de 
Mad.  Harriet,  sa  tante,  très  malade,  mourante.  Tout  d'un  coup, 
Mad.  Coppinger,  sœur  de  Mad.  Pearson,  lui  dit  :  «  Emma,  regarde, 
voilà  la  tante  Ann a  !  »  Et  les  deux  sœurs  voient  alors  une  figure  de 
femme,  petite,  enveloppée  dans  un  vieux  châle,  avec  un  chapeau 
démodé  sur  la  tète.  Cette  forme  entre  dans  la  chambre  de  la 
malade. 

La  tante  Anna  était  une  sœur  trépassée  de  la  mourante.  Mad.  Hu<- 

I.  Ph.  of  the  L.,  Flammarion,  hoc.  cit..  212. 


MUNITIONS    COLLECTIVES  429 

riet  avant  de  mourir  dit  qu'elle  avait  vu  sa  sœur  qui  était  venue 
l'appeler1. 

Le  commandant  Aylesbury,  étant  enfant  (  treize  ans)  faillit  se  noyer, 
et  dans  sa  détresse  il  appela  sa  mère  à  haute  voix.  Or,  le  même 
jour,  à  quelque  dix  mille  kilomètres  de  là  (de  Batavia  à  Londres) 
sa  mère  et  ses  trois  sœurs  étaient  assises  et  travaillaient  dans  leur 
chambre.  Elles  entendirent  toutes  un  faible  cri.  «  Mère!  »  Les  filles 
de  Mad.  Aylesbury  dirent  :  «  Avez-vons  entendu?  quelqu'un  a  crié  : 
Mère.  »  De  nouveau  la  voix  appela,  rapide  et  angoissée,  deux  fois 
de  suite,  exprimant  l'effroi.  Nous  nous  levâmes  toutes,  et  courûmes 
à  la  rue.  Il  n'y  avait  rien;  l'air  était  très  calme.  »  Mad.  Aylesbury 
nota  la  date  sur  son  carnet.  Les  heures  correspondaient,  autant 
qu'on  puisse  exactement  l'affirmer  à  trente  ans  de  distance,  sans 
document  écrit2. 

En  octobre  1916,  Mad.  R...  (de  Montluçon)  s'entend  appeler  dans 
la  nuit  par  un  cri  de  détresse  :  «  Maman.  »  —  Elle  accourt  dans  la 
chambre  de  sou  fils,  qui  avait  été  également  réveillé  en  sursaut  par 
le  même  cri  nettement  entendu.  Le  surlendemain  on  apprend  qu'un 
autre  fils  de  Mad.  R...  avait  été  blessé  cette  nuit-là3. 

Mad.  P...,  avant  de  se  coucher,  voit,  pendant  que  son  mari  était 
déjà  au  lit,  au  fond  du  lit  une  figure  représentant  un  homme  en 
uniforme  d'officier  de  marine.  Il  s'appuyait  sur  le  dossier  du  lit 
avec  son  coude,  et  regardait  son  mari.  Mad.  P...  éveille  son  mari 
qui  dormait.  Alors  M.  P...  voit  l'apparition  et  stupéfait  cria  : 
«  Monsieur  !  que  venez-vous  faire  ici?  »  La  forme  se  releva  lente- 
ment, et  prononça  d'une  voix  impérieuse  :  «  Willie,  Willie.  » 
C'était  le  prénom  de  M.  P...  M.  P...,  livide,  très  agité,  se  lève  comme 
pour  assaillir  l'étranger,  mais  la-forme  traverse  la  chambre,  impas- 
sible et  solennelle,  en  projetant  son  ombre  sur  le  mur  (car  il  y 
y  avait  de  la  lumière  dans  la  chambre),  puis  disparaît  à  travers  le 
mur.  La  porte  était  fermée  au  verrou.  M.  P...  reconnut  son  père,  qui 

1.  Bozzwo,  A.  S.  P.,  1006,  164. 

2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,365. 

3.  Enquête  inédite  :  cas  envoyé  par  M.  R.  Mialarkt. 


430  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

avait  été  officier  de  marine  dans  sa  jeunesse,  et  que  Mad.  P...  ne 
connaissait  pas.  M.  P...  mourut  peu  de  temps  après1. 

Mad.  Bettany  rêve  qu'une  de  ses  voisines,  Mad.  J...,  qu'elle  ne 
connaissait  que  de  nom,  et  qui  n'était  pas  malade,  est  morte.  Le 
rêve  est  assez  net  pour  que  le  lendemain  matin  elle  envoie  chez 
Mad.  J...  pour  avoir  des  nouvelles.  Et  eu  effet  Mad.  J...  mourut 
cette  nuit-là.  D'autre  part  une  des  domestiques  de  Mad.  Bettany 
avait  eu  cette  même  nuit  un  rêve,  un  rêve  affreux,  dans  lequel 
quelqu'un  lui  avait  dit  :  «  Mad.  J...  est  morte  !  » 

Voici  un  cas,  intéressant  à  maints  égards,  sur  lequel  Sully  Pru- 
dhomme  et  moi  avons  pu  réunir  tous  les  documents  authentiques. 
«  Le  17  juillet  1852,  comme  en  témoigne  le  livre  de  bord  du  trois- 
màts  Jacques-Gabriel,  allant  de  Bordeaux  à  l'île  Maurice,  trois  per- 
sonnes, dont  M.  Pineau,  mon  second  et  moi,  nouspromenant  sur  la 
dunette,  nous  avons  entendu  une  voix  de  femme.  Le  timonier  l'a 
de  même  entendue...  En  arrivant  à  Maurice,  nous  apprenons  la 
mort  de  la  femme  de  mon  second,  M.  Pineau,  décédée  le  même  jour 
et  à  la  même  heure  où  le  brdit  s'est  fait  entendre.  M.  Pineau  me  dit 
avoir  eu  alors  le  pressentiment  d'un  malheur,  ajoutant  qu'il  avait 
eu  un  avertissement  semblable  chaque  fois  qu'il  avait  perdu  un 
membre  de  sa  famille.  »  Le  capitaine,  M.  Mangat,  a  ajouté  plus 
tard  que  c'étaient  des  cris  déchirants  qu'il  avait  entendus,  et  le  fait 
l'a  tellement  frappé  qu'il  en  parlait  souvent. 

Il  est  vrai  que  le  décès  de  Mad.  Pineau  n'a  pas  eu  lieu,  vérification 
faite  aux  registres  de  la  mairie  de  Paimbœuf,  le  17  juillet,  mais 
bien  le  16  juiu.  [Le  navire  était  parti  de  Bordeaux  le  16  avril.] 

Il  y  a  donc  une  erreur  manifeste  dans  l'annotation  faite  au  livre 
de  bord,  lorsqu'il  y  est  dit  que  le  décès  de  Mad.  Pineau  a  eu  lieu  le 
même  jour  que  les  bruits  ont  été  entendus.  En  réalité  il  y  a  eu  un 
mois  de  différence2. 


1.  Bozzano,  A.  S.  P.,  XIX,  1909,  326. 

2.  Peut-être,  disent  les  spirites,  pour  que  cette  monition,  précédant  de  dix  jours 
seulement  la  connaissance  de  la  nouvelle  et  l'arrivée  du  navire,  ne  donnât  pas, 
pendant  trop  longtemps,  et  inutilement,  une  impression  pénible. 

En  tout  cas,  ce  qui  est  avéré,  c'est  qu'il  y  a  eu  une  voix  de  femme,  entendue, 
très  forte,  et  très  nette,  par  plusieurs  personnes. 


MONITIONS    COLLECTIVES  431 

M.  Falkinburg,  rentrant  chez  lui  à  19  heures,  joue  avec  Arthuh, 
son  fils,  âgé  de  cinq  ans,  quand  tout  à  coup  l'enfant  s'écrie  : 
«  Papa...  voici  grand-papa  !  »  M.  Falkinburg  arrive,  et  aperçoit  la 
figure  de  son  père,  aussi  vivante  que  possible.  Mad.  Falkinburg, 
quoique  son  mari  ait  appelé  l'attention  sur  cette  vision,  ne  voit 
rien,  et  essaye  de  persuader  à  son  mari  qu'il  s'agit  d'une  illusion. 
Quelque  temps  après,  à 22 heures,  l'enfant,  dans  son  lit.  dit  encore: 
«  Papa,  grand-papa  est  là!  »  M.  Falkinburg  était  mort  exactement 
à  19  heures  14. 

Quoique  vraiment  il  s'agisse  d'une  hallucination  collective,  elle 
ne  peut  cependant  être  objective,  puisque  Mad.  Falkinburg  n'a  rien 
vu.  Ce  n'est  donc  pas  une  apparition  complètement  collective, 
puisqu'elle  a  été  vue  par  deux  personnes,  et  qu'elle  n'a  pas  été  vue 
par  une  troisième.  Alors  on  peut  se  demander  si  les  monitions  col- 
lectives, perçues  par  plusieurs  personnes  ont  l'objectivité  qu'elles 
paraissent  avoir,  en  donnant  au  mot  objectivité  son  sens  habituel? 

Mad.  Focke,  étant  à  Dusseldorf  à  prendre  le  thé,  entend  un  grand 
cri  de  Mère  !  Mère  !  Ses  filles,  et  Mad.  Haskel  qui  était  avec  elles, 
entendent  le  même  cri,  et  on  reconnaît  la  voix.  C'est  la  voix  de 
Anna  Focke,  une  fille  de  Mad.  Focke.  Alors  tout  le  monde  court  à 
la  fenêtre,  mais  on  ne  voit  rien.  Or  Mad.  Anna  Focke  s'était  embar- 
quée pour  les  Indes  néerlandaises  sur  un  bateau  hollandais  qui, 
cette  même  nuit,  s'est  perdu  corps  et  biens  l. 

Le  professeur  Knes  et  le  Dr  Obersteiner,  médecins  renommés 
à  Vieune,  étant  tous  deux  chez  M.  Obersteiner,  entendirent  frapper 
à  la  porte. Ils  dirent  :  «  Entrez  »,  mais  personne  n'entra.  Quelques 
instants  après  ils  entendirent  la  porte  de  l'antichambre  s'ouvrir, 
et  des  pas  légers,  mais  distincts.  Obersteiner  ouvrit  la  porte  et  ne  vit 
personne.  Une  troisième  fois  très  nettement  les  deux  savants  enten- 
dirent la  porte  s'ouvrir,  des  pas  légers  à  travers  le  salon  et  des 
coups  à  la  porte.  «  C'est  trop  fort,  »  dit  M.  Obersteiner.  Au  même 
moment,  Mad.  S...,  la  malade  qu'ils  devaient  aller  voir  ensemble, 
était  à  l'agonie.  Elle  était  morte  quand  ils  arrivèrent  -. 

1.  Ph.  oflhe  L.,  II,  631. 

2.  A.  S.  P.,  1891,  I,  162. 


432  CRYPTESTHÉSIE  ACCIDENTELLE 

Mad.  B... l,  étant  au  chevet  de  sa  mère  mourante,  voit  le  fantôme 

m 

de  sa  marraine,  une  vieille  gouvernante  morte  depuis  longtemps, 
assise  à  côté  du  feu,  à  la  place  habituelle  de  sa  mère.  Elle  pousse 
un  cri  :  sa  sœur  arrive,  voit  aussi  le  fantôme,  et  trois  autres  per- 
sonnes l'ont  vu. 

Une  nuit,  Mad.  L...,  qui  dormait  à  côté  de  sou  mari,  eutendit 
clairement  la  voix  de  son  fils  lui  parler.  M.  L...  entendit,  lui  aussi, 
cette  voix.  M.  L...,  et  Mad.  L...,  s'étaient  réveillés.  La  voix  disait  : 
«  Comme  je  ne  puis  venir  en  Angleterre,  mère,  je  suis  venu  te  voir.  » 
Ils  prirent  note  de  cet  incident,  et,  quelques  jours  après,  apprireut  la 
mort  de  leur  fils,  dont  le  moment  correspondait  avec  celui  du  rêve  2. 

Maria  Strieffert,  institutrice,  avec  deux  de  ses  élèves,  entend, 
comme  ses  deux  élèves,  distinctement,  le  mot  de  Fraulein.  Elle 
reconnaît  cette  voix  pour  celle  d'une  de  ses  connaissances  qui 
s'était  mal  conduite  à  son  égard.  Ayant  noté  l'heure  à  laquelle  la 
voix  fut  entendue,  elle  a  constaté  que  cette  personne  était  morte  à 
ce  même  moment3. 

Mad.  Téléchoff  se  trouve  en  1880  daus  son  salon  à  Pétersbourg 
avec  ses  cinq  enfants  et  son  chien  Moustache.  Soudain  le  chien  se 
met  à  aboyer  fortement.  Alors  toutes  les  personnes  présentes  aper- 
çurent un  petit  garçon  en  chemise,  de  six  ans  environ,  qu'ils  recon- 
naissent pour  le  petit  André,  le  fils  de  leur  laitière,  qu'ils  savaient 
malade.  L'apparition  se  détacha  du  poêle,  passa  par  dessus  les  têtes 
des  personnes  présentes,  et  disparut  par  la  croisée  ouverte.  Cela 
dura  une  quinzaine  de  secondes  à  peu  près.  Le  chien  ne  cessait 
d'aboyer,  courait  eu  aboyant  et  suivait  les  mouvements  de  l'appa- 
rition. Or  à  ce  moment  le  petit  André  venait  de  mourir*. 

Un  jeune  homme  de  quinze  ans,  Philippe  Weld,  envoyé  au  col- 
lège Saint-Edmond,  se  noyé  accidentellement  le  16  avril  1845.  Le 
directeur  du  collège,  M.  Cox,  voulut  aller  lui-même  apporter  cette 
triste  nouvelle  au  père  de  Philippe.  Mais  à  peiue  fut-il  en  présence 
de  M.  Weld  père  que  celui-ci  lui  dit  :  «  Vous  n'avez  pas  besoin  de 

1.  Bozzano,  A.  S.  P..  mars  1906,  166. 

2.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  364. 

3.  Flammarion,  Loc.  cit.,  323.  Le  cas  est  bien  peu  probant. 

4.  A.  S.  P.,  1905,  XV,  439, 


MONITIONS    COLLECTIVES  433 

parler,  je  sais  que  Philippe  est  mort.  Ma  fille  Catherine  et  moi,  nous 
l'avons  vu  sur  la  route,  il  y  avait  un  jeune  homme  en  robe  noire  à 
côté  de  lui...  et  je  voyais  derrière  eux,  à  travers  leurs  formes,  un 
paysan  dans  la  campagne.  Mais  je  n'en  ai  parlé  à  personne,  pour  ne 
pas  effrayer  ma  femme1. 

Mad.  Obalecheff,  à  Odessa,  était  couchée  dans  son  lit  avec  son 
enfant,  et  à  côté  d'elle  parterre  dormait  Claudine,  sa  servante.  Sou- 
dain, levant  les  yeux  vers  la  porte,  elle  voit,  dit-elle,  entrer  lente- 
ment son  beau-père  en  pantoufles,  vêtu  d'une  robe  de  chambre  à 
carreaux  que  Mad.  Obalecheff  n'avait  jamais  vue.  S'approchant 
du  fauteuil  sur  lequel  il  s'appuya,  il  enjamba  les  pieds  de  la  domes- 
tique et  s'assit  doucement.  En  ce  moment,  la  pendule  sonne 
23  heures.  «  Bien  sûre  de  voir  distinctement  mon  beau-père,  je 
m'adressai  à  la  domestique:  «  Tu  vois,  Claudine,^  ne  le  connais  pas.» 
Claudine,  tremblant  de  frayeur,  me  dit  :  «  Je  vois  Nicolas  Nilovitch  », 
(le  nom  de  mon  beau-père).  Alors  lui  se  leva,  enjamba  de  nouveau 
les  pieds  étendus  de  Claudine  et  disparut.  »  Mad.  Obalecheff  alla 
réveiller  son  mari;  on  visite  l'appartement,  mais  on  ne  voit  rien. 
M.  Nilovitch,  que  Mad.  Obalecheff  et  Claudine  ont  vu,  mourait  à  ce 
moment  même,  à  Yver2. 

Mad.  Paget,  un  soir,  vers  22  heures,  avec  ses  filles,  faisait  sa 
prière,  quand  toutes  trois  entendirent  dans  le  corridor  le  pas  lourd 
d'un  homme  marchant  le  long  du  couloir.  Il  s'arrêta  au  bout  du 
couloir,  au  bec  de  gaz,  et  les  pas  s'éloignèrent.  Mad.  Paget  ouvrit 
la  porte  et  dit  :  «  Mais  il  n'apas  éteint  le  gaz  !  Comme  son  pas  ressem- 
blait à  la  démarche  lourde  du  pauvre  Arthur.  »  Arthur  était  un  vieux 
domestique,  très  attaché  à  Mad.  Paget  qui  l'avait  envoyé  à  Vent- 
nor  pour  y  prendre  quelque  repos.  Elle  le  savait  assez  malade, 
mais  non  en  danger  immédiat.  Avant  d'entendre  ce  bruit  de  pas 
dans  le  corridor,  Mad.  Paget  avait  dit  :  «  Depuis  que  ce  pauvre 
Arthur  nous  a  quittés,  on  n'a  jamais  éteint  exactement  le  gaz.  »  L'in- 
cident a  été  noté  sur  un  agenda,  et  il  a  été  constaté  aussi  que  per- 
sonne n'avait  marché  dans  le  corridor.  Or,  très  exactement  à  la 
même  heure,  à  Ventnor,  mourait  Arthur.  Juste  avant  de  mourir  il 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  376. 

2.  Flammarion,  Loc.cit.,  194. 

Richet.  —  Métapaychique.  28 


434  CRYPTESTHKS1E    ACCIDENTELLE 

demanda  l'heure.  Il  n'est  pas  sûr,  quoique  un  témoin  l'ait  affirmé, 
qu'il  ait  dit  au  moment  de  mourir:  «  Voilà  l'heure  où  il  faut  éteindre 
le  gaz.  » 

Mad.  Weyeu,  étant  avec  son  mari,  entend  pendant  la  nuit  trois 
sanglots  distincts  qui  sout  ceux  d'une  personne  mourante.  M.  Weyer 
les  entend  aussi.  Il  se  lève,  allume  une  lumière,  et,  avec  sa  femme, 
cherche  ce  qui  a  pu  produire  ce  bruit.  M.  et  Mad.  Weyer  se  recou- 
chent. De  nouveau  les  sanglots  se  font  eutendre,  clairement  et  dis- 
tinctement. L'heure  notée  est  22  h.  30.  Il  u'y  a  pas  eu  de  récogni- 
tion. Cependant  il  a  été  établi  que  le  frère  de  Mad.  Weyer  est  mort 
cette  nuit-là,  à  cette  même  heure. 

Mad.  Elgée,  étant  de  passage  au  Caire,  couchait  dans  la  grande 
chambre  d'un  hôtel,  et  avait  pris  soin  de  barricader  sa  porte. 
Une  nuit  elle  se  réveille  brusquement,  comme  si  elle  avait  été 
appelée,  et  voit  devant  elle  la  forme  d'un  vieil  ami  qu'elle  savait 
être  en  Angleterre.  «  Comment  ëtes-vous  venu  ici?  »  lui  dit-elle 
avec  stupeur.  La  forme  était  si  nette  qu'on  pouvait  distinguer  tout 
son  vêtement,  et  voir  qu'il  avait  trois  boutons  de  chemise  en  onyx. 
Il  avance  et  montre  du  doigt  Mad.  Dennys  qui  dormait  dans  la 
même  chambre.  Mad.  Dennys  se  réveille,  s'assoit  sur  son  lit,  et 
regarde  l'apparition  avec  une  terreur  intense.  Puis  la  forme  dis- 
paraît. Mad.  Dennys  dit  qu'elle  avait  vu  quelqu'un,  qu'elle  décrivit 
exactement,  mais  qu'elle  ne  reconnaissait  pas. 

La  personne  que  Mad.  Elgée  et  Mad.  Dennys  ont  vue,  avec  toutes 
les  apparences  de  la  vie,  était  M.  X...  Il  n'était  à  ce  moment  ni 
malade,  ni  en  danger.  Mad.  Elgée  a  eu  l'occasion  de  le  voir  quatre 
ans  après. 

Mad  Lett  entre  à  21  heures  dans  une  des  chambres  delà  maison 
qu'habitait  son  père,  le  capitaine  Towns.  Le  gaz  était  allumé, 
Mad.  Lett  était  accompagnée  d'uue  jeune  fille,  Mad.  Berthon.  En 
entrant  dans  la  chambre,  elles  aperçurent  l'image  du  capitaine 
Towns  reflétée  sur  la  surface  polie  de  l'armoire.  On  eût  dit  un  por- 
trait de  grandeur  naturelle.  La  figure  était  pâle  et  maigre,  et  il 
semblait  avoir  une  jaquette  de  flanelle  grise  avec  laquelle  il  avait 

1.  Hall,  tel.,  tr.  fr.,  369. 


MONITIONS    COLLECTIVES  435 

l'habitude  de  se  coucher.  Aucun  portrait  n'était  suspendu  au  mur. 
Pendant  que,  stupéfaites,  elles  regardaient  cette  singulière  image, 
entra  une  autre  jeune  fille,  fille  du  capitaine  Towns,  qui  dit  :  «  Mais 
grands  Dieux!  c'est  papa.  »  Puis  une  femme  de  chambre  entre  aussi, 
et  dit  :  «c'est  le  maître))...  Vais  vient  Graham,  l'ordonnance  du  capi- 
taine, qui  dit  :  «  Dieu  nous  garde,  madame  Lett,  c'est  le  capitaine!  » 
«  On  appela  l'intendant,  puis  Mad.  Crâne,  la  nourrice  de  ma  femme, 
et  tous  deux  dirent  qu'ils  voyaient  le  capitaine.  Alors  on  appela 
Mad.  Towns,  sa  veuve,  qui,  voyant  l'apparition,  s'avança  le  bras 
étendu  pour  la  toucher.  Puis,  comme  elle  passait  la  main  sur  le 
panneau  de  l'armoire,  l'image  peu  à  peu  disparut  ». 

Le  Dr  Isnard1,  fils  d'un  médecin  militaire  renommé,  qui  fut  pro- 
fesseur au  Val-de-Grâce,  a  eu,  étant  encore  étudiant  en  médecine, 
une  vision  fantomatique,  que  sa  sœur  et  un  ami  ont  perçue  en 
môme  temps  que  lui.  Mad.  veuve  Isnard,  sa  mère,  était  gravement 
malade,  rue  Jacob,  à  Paris,  en  1878.  Mad.  Isnard,  alitée  depuis 
quatre  mois,  reposait  dans  une  chambre  voisine  de  la  salle  à  man- 
ger... «  Tout  d'un  coup  la  porte  du  corridor  s'ouvrit  toute  grande. 
Un  coup  de  vent,  toutes  les  fenêtres  étant  fermées,  s'éleva...  Entre 
les  portières  était  une  ombre  de  femme,  petite,  voûtée,  la  tête  pen- 
chée, les  bras  croisés  sur  la  poitrine.  Un  voile  grisâtre  et  poussié- 
reux semblait  la  recouvrir.  Elle  s'avança  doucement  dans  la  salle, 
glissant  sur  le  parquet,  on  ne  voyait  pas  son  visage.  Elle  passa  près 
de  nous,  contourna  la  porte,  et  s'évanouit  dans  l'ombre  du  cou- 
loir... »  MUe  Isnard  et  M.  Menou  Cornuet  virent  exactement  la  même 
ombre.  Quelques  jours  après  Mad.  Isnard  mère  mourait. 

En  lisant  le  récit  très  circonstancié  donné  par  ces  trois  témoins, 
nullement  mystiques,  on  se  rend  compte  qu'il  n'y  a  eu  aucune 
illusion  possible.  Aussi  ce  cas  est-il  un  des  plus  nets  que  nous  pos- 
sédions, en  fait  de  vision  collective.  On  n'en  aura  de  notion  satisfai- 
sante, qu'en  lisant  les  témoignages  complets,  et  les  notes  judicieuses 
que  Dariex  y  a  ajoutées. 

Pour  établir  l'objectivité  des  fantômes,  la  meilleure  preuve  peut- 
être  (avec  la  photographie)  serait  le  témoignage  des  animaux.  Or, 
à  cet  égard,  nous  avons  des  documents  importants  recueillis  avec 

1.  A.  S.  P..  1891,  I,  193-203. 


436  CRYPTESTHÉSIE    ACCIDENTELLE 

grand  soin  par  Bozzano  *  qui  en  a  pu  réunir  envirou  69  cas,  en  grande 
partie  d'après  les  Proceedings  et  le  Journal  S.  P.  R.  Mais  il  convient 
d'éliminer  les  cas  dans  lesquels  il  s'agit  d'animaux  et  de  localités 
fantasmatiques  (sujet  terriblement  douteux,  qui  fait  partie  de  l'his- 
toire des  maisons  hantées).  Il  reste  35  cas  dans  lesquels  il  y  a  eu 
perceptions  cryptesthésiques  par  les  animaux,  comme  par  l'homme. 
Mais  la  force  probative  de  ces  35  cas  n'est  pas  bien  grande. 

Mad.  T...  avait  fait  une  visite  à  M.  et  Mad.  Yvkr,  lorsque,  dans  le 
cours  de  cette  visite,  où  la  conversation  s'était  engagée  sur  un  des 
membres  de  la  famille  de  Mad.  T...  qui  s'était  suicidé,  un  petit 
chien  terrier,  qui  était  aux  pieds  de  Mad.  B...,  se  relève  tout  d'un 
coup,  se  met  à  hurler  et  veut  se  précipiter  vers  la  porte.  Tout 
son  poil  se  hérisse,  et  il  cherche  à  échapper  des  mains  de  son 
maître,  comme  pour  se  jeter  sur  quelqu'un.  Or,  Mad.  T...  (mais  elle 
seule)  avait  vu  alors  un  grand  fantôme,  vêtu  de  blanc  qui  était 
devant  cette  porte,  et  qu'elle  déclara  reconnaître  pour  le  person- 
nage suicidé  dont  il  était  question  dans  la  conversation. 

Mad.  H.  E.  S...,  âgée  de  dix-huit  ans,  s  étant  levée  un  matin,  en 
été,  à  5  heures,  allumait  le  feu  pour  préparer  le  thé  quand  un  gros 
chien  qui  l'accompagnait  se  mit  à  gronder  sourdement  et  à  regar- 
der vers  la  porte.  Alors  Mad.  S...  vit  une  figure  humaine,  haute  et 
ténébreuse,  aux  yeux  flamboyants,  qui  bientôt  disparut. 

Miss  K...  caressait  sa  petite  chatte  qui  était  sur  ses  genoux, 
quand  soudain  l'animal  s'inquiète,  se  lève,  souffle  fortement  en 
faisant  le  gros  dos,  en  donnant  tous  les  signes  de  terreur.  Alors 
MissK...  aperçut,  dans  un  fauteuil  placé  près  d'elle,  une  vieille 
mégère,  à  figure  laide,  ridée,  fixant  sur  Miss  K...  ses  regards 
méchants.  La  chatte,  devenue  affolée,  s'élança  contre  la  porte  en 
bonds  tumultueux.  MissK...,  terrifiée,  appelle  au  secours.  Sa  mère 
arrive.  Le  fantôme  avait  disparu.  Il  était  peut-être  resté  cinq 
minutes  visible  à  Miss  K...  Dès  que  la  porte  eut  été  ouverte,  la 
chatte  s'était  précipitée,  épouvantée,  hors  de  la  chambre.  Il  paraît 
que  dans  cette  même  chambre,  jadis,  une  vieille  femme  s'était 
pendue. 

Si  déjà  il  est  difficile  d'admettre,  quand  il  s'agit  d'hallucina- 

1.  Perceptions  psychiques  et  animaux,  A.  S.  P.,  1905,  XV,  422-474. 


MONITIONS    COLLECTIVES  437 

tions  collectives,  communes  à  plusieurs  personnes,  que  les  phéno- 
mènes sont  purement  objectifs,  combien  plus  difficile  encore 
quand  il  y  a  perception  par  les  animaux  d'une  réalité  extérieure 
quelconque!  Eu  effet,  comme  l'indique  bien  Bozzano,  les  signes  de 
frayeur  ou  de  colère  donués  par  des  chats  ou  des  chieus  ne  prou- 
vent pas  qu'ils  voient  le  même  fantôme  que  voient  les  hommes. 
Tout  de  même  ils  voient  quelque  chose,  et  ce  quelque  chose  d'inha- 
bituel les  effraye. 

Il  est  assez  vraisemblable  que  si,  dans  ces  cas-là,  on  avait  un 
appareil  photographique  et  qu'on  pût  prendre  une  photographie, 
on  obtiendrait  sur  le  cliché  une  image.  La  preuve  serait  plus  évi- 
dente encore,  pour  démontrer  l'objectivité  du  phénomène,  que  ne 
peut  l'être  l'épouvante  d'un  chien,  ou  d'un  chat,  ou  d'un  cheval, 
phénomènes  difficiles  à  constater,  plus  difficiles  encore  à  analyser, 
et  dont  l'interprétation  est  douloureusement  problématique. 

Conclusions. 

On  ne  peut  guère  supposer  que  ces  images,  ces  bruits,  ces  fan- 
tômes, que  plusieurs  personnes  peuvent  voir,  n'ont  pas  de  réalité 
objective  (mécaniquement  objective).  Et  toutefois  la  preuve  abso- 
lue, rigoureuse,  indiscutable,  fait  défaut.  Comme  pour  toutes  les 
sciences  d'observation,  on  peut  contester  la  valeur  des  observations. 

S'il  n'y  avait,  pour  établir  la  réalité  des  fantômes  matérialisés, 
que  les  hallucinations  collectives,  étant  donnée  l'étrangeté  du  phé- 
nomène et  par  conséquent  la  nécessité  d'une  démonstration  absolu- 
ment rigoureuse,  on  n'oserait  pas  conclure.  Mais  les  expériences  de 
matérialisations  sont  tellement  probantes  qu'elles  rendent  admis- 
sibles les  observations. 

Et  alors,  en  s'appuyant  sur  les  faits  de  matérialisation  expéri- 
mentale, que  nous  étudierons  plus  loin,  on  doit  dire  très  fermement 
que,  dans  certains  cas  d'hallucinations  collectives,  il  y  a  phéno- 
mène objectif  (dans  le  sens  ordinaire  du  mot). 

La  méthode  d'observation  n'a  pas  les  mêmes  précisions  que  la 
méthode  expérimentale.  On  n'a  à  sa  disposition  ni  plaques  photo- 
graphiques, ni  microphones,  ni  balances,  ni  galvanomètres.  La  seule 
preuve  qu'on  puisse  donner  d'une  matérialisation  véritable  ayant 
une  réalité  mécanique  ou  lumineuse,  c'est  que  le  phénomène  a  été 


438  •  CRYPTESTHESIE    ACCIDENTELLE 

perçu  simultanément  et  avec  les  mêmes  caractères  par  plusieurs 
personnes. 

Et  alors  il  devient  hautement  invraisemblable  que  deux  per- 
sonnes puissent  avoir  ensemble  au  même  moment  la  même  hallu- 
cination, en  admettant,  bien  entendu,  qu'elles  ne  sont  pas  sug- 
gestibles,  et  en  outre,  que  leur  intégrité  intellectuelle  et  leur 
bonne  foi  sont  certaines. 

Évidemment  une  photographie  eût  apporté  la  certitude  scien- 
tifique. Mais  tout  de  même,  quand  deux  personnes  normales  rai- 
sonnables décrivent  la  même  figure,  s'exclament  en  même  temps, 
se  communiquent  leurs  impressions,  pendant  même  que  l'appari- 
tion est  là,  il  serait  assez  absurde  de  supposer  une  double  halluci- 
nation (absolument  subjective)  identique. 

Quand  Mad.  Weld  et  sa  fille  voient  toutes  les  deux  Philippe  Weld 
se  promener  sur  la  route,  il  est  difficile  de  supposer  que  le  fantôme 
de  Philippe  Weld  ne  s'est  pas  promené  sur  la  route.  M.  et 
Mad.  Bailby  entendent  l'un  et  l'autre  la  voix  de  Mad.  Snell  qui  crie  : 
Johànnie,  Johannie,  et  les  domestiques  aussi  ont  entendu  cette  voix. 
Il  est  presque  évident  qu'il  y  a  eu  des  vibrations  sonores  de  l'air  et 
des  vibrations  qui  eussent  pu  être  inscrites  par  un  phonographe. 
Quand  Mad.  Aylesbury  et  ses  trois  filles  entendent  le  cri  de  :  mère, 
mère  !  comment  comprendre  ce  phénomène  si  réellement  l'air  n'a 
pas  retenti  des  vibrations  du  mot  mère,  mère?  Les  deux  fils  de 
M.  Christmas  voient  l'image  de  leur  père  dans  leur  cabine,  et  leurs 
récits  (de  seconde  main  d'ailleurs),  la  décrivent  tous  les  deux 
comme  identique.  Comment  expliquer  cette  similitude  s'il  n'y  a  pas 
eu  quelque  objectivation  unique? 

Peut-être,  cependant,  pour  rester  dans  le  domaine  sévèrement 
scientifique,  n'a-t-on  pas  le  droit  de  conclure  définitivement  qu'il 
y  a  matérialisation  effective  :  peut-être  faut-il  se  contenter  de  dire 
qu'une  vibration  quelconque  (de  nature  inconnue),  a  provoqué  chez 
deux  personnes  une  même  image  ayant  tous  les  caractères  d'un 
phénomène  extérieur  objectif. 

Ces  hallucinations  collectives  sont  le  plus  souvent  monitoires,  et 
à  ce  titre,  on  pourrait  les  ranger  dans  les  monitions.  Mais,  cepen- 
dant, dans  certains  cas  il  n'y  a  pas  de  lucidité,  il  n'y  a  pas  eu  de 


MONITIONS    DE    MORT  439 

récognition,  c'est  une  apparition,  un  fantôme,  une  forme  que  plu- 
sieurs personnes  ont  vue  et  décrite,  mais  on  ne  l'a  rattachée  à  aucun 
fait  réel.  La  signification  —  sielleena  une  — n'en  a  pas  été  comprise. 

A  de  pareils  faits,  il  paraît  difficile  d'attribuer  le  mot  monilions; 
car  aucun  avertissement  n'a  été  donné,  et  il  n'y  a  pas  eu  récognition. 
Les  visions  collectives  ne  relèvent  donc  pas  du  chapitre  des  moni- 
tions,  elles  semblent  plutôt  se  rattacher  aux  phénomènes,  si  incer- 
tains, si  mal  étudiés  encore,  des  maisons  hantées. 

C'est  un  chapitre  de  passage  qui  fait  la  transition  entre  l'objectif 
et  le  subjectif  métapsychique. 

Ainsi  l'histoire  des  hallucinations  collectives  confirme  ce  que 
nous  avons  dit  déjà  si  souvent,  à  tous  les  chapitres  de  la  cryptes- 
thésie,  qu'il  y  a  une  sensibilité  spéciale,  chez  tous  les  hommes 
peut-être,  chez  certains  individus  à  coup  sûr,  qui  donne  des 
notions  que  nos  sens  ordinaires  ne  peuvent  nous  apporter. 

Mais,  pour  que  cette  sensibilité  s'exerce,  il  faut  de  toute  nécessité 
un  rayonnement  extérieur,  une  force  qui,  cachée  dans  les  choses  ou 
dans  les  âmes,  va  trouver  le  percipient  et  émouvoir  certaines  régions 
de  son  inconscience. 

Or,  aussi  bien  pour  la  nature  de  ces  forces  que  pour  le  mode  de 
la  sensibilité,  nous  ne  pouvons  rien  dire  encore,  qui  ne  soit  prodi- 
gieusement vain,  et  par  conséquent  nous  devons  rester  silencieux 
sur  la  théorie. 

Qu'importe?  Parce  que  nous  ne  comprenons  pas  les  lois  d'un  phé- 
nomène, avons-nous  le  droit  de  nier  ce  phénomène?  A  ce  compte- 
là,  il  faudrait  fermer  tous  nos  livres  de  science. 


CHAPITRE  VII 
PRÉMONITIONS 

|1.  —  DES  PRÉMONITIONS  EN  GÉNÉRAL1 

Nous  abordons  ici  le  plus  redoutable  des  problèmes  :  la  cryptes- 
thésie  prémonitoire. 

On  peut  tant  soit  peu  concevoir  une  vue  très  perçante,  une  acuité 
auditive  prodigieuse,  une  perception  des  vibrations  incluses  dans 
les  choses,  on  peut  admettre  que  la  vibration  d'un  cerveau  peut 
ébranler  un  autre  cerveau,  mais  la  connaissance  de  l'avenir?  —  Et 
pourtant  il  me  paraît  qu'il  y  a  des  cas  nombreux,  incontestables, 
de  lucidité  divinatoire.  Bozzano,  qui  a  publié  sur  les  prémonitions 
un  livre  excellent,  dit  avec  raison  que,  de  tous  les  phénomènes  de 
lucidité,  la  prémonition,  malgré  son  étrangeté,  est  peut-être  celui 
qui  a  été  prouvé  avec  le  plus  de  force. 

Si  la  longue  croyance  des  hommes  de  tout  pays  et  de  toute  époque 
avait  quelque  valeur  scientifique,  certes  la  divination  de  l'avenir 
serait  un  des  phénomènes  les  plus  certains  de  la  métapsychique. 

Cependant,  si  nous  pouvons  nettement  affirmer  la  réalité  des  pré- 
monitions, ce  n'est  pas  parce  que  les  anciens  —  tous  les  anciens, 
crédules  ou  non  —  y  croyaient,  mais  parce  que  de  nos  jours  des 
témoignages  multiples  de  divinations  ont  été  obtenus. 

Les  augures,  les  Sibylles,  les  prêtresses  de  Cumes  et  de  Delphes, 
rendaient  des  oracles  ;  Socrate  avait  un  démon  qui  l'avertissait  des 
dangers  par  une  voix  qu'il  entendait  distinctement,  la  voix  de  son 
démon,  laquelle,  maintes  fois,  Ta  averti  de  ce  qu'il  ne  fallait  pas 
faire.  Cigéron  a  écrit  tout  un  livre  sur  la  divination,  mais  il  ne  se 
préoccupe  pas  beaucoup  de  savoir  si  elle  existe  ou  non  ;  il  discute 

1.  Il  faut  lire  le  livre  de  Ernest  Bozzano.  Les  phénomènes  prémonitoires,  trad. 
fr.,  Paris.   Libr.  des  se.  psychiques,  1914. 

D'ailleurs  on  ne  peut  se  faire  des  prémonitions  qu'une  idée  incomplète  si  on 
les  lit  abrégées  et  résumées,  comme  j'ai  dû  le  faire  ici  brevitatis  causa. 


PRÉMONITIONS  441 

ses  avantages  et  ses  méfaits;  il  semble  conclure  à  la  fatalité  des 
choses,  et  quelque  part  il  dit  qu'il  vaut  mieux  ignorer  que  con- 
naître les  malheurs  futurs  (ignoratio  futurorum  malorum  utilior 
est  quam  scientia). 

Pour  nous,  nous  ne  discuterons  pas  la  question  de  savoir  s'il  est 
désirable  ou  non  de  connaître  l'avenir.  Nous  examinerons  seule- 
ment si  c'est  possible. 

Et  tout  d'abord,  je  ferai  une  comparaison  pour  essayer  de  prou- 
ver qu'après  tout  la  prévision  de  l'avenir  n'est  pas  d'une  absurdité 
qui  commande  de  la  rejeter  a  priori. 

Soit  un  individu  A...  qui  a  gravi  une  très  haute  montagne  soli- 
taire. Supposons  qu'il  a  une  lunette  astronomique  excellente  qui 
lui  permette  de  voir  dans  les  plus  petits  détails  tout  ce  qui  se  passe 
dans  la  plaine.  Il  aperçoit  alors  dans  cette  plaine  déserte  les  rails 
d'un  chemin  de  fer  qui  traverse  un  souterrain,  et  il  voit  des  malfai- 
teurs poser  dans  un  tunnel  une  énorme  pierre  qui  fera  dérailler  le 
premier  train  s'engageant  dans  le  tunnel.  Impossible  d'avertir  qui 
que  ce  soit.  Il  est  10  heures,  le  train  doit  passer  par  là  à  midi.  A 
10  heures,  A...  voit  avec  sa  lunette  B...  qui  se  dirige  vers  la  gare 
d'une  ville  voisine.  Il  comprend,  en  voyant  lesbagagesde  B...,  que 
B...  va  à  la  gare  et  qu'il  prendra  un  wagon  de  première  classe.  Le 
train  est  en  gare,  les  wagons  de  première  classe  sont  en  tête,  et  alors 
A...  à  10  heures  du  matin  pi'évoitque  B...  va  être  dansdeuxheures 
victime  d'un  accident  de  chemin  de  fer. 

Que  si  en  outre  soudain  A...  oublie  ce  qu'il  a  vu,  les  malfaiteurs, 
le  tunnel,  la  valise  de  B...,  alors  il  n'inscrit  que  le  résultat  de  sa 
rapide  et  passagère  vision,  et  à  10  heures  il  note  sur  son  carnet  : 
«  Dans  deux  heures,  B...  sera  victime  d'un  terrible  accident  de 
chemin  de  fer  »,  sans  savoir  pourquoi  il  a  eu  cette  prémonition. 

Si  nous  connaissions  la  totalité  des  choses  présentes,  nous  con- 
naîtrions du  même  coup  la  totalité  des  choses  à  venir.  Notre  igno- 
rance absolue  de  l'avenir  est  due  à  notre  ignorance,  tout  aussi  abso- 
lue d'ailleurs,  du  présent. 

Laplace1  l'avait  déjà  dit  en  termes  précis  :  «  Une  intelligence  qui 

1.  Essai  analytique  sur  les  probabilités. 


442  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

connaîtrait  toutes  les  forces  dont  la  Nature  est  animée,  et  la  situa- 
tion respective  des  êtres  qui  la  composent,  si  d'ailleurs  elle  était 
assez  vaste  pour  soumettre  ces  données  à  l'analyse,  embrasserait 
dans  la  même  formule  les  mouvements  des  plus  grands  corps  de 
l'univers  et  ceux  du  plus  léger  atome.  Rien  ne  serait  incertain  pour 
elle,  et  l'avenir,  comme  le  passé,  serait  ouvert  à  ses  yeux.  » 

Chaque  événement  futur,  quel  qu'il  soit,  est  la  conséquence, 
peut-être  fatale,  de  Y  état  actuel  des  choses.  Le  présent  est  gros  de 
l'avenir,  car  l'avenir  dépend  exclusivement  du  présent.  Or,  par  la 
cryptesthésie,nous  avons  sur  les  réalités,  même  les  plus  lointaines, 
des  connaissances  extraordinaires.  Sans  en  avoir  conscience,  nous 
sommes  ébranlés  par  des  vibrations  multiples  qui  nous  apportent 
des  notions  multiples,  mais  qui  sont  fermées  à  notre  vie  psycholo- 
gique normale.  Donc  la  notion  (inconsciente)  du  présent,  permet 
peut-être  d'en  saisir  parfois  en  un  rapide  éclair  les  conséquences, 
c'est-à-dire  les  événements  à  venir. 

Un  fait  médical  curieux  —  fort  rare  d'ailleurs  —  a  été  signalé, 
qui  donnequelqueidéedece  quepeut  êtreune  prémonition.  Ou  apu, 
en  effet,  sur  des  photographies  d'individus  ayant  une  légère  fièvre, 
noter  comme  un  commencement  d'éruption  rubéolique  apparaissant 
à  la  figure,  alors  qu'à  la  vision  normale  on  ne  distinguait  aucun 
signe  d'éruption.  On  pouvait  donc  prévoir  l'éruption. 

Mais  ce  ne  sont  là  que  des  comparaisons,  des  analogies.  Elles 
ne  diminuent  guère  l'immensité  de  notre  impuissance  à  com- 
prendre. 

D'ailleurs,  quelles  que  soient  nos  ébauches  d'hypothèses  pour 
expliquera  prémonition,  ce  ne  sera  jamais  qu'une  discussion  fragile 
et  imparfaite  ;  et  je  ne  veux  pas  m'appesantir  sur  ce  mystère. 
Je  me  contenterai  d'établir  que  la  prémonition  existe  Peu  importe 
que  nous  la  comprenions.  C'est  un  fait.  Cela  suffit  à  la  science. 

Tout  d'abord,  il  faut  indiquer  les  trois  conditions  nécessaires 
pour  qu'on  puisse  parler  de  prémonition  dans  le  sens  métapsy- 
chique  du  mot  : 

1°  Il  faut  que  le  fait  annoncé  soit  indépendant,  et  absolument 
indépendant,  de  la  personne  qui  a  eu  la  prémonition. 

Ainsi,  par  exemple,  ainsi  qu'on  pourrait  en  citer  des  cas  fré- 


PREMONITIONS  443 

quents,  classiques  aujourd'hui,  A.,  dans  l'état  somnambulique, 
annonce  qu'elle  va  avoir  une  crise  de  sommeil,  ou  de  diarrhée,  ou 
tel  ou  tel  phénomène,  comme  une  syncope  grave  par  exemple, 
dans  dix  jours,  dans  un  mois,  dans  un  an  même.  Ici  il  ne  peut  s'agir 
de  prémonition,  car  l'inconscience  de  A...  restera  éveillée,  et  sera 
parfaitement  capable  d'agir  sur  les  organes  de  A. . .  pour  déterminer, 
à  l'heure  voulue,  léthargie,  diarrhée,  ou  syncope.  Ces  faits  rentrent 
simplement  dans  les  cas  classiques  d'auto-suggestion  hypnotique. 

2°  Il  faut  que  l'annonce  du  fait  ne  puisse  être  due  ni  à  la  sagacité, 
ni  au  hasard. 

La  part  qu'il  faut  faire  à  la  sagacité  est  difficile.  Un  individu 
perspicace,  en  examinant  bien  les  choses  actuelles,  après  en  avoir 
pris  connaissance  exacte,  peut,  dans  une  certaine  mesure,  prévoir 
l'événement  futur.  Par  exemple,  s'il  s'agit  d'une  élection  acadé- 
mique, encore  que  l'élection  ne  doive  avoir  lieu  que  dans  deux 
jours,  il  peut  dire  :  «  X...  sera  nommé,  et  non  Y...  car  M...  votera 
pour  X...  et  N...  votera  aussi  pour  X. . .  et  0  ne  viendra  pas .  Par  con- 
séquent, quoique  Y...  compte  pour  lui  M...,  N...  et  0...,  Y...  aura 
trois  voix  de  ?noins  qu'il  ne  croit.  X...  aura  21  voix  et  Y  n'en  aura 
que  17  ».  Evidemment  il  n'y  a  là  que  de  la  sagacité.  De  même  encore, 
si  l'on  voit  entrer  à  une  maison  de  jeu  un  jeune  homme  qui  apporte 
deux  billets  de  cent  francs,  on  pourra  dire  :  «  Dans  une  heure  ce 
jeune  homme  sera  décavé  ». 

Mais  ces  prédictions  de  sagacité,  avec  quelque  finesse  d'esprit  on 
pouvait  les  faire,  et  elles  ne  sont  pas  fatales.  Après  tout,  il  est  possible 
que  Y...  soit  nommé,  malgré  les  justes  calculs»  de  A...  et  d'autre 
part,  on  a  vu  des  jeunes  gens  entrer  dans  des  maisons  de  jeu  avec 
deux  cents  francs  dans  leur  poche  et  en  sortir  sans  être  décavés. 

Or  les  véritables  prémonitions  sont  celles  qui  ne  peuvent  pas  être 
dues  à  la  sagacité  des  individus  qui  les  ont  indiquées.  Elles  portent 
souvent  sur  des  détails  minuscules,  dépassant  prodigieusement  la 
limite  de  toute  perspicacité,  et  aussi  de  toute  coïncidence  fortuite. 

Il  faut,  pour  qu'il  y  ait  prémonition  métapsychique,  que  le  hasard 
ne  puisse,  dans  l'espèce,  jouer  aucun  rôle. 

A...  entre  dans  la  salle  de  jeu  de  Monte-Carlo,  et,  regardant  la 
roulette,  il  dit  :  «  C'est  la  rouge  qui  va  sortir  ».  La  probabilité  est 


444  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

de  1/2,  et  on  doit  supposer,  comme  c'est  d'ailleurs  certainement 
le  cas,  que  c'est  à  la  suite  d'une  probabilité  1/2,  que  la  rouge  est 

sortie.  S'il  dit  :  «  C'est  le  7  qui  va  sortir  »,  et,  si  effectivement, 

l 
c'est  le  7  qui  sort,  la  probabilité  est  de  -r=-.  Mais  cependant  à  cha- 

que  instant  les  joueurs  ont  des  suppositions  analogues  qui  se  véri- 
fient ;  et  ils  sont  assez  aveugles  pour  oublier  les  36  autres  cas  où  ils 
se  sont  trompés  dans  leurs  prévisions. 

Aussi  bien  chaque  prémonition  est-elle  un  cas  spécial  qui  mérite 
d'être  étudié  dans  tous  ses  détails  et  analysé  scrupuleusement,  de 
manière  qu'on  ne  puisse  invoquer  ni  l'auto-suggestion,  ni  la  saga- 
cité perspicace,  ni  le  hasard. 

Pour  montrer  quelle  peut  être  la  part  du  hasard,  je  citerai  le  fait 
suivant  qui  m'est  personnel,  et  que  je  ne  crois  nullement  être  une 
prémonition.  Il  estsans  doute  exclusivement  fortuit.  Le  20  mai  1918, 
j'étais  à  Paris.  Au  moment  où  j'allais  repartir  pour  les  ambulances 
du  front,  j'inscrivis  sur  mon  agenda,  à  la  date  et  au  feuillet  du 
24  septembre  de  cette  même  année,  les  mots  :  «  Finis  belli  ».  A  ce 
moment-là  (20  mai  1918)  aucune  perspicacité  ne  pouvait  faire  prévoir 
que  la  guerre  finirait  dans  quatre  mois.  Les  vraisemblances,  —  et 
mon  opinion  même  —  étaient  que  la  guerre  durerait  encore  un  an 
au  moins.  Or,  le  24  septembre  1918  a  été  la  signature  de  l'armistice 
bulgare,  et  cette  date  du  24  septembre  est  presque  aussi  importante, 
pour  la  fin  de  la  guerre,  que  la  date  du  11  novembre  1918. 

Si  l'on  essaye  d'appliquer  à  cette  soi-disant  prémonition  le  cal- 
cul des  probabilités,  on  trouve  qu'il  y  avait,  du  20  mai  1918  au 
20  mai  1919,  360  jours,  soit  avec  un  numérateur  2,  puisqu'il  y  a 
deux  dates  pour  Finis  belli,  2/360  ou  1/180,  c'est-à-dire  une  probabi- 
lité assez  faible  ;  celle  par  exemple  de  dire  :  vous  allez  tirer  dans  ce 

1  l.l 

jeu  d'abord  l'as  de  cœur,  puis  un  trèfle  -gg-  X—  soit  -^  . 

Pourquoi  ai-je  écrit  sur  mon  agenda,  à  la  date  du  24  sep- 
tembre 1918,  ces  mots  :  «  Finis  belli?»  Je  l'ignore.  Je  n'avais  jamais 
fait  précédemment  de  prévision  analogue  pour  aucune  autre  date 
(sauf  une,  qui  fut  erronée,  en  1917). 

En  tout  cas,  il  serait  fou  de  considérer  ce  fait  comme  une  prémo- 
nition. C'est  une  coïncidence,  assez  curieuse  peut-être  ;  mais  c'est 
fortuit,  et  rien  de  plus. 


PRÉMONITIONS  445 

Je  crois  bien  qu'il  en  est  tout  à  fait  de  même  pour  le  mot  Piave, 
écrit  par  M.  Conan  Doyle  (observatiou  que  je  rapporterai  plus  loin)- 

3°  Ce  qu'il  faut  examiner  aussi  avec  uu  soin  extrême,  ce  sont  les 
conditions  dans  lesquelles  le  fait  a  été  recueilli,  indiqué.  Il  importe 
de  se  méfier  des  paramnésies,  qui  font  croire,  en  toute  bonne  foi, 
que  ce  n'est  pas  un  événement  (ou  un  paysage)  nouveau  qui  se 
présente  à  nos  yeux.  On  s'imagine  que  c'est  du  déjà  vu;  et  parfois 
l'altération  de  la  mémoire  est  assez  intense  pour  qu'on  affirme  avoir 
eu  une  prémouition,  alors  qu'il  n'y  a  rien  eu  de  tel. 

La  seule  réponse  possible  à  cette  objection  (grave)  de  la  para- 
mnésie,  c'est  qu'avant  que  la  soi-disant  prédiction  se  réalise,  on  en 
ait  fait  le  récit  circonstancié  à  deux  ou  trois  personnes,  ou,  ce  qui 
est  mieux  encore,  qu'où  ait  mis  quelques  notes  sur  son  carnet.  Si 
l'on  tient  un  registre  exact  des  rêves,  supposés  prémonitoires,  qu'on 
a  pu  faire,  on  a  ainsi  un  tableau  fidèle  de  ceux  qui  se  sont  réalisés. 
Alors  on  pourra  faire  une  instructive  comparaison  entre  leur 
nombre  et  le  nombre  des  rêves  qui  n'ont  pas  eu  de  réalisation. 

Plusieurs  savants  ont  proposé  des  classifications  pour  les  pré- 
monitions; Mad.  H.  Sidgwick;  Fr.  Myers  et  Bozzano. 

Mad.  Sidgwick  a  classé  les  faits  selon  leur  modalité  subjective  ; 
Fr.  Myers,  suivant  l'enchaînement  ascensionnel  dans  l'importance 
théorique.  Ici  je  suivrai  de  préférence  la  classification  plus  haut 
adoptée  pour  les  monitions. 

Toutefois  il  faut  faire  un  chapitre  à  part  pour  les  auto-prémoni- 
tions, sujettes,  le  plus  souvent,  à  quelques  réserves,  car  elles  peu- 
vent quelquefois  s'expliquer  par  une  auto-suggestion  : 

A .  Auto-prémonitions. 

B.  Prémonitions  hypnotiques. 

C.  Prémonitions  spiritigues. 

D.  Prémonitions  accidentelles. 

§  2.  —  DES  AUTO-PRÉMONITIONS 

Auto-prémonitions  de  maladies. 

Ce  sont  celles  qui  sont,  en  tant  que  prémonitions,  les  plus  con- 
testables ;  car  rien  ne  dit  qu'une  volonté  -7  je  dirai  même  une 


440  MÉTA.PSYGHIQUE    SUBJECTIVE 

volonté  inconsciente,  quelque  paradoxal  que  soit  cet  accouplement 
de  mots  —  ne  va  pas  déterminer  l'événement.  Et  je  prendrai  pour 
exemple  l'histoire  de  cette  somnambule  à  qui  un  magnétiseur  avait 
suggestionné  une  crise  dans  6.666  minutes.  Au  réveil,  elle  a  tout 
oublié,  et  pourtant  elle  a  sa  crise  juste  à  la  minute  voulue. 

Le  cas  suivant,  curieux  et  amusant,  est  emprunté  au  Dr  Teste1. 
Le  8  mai,  Mad.  M..,  enceinte,  annonce  qu'elle  aura  peur  le  12  mai, 
et  qu'elle  fera  une  chute  devant  avoir  des  conséquences  sérieuses, 
non  mortelles.  Au  réveil  tout  est  oublié. 

Le  12  mai,  endormie,  elle  répète  cette  prédiction,  qu'elle  a  com- 
plètement oubliée  à  son  réveil.  Aussi  est  elle  étonnée,  quand  son 
mari,  craignant  la  réalisation  de  l'événement  prédit,  lui  défend  de 
sortir.  Elle  passe  dans  sa  chambre,  et  soudain  pousse  un  grand  cri 
de  frayeur.  Un  rat  a  brusquement  passé  devant  elle,  et  l'a  effrayée 
assez  pour  la  faire  tomber.  De  là  hémorragie  et  maladie  sérieuse 
pendant  quelques  jours. 

Le  fait  est  certainement  authentique  et  bien  observé  ;  mais  on 
ne  peut  rien  en  conclure,  car  il  est  à  supposer  que,  si  un  rat  n'était 
pas  intervenu,  pour  toute  autre  raison,  Mad.  M...  serait  tombée  et 
aurait  fait  une  fausse  couche. 

Denise  Bl\nc,  âgée  de  dix-huit  ans,  d'une  excellente  et  florissante 
santé,  à  Aramon  (Gard),  appartenant  à  une  très  honorable  famille, 
insiste  auprès  de  ses  parents  pour  qu'on  la  photographie,  disant 
qu'elle  ne  vivra  pas  longtemps.  On  ne  s'explique  pas  pourquoi  elle 
parle  ainsi  ;  car  elle  n'a  aucun  motif  de  maladie  imminente2. 

Un  jour,  comme  elle  était  dans  sa  maison  à  Aramon,  on  crie  «  Au 
feu  !  ».  A  côté  de  la  maison,  il  y  avait,  séparé  par  une  petite  cour, 
un  atelier  de  vannerie  :  c'est  là  que  le  feu  a  pris,  mais  sans  faire  de 
dégâts  sérieux.  La  frayeur  de  Denise  fut  si  grande  qu'elle  se  sentit 
très  troublée,  très  atteinte,  et,  au  bout  de  deux  mois,  prise  d'une 
maladie  mal  définie  (de  nature  inconnue),  elle  était  morte. 

Si  je  cite  ce  cas  d'auto-prémonition,  qui  n'a  absolument  aucune 

1.  Manuel  pratique  de  magnétisme  animal,  p    440. 

2.  Ce  récit  inédit  m'a  été  communiqué  par  M.  F.   cTAramon. 


AUTO-PRÉMONITIONS  447 

valeur  probative,  c'est  pour  établir  que  ces  auto-prémonitions  pour- 
raient être  appelées  des  pseudo-prémonitions. 

Mad.  Clary,  très  malade  (de  tuberculose,  sans  doute),  endormie 
par  le  Dr  TrcsTEle  IS  mai,  dit  qu'elle  aura  de  la  fièvre,  uue  très  forte 
fièvre,  le  2  juin,  le  3  juin.  Et  le  4  juin?  lui  demande  Teste.  «  Le 
4  juin,  dit  Mad.  Clary,  je  ne  vois  plus  ».  Et  elle  meurt  le  4  juin. 

Il  n'y  a  pas  lieu  d'insister  :  de  tels  faits  ne  prouvent  rien. 

Le  grand  peintre  Giovanni  Segantini  composait  un  tableau  cryp- 
tique allégorique  où  la  mort  était  représentée.  Sur  un  plateau  nei- 
geux, un  chalet,  et  devant  le  chalet  un  cercueil.  Un  jour  il  rêve 
qu'il  est  dans  le  cercueil,  et  il  raconte  ce  rêve  à  sa  femme. 

Quelques  jours  après,  il  est  pris  de  péritonite  suraiguë,  et  treize 
jours  après  sa  vision  il  meurt.  Les  circonstances  de  son  enterrement 
au  chalet  de  la  Maloja,  reproduisent  exactement  la  vision  qu'il 
avait  eue.  Mais  ce  n'est  là  qu'une  pseudo-prémonition,  puisqu'il 
pouvait  ressentir  vaguement  des  symptômes  morbides,  inaperçus 
de  sa  conscience,  et  impossibles  à  prévoir  par  un  médecin. 

Il  en  est  de  même  pour  le  cas  du  comte  de  Hurtington,  qui,  étant 
en  bonne  santé,  voit  en  rêve  un  squelette  qui  le  regarde,  soulève 
la  couverture  et  se  glisse  entre  lui  etLady  Hurtington. 

Quinze  jours  après  le  comte  de  Hurtington  mourut. 

Le  cas  suivant i,  très  singulier,  comporte  les  mêmes  réserves  que 
toutes  les  auto-prémonitions.  Mad.  X...,  dont  R.  Hodgson  a  analysé 
avec  soin  le  cas,  voit  en  rêve  le  5  mars  son  père,  mort  depuis  onze 
ans,  qui  lui  montre  un  calendrier  avec  la  date  du  22  mars.  Mad.  X... 
était  enceinte,  et  elle  allait  accoucher,  de  sorte  qu'elle  croit  que 
cette  date  du  22  mars  est  celle  de  son  accouchement.  Elle  accouche 
le  12  mars,  et  on  la  plaisante  dans  sa  famille  sur  son  iûgénuité,  qui 
lui  fait  croire  à  la  réalité  des  rêves  prophétiques.  L'accouchement 
fut  régulier,  mais  le  22  mars  Mad.  X...  mourut  de  méningite. 

Les  auto-prémonitions  pour  les  phénomènes  organiques  ne  sont 

1.  Lorsqu'il  n'y  aura  pas  d'autre  indication  bibliographique,  les  cas   seront 
empruntés  au  livre  de  Bozzano. 


443  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

que  des  pseudo-prémonitions,  et  on  peut  toujours  supposer  des 
couuaissances  autoscopiques,  c'est-à-dire  non  métapsychiques,  de 
l'état  de  nos  organes,  qui  parviennent  à  la  subconscience. 

Mad.  S...  mariée  depuis  deux  ans  et  demi,  se  désole  de  n'avoir 
pas  d'enfants.  Par  la  planchette  elle  obtient  cette  phrase  :  «  Dans 
six  mois  ton  espoir  sera  réalisé.  Bonheur  du  trio  ».  Défait,  exacte- 
ment au  bout  de  six  mois,  Mad.  S...  était  enceinte.  Il  convient 
d'ajouter  qu'à  plusieurs  reprises,  Mad.  S...  a  eu  des  rêves  prémo- 
nitoires intéressants. 

Sans  méconnaître  l'intérêt  de  cette  histoire  singulière,  on  peut 
admettre  que  daus  ce  cas  il  y  eut  des  notions  organiques  subcons- 
cientes qui  ont  éclairé  la  conscience  subliminale.  Toutefois  cette 
explication  n'est  pas  bien  satisfaisante.  L'hypothèse  du  hasard  ne 
l'est  pas  davantage  :  et  encore  moins  l'hypothèse  spirite. 

Voici  un  cas  (VI  de  Bozzano)  qui  s'explique  peut-être  par  des  sen- 
sations organiques  subconscientes. 

Mad.  Norris  était  en  bonne  santé.  Une  nuit  elle  fait  un  rêve  qui 
l'épouvante,  et  qu'elle  raconte  à  sa  fille  et  au  Dr  Lyon,  son  gendre. 
Elle  a  vu  une  sienne  amie,  Mad.  Carleton,  morte  il  y  a  longtemps, 
qui  lui  a  dit  :  «  Votre  fin  est  imminente,  vous  mourrez  demain 
malin  à  la  même  heure  que  vous  m'avez  vue  cette  nuit  ».  Alors  Mad. 
Norris  commande  qu'on  lui  donne  son  bain  pour  qu'on  n'ait  pas  à 
ablutionner  son  corps,  et  meurt  le  lendemain  matin,  à  l'heure 
exactement  indiquée. 

Flammarion  cite  encore  plusieurs  cas  significatifs  d'auto-prémoni- 
tions, que  je  ne  puis  reproduire  ici l. 

M.  Féron,  avoué  à  Cherbourg,  rêve  qu'il  ne  verra  pas  la  fin  de 
janvier  :  il  le  dit  et  le  répète.  Il  n'est  cependant  pas  malade  (au 
moins  en  apparence);  il  meurt  subitement  le  18  janvier. 

Ed.  Reed,  directeur  du  Musée  d'Histoire  Naturelle  de  Conception 
(Chili),  rêve  qu'il  voit  un  tombeau  avec  une  croix  sur  laquelle  est 
l'inscription  suivante  :  «  Reed,  7  Novembre  1910  »  ;  il  raconte 
en  plaisantant  ce  rêve  à  diverses  personnes,  et  il  meurt  le  7  no- 
vembre 1910. 

1.  Lamort  et  son  mystère,  E.  Flammarion,  1920. 


AUTO-PRKMONITIONS  449 

Fidèle  aux  explications  rationalistes,  je  dirai  qu'il  faut  pour  tous 
ces  cas  admettre  des  sensations  subcouscientes  qui  avertissent 
vaguement  les  centres  nerveux  de  l'état  défectueux  de  tel  ou  tel 
organe  essentiel. 


Le  cas  suivant  d'auto-prémonition  de  maladie  et  de  mort  est 
remarquable  par  la  précision  des  détails.  C'est  un  dramatique  récit 
qui  prêterait  à  quelque  suspicion,  à  cause  de  sa  forme  dramatique 
même,  s'il  n'avait  pas  été  minutieusement  contrôlé  par  leD'GELEY1. 

Il  s'agit  de  M.  Dencausse,  père  de  Mad.  Freya,  laquelle  a  donné, 
comme  on  sait,  à  diverses  reprises,  de  beaux  exemples  de  lucidité.  En 
mai  1916,  M.  Dencausse,  âgé  de  76  ans,  annonce,  malgré  une  assez 
bonne  santé,  qu  il  mourrait  avant  l'hiver.  Il  s'amaigrissait  d'ailleurs, 
et  se  nourrissait  mal.  Vers  le  24  octobre  il  déclare  qu'il  savait  le  jour 
de  sa  mort,  que  ce  serait  le  jour  de  la  Toussaint.  Le  28  octobre,  Geley, 
appelé,  ne  lui  trouve  aucune  lésion  organique;  pas  de  fièvre,  une 
très  légère  bronchite.  M.  Dencausse  déclare  alors  qu'il  mourra  le 
jour  de  la  Toussaint  à  minuit  sonnant,  sans  souffrance,  sans  agonie. 

Le  lundi  30  tout  allait  bien,  mais  le  mardi  31  une  pneumonie  se 
déclara,  avec  fièvre. 

Le  1er  novembre,  il  était  plus  faible;  mais  il  pouvait  parler  et 
faire  ses  dernières  recommandations.  Vers  23  heures  et  demie,  il 
demanda  à  sa  femme  :  «  Quelle  heure  est-il?  ».  Mad.  D...,  pour  le 
tromper,  dit  :  «  Deux  heures  du  matin  ».  Le  malade  répondit  : 
«  Non  :  il  n  est  pas  minuit.  A  minuit  je  mourrai.  » 

A  minuit  il  se  tourna  du  côté  du  mur.  On  s'approcha.  A  ce  moment 
la  pendule  sonnait.  Sans  parler,  M.  D...,  levant  la  main,  indiqua 
du  doigt  la  pendule.  Mais  la  main  retomba  sur  le  lit.  M.  D...  était 
mort,  sans  un  soupir. 

M.  Geley  a  noté  que  Mad.  Freya  lui  avait  fait  part  jour  pour  jour, 
avant  l'événement  fatal,  des  prédictions  de  son  père. 

Une  belle  auto-prémonition  de  mort  a  été  indiquée  par  le  Dr  W.  de 
Sermyn2.  Jean  Vitalis,  âgé  de  39  ans,  homme  robuste  et  vigoureux, 

1.  Un  cas  d'auto-prémonition  (A.  S.  P.,  1916,  XXVI,  125-129.) 

2.  Contribution  à  l'étude  de  certaines  facultés  cérébrales  méconnues.  Lausanne» 
Payot,  1911,  13-16. 

Richet.  —  Métapsychique.  29 


450  MÉTAPSYCHIOUE    SUBJECTIVE 

est  atteint  de  rhumatisme  articulaire  aigu.  Le  seizième  jour  de  sa 
maladie,  le  Dr  de  Sermyn,  qui  le  soigne,  le  trouve  assis  sur  son  lit, 
souriant,  presque  à  demi  guéri.  Pourtant  M.  Vitalis  lui  dit  :  «  J'ai 
eu  une  vision  ;  mon  père  mort  il  y  a  quelques  années  est  venu  me 
visiter,  et  me  dire  qu'il  fallait  recevoir  V extrême-onction  ;  car  il  a 
sans  doute  besoin  de  moi;  il  reviendra  me  prendre  à  neuf  heures 
ce  soir  ».  Toute  la  journée  pour  Vitalis  se  passe  bien.  Ses  douleurs 
ont  disparu.  Sa  température  est  normale;  il  mange  de  bon  appétit. 
Néanmoins,  au  grand  étonnemeut  du  prêtre  qu'il  a  fait  appeler,  il 
reçoit  l'extrême-onction.  M.  de  Sermyn  le  voit  à  huit  heures  le  soir, 
Vitalis  est  très  gai.  On  rit  et  on  cause  autour  de  lui,  comme  lui- 
même.  A  neuf  heures  moins  une  minute,  il  se  lève  du  sopha  où  il 
était  assis  :  et  dit  :  l'heure  est  venue;  puis  il  saute  sur  son  lit, 
arrange  les  coussins,  courbe  la  tête  en  disant  :  adieu,  adieu;  puis  il 
s'étend  et  ne  bouge  plus.  Il  était  mort,  sans  un  râle,  sans  un  soupir. 

Ces  subconsciences  organiques  prennent  parfois  la  forme  d'une 
hallucination  extériorisée.  Le  Dr  Minot  Savage1  conte  l'histoire  de 
cet  étudiant  de  New- York  qui  voit  dans  la  rue  un  esprit  lui  appa- 
raître et  marcher  à  côté  de  lui.  Alors  il  s'imagine  qu'il  va  mourir 
bientôt,  et  il  le  dit  à  sa  mère  qui  essaye  de  le  rassurer.  Trois  jours 
après  il  est  pris  d'appendicite.  On  l'opère  et  il  meurt. 

Il  est  impossible  pourtant  de  supposer  qu'il  y  ait  quelque  sub- 
conscience organique  quand  la  prémonition  est  à  soixante-dix  ans 
de  distance.  M.  Banister,  étant  écolier,  rêve  (vers  1813)  que  sur  une 
pierre  funéraire  il  y  a  son  nom  avec  la  date  de  sa  naissance,  et  aussi 
le  jour  et  le  mois  de  sa  mort  :  Jun...  9.  Mais  est-ce  Jun  (abréviation 
inusitée  de  June),  ou  plutôt  Jan  abréviation  de  Janvier  ?  Le  9  juin 
183S  meurt  le  fils  aîné  de  M.  Banister,  qui  alors  est  persuadé  que 
c'était  9  June  qui  était  inscrit.  Mais  en  réalité,  M.  Banister  mourut  le 
9  Jan  (janvier)  1883. 

C'est  là  un  fait  étrange,  parmi  les  faits  étranges,  et  tout  y  est 
presque  fantastique.  Il  est  cependant  bien  authentifié.  Mais  nous 
renonçons  à  en  donner  quelque  explication  qui  ne  soit  pas 
absurde. 

1.  Cité  par  Flammarion,  loc.  cit.,  99. 


AUTO-PRÉMONITIONS  451 

Voici  maintenant  deux  autres  faits,  plus  extraordinaires  encore  : 
Ils  seraient  déjà  très  curieux,  très  remarquables  s'ils  étaient  isolés  ; 
mais  ils  ne  sont  pas  isolés,  puisqu'il  y  en  a  deux  tout  à  fait  sem- 
blables, et  leur  ressemblance  —  ou  pour  mieux  dire  leur  ideutité 
—  est  si  forte  qu'il  est  inadmissible  qu'il  s'agisse  du  hasard  ou  de 
la  fantaisie  imaginative. 

Le  premier  cas  (VII  de  Bozzano)  se  rapporte  à  un  enfant  de  deux  ans 
et  sept  mois,  nommé  Ray(1883).  Un  jeune  frère  de  Ray,  âgé  de  8  mois, 
venait  de  mourir.  Alors  à  plusieurs  reprises  le  petit  Ray  eut  des 
visions  répétées.  Il  voyait  constamment  son  frère  assis  sur  une 
chaise,  l'appelant.  «  Maman,  disait-il,  le  petit  frère  appelle  Ray; 
il  veut  V avoir  avec  lui  !  ».  Un  autre  jour  il  dit  :  «  Ne  pleure  pas  ; 
le  petit  frère  a  souri  à  Ray.  Ray  va  s'en  aller  avec  lui  ».  Ray,  qui 
avait  une  intelligence  bien  supérieure  à  celle  de  son  âge,  mourut 
deux  mois  et  sept  jours  après  la  mort  de  son  frère.  Il  est  impossible 
de  douter  qu'il  ait  eu  quelque  chose  comme  une  vision  prémonitoire, 
d'autant  plus  extraordinaire  qu'à  son  âge  il  ne  devait  pas  com- 
prendre ce  qu'était  la  mort. 

Le  second  cas  (inédit)  ressemble  étonnamment  au  cas  du  petit 
Ray,  sur  lequel  il  semble  calqué. 

Louise  F...,  âgée  de  quarante-huit  ans,  meurt  à  la  suite  d'uue  opé- 
ration abdominale  en  janvier  1896.  Étant  malade,  elle  demandait 
instamment  qu'on  lui  laissât,  après  sa  guérison,  emmener  à  la  cam- 
pagne, chez  elle,  une  petite  nièce  qu'elle  adorait,  Lili,  la  fille  de 
son  frère  M.  F...,  âgée  de  trois  ans  et  trois  mois.  La  petite  Lili, 
intelligente  et  précoce,  et  d'ailleurs  de  boune  santé,  un  mois 
environ  après  la  mort  de  sa  tante,  à  diverses  reprises,  s'interrom- 
pait soudain  au  milieu  de  ses  jeux,  allait  à  la  fenêtre,  et  regardait 
fixement.  Sa  mère  lui  demande  ce  qu'elle  regardait  :  «  C'est  la 
tante  Louise  qui  me  tend  les  bras  et  m'appelle  !  »  Sa  mère,  effrayée, 
essayait  de  la  distraire.  Alors  l'enfant  revenait,  traînant  sa  chaise 
près  de  la  fenêtre,  voyant  toujours,  pendant  quelques  minutes,  sa 
tante  qui  l'appelait.  «Pour  moi,  dit  M.  F...,  qui  m'a  donné  ce  récit, 
j'avais  alors  onze  ans,  et  ma  petite  sœur  Lili  me  disait  :  «  Quoi  !  tu 
«ne  vois  pas  Tata  ?»(Tata,  c'était  le  nom  de  notre  tante  Louise.)  Natu- 
rellement je  ne  voyais  rien.  »Pendantquelquesmois tout  cessa.  Vers 
\e  20  mai,  la  petite  Lili  tomba  malade,  et,  dans  son  lit,  elle  regar- 


452  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

dait  au  plafond  en  disant  qu'elle  voyait  sa  tante  qui  l'appelait, 
entourée  de  petits  anges...  «  Comme  c'est  joli,  maman  !  »  disait-elle. 
De  jour  en  jour,  la  pauvre  enfant  devint  de  plus  en  plus  malade, 
mais  répétait  toujours  :  «  C'est  ma  tante  qui  vient  me  chercher  et 
elle  me  tend  les  bras  ».  Et  comme  sa  mère  pleurait,  elle  disait  :  «  Ne 
pleure  pas,  maman,  c'est  très  joli  :  il  y  a  des  anges  autour  de 
moi.  » 

Elle  mourut  (de  méningite  tuberculeuse),  le  9  juin  de  cette  année  ; 
quatre  mois  et  demi  après  la  mort  de  Louise  F... 

Tel  est  le  récit  que  m'a  fait  F.  F...  frère  de  Lili.  Ses  souvenirs 
sont  très  précis,  ils  m'ont  été  confirmés  par  sa  sœur  G.  F...,  et  sa 
mère.  Personne  dans  la  famille  de  Lili,  famille  qui  vivait  très 
retirée  en  une  petite  ville,  ne  connaît  l'anglais  ni  les  sciences  psy- 
chiques. 

Je  me  contente  de  mentionner  ces  deux  fajts  étranges  sans  en 
trouver  ni  en  chercher  quelque  explication. 

Voici  un  fait  raconté  par  W.  Stainton  Mosks,  qui  ressemble 
quelque  peu  au  cas  du  petit  Ray  et  de  la  petite  Lili  l. 

Miss  H. . .  fille  d'un  ministre  anglais,  donnait  des  soins  à  un  enfant 
mourant.  Dans  la  chambre,  à  côté  du  lit  du  malade,  un  berceau  où 
reposait  le  frère  du  malade,  un  petit  garçon  de  trois  à  quatre  ans. 
Au  moment  de  l'agonie  de  son  frère,  il  se  réveille,  s'assoit  sur  son 
lit,  montre  du  doigt  le  plafond,  et,  le  visage  rayonnant  d'une  joie 
extatique,  dit  :  «  Maman  !  quelles  belles  dames  il  y  a  autour  de  mon 
frère!  qu'elles  sont  belles!  Elles  veulent  le  prendre  ».  A  ce  moment 
même  le  petit  enfant  expirait. 

Un  fait  analogue  a  été  rapporté  par  M.  Pelusi,  bibliothécaire  de 
la  Bibliothèque  Victor  Emmanuel  à  Rome  2. 

Il  s'agit  d'une  petite  fille  de  trois  ans,  à  demi  paralysée.  Hippolyte 
Notari.  Elle  est  dans  la  chambre  où  son  petit  frère,  âgé  de  quatre 
mois,  est  mourant.  Il  y  a,  dans  cette  chambre,  le  père,  la  mère,  la 
grand'mère  des  deux  enfants.  Soudain,  quelque  quinze  minutes 
avant  la  mort  du  malade,  la  petite  Hippolyte,  qui  était  dans  son  lit, 


1.  Cité  par  Bozzano,  Délie  apparizioni  di  defunti  al  letto  di  morte  {Luce  e 
Ombra,  XX,  1920,19. 

2.  Cité  par  Bozzano,  Luce  e  ombra,  1920,  XX,  20. 


AUTO-PRÉMONITIONS  453 

tend  les  bras  et  dit  :  «  Maman,  regarde  la  tante  Olga  ».  (La 
tante  Olga  était  une  jeune  fille,  sœur  de  Mad.  Notari,  qui 
s'était,  il  y  a  un  an,  tuée  pour  un  désespoir  d'amour.)  Les 
assistants  émois  demandèrent;  «  Mais  où  est-elle,  la  tante 
Olga  ?  »  L'enfant  dit  :  «  Là,  là,  »  et  elle  essaye  de  descendre  du  lit 
pour  embrasser  sa  tante.  A  toute  force  elle  veut  aller  au-devant 
d'elle.  On  laisse  la  petite  Hippolyte  descendre,  elle  court  à  une 
chaise  vide,  et  elle  est  décontenancée,  parce  que  la  vision  s'est 
transportée  à  un  autre  point  de  la  chambre.  L'enfant  se  retourne, 
et  dit  :  «  Mais  elle  est  là,  la  tante  Olga  »  en  montrant  un  angle 
de  la  chambre.  Puis  elle  se  tranquillise,  et  à  ce  moment  le  petit 
bébé  meurt. 

De  pareils  faits  sont  très  importants.  Ils  s'expliquent  par  les  théo- 
ries spirites  beaucoup  mieux  que  par  la  simple  hypothèse  d'une 
cryptesthésie.  Même  il  me  paraît  que  de  tous  les  faits  invoqués 
pour  faire  admettre  la  survivance,  ils  sont  les  plus  troublants.  J'ai 
donc  tenu  à  les  mentionner  scrupuleusement.  Pourtant,  malgré 
leur  apparence  spiritoïde,  ces  faits  sont  impuissants  à  me  faire  con- 
clure que  les  consciences  des  défunts  assistent,  sous  la  forme  de 
fantômes,  à  la  mort  de  leurs  proches  (!  !  !). 

D'autres  cas,  cités  par  Bozzano  (cas  IX  et  X)  ne  me  semblent  pas 
devoir  être  retenus  ;  car  annoncer  qu'on  mourra  dans  cinq  ans, 
c'est  une  indication  beaucoup  trop  vague  pour  avoir  quelque 
intérêt. 

(J.  —  Auto-prémonitions  de  mort  accidentelle. 

Pour  ces  cas  on  ne  peut  pas  supposer  quelque  ingérence  sub- 
consciente organique,  et  le  caractère  est  nettement  d'une  prémoni- 
tion métapsychique. 

On  trouvera  une  dizaine  de  cas  anciens  de  ces  prémonitions,  trop 
anciens  pour  qu'aucune  critique  puisse  en  être  faite,  et  qu'une  con- 
clusion formelle  puisse  s'en  dégager1. 

M.  D...  (cas  XIII)  rêve  qu'il  est  à  une  auberge  où  il  rencontre  des 
amis  à  lui,  tous  décédés.  On  lui  fait  promettre  qu'il  reviendra  les 
voir  exactement  dans  six  semaines.  Réveillé,  M.  D...  raconte  son 

1.  A.  S.  P.,  1898,  VII,  316. 


454  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

rêve  en  plaisantant.  Six  semaines  après,  exactement,  M.  D ...  est  tué 
par  un  accident  de  cheval. 

S'il  n'y  avait  que  ce  cas  dans  la  science,  on  ne  devrait  admettre 
que  la  coïncidence,  mais  l'explication  par  le  hasard  peut  toujours 
être  adoptée,  et  il  y  en  a  trop  pour  que  le  hasard  joue  toujours  un 
si  grand  rôle  dans  notre  vie.  Le  hasard,  c'est  le  Dieu  des  igno- 
rants. 

Armand  Garrel  voit  en  rêve  sa  mère  vêtue  de  deuil,  qui  pleure. 
«  Cest  pour  toi  que  je  pleure,  mon  fils  »,  lui  dit-elle.  Or,  le  jour 
même  de  ce  rêve,  Armand  Carrel  écrivait  dans  le  National  le  célèbre 
article  qui  lui  valut  un  duel  avec  Emile  de  Girardin,  duel  où  il  fut 
tué. 

Nulle  valeur  prémonitoire  à  ce  rêve,  car  Armand  Carrel  pouvait 
supposer  que  l'article  (qu'il  méditait]  n'était  pas  sans  péril  pour 
lui. 

Le  cas  suivant,  encore  qu'il  ne  soit  pas  tout  à  fait  une  auto-pré- 
monition, mérite  de  s"en  rapprocher  •  car  il  s'agit  d'un  médecin  qui 
a  prévu  la  mort  de  son  enfant.  Peut-être  certains  signes,  atteignant 
son  inconscience,  ont-ils  permis  ce  pronostic  (?) 

Le  Dr  de  Sermyn  voit  en  rêve  son  enfant,  de  quatre  ans,  tomber 
dans  le  poêle,  et  périr  brûlé,  carbonisé.  Il  se  réveille,  court  à  la 
chambre  de  son  enfant,  qui  dormait  paisiblement.  «  Dieu  merci,  se 
dit-il,  ce  n'est  qu'un  rêve.  »  La  nuit  passée,  l'enfant  est  toujours  bien 
portant,  sans  aucun  trouble.  Mais  ce  même  jour,  à  midi,  il  est  pris 
de  fièvre  assez  forte.  Alors,  hanté  par  le  souvenir  de  son  rêve, 
M.  de  S...  comprend  que  son  fils  est  perdu.  Pourtant  un  confrère, 
appelé,  déclare  que  la  maladie  est  sans  gravité.  Mais  d'heure  en 
heure  la  maladie  s'aggrave  (une  broncho-pneumonie  généralisée) 
et  le  quatrième  jour  l'enfant  meurt. 

Ici  encore,  comme  pour  beaucoup  de  cas  de  monitions,  je  serais 
pour  ma  part,  ainsi  queFR.  Myers,  ainsi  queBozzANo,  tenté  de  croire 
qu'il  s'agit  là  de  phénomènes  d'ordre  métapsychique,  mais  la 
démonstration  rigoureuse  est  impossible. 

1.  Contribution  à  l'étude  des  facultés  cérébrales  méconnues,  p.  29. 


PRÉMONITIONS  4b:i 

Le  Dr  von  Gudden  (cas  XV),  avant  de  partir  pour  le  château  de 
Hochenswaugen,  rêve  qu'il  se  noie  et  se  débat  avec  un  homme  au 
fond  de  l'eau,  et  il  raconte  ce  rêve  à  sa  femme.  Quelques  jours 
après,  il  est  trouvé  au  fond  de  l'eau,  noyé  avec  le  roi  Louis  de 
Bavière. 

Ici  la  prémonition  est  évidente. 

Elle  l'est  encore  plus  dans  le  cas  suivant,  un  des  plus  remar- 
quables (cas  XVII). 

En  1895,  M.  Lukawski,  de  Pétersbourg,  employé  supérieur  au 
ministère  de  la  Marine  (ce  qui  ne  signifie  pas  du  tout  qu'il  prenait 
souvent  la  mer)  rêve  qu'il  est  à  bord  d'un  grand  navire,  qu'il 
y  a  collision,  qu'il  tombe  à  l'eau,  qu'il  se  trouve  dans  l'eau  avec 
un  passager,  et  que  finalement  il  se  noie. 

A  partir  de  ce  moment,  il  est  convaincu  qu'il  mourra  dans  un 
naufrage,  et  met,  comme  si  la  mort  était  proche,  ses  affaires  en 
ordre.  Pourtant,  au  bout  de  quelques  mois,  déjà  le  souvenir  de  ce 
rêve  s'affaiblissait,  quand  soudain  il  reçoit  l'ordre  de  partir  pour 
un  port  de  la  mer  Noire.  Cela  rappelle  son  rêve.  Il  part,  disant  à  sa 
femme  :  «  Tu  ne  me  reverras  plus  ;  quand  je  serai  mort,  prends  le 
deuil,  mais  pas  ce  voile  noir  que  je  déteste...  »  Deux  semaines  après, 
le  Vladimir,  navire  sur  lequel  M.  Lukawski  s'était  embarqué,  entre 
en  collision  avec  un  autre  navire,  et  M.  Lukawski  fut  noyé.  Un  passa- 
ger du  Vladimir,  M.  Henicke,  qui  a  réchappé,  a  raconté  qu  il  se 
trouva  pendant  quelques  instants  sur  une  bouée  de  sauvetage  avec 
M  Lukawski. 

Mad.  Dudlay,  de  la  Comédie  Française,  raconte  une  scène  spiri- 
tique,  où  Irène  Muza  était  médium.  Irène,  en  1908,  se  met  à  pleurer 
quand  il-  est  question  de  ce  qui  se  passera  en  1909,  et  dit  :  «  C'est 
horrible  »  mais  ne  précise  pas  davantage.  Elle  mourut  brûlée  vive, 
le  23  février  1909.  Or,  cette  prémonition  est  trop  vague  pour  avoir 
quelque  autorité. 

La  petite  fille  de  M.  Domenico  Fleres,  conseiller  à  la  Cour  d'Appel 
de  Palerme  (âgée  de  huit  ans),  quand  elle  part  pour  Messine,  dit  à 
sa  grand'mère  :  «  Adieu,  grand" maman,  nous  ne  nous  reverrons 


456  MÈTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

plus!...  »  Quelques  heures  avant  la  catastrophe  de  Messine,  quand 
sa  mère  lui  mettait  des  chaussettes  de  nuit,  l'enfant  lui  dit  :  «  Pour- 
quoi me  mets-tu  ces  chaussettes  de  mort  ?  »  et  elle  répéta  «  mes  chaus- 
settes de  mort  ».  Elle  mourut  dans  la  catastrophe  de  Messine 
(cas  XVIII). 

Un  enfant  (cas  XIX)  âgé  de  douze  ans,  s'était  vu  couché  dans  un 
cercueil,  il  raconte  ce  qu'il  voit  dans  un  état  de  demi  hypnotisme. 
Huit  jours  après  il  se  noya  dans  un  lac. 

Le  cas  n'est  pas  très  démonstratif,  car  l'enfant  était  maladif,  et 
on  peut  admettre  un  suicide. 

Les  auto-prémonitions  sont  toujours  un  peu  suspectes,  car  assez 
souvent  une  explication  uon  métapsychique  peut  être  donnée. 
Cependant,  parfois,  comme  pour  lecasLoKAwsia,  comme  pour  le  cas 
Banister,  comme  pour  le  cas  von  Gudden,  il  y  a  prémonition  cryp- 
testhésique  évidente. 

§  3.  -  -  DES  PRÉMONITIONS  PROPREMENT  DITES 

Nous  appelons  prémonitions  véritables  celles  pour  lesquelles  on 
ne  peut  supposer  ni  interférence  organique  inconsciente,  ni  inter- 
vention de  la  volonté,  ni  auto-suggestion. 

Au  lieu  de  suivre  la  classification  de  E.  Bozzano,  je  classerai  les 
prémonitions  en  trois  groupes,  selon  qu'il  s'agit  :  1°  de  prémonition 
dans  l'hypnotisme;  2°  de  prémonition  dans  le  spiritisme,  en  appe- 
lant prémonitions  spiritiques  les  cas  où  une  personnalité  étran- 
gère, un  guide  ou  un  esprit,  a  paru  dicter  la  prémonition  ;  3°  de 
prémonition  accidentelle  (survenant  chez  des  normaux,  à  l'état  de 
veille  ou  à  l'état  de  rêve). 

Les  prémonitions,  dans  l'hypnotisme  et  dans  le  spiritisme,  sont 
moins  fréquentes,  peut-être  moins  intéressantes,  que  les  prémoni- 
tions accidentelles.  D'ailleurs,  comme  pour  les  monitions,  il  est  dif- 
ficile de  faire  la  démarcation  rigoureuse;  car,  chez  les  médiums,  il 
y  a  un  état  de  demi-hypnose,  et  d'autre  part,  même  en  dehors  des 
séances,  leurs  prédictions  paraissent  quelquefois  guidées  par  un 
esprit.  Souvent  aussi  les  personnes  normales,  au  moment  de  la 
prémonition,  tombent  dans  une  sorte  d'auto-hypuotisme. 


PRÉMONITIONS  457 

a.  —  Prémonitions  dans  V hypnotisme. 

La  voyante  de  Prévorst,  dont  l'état  psychologique  fut  d'une 
médium  plutôt  que  d'une  somnambule,  a  donné  maintes  prophé- 
ties racontées  par  J.  Kerner(XXV°  cas  de  B). 

Bozzano  en  cite  cinq.  La  plus  frappante  est  celle-ci. 

Elle  rêva  que  Mad.  L. . . ,  qu'elle  n'avait  jamais  vue,  venait  à  elle  eu 
pleurant  avec  un  enfant  mort  dans  ses  bras.  Six  semaines  plus 
tard,  cette  dame  accouchait,  et  elle  perdait  son  enfant. 

Dans  une  autre  circonstance,  la  voyante  (cas  GV  de  B...)  a  vu  en 
rêve  un  individu  à  elle  connu  et  qui  venait  de  mourir;  il  était  sou- 
cieux de  lui  parler  de  sa  fille  qu'un  événement  grave  menaçait. 
Quatre  semaines  plus  tard,  cette  jeune  fille  recevait  une  tuile  sur  le 
crâne,  ce  dont  elle  faillit  mourir. 

Le  Dr  Rostan  (XXVIIIe  cas  de  B...)  dit  qu'une  somnambule, 
endormie,  prédit  qu'une  sienne  amie,  qui  n'était  pas  bien  malade, 
va  mourir  d'hémorragie  dans  six  jours  exactement,  ce  qui  fut  vrai, 
aussi  bien  pour  l'hémorragie  que  pour  la  date. 

x  Le  Dr  Liébault  (XXIXe  cas  de  B...)  cite  une  jeune  fille  nommée 
Julia,  qui,  en  novembre  1883,  prédit  la  mort,  avant  le  1er  janvier, 
d'une  certaine  personne  qui  n'était  nullement  malade.  Et  en  effet, 
cette  dame  mourut  le  31  décembre. 

Le  Dr  Liébault  (cas  LV  de  B...)  raconte  aussi  le  fait  suivant, 
remarquable  et  souvent  cité.  En  1879,  chez  une  somnambule, 
M.  L...  apprend  qu'il  perdra  son  père  dans  un  an,  qu'il  sera  soldat, 
qu'il  se  mariera,  qu'il  aura  deux  enfants,  et  qu'il  mourra  à  vingt- 
six  ans.  D'abord  cela  se  réalisa,  jusqu'à  la  mort  exclusivement. 
Alors,  comme  l'approche  de  l'événement  fatal  l'avait  jeté  dans  une 
hypocondrie  angoissante,  M.  Liébault  prescrit  une  contre-consulta- 
tion, machinée  par  avance,  qui  rassure  complètement  L...  Mais,  dit 
M.  Liébault,  on  n'échappe  pas  à  sa  destinée,  et  M.  L...  mourut  à 
vingt-six  ans. 

Mad.  G.  de  Montebello  m'a  raconté  le  fait  suivant.  En  1884  (avril 
ou  mai)  elle  rencontra  par  hasard,  chez  une  sienne  amie,  une  som- 


458  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

narabulequi  lui  prédit  qu'une  personne  qui  lui  est  chère  va  périr 
d'un  affreux  accident.  Mad.  de  Montebello,  très  émue,  lui  dit  : 
«  Est-ce  que  c'est  ma  grand' mère?  »  —  «  Non!  dit  la  somnambule, 
ce  n'est  pas  votre  grand'mère,  c'est  une  personne  qui  vous  touche 
de  très  près,  et  qui  périra  écrasée  par  un  mur  tombant  sur  elle.  » 
Quelques  semaines  après,  la  tante  de  Mad.  de  Montebello,  ma 
mère  chérie,  Mad.E.  A.  Richet,  périssait  le  7  juin  1884,  écrasée  par  le 
mur  d'un  barrage  qui  s'effondrait  et  l'ensevelissait  sous  ses  débris. 

/ 

Le  Dr  Osty  reçoit,  en  1912,  d'une  somnambule,  qu'il  voyait  pour 
la  première  fois,  les  indications  suivantes  :  «  Vous  habitez  une 
petite  ville  du  centre  de  la  France  :  votre  chambre  est  sur  une 
petite  place.  De  là  vous  vous  rendez  à  votre  bureau  :  des  hommes 
vont  et  viennent.  C'est  une  perpétuelle  allée  et  venue.  Que  de 
papiers  !  Vous  les  regardez,  vous  écrivez,  vous  les  rendez  !  Que  de 
feuilles  de  papier  !  »  Or,  en  1914,  M.  Osty  était  nommé  médecin 
chef  à  Vierzon,  ville  du  centre  :  il  était  logé  dans  une  maison  répon- 
dant à  la  description  donnée  :  il  a  eu  pendant  la  guerre  une  besogne 
administrative  qui  consistait  surtout  à  signer  des  papiers  divers. 
En  1912,  rien  ne  pouvait  lui  faire  prévoir  ces  fonctions. 

Une  somnambule  clairvoyante  (cas  LXXVI  de  Bozzano)  prédit  en 
1887  que  Marie  Thiérault  mènera  «  une  vie  de  jouissance  qui 
s'achèvera  d'une  manière  épouvantable,  devant  les  trois  lunes  qui 
suivront  celles  du  14  janvier  1907.  Il  ne  m'est  pas  donné  de  voir  la 
date  terrible,  mais  celle  du  14  janvier  surgit  devant  moi,  et  je  vois 
resplendir  la  pleine  lune.  »  Le  18  janvier  1907,  Maria  Thiérault, 
qui  menait  plus  ou  moins  la  vie  d'une  femme  galante,  fut  assas- 
sinée par  son  amie  Lucette  Joquelet.  Lucette  Joquelet  passa  en 
cour  d'assises,  et  son  défenseur  produisit  comme  pièce  à  décharge 
la  consultation  de  1887. 

Il  s'agit  là,  comme  on  voit,  d'une  prémonition  admirable  et 
imprévue.  On  ne  peut  soutenir  en  effet  que  la  consultation  somnam- 
bulique  de  1887  a  été  fabriquée  de  toutes  pièces  pour  les  besoins  de 
la  cause.  Le  témoignage  est  parfaitement  authentifié. 

Lady  A...  (cas  LXXVII de  B...)  va  consulter  Mad.  d'E...,  somnam- 


PRÉMONITIONS  459 

bule  et  devineresse,  pour  un  vol  qui  lui  avait  été  fait.  La  somnam- 
bule, sans  que  Laely  A...  lui  ait  indiqué  le  moins  du  monde  la 
nature  de  la  consultation  demandée,  lui  dit  qu'il  s'agit  d'un  vol  de 
billets  de  banque,  et  elle  ajoute  que  le  voleur  subirait  dans  deux 
ans  la  peine  capitale.  Elle  ne  peut  l'indiquer  que  très  vaguement. 
Ce  n'est  que  longtemps  après  qu'on  apprit  quel  était  l'auteur  du 
vol,  le  trop  fameux  Marchandon,  qui,  deux  ans  après,  pour  assas- 
sinat, subit  la  peine  capitale. 

Le  récit  complet  de  cette  étonnante  prémonition  est  tout 
entier  à  lire,  car  il  s'y  trouve  quantité  de  détails  extrêmement 
curieux. 

Lady  Burton  (cas  XCIV  IV  de  B...)  raconte  qu'étant  jeune  fille 
(s'appelant  Isabelle  Ardndell)  elle  rencontra  une  bohémienne  qui  lui 
prédit  par  écrit  :  «  Vous  traverserez  la  mer,  et  arriverez  dans  la  ville 
où  se  mûrit  votre  destin.  En  vous  mariant  vous  porterez  le  nom  de 
notre  tribu  et  vous  en  serez  fière  (Burton)  ».  Étonnante  prédiction 
(surtout  quant  au  nom  de  Burton). 

Quoiqu'il  soit  nécessaire  de  n'accepter  qu'avec  réserve  les  récits 
métapsychiques,  racontés  par  des  littérateurs,  il  est  difficile  de  ne 
pas  accorder  quelque  foi  au  récit  que  nous  fait  Arsène  Houssaye 
dans  ses  Confessions  (p.  425).  Il  s'agit  de  sa  sœur  Cécile,  à  qui 
jadis,  à  Toulon,  une  sorte  de  prophétesse  italienne  avait  prédit  : 
«  La  mer  vous  sera  mauvaise  ».  Cécile,  en  1870,  pour  cette  raison, 
avait  voulu  rester  en  France,  et  non  partir  pour  l'Angleterre.  Le 
10  octobre  1870,  elle  va  faire  une  promenade  à  la  pointe  de  Pen- 
march  ;  le  spectacle  des  vagues  déferlant  contre  les  rochers  était 
grandiose.  Soudain  s'élève  une  lame  de  fond  qui  couvre  le  promon- 
toire et  emporte  dans  l'abîme  Cécile  Houssaye  et  trois  jeunes 
femmes  qui  étaient  avec  elle. 

Le  Dr  A.  Wallace  (cas  CVIII  de  B...)  reçoit  chez  lui  Mad.  Paulet, 
clairvoyante,  qui  dit  à  M.  Wallace  fils,  jeune  homme  de  vingt  ans, 
qui  étudiait  la  chimie  :  «  Il  y  aura  une  explosion  dans  votre  labo- 
ratoire, en  février  ou  mars,  et  quelqu'un  sera  blessé.  »  Un  autre 
clairvoyant,  le  20  janvier,  répète  la  même  prédiction.  Or  le  9  mars 


460  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

une  explosion  formidable  bouleversait  le  laboratoire  et  blessait 
grièvement  un  des  jeunes  chimistes. 

Malgré  l'autorité  de  A.  Wallace,  je  ne  puis  guère  considérer  cette 
soi-disant  prémonition  que  comme  une  coïncidence.  Mais  je  la  rap- 
porte tout  de  même,  ne  fût-ce  que  pour  mettre  les  psychologues  en 
garde  contre  une  tendance  à  considérer  comme  métapsychique  un 
avertissement  de  prudence  donné  à  un  jeune  chimiste. 

M.  R..,  rêve  le  25  mai  qu'une  somnambule  lui  dit  :  «  Votre  père 
mourra  le  2  juin  (1900)  ».  Le  lendemain  il  raconte  ce  rêve  à  ses 
parents  chez  qui  il  habitait,  et  tous  en  rient,  car  M.  R...  père  était 
en  bonne  santé.  Le  lur  juin,  en  assistant  à  un  enterrement,  M.  R... 
plaisante  sur  le  rêve  de  son  fils,  et  dit  :  «  Si  je  dois  mourir  demain, 
je  n'ai  pas  beaucoup  de  temps  à  perdre.  »  A  23  heures,  le  1er  juin, 
il  se  couche,  nullement  indisposé  ;  mais  bientôt  il  est  pris  de  suffo- 
cation aiguë,  etil  meurt  presque  subitement  le  2juin,  vingt  minutes 
après  minuit. 

Le  Dr  Charles  Roux  a  noté  trois  étonnantes  prémonitions  (faites 
par  trois  somnambules  différentes),  à  une  même  personne. 

Mad.  A...,  femme  du  D1'  A...,  par  hasard  trouva  une  somnambule 
qui  lui  dit  :  «  Dans  peu  de  temps  vous  aurez  un  grand  deuil,  une 
catastrophe  dans  votre  famille  ».  Un  peu  troublée,  elle  alla  voir 
une  seconde  somnambule,  qui  lui  dit  :  «  La  maladie  de  vos  enfants 
(de  votre  fille)  va  se  produire  d'ici  peu  :  douleurs  dans  le  ventre  ; 
elle  sera  opérée,  mais  elle  guérira  ».  La  troisième  somnambule,  à 
qui  Mad.  A...  remet  son  gant,  dit  :  «  Ce  gant  a  été  touché  par  une 
personne  qui  est  très  malade,  qui  sera  très  malade.  Le  ventre  est 
atrocement  douloureux  ;  c'est  une  douleur  diffuse,  il  y  a  du  pus, 
c'est  une  péritonite,  mais  elle  guérira.  » 

De  fait,  dix  jours  après  cette  dernière  prédiction,  la  fille  de 
Mad.  A...,  âgée  de  quinze  ans,  qui  était  en  parfaite  santé,  est  brus- 
quement atteinte  de  péritonite  suraiguë.  Il  faut  l'opérer  presque 
immédiatement,  et  on  trouve  du  pus  (pneumocoque)  dans  le  péri- 
toine. Malheureusement,  contrairement  à  la  prédiction,  la  pauvre 
enfant  mourut. 

Ce   cas  d'une  prémonition  due  à  trois  personnes  différentes,  est 


PRÉMONITIONS  461 

des  plus  remarquables,  non  seulement  à  cause  de  la  haute  valeur 
scientifique  du  Dr  Gh.  Roux,  très  averti  sur  les  phénomènes  scienti- 
fiques, et  nullement  crédule,  qui  la  recueilli  avec  un  soin  extrême, 
mais  encore  parce  qu'il  y  a  accord  entre  les  trois  seusitives.  Cela 
permet  de  supposer,  non  qu'elles  étaient  exceptionnellement  sensi- 
tives,  mais  qu'il  y  avait  un  phénomène  extérieur  (lequel  ?),  très  puis- 
sant, qui  leur  a  permis  de  prévoir  la  maladie  de  la  fille  de  Mad.  A. . . 

Le  somnambule  Alexis  a  donné  un  magnifique  cas  de  lucidité 
(cas  CXI  de  Bozza.no)  et  de  prémonition.  En  1847,  Alexis  dit,  dans 
un  voyage  (somnambulique)  qu'il  fait  à  Rome,  en  passant  devant 
le  Panthéon  :  «  Ce  monument  aura  par  la  suite  une  destination 
plus  solennelle  et  toute  italienne  ».  Bozzano  insiste  avec  raison  sur 
l'étrangeté  de  cette  prédiction,  faite  en  1847,  imprimée  en  1867,  à 
un  moment  où  personne  ne  pouvait  prévoir  que  le  Panthéon  était 
réservé  aux  cendres  des  Rois  de  toute  l'Italie,  Que  pouvait-on 
normalement  dire  sur  la  destination  du  Panthéon  en  1847? 

Alice  m'a  donné  deux  beaux  phénomènes  de  prémonition  (dans 
son  sommeil  hypnotique). 

Le  10  décembre  1886  *,  elle  me  parla  de  quelqu'un  qui  sera 
malade  avant  peu,  et  gravement  malade.  «  Est-ce  un  de  mes  enfants, 
un  de  mes  proches,  un  de  mes  amis  ?. —  Non  !  non  !  mais  ne  traitez 
pas  cela  légèrement,  cela  vous  donnera  beaucoup  d'ennuis...  Ce 
n'est  ni  un  de  von  proches,  ni  un  de  vos  amis,  ni  une  femme,  ni 
un  enfant  »,  et  elle  ajoute  ces  paroles  que,  rentré  chez  moi,  je 
transcris  fidèlement  :  «  Il  aura  des  frissons,  une  fièvre  assez  forte 
avec  des  tremblements,  des  étouffements,  des  frémissements  de  fièvre, 
comme  des  coliques  dans  le  ventre.  (Et  avec  les  mains  elle  indique 
les  reins).  Sa  fièvre  se  déclarera  sans  grandes  souffrances,  il  y 
aura  un  abattement,  une  lassitude  extrême:  la  tête  sera  prise  ». 

Huit  jours  après,  vers  le  18  décembre,  mou  collègue,  Eugène  Yung, 
qu'AncE  ne  connaît  absolument  pas,  directeur  de  la  Revue  bleue, 
associée  à  la  Revue  scientifique,  est  pris,  malgré  une  bonne 
santé  apparente,  de  fièvre,  frissons,  coliques  néphrétiques,  dues  à 
un  abcès  des  reins.  La  maladie  fait  des  progrès  rapides.  L'infection 

1.  Relation  de  diverses  expériences,  P.  S.  P.  R.,  1888,  181. 


402  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

urinaire  survient,  puis  les  douleurs  disparaissent  par  suite  du  coma 
urémique  (la  tête  sera  prise,  avait  dit  Alice). 

La  mort  de  M.  Yung  m'a  causé  beaucoup  d'ennuis.  J'ai  eu  de 
très  gros  soucis  dus  à  la  mort  inopinée  de  mon  éminent  collègue. 
Ma  position  comme  directeur  de  la  Revue  scientifique  a  été  sur  le 
point  d'être  compromise. 

Je  dois  dire  d'ailleurs  que  j'avais  complètement  oublié  la  pré- 
monition donnée  par  Alice  (prémonition  inscrite  cependant  dans 
mes  notes),  quand  Alice,  apprenant  par  les  journaux  la  mort  de 
M.  Yung  et  les  difficultés  qui  suivaient  sa  mort,  m'a,  dans  l'état 
hypnotique,  rappelé  la  remarquable  prédiction  qu'elle  avait  faite. 

L'autre  prémonition  d'ALicE  est  plus  extraordinaire  encore. 
Comme  elle  est  inédite,  je  dois  la  donner  avec  tous  les  détails 
nécessaires. 

J'avais  coutume  de  la  laisser  quelques  heures  en  sommeil  hypno- 
tique ;  elle  restait  ainsi  absolument  immobile.  Il  m'a  semblé  qu'a- 
lors, quand  je  revenais,  deux  ou  trois  heures  après,  la  clairvoyance 
était  plus  développée.  Or,  ce  jour-là,  elle  me  dit,  quand  je  reviens, 
que  quelque  chose  de  grave  va  se  passer  :  «  Vous  allez  avoir  une 
colère,  une  colère  très  violente,  extrêmement  violente.  Il  y  a  des 
gens  là,  là  et  là  »  et  elle  indique  avec  la  main  comme  s'il  y  avait 
trois  ou  quatre  personnes  tout  autour  de  moi...  Cela  ne  m'émeut 
guère,  car  je  n'ai  pas  l'habitude  de  me  mettre  en  colère.  Mais  elle 
insiste,  elle  insiste  tant,  elle  est  tellement  troublée  que  je  suis 
forcé  de  la  réveiller.  Il  était  14  heures,  un  mercredi. 

Or,  ce  même  jour,  à  18  heures,  je  vais  aux  bureaux  de  la  Revue 
scientifique,  111,  boulevard  Saint- Germain,  pour  corriger  les 
épreuves  du  journal,  avec  le  Dr  Héricourt,  secrétaire  de  la  Revue 
scientifique.  Henri  Ferrari,  directeur  de  la  Revue  Bleue,  était  là 
aussi  à  corriger  les  épreuves  de  la  Revue  Bleue.  Et  nous  étions 
là,  tous  les  trois,  attentifs  à  ce  travail  absorbant,  quand  arrive  un 
des  collaborateurs  de  la  Revue  (lequel  par  parenthèse  est  devenu 
mon  confrère).  Il  nous  regarda,  un  peu  étonné.  Je  lui  dis  : 
«  Accordez-nous  quelques  minutes  ;  nous  aurons  bientôt  fini.  »  Il 
se  promène  en  long  et  en  large  pendant  que  nous  corrigeons  nos 
épreuves.  Alors  je  ne  sais  quelle  étrange,  quelle  invraisemblable 


PRKMONITIONS  463 

lubie  lui  passe  par  la  tête  :  il  se  campe  devant  Henri  Ferrari,  et 
lui  dit  :  «  Vous  me  faites  l'effet  d'un  roitelet,  et,  vous  savez,  je 
m  f...  de  vous.  »  Je  vois  H.  Ferrari  pâlir,  muet,  stupéfié,  ne  com- 
prenant pas.  Alors  une  colère  furieuse  me  prend,  et,  frappant  la 
table,  je  dis  à  X...  «  Et  vous,  vous  n'êtes  que  le  dernier  des  voyous. 
Sortez  !  »  Je  vais  à  la  porte,  et  je  l'ouvre. 

Le  soir  X...  m'envoyait  une  lettre  où  il  me  proposait  un  duel 
(c'est  la  seule  provocation  à  un  duel  que  j'aie  reçue).  Bien  entendu 
j'ai  laissé  sa  lettre  sans  réponse,  et  à  quelques  années  de  là  nos 
relations  ont  repris,  excellentes. 

Ce  qui  importe,  ce  n'est  pas  cette  médiocre  et  absurde  histoire, 
c'est  ce  fait  curieux  d'un  événement  invraisemblable,  absolument 
invraisemblable,  ayant  provoqué  eu  moi  une  très  légitime  et  très 
violente  colère  (une  des  plus  légitimes  et  des  plus  violentes  que 
j'ai  eues  dans  ma  longue  vie),  colère  que  quatre  heures  auparavant 
Alice  m'avait  annoncée,  en  me  désignant  du  doigt,  deux,  trois, 
quatre  personnes  autour  de  moi. 

p.  —  Prémonitions  spiritiques. 

Les  prémonitions  que  j'appellerai  spiritiques  ne  sont  pas  toujours 
nettement  différentes  des  autres.  Ce  qui  les  caractérise,  c'est  que 
le  sujet,  au  lieu  de  rester  passif  et  d'être  pendant  sa  vie  normale, 
de  veille  ou  de  rêve,  envahi  parle  phénomène  métapsychique,  fait 
effort  pour  connaître  les  choses  à  venir,  soit  .par  la  planchette,  soit 
par  l'écriture  automatique,  soit  par  la  psychométrie,  soit  par  la 
vision  dans  le  cristal.  C'est  une  expérience  qu'il  fait,  ce  n'est  pas 
un  accident  qu'il  subit. 

Mad.  Piper,  ou,  si  l'on  veut,  Phinuit,  -a  fréquemment,  soit  pour 
les  maladies,  soit  pour  les  morts,  soit  pour  de  petits  événements, 
fait  des  prophéties  qui  se  sont  réalisées  (cas  XXI  à  XXIV  de  B... 

Le  10  mai  1892,  Phinuit  dit  que  le  frère  de  M.  T...,  que  Mad.  Piper 
ne  connaissait  pas,  aune  maladie  des  reins,  que  le  cœur  s'arrêtera 
et  qu'il  ira  alors  dans  le  monde  des  esprits.  En  effet,  on  constata, 
quelque  temps  après,  que  M.  T...,  avait  une  maladie  des  reins, 
ignorée  des  médecins.  Il  mourut  de  syncope  pendant  son  sommeil, 
le  3  septembre  1892. 


464  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Le  Dr  Louis  Cohen,  de  Saint-Louis  (États-Unis)  rend  visite  à 
Mad.  Léonard,  qui  lui  dit  :  «  Votre  père  est  mort  (et  elle  lui  décrit 
exactement  son  père)  vous  allez  être  appelé  par  un  télégramme  pour 
retourner  en  Amérique.  »  C'était  le  20  avril.  Le  23  avril  M.  Cohen 
recevait  par  télégramme  la  nouvelle  que  sou  père  venait  de  mourir, 
et  qu'il  fallait  revenir  en  Amérique. 

M.  S.  Shaw  (XLI  de  B...)  cite  le  fait  d'uue  médium  profession- 
nelle de  Londres,  qui  lui  dit  «  Votre  mère  est  morte  »  (ce  qui  était 
faux).  Elle  se  reprend  et  dit  :  «  Elle  mourra  d'ici  à  trois  mois.  Elle 
est  bien  portante  en  ce  moment.  Pourtant  le  travail  la  fatigue  et 
elle  a  besoin  de  se  coucher  dans  la  journée.  Sa  mort  sera  subite.  » 

Deux  mois  après,  M.  S. . .  recevait  une  lettre  de  sa  mère,  lui  disant 
qu'elle  était  en  excellente  santé,  mais  qu'elle  avait  besoin  de  se 
coucher  dans  la  journée. 

Elle  mourut  subitement  deux  mois  et  demi  après  la  prémo- 
nition. 

E.  M...,  secrétaire  de  W.  Stead,  était  de  santé  délicate  et  de  désa- 
gréable humeur.  Stead  songeait  à  s'en  séparer.  Julia,  le  guide  de 
W.  Stead,  dans  le  sens  spiritique  du  mot,  écrivit  en  janvier  (par  la 
main  de  Stead  :  «  Soyez  patient,  elle  viendra  nous  rejoindre  à  la 
fin  de  Vannée.  »  Et  cette  prédiction  fut  répétée  à  maintes  reprises. 
En  juillet,  E.  M...  fut  très  malade.  Julia  écrivit  :  «  Elle  guérira,  mais 
succombera  avant  la  fin  de  Vannée.  »  En  décembre,  E.  M...  eut  l'in- 
fluenza  et  Julia  écrivit  :  «  Elle  ne  viendra  pas  ici  d'une  façon  natu- 
relle, mais  ce  sera  avant  la  fin  de  Vannée.  »  Le  10  janvier,  E.  M... 
était  extrêmement  malade  et  Julia  écrivit  :  «  Je  puis  ni1  être  trompée 
de  quelques  jours,  mais  tout  ce  que  j'ai  dit  est  vrai  :  faites-lui  vos 
adieux.  »  Le  12  janvier,  dans  un  accès  de  délire,  E.  M...  se  jeta  par 
la  fenêtre  et  succomba. 

Un  ami  de  M.  Stead,  M.  Tracy,  venant  de  l'Inde  en  Angleterre, 
pour  y  séjourner  longtemps,  avait  tout  disposé  pour  une  série  de 
conférences  sur  le  libre  échange  et  autres  sujets,  à  Manchester 
et  ailleurs.  Julia,  par  l'intermédiaire  de  Stead,  lui  dit  d'abord 

1.  A.  H.  P.,  XIV,  120. 


PRÉMONITIONS  465 

qu'il  retournera  dans  l'Inde  avant  la  fin  de  l'année.  Le  14  août,  elle 
le  redit  encore,  et  le  10  août.  Le  II  septembre,  elle  répète  que 
M.  Tkacv  va  partir,  malgré  les  dénégations  formelles  de  M.  Tbacy. 
Mais,  un  mois  après,  M.  Tracy  est  appelé  dans  l'Inde  par  nue 
maladie  grave  d'un  des  siens,  et,  contrairement  à  toute  prévision, 
il  part  avant  la  fin  de  l'année1. 

Une  médium  non  professionnelle,  petite-fille  du  célèbre  physio- 
logiste Tiedemann  de  Heidelberg,  prédit  à  un  jeune  homme  M.  S... 
(qui  ne  fit  qu'en  rire,  car  c'était  invraisemblable)  qu'il  devien- 
drait sénateur  des  États-Unis  dans  l'État  de  Missouri.  Deux  ans 
après..  M  S...  qui  demeurait  dans  leWisconsin,  fut  amené  à  s'établir 
dans  le  Missouri,  et  quelque  temps  après  il  fut  nommé  sénateur. 

Uu  médecin  distingué  de  Païenne,  M.  Carmelo  Samona,  très 
au  courant  des  sciences  métapsychiques,  perd  en  mars  1910  sa 
petite  fille  Alexandrine,  de  cinq  ans.  Mad.  Samona  est  presque  folle 
de  douleur.  Trois  jours  après,  elle  voit  en  rêve  sa  petite  fille  morte, 
qui  lui  dit  :  «  Je  ne  t'ai  pas  quittée,  je  suis  devenue  petite  comme 
cela  »  et  elle  lui  montre  quelque  chose  de  très  petit.  Une  nouvelle 
grossesse  de  Mad.  Samona  était  d'autant  plus  invraisemblable  qu'elle 
avait  dû  subir  l'année  précédente  une  grave  opération  ovarienne. 

Le  10  avril,  Mad.  Samona  se  rend  compte  qu'elle  est  enceinte.  Le 
4  mai,  par  l'intermédiaire  d'ALEXANDRixE  (morte  et  se  communiquant 
par  la  table)  il  est  dit  que  Mad.  Samona  est  enceinte  de  deux 
enfants  (deux  filles),  dont  l'une  sera  absolument  ressemblante  à 
Alexandrine.  Cette  étonnante  prédiction  se  réalise.  Une  des  petites 
jumelles  avait,  comme  Alexandrine,  une  hypérémie  à  l'œil  gauche, 
une  légère  séborrhée  à  l'oreille  droite,  avec  asymétrie  de  la  face  2. 

A  vrai  dire  cette  prémonition  semblerait  faire  supposer  un  autre 
phénomène,  celui  que  les  spirites  appellent  la  réincarnation.  Mais 
sur  ce  problème  troublant,  le  pi  us  obscur  de  toute  la  métapsychique, 
nous  n'avons  que  des  données  si  fragiles,  si  incomplètes,  qu'au  point 
de  vue  scientifique  rigoureux  c'est  encore  le  néant. 

1.  W.  Stead.  My  expérience  in  automatic  writing,  Borderland,  1804,  II,  43. 

2.  Duciiatef,  pt  Wabcolubh,  Les  miracles  de  la  volonté  (p.  2?.9),  d'après  Filoso- 
fia  dp.lla  scienza,  le  journal  du  L)r  N.  Cvldkhone. 

Richet.  —  Métapsychique.  30 


466  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Le  Dr  E.  Walleh  l  a  raconté  un  fait,  peu  important,  qui  semble 
témoigner  qu'il  a  eu  quelques  cryptesthésies.  ]1  voit  dans  le  cristal 
une  dame  qu'il  connaissait,  Mad.  D...,  avec  un  personnage  qu'il  ne 
connaissaitpas,  et  peude  jours  après,  dans  des  conditions  tragiques 
qui  se  sont  terminées  par  un  vrai  drame,  il  rencontra  Mad.  D... 
accompagnée  de  ce  même  persounage,  dans  l'endroit  que  la  vision 
par  le  cristal  lui  avait  moutré. 

En  février  1890,  Mad.  R.  V...  va  consulter,  poussée  par  une  force 
irrésistible  (?),  Zuleika,  devineresse  professionnelle.  Zuleika  dit  à 
Mad.  V...  que  M.  V.,  son  mari,  va  partir  pour  l'Afrique  du  Sud, 
qu'il  mourra  dans  cette  année  même  (eu  novembre)  et  qu'il  faut  qu'il 
arrange  ses  affaires  et  ses  papiers,  testaments  et  assurauce  ;  sinon 
il  en  résultera  de  graves  dépenses  et  de  multiples  ennuis  pour  tous. 
Le  départ  de  M.  V...,  départ  qui  n'était  pas  certain,  eut  lieu.  En 
novembre  1890,  malgré  sa  santé  vigoureuse,  il  mourait  en  Afrique. 
Mad.  V...,  n'ayant  pas  pris  les  précautions  nécessaires,  indiquées 
par  Zuleika,  eut  de  multiples  ennuis  et  de  graves  dépenses...  «  des 
conséquences  désastreuses  »,  dit-elle  (cas  LIV  de  B...). 

La  prémonition  de  Zuleika  avait  été  notée  par  Mad.  V...  sur  son 
agenda,  en  février  1890. 

Le  fait  suivant  est  authentifié  par  de  nombreux  témoignages  (cas 
LVIet  LV11  deB...). 

Le  22  avril  1877,  la  fille  aînée  de  M.  Maxkield,  directeur  d'hôtel 
très  connu  à  New-York,  dit  au  Dr  Anthony  de  New-York  (qui  a 
inscrit  cette  prophétie  dans  ses  notes)  :  «  Je  viens  d'entendre  une 
voix  qui  m'a  dit  à  l'oreille,  très  clairement  :  tu  mourras  la  première; 
après  toi,  Harry  ;  puis  ton  père,  et  le  Dr  Anthony  se  trouvera  présent 
à  chaque  occasion.  »  Cependant,  ces  trois  personnes  désignées 
étaient  en  parfaite  santé. 

Or  cette  prophétie  précise  se  réalisa  ;  le  9  novembre  1879,  pour  la 
fille  aînée;  le  22  juin  1884,  pour  Harry;  le  2  juillet  1884,  pour 
M.  Maxfield.  Le  D1'  Anthony  était  présent  à  ces  trois  morts. 

1.  A.  S.  I'.,  1905,  XV,  133-141.  —  Une  aventure  romanesque  dans  le  cristal. 


PRÉMONITIONS  467 

Une  prophétie  fut  faite  par  un  médium  à  la  fille  aînée  de  West- 
land  Makston.  ce  Tu  mourras  la  première,  puis  Nelly,  puis  Philip, 
puis  entiu  votre  mère.  »  Et  cela  se  réalisa. 

M.  Paige  va,  sans  se  faire  connaître,  trouver  une  médium,  qui 
lui  douue  le  nom  de  sa  femme  Élise  Anne  et  le  nom  de  Maiue,  sœur 
de  sa  femme.  Elle  décrit  exactement  la  maladie  (très  grave)  d'ÉLisE 
Anne,  et  prédit  à  M-  Paige  que  dans  trois  jours  Elise  Anne  verrait 
sa  mère  (morte)  à  son  chevet  (ce  qui  s'est  vérifié). 

Une  dame,  que  connaît  Mad.  H...  Sidgwigk  (cas  LXVII  de  B...)  va 
consulter  uue  médium  qui  lui  dit  :  «  Vous  avez  sur  vous  mie  photo- 
graphie où  il  y  a  vos  enfants  »  (ce  qui  était  vrai)  ;  elle  en  indique 
deux  en  disant  :  «  Ceux-là  sont  morts  »  (ce  qui  était  exact)  et  en 
montrant  un  autre  :  «  Celui-ci  va  être  bientôt  des  nôtres,  et  sa  mort 
sera  brusque  ».  Quelques  semaines  après  le  fils  aîné  de  cette  dame, 
âgé  de  dix-sept  ans,  était  tué  dans  une  partie  de  foot-ball. 

J.  Maxwell  a  publié  (cas  LXXIII  de  B...)  la  prémonition  remar- 
quable que  m'a  donnée  Mad.  X...  Mad.  X...  en  qui  s'était  incarnée 
la  personnalité  de  mon  ami  Antoine  B...  mort  depuis  longtemps, 
m'avait  prédit  la  mort  de  la  veuve  d'ANToiNE  B...  (devenue  par  un 
second  mariage  Mad.  L...).  Alors  Mad.  L...  était  en  excellente 
santé.  Or,  en  regardant  quelques  mots  de  son  écriture,  Mad.  X... 
me  dit  :  «  Je  vois  le  chiffre  7,  ce  gui  veut  dire  que  Mad.  L...  va  mourir 
bientôt  ».  En  effet,  Mad  L...  (queMad.  X...  ne  connaissait  absolu- 
ment pas)  mourait  juste  sept  semaines  après  cette  prédiction. 

La  prémonition  alla  plus  loin.  Le  8  juillet  1903,  Mad  X... 
m'écrivit  :  «  Quelqu'un  me  dit  {??)  que  Vun  des  fils  de  Mad.  L.  devra 
mourir  avant  que  deux  ans  soient  passés.  Je  suppose  qu'il  s'agit  de 
Jacques  B...  mais  cela  ne  m'a  pas  été  dit  ». 

Or,  dans  la  nuit  du  23-24  décembre  1904,  à  23  heures,  Louis  B... 
et  Olivier  L...  (le  beau-fils  de  Mad.  L...)  furent  victimes  d'une  grave 
catastrophe  au  chemin  de  fer  du  Nord.  Le  premier  fut  sauvé 
par  miracle  ;  le  second,  Olivier,  fut  tué  du  coup. 

1.  E.  Bozzano,  A.  S.  P.,  mars  1906,  p.  169. 

2.  Amer.  S.  P.  R.,  XIV,  1920,  320. 


468  métapsychique  subjective 

De  fait  la  prémonition  devient  plus  exacte  encore  que  je  ne  l'indi- 
quais à  cette  époque.  Olivier L...  tué  par  la  catastrophe  du  chemin 
de  fer  du  Nord,  n'était  pas  le  fils,  mais  le  beau-fils  de  Mad.  L...  La 
fatalité  de  nos  existences  est  inexorable.  Mad.  L...  avait  un 
fils,  Gilbert  L...  qui  mourut  subitement,  peu  de  temps  après,  d'uue 
syncope  cardiaque  consécutive  à  une  légère  diphtérie  qui  parais- 
sait presque  guérie. 

Quelques  faits  de  prémonition  ont  été  signalés  par  Rémy  *,  d'autant 
plus  intéressants  à  signaler  que  Rémy  se  donne  dans  son  livre  la 
tâche  de  démontrer  que  presque  tous  les  phénomènes,  dits  spirites, 
sont  dus  à  des  farceurs  qui  réussissent  à  illusionner  des  spec- 
tateurs naïfs.  Mad.  X...  fille  d'un  inspecteur  primaire  de  Lot-et- 
Garonne,  s'amusait  à  faire  parler  une  table  devant  quelques 
amis.  «  Demandez  à  quelle  époque  je  prendrai  ma  retraite  ».  dit 
M.  X...  en  plaisantant.  «  Dans  huit  jours  »,  répondit  la  table,  ce  qui 
fit  rire  tout  le  monde  ;  car  M.  X  ..,  âgé  de  quarante-cinq  ans,  était 
en  excellente  santé,  et  ue  songeait  nullement  à  quitter  ses  fonc- 
tions. 

Or,  M.X...  mourut  presque  subitement  quarante-cinq  jours  après. 

Je  me  permettrai  défaire  remarquer  que  M.  Rémy,  si  sévère  pour 
les  expériences  des  autres,  est  bien  indulgent  pour  cette  prémoni- 
tion, qui  ne  prouve  absolument  rien. 

Un  éminent  écrivain,  Paul  Adam  (cas  XCI  de  B...)  pouvait  écrire 
automatiquement  des  messages  que  lui  transmet,  dit-il,  l'Étrangère. 
«  Un  soir,  X Étrangère  dit  à  un  des  amis  de  P.  Adam,  célibataire 
endurci  :  «  Dans  quatre  ans  tu  te  marieras,  ta  fiancée  habite  tel 
numéro,  avenue  Marceau.  »  Or,  à  ce  moment  ce  numéro,  de  l'avenue 
Marceau  était  en  pleine  démolition. 

Quatre  ans  après,  à  l'hôtel  qui  fut  construit  là,  l'ami  de  Paul 
Adam  voyait  pour  la  première  fois,  dans  une  réception  nuptiale,  une 
jeune  fille  avec  laquelle  il  se  fiança  et  se  maria. 

Le  cas  suivant,  très  étrange,  est  un  des  plus  remarquables  de 
toute  la  littérature  métapsychique  (cas  GXII  de  B...). 

1.  Spirites  el  illusionnistes,  in-12°,  Paris,  Leclercq,  1911,  130. 


PRÉMONITIONS  469 

Le  11  décembre  1901,  Mad.  Vkrrall écrit  par  l'écriture  automa- 
tique :  «  II  ne  faut  rien  négliger,  les  faits  les  plus  insignifiants  peu- 
vent servir  ;  aie  confiance...,  le  froid  était  glacial,  et  une  bougie 
répandait  une  pâle  lumière.  Il  lisait  Marmontbl,  couché  sur  un  sofa 
ou  sur  le  lit  à  la  lumière  d'une  simple  bougie.  Elle  s'en  souviendra 
certainement  (il  s'agit  probablement  de  Mad.  Sidgwick);  le  livre  lui 
était  prêté ,  Une  lui  appartenait  point-» .  Mad.  Vbrrall,  le  17  décembre, 
eut  un  second  message  :  «  Le  nom  de  Marmontbl  est  exact...  un  livre 
français,  je  crois  que  c'étaient  ses  mémoires.  Le  nom  Passy  peut 
aider  à  se  rappeler  Passy  ou  Fleury.  Le  l'ivre  était  relié  en  deux 
volumes,  et  il  l'avait  en  prêt,  relié  à  l'ancienne.  Le  nom  de  Mar- 
montel  n'est  pas  sur  la  couverture.  » 

Or,  le  1er  mars,  un  ami  de  Mad.  Vbrrall,  M.  Marsh,  raconta  à  table, 
chez  Mad.  Verrall,  qu'il  avait  lu  les  mémoires  de  Marmontbl,  à 
Paris,  par  une  nuit  glaciale(daus  la  soiréedu  20  au  "21  février)  à  la 
lumière  d'une  bougie,  une  fois  coucbé  dans  son  lit,  une  autre  fois 
étendu  sur  deux  chaises,  qu'il  avait  parlé  de  son  contenu  avec  ses 
amis  de  Paris,  que  l'ouvrage  (les  Mémoires)  était  en  trois  volumes, 
mais  qu'il  n'en  avait  pris  que  deux,  en  prêt  à  la  Bibliothèque  de 
Londres,  et  que  le  21  février  il  avait  lu  le  chapitre  où  Marmontbl 
raconte  la  découverte  d'une  peinture  faite  à  Passy,  découverte  à 
laquelle  se  rattache  le  nom  de  Fleury. 

Ainsi  voici  une  série  d'événements  qui  ont  été  prédits,  dans  leurs 
détails  les  plus  minuscules,  et  les  plus  imprévoyables,  comme  certes 
la  lecture  des  Mémoires  de  Marmontbl  (que  personne  ne  lit  jamais)  à 
la  lueur  d'une  bougie  ;  ils  se  sont  passés  le  21  février  1902,  et  ont  été 
annoncés  le  11  décembre  1901. 

Mad.  FREER(cas  G  deB...),  regardant  dans  le  cristal,  voit,  à  l'exté- 
rieur de  la  petite  fenêtre  de  sa  chambre,  une  figure  d'homme  enve- 
loppée de  quelque  chose  d'indéfinissable,  qui  regarde. 

Trois  jours  après,  comme  il  y  avait  un  incendie,  un  pompier 
arriva  par  cette  petite  fenêtre,  avec  la  figure  enveloppée  d'un  linge 
mouillé.  C'était  tout  à  fait  l'image  qu'elle  avait  vue. 

J.  Maxwell  a  cité  un  intéressant  cas  de  prémonition.  A...  dans 
le  cristal  a  vu  un  grand  steamer  à  trois  bandes  horizontales,  noire, 


470  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

blanche  et  rouge,  portant  le  nom  de  Leutschland,  enveloppé  de  fumée 
et  sombrant,  avec  des  passagers  et  des  gens  en  uniforme  courant 
de  tous  côtés  sur  le  pont.  Huit  jours  après,  les  journaux  annon- 
çaient qu'une  chaudière  du  Deutschland  avait  éclaté. 
A...  ne  s'occupait  nullement  des  choses  maritimes. 

On  ne  peut  guère  parler  des  prédictions  relatives  à  la  graude 
guerre  de  quatre  ans  :  car  elles  sont  toutes  très  vagues,  sauf  celle  de 
Saurel,  qui  sera  indiquée  plus  loin.  Malgré  le  soin  avec  lequel  Hyslop 
les  a  recueillies,  les  prémonitions  de  Mrs  Chenoweth  sont  bien 
incertaines  ;  c'est-à-dire  qu'une  intelligence  normale  humaine  aurait 
pu  dire  à  peu  près  tout  ce  qu'a  dit  Mrs  Chenoweth. 

Quant  aux  prémonitions  non  détaillées,  dans  lesquelles  des  évé- 
nements graves  (en  général  des  morts),  ont  été  annoncés  par  des 
bruits  violents,  des  coups,  il  y  en  a  de  nombreux  cas,  très  peu  pro- 
bants, évidemment  l.  Je  me  contenterai  d'indiquer  le  cas  suivant, 
qui  est  curieux,  celui  du  Rév.  Trever  Bail  Wood  qui  a  entendu,  la 
veille  de  la  mort  de  son  père,  trois  coups  bien  distincts  sur  les  che- 
nets de  sou  feu.  Le  même  T.  B.  Wood  à  entendu,  le  20  octobre  1919, 
des  coups  très  forts,  que  sa  servante  Gjril  a  entendus  aussi.  Alors 
il  a  dit  :  «  Ce  sont  les  coups  des  Wood  »  (It  is  the  Wood  Knockings)  : 
«  quelqu'un  va  mourir  ».  Trois  jours  après  une  de  ses  cousines, 
jusque-là  tout  à  fait  bien  portante,  mourait  subitement. 

y.  —  Prémonitions  accidentelles. 

J'appelle  accidentelles  les  prémonitions  qui  surviennent  chez  des 
sujets  normaux,  sans  qu'il  y  ait  quelque  expérimentation,  sans 
vision  par  le  cristal,  sans  mains  sur  la  planchette,  sans  écriture 
automatique.  C'est  la  prémonition  qui  va  les  trouver,  à  l'improviste, 
et  les  surprendre. 

Ces  prémonitions  inopinées  sont  aussi  les  plus  intéressantes. 
Elles  sont  en  général  plus  remarquables  et  aussi  plus  nombreuses 
que  les  prémonitions  expérimentales. 

Nous  les  classerons,  avec  Bozzano,  de  la  manière  suivante  : 

A.  —  Prémonitions  de  maladies  ou  de  morts  ; 

1.  Mvbrs,  P.  S,  P.  R.,  XI  et  Kingsford,  loc.  cit.,  161. 


PREMONITIONS  471 

a.  Morts  ou  maladies,  dues  à  des  causes  naturelles  ; 
/;.  Morts  dues  à  des  causes  accidentelles; 
c.  Morts  se  produisant  traditionnellement  en  uue  famille. 
IL  — Prémonitions  d'événements  divers. 

•('.  —  Prémonitions  de  maladies  ou  morts 
dites  à  des  causes  naturelles. 

Miss  B...  est  très  inquiète  sur  la  santé  de  son  père,  que  les  méde- 
cins assurent  être  très  légèrement  malade  ;  c'est  une  angoisse  qui 
ne  la  quitte  pas.  Elle  se  hâte  toujours  de  rentrer  et  ne  rentre  qu'en 
courant,  tant  elle  a  peur  d'apprendre  un  malheur.  Cela  dure  plu- 
sieurs jours  ainsi.  Un  jour  son  père  tombe  brusquement  foudroyé 
par  l'apoplexie. 

Ce  cas  n'a  absolument  rien  de  probatoire,  puisque  à  divers  symp- 
tômes Miss  B...  pouvait  sans  doute  deviner  la  maladie  de  son  père. 
Nous  le  citons  seulement  pour  indiquer  qu'il  ne  faut  à  aucun  prix, 
comme  on  le  fait  trop  souvent,  mentionner  des  cas  semblables 
comme  ayant  quelque  importance  (cas  XXVII de  B...). 

M.  Salvatore  Balsamo  au  chevet  de  son  beau-frère  malade,  quelque 
temps  avant  que  celui-ci  meure,  entend  dans  la  pièce  voisine  un  bris 
de  vaisselle  et  de  verres.  Diverses  personnes,  qui  étaient  aussi  auprès 
du  mourant,  entendent  ce  fracas,  et  constatent  qu'il  y  a  de  grands 
coups  forts,  frappés  sur  la  terrasse,  dont  il  est  impossible  de  trouver 
la  cause  naturelle  (cas  XXXI  de  B...). 

Là  encore  la  prémonition  est  trop  vague,  et  la  mort  du  beau- 
frère  de  M.  Balsamo  trop  probable  pour  que  ce  récit  soit  à  retenir. 
De  pareils  cas  ne  seront  instructifs  qu'après  qu'on  en  aura  réuni 
et  méthodiquement  étudié  un  graud  nombre. 

La  sœur  de  Mad.  Baker  (cas  XXXIII  de  B...)  voit  un  cercueil  devant 
le  piano  de  son  salon  :  elle  tombe  presque  évanouie  en  racontant 
cette  vision.  Trois  semaines  après,  une  autre  des  sœurs  de  Mad. 
Baker  meurt,  et  on  met  son  cercueil  juste  devant  le  piano,  à  la 
place  que  sa  sœur  avait  vue. 

Moritz  raconte  l'histoire  du  pasteur  Ulrici  qui  voit  en  rêve  un 


472  METAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

sien  ami,  mort.  Il  raconte  ce  rêve  à  sa  femme,  va  à  l'église  et  fait  son 
sermon  habituel,  poursuivi  toujours  par  la  ténacité  de  son  rêve.  Dans 
la  journée  il  voit  venir  une  servante  du  village  de  R...  où  demeurait 
le  pasteur  son  ami,  qui  le  prie  de  venir  baptiser  un  enfant.  «  Pour- 
quoi ri  est-ce  pas  le  pasteur,  mon  ami.  —  Parce  qu'il  ne  peut  pas.  — 
C'est,  dit  M.  Umici,  qu'il  vient  de  mourir  x.  » 

Ainsi  le  pasteur  Ulrich  a  vu  la  mort  de  X...  onze  heures  avant  la 
mort  de  X...,  et  dans  les  conditions  exactes  où  la  mort  a  eu  lieu. 

Le  Rév.  Dulley  raconte  que  Mad.  Jones,  veillant  son  enfant 
malade,  aux  premiers  jours  de  septembre,  voit  trois  petits  cercueils 
mis  dans  un  char,  deux  blancs  et  un  bleu  pâle.  Le  2  octobre,  meurt 
le  petit  Pierue  Jones,  et  en  même  temps  meurt  aussi  le  petit  garçon 
d'une  voisine.  Les  deux  enterrements  se  font  le  même  jour,  en  deux 
cercueils  blancs.  Au  dernier  moment  on  amène  un  troisième  cer- 
cueil bleu  pâle  :  c'est  celui  d'un  enfant  mort  dans  la  même  paroisse, 
et  que  Mad.  Jones  ne  connaissait  pas.  Quand  le  troisième  cercueil 
apparut,  Mad.  Jones  s'écria:  «  Voilà  mon  rêve  ».  Elle  avait  d'ailleurs, 
le  matin  même  de  la  nuit  où  était  survenu  ce  rêve,  raconté  tout  à 
son  mari. 

M.  Adrien  Dufilhol-  raconte  que  son  grand-père  entend  une  voix 
qui  lui  dit  :  «  Une  mort  dans  la  famille.  »  —  «  Est-ce  moi,  qui  suis 
le  plus  vieux  ?  »  pensa  mentalement  le  grand-père.  —  «  Non,  répondit 
la'  voix,  c'est  Adolphe  Planes  (Adolphe  Planes  était  le  frère  de 
Mad.  Dufilhol).  De  fait,  Adolphe  Planes  n'était  alors  nullement 
malade  :  deux  mois  après  il  mourait  presque  subitement. 

Voici  un  cas  de  prémonition  qu'il  est  difficile,  mais  non  impos- 
sible, d'attribuer  à  une  coïncidence.  M.  Lauritzen3  n'a  jamais  écrit 
sur  son  carnet  de  notes  qu'un  seul  rêve  :  «  J'ai  rêvé  il  y  a  trois 
jours  que  F.  F...  serait  libre  dans  quatre  ans  »  de  mot  «  être 
libre  »  signifie  mourir/.  A  ce  moment,  M.  F.  F...  était  en  par- 
faite santé. 

1.  Cité  par  Passavant,  Unters.  ùber  tien  Lebmmagnetismus,  2e   édit.,  p.   13ô, 
Francfort,  1837. 

2.  Cité  par  Flammahion,  Loc.  cit.,  538. 

3.  Case  of  Dream,  Journ.  S.  P.  R.,  décembre  1911,  173. 


PRÉMONITIONS  473 

Il  est  mort  quatre  ans  et  quatre  jours  après  le  rêve  de  M.  Lauritzen. 

La  prémonition  suivante  est  uu  peu  vague,  mais  elle  est  d'un 
symbolisme  très  intéressant.  Mad.  Munro  '  le  26  octobre  1917  rêve 
de  son  fils,  qui  est  officier  aviateur  eu  Palestine.  Elle  le  voit  grave- 
ment blessé  au  front,  et  elle  entend  une  voix  qui  dit  :  «  II  a  mangé 
une  glace  ;  c'est  ce  qui  lui  a  donné  une  congestion  à  la  tête.  »  Puis 
elle  voit  son  fils  comme  lorsqu'il  avait  11  à  12  ans.  Alors  il  ne  pou- 
vait manger  de  glaces,  car  elles  lui  dounaient  des  douleurs  de  tête 
très  vives.. Mad.  Munro  fut  tellement  émue  de  ce  rêve  qu'elle  dut 
appeler  le  matin  un  médecin  qui  la  trouva  alors  malade  d'émotion. 
Le  2  nov.  1917  le  fils  de  Mad.  Munuo  était  tué  par  une  balle  à  la  tète. 

Mad.  Morrisson,  à  Wëllesley,  dans  les  Indes,  entendit  une  voix 
qui  lui  disait  :  «  Lorsque  à  la  onzième  heure  les  ténèbres  se  conden- 
seront, la  mort  passera.  »  Mad.  Morrisson,  qui  était  au  lit,  se  releva 
épouvantée  :  la  même  voix  répéta  lentement,  délibérément,  les 
mêmes  paroles. 

Deux  jours  après,  la  fillette  de  Mad.  Morrisson  tombait  malade,  très 
gravement.  Pendant  huit  journées,  il  n'y  avait  pas  un  nuage  dans 
le  ciel  ;  mais  soudain,  le  huitième  jour,  se  déchaîna  un  orage  ter- 
rible. La  maison,  quelques  minutes  avant  onze  heures,  devintcom- 
plètement  sombre.  La  petite  fille  mourut  à  13  heures  (cas  XXXV 
deB...)2. 

Voici  un  cas  d'un  symbolisme  étrange  (cas  XXXVIII  de  B ...).  Le 
15  juin,  Mad.  Z...  rendant  visite  à  une  de  ses  amies,  voit  (en  ima- 
gination) à  côté  d'elle,  un  homme  inconnu  qui  lui  plonge  un  couteau 
dans  le  côté  gauche.  Elle  raconte  cela  au  professeur  Andrew  Lang, 
qui  lui  dit  eu  riant  :  «  Je  parie  cent  livres  sterling  que  celte  vision  ne 
sera  pas  réalisée  ». 

Eu  automne,  Mad.  Z...,  rendant  visite  à  son  amie,  rencontre  dans 
l'escalier,  à  sa  grande  stupeur,  la  figure  de  l'homme  qu'elle  avait 
vu.  Son  amie  était  mourante,  et  la  personne  qu'elle  avait  vue  était 
le  chirurgien  qui  lui  avait  fait  une  opération  au  côté  gauche  de  la 
poitrine. 

1.  J.  S.  P.  R.,  décembre  1920,  272. 

2.  A.  S.  P.,  1907,  XVIII  712. 


474  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Mad.  Buscarlet  écrit  à  Mad.  Moratief,  le  11  décembre,  une  lettre 
qui  a  été  conservée  :  «  J'ai  fait  un  drôle  de  rêve.  Nous  étions,  vous 
et  moi,  dans  la  campagne,  quand  passa  une  voiture  d'où  sortit  une 
voix  gui  nous  appela.  C'était  Olga  Popof,  qui  nous  dit  :  «  Je  vous  ai 
«  appelée  pour  vous  dire  que  Mad.  Mitghinoff  quitte  l'Institut  le  17.  » 

Deux  semaines  après,  Mad.  Mitchixoff  mourait  dune  diphtérie 
aiguë  le  16,  et  le  17,  à  12  heures  du  matin,  on  portait  son  corps  dans 
une  chapelle  voisine,  par  crainte  de  la  contagion  l. 

Il  s'agit  là  d'un  des  plus  beaux  cas  de  prémonition;  car  il  est 
rigoureusement  authentifié,  et  d'une  précision  qui  rend  impos- 
sible toute  coïncidence. 

Mad.  L...  2  sait  qu'un  sien  ami,  M.  C...,  estassez  malade.  Dans  Ta 
nuit  du  lundi  au  mardi,  elle  rêve  que  le  médecin  de  M.  C...  vient 
lui  dire,  gravementet  tristement  :  «M.  C...  mourra  jeudi  à  4  heures.  » 
Elle  se  réveille  et  dit  tout  haut  :  «  Jeudi  à  4  heures  ».  Alors  son  mari 
lui  dit  :  «  Que  voulez-vous  dire  en  parlant  tout  haut,  et  en  disant 
jeudi  à  4  heures  ?  » 

De  fait,  M.  C...,  le  jeudi,  se  rétablit,  et  parut  en  pleine  guérison. 
Mais  le  jeudi  suivant,  il  mourait  à  4  heures  exactement. 

Mad.  Campbell  (XLVI  de  B...)  rêve  qu'elle  se  trouve  à  un  enter- 
rement pendant  une  rafale  de  neige.  Elle  ne  peut  lire  le  nom  gravé 
sur  le  cercueil,  mais  aperçoit  des  fleurs  en  abondance,  et  au  centre 
de  ces  fleurs  un  grand  bouquet  de  roses.  Elle  raconte  ce  rêve  :  on 
lui  dit  que  ce  sera  sans  doute  une  mauvaise  nouvelle.  Or,  vingt 
minutes  après,  elle  reçoit  un  télégramme  qui  la  rappelle  à  Montréal. 
Sa  sœur  était  en  effet  assez  malade. 

Quelques  mois  plus  tard,  elle  mourait.  On  l'enterra  (dans  le  déchaî- 
nement d'une  rafale  de  neige  aveuglante).  Son  cercueil  était  couvert 
de  fleurs  :  au  centre  était  un  bouquet  de  roses  aux  couleurs  vives. 

Alexandra  S...,  âgée  de  neuf  ans,  étant  à  Trieste,  voit  tout  d'un 
coup,  au  moment  où  elle  allait  sortir  pour  la  promenade,  un  cata- 

1.  Ce  cas  est  rapporté  avec  des  observations  critiques,  que  je  ne  puis  partager 
—  car  elles  me  paraissent  très  insuffisantes  —  par  Flournoy,  dans  les  Arch.  de 
Psychologie  de  Genève,  1904.  Voir  uussi  A.  S.  /».,  1907,  XVII,  710. 

2.  J.  S.  P.  /?.,  décembre  1906,  340. 


PRÉMONITIONS  475 

falque  noir  et  un  cadavre.  Terrifiée,  elle  se  jette  en  pleurant  dans 
les  bras  de  sa  mère  en  disant  :  «  Maman,  maman,  quelqu'un  est 
mort  ». 

Tous  autour  d'elle  étaient  en  parfaite  santé.  Mais,  trois  jours  après, 
le  père  d'Ai.EXANDRA  est  pris  d'un  malaise  dans  la  nuit.  Alexandra, 
regardée  par  son  père,  a  un  pressentiment  étrange,  et  dit  à  sa  mère  : 
«  Quand  on  doit  mourir,  comment  regarde-t-on?  »  M.  S...  mourait 
quelques  instants  après1. 

Voici  un  cas  excellent  à  cause  de  la  multiplicité  des  détails 
invraisemblables  exactement  prédits. 

La  duchesse  de  Hamilton  a  vu,  en  une  sorte  de  vision,  Lord  L ... 
(qu'elle  ne  connaissait  que  de  vue  et  qu'elle  ne  savait  pas  malade) 
étendu  sur  un  fauteuil,  comme  inanimé,  et  un  homme  à  barbe  rousse 
penché  sur  lui.  Il  y  avait  une  baignoire  éclairée  par  une  lampe 
rouge.  Tel  fut  le  récit  fait  par  la  duchesse  dk  Hamilton  au  Dr  Gooper 
qui  soignait  Lord  L... 

LordL...  se  rétablitde  sa  légère  maladie.  Mais,  quinze  jours  après, 
une  autre  maladie  grave  se  déclara.  Le  D1'  Cooper,  appelé  pour  la 
soigner,  revit  la  scène  :  Lord  L. . .  presque  inanimé  ;  une  baignoire  ; 
une  lampe  rouge  et  un  infirmier  à  barbe  rousse. 

La  bonne  foi  de  la  duchesse  de  Hamilton  et  du  D1'  Alfred  Gooper 
étant  au-dessus  de  tout  soupçon,  on  ne  peut  expliquer  cette  prémo- 
nition que  par  un  phénomène  métapsychique  ;  car  il  ne  peut  y  avoir 
là  de  coïncidence. 

Bozzano  fait  un  groupe  spécial  de  prémonitions  à  longue  échéance. 
En  voici  un  exemple  bien  remarquable. 

M.  Edisburg,  étudiant  en  médecine,  fait,  en  1859,  un  rêve  dont  il 
ne  se  rappelle  qu'une  date  :  9  juin  1864  ;  il  en  parla  au  chirurgien 
assistant  et  lui  dit  :  «  C'est  la  date  de  ma  mort,  ou  d'un  grand 
malheur  pour  moi  »  et  il  écrit  sur  le  porte-manteau  de  l'anti- 
chambre de  l'hôpital  :  «  §  juin  1864  ;  J.  F.  E.  » 

Cinq  années  se  passent.  M.  Edisburg  se  marie,  et  sa  femme  meurt 
le  9  juin  1864.  Retournant  à  l'hôpital,  M.  Edisburg  fait  constater  à 

1.  A.  S.  P.,  1899,  IX,  196. 


476  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

deux  de  ses  amis  qu'il  y  a  bien  sur  le  porte-manteau  «  9  juin 
1864». 

A  ce  magnifique  cas  de  prémonition,  si  l'on  voulait  appliquer  le 
calcul  des  probabilités,  on  pourrait  donner,  en  cinq  ans,  une  proba- 
bilité — ,  soit  à  peu  près  1  /1800  (comme  si  à  la  roulette  la  rouge 

365  x  5 

sortait  onze  fois  de  suite).  Mais  raisonner  ainsi  serait  une  lourde 
faute  contre  le  bon  sens.  Car  alors  on  ne  tiendrait  pas  compte  de  la 
cause  qui  a  présenté  à  la  pensée  de  M.  Edisburg  ce  chiffre  exact. 
Pour  reprendre  la  comparaison  avec  la  roulette,  c'est  tout  autre 
chose  que  dédire  «  je  sais  que  la  rouge  va  sortir  onze  fois  de  suite  », 
ou  bien  de  constater,  sur  de  nombreuses  séries  de  tirages,  que  la 
rouge  est  sortie  onze  fois  de  suite  l. 

Ce  qui  constitue  la  prémonition,  c'est  que  le  chiffre  a  été  indiqué, 
une  seule  fois  et  sans  erreur.  Si  dix-huit  centsétudiants  indiquaient, 
pour  les  cinq  années  à  venir,  chacun  une  date  fatale,  assurément, 
il  se  trouverait  des  coïncidences,  mais  il  n'y  en  a  eu  qu'un  ayant 
fait  cette  prévision,  et  la  prévision  a  été  juste.  On  ne  peut  parler 
de  hasard  ;  car  il  y  a  eu  une  cause  qui  a  mis  ce  chiffre  exact  devant 
les  yeux  de  M.  Edisburg. 

y".  —  Prémonitions  de  morts  accidentelles. 

On  peut  à  la  rigueur  invoquer  pour  expliquer  les  prémonitions 
de  morts  naturelles  —  au  moins  quand  elles  sont  à  brève  échéance  — 
une  sorte  de  connaissance  sur  l'état  organique  des  personnes  dont 
la  mort  (ou  la  maladie)  est  prévue.  Rien  de  semblable  pour  les 
morts  accidentelles.  De  là  l'importance  extrême  de  ces  prémonitions 
de  morts  brusques,  tragiques,  invraisemblables,  qu'aucune  perspi- 
cacité ne  pouvait  prévoir. 

Voici  deux  cas  bien  curieux  au  point  de  vue  historique.  L'un  et 
l'autre  sont  contés  dans  le  style  exquis  du  temps. 
Le  capitaine  de  Moniloc  racoute  dans  ses  Commentaires  i  qu'il  a 

1.  Au  jeu  de  la  roulette,  on  a  constaté  qu'une  fois,  Pair  et  Noire,  soit  une  pro- 
babilité de  1/4,  sont  sortis  8  fois  de  suite,  c'est-à-dire  avec  une  probabilité  totale 
de  1/64.000. 

Ce  n'est  pas  bien  extraordinaire.  Mais  c'eût  été  une  admirable  prémonition  que 
de  l'annoncer  avant  le  tirage. 

2.  (Livre  X).  Cité  par  Flammarion,  La  mort  et  son  mystère,  536. 


l'RKMONITTONS  477 

prévu,  dans  un  rêve,  la  mort  du  roi  Henri  II,  blessé  mortellement 
dans  un  tournoi,  en  1559.  «  La  nuit  devant  le  jour  du  tournoy,  à 
mon  premier  sommeil,  je  songeai  que  je  voyois  le  Roi  assis  sur 
une  chaise,  ayant  le  visage  tout  couvert  de  gouttes  de  sang  et 
ne  pouvois  descouvrir  son  mal  ni  voir  autre  chose  que  sang  au 
visage.  J'oyois  comme  il  me  sembloit  les  uns  dire  :  «  II  est  mort  »  :  les 
autres  :  «Il  ne  l'est  pas  encore  ».  Je  voyois  les  médecins  et  chirurgiens 
entrer  et  sortir  dedans  la  chambre...  et  à  mon  réveil  je  metrouvoy  la 
face  toute  en  larmes,  et  je  ne  me  peus  garder  de  pleurs  longtemps 
après.  Ma  femme  me  pensoit  réconforter,  mais  je  ne  peus  prendre 
autre  résolution,  sinon  de  sa  mort  Plusieurs  qui  sont  vivants  scavent 
que  ce  ne  sont  pas  des  contes,  car  je  le  dis  dès  que  je  fus  esveillé. 
Quatre  jours  après,  un  courrier  arriva  à  Néracqui  porta  la  lettre  au 
roy  de  Navarre  de  Monsieur  le  connestable  par  lesquelles  il  l'aver- 
tissoit  de  sa  blessure  et  du  peu  d'espérance  de  sa  vie.  » 

Un  autre  document  historique  est  rapporté  par  Flammarion. 
Nicolas  Pasquier  écrit  à  son  frère  :  «  L'an  passé,  le  trente  du  mois 
d'août,  environ  vers  lescinq  heures  du  matin,  je  songeai  que  j'étais 
auprès  de  notre  père,  qui  était  couché  dans  son  lit,  duquel  il  se 
leva  pour  se  mettre  à  genoux  afin  de  prier  Dieu,  ce  qu'il  fit  dévote- 
ment, les  mains  jointes  en  haut,  et  les  yeux  levés  au  ciel.  Sa  prière 
achevée,  il  changea  de  couleur,  et  tomba  mort  entre  mes  bras.  Je 
me  réveillai  tremblotant  et  je  le  contai  à  ma  femme,  et,  pour  en 
avoir  la  mémoire  fraîche,  étant  levé,  je  le  rédigeai  par  écrit...  Ainsi 
j'ai  vu  la  mort  de  notre  père,  un  an,  jour  pour  jour,  auparavant 
son  décès  (Etienne  Pasquier,  père  de  Nicolas,  est  mort  le  30  août  1615, 
vers  deux  heures  après  minuit)...  et  le  propre  jour  qu'il  est  mort, 
j'ay  recouvré  ce  papier,  auquel  je  n'avais  pas  pensé  depuis.  La  nou- 
velle n'est  arrivée  que  le  3  septembre  1615...  Faites  une  anatomie 
de  ce  songe,  vous  apprendrez  que  tout  ce  qui  est  survenu  en  sa  mort 
a  été  par  moi  prévu,  qu'il  ne  serait  pas  longtemps  malade  (aussi 
ne  l'a-t-il  été  que  dix  heures)  qu'il  mourrait  en  bon  chrétien,  que 
tous  les  sens  lui  demeureraient  sains  et  entiers.  » 

Certes  la  mort  prochaine  cTÉtiennk  Pasquier,  âgé  de  quatre-vingt- 
six  ans,  n'était  pas  invraisemblable.  Tout  de  même  la  coïncidence 
des  dates  n'en  est  pas  moins  assez  remarquable. 


478  MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

Le  baron  L.  Hullembach  (cas  LVIII  de  B...)  pense  à  aller  trouver 
le  célèbre  Hauer,  son  collègue,  pour  une  question  scientifique.  Dans 
la  nuit  qui  précède,  il  rêve  —  sans  rien  reconnaître  —  qu'il  voit  un 
homme  pâle  et  défaillant  soutenu  sous  les  bras  par  deux  hommes. 
Au  matin,  il  va  à  l'établissement  géologique  que  dirigeait  M.  Hauer, 
et,  ne  trouvant  pas  la  porte,  qui  est  barrée,  il  regarde  par  la  feuêtre, 
et  voit  l'image  exacte  de  son  rêve.  Hauer  venait  de  s'empoisonner 
avec  du  cyanure  de  potassium. 

Il  manque  à  cette  prémonition  la  récognition.  Peut-être  aussi 
M.  Hellembach  n'a-t-il  pas  raconté  son  rêve,  ante  eventum,  de  sorte 
qu'alors  on  peut  toujours  supposer  quelque  paramnésie.  On  peut 
aussi  admettre  qu'il  y  a  eu  télépathie.  L'agitation  mentale  de 
M.  Hauer  avant  l'exécution  de  son  suicide  est  très  capable  d'avoir 
provoqué  la  vision  de  M.  Hellembach. 

La  récognition  manque  aussi  dans  le  cas  suivant,  singulier. 

Miss  Bale  entend  constamment  dans  sa  chambre  des  coups  ana- 
logues au  tictac  d'une  horloge,  pendant  tout  le  mois  de  juin,  mais 
ces  coups  cessent  dès  que  quelqu'un  entre  dans  sa  chambre.  Au 
bout  d'un  mois  et  demi,  elle  s'y  était  habituée.  Le  12  juillet,  elle 
aperçoit  dans  sa  chambre  une  forme  humaine  debout,  les  bras  ten- 
dus, qui  bientôt  s'évanouit.  Le  23  septembre,  elle  apprend  que  son 
frère  s'est  noyé  le  12  juillet,  et,  à  partir  de  ce  moment,  les  coups  ne 
se  sont  plus  fait  entendre1. 

Fr.  Myers2  rapporte  un  beau  cas  de  prémonition  symbolique.  Le 
maréchal  lord  S...,  deux  jours  avant  que  sa  fille  tombât  malade, 
rêva  qu'il  la  priait  de  lire  Life  of  Charles  James  Fox;  mais  qu'elle 
lui  répondit  :  «  Oh!  je  n'ai  pas  besoin  de  lire  :  c'est  la  fin''  »,  et  elle 
lui  montra  à  la  dernière  page  ces  mots,  écrits  en  grands  caractères 
noirs  et  épais,  qui  remplissaient  toute  la  page  :  The  End. 

Une  autre  prémonition  a  précédé  la  mort  de  Mad.  S...  Sa  sœur 
la  vit  debout  devant  elle  lui  disant  :  «  Eemember  I  hâve  called  you, 

\.  A.  S.  P.,  1907,  XVII,  724. 

2.  The  subliminal  Self  (P.  S.  P.  R.,  1895,  XI,  442). 

3.  On  rapprochera  ces  mots  de  ceux  que  Longet  a  rêvés  (Foissac,  La  chance  et 
la  destinée). 


PRÉM0NIÎ10NS  479 

it  is  5  à1  dock,  and  noio  1  am  going  away  ;  I  am  going  away , 
remember.  » 

Les  prémonitions  de  mort  dans  lesquelles  il  y  a  comme  un  dédou- 
blement ont  été  assez  souvent  constatées  ;  nous  signalerons  le  très 
beau  cas  du  D1'  Isnard  (voir  plus  haut,  page  43o). 

M.  Boisnard  a  le  rêve  très  distinct  d'un  enterrement  d'enfant,  sor- 
tant d'une  maison  voisine.  Ce  rêve  la  haute  toute  la  journée. 

Le  soir  un  des  enfants  de  cette  maison,  âgé  de  quatre  ans,  tomba 
dans  une  douve  et  s'y  noya  (cas  LIX  de  B...). 

Le  frère  de  M.  Zipelius,  peintre  à  Mulhouse,  âgé  de  vingt-cinq 
ans,  dit  à  sa  concierge  :  «  Si  je  ne  rentre  pas  ce  soir,  allez  à  la  Morgue 
me  chercher,  j'ai  rêvé  que  j'étais  au  fond  de  Veau,  mort  et  les  yeux 
ouverts.  »  Sa  mère  avait  prévu  (comment?)  ce  malheur  :  et,  quand 
ou  lui  annonça  la  mauvaise  nouvelle,  elle  dit  :  «  Ne  continuez  pas,  je 
sais  que  mon  fils  sest  noyé.  »  Zipelius  avait  d'abord,  à  cause  de  son 
rêve,  refusé  de  se  baigner  dans  la  Moselle,  mais  le  soir  il  ne  résista 
pas,  et  c'est  ainsi  qu'il  périt  (cas  LX  de  B...). 

M.  A.  Lavaut  '  retrouve  pendant  la  guerre  un  endroit  qu'il  avait 
nettement  vu  en  rêve  eu  1911  :  il  s'était  vu  alors  avec  un  costume 
d'officier  (alors  qu'il  n'avait  jamais  été  soldat),  il  paraît  qu'il  avait 
alors  parlé  de  ce  rêve,  et  des  soldats  bleus  qui  l'entourait.  Eu  1918 
sou  rêve  se  réalisa.  Ce  n'est  certainement  pas,  dit-il  avec  raison, 
une  coïncidence.  Mais  il  est  bien  possible  que  ce  soit  une  param- 
nésie.  Il  faudrait  avoir  le  récit  de  ceux  à  qui  son  rêve  fut  raconté 
eu  1911. 

Le  dimanche  14  août  (cas  LX1  de  B...)  Mad.  Thomas  voit  en  rêve 
un  enterrement  d'enfant,  venant  de  l'asile  (deTréforest).  Cet  enter- 
rement avait  lieu  sur  le  versant  gauche,  mais  c'étaient  les  enfants  de 
l'asile  qui  portaient  le  cercueil.  Elle  raconte  le  fait  à  la  directrice  de 
l'asile  qui  lui  dit  qu'aucun  enfant  n'est  mort  dans  l'asile.  Le  mer- 
credi (17  août)  une  eufant  de  trois  ans,  n'appartenant  pas  à  l'asile, 
se  noya.  La  mère  demande  à  la  directrice  que  les  enfants  de  l'asile 

1.  Revue  spirite,  LX1I.  1919,  267. 


480  METAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

accompagneut  le  corps.  L'enterrement  se  fit  alors  en  passant  par  le 
côté  gauche  delà  colline,  comme  l'avait  vu  dans  son  rêve  Mad.  Thomas. 
A  ce  propos,  Bozzano  fait  remarquer  que  les  phénomènes  prémo- 
nitoires de  funérailles  sont  fréquents. 

Mad.  Gwendoline  Janesson  (ce  nom  est  un  pseudonyme)1  rêve 
qu'elle  voit,  dans  la  nuit  du  2  au  3  août  1919,  un  enterrement,  et 
elle  entend  une  voix  qui  lui  dit  :  «  C'est  Léonard  ».  Elle  voit  le  cor- 
tège funèbre  suivi  par  M.  V...  et  p;>r  M.  L...,  les  deux  meilleurs 
amis  de  Léonard,  son  fiancé.  Puis  elle  se  trouve  seule  devant  la 
tombe,  et  M.  L...  lui  prend  le  bras.  Elle  raconte  ce  rêve  à  sa  mère. 
Le  5  août,  elle  passe  la  journée  avec  son  fiancé  qui  paraît  être  en 
excellente  sauté.  Mais  le  0  août,  Léonard  meurt  subitement  (angine 
de  poitrine,  d'après  un  témoignage  médical).  Rien  ne  pouvait  faire 
soupçonner  la  mort  de  Léonard  qui  est  mort  subitement2. 

Pour  moi,  je  n'ai  eu  qu'un  rêve  prémonitoire.  Encore  cette  prémo- 
nition est-elle  bien  vague.  Une  nuit  (moi  qui  ne  rêve  jamais,  et  pour 
cause,  de  musique),  je  rêve  que  j'entends  très  distinctement  la 
marche  funèbre  de  Chopin.  L'impression  est  très  nette  ;  et  je  me 
demande  de  quel  éminent  personnage  je  vais  apprendre  la  mort. 
Trois  ou  quatre  jours  après,  je  suis  convié  à  un  grand  enterrement, 
et  alors  je  me  persuade  qu'il  y  a  eu  là  une  prémonition  intéres- 
sante. A  cause  de  cela  peut-être,  je  me  rends  à  cet  enterrement, 
m'attendant  toujours  à  entendre  la  marche  funèbre.  Je  fus  fort 
désappoiulé,  car  il  n'y  avait  rien  de  semblable.  Mais,  revenant  chez 
moi,  je  me  croisai  avec  un  enterrement  militaire,  et  la  musique 
jouait  la  marche  de  Chopin.  S'agit-il  là  d'uue  coïncidence  ?  C'est  très 
possible,  encore  que  je  sois  un  peu  disposé  à  croire  qu'il  y  a  eu 
plutôt  prémonition. 

Le  Dr  Haye,  à  Norwalk,  rêve  que  trois  des  jeunes  collégiens  de 
son  Institut,  se  sont  noyés,  et  il  recommande  à  ses  collègues  de 
l'Institut  une  grande  prudence.  Le  lendemain,  au  moment  du 
départ  des  enfants  pour  une  promenade,  il  renouvelle  ses  recom- 

1.  Premonitory  dream,  J.  S.  P.  R.,  février  1920,  161. 
:i.   Collnpxed  in  his  chair  and  died  of  heart  failtire. 


PRÉMONITIONS  481 

mandations.  Cependant  l'accident  se  produisit  et  trois  des  enfants 
furent  noyés  (cas  LIX  de  B...). 

Mad.  Mastro  Pietro,  paysanne  âgée,  habitant  Castel  di  Guido,  dans 
une  localité  assez  déserte,  voisine  de  Rome,  fait  toutes  les  nuits  des 
rêves  effrayants.  Elle  entend  des  plaintes,  et  distingue  les  cris  de 
sa  fille  Caroline,  mariée,  et  habitant  Rome.  Un  matin  enfin  elle  se 
décide  à  aller  à  Rome,  et  elle  arrive  à  temps  pour  apprendre  que  sa 
fille  vient  d'être  brûlée,  et  qu'elle  est  morte  depuis  quelques  ins- 
tants (cas  LXV  de  B...)- 

M.  Nolte  voit  sa  nièce  Hélène,  petite  fille  de  six  ans  (?)  écrasée 
par  un  tramway  (17  heures  30; .  Il  raconte  son  rêve,  et  recommande 
de  la  prudence  dans  la  surveillance  de  l'enfant. 

Tout  de  même,  comme  si  on  n'échappait  pas  à  la  destinée,  à 
17  heures  30,  le  même  jour,  b  petite  Hélène,  traversant  la  rue,  fut 
écrasée  et  tuée  par  le  tramway. 

Le  cas  suivant,  bien  étudié  par  J.  Hyslop  (cas  LXVIU  de  B...)  est 
d'un  intérêt  extraordinaire.  Il  pourrait  prêtera  de  nombreux  com- 
mentaires. 

En  juillet  1897,  Mad.  D...,  dont  la  fillette  Bettie  a  deux  ans, 
entend,  toutes  les  fois  quelle  pense  à  l'avenir  de  Bettie,  une  voix 
qui  lui  dit  :  «  Elle  rien  aura  pas  besoin  ».  Quand  elle  veut  acheter 
des  souliers  pour  l'enfant,  la  voix  lui  dit  :  «  Elle  rien  aurapas  besoin  » . 
A  diverses  reprises,  elle  voit  en  rêve,  ou  en  vision  à  l'état  de  veille, 
le  berceau  du  bébé  en  flammes.  Huit  jours  avant  la  catastrophe,  elle 
sent  une  odeur  de  brûlé,  et  cependant  il  n'y  a  rien  d'allumé  dans 
la  maison.  Une  heure  avant  la  catastrophe,  elle  a  l'idée  de  détruire 
les  allumettes  qui  sont  dans  la  chambre.  Mais  elle  se  dit  :  «  Je  le 
ferai  tout  à  l'heure  quand  mon  fils  sera  rentré  ».  A  10  heures  elle 
couche  Bettie  dans  son  berceau,  et  pendant  ce  temps  elle  entend 
une  voix  qui  lui  dit  :  «  Retourne  le  matelas  ».  Comme  elle  était  pressée, 
elle  dit,  en  plaisantant,  à  Bettie  :  «  Je  retournerai  le  matelas  quand 
tu  auras  fait  dodo  ». 

Peu  d'instants  après  le  berceau  était  entouré  de  flamme*s,  et  la 
petite  Bettie  mortellement  brûlée. 

Riohït.  —  Métapsychique.  31 


482  MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

Ou  a  supposé  que  l'enfant  avait  trouvé  une  allumette  dans  le 
matelas,  l'avait  fait  flamber,  et  ainsi  déterminé  l'incendie. 

Le  fait  suivant,  des  plus  remarquables,  est  dû  à  mon  savant  col- 
lègue, Thoulet,  professeur  à  la  Faculté  des  Sciences  de  Nancy1,  qui 
me  l'a  confirmé  oralement  maintes  fois. 

Thoulet,  alors  étudiant,  était  allé  en  Italie,  à  Rivazzano,  pour 
être  l'aide  d'un  jeune  ingénieur  français,  M.  F...,  dont  la  femme 
habitait  Toulon.  M.  F...  et  Thoulet  couchaient  dans  deux  chambres 
contiguës.  Soudain,  au  milieu  de  la  nuit,  Thoulet  se  lève,  entre 
dans  la  chambre  de  F...  et  lui  dit  :  «  Vous  venez  d'avoir  une  petite 
fille  :  le  télégramme  dit...  »  et  il  se  met  à  lire  un  télégramme  (imagi- 
naire) dont  il  voit  nettement  le  dessin,  car  les  mots  peu  à  peu  s'effa- 
çaient. Quelque  temps  après-,  M.  F...  recevait  cette  même  dépêche 
avec  les  mots  mêmes  et  le  dessin  que  Thoulet  avait  si  nettement  vus 
dans  un  éclair  de  lucidité.  «  Je  n'ai  aucune  preuve  matérielle  à 
fournir,  dit  maintenant  Thoulet.  Si  quelqu'un  me  racontait  cette 
histoire,  je  n'y  croirais  pas,  mais  je  suis  bien  forcé  de  m'avouer  à 
moi-même  qu'elle  est  vraie.  » 

Le  quaker  Etienne  de  Grillet  (cas  LXX  de  B...)  raconte  que  la 
comtesse  Toutschkoff,  femme  d'un  général  russe,  rêve,  avant  l'arri- 
vée des  Français  en  Russie  (1812;,  que  son  père  vivant  vient  à  elle, 
tenant  son  fils  aîné  par  la  main  et  lui  dit  :  «  Ton  bonheur  est  fini  ; 
ton  mari  est  tombé  à  Borodino  ».  Ce  rêve  se  répète  trois  fois.  Elle  en 
parla  au  général  en  lui  demandant  où  est  Borodino  ?  Le  général  ne 
connaissait  pas  le  nom  de  cet  obscur  village,  qu'ils  cherchèrent  vai- 
nement sur  la  carte.  Quelques  mois  après  le  père  de  la  comtesse  entra 
dans  sa  chambre,  tenant  son  fils  aîné  par  la  main,  et  dit,  comme 
dans  son  rêve  :  «  Ton  mari  est  mort,  il  est  tombé  à  Borodino  !  ». 

M.  Ivey,  à  Forney  (Texas)  se  lève  le  19  décembre,  au  matin,  dans 
un  état  d'angoisse  inexprimable  au  sujet  de  son  fils  qui,  âgé  de  dix- 
neuf  ans,  est  allé  s'établir  dans  une  campagne  voisine,  et  ne  court 
d'ailleurs  aucun  danger.  En  même  temps,  Mad.  Ivey  rêve,  à  7  heures 

du  matin,  qu'elle  a  fait  un  voyage  en  voiture,  qu'elle  est  dans  une 

* 

1.  A.  S.  P.,  1891,  I,  258, 

2.  Combien  de  temps  exactement  ? 


PRÉMONITIONS  483 

chambre  inconnue,  entourée  d'une  nombreuse  famille,  où  il  y  a 
une  jeune  fille  inconnue  et  des  enfants  qui  vont  partir  pour 
l'école. 

Or  il  y  avait,  dans  ce  rêve,  à  la  fois  monition  et  prémonition. 

Le  fils  de  Ivey  avait  eu  un  grave  accident  de  voiture  le  17  dé- 
cembre, de  sorte  que  l'angoisse  de  M.  et  Mad.  Ivey  a  été  une  angoisse 
monitoire,  et  non  prémonitoire,  parce  que  consécutive  à  l'accident. 
Ce  qui  a  été  prémonitoire,  c'est  l'arrivée  en  voiture  de  Mad.  Ivey  — 
car  elle  avait  manqué  le  train  —  dans  la  famille  inconnue,  dans  la 
chambre  inconnue,  au  lit  de  son  fils,  mort  le  19  décembre  à  1  heure 
du  matin.  Tous  les  détails  relatifs  à  son  arrivée  étaient  conformes  à 
son  rêve  (cas  LXIX  de  B...). 

On  doit  faire  quelques  réserves  sur  le  caractère  prémonitoire  de 
cette  vision  ;  car  elle  peut  s'expliquer  à  la  rigueur  par  la  vraisem- 
blance des  événements  consécutifs  à  la  monitiou  même. 

Trois  fois  dans  le  cours  de  l'année  1909,  Mad.  Brot  (d'Alais)  écrit 
au  comte  de  Tromelin  pour  lui  dire  qu'elle  a  le  pressentiment  qu'elle 
sera  veuve  avant  la  fin  de  l'année,  et  qu'un  grave  accident  de  che- 
min de  fer  causera  la  mort  de  son  mari. 

Or,  le  10  décembre  1909,  M.  Brot,  employé  à  la  gare  d'Alais, 
a  la  tète  écrasée  par  un  tamponnement  de  wagon  (cas  LXXXI 
deB...). 

Mad.  Lolla  rêve,  en  Russie,  que  sa  mère  entre  dans  sa  chambre 
et  lui  dit  :  «  Lolla,  n'aie  pas  peur  ;  le  feu  est  à  la  grange  ».  Le  len- 
demain le  rêve  se  réalisa  ;  la  mère  de  Lolla  entre  dans  sa  chambre 
et  lui  dit  :  «  Lolla,  n'aie  pas  peur  ;  le  feu  est  à  la  grange  ».  (Mais  y 
a-t-il  eu  là  quelque  paramnésie  ?) 

Lolla,  mariée  ensuite  à  M.  de  R...,  va  au  cimetière  dans  une  cha- 
pelle de  famille.  Pendant  qu'elle  est  à  genoux,  et  priant,  elle  entend 
une  voix  qui  lui  dit  :  «  Tu  seras  veuve,  mais  tu  n'auras  pas  la  con- 
solation de  venir  prier  sur  la  tombe  de  mon  fils!  ».  Mad.  de  R.., 
s'évanouit,  tant  elle  était  émue. 

Le  colonel  de  R...  son  mari,  mourut  quelques  mois  après,  blessé 
mortellement  aux  batailles  de  Moukden.  Son  corps  ne  fut  pas 
retrouvé. 


484  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

y".  —  Prémonitions  d'événements  divers. 

Voici  un  cas  de  prémonition,  admirable  parce  que  les  témoi- 
gnages recueillis  ante  eventum  sont  formels.  En  outre,  on  peut  en 
chiffrer  tant  bien  que  mal  la  probabilité. 

M.  Gallet,  étudiant  en  médecine  à  Lyon,  préparait  un  de  ses 
examens  de  doctorat  dans  sa  chambre,  vers  11  heures  du  matin,  le 
27  juin  1894.  Tout  d'un  coup  il  fut  distrait  de  son  travail  par  une 
pensée  obsédante,  avec  une  telle  force,  qu'il  écrivit  d'un  trait  cette 
pensée  sur  son  cahier.  «  M.  Casimir  Périer  est  élu  Président  de  la 
République  par  451  voix.  »  Gallet  ne  s'occupait  guère  de  politique, 
et  cette  phrase  le  stupéfia  :  il  la  montra  aussitôt  à  son  camarade 
Varay  avec  qui  il  travaillait. 

Après  déjeuner  Gallet  sortit  pour  aller  suivre  son  cours  de  la 
Faculté.  Il  rencontra  chemin  faisant  deux  camarades,  Boucher  et 
Dklorme,  et  leur  annonça  cette  prémonition,  dont  ils  ne  firent  que 
rire.  Au  sortir  du  cours,  les  quatre  étudiants  entrèrent  au  café,  et 
bientôt  arrivaient  les  journaux  annonçant  la  nouvelle  de  l'élection 
de  Casimir  Périer  à  451  voix l. 

Gallet  est  actuellement  docteur  en  médecine  à  Annecy,  et  séna- 
teur de  la  Savoie  ;  Varay,  docteur  en  médecine  à  Annecy  ;  Delorme, 
pharmacien  à  Thonon  ;  Boucher,  docteur  en  médecine  à  Cruseilles. 
Tous  quatre  certifient  la  rigoureuse  exactitude  du  fait  dont  ils  ont 
conservé  le  souvenir  absolument  net. 

La  candidature  de  Casimir  Périer  était  à  peine  posée.  Sa  nomina- 
tion était  douteuse,  peu  vraisemblable.  Des  paris  s'étaient  engagés 
pour  savoir  qui  serait  nommé,  de  Brisson  ou  de  Dupuy.  La  probabilité 
que  Casimir  Périer  aurait  451  voix  était  donc  extrêmement  faible. 
Admettons  cependant  l'égalité  des  chances  entre  les  trois  concur- 
rents. La  probabilité,  purement  arithmétique,  d'obtenir  451  voix 

1 .  Voici  le  résultat  du  scrutin  : 

Votants  :  845. 

Casimir  Périer. 451  voix 

A.  Brisson 195  — 

Dupuy 97  — 

Général  Février 33  — 

Arago 27  — 

Divers 22  — 


PRÉMONITIONS  485 

est  de  1/845  (845  étant  le  nombre  de  votants).  Mais  c'est  un  procédé 
de  calcul  très  défectueux. 

On  peut  toujours  invoquer  le  hasard;  mais  c'est  vraiment  trop 
commode  pour  se  dispenser  de  réfléchir. 

Et  puis,  quelle  est  l'impression  irrésistible,  invraisemblable,  qui 
a  poussé  Gallet  à  écrire  sur  ses  notes  d'anatomie  cette  phrase  : 
«  Casimir  Périer  est  élu  par  451  voix  ». 

Ce  cas  de  prémonition  est  incontestablement,  à  mon  sens,  un  des 
plus  beaux  que  nous  possédions. 

Quelques  cas  de  prévision  aux  jeux  de  hasard,  loteries,  courses 
de  chevaux,  ont  été  signalés. 

Une  mienne  cousine,  habitant  la  province,  et  ne  jouant  jamais  aux 
courses,  entend  un  soir,  quand  la  lampe  est  éteinte,  des  applaudis- 
sements répétés,  et  le  nom  de  Clamart,  Clamart,  retentit  auprès 
d'elle.  Elle  rallume  sa  lampe,  et  tout  se  tait.  Dans  l'obscurité  le 
bruit  d'applaudissements  reprend.  Elle  a  cru  d'abord  que  c'était  le 
nom  de  Clamart,  répété  à  la  gare  de  Clamart  par  les  employés  de 
la  ligne  Paris-Versailles  (rive  gauche).  Mais  soudain,  elle  se  rappelle 
que,  parmi  les  chevaux  de  courses,  il  y  a  un  cheval  nommé  Clamart. 
Elle  ponte  sur  Clamart,  ne  sachant  pas  au  juste  à  quoi  cela  l'engage, 
et  Clamart  remporte  le  grand  prix. 

Ch.  Cascel,  deux  mois  avant  de  tirer  à  la  conscription,  voit  dans 
un  coin  de  sa  chambre  quelque  chose  de  volumineux  et  d'indéfinis- 
sable où  le  chiffre  90  apparaît  en  caractères  grands  comme  une 
main,  Il  ferme  les  yeux,  puis  les  rouvre,  et  voit  encore  90.  Alors, 
effrayé,  il  se  met  à  prier  (sic). 

Le  jour  du  tirage,  il  déclara  qu'il  tirerait  90,  et,  à  la  stupeur  géné- 
rale, il  tira  90. 

Divers  cas  analogues  ont  été  réunis  par  le  professeur  Hulin,  de 
l'Université  de  Gand. 

Mais,  pour  tous  ces  cas  de  divination,  il  faudrait  savoir  quel  est 
le  nombre  des  divinations  qui  n'ont  pas  réussi,  car  trop  souvent  on 
tient  registre  exact  des  succès,  et  on  néglige  les  échecs.  Le  calcul 
des  probabilités  n'est  valable  que  si  l'on  tient  compte  rigoureuse- 


486  MÉTAPSYCHIOUE    SUBJECTIVE 

ment  de  tous  les  tirages.  Par  conséquent  en  face  des  succès  il  faut 
absolument  mettre  les  échecs,  ce  qu'on  fait  en  général  d'une 
manière  insuffisante.  *■ 

Voici  quelques  faits  relatifs  à  des  prémonitions  dans  le  jeu  de 
hasard  par  excellence,  la  roulette  de  Monte-Carlo.  Ces  faits  m'ont  été 
autrefois  communiqués,  par  un  de  mes  amis,  physicien  expérimenté 
et  habile  mathématicien,  qui  en  a  fait  l'observation  méthodique  et 
calculé  la  probabilité.  Sa  femme  Lydia,  âgée  de  trente  ans,  mère  de 
famille,  a  eu  à  diverses  reprises  des  prémonitions  intéressantes; 
mais  elles  n'ont  pu  être  aussi  exactement  rapportées  que  les  sui- 
vantes, tout  à  fait  remarquables. 

Le  2  mai,  après  sept  ou  huit  journées  où  Marcel  avait  constam- 
ment perdu,  elle  dit  :  «  J'ai  rêvé  que  nous  allons  gagner  avee  le  14.  » 
Alors  Marcel  joue  à  diverses  reprises  dix-huit  coups  consécutifs  sur 
douze  numéros  différents,  dans  le  cours  de  la  partie.  Le  14  gagne. 
Sur  les  douze  numéros  joués  par  Marcel  conformément  à  un  sien 

système,  quatre  seulement  ont  réussi,  dont  le  14.  Par  conséquent, 

i 

la  chance  de  succès  du  14  a  été  de  y  ;  ce  qui  n'est  rien.  Mais  il  y  a 

eu  répétition;  autrement  dit  le  numéro  14  est  sorti  une  seconde 
fois  immédiatement  après  avoir  été  gagné.  L'habitude  des  joueurs 
est  de  laisser,  quand  ils  ont  gagné,  leur  mise  sur  le  numéro  qui  a 
gagné.  Or  la  probabilité  que  le  numéro  sorti  va  sortir  une  seconde 

fois  est  de  «s- .  Par  conséquent  la  répétition  du  14  fait  que  le  succès 

11  1 

a  eu  lieu  avec  une  probabilité  égale  àjX-jy  ,  soit  -777- 

Cela  n'est  pas  fort  surprenant.  Mais  le  lendemain  3  mai  Lydia 
dit  :  «  J'ai  rêvé  que  je  gagnerais  sur  le  31  ». 

L'histoire  du  14  se  reproduit  avec  le  31  exactement  de  la  même 

l 
manière,  avec  une  probabilité  de   -r-  pour  le  succès  du  31  ;  et  il  y  a 

1  1  l 

eu  répétition,  soit  -5  X  -^  ;  soit  -77J  ;  ce  qui,  avec  la  probabilité 

de  la  veille,  fait  que  la  prémonition  de  Lydia  pour  le  succès  du  14  et 

du  31  s'est  réalisée  avec  une  probabilité  extrêmement  faible  de 

l      . 
12000 

On  notera  que  dans  le  cours  de  nombreuses  parties  jamais  Marcel 

n'a  eu,  après  qu'il  a  gagné  à  un  numéro,  de  répétition.  Les  deux 


PREMONITIONS  487 

seuls  numéros  gagnés  par  lui  avec  répétition,  furent  le  14  et 
le  31. 

Pour  se  rendre  compte  de  cette  faible  probabilité,  il  suffit  dédire 
que  si  chaque  jour  on  annonçait  la  répétition  de  deux  numéros, 
sans  en  indiquer  d'autres,  il  faudrait  trente-deux  ans  pour  que,  si 
le  hasard  seul  était  enjeu,  ce  double  succès  se  produisît. 

Les  deux  jours  suivants  Lydia  indiqua  deux  autres  numéros  qui 
ne  sortirent  pas. 

Le  cinquième  jour  Lydia  dit  32,  35,  sans  savoir  pourquoi  elle 
disait  32,  35  :  or  ce  jour-là  les  numéros  qui  sortirent  le  plus  en 
124  tirages  ont  été  : 

34  8  fois. 

35  7  fois. 
32  7  fois. 
30  6  fois. 
19      6  fois. 

3      6  fois. 

Les  autres  numéros  sortirent  moins  de  6  fois. 

La  moyenne  probable  était  de  3,4  par  numéro  :  soit  pour  deux 
numéros  de  6,8.  Par  conséquent  le  32  et  le  35  sont  sortis  deux  fois 
plus  que  la  probabilité.  On  remarquera  que  le  34  est  numérique- 
ment entre  le  32  et  le  35. 

La  probabilité  peut  se  calculer  (élémentairement)  de  la  manière 
suivante,  en  supposant  que  le  35  et  le  32  sont  sortis  14  fois,  alors 
qu'ils  n'auraient  dû  sortir  que  6,8  fois,  soit  7  fois,  c'est-à-dire  7  fois 

plus  qu'ils  n'auraient  dû  sortir.  C'est  donc   une  probabilité  de 

l 
soit 


ib 


128 

Pour  simplifier  nous  supposerons  que  la  probabilité  composée  des 

1 
cinq  parties  (avec  deux  échecs)  étant  de  yjrj  :  on  a  alors  d'après  la 

formule  classique  en  chiffres  ronds  13Q   QQ   ' 

Le  sixième  jour  Lydia  rêve  qu'elle  gagnera  sur  le  16.  Elle  joue  à 

un  moment  donné  le  16,  et  le  16  sort  :  la  probabilité  était  de  -r=-  ;  de 

sorte  que  de  ces  six  parties  réunies  la  probabilité  composée  est  de 
l        . 

5.000.000 

Il  est  vrai  que  le  calcul  ne  peut  guère  être  considéré  comme  rigou- 


488  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

reux  ;  car  on  fait  intervenir  pour  les  deux  premiers  jours  la  répé- 
tition, d'autre  part  pour  le  cinquième  jour  les  numéros  sortis  le 
plus  souvent,  enfin  pour  le  sixième  jour  le  numéro  sortant  la 
première  fois  qu'on  le  joua  ;  ce  n'est  pas  comparable. 

Ajoutons  que  plus  tard  Lydia  n'a  eu  que  des  échecs.  Tout  de 
môme  l'ensemble  de  ces  six  parties  où  la  probabilité  était  faible,  et 
où  cependant  il  y  a  eu  indication  ante  eventtcm,  confirme  les  faits 
antérieurement  rapportés  que  parfois  il  y  a  prémonition  pour  les 
jeux  de  hasard.  Mais  le  problème  est  trop  obscur  pour  que  nous 
puissions  aller  au  delà  de  la  mention  du  fait  même  l. 

Mentionnons  aussi  le  cas  cité  par  Lombroso  (casLXXXVIIIdeB...) 
de  Rosa  Tirone.  En  novembre  1908,  elle  rêve  que  son  fiancé,  qui 
était  mort  depuis  peu,  lui  dit  :  »  Je  ne  veux  plus  te  savoir  domes- 
tique ;  joue  les  numéros  -4,  53, 25, 30  »  et  il  ajouta  :  «  J'ai  soif,  va  qué- 
rir de  l'eau  dans  un  seau  et  donne-moi  à  boire.  »  Les  quatre  numéros 
4,  53,  25,  30  sortirent  à  la  loterie,  et,  si  Rosa  avait  joué  le  cinquième 
numéro,  qui  correspond,  dans  l'opinion  populaire,  au  fait  de  donner 
à  boire  aux  altérés,  elle  aurait  gagné  aussi  le  cinquième  numéro. 

On  ne  peut  pas  considérer  comme  démonstratives  les  prévisions 
signalées  par  E.  Carreras,  à  propos  delà  loterie2,  car,  si  réellement 
R...  pouvait  deviner,  plus  que  le  hasard  ne  le  permet,  les  numéros 
sortants,  il  aurait  dû  réaliser  une  fortune  considérable.  On  peut 
donc  supposer  que  la  liste  fournie  par  lui  à  M.  Carreras  n'est  pas 
complète,  comme  M.  Carreras  le  reconnaît  lui-même  (da  veri  indizi 
debbo  credere  che  ve  ne  furono  alcune  oltre  che  anderono  perdute). 
Sur  150  tirages  (de  nombres  de  deux  chiffres)  pour  lesquels  chaque 
tirage  était  de  cinq  nombres  de  deux  chiffres,  la  probabilité  était 
de  1/20.  R...  fit  106  fois  des  choix  de  numéros.  Le  nombre  probable 
des  succès  aurait  dû  être  5,3,  soit  6  en  chiffres  ronds.  Or  le  nombre 
des  succès  fut  en  réalité  de  19,  c'est-à-dire  trois  fois  plus  fort  que 
le  nombre  probable.  Si  notable  que  soit  l'excédent,  il  ne  dépasse 
pas  ce  que  le  hasard  peut  donner,  surtout  si  l'on  admet  que  tous 

1.  M.  E.  Desbeaux  a  publié  une  note  intéressante  à  ce  sujet  (A.  S.  P.,  1909,  133, 
et  215). 

2.  La  prévision?  dei  numeri.  Luce  e  Ombra,  1919,  XIX,  127, 


PRÉMONITIONS  489 

les  nombres  joués  (probablement  avec  perte)  n'ont  pas  été  indi- 
qués. 

On  a  remarqué  à  ce  propos,  —  et  non  sans  raison,  —  que,  s'il  y 
avait  quelque  divination,  même  inconsciente,  pour  les  jeux  de 
hasard,  loteries,  roulettes,  courses  de  chevaux,  des  fortunes  pour- 
raient être  gagnées,  et  que  cependant  jamais  on  n'a  rien  constaté 
de  semblable.  Mais  on  peut  répondre  que  ces  prémonitions  qui  se 
vérifient  sont  toujours  prodigieusement  rares,  sporadiques  pour 
ainsi  dire,  absolument  exceptionnelles.  L'esprit  souffle  où  il  veut, 
fiât  ubi  vull,  et  ce  n'est  pas  parce  qu'on  se  sera,  de  propos  déli- 
béré, attablé  devant  une  série  de  chiffres  qu'on  trouvera  le  chiffre 
fatidique. 

Non  seulement  chez  un  même  individu  la  prophétisation  est  rare, 
mais  les  individus  capables  de  ces  prémonitions  sont  très  rares 
aussi,  de  sorte  que,  s'il  y  a  parfois  des  divinations,  elles  sont  en  si 
petit  nombre  qu'elles  sont  quantités  absolument  négligeables  par 
rapport  au  nombre  immense  des  non  divinations. 

Ch.  Linné,  dans  son  autobiographie  (1823),  raconte  cfu'une  devi- 
neresse lui  dit  un  jour,  quand  il  était  au  collège,  et  passait  pour 
peu  intelligent  :  «  Vous  serez  professeur,  vous  ferez  de  lointains 
voyages,  et  vous  deviendrez  l'homme  le  plus  célèbre  du  royaume  ». 
(Cas.  XCV  de  B...) 

Le  cas  suivant  est  remarquable,  parce  qu'il  a  été  observé  par  l'il- 
lustre SCHOPENHAUER  1. 

Un  matin,  dit  Schopenhauer,  après  avoir  écrit  une  lettre,  je  pris, 
pour  sécher  l'encre,  l'encrier  au  lieu  du  sablier,  et  l'encre  se  répan- 
dit sur  le  plancher.  J'appelai  la  servante  qui  se  mit  à  laver  le  plan- 
cher pour  enlever  la  tache.  Alors,  en  faisant  ce  travail,  elle  me 
raconta  qu'elle  avait  rêvé  cela  pendant  la  nuit.  Or  non  seulement  elle 
l'avait  rêvé,  mais  elle  l'avait  raconté  à  mon  autre  servante  qui  en 
témoigna. 

«  Cette  histoire,  dit  Schopenhauer,  dont  je  garantis  l'authenticité 
absolue,  met  hors  de  doute  la  réalité  de  ces  sortes  de  rêves...  Donc 
tout  ce  qui  doit  arriver  arrive  nécessairement...  » 

1.  Cité  par  Flammarion,  Loc.cit.,  133, 


490  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Nous  ne  retiendrons  pas  la  conclusion  de  Schopenhauer  au  point 
de  vue  de  la  fatalité.  Il  nous  suffira  d'enregistrer  le  fait. 

Au  point  de  vue  historique  on  peut  citer  aussi  une  prémonition 
deCh.  Dickens1  qui  rêve  d'une  femme  arrivant  avec  un  châle  rouge 
et  qui  dit  :  «  Je  suis  3Iiss  Napier.  »  Pourquoi  Miss  Napier?  écrit 
Dickens,  je  ne  connais  pas  de  Miss  Napier.  Quelques  heures  après, 
deux  personnes  viennent  lui  rendre  visite,  pour  lui  présenter 
une  dame  en  châle  rouge,  qui  s'appelait  Miss  Napier,  et  que  Dickens 
ne  connaissait  nullement. 

Le  cas  suivant,  bien  attesté,  est  des  plus  curieux  (cas  XGVIII  de 
B...) 

Un  individu,  nommé  John  Lee,  condamné  à  être  pendu  pour 
assassinat  à  Babbicombe  (février  1889)  rêve,  la  veille  de  son  exécu- 
tion, que  la  trappe  ne  fonctionne  pas,  et  que,  quelques  efforts  qu'on 
fît  pour  l'ouvrir,  elle  ne  s'ouvrait  pas.  Et  en  effet,  le  jour  de  l'exé- 
cution, la  trappe  (qui  avait  été  au  préalable  essayée)  ne  put  pas 
s'ouvrir.  Quand  Lee  fut  sur  la  trappe  fatale,  il  était  dans  un  état  de 
demi-inconscience,  et  ne  se  rappelait  pas  son  rêve.  Pourtant, 
quand  on  était  venu  le  chercher  pour  le  conduire  au  gibet,  il  avait 
raconté  son  rêve  au  gardien. 

M.  Henri  Buisson  voit,  le  8  juin  1887,  sa  grand'mère  morte,  étendue 
sur  son  lit.  Au-dessus  d'elle  un  soleil  resplendissait,  et  au  milieu 
de  ce  soleil,  ces  mots  :  8  juin  1888.  Ce  rêve  fut  raconté  et  noté.  Un 
an  après,  le  8  juin  1888,  mourait,  en  un  quart  d'heure,  la  grand' 
mère  de  M.  H.  Buisson. 

M.  H.  Buisson  a  fait  aussi  un  rêve  prémonitoire  accompagné  de 
détails  curieux,  qu'il  a  racontés  anteeventum.  Dans  la  nuit  du  9  au 
10  avril,  il  rêve  que  le  préfet  de  police,  M.  Lépine,  est  dans  la  rue, 
en  un  costume  bizarre,  un  soulier  à  un  pied,  une  pantoufle  à  l'autre. 
A  ce  moment  un  formidable  incendie  éclate,  dans  lequel  M.  H.  Buis- 
son, toujours  en  son  rêve,  fait  des  prodiges  de  courage  extraordi- 
naire. Le  soir  de  ce  même  jour,  c'est-à-dire  douze  heures  après  le 
rêve  prémonitoire,  éclate  l'incendie  de  la  rue  Jacquemont,  M.  Buis- 

1.  Elle  est  relatée  par  Walter  F.  Prince.  Amer.  S.  P.  R.,  XIV,  362,  1920. 


PRÉMONITIONS  4'J  1 

son  y  voit  M.  Lépine  dans  le  même  costume  indiqué,  un  soulier  à 
un  pied  et  une  pantoufle  à  l'autre.  Le  rêve  avait  été,  le  matin  du 
10  avril,  communiqué  par  M.  B...  à  sa  mère  et  à  son  oncle. 

Mad.  S...  rêve  qu'elle  voit  daus  son  salon  près  de  la  nourrice  de  son 
enfant  une  dame  en  grand  deuil  ;  et  tout  de  suite  après,  dans  son 
rêve,  elle  se  voit  eu  taxi-auto,  allant  du  côté  de  la  place  Pigalle.  La 
voiture  s'arrête  près  de  la  place  Pigalle.  Elle  raconte  ce  rêve  à  la 
nourrice. 

Ce  même  jour  Mad.  S...  reçoit  la  visite  inopinée  de  Mad.  P.,  une 
dame  de  ses  amies,  en  grand  deuil,  qui,  tout  à  fait  inopinément 
aussi,  l'invite  à  dîner  chez  elle.  Mad.  S...  entre  dans  sa  chambre 
pour  s'habiller,  et,  revenant  dans  le  salon,  elle  voit  exactement  dans* 
la  même  situation  que  dans  son  rêve,  la  nourrice,  Mad.  P...  en  deuil, 
et  l'enfant.  Quelques  instants  après,  Mad.  P...  dit  :  «  II  est  tard  : 
nous  allons  prendre  un  taxi-auto  ».  Et  la  voiture  les  mène  tout  près 
de  la  place  Pigalle  (rue  de  Douai). 

Mad.  Ohmus  (cas  XCIX  de  B. . .)  fait  un  rêve  horrible  qu'elle  raconte 
aussitôt  à  son  mari.  Elle  se  voit  étendue  par  terre,  les  bras  écrasés, 
le  sang  coulant  àflots.  Or  le  soir,  son  petit  chieniVe^o  près  d'elle  est 
fracassé,  et  écrasé  par  le  train,  Mad.  0...  éprouva  alors  toutes  les 
mêmes  sensations  qu'elle  avait  eues  pendant  son  rêve. 

Il  semble  que,  dans  ce  cas,  il  y  ait  eu  prémonition,  non  pas  de 
l'accident  même,  mais  de  l'émotion  provoquée  par  cet  accident. 

M.  Conan  Doyle  rapporte  un  fait  à  lui  personnel,  qui  est  une 
sorte  de  prémonition,  prémonition  extrêmement  vague,  et  n'ayant 
aucune  force  probative  l.  «  Le  5  avril,  je  m'éveille  avec  la  sen- 
sation qu'une  communication  m'a  été  faite  ;  je  ne  me  souvenais  que 
d'un  seul  mot  qui  résonnait  constamment  à  mes  oreilles,  ce  mot 
était  Piave;  mot  qui,  d'après  mes  souvenirs,  m'était  absolument 
inconnu.  D'après  l'index  d'un  atlas,  je  vis  que  c'était  une  rivière 
d'Italie  à  40  milles  en  arrière  des  opérations  italiennes,  lesquelles 
à  cette  époque  se  poursuivaient  victorieusement.  Je  fus  si  impres- 
sionné que  je  pris  note  de  mon  rêve,  et  que  j'en  fis  signer  le  procès- 

i.La  nouvelle  révélation,  tr.  fr.,  118. 


492  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

verbal,  par  ma  femme  et  mon  secrétaire.  »  Or,  six  mois  après, 
contre  toute  vraisemblance,  des  combats  furieux  s'engageaient  sur 
la  Piave,  qui  devenait  la  ligne  frontière  de  tranchées  entre  l'armée 
italienne  et  l'armée  austro-hongroise. 

Il  est  impossible  de  prouver  qu'il  n'y  a  pas  eu  là  quelque  sou- 
venir incouscient  de  ce  mot  géographique,  lequel  certainement,  à 
un  moment  quelconque,  en  1915  ou  en  1916,  avait  frappé  les  yeux 
de  M.  Conan  Doylïï.  Peut-être  s'agit-il  d'une  prémonition.  Peut-être 
un  moment  viendra-t-il  où  on  classera  les  faits  de  ce  genre  comme 
d'authentiques  prémonitions.  Mais  actuellement  il  faut  l'enregis- 
trer, sans  pouvoir  en  tirer  la  moindre  déduction. 

Une  amie  de  Miss  Violet  Lloyd,  actrice  anglaise  connue,  rêve 
que  Miss  Violet  est  brûlée  au  visage,  au-dessus  des  yeux.  Elle 
confie  ce  rêve  à  une  amie  qui  n'ose  pas  aller  avertir  Miss  Violet. 
Le  lendemain,  dans  la  soirée,  en  jouant  le  rôle  de  Flore  dans  la 
pièce  de  Topsy  Turvy  Hôtel,  Miss  Violet  est  brûlée  au  visage,  avec 
deux  blessures  au-dessus  des  yeux  (cas  CI  de  B...) 
. 

Mad.  Carleton  (cas  CIII  de  B...)  écrit  au  colonel  Coghill,  avec 
lequel  elle  n'est  plus  en  correspondance  depuis  longtemps,  pour  lui 
dire  qu'elle  a  eu  une  vision,  qu'elle  l'a  vu  précipité  à  terre  avec  son 
cheval,  dans  une  situation  critique  dont  quelques  personnes  étran- 
gères essayaient  de  le  tirer.  La  vision  était  du  26  mars  ;  la  lettre  de 
Mad.  Carleton,  du  28.  Le  28,  le  colonel  répond  :  «  Rassurez-vous, 
il  n'y  a  rien,  les  songes  sont  mensonges.  ».  Mais,  le  30,  M.  Coghill 
fit  une  terrible  chute  de  cheval.  Il  tomba  dans  un  fossé  avec  son 
cheval,  et  roula  par  terre.  11  fut  délivré  par  ses  amis  qui  le  tirèrent, 
non  sans  peine,  de  cette  position  critique. 

M.  0...  rêve  —  pourtant,  dit-il,  c'est  plus  qu'un  rêve,  c'est  presque 
une  vision,  —  que  son  neveu,  un  petit  garçon  de  six  ans,  roule  sous 
la  roue  d'une  voiture,  avec  blessure  grave,  mais  non  mortelle. 
Comme  le  rêve  se  présente  à  lui  avec  ténacité,  il  recommande  trois 
fois  à  différentes  personnes  une  extrême  prudence.  Deux  semaines 
après,  dans  une  promenade  en  voiture,  l'enfant  roule  sous  une  des 
roues,  qui  lui  fracture  la  jambe. 


PRÉMONITIONS  493 

Sir  Oliver  Lodge  a  reçu  d'un  éminent  ministre  anglais  le  récit 
suivant1.  Par  un  soleil  splendide  et  un  ciel  sans  nuages,  M.  X...  dit 
à  sa  femme  d'avancer  l'heure  du  goûter;  car  il  a  rêvé  qu'un  orage 
formidable  allait  éclater,  que  la  foudre  arriverait  en  forme  de  globe 
dans  la  salle  à  manger  et  briserait  les  cheminées  d'un  toit  situé  en 
face.  Tout  le  monde  en  plaisante,  car  le  ciel  était  absolument  pur. 
Cependant,  quelques  minutes  après,  un  orage  se  forma  avec  une 
rapidité  prodigieuse  ;  la  foudre  entra  dans  la  salle  à  manger,  en 
forme  de  globe,  et  les  cheminées  du  toit  voisin  furent  projetées  à 
terre. 

Le  célèbre  sculpteur  Jkan  Dupré2,  raconte  que,  voyageant  en  voi- 
ture à  Londa,  aux  bords  escarpés  de  la  Rufina,  il  entend  une  voix 
qui  lui  dit  :  «  Arrêtez!  »  Il  ne  voit  personne.  Mad.  Dupré,  qui  était 
avec  lui,  ne  vit  personne,  mais  entendit  la  voix.  Deux  fois  de  suite, 
comme  il  voulait  continuer  sa  route  et  fouettait  le  cheval  pour 
avancer,  la  voix  se  fit  entendre  qui  disait  :  «  Arrêtez  !  Arrêtez  !  ». 
M.  Dupré  descendit,  et  s'aperçut  que  l'essieu  était  sorti  de  la  roue, 
et  que  la  roue  qui  côtoyait  le  précipice  allait  se  détacher.  Il  fallut 
continuer  la  route  à  pied,  à  côté  de  la  voiture  réparée  tant  bien  que 
mal. 

On  peut  supposer  qu'il  s'agit  là  d'une  observation  inconsciente 
aboutissant  à  cette  sorte  d'avertissement.  Néanmoins  comment 
expliquer  que  deux  personnes  ont  simultanément  entendu  une  voix 
dans  ce  lieu  désert? 

M.  Young  rêve  qu'un  couvreur,  travaillant  au  toit  d'une  maison 
voisine,  va  tomber  dans  la  rue,  et,  dans  son  rêve,  il  lui  est  conseillé 
de  raconter  le  fait  à  Mad.  Young.  M.  Young  le  raconte,  puis  s'occupe 
à  ses  affaires  sans  y  penser  davantage,  quand  soudain  à  16  heures, 
par  une  sorte  d'impulsion  instinctive,  il  va  dans  la  rue  à  l'endroit 
indiqué  par  son  rêve,  et  apprend  que  l'accident  vient  d'avoir  lieu 
il  y  a  deux  minutes,  et  que  le  malheureux  couvreur  est  à  demi- 
mort  (cas  XVI  deB...) 

Lady  Z...  est  éveillée  la  nuit  par  un  grand  bruit  sourd,  comme  si 

1.  Bozzano,  loc.  cit.,  343. 

2.  Bozzano,  loc.  cit.,  356. 


494  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

un  corps  humain  avait  été  précipité  du  toit  de  la  cuisine,  et  elle 
entend  des  gémissements.  Lord  Z...,  que  Lady  Z...  éveilla,  n'en- 
tendit rien.  De  nouveau  Lady  Z  ..  se  rendort;  de  nouveau  le  même 
bruit  se  répète.  Lady  Z...  éveille  une  seconde  fois  son  mari,  qui,  sur 
ses  instances,  sort,  et  s'assure  qu'il  n'y  a  rien.  Le  lendemain  matin, 
à  la  première  heure,  un  ouvrier  tomba  eu  ce  même  endroit,  et  fit 
une  chute  très  grave. 

Miss  A.  Mac  Lellen,  de  Bridgeport  (Gonnectieut),  a  eu  diverses 
prémonitions  intéressantes,  mais  qui  en  général  ne  dépassent  pas 
autant  qu'il  le  faudrait  la  probabilité  de  tel  ou  tel  événement  for- 
tuit. Elle  en  eut  pourtant  une  qui  est  intéressante  l. 

Dans  la  nuit  du  8  au  9  juillet  1911,  à  Boston,  elle  rêve  qu'il  y  a 
un  terrible  accident  de  chemin  de  fer,  avec  cadavres  et  blessés 
qu  on  transporte  à  Galen  Hospital.  Au  matin  elle  regarde  dans 
les  journaux  pour  voir  si  ce  désastre  est  annoncé.  Or  le  matin  du 
11  juillet  il  y  eut  un  grave  accident,  avec  12  morts  et  48  blessés, 
près  de  Bridgeport,  et  ces  blessés  furent  portés  à  Galen  Hospital 
(un  petit  hôpital  privé  de  Boston). 

Le  cas  suivant  (cas  GX  de  B...)  est  un  des  plus  remarquables 
que  nous  possédions.  Il  ne  peut  s'expliquer  par  la  paramnésie. 
En  effet,  dans  la  plupart  de  ses  détails,  il  a  été  avant  sa  réalisation, 
ante  eventum,  racontée  Mad.  de  Figueroa,  quoique  non  écrit. 

Le  chevalier  Giovanni  de  Figueroa,  un  des  plus  brillants  maîtres 
d'escrime  de  Palerme,  fait  un  songe,  d'une  vivacité  d'impression 
extrême,  et  il  raconta  au  matin  à  sa  femme  tout  ce  qu'il  avait  vu  : 
une  route  blanche  de  poussière,  un  vaste  champ  cultivé,  une  cons- 
truction rustique  avec  un  char  et  des  harnais,  un  paysan  en  pan- 
talon sombre,  la  tète  couverte  d'un  chapeau  noir,  qui  invite  M.  de 
Figueroa  à  venir;  tous  deux  entrent  dans  une  petite  étable  pleine  de 
fange  et  de  fumier.  Au  fond  un  escalier  de  pierre  tournant.  Un  mulet 
attaché  à  la  mangeoire  mobile,  et  qui  obstrue  le  passage.  M.  de  F... 
fait  déplacer  le  mulet  et  gravit  l'escalier.  Au  haut  de  l'escalier,  une 

1.  J.  S.  P.  R.,  mars  1920.  A  group  of  psychical  expériences,  166-180. 


l'UKMONITIONK  495 

chambre  avec  parquet  en  bois  et  du  maïs,  des  tomates,  des  pastèques, 
des  oignons  pendus  au  plafond.  Dans  cette  même  chambre,  deux 
femmes,  l'une  vieille,  l'autre  jeune,  et  une  petite  fille  dont  les 
traits  furent  nettement  distingués  et  retenus.  Dans  la  chambre 
contiguë  un  lit  (pour  deux  personnes)  extrêmement  haut,  comme 
jamais  M.  de  F...  n'en  avait  vu. 

Cherchant  avec  sa  femme  la  signification  de  ce  rêve  précis  et 
compliqué,  M.  de  F...  n'en  put  trouver  aucune  (août  1910). 

Le  12  octobre  de  cette  même  année,  M.  de  Figueroa  fut  prié 
d'aller  assister  son  concitoyen  M.  Amédée  Brucato  dans  un  duel. 

On  partit  avec  les  deux  témoins  en  automobile  pour  Marano, 
une  petite  localité  dont  M.  de  F...  ne  connaissait  pas  même  l'exis- 
tence. Soudain,  pendant  qu'il  roulait  en  rase  campagne,  M.  de  F... 
retrouva  la  route  blanche  qu'il  avait  vue  dans  son  rêve,  et  il  dit  à 
ses  compagnons  :  «  fai  vu  cela.  Voici  ce  que  nous  allons  trouver, 
une  maison  et  une  cabane  en  bois.  »  Et  alors  successivement  tous 
les  détails  du  rêve  reparurent,  mais  alors  réels.  Le  paysan  à  pan- 
talon noir,  à  chapeau  noir,  le  mulet  attaché  à  la  mangeoire  qu'il 
fallut  déplacer  pour  gravir  l'escalier,  la  chambre  du  dessus  avec 
ses  pastèques,  ses  oignons  et  ses  maïs  au  plafond,  les  trois  femmes, 
le  lit  très  haut,  dans  la  chambre  voisine,  etc.  L'impression  fut  si 
forte  et  si  étrange,  que  M.  de  Figueroa  déclare  avoir  alors  com- 
plètement oublié  le  duel  pour  lequel  il  était  venu. 

S'il  y  a  eu  par  ci  par  là  quelque  particularité  qui  se  puisse  expli- 
quer par  la  paramnésie;  il  n'en  reste  pas  moins  un  ensemble  impo- 
sant de  faits  qui  ont  un  caractère  métapsychique  supérieur'. 

Le  cas  de  l'abbé  Garnier2  est  tout  à  fait  analogue  au  cas  du  che- 
valier de  Figueroa.  L'abbé  Garnier,  étant  au  séminaire,  en  1846,  voit 
tout  un  paysage  inconnu  avec  détails  multiples  (des  moutons,  des 
hommes  à  chapeau  noir  pointu,  un  poulain,  un  roquet,  des  enfants 
jouant,  etc.).  Trois  ans  après,  en  1849,  voyageant  eu  Italie,  il  voit 
exactement  le  même  paysage  et  les  plus  petits  détails  de  son  rêve 
sont  reproduits.  La  bonne  foi  de  l'abbé  Garnier  n'est  pas  douteuse. 

1.  J'ai  dû  résumer  ce  récit,  mais  on  n'en  aura  ainsi  qu'une  idée  très  imparfaite, 
si  on  ne  le  lit  pas  dans  l'original. 

2.  Flammarion,  La  mort  et  son  mystère,  Paris,  1920,  277. 


496  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Mais  est-il  bien  sûr  des  détails  racontés  après  quatre  ans?  En  effet 
nous  devons  regarder  comme  possible,  et  même  comme  probable, 
quelque  paramnésie,  c'est-à-dire  l'illusion  du  déjà  vu.  Une  prémo- 
nition, quand  elle  n'a  pas  été  racontée  ou  écrite,  ante  eventum,  ne 
peut  jamais  être  regardée  comme  probatoire. 

•  D'autres  prémonitions  citées  par  Flammarion  encourent  le  même 
reproche1. 

M.  Sadrel2,  en  1911,  rêve  qu'il  voit  dans  un  pays  inconnu  une 
prairie  avec  un  ruisseau  devant  un  grand  bâtiment.  Des  soldats 
puisent  de  l'eau,  cantonnent,  allumant  des  feux,  et  sont  revêtus 
d'un  uniforme  bleu  pâle,  avec  un  casque  bizarre.  Lui-même  se 
voyait  en  costume  d'officier.  M.  Saurel  à  son  réveil  raconte  ce  rêve 
à  quelques  amis.  Or,  en  1918,  ce  rêve  se  réalisa  complètement. 
Cette  prémonition,  attestée  par  le  père  et  la  femme  de  M.  Saurel, 
pour  leur  avoir  été  exposée  en  1911  est,  dans  ses  multiples  détails, 
qu'il  faudra  lire  dans  l'original,  d'un  très  grand  intérêt. 

Une  prémonition  très  intéressante,  mais  pour  laquelle,  à  vrai 
dire,  de  nouveaux  documents  seraient  peut-être  nécessaires,  est 
celle  qui  se  rapporte  à  un  des  plus  grands  événements  non  seule- 
ment de  l'histoire  contemporaine,  mais  de  toute  l'histoire  :  c'est  la 
prémonition  relative  à  l'assassinat  de  l'archiduc  Ferdinand  à  Sara- 
jevo, le  28  juin  1914;  c'est  ce  crime  qui  a  déchaîné  un  crime  plus 
grand  encore,  la  guerre  de  quatre  ans. 

M.  Joseph  de  Lanyi,  évêque  de  Grosswarden,  rêve  au  matin  du 
28  juin  (4  heures  du  matin)  qu'il  voit  sur  sa  table  de  travail  une 
lettre  bordée  de  noir,  portant  les  armes  de  l'archiduc  (M.  de  Lanyi 
avait  été  pour  la  langue  hongroise  professeur  de  l'archiduc  Ferdi- 
nand). Alors  M.  de  Lanyi  dans  son  rêve  ouvre  la  lettre  et  en  tête  de 
cette  lettre  voit  une  rue  dans  laquelle  aboutit  une  ruelle.  L'archi- 
duc était  assis  dans  une  automobile  avec  sa  femme  ;  en  face  de  lui, 
un  général,  et  sur  le  siège,  à  côté  du  chauffeur,  un  officier.  Foule 
autour  de  la  voiture,  et  dans  cette  foule  sortent  deux  jeunes  garçons 
qui  tirent  sur  les  Altesses  impériales.  Quand  au  texte  de  la  lettre, 
il  était  le  suivant  :  Èminence,  cher  docteur  Lanyi,  je  vous  annonce 

1.  Princesse  Garolath,  p.  274  ;  Mad.  Lebas,  p.  283  ;  Aimée  Roger,  p.  284. 

2.  Flammarion,  toc.  cit.,  p.  290. 


PRKM0NIT10NS  'j".)7 

que  je  viens  d'être  avec  ma  femme  à  Sarajevo,  victime  d'un  crime 
politique.  Nous  nous  recommandons  à  vos  prières.  Sarajevo, 
28  juin  1914,  4  heures  du  matin.  «  Alors,  dit  Mgr  de  Lanyi,  je 
m'éveillai  tout  tremblant  ;  je  vis  que  l'heure  était  4  heures  et 
demie;  si  j'écrivis  mon  rêve,  eu  reproduisant  la  forme  des  lettres 
qui  m'avaient  apparu  dans  la  lettre  de  l'archiduc.  A  6  heures,  quand 
mon  domestique  arriva,  il  me  trouva  assis  à  ma  table,  tremblant, 
et  disant  mon  chapelet.  Je  lui  dis  aussitôt  :  «  Appelez  ma  mère  et 
mon  hôte  pour  que  je  leur  annonce  le  sombre  rêve  que  j'ai  fait.  » 
Dans  la  journée  m'arriva  un  télégramme  m'annonçaut  la  terrible 
nouvelle.  » 

Telle  est  la  lettre  que  le  père  Edouard  Lanyi,  jésuite,  professeur  à 
Laufkirchen,  reçut  de  son  frère,  Mgr  Lanyi. 

A  la  suite  de  cette  lettre  M.  Grabinski  fit  une  sorte  d'enquête  qui 
confirma  tous  ces  faits.  Les  résultats  de  cette  enquête  ont  été 
donnés  dans  les  Psychische  S  Indien1: 

Il  s'agit  là  d'une  prémonition  où  les  détails  sont  extrêmement 
précis  et  exacts  ;  (sauf  le  cas  d'un  coup  de  feu  simultané,  car  en 
réalité  il  y  eut  lancement  de  bombes  à  deux  reprises). 

On  peut  pourtant  se  demander  pourquoi  la  publication  de 
cette  prémonition  extraordinaire  n'a  été  faite  qu'en  1918.  On  peut 
penser  aussi  que  Mgr  de  Lanyi  savait  le  voyage  de  son  élève  l'archiduc 
Ferdinand  à  Sarajevo,  etqu'ily  avait  lieu  de  craindrequelque  attentat. 

Tout  de  même  ces  réserves  ne  me  paraissent  pas  suffisantes, 
étant  donné  qu'il  est  absurde  de  supposer  une  imposture  de  la  part 
de  Mgr  de  Lanyi  et  de  son  frère,  pour  se  refuser  à  considérer 
comme  authentique  ce  bel  exemple  de  prémonition. 

La  prémonition  dont  je  vais  maintenant  donner  une  relation  un 
peu  détaillée  est  peut-être  la  plus  remarquable  que  possède  la  science 
psychique.  On  peut  la  diviser  en  deux  parties,  une  première  partie 
se  rapporte  à  des  faits  qui  se  sont  réalisés  après  leur  prédiction, 
mais  qui  n'ont  été  publiés,  ou  à  nous  exposés,  qu'après  leur  réali- 
sation ;  la  seconde  partie,  plus  courte  et  plus  vague,  où  des  choses 
m'ont  été  dites  (et  ont  été  publiées),  avant  leur  réalisation. 

1.  1918,  XL1V.  p.  324  et  465. 

Richet.  —  Métapsy  chique.  32 


498  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

Au  mois  de  novembre  1913,  je  reçois  la  visite  du  Dr  Tardieu, 
ancien  interne  des  hôpitaux,  médecin  consultant  au  Mont-Dore, 
qui  avait  été  un  des  élèves  de  mon  père,  et  qui  me  dit  :  «  J'ai  des 
choses  très  importantes  à  vous  faire  connaître.  Le  moment  me 
paraît  veuu,  d'après  certains  indices  et  des  révélations  à  moi  per- 
sonnelles, de  vous  eo  parler.  Je  crois  qu'il  est  nécessaire  de  vous 
les  dire  dès  à  présent.  »  Et  alors  il  m'exposa  ce  qui  suit  (j'abrégerai 
son  récit,  qui  fut  détaillé). 

«  En  1868,  je  sortais  de  l'Internat.  J'étais  jeune  docteur  et  j'avais 
un  excellent  ami  nommé  Sonrel.  Sonrel,  très  brillant  mathémati- 
cien et  physicien,  sorti  de  l'École  normale,  était  élève  astronome 
à  l'Observatoire  de  Paris.  Un  jour,  vers  S  heures  du  soir,  en  juillet, 
alors  que  nous  déambulions  tous  les  deux  en  causant  dans  les  jar- 
dins du  Luxembourg,  tout  d'un  coup  Sonrel  s'arrêta,  comme  en 
extase.  Il  parla,  parla,  sans  rien  entendre  de  ce  que  je  lui  disais, 
sans  voir  ce  qui  se  passait  autour  de  lui  :  «  Que  c'est  étrange  !  disait- 
«  il  :  je  te  vois  en  habit  militaire!  Mais  oui,  tu  as  un  képi,  et  dans 
«  ce  képi  tu  comptes  de  V  argent,  et  tu  es  en  chemin  de  fer!  Où  vas-tu 
«  donc,  à  Hirson,  à  Sedan  ?  A  Sedan?...  0  ma  pauvre  patrie,  ma 
«  patrie  !...  Mais  me  voilà,  moi  aussi,  en  costume  militaire,  officier 
«  supérieur.  Est-ce  possible  ?  Et  je  suis  frappé  à  mort. . .  je  meurs  en 
«  trois  jours,  mais  tu  es  là,  tu  arrives  à  temps  pour  me  voir  avant 
«  que  je  ne  meure,  pour  veiller  sur  mes  enfants  !...  Attends  encore, 
«  attends...  Des  années  se  passent.  C'est  une  grande  guerre!  Que 
«  de  sang!  Dieux!  que  de  sang  !  0  France!  0  ma  patrie,  te  voilà 
«  sauvée!  Te  voilà  sur  le  Rhin!  0  France,  tu  es  toujours  la  reine 
«  du  monde  !  et  tous  les  peuples  (admirent.  »  (Je  dis  ces  paroles  de 
M.  Tardieu  de  mémoire  :  il  les  a  publiées  en  avril  1914,  dans  les 
A.  S.  P..  Je  lui  ai  demandé  de  rectifier  ce  qu'il  y  a  d'inexact,  mais 
la  version  que  je  donne  ici  est  conforme  à  ce  qu'il  m'a  dit  en 
novembre  1913.) 

«  Or,  ajouta  M.  Tardieu,  toute  cette  étonnante  prédiction  se  réa- 
lisa. A  la  lin  d'août  1870,  je  fus  chargé  par  Nélaton  de  diriger  une 
ambulance.  J'eus  un  uniforme  militaire,  et,  ayant  fait  le  long  des 
boulevards,  à  la  tête  de  mon  ambulance,  une  quête  pour  les 
blessés,  en  chemin  de  fer  je  comptais  dans  mon  képi  l'argent 
recueilli. 


PRÉMONITIONS  499 

«  A  ce  moment  seulement,  je  me  souvins  de  la  prédiction  de  mon 
ami,  de  sorte  que,  lorsque  mes  camarades  me  demandèrent  quelle 
était  notre  destination,  je  leur  dis  :  «  Je  le  sais,  nous  allons  à 
«  Hirson  et  à  Sedan  ». 

«  En  septembre  1870,  Sonrel  fut  nommé  commandant  du  génie. 
Mais,  dès  les  premiers  jours  du  siège,  il  fut  pris  de  variole  hémor- 
ragique. J'arrivai  juste  à  temps  pour  son  dernier  soupir.  Il  m'atten- 
dait, ne  cessait  de  répéter  mon  nom,  en  disant  :  «  Tardieu  va  venir, 
«  je  le  vois  qui  vient.  » 

«  En  1869,  il  s'était  marié,  avait  eu  un  enfant,  et  sa  femme  en 
septembre  1870  était  enceinte.  » 

M.  Tardieu  ajouta  encore  :  «  les  prédictions  personnelles  que  m'a 
faites  Sonrel  sont  sur  le  point  de  se  réaliser,  et  je  présume  que  la 
seconde  partie  de  sa  prédiction  ne  se  réalisera  pas  moins  que  la 
première.  Voilà  pourquoi  je  viens  vous  en  avertir  ». 

Sur  mes  instances  réitérées,  non  sans  quelque  peine,  il  se  décida 
à  écrire  ce  qu'il  m'avait  raconté  de  vive  voix,  et  toutes  ces  prémo- 
nitions ont  été  publiées  dans  les  A.  S.  P.,  en  juin  1914. 

L'étude  critique  de  cette  remarquable  prédiction,  devenue  déjà 
célèbre,  doit  se  faire  en  deux  segments. 

D'abord,  pour  la  première  partie  (les  événements  de  1870),  nous 
n'avons  à  l'appui  que  l'affirmation  de  M.  Tardieu.  Mais  sa  loyauté, 
sa  sincérité,  ne  sont  pas  plus  contestables  que  la  mienne,  ou  celle 
de  sir  Oliver  Lodge,  ou  celle  de  William  James.  Que,  par  suite  des 
déformations  du  souvenir,  certains  détails  soient  inexactement 
rapportés,  je  l'admets  volontiers.  Mais  les  faits  essentiels,  la  pré- 
diction de  la  guerre  de  1870,  la  mort  rapide  de  Sonrel,  voilà  certai- 
nement ce  qui  a  été  dit  au  jardin  du  Luxembourg  en  juillet  1868. 
Même  il  y  a  eu,  en  toute  certitude,  beaucoup  plus.  A  diverses  reprises 
M.  Tardieu  en  a  fait  le  récit  toujours  de  la  même  manière.  Par 
conséquent,  il  s'agit  là  d'une  prénjonition  authentique,  extraordi- 
nairement  riche  en  détails,  et  presque  unique  dans  la  science,  par 
cette  richesse  de  détails  qui  n'ont  certainement  pas  pris  naissance 
dans  l'imagination  très  pondérée,  très  scientifique,  du  Dr  Tardieu. 

La  critique  de  la  seconde  partie  de  la  prédiction,  pour  1914-1918, 
est  de  toute  autre  nature.  Il  y  a  beaucoup  moins  de  détails  assuré- 
ment :  ou,  pour  mieux  dire,  il  n'y  en  a  pas  (la  guerre,  le  sang,  le 


500  METAPSYOHIQUE    SUBJECTIVE 

Rhin,  la  victoire)  :  mais  la  prémonition  a  été  écrite  et  imprimée  ante 
eventum,  de  sorte  que  son  authenticité  ne  contient  pas  la  plus  petite 
parcelle  d'incertitude. 

Assurément  en  novembre  1913  l'état  politique  de  l'Europe  n'était 
pas  très  rassurant.  Pourtant  en  novembre  1913  1a  situation  géné- 
rale était  peut-être  moins  tendue  qu'eu  1910.  En  tout  cas  ce  qui  a 
déterminé  M.  Tardieu  à  venir  me  trouver,  ce  n'est  pas  du  tout  la 
situation  générale  trouble  de  l'Europe,  mais  le  successif  déroule- 
ment des  prophéties  particulières  que  lui  avait  faites  Sonrel  (pro- 
phéties dont  d'ailleurs  il  ne  m'a  été  donné  qu'un  très  vague  et  impar- 
fait résumé).  Cela  dit,  il  est  certain  que  les  mots  de  prédiction  sont 
bien  caractéristiques.  «  Que  de  sang  répandu!  quels  massacres!... 
mais  voilà  la  France  jusqu'au  Rhin.  0  France,  tu  es  toujours  la 
reine  du  monde,  et  tous  les  peuples  t'admirent  !  » 

Une  prémonition.,  imprimée  ante  eventum,  a  été  donnée  au  jour- 
nal la  Vie  nouvelle  (Beauvais)  (nos  324,  325),  ayant  paru  en  février 
et  mars  1914.  L'abbé  J.  A.  Petit  a  communiqué  au  journal  la  Vie 
nouvelle,  ces  documents,  émanant  d'une  simple  paysanne,  qui, 
pendant  sa  transe,  parle  comme  si  elle  était  Jeanne  d'Arc,  guide  de 
la  France. 

Il  y  a  maints  détails  qui  sont  peu  topiques,  découlant  norma- 
lement de  la  seule  supposition  d'une  guerre  prochaine  (à  laquelle 
ou  pensait  en  février  1014).  Je  ne  signale  que  ce  qui  est  intéressant. 

«  Dans  un  avenir  très  prochain,  la  France  va  être  envahie  par  une 
masse  d'ennemis  du  côté  du  N.-O.  (par  rapport  à  Domrémy).  Leur 
entrée  sera  triomphante  à  cause  de  leur  nombre  et  de  l'ignorance 
où  l'on  est  encore  en  France  de  leur  dessein.  Au  moment  où  cette 
invasion  aura  lieu,  nos  corps  d'armée  seront  loin  de  s'y  attendre.  Ce 
sera  par  la  frontière  N.-O.  donnant  sur  deux  départements  que  se 
fera  l'invasion.  La  masse  envahissante  sera  tellement  grande  qu'elle 
atteindra  plusieurs  villes  appartenant  à  un  autre  département.  Il 
faudra  céder.  Le  Nord  et  l'Est  auront  eu  beaucoup  à  souffrir.  L'en- 
nemi descendra  en  ligue  droite  parallèlement  à  la  frontière.  » 

Ici  se  place  le  récit  imaginé  d'une  bataille  sanglante  (ou  d'une 
série  de  batailles)  autour  d'une  place  forte  (Verdun  ??)  (l'ennemi 
trouvera  la  place  trois  fois  plus  forte  qu'il  ne  s'y  attendait). 


PRÉMONITIONS  501 

«  Mais  la  France  n'est  pas  seule.  La  violation  d'un  territoire 
neutre  a  mécontenté  d'autres  puissances  qui  s'unissent  aux  Français  ; 
car  il  est  clair  que  cette  violation  a  été  faite  dans  le  but  d'en  prendre 
possession,  pour  avoir  un  passage  direct  sur  la  frontière  française.  » 

Je  souligne  les  phrases  qui  sont  les  plus  caractéristiques  de  cette 
confuse,  mais  curieuse  prémonition 

«  La  voix  des  puissances  alliées  se  fera  entendre,  mais  l'ennemi 
n'en  tiendra  aucun  compte...  persistance  de  l'ennemi  à  agir  en  ter- 
ritoire neutre  comme  en  pays  conquis.  La  lutte  va  désormais  se 
continuer  chez  ce  petit  peuple,  et  elle  sera  sanglante.  » 

Enfin,  après  maintes  péripéties  obscurément  décrites. 

«  L'ennemi  fléchit  malgré  les  objurgations  des  chefs.  Ce  n'est 
plus  le  découragement,  mais  la  consternation,  l'anéantissement. 
On  ne  se  défend  plus  ;  on  se  laisse  tuer  ;  c'est  la  fiu.  » 

«  Les  Français  et  leurs  alliés  se  réunissent  pour  poser  les  bases 
d'un  traité  de  paix  équitable,  en  vue  d'unir  ensemble  toutes  les 
nations  dans  un  même  sentiment  de  justice  et  de  fraternité.  » 

Est-ce  la  Ligue  des  Nations  ? 

Telle  est,  abrégée,  résumée  (et  par  conséquent  un  peu  mutilée), 
cette  intéressante  prémonition.  Il  n'y  a  pas  assez  de  détails  pour 
qu'elle  puisse  entraîner  la  ferme  conviction  que  la  sagacité  et  le 
hasard  n'en  ont  pas  apporté  tous  les  termes.  Cependant,  à  cer- 
tains égards,  il  y  a  assez  de  précisions  et  de  prévisions  pour 
qu'elle  donne  grandement  à  réfléchir1.  Elle  paraît  cependant  assez 
faible,  en  comparaison  de  la  prédiction  Sonrel. 

Lady  Esther  Stanhopk  eut  des  communications  prophétiques 
d'un  certain  gentilhomme  français,  nommé  Lusteneau,  qui  avait 
annoncé  qu'il  y  aurait  à  Alep  une  catastrophe  sismique  et  qu'Alep 
et  Antioche  seraient  détruites  par  un  tremblement  de  terre.  En 
1822,  comme  M.  Wolff  était  à  Alep  à  un  dîner  auquel  assistaient 
M.  Barker,  M.  de  Lesseps,  M.  Maseyk,  consul  du  Danemark,  on 
plaisanta  pendant  le  dîner  sur  une  lettre  écrite  par  Lady  SïANHOPEà 
M.  Barker,  lettre  où  Lady.  Stanhope  lui  recommandait  de  ne  pas 
aller  à  Alep  dont  la  destruction  était  prochaine.  Mais  on  ne  fit 
qu'eu  rire.  Quelques  jours  après  un  tremblement  de  terre  épouvan- 

i.  D'ailleurs,  pour  en  juger  sainement,  il  faudra  avoir  recours  à  l'original. 


502  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

table,  qui  fit  60.000  morts,  détruisit  Alep  et  Antioche.  M.  Barker 
n'échappa  que  par  miracle  l. 

Les  prémonitions  de  tremblements  de  terre  sont  assez  fréquentes, 
mais  elles  sont  en  général  trop  vagues  pour  mériter  d'être  retenues2. 

Le  Dr  Santi  raconte  qu'une  dame  de  l'aristocratie  romaine,  le 
2  décembre  1909,  annonça  qu'elle  avait  vu,  en  songe,  la  ville  de 
Messine  détruite  par  un  tremblement  de  terre  avec  invasion  de  la 
mer,  et  que  ce  cataclysme  aurait  lieu  le  8,  le  18  ou  le  28  de  ce 
même  mois.  Elle  écrivit  à  cet  effet  au  roi  d'Italie  une  lettre,  que 
M.  Santi  a  vue  et  gardée.  Messine  a  été  détruite  par  un  tremblement 
de  terre  le  28  décembre3. 

A  Nice,  dans  la  nuit  du  5  au  6  mars  1921,  Mad.  F...  rêve  «qu'elle 
est  transportée  dans  une  région  très  lointaine,  aride,  déserte, 
inconnue,  où  elle  ne  retrouve  rien  d'habituel.  Dans  son  rêve,  son  père 
(décédé)  lui  dit  qu'elle  est  au  Brésil.  Pendant  qu'étonnée  elle  regarde 
ces  paysages  nouveaux,  elle  voit  des  gens  fuir  épouvantés;  cardes 
trombes  de  terre  tombaient  de  tous  côtés,  à  sa  grande  frayeur  ». 
Elle  raconte  ce  rêve  à  sou  mari,  et  en  parle  aussi  à  son  frère. 

Or,  le  matin  du  6  mars,  les  journaux  de  Nice  et  de  Paris  annon- 
çaient —  pour  la  première  fois  —  qu'un  tremblement  de  terre 
effroyable  en  Chine  avait  causé.la  mort  de  près  de  250.000  personnes. 
Il  a  été  impossible  à  Mad.  F...  d'avoir  quelque  nouvelle  de  cet  évé- 
nement le  5  mars.  On  avait  la  veille  parlé  du  Brésil,  mais  nullement 
de  tremblement  déterre. 

Est-ce  coïncidence  ?  Est-ce  cryptesthésie  ?  Il  est  à  noter  :  1°  que 
jamais  Mad.  F...  n'a  eu  de  rêves  de  trombes  de  terre  ;  2°  que  le 
tremblement  de  terre  chinois  est  un  des  plus  graves  qu'on  ait  enre- 
gistrés depuis  longtemps. 

Les  prémonitions  qui  suivent  portent  sur  des  événements  minus- 
cules, mais  ce  qui  est  intéressant,  c'est  la  précision  des  détails. 

M.  Mittelmayer  (cas  XXVI  de  B...)i  instituteur  à  Dingolfing 
(Bavière),  rêve  qu'un  paysan,  revenant  de  la  première  messe,  vient 

1.  Bozzano,  334,  d'après  William  Howitt,  History  of  tke  supernalural,  II,  26. 
2    Voy.  aussi  ce  qui  a  été  dit  daus  A.  S.  P.  à  propos  du  tremblement  de  terre 

de  la  Martinique. 

3.   Bozzano,  loc.  cit.,  33a. 


PRÉMONITIONS  503 

le  trouver  pour  lui  dire  que  M.  F...,  veut  l'emmener  à  Fosthart 
pour  y  trouver  une  petite  société  d'ecclésiastiques  et  d'instituteurs, 
et  que  là,  à  l'auberge,  il  remarque  un  monsieur  qui  laisse  sortir  de 
sa  poche  le  Mûnchener  Post.  M.  Mittelmayer  raconte  le  rêve  à  sa 
femme.  Le  lendemain  le  rêve  se  réalise  dans  tous  ses  détails.  Un 
paysan  arrive  après  la  première  messe  pour  lui  annoncer  que  M.  F... 
allait  venir.  Dès  que  M.  F...  arrive,  M.  Mittelmayer  lui  raconte  son 
rêve,  sans  qu'aucune  explication  satisfaisante  en  puisse  être  donnée. 
A  Fosthart,  il  y  avait  un  monsieur  qui  lisait  le  Mûnchener  Post. 

M.  S.  H.,  (cas  CXIV  de  B...),  étant  éveillé,  voit  près  de  sa  table, 
le  dos  tourné  à  la  porte,  un  monsieur  grisonnant,  en  manche  de 
chemise,  qu'il  connaissait,  mais  qu'il  ne  reconnaît  pas.  Il  raconte 
le  fait  à  sa  femme  et  à  ses  trois  employés.  Puis  il  va  à  son  bureau. 
Alors  à  distance  il  voit  quelqu'un  dans  la  rue,  et  il  dit  à  ses 
employés  :  voici  mon  homme  qui  vient.  Ce  monsieur,  étant  entré, 
trouve  que  la  chaleur  est  trop  forte;  il  enlève  son  veston  et  appa- 
raît en  manche  de  chemise,  tel  que  M.  K...  l'avait  vu  dans  son 
rêve. 

Mad.  A...,  atteinte  d'une  forte  fièvre,  voit  dans  un  demi-délire 
une  figure  de  femme  penchée  sur  elle.  Elle  n'en  aperçoit  que  le 
buste  avec  le  prénom  de  Marie,  prénom  suivi  d'un  nom  qu'elle  ne 
peut  pas  lire,  mais  qui  se  termine  par  et.  Deux  jours  après  elle 
cherche  à  louer  une  maison  de  campagne,  et,  dans  le  petit  village 
de  Crosmes  quelle  ne  connaissait  pas,  elle  trouve,  dans  la  petite 
maison  qu'elle  va  habiter,  une  autre  locataire,  quelle  reconnaît  : 
«  Je  suis  sûre,  dit-elle  que  vous  vous  appelez  Marie  ».  Elle  s'appe- 
lait Marie  Galichet  (cas  CXVII  de  B...). 

Mad.  Z...,  tait  un  rêve  très  vivace.  Elle  se  voit  avec  sa  sœur  au 
parc  de  Richmond,  et  là,  sur  une  chaise,  trouve  une  épingle 
médaillon  qu'elle  donne  à  sa  femme  de  chambre.  Elle  raconte  le 
rêve,  et,  sans  doute  cela  lui  donne  l'idée  d'aller  à  Richmond.  En  se 
dirigeant  vers  un  siège,  elle  trouva  une  grosse  épingle  médaillon 
qui  y  était  posée,  et  qu'elle  donna  à  sa  femme  de  chambre. 

Ce  cas  est  assez  intéressant.  Il  y  a  une  bien  invraisemblable 
prémonition,  qui  est  la  trouvaille  de  l'épingle.  Le  reste  semble 
avoir  été  voulu  et  décidé  après  le  rêve,  à  cause  du  rêve.  Point 


504  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

n'est  besoin  pour  que  la  prémonition  soit  intéressante  qu'il 
s'agisse  d'un  événement  grandiose.  Les  petits  incidents  sont  sou- 
vent les  plus  curieux,  par  leur  invraisemblance  et  la  multitude  de 
leurs  détails. 

Mad.  Albert  Richet,  ma  belle-fille,  me  fait  le  récit  suivant  :  «  Le 
dimanche  28  décembre  1919,  à  17  heures  environ,  j'étais  dans  le 
Métropolitain  Nord-Sud,  j'allais  de  la  station  Pasteur  à  la  station 
Pigalle.  Le  compartiment  était  rempli  de  monde  :  j'étais  dans 
mon  état  tout  à  fait  normal.  A  la  station  Solférino,  le  train  était 
déjà  presque  complètement  arrêté,  quand  soudain  j'entends,  venant 
d'un  compartiment  voisin  (arrière),  des  cris  déchirauts  d'une 
femme  et  d'un  enfant,  en  même  temps  que  l'impression  d'un 
brouhaha  général,  comme  si  l'on  accourait  de  tous  côtés  pour  leur 
porter  secours.  Je  me  lève  pour  essayer  de  voir  sur  le  quai  la  cause 
de  ce  tumulte  ;  mais  je  ne  vois  rien  d'anormal.  Alors,  me  levant, 
je  m'adresse  à  une  dame  (que  je  ne  connaissais  pas)  qui  était 
ma  voisine  dans  le  compartiment,  et  je  lui  dis  :  a  Est-ce  que  vous 
n'entendez  pas?  »  Elle  me  regarde  étonnée,  sans  me  répondre,  et 
ne  paraît  pas  me  comprendre  ;  je  reprends  :  «  Est-ce  que  vous 
n'entendez  pas?  »  Elle  me  répond  :  «  Mais  non,  je  n'entends  rien.  » 
Je  me  rends  compte  alors  que  les  cris,  le  brouhaha,  le  tumulte, 
étaient  seulement  dans  mon  imagination.  Il  me  paraît  cependant, 
sans  que  je  puisse  l'affirmer,  que  le  train  mettait  plus  de  temps  que 
d'habitude  à  se  remettre  en  marche. 

«  Une  minute  et  demie  après  nous  arrivons  à  la  station  suivante  : 
Chambre  des  Députés.  Le  train  s'arrête,  et  alors  à  peine  est-il 
arrêté  que  j'entends  exactement,  venant  du  compartiment  d'ar- 
rière, les  mêmes  cris  déchirants  de  femme  et  d'enfant,  et  le  même 
brouhaha  sur  le  quai,  et  le  remous  de  la  foule.  On  dit  autour  de 
moi  que  c'est  une  femme  dont  l'enfant  a  failli  être  étouffé  par  la 
foule.  Mais,  à  cause  de  l'affluence  des  voyageurs  dans  le  comparti- 
ment, lesquels  se  lèvent  et  essayent  de  regarder,  il  m'est  impossible 
de  m'approcher  de  la  portière  assez  pour  voir  ce  qui  s'est  passé 
Cette  fois  le  train  s'est  arrêté  plus  longtemps.  Je  demeurai  stupé- 
faite. 

«  Ce  qui  est  assez  singulier,  cest  que  cette  dame  inconnue  m'a 


PRÉMONITIONS  505 

dit  ces  seuls  mots  sans  commentaire  :  «  C'est  une  prémonition  !  » 
Elle  est  descendue  à  la  station  suivante  (Concorde). 

«  C'est  la  première  fois  qu'un  tel  phénomène  m'est  arrivé.  En 
outre,  quoique  je  voyage  souvent  dans  le  Métropolitain,  c'est  la 
première  fois  qu'il  y  a  eu  en  ma  présence  un  accident  semblable. 
J'en  ai  été  profondément  émue,  et  tous  les  détails  en  sont  parfaite- 
ment gravés  dans  mon  esprit.  » 

Ce  cas  est  extrêmement  net.  Il  ne  peut  pas  s'agir  d'une  param- 
nésie,  puisque  l'hallucination  auditive  a  été  racontée  avant  la  réa- 
lisation (ante  eventum).  D'autre  part,  il  est  difficile  de  voir  là 
une  simple  coïncidence.  Enfin  l'hallucination  a  été  nettement  et 
incontestablement  subjective. 

Voici  deuxfaitsdu  même  genre,  mais  qui  sont  bien  peu  probants1. 
Un  instituteur,  M.  Savelli  (à  Costa  en  Corse),  rentrant  chez  lui, 
passe,  avec  un  ami,  près  d'une  maison  d'où  semblaient  partir  des 
cris  et  des  lamentations.  Puis  tout  cesse.  M.  Savelli  et  son  ami  se 
rendent  compte  qu'il  n'y  a  rien.  Le  lendemain,  passant  par  le  même 
endroit,  ils  entendent  les  mêmes  gémissements.  Cette  fois  les  cris 
étaient  réels.  Un  enfant  avait  été  pris  du  croup  et  venait  de  mourir. 

Un  autre  fait  a  été  raconté  par  M.  Napoléoni,  maréchal  des  logis  en 
retraite.  En  passant  devant  deux  maisons  isolées  avec  un  ami,  il 
entend,  vers  minuit,  des  coups  sourds,  comme  si  on  frappait  du  bois 
avec  un  marteau.  Deux  jours  après,  au  même  endroit,  comme  ils 
repassaient  encore,  ils  entendent  les  mêmes  bruits,  réels  cette  fois. 
Le  menuisier  du  village  faisait  le  cercueil  d'un  berger  mort  la  veille. 

M.  Bowring  (cas  CXX  de  B...)  rêve  qu'il  voit  son  canari  favori 
mort  sur  sa  baignoire,  les  ailes  ouvertes  ;  il  en  parle  à  sa  femme 
qui  tout  de  suite  va  regarder  dans  la  cage.  Tout  est  en  ordre  ;  mais, 
le  lendemain  matin,  le  canari  fut  trouvé  mort,  sur  sa  baignoire,  les 
ailes  ouvertes.  Quelques  oiseaux  précédemment  avaient  été  trouvés 
morts,  mais  toujours  avec  les  ailes  fermées. 

Mad.  Johnson  (cas  CXXI  de  B..)  qui  prend  soin  de  noter  les 
divers  incidents  de  ses  rêves  et  de  ses  visions  —  et  il  est  très  dési- 
rable que  toutes  les  personnes  sensitives  fassent  de  même  —  se  voit 
sortant  d'une  boutique  vide,  en  unecontrée  étrangère  :  devant  elle  un 

1.  Flammarion,  loc.  cit.,  p.  114. 


506  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

énorme  béret  rouge  de  bouffon;  toutes  choses  singulières.  Quelque 
temps  après,  elle  part  inopinément  en  voyage,  va  à  la  Riviera,  entre 
chez  un  fleuriste  dont  la  boutique  est  vide,  et  reconnaît  sa  vision. 
Soudain  apparaît  —  on  était  en  carnaval  —  un  moûsieur  qui  grotes- 
quement  s'incline  devant  elle  avec  forces  révérences.  Il  avait 
sur  la  tête  l'énorme  béret  rouge  de  bouffon  qu'elle  avait  vu  en 
rêve. 

Le  cas  suivant,  communiqué  par  M.  Tweedale,  astronome,  est 
très  remarquable.  Un  matin  à  4  heures,  M.  Tweedale  rêve  qu'il 
voit  à  l'est,  avant  le  lever  du  soleil,  une  comète.  L'impression  est  si 
vive  qu'il  va  à  son  observatoire  immédiatement,  et  il  aperçoit  tout 
de  suite  une  comète,  invisible  à  l'œil  nu,  qu'il  voit  avec  son  téles- 
cope. Il  va  alors  au  télégraphe,  avant  que  le  bureau  télégraphique 
ne  soit  ouvert,  pour  faire  connaître  sa  découverte.  Quelques  ins- 
tants plus  tard,  il  reçoit  par  son  courrier  la  nouvelle  que  la  comète 
venait  d'être  découverte  par  Barnard  et  par  Hartwig  l. 

Y  a-t-il  là  prémonition  ou  cryptesthés\e  ? 

Le  cas  suivant,  très  remarquable,  m'a  été  communiqué  par  un 
de  mes  collègues,  M.  Z...  agrégé  de  la  Faculté. 

Un  soir  de  juillet,  il  va  voir  un  de  ses  amis.  L'ami  était  absent  ; 
il  y  avait  sa  sœur,  Mad.  E. ..  Mon  collègue  devait  partir  le  surlen- 
demain en  vacances,  et  il  a  soudain  l'idée  de  proposer  à  Mad.  E..., 
qui  n'a  jamais  vu  passer  d'examen,  de  venir  à  la  Faculté  de  Méde- 
cine, pour  assister  à  une  soutenance  de  thèse.  Puis,  comme  le  pro- 
fesseur Z...  était  seul  à  Paris,  il  dit  à  Mad.  E...  «  Je  vais  vous 
emmener  ce  soir  au  Cinéma.  »  Mais  il  se  trouva  que  le  Cinéma  était 
fermé.  Alors  ils  errèrent  au  hasard,  et  entrèrent  au  théâtre  du  Grand 
Guignol,  juste  au  moment  où  la  toile  se  levait.  Tout  de  suite  Mad.  E. . . , 
très  émue,  prit  avec  force  la  main  du  docteur  Z...,  et  lui  dit  : 
«  C'est  mon  rêve!  ».  Elle  avait  rêvé  qu'un  homme  couvert  d'un 
affreux  masque,  la  casquette  rabattue  sur  la  figure,  la  poursuivait 
hostilement,  une  bouteille  brisée  à  la  main.  Or  la  pièce  (Le  masque) 
représentait  un  homme  dont  le  visage  avait  été   détruit  par   un 

1.  J.  S.  P.  R.,  novembre  1906,  328,  d'après  English  mecan.  science,  1"  sep- 
tembre 1906. 


PRÉMONITIONS  o07 

accident.  Le  malheureux,  étant  devenu  horrible  etrepoussant,  por- 
tait un  masque,  avec  une  casquette  rabattue  sur  les  yeux.  C'était 
exactement  le  rêve  de  Mad.  E... 

Dans  l'entr'acte,  un  peu  pour  rassurer  Mad.  E..  encore  toute 
tremblante,  le  DrZ...  lui  demande  si  elle  n'a  pas  fait  d'autre  rêve. 
«  Oui,  lui  dit-elle,  je  vous  ai  vu,  venant  à  moi,  dans  un  palais,  avec 
des  statues  tout  autour.  »  —  «  Bon,  dit  le  Dr  Z. . . ,  cest  sans  doute  que 
vous  avez  l'autre  jour  chanté  une  chanson  de  Mignon,  où  il  y  a  des 
hommes  de  marbre.  » 

Le  lendemain,  dans  la  salle  des  Pas  Perdus  de  la  Faculté,  Z..., 
allant  au-devant  de  Mad.  E. . .  la  voit  encore  extrêmement  troublée  ! 
«  Voilà  mon  rêve,  dit-elle,  j'avais  vu  tout  cela,  les  statues,  la 
grille ,  et  vous  arriviez  à  moi,  comme  je  vous  vois  venir  en  ce 
moment.  » 

Nous  n'avons  pas  introduit  dans  notre  classification  un  élément 
intéressant,  c'est  l'utilité  des  prémonitions,  celles  qu'on  pourrait 
appeler  tutélaires.  Bozzano  a  écrit  un  chapitre  spécial  sur  les 
Prémonitions  qui  sauvent.  Elles  sont  relativement  rares  ;  et  d'ail- 
leurs, pour  être  juste,  il  faudrait  aussi  parler  des  prémonitions  qui 
ne  sauvent  pas,  et  qui  sont  beaucoup  plus  nombreuses. 

Dans  quelques  cas,  pourtant,  l'avertissement  prémonitoire  a  été 
assez  formel  pour  qu'on  soit  presque  autorisé  à  cette  conclusion 
étrange  qu'il  y  a  eu  une  volonté  protectrice,  extrinsèque,  nettement 
exprimée.  Mais  ce  n'est  intéressant  que  lorsqu'il  n'y  a  pas  quelque 
notion  inconsciente  ayant  pu  apporter  sur  les  événements  à  venir  une 
vague  présomption.  Il  faut,  pour  donner  à  ces  prémonitions  tuté- 
laires le  caractère  d'une  vraie  prémonition,  que  le  danger  soit  tout 
à  fait  imprévoyable. 

Voici  quelques  cas  de  ces  prémonitions  tutélaires. 

M.  Wiltshire  *  un  matin,  de  très  bonne  heure,  est  réveillé 
par  une  voix  qui  l'appelle  très  haut,  et  à  plusieurs  reprises. 
Son  fils  n'entend  rien.  La  voix,  qu'il  ne  reconnaît  pas,  avait  un 
accent  d'agitation  ;  et  l'impression  lui  était  restée  que  quelque 
chose  de  malheureux  se  préparait,  et  qu'on  aurait  un  besoin  urgent 

1.  Bozzano,  p.  381. 


508  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

de  lui.  Comme  il  était  éleveur  de  bétail,  il  sort  pour  aller  inspecter 
ses  étables.  Il  n'y  avait  personne  dans  le  village  qu'une  jeune 
servante  qui  marchait  avec  grande  agitation.  M.  Wiltshire  la 
perdit  de  vue  ;  car  elle  marchait  très  vite,  mais  bientôt  il  entendit 
des  cris.  C'était  la  malheureusequi  s'étaitjetée  volontairement  dans 
un  puits  très  profond.  M.  Wiltshike  arrive  juste  à  temps  pour  la 
sauver.  Dans  ce  cas  ïe  fait  qu'une  voix  a  été  entendue  est  trop  net 
pour  qu'on  puisse  supposer  uue  simple  coïncidence. 

Le  cas  suivant,  communiqué  par  C.  de  Vesme  à  Flammarion1,  est 
remarquable  à  maints  égards  ;  car  il  s'agit  d'une  prémonition  publi" 
quement  exposée,  longtemps  à  l'avance,  à  diverses  personnes.  Un 
certain  Vincent  Sassaroli,  nommé  directeur  d'une  troupe  de  musi- 
ciens à  Sartano,  annonce  que  le  local  où  les  musiciens  doivent  jouer 
va  s'écrouler.  C'était  la  maison  du  chanoine  Bacherini.  Sassaroli 
insiste  pour  qu'un  architecte  habile  examine  la  maison  avec  soin. 
On  ne  trouve  rien  d'anormal,  et  alors  on  plaisante  la  folie  et  la 
timidité  de  Sassaroli.  Au  jour  fixé,  Sassaroli  répète  sa  prédiction, 
en  annonçant  que  la  maison  va  s'écrouler.  On  sort  en  riant,  et  en 
se  moquant  du  visionnaire.  Mais  à  peine  était-on  dans  la  rue  que  la 
maison  s'écroula  de  fond  en  comble.  11  y  eut  un  rapport  sur  cet 
événement  mémorable,  certifié  par  tous  les  habitants  de  la 
maison. 

Mad.  X...2  voit  en  un  rêve  très  net  qu'elle  est  en  voiture  à 
Piccadilly,  près  de  Downstreet,  et  que  son  cocher,  renversé  du 
siège,  tombe  par  terre,  avec  son  chapeau  haut  de  forme  écrasé 
sur  le  sol.  La  journée  qui  suivit,  elle  alla  en  voiture,  à  Piccadilly, 
au  coin  de  Downstreet.  et  bientôt  s'aperçut  que  son  cocher  était  ren- 
versé en  arrière,  à  demi  évanoui.  Elle  fit  arrêter  la  voiture,  et  aussi- 
tôt le  cocher  tomba,  de  sorte  que  son  rêve  fut  à  demi  réalisé.  A  demi 
seulement,  car  le  chapeau  haut  de  forme  ne  fut  pas  écrasé.  L'acci- 
dent fut  évité,  écrit  lady  Z...,  par  la  prompte  action  à  laquelle  me 
poussa  le  souvenir  subit  du  songe. 

1.  Loc.  cit.,  p.  338. 

2.  Bozzano,  p.  387. 


PRÉMONITIONS  .  '  S09 

§  4.  —  CONCLUSION 

Une  conclusion  se  dégage  de  tous  ces  faits,  tantôt  graves, 
tantôt  minuscules;  une  conclusion  que  des  critiques  de  détail  ne 
peuvent  pas  entamer,  c'est  que  la  prémonition  est  un  fait  démontré. 
Fait  étrange,  paradoxal,  d'apparence  absurde,  mais  enfin  qu'on  est 
forcé  d'admettre. 

Ainsi,  dans  certaines  conditions  mal  détermiuées  encore,  certains 
individus,  et  le  plus  souvent  (quoique  non  exclusivement)  des 
individus  hypnotisables  ou  des  médiums,  peuvent  annoncer  des 
faits  à  venir  et  donner  pour  ces  faits  qui  ri  existent  pas  encore,  et  qui 
sontimprévoyables,  des  détails  précis,  et  tellement  précis,  que  nulle 
sagacité,  nulle  coïncidence,  nul  hasard,  ne  pourraient  expliquer 
cette  prédiction. 

Il  faut  donc  de  toute  nécessité  supposer  que  la  faculté  de  connais- 
sance spéciale,  mystérieuse,  inconnue  dans  sa  nature  et  ses  moda- 
lités, que  nous  avons  appelée  la  cryptesthésie,  ne  se  manifeste  pas 
seulement  pour  les  choses  passées  ou  actuelles,  mais  aussi  pour  les 
choses  futures. 

Après  tout  la  connaissance  métapsychique  du  présent  est  telle- 
ment extraordinaire,  que  la  connaissance  de  l'avenir  ne  l'est  pas 
énormément  davantage.  A...  sait  que  B...  à  cette  même  heure,  s'est 
noyé  à  mille  kilomètres  de  là.  Gomment  A...  peut-il  le  savoir? 
Nousl'ignorons  totalement.  A...  annonce  queB...  se  noyera  demain. 
C'est  un  mystère  un  peu  plus  grand,  mais  voilà  tout.  Dans  le 
domaine  de  la  lucidité  métapsychique.  l'étrangeté  est  si  profonde, 
et  l'obscurité  si  intense,  qu'un  peu  plus  ou  un  peu  moins  d'obscu- 
rité et  d'étrangeté  ne  doivent  pas  nous  effarer. 

Allons-nous  en  conclure  que  le  temps  n'est  qu'une  forme  défec- 
tueuse de  notre  constitution  mentale?  que  dès  maintenant  tout 
l'avenir  est  fixé,  irrévocablement  ?  que  le  libre  arbitre  n'est 
qu'une  illusion  et  qu'il  n'y  a  plus  de  responsabilité  morale?  On 
pourrait  instituer  là-dessus  une  discussion  abondante.  Mais  je 
ne  veux  nullement  entrer  ici  dans  des  considérations  qui  seraient 
plutôt  de  la  métaphysique  que  de  la  métapsychique. 

Je  ne  me  laisserai  pas  entraîner  dans  les  spéculations  vaiues.  Je 


510  MÉTAPSYCHIQUE    SUBJECTIVE 

resterai  dans  l'étroit  domaine  des  faits.  Or  il  existe  des  faits  avérés, 
indiscutables,  de  prémonition.  L'explication  viendra  (ou  ne  viendra 
pas)  plus  tard.  Les  faits  n'en  sont  pas  moins  là,  authentiques,  irré- 
cusables. Il  y  a  des  prémonitions. 

Sont-elles  dues  à  la  force  seule  de  l'intelligence  humaine,  ou  à 
d'autres  forces  intelligentes  agissant  sur  notre  intelligence  même? 
Il  est  impossible  actuellement  d'en  décider.  Contentons-nous 
d'abord  de  rapporter  exactement  les  faits. 

Et  ce  serait  une  témérité  inexcusable  que  de  dire,  ainsi  que  nous 
le  disons  hardiment  :ily  a  des  prémonitions,  s'il  n'en  avait  pas  été 
donné  —  comme  nous  croyons  l'avoir  fait  —  des  preuves  formelles 
et  abondantes. 


LIVRE  III 
MÉTAPSYCHIQUE  OBJECTIVE 


CHAPITRE  PREMIER 

MÉTAPSYCHIQUE  OBJECTIVE  EN  GÉNÉRAL 

L'étude  des  hallucinations  collectives  a  fait  la  transition  entre  ce 
qui  est  objectif  et  ce  qui  est  subjectif. 

En  effet,  lorsque  deux  personnes  voient  un  fantôme,  et  le  décri- 
vent d'une  manière  identique,  il  est  difficile  de  supposer  qu'elles 
ont  été  simultanément  et  identiquement  hallucinées. 

Aussi  bien,  nous  voici  déjà,  par  le  fait  que  des  monitions  complè- 
tement et  simultanément  collectives  existent,  amenés  à  présumer 
qu'il  y  a  des  matérialisations  ;  car  on  ne  comprend  guère,  s'il  n'y  a 
pas  d'image  extérieure,  qu'il  y  ait  hallucination  simultanée  et  iden- 
tique de  plusieurs  personnes.  Mais  les  exemples  ne  sont  ni  assez 
nombreux  ni  assez  méthodiquement  enregistrés  pour  que  la  dé- 
monstration soit  rigoureuse.  Or  la  méthode  expérimentale  va  sup- 
pléer à  cette  insuffisance  de  la  méthode  par  observation.  De  multi- 
ples expérimentations,  extrêmement  précises,  que  nous  expose- 
rons plus  loin,  apporteront  la  preuve  décisive  de  la  matérialisation. 

La  métapsychique  objective  peut  être  divisée  ainsi  : 

A.  Télékinésies,  c'est-à-dire  mouvements  d'objets,  à  distance,  sans 
contact.  Bruits  et  coups  frappés,  sans  qu'il  y  ait  de  formes  vivantes 
matérialisées. 

B.  EctoplasmieS;  c'est-à-dire  matérialisations  de  formes  vivantes, 
d'objets,  de  figures,  de  personnages. 

C.  Maisons  hantées. 

Les  phénomènes  matériels  objectifs  sont  beaucoup  plus  rares  que 


512  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

les  phéuomènes  subjectifs.  Il  n'est  qu'un  très  petit  nombre  de 
médiums  capables  de  les  produire.  Encore,  même  chez  ces  médiums 
à  effets  physiques,  le  plus  souvent  les  phénomènes  se  bornent-ils  à 
des  coups  et  à  des  raps,  sans  qu'on  puisse  observer  des  mouvements 
d'objet  sans  contact,  et  moins  encore  des  matérialisations. 

Les  médiums  à  effets  physiques,  étant  des  êtres  exceptionnels, 
en  général  deviennent  des  professionnels,  comme  les  sœurs  Fox, 
les  Davenport,  Home,  Egunton,  Mad.  d'Espérance,  Eusapia,  Marthe 
Béraud.  Quelques-uns.  par  exception,  comme  Stainton  Moses, 
Linda  Gazzera,  Stanislawa  Tomczyk,  Miss  Goligher  ont  pu  déve- 
lopper leurs  facultés  dans  des  cercles  limités  sans  qu'on  ait  rétribué 
leur  médiumuité. 

Mais,  qu'il  s'agisse  des  uns  ou  des  autres,  dans  tous  les  cas,  les 
mêmes  précautions  doivent  être  prises  contre  la  fraude.  Si  j'avais 
par  moi-même  quelque  pouvoir  médianimique,  j'exigerais  que 
toutes  les  précautions  fussent  prises  contre  une  fraude  possible, 
commise  ou  à  commettre  par  moi.  Car  il  est  à  peu  près  certain  que 
les  médiums,  en  état  de  trance,  surtout  si  la  trance  est  profonde, 
perdeut  tout  contrôle  sur  leurs  mouvements,  et  deviennent  alors, 
malgré  toute  leur  bonne  foi  normale,  capables  des  pires  collusions. 

Toute  expérience  exige  le  plus  constant  et  le  plus  sévère  con- 
trôle, quel  que  soit  le  médium.  C'est  à  ce  prix  seulement  qu'une 
expérimentation  est  valable. 

Cette  sévérité  extrême  a  une  contre-partie.  Parce  qu'un  médium 
a  fait  une  expérience  qui  a  des  apparences  frauduleuses,  ce  n'est 
pas  une  raison  absolue  pour  le  discréditer  irrémédiablement.  Met- 
tez vous  dans  des  conditions  telles  que  toute  fraude  sera  impossible, 
même  si  le  médium  est  suspect.  Quand  Mad.  Roberts  entre  dans 
une  cage  dont  je  possède  seul  la  clé,  si  je  suis  sûr,  matériellement 
sûr,  de  la  solidité  de  ma  cage,  et  si  j'ai  disposé  l'expérience  de  telle 
sorte  que  personne  n'en  possède  la  clé,  une  fois  que  j'aurai  bel  et 
bien  constaté  que  Mad.  Roberts  est  dans  la  cage,  et  que  personue  ne 
peut  entrer  dans  la  pièce  où  je  me  trouve  avec  elle,  toutes  les  machi- 
nations possibles  seront  sans  effet.  Mais,  si  je  n'ai  pas  pris  ces  pré- 
cautions, si  quarante  personnes  sont  dans  la  salle,  si  la  cage  (que 
je  n'ai  pas  fait  construire  par  mon  mécanicien),  vérifiée  superficiel- 
lement par  moi,  est  placée  loin  de  moi  sur  une  estrade,  il  me  sera 


MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE    EN   GÉNÉRAL  513 

impossible  de  conclure;  et  ma  méfiance  sera  terriblement  accrue 
par  le  fait  qu'il  s'agit  d'une  représentation  publique  payante.  En 
voilà  largement  assez  pour  me  donner  la  certitude  que  Mad.  Roberts 
opère  par  un  truc  plus  ou  moins  habilement  machiné,  même  si  je 
n'ai  pas  été  assez  habile  pour  découvrir  ce  truc. 

Les  faits  nombreux  que  nous  allous  citer  sout  ceux  pour  lesquels 
toute  machination  a  été  impossible. 


Kichet.  —  Métapsj  chique.  33 


CHAPITRE  II 

MOUVEMENTS  D'OBJETS  (TÉLÉKINÉSIES) 

Les  mouvements  d'objets  sans  contact  constituent  le  chapitre, 
sinon  le  plus  important  et  le  plus  extraordiuaire,  au  moins  le  plus 
communément  observé  de  toute  la  métapsychique  objective.  C'est 
en  effet  par  les  mouvements  d'une  table,  ou  ceux  d'une  manette  se 
déplaçant  sur  un  alphabet,  que  le  plus  souvent  se  manifestent  les 
actions  extérieures  d'origine  supposée  métapsychique. 

A.  —  Mouvements  de  tables. 

Déjà  du  temps  de  Tertullien,  il  avait  été  observé  qu'une  table 
sur  laquelle  on  mettait  (ou  ne  mettait  pas)  les  mains,  paraissait 
donner  des  réponses  intelligentes. 

L'essentiel  est  de  savoir  jusqu'à  quel  point  ces  mouvements  de  la 
table  sont  dus  aux  contractions  musculaires,  inconscientes  ou  non, 
de  la  personne  qui  a  mis  les  mains  sur  la  table. 

Le  problème  paraît  très  simple.  En  réalité  il  est  d'une  difficulté 
extrême. 

Assurément,  dans  la  plupart  des  cas,  il  n'y  a  aucun  doute  qu'il 
s'agit  de  mouvements  musculaires  inconscients. 

De  même  qu'un  sujet,  hypnotisé  ou  non,  en  état  de  trance 
ou  en  état  de  veille,  couvre  avec  un  crayon  ou  une  plume  de 
grandes  pages  d'écriture  (écriture  automatique)  dont  il  ne  connaît 
pas  le  sens,  et  qui  cependant  ont  un  sens,  de  même  il  peut,  quand 
il  a  les  mains  apposées  sur  une  table,  faire  tenir  à  cette  table,  par 
des  mouvements  qui  correspondent  à  telle  ou  telle  lettre  de  l'al- 
phabet, des  conversations  suivies,  méthodiques,  qui  semblent  pro- 
venir d'une  personnalité  étrangère  :  car  presque  toujours  l'écri- 


mouvements  d'objets  (télékinésies)  515 

ture  automatique  ou  les  réponses,  de  la  table  prétendent  qu'elles 
expriment  la  pensée  d'une  personnalité  autre  que  celle  du  sujet. 

Cependant  il  est  hors  de  doute  que  dans  la  plupart  des  cas,  sinon 
dans  tous,  ces  mouvements  s'expliquent  simplement  parles  actions 
musculaires  inconscientes  du  sujet.  On  voit  ses  muscles  se  contrac- 
ter, et  comme,  sur  une  table  en  équilibre  instable,  la  moindre 
pression  détermine  un  mouvement,  on  ne  peut  raisonnablement 
supposer  autre  chose  qu'un  mouvement  inconscient,  aussi  bien 
pour  les  balancements  de  la  table  que  pour  l'écriture  automatique. 

Ce  qui  trouble  et  parfois  fait  hésiter  dans  cette  conclusion  néces- 
saire, c'est  que  les  réponses  de  la  table  sont  vraiment  vivantes  ;  les 
émotions  de  l'inconscient  se  traduisent  fidèlement  par  la  forme  des 
mouvements  de  l'objet  inerte.  Cette  table  inanimée  semble  avoir 
une  âme.  Tantôt  elle  hésite,  tantôt  elle  s'irrite,  tantôt  elle  affirme 
avec  énergie,  tantôt  elle  se  balance  avec  solennité.  On  ne  peut  pas 
imaginer,  quand  on  n'a  pas  assisté  à  ces  séances,  jusqu'à  quel 
point,  par  la  fréquence  ou  la  force,  par  la  lenteur  ou  l'hésitation, 
par  la  vigueur  ou  la  douceur  des  mouvements,  des  sentiments  divers 
peuvent  être  exprimés.  C'est  un  véritable  langage,  parfois  éloquent, 
toujours  intéressant,  qui,  pour  peu  qu'on  ait  quelque  naïveté,  fait 
conclure  qu'une  intelligence  étrangère  meut  cette  table. 

Mais  ce  serait  une  conclusion  folle.  Les  émotions  qu'on  est  tenté 
d'attribuer  à  la  table  sont  les  émotions  qui  agitent  l'inconscience  du 
médium.  Les  mouvements  de  la  table  sont  les  mouvements  que  les 
muscles  du  médium  imposent  à  la  table.  Il  n'y  a  là  rien  de  méta- 
psychique.  C'est  un  phénomène  de  psycho-physiologie  normale 
qui  peut  se  résumer  ainsi,  aussi  bien  pour  l'écriture  automatique 
que  pour  les  mouvements  de  la  table  ou  de  la  planchette. 

Il  y  a  des  mouvements  inconscients,  parfois  très  énergiques,  qui 
peuvent  s' 'or ganiser  méthodiquement  et  s' 'attribuer  à  une  personnalité 
spéciale,  laquelle  paraît  différente  de  la  personnalité  du  médium. 

De  fait  le  problème  est  loin  d'être  aussi  élémentaire.  Et  on 
ferait  une  grave  erreur  si  l'on  croyait  avoir  tout  expliqué  par 
les  contractions  musculaires  inconscientes.  En  effet  les  grands 
mouvements  de  la  table,  quand  la  table  est  très  lourde,  par 
exemple,  et  que  les  contractions  musculaires  sont  presque  imper- 


516  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

ceptibles,  peuvent  difficilement  s'expliquer  par  des  mouvements 
inconscients,  de  sorte  que,  dans  quelques  cas,  il  est  presque  impos- 
sible d'affirmer  que  les  déplacements  delà  table  sont  dus  unique- 
ment à  des  contractions  musculaires.  Maintes  et  maintes  fois,  j'ai 
vu  des  tables  pesantes  se  déplacer  intensivement  et  rapidement, 
alors  que  le  médium  les  touchait  à  peine.  Elles  viraient,  voltaient, 
allaient  d'un  bout  à  l'autre  de  la  pièce  avec  uue  telle  agilité  qu'on 
avait  peine  à  les  suivre,  et  pourtant  le  médium  ne  posait  que  très 
légèrement  un  doigt  au  centre  de  lavable. 

Entre  autres  expériences  de  ce  genre,  je  citerai  celle-ci,  qui  a  été 
caractéristique.  J'avais  fait  construire,  pour  les  expériences  que  je 
voulais  faire  dans  l'île  Ribaud  avec  Eusapia  Paladino,  une  table 
carrée  de  1  mètre  de  hauteur  et  de  1  mètre  de  côté.  En  outre  les 
pieds  de  la  table  étaient  pointus,  pour  qu'il  fût  difficile  de  soulever 
cette  table  parles  pieds.  Il  se  trouva  que,  lorsque  Ochorowicz  et  moi 
nous  vîmes  cette  table  que  le  menuisier  venait  apporter,  nous  la 
jugeâmes  beaucoup  trop  lourde  (20  kilos).  Pourtant  nous  essayâmes 
le  soir  même  l'expérience.  Or  à  peine  Eusapia  eut-elle  touché  du 
bout  des  doigts  cette  lourde  table  qu'il  y  eut  des  soulèvements 
énormes,  des  balancements  considérables,  et  que,  même  sans  que 
les  pieds  de  cette  table  fussent  touchés,  elle  se  souleva  de  quatre  pieds 
complètement1. 

Pourtant  je  ne  ferai  pas  état  de  ces  troublantes  expériences  dans 
lesquelles  il  y  a  un  contact  même  très  léger  ;  car  il  est  trop  difficile 
de  séparer  ce  qui  est  dû  à  la  mécanique  normale  musculaire,  et  ce 
qui  est  dû  à  la  force  métapsychique.  Fidèle  au  grand  principe  qui 
doit  nous  guider  dans  cette  étude,  dès  qu'il  est  possible  d'expliquer 
normalement  un  phénomène,  c'est  l'explication  normale  que  j'adop- 
terai, pour  peu  qu'elle  ne  soit  pas  radicalement  impossible.  Donc, 
au  risque  d'exagérer  mon  scepticisme,  je  dirai  que,  toutes  les  fois 
que  les  mains  des  assistants  et  du  médium  touchent  la  table,  même 
très  légèrement,  il  faut  supposer  que  les  mouvements  sont  exclusi- 
vement des  mouvements  musculaires  inconscients. 

Et  cependant  il  est  probable  que  dans  nombre  de  cas  les  mou- 

1.  Pour  expliquer  par  la  mécanique  naturelle  ce  phénomène,  toutes  les  hypo- 
thèses sont  absurdes.  Il  n'y  avait  ni  crochets,  ni  cordes.  C'était  en  demi-lumière, 
et  nous  tenions  les  mains  et  la  tête  d'EosAPiA. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIES)  547 

vements  sont  dus  pour  une  bonne  part  à  des  forces  métapsy- 
chiques.  Toutefois  la  distinction  est  trop  difficile  à  faire  pour 
qu'on  puisse  en  déduire  quelque  conclusion  définitive.  Dès  qu'il 
y  a  contact  des  mains  avec  la  table,  il  faut  résolument  rejeter 
l'hypothèse  d'une  force  autre  que  la  force  musculaire  du  médium. 
Mais  quand  les  mains  ne  touchent  pas  du  tout  la  table,  ou  peut 
établir  qu'il  y  a  des  mouvements  sans  contact,  des  télékinésies. 

D'abord  ce  ne  sont  pas  seulement  les  tables  qui  se  déplacent, 
mais  les  objets  les  plus  divers,  qui  peuvent  être  alors  transportés 
d'un  point  à  un  autre.  J'ern  citerai  plus  loin  de  nombreux  exemples, 
mais  auparavant  je  voudrais  indiquer  brièvement  les  conditions 
nécessaires  pour  que  l'expérimentation  soit  valable. 

Eu  effet  le  plus  souvent,  ou,  pour  mieux  dire,  presque  toujours, 
il  n'y  a  mouvement  sans  contact  que  dans  l'obscurité.  Aussi  les  pré- 
cautions doivent-elles  redoubler  contre  la  possibilité  d'une  fraude. 

La  fraude  est  d'autant  plus  à  redouter  que  ces  mouvements  d'ob- 
jet sans  contact  sont  rares,  produits  presque  uniquement  par  des 
médiums  professionnels.  Les  faits  subjectifs  sont  bien  souvent 
observés  par  des  personnes  ne  faisant  pas  métier  de  médiums,  et 
par  conséquent  il  est  vraisemblable  qu'elles  ne  fraudent  pas.  Mais, 
dèsqu'uu  médium  est  assez  puissant  pour  obtenir  des  mouvements 
d'objets  sans  contact,  il  est  tout  naturellement  tenté  de  faire  pro- 
fession de  médium,  et,  dans  ce  métier,  la  tentation  de  frauder  est 
presque  irrésistible.  D'autant  plus  que  très  souvent  le  médium, 
quand  il  est  en  état  de  trance,  ne  distingue  pas  très  bien  ce  qui  est 
mouvement  musculaire  de  ses  mains  et  de  ses  bras,  et  ce  qui  est 
phénomène  métapsychique.  L'état  mental  des  médiums  n'est  pas  du 
tout  l'état  normal  ;  dans  le  cours  d'une  expérience,  ils  perdent  une 
partie  de  leur  responsabilité,  et  alors  ils  n'ont  qu'une  bonne  foi 
atténuée,  même  lorsque,  à  l'état  de  veille,  ils  sont,  comme  l'était 
l'excellente  Eusapia  Paladino,  d'indiscutable  bonne  foi. 

Donc,  dans  l'obscurité  complète,  entouré  de  personnes  crédules 
et  souvent  ignorantes,  ne  sachant  pas  distinguer  où  sont  vraiment 
ses  membres,  et  ce  que  peuvent  faire  ses  muscles,  le  médium  est 
tenté  de  tricher,  c'est-à-dire  de  mouvoir  des  objets  avec  sa  main, 
tout  en  prétendant,  avec  sincérité  peut-être,  qu'il  ne  les  a  pas  touchés. 


518  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Par  conséquent,  on  doit  s'assurer,  en  absolue  certitude,  que  les 
mains  (et  la  tète  et  les  pieds)  du  médium  ont  été  solidement  main- 
tenues de  manière  à  empêcher  tout  mouvement  parasite.  Il  faut  une 
vigilance  qui  ne  se  lasse  pas,  et  une  longue  pratique  pour  acquérir 
cette  certitude,  car  les  médiums  ont  tendance  à  faire  de  continuels 
mouvements.  Leurs  mains  ne  sont  jamais  en  repos.  Eusapia  —  le 
médium-type  pour  les  mouvements  d'objets  —  n'avait  jamais  un 
instant  de  tranquillité,  et  il  était  nécessaire  de  veiller  à  ce  que  ses 
mains  ne  fussent  jamais  libres;  car,  dès  qu'une  de  ses  mains  se 
libérait,  Eusapia  en  profitait  pour  faire  les  mouvements  défendus, 
et  attribuer  à  des  phénomènes  métapsychiques  (mouvements  dune 
main  fluidique)  ce  qui  n'était  que  le  mouvement  musculaire  de  sa 
main  normale. 

Sur  beaucoup  de  sujets,  au  lieu  de  tenir  le  médium,  on  ligote 
fortement  les  membres.  Tantôt  on  l'enferme  dans  des  vêtements 
qui  sont  cousus;  dans  certains  cas  on  fait  passer  un  fil  dans  les 
ongles.  Tantôt  on  cachette  avec  de  la  cire  les  nœuds  qui  attachent 
les  mains.  Ce  sont  précautions  utiles,  dans  le  détail  desquelles  je  ne 
puis  entrer  ici,  et  qui  doivent  varier  avec  les  conditions  expérimen- 
tales, comme  avec  la  psychologie  du  médium. 

Mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  toutes  ces  précautions,  encore 
qu'elles  soient  indispensables,  tendent  à  diminuer  l'intensité  des 
résultats.  La  certitude  augmente,  maïs  le  résultat  s'affaiblit.  Si  l'on 
veut  avoir  de  très  brillantes  séances,  il  faut  laisser  le  médium  assez 
libre.  De  même  que,  dans  les  expériences  subjectives,  la  crédulité 
et  la  confiance  aveugles  des  assistants  intensifient  les  phénomènes, 
de  même,  dans  les  expériences  objectives,  quand  on  ligote  étroite- 
ment, avec  une  surveillance  inexorable,  le  médium,  on  n'a  souvent 
que  peu  de  chose. 

Cette  constatation,  que  j'ai  faite  maintes  fois,  excitera  le  sourire 
des  sceptiques.  Mais  je  crois  que  dans  ce  cas  les  sceptiques  ont  tort, 
et  que  souvent  il  vaut  mieux  laisser  le  médium  assez  libre  ;  mais, 
bien  entendu,  il  faudra  alors  observer  avec  une  vigilance  et  une 
surveillance  infatigables  tout  ce  qui  se  passe,  tout  regarder,  douter 
de  tout,  et  finalement  être  très  rigoureux  dans  les  conclusions,  tout 
en  ayant  été  très  conciliant  pour  les  conditions  de  l'expérimentation. 

La  vraie  méthode  me  paraît  être  la  suivante  :  c'est  d'abord,  pour 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIES)  519 

qu'il  y  ait  une  ample  moisson  de  faits,  de  laisser  le  médium  aban- 
donné à  lui-même  ;  puis,  à  la  séance  suivante,  de  prendre  quelques 
précautious  sommaires,  et,  à  chacune  des  séances  ultérieures,  de 
devenir  plus  sévère,  plus  exigeant,  de  manière  qu'il  soit  finalement 
impossible  de  supposer  que  les  phénomènes  sont  dus  à  des  mouve- 
ments musculaires  normaux,  enfin,  et  surtout,  de  répéter  et  de 
multiplier  les  expériences. 

Un  précieux  moyen  de  contrôle,  c'est  la  photographie.  A  un 
moment  donné,  on  fait  déflagrer  du  magnésium,  et  l'objectif  photo- 
graphique, par  avance  convenablement  disposé,  donne  l'image 
exacte  de  la  situation  où  était  le  médium  quand  l'objet  a  été 
déplacé. 

On  doit,  ce  me  semble,  toujours  prévenir  le  médium  qu'une  pho- 
tographie instantanée  peut  être  prise  et  même  qu'elle  va  être  prise. 
Après  tout  on  risque  peut-être  de  compromettre  la  santé  ou  les 
facultés  d'un  médium  en  faisant  jaillir  à  l'improviste,  pendant  sa 
trance,  la  lumière  du  magnésium.  J'ai  ce  scrupule  (exagéré  peut- 
être),  de  ne  pas  vouloir  les  surprendre,  encore  moins  de  les  trom- 
per. Certes,  dans  quelques  cas,  quand  on  a  obtenu  des  preuves  très 
fortes  qui  établissent  la  grande  vraisemblance  d'une  fraude  cons- 
ciente machinée  à  l'avance,  on  a  le  droit,  pour  une  constata- 
tion définitive,  de  faire  cette  photographie  détectivante  ;  mais,  en 
principe,  je  crois  plus  digne  de  traiter  les  médiums  humaine- 
ment, et  de  montrer,  vis-à-vis  d'eux,  la  bonne  foi  qu'on  exige 
d'eux. 

Par  les  sceptiques,  une  objection  est  souvent  présentée,  que  le 
vulgaire  regarde  comme  dirimante.  On  dit  :  «  Pourquoi  l'obscu- 
rité? Si  vous  n'avez  rien  à  la  lumière,  c'est  parce  que  le  médium 
profite  de  l'obscurité  pour  vous  tromper.  Quand  vous  aurez  obtenu 
ces  phénomènes  en  plein  jour,  ou  avec  un  fort  éclairage,  j'y  croirai. 
Mais  jusque-là  je  prétends  qu'il  n'y  a  que  tricheries,  puisqu'il  faut 
l'obscurité,  qui  rend  faciles  toutes  les  supercheries.  » 

Cette  objection  est  sans  valeur  pour  deux  raisons  : 

1°  Il  semble  prouvé  que  beaucoup  de  ces  phénomènes  de 
télékinésie,  sinon  tous,  ne  peuvent  avoir  lieu  en  plein  jour.  Tout 
se  passe  comme  si  l'obscurité  était  une  des  conditions  nécessaires  à 


520  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

la  mauifestation  de  ces  forces.  Or  ce  n'est  pas  du  tout  absurde.  Nous 
connaissons  maints  phénomènes  qui  ne  se  produisent  pas  en  lumière, 
comme  d'autres  qui  ne  se  produisent  pas  dans  l'ombre. 

Je  suppose,  par  exemple,  qu'on  dise  à  un  photographe  :  «  Pour- 
quoi, pour  développer  vos  plaques,  vous  mettez-vous  dans  un  cabi- 
net sombre  ou  à  peine  éclairé  d'une  lampe  rouge?  Il  y  a  quelque 
tricherie  là-dessous.  Je  ne  croirai  à  vos  photographies  que  si  vous 
les  développez  en  pleine  lumière.  »  Le  photographe  aurait  le  droit 
de  répondre  que  la  lumière  gêne  le  développement  des  plaques.  De 
même  le  métapsychiste  a  parfaitement  le  droit  de  répondre  que  la 
lumière  gène  les  mouvements  d'objets  sans  contact. 

2°  La  seconde  raison  pour  laquelle  l'objection  n'est  pas  valable, 
c'est  qu'avec  certains  médiums  les  mouvements  avaient  lieu  en 
pleine  lumière,  comme  notamment  avec  Home.  Etd'autrepart,  dans 
de  nombreux  cas,  l'obscurité  n'était  pas  assez  profonde  pour  que  des 
contrôles  visuels  parfaitement  satisfaisants  n'aient  pu  être  obtenus. 

B.  —  De  quelques  télékinésies  expérimentales. 

Les  phénomènes  suivants  sont  extrêmement  intéressants,  non 
seulement  en  soi,  mais  encore  parce  qu'ils  ont  été  très  anciennement 
observés.  Le  juge  John  W.  Edmunds,  légiste  réputé,  juge  du  district, 
a  commencé  ses  recherches  en  janvier  1851.  Ce  n'est  qu'en  avril 
1853  qu'il  a  été  convaincu  de  la  réalité  des  phénomènes.  «  J'ai 
recouru,  dit-il,  à  tous  les  expédients  que  je  pouvais  imaginer  pour 
découvrir  une  imposture  et  me  mettre  en  garde  contre  les  super- 
cheries... J'ai  vu  une  table  en  acajou,  ayant  un  pied  central  et  por- 
tant une  lampe  allumée,  s'élever  au  moins  d'un  pied  au-dessus  du 
parquet,  malgré  les  efforts  des  personnes  présentes...  Une  chaise 
d'acajou  qui  se  jetait  sur  le  côté  et  se  mouvait  vivement  en  arrière 
et  en  avant  sur  le  sol,  sans  que  personne  la  touchât,  à  travers  une 
chambre  où  il  y  avait  au  moins  une  douzaine  de  personnes  assises, 
et  cela  sans  que  personne  fût  frôlé.  Elle  fut  arrêtée  fréquemment  à 
quelques  pouces  de  moi.  A  un  moment  elle  arriva  avec  une  violence 
telle  que,  si  elle  n'avait  pas  été  arrêtée,  j'aurais  eu  la  jambe  broyée1.» 

1.  Cité  par  A.  Rcssell  Wall  ace,  Les  miracles  et  le  moderne  spiritualisme,  trad. 
fr.,  Libr.  des  Se.  Psychologiques,  Paris,  £33. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIES)  521 

Nous  donnerons  maintenant  quelques  détails  rapportant  quelques 
expériences  qui  prouvent  qu'il  y  a  chez  certains  sujets  «  mouve- 
ments d'objets  sans  contact. '  » 

Eu  1854,  A.  de  Gaspàrin  publia  un  livre  sur  les  tables  tour- 
nantes" où  sont  rapportées  des  expériences  précises  relatives  à  des 
mouvements  d'objets,  et  particulièrement  de  tables,  sans  contact. 
«  Au  moment  où  la  table  était  emportée  par  une  rotation  éner- 
gique, dit  A.  de  Gaspàrin,  nous  avons  soulevé  nos  doigts,  en  main- 
tenant nos  mains  uuies,  de  manière  à  former  une  chaîne  à  quelques 
lignes  au-dessus  de  la  table  ;  la  table  a  alors  continué  sa  course,  et 
fait  deux  ou  trois  tours...  le  lendemain  nous  avons  recommencé,  et 
nous  avons  pu  produire  la  rotation  en  partant  du  complet  repos. 
Quelquefois  la  rotation  s'arrête  après  un  tour  ou  un  demi-tour. 
Parfois  elle  s'est  prolongée  pendant  trois  tours  et  même  quatre... 
Un  autre  jour,  les  mains  ayant  été  levées,  et  tout  contact  ayant 
cessé,  le  guéridon  s'est  dressé  sept  fois  à  notre  commandement  ». 

A  la  suite  de  cette  publication,  qui  fit  sensation,  Thury,  profes- 
seur à  l'Université  de  Genève,  qui  avait  pris  part  aux  expériences 
de  A.  de  Gaspàrin,  publia,  en  1855,  une  brochure  intitulée  «  Les 
tables  tournantes  considérées  au  point  de  vue  de  la  question  de 
physique  générale  qui  s'y  rattache  »  et  il  cita  cette  expérience  déci- 
sive :  «  Deux  personnes  seulement,  Mad.  de  Gaspàrin  et  Mad.  Dorât, 
entraînent,  sans  le  toucher,  un  guéridon  qui  tourne  et  se  balance 
sous  leurs  mains,  tenues  à  2  ou  3  centimètres  de  distance  du  pla- 
teau. J'ai  vu  constamment  l'espace  libre  entre  les  mains  et  la  sur- 
face du  guéridon,  et  je  suis  sûr  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  contact  pen- 
dant quatre  ou  cinq  révolutions  du  meuble...  Aucun  doute  n'était 
possible  ». 

Ces  expériences  furent  confirmées  par  des  expériences  analogues, 
faites  par  Fréd.  de  Rougemont,  en  Suisse,  et  Hare,  professeur  de 
chimie  à  l'Université  de  Pensylvanie 3. 

En  1868,  un  médium  extrêmement  puissant,  peut-être  le  plus 
puissant  qui  fut  jamais,  Daniel  D.  Home,  fit  des  expériences  devant 

1.  Consultez  surtout  à  ce  sujet  lexcellent  livre  de  A.  de  Rochas,  L'extériori- 
sation de  la  motricité,  Paris,  Ghanuel,  1896. 

2.  Des  tables  tournantes,  Paris,  1854,  2  vol.  Unetroisième  édition  a  paru  en  1888. 

3.  Expérimental  investigation,  (New-York),  1855, 


o22  MKTAPSYCHIQUIï    OBJECTIVE 

des  savants  illustres  ;  d'abord  devant  Varley,  ingénieur  en  chef  des 
compagnies  de  télégraphie  internationale  et  transatlantique,  puis 
devant  les  membres  de  la  Société  dialectique  de  Londres,  présidée 
par  Sir  John  Lubbock,  puis  devant  Sir  William  Crookes. 

Voici  ce  que  dit  M.  Varley. 

«  Chez  moi,  dans  une  maison  où  jamais  M.  Home  n'était  encore 
venu,  à  une  distance  de  sept  pieds  derrière  M.  Hume,  était  une 
petite  table.  M.  Home  me  pria  de  lui  tenir  les  mains,  il  plaça  ses 
deux  jambes  sur  ition  genou  gauche.  Quelques  instants  après  la 
table  commença  à  se  remuer,  elle  fut  poussée  vers  moi  par  une 
force  invisible,  tandis  que  personne  n'était  auprès  d'elle,  et  que  je 
tenais  fortement  les  mains  et  les  pieds  de  M.  Home.  Un  grand 
canapé  sur  lequel  huit  personnes  pouvaient  prendre  place  fut 
poussé  à  travers  toute  la  chambre,  et  nous  força  de  reculer...  » 

Une  tromperie  était  impossible,  ajoute  M.  Varley. 

Les  membres  de  la  Société  dialectique  tinrent  cinquante  séances, 
auxquelles  assistèrent  trente  personnes,  et  voici  quelles  en  furent 
les  très  importantes  conclusions1  : 

1°  Des  sons  paraissent  venir  des'  meubles,  des  parquets  et  des 
murs,  souvent  accompagnés  de  vibrations  sensibles  au  toucher,  et 
ils  se  produisent  sans  action  musculaire  ou  mécanique. 

2°  Des  mouvements  de  corps  pesants  se  produisent  sans  action 
mécanique  d'aucune  sorte,  souvent  sans  contact  ni  connexion  avec 
personne. 

3°  Treize  témoins  déclarent  avoir  entendu  des  morceaux  de 
musique  bien  joués  par  des  instruments  sur  lesquels  n'agissait 
aucune  influence  déterminable. 

Dans  une  expérience  qu'ils  déclarent  décisive,  onze  membres  de 
la  Société  s'assirent  autour  d'une  table,  tournèrent  les  dossiers  de 
leurs  chaises  vers  la  table,  et  s'agenouillèrent,  en  portant  leurs 
pieds  en  arrière,  leurs  mains  étant  appuyées  sur  les  dossiers  ;  le 
tout  à  la  lumière  du  gaz  qui  éclairait  la  table.  Chaque  main  et  chaque 
pied  étaient  parfaitement  en  vue.  La  table  se  déplaça  quatre  fois, 
puis,  après  que  les  dossiers  des  chaises  eurent  été  éloignés  de  la 

l.  Je  n'indique  ici  que  celles  qui  se  rapportent  à  des  mouvements  d'objets  sans 
contact. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIEs)  !i23 

table  de  douze  pouces,  la  table  se  mut  encore  treize  fois,  et  dans 
des  directions  différentes,  et  à  la  demande  des  assistants. 

«  Quatorze  témoins  certifient  avoir  vu  des  mains  ou  des  figures 
n'appartenant  pas  à  des  êtres  humains,  mais  qui  semblaient 
vivautes  et  mobiles  et  qu'ils  ont  quelquefois  touchées  ou  même  ser- 
rées, ce  qui  les  a  convaincus  qu'ils  n'étaient  pas  les  jouets  d'une 
illusion  ou  d'une  imposture  ».  Cinq  témoins  disent  avoir  été  tou- 
chés par  quelque  être  invisible  eu  différents  endroits  du  corps  et 
souvent  à  l'endroit  demandé,  alors  que  les  maius  de  toutes  les  per- 
sonnes présentes  étaient  visibles. 

Les  membres  du  Comité,  qui,  pour  la  plupart,  étaient  extrême- 
ment sceptiques  avant  d'avoir  expérimenté,  déclarent  être  con- 
vaincus qu'il  existe  une  force  capable  de  mouvoir  des  corps  pesants 
sans  contact  matériel,  force  qui  dépend,  d'une  manière  inconnue, 
de  la  présence  d'êtres  humains. 

W.  Crookes  fit  avec  Home  des  expériences  très  précises,  qu'il  faut 
lire  dans  l'ouvrage  original  à  cause  de  leur  majeure  importance. 

Une  planche  était  sur  une  lame  de  bois,  en  forme  de  couteau 
analogue  au  couteau  d'une  balance,  maintenue  en  équilibre  par  un 
ressort  avec  un  peson  indicateur.  Les  mouvements  du  ressort  pou- 
vaient être  inscrits  graphiquement.  Dans  ces  conditions  Home  plaça 
ses  mains  à  distdnce,  au-dessus  de  l'appareil  (10  centimètres).  Un 
témoin  mit  ses  mains  sur  les  mains  de  Home,  et  un  pied  sur  ses 
pieds.  Un  graphique  fut  obtenu;  dans  une  autre  expérience,  très 
belle,  Home  était  à  1  mètre  de  l'appareil,  ses  maius  et  ses  pieds 
étaient  tenus;  il  y  eut  encore  mouvement  et  inscription  gra- 
phique1. 

Mad.  X...,  observée  par  Crookes,  donna  aussi  les  mêmes  mouve- 
ments du  peson.  En  plaçant  ses  mains  au-dessus  d'un  parchemin, 
on  entendait  de  petits  crépitements  répétés  dans  le  parchemin. 

1.  Recherches  sur  les  phénomènes  du  spiritualisme,  trad.  fr.,  Paris,  Libr.  des  Se. 
Psychologiques,  1872,  12°. 

i.  On  a  incriminé  l'authenticité  des  expériences  de  Home.  En  réalité  jamais  la 
plus  médiocre  preuve  de  fraude  n'a  été  apportée  (voy.  P.  Petuovo  Solovovo, 
On  the  alleged  exposure  of  D.-D.  Home  in  France,  Journ.  S.  V.  R.,  XV,  1912, 
274).  Et  d'ailleurs,  pour  la  plupart  des  expériences,  soit  de  Crookes,  soit  de  Wm\- 
ley,  soit  de  Lord  Dunraven,  aucune  supercherie  ne  pourrait  rendre  compte  des 
résultats  obtenus. 


524  MÉTAPSYCH1QUE    OBJECTIVE 

Boutusroff,  éminent  professeur  de  chimie  à  Pétersbourg,  en 
1871,  fit  des  expériences  aussi  avec  Home.  La  tension  normale  du 
dynamomètre  étant  de  50  kilos,  elle  fut  portée  à  75  kilos,  les 
mains  de  Home  étaient  mises  en  contact  avec  l'appareil  d'une 
manière  telle  que  tout  effort  de  sa  part  aurait  diminué  la  tension  au 
lieu  de  l'accroître. 

W.  Crookes  relate  encore  d'autres  expériences  saisissantes...  «  Ma 
propre  chaise  a  décrit  un  cercle,  mes  pieds  ne  reposant  pas  sur  le 
parquet.  Sous  les  yeux  de  tous  les  assistants,  une  chaise  est  venue 
lentement  d'un  coin  éloigné  de  la  chambre.  Dans  une  autre  cir- 
constance, un  fauteuil  vint  presque  à  l'endroit  où  nous  étions  assis, 
et  sur  ma  demande  il  s'en  retourna  lentement  à  la  distance  d'en- 
viron trois  pieds.  En  cinq  occasions  différentes,  une  lourde  table  de 
salle  à  manger  s'éleva  au-dessus  du  plancher,  de  quelques  pouces 
à  un  pied  et  demi,  en  pleine  lumière,  pendant  que  je  tenais  les 
mains  et  les  pieds  du  médium.  » 

Il  y  eut  aussi  des  expériences  avec  un  accordéon  que  Home  prit 
avec  le  bout  des  doigts,  et  qui  était  enfermé  dans  une  sorte  de  cage 
de  fils  de  cuivre  et  de  bois.  L'accordéon  se  balança  et  joua  des  airs. 
Home  alors  abandonna  l'instrument  et  plaça  la  main  qui  le  tenait 
sur  celle  d'un  spectateur  :  l'accordéon  flotta  tout  seul  dans  la  cage 
et  continua  à  jouer. 

M.  G...,  préfet  de  la  Loire,  parlant  de  Home,  dit  :  «  Home  me  fait 
pâlir  et  je  ne  m'explique  rien,  mais  j'ai  vu.  Il  a  commandé  à  une 
sonnette  de  monter  le  long  de  mes  jambes,  et,  quand  j'ai  voulu  la 
retenir,  elle  s'est  échappée  en  glissant  malgré  moi  entre  mes  doigts. 
Il  a  commandé  à  une  table  de  répondre  par  des  coups  frappés  ;  la 
table  répondit  ;  mais  ce  qu'il  y  a  de  plus  extraordinaire,  c'est  que 
les  coups  étaient  également  frappés  sous  la  plante  de  mes  pieds... 
Une  autre  fois  Home  a  ordonné  à  une  table  de  s'enlever  de  terre  ;  la 
table  est  montée  vers  le  plafond  ;  il  a  dit  à  la  petite  de  B...  de  tirer 
sur  la  table  pour  la  faire  redescendre  ;  mais,  chaque  fois  que  la 
petite  lâchait  prise,  la  table  remontait...  Tout  à  coup  Home  dit: 
«  Tiens  ferme  !  »  et  les  efforts  de  trois  hommes  n'ont  pu  faire 
redescendre  la  table1. 

i.  De  Viel-Gastbl,  cité  par  Erny,  A.  S.  P.,  1902,  XII,  147. 


MOUVEMENTS    d'ûBJETS    (tÉLÉKINÉSIEs)  52'6 

«  Uue  des  choses  les  plus  surprenantes  que  j'aie  vues,  dit  Crookes, 
fut  l'enlèvement  d'une  bouteille  de  verre  pleine  d'eau  et  d'un  verre. 
La  chambre  était  éclairée  très  fortement  par  deux  graudes  flammes 
d'alcool  sodé,  et  les  mains  de  Home  étaient  très  loin.  Les  objets  res- 
tèrent suspendus  au-dessus  de  la  table;  par  leurs  battements  l'un 
contre  l'autre,  ils  répondirent,  trois  fois  oui  aux  questions.  Ils 
demeuraient  ainsi,  pendant  cinq  minutes,  suspendus  à  environ 
six  ou  huit  pouces  de  hauteur,  allant  devant  chaque  personne,  et 
répondant  aux  questions.  Nous  nous  assurâmes  que  Home  était 
absolument  passif  pendant  ce  temps,  et  que  ni  fils  métalliques,  ni 
petites  cordes  n'étaient  employées.  Du  reste  Home  n'avait  pas  pénétré 
dans  la  chambre  avant  la  séance. 

«  J'étais,  dit  Crookes,  dans  une  séance  noire1.  Je  tenais  les  deux 
mains  du  médium  dans  les  miennes,  pendant  que  ses  pieds  étaient 
sur  les  miens  ;  ma  main  libre  tenait  un  crayon.  Une  main  lumineuse 
descendit  du  plafond,  et,  après  avoir  plané  pendant  quelques 
secondes,  prit  le  crayon  dans  ma  main,  écrivit  rapidement  sur  une 
feuille  de  papier,  rejeta  le  crayon,  et  ensuite  s'éleva  au-dessus  de 
nos  têtes  et  se  perdit  dans  l'obscurité. 

«  Une  autre  fois,  à  la  lumière,  M.  Home  était  présent  avec  quel- 
ques amis  ;  des  feuilles  de  papier  et  un  crayon  avaient  été  placés  au 
milieu  de  la  table.  Alors  le  crayon  se  leva  sur  sa  pointe,  s'avança 
sur  le  papier  avec  des  sauts  mal  assurés  et  tomba.  Puis  il  se  releva 
et  retomba  encore.  Une  troisième  fois  il  essaya,  mais  sans  obtenir  de 
meilleur  résultat.  Alors  une  petite  latte,  qui  se  trouvait  à  côté  sur  la 
table,  glisse  vers  le  crayon  et  s'éleva  à  quelques  pouces  au-dessus  de 
la  table  :  le  crayon  se  leva  de  nouveau,  et,  s'étaya  contre  la  latte  ;  puis 
ils  firent  ensemble  un  effort  pour  écrire  sur  le  papier.  Après  avoir 
vainement  essayé,  la  latte  abandonna  le  crayon  et  revint  à  sa  place. 
«  Un  autre  jour  (p.  167)  la  petite  latte  traversa  la  table  pour 
venir  à  moi,  en  pleine  lumière  et  me  donna  une  communication  en 
me  frappant  sur  la  main.  J'épelais l'alphabet  et  la  latte  me  frappait 
aux  lettres  qu'il  fallait.  L'autre  bout  reposait  sur  la  table  à  une  cer- 
taine distance  des  mains  de  M.  Home. 
«  Attribuer  ces  résultats  à  la  fraude  est  absurde,  dit  W.  Crookes  l. 

1.  Loc.  cit.,  p.  158. 


526  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Ce  que  je  rapporte  ici  s'est  passé  dans  ma  propre  maison,  où  il  a 
été  impossible  de  rien  préparer  à  l'avance.  Un  médium  ne  pouvait 
pas,  quand  j'étais  assis  dans  une  autre  partie  de  la  chambre  avec 
plusieurs  personnes  qui  l'observaient  attentivement,  faire  jouer  par 
fraude  un  accordéon  que  je  tenais  dans  ma  propre  main,  les  tou- 
ches en  bas,  ou  faire  flotter  ce  même  accordéon  çà  et  là  dans  la 
chambre  en  jouant  pendant  tout  le  temps...  il  ne  pouvait  pas 
apporter  un  appareil  pour  agiter  les  rideaux  des  fenêtres,  faire  un 
nœud  à  un  mouchoir,  et  le  mettre  dans  un  coin  éloigné  de  la 
chambre,  faire  résonner  des  notes  à  distance  sur  un  piano,  sou- 
lever une  carafe  et  un  verre  à  pied  au-dessus  de  la  table,  faire 
dresser  sur  un  de  ses  bouts  un  collier  de  corail,  faire  mouvoir  un 
éventail,  et  éventer  la  compagnie,  ou  bien  mettre  en  mouvement 
un  pendule  enfermé  dans  une  vitrine  solidement  scellée  au 
mur.  » 

Ces  expériences  sont  si  décisives,  si  éclatantes;  elles  ont  été 
observées  avec  une  telle  sagacité  par  un  savant  illustre  entre  tous, 
qu'on  est  stupéfait  de  voir  qu'elles  n'ont  pas  déterminé  une  adhé- 
sion universelle.  L'avouerai-je?  J'ai  été,  avant  de  voir  Eusapia  à 
Milan,  absolument  convaincu  que  Crookes  s'était  enfoncé  dans  une 
terrible  erreur...  EtOcHORowiczafait  de  même.  Mais  il  s'est  repenti, 
et  il  s'est  dit,  comme  je  le  dis  en  me  frappant  la  poitrine  : 
Pater,  peccavi! 

M.  R.  Dale  Owen1  rapporte  une  expérience  (dans  laquelle  proba- 
blement Home  était  le  médium).  «  Dans  la  salle  à  manger  d'un 
gentilhomme  français,  le  comte  d'Ourches,  habitant  près  de  Paris, 
je  vis,  le  1er  octobre  1858,  à  la  belle  clarté  du  jour,  vers  la  fin  d'un 
déjeuner,  une  table  à  laquelle  avaient  pris  place  sept  personnes, 
s'élever  chargée  de  fruits  et  de  vins,  pendant  que  tous  les  convives 
étaient  debout  autour  d'elle,  et  pas  un  de  ceux-ci  ne  la  tou- 
chaient. » 

Relativement  aux  expériences  de  Home,  ce  qui  permet  de  les  con- 
sidérer comme  ayant  une  valeur  considérable,  c'est  qu'elles  se  fai- 
saient dans  des  conditions  irréprochables.  Voici  ce  qu'en  1876  lui 
écrivait  Ed.-W.  Cox,  docteur  en  droit,  homme  d'une  haute  position 

1.  Cité  par  Russell  Walla.ce,  loc.  cit.,  p.  101. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKHSJÉSIEs)  527 

sociale  et  d'un  grand  sens  :  «  Mon  cher  Home,  lors  des  expériences 
auxquelles  vous  avez  bien  voulu  vous  soumettre  devant  moi,  il  n'y 
avait  rien  de  ce  genre  de  précaution  et  de  mystère.  Vous  vous 
asseyiez  près  de  moi.  Partout,  à  toute  heure,  dans  mon  jardin, 
dans  ma  maison,  le  jour  et  la  nuit,  mais  toujours,  sauf  une  fois, 
dans  une  occasion  mémorable,  c'était  pendant  le  jour  en  pleine 
lumière.  Vous  ne  refusiez  jamais  de  vous  soumettre  à  aucun  con- 
trôle... Vous  vous  installiez  seul  avec  moi,  et  il  se  passait  des 
choses  que  les  efforts  réunis  de  quatre  personnes  n'eussent  pas  pu 
obtenir.  Parfois  des  phénomènes  avaient  lieu  ;  parfois  pas.  Les 
résultats  étaient  d'un  tel  caractère  que  la  main  humaine  n'y  aurait 
pu  suffire,  dans  mon  salon,  dans  ma  bibliothèque,  daus  mon  jardin, 
où  tout  mécanisme  était  impossible1.  » 

Henri  Slade,  autre  médium  américain  très  puissant,  a  fourni  de 
nombreuses  preuves  de  mouvements  d'objet  sans  contact. 

Zôllner,  professeur  d'astronomie  physique  à  Leipzig 2,  raconte 
que,  sans  aucun  contact  visible  de  Slade,  un  écran  en  bois  fut  brisé 
violemment  (il  avait  une  épaisseur  d'un  demi-pouce).  De  l'écriture 
directe  fut  obtenue  à  maintes  reprises.  Une  boule  de  métal  fut  sus- 
pendue par  un  cordon  de  soie,  à  l'intérieur  d'un  globe  de  verre, 
placé  sur  la  table,  et  bien  éclairé  par  des  bougies.  La  boule  com- 
mence à  osciller  et  à  frapper,  à  intervalles  réguliers  contre  la  sur- 
face intérieure  du  globe  (sans  qu'il  y  ait  de  contact  avec  les  mains 
de  Slade,  évidemment). 

P.  Gibier  a  expérimenté  aussi  avec  Slade3. 

Gibier  constata  d'abord  la  force  et  la  fréquence  des  raps.  Une 
fois  un  coup  fut  frappé  vers  le  milieu  de  la  table,  si  violent  que 
celle-ci  paraissait  devoir  en  être  brisée.  Pendant  ce  temps,  les 
mains  et  les  pieds  du  médium  étaient  bien  en  vue.  Dans  une  séance 
de  jour,  une  chaise,  placée  à  lm,20,  fit  un  demi-tour  sur  elle-même, 
et  vint  se  jeter  contre  la  table. 

«  Une  autre  fois,  en  plein  jour,  un  bahut  placé  à  75  centimètres 
de  sa  chaise  se  met  en  mouvement,  d'abord  en  quittant  le  mur  où 

1.  Home,  Les  lumières  et  les  ombres  du  spiritualisme,  trad.  fi\,  1883,  19S. 

2.  Wissensckaflliche  Abkandlungen. 

3.  Le  spiritisme.  Paris,  188:2.  Le  fakirisme  occidental. 


528  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

il  était  appuyé,  assez  lentement  pour  qu'on  pût  s'assurer  qu'au- 
cun contact  n'existait  entre  ce  meuble  et  les  objets  qui  l'entou- 
raieut;  puis  il  vint  frapper  violemmeut  la  table  que  nous  entou- 
rions. 

«  A  dix  reprises  différentes,  l'ardoise  tenue  par  Slade  sous  la 
table  était  brisée  eu  plusieurs  morceaux;  ces  ardoises  étaient  enca- 
drées de  bois  très  dur.  Maintes  fois  nous  avons  essayé  de  les  briser 
de  même,  en  les  frappant  contre  la  table  ;  nous  n'avons  jamais 
réussi  à  les  fendre  ou  à  les  fêler. 

«  Plusieurs  fois  nous  avons  vu  une  ardoise  eucadrée  quitter  la 
main  de  Slade,  passer  sous  la  table,  la  traverser  daus  toute  sa  lar- 
geur, et,  lorsque  nous  la  prenions,  nous  donner  la  sensation  d'une 
résistance  produite  par  une  autre  main,  qui  aurait  tenu  l'ardoise. 
Nous  n'avions  pas  perdu  de  vue  les  mains  du  médium,  et  nous  aper- 
cevions ses  deux  genoux  qu'il  tenait  en  dehors  de  la  table  ». 

D.  Mac  Nab  l  raconte  les  expériences  qu'il  a  faites  avec  un 
médium.  C'était  dans  l'obscurité,  .ce  qui  rend  le  contrôle  bien 
difficile,  et  nécessite  des  précautions  spéciales.  D'ailleurs,  à  la 
lueur  d'une  lampe  rouge,  M.  Mac  Nab  a  vu  le  guéridon  se  soulever 
de  terre,  toucher  les  mains  qui  étaient  à  40  centimètres  au-des- 
sus, puis  redescendre  lentement  et  toucher  terre  sans  bruit. 

J'arrive  maintenant  aux  expériences  faites  avec  Eusapia  Paladino. 
Elles  sont  très  nombreuses  et  je  les  décrirai  avec  quelques  détails  ; 
car  jeu  ai  été  le  témoin  attentif,  à  Milan,  à  Rome,  à  Carqueiranne, 
à  l'île  Ribaud,  à  Paris.  Je  peux  donc  en  parler  en  connaissance  de 
cause,  ayant  assisté  à  plus  d'une  centaine  de  séances. 

Disons  quelques  mots  sur  Eusapia  Paladino  elle-même.  C'était 
une  femme  d'une  très   grande  simplicité  d'âme,   simplicité  qui 

1.  J'ai  eu  l'occasion  de  voir  une  fois  Slade,  avec  Gibier.  Ce  jour-là,  Slade  me 
donna  une  ardoise,  et  plaça  sur  cette  ardoise  un  petit  fragment  de  crayon.  Puis 
je  pris  l'ardoise  dans  ma  main,  Slade  tenant  l'autre  bout  de  l'ardoise.  En  plein 
jour,  nous  mîmes,  Slade  et  moi,  l'ardoise  sous  la  table.  Au  bout  de  quelques 
instants,  on  entendit  le  bruit  caractéristique  de  la  friction  de  l'ardoise  par  le 
crayon.  Il  y  avait  de  l'écriture,  et  le  crayon  était  usé.  Mais  je  fais  toutes  mes 
réserves  sur  cette  expérience,  unique  pour  moi;  car  l°elle  est  déjà  très  ancienne  : 
2»  je  ne  retrouve  pas  les  notes  que  j'ai  prises  ;  3°  Slade  est  très  sujet  à  caution  ; 
4°  les  expériences  avec  les  ardoises  prêtent  à  toutes  les  mystifications. 

2.  Cité  par  A.  de  Rochas. 


MOUVEMENTS    b'oBJETS    (tÉLÉKINÉSIES)  329 

n'excluait  pas  une  certaine  finesse.  D'ailleurs  aucune  culture 
intellectuelle.  Elle  ne  savait  pas  lire,  et  au  début  de  sa  vie  scienti- 
fique parlait  seulement  le  napolitain  et  à  peine  l'italien.  Par  la 
suite,  étant  fort  intelligente,  elle  a  appris  à  comprendre  et  môme  à 
parler  un  peu  le  français.  Elle  était  de  petite  taille,  plutôt  grasse 
que  maigre,  avec  des  mains  toutes  petites. 

Elle  a  été  constamment  assez  malheureuse.  Sou  père,  un  paysan 
de  la  campagne  napolitaine,  mourut  assassiné  par  des  brigands  : 
son  mari  l'a  plus  ou  moins  exploitée  et  brutalisée.  Gomme  elle 
était  très  généreuse  et  qu'elle  donnait  aux  pauvres,  ou  dépensait 
maladroitement,  tout  ce  qu'elle  gagnait,  elle  a  fini  par  mourir  dans 
l'abandon  et  le  dénùment. 

Cette  excellente  créature  aété  un  médium  remarquable,  d'une  com- 
plaisance inépuisable,  se  prêtant  aux  expériences  les  plus  diverses. 
La  plupart  des  savants  contemporains  ayant  quelque  curiosité  dans 
l'esprit  l'ont  étudiée.  E.  Chtaia,  d'abord,  puis  Aksakoff,  Schiaparelli, 
Lombroso,  Gerosa,  G.  Finzi,  Morselli,  Brofferio,  Bozzan'o,  Venzano, 
Carlo  Foa,  Bottazzi,  A.  de  Gramont,  A.  de  Rochas,  J.  Maxwell, 
Ségard,  Camille  Flammarion,  Ochorowicz,  Schrenck-Notzing,  P.  Curie, 
Mad.  Curie,  d'Arsonval,  Courtier,  Siemiradzki,  Dariex,  Watteville, 
Sabatier,  Fr.  Myers,  sir  Oliver  Lodge,  M.  et  Mad.SiDG\viCK,FEiLDiNG, 
Carrington,  Herlitzka,  Porro,  et  bien  d'autres1 . 

Les  séances  que  donnait  Eusapia  se  faisaient  d'abord  en  pleine 
lumière,  puis,  peu  à  peu,  pour  que  les  phénomènes  devinssent  plus 
forts,  elle  demandait  que  la  lumière  fût  diminuée,  meno  luce.  Fina- 
lement l'obscurité  était  presque  complète  ;  mais,  comme  dans  l'obs- 
curité complète  le  contrôle  devient  très  difficile,  nous  avions  ima- 
giné de  placer  à  quelque  distance  une  lampe  dont  la  lumière  filtrait 
par  une  porte  ou  par  une  persienue  entr'ouverte. 

Dans  ses  expériences,  Eusapia  se  prétendait  aidée  par  son  guide, 
nommé  John  King,  soi-disant  frère  de  Katie  King,  et  père  d'EusAPiA 
dans  une  autre  existence  (?)  Mais  la  réalité  objective  de  John  King 
est  très  vraisemblablement  nulle.  Cette  personnalité  médianimique 
lui  est  advenue  lors  de  ses  premières  expériences  avec  M.  Damiani 
qui  à  Naples  a  commencé  à  la  diriger,  et  surtout  avec  le  chevalier 

1.  La  bibliographie  seule  des  expériences  de  Eusapia  Paladino  est  considérable. 
Je  renvoie  au  livre  très  complet,  et  parfait  à  tous  égards,  de  E.  Morselli. 

Ricmet.  —  Mélapsychique.  34 


530  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Ercole  Chiaia,  qui  a  été  le  courageux  et  persévérant  protecteur 
d'EusAPiA,et  qui  l'a  fait  connaître  au  monde  savant,  dans  uue  lettre 
célèbre  adressée  à  G.  Lombroso  (9  août  1888). 

Les  expériences  d'EusAPiA  n'ont  pas  été  inutiles.  Tous  les  savants 
—  sans  exception  —  qui  ont  expérimenté  avec  elle  ont  été  finale- 
ment convaincus  qu'elle  produisait  des  phénomènes  authentiques. 
Il  est  vrai  qu'à  Cambridge  elle  a  donné  une  série  d'expériences  à 
demi  frauduleuses,  parce  que  les  savants  expérimentateurs  de  Cam- 
bridge, R.  Hodgson  surtout,  procédaient  assez  maladroitement  en 
laissant  la  possibilité  et  la  facilité  de  la  fraude,  c'est-à-dire  presque 
eu  provoquant  la  fraude  l. 

Au  moment  de  l'expérience  qui  doit  déterminer  un  mouvement 
d'objet  sans  contact,  Eusapia  prévient  qu'un  phénomène  va  se  pro- 
duire, de  sorte  qu'il  n'y  a  pas  de  surprise.  L'attention  des  observa- 
teurs redouble,  et  toutes  précautions  à  ce  moment  fatidique  peu- 
vent être  prises  pour  que  nulle  supercherie  ne  soit  possible.  C'est  le 
contraire  de  ce  que  font  les  prestidigitateurs  de  profession,  qui 
exécutent  leurs  tours  au  moment  même  où  ils  essayent  de  distraire 
l'attention  des  assistants. 

Chaque  mouvement  d'objet  à  distance  semble  provoqué  par  un 
effort  musculaire  énergique  d'EusAPi.v.  Elle  contracte  ses  bras,  ses 
jambes,  son  corps.  Tout  se  passe  comme  si  sa  contraction  muscu- 
laire devait  agir  à  distance.  Elle  n'est  pas  en  état  de  Irance,  au 
début,  mais  peu  à  peu,  dans  le  cours  de  la  séance,  la  irance  s'éta- 
blit, de  plus  en  plus  profonde,  par  un  passage  graduel. 

Elle  n'est  pas  facilement  hypnotisable.  Oghorowicz  la  magnétisait 
après  les  séances,  pour  lui  donner  un  sommeil  réparateur.  De  fait, 
après  chaque  séance  (qui  parfois  se  prolongeait  peudant  deux  ou 
trois  heures)  elle  était  très  épuisée. 

Les  phénomènes  métapsychiques  produits  par  Eusapia  sont  très 
divers.  Il  n'y  eut  pas  ou  presque  pas  de  faits  de  lucidité.  Ce  furent 
toujours  des  phénomènes  objectifs,  surtout  des  mouvements  d'objet 
sans  contact,  et  des  matérialisations.  Je  ne  parlerai  dans  ce  chapitre 
que  des  mouvements  d'objets  sans  contact. 

1.  Sur  cette  fraude  (inconsciente  d'ailleurs),  Oghorowicz  a  appelé  l'attention 
dans  un  mémoire  remarquable  où  il  montre  à  quel  point  était  défectueuse  la 
méthode  de  Hodgson,  qui  intentionnellement  laissait  libre  une  des  mains  d'EusAPiA. 


MOUVEMENTS    n'oBJETS    (tÉLÉKINÉSIES)  531 

Or,  dans  ce  cas,  le  point  essentiel,  unique  pour  ainsi  dire,  est  de 
savoir  si  le  mouvement  de  l'objet  peut  être  déterminé  par  les  mains, 
les  pieds,  la  tête,  le  corps  d'EusAPiA  ;  car  il  faut  éliminer  absolu- 
ment l'hypothèse  d'une  hallucination  des  assistants,  hypothèse  pro- 
digieusement absurde,  tout  aussi  absurde  que  l'hypothèse  d'une 
mauvaise  plaisanterie  faite  par  un  des  assistants.  De  plus,  en  toute 
certitude,  il  n'y  a  ni  appareils,  ni  machinations,  ni  instrumenta- 
tion. Eusapia,  revêtue  d'une  robe  collante  noire,  n'a  ni  poches  dans 
cette  robe,  ni  aucun  objet,  aucune  corde,  aucun  bout  de  fil  de  fer  à 
sa  portée.  Si  elle  truque  ou  triche,  ce  ne  peut  être  qu'avec  ses 
mains  nues. 

Tous  ceux  qui  ont  expérimenté  avec  elle  le  savent.  Aussi  leur 
unique  souci  était-il  de  bien  tenir  les  mains. 

Voici  comment  à  ce  propos  je  répondais  à  R.  Hodgson.  «  Dire  : 
la  main  est  bien  tenue,  cela  signifie  d'abord  qu'on  n'a  aucun  doute 
sur  le  côté  de  la  main  qu'on  tient.  Si,  en  tenant  la  main  pendant 
qu'un  phénomène  se  produisait,  je  n'étais  absolument  sur  que  c'était 
la  main  droite  (au  cas  où  j'avais  pour  mission  de  tenir  la  main 
droite)  aussitôt  j'arrêtais  tout,  en  disant  :  j'ai  lâché  la  main,  et  tous 
les  expérimentateurs  faisaient  de  même.  Nous  avions  pris  le  parti 
de  tenir  la  main  fortement,  tous  les  doigts  dans  notre  paume,  ou  le 
poignet  et  une  partie  des  doigts.  Nous  avions  soin,  à  chaque  phéno- 
mène, de  nous  rappeler,  les  uns  et  les  autres,  à  l'observation  exacte. 
Dix  fois,  cent  fois  dans  le  cours  d'une  séance,  de  manière  à  en 
être  insupportables,  ad  nauseam  nous  répétions  :  je  tiens  bien  la 
main  droite,  je  tiens  bien  la  main  gauche.  Nous  n'avions  pas 
d'autre  préoccupation  que  d'empêcher  une  des  mains  d'Eus\piA  de 
nous  échapper.  Eh  bien  !  sans  nous  croire  plus  perspicaces  et  plus 
habiles  qu'il  ne  convient,  il  me  semble  qu'après  trois  mois  d'exer- 
cice et  de  méditation,  ou  peut  arriver  à  la  certitude  qu'on  tient  bien 
une  main  humaine1.  » 


1.  Dans  une  expérience  qui  fut  très  brillante,  chez  moi,  à  Carqueiranne,  Mad. 
Sidgwick  tenait  la  main  gauche  d'EosAPiA  :  mon  savant  et  regretté  ami.  Ch.  Ségard, 
médecin  en  chef  de  la  marine,  tenait  la  main  droite.  Je  lui  demande,  au  moment 
où  le  piano,  placé  à  trente-cinq  centimètres  d'EusAPiA,  avait  résonné  :  «  Es-tu  sûr 
que  tu  tiens  bien  la  main,  et  la  même  main  ».  Et  sur  son  affirmation,  j'ajoutais  : 
«  Prends  garde,  si  tu  te  trompes,  c'est  de  la  complicité  ».  Dans  cette  expérience, 
0.  Lodge,  (je  crois),  tenait  les  pieds.  H.  Sidgwick  déclara  alors  que  l'expérience 
était  irréprochable,  mais  que  pourtant  un  objet  pouvait  être  tenu  par  Eusapia 


532  metapsychique  objective 

Les  cas  de  mouvements  d'objet  sans  contact,  soit  de  la  table,  soit 
des  objets  environnants,  sont  innombrables. 
Le  premier  récit  détaillé  (exp.  de  Naples,  1891)  a  été  donné  par 

LOMBROSO. 

«  Les  pieds  et  les  mains  d'EusAPiA  étaient  tenus  par  le  professeur 
Tamtîurini,  et  par  Lombroso.  Une  sonnette  placée  sur  un  guéridon,  à 
plus  d'un  mètre  d'EusAPiA,  se  mit  à  sonner  dans  l'air  et  au-dessus 
delà  tête  des  personnes  assises,  puis  descendit  sur  la  table,  pour 
aller  se  placer  à  deux  mètres  de  là  sur  un  lit.  Pendant  que  la  sonnette 
sonnait,  on  alluma  vivement  une  allumette  et  on  vit  la  sonnette 
suspendue  en  l'air. 

«  Un  gros  meuble  placé  à  deux  mètres  s'approcha  lentement  de 
nous  :  on  eût  dit  la  progression  d'un  gigantesque  pachyderme.  » 

A  Milan  (1892)  dans  une  série  d'expériences  ingénieusement  dis- 
posées par  G.  Finzi,  et  qui  ont  admirablement  réussi,  on  a  pu 
maintes  fois  constater  des  mouvements  d'objet  et  des  soulèvements 
de  la  table. 

Dans  un  cas  (consacré  par  une  photographie)  la  table  est  soule- 
vée en  l'air  pendant  quelques  secondes.  On  voit  sur  la  photographie 
(dans  le  livre  de  A.  de  Rochas,  p.  48)  que  je  tiens  la  main  gauche  et 
les  deux  genoux  d'EusAPiA,  et  que  Lombroso  tient  la  main  droite. 
Dans  un  cas  de  soulèvement  complet  de  la  table,  Aksakoff  a  remar- 
qué qu'alors  les  deux  mains  d'EusAPiA  étaient  sans  contact  avec  la 
table. 

Une  lourde  chaise  (10  kilogrammes)  qui  se  trouvait  à  un  mètre 
de  la  table,  et  derrière  le  médium,  s'approcha  de  M.  Schiaparelli. 

Dans  l'obscurité  les  phénomènes  furent  beaucoup  plus  intenses. 
11  y  eut  des  coups  sensiblement  plus  forts  que  ceux  qu'on  enten- 
dait en  pleine  lumière  sous  et  dans  la  table.  Fracas  terrible  comme 
celui  d'un  grand  coup  de  poing  donné  sur  la  table.  Chocs  et  coups 
frappés  contre  les  chaises  des  voisins,  assez  forts  pour  faire  tourner 
la  chaise  avec  la  personne.  Transports  d'objets  divers,  quelquefois 
éloignés  de  plusieurs  mètres,  et  pesant  plusieurs  kilogrammes, 
transports  dans  l'air  d'objets  divers.  Les  pieds  d'EusAPiA  étant  sur 

entre  les  dents  et  frapper  les  touches  du  piano.  Alors  je  rais  ma  main  sur  la 
bouche  d'EusAPiA,  et,  toutes  les  autres  conditions  restant  les  mêmes,  il  y  eut 
encore  des  sons  du  piano. 


MOUVEMENTS    n'oiUETS    (tÉLÉKINÉSIES)  533 

mes  genoux,  pendant,  que  je  lui  tenais  les  deux  mains,  un  tambou- 
rin fut  enlevé  au-dessus  de  nos  têtes,  et  la  membrane  du  tambourin 
était  frappée  comme  avec  une  main.  Une  autre  fois,  les  mains  d'Eu- 
sapia  étant  liées,  une  sonnette  fut  placée  sur  une  chaise,  à  sa  droite  : 
on  fit  l'obscurité  en  exprimant  le  désir  que  la  sonnette  tintât  immé- 
diatement. Immédiatement  la  chaise  se  renversa,  la  sonnette  tinta, 
fut  projetée  sur  la  table,  et,  la  lumière  étant  faite,  on  constata  que 
les  nœuds  étaient  en  parfait  état.  Une  autre  fois,  je  tenais  les  deux 
pieds  d'EusAPiA,  Schiaparelli  et  G.  Finzi  lui  tenaient  les  mains,  et  la 
table  a  été  soulevée  des  quatre  pieds. 

Les  expériences  de  Rome  (1893  et  1894),  faites  par  Siémiradzki  et 
J.  Ochorowicz,  furent  également  démonstratives. 

Les  mains  d'EusAPiA  étant  bien  tenues,  dans  l'obscurité,  un  orgue 
de  Barbarie  voltigea  au-dessus  de  la  table,  en  faisant  entendre  des 
sons  qui  ne  peuvent  se  produire  que  quand  ou  tourne  la  manivelle. 

Une  fois,  le  piano,  placé  derrière  Eusapia,  se  déplaça  :  le  cou- 
vercle en  fut  soulevé.  Comme  Siémiradzki  avait  exprimé  le  désir 
d'entendre  des  notes  hautes  et  des  notes  basses  en  même  temps, 
son  vœu  lut  exaucé,  ce  qui  semble  prouver  l'action  de  deux  mains 
distinctes,  dit  Siémiradzki.  Un  verre  à  moitié  rempli  d'eau  qui  se 
trouvait  sur  le  buffet  hors  de  la  portée  de  nos  mains,  fut  porté  aux 
lèvres  d'OcHORowicz,  d'EusAPiA  et  d'une  autre  personne  qui  en 
burent.  L'opération  eut  lieu  en  pleine  obscurité  avec  une  précision 
prodigieuse. 

En  même  temps  on  entendait  des  craquements  dans  le  bois  de 
la  table.  C'étaient  des  coups,  tantôt  légers,  tantôt  formidables, 
comme  s'ils  étaient  dus  à  un  poing  robuste  frappant  de  toute  sa 
force. 

A  Varsovie,  Ochorowicz,  tenant  les  mains  et  les  pieds  d'EusAPiA, 
avait  pris  soin  d'empêcher  même  le  contact  du  jupon  et  de  la  robe 
d'EusAPiAavec  la  table.  A  la  lumière  diminuée,  mais  permettant  aux 
assistants  de  distinguer  les  formes,  alors  que  personne,  ni  surtout 
Eusapia,  ne  touchait  la  table,  la  table,  sans  oscillations  préalables, 
s'éleva  des  quatre  pieds  à  la  fois  :  tout  à  fait  horizontalement,  et 
cela  à  trois  reprises.  Alors  Eusapia,  avançant  le  genou,  dit  :  «  Je 
vais  lever  la  table  avec  le  genou  »  ;  pourtant  la  planche  était  à 
20  centimètres  du  geuou.  Le  genou  s'éleva  de  Vô  centimètres  et  la 


534  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

table  de  20  centimètres.  Même  effet  en  levant  les  deux  jambes  tou- 
jours très  distantes  de  la  table.  La  table  se  souleva  en  même  temps 
que  les  jambes. 

Un  dynamomètre  marqua  une  force  trois  fois  supérieure  à  celle 
d'EosAPiA,  et.  supérieure  à  celle  du  plus  fort  des  assistants. 

Les  expériences  que  je  vais  rapporter  ont  été  faites  chez  moi,  à  l'île 
Ribaud  (1894)  et  à  Carqueiranne 

L'île  Ribaud,  où  j'ai  une  petite  villa,  est  un  îlot  méditerranéen 
désert,  qui  n'est  habité  que  par  le  gardien  du  phare  et  sa  femme. 
J'y  fis  venir  Eusapia.  Puis  je  priai  .T.  Ochorowicz  de  venir  avec  moi 
pour  suivre  de  près  l'expérimentation.  De  fait,  pendant  trois  mois, 
en  parfaite  intimité,  nous  avons  expérimenté,  Ochorowicz  et  moi, 
trois  fois  par  semaine,  et  nous  avons  un  très  grand  nombre  de  fois 
constaté  en  toute  évidence  des  mouvements  d'objets  sans  contact, 
ainsi  que  beaucoup  d'autres  phénomènes  sur  lesquels  je  revien- 
drai1. 

Après  avoir  constaté  le  succès  de  nos  expériences,  je  priai  mes 
amis  Fr.  Myers,  0.  Lodge,  et  Schrenck  Notzing,  ainsi  que  M.  et  Mad. 
H.  Sidgwick,  de  venirà  l'île  Ribaud  pour  juger  de  visu. 

Et  je  donnerai  seulement  des  extraits  du  récit  d'OuvER  Lodge. 
«  Une  chaise  placée  près  de  la  fenêtre,  à  plusieurs  pieds  dedistance 
du  médium,  glissa,  se  leva  et  frappa  le  parquet.  Le  médium  était 
tenu,  et  personne  n'était  près  de  la  chaise.  J'ai  entendu  quelques 
notes  d'un  accordéon  placé  non  loin  de  nous.  Un  chalet  à  musique 
a  été  promené  dans  l'air  et  remonté  au-dessus  de  la  tête  ;  une  clé 
a  été  tournée  dans  la  serrure  de  la  porte,  puis  placée  sur  la  table  et 
remise  dans  la  serrure  de  la  porte  ;  une  lourde  table  (de  22  kilo- 
grammes) a  été  soulevée  eu  l'air  à  20  centimètres  du  sol,  alors  que 
le  médium  était  debout,  et  que  ses  deux  mains  n'appuyaient  que 
légèrement  sur  le  dessus  de  la  table,  dans  un  angle.  » 
D'autres  séances,  en  1895,  ont  eu  lieu  à  l'Aguelas,  chez  M.  A.  de 

1 .  Je  n'ai  pas  publié  ces  notes,  et  je  ne  les  publierai  pas  :  elles  sont  d'une 
monotonie  effarante  :  «  Les  mains  sont  bien  tenues,  je  suis  touché  à  droite,  je 
suis  touché  à  gauche  ».  Pour  avoir  un  protocole  exact,  je  dictais,  au  fur  et  à 
mesure  de  l'expérimentation,  les  résultats  à  mon  secrétaire,  Bellier,  qui  écrivait 
dans  la  salle  voisine,  et  notait  les  heures,  les  minutes  et  tous  les  détails.  Inves- 
tigation minutieuse,  longue,  peut-être  exagérée  dans  sa  minutie,  et  dans  sa 
longueur,  mais  qui  établit  —  sauf  le  cas  d'une  cireur  systématique  que  je  ne 
puis  soupçonner —  le  fait  du  mouvement  d'objets  sans  contacts. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS  (tÉLÉKINÉSIES)  535 

Rochas,  en  présence  de  M.  Sabatier,  doyen  de  la  Faculté  des  Sciences 
de  Montpellier,  de  J.  Maxwell,  actuellement  procureur  général  à 
Bordeaux,  de  A.  de  Gramont,  membre  de  l'Institut,  de  M.  A. -G.  de 
Wattevillb,  licencié  es  sciences. 

Les  résultats  ont  été  les  mômes,  plus  nets,  si  possible,  que  dans 
les  expériences  de  Milan,- de  Rome  et  de  l'île  Ribaud. 

«  La  table  s'élève  de  30  centimètres  au-dessus  du  sol;  les  maius 
d'EysAPiA  la  touchent  à  peine,  et  quelquefois  ne  la  touchent  pas  ;  les 
genoux  d'Eu^APiA  sont  tenus,  ainsi  que  ses  pieds,  par  Dariex,  les 
pieds  de  la  table  sont  libres  de  tout  contact  avec  le  médium.  Un' 
petit  pianola  (de  900  grammes),  joue  quelques  notes,  s'élève  en 
l'air,  peudant  qu'on  tient  très  solidement  les  deux  mains,  les  deux 
pieds,  les  geuoux  et  la  tête  d'EusAPiA. 

<(  On  euleud  grincer  la  clef  daus  la  serrure  d'un  bahut  placé  trop 
loin  pour  qu  Eusapia  puisse  le  toucher,  et  pendant  ce  temps,  on 
voit  et  on  tient  les  mains,  les  pieds,  les  genoux  et  la  tète  d'EusAPiA.  » 

Une  dernière  expérience  très  démonstrative  a  été  faite.  Un  pèse- 
lettres  a  été  déplacé,  s'est  abaissé  et  relevé  sans  contact.  La  lumière 
était  très  forte.  Il  n'y  avait  certainement  ni  fil,  ni  cheveu. 

En  résumé,  disent  les  observateurs,  Eusapia  peut  agir  sur  les 
corps  matériels  à  distance,  et  sans  aucun  contact.  Le  contrôle  a  été 
aussi  parfait  que  puisse  l'être  le  contrôle  résultant  de  la  vue  claire 
et  directe  d'un  fait  expérimental. 

Expériences  de  Gènes,  1901.  —  Voici  ce  que  dit  le  professeur 
E.  Morselli,  qui,  d'abord,  avait  été  très  sceptique,  qui  a  été  ensuite, 
comme  tous  ceux  qui  ont  expérimenté  avec  Eusapia,  convaincu. 
Dans  un  livre  qui  est  un  modèle  d'érudition i,  il  raconte  avec  détails 
les  faits  qu'il  a  observés.  Je  ne  rapporterai  ici  que  ce  qui  concerne 
les  mouvements  d'objets  sans  contact  (télékinésie).  Ne  pouvant  tout 
citer,  je  me  contenterai  de  la  citation  suivante2  : 

«  Dans  les  deux  premières  heures  de  la  séance  mouvements  et 
oscillations  delà  table  :  bruits  formidables  (à  l'obscurité  ou  à  une 
lumière  faible)...  raps  correspondant  à  des  contractions  muscu- 
laires ou  à  des  gestes,  déplacements  d'objets,  fonctionnements  d'ap- 

1.  Psicologia  e  spirilismo,  2  vol.,  8°,  Torino,  19U8. 

2.  T.  I,  p.  361. 


536  MÉTAPSYCHIQUE   OBJECTIVE 

pareils  musicaux,  passage  d'uue  règle  qui  sort  du  cabinet,  s'élève 
dans  l'air,  touche  le  bras  et  l'épaule  des  assistants.  Tout  cela  se- 
répète  à  satiété.  Un  guéridon  placé  à  un  mètre  d'EusAPiA  a  été  attiré; 
pendant  ce  temps  je  tenais  sa  main  droite  et  ses  jambes,  Mad.  Fer- 
rero  tenait  sa  main  gauche.  La  table  s'est  élevée  du  sol  deux  fois  à 
une  hauteur  de  15  à  30  centimètres l. 

«  Cette  expérience,  ajoute  Morselli,  a  été  contrôlée  avec  la  plus 
grande  rigueur  :  tout  était  visible  à  la  lumière  rouge,  et  je  suis 
certain  que  le  phénomène  est  authentique.  » 

Dans  une  autre  expérience,  Eusapia  étant  tenue  à  gauche  par 
Porro,  à  droite  par  Morselli  (1901),  Morselli  dit  à  haute  voix  :  «  J'ai 
soif  ».  Alors  est  transportée  sur  la  table  une  bouteille  d'eau  avec 
un  verre,  et  aux  lèvres  de  chacun  des  assistants  s'approcha  succes- 
sivement un  verre  rempli  d'eau a. 

Trois  éminents  physiologistes,  médecins  de  l'Université  de  Turin, 
Carlo  Foa,  Herlitzka,  E.  Aggazotti,  élèves  éminents  de  l'illustre  phy- 
siologiste Angelo  Mosso,  ont  étudié  les  phénomènes  produits  par. 
Eusapia,  dans  une  série  de  séances  qui  ont  eu  lieu  au  laboratoire  de 
Psychiatrie  de  l'Université  de  Turin,  et  ils  ont  été  absolument 
convaincus  de  l'absolue  réalité  des  phénomènes  objectifs  produits 
par  Eusapia.  Des  objets  hors  de  la  portée  de  sa  main  ont  été  à 
maintes  reprises  apportés  sur  la  table.  Des  appareils  graphiques  de 
contrôle,  placés  hors  de  la  portée  de  ses  pieds  et  de  ses  mains,  ont 
donné  des  inscriptions.  Une  table  lourde  et  solide,  sans  être  touchée 
par  personne,  a  été  complètement  brisée.  Une  plaque  photogra- 
phique mise  dans  une  enveloppe  de  papier  noir  a  donné  l'image  de 
plusieurs  doigts. 

MM.  Foa,  Herlitzka,  et  Aggazotti  disent,  avec  juste  raison  — ■ 
comme  je  l'ai  souvent  dit,  comme  cela  paraît  évident  :  —  «  Si  ces 

i.  Une  très  bonne  photographie  en  a  été  donnée  (t.  II,  p.  363).  On  voit  les 
deux  pieds,  les  deux  mains  et  les  genoux  d'EusAPu  saas  contact  avec  la  table, 
alors  que  la  table  est  complètement  soulevée. 

2.  Si  l'on  veut  se  rendre  compte  de  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  les  phénomènes 
produits  par  Eusapia,  on  devra  consulter  la  Bibliografla  Paladiana  de  Morselli, 
t.  I,  p.  134-170.  On  verra  qu'à  part  Ev.  Feilding  et  Alice  Johnson,  de  1889  à  1907, 
tous  les  expérimentateurs  ont  été  pleinement  convaincus.  Je  ne  sais  ce  que 
pense  actuellement  Alice  Johnson,  mais  Feilding  est  revenu  de  ses  négations, 
fondées  uniquement  sur  les  résultats  défectueux  des  expériences  de  Cambridge. 
D'Arsonval  disait  qu'il  ne  pouvait  se  faire  une  opinion,  et  demeurait  incertain. 
Mais  je  crois  bien  qu'aujourd'hui  son  incertitude  a  disparu. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIES)  537 

phénomènes  paraissent  étranges,  c'est  par  suite  de  leur  rareté 
relative.  En  somme  ils  ne  sont  pas  plus  merveilleux  que  les  phéno- 
mènes biologiques  que  nous  observons  chaque  jour  l.  » 

Une  autre  expérience  a  été  faite  en  1907  par  le  professeur  Lom- 
broso,  les  docteurs  Audenino,  Norlenzki,  l'éditeur  Bocca,  et  d'autres 
personnes  éminentes2.  Les  résultats  ont  toujours  été  les  mêmes. 
Des  appareils  enregistreurs  placés  dans  un  cabinet  assez  loin  pour 
que  la  main  d'EusAPiA  ne  puisse  y  atteindre,  ont  donné  des  indi- 
cations diverses.  Une  mandoline  a  joué  toute  seule.  Une  forme  de 
tête  a  été  vue. 

Il  paraît  bien  que,  dans  ces  conditions,  le  doute  soit  impossible. 

MM.  Berisso  et  Bozzano  ont  constaté  (en  mai  1900)  à  Gênes3,  dans 
une  séance  avec  Eusapia,  qu'en  pleine  lumière,  alors  que  tout  le 
monde  pouvait  apercevoir  Eusapia,  assise,  les  mains  sur  la  table, 
vues  et  contrôlées,  il  y'eut  des  transports  d'objets,  notamment  d'une 
trompette  qu'on  a  vue  comme  suspendue  dans  l'air,  et  il  y  a  eu  des 
sous  émis.  Cette  trompette  était  plus  haut  que  n'eût  pu  la  porter 
la  main  du  médium  ou  d'aucun  des  assistants.  11  en  a  été  de  même 
à  la  séance  suivante,  pour  une  guitare  qui  s'est  élevée  à  trois  mètres 
du  sol. 

M.  Venzano  a  vu  un  bras  fluidique  se  former  et  sortir  de  l'épaule 
droite  du  médium,  pour  aller  chercher  un  verre  plein  d'eau  et  le 
porter  à  la  bouche  d'EusAPiA. 

Les  professeurs  Morselli  et  Porro  assistaient  à  ces  expériences. 

A  l'Institut  psychologique  de  Paris,  qui  consacra  de  nombreuses 
séances  (43)  en  1905, 1906,  1907,  à  l'étude  des  phénomènes  d'EusA- 
pia,  Courtier,  rapporteur,  malgré  ses  hésitations,  ses  réticences,  ses 
contradictions,  est  forcé  de  conclure  qu'il  y  a  des  mouvements  qui 
semblent  se  produire  au  simple  contact  des  mains,  ou  même  sans 
contact,  et  qu'on  peut  constater  à  distance  dans  les  objets  des  vibra- 
tions moléculaires  (coups  frappés).  Eu  réalité,  toute  la  télékinésie 
tient  dans  ces  deux  propositions  fondamentales  '*. 


1.  A.  S.  P..  1907,  XVH,  294. 

2.  A.  S.  P.,  1907,  XVII,  212-218. 

3.  J.  Venzano,  Contribution  à  l'élude  des  matérialisations.  A.  S.  P.,  1907.  XVII, 
473-528. 

4.  Bull,  de  l'Inst.  gén.  de  Psychol.,  1909. 


538  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Courtier,  dans  la  discussion  qui  s'est  engagée  à  ce  sujet,  ajoute 
cet  intéressant  détail,  que  les  objets,  dans  leur  course,  ne  décrivent 
pas  un  trajet  rectiligne,  mais  semblent  se  mouvoir  volontairement 
en  décrivant  des  sinuosités  comme  s'ils  étaient  dirigés  par  une 
intelligente  force  mécanique. 

D'ailleurs  les  doutes  de  la  S.  P.  R  à  propos  des  expériences  de  Cam- 
bridge peuvent  à  présent  être  considérés  comme  non  avenus.  Déjà 
M  vers,  dans  une  séance  tenue  chez  moi,  avait  formellement  reconnu 
l'authenticité  des  phénomènes.  Plus  tard,  en  1909,  Ev.  Feilding, 
M.  Carrington,  et  un  savant  très  expert  en  preslidigitatiou,  Ev.  Bag- 
gally,  firent  à  Naples  quelques  expériences  décisives,  M.  Feilding, 
voyant  et  tenant  les  deux  mains  d'EusAPiA,  fut  touché  derrière  le 
rideau  par  une  main  vivante,  trois  doigts  au-dessous  et  le  pouce 
au-dessus  et  serré  de  façon  qu'il  sentit  les  ongles  daus  la  chair.  Ces 
maius  devenaient  quelquefois  visibles.  M.  Baggally,  pendant  qu'il 
voyait  et  tenait  les  mains  du  médium,  fut  touché  au  dos  de  sa  propre 
main  par  la  main  qui  le  caressa  et  qui  suivit  son  bras.  {Compte 
rendu  de  la  Commission  de  la  S.  P.  R.  chargée  de  faire  des  expé- 
riences avec  Eusapia  Paladino.)    L 

Je  ne  peux  mieux  faire  que  de  rapporter  textuellement  ce  que 
dit  d'elle  avec  grand  seus  M.  Hkreward  Carrington.  «  En  novembre 
et  décembre  1908  nous  eûmes  avec  M  Everard  Feilding  et 
M.  W.  Baggvlly  une  dizaine  de  séances  dans  nos  chambres,  à  l'hôtel, 
dans  de  parfaites  conditions  de  contrôle,  et  nous  avons  été  con- 
vaincus qu'il  se  produit  des  phénomènes  authentiques  (métapsychi- 
quesj  qu'aucune  tricherie  ne  peut  expliquer  :  ma  conversion  a  été 
tout  à  fait  contraire  à  ce  que  j'avais  d'abord  présumé...  Si  en  Amé- 
rique il  y  a  eu  des  faits  douteux,  c'est  qu'on  n'a  pas  su  expéri- 
menter avec  elle,  et  qu'elle  était  fatiguée,  épuisée,  émue...  Je  crois 
bien,  dit  M.  Carrington,  que,  parmi  les  médiums  américains,  il  y  en 
a,  pour  les  phénomènes  physiques,  80  p.  100  qui  trompent;  et 
pourtant  Eusapia  produit  des  phénomènes  réels...  Tous  ceux  qui 
étudient  ces  problèmes  (sur  Eusapia)  avec  suffisamment  de  temps 
et  de  soin,  seront  convaincus  que,  parmi  les  phénomènes  qu'elle 


1.  A.  S.  P.,  1909,  XIX,  l'47-267. 

2.  The  problems  o/'psychical  Research,  Loudon,  Rider,  l'JU. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIEs)  j39 

présente,  il  en  est  qu'aucune  loi  connue  ne  peut  expliquer.  Les 
faits  sont  hors  de  doute  {Thèse  facts  are  beyond  question).  » 

Après  tout  cela  faut-il  parler  des  paris  qui  ont  été  faits  sur  la 
réalité  de  la  télékinésie?  par  exemple  par  G.  Le  Bon,  encore  qu'il 
soit  homme  desprit?  Ce  ne  sout  pas  des  procédés  de  discussion,  et 
le  fait  que  Le  Bon  aurait  gagué  ou  perdu  sou  pari  ne  fera  pas 
avancer  la  science.  Qui  donc  va  parier  qu'il  fera  à  point  nommé 
tomber  un  aérolithe  dans  son  jardin1? 

Si  j'ai  insisté  sur  les  phénomènes  de  télékinésie  produits  par 
Eusàpia.,  c'est  que  jamais  peut-être  il  n'y  a  eu  des  expérimentateurs 
si  divers,  si  sceptiques,  (sceptiques  d'abord,  pour  être  convaincus 
ensuite),  si  scrupuleux,  si  minutieux,  si  sévères.  Pendant  vingt 
ans,  de  1888  à  1908,  Eusapia  a  été  soumise,  par  les  plus  savants 
expérimentateurs  d'Europe  et  d'Amérique,  aux  épreuves  les  plus 
rigoureuses,  aux  investigations  les  plus  perspicaces;  et  pendant 
vingt  ans  tous  ces  savants,  décidés  à  ne  pas  se  laisser  tromper,  ont 
pu  constater  que  des  objets,  même  très  lourds  et  volumineux, 
étaient  déplacés  sans  qu'il  y  eût  contact. 

Ce  serait  allonger  démesurément  le  chapitre  de  la  métapsychique 
objective  que  de  rapporter  toutes  les  expériences,  consignées  dans 
les  journaux  spirites,  où  il  y  a  eu  raps,  soulèvements  de  table  avec 
contact  léger  ou  sans  contact,  déplacements  d'objets  divers.  Je 
renvoie  aux  mémoires  qui  ont  été  publiés  à  cet  effet,  en  notant 
seulement  que  les  conditions  de  contrôle  étaient  manifestement 
moins  bonnes  que  dans  celles  que  je  viens  de  rapporter. 

Les  mouvements  d'objet  sans  contact  ont  quelques  rapports  avec 
les  phénomènes  observés  dans  les  maisons  dites  hantées.  Le 
Dr  Dariex  a  publié  à  cet  effet  une  observation  intéressante2. 

Comme  il  entendait  dans  son  cabinet  de  travail  pendant  la  nuit 
(Paris,  rue  du  Bellay,  n°  6;  des  bruits  singuliers,  inexplicables,  et 
qu'il  trouvait  le  matin  les  chaises  renversées  et  déplacées,  il  voulut 
constater  scientifiquement,  et  en  quelque  sorte  judiciairement,  le 
phénomène.  Par  lui  et  par  quatre  de  ses  amis,  dont  deux  docteurs 

1.  Voir  Grasset,  loc.  cit.,  p.  419. 

•J..  Expériences  sur  les  mouvements  d'objet  sans  contact,  A.  S.  P.,  1892,  II, 
189-208. 


540  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

en  médecine,  les  scellés  furent  mis  à  la  porte  (six  scellés)  soigneu- 
sement vérifiés.  Or,  malgré  cela,  dans  cette  chambre  absolument 
close,  sans  que  personne  pût  s'introduire  par  la  fenêtre  ou  par  la 
cheminée,  sans  qu'il  fût  possible  d'introduire  quelque  fil  de  fer 
sous  la  porte,  des  chaises  furent,  avec  bruit,  déplacées. 

Dariex  a  pu  observer  avec  Mad.  B...,  médium  non  professionnel, 
des  mouvements  de  la  table  sans  contact.  A  une  bonne  clarté 
(celle  d'une  salamandre  en  plein  tirage)  une  table  pesant  6  kilo- 
grammes glissa  de  40  centimètres  sur  le  parquet.  Le  médium  avait 
les  deux  mains  posées  sur  les  genoux,  et  était  à  60  centimètres  de  la 
table.  La  table,  ajouta  le  Dr  Mercier,  se  mit  d'elle-même  en  mouve- 
ment, et  il  m'a  été  impossible  de  surprendre  le  moindre  mouvement 
du  médium,  qui  en  était  distant  de  60  centimètres. 

Victorien  Joncières,  musicien  illustre,  raconte  qu'il  alla  voir  un 
soir  un  de  ses  amis,  haut  fonctionnaire  de  l'Etat,  dont  la  jeune 
nièce  avait  des  pouvoirs  médianimiques  remarquables.  On  vit  une 
chaise  s'élever  au-dessus  de  la  table.  La  jeune  fille  appuya  très 
légèrement  ses  deux  petits  doigts  sur  le  rebord  de  la  table,  qui  était 
d'un  poids  énorme.  «  Alors  cette  table  s'éleva  bien  au-dessus  de 
nos  têtes,  de  sorte  que  nous  fûmes  obligés  de  nous  lever  pour  la 
suivre  dans  son  ascension.  Elle  se  balança  quelques  instants  dans 
l'air  et  descendit  lentement  vers  le  sol,  où  elle  se  posa  sans 
bruit1.  » 

Des  mouvements  d'objets  sans  contact  ont  été  obtenus,  très 
intenses,  par  Stainton  Moses,  qui  fut  un  médium  extraordinaire. 

Stainton  Moses,  après  de  bonnes  études  à  Oxford,  fut  ordonné 
prêtre,  envoyé  comme  pasteur  à  l'île  de  Man,  puis  nommé  profes- 
seur à  l'University  Collège  School.  Il  fut  prédicateur  renommé. 
Son  honorabilité,  sa  loyauté,  le  firent  admirer  par  tous.  Or  Stainton 
Moses  eut  des  facultés  médianimiques  puissantes,  et  il  consigna 
dans  un  livre,  Expériences  upon  spirilualism,  les  résultats  de 
ses  expériences  personnelles,  qui,  aux  points  de  vue  objectif  et  sub- 
jectif, furent  remarquables.  Le  D1'  et  Mad.  Stanhope  Speer,  qui 

1.  Chevreuil,  loc.  cil.,  p.  343. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉRÎNÉSIES)  541 

furent  ses  intimes  nmis,  ont  publié  des  notes,  détaillées,  exactes, 
importantes,  sur  tous  les  phénomènes. 

«  Les  mouvements  de  la  table,  dit-il  *,  arrivent  rapidement  quand 
la  table  est  à  peine  touchée.  Il  vaut  mieux  retirer  les  mains  et  laisser 
la  table  à  son  propre  talent.  Son  inclinaison  a  même  été  marquée 
davantage  lorsque  les  personnes  présentes  étaient  à  quelque  dis- 
tance. Elle  allait  et  venait  sur  le  parquet  et  revenait  à  sa  position 
normale  quand  on  n'y  touchait  pas...  Quelquefois  les  coups  furent 
forts  comme  des  coups  de  marteau,  et  entendus  distinctement 
dans  la  pièce  en  dessous,  assez  forts  pour  donner  l'idée  que  la  table 
devait  être  réduite  en  miettes.  Parfois  les  coups  se  répétaient  avec 
tant  d'intensité  que  la  chambre  en  était  toute  ébranlée  ». 

Stainton  Moses  cite  comme  tout  à  fait  démonstrative  l'expérience 
suivante  (que  j'abrège). 

«  A  18  heures,  en  plein  jour,  comme  j'étais  avec  un  ami,  venu 
pour  me  voir,  ma  table  de  salle  à  manger,  ancienne,  très  lourde, 
posée  sur  un  tapis,  fut  ébranlée  par  des  coups  très  forts.  Elle  s'agita 
violemment  comme  frissounant,  au  point  de  disloquer  les  pieds,  et 
pourtant  nous  ne  la  touchions  pas.  Alors  nous  nous  sommes  levés  : 
les  mains  étaient  à  20  centimètres  au-dessus  de  la  table.  La  table 
se  rapprocha  de  nous  et  s'éleva  jusqu'à  toucher  nos  mains.  » 

Voici  une  autre  expérience,  plus  belle  encore  (p.  219). 

a  La  pièce  qui  avait  été  entourée  de  rayons  lumineux  (fluidiques) 
devint  subitement  sombre.  La  table  isolée,  aucune  main  humaine 
ne  la  touchant,  donnait  une  série  de  coups  variant  d'intensité, 
quelques-uns  semblaient  frappés  par  un  lourd  marteau  de  forge, 
tout  indiquait  une  intelligence  qui  se  montrait  impatiente  ou  solen- 
nelle selon  la  nature  de  la  communication.  La  chambre  était  dans 
une  obscurité  complète,  sauf,  de  temps  en  temps,  une  vapeur  lumi- 
neuse allant  et  venant  autour  d'un  des  pilastres  de  la  table.  » 

«  Souvent,  dit  M.  Speer,  on  entendait  descoupsfrappés  sur  la  porte, 
le  buffet,  les  murs,  à  quelque  distance  de  la  table  où  nous  étions 
assis.  Ils  ne  pouvaient  être  produits  par  aucune  action  humaine; 
je  me  suis  satisfait  là-dessus  par  tous  les  moyens  possibles. 

«  Nous  avons  eu  de  l'écriture  directe.  Le  mouvement  d'objets 

1.  A.  S.  P..  1893,  211. 


542  •  MÉTAPSYCHIQUK    OBJECTIVE 

très  lourds,  tels  que  des  tables  et  des  chaises,  n'était  pas  rare.  Quel- 
quefois la  table  était  attirée  à  graude  distance.  La  table  eu  acajou 
massif  était  remuée  avec  plus  de  facilité  que  par  les  efforts  de  tous 
les  assistants  réunis,  et  ces  efforts  étaient  également  impuissants 
pour  l'empêcher  de  remuer.  Nous  avons  souvent  vainement  essayé 
de  paralyser  ces  mouvements.  » 

Le  Dr  Elliott  Gowes  et  Mad.  Gowes1  racontent  ceci  : 
Une  lourde  table  pesant  50  kilogrammes  est  sous  un  lustre 
éclairé  par  deux,  trois  ou  quatre  becs  de  gaz,  et  la  lumière  est 
assez  forte  pour  qu'on  puisse  lire.  Après  divers  mouvements  de  la 
table,  les  personnes  présentes  s'en  écartent  en  restant  à  environ 
60  centimètres  de  distance.  Aucun  contact  avec  la  table,  aucun  voi- 
sinage de  vêtement,  même  à  une  distance  de  30  ou  50  centimètres. 
Alors  la  table  soulève  un  de  ses  pieds  et  le  laisse  retomber  si  lour- 
dement, que  le  parquet  tremble,  et  que  les  globes  de  verre  du 
lustre  résonnent.  «  Si,  conclut  M.  Gowes,  ce  n'est  pas  là  de  la  télé- 
kinésie,  nous  ne  pourrons  certainement  plus  nous  fier  au  témoi- 
gnage de  nos  sens.  » 

C.  de  Vesmï  a  vu  avec  le  comte  Uo.o  Baschiem  des  phénomènes  de 
téiékinésie,  tout  à  fait  nets2.  «  Je  n'ai  jamais,  dit-il,  constaté  le  sou- 
lèvement ou  le  déplacement  d'un  guéridon  sans  contact  en  d'aussi 
bonnes  conditions  d'observation.  Tout  le  monde,  le  médium  y  com- 
pris, se  tient  à  un  mètre  au  moins  de  la  table.  Celle-ci  se  déplace 
bien  en  direction  du  médium,  mais  les  mouvements  de  celui-ci  ne 
sont  pas  synchrones  avec  ceux  du  meuble  ;  un  autre  jour,  dans  une 
séance  absolument  privée,  chez  lui,  C.  de  Vesme  a  vu  deux  fois  de 
suite  sous  l'influence  des  passes  magnétiques  s'avancer  un  œillet 
placé  dans  un  vase  de  fleurs,  s'incliner,  se  tordre,  et  même  dans  un 
cas  se  briser,  et  de  Vesme  a  pu  constater  qu'il  n'y  avait  pas  de  fil3.  » 

1.  A.  S.  P.,  1893,  II,  372. 

2.  Un  clairvoyant,  A.  S.  P.,  novembre  1915,  XXV,  261-263. 

3.  J'ai  eu  l'occasion  de  voir  pour  phénomènes  cryptestliésiques  chez  moi,  avec 
Maxwell  et  avec  de  Vesme,  le  comte  Baschieiu.  C'était  pendant  la  guerre.  Nulle 
prémonition  n'a  été  donnée  qui  mérite  d'être  retenue  ;  mais  il  s'est  produit  un 
phénomène  singulier,  métapsychique,  au  dire  de  M.  Baschieiu.  Tout  d'un  coup  il 
a  porté  son  mouchoir  à  ses  yeux,  et  il  l'a  retiré  taché  de  sang,  à  peu  près 
5  grammes  de  sang,  très  pur.  Ses  yeux  avaient  suinté  du  sang.  Je  n'ai  pas  pu 
constater  cependant  d'ecchymose  conjonctivale.  Je  ne  formule  aucune  apprécia- 


MOUVEMENTS    D'OBJET    (tÉLÉKINÉSIES)  543 

M.  Fhémery,  ofïicier  d'artillerie,  à  la  Haye,  directeur  de  la  revue 
hebdomadaire  Tackoustig  Leoen,  a  eu  des  faits  de  télékinésie 
démonstratifs1  chez  Mad.  Huygens,  eu  présence  de  M.  Floris 
Jansen,  directeur  du  laboratoire  de  psycho-physique  d'Amsterdam, 
du  D1'  Hijmans,  du  D1'  van  Branen.  L'obscurité  n'était  pas  absolue  ; 
on  pouvait  voir  les  mains  du  médium,  d'ailleurs  tenues  par  les 
assistants.  Un  fauteuil  s'approche  de  la  table,  puis  s'en  éloigne, 
uue  guitare  résonne  (placée  à  lm,70  du  sol),  une  feuille  de  palmier 
s'agite  dans  tous  les  sens,  elle  voltige  jusqu'au  plafond,  éclairée 
par  une  lanterne  rouge  ;  elle  se  heurte  contre  le  plafond  qui  a 
uue  hauteur  de  4  mètres  et  le  balaye  eu  faisant  degrandes  courbes, 
puis  redescend,  et  touche  chacun  des  assistants.  Pendant  ce  temps 
une  boîte  de  musique  jouait,  était  consultée,  et  frappait  le  sol  pour 
répondre  aux  questions  posées. 

A  Gratz,  uue  médium  non  professionnelle,  Mad.  S...,  dans  des 
séances  absolument  privées,  a  eu  des  soulèvements  et  des  lévita- 
tions de  table,  d'une  netteté  extrême 2.  Une  table  en  chêne  massif, 
très  lourde,  est  parfois  déplacée  sans  qu'aucun  des  assistants  n'y 
touche.  Une  fois,  pendant  que  les  assistants  faisaient  la  chaîne,  elle 
se  souleva  à  une  hauteur  d'environ  un  mètre,  se  balança  dans  l'air 
et  retomba. 

De  1865  à  1869,  j'ai  observé,  dit  Erny,  avec  le  charmant  composi- 
teur, F.  P...,  des  effets  (de  télékinésie)  concluants.  Nous  avons 
obtenu  qu'une  table  se  tint  en  l'air,  tout  en  n'étant  appuyée  que 
par  un  pied  posé  sur  un  canapé,  les  trois  autres  pieds  restant  dans 
le  vide...  Toutes  nos  expériences  ont  eu  lieu  en  plein  jour  ou  le  soir 
eu  pleine  lumière.  Jamais  nous  n'avons  eu  besoin  de  faire  la  chaîne. 
Il  suffisait  à  P.  .  de  mettre  un  doigt  au  milieu  de  la  table,  et  elle 

tion.  Je  mentionne  le  fait  qui,  physiologiquement,  est  tout  à  fait  anormal,  et 
même  qui  rentre  à  peine  dans  le  cadre  des  stigmatisations  Je  n'oserais  cependant  pas 
affirmer  que  le  phénomène  a  été  authentique,  et  non  simulé  ;  car,  si  invraisemblable 
que  ce  soit,  on  peut  supposer  que  le  mouchoir  porté  rapidement  sur  les  yeux 
avait  été  préparé  à  l'avance,  et  était  imprégné  déjà  de  sang.  Le  mouvement  a 
été  trop  subit,  trop  imprévu,  pour  que  j'aie  pu  m'en  rendre  un  compte  exact. 

1.  A.  S.  P.,  1908,  XVIH.251. 

2.  NouDiiEHi;,  Geislerglaube,  Spiritismus,  und  vierte  Dimension  (Psychische  Stu- 
dien,  octobre  1918,  415). 


544  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

se    soulevait    brusquement    souvent,    même    se    renversant    sur 
lui1. 

Le  célèbre  chimiste  russe  Boutleroff,  expérimentant  dans  son 
appartement,  avec  Aksakoff,  et  Mad.  Boutleroff,  très  sceptique, 
a  observé  sur  Kate  Fox,  d'ailleurs  assez  suspecte,  des  mouvements 
d'objet  sans  contact.  Une  boîte  de  musique  semblait  se  remonter 
d'elle-même  et  se  mettait  à  jouer.  Mad.  Boutleroff  tenait  les  jambes 
de  Kate,  et  les  mains  de  Kate  étaient  visibles,  sur  une  plaque  de 
verre  lumineuse. 

J.  Ochorowigz  a  étudié  la  télékinésie  avec  le  plus  grand  soin  chez 
une  jeune  fille  polouaise,  Stanislawa  Tomczyk,  douée  d'une  puis- 
sante médiumnité.  J'ai  assistée  maintes  expériences  de  S.  Tomczyk, 
qui  m'ont  paru  très  concluantes2.  De  petits  objets,  une  balle,  une 
sonnette,  une  aiguille,  sont  attirés  par  le  médium  et  restent  en  l'air 
pendant  assez  de  temps  pour  que,  même  à  une  moyenne  lumière, 
des  photographies  en  soient  prises. 

On  ne  peut  supposer  —  car  c'est  la  seule  hypothèse  possible  — 
qu'il  y  a  un  fil  qui  soutient  ces  objets,  car  un  fil  ne  peut  tenir  une 
balle  en  l'air,  et  d'ailleurs  sur  les  photographies  le  fil  apparaîtrait. 
Et  puis  Stanislawa  relève  ses  manches  jusqu'aux  coudes,  se 
lave  les  mains  avec  du  savon  et  de  l'eau  chaude,  et  à  partir  de  ce 
moment  ses  mains  sont  toujours  en  vue.  Une  commission  à  Var- 
sovie, composée  de  physiologistes,  de  médecins  et  d'ingénieurs,  a 
scrupuleusement  vérifié  ces  faits,  et,  malgré  l'opposition  désespérée 
du  professeur  Cybulski,  qui  les  niait  sans  avoir  voulu  les  examiner, 
a  conclu  à  l'authenticité  absolue  des  phénomènes. 

Dans  la  télékinésie  des  petits  objets,  même  en  pleine  lumière,  une 
fraude  est  toujours  possible,  si  l'attention  des  observateurs  n'est 
pas  vigilante  ;  car  il  peut  y  avoir  déplacement  de  l'objet  par  un  fil. 
Ochorowicz  a  étudié  admirablement  cette  question  dans  ses  belles 
expériences  avec  St.  Tomczyk.  Il  y  a  des  cas  où  l'objet  est  mû  sans 
fil,  et  d'autres  cas  où  un  fil  apparaît;  mais  ce  fil  n'est  pas  le  fil  de 
la  supercherie  (fil  de  cuivre  ou  cheveu,  ou  toute  autre  substance 

1.  A.  Erny,  loc.  cil  ,  204. 

2.  Voir  aux  pages  533,  534,  535,  quelques-unes  des  belles  photographies  qui  ont 
été  prises. 


MOUVEMENTS  VoiUETS    (tÉLÉKINÉSIES) 


545 


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•>4b  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

ténue);  c'est  un  fil  /luidique...  J'ai  senti,  dit  Ochouowicz,  ce  fil 
sur  ma  main,  sur  mon  visage,  sur  mes  cheveux.  Lorsque  le  médium 
écarte  ses  mains,  le  fil  s'amincit  et  disparait;  c'est  la  sensation 
tactile  d'une  toile  d'araignée1.  Si  on  le  coupe  avec  des  ciseaux, 
il  se  reconstitue  immédiatement  (p.  262).  Il  semble  être  formé  par 
des  points  :  ou  peut  le  photographier,  et  on  voit  alors  qu'il  est  beau- 
coup plus  miuce  que  ne  le  serait  un  fil  ordinaire.  Il  part  des  doigts. 


Fig.  12.  —  Télékinésie  de  'Stanislawa  Tomczyk  (d'après  Schkenck-Notzing). 

Soulèvement  d'une  boule.  Par  l'agrandissement  (fig.  13),   on  aperçoit  le  fil  (luidique  partant  de 
l'ongle,  et  qui  présente  sur  son  trajet  des  renflements. 

Bien  entendu  avant  l'expérience  les  doigts  et  les  mains  ont  été 
soigneusement  visités. 

Ochorowicz  cite  à  ce  propos  une  curieuse  observation  faite  par  le 
chev.  Pehetti  à  Gênes,  avec  Eusapia.  Un  verre  ayant  été  soulevé  par 
Eusapia  à  distance  ;  elle  dit  aussitôt  :  «  Le  fil  !  Regardez  le  fil  l  » 
Peuetti  prit  le  fil,  le  tira  ;  le  fil  se  brisa  et  disparut  tout  d'un  coup. 

Il  est  essentiel  de  rapprocher  ce  fil  lluidique  des  formations 
lluidiques  sortant  du  corps  de  Mauthe  Beraud2. 

1.  A.  S.  P.,  1910,  XX,  p.  208. 

2.  Il  faut  lire  avec  soin  les  minutieuses  observations  d'OcHorcowicz  {A.  S.  P., 
passim). 


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548  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Au  lieu  de  citer  une  des  expériences  d'Ocuoitowicz,  je  citerai  celle 
de  la  Commission  de  Varsovie1.  Une  balle  en  celluloïde,  de  6  cen- 
timètres de  diamètre,  fut  placée  en  pleine  lumière  sur  un  dyna- 
momètre. S...  mit  ses  mains  au-dessus  à  2  ou  3  centimètres  de 
distance,  et  la  balle  se  mit  à  rouler,  et  même  à  rouler  au  delà  du 
dynamomètre  sur  la  table.  S...  lui  ordonna  de  remonter,  et  la  balle 
remonta  sur  le  dynamomètre.  Puis  il  y  eut  un  nouveau  mouve- 
ment. 

Dans  une  deuxième  expérience,  la  balle  fut  recouverte  d'un  assez 
large  entonnoir  en  celluloïde  qui  formait  écran,  et,  malgré  cela, 
le  mouvement  se  produisit. 

La  commission  constate  que  ces  phénomènes  sont  positifs,  mais 
incompréhensibles.  Incompréhensibles?  Soit,  mais  l'attraction 
par  la  terre  ou  par  un  aimant  est-elle  plus  compréhensible?  Un 
fragment  de  fer  est  attiré  par  l'aimant;  une  balle  de  plomb  retombe 
par  terre.  Et  nous  ne  sommes  ni  inquiets,  ni  étonnés.  Ce  sont  des 
phénomènes  habituels,  et  alors  nous  nous  abandonnons  à  cette  illu- 
sion que  nous  avons  compris. 

Ochorowicz  a  constaté  encore  un  beau  cas  de  télékinésie  en 
pleine  lumière,  avec  S.  Tomczyk2.  «  Une  chaise,  derrière  moi, 
soudain  remue,  Elle  était  éloignée  de  1  mètre  à  peu  près,  et 
c'était  une  chaise  de  jardin,  rouge,  légère,  absolument  trans- 
parente pour  la  vue.  Elle  avançait  toujours  par  petits  pas  en 
pleine  lumière...  Je  V interroge.  La  chaise  se  soulève  de  côté  et 
frappe  un  coup.  Puis  elle  avance  de  quelques  centimètres.  J'appuie 
ma  main  contre  le  siège,  et  je  sens  une  force  très  faible,  qui 
pousse  la  chaise...  Ce  fut  un  phénomène  obtenu  pendant  une  vive 
lumière.  » 

De  tels  faits  ne  peuvent  s'expliquer  que  par  la  télékinésie,  à 
moins  de  supposer  cette  énorme  absurdité  qu'OcHORowicz  a  été  vic- 
time d'une  hallucination. 

Le  Dr  Dariex,  expérimentateur  averti  et  scrupuleux,  expérimen- 
tant dans  de  bonnes  conditions,  avec  Mad.  B...,  alors  que  Mad.  B... 
était  absolument  maintenue  immobile,  a  vu  une  table  de  près  de 

1.  A.  S.  P.,  1910.  XX,  37. 

2.  A.  S.  /'.,  1910,  XX,  369. 


MOUVEMENTS   D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIEs)  i     549 

20  kilogrammes,  donner  des  mouvements  brusques  et  intenses, 
glisser,  se  renverser.  Il  y  eut  aussi  projection  d'objets  placés  sur 
une  étagère  fixée  à  la  cloison,  à  une  hauteur  d'environ  2m,75  *. 

Le  Dr  Pierre  Corneille2  a  constaté  des  faits  extraordinaires  de 
télékinésie  chez  M.  X...  à.Fontenay-le-Comte  (Vendée).  Les  assis- 
tants étaient  le  capitaine  L...,  sa  femme,  un  professeur  V...  et  ses 
deux  enfants,  âgés  :  l'un  de  quinze  ans,  l'autre  de  douze.  A  priori, 
ce  sont  de  mauvaises  conditions  d'expérimentation  ;  car  les  enfants 
de  quinze  et  de  douze  ans  sont  parfaitement  capables  de  fraude.  Il 
n'y  a  donc  rien  à  retenir  de  ces  expériences 

Car  il  ne  suffît  pas  que  des  expériences  soient  peut-être  non  fal- 
sifiées. Nous  exigeons  davantage,  et  même,  quand  il  s'agit  d'ex- 
périences, et  non  de  phénomènes  accidentels,  il  faut  la  répé- 
tition. Experientia  una,  experientia  nulla.  La  première  fois  que 
je  vis  les  phénomènes  d'apparence  surprenante  produits  par  Anna 
Roth,  la  Blumenmedium,  je  fus  ébloui  ;  à  la  seconde  expérience, 
je  devins  perplexe  ;  la  troisième  fois,  je  fus  convaincu  que  c'était 
une  fraude.  Alors  je  demandai  à  Anna  Roth  de  se  prêter  à  un  con- 
trôle plus  minutieux  qui  m'eût  définitivement  éclairé.  Elle  refusa. 

Mary  Graham:î  de  dix-sept  ans  environ,  faisait  avec  sa  mère  et  son 
jeune  frère  (quinze  ans)  quelques  expériences  relatives  à  la  rotation 
d'une  table.  «  Un  soir,  comme  nous  avions  fini,  on  apporta  les 
lumières,  et  nous  nous  assîmes  pour  lire.  Tout  d'un  coup  un  grat- 
tement sur  le  tapis  ;  ma  mère  et  moi  nous  nous  regardâmes  : 
serait-ce  notre  table  qui  se  remuerait  d'elle-même?  Puis  nous 
nous  remîmes  à  lire.  De  nouveau  le  bruit  se  fit  entendre  et  je  vis  la 
petite  table  distinctement  avancer  dans  notre  direction.  Ma  mère 
aussi  vit  le  déplacement  :  tous  les  trois  nous  n'étions  pas  très  ras- 
surés, et  nous  ôtâmes  la  table  de  la  chambre...  Une  seconde  fois  la 
table  remua  d'elle-même.  Je  voulais  savoir  ce  qu'elle  dirait  si  je  lui 
faisais  un  affront.  Je  pris  donc  un  petit  chien  terrier  couché  sur  le 
tapis  et  l'approchai  de  la  table  comme  pour  le  placer  dessus.  Quel 

i.  A.  S.  P.,  1893,  III,  36. 

t.  Nouvelle  Revue,  1er  décembre  1907. 

3.  A.  S.  P./1892,  II,  307. 


550 


METAPSYCHIQUE   OBJECTIVE 


ne  fut  pas  mon  étonnement  en  voyant  la  table  bondir  sur  moi  en 
quittant  la  terre  !  Le  chien  eut  si  peur  qu'il  s'enfuit.  La  table  se 


Fig  14, 15, 16.  —  Figures  schématiques  pour  expliquer  la  théorie  de  l'ectoplasmie, 
d'après  Crawford  (théorie  du  Cantilever). 

Le  cantilever  est  figuré  en  traits  interrompus  R.  Miss  Goi.igher  est  sur  la  chaise.  L'expansion 
fluidique  agit  sur  la  table  P  pour  la  soulever,  tantôt  en  ne  prenant  pas  d'appui  (fig.  14),  tantôt  eu 
prenant  appui  sur  le  sol  (fig.  15  en  R'). 

Dans  la  figure  16  l'ectoplasme  est  figuré  comme  il  se  présente  en  général  avec  expansion  an  point 
d'où  il  sort  du  médium,  comme  au  point  où  il  s'applique  sur  la  table.  Il  est  invisible,  quoique  pe- 
sant, donnant  une  sensation  de  contact,  et  agissant  par  emprein'e  sur  certaines  substances  pro- 
téiques  ou  colorées. 


transporta  sur  une  longueur  d'au  moins  six  pouces,  et  s'éleva  en 
l'air  d'à  peu  près  autant.  » 

M.  W.  J.  Crawford,  ingénieur,  professeur  au  Municipal  tech- 
nical  Institute  de  Belfast,  a  publié  dans  un  livre  remarquable,  qui 
fait  époque,  ses  expériences  sur  la  télékinésie1.  Malheureusement 
une  mort  cruelle  vient  de  l'enlever  à  la  science.  Il  expérimentait  à 


1.  Experiments  in  psychical  science,  London,  Watkins,  1919. 


MOUVEMENTS    I)  OBJETS    (ï'ELEKINESIESj  551 

Belfast  en  191G-1917  dans  un  cercle  intime,  avec  une  médium  non 
professionnelle,  miss  Katiileen  Goligher.  Les  mouvements  de  la 
table  se  produisaient  sans  qu'il  y  eut  contact  du  médium  ou  de 
qui  que  ce  soit  avec  la  table.  «  J'ai  vu,  dit  M.  Crawford,  des  centaines 
de  ces  lévitations  de  la  table.  Quelquefois  une  chaise  se  levait  de 
ses  quatre  pieds  et  se  balançait  dans  l'air  pendant  quelques 
minutes.  »  Crawford,  par  divers  appareils  dont  nous  ne  pouvons 
donner  ici  la  description,  a  mesuré  la  force  médianimique  produite 
par  la  médium.  Résumant  ses  recherches,  il  conclut  en  disant  que 
pendant  la  lévitation  des  objets  légers  le  poids  des  objets  lévites 
est  égal  à  l'accroissement  du  poids  de  la  médium.  (Autrement  dit 
tout  se  passe  au  point  de  vue  du  poids  comme  si  la  médium  sou- 
levait elle-même  les  objets).  Inversement,  quand  la  table  est  comme 
fixée  au  sol,  assez  solidement  pourqu'un  homme  vigoureux  ait  beau- 
coup de  peine  à  la  soulever,  le  poids  du  médium  a  diminué  (dans 
un  cas,  de  17k6,500,  dans  un  autre  cas,  de  27  kilogrammes). 

4 

Crawford,  cherchant  une  explication  de  ces  phénomènes,  a  été 
amené  à  supposer  (ce  qui  est  absolument  conforme  à  ce  qui 
résulte  de  nos  expériences  avec  Eusapia)  qn'une  tige  rigide  sort  du 
corps  de  la  médium.  C'est  par  ce  procédé  que  les  corps  lourds 
peuvent  être  soulevés  (psychiquement).  Il  y  aurait,  d'après  lui, 
deux  processus  différents  selon  le  poids  des  corps  à  léviter.  The 
cantilever  method  of  lévitation  is  made  use  of  for  light  bodies  or 
ivher  the  applied  forces  are  small,  and  the  strut  method  for  heavy 
bodies  or  when  the  applied  forces  are  large  (p.  108).  Il  semble 
aussi  que  quelquefois,  ainsi  d'ailleurs  que  cela  avait  été  constaté 
par  Ochorowicz  et  quelques  autres,  les  participants  du  cercle  per- 
dent un  peu  de  leur  poids  pendant  les  expériences  de  lévitation. 

Des  photographies  n'ont  pas  été  prises,  et  les  précautions  ana- 
logues à  celles  dont  Eusai>ia  a  été  l'objet,  n'ont  pas  été  employées. 
Mais  avec  raison  Crawford  a  préféré  ne  pas  épuiser  sa  médium  ;  il  a 
vu,  en  effet,  que  l'éclair  du  magnésium  la  met  dans  un  grand 
trouble  (p.  147).  Il  est  impossible  de  blâmer  la  conduite  prudente 
de  M.  Crawford,  car  il  a  pu  observer  les  phénomènes  à  une  bonne 
lumière  rouge,  et  s'assurer  à  maintes  reprises  qu'il  n'y  avait  pas 
de  contact.  AU  phenomena  can  be  demonstraled  ivith  the  greatest 
ease  to  be  genuine  to  the  last  détails. 


552  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

En  somme  il  faut  accorder  une  valeur  décisive  aux  expériences 
de  M.  Chawford,  les. plus  belles  qu'on  ait  faites,  après  celles  d'Eu- 
sapia  et  de  Home.  Le  professeur  Barrett,  qui  a  assisté  à  une  des 
séances,  a  constaté  que  la  table  se  mouvait  sans  contact,  et  qu'il 
y  avait  des  raps  inexplicables  par  des  causes  mécaniques  habi- 
tuelles1. 

Nous  reviendrons  plus  loin  sur  les  admirables  essais  de  Crawford, 
qui  éclairent  singulièrement  les  causes  et  le  mécanisme  de  la  télé- 
kinésie. 

M.  G.  Arnsburg  a  vu  une  table  assez  lourde,  en  noyer,  à  un  pied  cen- 
tral, se  soulever  du  sol2.  «  Nos  doigts  étaient  maintenus  au-dessus, 
à  une  hauteur  de  plusieurs  pouces.  J'ai  réussi  à  faire  se  lever  la 
table  sans  contact,  comme  se  lève  un  barreau  de  fer  sous  l'action 
d'un  électro-aimant.  La  table  se  balançait  lentement  dans  l'air  pen- 
dant plusieurs  secondes,  avant  de  retomber  avec  fracas.  » 

Je  mentionnerai  maintenant  quelques  expériences  personnelles 
(inédites)  faites  avec  trois  autres  médiums  et  qui  m'ont  fourni 
encore  d'assez  bons  exemples  de  télékinésie. 

Linda  Gazzera,  qui  me  fut  amenée  par  mon  regretté  amiE.  Imoda, 
était  dans  une  chambre,  chez  moi,  avec  trois  personnes.  Nous  lui 
tenions  irréprochablement  les  mains  et  les  pieds.  L'obscurité  était 
complète.  Alors  un  énorme  bahut  (de  80  kilogrammes  peut-être), 
qui  était  à  vingt-cinq  centimètres  d'elle  environ,  se  mit  à  osciller  et 
à  craquer,  et  à  se  déplacer  avec  une  telle  violence  que  j'eus  peur  de 
le  voir  tomber  ;  car  il  était  mal  équilibré.  J'ai  dû  aussitôt  suspendre 
l'expérience. 

Je  copie  textuellement  mes  notes.  «  Je  tiens  les  deux  mains 
(de  L...),  la  tête  et  les  deux  genoux.  Alors  une  main  qui  semblé 
venir  de  derrière  moi  me  donne  un  soufflet  fort,  très  fort.  Je  crois 
pouvoir  distinguer  les  doigts,  et  cela  est  répété  une  seconde  fois.  Je 
tiens  solidement  la  main  gauche,  Imoda  tient  la  droite  (que  très  sou- 
vent je  palpe  et  contrôle  aussi).  Alors  des  objets  sont  pris  dans 
l'armoire  qui  est  derrière,  un  dé  est  mis  au  bout  de  l'index  de  ma 

1.  Report  of  psychical  phénomène,  P.  S.  P.  li.,  1919,  LXXVI1,  335. 

2.  A.  S.  P.,  1892,  II,  352. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIEs) 


553 


PcilÛ,  19  canif  \<$oy-  -  Cf.  iéS?. 

&.  de  Fflntenai/. 


Fig.  47.  —  Ectoplasmic  de  Linda  Gazzera  (d'après  Ch.  Richet  et  G.  de  Fontenay). 

Exp.  du  19  avril   1905. 

De  Fontenay  à  droite,  Argentine  à  gauche.  Je  tenais  la  main  droite  tout  le  temps  sans  une  seule 
interruption.  La  main  qui  apparaît  très  haut  derrière  le  rideau  est  reliée  par  un  fil  fluidique  à  la 
tète  de  I.inda.  Celle  main  est  hieu  formée.  On  voit  l'ongle  et  toutes  les  phalanges.  Expérience  faite 
chez  moi  dans  ma  bibliothèque. 


554  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

main  gauche;  un  étui  est  mis  sur  mon  nez,  et  je  sens  des  doigts 
qui  me  touchent  le  nez  et  la  figure.  Dans  la  dernière  expérience, 
la  plus  nette  et  la  plus  hrillaute  de  toutes,  il  n'y  avait  que  moi, 
Mad.  Gh.  R...  et  Mad.  F...  J'ai  tenu  tout  le  temps  (souligné  dans  mes 
notes)  les  deux  mains  de  L...,  de  sorte  que  je  puis  en  absolue  certi- 
tude affirmer  qu'elle  n'a  pu  rien  faire  avec  ses  mains.  La  chaise  de 
Mad.  F...  a  alors  été  enlevée,  et  transportée  au  milieu  de  la 
chambre,  puis  rendue  à  Mad.  F...  J'ai  reçu  une  fleur  que  j'avais  mise 
à  une  planche  du  haut  de  l'armoire,  difficilement  abordable  à  la 
main,  inabordable  à  la  tête.  J'ai  été  touché  par  quelque  chose  qui 
était  derrière  le  rideau,  sans  pouvoir  affirmer  que  c'était  une  main.  » 
Il  résulte  de  là  que  les  expériences  de  télékinésie  réussissent 
très  bien  avec  Linda.  Avec  elle  le  contrôle  est  beaucoup  plus  facile 
qu'avec  Eusapia;  car  les  mouvements  des  mains  de  Linda  sont 
presque  nuls,  non  tumultueux  comme  ceux  de  la  main  d'EusAPiA. 
Dans  les  premières  expériences  la  main  fluidique  que  je  sentais 
était  froide  et  rigide;  dans  la  quatrième  expérience,  elle  était 
chaude,  articulée  et  souple. 

Chez  une  médium  A...,  observée  par  J.  Maxwell,  les  mouve- 
ments d'objet  sans  contact,  en  pleine  lumière,  n'étaient  pas  très 
fréquents.  Mais,  comme  ils  se  produisaient  en  plein  jour,  même  en 
présence  de  J.  Maxwell  seul,  et  sans  le  cortège  habituel  des  séances 
de  spiritisme,  ils  pouvaient  être  constatés  dans  des  conditions  de 
contrôle  excellent,  qui  ne  laissent  pas  de  place  au  doute. 

Le  phénomène  que  donnait  A...  était  dépourvu  de  tout  mysti- 
cisme, aussi  net  et  aussi  simple  qu'un  phénomène  élémentaire  de 
..physique  physiologique.  A...  approchait  les  mains  d'un  objet  quel- 
conque, essayait  de  l'attirer,  et  quelquefois  l'objet  se  déplaçait  de 
quelques  centimètres.  Étant  seul  avec  A...  je  l'ai  vue  attirer  et  mou- 
voir un  éventail.  C'était  en  plein  soleil,  par  une  journée  de  grande 
chaleur.  Le  mouvement  n'a  pas  été  intense;  mais  l'essentiel  est 
qu'il  y  a  eu  mouvement. 

Avec  A...,  les  raps  étaient  très  nets  :  parfois,  quand  elle  mettait 
les  mains  sur  une  table,  sur  une  canne,  sur  un  bout  de  bois  quel- 
conque, on  entendait  des  crépitements  et  des  coups  frappés,  et  on 
sentait  des  vibrations. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIES)  555 

Avec  S.  Tomczyk,  j'ai  pu  voir  de  très  bons  exemples  de  mouve- 
ment sans  contact.  A  distance  elle  pouvait  faire  mouvoir  une  légère 
boule  parfaitement  ronde  et  la  soulever. 

Ces  expériences,  faites  avec  trois  médiums  différents,  et  d'ailleurs 
excellents,  auraient  peut-être  été  impuissantes  à  me  former  une 
conviction  sur  la  réalité  des  mouvements  sans  contact,  si  je  n'avais 
pas  eu  déjà  mon  opinion  faite,  grâce  à  mes  longues  expérimenta- 
tions avec  Eusapia.  Les  beaux  faits  de  télékinésie  présentés  par 
A...,  par  S.  T...,  et  par  Linda.  ne  m'ont  nullement  surpris,  et  m'ont 
fortement  confirmé  dans  ma  conviction. 

Je  serais  même  tenté  de  croire  que  ces  phénomènes  de  télékinésie 
ne  sont  pas  extrêmement  rares,  et  qu'ils  ont  été  constatés  dans  les 
cercles  spirites  assez  souvent,  en  des  conditions  malheureuse- 
ment peu  précises.  Les  spirites  ne  les  publient  guère  quand  ils  ne 
comportent  aucune  conséquence  doctrinale,  et  qu'ils  ne  sont  pas 
entourés  d'un  appareil  mélodramatique.  Ils  n'en  tiennent  pas 
grand  compte,  et  ils  ont  tort. 

En  effet  la  télékinésie  est  un  des  phénomènes  les  plus  importants 
de  la  mélapsychique.  11  ne  faut  pas  le  dédaigner  parce  qu'il  est 
élémentaire  :  pas  plus  qu'un  chimiste  n'aurait  le  droit  de  dédaigner 
les  lois  de  combinaison  de  l'hydrogène  avec  l'oxygène,  sous  prétexte 
que  c'est  un  phénomène  élémentaire. 

En  tout  cas,  nous  croyons  avoir  établi  que  le  phénomène  de  la 
télékinésie  n'est  pas  contestable.  Si  extraordinaire  qu'il  paraisse 
tout  d'abord,  il  est,  par  toutes  ces  multiples  expériences  relatées 
plus  haut,  bien  établi,  aussi  solidement  établi  que  les  faits  les  plus 
solides  de  la  physique  et  de  la  physiologie. 

Nous  pouvons  formuler  ainsi  le  principe  de  la  télékinésie  :  dans 
certaines  conditions  il  peut  y  avoir  mouvements  d' objets  même  volu- 
mineux et  lourds,  sans  contact  et  sans  intervention  d'aucune  force 
mécanique  connue. 

On  peut  tenter  diverses  explications.  D'abord  je  signalerai  une 
expérience  que  malheureusement  les  physiciens  n'ont  guère  encore 
étudiée  (magnétomètre  de  l'abbé  Fortin).  Si  l'on  place  une  petite 
lame  de  papier,  en  forme  d'une  flèche  de  boussole,  sur  un  axe 


556  MÉTAPSYCHIQUE   OBJECTIVE 

léger,  comme  une  aiguille  par  exemple,  de  sorte  que  la  lamelle  de 
papier,  avec  frottement  très  doux,  peut  tourner  autour  de  l'ai- 
guille, ou,  mieux  encore,  si  l'on  suspend  cette  lame  de  papier  à  un 
fil  de  soie,  dans  un  cylindre  de  verre,  alors,  dès  qu'on  approche  la 
main,  la  lamelle  tourne,  tantôt  en  se  rapprochant,  tantôt  en  s'éloi- 
gnantdela  main.  Ce  phénomène  est-il  électrique?  est-il  thermique? 
Je  laisse  aux  physiciens  le  soin  de  décider1. 

Il  est  regrettable  et  surprenant  que  les  physiciens  n'aient  pas 
consenti  à  examiner  scrupuleusement  cette  action  dite  vitale  sur 
le  mouvement  des  objets2. 

M.  Joire  a  pu  construire  un  appareil  très  simple  qu'il  appelle  le 
sthénomètre3. 

C'est  une  aiguille  placée  sur  un  pivot  et  pouvant  tourner  libre- 
ment sur  ce  pivot.  Le  pivot  repose  lui-même  sur  un  cercle  gradué. 
Le  tout  est  enfermé  dans  un  cylindre  de  verre  bien  hermétique  et 
posé  sur  un  socle  (qu'il  convient  de  rendre  absolument  horizontal 
au  moyen  d'un  niveau  d'eau).  Si  l'on  approche  la  main  de  l'aiguille, 
on  constate  qu'elle  tourne  sur  son  axe,  se  déplace  d'un  certain 
angle  sur  le  cadran.  M.  Joire  a  pu^élimi'ner  toute  cause  mécanique 
extérieure,  l'ébranlement  du  plancher,  une  influence  thermique, 
ou  électrique,  ou  lumineuse.  Il  y  avait  tout  de  même  déplacement 
de  l'aiguille. 

Malheureusement,  au  lieu  d'approfondir  davantage  les  éléments 
physiques  du  problème.  M.  Joire  a  recherché  les  variétés  que  l'état 
de  santé  ou  de  maladie  exerce  sur  les  déviations  du  sthénomètre. 
C'est  prématuré.  Il  faut  d'abord  établir  la  physiologie.  La  patho- 
logie viendra  plus  tard.  Il  est  bien  à  désirer  que  les  curieuses  expé- 


1.  Surbled,  Spiritualisme  et  spiritisme  (Bibl.  des  sciences  psychiques),  2°  édit., 
1898,  160.  —  Stënson  Hooker,  Sur  les  radiations  humaines,  A.  S.  P.,  1906,  315. 
—  J.  Regnault,  Phénomènes  odiques  et  radiations  nouvelles,  A.  S.  P.,  1905,  174.  — 
Dans  le  journal  de  Gaston  Méry  {Echo  du  merveilleux)  de  nombreux  articles  ont 
été  consacrés  à  cette  étude,  qui  est  encore  très  embryonnaire,  aussi  incertaine 
que  les  théories  du  corps  astral,  des  effluves  odiques,  du  rayonnement  humain, 
de  la  magnétisation  à  distance. 

2.  H.  Baraduc  s'est  imaginé  que  chaque  individu  avait  un  pouvoir  spécial, 
attractif  ou  répulsif,  et  il  a  écrit  sur  ce  sujet  un  gros  livre,  honnête,  loyal, 
mais  où  toute  critique  scientifique  est  désastreusement  absente.  La  force  vitale. 
L'âme  humaine.  Ses  mouvements,  Paris,  8°. 

3.  Etude  d'une  force  extériorisée  par  l'organisme  vivant,  et  observations  faites 
au  moyen  du  sthénomètre  (A.  S.  P.,  1904,  XIV,  242-253  et  1906,  752). 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIES)  557 

riences,  si  coufuses,  parfois  si  ridicules,  en  lesquelles  Baraduc  avait 
une  foi  uaïve,  soieut  méthodiquement  entreprises. 

Même  si  elles  réussissaient,  même  s'il  était  prouvé  qu'une  cer^ 
taiue  force  d'attraction  est  exercée  par  le  corps,  il  n'est  pas  certain 
du  tout  qu'il  y  ait  une  relation  entre  cette  minuscule  force  d'attrac- 
tion (involontaire)  et  les  énormes  déplacements  d'objets  volumi- 
neux produits  à  volonté  par  les  médiums.  Cela  est  possible,  mais 
les  causes  du  mouvement  dans  un  cas  et  dans  l'autre  sont  probable- 
ment très  différentes. 

Puisque  aussi  bien  il  y  a  dégagement  d'électricité  par  les  combus- 
tious  interorganiques,  et  qu'on  peut  le  constater  au  galvanomètre 
dans  les  tissus  de  la  main,  il  n'y  a  rien  d'absurde  à  supposer  qu'il 
y  a  là  un  phénomène  électrique1.  Il  est  donc  possible,  et  même  pro- 
bable, que  les  phénomènes  de  mouvement  sans  contact  provoqués 
(par  l'approche  de  la  main)  sur  une  étroite  et  mince  feuille  de  papier, 
ou  sur  une  lamelle  de  sureau,  soient  d'ordre  électrique  comme  dans 
le  pendule  électrique  de  Coulomb. 

A  vrai  dire  cette  expérience  de  physique  n'éclaircit  guère  com- 
ment il  peut  y  avoir  mouvement  d'une  lourde  table,  d'un  gros 
melon,  d'une  sonnette,  d'un  piano,  d'une  bouteille  ;  car  ce  ne  sont 
certainement  pas  des  phénomènes  électriques.  Ou  du  moius,  pour 
être  prudent,  si  ce  sont  des  phénomènes  électriques,  ils  n'ont  aucun 
rapport  avec  les  phénomènes  électriques  connus.  Quoiqu'il  soit 
imprudent  d'émettre  des  conclusions  négatives,  je  ne  crois 
nullement  que  la  solution  de  ce  problème  de  physiologie  normale 
résoudra  la  question  métapsychique  de  la  télékinésie. 

Pourtant  on  n'a  pas  le  droit  de  négliger  ce  fait  important  qu'il  y 
a  eu  pleine  lumière  mouvements  de  très  légers  objets  électrisables 
produits  par  des  individus  qui  n'ont  aucune  vertu  médianimique. 

Laissons  les  mouvements  légers,  et  venons  aux  grands  déplace- 
ments d'objets  lourds,  de  tables  pesantes,  etc. 

Si  l'on  étudie  avec  soin  les  télékiuésies  produites  par  Slade, 
Home,  Eusapia,  on  verra  qu'elles  semblent  toujours  parallèles  aux 

1.  W aller  vient  de  démontrer,  au  Congrès  de  Physiologie  de  Paris  (1920)  que 
toutes  les  émotions  de  l'àme  se  traduisaient  par  un  immédiat  changement  dans 
la  conduction  électrique  par  les  tissus  de  la  main. 


558  .  MÉTAPSYGHIQUE    OBJECTIVE 

matérialisations.  Les  médiums  qui  donnent  les  télékioésies  les 
plus  intenses  sout  aussi  ceux  qui  donnent  les  matérialisations  les 
plus  éclatantes.  Déjà  on  en  peut  induire  qu'il  y  a  quelque  relation 
entre  ces  deux  modalités  d'une  médiumnité  puissante. 

Mais,  en  approfondissant  encore  le  mode  des  mouvements  d'ob- 
jets, on  voit  que,  le  plus  souvent,  soit  avec  Slade,  soit  avec  Home, 
soit  avec  Eusapia,  ils  semblent  produits  par  un  être  humain,  et  ne 
dépassent  pas  la  limite  des  forces  d'un  être  humain  moyen.  Us  se 
produisent  facilement  quand  l'objet  est  léger,  plus  difficilement 
quand  l'objet  est  lourd;  et,  quand  l'objet  est  très  lourd,  ils  ne  se 
produisent  plus  du  tout.  Dire  que  la  force  qui  déplace  les  objets 
est  limitée,  et  qu'elle  est  à  peu  près  de  l'ordre  d'une  force  humaine, 
c'est.avancerla  question,  puisque,  s'il  s'agissait  d'une  force  d'ordre 
transcendental,  différente  des  forces  mécaniques  connues,  et 
d'une  autre  nature  essentielle,  il  n'y  aurait  pas  de  raison  pour 
qu'un  poids  de  mille  kilos  ne  fût  pas  soulevé  aussi  facilement 
qu'uu  poids  d'un  gramme. 

Avec  Eusapia  on  a  toutes  les  formes  de  transition  entre  le  mou- 
vement produit  par  une  main  matérialisée,  et  le  mouvement  effec- 
tué à  distance  sans  que  la  main  soit  vue.  Quand,  dans  la  demi- 
obscurité,  on  entend  un  coup  formidable,  frappé  sur  la  table,  il  est 
presque  impossible  de  ne  pas  supposer  que  c'est  un  coup  de  poiug. 
Pourtant  en  général  le  poiug  est  invisible,  et,  dans  la  même  séance, 
on  a  des  attouchements,  encore  qu'on  ne  puisse  rien  voir.  De  même 
encore,  quand  une  bouteille  est  prise,  de  l'eau  versée  dans  un 
verre,  et  le  verre  porté  aux  lèvres  des  assistants,  comment  com- 
prendre ces  mouvements  d'objets  s'ils  n'ont  pas  été  effectués  par 
une  main? 

Faisons  alors  une  hypothèse  —  et  devant  ces  faits  étranges  l'hypo- 
thèse est  permise  —  c'est  que  la  matérialisation  comporte  deux 
phases  :  une  première  phase  de  matérialisation  invisible  (malgré 
l'apparence  paradoxale  de  l'expression)  avec  action  mécanique,  une 
seconde  phase  de  matérialisation  visible  et  avec  action  mécanique. 
Alors  tout  sera  cohérent.  Et  nous  pouvons  reprendre  notre  compa- 
raison entre  la  projection  d'une  force  mécanique,  et  la  projection 
d'une  force  lumineuse,  comme  nous  l'avons  indiqué  au  début  de  ce 
chapitre. 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tkLÉKINÛSIEs)  5ÎJ9 

Nous  mettons  la  main  devant  un  miroir.  L'image  de  la  main 
apparaît.  Nous  posons  (à  distance],  la  main  sur  une  balance.  Si  la 
balance  se  déplace,  c'est  la  première  phase  de  la  matérialisation  ; 
la  mécanisation  et  non  la  visualisation  encore.  Que  la  projection 
delà  main  soit  plus  intense,  la  main  apparaîtra,  informe  d'abord, 
entourée  de  draperies,  mais  peu  à  peu  devenant  plus  main  qu'elle 
ne  l'était  d'abord. 

Nous  reviendrons  sur  cette  hypothèse  quand  nous  traiterons  des 
matérialisations.  Mais,  quelle  que  soit  l'hypothèse,  le  fait  des  mou- 
vements d'objets  sans  contact  est  indiscutable,  et  il  serait  puéril 
de  le  nier  parce  qu'on  ne  le  comprend  pas. 

Toutefois,  quoique  pour  nous  le  fait  soit  prouvé,  il  serait  haute- 
ment désirable  qu'une  étude  approfondie  eu  fût  faite  de  nouveau, 
en  se  dégageant,  ce  qui  est  assez  délicat,  vu  l'état  d'âme  des 
médiums,  de  toutes  considérations  autres  que  celles  de  la  froide 
physique  mécanique.  Malheureusement  ces  phénomènes,  extrême- 
ment rares  quand  ils  sont  intenses,  ne  se  manient  pas  commodé- 
ment. Un  médium  semble  nécessaire.  Les  résultats  varient  d'un  jour 
à  l'autre.  L'obscurité  —  ou  au  moins  la  pénombre  —  est  indispen- 
sable. Ce  sont  là  des  conditions  qui  rendent  l'expérimentation  pro- 
digieusement difficile. 


■d' 


Malgré  ces  difficultés,  les  admirables  expériences  d'OcHonowicz 
avec  Stanislawa  Tomczyk,  de  Mad.  Bisson  et  de  Schrenck-Notzing 
avec  Marthe  Béraud,  de  Crawkord  avec  Miss  Goligher,  confirmant 
ce  qui  avait  été  soupçonné  avec  plus  ou  moins  de  précision  par 
William  Crookes  avec  Home,  par  nous-même  avec  Eusapia,  ont 
établi  ce  fdit  d'une  importance  primordiale  que  les  mouvements 
à  distance  sans  contact,  c'est-à-dire  les  télékinésies,  constituent  la 
première  étape  de  la  matérialisation.  Schrenck-Notzing  a  résumé 
les  preuves  qu'on  peut  apporter  à  l'appui  de  cette  proposition  dans 
un  livre  excellent  qui  vient  de  paraître  ».  Dans  cet  ouvrage,  nulle 
place  n'est  faite  à  la  théorie  :  ce  qui  n'est  pas  plus  une  critique 
qu'un  éloge.  Mais  les  faits  sont  accumulés  en  bon  ordre,  et  si  bien 
disposés  qu'ils  entraînent  la  conviction. 

1.  Physikalische  l'haenomene  des  Mediumismus,  Miinchen,  E.  Reinhardt,  1920. 


f>60  MÉTAPSYCHIQUE    0I5JECTIVE 

Pource  qui  est  de  la  télékinésie  simple,  les  exemples  mentionnés 
plus  haut  par  nous  suffisaient  déjà.  Schrenck  ajoute  les  observa- 
tions personnelles  qu'il  a  faites.  • 

1°  Stanislawa  Tomczyk  lui  a  donné  les  mêmes  beaux  résultats 
de  télékinésie  qu'avait  eus  Ochorowicz.  Les  expériences  avaient 
lieu  dan&  la  maison  même  de  Sghrenck  :  il  y  avait  comme  assis- 
tants le  colonel  J.  Peter,  les  Drs  Durig,  Specht,  France,  et  parfois 
d'autres  savants.  La  lumière  rouge  était  suffisante  pour  bien  voir 
tous  les  mouvements  du  médium.  La. source  lumineuse  était  der- 
rière son  dos.  Les  bras  étaient  nus  ;  les  mains  explorées  à  la 
loupe. 

Dans  ces  conditions  une  boule  de  celluloïde,  comme  une  boule 
de  billard,  a  été  remuée  par  la  simple  approche  des  mains  de 
Stanislawa,  un  pèse-lettre  s'est  abaissé  avec  une  pression  de 
50  grammes,  une  balance  à  double  plateau  s'est  abaissée  de  5  cen- 
timètres ;  des  boules  de  celluloïde  placées  dans  un  verre  se  sont 
remuées  ;  une  cuiller  à  thé,  quh  était  dans  un  verre,  a  été,  sans 
contact,  projetée  hors  du  verre.  Toutes  ces  expériences,  identiques 
à  celles  qu'a  indiquées  si  nettement  Ochorowicz,  ont  été  répétées 
plusieurs  fois.  L'hypothèse  d'une  fraude  est  absolument  impossible, 
car  l'attention  des  observateurs  se  portait  sur  l'exploration  des 
mains  qui  souvent  restaient  immobiles  pendant  que  les  objets 
se  mouvaient. 

2°  Eusapia  Paladino  a  donné  de  très  beaux  cas  de  télékinésie.  A 
Munich,  en  présence  du  professeur  Dessoir,  très  sceptique,  aucun 
contact  ne  pouvant  avoir  lieu  entre  Eusapia  et  le  rideau,  il  y 
a  eu  des  grands  mouvements  de  divers  objets  placés  derrière  le 
rideau,  et  mouvements  du  rideau  lui-même.  Schrenck  mentionne 
.  aussi  l'expérience,  faite  chez  moi  à  Carqueiranne,  dune  boule  de 
billard  qui  a  été  transportée  sur  la  table.  Une  lampe  placée  derrière 
un  paravent  permettait  de  bien  voir  tous  les  mouvements  du 
médium.  Les  pieds  d'EusAPiA  étaient  contrôlés  par  le  D'Beretta. 
Oliver  Lodge  et  moi  nous  contrôlions  le  côté  droit  ;  Mad.  Sidgwick 
et  Schrenck,  le  côté  gauche.  Dans  cette  belle  expérience,  il  y  a  eu 
transport  d'un  gros  melon;  une  boîte  de  musique  a  joué;  une 
carafe  pleine  d'eau  a  été  transportée  sur  la  table.  Une  autre  fois,  à 
Carqueiranne  encore,  Eusapia  met  ses  deux   mains  sur  l'épaule 


MOUVEMENTS    F)'OB.IETS    (tÉLÉKINÉSIES)  561 

d'OcHOROwrcz ;  la  table  s'élève  des  quatre  pieds  à  30  centimètres 
pendant  quatre  secondes.  Flournoy  décrit  une  expérience  qu'il  a 
faite  chez  ScHRENCKà  Munich,  avec  Eusapia,  et  dit  qu'uue  force  invi- 
sible maintenait  la  table  en  l'air,  et  la  faisait  osciller,  sans 
qu'elle   fût  touchée  soit  par  les  mains,  soit  par  les  pieds  d'Eu- 

SAPIA. 

3°  Mad.  K...,  femme  d'un  peintre,  médium  non  professionnelle, 
met  légèrement  la  main  sur  uu  piano  pesant  650  kilogrammes;  ce 
piano  s'est  déplacé,  et  un  pied  s'est  élevé  de  15  centimètres.  Cepen- 
dant Mad  .K...  ne  touchait  le  piano,  ni  par  les  pieds  ni  par  les  genoux  : 
la  lumière  était  suffisante  pour  bien  voir.  Mad.  K...  touchait  légè- 
rement le  couvercle  de  ce  lourd  objet.  Le  couvercle  du  piano  s'est 
fermé  et  abaissé  avec  bruit. 

4U  Wir.LY  S...,  un  jeune  étudiant  dentiste,  de  seize  ans,  médium 
non  professionnel,  a  donné  aussi  de  nombreux  cas  de  télékiuésie  ; 
et  presque  toujours,  comme  avec  Marthe  Béraud,  ces  télékiné- 
sies  étaient  produites  par  des  ectoplasmes. 

Si  j'ai  rapporté  ces  cas  de  télékiuésie,  très  bien  exposés  par 
Schrenck,  ce  n'est  pas  qu'en  soi  ils  constituent  autre  chose  qu'uue 
affirmation  nouvelle,  —  qui  n'est  jamais  inutile  —  de  la  réalité  de 
la  télékiuésie.  Mais  c'est  surtout  parce  que  je  voulais  préciser, 
comme  l'a  fait  aussi  Schrenck,  la  relation  entre  la  télékinésie  et 
l'ectoplasmie. 

Dans  mes  expériences  avec  Eusapia  j'avais  dès  1895  constaté 
qu'il  y  avait,  en  même  temps  que  mouvement  télékinétique  des 
objets,  formation  de  moignons  informes,  à  peine  visibles,  consti- 
tuant des  membres  adventices  pour  ainsi  dire,  comme  desefflores- 
cences,  pour  lesquelles  j'avais  proposé  le  mot  d'ectoplasme,  qui  est 
aujourd'hui  partout  adopté.  Les  cas  sont  nombreux  dans  lesquels 
on  a  vu  comme  des  tiges  rigides,  résistantes,  sortir  du  corps 
d'EusAPiA.  Maintes  fois  il  m'est  arrivé,  pendant  que  ses  pieds  et 
ses  mains  étaient  tenus  d'une  manière  irréprochable,  de  sentir,  en 
approchant  la  main  de  sa  robe,  comme  un  objet  résistant  et 
mobile,  informe.  H.  Sidgwick  a  fait  la  même  constatation  :  de  même 
aussi  Dessoir,  de  même  sir  Oliver  Lodge.  Et  cependant  ces  observa- 
teurs étaient  d'un  scepticisme  extrême,  presque  résolus  à  contester 

Richet.  —  Métapsychiqtie.  36 


562  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

les  phénomènes.  Les  expérimentateurs  américains  de  Columbia 
University,  plus  sceptiques  encore  peut-être  que  Dessoir  et  H.  Sidg- 
wick,  disent  que,  dans  trois  circonstances,  ils  ont  observé  des  pro- 
jections bizarres  semblant  partir  du  corps  d'EusAPiA  (dans  un  cas, 
du  milieu  de  son  dos),  qui  lui  rentraient  ensuite  dans  le  corps.  Ces 
pseudopodes  ectoplasmiques  étaient  entourés  par  le  rideau,  de 
sorte  qu'on  ne  pouvait  pas  juger  de  leur  forme.  Une  fois  une  tige 
semblant  avoir  0m,33  de  longueur  est  sortie  du  pied  d'EusAPiA, 
s'est  approchée  de  la  table,  en  a  touché  le  plateau,  et  a  renversé  les 
objets  qui  s'y  trouvaient.  C'est  à  une  conclusion  analogue  que  sont 
arrivés  les  membres  de  l'Institut  psychologique  de  Paris  (Courtier, 
d'Arsonval,  Yourjeviïch). 

Par  conséquent,  simultanément  avec  les  télékinésies,  il  y  a  ecto- 
plasmies,  formations  de  membres  rudimentaires,  de  tiges,  de 
forces  matérielles  plus  ou  moins  visibles,  sortant  du  corps  de  la 
médium. 

Les  belles  observations  d'OcHORowicz  donnent  une  importante 
confirmation  à  ces  faits. 

L 

En  effet  il  a  pu  voir,  et  photographier,  une  sorte  de  fil  fluidique 
par  lequel  se  faisaient  les  télékinésies  de  Stanislawa.  Ces  forces, 
qu'il  appelle  les  rayons  rigides,  peuvent  se  courber,  se  déplacer 
pour  obteuir  (selon  la  volonté  de  la  médium  ?)  tel  ou  tel  effet 
mécanique.  Ce  fil  fluidique  n'est  pas  toujours  visible  et  photogra- 
phiable.  Mais  il  est  bien  probable  qu'à  une  première  phase  de 
sa  formation  il  est  invisible,  et  cependant  capable  de  mouvoir  les 
objets. 

Ces  rayons  rigides  semblent  sortir  des  mains  ou  des  ongles  de 
Stanislawa.  Au  voisinage  de  sa  main,  ils  ont  l'apparence  d'un 
faisceau.  On  ne  peut  les  comparer  à  un  fil  ordinaire  (un  cheveu, 
un  fil  de  cocon,  un  fil)  ;  car  sur  leur  parcours  ils  ont  des  renflements 
semblables  aux  ondes  d'une  corde  qui,  lorsqu'elle  vibre,  présente 
des  renflements,  des  nodosités  de  place  en  place.  Leur  image  photo- 
graphique est  discontinue.  Et  c'est  là  un  phénomène  d'une  extrême 
importance  ;  car  cela  exclut  absolument  l'hypothèse,  très  absurde 
dans  ces  cas  si  bien  observés,  d'une  fraude. 

Pour  mouvoir  un  objet  rond  (ou  une  boule  en  celluloïde  par 
exemple),  comme  si  un  seul  fil  ne  suffisait  pas,  il  s'en  forme  plu- 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    (tÉLÉKINÉSIEs)  563 

sieurs,  presque  tout  uu  système  de  filameuts  eu  forme  de  filet  qui 
entourent  l'objet  qui  est  à  mouvoir  (Schrenck). 

Schrenck-Notzing  a  pu  donner  (planche  V,  voy.  p.  547)  un  agran- 
dissement de  ce  fil  fluidique  photographié.  Il  penche  à  croire  qu'il 
y  a  un  faisceau  de  fils,  taudis  que  pour  Oghorowicz  c'est  plutôt 
par  une  sorte  d'adhésion  à  l'objet  que  le  fil  fluidique  est  capable 
d'exercer  une  action  mécanique. 

Les  observations  que  Schrenck  a  faite  avec  Willy  sont  tout  à  fait 
en  accord  avec  ce  que  nous  ont  donué   Stanislawa  et  Eusapia. 

Avec  un  contrôle  rigoureux,  Willy  étant  revêtu  d'un  vêtement 
de  tricot  lacé  derrière  le  dos,  que  Schrenck  avait  apporté.  Les  phé- 
nomènes qu'il  a  produits  furent  tout  à  fait  analogues  à  ceux  que 
présentent  d'une  part  Marthk  Béraud,  d'autre  part  Eusapia.  Une 
main  se  faisait,  sentir  à  tous  les  assistants,  et  déplaçait  les  objets 
voisins,  encore  que  les  mains  de  Willy  fussent  soigneusement  con- 
trôlées, et  le  contact  pouvait  en  être  senti  avant  qu'elle  ne  fût 
visible.  Cette  main  avait  toutes  les  apparences  d'une  main  vivante. 
Elle  semblait  froide  et  humide,  à  peau  un  peu  rugueuse,  manifes- 
tement plus  grande  que  la  main  de  Willy.  Quelquefois  les  doigts 
étaient  en  forme  de  moignons.  Dans  un  cas  il  fut  essayé  de  faire 
soudainement  la  lumière.  Alors  un  tissu  blanc  qui  s'était  formé 
autour  du  cou  du  médium  disparut  rapidement  en  faisant  des  mou- 
vements de  reptation  comme  un  ver,  dans  le  tricot  noir  dont 
Willy  avait  été  revêtu.  Le  soin  avec  lequel  le  médium  avait  été 
exploré  rend  absolument  impossible  l'hypothèse  que  des  tissus 
avaient  été  frauduleusement  apportés  (dans  la  maison  de  Schrenck), 
D'ailleurs  ces  tissus  ectoplasmiques  avaient  la  singulière  propriété 
de  se  mouvoir  spontanément  (!!)  Dans  un  cas  on  put  mettre  un  frag- 
ment de  ces  tissus  dans  un  tube  :  il  remua  avec  vivacité  pendant 
quelque  temps,  puis  disparut  subitement.  {Am  10  janvier  1920 
halte  Kap.  K.  einen  Teil  der Substanz  bereits  in  einem  Rôhrchen  auf- 
gefangen.  Dasselbe  bewegte  sich  innerhalb  des  Glases  lebhaft  und 
verschwand  blitzartig  schnell,  als  der  Beobachter  die  Rôhre  zu 
schliessen  versuchte).         — 

Les  expériences  de  Cuawford,  quoique  étant  d'une  lecture  diffi- 
cile, ^montrent,  mieux  que  tout  ce  qui  avait  été  écrit  jusqu'ici, 
l'étroite  relation  qui  unit  la  télékinésie  et  l'ectoplasmie.  Toutes 


564  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

ces  expériences  ont  été  faites  avec  Miss  Kathleen  Goligheb,  une 
jeune  fille  de  vingt  et  un  ans,  non  professionnelle.  La  lumière  était 
celle  d'un  bec  de  gaz  entouré  d'un  papier  rouge,  suffisante  pour 
suivre  tous  les  mouvements  des  assistants. 

Dès  le  début  de  la  séance  on  entend  des  raps,  d'abord  légers,  puis 
violents  comme  des  coups  de  marteau,  quelquefois  rythmés.  Dans 
certains  cas  la  table  a  été  soulevée  à  une  hauteur  de  lm,02  au-des- 
sus du  sol.  Sans  être  touchée  par  qui  que  ce  soit,  elle  oscillait  dans 
l'espace  et  se  balançait. 

Ce  qu'il  y  a  de  nouveau  dans  les  expériences  de  Grawford,  c'est 
qu'il  avait  placé  sa  médium  sur  une  balance  et  qu'il  voyait  les  varia- 
tions de  son  poids  en  fonction  de  la  lévitation  produite.  Le  poids  de 
Miss  Goligher  avec  sa  chaise  était  avant  la  lévitation  de  62  kilo- 
grammes. Pendant  la  lévitation  le  poids  a  augmenté  de  lkg,386. 
Or  le  poids  de  la  table  soulevée  était  de  lkg,200. 

Avec  des  tables  différentes,  plus  lourdes,  le  résultat  a  été  le 
même.  Toujours,  pendant  la  lévitation,  le  poids  du  médium  aug- 
mente, et  d'une  quantité  égale  au  poids  delà  table. 

Tout  se  passe,  dit  Grawford,  comme  s'il  s'était  établi  une  con- 
nexion mécanique  (invisible  ?)  entre  la  médium  et  lalable ;  et  il  est 
impossible  de  ne  pas  rapprocher  ces  importantes  observations  de 
ce  qui  a  été  constaté  avec  Home,  Eusapia  et  Stanislawa  Tomczyk. 

La  matière  qui  produit  ces  télékinésies  est  une  sorte  de  levier,  de 
baguette  (cantilever)  qui  sort  facilement  du  corps  du  médium,  et  y 
rentre  de  même.  Elle  peut  se  courber,  s'incliner,  se  diriger,  dans 
tel  ou  tel  sens.  Elle  ne  peut  guère  agir  au  delà  d'une  distance  de 
4m,50  Elle  peut  changer  de  consistance,  saisir  des  objets,  devenir 
assez  dure  pour  donner  des  coups  violents.  Ses  dimensions  sont 
variables.  Si  l'on  entoure  le  corps  du  médium  de  vêtements,  la  tige 
ectoplasmique  peut  traverser  ces  vêtements,  surtout  si  le  tissu  est 
près  du  corps  ;  car,  à  une  certaine  distance,  les  toiles,  tissus,  papiers, 
empêchent  la  force  d'agir.  A  son  extrémité  elle  a  une  certaine  force 
adhésive,  comme  si  elle  se  collait  aux  objets  qui  doivent  être  sou- 
levés. L'ectoplasme  a  une  structure  qui  n'a  pas  pu  être  déterminée. 
Quoique  certainement  il  sorte  du  corps  de  la  médium,  aucune 
pression  n'est  sentie,  aucune  impression  n'est  éprouvée. 

Il  est  impossible  d'exagérer  l'importance  de  ces  faits  extraordi- 


MOUVEMENTS    D'OBJETS    ET    TELÉKTNÉSIES  565 

naires,  méthodiquement  observés,  avec  des  mesures  précises,  et  un 
esprit  scientifique  rigoureux.  La  réalité  des  ectoplasmies,  après  les 
expériences  faites  avec  Eusapia,  Marthe  Béraud,  Stanislàwà  Tom- 
czyk,  est  maintenant  rigoureusement  démontrée  par  les  expériences 
de  Crawford,  qui  a  donné  en  outre  des  photographies  excellentes, 
consécutives  à  son  premier  mémoire  l.  La  théorie  de  l'ectoplasmie 
cause  de  la  télékinésie  est  probablement  exacte  ;  mais  en  tout  cas 
pour  les  faits  la  démonstration  est  irréfutable,  et  doit  entraîner 
toutes  les  convictions. 

De  fait  il  n'est  pas  possible  de  séparer  les  résultats  donnés  par  les 
différents  médiums.  Ils  ont  chacun  leur  modalité  personnelle,  et  la 
conclusion  scientifique  qu'on  doit  en  tirer  résulte  de  l'ensemble  des 
observations  prises  çà  et  là. 

Il  paraît  en  définitive  à  peu  près  établi  aujourd'hui  que  les  mou- 
vements d'objets  sans  contact  doivent  s'expliquer  par  des  expan- 
sions fluidiques,  d'abord  invisibles,  qui  sortent  du  corps  du 
médium.  Ces  ectoplasmes  qui  sortent  du  corps  de  Marthe,  d'EusA- 
pia,  de  Willy,  de  Stanislawa,  deKATHLEEx  Goligher,  sont  sans  doute 
très  analogues  aux  fantômes  qui  sortaient  du  corps  de  Florence 
GooK,deHoME,  d'Eglintûn,  de  Mad.  d'EspÉRANCE.  La  télékinésie  est  la 
première  phase  de  la  matérialisation. 

L'effort  des  savants  doit  porter  maintenaot  sur  la  connaissance 
de  cette  matière  étrange  et  subtile,  capable  de  mouvements  inten- 
tionnels, aussi  bien  que  d'extraordinaires  transformations.  C'est 
tout  un  monde  nouveau,  profondément  mystérieux  encore,  que  la 
métapsychique  ouvre  à  la  physiologie  et  à  la  physique. 

Plus  loin,  quand  nous  parlerons  des  matérialisations  ectoplas- 
miques,  nous  entrerons  encore  dans  quelques  détails. 

C.  —  Des  bruits  et  des  rapts. 

En  général  ces  déplacements  d'objets  ne  témoignent  guère  d'in- 
telligence. Il  semble  que  tout  l'effort  de  la  force  qui  agit  consiste 
en  uue  action  mécanique,  aussi  intense,  aussi  étonnante  que  pos- 
sible. Mais  il  en  est  autrement  pour  les  légers  bruits  produits  dans 

1.  A  voir  notamment  un  écrit  posthume  :  The  psychic  structures  of  the  Goli-. 
gher  Circle  (J.  Watkics,  Londres,  1921),  et  le  mémoire  des  Schrsnck  à  ce  sujet 
Dos  Matérialisations  problème  (Psych.  Sludien,  mai  1921). 


566  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

les  tables  ou  les  objets  voisins,  bruits  qui  ont  été  entendus  pour  la 
première  fois  par  les  sœurs  Fox  et  qui  ont  été  le  point  de  départ 
de  toute  la  métapsychique.  Ces  bruits,  déterminés  dans  les  tables 
ou  dans  les  objets  par  des  forces  intelligentes,  ont  été  nommés 
en  langue  anglaise  des  raps,  et  c'est  ce  mot,  consacré  par  l'usage, 
que  nous  emploierons. 

Voici  en  quoi  consiste  ce  phénomène,  simple  et  important. 

Quand  on  est  assis  autour  d'une  table,  avec  un  médium  puissant, 
en  même  temps  qu'il  y  a  des  mouvements  de  la  table,  il  y  a  des 
ébranlements  du  bois  de  la  table,  se  traduisant  par  des  coups 
qu'on  perçoit  bien,  qui  sont  le  plus  souvent  faibles,  mais  parfois 
assez  forts  pour  être  entendus  à  assez  grande  distance. 

Pour  ne  pas  admettre  le  pouvoir  télékinésique  qui  aboutit  à  la 
production  de  raps,  on  a  fait  quantité  d'hypothèses  saugrenues, 
dont  il  ne  reste  plus  rien.  M.  Schiff  avait  admis  un  déplacement 
du  long  péronier  latéral,  ce  qui  a  été  possible  daus  le  cas  absolu- 
ment exceptionnel  de  M.  Schiff  lui-même.  Mais  il  serait  insensé  de 
croire  à  la  généralité  de  ce  phénomène.  Mad.  Sidgwick  *  dit  qu'il 
peut  se  produire  anormalement  des  craquements  dans  le  genou. 
Mais  c'est  encore  une  rarissime  exception. 

D'ailleurs  il  est  évident  que  si  le  médium  peut  toucher  la  table 
(par  la  tête,  les  mains  ou  les  pieds),  il  pourra  faire  entendre  tous 
les  raps  qu'il  voudra.  Mais  est-il  donc  impossible  de  s'assurer  que 
le  médium  est  immobile  quand  il  ne  touche  pas  la  table  ? 

Les  raps  se  produisent  quand  on  touche  la  table  ;  mais,  dans  cer- 
tains cas  fort  rares,  ils  se  produisent  sans  qu'il  y  ait  contact.  Et  c'est 
là  un  très  beau  phénomène  essentiel,  très  essentiel,  qu'on  devrai  t  étu- 
dier avec  plus  de  soin  que  ne  l'ont  fait  les  spirites,  aveuglés  par  leur 
désir  d'avoir  de  mirifiques  et  fantasmatiques  phénomènes.  Pour- 
tant le  phénomène  des  raps  constitue,  quand  il  est  incontestable, 
la  preuve  éclatante  qu'il  existe  des  forces  agissant  mécaniquement 
sur  les  choses,  et  indépendantes  de  nos  contractions  musculaires. 
Pour  moi  je  le  considère,  malgré  sa  simplicité,  ou  plutôt  à  cause  de 
sa  simplicité,  comme  le  plus  beau  phénomène  de  la  métapsychique. 

1.  The physical  phenomena  of  spiritualism,  P.  S.  P.  R.,  XIII,  14b. 


COUPS    ET    RAPS  567 

Le  plus  souvent,  il  est  vrai,  les  raps  se  produisent  quand  le  mé- 
dium touche  la  table,  et  alors  on  peut  invoquer  et  on  a  invoqué 
des  causes  diverses.  Mais  il  ne  faut  pas  oublier  qu'en  môme  temps 
qu'on  entend  un  bruit,  la  table  vibre,  et  on  sent  distinctement 
V ébranlement  du  bois.  Quand  on  applique  l'oreille  sur  la  table,  on 
entend,  si  les  assistants  font  silence,  des  coups  répétés,  très 
faibles,  comme  un  tambourinage  parfois.  On  peut  même,  dans  cer- 
tains cas,  provoquer  des  bruits  rythmés  comme  une  marche,  une 
fanfare,  et  cependant  la  main  du  médium  est  immobile,  et,  dans 
certains  cas  le  médium  n'est  nulle  part  en  contact  avec  la  table. 

J.  Maxwell,  qui  a  eu  l'heureuse  fortune  de  pouvoir  observer  un 
médium  qui  produisait  des  raps  en  pleine  lumière,  en  a  fait  une 
très  attentive  étude  (p.  67).  «  J'en  ai  eu  si  fréquemment  avec  la 
plus  vive  clarté  que  je  me  demande  si  l'obscurité  les  favorise  au 
même  point  que  certains  autres  phénomènes.  Le  contact  des  mains 
(avec  la  table)  n'est  d'ailleurs  pas  nécessaire  pour  obtenir  des  raps. 
J'en  ai  obtenu  très  facilement  sans  contact.  Lorsqu'on  a  réussi  à 
avoir  des  raps  avec  contact,  un  des  moyens  les  plus  sûrs  pour  les 
obtenir  ensuite  sans  contact  est  de  conserver  un  certain  temps  les 
mains  appuyées  sur  la  table,  puis  de  les  soulever  avec  une  extrême 
lenteur,  en  maintenant  la  face  palmaire  tournée  vers  le  plateau  de 
la  table...  »  Maxwell  a  obtenu  des  raps  retentissants  dans  des  salles 
de  restaurant,  dans  des  buffets  de  chemins  de  fer,  assez  forts  pour 
attirer  l'attention  du  public...  «  Dans  une  maison  que  l'homme  de 
génie  qui  l'a  habitée  a  rendue  célèbre,  les  raps  ont  attiré  l'attention 
soupçonneuse  du  gardien.  La  tonalité  des  raps  est  essentiellement 
variable  ;  ils  peuvent  ressembler  au  bruit  léger  que  fait  une  souris, 
au  bruit  d'une  scie,  à  celui  des  ongles  frappant  sur  le  bois  ou  grin- 
çant sur  une  étoffe.  »  Chacune  des  personnifications  qui  prétendent 
intervenir  a  son  mode  spécial  dans  la  production  de  raps. 

Les  raps  ne  peuvent  être  dus  à  des  craquements  occasionnés  par 
l'humidité  du  bois  qui  joue,  car  ils  sont  intelligents.  C'est  cela  qui 
est  singulier  et  admirable.  Une  table  qu'on  ne  touche  pas  est  donc 
parfois  animée  de  vibrations  sonores  qui  ne  se  produisent  pas  au 
hasard,  mais  au  contraire  veulent  dire  quelque  chose.  Aussi  peut- 
on  entretenir  uue  sorte  de  conversation  avec  la  force  intelligente 
qui  se  manifeste  dans  la  table  par  des  vibrations  plus  ou  moins 


568  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

sonores.  Si  l'on  épèle  un  alphabet,  le  rap  se  produira  à  telle  ou 
telle  lettre,  et  la  succession  de  ces  lettres  doDne  un  mot  ayant  un 
sens.  C'est  uue  phrase  qui  veut  dire  quelque  chose.  Peu  nous 
importe  pour  le  moment  de  savoir  ce  qui  est  dit,  il  suffit  de  consta- 
ter :  1°  que  les  coups  ne  sont  pas  dus  à  une  contraction  musculaire 
ou  à  tout  autre  mouvement  du  médium,  puisque  le  médium  ne 
touche  pas  la  table  ou  qu'il  est  absolument  immobile;  2°  que  les 
coups  prouvent  une  intelligence  qui  veut  dire  quelque  chose. 

M.  W.  J.  Cuawford  dans  son  livre1  s'exprime  ainsi  à  propos 
des  raps  obtenus  par  Miss  Kathleen  Goligher...  «  On  entend  tout  de 
suite,  dès  que  la  séance  a  commencé,  des  bruits,  tap,  tap,  tap,  sur  le 
plancher,  près  du  médium.  Ils  deviennent  de  plus  en  plus  forts,  sur 
la  table,  sur  la  Chaise  des  assistauts,  quelquefois  les  sons  sont 
comme  des  coups  de  marteau  si  forts  qu'on  les  eutend  du  dehors, 
et  ils  ébrauleut  le  plancher  et  les  chaises.  Ils  peuveut  imiter  admi- 
rablement des  bruits  divers  :  le  pas  d'un  homme,  le  trot  d'un 
cheval,  le  frottement  d'une  allumette,  une  balle  qui  rebon- 
dit. » 

Très  remarquables  aussi,  et  entraînant  la  conviction,  les  faits 
qu'a  notés  J.  Hïslop,  qui  n'est  pas  suspect  de  tendresse  pour  la 
métapsychique  objective2.  Avec  H^slop,  le  D'  Creery  a  fait  les 
mêmes  constatatious.  Il  s'agit  d'un  vieux  nègre  aveugle,  ignorant, 
qui,  eu  mettant  les  mains  sur  une  table,  sur  uu  violon,  sur  une 
porte,  obtenait  des  raps  très  forts.  La  main  ne  faisait  pas  le  moindre 
mouvement.  Bien  plus,  il  y  avait  encore  des  raps  quand  les  mains 
ne  touchaient  rien,  et  qu'elles  étaient  en  pleiue  lumière.  Les  coups 
étaient  si  forts  qu'on  les  entendait  à  cinq  ou  six  pieds  de  distance. 
Hï'slop  conclut  en  disant  :  We  had  fair  évidence  for  the  existence 
of  rapsunder  unusual circumstances.  Avec  le  même  sujet,  M.  Claw- 
son  a  eu  des  résultats  meilleurs  encore. 

La  réalité  des  raps  est  d'une  importance  primordiale,  et  ce  phé- 
nomène contient  presque  la  métapsychique  tout  entière.  S'il  est 
établi  que  des  vibrations  mécaniques  de  la  matière  peuvent  se  pro- 
duire, à  distance,  sans  contact,  et  d'autre  part  que  ces  vibrations 

1.  Experiments  in  psychical  science,  Londou,  Atkiuri,  1919. 

2.  An  experiment  for  râpa,  Amer.  S.  P.  R.  Journal,  XIV,  252-257,  1920. 


COUPS    ET    RAPS  569 

sont  intelligentes,  on  a  introduit  dans  la  science  cette  donnée  for- 
midable que  dans  le  monde  il  y  a  des  intelligences  (humaines  ou 
non  humaines)  capables  d'agir  sur  la  matière.  Voilà  pourquoi,  je  le 
répète,  on  a  tort  de  ne  pas  s'attacher  davantage  à  l'étude  des  raps. 

D'autant  plus  qu'ils  ne  constituent  pas  un  phénomène  exception- 
nel. Certes,  pour  obtenir  des  coups  très  forts,  sans  contact,  ayant  un 
sens  précis,  il  faut  des  médiums  très  puissants.  Mais,  même  avec 
des  médiums  relativement  faibles  et  peu  exercés,  s'ils  touchent  à 
peine  la  table,  et  qu'on  ausculte  avec  soin  la  table,  eu  collant 
l'oreille  sur  le  bois,  on  entend  souvent  de  petits  coups,  rythmés 
ou  non,  n'ayant  malheureusement  pas  grand  sens,  c'est-à-dire  ne 
pouvant  pas  donner  de  phrases  cohérentes,  ni  même  de  mots 
quand  on  épelle  l'alphabet,  suffisants  tout  de  même  pour  établir 
le  fait  des  vibrations  mécaniques  du  bois.  Avec  des  médiums  très 
divers,  j'ai  obtenu  ces  vibratious,  avec  mon  ami  G.  F...,  avec 
Stella,  avec  A...,  avec  L...  Avec  Eusapia  les  raps  n'étaient  pas  très 
fréquents,  mais  parfois  (rarement),  on  en  avait  qui  étaient  forts  et 
ébranlaient  la  table.  Avec  A...  non  seulement  il  y  avait  des  coups 
dans  une  table,  mais  encore  dans  tout  objet  quelle  tenait  à  la 
main.  Il  est  vrai  que  le  plus  souvent  ces  raps  n'étaient  pas  cohé- 
rents. C'était  un  tambourinage  irrégulier,  désordonné,  interdisant 
toute  conversation  suivie.  Pour  qu'il  y  ait  par  les  raps  des  réponses 
cohérentes,  les  médiums  doivent  être  exceptionnellement  puis- 
sants. 

Avec  les  médiums  faibles,  quelquefois  tous  les  phénomènes  se 
limitent  à  des  coups.  Si  l'on  ignore  que  ces  coups  sont  liés  à  la  pré- 
sence du  médium,  on  est  tenté  de  croire  qu'il  s'agit  d'une  maison 
hantée.  M.  Hyalmer  Wijk,  de  Gotenburg,  en  Suède,  a  étudié  avec 
soin  un  cas  de  ce  genre.  Mad.  N.  Karin,  hystérique,  mais  d'une 
intelligence  très  cultivée,  a  pendant  longtemps,  près  de  trois  mois, 
entendu  des  coups  retentissants  dans  la  maison  qu'elle  habitait.  Le 
Dr  Brière  et  Wijk  les  ont  entendus  aussi.  Puis  tout  cela  a  cessé1. 

J.  Hyslop2,  expérimentant  avec  Anna  Burton,  a  entendu  des  raps, 
et  il  incline  à  croire  qu'ils  sont  supernormaux,  parce  qu'ils  se  pro- 

•1.   Etude  expérimentale  sur  les  phénomènes  de  frappement  spontané,  A.  8.  P., 
1905,  XV,  517-551. 

2.  Hélène  de  G.  Vehkall,  The  case  of  Anna  Burton,  Journ.  S.  /'.  H.,  XV,  i'àl-2,  141. 


570  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

duisent  d'une  manière  très  variée  et  se  succèdent  en  des  régions 
très  différentes,  tantôt  spontanément)  tantôt  à  la  demande  des 
expérimentateurs.  Dans  un  cas  les  raps  ont  été  entendus  à  2  mètres 
de  distance  ;  alors  que  Miss  Burton  ne  faisait  aucun  mouvement  des 
mains  ni  des  pieds.  La  seule  hypothèse  possible  (autre  que  celle 
d'un  rap  d'origine  télékinésique),  est  qu'il  y  ait  une  illusion  senso- 
rielle produite  chez  les  assistants,  illusion  collective,  terriblement 
invraisemblable1. 

Le  fait  suivant  est  très  extraordinaire  et  ne  rentre  pas  dans  le 
cadre  des  faits  connus,  ce  qui  autorise  l'incertitude.  Mad.  Davies 
reçoit  une  lettre,  venant  de  l'Inde,  qu'on  la  charge  de  transmettre 
à  Mrs  W...  La  lettre  est  posée  sur  une  cheminée.  Quelque  temps 
après,  Mad.  Davies  entend  des  coups  clairs  et  stridents  partant  de 
la  cheminée.  Elle  songe  alors  à  mettre  la  lettre  ailleurs,  sur  un 
meuble.  Les  coups  se  font  entendre  sur  le  meuble.  Alors  arrive  le 
père  de  Mad.  Davies  qui  constate  le  même  phénomène.  Bientôt, 
Mad.  Davies  et  son  père  s'assurent  que  les  coups  proviennent  bien 
de  la  lettre,  ou  du  moins  si  près  de  la  lettre  qu'ils  semblaient  venir 
de  son  intérieur.  Cette  lettre  annonçait  la  mort  du  mari  de 
Mad.  W ...  \ 

Sir  William  Barrett  8  a  observé  un  cas  de  raps,  qui  entraîne 
pour  tout  lecteur  attentif  la  conviction  absolue.  Une  petite  fille  de 
dix  ans,  Floriue  G...,  fille  d'un  avocat  distingué  d'Irlande,  ayant,  à 
diverses  reprises,  produit  des  raps,  W.  Barrett  expérimenta  avec 
elle.  Dans  quelques  cas  les  bruits  et  les  vibrations  du  bois  se  pro- 
duisaient à  distance,  dans  des  tables  qui  étaient  éloignées  de  Florrie. 
Après  plusieurs  semaines  de  recherches  diverses,  W.  Barrett  s'est 
convaincu  qu'il  fallait  décidément  abandonner  toute  supposition 
d'une  fraude  ou  d'une  illusion,  ou  d'une  observation  défectueuse. 
Ces  raps  étaient  d'ailleurs  intelligents,  mais  l'intelligence  était 
enfantine.  Florrie  a  eu  aussi  des  télékinésies  très  puissantes  ;  une 
table  de  salle  à  manger  (pour  douze  personnes)  a  été  presque 
sans  contact  soulevée  sur  trois  pieds  à  une  notable  hauteur. 


1.  The  Burton  Case,  par  J.  Hyslop,  Journ.  S.  P.  R.,  XV,  1912,  190. 

2.  P.  S.  R.,  1907,  XVII,  726. 

3.  On  the  Threshold  of  the  unsean,  3e  éd.,  London,  Kegan  Paul,  1920. 


COUPS    ET    RAPS  571 

Dans  d'aussi  bonnes  conditions,  avec  Miss  L...,  W.  Barrett  a  eu 
des  raps,  et  des  mouvements  très  étendus  de  la  table,  sans  que 
personne  la  touchât.  Un  jour  la  table,  sans  être  touchée,  poursuivit, 
pour  ainsi  dire,  W.  Barrett,  et  remprisouua  dans  sa  chaise.  Dans 
la  maison  de  W.  Barrett  les  mêmes  phénomènes  se  reproduisirent 
avec  égale  intensité. 

L'opinion  de  Fr.  Mykrs  sur  les  raps  a  un  grand  poids.  Voici  ce 
qu'il  dit  à  ce  propos  '  : 

«  Les  spirites  disent  qu'il  s'agit  d'un  phénomène  très  commun. 
Pour  ma  part  je  puis  dire  qu'ayant  pris  part  à  plusieurs  centaines 
de  séances,  étant  tout  prêta  noter  le  fait  de  raps,  j'en  ai  enteudu 
fréquemment  en  présence  de  médiums  payés.  Fréquemment  j'ai 
entendu,  quand  j'expérimentais  avec  des  amis,  des  craquements 
dans  la  table  ;  mais  c'est  seulement  avec  quatre  ou  cinq  médiums 
non  professionnels  et  dignes  de  toute  confiance  que  j'ai  entendu  des 
raps  incontestables,  répondant  aux  questions  assez  pour  amener 
en  moi  la  conviction  qu'il  y  avait  une  force  inconnue  pour  les  pro- 
duire. » 

Je  puis  absolument  confirmer  l'opinion  de  Myers.  Les  craque- 
ments non  intelligents  sont  fréquents;  les  raps  intelligents  sont 
extrêmement  rares.  Mais  il  s'agit  de  savoir  si  le  phénomène,  quoique 
exceptionnel,  est  réel.  Or  on  ne  peut  clouter  de  sa  réalité. 

Il  me  paraît  évident  que,  si  l'on  veut  faire  des  progrès  dans  la 
science  métapsychique,  ce  ne  sera  pas  par  la  poursuite  de  phé- 
nomènes extraordinaires  qui  émeuvent  l'imagination,  mais  par  la 
plus  modeste  et  moins  troublante  étude  des  vibrations,  intelligentes 
ou  non,  d'une  table  qui  est  à  peine  touchée,  ou  mieux  qui  n'est  pas 
touchée  par  le  médium. 

Il  suffirait  d'adapter  à  la  planchette  un  microphone  modérément 
sensible  et  capable  de  donner  une  inscription  graphique.  Mais  mal- 
heureusement, ni  les  expérimentateurs  ni  surtout  les  médiums  n'ont 
de  goût  pour  ces  expériences  ardues,  techniques.  Les  spirites,  qui, 
dans  leurs  multiples  séances,  ont  vu  souvent  de  très  beaux  phéno- 
mènes, se  préoccupent  plus  de  faire  parler  les  morts  en  grandes 
phrases  emphatiques  et  stériles  que  d'enregistrer  les  ébranlements 

1.  Humait  Personalily,  II,  454. 


572  MÊTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

d'une  tablette  de  bois,  dans  des  conditions  d'irréprochable  préci- 
sion. 

D.  —  De  Vécriture  directe. 

Parmi  les  diverses  sortes  de  mouvements  d'objet  sans  contact,  il 
faut  faire  une  place  à  part  à  un  groupe  de  phénomènes  si  rares 
qu'il  est  permis  d'en  douter;  à  savoir  l'écriture  directe. 

Voici  en  quoi  consiste  l'écriture  directe.  Ce  phénomène  n'a 
aucun  rapport  avec  l'écriture  automatique. 

Dans  l'écriture  automatique  le  médium  écrivain  inconsciemment 
écrit  toute  une  série  de  phrases  (messages;  dont  il  remplit  plusieurs 
pages  fébrilement;  mais  c'est  sa  main  qui  tient  la  plume  ou  le 
crayon  et  il  est  inutile  de  supposer  qu'une  intelligence  étrangère  et 
une  force  supra-humaine  interviennent,  puisqu'il  écrit,  comme 
vous  et  moi,  en  mouvant  avec  les  muscles  de  sa  main  le  crayon  ou 
la  plume.  Mais,  dans  l'écriture  directe,  c'est  autre  chose.  Un  bout 
de  crayon  est  placé  dans  une  ardoise  fermée,  et,  après  quelques 
minutes,  l'ardoise  fermée,  qui  n'avait  pas  d'écriture,  contient  un 
message,  une  réponse  par  exemple  à  la  question  qui  a  été  posée. 
Et  cependant  les  mains  du  médium  ont  été  vues,  et  il  n'y  a  eu 
d'obscurité  que  dans  la  boîte  où  le  crayon  était  enfermé  avec  l'ar- 
doise. 

Nous  avons  cité  plus  haut  un  des  plus  beaux  cas  d'écriture  directe 
observé  par  Grookes  avec  Home. 

Mais  il  est  prodigieusement  exceptionnel  qu'on  puisse  voir  les 
mouvements  spontanés  du  crayon  non  touché.  Le  cas  de  Home  est 
presque  unique.  Le  plus  souvent  l'expérience,  comme  dans  les  cas 
de  Slade  et  d'EGUNTON,  se  fait  par  une  toute  autre  méthode.  Sur 
une  ardoise,  enfermée  entre  deux  planchettes,  on  met  un  petit 
fragment  de  crayon  ou  de  craie.  Tout  l'appareil  est  tenu  à  la  main 
et  placé  sous  la  table.  On  entend  un  petit  bruit,  puis  on  ouvre  la 
boite  où  est  l'ardoise,  et  on  constate  que  le  crayon  est  usé,  et  qu'il 
y  a  de  l'écriture  sur  l'ardoise. 

Si  l'on  n'a  pas  quitté  1  ardoise  de  vue,  si  l'on  a  été  assez  habile 
observateur  pour  qu'aucune  prestidigitation  ne  puisse  trouver 
place,  l'expérience  est  belle  et  décisive.  Mais  d'elïroyables  super- 
cheries sont  possibles. 


ÉCRITURE    DIRECTE  Wl'À 

Dans  un  mémoire  fort  intéressant,  M.  Davby  rapporte  l'histoire 
d'une  séance  dans  laquelle,  délibérément,  il  avait,  par  des  procé- 
dés frauduleux  divers,  produit  le  phénomène  de  l'écriture  directe 
sur  l'ardoise.  Il  n'avait  pas  prévenu  les  assistants  qu'il  n'y  avait 
que  des  trucs  disposés  par  lui.  Et  alors,  les  assistants,  en  toute  sin- 
cérité naïve,  ont  signé  un  procès-verbal  attestant  l'authenticité  du 
phéuomèue.  Or  M.  Davey  n'a  pas  eu  de  peine  à  prouver  qu'il  y 
avait  eu  à  maintes  reprises  défaut  de  vigilance  et  observation 
imparfaite. 

On  ne  peut  affirmer  que  sans  exception  tous  les  cas  d'écriture 
directe  présentés  par  Slade  ou  Egunton  ont  été  frauduleux.  Tout 
de  même  les  observations  de  M.  Davey  nous  imposent  une  grande 
réserve  dans  nos  conclusions. 

Qu'il  soit  nécessaire  d'avoir  la  plus  grande  méfiance  pour  des 
expériences  d'écriture  directe  sur  des  ardoises  (Slade  writing),  cela 
ressort  en  toute  évidence  des  trucs  ou  tricks  habiles  qu'ont  imagi- 
nés les  prestidigitateurs  américains.  M.  David  Abbott  les  a  décrits 
avec  détail1.  Si  on  laisse  le  médium  (généralement  un  médium  payé) 
fournir  ses  propres  ardoises,  quelque  intactes  qu'elles  paraissent, 
ou  simplement  si  on  lui  permet  de  tenir  ou  même  de  toucher 
celles  qu'où  a  soi-même  apportées,  on  est  perdu  ;  car  par  d'habiles 
substitutions  tout  devient  possible.  Or  la  constatation  absolue,  irré- 
prochable, que  le  médium  n'a  pas  touché  l'ardoise,  est  bien  diffi- 
cile, car  il  suffit  d'un  moment  d'inattention  —  et  qui  donc  est 
capable  d'avoir  une  attention  irréprochable  et  persistante?  —  pour 
que  certaines  substitutions  se  fassent.  De  fait,  si  Von  apporte  son 
ardoise,  et  si  le  soi-disant  médium  ne  la  touche  à  aucun  moment, 
comme  le  reconnaît  M.  Abbott  lui-même,  il  n'y  a  pas  de  superche- 
rie possible.  Mais  dans  quelles  expériences  cela  a-t-il  été  réalisé? 

Le  pouvoir  médianimique  intense  de  W.  Stainton  Moses  s'est 
manifesté  quelquefois  par  de  l'écriture  directe2.  M.  et  Mad.  Speer, 
qui  assistaient  S.  M...  dans  la  plupart  de  ses   expériences,  ayant 

1.  Spirite  Slate  writing  and   Billet  Tests,  Americ.   P.  S.    R..  I,  1907,  148-160, 
244-254,  413-427,513-02-2. 

2.  Fr.  Myers,  The  expériences  of  W.  Stainton  Moses,  P.  S.  P.  R.,  1894,  IX,  265- 
275. 


574  METAPSYCH1QUE    OBJECTIVE 

fermé  la  porte  d'une  chambre,  et  placé  dans  cette  chambre  du 
papier  blauc  et  un  crayon,  pendant  que  S.  M...,  en  état  de  trance, 
était  à  un  autre  étage,  revinrent  au  bout  d'une  demi-heure,  dans  la 
chambre  fermée,  et  trouvèrent  que  de  l'écriture  avait  été  mise  sur 
le  papier. 

Dans  une  autre  expérience  l  il  y  eut  quelques  lettres  écrites 
sur  une  feuille  de  papier  blanc  placée  dans  la  table.  Ce  jour-là 
le  guide  de  S.  Moses,  irrité  qu'on  pensât  à  adjoindre  quelqu'un 
au  cercle  très  restreint  qui  assistait  aux  expériences,  frappait 
avec  une  telle  force  que  nous  avions  la  sensation,  dit  M.  Moses, 
qu'il  aurait  pu  briser  nos  têtes,  s'il  avait  voulu  (unconfortable 
notion,  ajoute-t-il).  A  diverses  reprises,  les  jours  suivauts,  il  y  eut 
plusieurs  lignes  d'écriture  sur  du  papier  blanc  mis  sous  la  table, 
pendant  que  M.  et  Mad.  Speer  tenaient  les  mains  de  M.  Moses 
(p.  302,  303,  304). 

Voici  comment  M.  Gharlton  Speer  résume  ces  diverses  expé- 
riences : 

«  Nous  avons  eu  souvent  de  l'écriture  directe,  quelquefois  sur 
une  feuille  de  papier  placée  au  milieu  de  la  table,  et  mise  à  égale 
distance  de  tous  les  assistants  :  quelquefois  un  de  nous  mettait  le 
nom  sur  une  feuille  de  papier  blanc  au  préalable  marquée  d'un 
signe,  et  en  général  nous  trouvions,  à  la  fin  de  la  séance,  qu'un 
message  avait  été  écrit.  Nous  placions  tantôt  un  crayon,  tantôt  de 
la  mine  de  plomb  près  du  papier,  et  le  résultat  était  le  même.  D'ha- 
bitude le  message  était  constitué  par  des  réponses  à  nos  questipns  . 
Quelquefois  c'étaient  des  courtes  communications  indépendantes  de 
ces  questions  mêmes,  parfois  aussi  des  mots  de  sympathie.  » 

On  trouvera  dans  les  revues  spirites  un  grand  nombre  de  cas 
d'écriture  directe  ;  mais  il  est  permis,  surtout  quand  il  s'agit  d'ex- 
périences faites  avec  un  médium  professionnel,  étant  donnée  la 
relative  facilité  de  la  fraude,  d'élever  quelques  doutes2. 

M.  de  Guldenstubbé,  le  13  août  1856,  ayant  sa  sœur  pour  médium, 
mit  du  papier  blanc  avec  un  crayon  dans  une  boîte,  et  au  bout 

1.  hoc.  cit.,  347. 

2.  Je  les  mentionne  cependant,  avec  toutes  les  réserves  nécessaires.  —  Delanne, 
Recherches  sur  la  médianimité ,  Paris,  Libr.  des  sciences  psychiques,  1902.  — 
Aksakoff,  Animisme  et  spiritisme,  p.  547,  p.  438-455.  —  Stainton  Moses  (Oxon), 


ECRITURE    DIRECTE  575 

d'une  demi-heure  il  constata  que  des  caractères  étaient  écrits  sur 
le  papier.  Il  répéta  avec  succès  cette  expérience  plus  de  dix  fois. 

Plus  tard,  il  put  voir  des  caractères  se  former  sur  le  papier  dans 
la  boîte  laissée  ouverte.  Le  comte  d'OuncHE,  qui  assistait  à  quel- 
ques-unes de  ces  expériences,  a  pu  les  confirmer. 

Le  général  de  Brewern  et  le  marquis  de  Planty  ont  assisté  aussi 
à  ce  même  phénomène  de  l'écriture  directe  obtenue  sur  des  ramettes 
de  papier  toutes  neuves,  cachetées  par  le  marchand. 

Les  mots  écrits  étaient  en  grec,  signés  par  Platon;  en  latin, 
signés  par  Cicéron.  N'allons  pas  nous  imaginer  que  Platon  et  Cicé- 
ron  sont  venus  :  l'intérêt  de  l'expérience  n'est  pas  là,  mais  dans  la 
formation  de  récriture  directe.  La  sœur  de  M.  Guldenstubbé,  qui 
était  le  médium,  ne  savait  d'ailleurs  ni  le  latin  ni  le  grec. 

Je  ne  mentionne  ces  faits  que  pour  mémoire. 

Voici  une  expérience  que j 'ai  pu  faire  avec  Eusapia  .  Cette  expérience, 
je  n'ai  pas  pu  la  répéter,  mais  elle  a  été  extraordinairement  nette. 

A  l'île  Ribaud,  un  soir,  en  présence  d'OcHORowicz,  de  Fr.  Myers  et 
de  sir  Oliver  Lodge,  Eusapia  a  présenté  le  phénomène  suivant  :  —  et 
je  crois  bien  que  personne  ne  pourra  contester  la  compétence  des 
observateurs. 

Eusapia  prend  ma  main,  et  tient  l'index  de  ma  main  droite,  de 
manière  que  mon  index  dépasse  notablement  sa  petite  main.  Alors 
elle  promène  mon  index  sur  du  papier  blanc,  et  la  marque  démon 
.  index  apparaît,  comme  si  c'était  de  l'écriture  avec  un  crayon  bleu. 
Avec  sa  main  gauche  levée  très  haut  en  l'air,  Eusapia  tenait  un 
crayon  bleu  qu'elle  serrait  convulsivement.  Le  phénomène  se  pas- 
sait à  la  lumière  d'une  bougie  qui  était  presque  au  contact  du 
papier,  tant  elle  en  était  proche.  Je  vois  encore  Fr.  Myers  avec  son 
lorgnon,  penché  sur  le  papier  et  regardant  attentivement,  scrupu- 
leusement, le  phénomène.  Quatre  à  cinq  fois,  sur  des  feuilles  de 
papier  blanc  (des  enveloppes  blanches),  le  même  phénomène  s'est 
produit.  Je  suis  absolument  sûr  que  la  main  d'EosAPiA  ne  touchait 
pas  le  papier,  qui  n'était  touché  que  par  mon  index,  lequel  n'avait 
pas  la  plus  petite  trace  de  bleu.  Pendant  près  de  dix  minutes,  tou- 

Psychographi/.  —  Gulpenstubuk,  La  réalité  des  esprits  et  le  phénomène  merveil- 
leux de  leur  écriture  directe. 


576  MÉTAPSYCHIQUE   OBJECTIVE 

jours  à  la  lumière  d'une  bougie,  l'expérience  s'est  répétée,  soit  sur 
du  papier,  soit  sur  le  plastron  blanc  de  nos  chemises.  Je  ri  ai  pas 
le  plus  léger  doute  sur  la  réalité  du  phénomène  ainsi  caractérisé  : 
1°  le  papier  était  blanc;  2°  Eusapia  n'a  pas  pu  le  toucher;  3°  la 
marque  bleue  se  développait  sous  mes  yeux  ;  4°  c'était  à  moins  de 
quarante  centimètres  d'une  bougie  allumée;  5°  Myers,  Ochorowicz 
et  Lodge  contrôlaient  mon  observation. 

A.  de  Rochas,  avec  Eusapia,  a  constaté  un  fait  analogue1  que 
A.  de  Gramont  m'a  confirmé  oralement. 

Dans  beaucoup  d'expériences  d'écriture  directe,  il  y  a,  en  même 
temps  que  l'écriture  même,  phénomènes  de  cryptesthésie  (comme 
d'ailleurs  dans  les  expériences  de  M.  Guldenstubbé).  Mais  il  faut  dis- 
socier les  deux  phénomènes,  encore  que  dans  la  réalité  des  choses 
ils  soieut  associés. 

Voici  une  des  expériences  faites  par  P.  Gibier,  physiologiste  expé- 
rimenté et  observateur  attentif-. 

«  Nous  avons  vu,  dit-il,  plus  de  cent  fois,  des  caractères,  des  des- 
sins, des  lignes,  et  même  des  phrases  entières,  se  produire  à  l'aide 
d'une  petite  touche  sur  des  ardoises  que  Slade  tenait,  et  même 
entre  deux  ardoises  avec  lesquelles  il  ri  avait  aucun  contact, 
ardoises  qui  nous  appartenaient,  que  nous  avions  achetées  nous- 
mêmes  dans  une  papeterie  quelconque  de  Paris,  et  que  nous  avions 
marquées  de  notre  signature.  Lorsque  l'écriture  s'est  produite  sur 
une  seule  ardoise,  c'était  eu  général  sous  l'angle  de  la  table  auprès 
de  laquelle  nous  nous  trouvions.  Nous  ne  perdions  de  vue  ni  l'ar- 
doise, ni  les  doigts  de  Slade,  et  nous  placions  parfois  nous-mêmes 
le  crayon  sur  l'ardoise,  mais  nous  n'avons  jamais  pu  voir  ce  der- 
nier en  mouvement.  L'ardoise  ondulait  légèrement,  comme  sous  la 
pression  de  l'écrivain  invisible.  » 

Voici  une  des  expériences  que  P.  Gibier  regarde  comme  peut-être 
la  meilleure3. 

«  J'avais  apporté  plusieurs  ardoises,  deux  entre  autres,  envelop- 
pées  dans  du    papier,   ficelées   ensemble,   cachetées   et  vissées. 

1.  V extériorisation  de  la  motricité,  p.  140  et  162. 

2.  Le  spiritisme,  Paris,  Doin,  1887. 

3.  Religio-philosophical  Journal,  2  février  1892. 


ÉCRITURE    DIRECTE  577 

«...  Je  proposai  alors  d'avoir  une  réponse  sur  deux  ardoises 
neuves  que  j'avais  apportées  dans  ma  serviette....  J'ai  obtenu  la 
permission,  après  avoir  mis  la  petite  touche  traditionnelle  entre 
elles  deux,  de  m'asseoir  sur  mes  ardoises.  Les  ayant  donc  posées 
sur  ma  chaise,  je  m'assis  dessus,  et  ne  les  quittai  de  ma  main  que 
lorsque  tout  le  poids  de  mon  corps  porta  sur  elles.  Je  plaçai  alors 
mes  mains  sur  la  table  avec  celles  de  Slade,  et  je  sentis  et  entendis 
très  nettement  que  de  l'écriture  se  traçait  sur  l'ardoise  avec  laquelle 
j'étais  eu  contact...  Quand  ce  fut  fini,  je  retirai  moi-même  mes  deux 
ardoises,  et  je  lus  les  douze  mots  suivants,  mal  écrits,  mais  enfin 
écrits  et  lisibles  :  «  Les  ardoises  sont  difficiles  à  influencer  ; 
nous  ferons  ce  que  nous  pourrons  ».  Slade  n'avait  pas  touché  ces 
ardoises.  » 

M.  Moutonnier  a  indiqué  une  écriture  que  Mad.  Bangs  de  Chicago 
lui  a  donnée,  qui  est  manifestement  frauduleuse. 

Elliot  Cowes  etE.  Coleman,  expérimentant  avec  Mad.  Francis,  de 
San  Francisco,  comme  médium,  ont  vu  le  mouvement  (télékinétique) 
du  crayon  sur  l'ardoise.  Dans  quelques  cas  l'ardoise,  mise  partiel- 
lement sous  la  table,  a  été  partiellement  découverte;  dans  d'autres 
cas,  elle  n'était  pas  mise  sous  la  table,  mais  seulement  recouverte 
d'un  mouchoir,  et  toute  une  phrase  a  été  écrite  ainsi.  Une  autre 
fois  même,  Mad.  Francis  tenait  l'ardoise  à  la  main,  devant  les 
assistants,  et  de  l'écriture  s'est  produite.  Il  est  bon  de  noter  que 
M.  Emmette  Coleman  est  exercé  dans  la  prestidigitation. 

G.  Encausse  dit  qu'il  a  vu,  dans  une  séance  donnée  par  le 
magnétiseur  Robert,  en  pleine  lumière,  devant  vingt  personnes 
différentes,  une  jeune  fille  de  dix-sept  ans,  qui  faisait  apparaître 
des  caractères  sur  des  feuillets  de  papier  (des  vers  ayant  la  signa- 
ture de  P.  Corneille).  Il  paraît  qu'à  l'examen  microscopique  les 
marques  de  l'écriture  étaient  constituées  par  des  globules  du 
sang.  Ce  n'est  donc  pas  de  l'écriture  directe  dans  le  sens  qu'on 
attache  à  ce  mot,  en  général.  P.  Gibier  assistait  à  ces  expériences, 
mais  je  ne  sache  pas  qu'il  en  ait  parlé.  Il  ne  faut  d'ailleurs  accepter 
les  témoignages  du  Dr  Encausse  qu'avec  une  extrême  réserve.  Et 
puis  pourquoi  l'expérience  n'a  t-elle  pas  été  répétée? 

Richf.t.  —  Hétapaychiqu  .  37 


578  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Le  Dr  Mvsza  eu  en  pleine  lumière  des  exemples  d'écriture  directe 
avec  une  petite  ignorante  paysanne  de  quatorze  ans,  qui  savait  à 
peine  écrire. 

Voici  commeut  il  décrit  cette  expérience  qui  me  semble  bien  fra- 
gile. Une  boîte  en  bois  de  30  centimètres  de  large,  environ,  ouverte 
d'un  côté  seulement,  pour  supporter  un  sac  conique  en  soie  noire, 
finissant  en  pointe,  à  l'extrémité  du  sac  un  petit  trou  dans  lequel 
était  introduit  un  crayon,  de  manière  à  ce  qu'il  n'en  sortît  que  le 
bout.  L'enfant  ne  faisait  que  poser  extérieurement  les  mains  sur  la 
boîte.  Quelques  minutes  après  le  sac  se  gonflait,  et  le  crayon  com- 
mençait à  écrire.  —  N'insistons  pas  :  ce  n'est  rien. 

LeD1'  Nichols,  ayant  reçu  chez  lui  le  médium  Eglinton,  obtint  de 
bonnes  preuves  de   l'écriture  directe,   il    mettait  une  feuille   de 
papier  (qu'il  avait  caractérisée)  dans  une  boîte  fermée  à  clef,  entre 
deux  ardoises,  et,  en  pleine  lumière,  pendant  qu'il  tenait  la  boîte, 
de  l'écriture  était  produite. 

D'ailleurs  Eglinton  faisait  couramment  cette  expérience. 

J'ai  eu  l'occasion,  il  y  a  très  longtemps  (de  sorte  que  les  détails 
s'en  sont  bien  effacés)  de  faire  avec  lui  l'expérience  suivante  : 
je  la  mentionne  pour  mémoire,  sans  y  attacher  d'importance.  Je 
dessinai  sur  une  ardoise  un  dessin  quelconque.  Bien  entendu,  ce 
fut  sans  qu'il  y  eût  possibilité  pour  Eglinton  de  rien  voir.  L'ardoise 
fut  retournée,  et  un  petit  bout  de  craie  fut  placé  dessus.  Alors  je 
pris  l'ardoise  par  la  main,  et,  sans  la  quitter,  je  la  mis  sous  la  table, 
Eglinton  tenant  l'autre  bout  de  l'ardoise.  Au  bout  de  deux  ou  trois 
minutes,  mon  dessin  en  un  curieux  facsimilé  était  reproduit.  Mais 
je  crois  bien  qu'un  habile  illusionniste  aurait  pu  en  faire  tout 
autant. 

Eglinton  a  donné  une  célèbre  séance  à  M.  Gladstone  qui  eut  lieu, 
toujours  en  pleine  lumière,  avec  des  résultats  très  positifs. 

Mais  tous  ces  slade  writings  sont  toujours  douloureusement  sus- 
pects :  c'est  une  des  expériences  de  métapsychique  dont  le  contrôle 
est  le  plus  difficile. 

Pour  conclure,  les  phénomènes  d'écriture  directe  sont  très  rares. 

\.A.  S.  P.,  1907,  XVII,  295. 


ECRITURE    DIRECTE  579 

Quelques-uns  (Home,  Eusapia)  semblent  authentiques,  mais  il  y  a 
tant  de  supercheries,  tant  d'illusion  nismes  que  l'écriture  directe  est 
un  phénomène  bien  incertain  encore. 

En  tout  cas,  qu'il  existe  ou  non,  cela  ne  change  rien  à  la  réalité 
de  la  télékinésie  et  des  raps. 


CHAPITRE  III 

DES  ECTOPLASMIES  (MATÉRIALISATIONS) 

§  1.  —  DE  LA  FRAUDE  DANS  LES  EXPÉRIENCES  D'ECTOPLASME 

Il  faut  toujours,  eu  expérimentation  métapsychique,  songer  à  la 
fraude.  Les  autres  sciences  n'ont  pas  à  souffrir  de  cette  plaie.  Elles 
évoluent  paisiblement,  en  ne  connaissant  de  difficultés  que  contre 
les  choses,  tandis  que  les  savants  qui  expérimentent  avec  des 
médiums  sont  exposés  sans  cesse  à  être  ignoblement  trahis.  De  là 
une  tâche  très  pénible,  qui  exige  une  prudente  et  vigilante 
attention. 

Les  difficultés  ne  sont  pas  les  mêmes  pour  la  métapsychique 
objective  et  la  métapsychique  subjective. 

Nous  avons  vu  quelles  précautions  il  faut  prendre  contre  les 
supercheries,  conscientes  ou  inconscientes,  qui  rendent  l'étude  de 
la  cryptesthésie  si  difficile,  contre  les  erreurs  de  mémoire,  les 
insuffisances  de  témoignages,  les  paramnésies.  Nous  avons  dit  qu'il 
faut  toujours  se  méfier  de  l'aide  qu'involontairement  et  maladroi- 
tement l'expérimentateur  lui-même,  malgré  toute  sa  bonne  foi, 
apporte  au  médium.  Lorsqu'il  s'agit  de  métapsychique  objective, 
c'est-à-dire  de  télékinésie  et  d'ectoplasmie,  les  précautions  à  prendre 
sont  tout  autres,  mais  non  moindres. 

Peu  de  temps  après  que  les  sœurs  Fox  eurent  inauguré  le 
spiritisme,  et  qu'elles  eurent  songé  tout  de  suite  à  tirer  profit  de 
leurs  facultés  médianimiques,  partout,  mais  spécialement  eu 
Amérique,  le  spiritisme  fut  considéré  par  certains  individus 
comme  une  avantageuse  source  de  bénéfices.  Partout  la  crédulité 
du    public  tenta  la  cupidité   des  escrocs.  Il  y   eut    des  séances 


FRAUDES    DES    MÉDIUMS  581 

publiques  payantes,  où,  côte  à  côte  avec  les  cirques  et  les  théâtres 
de  prestidigitation,  se  donnaient  des  représentations  spiritualistes. 
Des  fantômes  apparaissaient  sur  la  scène,  et,  profitant  de  la 
naïveté  des  assistants,  descendaient  de  l'estrade  pour  se  faire 
reconnaître  par  quelque  malheureuse  mère  qui  croyait  retrouver 
l'enfant  qu'elle  avait  perdu. 

Des  photographies  spirites  tinrent  boutique;  on  allait  chez  tel 
ou  tel  photographe  qui  prenait  un  cliché,  et  présentait  au  client 
l'image  photographique  aux  traits  vaguement  indiqués  que  le 
client  crédule  finissait  toujours  par  reconnaître. 

Le  médium  qui  avait  organisé  ces  séances  pouvait  aussi  aile?' 
e?i  ville,  et,  moyennant  une  forte  rétribution,  donner  des  séances. 
Photographes  et  médiums,  pour  mieux  attirer  la  faveur  et 
l'argent  du  public,  avaient  la  prétention  d'être  de  vrais  savants,  et 
même  ils  poussaient  l'astuce  jusqu'à  immiscer  une  sorte  de  vague 
religion  à  leurs  exhibitions,  de  sorte  que  l'ensemble  finissait  par 
constituer  une  véritable  profession  ;  la  profession  de  médium, 
lucrative  parfois,  toujours  dangereuse,  en  tout  cas  déshonorante. 
Ce  qui  a  permis  à  ce  vilain  métier  de  s'exercer,  et  au  spiritualisme 
de  se  développer,  c'est  que  souvent,  très  souvent  môme,  ces  profes^ 
sionnels  du  spiritisme  étaient  au  début  doués  de  quelque  réel 
pouvoir,  et  que  des  lambeaux  de  phénomènes  vrais  s'accrochaient 
à  leurs  pratiques  frauduleuses. 

Le  nombre  des  adhérents  à  la  doctrine  spiriteallaiten  croissant. 
Les  journaux  se  multipliaient,  célébrant  les  exploits  des  médiums 
professionnels. 

Ces  insanités,  encouragées  par  l'aveuglement  du  public  et  par  la 
crédulité  de  quelques  savants  honorables,  entraînèrent  une  réac- 
tion inévitable.  Eu  Angleterre,  et  surtout  en  Amérique,  toute  une 
littérature  s'est  évertuée  à  démasquer  l'étrange  naïveté  des  spirites 
et  la  perverse  fourberie  des  médiums  professionnels1. 

1.  Je  ne  citerai  que  quelques  ouvrages  :  Abbott,  Behirid  the  science  vith  mé- 
dium, Chicago,  I'.îOT.  —  Fu.  Podmoiie,  Modem  spiritualism,  an  History  and  a 
criticism,  Londres,  Methuen,  1902,  2  vol.  —  Schekleton,  Spookland,  a  record  of 
Research  in  the  mutch  tal/ced  realm  of  mystery.  —  Caruington,  The  physical 
phenomena  of  spiritualism,  Boston,  Turner,  1907.  —  Rainaly,  Procès  d'un 
escamoteur,  Paris,  1894.  —  Rem  y,  Spirites  et  illusionnistes,  Paris,  Leclercq, 
1911. 

Morselli  cite  les  écrits  des  prestidigitateurs  professionnels  qui  ont  dévoilé  les 


582  MKTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Aussi  bien,  écœurés  par  ces  faux  prodiges,  exactement  instruits 
de  toutes  les  machineries  dont  usaient  ces  pseudo-médiums,  les 
savants  d'Amérique  et  d'Angleterre  se  refusèrent-ils  obstinément 
à  accepter  les  faits  de  mouvement  sans  contact  et  de  matérialisa- 
tion. Ce  fut  presque  pour  eux  un  article  de  foi  —  aussi  aveugle 
peut-être  que  la  foi  des  spirites  —  qu'il  n'y  avait  pas  de  phénomène 
matériel. 

Malgré  les  affirmations  d'hommes  honorables,  universellement 
estimés,  comme  le  juge  Edmunds,  Dale  Owen,  et  même  le  grand 
Russell  Wallace,  tout  f ut  impuissant  à  contre-balancer  la  nau- 
séeuse impression  produite  par  les  professionnels  américains. 

Même,  faut-il  le  dire,  l'admirable  œuvre  de  William  Chookes 
n'amena  guère  de  convictions  (1872).  Crookes  resta  un  isolé,  comme 
Zôllner.  Personne  ne  voulut  croire  à  ce  qu'affirmaient  ces  deux 
grands  savants.  On  raconta  qu'ils  avaient  été  trompés,  illusionnés, 
qu'ils  ne  connaissaient  rien  à  la  prestidigitation,  que  par  consé- 
quent ils  avait  été  bernés l. 

La  Société  des  Recherches  psychiques,  avec  E.  Gurney,  Myers, 
H.  Sidgwick,  Podmore,  quand  elle  s'est  constituée,  est  partie  de  cet 
axiome,  regardé  par  elle  comme  un  principe  fondamental,  qu'il  n'y 
a  pas  de  phénomène  matériel,  que  tout  est  subjectif.  Mais,  de  1880 
à  1920,  les  idées  ont  évolué.  H.  Sidgwick  est  mort  sans  admettre  ni 
la  télékiuésie,  ni  les  ectoplasmies.  Fr.  Myers,  au  début  assez 
hostile  aux  matérialisations,  a  fini  par  les  admettre  et  croire  abso- 
lument, résolument,  à  leur  objectivité.  Fr.  Podmore,  à  ce  qu'il  semble, 
n'a  jamais  pu  se  résigner  à  y  croire,  tandis  que  Sir  Oliver  Lodge,  qui 
n'avait  d'abord  admis  dans  toute  leur  intensité  que  les  phénomènes 
subjectifs,  croit  aujourd'hui  à  la  réalité  des  phénomènes  matériels. 

Eu  Amérique,  c'a  été  d'abord  R.  HoDGsoNqui,  par  une  singulière 
évolution,  après  avoir  démasqué  habilement  dans  l'Inde  même 
les  fraudes  de  Mad.  Blavatski,  a  été  complètement  converti  au  spi- 
ritisme subjectif  par  ses  expériences  avec  Mad.  Piper.  Mais,  si 
Hodgson  admettait  les  incarnatious  de  G.  Pelham,  il   n'admettait 

trucs  des  spirites  (médiumnisme  et  prestidigitation),  A.  S.  P.,  1908,  XVIII,  lo7 
(Hopkins,  Keller,  Snaw,  William,  etc.). 

1.  Et  moi  aussi  —  pourquoi  ne  pas  l'avouer?  —  comme  Lombroso,  comme 
Morselli,  comme  Lodge,  j'ai  pendant  longtemps  cru  que  Crookes  avait  été  la 
victime  d'une  imposture  lamentable. 


FRAUDKS    DES    MÉDIUMS   *  583 

nullement  les  télékiuésies  (I'Eusapia.  C'est  lui  qui,  étant  venu  à 
Cambridge,  a  soi-disant  démasqué  Eusapia,  alors  qu'en  réalité  il  a 
déplorablement  expérimenté,  aidant,  facilitant,  provoquant  même 
les  grossières  fraudes  inconscientes  de  la  malheureuse  Eusapia. 
Hyslop,  qui  a  remplacé  Hodgson  à  la  Société  américaine  des  recher- 
ches psychiques,  n'avait  guère  admis  les  matérialisations  plus  que 
R.  Hodgson. 

On  comprend  un  peu  ce  scepticisme  quand  ou  entend  les  récits 
extraordinaires  de  séances  données  par  certains  médiums.  Miller, 
Bailey,  Mad.  Williams,  Eldred,  Sambou,A.  Hothe,  ont  été  démasqués. 
Eldred  avait  un  fauteuil  dans  lequel  il  amassait  tout  un  attirail 
d'objetsdivers,  propres  àdes  transformations.  LephotographeBouRs- 
nell,  quoique  ayant  pour  lui  l'autorité  de  Stead,  a  été  condamné 
par  les  tribunaux  pour  escroquerie,  de  même  que  le  photographe 
français,  Buguet,  encore  que  des  naïfs,  après  que  les  supercheries 
ont  été  dévoilées,  persistaient  à  croire  à  l'objectivité  de  ces  fan- 
tômes. Mad.  Williams  a  été  démasquée  dans  une  séance  qu'elle 
donnait  à  Paris  ;  ou  a  saisi  sur  elle  les  objets  les  plus  divers  servant, 
comme  pour  Eldred,  à  des  formations  de  fantômes.  Le  cas  de 
Sambor  est  bien  étrange.  Un  des  amis  de  Petrovo-Solovovo,  person- 
nage paraissant  honorable,  était  son  complice.  D'après  Grasset, 
Ebstein  faisait  le  fantôme  avec  un  mannequin  badigeonné  de  pein- 
ture (p.  70)1.  Bailey,  qui  prétendait  donner  des  apports  d'oiseaux 
vivants,  a  été  surpris  à  Grenoble,  achetant,  dans  une  oisellerie  de 
la  ville,  les  iguicolores  qu'il  disait  venir  directement  de  l'Inde  par 
des  voies  transcendentales.  Maddock  a  été  condamné  pour  escro- 
querie. J'ai  pu  démontrer  la  supercherie  d'A.RoTH,  qui  apportait  des 
fleurs  sur  elle.  Elle  pesait  avant  l'expérience  58  kilogrammes,  elle 
n'eu  pesait  plus  que  57  après  l'expérience,  et  le  poids  des  fleurs  était 
de  1  kilogramme.  Maxwell2  cite  le  cas  de  Mad.  Wood  et  de 
Lemb,  très  suspects.  Quant  à  Haxby,  il  fraudait  impudemment.  Je 
pourrais  multiplier  les  exemples,  si  cette  énumération  avait  quelque 
utilité.  De  fait  les  spirites  loyaux  reconnaissent  que  ces  forbans  sont 
les  pires  ennemis  du  spiritisme,  et  que  notre  intérêt,  à  nous  tous, 

1.  Voir  Paul  Mathiex,  Les  faux  médiums.  Echo  du  Merveilleux ,  1906,  249. 

2.  Les  phénomènes  psychiques,  1903,  p.  263. 


584  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

qui  croyons  à  l'ectoplasmie  et  à  la  télékinésie,  est  de  mettre  hors 
de  cause  ces  misérables. 

Pourtant  la  question  n'est  pas  aussi  simple  qu'elle  parait.  (Jamais, 
d'ailleurs,  quand  on  daigne  approfondir,  aucune  question  n'est 
simple.)  En  effet,  il  y  a,  à  côté  de  ces  médiums  fraudeurs,  pourvus 
d'appareils  préparés  à  l'avance,  des  médiums  véritables,  très  puis- 
sants, qui  ont  recours  à  la  fraude  quand  ils  voient  leurs  forces  dispa- 
raître, ou  l'expérience  échouer. 

C'est  ce  qui  est  arrivé  partiellement  et  probablement  à  Florence 
Cook  elle-même,  à  Slade,  à  Eglinton,  à  Eusapia,  à  Linda  Gazzera,  à 
Marthe  Béraud,  à  Mad.  d'Espérance.  Mais  il  faut  s'entendre  sur  ce 
qu'on  appelle  démasquer  un  médium  (exposure  en  anglais,  entlar- 
ven  en  allemand). 

D'abord  les  médiums  naïfs,  rustiques,  comme  par  exemple  l'était 
Eusapia,  ne  comprennent  pas  bien  que  c'est  un  crime  très  grave  que 
de  simuler  un  phénomène.  Ils  ne  se  rendent  pas  compte  de  l'énor- 
mité  de  la  faute  :  «  On  veut  des  phénomènes,  se  disent-ils,  eh  bien! 
on  leur  donnera  des  phénomènes,  puisqu'ils  y  tiennent  tant.  »  Il 
faut  une  longue  éducation  pour  comprendre  tout  ce  qu'a  d'odieux, 
d'impardonnable,  un  mensonge  scientifique  qui  introduit  des 
erreurs  voulues  dans  notre  pauvre  science,  où  il  y  a  déjà  tant 
d'erreurs  involontaires. 

Ensuite  ils  sont  dans  un  état  de  demi-inconscience,  qui  leur  ôte 
une  grande  part  de  responsabilité.  Leur  trance  les  transforme  en 
automates,  qui  n'exercent  plus  sur  leurs  mouvements  musculaires 
qu'un  contrôle  très  mitigé.  Lorsqu'un  médium  est  là,  les  yeux 
fermés,  insensible,  presque  immobile,  en  sueur,  convulsant  ses 
membres,  ne  pouvant  répondre  aux  questions  qu'on  lui  adresse,  je' 
ne  crois  pas  qu'on  puisse  lui  reprocher  ses  actes,  car  il  n'est  plus 
lui-même  :  il  n'a  plus  cette  conscience  pondérée,  réfléchie,  sereine, 
qui  permet  de  décider  entre  le  bien  et  le  mal.  Il  a  oublié  ce  qu'il 
est,  où  il  est,  ce  qu'il  doit  faire. 

Autant  est  criminelle  la  préparation  des  ustensiles  et  accessoires 
qu'ELDRED  ou  Mad.  Williams  entassaient  dans  un  meuble,  ou 
cachaient  sous  leurs  vêtements,  autant  sont  explicables,  presque 
justifiables,  les  mouvements  suspects  accomplis  par  un  médium 
entrancé. 


FRAUDES    DES    MÉDIUMS 

Non  seulement  les  médiums  ne  sont  pas  responsables,  mais  les 
mouvements  télékinésiques  ou  ectoplasmiques  se  trouvent  le  plus 
souvent  soustraits  en  grande  partie  à  leur  contrôle.  La  petite  Stasia, 
qui  était  le  guide  de  Stanislawa  Tomczyk,  s'amusait  souvent,  pour 
tromper  Ochorowicz,  à  jouer  des  tours  à  Stanislawa  elle-même. 
De  même,  dans  le  dédoublement  de  personnalité  si  bien  étudié 
par  Morton  Prince,  la  personnalité  d'A...  dégagée  de  B...  était  hos- 
tile à  B...  et  lui  causait  dommages  et  douleurs.  Les  bras  et  les 
mains  ectoplasmiques  qui  sortent  du  corps  d'EosAPiA  ne  font  que 
ce  qu'ils  veulent,  et,  quoique  Eusapia  sache  ce  qu'ils  font,  ce  n'est 
plus  la  volonté  d'EusAPiA  qui  les  dirige,  ou  plutôt  il  n'y  a  plus 
d'EusAPiA. 

On  comprend  aussi  très  bien  comment  alors,  épuisés  par  une 
longue  séance,  n'ayant  rien  pu  produire,  voyant  autour  d'eux  une 
assistance  haletante  qui  désire  un  phénomène ,  les  médiums,  dont 
la  demi-inconscience  croît  à  chaque  instant,  donnent  le  coup  de 
pouce  qui  va  déclancher  ce  phénomène. 

D'Arsonval,  à  une  des  séances  de  l'Institut  psychologique  de 
Paris,  racontait  spirituellement  l'histoire  du  grand  A. -M.  Ampère, 
qui,  dans  une  expérience  d'électricité,  devant  une  commission 
académique,  comme  l'aiguille,  contrairement  à  ce  qu'il  avait 
avancé,  ne  marchait  pas,  voulant  à  tout  prix  la  mettre  en  mou- 
vement, l'a  légèrement  poussée  du  doigt.  Quelque  temps  après, 
refaisant  l'expérience  (qui  à  ce  moment-là  réussit),  il  dit  triom- 
phalement, en  montrant  l'aiguille  :  «  Cette  fois  elle  marche  toute 
seule  ». 

Il  s'établit  une  sorte  de  confusion  entre  le  médium  et  son  ecto- 
plasme, de  sorte  qu'en  croyant  saisir  l'ectoplasme  on  saisit  par- 
fois un  membre  du  médium  (toutefois  je  fais  sur  cette  fréquente 
allégation  des  spirites  des  réserves  et  des  réserves  formelles).  Le  plus 
souvent  l'ectoplasme  est  indépendant  du  médium,  peut-être  même 
toujours.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  la  dilacération  ou  l'emprisonne- 
ment de  l'ectoplasme  puissent  être  sans  quelque  danger  (?).  L'expé- 
rience célèbre  de  Mad.  d'Espérance  (encore  qu'elle  soit  bien  sus- 
pecte) serait  là  pour  établir  que  le  médium  peut  être  longtemps 
malade  à  la  suite  d'une  de  ces  tentatives. 
Il  s'agit  donc  de  savoir  si,  connaissant  les  fraudes  des  médiums, 


586  MÉTAPSYGHIQUE    OBJECTIVE 

nous  pouvons  avoir  quelque  coufiauce  dans  les  récits  plus  ou  moins 
mirifiques  qui  nous  sont  donnés. 

Résumons  les  conditions  qui  nous  paraissent  nécessaires. 

Elles  s'appliquerout  aussi  bieu  aux  médiums  fraudeurs  qu'aux 
médiums  de  bonne  foi  (s'il  y  en  a  qui  peuvent  l'être  constam- 
ment). Les  précautious  doivent,  daus  un  cas  comme  dans  l'autre, 
être  également  rigoureuses,  et,  si  ces  précautions  n'ont  pas  été 
prises,  aucune  conclusion  scientifique  ne  pourra  être  donnée. 

Quoique  Boursnkll  et  Buguet  aieut  trouvé  beaucoup  d'adeptes, 
quoiqu'il  y  ait  eu  bien  des  fraudes  qui  aient  été  acceptées  comme 
des  phénomènes  authentiques,  il  est  tout  de  même  consolant  de 
penser  que  finalement  les  fraudeurs  ont  échoué  dans  leurs  fraudes. 
La  fraude  ne  résiste  pas  à  des  contrôles  prolongés  et  multiples. 
Les  trompeurs,  pour  peu  qu'ils  sortent  de  leur  étroit  cercle  primitif 
de  crédules,  rencontrent  bientôt  des  observateurs  sérieux  qui  les 
démasquent.  S'ils  refusent  d'accepter  les  conditions  expérimentales 
qu'on  leur  impose  à  juste  raison,  c'est  un  premier  motif,  assez  légi- 
time, de  suspicion,  et  quelquefois  cela  peut  suffire  pour  qu'où  s'iu- 
terdise  d'expérimenter  dans  des  conditions  mauvaises.  Mais,  même 
dans  ces  conditions  mauvaises,  la  fraude  finit  toujours  par  être 
dévoilée.  Il  n'est  vraiment  pas  aussi  difficile  qu'on  le  prétend  de 
démasquer  un  de  ces  fripons.  Je  ne  crois  pas  qu'on  pourra  citer 
d'exemple  d'un  fraudeur  ayant  trompé  pendant  deux  ans,  sans 
avoir  été  pris,  comme  on  dit,  la  main  dans  le  sac. 

1°  L'assistance  ne  doit  pas  être  uombreuse.  Il  ne  faut  que  trois, 
quatre  ou  cinq  personnes,  tout  au  plus.  Même,  s'il  y  a  cinq  personnes, 
il  me  paraît  qu'on  est  déjà  plutôt  trop  nombreux*.  On  peut  faire  de 
très  bonnes  observations  quand  on  est  seul;  car  l'hypothèse  d'une 
hallucination  de  l'observateur  est  stupide.  S'il  y  a  six  personnes 
présentes,  il  se  trouvera  forcément,  sur  ces  six  spectateurs,  des  inat- 
tentifs, des  mauvais  plaisants,  des  maladroits.  Chacun  aura  ses 
exigences,  ses  fantaisies  personnelles,  exigences  et  fantaisies  qui 
vont  troubler  le  décours  des  phénomènes. 

Il  faut  être  absolument  sûr  de  la  bonne  foi  des  personnes  pré- 
sentes. Pkthovo  Solovovo  a  été  trahi  par  un  de  ses  amis.  Donc  on 
ne  peut  pas  faire  assister  à  une  expérience  des  individus  quel- 


FRAUDES    DES    MÉDIUMS  587 

couques  ;  ils  doivent  être  tous  d'une  loyauté  tellement  irrépro- 
chable que  nous  pourrions  l'attester  avec  autant  de  force  que  si 
c'était  la  nôtre. 

Ajoutons  qu'ils  doivent  avoir  une  certaine  compétence.  Il  n'est 
pas  facile  d'observer  bien,  c'est-à-dire  d'observer  tout.  Tenir  la  main 
droite  du  médium  pendant  une  heure,  en  étant  assuré  qu'on  n'a  pas 
quitté  cette  main  droite,  même  pendant  une  seconde,  ce  n'est  pas 
très  aisé,  surtout  si  cette  main  droite  s'agite,  se  tortille,  se  démène. 
Les  assistants  doivent  être  choisis  tels  qu'ils  ne  connaîtront  ni  la 
frayeur,  ni  la  fatigue,  ni  l'inattention  (ce  qui  est  bien  rare),  et  qu'ils 
laisseront,  sans  prétendre  à  aucune  direction,  l'expérimentateur 
conduire  à  son  gré  l'expérimentation. 

2°  Les  photographies,  les  empreintes  sur  des  papiers  enfumés,  sur 
l'argile,  sur  le  plâtre,  sur  la  paraffine  n'ont  aucune  valeur  eu  soi. 
Tout  dépend  des  conditions  de  l'expérience.  Il  existe  des  photogra- 
phies si  habilement  truquées,  que  vainement  on  me  montrerait  d'ad- 
mirables photographies  de  fantômes,  je  n'en  conclurai  absolument 
rien,  tant  que  les  détails  ne  m'auront  pas  été  donnés  avec  assez  de 
précision  pour  que  toute  supercherie  soit  impossible. 

Si  les  conditions  expérimentales  sont  mauvaises,  les  photogra- 
phies, même  splendides,  sont  inopérantes,  et  je  ne  tiens  nullement 
à  les  voir.  Mais,  si  les  conditions  sont  irréprochables,  des  photo- 
graphies, même  médiocres,  ont  une  valeur  décisive.  Elles  peuvent 
faire  apercevoir  des  détails  qui  à  une  vue  rapide  auraient  échappé. 
Si  elles  sont  stéréoscopiques,  c'est-à-dire  plus  instructives  que  des 
photographies  sans  relief,  elles  donnent  la  distance,  indiquent  le 
relief.  Après  les  admirables  photographies  de  Sghrenck-Notzing,  de 
Mad.  Bisson,  et  de  G.  de  Fontenay,  il  n'est  plus  permis  d'étudier 
une  matérialisation  sans  le  secours  d'un  ou  deux  appareils  photo- 
graphiques. Mais  il  faudra  toujours  garder  cette  conviction  pro- 
fonde que  la  photographie  ne  vaudra  que  ce  que  vaudront  les  dispo- 
sitifs de  l'expérience. 

3°  L'expérience  ne  doit  pas  être  faite  dans  un  local  trop  vaste; 
plus  la  chambre  est  petite,  plus  les  conditions  d'examen  sont  faciles. 
Tous  les  meubles  sans  exception  doivent  être  scrupuleusement 
fouillés,  retournés,  examinés;  les  portes  doivent  être  fermées  à 
clef,  pour  que  nul  étranger  ne  puisse  s  introduire.  Elimination 


588  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

absolue  de  tout  appareil,  de  tout  objet  apporté  par  le  médium. 
Qu'un  prestidigitateur  montre  sur  une  scène  sa  table,  son  jeu  de 
cartes,  son  fauteuil,  sa  baguette,  alors  il  pourra  faire  tout  ce  qu'il 
voudra.  Mais  qu'on  lui  donne  ma  table,  mon  fauteuil,  et  mon  jeu 
de  cartes,  sans  qu'il  ait  rien  d'autre  a  sa  disposition,  et  sans  qu'il 
puisse  faire  de  substitution,  il  sera  désarmé. 

4°  De  là  la  nécessité  absolue,  rigoureuse,  de  fouiller  le  médium 
scrupuleusement,  de  le  revêtir  même  de  vêtemeuts  qu'on  a  apportés, 
et,  à  partir  de  ce  moment,  de  ne  plus  le  quitter  des  yeux.  Alors  il 
faudra  suivre  ses  moindres  mouvements,  jusqu'au  moment  où  il 
prendra  place  sur  le  fauteuil  ou  dans  la  chaise.  D'abord  il  faudra 
l'attacher  (ou  ne  pas  l'attacher,  s'il  se  refuse  à  être  ligoté).  Alors 
seulement  on  pourra  faire  l'obscurité.  Qu'on  le  laisse  derrière  le 
rideau,  cela  importe  assez  peu,  puisqu'il  n'a  aucun  appareil,  aucun 
masque,  aucun  tissu.  Si  dans  ces  conditions  par  exemple,  une 
forme  enveloppée  d'un  grand  voile  blanc  sort  du  rideau,  comme  il 
est  absolument  impossible  au  médium  de  s'être  procuré  un  voile 
blanc  (car  je  suppose  la  fouille  bien  faite)  j'en  conclurai  en  toute 
certitude  qu'il  y  a  eu  matérialisation  d'un  voile  blanc. 

La  seule  question  alors  est  de  savoir  si  l'on  peut  être  assuré  qu'un 
individu,  médium  ou  non  médium,  a  caché  ou  non,  sur  soi,  un 
grand  voile  blanc.  Il  me  paraît  que  ce  n'est  pas  impossible. 

Si  toutes  ces  conditions  sont  réalisées,  —  et  elles  peuvent  l'être, 
et  elles  l'ont  été,  —  alors  l'expérience  est  valable. 

Mais  dans  quelques  cas  toutes  ces  précautions  ne  sont  pas  indis- 
pensables. 

Si,  par  exemple,  dans  un  local  fermé  à  clé,  antérieurement 
exploré  et  fouillé  à  fond,  une  forme  d'apparence  vivante  se  tient  à 
côté  du  médium  et  marche  près  de  lui,  le  doute  n'est  pas  permis, 
puisque  personne  n'a  pu  s'introduire  dans  la  pièce. 

Mais  il  est  évident  qu'il  faudra  être  sûr  que  ce  n'est  pas  un  man- 
nequin, et  que  le  médium  endormi  n'est  pas  un  mannequin.  Quand 
Crookes  a  vu  chez  lui  Katie  King  à  côté  de  Florence  Cook,  deux 
êtres  vivants  étaient  là. 

Soit,  par  exemple  encore,  quand  je  tiens  dans  mes  deux  mains 
les  deux  mains  d'EusAPiA,  et  quand  je  sens  une  main  me  caresser 
la  figure,  me  tirer  les  cheveux,  me  frapper  sur  l'épaule,  je  suis  sûr 


FRAUDES    DES    MÉDIUMS  580 

que  ce  n'est  pas  la  main  cTEusapia,  car  je  ne  vais  pas  supposer  que 
Fr.  Mvers,  Sir  Oliver  Lodge,  ou  J.  Ochorowicz,  m'aient  fait  cette 
criminelle  plaisanterie. 

Mais  voici  qui  me  paraît  bien  important-  C'est  pourquoi  j'insis- 
terai. 

Si  toutes  les  conditions  que  nous  indiquons  ici  ne  sont  pas  prises, 
ce  n'est  pas  une  raison  pour  ne  pas  expérimenter .  Seulement  il 
faudra  alors,  pour  chaque  cas  spécial,  faire  des  observations 
spéciales,  tout  regarder  de  très  près,  avant  de  conclure. 

Surtout  il  faudra  recommencer,  recommencer  et  recommencer 
encore.  Assister  à  une  séance,  ce  n'est  rien  ;  assister  à  deux,  c'est 
peu  de  chose  encore.  Pour  que  ma  conviction  soit  absolue,  je  ne 
me  contenterais  que  de  cinq  ou  six  séances,  et  encore.  Chaque  fois 
on  apprend  quelque  chose  de  nouveau,  chaque  fois  on  corrige  une 
défectuosité  des  expériences  antécédentes.  Certes,  c'est  long, 
pénible,  difficile,  fastidieux,  mais  la  science  ne  vit  pas  d'observa- 
tions uniques,  elle  a  besoin  d'observations  répétées.  La  première 
fois  on  ne  voit  rien;  la  seconde  fois  on  voit  mal;  la  troisième  fois 
on  voit  passablement  ;  la  quatrième  fois  on  voit  bien. 

Il  est  évident  que,  pour  les  télékinésies,  l'observation  est  plus 
simple.  Point  n'est  besoin  de  tant  de  précautions  pour  s'assurer 
qu'un  objet  est  déplacé  sans  contact.  Il  suffit  d'une  bonne  lumière 
(car  dans  l'obscurité  tout  est  plus  compliqué):  Alors,  en  pleine 
lumière  un  mouvement  d'objet,  s'il  est  net,  se  suffit  à  lui-même. 
Nous  en  avons  donné  d'assez  nombreux  exemples  pour  n'avoir  pas 
besoin  d'y  revenir. 

Mais,  pour  les  matérialisations,  qui,  sauf  exception,  ne  se  pro- 
duisent que  dans  l'obscurité,  il  faut  être  très  exigeant  sur  les  con- 
trôles. 

Quelles  sont,  parmi  les  nombreuses  histoires  qui  nous  ont  été 
racontées,  celles  qu'il  faut  accepter  ? 

Faisons  tout  d'abord  une  distinction,  qui  est  fondamentale, 
entre  les  médiums  professionnels  et  les  non  professionnels,  autre- 
ment dit  les  médiums  qui  donnent  des  séances  payantes  auxquelles 
le  public  peut  assister,  et  les  médiums  non  rétribués. 


590  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

1°  En  premier  lieu,  et  très  évidemment,  sans  qu'il  soit  besoin 
d'insister,  les  séances  payantes,  dans  lesquelles  le  public  est  admis, 
commeàuue  représentation  dethéàtre,  en  payant  sa  place,  nedoivent 
compter  à  aucun  prix.  Quelque  étonnante  que  soit  l'armoire  des 
frères  Davenport,  il  est  bien  certain  que  cette  armoire  n'est  pas 
différente  de  la  caisse  de  métal,  ou  même  de  verre,  dans  laquelle 
Robert  Houdin  place  un  individu  ligoté  par  les  assistants.  On 
recouvre  la  caisse  d'un  tapis,  et,  après  quelques  paroles  destinées 
à  laisser  passer  les  deux  ou  trois  minutes  qui  sont  nécessaires  à 
l'achèvement  du  truc,  on  enlève  le  tapis,  on  ouvre  la  boîte,  l'indi- 
vidu ligoté  n'est  plus  là,  et  on  le  retrouve  parfaitement  libéré  de 
ses  liens  dans  une  autre  boîte  qui  était  vide  tout  à  l'heure.  C'est 
très  joli  comme  tour  de  magie  amusante,  de  même  que  l'armoire 
des  frères  Davenport,  de  même  que  les  divinations  de  pensée  des 
Zanzig,  des  Lully  et  autres  personnages,  mais  ce  n'est  pas  plus 
scientifique  que  la  danse  des  sorcières  dans  le  ballet  de  Faust. 

Maskelyne  et  d'autres  habiles  prestidigitateurs  se  sont  évertués  à 
montrer  sur  une  scène  des  phénomènes  dits  spiritiques.  C'est  facile 
pour  l'opérateur,  et  amusant  pour  le  public.  Par  des  systèmes  de 
glaces,  ingénieusement  disposées,  le  magicien  fait  apparaître  des 
fantômes,  qui  se  précipitent  sur  lui  ;  il  les  perce  de  son  épée,  et  ne 
rencontre  que  le  vide.  L'illusion  des  spectateurs  est  complète.  Mais 
ces  scénarios  ne  ressemblent  en  rien  à  nos  expériences.  Entre  les 
quatre  murs  d'une  petite  chambre,  dûment  explorée,  un  médium 
qu'on  a  déshabillé  et  revêtu  d'un  sarrau  noir  ne  peut  rien  faire  de 
semblable. 

Le  professeur  Grasset  a  écrit  sur  l'occultisme  un  livre  très  riche- 
ment documenté.  Grasset,  encore  qu'il  ne  croie  guère  à  la  méta- 
psychique  tant  objective  que  subjective,  fait  un  admirable  effort 
pour  être  impartial,  et  son  impartialité  est  d'un  heureux  contraste 
avec  le  scepticisme  des  savants  officiels  qui  se  refusent  même  à 
l'examen  des  faits.  Cependant,  en  dépit  de  son  impartialité,  Grasset 
est  certainement  injuste  :  il  omet  les  expériences  de  Gibier,  de 
Home  et  de  Florence  Cook.  Il  croit,  avec  le  vil  vulgaire,  qu'à  la  villa/ 
Carmen  le    cocher  Aresky  s'introduisait  dans  la  pièce;  il  déclare 

1.  L'occultisme  hier  et  aujourd'hui.  Le  merveilleux  préscientifique,  Montpellier, 
Contet,  1908. 


FRAUDES    DES    MÉDIUMS  591 

que  les  expériences  d'EusAru  sont  frauduleuses  presque  toujours, 
sinon  toujours  ;  il  donne  raison  à  Maskelyne  contre  l'archidiacre 
Colley,  encore  que  Maskelyne  ait  perdu  sou  procès  devant  les  tribu- 
naux. Il  est  vrai  que  le  livre  de  Giwsset  (deuxième  édition)  date  de 
1908,  et  que  depuis  quatorze  ans  des  progrès  énormes  ont  été  faits. 
Les  expériences  actuelles  ne  ressemblent  nullement  aux  mises  en 
scène  truquées.  Or,  dans  quelques  cas  récents,  il  me  semble  qu'il 
n'y  a  pas  de  place  pour  la  fraude. 

2°  Les  médiums  professionnels  qui  donnent  des  séances  privées, 
moyennant  rétribution,  dans  des  cercles  plus  ou  moins  abordables 
au  public,  ne  méritent  pas  grande  confiance.  Même  si  le  cercle  est 
très  fermé,  ne  se  composant  que  de  personnes  honorables,  il  est 
possible  que  ces  personnes  honorables  soient  d'une  crédulité  enfan- 
tine. Alors  le  médium  peut  tout  se  permettre.  On  croit  en  lui,  et 
même  on  n'est  admis  que  si  l'on  croit  en  lui.  Aucune  investigation 
n'est  permise,  pour  ne  pas  nuire  à  la  santé  du  médium,  et  à  l'éclat 
des  phénomènes.  Certes,  toutes  ces  séances  intimes,  ce  n'est  pas 
le  néant,  mais  c'est  bien  peu  de  chose,  car  la  démonstration  pré- 
cise fait  défaut.  Tout  au  plus  quand  un  médium  rétribué,  comme 
Mad.  Salmon  avec  P.  Gibier,  donne  une  série  de  séances  devant  un 
tout  petit  nombre  d'expérimentateurs,  dans  un  local  qui  n'est  pas 
son  local,  en  se  soumettant  à  des  investigations  rigoureuses,  peut- 
on,  avec  grande  réserve,  conclure. 

Quand  Miller  est  arrivé  à  Paris,  il  n'a  pas  accepté  les  conditions 
qu'on  lui  imposait  ;  de  même  Bailey  ;  de  même  Anna  Roth. 

Pour  ma  part  je  serais  tenté  de  croire  que  les  grands  médiums 
professionnels  possèdent  de  réels  pouvoirs  médianimiques,  car 
vraiment,  s'ils  étaient  dépourvus  de  tout  pouvoir,  ils  n'auraient  pas 
choisi  cette  singulière  profession.  Le  plus  souvent,  ce  sont  des  gen.s 
du  peuple,  hommes  ou  femmes,  qui  plus  ou  moins  accidentellement 
ont  découvert  en  eux-mêmes  un  certain  pouvoir  étrange,  lequel  les 
surprend  d'abord,  mais  dont  plus  tard  ils  veulent  profiter.  Ils 
prennent  alors  le  métier  de  médium.  Les  sœurs  Fox  n'ont  pas  hésité 
à  le  faire  dès  le  début  de  leurs  étounantes  manifestations. 

Donc  on  aurait  grand  tort  de  négliger  les  médiums  profession- 
nels, rétribués,  sous  prétexte  que  le  métier  de  médium  est  leur 
gagne-pain.  Il  faut  vivre.  Nous  serions  très  injustes  si  nous  repro- 


592  MÉTAPSYCHIQUE   OBJECTIVE 

chions  à  uu  médium  de  ne  pas  nous  donner  pour  rien  sou  temps 
et  sa  santé.  Il  a  droit  nou  seulement  à  des  égards,  mais  à  une  rétribu- 
tion, et  cette  rétribution  n'est  pas  plus  blâmable  que  celle  du  méde- 
cin qui  nous  soigne,  ou  du  violoniste  qui  nous  enseigne  la  musique. 

Les  grands  médiums  professionnels  sont  extrêmement  rares, 
mais  les  individus  doués  de  quelque  pouvoir  médianimique  sont 
assez  nombreux.  Il  se  donne,  sans  cesse,  en  tout  pays,  des  séances 
spiritiques,  tout  à  fait  privées,  et  même  dans  lesquelles  il  est  par- 
fois difficile  d'être  introduit.  Là  il  y  a  un  individu,  homme  ou  femme, 
doué  de  quelque  pouvoir  et  donnant  à  uu  petit  groupe  d'initiés  des 
séances  régulières. 

On  ne  sait  pas  au  juste  quel  est  le  nombre  de  ces  cercles  spirites  : 
il  en  existe  probablement  beaucoup  plus  qu'on  ne  croit. 

Les  phénomènes  sont  parfois  très  remarquables.  Mais  les  crédu- 
lités des  assistants  sont  si  naïves,  que  le  plus  souvent,  sinon  toujours, 
ces  phénomènes,  n'étant  pas  constatés  avec  une  précision  suffisante, 
sont  perdus  pour  la  science.  Ils  sont  racontés  de-ci  de-là,  inexacte- 
ment, imparfaitement,  sans  les  détails  nécessaires.  On  est  donc 
réduit  pour  les  juger  et  les  apprécier  —  avec  une  rigueur  critique 
qui  doit  être  très  sévère  —  aux  récits  incomplets  qui  sont  publiés. 

Si  l'on  accepte  tout,  que  d'illusions!  Que  de  sottises!  Si  l'on 
n'accepte  rien,  n'est-on  pas  exposé  à  laisser  de  côté  des  faits  essen- 
tiels importants,  utiles  à  l'avancement  de  la  métapsychique? 

Heureusement,  quand  un  médium  est  très  puissant,  bientôt, 
malgré  lui  peut-être,  malgré  son  entourage,  il  sera  parlé  de  lui. 
Une  médiùmnité  éclatante,  éblouissante,  ne  reste  pas  secrète  long- 
temps, et  elle  ne  tarde  pas  à  être  divulguée.  C'est  alors  aux  expé- 
rimentateurs et  aux  savants  qu'il  appartient  de  pousser  la  recherche 
plus  loin.  Si  l'on  peut  faire,  comme  Imoda,  comme  Schrenck-Notzing 
et  Mad.  Bisson,  comme  Grookes  et  Varley,  comme  le  général  Noël  et 
Mad,  Noël,  comme  de  nombreux  observateurs,  A.  de  Rochas,  Lom- 

BROSO,  FlNZI,  MORSELLI,  FOA,  0.  LûDGE,  DARIEX,  MAXWELL,  SCHIAPARELLI, 

Ochorowicz,  Bottazzi,  qui  ont  expérimenté  avec  Eusapia,  comme 
Ochorowj.cz  avec  S.  Tomczyk,  alors  rien  de  mieux. 

Ce  qui  rend  spécialement  difficile  l'histoire  des  matérialisations 
expérimentales,  c'est  que,  de  toutes  les  expériences,  ce  sont  celles 
qui  sollicitent  le  plus  la  fraude,  et  en  même  temps  qui  sont  les  plus 


FRAUDRS    DKS    MÉDIUMS  593 

aptes  à  la  fraude.  Devant  l'idée  qu'elles  ont  alïaire  à  un  fantôme, 
les  personnes  crédules  perdent  leur  sang-froid,  sont  disposées  à 
tout  accepter,  et  s'indignent  des  précautions  qui  sont  prises  pour 
qu'il  n'y  ait  pas  de  supercherie.  Mais  un  pareil  effarement  ne  con- 
vient pas  à  la  science.  Pour  ma  part,  quoique  ayant  vu  maints 
phénomènes  de  matérialisations,  je  déclare  n'avoir  jamais  eu 
aucun  sentiment  de  terreur,  si  minime  qu'il  soit.  Ma  seule  préoc- 
cupation (intense,  d'ailleurs,  et  angoissante,  et  qui  envahissait  toute 
ma  pensée)  fut  toujours  de  n'être  pas  dupe.  Je  ne  pensais  pas  à 
autre  chose.  A.ussi  ai-je  quelque  peine  à  comprendre  l'émotion  des 
assistants  quand  ils  sont  témoins  d'un  beau  phénomène  de  matéria- 
lisation. 

Puisque  le  grand  danger  de  ces  expériences,  c'est  la  fraude,  il 
faut  prendre  toutes  les  précautions  possibles  contre  la  fraude, 
entourer  le  médium  d'une  surveillance  étroite,  rigoureuse,  dont 
rien  ne  nous  détourne,  visiter  avec  un  soin  extrême  tous  ses  vête- 
ments, tous  les  objets  qui  sont  à  sa  portée,  ne  pas  expérimenter 
avec  les  médiums  pris  en  flagrant  délit  de  supercherie,  avoir  des 
appareils  photographiques  qui  puissent  à  un  moment  donné  indi- 
quer exactement  toutes  les  conditions  dans  lesquelles  l'apparition 
s'est  manifestée,  répéter  fréquemment  l'expérience,  ne  pas  se  lasser 
dans  les  contrôles,  avoir  toujours  présente  à  l'esprit  cette  idée 
dominatrice,  obsédante,  que  le  médium  fait  effort  pour  tromper. 

De  fait  la  seule  preuve  objective,  décisive,  c'est  de  pouvoir,  alors 
qu'on  est  absolument  certain  qu'aucuue  personne  étrangère  n'a  pu 
s'introduire  dans  la  salle  des  séances,  voir,  toucher,  surtout  photo- 
graphier simultanément  le  médium  et  la  soi-disant  apparition. 
Rares,  rarissimes,  sont  les  expériences  de  ce  genre.  Donc  il  serait 
désirable  qu'où  en  produisît  quelques-unes  encore  ;  mais,  malheu- 
reusement, la  matérialisation  est  un  phénomène  exceptionnel  que 
bien  peu  de  médiums  sont  en  état  de  présenter  avec  assez  de  net- 
teté et  d'intensité  pour  qu'on  puisse  obtenir  sur  le  même  cliché 
le  médium  et  son  fantôme. 

Toutefois,  même  quand  il  n'est  pas  possible,  pour  des  raisons 
multiples,  d'avoir  cette  confirmation  —  (par  la  photographie)  — 
qui  donne  la  certitude,  on  peut,  ce  semble,  trouver  des  preuves, 
excellentes  encore,  qui  excluent  le  doute. 

Richp.t.  —  Métapsychique.  38 


594  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Et  je  citerai  eutre  autres  celle-ci,  qui  me  paraît,  après  longues 
réflexions,  absolument  décisive. 

A  l'Ile  Ribaud,  avec  Eusal>ia,  surveillée  par  Sir  Oliver  Lodge,Fred. 
Myebs,  et  J.  Ochorowicz,  trois  observateurs  dont  on  ne  pourra  pas 
plus  contester  la  loyauté  que  la  sagacité,  je  tenais  d'une  main  très 
fortement  une  main  d'Eus.\piA,  de  l'autre  main,  très  fortement  aussi, 
l'autre  main  d'EusAPiA.  Alors  j'ai  senti  une  troisième  main  me 
toucher  l'épaule,  la  tète,  la  figure.  L'obscurité  n'était  pas  complète; 
il  y  avait  dans  la  chambre  une  bougie  allumée. 

Et  alors  il  faut  éliminer  plusieurs  hypothèses,  extraordinairement 
absurdes.  D'abord  que  j'ai  été  victime  dune  hallucination  (non,  car 
le  bruit  de  la  tape  que  la  main  de  John  King  me  donnait  sur  l'épaule 
a  été  entendu  par  tous  les  assistants)  ;  ensuite  queMYERS,  ou  Lodge, 
ou  Ochorowicz,  m'ont  fait  la  mauvaise  plaisanterie  de  me  frapper 
à  l'épaule;  enfin  que  j'avais  lâché  une  des  mains  d'EusAPiA(nou,  car 
mes  amis  voyaient  les  mains  d'EusAPiA  tenues  séparément  dans  les 
miennes),  et  je  gardais  mes  deux  mains  écartées  l'une  de  l'autre). 
D'ailleurs  le  même  phénomène  d'une  matérialisation  de  main,  alors 
que  les  deux  mains  d'EusAPiA  étaient  tenues,  et  tenues  séparément  par 
la  même  personne,  a  été  observé  par  Oliver  Lodge,  par  Ochorowicz, 
et  par  Myers. 

Je  citerai  plus  loin  d'autres  cas  de  matérialisation  tout  aussi  pro- 
bants; j'ai  voulu  rapporter  celui-là,  qui  me  paraît  défier  toute  cri- 
tique. 

Les  conditions  dans  lesquelles  se  produisent  les  matérialisations 
sont  intéressantes  à  étudier. 

D'abord,  c'est  l'obscurité.  Pour  une  cause  ou  une  autre,  en  pleine 
lumière,  rien  ne  se  forme,  ou  presque  rien.  Ce  n'est  pas  vrai  de 
Home  qui  donnait  en  pleine  lumière  des  matérialisations  éclatantes. 
Mais,  le  plus  souvent,  il  faut  l'obscurité.  Dans  certains  cas,  avec  une 
lampe  rouge,  comme  celle  qu'on  emploie  pour  le  développement  des 
plaques  photographiques,  on  peutavoirencore  des  matérialisations. 
Même,  quand  les  médiums  sont  très  puissants,  on  peut  prendre  des 
photographies  au  magnésium;  cependant  en  général  l'obscurité  est 
tellement  indispensable,  que  le  médium  a  besoin,  surtout  pour  les 
ébauches  du  début,  d'être  protégé  par  un  rideau.  C'est  seulement 


FRAUDES    DES    MÉDIUMS  595 

derrière  le  rideau,  même  quand  déjà  la  pièce  est  obscure,  que  peu- 
vent se  préparer  les  phénomènes.  Voilà  uue  affirmation  qui  va  faire 
sourire  les  sceptiques.  Cependant,  pour  dire  vrai,  qu'importe  l'obs- 
curité ?  Est-ce  que  l'obscurité  va  créer  une  figure  vivante  et  pro- 
duire un  voile  blanc? 

Quant  aux  conditions  psychologiques  nécessaires,  on  ne  saurait 
les  indiquer,  car  elles  sont  fugaces,  inconstantes,  irrégulières.  On 
ne  peut  jamais,  avant  que  la  séance  commence,  savoir  si  le 
médium  est  bien  ou  mal  disposé.  Même  en  opérant  dans  les  mêmes 
conditions  que  la  veille,  où  le  résultat  avait  été  excellent,  parfois  on 
aura  un  résultat  nul. 

Ajoutons  qu'un  temps  notable,  parfois  assez  long,  est  nécessaire 
à  la  production  des  phénomènes.  Souvent  il  faut  attendre  une,  ou 
deux,  ou  trois  heures  avant  qu'il  y  ait  une  manifestation  quel- 
conque. Parfois  cependant,  mais  exceptionnellement,  c'est  tout  de 
suite,  immédiatement  après  que  les  rideaux  ont  été  clos,  que  le 
phénomène  apparaît. 

L'objet  matérialisé  a  presque  toujours  une  forme  d'être  humain. 
Autrement  dit,  c'est  un  fantôme  qui  se  forme.  Quelquefois, 
comme  avec  Eusapia,  de  ce  fantôme,  il  n'y  a  que  la  main  ;  quel- 
quefois, avec  Katie  King  et  Marthe  B...  ce  sont  des  individus  tout 
entiers.  Cependant,  quoique  la  présence  d'un  grand  fantôme  soit 
plus  dramatique  que  celle  d'un  moignon  qui  s'ébauche  derrière  un 
rideau,  au  fond  le  phénomène  est  identique.  Une  main  articulée, 
chaude,  souple,  mobile,  résistante,  absolument  et  de  tous  points 
identique  à  une  main  humaine,  ce  n'est  pas  plus  extraordinaire 
qu'une  personne  humaine  qui  regarde,  se  promène,  et  parle.  La 
difficulté  est  la  même.  L'abîme  est  aussi  grand  entre  la  science 
actuelle  et  la  métapsychique,  qu'il  y  ait  derrière  le  rideau  la  grosse 
main  informe  de  John  King,  ou,  devant  le  rideau,  Bien  Boa  qui  sort 
du  plancher. 

Et  je  ne  perdrai  pas  mon  temps  à  énumérer  les  absurdités, 
presque  les  impossibilités,  psycho  physiologiques,  de  ce  phéno- 
mène. Un  être  vivant,  une  matière  vivante  qui  se  forme  sous  nos 
yeux,  qui  a  une  chaleur  propre,  une  circulation  sans  doute,  une 
combustion  physiologique  (comme  je  l'ai  constaté  en  faisant 
respirer  la  forme  de  Bien  Boa  dans  un  flacon  contenant  de  l'eau  de 


590  META.PSYCHIQUK    OBJECTIVE 

baryte),  une  sorte  de  personnalité  psychique,  puisqu'il  a  sa  volonté 
distincte  de  la  volonté  du  médium,  en  un  mot  un  nouvel  être 
humain  apparaissant,  c'est  le  comble  du  merveilleux  ! 

El  pourtant  le  fait  existe.  Les  critiques  qu'on  a  élevées  contre 
les  expériences  de  Grookes,  et  contre  les  miennes,  et  contre  celles 
de  Stainton  Moses,  sont  absolument  inopérantes.  Tout  ce  qu'on 
peut  dire  de  plus  sérieux  contre  ces  expériences,  c'est  que  le  phé- 
nomène est  tellement  rare,  que,  si  dans  ces  cas  exceptionnels  on  a 
cru  le  constater,  c'est  qu'on  a  été  la  dupe  d'une  illusion. 

Mais  je  ne  crois  pas  l'objection  fondée.  Grookes  a  observé  pendant 
longtemps  Katie  King  ;  pendant  vingt-cinq  ans,  Eusapia,  avec  une 
admirable  complaisance,  s'est  prêtée  à  toutes  les  investigations 
scientifiques,  même  les  plus  saugrenues.  Il  y  a  plus  de  trente 
savants,  dont  l'incrédulité  était  très  forte,  qui  ont  été  convaincus 
(après  de  longues  épreuves)  qu'il  y  avait  en  dehors  du  corps 
d'EusAPiA  formation  de  matières  ayant  l'apparence  de  la  vie  (ce 
que  je  décrirai  plus  loin  sous  le  nom  d'ectoplasmes).  Marthe  B... 
non  moins  complaisante  qu'EusAPiA,  a  expérimenté  avec  le  général 
Noël,  avec  G.  Delanne  et  moi  à  Alger/avec  Schrenck-Notzing,  J.  Max- 
well, Mad.  Bisson,  Geley,  le  D1'  Bourbon,  et  bien  d'autres  encore. 
Home,  sans  avoir  jamais  été  pris  en  flagrant  délit  de  supercherie,  a 
donné  pendant  vingt  ans  des  phénomènes  extraordinaires  de  maté- 
rialisations constatés  par  les  plus  illustres  personnages. 

Il  faut  donc  admettre  ou  que  les  phénomènes  sont  vrais,  ou 
qu'ils  sont  dus  à  des  fraudes.  Je  sais  bien  que  les  phénomènes 
sont  extraordinaires,  et  si  monstrueusement  extraordinaires  qu'au 
premier  abord  on  est  tenté  de  regarder  comme  plus  probable 
l'hypothèse  de  la  fraude  énorme,  répétée,  constante.  Mais  est-elle 
possible,  cette  fraude  ?  Je  ne  lecrois  vraiment  pas.  -Quand  je  pense 
aux  précautions  que  nous  avons  tous  prises,  vingt  fois,  cent  fois, 
mille  fois,  il  est  inadmissible  que  nous  ayons  été  tous  vingt  fois, 
cent  fois,  mille  fois  trompés. 

Il  est  vrai  que  certains  savants  disent  :  «  Je  ne  veux  pas  regarder, 
je  ne  veux  pas  étudier  :  car  je  sais  d'avance  que  ce  n'est  pas  possible. 
Donc  a  priori  vous  avez  été  tous  trompés  par  des  imposteurs.  » 

Or  il  y  a  là  deux  propositions  inadmissibles.  D'abord  il  ne  suffit 
pas  de  dire  :  «   Vous  avez  été  trompés  »  :  il   faut  dire  :  «  Voici 


FRAUDES    DES    MÉDIUMS  »97 

comment  vous  avez  été  trompés.  »  Quand  je  tiens  les  deux  mains 
d'EusApiA  et  qu'une  troisième  maiu  me  touche  le  front,  la  tète  et 
l'épaule,  comment  ce  miracle  a-t-il  pu  se  faire  1  Qu'on  me  le  dise, 
et  je  changerai  peut-être  d'opinion.  Jusque-là  je  suis  inébranlahle. 

En  second  lieu,  on  a  tort  de  dire  a  priori  :  «  C'est  impossible  !  » 
Les  connaissances  des  chétifs  humains  sont  assez  incertaines,  assez 
limitées  pour  que  le  mot  impossible  ne  doive  jamais  être  prononcé. 

Je  dis  :  dans  certaines  conditions  exceptionnelles  —  et  je  recon- 
nais que  ces  conditions  sout  prodigieusement  exceptionnelles  — 
il  se  forme  comme  une  main  vivante  qui  a  toutes  les  propriétés 
d'une  main  vivante,  et  qui  semble  appartenir  à  un  être  analogue  à 
un  être  humain  (!!).  Cette  donnée  nouvelle  ne  contredit  absolument 
rien  de  ce  que  lascience  nous  enseigne.  C'est  un  fait  étrange  et  effa- 
rant ;  mais  il  n'y  a  pas  là  de  l'absurde,  il  n'y  a  que  de  l'inhabituel. 

Assurément  il  est  possible  qu'avec  Cuookes,  avec  A.  de  Rochas, 
avec  Aksakofk,  avec  Myers,  avec  William  James,  avec  Schiaparelli, 
avec  ZôllneRj  avec  Fechner,  avec  Oliver  Lodge,  je  me  sois  trompé, 
et  lourdement.  Il  est  possible  que  nous  ayons  été  tous  mystifiés.  Il 
est  possible  qu'un  jour  quelque  expérience  iuattendue  justifiera 
très  simplement  notre  prolongée  mystification. . .  Soit  !  Mais  jusqu'au 
moment  où  on  m'aura  expliqué  comment  nous  avons  tous  été  les 
dupes  d'une  prestigieuse  illusion,  je  prétends  qu'il  faut  admettre 
la  réalité  des  matérialisations. 

Après  tout,  en  réfléchissant,  l'absurdité  ne  paraît  pas  aussi 
grande  qu'où  le  croirait  tout  d'abord.  Quand  je  mets  la  main 
devant  un  miroir,  l'image  de  ma  main  se  reflète  :  réflexion  de 
lumière.  Devant  un  thermomètre,  réflexion  de  chaleur.  Devant  un 
galvanomètre,  réflexion  d'électricité.  Il  est  vrai  que  devant  une 
balance  il  n'y  a  rien.  Mais  est-il  déraisonnable  de  supposer  que 
cette  projection  de  lumière,  de  chaleur,  et  d'électricité  pourrait 
être  accompagnée  d'une  projection  de  force  mécanique  ? 

Car  c'est  bien  à  cela  seul,  en  définitive,  que  se  ramène  le  pro- 
blème. Si  la  main  à  distance  peut  agir  sur  une  balance,  ainsi 
qu'elle  agit  sur  un  thermomètre,  sur  un  galvanomètre,  sur  un 
miroir,  elle  pourra,  à  la  personne  voisine,  donner  une  sensation 
de  coutact.  La  matérialisation  est  une  projection  mécanique.  Or  déjà 
nous  avons  projectiou  de  lumière,  de  chaleur,  et  d'électricité.  Ce 


598  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

n'est  pas  aller  très  loin  que  de  regarder  comme  possible,  outre  ces 
projections  de  chaleur,  de  lumière  et  d'électricité,  une  projection 
de  force  mécanique.  Les  mémorables  démonstrations  d'EiNSTEiN 
viennent  établir  à  quel  point  l'énergie  mécanique  se  rapproche  de 
l'énergie  lumineuse 

Il  faut  avoir  une  âme  scientifique  assez  haute  pour  admettre  que 
l'inhabituel  a  droit  d'exister. 

Bien  des  faits  curieux  ont  été  indiqués  sur  la  genèse  de  ces 
matérialisations,  car  il  ne  faut  pas  supposer  qu'elles  se  produisent 
brusquement  (sinon  dans  certains  cas  rarissimes).  C'est  par  une 
progressive  concentration  de  matière  autour  d'un  noyau  central 
qu'elles  se  forment  ;  de  même  que  les  planètes  se  forment  par 
concentration  d'une  nébuleuse  ;  de  même  que  les  cellules,  par  con- 
centration de  matériaux  protoplasmiques. 

Il  est  probable,  ou  plutôt  il  est  certain,  que  la  genèse  des  maté- 
rialisations varie  suivant  le  médium  et  suivant  des  conditions  que 
nous  connaissons  mal.  Je  vais  essayer  d'en  donner  un  schéma 
analytique,  en  me  référant  aux  matérialisations  données  par 
miss  Goligher,  par  Marthe  Béraud,  et  surtout  par  Eusapia.  dont  j'ai, 
à  diverses  reprises,  pendant  longtemps,  suivi  les  processus. 

C'est  d'abord  une  masse  confuse,  plus  ou  moins  informe,  qui 
même  peut-être  n'est  pas  visible,  mais  pourtant  dont  on  perçoit 
le  contact,  et  qui  semble  capable  d'une  action  mécanique.  Maison 
ne  peut  guère  s'empêcher  de  supposer  que  les  mouvements  de  la 
table  sont  dus  à  cette  force  mécanique,  à  cette  main  à  demi  invi- 
sible qui  fait  gonfler  les  rideaux,  dont  on  sent  la  résistance,  et 
qui  s'obstine  à  rester  dans  l'ombre.  Quand  la  table  est  soulevée 
des  quatre  pieds,  il  y  a  toujours  un  des  pieds  qui  est  dans  l'ombre. 
Ce  sont  ces  formations  diffuses  que  j'appelle  des  ectoplasmes;  car 
elles  semblent  sortir  du  corps  même  cTEusapia  l. 

Cette  observation  —  car  c'est  une  constatation  et  non  une  hypo- 
thèse —  a  été  confirmée  récemment  de  tous  points  par  les  admira- 
bles travaux  de  Crawford. 

Parfois  on  voit  ces  ectoplasmes  s'organiser  peu  à  peu  ;  j'ai  vu  un 

4.  Sir  Oliver  Lodo.e  vient  d'en  donner  une  bien  inhiressante  observation  faite 
anciennement  (Light,  "11  avril  1921). 


ECTOPLASMES  S99 

prolongement  presque  rectiligne  sortir  du  corps  cTEusapia.  et  à  l'ex- 
trémité agir  comme  uue  main  vivante.  De  même,  pour  la  formation 
de  Bikn  Boa,  au  début  les  membres  apparaissaient  grêles,  rigides, 
et  comme  des  tiges  étroites;  mais  peu  à  peu  ils  se  renflaient  pour 
prendre  la  forme  de  membres  plus  ou  moins  épais,  semblables  à 
des  membres  normaux. 

J'ai  pu  aussi,  comme  Gkley,  Schrenck-Notzing,  et  Mad.  Bisson, 
voir  les  premiers  linéaments  des  matérialisations  qui  se  forment. 
C'est  une  sorte  de  gelée  liquide,  pâteuse,  qui  sort  de  la  bouche  de 
Marthk,  ou  de  sa  poitrine,  et  s'organise  peu  à  peu.  acquerrant  les 
formes  d'un  visage  ou  d'un  membre.  J'ai  vu,  dans  de  très  bonnes 
conditions  de  vision,  cette  pâte  fluide  se  répandre  sur  mon  genou, 
et  peu  à  peu  s'organiser  de  manière  à  me  montrer  un  rudiment 
de  radius,  de  cubitus,  de  métacarpe,  dont  je  sentais  la  pressiou 
augmenter  sur  mon  genou. 

Eu  géuéral  les  matérialisations  sont  progressives,  et  commencent 
par  une  ébauche  :  tandis  que  les  formations  complètes-de  formes 
et  de  figures  vraiment  humaines  n'ont  lieu  que  plus  tard. 

Au  début  souvent  ces  formations  sont  très  imparfaites.  Parfois 
elles  n'ont  pas  de  relief,  semblant  être  plutôt  des  images  que  des 
corps,  de  sorte  que,  malgré  soi,  on  est  tenté  de  supposer  une 
fraude,  puisqu'on  a  la  matérialisation  d'une  image  et  non  la  maté- 
rialisation d'un  être.  Mais  dans  certains  cas  la  matérialisation  est 
parfaite.  A  la  villa  Carmen,  j'ai  vu  sous  mes  yeux  sortir  du  plan- 
cher une  forme  bien  organisée.  D'abord  ce  n'était  qu'une  opacité 
blanche,  comme  un  mouchoir  placé  par  terre  devant  le  rideau,  puis 
ce  mouchoir  assez  rapidement  est  devenu  comme  une  tête  d'homme, 
à  ras  du  plancher,  et  quelques  instants  après,  cette  tête  s'élevait 
du  sol  en  droite  ligne,  et  devenait  un  homme  vêtu  d'une  sorte  de 
burnous  blanc,  de  petite  taille,  qui  faisait  en  claudicant  deux  ou 

1.  Je  tiens  ici  à  dissiper  une  absurde  légende  :  je  n'ai  été  nullement  mystifié, 
comme  l'ont  prétendu  quelques  petits  journaux  d'Alger.  Dans  le  mémoire  où 
j'ai  raconté  les  faits,  j'avais  fait  des  réserves  formelles,  exposant  quelques-unes 
des  objections  a§sez  sérieuses  que  je  m'élais  présentées.  Mais  ou  n'a  tenu  compte 
ni  de  mes  affirmations,  ni  de  mes  objections,  de  sorte  que  les  critiques  que  je 
m'étais  adressées  à  moi-même  subsistent.  Tout  de  même  elles  ne  me  parais- 
sent pas  décisives.  Quant  aux  objections  qu'on  m'a  faites,  elles  ne  comptent  pas. 

Et  je  conclurai,  comme  avait  conclu  mon  illustre  maître,  sir  William 
Crookes,  que  je  n'ai  rien  à  rétracter  à  ce  que  j'ai  dit  en  1904,  et  que,  bien  au 
contraire,  les  belles  expériences  laites  ultérieurement  avec  la  même  Marthe,  par 


600  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

trois  pas  devant  le  rideau,  et  qui  alors  tout  d'un  coup  s'est  affaissé 
sur  le  sol  et  a  disparu  comme  s'il  y  avait  une  trappe...  Mais  il  n'y 
avait  pas  de  trappe. 

Et  maintenant  il  faut  conclure,  et,  après  avoir  indiqué  les  con- 
ditions nécessaires  à  une  bonne  expérience,  résoudre  formel- 
lement la  question  troublante,  urgente  : 

Y  a-t-il  une  mélapsy chique  objective  ?  i 

D'assez  fortes  preuves  peuvent  être  invoquées  pour  dire  «  Non! 
il  n'y  a  pas  de  métapsy  chique  objective,  il  ne  se  produit  pas  de  phé- 
nomènes physiques  inconnus  de  la  physique  normale  ». 

Et  voici  les  arguments  qu'on  peut  imaginer  pour  soutenir  cette 
opinion. 

1°  La  démonstration,  disait  déjà  Laplace,  doit  être  d'autant  plus 
rigoureuse  que  le  fait  est  plus  extraordinaire.  Or  ici  les  phéno- 
mènes extraordinaires  disparaissent  à  mesure  que  les  conditions 
deviennent  plus  sévères. 

2°  Plus  les  possibilités  de  fraude  augmentent  (mains  libérées, 
obscurité,  absence  d'examen),  plus  les  phénomènes  physiques 
s'intensifient. 

3°  Tous  les  médiums  ont  trompé  (même  peut-être  Home).  En  tout 
cas,  si  tous  n'ont  pas  trompé  consciemment,  ils  ont  trompé  tout  de 
même,  par  suite  de  leur  inconscience  pendant  la  trance.  Donc 
toutes  les  fraudes  sont  toujours  admissibles. 

4°  Les  prestidigitateurs,  même  de  moyenne  habileté,  produisent 

Mad.  Bisson,  Schrenck-Notzing  et  Geley,  apportent  une  éclatante  confirmation  à 
nos  expériences  de  la  villa  Carmen. 

Quant  à  Eusapiv,  qu'on  a  bien  souvent  soupçonnée  de  fraude,  on  n'a  jamais  pu 
rien  prouver.  Au  contraire.  Après  qu'on  eut  fait  quelques  expériences  à  Cam- 
bridge, qui  étaient  douteuses,  j'ai  prié  Fr.  Mvers  de  revenir  la  voir.  Il  est 
arrivé  chez  moi,  et  il  y  eut  alors  une  séance  mémorable,  où  les  phénomènes 
produits  étaient  si  nets  que  j'ai  solennellement  adjuré  Myers  de  déclarer  qu'il 
n'y  avait  pas  supercherie,  et  que  le  mouvement  des  objets  à  distance,  sans  con- 
tact, était  authentique  et  incontestable.  Mes  regrettés  amis,  les  professeurs  Boi- 
rac  et  Flournoy,  tous  deux  savants  très  avertis,  assistaient  à  celte  séance,  et 
ils  ont  acquis  la  certitude  des  mouvements  sans  contact,  c'est-à-dire  d'une 
matérialisation,  puisque,  selon  toute  vraisemblance,  les  raps  et  les  mouvements 
d'objets  sont  dus  à  des  matérialisations  commençantes  et  encore  invisibles. 

1.  Voir  la  remarquable  étude  de  Petrovo  Solovovo,  Les  phénomènes  phy- 
siques du  spiritisme,  quelques  difficultés,  P.  S.  P.  R-,  1911,  413-447,  avec  une 
réponse  d'O.  Lodge.  A  priori  arguments  against  physical  phénomène.  Ibid.,  447. 
4o4.  Mais  il  est  permis  de  penser  que  Petrovo  Solovovo  a  été  fortement 
influencé  par  la  déception  qu'il  a  ressentie  quand  il  fut  prouvé,  dans  ses  expé- 
riences avec  Sambor,  qu'un  de  ses  amis  personnels  l'avait  trompé  ;  ce  qui  est 
désagréable  et  rare.  Dans  la  plupart  des  cas,  il  n'y  a  pas  de  complices. 


ECTOPLASMIES  t>(M 

des  phénomèues  beaucoup  plus  remarquables  que  les  médiums 
les  plus  puissants.  A  moins  d'être  très  versé  dans  la  prestidigita- 
tion, ou  ne  deviue  pas  comment  uu  vulgaire  faiseur  de  tours  nous 
illusionne  complètement. 

Aucune  des  expériences  d'écriture  directe  faites  avec  les  médiums 
n'est  valable,  par  suite  des  multiples  fraudes,  très  faciles,  qui  sont 
journellement  opérées,  et  qui  ont  lourdement  trompé  maintes 
personnes  même  défiantes. 

5°  Il  n'y  a  pas  d'observateurs  capables  de  garder  pendant  deux 
ou  trois  heures  une  faculté  d'attention  et  d'observation  continues. 

6°  Il  faut  éliminer  toutes  les  merveilles  attribuées  aux  sœurs 
Fox,  à  Mad.  d'Espérance,  à  Fl.  Cook,  à  Eglinton,  à  Slade,  à  Bailey, 
à  Eldred,  à  Miller,  à  A.  Rothe,  car  là  les  fraudes  ont  été  évidentes. 
11  ne  reste  donc  que  les  expériences  de  Home,  de  Stainton  Moses,  et 
d'EusAi>iA.  Or,  les  expériences  d'EusAPiA  furent  énergiquement  con- 
testées (à  Cambridge  et  en  Amérique).  Les  faits  rapportés  sur  Home 
ont  été  observés  par  Crookes  seul  ;  et  les  allégations  de  Stainton 
Moses  dérivent  uniquement  de  lui  et  de  M.  et  de  Mad.  Speer,  ses 
amis  intimes,  très  prévenus  en  sa  faveur. 

En  dernière  analyse  il  ne  reste  rien.  Et  cependant  tout  est  si 
étrange  et  invraisemblable  que  des  preuves  multiples,  surabon- 
dantes, seraient  nécessaires.  Or,  à  mesure  que  le  contrôle  progresse 
en  sévérité,  le  phénomène  progresse  en  incertitude. 

Conclusion.  —  En  fait  de  métapsychique  objective,  les  invrai- 
semblables phénomènes  de  télékinésie,  d'ectoplasmie,  d'apports, 
n'ont  jamais  été  encore  prouvés.  Si  quelque  chose  est  démontrée, 
c'est  qu'ils  n'existent  pas. 

Telles  sont  les  objections  qu'on  peut  faire  à  la  métapsychique 
objective.  On  me  rendra  cette  justice  que  je  n'ai  pas  essayé  d'en 
diminuer  l'importance.  Certes,  de  pareils  doutes  ont  cent  fois, 
mille  fois,  traversé  mon  esprit,  et  je  comprends,  mieux  que  tout 
autre,  la  force  de  cette  argumentation.  Pourtant,  très  résolument, 
je  ne  la  crois  pas  fondée,  et  je  suis  convaincu  qu'il  existe  réelle- 
ment des  phénomèues  physiques  métapsychiques. 

Voici  pourquoi  : 

l"°  Les  faits  négatifs  ne  peuvent  rien  établir.  Certains  faits  posi- 


602  MÉTAPSYCHTQUE    OBJECTIVE 

tifs,  s'ils  sont  évidents,  entraînent  la  preuve  formelle.  Quand 
Crookes  voit,  en  pleine  lumière,  un  crayon  se  soulever  et  écrire  ; 
quand  Ochorowicz  voit,  eu  pleine  lumière,  une  chaise  se  rappro- 
cher de  lui  ;  quand  je  tiens  les  deux  mains  d'EusAPiA  et  qu'une  troi- 
sième main  me  caresse  la  figure,  il  n'y  a  plus  de  doute  possible,  et 
la  démonstration  est  valable per  se. 

Je  ne  cite  que  trois  faits  :  il  y  eu  a  des  centaines  d'autres.  On  les 
lira  plus  loin. 

2°  Les  médiums  ne  sont  pas,  sauf  exception,  d'habiles  prestidigi- 
tateurs. Des  mouvements  d'objets  et  des  raps  ont  été  constatés 
dans  des  conditions  irréprochables,  si  nombreuses  et  si  irrépro- 
chables que  Petrovo  Solovovo,  malgré  son  scepticisme,  dit  (p.  415) 
«  un  chercheur  véritablement  impartial  ne  peut  pas  les  rejeter  ». 
Or,  du  moment  qu'il  y  a  télékinésie  et  raps,  il  peut  y  avoir  d'autres 
phénomènes  physiques. 

3°  N'y  eùt-il  que  Home  et  Eusapia,  la  télékinésie  devrait  être 
admise.  Nous  possédons,  grâce  à  ces  deux  médiums  admirables,  un 
tel  ensemble  de  documents,  de  preuves,  d'expériences  rigoureuses, 
répétées  par  les  savants  les  plus  divers,  qu'aucun  doute  ne  prévaut. 
Myers,  Feilding,  Carrington,  qui  en  avaient  d'abord  douté,  les  ont 
ensuite  acceptés  après  un  examen  attentif.  Il  n'y  a  pas,  dans  toute 
la  physique  et  dans  toute  la  physiologie,  de  phénomène  ayant  été 
soumis  à  un  contrôle  plus  répété  et  plus  sévère. 

Et  il  y  a  bien  d'autres  faits  incontestables  de  télékinésie.  Par 
exemple,  pour  rejeter  tout  ce  qu'ont  écrit  M.  et  Mad.  Speer  sur 
Stainton  Moses,  il  faut  supposer  qu'ils  ont  été  non  pas  seulement 
des  illusionnés,  mais  des  imposteurs  :  et  c'est  absurde. 

4°  Il  y  a  eu  des  hallucinations  collectives,  recueillies  avec  un  tel 
soin,  et  si  nombreuses,  et  attestées  avec  tant  de  précision  par  des 
personnes  de  bonne  foi,  qu'il  n'est  pas  possible  de  les  rejeter  plus 
que  les  hallucinations  non  collectives.  Or,  du  moment  qu'il  y  a  une 
hallucination  collective,  il  y  a  objectivation. 

5°  Les  faits  de  matérialisations  expérimentales  (ectoplasmies)  ont 
été  trop  fréquemment,  trop  correctement  observés,  pour  qu'on 
puisse  les  rejeter  tous. 

La  question  est  mal  posée  :  on  dit  :  «  C'est  à  vous  de  faire  la 
preuve  qu'il  y  a  eu  matérialisation  ».  Je  répondrai  :  c<  C'est  à  vous 


ECTOPLASMIES  603 

de  faire  la  preuve  qu'il  y  a  eu  fraude  ».  Il  ne  suffît  pas  dédire  :  «  La 
fraude  était  possible,  doue  il  y  a  eu  fraude  ».  Il  faut  établir  qu'il  y 
a  eu  fraude,  ce  qui  u'est  presque  jamais  établi.  L'omis  probandi 
est  à  votre  charge. 

6°  Il  est  absurde,  parce  que  dans  telle  ou  telle  expérience  tel  ou 
tel  phénomène  physique  est  complètement  incompris,  de  dire  : 
«  Tous  les  phénomènes  physiques  sont  faux  ».  Cicéron  avait  déjà 
dit,  en  prenant  l'exemple  de  l'aimant  qui  attire  le  fer,  sans  qu'on 
puisse  comprendre  par  quel  mécanisme  :  «  Fiat,  neene  fiât  id  quae- 
ritur...  si  ralionem  cur  id  fiât  aff'erre  nequeam,  fieri  omnino 
neges  ».  Faut-il  nier  un  phénomène  parce  qu'on  ne  le  comprend 
pas?  Gela  me  paraît  contraire  à  toute  bonne  méthode  scientifique. 

7°  Parce  qu'il  y  a  dans  la  métapsychique  objective  des  phéno- 
mènes douteux  et  faux,  ce  n'est  pas  une  raison  pour  qu'ils  soient 
tous  à  rejeter.  Il  peut  y  avoir  télékinésie,  sans  qu'il  y  ait  ectoplas- 
mie.  Il  peut  y  avoir  ectoplasmie,  sans  qu'il  y  ait  d'apports.  Nulle 
nécessité  de  considérer  ces  phénomènes  comme  irrévocablement 
liés  l'un  à  l'autre.  L'hésitation  sur  l'un  n'entraîne  aucunement 
l'infirmation  de  l'autre.  Or  les  preuves,  à  mon  sens  suffisantes,  et 
même  surabondantes,  de  la  télékinésie  existent.  Les  faits  d'ecto- 
plasmie  paraissent  démontrés  avec  tout  autant  de  rigueur  (quoiqu'il 
s'agisse  de  phénomènes  plus  dramatiques  et  plus  extraordinaires). 
Au  contraire  les  apports,  les  lévitations,  les  bilocations,  sont  des 
phénomènes  assez  douteux.  L'écriture  directe  (avec  les  ardoises)  est 
produite  presque  toujours  par  l'habile  supercherie  de  prestidigi- 
tateurs. Les  photographies  de  fantômes,  les  moulages  méritent 
encore  une  étude  approfondie. 

Finalement,  en  science  métapsychique,  il  existe  des  phénomènes 
physiques  incontestables. 

A  l'heure  actuelle,  les  nier,  c'est  passer  à  côté  de  phénomènes  fon- 
damentalement nouveaux,  ouvrant  une  voie  féconde  à  l'avenir 
scientifique;  c'est  s'enliser  dans  la  vieille  ornière  en  laquelle  s'est 
si  souvent  complu  une  science  officielle  aveugle. 

Et  alors  une  conclusion  définitive  se  dégage.  Puisque  la  preuve 
de  plusieurs  des  phénomènes  de  la  métapsychique  objective  (mais 
non  de  tous)  n'est  pas  suffisante,  il  faut  reprendre  ab  ovo  toute  l'ex- 
périmentation. Faisons,  comme  notre  grand  Descartes,  table  rase 


604  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

-de  tout  ce  qui  a  été  dit  et  écrit  jusqu'ici.  Les  télékinésies  et  les 
ectoplasmies  sout  certaines  ;  mais  leur  mécanisme  est  encore  pro- 
digieusement mystérieux  :  par  conséquent  expérimentons,  expéri- 
mentons encore.  Nous  serons  certainement  récompensés  de  ce  dur 
labeur. 

Un  des  phénomènes  les  plus  caractéristiques,  celui  qui,  lorsqu'il 
peut  être  bien  analysé  par  un  observateur  ayant  gardé  tout  son 
sang-froid,  entraîne  la  conviction  absolue,  c  est  celui  de  la  main 
du  fantôme  qui  fond  dans  la  main  (de  l'observateur;  qui  la 
tient1. 

Damiani,  tenant  les  mains  d'EusAPiA,  a  senti  les  mains  (fluidiques) 
de  John  fondre  et  se  dissoudre 2. 

«  Une  fois,  dit  Crookes,  j'ai  retenu  une  des  mains  de  Katie  dans 
la  mienne,  bien  résolu  à  ne  pas  la  laisser  échapper.  Aucune  tenta- 
tive, aucun  effort  ne  fut  fait  pour  me  faire  lâcher  prise,  mais  peu  à 
peu  cette  main  sembla  se  résoudre  eu  vapeur,  et  ce  fut  ainsi  qu'elle 
se  dégagea  de  mon  étreinte ::.  »     ' 

Pour  ma  part,  je  n'ai  malheureusement  pas  pu  constater  cet 
admirable  et  décisif  phénomène.  Avec  Marthe  Béuaud  comme  avec 
Eusapia,  j'ai  maintes  fois  taché  de  l'obtenir.  C'a  toujours  été  en 
vain.  Mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  nier  le  fait,  établi  par 
W.  Crookes,  Damiani  et  d'autres. 

Morselli,  expérimentant  avec  Eusapia,  dit  :  «  Si  on  saisit  les 
mains  (fluidiques)  on  en  sent  la  peau,  la  tiédeur,  les  doigts  mobiles, 
et  on  éprouve  l'impression  de  mains  qui  se  fondent.  » 

Venzano  (avec  Eusapia  aussi),  dit  qu'il  s'agit  de  membres  tout  à 
fait  analogues  aux  membres  humains,  mais  qui  s'évanouissent  sous 
l'étreinte  sans  laisser  de  traces. 

F.  Bottazzi,  le  savant  physiologiste  dont  le  témoignage  est  celui 
d'un  observateur  habitué  aux  analyses  les  plus  délicates  de  toutes 
les  conditions  expérimentales,  dit  qu'une  main  (d'EusAPiA)  s'est 


1.  Voir  à  ce  sujet  un  chapitre  intéressant  du  livre  de  G.  Delanne,  les  Mains 
fantomales  qui  fondent,  II,  695. 

2.  Delanne,  Apparitions  matérialisées,  11,  163. 
'.'■>.  Delanne,  Ibid.,  167. 


DEMATERIAUSATIONS  60b 

entre  ses  mains,  à  lui,  Bottazzi,  fondue,  dissoute,  matérialisée.  Un 
peu  plus  tard,  une  autre  main,  posée  sur  sa  tète,  s'est  défaite,  s'est 
évanouie  sous  son  étreinte.  Avec  Eusapia  encore,  M.  Barzini,  le  très 
distingué  journaliste  du  Carrière  délia  Sera,  dit  :  «  Ses  mains  ne 
m'ont  pas  échappé,  elles  se  sont  pour  ainsi  dire  fondues.  Elles  m'ont 
manqué  entre  les  doigts,  comme  par  un  dégonflement.  On  dirait 
des  mains  qui  se  ramollissent  et  s'évanouissent.  »  M.  Falcomer, 
observant  un  médium  nommé  Rostagno,  a  saisi  une  main  fluidique 
qui  se  dégonfla.  Dans  une  expérience  que  Crookes  faisait  avec  Flo- 
rence Cook,  M.  Tapp  saisit  le  poignet  de  Katie.  «  Son  poignet,  dit-il, 
céda  sous  ma  pression  comme  un  morceau  de  carton  mince  ou  de 
papier,  et  même  mes  doigts  se  rencontrèrent  à  travers  son  bras  qui 
fondait  en  fluide.  » 

Dans  une  séance  que  raconte  A.  de  Rochas1,  on  faisait  la  chaîne 
autour  du  médium,  F...  Montorgueil,  prenant  une  main  qui  lui 
frottait  la  figure  avec  un  chiffon,  saisit  cette  main,  et  demanda  la 
lumière.  La  main  saisie  fondit  dans  celle  de  Montorgueil,  et  tous, 
dit  A.  de  Rochas,  nous  crûmes  voir  une  traînée  lumineuse,  qui  en 
partait  pour  rentrer  dans  le  corps  de  F...  Si  l'on  était  rigoureuse- 
ment sûr  de  l'observation  de  M.  Montorgueil,  ce  serait  une  preuve 
de  premier  ordre. 

Ces  phénomènes  sont  bien  remarquables,  non  seulement  au  point 
de  vue  de  la  théorie  même  des  ectoplasmies,  mais  encore  parce 
qu'ils  fournissent  une  preuve  irréfutable  de  la  réalité  des  ecto- 
plasmies. Une  main  vivante,  qui  fond  dans  la  main  qui  la  tient, 
voilà  ce  que  nulle  prestidigitation  ne  peut  donner.  J'ai  vu  fondre 
sous  mes  yeux  la  forme  de  Bien-Boa  qui  s'enfonçait  dans  le  plan- 
cher, mais  une  sensation  visuelle  est  loin  d'avoir  la  précision  d'une 
sensation  tactile. 

Bien  d'autres  observateurs  ont  vu  des  dématérialisations  ;  la  plus 
célèbre,  et  la  mieux  constatée,  est  encore  (et  toujours)  celle  de 
Katie  King. 

M.  Oxley,  expérimentant  avec  une  médium  nommée Mad.  Fihmin, 
aurait  vu  l'apparition  d'un  fantôme  matérialisé  (Bettie)  qui  sembla 
se  fondre.  D'abord  les  pieds,  puis  peu  à  peu  le  corps  et  la  tète  dis- 

1.  Les  mai?is  fluidiqiies,  A.  S.  P.,  1908,  XVIII,  280. 


606  MÉTAPSYCHTQUE    OBJECTIVE 

parurent,  ne  laissant  qu'une  petite  tache  blauche  qui  s'évanouit 
bientôt1. 

Dans  une  série  d'expériences  remarquables,  le  D'  P.  Gibier  a  vu 
la  forme  de  Lucie,  qui  s'était  sous  ses  yeux  graduellement  consti- 
tuée, s'écrouler  à  ses  pieds  comme  un  château  de  cartes  :  (c'est  exac- 
tement ainsi  que  sous  mes  yeux  Bien-Boa  a  disparu).  «  Lucie  dispa- 
raît progressivement,  en  deux  secondes,  au  plus,  comme  elle  était 
venue,  mais  cette  fois  à  environ  50  centimètres  des  rideaux,  auprès 
desquels  je  me  tiens  debout,  et  qui  restent  immobiles...  Au  moment 
où  le  dernier  point  blanc,  vestige  de  cette  forme,  va  s'efïacer  sur  le 
tapis  qui  recouvre  le  parquet,  je  me  baisse  pour  mettre  la  main 
dessus  ;  mais  je  n'en  puis  sentir  aucune  trace  :  il  n'y  a  plus  rien.  » 

Il  est  insensé  de  supposer  une  hallucination.  Alors  la  seule  expli- 
cation, non  métapsychique,  possible,  c'est  qu'il  s'agissait  d'une 
image  réfléchie  par  un  miroir.  Mais  cette  hypothèse  est  absurde, 
car  cette  forme  de  Lucie  respirait,  parlait  :  même  elle  faisait  tou- 
cher aux  assistants  (P.  Gibier  et  le  Dr  L..)  le  voile  léger  qui  s'était 
formé  comme  un  nuage  autour  de  sa  forme. 

Les  fantômes  qui  se  sont  matérialisés  disparaissent  donc  exacte- 
ment comme  les  fantômes  uniquement  subjectifs,  qui  se  manifes- 
tent si  souvent  par  des  monitioas  de  mort.  Sont-ils  constitués  par 
des  substances  analogues?  Si  tant  est  qu'on  puisse  ici  parler  de 
substances,  pour  des  éléments  disparaissant  sans  laisser  de  trace 
matérielle. 

Tout  de  même  la  différence  fondamentale  (non  constante  d'ail- 
leurs) entre  lesectoplasmies  accidentelles,  et  les  ectoplasmies  expé- 
rimentales, c'est  que  dans  ces  dernières,  il  y  a  de  la  vraie  matière 
qui  paraît  formée,  exerçant  sur  les  choses  une  action  mécanique, 
tandis  que  daus  les  ectoplasmies  accidentelles  (monitions  de  mort), 
il  semble  qu'il  n'y  ait,  au  moins  dans  l'immense  majorité  des  cas, 
qu'une  image,  un  reflet,  une  ombre,  dans  le  sens  populaire  du  mot. 
Mais  les  matérialisations  expérimentales  ne  sont  pas  du  tout  des 
ombres. 

Ou  s'est  demandé  comment  il  peut  y  avoir  des  matérialisations 
de  vêtements.  Mais  ce  scrupule  témoigne  de  quelque  naïveté.  Car  la 

1.  Delannr,  hoc.  cit.,  II,  268. 


DÉMATÉRIALISATIONS  607 

matérialisation  d'une  main  n'est  ni  plus  facile,  ni  plus  difficile  à 
comprendre,  que  celle  du  gant  qui  la  recouvre. 

Ainsi  la  matérialisation  ne  porte  pas  seulement  sur  le  corp9 
humain,  mais  encore  sur  des  objets  inanimés.  Il  y  a  formation 
non  seulemeut  d'un  corps  humain,  mais  encore  de  vêtements 
ou  d'objets  divers.  Eu  général,  les  vêtements  sont  des  voiles, 
des  draperies  (le  plus  souvent  blanches),  des  mousselines 
légères,  qui  se  produisent  par  la  graduelle  transformation  du 
nuage  blanchâtre,  plus  ou  moins  luminescent,  qui  marque  le 
début  de  l'apparition.  Les  belles  expériences  de  Mad.  Bisson  et 
de  ScuRENCK-NoTziNGnous  donnent  de  précieux  renseignements  sur 
cette  formation  ectoplasmique  :  il  y  a  là  comme  une  embryo- 
génie des  fantômes. 

Il  semble  bien  que  cette  matérialisation  de  vêtements  infirme 
quelque  peu  l'hypothèse  d'un  être  humain  défunt  qui  se  matéria- 
lise. Déjà  il  était  bien  invraisemblable  qu'il  y  eût  reconstruction 
totale  d'un  corps  qui  est  maintenant  dissous  par  la  putréfaction  ou 
désagrégé  par  l'incinération.  Encore  à  l'extrême  rigueur  pourrait-on 
faire  l'hypothèse  folle  d'un  corps  astral  (!)  Mais  que  les  vêtements, 
le  chapeau,  le  lorgnon,  la  canne  d'un  défunt  aient,  eux  aussi,  un 
corps  astral  !  voilà  un  comble  de  folie.  Il  me  paraît  plus  simple  et 
plus  sage  de  constater  sans  comprendre,  et  de  reconnaître  que  toute 
explication  est  condamnée  au  ridicule. 

Au  lieu  de  prétendre  que  des  forces  inconnues,  appartenant  à 
l'humanité  posthume,  sont  capables  de  ces  productions,  il  vaut 
mieux  reconnaître  qu'il  s'agit  là  de  faits  inexplicables  attendant 
quelque  explication  ultérieure  l.  Mais,  parce  qu'un  fait  est 
inexplicable,  ce  n'est  nullement  une  raison  pour  le  nier.  Est-ce  que 
nous  pourrions  avoir  l'inexcusable  présomption  de  donner  une 
explication  adéquate  à  tous  les  phénomènes  de  la  nature?  A  chaque 
instant,  en  métapsychique,  on  se  heurte  à  l'inexplicable.  Mais  n'en 
est-il  pas  de  même  en  physique,  en  chimie,  en  physiologie?  Pour- 
quoi alors  vouloir  toujours  présenter  une  théorie  qui  d'avance  est 
condamnée  à  l'absurde?  Il  faut  attendre  que  de  nouveaux  faits, 

1.  L'humanité,  dans  son  enfance,  croyait  que  les  éclipses  de  lune  étaient  dues 
à  un  dragon  qui  la  dévorait.  Notre  conception  d'êtres  surnaturels  qui  produisent 
les  matérialisations  n'est  pas  beaucoup  plus  raisonnable. 


608  META  PSYCHIQUE    OBJECTIVE 

bien  observés,  nous  permettent  d'adopter  quelque  interprétation 
nouvelle,  sans  cloute  imprévue. 

Pour  ce  qui  est  de  la  substance  des  matérialisations,  nous  sommes 
dans  une  ignorance  effroyable,  douloureuse.  Certains  faits,  trop 
rares  d'ailleurs  pour  autoriser  une  conclusion  définitive,  permet- 
tent de  supposer  que  cette  substance  des  matérialisations,  vapo- 
reuse, humide,  gélatineuse,  peut  survivre  à  la  matérialisation. 
Katie  a  donné  une  mèche  de  ses  cheveux  à  Crookes.  J'ai  gardé  les 
cheveux  que  Phygia  m'a  permis  de  couper  sur  sa  tête,  exactement 
comme  Katie  l'avait  permis  à  Crookes.  Mad.  d'Espérance  a  laissé  aux 
assistauts  couper  des  morceaux  de  la  draperie  dont  elle  était  envi- 
ronnée. 

Tout  aussi  obscure  est  la  question  des  apports.  Ou  bien  il  y  a  un 
passage  de  la  matière  à  travers  la  matière,  ou  bien  il  y  a  eu  créa- 
tion de  matière  :  deux  affirmations  à  peu  près  aussi  extraordi- 
naires l'une  que  l'autre. 

Comme  passage  de  la  matière  à  travers  la  matière,  l'expérience 
la  plus  saisissante  est  celle  de  P.  Gibier,  qui,  ayant  enfermé 
Mad.  Salmon  dans  une  cage  construite  par  lui,  l'a  vue  sortir  de  la 
cage.  On  pourrait  citer  encore  çà  et  là  diverses  expériences  rappor- 
tées dans  les  journaux  spirites  comme  dans  le  livre  de  Mad.  Fron- 
doni  Lacombe.  Elles  sont  bien  douteuses.  Possibles,  certes,  mais 
non  prouvées  jusqu'à  présent,  malgré  les  récits  de  Staintun 
Moses. 

Même  incertitude,  plus  forte  encore  peut-être,  pour  les  apports. 
Il  n'y  a  pas  à  l'heure  actuelle  un  seul  apport  dont  la  réalité  ait  été 
établie.  Au  contraire  on  trouve  le  plus  souveut,  quand  on  analyse 
un  peu  sévèrement  le  récit  des  expériences,  qu'il  y  a  eu  fraude, 
comme  avec  Bailey,  comme  avec  Anna  Roth. 

Je  ne  nie  pas  les  apports.  Il  faudrait  être  d'une  témérité  inexcu- 
sable pour  nier  quelque  chose  en  métapsychisme  :  je  dis  seulement 
qu'on  n'a  pas  pu  les  démontrer  encore. 

La  matérialisation  des  mains  est  absolument  certaine.  De  même 
celle  des  figures  et  des  corps,  quoique  on  ait  vu  beaucoup  plus 
souvent  des   mains   matérialisées   que  des  corps    entiers.    Mais 


APPORTS  609 

quant  au  passage  de  la  matière  à  travers  la  matière,  et  aux 
apports,  nulle  preuve  satisfaisante  n'a  été  apportée,  et  il  me  parait 
sage  de  réserver  aujourd'hui  son  jugement. 

Ce  qui  paraît  prouvé  —  et  on  est  heureux  d'avoir  eufin  un  fait 
positif  parmi  tant  d'incertitudes  —  c'est  que  le  plus  souvent  c'est 
du  corps  du  médium  que  sortent  les  ectoplasmes;  ce  qui  justifie 
expressément  ce  néologisme.  Les  expériences  de  Mad.  Bisson  et  de 
ScuRENCK-NoTziNGétahlisseut  ce  fait  important.  Des  expansions  géla- 
tineuses sortent  de  la  bouche,  des  épaules  de  Marthe.  J'ai  vu  s'or- 
ganiser  pour  ainsi  dire  le  bras  de  Bien-Boa.  C'était  d'abord  comme 
une  tige  rigide  et  mince,  recouverte  d'une  draperie.  Mais  peu  à 
peu  sous  la  draperie  la  tige  s'épaississait,  devenait  un  bras  tendu, 
Avec  Eusapia  le  phénomène  de  î'ectoplasmie  simple  a  été  très  net 
aussi.  De  son  corps  semblait  sortir  un  prolongement,  une  sorte  de 
bras  surnuméraire.  Une  fois,  j'ai  vu  une  tige  rigide,  longue,  sortir 
de  son  flanc,  qui.  après  s'être  allongée  démesurément,  portait  une 
main  à  son  extrémité,  une  main  vivante,  chaude,  articulée,  abso- 
lument identique  à  une  main  humaine. 

Avec  les  autres  médiums  les  formations  ectoplasmiques  se  fai- 
saient sans  doute  à  peu  près  de  même. 

Russell  Wallace1,  expérimentant  avec  le  Dr  Monck,  voit  une 
légère  vapeur  blanchâtre  apparaître  au  côté  gauche  de  l'habit  de 
Monck.  La  densité  augmenta.  C'étaient  comme  des  flocons  blancs 
qui  s'agitaient  dans  l'air,  et  qui  s'étendaient  du  plancher  jusqu'à  la 
hauteur  de  son  épaule.  Puis  ce  nuage  se  sépara  du  corps  du 
médium,  assez  pour  prendre  l'apparence  d'une  femme  habillée  de 
draperies  blanches,  flottantes.  Enfin  le  tout  rentra  dans  le  corps  du 
médium... 

Avec  Eglinton,  observé  par  M.  Mitchiner,  une  vapeur  blanche 
sortit  de  son  flanc,  entoura  ses  pieds  d'une  gaine,  puis  peu  à  peu  se 
forma  en  une  colonne  qui  prit  l'aspect  d'un  corps  humain,  un  grand 
et  bel  homme,  vêtu  de  blanc,  portant  une  barbe  noire.  Pendant  tout 
ce  temps,  Eglinton  était  complètement  visible.  Une  sorte  de  cordon 
ombilico-astral  le  rattachait  à  la  forme  nuageuse.  Au  bout  de  quelque 
temps,  Eglinton  étant  assis,  la  forme  parut  se  fondre  dans  son  corps 

i.  Delanne,  Loc.  cit..  644. 

Richet.  —  MOtapsycbique.  3'J 


610  MÉTAI'SYCHIQUE    OBJECTIVE 

et,  s'unir  à  lui  à  la  hauteur  de  la  poitriue.  A.  de  Rochas  a  vu.  expé- 
rimentant avec  Mad.  d'Espérance,  une  vapeur  lumineuse  (quelque 
chose  comme  une  voie  lactée)  sortir  de  sa  poitriue. 

Il  n'est  pas  nécessaire  que  le  processus  des  matérialisations  soit 
toujours  le  même.  Peut-être  existe-t-il  des  degrés  de  puissance  dif- 
férents chez  les  médiums.  Avec  ceux  qui  sont  exceptionnellement 
forts,  comme  Home  et  Florence  Gook,  la  formation  est  rapide,  com- 
plète, et,  dès  l'origine,  l'ectoplasme  est  indépendant  du  médium. 
Avec  des  médiums,  très  puissants  aussi,  comme  Eglinton,  Mad.  d'Es- 
pérance, Marthe  Béraud,  l'indépendance  de  l'ectoplasme  n'est  pas 
tout  de  suite  obtenue,  et  le  fantôme  n'a  qu'une  réalité  très  passa- 
gère. Avec  Eqsapia,  avec  Stainton  Moses,  les  formes  sont  beaucoup 
plus  vagues  :  il  est  rare  qu'on  puisse  voir  une  apparition  indépen- 
dante, séparée  longtemps  du  médium  et  gardant  son  autonomie. 

On  peut  provisoirement  admettre  la  progression  suivante  des  phé- 
nomènes de  matérialisation,  tels  qu'ils  se  présentent  chez  Eusapia. 
C'est  d'abord,  très  fréquemment,  et  très  facilement,  des  attouche- 
ments et  des  raps  ;  première  période,t  pendant  laquelle  il  n'y  a  vrai- 
semblablement rien  de  visible,  car  la  force  matérielle  qui  se  dégage 
du  corps  d'EusAPiA  est  informe.  A  la  seconde  période,  la  main  est  déjà 
formée,  mais  ne  se  laisse  pas  voir  encore.  Cependant  cette  main 
peut  exécuter  des  actions  mécaniques,  bien  nettes,  prendre  une 
sonnette,  un  livre,  toucher  la  tête  avec  des  doigts  qu'où  sent  chauds 
et  articulés.  Enfin,  dans  la  troisième  période,  à  laquelle  assez  rare- 
ment, d'après  mes  propres  expériences,  arrive  Eusapia,  cette  main 
est  visible,  photographiable.  A  une  quatrième  période,  plus  rare 
encore,  il  y  a  non  seulement  la  main,  mais  encore  tout  un  corps  qui 
s'est  ectoplasmisé.  Vassallo,  Porro,  Morselli  et  Bottazzi  ont  pu  voir 
ces  matérialisations  complètes. 

Les  phénomènes  lumineux  sont  relativement  fréquents.  Certes, 
je  n'ignore  pas  qu'ils  prêtent  à  la  simulation,  au  moins  quand  ils 
se  présentent  sous  la  forme  de  feux  follets,  qui,  comme  des 
lucioles,  apparaissent  devant  les  assistants,  pour  faire  quelques 
voltes  et  disparaître.  Je  sais  qu'on  peut  imiter  le  phénomène  avec 
de  petites  projections  phosphorôes,  mais  après  la  production  de 


PHÉNOMÈNES    LUMINEUX  6H 

ces  lumières  on  n'a  jamais  pu  sentir  d'odeur  phosphorée,  et 
d'ailleurs  ce  n'est  pas  une  supcrpherie  facile  quand,  les  mains  dif 
médium  sout  tenues,  comme  dans  le  cas  4 'ErsApiA,  et  lorsqu'elle 
continue  à  parler,  ce  qui  exclut  l'hypothèse  (qu'on  a  osé  soutenir) 
qu'elle  tenait  dans  sa  bouche  de  petites  particules  4e  phos- 
phore (??)  De  fait  cet  emploi  du  phosphore  est  impossible  quand, 
le  médium  a  été  fouillé,  déshabillé,  quand  on  lui  tient  les  mains,  ej; 
quand  il  n'a,  comme  Eusapia  dans  l'île  Ribaud,  aucun  phosphore 
à  sa  disposition.  A  diverses  reprises  (mais  pas  très  souvent), 
Qcrçpapwicz  et  moi  nous  avons  vu  de  petites  lueurs  vertes,  ressem- 
blant à  des  yeux,  de  forme  oblique,  flotter  et  se  balancer  dans  l'air. 
A  Paris,  à  Milan,  à  Rome,  à  Montfort-l'Amaury,  d'autres  obser- 
vateurs out  constaté  le  même  phénomène. 

Je  l'ai  constaté  récemment  à  Varsovie  sur  divers  médiums  dans 
des  conditions  irréprochables. 

Presque  tous  les  grands  médiums  ont  produit  des  phénomènes 
lumineux,  Eglinton,  Mad.  d'Espérance,  Florence  Cook. 

Voici  comment  M.  Livermore,  expérimentant  avec  Kate  Fox 
(d'ailleurs  assez  suspecte),  décrit  le  phénomène 1 

«  Une  lumière  sphérique,  oblongue,  s'élève  du  plancher  jusqu'à 
nos  fronts,  et  se  pose  sur  la  table  devant  nous.  A  un  moment  sur 
ma  demande  la  lumière  devient  si  brillante,  qu'elle  éclairait  toute 
une  partie  de  la  chambre...  Nous  vîmes  eu  perfection  la  forme 
entière  d'une  femme  tenant  la  lumière  dans  sa  main  étendue.  » 
Livermore  ne  dit  pas  si  à  ce  moment  Kate  Fox  était  visible. 

Avec  Home   les    phénomènes  lumineux   ont   été  fréquemment 

1.  Ici  s'est  produit  un  fait  bien  singulier  de  cryptesthésie  que  je  dois  signaler. 
J'avais  interrompu  mon  manuscrit  au  mot  phénomène,  le  lundi  9  février,  à 
1G  heures  30.  Alors,  laissant  le  papier  sur  ma  table  de  travail,  je  sortis  pour  faire 
une  expérience  avec  Stella,  qui  n*est  jamais  venue  chez  moi.  Elle  savait  très 
vaguement  que  je  m'occupais  d'un  traité  de  métapsychique,  mais,  bien  entendu, 
elle  n'en  avait  jamais  lu  une  ligne.  Ce  jour-là  je  l'interrogeai  par  la  planchette 
pour  obtenir  quelque  renseignement  sur  un  testament  égaré  (le  résultat  a  d'ail- 
leurs été  absolument  nul).  Au  lieu  d'avoir  une  réponse  relative  à  ce  testament, 
j'ai  eu  immédiatement  la  phrase  suivante,  qui  s'applique  curieusement  à  la  phrase 
que  je  venais  d'écrire  chez  moi  :  «  Helios  je  fais  par  le  rayonnement  ». 

Encore  qu'il  puisse  s'agir  d'une  coïncidence  (mais  je  ne  crois  pas  à  une  coïnci- 
dence), c'est  un  fait  intéressant  à  noter.  Je  n'avais  pas  les  mains  à  la  table,  et 
le  mot  Helios  m'a  surpris  extrêmement.  Stella  ne  connaît  pas  le  grec;  pourtant 
elle  savait  ce  que  veut  dire  Helios. 

La  phrase  dite  par  la  planchette  semble  être  la  suite  logique  de  la  phrase  que 
j'avais  interrompue,  dans  mon  cabinet  de  travail,  sur  mon  manuscrit. 


612  MÉTAPSYCH1QUE    OBJECTIVE 

observés.  Tantôt  c'est  une  petite  boule  lumineuse  flottant  dans 
l'air  l,  tantôt  ce  sont  de  petites  lueurs  phosphorescentes,  quelque- 
fois c'est  une  lueur  plus  vive  :  a  bright  beam  of  sunshine  floading 
us  with  light,  and  a  beautiful  rainbow  appeared  in  the  heavens  ; 
quelquefois  ces  lumières  errantes,  phosphorescentes,  touchent  le 
corps  des  assistants  et  donnent  la  sensation  de  contact  avec  un 
corps  étranger.  Dans  un  cas  remarquable  Lindsay  et  Charlie  ont 
vu  comme  des  langues  de  feu  sortir  de  la  tète  de  Home. 

Avec  Stainton  Moses,  les  lumières  étaient  fréquentes,  parfois 
très  intenses2,  sous  la  forme  de  lumières  réfléchies  (de  quelle 
source  ?)  colonnes  de  fumée,  phosphorescentes  ou  de  luminosité 
diffuse,  ressemblant  tantôt  à  des  comètes,  tantôt  à  des  étoiles,  bref, 
revêtant  les  aspects  les  plus  divers.  Ces  lumières  ont  été  cons- 
tatées, tantôt  par  Stainton  Moses,  tantôt  par  M.  et  Mad.  Speer, 
Or  il  est  impossible,  comme  nous  l'avons  dit,  de  nier  la  bonne  foi 
de  ces  observateurs,  encore  qu'on  puisse,  quand  St.  Moses  était 
seul,  le  supposer  capable  d'hallucinations  visuelles. 

Hyslop  a  constaté  cju'Anna  Burton3  produisait  des  lumières, 
lorsqu'elle  était  en  état  de  trance.  Ces  lumières  n'eussent  pas  pu 
apparaître  à  quatre  pieds  de  distance,  même  si  elle  avait  eu  à  sa 
disposition  des  allumettes  ou  de  l'huile  phosphorée.  Elle  avait  été 
d'ailleurs  soigneusement  déshabillée  et  revêtue  de  vêtements  spé- 
ciaux avant  l'expérimentation.  On  a  noté  cependant  une  fois  que 
la  salive  de  Miss  Burton  était,  phosphorescente  ;  ce  qui  diminue  un 
peu  l'authenticité  du  phénomène,  encore  qu'il  soit  bien  difficile 
d'admettre,  vu  l'extrême  toxicité  du  phosphore,  qu'on  puisse 
garder  des  allumettes  phosphorées  dans  la  bouche.  D'ailleurs, 
même  si  l'on  admettait  cette  hypothèse,  on  ne  voit  pas  bien, 
comment,  ayant  les  pieds  et  les  mains  bien  tenues,  il  pourrait  se 
produire  des  lumières  ayant  le  caractère  des  lumières  vues. 

E.  Bozzano  a  signalé4  des  filaments  fluidiques  minces,  de  couleur 


1.  Expériences  on  spiritualism  by  viscount  Adare,  s.  1.   n.  d.  (London,  1869), 
T>p.  13,  38,  52,  60,  65,  76,  83,  88,  89,  114,  124. 

2.  A  consulter  surtout  The  expériences  of  W.  Stainton  Moses,  P.  S.  P.  R..  XI, 
1895,24-114. 

3.  Amer.  J.  S.  P.  H.,  1912,  190. 

4.  A.  S.  P.,  1909,  XIX,  82. 


PHOTOGRAPHIES  I)  ECTOPLASMES  613 

blanchâtre,  qui  partent  de  chacune  des  phalangettes  d'une  main 

d'ElJSAPIA. 

J.  Ochorowicz^  insisté  sur  les  éclairs  médianimiques  que  déga- 
geait Mad.  Tomczyk,  avec  laquelle  il  a  fait  de  belles  expériences.  Il 
rappelle  que  Mac-Nah  en  avait  obtenu.  Avec  Eusapia  ou  observe 
souvent  des  feux  follets,  de  petites  lumières  vertes  (que  j'ai  vues 
quelquefois,  mais  rarement).  Il  est  probable  que  ces  lumières  ne 
sout  pas  assimilables  à  l'auréole  lumineuse,  plus  ou  moins  analogue 
à  l'auréole  lumineuse  des  saints,  qui  se  dégage  du  corps  de 
certains  médiums.  Le  commandant  Darget  a  étudié  longtemps 
cette  production  de  lueurs  qu'il  essayait  de  photographier  ;  mais, 
comme  l'a  bien  montré  G.  de  Fontenay,  il  est  probable  qu'il  y 
eut  des  erreurs  photographiques.  De  même  pour  les  clichés  de 
H.  Baraduc. 

En  tout  cas  l'étude  photographique  des  émissions  lumineuses 
venant  des  médiums,  soit  sous  forme  de  nuages,  soit  sous  forme 
d'éclairs,  soit  sous  forme  d'un  vague  brouillard,  est  trop  iucertaine 
encore  pour  pouvoir  nous  autorisera  une  conclusion  définitive. 

Il  me  paraît  cependant,  surtout  après  le  beau  travail  d'OcHo- 
rowicz,  qu'il  y  a  là  toute  une  série  d'importantes  recherches  à 
entreprendre.  Mais  il  faudra  deux  conditions  difficiles  et  néces- 
saires :  d'abord  un  médium  puissant,  puisque  aussi  bien  il  est 
avéré  que  les  médiums  seuls  ont  ce  pouvoir  lumineux,  et  ensuite 
un  expérimentateur  qui  soit  à  la  fois  bon  psychologue  et  photo- 
graphe expérimenté 2. 


1.  Des  phénomènes  lumineux  et  la  photographie  de  l'invisible,  A.  S.  P.,  1909, 
XIX. 

2.  Pour  se  rendre  compte  de  la  difficulté  extrême  d'une  bonne  expérience  pho- 
tographique, il  suffira  de  rappeler  les  infructueux  et  laborieux  essais  de  G.  Le  Bon, 
photographe  très  habile,  avec  ce  qu'il  appelait  la  lumière  noire.  De  même  les 
rayons  N,  quoique  étudiés  et  décrits  par  des  physiciens  éminents,  n'ont  pas  pu 
être  démontrés.  En  de  tels  sujets  experientia  fallax,  judicium  difficile.  Nous  ne 
retiendrons  donc  pas,  quoiqu'elles  soient  peut-être  véridiques,  les  photographies 
qu'a  reçues  A.  de  Rochas,  d'un  de  ses  parents,  personnage  très  sincère,  M.  de  B... 
(A.  S.  /'.,  1905,  XV,  582).  Est-on  assuré  que  le  beau-frère  de  M.  de  B...  n'a  pas 
imaginé  une  photographie  genre  spirite,  qui  est  si  facile  à  faire?  Relativement 
aux  photographies  truquées,  on  consultera  A.  de  Rochas,  Mes  expériences  avec 
M.  de  Iodko  en  1896.  A.  S-  P.,  1908,  VIII,  9-15  ;  Darget,  Les  photographies  de  la 
pensée  et  des  effluves  humaines,  ibid.,  1909,  XIX.  20-26  ;  Julia  Rosenkrantz,  Un 
rébus  photographique  (A.  S.  P.,  1909,  XIX,  361-365);  E.  Morselli  a  publié  à  cet 
effet  un  article  spirituel  et  érudit,  avec  amusantes  photographies  (Médium- 
nismeet  prestidigitation,  A.  S.  P.,  1908,  XVIII,  150. 


614  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Dans  certains  cas,  les  bruits,  certainement  objectifs,  sont  d'une 
violence  et  d'une  étrangeté  extraordinaires.  A  côté  du  Rév.  Stain- 
ton  Moses,  qui  fut  un  si  puissant  médium,  et  dont  tous  les  phé- 
nomènes ont  été  dûment  constatés  par  Mad.  Speer,  et  M.  le 
Dr  Speer,  on  entendait  des  sons  intenses.  Les  sons  que  Grovn, — 
c'était  le  soi-disant  guide  de  Stainton  Moses  —  tirait  de  son  instru- 
ment invisible  étaient  si  sonores,  si  profonds,  si  puissants  qu'on 
aurait  dit  un  géant  qui  jouait  sur  un  violoncelle  monstrueux  :  il 
frappait  d'épouvante...  A  certains  moments  les  sons  avaient  un  tel 
degré  d'intensité,  qu'ils  produisaient  la  terreur...  On  aurait  dit 
une  contre-basse  placée  sur  un  grand  tambour  de  régiment  formant 
caisse  harmonique,  et  jouée  comme  une  guitare...  A  un  moment, 
le  Dr  Speër  dit  :  c<  Jusqu'à  présent  nous  n'avions  pas  entendu  le 
son  des  instruments  à  vent.  Alors  aussitôt  résonne  un  puissant 
éclat  de  clairon  entre  M.  Moses  et  moi  (c'est  le  Dr  Speer  qui  parle). 
Ce  son  fut  répété  à  plusieurs  reprises...  Un  soir  nous  avons  entendu 
le  son  répété  des  cloches  résonnant  dans  le  jardin,  partout  où 
nous  allions...  Dans  la  chambre,  sans  qu'il  y  ait  d'instruments  de 
musique,  le  carillon  continua  avec  force  jusqu'à  égaler  l'effet  d'un 
brillant  concerto  de  piano  1.  » 

Stainton  Moses  a  eu  d'autres  phénomènes  objectifs  bien  remar- 
quables, qu'il  faut  considérer  comme  véridiques,  à  moins  de  sup- 
poser cette  énorme  absurdité  de  la  mauvaise  foi  de  trois  personnes 
éminemment  honorables,  leDr  Speer,  Mad.  Speer  et  Stainton  Moses, 
qui,  pour  la  publication  de  tels  récits,  ont  risqué  des  persécutions, 
des  railleries,  des  hostilités  ;  le  seul  profit  ne  pouvant  être  qu'in- 
jures et  calomnies. 

Parfois  des  parfums  transsudaient  de  la  tête  de  Stainton-Moses  : 
plus  on  les  essuyait,  plus  ils  apparaissaient  abondants  et  odorifé- 
rants. 

De  l'écriture  directe  a  été  obtenue.  Le  Dr  Speer,  resté  seul  dans 
la  chambre,  prit  une  feuille  de  papier  à  musique,  la  plaça  sur  un 
bureau  avec  un  crayon,  et  se  retira  en  fermant  la  porte  à  clef.  Il 
ne  perdit  pas  de  vue  la  porte  ;  personne  ne  put  entrer  dans  la 
chambre;  mais,  quand  il  revint,  la  feuille  était  couverte  d'écriture. 

1.  Bozzano,  Pour  la  défense  de  Stainton  Moses,  A.  S.  P.,  1905,  XV,  76-129. 


PHOTOGRAPHIES  D  ECTOPLASMES  61S 

«  Cet  exemple  d'écriture  directe,  dit-il,  est  une  des  plus  satis- 
faisantes preuves  qu'où  ait  jamais  obtenues.  » 

Il  y  eut  aussi  des  lumières,  d'abord  faibles,  mais  qui  peu  à  peu 
devenaient  extrêmement  vives,  resplendissantes,  semblables  à  des 
torches.  Mad.  Speer  dit  qu'un  de  ces  noyaux  lumineux  vint  sur  la 
table,  frôla  les  têtes  des  assistants,  heurta  la  toiture,  alla  jusqu'au 
sommet  de  la  porte,  et  à  mesure  qu'il  touchait  un  corps  quel- 
conque, donnait  des  coups.  Parfois  on  voyait  une  main  tenant  la 
lumière,  mais  tout  à  fait  différente  de  la  main  de  M.  Moses.  Un  jour, 
une  de  ces  lumières  traversa  la  table,  en  s'élevant  du  parquet, 
comme  si  la  table  ne  lui  avait  pas  été  un  obstacle.  Dans  un  cas 
une  de  ces  lumières  resta  visible  pendant  une  demi  heure. 

M.  Podmore,  convaincu  très  fermement  qu'il  n'existe  pas  de 
phénomènes  objectifs  et  qu'il  ue  peut  pas  en  exister,  a  essayé  de 
prétendre  —  sans  jamais  apporter  le  moindre  semblant  de  preuve, 
—  que  M.  Stainton  Moses  était  un  grand  malade,  névropathe,  hys- 
térique, trompant  pour  le  plaisir  de  tromper,  mû  par  une  sorte 
de  fourberie  à  demi  morbide,  à  demi  inconsciente.  Mais  ces  insi- 
nuations contre  la  bonne  foi  et  la  loyauté  de  Stainton  Moses  ne 
tiennent  pas  debout-  Fr.  Myers  lui  témoignait  une  grande  admi- 
ration. Le  Dr  Johnson,  médecin  de  Moses,  a  constaté  que  Moses 
était  d'une  puissante  capacité  intellectuelle,  esprit  méthodique, 
pondéré,  équilibré,  grand  travailleur.  Et  puis  il  faudrait  aussi 
incriminer  le  Dr  Speer,  Mad.  Speer  et  les  honorables  témoins  qui 
ont  assisté  aux  phénomènes,  toujours  très  intimes,  qui  se  produi- 
saient autour  de  Stainton  Moses. 

En  résumé,  dans  l'ensemble,  on  ne  peut  supposer  que  ces  phé- 
nomènes de  luminosité  soient  explicables  par  l'hallucination  ou 
par  la  fraude. 

L'hallucination  est  une  de  ces  hypothèses  ridicules,  qui  ne 
peuvent  pas  plus  se  soutenir  en  métapsychique  que  pour  les 
autres  sciences.  Jamais  un  observateur  n'est  halluciné.  Quand 
il  lit  38°, 55  sur  un  thermomètre,  c'est  qu'il  y  a  38°,55.  S'il  voit  une 
lumière,  s'il  entend  un  bruit,  s'il  perçoit  une  odeur,  c'est  qu'il  y 
a  un  phénomène  objectif,  qui  provoque  une  lumière,  un  bruit, 
une  odeur. 


616  MKTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Quant  à  la  fraude,  elle  est  toujours  possible  ;  mais  des  boules 
phosphorescentes  (qui  ne  dégagent  pas  d'odeur  de  phosphore),  des 
luminosités  autour  d'une  tête,  ou  des  mains  lumineuses,  voilà  ce 
qu'il  est  impossible  à  un  médium  de  produire,  quand  il  a  été 
soigneusement  examiné  et  fouillé. 

Et  cependant  la  luminosité  est  uu  phénomène  si  étrange  qu'il 
est  impossible  de  ne  pas  exiger  de  nouvelles  preuves  encore.  De 
méthodiques  recherches  sont  nécessaires.  Attendons  que  nous 
ayons  des  médiums  qui,  comme  Home,  Eusapia,  Eglinton,  Moses, 
soient  capables  de  produire  des  phénomènes  lumineux,  et  tâchons 
d'examiner  les  conditions  plus  sévèrement  encore  que  ne  l'ont  fait 
nos  illustres  devanciers. 

La  production  de  bruits  et  de  vapeurs  odorantes  rentre  dans  le 
groupe  des  phénomènes  physiques  qu'on  doit  rattacher  à  l'ecto- 
plasmie.  C'est  encore  Home  et  Moses  qui  en  ont  donné  le  plus 
d'exemples,  et  la  même  nécessité  s'impose  de  répéter,  de  contrôler 
par  de  nouvelles  expériences,  de  vérifier  et  d'intensifier  les  faits 
obtenus  par  ces  médiums  célèbres  et  puissants. 

Il  eût  été  important  d'obtenir  la  constatation  de  ces  phénomènes 
lumineux  par  la  photographie,  mais  les  résultats  jusqu'à  présent 
sont  assez  médiocres  (sauf  les  expériences  de  Cuookes,  de  Mad. 
Bisson  et  de  Schrenck,  d'ÏMODA  et  d'OcHORowicz). 

On  peut  se  rendre  compte  de  la  douloureuse  imperfection  des 
anciennes  photographies  spiritiques,  en  étudiant  le  livre  qui  a  été 
publié  par  le  Dr  Foveau  de  Courmelles,  sous  l'inspiration  d'un 
homme  excellent,  M.  Emmanuel  Vauchez1.  Malgré  toute  ma  bien- 
veillance, il  m'est  impossible  de  considérer  comme  authentiques 
la  plupart  de  ces  figures.  De  même,  il  faudrait  être  terriblement 
naïf  pour  accepter  les  photographies  du  Dr  Th.  Haumann,  de 
Washington.  Pour  presque  toutes  les  photographies  qui  consistent 
à  montrer  des  doubles  sur  la  plaque,  il  s'agit  ou  d'une  erreur  pho- 
tographique, ou  d'un  truc,  truc  très  facile.  La  double  exposition, 
que  les  photographes  les  moins  malins  peuvent  produire,  donne 
la  parfaite  illusion  d'un  fantôme  ou  d'une  figure  matérialisée. 

4.  La  Photographie  transcendenlale,  4  vol.,  8«.  Paris,  Libr.  nationale. 


PHOTOGRAPHIES  D  ECTOPLASMES  617 

Tout  autres  sont  les  photographies  dans  lesquelles  est  photo- 
graphié un  phénomène  qui  a  été  vu  par  les  assistants.  A  moius 
qu'il  n'y  ait  supercherie  grossière,  comme  daus  le  cas  d'C-FÉLiA 
CoRUALÈsà  Costa-Rica,  les  photographies  ont  le  très  grand  avantage 
de  fixer  le  phénomène  observé  et  de  préciser  quelques  détails  que 
l'observation  visuelle,  parfois  trop  rapide,  n'avait  pas  pu  saisir. 
Cependant,  dans  certains  cas,  l'observation  simple,  méthodique, 
prolongée,  consciencieuse,  a  presque  autant  de  valeur  qu'une  pho- 
tographie. L'atteute  d'un  éclair  de  magnésium  arrête  souvent  la 
marche  des  phénomènes,  et  on  ne  peut  pas  alors,  comme  j'ai  pu  le 
faire  avec  Marthe,  suivre  tous  les  détails  de  l'évolution  d'une 
matérialisation. 

Mais  pour  ce  qui  est  des  doubles,  des  effluves,  des  photographies 
posthumes,  des  fantômes  invisibles  aux  assistants,  et  visibles  seule- 
ment par  l'image  photographique,  je  ne  crois  pas  que  rien  de  pro- 
bant ait  été  fourni  encore.  De  fait,  ce  que  l'œil  ne  voit  pas,  la  plaque 
photographique  l'inscrit  bien  rarement.  Toute  la  question  des 
effluves  humains,  des  photographies  de  la  pensée  (comme  a  cru 
en  montrer  le  commandant  Dauget)  est  à  reviser  de  fond  en  comble. 
Il  est  nécessaire,  quoi  que  prétende  M.  Gonan  Doyle,  de  dire  que, 
malgré  de  multiples  tentatives,  il  n'y  a  absolument  rien  de  sérieux. 

Les  preuves  photographiques  sont  toujours  sujettes  à  caution, 
quand  on  ne  connaît  pas  très  exactement  les  conditions  dans 
lesquelles  la  photographie  a  été  prise.  M.  Arthur  Hill  -  rapporte, 
d'après  Occult  Review  de  mars  1910,  un  cas  remarquable.  Et 
pourtant,  avec  quelque  raison,  il  élève  des  doutes.  Un  photographe 
de  S...  (Lincolnshire)  nommé  Binns,  nullement  spirite,  et  ne  pré- 
tendant à  rien  de  semblable,  en  développant  la  photographie  d'un 
de  ses  clients,  un  fermier  nommé  Warren,  voit  une  figure  super- 
posée qui  ressemble  exactement  à  un  certain  Ground,  cousin  de 
M.  Warren,  dont  M.  Binns  ne  connaissait  pas  l'existence,  et  qui 
à  25  kilomètres  de  là  était  mourant  dans  un  hôpital.  La  plaque 
photographique  était  retirée  d'un  paquet  neuf.  Jamais  M.  Ground 

1.  Pour  juger  la  difficulté  extrême  des  photographies  transcendantes  on  lira  avec 
profit  le  livre  de  G.  de  Fontenay,  La  photographie  et  l'étude  des  phénomènes 
psychiques,  Paris,  Gauthier  Villars,  in-12°,  1912. 

2.  New  évidence  in  Psychical  Research,  1911,  II. 


018  MÉTAPSYCHl^UE    OBJECTIVE 

n'a  été  photographié  que  jadis  dans  son  enfance.  Enfin  tout  semble 
prouver  qu'il  s'agit  d'un  phénomène  authentique.  Mais  a-t-on  le 
droit  de  conclure  sans  avoir  des  preuves  nouvelles  ? 

Après  une  étude  approfondie,  un  vrai  modèle  de  discussion 
méthodique,  M.  Walter  Fr.  Prince  conclut  que,  pour  les  nom- 
breuses photographies  soi-disant  spirites  représentant  M.  Bocock, 
il  y  a  eU  supercherie  :  et  il  ajoute  très  justement  qu'il  n'y  a  pas  eu 
encore,  pour  représenter  une  tête,  ou  une  personne,  de  photographie 
spirite  absolument  satisfaisante. 

Il  est  difficile  de  contester  cette  proposition  i  ;  mais  il  est  évident 
qu'elle  ne  s'applique  qu'aux  cas  où  les  têtes  et  la  forme  ne  sont  pas 
visibles  aux  assistants,  car  alors  la  critique  n'a  plus  à  porter  sur 
la  photographie  même,  mais  sur  les  conditions  de  l'expérimentation 
(contrôle  du  médium). 

A  la  suite  des  ectoplasmies,  il  faut  placer  certains  faits  singuliers 
qui  rentrent  difficilement  daus  le  cadre  des  ectoplasmies  ordinaires. 

C'est  d'abord,  et  peut-être  plus  que  toutes  autres  constatations, 
celles  qui  ont  été  faites  avec  Home. 

Les  plus  étonnantes  expériences  de  Home,  antérieures  à  ses  expé- 
riences avec  Crookes,  ont  été  décrites  dans  un  livre  extrêmement 
rare,  tiré  à  50  exemplaires  seulement,  et  dont  je  dois  communi- 
cation à  M.  J.  Maxwell  2. 

Il  s'agit  d'expériences  privées  que  le  vicomte  Adare  a  pu  avoir 
avec  Home  de  1867  à  1868,  Home  étant  chez  lui.  Le  vicomte  Adare 
n'a  pas  destiné  à  la  publicité  ces  comptes  rendus  qui  étaient  des 
lettres  adressées  à  son  père.  «  J'ai  omis,  dit  le  vicomte  Adare  dans 
son  introduction,  de  mentionner  toutes  les  précautions  que  j'ai 
prises  contre  les  tricheries,  les  collusions,  et  autres  frauduleuses 
opérations  ;  car  je  me  suis  convaincu  que  les  précautions  étaient 
inutiles,  et  j'ai  dû  invariablement  constater  que  les  phénomènes  ne 
pouvaient  être  produits  que  par  une  intelligence  invisible,  mais 
active  et  raisonnante.  » 


1.  P.  Amer.  S.  P.  R.,  mars  1920,  58b. 

2.  Expériences  in  spiritualism  with  M.  D.  D.  Home,  by  viscount  Adare,  with 
introductory  remarks  by  the  Earl  of  Dunraven  (s.  1.  n.  d.).  London,  Thomas 
Scott,  1869  (?). 


KCTOPI.ASMIRS    DK    D.    HOME  619 

Cette  absence  d'indications  des  précautions  prises  contre  une 
fraude,  consciente  ou  inconsciente,  de  Ho^e,  ne  laisse  pas  que  de 
troubler  quelque  peu.  Toutefois,  comme  les  détails  ont  été  très 
soigneusement  notés  par  le  vicomte  Adare,  on  peut  reconstituer 
ces  admirables  séances,  supposer  que  des  fraudes  difficiles,  presque 
impossibles,  n'ont  pas  été  pratiquées,  et  admettre  qu'il  eût  fallu 
être  terriblement  aveuglé  par  la  crédulité  pour  que  le  vicomte 
Adare,  lord  Dunraven,  M.  Jenckën,  le  major  Blackburn,  et  les  autres 
très  honorables  et  instruits  assistants  n'aient  pas  été  capables  en 
deux  ails  de  dételer  ces  fraudes  énormes.  Surtout  il  faut  se  dire 
que,  lorsque  Croûkës  a  pris  avec  le  même  Home  des  précautions 
multiples  et  rigoureuses,  les  mêmes  phénomènes  à  peu  près  se 
sdht  produits. 

Si  nous  voulibns  nous  confiner  strictement  dans  l'ordonnance- 
ment de  ce  livre,  traité  de  métapsychique,  il  faudrait  indiquer  dans 
dès  chapitres  séparés  les  mouvements  d'objets  (télékinésie),  les 
raps,  les  lévitations,  et  les  autres  phénomènes  singuliers,  rap- 
portés par  le  vicomte  Adàre.  Mais  il  est  peut-être  mieux,  au  risque 
d'altérer  pour  un  moment  l'Ordre  logique  des  choses,  rapporter  ici 
sommairement  tous  leâ  principaux  faits  relatés  dans  les  extraordi- 
naires comptes  rendus  du  vicomte  Adarè. 

Les  mouvements  d'objet  sans  contact  ont  été  fréquents.  Un 
accordéon,  dont  Home  ne  tenait  qu'une  partie,  joua  une  mélodie 
extrémèriient  belle.  Il  y  avait  de  la  lumière.  On  entendait  en  même 
temps  des  raps  dans  toute  la  pièce  (p.  2-4). 

Dans  une  salle  complètement  sombre  (p.  13),  Home  s'assit  au 
piano,  et  le  piano  s'éleva  du  sol  à  une  hauteur  d'environ  3  centi- 
mètres, puis  de  25  centimètres  environ.  Ce  jour-là  Home  s'élongea  : 
(??)  il  n'y  eut  pas  d'erreur  possible,  dit  le  vicomte  Adare.  Sa  taille 
est  de  lm,73  ;  il  s'élongea  jusqu'à  avoir  1m,97. 

La  table  s'éleva  dans  l'air  un  grand  nombre  de  fois  (17  fois), 
comme  en  témoigne  l'index  des  principaux  phénomènes,  placé  au 
début  de  ïbhvrage  (XXIV-XXV),  Une  fois  elle  s'éleva  à  0U1,45  de 
hauteur  et  resta  ainsi  quelque  temps  (p.  109).  Dans  la  belle  expé- 
rience du  12  mars  1869,  une  table  à  quatre  pieds,  placée  à  0m,5o  de 
la  chaise  où  IÏome  était  assis,  s'éleva  dans  l'âir,  saris  que  personne  la 
toUchàt,  et  se  posa  doucèriient  sans  hésitation  sur  une  autre  table 


620  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

où  étaient  quantités  d'objets  qui  ne  furent  touchés  par  aucun 
des  pieds  de  la  table.  Pendant  tout  ce  temps  on  entendait  des 
bruits  étranges,  comme  des  voix,  et  en  même  temps  la  table  était 
animée  de  vibrations  très  fortes.  Le  29  mars,  avec  de  la  lumière, 
la  table  s'éleva  en  se  balançant  et  s'éleva  dans  l'air  jusqu'à  une 
hauteur  de  60  centimètres,  et,  après  être  restée  en  l'air  pendant 
quelques  secondes,  s'éleva  jusqu'à  au  moius  lm,52,  puis  redes- 
cendit avec  un  bruit  vibratoire  comme  celui  d'un  chemin  de  fer. 

Des  phénomènes  de  lévitation  ont  été  fréquents  :  plus  fréquentes 
encore  les  élongations,  fait  singulier,  prêtant  d'ailleurs  facilement  à 
l'erreur,  et  au  sujet  duquel  nous  n'avons  aucune  analogie  à  pré- 
senter. 

M.  Home  s'était  placé  contre  le  mur,  M.  Adare  étant  en  face  de  lui. 
Alors  les  bras  de  Home  parurent  s'allonger,  et  sa  poitrine  se  dilater. 
Home  me  dit  :  «  Adare,  vous  voyez,  l'extension  vient  de  la  poi- 
trine: »  Il  se  plaça  encore  contre  le  mur  et  étendit  ses  bras  à  leur 
longueur  naturelle.  Je  fis  sur  le  mur  une  marque  au  crayon,  pour 
indiquer  le  bout  de  ses  doigts.  Alors  il  allongea  son  bras  gauche  et 
je  fis  une  nouvelle  marque  pour  indiquer  le  bout  de  ses  doigts.  Il 
allongea  ensuite  son  bras  droit,  et  je  fis  de  même  des  marques. 
L'élongation  totale,  constatée  de  cette  manière ,  fut  de  24  centimètres 
(9  pouces  4/2). 

A  vrai  dire  cette  expérience  est  loin  d'être  aussi  concluante 
qu'elle  le  paraît  d'abord  ;  car  l'extension  du  bras  à  volonté  est  assez 
variable,  de  sorte  que  l'élongation  de  Home  est  loin  d'être  un  phé- 
nomène authentique,  et,  à  mon  sens,  il  est  plus  prudent  de  n'en 
point  parler. 

Les  apparitions  de  mains,  les  attouchements,  les  luminosités 
autour  de  la  tête  se  sont  présentés  fréquemment. 

Je  mentionnerai  seulement  avec  quelques  détails,  d'après  les 
récits  de  M.  Adare  une  lévitation  et  l'expérience  du  feu  (j'abrège 
un  peu). 

Le  16  décembre,  à  Buckingham  Gâte  (p.  82),  en  présence  du 
vicomte  Adare,  du  capitaine  Gharlie  Wynne,  et  de  Master  of  Lindsay, 
Home  s'élongea  et  s'éleva  dans  l'air.  Alors  il  dit  :  «  Ne  soyez  pas 
effrayés,  et  à  aucun  prix  ne  quittez  vos  places.  »  Alors  Lindsay 
dit  »  :  «  Cest  trop  horrible.  Il  a  passé  par  la  fenêtre  dans  Vautre 


ECTOPLASMIES    DE    D.    HOME  621 

chambre,  et  il  arrive  par  la  fenêtre  ».  Alors  nous  entendîmes,  dit  le 
vicomte  Adare,  Home  qui  était  dans  la  chambre  voisine;  il  revint 
par  la  fenêtre,  s'assit  et  se  mit  à  rire.  «  Je  ris,  dit-il,  parce  que, 
si  un  policeman  m'avait  vu,  il  eût  été  surpris  de  voir  un  homme 
passer  par  la  fenêtre,  et  se  promener  dans  l'air  le  long  du  mur. 
Adare,  ajouta-t-il,  venez  avec  moi  ».  Nous  passâmes  dans  la  chambre 
voisine,  j'ouvris  la  fenêtre,  et  alors  il  se  précipita  par  la  fenêtre, 
la  tête  en  avant,  horizontal  et  raide  (his  body  being  nearly  hori- 
zontal and  apparently  rigid).  Puis  il  revint  et  nous  retournâmes 
clans  la  chambre  voisine  (les  chambres  étaient  au  troisième  étage;. 

On  vit  ensuite  d'autres  faits  étranges,  comme  la  forme  d'un  oiseau 
qui  sifflait  et  volait  dans  la  chambre,  des  langues  et  des  jets  de 
flamme  qui  sortaient  de  la  tète  de  Home,  puis  comme  le  souffle 
d'un  vent  extrêmement  violent,  et  des  bruits  indéfinissables  (llie 
most  iceird  thing  I  ever  heard). 

Le  fire  test  est  plus  étonnant  peut-être  encore.  A.  Norwood, 
dans  la  maison  de  Mad.  Hennings  (p.  68),  d'abord  Home  donna  à 
M.  Adare  le  pouvoir  de  soulever  un  livre  en  tenant  la  main  à  plat 
au-dessus  du  livre.  A  un  moment  il  y  avait  une  distance  de  plus 
de  6  centimètres  entre  la  main  de  M.  Adare  et  le  livre.  Puis  il 
alla  vers  la  cheminée,  prit  un  charbon  allumé,  deux  fois  gros 
comme  une  orange,  le  mit  sur  sa  main  et  se  promena  ainsi  dans 
la  chambre  en  le  montrant  :  il  fit  sentir  alors  ses  mains,  qui,  au 
lieu  d'avoir  une  odeur  de  brûlé,  étaient  parfumées  ;  il  replaça  le 
charbon  dans  le  feu,  et,  s'agenouillant,  se  mit  la  figure  au-dessus 
du  charbon  brûlant  (placed  his  face  right  among  the  burning  coals, 
moving  it  about  as  though  bathing  il  in  water)  !!  Puis  il  tint  ses 
mains  quelque  temps  au-dessus  de  la  flamme  d'une  bougie.  Il 
reprit  dans  sa  main  le  charbon  allumé  et  souffla  dessus  pour 
l'attiser.  «  Il  me  demanda  si  je  voulais  toucher  ce  charbon  :  je  le 
touchai,  je  le  mis  dans  mes  deux  mains,  et  ensuite  il  mit.  ses  deux 
mains  dessus,  et  nous  tînmes  le  charbon  allumé  enfermé  entre  nos 
quatre  mains;  c'est  à  peine  si  je  sentis  un  peu  de  chaleur  ». 

Cette  même  effarante  expérience  a  été  répétée  le  3  avril  à  Astley 
House  (p.  147).  Cette  séance  fut  remarquable  :  elle  a  été  corroborée 
par  le  témoignage  de  M.  S.  C.  Hall.  Un  charbon  en  ignition  fut 
mis   sur  la  tête  de  M.  Hall,    il  disposa   les  cheveux  blancs  de 


622  MÉTAPSYCHJQUE    OBJECTIVE 

M-  Hall  autour  du  charbon,  et  laissa  les  cheveux  (qui  ne  brûlaient 
pas)  au  contact  du  charbon  pendant  quatre  qu  cinq  minutes 
environ  (p.  178)  :  un  instant  après,  ce  charbon,  qui  n'avait  pas 
brûlé  les  cheveux  de  M.  Hall,  était  tellement  chaud  qu'on  ne 
pouvait  en  approcher  la  figure. 

Que  ces  faits  inouïs  soient  vrais,  ou  doit  en  douter  jusqu'à  ce 
que  de  nouvelles  preuves  en  aient  été  données.  Mais  il  y  a  déjà  eu 
en  métapsychique  tant  de  négations  illégitimes  qu'il  faut  être 
réservé  dans  toute  négation. 

Cette  expérience  n'est  guère  comparable  à  la  célèbre  épreuve  du 
feu  que  certains  fakirs1  proposent  à  l'admiration  publique,  car 
toute  constatation  fait  défaut,  et  on  ne  sait  pas  bien  dans  quelles 
conditions  précises  cette  épreuve  a  lieu.  Peut-être  après  une  marche 
rapide,  si  la  transpiration  est  abondante,  peut-on  échapper  à  la 
brûlure  (??). 

En  tout  cas,  pour  Home,  si  le  compte  rendu  de  Lord  Adare  (cor- 
roboré par  les  témoignages  de  Mad.  Hennings,  de  M.  et  de 
Mad-  Jencken,  de  M.  Saal,  de  M.  Hart)  est  exact,  on  ne  voit  pas  d'expli- 
cation naturelle  possible. 

III.  —  Il  est  hors  de  doute  qu'avec  des  médiums  puissants  ou 
observe  des  phénomènes  singuliers,  presque  uniques,  qui  rentrent 
difficilement  dans  le  cadre  des  descriptions  habituelles. 

Voici  un  phénomène  que  m'a  présenté  Eusapia,  phénomène  dont 
je  ne  connais  pas  d'analogue. 

Dans  une  séance  qui  avait  lieu  à  Paris,  chez  G.  Flammarion  je 
tenais  la  main  droite,  et  Flammarion  tenait  la  main  gauche.  A 
diverses  reprises,  avec  ma  main  droite,  je  percevais  derrière  le 
rideau  la  main  forte  et  résistante  de  John.  Alors  je  dis  à  Eusapia  : 
«  Je  vais  piquer  cette  main  pour  savoir  si  c'est  bien  réellement  une 
main  vivante  ».  Il  y  avait  une  demi-lumière;  on  me  passa  une 
épingle.  Aussitôt,  prenant  cette  épingle  dans  ma  main  droite,  je 
pique  la  main  de  John  à  travers  le  rideau.  Alors  soudain  je  sens  à 
mou  épaule  gauche,  traversant  mes  vêtements,  comme  une  épingle 
qui  s'enfonce  et  va  jusqu'à  ma  peau,  eu  la  piquaut  réellement, 

1.  Ou  les  Aissaouas.  Voir  J.  D.wane,  Les  Aissaouas  charmeurs  de  serpent.  Paris, 
Dentu,  1862,  2«  éd.,  et  Davyl,  Paris,  1882. 


ECTOPLASMIKS  623 

sans  nie  faire  grand  mai,  mais  pourtant  avec  assez  de  force  pour 
que  j'aie  été  contraint  de  m'arrêter  :  j'ai  dû  cesser  de  piquer  à  tra- 
vers le  rideau  Ja  main  n'indique,  hypothétique,  de  John.  La  piqûre 
que  je  sentais  à  l'épaule  n'était  nullement  une  hypothèse. 
Evidemment  il  faut  s'abstenir  de  toute  tentative  d'explication. 

IV.  —  Comme  autre  phénomène  étrange,  et  jusqu'à  présent 
unique,  je  citerai  le  cas  de  cette  lettre  qui  annonçait  un  événe- 
ment grave,  et  qui,  placée  sur  uue  cheminée,  donnait  des  raps, 
assez  forts  pour  attirer  l'attention. 

V.  —  D'ailleurs,  pour  la  constatation  de  ces  phénomènes,  uni- 
ques, isolés,  rien  n'est  plus  utile  que  de  connaître  par  le  menu  la 
vie  de  tels  ou  tels  médiums  puissants.  Les  hagiographies  ne  sont 
certainement  pas  toujours  des  erreurs,  des  illusions  ou  des  impos- 
tures. Mais  la  distinction  du  faux  et  du  vrai  est  impossible.  Ce 
serait  folie  que  d'accepter  sans  discussion  les  faits  racontés  dans  les 
vies  des  saints  :  mais  il  serait  peut-être  imprudent  de  les  nier  tous. 
Quand  il  y  a  des  phénomènes  rares,  uniques,  ou  presque  uniques, 
comme  la  constatation  est  toujours  plus  ou  moins  défectueuse,  il 
vaut  mieux  attendre  avant  d'émettre  une  opinion  ferme.  Plus  que 
toute  autre  science,  la  métapsychique  nous  réserve  bien  des  sur- 
prises. 

Eu  somme  il  faut  conclure,  non  pas  d'après  les  faits  exception- 
nels, mais  d'après  les  faits  en  quelque  sorte  vulgaires,  que  la 
métapsychique  nous  donne  sur  les  ectoplasmies. 

Télékinésies  ou  ectoplasmies,  c'est,  à  de  fortes  nuances  près,  le 
même  phénomène,  c'est-à-dire  l'pbjectivatiou,  la  projection  d'une 
force  mécanique  (qui  est  intelligente)  hors  de  l'organisme.  Cette 
force  mécanique  est  tantôt  invisible,  comme  lorsqu'un  accor- 
déon se  meut  sans  paraître  touché,  tantôt  visible,  comme  lorsque 
cette  force  prend  l'apparence  d'une  main  animée  de  mouve- 
meuts.  Mais  dans  un  cas  comme  daus  l'autre,  c'est  toujours,  sui- 
vant l'expression  excellente  de  A.  pb  Rochas,  l'extériorisation  de  la 
motricité. 

Or  le  fait  qu'il  y  a  eu  dehors  de  l'organisme  projection  de  forces 
intelligentes,  agissant  mécaniquement,  remuant  des  objets,  et  fai- 


624  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

saut  entendre  des  bruits,  est  un  phénomène  aussi  certain  mainte- 
nant que  les  phénomènes  les  plus  avérés  de  la  physique.  La  seule 
différence  entre  cette  télékinésie  (se  traduisant  par  des  mouvements 
et  des  raps)  et  les  actions  mécaniques  ordinaires,  banales,  c'est  que 
la  télékinésie  est  un  phénomène  exceptionnel,  ne  pouvant  être  pro- 
duit que  par  un  petit  nombre  d'individus  —  une  infime,  très  infime 
minorité  —  et  même  alors  ne  se  manifestant  qu'exceptionnelle- 
ment et  difficilement. 

Tout  de  même  la  certitude  de  la  télékinésie  est  absolue  :  les  obser- 
vations prises  sur  Home,  Eusapia.,  Stainton  Moses,  miss  Goligher, 
l'établisseut  avec  grande  force.  Et  assurément  il  est  cruel  pour  la 
science  de  constater  qu'il  y  a  des  phénomènes  exceptionnels.  Mais 
quoi!  l'aimant  attire  le  fer.  C'est  un  phénomène  exceptionnel,  et 
pourtant  personne  ne  songe  à  le  nier. 

La  matérialisation  d'une  main,  d'un  corps  ayant  l'apparence  de 
la  vie,  d'une  figure,  d'un  fantôme,  n'est  pas  plus  douteuse  que  la 
télékinésie  ;  et  alors  nous  avons  plus  de  peine  encore  à  comprendre  ; 
car  il  semble  bien  que  cette  main,  cette  tête,  ce  corps  aient  tous  les 
attributs  de  la  vie.  Les  formes  .matérialisées  sont  intelligentes  ; 
elles  ont,  en  apparence  au  moins,  une  personnalité.  La  main  est 
chaude,  vivante,  les  yeux  regardent,  roulent  dans  leurs  orbites,  la 
voix  parle,  la  respiration  dégage  de  l'acide  carbonique;  les  jambes 
se  meuvent,  les  mains  saisissent  des  objets. 

On  a  pu  voir  naître  ces  formes  qui  paraissent  vivantes;  elles  se 
forment  comme  d'un  nuage,  et  se  concrètent  dans  ce  nuage,  ainsi 
qu'une  nébuleuse  se  concrète  en  un  astre.  En  même  temps  que  la 
forme  vivante,  des  vêtements,  des  voiles,  des  accessoires,  naissent 
aussi,  qui  n'ont  d'ailleurs,  le  plus  souvent,  qu'une  existence  transi- 
toire s'évanouissant  aussi  nébuleusement  qu'elles  sont  nées,  ceu 
fumus  in  auras. 

C'est  déjà  aller  bien  loin  que  d'affirmer  tout  cela.  Peut-on  aller 
plus  loin  encore?  On  le  fera  sans  doute  quelque  jour,  mais  aujour- 
d'hui il  serait  imprudent  d'aller  au  delà.  Ayons  quelque  frayeur  de 
l'Au-delà. 

Par  suite  de  la  facilité  et  de  la  fréquence  de  la  fraude,  les  photo- 


ECTOPLASMIES  625 

graphies,  les  écritures  directes,  les  apports,  les  productions  de  sons 
musicaux,  et  de  lumière,  tout  cela  n'est  pas  établi.  Certes  ces  phé- 
nomèues,  étant  dounée  l'étrangeté  de  la  .  métapsychique,  sont 
possibles,  et  même,  en  notable  partie,  admissibles.  On  n'aurait 
jamais  pensé  à  les  simuler  s'ils  ne  s'étaient  pas  parfois  réellement 
présentés.  Je  n'hésite  pas  à  les  croire  assez  probables;  mais  ils  ne 
sout  pas  prouvés.  Nous  devons  nous  arrêter,  puisque  nous  sommes 
dans  le  domaine  de  la  sévère  science,  au  seuil  du  mystère,  et  nous 
ne  pouvons  affirmer  que  les  télékiuésies  et  les  matérialisations. 

Eu  parlant  de  la  lucidité,  nous  avons  dit  qu'à  elles  seules  les  expé- 
riences de  lucidité  étaient  impuissantes  à  établir  scientifiquement 
la  survivance;  car  la  connaissance  des  choses  inabordables  à 
nos  sens  est  une  hypothèse  plus  simple  que  celle  de  la  survivance 
d'un  mort.  Examinons  maintenant  si  les  matérialisations  nous 
fourniraient  cette  preuve  de  survivance  que  la  lucidité  seule  ne 
peut  pas  donner. 

Et  tout  d'abord  déclarons  nettement  que  l'affirmation  du  fantôme 
qu'il  est  tel  ou  tel  personnage  ne  siguifie  pas  grand'chose,  ou  plutôt 
qu'elle  ne  signifie  rien.  Quand  le  fantôme  de  Bien  Boa  apparaît,  en 
disant  qu'il  est  un  prince  indien,  encore  que  la  réalité  objective  de 
ce  fantôme,  dans  les  conditions  où  il  apparaît,  soit  bien  certaine, 
rien  ne  prouve  que  c'est  la  conscience  de  ce  prince  indien  défunt 
qui,  se  souvenant  de  tout  son  passé,  est  venue  animer  ce  fantôme. 
Hélène  Smith  dit  qu'elle  est  Marie-Antoinette,  mais  ce  n'est  pas  assez 
pour  me  faire  croire  que  Marie-Antoinette  revient  sur  terre,  et 
parle  par  le  larynx  d'HÉLÈNE  Smith.  L'affirmation  du  fantôme  Bien 
Boa  a  la  même  valeur  ;  comme  celle  de  John  King  pour  Eusapia. 

Jusqu'à  présent  les  idées,  Jes  paroles,  les  gestes  des  formes 
matérialisées  ne  nous  permettent  pas  de  dire  que  leur  personnalité 
diffère  de  la  personnalité  du  médium,  plus  que  les  personnalités 
provoquées  par  la  suggestion  chez  Alice  hypnotisée  ne  diffèrent  de 
la  personnalité  d'ALicE.  Alors  il  est  bien  imprudent  doser  dire 
que  ce  sont  les  consciences  de  Bien  Boa,  de  Marie- Antoinette  ou  de 
John  King  qui  reviennent. 

Aussi  bien,  malheureusement  pour  la  doctrine  spirite,  la  preuve 
est-elle  impossible  à  faire;  ou  du  moins  jusqu'à  présent  elle  n'a 

Richbt.  —  Métapsychique.  40 


626  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

pas  été  faite.  Le  cas  de  Georges  Pelham,  où  cependant  il  n'y  avait 
aucune  matérialisation,  est  énormément  plus  probant,  au  point  de 
vue  de  la  survivance,  que  toutes  les  matérialisations  connues  jus- 
qu'à présent.  Je  ne  vois  même  pas  bien  comment  la  preuve  décisive 
pourrait  être  donnée.  Même  si  —  ce  qui  n'est  pas  le  cas  —  on  pou- 
vait photographier  un  fantôme  dont  la  forme  serait  identique  à 
celle  d'un  individu  défunt,  je  ne  comprendrais  pas  comment  cet 
individu  mort  il  y  a  deux  cents  ans,  et  dont  le  corps  est  réduit  à 
l'état  de  squelette,  pourrait  revivre,  avec  ce  corps  disparu,  plutôt 
qu'avec  toute  autre  forme  matérielle. 

En  somme  les  matérialisations,  si  parfaites  qu'elles  soient,  sont 
incapables  de  prouver  la  survivance  :  la  preuve  qu'elles  semblent 
donner  parfois  est  beaucoup  moins  frappante  que  la  preuve  donnée 
par  la  métapsychique  subjective. 

Il  ne  faut  pas  s'effarer  quand  on  nous  parle  de  la  matérialisation 
d'un  fautôme  tout  entier.  Après  tout,  qu'il  s'agisse  d'une  main,  ou 
d'une  personne  tout  entière,  le  problème  est  le  même;  il  est  tout 
aussi  difficile  de  comprendre  la  matérialisation  d'une  main  vivante, 
chaude,  articulée,  mobile,  ou  même  d'un  simple  doigt,  que  de  com- 
prendre la  matérialisation  d'un  personnage  tout  entier  qui  va  et 
vient,  se  promène,  parle,  agite  les  voiles  qui  le  recouvrent.  C'est 
exactement  la  même  invraisemblance. 

Ces  personnages  qui  se  meuvent  ont-ils  une  existence  psycholo- 
gique personnelle? 

Si  l'on  n'avait  pour  en  décider  que  les  matérialisations  expéri- 
mentales, on  serait  tenté  de  dire  non;  car  les  personnalités  de  ces 
fantômes  qui  apparaissent  dans  le  cours  d'une  expérience  sem- 
blent bien  n'être  pas  plus  conscientes  d'elles-mêmes  que  les  per- 
sonnalités qui  se  manifestent  par  l'écriture  automatique,  et 
dépendre  plus  ou  moins  de  la  fantaisie,  consciente  ou  inconsciente, 
du  médium. 

Mais  on  ne  peut  isoler  les  matérialisations  expérimentales  des 
matérialisations  accidentelles.  Il  y  a  les  maisons  hantées,  dans  les- 
quelles une  forme  apparaît,  qui  semble  indépendante  de  la  volonté 
ou  de  la  fantaisie  des  personnes  présentes.  Il  y  a  des  monitions  qui 


ECTOPLAS.MIiï.S  G27 

ne  sont,  pas  uniquement  subjectives,  puisqu'elles  sont  perçues  par 
plusieurs  personnes  (monitions  collectives),  de  sorte  que  l'existence 
d'êtres  indépendants  des  êtres  humains,  si  elle  ne  peut  pas  être 
prouvée,  ne  peut  guère  être  niée  non  plus. 

Certes,  il  est  pénible  de  toujours  arriver  comme  conclusion  der- 
nière à  l'incertitude.  Mais  heureusement  il  n'y  a  incertitude  que 
pour  la  tbéorie,  car  le  fait  lui-même,  c'est-à-dire  la  matérialisation 
(avec  la  télékiuèsie),  ne  peut  pas  être  contesté. 

En  tout  cas  nous  pouvons,  grâce  aux  expériences  de  Crawford, 
d'OcuoRowicz,  de  Mad.  Bisson  et  de  Schrenok-Notzing,  nous  faire 
quelque  idée  sur  la  genèse  de  ces  phénomènes,  ébaucher  une  sorte 
d'embryogenèse  des  matérialisations.  Il  est  possible  que  cette 
embryogenèse  ne  soit  pas  identique  dans  tous  les  cas;  mais,  dans 
quelques  cas  observés  avec  précision,  et  que  la  photographie  a 
illustrés,  une  sorte  de  masse  gélatineuse,  nuageuse,  émane  du  corps 
du  médium,  et  peu  à  peu  s'organise  en  une  forme  vivante,  mobile. 
La  nuée  ectoplasmisée  deviendrait  substance  vivante,  en  même 
temps  qu'autour  d'elle  s'organisent  des  voiles  qui  servent  à  les 
couvrir  et  à  dérober  aux  yeux  le  mécanisme  de  sa  condensation  en 
tissu  vivant. 

M.  P.  Lecour  a  comparé  les  phénomènes  de  matérialisation  aux 
formations  des  nébuleuses1.  Il  y  a  d'abord  une  sorte  de  condensa- 
tion de  la  matière  cosmique,  qui  s'agglomère  en  amas  plus  ou  moins 
compacts,  ou  en  spirales,  parfois  en  anneaux,  puis  en  masses  com- 
pactes qui  deviennent  des  soleils,  ou,  si  elles  sont  entraînées  autour 
d'un  centre,  des  planètes  d'une  nébuleuse  dont  la  masse  est  plus 
grande.  Pour  les  formations  ectoplasmiques,  il  y  a  uue  grande  ana- 
logie avec  cette  condensation  des  nébuleuses,  et  M.  Lecour  reproduit 
les  images  photographiques  obtenues  soit  par  Ochorowicz,  soit  par 
Aksàkoff.  De  même  à  la  villa  Carmen  des  nuages  ont  apparu  qui  se 
sont  condensés.  De  même  dans  les  expériences  de  Linda,  d'EusA- 
pia,  de  Mad.  (I'Espérancè,  de  Fr..  Marryat,  de  Gibier,  de  Stainton 
Moses  .  L'identité  dans  les  processus  de  condensation  de  ces 
nuages  blanchâtres  et  vapeurs  lumineuses  est  saisissante.  Vbn- 
zano  a  vu  à  coté  d'EusAriA  une  masse  à  contours  vaporeux  bou- 

1.  A.  S.  /'.,  juin  1913,  p.  162. 


628  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Jeversée  par  un  mouvement  vertigineux  de  rotation.  Un  des  obser- 
vateurs d'Alger  a  vu  des  flocons  de  vapeur  blanche  d'un  éclat  varié 
par  endroits,  qui  se  condensaient  graduellement.  Imoda  décrit  au- 
tour de  Linda  un  nuage  blanc  flottant  comme  une  vapeur.  Courtier, 
à  l'Institut  Psychologique,  a  vu  autour  d'EusAPiA  des  lueurs  phos- 
phorescentes errant  dans  la  cabine,  qui  s'avançaient  vers  la  fente 
du  rideau  et  qui  paraissaient,  en  se  condensant,  s'élever  verticale- 
ment. M.  Lecour  a  observé  autour  d'un  médium,  qu'il  ne  nomme 
pas,  des  masses  lumineuses  qui  prennent  peu  à  peu  les  apparences 
d'une  forme  corporelle  un  peu  vague,  disparaissant  un  instant  pour 
reparaître  aussitôt. 

C'est  à  la  science  ultérieure  qu'il  appartient  de  mener  les  choses 
plus  loin,  et  sans  doute  la  science  métapsychique  future  nous 
garde  d'étonnantes  surprises. 

B.  -  DES  PRINCIPALES  ECTOPLASMES  EXPÉRIMENTALES 

Nous  réunirons  dans  ce  chapitre  divers  cas  de  matérialisations1. 

Les  expériences  certainement  les  plus  célèbres,  certainement  les 
plus  décisives,  sont  celles  de  Sir  William  Crookes,  dont  il  paraît 
impossible  de  douter. 

Expérimentant  avec  Home,  Sir  William  Cuookes  a  vu  des  matéria- 
lisations. Les  attouchements  simples  ont  lieu  souvent,  mais  les 
matérialisations  vues  sont  moins  communes.  Pourtant,  dans  des 
cas  relativement  assez  nombreux,  on  peut  voir  des  mains  eu  pleine 
lumière2. 

«  Une  petite  main,  d'une  forme  très  belle,  s'çleva  d'une  table  de 
salle  à  manger  et  me  donna  une  fleur.  Elle  apparut,  puis  disparut 
à  trois  reprises  différentes,  en  me  donnant  toute  facilité  pour  me 
convaincre  que  cette  apparition  était  aussi  réelle  que  ma  propre 

1.  Quand  l'expérience  a  été  décrite  avec  trop  peu  de  détails  pour  permettre,  à 
quelqu'un  qui  n'en  a  pas  été  le  lémoin,  d'avoir  une  opinion  autorisée,  je  prends 
soin  de  l'indiquer,  et,  à  plus  forte  raison,  quand  pour  une  cause  ou  une  autre, 
l'expérience  nie  paraît  manifestement  défectueuse,  je  n'hésite  pas  à  exprimer 
mon  sentiment.  Si  au  contraire  l'expérience  me  semble  probante,  je  n'hésite  pas 
davantage  à  le  dire.  Mais  le  plus  souvent,  je  cite  les  faits  et  les  indications 
bibliographiques,  en  laissant  au  lecteur  le  soin  déjuger. 

2.  Home  désirait  que  les  phénomènes  se  passassent  en  pleine  lumière.  «  Sa  puis- 
sance était  asse^  forte,  dit  Crookes,  pour  surmonter  cette  iniluence  contraire. 
Excepté  en  deux  occasions,  tout  ce  dont  j'ai  été  témoin  a  été  produit  par  lui  en 
pleine  clarté.  » 


ECTOPLASMIES    DR    D.    HOME  029 

main  ;  cela  se  passa  à  la  lumière,  daus  ma  propre  chambre,  les 
mains  et  les  pieds  du  médium  étant  tenus  par  moi  pendant  ce 
temps. 

«  Nombre  de  Cois  moi-même,  et  d'autres  personnes,  avons  vu  une 
main  pressant  les  touches  d'un  accordéon,  pendant  que  nous  voyions 
les  deux  mains  du  médium,  qui  quelquefois  étaient  tenues  par 
ceux  qui  étaient  là. 

«  Un  doigt  et  une  forme  furent  vus  arrachant  les  pétales  d'une 
fleur  qui  était  à  la  boutonnière  de  M.  Home. 

«  Les  mains  et  les  doigts  ne  m'ont  pas  paru  être  toujours  solides 
et  comme  vivants.  Quelquefois  ils  offrent  plutôt  l'apparence  d'un 
nuage  vaporeux,  condensé  :  un  nuage  lumineux  semble  se  former 
autour  d'un  objet;  puis  il  se  concentre,  prend  une  forme  et  se 
change  en  une  main  parfaitement  faite,  la  chair  semble  être  aussi» 
humaine  que  celle  des  personnes  présentes.  Au  poignet  ou  au  bras, 
elle  devient  vaporeuse  et  se  perd  dans  un  nuage  lumineux  l. 

«  J'ai  retenu  une  de  ces  mains  clans  la  mienue,  bien  résolu  à  ne 
pas  la  laisser  échapper  ;  aucune  tentative  ni  aucun  effort  ne  furent 
faits  pour  me  faire  lâcher  prise  ;  mais,  peu  à  peu  cette  main  sem- 
blait se  résoudre  en  vapeur,  et  ce  fut  ainsi  qu'elle  se  dégagea  de 
mon  étreinte  2. 

«  Une  autre  fois,  chez  moi,  je  vis  s'agiter  les  rideaux  d'une 
fenêtre  qui  était  à  environ  huit  pieds  de  distance  de  M.  Home.  Une 
forme  sombre,  demi  transparente,  semblable  à  une  forme  bumaine, 
fut  aperçue  par  tous  les  assistants,  debout,  près  de  la  croisée,  et 
cette  forme  agitait  le  rideau  avec  la  main.  Pendant  que  nous  la 
regardions,  elle  s'évanouit,  et  les  rideaux  cessèrent  de  se  mouvoir. 

«  Un  autre  jour  une  forme  de  fantôme  s'avança  d'un  coin  de  la 
chambre,  et  alla  prendre  un  accordéon,  et  ensuite  glissa  dans  l'ap- 

1.  C'est  exactement  ce  que  j'ai  pu  observer  dans  les  matérialisations  de  la 
villa  Carmen;  un  nuage  lumineux  dont  les  contours  deviennent  peu  à  peu  dis- 
tincts, et  qui  prend  une  consistance  et  une  forme  humaines,  qu'il  n'avait  pas 
d'abord.  Dans  certaines  photographies  que  donne  Aksakoff,  les  seules  peut-être, 
parmi  les  photographies  spiritiques  anciennes,  qui  aient  quelque  valeur,  on  voit 
un  nuage  lumineux  qui  finit  par  s'organiser  et  constituer  une  ébauche  de  forme 
humaine. 

2.  Cette  expérience,  véritable  e.rperimentum  cvucis,  ne  m'a  réussi  ni  avec 
Eusai'ia,  ni  avec  Marthe.  Il  est  vrai  que,  contrairement  à  ce  que  dit  Chookes  de 
Home,  les  mains  fluidiques  d'EusAPiA  et  de  Marthe  faisaient  de  grands  etîorts 
pour  se  dégager  (Voyez ce  qui  est  dit  plus  haut,  p.  o93,  sur  les  mains  qui  fondent). 


G30  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

parlement  en  jouant  de  cet  instrument.  Cette  forme  fut  visible  pen- 
dant plusieurs  minutes  par  toutes  les  personnes  présentes.  En  même 
temps  on  voyait  M.  Home.  Le  fantôme  s'approcha  d'une  dame  qui 
était  assise  à  quelque  distance.  Elle  poussa  un  petit  cri,  et  aussitôt 
l'ombre  disparut. 

«  J'ai  enfin  obtenu,  dit  sir  W.  Crookes,  dans  une  lettre  mémo- 
rable (mars  1874)  la  preuve  absolue  que  je  cherchais. 

«  Le  °2  mars,  pendant  une  séance  chez  moi,  Katie  (l'apparition) 
ayant  marché  au  milieu  de  nous,  se  retira  derrière  le  rideau,  et  un 
instant  après  m'appela  en  disant  :  «  Entrez  dans  la  chambre  et  sou- 
levez la  tête  du  médium  ».  Katie  était  debout  devant  moi,  vêtue  de 
sa  robe  blanche  habituelle  et  coiffée  de  sou  turban.  Je  me  dirigeai 
vers  la  bibliothèque  pour  relever  Mad.  Cook,  et  Katie  fit  quelques 
tpas  de  côté  pour  me  laisser  passer.  Eu  effet  Mad.  Cook  avait  glissé, 
et  j'eus  la  satisfactiou  de  constater  que  Mad.  Cook  u'était  pas  revêtue 
du  costume  de  Katie,  mais  qu'elle  portait  sou  vêtement  ordinaire 
de  velours  noir...  Il  ne  s'était  pas  écoulé  plus  de  trois  secondes 
entre  le  moment  où  je  vis  Katie  devant  moi,  et  celui  où  je  relevai 
Mad.  Cook  sur  le  canapé...  Alors  le  gaz  fut  éteint,  et  Katie  me 
demanda  ma  lampe  à  phosphore.  Après  s'être  montrée  à  sa  lueur, 
pendant  quelques  secondes,  elle  me  la  remit  dans  les  mains  en 
disant  :  «  Maintenant  entrez  et  venez  voir  mon  médium.  »  J'entrai 
et  je  vis  Mad.  Cook  sur  le  sofa.  Un  autre  jour  Katie  me  dit  qu'elle 
pourrait  se   montrer  eu  même    temps  que   Mad.  Cook...   Je  vis 
Mad.  Cook  vêtue  de  velours  noir,  et  ayant  toute  l'apparence  d'être 
endormie.  Elle  ne  bougea  pas  quand  je  pris  sa  main.  Élevant  la 
lampe,  je  regardai  autour  de  moi,  et  je  vis  Katie  qui  se  tenait  debout 
tout  près  de  Mad.  Cook  et  derrière  elle.   Elle  était  vêtue  d'une  dra- 
perie blanche  et  flottante.  Tenant  une  des  mains  de  Mad.  Cook  dans 
la  mienne,  et  m'agenouillant  encore,  j'élevai  et  j'abaissai  la  lampe, 
tant  pour  éclairer  la  figure  entière  de  Katie  que  pour  pleinement 
me  convaincre  que  je  voyais  bieu  la  vraie  Katie.  Elle  ne  parla  pas, 
mais  remua  la  tète.  Par  trois  fois  différentes,  j'examinai  soigneuse- 
ment Mad.  Cook  pour  m'assurer  que  la  main  que  je  tenais  était  bien 
celle  d'une  femme  vivante,  et  à  trois  reprises  différentes  je  retour- 

1.  Nouvelles  exp.  sur  la  force  psychique,  fer.  fr.,  p.  184. 


KCTOPLASMIES  DE  FLORENCE  COOK  031 

nai  ma  lampe  vers  Katie  pour  l'examiner  avec  une  attention  sou- 
tenue. A  la  fin  Katie  me  fit  signe  de  m'en  aller.  Je  me  retirai  dans 
une  autre  partie  du  cabinet  et  cessai  de  la  voir,  mais  je  ne  quittai 
pas  la  chambre  jusqu'à  ce  que  Mad.  Cook  se  fut  réveillée,  et  que 
deux  des  assistants  eussent  pénétré  avec  de  la  lumière. 

«  Katie  a  6  pouces  de  plus  que  Mad.  Cook.  Hier,  ayant  les  pieds 
nus,  elle  avait  4  pouces  et  demi  de  plus.  Elle  avait  le  cou  découvert, 
sans  la  cicatrice  que  Mad  Cook  a  au  cou.  Ses  oreilles  ne  sont  pas 
percées,  son  teint  est  très  blanc,  et  ses  doigts  sont  beaucoup  plus 
lougs  que  ceux  de  Mad.  Cook.  » 

Plus  tard,  sir  William  Crookes  dit  (p.  193)  :  «  Fréquemment  j'ai 
soulevé  un  côté  du  rideau,  et  alors  il  n'était  pas  rare  que  les  sept 
ou  huit  personnes  qui  étaient  dans  le  laboratoire  pussent  voir,  en 
même  temps  que  Mad.  Cook,  Katie,  sous  le  plein  éclat  de  la 
lumière  électrique.  Nous  ne  pouvions  pas  alors  voir  le  visage  du 
médium  à  cause  du  châle,  mais  nous  apercevions  ses  pieds  et  ses 
mains  :  nous  la  voyions  se  remuer  péniblement  et  nous  entendions 
ses  plaintes.  » 

Katie  King  avait  depuis  longtemps  annoncé  qu'elle  ne  pourrait 
rester  que  peu  de  temps  auprès  de  son  médium,  et  qu'elle  allait  lui 
faire  ses  adieux  pour  toujours.  La  dernière  séance  eut  lieu  le  jeudi 
21  mai  1874.  Il  y  eut  alors  une  scène  dramatique  à  laquelle  William 
Crookes  put  assister.  Katie  donna  ses  dernières  instructions,  alla  à 
Mad.  Cook  qui  gisait  inanimée  sur  le  plancher.  Katie  la  toucha  et 
lui  dit  :  «  Éveillez-vous,  Florence,  il  faut  que  je  vous  quitte  main- 
tenant. »  Mad.  Cook  s'éveilla  et  toute  en  larmes  supplia  Katie  de 
rester  encore.  Mais  ce  fut  en  vain.  Katie  avec  sa  robe  blanche  dis- 
parut. M.  Crookes  s'élança  vers  Mad.  Cook  défaillante,  et  Katie  King 
ne  se  remontra  plus  jamais. 

D'autres  expérimentateurs  que  l'illustre  Crookes  firent  des  expé- 
riences avec  Florence  Cook  qui  furent  intéressantes.  Voici  ce  que 
raconte  Fl.  Marryat1. 

«  Katie  King  (c'est-à-dire  l'apparition  qui  s'était  dégagée  de 
Fl.  Cook)  se  mit  le  long  des  murs  du  salon,  les  bras  en  l'air,  comme 
si  elle  était  crucifiée.  On  alluma  trois  grands  becs  de  gaz  qui  proje- 

1.  Citée  par  A.  Erny,  Loc.  cit.,  145. 


632  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

tèrent  une  vive  lumière.  L'effet  fut  stupéfiant.  Katie  resta  environ 
une  seconde  comme  elle  était,  puis  commença  graduellement  à  se 
désagréger.  Dabord  les  traits  devinrent  nébuleux,  les  yeux  ren- 
trèrent dans  leur  orbite,  le  nez  disparut,  ainsi  que  l'os  du  front. 
Puis  les  membres  semblèrent  se  décomposer,  et  tomber  en  mor- 


Fig.  18. 


Photographie  de  William  Crookes  et  de  Katie  Kin<; 
(prise  probablement  en  1872). 


ceaux  par  terre.  Il  ne  resta  en  dernier  qu'une  partie  de  la  tête  et  un 
paquet  de  vêtements  blancs,  puis  tout  disparut.  » 

Dans  une  séance  chez  M.  Luxmore,  un  sieur  Volkmann,  se  levant, 
saisit  Katie  King  par  la  taille  en  s'écriant,  :  «  C'est  le  médium  ». 
M.  Henry  Dunphy  remarqua  que  Katie  perdait  ses  bras  et  ses  jambes. 
Elle  échappa  à  M.  Volkmann,  glissa  de  son  bras  et  disparut  sans 
laisser  de  traces.  Immédiatement  après  ou  trouva  Miss  Cook,  atta- 
chée avec  des  nœuds  intacts. 

M.  Varley,  expérimentant  avecFL.  Cook  1  relia  à  un  galvanomètre 
le  corps  de  Fl.  Cook,  de  telle  sorte  que  le  moindre  mouvement 
devait  se  traduire  par  une  déviation  du  galvanomètre.  Or,  pendant 

i.  Cité  par  Erny,  Loc.  cit.,  139. 


ECTOPIASMIES    d'eUSAI'IA  633 

qu'il  y  avait  apparition  deKATiE  (la  moitié  supérieure  du  corps  seu- 
lement, ce  qui  n'empêcha  pas  M.  Varley  de  serrer  la  main  de  eet 
être  étrange),  le  galvanomètre  ne  donna  aucune  indication. 

Les  matérialisations  données  par  Eusapia  Paladino  sont  diverses, 
fréquentes.  Elles  ont  été  copieusement  observées  par  beaucoup 
d'expérimentateurs  compétents.  J'en  parlerai  avec  quelques  détails  ; 
car  j'ai  assisté  à  près  de  deux  cents  séances  avec  Eusapia. 

Les  matérialisations  vues  sont  assez  rares,  et,  pour  ma  part, 
malgré  de  longs  et  multiples  essais,  je  n'en  ai  jamais  vu.  Je  ne  me 
souviens  pas  avoir  jamais  pu  apercevoir  une  forme  humaine,  totale 
ou  partielle.  Une  fois  j'ai  observé  comme  une  sorte  de  prolongement 
du  corps  d'EusAPiA,  pareil  à  une  tige  qui  venait  me  toucher  de  coté, 
mais  ce  fut  très  fugitif,  et  dans  la  pénombre. 

En  revanche,  à  deux  cents  reprises,  plus  souvent  encore  peut- 
être,  j'ai  été  touché,  comme  par  une  main  vivante,  aux  côtés,  aux 
mains,  à  la  figure,  au  front,  à  la  nuque,  aux  épaules,  alors  que  le 
contrôle  était  excellent. 

Une  expérience  qui  me  paraît  de  tous  points  parfaite  est  la  sui- 
vante, qui  fut  faite  à  l'Institut  psychologique  de  Paris.  Il  n'y  avait 
de  présents  avec  moi  que  Mad.  Curie,  Mad.  X...,  une  dame  polo- 
naise de  ses  amies,  et  P.  Courtier,  secrétaire  général  de  l'Institut 
psychologique.  Mad.  Curie  à  la  gauche  d'EusAPiA,  moi  à  la  droite, 
l'amie  de  Mad.  Curie,  plus  loin,  prenant  des  notes,  et  Courtier,  un 
peu  plus  loin,  au  bout  de  la  table.  Courtier  avait  disposé  derrière 
Eusapia  un  rideau  monté  sur  une  échelle  double.  La  lumière  était 
faible,  mais  suffisante.  On  voyait  distinctement  sur  la  table  la  main 
de  Mad.  Curie,  tenant  une  main  d'EusAPiA,  et  ma  main  gauche 
tenant  la  main  droite  d'EusAPiA.  Bien  entendu  un  long  usage  m'avait 
appris  à  tenir  sévèrement  la  main.  D'ailleurs  je  pouvais  distin- 
guer les  deux  manchettes  blanches  des  deux  mains  d'EusAPiA. 

Nous  voyous  le  rideau  se  gonfler,  comme  poussé  par  un  gros 
objet  placé  derrière  II  est  dit  que  c'est  la  main  de  John.  Je  demaude 
à  toucher  cette  main.  Et  alors  avec  ma  main  droite  qui  est  libre, 
je  vais  toucher  à  travers  le  rideau  cette  main  qui  proéminait,  très 
haut  au-dessus  de  la  tête  d'EusAPiA.  Je  sens  une  résistance,  et  je 
saisis  uue  main,  uue  vraie  main,  que  je  preuds  à  pleine  maiu. 


C3A  MÙTAPSYCHIQUK   OBJEGT1VK 

Même  à  travers  le  rideau,  le  contact  est  assez  net  pour  que  je  sente 
bien  les  doigts  et  la  forme  de  cette  main,  qui,  sans  que  je  puisse 
l'affirmer,  me  parait  bien  plus  grande  que  la  toute  petite  main  d'Eu- 
sapia.  Je  saisis  fortement  cette  main,  et  je  compte  vingt-neuf  se- 
condes, temps  pendant  lequel  j'ai  tout  lieu  d'observer  les  deux 
mains  cTEusapia  sur  la  table,  d'interroger  Mad.  Curie  pour  savoir  si 
elle  était  sûre  du  contrôle,  d'appeler  l'attention  de  Courtier  sur  le 
phénomène,  et,  en  même  temps,  de  palper,  de  presser,  d'identifier 
à  une  main  véritable  la  main  que  je  serrais  derrière  le  rideau.  Au 
bout  de  ces  viugt-neuf  secondes,  je  dis  :  «  Il  me  faut  quelque  chose 
de  plus  :  je  veux  à  cette  main  uno  annello  »  et  aussitôt  la  main  me 
-fait  sentir  qu'il  y  a  une  bague  :  «  adesso  uno  bracelelto  »  et  je  sens 
au  poignet  comme  les  deux  mors  d'un  bracelet  de  femme  qui  se 
referme  par  une  charnière.  Alors  je  demande  que  cette  main  fonde 
dans  la  mienne,  mais  un  violent  effort  dégagea  la  main  de  John, 
et  je  ne  sentis  plus  rien  l. 

Il  est  difficile,  semble-t-il,  de  réaliser  une  expérience  plus  précise 
et  plus  convaincante,  car  en  vingt-neuf  secondes  on  élimine  abso- 
lument toute  surprise. 

Dans  ce  cas  il  n'y  a  pas  eu  seulement  matérialisation  d'une  main, 
mais  aussi  d'une  bague.  En  effet,  en  même  temps  que  la  matériali- 
sation d'un  corps  humain,  il  y  a,  comme  toutes  les  expériences 
l'établissent,  matérialisations  d'objets,  vêtements,  tissus,  étoffes. 
Les  formes  des  fantômes  n'apparaissent  jamais  nues;  elles  sont 
entourées  de  voiles,  qui  sont  d'abord  des  nuages  blancs,  demi-lumi- 
neux, et  qui  finissent  par  prendre  la  consistance  de  tissus  réels. 

Ayant  longuement  décrit  les  mouvements  d'objets  sans  contact, 
je  n'ai  pas  à  y  revenir,  mais  il  faut  faire  remarquer  que  les  mouve- 
ments d'objets  sont  parallèles  aux  matérialisations.  Tout  se  passe 
comme  si  ces  mouvements  d'objets  étaient  dus  à  des  matérialisa- 
tions invisibles,  quelque  paradoxale  que  soit  l'expression.  Dans  le 
cours  d'une  séance  on  est  touché,  dix,  vingt  fois,  et  cependant, 
quoique  l'ombre  ne  soit  pas  absolue,  on  ne  distingue  rien. 

A  Milan,  il  fut  constaté  qu'on  entendit  le  bruit  de  deux  mains  qui 

1.  Je  réunis  ici  deux  expériences  qui  furent  faites  à  des  moments  différents. 


ECTOPLASMIES    D  EUSAPIA  <>3'.i 

eu  l'air  frappaient  l'une  contre  l'autre.  On  put  sentir,  en  levant  la 
main  très  haut,  comme  uue  figure  humaine,  et  à  trois  occasions 
difïéreutes  un  des  ohservateurs  constata  que  cette  figure  humaine 
avait  des  cheveux  et  de  la  barbe;  les  cheveux  étaient  durs  et 
hérissés,  la  barbé  paraissait  fine,  la  peau  semblait  celle  d'un 
homme.  Une  feuille  de  papier  noircie  au  noir  de  fumée  fut  déposée 
sur  la  table  :  or  on  trouva,  en  faisant  la  lumière,  que  le  papier  avait 
des  empreintes  digitales,  et  que  cependant  la  main  d'EusApiA  était 
restée  absolument  blanche.  L'expérience  fut  répétée  trois  fois  :  la 
troisième  fois  on  eut  l'empreinte  d'une  main  gauche  entière. 

Voici  comment  je  relate  une  de  mes  observations  de  Milan.  «  Eusa- 
pia  dit  :  «  Tenez  moi  fort  ».  M.  Schiaparelli  à  droite,  M.  Finzi  à 
gauche,  la  serrent  de  toutes  leurs  forces.  Je  dis  à  M.  Finzi  :  «  Vous 
tenez  la  main  gauche  ?  » —  Oui  !  —  à  M.  Schiaparelli  :  «  Vous  tenez 
la  main  droite?  »  —  Oui  !  —  à  M.  Finzi  :  «  Vous  tenez  les  deux 
pieds?»  — Oui!  —  Alors,  en  tournant  légèrement  la  tête  vers  la 
gauche,  je  vois  le  rideau  se  gonfler,  je  suis  touché  à  l'épaule  droite 
par  une  main  qui  me  semble  être  une  main  droite,  en  supposant 
qu'elle  soit  du  médium.  Presque  au  même  moment,  je  suis  touché 
par  deux  doigts  qui  me  tirent  assez  fortement,  mais  sans  me  faire 
de  mal,  les  cheveux  de  derrière  la  nuque,  de  sorte  que  je  suis 
assuré  qu'une  main  m'a  touché  à  l'épaule  et  à  la  nuque.  » 

A  l'Aguelas,  J.  Maxwell  a  vu,  se  profilant  sur  la  muraille  du 
salon,  une  silhouette  rappelant  la  silhouette  d'un  crâne,  avec  une 
saillie  recourbée,  ressemblant  à  des  cheveux  frisés.  Il  a  vu  aussi, 
le  même  jour,  se  profilant  encore  sur  la  muraille,  une  main  et  uii 
bras  qui  étaient  au-dessus  de  la  tête  de  M.  Sabatier,  lequel  a  senti 
des  attouchements  à  ce  moment.  L'avant-bras  était  long  et  mince, 
et  sa  racine  se  perdait  dans  l'obscurité. 

Daus  les  séances  de  l'île  Ribaud  et  de  Paris,  l'attention  des  obser- 
vateurs étant  surtout  portée  sur  les  mouvements  d'objets,  les  maté- 
rialisations visibles  ont  été  plus  rares.  Elles  ont  été  fréquentes  à 
Gènes. 

Morselli  s'exprime  ainsi  (p.  -55,  t.  I)  :  «  Je  m'étais  assis  sur  uu 
petit  fauteuil,  à  environ  2  mètres  à  droite  d'EusApiA.  L'invisible  est 
arrivé  !  par  deux  fois  je  me  suis  senti  touché,  j'ai  lucidement  senti 
une  main  qui  avait  tous  les  caractères  de  la  vie.  Mes  sens  étaient 


636  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

très  éveillés,  je  puis  dire  que  la  consistance  de  l'objet  qui  me  tou- 
chait était  solide  :  ce  n'était  pas  unstéréoplasme,  unstéréofantôme, 
c'était  uue  masse  résistante,  impénétrable,  en  somme  maté- 
rielle. 

Dans  la  dix-huitième  séance  de  Gênes,  la  plus  belle1,  eu  présence 
de  Morselli,  Porro,  L.  Ramorino,  L.  Vassallo  et  le  Dr  Venzano,  au 
cercle  Minerva  (23  décembre  1901)  clans  l'obscurité,  deux  formes 
invisibles  se  sont  manifestées,  qu'on  a  pu  voir  ensuite  à  une  faible 
lumière.  Ce  fut  d'abord  la  petite  fille  (morte)  de  Porro,  lequel  a  pu 
sentir  une  forme  de  petite  fille,  sous  un  tissu.  On  entendit  l'enfant 
parler  d'une  voix  enfantine;  elle  a  embrassé  Porro.  Cette  forme  n'a 
pu  être  vue.  Puis  une  autre  forme  est  venue,  celle  du  fils  de  Vas- 
sallo,  mort  à  seize  ans.  Alors  l'entité  s'est  rendue  visible.  Un  ovoïde 
presque  phosphorescent  s'est  montré  à  droite  d'EusAPiA,  s'est  mû 
de  gauche  à  droite,  lentement,  a  fait  ainsi  30  centimètres  et  a  dis- 
paru. A  la  lumière  rouge  on  a  vu  un  bras  et  une  main  sortir  du 
cabinet  et  se  diriger  vers  Vassallo.  Une  troisième  entité  a  apparu, 
puis  une  quatrième.  La  troisième —  dont  l'identification  a  été  pour 
le  moins  douteuse  —  a  été  vue  distinctement.  «  Dans  la  salle  éclairée 
par  uue  lampe  de  cinq  bougies,  nous  avons  tous  vu  les  deux 
rideaux  noirs  de  la  fenêtre,  près  d'EusAPiA,  se  tendre,  se  gonfler, 
e  avanzarsi  verso  me  e  verso  Porro  corne  se  dielro  vifosserodue  per- 
sonevive  agenti  conintelligenzae  con  volonta  propria  e  distintd.  » 

Ces  deux  formes  ne  sont  pas  sorties  du  rideau  ;  mais  du  rideau  on 
a  vu  sortir  des  mains  et  des  membres  bien  formés.  Morselli  a  pu 
distinguer  une  main  droite  visible  jusqu'à  la  deuxième  phalange, 
qui  faisait  des  mouvements  de  flexion  et  d'extension  ;  main  courte, 
grasse,  grise. 

Dans  une  autre  séance  (XXIIe),  très  importante  aussi,  qui  eut 
lieu  dans  la  maison  de  M.  Avellino,  Eusapia  fut  attachée  sur  un  lit 
placé  derrière  le  rideau.  Alors  on  aperçut  une  apparitiou,  une 
forme  de  jeune  fille  dont  on  ne  put  voir  que  la  tête,  les  épaules  et  la 
partie  supérieure  du  buste,  peut  être  un  peu  phosphorescente  (?) 
Un  turban  lui  cache  les  oreilles,  le  menton,  les  cheveux  ;  l'appari- 
tion se  tient  immobile  pendant  uue  vingtaine  de  secondes.  Puis,  il 

1.  Morselu,  Loc.  cit.,  II,  120-160. 


ECTOPLASMES    D  EISAPIA  637 

y  eut  une  seconde  apparition,  celle  d'un  homme  de  haute  stature, 
la  barbe  hirsute  et  courte,  la  tête  volumineuse,  le  cou  trapu,  l'ossa- 
ture puissante.  Quatre  autres  apparitions  eurent  lieu  encore  : 
d'abord,  une  femme  jeune,  eu  costume  oriental,  dont  on  ne  vit  que 
la  tête  ;  la  quatrième  apparition  n'est  pas  complètement  formée  : 
elle  paraît  incomplète  du  côté  droit:  «  Je  vois,  dit  Morselli,  ses 
yeux  qui  me  regardent.  Quoiqu'ils  soient  assez  brillants  pour  qu'on 
puisse  voir  la  réflexion  de  la  lumière  sur  la  cornée,  ils  semblent 
comme  couverts  d'un  voile.  Quand  je  m'approche  d'elle,  elle  ne  fait 
pas  effort  pour  se  reculer,  elle  fait  quelques  mouvements  comme 
des  salutations  avec  le  bras,  et  se  retire.  Les  cinquième  et  sixième 
apparitions  simultanées  furent  celles  d'une  femme  paraissant  âgée 
de  près  de  cinquante  ans,  et  d'un  jeune  enfant  qui  apparurent 
ensemble.  » 

Il  faut  mentionner  aussi  les  expériences  faites  antérieurement 
par  Eusapia  dans  la  maison  de  Mad.  Peretti  ;  mais  c'étaient  des 
formes  très  imparfaites,  des  silhouettes  noires,  comme  des  larves, 
umane,  antropomorfe,  dont  la  tête  était  à  peine  formée. 

Peut-être  ces  expériences  seules,  encore  qu'elles  aient  été  rigou- 
reusement contrôlées,  et  par  des  observateurs  très  avertis,  seraient- 
elles  insuffisantes,  si  elles  étaient  isolées,  mais  les  innombrables 
mouvements  d'objets  sans  contact  que  produit  Eusafia  ne  peuvent 
guère  trouver  d'autres  explications  que  celles  d'une  matérialisation 
invisible,  et  alors  nous  pouvons,  schématiquement,  assigner  trois 
phases  successives  à  ces  matières  extériorisées,  ou  plutôt  à  ces  ecto- 
plasmes, pour  prendre  le  mot  que  nous  avons  le  premier  employé 
pour  mentionner  les  formes  sortant  du  corps  d'EcsAPiA  l. 

Dans  un  premier  stade,  ils  sont  invisibles  ;  dans  un  second  stade, 
ils  commencent  à  devenir  visibles,  mais  encore  amorphes;  à  une 
troisième  phase,  ils  prennent  consistance  plus  nette,  et  revêtent 
toutes  les  apparences  d'un  organisme  vivant,  résistant,  entouré  de 
voiles,  qui  masquent  d'abord  l'imperfection  des  formes,  mais 
qui  diminuent  d'importance  à  mesure  que  la  forme  sous-jacente 
devient  plus  dense. 
Les  expériences  de  F.  Bottazzi,  professeur  de  physiologie  à  l'Uni- 

1.  Avec  Lodge,  Myeks,  Ochorowicz,  chaque  fois  que  nous  étions  touchés,  nous 
disions,  plaisantant  à  demi  :  «  encore  un  ectoplasme!  » 


638  MÉTAPSYGHIQUE    OBJECTIVE 

versitéde  Naples,  sont  des  plus  démonstratives.  Elles  fourniraient, 
s'il  en  était  besoin,  la  preuve  décisive  des  matérialisations  et  des 
mouvements  sans  contact l. 

Ce  fut  eu  présence  de  savants  expérimentés,  les  professeurs  de 
Amicis,  Scarpa,  Paxsinf,  que  F.  BorrAzzia  fait  ces  expériences  mémo- 
rables. Il  s'est  entouré,  comme  pour  une  expérience  classique  de 
physiologie,  de  tout  l'appareil  instrumental  moderne. 

«Alors  on  a  vu  (p.  684)  des  splendides  lévitations,  à  60  centimètres 
à  peu  près  du  sol,  de  la  table  médianimique,  qui  suivit  notre  dépla- 
cement, planant  en  l'air,  sans  être  touchée  par  les  mains  d'EusAPiA.  » 

A  l'insu  d'EusAPiA  et  même  de  tous  les  assistants,  Bottazzi  avait 
disposé  un  ressort  à  contact  électrique  tel  que,  si  l'on  venait  à  le 
toucher,  une  lampe  s'allumait.  Alors  Eusapia,  ses  mains  réelles 
étant  bien  contrôlées,  à  diverses  reprises,  par  sa  main  fluidique, 
toucha  le  ressort  et  alluma  la  lampe. 

Des  touches  électriques  placées  dans  un  cabinet  voisin  derrière 
le  rideau,  furent  actionnées  en  même  temps  qu'EusAPiA  donnait 
avec  sa  main  des  coups  sur  la  table. 

Dans  une  autre  séance,  lesmiains  et  les  bras  d'EusAPiA  étaient 
attachés  avec  de  fortes  cordes,  scellées  par  des  cachets  de  plomb,  et 
fixées  au  plancher  par  des'anneaux  de  fer.  Alors  la  main  fluidique 
tendit  à  Bottazzi  divers  objets,  une  trompette,  un  vase  de  fleurs. 

Dans  ces  belles  séances,  il  y  eut  aussi  des  matérialisations  nom- 
breuses, éclatantes.  Alors  qu'EusAPiA  était  ligotée  par  de  grosses 
cordes,  M.  Gallotti  vit  nettement  deux  bras  gauches,  le  bras  nor- 
mal et  le  bras  fluidique,  sortant  de  l'épaule. 

Bottazzi  a  fait  l'épreuve  la  plus  décisive  ;  celle  de  la  main 
ectoplasmique  qui  est  serrée  et  qui  peu  à  peu,  se  fond,  s'évanouit. 
«  Je  vois,  dit-il,  et  je  sens  en  même  temps  une  main  humaine, 
de  couleur  naturelle,  et  je  sens  avec  la  mienne  les  doigts  et  le  dos 
d'une  main  tiède,  nerveuse,  rude.  Je  serre  la  main  qui  s'évanouit 
sous  mon  étreinte  :  elle  ne  se  retire  pas  en  produisant  sur  ma  main 
une  sensation  de  rétrécissement,  mais  se  fond,  se  dématérialise,  se 
dissout.  » 
Non  seulement  il  y  eut,  dans  des  conditions  de  contrôle  irrépro- 

1.  Dans  les  régions  inexplorées  de  la  biolot/ie  humaine,  A.  S.  P.,  1907,  XVII, 
645-664,  681-705,  749-771.  —  Fenomeni  medianici,  1  vol.  12».  Napoli,  l'erella,  1909. 


ECTOPLASMIES    d'eUSAPIA  639 

chable,  des  attouchements  nombreux,  mais  on  a  vu  des  doigts,  des 
mains,  frêles,  diaphanes,  parfois  très  nettes  et  robustes,  des  figures 
diverses,  des  ombres,  qui  se  dessinaient  derrière  le  rideau  l. 

lîoTTAzzr,  qui  avait  abordé  cette  étude  avec  scepticisme,  conclut  : 
«  L'assurance  que  nous  avons  acquise  (de  ces  phénomènes)  est  du 
môme  ordre  que  celle  qu'on  acquiert  de  la  réalité  des  phénomènes 
naturels,  physiques,  chimiques  ou  physiologiques,  que  nous  étu- 
dions. »  Pour  que  le  professeur  de  physiologie  de  l'Université  de 
Naples  soit  aussi  af firmatif,  il  faut  qu'il  ait  une  certitude  absolue. 

Mad.  Bloch  décrit  aussi  les  mains  fluidiques  provenant  d'EusAPiA 2. 
Les  mains  d'EusAPiA,  que  nous  voyions,  étant  en  outre  contrôlées, 
on  a  vu  une  main  sortir  du  drap  blanc  derrière  Eusapia;  c'était  un 
bras  sans  épaule  qui  touchait  la  tête  d'EusAPiA.  Puis  le  phénomène 
s'est  accentué  :  la  main  est  arrivée  par  en  bas,  jetant  sur  la  table  des 
morceaux  de  musique  pris  sur  le  piano.  Ce  n'était  pas  une  main 
lumineuse,  mais  une  main  de  chair  semblable  aux  nôtres.  Nous 
aurions  eu  tout  le  temps  de  la  photographier.  L'avant-bras  était 
couvert  d'une  manche  collante  d'étoffe  grise,  alors  qu'EusAPiA  avait 
des  manches  larges.  Cette  main  venant  d'en  bas,  et  sortant  de  la 
jupe  d'EusAPiA,  ne  pouvait  être  le  prolongement  de  son  épaule.  Pen- 
dant tout  le  temps  les  deux  mains  d'EusAPiA,  tenues  par  ses  voisins, 
étaient  également  parfaitement  visibles'. 

Voici  comment  M.  Venzano  3  décrit  la  formation  des  fantômes.  «  A 
20  centimètres  de  mon  visage  il  se  forme  une  masse  globulaire, 
vaporeuse,  blanchâtre,  qui  se  condense  en  une  forme  plus  décisive, 
uu  ovale  qui,  peu  à  peu,  prend  l'aspect  plus  défini  d'une  tête 
humaine  :  on  reconnaît  distinctement  le  nez,  les  yeux,  les  mous- 
taches, la  barbe  en  pointe.  Cette  forme  s'approche  de  ma  figure  :  je 
sens  un  front  vivant  et  chaud  s'appuyer  sur  mon  front  :  avec  une 
pression  de  caresse,  et  l'impression  d'un  baiser:  puis  la  masse  se 
dissout,  vaporeuse,  vers  les  rideaux.  Les  assistants  ne  voient  qu'une 
vague  luminosité,  mais  entendeut  le  bruit  du  baiser.  » 

1.  «  J'ai  vu  l'apparition,  dit  Bottazzi  (p.  691)  ;  j'en  ai  eu  un  frémissement  de 
tout  mon  corps.  » 

Pour  ma  part,  quoique  ayant  bien  souvent  expérimenté  avec  Eusapia,  je  n'ai 
jamais  vu  une  l'orme  nette  se  dessiner. 

2.  Exp.  de  Tremezzo,  1896,    I.  S.  P.,  VII.  1897,  2-6. 

3.  A.  S.  P.,  1907,  XVII,  p.  514. 


640 


METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 


A.  de  Rochas  a  raconté  les  expériences  faites  à  Choisy,  en  pré- 
sence du  général  Thomassin,  de  J.  Maxwell,  de  Watteville  et  de 


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A.  de  Gramont.  A.  de  Ghamont  voit  l'ombre,  noire,  en  forme  de  main, 
se  dessiner  sur  la  fenêtre,  et  pendant  ce  temps  on  constate  que 
les  mains  sont  bien  tenues.  Un  instant  après,  A.   de  Ghamont  sent 


ECTOPLASMIBS    1)'EUSAPIA  641 

une   main  caressée    par  des  doigts  tièdes  qu'il  ne  peut  saisir. 

D'ailleurs  les  mains  iluidiques  de  John  (ou  d'EusAPu)  ont  pu  être 
photographiées  en  hounes  conditions.  G.  de  Fontenay,  habile 
photographe,  et  savant  perspicace,  a  pu  à  Paris,  eu  1908,  obtenir 
des  photographies  saisissantes,  une  entre  autres,  dans  laquelle  on 
voit  les  deux  maius  d'EusAPiA  au-dessus  de  sa  tête1  (V.  page  640). 

Dans  cette  expérience,  les  maius  réelles  d'EusAPU  étaient  parfai- 
tement teuues.  «  Je  n'ai  pas  cessé  un  seul  instant,  dit  M.  Cartier, 
l'un  des  contrôleurs,  de  tenir  la  main  droite  cI'Eusapia.  »  «  Je  peux 
affirmer,  dit  P.  Drubay,  l'autre  contrôleur,  de  la  manière  la.  plus 
formelle,  que  pendant  toute  la  séance  je  n'ai  pas  cesséde  tenirdans 
ma  main  la  main  gauche  d'EusAPiA.  »  Il  est  donc  tout  à  fait  impos- 
sible qu'EusAPiA  ait  pu  libérer  simultanément,  au  moment  même 
où  le  contrôle  devait  être  le  plus  rigoureux,  ses  deux  mains.  En  fai- 
sant une  étude  attentive  des  photographies,  on  voit  que  ces  mains 
sont  notablement  plus  grandes  que  celles  d'EusAPiA. 

Outre  ces  photographies  de  mains,  il  y  a  eu  photographiés  d'une 
sorte  de  masse  lumineuse  (du  genre  de  celles  qu'on  voit  à  peu  près 
dans  toutes  les  photographies  métapsychiques).  Sans  insister  sur 
l'impossibilité  pour  Eusapia,  tenue  comme  elle  était,  de  mettre  un 
mouchoir  sur  sa  tête,  et  aussi  de  le  reprendre,  iliaut  remarquer 
que  les  contours  de  cette  main  lumineuse  sont  flous,  incertains,  et 
qu'il  y  a  beaucoup  plus  de  luminosité,  dit  G.  de  Fontenay,  que  ne 
pourrait  en  donner  un  simple  mouchoir. 

Les  matérialisations  d'EusAPiA  n'ont  pas  seulement  été  démon- 
trées par  la  photographie,  mais  encore  par  les  moulages  métapsy- 
chiques2. 

Morselli  a  constaté  une  fois  sur  un  moulage  une  empreinte  de  la 
figure  (mais  très  légère)  dans  des  conditions  irréprochables  de  con- 
trôle3. Une  autre  empreinte  bien  plus  nette  des  mains  est  reproduite 
par  lui'*  ;  mais  il  suppose  qu'il  y  a  eu  là  une  fraude  inconsciente. 

En  revanche  les  empreintes  obtenues  par  G.  de  Fontenay  sont 

1.  Annals  of  psychical  science,  avril  11)08,  VII,  n°  40,  p.  190. 

2.  Voy.  A  de  Rochas,  A  propos  <ï  Eusapia  Paladino,  Lès  séances  de  Mont  f or  t- 
l'Amaury,  A.  S-  /'.,  1S'J8,  VIII.  148.  — G.  de  Fontenay,  Les  séances  de  Montfort- 
l'Amaury,  Soc.  des  édit.  scientifiques,  Paris,  1897. 

3.  Loc.  cit.,  I,  430. 

4.  Loc.  cit.,  II,  348-349. 

Richkt.  —  Mctapsycliique.  41 


642  .       MÈTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

excellentes.  Dans  une  expérience,  pendant  laquelle  G.  Flammarion 
contrôlait  constamment  la  tète  et  le  buste  d'EusApiA,  une  empreinte 
de  figure  a  été  prise  sur  du  mastic.  Manifestement  cette  figure  est 
celle  d'EusAPiA. 

A  Naples,  E.  Chiaja  a  obtenu  aussi  de  nombreuses  empreintes  sur 
de  l'argile. 

Pourtant,  somme  toute,  ces  expériences  d'empreintes  et  de  mou- 
lages prêtaient  encore  à  la  discussion.  Mais  les  expériences 
que  nous  fîmes  à  l'Institut  métapsycbique  avec  Kluski  semblent 
plus  précises.  Nous  y  reviendrons. 

Souvent  on  distiugue  les  linéaments  d'un  tissu  de  gaze  léger  qui 
protégerait  les  doigts  et  la  figure  du  médium  contre  le  contact 
direct  de  l'argile  ou  du  mastic.  On  né  peut  voir  là  une  objection. 
Au  contraire,  c'est  plutôt  une  preuve  de  l'authenticité  des  expé- 
riences, car  la  matérialisation  de  tissus  inertes  accompagne 
.toujours  la  matérialisation  de  tissus  vivants.  Et  puis  comment 
manier  et  faire  disparaître  cette  gaze  dans  les  conditions  de  contrôle 
expérimental  rigoureux  qu'on  connaît? 

Les  matérialisations  données  par  Marthe  B...  sont  d'une  extrême 
importance  l.  Elles  ont  apporté  de  nombreux  faits  qui  permettent 
de  tracer  le  processus  général  du  phénomène  des  matérialisations 
et  introduisent  daus  la  science  métapsycbique  des  données  absolu- 
ment neuves  et  imprévues. 

Après  que  des  faits  étranges  eussent  été  constatés,  pendant  une 
série  d'expériences  qui  dura  près  de  deux  ans,  par  le  général  Noël 
et  Mad.  Noël2,  je  fus  invité  par  le  général  Noël  à  assister  à  ces 
expériences,  et  convié  par  lui  à  Alger,  en  même  temps  que 
G.  Delanne,  directeur  de  la  Revue  du  spiritisme.  Les  premièresexpé- 
riences  auxquelles  j'assistai  m'avaient  fortement  impressionné, 
mais  je  me  méfie  toujours  de  ma  première  impression.  Alors  l'année 

1.  La  bibliographie  en  est  déjà  assez  longue;  car  ces  expériences  ont  soulevé 
bien  des  controverses.  On  trouvera  toutes  les  indications  nécessaires  (proet  contra) 
rapportées  avec  soin  dans  le  livre  de  Grasset  [L'occultisme  hier  et  aujourd'hui,  2° 
édit.,  Montpellier,  370-374).  A  seize  années  de  distance,  il  me  paraît  que  les  objec- 
tions qui  m'ont  été  faites  alors  sont  bien  misérables  et  méritent  tout  mon  dédain. 

2.  Un  officier  de  marine,  le  commandant  Demadiulle,  et  un  médecin,  le 
Dr  Decréuuy,  ont  été  les  témoins  de  ces  expériences  et  les  ont  corroborées.  Leurs 
récits  ont  été  publiés  partiellement  dans  les  A.  S.  P.  Leurs  notes  et  leurs 
dessins  appuient  nos  expériences  ultérieures,  d'une  manière  intéressante. 


ECTQPLASMIES    UK    MARTHE  643 

suivante  je  revins  à  Alger,  résolu  à  examiner  avec  plus  de  rigueur 
les  conditions  de  l'expérience. 

Le  médium  était  Marthe  Béraud,  fille  d'un  officier  supérieur, 
fiancée  au  fils  du  général,  lequel  était  mort  au  Congo  avant  le 
mariage.  C'est  une  jeune  fille  de  petite  taille,  brune,  aux  yeux  vifs, 
aux  cheveux  plutôt  courts,  très  intelligente  et  très  vive.  Elle  a 
donné,  après  les  expériences  d'Alger,  de  nombreuses  preuves  d'une 
très  forte  médiauimité,  car  c'est  elle  qui,  sous  le  nom  d'ÉvA,  a  été 
le  sujet  observé  par  Mad.  BissoNet  Schrenck-Notzing. 

La  chambre  où  se  passaient  les  expériences  est  clans  un  petit 
pavillon  isolé,  au-dessus  d'une  écurie,  au-dessous  d'un  grenier.  La 
fenêtre  était  condamnée,  et  restait  constamment  fermée.  La  porte 
unique  était  fermée  à  clef  au  début  de  chaque  séance.  C'est  la 
seule  pièce  du  pavillon.  Avant  chaque  séance  tout  était  par  Delanne 
et  par  moi  minutieusement  inspecté.  Au  fond  de  la  pièce  deux  rideaux 
teudus  isolaient  du  reste  de  la  chambre  une  sorte  de  cabinet  com- 
plètement sombre,  de  forme  triangulaire,  dont  l'hypoténuse  était 
représentée  par  le  rideau  de  u2m,50  de  long  environ.  (Voyez  figure  20, 
p.  644).  Les  assistants  au-devant  du  rideau,  à  50  centimètres,  et 
parfois  s'asseyaient  plus  près  encore.  Ces  assistants  étaieut  le  géné- 
ral et  Mad.  Noël,  Mlle  X...  Marie  et  Paule,  les  deux  sœurs  très 
jeunes  de  Marthe  (qui  toutes  deux  restaient  loin  du  rideau), 
Delanne  et  moi.  La  lumière  était  donnée  par  une  lampe  rouge, 
comme  celles  qu'on  emploie  pour  le  développement  des  photo- 
graphies. Il  y  avait  dans  le  cabiuet  une  chaise,  minutieusement 
inspectée,  pour  Marthe,  et  uue  autre  pour  la  négresse  Aischa1. 

Ou  pouvait  donc  parfaitement  voir  tout  ce  qui  se  passait  dans  la 
salle.  Aussi  puis-je  affirmer  avec  une  absolue  certitude  que  nulle 
personne  étrangère  ne  pouvait  y  pénétrer  pendant  les  séances  -. 

1.  Le  rôle  d' Aischa.  paraît  avoir  été  absolument  nul.  Mais  la  générale  tenait  à 
sa  présence.  Les  meilleures  expériences  ont  eu  lieu  en  l'absence  d'AiscHA. 

2.  Ceci  soit  dit  pour  répondre,  sans  que  je  daigne  y  revenir,  aux  assertions 
d*ARESKi,  un  cocher  arabe,  renvoyé  pour  vol  par  le  général,  et  qui  a  raconté 
qu'il  faisait  le  fantôme.  Un  certain  famélique  médecin  d'Alger,  le  Dr  R...,  pour 
attirer  sur  lui-même  l'attention  du  public,  a  eu  le  malheur  d'accueillir  ces 
propos,  et  il  a  exhibé,  devant  le  public  d'Alger.  Areski  lui-même,  qui  se  drapait 
d'un  manteau  blanc  et  qui,  comme  dans  les  Cloches  de  Corneville.  taisait  le  fan- 
tôme à  l'ébahissement  des  spectateurs.  C'est  là  tout  ce  qui  a  été  dit  de  plus 
sérieux  contre  les  expériences  de  la  villa  Carmen. 

Et  le  grand  public,  aveuglé  par  d'ignobles  journaux,  s'est  imaginé  que  la  fraude 


644  MÉTAPSYCHIQUE    0I5JECTIVE 

Assurément,  comme  Marthe  n'était  ni  liée,  ni  tenue  par  les  mains, 
les  conditions  de  contrôle  étaient  moins  sévères  que  pour  Eosapia  ; 
suffisantes  cependant  pour  qu'on  puisse  se  former  une  opinion. 

Après  une  période  de  temps  variable,  quelquefois  immédiatement, 
quelquefois  après  une  heure  ou  même  deux  heures,  les  rideaux 
s'entr'ouvraient,  et  on  pouvait  voir  Marthe  et  Aischa,  assises 
chacune  sur  une  chaise,  et  paraissant  profondément  endormies.  Il 
est  inutile  d'ajouter  qu'après  la  séance  tout  était  visité  par  nous 

A 


B 

Fig.  20.  --  Schéma  du  cabinet  de  la  villa  Carmen. 

En  AB,  rideau  qui  s'entr'ouvre  en  MX.  M,  endroit  où  est  Marthe.  N,  endroit  où  est  Aischa.  Nous 
sommes  placés  devant  le  rideau.  En  X,  naissance  de  la  matérialisation  qui  se  déplace  pour  aller 
en  0. 


avec  la  même  minutie.  Marthe  n'était  pas  déshabillée,  mais,  par 
cette  température  exceptionnellement  élevée,  elle  n'avait  qu'une 
robe  très  mince,  et,  comme  je  faisais  quelques  passes  magnétiques 
pour  la  réveiller  de  sa  transe,  je  pouvais  m'assurer,  en  lui  pal- 
pant tout  le  corps,  qu'elle  n'avait  rien  sur  elle  que  ce  très  mince 
vêtement. 

Il  est  inutile  d'incriminer  Aischa,  créature  inintelligente  et 
passive  assise  à  côté  de  Marth-e,  au  grand  déplaisir  de  celle-ci; 
car,  par  cette  température  tropicale,  l'odeur  de  la  négresse  était 
insupportable.  D'ailleurs  dans  les  expériences  les  plus  importantes, 
Aischa  n'était  pas  là. 

Il  est  par  conséquent  établi  qu'il  n'y  avait  aucune  instrumenta- 
tion, aucun  accessoire,  —  eu  style  de  théâtre  —  pouvant  aider  le 
médium,  et  d'autre  part  que  nulle  personne  étrangère  ne  pouvait 
intervenir. 

Les  matérialisations  qui  se  produisirent  furent  très  parfaites,  très 

avait  été  découverte.  11  a  été  prouvé  simplement  qu'un  domestique  arabe  voleur 
peut  1°  mentir  impudemment;  2°  s'afTubler  d'un  drap  ;  3°  paraître  sur  un  théâtre 
avec  ce  drap  ;  4°  faire  endosser  ses  mensonges  à  un  docteur  en  médecine. 

Ajoutons  que  Marthe  aurait  fait  des  soi-disant  aveux  de  fraude  à  un  avocat 
d'Alger  qui  -a  pris  un  pseudonyme.  Mais,  si  le  dire  de  cet  anonyme  est  vrai,  on 
sait  le  cas  qu'il  faut  faire  de  ces  révélations,  lesquelles  révèlent  surtout  l'instabilité 
mentale  des  médiums. 


ECTOPLASMIES    DE    LA    VILLA    CARMEN  645 

complètes.  Le  fantôme  de  Bien-Boa  apparut  plusieurs  fois,  ciuq  ou 
six  fois,  et  cela  dans  des  conditions  absolument  satisfaisantes,  en 
ce  sens  qu'on  ne  pouvait  supposer  que  c'était  Marthe,  affublée 
d'un  casque  et  d'un  drap.  Il  eût  fallu  à  Marthe,  non  seulement 
apporter,  mais  encore  remporter  ce  casque,  ce  drap,  ce  burnous. 
Et  puis,  dans  maintes  circonstances,  nous  avons  vu  simultanément 
Marthe  et  le  fantôme.  Quant  à  prétendre  que  c'était  un  mannequin, 
l'hypothèse  est  plus  absurde  encore.  Ce  fantôme  allait,  marchait, 
remuait  ;  on  distinguait  ses  yeux  qui  regardaient  lentement  autour 
de  lui  ;  on  voyait,  quand  il  essayait  de  parler,  ses  lèvres  qui  s'agi- 
taient. 

Il  avait  tellement  l'apparence  de  la  vie,  que  j'ai  imaginé  l'expé- 
rience suivante  :  je  pris  un  flacon  rempli  d'eau  de  baryte,  et  je 
cherchai  à  savoir,  si,  en  respirant  (car  on  entendait  sa  respiration) 
le  fantôme  produirait  comme  les  êtres  vivants,  de  l'acide  carbo- 
nique, de  manière  à  troubler  l'eau  de  baryte.  Or  l'expérience  a 
réussi  ;  je  n'ai  pas  quitté  le  flacon  des  yeux  depuis  le  moment  où 
je  l'ai  mis  entre  les  mains  de  Bien-Boa,  qui,  à  l'angle  gauche  du 
rideau,  semblait  flotter  dans  l'air,  plus  haut  et  plus  grand  que 
n'eût  pu  être  Marthe,  même  debout.  Pendant  que  Bien-Boa 
soufflait  dans  le  tube,  et  qu'on  entendait  le  glou-glou  de  l'air  qui 
barbotait,  je  disais  et  je  répétais  à  Delanne  :  «  Est-ce  que  vous 
voyez  Marthe  ?  »  Il  me  disait  et  me  répondait  :  «  Je  vois  Marthe 
tout  entière  ».  Quant  à  Aischa,  elle  est  loin,  à  l'autre  angle  du  cabinet, 
et  on  la  distingue  nettement,  immobile  et  endormie.  Pour  moi  je 
distingue  très  bien  la  forme  de  Marthe  assise  sur  le  fauteuil  ; 
mais  je  ne  peux  voir  ni  sa  tête,  ni  son  épaule  droite  *. 

Quelque  saisissante  que  soit  cette  expérience,  il  en  est  une  autre 
^qui  me  paraît  plus  probante  encore. 

Tout  étant  disposé  comme  d'habitude  (MIle  X...  malade,  était 
absente)  après  une  assez  longue  attente,  je  vois,  tout  près  de  moi, 
devant  le  rideau,  sans  que  le  rideau  ait  bougé,  comme  une  vapeur 


1.  Un  incident  comique  —  car  le  grotesque  intervient  parfois  dans  les  choses 
sérieuses  —  se  produisit  alors.  Quand  nous  vîmes,  après  le  barbotage  de  l'air  expiré 
dans  le  tube  à  eau  de  baryte,  la  baryte  blanchir,  (ce  qui  par  parenthèse  indique 
qu'il  y  avait  une  assez  bonne  lumière),  nous  criâmes  :  bravo'.  Alors  Bien-Boa  dis- 
parut; puis,  comme  un  acteur  qui  a  bien  joué  son  rôle,  il  reparut  trois  fois  de 
suite,  en  écartant  et  en  rabaissant  le  rideau,  et  saluant  l'assistance. 


646  METAPSYCH1QUE    OBJECTIVE 

blanche,  à  peine  à  40  centimètres  de  moi.  C'est  comme  un  voile 
blanc,  un  mouchoir  sur  le  sol.  Cette  blancheur  selève,  s'arrondit. 
Bientôt  c'est  une  tête  qui  est  à  ras  du  sol  ;  elle  s'élève  plus  encore, 
grandit,  et  devient  comme  une  forme  humaine,  un  homme  de  petite 
taille,  vêtu  d'un  turban  et  d'un  manteau  blanc,  avec  une  barbe, 
qui  va,  en  claudicant  légèrement,  de  ma  droite  à  ma  gauche  devant 
le  rideau  ;  et  qui  alors,  arrivé  auprès  du  général,  s'affaisse  brus- 
quement sur  le  sol,  avec  un  son  He  clac,  clac  (comme  un  bruit  de 
squelette  qui  tomberait  brusquement)  s'aplatissant  devant  le  rideau. 
Trois  ou  quatre  minutes  après  (mais  cette  fois  plus  près  du  général, 
et  non  près  de  moi)  la  forme  reparaît,  s'élevant  du  sol  en  droite 
ligne,  naissant  du  sol  pour  ainsi  dire,  et  rentrant  ensuite  dans  le 
sol  avec  le  même  bruit  de  clac  clac. 

La  seule  explication  non  métapsychique  possible  m'a  paru 
aussitôt  celle  d'une  trappe  s'ouvrant  et  se  fermant.  Mais  il  n'y 
avait  pas  de  trappe,  comme  je  l'ai  constaté  le  lendemain  matin,  et 
comme  un  procès-verbal  de  l'architecte  l'atteste. 

G.  D.elanne  a  vu  le  même  phénomène1,  mais,  comme  il  était  un 
peu  plus  loin,  il  n'a  pas  pu  distinguer  aussi  nettement  que  moi 
1  'émergeraient  du  fantôme  au-dessus  du  sol. 

Il  me  paraît  tout  à  fait  impossible  que,  si  souple,  si  menue  que 
soit  Marthe,  elle  ait  pu  ramper  sous  le  rideau,  sans  l'agiter,  et  me 
donner  l'illusion  d'un  personnage  humain  qui  s'élève  en  droite 
ligne.  Et  puis  comment  expliquer  cette  tête  qui,  ainsi  qu'une  tête 
coupée,  est  à  ras  du  sol,  et  la  disparition  brusque,  en  droite  ligne, 
alors  que,  très  peu  de  temps  après,  nous  revoyons  Marthe  tran- 
quillement assise,  endormie  sur  le  fauteuil. 

Diverses  photographies  ont  été  prises,  tant  par  Delànne  que  par 
moi,  stéréoscopiques  ou  non.  Elles  montrent  des  détails  intéres; 
sants  dont  Oliver  Lodge  a  fait  une  pénétrante  critique,  en  déclarant 
que  c'étaient  les  meilleures  photographies  métapsychiques  qu'il 
connaissait. 

Ce  qui  est  curieux,  c'est  le  flou  des  mains,  qui  paraissent  avoir 
des  contours  indécis,  comme  vaporeux.  Le  voile  dont  le  fantôme 
s'entoure  est  aussi  à  contours  indéterminés,  ce  qui  les  fait  con- 

1.  Il  en  a  donné  une  description  détaillée. 


ECTOPLASMIES    DE    LA    VILLA    CARMEN 


647 


traster  fortement  avec  les  contours  nets  et  précis  de  l'épaule 
d'AiscHA.  Une  épaisse  barbe  noire,  comme  posticlie,  semble  apposée 
à  la  bouche  et  au  menton.  On  remarque  aussi  une  masse  fluidique 
blanchâtre,  eu  avant  du  rideau,  qui  ne  peut  être  une  erreur  pho- 
tographique, encore  que  nous  ne  l'ayons  remarquée  que  sur  la 


Fig.  21.  —  Photographie  de  Bien  Boa.  On  voit  Marthe  assise.  Remarquer  le  casque 
enveloppé  de  draperies,  la  position  élevée  de  la  l'orme,  qui  est  en  avant  de 
Marthe,  dans  un  plan  antérieur,  sans  paraître  soutenue  par  des  membres  infé- 
rieurs. La  photographie  stéréoseopique  est  bien  meilleure  que  cette  reproduction. 

photographie.  Elle  se  trouve  dans  deux  photographies  prises  par  des 
appareils  diiïérents.  Le  plan  où  est  le  fantôme  est  en  avant  du 
plan  où  est  Marthe.  Il  semble  que  Bien-Boa  n'ait  qu'un  buste  qui 
flotte  dans  l'espace,  en  avant  de  Marthe,  dont  on  voit  le  corsage.  Au 


648  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

bas,  entre  le  rideau  et  la  robe  noire  de  Marthe,  deux  sortes  de 
bâtons  blanchâtres  droits,  servant  de  sustentation  à  l'étrange  per- 
sonnage de  Bien-Boa. 

Le  seul  côté  défectueux  de  l'expérience  jugée  par  la  photographie, 
c'est  que  la  main  gauche  de  Marthe,  qui  paraît  s'appuyer  sur  le 
fauteuil  d'AiscHA,  semble  vide,  encore  que  la  vacuité  ne  soit  pas 
complète.  Mais  on  voit  si  bien  le  corsage,  les  genoux  et  tout  le  corps 
de  Marthe,  que  cette  apparente  vacuité  de  la  manche  gauche  ne  me 
semble  pas  devoir  être  une  objection  bien  grave,  encore  que  j'aie 
pris  soin  d'appeler  toute  l'attention  sur  ce  point. 

//  est  absolument  impossible  que  le  fantôme  soit  une  personne 
étrangère  s'étant  introduite  daris  le  cabinet;  et  il  est  impossible  que 
Marthe  ait  pu  se  revêtir  d'un  casque,  d'un  drap,  et  disposer  d'un 
mannequin  qui  la  remplace  sur  sa  chaise,  en  même  temps  qu'elle 
avait  provoqué  un  nuage  blanchâtre  en  avant  du  rideau.  Tout  se 
passe  comme  si  des  vapeurs  fluidiques  sortaient  de  sa  tête  et  de  son 
côté  droit,  pour  masquer  la  tête  et  le  côté  droit,  et  s'élever  dans 
l'air  sans  autre  sustentation  que  la  tête  et  le  corps  de  Marthe. 

J'ai  pu  voir  à  la  villa  Carmen  une  autre  matérialisation  tout  à 
fait  précise  l. 

La  veille  du  jour  où  je  devais,  après  un  long  séjour,  repartir 
d'Alger,  Bien-Boa,  parlant  par  la  voix  de  Marthe  2,  essayant  de  me 
retenir,  me  dit  :  «  Reste  !  Tu  verras  celle  que  tu  désires  ».  On  com- 
prend que  je  sois  resté. 

Or,  le  lendemain,  très  peu  de  temps,  presque  tout  de  suite,  après 
que  le  rideau  fut  fermé,  le  rideau  se  rouvre,  et,  dans  l'entre- 
bâillement des  deux  côtés,  apparut  une  figure  de  jeune  femme, 
extrêmement  jolie,  ou  plutôt  belle,  avec  une  sorte  de  ruban  doré, 
de  diadème  recouvrant  ses  cheveux  blonds  et  le  haut  de  la  tête. 
Elle  riait  de  bon  cœur,  presque  aux  éclats,  pour  ainsi  dire,  et 
semblait  s'amuser  énormément  ;  je  crois  voir  encore  son  rire  et 
ses  dents  éblouissantes.  Elle  apparut  ainsi  deux  ou  trois  fois, 
montrant  sa  tète,  puis  la  cachant,  absolument  comme  font  les 

i.  Ces  détails  sont  inédits. 

2.  La  voix  de  Bien-Boa  est  alors  saccadée,  gutturale  ;je  la  comparerais  volon- 
tiers à  la  voix  que  donnerait  un  larynx  de  bois,  une  voix  de  Polichinelle. 


ECTOPLASMIES    DE   LA    VILLA    CARMEN  649' 

enfants  qui  jouent  à  cache-cache.  Soudain  elle  ne  voulut  pas 
reparaître.  Alors  le  général  me  dit  :  «  Mettez  la  main  derrière  le 
rideau,  et  vous  toucherez  ses  cheveux  »,  ce  que  je  fis  :  alors  le  général 
ajouta  :  «  Ils  sont  doux  comme  de  la  soie,  n'est-ce  pas?  »  —  «  Pardon, 
mon  général,  repris-je,  ils  ressemblent  plutôt  à  du  crin  ».  C'était  la 
sensation  en  effet  que  m'avaient  donnée  les  prétendus  cheveux. 
Aussitôt  je  reçus  une  petite  tape  sur  le  dos  de  la  main.  Le  crin  se 
retira,  et  une  voix  derrière  le  rideau  me  dit  :  «  Apporte  demain 
des  ciseaux  ».  J'apportai  le  lendemain  des  ciseaux.  La  reine  égyp- 
tienne revint,  ne  me  montra  guère  que  le  haut  de  sa  tête,  une  che- 
velure très  blonde,  très  longue,  très  abondante.  Sa  grande  préoccu- 
pation était  de  savoir  si  j'avais  apporté  des  ciseaux.  Je  pris  alors  à 
pleines  mains  une  poignée  de  ces  longs  cheveux.  Je  distinguais 
alors  assez  mal  la  figure  qu'elle  tenait  à  cacher  derrière  le  rideau. 
Au  moment  où  je  voulais  en  couper  une  longue  mèche  assez  haut, 
voici  qu'une  main  à  travers  le  rideau  abaisse  fortement  ma  main, 
de  sorte  que  je  n'eus  que  l'extrémité  des  cheveux,  15  centimètres 
environ.  Et  comme  j'étais  un  peu  long  peut-être  à  cette  opération, 
elle  dit  à  voix  basse  :  «  Vite  !...  vite  /...  »  puis  elle  disparut l. 

Il  semble  que  le  but  de  cette  princesse  égyptienne  était  de  me 
faire  couper  une  mèche  de  ses  cheveux  (?)  ;  car,  à  partir  de  ce 
moment,  je  ne  la  revis  plus.  Le  lendemain,  dans  la  chambre  de  la 
générale  Noël,  qui  était  au  lit  et  malade,  j'entrevis  vaguement  une 
forme  fugace  dans  le  cabinet  de  toilette,  forme  qui  s'effaça  quand 
je  m'approchai.  Mais  ce  dernier  souvenir  est  assez  confus  2. 

Avant  1905,  avec  d'autres  médiums  puissants,  il  y  avait  eu,  chez 
le  général  Noël,  des  manifestations  spirites  importantes.  Ainsi  que 
le  général  et  Mad.  Noël,  M.  Demadrille,  aujourd'hui  capitaine  de 
vaisseau,  a  vu  nettement  le  fantôme  du  dit  Bien-Boa,  et,  en  même 
temps  que  lui,  à  côté  de  lui,  la  médium  Vincente.  LeDrDECRÉQUY,qui 
a  aussi  assisté  à  ces  expériences,  en  témoigne.  Des  croquis  ont  été 


1.  J'ai  conservé  cette  mèche  de  cheveux,  fins,  soyeux,  non  teints,  que  l'ana- 
lyse microscopique  a  montrés  être  des  cheveux  véritables.  11  paraît  qu'une  per- 
ruque semblable  coûterait  un  millier  de  francs.  Marthe  est  très  brune,  et  a  les 
cheveux  assez  courts. 

2.  Lire  dans  les  Psychische  Studien  de  1906,  diverses  notices  critiques,  rela- 
tives à  ces  expériences.  L.  Deinhakd.  Die  Materialisationssitzungen  in  Alger, 
p.  74  et  137.  —  Bormann,  Bien  Boa  und  der  Wascheposantz,  p.  200,  col.  9. 


650  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

faits,  qui  sont  reproduits  dans  les  Annales  des  sciences  pyschiques, 
«  Le  rideau  s'entrouvre,  dit  le  commandant  Demadiulle,  et  je  vois 
d'abord  sortir  Vincente  :  je  vois  toute  sa  forme,  puis  B.  B.  sort  du 
cabinet,  semblant  la  soutenir  du  bras  droit.  Les  rideaux  se  refer- 
ment derrière  lui,  et  ils  restent  là  tout  deux  debout...  Je  lui  ai  pris 
la  main  (à  B.  B.).  Je  sens  la  peau  raide  et  froide,  le  bras  est  glacé, 
et  a  la  rigidité  et  la  froideur  cadavériques.  » 

M.  G...  officier  de  cavalerie,  a  vu,  avec  d'autres  médiums  que 
Marthe  B...,  alors  qu'une  forte  lumière  rouge  éclairait  la  salle  (en 
même  temps  que  les  médiums  endormis  qu'on  pouvait  voir  assis 
sur  leurs  fauteuils),  une  forme  bien  vivante,  dont  il  a  pu  distinguer 
les  traits,  à  quelques  centimètres  de  ses  yeux.  C'était  la  forme  de 
M.  de  Qqillac  dont  la  veuve  assistait  à  la  séance  l. 

L'histoire  des  matérialisations  de  Marthe  s'est  enrichie  récemment 
d'un  ensemble  imposant  d'observations  très  bien  prises  simultané- 
ment par  A.  de  Schrenck-Notzing  et  Mad.  Bisson  2.  De  très  nom- 
breuses photographies,  plus  nombreuses,  plus  instructives,  qu'il 
n'y  en  eut  jamais  dans  aucune  publication  encore,  sont  jointes 
au  texte,  et  permettent  de  suivre  les  processus  singuliers  de  ces 
beaux  phénomènes.  Eva  est  la  même  personne  que  Marthe 
Béraud3. 

Dans  ces  expériences,  conduites  pendant  plus  de  quatre  ans, 
avec  une  prudence  et  une  patience  admirables,  des  précautions 
minutieuses  ont  été  prises  contre  la  fraude.  A  chaque  séance  le 
cabinet  était  rigoureusement  visité,  Eva  est  complètement  désha- 
billée, et,  devant  les  expérimentateurs,  revêtue  d'un  caleçon 
maillot  qui  la  recouvre  depuis  le  cou  jusqu'aux  pieds.  La  tète 
est  recouverte  par  un  tulle  cousu  au  maillot.  On  examine  les 
cheveux,  les  aisselles,  le  nez,  la  bouche,  les  genoux  :  quelquefois 

1.  A.  S.  P.,  1906,  255.  Les  dernières  séances  de  la  villa  Carmen. 

2.  Les  phénomènes  dits  de  matérialisation,  par  Juliette  Alexandre  Bisson,  avec 
préface  de  J.  Maxwell,  in-8",  1  vol.,  Paris,  Alcan,  1914.  —  Schhenck-Notzing, 
Materialisalionsphaenomene,  E.  Reinhaudt,  Munchen  1014.  —  Cet  ouvrage  a  été 
en  1919  traduit  en  anglais. 

3.  Grasset,  dans  son  livre  de  1908,  admet,  sans  aucune  preuve  à  l'appui,  que 
c'est  Areski  qui  est  entré  dans  le  cabinet  ;  hypothèse  mille  fois  absurde.  Mais 
M.  Grasset  ne  pouvait  pas  savoir  que  Marthe  devait  donner,  cinq  années  plus  tard, 
de  beaux  phénomènes,  confirmant  avec  éclat  ce  que  j'ai  vu  à  la  villa  Carmen, 
quoique  la  médiumnité  de  Marthe  ait  pris  à  la  villa  Carmen  et  à  Paris  des  formes 
très  différentes. 


ECTOPLASMIES    DE    MARTHE  651 

même  l'examen  rectal  et  l'examen  vaginal  ont  été  laits.  Comme 
souvent  les  formes  matérialisées  sortent  de  la  bouche,  on  a  fait 
ingérer  à  Eva  des  confitures  de  myrtil,  dont  le  pouvoir  colorant 
est  extrême  ;  il  n'en  est  pas  moins  sorti  alors  de  sa  bouche  des 
nuages  de  matérialisation  absolument  blancs.  Quelquefois  on  a 
poussé  la  rigueur  expérimentale  (un  peu  trop  loin  peut-être)  en  lui 
donnant  avant  la  séance  un  vomitif. 

L'éclairage  établi  devant  le  rideau  permettait  de  lire  les  gros 
caractères.  Derrière  le  rideau,  dans  l'intérieur  du  cabinet,  il  y 
avait  une  lampe  rouge  et  une  lampe  blanche  pouvant  être  allumées  à 
volonté.  Trois  appareils  photographiques  (dont  un  stéréoscopique) 
étaient  braqués  sur  les  rideaux,  et  prêts  à  entrer  en  jeu  au  moindre 
signal;  quelquefois  il  y  eu  avait  jusqu'à  neuf.  Eva,  déshabillée  en 
pleine  lumière,  puis  rhabillée  par  les  expérimentateurs,  est  con- 
duite dans  le  cabinet.  On  ferme  les  rideaux  ;  on  fait  la  demi-obscu- 
rité; et  c'est  alors  que  commence  la  séance. 

Dans  ces  conditions  il  paraît  vraiment  impossible  qu'une  fraude 
ait  pu  se  produire.  L'hypothèse  d'un  complice  s'introduisant  dans 
la  chambre  est  absurde.  L'hypothèse  d'objets  multiples,  apportés 
par  Eva,  n'est  pas  moins  ridicule.  Ajoutons  qu'EvA  demeure  chez 
Mad.  Bisson,  et  que  Mad.  Bisson  ne  la  quitte  que  rarement.  Ces 
deux  dames  prennent  tous  leurs  repas  ensemble,  et  dorment  dans 
la  même  chambre.  Même  en  supposaut  cette  énorme  absurdité 
que  Mad.  Bisson  a  été  de  mauvaise  foi,  il  lui  eût  été  impossible 
de  tromper  pendant  trois  ans  Schuçnck-Notzing,  Gelev,  J.  Maxwell, 
le  D1'  Bourbon,  M.  Chevreul,  C.  de  Vesme,  G.  de  Fontenay  et  moi- 
même,  ainsi  que  d'autres  personnes  encore  qui  ont  assisté  aux 
séances.  Ajoutons  qu'il  y  eut  des  séances  à  Paris,  à  Biarritz,  à 
Munich,  et  que  le  tout  se  prolongea  pendant  quatre  années. 

Les  phénomènes  de  matérialisations  qui  se  produisent  alors  sont 
remarquables. 

Essentiellement,  ils  consistent  en  une  sorte  d'émanation  lumi- 
neuse, plastique,  qui  le  plus  souvent  sort  de  la  bouche  du  médium, 
quelquefois  de  son  nombril  (dans  les  cas  où,  seule  avec  Mad.  Bisson, 
Eva  était  complètement  nue);  quelquefois  de  sa  poitrine;  quel- 
quefois de  ses  aisselles.  C'est  une  substance  blanchâtre,  rampant 
comme  un  être  vivant,  à  prolongements  protoplasmiques,  humides, 


652  METAPSYGHIQUE    OBJECTIVE 

glacés,  qui,  sous  les  yeux  des  assistants,  se  transforment  en  une 
main,  des  doigts,  une  tête,  parfois  une  forme  tout  entière. 

Je  cite,  ne  pouvant  tout  indiquer,  la  séance  du  15  avril  1912, 
(en  présence  de  C.  de  Vesme  et  de  P.  Bisson). 

«  Les  manifestations  commencent  immédiatement.  On  peut  voir 
de  la  substance  blanche  sur  le  cou  du  médium  :  puis  une  tête  se 
forme,  se  promène  de  gauche  à  droite,  et  se  pose  au-dessus  de  la 
tête  du  médium.  On  photographie l.  Après  l'éclair  du  magnésium,  la 
tète  reparaît  à  côté  de  la  tête  d'EvA,  à  0m,40  à  peu  près.  Elle  est 
reliée  à  Eva  par  un  long  paquet  de  substance  blanche.  Elle  a  l'appa- 
rence d'une  tète  d'homme,  et  semble  animée  de  mouvements  de 
haut  en  bas  qui  paraissent  être  des  salutations.  On  compte  une 
vingtaine  d'apparitions  de  la  même  tête  qui  s'avance,  recule  au 
fond  du  cabinet,  et  disparaît.  Une  tête  de  femme  se  montre  alors  à 
droite,  se  présente  près  des  rideaux  et  recule  à  l'intérieur  du 
cabinet.  Elle  revient  à  plusieurs  reprises  et  disparaît.  » 

Voici  une  autre  expérience  (30  août  1912)  faite  à  Munich,  en  pré- 
sence de  M.  et  Mad.  de  Schrenck,  et  du  D1'  Klapka.  Elle  est  intéres- 
sante, parce  qu'une  brusque  tentative  a  été  faite  afin  de  savoir  s'il 
y  avait  ou  non  fraude2. 

«  Immédiatement  la  substance  blanche  se  montre  sur  l'épaule 
gauche  du  médium,  puis  sur  son  ventre.  Le  Dr  Klapka  constate  que 
les  mains  d'EvA  tiennent  constamment  le  rideau  et  sont  en  vue 
tout  le  temps.  On  aperçoit  la  masse  blanche,  brunâtre,  sur  les 
genoux  d'EvA.  A  un  signe  Schrenck  entre  brusquement  dans  le 
cabinet,  avec  une  lampe  qu'il  allume,  et  prend  les  mains  d'EvA, 
pendant  que  le  Dr  Klapka  essaye  de  saisir  la  masse  blanche,  mais 
ne  peut  rien  prendre,  car  elle  disparait  aussitôt.  Tout  de  même, 
malgré  la  terreur  qu'a  inspirée  à  Eva  cette  tentative,  l'expérience 
reprend,  et  on  voit  devant  la  figure  d'EvA  apparaître  une  figure 
d'homme  qui  disparaît  au  bout  de  une  ou  deux  secondes. 

Séance  du  43  juin  4913  (en  présence  du  Dr  Bourbon  et  de 
Mad.  Bisson,  p.  208).  — La  substance  sort  de  la  bouche  du  médium, 
et  à  l'extrémité  se  trouve  un  doigt  matérialisé.  M.  Bourbon  prend  ce 
doigt  au  moment  où  il  sort  de  la  bouche,  et  constate  son  ossature  : 

1.  Fig.  73-74,  p.  108  et  109. 

2.  Schrenck-Notzing,  loc.  cit.,  329. 


ECTOPLASMIES    DE    MARTHE  653 

il  constate  aussi  qu'il  est  mobile.  Ce  doigt  a  traversé  de  part  en 
part  le  voile  de  tulle  (dont  avait  été  recouverte  la  tête  du  médium) 
tulle  qui  ne  porte  nulle  trace  de  déchirure1.  L'apparition  entière 
(  ti ne  ligure  d'homme,  avec  des  moustaches  très  longues),  beaucoup 
plus  grande  qu'EvA,  est  sortie  du  cabiuet,  a  commencé  à  parler,  est 
arrivée  jusqu'à  Mad.  Bisson,  qu'elle  a  embrassée  sur  la  joue.  Le 
bruit  des  lèvres  a  été  euteudu. 

L'expérieuce  du  30  novembre  1912 a  est  particulièrement  intéres- 
sante. Ou  voit  tout  le  temps  les  deux  mains  d'EvA  tenant  le  rideau. 
Alors  la  matière  blauche  se  dégage,  sortant  de  l'épaule  gauche,  et 
tombant  sur  la  poitrine.  Cette  matière  devient  de  plus  en  plus  con- 
sistante, et  prend  finalement  la  forme  d'une  figure  humaine, 
Schrenck,  qui  a  vu  ou  tenu  jusqu'alors  les  mains  d'EvA,  les  aban- 
donne sur  la  demande  d'EvA,  et  peu  après  la  forme  devient  plus 
nette  ;  c'est  celle  que  montre  la  photographie  de  la  page  643. 

Il  est  à  remarquer  que  ces  figures  (ainsi  que  beaucoup  d'autres), 
telles  qu'elles  ont  été  photographiées,  n'ont  pas  de  relief.  Elles 
semblent  des  dessins,  des  images,  et  —  ce  qui  est  plus  singulier 
encore  —  on  distingue  comme  les  plis  du  papier  de  l'image.  C'est 
tout  à  fait  comme  si  un  dessin  quelconque  avait  été  plié  trois  ou 
quatre  fois,  et  déplié  ensuite  pour  être  alors  photographié,  de  sorte 
qu'il  s'agit  de  matérialisations  plates,  ou  si  l'on  veut  encore,  de 
dessins  matérialisés. 

Ces  plicatures  d'images  sans  relief  ont  donné  la  présomption 
énorme  de  la  fraude.  Mais  if  faudrait  alors  supposer  une  extrême 
bêtise  d'EvA,  puisqu'elle  savait  qu'on  prendrait  les  clichés  de  ces 
images.  Comment,  à  côté  de  son  extraordinaire  habileté,  aurait-elle 
été  assez  maladroite  pour  faire  photographier  des  images  sembla- 
bles? 

Il  faudrait  aussi  supposer  qu'Ev.v  a  apporté  ces  dessins  pho- 
tographiés et  qu'elle  les  a  fait  ensuite  disparaître.  Mais  l'hypo- 
thèse de  dessins  apportés  et  enlevés  est  impossible  à  soutenir  ;  car  : 
1°  dans  certains  cas  le  dessin  a  apparu,  alors  que  les  mains  n'avaient 
pas  cessé  d'être  vues  ;  2°  par  suite  de  l'extrême  rigueur  avec  laquelle 

1.   SCHKENCK,   pi.   XXI. 

"2.  ScHRENcK-NorziNG,  d.  370.  fig.  107  et  pi.  XI. 


Fig.  2-2.  —  Ectopiasoiie  de  Mahthe  bVA^a  après  Mail.  Bisson  et  ScHRKNuK-NofziNG). 


Agrandissement  du  cliché. 

Adroite,  tête  de  Mabthe  dont  on  voit  le  cou  se  dessiner  nettement.  Expansion  Manche  fluidique 
qui,  semblant  partir  des  cheveux  et  de  la  nuque  de  Marthe,  descendait  à  peu  près  comme  les  rubans 
(l'un  bonnet. 

A  gauche  commencement  de  forme  matérialisée,  une  figure,  très  imparfaite  encore,  comme  enve- 
loppée d'un  voile.  Les  ailes  du  nez  sont  à  peine  formées  (Exp.  du  30  déc.  1911). 


ECTOPLASMIES    DE    MARTHE  6'65 

étaient  pratiqués  les  examens  minutieux  de  toute  la  personne  cTEva 
avaut  etaprèsla  séance,  on  ne  voitpas  commeutelleauraitpu  appor- 
ter de  grands  dessins  ;  3°  les  dessins  ont  apparu  quelquefois  eu  dehors 
du  voile  de  tulle  qui  recouvrait  Eva  ;  4°  il  y  a  eu  des  mouvements, 
parfois  très  manifestes,  et  tout  à  fait  automatiques,  de  ces  images 
qui  sesuccédaieut  avec  rapidité,  et  qui  paraissaient  desètres  vivants. 

Le  fait  qu'il  y  a  apparition  de  dessins  et  non  de  formes  en 
relief  n'est  nullement  une  preuve  de  supercherie.  Eu  efïet,  ou 
s'imagine,  bien  à  tort,  qu'une  matérialisation  est  nécessairement 
analogue  à  un  corps  humain  et  qu'elle  possède  trois  dimensions. 
Loin  de  là.  Rien  ne  prouve  que  le  processus  de  matérialisation  ne 
soit  pas  précisément,  après  la  période  de  nuage,  de  brouillard,  une 
période  de  linéaments  grossiers,  rudimentaires,  à  laquelle  succé- 
dera une  période  de  développement  complet. 

Les  expansions  gélatineuses,  à  demi  lumineuses,  humides,  qui 
sortent  de  la  bouche  de  Maktiie-Eva,  sont  des  formations  embryon- 
naires, qui  tendent  à  l  organisation  sans  y  parvenir  tout  de  suite. 
Peut-être,  avec  d'autres  médiums,  tels  que  Hume  et  Florence  Gook, 
l'organisation  eu  forme  vivante  est-elle  plus  rapide;  eu  tout  cas, 
avec  Eva  la  formation  est  lente,  progressive,  difficile. 

Schrenck  a  examiné  au  microscope  des  résidus  de  cette  matière 
amorphe,  et  n'y  a  trouvé  que  des  débris  épithéliaux,  des  formes 
bactériennes,  et  une  quantité  notable  de  graisse.  Daus  certains  cas, 
c'a  été  un  tissu  d'apparence  végétale;  dans  d'autres  cas,  ou  a  vu 
comme  uu  filameut  de  coton  entouré  d'une  substance  granuleuse 
non  déterminée. 

Ces  expériences  remarquables  de  Mad.  Bisson  et  de  Schrenck  éta- 
blissent donc* une  fois  de  plus  le  phénomène  de  l'ectoplasmie. 
Après  les  expériences  de  W.  Crookes,  de  Mad.  d'Esi>érance,  de 
P.  Gibier,  d'EusAPiA,  de  la  villa  Carmen,  il  semble  qu'il  soit  mainte- 
nant impossible  de  révoquer  en  doute  ce  phénomène  extraordi- 
naire, extrêmement  rare,  mais  réel  '. 

1.  En  Allemagne,  des  critiques  acerbes  (et  médiocres)  ont  paru;  en  particulier, 
de  Mad.  le  Ur  Mathilde  von  Kemnitz.  Schkenck-Nojzing  lui  a  vigoureusement 
répondu  ainsi  qu'au  l)r  von  Gul\t-\Vkli.enburg,  Uer  Kamp f  und  die  Materialisa- 
tionspliaenomene,  Verteidigungsschrïft,  Munçhen,  Reinhardt,  1914.  Voir  aussi 
La  querelle  des  phénomènes  de  matérialisation,  par  A.  von  Schrenck-Notzing,  A. 
S.  /'.,  mai,  l'Jl4.  XXIV,  129-149.  Sciibenck  démontre  que  l'examen  attentif  des  pho- 
tographies indique  qu'il  ne  peut  s'agir  des  photographies  ayant  paru  dans  le 


656  MÉTAPSYCH1QUE    OBJECTIVE 

Pour  l'origine  et  la  formation  des  ectoplasmes,  les  phénomènes 
que  Schrenck-Notzing  et  Mad.  Bisson  ont  constatés  sur  Eva  appor- 
tent des  documents  nouveaux,  dune  belle  importance  théorique. 
Le  mot  ectoplasme,  que  j'avais  imaginé  pour  les  expériences  d'Eu- 
sapia,  semble  absolument  justifié;  c'est  bien  une  sorte  de  proto- 
plasme gélatineux,  amorphe  d'abord,  qui  sort  du  corps  du  médium, 
et  qui  prend  forme  plus  tard.  Sur  presque  toutes  les  photographies, 
on  voit  distinctement  cette  embryogénie  de  la  matérialisation.  Au 
début  il  y  a  toujours  des  voiles  blancs,  des  taches  laiteuses,  et  c'est 
dans  l'intérieur  de  cette  pâte  gélatineuse,  sorte  de  mousseline 
humide  et  gluante,  que  des  figures,  des  doigts,  des  dessins  se  for- 
ment peu  à  peu. 

Pour  apporter  une  preuve  formelle  qui  établisse  la  vérité  des 
phénomènes  de  matérialisation,  et  d'embryogenèse  ectoplasmique, 
présentés  par  Marthe,  je  crois  devoir  donner  ici,  presque  sans 
abréviation,  le  protocole  des  expériences  faites  par  moi  avec  Marthe, 
chez  Mad.  de  S...,  dans  des  conditions  où  toute  fraude  était  impos- 
sible (septembre,  octobre,  novembre  1906). 

Si  je  ne  les  ai  pas  publiées  en  1906,  c'est  qu'elles  m'ont  paru  telle- 
ment extraordinaires  que  je  voulais  attendre  leur  confirmation  par 
de  nouvelles  recherches  que  je  désirais  poursuivre,  mais  Marthe 
à  ce  moment  entreprit  d'autres  études  avec  Mad.  Bisson. 

A  certains  égards  mes  expériences  donnent  plus  de  détails  que 
celles  de  Schrenck.  et  de  Mad.  Bisson  ;  car  je  pouvais  suivre  tous  les 
progrès  de  l'embryogenèse  ectoplasmique.  En  effet,  je  n'ai  pas  pris 
de  photographies  ;  grave  lacune  sans  doute,  mais  lacune  largement 
compensée  par  le  fait  que  j'ai  pu  suivre  de  l'œil  les  progrès  de  la 
formation  ectoplasmique  dans  tous  leurs  détails,  sans  qu'il  y  eût 
des  intermittences  d'observation  pendant  lesquelles  le  rideau  était 
abaissé,  ce  que  le  médium  ne  permet  pas  quand  il  attend  que 
la  photographie  soit  prise,  et  quand  il  donne  lui-même  le  signal 
au  photographe.  Et  puis,  les  médiums  ont  toujours  plus  ou  moins 

journal  Le  Miroir.  Mad.  Barklay,  qui,  dans  le  Psy chic  Magazine,  avait  cru  démon- 
trer la  fraude,  a  prouvé  simplement  qu'elle  n'avait  ni  lu  les  comptes  rendus  des 
séances,  ni  examiné  soigneusement  les  photographies. 

Schkenck  avait  d'ailleurs  payé  des  détectives  qui  pendant  plusieurs  mois  ont 
cherché  par  tous  les  moyens  à  relever,  et  même  à  provoquer  quelque  fraude  : 
ils  n'ont  rien  pu  obtenir. 


ECTOPLASMIES    DE    MARTHE  657 

peur  de  cet  éclair,  et  je  crois  bien  qu'à  cause  même  de  cette  crainte 
il  y  a  peut-être  quelque  ralentissement  des  phénomènes. 

Enfin  il  est  probable  que  les  pouvoirs  médianimiques  de  Marthe 
se   sont   transformés,   et  que    leur  modalité  a  varié.  Chez  Mad. 
de  S...  les  phénomènes  étaient  assez  différents  de  ceux  qui  se  p 
saient  à  Alger,  analogues,  presque  identiques  à  ce  qui  a  été  vu, 
quelques  années  plus  tard,  par  Mad.  Bisson  et  Se  i  enck-Nojzing, 

Voici  textuellement  mes  notes  de  1906  '. 

«  Dans  le  salon  (tout  petit)  que  j'explore,  un  angle  :  des  rideaux 
sont  devant  l'angle  qui  peut  se  fermer  ou  s'ouvrir,  Un  fauteuil 
canné  au  milieu,  où  est  assise  Marthe.  Mad.  de  S...  (que  j'ap- 
pellerai A...)  est  seule  avec  Marthe  et  moi.  Nous  sommes,  A... 
et  moi,  assis  près  de  Marthe,  tellement  près  que  sans  me  lever  je 
peux  toucher  les  mains  de  Marthe.  La  lumière  (une  lampe  élec- 
trique couverte  d'un  voile  rouge)  est  assez  forte  pour  éclairer 
toutes  les  parties  blanches  (rubans  blancs  autour  de  la  tête)  des 
vêtements  de  Marthe.  Après  une  demi-heure  environ,  j'ouvre  les 
rideaux  et  je  vois  par  terre  une  vague  lueur,  assez  faible  pour  que 
je  doute  de  sa  réalité.  Peu  à  peu  la  lueur  devient  de  plus  en  plus 
forte.  Elle  est  par  terre,  comme  un  très  petit  mouchoir  lumineux. 
Tout  le  corps  de  Marthe  est  immobile.  La  tache  lumineuse  grandit. 
Ses  contours  sont  laiteux,  indécis,  nuageux,  plus  incertains  et  plus 
flous  que  ne  serait  une  étoffe.  Elle  se  rapproche  du  fauteuil, 
grandit,  prend  la  forme  d'une  sorte  de  serpent  qui  tend  à  monter 
vers  le  bras  gauche  du  fauteuil  de  A...  Ses  contours  deviennent 
plus  nets.  C'est  comme  une  masse  d'étoffe  à  demi  pleine.  Soudain  un 
spectacle  extraordinaire.  De  la  masse  se  détache  une  pointe  qui 
monte,  se  recourbe,  et  se  dirige  sur  la  poitrine  de  Marthe  (dont 
les  maius  sont  toujours  tenues).  La  pointe  continue  à  avancer, 
dune  manière  effarante,  comme  un  animal  qui  se  dirige  avec  son 
bec;  et,  à  mesure  qu'elle  avance,  sur  la  tige  rigide,  il  y  a  comme 
une  toile  qui  se  déroule  (une  membrane  d'aile  de  chauve-souris) 
si  mince  et  si  transparente  qu'on  voit  les  vêtements  de  Marthe  à 


•i.  Ces  noies,  que  je  me  proposais  de  publier  quelque  jour,  m'ont  paru  telle- 
ment importantes  que  je  les  ai  confiées,  pour  qu'au  besoin  elles  parussent  après 
ma  mort,  à  mon  cher  ami  Georges  Lyon.  11  vient  sur  ma  demande  de  me  les 
renvoyer. 

RiciiET.  —  Métapsychique.  42 


658  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

travers.  Ou  distingue  bien  la  tige  de  ce  voile  membraneux  qui 
l'entoure.  Marthe  est  immobile,  et  parle  par  intervalles. 

«  Je  peux  m'approcher,  regarder  de  très,  très,  très  près,  °2  ou 
3  centimètres  de  distance.  Je  vois  comme  une  étoile  gonflée,  à  formes 
changeantes,  animée  de  mouvements.  Pendant  cinq  à  six  minutes,  je 
l'examine  avec  soin.  Je  vois  des  prolongements,  comme  les  cornes 
d'un  limaçon,  qui  se  dressent  à  droite  et  à  gauche  :  ces  cornes  sont 
comme  une  gélatine  transparente,  elles  peuvent  rentrer  et  sortir  de 
la  masse  principale  plus  nettement  formée. 

«  Marthe  se  lève.  Je  lui  prends  les  mains.  Eu  élevant  ou  en  abais- 
sant ses  mains,  il  me  semble  que  j'attire  la  pointe  de  la  masse. 
Bientôt  la  masse  a  disparu.  Il  semble  qu'il  n'y  ait  plus  qu'une  sorte 
de  voile  suspendu  à  ma  main  (qui  tient  les  deux  mains  de  Marthe). 
Mais  je  ne  peux  rien  sentir.  J'ai  fait  un  léger  mouvement  du  petit 
doigt,  la  masse  a  redesceudu  de  quelques  centimètres  pour  remonter 
ensuite.  » 

Cette  extraordiuaire  expérience,  qui  était  la  première,  a  été 
dépassée  encore  en  étraugeté  par  l'expérience  suivante  (20  octobre) 
faite  dans  la  journée,  avec  une  lumière  très  suffisante  pour  voir 
(Exp.III).— Je  passe,  brevitatis  causa,  Inexpérience  II,  du  18 octobre, 
qui  est  la  reproduction  de  l'expérience  I.  —  Il  y  a  assez  de  lumière, 
même  dans  le  cabinet,  pour  qu'on  puisse  lire  le  titre  d'un  livre. 

«  Après  une  demi-heure  d'attente,  les  rideaux  s'ouvrent.  A  terre 
un  petit  tractus  blanc,  qui  grandit,  fait  une  masse  ovoïde,  qui  émet 
unprolongement,  lequel  monte  sur  le  bras  du  fauteuil.  A  ce  moment 
il  y  a  nettement  comme  les  deux  cornes  d'un  limaçon  qui  semblent 
déterminer  la  direction  de  la  masse,  une  masse  X,  inférieure,  sur  le 
sol,  une  masse  B  qui  lui  est  unie,  et  qui  a  grimpé  par  dessus  le 
bras  du  fauteuil.  Je  peux  de  très  près  regarder  cette  formation. 
La  tige  est  d'un  blanc  grisâtre,  moins  blanche  que  la  guipure  du 
corsage  de  Marthe  et  à  contours  plus  flous.  Elle  a  des  renflements, 
comme  une  peau  de  serpent  vidée,  tandis  que  les  deux  masses  X 
et  B  semblent  gonflées  et  plus  pleines.  Peu  à  peu  la  masse  X 
remonte,  et  la  masse  B  redescend,  de  sorte  qu'à  un  moment  la 
masse  X  est  sur  les  genoux  de  Marthe,  tandis  que  la  masse  B  est 
devenue  inférieure.  C'est  la  base  sur  laquelle  semble  reposer  toute 
la  formation,  car  elle  s'étale  comme  un  amibe  sur  le  plancher,  et  a 


RCTOPLASMJKS     DR     .MAHTHK 


659 


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660 


METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 


alors  la  forme  de  deux  socles  (deux  pieds?).  Peudaut  que  ces  deux 
sortes  de  pieds  coutinueut  à  s'épater  sur  le  sol,  j'ai  tout  le  temps 


9  bis. 


nécessaire  pour  regarder  de  très  près  la  masse  X,  grisâtre,  gélati- 
neuse, à  peine  visible.  Il  ne  m'est  pas  permis  de  la  toucher.  Elle 


ËGTOPLASMIÈS    DE    !UAllTHF. 


661 


est  alors  sur  les  genoux  de  Marthe.  Alors  peu  à  peu  elle  semble  se 
diviser  en  digitations  à  son  extrémité.  C'est  comme  un  commence- 


10. 


11. 


là. 


ment  de  main,  informe,  mais  assez  nette  pour  que  je  puisse  dire  : 
c'est  une  main  gauche  qu'on  voit  par  le  dos. 

«  Un  nouveau  progrès  se  fait.  Le  petit  doigt  se  sépare  presque 


662  ■        MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

complètement,  et  alors  l'apparence  suivante,  très  rapide,  mais  très 


CD 


nette  :  masse  nuageuse  grisâtre  dans  laquelle  apparaît  une  main 


ECTOPLASMIES    DE    MARTHE  663 

avec  doigts  repliés,  vue  par  le  dos,  avec  un  petit  doigt  nettement 
séparé,  un  peu  mal  formé,  et  au-dessus  un  renflement  qui  ressemble 
aux  os  du  carpe  (une  sorte  de  photographie  Rontgen  des  os  du 
carpe).  Bientôt  la  masse  nuageuse  qui  entourait  cette  main  dispa- 
raît, et  il  reste  une  main  rudimentaire  et  informe,  mais  d'une  con- 
sistance toute  différente.  C'est  comme  un  moulage  en  plâtre.  Je  crois 
voir  les  plis  de  la  peau  et  les  sillons  se  former  lentement.  Je  vois  et  je 
tiens  solidement  les  deux  mains  de  Marthe.  La  main  ectoplasmique 
semble  résistante,  plus  grosse  qu'une  main  de  femme.  Je  peux  la 
regarder  de  très  près  et  attentivement  peudant  dix  minutes,  et  à 
une  très  bonne  lumière.  Puis  Marthe  se  lève,  et  tout  disparaît.  » 

De  toutes  ces  expériences  la  plus  extraordinaire  est  certainement 
l'expérience  IV  (20  octobre). 

«  Assez  bonne  lumière.  Le  rideau  reste  fermé  pendant  une  heure 
environ.  Puis  je  l'ouvre;  une  tache  blanche,  comme  une  étoffe  sur 
le  sol,  rapidement  grandit,  il  y  a  formation  de  deux  cornes  pour  le 
cheminement  de  la  masse  X,  qui  émet  des  cornes  très  mobiles 
daus  tous  les  sens. 

«  Alors  la  masse  X,  d'abord  très  ample,  se  disloque  peu  à  peu,  en 
particules,  qui  lui  donnent  l'apparence  d'une  main  ;  ce  n'est  plus  le 
moulage  comme  hier,  c'est  une  main  grisâtre  à  contours  incertains. 

«  Cette  main  est  animée  de  mouvements,  elle  a  l'air  d'une  main 
de  momie  qui  sortirait  d'une  étoffe.  Elle  se  relève  et  s'abaisse 
comme  une  main.  Les  mains  de  Marthe  tenues  par  moi  solidement 
sont  tout  à  fait  immobiles.  Les  extrémités  des  doigts  de  l'ecto- 
plasme, effilées,  allongées  en  fuseaux,  semblent  se  terminer  en 
nuages.  Je  peux  les  regarder  de  très  près.  Je  touche  un  de  ces 
fuseaux;  il  me  donne  l'impression  d'un  liquide  froid.  Je  puis  ap- 
puyer, et  j'ai  la  sensation  d'un  os  (phalangette),  froid,  recouvert  de 
peau.  La  main  se  balance  sur  mon  genou,  et  je  sens  comme  un  léger 
frôlement  d'un  corps  peu  résistant.  Alors  la  main  se  soulève  toute 
seule,  en  se  balançant  sur  la  longue  tige  qui  la  rattache  au  sol, 
puis  retombe  sur  le  sol,  en  faisant  un  léger  bruit;  elle  reste  par 
terre,  et  je  crois  voir  les  deux  os  de  l'avant-bras  comme  enveloppés 
d'un  nuage  mousseline. 

«  Puis  la  main  se  relève,  s'incline  et  avance  vers  moi.  Le  poignet 
est  abaissé,  les  doigts  sont  pendants,  ils  se  balancent,  il  y  a  comme 


664  MÉTAPSYGHIQUE    OBJECTIVE 

un  mouvement  de  torsion  de  cet  étrange  avant-bras.  Je  crois  tou- 
jours voir  les  os  du  carpe  enveloppés  dans  le  nuage  mousseline. 

«  La  main  se  pose  sur  mon  genou.  Je  sens  son  poids  (très,  très 
léger).  Elle  fait,  comme  je  le  demande,  de  petits  mouvements  de 
déplacement  sur  mon  genou,  mouvements  que  je  seus  bien.  Alors 
Marthe  me  dit  :  «  Voilà  les  muscles  qui  commencent  à  se  former  »,  et 
je  vois  (ou  crois  voir)  dans  l'espace  qui  sépare  les  deux  os  quelque 
chose  de  noir.  La  main  se  relève,  se  meut  très  près  de  moi,  n'ayant 
presque  plus  de  racine  avec  le  sol  que  par  une  légère  traînée  blanche. 
La  main  alors  retombe  par  terre  avec  un  petit  bruit,  puis  se  relève 
et  disparaît  tout  d'un  coup,  au  moment  où  Marthe  se  relève.  » 

La  dernière  expérience  est  assurément  moins  remarquable.  Il 
semble  qu'il  y  ait  eu  comme  un  effort  pour  donner  des  phénomènes 
différents,  qui  n'ont  pas  pu  acquérir  grande  intensité. 

«  Après  une  longue  attente  (une  heure)  Marthe  ouvre  les  rideaux. 
On  la  voit  assise,  immobile.  A  son  épaule  droite  apparaît  comme 
une  masse  blanchâtre,  peut-être  lumineuse  (sans  qu'on  puisse 
affirmer  qu'elle  ait  une  luminosité  spéciale).  Cette  lueur,  d'abord 
indistincte,  prend  peu  à  peu  la  forme  d'une  draperie,  puis  dispa- 
raît daus  le  corps  de  Marthe.  Alors  apparaît  une  sorte  de  nuage 
qui  ne  me  paraît  pas  pesant  (?),  et  qui  est  comme  jeté  en  travers  du 
cou  et  du  buste  de  Marthe,  mais  c'est  très  fugitif. 

«  Puis  se  produit  un  phénomène  extrêmement  important,  mal- 
heureusement plus  rapide  que  les  phénomènes  jusqu'à  présent 
constatés.  A  environ  0m,50  de  Marthe  paraît  une  sorte  de  poupée 
(sans  figure)  tout  à  fait  indistincte,  de  1  mètre  de  hauteur  à  peine. 
Une  tête  toute  petite,  avec  deux  longues  manches  et  presque  pas  de 
jambes,  le  tout  sous  une  sorte  de  draperie  ou  de  lueur.  Gela  dure 
une  demi-minute.  Puis  la  forme  tout  entière  s'affaisse  sur  le  sol  ; 
il  ne  reste  plus  que  la  rondeur  de  la  tête,  qui  persiste  pendant 
une  demi-minute,  très  bas,  et  disparait.  » 

Le  dernier  phénomène  (je  copie,  sans  en  rien  retrancher,  mes 
notes)  est  extrêmement  net  et  bien  visible.  «  Prolongement  lumi- 
neux semblant  partir  de  l'union  du  cou  avec  le  dos  par  derrière. 
Les  deux  mains  (de  Marthe)  sont  visibles  et  tiennent  la  draperie.  Le 
prolongement  est  blanc,  très  lumineux;  il  me  paraît,  sans  que  j'en 


ECTOPLASMÎËS    DK    MARTHE  665 

sois  sûr,  qu'il  est  lumineux  par  lui-même.  Il  est  droit,  très  étroit, 
n'ayant  pas,  à  ce  qu'il  semble,  plus  de  0m,02  de  diamètre.  Au  bout 
est  une  masse  qui  n'est  pas  arrondie;  mais  plutôt  triangulaire.  La 
partie  externe  de  cette  masse  est  comme  frisée,  ou  plutôt  les  con- 
tours externes  en  sont  indécis.  Elle  est  d'abord  complètement  immo- 
bile, puis  elle  se  meut  par  saccades  comme  si  la  tige  rentrait  dans 
le  corps.  Il  m'a  semblé  que  la  masse  lumineuse,  ressemblant  à  une 
sorte  de  massue  des  armes  nègres,  changeait  de  dimensions,  deve- 
nait tantôt  plus  grande,  tantôt  plus  petite.  Finalement  elle  est  ren- 
trée dans  le  cou  et  dans  le  dos  de  Marthe,  les  mains  de  Makthe 
étant  toujours  visibles.  » 

Telles  sont  les  expériences  que  je  lis  en  19Q6,  avec  Makthe.  Elles 
me  paraissent,  étant  corroborées  par  les  photographies  ultérieures 
(admirables)  prises  par  Schrbnck-Notzing  et  Mad.  Bis.son,  d'une 
importance  extrême. 

D'abord  il  ne  peut  y  avoir  supercherie.  La  lumière,  très  suffisante 
pour  tout  voir;  la  proximité,  extrême;  et  le  temps,  parfois  très  pro- 
longé, qui  me  permettait  de  tout  observer  dans  le  plus  grand  détail, 
interdisent  absolument  que  j'aie  été  victime  d'uue fraude.  Même  en 
supposant  —  ce  qui  est  absurde  —  que  Mad.  de  S...,  chez  qui  l'ex- 
périence se  faisait,  eût  été  complice,  il  eût  été  impossible  de  faire 
apparaître  sous  mes  yeux  ces  nuages  qui  s'organisaient  devant 
moi  en  masses  mobiles  et  d'apparence  osseuse. 

Marthe  était  explorée,  fouillée,  avant  et  après  l'expérience.  Je  ne 
la  quittais  pas  des  yeux  un  instant,  et  ses  mains  ont  toujours  été 
non  seulement  tenues,  mais  visibles. 

Donc  il  s'agit  de  phénomènes  authentiques. 

Or  ce  qui  résulte  de  ces  observations  étonnantes,  c'est  le  procédé 
de  formation  des  ectoplasmes,  une  buée  nuageuse,  blanchâtre,  peut- 
être  lumineuse,  qui  prend  d'abord  la  forme  d'une  mousseline  ou 
d'une  gaze,  au  sein  de  laquelle  se  constituent  une  main,  un  poi- 
gnet, un  bras,  lesquels  deviennent  graduellement  de  plus  en  plus 
consistants.  Cet  ectoplasme  est  doué  de  mouvements  personnels.  Il 
rampe  comme  un  animal,  s'élève  du  sol,  pousse  des  tentacules  à  la 
manière  d'un  amibe.  Il  n'est  pas  rattaché  au  corps  du  médium  pen- 
dant tout  le  temps,  mais  le  plus  souvent  il  en  émane,  et  lui  est  relié. 

On  peut  distinguer  dans  ces  ectoplasmies  deux  phases  :  une  phase 


666 


METAPSYCHIOUE    OBJECTIVE 


d'ébauche,  et  une  phase  de  constitution.  Selon  toute  probabilité, 
avec  d'autres  médiums,  la  forme  constituée  peut  apparaître  tout 
de  suite,  sans  avoir  été  précédée  par  une  période  de  nuage  indis- 
tinct, préparatoire. 

Afin  de  démontrer  l'authenticité  de  ces  phénomènes,  je  ne  peux 
mieux  faire  que  de  comparer  les  notes  prises  par  moi,  en  1906,  et 
celles  qu'a  publiées  Geley  en  1920;  je  les  reproduis  sans  rien 
changer  ni  aux  unes  et  aux  autres.  Nous  avions  l'un  et  l'autre,  sans 
nous  communiquer  nos  notes  et  sans  rien  publier,  isolément  expéri- 
menté avec  Marthe,  moi  en  1906,  Geley  en  1910. 


NOTES    DE    CH.    RICHET 
(1906) 

A  terre,  un  petit  tractus  blanc  qui 
grandit,  fait  une  masse  ovoïde  qui 
émet  un  prolongement,  lequel  monte 
sur  le  bras  du  fauteuil.  A  ce  moment, 
il  y  a  nettement  comme   les  deux 
cornes  d'un  limaçon   qui    semblent 
déterminer  la  direction  de  la  masse. 
Une  masse  inférieure  X  sur  le  sol  et 
une  masse  B  qui  lui  est  unie  et  qui 
a  grimpé  par  dessus  le  bras  du  fau- 
teuil. Je  peux  de  très  près  regarder 
cette   formation.    La    tige   est   d'un 
blanc  grisâtre,  avec  des  renflements 
comme  une  peau  de  serpent  ridée. 
La  masse  X  est  sur  les   genoux  de 
Marthe,  tandis  que  la  masse  B  s'étale 
comme  un  amibe  sur  le  plancher.  La 
masse  X  est  grisâtre,  gélatineuse,  à 
peine  visible.  Elle  est  alors  sur  les 
genoux  de  Marthe.  Peu  à  peu  elle 
semble  se  diviser  en  digitations  à  son 
extrémité.  C'est  comme  un  commen- 
cement  de    main,    informe,    mais 
assez  nette  pour  que  je  puisse  dire  : 
c'est  une  main  gauche  qu'on  voit  par 
le   dos.  Nouveau  progrès.    Le   petit 
doigt  se   sépare   presque   complète- 
ment :  alors  l'apparence  suivante, 
très  rapide,    mais  très  nette  :  une 
main  avec  doigts  repliés,   vue  par 
le  dos,  avec  un  petit  doigt  nettement 
séparé,  un  pouce  mal  formé  et  au- 
dessus  un  renflement  qui  ressemble 
aux  os  du  carpe.  Je  crois  voir  les  plis 
de  la  peau. 


notes  de  geley  (De  l 'inconscient 
auconscient,  1919,  p.  59). 

De  la  bouche  descend   lentement 
jusque    sur    les    genoux   d'EvA,    un 
cordon  de  substance  blanche  de  la 
largeur  approximative  de  deux  doigts. 
Ce  ruban  prend  à  nos  yeux  les  formes 
les   plus  variables;   il    se   ramasse 
et  se  rétrécit,   puis   se  renfle,  puis 
s'étire  de  nouveau.  Çà  et  là,  de  la 
masse   partent  des   prolongements, 
des  espèces  de  pseudopodes,  et  ces 
pseudopodes  revêtent   parfois,   pen- 
dant quelques  secondes,  la  forme  de 
doigts,    l'ébauche    de    mains,    puis 
rentrent  dans  la  masse.  Finalement 
le  cordon  se  ramasse  sur  lui-même, 
s'allonge  sur  les  genoux  d'EvA  ;  puis 
son  extrémité  se  relève,  se  détache 
du  médium  et  s'avance  vers  moi.  Je 
vois  alors  cette  extrémité  s'épanouir 
sous  forme  d'un  renflement  et  d'un 
bourgeonnement  terminal  qui  s'épa- 
nouit en  une  main  parfaitement  mo- 
delée.  Je  touche   cette   main,    elle 
donne  une  sensation  normale  :  je 
sens  les  os,  je  sens  les  doigts  munis 
de    leurs   ongles.  Puis   la   main   se 
rétrécit,  diminue,  disparaît  au  bout 
du  cordon. 


ECTOPLASMIRS    DE    MARTHE  667 

Il  est  impossible  d'admettre  que  Geley  (que  je  connaissais  à  peine 
en  1910),  et  moi,  nous  ayons  été  l'un  et  l'autre,  à  cinq  ans  de 
distance,  pareillement  hallucinés  par  la  même  hallucination,  ou 
illusionnés  par  la  même  illusion. 

Geley,  après  avoir  décrit  avec  grande  précision  ces  variations  de 
la  masse  gélatineuse,  embryo-plastique,  ajoute  :  «  Je  ne  dis  pas  seu- 
lement :  il  n'y  a  pas  eu  de  fraude.  Je  dis  :  il  n'y  avait  pas  possibi- 
lité de  fraude.  Presque  toujours  les  matérialisations  se  sont  faites 
sous  mes  yeux,  et  j'ai  observé  toute  leur  geuèse  et  tout  leur  déve- 
loppement ». 

C'est  exactement  ainsi  que  je  conclurai. 

D'autres  observations,  tout  à  fait  analogues  à  celles  qui  ont  été 
faites  sur  Marthe-Eva,  sont  indiquées  par  de  Sghrengk  dans  son  beau 
livre.  Il  s'agit  d'une  jeune  fille  polonaise,  Stanislawa  P...  qui  a 
par  hasard  découvert  qu'elle  était  médium,  en  voyant  subitement 
apparaître  devant  elle  (à  dix-huit  ans)  son  amie  Sophie,  qui  venait 
de  mourir,  ce  que  Stanislawa  ignorait.  Chez  de  Schrenck,  à  Munich  , 
Stanislawa  a  eu  des  ectoplasmes  buccaux,  tout  à  fait  comme  Eva. 
Elle  avait  été  fouillée,  revêtue  d'un  maillot  noir,  et  toute  la  tête 
était  recouverte  d'une  voilette  à  mailles  très  fines.  L'ectoplasme 
sortait  à  travers  le  voile.  Au  bout  de  l'ectoplasme  se  formèrent  les 
ébauches  de  trois  doigts.  Quelques  cinématogrammes  de  ces  im- 
portantes expériences  ont  pu  être  pris. 

Avec  Linda  Gazzera,  de  beaux  phénomènes  d'ectoplasmie  et  de 
télékinésie  multiples  ont  été  obtenus.  Mon  savant  et  généreux  ami, 
le  docteur  E.  Imoda,  de  Turin,  a  publié  un  livre  important  où  il  relate 
les  expériences  curieuses,  méthodiquement  poursuivies,  qu'il  a 
faites  à  Turin  chez  la  marquise  de  Ruspoli. 

Linda  Gazzera,  la  médium,  qui  a  donné  ces  phénomènes,  est  une 
jeune  fille  de  vingt-deux  ans,  d'aimable  figure,  très  instruite,  vive 
et  gaie.  Son  guide  est  un  certain  Vincenzo,  qui  fut,  parait-il,  un  offi- 
cier de  cavalerie,  mort  il  y  a  quelques  années,  et  sur  lequel  toutes 
données  précises  manquent.  Quelquefois,  ce  fut  une  petite  fille 
morte  à  quatre  ans,  Carlotta.  Dans  toutes  ces  expériences,  Linda 
était  soigneusement  fouillée,  déshabillée  et  rhabillée,  et  le  cabinet 


668  MÉÏAPSYCHîQtJE    OBJECTIVE 

où  elle  opérait,  scrupuleusement  exploré.  Les  maius  étaient  très 
bien  tenues  :  d'ailleurs  Linda  ne  faisait  jamais  eiïort  pour  les  libérer. 
Le  seul  côté  défectueux  des  expériences  est  que  les  pieds  et  les 
genoux  n'étaient  pas  aussi  sévèrement  contrôlés  que  les  maius. 
Mais  il  est  impossible  que  les  phénomènes  alors  observés  soient 
dus  à  des  mouvements  des  pieds,  si  habiles  et  si  adroits  qu'on  les 
suppose  ;  par  exemple  comme  de  remonter  une  boîte  à  musique, 
comme  de  mettre  une  pipe  dans  ma  bouche.  (!!) 

Une  des  caractéristiques  de  la  médiumnité  de  Linda,  c'est  que  les 
phénomènes  de  télékinésieoud'ectoplasmie  se  produisent  très  rapi- 
dement. A  peine  la  lumière  est-elle  éteinte  que  tout  de  suite  des 
objets  se  déplacent,  tout  de  suite  des  instruments  b"e  musique  sont 
mis  en  jeu,  et  des  formes  blanches  diverses  apparaissent.  En  même 
temps  les  assistants  senteut  des  attouchements,  le  contact  d'un 
membre  chaud,  humide,  mobile,  vivant,  sans  qu'il  soit  toujours 
possible  de  dire  qu'il  s'agisse  d'une  main. 

C'est  surtout  à  la  photographie  des  ectoplasmes  que  E.  Imoda  s'est 
attaché.  Le  souci  de  bonnes  photographies  est  excellent.  Peut-être 
cependant  la  préoccupation  primordiale,  exclusive,  d'obtenir  à 
tout  prix  de  belles  photographies  empêche-t-elle  de  faire  de  minu- 
tieuses observations  visuelles,  à  l'œil  nu.  On  voit  sur  les  photogra- 
phies d'IaioDA  des  mains,  des  figures  très" diverses,  toujours  entou- 
rées d'un  voile  blanc.  Lorsque  Linda  est  venue  chez  moi,  à  Paris, 
G.  de  Fontenay  a  pris  aussi  des  clichés  irréprochables  (p.  175-179). 
Une  main  a  été  photographiée  ;  une  autre  fois  c'a  été  uue  figure,  qui 
paraît  être  la  reproduction  de  la  figure  d'un  possédé  dessiné  par 
Rubens  dans  un  de  ses  tableaux  qui  est  au  Louvre. 

Gomme  dans  les  photographies  de  Schrenck-Notzing,  ces  images 
sont  plates  :  il  n'y  a  pas  de  relief.  Les  mains  photographiées  res- 
semblent plutôt  à  des  gants  qu'à  des  mains  véritables. 

Il  en  avait  été  ainsi. d'ailleurs  pour  les  photographies  obtenues  avec 

Caranzini2.  Les  figures  sont  tout  à  fait  identiques  à  des  figures  de 

poupées,  mais  toujours,  comme  les  maius,  enveloppées  d'une  voile. 

Or  on  ne  peut  pas  admettre  que,  sans  le  secours  de  ses  mains, 

1.  Folografie  di  fantasmi,  in-8°,  Torino,  F.   Bocca,  1912,  préface  de  Ghari.es 
Richet. 

2.  A.  S.  P..  1912,  XII,  135. 


ECTOPLASMIES    DE    LINDA  069 

après  qu'elle  a  été  scrupuleusement  fouillée  et  revêtue  d'habille- 
ments spéciaux,  Linda  puisse  en  une  ou  deux  minutes  disposer 
des  cartons,  des  mannequins,  des  dessins,  assez  habilement  et  assez 
prestement  pour  pouvoir  affronter  la  photographie  D'autant  plus 
qu'une  fois  la  photographie  obtenue,  Linda  est  fouillée  de  nouveau 
et  qu'on  ne  trouve  rien.  Comment  ferait-elle  disparaître  l'objet  qui 
a  été  photographié? 

«  Le  fait,  disais  je,  dans  ma  préface  au  livre  d'iMODA,  que  les  ecto- 
plasmes ne  sont  pas  des  figures  vivantes,  n'est  pas  du  tout  uue 
objection  ;  car  rien  ne  nous  interdit  d'admettre  que  l'ectoplasme 
sera  une  image  et  non  un  être  vivaut.  La  matérialisation  d'un 
buste  en  plâtre  n'est  pas  plus  facile  à  comprendre  que  celle  d'une 
image  lithographique  :  la  formation  d'une  image  n'est  pas  moins 
extraordinaire  que  celle  d'une  tête  humaine,  avec  du  sang,  des 
mouvements  et  des  pensées.  » 

Je  signalerai  comme  particulièrement  probante,  et  à  mon  sens 
décisive,  l'expérieuce  suivantes  faite  chez  moi,  à  Paris,  et  à  laquelle 
assistaient  Mad.  Ch.  Richet,  Argentine  (la  nourrice  italienne  d'un  de 
mes  petits  enfants,  à  qui  j'avais  demandé  de  venir  pour  que  Linda 
eût  près  d'elle  une  compatriote),  G.  de  Fontenay  et  moi.  Moi  à  droite, 
de  Fontenay  à  gauche.  La  séance  n'a  duré  que  trente-cinq  minutes. 
Pendant  tout  le  temps,  sans  une  seule  interruption,  j'ai  tenu  soli- 
dement, résolument,  admirablement,  la  main  droite  de  Linda,  et 
peut-être  30  ou  40  fois  j'ai  constaté,  en  mettant  la  main  sur  l'autre 
main  de  Linda,  que  de  Fontenay  tenait  parfaitement  la  main  gauche. 
Or,  même  avant  que  Linda  fût  en  trance,  il  y  a  eu  des  mouvements 
d'objets.  La  musique  a  tourné;  une  pipe  placée  derrière  Linda  est 
arrivée  en  pleine  obscurité  et  a  été  mise  dans  ma  bouche.  Quelque 
temps  après  cette  pipe  a  été  saisie  —  (Obscurité  absolue)  —  et  jetée 
avec  force  au  milieu  de  la  chambre.  Une  chose  très  lourde  m'a 
donné  des  coups  violents  sur  le  dos  de  la  main.  Une  chose  forte, 
grosse,  frappant  avec  vigueur,  a  frappé  des  coups  violents  sur  la 
table  et  a  frappé  aussi  de  Fontenay.  Une  photographie  a  été  prise, 
où  se  voit  une  main  bien  matérialisée,  l'ongle  et  toutes  les  pha- 
langes. Elle  est  entourée  d'un  ruban,  d'une  étoffe.  Il  y  a  un  fil,  qui 
paraît  blanc,  sortant  de  la  tête  de  Linda  (v.  p.  553). 
Cette   expérience,    jointe  à   celles  que  E.  Imoda  et  la  marquise 


670  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

de  Ruspoli,  en  Italie,  ont  multipliées,  met  hors  de  doute  la  réalité 
des  phénomènes. 

Le  Dr  P.  Gibier,  physiologiste  éminent,  directeur  de  l'Institut  Pas- 
teur de  New-York,  a  fait  avec  Mad.  Salmon  uue  belle  et  décisive 
expérience2. 

Il  a  expérimenté  chez  lui,  dans  son  laboratoire.  Il  a  fait  d'abord 
construire  une  cage  en  fer  spéciale  dont  la  porte  fermait  à  clef,  il  a 
mis  la  clef  dans  sa  poche,  et  a  entouré  la  serrure  de  timbres-poste. 
Mad.  Salmon  est  enfermée  dans  cette  cage.  Au  bout  d'un  temps  très 
court,  après  que  l'obscurité  a  été  faite,  on  voit  des  mains,  des  bras, 
puis  des  formes  vivantes  qui  sortent  de  la  cage  ;  un  homme,  une 
femme,  le  plus  souvent  une  petite  fille,  Mandy,  gaie,  enjouée.  Sou- 
dain, c'est  Mad.  Salmon  elle-même  qui  sort  de  la  cage,  et  tombe  à 
demi  évanouie  sur  le  plancher.  Cependant  les  cachets  sont  intacts, 
et  la  porte  de  la  cage  n'a  pas  été  ouverte. 

Dans  une  seconde  expérience,  plus  démonstrative  encore,  la  cage 
eu  fer  fut  remplacée  par  un  cabinet  en  bois,  spécialement  cons- 
truit, hermétiquement  fermé  aussi.  En  outre  Mad.  Salmon  fut  gar- 
rottée solidement  par  des  liens  cachetés  qui  furent  scellés  aux  parois 
du  cabinet.  A  peine  l'obscurité  fut-elle  faite  que  tout  de  suite, 
vingt-quatre  secondes  après,  apparaissent,  en  dehors  du  cabinet,  un 
grand  avant-bras  et  une  main  gauche  nus.  Puis  une  autre  forme  se 
meut  en  dehors  du  cabinet. 

Après  quelques  minutes  d'attente,  un  objet  blanc,  gros  comme  un 
œuf,  au  dehors  du  cabinet,  se  développe  en  hauteur5.  Alors  une 
femme,  paraissant  vivante,  sort  du  cabinet.  Mad.  D...  et  Mad.  B... 
la  reconnaissent.  Cette  personne  fantomatique  parle  français  très 
correctement  (Mad.  Salmon  en  prononce  à  peine  quelques  mots... 
mais  cette  différence  ne  signifie  rien  du  tout).  L'apparition  persiste 
pendant  deux  minutes.  P.  Gibier  peut  distinguer  ses  traits.  Elle  est 

i.  Loc.  cit.,  p.  173  3,  21  avril  1909. 

2.  Le  mémoire  où  ces  faits  sont  relatés  devait  être  lu  au  Congre?  de  psycho- 
logie international  de  Paris,  de  1900.  Mais  P.  Gibier  a  été  frappé  par  une  mort 
accidentelle,  prématurée.  C'est  donc  un  travail  posthume,  dont  nous  donnons  ici 
les  conclusions.  Recherches  sur  les  matérialisations  de  fantômes,  la  pénétration 
delamatière  et  autres  phénomènes  psychiques,  A.  S.  P.,  XI,  3-16,  65-92. 

3.  On  comparera  ce  mode  de  formation  de  l'ectoplasme  avec  mes  expériences 
de  la  villa  Carmen. 


EGTOPLASMIES  671 

mince,  vingt  à  vingt-cinq  ans  d'apparence,  tandis  que  Mad.  Salmon 
est  corpulente,  âgée  de  cinquante  aus.  Puis  vient  la  petite  Mandy, 
qui  a  un  mètre  de  haut  seulement.  Puis  un  homme  de  grande  taille, 
dont  P.  Gibier  a  pu  serrer  la  main,  vigoureuse,  musclée,  tout  à  fait 
masculine.  Au  bout  dequelque  temps  cette  nouvelle  forme  s'effondre, 
s'abimepour  ainsi  dire  dans  le  sol. 

Après  cette  séance  émouvante,  on  constate  que  tout  est  intact. 
Mad.  Salmon  est  toujours  dans  ses  liens;  le  rubau  de  soie  est  tou- 
jours serré  autour  du  cou,  comme  avant  la  séance. 

Plusieurs  faits  importants  se  dégagent  de  ces  notables  expériences. 
D'abord,  elles  ont  été  conduites  par  un  savant  de  scepticisme 
éclairé,  et  dirigées  de  telle  manière  que,  même  en  n'admettant  pas 
comme  incontestable  la  sincérité  de  Mad.  Salmon,  il  ne  pouvait  y 
avoir  fraude  que  par  l'introduction  chez  P.  Gibier  de  plusieurs 
complices,  ce  qui  est  manifestement  absurde.  Ensuite  on  notera  la 
rapidité  et  la  multiplicité  des  matérialisations. 

Ainsi  ces  expériences  de  Gibier  confirment  d'une  manière  écla- 
tante les  autres  matérialisations  dont  nous  avons  donné  le  récit. 
Que  faut-il  de  plus  pour  entraîner  la  conviction? 

Il  y  a  pour  les  expériences  faites  avec  le  médium  Carancini,  étudié 
surtout  par  le  baron  L.  von  Erhardt  et  la  Société  des  études  psy- 
chiques de  Rome,  toute  une  bibliographie1.  Carancini  a  été  étudié 
uon  seulement  à  Rome,  mais  à  Paris  par  de  Vesme,  Lemerle, 
M.  Mangin,  à  Genève  par  Claparède,  Flournoy,  Rattelli.  Il  y  a 
maints  points  douteux,  non  pas  sur  sa  médiumnité  qui  paraît  à  peu 
près  prouvée,  mais  sur  la  realité  de  ses  fraudes,  même  parfois 
conscientes,  ce  qui  enlève  beaucoup  d'autorité  aux  expériences  qui 
ont  paru  réussir,  malgré  de  minutieuses  précautions.  Quantité  de 
photographies  ont  été  prises;  cependant  il  n'y  avait  éclair  du 
magnésium  que  quand  Carancini  avait  donné  le  signal  :  Fuoco. 

Carancini  était  très  fortement  ligoté,  et  on  le  retrouvait,  l'expérience 
terminée,  ligoté  exactement  comme  avant  l'expérience.  Mais  on  sait 
que,  pour  beaucoup  de  prestidigitateurs  illusionnistes,  il  est  assez 

1.  Voyez   surtout  Erhardt.  Etude  sur  la  médiumnité  de  Carancini,  A.  S.  P., 
avril  1912,  et  Luce  e  Ombra,  1908-1913,  A.  S.  P.,  1911-1913,  passim. 

2.  A.  S.  P.,  mai  19i2,  130,  fig.  18. 


672  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

commun  de  présenter  cette  libération,  qui  paraît  décidément  facile. 

C'est  très  peu  de  temps  après  qu'il  a  été  lié  que  les  phénomèuse 
de  télékinésie  se  produisent.  Les  matérialisations  sont  rares  ;  pour- 
tant dans  une  photographie  on  voit  une  main  qui  paraît  plate, 
comme  une  feuille  de  papier  découpée  en  forme  de  main.  La  plus 
remarquable  des  expériences  est  peut-être  celle  dans  laquelle  une 
assiette  enfumée  hors  de  la  portée  du  médium  a  été  placée  dans  une 
caisse  eu  bois  fermée  par  un  cadenas,  qu'un  des  assistants  avait  à 
la  main.  (L'a-t-il  tenue  dans  sa  main  tout  le  temps?) 

Garancini  a  eu  des  phénomènes  de  lévitation,  et  des  mouvements 
d'objets  divers,  mais  toujours  clans  l'obscurité. 

Bref,  il  y  a  encore  incertitude  sur  l'autheuticité  des  phénomènes. 
Après  lecture  attentive  des  procès-verbaux,  j'inclinerais  à  penser 
qu'ils  sont  vrais,  mais  c'est  parce  qu'ils  ressemblent  aux  phéno- 
mènes, absolument  authentiques,  observés  sur  Eusapia.  Car  en  soi 
les  télékinésies  de  Carancini  sont  fortement  sujettes  à  caution.  A  vrai 
dire  il  n'y  a  jamais  eu  que  des  soupçons,  et  non  des  preuves  de 
fraudes,  et  il  faudrait  supposer  —  comme  le  remarque  M.  Erhardt 
—  que  les  assistantset  les  contrôleurs  dans  les  multiplesexpériences 
qui  paraissent  irréprochables,  étaient  des  imbéciles  complets. 

Le  D1'  Feijao,  professeur  de  chirurgie  à  la  Faculté  de  médecine  de 
Lisbonne,  a  assisté  à  des  séances  remarquables,  que  Mad.  Frondoni 
Lacombe  a  racontées1. 

Le  médium  était  Mad.  d'Andrade,  non  professionnelle.  M.  Feijao 
s'exprime  ainsi  :  (c'est  son  opinion  personnelle  qui,  venant  d'un 
professeur  éminent,  antérieurement  sceptique,  a  grand  poids) 
«  Autrefois  je  ne  croyais  à  rien  de  toutes  ces  choses.  A  présent,  f  ai- 
vu,  fai  observé,  et  fai  le  repentir  de  mon  incrédulité  ». 

Dans  ces  expériences,  qui  eurent  lieu  chez  M.  Feijao,  la  chaîne 
était  faite  correctement  entre  tous  les  assistants.  Alors  la  table  se 
souleva  de  15  centimètres  au-dessus  du  sol  ;  il  y  eut  des  lumières, 
des  attouchements,  des  mouvements  d'objets. 

Deux  faits  extraordinaires  sont  signalés  par  M.  Feijao.  C'est 
d'abord  un  apport,  ou  plutôt  un  transport.  La  porte  étant  fermée  à 

1.  Une  série  de  séances  de  matérialisations  à  Lisbonne,  A.  S.  P.,  décembre  1918 
et  1919,  XXIX,  5-12,  26-29.  —  Ouveira  Feijao,  Lettre  à  M.  Camille  Flammarion, 
loe.  cit.,?.  27-29. 


ECTOPLASMIES  DE    MAD.    LACOMBE  073 

clef,  une  rose  d'un  bouquet  qui  était  là  fut  transportée  dans  la  salle 
voisine.  Mais  il  convient  de  faire  toutes  réserves;  car  le  profes- 
seur Feijao  ne  semble  pas  s'être  assuré  que  la  rose  transportée  était 
celle  du  bouquet.  Même  après  l'affirmation  de  M.  Feijao,  ou  peut 
dire  qu'il  n'existe  pas  encore,  comme  le  pense  sir  Oliver Lodge  avec 
raison,  un  seul  phénomène  d'apport  dûment  constaté. 

L'autre  phénomène  est  l'apparition  d'un  fantôme.  Toutes  les 
portes  avaient  été  fermées.  La  photographie  fut  prise,  et  le  cliché 
montre  qu'il  s'agit  d'un"  officier  français  (?)  Plus  tard  la  table  indiqua 
que  cette  image  était  celle  du  lieuteuaut  Catherin,  tué  à  Vitry-le- 
Françôis,  le  27  septembre  1914.  Or  la  photographie  montrée  à 
Mad.  veuve  Catherin  n'a  aucune  ressemblance  avec  le  véritable 
Catherin.  D'ailleurs,  le  costume  n'est  guère  conforme  au  costume 
des  officiers  de  l'armée  française. 

Ce  qui  rend  cette  expérience  très  importante,  ce  n'est  certaine- 
ment pas  la  photographie,  pour  la  production  de  laquelle  des  pré- 
cautions suffisantes  n'ont  pas  été  observées,  que  pour  la  vision 
d'un  fantôme  dans  un  local  fermé  à  clef,  devant  des  personnes  qui 
certainement  étaient  incapables  d'une  fraude  habile,  consciente  et 
méditée,  telle  qu'eu  eût  nécessité  la  présence  d'un  complice. 

Ces  belles  —  et  à  mou  sens  décisives  —  observations  de  téléki- 
uésie  et  d'ectoplasmie  sont  rapportées  daus  le  livre  récent  de 
Mad.  Madeleine  Frondoni  Lacombe  de  Lisbonne.  J'ai  l'honneur  de 
connaître  personnellement  et  d'estimer  Madeleine  Lacomre,  que  je 
tiens  pour  une  personne  incapable  de  fraude.  Et  d'ailleurs  com- 
prendrait-on une  fraude  perpétrée,  sans  autre  profit  que  des  sar- 
casmes et  des  injures,  poursuivie  pendant  cinq  ans  avec  une 
courageuse  obstination,  en  dépit  des  critiques?  Les  faits  cités 
sont  appuyés  par  des  attestations  multiples,  autorisées,  notamment 
celles  de  M.  Feijao,  émineut  professeur  de  la  Faculté  de  Médecine  de 
Lisbonne,  qui,  d'abord  extrêmement  sceptique,  a  été  finalement 
forcé  de  se  rendre  à  l'évideuce,  par  d'autres  médecins  encore,  le 
Dr  Souza  Conto,  le  Dr  X...  de  Lisbonne,  par  le  capitaine  du  génie 
d'ABREN,  le  capitaine  Silva  Pinto,  et  d'autres  personnes  distinguées 
de  Lisbonne. 

La  médium  qui  a  donné  les  beaux  phénomènes  métapsychiques 
n'est  pas  une  médium  professionnelle  :  c'est  ia  comtesse  Castel- 

Richkt.  —  Mélapsychique.  43 


674  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

witch  (qui  a  même  fait  toutes  ces  expériences  à  l'insu  de  son  mari). 

Voici  comment  a  été  découverte  la  médiumnité  de  Mad.  Castel- 
witch.  «  Le  10  janvier  1913,  dit  Mad.  Lacombe,  étant  en  visite  chez 
mon  amie,  la  comtesse  Castelwich,  je  lui  proposai  de  faire  tour- 
ner une  table.  Nous  étions  trois  :  la  comtesse,  Mad.  Ponsa,  et  moi. 
Jamais  ces  dames  n'avaient  mis  la  main  sur  une  table...  Ce  jour-là 
la  table  se  souleva,  et  un  personnage  se  manifesta  parla  typtologie, 
prétendant  se  nommer  Lemos...  »  A  partir  de  ce  jour  Mad.  Lacombe  et 
la  comtesse  multiplièrent  les  expériences,  et  finalement  obtinrent 
une  série  de  phénomènes  extraordinaires,  dans  le  détail  desquels  je 
ne  puis  entrer  ;  car  il  faudrait  citer  tout  le  volume  ;  mais  j'engage 
le  lecteur  à  les  étudier  dans  ce  livre  intéressant. 

Je  me  contenterai  de  résumer  les  faits  principaux,  surtout  ceux 
qui  ont  été  observés  en  présence  du  professeur  Feijao. 

Très  fréquemment  il  y  a  eu  des  attouchements  :  des  mains  ont 
été  senties  par  les  assistants,  quoique  tous  aient  formé  la  chaîne. 
De  gros  meubles  ont  été  soulevés,  la  table  pesant  78  kilogrammes  se 
soulevait  sur  deux  pieds  presque  sans  qu'on  la  touchât.  Les  mouve- 
ments d'un  guéridon  étaient  tellement  violeuts  qu'il  a  fallu  rem- 
placer le  guéridon  en  bois  par  un  guéridon  garni  d'une  plaque  de 
tôle.  Quand  ce  nouveau  guéridon  a  été  mis  en  usage,  il  fut  trans- 
porté avec  violence,  puis  brisé  en  deux  cents  petits  morceaux 
(chiffre  exact)  qui  furent  télékinétiquement,  c'est-à-dire  sans  con- 
tact, réunis  en  tas  dans  un  coin  de  la  chambre,  comme  un  petit 
bûcher.  Le  D°  Feijao,  qui  assistait  à  cette  expérience,  fut  d'abord 
d'avis  qu'il  y  avait  des  fausses  portes  secrètes,  et  des  trappes  par 
lesquelles  un  étranger  se  serait  introduit  et  aurait  accompli  cet 
étonnant  travail.  Dans  d'autres  séances  une  chaise  de  15  kilo- 
grammes marcha  toute  seule,  faisant  un  trajet  de  quatre  mètres 
environ.  Des  coups  se  firent  entendre,  très  forts  et  rythmés,  en 
divers  points  de  la  salle. 

Voici  ce  qu'écrit  sur  ces  séances  le  professeur  Feijao. 

«  Des  coups  sont  frappés,  dont  les  plus  bruyants  sont  ceux  qui 
retentissent  sur  les  vitres  de  la  bibliothèque.  Les  meubles  sont 
parfois  mis  en  mouvement  ;  de  lourdes  chaises  se  promènent  dans 
la  pièce  ;  des  efforts  sont  faits  sur  les  portes  fermées  à  clef  des 
armoires  des   bibliothèques,  qu'on  finit  par  ouvrir  ;   des   livres 


ECTOPLASMIES    DE    MAD.    LACOMBE  67b 

pesants,  volumineux,  sont  pris  et  jetés  sur  le  plancher  (nos  mains 
sont  toujours  bien  euchaîuées),  un  timbre,  une  sonnette,  le  piano 
entr'ouvert,  une  guitare  dans  son  étui,  résonnent  vivement...  La 
table  s'élève  parfois  à  00  centimètres...  Sur  notre  demande,  et  après 
que  nous  avons  retiré  nos  mains,  la  table  marche  toute  seule.  » 

Il  y  eut  aussi,  comme  le  croit  M.  Feijao,  et  comme  Mad.  Lacombe 
affirme  l'avoir  vu  souvent,  des  apports,  ou  mieux  des  transports 
d'objets  à  travers  des  portes  fermées. . .  «  Dans  une  séance  nous  avions 
exprimé  le  désir  qu'une  rose  fût  transportée  dans  la  galerie  voisine. 
Et  en  effet  nous  trouvâmes  cette  fleur  sous  une  table,  bien  que  toutes 
les  portes  fussent  fermées  à  clef,  comme  elles  le  sont  toujours.  » 

Malgré  ces  témoiguages,  il  faut  faire  toutes  réserves  sur  ces  apports 
et  ces  transports  ;  car  ce  sont  phénomènes  qui  prêtent  trop  facile- 
ment à  l'illusion,  par  suite  de  l'inconscience  en  laquelle  se  trouvent 
peut-être  non  seulement  la  médium,  mais  encore  quelques-uns  des 
assistants.  Il  se  peut  que  Mad.  Lacombe  et  la  comtesse  Castelwitch 
perdent  plus  ou  moins  connaissance,  et  effectuent  ces  déplacements 
d'objet.  Il  faudrait  une  constatation  rigoureuse,  authentique  (laquelle 
fait  défaut)  que,  les  portes  étant  dûment  fermées,  une  rose  les  a  tra- 
versées pour  venir  dans  la  pièce  complètement  close. 

Si  je  fais  ces  réserves  nécessaires,  c'est  parce  que  dans  la  science 
métapsychique  les  cas  de  transports  et  d'apports  sont  tout  à  fait 
exceptionnels,  si  tant  est  qu'ils  aient  jamais  été  constatés. 

Mais  en  tout  cas  la  télékinésie  a  été  obtenue  d'une  manière  évi- 
dente, notamment  dans  l'expérience  du  24  avril  1917,  à  laquelle 
assistait  un  des  élèves  de  M.  Feijao,  très  incrédule,  M.  Bianco,  et 
M.  Feijao  lui-même.  Les  mains  de  toutes  les  personnes  présentes 
étaient  fortement  attachées,  de  sorte  qu'elles  ne  pouvaient  se  déta- 
cher. Dans  ces  conditions  des  coups  furent  frappés  de  toutes  parts, 
une  main  fut  sentie  par  diverses  personnes;  une  corde  de  la  gui- 
tare résonna  fortement,  la  bibliothèque  fut  ouverte,  un  livre,  qui 
était  sur  une  table  assez  lointaine,  fut  pris  et  projeté  avec  force. 

Dans  l'ouvrage  de  Mad.  Lacombe,  les  cas  de  télékinésie  sont  telle- 
ment fréquents  qu'il  faudrait  citer  tout. 

Nous  nous  contenterons  de  citer  le  phénomène  suivant,  intéres- 
sant surtout  parce  qu'il  se  produisit  en  pleine  lumière.  En  pleine 
lumière  une  table  pesant  78  kilogrammes  se  souleva  de  deux  pieds 


676  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

et  frappa  uo  coup,  alors  que  la  comtesse  était  placée  à  un  mèlre 
de  distance  et  debout. 

Il  y  eut  des  ectoplasmies  :  un  fantôme  représentant  un  officier 
français,  mais  de  costume  militaire  tout  à  fait  démodé,  a  été  pho- 
tographié. —  L'histoire  en  est  trop  longue  pour  être  racontée  ici.  — 
Une  autre  fois  il  y  eut  une  religieuse;  très  souvent  ce  furent  des 
lueurs  blanchâtres,  des  luminescences  plus  ou  moins  informes  ; 
une  autre  fois  ce  fut  un  fantôme  dont  la  tète  était  une  tête  de  mort  : 
une  autre  fois  ce  fut  un  soldat  arabe.  Toutes  ces  photographies  ont 
été  prises  :  elles  sont  d'un  grand  intérêt. 

Parmi  les  ectoplasmies,  ne  pouvant  tout  citer,  je  me  borne  à 
l'expérience  suivante.  Le  18  décembre  1914,  Mad.  Castelwitch, 
Mad.  Ponsa,  Mad.  Furtado,  M.  et  Mad.  Lacombe  étant  les  assistants, 
chez  Mad.  Castelwitch  ;  par  la  table  on  a  la  présence  du  mari  de 
Mad.  Furtado,  lequel  ue  veut  pas  se  laisser  photographier  parce  qu'il 
ne  se  souvient  plus  de  sa  figure  !  Mais  il  dit  que  sa  compague  viendra  à 
sa  place  :  cette  compagne  étaitla  maîtresse  de  M.  Furtado  qui  s'était 
séparé  de  sa  femme.  Et  en  effet,  à  la  grande  frayeur  de  Mad.  Furtado, 
un  fantôme  de  femme  fut  photographié,  dont  on  ne  voit  pas  la 
figure  recouverte  d'un  voile.  Alors  Mad.  Furtado  déclara  ne  plus 
vouloir  assister  aux  séRnces.  A  la  séance  suivante  (u27  décem- 
bre 1914)  M.  Furtado  annonce  de  nouveau  sa  présence  ;  et  dit  :  «  Je 
n'ai  pas  de  visage,  mais  je  m'en  fabriquerai  un  ».  Et  en  effet  le  fan- 
tôme photographié  est  un  grand  personnage  vêtu  de  blanc,  mais  la 
tête  est  une  tête  de  mort  (v.  p.  677). 

Il  est  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  de  supposer  que  ce 
ne  sont  que  fraudes  ou  illusions.  D'abord  la  fraude  n'est  pas 
facile  ;  il  n'y  avait  présentes  à  toutes  ces  séances  que  deux  per- 
sonnes, de  sorte  qu'il  faut  supposer  les  fraudes  de  Mad.  Castelwitch 
ou  de  Mad.  Lacombe.  Mais  quelles  absurdités  cela  implique  !  il  faut, 
pour  montrer  un  officier  français,  une  religieuse,  un  fantôme  à  tête 
de  mort,  un  soldat  arabe,  toute  une  série  de  costumes  à  acheter 
dans  un  magasin,  et  à  organiser  pendant  les  séances,  toujours  avec 
les  mains  sinon  rigoureusement,  au  moins  assez  bien  tenues.  Et 
puis  pourquoi  ?  Si  Mad.  Lacombe  avait  voulu  tromper,  elle  aurait  pu 
nous  conter  des  faits  bien  plus  extraordinaires  encore,  tout  ce  qui 
lui  aurait  passé  par  la  tête.  Nous  n'avons  aucune  raison  de  sus- 


ECTOPLASMIES    DE    MAD.    LAC0M1JE 


677 


pecter  la  bonne  foi  de  Mad.  Furtado  (qui  était  très  sceptique),  de 
Mad.  Ponsa,  amie  intime  de  Mad.  Lacombe. 

Quoiqu'il  soit  assez  vraisemblable  que  le  médium  était  surtout  la 
comtesse  Castblwitch,  cependant  Madeleine  Frondoni  Lacombe  a  eu 
des  phénomènes  importants  (en  plein  jour)  étant  seule  avec  une 
autre  de  ses  amies,  Mad.  d'Andrade  (p.  208),  laquelle  a  eu  aussi 


Fig.  24.  —  Matérialisation  de  M.  Furtado,  avec  une  tète  de  mort 
(d'après  M1»»  Frondoni-Lacombk). 


quelques  phénomènes  qui  paraissent  authentiques.  Ayant  pris  les 
deux  mains  de  Mad.  d'Andrade,  Mad.  Fr.  Lacombe  a  vu,  en  plein 
soleil  (et  Mad.  d'Andrade  l'a  vue  aussi)  une  ombrelle  qui  montait, 
descendait,  s'avançait,  roulaut  comme  en  ondulations  successives. 
Il  y  eut  aussi  des  coups  nettement  frappés,  à  distance,  sur 
demande.  Aussi  est-il  permis  de  croire  que  Mad.  Lacombe  est  elle- 
même  un  médium. 

Donc  les  phénomèues  d'ectoplasmie  observés  par  Mad.  Lacombe 
sont  authentiques.  S'ils  étaient  seulsdans  la  science  métapsychique, 


678  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

ils  ne  suffiraient  certes  pas  pour  entraîner  nos  convictions  ; 
car  Madeleine  Lacombe  n'a  pas  une  autorité  scientifique  suffi- 
sante pour  que  ses  conclusions  déterminent  les  nôtres,  mais  ce 
qu'elle  a  vu  concorde  trop  bien  avec  tout  ce  que  nous  savons  par 
ailleurs,  avec  ce  que  nous  ont  appris  les  expériences  sur  Home,  sur 
Eusapia,  sur  Marthe  Béraud,  sur  Stanislava,  sur  miss  Gûligher,  pour 
qu'il  y  ait  lieu  de  nier  les  choses  observées  à  Lisbonne.  Si  par-ci, 
par-là,  il  y  a  exagérations  et  incertitudes,  après  tout  l'ensemble  est 
exact.  La  comtesse  Castelwitch  a  été  une  très  puissante  médium.  Il 
est  regrettable  qu'ellen'ait  pas  été  soumiseà  de  méthodiques  investi- 
gations, un  peu  plus  sévères  que  celles  de  son  amie  Mad.  Lacombe. 

Il  est  probable  que  ces  expériences  sont  terminées.  Après  une 
séance  le  14  juillet  1920  dans  laquelle  il  y  eut  un  apport,  une  tête 
de  hibou  sculptée  sur  une  pierre  —  il  est  permis  de  véhémentement 
contester  la  légitimité  de  cet  apport,  —  il  y  eut  une  séance  le 
3  août  1920  dans  laquelle  l'esprit  déclara  qu'il  allait  partir...  Hoja 
ultimo  dia  que  posso  manifesta?'  ?ne.  (C'est  le  dernier  jour  que  je 
me  puisse  manifester.)  C'est  ainsi  que  sans  cause  connue  Katie  King 
s'est  séparée  de  William  Crookes  et  lui  a  dit  adieu  pour  toujours. 

Il  y  eut  aussi  quelques  phénomènes  de  métapsychique  subjective, 
sur  lesquels  je  n'insiste  pas,  car  ils  sont  médiocres  à  côté  des 
autres  magnifiques  témoignages  de  cryptesthésie  que  nous  avons 
rapportés  plus  haut,  et  les  expériences  de  Lisbonne  relèvent  sur- 
tout de  la  métapsychique  objective. 

Des  expériences  de  splendide  apparence  ont  eut  lieu  à  San  José 
(Costa  Rica)  en  1910,  dans  la  maison  privée  d'un  honorable  négo- 
ciant, M.  Corralès.  Sa  fille  Ofélia  a  prétendu  avoir  des  facultés 
médianimiques  extrêmement  puissantes.  Il  y  eut  plusieurs  séances 
auxquelles  assistèrent  des  personnes  notables  de  San  José.  Diverses 
formes  matérialisées  apparurent  (don  Constantino,  Mary  Brown, 
qui  s'exprimait  très  correctement  et  élégamment  en  anglais). 

Pendant  les  apparitions  Ofélia  fut  vue,  parfois  en  pleine  lumière, 
en  même  temps  que  Mary  Brown,  qu'on  put  toucher,  entendre,  pho- 
tographier l.  Mary,  le  fantôme,  semblait  s'incorporer  dans  Ofélia, 
dont  elle  émane,  et  l'animer. 

1.  A.  S.  P.,  1910,  XX,  324. 


ECTOPLASMES  679 

Tout  cela  à  la  lecture  paraît  admirable,  mais,  malgré  la  liste 
imposante  des  personnes  qui  ont  certifié  l'authenticité  des  phéno- 
mènes, il  faut  refuser  toute  valeur  scientifique  à  ces  expériences. 
M.  Couralès,  le  père  d'OpÉuA,  dit  textuellement  :  «  Il  est  prouvé 
que  Mary  a  introduit  dans  la  chambre  une  jeune  fille  inconnue.  » 
Ces  paroles  énigmatiques  permettent  de  tout  supposer. 

Donc  ce  serait  un  vrai  attentat  contre  la  science  que  d'accorder 
la  moindre  autorité  à  ces  expériences  complètement  frauduleuses1. 

Les  expériences  faites  avec  Lucia  Sordi2,  qui  avaient  d'abord 
donné  des  résultats  satisfaisants  à  M.  M arzorati,  n'ont  pas  résisté  à 
l'ingéuieuse  expérimentation  de  Scurenck-Notzing.  Lucia  était 
enfermée  dans  une  cage  de  bois,  et  (dans  l'obscurité)  elle  pouvait, 
quand  elle  était  entrancée,  en  sortir,  mais  Sghrenck  a  pris  une 
boule  de  bois,  exactement  de  la  même  dimension  que  la  tête  de  Lucia, 
et  la  fit  facilement  sortir  de  la  cage  et  y  rentrer,  grâce  à  l'écarte- 
ment  des  barreaux3. 

Le  colonel  Peters  et  Mad.  Peters  ont  observé  à  Berlin,  à  la  loge 
Psyché,  une  forme  matérialisée  remarquable. 

La  séance  se  produisit  dans  une  toute  petite  chambre  très  suffi- 
samment éclairée  par  une  lampe  rouge.  Le  médium  (la  femme  mas- 
quée) était  endormie  sur  une  chaise.  Il  y  eut  d'abord  à  côté  d'elle 
une  figure  masculine,  dont  on  ne  voyait  le  corps  qu'au-dessus  des 
genoux  ;  puis  ce  fut  une  autre  forme,  la  soi-disant  religieuse  Cor- 
dula,  grande,  dépassant  le  médium  de  toute  la  tète.  Elle  portait  le 

1.  M.  Willy  Reichel  (Psychische  Studien,  octobre  1910  et  A.  S.  P.,  1911,  XXI, 
140)  a  considéré  les  phénomènes  produits  par  Ofélia  Corkalês  comme  des  super- 
cheries manifestes.  G.  de  Vesme  a  pris  la  défense  de  Couralès  et  d'C-FÉHA.  Cepen- 
dant, en  tout  état  de  cause,  il  faut,  même  si  l'on  est  très  bienveillant,  ne  tenir  aucun 
compte  des  expériences  de  Costa  Rica.  A.  S.  P.,  1911,  XXI,  214. 

2.  Lucee  Ombra,  X,  novembre  1910,  et  A.  S.  P.,  XXI,  janvier  1911,  225-230. 

3.  Lorsqu'on  parle  de  séances  à  matérialisations,  il  faut  toujours  comparer 
l'autorité  de  ces  séances  avec  celles  qui  ont  été  données  par  Eusapia.  Pendant 
vingt  ans,  à  Milan,  Gênes,  Rome,  Naples,  Turin,  Paris,  l'île  Ribaud,  Carquei- 
ranne,  l'Agnélas,  Cambridge,  Montfort-l'Amaury,  Washington,  Eusapia  a  été 
scrutée,  analysée,  approfondie  par  des  savants  comme  Schiapakelli,  Ouver 
Lodge,  Lombroso,  Fu.  Myers,  Aksakoki",  de  Rochas,  A.  de  Gramont,  P.  Curie, 
Morselli,  Bozzano,  Ochorowicz,  Foa,  Bottazzi,  Vassallo,  Feilding,  Carrington, 
Maxwell.  Dariex,  etc.,  etc.  Il  est  douteux  qu'on  puisse  avant  longtemps  retrou- 
ver un  ensemble  plus  imposant  d'irrécusables  témoignages. 

4.  Matérialisation  de  deux  formes  humaines  (A.  S.  P.,  1907,  XXVII,  25-35). 


680  MÉTAPSYGHIQUE    OBJECTIVE 

costume  des  Dominicaines.  Son  visageétait  absolument  humaio.  Ses 
yeux  avaient  un  regard  étiucelant.  Elle  se  balança  dans  l'air,  flotta 
au  haut  de  la  chambre,  pendant  trois  minutes,  à  la  hauteur  de  2m,70, 
faisant  des  gestes,  et  parlant  :  «  Remarquez-vous,  disait-elle,  comme 
mes  yeux  brillent!  »  Puis  tout  s  évanouit  peu  à  peu,  le  médium 
était  toujours  à  la  même  place,  à  1  mètre  et  demi  de  l'apparition. 

Eglinton  a  été  un  médium  très  puissant,  et,  quoiqu'il  ait  été  soup- 
çonné de  fraude,  il  a  pu  finalement  prouver  que  les  allégations  de 
ses  adversaires  étaient  calomnieuses.  D'ailleurs  il  ne  s'agit  pas 
d'établir  qu'il  n'a  jamais  fraudé  (ce  qui  est  assez  rare  chez  un  médium 
professionnel),  mais  seulement  que  dans  certains  cas  il  a  eu  de 
grands  phénomènes  méUipsychiques1. 

Miss  Glyn,  qui  ne  croyait  pas  aux  matérialisations,  a  vu  Eglinton 
chez  elle,  daus  une  séance  à  laquelle  assistaient  son  père,  son  frère 
et  un  ami.  Eglinton  était  au  milieu  de  ce  petit  cercle  et  on  lui  tenait 
les  mains.  Alors  deux  formes  apparurent,  qui  pouvaient  parler,  et 
qui  se  mouvaient.  Miss  Glyn  les  reconnut  pour  sa  mère  et  un  jeune 
frère.  Les  formes  disparurent  lentement  mais  souvent  on  reconnaît 
trop  facilement  les  fantômes,  et  le  désir  d'avoir  cette  reconnais- 
sance enlève  beaucoup  de  valeur  aux  témoignages. 

Le  Dr  Carter  Blake,  avec  cinq  personnes,  de  l'élite  intellectuelle 
anglaise,  raconte  qu'il  vit,  à  côté  d'EGLiNTON  qui  restait  assis  dans 
un  fauteuil,  une  grande  forme  brune  qui  vint  se  fondre  dans  le 
corps  du  médium. 

L'éminent  Rctssell  Wali:A.ce,  dans  une  lettre  écrite  à  A.  Erny,  a 
vu  Eglinton  en  une  maison  particulière,  où  il  donnait  des  séances. 
A  côté  de  lui,  parut  Abdulla.h,  forme  matérialisée  d'un  personnage 
oriental,  avec  des  sandales,  un  turban,  une  tunique  blanche,  tandis 
qu'EGLiNTON  était  vu  en  même  temps,  assis  dans  un  fauteuil,  et  en 
habit  noir.  Après  la  séance,  Eglinton  fut  déshabillé,  fouillé  avec  le 
plus  grand  soin,  et  on  ne  trouva  ni  sandales,  ni  turban,  ni  burnous. 

Des  séances  importantes  ont  été  tenues  chez  le  peintre  J.  Tissot, 
qui  les  a  reproduites  dans  un  très  beau  tableau.  Eglinton  s'assit  dans 
un  fauteuil,  près  de  J.  Tissot,  et  y  resta  tout  le  temps.  Les  portes 
furent  fermées  à  clef.  Après  quelques  instants  deux  formes  paru- 

1.  D'après  A.  Ehny,  loc.  cit.,  139. 


ECTOPLASMIES  681 

rent  à  côté  de  M.  Tissot.  Elles  étaient  d'abord  nuageuses,  mais  peu 
à  peu  devinrent  visibles  au  point  qu'on  pouvait  distinguer  tous 
leurs  traits.  La  forme  mâle  portait  à  la  main  une  sorte  de  lumière 
avec  laquelle  elle  éclairait  la  forme  féminine.  M.  Tissot  reconnut 
celle-ci,  et,  très  ému,  lui  demanda  de  l'embrasser;  la  forme  le  fit 
plusieurs  fois  et  on  vit  ses  lèvres  remuer. 

Le  Dr  Nichols  expérimenta  avec  Eglinton  enfermé  dans  uue  cage 
entourée  d'un  filet.  Les  portes  de  la  cage  étaient  fermées  avec  des 
nœuds  scellés  ;  etou  avait  saupoudréde  farine  les  abords  de  la  cage; 
cela  n'empêcha  pas  les  formes  d'apparaître  en  dehors  de  la  cage. 
Une  autre  fois,  chez  le  Dr  Nichols,  eu  plein  jour,  mais  derrière  les 
rideaux  fermés,  il  y  eut  matérialisation  d'une  forme  humaine, 
laquelle,  afin  de  se  faire  reconnaître,  s'approcha  du  rideau  qu'elle 
souleva  pour  se  montrer  à  la  lumière  du  jour.  Puis  la  forme  se 
dématérialisa  lentement.  Il  ne  resta  que  le  bas  du  corps  qui  s'évapora 
tout  d'un  coup. 

Fl.  Marrvat  et  sou  mari  assistèrent  à  uue  séance  privée  remar- 
quable, où  ils  virent  une  substauce  blanchâtre  et  nuageuse  sortir 
de  la  hanche  gauche  du  médium  ;  le  nuage  grandit,  se  condensa  et 
devint  une  forme  matérialisée  qui  se  tint  devant  Eglinton. 

Fl.  Marryat  a  étudié  les  matérialisations  de  M.  ArthurCollemann, 
qui  u'était  pas  un  médium  professionnel.  M.  Collemann  était  attaché 
par  des  fils  de  coton  qu'eût  brisés  le  moindre  mouvement.  A  la 
lumière  d'un  bec  de  gaz,  apparurent  jusqu'à  six  formes. présentes 
(les  assistants  n'étaient  qu'au  nombre  de  cinq).  Pendant  ce  temps, 
dans  la  chambre  voisine,  Collemann  était  endormi  et  immobile. 

M.  Stainton  Moses,  qui  était  médium  puissant,  a  aperçu  à  maintes 
reprises  des  formes  vivantes  autour  de  lui.  Voici  ce  que  rapporte, 
entre  autres  faits,  M.  Charlton  Speer,  son  ami '  : 

«  J'avais  la  main  posée  sur  le  panier,  et  j'écrivais.  Soudain 
M.  Moses,  qui  était  assis  juste  au  côté  opposé,  s'écria  :  «  II  y  a  une 
colonne  de  lumière   devant  vous.  »  Peu  après  il  nous  dit  que  la 

i.  A.  S.  P.,  189o,  V,  228. 


682  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

colonne  de  lumière  s'était  transformée  en  un  esprit,  dont  il  décrivit 
la  tête  et  les  formes1. 

Des  coups  très  forts  furent  par  M.  Speer  et  par  M.  Stainton  Moses, 
qui  était  certainement  le  médium,  entendus  en  plein  jour,  eu  plein 
air,  sur  les  rails  de  la  ligne  de  Southend.  Ces  coups  (intelligents; 
pouvaient  s'entendre  même  à  50  mètres  de  distance.  M.  Moses  note 
aussi  que  parfois,  chez  lui,  des  formes  lumineuses  vagues  s'appro- 
chaient de  la  table  et  faisaient  alors  entendre  des  coups.  Au  demeu- 
rant nous  avons  décrit  au  chapitre  de  la  télékinésie  les  beaux  phé- 
nomènes obtenus  par  Stainton  Moses.  Les  matérialisations  ne 
furent  qu'exceptionnellement  produites  par  lui. 

En  1905,  l'archidiacre  deCantorbéry,  Colley,  fit  avec  Monck,  pas- 
teur et  médium  (le  même  médium  qui  avait  été  observé  par  Rei- 
ners  et  Oxley),  des  expériences  tout  à  fait  extraordinaires2.  La 
lumière  du  gaz  était  complètement  allumée,  et  M.  Colley  se  tenait 
à  côté  du  médium  entrancé,  en  le  soutenant.  Une  vapeur  sortait 
alors  des  vêtements  noirs  du  médium,  pour  se  constituer  en  un 
nuage,  lequel  nuage  se  résolvait  finalement  en  draperies  blanches 
entourant  les  apparitions.  Une  enfant  apparut,  qui  se  promena  dans 
la  chambre,  absolument  comme  un  enfant  vivant,  et  se  fit 
embrasser  parles  assistants  :  puis  elle  revint  vers  le  médium,  fut 
graduellement  absorbée  par  lui  et  disparut  en  se  fondant  dans  son 
corps.  Le  même  jour,  une  forme  de  femme  apparut,  charmante,  qui 
naquit  de  même  d'un  filamentfluidique  sortant  du  médium,  et  ren- 
tra dans  son  corps.  Dans  une  autre  séance,  avec  Monck,  apparut 
le  Mahdi,  un  personnage  d'aspect  oriental.  Le  médium  était  à 
2  mètres  du  Mahdi.  «  Le  Mahdi  portait  un  casque  métallique,  que  je 
pus  toucher;  je  sentis  une  faible  résistance.  Il  semblait  que  cet 
objet  fondait  à  mon  contact  comme  de  la  neige  pour  reprendre  sa 
première  forme  un  instant  après.  Ce  fantôme  était  d'ailleurs  très 
robuste.  »  Un  jour,  M.  Colley  le  saisit  à  bras  le  corps.  «  Une  force 
irrésistible  me  souleva  alors,  et  je  fus  jeté  à  une  distance  d'environ 
6  mètres  jusqu'à  l'endroit  où  se  tenait  debout  le  médium.  Alors  je 
trouvai  dans  mes  bras  le  médium  avec  de  la  mousseline  blanche 

1.  Il  est  très  douteux  que  cette  ligure  fût  objective.  Elle  ne  fut  sans  doute  pas 
perçue  par  d'autres  que  St.  Moses. 

2.  Voy.  Delannk,  loc.  cit.,  521. 


ECTOPLASMIES  683 

sur  sa  jaquette  noire  Je  le  tenais  dans  mes  bras,  comme  j'avais  cru 
teuir  le  Mahdi.  » 

A  vrai  dire  cette  coustatatiou  faite  par  M.  Colley  a  fait  alïirmer 
qu'il  avait  été  victime  d'une  fraude.  Cependant  il  avait  vu  du  corps 
du  médium  s'échapper  comme  une  vapeur  qui  s'organisait  peu  à 
peu,  devenait  un  nuage,  et  se  constituait  en  vêtements  flot- 
tants recouvrant  un  corps.  La  forme  matérialisée  se  nommait 
Samuel,  et  on  put  voir  le  médium  et  Samuel  se  serrer  la  main,  et 
se  saluer  fraternellement.  Ils  se  promenèrent  tous  deux  ensemble 
autour  de  la  chambre..  «  Ce  sont  des  choses,  dit  l'archidiacre  de 
Cantorbéry,  que  je  publie  pour  la  première  fois,  après  les  avoir 
méditées  eu  silence  pendant  vingt-huit  ans.  J'affirme  que  c'est  la 
vérité,  engageant  ma  parole  de  clergyman  en  des  affirmations 
pour  lesquelles  je  mets  en  péril  ma  position  ecclésiastique  et  mon 
avenir  professionnel.  » 

A  ce  propos,  il  y  eut  à  Londres  un  procès  retentissant.  Le  presti- 
digitateur Maskelyne  prétendit  pouvoir  répéter  le  même  phénomène 
par  des  trucs  de  théâtre.  Il  paria  25.000  francs,  qu'il  perdit.  L'illustre 
Russell  Wallace  appuya  de  son  autorité  le  témoignage  de  M.  Colley. 

Le  Dr  Hirschmann,  président  de  la  Société  d'Anthropologie  de 
Liverpool,  a  obtenu  avec  un  médium  non  professionnel,  M.  B..., 
des  résultats  extrêmement  curieux.  De  nombreuses  photographies 
ont  été  prises.  Il  a  pu  mesurer  la  taille,  prendre  le  poids,  compter 
les  pulsations  des  diverses  formes  qui  apparaissaient  et  qui  avaient 
toutes  les  caractéristiques  de  la  vie.  Ces  apparitions,  dit-il,  sem- 
blaient  s'organiser  graduellement  aux  dépens  d'une  masse  nébu- 
leuse, et  disparaître  instantanément,  d'une  manière  absolue.  Dans 
une  des  photographies  on  voit,  entre  la  poitrine  du  médium  et  celle 
du  fantôme,  comme  un  faisceau  lumineux  reliant  les  deux  corps. 

Chez  le  professeur  E...,  à  Christiania,  en  1893,  M.  de  Bergen  orga- 
nisa une  série  de  séances  avec  Mad.  d'Espérance.  Des  hommes  dis- 
tingués, appartenant  à  l'Université,  à  la  magistrature  et  au  clergé, 
prirent  part  à  ces  importantes  réunions. 

Dans  une  des  séances  une  forme  féminine,  d'adorable  beauté, 
paraît-il,  se  manifesta,  Nepenthès.  «  Elle  se  montrait  à  la  lumière 


(384  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

en  même  temps  que  le  médium,  qui  était  assise  avec  les  autres  per- 
sonnes, en  dehors  du  cabinet,  et  se  matérialisa  au  milieu  du  cercle. 
Elle  plongea  sa  main  dans  la  paraffine  liquéfiée,  ce  qui  donna  un 
moule  de  rare  finesse,  extraordinaire,  parce  qu'on  ne  peut  com- 
prendre comment,  après  le  moulage,  la  main  en  a  pu  sortir.  Le  mo-  . 
deleur  qui  en  fit  un  modèle  en  plâtre,  ne  pouvait  pas  en  croire  ses 
yeux,  et  déclara  qu'il  y  avait  là  de  la  sorcellerie.  » 

«  Nepenthès  se  dématérialisa  au  milieu  de  l'assistance.  Elle  baissa 
la  tête,  sur  laquelle  brillait  son  habituel  diadème.  Peu  à  peu  cette 
Nepenthès  si  belle,  si  vivante,  si  réelle,  était  convertie  en  un  petit 
nuage  lumineux,  comme  une  tête  humaine  sur  laquelle  brillait 
encore  la  luminosité  du  diadème,  qui  peu  à  peu  s'effaça  et  dis- 
parut. » 

Au  sujet  de  Mad.  d'EspÉuANCE,  M.  Aksakoff1  a  publié  un  mémoire 
auquel  on  a  donné,  ce  semble,  beaucouptrop'd'importance.  Garsiuon 
la  réalité,  au  moins  la  très  grande  facilité  d'une  fraude  est  évidente, 
comme  l'a  bien  montré  M.  Carrington.  D'ailleurs,  très  loyalement, 
M.  Aksakoff  reproduit  les  témoignages  de  diverses  personnes  ayant 
assisté  à  cette  soi-disant  dématérialisation,  et  n'ayant  pas  du  tout 
accepté  qu'il  y  eut  là  une  dématérialisation  véritable,  comme  par 
exemple  l'ingénieur  SciioNELz/p.  92).  On  peut  très  bien  admettre  la 
bonne  foi  de  Mad.  d'Espérance,  et  supposer  que  par  un  mouvement 
en  arrière  de  ses  jambes  (inconscient)  elle  a  pu  faire  croire  (ou  croire 
elle-même)  que  ses  jambes  s'étaient  pour  un  temps  dématérialisées. 

Un  médium,  nommé  Sambor,  ancien  employé  des  télégraphes,  a 
donné,  de  1896  à  1902',  une  série  de  séances  qui  ont  été  racontées 
dans  le  journal  spirite  russe  Rébus.  Petrovo  Solovovo,  expérimen- 
tateur habile  et  d'un  scepticisme  scientifique  excellent,  a  donné 
l'analyse  complète  de  ces  séances,  et  surtout  de  celles  auxquelles  il 
avait  assisté2.  Mais  il  a  depuis  lors  élevé  quelques  doutes,  très 
légitimes,  sur  ses  expériences  mêmes. 

Dans  uue  séance  de  1899,  chez  Mad.  de  A...,  la  forme  matéria- 


1.  A.  Aksakoff,  Un   cas  de  matérialisation  partielle  du  corps  d'un  médium. 
Enquêtes  et  commentaires,  Paris.  Libr.  de  l'Art  indépendant,  1S96. 

2.  A.  S.   P.,  novembre  et  décembre   1899,  IX.  105  et  109,  XI,  243-256;   1902, 
XII,  257-302. 


ECTOPLASMIES  685 

lisée  d'une  petite  fille  apparut  entre  les  rideaux,  Sambor  continuant 
à  être  dans  la  chaîne  formée  par  les  assistants.  Une  colonne  blanche 
sembla  sortir  du  plancher  et  se  dirigea  vers  Sambok.  La  forme 
matérialisée  (Olia)  souleva  une  table  en  l'air,  et  à  plusieurs 
reprises  une  petite  main  (d'enfant)  toucha  les  assistants.  Dans 
un  autre  cas,  en  présence  de  M.  S...  et  de  M.  Bonjunski  seule- 
ment, ce  fut  une  autre  forme  qui  apparut  (Friedrich).  Pendant 
longtemps  les  assistants  purent  voir  Friedrich  à  côté  de  Sambor. 
Friedrich,  tout  différent  de  Sambor,  comme  taille  et  comme 
allures,  se  promena  dans  la  salle  avec  Sambor.  La  lumière  était 
assez  forte,  et  tout  se  passait  dans  un  petit  appartement  de 
M.  Bonjuiski  à  Saint-Pétersbourg,  le  20  juin  1899;  c'est-à-dire  en 
une  saison  où  il  n'y  a  pour  ainsi  dire  pas  de  nuit.  Entre  autres 
phénomènes  Friedrich  inscrivit  quelque  chose  sur  l'intérieur  du 
verre  de  la  montre  de  M.  S... 

Chez  M.  Erfurt,  directeur  d'une  grande  imprimerie  à  Péters- 
bourg,  on  prépara  uu  cône  en  tôle,  avec  un  bout  de  papier  et  un 
crayon.  M.  Zabasky  et  M.  Eichwald,  ingénieurs,  fermèrent  le  cône 
avec  un  couvercle  de  fer,  fixé  par  des  rivets  spéciaux.  L'objet  fut 
laissé  pendant  plusieurs  jours  chez  M.  Erfurt  dans  uue  chambre  où 
Sambor  n'avait  pas  pénétré.  Dans  la  séance  du  8  mars  1902,  Sambor 
déclara  que  quelque  chose  avait  été  écrit.  On  ouvrit  le  cône,  non 
sans  difficulté,  et,  après  avoir  constaté  que  tout  était  intact,  on 
trouva  les  mots  écrits  sur  le  papier  avec  le  crayon. 

Mad.  Youdenitch  a  communiqué  le  compte  rendu  de  séances  avec 
Sambor1  qui  ont  eu  lieu  daus  la  maison  de  M.  Qlchowski.  L'obscu- 
rité était  presque  complète.  On  faisait  la  chaîne  de  telle  sorte  que 
les  mains  du  médium  n'étaient  jamais  libres.  Une  petite  fille,  Olia,' 
apparut  à  côté  de  Sambor.  On  put  la  voir,  la  toucher;  on  l'enteudit 
parler-  Elle  était  lumineuse,  d'une  couleur  bleue  tirant  sur  le  blauc. 
Elle  avait  l'air  de  trembler  tout  le  temps.  Les  traits  de  son  visage 
n'offraient  rien  de  défini  ;  elle  disparut  peu  à  peu,  prenant  l'appa- 
rence d'un  ruban  qui  tremblait.  Dans  une  chambre  voisine,  où 
n'était  certainement  personne,  avait  été  posée  une  mandoline,  qui 
se  mit  à  jouer  toute  seule.  On  vit  cette  mandoline,  blanche,  visible 

1.  Séances  avec  Sambor  au  printemps  de  1902,  .1.  S.  P.,  19'Ji,  XIV,  193. 


686  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

dans  l'obscurité,  sortir  de  la  chambre  et  venir  se  poser  sur  la  table 
dans  la  salle  des  séances. 

L'hypothèsed'un  complice  explique  une  part  de  ces  phénomènes, 
mais  non  pas  tous.  Or  cette  hypothèse,  si  invraisemblable  quelle 
paraisse  d'abord,  s'est  vérifiée.  Petrovo  Solovovo  a  appris  plus  tard 
qu'une  des  personnes  du  cercle  laissait  volontairement  Sambor  libre 
de  faire  avec  sa  main  libérée,  considérée  par  toute  l'assistance 
comme  tenue,  tous  les  mouvements  qu'il  lui  plaisait  de  faire.  Il  n'y 
a  donc  pas  lieu  d'insister  sur  le  soi-disant  phénomène  de  la  chaise. 
La  présence  d'un  fantôme  vu  par  toute  l'assistance  à  côté  du  médium 
n'est  cependant  pas  explicable  ;  car  la  complicité  paraît  avoir  con- 
sisté uniquementà  ne  pas  tenir  solidement  la  main  de  Sambor.  Tout 
de  même,  il  est  bien  légitime  déconsidérer  comme  absolument  sus- 
pect tout  ce  qu'a  fait  Sambor,  puisqu'on  n'est  sûr  ni  de  sa  probité, 
ni  de  la  probité  de  l'assistance.  ' 

C'est  à  peine  si  l'on  doit  citer  les  très  anciennes  expériences 
de  Dale  Owen  (à  New-York,  en  1860).  En  effet,  comme  il  s'agit 
d'une  des  sœurs  Fox  (devenue  Mad.  Underhill)  comme  médium,  on 
ne  peut  regarder  les  phénomènes  comme  authentiques-  Pourtant 
il  est  vraisemblable  qu'il  y  a  eu,  comme  si  souvent  dans  les 
expériences  de  Léa  Fox,  un  mélange  de  phénomènes  vrais  et  de 
phénomènes  frauduleux.  Le  Dr  Gray,  dans  un  cas,  put  couper  un 
bout  de  vêtement  de  la  forme  matérialisée,  mais  ce  morceau  fondit 
peu  à  peu  dans  ses  mains1.  Voilà  un  phénomène  qui  doit  être 
accepté  comme  indiscutablement  authentique,  à  moins  que  le 
Dr  Gray  ne  soit  le  dernier  des  imposteurs.  Un  banquier  de  New- 
York,  M.  Livermore,  eut  une  centaine  de  séances  chez  lui,  avec  Léa 
Fox,  et  à  maintes  reprises  reconnut  sa  femme  morte,  qu'il  désirait 
ardemment  revoir. 

Dans  une  séance  privée,  en  Australie,  M.  Brown,  expérimentant 
avec  un  de  ses  amis  qui  était  médium,  suspendit  un  rideau  dans  un 
angle  de  son  salon.  Le  médium  se  retira  derrière  le  rideau,  et  peu 
de  temps  après  on  vit  apparaître  successivement  une  douzaine  de 

1.  A.  Erny,  Loc.  cit,  133. 


ECTOPLASMIES  687 

formes  matérialisées.  M.  Brown  a  cru  reconnaître  deux  de  ses  fils 
morts. 

M.  Stiegler  a  raconté,  sans  grands  détails l,  une  séance  spiritique 
à  Arles,  dirigée  par  J.  Bayol,  émiuent  médecin  de  la  marine  fran- 
çaise, qui  fut  gouverneur  du  Haut  Niger.  Le  médium  était  un  jeune 
employé  des  chemins  de  fer  P.-L.-M.  Des  lumières  parurent  au  pla- 
fond. Un  anneau  de  bleu  verdâtre  se  balança  sur  la  tète  des  assis- 
tants. 

Le  baron  Hillenbach  (de  Vienne)  a  eu  à  Vienne,  chez  lui,  avec 
Mad.  Toeffer,  des  séances  auxquelles  assistait  le  Dr  Tieber, 
Mad.  Toeffer,  assise  sur  un  sofa,  était  entourée  d'un  filet  cloué  de 
tous  côtés  au  plancher.  Une  forme  parut,  qui  leva  le  rideau,  et  on 
vit  Mad.  Tœffer  endormie,  très  pâle,  avec  les  bras  pendant  le  long 
du  corps,  tandis  que  la  forme  tenait  le  rideau  levé. 

Lucy  Stout,  a  assisté,  dans  une  maison  en  bois  de  Kansas  City, 
Michigan,  à  une  matérialisation.  Elle  a  surtout  noté  la  déma- 
térialisation. La  forme,  en  se  rapprochant  du  cabinet  où  se  trou- 
vait le  médium,  devint  nuageuse  et  transpareute,  puis  se  transforma 
en  une  masse  lumineuse,  qui  finalement  disparut. 

M.  Frémery  a  observé  à  La  Haye  ~  chez  Mad.  Huygens,  alors  que  le 
médium  restait  immobile  derrière  les  rideaux,  une  grande  forme 
blanche  surmontée  d'une  boule  lumineuse.  Peu  à  peu  ce  nuage  s'est 
condensé  pour  former  une  main  qui  s'est  élevée  jusqu'au  plafond, 
en  tenant  une  feuille  de  palmier.  Puis  la  main  lumineuse  reparut  sur 
la  table.  La  main  et  le  bras  étaient  seuls  matérialisés.  Ils  semblaient 
d'un  enfant  de  quatorze  ans. 

Une  expérience3  a  été  très  intéressante.  «  Un  nuage  phosphores- 
cent se  développa,  dit  M.  Frémery,  en  se  précipitant  vers  nous, 
s'éleva,  se  condensa,  coula  sur  le  sol,  et  disparut  derrière  le  rideau. 
Alors  un  bras  d'une  longueur  anormale,  lumineux,  se  dégagea  du 
rideau,  un  disque  lumineux  entouré  d'un  nuage  phosphorescent  se 

1.  A.  S.  P.,  1905,  XV,  641. 

2.  A.  S.  P.,  1908,  XVII,  256. 

3.  Loc.  cit.,  p.  309. 


688  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

précipita  vers  la  chaise   qui  se  déplaça,    tandis  que  le  médium, 
visible  pour  nous,  restait  immobile  assis  dans  le  cabinet.  » 

Un  sculpteur  américain,  M.  Bragkgtt1,  expérimentant  avec 
Mad.  F...  de  Boston,  décrit  ainsi  la  disparition  du  fantôme  de.  sa 
femme.  «  Cette  forme,  dit-il,  ne  lui  ressemblait  guère  ;  mais  elle  me 
raconta  des  choses  intimes,  que  seule  elle  pouvait  couuaître.  Tout 
d'un  coup  la  forme  sembla  s'affaisser  et  disparut  à  travers  le  plan- 
cher qui  était  couvert  d'un  épais  lapis.  La  tête  et  les  épaules  restè- 
rent seules  visibles  en  dernier.  »  On  remarquera  que  les  expres- 
sions de  M.  Biiackett  s'appliquent  rigoureusement  à  la  manière  dont 
j'ai  vu,  à  la  villa  Carmen,  disparaître  Bien-Boa. 

M.  Brackett  a  vu  deux  formes  matérialisées  eu  même  temps  que 
le  médium.  Il  a  constaté  que  ces  formes  se  modifiaient,  se  transfor- 
maient. «  J'ai  vu  un  grand  jeune  homme  (fantomatique)  se  disant 
le  frère  de  Mad.  X...,  qui  m'accompagnait,  et,  comme  Mad.  X...  lui 
disait  qu'elle  ne  pouvait  le  reconnaître,  ne  l'ayant  vu  qu'enfant,  la 
forme  diminua  de  taille  peu  à  peu,  jusqu'à  ce  qu'elle  prît  celle  du 
petit  garçon  que  Mad.  X...  avait  connu.  »  Quelquefois,  dit  M.  Bit.\i> 
kktt,  la  forme  s'est  dématérialisée  devant  moi,  et  immédiatement 
après  j'ai  constaté  que  le  médium  était  endormi. 

A  vrai  dire  ces  diverses  expériences,  qui  n'ont  pas  été  répétées, 
que  certains  observateurs,  dépourvus  peut  être  du  scepticisme 
nécessaire,  ont  été  seuls  à  constater,  ne  me  paraissent  pas  de  nature 
à  ébranler  la  conviction  négative  de  beaucoup  de  savauLs.  Mais  il 
n'en  est  absolument  pas  de  même  pour  les  phénomènes  donnés  par 
Home,  parFL.Cooic,  parEus.\piA,  par  miss  Goughkr.  Ces  expériences- 
là  sont  inattaquables.  Celles  de  Marthe  Éva,  de  Linda  Gazzera,  de 
Mad.  Sai.mon,  d'EoLiNTON,  de  Mad.  Lacomhe,  prennent  ainsi  toute 
leur  valeur,  qui  est  considérable.  Je  ne  vois  guère  à  éliminer 
totalement  que  celles  de  M.  Corralès,  de  Sambor,  et  peut-être  de 
Mad.  d'Espérance. 

Je  crois  bien  avoir  indiqué  à  peu  près  toutes  les  expériences  de 

1.  Cité  par  Ernv,  loc.  cit.,  p.  149. 


ECTOPLASMIES  689 

matérialisation  expérimentale  qui  paraissent  digues  d'être  notées. 
Mais  on  n'est  jamais  sûr  d'être  complet,  et  d'avance  je  m'excuse  de 
mes  omissions  l. 

Rien  ne  serait  plus  démonstratif  dans  l'histoire  des  matériali- 
sations que  la  production  de  moulages  obtenus,  dans  des  conditions 
expérimentales  irréprochables,  par  des  formes  se  matérialisant  et 
se  dématérialisant  ensuite. 

Aksakoff  2  cite  divers  cas  de  moulages  obtenus  par  les  matériali- 
sations de  mains  fluidiques  donnant  leurs  empreintes  dans  de  la 
farine,  ou  du  mastic,  ou  de  la  paraffine.  D'après  lui  les  premières 
expériences  de  cet  ordre  remontent  à  1855  (banner  of  Lighl, 
1er  avril).  Il  cite  aussi  celles  de  1867  (Banner  of  Light,  10  août 3). 

Les  faits  qu'allègue  Aksakoff  ne  m'avaient  nullement  convaincu; 
même  les  moulages,  sur  du  mastic,  de  la  tête  d'Eus.\piA  ne  me 
paraissaient  guère  probants,  et  j'étais  convaincu  que  nous  n'avions 
encore  rien  de  bon  en  fait  de  moulages  ;  mais  j'ai  pu  en  1921  étu- 
dier à  l'Institut  métapsychique  un  médium  polonais,  Kluski,  qui 
a  présenté  des  phénomènes  remarquables  de  moulage. 

Nous  avions,  Geley  et  moi,  pris  à  l'insu  de  tous  les  assistants  la 
précaution  d'introduire,  dans  le  bain  liquide  de  paraffine  fondue 
placé  devant  le  médium  pendant  la  séance,  une  petite  quantité  de 
substance  facile  à  reconnaître  ;  dans  l'espèce,  c'était  de  la  choles- 
tériue  qui  peut  se  dissoudre  dans  la  paraffine  sans  la  colorer,  mais 
qui,  par  l'addition  d'acide  suif  urique,  se  colore  en  rouge  violet  foncé, 
de  sorte  que  nous  pouvions  savoir  en  toute  certitude  si  le  moulage 
obtenu  était,  soit  une  paraffine  quelconque,  soit  notre  paraffine  spé- 
ciale. Or  nous  avons  pu  établir  qu'il  s'agissait  bien  de  notre  paraf- 
fine. Par  conséquent  nous  avons  eu  la  preuve  qu'il  ne  s'agissait 
pas  d'un  moulage  préparé  par  avance,  mais  bien  d'un  moulage  pro- 
duit pendant  la  séance  même.  De  cela  la  certitude  a  été  absolue. 

Or  pendant  la  séance  les  mains  du  médium  ont  été  correctement 
tenues  par  Geley  et  moi,  à  droite  et  à  gauche,  de  sorte  qu'il  n'a  pu 

1.  Je  ne  veux  pas  mentionner  les  expériences  inédites,  follement  stupéfiantes, 
énormes,  extraordinaires,  que  m'ont  contées  ou  écrites  des  personnes  dignes  de 
foi  à  Varsovie  notamment.  J'ai  le  malheur  de  n'y  pouvoir  croire.  Et  pourtant!... 

2.  A.  S.  P.,  1897,  VII,  28. 

3.  Voir  aussi  Zollmer  et  Wagner  {Psychische  Siudien,  1877,  401  ;  1878,  492 
1879,  249)  :  et  Spiritualist,  1878,  134. 

Richet.  —  Métapsychique.  44 


690  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

libérer  une  de  ses  mains,  à  plus  forte  raison  leslibérer  toutes  les  deux. 

Un  moulage  a  été  obtenu  une  première  fois,  d'une  main  d'enfant  ; 
une  seconde  fois  de  deux  mains  d'enfant  (la  droite  et  la  gauche)  ; 
une  troisième  fois,  il  y  a  eu  moulage  d'un  pied  d'enfant.  Les  plis 
de  la  peau  et  les  veines  étaient  visibles  sur  le  moulage. 

Par  suite  de  l'étroitesse  du  poignet  ce  moulage  ne  pouvait  être 
obtenu  par  une  main  vivante  ;  car  il  eût  fallu  retirer  la  main  et  les 
doigts  par  l'étroite  ouverture  du  poignet.  Les  mouleurs  profes- 
sionnels n'arrivent  à  ce  résultat  qu'en  séparant  par  une  ficelle  le 
plâtre  en  deux  moulages  (l'un  dorsal,  l'autre  palmaire),  pour  recoller 
ensuite  les  deux  segments.  Ici  rien  de  semblable  C'est  donc  une 
matérialisation  qui  a  été  accompagnée  d'une  dèmatérialisation; 
car  la  dématérialisation  a  été  nécessaire,  en  toute  certitude,  pour 
que  ce  moulage  d'une  main  avec  les  doigts  puisse  être  obtenu. 

L'expérience  —  que  nous  nous  proposons  évidemment  de  recom- 
mencer, car  elle  est  assez  importante  pour  mériter  d'être  reprise,  — 
entraîne  donc  la  preuve  absolue  d'une  matérialisation  suivie  de 
dématérialisation.  Même  si  le  médium  avait  eu  toutes  facilités  dans 
cette  opération  compliquée,  il  n'eût  pas  pu  l'effectuer.  Nous  défions 
les  plus  habiles  mouleurs  d'obtenir  ce  résultat  sans  employer  le 
système  des  deux  segments  séparés  par  une  ficelle,  et  recollés 
ensuite. 

Par  conséquent  nous  avons  le  droit  d'affirmer  qu'il  y  a  bien  eu 
matérialisation,  puis  dématérialisation  d'une  main  ectoplasmique 
(ou  fluidique),  et  nous  croyons  bien  que  c'est  la  première  fois  qu'on 
a  pu  réunir  des  conditions  d'expérimentation  aussi  rigoureuses. 

En  tout  cas  il  y  en  a  bien  assez  pour  que  la  matérialisation  expé- 
rimentale —  ou  ectoplasmie  —  prenne  rang  définitivement  dans  la 
science.  Certes  nous  n'y  comprenons  absolument  rien.  Tout  est 
très  absurde  (si  tant  est  qu'une  vérité  puisse  être  absurde).   . 

Les  spirites  m'ont  durement  reproché  ce  mot  d'absurde  ;  et  ils 
n'ont  pas  pu  comprendre  que  je  ne  me  résignais  pas  sans  douleur 
à  admettre  la  réalité  de  ces  phénomènes.  Mais,  pour  faire  à  un  phy- 
siologiste, un  physicien,  un  chimiste,  admettre  qu'il  sort  du  corps 
humain  une  forme  qui  a  une  circulation,  une  chaleur  propre  et  des 
muscles,  qui  exhale  de  l'acide  carbonique,  qui  pèse,  qui  parle,  qui 


ECTOPLASMTES  691 

pense,  il  faut  lui  demander  un  efîort  intellectuel  qui  est  vraiment 
très  douloureux. 

Oui,  c'est  absurde  ;  mais  peu  importe  :  c'est  vrai. 

Et  puis  les  matérialisations  ne  doivent  pas  être  considérées  comme 
un  phénomène  isolé.  Il  faut  les  rattacher  aux  télékiuésies,  aux  hal- 
lucinations collectives.  Alors  l'eusemble  constitue  un  édifice  de 
preuves  irréprochables  devant  lesquelles  doit  s'iucliner  uotre  débile 
science  d'aujourd'hui,  dont  le  rôle  est  d'abord  de  constater,  et 
ensuite,  si  possible,  de  comprendre. 


CHAPITRE  IV 
LÉVITATIONS 

Aux  ectoplasmies  et  aux  télékinésies,  phénomènes  certains, 
nous  devons  rattacher  les  faits,  bien  incertains  encore,  de  lévita- 
tions. 

La  lévitation  est  un  phénomène  exceptionnel,  même  chez  les  très 
grands  médiums. 

La  définition  du  mot  ne  se  trouve  pas  dans  le  Dictionnaire  de 
Littré.  Disons  que  c'est  un  soulèvement  partiel  ou  total  du  corps, 
sans  le  secours  d'une  action  mécanique  musculaire  apparente,  soit 
que  le  corps  reste  pendant  quelque  temps  suspendu  en  l'air,  soit  qu'il 
s'élève  à  une  certaine  hauteur. 

On  trouve  mentionnées  maintes  lévitations  dans  l'histoire  des 
Saints.  Je  ne  sais  s'il  est  possible  que  ce  phénomène,  si  souvent  relaté 
dans  les  légendes  hagiographiques,  soit  toujours  controuvé. 

On  en  rapporte  beaucoup  de  cas1.  Gorres  cite  saint  Pierre  d'Al- 
cantara,  Christine  l'Admirable,  Agnès  de  Bohème,  BkrnarddeCourléon, 
Dalmace  de  Gironne,  saint  François  d'Assise,  saint  Joseph  deCopertino 
surtout. 

L'abbé  Ribet2  en  cite  aussi  des  cas  nombreux.  Saint  Paul  de  la 
Croix,  sainte  Thérèse,  saint  Philippe  de  Néri,  Dominique  San  Diego 
(dont  un  admirable  tableau  de  Murillo,  qui  est  au  Louvre,  reproduit 
la  lévitation),  Salvator  de  Horta,  etc.,  etc. 


1.  Gorres,  La  mystique  divine,  trad.  fr.,  Paris,  4894,  II,  291. 

2.  La  mystique  divine,  Paris,  Poussielgue,  1883,  cité  par  A.  de  Rochas,  dans 
un  excellent  petit  mémoire,  plein  de  sagesse  et  d'érudition.  Recueils  de  docu- 
ments relatifs  à  la  lévitation  du  corps  humain,  Paris,  Leymarie,  8°,  1897. 


LÉVITATIONS.  693 

Dans  les  temps  plus  récents,  des  livres  religieux  rapportent  que 
A.-H  Fournat  (1752-1834),  Claude  Dhière  (1757-1820),  le  curé  d'Ars 
(Jean-B.  Viannev)  (1786-1859),  ont  eu  des  lévitations1. 

Je  ne  parlerai,  et  encore  très  brièvement,  que  des  lévitations  de 
Joseph  de  Copertino.  On  ne  peut  guère  prétendre  que  tout  ce  qui 
en  a  été  dit  est  absolument  faux  ;  car  les  documents  ahondent, 
et  il  ne  s'agit  pas  d'une  époque  très  lointaine,  puisque  saint  Joseph 
naquit  en  1603,  et  ne  mourut  qu'en  1663.  Quinze  aus  après  sa  mort, 
c'est-à-dire  en  1678,  le  P.  Nuti  d'Assise  écrivit  la  vie  de  saint  Joseph 
de  Copertino,  en  s'entourant  de  nombreux  témoignages.  Trois 
enquêtes  successives  pour  sa  béatification,  en  1711,  1722  et  1753, 
furent  entreprises  par  divers  papes.  Une  vie  de  saint  Joseph  fut 
publiée  en  1753,  c'est-à-dire  il  y  a  un  siècle  et  demi  seulement  ;  or, 
dans  ce  livre,  sont  seuls  rapportés  les  faits  constatés  par  un 
nombre  suffisant  de  témoins. 

De  tous  ces  documents,  il  appert  que  maintes  fois  Joseph  s'élevait 
de  terre.  Dans  certains  cas,  il  restait  comme  suspendu  dans  l'air, 
en  présence  de  tous  les  frères  de  son  ordre.  Souvent  les  religieux 
qui  l'entouraient,  doutant  de  ce  qu'ils  voyaient,  passaient  la  main 
sous  ses  pieds,  pour  s'assurer  que  les  pieds  ne  touchaient  pas  le 
sol.  Le  pape  Urbain  VIII  fut  un  jour  témoin  de  cette  lévitation  ;  de 
même,  en  1650,  le  duc  Frédéric  de  Brunswick.  Il  paraît  même  que, 
dans  quelques  cas  exceptionnels,  saint  Joseph  put  enlever  dans 
l'air  avec  lui  des  personnes  qui  étaient  venues  le  voir. 

Le  P.  Gorres  ne  consacre  pas  moins  de  douze  pages  à  ces  lévita- 
tions de  saint  Joseph  de  Copertino.  Il  dit  que  chacune  d'elles  était 
précédée  d'une  sorte  d'extase,  qui  commençait  par  un  cri  :  Oh  !  Oh  ! 
répété  plusieurs  fois,  et  que  le  saint  homme  était  pris  d'un  tremble- 
ment convulsif,  suivi  d'une  période  de  stupeur. 

Dans  le  procès-verbal  fait  pour  délivrer  une  fille  possédée  par  le 
malin  Esprit,  à  Louviers,  en  1591,  Françoise  Fontaine,  une  jeune 
servante  de  Louviers,  étant  à  deux  genoux,  a  été  enlevée  fort  épou- 
vantablement,  et  une  autre  fois  a  été  soulevée  de  terre  plus' haut 
que  l'autel.  Une  troisième  fois,  par  dessus  un  banc  qui  était  devant 

1.   Les  reproductions  de  quelques  tableaux  représentant   des  lévitations  se 
trouvent  dans  le  livre  de  A.  de  Rochas,  et  dans  A.  S.  P.,  1901,  XI,  17-47. 


694  MÉTAPSYCH1QUE    OBJECTIVE 

l'autel,  elle  a  été  transportée  en  l'air,  la  tête  en  bas,  les  pieds  en 
haut1. 

On  ne  peut  guère  faire  état  de  ce  vieux  document  (ainsi  que  de 
deux  autres  analogues  sur  les  possédées  de  Langres,  1734).  La  cré- 
dulité de  ces  exorcistes  est  parfois  inimaginable.  Aussi  bien  devons- 
nous  supposer,  au  moins  provisoirement,  que  toutes  ces  affirma- 
tions formelles  ne  sont  qu'illusions. 

Donc  nous  ne  pouvons  insister  sur  ces  récits  d'autrefois,  qui, 
de  fait,  quoique  nous  ne  puissions  les  nier  absolument,  ne  sont  pas 
capables  d'entraîner  la  conviction. 

A.  de  Rochas  cite  quelques  cas  de  lévitation  observés  au 
xixe  siècle  par  divers  expérimentateurs,  qui  sont  certainement  cré- 
dules, mais  certainement  aussi  de  bonne  foi;  le  magnétiseur 
Lafontaine,  le  Dr  Cyriax  (de  Berlin)  ;  M.  B...,  un  ami  de  A.  de  Rochas, 
élève  de  l'École  Polytechnique,  M.  Paluzzi  (de  Naples),  Mgr  d'HutsT, 
le  Dr  Schmidt  (de  Vienne)  et  Justus  Keiiner  (avec  la  célèbre  voyante 
de  Prévorst).  Et  il  ajoute  avec  raison  :  «  L'histoire  des  sciences  est 
là  pour  nous  rappeler  que  chaque  génération  a  vu  crouler  devant 
des  faits  nouveaux  patiemment  recueillis  et  observés  la  plus  grande 
partie  de  l'échafaudage  des  connaissances  dont  la  génération  précé- 
dente se  croyait  pourtant  bien  sûre  ». 

Quoique  les  lévitations  ne  puissent  pas  encore  rentrer  dans  les 
vérités  démontrées,  il  en  est  pourtant  qui  méritent  une  discussion 
attentive. 

A  vrai  dire  la  lévitation  n'est  guère  qu'un  cas  particulier  de  la 
télékiuésie,  c'est-à-dire  d'une  action  mécanique  inconnue  sur  la 
matière.  Seulement  on  ne  voit  pas  bien,  s'il  s'agit  d'une  action 
mécanique,  quel  est  le  point  d'appui  de  la  force. 

Il  faut  distinguer  les  demi-lévitations  et  les  lévitations  complètes. 

Les  demi-lévitations,  c'est  quand  le  corps  du  médium  diminue 

de  poids,  ou  quand,  presque  sans  le  secours  de  quelque  effort  mus- 

1.  Le  curé  Pillet,  qui  exorcisait  Françoise,  se  montra  fort  judicieux.  Il  sup- 
posa que  Françoise  était  enlevée  par  les  cheveux,  et  alors  il  lui  fit  raser  la  tête, 
ce  qui  supprima  aussitôt  toute  lévitation  (??) 


INVITATIONS  691) 

culaire,  il  est  transporté  sur  une  table.  Il  est  difficile  d'en  constater 
rigoureusement  les  conditions,  surtout  si  le  phénomène  a  lieu 
dans  l'obscurité.  Alors  on  peut  même  dire  que  les  témoignages  sont 
peu  probants;  car  un  médium,  si  peu  acrobate  qu'il  soit,  sera  par- 
faitement capable  de  donner  à  des  assistants  crédules  l'idée  qu'il 
a  été  transporté  sur  la  table,  avec  ou  sans  sa  chaise,  par  une  force 
surnaturelle.  Nous  n'avons  guère  à  insister  sur  ces  demi-lévita- 
tions, comme  en  a  présenté  Carancini. 

D'après  Kerner,  quand  on  mettait  au  bain  la  voyante  de  Prévorst, 
pendant  sa  trance,  on  ne  pouvait  la  faire  enfoncer  dans  l'eau.  Si 
elle  était  tombée  dans  une  rivière,  elle  n'aurait  pas  pu  s'y  enfoncer 
plus  qu'un  morceau  de  liège.  Mais  il  est  bien  dommage  qu'on 
mêle  aux  choses  sérieuses  de  pareilles  calembredaines  ;  c'est  au 
détriment  des  choses  sérieuses. 

Eglinton,  dans  une  séance  mémorable  à  laquelle  prirent  part,  en 
4886,  l'empereur  et  l'impératrice  de  Russie,  les  grands-ducs 
d'OLDENBouRG  et  Wladimir,  et  d'autres  membres  de  la  famille  impé- 
riale de  Russie,  séleva  en  l'air.  «  Mes  voisines  durent  monter  sur 
leurs  chaises  pour  me  suivre,  dit  Eglinton.  Je  continuai  à  monter 
jusqu'à  ce  que  mes  deux  pieds  touchassent  deux  épaules  sur  les- 
quelles je  m'appuyais,  et  qui  étaient  celles  de  l'empereur.  » 

Florence  Cook  raconte  qu'étant  âgée  de  quatorze  aus  elle  fut  une 
fois,  à  sa  grande  frayeur,  soulevée  jusqu'au  plafond.  C'était  l'une 
des  premières  séances  de  spiritisme  auxquelles  elle  assistait.  Elle 
fut  portée  au-dessus  de  la  tête  des  assistants  et  déposée  sur  une 
table  à  l'extrémité  de  la  chambre. 

L'abbé  Petit,  écrivant  à  A.  de  Rochas,  lui  dit  qu'une  fois,  dans 
une  église,  il  a  été  transporté  :  il  s'est  débattu,  et  sa  frayeur  a  été  si 
grande,  qu'il  en  a  été  malade.  Mais,-  comme  l'abbé  Petit  ne  cite 
aucun  témoin,  c'est  bien  certainement  uue  illusion. 

Le  Dr  Nicolas  Santangelo,  de  Venosa,  donnant  la  main  à  deux 
médiums,  Ruggieri  et  Gbcchini,  fut  tiré  en  l'air  par  Ruggieri.  «  Sen- 
taut  le  sol  manquer  sous  mes  pieds,  je  m'accrochai  au  bras  de 


696  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Ruggieri,  et  fus  ainsi  soulevé  presque  à  la  hauteur  de  3  mètres; 
à  tel  point  que  je  touchais  distinctement  avec  mes  pieds  la  suspen- 
sion qui  pendait  au  centre  du  plafond.  Dans  la  descente,  la  lumière 
étant  faite,  je  me  trouvai  à  genoux  sur  la  table  dexpérience.  » 

Tous  ces  faits  sont  terriblement  douteux.  En  voici  quelques 
autres,  qui  semblent  mériter  plus  de  créance. 

L'éminent  L.  Luciani,  professeur  de  physiologie  à  l'Université  de 
Rome,  raconte  que,  dans  une  séance  avec  Eusapia,  il  lui  tenait  une 
main,  et  que  M.  E.  Nathan,  maire  de  Rome,  tenait  l'autre  main 
d'EusAPiA.  Alors  Eusapia  dit  qu'elle  s'élevait  en  l'air.  «  Nous  sentîmes 
un  mouvement  ascensionnel  que  nous  suivîmes,  dit  Luciani,  sans 
nous  y  opposer,  mais  sans  l'aider.  On  fit  la  lumière.  Eusapia  était 
assise  sur  une  chaise,  et  les  deux  pieds  antérieurs  de  la  chaise 
reposaient  sur  la  table1.  » 

Le  professeur  de  physiologie  L.  Patrizi  a  étudié  les  lévitations 
du  médium  A.  Zuggarino2  et  en  a  donné  d'intéressantes  photogra- 
phies. Zuccarino  est  un  jeune  homme  de  22  ans  environ,  employé 
dans  une  administration.  Il  n'est  donc  pas  un  médium  profes- 
sionnel. Le  phénomène  spécial  qu'il  produit  est  une  lévitation  très 
nette,  qui  dure  parfois  une  dizaine  de  secondes.  Il  tient  les  mains 
des  assistants  qui  font  la  chaîne  autour  de  lui;  mais,  au  lieu  de 
s'appuyer  sur  leurs  mains,  il  tend  plutôt  à  les  porter  en  haut.  Pen- 
dant sa  trance,  nécessaire  pour  la  lévitation,  il  prétend  être  aidé 
par  ses  guides.  Il  a  produit  aussi  quelques  phénomènes  de  lumino- 
sité. 

Malgré  l'autorité  des  professeurs  Luciani  et  Patrizi,  on  a  contesté 
les  lévitations  d'EusAPiA  et  de  Zuccarino.  Tout  de  même  je  ne 
saurais  guère  nier  résolument  ce  qu'affirment  avec  une  pareille 
fermeté  deux  savants  professeurs  de  physiologie. 

Stainton  Moses  a  eu  des  lévitations,  et  voici  comment  il  les 
décrit1  : 

1.  A.  S.  P.,  1906,  XVI,  653. 

2.  Les  lévitations  du -médium  Zuccarino,  A.  S.  P.,  1907,  XVII,  528-549. 

3.  Research  on  spiritualism  during  the  years  4872-3,  par  M.  A.  Oxon  (pseudo- 
nyme de  bTAiNioN  Moses)  cité  par  Fk.  Myers,  P.  S.  P.R.,  XI,  1894,  261. 


LÉVITATIONS  697 

«  Uu  jour,  le  30  août  1872,  j'ai  senti  ma  chaise  se  retourner 
devant  la  table  pour  être  élevée  du  sol  à  une  distance  que  j'estime 
à  30  à  35  centimètres.  Mes  pieds  étaient  à  une  hauteur  d'environ 
30  centimètres.  La  chaise  est  aiusi  restée  suspendue  pendant  quel- 
ques instants,  et  je  me  sentais  élevé  de  plus  eu  plus  haut,  par  un 
mouvement  lent  et  facile,  sans  avoir  de  gêne  ou  d'appréhension. 
J'avais  la  parfaite  conscience  de  ce  qui  se  passait,  et  je  décrivais 
les  phénomènes  à  ceux  qui  étaient  assis  autour  de  la  table.  Le  mou- 
vement a  duré  un  certain  temps,  assez  long,  jusqu'à  ce  qu'il  soit 
achevé.  J'étais  en  face  du  mur,  et  j'ai  pu  mettre  un  crayon  pour 
marquer  sur  le  mur  la  hauteur  à  laquelle  était  ma  poitrine.  Cette 
marque  a  été  environ  à  Jm,80  au-dessus  du  sol.  Je  n'avais  aucun 
trouble  mental.  Il  me  semblait  que  j'étais  dans  un  ascenseur,  et 
que  les  objets  qui  m'entouraient  s'étaient  abaissés  au-dessous  de 
moi.  » 

Stainton  Moses  décrit  encore  diverses  particularités  de  ses  lévita- 
tions. Quelquefois  il  a  été  transporté  d'une  chaise  sur  un  sofa,  à 
grande  distance,  et  très  rapidement.  Dans  un  cas,  il  a  été  élevé 
assez  haut  pour  que  ses  pieds  touchassent  la  tête  d'un  des  assis- 
tants; mais  alors  il  avait  été  étendu  comme  longitudinalemeut.  Ce 
jour-là,  tout  de  suite  après  la  lévitation,  un  tabouret  a  été  pris  dans 
un  angle  de  la  pièce,  et,  en  pleine  lumière,  est  allé  frapper  une 
chaise  qui  était  près  de  la  porte.. 

Mais  —  on  ne  sait  guère  pourquoi  —  Stainton  Moses  n'aimait  pas 
ces  phénomènes  physiques  (/  discouraged  them  as  much  as  pos- 
sible, from  a  dislike  to  violent  physical  manifestations),  de  sorte 
qu'ils  ne  se  reproduisirent  plus  guère  ensuite. 

Eusapia  Paladino  n'a  jamais  présenté  que  des  lévitations  incom- 
plètes. 

Voici  comment  Morselli  s'exprime  :  «  Rarissimo  fenomeno,  cer- 
tamente  sincero  nel  suo  inizio,  forse  illusorio  per  parte  nostra 
nella  sua  continuazione  aerea  aldi  sopra  del  tavolo  mediumnico .  » 

A  Milan,  j'ai  vu  une  balance,  sur  laquelle  était  placée  Eusapia, 
diminuer  lentement  et  graduellement  de  8  kilogrammes,  soit  de 
58  à  50  kilogrammes.  Mais  je  ne  trouve  pas  l'expérience  bien  pro- 
bante; car  sur  une  balance  romaine  la  mesure  exacte  est  difficile, 


698  MÉTAPSVCHIQUE    OBJECTIVE 

et  peut-être  toutes  les  précautions  suffisantes  n'avaient-elles  pas 
été  prises  pour  empêcher  dans  la  pénombre  le  contact  d'un  des 
pieds  d'EusAPiA  avec  le  sol. 

Morselli1  rapporte  avec  détail  une  expérience  où  il  semble  bien 
qu'EusAPiA  ait  été  portée  avec  sa  chaise  à  une  hauteur  de  80  cen- 
timètres, comme  si  elle  avait  été  soulevée  par  une  force  extérieure. 
Porro,  Morselli,  de  Ai.bertis,  ont  été  témoins  de  ce  phénomène.  On 
a  pu  passer  la  main  entre  les  pieds  d'EusAPiA  et  la  table  au-dessus 
de  laquelle  étaient  les  pieds  même  d'EusAPiA.  Le  mouvement  s'est 
accompli  rapidement,  en  quelques  secondes,  sans  secousses,  et  la 
descente  a  été  graduelle.  Pourtant,  comme  l'obscurité  était  presque 
complète,  on  peut  difficilement  conclure. 

Les  cas  de  lévitation  donnés  par  Home  sont  plus  extraordinaires 
que  tous  autres  :  ils  ont  été  maintes  fois  décrits. 

«  M.  Home  nous  annonça  qu'il  allait  être  élevé  dans  l'air2.  Un  ins- 
tant après  il  traversa  la  table  par  dessus  la  tête  des  personnes  du 
cercle  Je  le  priai  de  faire  une  marque  au  plafond  avec  un  crayon. 
Comme  il  n'en  avait  pas,  je  me  levai  pour  lui  prêter  le  mien,  et  ce 
ne  fut  pas  sans  user  de  toute  la  longueur  de  mon  bras  que  je  pus 
atteindre  sa  main  qui  était  bien  à  sept  pieds  (2m,15)  du  sol.  J'y 
glissai  le  crayon,  et  sa  main  tint  quelque  temps  dans  la  mienne,  me 
soumettant  aux  caprices  de  ses  pérégrinations  aériennes.  » 

Voici  un  autre  récit  plus  étonnant  encore  :  «  A  travers  la  demi- 
obscurité  de  la  chambre,  je  voyais,  dit  un  rédacteur  du  Cornhill 
Magazine,  la  tête  de  Home  se  détacher  confusément  :  quelques 
minutes  après,  sa  voix  semblait  venir  d'en  haut;  il  nous  dit  qu'il 
allait  passer  devant  la  croisée,  dont  la  clarté  grise  et  argentée  faisait 
ressortir  la  forme  opaque  de  son  corps.  Et  en  effet  nous  le  vîmes 
sur  toute  la  largeur  de  la  croisée,  dans  une  position  horizontale  et 
les  pieds  en  avant.  Il  plana  quelques  minutes  dans  l'air;  je  sentis 
ses  pieds  effleurer  mes  cheveux.  Il  avait  atteint  le  plafond,  sur 
lequel  il  fit  une  légère  marque  :  après  quoi  il  descendit  et  reprit 
place  au  milieu  de  nous3. 

1.  hoc.  cit.,  I,  279. 

2.  D.   Home,   Revélatioyis  sur  ma  vie  surnaturelle  (récit  de  M.  James  Watson, 
sollicitor  à  Liverpool),  Paris,  Dentu,  1863. 

3.  Loc.  cit.,  p.  224. 


LÉVITATIONS  699 

Ces  faits  étranges  de  lévitation,  qu'il  s'agisse  de  saint  Joseph  de 
Copertino,  de  Stainton  Moses,  ou  de  D.  Homk,  méritent  d'être  rete- 
nus. Et  pourtant,  malgré  l'autorité  et  le  nombre  des  témoignages, 
il  me  paraît  que  la  science,  l'inexorable  science,  n'a  pas  encore  le 
droit  de  considérer  présentement  la  lévitation  comme  un  phéno- 
mène démontré. 

Pour  admettre  un  phénomène  scientifique  comme  démontré,  il 
faut  être  aussi  sévère  en  fait  de  preuves  que  s'il  s'agissait  de  con- 
damner un  homme  à  mort,  sur  preuves  de  culpabilité. 

L'avenir  dissipera  peut-être  nos  doutes. 

Nos  hésitations,  qui  paraîtront  probablement  exagérées  à  quel- 
ques personnes,  donneront  peut-être  quelque  force  à  notre  absolue 
affirmation  d'autres  phénomènes  objectifs  de  la  métapsychique, 
tels  que  les  télékinésies  et  les  ectoplasmies.  Les  télékinésies  sont 
des  faits  prouvés.  Les  ectoplasmies  sont  démontrées.  Les  lévita- 
tions ne  sont  pas  encore  établies.  Mais  il  serait  souverainement 
illogique  de  regarder  ces  divers  phénomènes,  malgré  leur  con- 
nexité  évidente,  comme  liés  l'un  à  l'autre  si  étroitement  que  la 
négation  (ou  l'affirmation)  de  l'un  entraîne  la  uégation  (ou  l'affir- 
mation) de  l'autre. 


CHAPITRE  V 
BILOCATIONS 

A.  —  LES  BILOCATIONS  OBJECTIVES 

De  même  que  la  lévitation  s'annexe  à  la  télékinésie,  de  même  la 
bilocation  confine  à  l'ectoplasmie.  C'est  un  phénomène  vaguement 
admis  par  le  populaire,  mais  dont  la  démonstration  est  loin  d'avoir 
été  donnée  encore.  Nous  allons  même  voir  qu'il  y  a  de  fortes  rai- 
sons pour  la  révoquer  en  doute,  et  qu'il  n'y  a  pas  une  seule  bonne 
preuve  pour  l'affirmer. 

On  appelle  bilocation  la  présence  simultanée  d'un  individu  en 
deux  endroits  différents,  proches  ou  éloignés.  Les  personnes  qui 
croient  à  la  bilocation  disent  que  c'est  le  double  de  tel  ou  tel  indi- 
vidu qui  alors  se  manifeste,  de  sorte  que  l'étude  des  bilocations  est 
aussi  l'étude  des  doubles. 

On  doit  distinguer  daus  l'histoire  des  bilocations  les  phénomènes 
objectifs  et  ceux  qui  sont  subjectifs. 

La  bilocation  serait  objective  s'il  y  avait  en  réalité  un  corps  vivant 
dédoublé,  manifestant  sa  réalité  matérielle,  simultanément  en 
deux  endroits  différents.  Jusqu'à  préseut  ces  bilocations  objec- 
tives ne  sont  que  des  légendes  fantaisistes. 

La  bilocation  est  subjective  quand  la  forme  d'un  individu  appa- 
raît avec  les  attributs  de  la  vie  à  telle  ou  telle  personne  sensitive, 
plus  ou  moins  loin  de  l'endroit  où  en  réalité  se  trouve  cet  individu. 
On  comprend  facilement  qu'elle  n'est  alors  qu'une  des  modalités  de 
la  cryptesthésie,  et  qu'il  n'y  a  pas  lieu  d'inscrire  dans  la  métapsy- 
chique  objective  l'histoire  des  bilocations. 


BILOCATIONS  701 

La  réalité  des  bilocations  subjectives  n'implique  nullement  celle 
des  bilocations  objectives. 

Dans  les  Vies  des  saints1  on  trouve  des  exemples  assez  nombreux, 
très  contestables  toujours,  de  bilocationobjective.il  serait  bien  peu 
raisonnable  de  leur  accorder  la  valeur  d'une  preuve  scientifique. 

Le  cas  le  plus  connu  est  assurément  celui  d'ALPHONSE  de  Liguori, 
qui,  le  17  septembre  1774,  reste  immobile  et  muet  dans  sa  cellule  à 
Arezzo,  ne  prenant  aucune  nourriture  et  ne  parlant  à  personne. 
Puis,  le  22  au  matin,  il  se  réveille  et  raconte  qu'il  a  été  assister  le 
pape  qui  vient,  dit-il,  de  mourir.  Or  il  paraît  que,  dans  cette  même 
nuit,  du  21  au  22  septembre,  le  pape  Clément  XIV  était  mort  à 
Rome,  assisté  par  Alphonse  de  Liguori. 

On  raconte  aussi  que  saint  François  Xavier,  lors  d'un  naufrage, 
aux  mers  de  Cbiue,  s'est  trouvé  simultanément  dans  le  navire  et 
dans  une  chaloupe  qui  s'était  avec  plusieurs  matelots  éloignée  du 
navire  en  détresse. 

On  a  fait  aussi  des  récits  analogues  sur  saint  Joseph  de  Copertino, 
sainte  Marie  d'Agreda,  etc. 

Les  faits  contemporains  ne  sont  nullement  plus  précis  que  ces 
histoires  légendaires. 

En  voici  un  qui  me  paraît,  malgré  l'autorité  de  W.  Stead,  doulou- 
reusement insuffisant2. 

En  189o,  dans  une  église  de  Londres,  W.  Stead  aperçut  une  sienne 
amie,  Mad.  À...  Or  W.  Stead  savait  que  Mad.  A...,  qui  demeurait  à 
Bayswater,  était  très  malade,  et  il  fut  effrayé  de  sou  imprudence. 
Stead  l'a  parfaitement  reconnue;  il  a  eu  le  temps  de  la  voir  bien 
en  face,  de  distinguer  tous  ses  traits.  Les  deux  fils  de  Stead  et 
Mad.  Stead  reconnurent  aussi  Mad.  A.... 

En  réalité,  Mad.  A...  était  restée  à  Bayswater. 

Ce  qui  rend  cette  observation  absolument  nulle,  c'est  que  la 
dame  en  noir,  avec  grand  chapeau,  qu'on  a  vue  à  l'église,  pouvait 


1.  Voyez  Mystique  de  Gorkes,  trad.  fr.,  II,  329. 

2.  Delanne,  Les  apparitions  matérialisées,  I,  266.  —  Voir  aussi  Stead.  The  expé- 
rience of  double  :  Borderland,  1894,  I,  7-22. 


702  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

très  bien  être  une  vraie  personne  vivante,  mais  une  toute  autre 
dame  que  Mad.  A...  Une  complète  erreur  de  Stead  et  de  ses  deux 
fils  est  mille  fois  plus  vraisemblable  que  la  présence  du  fantôme  de 
Mad.  A..,  agissant  et  se  mouvant  pendant  plus  d'une  heure  devant 
cent  personnes. 

Parmi  les  récits  légendaires  de  doubles,  un  des  plus  étonnants, 
—  nullement  probant  d'ailleurs,  —  est  celui  que  raconte  Richard 
Dale  Owen,  et  qui  date  de  près  d'un  siècle. 

Robert  Bruce,  écossais,  second  d'un  navire  qui  allait  à  Terre- 
Neuve,  était  incertain  sur  la  route  qu'il  fallait  suivre.  11  descend 
dans  la  cabine  du  capitaine  et  y  voit  un  homme  (inconnu]  qui  écri- 
vait. Robert  Bruce  remonte  sur  le  pont,  y  rencontre  le  capitaine,  et 
tous  deux  redescendent  à  la  cabine.  Il  n'y  avait  plus  personne, 
mais  sur  un  papier  étaient  écrits  ces  mots  :  «  Gouvernez  au  Nord- 
Ouest!  »  Le  conseil  si  bizarrement  donné  fut  suivi,  et  à  quelques 
heures  de  là  fut  rencontré  un  navire  qui  était  en  perdition,  et  sur 
lequel  se  trouvait  un  individu  identique  à  celui  que  Robert  Bruce 
avait  vu  dans  la  cabine  du  capitaine. 

Quelque  curieuse  que  soit  cette  télégraphie  sans  fil,  étrangement 
compliquée,  il  est  douteux  que  l'histoire  de  Robert  Bruce  puisse 
sortir  du  roman  pour  entrer  dans  la  science1. 

Le  cas  suivant  est  regardé  par  Aksakofe  comme  très  impor- 
tant, et  cependant  nous  n'avons  qu'un  seul  témoignage,  bien 
fragile,  celui  de  Mad.  de  Guldenstubbé.  En  outre  le  récit  de 
Mad.  de  Guldenstubbé  se  rapporte  à  un  temps  très  éloigné.  Somme 
toute  le  phénomène  est  des  plus  contestables,  pour  ne  dire  pas 
nul. 

Il  s'agit  d'une  demoiselle  Sagée,  institutrice  française  en  Livonie. 
Mad.  de  Guldenstubbé  était  alors  âgée  de  treize  ans  ;  elle  était  une 
des  élèves  du  pensionnat.  Il  paraît  que  quelquefois  les  élèves 
voyaient  deux  demoiselles  Sagée,  à  côté  l'une  de  l'autre,  se  ressem- 
blant exactement  et  faisant  les  mêmes  gestes. 

Diverses  histoires  de  bilocation  de  Mad.  Sagée  sont  encore  racou- 

1.  Footfalls  of  Ihe  boundary  of  anolher  world,  242. 


r.n.oCA'rroNs  703 

tées  par  Mad.  de  Guldenstubbé,  sur  lesquelles  je  ue  puis  insister; 
car  la  conviction  me  manque.  Les  phénomènes  durèrent  environ 
dix-huit  mois,  mais  le  temps  ne  fait  rien  à  l'affaire,  et  il  me  parait 
impossible  de  leur  attribuer  la  plus  mince  valeur. 

Rien  ne  peut  mieux  donner  une  idée  de  la  complète  subjec- 
tivité des  phénomènes  de  bilocation  que  l'observation  de  Fr.  Hakt- 

MANN1. 

C'est  un  lieutenant  allemand  qui  se  met  au  lit  et  tout  d'un  coup 
s'aperçoit  lui-même  dans  son  lit.  Alors  il  se  promène  dans  la 
chambre,  trouve  un  livre,  essaye  de  le  lire,  mais  n'eu  peut  tourner 
les  pages  ;  il  veut  passer  dans  la  chambre  voisine,  et  soudain  il  se 
trouve  dans  cette  chambre,  où  il  voit  un  de  ses  camarades.  Il  tâche 
de  parler  à  ce  camarade,  de  le  secouer,  de  souffler  sur  lui,  mais  il 
est  étonné  que  l'autre  ue  réponde  pas.  Alors  il  veut  aller  au  chemin 
de  fer,  trouve  un  tunnel  qu'il  ne  connaissait  pas,  et  finalement 
rentre  dans  sa  chambre,  où  il  voit  son  corps  secoué  par  le  domes- 
tique qui  avait  trouvé  son  maitre  presque  inaminé2. 

En  toute  absolue  évidence,  il  ne  s'agit  là  que  d'un  rêve. 

On  trouvera  dans  le  chapitre  des  monitions  divers  cas  de  doubles 
ayant  apparu.  Il  sont  intéressants  comme  monitions  :  ils  ne  le  sont 
guère  comme  doubles  ;  car  nulle  preuve  n'est  donnée  qu'il  y  eut 
quelque  objectivation  de  la  personne  qui  a  apparu.  C'est  le  plus  sou- 
vent, pour  l'individu  qui  acquiert  par  la  cryptesthésie  telle  ou  telle 
connaissance  d'un  fait  extérieur,  l'objectivation  de  son  idée,  laquelle 
se  présente  alors  sous  la  forme  d'une  idée  (image)  dans  le  sens 
platonicien  du  mot.  Il  n'y  a  donc,  en  somme,  qu'une  impression 
faite  sur  le  percipient,  impression  qu'il  extériorise  en  disant  qu'il 
y  a  un  fantôme.  Sauf  dans  les  cas  de  perception  collective  des 
doubles,  le  seul  phénomène  qu'on  puisse  admettre,  c'est  l'impres- 

1.  Cité  par  Bozza.no,  Considerazioni  sui  fenomeni  di  bilocuzione  (Luce  e  Ombra, 
XI,  1911,  180.  —  Gomme  tous  les  écrits  de  Bozzano,  cette  étude  mérite  d'être 
méditée,  encore  que  les  phénomènes  de  bilocation  objective  me  paraissent  dé- 
pourvus de  toute  démonstration  sérieuse. 

2.  Dans  un  chapitre  antérieur  (p.  135),  nous  avons  appuie  endoscopie  externe  la. 
vision  de  soi-même  ou  de  double,  comme  par  exemple  dans  le  cas  classique  de 
Goethe  ;  mais  le  mot  autoscopie  s'applique  aussi  à  la  vision  que  certains  som- 
nambules ont  de  leurs  organes. 


704  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

sion  perçue  parle  seasitif  :  et  alors  ou  ne  peut  parler  de  bilocation 
véritable  et  matérielle. 

Les  mouitious  de  mort  prochaine,  annoncées  par  des  bilocations, 
ne  sont  pas  des  prémonitions,  en  ce  seus  que  la  mort  n'est  pas 
annoncée  Une  vision  hallucinatoire  se  produit,  sans  aucune  indi- 
cation concomitante.  Que  conclure  de  cette  vision  hallucinatoire 
qui  ne  révèle  rien  ?  Il  est  bien  probable  qu'il  y  a  quelque  relation  de 
cause  à  effet,  puisqu'il  s'agit  d'un  individu  qui  a  eu,  pour  la  pre- 
mière fois  sans  doute  de  sa  vie,  une  hallucination,  et  que  cette  hal- 
lucination est  l'indice  d'une  mort  prochaine,  encore  que  la  mort 
ne  soit  pas  annoncée. 

Le  cas  suivant  est  un  cas  type  de  ce  genre,  intéressant  parce 
qu'il  a  été  observé  sur  lui-même  par  un  très  distingué  savant,  le 
zoologiste  M.  Romanes. 

M.  Romanes,  au  moment  de  s'éveiller,  à  la  fin  de  la  nuit,  voit 
devant  lui  une  forme  qui  passe  devant  son  lit,  la  tête  couverte  d'un 
voile.  Le  fantôme  écarte  ses  mains  pour  montrer  sa  figure  :  alors 
M.  Romanes  reconnaît  l'image  de  sa  sœur,  qu'il  savait  malade,  mais 
malade  assez  légèrement.  Or,  tout  de  suite  après  cette  vision,  la 
maladie  évolua  très  vite,  devint  grave,  et  la  sœur  de  M.  Romanks 
mourait  quelque  temps  après. 

De  nombreux  faits  de  cet  ordre  ont  été  réunis  par  Bozzano ■*. 

En  général  ce  fantôme  qui  apparaît  est  plus  ou  moius  ressem- 
blant, comme  un  double  de  la  personne  à  mort  prochaine.  Mais  de 
tels  faits  laissent  toujours  place  à  des  doutes  sur  leur  objectivité  ; 
sauf  dans  le  cas  où  l'hallucination  est  collective,  ainsi  que  dans  le 
cas  dit  de  la  rue  Jacob,  de  Mad.  Isnard. 

Mad.  Ghapronière2  a  à  <?bn  service  une  femme  de  chambre, 
Mad.  Gregory,  depuis  quarante  et  un  ans.  Un  soir,  pendant  que 
Mad.  Gregory  déshabillait  Mad.  Ghapronière,  voici  qu'apparaît  le 
doublede  Mad. Gregory: «Comment,  dilluiMad.  CHAPRONiÈRE^'evoî's 
en  ce  moment  votre  double  !  ».  Mad.  Gregory  n'en  fut  nullement  émue 

1.  Considérations  sur  les  phénomènes  de  bilocation.  A.  S.  P.,  1911,  XXI,  65-72, 
109-1163,  143-151. 

2.  P.  S.  P.  R.,  XI,  448. 


BILOCATIONS  705 

d'ailleurs.  Or  elle  fut  prise  trois  jours  après  d'une  légère  indisposi- 
tion qui  devint  bientôt  très  grave,  et  elle  mourut  à  la  moine  heure 
où  son  double  avait  apparu,  juste  huit  jours  après. 

Myers1  cite  quelques  autres  cas  analogues. 

Il  est  un  certain  nombre  de  cas  semblables  qu'il  est  assez  diffi- 
cile de  classer  ;  ce  ne  sont  pas  des  prémonitions,  puisque  le  fantôme 
n'indique  rien;  et  le  phénomène,  quand  il  est  uniquement  sub- 
jectif, peut  toujours  être  considéré  comme  une  hallucination  simpld 
sans  rapport  avec  quelque  réalité  extérieure,  c'est-à-dire  qu'elle 
n'est  ni  véridique,  ni  symbolique. 

Ces  visions  de  doubles  ne  sont,  selon  toute  apparence,  que 
des  phénomènes  de  cryptesthésie  prémonitoire.  Les  fantômes  en 
forme  de  vague  nuée  qui  ont  été  vus  parfois  au  chevet  des  mou- 
rants, comme  si  leur  corps  astral  se  dégageait  du  corps  matériel, 
ne  sont  probablement  pas  des  halluciuations  simples. 

Et  en  efïet  :  1°  chez  des  individus  normaux,  qui  ne  sont  ni  aliénés 
ni  alcooliques,  les  hallucinations  (non  véridiques,  pathologiques) 
sont  extrêmement  rares;  2°  des  visions  analogues  sont,  dans  d'assez 
nombreux  cas,  collectives,  ce  qui  exclut  l'hypothèse  d'une  hallu- 
cination simple;  3°  les  hallucinations  véridiques  dont  la  vérité 
monitoire  a  été  dûment  établie  sont  tout  à  fait  analogues  à  ces 
apparitions  de  doubles. 

Toutefois  ce  ne  sont  là  que  des  inductions.  Alors  provisoirement 
nous  ne  rangerons  pas  dans  les  faits  bien  établis  de  la  métapsy- 
chique  les  prémonitions  de  mort  prochaine  caractérisées  unique- 
ment par  l'apparition  du  double,  sans  aucune  indication  de  date 
et  de  lieu. 

Mad.  Shagren  à  dix  heures  du  matin  arrangeait  ses  cheveux 
devaut  la  glace,  quand  une  forme  ressemblant  à  M.  Hendrickson  s'ap- 
procha d'elle  comme  pour  lui  mettre  la  main  sur  l'épaule.  Elle  se 
retourne,  et,  l'apercevant,  lui  dit  :  «  fs  that  y  ou?  »  mais  aussitôt  le 
fantôme  disparaît.  Mad.  Shagren  le  revit  encore  le  même  jour  dans 
sa  chambre.  M.  Hendrickson,  que  Mad.  Shagren  savait  d'ailleurs  être 
fort  malade,  mourut  quelques  jours  après.  Le  jour  où  Mad.  Shagren 

1.  Loc.  cit.,  445. 

Richet.  —  Métapsychiquc.  45 


706  MKTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

avait  cru  le  voir,  il  avait  rêvé  qu'il  avait  rendu  visite  à  Mad.  Sha- 
gren. 

Il  est  vrai  qu'il  est  des  cas  plus  complexes,  plus  troublants,  et  il 
ne  faut  pas  les  rejeter  sous  le  fallacieux  prétexte  qu'ils  gênent  telle 
ou  telle  théorie. 

Le  fantôme  de  Mad.  Hawkins  est  vu  par  quatre  personnes  :  ses 
deux  cousins,  sa  bonne,  son  fils1,  à  des  intervalles  plus  ou  moins 
éloignés,  et  la  première  fois  par  deux  personnes  simultanément  et 
d'une  façon  absolument  identique. 

Deux  sœurs,  se  trouvant  à  l'église  et  jouant  de  l'orgue,  aperçoivent 
toutes  deux  soudain  le  fantôme  de  leur  troisième  sœur  qui  avait 
l'intention  d'aller  à  l'église,  mais  qui  n'y  était  pas  entrée.  Elle  a 
apparu  à  ses  deux  sœurs  avec  la  robe  qu'elle  portait,  et  tenaut  à  la 
main  un  rouleau  de  papier  qu'à  ce  moment  là  elle  tenait  réelle- 
ment. 

Dans  le  cas  de  Mad.  Hall,  son  propre  fantôme  lui  apparut,  à  elle, 
à  son  mari  et  à  deux  de  ses  parents,  pendant  que  toutes  les  per- 
sonnes se  trouvaient  à  table. 

Fkances  Reddell,  étant  au  chevet  d'une  de  ses  compagnes  grave- 
ment malade,  aperçut  le  fantôme  de  la  mère  de  la  malade,  (une  per- 
sonne qu'elle  ne  connaissait  d'ailleurs  pas),  dont  elle  put  donner  la 
description  avec  une  telle  exactitude,  que,  lorsque  cette  dame 
arriva  plus  tard,  elle  fut  reconnue  par  les  personnes  à  qui  Fiunces 
Reddell  en  avait  parlé.  Même  Fhances  R...  avait  décrit  le  costume 
de  nuit  et  le  bougeoir,  objets  dont  l'existence  fut  confirmée  par  les 
parents  de  la  malade. 

Dans  quelques  cas,  il  semble  que  la  bilocation  ait  été  volontaire, 
c'est-à-dire  qu'un  effort  ait  été  fait  par  un  individu  A...  pour  se 
manifester  et  apparaître  à  B...  Les  faits  de  ce  genre  sont  rares  et 
d'interprétation  difficile.  Dans  quelques  cas  l'apparition  du  double 
se  manifeste  simultanément  à  plusieurs  personnes,  de  sorte  que  la 
bilocation  n'est  pas  uniquement  subjective. 

1.  Mykrs,  La  personnalité  humaine,  p.  230. 


BILOCATIONS  707 

M.  A.  B...1  vient  se  manifester  aux  deux  Misses  Verity, 
âgées,  l'une,  de  vingt-cinq  ans;  l'autre,  de  onze  ans.  Les  témoi- 
gnages, recueillis  avec  un  soin  extrême  par  Myers  et  Gurney, 
semblent  établir  l'authenticité  de  ce  cas  remarquable. 

Aksakoff  cite2  le  cas  de  M.  Benning,  pasteur,  membre  d'un  cercle 
à  Troy  (New-York).  M.  Benning,  ne  pouvant  assister  à  une  séance 
du  cercle,  écrivit  une  lettre  pour  s'excuser;  mais,  craignant  que  sa 
lettre  n'arrivât  pas  à  temps,  il  eut  l'idée  singulière  de  se  manifester 
(astralement)  aux  membres  du  cercle.  Et  en  effet  diverses  personnes 
du  cercle  le  virent.  Deux  personnes  non  seulement  l'ont  vu  et 
reconnu,  —  c'est  là  le  point  douteux  ;  car  il  y  a  probablement  erreur 
de  personne  —  mais  encore  l'ont  touché,  et  même  le  fantôme  aurait 
fait  preuve  d'assez  de  vigueur  pour  écarter  l'un  d'eux  et  pousser 
l'autre  avec  tant  de  force  qu'il  a  failli  tomber  dans  l'escalier. 

Ce  récit  extraordinaire  n'est  pas  accompagné  des  attestations 
nécessaires;  il  est  donc,  pour  ne  pas  dire  plus,  très  sujet  à  caution. 

Le  cas  du  Rév.  Godfrey  est  un  peu  mieux  constaté. 

Le  lo  novembre,  le  Rév.  G.  Godfrey  voulut  vérifier  par  lui-même 
le  fait  annoncé  dans  les  Phantasms  of  Living,  que  dans  certains 
cas  exceptionnels  on  pouvait  apparaître  à  tels  ou  tels  sensitifs. 
Alors  il  chercha  à  apparaître  à  Mad.  X...  Sa  montre  marquait 
3  heures  40  du  matin.  Mad.  X...  lui  écrivit  dans  la  matinée  du 
16  novembre  1886  :  «  Un  peu  après  3  heures  et  demie,  je  m'éveillai 
en  sursaut,  inquiète...  j'allumai  la  bougie,  je  descendis  un  étage, 
puis  remontai  dans  ma  chambre;  mais,  quand  je  revins  dans  ma 
chambre,  je  vis  M.  Godfrey  qui  se  tenait  debout  devant  la  fenêtre. 
Il  portait  son  costume  habituel.  Je  levai  la  bougie,  le  regardai  pen- 
dant trois  ou  quatre  secondes,  et  alors  il  disparut.  » 

M.  Kirk3,  ayant  fait  plusieurs  tentatives  pour  apparaître  à 
Miss  G...,  réussit  une  fois.  L'apparition  fut  si  nette  que  Miss  G... 
distingua  les  plus  petites  particularités  du  costume  de  M.  Kirk. 

1.  Del vn.ne,  Loc.   cil,  1,225. 

2.  Animisme  et  spiritisme,  p.  316. 

3.  Cité  par  Delanne,  Apparitions  matérialisées,  200. 


708  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Seulement  M.  Kirk  lui  apparut  en  miniature,  ce  qui  établit,  entre 
autres  preuves,  que  c'était  un  phénomène  uniquement  subjectif. 

A.  de  Rochas  cite  le  cas1  de  Alma  Haemmerle  qui  vit  les  fantômes 
de  deux  de  ses  amis,  Stankevitch  et  Serboff,  qui  avaient  essayé  de 
lui  apparaître  à  elle,  et  à  son  père.  De  fait  Alma  et  son  père,  tous 
les  deux,  virent  les  doubles  de  Stankevitch  et  de  Seuboff.  Cette  vision 
collective,  si  les  témoignages  sont  authentiques,  rend  bien  difficile 
l'hypothèse  d'un  phénomène  uniquement  subjectif. 

D'ailleurs,  comme  nous  l'avons  souvent  dit,  le  passage  est 
graduel  entre  l'objectif  et  le  subjectif;  ou  plutôt  tout  est  tou- 
jours objectif;  car,  pour  qu'il  y  ait  hallucination  véridique,  il  faut 
nécessairement  qu'il  y  ait  quelque  phénomène  extérieur,  quelque 
vibration  moléculaire  qui  provoque  l'émotion  cryptesthésique. 

Nous  devons  conclure  cependant  que  le  phénomène  est,  d'après 
le  langage  habituel,  subjectif  ;  car  les  vibrations  moléculaires 
(inconnues)  qui  provoquent  l'hallucination  ne  ressemblent  pas 
aux  vibrations  moléculaires  mécaniques  habituelles. 

Il  serait  très  important  de  pouvoir  tant  bien  que  mal  délimiter  ce 
qui  est  objectif  et  ce  qui  ne  l'est  pas.  Assurément  on  pourrait  carac- 
tériser un  phénomène  visuel  subjectif,  en  disant  qu'il  ne  produit 
pas  d'impression  photographique.  Mais  on  n'a  pas  toujours  un 
appareil  photographique  braqué,  de  sorte  qu'il  faut  adopter  un 
autre  critérium  plus  pratique.  Nous  dirons  alors  qu'un  phénomène 
n'est  objectif,  dans  le  sens  ordinaire  de  ce  mot,  que  si  toutes  les  per- 
sonnes présentes  ont  simultanément  la  même  perception  senso- 
rielle. 

Et  cependant  il  y  a  des  objectivités  différentes  de  l'objectivité 
habituelle;  car,  lorsque  deux  sensitifs  croient  voir  le  même  fan- 
tôme, encore  que  ce  fautôme  ne  se  manifeste  pas  sur  une  plaque 
photographique  seusible,  c'est  qu'il  y  a  une  objectivité  quel- 
conque. 

Mais,  si  plusieurs  personnes  voient  simultanément  la  même  appa- 
rition, si  des  animaux,  chiens  ou  chats,  semblent  être  effrayés,  s'il 
y  a  surtout  déplacement  d'objets,  alors  vraiment  il  est  impossible 

1.  A.  S.  P.,  septembre  1906,  309. 


BILOCATIONS  709 

de  nier  l'objectivité  vraie  habituelle.  Nous  en  avons  cité  quelques 
cas  dans  le  chapitre  des  hallucinations  collectives. 

On  a  souvent  invoqué,  pour  affirmer  la  réalité  de  la  bilocation, 
les  photographies  dans  lesquelles  il  y  a  deux  images  juxtaposées 
de  la  même  personne  :  l'une  nette,  l'autre  floue  et  vaporeuse.  Mais 
en  fait  de  photographie  la  supercherie  est  si  facile,  si  enfantinement 
facile,  qu'on  ne  peut  attacher  la  moindre  importance  à  ces  images 
doubles.  Même  si  la  bonne  foi  du  photographe  est  certaine,  il 
suffit  d'un  faux  mouvement  ou  d'une  seconde  d'inattention  pour 
qu'il  y  ait  deux  images  sur  la  plaque.  Je  suis  assez  novice  en  pho- 
tographie pour  trouver  quelquefois  des  doubles  sur  mes  clichés  ; 
mais  je  ne  m'en  émeus  pas.  Ce  n'est  qu'une  erreur  photographique. 
Il  faudrait  être  dépourvu  de  tout  esprit  de  critique  pour  croire  que, 
parce  qu'il  y  a  une  seconde  image  sur  un  cliché,  il  y  a  eu  une 
apparition  matérialisée. 

Les  photographies  de  doubles,  telles  qu'on  les  voit  dans  les 
ouvrages  de  Delanne,  de  A.  de  Rochas,  du  commandant  Darget, 
d'AKSAKOFF,  ne  me  paraissent  rien  moins  que  probantes.  Je  n'excep- 
terais même  pas  celle  qui  a  été  observée  par  mon  éminent  collègue 
et  ami  Istrati1. 

En  1893,  il  fait  effort  pour  apparaître  dans  l'appareil  de  son  ami 
M.  Hasden,  directeur  de  l'enseignement  à  Bukarest,  et,  de  fait,  à 
300  kilomètres  de  là,  M.  Hasden  développait  une  plaque  neuve,  et 
sur  cette  plaque  obtenait  la  photographie  du  professeur  Istrati  (?) 
qui  apparaît  comme  une  petite  figurine2.  Ce  qui  permet  le  doute, 
c'est  que  l'image  photographique  est  assez  vague  pour  qu'on 
puisse  hésiter  à  reconnaître  le  portrait  du  professeur  Istrati. 

Il  est  difficile  de  trouver  quelque  défaut  expérimental  dans  la  pho- 
tographie prise  par  Ochorowicz.  Cependant  elle  a  fait  l'objet  d'une 
controverse  avec  G.  de  Fontenay.  La  photographie  prise  par  le  capi- 
taine Volpi  n'est  pas  démonstrative. 

En  définitive  il  faut  conclure  qu'il  n'y  a  pas  encore  des  faits  de 

1.  Voyez  Delanne,  hoc.  cit.,  407. 

2.  On  verra  cette  photographie  dans  le  livre  de  H.  Baraduc,  Vâme  humaine-- 
Paris,  18%,  épreuve  XXIV  bis. 


710  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

bilocation  objective,  authentiques  et  irréprochables,  que  par  con- 
séquent une  étude  nouvelle  est  absolument  nécessaire. 

B.  —  LES  MUNITIONS  D'APPROCHE 

Il  est  certains  cas  de  monitions  ou  de  prémonitions,  avec  bilo- 
cation subjective,  —  très  communs,  —  qu'il  est  difficile  de  classer. 
Il  s'agit  de  ce  phénomène  vulgaire,  auxquels  les  proverbes  de 
tous  pays  font  allusion.  «  Quand  on  parle  du  loup,  on  en  voit  la 
queue  »  —  «  Quand  on  parle  du  soleil,  on  en  voit  les  rayons  ». 
«  Speak  of  the  devil,  and  lie  will  appear.  »  —  «  Quando  si  parla  del 
sole,  il  sole  spunta.  »  Probablement,  parmi  les  personnes  qui  me 
liront,  il  n'en  est  peut-être  pas  une  seule  qui  n'ait  observé  quelque 
avertissement  analogue.  Les  faits  sont  assez  nombreux  pour  méri- 
ter un  nom  spécial.  Myers  les  a  appelés  des  monitions  d'approche, 
et  il  me  paraît  que  le  mot  doit  être  conservé  i. 

Sur  ces  monitions  d'approche,  je  me  permettrai  d'abord  de  rap- 
porter le  fait  suivant  qui  m'est  personnel.  Il  n'est  pas  plus  pro- 
bant que  beaucoup  d'autres;  mais  cependant  il  a  été  par  moi 
minutieusement  observé;  car  depuis  longtemps  mon  attention  est 
portée  sur  les  faits  de  cette  nature. 

En  188...  je  me  rendais  tous  les  mercredis  matins,  111,  boule- 
vard Saint-Germain,  aux  bureaux  de  la  Revue  scientifique.  Revue 
dont  j'étais  le  directeur.  Un  matin,  vers  9  heures,  en  marchant 
boulevard  Saint-Germain  sur  le  trottoir  de  droite,  je  vois  sur  le 
trottoir  de  gauche  le  professeur  Lacassagne,  de  Lyon,  qui,  il  y  a 
trois  mois,  avait  écrit  un  article  pour  la  Revue,  et  je  me  dis  : 
«  M.  L...  est  arrivé  à  Paris,  et  il  va  venir  me  voir.  »  Il  est  à  noter 
que  je  le  connaissais  très  peu,  et  que  nos  relations  étaient  loin- 
taines. A  10  heures,  dans  les  bureaux  de  la  Revue,  après  que  j'ai 
reçu  différentes  personnes,  on  me  fait  passer  la  carte  de  M.  Lacas- 
sagne; et  je  ne  m'en  étonne  pas,  puisque  je  l'avais  vu  à  9  heures 
sur  le  trottoir  de  gauche.  Mais,  dès  que  M.  Lacassagne  paraît  à  la 
porte  de  mou  cabiuet,  je  comprends  que  ce  nest  pas  lui  que  fai 

1.  Voir  aussi  G. -G.  Ferrari,  Prévision  ou  prémonition  à  rappel,  A.  S.  P.,  1905, 
XV,  38b  et  Dr  Roch,  Note  sur  les  prévisions  de  rencontre,  Arch.  de  Psychologie, 
Genève,  1905,  V,  140.  M.  Roch  a  fait  une  sorte  de  statistique  ne  portant  que  sur 
dix  cas,  et  il  conclut  par  l'incertitude.  Le  mot  prévision  de  rencontre  n'est  pas 
mauvais;  mais  je  préfère  le  mot  monition  d'approche.  - 


MUNITIONS    d'aI>PROCIIE  711 

vu,  et  je  lui  demande.  «  Étiez-vous  à  9  heures  boulevard  Saint- 
Germain?  »  —  «  Non  certes,  me  dit-il,  j'y  ai  passé  à  7  heures  et  je 
suis  venu  directement  du  Val-de-Grâce  ici.  » 

Ainsi  :  1°  j'avais  cru  voir  (très  nettement)  M.  Lacassagne;  2°  je 
n'avais  aucune  raison  de  penser  qu'il  était  à  Paris  ;  3°  ce  n'était  pas 
lui  que  j'ai  vu. 

Pourtant,  si  singulier  que  soit  ce  cas  de  lucidité,  il  ne  peut 
entraîner  aucune  conviction  scientifique;  car  le  hasard  peut  très 
bien  faire  qu'un  individu  vaguement  ressemblant  à  M.  Lacassagne 
ait  passé  à  9  heures  boulevard  Saint-Germain,  et  provoqué  le  sou- 
venir de  M.  Lacassagne  dans  ma  pensée. 

Mais  je  ne  crois  guère  que  ce  soit  le  hasard.  J'admettrais 
volontiers  une  obscure  et  fugitive  cryptesthésie.  S'il  en  est  ainsi, 
cette  cryptesthésie  est-elle  celle  du  passé  ou  celle  de  l'avenir  ? 
Autrement  dit,  si  j'ai  cru  voir  M.  Lacassagne,  est-ce  parce  qu'il 
avait  passé  une  heure  auparavant  boulevard  Saint-Germain,  ou 
parce  qu'il  devait  y  passer  dans  une  heure  ? 

Des  exemples  analogues  sont  innombrables,  et  je  ne  cite  celui-là 
que  parce  que  j'y  ai  longuement  réfléchi  sans  pouvoir  donner  quel- 
que explication  passable. 

Parmi  les  faits  de  ce  genre  que  cite  Myers,  j'en  rapporterai 
quelques-uns,  qui  me  paraissent  de  notable  importance. 

M.  Carroll  aperçoit  dans  sa  chambre  (à  Towcester)  l'image  de 
son  frère  qui  habitait  Londres.  Il  est  effrayé.  Mais,  avant  qu'il  ait 
le  temps  de  se  remettre  de  son  émotion,  il  entend  frapper  à  une 
porte  de  sa  chambre.  C'était  son  frère  (celte  fois,  en  chair  et  en 
os),  arrivé  exprès  de  Londres  pour  le  voir  sans  lui  avoir  annoncé 
sa  visite.  Il  faut  ajouter  que  le  frère  de  M.  Carroll  ne  connaissait 
pas  exactement  la  maison,  et  qu'à  tout  hasard,  il  avait  frappé  à 
cette  fenêtre. 

M.  Stevenson  était  assis  chez  lui,  à  côté  de  sa  femme,  à  7  heures 
du  soir.  Tout  était  tranquille,  lorsqu'il  entendit  nettement  ces 
mots  :  «  David  arrive  !  »  Croyant  qu'ils  ont  été  prononcés  par  sa 
femme,  il  l'interroge  ;  mais  elle  l'assure  n'avoir  pas  prononcé  un 
seul  mot.  Or  David,  le  frère  de  M.  Stevenson,  avait  l'habitude  de  ne 
rentrer  qu'à  10  heures  du  soir.  Trois  minutes  après  que  Stevenson 


712  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

eut  entendu  (nettement)  cette  voix,  la  porte  s'ouvre,  et  David  entra, 
sans  qu'on  l'eût  le  moins  du  monde  attendu  à  cette  heure. 

Mad.  A.,  attendait  son  mari  qui  avait  été  faire  une  excursion 
(dans  un  village  indien)  et,  étant  inquiète,  alla  avec  sa  jeune  sœur 
au-devant  de  lui.  Alors  à  6  heures,  les  deux  femmes  le  virent 
arriver  en  voiture  avec  son  cheval  gris.  Mais  soudain  on  ne  vit  plus 
rien.  Une  heure  et  demie  après,  M.  A...  arriva  en  voiture  avec 
son  cheval  gris. 

Autre  exemple.  Le  colonel  Bigge  '  aperçoit  un  de  ses  collègues  vêtu 
d'un  costume  de  pêche,  avec  des  ustensiles  de  pêche,  et  en  un  atti- 
rail que  M.  Bigge  ignorait  complètement,  et  cela  dix  minutes  avant 
l'apparition  môme  de  ce  collègue  dans  l'endroit  en  question.  Or 
dans  ce  cas  il  y  a  simplement  cryptesthésie,  peut-être  prémoni- 
toire ;  mais  il  serait  bien  absurde  de  supposer  qu'il  y  a  eu  biloca- 
tion  objective  du  collègue  de  M.  Bigge. 

Mad.  Muneo1  avait  invité  le  D1'  Jackson  à  venir  chez  elle  passer 
quelque  temps  :  mais  M.  Jackson  avait  refusé.  Un  matin,  à  2  heures 
du  matin,  elle  s'éveille  ;  car  elle  entend  le  D1'  Jackson  appeler  à  la 
grille  qui  est  à  300  mètres  de  là.  Dans  des  conditions  ordinaires  on 
ne  peut  entendre,  à  cause  des  maisons  interposées.  Mais  Mad.  Muneo 
a  entendu,  de  sorte  qu'elle  a  éveillé  son  mari  qui  a  cru  d'abord  à 
une  illusion.  Quelques  minutes  après  arrivait  le  D1  Jackson. 

Il  est  probable  qu'il  ne  s'agit  là  nullement  d'une  monition  d'ap- 
proche, encore  moins  d'un  double,  mais  d'un  cas  d'hyperesthésie 
auditive,  laquelle  s'est  manifestée  pendant  le  sommeil. 

Rarement  les  monitions  d'approche  prennent  la  forme  d'une 
impression  auditive,  comme  dans  le  cas  de  M.  Saunders,  vieillard 
de  quatre-vingt-quatre  ans,  qui,  le  8  janvier,  à  7  heures  30,  entend 
(quoique  étant  fort  sourd)  une  voix  qui  lui  dit  :  «  Tom  arrive 
aujourd'hui  ».  Tom  était,  pendant  la  guerre,  soldat  en  France;  on 
avait  reçu  la  veille  une  lettre  où  il  annonçait  une  lettre  prochaine. 
Quelques  heures  après  cette  monition  auditive,  Tom  arrivait2. 

i.  Fu.  Myehs,  La  personnalité  humaine,  trad.  fr.,  229. 
2.  J.  S.  P.  R.,  19:19,  XIX,  30-32. 


M0N1TI0NS    D'APPROCHE  713 

Voici  une  monitiou  d'approche  (inédite)  qui  est  de  grand  intérêt, 
car  elle  a  été  très  bien  observée  par  Stella  sur  elle-même. 

Dans  la  petite  ville  de  S...,  elle  sort  le  matin  avec  son  frère,  pour 
faire  une  promenade  en  automobile  ;  et  tous  deux  se  hâtent  pour 
aller  rejoindre  l'automobile  qui  les  attendait  à  la  place  de  S... 
Comme  ils  étaient  en  retard,  ils  pressent  le  pas.  Soudain  Stella 
voit  devant  elle,  la  regardant  et  venant  à  elle,  leur  ami  Olivieu  qui 
avait  aussi  rendez- vous  au  même  endroit.  Alors  Stella  dit  à  son 
frère...  «  Voici  Olivier  »,  et  elle  fait,  avec  la  canne  qu'elle  tenait  à 
la  main,  un  geste  pour  saluer  Olivier,  mais  le  frère  de  Stella  ne 
voit  rien.  Au  moment  où  Stella  voit  subitement  disparaître  Olivier, 
voici  que  Olivier,  en  chair  et  en  os,  arrive  derrière  eux,  et  touche 
l'épaule  du  frère  de  Stella.  Stella  et  son  frère  furent  énormément 
surpris  :  car  la  présence  d'OuviEu  n'avait  pas  été  soupçonnée  par 
eux,  et  ils  le  croyaient  déjà,  à  cause  de  l'heure  tardive,  arrivé 
à  la  place.  Dans  la  rue  toute  droite,  ils  ne  s'étaient  pas  retournés 
une  seule  fois,  comme  Olivier  le  leur  a  formellement  demandé 
aussitôt.  Et  d'ailleurs  lui-même  a  constaté  en  toute  certitude  que  ni 
Stella,  ni  son  frère  ne  se  sont  retournés  une  seule  fois.  Par  consé- 
quent ils  n'ont  pu  le  voir  directement. 

Mais,  même  si  par  la  vision  indirecte,  quoique  ce  soit  invrai- 
semblable, Stella  a  pu  voir  Olivier  venant  vers  elle,  cette  vision 
n'a  pu  être  qu'inconsciente.  Et  alors,  ce  qui  serait  bien  instructif 
pour  la  théorie  des  symbolisations,  cette  vision  inconsciente  se 
serait  symbolisée  sous  la  forme  d'une  hallucination  véridique;  car 
réellement  Stella  avu  Olivier  devant  elle,  tout  à  fait  vivant  et 
agissant,  absolument  identique  à  lui-même,  à  ce  point  qu'elle  a 
fait  un  geste  avec  sa  canne  pour  le  saluer. 

Mais  je  crois  bien  qu'il  n'y  a  pas  eu  de  vision  indirecte,  et  que  ce 
fut  une  admirable  et  précise  monition  d'approche  :  la  notion  cryp- 
testhésique  de  l'approche  d'OLiviER  s'est  traduite  par  une  hallucina- 
tion visuelle.  Et,  bien  entendu,  ce  fut  absolumentsubjectif, puisque 
le  frère  de  Stella  n'a  rien  -vu,  quoique  Stella  lui  eût  dit  : 
«  Regarde,  voici  Olivier  !  » 

Certes,  des  cas  semblables,  avec  hallucination,  visuelle  ou  audi- 
tive, annonçant  Y  approche,  sont  assez  rares.  Mais  ce  qui  est  très 


714  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

commun,  c'est  Y  illusion  de  Y  approchant.  Il  serait  d'un  très  grand 
intérêt  pour  la  science  métapsychique  que  certaines  personnes 
prissent  la  peine  d'établir  une  sorte  de  statistique  de  ces  faits.  Ce 
n'est  pas  un  travail  simple  ;  au  contraire,  il  est  fort  délicat  et 
exige  une  vraie  discipline  scientifique.  En  effet  une  exactitude 
scrupuleuse  est  nécessaire  :  on  constaterait  par  écrit  sur  un  carnet 
les  cas  où  a  été  prévue  la  rencontre  prochaine  de  telle  ou  telle 
personne  ;  et  il  ne  serait  tenu  compte  pour  le  résultat  final  que  des 
cas  inscrits  sur  le  carnet. 

Le  danger  de  cette  étude,  danger  très  difficile  à  éviter,  c'est  que 
malheureusement  on  est  tenté  de  noter  les  seuls  cas  où  il  y  a  eu, 
après  l'inscription,  approche  réelle,  et  de  négliger  les  autres  cas. 

Le  plus  souvent  ces  approches  se  manifestent  par  des  illusions. 
On  voit  dans  la  rue  un  individu  quelconque  :  alors  ou  dit  :  «  Mais 
c'est  A...  !  »,  A...,  qu'on  n'a  pas  vu  depuis  longtemps,  et  dont  la 
présence,  ce  jour-là,  en  ce  lieu-là,  est  assez  invraisemblable.  Mais 
bientôt  on  s'aperçoit  que  ce  n'est  pas  A...  qu'on  a  vu.  C'est  quel- 
qu'un qui  lui  ressemble  (ou  même,  ce  qui  est  passablement  étrange, 
qui  ne  lui  ressemble  pas).  Quelques  pas  plus  loin  apparaît  A... 
véritablement,  en  chair  et  en  os. 

La  statistique  de  ces  approches  prévues  (cas  négatifs  et  cas 
positifs)  conduirait  certainement  à  des  résultats  curieux,  mais 
nous  n'avous  encore  sur  ce  sujet  que  des  documents  incomplets, 
épars. 

En  tout  état  de  cause,  les  exemples  tels  que  ceux  de  Carroll,  de 
Stevenson,  de  Bigge,  démontrent  la  réalité  de  ces  cryptesthésies 
d'approche.  Mais  il  faut  faire  toutes  réserves  pour  l'objectivité 
des  bilocations.  Doue,  quoique  le  mystère  reste  encore  très  pro- 
fond, nous  conclurons  à  la  non  objectivité. 

On  pourrait  là-dessus  construire  maintes  théories  :  mais,  à 
l'heure  actuelle,  il  me  paraît  prudent  de  s'abstenir.  Tout  ce  qu'on 
dit  des  perceptions  odiques,  du  rayonnement  astral,  de  l'effluve 
humain,  c'est  tellement  vague  et  insuffisant  qu'il  est  beaucoup 
plus  sage  de  faire  l'aveu  de  notre  ignorance  totale. 


CHAPITRE  VI 
LES  HANTISES 

§  1.  —  DES  HANTISES  EN  GÉNÉRAL 

S'il  fallait  s'en  rapporter  aux  traditions  et  aux  superstitions,  la 
hantise  de  certaines  demeures  serait  un  des  phénomènes  les  plus 
certains  de  la  métapsychique  ;  car,  dans  tous  les  pays  sans  exception, 
à  toutes  les  époques  sans  exception,  des  faits  de  hantise  ont  été 
admis  par  l'opinion  populaire. 

Sans  attacher  à  cette  unanimité  quelque  importance  scientifique, 
on  ne  peut  s'empêcher  de  supposer  qu'il  y  a,  au  fond  de  tous  ces 

1.  La  bibliographie  (ancienne)  est  très  vaste  :  on  pourra  pour  les  temps  anciens 
consulter  Joseph  Glanvil  (Saditcismus  triumphatus)  (1700)  qui  considère  déjà  que 
les  phénomènes  de  Poltergeist,  autrement  dits  de  maisons  hantées,  ne  peuvent 
s'expliquer  par  la  fraude  ou  l'hallucination.  Petrus  Thyraeus  :  De  infeslis  ob 
molestantes  dsemoniorum  et  defunctorum  spirilus  locis.  Cologne,  1598.  —  Dale 
Owen.  Foolfalls  on  the  boundary  of  another  World,  Londres,  1860.  —  Zingaro- 
poli  :  Gesla  di  uno  spirito  nel  monastero  dei  PP.  Gerolomini  in  Napoli;  Cronaca 
del  secolo  XVII,  avec  préface  de  E.  Passaro  :  Sulle  manifeslazioni  spontané  miste- 
riose,  Napoli,  Detken,  1904. 

Quant  aux  livres  plus  modernes,  ils  seront  indiqués  en  divers  endroits  de  ce 
chapitre. 

Je  mentionnerai,  ne  fût-ce  qu'à  titre  de  curiosité,  les  noms  des  villes  où  se 
seraient  manifestées  des  apparitions,  et  où  il  y  aurait  eu  des  hantises,  d'après 
E.  Passaro  : 

Grande-Bretagne  :  Woodstock  (1649)  ;  Tedworth  (1661)  ;  Epworth  (1716);  Les- 
singhall  (1679)  ;  Liverpool  (1868)  ;  B.  (Eosa)  (1862)  ;  Manchester  (1902)  ;  Beverley 
(1903);  Guernesey  (1903). 

France  :  Lyon  (1528);  Cideville  (1850);  Paris  (1846);  Saint-Quenlin  (1849); 
Alger  (1871)  ;  Valence-en-Brie  (1897)  ;  Bruxelles  (1890)  ;  Grivegnée  (Belgique) 
(1900)  ;  Bordeaux  (1867)  ;  Nice  (1858). 

Italie:  Naples  (1696)  ;  Lanzo  (1762)  ;  Florence  (1867)  ;  Bologne  (1591)  ;  Vicenza 
(1875)  ;  Malte  (1700)  ;  Gênes  (1865)  ;  Bologne  (1591)  ;  Pavie,  Modena  (1875)  ;  Rome 
(1876  et  18S1)  ;  Trieste  (1881)  ;  Turin  (1903)  ;  Catane  (1879). 

Allemagne  :  Hudemuhlen  (1584);  Dibbelsdorff  (1762);  Orlach  (1831)  ;  Weins- 
berg  (1835);  Bergzabern  (1852);  Munchoff  (1818);  Groeben  (1718),  Schildbach 
(1533)  ;  Berlin  (1890)  ;  Mulldoriï  (1749)  ;  Cologne  (1865)  ;  Resau  (1899)  ;  Billingheim 
(1887)  ;  Môhthingen  (1841). 

Autres  pays  :  Lipzy  (Russie,  1852);  Zurich  (1860);  Mustaja  (Russie,  1870); 
Silin  (Russie,  1888);  Riga  (Russie,  1583);  Constantinople  (1746);  Philadelphie 
(1866);  Guayaquil  (1871);  Rota  (Espagne,  1870);  Pétersbourg  (1902);  Budapest 
(1902)  ;  Nienadowka  (1898)  ;  San  Francisco  (1899);  Slatesborough  (Géorgie,  1891); 
Ceylan  (1902). 


716  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

récits,  une  trace,  très  obscure,  très  faible  peut-être,  de  vérité.  Donc 
rejeter  sans  examen  tout  ce  qui  est  dit  des  maisons  hantées,  ce 
serait  presque  aussi  absurde  que  de  tout  accepter  sans  examen. 

Certains  savants  que  les  sciences  occultes  psychiques  intéres- 
saient ont  essayé  d'étudier  la  question.  Mais  il  s'est  trouvé  que  les 
résultats  de  toutes  recherches  scientifiques  relatives  aux  maisons 
hantées  ont  été  piteux.  Chaque  fois  qu'on  a  voulu,  rigoureuse- 
ment, sévèrement,  mener  une  investigation  méthodique,  les  phé- 
nomènes se  sont  pour  ainsi  dire  évanouis.  C'est  une  raison  pour 
douter  :  ce  n'est  pas  une  raison  pour  nier.  A  vrai  dire  il  n'est  guère 
admissible  qu'il  y  ait  quelque  incompatibilité  entre  les  phéno- 
mènes de  hantise  et  l'investigation  scientifique,  de  sorte  que  le 
défaut  de  constatation  exacte  est  déjà  une  assez  forte  présomption 
contre  le  réel  des  phénomènes  eux-mêmes. 

Mais,  ce  n'est  qu'une  présomption  :  ce  n'est  pas  une  certi- 
tude. Reste  à  savoir  si  dans  la  masse  des  témoignages  obtenus 
nous  pourrons  trouver  des  preuves  suffisantes  pour  conclure  que 
quelques-uns  de  ces  phénomènes  sont  vrais.  Il  faut  se  limiter  à 

L 

l'étude  critique  des  témoignages,  puisque  ce  n'est  malheureusement 
pas  une  analyse  expérimentale  des  phénomènes  qu'on  peut  faire. 

Donc  l'histoire  des  maisons  hantées  a  un  chapitre  expérimental 
très  court,  ou  plutôt  nul  ;  il  n'y  a  guère  que  des  faits  d'observation. 

Ajoutons  qu'il  est  difficile  de  séparer  les  hantises  des  autres  phé- 
nomènes de  la  métapsychique.  Souvent  on  pourrait  les  ranger  dans 
le  chapitre  des  hallucinations  ou  monitions  collectives,  quelquefois 
dans  le  chapitre  des  cryptesthésies,  plus  souvent  encore  dans  le 
chapitre  des  télékinésies. 

Toutes  nos  classifications  sont  éminemment  artificielles.  Ainsi 
que  nous  l'avons  dit  si  souvent,  les  faits  ne  se  soucient  pas,  quand 
ils  se  produisent,  de  rentrer  dans  tel  ou  tel  chapitre  d'un  traité 
scientifique. 

Par  conséquent,  la  définition  et  la  délimitation  de  la  hantise  sont 
fort  difficiles  à  donner.  Il  semble  pourtant  que  ce  qui  domine  soit 
une  condition  spatiale.  Des  phénomènes  de  hantise,  soit  objectifs, 
soit  subjectifs,  soit  mixtes,  se  produisent  dans  une  localité  parti- 
culière, là  et  non  ailleurs.  Tout  se  passe  comme  si  cette  localisation 
dans  l'espace  était  une  des  conditions  du  phénomène. 


HANTISES  717 

Il  y  a  là  évidemment  un  fait  essentiel  qui  doit  nous  faire 
réfléchir.  Si  les  hantises  sont  véritables,  se  localisant  toujours  dans 
tel  ou  tel  vieux  castel,  dans  telle  ou  telle  chambre  d'une  maison, 
nous  pouvons  presque  en  conclure  qu'il  y  a  quelque  émanation, 
venant  des  choses  inertes,  adhérentes  à  cette  chambre  ou  à  ce 
castel.  Car  il  serait  assez  absurde  de  croire  que  les  esprits  sont 
enchaînés  par  des  liens  matériels  terrestres  à  l'endroit  où  ils 
apparaissent.  S'ils  apparaissent  dans  la  chambre  bleue  de  cette 
maison,  c'est  qu'il  y  a  quelque  chose  dans  cette  chambre  bleue  qui 
les  retient  ou  les  produit.  C'est  ce  que  Bozzano  appelle  l'hypothèse 
psychométrique  —  je  dirais  plutôt  pragmatique  —  des  infestations l. 

Il  est  presque  impossible  de  ne  pas  admettre  cette  hypothèse,  au 
moins  partiellement  ;  car  nous  ne  pouvons  guère  supposer  aux 
esprits,  très  gratuitement,  la  fantaisie  de  ne  pas  vouloir  s'écarter 
de  tel  ou  tel  endroit,  alors  qu'ils  pourraient  vagabonder  ailleurs. 

Donc,  pour  la  définition  de  la  hantise  ou  de  l'infestation,  provi- 
soirement, nous  dirons  :  phénomènes  métapsy  chiques,  objectifs 
ou  subjectifs,  se  produisant,  à  diverses  reprises,  dans  un  endroit 
donné. 

Toutefois  cette  définition  est  quelque  peu  défectueuse  ;  car  elle 
ne  peut  s'appliquer  à  tous  les  cas.  Il  y  a  des  hantises  qui  semblent 
être  attachées  à  telle  ou  telle  personne,  plutôt  qu'à  telle  ou  telle 
localité.  Or  les  mouvements  d'objets,  se  produisant  dans  le  voi- 
sinage d'une  certaine  personne  hantée  ou  infestée,  ne  rentrent  pas 
tout  à  fait  dans  le  cadre  des  hantises.  Ce  sont  des  télékinésies,  invo- 
lontaires, non  expérimentales,  ce  qui  leur  donne  un  caractère  spé- 
cial et  les  différencie  des  télékinésies  expérimentales  que  nous 
avons  précédemment  étudiées.  Ce  ne  sont  pas  de  vraies  hantises, 
puisque  par  définition  (un  peu  arbitraire  d'ailleurs)  la  hantise 
s'attache  à  telle  localité,  et  semble  être  liée  à  une  condition  déter- 
minée de  lieu. 

Nous  ferons  donc  dans  l'histoire  des  maisons  hantées  deux  cha- 
pitres :  d'abord  nous  parlerons  des  maisons  hantées  par  des  fan- 
tômes, puis,  dans  le  chapitre  suivant  nous  parlerons  des  phéno- 


1.  Nous  devrions  adopter  ce  nic-J.  italien  infestation,  meilleur  que  le  mot  de 
hantise. 


718  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

mènes  matériels  qui  paraissent  attachés  plutôt  à  tels  ou  tels  indi- 
vidus qu'à  telles  ou  telles  maisons. 

Ainsi  on  aurait  non  seulement  des  maisons  hantées,  mais  encore 
des  personnes  hantées.  Même  il  est  probable  que  beaucoup  de  han- 
tises de  maisons  sont  surtout  des  hantises  de  personnes. 

Sont  subjectifs  les  phénomènes  de  hantise  dans  lesquels  une  appa- 
rition non  collective  se  produit  —  avec  des  caractères  spécifiques 
bien  déterminés  —  alors  que  nul  mouvement  d'objet  n'apparaît. 

Sont  objectifs  les  phénomènes  dans  lesquels  il  y  a  mouvements 
d'objets,  phénomènes  mécaniques  extérieurs. 

Mais  cette  division  est  assez  conventionnelle  ;  car  l'objectif  et  le 
subjectif  sont  le  plus  souvent  mélangés,  de  sorte  qu'il  faut,  avec 
Bozzano,  dire  hantises  surtout  objectives,  hantises  surtout  subjec- 
tives l. 

Dans  certains  cas,  très  rares,  les  phénomènes  sont  uniquement 
subjectifs,  et  il  y  a  cependant  cryptesthésie,  récognition  assez  nette 
pour  qu'on  ne  puisse  pas  y  voir  un  phénomène  pathologique 
d'hallucination. 

Mad.  0.  Donnel2  arrive  à  Brighton  avec  sa  fille,  et  loue  un  appar- 
tement meublé.  Elle  ne  couche  pas  daus  la  même  chambre  que  sa 
fille.  A  une  heure  du  matin,  elle  entend  des  bruits  de  pas  à  l'étage 
supérieur,  qui  deviennent  tellement  forts  qu'il  semble  qu'il  y  ait 
beaucoup  de  monde,  et  cela  dure  toute  la  nuit.  Le  matin, 
Mad.  0.  Donnel  dit  à  la  femme  de  ménage  :  «  les  gens  de  l'étage 
supérieur  sont  sans  égards  ».  Mais  il  lui  fut  répondu  avec  étonne- 
ment  qu'il  n'y  avait  personne  à  l'étage  supérieur.  Le  surlendemain, 
après  que  les  pas  se  sont  fait  entendre  de  nouveau  avec  force, 
Mad.  0.  Donnel  voit  un  spectre  horrible  qui  lui  indique  de  la  main 

t.  On  ne  peut  faire  une  correcto  classification  des  han lises,  précisément  parce 
que  le  plus  souvent  les  phénomènes  subjectifs  et  objectifs  se  trouvent  confondus. 
Pour  ma  part,  n'ayant  aucune  expérience  personnelle  à  citer,  je  suis  contraint 
de  m*en  rapporter  aux  auteurs  qui  s'en  sont  sérieusement  occupés  :  C.  Lombroso, 
Ricerche  sui  fenomeni  ipnotici  e  spiritici,  Gap.  XII,  Case  fantomaliche,  Torino, 
1909.  —  F.  Zixgauopoli,  Case  infestate  dagli  spiriti,  Napoli,  Soc.  Partonopea,  1907. 
—  P.  S.  P.  R.  passim  et  J.  S.  P.  R.  passhn.  On  consultera  surtout  l'admirable 
étude  de  Bozzano,  Dei  fenomeni  d'infeslazione,  Roma,  Ed.  Luce  e  Ombra,  1919, 
8°,  226  pages.  Je  ferai,  bien  entendu,  comme  pour  les  prémonitions,  de  nombreux 
emprunts  à  cette  synthèse  remarquable. 

2.  J.  S.  P.  R.,  VIII,  326. 


HANTISES  719 

la  chambre  voisine.  Même  elle  sent  comme  une  main  glacée  qui 
la  touche  :  elle  s'évanouit  presque  de  terreur.  Le  fantôme  était 
celui  d'un  homme  de  petite  taille,  brun.  La  fille  de  Mad.  0.  Donnel 
n'a  rien  vu  ui  entendu.  La  nuit  suivante,"  quoique  la  porte  eût  été 
fermée  à  clef,  le  même  fantôme  reparut. 

Or,  après  euquête,  il  fut  établi  que  dans  cette  même  chambre 
habitait,  quelques  semaines  auparavant,  un  jeune  homme,  ami  très 
intime  d'un  jeune  homme  écossais,  de  petite  taille  et  brun,  répon- 
dant au  signalement  donné  par  Mad.  0.  Donnel,  lequel  s'était 
volontairement  jeté  par  la  fenêtre  d'une  autre  maison  de  Brigh- 
ton. 

Voilà  donc  un  cas  assez  bon  de  cryptesthésie  subjective,  puisque 
les  bruits,  les  paroles,  les  formes  de  l'apparition  ont  été  perçus 
par  Mad.  0.  Donnel  et  ne  l'ont  pas  été  par  sa  fille. 

Voici  comment  Bozzano  décrit  les  phénomènes  auditifs  et  visuels. 
(Je  traduis,  en  abrégeant,  et  très  librement.) 

«  Les  phénomènes  auditifs  sont  des  bruits  sans  cause  appa- 
rente, depuis  des  coups  de  diverse  intensité,  jusqu'à  des  fracas  de 
verres  et  de  vaisselles  brisées,  chutes  de  meubles,  portes  et 
fenêtres  s'ouvrant  et  se  fermant  violemment,  roulements  d'objets 
pesants,  bruits  de  chaises.  Souvent  des  pas,  comme  humains, 
cadencés,  dans  les  corridors  ou  les  escaliers,  froissements  d'habits, 
cris  lamentables,  soupirs,  sanglots,  ou  psalmodies  liturgiques, 
chants  divers  et  comme  mélodies  musicales. 

«  Il  est  probable  que  ces  phénomènes,  quoique  mêlés  d'objecti- 
vité, sont  surtout  subjectifs.  Pourtant  parfois  ils  sont  entendus  par 
plusieurs  personnes.  Dans  maints  cas  authentiques,  ces  bruits 
sont  donc  franchement  objectifs. 

«  Dans  leur  forme  visuelle  les  phénomènes  sont  constitués  par 
des  manifestations  lumineuses  ou  des  apparitions  de  fantômes.  Les 
manifestations  lumineuses  sont  des  lueurs  qui  éclairent  les 
fantômes  ou  des  lumières  de  forme  indécise.  Dans  des  cas  très 
rares,  une  torche  ou  une  lumière  éclairante  est  dans  les  mains  du 
fantôme. 

«  Les  fantômes,  sauf  de  rarissimes  apparitions  d'animaux,  ont 
une  forme  humaine,  vêtus  des  vêtements  qu'ils  portaient  à  l'époque 
de  leur  vie  terrestre.  Tantôt  ils  ont  l'apparence  parfaite  de  la  vie, 


720  MÉTAPSYGHIQUE    OBJECTIVE 

tantôt  ils  sont  transparents  et  nuageux  comme  des  ombres;  géné- 
ralement ils  semblent  entrer  par  une  porte,  et  poursuivre  leur 
route  jusqu'à  une  autre  chambre,  où  ils  disparaissent.  Souvent 
ils  naissent  à  l'improviste  et  se  résolvent  en  vapeur,  en  passant  à 
travers  les  murs  et  les  portes  closes.  Tantôf  ils  marchent,  tantôt 
ils  sont  comme  suspendus  dans  l'air.  Le  plus  souvent  la  période 
d'infestation  ne  dure  que  peu  d'années,  quelques  mois,  et  même 
quelques  jours.  Mais  souvent  la  hantise  se  manifeste  pendant  une 
longue  série  d'années,  avec  de  longues  interruptions. 

«  L'arrivée  du  fantôme  se  révèle  presque  toujours  par  un  vague 
sentiment  d'horreur,  la  sensation  d'une  présence,  coïncidant  avec 
un  souffle  glacé  :  presque  toujours  ils  semblent  être  totalement 
indifférents  aux  personnes  vivantes  qui  sout  là  à  les  regarder.  Par- 
,  fois  ils  se  livrent  à  quelque  occupation  domestique,  parfois  ils  font 
des  gestes  désespérés.  On  observe  de  grandes  différences  dans  leur 
allure  ». 

Ces  phénomènes  répondent-ils  à  une  réalité  objective,  ou  sont- 
ils  dus  simplement  à  des  hallucinations  ? 

Tout  d'abord  il  faut  éliminer  l'hypothèse  de  la  supercherie  et  de 
la  fraude.  Sur  les  374  cas  que  Bozzano  considère  comme  méritant 
d'être  mentionnés,  il  n'en  est  peut-être  pas  un  seul  qui  relève  d'une 
fraude  et  d'un  mensonge i.  Mais  quelle  est  la  part  de  l'hallucination  ? 
Voilà  ce  qu'il  est  plus  difficile  de  décider. 

Pour  préciser,  nous  imaginerons  le  cas  schématique  suivant  : 

A  dans  une  certaine  localité  M,  où  il  arrive  pour  la  première 
fois,  voit  un  fantôme  qu'il  ne  reconnaît  pas,  et  qu'il  décrit. 
Quelques  jours  après  une  autre  personne  A',  arrivant  dans  la  même 
localité  M,  voit  un  fantôme  tout  à  fait  analogue  à  celui  qu'a  vu  A. 
Une  enquête  ultérieure  apprend  qu'en  cette  localité  M  il  y  a  deux 
ou  trois  ans  a  disparu  tragiquement  un  individu  dont  le  signale- 
ment ressemble  au  fantôme  décrit  successivement  par  A  et  par 
A'.  A  et  A'  d'ailleurs  ignoraient  l'événement  tragique  de  la  maison 
M.  Peut-être  leur  avait-on  vaguement  dit  que  la  maison  M  était 
hantée.  En  tout  cas  jamais,  à  aucun  moment  de  leur  existence,  A 

1.  Il  en  est  tout  autrement  pour  les  hantises  objectives,  avec  télékinésie,  car 
alors  des  fraudes  grossières  interviennent  très  souvent,  et  presque  le  plus  sou- 
vent. 


IIAN1ISKS  721 

et  A'  n'ont  eu  d'hallucinations.  Ils  sont  peu  enclius  à  la  crédulité 
et  au  mysticisme,  et  leur  raison  est  solide. 

Telles  sont  les  conditions  générales  des  hantises  subjectives. 

Il  paraît  improbable  que  les  hallucinations  de  A  et  de  A'  n'aient 
pas  quelque  vêridicité.  Car  :  1°  les  hallucinations  pathologiques 
chez  les  normaux  sont  extrêmement  rares  ;  2°  la  concordance  des 
hallucinations  de  A  et  A'  est  très  forte  ;  3°  il  y  a  une  relation  entre 
leurs  deux  hallucinations  concordantes  et  l'événement  quia  amené 
la  mort  de  B  ;  4°  les  cas  de  monitions  par  des  hallucinations  véri- 
diques  sont  trop  fréquents  pour  que  ce  phénomène  ne  soit  pas 
considéré  comme  établi  scientifiquement,  et  par  conséquent  il  peut 
s'appliquer,  à  quelques  nuances  près,  aux  hallucinations  de  hantise, 
tant  les  processus,  dans  un  cas  et  dans  l'autre,  sont  analogues. 

Assurément,  si  nous  n'avions  pour  affirmer  qu'il  y  a  des 
fantômes  d'autres  preuves  que  les  preuves  de  hantise,  nous  serions 
bien  loin  de  pouvoir  conclure;  car,  malgré  l'incontestable  véra- 
cité des  témoignages,  ils  ne  sont  pas  assez  nombreux,  et  surtout 
ils  n'ont  pas  une  autorité  suffisante,  pour  nous  faire  accepter 
l'extraordinaire  et  invraisemblable  phénomène  d'une  matériali- 
sation. Mais,  pour  la  preuve  de  la  matérialisation,  les  données 
expérimentales  (indiquées  plus  haut)  sont  abondantes,  et  il  est 
juste  d'en  faire  bénéficier  les  phéuomènes  de  hantise;  car  toutes 
explications,  autres  qu'une  matérialisation  (partielle  ou  totale), 
sont  alambiquées,  peu  défendables. 

Puisque  plusieurs  personnes  voient  à  peu  près  le  même  fantôme, 
il  est  impossible  d'admettre  qu'il  s'agit  là  d'un  phénomène  unique- 
ment subjectif.  Pour  que  A,  et  A',  et  A",  voient  la  même  figure,  il  doit  y 
avoir  en  dehors  d'eux  une  vibration  quelconque  qui  provoque  dans 
leur  cerveau  à  peu  près  la  même  image  B.  Par  conséquent,  cette 
image  B  a  pour  origine  un  phénomène  extérieur,  et  à  ce  titre  elle 
est  objective.  Mais  ce  n'est  Das  là  l'objectivité,  telle  que  nous  l'en- 
tendons en  général.  Quand  un  fantôme  n'est  vu  que  par  trois  per- 
sonnes et  que  dix  autres  personnes  présentes  ne  le  voient  pas,  ne 
l'entendent  pas,  quand  la  plaque  photographique  ne  révèle  rien,  ce 
fantôme  n'est  pas  objectif  dans  le  sens  vulgaire  du  mot. 

Dans  la  réalité  des  choses  quotidiennes,  s'il  y  a  un  palmier,  par 
exemple,  et  qu'il  y  ait  vingt  personnes  tout  autour,  ces  vingt  per- 

Richkt.  —  Mélapsychifjne.  46 


722  MÉTAPSYGHIQUE    OBJECTIVE 

sonnes,  toutes  les  vingt  sans  exception,  voient  le  palmier.  Même 
s'il  y  avait  dix  mille  personnes  là,  les  dix  mille  personnes  verraient 
également  ce  même  palmier  ;  car  il  est  franchement  objectif.  On 
peut  en  prendre  la  photographie,  le  dessiner,  en  décrire  les  con- 
tours, entendre  le  bruit  du  vent  dans  son  feuillage,  et  en  secouer  le 
tronc.  Mais,  quand  il  s'agit  d'un  phénomène  cryptesthésique,  c'est 
tout  autre  chose,  car  les  facultés  cryptesthésiques,  qu'il  s'agisse  de 
hantises  ou  de  monitions,  varient  énormément  selon  les  personnes. 
11  s'agit  de  connaissances  d'un  autre  ordre,  qui  n'arrivent  pas  à 
notre  intelligence  par  les  voies  habituelles,  et  pour  la  réception 
desquelles  il  faut  être  un  sensitif. 

Supposons  un  individu  absolument  sourd  :  si,  à  côté  de  lui 
retentit  un  strident  coup  de  sifflet,  il  n'en  saura  rien,  et  il  pourra 
nier  l'objectivité  de  ce  bruit.  Mais  sa  négation  ne  prouvera  nullement 
qu'il  n'y  a  pas  eu  un  coup  de  sifflet.  De  même  l'absence  d'une 
sensation  chez  les  non  sensitifs  ne  prouve  pas  qu'il  n'y  ait  pas 
quelque  vibration  extérieure. 

Ces  phénomènes  extérieurs  objectifs  qui  provoquent  l'hallucina- 
tion véridique,  quels  sont-ils  ? 

Ici  l'incertitude  est  profonde,  absolument,  déplorablement,  et 
toutes  les  hypothèses  peuvent  se  donner  libre  cours. 

A.  Est-ce  une  empreinte  laissée  sur  les  choses,  une  émanation 
venue  des  objets? 

B.  Est-ce  le  corps  astral  d'un  être  humain  décédé  ? 

C.  Est-ce  une  force  intelligente,  non  humaine,  qui  vient  nous 
avertir  ? 

Les  trois  hypothèses  seront  ici  sommairement  discutées. 

A.  Il  est  possible  que  les  choses  dégagent  des  effluves  que  nous 
ignorons.  L'aimant  paraît  une  substance  inerte  tant  qu'on  n'a  pas 
mis  près  de  lui  un  fragment  de  fer;  et  pourtant  il  recèle  une 
énergie  énorme  qui  apparaît,  éclatante,  quand  on  l'approche  d'un 
fer  doux.  Semblablement  peut-être  les  objets  d'apparence  inerte 
pourraient  receler  des  énergies  cachées.  La  bague  qu'a  portée  pen- 
dant longtemps  un  individu  a  peut-être  amassé  en  elle  des  pro- 
priétés spéciales  à  cet  individu,  qu'elle  n'avait  pas  au  moment  où 
elle  est  sortie  des  mains  du  joaillier.  Un  chien  reconnaît  le  gant  de 


HANTISES  723 

son  maître,  car  ce  gant  a  pris  l'odeur  de  la  main  qui  le  portait, 
odeur  qui  échappe  à  notre  peu  subtil  odorat,  mais  qui  n'échappe 
pas  à  l'odorat  délicat  du  chien.  Ne  pourrait-on  pas  supposer  aux 
objets  inertes  des  énergies  mystérieuses,  incluses  en  eux,  capables 
d'évoquer  chez  certains  sensitifs  des  images  précises?  S'il  en  est 
ainsi,  on  expliquerait  —  ce  n'est  pas  une  explication,  c'est  une 
expression  verbale  donnée  à  un  phénomène  inconnu  —  les  princi- 
paux cas  de  hantise. 

Bozzano  a  discuté  d'une  manière  fort  intéressante  cette  hypo- 
thèse qu'il  appelle  l'hypothèse  psychométrique  (je  dirais  plutôt 
Yhypolhèsepi^agmatique) ,  eti\  conclut  nettement  à  son  insuffisance. 
Il  donne  des  motifs  divers  qui  lui  paraissent  s'opposer  à  l'ad- 
mission de  cette  hypothèse. 

Nous  n'en  retiendrons  que  deux,  qui  en  effet  nous  paraissent  très 
graves  : 

C'est  d'abord  qu'il  y  a  des  phénomènes  d'infestation  dans  des 
locaux  qui  n'avaient  aucun  rapport  (apparent  tout  au  moins)  avec 
le  phénomène  tragique  primitif  (un  suicide,  un  assassinat)  qui 
paraît  leur  avoir  donné  naissance.  C'est  ensuite  (et  surtout)  parce 
qu'il  semble  y  avoir  dans  ces  apparitions  comme  une  intention, 
une  direction,  une  monition,  et  parfois  même  une  prémonition, 
quelquefois  une  périodicité  caractérisée  par  un  certain  rythme,  en 
tout  cas  l'activité  d'une  personnalité  qui  ne  paraît  pas  être  celle  du 
sensitif,  et  encore  moins  la  propriété  d'une  chose  inerte. 

Il  serait  puéril,  croyons-nous,  de  chercher  à  pénétrer  plus  avant. 
Disons  seulement  que  l'hypothèse  pragmatique  est  manifestement 
insuffisante.  Elle  ne  peut  d'ailleurs  s'appliquer  qu'aux  faits  subjec- 
tifs de  hantise,  et  nullement  aux  faits  objectifs,  ce  qui  la  rend  bien 
débile. 

Mais  les  autres  hypothèses  sont-elles  plus  vraisemblables? 

B.  Les  fantômes  qui  apparaissent  sont  des  morts  qui  reviennent, 
des  revenants,  dans  le  sens  textuel  du  mot.  Et  au  premier  abord 
cette  explication  paraît  simple. 

Mais  que  d'absurdités  elle  entraîne  ! 

Pourquoi  ceux-là,  et  non  pas  d'autres  ?  Car  des  millions  d'événe- 
ments tragiques  se  produisent  à  chaque  instant,  et  partout,  sans 


724  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

provoquer  la  moindre  hantise.  Souvent  ce  sont  des  causes  insigni- 
fiantes qui  paraissent  avoir  déterminé  le  revenant  à  revenir.  Eu  tout 
cas,  il  a  une  bien  singulière  mentalité,  ce  revenant;  il  jette  des 
pierres,  casse  des  bouteilles,  ouvre  violemment  les  portes.  Il  est 
franchement  inepte,  et  d'une  ineptie  qui  tient  plus  de  l'animal  que 
de  l'homme.  Puisque  l'intelligence  a  disparu  avec  le  cerveau,  et 
que  le  corps  a  disparu  avec  la  putréfaction,  comment  le  défunt 
peut-il  revivre,  même  sous  cette  forme  fantomale  nuageuse?  Nous 
avons  vu  plus  haut  que  l'identité  des  esprits  avec  tels  ou  tels  morts 
—  ce  qui  implique  la  survie  humaine  —  était  bien  difficile  à  accepter, 
même  avec  des  preuves  très  fortes  en  apparence,  comme  celles  de 
Raymond  Lodge  et  de  Georges  Pelham.  Combien  sont  plus  faibles,  plus 
fragiles,  les  rares  preuves  d'identité  données  par  les  revenants! 

C.  Reste  la  troisième  hypothèse,  celle  qu'il  s'agit  d'esprits  (anges 
ou  démons)  qui  sont  des  forces  intelligentes,  absolument  différentes 
de  l'humanité,  et  capables  de  tout  faire,  objectivement  et  subjecti- 
vement. 

L'hypothèse  est  commode,  beaucoup  trop  commode  même.  Car, 
en  admettant  ces  êtres  tout-puissants  et  omniscieuts,  c'est  à  peu  près 
comme  si  nous  reconnaissions  notre  totale  ignorance.  J'aime 
mieux  supposer  une  force  humaine  (analogue  aux  ectoplasmies) 
qui  coïncide  avec  un  certain  degré  de  lucidité  pour  faire  apparaître 
telles  ou  telles  formes  !  Mais  comme  c'est  peu  satisfaisant,  alam- 
biqué,  ridicule  même.  Pourtant,  en  désespoir  de  cause,  j'accepte- 
rais provisoirement  cette  opinion  comme  une  théorie  d'attente,  une 
de  ces  hypothèses  de  travail,  qu'on  est  forcé  d'admettre  dans  les 
sciences  embryonnaires. 

Quant  au  caractère  de  ces  forces,  si  tant  est  qu'elles  existent,  ce 
qui  n'est  pas  sûr  du  tout,  je  ne  me  permettrai  aucune  hypothèse. 

La  plupart  des  religions  ont  admis  l'existence  de  mauvais  esprits. 
Pour  quelques  personnes,  l'hypothèse  du  diable  explique  tout.  On 
exorcise  les  maisons  hantées.  Le  diable  devient  Deus  ex  machina. 

Même  les  spirites,  sectateurs  d'ALLANK.\RDEc,  croient  qu'il  y  a  de 
mauvais  esprits  ;  ce  qui  supprime  par  un  mot  toutes  les  difficultés 


HANTISES  725 

et  les  absurdités  psychologiques.  Les  désordres  de  l'inconscient,  qui 
est  parfois  trivial,  qui  plaisante  grossièrement,  qui  trompe  comme  à 
plaisir,  sont,  d'après  les  spirites,  l'œuvre  des  mauvais  esprits. 
Tout  le  fracas  des  maisons  hantées  relève,  selon  eux,  d'esprits  mau- 
vais. D'après  certains  ecclésiastiques,  c'esl  le  diable  qui  fait  tout 
ce  vacarme. 

Mais  au  fond  l'hypothèse  du  diable  et  des  mauvais  anges  est 
d'un  anthropomorphisme  extrêmement  naïf. 

Même  si  j'admettais,  quoique  à  vrai  dire  je  ne  puisse  m'y 
résoudre,  qu'il  y  a  intervention  de  forces  intelligentes  non 
humaines,  je  me  refuserais  à  croire  que  ces  forces  ont,  sur  le 
bien  et  le  mal,  notre  idéation  imparfaite. 

D'ailleurs  je  n'insisterai  pas  davantage  sur  les  théories;  car  elles 
sont  si  misérables,  si  foncièrement  misérables,  toutes,  qu'il  faut 
attendre  des  faits  nouveaux,  plus  démonstratifs,  avant  d'entre- 
prendre une  systématisation  des  faits  anciens- 

Aussi  vais-je  tout  de  suite  relater,  aussi  brièvement  que  possible, 
quelques-uns  des  faits  de  hantise;  mais  je  ne  ferai  pas  la  critique 
détaillée  de  chaque  récit  :  je  m'en  rapporterai  au  jugement  du  lec- 
teur. Toutefois  je  me  permettrai  dans  certains  cas  de  donner  (timi- 
dement) mon  opinion  personnelle,  en  cherchant,  à  dégager  les  con- 
clusions qui  s'en  peuvent  déduire. 

§  2.  —  DES  HANTISES  DE  MAISONS  (SUBJECTIVES) 

Les  hantises  proprement  dites  sont  celles  dans  lesquelles  une 
apparition  se  manifeste,  en  une  maison,  dite  infestée. 

Jusqu'à  quel  point  le  phénomène  est-il  uniquement  subjectif? 
C'est  une  question  très  obscure  sur  laquelle  les  faits,  médiocres  et 
peu  nombreux,  ne  permettent  pas  de  décider  encore. 

Un  ecclésiastique  anglais1  arrive  avec  sa  femme  dans  sa  nou- 
velle paroisse,  et  tous  deux  vont  se  loger  dans  une  habitation  très 
confortable,  placée  à  quelque  distance  du  village.  Ils  n'avaient  pas 

1.  Cas  1  de  Bozzano.  Report  of  the  committee  on  Haunted  Houses,  P.  S.  P.  R., 
mars  1884,  p.  144.  Ce  comité  était  composé  du  Rév.  Bcshell,  Hughes,  A. -P.  Per- 
ceval  Reep,  F.  Podmore,  Hensleigh  Wedgewood,  et  Ed.-R.  Pev.se. 


726  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

de  domestiques  :  c'était  une  femme  du  voisinage  qui  faisait  leur 
ménage;  le  soir  venu,  ils  fermaient  la  porte  à  clef. 

Mais  dans  la  nuit  ils  entendent  un  fracas  formidable  (comme  des 
boules  de  fer  roulant  sur  le  plancher),  qui  les  réveille  brusquement 
et  qui  dure  une  partie  de  la  nuit.  Ils  se  lèvent,  mais  ne  voient  rien 
d'anormal.  Toutefois  la  femme  de  service  ne  voulut  plus  passer  la 
nuit  dans  la  maison. 

Le  lendemain,  à  8  heures  du  soir,  les  bruits  se  renouvellent  ; 
des  pas  humains  (walking  slowly,  but  firmly).  Puis,  pendant  deux 
semaines,  il  n'y  eut  rien.  Alors  les  bruits  se  répétèrent  ;  des  coups, 
tantôt  violents  et  précipités,  tantôt  faibles  et  hésitants.  Toutes  les 
semaines,  à  deux  heures  du  matin  (dans  les  nuits  du  samedi  au 
dimanche)  le  même  fracas  recommençait  (coups,  pas  humains, 
chutes  de  corps  métalliques).  Pendant  toute  une  année  les  mêmes 
phénomènes  se  reproduisirent.  Enfin  le  vicaire  et  sa  femme  quit- 
tèrent le  village. 

Une  personne  amie,  étant  venue  dans  la  maison,  entendit  aussi 
ces  bruits.  D'ailleurs,  comme  ils  étaient  perçus  par  le  vicaire  et  sa 
femme,  il  faut  admettre  qu'ils  étaient  objectifs.  Peut-être  l'hypo- 
thèse d'une  complicité  de  la  servante  n'est-elle  pas  radicalement 
écartée. 

On  ne  peut  aucunement  regarder  comme  démonstratifs  les 
bruits  entendus  par  le  Dr  Kinnaman.  C'est  la  curieuse  histoire  d'un 
jeune  étudiant  nommé  Adams,  qui  légua  son  squelette  à  son  ami 
Kinnamann,  à  condition  que  le  dit  Kinnaman  le  gardât  pour  ses  études. 
Quelques  années  plus  tard,  comme  ce  squelette  était  gênant,  il  fut 
relégué  dans  une  soupente.  Mais  alors  de  tels  bruits,  de  tels  fracas 
se  produisirent,  qu'il  fallut  donner  une  meilleure  place  aux  os 
d'Adams.  Alors  Adams,  satisfait,  se  tint  tranquille. 

Cet  invraisemblable  et  amusant  récit  ressemble  à  une  nouvelle 
humoristique  plutôt  qu'à  un  fait  réel. 

MissR.  Mouton,  étudiante  en  médecine2,  vint,  en  1882,  habiter  une 

1.  Hyslop,  Jour.  Amer.  P.  S.  P.  /?.,  1910,  615;  1911,  484,  cas  3  de  Bozzano, 
p.  36. 

2.  Cas  cité  par  Fr.  Myers,  P.  S.  P.  B.,  VIII,  311,  cas  4  de  Bozzano,  41. 


MAISONS    HANTÉES  727 

maison  à  Cliftou.  Dans  cette  maison,  il  y  avait  eu,  vingt  années 
auparavant,  des  drames  de  famille.  Un  soir  Miss  Mouton,  entendant 
des  bruits  à  sa  porte,  va  au  corridor  et  aperçoit  dans  l'escalier  une 
femme  de  haute  taille,  avec  un  voile  de  veuve,  un  mouchoir  sur  la 
figure,  et  des  vêtements  de  laine  noire. 

De  1882  à  1884,  Miss  Morton  revit  cette  même  forme  cinq  et  six 
fois.  Sa  sœur,  son  frère,  la  femme  de  chambre  et  un  enfant  la 
virent  aussi.  «  Quelquefois,  dit  Miss  Morton,  elle  essayaitde  me  par- 
ler, mais  ce  n'était  qu'un  léger  soupir.  »  Ce  qui  prouve  la  sub- 
jectivité de  cette  apparition,  quoiqu'elle  ait  été  vue  par  le  frère  et 
la  sœur  de  Miss  Morton,  c'est  que  parfois  Miss  Morton  voyait 
distinctement  le  fantôme,  alors  que  les  personnes  qui  étaient  avec 
Miss  Morton  ne  voyaient  rien  du  tout.  Cependant —  et  cela  est  d'une 
importance  extrême  pour  prouver,  comme  on  pourrait  d'abord 
le  supposer,  que  tout  n'était  pas  subjectif  dans  l'hallucination  de 
Miss  Morton,  — un  soir  d'août,- à  20  heures,  quatre. personnes 
virent  le  fantôme  en  même  temps.  C'est  en  1884-1885  que  l'appari- 
tion se  montra  le  plus  souvent.  A  partir  de  1886,  elle  devint  de  plus 
en  plus  vaporeuse  et  indistincte.  En  1889  on  ne  vit  plus  rien,  mais 
on  entendit  encore  des  pas,  jusqu'en  1892. 

Tel  est  ce  cas,  assez  instructif.  Il  montre  que  l'objectivité 
peut  être  incomplète,  c'est-à-dire  qu'un  fantôme,  qui  pourtant  est 
certainement  subiectif,  puisqu'il  n'est  pas  aperçu  par  toutes  les  per- 
sonnes présentes,  est  cependant  quelquefois  perçu  simultanément 
par  plusieurs  personnes,  et  qu'il  devient  alors  une  visualisation  col- 
lective. On  notera  aussi  la  persévérance  avec  laquelle  ce  fantôme 
se  maintient  peudant  sept  années  dans  une  localité  donnée. 

Voici  une  curieuse  histoire  de  hantise,  très  ancienne,  racontée 
par  Pline  le  Jeune1. 

Erat  Athenis  spatiosa  et  capax  domus,  sed  infamis  et  pestilens. 
Per  silentium  noctis  sonus  ferri,  et,  si  attenderes  acrius,  strepitus 
vinculorum  longius  primo,  deinde  e  proximo  reddebatur  :  mox 
apparebat  idolon,  senex  macie  et  sqicalore  confectus,  promissa 
barba,  horrenti  capillo  :  cruribus  compedes,  manibus  catenas  gere- 
bat  et  quatiebat. 

1.  Lettres,  VII,  27. 


728  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Il  parait  qu'alors  la  maison  était  abandonnée,  et  que  personne  ne 
voulait  ni  l'habiter,  ni  l'acheter.  Mais  le  philosophe  Athénodore  ne 
craint  pas  d'affronter  le  fantôme.  Il  s'installe  dans  la  maison,  avec 
ses  tablettes,  son  flambeau,  et  se  met  à  écrire.  Au  milieu  de  la  nuit, 
le  fantôme  arrive.  Stabat  effigies  innuebat  que  digito,  similis  vocanti  : 
hic  contra  ut  paulum  exspectaret  manu  significal,  rursus  que  ceris 
et  stilo  incumbit.  (Si  l'histoire  est  vraie,  le  sang-froid  d'ATHÉNODORE 
est  extraordinaire.)  Ma  scribentis  capiti  catenis  insonabat.  Respi- 
cit  rursus  idem  quod  prius  innuentem,  nec  moratus  tollit  lumen  et 
sequitur.  Ibat  illa  lento  gradu  quasi  gravis  vinculis...  Bref  le  fan- 
tôme disparaît,  laissant  Athénodore  dans  un  endroit  désert,  en  lequel 
le  philosophe  fait  une  marque  pour  le  reconnaître  :  le  lendemain 
matin,  avec  des  magistrats  on  y  fit  des  fouilles,  et  on  y  trouva  un 
squelette  qu'on  ensevelit  publiquement.  A  partir  de  ce  moment  la 
maison  ne  fut  plus  hantée. 

On  ne  peut  exiger  de  vérification  possible  pour  un  événement  qui 
s'est  produit  il  y  a  deux  mille  ans.  Mais  tout  de  même  l'analogie, 
pour  ne  pas  dire  dire  l'identité,  des  hantises  d'autrefois  avec  les  han- 
tises d'aujourd'hui  doit  donner  à  réfléchir  même  aux  plus  sceptiques. 

A  Saint-BoswelPunmêmefantômea  apparue  diverses  personnes, 
à  Miss  M.  Scott  et  à  Louise  Scott,  sa  sœur,  comme  aussi  à  MîssIrvine; 
une  dizaine  d'autres  personnes  l'ont  vu  aussi,  pendant  une  période 
de  huit  ans  (de  1893-1901).  La  forme  était  celle  d'un  individu  vêtu 
de  noir,  portant  une  longue  capote  noire,  de  forme  ancienne,  avec 
une  cravate  blanche  et  un  chapeau  à  larges  bords.  Il  était  maigre 
et  blafard.  C'est  en  pleine  rue  qu'il  apparaissait.  Miss  Scott  ayant 
essayé  de  le  rejoindre,  il  courait  devant  elle,  de  sorte  qu'elle  ne 
pouvait  l'atteindre.  Il  paraît  qu'une  fois  deux  gamins  du  village  le 
virent  apparaître  devant  eux,  avec  une  expression  menaçante;  ils 
s'enfuirent,  et  le  fantôme  disparut.  Aussi  bien  les  gens  de  Saint-Bos- 
well  ne  se  hasardent-ils  pas  à  s'aventurer  dans  cette  rue-là  le  soir. 

Miss  Bedford2  voit  à  W...,  dans  la  rue,  près  d'une  rivière,  la  forme 

1.  J.  S.  P.  R.,  VI,  146  et  IX,  298,  cas  V  de  Bozza.no,  47. 

2.  J.  S.  P.,  XII,  18.  cas  8  de  Bozzano. 


MAISONS    HANTÉES  729 

d'un  homme  qui,  désespéré,  regarde  la  rivière.  En  ce  môme  endroit, 
Miss  Locke,  son  amie,  l'avait  vu  aussi  quelque  temps  auparavant. 
Il  paraît  que  là,  il  y  a  cinquante  ans,  un  individu  s'était,  par  déses- 
poir d'amour,  jeté  dans  la  rivière.  Mad.  Locke,  la  mère  de 
Miss  Locke,  a  vu  aussi  plusieurs  fois  le  même  fantôme. 

Mad.  Vatas  Simpson  raconte  qu'étant  enfant,  jouant  avec  ses  frères 
et  sœurs,  elle  a  aperçu  une  vieille  femme  montant  lentement  l'es- 
calier au  haut  duquel  elle  disparut  sans  que  la  porte  donnant  sur 
l'escalier  s'ouvrît.  Puis  elle  la  revit  au  delà  de  la  porte.  Encore  que 
ces  souvenirs  soient  très  anciens,  elle  se  souvient  très  bien  que  ses 
frères  ont  vu  la  même  forme,  et  non  seulement  ce  jour-là,  mais 
encore  les  jours  suivants.  La  mère  de  Mad.  Vatas  Simpson  a  consigné 
ce  fait  dans  son  journal,  ajoutant  qu'elle  a  vu  dans  cette  maison,  qui 
avait  la  réputation  d'être  hantée,  non  seulement  la  vieille  femme, 
mais  encore  des  formes  diverses.  Il  y  avait  dans  la  maison  des  bruits 
de  pas,  des  vagissements  d'enfant.  Un  jour  M.  Vatas  Simpson  se  fâcha 
parce  qu'il  entendait  marcher  dans  sa  chambre,  quoique  les  domes- 
tiques n'eussent  laissé  venir  personne.  Alors  il  entra  dans  sa  cham- 
bre, et  vit  une  vieille  femme,  petite  et  grêle,  très  pâle,  avec  un  large 
chapeau  dont  les  rubans  étaient  noués  sous  le  menton,  les  mains 
constamment  jointes.^  Il  crut  d'abord  que  c'était  une  personne 
réelle,  mais  elle  disparut  devant  lui. 

Étant  enfant,  Mad.  Louise  du  Cane  a  vu,  ainsi  que  ses  frères  et  sa 
sœur,  l'image  d'un  fantôme  dans  une  glace,  mais  le  cas  est  très  peu 
probant1. 

Bozzano  cite  le  cas  d'un  fantôme  vu  par  plusieurs  personnes  et  à 
diverses  reprises,  parfois  pendant  plusieurs  minutes  en  plein  jour. 
Il  s'agissait  d'une  femme  vêtue  de  noir,  qu'un  jour  M.  W.-D.  G..., 
aperçut  assise  devant  le  miroir  de  la  toilette.  Ce  qui  est  curieux, 
c'est  que  le  miroir  ne  reflétait  pas  son  image, 

Si  ce  cas  a  été  bien  observé,  ce  qui  est  assez  problématique,  il 
est  intéressant,  parce  qu'il  prouve  qu'il  doit  s'agir  ici  d'une  hallu- 
cination subjective,  produite  par  auto-suggestion.  S'il  y  avait  eu 

1.  Cas  communiqué  par  le  Dr  Kingston,  J.  S.  P.  R.,  V,  223  ;  cas  10  de  Bozzano. 


730  MÉTAPSYCHIQUE   OBJECTIVE 

objectivité  réelle,  le  fantôme  se  fût  manifesté  dans  le  miroir.  L'ab- 
sence de  réflexion  dans  le  miroir  prouve  qu'il  s'agit  d'un  phéno- 
mène subjectif,  ou  du  moins  dont  l'objectivité  n'est  pas  du  même 
ordre  que  celle  des  objets  normaux. 

Miss  Lucy  Brown  et  Mary  Brown  (pseudonymes)  vont  s'établir 
dans  une  maison1  où  se  sont  passés  des  événements  tragiques  :  une 
femme  s'y  est  suicidée  par  pendaison.  En  outre  une  partie  de  la 
maison  a  été  brûlée  dans  un  incendie,  et  une  femme  est  morte  dans 
les  flammes.  D'après  le  résumé,  que  donne  Myers,  de  la  déposition 
de  Misses  Lucy  et  Mary  Brown,  le  fantôme  de  la  femme  qui  avait  été 
brûlée  a  été  vu  par  Mary  et  Lucy  Brown  (simultanément)  trois  fois; 
une  fois  par  Lucy  Brown  seule;  une  autre  fois  par  Mary  Brown  seule. 
Les  domestiques  l'avaient  vu  aussi  assez  souvent  ;  mais  on  n'a  pu 
avoir  leur  témoignage. 

Mad.  Jones,  dont  le  fantôme  a  été  vu,  était  inconnue  des  sœurs 
Brown,  et  pourtant  la  description  qu'elles  donnent  du  fantôme 
correspond  très  bien  à  l'aspect  général  de  Mad.  Jones.  Il  semblait 
faire  les  gestes  désespérés  qu'on  avait  vus  à  Mad.  Jones  lorsqu'elle 
a  été  brûlée  vive. 

Le  fait  qu'un  individu  mort  depuis  longtemps  peut  se  manifester 
à  plusieurs  personnes,  dans  uue  localité  où  il  a  vécu,  est  corroboré 
par  le  récit  suivant,  fait  par  deux  sœurs,  Mad.  Judd  et  Mad.  Dear, 
très  dignes  de  foi 2  (Caroline  et  Mary). 

Caroline,  trois  semaines  après  la  mort  de  sa  grand'mère,  un 
matin  d'octobre  1866,  se  réveillant,  aperçut  distinctement  la  forme 
de  sa  grand'mère,  sa  haute  stature  bien  connue,  sa  vieille  figure 
calme,  et  ses  grands  yeux  noirs  qui  restaient  fixés  comme  d'habi- 
tude sur  le  cadran  de  la  vieille  horloge.  Caroline  ferma  les  yeux 
pendant  quelques  secondes,  puis  les  rouvrit  doucement.  La  forme 
était  encore  là,  puis  bientôt  disparut.  Mary,  dans  cette  même 
chambre,  a  eu  la  même  vision,  à  la  même  heure.  Elle  n'en  parla 
à  sa  sœur  que  le  soir,  ayant  gardé  le  silence  toute  la  journée,  par 
crainte  du  ridicule. 

1.  Cas  analysé  par  Myers,  J.  S.  P.  R.,  IV,  1899,  27-30;  cas  13  de  Bozza.no. 

2.  Voy.  Delanne,  Les  apparitions  matérialisées,  1911,  11,81. 


MAISONS    HANTÉES  731 

Dix  ou  douze  officiers  étaient  à  dîner  à  leur  mess  d'Aldershot. 
Soudain  tous  aperçoivent  une  jeune  femme  vêtue  d'une  robe  de 
mariée,  salie  et  usée,  qui  passait  et  glissait  lentement  le  long  de  la 
fenêtre.  Personne  ne  pouvait  occuper  la  position  où  elle  avait 
apparu,  car  la  fenêtre  est  à  trente  pieds  au-dessus  du  sol l. 

L.  Tyre2  voit,  vers  G  heures  du  soir,  dans  sa  chambre,  une 
vieille  femme  qui  est  couchée  toute  vêtue  et  la  tête  tournée  vers  la 
fenêtre.  Mais  les  deux  sœurs  deL.  Tyre  qui  arrivent  alors  ne  voient 
rien.  Le  lit  est  vide  et  en  ordre  ;  avec  ses  couvertures  bien  arrangées. 
Pourtant,  Mad.  L...  continue  à  voir  une  vieille  femme  et  la  décrit. 
L...  revit  le  même  fantôme  deux  jours  après,  et  fut  seule  à  le  voir. 
Elle  le  vit  très  souvent,  si  bien  qu'on  s"y  habitua,  et  qu'on  le  désigna 
sous  le  nom  de  lavieille  femme  de  L...  Mais  le  fantôme  ne  fut  jamais 
vu  que  par  L... 

On  est  donc  forcé  de  conclure  qu'il  s'agit  là  d'une  hallucination. 
Il  est  possible  qu'elle  soit  véridique  ;  car  il  paraît  que  l'image  vue 
par  L. . .  correspond  exactement  à  l'image  d'une  vieille  femme,  morte 
dans  cette  même  maison  quelques  années  auparavant.  Mais  ces 
récognitions  sont  tellement  vagues  qu'elles  n'ont  aucune  valeur,  et 
il  est  nécessaire  de  supposer  qu'il  s'agit  là  d'une  simple  hallucina- 
tion, sans  réalité  objective3. 

Miss  A. . . 4  aperçoit  dans  sa  chambre  une  sienne  cousine,  Mad .  X. . . , 
morte  il  y  a  six  mois.  Elle  la  voit  assise,  avec  une  robe  blanche,  et 
un  tour  de  cou  plissé.  Quinze  jours  après  le  même  fantôme  revient, 
marche,  se  dirige  vers  le  lit  où  était  couchée  Mad.  A...  et  jette  à 
terre  les  couvertures.  Miss  A...,  terrifiée,  allume  le  gaz  et  ne  voit 
rien. 

A  quelque  temps  de  là,  dans  une  maison  voisine,  M.  X...  le  mari 
de  la  défunte,  aperçoit  à  deux  reprises  différentes  une  forme  de 
femme  dont  il  ne  peut  distinguer  les  traits.  Un  fracas  terrible  se 

1.  Hall,  tél.,  tr.  fr.,  356. 

2.  Citée  par  G.  Delaxne,  Les  apparitions  matérialisées,  1911,  II,  2G. 

3.  Quoique  le  fait  soit  très  rare,  il  peut  y  avoir  hallucination  chez  des  indi- 
vidus normaux.  L.  Marillier  en  a  décrit  avec  exactitude  un  cas  qui  lui  est  per- 
sonnel. Il  a  eu  tous  les  jours  pendant  un  mois  l'hallucination  d'une  femme  entrant 
dans  sa  chambre,  et  se  tenant  près  de  lui  {Rev.  philosophique.). 

4.  G.  Delanne,  Les  apparitions  matérialisées,  1911,  If,  102. 


732  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

produisit  dans  la  chambre,  bruit  qui  réveilla  le  jeune  fils  de  M.X... 

La  sœur  de  Mad.  X...  aperçoit  ce  même  fantôme  qui  voulait, 
comme  à  Miss  A...  relever  les  couvertures  de  son  lit.  A  plusieurs 
jours  de  distance,  trois  fois,  le  fantôme  reparut.  Les  portes  s'ou- 
vraient et  on  entendait  des  bruits  de  pas  dans  l'escalier. 

Ainsi,  dit  G.  Delanne,  une  apparition  s'est  présentée  sept  fois  à 
quatre  personnes  différentes.  La  plupart  de  ces  apparitions  eurent 
lieu  trop  longtemps  après  la  mort,  pour  qu'il  soit  possible  de  les 
attribuer  à  la  préoccupation  d'un  deuil  récent. 

Tout  de  même  l'authenticité  de  ces  phénomènes  est  bien  dou- 
teuse ;  car  la  valeur  scientifique  des  personnes  qui  les  racontent 
n'est  pas  suffisante  pour  faire  adopter  un  fait  aussi  extraordinaire. 

Miss  H...  à  Malte,  âgée  de  huit  ans,  huit  jours  aprèslamortde  sa 
mère,  voit  le  fantôme  de  sa  mère  debout  près  de  sou  lit,  pleurant  et 
se  tordant  les  bras.  Alors  l'enfant  pousse  des  cris  qui  font  accourir 
la  nourrice,  une  Maltaise,  qui,  sentant  quelque  chose  de  terrible  et 
d'indéfinissable,  tomba  à  genoux,  priant  et  se  lamentant.  Le  père 
de  Miss  H...  vit  aussi  cette  même  apparition  *. 

Mad.  R...  de  Philadelphie,  veuve  du  Dr  R...2  étant  dans  le  hall 
central  de  sa  maison,  avec  sa  fille  aînée,  âgée  de  dix-neuf  ans,  voit, 
ainsi  que  sa  fille,  entrer  une  femme  vêtue  de  noir,  ayant  un  grand 
fichu  blanc  sur  la  tête,  tenant  à  la  main  une  bourse  de  soie  blanche. 
Une  autre  fille  de  Mad.  R...,  plus  jeune,  voit  aussi  cette  même  appa- 
rition, mais  moins  distinctement.  La  forme  s'arrêta  un  moment 
devant  le  portrait  du  Dr  R...  et  sembla  le  regarder  pendant  une 
demi-minute  environ,  puis  disparut  sans  que  la  porte  s'ouvrît.  La 
forme  fut  reconnue  pour  être  celle  de  la  grand'mère  des  deux  jeunes 
filles,  morte  depuis  dix  ans.  Il  esta  remarquer  qu'elle  n'habitait  pas 
la  maison  où  elle  apparut. 

Dans  son  étude  si  profonde  sur  les  Fenomeni  d'infestazione, 
Bozzano  indique  différents  cas  où  il  semble  que  le  revenant  donne 
des  indications  sur  ce  qu'il  veut  faire,  regrette  un  acte  qu'il  a  com- 
mis autrefois  lorsqu'il  vivait.  Mais,  comme  il  ne  s'agit  pasde  visions 

1.  Delanne,  Les  apparitions  matérialisées,  1911,  II,  84. 

2.  R.  Dale  Owen,  The  debatable  Land,  319. 


MAISONS    HANTÉES  733 

collectives,  il  est  plus  rationnel  de  supposer  qu'il  s'agit  là  d'hallu- 
cinations, d'illusions,  d'imaginations.  Aussi,  provisoirement  au 
moins,  ne  faut-il  pas  les  introduire  dans  la  science  métapsychique. 
Toutes  les  intentions  qu'on  suppose  aux  fantômes  sont  d'une 
interprétation  trop  fantaisiste  et  d'un  anthropomorphisme  trop  naïf 
pour  qu'il  soit  permis  d'insister. 

Les  lumières  qui  apparaissent  en  telle  ou  telle  localité  relèvent  aussi 
desphénomènesde  hantise.  M.DucHATELenaréunides  casnombreux 
à  propos  d'une  lumière  apparaissant  à  Busso,  en  Corse  (près  de 
Bocognano).  S'agit-il  d'un  phénomène  naturel?  C'est  extrêmement 
probable  a  priori.  Il  paraît  que  le  feu  disparaît  dès  qu'on  approche 
de  l'endroit  où  il  semblait  être.  Mais  comme  c'est  vague  !  En  tout 
cas  il  nous  est  impossible  de  voir  là  rien  de  sérieux.  Il  est  regret- 
table qu'on  n'ait  pas  daigné  étudier  correctement  ce  petit  pro- 
blème, si  facile  à  résoudre. 

Des  faits  analogues,  et  d'ailleurs  n'ayant  pour  toute  analyse  scien- 
tifique que  les  légendes  populaires  (ce  qui  est  peu),  ont  été  signalés 
à  Berbenno  en  Valteline,  à  Vô,  en  Italie  (Padova),  à  Saint-Julien 
(Soissons,),  à  Cardiganshire  (pays  de  Galles),  à  Quargento  (Piémont) 
etàGrand-Fougeray  (Ille-et-Vilaine).  On  ne  peut  faire  le  moindre 
fonds  sur  ces  récits.  Il  est  bon  toutefois  de  les  signaler  pour  qu'à 
l'avenir,  s'il  s'en  présente,  ils  fassent  l'objet  d'une  méthodique  et 
scrupuleuse  investigation. 

Voici  un  fait,  étrange  entre  tous,  et  qu'il  est  aussi  difficile 
d'adopter  que  de  rejeter.  Il  est  rapporté  par  Mad.  E.  H.  Sidgwick2. 

Deux  dames,  Mad.  F...  et  sa  sœur,  aperçurent  dans  la  rue,  par  un 
épais  brouillard,  des  formes  humaines  très  nombreuses  qui  pas- 
saient. Quelques-unes  étaient  des  personnages  de  grande  taille  qui 
paraissaient  entrer  dans  le  corps  d'une  des  deux  sœurs.  La  domestique 
qui  était  avec  les  deux  dames  poussait  des  cris  de  terreur.  Il  y  avait 
dans  cette  foule-de  fantômes,  des  hommes,  des  femmes,  des  chiens. 
Les  femmes  portaient  de  hauts  bonnets,  de  grands  châles,  en  cos- 

1.  Recherches  sur  le  feu  qui  apparaît  a  Busso  (Corse).  Autres  lumières  mysté- 
rieuses {A.  S.  P.,  février  1913,  34-40). 

2.  P.  S.  P.  R.,  IÏI,  76,  1885. 


734  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

tûmes  de  l'ancien  temps.  Les  figures  de  ces  personnages  étaient 
livides,  cadavériques.  Toute  cette  fantastique  troupe  accompagna 
Mad.  F...  et  sa  sœur,  pendant  près  de  trois  cents  mètres.  Parfois 
ils  étaient  comme  éclairés  par  une  sorte  de  lumière  jaune.  Quand 
Mad.  F...,  sa  sœur,  et  la  domestique  arrivèrent  à  la  maison,  il  n'y 
avait  plus  de  tout  le  cortège  qu'un  seul  individu,  hideux,  plus 
grand  que  les  autres.  Il  disparut  alors. 

Cette  hallucination  est  unique  en  son  genre  ;  on  ne  peut  donc 
rien  en  retenir.  Et  pourtant  elle  a  été  collective  et  simultanée.  Il 
est  bien  difficile  de  voir,  dans  cette  description  si  précise,  un  effet 
de  brouillard. 

Ajoutons  à  cette  singulière  histoire  le  récit,  insuffisamment  docu- 
menté, d'une  sorte  d'hallucination  analogue  chez  deux  dames  qui 
à  Trianon,  près  du  parc  de  Versailles,  ont  cru  voir  toute  une 
réunion  de  personnages  habillés  comme  en  1785,  au  temps  de 
Marie- Antoinette  1.  Mais  on  a  peine  à  croire  que  ce  n'est  pas  une 
très  prolongée  hallucination.  Les  somnambules,  pendant  la  période 
hypnotique,  en  pourraient  raconter  bien  d'autres. 

Il  ne  faut  pas  inscrire  de  pareils  faits  dans  les  annales  de  la 
Métapsychique.  Gomme  pour  tout  ce  qui  est  isolé,  exceptionnel, 
attendons,  sans  chercher  à  expliquer  ni  à  comprendre,  et  provi- 
soirement considérons  ces  allégations  comme  non  avenues. 

|  3,  —  TÉLEKINÉSIES  DES  MAISONS  HANTÉES 

Les  causes  d'erreur,  puisque  c'est  toujours  aux  causes  d'erreur 
qu'il  convient  de  s'attacher,  ne  sont  pas  les  mêmes  pour  les  phéno- 
mènes subjectifs  et  les  phénomènes  objectifs  d'infestation. 

Les  phénomènes  subjectifs  dépendent  de  la  bonne  foi  —  qui  n'est 
jamais  douteuse  —  de  l'observateur,  mais  la  bonne  foi  ne  suffit 
pas  :  on  doit  toujours  supposer  une  hallucination,  une  imagination, 
une  illusion,  une  aberration.  Il  s'agit  donc  de  savoir  si  tout  s'ex- 
plique par  l'illusion.  Il  faut  admettre  l'hypothèse  de  l'illusion  quand 
la  personne  est  seule  ;  mais  il  est  assez  difficile  d'imaginer  trois 

I.Bozzano.  Loc.  cit.,  143. 


MAISONS    HANTÉES  735 

quatre,  cinq  personnes  normales  ayant  à  plusieurs  reprises  pendant 
quelques  mois  l'hallucination  du  même  personnage. 

Mais  pour  les  phénomènes  objectifs  l'a  difficulté  est  autre.  Là  en 
effet  toutes  les  fraudes  sont  possibles,  et  l'expérience  a  prouvé  que 
les  fraudes  étaient  fréquentes,  très  fréquentes.  Quand,  dans  une 
maison  dite  hantée,  s'entendent  des  fracas  divers,  bruits  de  portes 
qui  s'ouvrent  et  se  ferment,  roulements  de  meubles,  bris  de  vais- 
selles, et  tout  le  cortège  ridicule  de  manifestations  qui  est  de  cou- 
tume dans  les  hantises,  l'idée  vient  tout  d'abord  qu'il  s'agit  d'une 
forte  plaisanterie,  faite  par  des  individus  mal  intentionnés,  des 
domestiques  renvoyés,  des  geus  intéressés  à  faire  quitter  la 
maison  à  tel  ou  tel  de  ses  habitants.  Le  plus  souvent  il  faut  incri- 
miner, comme  causes  de  ces  infestations ,  de  très  jeunes  gens,  de 
l'un  ou  l'autre  sexe,  à  demi  idiots,  à  demi  vicieux,  qui,  sans  trop 
comprendre  ce  qu'ils  font,  jettent  des  pierres,  cassent  des  vitres,  en 
dissimulant  leurs  gestes  et  en  laissant  croire  qu'ils  sont  restés 
immobiles,  n'ayant  d'autre  motif  que  de  tromper. 

Par  conséquent,  pour  les  hantises  avec  déplacements  d'objets, 
la  plus  grande  sévérité  critique  doit  être  admise,  d'autant  plus  que 
vraiment,  à  part  quelques  rares  exceptions,  chaque  fois  qu'un 
sérieux  contrôle  a  été  fait,  les  miracles  se  sont  volatilisés. 

Toutefois,  malgré  notre  scepticisme,  qui  est  grand,  il  reste  quel- 
ques faits  assez  rares,  mais  trop  nets  pour  qu'il  soit  impossible  de 
nier  qu'il  y  avait  des  objectivités  réelles. 

Je  donnerai  d'abord  le  récit  un  peu  détaillé  des  événements  qui 
se  sont  passés  au  château  de  T...  en  Normandie,  près  de  Caen. 
M.  de  X...  a  pris  notice,  jour  par  jour,  de  ce  qui  se  passait,  et  son 
journal  a  été  communiqué  à  M.  J.  Morice,  docteur  en  droit,  qui  l'a 
publié  dans  les  Annales  des  sciences  psychiques l . 

M.  de  X...  hérita,  en  1867,  d'une  maison  qui  passait  pour  hantée. 
En  1868,  il  y  eut  dans  cette  maison  des  bruits  anormaux  qui  cessè- 
rent, pour  reprendre  avec  grande  force  en  octobre  1875.  Du  13  oc- 
tobre 1875  au  30  janvier  1876,  c'est-à-dire  pendant  plus  de  trois  mois, 
les  bruits  anormaux/parfois  extrêmement  violents,  n'ont  pas  dis- 

1.  Exposé  des  phénomènes  étranges  du  château  de  T.,  1892,  212-213;  1893,  65-90. 


73G  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

continué.  Et  cependant  M.  de  X...  a  pris  toutes  les  précautions 
nécessaires  pour  ne  pas  être  induit  en  erreur  par  un  imposteur 
quelconque.  Il  avait  toujours  son  revolver  chargé,  et  on  savait  qu'il 
n'aurait  pas  hésité  à  en  faire  usage.  Une  fois,  un  ami  de  M.  de  X... 
entendant,  pendant  la  nuit,  du  bruit  dans  sa  chambre,  tira  plusieurs 
fois  avec  son  revolver  au  jugé.  On  retrouva  les  balles  dans  la  mu- 
raille. Les  caves,  les  murs  ont  été  soigneusement  visités.  Deux 
redoutables  chiens  de  garde  étaient  lâchés  toutes  les  nuits.  Il  n'y  a 
pas  de  doute  possible  sur  l'objectivité  de  ces  bruits,  entendus  par- 
fois par  plus  de  douze  personnes  (tout  le  personnel  du  château). 
Certainement  il  n'y  avait  pas  imposture  due  à  un  des  domestiques 
de  la  maison,  car  souvent  ils  étaient  tous  pris  de  frayeur,  et  se 
réunissaient.  Or,  quand  ils  étaient  tous  réunis,  parfois  les  phéno- 
mènes étaient  très  intenses. 

D'ailleurs,  danscertains  cas,  même  la  fraude  d'un  seul  des  domes- 
tiques n'eût  pas  suffi.  Des  coups  d'une  violence  extrême  se  faisaient 
entendre  en  un  point  du  château,  et,  une  seconde  après,  dans  une 
autre  partie. 

Un  jour  Mad.  de  X...,  entendant  du  bruit,  sort  pour  aller  voir 
ce  qui  en  est.  Avant  qu'elle  ne  touche  la  porte,  elle  voit  la  clef  qui 
se  détache,  qui  tourne  rapidement  dans  la  serrure,  et  qui  vient  la 
frappera  la  main  gauche.  L'abbé  Z...,  précepteur  du  jeune  fils  de 
M.  de  X...,  en  a  été  le  témoin. 

Je  copie  le  journal  de  M.  de  X...  relatant  ce  qui  s'est  passé  du 
25  au  26  janvier  (p.  75).  «  Une  heure.  Douze  coups  suivis  d'un  long 
tambourinage,  puis  trente  coups  rapides  et  singuliers  :  on  eût  dit 
un  ébranlement  de  toute  la  maison;  on  était  bercé  dans  son  lit  à 
tous  les  étages,...  puis  une  longue  galopade.  Le  tout  n'a  duré  que 
cinq  minutes.  Une  minute  après,  la  maison  est  de  nouveau  secouée 
de  haut  en  bas;  dix  coups  effroyables  sur  la  porte  de  la  chambre 
verte.  Douze  cris  au  dehors,  trois  bêlements,  puis  des  cris  furieux. 
Tambourinage  très  fortdans  le  vestibule,  rythmé,  à  cinquante  coups. 
1  heure  30.  La  maison  est  secouée  vingt  fois  ;  coups  si  rapides 
qu'on  ne  peut  les  compter.  Ils  font  trembler  murs  et  meubles  ;  neuf 
coups  effroyables  sur  la  porte  de  la  chambre  verte,  tambourinage 
accompagné  de  gros  coups.  A  ce  moment  on  entend  comme  des  cris 
de  taureau,  puis  d'autres,  inhumains,  enragés,  dans  le  corridor. 


MAISONS    HANTÉES  737 

On  sonne  pour  faire  lever  tous  les  domestiques.  Pendant  que  tout 
le  monde  était  levé,  on  a  entendu  encore  deux  beuglements  et  un 
cri.  » 

On  fit  venir  alors  divers  prêtres  qui  pratiquèrent  les  exorcismes 
rituels.  Les  phénomènes  s'amendèrent  un  peu,  mais  ne  disparurent 
pas  tout  à  fait. 

J'ignore  ce  qui  est  advenu  du  château  de  T...  L'histoire  est  assez 
troublante.  Une  mystification  prolongée  et  violente  par  un  des 
domestiques  de  M.  de  X...  ou  par  son  jeune  fils,  ou  par  le  précep- 
teur, paraît  presque  impossible  à  tout  expliquer. 

G.  Lo&nmoso  *  raconte  l'histoire  d'une  certaine  osteria  de  Turin,  où 
des  bruits  très  violents  se  produisaient,  et  surtout  des  bris  de  vais- 
selle et  de  bouteilles.  Des  chaises  étaient  cassées  avec  fracas;  les 
objets  suspendus  au  mur  tombaient  par  terre.  Lombroso,  à  la 
lumière  d'une  bougie,  a  vu  devant  lui  des  bouteilles  rouler  par  terre 
avec  fracas,  et  finalement  se  briser.  Il  s'est  assuré  qu'il  n'y  avait 
pas  de  ficelles  pour  les  mouvoir  ;  un  jour,  comme  on  avait  préparé 
les  verres  et  les  assiettes  sur  une  table  pour  le  dîner,  tout  fut  brisé, 
et  il  fallut  aller  dîner  dans  une  autre  pièce.  En  plein  jour,  à  8 
heures  du  matin,  des  objets  volèrent  à  travers  l'air,  et  passèrent 
dans  la  chambre  voisine,  allant  se  briser  aux  pieds  de  deux  voya- 
geurs qui  arrivaient  à  Y  osteria.  Une  bouteille  d'eau  gazeuse,  en 
plein  jour,  sous  les  yeux  de  diverses  personnes,  parcourut  l'air 
pendant  4  ou  5  mètres,  lentement,  comme  si  elle  avait  été 
accompagnée  d'une  main,  et  finalement  tomba  par  terre  et  se 
rompit. 

Il  semble  que  ces  phénomènes  aient  été  liés  à  la  présence  d'un 
jeune  garçon  de  treize  ans  ;  car,  lorsqu'il  eut  été  congédié,  tous  les 
phénomènes  cessèrent. 

Mais  cela  ne  signifie  nullement  qu'il  y  eut  supercherie.  Il  est 
extrêmement  probable  qu'il  existe  des  médiums  qui  s'ignorent  eux- 
mêmes,  et  qui  produisent  des  phénomènes  de  télékinésie,  involon- 
taires, en  dehors  de  toute  séance  expérimentale,  par  le  seul  fait  de 
leur  présence.  Beaucoup  de  maisons  dites  hantées  ne  sont  pas  han- 

1.  C.  Lombhoso,  Ricerche  sui  fenemeni  spiritici,  Torino,  1909,  247. 

Kichet.  —  Métapsychique.  47 


738  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

tées  du  tout  :  elles  sout  habitées  par  des  médiums  incouscieuts  de 
leur  pouvoir. 


Uu  cas  très  singulier  a  été  signalé  par  le  major  B.  Moor  de  la 
Société  Royale  de  Londres  (je  n'ai  pas  pu  consulter  son  livre 
Bealings  Bells).  J'en  parle  d'après  le  récit  très  complet  donné  par 

BOZZANO  J. 

Le  2  février  1834  les  sonnettes  de  sa  maison  à  Ipswich  se  mirent, 
sans  cause  extérieure  appréciable,  à  sonner  d'une  manière  bruyante 
dans  la  journée.  Et  pendant  cinquante-trois  jours  il  en  fut  de 
même  (ce  n'étaient  pas  des  sonnettes  électriques).  Quelquefois  les 
douze  sonnettes  de  la  maison  sonnaient  ensemble,  même  celles  dont 
les  tenants  étaient  partout  visibles  (sauf  dans  leur  passage  à  travers 
le  mur).  M.  Moor  a  essayé  maintes  fois  de  faire  retentir  les  son- 
nettes avec  une  égale  vigueur,  en  tirant  sur  le  cordon  avec  le  plus 
de  force  possible,  il  n'a  pas  pu  égaler  la  violence  extraordinaire  et 
caractéristique  avec  laquelle  sonnaient  les  sonnettes.  «  Quand  nous 
tirions  mécaniquement  sur  la  sonnette,  dit  M.  Moor,  le  mouvement 
en  était  lent  et  parfaitement  visible.  Mais,  quand  elle  était  mue  par 
une  cause  occulte,  le  mouvement  était  si  rapide  qu'on  ne  pouvait 
rien  voir.  Le  phénomène  des  sonnettes  a  été  constaté  par  plus  de 
douze  personnes,  ce  qui  exclut  toute  hypothèse  d'une  hallucina- 
tion. Parfois  les  sonnettes  sonnaient  quaud  il  n'y  avait  personne 
dans  la  maison.  En  définitive,  conclut  M.  Moor,  la  cause  de  ce  mou- 
vement n'est  pas  une  cause  humaine. 

Le  major  Moor,  ayant  écrit  à  diverses  personnes  pour  savoir  si  de 
tels  phénomènes  n'auraient  pas  été  observés  déjà,  reçut  de  nom- 
breuses réponses.  Il  put  ainsi  recueillir  14  cas  de  faits  analogues. 
Bozzano  cite  seulement  le  cas  suivant.  Mad.  Milnes,  à  16  heures  30 
chez  elle,  à  Westminster,  trouve  toute  sa  famille  en  alarme.  Les  son- 
nettes retentissent  avec  une  telle  violence  que  les  enfants  de  Mad. 
Milnes  et  sa  servante  en  étaient  terrifiés.  M.  Milnes,  arrivant  à  son 
tour,  explore  minutieusement  et  surveille  tous  les  fils.  Pendant 
deux  heures  et  demie,  la  sonnerie  générale,  furieuse,  continua. 

1.  Loc.  cit.,  164. 


MAISONS    HANTÉES  739 

Rapprochons  de  ces  sonneries  le  cas  suivant,  beaucoup  plus  dou- 
teux encore. 

Les  deux  femmes  qui  ont  soigné  Alfred  de  Musset,  malade, 
Mad.  Martillet  et  Mad.  Claudet,  racontent  que,  pendant  la  der- 
nière maladie  du  grand  poète,  comme  il  reposait  sur  son  fauteuil, 
elles  le  virent,  à  la  lueur  d'une  lampe,  regarder  la  sonnette  qui  était 
près  de  la  cheminée.  Mais  il  était  si  faible  qu'il  ne  put  se  lever.  «A 
ce  moment,  dit  Mad.  Martillet,  nous  eûmes  une  surprise  qui  nous 
épouvanta.  La  sonnette  que  le  malade  n'avait  pas  atteinte  s'agita, 
comme  tirée  par  une  main  invisible,  et  instantanément  ma  sœur  et 
moi  nous  nous  saisîmes  la  main,  nous  interrogeant  anxieusement. . . 
As-tu  entendu?  as-tu  vu?  Il  n'a  pas  bougé  de  son  fauteuil...  La 
bonne  entra  :  elle  avait  entendu  la  sonnette1.  » 

Faut-il  rattacher  aux  hantises  les  phénomènes  singuliers  que  de 
tout  temps  on  a  signalés,  qui  accompagnent  quelque  événement 
grave,  une  mort,  un  accident?.  La  légende  veut  qu'au  moment  de 
la  mort  d'un  proche,  une  pendule  s'arrête,  qu'un  tableau  tombe  du 
mur,  qu'un  objet  soit  brisé  avec  fracas,  mais  il  est  difficile  de  faire 
la  part  des  coïncidences  fortuites. 

Cheiro2  (comte  Hamon)  dit  que  le  lundi  5  juin  1915,  comme  il  causait 
avec  deux  amis  dans  sa  maison  de  campagne,  à  8  heures  du  soir> 
soudain  un  objet  tomba  avec  grand  bruit  dans  la  pièce  voisine  : 
c'était  un  grand  bouclier  en  chêne,  sur  lequel  étaient  peintes  les 
armes  de  la  Grande-Bretagne,  qui  venait  de  tomber  et  de  se  briser. 
Il  s'était  rompu  dans  la  partie  représentant  l'Angleterre  et  l'Ir- 
lande, et  Cheiro  dit  :  «  Il  s'est  sans  doute  produit  un  désastre  naval, 
dans  lequel  l'Irlande  se  trouve  mêlée.  » 

Or,  à  ce  moment  même,  Lord  Kitchener,  Irlandais,  périssait  sur 
le  Hampshire. 

N'insistons  pas.  Ce  n'est  qu'une  coïncidence,  même  bien  faible. 

Aksakoff3  cite  divers  cas  de  persécutions  ressemblant  beaucoup 

1.  Lefèvre,  Musset  sensitif,  A.  S.  P.,  1899,  106. 

2.  A.  S.  P.,  juillet  1916,  122. 

3.  Animisme  et  spiritisme,  1895,  tr.  fr.,  286. 


740  MÉTAPSYCHIQUE    OBJECTIVE  , 

aux  phénomènes  de  hantise.  Mais  il  faut  toujours  faire  des  réserves 
pour  les  observations  d'AKSAKOFF.  Sa  bonne  foi  n'est  pas  plus  dou- 
teuse que  sa  crédulité. 

Le  cas  duR.  Shelp,  raconté  par  M.  Capron  (Modem  spiritualism) 
est  très  sujet  à  caution  ;  car  il  ne  semble  pas  que  M.  Shelp  ait  pris 
toutes  mesures  pour  s'assurer  que  son  jeune  fils,  âgé  de  onze  ans, 
n'était  pas  agent  volontaire  du  phénomène.  Des  chaises  s'élevaient 
en  l'air,  et  retombaient  avec  un  fracas  terrible;  un  flambeau  fut 
enlevé  de  la  cheminée,  battit  contre  le  plancher  à  plusieurs  reprises 
et  se  brisa.  Une  brosse  fut  jetée  par  la  fenêtre  avec  fracas.  Un  verre 
quitta  la  table  de  travail  et  brisa  le  dernier  carreau  intact.  Des 
vêtements  se  promenaient  dans  la  chambre,  gonflés  de  manière  à 
ressembler  à  des  figures  humaines.  (!!)  Comme  le  Dr  Shelp  et  son  fils 
Harry  faisaient  une  course  en  voiture,  des  pierres  (seize)  grosses 
comme  des  œufs  furent  lancées  dans  la  voiture. 

L'autre  récit  de  perséattion  signalé  par  Aksakoff  est  plus  inté- 
ressant, et  semble  avoir  été  bien  observé  par  M.  Schtcharoef,  contre 
qui  la  persécution  sembla  avoir  été  dirigée,  et  par  M.  Akoutine, 
ingénieur  chimiste  d'Orenbourg.  Le  médium  (qui  s'ignorait)  était 
probablement  la  femme  de  M.  Schtacharoff.  Akoutine  essaya  de 
classer  les  phénomènes  en  répulsifs  et  attractifs,  selon  que  les  objets 
qui  se  mouvaient  sans  contact  autour  de  Mad.  S...  étaient  attirés 
ou  repoussés  ;  mais  il  fut  impossible  d'établir  une  loi.  Tantôt  les 
objets  s'envolaient  de  la  table  autour  de  laquelle  on  était  assis  :  tan- 
tôt, quand  on  ouvrait  une  armoire,  les  objets  de  cette  armoire  tom- 
baient sur  Mad.  S...  pour  se  diriger  ensuite  au  loin.  Pendant  plu- 
sieurs mois  ces  faits  invraisemblables  se  répétèrent,  parfois  avec  une 
grande  intensité.  Un  canapé  pesant  de  90  à  100  kilogrammes,  sur 
lequel  était  couchée  la  mère  de  M.  S...,  se  mit  à  danser,  s'élevant 
dans  l'espace  avec  Mad.  S...  (!)  Souvent  il  y  eut  des  incendies  de  vête- 
ments que  rien  n'expliquait.  Divers  récits  très  étranges  sont  encore 
rapportés  par  M.  S...  Il  discute  lui-même,  avec  un  grand  sang- 
froid,  la  question  de  savoir  s'il  y  avait  soit  hallucination  de  sa  part, 
soit  supercherie  de  sa  femme,  et  il  conclut  nettement  à  la  négative. 
Mais  nous  serons  plus  prudents  encore  que  lui,  et  nous  conclu- 
rons, provisoirement  toujours,  par  un  très  grand  point  d'interro- 
gation. 


MAISONS    HANTÉES  741 

Ce  sera  aussi  notre  même  conclusion  pour  le  cas  de  Lillian  F... l. 
LillianF...  à  diverses  reprises,  dans  les  maisons  qu'elle  habita  suc- 
cessivement, eut  à  souffrir  de  véritables  hantises,  dès  son  enfance. 
Dans  une  vieille  maison  de  Memphis  (Tarn),  les  portes  s'ouvraient  ; 
il  y  avait  des  coups  sur  les  fenêtres,  sur  les  miroirs,  sur  les  lits.  On 
entendait  de  lourds  pas  dans  le  hall.  Lillian  F...  et  sa  mère  enten- 
daient également  ces  bruits,  et  en  étaient  terrifiées.  A  Maryland 
aussi  il  y  eut  des  phénomènes  analogues  constatés  par  d'autres  per- 
sonnes que  Lillian  F...,  aussi  bien  à  La  Fayette  Street  (Baltimore), 
qu'à  Memphis,  à  Maryland  et  à  New-York. 

Macl.  Mary  Savage2,  rentrant  dans  sa  chambre  pour  se  coucher,  a 
entendu  des  bruits  frappant  le  lit,  qui  devinrent  bientôt  assez  vio- 
lents, et  qui  semblèrent  l'entourer  par  des  sortes  de  cercles  se  mou- 
vant concentriquement  autour  d'elle.  Ce  mouvement  en  forme  de 
spirale  s'étendit  à  ses  vêtements  qui  tournaient  violemment  autour 
d'elle.  Son  amie,  Mad.  Sarah  Soothywoode,  qui  était  dans  la  chambre 
voisine,  a  entendu  ces  bruits  terribles  (atremendousnoisé),  de  sorte 
qu'il  ne  peut  être  supposé  qu'il  s'agit  d'une  hallucination. 

Ada  Sinclair3  a  rapporté  des  phénomènes  de  télékinésie  et  de 
hantises  dont  le  détail  est  intéressant.  Il  s'agissait  d'expériences  de 
typtologie,  de  sorte  que  ce  ne  sont  pas  tout  à  fait  des  phénomènes 
accidentels,  puisqu'ils  se  produisent  dans  le  cours  d'expériences 
spiritiques.  Mad.  L...,  une  amie  d'ADA  Sinclair,  était  présente. 
Des  objets  furent  arrachés  du  mur,  jetés  avec  violence.  Un  vase  de 
porcelaine  fut  lancé  par  terre  et  se  brisa.  Dans  d'autres  occasions, 
en  présence  d'autres  personnes,  de  petits  objets,  allumettes  et 
épingles,  furent  mis  en  mouvement.  Les  épingles  se  fixaient  dans 
les  vêtements  et  dans  les  murs.  Quoique  les  phénomènes  fussent 
accentués  surtout  quand  Mad.  L...  était  là,  ils  se  produisaient 
encore,  même  quand  Mad.  L...  s'était  retirée  dans  la  chambre  voi- 
sine. 

1.  Carrington.  The  problems  o,  psychical  Science,  London,  1914,  p.  341. 

2.  Carrington,  Op.  cit.,  loc.  cit.,  288. 

3.  Carrington,  Loc.  cit.,  p.  306. 


742  METAPSYCHIQUE    OBJECTIVE 

Le  comte  de  LARMANDiEapubliéle  récit  d'une  hantise  observée  par 
lui  en  son  château  de  la  Sudrie  l. 

Un  morceau  de  bois  qui  gisait  dans  l'angle  d'une  chambre  vint 
tomber  aux  pieds  du  comte  et  de  sa  sœur,  après  avoir  frappé  le  pla- 
fond. A  plusieurs  reprises  il  bondit,  et  alla  heurter  la  porte,  le  par- 
quet, les  murailles.  Les  phénomèues se  produisirent  même  en  plein 
jour.  Quand  le  comte  ou  ses  sœurs  entraient  dans  les  chambres 
hantées,  ils  étaient  précédés  par  une  pluie  de  petites  pierres. 

Le  fait  suivant  n'a  été  raconté  que  longtemps  après  qu'il  s'est  pro- 
duit (quarante  ans).  Mais  il  est  resté  absolument  net  dans  la 
mémoire  du  narrateur,  M.  Kouprejanoff,  employé  supérieur  au 
ministère  de  l'Instruction  Publique  en  Russie2.  Étant  jeune  garçon, 
M.  K. . .  entendit,  ainsi  que  sa  mère  et  ses  sœurs,  des  bûches  tomber 
d'un  hangar  où  on  les  avait  remisées.  Tout  le  inonde  se  rendit  là. 
On  alluma  une  lanterne  et  des  chandelles  (trois  chandelles).  Douze 
personnes  successivement  accoururent  pour  voir,  dans  le  hangar 
fermé  à  clef,  successivement  les  huches  tomber,  lancées  contre  le 
mur  à  intervalles  rapprochés.  Ce  bombardement  dura  près  de  qua- 
rante minutes  ;  les  bûches  lancées  veùaient  du  milieu  de  la  pile  de 
bois,  et  cependant  un  homme,  même  très  vigoureux,  n'eût  pu  les 
enlever  des  parties  inférieures  du  tas  de  bois.  Mais  quel' fond 
peut-on  faire  sur  uue  histoire  écrite  après  quarante  ans  ? 

M.  Bristow3  travaillait  avec  deux  camarades  dans  un  atelier  de 
menuiserie.  Soudain  l'un  d'eux  lui  reproche  de  lui  avoir  lancé  un 
morceau  de  bois,  ce  dout  M.  Bristow  se  défendit.  Bientôt  les  lance- 
ments de  bois  se  succédèrent,  frappant  les  unes  et  les  autres  per- 
sonnes présentes.  Du  dehors  rien  ne  pouvait  venir,  car  les  per- 
sienues  étaient  immobiles  et  couvertes  d'une  épaisse  couche  de  pous- 
sière. Bien  plus,  M.  Bristow  a  pu  voir  un  morceau  de  bois,  large  de 
deux  doigts,  qui  s'avançait  vers  lui  en  sautillant,  et  qui,  faisant  un 
bond  de  deux  pieds,  vint  le  frapper  à  l'oreille.  «  Un  morceau  de  bois 
qui  était  par  terre  sauta  brusquement  en  l'air,  et  se  mit  à  danser 

1.  Evraka,  Libr.  du  merveilleux,  cité  par  A.  Erny,  Le  psychisme  expérimental. 

2.  A.  S.  P.,  1899,  IX,  174. 

3.  P.  S.  P.  /?.,  VII,  383,  cité  par  Bozzano,  Loc.  cit.,  186. 


HANTISES   DE    PERSONNES  743 

au  milieu  de  nos  instruments,  sans  que  cependant,  cherchant  à 
mettre  la  main  sur  eux,  nous  puissions  les  atteindre,  car  ils  se 
dérobaient  adroitement  cà  nos  tentatives  pour  les  saisir.  Quelquefois 
ils  s'agitaient  dans  l'air,  comme  animés  d'un  mouvement  de  balan- 
cement ondulatoire.  »  Pendant  six  semaines,  ces  faits  se  reprodui- 
sirent et  furent  constatés  par  diverses  personnes,  Les  morceaux  de 
bois  paraissaient  vivants  et  même  intelligents;  ils  s'amassaient  dans 
un  des  angles  de  l'atelier  en  piles.  C'est  quand  on  les  regardait  le 
moins  qu'ils  s'agitaient  le  plus.  Malgré  la  vitesse  avec  laquelle  ils 
paraissaient  projetés  dans  l'air,  décrivant  des  cercles  et  des  spires 
compliqués,  ils  retombaient  sans  bruit. 

Mad.  H.-E.  Sidgwick,  et  Fr.  Myers,  qui  ont  analysé  avec  grand 
soin  ce  cas  extraordinaire  et  demandé  à  M.  Bristow  des  explications 
détaillées,  rattachent  cette  hantise  à  un  certain  John  Gray,  neveu  du 
propriétaire  del'immeuble,  qui  n'avait  pas  payé  ses  créanciers.  Son 
oncle,  s'appelant  John  Gray  aussi,  ne  les  avait  pas  payés  davantage. 
Une  fois  que  l'oncle  John  Gray  eut  payé  ce  que  devait  son  neveu, 
les  manifestations  cessèrent. 

Évidemment  il  s'agit  ici  d'un  cas  très  complexe  et  d'interpréta- 
tion difficile.  Et  puis,  quoiqu'il  soit  bien  difficile  à  accepter,  il  est 
presque  aussi  difficile  de  contester  les  témoignages  formels  de  Bris- 
ton  (et  de  ses  compagnons). 

A  l'Absie  (Deux- Sèvres)  en  1867,  d'après  les  rapports  de  la  gen- 
darmerie1, il  y  eut  des  pluies  de  pierres  dans  une  maison  fermée. 
Les  rapports  qui  eurent  lieu  à  cet  effet  ont  été  détruits,  paraît-il. 
Nulle  fraude  ne  put  être  découverte.  Le  gendarme  Mousset  a  cons- 
taté :  l°que  les  pierres  tombaient  sans  faire  de  mal  ;  2°  que  la  lampe 
en  verre  qui  était  sur  la  table  fut  enlevée  par  une  grosse  pierre 
et  placée  par  terre,  sans  être  cassée,  ni  éteinte;  3°  que  les 
pierres  tombaient  dans  tous  les  sens  et  n'étaient  aperçues  que  lors- 
qu'elles roulaient  par  terre  ;  4°  que  les  pierres  s'amassaient  dans  la 
chambre,  alors  que  quelqu'un  était  dans  la  cheminée  pour  obser- 
ver, et  qu'il  n'y  avait  pas  le  plus  petit  trou  dans  les  murs  ou  les 
fenêtres. 

Mais  le  témoignage  de  Mousset  est  bien  insuffisant. 

1.  .4.  S.  P.,  189u,  86. 


744  MÉTAPSYCHIQUE   OBJECTIVE 

Il  en  est  de  même  du  cas  de  Oels  (en  Poméranie).  Les  phénomènes 
de  hantise  (lumières,  bruits,  personnage  fantomatique)  ont  été  cons- 
tatés par  divers  témoins  (1916).  Mais  un  magistrat,  ayant  fait  une 
enquête  conclut  qu  il  s'agissait  de  faits  naturels  l,  dus  à  la  super- 
cherie consciente  ou  inconsciente  des  jeunes  enfants  qui  étaient 
dans  la  maison.  Ces  assertious  de  Bohn  ont  été  contredites  énergi- 
quement  par  Derter  (Das  Geheimnis  des  Spukhausen  in  Oels  im 
Lichte  des  Uebersinnlichen'2.) 

A  Niedelsdorf  en  Suisse  M.  Joller,  conseiller  national,  raconte 
que  pendant  douze  jours,  du  15  au  27  août  1862,  sa  maison  fut  le 
théâtre  de  phénomènes  mystérieux.  Des  tables  et  des  chaises  furent 
renversées.  Des  bruits  terribles  ébraulaient  la  maison  de  haut  en 
bas,  comme  par  un  marteau.  Des  objets  furent  enlevés  des  murs, 
des  loquets  furent  arrachés,  des  tableaux  étaient,  sous  nos  yeux, 
dit  M.  Joller,  retournés  contre  les  murs.  Des  pierres  étaient-jetées 
de  tous  côtés,  malgré  serrures  et  verrous.  Ces  choses  étranges 
se  reproduisirent  encore  pendant  six  semaines,  au  grand  jour.  Il  y 
eut  aussi  des  bruits  inarticulés,  des  kirs,  des  chants,  imitations  du 
bruit  de  bois  qu'on  fend,  d'argent  qu'on  compte,  de  montre  qui  se 
remonte.  (Tous  ces  faits  ont  été  décrits  par  M.  Pertv,  professeur  à 
l'Université  de  Berne.  Die  mystischen  Erscheinungen  der  mensch- 
lichen  Natur.) 

Rattachons  aux  phénomènes  de  hantise  les  faits  observés  par  Hec- 
tor Durville  sur  le  jeune  Raymond  Charrier,  âgé  de  quatorze  ans3  (à 
Saint-Sauveur,  Yonne).  On  a  constaté  les  phénomènes  habituels  aux 
hantises  ;  objets  lancés  dans  la  chambre,  matelas  et  literie  jetés  par 
terre,  chaussures  jetées  en  l'air.  Un  jour,  pendant  le  déjeuner,  bom- 
bardement formidable  qui  assaillit  les  assistants  de  toutes  parts. 
M.  Durville  amène  Raymond  chez  lui,  à  Montmorency.  Des  brochures, 
des  livres,  des  ustensiles  de  cuisine  et  les  objets  les  plus  divers  sont 
projetés  de  tous  côtés.  Raymond  sort  ;  il  est  déjà  dans  le  couloir  ;  la 
canne  de  M.  Durville  qui  était  accrochée  au  porte-manteau  est  pro- 
jetée dans  sa  direction  et  tombe  derrière  lui  avec  fracas. 

1.  Psych.  Stud.,  XLVI,  1919,  84;  140. 

2.  A.  S.  P.,  1895,  V,  94. 

3.  Un  cas  très  remarquable  de  phénomènes  médiumniques  spontanés  {A.  S.  P., 
1910,  XXI,  116-124). 


MAISONS    HANTÉES  745 

Pour  que  de  tels  faits  se  produisent,  et  que  Raymond  n'ait  pas  été 
pris  en  flagrant  délit  de  fraude,  il  faut  ou  bien  qu'ils  soient 
vrais  ou  bien  que  M.  Durville  soit  aveugle.  Pourtant  il  ajoute  —  ce 
qui  est  assez  grave  —  «  jamais  je  n'ai  vu  un  phénomène  se  pro- 
duire entièrement  sous  mon  regard.  »  Nous  laissons  donc  à  M.  Dur- 
ville  l'absolue  responsabilité  de  ses  observations  ;  car  les  faits 
qu'il  raconte  n'ont  pas  eu  d'autre  témoignage  que  le  sien. 

M.  J.  Proctor1  a  inscrit  en  son  journal  tous  les  phénomènes  qui 
se  sont  succédé  dans  une  maisou  qui  jadis  avait  été  abandonnée 
par  les  locataires,  à  cause  des  faits  étranges  et  désagréables  qui  s'y 
passèrent.  Dès  que  M.  Proctor  l'a  habitée,  aussitôt  des  bruits,  des 
cris,  des  bruits  de  pas  se  firent  entendre,  que  les  autres  locataires 
purent  aussi  percevoir.  Deux  mois  après,  une  figure  apparut  à  la 
fenêtre  ;  un  autre  soir,  le  gardien,  sa  femme  et  sa  fille,  virent  un 
prêtre  avec  son  étole,  qui  leur  apparut  pendant  dix  minutes.  Puis 
des  coups  furent  frappés  et  pendant  six  mois  se  reproduisirent.  Une 
nuit,  un  ami  de  M.  Proctor,  qui  était  venu  loger  là,  dut  se  lever, 
étant  effrayé  par  la  vue  d'un  fantôme  et  par  des  bruits  épouvan- 
tables. Des  êtres  invisibles  appelaient  par  leurs  noms  les  personnes 
qui  habitaient  la  maison.  Finalement  la  maison  dut  être  abandon- 
née. De  nouveaux  locataires  furent  persécutés  aussi  par  des  bruits 
et  des  fantômes,  de  sorte  que  les  propriétaires  ont  renoncé  à  louer 
cette  habitation. 

Il  paraît  qu'à  l'École  militaire  de  Ypanema  (Brésil)  il  se  serait  pro- 
duit en  mai  1914  des  faits  de  hantise.  Des  objets  divers,  assiettes, 
tasses,  soucoupes,  étaient,  comme  par  une  main  invisible,  lancés 
avec  une  grande  force  dans  la  pièce.  Cela  fut  constaté,  dit  le  Diario 
de  Sorocaba,  par  tous  les  officiers  et  le  colonel  de  l'École.  Mais  il 
semble  aussi  que  ce  fut  passager;  une  commission  scientifique  ne 
put  rien  voir  ni  constater.  Le  fait  reste  donc  extrêmement  douteux2. 

Une  question,  intéressante  au  point  de  vue  pratique,  se  pose  à 
présent.  Elle  est  bien  discutée,  avec  documents  à  l'appui,  par  Zinga- 

1.  A.  S.  P.,  décembre  1892;  Lombroso,  Loc.  cit.,  259. 

2.  Merveilleux  phénomènes  spontanés  à  l'Ecole  de   Ypanem     [A.  S.   P.,  avril 
1916,  70-72). 


746  MËTAPSYGHIQUE    OBJECTIVE 

bopoli1.  Est-ce  que  la  hantise  d'une  maison  constitue  un  droit  à  la 
résiliation  d'un  bail?  Le  Parlement  de  Bordeaux  avait  jadis  décidé 
pour  l'affirmative.  Il  y  eut,  de  nos  jours,  plusieurs  procès  à  cet  elïet 
en  1915,  en  Altavilla  (Italie),  en  1907  à  Naples.  en  1896  à  Naples 
encore,  en  1907  àEgham  (Angleterre).  Dans  ce  dernier  cas  il  s'agis- 
sait d'une  habitation  d'Egham,  louée  par  Stephen  Philips,  poète  et 
auteur  dramatique  renommé.  M.  Stephen  Philips  se  plaignait  que 
pendant  la  nuit  des  coups  ébranlaient  les  murs  et  les  portes.  Des 
figures  apparaissaient  dans  les  corridors  et  les  escaliers.  Cette  mai- 
son avait  déjà  été  signalée  comme  étant  hantée.  Lesjouruaux  Daily 
Mail  et  Light,  qui  avaient  parlé  de  ces  faits,  furent  poursuivis  et 
condamnés  à  une  amende  pour  avoir  déprécié  la  valeur  locative  de 
la  villa.  Mais  en  appel  ils  furent  acquittés;  car  il  fut  établi  que  la 
hantise  de  la  villa  était,  au  moment  de  la  location,  de  notoriété 
publique1. 

A  Ancone  en  1903  2  le  procureur  du  Roi,  M.  Mabbacino,  a  raconté 
qu'il  a  été  le  témoin,  avec  ses  deux  fils,  qui  sont  avocats,  de  faits 
singuliers,  caractérisés  surtout  par  des  jets  de  liquide.  Pendant  la 
nuit,  de  l'eau  remplissait  les  chapeaux;  pendant  le  jour,  de  l'eau 
était  jetée  sur  les  lits.  Des  ingénieurs  ont  examiné  les  murs  et  n'ont 
rien  trouvé  d'anormal.  Du  lait,  du  vin,  du  café  au  lait  furent  répandus 
sur  le  plancher.  Dans  un  buffet  qui  était  fermé  à  clef,  des  objets 
furent  enlevés.  Il  paraît  que  les  phénomènes  étaient  dus  à  la  jeune 
fille  de  M.  Mabbacino,  médium  inconscient.  Un  jour  un  livre  se 
souleva  et  alla  la  toucher  à  l'épaule.  (Si  sollevo  e  ando  a  haltère 
sulla  spalla  di  lei,  quindi,  cadde  a  terra  e  cominci  a  saltarellare  (!!), 
comme  mosso  da  una  forza  impulsiva,  percorse  sei  o  sette  volte  la 
caméra  e,  alzandozi  di  nuovo,  ando  ad  applicicarsi  al  muro.) 

Dans  ces  cas,  où  le  phénomène  est  produit  par  uu  médium  gui 
s' ignore  (en  général  un  enfant  très  jeune),  il  n'est  guère  douteux 
que  la  fraude  se  mélange  souvent  à  la  réalité.  Maxwell  a  dit  avec 
raison  qu'à  l'origine  de  ces  manifestations  il  y  a  sans  doute  quel- 
ques phénomènes  véritables,  qui  donnent  à   l'enfant  l'idée  de  les 

1.  Case  infestale  dagli  Spiriti,  Napoli,  1917. 

2.  Lomdkoso,  Ricerche  sui  fenomeni  ipnotici  e  spiritici,  Torino,  1909,  250. 

3.  Bull,  de  V Institut  psychologique,  1905,  376. 


MAISONS    HANTÉES  7i7 

simuler  ensuite.  Presque  toujours  la  mentalité  des  médiums  est 
assez;  instable  pour  expliquer  cette  fraude,  d'autant  plus  que  sou- 
vent ils  ne  se  rendent  pas  bien  compte  de  ce  qui  est  voulu  ou  non 
voulu.  Il  y  a  eu  eux  un  état  incertain  de  conscience  qui  leur  enlève 
beaucoup  de  leur  responsabilité. 

Kerner  a  observé  chez  sa  voyante  de  Prévorst  des  phénomènes 
médianimiques  qui  ressemblent  absolument  à  ceux  des  maisons 
hantées,  de  sorte  qu'il  paraît  difficile  de  dissocier  toutes  les  mani- 
festations qui  eurent  lieu  alors  :  tout  un  ensemble  anormal,  qui  cou- 
fiue  à  la  pathologie  :  hypnotisme,  léthargie,  cryptesthésie,  prémoni- 
tions, télékinésie  expérimentale,  télékinésie  des  maisons  hantées. 
«  Il  y  eut,  dit  Kernek,  des  coups,  des  bruits  simulant  des  lance- 
ments de  pierres.  Une  fois,  une  table,  sans  contact  visible, 
traversa  la  chambre  en  faisant  des  bonds  ;  des  plats  d'étain 
furent  lancés  à  travers  la  cuisine.  Ces  récits,  ajoute-t-il,  m'eus- 
sent fait  sourire  (de  pitié)  si  je  n'avais  pas  été  le  témoin  oculaire  de 
ces  faits.  » 

Quelque  invraisemblables  qu'ils  paraissent,  je  crois  qu'il  serait 
téméraire  de  les  nier.  Nous  ne  comprenons  pas  ;  nous  n'expliquons 
pas  ;  nous  constatons. 

Le  Dr  Hart  Raines  '  rapporte  un  cas  assez  curieux.  En  jan- 
vier 1911,  trois  jeunes  hommes  furent  envoyés  dans  une  petite 
station  télégraphique  à  Dale  en  Géorgie,  et  prirent  possession  de 
leur  nouveau  domicile.  Mais,  peu  de  temps  après,  ils  s'aperçurent 
qu'ils  ne  pouvaient  pas  en  tenir  la  porte  fermée.  En  dépit  de  toutes 
leurs  tentatives,  même  après  y  avoir  mis  des  clous  et  des  barres  de 
fer,  la  porte  s'ouvrait.  Des  pierres  et  des  objets  étaient  projetés 
dans  la  chambre.  Une  boîte  de  lait  condensé  s'éleva  dans  l'air  et 
passa  dans  la  chambre  sans  qu'il  y  eût  contact.  Une  lanterne  s'éleva 
aussi  toute  seule  dans  l'air  ;  et  elle  se  brisa  contre  le  mur.  Une 
chaise  fut  lancée  par  la  fenêtre  et  tomba  avec  tant  de  force  qu'elle 
se  brisa.  En  présence  de  ces  phénomènes  les  trois  jeunes  hommes 
furent  pris  de  panique.  One  of  them  walked  several  miles  to  the 
nearest  toivn,  to  resign  his  position,  and    he  assured  Dr   Raines 

1.  Cité  par  Barrett,  P.  S.  P.  R.,  XXV   1911,  404. 


748  MÉTAPSYCHIQUE   OBJECTIVE 

nothing  tvould  induce  him  again  to  go  through  the  expérience  lie 
had  suffered. 

M.  Murphy1,  sachant  qu'une  maison  de  Euniscorthy  (Irlande)  pas- 
sait pour  être  hantée,  y  fut  passer  une  nuit  avec  M.  Owen  Davereux, 
dans  la  même  chambre  que  deux  jeunes  gens  qui  habitaient  la  maison. 
Il  semble  que  ce  soit  l'un  d'eux,  M.  Randall,  qui  ait  été  l'agent  des 
phénomènes,  car  c'est  surtout  autour  de  lui  qu'avaient  lieu  les 
bruits  et  les  mouvements  d'objets.  Dans  la  nuit  que  passa  là 
M.  Murphy,  il  y  eut  d'abord  des  bruits  répétés,  de  plus  en  plus 
rapides.  Puis  les  vêtements  de  M.  Randall  lui  furent  enlevés.  Même 
Randall  s'écria  :  «  Tenez-les  ;  tenez-les,  ils  me  quittent  »,  et  il  ajouta  : 
«  I  cannot  hold  them;  they  are  g  oing,  and  I  am  going  wiih  them, 
there  is  something pushing  mefrom  inside,  I  am  going,  I  am  going, 
ïm  gone  ».On  fitde  la  lumière  et  on  aperçut  Randall  baigné  de  sueur 
et  agité  par  une  extrême  frayeur.  D'ailleurs  Randall,  en  l'absence 
de  Murphy,  a  senti  des  phénomènes  étranges  (ainsi  que  son  com- 
pagnon de  chambre,  M.  Sinnett).  Après  avoir  entendu  pendant  toute 
une  nuit  des  bruits  de  pas  précipités,  ils  allumèrent  la  lampe  et 
.alors  :  tohatadded  more  to  our  fright,  dit-il,  was  a  chair  dancing  (!) 
out  to  the  middle  of  the  floor  without  a  thingnear  it.  Son  lit,  comme 
le  lit  de  Sinnett,  s'élevait  en  l'air  !  ! 

Après  que  Randall  eut  quitté  la  maison,  il  ne  s'est  rien  produit 
pour  lui.  Ainsi  il  semble  que  les  phénomènes  n'aient  pu  se  produire 
que  dans  une  localité  déterminée,  alors  qu'une  personne  déterminée 
s'y  trouvait.  Il  serait  important  de  savoir  quel  est  le  degré  de  con- 
fiance qu'on  peut  avoir  en  Randall,  et  jusqu'à  quel  point  il  était 
normal. 

Le  cas  suivant,  encore  qu'il  ne  soit  que  d'intensité  moyenne, 
est  intéressant  parce  qu'il  a  été  l'objet  d'une  investigation  métho- 
dique par  sir  W.  Barrett  lui-même.  Sir  W.  Barrett  passa  plusieurs 
nuits  dans  une  maison  hantée  de  Derrygonnelly  en  Irlande,  à  14  ki- 
lomètres de  Eoniskillen.  Il  semble  que  les  phéoomènes  aient  été 
sous  la  dépendance  de  Maggie,  une  jeune  fille  de  vingt  ans,  la  fille 

1.  Cité  par  Barrett,  Poltergeist,  old  and  new.  P.  S.  P.  R.,  XXV,  1911,  380. 

2.  Barrett,  hoc.  cit.,  397. 


TÉLÉKINÉSIES    ACCIDENTELLES  749 

de  Jack  Flanigan,  le  propriétaire  de  la  maison.  Alors  que  tout  le 
monde  était  immobile,  des  bruits  très  forts  furent  entendus  par- 
tout, dans  les  murs,  les  bois  de  lit,  les  portes.  Une  large  pelle 
tomba  sur  le  lit.  Sir  W.  Barrett  a  entendu  comme  des  coups  de 
marteau  très  forts.  11  a  pu  constater  que  ces  coups  étaient  intelli- 
gents. Quatre  fois  il  a  obtenu  une  réponse  exacte  à  un  cbiffre  (de 

1  à  10),  qu'il  pensait  mentalement  (soit  une  probabilité  de  ,QQ()0  j  • 

Le  cas  suivant1  est  notable  à  maints  égards.  Il  y  eut  des  phéno- 
mènes remarquables  à  Portland  (Oregon)  chez  M.  et  Mad.  Savoyer, 
habitant  546,  Marshall  Street  avec  leur  petit-fils  Elwin  March,  âgé 
de  onze  ans.  Deux  docteurs  en  médecine  et  beaucoup  d'autres  per- 
sonnes virent  de  leurs  propres  yeux  des  mouvements  d'objets 
pesants  se  produire  sans  contact.  Des  chaises,  des  téléphones  se 
déplaçaient  en  plein  jour,  alors  que  personne  n'était  à  côté.  Cepen- 
dant il  n'est  pas  douteux  que  le  jeune  March  ne  se  livrât  à  ces  jeux. 
Le  Dr  Gilbert,  de  Portland,  a  pu  lui  faire  avouer  qu'il  avait  commis 
mainte  supercherie.  Une  enquête  sévèrement  menée  a  semblé  prou- 
ver qu'il  n'y  avait  eu  supercherie  que  plus  tard,  et  que  dans  certains 
cas,  les  mouvements  d'objet  avaient  eu  lieu  quand  March  n'était 
pas  dans  la  chambre.  Il  n'y  a  aucune  absurdité  à  admettre  à  la 
fois  l'authenticité  des  premiers  phénomènes,  et  la  supercherie  du 
jeune  March,  rendue  possible  quand  on  ne  surveillait  pas  ses  mou- 
vements. Mais,  en  tout  état  de  cause,  le  fait  d'une  fraude,  même 
ultérieure,  rend  le  tout  bien  problématique. 

J.  Maxwell,  qui  a  bien  étudié  certains  phénomènes  de  han- 
tise, incline  en  effet  à  penser  —  et  son  opinioD  me  paraît  tout  à 
fait  exacte  —  qu'au  début  les  phénomènes  de  télékinésie  sont  vrais, 
mais  que  le  médium  qui  lésa  produits  spontanément  d'abord,  plus 
tard  les  simule. 

Grasset,  avec  le  Dr  Calmette2,  a  constaté  que  les  déplacements 
extraordinaires  qu'on  observait  dans  une  maison  soi-disant  hantée 
ont  cessé  complètement  jusqu'au  jour  où  le   médium,  jeune  fille 

1.  Journ.  Amer.  S.  P.  R..  novembre  1910. 

2.  Loc.  cit.,  396. 


750  MÉTAPSYCHIQUR   OBJECTIVE 

hystérique  de  quinze  ans,  fut  renvoyée,  et  soignée  pour  son  hystérie 
à  l'hôpital  de  Saint-Eloi  (Montpellier). 

On  trouve  dans  les  A.  S.  P.  le  récit  de  faits  extraordinaires 
constatés  en  1912  par  un  M.  X...  et  son  neveu,  deux  artistes  dont 
l'honorabilité  et  la  bonne  foi  ne  sont  pas  douteuses.  Des  objets  se 
sont  déplacés  tout  seuls;  les  boîtes  de  métal  s'entre-choqueut;  les 
meubles  remuent;  les  clous  s'arrachent  tout  seuls  des  murs  ;  des 
tenailles,  des  pincettes  sont  entendues  montant  tout  seuls  dans 
les  escaliers.  Ceci  se  passait  en  Maine  et-Loire  et  dans  la  Sarthe.  A 
Cannes  un  fait  plus  prodigieux  encore  s'est  passé.  «  Un  petit  bon- 
homme apparut  dans  la  chambre,  qui  avait  la  forme  d'une  clé  dont 
l'anneau  serait  une  chevelure...  Il  venait  sur  le  marbre  de  notre 
table  de  nuit,  avait  l'air  de  s'y  asseoir,  et,  lorsqu'on  voulait  l'attra- 
per, il  s'enfuyait  aussi  vivemeut  qu'une  souris.  Le  second  jour, 
ce  petit  lutin  avait  mis  une  espèce  de  costume  bleu  et  à  gros  pois 
blancs.  Il  arrivait  nous  visiter,  et  sortait  toujours  du  radiateur.  »(!!) 

Il  est  impossible  d'ajouter  foi  à  de  pareilles  histoires  que  M.  X... 
et  son  neveu  ont  illustrées  d'images,  plus  folles  que  les  Mille  et  une 
nuits  les  plus  extravagantes.  Pourtant,  en  fait  de  métapsychique, 
tant  de  phénomènes  étranges  ont  été  niés,  puis  plus  tard  reconnus 
exacts,  que,  malgré  notre  grand  désir  de  nier  formellement  ces 
insanités,  nous  sommes  contraints  de  faire  quelques  timides  réserves 
à  notre  hardie  négation. 

Le  cas  suivant  s'est  passé  dans  la  juuglede  Sumatra  -.  M.  Grotten- 
dieck,  étant  seul  avec  son  boy  indigène,  sous  la  tente,  en  pleine 
jungle,  fut  éveillé  par  des  bruits  de  pierres  tombant  autour  de  lui. 
Alors  il  alluma  sa  lampe,  éveilla  son  boy  qui  dormait  profondément, 
et  lui  dit  d'aller  voir  s'il  n'y  avait  pas  quelque  mystificateur  ou  quel- 
que ennemi.  Pendant  que  le  boy  était  dehors,  les  pierres  conti- 
nuaient à  tomber.  Il  les  voyait  tourner  lentement  eu  décrivant  une 
courbe  parabolique.  Vainement  il  essayait  de  les  arrêter.  Elles 
semblaient  fuir  sa  main.  Quand  le  boy  revint  et  assura  n'avoir 
trouvé  personne,  les  pierres  continuaient  à  tomber.  M.  Grottendiegk 

1.  L'apparition  d'un  étrange  petit  être  au  cours  de  pliénomènes  spontanés,  1919, 
XXIX,  p.  96. 

2.  Voltergeist.  J.  S.  P.  /{.,  XII,  261,  mai  1906. 


TÉLÉKINÉSIES   ACCIDENTELLES  751 

tira  au  hasard  cinq  coups  de  sa  carabine  Mauser  par  la  fenêtre.  Les 
pierres  n'eu  continuèrent  pas  moins  à  tomber.  L'enfant  fut  si 
effrayé  qu'il  se  sauva  dans  la  jungle. 

Dans  uue  lettre  ultérieure,  M.  Grottendieck  écrit  qu'il  est  absolu- 
ment sûr  que  ce  n'est  pas  son  boy  qui  lauçait  les  pierres  ;  mais  il 
incline  à  penser  que  la  lenteur  de  la  chute  des  pierres  n'était  qu'une 
illusion,  une  apparence  ;  car,  pendant  que  le  phénomène  avait  lieu, 
le  temps  lui  semblait  ralenti.  /  feel  now  incline  lo  suggest  that 
Ihere  mi  g  ht  hâve  been  something  abnormal  of  my  own  condition 
atthe  lime. 

Cela  est  extrêmement  probable  ;  et  c'est  probablement  assez  pour 
ne  pas  accorder  quelque  valeur  au  témoignage  de  M.  Grottendieck 

Je  pourrais  multiplier  les  cas  de  Poltergeist  en  citant  les  faits 
nombreux,  anciens  et  modernes,  qu'on  trouve  dans  les  écrits  de 
divers  auteurs.  Mais  il  semble  que  ceux-là  suffisent  pour  établir 
combien  la  question  est  obscure  encore. 

Avant  de  donner  mon  opinion  personnelle,  je  mentionne  les  con- 
clusions que  dans  un  excellent  article  le  professeur  Barrett  for- 
mule sur  les  maisons  hantées  et  les  Poltergeist.  J'abrège1. 

1°  La  fraude  et  l'hallucination  ne.  suffisent  pas  pour  expliquer 
tous  les  phénomènes  ; 

2°  Les  bruits,  mouvements  d'objets  et  autres  phénomènes  phy- 
siques, semblent  être  en  quelque  rapport  avec  une  intelligence  invi- 
sible, qui,  malgré  sou  imperfection,  a  quelque  ressemblance  avec 
notre  intelligence  humaine  ; 

3°  Ces  phénomènes  sont  le  plus  souvent  associés  à  une  personne 
ou  à  une  localité,  de  sorte  qu'un  point  d'appui  semble  nécessaire  à 
leur  production; 

4°  Ces  phénomènes  sont  sporadiques  et  temporaires,  durant  de 
quelques  jours  à  plusieurs  mois,  apparaissant  et  disparaissant  sou- 
dainement sans  cause  connue. 

§  4.  —  CONCLUSIONS 
A  vaut  tout,  ce  qui  importe,  c'est  de  savoir  si  les  faits  sont  vrais. 

1.  Poltergeist,  old  and  new,  P.  S.  P.  R.,  XXV,  1911,  377. 


752  MÉTAPSYCHIQUE   OBJECTIVE 

En  présence  de  ces  phénomènes  extravagants,  la  discussion  théo- 
rique est  de  médiocre  importance. 

Or  les  témoignages  sont  trop  précis  pour  qu'il  soit  possible  de 
tout  nier.  Beaucoup  de  ces  cas,  môme  sévèrement  examinés,  éta- 
blissent qu'il  y  a  eu  des  mouvements  d'objet  sans  contact,  et  sur- 
tout des  bruits  dont  aucune  explication  mécanique  ordinaire  ne  peut 
rendre  compte.  N'est-il  pas  absurde  de  supposer  que,  pendant  des 
semaines  et  des  mois,  plusieurs  individus,  maîtres  d'eux-mêmes, 
conscients,  responsables,  surveillant  scrupuleusement  l'habitation 
soi-disant  hantée,  out  vu  des  choses  qui  n'existaient  pas,  ont 
entendu  des  bruits  retentissants,  effrayants,  que  nul  être  vivant 
ne  produisait.  S'il  s'agissait  d'un  seul  cas,  et  d'une  seule  personne, 
on  pourrait  croire  à  une  hallucination  ou  à  une  illusion.  Mais 
c'est  là  une  explication  enfaDtine.  On  dit  hallucination,  pour  se 
débarrasser,  par  un  mot  très  commode,  d'un  fait  inhabituel  qui 
trouble  notre  quiétude.  Le  procédé  est  vraiment  par  trop  simpliste. 

Hallucination  collective,  dit-on  encore.  Mais  il  n'y  a  pas  d'hallu- 
cinations collectives.  Les  aliénistes  ne  connaissent  pas  ce  phéno- 
mène. 

Je  n'ignore  pas  que  les  hystériques,  dans  un  couvent,  ont  par- 
fois raconté  des  choses  extraordinaires  que  les  unes  et  les  autres 
auraient  vues  ;  je  sais  aussi  que  les  menteries  des  hystériques 
mythomanes  constituent  une  bonne  part  de  leur  psychologie,  mais 
il  n'est  pas  question  ici  de  religieuses  et  d.'hystériques. 

Peut-être  cependant  serait-il  sage  de  limiter  les  faits  de  hantise 
à  des  faits  de  télékinésie  accidentelle. 

La  télékinésie  expérimentale  a  été  amplement  démontrée.  Alors 
pourquoi  ne  pas  admettre  que  les  phénomènes  qui  se  produisent 
dans  les  maisons  hantées  sont  du  même  ordre  ;  et  qu'ils  sont  des 
télékinésies  accidentelles  ?  Ce  n'est  ni  plus  ni  moins  merveilleux. 

La  similitude  saisissante  des  phénomènes  constatés  en  Nor- 
mandie, en  Irlande,  en  Ecosse,  en  Géorgie,  en  Russie,  en  Italie,  en 
Sicile,  prouve  qu'il  y  a,  même  pour  ces  faits  inhabituels,  des  con- 
ditions précises  qui  se  répètent.  S'il  s'agissait  de  pures  fantaisies, 
jamais  les  récits  ne  pourraient  être  si  concordants. 

En  réalité,  tout  se  tient  dans  la  métapsychique.  Jadis,  de  1885  à 
1895,  les  membres  de  la  S.  P.  R.  avaient  tendance  à  n'accepter 


HANTISES.    CONCLUSION  753 

comme  démontrée  que  la  télépathie,  et  à  nier  aussi  bien  la  clairvo- 
yance (cryptesthésie  sans  télépathie)  que  les  phénomènes  physiques. 
Podmore,  en  particulier,  était  arrivé  à  cette  conclusion  qu'il  n'y  a 
que  la  télépathie.  Mais  peu  à  peu  il  a  fallu  à  nos  savants  collègues 
de  la  S.  P.  R.  admettre  successivement  la  clairvoyance  et  les  phé- 
nomènes physiques.  Comment,  sans  être  volontairement  aveugle, 
nier  les  faits  produits  par  Home  et  par  Eusapi\  ? 

Donc,  puisqu'il  y  a,  à  n'en  pas  douter,  télékiuésie  expérimentale, 
on  doit  admettre,  au  moins  comme  possible,  la  télékinésie  acciden- 
telle. 

D'ailleurs,  ce  n'est  pas  l'hypothèse  de  l'hallucination  qui  est  la 
principale  objection  à  la  télékiuésie  accidentelle;  c'est  l'hypothèse 
de  la  supercherie.  On  dit  que.  s'il  y  a  des  bruits  étranges,  et  des 
mouvements  d'objets  sans  contact,  c'est  qu'un  enfant  vicieux  et 
malicieux  réussit  à  produire  ces  désordres  qui  l'amusent,  et  par 
lesquels  il  se  plaît  à  mystifier  les  curieux.  Mais  on  ne  peut  pas, 
sauf  exception,  adopter  cette  hypothèse  de  la  mystification;  car 
dans  la  plupart  des  cas  on  se  méfiait  intensivement1. 

Je  me  souviens  de  la  parole  naïve  qu'on  me  disait  un  jour. 
«  Avez-vous  songé,  me  dit-on,  que  vous  avez  pu  être  mystifié?  »  De 
fait  cette  crainte  de  la  mystification  a  été  le  souci  presque  unique 
ou,  pour  mieux  dire,  unique,  de  toutes  mes  expériences.  Alors  je 
ne  puis  m'imaginer  que,  dans  une  maison  hantée,  quand  retentissent 
des  bruits  stridents,  des  cris  aigus,  et  que  les  portes  se  ferment  et 
s'ouvrent  avec  fracas,  les  habitants  de  la  maison,  gens  honorables  et 
intelligents,  ont  un  autre  souci  que  de  savoir  s'ils  ont  affaire  à 
quelque  farceur  qui  se  moque  d'eux  ou  à  quelque  malfaiteur  qui 
tâche  de  les  dévaliser. 

L'hallucination  et  la  mystification  sont  deux  hypothèses,  insuf- 
fisantes dans  bien  des  cas,  qu'on  admet  quand  on  ne  veut  pas 
reconnaître  les  faits  :  car  on  ne  veut  pas  les  reconnaître,  on  se 
refuse  à  accepter  un  phénomène  inhabituel.  Et  cependant  il  y  a  de 
l'inhabituel. 

1.  On  jugera  de  la  sévérité  (justifiée)  dans  l'investigation  des  phénomènes  en 
lisant  la  critique  qu'a  donnée  Kit.  Podmohe  (P.  S.  P.  R.,  XV,  98)  du  livre  de  miss 
Goodrich  FuEciii  et  du  marquis  de  Bute.  T/te  alleged  haunting  of  B  llouse,  inclu- 
ding  a  journal  kept  during  the  tenancy  of  colonel  TAYi.on,  London,  Redwey, 
1899. 

Ric.het.  —  Métapsycbique.  48 


754  MÉTA.PSYGHIQUE    OBJECTIVE 

Une  fois  les  faits  reconnus,  il  faut  chercher  à  les  expliquer.  Mais 
tout  de  suite  ils  nous  déroutent  par  leurs  étranges  allures. 

Quand  c'est  un  fantôme  qui  apparaît,  il  semble  bien  qu'on  puisse 
rattacher  le  phénomène  à  un  événement  tragique  ancien,  ou  môme 
à  une  préoccupation  du  mort,  préoccupation  qui  a  survécu  à  la 
mort.  On  est  tenté  de  supposer  une  volonté  du  défunt  de  faire 
quelque  chose,  de  révéler  sa  présence.  Mais  c'est  probablement  une 
conception  étroitement  anthropomorphique.  Et,  plutôt  que  de  sup- 
poser à  une  conscience  humaine  (dont  la  survie  est  problématique) 
des  intentious  humaines  (d'un  symbolisme  très  vague),  j'aime  mieux 
sans  aucune  fausse  honte  dire  que  je  ne  comprends  pas.  Donc  je 
préfère  rester  dans  l'indécision,  tout  en  faisant  remarquer  que  cette 
indécision  ne  porte  pas  sur  le  fait  lui-même,  mais  sur  son  inter- 
prétation.. 

Les  lancements  de  pierres,  les  vaisselles  brisées,  les  objets 
qui  se  déplacent,  les  portes  qui  claquent,  les  bruits  terrifiants, 
tout  cela,  à  notre  point  de  vue  humain,  est  tellement  absurde  que 
les  hypothèses  sur  les  intentions  des  forces  qui  déterminent  ce 
branlebas  de  nos  objets  domestiques,  sont  ridicules,  et  ne  méritent 
pas  qu'on  s'y  attarde. 

En  somme  —  loin  de  toute  hypothèse  —  on  peut  résumer  ainsi 
les  faits  qui  se  dégagent  de  cette  étude  sur  les  hantises  : 

1°  En  certaines  localités  des  fantômes  apparaissent,  parfois  à  plu- 
sieurs personnes  successivement  ou  collectivement,  qui  gardent 
des  formes  qui  sont  toujours  les  mêmes,  pendant  des  semaines  et 
même  des  mois. 

Voilà  une  première  affirmation  qui  n'est  pas  bien  établie  encore, 
et  un  doute  scientifique  est  nécessaire. 

2°  En  certaines  maisons,  mais  en  général  sans  qu'il  y  ait  de  fan- 
tôme perceptible,  il  se  produit  des  bruits,  des  mouvements  d'objets, 
que  nous  ne  pouvons  expliquer  rationnellement.  Le  plus  souvent 
les  phénomènes  sont  sous  la  dépendance  d'une  personne  qui  joue 
alors,  peut-être  sans  le  savoir  et  sans  le  vouloir,  le  rôle  d'un 
médium.  De  même  qu'un  médium,  dans  une  séance  spiritique,  fait 
que  des  meubles,  des  chaises,  des  boîtes  à  musique,  se  déplacent, 
de  même  les  médiums  (qui  s'ignorent)  des  maisons  hantées,  font 


HANTISES.     CONCLUSION  755 

que  les  pierres  tombent  autour  d'eux,  et  que  des  coups  violents 
ébranlent  les  murailles. 

C'est  là  une  seconde  affirmation  qu'il  me  paraît  impossible  de 
contester. 

Autrement  dit  la  plupart  des  phénomènes  de  hantise  sont  des 
télékinésies  spontanées.  Mais,  autant  la  télékinésie  expérimentale 
est  établie  sur  des  preuves  indiscutables,  autant  la  télékinésie 
spontanée,  s'appuyant  sur  des  témoignages  relativement  rares  et 
fragiles,  mérite  d'être  soumise  encore  à  une  critique  rigoureuse. 
On  ne  peut  pas  nier  les  phénomènes  de  hantise;  on  doit  même  dire 
qu'ils  sont  très  probables.  Mais  dire  qu'ils  sont  probables  signifie 
qu'ils  n'ont  pas  de  certitude.  De  sorte  que,  de  tous  les  phénomènes 
métapsychiques,  ce  sont  les  plus  contestables. 

Même  nous  serions  contraints  de  les  nier  résolument,  si  nous 
n'avions  pas  pour  les  appuyer  les  faits,  absolument  certains,  d'ec- 
toplasmies,  de  prémonitions,  des  télékinésies  et  de  monitions. 


LIVRE  QUATRIEME 
CONCLUSION 


I 


Me  voici  arrivé  au  terme  de  cette  longue  étude.  J'ai  essayé,  tout 
en  faisant  une  place,  trop  large  peut-être,  à  mes  recherches  person- 
nelles, de  réunir  les  documents  confusément  disséminés  dans  les 
divers  recueils,  de  mettre  un  peu  d'ordre  dans  ce  qui,  jusqu'à  pré- 
sent, n'avait  guère  fait  l'objet  d'une  étude  synthétique.  J'ai  tâché 
de  faire  sortir  du  chaos  ces  sciences  dites  occultes,  jadis  déclarées 
maudites,  que  nos  sciences  classiques,  fières  de  leur  popularité  et 
de  leurs  antiques  démonstrations,  se  refusaient  à  respecter.  Le 
moment  m'a  paru  venu  de  donner  à  la  métapsychique  une  place 
parmi  les  vieilles  sciences,  en  lui  imposant  la  rigueur,  l'autorité  et 
la  logique  qui  font  la  force  des  vieilles  sciences. 

Les  savants  seront  surpris,  peut-être  indignés.  Mais,  s'ils  ont  la 
sagesse  (qui  me  paraît  élémentaire)  de  consentir  à  entreprendre 
cette  laborieuse  lecture,  ils  seront  forcés  de  se  rendre  à  l'évidence. 

On  a  pu  se  rendre  compte,  en  lisant  ce  livre,  de  mes  intentions. 
J'ai  voulu,  en  éliminantautant  que  possible  tout  ce  qui  étaitnotoire- 
ment  incertain,  et  en  indiquant  expressément  mes  cloutes  lors  de 
telles  ou  telles  expérimentations,  présenter  des  faits  et  des  expé- 
riences, c'est-à-dire  les  vrais  et  seuls  fondements  de  toute  science. 
Finalement  il  m'a  paru,  comme  il  paraîtra  sans  doute  à  tout  lec- 
teur impartial,  qu'il  y  a  trop  de  faits  bien  constatés,  trop  d'expé- 
riences rigoureusement  poursuivies,  pour  qu'on  puisse,  toujours 
et  sans  exception,  pour  tous  ces  faits  et  pour  toutes  ces  expé- 
riences, admettre  le  hasard,  l'illusion,  la  fraude. 

Mais,  comme  il  s'agit  de  faits  très  étranges,  d'expériences   qui 


CONCLUSION  757 

paraissent  heurter  les  dogmes  scientifiques  actuels,  nos  affirma- 
tions vont  soulever  tantôt  des  critiques  violentes,  tantôt  des  incré- 
dulités railleuses.  C'est  le  sort  de  toutes  les  idées  neuves,  et  je 
ne  m'en  émeus  guère.  Je  voudrais  seulement  —  et  ce  n'est  pas 
être  très  exigeant —  qu'on  ne  me  condamnât  pas  avant  de  m  avoir 
lu.  Ce  n'est  pas  pour  avoir  feuilleté  distraitement  un  ouvrage  résu- 
mant les  travaux  de  deux  cents  probes  et  habiles  travailleurs, 
qu'on  peut  se  former  une  opinion  réfléchie,  sérieuse,  digne  d'es- 
time. Je  dirais  volontiers  aux  critiques,  comme  jadis  Thémistoclb  : 
«  Frappe,  mais  écoule». 

Ce  qui  me  trouble  davantage,  c'est  que,  dans  le  camp  opposé  à 
celui  des  sceptiques,  je  trouverai  une  opposition  très  violente.  Eu 
effet,  d'une  part,  j'ai  voulu  relater  beaucoup  des  faits  surprenants 
que  les  spirites  admettent,  et  d'autre  part  je  n'ai  pu  adopter  leurs 
théories;  car  j'ai  toujours  cherché  l'explication  terre  à  terre,  ratio- 
naliste, même  quand  cette  explication  rationaliste  était  peu  vrai- 
semblable. C'est  là  ce  qui,  très  franchement,  me  cause  une  cer- 
taine angoisse. 

Dans  nombre  de  cas  l'hypothèse  spirite  est  manifestement 
absurde.  Absurde  parce  qu'elle  est  inutile.  Absurde  parce  qu'elle 
suppose  des  êtres  humains,  de  très  médiocre  intelligence,  survivant 
à  la  destruction  du  cerveau.  Tout  de  même,  dans  certains  cas,  — 
d'ailleurs  rares,  mais  dont  je  ne  me  dissimule  nullement  l'importance 
—  il  y  a,  au  moins  en  apparence,  des  forces,  des  volontés,  des 
intentions,  intelligentes  et  raisonnées,  dans  les  phénomènes  qui  se 
produisent  ;  et  l'impulsion  a  tout  à  fait  les  caractères  d'une  impul- 
sion étrangère  (v.  p.  451). 

Alors  l'explication  spirite  paraît  beaucoup  plus  simple  ;  ou,  si 
l'on  ne  veut  pas  de  l'hypothèse  spirite,  l'hypothèse  qu'il  y  a  des 
êtres  intelligents  intervenant  dans  notre  vie,  et  capables  d'exercer 
quelque  action  sur  la  matière. 

Je  n'ai  pas  cherché  à  atténuer  la  portée  de  ces  faits  ;  mais  je  ne 
puis  tout  de  même  adopter  la  conclusion  qu'il  y  a  des  esprits,  des 
intelligences  en  dehors  de  l'intelligence  humaine.  Ma  conclusion 
sera  toute  différente.  C'est  que  la  personne  humaine  a  des  res- 
sources que  noies  ne  connaissons  pas,  tant  matérielles  que  psycho- 
logiques. 


758  CONCLUSION 

Et,  comme  cette  hypothèse  ne  me  satisfait  guère,  je  dirai,  eu  con- 
clusion dernière,  que  uous  sommes,  dans  l'état  actuel  de  notre 
science,  hors  d'état  de  comprendre. 

II 

Nous  évoluons  dans  l'incounu.  Pourtant  nous  avons  pu  mettre 
hors  de  doute  ces  deux  grands  faits  : 

1°  L'intelligence  humaine  a  d'autres  sources  de  connaissance  que 
les  sens  normaux,  cryptesthésies. 

2°  Il  y  a  des  matérialisations,  c'est-à-dire  des  forces  qui,  émer- 
geautdes  corps,  peuvent  prendre  forme,  et  agir  alors  comme  si  elles 
étaient  des  masses  matérielles  :  eetoplasmies. 

Il  ne  me  paraît  pas  qu'on  puisse  aller  plus  loin  que  la  cryptes- 
thésie  et  l'ectoplasmie,  à  moins  de  se  perdre  dans  les  nuées. 

Que  d'histoires  ai-je  entendues,  racontées  par  des  témoins  de 
bonne  foi  irréprochable  !  Mais  ils  avaient  observé  avec  plus  d'en- 
thousiasme que  de  critique.  Or,  quand  il  s'agit  de  faits  hautement 
invraisemblables,  il  ne  faut  pas  se  contenter  d'une  demi-preuve, 
d'une  expérience  presque  satisfaisante,  d'une  conclusion  presque 
certaine.  Je  n'ai  pas  donné  place  dans  mon  livre  à  ces  allégations, 
encore  que  j'aie  lieu  de  croire  que  souvent  elles  sont  fondées.  Je 
n'ai  pas  voulu  m'arrêtera  des  récits  problématiques,  de  sorte  que, 
si  quelques-uns  me  trouvent  trop  facile,  beaucoup  me  trouveront 
trop  sévère. 

Les  mouvements  sans  contact,  la  clairvoyance,  les  fantômes,  les 
prémonitions  sont  phénomènes  tellement  inhabituels  que  nous 
sommes  tout  d'abord,  quand  on  nous  en  parle,  portés  à  en  rire. 
Avant  d'avoir  étudié,  nous  rions  et  nous  nions.  Nous  rions  sans 
examen  ;  sans  discussion,  nous  nions.  Ce  fut  mon  état  d'âme  pen- 
dant longtemps,  comme  ce  fut  celui  de  William  Crookes,  de  Loh- 
broso,  de  Russell  Wallace,  de  Zôllner,  d'ÛLivER  Lodge,  de  Mokselli, 
de  Bottazzi.  Aussi  ne  serai-je  pas  étouué  si  le  récit  de  pareils  faits  pro- 
voque l'incrédulité  et  la  raillerie.  On  se  moquera  d'autant  plus  qu'où 
aura  moins  attentivement  lu. 

D'ailleurs  ce  ne  sont  guère  les  raisonnements  qui  nous  convain- 
quent. Une  démonstration  mathématique,  même  irrépruchable,  ne 


CONCLUSION  759 

nous  persuade  pas l.  Il  nous  faut,  pour  admettre  un  phénomène,  être 
habitué  à  ce  phénomène. 

III 

Peut-être  —  et  je  m'en  accuse  —  u'eussé-je  pas  été  convaincu  par 
les  expériences  innombrables  que  d'éminents  savants  avaient 
publiées,  si,  pour  les  quatre  phénomènes  fondamentaux  de  la 
métapsychique,  je  n'avais  pas  été  le  témoin,  témoin  peu  enthou- 
siaste, témoin  sévère,  témoin  révolté,  témoin  défiant  à  l'extrême, 
de  faits  s'imposant  à  moi.  J'ai  pu  coûstater,  dans  des  conditions 
irréprochables,  et  malgré  mon  désir  de  les  nier,  la  réalité  des 
quatre  phénomènes  essentiels  de  la  métapsychique. 

Ces  quatre  expériences  personnelles,  qui  toutes  les  quatre  en- 
traînent l'évidence,  ont  déterminé  ma  conviction,  et  cela  non  pas 
tout  de  suite,  mais  à  la  longue,  après  réflexion,  méditation  et  répé- 
tition. 

A.  Cryptesthésie.  —  Stella,  en  présence  de  G...  dont  elle  ne  con- 
naît pas  et  ne  peut  pas  connaître  la  famille,  dit  les  prénoms  du  fils 
de  G...,  de  sa  femme,  d'un  frère  qui  est  mort,  d'un  frère  qui  est 
vivant,  d'un  beau-père,  et  delà  localité  où  G...  habitait  en  son 
enfance. 

B.  Télékinèsie .  —  Alors  que  je  tiens  les  deux  mains  et  la  tète 
d'EusAPiA,  un  gros  melon,  de  trois  kilos  environ,  est  transporté 
du  buffet  à  la  table,  la  distance  étant  de  plus  d'un  mètre  entre  le 
buffet  et  la  table. 

C.  Ectoplasmie.  —  Eusapia,  en  demi-lumière,  a  ses  deux  mains 
dans  les  miennes,  sa  main  gauclie  dans  ma  main  droite,  sa  main 
droite  dans  ma  main  gauche.  Pendant  que,  devant  Lodge,  Mvers  et 
Ochorowicz,  je  lui  tiens  solidement  et  irréprochablement  les  deux 
mains,  une  troisième  grosse  main  me  caresse  la  joue,  me  pince  le 
nez,  me  tire  les  cheveux  et  me  donne  sur  l'épaule  une  tape  qu'en- 
tendent Ochorowicz,  Myers  et  Lodge. 

1.  M  Thiers,  ayant  voulu,  sur  ses  vieux  jours,  prendre  des  leçons  de  mathé- 
matiques, se  rebilïa  lorsque  son  professeur  lui  démontra  que  le  plan  de  section 
d'un  tronc  de  cône,  quel  qu'en  soit  l'angle  avec  la  hauteur,  détermine  une 
ellipse  régulière.  «  Ce  nJest  pas  possible,  dit-il.  Quand  on  coupe  obliquement  un 
pain  de  sucre,  il  y  ;i  à  l'ellipse  un  gros  bout  et  un  petit  bout.  »  Il  fallut,  pour  le 
convaincre,  l'aire  devant  lui  la  section  d'un  pain  de  sucre  véritable. 


7G0  CONCLUSION 

D.  Prémonition.  —  Alice,  à  14  heures,  me  dit,  pour  la  première 
et  unique  fois,  que  je  vais  bientôt  me  livrer  à  une  violente  colère 
devant  une,  deux,  trois  personnes  qu'elle  indique  avec  la  main, 
comme  si  elle  les  voyait.  A  18  heures,  par  l'acte  brutal  (invrai- 
semblable et  imprévoyable)  d'une  personne  absolument  inconnue 
à  Alice,  je  suis  provoqué,  devant  deux  personnes,  à  entrer  dans 
une  des  plus  violentes  (et  légitimes)  colères  de  toute  ma  vie,  colère 
qui  a  motivé  une  demande  en  duel,  la  seule  que  j'aie  jamais  reçue. 

Ces  quatre  expériences  sont  suffisantes,  parleur  précision  et  leur 
impeccabilité,  pour  me  commander  sinon  la  conviction;  au  moins 
un  commencement  de  conviction.  A  vrai  dire,  j'ai  reçu  bien 
d'autres  preuves,  ainsi  qu'on  a  pu  le  constater  en  lisant  ce  livre, 
mais  dans  ce  résumé  je  ne  cite  que  les  plus  caractéristiques  pour 
chaque  type. 

IV 

Or  ces  quatre  expériences  individuelles  ne  sont  rien,  absolu- 
ment rien,  à  côté  des  multiples  preuves  qui  ont  été  apportées 
par  quantité  d'autres  savants.  On  ne  bâtit  pas  un  édifice  sur 
quatre  petites  pierres,  si  solides  qu'elles  soient.  Le  lecteur  qui 
n'aura  pas  eu,  comme  moi,  l'heureuse  occasion  de  pareilles  expé- 
riences, a  besoin  de  preuves,  sinon  plus  fortes,  au  moins  plus  nom- 
breuses, et  il  lui  faut  d'autres  témoignages  que  le  mien. 

Or  les  témoignages  abondent,  et  les  preuves  sont  innombrables. 

Elles  se  répètent  chaque  jour,  ces  preuves  décisives.  Je  les  ai 
tout  exprès,  dans  ce  livre  qui  est  plutôt  un  amas  de  faits  qu'un 
exposé  de  doctrines,  multipliées  pour  chacun  de  ces  quatre  phéno- 
mènes essentiels,  au  risque  de  fatiguer  et  d'ennuyer.  L'autorité  et 
la  répétition  des  témoignages  et  preuves  font  qu'il  n'est  plus  permis 
de  douter.  La  cryptesthésie,  la  télékiuésie,  l'ectoplasmie,  la  pré- 
monition, me  paraissent  à  présent  établies  sur  des  bases  de  granit, 
c'est-à-dire  sur  plusieurs  centaines  d'observations  précises,  comme 
aussi  sur  plusieurs  centaines  d'expériences  rigoureuses. 

Que  l'on  rencontre  dans  ce  millier  d'observations  et  expériences 
maintes  défectuosités,  lacunes,  erreurs,  illusions  ;  parfois  des  témoi- 
gnages erronés,  parfois  des  supercheries;  plus  souvent  encore  des 
rapprochements  fortuits  ;  très  souvent  des  affirmations  inconsidé- 


CONCLUSION  761 

rées  :  la  chose  est  certaine.  Il  n'est  pas  possible  que  ces  mille 
observateurs  u'aieut  jamais  failli.  Tout  de  même,  l'ensemble  cons- 
titue un  faisceau  puissant  et  homogène  que  quelques  critiques  de 
détails,  si  pénétrantes  qu'on  les  suppose,  ne  pourront  pas  désa- 
gréger. 

Doue  :  1°  il  y  a  eu  nous  une  faculté  de  connaissance  qui  diffère 
absolument  de  nos  facultés  de  connaissance  sensorielles  communes 
(cryptesthésie)  ;  2°  il  se  produit,  même  en  pleine  lumière,  des  mou- 
vements d'objets  sans  coutact  (télékinésie)  ;  3°  il  y  a  des  mains,  des 
corps,  des  objets,  qui  semblent  de  toutes  pièces  se  former  dans  un 
nuage  et  prendre  toutes  les  apparences  de  la  vie  (ectoplasmiej  ; 
4°  il  y  a  des  pressentiments  que  ni  la  perspicacité  ni  le  hasard  n'ex- 
pliquent, et  qui  se  vérifient  parfois  dans  leurs  plus  petits  détails. 

Telles  seront  mes  conclusions  fermes,  formelles.  Je  ne  peux  aller 
au  delà. 


Ainsi  il  me  paraît  que  l'ensemble  delà  métapsychique  est  rigou- 
reusement vrai.  Je  vais  même  jusqu'à  penser  que  bien  des  phéno- 
mènes indiqués  dans  ce  livre  comme  douteux  encore,  —  car,  les 
preuves  ne  m'ayant  pas  paru  assez  rigoureuses,  j'en  ai  nette- 
ment suspecté,  presque  nié  la  réalité,  —  seront  bientôt  recon- 
nus comme  authentiques.  La  métapsychique  ira  beaucoup  plus 
loin  que  je  ne  l'ai  supposé.  Mais  j'ai  voulu  être  très  prudent,  trop 
prudent  peut-être.  Je  n'ai  accepté  que  ce  qui  était  vingt  fois  démon- 
tré et  bien  démontré.  Les  savants  officiels  me  trouveront  certaine- 
ment trop  crédule;  mais, plus  certainement  encore,  lesspirites,  les 
occultistes,  me  trouveront  cruellement  sceptique. 

Pour  croire  que  toute  la  métapsychique  est  une  illusion,  il  fau- 
drait supposer  que  William  Cuookes,  R.  Wallace,  Lombroso,  Zôllner, 
Fr.  Myers,  Oliver  Lodge,  Aksakoff,  J.  Ochorowicz,  J.  Maxwell,  Boct- 
lerow,du  Prel,  William  James,  Morselli,  Bottazzi,  Bozzano,  Flamma- 
rion, A.  de  Rochas,  A.  de  Gramont,  Schrenck-Notzing,  William  Bar- 
rett,  ont  été  tous,  sans  exception,  ou  des  menteurs  ou  des  imbéciles. 
Il  faudrait  supposer  que  deux  cents  observateurs  éminents,  moins 
illustres  que  ceux-là  peut-être,  mais  de  haute  et  sagace  intelli- 
gence, ont  été,  eux  aussi,  ou  des  menteurs  ou  des  imbéciles. 


762  CONCLUSION 


VI 


Pourquoi  d'ailleurs  les  savants,  qu'ils  soient  mathématiciens, 
chimistes  ou  physiologistes,  s'opposeraient-ils  à  la  cryptesthésie 
et  à  l'ectoplasmie  ?  Est-ce  que  ces  faits  nouveaux  sont  en  contra- 
diction avec  les  faits  anciens  ? 

J'insiste  ;  car  on  ne  sait  pas  suffisamment  distiuguer  une  contra- 
diction et  une  affirmation  nouvelle. 

Rien  dans  la  métapsychique  n'est  en  contradiction  avec  la  science 
classique.  Il  ne  s'agit  que  d'affirmations  nouvelles. 

La  psycho-physiologie  enseigne  que  la  connaissance  des  choses 
nous  arrive  par  nos  sens,  que,  si  la  rétine  est  excitée,  il  y  a  une 
sensation  visuelle,  et,  si  la  membrane  de  Corti,  une  sensation 
auditive.  Mais  jamais  la  psycho-physiologie  n'a  essayé  de  démontrer, 
ne  pourra  démontrer,  qu'inhabituelleinent  d'autres  voies  de  con- 
naissances ne  peuvent  pas  exister.  Il  serait  absurde  de  dire  que 
l'excitation  de  la  rétine  ne  produit  pas  une  image  visuelle.  Mais 
il  n'est  pas  absurde  de  soutenir  qu'il  peut  y  avoir  image  visuelle 
sans  excitation  rétinienne. 

En  d'autres  termes,  la  science  établit  des  faits  positifs  —  et  Jà 
elle  est  toute-puissante.  —  Mais,  quant  aux  négations,  elle  n'a  pas 
le  droit  d'en  formuler  une  seule,  car  à  chaque  instant  elle  se  heurte 
à  des  mystères  profonds.  Aussi,  quand  on  apporte  des  faits  nou- 
veaux, appuyés  sur  des  preuves  multiples,  irréfragables,  devant 
ces  faits  positifs  nouveaux  qui  ne  contredisent  nullement  les  faits 
positifs  anciens,  la  science  ancienne  n'a-t-elle  plus  qu'à  s'incliner, 
et  à  accueillir  dans  son  sein  les  vérités  nouvelles. 

Rien  n'est  plus  simple,  à  tout  prendre,  que  la  cryptesthésie:  il 
suffira  d'accepter  cette  hypothèse  élémentaire  qu'il  y  a  dans  notre 
intelligence  des  moyens  de  connaissance  autres  que  nos  cinq  misé- 
rables sens.  Voilà  une  proposition  qui  n'est  pas  bien  hardie,  et  a 
priori  on  ne  peut  la  rejeter.  Il  faudrait  pour  oser  dire  a  priori 
qu'elle  est  impossible,  oser  affirmer  qu'avec  nos  cinq  misérables 
sens  nous  avons  délimité  le  connaissable. 

Pour  la  télékinésie,  pour  l'ectoplasmie,  il. en  est  de  même.  Il 
suffit  de  supposer  qu'il  existe,  daus  le  vaste  Kosmos,  des  forces 


CONCLUSION  163 

intelligentes  (humaines  ou  non  humaines)  qui  sout  capables  d'agir 
sur  la  matière.  Cette  hypothèse  de  forces  iutelligeutes  inconnues 
n'est  pas  bien  téméraire.  Ce  qui  est  téméraire,  ce  n'est  pas  de  sup- 
poser que  ces  forces  existent,  mais  d'affirmer  qu'elles  n'existent  pas. 

Quel  savant,  digne  d'être  appelé  un  savant,  pourrait  affirmer 
que  la  science  a  classé,  Catalogué,  étudié,  analysé,  pénétré,  toutes 
les  forces  de  l'immense  Nature.  Étrange  prétention  que  de  croire 
connaître  toutes  les  manifestations  dynamiques  du  monde  !  Pour 
peu  qu'on  parcoure  la  liste  des  vibrations  possibles  de  l'éther  (ce 
mystère,  cette  hypothèse),  combien  manquent  encore  à  l'appel  ? 
Et  d'ailleurs  n'est-il  pas  insensé  de  prétendre  que  tous  les  phé- 
nomènes de  l'univers  ne  sont  que  des  vibrations  de  l'éther  ? 

Admettre  la  télékiuésie  et  l'ectoplasmie,  ce  n'est  pas  détruire  le 
plus  petit  fragment  de  nos  sciences  ;  c'est  leur  ajouter  une  donnée 
nouvelle  :  c'est  admettre  qu'il  y  a  des  forces  à  nous  inconnues.  Or 
le  plus  primitif  bon  sens  nous  force  à  dire  a  priori  qu*il  y  a  des  forces 
inconnues.  Alors,  pourquoi  s'indigner  quand,  nous  appuyant  sur 
des  milliers  d'observations  et  d'expériences,  nous  affirmons  une 
de  ces  forces  inconnues  ? 

Tout  ce  qui  n'est  pas  en  contradiction  formelle  avec  les  faits 
connus  est  possible.  Eh  bien  !  les  matérialisations  et  les  télékinésies 
ne  contredisent  absolument  aucun  fait  scientifique  établi.  Parce 
qu'une  main  qui  prend  tous  les  attributs  d'une  main  vivante 
se  forme  dans  un  nuage  blanchâtre,  cela  n'infirme  en  rien  les  lois 
de  la  circulation,  de  la  nutrition,  de  l'ossification,  d'une  main  ordi- 
naire. C'est  un  fait  nouveau,  ce  n'est  pas  un  fait  contradictoire. 

VII 

Il  est  vrai  que  dans  cette  terrible  métapsychique  il  y  a  un  phé- 
nomène plus  terrible  que  les  autres  :  la  prémonition.  La  pré- 
monition est  établie  par  des  preuves  certaines,  et  cependant  il 
nous  est  impossible  de  la  comprendre.  Notre  constitution  psycho- 
logique ne  peut  pas  nous  faire  concevoir  que  les  événements  futurs 
sont  tout  aussi  déterminés  que  les  événements  passés,  et  qu'une 
fatalité  inexorable  régit,  même  dans  ses  plus  infimes  détails,  les 
affaires  humaines  et  non  humaines.  N'essayons  pas  d'approfondir. 


764  CONCLUSION 

C'est  un  abîme.  Certes  la  prémonition  n'est  pas  en  contradiction 
avec  les  données  de  la  science.  Mais  —  ce  qui  est  peut  être  plus 
redoutable  —  elle  heurte  durement  notre  conscience  ;  car  notre 
conscience  se  refuse  à  admettre  la  fatalité  de  l'avenir  qui  va  se 
dérouler. 

Doue,  pour  la  prémonition  nous  ne  tenterons  ni  explications 
ni  justifications.  Nous  resterons  dans  le  domaine  du  réel.  Éta- 
blissons les  faits  sans  nous  préoccuper  des  conclusions  qu'ils 
entraînent,  sans  en  déduire  de  fumeuses  théories.  Il  s'agit  de 
savoir,  non  ce  qui  est  possible,  mais  ce  qui  est.  C'est  ainsi  que 
Sir  William  Crookes  avait  posé  le  problème.  C'est  ainsi  que  nous  le 
poserons  à  la  suite  du  maître. 


VIII 


Nous  avons  démontré  la  réalité  des  faits,  mais  ce  n'est  qu'un 
premier  pas.  Un  fait,  en  lui-même,  est  peu  de  chose,  si  on  ne  le 
relie  pas,  par  une  chaîne  logique,  à  d'autres  faits  homologues,  de 
manière  à  ce  qu'une  relation,  cohérente,  entre  des  faits  qui  sem- 
blent disparates,  soit  constituée,  avec  une  ébauche  de  théorie  pos- 
sible. Et  alors  nous  voici  amenés,  après  que  les  faits  ont  été  démon- 
trés, à  en  discuter  la  théorie  pour  en  comprendre  la  signification 
profonde. 

Nous  serons  brefs,  et  pourtant  des  volumes  innombrables, 
pesants,  ont  été  écrits  sur  les  théories  métapsychiques. 

Disons-le  tout  de  suite.  Quand  on  essaye  de  construire  la  théorie 
complète  de  la  métapsychique,  ce  n'est  pas  assez  d'en  établir  une 
qui  satisfasse  à  la  cryptesthésie,  une  autre  à  la  télékinésie,  une 
autre  à  l'ectoplasmie.  Il  faut  que  cette  théorie  implique  une  sorte 
d'explication  synthétique  de  la  cryptesthésie,  de  la  téiékinésie, 
de  l'ectoplasmie  tout  ensemble.  Plus  on  approfondit  dans  leurs 
détails  les  choses  complexes  qui  se  présentent,  plus  on  voit  que  ces 
trois  phénomènes,  télékinésie,  cryptesthésie,  ectoplasinie,  sont  liés 
entre  eux  par  une  connexion  étroite. 

Beaucoup  de  savants,  et  notamment  les  éminents  membres  de  la 
S.  P.  R.  (F.  Podmoke  et  H.  Sidgwick  surtout)  avaient  cru  d'abord  que 


CONCLUSION  765 

tout  se  ramène  à  la  télépathie,  c'est-à-dire,  en  dernière  analyse,  à 
la  vibration  cérébrale  d'un  individu  B  correspondant  à  la  vibration 
cérébrale  d'un  autre  individu  A.  Selon  eux  la  télépathie  expliquait 
tout.  Mais  aujourd'hui,  Sir  William  Barkett  et  Sir  Oliver  Lodge, 
pensent  tout  autrement. 

Remarquons  que  la  télépathie  est  un  phénomène  dont  l'exten- 
sion peut  être  fantastiquement  exagérée.  La  distance  ne  compte 
pas,  et  une  émotion  de  A  peut  se  transmettre  à  B;  même  si  A 
est  à  mille  kilomètres  de  B.  En  outre  il  n'y  a  pas  lieu  d'exiger, 
pour  qu'il  y  ait  transmission  de  A  à  B,  que  A  ou  B,  aient  quelque 
couscieuce  des  vibrations  par  lesquelles  leur  cerveau  est  ébranlé. 
La  volonté,  la  couscieuce,  n'y  sont  pour  rien.  Il  suffit  qu'un  vieux 
souvenir,  absolument  iguoré,  soit  enfoui  dans  la  conscience  de  A 
pour  que  ce  souvenir  puisse  se  transmettre  à  B.  La  conscience 
de  A  et  la  conscience  de  B  peuvent  également  tout  ignorer.  C'est 
dans  la  subconscieuce  que  tout  ce  branle-bas  se  produit. 

Si  l'on  admet  dans  toute  son  ampleur  la  doctrine  de  la  télépathie, 
il  faut  pousser  jusqu'à  ses  dernières  conséquences  cette  belle  et 
fragile  doctrine.  Puisqu'une  pensée  humaine,  même  inconsciente, 
même  lointaine,  même  ancienne,  retentit  sur  une  autre  pensée 
humaine,  dès  que  B  a  une  émotion  ou  une  connaissance,  c'est  assez 
que  sur  la  planète  terrestre  se  trouve  un  individu  A,  ayant  cette 
même  émotion  ou  cette  même  connaissance,  pour  expliquer  l'émo- 
tion ou  la  connaissance  de  B.  Il  s'ensuit  que  toujours,  ou  presque 
toujours,  on  pourra  invoquer  la  télépathie,  et  dire  :  «  c'est  A  (si 
indifférent,  si  lointain,  si  inconscient  qu'il  soit)  qui  a  transmis 
cette  émotion  à  B.  »  En  effet  il  existe  bien  peu  de  faits  qui  ont  été 
ou  qui  sont  totalement  inconnus  de  toute  personne  vivante. 

Or  cette  théorie  me  semble  dangereusement  exclusive.  Et  en 
effet  on  a  vu  en  divers  chapitres  de  ce  livre  que  dans  de  nombreux 
cas  il  y  eut  connaissance  supranormale  (cryptesthésique)  des  choses, 
sans  qu'on  puisse  aucunement  l'expliquer  par  la  télépathie. 

D'abord,  il  y  a  toutes  les  prémonitions  sans  exception.  Pour  les 
prémonitions,  bien  entendu,  la  télépathie  n'a  pas  à  intervenir, 
puisque  ni  A  ni  B  ne  sont  capables  de  connaître  l'avenir  par  les  voies 
normales  de  la  connaissance. 

Mais,  même  en  dehors  des  prémonitions,   quelquefois  il  y  a 


766  CONCLUSION 

d'étonnantes  divinations,  avec  reproduction  de  dessins  pris  au 
hasard  parmi  de  nombreux  dessins,  connaissance  de  mots  que  per- 
sonne ne  connaît.  Souvent  des  dessins  mis  dans  une  enveloppe 
ont  été  présentés  à  un  sensitif  pour  qu'il  les  reproduise,  et  il  est 
arrivé  maintes  lois  —  (alors  l'expérience  est  plus  rigoureuse)  — 
que  la  personne  qui  expérimente  avec  le  sensitif  ne  sait  pas  du  tout 
quel  est  le  dessin,  de  sorte  que  le  dessin  enfermé  dans  l'enveloppe 
est  totalement  inconnu  de  qui  que  ce  soit.  Dans  ce  cas  il  n'y  a  pas  un 
seul  individu,  vivant  ou  mort,  quisache  quel  est  le  particulier  dessin 
qui  doit  être  deviné  par  B.  Il  y  a  donc  une  seconde  mie,  une  luci- 
dité, une  clairvoyance  (ffellsehen  :  second  sight),  —  nous  disons  une 
cryptesthésie  —  que  la  télépathie  seule  n'explique  nullement. 

Dans  les  expériences  nombreuses  faites  avec  Mad.  Piper,  il  y  a 
eu  souvent  de  multiples  et  curieux  détails  extrêmement  précis  qui 
ont  été  fournis  sur  des  familles  lointaines,  détails  que  n'avaient 
jamais  connus  les  personnes  interrogeant  Mad.  Piper. 

On  n'aura  qu'à  lire  les  multiples  récits  de  monitions  donnés  plus 
haut  pour  être  convaincu  que,  dans  un  tiers  des  cas  au  moins,  la 
télépathie  (même  si  on  lui  donne  une  extension  immodérée,  presque 
absurde),  ne  suffit  pas  à  expliquer  la  connaissance  qu'un  sensitif 
témoigne  à  certains  moments  sur  des  choses  que  l'intelligence 
normale  ne  peut  pas  connaître. 

Loin  de  nier  la  télépathie,  nous  affirmons  avec  grande  force 
qu'elle  existe  et  même  qu'elle  est  un  des  phénomènes  les  moins 
contestables  de  la  métapsychologie.  Une  émotion,  une  pensée,  et 
aussi  (ce  qui  est  plus  extraordinaire  encore)  un  nom,  un  chiffre, 
un  dessin,  peuvent  se  transmettre  de  A  à  B.  Si,  comme  nous  le 
croyons,  la  cryptesthésie  est  la  connaissance  du  réel,  alors  la  pen- 
sée humaine,  étant  une  réalité,  pourra,  elle  aussi,  actionner  la 
cryptesthésie. 

Ainsi  la  télépathie  n'est  qu'un  cas  particulier  de  la  cryptesthésie. 
Même  je  regarde  comme  vraisemblable  que,  parmi  les  vibrations 
inconnues  qui  mettent  en  jeu  la  cryptesthésie,  la  pensée  humaine 
est  une  de  celles  qui  peuvent  le  plus  facilement  se  transmettre. 

Si  par  télépathie  on  veut  dire  qu'il  y  a  vibration  synchrone  et 
synergique  de  deux  pensées  humaines,  la  télépathie  est  une  hypo- 
thèse. Au  contraire  la  cryptesthésie  n'est  pas  une  hypothèse.  Elle 


CONCLUSION  767 

indique  un  fait  par  un  mot.  A  vrai  dire  ce  n'est  rien  de  plus  qu'un 
mot,  puisque  cryptesthésie  signifie  qu'il  y  a  une  voie  de  connais- 
sance ignorée  de  nous.  Mais,  en  attendant  que  la  théorie  soit 
donnée,  le  fait  doit  suffire. 

Eu  tout  cas  la  télépathie  suppose  la  cryptesthésie,  puisque  cette 
faculté  de  l'intelligence  d'être  ébranlée  par  les  vibrations  d'une 
pensée  humaine  suppose  une  fonction  absolument  nouvelle,  pro- 
fondément incompréhensible.  Qu'un  dessin,  connu  par  A  et  enfermé 
dans  une  enveloppe  opaque,  soit  reproduit  parB,  c'est  absolument 
mystérieux.  Or  le  mystère  ne  sera  pas  plus  profond  si  A,  qui 
tient  le  dessin  à  la  main,  n'a  aucune  idée  de  ce  que  ce  dessin 
représente.  Peut-être  même  la  vibration  mentale  de  A  quand  il 
se  figure  tel  ou  tel  dessin,  est-elle  en  soi  plus  obscure  que  les  nets 
linéaments  d'un  dessin  enfermé  dans  une  boîte. 

Après  tout,  peu  importe  que  la  difficulté  soit  plus  ou  moins 
grande:  les  faits  sont  là,  —  toujours  les  faits  —  qui,  avec  leur  bru- 
talité inexorable,  nous  commandent  d'accepter  à  la  fois  et  la 
cryptesthésie  et  la  télépathie. 

Tout  ce  que  nous  pouvons  accorder,  c'est  que  la  télépathie  est 
un  cas  spécial  et  fréquent  de  la  cryptesthésie. 

IX 

Lorsque  nous  parlons,  sans  plus,  d'une  faculté  de  connaissance 
mystérieuse,  nous  ne  faisons  qu'établir  notre  ignorance.  Et  cette 
ignorance  est  aussi  énorme  que  la  cryptesthésie  même.  Nous  ne 
pouvons  lui  assigner  des  limites. 

Mad.  Piper  parle  à  Mad.  Verrall  d'une  tante  Suzanne,  née 
en  1791,  qui  avait  chez  elle  le  portrait  de  son  fils  peint  à  l'huile. 
Voilà  un  fait  que  Mad.  Verrall  ignorait  complètement  et  avait 
toujours  ignoré.  Comment  la  connaissance  de  ce  détail,  précis  et 
minuscule,  a-t-elle  pu  parvenir  à  l'intelligence  de  Mad.  Piper  ? 

On  a  fait  une  première  hypothèse  ;  on  a  supposé  que  les  choses 
soi-disant  inertes  émettent  des  vibrations  particulières,  des  éma- 
nations en  quelque  sorte,  qui,  quoique  n'ébranlant  pas  nos  sens 
normaux,  peuvent  éveiller  la  cryptesthésie  des  sensitifs. 

Les  émanations  qui  se  dégagent  des  sources    souterraines  ou 


768  CONCLUSION 

des  métaux,  et  qui,  par  l'intermédiaire  des  muscles  du  baguettisant, 
font  mouvoir  la  baguette  divinatoire,  nous  fournissent  un  bon 
exemple  de  pareilles  forces.  Puisqu'il  y  a  une  force  rhabdique 
(dont  quelques  lois  sont  connues)  pourquoi  n'y  aurait-il  pas  dans 
les  choses  des  forces  analogues  ? 

Une  bague  portée  par  la  grand'mère  de  Martin  a  gardé  quelque 
elïluve  de  cette  grand'mère,  de  sorte  que  le  seusitif  à  qui  cette  bague 
est  remise  va  pouvoir  dire  quelque  chose  sur  la  grand'mère  de 
Martin;  un  nom,  un  détail  de  toilette,  un  accident  ancien,  une 
particularité  du  caractère.  C'est  ce  qu'on  a  appelé  très  incorrecte- 
ment la  psychométrie.  Nous  préférons  le  mot  cryptesthésie  prag- 
matique, c'est-à-dire  une  sensibilité  à  l'émanation  des  choses. 

Il  est  très  possible  qu'il  y  ait  une  émanation  des  choses  ;  mais 
dans  bien  des  cas  il  y  a  lucidité  sans  qu'en  apparence  au  moins 
quelque  objet  matériel  soit  là  pour  l'éveiller.  Si  pour  certaines 
hantises,  d'ailleurs  fort  rares,  on  peut  supposer  que  les  choses  d'une 
maison  ont  conservé  comme  une  vapeur  émanant  des  individus 
qui  y  ont  vécu,  cette  supposition  est  loin  de  donner  raison  de  tous 
les  phénomènes,  et- l'hypothèse  n'est  applicable  qu'à  des  cas  très 
particuliers. 

Eu  somme  l'hypothèse  de  l'émanation,  partiellement  applicable 
peut-être,  est  presque  toujours  insuffisante.  Elle  peut  s'adapter  à 
quelques  cas.  Mais  pour  la  plupart  des  phénomènes  de  cryptesthésie 
elle  est  inopérante. 

X 

Gomme  seconde  hypothèse,  on  peut  supposer  que  parfois  nos 
sens  normaux  sont  capables  d'acquérir  une  acuité  prodigieuse.  Par 
exemple  la  sensibilité  visuelle  pourrait  devenir  si  aiguë  qu'un 
dessin  mis  dans  une  enveloppe  opaque  sera  nettement  distingué, 
la  sensibilité  auditive  si  intense  qu'on  entendra  le  tic  tac  d'une 
montre  qui  est  à  mille  kilomètres.  Cette  hyperesthésie  n'est  pas  tout 
à  fait  absurde;  ce  ne  serait  que  l'extension  extraordinaire  d'une 
sensibilité  normale,  et  il  est  quelques*  oas  de  cryptesthésie  (très 
rares),  qui  sembleraient  de  nature  à  être  expliqués  par  cette 
hypothèse  de  l'hyperacuité  sensorielle,  ou  peut-être  de  la  transpo- 


CONCLUSION  769 

sition  (les  sens.  Mais  le  plus  souvent  une  hyperesthésie  senso- 
rielle, même  énorme,  ne  suffît  pas  comme  explication;  car  il  y 
a  bien  autre  chose  que  la  vision  et  l'audition  à  distance. 

XI 

Et  tout  de  suite  une  troisième  hypothèse,  simpliste,  se  présente, 
qui  dès  le  début  a  été  adoptée  avec  un  enthousiasme  irré- 
fléchi. C'est  que  l'intelligence  du  sensitif  a  été  possédée,  envahie, 
remplacée  par  une  autre  intelligence,  celle  d'un  mort,  dont  l'intel- 
ligence et  la  conscience  ne  sont  pas  mortes.  C'est  Georges  Pelham 
qui,  après  sa  mort,  continue  à  exister  comme  esprit,  et  qui  alors 
parle  par  le  cerveau,  le  larynx,  les  lèvres  de  Mad.  Piper,  laquelle  est 
intermédiaire  {médium)  entre  le  monde  des  vivants  et  le  monde 
des  morts. 

Donc  nous  voici  arrivés  à  l'hypothèse  spirite. 

Il  ne  faut  ni  la  désirer,  ni  la  craindre.  Quand  on  s'est  douné  la 
noble  tâche  de  chercher  la  vérité,  la  vérité  en  soi,  on  ne  doit  se 
laisser  ni  intimider  par  l'opinion  vulgaire,  ni  entraîner  par  un  obs- 
cur désir  d'immortalité  personnelle. 

Voici  comment  se  peut  exprimer  en  peu  de  mots,  dégagée  des 
superstitions  qui  l'alïaiblissent,  la  théorie  spirite. 

«  Au  moment  de  la  mort,  l'intelligence  humaine  ne  disparait 
pas.  Elle  continue  à  évoluer,  dans  un  monde  qui  n'est  plus  condi- 
tionné par  l'espace  et  le  temps.  Cette  intelligence,  conservant  quel- 
ques-uns des  caractères  qu'elle  avait  pendant  la  vie,  son  individua- 
lité, sa  conscience,  sa  personnalité,  peut,  par  l'intermédiaire  de  cer- 
tains individus  vivants,  privilégiés,  se  manifester  en  s'emparant  de 
leur  corps  (cerveau,  muscles  et  nerfs);  et  alors  elle  écrit,  voit,  pense, 
parle,  comme  au  temps  où  elle  était  incarnée  dans  sa  chair  d'autre- 
fois. Les  intelligences  des  morts  connaissent  des  choses  proches 
ou  lointaines,  passées  ou  présentes,  même  futures.  Elles  peuvent 
parler  des  langues  inconnues  à  leur  médium,  composer  des  vers, 
résoudre  des  problèmes,  discuter  des  questions,  alors  que  le  médium 
livré  à  lui-même  serait  impuissant  à  composer  ces  vers,  à  résoudre 
ces  problèmes,  à  discuter  ces  questions.  La  conscience  de  leur  moi 
n'a  pas  disparu  ;  car  il  n'y  a  pas  de  survivance  vraie  sans  la  cons- 

Richit.  —  Hélapsycliique.  4" 


"?70  CONCLUSION 

cience  du  moi.  Aussi,  puisque  la  conscience  de  Georges  Pelham 
s'est  substituée  à  celle  de  Mad.  Piper,  Mad.  Piper  sait-elle  tout  ce 
que  savait  le  désincarné.  Quand  Georges  Pelham  arrive  en  elle,  il 
n'y  a  plus  de  Mad.  Piper  ;  il  n'y  a  plus  que  Georges  Pelham. 

«  Expliquer  ce  que  fait  Georges  Pelham  par  la  lucidité 
seule,  c'est  donner  à  la  lucidité  une  énorme  et  invraisem- 
blable extension.  Il  est  plus  simple  de  faire  une  hypothèse  unique  : 
la  survivance  de  Georges  Pelham,  et  son  incarnation  en  Mad.  Piper. 

«  Puisque  l'homme  ne  meurt  pas,  l'homme  ne  peut  pas  naître.  Il 
s'ensuit  qu'il  n'y  a  pas  naissance  des  intelligences  (Allan  Kardec). 
Les  intelligences  désincarnées  s'incorporent  dans  tels  ou  tels  enfants 
qui  viennent  de  naître.  Jusque-là  elles  errent  dans  l'univers,  dans 
l'Au-delà,  cherchant  péniblement  à  se  manifester,  tantôt  en  s'incar- 
nant  dans  de  jeunes  enfants  qui  vont  naître,  tantôt  en  se  manifes- 
tant à  des  médiums  ». 

«  There  is  no  death  »,  disait  Florence  Marryat.  «  On  ne  meurt 
pas  »,  a  écrit  Chevreuil.  » 

L'hypothèse  est  nette,  franche.  Elle  explique,  en  donnant  l'om- 
niscience  aux  esprits,  la  majeure  partie  des  faits,  mais  elle  se 
heurte  à  de  telles  invraisemblances,  malgré  son  apparente  simpli- 
cité, qu'il  me  paraît  impossible  de  l'adopter.  Toutefois  c'est  timide- 
ment que  je  la  combats,  car  je  ne  peux  guère  lui  opposer  une 
théorie  antagoniste  bien  satisfaisante. 

1°  Tout  semble  prouver  que  l'intelligence  est  fonction  du  cer- 
veau, qu'elle  dépend  de  l'intégrité  de  l'appareil  cérébral,  de  la 
quantité  et  de  la  qualité  du  sang  qui  irrigue  le  cerveau. 

Que  d'autres  intelligences,  en  d'autres  conditions  que  les  condi- 
tions animales  de  la  vie  terrestre,  existent  dans  la  nature,  c'est  pos- 
sible :  c'est  même  probable  ;  mais  ce  ne  seront  plus  des  intelligences 
humaines.  Par  conséquent,  si  elles  veulent  entrer  en  relation  avec 
nous,  elles  auront  pitié  de  notre  grossier,  mais  nécessaire,  anthropo- 
morphisme, et  devront,  pour  se  faire  comprendre  de  nous,  s'affubler 
de  tels  ou  tels  noms  humains,  de  tels  ou  tels  sentiments  humains. 
Tout  de  même  elles  n'appartiendront  pas  à  l'humanité,  puisque 
l'intelligence  (humaine  ou  animale)  ne  peut  posséder  conscience, 
mémoire,  sensibilité,  raisonnement,  volonté,  c'est-à-dire  les  carac- 
téristiques psychologiques  humaines,  que  si  le  cerveau  existe.  Des 


CONCLUSION  771 

milliers  et  des  milliers  d'expériences  établissent  une  relation  si 
étroite  entre  le  cerveau  organe  et  l'intelligence  fonction,  qu'on  ne 
peut  admettre  la  persistance  de  notre  fonction  intelligence  sans 
l'organe  cerveau  plus  que  la  sécrétion  rénale  sans  le  rein. 

2°  Le  mot  survivance  signifie  survivance  de  la  conscience  ; 
car,  s'il  n'y  a  ni  conscience,  ni  mémoire,  la  survivance  est  sans 
aucun  intérêt.  Nous  savons  parfaitement  que  les  atomes  de 
carbone,  de  phosphore,  d'hydrogène,  d'oxygène,  d'azote  et  de  soufre 
qui  constituent  notre  corps  sont  immortels.  Mais  que  nous  importe  ? 
Que  l'hypothétique  force  vitale  ou  âme  survive,  si  la  mémoire  de 
mon  moi  a  disparu,  cette  survivance  animique  m'importe  aussi  peu 
que  la  survivance  de  mon  phosphore  cérébral.  Or  d'innombrables 
faits  ont  prouvé  que  la  mémoire  est  une  fonction  qui  disparaît  très 
vite,  que  l'asphyxie,  l'anémie  et  les  poisons  l'altèrent  tout  de  suite. 
Elle  est  très  fragile;  elle  diminue  rapidement  avec  l'âge.  Survivre 
sans  avoir  la  souvenance  de  son  vieux  moi,  ce  n'est  pas  survivre. 

Et  puis  qu'est-ce  qui  survivra  de  ce  moi?  Le  vieillard,  tombé  en 
enfance  depuis  trois  ans,  aura-t-il  le  moi  de  sa  vigueur  intellectuelle 
ou  le  moi  de  sa  décrépitude  ?  Le  moi  d'un  individu  qui  bégayait 
continuera-t-il  à  s'exprimer  en  bégayant  dans  l'Au-delà?  Quelles 
puérilités! 

Maeterlinck  a  exprimé  cette  difficulté  en  termes  excellents.  «  Ce 
moi,  si  incertain,  si  insaisissable,  si  fugitif  et  si  précaire,  est  telle- 
ment le  centre  de  notre  être,  nous  intéresse  si  exclusivement  que 
toutes  les  réalités  de  notre  vie  s'efïacent  devant  ce  fantôme.  Si  la 
mémoire  de  quelques  faits,  presque  toujours  insignifiants,  ne  nous 
accompagne  pas...,  il  m'est  égal  que  les  parties  les  plus  hautes,  les 
plus  libres,  les  plus  belles  de  mon  esprit  soient  éternellement  vivantes 
et  lumineuses  dans  les  suprêmes  allégresses  ;  elles  ne  sont  plus  moi  : 
je  ne  les  connais  plus.  La  mort  a  tranché  le  réseau  de  nerfs  ou  de 
souvenirs  qui  les  rattachait  à  je  ne  sais  quel  centre  où  se  trouve  le 
■point  que  je  sens  être  tout  moi-même.  » 

Cela  ne  signifie  nullement  la  négation  de  forces  intelligentes  sans 
cerveau.  Mais  ces  forces  intelligentes  hypothétiques  qui  ne  sont  pas 
sous  la  dépendance  d'un  substratum  matériel,  n'ont  rien  de  commun 
avec  l'intelligence  humaine. 

3°  Il  y  a  tous  les  degrés  entre  la  reproduction  presque  parfaite, 


772  CONCLUSION 

presque  adéquate,  d'une  personnalité  ayant  existé,  comme  Georges 
Pelham  —  phénomène  extrêmement  rare,  presque  unique  —  et  la 
création  d'une  personnalité  factice,  manifestement  factice,  phéno- 
mène extrêmement  commun,  mille  fois  observé.  Je  suggère  à  A... 
qu'elle  est  une  petite  fille  nommée  Madelon  Martin,  nom  et  person- 
nage qui  ne  possèdent  de  réalité  que  dans  ma  fantaisie,  et  alors 
aussitôt  la  voilà  devenue  Madelon  Martin.  Si  par  hasard  une 
Madelon  Martin  a  existé  ou  existe  encore,  et  si  A...  a  connu  cette 
Madelon  Martin,  elle  en  reproduit  aussitôt  avec  une  merveilleuse  et 
fidèle  précision  les  souvenirs.  Quoi  d'étonnant  alors  que,  si,  par 
quelque  auto-suggestion  imprévue,  Mad.  Pii>er  s'est  imaginé  être 
Georges  Pelham,  elle  en  retrouve,  grâce  à  sa  merveilleuse  cryptes- 
thésie,  les  goûts,  les  intonations,  les  passions  et  les  souvenirs. 

Assurément,  si  A...  n'a  pas  connu  Georges  Pelham,  et  si  elle 
reproduit  fidèlement  la  pensée  de  Georges  Pelham,  il  faudra  sup- 
poser à  A...  —  et  nous  pouvons  le  faire,  puisque  nous  n'en  connais- 
sons pas  les  limites,  —  une  cryptesthésie  intense,  prodigieuse. 
Alors  la  personnalité  de  Georges  Pelham  paraîtra  revenir  intégrale- 
ment, et  cependant  cette  personnalité,  malgré  ses  affirmations  réi- 
térées, est  peut-être  aussi  factice  que  les  autres.  Peut-être  cette 
personnification  de  Georges  Pelham  n'est-elle  due  qu'à  une  vaste 
et  magnifique  lucidité. 

Comme  tous  les  degrés  dans  les  personnifications  se  peuvent 
observer,  il  s'ensuit  que  très  rarement,  —  jamais  pour  ainsi  dire,  — 
les  personnalités  qui  se  manifestent  ne  revêtent  la  forte  individualité 
de  Georges  Pelham,  conforme  au  Georges  Pelham  qui  a  existé.  Quel- 
quefois, comme  lorsqu'il  s'agit  de  Phinuit,  le  prédécesseur  de 
Georges  Pelham,  les  personnalités  sont  des  créations  imaginaires. 
John  King  est  probablement  une  fantaisie  d'EusAPiA,  comme  Rector, 
Imperator,  Mentor,  sont  des  fantaisies  de  Stainton  Moses.  Par  la 
suggestion  hypnotique  on  provoque  facilement  la  production  des 
personnalités  les  plus  baroques.  La  seule  différence  entre  le  som- 
nambule et  le  médium,  c'est  que,  chez  le  médium,  au  lieu  d'être 
la  suggestion  verbale  imposée  par  le  magnétiseur,  c'est  une  auto- 
suggestion dont  les  racines  sont  inconnues.  Puisqu'il  est  impos- 
sible d'accepter  comme  authentiques  les  personnifications  enfan- 
tines de  l'hypuotisme  vulgaire,  pourquoi  accepter  celles  qui  sont 


CONCLUSION 


773 


uu  peu  plus  parfaites?  La  transition  est  graduelle  entre  les  unes  et 
les  autres.  Où  nous  arrêter?  Quel  critérium  adopter  pour  dire  des 
personnifications  :  celle-là  est  vraie,  celle-là  est  imaginaire  ?  Nous 
en  voyons  tant,  et  tant,  et  tant,  qui  sont  bien  évidemment  imagi- 
naires que  nous  sommes  presque  forcés  de  conclure  qu'elles  le  sont 
toutes. 

La  facilité  et  la  fréquence  des  personnifications  factices  rendent 
bien  problématique  la  réalité  des  personnifications  véritables. 


^otvniew  J#bitf~~ 


1&. 


Ls  Syndic, 


Fig.  -'5.  —  Comparaison  des  signatures  authentiques  du  syndic  Ghaumontet  et  du 
curé  Buhmer  avec  les  signatures  données  par  Hélène  Smith  en  somnambulisme. 
Au  milieu  de  la  figure  reproduction  d'un  mandat  de  paiement  de  1838. 

La  ligne  du    dessus  {Burnier,  salut)  et  la  ligne  du  dessous  (Chauuontkt,  syndic)  sent  de  la  main 
d'HÉi.fciiE.  D'après  Flouknoy,  loc.  cit.,  p.  409. 


Quand  Hélène  Smith  reproduit  très  exactement  la  signature  de 
Burnier,  on  peut  hésiter  un  instant,  car  elle  signe  comme  Burnier, 
dont  elle  n'a  sans  doute  jamais  vu  l'écriture.  Mais  elle  incarne 
aussi,  Cagliostro  et  Marie- Antoinette  !  Alors  pourquoi  la  personni- 
fication de  Burnier  serait-elle  plus  réelle  que  celles  de  Marie-Antoi- 
nette, de  Cagliostro,  d'un  prince  indien,  toutes  créations  évidem- 
ment imaginaires?  Il  ne  faut  pas  se  laisser  troubler  par  la  simili- 
tude des  écritures  ;  car  rien  ne  prouve  que  la  cryptesthésie  ne  porte 
pas  aussi  sur  l'écriture.  Par  la  cryptesthésie  Hélène  Smith  voit 


774  CONCLUSION 

devant  elle  la  signature  de  Burnier,  et  alors,  par  suite  de  la  ten- 
dance naturelle  des  médiums  à  affecter  des  personnifications,  elle 
s'imagine  être  Burnier. 

Th.  Flournoy,  à  qui  on  doit  une  admirable  étude  sur  Hélène  Smith, 
ne  va  même  pas  jusqu'à  admettre  la  cryptesthésie.  Il  suppose 
que  c'est  le  rappel  d'un  vieux  souvenir,  et  croit,  sans  en  fournir 
d'ailleurs  aucune  preuve,  qu'HÉLÈNE  a  vu  quelque  part  la  signature 
de  Burnier;  mais  il  est  forcé,  pour  en  arriver  là,  de  faire  une 
longue  série  de  suppositions  invraisemblables.  Il  me  paraît  alors 
plus  rationnel  d'admettre  la  cryptesthésie,  cette  cryptesthésie 
prouvée  par  des  milliers  d'observations  et  d'expériences,  très  vrai- 
semblable en  un  excellent  médium  comme  Hélène  Smith. 

Aussi,  quelque  respect  que  j'aie  pour  l'opinion  de  Flournoy,  ne 
puis-je  croire  que,  pour  expliquer  le  mot  et  la  signature  Burnier,  il 
s'agisse  de  souvenirs  anciens  accumulés  et  oubliés.  Il  me  paraît  que 
c'est  plutôt  un  phénomène  de  lucidité. 

Mais,  parce  qu'il  y  a  lucidité,  je  ne  conclurai  pas  qu'il  y  a  incar- 
nation. 

Quelque  respect  que  j'aie  pour  l'opinion  de  mon  illustre  ami, 
Sir  Oliver  Lodge,  je  ne  puis  croire  que,  dans  le  cas  de  Raymond, 
l'explication  la  plus  vraisemblable,  ce  soit  la  survivance  de 
Raymond.  Il  semble  au  contraire  que,  si  l'on  admet  des  éclairs  de 
lucidité  —  de  cette  lucidité  dont  la  réalité  est  incontestée  —  avec 
symbolisation,  si  l'on  reconnaît  que  tous  les  médiums  ont  une 
invincible  tendance  à  reconstituer  des  personnalités  anciennes,  on 
aboutit  à  des  hypothèses  moins  invraisemblables  que  celle  de  la 
survivance. 

4°  La  cryptesthésie  s'exerce  sans  qu'il  soit  aucunement  néces- 
saire de  supposer  une  entité  humaine  désincarnée  parlant  par  la 
voix  ou  écrivant  par  la  main  du  médium.  Des  détails  ont  été 
donnés  sur  des  personnes  vivantes,  qui  n'impliquent  nullement 
l'existence  d'une  entité  ayant  disparu.  Quand  Mad.  Thompson  voit 
sur  le  front  de  M.  Moutonnier  le  mot  de  Carqueiranne,  il  est  tout  à 
fait  inutile  de  supposer  que  c'est  Nelly  qui  le  lui  a  appris.  L'hypo- 
thèse que  Nelly  a  survécu  ne  sert  àTrien.  Nelly  est  une  création 
imaginaire  qui  rend  l'expérimentation  très  commode,  mais  qui 
n'est  nullement  nécessaire  :  c'est  à  peine  une  hypothèse  de  travail, 


CONCLUSION  775 

puisqu'on  n'a  pas  besoin  de  cette  complication.  Mad.  Thompson, 
prenant  la  montre  de  mon  fils,  dit  :  «  Tkree  générations  mixed  ». 
C'est  Nelly  qui  parle.  Mais  Nelly  n'est  qu'un  symbole.  En  réalité 
c'est  Mad.  Thompson  qui,  profitant  de  sa  belle  puissauce  cryptesthé- 
sique,  a  parlé,  et  il  n'y  a  aucune  nécessité  à  introduire  la  person- 
nalité de  sa  petite  fille. 

Phinuit,  parlant  par  la  voix  de  Mad.  Piper,  a  donné  des  exemples 
de  cryptesthésie  extraordinaire,  tout  aussi  beaux,  sinon  plus,  que 
ceux  de  Georges  Pelham,  et  pourtant  Phinuit  est  manifestement  une 
création  du  génie  de  Mad.  Piper.  Il  n'y  a  pas  eu  à  Metz  de  médecin 
français  du  nom  de  Phinuit.  Phïnuit  n'a  jamais  existé.  Phinuit, 
c'est  Mad.  Piper.  Georges  Pelham,  qui  n'est  ni  plus  ni  moins  lucide 
que  Phinuit,  c'est  aussi  Mad.  Piper,  prodigieusement  lucide.  Alors, 
autour  de  cette  personnalité  de  G.  Pelham,  qui  a  jadis  existé,  mais 
dont  la  conscience  a  disparu  quand  le  cœur  a  cessé  de  battre,  elle 
vient  faire  cristalliser  tout  ce  qu'elle  sait,  par  cryptesthésie,  de 
Georges  Pelham. 

5°  Lorsque  ces  entités  se  manifestent,  elles  commettent  des 
erreurs,  des  réticences,  des  enfantillages,  des  oublis  si  graves 
qu'il  est  impossible  de  supposer  que  c'est  l'esprit  du  mort  qui 
revient. 

Il  est  vrai  que  rien  ne  nous  force  à  attribuer  aux  personnalités 
des  morts  les  mêmes  sentiments,  les  mêmes  modes  de  raisonne- 
ment, les  mêmes  jugements  que  lorsqu'elles  étaient  sur  terre. 
Soit.  Mais  alors  qu'on  ne  fasse  pas  étai,  de  la  ressemblance  des  sen- 
timents et  des  raisonnements  constatés  dans  certains  cas,  puisque, 
dans  beaucoup  de  cas,  et  les  plus  nombreux,  toute  ressemblance 
fait  outrageusement  défaut.  Les  personnalités  des  morts  s'attachent 
à  des  facéties  ridicules,  se  complaisent  à  des  jeux  de  mots  puérils, 
procèdent  par  des  assemblages  de  sonorités  qui  sont  voisines  des 
calembourgs.  Je  ne  sais  qui  disait  :  «  Si  la  survie  doit  consister  à 
avoir  l'intelligence  d'un  désincarné ,  f  aime  mieux  ne  pas  survivre  ». 
Ce  sont  des  lambeaux,  des  fragments  d'intelligence,  et,  sauf  excep- 
tion, de  très  médiocre  intelligence.  Les  désincarnés  ont  oublié  les 
choses  essentielles,  pour  se  préoccuper  de  minuties  qui,  pendant 
leur  vie,  ne  les  auraient  pas  occupés  même  une  minute.  Revenir 

sur  terre  pour  s'intéresser  à  un  bouton  de  manchette,  ce  n'est  pas 


776  CONCLUSION 

misérable,  c'est  invraisemblable.  Puissant  argument  contre  la  doc- 
trine spirite. 

Cette  pauvre  personnalité  spirite  n'est  pas  du  tout  incohérente. 
Elle  est  médiocre,  et  très  médiocre,  bien  au-dessous  (sauf 
exception)  des  intelligences  moyennes,  mais  elle  demeure, 
pendant  de  longs  mois,  conséquente  avec  elle-même,  enfantine, 
comme  Féda  et  Nbli.y  ;  facétieuse,  comme  Vincenzo  ;  érudite  et  mys- 
tique, comme  Myers  P.  ;  joviale  comme  Phindit. 

On  répond  que  la  relation  des  esprits  avec  un  cerveau  humain 
n'est  probablement  pas  très  facile,  que  le  cerveau  humain  du 
médium  n'est  qu'un  instrument  imparfait,  et  que  les  incohérences 
sont  dues  au  désaccord  entre  l'instrument  et  celui  qui  en  joue.  Mais 
que  d'hypothèses,  que  d'interprétations  symboliques,  hérissées 
d'obscurités  et  de  fantaisies,  pour  se  soustraire  à  cette  évidence  que 
la  personnalité  psychologique  du  désincarné  est  tout  à  fait  diffé- 
rente de  la  personnalité  psychologique  qu'il  possédait  quand  il 
était  individu  terrestre. 

Non  seulement  elle  est  différente  de  la  personnalité  de  l'ancien 
vivant  ;  mais  presque  toujours  elle  lui  est  notoirement  inférieure 
(du  moins  à  notre  point  de  vue  anthropomorphique). 

Tout  s'explique  très  simplement  si  l'on  admet  qu'on  n'a  jamais 
affaire  qu'à  la  pensée  du  médium,  être  humain,  très  humain,  exclu- 
sivement humain,  dont  les  opérations,  quand  elles  sont  incons- 
cientes, sont  rudimentaire,  amorphes  pour  ainsi  dire.  Naïvement 
nous  croyons  entendre  les  paroles  d'un  désincarné,  quand  de  fait 
nous  assistons  aux  agitations  de  la  subconscience  qui  se  groupent 
autour  d'une  personnalité  fictive. 

5°  Un  autre  caractère  des  personnalités  spiritiques,  c'est  qu'elles 
s'entourent  de  mystère,  comme  si  le  mystère  de  leur  présence 
n'était  pas  suffisant.  Il  y  a  des  réticences,  des  sous-entendus,  des 
allusions  voilées  qu'il  faut  beaucoup  de  sagacité  pour  comprendre. 
Elles  paraissent,  à  certains  moments,  en  savoir  très  long,  et,  au 
passage  le  plus  intéressant,  soudain  elles  s'arrêtent,  et  ensuite  elles 
dévient.  On  a  absolument  le  droit  de  supposer  que,  si  elles  n'en 
disent  pas  plus  long,  c'est  qu'elles  n'en  savent  pas  plus  long.  Rare- 
ment à  une  question  précise  est  faite  une  réponse  précise.  Si  elles 
étaient  devant  un  jury  d'examinateurs,  elles  ne  passeraient  point 


CONCLUSION  777 

leur  examen,  car  elles  répondent  mal.  Ce  sont  des  réponses  à  côté. 

Voilà  sans  doute  pourquoi  — ce  qui  est  désastreux  pour  l'hypo- 
thèse spirite  —  jamais  rien  ne  nous  a  été  révélé  par  les  personna- 
lités des  morts,  qui  ne  fût  déjà  connu  du  commun  des  hommes.  Ils 
ne  nous  ont  jamais  fait  faire  un  seul  pas,  en  géométrie,  en  physique, 
en  physiologie,  voire  eu  métapsychique  même.  Jamais  les  esprits 
n'ont  pu  prouver  qu'ils  savent  plus  que  le  vulgaire  sur  quelque 
chose  que  ce  soit.  Nulle  découverte  inattendue  n'a  été  indiquée  : 
nulle  révélation  n'a  été  faite-  La  banalité  des  réponses  est  désespé- 
rante (sauf  rarissimes  exceptions).  Pas  une  parcelle  de  la  science 
future  n'a  été  soupçounée. 

Il  y  a  des  pastiches,  et  des  pastiches  admirables,  comme  le 
roman  de  Dickens,  comme  les  vers  de  Molière  dictés  à  Victor-Hugo. 
Mais  un  pastiche  n'est  pas  une  invention.  C'est  de  la  spirituelle 
littérature  ;  ce  n'est  pas  de  la  littérature  spirite  —  si  je  me  permets 
ce  jeu  de  mots  digne  de  l'écriture  automatique.  —  L'intelligence 
humaine  qui  compose  cette  prose  ou  ces  vers  ne  dépasse  pas  l'hu- 
manité. Ce  n'est  pas  l'inspiration  demi-divine  que  nous  pourrions 
espérer  des  esprits. 

Parfois  cependant  la  lucidité  de  certains  médiums  est  prodigieuse. 
Mais  la  lucidité,  ce  n'est  pas  la  survivance.  La  survivance  implique 
la  continuation  d'une  conscience  personnelle.  Fred.  Myers  a  vécu 
sur  terre  ;  il  a  été  lui,  et  non  pas  autre,  avec  des  volontés,  des  habi- 
tudes, des  goûts,  des  pensées,  des  souvenirs,  des  espérances,  une 
intelligence  qui  faisaient  de  lui  une  personnalité  déterminée, 
bien  différente  de  toutes  autres  personnalités  humaines.  Or,  quand 
la  main  deMad.  Verrall  écrit  :  «  Je  suis  Myers  «.Quand  la  voix  de 
Mad.  Piper  dit  :  «  Je  suis  Myers  »,  vainement  on  trouvera  de  vagues 
ou  même  de  précises  analogies  entre  le  Myers  P,  le  Myers  V,  et  le 
Myers  véritable;  ce  ne  sera  pas  assez  pour  prouver  que,  indépen- 
damment de  Mad.  Verrall  et  de  Mad.  Piper,  et  de  tout  autre 
médium  lucide,  il  y  a  quelque  part,  dans  les  espaces,  une  conscience 
humaine  qui  dit  moi,  et  qui  est  identique  à  la  conscience  du  tant 
regretté  Frédéric  Myers,  ayant  gardé  les  caractères  intellectuels  pri- 
mordiaux et  les  souvenirs  cohérents  de  notre  admirable  Frédéric 
Myers,  tel  qu'il  vivait  à  Leckhampton  House. 

Toutes  les  indications  que  nous  transmettent,  par  les  médiums, 


778  CONCLUSION 

les  désincarnés  sur  leur  situation  actuelle,  matérielle  ou  psycholo- 
gique, ne  m'inspirent  qu'une  confiance  très  limitée,  car  il  faudrait 
d'abord  prouver  qu'il  y  a  des  désincarnés.  Je  ne  partage  point  la 
robuste  foi  d'un  des  correspondants  de  M.  Conan  Doyle,  M.  Hubert 
Wales,  qui,  victime  d'un  anthropomorphisme  naïf,  écrit1  :  «  Les 
esprits  ont  des  corps,  aussi  tangibles  pour  eux  que  les  nôtres  le  sont 
pour  nous;  ils  n'ont  pas  d'âge  :  ils  ne  souffrent  pas;  il  n'y  a  ni 
riches,  ni  pauvres  ;  ils  portent  des  vêtements  et  prennent  des  ali- 
ments ;  ils  ne  dorment  pas.  Les  Esprits,  de  pensées,  de  goûts  et  de 
sentiments  similaires,  gravitent  ensemble;  les  époux  ne  sont  pas 
forcément  réunis.  » 

Je  ne  puis,  hélas  !  être  pénétré  de  la  même  conviction  que  mon 
généreux  ami  W.  Stead,  qui,  lorsque  je  vins  le  voir  après  qu'il  eut 
perdu  son  fils,  me  dit  :  «  Pourquoi  voulez-vous  que  je  sois  triste  ? 
Je  lui  ai  écrit  ce  matin,  et  il  va  me  répondre  ce  soir.  Il  est  très 
heureux,  et  nous  sommes  en  relation  quotidienne,  comme  jadis.  » 
A  mon  humble  avis,  par  la  métapsychique  subjective  la  preuve 
de  la  survivance  n'a  pas  été  donnée,  mais  je  m'empresse  d'ajouter 
qu'on  s'en  est  approché  très  fort.  Si  une  preuve  pouvait  être  fournie 
de  la  survivance  de  la  conscience,  cette  preuve  eût  été  donnée. 

Mais  peut-elle  être  donnée?  Je  ne  vois  pas,  en  vérité,  comment  on 
pourrait  trouver  des  arguments  meilleurs  que  les  cas  de  Georges 
Pelham  ou  de  Raymond  Lodge,  et  vainement  je  m'efforce  d'imaginer 
des  expériences  plus  décisives,  des  observations  plus  probantes. 

A  vrai  dire  —  car  il  faut  être  aussi  réservé  dans  les  négations  que 
dans  les  affirmations  —  certaines  apparences  sont  là  pour  nous  faire 
croire  fortement  à  la  survivance  des  personnalités  disparues.  Pour- 
quoi les  médiums,  même  lorsqu'ils  n'ont  pas  lu  les  livres  spirites, 
et  qu'ils  ne  sont  pas  initiés  aux  doctrines  spirites,  vont-ils  immé- 
diatement personnifier  tel  ou  tel  mort?  Pourquoi  la  personnalité 
nouvelle  s'affirme-t-elle  avec  tant  de  persistance,  tant  d'énergie,  et 
même  parfois  tant  de  véracité  ?  Pourquoi  se  sépare-t-elle  si  nette- 
ment de  la  personnalité  du  médium  ?  Toutes  les  paroles  des  grands 
médiums  sont  imprégnées,  pour  ainsi  dire,  de  la  théorie  d'une 
survivance.  Apparences  peut-être,  mais  pourquoi  ces  apparences  ? 

1.  Conan  Doyle,  loc.  cit.,  152. 


CONCLUSION  779 

—  Et  on  me  pardonnera  ces  hésitations.  Au  seuil  du  mystère,  il 
est  bien  permis  d'être  troublé,  et  de  ne  pas  apporter  des  paroles 
tranchantes,  décisives,  faisant  un  ridicule  contraste  avec  l'incer- 
titude angoissante  qui  nous  étreint. 

Tout  de  même,  si  nous  n'avions  que  la  métapsychique  subjective, 
'nous  pourrions  nous  arrêter  à  la  cryptesthésie,  hypothèse  simple  et 
nécessaire  qui  suffît  à  tout  expliquer. 

Admettons  donc,  comme  étant  la  seule  proposition  authentique- 
ment  démontrée,  une  cryptesthésie  très  intense,  définie  par  un 
pouvoir  prodigieux  de  connaissance,  une  sensibilité  de  l'âme  à  des 
vibrations  subtiles  qu'aucun  de  nos  appareils  de  physique  ne  peut 
constater. 

Nul  besoin  alors  de  faire  intervenir  des  forces  étrangères.  Et 
alors  ma  conclusion  sera  :  L'intelligence  humaine  est  beaucoup  plus 
puissante  et  plus  sensible  qu'elle  ne  le  croit  et  ne  le  sait. 

XII 

L'hypothèse  serait  très  simple.  Ce  ne  serait  même  presque  pas  une 
hypothèse,  que  d'admettre  une  extension  de  nos  pouvoirs  intellec- 
tuels. Mais  nous  ne  pouvons  guère  aller  plus  loin.  Car  plus  nous 
essayons  de  comprendre  cette  faculté  inaccessible  de  la  cryptes- 
thésie, moins  nous  comprenons.  Télépathie,  hyperacuité  senso- 
rielle, émanations  pragmatiques,  si  elles  expliquent  quelques 
phénomènes,  ne  les  expliquent  pas  tous  ;  loin  de  là  !  et  nous  devons 
en  désespoir  de  cause  reconnaître  que  de  la  cryptesthésie  nous  ne 
savons  que  ses  effets  ;  car  ses  modalités  et  son  mécanisme  nous 
échappent  absolument. 

Le  passage  de  la  métapsychique  subjective  à  la  métapsychique 
objective  n'est  pas  aussi  abrupt  qu'on  peut  le  croire;  car  enfin,  pour 
qu'il  y  ait  une  sensation  cryptesthésique,  il  faut  un  phénomène  exté- 
rieur quelconque,  probablement  une  vibration,  puisque  c'est  par 
des  vibrations  (de  l'éther  ?)  que  se  transmettent  les  énergies.  Donc, 
s'il  y  a  notion  cryptesthésique,  c'est  qu'il  y  a  eu  une  force  extérieure 
qui  a  agi. 

Les  monitious  (de  mort  ou  autres)  ne  s'expliquent  que  par  cette 
vibration  (de  nature  inconnue)  qui  a  frappé  notre  subconscience. 


780  CONCLUSION 

Donc  il  faut  qu'il  y  ait  quelque  chose  eu  dehors  de  nous  qui  ait 
agi  sur  nous.  Ce  quelque  chose  qui  est  en  dehors  de  nous,  et  qui 
ébranle  notre  moi  subconscient,  est  objectif.  Nos  instruments  ne 
peuvent  rien  enregistrer,  mais  il  importe  peu,  c'est  objectif  tout 
de  même. 

Et  alors  intervient  cet  étrange  pouvoir  de  symbolisation  qui  est 
une  des  pierres  angulaires  de  la  métapsychique. 

Pour  qu'une  notion  quelconque  soit  comprise  par  nous,  elle  doit 
prendre  une  forme  accessible  à  notre  intelligence  consciente.  Par 
exemple  la  mort  de  A  ne  sera  comprise  par  B,  conscient,  que  si  elle 
lui  est  indiquée  par  une  représentation  intelligible.  Alors  la  notion 
parvenue  à  l'état  fruste,  comme  une  ébauche  informe,  que  A  est 
mort, se  visualise, souslaformed'unfantôme,  ou  s'extériorise  sous  la 
forme  d'une  voix,  et  des  détails  sont  ajoutés,  multiples,  incohérents 
parfois,  parfois  très  synthétiques,  qui  complètent  la  notion  fruste. 
Ces  symboles  qu'on  est  tenté  de  considérer  comme  ayant  une  réalité 
n'ont  en  soi  aucune  réalité  ;  ils  ne  sont  que  la  traduction  (par 
un  symbole)  d'une  notion  particulière  qui  éveille  notre  cry- 
ptesthésie. 

Même  quand  il  y  a  hallucination  collective,  comme  dans  les  mai- 
sons hantées,  alors  que  le  même  personnage  apparaît  successive- 
ment à  diverses  personnes,  sous  la  même  apparence,  il  n'est  pas 
prouvé  qu'il  y  ait  fantôme  extérieur  réel.  C'est  peut  être  parce  que 
la  symbolisation  par  deux  percipients  différents  s'est  exercée  de  la 
même  manière.  Et  bien  entendu  il  ne  s'agit  ici  que  d'hypothèses. 

Je  ne  me  laisse  pas  décevoir  par  le  mirage  des  mots.  La  cryptes- 
thésie  n'est  qu'un  mot  qui  ne  dissimule  même  pas  notre  ignorance. 
Dire  qu'il  y  a  eu  cryptesthésie,  ce  n'est  aucunement  résoudre  les 
questions  troublantes,  très  troublantes,  auxquelles  nous  ne  pou- 
vons répondre  :  problèmes  que  la  métapsychique  future  éclair- 
cira  peut-être,  si  elle  consent  à  rester  strictement  expérimentale. 

1°  Ya-t-il  une  cryptesthésie  rudimentaire  chez  tous  les  individus, 
quels  qu'ils  soient? 

2°  Pourquoi,  chez  certains  médiums,  est-elle  aussi  développée  ? 
Pourquoi  l'hypnotisme  la  favorise-t-elle  ? 

8°  Pourquoi,  dans  les  séances  spiritiques,  dès  le  début  de  ces 
expériences,  le  médium  a-t-il  une  invincible  tendance  à  admettre 


CONCLUSION  781 

un    guide,   qui  semble  avoir  une  intelligence  distincte  de  lui? 

4°  Pourquoi,  chez  les  grands  médiums,  y  a-t-il  presque  cons- 
tamment association  entre  les  phénomènes  objectifs  (matérialisa- 
tions, télékinésies)  et  les  phénomènes  subjectifs  (cryptesthésie)  ? 

5°  Par  quelles  voies  la  connaissance  des  choses  arrive-t-elle,  en 
dehors  des  sens,  à  l'intelligence  humaine?  Est-ce  l'intelligence 
humaine  dont  la  vibration  se  transporte?  Ou  bien  les  choses  vont- 
elles  en  vibrant  au-devant  de  notre  intelligence? 

6°  Faut-il  supposer  qu'il  s'agit  seulement  de  l'intelligence 
humaine,  et  que  d'autres  intelligences  n'interviennent  pas  ;  celles  des 
morts,  ou  celles  des  anges,  démons,  Dieux  ? 

Dans  l'état  actuel  de  notre  embryonnaire  science,  ce  sont  ta  des 
problèmes  insolubles.  Je  me  suis  arrêté  aux  faits  :  je  ne  veux  pas 
me  laisser  entraîner  au-delà. 

Je  ne  condamne  pas  la  théorie  spirite.  A  coup  sûr  elle  est  préma- 
turée :  probablement  elle  est  erronée.  Mais  elle  aura  eu  l'immense 
mérite  de  provoquer  les  expériences.  C'est  une  de  ces  hypothèses 
de  travail  que  Claude  Bernard  considérait  comme  si  fécondes.  En 
tout  cas,  au  moins  provisoirement,  comme  cette  théorie  n'est  rien 
moins  que  prouvée,  qu'elle  est  fragile,  inconsistante,  incohérente, 
nous  nous  contenterons  de  dire,  sans  vouloir  ni  pouvoir  pénétrer 
plus  avant,  qu'il  y  a  des  voies  de  connaissance  transcendentale,  que 
nous  ne  pouvons  pas  en  limiter  l'étendue;  que  par  conséquent 
nous  devons  attribuer  à  cette  connaissance  supérieure  dont  quel- 
quefois paraît  doué  le  cerveau  humain  toutes  les  puissances  que 
les  spirites  ont  attribuées  aux  esprits. 

Nous  allons  examiner  bientôt  si  les  matérialisations,  les  téléki- 
nésies, n'apporteront  pas  quelque  appui  à  la  théorie  spirite  ;  mais 
d'ores  et  déjà  nous  pouvons  dire  que,  par  les  faits  subjectifs  seuls, 
la  démonstration  n'est  pas  faite.  Même,  ce  qui  est  assez  désespérant, 
on  ne  voit  pas  comment  elle  pourrait  être  faite,  comment  se  pourra 
prouver  que  la  conscience  humaine  survit  à  la  mort  du  cerveau, 
avec  ses  souvenirs  et  sa  personnalité. 

Mais  cependant  un  immense  pas  en  avant  a  été  fait  :  car  on  a 
pu  établir  que  tout  un  monde  de  forces,  quelquefois  accessibles,  vibre 
autour  de  nous.  Ces  forces,  nous  n'en  soupçonnons  pas  la  nature  ; 
nous  n'en  voyons  que  les  effets.  Mais  ces  effets  sont  si  nets  que  nous 


782  CONCLUSION 

pouvons  affirmer  la  réalilé  de  ces  forces.  Si  quelques  médiums, 
quelques  somnambules,  peuvent  savoir  ce  que  leurs  sens  ne  leur 
ont  pas  appris,  c'est  qu'il  y  a  venant  jusqu'à  eux  des  forces  (in- 
connues) qui  ébranlent  leur  sensibilité.  Et  c'est  tout  ce  que  nous 
pouvons  dire  aujourd'hui . 

XIII 

Par  conséquent  les  phénomènes  que  nous  appelons  subjectifs  ne 
sont  subjectifs  qu'en  apparence.  Il  y  a  toujours,  avant  tout  phéno- 
mène cryptesthésique,  une  force  extérieure  qui  l'a  provoqué,  une 
vibration  (inconnue)  qui  a  mis  en  jeu  ces  énergies  latentes  de  notre 
intelligence  humaine,  laquelle,  ignore  toute  sa  puissance. 

XIV 

Il  y  a  autre  chose  que  la  métapsychique  subjective.  Il  ne  s'agit 
plus  maintenant  d'une  énorme  hyperacuité  et  d'une  profondeur 
mystérieuse  de  notre  intelligence  ;  il  y  a  l'action  de  notre  intelli- 
gence sur  la  matière.  Et  l'obscurité,  déjà  terrifiante  lorsqu'il 
s'agit  d'intensifier  démesurément  la  cryptesthésie,  devient  plus 
terrifiante  encore. 

Nous  devons  admettre  —  car  les  faits  sont  là  —  qu'il  y  a  des 
mouvements  à  distance,  et,  quelque  étrange  que  soit  ce  phénomène, 
ce  n'est  pas  le  plus  étrange  :  c'est  même  le  plus  élémentaire  de 
toute  cette  science  embryonnaire  et  redoutable. 

Qu'une  force  mécanique  (de  nature  inconnue)  émane  du  corps 
humain  pour  mouvoir  une  table,  et  ébranler  par  des  coups  les  ais 
d'une  planche,  c'est  à  la  rigueur  compréhensible!  Mais  que  cette 
force  produise  des  sonorités  verbales,  des  lumières,  des  formes 
humaines  vivantes,  voilà  ce  qui  dépasse  toutes  nos  conceptions. 
Une  main  chaude  et  vivante,  une  bouche  qui  parle,  des  yeux  qui 
regardent,  et  une  pensée  qui  vibre,  comme  font  la  main,  la  bouche, 
les  yeux  et  la  pensée  d'une  personne  humaine,  ce  sont  des  phéno- 
mènes qui  confondent. 

Nous  sommes  en  pleines  ténèbres.  Déjà  en  métapsychique  objec- 
tive nous  ne  comprenions  guère  comment,  à  trois  mille  kilomètres 
de  distance,  Banca,  à  la  même  minute  où  sa  famille  va  périr  , parle 


CONCLUSION  783 

de  mort  guettant  sa  famille,  comment  le  chevalier  de  Figueroa 
peut  voir,  six  mois  avant  l'événement,  un  paysan,  vêtu  de  noir, 
frapper  la  croupe  d'un  mulet  pour  le  laisser  monter  un  escalier 
tordu.  Mais,  quand  il  s'agit  de  métapsychique  objective,  c'est 
bien  plus  effrayant  encore.  La  métapsychique  objective  est  le 
mystère,  le  mystère  absolu,  et  les  tentatives  d'explication  qu'on 
hasarde  paraissent  assez  puériles. 

Pourtant  on  n'a  pas  le  droit  de  soustraire  ces  faits  à  l'investi- 
gation scientifique. 

La  science  métapsychique  passera  certainement  par  des  phases 
diverses.  Elle  est  encore,  à  l'heure  présente,  dans  une  période 
d'enfantement,  mais  c'est  déjà  beaucoup  qu'on  ait  établi  les  faits  ; 
car  ils  sont,  comme  on  vient  de  le  voir,  solidement  établis,  et 
trop  évidents  pour  être  niés.  Malheureusement  ils  ne  constituent 
pas  encore  un  ensemble  permettant  à  une  doctrine  de  s'édifier, 
sérieuse.  Il  faut  pourtant  saus  timidité  et  sans  orgueil  —  un  orgueil 
que  rendrait  bien  ridicule  notre  débilité  intellectuelle  —  examiner 
ce  qu'on  peut  inférer  de  toutes  ces  observations  stupéfiantes,  de 
toutes  ces  expériences  extraordinaires. 

Or  pour  ce  qui  est  des  matérialisations  et  des  télékinésies, 
nous  résumerons  notre  opinion  ainsi  :  Ces  phénomènes  peuvent 
être  attribués  à  des  puissances  énergétiques  d'origine  humaine. 

XV 

Grâce  à  Ochorowicz,  Schrknck-Notzing,  Mad.  Bisson,  Crawford, 
qui  ont  continué  l'œuvre  de  Crookes,  il  semble  maintenant  à  peu 
près  prouvé  que  les  matérialisations  sont  des  ectoplasmes,  c'est-à- 
dire  des  expansions  sarcodiques  sortant  du  corps  humain  (des 
médiums)  absolument  comme  l'expansion  pseudopodique  sort  de 
la  cellule  amibienne.  Tous  les  zoologistes  savent  que  l'amibe  a  un 
sarcode  qui  peut  se  projeter  au  dehors  pour  saisir  des  parcelles 
alimentaires  et  s'incorporer  les  objets  voisins.  De  même,  dans  la 
trance  médianimique,  du  corps  du  médium  peuvent  sortir  des 
filaments  fluidiques,  des  expansions  en  forme  de  nuages,  ou  de 
voiles,  ou  de  tiges,  qui  vont  s'organiser  et  prendre  l'apparence 
de  membres  humains,  parfois  même  de  corps  humains  tout  entiers. 


784  .  CONCLUSION 

Ces  ectoplasmes,  à  une  première  phase  de  leur  action,  sont  invi- 
sibles, et  cependant  ils  sont  déjà  capables  de  mouvoir  des  objets, 
de  donner  des  raps  dans  une  table.  Plus  tard,  ils  deviennent 
visibles,  quoique  nuageux  et  ne  constituant  que  des  ébauches.  Plus 
tard  encore,  ils  ont  des  formes  humaines,  car  ils  ont  la  propriété 
extraordinairedechangerde  forme,  de  consistance,  etd'évoluer  sous 
nos  yeux.  En  quelques  secondes  cet  embryon  nébuleux,  qui  sort  du 
corps  du  médium,  devient  un  être  véritable,  alors  que  l'oeuf  em- 
bryonnaire, pour  évoluer  et  devenir  un  être  adulte,  a  besoin  de 
trente  années. 

Quelquefois  même  le  fantôme  apparaît  tout  d'un  coup,  brusque- 
ment, sans  avoir  passé  par  la  phase  de  nébulosité  lumiueuse.  Mais 
c'est  probablement  un  phénomène  du  même  ordre. 

Cette  formation  ectoplasmique  aux  dépens  de  l'organisme  ana- 
tomo-physiologique  du  médium  est  maintenant  hors  de  toute  con- 
testation. Et  c'est  prodigieusement  étrange,  prodigieusement  inha- 
bituel, prodigieusement  invraisemblable.  Pourtant  on  est  forcé  de 
se  rallier  à  l'évideuce  des  faits.  Je  suis  convaincu  que,  dans  vingt- 
cinq  ans,  la  science  officielle  classique  admettra  la  télékinésie  et 
l'ectoplasmie  comme  des  phénomènes  incontestés. 

La  transformation  profonde  des  idées  qui  s'est  faite  à  ce  sujet 
depuis  les  vingt-cinq  dernières  années  m'autorise  à  cette  conviction. 

XVI 

Or  il  ne  suffit  pas  d'avoir  constaté  les  faits  ;  il  faut  avoir  le  cou- 
rage d'en  essayer  une  théorie  quelconque,  qui  sera  nécessairement 
imparfaite. 

Nous  avons  vu  que,  pour  la  métapsychique  subjective,  l'explica- 
tion la  plus  rationnelle,  la  plus  simple,  était  de  supposer  une 
faculté  de  connaissance  supra-normale,  celle  que  nous  avons  appelée 
la  cryptesthésie,  à  savoir  l'ébranlement  de  l'intelligence  humaine 
par  certaines  vibrations  qui  n'émeuvent  pas  nos  sens  normaux. 

Eh  bien  !  pour  la  métapsychique  objective,  nous  arrivons  à 
admettre  que  l'explication  la  plus  rationnelle,  la  plus  simple,  est 
assez  analogue,  c'est-à-dire  qu'on  peut  supposer  à  l'organisme 
humain  uue  faculté  de  projection  au  dehors,  autrement  dit  une 


CONCLUSION  785 

sorte  d'ectoplasmisation,  ou  émission  d'une  substance  matérielle 
capable  de  s'organiser. 

Par  conséquent,  l'hypothèse  la  plus  vraisemblable,  c'est  qu'il  y 
a  dans  notre  corps  des  forces  capables  de  s'extérioriser. 

Mais,  cette  hypothèse,  quoique  étant  la  plus  simple,  n'est  pas 
simple  du  tout  :  c'est  une  physiologie,  une  physique,  une  chimie 
nouvelles. 

Des  êtres  à  forme  humaine  qui  naissent  et  meurent  dans  des 
voiles  blancs,  qui  se  forment  et  s'évanouissent  comme  des  nuages, 
ce  ne  sont  pas  des  êtres  humains. 

L'homme  est  si  proche  de  l'animalité  que  tout  ce  qui  est  le  pro- 
pre d'un  être  humain  doit  aussi,  au  moins  partiellement,  être 
accordé  aux  autres  animaux.  Nous  n'avons  aucune  fonction  essen- 
tielle dont  soit  dépourvu  un  mammifère  quelconque,  voire  un  ver- 
tébré, voire  un  invertébré.  Les  processus  de  génération,  de  circula- 
tion, de  nutrition,  de  digestion  sont  à  peu  près  les  mêmes.  La 
différence  entre  l'homme  et  l'animal,  c'est  que  l'homme  a  une 
intelligence  un  peu  plus  aiguë,  un  peu  plus  vaste,  capable  d'abstrac- 
tion, de  souvenir  et  d'analyse.  Mais  enfin  cette  différence  n'est  pas 
essentielle.  L'homme  possède  un  plus  haut  degré  d'intelligence, 
voilà  tout.  C'est  un  animal  très  intelligent,  mais  c'est  un  animal. 
Or  transformer  la  matière,  devenir  un  être  vivant  transitoire,  créer 
des  matières  vivantes  transitoires,  c'est  tout  un  monde  nouveau. 
Nous  évoluons  dans  un  autre  ordre  de  grandeurs.  L'homme  alors 
n'est  plus  l'homme.  Il  n'appartient  plus  au  règne  animal.  Il  sort 
même  du  monde  mécanique  où  nous  nous  mouvons,  monde  où  la 
chimie,  la  physique,  et  la  mathématique  régnent  souveraine- 
ment. 

Tout  est  possible.  Les  pouvoirs  de  notre  personne  humaine, 
morale  ou  matérielle,  vont  peut-être  beaucoup  plus  loin  que  ne  le 
feraient  croire  nos  habituelles  et  quotidiennes  expériences.  Il  est 
démontré  que  du  corps  peuvent  émaner  des  expansions  fluidiques 
qui  vont  s'organiser,  s'agréger  en  formes  humaines.  Il  est 
démontré  que  l'ectoplasmie  est  une  des  propriétés  de  la  matière 
vivante. 

Geley,   dans  un  livre  ingénieux,  a  supposé  que  l'inconscient 

Ricbet.  —  Métapsychique.  50 


780  CONCLUSION 

était  une  sorte  de  force  créatrice  ;  c'est  l'inconscient  qui  détermine 
les  mutations  histologiques  par  lesquelles  la  larve  se  transforme 
en  chrysalide,  et  la  chrysalide  en  insecte  parfait.  C'est  l'inconscient 
qui  produit  les  stigmates  et  les  guérisons  miraculeuses.  C'est  l'in- 
conscient qui  fait  les  matérialisations.  Et  certes,  c'est  une  tenta- 
tive hardie  et  profonde  que  de  rattacher  les  phéuomènes  méta- 
psychiques  aux  données  les  plus  positives  de  l'emhryologie  et  de  la 
zoologie.  Mais  ce  n'est  pas,  à  ce  qu'il  semble,  introduire  une  expli- 
cation. Cet  inconscient  si  puissant,  si  universellement  répandu  et 
efficace,  c'est  une  force  non  démontrée,  c'est  toujours  le  quid  igno- 
tum. 

Mais,  même  pour  Geley,  le  subconscient  ne  suffit  pas,  et  il  tend 
à  admettre  —  sans  l'affirmer  —  que  les  phénomènes  élevés  et  com- 
plexes du  médiumnisme  semblent  démontrer  une  direction  (étran- 
gère) une  intention  (étrangère)  qu'on  ne  peut  guère  rapporter  au 
médium  ou  aux  expérimentateurs. 

Telle  est  l'opinion  de  Geley;  ce  n'est  pas  tout  à  fait  la  mienne. 
Donc  je  dirai,  avec  Lodge,  qu'il  s'agit  de  choisir  parmi  toutes  les 
propositions  possibles  celle  qui  est  la  moins  extravagante. 
Aucune  explication,  dit-il  encore,  ne  convient  à  tous  les  faits. 
Prétendre  forger  des  explications,  c'est  une  entreprise  aussi 
prématurée  que  l'eût  été  pour  Galvani  d'expliquer  la  nature  de 
l'Électricité. 

Dans  son  beau  livre  sur  la  personnalité  humaine,  Fr.  Myers 
a  ébauché  une  théorie  qui  à  certains  égards  ressemble  à  celle  de 
Geley  ;  au  moins  pour  les  phénomènes  élémentaires  de  la  méta- 
psychique.  D'après  Myers,  il  y  a  des  personnalités  multiples,  des 
centressubliminaux,  qui  coexistent, travaillent,  pensent,  comparent, 
analysent,  à  côté  du  centre  principal  (la  conscience)  qui  ne  les  con- 
naît pas,  ouà  peine.  Ces  centres  secondaires  sont  capables,  plus  que 

le  centre  conscient,  d'être  ébranlés  par  les  vibrations  cryptesthé- 
siques. 

Assurément.  Mais  tout  de  suite,  pour  expliquer  les  phéno- 
mènes supérieurs  de  la  métapsycliique,  Fa.  Myers  est  forcé  d'ad- 
mettre formellement  la  survie,  et  de  supposer  que,  dans  bien  des 
cas  d'écriture  automatique,  ou  de  possession ,  ces  centres  secondaires 
sont  envahis  par  les  esprits  désincarnés. 


CONCLUSION  787 

Plus  on  étudie  ces  phénomènes  complexes,  plus  on  analyse,  dans 
tous  leurs  détails,  ces  monitions,  prémonitions,  hallucinations 
véridiques,  hallucinations  collectives,  plus  on  est  enclin  à  l'hypo- 
thèse d'une  puissance  inconnue,  ectoplasmique,  attribuée  à  l'être 
humain.  Or  cette  hypothèse  est  tellement  étrange  qu'il  faut  épuiser 
les  autres  hypothèses  possibles. 

Et  tout  d'abord  nous  pouvons  supposer  que  d'autres  êtres  que 
l'homme,  intelligents  aussi,  errent  autour  de  nous  et  peuvent  se 
mêler  à  nos  évolutions,  quoiqu'ils  soient  soustraits  aux  conditions 
mécaniques,  physiques,  anatomiques,  chimiques  de  notre  exis- 
tence. 

Et  pourquoi  n'existerait-il  pas  des  êtres  intelligents  et  puissants, 
distincts  des  mondes  abordables  à  nos  sens?  De  quel  droit,  avec 
nos  sens  bornés,  notre  intelligence  défectueuse,  notre  passé  scien- 
tifique de  trois  siècles  à  peine,  oserions-nous  affirmer  que  dans 
l'immense  Kosmos  l'homme  est  le  seul  être  intelligent,  et  que  toute 
réalité  intellectuelle  nécessite  toujours  des  cellules  nerveuses  irri- 
guées par  du  sang  oxygéné  ? 

Qu'il  y  ait  des  forces  intellectuelles  autres  que  celles  de  l'homme, 
construites  sur  un  type  tout  différent,  non  seulement  cela  est  pos- 
sible, mais  c'est  extrêmement  probable.  On  peut  même  prétendre 
que  c'est  certain.  Il  est  absurde  de  supposer  que  la  seule  intelli- 
gence de  la  nature,  c'est  la  nôtre  ;  et  que  fatalement  toute  force 
intelligente  est  organisée  sur  le  mode  animal  ou  humain,  avec  un 
cerveau  pour  organe. 

On  voit  tout  de  suite  combien  le  mystère  est  profond.  Car,  lorsque 
nous  parlons  d'intelligence,  nous  supposons  implicitement,  dans 
notre  conception  fatalement  anthropomorphique  des  choses,  que 
cette  intelligence  est  avec  mémoire,  avec  logique,  avec  terminologie 
verbale,  avec  affectivité.  Or  l'intelligence  (dans  le  sens  humain) 
c'est  quelque  chose  de  si  imparfait,  de  si  spécial  à  l'humanité,  que 
nous  ne  pouvons  guère  apprécier  les  forces  intelligentes  qu'en  les 
assimilant  plus  ou  moins  à  celles  de  l'homme,  ce  qui  est  probable- 
ment une  grave  erreur.  Dire  :  un  ange  est  intelligent  (dans  le  sens 
humain),  c'est  à  peu  près  aussi  légitime  que  si  un  morceau  de 
drap  rouge  disait  :  un  ange  est  rouge. 

L'idée  que  nous  nous  faisons  des  esprits,  qu'il  s'agisse  de  leurs 


788  CONCLUSION 

formes  ou  de  leurs  pensées,  est  donc  toujours  d'un  grossier  anthro- 
pomorphisme ;  mais  cet  anthropomorphisme  grossier  est  néces- 
saire. 

Tout  de  même  allons  au  bout  de  notre  pensée,  et  sans  frayeur, 
puisque  nous  sommes  dans  le  domaine  de  l'hypothèse.  La  cellule 
nerveuse  est  pour  l'animal  la  condition  de  l'intelligence  ;  mais 
cela  ne  prouve  nullement  que  pour  tout  phénomène  d'intelligence 
il  y  ait  nécessité  d'une  cellule  nerveuse,  voire  des  éléments 
chimiques  que  nous  appelons  matériels.  Des  mondes  très  différents, 
des  êtres  très  différents  sont  concevables,  où  l'intelligence  exis- 
terait sans  cellules  nerveuses,  sans  substratum  matériel.  La  preuve 
que  ces  êtres  existent  n'est  pas  faite  ;  mais  leur  possibilité  d'être 
est  évidente. 

On  dit  :  V homme  ne  manifeste  son  intelligence  que  par  son 
cerveau,  donc  aucune  intelligence  ne  peut  se  manifester  sans 
cerveau.  Telle  est  l'étonnante  logique  de  ceux  qui  nous  accusent 
de  faire  œuvre  contraire  à  la  science. 

Si  nous  admettons  qu'il  y  a  dans  l'univers,  en  des  conditions 
d'espace  et  de  temps  qui  sont  soustraites  à  notre  rudimentaire 
psychologie,  des  êtres  doués  d'intelligence,  interférant  à  certains 
moments  dans  notre  vie,  on  a  tout  de  suite,  pour  beaucoup  de  faits 
rapportés  en  détail  dans  ce  livre,  une  hypothèse  commode. 

Êtres  mystérieux,  anges  ou  démons,  existences  amorphes,  esprits 
qui  cherchent  par  moments  à  intervenir  dans  nos  actes,  qui  peuvent, 
par  des  voies  absolument  inconnues,  manier  la  matière  à  leur  gré, 
qui  dirigent  quelques-unes  de  nos  pensées,  qui  se  mêlent  à  quelques- 
unes  de  nos  destinées,  et  qui,  pour  se  faire  connaître  de  nous  — 
car  sans  cela  nous  ne  les  comprendrions  pas  —  prennent  V aspect 
matériel  et  psychologique  despersonnalités  humaines  ayant  disparu, 
cest  une  manière  simpliste  d'énoncer  et  de  comprendre  la  plupart 
des  phénomènes  métapsy chiques. 

D'autant  plus  que  très  souvent,  dès  qu'on  analyse  un  peu  pro- 
fondément les  faits  de  monitions  et  de  prémonitions,  il  semble 
bien  y  avoir,  en  dehors  de  nous  et  loin  de  nous,  de  vagues  intentions , 
intentions  qui  dépassent  nos  conceptions  humaines,  comme  si  les 
forces  intelligentes  voulaient  s'arrêter  au  seuil  du  mystère,  ne 
consentant  pas  à  tout  dire,  parlant  par  énigmes   et    symboles, 


CONCLUSION  789 

ébauchant  de  nuageuses  affirmations,  alors  qu'elles  eussent  pu 
être  plus  explicites,  remuant  des  assiettes,  des  tables,  des  bûches, 
alors  qu'il  leur  eût  été  possible  —  au  moins  d'après  les  données  de 
notre  habituelle  intelligence  —  de  nous  fournir  des  preuves  plus 
intéressantes,  d'opérer  dans  un  laboratoire  de  physique,  et  surtout 
de  nous  renseigner  sur  les  mystères  de  leur  vie  continuée  après  la 
mort  du  corps.  Mais  ils  restent  dans  la  fumée  d'une  théosophie 
verbeuse  ;  ne  nous  disent  jamais  rien  d'utile  ;  ne  nous  indiquent 
même  pas,  avec  quelque  précision,  les  conditions  favorables  à 
l'expérimentation. 

Que  ces  esprits  soient  les  consciences  d  es  êtres  humains  défunts 
c'est  à  la  rigueur  possible,  mais  j'oserai  dire,  avec  toutes  les  pru- 
dences qu'impose  une  négation  quelconque,  ce  riest  guère  pro- 
bable. L'âme  de  ces  désincarnés  est  trop  fondamentalement  diffé- 
rente de  l'âme  des  défunts,  pour  que  ce  puisse  être  la  même.  Et 
quant  à  la  matière,  comment,  après  trois  ans  de  séjour  dans  un 
cercueil,  un  cadavre  désagrégé  pourrait-il  plus  facilement  retrouver 
les  vieux  vêtements  qu'il  portait  de  son  vivant,  que  reconstituer 
son  cœur,  son  foie,  et  sa  cornée,  qui  sont  devenus  une  bouillie 
informe. 

Si  donc  —  ce  que  d'ailleurs  je  ne  puis  croire  —  il  y  a  des  esprits 
doués  de  pouvoirs  mystérieux  (que  je  ne  comprends  nullement)  et 
d'intentions  mystérieuses  (que  je  ne  comprends  pas  davantage),  en 
tout  cas  ces  esprits  ne  sont  pas  les  consciences  des  défunts.  Ils 
appartiennent  à  d'autres  mondes,  différents  de  notre  monde 
matériel  aussi  bien  que  de  notre  monde  moral,  et,  s'ils  revêtent 
des  apparences  humaines,  c'est  afin  de  pouvoir  se  faire  comprendre 
fragmentairement  à  nous1. 

1.  Afin  de  rendre  dans  une  certaine  mesure  acceptable  cette  hypothèse  qui 
paraît  monstrueuse,  imaginons  que  l'homme  n'en  sait  pas  beaucoup  plus  sur 
l'univers  qu'une  république  de  fourmis  n'en  sait  de  la  planète-terre  qu'elles  habi- 
tent. Elles  ne  savent  pas  qu'il  y  a  des  êtres  qui  leur  sont  bien  supérieurs  comme 
force  et  comme  intelligence  ;  elles  ignorent  qu'il  y  a  des  mers,  des  vaisseaux,  des 
bibliothèques,  des  téléphones,  des  théâtres,  des  armées,  des  tribunaux  et  des 
étoiles.  Elles  vivent  comme  si  tout  se  limitait  dans  l'univers  à  quelques  brin- 
dilles de  bois,  des  mousses,  de  vieux  troncs  d'arbre,  des  pucerons  qui  les  nour- 
rissent, et  des  ruisselets  d'eau  qui  inondent  leur  fourmilière.  Si  une  fourmi  plus 
sagace  que  les  autres  leur  vient  dire  qu'il  y  a  d'autres  mondes  que  ceux-là,  cette 
fourmi,  malgré  sa  sagacité,  sera  sans  doute  taxée  de  folie,  et  on  n'aura  pas  de 
peine,  dans  la  république  formicienne,  à  prouver  sod  incohérence  intellectuelle. 

Et   alors,   étant    convaincu,  que,    tout  compte  fait,    nous  sommes,  dans   le 


790       •  CONCLUSION 

En  résumé  il  y  a  trois  hypothèses  :  1°  ce  sont  les  morts,  dont  les 
consciences,  au  lieu  de  disparaître,  ont  continué  à  exister  (sans 
substratum  matériel)  :  c'est  la  théorie  spirite,  celle  qui  me  paraît  la 
moins  vraisemblable  ;  2°  il  y  a  des  anges,  des  esprits  (Sàipueç)  qui, 
puissants  mécaniquement  et  psychologiquement,  interviennent 
dans  les  affaires  humaines  ;  3°  l'intelligence  humaine  (âme  et 
corps),  est  assez  puissante  pour  produire  aussi  bien  les  manifesta- 
tions matérielles  (ectoplasmies)  que  les  manifestations  subjectives 
(cryptesthésies),  qui  nous  stupéfient. 

Si  j'admets,  comme  manifestement  préférable  aux  deux  autres, 
cette  troisième  hypothèse,  ce  n'est  pas  que  j'y  croie  bien  fort.  Loin  de 
là.  Je  sens  combien  elle  est  fragile,  et  ridicule,  et  presque  aussi 
ridicule  que  les  deux  autres.  Mais  quoi!  Avons-nous  mieux? 

Peut-être.  Et  pour  ma  part,  j'adopte  sans  réserve  une  quatrième 
proposition  ;  celle  qui  a  toutes  chances  d'être  la  vraie  :  nous  n'avons 
encore  aucune  hypothèse  sérieuse  à  présenter. 

En  définitive  je  crois  à  l'hypothèse  inconnue  qui  sera  celle  de 
l'avenir,  hypothèse  que  je  ne  puis  formuler,  car  je  ne  la  connais 
pas. 

XVII 

Des  faits  effarants  vibrent  autour  de  nous,  qui  semblent  tout 
d'abord  en  étrange  dysharmonie  avec  les  vérités  acquises.  Eh  bien  ! 
non.  Puisque  les  faits  sont  là,  la  dysharmonie  ne  peut  être  qu'appa- 
rente, conséquence  fatale  de  notre  ignorance.  Or  cette  ignorance  ne 
sera  pas  perpétuelle.  Un  jour  viendra,  qui  n'est  pas  très  loin  peut- 
être,  où  une  découverte  inattendue  ouvrira  des  horizons  nouveaux. 
Un  savant  génial,  un  médium  puissant,  un  hasard  heureux,  en  voilà 
assez  pour  que  surgisse  aussitôt  toute  une  série  de  vérités  nouvelles, 
d'où  sortiront  non  seulement  des  solutions  nouvelles,  mais  aussi 
des  problèmes  nouveaux,  problèmes  dont  nous  n'avons  pas  la 
moindre  idée  à  l'heure  actuelle. 


Kosmos,  beaucoup  moins  encore  qu'une  troupe  de  fourmis  sur  la  planète  terrestre, 
je  penche,  sans  preuves  solides  d'ailleurs,  à  croire  qu'il  existe  d'autres  univers  que 
notre  petit  univers  physico-chimique.  C'est  une  supposition  qui  est  surprenante, 
sans  être  invraisemblable. 


CONCLUSION  791 


XVIII 


Tout  sera  beaucoup  plus  surprenant,  beaucoup  plus  inattendu  que 
nos  médiocres  imaginations  ne  peuvent  le  rêver.  Nous  devons  nous 
dire  que  la  science  sera  transformée  de  fond  en  comble,  au  delà  de 
tout  ce  que  les  plus  téméraires  peuvent  concevoir. 

Il  faudra  procéder  résolument,  par  des  méthodes  scientifiques 
exactes,  avec  aussi  peu  de  timidité  que  de  crédulité.  Ayons  foi  dans 
le  pouvoir  magique  de  la  science.  Essayons  de  nous  représenter  la 
mentalité  humaine  aux  temps  de  Pahacelse  et  de  Gutenberg,  c'est- 
à-dire  il  y  a  quatre  cents  ans.  Douze  générations  humaines,  c'est 
bien  peu  pour  avoir  transformé  le  monde  ! 

La  chimie  est  une  science  admirable  qui  connaît  les  évolutions 
les  plus  secrètes  des  atomes,  qui  peut  indiquer  la  place  que  ces 
impondérables,  en  s'unissaut,  occupent  dans  l'espace  pour  créer  des 
substauces  nouvelles.  Et  pourtant  la  chimie  a  débuté  par  l'Alchimie, 
sœur  de  l'Astrologie. 

Si  j'avais  vécu  au  xve  siècle,  j'aurais  peut-être  eu  confiance  dans 
l'Alchimie  et  l'Astrologie.  J'aurais  bien  fait,  puisque  l'Alchimie  est 
devenue  la  Chimie,  et  l'Astrologie  est  devenue  l'Astronomie.  Aujour- 
d'hui ma  confiance  est  absolue  en  la  Métapsychique,  et  je  crois 
bien  qu'il  ne  lui  faudra  pas  quatre  cents  ans  pour  aboivljij^jà  une 
science  aussi  précise  que  la  Chimie  actuelle. 

Cependant  une  difficulté  se  présente,  que  les  autres  sciences  n'ont 
pas  eu  à.  vaincre,  qui  est  spéciale  à  la  métapsychique,  et  très 
grave.  En  effet  celte  science  semble  s'adresser  non, plus  à  des  forces 
aveugles,  mais  à  des,  forces  intelligentes,  c'est-à-dire  capables  de 
fantaisies,  d'intentions  (hostiles  peut-être).  Et  alors  comment  atta- 
quer le  problème  ?  Tout  devient  très  aléatQJf^^^  evued 
:  Heureusement  il  n'est  guère  probable  que  ces  forces  intelligentes 
ne  sont  pas  soumises  à  des  lois,  et  par  conséquent  abordables  à  nos 
recherches. 

Ce  sont  ces  lois  qu'il  s'agira  de  connaître.  Qui  sait  si,  au  lieu 
d'être,  comme  il  a  semblé  jusqu'ici,  empêchés  par  ces  intelligences 
mêmes  d'arriver  à  leur  connaissance,,  nous  ne  serons  pas  aidés  par 

elles? 

i 


792  CONCLUSION 

En  tout  cas,  déjà,  par  les  faits  épars  et  nombreux  qui  ont  été 
recueillis,  on  peut  se  rendre  compte  qu'une  mentalité  nouvelle 
inspirera  les  sociétés  humaines  à  mesure  que  la  métapsychique  fera 
des  progrès.  Nous  étions  parfois  disposés  à  croire  que  les  faits 
matériels  constatés  et  étudiés  par  les  savants  sont  tout,  et  déjà  nous 
étions  tentés  d'assigner  quelque  limite,  pas  très  lointaine,  à  toute 
notre  actuelle  science.  Des  microscopes,  des  thermomètres,  des 
télescopes,  des  galvanomètres  plus  délicats  et  plus  précis  !  tel  était 
à  peu  près  notre  très  médiocre  horizon.  Mais  à  présent  notre  espé- 
rance est  beaucoup  plus  vaste.  Voici  que  nous  entrevoyons  tout  un 
monde  inexploré,  plein  de  mystère  encore,  devant  lequel  nous  res- 
tons muets  et  stupides,  ainsi  qu'un  Hottentot  devant  les  tourbillons 
dePomcARÉ,  les  ondes  de  Hertz,  les  microbes  de  Pasteur  ou  la  rela- 
tivité d'ElNSTEIN. 

Ce  monde  nouveau,  c'est  l'inconnu,  c'est  l'avenir,  c'est  l'espoir1. 

Comme  Fréd.  MYERset  Oliver  Lodge  l'ont  admirablement  indiqué, 
peut-être  une  nouvelle  conception  du  devoir  humain  se  dégagera- 
t-elle  de  ces  études  à  peine  ébauchées.  Rien  ne  peut  nous  faire 
prévoir  le  bouleversement  que  la  métapsychique  va  produire  dans 
nos  idées  sur  les  fins  dernières  de  l'homme.  Certes  la  science  des 
atomes  et  des  forces  matérielles,  attraction,  chaleur,  électricité, 
affinités  chimiques,  ne  sera  pas  bouleversée  ;  car  les  bases  en  sont 
inébranlables.  Mais  on  y  aura  peut-être  ajouté  de  grandes  choses 
nouvelles. 

Et  [puis  la  finalité  de  l'homme  sera  peut-êtfe  mieux  comprise. 
Elle  ne  restera  plus  autant  qu'autrefois  enfouie  dans  les  nuages  de 
l'impénétrable,  si  nous  avons  pu  introduire  dans  la  science  posi- 
tive quelques-uns  des  faits  les  plus  cohérents  de  cette  science 
nouvelle. 

Or  à  l'heure  actuelle,  quand  tout  est  ténèbres  encore,  notre 
devoir  est  tout  tracé.  Soyons  sobres  de  toute  spéculation  vaine  : 


1.  Pascal  Ta  dit  en  termes  profonds.  «  Les  secrets  de  la,  nature  sont  cachés  ; 
quoiqu'elle  agisse  toujours,  on  ne  découvre  pas  toujoufs  ses  effets  ;  le  temps  les 
révèle  d'âge  en  âge...  Sans  contredire  les  anciens,  nous  pouvons  affirmer  le  con- 
traire de  ce  qu'ils  disaient,  et,  quelque  force  qu'ait  cette  antiquité,  la  vérité  doit 
toujours  avoir  l'avantage,  quoique  nouvellement  découverte,  puisqu'elle  est  tou- 
jours plus  ancienne  que  toutes  les  opinions  qu'on  a  eues.  »  [Fragment  d'un  traité 
sur  le  vide,  Ed.  Havet,  II,  273.) 


CONCLUSION  793 

approfondissons  et  analysons  les  faits  :  mettons  autant  de  rigueur 
dans  l'expérimentation  que  d'audace  dans  l'hypothèse. 

Alors  la  Métapsychique  sortira  de  l'Occultisme,  comme  la  Chimie 
s'est  dégagée  de  l'Alchimie.  Et  nul  ne  peut  prévoir  quelle  en  sera 
l'étonnante  destinée. 

Tout  de  même  il  ne  faut  pas  se  faire  trop  d'illusions.  Les  frag- 
ments de  vérités  incomprises  que  nous  présente  la  science  de 
l'occulte  nous  montrent  la  misère  de  notre  humaine  intelligence. 
L'astronome,  en  étudiant  les  astres,  est  bien  vite  convaincu  que 
l'homme  est  un  être  prodigieusement  infime.  De  même,  dans  la 
métapsychique,  quand  de  pâles  et  fugitives  lueurs  nous  révèlent 
des  mondes  intellectuels  frémissant  autour  de  nous,  et  en  nous, 
nous  sentons  que  ces  mondes  nous  resteront,  pour  toujours  peut- 
être,  aussi  lointains  et  incompréhensibles  que  les  étoiles  incom- 
préhensibles et  lointaines  qui  peuplent  la  voûte  céleste. 

Mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  ne  pas  redoubler  nos  efforts  et 
nos  labeurs.  Il  y  a  là  de  grands  mystères  à  approfondir.  La  tâche 
est  si  belle  que,  même  si  elle  doit  échouer,  l'honneur  de  l'avoir 
entreprise  donne  quelque  prix  à  la  vie. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE  DES  NOMS 


Abbott  (David),  573,  581. 

Abélard,  86. 

Abelous,  147. 

Abronowski,  2?9. 

Adam  (M-  J.),  325,  355. 

Adam  (Paul),  468. 

Adams,  426,  427,  727. 

Adamson,  148. 

Adare  (Vie),  612,  618-622. 

Agda  Olsen,  154. 

Aggazotti,  536. 

Agnès  (Sainte),  692. 

Agrippa  (Cornélius),  15,  19. 

Aischa,  643-647. 

Akoutine,  740. 

Aksakoff,  6,  30,  38,  41,   193,  271,  278, 

279,  341,  529,  532,  574,  597,  627,  684. 

689,  702,  707,  709,  740,  741  761. 
Albertis,  698. 
Alesi  (H.  d'},  97. 
Alexander,  395. 
Alexandra,  474. 
Alexandrine,  465. 
Alexis  (Didier),  26,  142,  143,  461. 
Alice,   46,   83,   134,   151,  152,  154,  155, 

157-161.  461-463,  760. 
Allams,  278. 

Allan-Kardec,  32,  33,  383. 
Alliot,  222. 
Allom,  356. 
Aima  Haemmerlé,  708. 

—  154,  155. 
Alphonse  XIII,  497. 

—  (de  Liguori),  20,  701. 
Alrutz  (Sidney),  122. 
Amicis  (de),  638. 
Ammien  Marcellin,  23. 
Ampère  (A.-M.),  585. 
Amyot,  19. 

Andrade  (M-«  d'),  672,  677. 
Andrée,  63,  75,  77. 
Andrews  (Miss),  116. 


Anna  (Tante),  428. 

—      146,  147. 
Anthony  (D'),  466. 
Antoine  (B.),  467. 
Apollonius,  19. 
Applesby,  338. 
Apte,  21. 
Arago, 484. 
Arbonsoff,  356. 
Aresky,  590,  643,  644,  650. 
Argentine,  669. 
Arpentigny,  226. 
Aristote,  2,  258. 
Arren  (d'),  673. 
Arriola  (Pepito).  10,  279. 
Ars  (Curé  d'),  693. 
Arsonval  (d'),  529,  536,  562,  585. 
Artus,  133. 
Assagioli,  297-299. 
Athénodore,  727,  728. 
Aub,  198. 
Aubry  (G.),  192. 

—  (F.),  192. 
Audenino,  537. 
Avellino,  636. 
Aylesbury,  322,  429,  438. 
Azam,  36,  83,  220. 

Babinet,  31,  283. 
Babinski,  119. 
Bachelot,  337. 
Bacherini,  508. 
Backer,  133. 

Backmann  (D.),  154,  155. 
Baeschly,  358. 
Baggalli,  538. 
Bagot  (M""),  305,  347. 
Bailey,  583,  591,  601,  608. 
Baker  (Bichard). 

—  (M«"),  471. 
Baldwin,  173. 
Baie  (Miss),  479. 


796 


INDEX  ALPHABETIQUE   DES  NOMS 


Balfour  (Gérard),  21b,  216. 

Bail,  356. 

Balle,  149. 

Balsamo  (S.),  471. 

Bangs,  577. 

Banister,  450. 

Baraduc.  121,  556,  557,  613,  709. 

Bard,  326,  407,  408. 

Baréty,  121. 

Barker,  357,  358,  501. 
—     (Eisa),  95,  359. 

Barklay  (M-8),  656. 

Barr  (Miss),  325. 

Barrau  (Mme  de),  428. 

Barrett  (sir  William),  6,  29,  37,  38, 103, 
122,  190,  205,  209,  210,  276,  381,  289, 
552,  570,  571,  749,  750,  752,  761. 

Bartolini  (T.),  194. 

Barwell,  311. 

Barzini,  605. 

Baschieri  (U.),  194,  542. 

Basserolle,  365,  306. 

Baucher,  133. 

Baudouin  (M.),  338,  339. 

Bathes  (Effia),  186. 

Bayfield,  178. 

Bayley,  591. 

Bayol,  687. 

Beale  (Miss),  358,422,  423. 

Beaugrand,  326,  359. 

Bec,  360. 

Bedford  (Miss),  729,  730. 

Beilby,  425,  438. 

Belbéder,  360. 

Bellier,  534. 

Belot  (M-»»),  411. 

Benedikt,  121,  294. 

Benning,  707. 

Beresford  (Lord),  359. 

Bergen  (de),  683. 

Berget,  360. 

Berger,  246. 

Berisso,  537. 

Bernard  (Claude),  7,  11,  12,82,  100,  781. 

Bernheim,  36. 

Bernstein,  235. 

Berteaux,  133. 

Berthe,  336. 

Bertie,  363. 

Berthelon,  361. 

Bettany,  316,  430. 

Bettie,  481. 

Bibby  (Miss),  366. 

Bien-Boa,  595,  599,  605,  643-648. 

Bigard  (J.-J.),  324,  366,  367. 

Bigge,  712,  715. 

Binet-Sanglé,  139,  341. 

Binns,  617. 

Bishop,  362,  416. 


Bisson  (J.),   52,  559,  607,  587,  592-596, 

599,  607,  627,  643,  650-657. 
Blackburn,  338,  619. 
Blackman,  29. 
Blake  (Carter),  680. 
Blanc  (Denise),  446. 
Blavatzki  (M-«),  259,  582. 
Bliss,  30. 
Bianco,  675. 
Bloch  (Mm«),  639. 
Blocus  (M«),  96. 
Bocca,  537. 
Bock,  365. 
Bocock,  618. 
Bôhn,  277,  278. 
Bohn,  745. 

Boirac  (E.),  41,  127,  140,  230,  600. 
Bois  (J.),  87,  96,  364. 
Boisnard,  479. 
Boissarie,  133. 
Boniface  (Mm°),  364. 
Bonjuiski,  685. 
Bonnamy,  388. 
Bonnard  (Mm8),  185. 
Bonnefoy  (Suzanne),  411. 
Bormann,  649. 
Bossuet,  86. 
Bottazzi  (F.),  38,  529,  592,  604,  606,  610, 

637-758,  639,  762. 
Botzaris,  273. 
Boucher  (D'),  484. 
Bouillaud,  7. 
Bourbon  (D'),  596,  651. 
Bourget  (P.),  171. 
Bourneville  (Dr),  21. 
Bourru  (D'),  222,  223. 
Boursnell,  586. 
Boutleroff,  30,341,524. 
Bowring,  505. 
Bowstear  (D'),  364,  365. 
Boyle,  368. 
Bozzano  (E.),  41,  185,  194,  200,  221,  268, 

269,  278,  279,  323,  325,  342,  417,  436, 

437,   440-508,  529,  513,  612,  613,  718- 

740,  761. 
Brackett  (L.),  141,  688. 
Braid  (J.),  35. 
Branen,  543. 
Brémon,  364,  416. 
Brewern,  575. 
Brière  (D'),  569. 

—    de  Boismont,  353. 
Briffaut  (M™),  48,  196,  197,  198. 
Brighton,  325. 
Briston,  745. 
Briggs  (Vernon),  171, 
Brisson  (H.),  484. 
Brittain  (A.),  177. 
Britton,  30,  176. c 


INDEX    ALPHABÉTIQUE    DES    NOMS 


797 


Broflerio,  41,  529. 
Brornpton  (Père),  362. 
Brot  (M"»»),  483. 
Brougham  (Lord),  364. 
Brown,  171,  275,  686,  687,  731. 

—  (Mary),  678,  679. 

—  (Marguerite),  169. 
Browne  (James  Crichton),  388. 
Brucato  (A.),  495. 

Bruce  (Bob.),  702. 

—  384,  385. 

—  (0'),  410. 
Brutus,  19,  20. 
Bryant,  30. 
Buchanan,  217. 
Buekloy,  140. 
Buguot,  583,  586. 
Buisson  (H.),  490. 
Buloz  (M«  L.-Ch.),  352. 
Burcq,  224. 

Bureau  (Adèle),  361. 
Burger  (Emma),  324,  365. 
Burnby  (Lady),  250. 
Burnier,  773,  774. 
Burot,  222. 
Burns,  267,  277. 
Burt,  105. 
Burton  (Lady),  459. 

—  (J-),  177. 

—  (A.),  569,  570,  612. 
Buscarlet  (Mme),  474. 

Bute  (Marquis  de),  390,  753. 
Byron  (Lord),  88. 
Byzantios,  274,  275. 

Cadello,  277. 
Caillât,  16. 
Calderone  (L),  41. 
Campbell  (Mm<>),  474. 
Calmette  (D')>  750. 
Calt  (Capit.),  407. 
Camus  (Mme),  47. 
Canalletti,  152. 
Canius  Julius,  270. 
Cannelle,  122. 
Capron,  27. 

Carancini,  671,  672,  695. 
Cardan  (J.),  19. 
Carleton,  448,  492. 
Carlotta,  667. 
Carolath  (Princesse),  496. 
Cardno,  145. 
Carpenter,  31/  34. 
Carpenter  (E.),  390. 
Carré,  116. 

—  de  Montgeron,  21. 
Carrel  (Armand),  454. 
Carreras,  488. 
Carrick,  356. 


Carrington,  38,  216,  242,  244,  386,  529, 

538,  581,  602,  684,  741. 
Carroll,  711. 
Cartior,  641. 
Cascel,  485. 

Casimir  Périor,  484,  485. 
Castelwitch  (M»°  de),  674-678. 
Catherin,  673. 
Catherine  do  Médicis,  225. 
Caubin,  283,  284. 
Cauchy,  269. 
Cavalcante  (S.),  395. 
Cecchini,  695. 
César,  17. 
Chambard,  36. 
Chambers  (Anna),  182. 
Chapronière,  704. 
Charcof,  36,  118,  352,  353. 
Charmide,  17. 
Charpignon,  139. 
Charrier  (R.),  745. 
Chasles,  10. 
Chaumontet,  773. 
Chaves,  353. 
Chazarain,  121. 
Cheiro,  740. 
Chenovath,  184,  470. 
Chiaia  (Cad.-E.),  529,  530. 
Chevalon,  209. 
Cheves  (M°>»),  264. 
Chevreul,   31,  206,  280,  282,  283,   289, 

354,  355. 
Chevreuil,  41,  771. 
Child,  (Lydia),  174. 
Chomel  (D'),  143. 
Chopin,  480. 

Chowrin,  230,  231,  232,  233. 
Christine  (l'admirable),  692. 
Christman,  367. 
Christmas,  438. 

Cicéron,  18, 19,  440,  441,  575,  602. 
Ciompari,  194. 
Claparède,  96,  297-301. 
Clarke  (D'),  388. 

—    391. 
Claudet  (Mm«),  740. 
Claudine,  433. 
Claughton,  337,  338. 
Clawson,  568. 
Clément  XIV,  701. 
Clericus,  340. 
Cloquet,  32,  324. 
Coates  (J.),  218. 
Cobacker  (Bl.),  279. 
Coghill  (Colonel),  492. 
Cohen  (D'  L.),  464. 
Coleman  (E.),  577. 
Collemann  (A.),  681. 
Colley,  591,  682,  683. 
CollyerM-),  368. 


798 


INDEX    ALPHABETIQUE    DES    NOMS 


Goniar  (D')>  136 

Conan-Doyle,  177,  445, 491 ,  492, 617,  779. 

Conil,  369. 

Connell,  367. 

Gonstable,  273. 

Contamine,  412. 

Gook  (Florence),  34,  39,  42,  43,  44,  48, 

51,  565,  584,  588,  590,  595,  604,  605, 

608,  630  633,  655,  695. 
Gooto  (M—),  426. 
Cooper  (Dr),  473. 
Coover  (Ed.),  112,  113. 
Coppinger,  428. 
Corneille  (D'P.),  549. 
Cordier  (N.),  148,149. 
Cornis  (l>).  401. 
Gornillier,  187,  188,  189. 
Coromélas,  274. 

Corrales  (Ofélia),  617,  678,  679,  688. 
Cotté,  368. 

Conesdon  (M™0),  194. 
Couesnon  (Mm°),  368. 
Courtier,  274,   529,  538,  562,  628,   633, 

634. 
Cowes,  339,  542,  577. 
Cox  (Sergent),  34. 

—  (M-»),  369. 

—  (Ed.),  432,  526. 
Craigie  (Colonel),  370. 

Crawford,  550,  551,  552,  559,  563,  564, 
565,  568,  598,  627. 

Cready  (Me),  342. 

Creery,  568. 

Crémieux  (G.),  270,  382. 

Crépieux-Jamin,  228. 

Grookes  (Sir  William),  6,  13,  16,  33,  34, 
35,  36,  37,  40,  51,  208,  256,  275,  522- 
527,  572,  594,  596,  597,  628-633,  582, 
589,  592,  596,  597,  599,  604,  605,  608, 
618,  628-633,  655,  678,  759,  761,  765, 
784. 

Cumberland,  31,  79. 

Curie  (P.),  529,  679. 

Curie  (M««),  529,  633,  634. 

Curtius  Rufus,  19. 

Cybulski,  544. 

Cyriax,  694. 

Dale  Owon,  686,  702,  716. 

Dallas  (M»>«),  190,  209. 

Damiani,  276,  529,  604. 

Darget,  185,  613,  709. 

Dariex,  37,  145,  375,  529,  535,   539,  540, 

548,  549,  592. 
Darwin  (Dh.),  33,  390. 
Davane,  622. 
Davenport,  44,  590. 
Davereux,  749. 
Davey,  573. 
Davies,  570. 


Daviso,  178. 

Day  (Fr.),  169. 

Dear  (M»»),  731. 

Decréquy  (D1),  642,  649. 

Dee,  247 

Deinhard,  650. 

Delaage,  143. 

Delanne   (G.),   41,  113,   125,    185,   219, 

276-279,   574,    596,  604,  642-648,  701, 

709,  731-733. 
Deleuze,  23,  35,  118. 
Delorme,  484. 
Demadrille,  642,  649,  650. 
Demay  (Ch.),  372,  373. 
Dencausse,  449. 
Denis  (L.),  41. 
Dennys,  434. 
Denton,  217,218. 
Depler,  301. 
Derter,  745. 
Derudder,  132. 
Desbarolles,  226. 
Desbeaux,  488. 
Descartes,  603. 
Descormiers,  218. 
Desmoulin  (F.),  96. 
Dessoir,  23,  112,  275,  560,  561,  562. 
Deupès,  371,372. 
Devienne,  375. 
Dexter,  30. 
Dhière,  693. 

Dickens,  92,  93,  257,  258,  490. 
Dickinson,  372,  416. 
Didelot,  276. 
Didier  (Alexis). 
Dombrain,  356. 
Dominique  (Saint),  692. 
Donato,  120. 
Done,  322,  323,  376. 
Donnell  (O.),  719,  720. 
Dontaz,  372. 
Dorât  (M««).  521. 
Dorian  (Tola),  187. 
Draga,  202-205, 
Drakoulès,  243. 
Dresser,  133. 
Drubay,  641. 
Ducane  (L.),  730. 
Duchâtel,  218,  297,  465. 
Duck,  373. 

Dudlay  (M°>»  A.),  341,  455. 
Dul'aux  (Ilermance),  91,  92. 
Dufay,  141,142,  221. 
Dufilhol,  472. 
Dulley,  472. 

Dumas  (Aloxandre),  144. 
Dunraven  (Lord),  52,  383,  523,  619. 
DuPotet,  74,  127,  185. 
Dupré  (J.),  493. 
Du  Prel  (C),  41. 


INDEX    AWHABETIyUE    DES    NOMS 


ïl>9 


Dupuy,  484. 
Durig",  560. 
Durville,  745,  746. 
Dusart,  127. 
Datant. 

Duvanel  (A),  186. 
Dyne,  373.  374. 

Earle,  311. 
Eddy  (Mary),  132. 
Edinger,  300. 
Edisburg,  475,  47G. 
Edison,  242,243. 
Edniunds,  29,  520,  582. 
—    (Laura),  272,  273. 
Eeden  (Van),  191,  192,  276. 
Ebstein,  583. 
Eglinton,  38,43,  276,  578,  584,  601,  609, 

611,  680,  681,  695. 
Eglinton,  132. 
Eichwald,  685. 
Einstein,  792. 
Eldred,  583,  584,  601. 
Elgee,  434. 
Eliza  (M««),  109. 
Elliotson,  27. 
Encausse,  577. 
Erl'urt,  685. 
Erhardt.  671,  672. 
Erny,  276,  525,  543,  680,  743. 
Escolan,  424. 
Eschyle.  28,  89. 
Escourrou,  316,  374,  375. 
Eslon  (d')f  24. 

Espérance  (M™  d'),  43,44,  48,278,  341, 
342,  565,  5S4,  585,  608.  610,  611,  683, 
684. 
Eugénie,  134,  160,  161. 

—     (Mm°),  391. 
Euler,  273. 

Eusapia  Paladino,4,  38,  39,  42,  43,  44, 
49,  82,  258,  516,  528-539,  546,  558, 569, 
578,  585,  594-597,  627,  640,  641,  697, 
698,  759,  760. 
Eustance,  322,  375. 
Eutyphron,  18 
Eva  (Voy.  Marthe). 
Evangélidès,  272,  273. 
Everitt,  376. 
Ewans,  420 . 
Ezéchiel,  88. 

Faivre  (D'),  122. 
Falcomer,  605. 
Falcoz,  286. 
Falkinburg,  431. 
Fanton  (D'),  150,  151. 
Faraday,  31. 
Farber,  376. 
Fechner,  597. 


Féda  (Voir  M<™  Léonard). 

Feijao  (Prof.  O.),  183,  672-675. 

Feilding,  38,  529,  536,  538,  602,  679. 

Fenzi(Séb  et  G.,)  408. 

Féru,  136. 

Féron,  448. 

Ferroul,  146, 147. 

Ferrari  (D'),  297,  300,  710. 

—  (H.),  84,   113,  159,  206,  238,  462, 
463. 

Ferrier  (D'),398. 

Février  (Gén.),  484,  494.  495. 

Fiuld  (Rév.),  563,  416. 

Figueroa  (Cav.  do). 

Figuier,  23. 

Filituto  (N.),  277. 

Finzi  (G.),  38,529,  532,  533,  592,  635. 

—  (Seb). 
Firmin  (M1™),  605. 
Flaubert,  198. 

Flammarion  (G.),  6,  7.  38,  41,  127, 143, 
145,   193,  240,  257,  312,  315,  334,  335. 
356-400,  448,  495,  496.    508,   529,  622, 
642,  672. 
Flanigan  (J.),  750. 
Fleres  (D.),  455,  456. 
Fleury  (Gén.),  375. 

—  '449. 
Flint,  32. 
Florrie,  570. 
Flournoy,  57,  85,  93,  258,  272,  474,  561, 

600,  774,  775. 
Flower  (L.),  189. 
Foa  (G.),  38,  532,  536,  592. 
Focke,  431. 
Foissac,  24,  478. 
Fontaine  (Françoise),  693,  694. 
Fontenay   (G.  de),  123,  553,    587,   613, 

617,  640,  641  709. 
Fonvielle,  378,  651,  669,  709. 
Forbes,  213. 
Fortin,  556. 
Foster  (M.),  178,  179. 
Fouquier-Tinville,  86,  87. 
Fournat,  693. 
Fournier  (Gaston),  206-209,  377. 

—  (Paul).  206. 
Foveau  de  Courmelles,  617. 

Fox  (G.   et  M.),  16,  27-30,  44,  544,  580, 

611,  686. 
Fragonese,  391. 
France  (Anatole),  395. 
France  (D'),  560. 
Francis  (M->e),  577. 
François  (Saint)  d'Assise,  20,692. 

—  Xavier,  701. 
Frappart,  143. 
Freer,  249,  469,  754. 
Fremery,  543,  6S7. 
Freudenberg,  237,  332. 


800 


INDEX    ALPHABETIQUE    DES    NOMS 


Fréville,  326,  407,  408. 

Freya,  144,  449. 

Friedrich,  685. 

Frigerio  (D'),  239. 

Frondoni-Lacombe,  183,  608,  672-678. 

Fryer,  339. 

Fulton,  7. 

Funk  (I.),  184. 

Furtado,  676,  677. 

Fytche  (Colonel),  380. 

Gale  (J.). 

Galichet  (Marie),  503. 

Galiehon  (M™),  374. 

Galilée,  7. 

Gallet,  219,  484,  485. 

Gallotti,  638. 

Ganibetta,  301. 

Gandy  (J.),312. 

Gargam,  132. 

Garnay  (Imogène),  169. 

Garnier  (Abbé),  495. 

Garo,  276. 

Gasparin  (A.  de),  30,  521. 

Gautier,  371. 

Gay  (M«),  378,  379. 

Gazzera  (Linda),  43,  52. 

Geley  (G.),  37,  41,  96,  244,  245,  246,  417, 

449,  596,  599,  666,  667,  689,  690,  787. 
Gerosa,  529. 
Giacchi,  400. 
Gibert(D'),  127,153. 
Gibier  ;D'),  278,  527,  528,   576,  577,  590, 

591,  606,  608,  627,  655,  670,  671. 
Gifford  (R.-S.). 
Gigon,  344. 
Giolitti,  187. 
Girard  (P.-S.),  7. 
Girardin  (E.  de),  454. 

—    (M-«  de),  87. 
Gladstone,  276,  578. 
Glanvil  (J.),  716. 
Glardon,  110. 
Glaucon,  17. 
Glyn  (Miss),  681. 
Goclenius,  15. 
Godfrey,  707. 
Gœthe,  703. 
Goligher  (Miss),  550,  551,  559,  563,  564, 

568,  598,  688. 
Gollin  (M-8),  379. 
Gomanys  (F.),  346. 
Goodall,  379. 
Gordigiani,  182. 
Gorres,  21,  22,  692,  701. 
Gower,  279. 
Grabinski,  497. 
Grabow,  301. 
Graesse,  i.i 
Graham,  549. 


Gramont  (A.  de),  38,  197,  198,  529,  535, 

575,  640,  679,  762. 
Grand-Boulogne  (Dr),  277. 
Grant,  384. 
Grasset  (D*),  41,  92,  146,  147,  194,  205, 

247,  358,  539,  583,  590,  750. 
Gratiolet,  354. 
Grattam  (Colley),  176. 
Gray  (D'),  686. 

Green  (M»»),  68,  81,  316,379,  380,  416. 
Gregory,  704. 
Grey  (John),  744. 
Griffin,  381. 
Griffiths,  380. 
Grillet,  482. 
Grimo,  346,  347. 
Grottendieck,  751,  752. 
Ground,  617. 
Grunewald,  31. 
Gudden,  455. 
Guérard  (M-«),  397,  398. 
Guérin  (M»»),  397,  398. 
Guicciardi,  400. 
Guinard  (D'j,  345,  346. 
Gulat-Wellenburg,  655. 
Guldenstubbé,  574,  575,  576,  702. 
Gurney,  6,  29,  36,  37,  104,  334,  582. 
Gutemberg,  792. 
Guthrie  (M.),  103,  112. 

Haemmerlé,  708. 

Haggard,  346. 

Haggit,  394, 395. 

Hahn,  277. 

Hall  (S.-C),  621,  622,  706. 

—  (Miss  Radeliffe). 
Halle  (Martin),  382,  416. 
Hamilton  (Lady),  475. 

—  44. 
Hanriot  (M.),  159. 
Happerfield,  271. 
Hare  (Rob.),  30,  521 . 
Harford,  271. 

Harris  (Fraser),  162,  349. 

Hart,  168,  338,  622. 

Hartkoff,  300. 

Hartmann,  703. 

Hartwig. 

Harvey,  314. 

Hasden, 709. 

Hatch  (D.-P.),94. 

Hauer,  478. 

Hauff  (Federica),  25,  26,  48. 

Haumann. 

(Th.),  616. 
Hauffe  (Federica),  25,  26,48,  247,373. 
Hawthorne,  223. 
Hawkins. 
Haxby,  583. 
Haye,  480. 


INDEX    ALPHABETIQUE    DES    NOMS 


801 


Hazhalt.  403. 

Hcidenhain,  36,  H8. 

Hélène  (Sainte),  20. 

Héléna,  134. 

Hellembach,  478. 

Hendrickson,  705. 

Hennings,  621,  622. 

Hevmans,  211. 

Heîntzer,  200. 

Henicke,  455. 

Henri  II,  476. 

Herdmann,  104. 

Héricourt  (J.),  127,  153,  157,  158,  228, 

462. 
Herlitzka,  529,  536. 
Hors  (M"»),  382. 
Hijmans,  543. 
Hill  (A..),  195,196,  264,  324,617. 

—  (Mark),  390. 
Hillenbach,  687. 
Hinkovitch,  275.  276. 
Hirschberg  (Jeanne),  239. 
Hirschmann,  6S3. 

Hodgson  (R.),  30, 165-166,  168,  169,  170, 
172,  175,  259,  260,  270,  279,  447,  530, 
531,  582. 

Hofmann  (A.),  237. 

Holland,  215. 

Hollander,  243. 

Home  (D.),34,  42,  43,  48,  52,  175,  176, 
383,  521-527,  558,  559,  564,  565,  578, 
594,  596,  601,  618-622,  628-630,  655, 
698,  699. 

Hooker  (Saint),  555. 

Hopkins,  582. 

Hôping,  226. 

Hoppe,  106. 

Hornung,  30. 

Horte  (Salvatorde),  692. 

Hosmer,  383. 

Houdaille  (O.),  202,  310,  383. 

Houdin  (Robert),  44,  142,  143. 

Houssaye  (Arsène),  459. 

—  (Cécile),  459. 
Howard,  168,  260. 

—  (Lady  M.),  183,  184. 

—  (G.),  338. 
Howitt  (W.),  502. 
Hubschmann,  373. 
Hugh  Lane,  210. 
Hughes  (Glovis),  270,  382. 
Hugo  (Charles),  88,  90. 

—  (Victor),  60,  87,  88,  89,  90,  143, 
144,  397,  398. 

Hulin,  485.  777. 
Hulst  (M«*  d'),  694. 
Hunter  (Mm«),  422. 
Hurly  (Berta),  420. 
Hurtington,  447. 


Husson,  25,  125,  127. 

Hutchins,  306,  383,  384. 

Huxley,  34. 

lluygens,  543,  687. 

Hyslop  (J.),  38,  144,  165-175,   189,  193, 

248,  259,  272,  342,  390,  470,  481,  568, 

569,  612. 

Imoda  (E.),  52,  552,  592,  628. 
Iodko,  613. 
Isnard  (D'),  435. 
Istrati,  709. 
Ivey,  482,  483. 

Jacks  (L.-P.),  37. 
Jackson  (D--),  712. 
Jafté,  424. 

James    (William),  6,  37,  38,  166,  174, 
259,  336,  597,  762. 

—  92,  93,  257. 
Janesson  (Gw.),  480. 

Janet  (P.),  21,  50,  124,  127,  159,  247. 
Jansen  (FI.),  543. 
Jaurès,  195. 
Jean  (D'),  384. 
Jeanne,  393,  416. 

—  d'Arc,  18,  91,92,  500,  501. 
Jencken,  619,  622. 

Jim  (Mountain),  416. 
Johnson  (D'),  615. 

—  326,  505. 

—  (Alice),  214,  536. 
Joire,  124,  247,  556. 
Joller,  745. 

Joncken  (Voy.  K.  Fox). 
Joncières  (V.),  540. 
Jones  (D'),  167. 

—  (M-«),  731. 

—  (Mm°),  472. 

—  S.),  223,  326. 
Joquelet  (Luce.tte),  458. 

Joseph  (Saint)  de  Copertino,  20, 21,  692, 

693,701. 
Judd  (Mm«),  731. 
Jukes,  384. 
Julia,  464,  465. 
Julliard,  39. 
Jupp,  422. 
Jurainvillc  (de). 

Kalérine,  168. 

Kalna,  171. 

Kanc  (Voy.  Fox.  Marguerite). 

Kapnitz  (Comtesse),  386. 

Karin  (N.),  369. 

Karr  (Alph.),  143. 

Keep  (Perceval). 

Keley,  171. 

Keller,  582. 


Rtchet.  —  Métapsychiqoe. 


51 


802 


INDEX    ALPHABETIQUE    DES    NOMS 


Kelwïn  (Lord),  6. 
Kemnitz  (M.  de),  655. 
Kerner  (J),  457,  694,  695,  748. 
Kerr,  388. 

Keulemans,  350,  390. 
Kielmann. 
Kiesenwetter,  23,  30. 
Killick,  312. 
Kilner  (W.),  123. 
King,  420. 

—  (Katy),  Voy.  Gook  (Florence) 

—  (John),  Voy.  Eusapia. 
Kingston  (D'),  730. 
Kinnamann,  727. 

Kirk,  H0,  707. 
Kircher  (P.),  120. 
Kitchener  (lord),  740. 
Kjelmann,  155. 
Kling-Kowstrœm,  281. 
Kluski,  642. 
Knez,  431. 
Knight  (Fr.),  195. 
Kobbe,  341. 
Kohnstamm.  21. 
Korff,  177. 

Kotèbe  (Noum),  233-236. 
Kouprejanoff,  743. 
Krall  (K.),  297,301. 

Lacassagne,  710  711. 
Lairetelle  (H.  de),  187. 
Lafontaine,  27,  126,  694. 
Lagarrue,  385. 
Lagenest,  388. 
Lagrange  (M.),  345,  346. 
Lamy(Sarah).  190. 
Landesqne,  285,  286,  287. 
Lang  (A.),  247,  390,  473. 
Lange,  198,  244. 
Langlois  (J.-P.),  153. 
Lanne  (M«),  398. 
Lanyi  (J.  de),  496,497. 
Laplace,  57,  61,  600. 
Larkin,  367. 
Larmandie  (de),  743. 
Lasserre,  133. 
Laurent  (E.),  331. 
Lauritzen,  472,  473. 
Lavant,  479. 
Laville  (Mm°  de),  395. 
Lavoisier,  7,  15. 
Leadbater,  413. 
Lebas  (M°>°),  496. 
Leber  (A),  197. 
Le  Bon  (G.),  539,  616. 
Lebrun,  402. 
Lecour  (P.),  627,  628. 
Lee,  343,  490. 
Leeds  (Mm°),  249. 
Lefèbvre  (J.),  198,  247. 


Lefroy,  147. 

Left,  434,  435. 

Lo  Goarant  de  Tromelin,  96,  483. 

Lemaire,  195. 

Lemaitre.  96. 

Lemb,  583. 

Lemerle,  198. 

Lemoine  (P.),  283,  284,  288,  289. 

Lemonnier,  321,  322,  424,  425. 

Lenormand  (M'1»),  26. 

Léonard,  480. 

—  (M»»),  48,  49,   190,  191,   263,    264, 
464. 

Léonie  (B),  106,  153,  154. 

Lépine,  490. 

Lermina  (J.),  385. 

Lescœur,  248. 

Lesseps  (de),  501. 

Leuret,  354. 

Leymarie,  30. 

Lichtfield,  340. 

Lighfoot,  387. 

Liébault,  126,  386,  387,  457. 

Liguori  (Alph.  de). 

Lili,  451. 

Lillian  (F.),  742. 

Linda  (Gazzera),    562-564,  628,  667-670. 

Lindsay  (Miss),  107. 

—  (Lord),  620. 
Linné  (Gh.),  489. 
Littrs,  692. 
Liung,  154. 
Livermore,  611,  686. 
Lloyd  (Violet),  492. 

—  (Major),  344. 
Loche  (Miss),  730. 

Lodge  (Sir  Oliver),  6,  37,  38,  41,  103, 
104,  105,  109,  166,  167,  172,  177,  189, 
220,  221,  229,  259,  263,  265,  270,  332, 
347,  417,  493,  529,  534,  535,  560,  561, 
563,  575,  676,  582,  589,  592,  594,  597, 
598,  600.  646,  673,  674,  758,  761,  775, 
787,  792. 

Lodge  (Raymond),  263,  265,  725. 

Lolla,  483. 

Lombroso  (C.),  6,  38,  107,  108,  113,  240, 
241,  488,  529,  532,  537,  582,  674,  719, 
737,  758,  761. 

Longet,  324,  478. 

Louis  XI,  91,  92. 

Louise,  58. 

Lubbock,  34,  522. 

Luciani  (L.),  696. 

Lucie,  606. 

Ludovic,  230. 

Ludwig(D'),  331. 

Luigi,  269,270. 

Lukawski,  455. 

Lusteneau,  501. 

Lutoslawski,  2. 


INDEX    ALPHABETIQUE    DES    NOMS 


803 


Luxmore,  632. 

Lydia,  234,  235,  486,  487. 

Lyon  (D'),  448. 

—  (G.),  657. 
Lyro  (Misses),  104. 

Mabire,  161. 
Machner,  97. 
Mackenzie  (R.),  371. 

—  185, 186,  297,  416. 
Macleane,  398. 

Mac  Lellen,  494. 

MacRlin  (M»»),388. 

Macnab,  528,  613. 

Maddock,  583. 

Maeterlinck,  297,  298,  771. 

Magendie,  7. 

Mager,  280,  282,  286,  288-292. 

Magnin  (E.),  121,  131,  226. 

Maingot,  121. 

Makan,  30. 

Malgras,  30. 

Mamtchitch,  189. 

Manceau  (Dr),  411. 

Mangin  (M.),  126,  131, 169,  259. 

Mangot(Capit.),  308,  430. 

Mar...  (D^,  224,  225. 

Marage,  287. 

Marcel,  484,  485,  486. 

March,  750. 

Marchandon,  459. 

Marchant,  389. 

Maréchal  (M°><>),  326. 

Marey,  7. 

Marfield. 

Marilliat,  143. 

Marguerite,  63. 

Marryat,  41. 

Marie-Antoinette,  (Voy.  Smith  (Hélène), 

735. 
Marillier  (L.),  37,  732. 
Marks,  338. 
Marmontel,  469. 
Marques,  147. 
Marracino,  747. 

Marryat  (FI.),  627,  631,  681,  770. 
Marsh,  469. 
Marston  (W.),  467. 
Martel  (A.),  285. 
Marthe  Béraud,  29,  38,  39,  43,  44,  48, 

548,  565,  584,  594,  595,  599,  600,  609, 

610,  642-667. 
Martin  (R.).  369. 
Martillet  (Mra«),  740. 
Martiville,  332. 
Martyn  (M°><>),  312. 
Marzorati.  183,  679. 
Maskelyne.  44,  590,  591,  682,  683. 
Mastropietro,  481. 
Maszyk,  501. 


Mathows,  326,  425. 

Mathiex  (P.),  583. 

Maury  (A.).  21,  318. 

May  (Ad.  de),  247. 

Mayo  (H.),  140. 

Maxfield,  466. 

Maxwell  (J.),  29,  38,  41,  50,  83,  123,  215, 
218.  242,  243,  281,  282,  467-470,  529, 
535,  554,  565,  583,  592,  597,  616,  635, 
640,650,  651,  747,  750,  761. 

Mélanie,  74.  330. 

Menncer,  410. 

Menou-Cornuet,  435. 

Mermet,  285. 

Mérimée  (P.),  91. 

Méry  (G.),  555. 

Mesmer,  16,  23,24,  75. 

Mialaret  (R.),  348,  349. 

Miellé,  24. 

Miles,  212,  213. 

Miller,  582,  591,  601. 

Milnes,  739. 

Mirville  (de),  30. 

Mitchell  (Weir),  389. 

—  265. 

Mitchiner.  609. 
Mitchinoff,  474. 
Mittelmayer,  502,  503. 
Miyatovitch,  275. 
Moïse,*  86. 

Molière,  60,  86,  88,  89,  90  777. 

Monck,  609,682,  683. 

Montalembert  (A.  de),  29. 

Montebello  (M.  de),  196,  197,  457.  458. 

Montespan  (Mm0  de),  225. 

Montorgueil,  604. 

Montluc  (de),  476. 

Moor,  739,  740. 

Moore,  41. 

Moratieff,  474. 

Morel  (Mma). 

Morice,  736,  738. 

Morin,  31,  337. 

Morison,  390. 

Moritz,  389,471,  472. 

Morrison,  473. 

Morselli  (E.),  6,  30,  36,  38,  529,535,  536, 
537,  581,  582,  592,  604,  610.  613,  635, 
636,  641,  679,  697,  698  758,  761. 

Morse,  267. 

Morton  (R.),  28,  30. 

—  (Miss),  727. 

Moses  (Stainton),  38,  42,  43, 48, 170,  175, 
185,  200;  201,  268,  452,  540,  541,  542, 
573,  574,  601,  602,  610,  612,  614,  615, 
627,681,  682,  696,  697,699. 

Mosso  (A.),  536. 

Mouat,  420. 

Moultrie,  184. 

Moureau,  411,  412. 


804 


INDEX    ALPHABÉTIQUE   DES  NOMS 


Mousset,  744. 

Mountain  (Jim),  362,  363. 

Moutin  (Dr),  183.      - 

Moutonnier  (M.  et  M-™),  192,  577,  775. 

Mozart,  60,  96. 

Muller  (J.),  7. 

—  92. 

Munro  (M""),  473,  712. 
Murillo,  692. 
Murphy,  749. 
Murray  (G.),  37,  232,  233. 
Mussot  (A.  de),  740. 
Muza  (Irène),  455. 
Myers  (A.),  38,  155. 

—  (Fr.),  2,  18,  20,  29,  36,  37,  38,  41,75, 
104,  107,  110,  125,  126,  155,  166,  172, 
175,  189,  191,  192,  214,  215,  247,  269, 
270,  320.  334,  337,  386,  410,  411,  445, 
478,  529,  534,  571,  573,  575,  582,  589, 
592,  594,  637,  674,  679,  705,  706.  707, 
710,  744,  759-761,  779,  787,  788,   792. 

Mysz,  578. 

§ 

Napier  (Miss),  490. 

Napoleoni,  505. 

Nathan,  696. 

Nègre,  391. 

Nélaton  (D'),  375,  499. 

Népenthès  (Voir  d'Espérance). 

Newbold,  170. 

Newnham,  309. 

Nichols,  578,  681. 

Nicholson,  186. 

Nivot,  321,  322,  424,  425. 

Noblentzki,  537. 

Noël  (Gén.),  592,  642-650. 

—  (M-»),  592. 

Noell  (L.),  311,  327,  377,  416. 
Noggerath  (M»«),  86. 
Noizet,  138. 
Nolte,  481. 
Noriazof,  133. 
Nordberg,  543. 
Norris,  448. 
Norton  (E.),  173. 
Notari(H.),  452,  453. 
Nuti,  693. 

Obalacheff,  433. 

Obersteiner,  431. 

Ochorowicz  (J.),  6,  23,  38,  104,  107,  516, 
529,  533,  534,  544-548,  559,  575,  576, 
585,  589,  592,  594,  611.  613,  627,  639, 
679,  709,  760,  762. 

Ohmus  (Mm<>),  491. 

Olchowski,  685. 

Olivier  (L.),  206. 

Olivier,  713. 

Ollendorff  (G.),  206. 

—  (Paul).  413. 


Ollivier  (D-),  348. 

Olsen  (Agda),  154. 

Orléans  (Duc  d'),  416. 

Orsi,  318,  400,  401 

Ossovietzki,  244,  245. 

Osten,  297. 

Osty,  41,  144, 148,  149,  163,  226,  458. 

Ottolenghi  (D'),  41,  241. 

Ourches,  526,  575. 

Owen  (Dale),  33,526. 

Oxley,  605. 

Paget  (M»»),  322,  326.  340,  433. 

Pagenstecher,  223,  224. 

Paige,  467. 

Paladino  (Voir  Eusapia). 

Palladia,  189. 

Palliser  (M»«),  391. 

Palissy  (B.  de),  96. 

Paluzzi,  694. 

Panzini,  638. 

Papin  (D.),7. 

Paquet.  392. 

Paracelse,  15,  127,  791. 

Parent,  347,  392. 

Parker,  171. 

Pascal,  792. 

Pasquier  (Nicolas),  477. 

—  (Etienne),  477. 
Passaro,  716. 
Passavant,  389. 
Pasteur,  12,  792. 
Paternostro  (G.),  183. 
Patrizi,  696. 
Paulet,  459. 
Pearson,  428. 
Pedro  (d'Alcantara). 
Pélaprat,  285. 

Pelham  (Georges),  46,  48,  582,  626, 725, 

772,  773. 
Pelusi,  452,  453. 
Penaud,  308,  546,  637. 
Pcpper,  184. 
Père  (A.),  206. 
Perelyguine,  193, 
Perty,  745. 
Peter  (J.),  217,  560. 
Peters  (Col.),  679. 

—  (Vout),  177,  264. 
Petetin,  24,  228,  253. 
Petit- Jean,  97. 

Petit  (Abbé),  500,  695. 

Pétrarque,  60,  87. 

Peyson  (Amiral),  412,  413. 

Pfaffer,  26. 

Pfungst,  297,  299. 

Phibbs,  331,  345,  416. 

Philippe  (Saint)  de  Néri,  692. 

Philips,  36,  747. 

Phinuit,  46,  48,  167,  168,  171,  257,  776, 


INDEX    ALPHABETIQUE    DES   NOMS 


805 


Phygia,  60S,  648,  649. 
Pickmann,  113. 
Piddington, 214, 215,  275. 
Piéron,  392. 
Pigeairo  (M™;,  26,  229. 

—  138. 
Pigott,  189. 
Pillet,  694. 
Pineau,  430. 

Piper  (M-),  38,  39,  46,  48,  49,  82,  165- 
176,  221,  214,  215,  216,  220,  221,  253, 
258,  259-263,  463,  582,  766,  767,  769, 
770,  776,  777. 

Planes  (Ad.),  472. 

Planty  (du),  575. 

Platon,  17,  275,  575. 

Pline  (Jeune),  728,  729. 

Plutarque,  17-20. 

Podmore,  29,  37,  173,  334,  581,  615,  754. 

Poincaré  (H.),  792. 

Pompée,  219. 

Poole,  221. 

—  380. 

Ponsa  (M»"),  674,  676,  677. 

Popoff(Olga),  474. 

Porro,  38,  529,  537,  610,  636,  698. 

Post  (Isaac),  28. 

Potet  (du),  24,  27,  35,136. 

Preyer,  126. 

Primerose,  314. 

Prince  (M.),  585. 

—  (Walter  Fr.),  41,  83,  490,  618. 
Probli,  300. 

Probst,  285,  286. 
Proctor,  746. 
Purton,  419. 
Puységur  (de),  24,  35. 
Pythagore,  32,  86. 

Quintard,  279. 

R.  (M="),  201-205,  220. 
Radnod  (Lady),  182. 
Radclyffe  Hall,  190. 
Rainaly,  581. 
Raines  (D'  H.),  748. 
Ram  (Hélène),  409. 
Ramorino,  636. 
Ramsden  (Miss),  212,  213. 
Rawlinson,  393. 
Rawson  (H.),  110. 
Ray,  451. 
Reboux  (P.),  92. 
Récamier,  127. 
Reddell  (Fr.),  706. 
Reed  (M»«),  387. 

—  (Ed.),  448. 
Reese,  242-244. 
Régis,  241. 
Regnault  (J.),  555. 


Reichcl  (W.),  679. 

Reichenbach,  6,  26,  121,  123,  124,  222. 

Reine,  188,  189. 

Reiners. 

Rcinhard,  25. 

Rémy,  468,  581. 

Renouard  (Ph.),  151, 152. 

—  (Gh.),  393,  394. 

—  (A.  B.),  159. 

—  (E.),  258. 
Ribet,  692. 
Ribot(Th.),  158. 
Ricard,  138. 
Richardson,  344. 
Richet. 

—  (M«  A.),  361,  458,  504,  505. 

—  (Charles),  36,  37,  101,  102,  103, 
107,  113,  114,  118,  154,  155,  157-161, 
165,201-209,224,238,273-275,324,330, 
350-354,  393,  394,  444,  461-463,  480, 
516,  528-535,  542,  552-555,  575,  576, 
578,  583,  594,  599,  600,  611,  613,  622 
623,  633-636,  642-670,  689,  690,  697, 
710,  711,  760. 

—  (Georges),  426. 

—  (M«  Gh.),  393,  669. 
Rieken,  395. 
Riondel,  282,  394. 

Rivail  (V.  Allan-Kardec),  32. 

Robbins  (Miss),  174. 

Roberts  (Mm«),  512,  513. 

Robert,  577. 

Robespierre,  86,  395. 

Roch,  710. 

Rochas  (A.  de),  6,  21, 26,  38,  41, 122,  123, 
124.  224,  225,  409,  521,  528,  529,  535, 
576,  597,  605,  613,  623,  641,  692,  694, 
708,709. 

Rochester,  94,  328. 

Roger  (Aimée),  496. 

Romanes,  704. 

Roncarini  (D'),  241. 

Rondeau,  151. 

Rorngold,  279. 

Rosenkranz(J.),  613. 

Rostagno,  605. 

Rostan  (D'),  457. 

Roth  (Anna),  549,  583,  601. 

Rougemont,  521. 

Rousseau  (J.-J.),  86. 

Roux  (Melvil),  145. 

—  (D'  J.-Ch.),  108,  460,  461. 
Ruault,  127. 

Rubens, 

Ruggieri,  695,  696. 
Runciman. 
Ruspoli  (M"6  de) . 
Ruth,  146. 

Saal,  622. 


806 


INDEX    ALPHABÉTIQUE    DES    NOMS 


Sabatier,  38,  529,  535. 

Sabin  (Oliver),  133. 

Sage,  170,  259. 

Sagée  (M»«),  702. 

Saint  Jean,  275. 

Saint-Simon,  247. 

Salles,  145. 

Salmon  (M««),  278,  591,  608,  670,  671. 

Sambor,  583,  600,  684,  685,  686. 

Samona  (Garmelo),41,  87,  465. 

Samuel  (Miss),  214. 

Sandars  (Miss),  396. 

Sanson  (Mme),  125. 

Santangelo,  695,  696. 

Santi  (Dr),  502. 

Santoliquido  (Dr),  187. 

Sardou  (V.),60,  96. 

Sartoris  (D*),  241. 

Sassaroli  (V.),  508. 

Saunders,  712. 

Saurel,  496. 

Saussure,  93,  94. 

Savage  (Mary).  141. 

—  (M.),  450. 
Savelli,  505. 
Savoyer,  749. 
Scarpa,  638. 
Scatcbered  (F.),  243. 
Schekleton,  581. 
Schiaparelli,  6,  38,  529,  532,592. 
Schiff  (M.),  31,  32,  566. 
Schiller,  37,  112. 

Schmidt  (D*),  694. 

Schottelins,  244. 

Scbrenck-Notzing  (A.  de),  38,  42,  231, 
292,  293,  529,  534,  546,  547,  559-563, 
587,  592,  596,  599,  607,  609,  616,  627, 
642,  650-657,  665,  667,  761,  784. 

Schteharoff,  741. 

Schopenhauer,  489,  490. 

Schoneltz,  684. 

Scott  (Misses),  729. 

Scripture,  10. 

Searle,  343. 

Segantini  (G.),  447. 

Ségard,  51,  529,  531. 

—  (M'i»),  si. 
Séguier,  142. 
Selenka  (M™),  276. 
Sergoff,  708. 
Sérizolles,  396,  397. 
Sermyn,  449,  450. 
Serrano  (Maréchal),  397. 
Severn,  344. 
Shagren,  705,  706. 
Shaw,  464. 
Sherbrooke,  322. 
Shakespeare,  88, 89. 
Shelp,  741. 
Sherbrooke,  427. 


Shermann  (K.) ,  322,  397. 

Shilton,  107. 

Shirman,  278. 

Shirving,  399. 

Sidgwick   (M"),  37,  81,  122,  142,  215, 

370,  415,  445,  467,  469,  529,  531,  534, 

566,  734,  744. 

—  (H.),  29,  529,  531,  534. 
Siemiradzki,  529,  533. 
Silva  Pinto,  673. 
Simpson  (Tatas),  730. 
Simon  (le  magicien),  19,  20. 
Sinclair  (Ada),  741. 

Sings,  327,  399. 

Sinnett,  749. 

Slade,  43,  527,   528,   558,  572,  573,  576, 

577,  584. 
Smead  (M™),  93,  272. 
Smith,  248. 

—  (Arthur),  37. 

—  (Dr  S.),  312. 

—  (G.  A.),  29,  104. 

—  (Hélène),  46,  47,  56-58,  85,  90,  91, 
93,94,  175,  193,  195,257,  258,272,  625, 
773,  774. 

—  (Hesther  Travers),  95. 
Snaw,  582. 

Snelle,  425. 

Socrate,  17, 18,  275,  442. 

Sollier,  136. 

Solovoyo  (Petrovo),  523,  583,  586,  600, 

602,  684,  685,  686. 
Sombreuil  (M»«  de),  86,  87. 
Sonrel,  498,499,500. 
Soothywoode,  741. 
Sordi  (Lucia),  679. 
Souza  Conta,  144,  145,  673. 
Sparr  (V.  Fox). 
Speakmann  (Dr),190\ 
Specht,  560. 
Speer  (M.  et  M™),  540,  541,  542,  574, 

575,  601,  602,  612,  614.  615,  681,  682. 
Stanhope  (Lady  E.),  501. 
Stanislawa  (P.),  667. 
Stankevitch,  708. 
Stead  (W.),  185,210,  247,464,  465,  583, 

701,  702,  779. 
Stella  (M«"),  48,  322. 

—  58-62,  68,  74,  87, 163,  179-182,  330, 
611,  713,  759. 

Stevenson,  710. 
Stevvart  (Balfour),  37. 
Stiegler,  687. 
Stirling  (W.),  181. 
Stone,  142. 
Stout  (L.),  687. 
Storia,  399. 

Stramm  (Emma),  186. 
Strieffert,  432. 
Stromberg,  341,  342. 


INDEX    ALPHABETIQUE     DES    NOMS 


807 


Suhr,  149. 

Sully  Prudhomme,  430. 

Surbled,  555. 

Swedenborg,  332. 

Swiney,  399. 

Swithinbank,  344,  422. 

Symonds  (J.  Addington),  398- 

Tacite,  19. 
Talmadge,  30. 
Tainburini,  350,  400. 
Tapp,  605. 

ïardieu  (D'),  498,499,  500. 
Tatin,  155. 
Taunton,  322,  419. 
ïausch,  184. 
Taylor,  754. 
Teale  (M"><>),  401. 
TéléchofF,  322,  366,  433. 
Terrien,  147. 
Tertullien,  22. 
Teste  (D^),  27,446. 
Thaw,  106,  166. 
Thémistœle,  757. 
Thérèse  (Sainte),  20,  692. 
Thiérault  (Marie),  458. 
Thiers  (A.),  759. 
Thiéry,  30. 
Thilo  (Marie  de),  401. 
Thomas,  479. 
Thomassin  (Gén.),  640. 
Thomson  (S.),  242. 
—  (M*°),  38,   191,  192,   220,  276,    324, 

775. 
Thoulet,  219,  482. 
Thury.521. 
Thyraens  (P.),  716. 
Tieber  (D'),  687. 
Tiedemann,  465. 
Tirésias,  247. 
Tirone  (Rosa),  488. 
Tischener,  198,  236. 
Tissandier  (Mm8),  324. 
Tissot  (J.),680,  681. 
Titus  (Mm«),  336. 
Toeffer,  687. 

Tolosa-Latour,  125,  377.  378. 
Tomczyk  (StanislawS)  38,  39,  43,  48,  544, 

548,  555,  559-565,  585,  592. 
Tonelli,  343. 
Toutschkoff,  482. 
Towns,  434,  435. 
Tracy,  464,  565. 
Treloar,  423. 

Travers  Smith  (H.),  210,  211. 
Tristan,  291. 
Troitzky,231. 

Troubridge  (Lady),  173,  190,  191. 
Trysk  (Iza),  184. 
Tweedale,  425,  506,  507. 


Tyndall,  34. 
Tyre,  732. 

« 
Ulrici,  471,  472. 
Ulrich  (M™  d'),  403. 
Urysz,  279,  280. 
Ulysse,  247. 
Underhill  (M«),  686. 
Uranenko,  403. 
Urbain  VIII,  21,693. 
Usher,  105. 

Vacquerie  (A.),  87. 

Valentine,  403. 

Yallantin,  285. 

Vallemont,  281. 

Van  Loon,  241. 

Varay  (D'),  484. 

Varley  (Gromwcll),  34,  522,523,  592,  633 

634. 
Vaschide  (N.),  227,  314. 
Vassallo,  610,  636,  679. 
Vauchez(E.),616. 
Velpeau,  32. 
Venturi,  349,  350. 
Venzano,  194,  529,  537,  604,  627,  636, 

639. 
Verity  (Misses),  707. 
Verrall  (M«),  49, 166,170, 179,  213,  214, 

215,  216,  233,  247,  275,  469,  767,  777. 

—  (Hélène),  178,179,  214. 

Vesme  (C.  de),  16,  20,  37,  178,  194,  272, 
273,  297,  301,  302,  508,  542,  651,  671, 
679. 

Vettellini,  188,  189. 

Viaud,  402. 

Vianney,  693. 

Vidal  (D^),  364. 

Vidigal,  141. 

Viel  Gastel,  524. 

Vincente  (M1™),  649,  650. 

Vincenzo,  777. 

Viré,  284,  285,  293. 

Vitalis,  449. 

Vivant,  144. 

Vlavianos,  274. 

Vogler,  404. 

Volkmann,  632. 

Volpi,  709. 

Volterra,  346. 

Wagnez,  689. 

Wahu. 

Wales  (H.),  213,  214,  779. 

Wallace  (D'). 

—  (Russell),  13,  33,  140,  520,  582,  609, 
680,  682. 

—  (A.),  459,460. 
Waller  (D'),  466. 


808 


INDEX    ALPHABETIQUE    DES  NOMS 


Waller  (A.),  557. 

Wallers  (Th.),  267. 

Wanley,  40b. 

Warcollier,  116,  129,  130,  221,  238-240, 

321,  465. 
Warren,  617. 

Wasiliewski,  223,  237,  238. 
Watson,  195,  196,  220,  221,  698. 
Watt  (Hunter),  343,  344. 
Watteville,  38,  529,  535,  640. 
Weakmann,  27. 
Wedgwood.  390. 
Wemberg,  241. 
Weld,  324,  432,  438. 
Wellington,  410. 
Wells  (D.),  30. 
—  (H.),  28,  30. 
Wenaud,  385,  386. 
West,  339. 
Weyer,  434. 
Wheatcroft,  405. 
Wickham,  326,  407,  427. 
Wight  (Sarah),  403. 
Wijk,  569. 
AVild  (Hanna),  170. 
William,  405. 
Williams,  406. 

—  (M»"»).  583. 
Willy,  561,  563. 
Wilson  (Minnie),  342. 

—  (Rév.),  313. 

—  336. 

Wiltshire,  140,  507,  508. 


Wilve,  326. 

Wingfield  (Misses),  110. 

—  317,  406. 
Wittgenstcin,  176. 
Wolff,  501. 
Wood  (T.  B.)  470. 

—  (M«),  583. 
Woodham,  319. 
Woolcott,  406. 
Wriedt,  275,  276. 
Wright,  28. 
Wynne,  620. 
Wynyard,  322,  427. 

Xénophon,  17. 

Youdenitch,  686. 
Young(Mm«),273,  426,  493. 
Yourjevitch,  562. 
Yver,  436. 
Yves-Plessis,  1. 
Yung  (E.),  461,  462. 

Zabaski,  685. 

Zanzig,  590. 

Ziegler,  297,  300. 

Zingaropoli,  183,  716,  719,  747. 

Zippelius,  479. 

Zôllner,  6,  13,  33,  41,  527,  582,  597,  689, 

759,  761. 
Zoroastre,  96. 
Zuccarino,  696,  698. 
Zuleika,  466. 


INDEX  ALPHABÉTIQUE 


Apports  dans  les  expériences  de  Mad. 
Frondoni-Lacombe,  672-678. 

—  Fragilité  des  phénomènes    d'ap- 

port, 60S-611. 
Astrologie,  227,  791. 
Audition  (par  la  conque),  250. 
Automatiques  (Dessins),  96,  97. 
Automatique  (Ecriture),  86-95. 
Auto-prémonitions,  445-456. 
Autoscopie,  135-137. 

Baguette  (divinatoire).  280-296. 
Bibliographie  générale,  41. 
Bilocations,  700-713. 
Bruits  des  maisons  hantées,  718. 

Cage  de    Gibier    pour  Mad.    Salmon, 
670. 

—  de  Nichols  pour  Eglinton,  681. 
Calcul  (chez  les  animaux),  297. 

—  de  probabilité  et  hasard,  63-68. 

—  dans  les  expériences  sur  les  nor- 

maux, 102-117. 
Cantilever  (Théorie  de  Crawford),  550- 

552. 
Cartomancie,  226. 
Chevaux  (calculateurs),  297-302. 
Chiromancie,  226. 
Conque  (Audition  par  la  — ),  249. 
Correspondances  (croisées),  212-216. 
Cristal  (Vision  par  le  — ),  246-250. 
Cryptesthésie  (Lucidité,  Clairvoyance, 
Télépathie).  Définitions,  74. 

—  expérimentale   chez  les  normaux, 

101-107. 
chez  les  somnambules,  118-164. 

—  —  chez  les  médiums,  164-212. 

—  —  chez  les  sensitil's,  213-245. 

pragmatique,  217-239,  245. 

théorie  de  la  cryptesthésie,  252. 

par  hyperesthésie.  228. 

par  transposition  des  sens,  241. 

accidentelle,  303. 

rapports  avec  la  télépathie,  76-86. 

Rapports    avec     la    psychologie   nor- 
male, 81-97. 


Dématérialisations,  604. 
Démon  (de  Socrate),  17,  18.' 
Démoniaques  (Possessions),  22. 
Dessins  (Reproduction  des  —  par  les 
somnambules),  158. 

—  automatiques,  96,  97. 
Diagnostic   des  maladies  par  les  som- 
nambules, 134. 

Doubles,  700-713. 

Ecriture  directe,  572-580. 

—  automatique,  81-97. 
Ectoplasmies,  514. 

Effluves  magnétiques,  119-128. 

Elongation,  514. 

Emanations,  119-128. 

Enfants  prodiges  et  médiums,  279,  280. 

Enquêtes  sur  les  hallucinations,  334. 

—  sur  la  cryptesthésie  chez  les  nor- 

maux, 101-117. 
Envoûtements,  225. 
Expérimentation  et  observation,  11-15. 
Extériorisation   de  la  sensibilité,  122- 
124. 

Faith  Cures,  132. 

Fantômes  (des  maisons  hantées),    727. 

Fétiches,  224,  225. 

Feu  (Epreuve  du  — ),  621. 

Fluidiques  (Fils),  544-548. 

Fraudes  (dans  les  matérialisations),  590. 

Graphologie,  227. 

Hallucinations 

—  véridiques,  721. 
Hantises,  715-760. 

Hasard  et  calcul  des  probabilités,  63- 
68. 

—  dans  les  monitions,  313-318. 
Hémi-somnambulisme,  206. 
Hypnotisme. 

—  historique,  23-27. 

—  cryptesthésie  dans  1'  —,  137-164. 


810 


INDEX   ALPHABETIQUE 


Hypnotisme  des  animaux,  126. 

Identification,  256-272. 
Impassibilité  nécessaire  dans  les  expé- 
riences de  cryptesthésie,  72,  73. 
Inconscient,  785. 
Incrédulité  (Excès  d'  — ),  10. 
Intelligence  (des  animaux),  297-302. 

Jeux  de   hasard    (Prémonitions    dans 
les  —  ),  485-489. 

Lecture  de  pensée  dans  les  théâtres, 

77-79. 
Législation  (des  maisons  hantées),  745. 
Lévitations,  692. 

—  des  saints. 

—  d'Eglinton. 

—  d'Eusapia. 

—  de  l'abbé  Petit. 

—  du  Dr  Santangelo. 

—  de  Home. 

—  de  Florence  Cook. 

—  de  Stainton  Moses. 

—  de  Zuccarino. 

—  de  saint  Joseph  de  Copertino. 
Lumineux  (Phénomènes),  610. 

Magnétisme  (animal). 

—  Historique,  23-27;   34-37.  —  Ef- 

fluves des  magnétiseurs,  120- 
128.  —  Action  thérapeutique, 
126-127.  —  Diagnostic  des  ma- 
ladies par  les  somnambules, 
130-135.; 

Mains  (qui  fondent) ,    604. 

Matérialisations,  581. 

Métapsychique  (Définition  et  classifica- 
tion), 2-5. 

—  Limites  du  psychique  et  du  mé- 

tapsychique, 55-62. 
Miracles  de  Lourdes,  131,  132. 
Médiums  en  général,  42-53. 

—  à  effets  physiques,  43-45. 

—  Classification  des  — ,  47. 

—  Fraudes  des  —,  592-596. 
Mémoire  (Erreurs  de),  69-71,  308-309. 
Métaux. 

—  Action  sur  la  baguette    divina- 
toire, 284. 

Monitions.  Classification,  303. 

—  de  mort,  354. 

—  d'approche,  710. 

—  diverses,  336-353. 

—  Conditions   générales  et   carac- 

tères des  —,  307-323. 

—  collectives,  418. 

—  Retard  dans  les  —  320-321. 
-^    Symbolisme  des  —,  323-332. 

Moulages  (des  formes  matérialisées), 689. 


Musculaires     (Mouvements   —    incon- 
scients), 77-81. 
Mysticisme  (des  spirites),  13. 

Nébuleuses    (Comparaison  des  —  avec 

les  apparitions),  627. 
Néophobie  (des  savants),  9-10. 

Objective  (métapsychique),  511. 

—  Classification,  513. 

—  Exemples,  514,  628. 
Observation  et  expérience,  11. 

—  (erreurs  d'  — ),  71-75. 

Personnalité  (Changements  de),  36,  82- 

86. 
Personnification  chez  les  médiums,  82- 

85. 
Phosphorescences,  610. 
Photographies. 

—  Imperfection  des  —  spirites,  613. 

—  De  la  Villa  Carmen,  647.  — 
De  Mad.  Bisson  et  Schrenck, 
654.  —  D'Eusapia,  640.  —  De 
Linda  Gazzera,  553.  —  De 
Crookes,  632.  —  de  Mad.  La- 
combe,  677. 

Poltergeist  (Voy.  Hantises). 

Possessions,  738. 

Pragmatique  (Cryptesthésie),  217-245. 

Prémonitions,  456-510. 

Probabilités  (Calcul  des),  63. 

Psychique  (Limites  du  —  et  du  méta- 
psychique), 55-62. 

Psychométrie  (Voy.  Pragmatique). 

Radiations  des  substances  à  travers  le 

verre,  222-223. 
Rayons  (rigides),  544. 
Raps  des  sœurs  Fox,  27-30. 

—  Théories  sur  les  — ,  31. 

—  Observations  sur  les  — ,  565-573. 
Récognition  dans  les  monitions,  318. 
Réincarnations,  465. 

Respiration  (des  formes  matérialisées). 

645. 
Rhabdique  (Force),  291-296. 

Saints     (Phénomènes    métasychiques 

chez  les  — ),  21. 
—    Lévitations,  692. 
Sanscrit  d'Hélène  Smith,  93,  94. 
Society  for  psychical  Research,  36-38. 
Somnambules  (professionnelles),  130. 
Somnambulisme  provoqué  à  distance, 

127-128. 
Spiritisme. 

—  Historique,  27-35. 

—  Théories,  768-781. 


INDEX  ALPHABETIQUE 


811 


Sthénomètre  de  Joire,  556. 
Stigmates,  20,  21. 

Survivance(Discussion),256-272,768-781. 
Symbolisme  des  monitions,  323-332. 

Tables  tournantes. 

—  Premiers  phénomènes,  30-32. 

—  Expériences,  514-520. 
Télékinésies,  514. 

—  Exemples  de  —  520-565. 

—  Rapports   avec    les  matérialisa- 

tions, 559-565. 


Télépathie  (Rapports  avec  la  cryptes- 

thésie),  75-81. 
Thérapeutique  (Magnétique),   130-134. 
Transposition  des  sens,  228-241. 

Voix  de  Jeanne  d'Arc,  20. 
Villa  Carmen  (Expér.  delà  —  ),  642-667. 
Voyante  de  Prévorst,  25,  26. 
Vraisemblance  ou  invraisemblance  des 
monitions,  309-311. 

Xénoglossie,  272-280. 


TABLE  DES  MATIÈRES 


AV.VNT-PROPOS. 


LIVRE  PREMIER 
DE  LA  MÉTAPSYCHIQUE  EN  GÉNÉRAL 

1.  Définition  et  classification 1 

§  2.  Y  a-t-il  une  métapsychique  ? 5 

§  3.  Historique . 16 

1°  Période  mythique 16 

2°  Période  magnétique 23 

3°  Période  spiritique 27 

4°  Période  scientifique 34 

§  4.  Les  médiums 42 

LIVRE  DEUXIÈME 
DE  LA  MÉTAPSYCHIQUE  SUBJECTIVE 

Chapitre  Premier.  — De  la  métapsychique  subjective  en  général 55 

§  1.  Des  limites  entre  le  psychique  et  le  métapsychique 55 

§  2.  Le  hasard  et  le  calcul  des  probabilités  dans  les  faits  métapsychiques.  63 

§  3.  Des  erreurs  d'observation 69 

Chapitre  II.  —  De  la  cryptesthésie  (ou  lucidité)  en  général 74 

§  1.  Définition  et  classification 75 

§  2.  Rapports  de  la  télépathie  avec  la  cryptesthésie 75 

§  3.  Phénomènes  psychiques  se  rattachant  à  la  psychologie  normale  et 

n'ayant  que  l'apparence  de  la  cryptesthésie 81 

§  4.  Classification  des  dilïérentes  modalités  de  la  cryptesthésio 97 

Chapitre  III.  —  Cryptesthésie  expérimentale 160 

§  I.      Chez  les  normaux 160 

§11.    Dans  l'hypnotisme  et  le  magnétisme •   •  117 

§  III.  Dans  le  spiritisme 164 

§IV.   Chez  les  sensitifs 216 

a.  Psychométrie,  ou  cryptesthésie  pragmatique 217 

3-  Transposition  des  sens 228 

Y-  Vision  par  le  cristal 246 


814  TABLE    DES    MATIÈRES 

§  5.  Conclusions  relatives  à  la  eryptesthésie  expérimentale 251 

§  6.  De  l'identification  des  personnalités  spiritiques 256 

§  7.  Xénoglossie 272 

Chapitre  VI.  —  Baguette  divinatoire 281 

a  1.  Historique 281 

p  2.  Exposé  des  faits 283 

Y  3.  De  la  force  rhabdique 291 

8  4.  Conséquences  au  point  de  vue  de  la  eryptesthésie 294 

Chapitre  V.  —  Métapsychique  animale 297 

Chapitre  VI.  —  Cryptesthésie  accidentelle  . 303 

A.  Monitions 303 

I.  Des  monitions  en  général 303 

§  1.  Classification  et  définitions 303 

§  2.  Des  conditions  nécessaires  pour  que  les  monitions  soient  regardées 

comme  telles 307 

§  3.  Des  conditions  dans  lesquelles  se  produisent  les  monitions    ....  318 

§  4.  De  la  forme  symbolique  que  preHnent  les  monitions 322 

§  5.  Fréquence  des  monitions 332 

II.  De  quelques  monitions  non  collectives,  autres  que  les  monitions 

de  mort 336 

III.  Monitions  de  mort 354 

IV.  Monitions  collectives 418 

B.  Prémonitions 440 

§  1.  Prémonitions  en  général l 440 

§  2.  Auto-prémonitions '.  445 

a.  Autoprémonitions  de  maladies 445 

p.  Autoprémonitions  de  mort  accidentelle 453 

§'3.  Des  prémonitions  proprement  dites 456 

a.  Prémonitions  dans  l'hypnotisme 457 

p.  Prémonitions  spiritiques 463 

Y-  Prémonitions  accidentelles 470 

Y'.  Prémonitions  de  maladies  ou  morts  dues  à  des  causes  naturelles.  471 

Y".  Prémonitions  de  morts  accidentelles 477 

Y'".  Prémonitions  d'événements  divers 484 

§  4.  Conclusion 509 

LIVRE  TROISIÈME 
DE  LA  MÉTAPSYCHIQUE  OBJECTIVE 

Chapitre  Premier.  —  De  la  métapsychique  objective  en  général 511 

Chapitre  II.  —  Des  télékinésies 514 

A.  Mouvements  de  tables 514 

B.  De  quelques  télékinésies  expérimentales 520 

C.  Des  bruits  et  des  raps 565 

D.  Écriture  directe 572 

Chapitre  III.  —  Des  ectoplasmies  (Matérialisations) 581 

A.  De  la  fraude  dans  les  expériences  d'ectoplasmie 581 

B.  Des  principales  ectoplasmies  expérimentales 628 


TABLE    DES    MATIÈRES  815 

Giiapitbe  IV.  —  Des  lévitations 692 

Chapitre  V.  —  Des  bilocations 700 

A.  Bilocations  objectives ,   .    .    .   .  700 

B.  Monitions  d'approche 710 

Chapitre  VI.  —  Les  hantises 714 

§  1.  Hantises  en  général 714 

§  2.  Hantises  de  maisons 724 

§  3.  Hantises  de  personnes  (télékinésies  accidentelles) 733 

§  4.  Conclusions 750 

LIVRE  QUATRIÈME 
CONCLUSION  ' 


1 .  Los  faits  nouveaux,  importants,  et  les  données  nouvelles,  imprévues  et  essentielles,  se  succè- 
dent avec  une  telle  rapidité  que,  pendant  l'impression  de  ce  livre,  maints  travaux  ont  été  publiés 
que  je  n'ai  pas  suffisamment  mentionnés,  les  écrits  posthumes  de  Crawfobd,  les  expériences  de 
M.  Grunewald,  les  communications  au  Congrès  de  Copenhague,  les  nouvelles  recherches  de 
Schrenck  Notzing,  etc.  L'évolution  des  idées  est  si  précipitée  qu'en  six  mois  il  y  a  déjà  de  grands 
progrès,  de  sorte  qu'aucun  traité  dogmatique  ne  peut  être  adéquat  à  la  science  contemporaine. 


LÉGENDES  DES  FIGURES 


Pages. 

Fig.  1.  —  Expériences  de  M.  Guthrie 110 

Fig.  2.  — Pendule  dessinée  d'après  les  indications  d'A lice.    . 152 

Fig.  3.  — Pendule  réelle  de  la  maison  de  M.  G...,.  • 152 

Fig.  4  et  5?  —  Cadre  de  photographie  qui  avait  été  mis  dans  une  enveloppe 
opaque  cachetée,  et  dans  laquelle  Alice  a  vu  la  photographie  ((ig.  5)  qui 
n'était  pas  dans  l'enveloppe,  mais  qui,  chez  M.  Héricourt,  était  placée  dans 

le  cadre 158 

Fig.  6  et  7.  —  Dessin  donné  par  H.  Ferrari,  choisi  parmi  vingt  enveloppes 

opaques 159 

Fig.  8  et  9.  —  Dessin  (une  grappe  de  raisin)  mis  dans  une  enveloppe  opaque, 

et  dont  j'ignore  le  contenu 160 

Fig.  10.  —  Disposition  de  l'expérience  dite  de  l'alphabet  caché  (Ch.  Richet).  206 

Fig.  11,  11  bis.  —  Télékinésies  de  St.  Tomczyk 545 

Fig.  12.  —  Télékinésies  de  St.  Tomczyk 546 

Fig.  13.  —  Télékinésies  de  St.  Tomczyk 547 

Fig.  14.  —  Théorie  du  cantilever  de  Crawford 550 

Fig.  15.  —  Théorie  du  cantilever  de  Crawford 550 

Fig.  16.  —  Théorie  du  cantilever  de  Crawford 550 

Fig.  17.  —  Ectoplasmie  de  Linda  Gazzera 553 

Fig.  18.  —  William  Crookes  et  Katie  King 632 

Fig-  19.  —  Eusapia  Paladino  (mains  lluidiques)    .   .    . 640 

Fig.  20.  —  Schéma  de  la  villa  Carmen 644 

Fig.  21.  —  Photographie  de  Bien  Boa 647 

Fig.  22.  —  Ectoplasmie  de  Marthe 654 

Fig.  23.  —  Ectoplasmies  de  Marthe 659-662 

Fig.  24.  —  Expériences  de  Mad.  Lacomise 677 

Fig.  25.  —  Signatures  de  Chaumontet  et  Burnier,  par  Hélène  Smith  ....  773 


E  V  11  E  U  X  ,    IMPRIMERIE     C  11  .     11  É  II  I  S  S  E  Y 


BOSTON  PUBLIC  LIBRARY 


3  9999  05676  983  7 


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