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Full text of "Traité de philosophie"

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TRAITÉ 


DE 


PHILOSOPHIE 


TOME   DEUXIÈME 

MORALE   —   ESTHÉTIQUE   —   MÉTAPHYSIQUE 
VOCABULAIRE    PHILOSOPHIQUE 


L'auteur  et  V éditeur  réservent  tous  droits  de  traduction  et  de  reproduction. 
Ce  Tome  deuxième,  conformément  à  la  loi,  a  été  déposé  en  août  1924. 


Nihil  obstat, 

J.  BouiN. 


Imprimatur, 

(i.  Lefebvre. 

vir.  gen. 


Parisiis,  die  iiona-Junii  19?! 


TRAITÉ 


DB 


PHILOSOPHIE 


PAR 


GASTON  SORTAIS,  S.  J. 

ANCIEN   PROFESSEUR   DE    PHILOSOPHIE 


TOME    DEUXIÈME 

MORALE  —  ESTHÉTIQUE  —   MÉTAPHYSIQUE 
VOCABULAIRE  PHILOSOPHIQUE 

Cinquième  Édition  revue  et  augmentée 
(du  13e  au  15e  miUe) 


PARIS 
P.  LETHIELLEUX,  Libraire-Éditeur 

10,     RUE    CASSETTE,     10 
1924 


TABLE  SYNTHÉTIQUE  DU  SECOND  VOLUME 


SCIENCES  PSYCHOLOGIQUES  NORMATIVES 

(Suite) 


II 

MORALE 
Préliminaires. 

A' os                                              '  Pages 

1.  Définition  et  objet  de  la  Morale 1 

2.  .Science  et  Art 2 

3.  Division  et  Méthode  de  la  Morale 3 

4.  Utilité  de  la  Science  de  la  Morale 3 

5.  Rapports  de  la  Morale  avec  la  Psychologie  et  la  Logique . .  5 

6.  La  Morale  et  la  Métaphysique 7 

Complément  bibhographique 12 

LIVRE  I.  —  MORALE  FORMELLE  OU  GÉNÉRALE 

7.  Division  de  la  Morale  formelle 15 

CHAPITRE  I.  —  LA  CONSCIENCE  MORALE 

8.  Conscience  psychologique  et  Conscience  morale 15 

9.  Analyse  de  la  Conscience  morale 16 

,       I.  —  Sens  moral 18 

10.  Nature  de  la  Conscience  :    :      II.  —  Résultat  de  V expérience.  21 

'    III.   -j- Forme  de  la  raison  ....  25 

11.  Valeur  de  la  Conscience  morale 26 

1 2.  Universalité  de  la"  Conscience  morale 27 

13.  Conditions  ou  Éléments  de  la  Moralité 30 

14.  L'Intention  morale 31 

15.  Degrés,  Éducation  et  Règles  de  la  Conscience  morale 33 

CHAPITRE  II.  —  LE  DEVOIR  ET  LA  LOI  MORALE 

1().  Le  Devoir  et  l'Obligation  morale 37 

17.  De  la  Loi 37 


M  TABLE    SYNTHÉTIQUE    DU    SECOND    VOLUME 

Nos  l'as^s 

18.  Ordre  hiérarchique  des  Lois ^^ 

19.  Existence  de  la  Loi  morale  et  du  Devoir 42 

20 .  Caractères  de  la  Loi  morale  et  du  Devoir 44 

CHAPITRE  IIL  —  LE  SOUVERAIN  BIEN 

21 .  Les  Motifs  des  Actions  humaines 46 

ARTICLE  I.  —  Morales  égoïstes  ou  utilitaires 
§  A.  —  Morale  du  Plaisir 

22 .  L'Hédonisme  (Aristippe) 48 

23.  La  Satisfaction  morale  (J.-J.  Rousseau) 49 

§  B.  —  Morale  de  l'Intérêt 

24 .  La  Morale  de  l'Intérêt  (Épicure) 50 

25.  La  Morale  utilitaire  (Bentham) 51 

26.  Utilitarisme  rectifié  (S.  Mill) 53 

27 .  Morale  évolutionniste  (H.  Spencer) 58 

28.  Morale  sociologique  (Ém.  Durkheim) 60 

29.  Morale  de  la  Solidarité  (L.  Bourgeois) 70 

30.  Rôle  du   Plaisir  en  Morale 76 

31 .  Rôle  de  l'Intérêt  en  Morale 77 

32.  Le  Plaisir  et  l'Intérêt 80 

ARTICLE  II.  —  Morales  altruistes  ou  sentimentales 

33 .  L'Altruisme  (A.  Comte) 81 

34 .  La  Bienveillance  (Hutcheson) 81 

35 .  La  Sympathie  (A.  Smith) 82 

36.  Le  Sentiment  de  l'Honneur 84 

37 .  Rôle  du  Sentiment  en  Morale 86 

38.  L'Intérêt  et  le  Sentiment 88 

ARTICLE  III.  —  Morales  rationnelles 

39.  Idéal  cslliétique  (Platon) 89 

40.  Eudémoni.sme  rationnel  (Aristote) 91 

41 .  Suivre  la  Raison  (Zenon) 93 

42 .  Morale  formelle  (Kant) 96 

43.  Morale  du  Bien  rationnel  (S.  Thomas) 101 

k'\ .   (  )ri''ine  de  l'Idée  du  Bien 102 


TABLE     SYNTHETIQUE     DU     SECOND     VOLUME  VII 

Nos  Pages 

45.  Nature  de  l'Idée  du  Bien 103 

46.  Fondement  de  l'Obligation 107 

CHAPITRE  IV.  —  CONSÉQUENCES  DE  LA  MORALITÉ 

47 .  La  Responsabilité  morale 114 

48.  Le  Mérite  et  le  Démérite 118 

49 .  Les  Sanctions  morales 119 

50.  La  Vertu  et  le  Vice ' 124 

CHAPITRE  V.  —  LE  DROIT 

51 .  Définition  et  Caractères  du  Droit 131 

52.  Principe  et  Fondement  du  Droit 132 

53 .  Rapports  du  Droit  et  du  Devoir 135 

54.  Origine  et  Caractères  de  l'Idée  du  Droit 139 

55 .  Formes  particulières  du  Droit 139 

56.  Préceptes  primaires  et  secondaires  du  Droit  naturel 141 

57.  Conflit  des  Droits 142 

Complément  bibliographique 143 

LIVRE  n.   —  MORALE  MATÉRIELLE  OU  PARTICULIÈRE 

58 .  Division  des  Devoirs 148 

59 .  Devoirs  envers  les  Animaux  ? 150 

60.  Conflit  des  Devoirs 150 

Complément  bibliographique 151 

CHAPITRE  I.  —  MORALE  PERSONNELLE 

61 .  Existence  et  Fondement  des  Devoirs  personnels 153 

62 .  Devoirs  relatifs  au  Corps 156 

63 .  Devoirs  relatifs  à  l'Ame 158 

Complément  bibliographique. 159 

CHAPITRE  II.  —  MORALE  SOCIALE 

04 .   Division  des  Devoirs  envers  autrui 161 

Section  I.  —  Morale  humanitaire. 

65 .  Justice  et  Charité 161 

§  I.  —  Devoirs  de  Justice 

66.  Devoirs  relatifs  à  la  Vie  d'autrui 166 


VIII  TABLE    SYNTHÉTIQUE    DU    SECOND    VOLUME 

Nos  Pages 

G7.  Devoirs  relatifs  à  TAme  d'autrui  : 

§      I.  —  Devoirs  relatifs  à  la  Sensibilité 168 

§     II.  —  Devoirs  relatifs  à  V Intelligence  : 

Véracité  et  Mensonge 168 

§  III.  —  Devoirs  relatifs  à  la  Volonté  libre  : 

A.  —  L'Esclavage 17(i 

B.  —  Le  Servage 181 

C.  —  Liberté  individuelle  : 

1°)  Liberté  de  Conscience 183 

20)  Liberté  de  Pensée 183 

3°)  Liberté  de  la  Profession  et  de  la  Vocation  ....  186 

40)  Liberté  du  Travail 187 

68.  Respect  des  Biens  matériels  :  le  Droit  de  Propriété 188 

69.  Objections  contre  le  Droit  de  Propriété 194 

70.  Conséquences  et  Attributs  du  Droit  de  Propriété 197 

71.  Liberté  de  tester 197 

A.  —  Communisme 199 

B.  —  Collectivisme. 200 

72.  Socialisme  :  [   C.  —  Réformisme,   Syndicalisme,   Goopéra- 

tisme 202 

D.  —  Société  et  Socialisme 205 

73.  Respect  des  Biens  spirituels  :  l'Honneur 206 

§  11.  —  Devoirs  de  Charité. 

1\.  Les  Œuvres  fie  Charité 207 

Complément  bibliographique 207 

Section  IL  —  Morale  domestique. 

75.  La  Famille 208 

76.  Le  .Mariage 209 

77.  Le  Célibat 211 

78.  Devoirs  des   Époux 211 

79.  Le  Féminisme 212 

80.  Devoirs  des  Parents    " 216 

81.  Devoirs  des  Enfants ^ 216 

82.  Devoirs  des  Maîtres  et  des  Serviteurs 217 

83.  Devoirs  des  Patrons  et  des  Ouvriers 217 

Comjjlémeiil    bibliographique 218 


TABLE    SYNTHÉTIQUE    DU    SECOND    VOLUME  IX 

Section  III.  —  Morale  civique. 

Nos                                                                                  '  Pages 

84.  La  Société 219 

85.  Origine  de  la  Société 220 

86.  Origine  du  Pouvoir 223 

87.  Gouvernements  de  fait   230 

88.  Formes  diverses  de  Gouvernement 232 

89.  Infériorité  des  Formes  à  l'état  pur 233 

90.  Supériorité  des  Formes  à  l'état  mixte 235 

91.  La  Démocratie. 239 

92.  Stabilité  et  Transmission  de  l'Autorité 247 

93.  Fonctions  de  l'État  :  |  tt  t  •    •*       1  r-      •  •*  ••■■■'■■ 

/  IL  — ■  Limites  et  Empiétements..  ioO 

/      I.  —  Enseignement 252 

94.  Exemples  d'intervention  :  |     IL  —  Bienfaisance 263 

f  III.  —  Travail  265 

95.  Devoirs  et  Droits  des  Gouvernants 265 

96.  Séparation  des  Pouvoirs 266 

97.  Pouvoir  législatif 266 

no    r>         ■        j-  ■  ■         (A.  —  En  général 267 

98.  Pouvoir  ludiciaire  :      t^          t-w    -x  j           ■  ncn 

■•                     (  B.  —  Droit  de  punir 267 

nn    D         •         '     4.-*        i  A.  —  En  général 269 

99.  Pouvoir  executii  :      i  r,          rx     -x   j  o/-n 

'  B.  —  Droit  de  guerre 269 

100.  Devoirs  et  Droits  des  Gouvernés. .....'....  274 

101.  L'Obéissance  aux  Lois 274 

102.  Le  Service  militaire 276 

103.  L'Impôt 277 

104.  Les  Droits  de  Vote  et  d'Éligibilité 281 

105.  Le  Droit  d'Association  et  l'Etat 285 

106.  Insurrection  et  Résistance 287 

107.  La  Liberté  politique  et  la  Liberté  civile 291 

108.  Le  Libéralisme 292 

109.  Déclaration  des  Droits  de  l'homme  et  du  citoyen 294 

Complément  bibliographique 301 

Section  IV.  —  Morale  internationale. 

110.  Le  Droit  international 311 

111.  Essais  d'Organisation  juridique  internationale 315 

112.  Principe  des  Nationalités 322 

113.  La  Morale  et  la  Politique 325 


X  TABLE    SYNTHÉTIQUE    DU    SECOND    VOLUME 

Nos  Page  s 

1 14.  La  Civilisation 325 

115.  Le  Progrès 327 

Complément,  bibliographique 328 

CHAPITRE  III.  —  MORALE  RELIGIEUSE 
Section  I.  —  Religion  naturelle. 

116.  Existence  des  Devoirs  envers  Dieu 331 

117.  Le  Culte 332 

Section  U.  —  L'Eglise  et  l'Etat. 

118.  Rôle  de  l'Église 334 

119.  Constitution  de  l'Église 335 

[  A.  —  Asservissement  .  337 

120.  Rapports  de  l'Église  et  de  l'État  :  |  B.  —  Séparation 337 

(  C.  —  Union 339 

121.  La  Thèse  et  l'Hypothèse. 340 

122.  Pouvoir  direct  ou  indirect  ? 343 

123.  L'Intolérance 344 

124.  L'Immunité  ecclésiastique 347 

125.  L'Éghse  et  la  Révolution .• 348 

Complément  bibliographique 351 

LIVRE  m.  —  LA  MORALE  ET  L'ÉCONOMIE  POLITIQUE 

CHAPITRE  I.  —  NOTIONS  SOMMAIRES 
D'ÉCONOMIE  POLITIQUE 

126.  Production  de  la  Richesse 353 

127.  Circulation  de  la  Richesse 335 

128.  Répartition  de  la  Richesse 356 

129.  Consommation  de  la  Richesse 360 

Complément  bibliographique 361 

CHAPITRE  II.  —  RAPPORTS  DE  LA  MORALE 
'  ET  DE  L'ÉCONOMIE  POLITIQUE 

I.'iO.   Hai)i)orts  généraux 363 

I.M.    Rapports  particuliers 363 

l      I.  —  Causes 365 

l.!2.  La  Question  sociale  :        II.  —  Nature 368 

'  III.  —  Solutions 368 

Complément   bibliographique 374 


TABLE    SYNTHÉTIQUE    DU    SECOND    VOLUME  XI 

Nos  Pages 

CHAPITRE  III.  —  L'ALCOOLISME 

133 .   Effets  et  Remèdes 375 

ESTHÉTIQUE 

CHAPITRE  I.  —  LE  BEAU 

1 .  Effets  du  Beau 378 

2.  Nature  du  Beau 381 

3 .  Division  du  Beau 384 

4 .  Le  Vrai,  le  Bien,  le  Beau 384 

5 .  Le  Beau,  l'Utile,  l'Agréable 387 

6.  Le  Beau,  le  Gracieux,  le  Joli 388 

7 .  Le  Beau,  le  Sublime 389 

8.  Le  Joli,  le  Beau,  le  Sublime 390 

9.  Le  Ridicule,  le  Laid,  l'Horrible 390 

10.  Le  Rire,  le  Ridicule,  le  Risible 392 

Complément  bibliographique 392 

CHAPITRE  IL  —  L'ART 

11 .  Double  Élément  de  l'Art 394 

12 .  L'Idéal  :  Formation  et  Origine 395 

13.  L'Idéal  :  ses  Effets  et  son  Rôle 396 

14.  Imitation,    Fiction,    Idéalisation 397 

15 .  Grandes  Lois  de  l'Art 401 

16 .  Valeur  des  Lois  artistiques 404 

17 .  Esprit,  Talent,  Génie 405 

18.  Le  Goût 406 

19 .  La  Science  et  l'Art 408 

20 .  Classification  des  Arts 408 

21 .  L'Art  et  la  Morale 410 

22.  L'Idéal  chrétien 412 

Complément  bibliographique 413 

MÉTAPHYSIQUE 

•  Introduction. 

1 .  Nature  et  Objet  de  la  Métaphysique 419 

2 .  La  Question  préalable 419 


XII  TABLE    SYNTHÉTIQUE    DU    SECOND    VOLUME 

Section  I.  —  Légitimité  de  la  Métaphysique  et  Valeur  de  la  Connaissance. 
ARTICLE  I.  —  Le  Scepticisme 

Nos  Pages 

3 .  Scepticisme  absolu  ou  Pyrrhonisme 421 

4 .  Scepticisme  relatif  ou  Probabilisme 425 

ARTICLE  II.  —  Le  Relativisme 

5.  §       I.  —  Le  Phénoménisme  (Hume) 426 

6.  §     II.  —  Le  Criticisme  (Kant) 430 

7.  §  III.  —  Le  Néo-Criticisme  (Renouvier) 438 

8.  §   IV.  -r-  L'Idéalisme  métaphysique  (Lachelier,Bergson)  442 

9.  §     V.  —  Le  Positivisme   (Comte) 446 

ARTICLE  III.  —  Le  Dogmatisme 

10.  Arguments  indirects 450 

11 .  La  Vérité  illuminatrice  (S.  Augustin) 452 

Section  II.  —  Importance  et  Division  de  la  Métaphysique. 

12 .  Importance  de  la  Métaphysique 456 

13.  Division  et  Plan  de  la  Métaphysique 456 

Complément  biblioirraphique 457 

LIVRE  I.  —  MÉTAPHYSIQUE  GÉNÉRALE  OU  ONTOLOGIE 

14.  Définition  et  Division 460 

CHAPITRE  I.  —  L'ÊTRE  EN  GÉNÉRAL 

15.  L'Être  et  le  Non-Être 460 

16.  Analogie  de  TEtre •    461 

17.  Possible  et  Impossible 463 

18.  Acte  et  Puissance 464 

1 9 .  Essence  et  Existence 465 

20.  Distinction  entre  l'Essence  et  l'Existence 467 

CHAPITRE  II. 
PROPRIÉTÉS  TRANSCENDANTALES  DE  L'ÊTRE 

21 .  L'Unité 471 

22.  [>istincti(»n  :  réelle,  logique; 472 


TABLE    SYNTHETIQUE    DU    SECOND    VOLUME    •  XIII 

Nos  Pages 

23 .  Principe  d'Individuation 474 

24 .  Le  Vrai  et  le  Faux 475 

25 .  Le  Bien  et  le  Mal 476 

CHAPITRE  IIL 
LES  DIVISIONS  DE  L'ÊTRE  EN  CATÉGORIES 

26 .  La  Substance  et  l'Accident 479 

27.  La  Quantité 481 

28.  La  Qualité 483 

29.  La   Relation. 484 

30.  L'Action  et  la  Passion: 485 

31 .  La  Situation,  l'Habitus 486 

CHAPITRE  IV.  —  LES  CAUSES  DES  ÊTRES 

32 .  Généralités  et  Division 487 

33.  Causes  matérielle,  formelle,  efficiente 488 

34.  Cause  finale 488 

35 .  Cause  exemplaire 490 

Complément  bibliographique 490 

LIVRE  n.  —  MÉTAPHYSIQUE  SPÉCIALE 

CHAPITRE  I.  —  COSMOLOGIE 
ARTICLE  l.  —  Existence  du  Monde  extérieur 

/  Immatérialiste  (Berkeley) 497 

36     Idéalisme  •  5  ^^''^'^"^  (^^•^^'f) ^98 

)  Absolu  (Fichte) 498 

(  Phénoméniste  (Hume,  Stuart  Mill) 499 

37.  Preuves  de  l'Existence  du  Monde  extérieur 500 

ARTICLE  IL  —  L'Espace  et  le  Temps 

38.  Nature  de  l'Espace  et  du  Temps 501 

39 .  Origine  de  ces  Notions 504 

ARTICLE  III.  —  Essence  de  la  Matière 

I.  —  Physique  (Épicure,  Gassendi).  507 

40.  Le  Mécanisme  :  !  ,\\-  "  Géométrique  (Descartes).  .  . . .  508 
111.   —  Atomisme  dynamique 

(Tongiorgi) 510 


XIV  TABLE    SYNTHETIQUE    DU    SECOND    VOLUME 

Xos  Pages 

41 .  Le  Dynamisme  interne  (Leibniz) 511 

42.  L'Hyiémorphisme  (Scolastiques) 513 

i     L  —  BoscHOvicH 518 

43 .  Le  Dynamisme  externe  : ,  j  j    _  p^lmieri 520 

ARTICLE  IV.  —  La  Vie 

44 .  Caractères  distinctifs  du  vivant 523 

45 .  Le  Mécanisme  (Descartes) 524 

46.  L'Organicisme.  (Cabanis) 525 

47 .  Le  Vitalisme  (Barthez) 526 

48.  L'Animisme  (Aristote) 527 

Complément  bibliographique 529 

CHAPITRE  IL  —  PSYCHOLOGIE  RATIONNELLE 

ARTICLE  I.  —  Distinction  de  l'Ame  et  du  Corps 

§  A.  —  Preuves  apportées  par  le  Spiritualisme 

49 .  Argument  général 536 

50.  Argument  tiré  de  l'identité  de  la  personne. 536 

51 .  Argument  tiré  de  l'unité  de  la  pensée .537 

52.  Argument  tiré  de  la  liberté 539 

§  B.  —  Réfutation  du  Matérialisme 

5.3 .  Arguments  et  Réponses ! . . .  540 

ARTICLE  II.  —  Union  de  l'Ame  et  du  Corps 

54.  Existence  et  Caractères  de  cette  Union 543 

55.  Le  Médiateur  plastique 545 

56.  Les  Esprits  animaux  (Descartes) 545 

57.  Les  Causes  occasionnelles  (Malebranche) 546 

58.  L'Harmonie  préétablie  (Leibniz) 547 

59.  L'Influx  physique  (Eiler) 548 

60.  Conclusion 548 

ARTICLE  III.  —  Destinée  de  l'homme  :  Immortalité 

•  il  .    Preuve  métaphysique 549 

62 .  Preuve  morale 550 

63.  Preuve  psychologique 551 

64 .  Résurrection  des  corps ^ 552 

Com(»lémcnt  bibliographique 553 


TABLE    SYNTHETIQUE    DU    SECOND    VOLUME  XV 

CHAPITRE  III.  —  THÉOLOGIE  RATIONNELLE  OU  THÉODICÉE 
ARTICLE  l.  —  Existence  de  Dieu 

Nos  Pages 

65.  Nécessité  et  Possibilité  d'une  Démonstration 555 

66.  Classification  des  Preuves  de  l'Existence  de  Dieu 556 

Section  I.  —  Preuves  a  posteriori. 

67 .  La  Contingence  du  Monde 557 

68.  Le  Mouvement  de  la  Matière 560 

69 .  Les  Causes  finales , 561 

70.  Le  Consentement  universel 563 

71 .  Les  Aspirations  de  l'Ame 565 

72.  Les  Idées  de  Parfait  et  d'Infini 566 

73 .  Les  Vérités  éternelles 567 

74.  L'Existence  du  Devoir  et  la  Nécessité  d'une  Sanction. . . .  568 

Section  II.  —  Preuve  a  priori. 

75 .  Preuve  ontologique 569 

76.  L'Être  nécessaire  est  parfait 572 

77 .  Valeur  des  Preuves  rationnelles 574 

ARTICLE  II.  —  Nature  et  Attributs  de  Dieu 

78.  Des  Attributs  divins  en  général 576 

79 .  Attributs  métaphysiques 577 

80 .  Attributs  moraux 580 

81 .  §  A)  Science  et  Sagesse 581 

82.  Connaissance  des  futurs  conditionnels 584 

83.  §  B)  Amour,  Bonté,  Véracité 595 

84.  §  C)  Toute-Puissance  et  Liberté 597 

85 .  La  Personnalité  divine ■ 598 

ARTICLE  III.  —  Rapports  de  Dieu  et  du  Monde 

Section  I.  —  Origine  du  Monde. 

86 .  L' Atomisme 600 

87 .  Le  Dualisme 601 

.  A.  —  Formes  diverses  du  Panthéisme .  601 

88.  Le  Panthéisme  :      B.  —  Réfutation  du  Panthéisme 607 

'  C.   —  Objections  des  Panthéistes 610 


XVI  TABLE    SYNTHÉTIQUE    DU    SECOND    VOLUME 

Nos  Fsiges 

I.  —  Le  Lamarckisme 612 

IL  —  Le  Darwinisme 613 

-^     ^     _        ,       .  ,  IIL  —  Critique  du  Transformisme.  617 

89.  Le  Transformisme  :  (   ^y    _  Comment   se   pose    aujour- 

d'hui    la    question    du 

Transformisme  ? 623 

^^     ,,^     ,  ,.       .  i  A. — Exposé  du  Svstème  de  Spencer  626 

90.  L  Évolutionnisme  :  (  g  _  Critique  de  i'Évolutionnisme. .  629 

91 .  Le  Créationnisme  :  }  g!  -  Objections  et  Réponses  :::::::  634 

Section  IL  —  La  Providence. 

92 .  — -La  Conservation 637 

93 .  —  Le  Concours  divin 638 

94 .  —  Le  Gouvernement  divin 639 

95 .  —  Le  Miracle 640 

i       I.  Mal  métaphysique . .  643 

96.  Objections  contre  la  Providence  :   ,     IL  Mal  physique 644 

'  III.  Mal  moral 644 

Section  IIL  —  La  Valeur  du  Monde. 

f.-     ,  ,A^  .  •    •  \  absolu 646 

9/.   LOptimisme:      ,  ^^j^^^^ g^^ 

no     T      n      •    •  i  absolu 648 

98.  Le  Pessimisme  :         ,  ^-f  ^,r> 

'  relatif 649 

99.  La  Valeur  véritable  du  Monde / ., 649 

Complément  bibliographique 651 

Sujets  de  Dissertations  relatifs  à  la  Morale,  à  V Esthétique 

et  à  la  Métaphysique 657 

Synthèse  historique  des  principales  doctrines  philoso- 
phiques    681 

Index  des  Auteurs  cités 697 

Table  analytique  des  deux  volumes  et  Vocabulaire  philo- 
sophique    733 


SCIENCES     PSYCHOLOGIQUES     NORMATIVES 

(SUITE) 


]  1 

MORALE 


Il  importe  de  connaître  les  conditions  de  la  science  ;  nous  l'avons 
vu  en  Logique  ;  mais  il  importe  plus  encore  de  connaître  les  conditions 
de  la  moralité,  parce  que,  s'il  est  utile  de  savoir,  il  est  indispensable 
de  bien  faire.  La  science  est  le  privilège  d'une  élite  ;  la  moralité  est  le 
devoir  de  tous. 


PRÉLIMINAIRES 

1.  —  DÉFINITION  ET  OBJET  DE  LA  MORALE 

I.  —  Définition  :  la  Morale  ou  Éthique  est  la  science  des 
mœurs  telles  qu'elles  doivent  être.  C'est  la  science  du  bien  obligatoire. 

\\.  —  Objet  :  la  morale  a  donc  pour  objet  le  bien,  en  tant  qu'il 
doit  être  pratiqué  par  la  volonté,  c'est-à-dire  le  devoir,  et  conséquemment 
les  lois  que  la  volonté  doit  suivre  pour  faire  le  bien.  C'est  pourquoi  la 
morale  n'indique  pas  ce  qui  se  fait  ;  elle  prescrit  ce  qui  doit  se  faire. 
Ce  n'est  donc  pas  une  science  du  réel,  mais  de  V idéal.  Elle  n'est  pas 
pour  cela  a  priori.,  car  les  lois  qu'elle  formule  ne  sont  pas  des  construc- 
tions arbitraires  de  l'esprit  ;  mais  l'esprit  les  dégage  de  l'analyse  des 
jugements  et  des  sentiments  moraux,  qui  sont  des  faits  relatifs  à  la 
conscience  morale.  La  morale  rappelle  sur  ce  point  la  physiologie,  qui 
enseigne  comment  les  organes  doivent  normalement  fonctionner  plutôt 
qu'elle  ne  décrit  leur  fonctionnement  réel  (^). 


(M  Ouvrages  généraux  sur  la  Morale  :  Aristote,  Ethique  à  Nicomaque.  —  Cicéron, 
De  officiis  ;  De  legibus  ;  De  finibus  bonorum  et  malorum.  —  Saxnt  Thomas,  Commenlari» 
in  X  Libros  Ethicorum.  Summa  theologica,  I"  II»«.  Contra  Genliles,  L.  III.  —  Suarez,  De 
Legibus.  — •  Taparelli,  Essai  théorique  de  Droit  naturel.  —  Malebranche,  Traité  de 
Morale.  —  Kant,  Critique  de  la  raison  pratique  ;  Fondements  de  la  métaphysique  dot  mœurs. 
—  Renouvier,  La  Science  morale.  —  P.  Janet,  La  Morale.  — ■  J.  Simon,  Le  devoir.  — 
E.  Beaussire,  Les  Principes  de  la  Morale.  —  Jouffroy,  Cours  de  droit  naturel.  — 
V.    Cathrein,    Philosophia    moralis.    —    J.    Costa-Rossetti,    Philosophia   moralis.    — • 

TRAITÉ    DE    philosophie.    T.    II.  1. 


SCIENCE    ET    ART  (2) 


2.  —  SCIENCE  ET  ART 

La  morale  est  à  la  volonté  ce  que  la  logique  est  à  l'intelligence. 
Comme  la  lno;iquo,  elle  est  à  la  fois  une  science  et  un  art. 

I.  —  Science  :  en  tant  qu'elle  recherche  les  principes  et  les  conditions 
île  la  moralité,  c'est-à-dire  les  lois  de  la  volonté  dans  ses  rapports  avec 
le  bien.  Mais  c'est  une  science  pratique,  la  science  pratique  du  bien, 
comme  la  logique  est  la  science  pratique  du  vrai.  Et  c'est  ainsi  qu'elle 
devient  un  art. 

II.  —  Art  :  en  tant  que  les  lois  qu'elle  établit  sont  des  règles  de 
<onduite  pour  diriger  la  volonté  vers  le  bien  :  elle  enseigne  Vart  de  bien 
•.'ivre.  Mais  c'est  un  art  qui  a  des  caractères  tout  particuliers  : 

a)  Il  est  universel,  car  il  embrasse  et  règle  toutes  les  manifestations 
de  l'activité  humaine,  consciente  et  libre,  tandis  que  les  autres  arts 
sont  spéciaux^  c'est-à-dire  destinés  à  diriger  telle  catégorie  d'actions  ; 
vg.  la  médecine,  l'architecture. 

h)  Il  est  obligatoire  pour  tous.  Ce  n'est  pas,  comme  les  autres,  un 
art  facultatif  ou  un  art  d'agrément  et  de  luxe.  C'est  un  art  indispensable 
pour  gouverner  la  vie. 

Conclusion  :  mais  il  ne  faut  pas  forcer  la  distinction  établie  entre 
la  murale  coDime  science  et  la  morale  comme  art,  car  ni  cette  science 
n'est  purement  spéculative,  ni  cet  art  n'est  exclusivement  pratique.  En  effet, 
d'un  côté,  toute  science  morale  est  nécessairement  pratique,  même  quand 
elle  fait  des  considérations  spéculatives  sur  le  bien  et  le  devoir,  car 
c'est  une  science  de  l'action  qui  enseigne  ce  qui  doit  être  fait.  D'autre 
part,  la  morale,  en  tant  qu'art,  ne  peut  faire  abstraction  des  principes 
ni  se  réduire  à  des  règles  empiriques.  Dans  les  autres  arts  le  résultat 
matériel   ini])orte  seul,   quels   que  soient  d'ailleurs  le  principe  et  les 


A.  Fehetti,  InslitHlioncs  philosophise  moralis.  —  L.  Jouin,  Elemenia  philosophiœ  moralis. 

—  J.  Mendive,  Instilutionca  philosophiœ  scolasticee  :  Ethica.  —  Cii.  Mbyeï{,  Instilutiones 
juris  naturalis.  —  S.  Schiffini,  Philosophia  moralis.  —  Zigliara,  Summa  phîlosophiai, 
T.  III.  —  E.  Blanc,  Traité  de  philosophie  scolastique,  T.  III.  —  de  Pascal,  Philosophie 
morale.  —  Feriiaz,  Philosophie  du  devoir.  —  Guyaij,  La   Morale  anglaise  contemporaine. 

—  Koi;iLLÉE,  Critique  des  systèmes  de  morale  contemporains.  —  M.  d'Hulst,  Conférences 
de  .\()tre-l)ami',  tH9l  ;\  1806.  —  Fn.  Bouillier,  Eludes  familières  de  psychologie  et  de 
morale,  .\ouvplles  éludes  familières.  —  Ravaisson,  La  Philosophie  en  France  au  XI X^  siècle, 

J  3/i.  —  Inslitules  du  droit  naturel,  par  M.  B.  —  Wiaht,  Des  Principes  de  la  Morale  envi- 
mgée  comme  science.  —  Cii.  Ciiauaux,  La  Méthode  morale.  —  L.  Dugas,  Cours  de  morale 
Ihénrifiue  cl  pratique.  —  L.  LÉvv-Bitum,,  La  Morale  et  la  Science  des  mœurs.  —  Rauh, 
L'Expérience  morale.  —  Meze.<,  Ethics  descriptive  and  explnnalory.  —  S.  Laurie,  F.thica: 
(trad.  Remacle).  —  Belot,  Darlu,  etc.,  Etudes  sur  la  philosophie  morale  au  A'A'--  siècle. 
-  B.WET,  La  Morale  acicnlifique.  —  jMauxion,  Essai  sur  les  éléments  et  l'érolution  de  la 
tnoralité.  —  K.  i>e  Rohehty,  Les  fondements  de  l'Ethique.  Constitution  de  l'Ethique.  Le 
/'ter»  et  le  mal. 


l 


(3-4)  DIVISION    ET    MÉTHODE    DE    LA.    MORALE  3 

motifs  qui  ont  dirigé  l'artiste.  En  morale,  au  contraire,  un  acte  n'est 
bon  qu'autant  qu'il  est  inspiré  par  une  intention  pure  et  par  un  principe 
vrai,  c'est-à-dire  par  le  devoir  et  non  par  le  plaisir  ou  l'intérêt. 

3.  —  DIVISION  ET  MÉTHODE  DE  LA  MORALE 

A)  Division  :  il  y  a  dans  la  loi  morale   deux  choses  à  considérer  : 

10  le  devoir  envisage  en  lui-même  et  dans  ses  conséquences  nécessaires, 
lequel  reste  immuable  ;  —  2^  les  actes  divers  commandés  par  le  devoir. 

11  y  a  donc  dans  la  loi  morale  une  forme  immuable  et  une  matière  variable. 
De  là  deux  grandes  divisions  dans  la  morale  : 

I.  —  Morale  formelle  ou  générale  :  elle  recherche  quel  est  pour 
l'homme  le  bien  universel,  absolu,  obligatoire  :  c'est  la  science  du  devoir 
et  de  ses  conséquences. 

II.  —  Morale  matérielle,  particulière  ou  appliquée  :  elle  détermine, 
pour  tout  le  domaine  des  actions  morales,  ce  qui,  dans  les  cas  parti- 
culiers, est  le  vrai  bien  de  l'homme,  conformément  au  bien  absolu 
préalablement  établi  :  c'est  la  science  des  devoirs,  c'est  le  détail  de  ce 
qu'il  faut  faire. 

Remarques  :  I.  —  D'autres  divisent  la  morale  en  morale  théorique  ou 
spéculative  et  en  morale  pratique.  C'est  là  une  division  erronée,,  car  la 
science  morale  est  une  science  pratique  ou  de  l'ordre  idéal.,  puisqu'elle  a 
pour  but  prochain  de  déterminer  ce  qui  doit  être,  c'est-à-dire  les  lois 
idéales  qu'elle  impose  ensuite  pour  règles  à  l'activité  humaine  (Lo- 
gique, 89).  La  morale  théorique  ou  science  du  réel,  c'est  l'Ethologie  : 
science  des  lois  réelles  de  l'activité  morale.  C'est  une  science  descriptive 
qui  fait  des  emprunts  à  la  Psychologie  et  à  l'Histoire  ;  c'est  une  sorte 
de  physique  des  mœurs,  de  psychologie  morale,  qui  sert  de  base  à  la 
Morale  pratique,  formelle  et  matérielle.  Aristote  dans  la  jMorale  à 
Nicotnaque,  Descartes  dans  le  Traité  des  passions,  Spinoza  dans  V Éthique 
en  ont  donné  des  spécimens. 

II.  —  L'application  des  lois  établies  par  la  morale  générale  et  parti- 
culière aux  détails  de  la  vie  réelle  constitue  la  Pédagogie  morale  ou 
Science  de  Véducation  de  soi-même  et  des  autres,  qui  enseigne  Yart  de 
résoudre  les  cas  de  conscience,  au  moyen  de  préceptes  casuistiques. 

15)  Méthode  de  la  morale  (Cf.  Logique,  109). 

4.  —  UTILITÉ  DE  LA  SCIENCE  DE  LA  MORALE 

A)  Objection  :  l'égarement  de  rintelligence  mène  à  l'erreur  ;  Técart 
de  la  volonté  conduit  au  mal.  11  est  donc  important  pour  l'homme  d'être 
dirigé  dans  ses  actes  libres  aussi  bien  que  dans  ses  actes  intellectuels. 


4  ITILITÉ    DE    LA    SCIENCE    DE    LA    MORALE  (4) 

On  a  pourtant  contesté  l'utilité  de  la  morale  comme  science.  A  quoi  bon, 
«lit-on,  exposer  théoriquement  les  principes  de  la  morale  ?  Possède-t-on 
la  morale  parce  qu'on  en  sait  les  principes  ?  Ce  n'est  pas  la  théorie  qui 
rend  les  hommes  vertueux,  c'est  la  pratique.  L'homme  de  bien  n'est 
pas  nécessairement  celui  qui  est  le  mieux  instruit  de  ses  devoirs,  car  on 
rencontre  même  des  moralistes  qui  agissent  mal,  mais  celui  qui  agit 
toujours  d'après  les  inspirations  de  sa  conscience. 

B)  Réponse  :  sans  doute  rien  ne  remplace  pratiquement  l'influence 
de  la  religion,  de  l'éducation,  de  l'effort  personnel,  de  l'exemple  pour 
développer  la  vertu.  Cependant  la  science  de  la  morale  est  utile  : 

I.  —  Connaître  le  devoir  c'est  déjà  être  mieux  disposé  à  l'accomplir, 
car  l'idée  de  toute  action  est  une  force  qui  tend  à  se  réaliser.  Penser 
fortement  à  l'honnête,  c'est  en  commencer  la  réalisation. 

II.  —  Sans  doute  Socrate  et  Platon  exagéraient  en  faisant  de  la 
vertu  la  science  du  bien  (50)  ;  mais  la  science  du  bien  est  la  condition 
nécessaire  de  la  pratique  du  bien,  car  Nihil  volitum  nisi  prsecognitum 
(Ps.  195).  «  Toute  la  dignité  de  l'homme,  dit  Pascal  avec  quelque  exagé- 
ration, est  en  la  pensée  (^).  »  Une  étude  réfléchie  des  principes  moraux 
leur  donne  une  plus  grande  fixité  dans  l'esprit  et  leur  communique  par 
là  même  une  efficacité  plus  décisive  sur  les  résolutions  pratiques  de  la 
vie.  La  conduite  y  gagne  en  vigueur  et  en  unité.  Ce  sont  les  principes 
fermes  qui  font  les  caractères  décidés. 

III.  —  Parfois  les  passions  et  les  préjugés  peuvent  .obscurcir  la  notion 
du  devoir.  Il  est  aussi  des  cas  compliqués  où,  même  pour  un  esprit 
cultivé,  il  est  plus  difficile  de  savoir  où  est  le  devoir  que  de  l'accomplir. 
Alors  les  lumières  d'une  conscience  naturellement  droite  ne  suffisent 
plus.  Une  connaissance  nette  des  principes  moraux  et  de  leurs  consé- 
quences plus  ou  moins  éloignées  est  nécessaire  pour  mettre  fin  au  conflit 
apparent  des  devoirs  (57). 

IV.  —  La  science  morale,  en  nous  apprenant  à  réfléchir  sur  les 
motifs  de  nos  actions,  nous  aide  à  les  mieux  diriger,  et  par  conséquent 
à  en  augmenter  le  mérite,  car  l'intention  morale  est  l'élément  principal 
de  la  moralité  (14). 

Conclusion  :  nous  avons  vu  que  rien  ne  peut  suppléer  la  logique 
naturelle,  mais  qu'elle  est  insuffisante  pour  les  questions  complexes  : 
de  là  l'utilité  des  règles  de  la  logique  pour  bien  raisonner  (LoG.  137, 
§  C).  De  même,  pour  bien  agir,  il  faut  avant  tout  la  rectitude  naturelle 
de  la  conscience  morale  et  la  droiture  d'intention,  qui  se  rencontrent 
chez  l'ignorant.  Mais  cette  connaissance  rudimentaire  des  règles  morales 
ne  suffit  plus  pour  résoudre  les  cas  de  conscience  délicats.  La  science  de 


(M    l'Asr.Ai,,  Penaéee,  art.    XXIV,  n.  53.  Les   références   se   rapportent  à  l'Edition 
Havet,  Paris,  18CG». 


(5)  RAPPORTS    DE    LA    MORALE    AVEC    LA   PSYCHOLOGIE  5 

la  morale  est  ici  non  seulement  utile,  mais  nécessaire.  La  science  morale 
est  donc  la  première  des  sciences  :  «  La  science  des  choses  extérieures 
ne  me  consolera  pas  de  l'ignorance  de  la  morale  au  temps  d'affliction  ; 
mais  la  science  des  mœurs  me  consolera  toujours  de  l'ignorance  des 
sciences   extérieures   (^).    » 


5.—  RAPPORTS  DE  LA  MORALE 

§  I.  —  AVEC  LA  PSYCHOLOGIE 

A)  Différences  :  1<^  La  psychologie  étudie  ce  que  nous  sommes 
en  fait  ;  la  morale  détermine  ce  que  nous  devons  être.  La  psychologie 
établit  des  lois  réelles  ;  la  morale  trace  des  lois  idéales  qui  sont  des  règles 
obligatoires  ;  c'est  pourquoi  elle  est  une  science  normative,  comme  la 
logique    et    l'esthétique. 

20  La  psychologie  a  pour  domaine  l'esprit  tout  entier  ;  elle  observe 
indifféremment  tous  les  phénomènes  de  l'âme.  La  morale  ne  s'occupe 
que  de  la  volonté  et  des  faits  relatifs  à  l'ordre  moral. 

3°  Dans  l'étude  même  de  la  volonté  elles  diffèrent  :  la  psychologie 
en  analyse  les  opérations  ;  la  morale  lui  fixe  la  règle  à  laquelle  elle  doit 
se  conformer  pour  être  bonne. 

B)  Relartions  :  I.  —  De  la  Morale  avec  la  Psychologie  :  a)  La 
morale  a  son  point  de  départ  dans  certains  faits  psychologiques  :  les 
jugements  et  les  sentiments  moraux,  la  liberté,  l'habitude,  les  pas- 
sions, etc.  De  ces  faits  la  raison  dégage  les  notions  de  bien,  de  devoir, 
de  personnalité,  de  responsabilité,  de  mérite  et  de  démérite,  de  vertu. 

b)  Pour  construire  l'idéal  moral,  que  l'homme  doit  s'efforcer  de 
réaliser,  le  moraliste  doit  étudier  la  nature  humaine.  C'est  seulement 
de  la  nature  humaine  telle  qu'elle  est  qu'il  peut  s'élever  à  la  détermi- 
nation de  la  nature  humaine  telle  qu'elle  doit  être.  Autrement,  on  court 
risque  de  proposer  à  nos  efforts  la  réalisation  d'un  idéal  chimérique 
comme  l'idéal  des  Stoïciens  qui  exigent  l'extinction  de  toute  passion 
ou  comme  celui  de  Kant  qui  bannit  toute  vue  d'intérêt.  Socrate  avait 
sagement  fondé  la  morale  sur  la  connaissance  de  l'homme. 

c)  La  morale  particulière  suppose  aussi  la  psychologie  :  vg.  dans 
la  morale  indii>idaelle,  comment  déterminer  les  devoirs  relatifs  à  la 
sensibilité,  à  l'intelligence  et  à  la  volonté,  si  on  ne  connaît  pas  ces  facultés? 
De  même  dans  la  morale  domestique,  comment  déterminer  les  devoirs  de 
l'éducation,  etc.  ? 


(')  Pascal,  Pensées,  art.  VI,  n.  41. 


6  RAPPORTS    DE    LA    MORALE    AVEC    LA    LOGIQUE  (5) 

n.  —  De  la  Psychologie  avec  la  Morale  :  pour  bien  connaître 
l'homme,  le  psychologue  ne  doit  pas  se  contenter  d'étudier  les  types 
inférieurs,  comme  les  sauvages,  les  gens  vicieux  ;  il  doit  encore  et  surtout 
observer  ceux  qui  ont  le  mieux  pratiqué  l'idéal  moral,  car  ce  sont  ceux-là 
qui  ont  le  plus  pleinement  réalisé  l'essence  de  l'homme.  Un  être  est  ce 
qu'il  doit  être  quand  il  obéit  à  la  loi  qui  constitue  son  essence.  Or  l'homme 
a  été  fait  pour  pratiquer  le  bien  ;  c'est  sa  loi  essentielle  ;  en  s'y  soumet- 
tant librement  il  réalise  donc  sa  fin  et  atteint  à  la  perfection  dont  il 
est  capable. 


§  II.  —  AVEC  LA  LOGIQUE 

A)  —  Ressemblances  :  1°  La  logique  et  la  morale  sont  toutes  deux 
à  la  fois  science  et  art.  Ce  sont  des  sciences  pratiques,  normatives  :  elles 
ont  même  marche  et  même  méthode. 

2°  Toutes  deux  présupposent  l'étude  de  la  Psychologie,  car  elles 
ont  besoin  de  connaître  les  facultés  qu'elles  doivent  diriger. 

30  Elles  ont  mêmes  divisions  :  a)  c'est  d'abord  une  partie  formelle, 
où  la  logique  étudie  les  lois  de  la  pensée  en  général,  sans  se  préoccuper 
de  son  contenu,  et  la  morale,  les  conditions  et  les  conséquences  du  devoir 
en  général,  sans  tenir  compte  de  sa  matière  ;  —  b)  ensuite  une  partie 
matérielle,  où  la  logique  adapte  aux  divers  groupes  de  sciences  les  lois 
de  la  pensée,  de  manière  à  constituer  leurs  méthodes  particulières.  De 
même  la  morale  applique  les  principes  préalablement  établis  aux  diverses 
catégories  de  devoirs. 

B)  —  Différences  :  1°  Les  conclusions  logiques  s'imposent  à 
l'esprit  par  Vévidence  :  ce  sont  des  vérités  à  énoncer  ;  les  conclusions 
morales  s'imposent  de  même  à  l'intelligence  par  leur  clarté,  mais  aussi 
à  la  volonté  par  leur  autorité  impérative  :  ce  sont  des  préceptes  à  pra- 
tiquer. C'est  qu'en  effet  l'art  enseigné  par  la  morale  n'est  pas  facultatif 
comme  l'étude  des  sciences  dont  s'occupe  la  logique. 

2°  L'intelligence  étant  une  faculté  fatale  et  la  volonté  une  faculté 
libre,  il  en  résulte  que  la  logique  et  la  morale  abordent  des  questions 
d'un  caractère  tout  opposé. 

C)  —  Services  mutuels  :  l»  La  volonté,  étant  une  faculté  d'un 
être  intelligent,  a  besoin  de  la  logique,  car,  pour  marcher  droit  vers  le 
bien,  vers  le  but,  la  première  condition  c'est  de  le  voir  clairement 
(Ps.  195). 

2°  La  morale  est,  en  revanche,  d'un  grand  secours  pour  la  logique, 
car  la  ])riiicipale  cause  d'erreurs,  quoique  indirecte,  c'est  la  volonté 
influencée  par  les  passions  (Log.  124,  §  C).  C'est  pourquoi  l'on  peut 
dire  avec  Bacon  :  llluminationis  puritas  et  arbitrii  lihertas  simul  incœ- 


(6)  LA    MORALE    ET    LA    MÉTAPHYSIQUE  7 

perunt,  simul  corruerunt.  Neqiie  datur  in  universitate  rerum  tant  intima 
sympathia  quant  illa  veri  et  boni  (^). 


6.  —  LA  MORALE  ET  LA  MÉTAPHYSIQUE  (  ^) 

La  difficile  question  des  rapports  de  la  morale  et  de  la  métaphysique 
a  reçu  trois  réponses  : 

!«  La  morale  est  le  fondement  de  la  métaphysique  :  c'est  la  doctrine 
de  Kant. 

2°  La  morale  n'a  aucune  relation  avec  la  métaphysique  :  c'est 
l'opinion  des  moralistes  indépendants. 

30  La  morale  a  d'étroits  rapports  avec  la  métaphysique  :  c'est  la 
doctrine  des  principaux  philosophes  jusqu'à  Kant. 

§  I.  —  MÉTAPHYSIQUE  FONDÉE  SUR  LA  MORALE 

Dans  la  Critique  de  la  raison  pure  Kant  a  cherché  à  établir  que 
l'intelligence  est  incapable  d'atteindre  l'être  en  soi,  le  noumène,  l'absolu. 
Par  suite,  toute  métaphysique  est  impossible.  Mais,  dans  la  Critique  de 
la  raison  pratique,  il  s'efforce  de  montrer  que  la  notion  du  devoir  s'impose 
comme  nécessaire  et  évidente.  Or  cette  notion  morale  implique  trois 
postulats  métaphysiques  :  la  liberté  et  la  spiritualité  de  l'agent  moral 
—  l'immortalité  comme  sanction  —  et  l'existence  d'un  Dieu  rémuné- 
rateur. C'est  ainsi  que  la  métaphysique,  déclarée  impossible  par  la 
raison  théorique,  reparait  fondée  sur  la  morale  dont  la  raison  pratique 
établit  scientifiquement  la  notion  fondamentale  :  le  devoir  (Log.  120, 
§   II,   B.   —  MÉTAPHYS.,   6,  §  B.  C.)    (3). 

§  IL  —  MORALE  INDÉPENDANTE  DE  LA  MÉTAPHYSIQUE 

A)  —  Exposé  :  cette  thèse  est  soutenue  par  Proudhon  (*), 
jVime  G,  Goignet  (  ^),  Guyau  (  ^),  etc.  Proudhon  l'a  condensée  en  deux 
lignes  :    «  Ne  relevant  que  d'elle-même,   la  moralité  doit  désormais 


(  M  Bacon,  De  Augmentis,  L.  V,  C.  i. 

( -)  Rauh,   Fondement  métaplmsique  de  la  morale.  —  J.-J.   Gourd,    Morale  et   Mêla- 
physique.  Revue  phil.,  1891,  T.  II,  p.  148-174. 

C)  T.  Pesch,  Kant  et  la  science  moderne,  Ch.  vi. 

(  *)   Proudhon,  De  la  justice  dans  la  Révolution  et  dans  l'Église. 

(S)  jyjme  CoiGNET,  La  morale  indépendante. 

{')  Guyau,  Esquisse  d'une  morale  sans  obligation  ni  sanction. 


8  LA    MORALE    ET    LA    MÉTAPHYSIQUE  (6) 

répudier  toute  solidarité  avec  une  religion  et  une  philosophie  quel- 
conques. ))  Le  principe  de  la  morale  ne  doit  pas  être  tiré  de  la  réalité 
extérieure  ou  demandé  à  un  être  transcendant.  Il  faut  le  chercher  dans 
un  fait  d'expérience  que  la  conscience  révèle  à  chaque  individu.  Ce  fait 
intérieur,  c'est  le  sentiment  spontané  que  tout  homme  a  de  sa  dignité 
personnelle  et  de  l'inviolabilité  de  sa  nature.  Considérant  que  ses  sem- 
blables ont  une  nature  identique  à  la  sienne,  chacun  comprend  qu'ils 
ont  droit  au  même  respect  et  à  la  même  inviolabilité.  «  Respecte  la 
dignité  d'homme  en  toi-même  et  dans  les  autres  »,  voilà  le  devoir, 
voilà  le  fondement  véritable  de  la  morale.  Il  est  donc  inutile  de  sortir 
de  soi  et  de  remonter  plus  haut.  La  morale  ne  doit  plus  chercher  son 
principe  dans  les  dogmes  religieux  ou  les  notions  métaphysiques  :  «  Le 
système  de  Y  immanence  doit  remplacer  l'ancien  système  de  la  transcen- 
dance.  « 

La  dignité  personnelle  étant  posée  comme  le  principe  de  la  morale, 
on  en  peut  tirer  : 

lo  Le  critérium  du  bien  et  du  mal  :  «  Le  bien,  c'est  ce  qui  maintient 
le  respect  de  la  personne  humaine  ;  le  mal,  tout  ce  qui  porte  atteinte 
à  ce  même  respect.  >» 

2»  L'obligation  morale  :  c'est  l'adhésion  que  l'esprit  est  contraint 
de  donner  au  respect  de  la  personne  humaine  en  soi  et  dans  les  autres. 

3°  La  sanction  :  c'est  cette  paix  ou  ce  trouble  de  la  conscience  qui 
suit  infailliblement  l'observation  ou  la  violation  de  la  loi  du  respect. 
D'après  Proudhon  les  autres  sanctions  sont  immorales,  parce  qu'elles 
rendent  la  vertu  intéressée. 

Pour  mieux  établir  leur  système,  les  moralistes  indépendants  vantent 
les  avantages  qui  doivent  résulter  de  cette  séparation.  La  morale,  disent- 
ils,  ne  peut  devenir  une  vraie  science  qu'à  la  condition  de  secouer  toute 
dépendance  par  rapport  à  toute  religion  et  à  toute  métaphysique  ; 
sans  cela  elle  restera,  comme  autrefois  la  philosophie  et  les  autres 
sciences,  asservie  à  la  théologie  :  Ancilla  theologiœ. 

Ils  ajoutent  que  c'est  le  moyen  de  la  soustraire  aux  variétés  et  incer- 
titudes des  systèmes  philosophiques  et  religieux  qui  ont  introduit  dans 
la  morale  «  tant  d'erreurs,  tant  d'absurdités,  tant  de  monstruosités...  ». 
«  Il  est  donc  légitime  et  même  nécessaire  de  proclamer  l'indépendance, 
l'autonomif  d<!  la  morale  ». 

B)  —  Critique  {^).  I.  —  La  morale  peut  et  doit  être  une  science 
fJisltnctc,  mais  elle  n'est  pas  pour  cela  indépendante  de  la  métaphysique 
et  de  la  religion.  C'est  ainsi  qu'elle  ne  leur  emprunte  pas  son  point  de 


(•)  Caho,  Problèmes  de  momie  sociale,  Ch.  ii,  m,  iv.—  L'Année  philosophique,  i868, 
p.  209  et  sq.  —  Secrétan,  La  Philosophie  de  lu  liberté.  —  P.  de  Broglie,  La  Morale  sans 
Dieu,  La   Morale  indépendante. 


(6)  LA    MORALE    ET    LA    MÉTAPHYSIQUE  9 

départ  ;  elle  le  trouve  dans  la  conscience,  à  savoir  le  sentiment  de  Vohli- 
gation  (9,  19). 

IL  —  En  fait,  avant  de  connaître  la  démonstration  de  l'existence 
de  Dieu  et  de  l'immortalité,  on  se  sent  obligé  de  tendre  à  une  certaine 
perfection,  on  se  sent  soumis  à  une  loi.  On  peut  donc,  à  la  rigueur, 
aborder  l'étude  de  la  morale,  sans  allusion  à  Dieu  et  à  la  vie  future. 
Mais  c'est  là  une  abstraction  forcément  provisoire  (^).  Les  sciences  de 
l'étendue  et  des  corps  se  constituent  et  progressent  ('-),  sans  s'occuper 
des  notions  métaphysiques  impliquées  dans  leurs  principes  :  vg.  la  géo- 
métrie ne  traite  pas  de  la  nature  de  l'espace,  quoiqu'elle  repose  sur  la 
notion  d'espace  ;  la  physique  n'aborde  pas  la  question  de  l'essence  de 
la  matière,  bien  qu'elle  recherche  les  lois  des  phénomènes  matériels. 
Mais  il  en  va  autrement  de  la  morale  qui  est  une  science  philosophique  : 
elle  ne  peut  se  séparer  du  reste  de  la  philosophie.  On  peut  donc  aborder 
l'étude  de  la  morale  en  laissant  de  côté  la  métaphysique  ;  mais  on  ne 
saurait  l'achever  sans  elle. 

En  eiïet,  il  ne  suffit  pas  d'affirmer  l'existence  et  la  nécessité  impo- 
rative  du  devoir  ;  il  faut  bien  finir  par  se  demander  quels  en  sont  le 
fondement  et  la  valeur,  car  tout  homme  a  besoin  de  savoir  si  la  loi 
morale,  qui  impose  de  tout  sacrifier  au  devoir  :  plaisir,  intérêt,  sentiment, 
vie  même,  est  une  réalité  ou  une  illusion.  Or,  en  posant  le  principe  du 
devoir,  en  admettant  qu'il  y  a  un  idéal  de  perfection  obligatoire,  on 
résout  nécessairement  certains  problèmes  métaphysiques,  dans  un  sens 
déterminé,  qui  exclut  toute  autre  solution.  C'est  ainsi  que,  pour  nous, 
l'analyse  du  devoir  implique  trois  vérités,  fondement  de  toute  religion 
et  de  toute  métaphysique  spiritualiste  :  la  liberté  et  la  spiritualité  de 
V agent  moral  ;  —  V existence  d^un  être  supérieur  à  V homme  comme  source 
de  V obligation  ;  —  V  immortalité  de  F  âme  comme  sanction  du  devoir. 
Il  est  facile  de  l'établir  : 

1°  Le  devoir  suppose  le  pouvoir  ;  qui  doit,  peut,  car  à  l'impossible 
nul  n'est  tenu  (Ps.  203,  §  C).  —  Si  l'agent  moral  est  libre,  on  doit  en 
conclure  qu'il  est  distinct  de  la  matière,  qu'il  est  spirituel  puisque  la 
matière  est  régie  par  des  lois  fatales.  (Métaphysique,  52). 

2°  Où  trouver  le  principe  de  l'obligation  ?  Au-dessus  de  la  volonté, 
ou  bien  au-dessous  de  la  volonté,  ou  enfin  dans  la  volonté  même.  Ce  n'est 
pas  au-dessous  d'elle  ;  on  prouvera  que  le  plaisir,  l'intérêt,  le  sentiment 


(M  S.  Thomas,  Summa  (heologica,  I»,  II»S  Q.  71,  art.  2,  6.  —  Suarez,  De  aclibu^i 
humanis,  Disput.  VII,  Sect.  I,  n.  8  sqq.  —  De  Lugo,  De  Mysterio  Incamalionis,  Disp.  V, 
Sect.  V. 

(  *)  Ce  n'est  vrai  cependant  que  dans  une  certaine  mesure  même  pour  ces  sciences,  car, 
depuis  quelques  années,  les  mathématiciens  se  sont  beaucoup  occupés  de  la  notion  de 
l'espace,  et  ces  études  n'ont  pas  été  sans  influence  sur  le  progrès  des  mathématiques. 


10  LA    MORALE    ET    LA    MÉTAPHYSIQUE  (6) 

ne  peuvent  être  la  source  de  Tobligation  (CIi.  m).  —  Le  placera-t-on, 
avec  Kant,  dans  la  volonté  même,  qui  devient  aul^onome  ?  Mais  notre 
volonté,  étant  essentiellement  changeante,  ne  peut  promulguer  une  loi 
immuable.  Si  lavolonté  est  principe  de  l'obligation,  elle  peut  la  modifier 
à  son  gré  :  toutes  conséquences  incompatibles  avec  les  caractères  de  la 
loi  morale  (20).  —  Il  faut  donc  sortir  de  soi  et  chercher  l'origine  de 
l'obligation  en  dehors  et  au-dessus  de  l'homme,  dans  un  être  absolument, 
parfait  (46,  §  B). 

30  Les  moralistes  indépendants  reconnaissent  eux-mêmes  la  nécessité 
d'une  sanction.  Or  toutes  les  sanctions  terrestres  sont  insuffisantes  (49), 
y  compris  la  sanction  de  la  conscience  qu'ils  mettent  en  avant.  En  effet, 
le  résultat  du  désordre  c'est  d'endurcir  la  conscience,  et  la  pratique  de 
la  vertu  émousse  le  sentiment  de  la  satisfaction  morale,  comme  fait 
l'habitude  pour  tout  sentiment.  Même  le  juste  idéal,  rêvé  par  Platon, 
ne  pourrait  aucunement  jouir  de  l'approbation  de  sa  conscience  au 
milieu  des  atroces  supplices  qu'il  endure.  Reste  donc  la  sanction  de  la 
vie  future.  —  Sans  doute  on  peut  prouver  directement  la  liberté  (^), 
l'existence  de  Dieu  (  ^)  et  l'immortalité  de  l'âme  (  ^).  Mais  il  n'en  demeure 
pas  moins  que,  quand  même  on  ne  pourrait  établir  autrement  ces  vérités  " 
métaphysiques,  toute  une  métaphysique  dérive  logiquement  de  la 
notion  du  devoir.  Pour  Kant,  ces  trois  vérités  sont  des  postulats  de 
la  raison  pratique  :  le  devoir  est  pour  lui  objet  de  science,  tandis  que 
7es  trois  vérités  ne  sont  objet  que  de  croyance,  car  elles  sont  admises 
comme  conditions  du  devoir.  Pour  nous,  elles  sont  objet  de  science,  au 
même  titre  que  le  devoir,  car  elles  en  sont  des  déductions  rigoureuses. 

On  dira  sans  doute  que  nous  faisons  un  cercle  vicieux  en  déduisant 
de  la  notion  du  devoir  une  preuve  de  l'existence  de  Dieu  et  en  donnant 
Dieu  romme  le  principe  du  devoir.  On  peut  répondre  d'abord  qu'il  y  a 
d'autres  preuves  de  l'existence  de  Dieu  (Cf.  Théodicée).  Il  faut  remar- 
quer ensuite  que  le  fait  du  sentiment  de  l'obligation  morale  attesté 
par  la  conscience  peut  être  une  des  raisons  qui  nous  font  connaître  Dieu, 
sans  que  Dieu  cesse  d'être  le  fondement  de  l'existence  du  devoir,  le  prin- 
cipe réel  de  l'obligation .  Dans  le  premier  cas,  nous  sommes  dans  l'ordre 
!«»i:i(|ue  ;  le  second  appartient  à  l'ordre  ontologique. 

•IL  —  Les  partisans  de  la  morale  indépendante  ne  peuvent  justifier 
leur  morale  sans  recourir  à  la  métaphysique.  Pourquoi  suis-je  obligé 
de  respecter  la  dignité  humaine  en  moi  et  dans  les  autres  ?  Qu'est-ce 
qui  a  droit  ])r()prement  au  respect  dans  la  personnalité  ?  Les  derniers 
représentants  de  la  morale  indépendante  répondent  que  c'est  la  liberté. 


(  ')  Cf.   Psvciioi,ooiK,  203. 

(M  Cf.  Tn^:oi)i(:ÉE,  Article  I. 

(  »)  Cf.  Psychologie  rationnelle,  Article  HI. 


(6)  LA    MORALE    ET    LA    MÉTAPHYSIQUE  11 

—  Mais  pourquoi  la  liberté  est-elle  respectable  plutôt  que  tel  ou  tel 
élément  de  la  nature  humaine  ?  Ils  ne  savent  répondre  que  par  une 
nouvelle  affirmation  de  leur  thèse  :  «  La  liberté  est  obligée  de  se  respecter, 
car  si  elle  ne  le  fait  pas,  elle  se  met  en  contradiction  avec  elle-même  ; 
elle  se  détruit,  elle  s'anéantit,  elle  se  suicide  elle-même,  ce  qui  est 
absurde.  «  Mais  puisque  la  liberté  est  maîtresse  de  ses  déterminations, 
pourquoi  ne  pourrait-elle  se  contredire,  se  détrijire  ?  Ainsi,  ne  voulant 
pas  sortir  du  domaine  des  faits,  ils  ne  peuvent  expliquer  l'obligation. 
Ils  disent  que  l'obligation  est  un  sentiment,  un  phénomène  psycho- 
logique. Soit  ;  mais  comment  expliquer  ce  sentiment  ?  comment  justifier 
son  caractère  impératif  ?  Il  faut  de  toute  nécessité  recourir  à  la  méta- 
physique. ■ —  D'autres  disent  qu'on  est  obligé  de  respecter  la  dignité 
et  la  liberté  en  soi  et  dans  les  autres,  parce  qu'elles  constituent  la  person- 
nalité et  que  la  personnalité  a  une  valeur  absolue,  est  une  fin  en  soi. 
— -  Soit  ;  mais  n'est-ce  pas  là  une  notion  métaphysique  ? 

IV.  —  Non  seulement  la  morale  est  inexplicable  sans  la  métaphysique, 
mais  elle  est,  de  plus,  impraticable. 

Pour  juger  de  l'inefficacité  pratique  de  la  morale  indépendante, 
il  faut  se  demander,  étant  donnée  cette  morale,  non  pas  comment  tel 
ou  tel  individu,  exceptionnellement,  mais  comment  la  généralité  des 
hommes  se  conduirait  habituellement. 

Or  1°  celui  qui  accepte  sans  répugnance  cette  idée  que  son  âme 
est  un  composé  matériel,  sera  peu  porté  à  donner  à  la  personne  humaine 
une  valeur  absolue  et  conséquemment  peu  disposé  à  la  respecter  en  soi 
et  dans  les  autres. 

20  La  pensée  que  Dieu  est  le  législateur  suprême  et  le  juge  souverain  ; 
la  conviction  qu'il  nous  voit  et  qu'il  nous  aime  ;  la  certitude  que  dans 
sa  justice  et  dans  sa  bonté  il  ne  nous  impose  pas  de  fardeaux  au-dessus 
de  nos  forces,  sont  autant  de  stimulants  énergiques  pour  faire  le  bien, 
tandis  que,  dans  les  moments  critiques,  on  sera  fortement  tenté  de  rejeter 
une  obligation  appuyée  sur  un  sentiment  personnel. 

3*^  Enfin  l'espoir  de  l'immortalité  nous  console  dans  l'épreuve  et 
nous  fortifie  dans  la  lutte.  Mais  les  moralistes  indépendants  prétendent 
que  cette  sanction  est  immorale,  parce  qu'elle  rend  la  vertu  intéressée. 
Contentons-nous  de  répondre  ici  par  un  argument  ad  hominem.  Eux- 
mêmes  admettent  une  sanction  :  le  bonheur  qui  résulte  du  devoir 
accompli.  De  deux  hypothèses  l'une  :  ou  le  désintéressement  est  compa- 
tible avec  une  sanction,  et  alors  il  l'est,  quelle  que  soit  la  sanction, 
satisfaction  de  la  conscience  ou  bonheur  de  la  vie  future  ;  ou  il  est  incom- 
patible, et  alors  toute  sanction,  y  compris  celle  mise  en  avant  par  les 
moralistes  indépendants,  est  immorale. 

Remarque  :  Rapports  de  la  Théodicée  avec  la  Morale.  De  son  côté 
la  Théodicée  est  aussi  redevable  à  la  Morale  : 


12  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    GÉNÉRALITÉS  (6) 

10  Si  l'on  retranchait  de  la  science  de  Dieu  toute  idée  morale  (vg.  no- 
tions de  personnalité,  de  bien,  de  justice,  de  bonté,  d'amour)  Dieu  ne 
serait  plus  que  l'être  impersonnel  des  panthéistes,  substance  universelle 
d'où  tout  sort  et  où  tout  rentre  ;  —  ou  bien  qu'une  intelligence  et  une 
volonté  toutes-puissantes,  mais  indifférentes  au  bien  et  au  mal,  au  vice 
et  à  la  vertu.  Un  être  sans  justice,  sans  bonté,  sans  amour  n'est  pas  un 
Dieu. 

20  L'obligation  morale  fournit  une  excellente  preuve  de  l'existence 
de  Dieu  (Cf.  Théodicée,  Art.  I,  74). 


Complément  bibliographique 

GÉNÉRALITÉS   SUR  LA  MORALE 

DupuY  (P.),  Les  fondements  de  la  Morale,  ses  limites,  ses  auxi- 
liaires, Paris,  1900. 

Halleux  (J.),  U évolutionnisme  en  Morale,  Louvain  et  Paris,  1901. 

Wentscher  (M.),  Ethik,  2  vol.,  Leipzig,  1902  ;  1905^ 

Baylac  (J.),  La  Morale  et  la  Science  sociale,  Paris,  1903. 

FiTE  (W.),  An  introductory  study  of  Ethics,  Londres,  1903. 

HoFFDiNG  (H.),  Morale.  Essai  sur  les  principes  théoriques  et  leur 
application  aux  circonstances  particulières  de  la  vie,  Trad.  par  L.  Poitevin, 
d'après  la  2^  édition  allemande,  Paris,  1903. 

Janvier  (E.),  Exposition  de  la  Morale  catholique.  Morale  générale  : 
1.  La  béatitude.  II.  La  liberté.  111.  Les  passions.  IV.  La  vertu.  V  et  VI.  Le 
vice  et  le  péché.  VII.  La  loi.  VIII.  La  grâce.  Paris,  1903-1910.  —  Morale 
spéciale  :  I  et  II.  La  foi.  III.  L'espérance.  IV,  V  et  VI.  La  charité. 
VII.  La  prudence  chrétienne.  VIII.  La  justice  et  le  droit.  IX.  La  justice 
envers  Dieu.  X.  La  vertu  de  force.  XI  et  XII.  La  vertu  de  tempérance, 
Paris,    1911-1922. 

RouRE  (L.),  Anarchie  morale  et  crise  sociale,  Paris,  1903.  —  Doctrines 
et  problèmes,  2^  P.  :  Problèmes  moraux,  pp.  209  sqq. 

WuNDT  (W.),  Ethik,  2  vol.,  Stuttgart,  1903 3;  3  vol.  19134. 

Simm  EL  (G.),  Einleitung  in  die  Moralwissenschaft,  2  vol.,  Stuttgart- 
P.erlin,    1904^. 

Catiirein  (\'.),  Allgemeine  Moralphilosophie,  Fribourg-en-Brisgau, 
J9042, 

Castelein  (A.),   Morale,  Bruxelles,  19052. 

Egger  (V.),  La  Morale.  Rapports  de  la  Morale  et  de  la  Psychologie, 
dans  Revue  des  Cours  et  Conf.,  déc.  1906  ;  janv.  1907. 


(6)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :     GÉNÉRALITÉS  13 

HoBHOUSE  (L.-T.),  Morals  in  Evolution.  A  siiidy  in  comparative 
Ethics^  2  vol.,  Londres  et  New- York,  1906. 

Landry  (A.),  Principes  de  Morale  rationnelle,  Psivis  1906. — Cf.  Can- 
tecor"  Revue  de  Métaphys.  et  de  Morale,  1906,  pp.  845-865. 

Meyer  (Th.),  I nstitutiones  juris  naturalis  :  T.  I.  Jus  naturee  générale, 
Fribourg'-en-Br.,  1906'-.  T.  IL  Jus  naturss  spéciale,  1900. 

Storring  (G.),  Ethische  Grundfragen,  Leipzig,  1906. 

Thouverez  (Ém.),  Éléments  de  Morale  théorique  et  pratique,  Paris,  1906. 

Westermarck  (Ed. -Al.),  The  origin  and  development  of  moral 
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Belot  (G.),  Études  de  Morale  positive,  Paris  1907.  — Cf.  Cantecor, 
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14  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :     GÉNÉRALITÉS  (6) 

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sité Grégorienne,  1914. 

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en-Brisgau,  1920». 

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Belot  (G.),  Études  de  Morale  positive,  2  vol.,  Paris,  1921-19222^ 

Revue  de  Philosophie,  Philosophie  morale.  Numéro  spécial. 
Articles  de  Le  Rohellec,  de  la  Barre,  Michelet,  Moisant,  Monnier, 
Habert,  1914,  T.  II,  p,  225-404.  Ce  numéro  ne  parut  qu'en  1921. 

Wallerand  (G.),  La  conception  scientifique  de  la  Morale,  dans  An- 
nuaire DE  la  Faculté  de  Philosophie  et  ,Lettres  de  l'Institut 
Saint-Louis  de  Bruxelles,  1922,  p.  13-42. 

NivARD  (M.),  Ethicc,  Paris,  1923. 


LIVRE  PREMIER 

MORALE  FORMELLE  OU  GÉNÉRALE 

7.  —  DIVISION 

La  morale  formelle  étant  la  science  du  devoir,  c'est-à-dire  de  l'obli- 
gation d'agir  selon  la  loi  du  bien,  il  est  naturel  de  l'ordonner  en  lui 
donnant  pour  centre  l'idée  du  devoir.  D'abord  elle  étudiera  la  faculté 
qui  nous  manifeste  le  devoir,  la  Conscience  morale.  Puis,  elle  dégagera 
de  cette  étude  la  notion  du  Devoir,  qui  exprime  la  nécessité  d'obéir  à  la 
loi,  et  la  notion  de  la  Loi  morale,  qui  est  la  règle  de  nos  actions  et  la 
formule  de  nos  obligations.  Ensuite,  la  loi  morale  étant  la  loi  qui  pose 
le  bien  comme  fm  absolue  de  toute  volonté,  il  faut  rechercher  en  quoi 
consiste  ce  Souverain  Bien  imposé  comme  fin  à  notre  activité.  Lequel 
de  ces  biens  :  le  plaisir,  l'intérêt,  le  sentiment,  l'honnête,  peut  être  le 
principe  de  la  loi  morale,  peut  servir  de  fin  à  nos  actes,  peut  être  donné 
comme  fondement  au  devoir  ?  La  nature  de  la  moralité  étant  établie, 
il  faut  en  déterminer  les  conséquences  :  la  Responsabilité  et  la  Sanction. 
Enfin,  comme  le  Droit  est  corrélatif  du  devoir,  il  convient  de  terminer 
par  la  théorie  du  droit.  Telles  sont  les  grandes  questions  que  traite  la 
morale  générale  :  1°  La  Conscience  morale  :  —  2°  le  Devoir  et  la  Loi 
morale;  —  3°  le  Bien;  —  4^  la  Responsabilité  et  la  Sanction;  —r  5°  le  Droit. 

CHAPITRE   PREMIER 
LA  CONSCIENCE  MORALE 

8.  —  CONSCIENCE  PSYCHOLOGIQUE  ET  CONSCIENCE 
MORALE  (1) 

La  conscience  morale  est  la  faculté  de  juger  du  bien  et  du  mal  : 
c'est  la  raison  pratique.  Elle  diffère  de  la  conscience  psychologique  : 

1°  La  Conscience  psychologique  spontanée  est  la  connaissance 
immédiate  de  tout  ce  qui  se  passe  en  notre  âme,  non  seulement  de  nos 


(  M  Fn.  BouiLLiEH,  Ue  la  conscience  en  psychologie  el  en  morale. 


16  ANALYSE  DE  LA  CONSCIENCE  MORALE  (9) 

volitions,  mais  de  nos  émotions  et  de  nos  pensées.  —  La  Conscience 
morale  apprécie  nos  actes  et  les  actes  d'autrui. 

2°  La  Conscience  psychologique  est  un  témoin.  —  La  Conscience 
morale  est  à  la  fois  un  guide  qui  nous  trace  la  voie  à  suivre  et  un  juge 
qui  nous  condamne  ou  nous  acquitte,  nous  punit  ou  nous  récompense. 

30  La  Conscience  psychologique  spontanée  nous  est  commune  avec 
les  animaux  ;  elle  commence  avec  la  vie  et  est  toujours  en  acte.  —  La 
Conscience  morale  est  le  propre  de  l'homme,  elle  n'apparaît  pas  dès 
l'origine  et  n'est  pas  toujours  en  exercice.  Il  en  est  de  même  de  la 
Conscience  psychologique  réfléchie,  parce  qu'elle  ne  peut  exister,  comme 
la  Conscience  morale,  que  chez  un  être  raisonnable. 

Remarque  :  la  Conscience  religieuse  n'est  que  la  conscienfce  morale 
appliquée  aux  choses  de  la  religion. 


9.  —  ANALYSE  DE  LA  CONSCIENCE  MORALE 

L'analyse  de  la  conscience  morale  fait  découvrir  en  elle  :  1°  des 
phénomènes  intellectuels  ou  jugements  moraux  ;  —  2°  des  phénomènes 
affectifs  ou  sentiments  moraux  (^). 

§  L  —  JUGEMENTS  MORAUX 

Ils  constituent  l'élément  essentiel  de  la  conscience  ;  ils  précèdent 
ou  suivent  l'action  : 

A)  Avant  l'action  :  on  juge  qu'elle  est  bonne  ou  maui>aise,  qu'il 
est  bien  ou  mal  de  la  faire,  et  par  conséquent,  si  elle  est  en  notre  pouvoir, 
que  nous  devons  l'accomplir  ou  l'omettre.  Ici,  la  conscience  fait  l'office 
d'un  héraut  qui  promulgue  la  loi.  Trois  notions  sont  impliquées  dans 
ce  jugement  : 

1»  Bien  en  soi  :  c'est  l'idéal  moral  auquel  l'action  est  conforme  ou 
contraire. 

2»  Devoir  :  nécessité  morale  de  faire  le  bien. 

30  Droit  :  pouvoir  moral  d'exiger  les  moyens  d'accomplir  le  devoir. 

li)  Après  l'action  :  on  juge  que  l'action  a  été  bonne  ou  mauvaise, 
c'est-à-dire  (oiiloiiiie  ou  contraire  au  bien  en  soi,  et  par  conséquent 
qu'elle  entraine  mérite  ou  démérite,  récompense  ou  châtiment.  Ici,  la 
conscience  fait  fonction  (ie  juge.  —  Ce  second  jugement  implique  aussi 
trois  notions  : 


(M  p.  Jankt,  Lamorale.'L.  III,  Ch.  i.  —  J.  Simon,  Le  devoir,  IV«  P.,  Ch.  i.- E.  Charles, 
f'IlémentR  de  philosophie,  Ch.  LXii.  —  Fn.  Bouillier,  La  vraie  conscience.  —  Waddington, 
r>ieu  el  la  conscience. 


(9)  ANALYSE  DE  LA  CONSCIENCE  MORALE  17 

10  Bien  moral  :  c'est  le  bien  accompli. 

2°  Responsabilité  morale  ou  mérite  et  démérite  :  si  nous  avons  bien 
agi,  nous  croyons  avoir  acquis  une  certaine  perfection  et  excellence. 
Si  nous  avons  mal  agi,  nous  avons  conscience  d'une  certaine  déchéance 
et  dégradation. 

3°  Récompense  ou  châtiment  :  le  mérite  nous  paraît  exiger  un  certain 
bonheur  comme  prix  de  nos  eiïorts,  et  le  démérite,  une  certaine  souf- 
france comme  réparation  de  nos  défaillances.  Malgré  les  démentis  de 
l'expérience,  la  raison  voit  un  rapport  nécessaire  entre  la  vertu  et  le 
bonheur,  entre  le  vice  et  le  malheur. 

Ces  divers  jugements  nous  les  portons  aussi  sur  les  actions  des  autres. 

Comparaison  :  a)  Le  bien  en  soi  est  la  règle  de  nos  actions  :  c'est  un 
principe  extérieur  à  l'agent,  principe  éternel  et  invariable. 

h)  Le  bien  moral,  c'est  une  qualité  inhérente  à  nos  actions,  quand 
elles  sont  conformes  à  leur  règle  suprême  ;  il  dépend  surtout  de  V inten- 
tion ;  il  est  notre  œuvre,  il  est  en  nous. 

§  IL  —  SENTIMENTS  MORAUX 

Les  jugements  moraux  sont  accompagnés  d'un  certain  nombre  de 
sentiments,  qui  sont  relatifs  soit  : 

A)  A  nos  propres  actions  :  1°  Le  premier  et  le  principal  sentiment 
qui  précède  l'action,  c'est  le  respect  pour  le  bien  et  l'aversion  pour  le 
mal.  D'après  Kant  (^),  le  respect  est  le  sentiment  moral  par  excellence, 
celui  auquel  on  reconnaît  la' présence  de  la  loi  morale.  Le  respect  est  un 
composé  d'amour  et  de  crainte.  Nous  ne  pouvons  concevoir  le  bien  sans 
éprouver  une  attraction,  parce  que  c'est  un  idéal  conforme  à  notre  nature 
raisonnable.  Mais,  par  un  autre  côté,  il  nous  repousse  et  nous  tient  à 
distance,  car  sa  grandeur  nous  domine  et  son  autorité  exerce  sur  no8 
penchants  inférieurs  une  contrainte  redoutée.  De  là  ce  mélange  indéfi- 
nissable de  crainte  et  d'amour  qui  compose  le  respect.  Il  se  distingue 
de  l'inclination  qui  s'adresse  aux  personnes  et  aux  choses.  Le  respect 
ne  se  rapporte  qu'aux  personnes.  Ce  qui  lui  ressemble  le  plus,  c'est 
y  admiration  ;  mais  on  peut  admirer  quelqu'un  :  vg.  à  cause  de  la  supé- 
riorité de  son  talent,  sans  le  respecter,  si  la  moralité  n'est  pas  à  la  hauteur 
du  talent.  Le  respect  s'adresse  d'abord  à  la  loi  morale  ;  puis  nous  reten- 
dons aux  personnes  qui  par  leur  conduite  se  mettent  d'accord  avec 
cette  loi,  dont  elles  sont  comme  des  exemplaires  vivants. 

2o  Les  sentiments,  qui  suivent  l'action,  sont  : 

a)  La  satisfaction  morale  :  elle  est  faite  d'une  certaine   fierté  de 


(  M   Kant,  Crilique  de  la  raison  pratique,  L.  I,  Ch.  m. 


18  >-ATrRE    ET    ORIGINE    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  (10) 

soi-même  :  on  sent  qu'on  a  grandi  en  perfection  ;  —  et  d'un  espoir 
joyeux  :  on  sent  qu'on  mérite  une  récompense. 

b)  Le  remords,  douleur  qui  torture  l'âme  après  un  acte  coupable. 
Il  se  compose  d'abord  d'un  sentiment  d'humiliation  et  de  honte  :  on  se 
sent  déchu,  diminué,  avili  ;  et  ensuite  d'une  inquiétude,  qui  devient 
parfois  de  la  terreur  :  on  se  sent  digne  de  châtiment  (^). 

c)  Le  repentir  n'est  pas  une  douleur  subie  comme  le  remords  ;  c'est 
une  tristesse  voulue,  qui  comprend  le  regret  d'avoir  fait  le  mal  et  la 
résolution  de  ne  plus  le  commettre.  C'est  un  commencement  d'expiation, 
c'est  le  retour  au  bien,  que  la  langue  chrétienne  appelle  XsiConversion. 

B)  Aux  actions  d'autrui  :  c'est  selon  le  degré  du  mérite  ou  du 
démérite,  la  sympathie,  le  respect,  radmiration,  l'enthousiasme;  — 
l'antipathie,   le  mépris,   l'indignation,   l'horreur  (2). 

Telles  sont  les  principales  idées  et  les  principaux  sentiments  de  la 
conscience  morale.  Comment  les  expliquer  ? 


10.  —  NATURE  ET  ORIGINE  DE  LA  CONSCIENCE  MORALE 

On  peut  réduire  à  trois  groupes  les  explications  proposées  :  1°  La 
conscience  est  un  sens  ou  un  instinct  ;  — •  2°  c'est  un  produit  de  l'expé- 
rience ;  —  30  c'est  une  forme  de  la  raison. 

%\.  —  LE  SENS  MORAL 

A)  Exposé  :  la  doctrine  du  sens  moral  a  pour  auteur  Shaftes- 
BURY  (1671-1713).  Ce  sens  a  pour  fonction  de  percevoir  dans  les  actions 
le  bien  et  le  mal,  comme  la  vue  distingue  dans  les  pbjets  le  blanc  du 
noir  (3).  Hltcheson  (1694-1747),  fondateur  de  l'École  écossaise,  reprit 
et  développa  les  idées  de  Shaftesbury  :  il  admet  deux  sens  internes  spé- 
ciaux, qui  perçoivent  immédiatement  le  bien  et  le  beau.  Le  sens  moral 
n'est  pour  lui  que  l'instinct  de  la  bienveillance  (34).  D'après  cette  doc- 
trine, l'homme  jugerait  du  bien  comme  du  beau,  non  par  raison,  mais 
par  le  sentiment  immédiat  qu'il  en  éprouve.  Le  bien  serait  tout  ce  qui 
plaii  au  sens  moral  ;  le  mal  tout  ce  qui  lui  déplaît  (■*). 


( ')  Chateaubriand,  Le  Génie  du  Christianisme,  L.  VI,  Ch.  u  :  «  Le  tigre  déchire  sa 
jinile  et  florl  ;  l'homiiie  dcvicnl  homicide  et  veille.  » 

(  »)  On  connaît  l'apostroplic  de  Rousseau.  «  Conscience!  conscience  1  instinct  divin, 
iiiiinortclle  et  ci'-lcste  voix  ;  mùûe  assuré  d'un  être  ignorant  et  borné,  mais  intelligent  et 
libre  ;  juge  infaillible  du  bien  et  du  mal,  qui  rends  l'homme  semblable  à  Dieu  1  C'est  toi 
qui  fais  l'excellence  de  sa  nature  et  la  moralité  de  ses  actions.  »  (Emile,  Livre  IV,  Édition 
de   P. -H.   Auduis,   T.   II,   p.    19G-I97,    Paris,    1824.) 

(•)  .SnAirEsiiiHY,  Recherches  sur  la  vertu,  dans  Caractéristiques. 

(  *)  HrriiiiKsoN,  Recherches  sur  les  idées  de  beauté  et  de  vertu.  Système  de  philosophie 
mornli: 


(10)  NATURE    ET    ORIGINE    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  19 

B)  Critique  :  i°  On  a  souvent  le  tort  de  prêter  cette  théorie  à  l'École 
écossaise  sans  distinction.  On  doit  distinguer  un  double  courant  dans 
l'École  écossaise.  La  tendance  morale  est  représentée  par  Hutcheson, 
A.  Smith,  etc.,  qui  réagissent  contre  la  morale  de  l'intérêt  et  de  l'égoïsme. 
La  tendance  psychologique  a  pour  interprètes  Reid,  D.  Stewart^  Ha- 
milton^  etc.,  qui  luttent  contre  l'empirisme  de  Locke  et  le  phénoménisme 
de  Hume  (  ^).  Or  Reid  et  Stewart,  tout  en  conservant  le  mot  de  sens  morale 
comprennent  différemment  son  rôle.  (Cf.  injra^  Remarque). 

2°  Pour  réfuter  cette  théorie  on  dit  parfois  que  tout  sens  suppose 
un  objet  extérieur  et  un  organe  matériel.  Mais  c'est  là  une  mauvaise 
chicane,  car  la  conscience  spontanée  est  justement  appelée  sens  intime., 
et  cependant  elle  n'a  pas  d'organe  et  son  objet  est  tout  intérieur. 

3°  La  doctrine  du  sens  moral.,  si  on  la  restreint,  comme  le  veut 
Hutcheson,  à  une  sorte  d'instinct  et  de  sentiment,  doit  être  repoussée, 
car  elle  ne  peut  rendre  compte,  en  bannissant  tout  élément  rationnel., 
du  caractère  d'obligation  qui  s'attache  aux  idées  morales  que  nous  révèle 
la  conscience  :  un  sentiment,  même  instinctif,  est  un  fait  empirique., 
dans  lequel  la  raison  ne  reconnaît  aucune  nécessité  morale. 

4^  Voici  ce  que  l'on  peut,  ce  semble,  admettre.  Pourquoi  ne  pas 
distinguer,  comme  on  fait  pour  la  conscience  psychologique,  deux 
modes  ou  degrés  ?  On  aurait  la  conscience  morale  spontanée  et  la  con- 
science morale  réfléchie  ou  raison  pratique.  La  première  est  primitive  ; 
c'est  moins  une  connaissance  qu'un  sentiment.  Son  existence  semble 
incontestable  :  est-ce  que  l'enfant  n'éprouve  pas  une  répugnance  ou 
un  attrait  instinctif  pour  certaines  actions  ?  Mais  cette  connaissance 
imparfaite  a  besoin  d'être  développée  par  l'éducation  :  la  conscience 
morale,  avec  le  progrès  de  la  raison,  devient  réfléchie.  «  Dieu  a  donné 
à  l'homme  des  instincts  qui  portent  d'abord  et  sans  raisonnement  à 
quelque  chose  de  ce  que  la  raison  ordonne  (  ^).  »  Il  est  donc  parfaitement 
légitime,  comme  le  remarque  Paul  Janet  (^),  de  conserver  le  nom  de 
«  sens  moral   ». 

5°  On  objecte  encore  que,  ce  point  concédé,  il  faudrait  aussi  accepter 
les  expressions  :  le  sens  du  vrai.,  le  sens  du  beau.  Assurément,  et  rien  ne 
s'y  oppose  pourvu  qu'on  entende  par  là  une  connaissance  confuse,  qui 
est  plutôt  un  sentiment  qu'une  perception  (*).  N'est-ce  pas  de  la  sorte 


{ ')  Hume  (Recherches  sur  les  principes  de  la  morale)  ramène  aussi  la  conscience  à  un 
instinct  :  c'est  le  sentiment  qui  nous  porte  à  aimer  le  bien  de  tous  les  hommes. 

(  *)  Leibniz,  Nouveaux  essais...,  L.  I,  Ch.  ii,  §  9.  —  «  ...Il  ne  faut  pas  confondre  l'instinct 
moral  avec  l'idée  morale  qui,  plus  tard,  vient  s'y  joindre,  s'y  incorporer,  de  manière  à 
constituer  par  cette  union  ce  que  l'on  nomme  proprement  la  conscience  humaine  et  la 
loi  morale  »  (Cournot,  Traité  de  l'enchaînement  des  idées  fondamentaUs...,  n.  423). 

(')    Traité  élémentaire  de  philosophie,  n.  542. 

(  ♦)  Newman,  An  Essay  in  aid  of  a  Grammar  of  Assent.  Cf.  Logique,  120,  §  II,  E- 


20  KATURE    ET    ORIGINE    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  (10) 

que  les  ignorants  saisissent  les  notions  courantes  de  temps,  d'espace, 
de  mouvement,  qu'ils  seraient  bien  empêchés  de  définir  ?  De  même 
le  peuple  connaît  -le  beau  d'instinct.  Mais  la  culture  intellectuelle  et 
artistique  a  pour  effet  d'affiner  ces  sens  du  vrai  et  du  beau,  c'est-à-dire, 
en  dernière  analyse,  la  raison  spontanée  appliquée  aux  choses  de  la 
métaphysique  et  de  l'art  ;  comme  l'éducation  épure  le  sens  du  bien, 
c'est-à-dire  la  raison  spontanée  appliquée  aux  choses  de  la  morale  ; 
et  alors  on  les  appelle  la  raison  théorique^  la  raison  pratique  et  la  raison 
esthétique  (Ps.  156). 

Remarque  :  Système  de  Reid  et  de  D.  Stewait. 

a)  Exposé  :  «  Entre  notre  faculté  morale  et  les  sens  extérieurs, 
il  y  a  cette  analogie  frappante  que  les  sens  ne  nous  donnent  pas  seu- 
lement les  notions  primitives  des  diverses  qualités  des  corps,  mais  qu'ils 
nous  inspirent  encore  tous  les  jugements  primitifs  que  nous  portons 
sur  les  propriétés  de  tel  ou  tel  corps  déterminé,  et  que  pareillement  la 
faculté  morale  ne  nous  donne  pas  seulement  les  idées  primitives  du  juste 
et  de  l'injuste,  du  mérite  et  du  démérite,  mais  qu'elle  nous  suggère 
encore  tous  les  jugements  particuliers  que  nous  portons  sur  la  justice 
et  l'injustice  de  telle  action,  sur  le  mérite  ou  le  démérite  de  tel  ou  tel 
caractère.  Le  témoignage  de  notre  faculté  morale,  comme  celui  de  nos 
sens  externes,  est  le  témoignage  de  la  nature,  et  nous  avons  les  mêmes 
motifs  de  nous  confier  à  l'un  et  à  l'autre  (^).  » 

Dugald  Stewart,  qui  accepte  également  l'expression  de  sens  moral, 
dit  de  son  côté  :  «  Nos  émotions  et  nos  perceptions  morales  se  composent 
d'un  jugement  porté  par  l'esprit  et  d'un  sentiment  du  cœur  {^).  » 

h)  Critique  :  1°  On  voit,  par  cet  exposé  tiré  des  auteurs  eux-mêmes, 
que  leur  système  n'a  pas  la  physionomie  qu'on  lui  prête  en  le  confondant 
avec  la  doctrine  de  Hutcheson. 

D'après  Reid  [^)  et  Stewart  (^)  le  sentiment  moral  est,  au  contraire, 
postérieur  au  jugement.  Pour  eux  la  distinction  du  bien  et  du  mal  résulte 
d'une  perception  (jui  est  accompagnée  d'émotions  agréables  ou  désa- 
gréables. 

2°  Reid  et  Stewart  regardent  les  sens  comme  des  facultés  non 
seulement  de  sentir,  mais  de  percei>oir  l'existence  et  les  qualités  des 
choses.  Cette  théorie  de  la  perception  externe  est  contestable  (Ps.  93) 
et  conséquemment  l'assimilation  qu'ils  font  de  la  conscience  aux  sens. 


(,')  Reid,  Essai  sur  les  facultés  actives  de  l'homme,  Essai  m,  Partie  m,  Ch.  vi,  p.  154. 
Cf.  Ch.  VIII.  Edition  JouiFhoY,  T.  VI. 

(')  DuoALi)  Stewaht,  Philosophie  des  facultés  actives  et  morales  de  l'homme,  L.  II, 
Ch.  V,  p.  247  (T.  I.  (le  la  traduction  de  L.  Simon).  Cf.  Ibidem,  Ch.  vu. 

(')  Reid,  Opère  cit..  Ibidem,  Ch.  vu. 

(  *)  DuoALi)  .Stewart,  Opère  cit..  Ibidem,  Ch.  v.  Section  II.  Des  émotions  agréables 
cl  désagréables  qui  naissent  de  la  perception  de  ce  qui  est  juste  et  injuste. 


à 


(10)  NATLIRE    ET    ORIGINE    DE    LA'   CONSCIENCE    MORALE  21 


§  II.  —   THÉORIES  EMPIRIQUES 

La  solution,  qui  fait  dériver  la  conscience  de  V expérience^  a  été 
présentée  sous  trois  formes  principales  :  l'éducation  et  la  coutume  ; 
—  l'association  et  Thabitude  ;  —  l'évolution. 

A.  —  Éducation  et  Coutume 

D'après  Hobbes  (^),  Helvétius  {^),  d'HoLBACH  (3),  si  nous  distin- 
guons le  bien  du  mal,  c'est  que  nous  avons  appris  à  le  faire,  c'est  que 
nous  obéissons  à  un  usage  reçu  : 

I.  —  Éducation  :  sans  doute  ,elle  a  une  grande  influence  sur  la 
formation  de  la  conscience  morale.  Mais  : 

a)  Si  elle  peut  développer  la  conscience,  elle  ne  saurait  la  produire. 
Elle  échouerait  misérablement  si  elle  ne  trouvait  dans  l'homme  le  germe 
qu'elle  doit  cultiver.  Comme  on  ne  peut  apprendre  la  morale  à  un  animal, 
ni  donner  l'idée  de  couleur  à  un  aveugle,  ainsi  l'éducation  n'habituerait 
jamais  à  discerner  le  bien  du  mal,  si  l'enfant  n'avait  en  lui  au  préalable 
les  facultés  de  les  discerner.  L'éducation  excite  la  conscience  morale, 
elle  ne  la  crée  pas. 

h)  L'éducation  présente  une  grande  diversité  selon  les  siècles,  nations, 
familles,  tandis  que  les  notions  premières  fournies  par  la  conscience 
morale  sont  universelles  (12). 

c)  Si  les  premières  vérités  morales  n'étaient  qu'un  dépôt  transmis, 
nous  les  tiendrions  de  nos  parents  et  de  nos  maîtres,  ceux-ci  les  tien- 
draient de  leurs  aïeux,  et  on  remonterait  ainsi  jusqu'aux  premiers 
hommes.  Mais  ces  premiers  hommes,  où  les  auraient-ils  puisées?  Concluons 
donc  avec  Pascal  :  c  On  n'apprend  pas  aux  hommes  à  être  honnêtes 
hommes    (*).    » 

II.  —  Coutume  :  elle  ne  saurait  non  plus  expliquer  la  conscience 
morale,  car  : 

a)  La  coutume  est  locale,  variable,  tandis  que  les  notions  premières 
de  la  morale  sont  universelles,  immuables. 

h)  Nous  distinguons  entre  les  coutumes  bonnes  et  les  iniques  ;  mais 
ce  principe  de  discernement  nous  le  prenons  hors  de  la  coutume  ;  c'est 
la  conscience  qui  nous  le  fournit. 


(  M  Hobbes,  De  Cive. 

{ *)  Helvétius,  De  l'esprit. 

( ')  d'Holbach,  Système  de  la  nature.  Système  social. 

{*)  Pascal,  Pensé'is,  Art.  VI,  n.  32. 


22  NATURE    ET    ORIGINE    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  (10) 

B.  —  Association  et  Habitude 

I.  —  Exposé  :  d'après  S.  Mill  et  T École  associationniste,  la 
conscience  morale  résulte,  par  le  moyen  de  V association  des  idées  et  de 
Yhabitiide,  de  l'expérience  fondée  sur  les  caractères  et  les  effets  sociaux 
de  nos  actions  (  ^).  Voici  comment  :  dans  toute  société,  familiale  ou  civile, 
il  y  a  une  autorité  qui  prescrit  ou  défend,  loue  ou  blâme,  récompense 
ou  punit  certaines  actions,  qu'elle  juge  utiles  ou  funestes  à  l'intérêt 
général  (^).  A  l'idée  de  certaines  actions  s'associent  donc  peu  à  peu  les 
idées  d'ordre  ou  de  défense,  ^obligation  et  de  devoir.  Ces  idées  elles- 
mêmes  sont  accompagnées  d'un  sentiment  de  désir  ou  de  crainte,  de 
respect,  ou  de  mépris,  selon  que  ces  actions  sont  récompensées  ou  punies, 
louées  ou  blâmées.  Uhabitude  rend  ces  associations  d'idées  indissolubles. 
Nous  n'agissons  d'abord  ou  ne  nous  abstenons  d'agir  que  par  intérêt. 
Mais  (et  c'est  là  l'un  des  effets  de  l'habitude),  par  suite  de  sa  continuité. 
l'idée  du  même  but  intéressé  finit  par  disparaître  de  la  conscience, 
tandis  que  la  conscience  de  nos  actions  subsiste,  entretenue  par  leur 
variété  même.  Dès  lors  ces  actions  ne  nous  apparaissent  plus  comme  subor- 
données à  une  fin  extérieure  :  l'habitude  nous  en  dérobe  l'origine,  contem- 
poraine de  la  première  enfance  ;  leur  caractère  obligatoire  ne  nous  paraît 
plus  dépendre  de  considérations  utilitaires  et  de  prescriptions  légis- 
latives. Nous  croyons  avoir  affaire  à  des  actions  bonnes  ou  mauvaises 
en  elles-mêmes,  indépendamment  de  toute  autorité,  et  par  conséquent 
ayant  un  caractère  d'obligation  absolue.  Ce  n'est  qu'une  illusion. 

II.  —  Critique  :  i^  S.  Mill  invoque  des  associations  rendues  indis- 
solubles par  l'habitude.  Mais  l'habitude  ne  crée  rien,  elle  développe  ce 
qui  est.  Si  l'homme  agit  d'abord  par  égoïsme,  l'habitude  ne  fera  que 
renforcer  ces  tendances  intéressées.  Pour  agir  d'une  façon  désintéressée 
il  faudra  qu'il  renonce  à  sa  tendance  égoïste,  et  il  n'y  renoncera  qu'en 
concevant  un  mode  d'action  supérieur  et  en  le  mettant  consciemment 
en  pratique  (Ps.  50,  §  II). 

2^  L'association  explique  l'origine  de  la  conscience  morale  par 
l'existence  d'une  autorité  sociale  qui  commande  et  défend.  Mais  l'exercice 
même  de  cette  autorité  implique  les  idées  qu'on  veut  lui  faire  engendrer. 
En  fait,  l'autorité  dans  les  sociétés  humaines  se  réclame  toujours 
du  droit  et  du  devoir  et  souvent  elle  fait  appel  à  des  principes  de  justice 
et  de  dignité,  qu'elle  suppose  déjà  présents  dans  la  conscience  de  ses 
sujets. 


(M  s.  Mill,  L'utilitarisme.  —  Guyau,  La  morale  anglaise  contemporaine.  —  Caiuj, 
Problèmes  de  morale  sociale,  Ch.  vi,  vu. 

(  •)  Le  sophiste  GorKias  disait  déjà  :  T ô  Si'xatov  xat  xo  alir/pôv  où  ceuoet,  àÀÀà  vo'txo). 
—  A.  Fouillée,  Revue  des  Deux  Mondes,  i"  oct.  1905,  p.  519  sqq. 


(10)  NATURE    ET    ORIGINE    D  E    LA    CONSCIENCE    MORALE  23 

3°  Comment  l'individu  pourrait-il  apprécier  la  valeur  morale  des 
décisions  de  l'autorité,  si  sa  conscience,  au  lieu  d'être  le  reflet  de  cette 
autorité,  ne  concevait  pas  un  idéal  de  justice  et  de  moralité,  antérieur 
et  supérieur  aux  lois  et  aux  institutions  sociales  ?  C'est  précisément  la 
confrontation  incessante  avec  cet  idéal  qui  permet  d'améliorer  les  lois 
et  les  institutions. 

C.  —  Évolution  et  Hérédité. 

I.  —  Exposé  :  voici  quelle  est  d'après  Darwin  {^)  et  Spencer  (-) 
la  «  genèse  »  des  idées  morales.  Cette  théorie  prétend  constituer  une 
morale  scientifique.  D'après  Darwin  le  «  sens  moral  »  existe  déjà,  à  l'état 
rudimentaire,  chez  l'animal.  Il  a  son  origine  dans  les  aptitudes  sociales 
de  certaines  espèces.  Cet  instinct  de  sociabilité,  cette  sympathie  plus 
ou  moins  confuse  leur  fait  trouver  plaisir  et  avantage  dans  la  compagnie 
de  leurs  pareils  ;  de  là  vient  la  tendance  à  se  rendre  de  mutuels  services. 
Cette  tendance  altruiste  et  spécifique  s'est  accrue  peu  à  peu  et  s'est 
opposée  à  la  tendance  égoïste  et  individuelle.  C'est  une  conséquence 
particulière  de  la  loi  générale  de  l'adaptation  de  l'être  à  son  milieu,  car 
ces  espèces  animales,  faites  pour  vivre  en  société,  ne  peuvent  être  heu- 
reuses qu'à  la  condition  de  s'adapter  de  mieux  en  mieux  au  milieu 
social.  L'homme,  descendant  de  ces  animaux,  en  a  reçu  cet  instinct 
moral,  encore  rudimentaire  et  grossier.  Il  a  été  perfectionné  à  travers  les 
générations  successives  et  transmis  par  hérédité.  Voici  comment. 

Chez  l'animal  cette  tendance  altruiste  n'était  l'effet  que  de  la  recherche 
du  plaisir  et  de  l'activité  spontanée.  L'activité  réfléchie  de  Thomme  va  la 
transformer  en  recherche  voulue  du  plus  grand  bonheur  possible,  non 
seulement  en  vue  d'un  bien  propre,  mais  aussi  en  vue  du  bien  des  autres 
qui  en  est  inséparable.  Elle  se  transformera  même  en  amour  de  la  vertu, 
du  bien  voulu  pour  lui-même.  Cette  métamorphose  s'explique  comme  le 
sentiment  de  l'avarice.  La  passion  de  l'or  est  d'abord  la  passion  du 
plaisir  qu'il  peut  procurer.  L'or  est  aimé  comme  un  moyen  pour  atteindre 
une  fin.  Mais  peu  à  peu  les  idées  de  moyen  et  de  fin  se  confondent  ;  ce 
qui  était  désiré  comme  moyen  finit  par  être  désiré  comme  but.  On  en 
vient  à  aimer  l'or  pour  lui-même,  sans  se  souvenir  de  sa  destination  : 
c'est  l'avarice.  Ainsi  en  est-il  de  la  vertu  :  c'est  d'abord  un  moyen  pour 
arriver  au  bonheur,  puis,  peu  à  peu,  on  perd  de  vue  cette  considération 
intéressée,  et  on  finit  par  rechercher  la  vertu  pour  elle-même,  sans  plus 
songer  à  son  côté  utilitaire.  Cette  transformation,  qui  s'opère  lentement 


(  M  Darwin,  La  descendance  de  l'homme. 

(  ')  Spencer,  Les  bases  de  la  morale  évolulionniste. 


24  NATURE    ET    ORIGINE    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  (10) 

et  insensiblement,  est  favorisée  par  les  louanges  et  les  récompenses 
que  toute  société  accorde  à  ceux  qui  agissent  dans  l'intérêt  du  bien  public. 
C'est  ce  qui  rend  de  plus  en  plus  profonde  la  croyance  que  le  bonheur  des 
autres  est  une  condition  nécessaire  du  nôtre,  qu'il  y  a  étroite  solidarité 
entre  le  bien  individuel  et  le  bien  général.  C'est  pourquoi  il  vient  un 
moment  où  les  tendances  altruistes  l'emportent  sur  les  sentiments 
égoïstes.  Arrivé  là,  l'homme  croit  qu'il  s'oublie  et  se  dévoue  aux  autres  ; 
mais  en  réalité  c'est  de  l'égoïsme  latent. 

Le  devoir  consiste  à  faire  triompher  les  tendances  altruistes  et  spéci- 
fiques. La  conscience  morale  est  la  conscience  de  cette  tendance,  que 
nous  finissons  par  prendre  pour  l'impératif  catégorique,  oublieux  que 
nous  sommes  de  son  origine.  Au  fond,  ce  n'est  qu'une  acquisition  lente 
de  l'espèce,  que  l'habitude  a  fixée  et  que  l'hérédité  transmet  :  actuelle- 
ment c'est  un  sens  ou  un  instinct  héréditaire.  La  satisfaction  ou  la  non- 
satisfaction  de  cette  tendance  naturelle  constitue  les  plaisirs  ou  les  peines 
de  la  conscience.  L'individu  s'adaptera  de  mieux  en  mieux  à  son  milieu 
et  à  l'organisme  social  ;  l'altruisme  deviendra  de  plus  en  plus  puissant. 
Aussi,  un  jour,  le  premier  terme  de  la  formule  du  devoir,  que  nous  dicte 
la  conscience  :  «  Vis  pour  toi  et  pour  les  autres  »,  disparaîtra  pour  faire 
place  à  l'altruisme  pur,  but  suprême  de  l'évolution.  Ce  sera  le  triomphe 
des  tendances  de  l'espèce  sur  les  tendances  de  l'individu  :  «  Vis  pour 
les  autres  ». 

II.  —  Critique  (^)  :  1°  Les  arguments  contre  l'évolution  en  général 
valent  contre  l'évolution  morale  (Cf.  Métaphysique,  L.  II,  Ch.  m. 
Art.  III,  Sect.  I,  89). 

2°  Pour  ce  qui  regarde  l'évolution  morale  en  particulier,  il  faudrait 
pour  l'admettre,  accepter  quantité  de  suppositions  inacceptables  ; 
il  faudrait  :  a)  croire  qu'il  y  a  eu  un  moment  où  les  hommes  vivaient 
isolés,  sans  aucune  notion  morale,  puisque,  au  dire  des  évolutionnistes, 
la  société  est  impossible  sans  moralité  ;  —  b)  admettre  que  les  sentiments 
moraux  sont  une  transformation  de  l'égoïsme  (Ps.  50,  §  II)  ;  —  c)  adopter 
leurs  définitions  du  devoir,  du  bien  et  de  la  conscience,  qui  sont  en 
contradiction  avec  l'observation  ;  —  d)  ériger  en  principe  moral  la 
croyance  (dont  personne  n'est  convaincu)  que  le  bien  individuel  est 
toujours  solidaire  du  bien  général.  C'est  vraiment,  pour  une  doctrine  qui 
.se  donne  comme  scientifique,  mettre  à  sa  base  trop  d'hypothèses  gratuites. 

3°  En  accordant  môme  que  cette  doctrine  fût  conforme  à  la  réalité 
historique,  elle  aboutirait  à  cette  constatation  que  la  conscience  en  fait 
parle  ainsi.  Mais  de  quel  droit  ? 

4"  En  définitive  le  deç>oir  est  la  conséquence  du  triomphe  remporté 


(  ')  Caro,  Problèmes  de  morale  sociale,  Ch.  vu.  —  L.  Carrau,  Etudes  sur  la  théorie  de 
l'évolution,  "V«  Étude.  —  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1891,  II<^  C. 


(10)  NATURE    ET    ORIGINE    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  25 

par  les  tendances  spécifiques  en  conflit  avec  les  tendances  individuelles. 
Nous  sommes  donc  les  vaincus  et  les  dupes  de  la  concurrence.  Comment 
la  volonté  ne  tenterait-elle  pas  de  briser  ce  joug  pour  obéir  à  ses  incli- 
nations intéressées  ?  Pourquoi  accepterait-elle  toujours  le  sacrifice  de 
l'égoïsme  à  l'altruisme  ?  Pour  cela  il  lui  faudrait  admettre,  comme  un 
principe  rationnel^  que  l'altruisme  est  supérieur  à  l'égoïsme.  Mais  l'ad- 
mettre c'est  sortir  de  l'empirisme. 

Conclusion  générale  :  les  doctrines  empiriques  ont  la  prétention 
de  construire  une  morale  scientifique  ;  or  le  résultat  c'est  la  destruction 
de  toute  morale,  car,  d'après  les  doctrines  de  Mill,  de  Darwin,  de  Spencer, 
la  conscience  n'est  plus  qu'une  force  plus  ou  moins  aveugle  et  arbi- 
traire, qui  perd  tout  droit  à  l'obéissance  et  au  respect  (26,  27,  28). 

§  III.  —  SOLUTION  RATIONALISTE 

La  réfutation  des  théories  précédentes  a  prouvé  que  la  conscience 
n'est  pas  un  simple  instinct  moral,  ni  un  produit  de  l'expérience.  Elle 
implique  donc  la  raison.  C'est  la  raison  appliquée  à  la  conduite  de  la 
vie,  c'est,  comme  dit  Kant,  la  raison  pratique.  Mais  on  peut  se  demander* 
est-ce  une  raison  spéciale^  irréductible  à  la  raison  théorique  ?  est-ce 
une  forme,  une  jonction  de  la  même  faculté,  la  raison  ?  —  On  apporte 
en  faveur  de  l'irréductibilité  deux  arguments  principaux  : 

I.  —  Argument  de  Kant  :  d'après  lui,  la  raison  pratique  est  spéci- 
fiquement distincte  de  la  raison  spéculative.  La  moralité,  l'action  a  des 
principes  indépendants  de  ceux  de  la  science,  de  la  théorie  ;  la  raison 
pratique  est  donc  différente  de  la  raison  théorique.  En  effet  la  notion 
du  devoir  est  une  notion  sui  generis,  qui  est  en  opposition  avec  les 
catégories  de  la  raison  spéculative. 

Réponse  :  —  a)  Les  notions  premières  de  la  conscience  morale  sont 
foncièrement  identiques  aux  catégories  de  la  raison  théorique.  La  notion 
du  bien  en  soi  c'est  la  notion  d'une  fin  absolue  ;  celle  du  devoir,  la  notion 
d'une  loi  universelle  (9,  20,  21).  Or  fin,  loi,  absolu,  universel  sont  les 
notions  mêmes  de  la  raison  spéculative  (Ps.  L.  II,  Sect.  iv,  Ch.  i,  m). 

b)  Les  vérités  premières  de  l'ordre  moral  :  vg.  Il  faut  faire  le  bien, 
éviter  le  mal,  etc.  ont  les  mêmes  caractères  que  les  premiers  principes 
de  l'ordre  spéculatif  :  elles  sont,  comme  eux,  universelles,  nécessaires, 
évidentes.  Elles  jouent  à  l'égard  de  la  conduite  et  de  Faction  le  même 
rôle  que  les  principes  spéculatifs  relativement  à  l'expérience  et  à  la  science. 

IL  —  Indépendance  de  la  raison  et  de  la  conscience  morale  : 
l'opinion  de  Ivant  semble  trouver  un  point  d'appui  dans  l'expérience. 
On  rencontre  des  enfants,  des  hommes  fort  intelligents,  pour  lesquels 
les  mots  :  bien,  devoir,  vertu,  n'ont  pas  de  sens.  Il  leur  manque  l'intel- 
ligence des  choses  morales. 


26  VALEUR    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  (11) 

Réponse  :  a)  Ce  n'est  parfois  qu'un  cas  pathologique,  un  cas  ([''idiotie 
morale.  On  en  trouve  une  image  lointaine,  même  dans  la  vie  ordinaire, 
quand  la  voix  de  la  raison  est  étouffée  par  la  tyrannie  de  quelque  violente 
passion.  Est-ce  que  l'homme  normal  lui-même  ne  semble  pas  alors 
dénué  de  conscience  ? 

b)  Ce  qui  fait  défaut  habituellement,  ce  sont  les  tendances  et  les 
sentiments  moraux.,  complémentaires  de  là  raison  :  une  action  est  bien 
jugée  comme  illégitime  ;  mais  elle  n'inspire  aucun  sentiment  de  répul- 
sion. Cette  indépendance  de  la  raison  et  de  la  conscience  morale  n'est 
donc  qu'apparente,  comme  le  montre  une  observation  plus  attentive 
des  faits.  L'intelligence  de  la  moralité  n'est  pas  absente  chez  ces  êtres 
dégradés,  mais  elle  est  pervertie  ou  paralysée,  car  il  suffit  ordinairement 
de  réprimer  les  tendances  mauvaises,  qui  l'empêchaient  de  se  mani- 
fester, pour  la  voir  apparaître  :  elle  existe,  mais  elle  n'est  pas  éveillée. 

c)  Il  peut  se  faire  que  l'accumulation  des  fautes  amène  une  per- 
version complète  de  la  conscience.  Ceux  qui  en  arrivent  là  sont  des 
monstres  dans  l'ordre  moral.  Il  ne  faut  pas  juger  les  personnes  et  les 
choses  par  les  exceptions  et  les  anomalies. 

Conclusion  :  la  conscience  morale  n'est  qu'une  forme  de  la  raison. 
C'est  la  raison  pratique.  Mais,  en  reconnaissant  que  c'est  une  faculté 
essentiellement  rationnelle,  il  faut  ajouter  que  le  sentiment  en  est  le 
complément  nécessaire.  Il  ne  suffit  pas  de  connaître  le  devoir  ;  il  faut 
eQ,core  l'aimer.  L'idée  morale  resterait  inerte  sans  l'émotion  qui  l'accom- 
pagne, car,  comme  dit  Aristote,  le  rationnel  nous  laisse*  froids  :  To 
XoytîTixov  où  xtvei.  La  conscience  n'a  donc  toute  sa  force  que  si  elle  est 
jointe  à  la  sensibilité  morale  et  développée  par  l'éducation  et  la  réflexion 
personnelle. 

La  raison  étant  vraiment  une,  la  raison  spéculative  et  la  raison 
pratique  ne  diffèrent  que  par  leur  fonction  et  leur  objet.  La  conscience 
morale,  c'est  la  raison  montrant  l'ordre  à  établir  dans  la  vie  humaine. 
La  raison  spéculative  ou  scientifique  cherche  à  découvrir  l'ordre  dans 
l'expérience  et  la  pensée.  La  vérité  des  choses  est  déjà  réalisée  dans  la 
nature,  et  la  raison  théorique  n'a  qu'à  la  dégager  et  à  la  formuler,  tandis 
que  la  vérité  de  la  vie  humaine  ou  de  Vordre  moral  n'est  réalisée  que  par 
le  libre  effort  de  notre  volonté,  guidée  par  la  conscience. 

11.  —  VALEUR  DE  LA  CONSCIENCE  MORALE 

jj'fiutorité  et  la  valeur  qu'on  accorde  à  la  conscience  varient  avec 
l'origine  qu'on  lui  suppose.  Trois  opinions  principales  : 

1.  —  Infaillibilité.  C'est  la  conséquence  logique  de  ceux  qui  font 
do   la   conscience   un  .sens,   un   instinct  moral  ;  la  conscience  rend  des 


(12)  UNIVERSALITÉ    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  27 

oracles  qui  correspondent  touj  ours  ala  vérité .  —  Cette  opinion  est  réfutée  par 
les  faits^  la  conscience  est  souvent  ignorante,  perplexe,  erronée,  contredite. 

II.  ^ —  Sans  valeur  :  si  on  explique  la  conscience  tout  entière  par 
la  coutume,  Véducation,  Vévolution  et  Vhérédité,  elle  est  sans  valeur, 
car  tous  ces  éléments  sont  variables  et  particuliers  :  telle  est  l'opinion 
des  sophistes  et  des  sceptiques.  Ce  devrait  être  aussi  celle  des  associa- 
tionnistes  et  des  évolutionnistes,  car  la  conscience  n'est  pour  eux,  en 
dernière  analyse,  qu'une  habitude,  acquise  par  l'individu  ou  par  l'espèce. 
Malgré  cela,  ils  veulent  conserver  à  la  conscience  son  autorité  :  c'est 
une  honnête  inconséquence.  Mais  sachant  que  la  conscience  n'est  que 
le  produit  d'associations  contingentes,  l'esprit  ne  doit  voir  qu'une  illusion 
dans  l'obligation  qu'elle  impose. 

III.  —  Valeur  de  la  raison  :  c'est  conséquence  logique,  puisque 
la  conscience  est,  selon  nous,  une  forme  de  la  raison.  Ses  jugements 
primitifs  et  les  déductions  immédiates  qu'elle  en  tire  sont  infaillibles. 
Mais,  comme  l'exercice  de  la  raison  dépend  de  Fexpérience,  de  la  cou- 
tume, de  la  sensibilité,  il  arrive  que,  sous  ces  influences,  les  déductions 
médiates  et  les  applications  plus  ou  moins  éloignées  des  vérités  pre- 
mières de  l'ordre  moral  sont  souvent  erronées  (Log.  124).  La  conscience 
morale  a  une  valeur  absolue  en  soi.  Elle  ne  peut  se  tromper  quand  elle 
prescrit  le  devoir  ;  elle  peut  n'avoir  qu'une  valeur  relative  en  tant  qu'elle 
prescrit  certains  devoirs  particuliers,  car  elle  est  exposée  à  subir  dans 
ce  cas  les  influences  perturbatrices  indiquées  plus  haut.  C'est  ainsi  que 
la  raison  spéculative  est  infaillible  quand  elle  affirme  que  Tout  ce  qui 
arrive  a  une  cause,  mais  elle  peut  se  tromper  quand  elle  dit  que  Tel  effet 
vient  de  telle  cause.  De  même  donc  que  les  erreurs  et  les  contradictions 
des  savants  dans  la  connaissance  de  la  nature  n'infirment' en  rien  la 
valeur  absolue  du  principe  de  causalité  et  de  la  raison  théorique,  ainsi 
les  erreurs  et  les  contradictions  de  l'homme  en  morale  n'enlèvent  pas 
leur  valeur  absolue  aux  notions  du  devoir  et  de  la  conscience  morale. 

Remarque  ;  Kant  a  prétendu  que  la  raison  pratique  avait  une  valeur 
supérieure  à  la  raison  théorique.  C'est  inadmissible,  étant  donné  que 
c'est  la  même  raison.  La  raison  théorique  a  même  l'avantage  de  voir 
confirmées  par  l'expérience  ses  plus  importantes  affirmations,  vg.  prin- 
cipe de  causalité.  La  raison  pratique  ne  reçoit  pas  de  l'expérience  une 
confirmation  aussi  parfaite,  parce  que  la  loi  morale  peut  être  librement 
violée,  tandis  que  la  loi  physique  est  fatalement  obéie. 

12.  —  UNIVERSALITÉ  DE  LA  CONSCIENCE  MORALE 

Les  notions  morales  sont-elles  communes  à  toute  l'humanité  ?  Leur 
.'universalité  n'est-elle  pas  apparente,  i)uisque,  selon  les  pays  et  les 
époques,  les  mêmes  mots  désignent  des  choses  diverses  et  même  contra- 


28  UNIVERSALITÉ    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  (12) 

dictoires  ?  Tel  est  le  doute  soulevé    par    le    scepticisme  moral,  qu'il 
s'agit  de  réfuter     (^). 

§  A.  —  OBJECTION 

L'objection,  tirée  des  variations  de  la  conscience,  avait  déjà  été 
formulée  dans  l'antiquité  par  Carnéade.  Montaigne  l'a  exposée  à  son 
tour  :  «  Telle  chose  est  icy  abominable,  qui  apporte  recommandation 
ailleurs,  comme  en  Lacédémone  la  subtilité  de  desrober  (2).  »  Pascal, 
dans  une  boutade  fameuse,  a  aussi  exploité  cette  thèse  pour  réprimer 
la  «  superbe  de  la  raison  »  :  «  ...On  ne  voit  presque  rien  de  juste  ou 
d'injuste  qui  ne  change  de  qualité  en  changeant  de  climat.  Trois  degrés 
d'élévation  du  pôle  renversent  toute  la  jurisprudence.  Un  méridien  décide 
de  la  vérité...  Le  droit  a  ses  époques.  L'entrée  de  Saturne  au  Lion  nous 
montre  l'origine  d'un  tel  crime.  Plaisante  justice  qu'une  rivière  borne  ! 
Vérité  au  deçà  des  Pyrénées,  erreur  au  delà  (^).  »  P.  Janet  résume  en 
ces  deux  propositions  l'objection  des  sceptiques  :  «  Chez  les  peuples 
sauvages,  point  de  moralité  ;  chez  les  peuples  civilisés,  moralité  contra- 
dictoire (*).  ))  Faut-il  donc  conclure  de  ces  affirmations,  appuyées  sur 
des  faits,  que  la  conscience  est  «  la  plus  changeante  des  règles  »  (Vauve- 
nargues)  ? 

§  B.  —  RÉPONSE 

I.  —  On  exagère  les  divergences  :  on  juge  de  la  diversité  des  idées 
par  la  diversité  des  actions.  Ce  n'est  pas  un  critérium  sûr,  car  chacun 
sait  qu'il  y  a  toujours  un  certain  écart  entre  les  principes  et  la  conduite, 
entre  l'idéal  et  la  réalité.  Tel  qui  s'adonne  au  vice  se  condamne  inté- 
rieurement. 

IL  —  La  divergence  n'est  pas  universelle  (^)  :  elle  ne  va  jamais 
jusqu'à  l'absence  totale  d'idées  et  de  sentiments  moraux.  Les  notions 
et  les  vérités  fondamsntales  de  la  morale  sont  universelles  et  invariables. 
Tous  les  hommes  distinguent  un  bien  et  un  mal  et  savent  qu'il  faut  faire 
le  premier  et  éviter  le  second.  Ce  qui  varie  c'est  l'application  de  ces: 


(  ')  p.  Janet,  La  morale,  L.  III,  Ch.  iv.  —  A.  Garnier,  Traité  des  facultés  de  l'âme, 
L.  VI,  Sect.  II,  Ch.  m,  §|  8  et  9.  —  Ferraz,  La  philosophie  du  devoir,  L.  III,  Ch.  vi,  vu. 
—  Malebranche,  Traité  de  morale. 

(•)  Mo.NTAioNE,  Essais,  L.  II,  Ch.  xii. 

(•)  Pascal,   Pensées,   Art.  III,  n.   8. 

(♦)   P.   Janet,  La   Morale,  L.  III,  Ch.  iv,  p.  396,  Paris,  1874. 

(')  S.  Thomas,  Summa  theologica,  I»,  II",  Quaest.  XCIV,  Art.  IV.  —  Cf.  F.  Nicoi.ay, 
Histoire  des  croyances,  superstitions,  mœurs,  usages  et  coutumes  (selon  le  plan  du  Décalogue), 
3  vol.,  Paris,  1902.  — V.  Cathrei.n,  DieEinheiMes  sitllichen  Bewu^stseins  der  Mcnschheit, 
3  vol.,Fribourg-en-Brisgau,  1914. 


(12)  UNIVERSALITÉ    DE    LA    CONSCIENCE    MORALE  29 

notions  et  de  ces  principes  premiers  aux  cas  particuliers,  plus  ou  moins 
compliqués,  de  la  vie  quotidienne.  Tous  ne  placent  pas  le  bien  et  le  mal 
dans  les  mêmes  actions.  Les  sauvages  par  exemple  admettent  ce  prin- 
cipe :  il  faut  honorer  ses  parents  ;  mais  ils  l'appliquent  mal  en  tuant  les 
vieillards  pour  les  débarrasser  des  peines  de  la  vie.  Les  sacrifices  humains 
sont  chose  abominable,  sans  doute  ;  ceux  qui  les  ont  commis  reconnais- 
saient l'obligation  d'apaiser  la  justice  divine,  mais  ils  l'ont  mal  pratiquée. 
Les  veuves  des  Indiens  sont  brûlées  vives  sur  le  bûcher  de  leurs  époux  ; 
elles  admettent  le  devoir  de  l'amour  conjugal,  mais  elles  en  comprennent 
mal  l'application,  etc.  —  Nous  avons  déjà  répondu  à  l'objection  tirée 
de  l'absence  de  conscience  morale  chez  certains  individus  (10,  §  III). 
III.  —  Cette  divergence  va  en  s'atténuant  :  les  notions  morales, 
momentanément  obscurcies  ou  faussées  par  certaines  influences  pertur- 
batrices, se  dégagent  peu  à  peu  des  scories  qui  les  souillaient.  C'est  ainsi 
qu'on  voit  disparaître  ou  diminuer  l'anthropophagie,  les  sacrifices 
humains,  la  polygamie,  l'infanticide,  l'esclavage.  Est-ce  que  cet  accord 
progressif  ne  suppose  pas  un  idéal  commun,  une  même  constitution 
morale  (^)  ? 

§  C.  —  CAUSES  PERTURBATRICES 

Les  causes,  qui  expliquent  les  erreurs  et  les  contradictions  de  la 
raison  appliquée  à  la  spéculation,  expliquent  également  les  variations  do 
la  raison  appliquée  aux  vérités  morales  (Log.  124).  Voici  les  principales  : 

I.  ■ —  Passion  et  intérêt  :  c'est  surtout  dans  le  domaine  des  choses 
morales  que  leur  influence  est  puissante.  «  Si  la  Géométrie  s'opposoit 
autant  à  nos  passions  et  à  nos  interests  présens  que  1^  morale,  nous  ne 
la  contesterions  et  ne  la  violerions  gueres  moins,  malgré  toutes  les 
démonstrations  d'Euclide  et  d'Archimede,  qu'on  traiteroit  de  rêveries 
et  croiroit  pleines  de  paralogismes  {^).  » 

IL  —  Habitude  :  les  fautes  souvent  répétées  finissent  par  sembler 
naturelles  ;  alors  la  conscience  s'émousse  et  s'altère. 

III.  —  Contagion  de  l'exemple  :  ce  qui  est  pratiqué  par  un  grand 
nombre  semble  d'abord   excusable,   puis  légitime. 

IV.  — •  Les  lois  :  comme  elles  ont  une  certaine  autorité,  les  prescrip 
tions  immorales  qu'elles  prescrivent  paraissent  à  la  longue  fondées  en 
raison  ;  vg.  l'esclavage  ;  la  mort  des  enfants  mal  faits  prescrite  par  la 
législation  de  Lycurgue. 


(  ')  L'objection  suppose  toujours  pour  accordé  que  la  diversité  actuelle  est  l'état  normal 
originel.  Cette  supposition  n'est  rien  moins  que  fondée.  Les  sauvages,  qu'on  nous  oppose, 
ne  sont  pas  le  type  de  l'homme  primitif  :  ce  sont  des  dégénérés  (Mgr.  85,  §  B,  VI). 

( ')  Leibniz,  Nouveaux  essais...,  L.  I,  Ch.  ii,  §  12. 


30  CONDITIOîsS    OU    ÉLÉMENTS    DE    LA     MORALITÉ  (13) 

V.  —  L'ignorance  :  le  prêt  à  intérêt  a  été  longtemps  condamné 
comme  usuraire,  parce  qu'on  croyait  à  tort  que,  toujours,  l'argent  est 
stérile.  «  Les  dariques,  disait  Aristote,  ne  font  pas  d'autres  dariques.  » 
Cette  erreur  provenait  de  l'analyse  insuffisante  des  faits  économiques. 
Les  anciens  le  proscrivaient  au  nom  de  ce  principe  :  Nul  ne  doit  s'enrichir 
au  détriment  d'autrui.  Les  modernes  l'autorisent  en  vertu  du  même 
principe,  car  le  prêt  gratuit,  quand  on  peut  faire  fructifier  son  argent, 
serait  l'enrichissement  de  l'emprunteur  aux  dépens  du  prêteur  (128). 

Conclusion  :  le  scepticisme  moral  n'est  pas  plus  recevable  que  le 
scepticisme  tliéorique.  Donc  la  loi  morale  existe.  Est  igitur  hsec  non 
scripta,  sed  nata  lex  (^),  dit  Cicéron.  Saint  Paul  lui  fait  écho  :  Opus  legis 
scriptum  in  cordihiis  (-).  Montaigne  s'est  donné  la  réplique  lui-même, 
car  il  dit  ailleurs  :  «  La  justice  en  soy,  naturelle  et  universelle,  est  autre- 
ment reiglée  et  plus  noblement  que  n'est  cette  autre  justice  spéciale, 
nationale,  contrainte  au  besoing  de  nos  polices  (^).  »  Pascal  a  également 
limité  son  accusation,  car  il  ajoute  dans  le  même  passage  qu'on  oublie 
généralement  de  citer  en  entier  :  vc  II  y  a  sans  doute  des  lois  naturelles  ; 
mais  cette  belle  raison  corrompue  a  tout  corrompu.   » 

Remarque  :  on  objecte  aussi  la  diversité  et  les  contradictions  des 
doctrines  philosophiques.  Il  y  a  les  partisans  de  la  morale  utilitaire,  de 
la  morale  sentimentale,  de  la  morale  rationnelle.  —  Sans  doute  les 
philosophes  discutent  sur  le  fondement  métaphysique  des  devoirs, 
mais  ils  s'accordent  à  reconnaître  la  néceissité  de  pratiquer  le  bien. 


13.  —  CONDITIONS  OU  ÉLÉMENTS  DE  LA  MORALITÉ  (  *  ) 

• 

La  moralité  est  la  propriété  qu'ont  les  actes  humains  d'être  bons 
ou  mauvais  ;  elle  dépend  : 

L  —  De  l'objet  de  l'acte  :  l'objet  est  ce  que  l'on  fait  en  posant 
un  acte.  Il  doit  être  bon  en  soi,  conforme  à  la  nature  raisonnable,  ou 
au  moins  indifférent  en  soi.  Un  acte  est  indifférent  en  soi  quand  il  n'a 
pas  de  rapport  spécial  de  convenance  ou  de  disconvenance  avec  cette 
nature  raisonnable  :  vg.  se  promener,  s'asseoir. 

IL  —  De  l'intention  :  l'acte  libre  consiste  essentiellement  dans 
la  détermination  de  la  volonté,  qui  décide  quelle  est,  entre  plusieurs 
fins,  celle  que  nous  voulons  réaliser.  L'exécution  ne  dépend  pas  toujours 


( ')  CicÉnoN,   Pro    Milone,   IV. 
( ')  H.  l'Avr-,  Kpist.  ad  Romnnos,  II,  15. 
(')  Montaigne,  l'^ssuis,  L.  III,  (Jli.  i. 

(  *)  L.    .InuiN,  Elemeniu  philosophias  nwrnlis,   Part.   Il,  L.   II,   Ch.   ii,   Propositio   IX, 
New-York,  189G».  —  Instilutes  du  droit  naturel,  par  B.  B.,  L.  III,  Paris,  1866. 


(14)  l'intention  morale  31 

de  nous  ;  ce  qui  en  dépend,  c'est  la  position  de  la  fin,  la  résolution 
volontaire  (Ps.  193).  Or  poser  des  fins,  c'est  avoir  des  intentions  ;  avoir 
bonne  volonté,  c'est  avoir  des  intentions  droites.  C'est  par  conséquent 
de  l'intention  que  résulte  principalement  la  valeur  morale  des  actions, 
et  même  à'eïle  seule  quand  l'acte  est  indifférent  en  soi  (14).  L'intention 
est  bonne  quand  elle  est  d'accord  avec  la  loi  morale,  mauvaise  quand 
est  en  désaccord. 

Remarque   :   la  moralité  dépend  secondairement  des  circonstances.^ 
Ce  sont  des  déterminations  accidentelles,  qui  influent  sur  l'acte  pour 
Vaggraver  ou  Vatténuer.  Les  Scolastiques  les  ont  résumées  dans  ce  vers  : 
Quis,   quid,    ubi,   quihus  auxiliis,   car,   quomodo,   quando. 

Exemple  :  vol  avec  ou  sans  e (Traction. 


14.  —  L'INTENTION  MORALE  (M 

§  A.  —  SON  ROLE  ET  SON  IMPORTANCE 

I.  —  La  valeur  morale  des  actes  croît  avec  l'élévation  et  l'étendue 
de  l'intention.  C'est  ainsi  qu'un  enfant,  qui  travaille  par  affection  pour 
ses  parents,  fait  une  action,  louable  ;  mais  s'il  travaille  pour  obéir  au 
devoir,  l'acte  est  bien  plus  parfait,  parce  qu'il  est  conforme  à  l'ordre 
universel,  à  la  volonté  de  Dieu.  Le  motif  le  plus  vaste  des  actes  humains 
c'est  donc  l'amour  de  Dieu,  parce  que  ce  motif  embrasse  l'amour  de 
l'ordre  universel  et  l'amour  de  son  auteur,  du  Bien  suprême,  de  Dieu. 
Et  ainsi  la  vie  extérieure  la  plus  humble  peut  surpasser  en  valeur  morale 
les  plus  brillantes,  si  elle  est  dirigée  par  des  intentions  pures  et  élevées. 
C'est  pourquoi  une  action,  extérieurement  la  même,  change  du  tout 
au  tout,  suivant  qu'elle  a  des  motifs  différents  {-).  On  peut  la  faire  : 
a)  parce  qu'elle  est  agréable  ;  —  b)  parce  qu'elle  Jious  est  utile  ;  —  c)  parce 
qu'elle  est  utile  à  des  parents,  à  des  amis,  à  la  patrie,  à  Vhumanité  ;  — 
d)  parce  qu'on  la  juge  conforme  au  bon  sens  ;  — •  e)  parce  qu'elle  semble 
demandée  par  V ordre  général  ;  —  /)  parce  qu'elle  est  imposée  par  V auteur 
de  Vunivers  ;  —  g)  par  amour  pour  Dieu.  Cette  série  de  motifs  est  une 
échelle  ascendante,  qui  va  depuis  zéro  jusqu'au  degré  le  plus  élevé. 
La  valeur  de  l'action  déterminée  par  ces  motifs  monte  ou  s'abaisse 
dans  la  même  proportion. 

II.  —  Une  action  bonne  en  soi  devient  mauvaise  si  on  la  fait  avec  une 
intention  déréglée  :  vg.  secourir  les  malheureux  par  ostentation. 

III.  —  Une  action  indifférente  en  soi  ou  amorale  (vg.  promenade) 


(  M  Vallieh,   L'inlenlion  morale. 

( -)   J.   DE  BoNNiOT,   Le  problème  du  mal,  L.  II,  Ch.  vi 


32  l'intention  morale  (14) 

devient,  bonne  si  elle  est  faite  dans  un  but  légitime  :  vg.  pour  réparer 
ses  forces.  Cf.  S.  Thomas,  Summa  theol,  IMpe,  Q.  XVIII,  a.  8  et  9. 

IV.  —  Une  action  mauvaise  en  soi  devient  bonne  si  son  auteur  ignore 
im'inciblement  qu'elle  est  mauvaise  et  a  l'intention  de  bien  faire  :  vg.  les 
sauvages  tuant  leurs  grands-parents  poiir  les  délivrer  des    souffrances 

de  la  vieillesse.  -,    e  ■ 

V.  —  L'intention,  au  point  de  vue  moral,  est  réputée  pour  le  tait. 
Aussi  «  ce  qui  importe,  ce  n'est  pas  le  succès,  mais  l'effort  »  (Jouffroy), 

^car  nous  sommes  obligés  de  vouloir  le  bien,  non  de  réussir  à  le  faire 
triompher  autour  de  nous.  C'est  pour  cela  qu'il  y  a  «  des  défaites  triom- 
phantes à  l'envi  des  victoires   ». 

YI, L'absence  d'intention  enlève  à  un  acte  tout  mérite  ou  démé- 
rite :  ce  n'est  plus  un  acte  moral,  mais  physique.  Un  fait  matériellement 
criminel  ne  l'est  pas  moralement,  si  l'auteur  l'a  accompli  sans  le  vouloir 
et  sans  imprudence  :  vg.  un  cavalier  ne  peut  retenir  son  cheval  emballé  et, 
en  passant,  écrase  une  personne.  —Au  point  de  vue  juridique,  l'intention 
ne  suffit  pas,  il  faut  qu'elle  soit  manifestée  par  l'exécution  (47,^  §  VI). 

La  perfection  de  la  vie  morale  dépend  donc  surtout  de  l'art  de 
diriger  ses  intentions  vers  les  fins  les  plus  élevées  et  les  plus  universelles. 

§  B.  —  OBJECTIONS 

On  a  fait  deux  objections  principales  à  la  doctrine  des  directions 
d'intention.  Elle  aboutirait  : 

L  —  A  la  légitimation  de  cette  maxime  machiavélique  :  La  fin  justifie 
les  moyens. 

Réponse  :  cette  maxime  est  évidemment  abominable,  puisqu'elle 
signifie  qu'on  peut  user  de  tous  les  moyens,  fût-ce  le  vol,  l'homicide,  etc., 
pour  réaliser  une  fin  bonne  en  soi.  C'était  déjà  la  calomnie  lancée  par 
le  paganisme  contre  les  chrétiens  et  repoussée  par  S.  Paul  :  Et  non 
{sicut  blasphemamur,  et  sicut  aiunt  quidam  nos  diceré)  faciamus  mala 
ut  veniant  bona  {^).  Elle  a  été  ressassée  depuis,  surtout  par  les  jansé- 
nistes (2),  à  l'adresse  des  Jésuites.  11  est  pourtant  manifeste  que  c'est 
une  doctrine  de  tout  point  condamnable,  car  : 

a)  La  volonté  ne  peut  changer  la  nature  des  choses  :  si  le  moyen 
est  connu  comme  mauvais,  quoi  qu'on  dise  ou  qu'on  fasse,  il  restera 
toujours  mauvais.  La  fin  juste  ne  peut  légitimer  des  moyens  injustes  ; 
sans  ((uoi  la  justice  se  contredirait  elle-même  :  elle  serait  à  la  fois  juste 
et  injuste. 


(  M  s.  Paul,  Episl.  ad  Roman.  Ch.  m,  v.  8. 

(•)  PA3CAL,  Les  Provinciales,  VII"  Lettre.  —  On  peut  voir  dans  rédition  de  Maynard 
les  injustices  de  Pascal  qui  a  cité  plusieurs  textes  tronqués.  Cf.  Maynard,  Pascal,  II''  P. 
Ch.  II. 


(15)        .       DEGRÉS,      ÉDUCATION    ET    RÈGLES    DE    LA    CONSCIENCE  33 

b)  La  volonté  en  employant  des  moyens  mauvais  est  mauvaise, 
parce  qu'elle  n'évite  pas,  comme  elle  y  est  obligée,  le  mal,  c'est-à-dire 
l'emploi  de  moyens  injustes. 

II.  —  A  des  appréciations  d'une  scandaleuse  indulgence.  Réponse  : 
si  celui  qu'on  doit  juger  n'a  pas  voulu  mal  faire,  même  en  agissant  mal, 
on  ne  peut  dire  qu'il  a  mauvaise  volonté.  Son  acte  n'est  donc  mauvais 
que  matériellement.  Sans  doute,  au  for  extérieur,  la  société  doit  surtout 
tenir  compte  des  actions,  parce  qu'elle  ne  peut  atteindre  directement 
les  intentions  et  qu'elle  doit  exciter  les  citoyens  à  veiller  sur  leur  conduite. 
Un  chasseur,  voulant  tuer  un  lièvre,  tue  un  homme.  La  morale  l'absout, 
puisque  l'intention  mauvaise  fait  défaut,  mais  la  loi  peut  le  condamner 
pour  homicide  par  imprudence. 

Conclusion  :  la  moralité  est  avant  tout  conditionnée  par  l'intention  ; 
mais  elle  dépend  aussi  de  son  objet  qui  doit  être  bon  en  soi  ou  du  moins 
être  indifférent  (13),  et  enfin,  secondairement,  des  circonstances  qui 
l'accompagnent.  Pour  qu'un  acte  soit  moralement  bon,  il  faut  donc 
que  son  but,  sa  matière,  ses  circonstances,  tout  en  lui  soit  bon  ;  il  est 
mauvais  dès  qu'un  seul  de  ces  éléments  fait  défaut,  et  plus  ou  moins, 
selon  l'importance  de  l'élément  absent.  C'est  le  sens  de  la  maxime  : 
Bonum  ex  intégra  causa,  malum  ex  quociimque  defectu. 

Remarque  :  l'intention  est  :  a)  Actuelle,  quand  elle  existe  au  moment 
de  l'action. 

b)  Virtuelle,  quand,  sans  exister  actuellement,  elle  continue  dans 
les  effets  dus  à  son  influence:  vg.  l'intention  du  voyageur  qui  veut  arriver 
à  telle  ville  et  dont  chaque  pas  est  posé  en  ç>ertii  de  cette-  intention 
première,  bien  qu'il  n'y  songe  plus. 

c)  Habituelle  :  quand,  après  avoir  été  interrompue  (elle  ne  continue 
donc  ni  en  elle-même,  ni  dans  ses  effets),  elle  n'a  pas  été  révoquée. 

15.  —  DEGRÉS,  ÉDUCATION  ET  RÈGLES  DE  LA  CONSCIENCE 

A)  Degrés  (^)  :  notre  devoir  ne  va  pas  au  delà  de  notre  savoir. 
Chacun  de  nous  n'est  obligé  à  faire  que  le  bien  qu'il  connaît  comme 
obligatoire.  Or  la  conscience  peut  être,  vis-à-vis  de  son  objet,  le  bien, 
dans  tous  les  états  où  peut  se  trouver  la  raison  théorique  vis-à-vis  du 
vrai  spéculatif  (Log.  114).  Elle  peut  être  droite  ou  erronée,  certaine, 
douteuse  ou  probable.  La  conscience  morale  est  : 

I.  —  Droite  :  quand  son  jugement  est  d'accord  avec  la  loi  morale. 

II.  —  Erronée,  quand  elle  nous  représente  des  actes  autrement 
qu'ils  ne  sont  d'après  la  loi  morale,  c'est-à-dire  comme  bons  et  permis, 
quand  ils  sont  mauvais  et  défendus  ;  comme  illégitimes,  quand  ils  sont 
licites.  L'erreur  peut  être  soit  :  a)  invincible  :  vg.  conscience  de  l'enfant , 


(M   Inslilutes  du  droit  naturel  par  M.  B.,  Livre  V. 

TRAITÉ      DE    PHILOSOPHIE.  —  T.    II.   —  2 


34  DEGRÉS,    ÉDUCATION    ET    RÈGLES    DE    LA    CONSCIENCE  (15) 

du  sauvage  :  dans  ce  cas,  étant  inévitable,  elle  est  involontaire,  donc 
exempte  de  faute  ;  —  b)  vincible  :  étant  évitable,  elle  est  coupable. 

in.  —  Certaine,  quand  elle  juge  de  la  légitimité  ou  de  l'illégitimité 
d'une  action  sans  crainte  raisonnable  d'erreur. 

IV.  —  Douteuse,  quand  elle  hésite  entre  plusieurs  devoirs,  parce 
qu'elle  voit  des  raisons  pour  et  contre  qui  s'équilibrent  ;  mais  ce  doute 
absolu  est  rare. 

V.  —  Probable,  quand  elle  penche  d'un  côté  plutôt  que  de  F  autre. 
B)  Éducation   :    puisque  la  conscience    est  faillible  et  sujette  au 

doute,  c'est  un  devoir  pour  chacun  de  l'éclairer  et  de  la  perfectionner. 
Cette  éducation  est  sans  doute  l'œuvre  de  l'intelligence,   mais  plus 
encore  de  la  volonté  et  des  bonnes  habitudes,  parce  que  ce  sont  le- 
passions  qui  obscurcissent  la  notion  du  devoir.  (Log.  124,  §  C). 
C).  Règles  de  conduite.  Voici  les  principales  : 

I.  —  Il  y  a  obligation  de  suivre  non  seulement  une  conscience  droite, 
mais  aussi,  dans  le  cas  d'ignorance  invincible,  une  conscience  erronée, 
parce  que  nous  devons  toujours  faire  ce  que  nous  croyons  bon  et  éviter 
ce  que  nous  croyons  mauvais. 

II.  —  On  ne  doit  pas  agir  d'après  une  conscience  vincihlement  erronée, 
car,  de  même  que  l'erreur  volontaire  est  coupable,  les  conséquences  de 
l'erreur  le  sont  aussi.  Alors  on  est  tenu  d'éviter  l'erreur  et  de  redresser 
ainsi  sa  conscience. 

III.  —  On  ne  peut  agir  avec  une  conscience  douteuse.  Celui  qui 
accomplit  ou  omet  une  action,  bien  qu'il  doute  s'il  est  légitime  ou  non 
de  l'accomplir  ou  de  l'omettre,  s'expose  volontairement  au  danger  de 
mal  faire.  Cette  disposition  est  évidemment  mauvaise,  puisqu'elle 
implique  l'acceptation  d'un  mal  possible.  Que  faire  alors  ?  Ou  ne  pas 
agir  si  on  le  peut  ;  ou  sortir  du  doute.  —  Comment  ?  En  prenant  conseil, 
si  c'est  possible.  Si  le  conseil  est  impossible  et  s'il  y  a  nécessité  d'agir, 
il  faut  sortir  du  doute  et  se  former  une  conscience  pratiquement  certaine. 
Comment  ?  Au  moyen  du  Prohahilisme. 

D)  Probabilisme.  —  La  conscience,  d'abord  perplexe  en  présence 
d'une  obligation  probable  (c'est-à-dire  dont  l'existence  n'est  pas  démon- 
trée), acquiert  la  certitude  pratique  en  vertu  de  ce  principe  qu'une  loi 
douteuse  n'oblige  pas  :  Lex  duhia  non  obligat.  Telle  est  la  doctrine 
morale   du    Probabilisme. 

Les  moralistes  catholiques  sont  unanimes  à  admettre  Je  principe 
sur  lequel  est  fondé  le  Probabilisme.  Il  est  manifeste  en  effet  qu'une 
loi,  qui  n'est  pas  suffisamment  promulguée,  n'oblige  pas.  Or  une  loi, 
dont  l'existence  est  révoquée  en  doute  par  des  raisons  d'une  sérieuse 
probabilité,  n'est  pas  suffisamment  promulguée  (^). 


(I)  (  f.  SUAKEZ,  Ue  Bonitale  et  Malilia  humanorum  Actuum,  Dispul.  xii,  Sect.  v  et  vi. 


(15)  DEGRÉS,    ÉDUCATION    ET    RÈGLES    DE    LA    CONSCIENCE  35 

Mais  l'accord  cesse  quand  il  s'agit  de  déterminer  quel  degré  d'incer- 
titude dans  l'existence  ou  l'application  de  la  loi  esjb  nécessaire  pour  qu'on 
puisse  regarder  l'obligation  comme  moralement  douteuse  et,  consé- 
quemment,  laisser  à  l'homme  sa  liberté  d'action  :  vg.  accepter  ou  refuser 
un  legs  sur  la  foi  d'un  testament  dont  la  validité  est  probable.  Voici 
les  solutions  diverses  : 

§  A.  ^ —  Solutions  extrêmes  et  insoutenables  : 

1°  TuTiORiSME  (de  Tiitior,  plus  sûr)-:  on  doit  toujours  suivre  l'opinion 
plus  sûre,  c'est-à-dire  celle  qui  favorise  la  loi,  à  moins  que  l'opinion 
opposée  ne  soit  certaine. 

2o  Laxisme  (de  Laxus,  large)  :  on  peut  suivre  l'opinion  moins  sûre, 
pourvu  qu'elle  ait  quelque  probabilité. 

Ces  deux  opinions  ont  été  condamnées,  la  première,  par 
Alexandre  VIII,  parce  qu'elle  est  d'un  rigorisme  outré  ;  la  seconde, 
par  Innocent  XI,  parce  qu'elle  favorise  la  licence. 

§  B.  —  Solutions  modérées  et  soutenables  :  elles  diffèrent  dans  la 
mesure  dont  elles  jugent  bon  d'appliquer  le  principe  fondamental  : 

10  Probabiliorisme  :  on  doit  suivre  le  parti  plus  sûr,  c'est-à-dire 
favorable  à  la  loi,  à  moins  que  le  parti  moins  sûr,  c'est-à-dire  favorable 
à  la  liberté,  ne  soit  plus  probable. 

2°  Équiprobabilisme  :  on  doit  suivre  le  parti  plus  sûr,  à  moins 
que  le  parti  favorable  à  la  liberté  ne  soit  d'une  probabilité  égale. 

30  Probabilisme  :  on  n'est  pas  tenu  de  suivre  le  parti  plus  sûr, 
quand  le  parti  favorable  à  la  liberté  est  vraiment  et  solidement  probable. 

Nous  adoptons  cette  troisième  opinion,  parce  que  seule  elle  applique 
logiquement  le  principe  fondamental.  En  effet,  aucun  des  deux  partis 
en  présence  n'étant  certain,  il  n'y  a  pas,  même  dans  la  probabilité  la 
plus  haute,  une  raison  suffisante  pour  constituer  une  obligation  de 
conscience,  car  c'est  à  la  certitude  seule  que  l'obligation  est  attachée  : 
autrement  l'incertain  produirait  le  certain,  ce  qui  répugne,  puisque, 
dans  ce  cas,  la  conclusion  dépasserait  les  prémisses.  Reste  donc  qu'on 
peut,  pour  agir,  se  contenter  d'une  probabilité  sérteuse,  et  conséquemment 
qu'on  n'est  pas  tenu  de  recourir  au  Probabiliorisme,  ni  à  V Équipro- 
babilisme. 

Remarques  :  I.  —  On  peut  donc  agir  d'après  l'opinion  moins  pro- 
bable, mais  il  est  mieux  de  suivre  l'opinion  plus  probable  :  ce  n'est 
pas  une  question  d'obligation,  mais  de  perfection,  parce  que  l'opinion 
plus  probable  est  plus  sûre,  étant  plus  favorable  à  la.loi. 

II.  —  Il  est  des  cas  où  le  Probabilisme  n'est  pas  de  mise,  c'est-à-dire 
où  l'on  doit  suivre  le  parti  le  plus  probable  :  c'est  quand  il  s'agit  d'une 
fin  qu'on  est  obligé  d'atteindre  ou  quand  la  loi  ordonne  de  prendre  les 
moyens  les  plus  sûrs  pour  arriver  au  but  :  vg.  entre  deux  bons  remèdes 
le  médecin  est  tenu  de  prescrire  le  meilleur,  parce  que  le  malade  a  un 


36  DEGRÉS,    ÉDUCATION    ET    RÈGLES    DE    LA    CONSCIENCE  (15) 

droit  certain  à  être  traité  de  la  façon  la  plus  efficace  pour  obtenir  la 
guérison. 

III.  —  On  ne  peut,  dans  le  même  acte,  user  de  deux  opinions  probables 
contradictoires,  car  alors  il  est  certain  que  l'un  des  deux  partis  simul- 
tanément pris  violerait  la  loi.  Exemple  :  Je  ne  puis  accepter  un  héritage 
sur  la  foi  d'un  testament  probablement  valide,  et  en  même  temps  me 
dérober  aux  charges  qu'il  impose,  pour  ce  motif  que  sa  validité  n'est 
pas  certaine  (^). 


Cl  .lANET,  La  morale,  L.  III,  Cli.  m.  —  U.  Maynard,  Pascal,  II»  P.,  Ch.  ii,  §  9.  — 
J.  BniTRAND,  Biaise  Pascal,  p.  199  et  sq.  —  Le  Bachelet,  La  question  liguorienne  :  Proba- 
bUieme  el  Equiprobabilisme.  —  Lehmkuhl,  Theologia  moralis,  T.  I,  Theologia  moralis  spe- 
cialis,  Traclatu  II.  Sect.  II,  C.  ii,  Art.  II,  p.  98,  §  156  sqq.  Fribourg-en-Brisgau,  1910". 
—  J.  BnuCKEn.  dansÉTUDES,  1902,  T.  II,  p.  831  sqq.  ;  1903,  T.  IV,  p.  561  sqq.  —  Ballerini 
et  Palmieri,  Opue  Iheologicum  morale,  T.  I,  p.  159  sqq.,  §  71  sqq.,  Rome,  1889. 


CHAPITRE    II 
LE  DEVOIR  ET  LA  LOI  MORALE 

16.  —  LE  DEVOIR  ET  L'OBLIGATION  MORALE 

On  confond  souvent  ces  trois  choses  :  le  devoir,  V obligation  et  la 
loi  morale.  La  précision  exige  qu'on  les  distingue. 

I.  —  Devoir  et  loi  morale  :  la  loi  est  une  règle  d'action  ;  le  devoir  est 
l'obligation  de  faire  le  bien.  La  loi  est  l'expression,  la  formule  impé- 
rative  de  cette  obligation  ;  le  devoir  est  la  nécessité  imposée  par  la 
loi. 

II.  —  Devoir  et  obligation  morale  :  le  devoir  implique  une  idée 
purement  rationnelle  :  c'est  l'idée  de  ce  qui  doit  être  fait,  l'idée  d'une 
fin  meilleure  que  toutes  les  autres,  non  seulement  pour  nous,  mais  en 
soi,  l'idée  d'un  bien  obligatoire.  —  L'obligation  est  le  sentiment  de 
contrainte  respectueuse  qui  accompagne  l'idée  du  devoir.  C'est  une 
contrainte  morale  et  non  physique  (20)  exercée  par  l'idée  du  devoir  sur 
notre  volonté  et  les  penchants  de  la  sensibilité.  Mais  pratiquement  on 
emploie  ces  deux  mots  devoir,  obligation   l'un  pour  l'autre. 

17. —LA  LOI  (1) 

§  I.  —  DÉFINITION  GÉNÉRALE 

La  loi,  en  général,  c'est  une  règle  constante,  d'après  laquelle  s'accom- 
plit ou  doit  s'accomplir  un  ordre  de  choses.  C'est  l'acte  d'une  autorité 
qui  domine  ;  c'est  la  volonté  d'un  supérieur  naturel  qui  s'impose  à  son 
inférieur  pour  le  maintenir  dans  des  conditions  déterminées  et  lui  imprime 
une  nécessité,  qui  est  une  fatalité  inévitable  pour  les  êtres  inintelligents, 


(M  S.  Thomas,  Summa  theologica,  I»,  II»"',  Quaest.  XC-XCVII.  —  Suarez,  De  Legibua. 
—  InstiiiUes  du  droit  naturel,  par  M.  B.,  T.  I,  L.  IV.  —  Bautain,  Philosophie  des  lois.  — 
R.  CuMBERLAND,  Traité  philosophique  des  lois  naturelles.  Traduction  de  Barbeyrac,  Ams- 
terdam, 1744. 


38  DE    LA    LOI  (17) 

une  obligation  pour  les  êtres  libres.  *<  Les  lois,  dans  la  signification  la 
plus  étendue,  sont  les  rapports  nécessaires  qui  dérivent  de  la  nature 
des  choses  :  et  dans  ce  sens  tous  les  êtres  ont  leurs  lois  (^).  « 

§  n.  —  DIVISION 

A)   La   loi  physique  et  la  loi    morale  :  I.  —  Les  lois  physiques 

(lois  des  phénomènes  astronomiques,  physiques,  chimiques,  biologiques) 
DU  lois  de  la  nature  {^)  sont  les  rapports  constants  et  généraux  qui 
lient  entre  eux  les  phénomènes  naturels  ;  c'est  la  façon  constante  dont 
s'accomplit  un  ordre  de  choses  :  vg.  lois  de  l'attraction,  de  la  pesanteur, 
de  la  chaleur. 

a)  Ces  lois  sont  indicatives  et  non  impératives  ;  ce  sont  des  formules 
et  non  des  commandements  ;  elles  énoncent  non  ce  qui  doit  se  faire, 
mais  ce  qui  se  fait  nécessairement  :  bref,  elles  sont  fatales,  parce  qu'elles 
s'appliquent  aux  êtres  matériels  et  inintelligents. 

b)  Leur  nécessité  n'est  pas  absolue,  mais  relative  (  ^),  conditionnelle  ; 
elles  n'ont  qu'une  nécessité  de  fait.  En  droit,  elles  sont  contingentes  {*) 
car  elles  ont  une  valeur  relative  à  la  nature  de  notre  monde  :  on  conçoit 
comme  possible  l'existence  d'un  monde  régi  par  d'autres  lois.  En  outre, 
leur  application  est  toujours  conditionnelle  :  si  les  circonstances  restent 
les  mêmes,  telle  cause  produira  tel  effet  :  elles  sont  donc  hypothétiques, 
non  catégoriques  (Ps.  164). 

c)  Ne  s'adressant  à  des  êtres  ni  intelligents,  ni  libres,  elles  n'ont 
pas  besoin  d'être  connues  ni  consenties  pour  être  observées  ;  elles  le 
sont  de  fait  partout  et  toujours,  quand  les  circonstances  requises  sont 
réalisées. 

d)  Les  lois  physiques  se  découvrent  par  la  raison  théorique  au 
moyen  de  l'observation,  de  l'expérimentation  et  de  l'induction  (Log. 
L.  II,  Ch.  IV). 

e)  Elles  servent  à  expliquer,  à  prévoir,  à  susciter  les  phénomènes 
et  conséquemment  à  maîtriser  la  nature.  (Log.  73,  §  II). 

/)  De  leur  observation  résulte  l'ordre  et  l'harmonie  de  l'univers. 
IL  —   La   loi   morale  s'applique  aux    êtres  intelligents  et*  libres  :' 
c'est  la  règle  à  laquelle  l'être  raisonnable  doit  conformer  sa  conduite. 


(')  Montesquieu,  De  l'espril  des  lois,  L.  I,  Ch.  i. 

(  M  É.  BouTHOUx,  De  l'idée  de  la  loi  nalurelle  dans  la  science  et  la  philosophie  contempo- 
raines, Paris,  1895. 

( ')  La  d(''nnitiun  donnée  par  Monlesquieu  :  «  Les  lois  sont  les  rapports  nécessaires  qui 
dérivent  de  la  nature  des  choses  »,  doit  s'entendre  d'une  nécessité  relative  quand  on  l'applique 
aux  lois  de  la  nature  ou  lois  physiques  ;  d'une  nécessité  absolue,  s'il  s'agit  de  la  loi  naturelle 
ou   loi   morale. 

(  ')  É.  BoiTnorx,  De  lu  contingence  des  lois  de  la  nature,   Paris,   1874  ;   1913'. 


(17)  DE    LA    LOI  39 

a)  Elle  n'est  pas  seulement  indicative,  mais  impérative  ;  c'est  une 
loi  pratique,  un  commandement,  non  une  simple  formule.  Elle  oblige 
absolument,  mais  l'obligation  est  une  contrainte  morale  et  non  physique. 

b)  Sa  nécessité  est  absolue,  inconditionnelle.  Son  commandement 
est  un  impératif  catégorique  (20).  C'est  une  nécessité  de  droit,  indépen- 
dante de  toute  hypothèse,  valable  pour  tous  les  êtres  raisonnables  qui 
doivent  l'observer. 

c)  Mais  s'adressant  à  des  êtres  intelligents  et  libres,  elle  peut  être 
et  elle  est,  en  fait,  transgressée. 

d)  La  loi  morale  est  connue  par  la  conscience  ou  raison  pratique. 

e)  Elle  sert  à  régler  la  vie  morale  de  l'humanité. 

/)  Elle  a  pour  conséquences  le  mérite  ou  le  démérite,  la  vertu  ou  le 
vice,  la  récompense  ou  le  châtiment  (Ch.  iv).  L'ordre  et  l'harmonie 
du  monde  moral  résultent  de  son  observation  ;  c'est  le  bon  ou  mauvais 
usage  de  la  liberté  qui  contribue  à  rendre  ce  monde  plus  ou  moins 
parfait.  (Cf.  Métaphys.,  L.  II,  Ch.  m,  Art.  III,  Sect.  III). 

B)  Loi  éternelle  ou  loi  morale  :  son  fondement  est  en  Dieu; 
l'ordre  essentiel  des  choses  n'est  qu'une  imitation  plus  ou  moins 
parfaite  de  ses  perfections  (18  ;  46).  Dieu  ne  peut  pas  ne  pas  vouloir 
l'observation  de  cet  ordre  essentiel,  car  ce  serait  se  renier  lui-même. 
Cette  volonté  éclairée  de  Dieu,  ordonnant  la  conservation  de  l'ordre 
naturel  des  choses  et  défendant  de  le  troubler,  c'est  la  loi  éternelle  : 
en  tant  qu'elle  se  manifeste  à  nous  par  la  conscience,  on  l'appelle  loi 
naturelle  (^)  ou  loi  morale. 

C)  Lois  positives  :  lois  qui  dépetident  de  la  volonté  du  législateur 
soit  divin,  soit  humain  et  par  conséquent  exigent  son  intervention 
positive.  Les  prescriptions  de  la  loi  naturelle,  qui  nous  sont  manifestées 
par  la  conscience,  ont  besoin  d'être  complétées,  précisées,  appliquées 
aux  cas  particuliers.  Ce  complément  peut  être  donné  soit  par  Dieu 
lui-même,  s'il  lui  plait  de  révéler  ses  intentions  à  ce  sujet  d'une  façon 
explicite  (nous,  chrétiens,  nous  savons  qu'il  l'a  fait  ;  vg.  par  la  promul- 
gation du  Décalogue  et  par  son  Fils  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  dans 
l'Évangile)  ;  soit  par  une  autorité  qu'il  délègue  ;  cette  autorité  peut  être 
celle  de  la  Société  religieuse  (l'Église)  ou  celle  de  la  Société  civile.  C'est 
ainsi  que  la  loi  positive  peut  être  divine  :  loi  primitive,  patriarcale, 
mosaïque,  chrétienne,  ou  humaine  :  loi  ecclésiastique,  loi  civile,  loi  politique. 

D)  Lois  civiles    :    lois    qui    émanent    de  l'autorité  sociale  en  vue 


(•)  CicÉRùN,  De  Legibus,  L.  II,  §  IV.  —  Il  a  tracé  de  la  loi  naturelle  une  magniQque 
description  dans  le  Pro  Milone,  §  IV  :  Est  igitur   hsec  non  scripta,  sed  nata  lex  ;  quant  non 
didicimus,  nccepimus,  legimus,  verum  ex  natura  ipsa  arripuimus.  hausinrius,  expressimu^  : 
'    ad  quam  non  docli,  sed  facli,  non  insiituti,  sed  imbuti  sumus.  —  S.  Thoma?.  Summa  théologien, 
I»,  II-'S  Quaest.  XCI,  XCIII,  XCIV. 


40  DE    LA    LOI  (17) 

d'assurer  aux  citoyens  la  jouissance  de  leurs  droits  naturels.  Saint  Thomas 
la  définit  :  Quœdam  rationis  ordinatio  ad  bonum  commune,  et  ab  eo, 
qui  curam  communitatis  habet,  promulgata  {^).  C'est  une  ordonnance 
conforme  à  la  raison,  faite  en  vue  du  bien  commun  et  promulguée  par 
celui  qui  est  chargé  du  gouvernement  de  la  société.  Les  qualités  d'une 
loi  obligatoire  sont  : 

I.  —  La  justice  ou  équité  :  la  loi  civile  doit  être  dictée  par  la  raison, 
être  conforme  à  la  loi  naturelle,  à  l'ordre  essentiel  des  choses.  Une  loi 
n'est  donc  légitime  qu'autant  qu'elle  s'accorde  avec  la  loi  morale,  avec 
la  justice  éternelle.  Les  Anciens  l'avaient  bien  compris  quand  ils  parlent 
de  «  lois  immuables  et  non  écrites,  portées  par  la  divinité  ;  lois  qui  ne 
sont  ni  d'aujourd'hui  ni  d'hier,  mais  éternelles  »  {^). 

Les  Légistes  ont  mis  en  honneur  un  autre  principe  emprunté  aux 
jurisconsultes  romains  :  Quidquid  principi  plaçait  legis  habet  vigorem. 
«  Si  veut  le  roi,  si  veut  la  loi  ».  Comme  depuis  la  Révolution  le  souverain 
c'est  le  peuple,  on  a  défini  la  loi  :  «  L'expression  de  la  volonté  générale  »  (  '). 
C'est  ce  que  l'on  nomme  l'esprit  de  légalité.  C'est  la  loi,  donc  c'est  juste, 
donc  c'est  obligatoire.  C'est  là  une  maxime  tyrannique  et  immorale  : 
que  la  loi  émane  du  bon  plaisir  d'un  roi  ou  de  la  volonté  d'un  peuple, 
elle  n'est  légitime  que  si  elle  est  en  harmonie  avec  la  loi  naturelle,  la  loi 
morale,  antérieure  et  supérieure  (*)  à  toutes  les  lois  positives. 

II.  —  La  conformité  avec  le  bien  public  :  si  elle  favorise  un  intérêt 
particulier  au  détriment  du  bien  général,  il  est  clair  que  c'est  un  désordre 
et  une  injustice,  car  toute  la  raison  d'être  de  la  loi  est  de  procurer  le 
bien  com.mun  de  la  société.  Cela  ne  veut  pas  dire  que  tout  privilège  soit 
illégitime,  parce  qu'il  peut  se  faire  qu'une  faveur  accordée  à  certaines 
catégories  de  citoyens  contribue  au  bien  général  :  vg.  loi  qui  dispensait 
du  service  militaire  ceux  qui  s'engageaient  à  enseigner  pendant  dix  ans, 

III  —  Notification  authentique  :  pour  être  obligatoire  une  loi  doit 
être  connue  ;  pour  être  connue  elle  doit  être  promulguée  par  l'autorité 
compétente  (47,   §  C). 

Loi  naturelle  et  lois  civiles  :  bien  que  les  lois  civiles  doivent 
être  conformes  à  la  loi  naturelle,  elles  en  diffèrent  cependant.  La  loi 
morale  est  immuable,  universelle,  absolue.  —  Les  lois  civiles,  tout  en  ayant 
une  certaine  stabilité;  sont  variables,  plus  ou  moins  générales,  relatives. 


(')  s.  Thomas,  iiumma  theologica,  I»,  II»',  Q.  XC,  .\rt.  4.  Cf.  Q.  XCV,  XCVI,  XCVII 

(  »)  Sophocle,  Antigone,  v.  AbQ  sqq. 

(  •)  Déclaration  des  droits  de  l'homme,  Art.  6. 

(  *)  Montesquieu  le  reconnaît  :  »  Dire  qu'il  n'y  a  rien  de  juste  ni  d'injuste  que  ce  qu'or-'^ 
donnent  ou  dt'îfendent  les  lois  positives,  c'est  dire  qu'avant  qu'on  eût  tracé  de  cercle,  tous 
les  rayons  n'f^laient  pas  égaux  »  {Esprit  des  Lois,  L.  I,  ch.  i).  —  Aristote,  Morale  à  Nico- 
mnque,  L.  V,  Cil.  vu.  Cf.  L.  V,  Ch.  i.  —  A.  Coquille,  Les  Légistes  et  leur  influence.  Le 
'isariame.  —  Bardoux,  Les  Légistes. 


1 


(18)  ORDRE    HIÉRARCHIQUE    DES    LOIS  41 

C'est  que  :  a)  elles  sont  faites  par  des  hommes.  Elles  dépendent  donc 
de  la  volonté  plus  ou  moins  changeante,  faillible,  tyrannique,  de  celui 
qui  les  porte.  Étant  des  œuvres  humaines,  elles  sont  toujours,  malgré 

\  les  meilleures  intentions,  plus  ou  moins  artificielles  et  imparfaites. 

''  h)  Elles  sont  faites  pour  des  hommes  ;  elles  doivent  donc  varier  avec 
les  circonstances  de  temps,  de  lieux  et  de  personnes.  —  La  loi  naturelle 
a  au  contraire  Dieu  pour  auteur  et,  bien  que  faite  pour  les  hommes, 
elle  convient  à  tous  les  temps  et  à  tous  les  peuples. 

E)  Lois  politiques  :  lois  qui  déterminent  la  forme  du  pouvoir 
social  et  la  participation  des  citoyens  au  gouvernement.  Elles  doivent 
garantir  aux  citoyens  la  jouissance  de  leurs  droits,  et  avoir  les  mêmes 
qualités  que  les  lois  civiles  (107). 


18.  —  ORDRE  HIERARCHIQUE  DES  LOIS 

f  I,  —  Ordre  essentiel  des  choses  :  en  remontant  aussi  haut  que 
possible  dans  la  série  logique  des  choses,  nous  trouvons,  avant  tout. 
Vessence  de  Dieu,  Dieu  lui-même.  —  Après  l'essence  de  Dieu  viennent 
les  essences  des  êtres  possibles  hors  de  Dieu.  Leur  possibilité  se  fonde  sur 
leurs  rapports  de  similitude  avec  l'essence  divine,  dont  ils  ne  sont  que 
des  imitations  plus  ou  moins  parfaites.  —  Après  les  essences  des  êtres 

'  distincts  de  Dieu,  on  conçoit  leurs  relations  invariables  découlant  de 
leurs  essences  mêmes.  L'ensemble  de  ces  relations,  dérivant  de  l'essence 
même  des  êtres,  constitue  Vordre  essentiel,  l'ordre  fondé  sur  la  nature 
des  choses,  comme  la  nature  des  choses  est  fondée  sur  la  nature  même 
de  Dieu. 

II.  —  Loi  éternelle  :  cet  ordre  essentiel.  Dieu  le  voit,  car  il  est 
;  vrai  ;  Dieu  le  veut,  car  il  est  bon.  En  tant  que  vu  et  voulu  par  Dieu, 
j  en  tant  qu'imposé  à  tout  être,  cet  ordre  devient  loi  :  c'est  la  loi  éternelle. 
:  éternelle  comme  la  pensée,  le  vouloir  et  l'essence  même  de  Dieu.  Saint 
j   Augustin  la  définit  :  Ratio  divina  vel  voluntas  Dei  ordinem  naturalem 

conservari  jubens  et  perturbari  vetans  (^).  C'est  la  raison  ou  la  volonté 
divine  prescrivant  de  suivre  l'ordre  naturel  et  défendant  de  le  troubler. 

III.  —  Loi  naturelle  :  cet  ordre  essentiel  des  choses,  cette  loi 
éternelle,  en  tant  qu'ils  se  manifestent  et  s'imposent  à  la  conscience 
morale,  constituent  la  loi  naturelle  ou  loi  morale.  On  voit  donc  que  la 
loi  morale  a  pour  fondement  immédiat  la  nature  raisonnable  de  l'homme, 
et  pour  fondement  dernier  la  nature  même  de  Dieu  sur  laquelle  reposent, 
en  définitive,  toutes  les  essences  (46,  §  B). 


(M  S.  Augustin,  Contra  Faustum,  L.  XXII,  C.xxvit.  Cf.  De  Libero  Arbitrio.L.  I,C.vi. 


42  EXISTENCE    DE    LA    LOI    MORALE    ET    DU    DEVOIR  (19) 

JV  —  Loi  positive  :  toute  autre  loi,  rffVme,  ecclésiastique,  civile 
ou  politique,  n'est  qaune  application  autorisée  de  la  loi  éternelle  de 
l'ordre  essentiel,  une  application  fondée  sur  les  relations  normales  des 
êtres.  Ces  relations  à  leur  tour  reposent  sur  l'essence  des  êtres  et  1  essence 
des  êtres  a  pour  type  et  raison  suprême  l'essence  même  de  Dieu.  Amsi 
toute  loi  positive,  en  dernière  analyse,  est  fondée  sur  la  nature  des  choses 
et  par  elle  sur  la  nature  même  de  Dieu. 

Remarque  :  la  loi  éternelle  et  la  loi  naturelle  ou  morale  ne  sont  pas 
des  lois  différentes.  C'est  une  seule  et  même  loi,  qui  s'appelle  loi  éternelle 
en  tant  qu'elle  existe  dans  l'intelligence  divine  ;^  loi  naturelle  en  tant 
qu'elle  est  connue  par  la  conscience  morale  de  l'homme. 

19.  —  EXISTENCE  DE  LA  LOI  MORALE  ET  DU  DEVOIR 

Elle  peut  être    prouvée  a  priori  et  a  posteriori. 

§  I.  —  PREUVE  A  PRIORI  OU  RATIONNELLE 

La  loi  morale  est  exigée  par  la  liberté  :  il  doit  y  avoir  une  loi  morale, 
une  loi  régissant  les  volontés  et  les  actes  libres,  imposant  l'observation 
d'un  ordre  constant  d'après  lequel  ces  actes  doivent  être  accomplis. 
En  effet,  tous  les  êtres  de  l'univers  sont  soumis  à  des  lois  conformes 
à  leur  nature  :  la  matière  a  des  lois  mécaniques,  la  plante  et  l'animal 
ont  des  lois  organiques.  Par  ces  lois,  qui  dérivent  de  leur  essence,  les 
êtres  réalisent  la  fm  que  Dieu  leur  a  assignée.  Ne  serait-il  pas  étrange 
de  supposer  que  les  créatures  intelligentes  et  libres  demeurassent  seules 
en  deliors  de  toute  loi  ?  que  la  force  la  plus  noble  du  monde,  la  volonté, 
n'eût  pas  de  fm  à  réaliser  ?  Il  est  donc  impossible  que  Dieu  ait  créé 
l'homme  avec  la  liberté  sans  lui  donner  une  fin  conforme  à  sa  nature 
et  sans  lui  imposer  une  loi  qui  l'y  conduise.  Autrement,  à  quoi  bon  la 
liberté  ?  Ce  serait  une  force  inutile  et  sans  objet.  C'est  pourquoi  Mon- 
tesquieu a  pu  dire  :  «  Tous  les  êtres  ont  leurs  lois  ;  la  divinité  a  ses  lois, 
le  monde  matériel  a  ses  lois,  les  intelligences  supérieures  à  l'homme 
ont  leurs  lois,  les  bêtes  ont  leurs  lois,  l'homme  a  ses  lois  {^).  >  Seulement, 
tandis  que  les  êtres  inférieurs  à  l'homme  sont  régis  par  des  lois  contrai- 
gnantes, la  loi  qui  gouverne  la  liberté  est  simplement  obligatoire. 

§  II.  —  PREUVE  A  POSTERIORI  OU  EXPÉRIMENTALE 

A)  Par  la  conscience  individuelle  :  l'existence  de  la  loi  morale 
et  du  devoir  ressort  en  clfct  de  l'analyse  des  jugements  et  des  sentiments 
moraux  (0)  : 


(  ')  Montesquieu,  De  l'espril  des  lois,  L.  I,  Ch.  i. 


(19)  EXISTENCE    DE    LA    LOI    MORALE    ET    DU    DEVOIR  43 

I.  —  En  face  de  toute  action  mauvaise,  contraire  à  notre  nature 
raisonnable,  nous  nous  sentons  obligés  de  l'éviter,  de  même  qu'en 
présence  de  certaines  actions  bonnes  nous  nous  reconnaissons 
obligés  à  les  faire,  de  telle  sorte  que  la  simple  abstention  serait  un 
mal. 

II.  —  Cette  loi  de  la  conscience,  dans  les  cas  importants  et  clairs, 
est  tellement  impérative  que  ni  les  passions,  ni  les  sophismes  ne  peuvent 
l'obscurcir. 

III.  —  Pour  nous  prononcer  sur  une  obligation,  nous  ne  faisons  aucune 
attention  aux  conséquences  heureuses  ou  malheureuses  que  l'action 
peut  entraîner  ;  nous  nous  disons  :  Fais  ce  que  dois,  advienne  que  pourra. 

IV.  —  Après  l'action,  si  elle  a  été  mauvaise,  nait  le  remords  ;  si  elle 
a  été  bonne,  la  satisfaction  morale. 

V.  —  Chacun  croit  au  mérite  de  toute  bonne  action  et  au  démérite 
de  toute  action  coupable. 

VI.  —  Ceux-mêmes  qui,  dans  leurs  paroles  ou  écrits,  traitent  la 
moralité  de  préjugé,  ne  laissent  pas  de  montrer  qu'au  fond  ils  y  croient, 
car  il  y  a  des  vices  dont  ils  se  défendent  et  des  vertus  dont  ils  se  font 
un  mérite.  — ■  Or  tous  ces  faits  incontestables  n'auraient  pas  de  sens  si 
la  loi  morale  et  le  devoir  n'existaient  pas  :  ce  serait  des  effets  sans 
cause. 

B)  Par  la  conscience  universelle  :  le  setis  commun  moral  confirme 
le  témoignage  de  la  conscience  individuelle.  Partout  et  toujours  on  a 
distingué  le  bien  du  mal,  on  a  admis  que  les  hommes  doivent  faire 
certaines  choses  et  qu'ils  doivent  en  éviter  d'autres,  c'est-à-dire  qu'on 
a  cru  que  la  volonté  ne  relève  pas  de  ses  caprices,  mais  qu'elle  est  gou- 
vernée par  une  loi.  Tout  le  prouve  :  les  langues  qui  ont  des  mots  diffé- 
rents pour  exprimer  le  bien  et  le  mal,  le  vice  et  la  vertu  :  —  les  écrits  des 
littérateurs,  des  historiens,  des  philosophes  qui  supposent  l'existence 
d'une  loi  supérieure,  d'après  laquelle  on  doit  juger  de  l'usage  que  l'homme 
fait  de  sa  liberté  ;  —  les  lois  civiles,  les  tribunaux,  les  institutions  qui 
supposent  également  une  loi  morale  (12). 

Or  cette  conviction  n'a  pu  provenir  ni  de  l'influence  des  passions 
intéressées  à  supprimer  la  loi  morale  ;  —  ni  de  l'ignorance,  car  cette 
conviction  est  plus  précise  chez  les  peuples  cultivés  ;  —  ni  de  l'influence 
des  législateurs,  parce  qu'ils  seraient  impuissants  à  imposer  un  joug 
aussi  gênant  pour  les  passions  et  parce  que  l'on  juge  de  la  valeur  de  leurs 
lois  par  comparaison  avec  la  loi  morale  ;  —  ni  de  l'éducation  ou  des 
préjugés,  car  ils  varient  avec  les  temps,  lieux  et  personnes,  tandis  que 
la  nature  de  la  loi  morale  est  universelle  et  absolue.  Cette  conviction 
doit  donc  avoir  sa  raison  d^ètre  dans  l'évidence  même  de  l'existence  de 
la  loi  morale,  manifestée  par  la  conscience  ;  autrement,  ce  serait  un 
phénomène  sans  cause. 


44  CARACTÈRES    DE    LA    LOI    MORALE    ET    DU    DEVOIR  (20) 


20.  —  CARACTÈRES  DE  LA  LOI  MORALE  ET  DU  DEVOIR 

L'existence  de  la  loi  morale  nous  a  été  manifestée  par  un  ensemble 
d'idées  et  de  sentiments  qui  constituent  la  conscience  morale.  Si  ces 
idées  et  ces  sentiments  sont  la  conséquence  nécessaire  de  la  loi  morale, 
cette  loi  doit  avoir  des  caractères  tels  qu'ils  expliquent  ces  idées  et  ces 
sentiments.  Comme  l'union  entre  la  loi  morale  et  le  devoir  est  très  étroite, 
on  pourra  appliquer  au  devoir  les  caractères  qui  conviennent  à  la  loi 
morale.  —  La  loi  morale  est  : 

L  —  Obligatoire  :  la  loi  de  la  volonté  libre  doit  tout  à  la  fois  res- 
pecter la  liberté  et  lui  commander.  Elle  ne  doit  donc  pas  imposer  une 
nécessité  physique,  comme  les  lois  du  monde  matériel,  aux  phéno- 
mènes qu'elles  déterminent,  mais  une  nécessité  ou  contrainte  morale. 
On  a  toujours  le  pouvoir  de  l'enfreindre,  mais,  en  l'enfreignant,-  on  recon- 
naît qu'on  n'en  avait  pas  le  droit.  Ce  caractère,  qui  tient  le  milieu  entre 
la  nécessité  inéluctable  des  lois  physiques  et  l'autorité  négligeable  d'un 
conseil,  s'appelle  l'obligation,  ou,  comme  dit  Kant,  un  impératif  {^). 
On  est  tenu,  mais  on  n'est  pas  forcé  d'obéir. 

IL  —  Absolue,  se  suffisant  à  elle-même,  indépendante  de  toute 
condition;  c'est-à-dire  qu'elle  doit  être  une  «  fin  en  soi  »  (Kant),  une 
fin  dernière.  La  loi  morale  doit  en  effet  être  la  règle  dernière  et  suprême 
de  notre  activité  raisonnable,  car  si  elle  n'était  qu'un  moyen  pour  obtenir 
un  autre  bien,  c'est  cet  autre  bien  qui  serait  la  règle  véritable  et  par 
conséquent  la  loi  morale  elle-même.  Kant  exprime  la  même  idée  en 
disant  que  la  loi  morale  est  un  impératif  catégorique  et  non  un  impé- 
ratif hypothétique.  L'impératif  hypothétique  est  un  commandement 
conditionnel  ;  mais  l'accomplissement  de  la  condition  est  facultatif, 
vg.  telles  sont  les  règles  de  l'intérêt  personnel.  L'Économie  politique 
dit  :  Fais  ceci  si  tu  veux  devenir  riche.  Cet  impératif  n'exprime  que  la 
nécessité  relative  de  prendre  les  moyens  si  l'on  veut  la  fin.  Pour  s'y 
soustraire,  il  suffit  de  renoncer  à  la  fin  :  Je  ne  veux  pas  m'enrichir.  — 
L'impératif  catégorique,  c'est  un  commandement  inconditionnel.  11 
exprime  une  nécessité  absolue,  indépendante  de  toute  condition.  On  n'a 
donc  pas  le  droit  de  s'en  affranchir  ;  tel  est  le  caractère  de  la  loi  morale. 
La  loi  morale  vaut  par  elle-même.  Kant  en  a  déduit  cette  définition  du 
devoir  :  c'est  la  nécessité  morale  d'obéir  à  la  loi  par  respect  pour  la  loi 
elle-même.  11  faut  donc  exclure  de  la  notion  du  devoir  toute  idée  étran- 
gère à  la  loi  morale. 


(  ')   Kant,   Critique  de  la  raison  pratique.  Fondements  de  la  métaphysique  des  mœurs. 


(20)         CARACTÈRES  DE  LA  LOI  MORALE  ET  DU  DEVOIR         45 

III.  —  Universelle,  c'est-à-dire  la  même  pour  tous  les  hommes, 
dans  tous  les  temps  et  dans  tous  les  lieux.  Cette  universalité,  fondée 
sur  l'identité  de  la  nature  humaine,  est  un  corollaire  du  caractère  précé- 
dent :  si  la  loi  morale  est  absolue,  inconditionnelle,  elle  est  par  là  même 
indépendante  de  toute  condition  de  personnes,  de  temps  et  de  lieux. 
—  Kant  a  déduit  de  l'universalité,  qu'il  regarde  comme  le  caractère 
constitutif  de  la  loi  morale,  cette  règle  comme  critérium  du  bien  et 
du  mal  :  «  Agis  toujours  de  telle  sorte  que  tu  puisses  vouloir  que  la 
maxime  de  ton  action  devienne  une  loi  universelle.  »  En  efîet,  dit-il, 
la  volonté  du  mal  ne  peut  s'universaliser  :  le  voleur  veut  bien  voler  les 
autres,  mais  il  ne  veut  pas  l'être.  On  peut,  au  contraire,  vouloir  le  bien 
partout  et  toujours,  pour  soi  et  pour  les  autres.  C'est  le  fond  des  deux 
maximes  évangéliques  :  «  Ne  faites  pas  à  autrui  ce  que  vous  ne  voudriez 
pas  qu'on  vous  fit  à  vous-même.  Faites  à  autrui  ce  que  vous  voudriez 
qu'on  vous  fît  à  vous-même.  »  (42). 

IV.  —  Claire  :  sa  clarté  est  une  conséquence  de  son  universalité. 
Étant  faite  pour  tous,  elle  doit  être  à  la  portée  de  tous,  dans  ses  premiers 
principes  et  leurs  applications  immédiates. 

V.  —  Praticable  :  sa  possibilité  est  une  conséquence  de  l'obligation, 
car  à  l'impossible  nul  n'est  tenu. 

Conclusion  :  tels  sont  les  caractères  essentiels  de  la  loi  morale. 
Mais,  parmi  les  motifs  divers  qui  inspirent  nos  actions,  lequel  réunit 
ces  caractères  et  mérite  conséquemment  d'être  érigé  en  règle  suprême 
de  notre  activité  ?  Le  chapitre  suivant  donnera  la  réponse  à  cette 
question. 


CHAPITRE  III 
LE  SOUVERAIN  BIEN  (') 

21.  —  LES  MOTIFS  DES  ACTIONS  HUMAINES 

La  fin  de  l'activité  humaine,  le  motif  de  nos  actions,  c'est  le  bien. 
Mais  le  bien  se  présente  sous  des  formes  variées.  Chacun  poursuit  le 
bien  qu'il  croit  être  le  meilleur,  ce  qui  est  pour  lui  le  souverain  bien, 
Tc'Ào;  i- âecjv,  finis  bonorum  {^).  De  là  vient  qu'il  y  a  autant  de  systèmes 
de  morale  qu'il  y  a  eu  de  conceptions  diverses  du  souverain  bien.  Or  nous 
avons  constaté  en  Psychologie  que  nos  inclinations  tendent  à  une  triple 
fin  :  les  inclinations  personnelles  tendent  au  bien  individuel  ;  les  incli- 
nations sociales^  au  bien  altruiste  ;  les  inclinations  supérieures,  au  bien 
rationnel.  D'où  trois  grands  systèmes  de  morale  :  1^  Morale  égoïste 
ou  utilitaire  ;  —  2»  Morale  altruiste  ou  sentimentale  ;  —  ?fi  Morale 
rationnelle. 

Le  bien  personnel  se  manifeste  sous  la  forme  du  plaisir  ou  de  l'intérêt. 
Le  plaisir,  c'est  la  satisfaction  momentanée  d'une  de  nos  inclinations. 
L'intérêt  c'est  encore  le  plaisir,  non  le  plaisir  actuel,  sans  distinction, 
mais  le  plaisir  réfléchi,  calculé,  réparti  sur  toute  la  vie  :  c'est  la  recherche 
du  bonheur  personnel.  Et  le  bonheur  personnel  c'est  la  satisfaction 
de  l'ensemble  de  nos  inclinations.  • —  A  côté  des  inclinations  personnelles, 
iJ  y  a  les  inclinations  qui  nous  portent  vers  autrui  :  de  là  les  sentiments 
de  bienveillance,  de  sympathie,  d'amour  de  l'humanité.  —  Enfin  nous 
éprouvons  l'amour  du  bien  imiversel  sous  dilTérentes  formes,  le  respect 
de  la  loi  morale,  le  bonheur  rationnel,  l'amour  de  l'ordre  et  l'amour  de 
Dieu.  C'est  ainsi  que  tous  les  motifs  des  actions  humaines  se  ramènent 
à  quatre  :  au  plaisir,  à  l'intérêt,  au  sentiment,  au  bien  rationnel.  Mais, 
en  dernière  analyse,"  ces  divers  motifs  ne  sont  que  des  formes  du  bien  : 
le  plaisir  et  l'intérêt,  formes  du  bien  personnel  ;  le  sentiment  désintéressé, 
forme  du  bien  altruiste  ;  enfin  le  bien  rationnel,  forme  du  bien  universel. 
II  s'agit  de  déterminer  lequel  de  ces  biens  est  le  souverain  bien  et  par 
conséquent  doit  servir  de  principe  à  la  loi  morale  et  de  fin  à  l'activité 


(')  AmsTOTE,  Morale  à  Nicomaque,  L.  I.  —  Cicéron,  De  finibus  bonorum  et  malorum. 
—  SÉNÈQUE,  De  vila  beata.  —  L.  Lessius,  De  Summo  Bono.  —  Cousin,  Du  vrai,  du  beau 
et  du  bien.  —  P.  Janet,  La  Morale,  L.  I.  — J.  Second,  L'essence  de  la  morale,  Annales 
de  Philos,  chrâl.  mars  1895. —  Taparelli  d'Azeglio,  Essai  théorique  de  Droit  naturel, 
n.  1  sqq.  Traduction  française,  Paris,  1857,  T.  I,  p.  7  sqq. 

( ')  Ou,  connue  dit  Aristote,  la  fin  en  soi,  la  fin  suprême,  ro  TeXsto'xaTOv  {Morale 
à  Nicomaque,  L.  I,  Cli.  vu,  n.  3). 


n 


(21) 


TABLEAU  DES  DIVERS  SYSTEMES  DE  MORALE 


47 


humaine.  Car,  de  même  que  dans  l'ordre  intellectuel,  en  remontant  de 
raison  en  raison,  on  arrive  enfin  à  un  principe  premier,  évident  par 
lui-même  et  qui  éclaire  toutes  les  autres  vérités  ;  ainsi,  dans  l'ordre 
moral,  en  remontant  de  motif  en  motif,  on  parvient  nécessairement 
à  un  motif  suprême,  à  un  bien  absolu,  voulu  pour  lui-même,  qui  fait  la 
bonté  de  tous  les  actes  qu'il  inspire. 

TABLEAU  DES  DIVERS  SYSTÈMES  DE  MORALE 

PRINCIPES  NOMS 


O 


pq 


ci 

pq 


03 

a; 

> 

O 


M 


1)  Plaisir  quelconque  : 
Aristippe,  Fourier. 

2)  Plaisir  de  la  con- 
science :  Rousseau, 
Jacobi 

3)  Intérêt  personnel  : 
Épicure     .      .      .      . 

4)  Intérêt  bien  entendu  : 
Bentham  .      .      .      . 

5)  Bonheur  de  Vhuma- 
nité  :  S.  Mill. 

6)  Bien  de  V  individu  et 
de  Vespèce  :  Spencer. 

7)  Amour  de  la  société  : 

DURKHEIM. 

8)  Entr^aide  :  h.  Bour- 
geois     

1)  Altruisme.  A.  Comte. 

2)  Bienveillance  :  Hut- 
CHESON        .... 

3)  Sympathie  :  A.  Smith. 

4)  Sentiment  de  V hon- 
neur  

1)  Idéal  esthétique  :  Pla- 
ton   

2)  Bonheur  raisonnable  : 
Aristote  .... 

3)  Obéissance  à  la  na- 
ture :  Zénon  . 

4)  Respect  de  la  loi  : 
Kant 

5)  Bien  rationnel  :  Saint 
Thomas 


Hédonisme. 

Satisfaction  morale. 
Morale  du  bonheur. 
Utilitarisme. 
Utilitarisme  rectifié. 
Ego-altruisme. 
Morale  Sociologique. 
Morale  de  la  Solidarité. 

Morales  sentimentales. 

Esthétisme. 

Eudémonisme  rationnel. 
Stoïcisme. 
Morale  formelle. 
Morale  de  l'ordre. 


48  l'hédonisme  (22) 

ARTICLE    PREMIER 

MORALES  égoïstes  OU  UTILITAIRES 

§  I.  —  MORALE  DU  PLAISIR 

22.  —  L'HÉDONISME  (i) 

A)  Exposé  :  c'est  la  formule  la  plus  grossière  de  l'utilitarisme. 
Au  premier  rang  des  défenseurs  de  la  morale  du  plaisir  (ft^ôy-r^  se 
placent  les  sophistes  Gorgias  et  Calliclès,  mais  surtout  Aristippe  de 
Cyrène,  infidèle  à  la  doctrine  socratique.  Ils  mettent  le  souverain  bien 
dans  la  recherche  du  plaisir  immédiat  sans  regarder  aux  conséquences  ; 
ils  pensent  que  la  fin  de  la  vie  humaine  est  atteinte  quand  la  sensibilité 
est  satisfaite.  Jouir  du  plaisir  du  moment,  telle  est  la  loi  ;  il  n'y  a  qu'à 
suivre  l'instinct  qui  nous  y  pousse. 

Cette  doctrine  a  été  reprise  au  xviii^  siècle  par  d'Holbach,  Hel- 
vétius,  Saint-Lambert  ;  au  xix^  (par  les  Saint-Simoniens  et  les  Fourié- 
ristes.  Fourier  (-)  voulait  qu'on  laissât  les  passions  se  développer  sans 
entrave,  prétendant  que  ce  développement  se  ferait  d'une  façon  modérée 
et  harmonique. 

B)  Critique  :  I.  —  La  morale  du  plaisir  est  fausse  dans  son  principe  : 
1°  Sans  doute  le  plaisir  est  un  bien,  mais  c'est  le  bien  sensible^ 

inférieur.  11  n'est  pas  le  souverain  bien  pour  l'homme,  parce  que  la 
nature  humaine  n'est  pas  réduite  à  la  sensibilité  :  l'homme  a  une  raison 
et  une  volonté  qui  demandent  aussi  leur  bien.  Faire  du  plaisir  la  loi  de 
notre  activité,  c'est  mutiler  la  nature  humaine  et  ravaler  ses  facultés 
supérieures. 

2°  Le  plaisir  n'est  pas  une  fin,  mais  un  moyen,  c'est  un  résultat  et 
non  un  principe.  La  fin,  et  par  conséquent  le  bien  de  l'activité,  c'est  de 
conserver  et  de  développer  l'être,  en  la  déployant  conformément  aux 
tendances  de  sa  nature.  Le  plaisir  résulte  de  l'activité  normalement 
dépensée,  de  l'inclination  satisfaite.  C'est  un  moyen  destiné  à  stimuler 
l'activité,  à  faciliter  à  chaque  être  l'accomplissement  de  sa  destinée. 


(  ')  Platon,  Philèbe.  —  Janet,  La  Morale,  L.  I,  Ch.  i. 

(»)  FouBiER  :  I  Le  devoir  vient  des  hommes  ;  la  passion  vient  de  Dieu.  »  Cf.  Théorie 
de  l'unité  universelle. 


(23)  LA    SATISFACTION    MORALE    :    ROUSSEAU,    JACOBI  49 

L'assigner  comme  but  à  l'activité  humaine,  c'est  renverser  l'ordre 
essentiel  des  choses,  c'est  transformer  un  moyen  en  fin,  c'est  mettre  Veffet 
avant  la  cause.  (Ps.  20,  §  II,  B  ;  64,  §  A). 

II.  —  Le  plaisir  n'a  pas  les  caractères  de  la  loi  morale,  car  le 
plaisir  ne  peut  pas  être  érigé  en  règle  : 

1"  Obligatoire  :  il  nous  attire,  mais  ne  nous  commande  pas.  Personne 
ne  se  croit  tenu,  sous  peine  d'être  coupable,  de  chercher  le  plaisir. 

20  Absolue  :  il  dépend  d'une  foule  de  circonstances  relatives. 

3°  Universelle  :  car  il  est  personnel  et  variable.  Le  plaisir  de  l'un 
n'est  pas  le  plaisir  de  l'autre  :  Trahit  sua  quemque  voluptas. 

40  Claire  et  pratique  :  a)  quel  plaisir  chercher,  le  plaisir  calme 
ou  violent  ?  de  l'esprit  ou  des  sens  ?  qui  jugera  ? 

h)  Le  plaisir  suppose  un  ensemble  de  conditions  (santé,  loisir, 
richesse)  souvent  difficile  ou  même  impossible  à  réunir.  La  règle  que 
cette  doctrine  propose  n'est  donc  pas  une  règle,  mais  l'absence  de  toute 
règle,  puisque  le  plaisir  ne  dépend  pas  de  nous. 

m.  —  La  morale  du  plaisir  est  funeste  dans  ses  conséquences  :  cette 
doctrine,  qui  se  donne  comme  conforme  à  la  nature,  est  au  contraire 
en  opposition  avec  elle,  car  aucun  être  n'est  fait  pour  jouir  à  satiété. 
La  poursuite  aveugle  du  plaisir,  comme  le  note  Platon  dans  le  Philèbe, 
conduit  à  la  douleur,  au  dégoût,  au  désenchantement,  à  la  folie,  au 
désespoir.  Aussi,  Hégésias,  disciple  d'Aristippe,  surnommé  «  l'orateur  de 
la  mort  »,  avait-il  tiré  la  conséquence  logique  de  la  doctrine  du  plaisir  en 
prêchant  la  mort  volontaire. 


23.  —  LA  SATISFACTION  MORALE 

A)  Exposé  :  J.-J.  Rousseau  (^),  M™e  de  Staël,  Herder,  Jacobi  (-) 
s'adressent  à  la  sensibilité  morale  pour  déterminer  le  bien  et  le  mal  :' 
Est  bon  tout  ce  qui  plaît  à  la  conscience  ;  est  mauvais  tout  ce  qui  lui  déplaît. 

B)  Critique  :  on  appelle  cette  doctrine  la  morale  du  sentiment;  ce 
n'est  au  fond  que  la  doctrine  du  plaisir  sous  une  forme  plus  élevée, 
mais  toujours  égoïste,  la  doctrine  du  plaisir  moral. 

I.  —  Le  plaisir  moral  ne  fait  qu'accompagner  ou  suivre  le  jugement 
de  la  conscience.  Rousseau  prend  l'effet  pour  la  cause,  les  conséquences 
de  l'observation  ou  de  la  violation  de  la  loi  morale  pour  le  principe  de 
la  loi  :  on  est  content  parce  qu'on  a  bien  agi,  mais  on  n'a  pas  bien  agi 
parce  qu'on  est  content. 


(M  J.-J.  lloussEAU,  Emile,  L.  IV. 

( -)  Lévy-Bruhl,  La  philosophie  de  Jacobi. 


50  MORALE    DE    l'iNTÉRÊT    DANS    ÉPICURE  (24) 

II.  —  Le  plaisir  moral  ne  peut  servir  de  règle  d'action  : 

1°  Pris  en  soi  il  ne  diffère  pas  des  autres  plaisirs  ;  il  n'y  a  donc  aucune 
raison  pour  le  préférer.  Plaisir  pour  plaisir,  chacun  peut  suivre  son 
attrait  :  plaisir  sensible  ou  plaisir  moral.  Il  faut  chercher  au-dessus  du 
plaisir  un  motif  d'action. 

2°  Il  varie  avec  les  individus  :  la  même  action,  qui  agrée  à  la  sensi- 
bilité morale  des  uns,  déplaît  à  celle  des  autres.  Qui  décidera  ? 

30  Parfois  même  il  fait  défaut.  Que  faire  pour  convaincre  ceux  qui 
ne  l'éprouvent  pas  ?  Son  contraire,  le  remords^  s'émousse  aussi  dans 
les  âmes  perverties. 

§  II.  —  MORALE  DE  VINTÉRÊTOU  DU  BONHEUR  PERSONNEL 

La  morale  du  plaisir  immédiat,  accepté  aveuglément  à  la  façon 
de  l'animal,  s'est  transformée  en  morale  utilitaire.  L'homme  qui  recherche 
son  intérêt,  se  propose  encore  le  plaisir,  non  le  plaisir  brut,  actuel, 
mais  le  plaisir  calculé  pour  assurer  le  bonheur  de  toute  la  vie.  L'expé- 
rience apprend  que  certaines  jouissances  sont  funestes  et  entraînent 
parfois  des  douleurs  durables  ;  qu'au  contraire  centaines  peines  sont  la 
condition  de  certains  plaisirs.  Il  ne  s'agit  donc  pas  de  saisir  au  passage 
tous  les  plaisirs  qui  s'offrent,  sous  couleur  qu'ils  sont  des  biens,  ni  de 
fuir  toutes  les  douleurs  qui  menacent,  sous  prétexte  qu'elles  sont  des 
maux  ;  il  faut  les  considérer  par  rapport  à  leurs  conséquences  utiles  ou 
nuisibles  en  vue  de  l'avenir.  Ce  qui  peut  faire  le  bonheur  de  toute  notre 
vie,  voilà  le  critérium  du  bien  et  du  mal.  Épicure  est  le  fondateur  de 
V utilitarisme.  Dans  les  temps  modernes,  l'école  anglaise  professe  la 
doctrine  utilitaire  :  Hobres  (^),  Bentham,  S.  Mill  et  H.  Spencer 
en  sont  les  représentants. 


24.  —  MORALE  DE  L  INTÉRÊT  DANS  ÉPICURE  (  2) 

A)  —  Exposé  :  Épicure  (341-270)  admet  que  le  plaisir  est  le  bien 
suprême.  Mais,  tous  les  plaisirs  n'ayant  pas  la  même  valeur,  il  faut 
faire  un  choix  entre  eux  :  de  là  la  morale  ou  art  de  vivre.  Épicure  dis- 
tingue deux  sortes  de  plaisirs  :  1»  le  plaisir  en  mouvement  (Iv  xtv/iaet)  : 
c'est  celui  des  sens;  il  est  vif,  mais  fugitif  et  mêlé  de  douleur  ;  —  2°  le 


( ')  IIoBBES,  Leviathan.  De  cive.  — Cf.  Jouffroy,  Cours  de  droit  naturel.  Leçons  XI, 
XII. 

(  »)  Cf.  CicÉRON,  De  ânibus  bonorum  et  malorum,  I,  9.  —  Diogène  Laërce,  Vies  des 
philosophes,  L.  X.  —  Gvyau,  La  morale  d'Epicure  et  ses  rapports  avec  les  doctrines  contem.' 
poraines.  —  E.    Joyav,   Epicure. 


(25)  MORALE    UTILITAIRE    DE    BENTHAM  51 

plaisir  en  repos  (Iv  aTacrst)  :  c'est  celui  de  V esprit;  il  est  calme,  stable, 
pur,  c'est-à-dire  sans  mélange  de  peine  ou  d'effort.  C'est  le  plaisir  de 
l'esprit  qu'il  faut  préférer,  parce  qu'il  rapproche  le  sage  de  l'idéal  de 
la  vie,  qui  est  l'ataraxie,  l'exemption  de  trouble^  d'inquiétude,  de  souf- 
france :  ne  pas  souffrir,  l'indolentia,  c'est  la  volupté  suprême.  Les  dieux 
seuls  atteignent  cet  idéal  ;  le  sage  doit  y  tendre  et  pour  cela  il  doit  régler 
ses  désirs  de  façon  à  diminuer  ses  besoins  ;  par  là  même  il  tarit  la  source 
de  ses  troubles. 

Épicure  distingue  trois  sortes  de  désirs  :  l*'  naturels  et  nécessaires  : 
vg.  manger  et  boire.  Il  faut  les  satisfaire  et  c'est  aisé,  car  «  avec  un 
pain  d'orge  et  de  l'eau,  le  sage  rivalise  de  béatitude  avec  Jupiter  »  ; 
—  2^  naturels  et  non  nécessaires  :  vg.  désirs  de  mets  recherchés,  de  riches 
parures,  affections  de  la  famille.  Il  faut  les  surveiller;  —  3^  ni  naturels, 
ni  nécessaires  :  vg.  désirs  des  richesses  et  des  honneurs.  Il  faut  s'en  abs- 
tenir. La  vertu  n'a  pas  de  valeur  par  elle-même  ;  cependant  le  sage  la 
pratiquera,  non  pour  elle-même^  mais  à  cause  du  plaisir  qu'elle  procure  (^). 

B)  Critique  :  la  doctrine  d'Épicure  est  supérieure  à  celle  d'Aris- 
tippe,  parce  qu'elle  ne  se  contente  pas  de  l'instinct  pour  nous  diriger  vers 
le  bonheur,  mais  qu'elle  y  ajoute  la  raison.  Elle  est  fausse  pourtant,  car  : 

1°  Le  plaisir  a  sa  cause  dans  l' activité  normalement  déployée,  et  non  dans 
l'absence  de  trouble  qui  est  quelque  chose  de  négatif.  (Ps.  20,  §  II,  A). 

2°  Les  plaisirs  intellectuels,  par  exemple,  sont  le  résultat  d'un 
grand  déploiement  d'activité. 

3°  Le  plaisir  choisi,  calculé,  l'intérêt  en  un  mot,  n'a  pas  les  carac- 
tères d'une  règle  morale  (25,  B,  III). 

40  Cette  doctrine,  austère  avec  Épicure,  retourna,  avec  ses  disciples, 
à  la  morale  cyrénaïque  (22).  C'est  logique  ;  car,  en  dernière  analyse, 
l'intérêt  se  ramène  au  plaisir.  Or  si  le  plaisir  est  le  bien  véritable,  chacun 
le  prend  où  bon  lui  semble  :  de  quel  droit  Épicure  imposerait-il  les 
plaisirs  calmes  ? 


25.  —  MORALE  UTILITAIRE  DE  BENTHAM 

A)  Exposé  :  J.  Bentham  (1748-1832)  regarde  l'utilité  et  le  bonheur 
comme  les  premiers  principes  du  devoir  {^).  Le  bonheur  est  pour  lui 
la  plus  grande  somme  de  plaisirs  diminuée  de  la  plus  grande  somme  de 


(M  Plutarque,  Adversus  Coloten,   §   XXX. 

(  2)  Bentham,  Introduction  aux  principes  de  la  morale  et  de  la  législation.  Déontologie. 
—  CL  DuMONT  DE  Genève,  Traité  de  In  législation  civile  et  pénale.  —  Jouffroy,  Cours  dt 
droit  naturel.  Leçons  XIII,  XIV.  —  E.  Halévy,  Le  Radicalisme  philosophique  :  I.  La 
jeunesse  de  Bentham.  II.  L'évolution  de  la  doctrine  utilitaire  de  1789  à  1815.  —  Carrau, 
La  morale  utilitaire.  —  Raffalovich,  Bentham. 


52  MORALE    UTILITAIRE    DE    BENTHAM  (25) 

douleurs.  Une  action  est  utile  quand  la  somme  de  ses  conséquences 
agréables  l'emporte  sur  celle  de  ses  conséquences  pénibles.  La  vertu 
consiste  à  «  maximiser  les  plaisirs  et  à  minimiser  les  peines  «.  La  morale 
est  donc  le  calcul  de  Futilité  des  actes  humains  et  devient  une  arithmé- 
tique des  plaisirs.  Dans  ce  calcul  il  faut  tenir  compte  de  la  valeur  du 
plaisir  qui  dépend  de  ses  caractères.  Bentham  en  énumère  sept  : 
10  Intensité  ;  —  2°  Durée  ;  —  3°  Proximité  ;  —  4^  Certitude  ;  — 
—  50  Pureté  (=  plaisir  net  de  toute  peine)  ;  —  6»  Fécondité  (=  plaisir 
suivi  de  beaucoup  d'autres)  ;  —  7^  Étendue  (=  plaisir  susceptible 
d'être  goûté  par  un  plus  grand  nombre)  (^).  Ces  caractères  sont  extrin- 
sèques au  plaisir,  c'est-à-dire  font  abstraction  de  la  qualité.  Pour 
Bentham,  tous  les  plaisirs  sont  homogènes,  de  même  espèce  ;  leur  diffé- 
rence vient  de  la  quantité  (l^r  et  2^  caractères)  ou  des  circonstances 
extérieures  (5  derniers  caractères). 

Bentham  est  loin  de  négliger  la  considération  du  bien  social  ;  ce 
n'est  pas  dans  un  but  désintéressé,  mais  parce  qu'il  croit  que  l'intérêt 
personnel  et  l'intérêt  général  sont  inséparables.  En  effet,  dit-il,  en  dehors 
de  la  société,  l'individu  ne  peut  se  procurer  ce  qui  lui  est  nécessaire 
pour  vivre  ;  son  bonheur  dépend  du  bonheur  des  autres.  «  En  travaillant 
pour  la  ruche,  l'abeille  travaille  pour  elle-même.  »  De  plus,  l'homme 
étant  un  être  sociable,  ses  plaisirs  les  plus  vifs  ont  leur  source  dans  le 
plaisir  des  autres,  soit  qu'il  le  leur  procure,  soit  qu'il  en  jouisse  par 
sympathie.  La  doctrine  de  Bentham  se  résume  en  cette  formule  :  «  Le 
plus  grand  bonheur  pour  le  plus  grand  nombre.  »  Autrement  on  fait 
un  mauvais  calcul.  L'homme  vertueux  est  «  un  économe  prudent  qui 
rentre  dans  ses  avances  et  accumule  les  intérêts  ». 

B)  Critique  :  I.  —  Le  calcul  de  Bentham  est  impossible  :  on  ne  peut 
opérer  sur  des  plaisirs  comme  sur  des  chifîres  ;  le  plaisir  n'est  pas  mesu- 
rable et  le  nombre  par  lequel  on  le  représente  n'est  qu'une  abstraction 
vide  de  sens.  Voici  deux  plaisirs  qui  vous  sollicitent  :  faire  une  partie 
de  chasse,  assister  un  ami  malade.  Essayez  de  les  comparer  sous  les 
aspects  dont  parle  Bentham  et  vous  verrez  que  le  calcul  est  chimérique. 
Toute  mesure  implique  une  unité..  Où  la  prendre  ?  Elle  suppose  encore 
des  choses  fixes  et  invariables.  Quoi  de  plus  mobile  que  les  plaisirs  et 
leurs  caractères  ?  Qui  déterminera  le  coefficient  propre  à  chaque  carac- 
tère ? 

IL  —  L'intérêt  inspire  souvent  les  actions  humaines  ;  mais  il  n'est 


(>)  Bentham  fait  la  somme  des  plaisirs  et  des  peines  que  produit  l'ivresse.  Le  calcul  des 
lonséquences  qu'elle  entraîne  montre  que  c'est  une  mauvaise  affaire.  Cf.  Déontologie. 
Trad.  de  B.  I-aroche,  Paris,  1834,  T.  II,  Ch.  n.  Prudence  personnelle,  p.  145-146. 


(26)  UTILITARISME    RECTIFIÉ    DE    S.    MILL  53 

pas  l'unique  mobile  de  notre  activité.  Nous  avons  établi  en  psycho- 
logie (50,  §  I),  contre  La  Rochefoucauld,  l'existence  d'inclinations 
désintéressées. 

III.  —  Supposons  que  l'intérêt  bien  entendu  obtienne  pratiquement 
les  mêmes  résultats  que  le  devoir,  il  ne  pourrait  cependant  être  le  prin- 
cipe de  la  loi  morale.  Notre  intérêt,  dit  Bentham,  est  d'être  laborieux, 
sobres,  justes  ;  soit.  En  suivant  cette  maxime  on  pourra  être  habile, 
mais  non  pas  vertueux.  C'est  le  cas  de  répéter  ce  que  Fonteneller  disait 
d'un  voleur  conduit  en  prison  :  «  C'est  un  homme  qui  a  mal  calculé.  >■ 

C'est  que  l'intérêt  n'est  pas  : 

1<^  Obligatoire,  comme  la  loi  morale.  On  n'est  pas  tenu  d'être  habile, 
mais  honnête  homme.  «  La  maxime  de  l'amour  de  soi  conseille,  dit 
Kant,  la  loi  de  la  moralité  commande  (^).  » 

2°  Absolu  :  il  est  relatif  aux  personnes,  aux  situations  et  aux  cir- 
constances, car  l'intérêt  c'est  l'utile,  et  l'utile  est  essentiellement  condi- 
tionnel. 

3°  Universel  :  les  intérêts  sont  souvent  opposés  et  contradictoires. 

IV.  ■ —  Il  n'est  pas  vrai  d'ailleurs  que  l'intérêt  et  le  devoir  coïncident 
toujours.  Il  n'est  pas  vrai  que  l'honnêteté  est,  dans  tous  les  cas,  la 
meilleure  des  .politiques.  Il  y  a  des  exceptions.  Ordinairement  l'intérêt 
me  conseille  de  ne  pas  voler,  mais  si  le  besoin  est  urgent,  si  la  somme 
est  considérable,  si  le  vol  doit  passer  inaperçu,  mon  intérêt  n'est-il  pas 
de  prendre  l'argent  ?  Toute  règle  utilitaire  n'est  donc  qu'un  impératif 
hjpothétique,  chacun  restant  juge  en  dernier  ressort  s'il  doit  lui  obéir 
ou  passer  outre. 

Cependant,  si  par  intérêt  on  entend  non  l'intérêt  immédiat,  mais 
l'intérêt  définitif  où  les  sanctions  de  la  vie  future  entrent  en  ligne  de 
compte,  l'intérêt  véritable  consistera  toujours  à  faire  son  devoir.  Dans 
ce  cas,  intérêt  et  devoir  coïncident  en  fait  matériellement.  Mais,  formel- 
lement, l'intérêt  reste  distinct  du  devoir  comme  motif  d'action.  C'est 
le  devoir  qui  doit  inspirer  nos  actes  ;  le  bonheur  sera  la  conséquence 
du  devoir  accompli  (40). 

26.  —  UTILITARISME  RECTIFIÉ  DE  S.  MILL  (  2) 

Stuart  Mill  (1806-1873)  a  reproché  à  la  morale  de  l'intérêt  bien 
entendu  de  Bentham  d'être  :  1»  grossière,  parce  qu'elle  ne  fait  attention 
dans  le  plaisir  qu'à  la  quantité  ;  —  2"  égoïste,  parce  qu'elle  rapporte 


( ')  Kant,  Critique  de  la  raison  pratique,  L.  I,  Cli.  I,  §  8.  Traduction  Picavet,  p.  61, 
Paris,  1906'. 

(  ^)  Mill,  Utilitarianism.  —  Cf.  Taine,  Le  Positivisme  anglais.  Etude  sur  S.  Mill.  — 
GuYAU,  La  Morale  anglaise  contemporaine.  —  Fouillée,  CriliqUe  des  systèmes  de  Morale 
contemporains.  —  Caro,  Problèmes  de   Morale  sociale,  Ch.  vi. 


54  UTILITARISME    RECTIFIÉ    DE    S.    Mll.T,  (26) 

tout  à  l'intérêt  individuel,  même  l'intérêt  général.  S.  Mill  a  essayé  de 
la  rectifier  sur  ces  doux  points. 

A)  H  faut  tenir  compte  de  la  qualité  :  Bentham,  faisant  consis- 
ter l'utilité  et  le  bonheur  uniquement  dans  la  quantité  de  plaisir, 
n'excluait  aucune  jouissance,  pas  même  les  plus  grossières.  Pour  purifier 
cette  morale  «  digne  seulement  de  pourceaux  »,  S.  Mill  introduit  un 
nouvel  élément  dans  l'évaluation  des  plaisirs  :  la  qualité.  Certains 
plaisirs  ont  une  valeur  intrinsèque  qui  les  rend  préférables  à  d'autres 
plaisirs  plus  nombreux  et  plus  étendus  :  telles  sont  les  jouissances  de 
l'esprit  et  du  cœur  comparées  à  celles  des  sens.  «  Il  est  incontestable 
que  l'être,  dont  les  capacités  pour  la  jouissance  sont  basses,  est  celui 
qui  a  le  plus  de  chances  de  les  satisfaire  pleiTiement,  et  qu'un  être  doué 
de  hautes  facultés  sent  toujours  qu'il  ne  peut  atteindre  qu'à  un  bonheur 
imparfait.  Mais  mieux  vaut  être  un  homme  mécontent  qu'un  pourceau 
satisfait  ;  mieux  vaut  être  un  Socrate  mécontent  qu'un  imbécile  satis- 
fait (1).    » 

Critique  :  c'est  fort  bien  dit  ;  mais  un  utilitaire  n'a  pas  le  droit 
de  parler  ainsi,  sans  sortir  de  son  système  empirique.  Il  convient,  dit-on, 
de  donner  la  préférence  aux  plaisirs  délicats  et  nobles  qui  donnent 
satisfaction  aux  facultés  supérieures.  Mais,  dans  ce  cas,  ce  n'est  pas  le 
plaisir  en  tant  que  plaisir,  qui  est  le  vrai  bien  ;  c'est  ce  qu'il  y  a  de  délicat 
et  de  noble  dans  le  plaisir  et  dans  les  facultés  élevées.  Les  choses  différent 
donc  en  excellence  et  en  valeur  intrinsèque  indépendamment  du  plaisir 
qu'elles  produisent.  Il  y  a  par  conséquent  dans  les  choses  un  bien  anté- 
rieur au  plaisir,  qui  nous  permet  d'établir  une  hiérarchie  entre  les  plaisirs. 
Ce  critérium,  c'est  l'idée  de  perfection  ou  d'excellence  qui  se  rapporte 
à  la  raison. 

Réponse  de  Mill  :  pour  parer  à  cette  difficulté,  Mill  s'est  efforcé 
de  trouver  un  critérium  purement  empirique  de  la  qualité  des  plaisirs. 
Il  fait  appel  à  un  tribunal  compétent,  composé  de  ceux^qui  ont  fait 
l'expérience  des  deux  sortes  de  plaisirs,  entre  lesquels  il  faut  choisir. 

Réplique  à  Mill  :  mais  un  tel  tribunal  est  impossible  à  constituer, 
(^ui  le  composerait  ?  Ce  ne  sont  pas  les  gens  toujours  vicieux  ou  constam- 
ment vertueux,  car  les  premiers  sont  incompétents  relativement  aux 
|ilaisirs  des  facultés  supérieures,  et  les  seconds  par  rapport  aux  plaisirs 
des  sens.  Il  faudra  également  exclure  ceux  qui  passent  d'un  genre  de 
plaisir  à  l'autre,  parce  que  l'expérience,  n'étant  pas  faite  dans  les  mêmes 
conditions,  n'est  pas  concluante.  —  Quand  même  on  réussirait  à  trouver 
un  pareil  tribunal,  son  jugement  serait  toujours  récusable  comme  entaché 
de  partialité,  parce  qu'il  est  purement  empirique  et  personnel. 

Conclusion  :  donc  ou  bien  l'utilitarisme  doit  renoncer  à  son  point 


(')  .s.  .Mii.i,,  riaHiiritmism,  Ch.  ii,  p.  14,  Londres,  1871. 


(26)  UTILITARISME    RECTIFIÉ    DE    S.    MILL  55 

de  vue  empirique  et  sensible  pour  recourir  au  critérium  du  bien  rationnel, 
ou  se  contenter  du  critérium  de  la  quantité  et,  par  conséquent,  se  rési- 
gner à  n'être  qu'une    morale  «  grossière  ». 

B)  Bonheur  de  l'humanité  :  par  intérêt  général,  on  n'entend 
évidemment  ni  l'intérêt  de  la  famille,  ni  l'intérêt  d'une  ville  ou  d'une 
province,  pas  même  l'intérêt  de  la  patrie,  car  ce  serait  de  l'égoïsme 
national.  Travailler  au  bonheur  des  autres,  c'est  donc  travailler  au 
bonheur  de  l'humanité.  Bentham  avait  déjà  mis  en  avant  le  bonheur 
de  Vhumanité  comme  règle  de  la  vie  morale.  Mill  a  voulu  la  purifier  du 
reproche  mérité  d'égoïsme.  Dans  la  théorie  de  Bentham  l'agent  cherchait 
son  propre  bonheur  en  travaillant  pour  le  bien  général.  Pour  Mill  «  le 
critérium  utilitaire  ne  consiste  pas  dans  le  plus  grand  bonheur  de  l'agent, 
mais  dans  la  plus  grande  somme  de  bonheur  général,  et  l'utilitarisme 
exige  que,  placé  entre  son  bien  et  celui  des  autres,  l'agent  se  montre 
aussi  strictement  impartial  que  le  serait  un  spectateur  bienveillant  et 
désintéressé  »  (^).  Il  s'approprie,  pour  résumer  sa  doctrine,  la  maxime 
évangélique  :  «  Aimez  votre  prochain  comme  vous-même.  » 

Critique  :  I.  —  Cette  morale  est  plus  élevée  et  plus  pure  que  celle 
de  Bentham,  car  elle  exige  le  sacrifice  et  le  désintéressement.  En  cela 
elle  s'accorde  avec  la  morale  vraie  ;  mais  la  question  est  de  savoir  si 
l'utilitarisme,  confiné  dans  l'empirisme  et  la  sensibilité,  trouve  en  lui- 
même  un  principe  capable  d'imposer  à  l'humanité  ce  qu'il  ordonne. 
Or  il  n'en  est  rien,  car  l'intérêt  d'autrui  n'est  pas  obligatoire  par  lui- 
même.  Pour  le  rendre  obligatoire  il  faut  invoquer  un  principe  supérieur 
à  l'intérêt.  U" utilitarisme  humanitaire  donne  le  bonheur  comme  le  bien 
suprême  de  l'homme.  Comment  peut-il  alors  me  commander  de  sacrifier, 
en  cas  de  conflit,  mon  bonheur  personnel  au  bonheur  général  ?  C'est 
poser  d'un  côté  le  bonheur  comme  la  seule  chose  bonne  et  désirable, 
comme  la  fin  unique  et  la  raison  d'être  de  toute  l'activité  ;  c'est,  d'autre 
part,  exiger  qu'on  soit  toujours  prêt,  le  cas  échéant,  à  sacrifier  son 
bonheur  au  bonheur  des  autres.  C'est  au  nom  de  mon  bonheur  me  com- 
mander de  sacrifier  mon  bonheur.  Il  y  a  là  une  contradiction  formelle, 
qui  montre  qu'en  s'enfermant  dans  les  considérations  de  l'intérêt  on 
ne  peut  justifier  l'obligation  morale  de  sacrifier  son  bonheur  personnel 
au  bonheur  des  autres.  Il  faut  donc,  de  toute  nécessité,  recourir  à  un 
principe  étranger  et  supérieur  à  l'intérêt  même  général. 

Réponse  de  Mill  :  Mill  a  vu  la  difficulté.  Il  reconnaît,  à  rencontre 
de  Bentham,  que  l'intérêt  particulier  et  l'intérêt  général  sont  loin  de 
coïncider  toujours  en  fait  :  vg.  l'intérêt  public  exige  que  les  soldats 
se  fassent  tuer  pour  défendre  la  patrie  envahie,  mais  est-ce  l'intérêt 
personnel  de  ceux  qui  se  feront  tuer  ?  L'identité  des  intérêts  est  un  idéal 


(•)  s.  Mill,  TJiiliiarianism,  Ch.  Ii,  p.  '24,  §  /  miisl. 


56  UTILITARISME    RECTIFIÉ    DE    S.    MILL  (26) 

qui  n'est  pas  encore  réalisé.  Afin  de  se  rapprocher  le  plus  près  possible 
de  cet  idéal,  il  faut  qu'une  nouvelle  organisation  sociale  harmonise 
l'intérêt  général  et  l'intérêt  privé  et  que  l'éducation  et  l'opinion  unissent 
leurs  efforts  pour  «  associer  dans  l'esprit  de  chaque  individu  son  bonheur 
au  bien  de  tous  ». 

Réplique  :  la  pratique  de  la  morale  utilitaire  exige,  de  l'aveu  de  Mill, 
cette  merveilleuse  transformation  des  sociétés.  Or  un  pareil  changement 
est  une  utopie  irréalisable  ;  la  morale  utilitaire  est  donc  impraticable 
et  chimérique. 

IL  —  L'intérêt  général  ne  peut  constituer  une  règle  claire  :  il  est 
déjà  assez  difficile  à  chacun  de  calculer  ce  qui  lui  est  vraiment  utile. 
Combien  plus  de  déterminer  ce  qui  l'est  au  bien  commun  de  l'huma- 
nité ? 

III.  —  La  morale  utilitaire  est  incomplète  :  elle  omet  les  devoirs 
envers  Dieu.  Quant  aux  devoirs  personnels,  elle  en  fait  un  simple  corol- 
laire des  devoirs  envers  la  société  :  il  ne  faut  pas  se  dégrader,  parce  qu'un 
citoyen  dégradé  est  nuisible  à  la  société.  La  conséquence  logique,  mais 
inadmissible,  serait  que  les  hommes  isolés,  comme  Robinson,  ou  inutiles 
comme  tant  .d'incurables  ou  de  malades,  n'auraient  pas  de  devoirs. 
Il  est  manifeste  au  contraire  que  les  devoirs  envers  Dieu  et  les  devoirs 
de  dignité  personnelle  sont  indépendants  de  tout  rapport  avec  l'intérêt 
général. 

I\'.  —  La  morale  utilitaire  propose  un  idéal  inaccessible  à  la  plupart 
des  citoyens  :  le  bonheur  de  l'humanité.  Il  n'y  a  en  effet  que  les  puissants 
et  les  favorisés  de  la  richesse,  les  savants,  qui  peuvent  songer  à  procurer 
le  bien  général  de  l'humanité.  Le  commun  des  mortels  sera  donc 
condamné,  au  nom  de  la  morale,  à  vivre  sans  idéal  moral  et  sans  vertu. 
—  En  admettant  même  que  les  efforts  des  petits  et  des  humbles  contri- 
buent à  F  avènement  du  bonheur  général  de  l'humanité,  il  resterait 
néanmoins  que  la  morale  assignerait  à  l'effort  de  l'homme  un  but  irréa- 
lisable. Le  bonheur  n'est  pas  de  ce  monde.  L'espérance  d'un  âge  d'or 
où  la  souffrance  serait  bannie  est  une  chimère.  D'ailleurs  les  générations 
présentes  auront-elles  le  courage  de  se  sacrifier  complètement  pour 
préparer  l'amélioration  lentement  progressive  de  l'état  futur  de  l'huma- 
nité ?  Ce  qui  rend  les  misères  de  la  vie  actuelle  supportables  à  l'humanité, 
c'est  que  chacun  de  ceux  qui  la  composent  espère,  dans  un  monde  meil- 
leur, une  compensation  à  la  douleur  présente.  Mais  donner  pour  fin 
unique  à  l'existence  de  travailler  au  bonheur  terrestre  de  l'humanité 
actuelle  et  surtout  future,  sans  autre  consolation  que  d'y  contribuer 
pour  une  part  infinitésimale,  c'est  trop  présumer  des  forces  humaines  : 
la  masse  des  hommes  est  incapable  de  s'éprendre  pour  un  idéal  aussi 
décevant  et  une  récompense  aussi  creuse.  C'est  pourquoi  une  pareille 
théorie  mènerait  infailliblement  à  l'inertie,  quand  elle  n'aboutirait  pas 


(26)  UTILITARISME    RECTIFIÉ    DE    S.    MILL  57 

au  désespoir.  L'histoire  atteste  que  nulle  doctrine  n'a  fait  plus  de  déses- 
pérés et  n'a  provoqué  plus  de  suicides  que  celles  des  Hédonistes  et  des 
Épicuriens,  qui  donnaient  comme  but  à  la  vie  le  plaisir  et  le  bonheur 
en  ce  monde. 

V.  —  Elle  conduit  à  la  violation  des  droits  individuels  :  comme,  prati- 
quement, l'intérêt  particulier  et  l'intérêt  général  sont  souvent  en  désac- 
cord, que  faire  en  attendant  qu'une  nouvelle  organisation  sociale  réalise 
cet  accord  ?  On  se  contentera  de  rechercher  l'intérêt  de  la  majorité^ 
auquel  on  sacrifiera  impitoyablement  les  droits  de  la  minorité.  Que  de 
crimes  ont  été  commis  ou  proposés  au  nom  du  salut  public  ! 

VI.  —  L'intérêt  général  peut  être  contraire  au  bien  :  vg.  la  motion 
de  Thémistocle,  proposant  aux  Athéniens  de  brûler  la  flotte  de  leurs 
alliés,  était  une  injustice  favorable  aux  intérêts  immédiats  des  Athé- 
niens. 

VIL  —  La  morale  utilitaire  aboutit  finalement  à  l'égoïsme  :  supposons, 
en  effet,  qu'un  jour  l'harmonie  rêvée  entre  l'intérêt  général  et  l'intérêt 
particulier  soit  pleinement  réalisée  par  suite  de  la  réorganisation  sociale, 
alors  l'intérêt  général,  se  confondant  avec  l'intérêt  particulier,  deviendra 
notre  premier  et  unique  intérêt.  La  morale  de  l'utilitarisme  humanitaire 
retombe  donc  dans  la  recherche  de  l'intérêt  personnel,  puisque,  à  cause 
de  la  coïncidence  parfaite  des  deux  intérêts,  nous  n'aurons  rien  à  sacrifier 
au  bonheur  des  autres. 

Remarque  :  «  On  peut  dire  de  tous  les  philosophes  et  moralistes, 
qui  tirent  la  règle  de  notre  conduite  de  nos  sentiments  naturels,  qu'ils 
suivent,  en  morale,  la  méthode  des  sciences  physiques.  Ils  cherchent 
dans  l'observation  de  notre  nature  psychique  la  loi  qui  régit,  en  fait,  les 
actions  humaines,  et  ils  érigent  cette  loi  de  faiten  maxime  de  conduite...  » 

La  morale  utilitaire  de  Stuart  Mill  est  présentée  comme  le  type 
accompli  de  la  morale  traitée  par  la  méthode  des  sciences  physiques. 
Mais,  en  réalité,  cette  prétention  n'est  pas  justifiée.  En  effet,  «  l'obser- 
vation scientifique  porte  sur  ce  qui  est,  sur  les  phénomènes  observables 
et  sur  les  relations  données  entre  ces  phénomènes.  Et  cette  observation 
se  fait  par  les  sens.  Le  savant  marche  ainsi  à  l'aveugle,  poussé  par  les 
faits  vers  des  conclusions  qu'il  ne  prévoit  pas.  Le  moraliste  utilitaire,  lui, 
observe  au  dedans  de  soi  les  mouvements  de  l'âme.  Or  les  données  de 
l'observation  intérieure  ne  sont  ni  précises,  ni  primitives.  Comment 
distinguer,  dans  ces  sentiments,  ces  opinions,  ces  habitudes,  ces  phéno- 
mènes infiniment  complexes  que  nous  trouvons  en  nous,  ce  qui  appar- 
tient proprement  à  la  nature  humaine,  ce  qui  est  primitif  et  fonda- 
mental, de  ce  qui  est  variable,  accidentel,  dérivé,  contingent  peut-être 
et  voulu  au  début  par  une  volonté  libre  ?... 

«  Ainsi,  dans  le  système  utilitaire,  d'une  part,  la  morale  a  perdu  sa 
grandeur  :  elle  ne  peut,  sans  vice  de  raisonnement,  maintenir  les  parties 


58  MORALE    ÉVOLUTIONNISTE    DE    SPENCER  (27) 

élevées  du  code  des  mœurs  ;  d'autre  part,  la  méthode  scientifique  n'a 
pas  été  rigoureusement  appliquée  (^).  » 

Il  nous  reste  à  parler  de  deux  essais  de  Morale  scientifique,  qui  font 
appel,  le  premier,  à  la  méthode  des  sciences  naturelles,  et  le  second, 
à  la  méthode  de  la  science  sociale. 


27.  —  MORALE  EVOLUTIONNISTE  DE  SPENCER 

A)  Morale  dite  scientifique.  —  Les  partisans  de  cette  conception 
estiment  qu'il  ne  faut  pas  établir  des  règles  d'action  en  dehors  de  la 
constatation  des  faits  et  des  données  de  la  science.  La  Morale  doit  donc 
être  l'application  technique  des  lois  inflexibles  que  la  Psychologie  et 
la  Sociologie  ont  déterminées.  A  ce  prix,  elle  sera  scientifique.  «  On  n'ira 
pas,  disent  les  partisans  de  la  Morale  scientifique,  chercher  dans  les 
traditions  morales,  dans  les  préjugés,  des  solutions  imposées  d'avance 
aux  recherches  scientifiques  ;  on  n'érigera  pas  en  maximes  impératives 
les  données  confuses  et  suspectes  de  la  conscience  individuelle  :  on  obser- 
vera, du  dehors,  les  lois  générales  du  monde  et  de  la  vie  ;  et  de  ces  lois 
on  déduira  celles  qui,  à  leur  escient  ou  à  leur  insu,  régissent  nécessai- 
rement la  conduite  des  hommes.  Herbert  Spencer  et  Darwin  nous  offrent 
ce  dernier  type  de  morale.  C'est  la  morale  traitée  suivant  la  méthode 
des  sciences  naturelles  (^).  »  Durkheim  nous  présentera  un  autre  type 
de  Morale  scientifique. 

B)  Morale  Évolutionniste  de  Spencer  (  ^)  : 

I. —  Exposé  :  pour  identifier  l'intérêt  particulier  et  l'intérêt  général, 
S.  Mill  recourt  à  l'influence  combinée  de  .lléducation  et  de  l'opinion, 
qui  doivent  associer  ces  deux  idées  dans  l'esprit  et  les  rendre  indisso- 
lubles. Spencer,  trouvant  ce  moyen  inefficace,  invoque  pour  opérer 
cette  conciliation  une  loi  de  la  nature.  C'est,  d'après  lui,  une  loi  nécessaire 
et  naturelle  de  l'évolution  que  les  sentiments  altruistes  sortent  peu  à  peu 
de  l'égoïsme  et  finissent  par  prédominer.  L'élément  primordial  de  la 
moralité  c'est  la  poursuite  instinctive  du  plaisir  ;  mais  l'expérience 
montre  à  l'homme  que  le  plaisir  immédiat  est  souvent  désavantageux  ; 
il  diffère  alors  sa  jouissance  pour  la  rendre  plus  sûre  et  plus  durable. 
L'homme  d'ailleurs  est  fait  pour  vivre  en  société  ;  afin  de  s'adapter 
au  milieu  social  et  pour  en  bénéficier,  il  doit  sacrifier  certaines  jouis 


(')  Km.  Bouthoux,  Questions  de  Morale  et  d'Educalion,  pp.  41,  42-43,  Paris,  1895 

(  •)  Em.  BoqTROUx,  Questions  ...,  p.  44. 

(*)  H.  SpENCF-n,  Les  bases  de  la  Morale  évolutionniste.  —  Carrau,  Etudes  sur  la  théorie 
de  l'évolution,  V»  Étude.  —  Cako,  Problèmes  de  morale  sociale,  Ch.  vi,  vu.  —  Fouillée, 
Critique  des  Systèmes  de  Morale  contemporains,  L.  I. 


I 


(27)  MORALE    ÉVOLUTIONNISTE    DE    SPENCER  59 

sances  personnelles.  Il  recherche  d'abord  le  bonheur  d'autrui,  l'intérêt 
général  pour  les  avantages  qu'il  lui  procure.  Peu  à  peu  l'habitude  finit 
par  rendre  inconsciente  cette  fin  intéressée  ;  alors  l'homme  poursuit  le 
bonheur  d'autrui  sans  retour  égoïste  :  telle  est  l'origine  des  sentiments 
altruistes.  Ils  se  consolident  progressivement  et  sont  transmis  hérédi- 
tairement. Aujourd'hui,  il  y  a  encore  conflit  entre  les  instincts  égoïstes 
et  les  tendances  altruistes.  La  formule  de  la  loi  morale  est  présentement  : 
«  Vis  pour  toi  et  pour  les  autres.  »  C'est  Yégoaltruisme.  Alais,  en  vertu 
même  de  la  loi  nécessaire  de  l'évolution  individuelle  et  sociale,  un  jour 
viendra  où  les  tendances  altruistes  subsisteront  seules  ;  alors  tout  conflit 
entre  l'intérêt  particulier  et  l'intérêt  général  aura  disparu  :  ce  sera  le 
triomphe  complet  de  l'altruisme,  et  la  formule  définitive  sera  :  «  Vis 
pour  les  autres.  » 

II.  —  Critique  :  1^  La  nature,  d'après  Spencer,  est  égoïste  ;  s'il 
en  est  ainsi,  il  est  impossible  que,  soumise  à  la  loi  fatale  de  l'évolution, 
elle  devienne  jamais  désintéressée.  En  nous  les  tendances  égoïstes 
luttent  contre  les  tendances  altruistes.  Les  unes  et  les  autres  se  valent 
puisqu'elles  sont  également  le  résultat  de  la  nécessité  :  alors  pourquoi 
sacrifierait-on  l'égoïsme  à  l'altruisme  ?  Pour  arracher  l'homme  à  l'égoïsme 
^'t  faire  prévaloir  l'altruisme,  il  faut  un  principe  en  dehors  et  au-dessus 
de  l'intérêt  général  :  il  faut  que  la  raison  me  montre  qne  le  bonheur 
général  l'emporte  sur  le  bonheur  particulier.  Mais  ce  point  de  vue 
rationnel  est  interdit  à  l'utilitarisme,  qui  ne  se  place  qu'au  point  de  vue 
de  la  sensibilité. 

2o  On  ne  peut  faire  sortir  l'altruisme  de  l'égoïsme  (Ps.  50,  §  II). 
Aussi  les  morales  de  l'intérêt  général  restent-elles  au  fond  égoïstes. 

3°  «  Si  le  dernier  mot  de  la  morale  scientifique  ne  se  rencontre 
pas  encore  dans  le  darwinisme  proprement  dit,  nous  le  trouvons  enfin 
dans  nombre  de  travaux  récents  où  l'évolutionnisme  et  le  darwinisme 
sont  développés  dans  un  sens  scrupuleusement  naturaliste.  La  vraie 
morale  n'est,  à  la  lettre,  que  l'histoire  naturelle  de  la  moralité,  sans  aucun 
mélange  d'hypothèses  érigées  en  règle  impérative.  Les  sciences  natu- 
relles recherchent  les  lois  qui  régissent  la  formation  et  les  changements 
des  divers  êtres  de  la  nature.  Elles  nous  font  voir,  sans  aucune  idée 
préconçue,  par  quelles  phases  successives  ils  ont  passé  pour  parvenir 
à  leur  état  actuel.  On  applique  purement  et  simplement  cette  méthode 
de  recherche  à  l'étude  de  l'être  moral.  On  montre  comment  nos  senti- 
ments moraux,  qui  nous  apparaissent  comme  simples  et  innés,  sont, 
en  réalité,  dérivés  et  complexes  ;  et,  tant  par  synthèse  que  par  analyse, 
on  cherche  à  les  relier  aux  causes  mécaniques  de  Tunivers. 

«  Dès  lors,  la  méthode  est  absolument  scientifique,  et  la  morale 
comme  science  est  véritablement  fondée.  Mais  le  résultat  auquel  on 
arrive  est  évident,  et  il  est  proclamé  par  le  naturalisme  lui-même  :  il  n'y 


60    MORALE    SOCIOLOGIQUE  :  REPROCHES    AUX    MORALES  THÉORIQUES    (28) 

a  plus  de  morale.  Déjà  mutilée  dans  les  systèmes  construits  d'après  la 
méthode  des  sciences  physiques,  la  morale  s'évanouit  dans  ceux  qui  la 
traitent  suivant  la  méthode  des  sciences  naturelles...  »  (^). 

Par  exemple,  «  la  charité,  comment  la  défendre  ?  Elle  est  absurde 
dans  un  système  où  la  destruction  des  faibles  par  les  forts  est  la  seule 
loi  sociale  que  connaisse  la  nature,  et  le  seul  principe  de  ce  que  nous 
appelons  le  progrès.  Pratiquer  la  bienfaisance,  c'est-à-dire  s'intéresser 
aux  déshérités,  aux  infirmes,  aux  malheureux,  c'est  travailler  à  leur 
faire  une  place  au  soleil,  c'est,  par  ignorance  et  superstition,  tenter  de 
contrarier  la  marche  fatale  de  la  nature  :  œuvre  insensée  et  stérile  »  {^). 
(65,  §B,  III). 


28.    -  MORALE  SOCIOLOGIQUE 

Ce  type  particulier  de  Morale,  dite  scientifique,  a  été  proposé  par 
Emile  Durkheim  {^)  sous  une  forme  systématique.  Initié  à  la  Sociologie 
par  des  précurseurs  français  (Comte,  Espinas)  et  par  des  maîtres 
allemands  (Wagner,  Schmoller,  Schaeffle,  Simmel),  ce  philosophe, 
rompant  avec  la  méthode  et  les  doctrines  du  droit  naturel,  opposa  la 
science  des  mœurs  aux  Morales  théoriques,  de  quelque  nom  ou  patro- 
nage qu'elles  se  parent  (*).  MM.  Lévy-Bruhl  (^j,  Albert  Bayet  (*)  et 
d'autres  lui  firent  écho. 

A)  REPROCHES  AUX  MORALES  THÉORIQUES 

Durkheim  et  ses  partisans  leur  adressent  les  reproches  suivants  : 
l"'  Les  moralistes  antérieurs  revendiquent  pour  la  morale  le  titre 
et  le  rôle  de  «  science  normative  ».  Cette  prétention  n'est  pas  justifiée, 
car  il  ne  peut  y  avoir  de  science  théorique  de  la  morale.  La  science, 
en  effet,  est  la  connaissance  de  ce  qui  est  :  elle  recherche  les  lois  qui 
régissent  les  phénomènes.  Ses  investigations  sont  spéculatives  et  désin- 


(')(')  Ém.  Boutroux,  Questions...,  p.  46-47. 

(»)  Durkheim  (1858-1917)  :  Les  règles  de  la  Méthode  sociologique,  Paris,  1912*.  —  De 
la  division  du  travail  social,  1893  ;  1911".  —  Le  suicide,  1912  ^  —  Les  formes  élémentaires 
de  la  rne  religieuse.  Le  système  totémique  en  Australie,  1912.  —  La  Science  positive  de  la 
Morale  en  Allemagne.  —  Il  a  fondé,  en  1896,  la  revue  L'Année  Sociologique.  —  Cf.  G.  Davy, 
Emile  Durkheim,  I.  L'homme,  dans  Revue  de  Métaphysique  et  de  Morale,  1919, 
p.  181  -198.  II.  La  doctrine,  Ibidem,  1920.  —  M.  Halbwachs,  La  doctrine  d'Emile  Durkheim, 
dans  Revue  philosophique,  1918,  T.  I,  p.  353-411. 

(  •)  S.  Deploige,  Le  conflit  de  la  Morale  et  de  la  Sociologie,  Louvain-Paris,  1911,  Ch.  v, 
p.1122-151. 

(*)  L.  Lilvy-Bruhl,  La  Morale  et  la  Science  des  mœurs,  Paris,  1903  ;  1913'. 

(  *)  Albert  Bayet,  La  Morale  scientifique.  Essai  sur  les  applications  morales  des  Sciences 
sociologiques,  Paris,   1905;  1907'. 


(28)  MORALE    SOCIOLOGIQUE    :    EXPOSÉ  61 

téressées.  Or  les  morales  théoriques  recherchent  les  fins  que  l'homme 
doit  poursuivre  et  édictent  les  règles  qu'il  doit  observer  pour  les  atteindre  : 
elles  sont  par  essence  législatrices.  Le  concept  de  «  science  normative  » 
est  donc  contradictoire,  puisque  science  dit  seulement  connaissance  de  ce 
qui  est,  tandis  que  normatif  implique  l'idée  de  ce  qui  doit  être  (^). 

2»  Les  moralistes  déduisent  de  leur  théorie  les  règles  de  la  conduite 
pratique.  Mais  d'aucune  théorie  on  ne  peut  déduire  tous  les  préceptes 
moraux.  Cette  insuffisance  des  théories  tient  à  la  méthode  employée 
par  les  Moralistes.  Ils  s'inspirent  de  conceptions  subjectives  fondées  sur 
des  inspections  superficielles  et  aboutissent  à  des  théories  trop  peu 
conipréhensives  pour  faire  face  à  la  complexité  des  applications.  La 
déduction  n'est  efficace  que  dans  les  cas  simples.  Mais  «  pour  peu  que 
les  circonstances  se  compliquent,  le  raisonnement  sera  trop  maigre  au 
regard  des  faits  et  l'adaptation  théorique  risquera  fort  de  n'être  pas 
la  meilleure.  »  (^) 

3°  Les  morales  théoriques  reposent  sur  deux  postulats  inadmis- 
sibles :  l'identité  de  la  nature  humaine  et  l'homogénéité  de  la  conscience 
morale.  (^) 

Ainsi  ces  Sociologues  critiquent  tour  à  tour  la  définition,  la  méthode 
et  les  postulats  de  la  Philosophie  morale.  C'est  pourquoi  ils  ont  assumé 
la  tâche  de  substituer  une  morale  scientifique  aux  morales  théoriques, 
toutes  plus  ou  moins  insuffisantes  et  entachées  d'arbitraire. 

B)  EXPOSÉ  DE  LA  MORALE  SOCIOLOGIQUE  {^) 

Le  fait  moral  a  deux  caractères  principaux  :  il  est  obligatoire  et  il 
est  désirable.  v<  S'il  est  vrai  que  le  contenu  de  l'acte  nous  attire,  cependant 
il  est  dans  sa  nature  de  ne  pouvoir  être  accompli  sans  effort,  sans  une 
contrainte  sur  soi...  C'est  ce  désirable  sui  generis  que  l'on  appelle  cou- 
ramment le  bien.  »  (^)  Le  bien  et  le  devoir  sont  donc  les  deux  carac- 
téristiques du  fait  moral. 

Il  faut  expliquer  ces  caractéristiques,  c'est-à-dire  faire  comprendre 
d'où  vient  qu'il  existe  des  préceptes  auxquels  nous  devons  obéir,  parce 
qu'ils  commandent,  et  qui  réclament  de  nous  des  actes  désirables.  Or  si 


(')  Lévy-Bhùhl,  La  Morale...,  Gb.  i,  p.  10-14.  Les  références  se  rapportent  à  l'édition 
de  1904. 

(  *)  DuRKHEiM,  La  science  positive  de  la  Morale  en  Allemagne,  p.  277. 

(')  Lévy-Bruhl,  La   Morale...,  Ch.  m,  p.  67  sqq. 

(  *)  Durkheim  a  donné  une  vue  d'ensemble  de  son  système  dans  une  communication 
très  étudiée,  faite  à  la  Société  française  de  Philosophie  (Cf.  le  Bulletin  de  cette  Société, 
1906,  p.  113-138)  sous  ce  titre  :  Détermination  du  fait  moral.  A  cet  exposé  sont  jointes  les 
Lettres  reçues  par  Durkheim  (p.  139-168)  et  la  Discussion  générale  qui  a  suivi  (p.  169-212). 

(')  Durkheim,  DéterminaHon...,  Bulletin,  p.   114.  —  Cf.  p.  117-126. 


62  MORALE  SOCIOLOGIQUE  :  EXPOSÉ  (28) 

l'on  interroge  la  conscience  morale,  on  arrive  à  déterminer  les  points 
suivants   : 

«  1°  Jamais,  en  fait,  la  qualification  de  moral  n'a  été  appliquée 
à  un  acte  qui  n'a  pour  objet  que  l'intérêt  de  l'individu,  ou  la  perfection 
de  l'individu  entendue  d'une  façon  purement  égoïste.  2»  Si  l'individu 
que  je  suis  ne  constitue  pas  une  fin  ayant  par  elle-même  un  caractère 
moral,  il  en  est  nécessairement  de  même  des  individus  qui  sont  mes 
semblables  et  qui  ne  différent  de  moi  qu'en  degrés  soit  en  plus,  soit  en 
moins.  3°  D'où  l'on  conclura  que,  s'il  y  a  une  morale,  elle  ne  peut  avoir 
pour  objectif  que  le  groupe  formé  par  une  pluralité  d'individus  associés, 
c'est-à-dire  la  société,  sous  condition  toutefois  que  la  société  puisse  être 
considérée  comme  une  personnalité  qualitativement  différente  des  person- 
nalités individuelles  qui  la  composent.  La  morale  commence  donc  là  où 
commence  l'attachement  à  un  groupe  quel  qu'il  soit  {}).   » 

Cela  posé,  on  peut  expliquer  les  caractéristiques  du  fait  moral  : 

l*'  La  société  est  bonne  et  désirable  pour  l'individu  qui  ne  peut 
exister  en  dehors  d'elle.  Cependant  comme  elle  est  supérieure  à  l'individu, 
celui-ci  ne  peut  la  désirer  sans  faire  quelque  violence  à  ses  tendances 
individualistes. 

2°  Elle  est  une  autorité  morale  qui  communique  à  certains  préceptes 
leur  caractère  obligatoire  (2).  «  Une  autorité  morale,  c'est  une  réalité 
psychique,  une  conscience,  mais  plus  haute  et  plus  riche  que  la  nôtre 
et  dont  nous  sentons  que  la  nôtre  dépend.  >^  Or  «  la  société  présente  ce 
caractère,  parce  qu'elle  est  la  source  et  le  lieu  de  tous  les  biens  intel- 
lectuels qui  constituent  la  civilisation  »  {^).  Ainsi  considérée  la  société 
est  autre  chose  que  la  simple  somme  des  individualités  qui  la  composent  ; 
"elle  est  transcendante  par  rapport  aux  individus.  En  effet,  «  s'il  existe 
une  morale,  un  système  de  devoirs  et  d'obligations,  il  faut  que  la  société 
soit  une  personne  morale  qualitativement  distincte  des  personnes  indi- 
viduelles qu'elle  comprend  et  de  la  synthèse  desquels  elle  résulte. 
On  remarquera  l'analogie  qu'il  y  a  entre  ce  raisonnement  et  celui 
par  lequel  Kant  démontre  Dieu.  Kant  postule  Dieu,  parce  que,  sans 
.cette  hypothèse,  la  morale  est  inintelligible.  Nous  postulons  une  société 
spécifiquement  distincte  des  individus,  parce  que,  autrement,  la  morale 
est  sans  objet,  le  devoir  sans  point  d'attache...  Toute  cette  argumen- 
tation peut,  en  définitive,  se  ramener  à  quelques  termes  très  simples. 
Elle  revient  à  admettre  que,  au  regard  de  l'opinion  commune,  la  morale 
ne  commence  que  quand  commence  le  désintéressement,  le  dévouement. 
Mais  le  désintéressement  n'a  de  sens  que  si  le  sujet  auquel  nous  nous 
subordonnons  a  une  valeur  plus  haute  que  nous,  individus.  Or,  dans  le 


(')   ( ')   DunKiiEiM,  Détermina  lin  n...,  Ibidem,  p.  115,  —  Cf.  p.  126-136. 

(•)   DuRKHEiM,  Discussion,    Ibidem,  p.  192.  —  Cf.  Dë<ermtna<ion...,  Jbidem/p.  132-133. 


(28)  MORALE    SOCIOLOGIQUE     :    EXPOSÉ  63 

monde  de  l'expérience,  je  ne  connais  qu'un  sujet  qui  possède  une  réalité 
morale  plus  riche,  plus  complexe  que  la  nôtre,  c'est  la  collectivité.  Je  me 
trompe,  il  en  est  un  autre  qui  pourrait  jouer  le  même  rôle  :  c'est  la 
divinité.  Entre  Dieu  et  la  société,  il  faut  choisir.  Je  n'examinerai  pas 
ici  les  raisons,  qui  peuvent  militer  en  faveur  de  l'une  ou  de  l'autre 
solution  qui  sont  toutes  deux  cohérentes.  J'ajoute  qu'à  mon  point  de 
vue,  ce  choix  me  laisse  assez  indifférent,  car  je  ne  vois  dans  la  divinité 
que  la  société  transfigurée  et  pensée  symboliquement  »  (^).  En  consé- 
quence, «  les  règles  morales  ne  sont  effectivement  obligatoires  que  quand 
elles  sont  reconnues  comme  telles  par  l'opinion  commune.  Aucune 
démonstration  théorique  ne  peut  leur  conférer  ce  caractère,  qui  ne  peut* 
leur  venir  que  des  sentiments  conformes  de  tous  »  (^). 

On  a  objecté  à  Durkheim  que  cette  manière  de  concevoir  la  morale, 
excluant  la  possibilité  de  la  juger,  asservit  l'esprit  à  l'opinion  régnante. 
En  effet,  si  la  morale  est  le  produit  de  la  collectivité,  elle  s'impose  néces- 
sairement à  l'individu  qui  n'a  qu'à  l'accepter  aveuglément,  sans  avoir 
le  droit  de  s'insurger  contre  elle. 

Voici,  en  substance,  la  réponse  donnée  à  cette  objection. 

La  science  des  mœurs  nous  fournit  les  moyens  de  juger  l'opinion 
morale  et  de  la  redresser.  Car  la  société,  que  la  morale  nous  prescrit 
de  vouloir,  ce  n'est  pas  la  société  telle  qu'elle  s'apparaît  à  elle-même 
dans  la  conscience  collective,  mais  la  société  telle  qu'elle  est  réellement 
ou  tend  réellement  à  être.  Or  la  conscience,  que  la  société  prend  d'elle- 
même  dans  et  par  l'opinion,  peut  être  inadéquate  à  la  réalité  sous- 
jacente,  à  la  véritable  réalité  sociale.  Il  peut  arriver  en  effet,  par  suite 
d'un  trouble  passager,  que  l'un  ou  l'autre  des  principes  fondamentaux 
de  la  morale  s'éclipse  pour  un  temps  de  la  conscience  publique.  Mais  la 
science  des  mœurs  est  là,  pour  en  appeler  de  cette  conscience  momenta- 
nément troublée  à  ce  qu'elle  était  antérieurement  d'une  façon  perma- 
nente, opposer  cette  permanence  à  la  crise  passagère  où  le  principe  en 
cause  a  sombré,  et,  faisant  ressortir  l'harmonie  de  ce  principe  avec 
telle  condition  essentielle  de  l'organisation  sociale  actuelle,  prouver  que 
sa  méconnaissance  prolongée  compromettrait  l'existence  de  la   société. 

Il  peut  arriver  aussi  qu'à  côté  de  la  morale  consacrée  par  la  tradition 
surgissent  des  tendances  divergentes.  La  science  des  mœurs  permet  de 
juger  ces  morales  opposées  :  elle  montrera,  par  exemple,  que  la  morale 
traditionnelle  est  une  survivance  accidentelle  qui  ne  correspond  plus  à 
l'état  présent  de  la  société,  tandis  que  les  aspirations  nouvelles  s'harmo- 
nisent au  contraire  avec  les  changements  survenus. 

Il  est  donc  des  cas  où  il  est  loisible  de  juger  l'opinion  morale  couranle 


(  ^)  Durkheim,  Détermination...,  Ibidem,  p.  128-1-29. 
( ')  Durkheim,  Discussion,   Ibidem,  p.   177. 


64  MORALE    SOCIOLOGIQUE    :    CRITIQUE  (28) 

et  même  où  l'on  peut  se  croire  obligé  de  la  combattre,  non  seulement 
par  des  paroles,  mais  par  des  actes,  c'est-à-dire  en  n'y  conformant  plus 
sa  conduite. 

Mais  on  doit  maintenir  que  jamais  il  ne  peut  être  voulu  d'autre  morale 
que  celle  qui  est  réclamée  par  l'état  social  du  temps.  Vouloir  une  autre 
morale  que  celle  qui  est  impliquée  dans  la  nature  de  la  société,  c'est 
nier  celle-ci  et,  par  suite,  se  nier  soi-même.  Or  nous  avons  raison  de 
vouloir  vivre  (^). 

C)  CRITIQUE  DE  LA  MORALE  SOCIOLOGIQUE 

I.  —  Ses  partisans  croient  discréditer  la  Morale  en  la  qualifiant  de 
Métamorale,  parce  qu'elle  s'appuie  sur  l'existence  de  Dieu,  l'immor- 
talité de  l'âme  et  les  sanctions  d'une  vie  future.  Nous  verrons  en  méta- 
physique que  ce  ne  sont  pas  là  de  vaines  hypothèses,  mais  des  vérités 
solidement  établies.  (Métaphysique  spéciale,  Ch.  ii  et  m.) 

II.  —  Le  fait  moral  ne  saurait  se  réduire  au  fait  social.  En  effet, 
certains  de  nos  actes  ne  se  réfèrent  pas  à  une  fin  sociale.  Il  y  a  des 
«  devoirs  d'homme  à  homme,  des  devoirs  humains  (devoirs  de  justice, 
de  pitié)  que  la  conscience  considère  comme  extra-sociaux  ;  il  y  a  des 
devoirs  individuels  de  l'individu  à  l'égard  de  lui-même  (honneur,  dignité 
personnelle)  et  des  devoirs  qui  lient  directement  l'individu  à  l'individu, 
comme  tel  et  non  comme  membre  de  la  collectivité  (amitié,  amour). 
Dans  tous  ces  cas  la  conscience  admet  des  obligations  extra-sociales, 
qui  peuvent  sans  doute  être  déterminées  et  modifiées  par  la  vie  collec- 
tive, mais  pour  lesquelles  la  vie  collective  n'est  qu'un  milieu  d'action, 
un  point  de  départ,  une  base  »  {^).  —  Il  y  a  aussi  les  devoirs  personnels 
envers  Dieu  qui  ne  trouvent  aucune  place  dans  le  système  de  Durkheim. 
De  la  doctrine  posée  résulterait  cette  conséquence  monstrueuse  qu'un 
individu  vivant  en  dehors  de  la  société  n'aurait  aucune  morale,  ne 
serait  astreint  à  aucun  devoir. 

III.  —  Durkheim  reconnaît  que  le  principe  d'obligation  doit  être 
supérieur  à  ceux  qu'il  oblige.  Entre  les  deux  principes  qu'il  indique. 
Dieu,  la  société,  son  choix  s'est  porté  sur  le  second. 

Or  il  est  manifeste  que  la  société  ne  saurait  être  un  principe  d'obli- 
gation qui  s'impose  avec  une  autorité  dont  les  titres  sont  incontestables, 
car,  en  définitive,  elle  n'est  que  la  somme  des  éléments  individuels  qui 
la  composent.  En  effet,  les  individus  humains  qui  forment  une  société, 
étant  égaux  par  nature,  sont  essentiellement  semblables,  et  par  consé- 
quent, ne  peuvent,  par  le  fait  de  leur  association,  devenir  un  principe 


(  •)  Durkheim,  Détermination...,  Ibidem,  p.  116;  136-137  ;  116. 
(')  F.   Rauh,  Discussion,  Ibidem,  p.  202.  Cf.  p.  166,  1". 


(38)  MORALE    SOCIOLOGIQUE    :    CRITIQUE  65 

supérieur,  source  d'obligation,  parce  qu'ils  n'ont  pas  changé  de  nature 
en  s'associant.  C'est  donc  en  dehors  et  au-dessus  de  la  société,  c'est 
en  Dieu  qu'il  faut  chercher  le  principe  de  l'obligation. 

Pour  répondre  à  cette  difficulté  capitale,  Durkheim  n'a  rien  trouvé 
qui  vaille.  Qu'on  en  juge  :  «  La  société  est  une  grande  personne  morale. 
Elle  nous  dépasse  non  pas  seulement  physiquement,  mais  matériel- 
lement et  moralement.  La  civilisation  est  due  à  la  coopération  des 
hommes  associés  et  des  générations  successives  ;  elle  est  donc  une  œuvre 
essentiellement  sociale.  C'est  la  société  qui  l'a  faite,  c'est  la  société  qui 
en  a  la  garde  et  qui  la  transmet  aux  individus.  C'est  d'elle  que  nous  la 
recevons.  Or  la  civilisation  c'est  l'ensemble  de  tous  les  biens  auxquels  nous 
attachons  le  plus  de  prix  ;  c'est  l'ensemble  des  plus  hautes  valeurs 
humaines.  Parce  que  la  société  est  à  la  fois  la  source  et  la  gardienne  de 
la  civilisation,  parce  qu'elle  est  le  canal  par  lequel  la  civilisation  parvient 
jusqu'à  nous,  elle  nous  apparaît  donc  comme  une  réalité  infiniment 
plus  riche  que  la  nôtre...  »  (^).  Et  après  ?  C'est  un  bon  argument  pour 
prouver  que  l'homme  est  fait  pour  la  société,  où  il  trouve  les  ressources 
nécessaires  au  plein  développement  de  ses  facultés.  Mais  du  fait  que  la 
société  est  «  source  de  la  civilisation  »,  de  quel  droit  conclure  qu'elle 
est  source  de  l'obligation  ?  La  civilisation  ne  confère  pas  à  la  société 
une  transcendance  qui  s'impose  nécessairement  aux  membres  associés, 
car  la  civilisation  est  quelque  chose  de  changeant,  de  relatif,  par  consé- 
quent de  discutable.  L'autorité  sociale  est  représentée  par  l'opinion 
morale  commune.  Quelle  efficacité,  surtout  quand  le  devoir  exige  des 
sacrifices  pénibles,  peut-elle  avoir  pour  décider  des  volontés  hésitantes  ? 
l^a  voix  de  la  conscience  collective  sera-t-elle  assez  puissante  pour 
romprimer  les  réclamations  pressantes  de  l'intérêt  personnel  immé- 
diat ? 

C'est  pourquoi  la  conclusion  que  Durkheim  propose,  après  avoir 
rappelé  les  bienfaits  que  nous  devons  à  la  société,  dénote  une  candeur 
qui  étonne  de  la  part  d'un  savant  se  disant  positiviste  :  »  N'est-il  pas 
naturel  dès  lors  que  nous  nous  la  représentions  [la  société]  comme  un 
être  psychique  supérieur  à  celui  que  nous  sommes  et  d'où  ce  dernier 
émane  ?  Par  suite,  on  s'explique  que,  quand  elle  réclame  de  nous  des 
sacrifices  petits  ou  grands  qui  forment  la  trame  de  la  vie  morale,  nous 
nous  inclinions  devant  elle  avec  déférence  (^).  » 

Un  peu  plus  haut  Durkheim  avait  dit  :  «  C'est  de  la  société  que  nous 
vient  tout  l'essentiel  de  notre  vie  mentale  »,  et  il  se  permet  de  faire  ce 
rapprochement  impertinent  :  «  Le  croyant  s'incline  devant  Dieu,  parce 
que  c'est  de  Dieu  qu'il  croit  tenir  l'être,  et  particulièrement  son  être 


(M  Durkheim,  Délemiination...,  Ibidem,  p.  131. 
{ ')  Durkheim,  Discussion...,  Ibidem,  p.  19'2. 


TRAITÉ    DE    PHILOSOPHIE.   T.    II.    —    2. 


Q(j  MORALE    SOCIOLOGIQUE  :  CRITIQUE  (28) 

mental,  son  àme.  Nous  avons  les  mêmes  raisons  d'éprouver  ce  sentiment 
pour  la  collectivité  (^).  » 

De  bonne  foi,  est-ce  par  déférence  pour  la  société,  est-ce  pour  recon- 
naître notre  dette  à  son  égard  que  nous  accomplissons  nos  devoirs 
quotidiens,  «  petits  ou  grands  »,  spécialement  ceux  qui  sont  extra- 
sociaux ?  Qui  donc  y  songe  en  vérité  ? 

IV.  ■ —  Durkheim  a  beau  dire  que  la  morale  commence  où  commence 
le  désintéressement,  sa  doctrine,  en  fin  de  compte,  doit  être  rangée 
parmi  les  doctrines  utilitaires.  Il  écrit  en  effet  :  «  En  même  temps  qu'elle 
[la  société]  nous  dépasse,  elle  nous  est  intérieure,  puisqu'elle  ne  peut 
vivre  qu'en  nous  et  par  nous.  Ou  plutôt  elle  est  nous-même,  en  un  sens, 
et  la  meilleure  partie  de  nous-même,  puisque  l'homme  n'est  un  homme 
que  dans  la  mesure  où  il  est  civilisé...  Ainsi  vouloir  la  société,  c'est, 
d'une  part,  vouloir  quelque  chose  qui  nous  dépasse  ;  mais  c'est  en  même 
temps,  nous  vouloir  nous-même  (^).  »  La  morale  sociologique  n'est  donc, 
dans  son  fond,  qu'une  variante  de  l'utilitarisme. 

V.  —  Le  système  renferme  une  contradiction  interne  qui  le  ruine. 
La  source  de  la  morale  c'est,  nous  dit-on,  la  conscience  collective.  Mais 
Durkheim  reconnaît,  nous  l'avons  vu,  que  cette  conscience  peut  être 
erronée  et,  dans  ce  cas,  qu'il  est  légitime  de  la  redresser.  Supposons  que 
tel  ou  tel  s'emploie  à  ce  travail  de  redressement.  Il  s'en  suivra  qu'un 
jugement  individuel  a  conféré  à  certains  actes  un  caractère  moral  qui  a 
réformé  le  jugement  de  la  conscience  collective.  Alors  la  moralité  ne 
dérive  plus  de  la  société,  mais  de  l'effort  d'un  particulier,  ce  qui  est  la 
négation  même  du  système  (^). 

A  cette  objection  foncière  Durkheim  n'a  trouvé  que  cette  réponse 
qui  repose  sur  une  distinction  équivoque  :  La  seule  raison  qui  ait  «  le 
droit  d'intervenir  et  de  s'élever  au-dessus  de  la  réalité  morale  histo- 
rique en  vue  de  la  réformer,  ce  n'est  pas  ma  raison  ni  la  vôtre  :  c'est  la 
raison  humaine,  impersonnelle,  qui  ne  se  réalise  vraiment  que  dans  la 
science...  Ce  n'est  pas  l'individu  qui  parle  ici  en  tant  qu'individu,  au 
nom  de  ses  aspirations  personnelles.  C'est  le  savant,  l'homme  qui  parti- 
cipe de  cette  chose  impersonnelle  qu'est  la  science  (*).  » 

Pour  dégonfler  ces  grands  mots  :  «  raison  impersonnelle,  science 
impersonnelle  «  et  les  ramener  à  leur  juste  proportion,  une  simple 
remarque  suffira.  Quiconque  cherche  loyalement  la  vérité,  qu'il  s'agisse, 
comme  ici,  d'un  problème  moral,  ou  qu'il  s'agisse  d'un  problème  phy- 


(')   DvnKHZxy,  Discussion...,    /bidem,  p.  192. 
( ')   DunKHEiM,  Détermination...,  Ibidem,  p.  131  ;  132. 

(»)  A.  D.*nLu  a  poussé  vigoureusement  cette  objection.  Cf.  Discussion,  Ibidem,  p.  173- 
176. 

(  •)   DuBKHEiM,  Discussion,  Ibidem,  p.  174  ;  175. 


(28)  MORALE    SOCIOLOGIQUE    :    CRITIQUE  67 

sique,  doit  s'affranchir  de  tout  ce  qui  peut  troubler  la  rectitude  native 
de  son  intelligence  :  préjugés,  amour-propre,  suggestions  de  la  sensi- 
bilité, etc.  A  ce  prix,  il  a  chance  d'arriver  à  une  conclusion,  qu'on  peut 
appeler  impersonnelle,  si  l'on  veut,  parce  qu'elle  est  vraiment  objective. 
Mais  cette  conclusion  n'en  reste  pas  moins  l'œuvre  d'une  raison  person- 
nelle, particulière,  et  le  jugement  qu'elle  formule  reste  individuel,  quand 
même,  ce  qui  n'est  pas  toujours  le  cas,  il  serait  le  fruit  de  recherches 
scientifiques.  Ce  n'est  pas  cette  affirmation  de  Durkheim  :  «  la  science 
n'est  pas  la  chose  d'un  individu,  c'est  une  chose  sociale,  impersonnelle 
au  premier  chef  »  (^),  qui  peut  changer  la  nature  de  cette  conclusion 
et  de  ce  jugement. 

Prenons  l'un  des  cas  présentés  par  lui-même.  Un  principe  fonda- 
mental de  la  morale  est  rejeté  par  la  conscience  publique.  On  suppose 
que  quelqu'un,  s'appuyant  sur  la  science  des  mœurs,  s'efforce  de  restaurer 
le  principe  abandonné. 

Le  voici  en  présence  de  deux  opinions  contradictoires  de  la  conscience 
collective  :  le  même  principe  successivement  affirmé  et  nié.  Quel  crité- 
rium adoptera-t-il  pour  trancher  le  différend  ?  Il  ne  peut  recourir  au 
jugement  collectif  de  l'opinion,  puisque  cette  opinion  s'est  formellement 
déjugée  et  contredite  elle-même.  Force  lui  est  donc,  au  moyen  de  sa 
raison  personnelle,  de  chercher,  en  dehors  et  au-dessus  de  la  société, 
un  critérium  du  bien  et  du  mal,  du  juste  et  de  l'injuste,  qui  lui  permette 
de  trancher  la  question,  c'est-à-dire  qu'il  lui  faut  renoncer  au  système 
lui-même  qui  est  établi  sur  cette  assise  fondamentale  :  la  conscience 
collective  est  la  source  de  la  moralité  et  de  l'obligation. 

Durkheim  essaie  en  vain  d'échapper  à  cette  conclusion  en  disant  : 
«  C'est  à  la  nature  vraie  de  la  société  »  que  l'individu  réformateur  «  se 
conforme  quand  il  se  révolte  contre  la  morale  traditionnelle  »  (^). 
Je  demande  :  comment  saura-t-il  quelle  est  la  nature  vraie  de  la  société? 
La  réalité  sociale  est  la  suivante  :  la  conscience  collective  nie  aujourd'hui 
ce  qu'elle  a  affirmé  hier.  Or,  comme  elle  est  la  source  de  la  morale,  son 
verdict  doit  avoir,  dans  les  deux  hypothèses,  la  même  valeur  obligatoire  : 
elle  a  jugé  successivement  que  l'une  et  l'autre  décision  sont  conformes 
«  à  la  vraie  nature  »  de  la  société.  Le  jugement  collectif  étant  contra- 
dictoire, notre  réformateur  ne  peut  en  invoquer  l'autorité  pour  clôturer 
le  débat.  Il  serait  donc,  comme  tout  à  l'heure,  obligé  de  recourir  aux 
lumières  de  sa  raison  individuelle,  en  l'entourant  des  précautions  néces- 
saires pour  en  garantir  l'objectivité. 

VI.  —  Ce  système,  fût-il  légitime,  serait  dans  la  pratique  d'une  utilité 


(')   DuRKHEtM,  Déierminaiion...,  Ibidem,  p.  136-137.  Cf.  p.  174. 
{'')  Durkheim,   Discussion,   Ibidem,  p.   174. 


68  MORALE    SOCIOLOGIQI'E    :    RÉPONSE    AUX    REPROCHES  (28) 

très  limitée.  Sur  ce  point  les  aveux  de  Durkheim  sont  très  explicites  : 
((  C'est  de  la  société  et  non  du  moi  que  dépend  la  morale.  Et  sans  doute 
il  arrive  très  souvent  que  nous  sommes  obligés  de  prendre  un  parti  sur 
ces  questions  [de  morale]  sans  attendre  que  la  science  soit  assez  avancée 
pour  nous  guider  :  les  nécessités  de  l'action  nous  font  souvent  une  néces- 
sité de  devancer  la  science.  Nous  faisons  alors  comme  nous  pouvons, 
remplaçant  la  science  méthodique,  qui  est  impossible,  par  une  sommaire, 
hâtive,  complétée  par  les  inspirations  de  la  sensibilité  {^).  «  Voilà  donc 
où  aboutit  tout  cet  effort  scientifique  :  à  une  morale  de  mandarins  intel- 
lectuels !  Cette  élite  elle-même  est  souvent  dans  l'embarras  et,  pour  en 
sortir,  elle  est  réduite  à  se  fier  aux  suggestions  trompeuses  de  la  sensi- 
bilité Durkheim  est  loin  du  but  poursuivi  :  «  Tous  mes  efforts  tendent 
précisément  à  tirer  la  morale  du  subjectivisme  sentimental  où  elle 
s'attarde,  et  qui  est  une  forme  ou  d'empirisme  ou  de  mysticisme,  deux 
manières  de  penser  étroitement  parentes  {^).    » 

D'après  les  promoteurs  eux-mêmes  de  la  Morale  scientifique,  l'huma- 
nité devra  attendre  longtemps  encore  avant  qu'elle  soit  constituée. 
Mais,  pour  la  faire  patienter,  on  lui  promet  des  merveilles  :  «  Dans  un 
avenir  qu'il  nous  est  à  peine  permis  d'entrevoir,  ces  sciences  [les  sciences 
sociologiques]  seront  assez  avancées  pour  rendre  possibles  des  appli- 
cations. Des  arts  rationnels  apparaîtront,  donnant  à  l'homme  un  pouvoir 
sur  la  nature  «  sociale  )^  analogue,  sinon  égal,  à  celui  qu'il  exerce  déjà 
sur  la  nature  «  physique  ».  Nous  en  voyons  quelques  commencements, 
encore  faibles,  en  pédagogie,  par  exemple,  et  en  économie  sociale.  Dans 
l'intervalle,  notre  société  continuera  de  vivre  avec  la  morale  qui  lui 
est  propre  (^).   » 


D)  RÉPONSE    AUX    REPROCHES    FAITS    AUX    MORALES 

THÉORIQUES 

1»  Au  premier  :  d'après  M.  Lévy-Bruhl,il  ne  peut  y  avoir  de  science 
théorique  de  la  Morale,  parce  que  la  science  recherche,  d'une  façon 
spéculative  et  désintéressée,  les  lois  qui  régissent  les  phénomènes. 
Or  cette  définition  de  la  science  ne  convient  pas  à  la  Morale,  dont  la 
lonction  est  de  prescrire,  c'est-à-dire  de  déterminer  les  fins  que  l'homme 
doit  jioursuivre,  et  les  moyens  à  employer  pour  les  atteindre. 


( ')  Dlrkiieim,  Détermination...  pp.  137-138  Cf.  Discussion,   176-177. 

(  ")  Durkheim,  Discussion,  p.  176. 

(')  LÉvy-BnuiiL,  La  Morale...,  p.  290. 


I 


(28)       MORALE  SOCIOLOGIQUE  :  RÉPONSE  AUX  REPROCHES         69 

Il  existe,  avant  l'apparition  de  toute  théorie  philosophique,  une 
morale  spontanée  (^).  «  Une  société  a  déjà  atteint  un  certain  degré  de 
civilisation  quand  la  science  s'y  organise  ;  mais  elle  n'a  pu,  à  aucun 
moment  de  son  évolution,  se  passer  de  règles  morales  et  juridiques. 
Avant  que  ces  règles  devinssent  un  objet  d'étude,  elles  s'imposaient 
déjà  aux  hommes  dans  le  milieu  où  elles  se  trouvent  admises.  La  tâche 
du  théoricien  de  la  morale  n'est  donc  pas  nécessairement  de  prescrire 
ou  de  légiférer  ;  pour  édicter  des  préceptes,  il  arrive  même  trop  tard  : 
c'est  déjà  fait  {^).  » 

Rien  n'empêche  cependant  d'appeler  la  morale  une  «  science  nor- 
mative »,  puisqu'elle  détermine  les  principes  et  les  lois  idéales  qui  doivent 
guider  la  conduite,  et  trace  ensuite  les  règles  [normse)  pratiques  de 
l'action  (3,  A,  Remarque  I).  La  critique  du  concept  de  «  science  nor- 
mative »  n'a  de  sens  et  de  valeur  que  si  l'on  restreint  arbitrairement 
le  champ  de  la  science  aux  objets  de  pure  expérience,  en  tant  qu'ils 
tombent  directement  sous  l'expérience.  Mais  la  morale  en  formulant 
«  ce  qui  doit  être  »,  enseigne  «  ce  qui  est  »,  c'est-à-dire  la  réalité  du  . 
devoir.  Or  cette  réalité  est  objet  à&  science  par  le  fait  même  qu'elle 
est  une  réalité 

2'^  Au  second  :  il  est  dirigé  contre  ces  philosophes  qui  «  se  sont 
constamment  efforcés  de  faire  de  la  morale  une  science  déductive  à 
l'image  des  mathématiques...  »  (^).  Ce  reproche  vaut,  par  exemple, 
contre  J.-J.  Rousseau  et  l'École  éclectique  de  Cousin  (^)  ;  mais  il  ne 
porte  pas  contre  saint  Thomas  qui  recommande  de  donner  pour  base 
aux  études  morales  l'expérience  et  la  coutume  (■^).  C'est  à  l'observation 
des  faits  moraux,  d'ordre  individuel  et  d'ordre  collectif,  que  le  moraliste 
doit  demander  les  documents  dont  il  a  besoin.  Ce  souci  du  fait  concret, 
déjà  réel  chez  les  Scolastiques  anciens,  a  grandi  de  nos  jours  avec  les 
jirogrès  de  la  méthode  expérimentale. 

3°  Au  troisième  :  nous  lui  avons  déjà  répondu  en  montrant  que 
les  notions  et  vérités  fondamentales  de  la  morale  sont  universelles  et 


(  ')  M.  Llivy-Brùlil  le  reconnaît  lui-même  :  «  Sans  doute,  partout  où  existent  des  grou- 
pements humains,  existent  aussi  entre  leurs  membres  des  relations  que  l'on  peut  qualifier 
de  morales,  c'est-à-dire  qu'il  s'y  présente  des  actes  permis  ou  défendus,  en  dehors  de  ceux 
(eu  petit  nombre)  qui  sont  indifférents,  et  qu'il  s'y  présente  aussi  des  sentiments  de  blftme, 
il'admiration,  de  réprobation,  d'estime,  pour  les  auteurs  de  ces  actes.  Mais  il  y  a  fort  loin  de 
CCS  faits  à  la  connaissance  consciente  et  réiléchie  de  «  vérités  morales  »,  et  surtout  de 
vérités  comparables  à  celles  qui  jouent  un  si  grand  rôle  dans  les  sociétés  civilisées.  >  {La 
Morale...,  p.  215). 

(  =)   Deploige,  Le  Conflit...,  p.  2SA. 

(')  liÉVY-BnÛHL,  La   Morale...,  p.  90. 

(*)  Deploige,  Le  Conflit...,  p.  275-276,  289., 

( ')  S.  Thomas,  Commentar.  in  Eihic.  Aristoteli!^,  I,  3,  11.  Cf.  Deploige,  Le  Conflit.. 

286  ;  346-351. 


70  LA    SOLIDARITÉ    :    DIVISION  (29) 

invariables  (12)  (^).  Les  variations  dans  les  applications  s'expliquent, 
d'après  saint  Thomas,  par  l'influence  des  passions,  l'inégal  dévelop- 
pement de  la  raison  et  la  diversité  des  milieux  {^). 


29.  —  MORALE  DE  LA  SOLIDARITÉ 

Le  mot  solidarité,  à  parler  en  général,  signifie  l'interdépendance  qui 
existe  entre  un  tout  et  ses  diverses  parties,  de  sorte  qu'on  ne  peut  agir 
sur  l'une  d'elles,  sans  modifier  les  autres  et  le  tout  lui-même. 

La  solidarité  est  une  loi  universelle  :  elle  régit  le  monde  physique 
(vg.  loi  de  l'attraction),  économique  (vg.  solidarité  entre  la  production 
et  la  consommation,  l'offre  et  la  demande,  etc.),  physiologique  (■')  : 
Kant  définit  l'être  organisé,  l'être  où  tout  est  réciproquement  fin  et 
moyen.  On  la  retrouve  aussi  dans  la  vie  intellectuelle  et  morale  des 
individus  et  des  sociétés.  Nous  insisterons  particulièrement  sur  la  soli- 
darité morale  {*). 

§  A.  —  DIVISION  DE  LA  SOLIDARITÉ 

La  solidarité  exprime  la  dépendance  mutuelle,  qui  rattache  la  vie 
des  hommes,  soit  à  leurs  actions  antérieures,  soit  aux  actions  des  per- 
sonnes avec  lesquelles  ils  sont  ou  ont  été  en  relation.  De  là  deux  aspects 
de  la  solidarité  :  elle  est  individuelle  ou  sociale. 

I.  —  Solidarité  individuelle  :  la  solidarité  s'applique  à  tous 
les  phénomènes  de  l'activité  psychologique.  Nous  avons  vu  que  sans 
doute  il  faut  distinguer  entre  eux  les  faits  sensibles,  les  faits  intellectuels 
et  les  faits  volontaires  ;  mais  nous  avons  constaté  aussi  qu'ils  dépendent 
les  uns  des  autres,  qu'ils  ne  constituent  qu'une  seule  vie  psychologique 
où  ils  sont  intimement  associés  (Psych.  10). 

Il  y  a  aussi,  dans  chaque  individu,  une  solidarité  psycho-physio- 
logique, parce  que,  comme  dit  Bossuet,  l'homme  est  un  «  tout  naturel  »  (^). 
C'est  pourquoi,  à  cause  des  étroits  rapports  qui  unissent  le  physique 


(')  Pour  les  faits  sur  lesquels  repose  cette  assertion,  voir  :  V.  Cathrein,  Die  Einheit 
des  !<ittlichen  Bewusslseins  der  Menschheil,  3  vol.,  Fribourg-en-Brisgau,  1914. 

l'i   Dkploige,  Le  Cimflil...,  p.  321  sqq. 

(»)  La  fable,  Les  membres  et  l'estomac,  est  un  exemple  de  solidarité  organique. 

(  *)  A.  D.^.nn',  L.  Bourgeois,  F.  Havu,  etc.,  Essai  d'une  philosophie  delà  Solidarité. — 
rir.  OïDK.  L'idée  de  Solidarité.  —  H.  Marion',  De  la  Solidarité  morale.  —  Brunetière, 
Discours  de  combat,  2"^  série  ;  l'Idée  de  Solidarité.  —  Despine,  La  contagion  morale.  — 
FoynKGRW'E, Solidarité,  pitié,  charité.  — C.  Bouglé,  Solidarisme  et  Libéralisme.  —  P.  Budin, 
Ch.  Gide,  etc.  Les  applications  sociales  de  la  Solidarité.  —  Ch.  Brunot,  La  Solidarité  sociale 
comme  principe  des  lois.  —  E.  d'Eiciithal,    La  Solidarité  sociale,  ses  nouvelles  formides. 

(')  Bossi'ET,  De  la  connaissance  de  Dieu  et  de  soi-même,  Ch.  m,   §  20. 


(29)  LA    SOLIDARITÉ    :    DIVISION  71 

au  moral,  le  corps  est  solidaire  de  Tàme,  et  l'âme  est  solidaire  du  corps. 
Sans  doute  l'appareil  cérébral  n'est  pas  la  cause  de  la  vie  mentale, 
mais  il  en  est  la  condition  nécessaire,  étant  donnée  l'union  actuelle  de 
l'âme  et  du  corps  (Psych.  238-239). 

La  solidarité  est  encore  manifeste  dans  Tordre  moral  :  chacun  subit 
plus  ou  moins  les  conséquences  bonnes  ou  mauvaises  de  ses  actes  précé- 
dents. L'ensemble  de  nos  actions  forme  une  série,  non  pas  infrangible, 
puisque  l'homme  est  libre,  mais  où  tout  se  tient  et  s'appelle  :  notre  présent 
est  le  fruit  de  notre  passé  et  il  contient  en  germe  notre  avenir.  Le  grand 
ouvrier  de  la  solidarité  individuelle  c'est  Vhahitude  :  tout  acte  accompli 
persiste  dans  ses  conséquences,  parce  qu'il  laisse  dans  l'âme  une  facilité 
plus  grande  pour  le  reproduire  (Psych.  218). 

IL  —  Solidarité  sociale  :  elle  comprend  cet  ensemble  complexe 
d'influences  de  toutes  sortes  que  les  hommes  vivant  en  société  exercent 
les  uns  sur  les  autres. 

La  sympathie  est  l'agent  le  plus  efficace  de  la  solidarité  sociale  : 
inclinant  chacun  à  sentir,  à  penser  et  à  vouloir  comme  ceux  qui  l'envi- 
ronnent, c'est  elle  qui  rapproche  les  individus  et  les  maintient  à  l'unisson. 
La  solidarité  sociale  variera  avec  les  diverses  formes  que  peut  prendre 
la  société.  On  peut  distinguer  : 

A).  —  La  Solidarité  familiale  ou  domestique  :  elle  est  constituée 
par  les  influences  réciproques  des  parents  et  des  enfants.  Par  Vhérédité 
l'enfant  reçoit  de  ses  ascendants  tout  un  ensemble  de  tendances  et  de 
dispositions  particulières,  d'où  résultent  son  tempérament  physique 
et  sa  constitution  morale.  Cependant  chacun  peut  modifier,  dans  un  sens 
ou  dans  un  autre,  ses  tendances  et  aptitudes  héréditaires,  par  sa  libre 
initiative,  h' éducation  est  encore,  aux  mains  de  la  famille,  un  puissant 
moyen  de  transmettre  aux  descendants  ses  principes  et  ses  traditions. 
Les  enfants  exercent  à  leur  tour  une  action  très  grande  sur  leurs  parents  ; 
le  sentiment  de  la  paternité  et  de  la  maternité  développe  les  plus  belles 
qualités  :  prévoyance,  ardeur  au  travail,  épargne,  dévouement  et  géné- 
rosité. Les  enfants  ne  sont-ils  pas  entre  les  père  et  mère  le  meilleur 
trait  d'union  ?  La  solidarité  familiale  s'étend  aussi  aux  rapports  des 
enfants  entre  eux  et  crée  entre  frères  et  sœurs  des  liens  très  doux  et 
très  forts.  Chaque  famille  en  se  perpétuant  constitue  une  personnalité 
morale  solidairement  responsable  :  les  descendants  portent  plus  ou 
moins  le  poids  des  fautes  de  leurs  ascendants,  comme  ils  bénéficient 
de  leurs  vertus  et  mérites.  C'est  ainsi  qu'un  héritage  d'honneur  ou  de 
déshonneur  passe  d'une  génération  à  l'autre. 

B).  —  Solidarité  nationale  et  patriotique  :  la  patrie  est  l'agrandis- 
sement de  la  famille.  C'est  pourquoi  la  solidarité  nationale  provient  de 
rauses  semblables,  mais  leurs  actions  et  réactions  sont  beaucoup  plus 
complexes  et  étendues.  En  étudiant  la  notion  de  patrie  (Psych.  45), 


72  LA    SOLIDARITÉ    :    DIVISIOK  (29) 

nous  avons  énuméré  les  principaux  éléments  qui  concourent  à  sa  for- 
mation :  unité  de  territoire,  de  race,  de  langue,  de  gouvernement,  de 
croyances  religieuses.  Chacun  d'eux  contribue  dans  une  proportion 
variable  selon  les  circonstances  à  constituer  l'unité  nationale.  Mais  ce 
qui  fait  surtout  la  patrie,  c'est  la  communauté  de  sentiments,  d'idées 
et  de  volontés.  La  solidarité,  qui  résulte  des  relations  sociales  entre 
compatriotes,  s'applique  non  seulement  au  présent,  mais  encore  au 
passé,  car  la  patrie  est  aussi  une  personne  morale  dont  le  patrimoine, 
fait  de  souvenirs,  est  légué  fidèlement  par  ceux  qui  disparaissent  à  ceux 
cjui  les  remplacent  (^). 

Celui  qui  entre  en  société  jouit  de  tous  les  progrès  qui  ont  été 
accomplis,  par  de  longs  efforts  antérieurs,  dans  les  sciences,  le  com- 
merce, l'agriculture,  l'industrie,  les  arts,  etc.  C'est  un  héritage  dont 
il  profite  immédiatement.  Il  est  bien  juste  qu'à  son  tour,  pour  acquitter 
sa  dette  de  reconnaissance,  il  s'efforce  d'améliorer  de  tout  son  pouvoir 
l'état  social  auquel  il  est  si  grandement  redevable.  Chacun  d'ailleurs 
est  dépendant  de  l'association  entière,  car  personne  ne  peut  se  suffire 
complètement  à  lui-même.  Il  faut  que  les  autres  nous  procurent  ce  que 
nous  ne  pouvons  produire  nous-mêmes.  Pour  avoir  une  idée  de  la  dépen- 
dance étroite  qui  nous  lie  les  uns  aux  autres,  il  suffit  de  se  rappeler  quel 
concours  nombreux  de  causes  exige  la  production  d'une  simple  bouchée 
de  pain  (-).  On  abuse  beaucoup  actuellement  de  l'assimilation  qu'on 
établit  entre  une  nation  et  un  organisme.  La  solidarité  sociale  n'a  pas 
la  rigidité  ni  la  fatalité  qu'on  remarque  dans  le  monde  organisé  des 
végétaux  et  des  animaux  ;  mais  il  faut  reconnaître  cependant  que  sa 
nature  justifie  par  certains  côtés  la  comparaison  employée.  De  même  que, 
dans  un  corps  vivant,  chaque  organe  réclame  le  concours  de  tous  les 
autres  pour  le  bon  fonctionnement  de  l'ensemble  et  de  ses  parties, 
ainsi,  dans  ce  vaste  et  complexe  organisme  qu'est  une  société,  chaque 
individu  a  besoin  de  l'aide  et  de  la  coopération  de  ses  semblables.  De 
même  encore  on  peut,  dans  une  certaine  mesure,  déterminer  des  lois  de 
statique  et  de  dynamique  sociales  (Logique,  104,  §  1). 

C),  —  Solidarité  humaine  :  à  travers  l'espace  et  le  temps,  les  diverses 
nations  sont  plus  ou  moins  soHdaires  les  unes  des  autres,  selon  l'influence 
plus  ou  moins  rayonnante  que  leur  action  exerce  autour  d'elles.  Cette 
sdlidarité  est  aujourd'liui  i)lus  étroite  que  jamais,  à  cause  de  la  facilité 
et  i\('  la  rapidité  des  communications  entre  les  cinq  parties  du  monde, 
que  les  progrès  de  la  science  ont  développées. 


(M  Itnr.NETiÈrtn:,  Discours  de  combat,  !"•  st^rie  :  l'Iilée  de  pulrie,  p.     121  Sini-.  Paris, 
lOOG". 

(')   .r.  DE  BoNMOT,  Le  problhne  du  tnni,  L.  IV.  (11.  m,  p.  152-153.  2"  Éd. 


(29^  LA    SOLIDARITÉ    :    PRINCIPE    DE    LA    MORALE  73 

§  B.  —  LA  SOLIDARITÉ,  PRINCIPE  DE  LA   MORALE 

Étant  frappés  de  la  place  considérable  qu'occupe  la  solidarité  dans 
le  monde,  quelques  philosophes  contemporains  (^)  veulent  la  donner 
pour  base  à  la  morale  sociale.  En  effet,  disent-ils  : 

I.  —  La  solidarité  est  une  loi  fondamentale  qui  régit  l'humanité 
entière  ;  or  le  devoir  nous  oblige  à  obéir  aux  lois  ;  il  faut  donc  regarder 
les  autres  hommes  comme  les  parties  d'un  même  tout  ;  il  faut  faire  tous 
nos  efforts  pour  les  aider,  comme  il  arrive  dans  un  corps  bien  constitué, 
où  chaque  organe  concourt  au  bien  de  l'ensemble  et  des  divers  éléments 
qui  le  composent.  «  Tout  pour  chacun  ;  chacun  pour  tous.  »  Voilà  la 
règle  de  la  solidarité  sociale. 

Critique  :  1<*  Sans  doute,  la  solidarité  est  une  loi  naturelle  et  fatale, 
mais  ce  n'est  pas  une  loi  morale.  Les  solidaristes  ont  érigé  un  fait  uni- 
versel en  règle  obligatoire  pour  la  volonté,  prétendant  fonder  une 
morale  scientifique  sur  une  donnée  positive.  De  quel  droit  ?  C'est  par 
le  progrès  que  l'homme  se  dégage  des  conditions  imparfaites  d'existence 
auxquelles  il  est  assujetti  par  la  nature.  «  Nous  étions  liés  à  la  terre, 
attachés  au  sol  par  la  pesanteur,  et  nous  avons  construit  des  ballons 
qui,  demain  peut-être,  nous  permettront  de  franchir  à  volonté  l'espace 
à  travers  les  airs,  etc.  {^).  »  L'homme  ne  se  sent  donc  aucunement 
obligé  par  cela  même  qu'il  se  sent  dépendant  d'une  loi  naturelle,  puisque 
tout  l'effort  de  la  science  consiste  à  l'affranchir  des  sujétions  incom- 
modes de  la  nature,  et  que  la  conscience  applaudit  à  tout  succès  dans 
ce  sens.  L'existence  d'une  loi  naturelle  de  solidarité  ne  peut  donc  suffire 
à  fonder  nos  devoirs  envers  les  autres. 

20  Elle  le  peut  d'autant  moins  qu'il  y  a  une  solidarité  dans  le  mal 
comme  dans  le  bien  :  «  Les  vices  des  parents  forment  le  milieu  moral 
où  grandit  l'enfant,  aussi  bien  que  leurs  vertus  {^).  »  «  Il  s'en  faut  que 
tous  les  effets  de  la  solidarité  naturelle  soient  également  bons,  salutaires 
et  justes.  C'est  la  solidarité  naturelle  qui  engendre  les  maladies  et  les 
vices  héréditaires,  l'élimination  des  faibles  et  la  survivance  des  forts, 
abstraction  faite  de  leur  valeur  morale...  (^)  »  La  solidarité  n'a  donc  pas 
par  elle-même  un  caractère  de  moralité  et  de  justice.  Il  est  même  des 
cas  où  l'on  doit  réagir  contre  les  conséquences  fâcheuses  de  la  solidarité 


(  M  Cf.  Essai  d'une  Philosophie  de  la  Solidarité,  Conférences  et  Diseussions  présidées 
par  L.  Bourgeois  et  A.  CnoisEx,  Paris,  190-2. 

(=)  G.  FoNSEGRiVE,  Solidarité,  pitié,  charité,  p.  15.  Paris,  1904'. 

(  ')  Darlu,  Solidarité  et  Morale  personnelle,  dans  l'Essai  d'une  Philosophie  de  la  Soli- 
darité, p.   125. 

(  ')  ÉM.  BouTROux,  Rôle  de  l'idée  de  Solidarité,  dans  l'Essai  d'une  philosophie  de  la 
Solidarité,  p.  277. 


74  LA    SOLIDARITÉ    :  PRINCIPE  DE  LA  MORALE  (39) 

naturelle,  parce  que  le  legs  reçu  des  ancêtres  n'est  pas  toujours  ni  de 
tout  point  acceptable. 

II.  —  Les  solidaristes  insistent  et  font  intervenir,  comme  tondement 
de  l'obligation,  l'idée  d'une  dette  résultant  d'un  quasi-contrat  :  L'homme, 
vivant  dans  la  société  et  ne  pouvant  vivre  sans  elle,  est  à  toute  heure 
un  débiteur  envers  elle.  Là  est  la  base  de  ses  devoirs,  la  charge  de  sa 
liberté  (^).  Par  le  fait  seul  que  nous  entrons  dans  la  vie,  que  nous  l'accep- 
tons avec  ses  avantages,  nous  en  acceptons  aussi  les  charges  et  nous 
consentons,  vis-à-vis  de  tout  le  reste  de  la  race  humaine,  une  sorte  de 
contrat.  Le  Code  civil  reconnaît  lui-même  des  obligations  de  cette  nature, 
qu'il  appelle  des  quasi- contrais. 

Critique   :  1°  «  Nous    avons  reçu  ;  nous  devons   rendre   »,  tel  est. 
a-t-on  dit  d'abord,  tout  le  fondement  de  la  morale  sociale.  Mais  les 
solidaristes  ont  bientôt  compris  que  le  seul  fait  d'avoir  reçu  ne  suffit 
pas  par  lui-même  à  créer  une  obligation  de  conscience.  Quelle  obligation 
avons-nous  par  rapport  à  l'air  que  nous  respirons,  à  la  terre  qui  nous 
porte,  à  la  plante  et  à  l'animal  qui  nous  sustentent  ?  —  Mais  à  l'égard 
des  hommes,  insistent-ils,  est-ce  que  nous  n'avons  pas  des  obligations  ? 
—  Assurément  ;  mais  ce  n'est  pas  par  le  simple  fait  de  la  solidarité,  qui  ne 
saurait  justifier  le  lien  moral  unissant  les  hommes.  Aussi  les  solidaristes 
ont-ils  finalement  recours  à  une  autre  considération  :  ils  font  intervenir 
un  quasi-contrat.  L'homme  vivant  en  société  ne  peut  profiter  des  bien- 
faits qu'elle  lui  procure,  sans  la  payer  de  retour,  car  la  justice  condamne 
une  attitude  égoïste.  —  Fort  bien,  mais  c'est  là  sortir  du  pur  fait  de  la 
solidarité,  c'est  recourir  à  un  principe  moral  qui  la  dépasse,  et  partant 
reconnaître  sa  radicale  insuffisance.  L'exemple  du  quasi-contrat  est 
d'ailleurs  mal  venu  :  il  s'applique,  d'après  le  Code,  non  pas  à  des  néces- 
sités naturelles,  mais  à  «  des  faits  purement  volontaires  »  {^).  La  soU- 
darité,  au  contraire,  repose  sur  des  nécessités  naturelles  :  les  solidaristes 
en  imaginant  un  quasi-contrat  à  la  base  de  la  dette  de  chaque  individu 
envers  la  société,  en  supposant  un  consentement  de  volontés  réciproque, 
émettent  donc  une  hypothèse  en  contradiction  avec  l'origine  de  la  soli- 
darité qui  découle  de  certaines  exigences  impérieuses  de  la  nature. 

20  Une  dette  d'ailleurs  n'impose  un  devoir  strict  de  restitution 
qu'autant  que  le  prêteur  est  bien  nettement  déterminé  et  qu'il  a  eu 
l'intention  d'obliger.  Or,  dans  la  doctrine  des  solidaristes,  le  prêteur, 
c'est  tout  le  monde  et  ce  n'est  personne.  A  qui  rendre  ?  Où  sont,  par 
exemple,  u  les  héritiers  de  Gutenberg  et  les  ayants  droit  de  Stephenson  ? 


(')  L.  Bourgeois,  L'Idée  de  Solidurilé  et  ses  conséquences  sociales,  dans  Essai  d'ime 
J'hxloMphie  de  la  Solidarité,  p.  30-31  ;  40-41  ;  45  sqq.  ;  78  sqq. 

(  '■)  "  Los  fniasi-contrals  sont  les  faits  purement  volontaires  de  l'homme,  dont  il  résulte 
nii  t;iit,'aKciiiciil  quelronaue  envers  un  tiers,  et  quelquefois  un  engagement  ;'éciproque 
(Milre  (l'Mix  parties.    ■  (Article  1371  du  Code  civil.) 


(29)  LA    SOLIDARITÉ    :    CONSÉQUENCES    PRATIQUES  75 

Car,  à  leur  défaut,  lequel  d'entre  nous  a  le  droit  de  recouvrer  leur  créance 
ou  d'en  opérer  la  liquidation  ?  ;■  (^)  —  De  plus,  ce  qui  fait  la  valeur 
morale  d'une  action  c'est  surtout  l'intention  qui  l'inspire.  Sans  doute 
nous  bénéficions  des  efforts  et  des  peines  de  nos  devanciers.  Mais  ont-ils 
travaillé,  en  général,  dans  le  dessein  d'être  utiles  à  l'humanité  ?  N'ont- 
ils  pas  d'abord  et  même  exclusivement  songé  à  eux-mêmes  et  à  leur 
propre  descendance  ? 

3^  Cette  morale  aboutit  à  un  vulgaire  utilitarisme,  car,  en  fin  de 
compte,  c'est  parce  que  les  autres  hommes,  mes  contemporains,  me  sont 
utiles,  que  je  dois  moi-même  leur  rendre  service.  Nous  voilà  revenus  à  la 
formule  égoïste  :  Do  ut  des.  Mais  si  je  constate  que  le  travail  de  tel  ou 
tel  de  mes  concitoyens  ne  m'est  point  profitable,  suis-je  donc  dégagé 
de  toute  dette  à  leur  endroit  ?  Aussi  on  a  justement  reproché  à  cette 
doctrine  de  ne  pas  faire  la  part  du  sacrifice  et  du  dévouement  (^). 

Conclusion  :  il  résulte  de  tout  ce  qui  précède  que  le  fait  seul  de  la 
solidarité  ne  peut  donner  à  la  dette  sociale  son  caractère  obligatoire. 
C'est  pourquoi  nombre  de  solidaristes  n'imposent  la  solidarité  qu'au 
nom  d'un  principe  supérieur,  au  nom  d'un  idéal  de  justice.  Très  bien  ; 
mais  à  la  condition  d'ajouter  que  cet  idéal  n'est  vraiment  impératif 
que  s'il  nous  apparaît  comme  l'expression  d'une  volonté  souveraine 
indiscutable,  la  volonté  de  Dieu  qui  a  établi  entre  les  hommes  une  étroite 
solidarité,  afin  qu'ils  s'aiment  et  s'aident  comme  les  enfants  d'une  même 
famille. 


§  C.  —  CONSÉQUENCES  PRATIQUES 

Si  la  solidarité  ne  saurait  être  regardée  comme  le  principe  de  la  morale, 
le  fait  de  son  existence  et  sa  portée  universelle  auront  du  moins  l'avan- 
tage de  nous  éclairer  sur  l'étendue  de  nos  devoirs  et  de  notre  responsa- 
bilité  : 

1.  —  La  constatation  de  cette  solidarité  est  d'abord  une  leçon  de 
modestie  pour  nous  et  d'indulgence  pour  les  autres.  Si  nous  avons 
quelque  valeur,  comment  ne  pas  reconnaître  qu'une  part  en  revient  à  la 
famille  et  au  milieu  social  dans  lesquels  nous  avons  grandi  ?  —  Quand 
nous  serons  témoins  des  défaillances  des  autres  ou  que  nous  découvrirons 
des  tares  dans  certains  individus,  ne  soyons  pas  trop  sévères  envers 
eux.  Leur  responsabilité  personnelle  est  peut-être  atténuée  :  qui  sait 
s'ils  n'ont  pas  hérité  de  leurs  ascendants  des  tendances  pernicieuses  et 


(')  Brunetière,  Discours  de  œmbat,  2»  série  :  l'Idée  de  solidarité,  §  II,  p.  67, 
Paris  1907". 

(')  Darlu,  Solidarité  et  Morale  personnelle,  dans  l'Essai  d'une  philosophie  de  la  soli- 
darité, p.  127. 


/G 


ROLE    DU    PLAISIR    EN    MORALE  (30) 


des  tempéraments  viciés  qui  excusent  ces  misères  et  ces  hontes  ?  Il  faut 
les  plaindre  et  concourir  à  leur  relèvement. 

II.  Vne  vue  plus  approfondie  des  rapports  du  physique  et  du 

moral  et  une  connaissance  plus  complète  des  conséquences  où  conduit 
la  solidarité  psycho-physiologique,  peuvent  aider  à  prévenir  les  excès 
et  intempérances  qui,  en  ruinant  les  forces  du  corps,  ont  un  contre-coup 
funeste  sur  l'exercice  des  facultés  de  l'àme  :  Me?is  sana  in  cor  pore  sano. 

III.  Il  y  a  longtemps  que  la  sagesse  populah'e  a  dit  :  Bon  chien 

chasse  de  race.  Sans,  doute,  on  a  mis  sur  le  compte  de  l'hérédité  beaucoup 
de  résultats  qui  s'expHquent  par  l'éducation,  les  exemples  et  l'initiative 
personnelle.  Reste  vrai  cependant  que  les  parents  transmettent  à  leurs 
enfants  certaines  qualités  et  certains  défauts,  une  constitution  saine 
ou  débilitée  (Psycii.  212,  p.  407,  Remarque).  La  statistique  montre  par 
exemple  que  les  alcooliques  font  souche  de  dégénérés,  d'épileptiques, 
d'aliénés.  Le  souvenir  de  cette  responsabilité  qu'on  encourt  vis-à-vis 
de  ses  descendants  est  un  efficace  stimulant  à  la  vertu. 

IV:  —  D'une  manière  générale,  si  l'on  a  une  claire  notion  de  la  loi 
de  solidarité  universelle,  si  l'on  se  rappelle  que  la  moindre  action  dans 
le  monde  moral,  comme  dans  le  monde  physique  le  plus  petit  mouvement, 
a  sa  répercussion  dans  l'ensemble,  si  l'on  songe  que  chacun  des  actes 
que  nous  posons  prolonge  ses  effets  bons  ou  mauvais,  de  proche  en 
proche,  par  une  diffusion  inévitable,  dans  le  temps  et  dans  l'espace, 
la  conséquence  nécessaire  sera  un  redoublement  de  vigilance  pour 
éviter  le  mal  et  d'énergie  pour  pratiquer  le  bien. 

Conclusion  :  puisque  la  solidarité  a  des  résultats  d'une  portée 
incalculable  qui  accroît  notre  responsabilité,  puisqu'en  agissant  nous 
engageons  non  seulement  notre  avenir,  mais  celui  des  autres,  ce  nous 
est  une  raison  très  puissante  de  travailler  avec  ardeur  à  notre  perfec- 
tionnement moral.  Sans  doute  les  solidaristes,  en  voulant  donner  la 
solidarité  pour  principe  à  la  morale  sociale,  sont  tombés  dans  une  grande 
erreur  ;  mais  du  moins,  en  faisant  ressortir  les  bienfaits  de  la  société 
pour  l'individu,  ils  ont  contribué  pour  une  part  à  l'heureuse  réaction 
qui  s'opère  contre  les  excès  de  l'individualisme  tant  prôné  par  la  Révo- 
lution. 


30.  —  ROLE  DU  PLAISIR  EN  MORALE 

Nous  avons  montré  que  le  i)laisir  ne  pouvait  être  le  fondement  du 
devoir  (22,  23).  Il  a  cependant  un  rôle  dans  la  vie  morale  ;  c'est  le  rôle 
(V auxiliaire,  car  c'est  un  stimulant  énergique  de  l'activité  ;  la  satis- 
faction morale  du  devoir  accompli  nous  engage  à  pratiquer  la  vertu. 
Si  la  vertu  était  toujours  sans  charmes,  le  courage  faillirait  à  la  tâche. 


(31)  ROLE    DE    l'intérêt    EN    MORALE  77 

C'est  un  fait  d'expérience  qu'on  ne  remplit  jamais  son  devoir  avec  plus 
d'entrain  que  lorsqu'il  nous  est  agréable.  L'homme  vertueux  n'est-il 
pas  «  celui  qui  prend  plaisir  à  faire  des  actes  de  vertu  »  ?  C'est  donc, 
dans  le  dessein  de  Dieu,  un  moyen  d'intéresser  l'être  à  sa  destinée.  Il  ne 
faut  pas  rechercher  le  plaisir  moral  comme  une  fm,  effet  et  récompense 
du  bien  accompli,  il  faut  s'en  servir  comme  d'un  moyen  (^)  pour  mieux 
faire  à  l'avenir. 


31.  —  ROLE  DE  L'INTÉRÊT  EN  MORALE 

L'intérêt  est,  selon  le  mot  de  Cousin,  «  ce  ressort  qui  nous  pousse 
à  rechercher  en  toutes  choses  notre  plaisir  et  notre  bonheur  »  {^).  Le 
bonheur  c'est  la  satisfaction  harmonique  et  durable  de  toutes  nos  incli- 
nations, mais  principalement  de  nos  inclinations  personnelles.  Nous 
avons  vu  que  l'intérêt  ne  pouvait  être  le  principe  de  la  vie  morale 
(25,  B,  III)  ;  mais  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  en  doive  être  complètement 
exclu  et  qu'il  n'y  joue  aucun  rôle. 

§  A.  —  CEST  UN  AUXILIAIRE 

I.  —  Il  est  légitime  de  rechercher  ce  qui  est  utile,  car  la  raison  veut 
que  nous  conservions  notre  être  et  que  nous  le  développions.  Or  le  grand 
moteur  du  progrès  individuel  et  social,  c'est  l'intérêt.  C'est  lui  qui  pousse 
sans  cesse  l'homme  à  améliorer  sa  position  sur  la  terre  (^). 

II.  —  Ordinairement  la  vertu  est  avantageuse,  dès  ici-bas,  à  celui 
qui  la  pratique,  parce  que  la  morale  ne  prescrit  rien  à  l'homme  qui 
ne  soit  d'accord  avec  son  intérêt  bien  entendu  :  Qiiidquid  honestum  est 
idem  utile  videtur,  nec  utile  quicquam,  quod  non  honestum  (^).  C'est  là 
un  auxiliaire  précieux  pour  la  vie  morale. 

III.  —  Il  n'est  pas  toujours  vrai  que  le  devoir  coïncide  avec  nos  inté- 
rêts immédiats  ;  mais,  si  l'on  fait  entrer  en  compte  les  sanctions  de  la 
vie  future,  il  est  certain  que,  définitivement,  il  y  a  accord  parfait  entre 
la  vertu  et  le  bonheur,  entre  l'honnête  et  Futile.  On  a  tiré  de  là  une 
objection  contre  la  vertu. 


(  ')  Platon,  Gorgias  :  Twv  àyaOwv  apa  e'vexa  $el  /.ai  xaXXa  xai  Ta  Yj^Éa  TipatTeiv, 
àXA'où  TayaOà  rtov  -^loscov.  «  C'est  en  vue  du  bien  que  tout  doit  être  fait,  même  ce  qui 
est  agréable,  mais  ce  n'est  pas  en  vue  de  l'agréable,  que  le  bien  doit  être  fait.  » 

{')  Cousin,  Du  vrai,  du  beau  et  du  bien,  III'?  P.,  XII"^  Leçon. 

(')  Ferraz,  Philosophie  du  devoir,  L.  III,  Ch.  i,  p.  120  et  sq. 

(♦)  CicÉRON,  De  officiis,  L.  III,   §  IV,  ti  la  lin.  Cf.   §  VIII,  §   XXX,  à  la  fin. 


ROLE    DE    l'intérêt    EN    MORALE     "  (31] 


§  B.  —  OBJECTION  CONTRE  LA   VERTU  0) 

I.  • —  Exposé  :  certains  moralistes  comme  les  Stoïciens,  les  Quiétistes, 
Kant  et  autres  repoussent  tout  point  de  vue  intéressé  dans  l'observation 
de  la  loi  morale,  surtout  l'espérance  d'un  bo^lleu^  éternel  ou  la  crainte 
d'un  malheur  éternel,  fondée  sur  la  croyance  à  l'immortalité  de  l'âme. 
D'après  Kant,  l'action,  considérée  en  elle-même,  dans  sa  matière,  n'a 
pas  de  caractère  moral.  Ce  caractère  lui  vient  de  sa  forme,  de  V inten- 
tion dans  laquelle  elle  a  été  faite.  Or  l'intention  est  toujours  mauvaise, 
quand  elle  est  intéressée  :  alors  elle  peut  être  légale,  matériellement 
conforme  à  la  loi  ;  elle  n'est  pas  morale.  Une  action  n'est  morale  que 
>i  elle  est  accomplie  uniquement  par  respect  pour  la  loi,  par  amour  du 
devoir. 

II.  —  Réponse  :  A)  Cette  objection  est  mal  fondée.  En  principe, 
agir  par  l'unique  motif  du  devoir,  préférer  la  vertu  au  vice,  alors  même 
que,  par  impossible,  elle  ne  serait  suivie  d'aucune  récompense,  c'est  la 
perfection.  —  Agir  au  contraire  par  l'unique  motif  du  bonheur,  en 
excluant  formellement  l'amour  du  devoir,  dans  la  disposition  intérieure 
de  violer  la  loi  s'il  n'y  avait  pas  de  châtiment,  c'est  faire  un  acte  cou- 
pable, car  c'est  exclure  l'idée  du  bien.  —  Mais  l'espérance  du  bonheur 
final,  motif  intéressé,  peut  se  surajouter  à  l'amour  du  bien  en  soi  : 
elle  n'est,  dans  ce  cas,  ni  l'unique,  ni  même  le  principal  motif.  Je  puis 
faire  mon  devoir  d'abord  et  surtout  parce  que  cela  est  bien,  et  ensuite 
parce  que  j'en  serai  récompensé.  C'est  agir  d'abord  par  le  motif  du  devoir, 
s'exciter  ensuite  à  l'accomplir  par  l'espoir  de  la  récompense  ou  la  crainte 
du  châtiment  :  où  est  le  mal,  étant  donné  que  l'intérêt  est  subordonné 
au  bien  ?  —  Bien  plus,  un  acte  fait  d'abord  en  vue  de  la  récompense, 
sans  exclure  positivement  l'amour  du  devoir,  est  bon  moralement  ; 
mais  il  est  moins  parfait,  parce  que  le  motif  intéressé  est  prédominant. 
La  raison  en  est  que  le  bonheur  poursuivi  est  un  bonheur  digne  de 
l'homme.  C'est  un  bonheur  qui  résulte  de  la  satisfaction  de  ses  tendances 
raisonnables  ;  il  exige  le  sacrifice  de  plaisirs  immédiats  et  de  tendances 
agi-éables,  mais  opposées  à  la  raison.  Le  bonheur  et  le  bien  ici  se  confon- 
dent ;  poursuivre  son  bonheur,  c'est  travailler  à  sa  perfection  morale, 
car,  comme  dit  Descartes  :  «  La  vraie  félicité  est  la  satisfaction  qui  suit 


(  ')  Kant,  Critique  de  la  raison  pratique,  I"  P.,  L.  I,  Ch.  i,  m.  Fondements  de  la  méta- 
physique des  mœurs,  II«  Section.  Doctrine  de  la  vertu,  Introd.,  Art.  5.  —  L.  Roure,  Doctrines 
et  problèmes,  Ch.  vu,  Vertu  kantienne  et  vertu  chrétienne.  —  Ch.  Daniel,  La  morale  philo- 
>iophique  avant  et  après  l'Evangile,  dans  les  Etrides,  1856,  T.  I.  —  Sur  le  Quiétisme, 
Cf.  O.  LoNGHAYE,  Histoire  de  la  littérature  française  au  XVII'  siècle,  T.  III,  L,  VI,  Ch.  m, 
p.   347-365. 


I 


(31)  ROLE  DE  l'intérêt  EN  MORALE  79 

l'acquisition  de  la  perfection.  »  Les  adversaires  de  cette  doctrine  oublient 
que  le  bonheur  final  auquel  nous  aspirons  et  le  bien  en  tant  qu'il  com- 
mande nos  actes  libres  sont  en  réalité  un  seul  et  même  objet,  sous  deux 
aspects  différents.  Cet  objet,  c'est  l'Être  infini,  absolu,  c'est  Dieu  même. 
Il  est  sans  doute  plus  parfait  de  pratiquer  la  vertu  par  amour  du  bien, 
en  faisant  abstraction  de  la  récompense  ;  c'est  l'idéal  de  la  perfection, 
réservé  à  l'élite.  Mais  il  est  légitime  de  pratiquer  la  vertu  en  recherchant 
le  bonheur  qui  y  est  attaché,  car  ce  bonheur  se  confond  avec  notre  per- 
fection morale,  avec  le  bien  :  c'est  l'idéal  proportionné  à  la  commune 
faiblesse.  Celui  que  Kant  propose  est  chimérique  ;  il  se  condamne 
d'ailleurs  lui-même  en  disant  que  peut-être  aucun  acte  de  vertu  n'a  été 
encore  fait  (^). 

B)  Cette  doctrine  entraîne  une  mutilation  de  la  nature  humaine. 
que  la  morale  ne  peut  commander.  —  L'homme  est  tout  ensemble 
sensible  et  raisonnable.  Pourquoi  donc  exclure  des  motifs  d'action  le 
motif  du  bonheur,  quand  il  est  conforme  ou  subordonné  au  devoir  ? 
Imposer  le  sacrifice  du  bonheur,  c'est  imposer  le  sacrifice  de  la  sensi- 
bilité (^).  C'est  d'abord  sacrifier  les  inclinations  personnelles,  dont 
le  bonheur  est  la  satisfaction.  C'est,  par  contre-coup,  sacrifier  aussi  les 
inclinations  altruistes,  car  comment  celui,  qui  se  désintéresserait  tota- 
lement de  sa  destinée,  pourrait-il  s'intéresser  à  celle  des  autres  ?  Cette 
théorie  va  donc  à  mutiler  l'âme  humaine.  De  quel  droit  ?  N'est-ce  pas 
avec  «  l'âme  tout  entière  «  qu'il  faut  aller  au  devoir  ?  Ce  serait  d'ailleurs 
une  obligation  impraticable.  Comment  arracher  du  cœur  de  l'humanité 
l'instinct  du  bonheur  ?  <  Tous  les  hommes  désirent  être  heureux  ;  cela 
est  universel  et  sans  exception  »  (Pascal). 

Conclusion  :  1°  Le  devoir  seul  en  vue  en  faisant  abstraction  de 
la  récompense. 

2»  Le  devoir  d'abord  en  vue,  puis  la  récompense. 

30  La  récompense  d'abord  en  vue,  puis  le  devoir. 

40  La  récompense  en  vue,  sans  exclure  le  devoir. 

50  La  récompense  seule  en  vue,  en  excluant  le  devoir. 

Telle  est  la  hiérarchie  de  la  perfection  morale  :  partout  où  la  récom- 
pense et  le  devoir  coïncident,  l'acte  est  bon  moralement  ;  là  où  il  y  a 
exclusion  du  devoir,  l'acte  est  mauvais.  L'acte  est  plus  ou  moins  parfait 
selon  que  l'idée  du  devoir  brille  seule  ou  au  premier  rang. 


(M  Fondements  de  la  métaphysique  des  mœurs  :  «  Peut-être  il  n'y  a  pas  eu  sur  ia  terre 
un  seul  acte  de  véritable  vertu,  un  seul  acte  fait  par  respect  de  la  loi  ■  (Trad.  Barni,  p.  36). 

(  ')  On  connaît  l'épigramme  de  Schiller  :  «  J'ai  du  plaisir  à  faire  du  bien  à  mon  voisin, 
cela  m'inquiète  :    je  sens  que  je  ne  suis  pas  tout  à  fait  vertueux  1  « 


80  COMPARAISON    ENTRE    LE    PLAISIR    ET    l'iNTÉRÊT  (32) 


32.  —   COMPARAISON  ENTRE  LE  PLAISIR   ET  LINTÉRÊT 

Le  plaisir  c'est  la  satisfaction  passagère  d'une  de  nos  inclinations. 
L'intérêt  c'est  la  satisfaction  durable  et  ordonnée  de  toutes  nos  incli- 
nations, surtout  des  inclinations  personnelles. 

Les  différences  qui  séparent  la  morale  du  plaisir  et  la  morale  de 
l'intérêt  découlent  de  ces  définitions  : 

L  —  La  morale  du  plaisir  ne  fait  appel  qu'à  Yinstincl,  qu'aux  impul- 
sions de  la  sensibilité.  La  morale  de  l'intérêt  fait  une  part  à  V intelligence 
et  à  la  volonté.  S'il  veut  bien  servir  ses  véritables  intérêts,  l'homme  doit 
user  de  toute  son  intelligence  pour  discerner  ce  qui  lui  est  réellement 
utile,  pour  calculer  et  combiner  ses  moyens  d'action  de  manière  à 
obtenir  la  plus  grande  somme  possible  de  bonheur.  Il  doit  recourir 
aussi  à  la  volonté  pour  tenir  en  bride  les  passions  qui  préfèrent  leur 
satisfaction  immédiate  et  partielle  au  lieu  d'attendre  de  l'avenir  une 
satisfaction  plus  complète. 

IL  —  Le  principe  de  i'intérêt  imprime  à  la  conduite  et  à  la  vie  plus 
de  suite  et  d'unité.  L'homme  de  plaisir,  sous  l'impulsion  changeante 
de  ses  désirs,  mène  au  contraire  une  vie  irrégulière  et  capricieuse. 

m.  —  Le  principe  de  l'intérêt  est  le  plus  grand  ressort  du  progrès 
individuel  et  social  :  il  pousse  l'homme  au  travail  et  à  l'épargne  pour 
acquérir  aisance  et  fortune.  La  poursuite  de  la  jouissance  prochaine 
est  incompatible  avec  le  travail  qui  exige  un  efïort  et  aA^ec  l'épargne 
qui  est  une  privation.  L'homme  de  plaisir  ne  veut  pas  difîérer  sa  jouis- 
sance, même  avec  la  perspective  très  probable  de  l'accroître  et  de  la 
rendre  durable,  car  il  a  pour  règle  de  conduite  cette  maxime  : 
Un  tiens,  ce  dit-on,  vaut  mieux  que  deux  tu  F  auras  ; 
L'un  est  sûr,  Vautre  ne  Vest  pas. 

IV.  —  Sur  nombre  de  points  l'intérêt  est  d'accord  avec  le  devoir  et 
coïncide  matériellement  avec  lui  ;  il  ne  peut  cependant  être  le  principe 
suprême  de  la  morale,  car  il  est  égoïste  et  se  résout  finalement  en  plaisir, 
puisqu'il  n'est  au  fond  que  la  recherche  méthodique  d'un  plaisir  durable. 


ARTICLE  II 


MORALES  ALTRUISTES  OU  SENTIMENTALES 

S.  Mill  et  Spencer  ont  vainement  essayé  de  rendre  la  théorie  utilitaire 
altruiste  en  la  présentant  sous  forme  de  morale  de  l'intérêt  général  : 
au  fond,  elle  reste  égoïste.   D'autres  philosophes,  comme  A.  Comte, 


(33-34)  MORALE    DE    LA    BIENVEILLANCE    DE     HUTCHESON  81 

Hutcheson,  A.  Smith,  ont  cherché  le  principe  de  la  loi  morale  dans 
des  sentiments  désintéressés  comme  ramour  des  autres,  la  bienveillance, 
la  sympathie,  etc.  (^). 

33.  —  L'ALTRUISME  DE  COMTE 

A)  Exposé  :  d'après  Comte  (1798-1857)  {^)  l'humanité  est  faite  pour 
vivre  en  société  ;  la  société  est  impossible  sans  le  dévouement  et  le  sacri- 
fice. L'altruisme  est  donc  une  conséquence  obligatoire  de  cette  tendance 
naturelle  à  vivre  en  société.  L'individu  ne  vit  qu'en  elle  et  par  elle  ; 
il  doit  conséquemment  ne  vivre  que  pour  elle.  La  formule  de  la  loi 
morale  sera  donc  :  «  Vis  pour  les  autres  »,  «  Dévoue-toi  à  l'humanité  ». 

B)  Critique  :  1^  Sans  doute  l'individu  doit  faire  des  sacrifices  au 
bien  commun,  mais  l'individu  a  aussi  des  dj-oits  personnels,  qu'il  ne 
peut  pas  toujours  sacrifier  à  ses  semblables.  Or  le  système  de  Comte 
a  pour  conséquence  logique  de  supprimer  tout  droit  individuel  et  de 
méconnaître  complètement  la  valeur  de  la  personne  humaine.  Pour 
lui  <i  nul  ne  possède  plus  d'autre  droit  que  celui  de  toujours  faire  son 
devoir  »  (^). 

2»  La  maxime  du  sacrifice  universel  aboutit  à  une  contradiction. 
Si  tous  les  hommes  doivent  se  sacrifier  complètement  aux  autres,  per- 
sonne ne  doit  vouloir  accepter  le  sacrifice  d'autrui.  Ualtriiisme  (le  mot 
est  de  Comte  lui-même),  ainsi  compris,  est  impraticable. 

3°  Pour  Comte,  V Humanité  est  un  être'  transcendant,  «  le  Grand 
Être  »,  comme  il  dit,  auquel  les  individus  doivent  se  sacrifier.  Inutile 
de  discuter  une  conception  si  manifestement  extravagante. 

34.  —  MORALE  DE  LA  BIENVEILLANCE  DE  HUTCHESON 

A)  Exposé  :  les  hommes  ayant  une  inclination  naturelle  à  vouloir 
du  bien  à  leurs  semblables,  tout  ce  qui  satisfait  ce  sentiment  est  bon, 
d'après  Hutcheson  (1694-1747),  philosophe  écossais  ;  tout  ce  qui  le 
contrarie  est  mauvais.  Le  devoir  qui  résume  tous  les  autres,  c'est  l'amour 
des  hommes,  le  dévouement  (*).  L'instinct  de  la  bienveillance  est  donc 
le  principe  de  la  morale. 


(M  Cousin,  Du  vrai,  du  beau  et  du  bien,  Xlll'  Leçon. 

(  ')  A.  Comte,  Cours  de  philosophie  positive.  Système  de  philosophie  positive.  —  Thamin, 
Education  et  Positivisme.  —  H.  Gruber,  Auguste  Comte. 

(')  Système  de  Politique  positive  :  Conclusion  générale  du  Discours  préliminaire,  T.  I, 
p.  361,  Paris,  1890. 

(  *)  Hutcheson,  Système  de  philosophie  morale.  Recherches  sur  les  idées  de  beauté  et  de 
vertu.  Hutcheson  avait  été  précédé  dans  cette  tentative  de  réaction  contre  la  morale  égoïste 
de  HoBBES,  par  Shaftesbury  (Recherches  sur  la  vertu).  —  Cf.  Jouferoy,  Cours  de  droit 
naturel,  XI X«  Leçon. 


r 


82  MORALE    DE    LA   SYMPATHIE    d'aDAM    SMITH  (351 

B)  Critique  :  la  morale  de  la  bienveillance  est  incomplète,  car  : 

10  Elle  omet  les  devoirs  de  l'homme  envers  soi  et  envers  Dieu. 

2»  Tous  les  devoirs  envers  autrui  ne  sont  pas  réductibles  à  la  bien- 
veillance :  vg.  les  devoirs  de  justice.  Quand  on  doit  de  l'argent  à  quelqu'un, 
on  ne  fait  pas  un  acte  de  charité  en  le  lui  rendant. 

30  Elle  ne  peut  fonder  aucun  devoir,  pas  même  ceux  de  charité, 
car  la  bienveillance  n'est  qu'un  sentiment  ;  or  le  sentiment  ne  se  com- 
mande pas.  On  ne  peut  obliger  les  hommes  à  éprouver  de  la  bienveil- 
lance ou  à  l'éprouver  plus  fortement  qu'un  sentiment  intéressé,  si  en 
fait  ils  ne  l'éprouvent  pas  ou  l'éprouvent  peu. 


35.  —  MORALE  DE  LA  SYMPATfflE  D'ADAM  SMITH 

§  1.  —  EXPOSÉ 

On  peut  envisager  la  sympathie  au  point  de  vue  : 

A)  Psychologique  :  c'est  d'après  Adam  Smith  (1723-1790),  écono- 
miste et  philosophe  écossais,  «  un  instinct  qui  nous  porte  à  nous  mettre 
en  harmonie  d'impression  avec  nos  semblables  »  (^).  La  sympathie  ainsi 
entendue  n'est  donc  pas  un  sentiment  particulier  ;  c'est  la  propriété 
qu'ont  tous  les  sentiments  de  se  propager  d'une  âme  à  une  autre  (Ps.  42, 

§11). 

B)  Moral  :  partant  de  ce  fait  que  l'homme  est  sympathique  à 
l'homme,  c'est-à-dire  que  l'homme  souffre  des  souffrances  de  ses  sem- 
blables et  qu'il  se  réjouit  de  leurs  joies,  Smith  en  conclut  que  toute 
action  qui  excite  la  sympathie  est  bonne  et  que  toute  action  qui  excite 
l'antipathie  est  mauvaise.  C'est  qu'au  fond  la  souffrance  est  un  signe 
de  l'amoindrissement  de  l'être  et  la  joie  un  signe  de  son  développement. 
On  éprouve  du  plaisir  à  partager  les  sentiments  d'autrui  et  surtout  à  voir 
ses  propres  sentiments  partagés.  L'absence  de  sympathie  est  pénible. 
On  désire  la  sympathie  des  autres. 

Par  là  s'expliquent  les  faits  moraux  comme  : 

a)  L'approbation  :  approuver  les  actions  d'autrui  ou  les  désap- 
prouver c'est  reconnaître  que  nous  sympathisons  ou  ne  sympathisons 
pas  avec  elles  ;  car  nous  ne  les  jugeons  convenables  ou  inconvenantes 
que  dans  la  mesure  où  nous  sympathisons  avec  elles. 

b)  L'obligation  :  c'est  le  sentiment  de  contrainte  pénible  que  nous 
ressentons  à  la  pensée  d'une  action  dont  le  motif  exciterait  l'antipathie 
des  spectateurs. 


(  ")  A.  Smith,  Théorie  des  sentiments  moraux.  — ■  Cf.  Jouffroy,  Cours  de  droit  naturel. 
Leçons  XVI,  XVII,  XVIII. 


(35)  MORALE    DE    LA    SYMPATHIE    d'aDAM    SMITH  83 

c)  Le  mérite  et  le  démérite  :  quand  nous  voyons  un  homme  l'aire 
du  bien  à  un  autre,  notre  sympathie  est  double  :  nous  sympathisons 
avec  le  bienfaiteur  et  avec  l'obligé.  Le  sentiment  de  l'obligé  c'est  le  désir 
de  rendre  le  bien  pour  le  bien.  Avec  l'obligé  nous  souhaitons  du  bien 
au  bienfaiteur  :  nous  jugeons  qu'il  mérite  une  récompense.  —  Quand 
nous  voyons  un  homme  faire  du  mal  à  un  autre,  notre  sympathie  va 
à  l'ofîensé  et  nous  souhaitons  avec  lui  que  le  mal  soit  rendu  à  l'offenseur  ; 
nous  jugeons  donc  qu'il  est  digne  d'un  châtiment,  qu'il  démérite. 

La  sympathie  pour  être  morale  doit  être  :  1^  Pure  :  il  n'y  a  d'action 
absolument  bonne  que  celle  qui  excite  une  sympathie  sans  réserve. 

2»  Universelle  :  l'action  vraiment  bonne  mérite  l'admiration  de 
tous.  «  La  bonté  d'une  action,  dit  Jouffroy  résumant  la  théorie  de  Smith, 
est  en  raison  directe  de  l'assentiment  qu'elle  excite  dans  les  autres 
hommes,  et  les  actions  les  meilleures  sont  celles  qui  sont  de  nature  à 
obtenir  la  sympathie  la  plus  pure  et  la  plus  universelle  possible,  c'est- 
à-dire  une  sympathie  sans  mélange  d'antipathie,  et  qui  soit  accordée, 
non  par  quelques  hommes  seulement,  par  l'humanité  tout  entière  (^).  » 
Smith  déduit  de  là  cette  règle  de  conduite  :  «  Agis  toujours  de  façon  à 
provoquer  la  plus  grande  sympathie  chez  le  plus  grand  nombre  de  spectateurs.  >^ 

Mais  Smith  constate  que  la  sympathie  du  plus  grand  nombre  n'est 
pas  toujours  un  critérium  sûr  du  bien  et  du  mal.  De  plus  nous  ne  pou- 
vons pas  toujours  avoir  les  autres  pour  témoins  de  nos  actions.  Que 
faire  ?  Nous  sommes  à  la  fois  acteurs  et  spectateurs  de  nos  actes  ;  étant 
pour  ainsi  dire  dédoublés  par  la  réflexion,  nous  pouvons  sympathiser 
avec  nos  propres  sentiments  comme  avec  ceux  des  autres  ;  que  chacun 
devienne  pour  lui-même  un  spectateur  impartial,  et  alors  l'assentiment 
que  nous  donnerons  à  nos  actes  équivaudra  à  celui  de  nos  semblables. 
La  règle  définitive  de  la  morale  est  donc  la  suivante  :  «  Agis  toujours 
de  telle  sorte  que  tu  excites  la  sympathie  d'un  spectateur  impartial  et  désin- 
téressé. » 

§  IL  —  CRITIQUE 

Ce  que  Smith  nous  prescrit  de  rechercher  c'est  la  sympathie  des 
autres,  leur  approbation,  leur  estime  ;  la  règle  qu'il  propose,  c'est  en 
définitive  le  respect  humain.  Mais  : 

L  —  Cette  règle  est  variable,  capricieuse,  comme  la  sensibilité  d'où 
elle  procède.  Dans  un  entourage  sain,  le  souci  de  l'estime  d'autrui,  le 
sentiment  de  l'honneur  pourra  empêcher  bien  des  fautes.  Mais,  dans  un 
milieu  malsain,  les  actions  flétries  par  la  conscience  provoquent  seules 
la  sympathie  ;  faudra-t-il  nous  mettre  à  l'unisson  ? 


(  M  Jouffroy,  Droit  naiurel,  XVI''  Lev'Oii,  T.  I,  p.  500,  Paris,  1843'. 


84  MORALE    DE    l'hONNEUR  (36; 

II.  —  Une  action  ne  saurait  être  obligatoire  par  le  fait  même  qu'elle 
est  sympathique  :  la  sympathie  est  un  phénomène  de  sensibilité,  qui 
dépend  de  conditions  variées  :  elle  est  relative,  elle  ne  saurait  donc- 
être  un  impératif  catégorique. 

m,  —  La  sympathie  et  l'antipathie  constituent  si  peu  un  principe 
d'action  morale,  que  nous  devons  en  faire  souvent  abstraction  pour  juger 
et  agir  honnêtement.  Et  après  l'action  la  conscience  morale  proteste 
contre  les  applaudissements  du  dehors,  si  l'action  a  été  mauvaise, 
comme  elle  méprise  les  condamnations  antipathiques  de  la  foule,  si 
elle  a  été  bonne.  Ainsi  fit  Socrate  et  il  fît  bien. 

IV.  ■ —  La  sympathie,  loin  de  fonder  le  jugement  d'approbation, 
le  suppose  et  en  découle.  La  conscience  nous  atteste  en  efîet  que  c'est 
un  jugement  antérieur  sur  la  valeur  morale  des  actes,  qui  provoque  la 
sympathie  ou  l'antipathie. 

•  V.  —  D'après  Smith,  nous  ne  nous  jugeons  nous-mêmes  qu'après 
avoir  jugé  les  autres  ;  la  conscience  d'autrui  devient  pour  nous  un 
miroir  où  nous  apprenons  à  voir  la  moralité  de  nos  actes.  C'est  là  une 
assertion  fausse  : 

a)  Psychologiquement,  car  nous  ne  connaissons  l'àme  de  nos  sem- 
blables que  par  la  nôtre  (Log.  93,  §  B). 

b)  Moralement,  car  il  s'ensuivrait  que  l'homme,  vivant  en  dehors 
de  la  société,  n'aurait  aucune  notion  du  bien  et  du  mal,  ni  conséquemment 
aucun  devoir,  puisque  tout  cela  résulte  de  la  sympathie  qui  est  un 
sentiment  altruiste. 

Conclusion  :  la  morale  de  la  sympathie  aboutit  à  une  contra- 
diction. Après  nous  avoir  recommandé  de  suivre  les  mouvements  de 
la  sympathie,  Smith  finit  par  nous  dire  de  nous  en  défier  et  de  contrôler 
ses  tendances  par  l'avis  d'un  spectateur  impartial.  Cette  impartialité 
implique  précisément  l'absence  de  toute  sympathie  et  de  toute  anti- 
pathie. Faire  appel  au  spectateur  impartial,  c'est  donc  récuser  la  valeur 
de  la  sensibilité  en  matière  de  moralité,  et  recourir  par  un  biais  au  juge- 
ment de  la  conscience  morale,  à  la  raison  pratique. 


36.  —  SENTIMENT  DE  L'HONNEUR 

Avant  d'examiner  quelle  relation  le  sentiment  de  l'honneur  peut 
avoir  avec  la  loi  morale,  il  faut  l'envisager  au  point  de  vue  psycholo- 
gique, c'est-à-dire  en  constater  l'origine  et  en  faire  l'analyse. 

L    —   Point  de  vue  psychologique  :   ce   sentiment    s'est  épanoui 
surtout  au  moyen  âge,  dans  une  société  guerrière.  Après  avoir  été  la  loi 
du  chevalier,  il  est  devenu  l'idéal  du  gentilhomme.  Dans  des  sociétés! 
restreintes,  dont  les  membres  se  regardent  comme  solidaires,  il  s'est 


(36)  MORALE    DE    l'hONNEUR  85 

formé  un  code  qui  a  pour  sanction  l'estime  ou  le  mépris  de  ses  pairs. 
Peu  à  peu  ce  sentiment  s'est  étendu  :  ce  n'est  plus  l'apanage  d'une  caste, 
mais  un  sentiment  individuel.  Dans  ce  sens  plus  large  on  peut  le  définir  : 
le  sentiment  qui  nous  porte  à  rechercher  F  estime  des  autres  et  à  la  mériter 
par  le  respect  de  la  dignité  personnelle.  C'est  un  sentiment  complexe 
et  mêlé  ;  il  y  entre  avec  une  part  d'amour-propre  raffiné  et  la  préoccu- 
pation du  qu'en  dira-t-on,  l'amour  des  autres  sous  forme  de  sympathie, 
et  l'amour  d'un  certain  idéal  de  perfection  sous  forme  de  dignité  per- 
sonnelle. 

II.  —  Point  de  vue  moral  :  sans  doute  le  sentiment  de  l'honneur 
peut  être  un  auxiliaire  puissant  pour  l'accomplissement  du  devoir. 
Il  peut  même  le  suppléer,  quelque  temps,  chez  certaines  personnes  {^). 
Mais  c'est  là  un  fait  d'exception.  Il  ne  s'ensuit  pas  qu'on  ait  le  droit  de 
les  confondre  ni  surtout  de  les  substituer  l'un  à  l'autre.  On  peut  distin- 
guer deux  cas  :  le  devoir  et  l'honneur  sont  en  conflit  ou  sont  d'accord. 

A)  Conflit  du  devoir  et  de  l'honneur  :  il  arrive  parfois  que  le  code  de 
l'honneur  parle  d'une  façon  et  la  règle  du  devoir  d'une  autre  :  vg.  on 
reconnaît  que  le  duel  est  condamné  par  la  morale  ;  mais  on  rougira  de 
ne  pas  répondre  à  un  outrage  par  un  cartel.  On  sacrifiera  en  conséquence 
la  loi  morale,  la  loi  naturelle  à  la  loi  artificielle  de  sa  coterie,  au  préjugé 
de  l'opinion.  Il  est  clair  qu'en  pareil  cas  le  sentiment  de  l'honneur  ne 
peut  remplacer  l'idée  du  devoir.  «  Toute  persone  d'honeur,  dit  Montaigne, 
choisit  de  perdre  son  honeur  plus  tost  que  de  perdre  sa  consciance  {^).  » 
Mais,  dira-t-on  avec  raison,  dans  ce  cas  et  autres  analogues,  il  ne  s'agit 
que  de  faux  points  d'honneur.  Parlons  donc  de  l'honneur  véritable  qui 
concorde  avec  le  devoir. 

B)  Accord  du  devoir  et  de  l'honneur  :  même  alors  on  ne  peut  les 
confondre.  Le  sentiment  de  l'honneur  ne  peut  prendre  la  place  et  jouer 
le  rôle  du  devoir,  car  : 

10  On  reconnaît  qu'il  y  a  un  vrai  et  un  faux  honneur  :  il  faut  donc 
choisir.  Qui  le  fera,  sinon  la  conscience  morale  à  la  lumière  de  l'idée  du 
devoir  ? 

2°  Le  devoir  s'impose  au  nom  d'un  principe  supérieur  à  l'homme, 
au  nom  de  Dieu  qui  doit  nous  demander  un  jour  compte  de  tous  nos 
actes.  —  Le  sentiment  de  l'honneur  ne  commande  qu'avec  l'autorité, 
après  tout  récusable,  de  la  société  à  laquelle  nous  sommes  fiers  d'appar- 
tenir. Quand  on  est  seul,  sans  autre  témoin  que  Dieu  et  sa  conscience, 
la  voix  de  l'honneur,  loin  du  regard  de  nos  pairs,  sera-t-elle  bien  efficace  ? 


(M  C'est  la  thèse  développée  par  G.  Feuillet  clans  Monsieur  de  Camors. 
(  °)  Montaigne,  Essais,  L.  II,  Ch.  xvi,  à  la  fin.  —  II.  Savatier,  De  l'honneur. — 
Champdevaux,  L'honneur  considéré  en  lui-même  et  relativement  au  duel.  —  A.  Gay,  L'hon- 

neur  :  sa  place  dans  lu  Morale. 


86  ROLE    DU    SENTIMENT    EN    MORALE  (37) 

('  Dofiez-vous  de  l'honneur  humain,  dit  J.-J.  Rousseau,  c'est  bien  peu 
de  chose  quand  le  soleil  est  couché.  )^ 

30  Le  devoir  est  universel  et  immuable  (20).  —  L'honneur  varie 
avec  les  pays  et  les  époques. 

40  Le  devoir  est  synonyme  de  désintéressement  et  de  sacrifice  de 
soi-même.  —  L'honneur  est  un  amour-propre  habilement  déguisé,  qui 
souvent  n'est  au  l'ond  que  le  souci  de  notre  réputation  et  l'intérêt  de 
notre  orgueil. 

Conclusion  :  l'hoTmeur  même  véritable  ne  saurait  être  la  règle 
suprême  et  le  motif  dernier  de  nos  actions.  Cette  règle  et  ce  motif  ne 
sauraient  être  que  le  devoir,  parce  qu'il  peut  être  recherché  pour  lui- 
même  (20). 


37.  —  ROLE  DU  SENTIMENT  EN  MORALE 


A.  —  IL  NE  PEUT  ÊTRE  LE  PRINCIPE  DE  LA  MORALE 


Le  sentiment,  même  désintéressé,  altruiste,  sous  quelque  forme 
qu'il  se  présente,  ne  saurait  être  le  fondement  de  la  morale,  car  : 

I.  —  Le  sentiment  a  toujours  pour  condition  antécédente  une 
idée,  il  implique  certains  jugements,  dont  il  n'est  que  la  manifestation 
sensible.  Hutcheson  dit  :  «  Telle  action  excite  ma  bienveillance.  »  Il  faut 
dire  :  «  Telle  action  excite  ma  bienveillance  parce  qu'elle  est  bonne.  » 
Et  ainsi  des  autres  sentiments  moraux.  Sous  la  sympathie,  sous  l'al- 
truisme, sous  le  sentiment  de  l'honneur,  il  y  a  une  idée,  un  principe 
moral  plus  ou  moins  voilé  par  le  sentiment,  mais  que  l'analyse  fait  appa- 
raître ;  et  c'est  sur  cette  idée,  sur  ce  principe  qu'est  fondée  la  moralité 
du  sentiment. 

IL  —  Le  sentiment  n'a  pas  les  caractères  de  la  loi  morale.  Il  n'est 
pas  : 

a)  Obligatoire  :  il  attire,  il  entraine  la  volonté  ;  il  ne  commande- 
pas.  De  cette  proposition  :  «  Les  hommes  tendent  naturellement  à  agir 
ainsi  »,  on  ne  fera  jamais  sortir  cette  conclusion  impérative  :  «  Donc 
ils  doivent  agir  ainsi  ».  Bien  plus,  on  est  parfois  obligé  de  combattre  le 
sentiment. 

h)  Absolu  et  universel  :  il  participe  à  la  mobilité  de  la  sensibilité  et 
est  relatif  aux  individus  et  aux  circonstances. 

(■)  Clair  et  pratique  :  il  dégénère  en  passion  qui  aveugle  et  il  ne  dépend 
pas  de  nous. 

III.  —  La  morale  du  sentiment  serait  dangereuse,  car  elle  tendrait 
à  absoudre  les  vices  aimables  qui  plaisent  et  à  proscrire  les  vertus 
austères  (jui  n'agréent  pas. 


(37)  ROLE    DU    SENTIMENT    EN    MORALE  87 

§  B.  —  CEST  UN  AUXILIAIRE  PRÉCIEUX^ 

I.  —  C'est  un  fait  d'expérience  qu'on  remplit  mieux  son  devoir  quand 
on  l'aime  ou  quand  on  aime  les  personnes  envers  lesquelles  il  oblige  (^). 

II.  —  L'idée  n'agit  pas  directement  sur  la  volonté  ;  il  faut  qu'elle 
se  fasse  en  quelque  sorte  sentiment  pour  mouvoir  la  volonté,  qui,  sans 
cela,  resterait  inerte.  Aussi  Dieu  a-t-il  mis  en  nous,  pour  correspondre 
à  chacun  de  nos  devoirs,  une  inclination  qui  aide  à  l'accomplir,  car  l'incli- 
nation agit  directement  sur  la  volonté  par  mode  d'' impulsion.  Autant  le 
sentiment  est  périlleux  quand  il  est  laissé  à  lui-même,  autant  il  est 
efficace  quand  il  est  dirigé  par  la  raison  et  mis  par  elle  au  service  du 
devoir.  Il  excite  la  raison  et  la  rend  ingénieuse  à  découvrir  de  nouvelles 
formes  du  bien  ;  il  réchauffe  la  volonté  et  lui  communique  de  généreux 
élans.  C'est  un  fait  qu'on  ne  fait  rien  de  grand  sans  passion. 

III.  —  Le  sentiment  n'est  pas  seulement  l'auxiliaire  du  devoir, 
il  en  est  encore  la  parure  et  la  récompense.  Une  vertu  aimable,  comme 
celle  d'un  saint  François  de  Sales  ou  d'un  saint  Vincent  de  Paul,  n'est 
que  plus  attrayante  et  plus  parfaite. 

§  C.  —  OBJECTION 

A)  Exposé  :  les  Stoïciens  et  Kant  proscrivent  le  sentiment. 
Pour  les  Stoïciens  vivre  conformément  à  la  nature  c'est  vivre  confor- 
mément à  la  raison  :  la  nature  et  la  raison  sont  identiques,  parce  que 
les  lois  naturelles  sont  les  manifestations  de  la  raison  universelle  qui 
anime  le  monde.  Nous  ne  devons  nous  occuper  que  de  ce  qui  dépend 
de  nous  (xà  Icp'rjy.tv,  comme  dit  Épictète),  c'est-à-dire  que  nous  devons 
tâcher  de  réaliser  en  nous  l'ordre  et  l'unité  comme  dans  l'univers.  Le 
«âge  doit  donc  mépriser  tout  ce  qui  ne  dépend  pas  de  lui  et  peut  le  trou- 
bler :  le  plaisir,  le  sentiment,  la  passion  ;  il  doit  se  rendre  indifférent  à 
toutes  les  affections  même  les  plus  naturelles. 

Kant  a  encore  exagéré  ce  caractère  7-ationnel  de  la  morale  stoïcienne. 
La  bonne  volonté,  l'obéissance  par  respect  pour  la  loi,  l'intention  ont 
seules  une  valeur  morale.  Non  seulement  les  mouvements  de  la  sensi- 
bilité, qui  nous  facilitent  l'accomplissement  du  devoir,  n'ajoutent  rien 
à  la  moralité,  mais  ils  la  gâtent,  car  plus  le  devoir  a  été  fait  avec  peine, 
plus  grande  est  la  valeur  morale  de  l'acte  ;  plus  il  a  exigé  le  sacrifice 
•le  nos  inclinations,  plus  son  mérite  est  considérable.  11  faut  donc  nous 
dégager  des  bons  sentiments,  parce  qu'en  rendant  la  vertu  moins  pénible, 
ils  constituent  un  désavantage  moral.  Même,  au  besoin,  on  développera 


(M   J.  ANGor  DES   RoTOURS,  La  morale  du  cœur. 


gg  l'intérêt  et  le  sentiment  (38) 

en  soi  les  mauvais  instincts,  afin  d'offrir  à  la  vertu  des  obstacles  plus 
grands  à  vaincre  (^). 

Réponse  :  I.  —  L'homme  doit  tout  mettre  en  œuvre  pour  procurer 
le  triomphe  de  la  loi  morale  en  lui  ;  or  les  sentiments  généreux  sont  au 
nombre  des  conditions  qui  assurent  le  succès.  Refouler  les  nobles  pas- 
sions, surtout  cultiver  les  mauvais  instincts,  c'est  s'exposer  à  un  échec  ; 
c'est  donc  déjà  faire  le  mal,  car  c'est  s'exposer  de  gaieté  de  cœur  au  péril 
de  violer  la  loi. 

II.  —  La  véritable  vertu  ne  consiste  pas  dans  cet  effort  pénible  dont 
parle  Kant  :  c'est  prendre  pour  la  vertu  ce  qui  n'est  qu'un  indice  de  son 
imperfection.  L'idéal  c'est  que  la  vertu  devienne  pour  nous  une  seconde 
nature  ;  que  nous  la  pratiquions  avec  facilité  et  joie.  Aristote  a  été  plus 
clairvoyant  que  Kant,  lorsqu'il  a  défini  la  vertu  «  l'habitude  de  faire  le 
bien  ».  Or  l'un  des  fruits  de  l'habitude  c'est  de  faciliter  les  actes.  Aussi 
ajoutait-il  :  «  L'homme  vertueux  est  celui  qui  trouve  du  plaisir  à  faire 
des  actes  de  vertu.  »  Cette  facilité  acquise  ou  plutôt  conquise  au  prix 
de  l'effort  est  le  signe  d'une  vertu  parfaite.  «  C'est  aussi  le  plus  haut 
degré  du  mérite,  et  c'est  la  plus  haute  liberté  (  ^).  »  (Ps.  223.) 

III.  —  L'idéal  rêvé  par  les  Stoïciens  et  Kant  est  chimérique,  impra- 
ticable, contre-nature.  Il  ne  faut  pas  amputer  ainsi  la  nature  humaine. 
h' intelligence  montre  le  but  à  atteindre  :  le  bien  ;  c'est  à  la  volonté  d'y 
tendre  ;  mais  elle  a  besoin  d'être  stimulée  et  poussée  par  la  sensibilité, 
qui  fournit  la  force  impulsive.  C'est  avec  toute  l'âme,  chaque  faculté 
gardant  son  rang,  qu'il  faut  aller  au  bien,  car,  comme  dit  Platon,  la 
vraie  perfection  de  Fàme,  c'est  l'harmonie. 

38  —  L'INTÉRÊT  ET  LE   SENTIMENT 

A)  Ressemblance  :  les  systèmes  de  morale  utilitaire  et  les  systèmes 
de  morale  sentimentale  ont  ceci  de  commun  qu'ils  empruntent  la  règle 
de  nos  actions  à  la  sensibilité,  puisque  les  premiers  la  placent  dans  le 
désir  du  plaisir  et  du  bonheur  personnels,  et  les  seconds  dans  diverses 
inclinations  altruistes. 

B)  Différence  :  l'utilitarisme  ne  fait  appel  qu'à  un  seul  penchant, 
le  désir  du  bonheur  personnel,"  même  quand  il  prescrit  de  travailler  à 
l'intérêt  général,  car  le  grand  motif  mis  en  avant  pour  nous  entraîner 
c'est  de  nous  faire  croire  que  l'intérêt  public  coïncide  avec  notre  intérêt 
privé.  La  morale  sentimentale  s'adresse  au  contraire  à  plusieurs  pen- 
chants, comme  la  bienveillance,  la  sympathie,  l'honneur,  etc. 


(M  Kant,  Fondements  de  la  métaphysique  des  mœurs,  p.  19  et  sq.  (Iraduct.  Barni). 
(*)  H.  Maiuon,  De  la  Solidarité  morale,  P.  I,  Ch.  m,  p.  115,  Paris,  1890'. 


(39)  IDÉAL    ESTHÉTIQUE    :    PLATON  89 

C)  Supériorité  de  la  morale  sentimentale  : 

l""^  Le  système  utilitaire,  ne  voyant  que  le  désir  du  bonheur,  mutile 
la  sensibilité.  Dans  le  système  sentimental,  on  retrouve,  au  contraire, 
la  sensibilité  tout  entière. 

2'*  Le  système  utilitaire  reste  égoïste  même  dans  la  recherche  de 
r intérêt  général.  Avec  la  morale  sentimentale  apparaît  l'un  des  éléments 
constitutifs  de  la  vertu,  le  désintéressement. 

D)  Infériorité  commune  :  dans  les  deux  systèmes,  la  part  de  la 
raison  n'est  pas  faite.  Or,  nous  Talions  voir,  c'est  à  l'élément  rationnel 
qu'il  faut  demander  le  principe  de  la  morale. 


ARTICLE  III 

MORALES  RATIONNELLES 

Puisque  le  principe  de  la  morale  ne  peut  être  ni  le  plaisir,  ni  l'intérêt, 
ni  le  sentiment,  qui  sont  des  formes  variées  du  bien  sensible,  il  faut  voir 
s'il  ne  consisterait  pas  dans  le  bien  rationnel,  et  partant  universel,  le  bien 
on  soi.  De  là  plusieurs  systèmes  selon  la  façon  de  comprendre  l'élément 
rationnel  du  devoir. 

39.  —  IDÉAL  ESTHÉTIQUE 

A)  Exposé  :  pour  Platon  (^)  le  Bien  absolu  c'est  Dieu  lui-même, 
conçu  comme  un  idéal  de  perfection  et  de  beauté.  Le  devoir  consiste  à 
nous  en  rapprocher  le  plus  possible  et  la  vertu  n'est  que  la  ressemblance 
à  Dieu,  'iliJ.rj'Mm;  To)  Hsw  {^).  Pour  réaliseT  cette  imitation,  le  sage 
doit  mettre  de  l'harmonie  entre  les  trois  parties  de  l'àme  :  le  désir  ou 
appétit  physique  :  c'est  l'àme  inférieure,  dont  la  vertu  propre  est  la 
tempérance  (iw-foofjuv/i)  ;  —  le  courage  ou  appétit  supérieur  :  c'est  l'àme 
moyenne,  principe  des  passions  nobles,  dont  la  vertu  est  la  force  (àvîçeta)  ; 
—  la  raison  :  c'est  l'àme  supérieure  qui  doit  commander.  Principe  des 
idées,  seule  elle  est  immortelle  et  sa  vertu  propre  c'est  la  sagesse  (^o'^îa) 
(Ps.  il,  1).  Chacune  de  ces  âmes  doit  être  subordonnée  à  celle  qui  lui 
est  supérieure,  sous  la  direction  de  la  sagesse  (^).  Ainsi  la  subordination 


(  ')   Fouillée,   Philosophie  de  Platon,  T.  II,  L.  IX. 

( -)  Platon,  Théétète.  Édition  Didot,  T.  I,  p.  135,  ligne  33. 

(')  CiCKRO.x,  Qusest.  Tuscul.,  I,  10  :  Plalo  IripUcem  linxil  animum,  cujusprincipatum, 
iil  est  rolionem,  in  capile  sicut  in  arce  posuit  et  duas  parles  ei  parère  voluit,  iram  et  cupidi- 
l'ilt-m,  fiufis  locis  discliml  :  iram  in  pectore,  cupiditatem  subter  praecordia  locavil. 


90  IDÉAL  ESTHÉTIQUE  :  PLATON  (39) 

du  désir  à  la  passion  généreuse  produit  la  tempérance  ;  la  subordination 
de  la  passion  à  la  raison  produit  la  force.  L'harmonie  qui  résulte  de  cet 
accord  parfait  constitue  la  justice  (euTroaa'a)  qui  est  la  perfection  de 
l'âme.  Mais  l'individu  doit  aussi  s'harmoniser  avec  ses  semblables  et 
avec  l'univers,  car,  pour  Platon,  le  sage  est  un  musicien  qui  met  de 
l'harmonie  dans  sa  vie  (^).  —  Cette  doctrine  a  été  plus  ou  moins  renou- 
velée dans  les  temps  modernes  par  Herbart,  Wieland  et,  de  nos  jours, 
par  F.  Ravaisson  {^)  et  Ruskin.  La  morale  a  pour  fondement  l'amour 
du  beau.  Le  souverain  bien  consiste  dans  la  beauté  de  la  vie,  dans 
l'harmonie  de  l'âme  tendant  vers  un  idéal  calme,  noble,  généreux. 

B)  Critique  :  L  —  Cette  doctrine  n'est  pas  en  contradiction  avec 
la  moralité  :  la  vie  d'un  sage  est  belle.  Les  Grecs  aimaient  à  identifier 
le  bien  et  le  beau  :  xaXoxàyaôdv  (^).  Ils  différent  cependant  (Cf.  Esthé- 
tique, 4).  Tout  acte  vertueux  est  digne  d'estime,  mais  ne  mérite  pas 
l'admiration.  Un  riche  donne  quelques  sous  à  un  pauvre  :  c'est  une  bonne 
œuvre  ;  ce  n'est  pas  une  belle  action,  car  il  lui  manque  ce  degré  de  splen- 
deur, cette  perfection  au-dessus  de  la  moyenne,  qu'exige  la  beauté. 
La  beauté  est  un  degré  supérieur  de  bonté.  C'est  pour  cela  que  la  beauté 
ne  peut  être  le  principe  de  la  morale,  car  son  idéal  est  trop  élevé  pour 
être  obligatoire  :  l'héroïsme  et  le  dévouement  ne  peuvent  être  l'objet 
d'un  vouloir  universel. 

II.  - —  Outre  cette  critique  générale,  la  morale  platonicienne,  malgré 
ses  côtés  élevés,  mérite  des  crititjues  particulières  : 

a)  Platon  fausse  les  relations  entre  l'âme  et  le  corps  ;  au  lieu  de  voir 
dans  le  corps  un  instrument  et  un  secours,  il  le  regarde  comme  un  pur 
obstacle.  Toutes  les  maladies  de  l'âme,  l'ignorance  et  le  vice,  ont  leur 
source  dans  l'union  de  l'âme  avec  le  corps  où  elle  aurait  été  enfermée, 
comme  dans  une  prison,  en  punition  d'une  faute  commise  dans  une  vie 
préexistante.  Or  l'union  de  l'âme  et  du  corps  est  naturelle  (Cf.  Psychol. 
Rationnelle,  Article  II,  54.) 

b)  Platon  a  le  tort  d'identifier  la  vertu  avec  la  science.  Les  actions 
humaines  sont  soumises  à  un  déterminisme  rationnel.  Aussi  la  volonté 
libre  est-elle  absente  de  cette  doctrine  ;  mais  alors  comment  la  morale 
peut-elle  y  trouver  place  ?  (50,  I.) 


(M  Platon,  République,  IX,  l'Idiiion  L^idot,  T.  IJ,  p.  ITti,  c-d. 

{ ')  HAVAIS30N,  Discours  prononcé  à  Louis-le- Grand,  aoûl,  1873.  —  Fouillée,  Critiques 
des  systènicH  de  morale  contemporains,  L.  VII.  —  Roupsel-Despierres,  L'idéal  esthétique. 

(')  IlSv  5r,  TO  «YaOov  xaXov,  zo  oÈ  xaÀov  oOx  à,u.eTûOv...  «Tout  ce  qui  est  bon  est 
beau,  et  liiii  n'est  beau  sans  harmonie...   »  (Platon,  Timée.  Didot,  T.  II,  p.  245-246). 


(40)  EUDÉMONISME    RATIONNEL    :    ARISTOTË 


40.  —  EUDEMONISME  RATIONNEL 

§  I.  -    DU  BONHEUR  EN  GÉNÉRAL 

On  peut  envisager  le  bonheur  au  point  de  vue  : 

A)  Psychologique  :  le  plaisir  est  un  élément  du  bonheur  ;  mais 
un  seul  plaisir  ne  fait  pas  le  bonheur  ;  il  exige  une  succession  de  plaisirs 
variés.  Le  bonheur  c'est  la  synthèse  de  cette  série  de  jouissances  ;  c'est, 
comme  dit  Bentham,  la  plus  grande  somme  de  plaisirs  diminuée  de  la 
plus  grande  somme  de  douleurs  (^).  Socrate  distinguait  deux  sortes  de 
bonheur  :  l'un  qui  vient  des  circonstances  (eùtu/îa)  ;  l'autre  qui  nous 
vient  de  nous-mêmes  (sÙTTpaçt'a).  Ce  dernier  est  la  vraie  forme  du  bonheur, 
car  il  dépend  de  nous  et  résulte  de  notre  activité  normalement  déployée 
(Ps.  21).  Notre  activité  a  des  inclinations  et  par  conséquent  des  fins 
qui  l'attirent.  C'est  dans  la  poursuite  et  l'obtention  de  chacune  de  ces 
fins  qu'elle  trouve  le  bien-être,  tô  £o,  comme  dit  Aristote.  Le  plaisir 
est  donc  la  satisfaction  momentanée  d'une  de  nos  inclinations  ;  le  bonheur, 
la  satisfaction  collective  de  toutes  nos  tendances  ou  du  moins  des  prin- 
cipales. De  même  que  le  plaisir  est  un  «  surcroît  qui  s'ajoute  à  l'acte 
comme  à  la  jeunesse  sa  fleur  )\  ainsi  le  bonheur  est  un  épiphénomène  ; 
il  est  comme  l'épanouissement  de  tout  l'être,  auquel  il  est  donné  de 
réaliser  ensemble  ses  fins  préférées. 

B)  Moral  :  il  suit  de  cette  analyse  du  bonheur  en  général  qu'il  ne 
peut  être  le  fondement  de  la  loi  morale.  En  eiïet  : 

I.  —  Le  bonheur  est  chose  relative  et  variable  avec  les  individus. 
IL  — ■  Il  est  en  grande  partie  subjectif,  car  il  dépend  de  notre  imagi- 
nation et  de  notre  volonté. 

III.  —  Il  est  toujours  plus  ou  moins  incomplet,  car  nos  tendances 
sont  souvent  opposées  ;  on  ne  peut  contenter  les  unes  qu'aux  dépens 
des  autres. 

IV.  —  Il  n'est  pas  directement  accessible  :  pour  l'atteindre,  il  faut 
viser  un  autre  but  dont  il  puisse  dériver.  Descartes  l'avait  noté  :  «  Le 
bonheur  n'est  pas  le  blanc  où  il  faut  tirer  ;  il  est  le  prix  remporté  par 
ceux  qui  y  touchent.  «  C'est  comme  le  plaisir,  un  moyen  et  non  une 
fin  ;  il  ne  saurait  être  le  but  de  l'activité,  mais  il  est  la  conséquence  du 
but  atteint  (Ps.  58,  §  I,  b°).  Pour  toutes  ces  raisons,  il  est  clair  que  le 
bonheur,  qui  n'est  qu'une  collection  de  plaisirs,  ne  saurait  être  le  fon- 
dement du  devoir. 


(  ')  Leibniz  définit  le  boalieur»  un  plaisir  durable  ».  Nouveaux  essais...,  L.  II,  Cb.  xxi, 
§   4Î.  —  P.    .Ta.NET,   Philosophie  du  bonheur. 


92  EUDÉMOMSME    RATIONNEL    :    ARISTOTE  (40) 

§  II.  —  LE  BONHEUR  RATIONNEL  {^) 

A)  Exposé  :  ces  objections,  dira-t-on  sans  doute,  sont  valables 
contre  le  bonheur  qui  a  sa  source  dans  la  satisfaction  des  inclinations 
personnelles,  dans  le  bonheur  sensible.  Mais  il  y  a,  au-dessus,  un  bonheur 
plus  parfait  :  aux  yeux  de  la  raison  il  consiste  dans  la  satisfaction  har- 
monieuse de  nos  tendances  élevées  ;  c'est  un  bonheur  qui  résulte  de 
l'activité  proprement  humaine  {-o  avôswTrcvov  Ipyov)  (^),  de  l'activité 
raisonnable,  où  la  sensibilité  est  subordonnée  à  l'intelligence  et  à  la 
volonté.  C'est  la  théorie  d'Aristote  qu'on  appelle  l'eudémoiiisme 
(sù'îa'.uovîa,  bonheur)  rationnel  et  qu'on  peut  formuler  ainsi  :  Sois  raison- 
nable et  tu  seras  heureux.  Cette  formule  n'est  égoïste  qu'en  apparence, 
car  la  raison  nous  montre  que  nous  devons  parfois  sacrifier  nos  fins 
personnelles  et  particulières  aux  fins  générales,  parce  que  nous  sommes 
membres  d'un  tout  plus  important  que  nous-mêmes.  Ainsi  cette  morale 
se  confond,  au  point  de  vue  de  la  matière,  avec  la  morale  du  bien  en  soi, 
puisqu'elle  prescrit  à  l'homme  d'estimer,  dans  la  poursuite  du  bonheur, 
la  valeur  des  biens  suivant  les  lumières  de  la  raison  et  non  d'après  les 
attraits  de  la  sensibilité. 

B)  Critique  :  1^  La  morale  du  bonheur  ainsi  entendu  se  confond, 
il  est  vrai,  matériellement,  avec  la  morale  de  l'ordre  et  du  bien  ;  la  morale 
du  devoir  est  ainsi  conciliée  avec  celle  de  l'intérêt.  Mais  le  bonheur  et 
le  bien  diffèrent  au  point  de  vue  formel.  Le  bien  c'est  ce  qui  perfectionne 
la  nature  raisonnable,  ce  qui  lui  est  conforme;  le  bonheur  c'est  la 
conscience  du  bien  possédé,  la  perfection  réalisée.  Le  bien,  par  consé- 
quent, demeure  la  seule  fin  absolue  et  suprême  de  la  volonté,  le  bonheur 
en  est  une  simple  conséquence.  Notre  bonheur,  même  raisonnable,  ne 
peut  donc  être  la  fin  dernière  de  nos  actions  et  le  principe  de  la  morale, 
car  il  rendrait  la  vertu  intéressée. 

2»  On  objecte  que  le  bonheur  est  le  terme  nécessaire  de  toute  ten- 
dance, l'unique  ou  du  moins  la  principale  raison  de  vouloir  et  d'agir. 
—  On  doit  répondre  que  l'amour  de  soi  et  le  désir  du  bonheur  sont  sans 


(  ')  Leibniz,  Von  der  Gluchseligheit.  — P.  Janet,  La  morale,  L.  I,  Ch.  iv.  —  Ollé- 
Laprune,  Essai  sur  la  morale  d'Aristote,  Ch.  iv-viii.  ^ —  Boutroux,  Aristote,  dans  Études 
d'Histoire  de  la  Philosophie,  p.  95-209,  Paris,  1897. 

(')  Être  vertueux,  pour  Aristote,  c'est  bien  faire  son  métier  d'homme,  être  vraiment 
homme  :  (xvOpoJTrE'JeTOîzt,  c'est-à-dire  déployer  son  activité  d'une  façon  puissante  et 
réglée,  d'où  résulte  le  bonheur.  {Ethique  à  Nicomaque,  L.  X,  Ch.  viiii,  §  6.  Didot,  T.  II, 
p.  126).  —  AitisTOTE  emploie  constamment  le  mot  xaXo'v  pour  signifier  le  bien.  Le  bien 
c'est  le  beau  moral,  parce  qu'il  résulte  de  l'activité  puissante  et  ordonnée.  Or  )a  grandeur 
et  l'ordre  sont  les  deux  caractères  du  beau  d'après  Aristote.  Nous  avons  vu  (39,  B)  que 
cependant  on  ne  doit  pas  idcntincr  toujours  le  bien  et  le  beau.  Les  mots  latins  honeslum, 
décorum  impliquent  aussi  une  idée  de  beauté.  —  Cf.  Ollé-Laprune,  Essai  sur  la  morale 
d'Aristote,  Ch.  m. 


(41)  L.V    MORALE    STOÏCIENNE  93 

doute  le  premier  mobile,  le  principe  spontané  de  toutes  nos  actions  : 
«  Tous  les  hommes  recherchent  d'être  heureux  ;  cela  est  sans  exception.  » 
(Pascal).  Mais  ils  n'en  sont  pas  nécessairement  le  motif  et  la  raison. 
La  preuve  c'est  que  si  personne  ne  peut  renoncer  explicitement  au 
bonheur,  on  peut  en  faire  abstraction,  agir  sans  y  penser,  sans  le  recher- 
cher. Le  bonheur  est  encore  moins  la  mesure  de  la  moralité,  puisque  la 
valeur  morale  d'un  acte  est  proportionnée  à  son  désintéressement.  Plus 
un  acte  est  désintéressé,  plus  il  est  parfait.  Il  reste  vrai  cependant  que, 
si  le  bonheur  raisonnable,  qui  se  confond  avec  notre  perfection,  ne 
peut  être  la  fin  dernière  de  la  vie  morale,  il  peut  néanmoins  être  recherché 
en  même  temps  que  le  bien  :  il  est  en  effet  la  conséquence  et  la  récompense 
du  bien  accompli,  de  la  perfection  réalisée.  Cette  récompense  est  une 
sanction  de  la  loi  morale  ;  elle  fait  donc  partie  intégrante  de  la  loi  morale  ; 
la  vouloir,  la  rechercher  en  même  temps  que  le  bien,  ce  n'est  donc  pas 
sortir  de  la  loi  morale. 


41.  —  LA  MORALE  STOÏCIENNE  (i) 

§  A.  —  EXPOSÉ 

L  —  Souverain  bien  :  la  vertu.  —  La  morale  stoïcienne  a  subi 
bien  des  métamorphoses  depuis  Zenon,  Cléanthe,  Chrysippe  (m®  siècle 
avant  Jésus-Christ)  jusqu'à  Sénèque,  Épictète  et  Marc-Aurèle.  L'idée 
qui  persiste  à  travers  ces  changements  et  domine  tout  le  Stoïcisme, 
c'est  que  le  souverain  bien,  l'unique  bien,  c'est  la  vertu  elle-même. 
De  là,  plusieurs  conséquences  qu'on  a  nommées  les  paradoxes  stoï- 
ciens (2)  : 

1°  La  vertu  étant  l'unique  bien,  en  dehors  d'elle,  tout  est  indifférent  : 
plaisir,  douleur,  richesse,  réputation,  santé,  vie,  mort. 

20  La  vertu  étant  un  absolu,  un  extrême,  il  n'y  a  pas  de  milieu 
entre  le  bien  et  le  mal.  Toutes  les  fautes  sont  égales  comme  tous  les 
actes  bons  :  le  vice  et  la  vertu  n'admettent  pas  de  degré. 

3°  La  vertu  est  elle  à  elle-même  sa  propre  récompense  :  Tirtutis 
prœmium  ipsa  virtus  (Sénèque). 


(')  Ed.  Zeller,  Die  Philosophie  der  Griechen,  III»  volume,  I"  P. —  F.  Ravaisson, 
Essai  sur  le  Stoïcisme.  —  F.  Ogereau,  Essai  sur  le  système  philosophique  des  Stoïciens, 
Ch.  VII,  VIII.  —  ScnopENH.\UER,  Le  monde  comme  volonté  et  comme  représentation,  L.  I, 
§  16.  —  R.  Th.vmin,  l'n  problème  moral  dans  l'antiquité.  —  C.  Martha,  Les  moralistes  sous 
l'empire  romain. —  Fonsegrive,  Essai  sur  le  libre  arbitre,  l"  P.,  L.  I,  Ch.  v.  —  J.-A.  Chollet, 
La  morale  stoïcienne. 

(  ')  CicÉROx,    Parado.xa. 


94  LA    MORALE    STOÏCIEfîNE  (41) 

II.  —   Essence   de  là   vertu  :  la  vertu   consiste   à   vivre  confor- 
mément à  la  nature  ;  /r,v  ôaoÀoyoutjLsvo);  tt-  cpû^si.  C'est  là  une  formule 
équivoque,  car  les  Stoïciens  donnent  des  sens  différents  au  mot  nature. 
Aussi  a-t-elle  donné  lieu  à  des  interprétations  diverses  de  la  part  de 
Zenon,  de  Cléantlie  et  de  Ghrysippe  (^). 

La  nature  d'un  être  dépend  essentiellement  de  ce  qui  lui  est  propre  ; 
or  la  caractéristique  de  l'homme,  c'est  la  raison.  C'est  pourquoi  pour 
l'homme,  vivre  conformément  à  la  nature,  ce  n'est  pas  suivre  la  sensi- 
bilité, mais  la  raison  :  Zrjv  ôaoÀoyoKac'vo);  rw  Xô-'w.  Comme  la  raison  n'existe 
pas  seulement  en  nous,  mais  encore  chez  les  autres  hommes  et  dans 
tout  l'univers,  dont  Dieu  est  l'âme,  vivre  conformément  à  la  raison  : 

a)  C'est  d'abord  mettre  l'ordre  et  la  logique  dans  sa  vie  (ôaoXovia)  ; 
c'est  être  d'accord  avec  soi-même.  Le  sage  doit  «  vouloir  par  raison, 
pour  l'ordre  et  la  beauté  qui  y  régnent,  ce  que  la  nature  poursuit  par 
instinct  ».  Le  souverain  bien  c'est  donc  la  force  de  la  volonté  tendue  à 
travers  toute  la  vie  pour  faire  de  toutes  les  pensées,  paroles  et  actions 
un  tout  harmonieux.  Summum  honum  vita  sihi  concors. 

b)  C'est  ensuite  vivre  en  harmonie  avec  nos  semblables.  La  raison 
étant  identique  chez  tous  les  hommes,  ils  sont  égaux,  ils  sont  frères  : 
Homo  res  sacra  homini.  Ils  doivent  donc  s'entr'aimer.  Aussi  l'esclavage 
est-il  blâmable. 

c)  C'est  enfin  vivre  en  harmonie  avec  tout  l'univers.  Le  sage  doit 
se  soumettre  aux  lois  immuables  de  la  nature,  se  résigner  au  destin 
qui  la  gouverne  ;  car  l'âme  qui  anime  et  régit  le  monde,  c'est  Dieu, 
c'est  la  raison  divine.  Le  sage  ne  connaît  pas  les  distinctions  de  famille, 
de  cité,  de  patrie  :  il  est  citoyen  de  V  univers. 

III.  —  Obstacle  à  la  vertu  :  c'est  la  passion.  La  passion  est  pour 
eux  un  mouvement  contraire  à  la  raison  et  à  la  nature.  "AXoyoç  xal 
r.'xÇoL  '^,J7tv  'W/ri^  yJ.^Yt'Ji;  (").  La  première  condition  de  la  vertu  c'est 
d'étouffer  la  passion  pour  arriver  à  l'impassibilité  (àTràOsia).  De  là  cette 
maxime  d'Épictète  :  'Avé/ou  xai  a::é/ou.  Supporte  et  abstiens-toi.  Supporte, 
c'est-à-dire  sois  fort  contre  le  plaisir,  sois  courageux  contre  les  pas- 
sions ;  reste  calme  dans  l'adversité  comme  dans  le  bonheur.  Abstiens-toi, 
c'est-à^ire  ne  recherche  pas  ce  qui  ne  dépend  pas  de  toi.  Tout  se  fait 
d'après  les  lois  d'une  intelligente  nécessité.  Laisse  donc  faire  la  Pro- 
vidence immanente  à  la  nature,  car  il  est  inutile  et  sacrilège  de  vouloir 
résister  à  la  force  des  choses,  comme  dit  Sénèque  le  tragique  : 

Durunt  volentem  fata,  nolentem  trahunt. 

Et  ainsi  tu  arriveras  à  la  véritable  sagesse,  à  l'insensibilité. 


(  ')  Stobée,  Edogse  physicse  et  elhicœ,  L.  II,  C.  vu. 

(  *)   UiooÈNF.  Laërck.  Vies  dea  philosophes,  L.  VII,  110.  — Cf.  Cicéron,  Qusest.  iuscuL., 
IV,  <i. 


(41)  LA    MORALE    STOÏCIENNE  9& 


§  B.  -  CRITIQUE 

Cette  morale  a  des  côtés  élevés  et  elle  a  exercé  dans  l'antiquité  une 
bienfaisante  influence  :  le  Stoïcisme  a  été,  surtout  à  l'époque  des  empe- 
reurs romains,  une  école  de  courage  et  de  caractère.  Les  Stoïciens 
combattirent  l'omnipotence  de  l'État,  préconisée  par  Platon  et  par 
Aristote,  en  revendiquant  les  droits  de  l'individu.  Ils  entrevirent  l'ini- 
quité de  l'esclavage  et  montrèrent  que  les  hommes,  ayant  même  raison, 
devaient  être  traités  également.  Mais  après  les  qualités,  voici  les  défauts  : 

I.  —  La  vertu  ne  peut  être  le  souverain  bien,  parce  que,  à  toute 
tendance,  à  la  volonté,  par  conséquent,  il  faut  une  fin  distincte  d'elle- 
même.  La  volonté  n'est  bonne  et  vertueuse  qu'autant  qu'elle  se  conforme 
au  bien  en  soi,  au  bien  absolu.  La  vertu,  qui  est  le  bien,  morale  n'est  que 
la  conséquence  de  la  conformité  de  l'activité  volontaire  au  bien  en  soi  : 
elle  ne  saurait  donc  être  la  fin  de  cette  activité. 

IL  —  Le  Stoïcisme  nie  la  liberté,  puisqu'il  la  réduit  à  comprendre 
et  à  accepter  la  nécessité  inévitable  des  événements  réglés  par  Dieu 
qui  est  l'âme  du  monde  :  Parère  Deo  libertas  est  (Sénèque).  Or  une  morale 
sans  liberté  n'est  pas  une  morale. 

III.  —  Cette  morale  aboutit  à  des  conséquences  paradoxales  que 
rejette  le  sens  commun,  car  :  a)  Le  plaisir,  la  douleur  ne  sont  pas  chose 
indifférente.  —  b)  Il  y  a  des  degrés  dans  le  vice  et  dans  la  vertu.  —  c)  La 
vertu  n'est  pas  à  elle-même  sa  récompense,  puisque  le  sage  n'est  pas 
nécessairement  heureux  ici-bas  ;  l'immortalité  de  l'âme  est  donc  une 
sanction  nécessaire  de  la  morale. 

IV.  —  Cette  doctrine  est  inhumaine  et  impraticable,  car  elle  demande 
d'étouffer  la  sensibilité  et  les  passions  au  lieu  de  les  diriger  et  de  les 
faire  servir  au  bien  rationnel  comme  force  impulsive. 

V.  —  La  maxime  d'Épictète  est  : 

a)  Incomplète  :  elle  ne  comprend  pas  les  devoirs  de  justice  et  de 
charité  envers  les  autres.  C'est  un  idéal  de  morale  personnelle,  et,  même 
à  ce  point  de  vue,  elle  pèche  par  défaut,  car  elle  est  muette  sur  les  devoirs 
positifs  de  perfectionnement  moral. 

b)  Dangereuse  :  le  précepte  abstine  mène  au  fatalisme,  à  l'inertie, 
à  l'abdication  de  la  volonté. 


! 


96  LA  MORALE  FORMELLE  DE  KAKT  :  EXPOSÉ  (42) 

42.  —  LA  MORALE  FORMELLE  DE  KANT  C) 

§  A.  —  EXPOSÉ 

On  peut  ramener  à  quatre  points  principaux  ce  qu'il  y  a  d'essentiel 
dans  la  morale  de  Kant  :  1°  Existence  d'une  loi  morale  pour  l'homme 
et  ses  conséquences.  2°  Nature  du  devoir.  ?fi  Condition  de  la  moralité. 
40  Formules  de  la  loi  morale. 

I.  —  Existence  d'une  loi  morale  et  ses  conséquences  :  Kant 
fait  reposer  la  morale  sur  un  «  fait  de  raison  »,  une  donnée  primitive  : 
l'existence  du  devoir.  Nous  avons  conscience  du  devoir,  -c'est-à-dire 
d'une  loi  qui  commande  ce  qui  doit  être,  sans  égard  à  ce  qui  a  été,  est 
ou  sera.  Aucun  fait  ne  pourrait  prévaloir  contre  cette  idée  qui  nous 
commande.  Son  commandement  est  catégorique.  Seule  l'idée  du  devoir 
a  une  valeur  objective  absolue.  Or  l'idée  du  devoir  implique  trois  autres 
vérités  qui  en  sont  les  conditions  :  la  liberté,  V immortalité  de  Vàme. 
Vexistence  d'un  Dieu  rémunérateur  (Cf.  Métaphysique,  Introduction,  6, 
§B,  C). 

II.  —  Nature  du  devoir  :  en  quoi  consiste  le  devoir  ?  Pour  le 
savoir  on  peut  procéder  de  deux  manières.  Ou  bien  on  déterminera  le 
devoir  d'après  la  nature  d'un  bien  antérieurement  conçu,  qui  lui  servira 
de  fondement.  Ce  bien  en  soi,  ce  bien  absolu  est  la  fin  dernière  de  l'homme 
et  le  principe  de  la  morale.  Alors  la  valeur  morale  des  actions  dépend 
de  leur  conformité  à  ce  bien  souverain  ;  elle  dépend  donc  de  leur  objet, 
do  leur  matière.  C'est  la  voie  suivie  par  les  moralistes  qui  ont  précédé 
Kant.  Ou  bien  on  partira  de  la  forme,  c'est-à-dire  du  commandement 
considéré  en  lui-même,  indépendamment  de  tout  bien  en  soi  qui  en 
serait  la  matière  et  le  contenu.  C'est  la  méthode  adoptée  par  Kant. 
D'après  Kant,  le  devoir  est  un  absolu  qui  ne  suppose  rien  au-dessus  de 
lui  ;  lui  donner  le  bien  pour  fondement,  ce  serait  en  faire  un  impératif 
relatif  et  hyi)()thétique,  et  dire  à  l'homme  :  fais  ceci  si  tu  veux  obtenir 
ce  bien  et  réaliser  cet  idéal.  Le  devoir  a  en  lui-même  sa  raison  suffisante  ; 
il  n'y  a  donc  pas  de  bien  en  soi  antérieur  au  devoir.  C'est  pourquoi  le 
devoir  doit  se  définir  :  «  la  nécessité  d'obéir  à  la  loi  par  respect  pour  la 


(')  Kant,  Critique  de  la  raison  pratique.  Fondements  de  la  mélajihysique  des  7nœur$, 
—  Cf.  BouTKOux,  La  morale  de  Kant.  dans  la  Revue  des  Cours  et  Conférences,  n°  du 
21  Fév.  1901  et  n"'  sqq.  —  Th.  Desdouits,  La  philosophie  de  Kant,  I"  P..  Il'Sect.  ;  11'=  P., 
11  ••  Sect.  —  SCHOPENHAUER,  Fondement  de  la  morale,  Ch.  II.  Le  monde  comme  volonté  et 
comme  représentation,  L.  I,  §  IG.  —  Th.  Ruyssen,  Kant.  —  Th.  Pesch,  Le  Kantisme  e\ 
ses  erreurs.  —  A.  Cresson,  La  morale  de  Kant.  —  Jouffuoy,  Cours  de  droit  naturel.  Leçons 
XXVI,  XXVII.  —  Fouillée,  Critique  des  systèmes  de  morale  contemporains,  L.  IV.  Le 
moralisme  de  Kant  et  Vamoralisyne  contemporain.  —  V.  Delbos,  La  Morale  de  Kant,  en  tête 
(lo  la  traduction  des  Fondements  de  la   Métaphi/sique  des  mœurs,  p.  21-00. 


\ 

(43)  LA    MORALE     FORMELLE    DE     KANT    :    EXPOSÉ'  97 

loi  »,  et  non  pas  la  nécessité  morale  de  faire  le  bien.  Aussi  une  action 
n'est  pas  obligatoire  parce  qu'elle  est  bonne  ;  elle  est  bonne  parce  qu'elle 
est  obligatoire.  Tel  est  le  formalisme  moral  de  Kant. 

III.  —  Condition  de  la  moralité  :  la  bonne  volonté.  De  la 
notion  du  devoir  ainsi  comprise  découle  la  manière  de  le  remplir.  Tout 
dépend  de  l'intention  qui  fait  la  valeur  morale  des  actes  :  c'est  la  bonne 
volonté.  Il  faut  étudier  ce  que  Kant  entend  par  là  : 

a)  Sa  nature  :  soit  un  ordre  à  accomplir,  qui  se  présente  à  ma 
conscience  comme  catégorique.  J'exécuterai  cet  ordre,  ou  bien  pour 
obtenir  l'avantage  qui  en  résulte,  ou  bien  uniquement  pour  obéir  à  la 
loi.  Dans  les  deux  cas  la  matière  de  l'acte  est  la  même  ;  mais  leur  valeur 
est  bien  différente.  Dans  le  premier,  l'action  n'est  pas  bonne  moralement, 
elle  n'est  pas  mauvaise  non  plus  :  elle  est  légale,  c'est-à-dire  matériel- 
lement conforme  à  la  loi.  Dans  le  second,  elle  est  morale.  La  bonne 
volonté,  c'est  donc  la  volonté  de  faire  le  devoir  parce  que  c'est  le  devoir, 
d'obéir  à  la  loi  par  respect  pour  la  loi. 

b)  Sentiment  de  respect  qui  l'accompagne  :  obéir  à  la  loi  par  amour 
pour  la  loi,  ce  ne  serait  pas,  selon  Kant,  agir  moralement,  car  ce  serait 
attendre  quelque  satisfaction  de  son  obéissance.  C'est  pourquoi  Kant 
bannit  tous  les  bons  sentiments  qui  pourraient  nous  aider  à  pratiquer 
le  devoir,  parce  que  ce  serait  rendre  son  observation  intéressée  (37,  §  G). 
Un  seul  sentiment  a  trouvé  grâce  devant  lui  :  c'est  le  sentiment  de 
respect,  parce  que  le  respect  n'est  pas  un  sentiment  agréable,  il  exerce 
une  certaine  contrainte  sur  nos  penchants  inférieurs.  (9,  §  II). 

c)  Son  autonomie  :  qu'est  en  elle-même  la  bonne  volonté  ?  Elle 
est  autonome,  elle  porte  en  elle-même  la  loi  à  laquelle  elle  obéit  ;  elle  la 
pose  et  se  l'impose.  La  volonté  est  à  elle  même  sa  propre  fin,  c'est  une 
fin  en  soi.  Si  la  loi  morale  nous  était  imposée  du  dehors  par  un  Dieu 
tout-puissant,  la  volonté  ne  pourrait  s'y  soumettre  que  par  crainte, 
amour  ou  intérêt  :  or  l'obéissance  due  à  de  tels  motifs  n'est  pas  morale. 
De  plus,  toute  doctrine  qui  fait  dépendre  la  volonté  d'une  fin  autre  que 
la  volonté  même,  est  une  doctrine  d'esclavage,  une  hétéronomie. 

d)  Sa  valeur  :  «  Il  n'y  a  qu'une  seule  chose  qu'on  puisse  tenir  pour 
bonne  sans  restriction,  c'est  une  bonne  volonté  »,  c'est-à-dire  la  volonté 
raisonnable  et  libre.  Elle  «  ne  tire  pas  sa  bonté  de  ses  effets  ou  de  ses 
résultats,  ni  de  son  aptitude  à  atteindre  tel  ou  tel  but  proposé,  mais 
seulement  du  vouloir,  c'est-à-dire  d'elle-même...  Quand  ses  plus  grands 
efforts  n'aboutiraient  à  rien...,  elle  brillerait  de  son  propre  éclat,  comme 
une  pierre  précieuse,  car  elle  tire  d'elle-même  toute  sa  valeur.  L'utilité 
ou  l'inutilité  ne  peut  rien  ajouter  ni  rien  ôter  à  cette  valeur  (^).  »  C'est 


L 


( ')   Kant,  Fondements  de  la  Métaphysique  des  mœurs,  Sect.  I,  p.  13  (trad.  Barxi). 

TRAITÉ    DE    PHILOSOPHIE.   T.    H.   —   4. 


98  LA    MORALE    FORMELLE    DE    KANT    :    CRITIQUE  (42) 

que  la  volonté,  étant  libre,  ne  doit  rien  qu'à  elle-même.  Tel  est  le  bien 
absolu  :  il  n'est  pas  distinct  de  la  personne  elle-même  ;  il  résulte  de 
l'intention  pure  d'obéir  à  la  loi.  Tout  le  reste  n'a  qu'une  valeur  relative, 
qui  dépend  du  bon  ou  du  mauvais  usage  qu'on  en  fait. 

IV.  —  Formules  de  la  loi  morale.  Nous  devons  donc  agir  par 
devoir.  Il  faut  en  outre  connaître  les  actes  que  le  devoir  impose.  Pour 
éclaircir  les  cas  embarrassants,  Kant  a  formulé  quatre  grandes  règles  :  (  ^) 

10  >,  Agis  de  telle  sorte  que  tu  traites  toujours  la  volonté  libre  et 
raisonnable,  c'est-à-dire  l'humanité,  en  toi  et  en  autrui,  comme  une 
fin  et  non  comme  un  moyen.  »  La  volonté  raisonnable  et  libre,  la  per- 
sonne humaine,  est  donc  l'objet  même  de  la  loi,  en  même  temps  qu'elle 
en  est  l'auteur  et  le  sujet.  L'être  raisonnable  est  une  fin  absolue,  c'est- 
à-dire  qu'il  ne  doit  jamais  se  regarder  comme  un  moyen,  mais  toujours 
comme  une  fin.  Quand  l'homme  obéit  aux  inclinations  de  la  sensibilité 
au  détriment  de  la  raison,  il  se  dégrade,  car  il  se  sert  de  lui-même  comme 
d'un  moyen.  Les  autres  hommes  étant  nos  égaux  en  nature,  nous  devons 
respecter  leur  personnalité  ;  il  est  donc  illégitime  de  les  traiter  comme 
des  moyens,  c'est-à-dire  de  s'en  servir  pour  en  tirer  un  avantage.  C'est 
pour  cela  que  l'esclavage  est  odieux,  La  personnalité  est  inviolable  et 
sacrée.  Le  respect  absolu  de  la  personne  est  donc  le  fondement  du  droit 
comme  du  devoir. 

2»  «  Agis  comme  si  tu  étais  législateur  en  même  temps  que  sujet 
dans  la  république  des  volontés  libres  et  raisonnables.  »  L'idéal  que 
poursuit  la  morale,  c'est  la  réalisation  d'une  république  des  volontés 
libres  et  raisonnables,  dans  laquelle  chacune  serait  pour  les  autres  une 
fin.  Ce  serait  la  conséquence  de  la  mise  en  pratique  de  la  première 
formule,  car  si  les  volontés  se  prenaient  réciproquement  comme  fin, 
elles  réaliseraient  cette  cité  libre  et  unie  où  chacun  serait  à  la  fois  légis- 
lateur et  sujet  :  ce  serait  la  «  république  des  fins  ». 

3°  «  Agis  toujours  de  telle  sorte  que  la  raison  de  ton  action  puisse 
être  érigée  en  loi  universelle.  »  U universalisation  d'un  acte,  tel  est  le 
critérium  donné  par  Kant  pour  distinguer,  pratiquement,  quelles 
actions  sont  conformes  ou  contraires  à  l'idéal  indiqué  plus  haut  (20,  III). 

40  «  Agis  extérieurement  de  telle  sorte  que  ta  liberté  puisse  s'accorder 
avec  la  liberté  de  chacun  suivant  une  loi  générale  de  liberté  pour  tous.  » 
C'est  le  principe  régulateur  des  droits. 

§  B.  —  CRITIQUE 

Kant  a  clairement  indiqué  les  caractères  de  la  loi  morale,  son  obli- 
gation absolue  et  son  universalité.  Il  a  nettement  dégagé  l'idée  du  devoir 


(  ')  Kant,  Fondements  de  la  Métaphysique  des  mœurs,  Sect.  II. 


(42)  LA    MORALE    FORMELLE    DE    KANT    :    CRITIQUE  99 

des  motifs  égoïstes  et  il  a  bien  réfuté  les  systèmes  empiriques  et  utilitaires. 
Il  a  mis  en  relief  la  dignité  et  l'inviolabilité  de  la  personne  humaine. 
La  grandeur  du  devoir  lui  a  inspiré  de  beaux  accents  :  «  Devoir,  nom 
sublime  et  grand,  toi  qui  ne  renfermes  rien  en  toi  d'agréable,  rien  qui 
implique  insinuation...  Quelle  origine  est  digne  de  toi  et  où  trouve-t-on 
la  racine  de  ta  noble  tige,  qui  repousse  fièrement  toute  parenté  avec  les 
penchants  ?...  (^)   » 

Il  dit  encore  :  «  Deux  choses  remplissent  le  cœur  d'une  admiration 
et  d'une  vénération  toujours  nouvelles  et  toujours  croissantes,  à  mesure 
que  la  réflexion  s'y  attache  et  s'y  applique  :  le  ciel  étoile  au-dessus  de 
moi  et  la  loi  morale  en  moi  {^).  »  —  Mais  la  morale  kantienne  mérite  plus 
de  reproches  que  d'éloges.  Pour  s'en  convaincre  il  suffit  d'examiner 
l'un  après  l'autre  les  quatre  points,  auxquels  nous  avons  ramené  sa 
doctrine  : 

I.  —  Kant  ne  prouve  pas  l'existence  universelle  du  devoir  ; 
il  affirme  que  le  devoir  est  donné  dans  toute  conscience  humaine.  Il  ne 
l'établit  ni  a  priori,  ni  a  posteriori. 

a)  L'existence  du  devoir  n'implique  pas  la  croyance  à  la  liberté 
telle  que  Kant  la  conçoit.  En  effet  Kant  distingue  V homme- phénomène, 
c'est-à-dire  tel  qu'il  s^apparait  à  lui-même  et  apparaît  aux  autres  ; 
et  V homme-noamène,  l'homme  en  soi,  considéré  dans  son  essence  qui  est 
inconnaissable  (^).  Les  actions  de  l'homme-phénomène,  étant  dans  le 
temps  et  étant  régies  par  le  principe  subjectif  de  causalité,  sont  soumises 
à  la  loi  du  déterminisme.  Mais  nous  n'avons  pas  le  droit  de  dire  de 
l'homme-noumène  qu'il  n'est  pas  libre.  Il  se  peut  que  la  liberté  noumé- 
nale  existe.  Telle  est  la  conclusion  de  la  raison  pure.  Mais  la  raisoii  pra- 
tique montre  que  cette  liberté  est  nécessaire,  parce  qu'elle  est  impliquée 
par  le  devoir.  Kant  aboutit  à  une  contradiction.  Ou  le  devoir  s'applique 
au  monde  nouménal,  et  alors  il  n'a  pas  d'influence  sur  le  monde  phéno- 
ménal qui  est  régi  par  la  fatalité  ;  ou  bien  le  devoir  s'applique  au  monde 
phénoménal,  le  seul  dont  nous  ayons  conscience  d'après  Kant  et  par 
conséquent  le  seul  qui  nous  importe,  et  alors  l'homme-phénomène  qui 
y  est  soumis  doit  être  libre  pour  pouvoir  l'observer.  Or  Kant  nie  la  liberté 
phénoménale. 

b)  Les  deux  autres  postulats  {immortalité  et  existence  d'un  Dieu 
rémunérateur)  reposent  sur  une  affirmation  qui  est  en  contradiction 
avec  la  doctrine  kantienne  sur  d'autres  points.  L'homme  doit,  dit-il, 
chercher  à  réaliser  le  souverain  bien,  c'est-à-dire  Vaccord  du  bonheur  et 
de  la  vertu  ;  or  cet  accord,  dont  la  raison  voit  la  nécessité,  n'est  pas 


(M  Kant,  Critique  de  la  raison  pratique.  Trad.  Pic.vvet,  p.  155. 

(^)   Ibidem,  p.   291. 

(  ')  Kant,  Eléments  métaphysiques  de  la  doctrine  de  la  vertu,  l"  P.,  L.  I,  Introd.i  3. 


100  LA    MORALE    FORMELLE    DE    KA>T    :    CRITIQUE  (42) 

réalisable  en  ce  monde  ;  donc  il  doit  y  avoir  une  autre  vie.  C'est  bien 
raisonné  en  soi  ;  mais  Kant  s'est  interdit  cette  façon  de  raisonner,  car 
un  des  éléments  fondamentaux  de  sa  doctrine  c'est  que  la  pratique 
de  la  vertu  est  incompatible  avec  la  poursuite  du  bonheur  (31,  §  B). 
Pour  éviter  cette  contradiction,  Kant  se  contente  ordinairement  de 
dire  qu'il  faut  par  la  vertu  se  rendre  digne  du  bonheur  sans  le  rechercher. 
Quand  il  parle  ainsi,  il  n'est  plus  en  opposition  avec  ses  principes,  mais 
il  enlève  toute  base  à  son  argumentation  :  il  n'a  plus  le  droit  d'affirmer 
l'obligation  de  croire  à  l'immortalité  de  l'âme  et  à  l'existence  de  Dieu, 
puisque  le  fondement  de  cette  croyance  :  la  nécessité  de  l'accord  du 
bonheur  et  de  la  certii,  a  disparu. 

II.  —  La  thèse  de  Fantériorité  du  devoir  sur  le  bien  : 
10  Est  en  contradiction  avec  la  nature  humaine.  —  L'homme  est 
un  être  raisonnable  ;  or  un  être  raisonnable  ne  saurait,  sans  aller  contre 
sa  nature,  obéir  à  une  loi  dont  il  ne  connaît  aucune  raison  qui  la  motive. 
L'obéissance  à  la  loi  morale  doit  donc  être  une  soumission  éclairée  et 
non  l'exécution  aveugle  d'un  commandement  que  rien  ne  justifie. 
Or  ce  qui  justifie  la  loi  morale  c'est  sa  conformité  au  bien  en  soi.  Le  devoir, 
tel  que  le  présente  Kant,  ressemble  à  une  consigne  inintelligible  et 
brutale,  qui  s'impose  sans  qu'il  soit  permis  d'en  chercher  les  motifs. 
On  l'a  comparé  à  la  discipline  des  armées  allemandes.  La  logique  des 
choses  a  contraint  Kant  à  être  inconséquent  avec  son  système  ;  lui 
aussi  rattache,  quoi  qu'il  en  dise,  le  devoir  à  un  bien  antérieur,  et  ce 
bien  antérieur  c'est  pour  lui  Y  universalité  rationnelle  de  l'action  (20, 

§ni). 

2°  Rend  la  morale  impraticable  en  bannissant  tout  autre  sentiment 
que  le  respect  (37,  §  C). 

III.  —  La  doctrine  de  l'autonomie  de  la  volonté  : 

10  Ruine  l'autorité  de  la  loi  morale.  —  Comment  la  volonté,  étant 
essentiellement  changeante,  pourrait-elle  édicter  une  loi  immuable  ? 
Comment  un  être,  qui  s'impose  d'agir  de  telle  ou  telle  façon,  serait-il 
lié  par  cet  ordre  émané  de  lui  ?  Après  cet  ordre,  ou  il  n'est  plus  libre, 
et  alors  il  n'y  a  plus  de  moralité  ;  ou  il  le  demeure  ;  il  peut  par  conséquent 
prendre  une  décision  contraire  et  se  délier  de  sa  première  obligation  ; 
alors  que  devient  le  caractère  absolu,  catégorique  du  devoir  ?  Il  faut 
donc  que  l'oiiligation  ait  un  principe  extérieur  et  supérieur  à  la  volonté. 

20  Compromet  l'universalité  de  la  loi  morale.  —  Si  chaque  volonté 
est  autonome,  pourquoi  la  loi  morale  serait-elle  identique  pour  tous 
les  hommes  ?  Une  loi,  qui  dépend  de  la  volonté  libre,  peut  changer 
avec  chaque  volonté.  On  dira  peut-être  que  Kant  entend  assigner 
comme  fondement  du  devoir  la  volonté  en  tant  qu'elle  est  la  même 
chez  tous  les  liommcs.  Soit.  Mais  la  volonté  a  précisément  chez  tous 
les  hommes  ceci  de  commun  qu'elle  est  libre.  Dans  ce  cas,  il  faut  convenir 


(43)  MORALE    DU    BIEN    RATIONNEL  101 

que  c'est  la  raison,  faculté  fatale,  partout  la  même,  cfui  montre  à  chaque 
volonté  humaine  la  règle  du  devoir.  Mais  c'est  chercher  le  fondement 
de  l'obhgation  en  dehors  de  la  volonté  et  par  conséquent  sortir  du  sys- 
tème de  Kant. 

IV.  —  La  première  formule  n'est  que  partiellement  vraie.  Il  faut 
dire  avec  Kant  que  l'homme  ne  peut  être  pour  l'homme  un  simple 
moyen.  Mais  on  ne  peut  lui  accorder  que  la  personne  humaine  est  une 
fin  en  soi,  une  fin  absolue.  Elle  n'est  qu'une  fin  relative,  car  l'homme 
est  subordonné  à  Dieu,  seule  fin  dernière  et  suprême. 

La  deuxième  formule  n'ajoute  rien  d'essentiel  à  la  première  en  ce 
qui  concerne  la  détermination  des  devoirs  ;  inutile  de  s'y  arrêter. 

La  troisième  formule  est  vraie  ;  mais  elle  n'appartient  pas  en 
propre  à  la  morale  kantienne.  De  plus,  elle  est  inconciliable  avec  le 
formalisme  de  Kant.  En  effet,  pour  savoir  quelles  actions  peuvent  être 
érigées  en  lois  universelles,  Kant  fait  entrer  en  ligne  de  compte  l'intérêt 
général  ou  particulier  et  alors,  comme  le  lui  reproche  Schopenhauer, 
il  raisonne  comme  un  vulgaire  utilitaire.  —  Ensuite,  comme  nous 
l'avons  noté,  prendre  V universalité  rationnelle  comme  critérium  moral, 
c'est  sortir  de  la  considération  de  la  forme  pure  pour  envisager  un  bien 
antérieur   au   devoir. 

La  quatrième   formule   n'est   pas   spéciale  à   la  morale  kantienne. 

Conclusion  :  on  peut  donc  dire  que  la  morale  kantienne  «  pèche 
par  la  façon  dont  Kant  tire  ses  conséquences  de  ses  principes.  Elle  pèche 
encore,  elle  pèche  surtout  par  ses  principes  eux-mêmes  »  (^). 

43.  —  MORALE  DU  BIEN  RATIONNEL 

Nous  avons  prouvé  que  ni  le  plaisir,  ni  l'intérêt,  ni  le  sentiment, 
ni  l'idéal  esthétique,  ni  le  bonheur  rationnel,  ni  l'obéissance  à  la  nature, 
ni  le  respect  de  la  loi  ne  peuvent  être  le  principe  de  la  loi  morale.  Le 
motif  du  bien  en  soi,  du  bien  rationnel,  c'est-à-dire  de  ce  qui  est  conforme 
à  la  nature  raisonnable  de  l'homme,  étant  le  dernier  motif  de  nos  actions 
constaté  par  l'observation  psychologique,  il  s'ensuit  que  lui  seul  peut 
être  le  principe  de  la  loi  morale.  Mais  on  peut  l'établir  directement 
par  l'analyse  de  l'idée  du  bien  en  soi.  Cette  idée  a  tous  les  caractères 
qui  conviennent  à  la  loi  morale  (-).  L'idée  du  bien  est  : 

I.  —  Obligatoire  :  c'est  par  là  qu'elle  se  distingue  des  autres 
idées  de  la  raison.  Quand  je  dis  :  c'est  un  mal  de  mentir,  c'est  un  bien 


(')  A.  Cresson,  La  Morale  de  Kant,  Cli.  m,  §  IV,  p.  159,  Paris,  1897.  —  V.  Delbos, 
La  philosophie  pratique  de  Kant. 

(  *)  P.  Janet,  La  morale,  L.  II,  Ch.  ii.  —  Mgr  d'Hvlst,  Conférences  de  Notre-Dame, 
1891,  3=  et  4«  C.  —  Beaussire,  Les  principes  de  la  morale. 


I 


102  ORIGINE    DE    l'idée    DU    BIEN  (44) 

d'honorer  ses  parents  ;  ces  jugements  ne  sont  pas  seulement  spéculatifs 
comme  des  vérités  scientifiques,  ils  sont  pratiques  :  j'affirme  que  je  suis 
tenu  de  ne  pas  mentir  et  d'honorer  mes  parents. 

II.  —  Absolue  :  elle  s'impose  à  la  raison  sans  condition.  La  conscience 
ordonne,  au  nom  du  bien,  indépendamment  du  plaisir,  de  l'intérêt  et 
du  sentiment.  Le  bien  en  soi  n'est  en  somme  que  notre  nature  idéalisée. 
Or  l'idéal  de  notre  nature  étant  le  terme  dernier  de  notre  tendance, 
au  delà  duquel  nous  ne  saurions  aller,  la  raison  voit  en  lui  une  fin  en 
soi  qui  doit  être  voulue  pour  elle-même.  Il  serait  absurde  de  la  vouloir 
conditionnellement,  car  alors  elle  ne  serait  plus  une  fin  dernière,  mais 
une  fin  relative,  c'est-à-dire  un  moyen  d'arriver  à  un  autre  bien. 

III.  —  Universelle  :  c'est  un  fait  que  tout  homme  a  l'idée  du  bien 
et  qu'il  distingue  le  bien  du  mal.  Les  erreurs  ne  portent  pas  sur  les 
principes  fondamentaux  de  la  morale  (12).  —  C'est  un  fait  aussi  que  la 
conscience  ne  confond  pas  le  bien  avec  le  plaisir,  l'intérêt,  ou  les  senti- 
ments divers  qui  accompagnent  notre  activité.  Cela  se  comprend  : 
puisque  le  bien  est  fondé  sur  la  nature  humaine,  il  doit  être  universel 
et  immuable  comme  elle. 

IV.  —  Claire  et  pratique  :  tous  entendent  les  préceptes  généraux 
de  la  loi  morale  et  s'attribuent  la  faute  de  leur  violation.  —  De  plus. 
Dieu  ne  pourrait,  sans  aller  contre  sa  justice  et  sa  sagesse,  nous  imposer 
le  joug  d'une  loi  impraticable.  Or  le  bien  en  soi  est  admirablement 
adapté  aux  exigences  de  nos  facultés,  puisqu'il  est,  par  définition,  ce 
qui  est  conforme  à  notre  nature  raisonnable. 

Conclusion  :  le  bien  rationnel,  qu'on  nomme  d'un  mot  l'honnête, 
étant  une  règle  obligatoire,  absolue,  universelle,  claire  et  pratique,  est 
donc  le  souverain  bien,  la  fin  suprême  de  l'activité  humaine  et  le  prin- 
cipe de  la  morale. 


44.  —  ORIGINE  DE  L'IDÉE  DU  BIEN 

A)  Systèmes  empiriques  :  ils  dérivent  l'idée  du  bien  de  Vexpé- 
rience  et  la  ramènent  soit  au  plaisir,  soit  à  l'intérêt,  soit  au  sentiment. 

Réponse  :  il  est  impossible  d'identifier  le  bien  en  soi  avec  le  plaisir, 
l'intérêt  et  le  sentiment,  parce  que  ces  objets,  n'étant  pas  obligatoires, 
sont  relatifs,  particuliers,  variables,  tandis  que  le  bien  est  obligatoire 
absolu,    universel,    immuable    (43). 

\^)  Systèmes  rationnels  :  l'idée  du  bien  nous  est  fournie,  comme 
toute  nritioii  première,  par  la  raison  s' appuyant  sur  Vexpériencc.  C'est 
la  conscience  morale  ou  raison  pratique  qui  la  dégage  de  l'analyse  des 
jugements  et  des  sentiments  moraux  (0). 


I 


(45)  NATURE    DE    l'iDÉE    DU    BIEN    RATIONNEL  103 

On  voit  pourquoi  et  comment  on  peut  ramener  tous  les  systèmes 
de  morale  à  deux  grandes  catégories  : 

I.  —  Les  uns  empruntent  la  règle   de  nos  actions  à  la  sensibilité. 
Ce  sont  les  morales  empiriques    qu'on    subdivise    en  deux  groupes  : 

A)  Morales  utilitaires,  intéressées  :  plaisir,  satisfaction  morale,  intérêt, 

B)  Morales  sentimentales,  désintéressées  :  altruisme,  bienveillance, 
sympathie,  sentiment  de  l'honneur. 

II.  —  Les  autres  empruntent  la  règle  morale  à  la  raison. 

Ce   sont  les  morales  rationnelles  :  idéal  esthétique,   eudémonisme 
rationnel,  morale  formelle,  bien  rationnel. 


45.  —  NATURE  DE  L'IDÉE  DU  BIE)î  RATIONNEL 

§  A.  —  EXPOSÉ 

Qu'est-ce  que  le  bien  ?  Quelle  est  sa  nature  ?  Les  uns  considèrent 
cette  idée  comme  simple  et  irréductible.  D'autres  la  regardent  comme 
complexe  et  ont  essayé  d'en  déterminer  la  compréhension.  C'est  ainsi 
que  l'idée  de  bien  a  été  ramenée  à  l'idée  : 

I.  —  De  fin,  par  Aristote  (^)  et  Jouffroy  (1796-1842).  Le  bien 
est  la  cause  finale,  ce  que  tous  les  êtres  désirent.  «  Le  bien  est  la  coordi- 
nation de  toutes  les  fins  »,  c'est  la  fin  universelle,  suprême.  Faire  le 
bien,  c'est  tendre  à  sa  fin  ;  mal  faire,  c'est  s'en  écarter. 

Critique  :  sans  doute  la  fin  d'un  être  c'est  son  bien.  Mais  il  vaut  mieux 
définir  la  fin  par  le  bien  que  le  bien  par  la  fin.  De  ces  deux  idées,  l'idée 
de  bien  est  la  première.  C'est  parce  que  nous  jugeons  un  objet  meilleur 
que  celui  dont  nous  jouissons,  que  nous  tendons  vers  lui  comme  à  une 
fin.  —  De  plus,  Jouffroy  a  eu  tort  de  ne  pas  déterminer  en  quoi  consistait 
cette  fin  universelle  et  suprême  (^). 

IL  —  Du  vrai  par  Wollaston  (1659-1723)  (^),  philosophe  anglais. 
Agir  c'est  affirmer  :  le  bien  n'est  donc  que  le  vrai  exprimé  dans  nos 
actions.  Une  action  est  bonne  quand  elle  est  conforme  au  vrai,  mauvaise 
quand  elle  est  en  contradiction  avec  lui  :  vg.  manquer  à  la  piété  filiale 
est  mal,  parce  que  c'est  affirmer  que  l'on  ne  doit  rien  à  ses  parents. 
Haïr  Dieu  c'est  un  mal,  parce  que  c'est  nier  sa  bonté. 

Critique  :  métaphysiquement  le  vrai  et  le  bien  s'identifient  dans 
l'être  absolu,  en  Dieu.  Mais  ils  sont  distincts  par  rapport  à  nous  et  à 


(  M  Aiustote,  Morale  à  Nicomaque,  L.  I,  Ch.  i,  §  1  :  «  Le  bien  c'est  ce  qui  est  recherché 
par  tout  être.  »  TayaOèv  oO  Tiav-'  fiisTat. 

( -)   Jouffroy,   Cours  de  droit  nalurel,  Leçons   XXVIII-XXXII. 

(')  WoLLASTON,  Esquisse  de  la  relifjion  naturelle.  —  Cf.  Jouffroy,  Cours  de  droil 
naturel,  XXIV^  Ijeçon. 


104  NATURE    i)E    l'idée    DU    BIEN    RATIONNEL  (45) 

nos  actions.  Sans  doute,  toute  bonne  action  est  la  réduction  en  pratique 
d'une  vérité.  Cependant  l'idée  du  vrai  s'étend  plus  loin  que  l'idée  du 
bien  :  tout  ce  qui  est  bien  est  vrai,  mais  tout  ce  qui  est  vrai  n'est  pas 
fl^cessairement  bien  moralement  :  «  Donner  de  l'arsenic  pour  empoi- 
sonner, dit  Jouffroy,  c'est  respecter  la  vérité  chimique.»  Il  y  a  nombre 
de  vérités  qu'on  peut  affirmer  sans  être  pour  cela  vertueux,  car  les 
vérités  morales  formenl  un  ordre  à  part,  elles  ne  sont  pas  seulement 
vraies  pour  la  raison,  mais  obligatoires  pour  la  volonté. 

m.  —  De  l'ordre  par  Montesquieu  (1689-1755).  «  Faire  le  bien, 
c'est  respecter  les  rapports  essentiels  qui  dérivent  de  la  nature  des 
choses  ;  les  violer  c'est  faire  mal  (^).  »  L'ensemble  de  ces  rapports  constitue 
les  lois,  l'ordre.  Le  bien  c'est  donc,  en  définitive,  le  respect  de  l'ordre. 
Critique  :  cette  formule  a  le  tort  d'être  imprécise.  De  quel  ordre 
s'agit-il  ?  Outre  l'ordre  moral,  il  y  a  l'ordre  logique,  l'ordre  mathéma- 
tique, l'ordre  physique,  etc.  Nous  ne  sommes  pas  tenus  de  respecter 
n'importe  quel  ordre.  En  fait,  nombre  de  lois  et  de  rapports  n'inté- 
ressent en  rien  la  moralité.  —  Bien  plus,  les  actes  coupables  peuvent 
exister  sans  se  conformer  à  un  certain  ordre  logique,  physique,  etc.  — 
Nous  nous  soumettons  aux  lois  de  la  nature,  non  comme  à  une  nécessité 
morale  qui  nous  oblige,  mais  comme  à  une  contrainte  inévitable,  parfois 
odieuse, 

IV.  —  D'universalité  par  Kant  (1724-1804)  (2).  —  L'idée  d'univer- 
salité est  en  effet  l'un  des  caractères  du  bien  rationnel  ;  mais  ce  n'est 
pas  là  le  bien  tout  entier.  L'universalité  est  une  pure  forme,  qui  réclame 
un  contenu.  Or  ce  contenu  ne  peut  être  que  la  satisfaction  ou  Vexcellence 
des  rapports  qui  unissent  les  êtres  entre  eux  (Cf.  V).  C'est  ce  caractère 
de  perfection  qui  permet  à  la  raison  de  distinguer  les  fins  universalisahles 
de  celles  qui  ne  le  sont  pas,  assignables  par  conséquent  à  tout  être  rai- 
sonnable. Kant  d'ailleurs  a  dû  en  venir  à  ce  critérium  de  la  perfection. 
Faire  de  la  personne  humaine  la  fin  en  soi,  la  fin  absolue,  n'est-ce  pas 
reconnaître  implicitement  que  la  personnalité  est  la  perfection  même  ? 

V.  —  De  perfection  par  Malebranche  (1638-1715).  De  même 
qu'il  y  a  des  rap])orts  de  grandeur  qui  sont  l'objet  des  mathématiques, 
il  y  a  des  rapports  de  perfection  qui  sont  l'objet  de  la  morale.  Une  bête 
est  plus  estimable  qu'une  pierre  et  moins  estimable  qu'un  homme, 
parce  qu'il  y  a  un  plus  grand  rapport  de  perfection  de  la  bête  à  la  pierre 
que  de  la  pierre  à  la  bête,  et  qu'il  y  a  un  moindre  rapport  de  perfection 
entre  la  bête  comparée  à  l'homme,  qu'entre  l'homme  comparé  à  la  bête. 
C'est  un  ordre  immuable  que  les  esprits  soient  plus  nobles  que  les  corps, 
comme  c'est  une  vérité  nécessaire  que  deux  fois  deux  soient  quatre 


(M   .Md.NTEsyijiEU,  De  l'esprit  des  lois,  L.  I,  Ch.  i. 
(  ')  Cf.  supra,  4-2,  §  A,  IV,  3°. 


(45)  NATURE    DE    l'idÉE    DU    BIEN    RATIONNEL  105 

OU  que  deux  fois  deux  ne  fassent  pas  cinq.  Dieu  aime  et  veut  les  choses 
à  proportion  de  leur  perfection,  c'est-à-dire  à  proportion  qu'elles  lui 
ressemblent  (^). 

Critique  :  cette  doctrine  nous  semble  vraie.  L'idée  de  bien,  l'idéal 
moral  se  ramène  à  l'idée  de  perfection.  Il  faut  noter  cependant  qu'il  ne 
s'agit  pas  de  la  perfection  en  général,  mais  de  la  perfection  en  harmonie 
avec  notre  nature,  de  la  perfection  humaine.  C'est  en  réalisant  la  perfec- 
tion proportionnée  à  sa  nature  et  à  ses  forces  que  l'homme  imitera  Dieu 
et  réalisera  la  définition  de  la  vertu  donnée  par  Platon  :  La  vertu  consiste 
à  se  rendre  autant  que  possible  semblable  à  Dieu. 

§  B.  —  ANALYSE  DE  L'IDÉE  DE  PERFECTION 

On  peut  aller  plus  loin  en  faisant  l'analyse  de  l'idée  de  perfection 
relative  à  l'homme.  D'après  Leibniz  (2),  l'idée  de  perfection  se  résout 
en  deux  autres  :  l'idée  d'être,  c'est-à-dire  d'activité  aussi  grande  que 
possible,  puisque  être  c'est  agir  ;  —  l'idée  d'ordre,  d'harmonie.  Essayons 
de  le  montrer  en  l'appliquant  à  l'homme  et  à  ses  facultés. 

Toute  faculté  est  une  tendance  vers  un  bien  déterminé  pour  lequel 
elle  est  faite  et  qui  lui  manque.  Si  la  nature  humaine  se  réduisait  à  une 
seule  faculté,  son  bien  absolu  s'identifierait  avec  le  bien  de  cette  faculté  ; 
en  tendant  vers  ce  bien  elle  réaliserait  le  maximum  de  développement 
de  son  être  et  le  maximum  de  bonheur  qui  en  est  la  conséquence  néces- 
saire. Mais  la  nature  humaine  est  complexe  :  elle  comprend  tout  un 
ensemble  de  facultés  et  ces  facultés  sont  de  valeur  inégale.  Son  bien 
absolu,  sa  perfection,  résultera  d'abord  du  déploiement  de  toutes  ses 
facultés  :  c'est  l'élément  de  puissance  et  d'intégrité.  Il  résultera  ensuite 
d'un  déploiement  harmonieux,  c'est-à-dire  proportionné  à  la  valeur  de 
chaqu3  faculté  :  c'est  l'élément  d'ordre. 

La  nature  humaine  est  un  tout,  dont  les  divers  éléments  constituent 
un  système  de  tendances  unies  et  ordonnées  hiérarchiquement,  qui 
concourent  aux  fins  de  l'ensemble.  La  perfection  de  l'homme,  son  sou- 
verain bien,  consistera  donc  dans  un  développement  iiarmonieux  de 
toutes  ses  facultés  se  déployant  en  concours  et  en  ordre.  Cette  harmonie 
découle  de  la  subordination  des  fonctions  inférieures  de  la  vie  végétative 


(M  Cf.  Malebranche,  Traité  de  morale.  Partie  I,  Ch.  i. 

(*)  Leibniz,  Von  der  Glûckseligkeil  (De  la  béatitude).  «  La  perfection  est  plénitude, 
force  et  aussi  ordre...  La  perfection  est  une  sorte  d'élévation,  d'exhaussement  de  l'être  ; 
en  d'autres  termes,  c'est  un  degré  éminent  de  l'être  ou  de  la  force  ;  perfection  ou  excellence 
c'est  tout  un.  Et  plus  haute  est  l'activité  ou  plus  grande  la  force,  plus  haut  et  plus  libre  est 
l'être.  Mais  puisque  la  force  est  d'autant  plus  grande  qu'une  plus  grande  pluralité  sort  de 
l'unité  ou  s'y  ramène,  étant  régie  par  elle  ou  trouvant  en  elle  son  principe  intime,  et  que 
cette  unité  dans  la  pluralité  c'est  l'harmonie,  voilà  que  la  perfection  est  harmonie,  et  l'har- 
monie produit  la  beauté,  laquelle  engendre  l'amour.  ■>  (Cité  pat  Ollé-Laprune,  Essai  sur 
la  morale  d'Aristote,  Ch.  vu,  p.  210,  Paris,  1881). 


106  NATURE    DE    l'iDÉE    DU    BIEN    RATIONNEL  (45) 

et  sensitive  aux  fonctions  supérieures  de  la  vie  spirituelle,  de  la  vie 
raisonnable  et  libre  (^).  Mais  l'homme  ne  vit  pas  isolé.  Il  faut  encore 
que  le  développement  de  notre  personnalité  se  fasse,  non  pas  au  détri- 
ment, mais  à  l'avantage  des  autres  personnalités  dont  la  valeur  est 
égale  à  la  nôtre.  Le  souverain  bien  de  l'homme,  sa  perfection,  consiste 
donc,  en  dernière  analyse,  dans  l'épanouissement  intégral  et  ordonné 
de  toutes  ses  facultés,  qui  n'a  de  limite  que  le  respect  des  autres  person- 
nalités. C'est  en  réalisant  cette  fin  que  notre  activité  atteindra  la  per- 
fection dont  elle  est  capable  :  la  vertu  ou  habitude  de  faire  le  bien,  qui 
est  l'accroissement  de  notre  être  moral,  et  le  bonheur  ou  satisfaction 
complète  et  harmonieuse  de  toutes  nos  tendances,  qui  est  la  conséquence 
et  la  récompense  du  bien  pratiqué. 

Conclusion  :  bref,  la  perfection  de  l'homme  consiste  dans  le  déve- 
loppement complet  et  harmonieux  de  toutes  ses  facultés,  subordonné 
à  la  faculté  caractéristique  de  l'homme,  à  la  raison.  C'est  pourquoi  ces 
formules  :  Obéir  à  la  raison.  Suivre  V ordre.  Ressembler  à  Dieu.  Aimer 
Dieu,  qui  prescrit  cette  obéissance  et  cette  observation  (46,  §  B),  sont 
au  fond  des  formules  équivalentes  de  la  loi  morale  (-). 

§  C.  —  CRITÉRIUM  DU  BIEN  ET  DU  MAL 

I.  —  Vrai  fondement  de  la  distinction  du  bien  et  du  mal  (^)  : 
le  devoir  c'est  Fobligatiun  de  faire  le  bien.  Le  bien,  c'est  ce  qui  convient 
à  la  nature  d'un  être,  ce  qui,  par  conséquent,  le  perfectionne.  Si  l'on 
considère  le  bien  en  soi  ou  idéal  moral  par  rapport  à  l'homme,  on  l'appelle 
Fhonnête  et  on  le  définit  :  Ce  qui  convient  à  la  nature  raisonnable,  ce  qui 
perfectionne  Vhomme.  Le  mal,  c'est  ce  qui  ne  convient  pas  à  la  nature 
raisonnable  de  l'homme  ;  c'est  le  manque  d'une  perfection  qui  devrait 


(  ')  On  demandera  sans  doute  quel  est  le  critérium  qui  nous  permet  de  mesurer  la  perfec- 
tion relative  des  diverses  facultés.  Ce  critérium, nous  l'empruntonsàsaint  Thomas  et  à  Leib- 
niz. La  valeur  se  ii|esure  à  la  quantité  d'être,  au  degré  d'activité  exercée  :  In  tanlum  est 
(lulem  per/eclum  unumquodque,  in  quantum  est  in  actu  (S.  Thomas,  Summa  theologica,  I"  P., 
0-  V,  Art.  1.—  Cf.  Leibniz,  Opère  cit.).  Ainsi  la  plante  qui  vit  vaut  mieux  que  la  pierre, 
qui  ne  vit  pas.;  l'animal  qui  vit  et  sent  vaut  mieux  que  la  pierre  qui  ne  vit  pas  et  que  la 
plante  qui  ne  sent  pas  ;  l'homme  leur  est  supérieur  parce  qu'il  vit,  sent  et  raisonne.  Dieu 
est  au  sommet  de  la  perfection  parce  qu'il  a  la  plénitude  de  l'ôtre  (Ps.  13).  Même  gradation 
entre  les  diverses  qualités  d'un  même  être.  Dans  l'homme  l'intelligence  et  la  volonté  l'em- 
portent sur  les  facultés  sensibles,  parce  qu'elles  représentent  plus  d'être  ;  leur  activité  est 
moins  mélangée  de  passivité  (Ps.  14).  Les  fonctions  des  facultés  sensibles  étant  moins 
importantes,  ces  facultés  se  rapportent  aux  facultés  spirituelles  (raison  et  volonté)  comme 
des  moyens  à  leur  nn  ;  c'est  pour  cela  qu'on  les  appelle  inférieures  et  subordonnées. 

(  ')  P.  Janet  emploie  le  mot  excellence  comme  synonyme  de  perfection  (La  morale, 
L.  I,  Ch.  m.) 

(  *)  JouFFROY,  Mélanges  philosophiques  :  Du  bien  et  du  mal.  —  S.  Thomas,  Summa 
Iheol.,  I»  P.,  Q.  V.  —  Suakez,  Disputationes  Metaphy^icae,  Disp.  X.  —  Pallavicini,  Del 
bene.  —  Palmieiu,  Ontologia,  Thés.  xi. 


I 


(46)  FONDEMENT    DE    l'oBLIGATION  107 

être  présente  :  Carentia  perjeclionis  débitée.  Toute  action  conforme  à  la 
nature  raisonnable  de  l'homme  est  bonne  ;  toute  action,  qui  lui  est 
contraire,  est  mauvaise.  La  convenance  ou  la  disconvenance  avec  la 
nature  raisontiable,  tel  est  donc  le  principe  de  la  distinction  du  bien  et 
du  mal.  C'est  là  le  fondement  i'mmérfm/;  mais  le  fondement  dernier,  c'est 
Vessence  même  de  Dieu,  sur  laquelle  repose  l'ordre  essentiel  des  choses  (18). 

II.  —  Fondement  faux  :  Volonté  arbitraire  de  Dieu.  —  Duns 
ScoT,  Guillaume  d'Occam,  Descartes,  Crusius  faisant  dépendre 
l'essence  des  choses  de  la  volonté  arbitraire  de  Dieu,  ont  fait  logiquement 
dépendre  de  cette  même  volonté  la  nature  du  bien  et  du  mal.  Le  bien 
est  bien  parce  que  Dieu  le  veut  ;  il  aurait  pu,  s'il  l'avait  voulu,  faire 
que  ce  qui  est  bien  fût  mal  et  que  ce  qui  est  mal  fût  bien.  Dieu  ne  com- 
mande donc  pas  une  chose  parce  qu'elle  est  bonne  en  soi  ;  mais  elle  est 
bonne  parce  que  Dieu  la  commande. 

Réponse  :  s'il  n'existe  aucun  bien  en  soi,  logiquement  antérieur 
à  la  volonté  divine  et  lui  servant  de  règle,  cette  volonté  est  dépourvue 
de  raison,  arbitraire  et  par  suite  contraire  à  la  sagesse  même  de  Dieu. 
A  moins  donc  de  supprimer  la  sagesse  divine,  il  faut  reconnaître  que, 
si  Dieu  commande  ou  défend  une  action,  ce  commandement  ou  cette 
défense  ont  leur  raison  d'être  dans  la  bonté  ou  la  malice  intrinsèque 
de  l'acte,  dans  l'essence  des  choses,  que  l'intelligence  de  Dieu  conçoit, 
mais  qui  ne  dépend  pas  de  sa  volonté,  parce  que  l'essence  des  choses 
est  une  imitation  plus  ou  moins  parfaite  de  l'essence  de  Dieu  qui  est 
immuable.  Il  existe  donc  un  bien  en  soi,  antérieur  à  la  volonté  divine. 

Remarque  :  s'il  s'agit  non  de  choses  intrinsèquement  bonnes  ou 
mauvaises,  mais  de  choses  indifférentes  en  soi,  c'est-à-dire  sans  rapport 
essentiel  avec  le  souverain  bien,  il  est  vrai  alors  de  dire  que  tel  acte 
sera  bon  parce  que  Dieu  le  commande,  mauvais  parce  qu'il  le  défend. 
Cette  remarque  vaut  également  pour  les  lois  positives  humaines  :  Bonum 
quia  imperatum  ;  malum  quia  prohibitum. 


ï 


46.  —  FONDEMENT  DE  L'OBLIGATION  (i) 

Nous  avons  défini  le  devoir  :  le  bien  en  tant  qu'obligatoire.  Pour 
expliquer  la  nature  du  devoir,  deux  questions  sont  à  résoudre  : 

1°  En  quoi  consiste  le  bien,  qui  est  la  matière  du  devoir  ?  Nous 
venons  de  montrer  que  le  bien  se  ramène  à  l'idée  de  perfection,  laquelle 
:se  compose  de  deux  éléments  :  V  intégrité  et  ï ordre.  , 

20  D'où  vient  ce  caractère  obligatoire,  qui  est  la  forme  du  devoir?  C'est 
la  seconde  question  à  éclaircir.  Ilfautd' abord  écarter  les  solutions  erronées. 


(M  Beaussire,  Les  principes  de  la  morale,  L.  IV,  Ch.  ii.  —  G.  Fulliquet,  Essai  sur 
l'obligation  morale.  —  G.  Lefèvre,  Obligation  morale  et  Idéalisme. 


108  FONDEMENT    DE    l'oBLIGATION  :  SYSTÈMES  ERRONÉS  (46) 

§  A.  —  FONDEMENTS  RUINEUX 

I.  La  Sanction  :  on  a  prétendu  que  notre  bonheur  était  néces- 
sairement attaché  à  la  pratique  du  bien  ;  nous  nous  sentons  obhgés  de 
faire  celui-ci  parce  que  nous  ne  pouvons  pas  ne  pas  désirer  celui-là. 
Ainsi  l'homme  serait  tenu  de  faire  le  bien  et  d'éviter  le  mal,  à  cause  des 
récompenses  et  des  châtiments  qui  en  sont  la  conséquence  nécessaire. 

Réponse  :  A)  La  sanction,  étant  une  suite  de  l'obligation,  n'en  saurait 
être  le  principe  :  on  ne  peut  être  récompensé  ou  puni  qu'autant  qu'on  a 
préalablement  observé  ou  violé  un  devoir  connu. 

B)  Fonder  l'obligation  sur  la  sanction,  c'est  réduire  la  morale  à 
l'intérêt. 

n.  • — Les  lois  humaines  :  ce  sont  les  législateurs  qui  auraient  établi 
la  distinction  du  bien  et  du  mal  et  donné  au  bien  sa  force  obligatoire. 

Réponse  :  A)  Les  lois  humaines  tirent  leur  autorité  de  la  loi  morale. 
C'est  à  la  lumière  de  la  loi  morale  que  les  hommes  jugent  de  la  légitimité 
ou  de  l'illégitimité  des  lois  civiles,  selon  qu'elles  sont  conformes  ou  -non 
à  l'ordre  essentiel  des  choses,  au  droit  naturel. 

B)  Le  devoir  est  universel  et  absolu  ;  comment  a-t-il  pu  tirer  ces  carac- 
tères des  volontés  humaines,  essentiellement  particulières  et  changeantes? 

C)  Les  lois  humaines  sont  loin  d'embrasser  tout  le  domaine  de  la 
moralité  ;  elles  n'atteignent  pas  :  les  actes  qui  se  passent  dans  le  for 
intérieur,  vg.  pensées  et  désirs  ;  —  les  actions  qui  ne  sortent  pas  du 
foyer  domestique  :  vg.  désobéissance  des  enfants  ;  —  les  fautes  qui  ne 
menacent  pas  matériellement  l'prdre  extérieur,  bien  qu'elles  soient 
réprouvées  par  la  conscience  pubHque  :  vg.  égoïsme,  ingratitude. 

D)  Cette  théorie  aboutit  à  des  conséquences  désastreuses  pour 
l'individu  et  la  société  :  si  l'on  ne  distingue  pas  entre  la  légalité,  c'est- 
à-dire  ce  qui  est  conforme  à  la  loi  humaine,  et  la  Justice,  c'est-à-dire 
ce  qui  est  conforme  à  la  loi  morale,  le  pouvoir  législatif  peut  imposer 
toutes  les  tyrannies  et  toutes  Içs  injustices  (17,  §  II,  D). 

III.  —  L'autonomie  de  la  volonté  :  c'est  la  thèse  de  Kant,  qui 
a  été  déjà  exposée  et  réfutée  {^^i'I,  §  A,  III  ;  §  B,  III). 

IV.  —  La  nature  humaine  raisonnable  :  c'est  l'opinion  de 
Vazquez  (^)  et  de  plusieurs  Scolastiques.  D'après  eux  le  fondement 
de  l'obligation,  c'est  la  nature  raisonnable  de  l'honîme,  considérée  en 
elle-même,  sans  relation  avec  la  loi  éternelle.  De  ce  que  certains  actes 
sont  conformes  à  cette  nature  raisonnable,  et  d'autres  en  désaccord 
avec  elle  {eo  solum  tilulo  qnod  iionnullcc  actiones  eain  deceant,  aliœ  vero 
dedeceant),  ils  concluent  que  l'homme  est  obligé  d'accomplir  1^  uns 


(M   G.  VAzyuEZ,  Commenlar.  in  primam  secundœ  S.  Thomse,   Disputalione    107,   C.   v, 
et   Disput.  144. 


(46)  FONDEMENT    DE    l'obLIGATION    :    SYSTÈMES    ERRONÉS  109 

et  d'éviter  les  autres,  antécédemment  à  tout  ordre  émané  de  la  sagesse 
et  de  la  volonté  de  Dieu. 

Il  ne  faut  pas  confondre  cette  opinion  avec  celle  de  Kant,  car  une 
différence  radicale  les  sépare.  Vazquez  et  ses  tenants,  à  l'opposé  de  Kant 
et  de  se^  partisans,  reconnaissent  le  souverain  domaine  du  Créateur  et 
l'absolue  dépendance  des  créatures.  Si,  à  leurs  yeux,  la  loi  naturelle 
n'est  pas  une  participation  de  la  loi  éternelle,  si  par  conséquent  Dieu 
n'est  pas  l'auteur  immédiat  de  l'obligation,  cependant  il  la  veut,  il 
l'approuve,  il  la  corrobore  par  des  sanctions. 

Critique  :  si  l'obligation  est  constituée  sans  recours  à  la  loi  éter- 
nelle, si  la  nature  humaine  raisonnable  en  est  le  fondement,  il  suit  que 
cette  nature  a  par  soi  le  pouvoir  de  se  lier  et  délier.  Par  ce  côté  l'opi- 
nion de  Vazquez  rejoint  celle  de  Kant  et  est  sujette  aux  mêmes  objec- 
tions. (42,  §  B,  III.) 

De  cette  doctrine  suivrait  aussi  cette  conséquence  inadmissible 
qu'on  pourrait  pécher  gravement  tout  en  ignorant  la  Majesté  divine. 
(Cf.  m/ra.  Remarque  II). 

La  convenance  ou  la  disconvenance  avec  la  nature  raisonnable  est 
le  fondement  prochain  de  la  distinction  du  bien  et  du  mal  (45,  §  C). 
Le  tort  de  Vazquez  a  été  d'aller  plus  loin  et  de  prétendre  qu'elle 
est  aussi  le  fondement  de  l'obligation.  C'était  oublier  que,  pour  imposer 
une  obligation,  il  faut  avoir  le  droit  de  commander,  et  par  conséquent, 
qu'il  faut  être  supérieur  à  ceux  qui  sont  obligés.  On  ne  saurait  donc 
s'obliger  soi-même. 

V.  —  L'idée  du  bien,  abstraction  îaite  de  la  volonté  de  Dieu  : 
c'est  la  thèse  de  la  morale  indépendante.  Le  bien  est  obligatoire  parce 
qu'il  est  le  bien  ;  il  s'impose  à  la  volonté  par  le  fait  même  qu'il  est 
connu  et  il  ne  tient  son  autorité  que  de  lui-même.  La  question  posée 
est  celle-ci  :  le  bien  et  le  devoir  sont-ils  tellement  liés  l'un  à  l'autre  que 
notre  esprit  ne  puisse  concevoir  le  bien  sans  le  concevoir  comme  obli- 
gatoire ou  faut-il  un  autre  principe  pour  opérer  cette  liaison  ? 

Réponse  :  le  bien  n'est  pas  obligatoire  par  lui-même,  car  : 

A)  Ce  serait  confondre  le  motif  de  la  loi  avec  la  loi  elle-même  ;  autre 
«hose  est  le  hien^  autre  chose  est  le  précepte  de  faire  le  bien.  La  preuve 
en  est  que  le  bien  est  plus  étendu  que  le  devoir  ;  l'héroïsme  c'est  le  bien 
au  degré  supérieur,  et  cependant  l'héroïsme  n'est  pas  obligatoire.  La  loi 
morale,  s' adressant  à  la  masse  de  l'humanité,  ne  peut  imposer  que  cette 
mesure  moyenne  de  bien  qui  est  à  la  portée  de  tous  :  autrement,  elle 
serait  impraticable. 

B)  La  raison,  étant  une  faculté  de  connaître,  peut  nous  imposer 
une  nécessité  de  penser,  c'est-à-dire  l'adhésion  à  l'évidence,  mais  non 
une  nécessité  d'agir,  c'est-à-dire  une  obligation.  La  raison  nous  montrant 
le  bien  est  une  lumière  qui  éclaire  notre  route  ;  ce  n'est  pas  une  force 


110  FONDEMETST    DE    l'oBLIGATION    :    VOLONTÉ    DE    DIEU  (46) 

qui  nous  oblige  à  la  suivre.  Le  bien,  la  perfection  qu'elle  nous  présente 
est  un  idéal  qui,  par  sa  beauté  et  sa  grandeur,  peut  solliciter,  attirer, 
émouvoir  toutes  les  puissances  de  notre  être  ;  ce  n'est  pas  une  loi  qui 
s'impose. 

C)  Une  idée  conçue  par  la  raison  ne  peut,  par  elle  seule,  obliger,  car 
il  n'y  a  pas  de  loi  sans  législateur,  ni  d'ordre  sans  une  volonté  qui  l'im- 
pose. Or  cette  volonté  ne  peut  être  la  volonté  humaine,  comme  nous 
l'avons  établi  contre  Kant,  parce  que  la  loi  morale  perdrait  toute  auto- 
rité (42,  §  B,  III).  Reste  la  volonté  divine. 

VI.  —  Décret  libre  de  Dieu  :  Puffendorf  ne  va  pas  jusqu'à  dire 
avec  Occam  et  Descartes  (45,  §  C,  II)  que  la  distinction  du  bien  et  du  mal 
dépend  du  bon  plaisir  divin.  Non,  le  bien  est  par  nature  distinct  du  mal  ; 
mais  le  bien  n'est  obligatoire  et  le  mal  n'est  défendu  qu'en  vertu  d'un 
décret  libre  de  la  volonté  divine. 

Critique  :  si  l'obligation  du  bien  résulte  d'un  décret  arbitraire  de 
Dieu,  la  relation  qui  unit  l'obligation  au  bien  est  purement  contingente. 
Alors  Dieu  aurait  pu  rendre  obligatoire  le  mensonge,  le  blasphème,  etc. 

§  B.  —  VÉRITABLE  FONDEMENT  (i) 

Volonté  infiniment  sage  de  Dieu  :  une  volonté  arbitraire  séparée 
de  la  raison  serait  en  Dieu  la  suprême  imperfection.  Le  vrai  fondement 
du  devoir,  c'est  la  volonté  divine  éclairée  par  la  raison  infinie.  Mais, 
en  Dieu,  toutes  les  perfections  sont  unies  et  par  conséquent  la  volonté 
ne  fait  qu'un  avec  sa  sagesse.  L'accomplissement  de  cette  volonté 
constitue  le  bien  moral  et  son  habitude  constitue  la  certii.  C'est  la  magni- 
fique définition  donnée  par  Pythagore  et  Platon  :  La  vertu  consiste 
à  ressembler  à  Dieu  par  l'imitation  :  "il^oloiGic;  Ô£w  (^).  Dans  l'intelli- 
gence divine,  tous  les  êtres  et  leurs  rapports  sont  représentés  avec  leur 
degré  de  perfection,  et  Dieu  aime  les  êtres  dans  la  mesure  de  la  perfection 
qu'il  leur  a  donnée  et  qu'il  connaît.  C'est  pourquoi,  si  l'homme  propor- 
tionne son  amour  envers  les  êtres  à  leur  perfection  relative,  il  s'établit 
entre  la  volonté  humaine  et  la  volonté  divine  une  conformité  qui  est 
l'ordre.  L'homme  aime  ce  que  Dieu  aime  et  il  l'aime  dans  la  mesure 
où  Dieu  l'aime.  Enfin,  s'il  aime  Dieu  par-dessus  toutes  choses,  l'homme 
est  pleinement  dans  l'ordre  ;  il  fait  le  bien.  Le  bien  moral  c'est  donc 
l'ordre  dans  V amour,  ordo  amoris,  selon  la  belle  définition  de  saint  Augustin 
adoptée  par  Malebranche. 

Dieu  connaît  son  essence  infinie  et  voit  les  essences  de  tous  les  pos- 


( ')  Nous  supposons  rli^'inontrée  l'existence  de  Dieu  et  de  ses  attributs.  L'obligation, 
considérée  comme  fait  psychologique,  fournit  l'une  des  preuves  de  l'existence  de  Dieu 
(Théodic^:e,  Ch.  m,  Art.  I,  Sect.  I,  74). 

(')  Platon,  Théélèle,  Didot,  T.  I,  p.  135,  ligne  33. 


(46)  FONDEMENT    DE    l'oBLIGATION  :  VOLONTÉ  DE  DIEU  111 

sibles,  c'est-à-dire  les  diverses  façons  dont  la  perfection  de  son  être  est 
imitable.  Il  voit  en  même  temps  les  relations  invariables  qui  découlent 
des  différentes  essences  de  ces  êtres.  L'ensemble  de  ces  relations  néces- 
saires constitue  l'ordre  essentiel  des  choses,  la  hiérarchie  des  fins  qui 
relient  les  êtres  entre  eux  et  à  l'absolu.  Cet  ordre  essentiel  connu  par 
Dieu  est  bon,  puisqu'il  repose  sur  son  essence  même.  Étant  bon.  Dieu 
infiniment  saint  doit  l'aimer.  Quand  Dieu  crée,  quand  il  fait  passer 
une  partie  des  possibles  à  l'existence,  Dieu  veut  nécessairement  que 
l'ordre  essentiel,  conçu  et  aimé  par  Lui,  soit  respecté  par  toute  créature. 
Il  fait  prévaloir  cette  volonté  par  la  contrainte  physique  dans  les  créa- 
tures dénuées  de  liberté  ;  il  l'impose  comme  une  obligation,  comme 
une  nécessité  morale,  à  l'être  raisonnable  et  libre,  à  l'homme.  C'est 
ainsi  que  la  volonté  divine,  commandant  de  respecter  et  défendant 
de  troubler  l'ordre  essentiel  des  choses  que  lui  montre  la  raison  divine, 
est  le  principe  de  la  loi  morale,  le  fondement  du  devoir.  Ratio  divina 
i>el  voluntas  Dei  ordinem  naturalem  conservari  jubens,  perturbari  vetans  (^). 
La  raison  éternelle  conçoit  l'ordre  essentiel  comme  devant  être  observé, 
le  vouloir  divin  en  impose  l'observation  à  tout  être  créé  (18). 

Par  là  même  s'expliquent  tous  les  caractères  du  bien  :  il  est  absolu, 
immuable,  souverain,  beau,  puisqu'il  est  la  perfection  infinie.  Il  est  enfipi 
obligatoire,  parce  que  cette  perfection  infinie  est  une  volonté  toute  sage 
et  toute  puissante  qui  ordonne  à  notre  volonté  de  la  prendre  comme 
idéal  et  de  la  reproduire  dans  ses  actes.  On  comprend  dès  lors  cette 
prescription  sublime  de  l'Évangile  :  «  Soyez  parfaits  comme  votre 
Père  céleste  est  parfait  (^).  »  Et  c'est  ainsi  qu'en  dernière  analyse  l'amour 
du  bien,  l'amour  de  l'ordre,  l'amour  du  devoir  ne  sont  que  les  noms 
abstraits  de  l'amour  de  Dieu  et  de  sa  volonté  sainte.  Aussi  pour  le  phi- 
losophe spiritualiste  le  motif  du  devoir  n'a  pas  la  froideur  d'une  abstrac- 
tion philosophique,  puisqu'il  se  confond  avec  l'amour  de  la  volonté  du 
Dieu  vivant  et  personnel,  de  notre  Père  qui  est  aux  cieux  :  Fiat  voluntas 
tua  ! 

Conclusion  :  le  bien  en  soi,  c'est  ce  qui  perfectionne  la  nature 
humaine,  c'est  ce  qui  est  conforme  à  la  nature  raisonnable.  L'obligation 
a  pour  fondement  la  volonté  infiniment  sage  de  Dieu.  On  voit  donc  que 
le  devoir  repose  tout  ensemble  et  sur  la  nature  de  l'homme  et  sur  la 
volonté  de  Dieu.  La  nature  raisonnable  en  fournit  la  matière  qui  est 
le  bien,  et  la  volonté  divine  en  fournit  la  forme  en  rendant  le  bien  obli- 
gatoire. 

Mais  il  est  un  autre  bien,  qui  est  la  conséquence  de  l'accomplissement 
du  devoir  :  c'est  le  bien  moral.  On  peut  le  définir  :  l'observation  du 


(')  s.  Augustin,  Contra  Fauslum,  L.  XXII,  C.  xxvii 
{')  S.  Matthieu,  v,  48. 


112  PRÉCEPTE    ET    CONSEIL  (46) 

devoir,  c'est-à-dire  la  réalisation  dans  les  actes  de  l'idéal  de  perfection 
qui  s'impose  à  toute  volonté  humaine. 

Remarques  :  I.  —  Précepte  et  Conseil  :  on  a  établi  (46,  §  A,  V)  que 
tout  bien  n'était  pas  formellement  obligatoire  par  lui-même  ;  autrement, 
l'héroïsme  serait  obligatoire  pour  tous.  Il  y  a  donc  place,  entre  ce  qui 
est  strictement  ordonné  et  ce  qui  est  rigoureusement  défendu,  pour  ce 
qui  est  simplement  permis.  Il  faut  donc  distinguer  entre  le  bien  obli- 
gatoire et  le  bien  surérogatoire,  entre  le  précepte  et  le  conseil.  Par  consé- 
quent, l'idée  du  devoir  n'est  pas  formellement  coextensive  à  l'idée  du 
bien.  Le  bien  a  un  domaine  plus  étendu  que  le  devoir  strict.  On  objectera 
peut-être  que  cette  doctrine  est  en  contradiction  avec  ce  que  nous 
avons  exposé  plus  haut  :  l'idée  du  bien  est  obligatoire.  —  La  contra- 
diction n'est  qu'apparente,  car  nous  parlions  là  d'une  façon  générale  ; 
or  on  peut  dire  en  général  que  le  bien  est  obligatoire,  quitte  à  spécifier 
ensuite.  Tout  bien  n'est  pas  formellement  et  actuellement  obligatoire  : 
vg.  l'héroïsme.  Mais  tout  bien  est  virtuellement  obligatoire,  et  il  le  devient 
formellement  et  actuellement,  sans  intervention  nouvelle  de  la  volonté 
divine,  dès  que  la  raison  le  perçoit  comme  nécessaire  pour  observer  la 
loi  morale  et  atteindre  la  fin  dernière.  C'est  ainsi  que  les  actes  héroïques, 
auxquels  nul  n'est  tenu  en  règle  générale,  deviennent  strictement  obli- 
gatoires :  vg.  pour  le  prêtre  et  le  médecin  en  temps  d'épidémie,  pour  le 
soldat  en  temps  de  guerre,  etc. 

II.  —  Péché  philosophique  :  on  a  appelé  péché  philosophique  un 
désordre  moral  grave  qui  serait  une  faute  contre  la  raison  et  ne  serait 
pas  une  offense  de  Dieu,  parce  qu'on  suppose  que  l'agent  ignore  Dieu 
invinciblement. 

La  notion  de  péché  philosophique  répugne  comme  contradictoire 
dans  les  termes. 

En  effet  :  a)  Ou  bien  l'agent  a  le  plein  usage  de  sa  raison,  ce  qui 
suppose  la  conscience  réfléchie  de  la  loi  morale,  et  alors  il  pèche  non 
seulement  contre  le  dictamen  de  la  raison,  mais  aussi  contre  la  volonté 
de  Dieu,  car  une  telle  conscience  ne  peut  exister  sans  une  connaissance 
au  moins  confuse  de  Dieu.  La  loi  morale,  étant  absolue  et  immuable, 
exige  un  législateur  absolu  et  immuable  comme  elle,  c'est-à-dire  Dieu. 
(Théodicée,  Ch.  III,  Art.  I,  Sect.  I,  74). 

b)  Ou  bien  l'agent  n'a  pas  le  plein  usage  de  la  raison,  et  alors  il  ne 
pèche  pas  contre  le  dictamen  de  la  raison,  ni  conséquemment  contre 
Dieu. 

Il  n'y  a  donc  pas  place  pour  le  péché  philosophique  {}).  Ce  qui  est 
vrai,  c'est  qu'on  peut  considérer  l'acte  du  péché  sous  un  double  aspect  : 


(')  Cf.  L.  Billot,  dans  Études,  T.  164,  p.  400-403. 


(46)  LE  PÉCHÉ  PHILOSOPHIQUE  113 

«  Le  péché  est  envisagé  par  les  théologiens,  principalement  en  tant  qu'il 
offense  Dieu,  et  par  le  philosophe  moraliste,  en  tant  qu'il  est  contraire 
à  la  raison  »  (^).  Mais  ces  deux  aspects  sont  toujours  inséparables  dans 
la  réalité,  c'est-à-dire  que  tout  acte  contraire  au  dictamen  de  la  raison 
est  en  même  temps  contraire  à  la  loi  divine,  et  réciproquement  tout  acte 
contraire  à  la  loi  divine  est  aussi  contraire  au  dictamen  de  la  raison. 


1^ 


(  ')  Dicendura  quod  a  theologis  consideratur  peccatum  prœcipue  secundum  quod  est 
otTensa  contra  Deum  ;  a  Philosopho  autem  morali,  secundum  quod  contrariatur  rationi. 
(S.  Thomas,  Summa  theologica,  I»,  II»»,  Quaest.  LXXI,  Art.  VI,  ad  S»"»). 


CHAPITRE  IV 
GONSÉQUENGES  DE  LA  MORALITÉ  (') 

L'homme  est  un  être  moral  parce  qu'il  est  raisonnable  et  libre. 
Les  principales  conséquences  de  la  moralité  sont  la  personnalité  (Ps.  200) 
et  la  responsabilité,  le  mérite  et  le  démérite,  la  sanction,  la  vertu. 

47.  —  RESPONSABILITÉ  MORALE 

§  A.  —  NATURE 

La  responsabilité  est  le  caractère  des  personnes  qui  peuvent  et  doivent 
rendre  compte  de  leurs  actions,  c'est-à-dire  s'en  reconnaître  les  auteurs 
et  en  supporter  les  conséquences.  Pour  qu'un  agent  soit  responsable 
d'une  action,  il  faut  qu'il  puisse  expliquer  quelles  sont  les  causes  efficiente 
et  finale  de  cette  action.  Or  le  seul  être  capable  de  répondre  à  ces  questions 
est  celui  qui,  étant  raisonnable  et  libre,  a  posé  la  cause  finale  de  l'action 
et  en  a  été  la  cause  efficiente.  La  responsabilité  est  donc  fondée  sur  la 
loi  de  causalité,  qui  fait  de  l'effet  un  attribut  de  la  cause.  C'est  pourquoi 
l'agent  peut  être  substitué  à  l'action  qu'il  a  produite.  —  Au  terme 
responsable,  qui  se  dit  des  personnes,  correspond  le  terme  imputable, 
qui  se  dit  des  actions.  L'imputabilité  est  la  propriété  qu'a  l'action  d'un 
agent  libre  de  lui  être  attribuée. 

§  B.  —  CONDITIONS  DE  LA  RESPONSABILITÉ 

La  responsabilité  morale  suppose  comme  conditions  : 
I.  —  Le   libre   arbitre  :  c'est   la   condition   fondamentale,  qui   est 
comme  le  principe  de  la  responsabilité.  On  ne  peut  être  responsable 


(  ')  Platon,  Gorgias.  —  Caro,  Les  problèmes  de  morale  sociale.  —  P.  Janet,  La  morale, 
L.  TII,  Ch.  VIII,  XI.  —  E.  Beaussire,  Les  principes  de  la  morale.  —  H.  Marion,  De  la 
Solidarité  morale.  —  Piat,  La  personne  humaine.  —  Tarde,  La  philosophie  pénale.  —  Proal, 
Le  crime  el  la  peine.  —  LftvY-BRiiHL,  L'idée  de  responsabilité.  —  Fonsegrive,  Essai  sur 
le  libre  arbitre,  II«  P.  —  M.  d'Hulst,  La  morale  et  la  sanction  (Conférences  de  Notre-Dame, 
1891,  V  C.).' —  P.  ScHWALM,  Individualisme  et  Solidarité,  Revue  Thomiste,  mars  1898. 
—  BiNET,  La  responsabilité  morale,  Rev.  philos.,  1888,  T.  II,  p.  217-231.  —  Paulhan, 
La  sanction  morale,  Rev.  philos.,  1894,  T.  I,  p.  267-286  ;  395-419.  —  J.  Forbes,  Les  bases 
de  la  morale,  dans  les  Etudes,  1888,  T.  XLV,  p.  237-253. 


(47)  RESPONSABILITÉ    MORALE  115 

que  des  actions  qu'on  a  voulues  librement,  c'est-à-dire  dont  on  a  eu 
'initiative  ou  auxquelles  on  a  coopéré.  C'est  pourquoi  on  n'est  pas  res- 
ponsable de  sa  laideur.  Les  choses  et  les  animaux,  étant  dénués  de  liberté, 
sdiit  irresponsables. 

II.  —  La  connaissance  du  bien  et  du  mal,  sans  laquelle  il  n'y 
aurait  pas  de  libre  arbitre,  car  agir  librement  c'est  agir  en  connaissance 
de  cause.  Autrement  on  agit  par  instinct  (Ps.  195,  198).  Si  l'une  ou  l'autre 
de  ces  conditions  fait  complètement  défaut,  la  responsabilité  disparait 
en  même  temps. 

§  C.  —  VARIATIONS  DE  LA  RESPONSABILITÉ 

Elle  varie  dans  la  même  proportion  que  la  liberté  et  la  connaissance 
du  bien  et  du  mal  qui  la  conditionnent.  D'où  il  suit  que  les  causes,  qui 
suppriment^  augmentent  ou  diminuent  cette  liberté  ou  cette  connaissance, 
suppriment^  augmentent  ou  diminuent  du  même  coup  et  dans  la  même 
proportion  la  responsabilité.  Ces  causes  peuvent  se  ramener  aux  sui- 
vantes : 

I.  —  Ignorance  et  erreur  :  quand  la  loi  civile  a  été  promulguée, 
elle  n'admet  pas,  afin  de  contraindre  les  citoyens  à  la  connaître,  l'excuse 
trop  commode  de  l'ignorance.  Après  un  certain  délai,  variant  avec  les 
distances,  «  nul  n'est  censé  ignorer  la  loi  » .  —  Dans  l'ordre  moral, 
il  n'en  peut  être  ainsi  :  nul  n'est  coupable  sans  le  savoir.  Aussi  ce  qui 
diminue,  augmente  ou  enlève  la  connaissance  de  la  loi  morale,  fait 
varier  la  responsabilité  dans  la  même  mesure.  L'erreur  et  V ignorance 
invincibles  sont  celles  qui  n'ont  pu  être  dissipées  par  tous  les  moyens 
que  suggère  la  sagesse  humaine  :  vg.  les  sauvages  qui  tuent  leurs  vieux 
parents,  les  femmes  indiennes  qui  se  jettent  sur  le  bûcher  de  leurs  maris 
sont  dans  une  ignorance  invincible.  Elles  rendent  l'homme  irrespon- 
sable, parce  qu'elles  sont  involontaires.  U  ignorance  et  V erreur  vincibles 
sont  celles  qui  peuvent  être  dissipées  par  les  moyens  qu'emploie  commu- 
nément la  sagesse  humaine  :  vg.  un  médecin  qui  donne  un  remède  mortel 
ou  dangereux,  faute  de  science  suffisante,  est  dans  une  erreur  vincible. 
Elles  rendent  coupable  parce  qu'elles  sont  plus  ou  moins  volontaires. 
La  folie  et  le  délire  supprimant  la  connaissance,  la  responsabilité  s'éva- 
nouit. 

Le  sommeil,  le  somnambulisme  rendent  généralement  irrespon- 
sable, parce  qu'ils  ne  laissent  pas  ordinairement  une  connaissance  suffi- 
sante pour  discerner  le  bien  du  mal.  —  En  somme,  on  peut  dire  que  plus 
on  est  éclairé,  plus  on  est  responsable,  parce  qu'on  a  mieux  aperçu  les 
conséquences  lointaines  de  ses  actes.  Il  ne  faut  pas  en  conclure  que 
l'instruction  augmente  nécessairement  la  vertu,  car  l'instruction  accroît 
:1a  responsabilité  en  bien  comme  en  mal. 


115  RESPONSABILITÉ    MORALE  (47) 

II.  —  Contrainte  :  on  distingue  la  contrainte  : 

10  Physique  :  une  action  imposée  par  une  violence  extérieure,  mais 
qu'on  désavoue  intérieurement,  n'est  pas  imputable  à  celui  qui  la 
subit.  L'auteur  de  la  violence  est  seul  responsable. 

2°  3Iorale  :  dans  ce  cas  l'action  n'est  pas  tout  à  fait  involontaire, 
parce  que  la  volonté  peut  toujours  résister  à  la  menace.  La  liberté  est 
seulement  amoindrie  et  conséquemment  la  responsabilité  atténuée. 

IIL  —  Habitude,  passion  :  les  habitudes  et  les  passions,  bonnes 
ou  mauvaises,  diminuent  la  connaissance  et  le  libre  arbitre.  Elles  dimi- 
nuent la  connaissance,  parce  que  les  actes  habituels  et  passionnels 
sont  faits  avec  moins  d'attention  ;  elles  diminuent  le  libre  arbitre, 
parce  que  la  répétition  des  actes  les  rend  de  plus  en  plus  nécessaires 
(Ps.  218).  II  peut  même  arriver  que  la  passion  soit  violente  au  point  de 
troubler  la  raison  ou  soit  devenue  une  nécessité  physique.  Les  actes 
accomplis,  sous  l'empire  de  la  passion  et  de  l'habitude,  considérés  en 
eux-mêmes  sont  donc  moins  libres  ou,  dans  les  cas  extrêmes,  ne  le  sont 
pas  ;  mais  ils  le  restent  toujours  dans  leur  cause,  et  par  conséquent 
l'homme  en  est  toujours  responsable,  au  moins  indirectement.  Cette 
cause,  c'est  la  volonté,  qui  a  posé,  avec  connaissance  et  liberté,  les 
premiers  actes  dont  la  répétition  consentie  a  déterminé  le  développement 
de  la  bonne  ou  de  la  mauvaise  habitude.  Il  s'ensuit  que  la  responsa- 
bilité, pour  le  bien  comme  pour  le  mal,  augmente  dans  la  mesure  où 
l'intelligence  a  prévu  et  la  volonté  accepté  les  conséquences  de  l'habi- 
tude grandissante.  C'est  justice,  puisque  la  tendance  tyrannique  à  faire 
mal  et  la  facilité  de  plus  en  plus  douce  à  bien  faire  sont  toutes  deux  des 
fruits  de  la  volonté  libre.  (Ps.  60  ;  223). 

§  D.  —  RESPONSABILITÉ  DANS  LES  ACTIONS  D' AUTRUI 

I.  —  On  est  responsable,  dans  une  certaine  mesure,  de  la  conduite 
de  ceux  qui  nous  sont  soumis  :  vg.  les  parents  de  celle  de  leurs  enfants, 
les  maîtres  de  celle  de  leurs  serviteurs. 

II.  —  Comme  les  exemples  sont  des  enseignements,  on  est  plus  ou 
moins  responsable  de  leur  influence  sur  les  actions  d'autrui. 

III.  —  On  est  responsable  du  mal  qu'on  aurait  dû  et  pu  empêcher. 

IV.  —  On  est  responsable  des  actes  auxquels  on  coopère.  Dans  une 
action  faite  en  coopération  on  distingue  les  causes  : 

a)  rrincipalc  :  celle  qui  est  la  vraie  cause  efficiente  :  vg.  le  chef  d'un 
complot. 

h)  Suballorne  :  celle  qui  concourt  immédiatement  à  l'action,  mais 
sous  la  dépendance  de  la  cause  principale  :  vg.  les  sicaires  qui  exécutent 
le  complot. 


(47)  RESPONSABILITÉ    MORALE  117 

c)  Collatérale  ou  indirecte  :  celle  qui  concourt  à  l'action,  mais  sans 
'exécuter  immédiatement  :  vg.  ceux  qui  fournissent  de  l'argent  pour 
payer  le  complot.  La  responsabilité  de  la  cause  principale  est  plus  grande 
que  celle  des  causes  subalternes  et  collatérales. 

§  E.  —  LA  SOLIDARITÉ 

La  coopération  de  l'homme  au  bien  et  au  mal  de  ses  semblables 
est  une  preuve  de  la  loi  universelle  de  solidarité  (29,  §.  A)  qui  régit  : 

L  —  L'individu  :  l'homme  «  est  un  tout  naturel  »  :  le  corps  est 
solidaire  de  l'âme  et  l'âme  est  solidaire  du  corps  (Ps.  238,  239).  Le  présent 
dépend  du  passé  et  l'avenir  du  présent. 

IL  —  La  famille  :  chaque  famille  a  une  sorte  de  personnalité  morale, 
une  existence  continue.  Les  enfants  sont  solidaires  de  leurs  parents, 
qui  l'étaient  de  leurs  ascendants.  Les  enfants  portent  le  poids  des  fautes 
de  leurs  pères  ou  bénéficient  de  leurs  vertus.  Les  parents  sont  punis 
ou  récompensés  dans  leurs  enfants  (^). 

III.  —  La  nation  :  une  certaine  communauté  de  mérite  ou  de  démé- 
rite, de  gloire  ou  de  honte,  etc.,  relie  les  citoyens  entre  eux  :  c'est  la 
résultante  des  actions  et  réactions  innombrables  qui  composent  l'his- 
toire de  chaque  peuple. 

IV.  —  L'humanité  :  la  communauté  d'origine,  de  nature  et  de  des- 
tinée forme  entre  tous  les  hommes  un  lien  d'unité  qui  les  rapproche 
entre  eux,  sans  porter  atteinte  aux  groupements  particuliers  des  diverses 
nations.  Les  peuples  ne  peuvent  être  fondus  dans  un  cosmopolitisme 
universel.  Ils  doivent  rester  distincts  et  être  unis,  par  conséquent 
s'entr'aider  pour  le  bien  commun  de  l'humanité.  C'est  pourquoi  le 
principe  de  non-intervention,  est  immoral   (110). 

§  F.  —  RESPONSABILITÉ  MORALE 
ET  RESPONSABILITÉ  LÉGALE 

La  responsabilité  morale  est  l'obligation  de  répondre  de  ses  actes 
libres  devant  Dieu.  La  responsabilité  légale  ou  sociale  est  l'obligation 
de  répondre  devant  les  tribunaux  des  infractions  aux  lois.  Voici  leurs 
différences  : 


(  ')  Le  génie  d'Edgar  Poë  fut  ravagé  par  sa  passion  de  l'alcool  :  «  C'était  un  malade... 
Il  paya  les  fautes  de  ses  pères.  Ne  dites  pas  que  la  responsabilité  humaine  en  est  diminuée  ; 
elle  en  est  au  contraire  élargie,  étendue  en  dehors  de  nous,  au  delà  de  nous,  avec  une  force 
et  une  évidence  qui  accablent.  Nos  pères  répondent  de  nous  ;*ous  répondons  de  ceux  qui 
sortent  de  nous.  Voilà  ce  que  l'on  ne  saurait  trop  se  répéter,  trop  faire  entrer  dans  l'esprit 
des  jeunes  gens,  afin  qu'ils  soient  maintenus  par  la  pensée  des  comptes  formidables  que 
leur  demanderont  un  jour  leurs  enfants.»  (Auvède  B.\rine,  Névrosés,  p.  iGS-^Gi,  Paris, 
1898.) 


118  MÉRITE    ET    DÉMÉRITE  (48) 

I.  —  La  responsabilité  morale  est  intérieure,  a  rapport  à  la  conscience. 
La  responsabilité  légale  est  extérieure,  a  rapport  à  la  société. 

IL  —  La  première  réside  surtout  dans  Y  intention  ;  la  seconde,  surtout 
dans  V exécution  (Ps.  193,  Morale,  14). 

IIL  —  La  première  exige  le  libre  arbitre;  l'autre  pourrait  subsiste! 
dans  l'hypothèse  du  déterminisme  :  alors  la  sanction  ne  serait  pas  juste 
mais  utile  (Ps.  203,  §  D). 

lY,  —  La  première  s'étend  à  toute  notre  conduite  ;  l'autre  seulemenj 
aux  actes  interdits  par  les  lois  civiles. 

V.  —  La  première  n'existe  que  pour  celui  qui  connaît  la  loi  morale: 
l'autre  n'est  pas  incompatible  avec  V ignorance  de  la  loi  sociale  (Cf.  supn 
§  C). 

VL  —  La  première  n'a  pas  de  sanction  effective  ici-bas  ;  l'autre 
au  contraire  (49). 

48.  —  MÉRITE  ET  DÉMÉRITE 

La  responsabilité  a  pour  conséquences  le  mérite  et  le  démérite,  les 
sanctions  présentes  et  futures. 

§  A.  —  DÉFINITION  DU  MÉRITE  ET  DU  DÉMÉRITE 

On  peut  envisager  le  mérite  ou  le  démérite  : 

L  ^ —  En  eux-mêmes,  et  alors  on  en  définit  la  nature  :  le  mérite, 
c'est  l'accroissement  volontaire  de  notre  valeur  morale  ;  le  démérite, 
c'est  la  diminution  volontaire  de  cette  valeur.  Tous  les  êtres  ont  été 
créés  dans  un  état  de  perfection  relative.  Mais  l'homme  a  le  privilège 
d'être  perfectible  :  il  peut,  par  l'eiïort  de  sa  volonté  libre,  ou  bien  s''élei>er 
au-dessus  de  la  perfection  qu'il  a  reçue  et  s'approcher  de  plus  en  plus 
de  l'idéal  moral  ;  ou  bien  descendre  au-dessous.  Notre  valeur  morale 
est  donc  susceptible  de  hausse  ou  de  baisse. 

II.  —  Dans  leurs  conséquences,  leurs  rapports  avec  la  sanction  : 
alors  le  mérite  ("fst  le  droit  au  bonheur  ;  le  démérite  c'est  le  droit  au 
malheur.  Avant  l'action,  la  conscience  affirme  que  le  bien  est  distinct 
du  mal,  qu'il  faut  faire  le  bien,  que  nous  pouvons  exiger  les  moyens 
d'accomplir  le  devoir.  Après  l'action,  elle  affirme  que  l'action  bonne  est 
digne  de  récompense,  que  l'action  mauvaise  est  digne  de  châtiment  (9). 

Ce  dernier  jugement  moral  est,  comme  les  premiers  : 

a)  Nécessaire  :  la  vertu  sans  récompense  et  le  vice  impuni  consti- 
tuent aux  yeux  de  la  raison  un  désordre  :  cela  est,  mais  ne  doit  pas  être. 

b)  Absolu  :  nous  le  portons  indépendamment  des  résultats  ;  non 
souiomont  quand  la  vertu  est  honorée  et  le  vice  flétri,  mais  encore  et 
surtout,  quand  la  vertu  est  persécutée  et  le  vice  triomphant. 


(49)  LES    SANCTIONS    MORALES    :    DÉFINITION  119 

c)  Universel  :  il  s'impose  à  la  conscience  droite  partout  et  toujours  ; 
c'est  pourquoi  le  vice  prend  les  dehors  de  l'honnêteté. 

§  B.  —  MESURE  ET  DEGRÉ 

On  a  soutenu  que  le  mérite  était  en  raison  inverse  de  l'obligation  : 
c'est  opposer  entre  eux  le  mérite  et  l'obligation.  C'est  une  doctrine 
fausse,  car,  comme  le  devoir  est  toujours  obligatoire,  il  en  résulterait 
qu'il  n'y  aurait  pas  ou  qu'il  y  aurait  peu  de  mérite  à  l'accomplir.  Or  il 
y  a  des  actions  strictement  obligatoires,  vg.  obligations  de  justice,  et 
qui  sont  très  méritoires  :  vg.  dévouement  du  prêtre  et  du  médecin  en 
temps  d'épidémie.  D'autres  actions,  à  peine  obligatoires,  sont  peu  méri- 
toires :  vg.  suivre  un  régime  peu  gênant  pour  fortifier  sa  santé. 
Quelle  est  donc  la  vraie  mesure  ? 

I .  —  Le  mérite  est  en  raison  composée  : 

1°  De  rimportance  du  devoir  :  vg.  il  y  a  peu  de  mérite  à  se  reposer 
à  temps  pour  mieux  travailler  ;  beaucoup  à  sacrifier  sa  vie  pour  la 
patrie  en  danger. 

2»  De  la  difficulté  du  devoir  ou  de  l'effort  qu'il  exige  :  vg.  il  y  en 
a  peu  à  ne  pas  voler,  à  aimer  ses  amis  ;  beaucoup  à  restituer  une  forte 
somme,  à  aimer  ses  ennemis. 

30  Surtout  de  la  pureté  d'intention  de  l'agent  :  vg.  faire  l'aumône 
par  une  certaine  générosité  naturelle  est  moins  méritoire  que  de  la  faire 
par  amour  des  malheureux  et  surtout  par  amour  de  Dieu. 

II.  —  Le  démérite  est  en  raison  composée  : 

1^  De  la  gravité  du  devoir  :  vg.  il  est  grave  de  tuer  quelqu'un  ;  il  ne 
l'est  pas  de  le  bousculer  un  peu. 

.2°  De  la  facilité  à  l'accomplir  :  il  est  facile  d'aimer  ses  parents  ; 
^e  pas  le  faire  est  une  honte.  Haïr  ceux  qui  nous  font  du  mal  est  une 
action  seulement  blâmable. 

30  De  la  malice  de  l'intention  :  mancjuer  à  son  devoir  par  respect 
humain  est  une  lâcheté  ;  y  manquer  par  haine  de  la  vertu,  c'est  abomi- 
nable. 

On  comprend,  à  voir  la  complexité  de  leurs  éléments,  combien  il  est 
difficile  à  l'homme  d'apprécier  exactement  le  mérite  et  le  démérite. 

49.  —  LES  SANCTIONS  MORALES 

§  I.  —  DÉFINITION  ET  NATURE 

En  morale,  on  entend  par  sanction  l'ensemble  des  récompenses  et 
des  peines  attachées  à  l'observation  ou  à  la  violation  de  la  loi.  Il  faut 
définir  un  certain  nombre  de  termes  plus  ou  moins  analogues  : 


120  LES    SANCTIONS    MORALES    :    FONDEMENT  ET  NÉCESSITÉ  (49| 

A)  Récompense  :  bonheur  rigoureusement  exigé  par  le  mérite. 
Faveur  :  bien  reçu  par  pur  don  de  la  bienveillance  d' autrui  et  indé 

pendamment  de  tout  mérite. 

Salaire  :  prix  payé  pour  une  action  utile  en  tant  que  telle. 

B)  Peine  ou  châtiment  :  souffrance  nécessairement  due  au  démérite; 
La  disgrâce  et  le  dommage  au  contraire  ne  sont  pas  mérités. 

La  sanction  véritable  est  celle  qui  découle,  comme  une  conséquence 
du  mérite  et  du  démérite  ;  c'est  pourquoi  toute  jouissance  n'est  par 
une  récompense  et  toute  souffrance  n'est  pas  un  châtiment.  La  récom 
pense  est  une  jouissance  méritée,  comme  le  châtiment  est  une  souffrant 
méritée. 

§  II.  —  FONDEMENT  DE  LA  SANCTION 

Le  fondement  de  la  sanction  c'est  donc  la  justice.  C'est  une  dette 
de  justice  puisqu'elle  est  due  au  mérite  et  au  démérite  :  à  chacun  selon 
ses 'œuvres.  Il  en  est  de  même  dans  l'ordre  civil  ;  c'est  donc  une  erreur 
de  donner  pour  unique  base  à  la  pénahté  civile  l'intérêt  particulier  ou 
général.  Si  le  citoyen  que  la  société  punit  a  transgressé  une  loi  injuste, 
elle  lui  impose  une  souffrance  imméritée.  N'étant  pas  coupable,  il  subit 
une  violence  et  non  une  peine  :  c'est  une  victime.  Or  l'intérêt,  même 
général,  ne  peut  légitimer  une  violence. 

§  III.  —  NÉCESSITÉ  DE  LA  SANCTION 

I.  __  Le  bien  sans  récompense,  le  mal  sans  châtiment  sont  pour 
la  conscience  une  contradiction.  En  même  temps  que  je  juge  une  action 
bonne  ou  mauvaise,  je  porte  cet  autre  jugement,  qui  me  parait  aussi 
nécessaire  que  le  premier,  que  l'auteur  de  cette  action  a  droit  à  un» 
récompense  ou  à  un  châtiment  et  qu'ils  doivent  être  proportionnés  à  la 
bonté  ou  à  la  malice  de  l'action.  Tous  les  hommes  portent  ce  même 
jugement.  Et  c'est  lorsque  les  faits  le  contredisent  que  la  conscience 
l'affirme  avec  plus  de  force. 

Les  législations  humaines  confirment  ces  exigences  de  la  conscience  : 
chez  tous  les  peuples,  on  trouve  des  récompenses  attachées  à  l'obser- 
vation de  la  loi  et  surtout  des  peines  attachées  à  sa  violation. 

IL  —  Cette  nécessité  de  la  sanction  est  fondée  sur  la  nature  des 
choses  et  sur  la  nature  de  Dieu.  La  vertu  suppose  le  sacrifice,  la  souf- 
france endurée  pour  le  bien.  Le  vice  suppose  la  poursuite  d'une  jouis- 
sance contraire  au  bien.  Or  Dieu,  étant  infiniment  sage,  saint  et  juste, 
veut  que  l'ordre  essentiel  des  choses  soit  respecté  et  défend  de  le  violer  ; 
il  doit  vouloir  conséquemment  que  les  sacrifices,  entraînés  par  l'obser- 
vation de  la  loi  morale,  soient  compensés  par  le  bonheur  et  que  l'ordre 


II 


(49)  LES    SANCTIONS    MORALES  :    BUT  121 

troublé,  efîet  d'une  jouissance  coupable,  soit  rétabli  par  la  douleur. 
C'est  ainsi  que  la  sanction  de  la  loi  morale  nous  conduit  logiquement, 
comme  l'obligation,  à  l'idée  de  Dieu  :  «  Sans  l'idée  de  Dieu,  dit  Guizot, 
la  loi  morale  ressemble  à  un  fleuve  sans  source  et  sans  issue.  » 


§  IV.  —  BUT  DE  LA  SANCTION 

La  sanction  n'ajoute  rien  au  caractère  obligatoire  ni  à  la  valeur 
intrinsèque  de  la  loi  morale  ;  elle  est  cependant  nécessaire  pour  procurer 
le  triomphe  de  la  loi.  Elle  le  procure  comme  moyen  : 

A)  D'intimidation  qui  prévient  le  mal  et  d'encouragement  qui 
aide  au  bien  :  c'est  là  le  but  prochain  de  la  sanction.  Le  devoir  ne  s'adresse 
î directement  qu'à  la  raison  et  à  la  volonté,  aux  côtés  spirituels  de  l'homme. 
iMais  l'homme  est  encore  sensibilité.  Il  faut  donc,  pour  contrebalancer 
l'influence  des  passions  mauvaises  et  l'entraînement  des  plaisirs  défendus, 
que  l'attrait  des  récompenses  et  la  crainte  des  châtiments  interviennent 
et  excitent  l'homme  à  l'observation  de  la  loi  morale.  La  sanction  est 
par  conséquent  un  auxiliaire  indispensable  de  la  moralité. 

Objection  :  les  Stoïciens  et  Kant  ont  soutenu  que  l'idée  d'une  rému- 
nération avilit  la  morale  en  faisant  de  la  vertu  un  calcul  et  une 'spécu- 
lation. Il  faut  faire  son  devoir  par  devoir,  guidé  par  la  considération 
purement  intellectuelle  de  la  majesté  de  l'obligation,  sans  se  laisser  aller 
au  désir  et  à  l'espérance  du  bonheur,  sans  s'abandonner  à  la  crainte 
du  châtiment. 

Réponse  :  cette  doctrine,  nous  l'avons  vu  (31,  §  B  ;  32),  est  : 

10  Impraticable  en  fait,  car  elle  supprime  tout  désir,  toute  sensi- 
bilité ;  or  il  n'y  a  pas  de  volonté  sans  désir. 

2°  Injuste  en  droit  :  la  sanction  fait  partie  intégrante  de  la  loi  ; 
exiger  de  l'homme  qu'il  ne  pense  pas  à  la  sanction,  c'est  lui  imposer 
l'obligation  de  considérer  la  loi  comme  mutilée.  Est-ce  là  respecter  la 
loi  ?  Sans  doute,  dans  l'observation  de  la  loi,  faire  abstraction  de  la  sanc- 
tion., c'est  le  plus  pur  désintéressement.  Mais,  s'il  est  moins  parfait,  il 
est  encore  très  raisonnable  d'obéir  à  la  loi  en  voulant  à  la  fois  la  loi  et 
la  sanction  dans  leur  rapport  naturel  :  dans  ce  cas  l'homme  veut  la 
sanction  comme  une  conséquence  de  l'observation  de  la  loi.  Enfin,  il  est 
encore  légitime  d'obéir  à  la  loi  par  crainte  du  châtiment  et  par  espoir 
de  la  récompense.  En  effet  l'agent  ne  sort  pas  de  la  loi,  puisque  la  récom- 
pense et  le  châtiment  sont  contenus  dans  la  loi  même.  La  sanction  ne 
se  substitue  pas  au  devoir,  elle  s'y  surajoute.  Elle  est  voulue  non  comme 
une  fin  dernière,  mais  comme  un  moyen  de  faciliter  la  pratique  du  bien. 
Elle  vient  au  secours  des  volontés  défaillantes  et  leur  fournit  un  nouveau 
motif  d'être  fidèles  au  devoir.  C'est  un  motif  légitime,  mais  moins  relevé 
que  les  motifs  précédents.  Plus  l'homme  s'oublie  dans  l'effort  vertueux, 


122  LES    SANCTIONS    MORALES    :    BUT  (49| 

plus  parfaite  est  son  action  et  plus  grande  sera  sa  récompense.  I;a  mesure 
du  désintéressement  sera  la  mesure  même  de  la  récompense.  Cette  morale 
est  admirablement  appropriée  à  la  grandeur  et  à  la  faiblesse  de  l'homme. 
«  L'homme  n'est  ni  ange  ni  bête  ;  et  le  malheur  veut  que  qui  veut  faire 
l'ange  fait  la  bête  (^).  »  A  la  grandeur  de  l'homme  répondent  les  exigences 
austères  du  devoir  accompli  par  amour  du  devoir  :  les  âmes  d'élite  sont 
celles  qui  s'élèvent  souvent  à  cette  hauteur  morale.  Mais  il  est  impos- 
sible de  s'y  maintenir  constamment  :  à  cette  faiblesse  de  l'homme  répon- 
dent les  promesses  et  les  menaces,  qui  l'aident  à  rester  dans  le  devoir 
parce  qu'elles  font  équilibre  aux  entraînements  de  la  sensibilité.  A  ce 
point  de  vue,  la  sanction  est  une  excitation  à  faire  le  bien  et  à  éviter  le 
mal. 

B)  De  compensation,  de  réparation  et  d'expiation  :  l'ordre 
veut  que  le  bonheur  soit  le  prix  de  la  vertu  et  que  le  malheur  soit  le 
salaire  du  vice.  Or  c'est  la  sanction  qui  établit  cette  harmonie  : 

I.  —  La  vertu  entraînant  le  sacrifice  au  Bien  suprême  des  plaisirs 
immédiats  qui  en  arrêtent  la  poursuite,  il  est  juste  que  ce  sacrifice  soit 
compensé  par  une  jouissance,  qui  dédommage  l'homme  vertueux  de  sa 
peine  :  c'est  une  créance  sur  la  justice  divine.  Celui  qui  fait  le  bien  res- 
pecte l'ordre  ;  ce  serait  un  désordre  qu'il  ne  fût  pas  récompensé  par  une 
sanction  compensatrice. 

II.  —  Celui  qui  fait  le  mal  trouble  l'ordre,  car  il  recherche  un  bien 
interdit,  une  jouissance  illicite.  Il  faut  donc,  pour  que  l'ordre  soit  rétabli, 
que  le  coupable  soit  empêché  d'obtenir  le  bien  qu'il  lui  est  défendu  de 
rechercher,  ou  que,  s'il  a  réussi  à  l'atteindre,  il  soit  privé  de  ce  bien  illé- 
gitimement acquis.  Cette  contrariété  apportée  à  ses  désirs  ou  cette 
privation  d'un  bien  défendu,  c'est  une  souffrance  ;  of  cette  souffrance 
est  la  conséquence  légitime  de  la  faute,  parce  qu'elle  répare  l'ordre 
troublé.  «  La  peine  est  dans  l'ordre,  dit  Bossuet,  parce  qu'elle  ramène 
à  l'ordre  celui  qui  s'en  est  écarté.  » 

III.  —  Lorsque  le  coupable  se  repent  de  son  péché  et  accepte  libre- 
ment la  peine,  la  peine  devient  une  expiation.  L'ordre  n'est  pas  seulement 
rétabli  au  dehors,  il  l'est  dans  l'âme  du  coupable,  qui  se  réhabilite  en 
expiant  sa  faute.  Aussi  Platon  a-t-il  dit  avec  profondeur  :  «  L'injustice 
n'est  que  le  second  mal  pour  la  grandeur  ;  mais  l'injustice  impunie 
est  le  premier  et  le  plus  grand  des  maux.  »  AcuTspov  ap"  £7x1  xôjv  xaxôiv 
(/.sYÉOei  To  dotxeTvTO  o  à^txouvxa  ij.-))  otodvat  Stxr;V  Travroiv  ijLi'ytGTOv  re  xai  Trpôixov 
xaxôjv  TTï'juxev  (  2). 


(M   Pascal,   Pensées,  Art.  VII,  13. 

(»)   Platon,   Gorgias,  Didot,  T.  I,  p.  350,  lignes  44-46. 


(49)  LES    SANCTIONS    DE     LA    VIE  PRÉSENTE  I2i. 


§  V.  —  SANCTIONS  DE  LA   VIE  PRÉSENTE 

J.  —  Espèces  :  on  les  ramène  aux  quatre  suivantes  : 

1°  Sanction  naturelle  :  ce  sont  les  conséquences  mêmes  de  nos 
actions.  Santé,  aisance,  succès  sont  les  suites  normales  de  la  tempé- 
rance, du  travail  et  de  l'énergie,  tandis  que  des  infirmités  physiques 
et  mentales  sont  le  résultat  naturel  du  vice. 

2°  Sanction  légale  :  ce  sont  les  récompenses  et  les  châtiments  édictés 
par  les  lois  humaines. 

3°  Sanction  sociale  :  c'est  l'opinion  publique  ;  c'est  la  bonne  ou 
mauvaise  réputation. 

40  Sanction  morale  :  ce  sont  les  satisfactions  et  les  remords  de  la 
conscience. 

II.  —  Leur  insuffisance  :  une  sanction,  pour  être  juste,  doit 
être  : 

10  Universelle  :  ne  laisser  aucune  bonne  action  sans  récompense, 
i    aucune  mauvaise  sans  châtiment. 

2°  Proportionnelle  :  la  récompense  et  la  punition  doivent  être  en 
rapport  exact  avec  le  mérite  et  le  démérite  de  l'agent. 

Or  les  sanctions  terrestres  ne  remplissent  pas  ces  conditions  : 

a)  Sanction  naturelle  :  il  y  a  des  hommes  vertueux  qui  se  portent 
mal  et  des  gens  malhonnêtes  qui  se  portent  bien.  Le  travail,  l'énergie, 
n'amènent  pas  toujours  l'aisance  ou  le  succès. 

b)  Sanction  légale  :  les  lois  humaines  sont  presque  exclusivement 
pénales.  Elles  n'atteignent  que  les  actes  publics  et  extérieurs  ;  elles  ne 
s'inquiètent  pas  des  fautes  ou  vertus  privées.  — ■  Elles  ne  punissent  pas 
tous  les  coupables  et  parfois  frappent  des  innocents.  —  Leur  application 
est  souvent  disproportionnée,  car  les  intentions,  d'où  dépend  surtout  la 
moralité,  leur  échappent. 

c)  Sanction  sociale  :  l'opinion  publique  s'égare  souvent,  est  mobile 
et  capricieuse.  —  Que  de  fautes  dissimulées,  que  de  vertus  cachées  ! 
Ici  encore  les  intentions  échappent. 

d)  Sanction  morale  :  c'est  une  loi  psychologique  que  l'habitude 
émousse  la  sensibilité.  Ainsi  l'habitude  du  mal  affaiblit  chez  le  coupable 
le  remords  et  finit  même  par  Fétouiïer  ;  au  contraire,  l'habitude  du  bien 
rend  l'âme  moins  sensible  à  la  satisfaction  morale  et  de  plus  en  plus 
exigeante  avec  elle-même.  L'habitude  produit  donc,  chez  l'homme 
vertueux,  la  délicatesse  de  conscience,  et  chez  le  vicieux,  l'endurcisse- 
ment :  de  là  vient  qu'un  grand  criminel  souffre  moins  d'une  grande  faute 
qu'un  cœur  droit  d'une  simple  imperfection. 


124  LA    VERTU    :    SOCRATE  (50) 

§  YI.  _  NÉCESSITÉ  D'UNE  SANCTIOX  DELA  VIE  FUTURE 

I.  —  Ces  quatre  sanctions,  les  seules  de  la  vie  présente,  sont  insuf- 
fisantes ;  il  faut  donc  ou  bien  renoncer  à  la  justice  ou  bien  admettre 
une  vie  future,  où  l'ordre  sera  rétabli,  où  l'harmonie  entre  le  bien  et 
le  bonheur,  le  mal  et  le  malheur  sera  réalisée,  où  il  sera  rendu  à  chacun 
selon  ses  œuvres.  C'est  ainsi  que  la  loi  morale  /^o^iw/e  l'immortalité  de  l'âme. 

II.  —  De  plus,  pour  que  la  justice  soit  rendue,  il  faut  que  toutes 
les  actions,  bonnes  ou  mauvaises,  soient  connues  dans  leurs  causes  et 
dans  leurs  conséquences  par  une  intelligence  capable  de  tout  savoir  ; 
il  faut  en  outre  que  cette  intelligence  soit  la  justice  même  pour  propor- 
tionner exactement  la  récompense  ou  la  peine  à  chaque  acte  bon  ou 
mauvais  ;  il  faut  enfin  que  cette  intelligence  soit  toute-puissante,  dispose 
à  son  gré  des  conditions  du  bonheur  et  du  malheur.  La  loi  morale  postule 
donc  l'existence  d'un  Être  souverainement  intelligent,  juste  et  puissant, 
de  Dieu.  Il  faut  admettre  l'immortalité  de  l'àme  et  l'existence  de  Dieu, 
ou  renoncer  à  la  morale  et  à  la  justice.  C'est  ainsi  que  Dieu  se  trouve  à 
l'origine  et  au  terme  de  la  morale  :  il  est  le  souverain  Législateur  et  le 
Juge  suprême. 

50.  —  LA  VERTU 

§  A.  —  DÉFINITIONS 

La  théorie  de  la  vertu  et  du  vice  est  le  complément  de  la  théorie  di 
mérite  et  du  démérite,  car,  pour  le  sens  commun,  la  vertu  c'est  le  mérit 
durable^  qui  résulte  d'un  grand  nombre  d'actes  conformes  à  la  loi  moi  aie 
—  le  vice,  c'est  le  démérite  durable,  qui  résulte  d'un  grand  nombre  d'acteii 
contraires  au  devoir.  Les  philosophes  en  ont  donné  des  définition^ 
variées,  dont  voici  les  principales  : 

I.  —  SOCRATE 

A)  Définition  :  la  vertu,  c'est  la  science  du  bien  ;  le  vice  en  est 
l'Ignorance.  Celui  qui  connaît  le  bien -ne  peut  pas  ne  pas  le  faire,  parce 
que  chacun  cherche  le  bonheur  et  que  le  bonheur  est  inséparable  du 
bien.  L'homme  ne  fait  le  mal  que  parce  qu'il  ignore  que  c'est  le  mal, 
car  personne  ne  préfère  son  malheur  à  son  bonheur.  «  Nul  n'est  méchant 
volontairement.    »    Kaxo;    uÈv    vàp   l/.wv    o'j<Σ{;     (i).    Descartes  semble 


(')  l'LATOx,  Timée.  Didot,  T.  II,  p.  245,  1.  26-27.  Cf.  Apologie  dé  Socrate,  §  XXVII. 
Ibidem,  T.  I,  p.  29.  —  Cf.  Ém.  Boutroux,  Etudes  d'hisloirc  de  la  philosophie  :  Socrate  fon- 
dateur de  la  science  morale,  p.  69  et  sqq. 


(50)  LA    VERTU    :    PLATON  125 

admettre  cette  doctrine  quand  il  dit  :  «  Il  suffit  de  bien  juger  pour 
bien  faire  et  de  juger  le  mieux  qu'on  puisse  pour  faire  aussi  tout  son 
mieux  (^).  » 

B)  Critique  :  I.  ^ —  Part  de  vrai  :  1"  Souvent  le  mal  a  sa  cause  dans 
l'ignorance  ;  il  suffit  parfois  d'éclairer  l'intelligence  pour  redresser  la 
volonté.  Certaines  coutumes  ont  été  en  honneur  chez  les  barbares, 
vg.  sacrifices  humains,  parce  qu'ils  n'en  voyaient  pas  la  malice. 

2°  La  connaissance  du  bien  et  du  mal  est  une  condition  essentielle 
de  la  moralité  et  par  conséquent  de  la  vertu.  Il  n'y  a  vertu  qu'autant 
que  la  conscience  de  l'agent  est  éclairée  et  qu'il  connaît  la  valeur  morale 
de  ses  actes.  Mieux  on  comprend  l'importance  et  la  beauté  du  devoir, 
plus  on  est  porté  à  l'accomplir  ;  plus  on  mesure  les  conséquences  de  ses 
actes,  plus  la  responsabilité  et,  par  conséquent,  le  mérite  et  le  démérite 
augmentent. 

IL  —  Part  d'erreur  :  1°  Socrate  ne  dit  pas  seulement  que  la  science 
du  bien  est  une  condition  nécessaire  de  la  vertu,  mais  une  condition 
suffisante  ;  il  identifie  la  science  et  la  vertu.  Il  ne  suffit  pas  de  connaître 
son  devoir  pour  le  faire,  il  faut  encore  Vaimer  et  surtout  le  vouloir. 
C'est  un  fait  d'expérience  que  l'homme  pèche  en  sachant  qu'il  commet  le 
mal.  Souvent  l'homme  est  tiraillé  entre,  les  biens  sensibles  et  le  bien 
rationnel  ;  il  voit  clairement  que  celui-ci  doit  être  préféré  et  cependant 
il  se  laisse  entraîner  par  les  impulsions  de  la  sensibilité.  (Psych.,  209, 
§11). 

2^  Si  la  volonté  est  déterminée  nécessairement  par  la  connaissance, 
que  deviennent  la  liberté  eit  la  responsabilité  ?  Cette  doctrine  aboutit 
donc  au  déterminisme  rationnel  (^). 

IL  --  PLATON 

Platon  a  donné  plusieurs  définitions  de  la  vertu  : 

I.  —  C'est  la  ressemblance  avec  Dieu,  l'imitation  de  Dieu  :  «  Nous 
devons  tâcher  de  fuir  au  plus  vite  de  ce  séjour  à  l'autre.  Or  cette  fuite, 
c'est  la  ressemblance  avec  Dieu  (ô;/.oiWtç  tw  Bsw),  autant  qu'il 
dépend  de  nous,  et  on  ressemble  à  Dieu  par  la  justice,  la  sainteté  et  la 
sagesse  (^).  »  Imiter  Dieu,  c'est  fuir  le  monde  sensible  et  prendre  son  vol 
vers  le  monde  intelligible,  le  monde  des  idées  (Psych.,  173).  L'homme 
vertueux  est  un  artiste  ;  la  matière  qu'il  façonne,  c'est  l'âme  ;  le  modèle 


(M   DESC4.IITES,  Discours  de  la  Méthode,  III"  P. 

( ')  Voir  en  Psychologie  (211)  dans  quel  sens  on  peut  entendre  raisonnablement  le 
mot  de  Socrate  :  »  Nul  n'est  méchant  volontairement.  »  K^ 

(  ^)  Platon,  Théétète.  Didot,  T.  I,  p.  135,  lignes  32-35.  —  Cf.  République,  L.  X.  Didot. 
T.  II,  p.  189,  I.  45-46. 


126  LA    VERTU    :    ARISTOTE  (50) 

qu'il  s'efforce  de  reproduire,  c'est  Dieu.  Cela  revient  à  dire  que  la  vertu, 
cette  fuite  {-jûrr,)  vers  les  régions  éternelles,  consiste  dans  le  détachement 
des  sens  et  le  développement  de  la  raison.  Donc,  pour  ressembler  à  Dieu, 
l'homme  doit  perfectionner  sa  nature.  Telle  est  la  définition  pratique  de 
la  vertu  donnée  par  Platon  :  'H  àper»!  TEXsidrr,;  IçtI  tvîç  ixâçTou  '^weco;. 
C'est  ainsi  que  l'âme  sera  conforme  aux  Idées,  sera  belle  moralement, 
c'est-à-dire  vertueuse. 

II.  —  C'est  une  harmonie.  Dieu  est  l'Un;  l'Idée  du  Bien,  c'est 
l'unité  parfaite.  La  vertu  ou  imitation  de  Dieu  sera  donc  une  participation 
à  l'unité  divine.  Mais  l'homme  ne  saurait  être  parfaitement  un,  puisqu'il 
est  composé  d'un  corps  aux  éléments  multiples  et  d'une  âme  aux  facultés 
diverses.  Il  réalisera  l'unité  dont  il  est  capable  en  soumettant  le  corps 
à  l'âme  et  les  facultés  inférieures  de  l'âme  à  la  raison  :  l'sTriOuaia  au 
6uu.oç,  le  Ou|jLo;  au  voOç  (39).  Ce  sera  l'unité  dans  la  variété,  ce  sera  l'har- 
monie. L'âme  est  vertueuse  quand  toutes  ses  facultés  rendent  leur 
note  dans  un  accord  parfait.  C'est  pourquoi  Platon  parle  souvent  de 
l'harmonie  de  l'âme  (^),  définit  «la  vertu  une  harmonie  »  (^)  et  appelle 
l'homme  sage  un  musicien  (^). 

Critique  :  ces  deux  définitions,  dont  l'une  est  la  conséquence  de 
l'autre,  indiquent  plutôt  les  effets  de  la  vertu  que  sa  nature. 

III.  —  ARISTOTE 

A)  Exposé  :  Aristote  définit  la  vertu  d'une  manière  générale,  «  une 
habitude  ou  manière  d'être»,  â';^  (*).  Mais  il  a  soin  de  préciser  la  nature 
de  cette  habitude  ;  elle  consiste  à  garder  une  juste  mesuie  entre  l'excès 
et  le  défaut,  dans  les  passions  et  dans  les  actes  :  IVIe-joTï)?  Ttç  apa  iaxh 
h  àpsTr^  (^).  Enfin,  réunissant  les  divers  éléments,  Aristote  donne  cette 
définition  détaillée  :  «  La  vertu  est  une  habitude  qui  dépend  de  notre 
volonté,  consistant  dans  ce  milieu  qui  est  relatif  à  nous,  et  qui  est  réglé 
par  la  raison  comme  le  réglerait  l'homme  vraiment  sage  (^).  "licTtv  aoa  v) 
àpsTV)  £;-.;  -poatCET'.xr^,  £v  asTOTriTt  oO^îa  xr)  TTpo;  v];^5t;,  wptaixÉv/)  Aoyw  xat  (o;  àv  ô 
'ipovty.o;  ôiicstsv. 

Voici  les  trois  conditions  requises  pour  la  vertu  : 

1°  La  connaissance  de  ce  que  l'on  fait.  En  cela,  Aristote  est  d'accord 
avec   Platon. 


(  M  Platon,  Phédon,  Édition  Didot,  T.  I,  p.  67  c  au  bas  ;  72  d  au  haut,  etc.  ;  73  c-e. 
(  •)  Platon,    Phédon,  Ibidem,  p.  73   e  :  àperri  àpu-Ovi'a. 
(•)  Platon,  République,  L.  I.X,  Éd.  Didot,  T.  II,  p.  176,  c-d. 
<  *)   AniSTOTE,   Morale  à  Nicomaque,  L.  II,  Ch.  vi,    §   11. 
(')   -A^tBTOTE,  Morale  à  Nicommque,  L.  II,  Ch.  vi,  §  13. 

(  *)  Aristote,  Morale  à  Nicomaque,  L.  II.  Ch.  vi,   §  15.  Traduction  de  Barthélémy 
Saint-Hilaire. 


(50)  LA    VERTU    :    ARISTOTE  127 

20    Le  libre  choix.  La  liberté,  supprimée  par  Platon,  reparaît. 

30  La  résolution  ferme  et  inébranlable  de  ne  jamais  faire  autrement. 
11  ne  suffit  pas  de  connaître  la  vertu  pour  la  pratiquer  ;  il  faut  l'acquérir 
par  l'exercice  :  «  On  ne  conquiert  les  vertus  que  par  la  constante  répé- 
tition des  actes  de  justice,  de  tempérance,  etc.  (^).  »  Un  acte  bon  ne  fait 
pas  la  vertu,  «  pas  plus  qu'une  seule  hirondelle  ne  fait  le  printemps, 
ni  un  seul  jour  l'année  »  (^).  La  vertu  a  besoin  de  temps  pour  s'établir, 
car  elle  est  une  habitude  qui  exige  des  efforts  répétés. 

Pour  prouver  que  l'habitude  du  bien  consiste  dans  un  juste  milieu, 
Aristote  fait  appel  à  l'expérience  et  apporte  des  exemples  {^)  :  vg.  la 
témérité  est  un  excès,  la  lâcheté  un  défaut  de  courage  ;  le  vrai  courage 
tient  le  milieu  entre  ces  deux  extrêmes  ;  l'économie  est  un  milieu  entre 
l'avarice  et  la  prodigalité,  etc.  Le  trop  et  le  trop  peu,  sont  nuisibles  par- 
tout, dans  l'ordre  moral,  comme  dans  l'ordre  physique.  De  là  les  adages  : 
Mr,S£v  à'vav,  Ne  quid  nimis.  Horace  dit  également  :  Virtus  est  médium 
vitiorum  et  utrimque  reductum  (^). 

B)  Critique  :  1°  Parlant  en  général  on  peut  dire  qu'il  est  sage 
d'éviter  les  extrêmes.  Cette  maxime  a  son  utilité  comme  règle  de  sagesse 
pratique  ;  mais  elle  n'a  pas  la  précision  que  réclame  une  définition 
philosophique,  car  la  notion  de  milieu,  empruntée  à  la  quantité.,  s'applique 
mal  aux  qualités  morales. 

2°  Cette  règle  du  juste  milieu  est  variable  et  élastique,  puisque, 
de  l'aveu  d'Aristote,  la  mesure  convenable  change  avec  les  personnes 
et  les  circonstances  (^).  Aristote  ajoute  que  c'est  à  l'homme  sage  de  la 
déterminer.  Mais  quel  est  ce  sage  sinon  l'homme  vertueux  ?  Et  ainsi 
«  on  définit  l'homme  sage  par  la  vertu,  et  la  vertu  par  l'homme  sage  » 
(Bossuet). 

3°  Cette  règle  n'est  pas  universelle.  Elle  convient  aux  vertus  qui 
relèvent  de  la  tempérance,  car  la  tempérance  est  la  vertu  propre  de  la 
sensibilité.  Or  la  loi  des  désirs  et  des  passions  c'est  la  mesure  (Ps.  21). 
Mais  cette  maxime  du  juste  milieu,  prise  à  la  lettre,  est  incompatible 
avec  les  vertus  les  plus  hautes,  avec  l'héroïsme  ;  elle  conduit  directement 
à  la  médiocrité,  à  «  vivoter  dans  la  région  moyenne  »,  comme  dit 
Montaigne.  Mais  ce  n'est  pas  ainsi  qu' Aristote  l'entend,  car  il  fait  suivre 


(M  Aristote,  Ibidem,  L.  II,  Ch.  iv,   §  3. 
(')  Aristote,  Ibidem,  L.  I,  Ch.  vu,   §  16. 
(')  Aristote,  Ibidem,  L.  II,  Ch.  vu,  viii. 

(*)  Horace,  Epist.  L.  I,  Ep.  18,  v.  9.  —  Horace  exprime  encore  la  môme  pensée 
quand  il  dit  : 

Est  modus  in  rébus  ;  sunl  cerli  denique  fines 
Quos  xdtra  citraque  nequil  consisterè  rectum. 

Satir.  L.  I,  Sat.    1.    v.    106-107. 
{'■)  Aristote,  Morale  à  Nicomaque,  L.  II,  Ch.  vi,  §  7. 


128 


LA    VERTU    :    MALEBRANCHE 


(50) 


sa  définition  de  ces  mots  :  «  Relativement  à  la  perfection  et  au  bien, 
la  vertu  est  un  sommet.  »   Kaià  aï  ro  apiaiov  ■/  y\  ~ô  zu  a  xçoTr,;.  (^). 

En  unissant  les  deux  points  de  vue,  la  théorie  d'Aristote  peut  se 
justifier.  Toute  vertu  doit  suivre  la  direction  qui  la  conduit  à  sa  fin  : 
elle    doit   donc    éviter    toute    déviation,    n'aller    ni    à    droite,    ni    à 


'AxpoT 
A 


gauche  ;  à  droite,  c'est  vg.  la  témérité;  à  gauche,  c'est  la  lâcheté;  entre 
les  deux,  au  milieu,  c'est  la  vertu  de  courage.  Donc,  en  ce  sens,  in  medio 
virtus,  car  tout  écart  éloigne  du  but.  Mais  tant  qu'on  marchera  en  suivant 
la  ligne  droite,  la  ligne  du  vrai  courage,  si  haut  qu'on  puisse  monter, 
on  suit  toujours  la  direction  qui  rapproche  de  plus  en  plus  de  la  per- 
fection idéale,  on  fait,  par  le  bon  chemin,  l'ascension  de  ce  sonwiel 
qui  s'appelle  la  vertu.  L'excès  n'est  donc  pas  à  craindre,  puisqu'on  ne 
dévie  ni  à  droite  ni  à  gauche,  et  que  le  sommet  est  inaccessible,  c'est- 
à-dire  que  l'idéal  recule  sans  cesse. 


IV 


MALEBRANCHE 


Il  définit  la  vertu,  s'inspirant  de  saint  Augustin  :  «  un  amour  habituel, 
libre  et  dominant  de  l'ordre  immuable  »  (  ^).  Cette  définition  est  accep- 
table, pourvu  que  par  amour  on  n'entende  pas  seulement  le  sentiment, 


(  M  Aristote,  Morale  à  Nicomaque,  L.  II,  Ch.  vi,  §  17.  Il  dit  la  même  chose  en  parlant 
de  la  magnanimité  (L.  IV,  Ch.  m,  §  8)  :  "Eario^  ô  asvaXo-J/u/oç  TÔi  aèv  uevéOet  dtxpo;, 
T(|)  Oî  tiji;  ov.  ixcao;.    —  Aguieee  lD'),Devirlulibuselvitiisdisputaliones  ethicse. 

(')   MALEBRANCHE,  Traité  de  morale,  L.  I,  Ch.  m,   §  XX,  à  la  Hn. 


I 


(50)  LA   VERTU    :    DÉFINITION    ET    DIVISION  129 

mais  encore  et  surtout  la  volonté  énergique  de  se  conformer  à  l'ordre  ; 
il  faut  aussi  la  comprendre  dans  le  sens  d'un  amour  éclairé  par  la  raison 
qui  montre  l'ordre. 

V.  —  KANT 

La  vertu  c'est  la  jorce  morale  que  montre  la  volonté  d'un  homme  dans 
V accomplissement  de  son  devoir  (^).  Kant  a  tort  d'exclure  l'amour  (37,  §  B.). 

VI.  -   DÉFINITION  PROPOSÉE 

On  peut  définir  la  vertu  d'une  façon  générale  :  l'habitude  du  devoir  {^). 
Mais  pour  indiquer  explicitement  les  conditions  qu'exige  cette  habi- 
tude, on  peut  adopter  la  définition  suivante  :  La  vertu  c'est  Vhabitude 
dohéir  ad  devoir  avec  intelligence^  amour  et  liberté. 

Conditions.  —  I^"®  :  Connaissance  du  bien  :  car,  sans  cela,  pas  de 
liberté,  ni  de  responsabilité,  donc  pas  de  vertu  ;  c'est  de  l'instinct 
(Ps.  195). 

II«  :  Amour  du  bien  :  pour  faire  le  bien,  surtout  avec  persévérance, 
il  faut  l'aimer.  L'attrait  du  bien  donne  une  impulsion  vigoureuse  à  la 
volonté,  qui,  autrement,  resterait  inerte  (Ps.  10). 

II I^  :  Effort  libre  :  pour  faire  le  bien,  il  ne  suffit  pas  de  le  connaître 
et  de  l'aimer,  il  faut  surtout  le  vouloir.  Il  faut  que  la  volonté  fasse  effort 
pour  refouler  les  mauvaises  inclinations  qui  l'attirent  vers  le  mal. 

IV^  :  Habitude  :  quelques  actes  isolés  ne  suffisent  pas  ;  il  faut,  pour 
être  vertueux,  conformer  habituellement  sa  conduite  au  devoir.  L'habi- 
tude, par  la  répétition  des  actes,  accroît  la  facilité  et  la  tendance  à  les 
reproduire.  La  pratique  du  bien  finit  par  devenir  un  besoin  :  «  L'homme 
vertueux,  dit  Aristote,  est  celui  qui  trouve  du  plaisir  à  faire  des  actes 
de  vertu.  »  L'idéal  de  la  vertu  c'est  la  sainteté,  état  d'une  volonté  si 
pleinement  identifiée  avec  la  loi  morale  qu'elle  lui  obéit  sans  effort  et 
sans  défaillance. 

§  B.  —  DIVISION 

I.  —  Ancienne  :  les  anciens  distinguaient  quatre  vertus,  dites 
cardinales  (^),  parce  qu'elles  sont  les  gonds,  sur  lesquels  roulent  les 
autres  : 


(M  Kant,  Doclrine  de  la  verlu.  Introduction.   §  XIV. 

(')  SuAREz  définit  ainsi  la  vertu  :  Virtus  est  habitus  perflciens  rationalem  poteatiam 
et  inclinans  ad  bonum  (De  Passionibus  et  Ilabitibus,  Disputât.  III,  Sect.  I,  §  I). 
{')  CicÉRON,  De  Officiis,  L.  I,  §  V  sqg. 


TRAITE    DE    PHILOSOPHIE. 


130 


LA  VERTU    :    DIVISION  (50) 


10  Sagesse  ou  Prudence  :  vertu  qui  dispose  rintelligence  à  discerner 
ce  qu'on  doit  faire  et  éviter  dans  la  conduite  de  la  vie  {prudentia  =  pro- 

i'identia).  i      ,.    •        ,1 

20    Tempérance  :  vertu  qui  maintient  dans  les  limites  de  la  raison 

l'usage  de  tout  ce  qui  flatte  les  sens. 

30    Courage  ou  Force  :  disposition  constante  de  l'àme  à  surmonter 

les  difficultés  que  présente  la  pratique  du  bien  et  à  supporter  les  épreuves 

de  la  vie. 

40    Justice  :  disposition  qui  porte  à  rendre  à  chacun  son  dû. 

Critique  :  cette  division  semble  remonter  à  Socrate  ;  on  la  retrouve 
expressément  dans  Platon,  dans  toutes  les  écoles  morales  de  l'anti- 
((uité,  dans  la  philosophie  scolastique.  On  a  reproché  à  cette  classification 
d'être  incomplète.  Si  on  prend  la  justice  dans  le  sens  strict  que  lui  donnent 
les  modernes  :  respect  du  droit,  cette  division  est  incomplète,  car  elle 
ne  comprend  pas  la  charité.  Mais  si  on  la  définit  au  sens  large  avec  les 
anciens  :  la  vertu  qui  rend  à  chacun  son  dû,  elle  comprend  :  a)  la  justice 
proprement  dite  :  car  nous  devons  à  nos  égaux  le  respect  de  leurs  droits  ; 
-_  h)  la  charité,  car  nous  devons  à  nos  inférieurs  (faibles,  pauvres,  etc.) 
les  services  dont  ils  ont  besoin  ;  —  c)  la  piété,  car  nous  devons  à  nos 
supérieurs   (Dieu,  parents,  maîtres)  les  témoignages  de  notre  vénération. 

II.  —  Moderne  :  on  distingue  les  vertus  : 

10  Privées  ou  individuelles  :  celles  qui  répondent  à  nos  devoirs 
envers  nous-mêmes  :  vg.  sagesse,  tempérance,  courage. 

20  Sociales  ou  publiques  :  celles  qui  répondent  à  nos^devoirs  envers 
nos  semblables  ;  vg.  justice,  cliarité,  piété  filiale. 

30  Religieuses  :  celles  qui  répondent  à  nos  devoirs  envers  Dieu  ; 
yo.  piété,  religion. 

BIBLIOGRAPHIE 

A.  Landry,  La  responsabilité  pénale. 

A.  Sabatier,  La  doctrine  de  Vexpiation  et  son  évolution  historique. 

J.  DE  BoNNiOT,  Le  problème  du  mal,  L.  VII,  Ch.  iv. 

D ALLEMAGNE,  La  volonté  dans  ses  rapports  avec  la  responsabilité 
pénale.  Les  théories  de  la  criminalité.  Stigmates  biologiques  et  sociologiques 
de  la  criminalité. 

A.  Delvincourt,  La  liitic  contre  la  criminalité  dans  les  temps 
modernes. 

Tu.  Desdoi'ITS,  La  responsabilité  morale. 

II.  JoLY,  Le  crime.  La  France  criminelle.  Le  combat  contre  le  crime. 
L'enfance  coupable.  La  Belgique  criminelle. 

PiuiM.  fji  criminalité  politique. 


CHAPITRE  V 
LE  DROIT 


Le  droit  étant  habituellement  corrélatif  du  devoir,  il  convient  d'en 
parler  après  avoir  traité  du  devoir. 

51.  —  DÉFINITION  ET  CARACTÈRES  DU  DROIT 

§  A.  —  DÉFINITION 

Leibniz  a  dit  :  «  Le  droit  est  un  pouvoir  moral,  comme  le  devoir 
est  une  nécessité  morale.  «  I^e  devoir  est  la  nécessité  morale  d'obéir 
à  la  loi,  de  faire  le  bien.  On  ne  saurait  être  tenu  à  faire  que  ce  que  l'on 
peut.  Par  le  fait  même  que  nous  devons  réaliser  une  fm,  nous  devons 
donc  aussi  le  pouvoir^  c'est-à-dire  avoir  à  notre  disposition  les  moyens 
de  la  réaliser.  Ainsi  tout  d'abord  le  droit  est  le  pouvoir  de  réaliser 
librement  une  fin  déterminée  ;  c'est  pour  cela  que  droit  et  liberté  sont 
fréqliemment  employés  l'un  pour  l'autre.  Mais  c'est  un  pouvoir  moral, 
idéal,  rationnel  et  non  physique.  De  même  que  le  devoir  est  une  nécessité 
qui  s'impose  toujours,  mais  qui  parfois  n'est  pas  obéie,  ainsi  le  droit, 
quoique  inviolable,  n'est  pas  toujours  respecté  en  fait.  On  peut  le  définir  : 
le  pouvoir  moral  inviolable  de  faire,  (Tomettre  ou  d'exiger  quelque  chose. 

§  B.  —  CARACTÈRES 

Le  droit  a  pour  caractères  d'être  : 

I.  —  Inviolable  :  en  fait  il  est  souvent  violé  ;  mais  notre  raison 
proteste  et  affirme  qu'il  ne  doit  pas  l'être.  Le  fait  ne  prévaut  pas  contre 
le  droit. 

IL  —  Absolu  :  de  môme  que  le  devoir  est  un  impératif  qui  com- 
mande sans  condition,  ainsi  le  droit  est  respectable  pour  lui-même  et 
en  toute  hypothèse. 

III.  —  Universel  :  commun  à  tous  les  liommes.  Sans  doute  il  y  a 
des  droits  particuliers.  Mais  il  s'agit  ici  du  droit  fondamental,  principe 
des  autres  :  le  droit  de  s'appartenir,  de  faire  son  devoir.  Toute  personne 
humaine  doit   pouvoir  accomplir  sa  tâche  et  poursuivre  sa  destinée. 


132  PRINCIPE    ET    FONDEMENT    DU    DROIT  (52) 

Le  droit,  pris  en  soi,  étant  universel,  est  donc  nécessairement  égal  chez 
tous  les  hommes.  Le  droit  étant  égal  chez  tous  les  hommes,  les  devoirs 
de  justice  sont  essentiellement  réciproques  :  ce  que  j'ai  le  droit  de  faire, 
VO-.  aller  et  venir  en  liberté,  les  autres  ont  le  droit  de  le  faire  aussi  ;  donc 
je  dois  respecter  leur  liberté. 

IV.  —  Inaliénable  :  nul  ne  peut  renoncer  à  ce  droit  fondamental, 
car  ce  serait  aller  contre  sa  nature  raisonnable  et  renoncer  à  sa  fin. 

V.  _  Imprescriptible  :  le  droit  naturel,  étant  fondé  sur  l'essence 
des  choses,  est  immuable,  éternel  comme  elle  :  «  Il  n'y  a  pas,  dit  Bossuet, 
de  droit  contre  le  droit.  "  C'est  la  condamnation  de  la  maxime  :  La  force 
prime  le  droit,  et  de  la  théorie  de  la  légitimité  des  faits  accomplis. 

VI.  —  Exigible  :  on  peut  en  exiger  le  respect  par  la  force.  Je  puis 
contraindre  celui  qui  me  doit  de  l'argent  à  me  payer.  C'est  le  droit  de 
légitime  défense,  ou  de  contrainte  physique.  Dans  l'état  social,  ce  droit 
est  exercé  par  la  société  au  moyen  des  juges  et  des  agents  de  la  justice. 
En  dehors  des  cas  où  le  pouvoir  social  ne  peut  intervenir,  nul  ne  doit 
se  faire  justice  à  soi-même,  parce  que  :  a)  l'individu  serait  à  la  fois  juge 
et  partie  dans  sa  propre  cause.  La  proportion  entre  le  dommage  subi 
et  la  réparation  exigée  ferait  souvent  défaut  ;  —  b)  la  force  ne  serait  pas 
nécessairement  du  côté  du  droit. 


52.  _  PRINCIPE  ET  FONDEMENT  DU  DROIT  (i) 

Les  solutions  sont  analogues  à  celles  relatives  au  devoir.       • 

I.  —  Force  :  d'après  Hobbes  (1588-1679),  Proudhon,  le  droit  c'est 
la  force.  On  a  le  droit  de  faire  tout  ce  qu'on  peut  faire  {^). 

Critique  :  1°  Le  droit  est  un  pouvoir  moral;  la  force,  un  pouvoir 
physique.  Dire  que  la  force  engendre  le  droit,  c'est  dire  que  ce  qui  est 
doit  être  :  vg.  un  voleur  s'empare  de  mon  bien  et  le  garde.  La  force  peut 
opprimer  le  droit,  mais  ne  saurait  le  primer,  parce  que  le  droit  est 
imprescriptible  (51). 

2°  La  vraie  force,  c'est  la  force  morale,  c'est  le  droit,  puisque  souvent 
il  s'oppose  à  la  puissance  brutale  et  l'arrête  :  vg.  voici  un  enfant  au 
berceau  ;  j'ai  un  marteau  à  la  main.  Physiquement,  c'est  la  faiblesse 


(')   Kant,  Principes  métaphysiques  du  droit.  —  Renouvier,  La  science  de  la  morale. 

Janet,  La  morale.  —  E.  Beaussire,  Les  principes  du  droit,  L.  I.  —  Fouillée,  L'idée 

moderne  du  droit.  —  Caro,  Problèmes  de  morale  sociale.  —  Jouffroy,  Cours  de  droit  naturel. 

Dk  Vareilles  Sûmmières,  Les  principes  fondamentaux  du  droit.  —    L.  Tanon,  L'évo- 

luHon  du  droit  et  la  conscience  sociale.  —  Lerminieb,  Philosophie  du  droit. 

(«)  Hobbes,  De  cive,  C.  i,  §  6.  Leviathan,  C.  xiii.  Cf.  G.  Sortais,  La  Philosophie. 
moderne  depuis  Bacon  jusqu'à  Leibniz,  T.  II,  p.  369-372.  Paris,  1922. 


(52)  PRINCIPE    ET    FONDEMENT    DU    DROIT  133 

même.  Quelle  est  la  force  qui  s'oppose  à  ce  que  je  lui  brise  le  crâne  ? 
C'est  le  droit  qu'il  a  de  vivre. 

3°  Accepter  cette  doctrine  c'est  justifier  toutes  les  oppressions  et 
tous  les  crimes.  Et  cependant  pour  la  conscience  humaine  le  droit  n'est 
jamais  plus  évident  que  lorsqu'il  est  opprimé  par  la  force  victorieuse. 
Est-ce  qu'il  n'y  a  pas  des  défaites  triomphantes  à  l'envi  des  victoires  ? 

4°  La  force  est  limitée,  variable,  passagère,  aveugle  :  elle  n'a  donc 
pas  les  caractères  du  droit  (51). 

II.  —  Besoin  (^)  ;  Destutt  de  Tracy  (1753-1836).  C'est  une  modi- 
fication analogue  à  celle  qu'Épicure  apporta  à  la  morale  cyrénaïque, 
en  substituant  l'intérêt  au  plaisir.  Le  désir  est  passager,  plus  ou  moins 
factice,  individuel  ;  le  besoin  est  permanent,  naturel,  identique  chez 
tous  les  hommes.  Tout  homme  a  besoin  :  vg.  de  propriété,  etc.  ;  donc  la 
propriété  est  un  droit. 

CritiQue  :  1°  Comment  fixer  la  limite  entre  le  désir  et  le  besoin  ? 
Les  progrès  de  la  civilisation  changent  en  besoins  ce  qui  n'était  aupa- 
ravant que  désirs. 

2^  Quand  deux  individus  ont  en  même  temps  besoin  du  même  bien, 
comment  déterminer  le  droit  de  chacun  ?  Par  la  vivacité  du  besoin  ? 
Gomment  la  mesurer  ?  Il  faudra,  ici  encore,  en  revenir  à  la  jorce. 

III.  —  Intérêt  personnel  :  on  a,  de  nos  jours,  une  tendance  à 
confondre  le  droit  et  l'intérêt.  On  définit  le  droit  :  la  faculté  de  faire 
tout  ce  qui  nous  est  commandé  par  notre  intérêt  personnel,  ou  tout  ce 
qui  n'est  pas  contraire  aux  intérêts  d'autrui. 

Critique  :  ramener  le  droit  à  l'intérêt  individuel,  c'est,  en  définitive, 
le  ramener  au  désir,  au  besoin  et  par  conséquent  à  la  force. 

IV.  —  Utilité  sociale  :  S.  Mill  fonde  le  droit,  non  sur  l'intérêt 
individuel,  mais  sur  l'intérêt  général  :  «  Avoir  un  droit,  c'est  avoir 
quelque  chose  dont  la  société  doit  me  garantir  la  possession.  Si  l'on  me 
demande  pourquoi  la  société  doit  me  le  garantir,  je  n'ai  pas  de  meilleure 
raison  à  donner  que  celle  de  V utilité  générale  (^).  »  Aussi  définit-il  le 
droit  :  «  Un  pouvoir  que  la  société  est  intéressée  à  donner  aux  indi- 
vidus. »  L'homme  vit  naturellement  en  société  et  retire  de  grands 
avantages  de  l'état  social.  Pour  que  la  société  subsiste,  il  faut  que  les 
individus  qui  la  composent  soient  protégés  dans  leur  vie,  leur  famille, 
leur  propriété,  etc.  Sans  cette  protection  efficace  la  société  disparaîtrait 
et,  avec  elle,  les  avantages  qui  en  découlent.  Il  faut  donc,  pour  le  bon 
état  de  la  société  même,  que  les  individus  soient  garantis  dans  la  jouis- 


(')  Destutt  de  Tracy,  Commentaires  sur  l'   «  Esprit  des  lois  »  de  Montesquieu,  Paris, 
1817. 

( -)  S.  Mii,L,  L'utilitarisme,  Ch.  v.  Traduction  Le  Monnier,  p.  111,  Paris,  1883. 


134  PRINCIPE    ET    FONDEMENT    DU    DROIT  (52) 

sance  paisible  de  ce  qu'ils  possèdent.  Les  droits  individuels  dérivent 
donc  de  Tutilité  sociale  {^). 

Critique  :  A.  —  Si  la  société  octroie  elle-même  les  droits,  elle  pourra 
les  reprendre  ou  les  modifier  si  bon  lui  semble.  Le  droit  serait  donc  quelque 
chose  d'essentiellement  instable  et  précaire. 

B.  —  La  société  pourrait  sacrifier  les  droits  individuels  les  plus 
manifestes  :  vg.  faire  périr  un  innocent  et  sanctionner  les  institutions 
les  plus  révoltantes  :  vg.  l'esclavage,  au  nom  de  l'intérêt  général  :  Saliis 
popuU  suprema  lex  esto.  Qui  pourrait  l'accuser  d'injustice,  puisque 
futilité  sociale,  dont  elle  est  juge,  est  la  mesure  du  juste  et  de  f injuste  ? 
C'est  évidemment  ouvrir  la  porte  à  toutes  les  tyrannies. 

C,  —  Cette  doctrine  suppose  que  ce  qui  est  utile  à  la  société  est  néces- 
sairement juste  et  que  tout  ce  qui  est  juste  est  nécessairement  utile  à  la 
société.  Cette  identité  n'existe  pas  toujours  :  vg.  motion  de  Thémistocle 
proposant  d'incendier  la  flotte  des  alliés  d'Athènes. 

£).  —  L'individu  qui  serait  étranger  à  la  société,  n'aurait  aucun 
droit  :  par  conséquent  contre  lui  toutes  les  vexations  seraient  permises. 

E.  —  «  Sans  doute  on  peut  dire  en  un  sens  que  le  droit  de  chaque 
individu  se  confond  avec  son  intérêt,  car  chacun  est  intéressé  à  ce 
qu'on  respecte  son  droit  :  d'où  il  suit  que  le  respect  du  droit  de  tous 
est  un  intérêt  social  de  premier  ordre.  Il  y  a  bien  en  efïet  une  harmonie 
essentielle  entre  le  droit  d'une  part,  et  l'intérêt  individuel  et  social 
d'autre  part,  mais  à  la  condition  de  poser  d'abord  le  droit  comme  prin- 
cipe distinct  de  l'intérêt  {'-).  »  Car  ce  n'est  pas  en  tant  qu'être  sociable, 
mais  en  tant  qu'être  moral  que  l'homme  possède  des  droits.  L'individu 
est  logiquement  et  réellement  antérieur  à  la  société  et  par  conséquent 
aussi  ses  droits  naturels  et  primitifs,  qui  sont  fondés  sur  sa  nature  de 
personne  morale.  La  société  ne  les  crée  pas,  elle  ne  fait  que  les  recon- 
naîtra et  les  protéger. 

V.  —  Liberté  :  Cousin.  —  «  Le  devoir  et  le  droit,  dit-il,  sont  frères. 
Leui'  mère  commune  est  la  liberté  {^).  »  L'homme  est  une^  personne 
morale,  parce  qu'il  est  libre.  Or  fessence  de  la  liberté  c'est  d'être  invio- 
lable. Le  droit  n'est  donc  autre  chose  que  l'exercice  de  la  liberté. 

Critiaue  :  la  liberté  est  la  condition  plutôt  que  le  fondement  du 
droit.  La  liberté  pure  et  simple,  abstraction  faite  de  la  loi  morale  et  de 


(  ',  HoBBES,  tout  en  disant  qu'il  n'y  a  pas  d'autre  droit  que  la  force  et  que  chacun  a 
droit  de  faire  tout  ce  qu'il  peut,  reconnaît  qu'une  pareille  liberté  est  incompatible  avec 
l'ordri'  social.  Aussi  la  société  a  dû,  dans  l'intérêt  de  tous,  la  limiter  ;  de  là  vient  que  le  droit 
n'est  plus  ;;iijourd'hui  que  cette  part  de  liberté  que  la  société  laisse  et  garantit  à  chaque 
citoyt-n  i-ii  vue  de  VulilUé  commune. 

'(-)   K.  BoiRAC,  La  dissertation  philosophique,  n"  351,  p.  341-342,  Paris,  1890. 

(M  Cousin,  Du  vrai,  du  beau  et  du  bien,  XII"  Leçon,  4». 


(53)  RAPPORTS    DU    DROIT    ET    DU    DEVOIR  135 

ridée  du  bien  en  -soi,  ne  peut  engendrer  le  droit.  Prise  en  soi  la  liberté 
n'est  plus  qu'une  force  ;  elle  est  sans  doute  différente  des  autres  forces 
•  de  la  nature  ;  mais,  par  elle-même,  pourquoi  serait-elle  sacrée  ?  Uhi  non 
est  justitia,  dit  saint  Augustin,  ibi  non  potest  esse  jus.  Si  la  liberté  nous 
apparaît,  au  contraire,  comme  liée  à  la  loi  morale  et  au  devoir,  nous 
comprenons  qu'elle  doit  être,  comme  eux,  inviolable.  Ce  n'est  donc  pas 
la  liberté  seule,  mais  jointe  au  bien  et  au  devoir,  qui  est  le  véritable 
principe  du  droit.  L'homme  a  une  fin  à  atteindre  :  le  bien  idéal  ;  personne 
ne  peut  l'en  détourner.  Il  a  donc  le  pouvoir  d'exiger  les  moyens  d'atteindre 
sa  fin  :  c'est  le  droit. 

VI.  —  Le  bien  :  étant  donné  l'idéal  du  bien  comme  fin  à  atteindre, 
il  s'ensuit  ;  1°  qu'il  doit  être  réalisé  ;  cette  première  conséquence,  c'est 
le  devoir  ;  —  2°  qu'il  doit  être  réalisé  libretnent,  sans  entrave  ;  et  cette 
seconde  conséquence  c'est  le  droit.  De  ce  que  nous  sommes  obligés, 
il  résulte  en  effet  que  nous  devons  avoir  la  possibilité  d'accomplir  notre 
devoir.  Le  droit  c'est  donc  le  pouvoir  de  faire  son  devoir,  comme  il 
doit  être  fait  pour  être  méritoire,  c'est-à-dire  librement,  sans  en  être 
empêché  et  sans  y  être  contraint. 

Conclusion  :  le  droit  et  le  devoir  ont  donc  le  même  fondement  : 
le  bien,  Vhonnête,  c'est-à-dire  ce  qui  est  conforme  à  la  nature  raison- 
nable et  à  l'ordre  essentiel  des  choses  (43,  45),  et  tous  deux  supposent 
comme  condition  la  liberté.  Le  droit  et  le  devoir  ont  par  conséquent 
la  même  origine,  le  bien,  qui  est  leur  principe  commun.  Mais  comme,  en 
dernière  analyse,  le  bien  n'est  que  l'ordre  essentiel  conçu  et  voulu  par 
Dieu,  il  faut  dire  que,  pour  le  droit  comme  pour  le  devoir,  le  principe 
suprême  c'est  la  volonté  divine  ordonnant  la  conservation  de  l'ordre 
essentiel  et  défendant  de  le  troubler  (46,  §  B). 


53.  -   RAPPORTS  DU  DROIT  ET  DU  DEVOIR 

§  A.  —  ORDRE  DE  FILIATION 

.Quelle  est  la  génération  logique  du  droit  et  du  devoir  ?  Est-ce  le 
droit  qui  naît  du  devoir  ou  le  devoir  qui  nait  du  droit  ?  Lequel  est  anté- 
rieur à  l'autre  ?  La  réponse  à  cette  question  diffère,  selon  que  le  droit 
et  le  devoir  sont  considérés  relativement  à  Dieu  ou  relativement  à 
l'homme  : 

A)  Relativement  à  Dieu  :  il  faut  dire  alors  que  le  devoir  suppose 
le  droit.  On  ne  peut  concevoir  un  être  obligé  sans  concevoir  un  principe 
d'obligation  supérieur  et  antérieur.  Tout  devoir  en  effet  découle  du 
droit  absolu  que  Dieu  a  sur  tout  être  créé.  Dieu  est  la  cause  première  et 
la  fin  dernière  de  toute  créature  :    à  ce  double  titre,  il  a  sur  la  création 


136  RAPPORTS    DU    DROIT    ET    DU    DEVOIR  (53) 

un  droit  essentiel  et  primordial.  Bien  souverain,  il  a  droit  d'être  recherché 
comme  fin  suprême  ;  c'est  de  ce  droit  que  résulte  tout  devoir. 

B)  Relativement  à  l'homme  :  alors  il   faut  distinguer   deux  cas  : 

I,  —  Dans  la  même  personne  :  le  devoir  est  ici  la  raison  d'être  du 
droit.  L'homme  a  des  devoirs  avant  d'avoir  des  droits.  En  effet,  le  droit 
essentiel  de  l'homme  c'est  de  tendre  librement  à  sa  fin.  Or  ce  droit  naît 
de  l'obligation  rigoureuse,  qui  lui  est  imposée  par  Dieu,  d'atteindre 
cette  fin.  L'homme  conçoit  l'idéal  moral  comme  devant  être  réalisé 
par  lui  :  c'est  le  devoir.  Mais,  pour  qu'il  puisse  le  réaliser,  il  faut  qu'il 
en  ait  les  moyens  et  qu'il  ne  soit  pas  empêché  de  les  mettre  en  œuvre  : 
cette  liberté  nécessaire  au  devoir,  c'est  le  droit.  Le  devoir  est  donc  logi- 
quement antérieur  au  droit. 

II.  —  Entre  personnes  différentes  :  ici,  au  contraire,  c'est  le  droit 
qui  engendre  le  devoir.  «  Qu'est-ce  que  le  devoir  sinon  l'obligation  de 
respecter  le  droit  d'autrui  ?  (^)  «  Parce  que  telle  personne  m'a  prêté 
de  l'argent,  elle  a  droit  à  être  remboursée  et  j'ai  le  devoir  de  le  faire. 
Cette  corrélation  ne  vaut  que  pour  les  devoirs  de  justice  (Cf.  injra., 
§  B,  II). 

C)  Théorie  contraire  :  le  droit  est  l'origine  et  le  fondement  du 
devoir.  Elle  a  été  présentée  sous  deux  formes  : 

I.  —  Kant  (^)  :  il  distingue,  dans  l'individu,  Vhomme-noumène, 
c'est-à-dire  sa  propre  personnalité,  qui  a  droit  au  respect  non  seulement 
des  autres,  mais  encore  de  lui-même,  et  V homme-phénomène,  sujet  du 
devoir.  Ainsi  c'est  Vhomme-noumène,  qui  oblige  V homme- phénomène 
(61,   §  B). 

Critique  :  1°  Dédoubler  l'individu  pour  expliquer  les  devoirs  per- 
sonnels, c'est  un  artifice  verbal,  car  en  quel  sens  l'individu  pourrait-il 
exiger  son  propre  respect  ?  en  quel  sens  pourrait-on  parler  d'un  droit 
à  la  culture  qu'il  aurait  vis-à-vis  de  lui-même  ?  Dire  de  quelqu'un  qu'il 
n'a  pas  le  droit  de  laisser  son  intelligence  inculte,  revient  à  dire  qu'il 
a  le  devoir  de  cultiver  son  intelligence. 

2o  Qu'est-ce  qui  rend  la  personne  respectable  et  sacrée?  C'est  qu'elle 
a  un  idéal  moral  à  atteindre  et  par  conséquent  un  devoir  à  remplir. 
Le  droit  au  respect,  l'inviolabilité  dérive  donc  du  devoir. 

II.  —  Proudhon  {^)  :  «  Le  droit,  dit  Proudhon,  c'est  la  liberté  se  saluant 
de  personne  à  personne.  «  Chaque  personne  possède  la  liberté.  Tant  que 
cette  liberté  reste  isolée,  elle  se  développe  de  plein  droit,  à  son  gré,  mais 
dés  qu'elle  entre  en  contact  avec  une  autre,  les  droits  des  deux  libertés 


C)  J.  Simon,  Le  devoir,  III«  P.,  Ch.  i,  p.  253,  Paris,  1854'. 

( ')  Kant,  Doctrine  de  la  vertu,  I'  P.,  L.  I,  Introd.  §  3.  —  Critique  de  la  raison  pure 
n.  645  sqq. 

(')  Proudhon,  La  iuslice  dans  la  démocratie,  Part.  I,  L.  I,  Ch.  i,  §  I. 


(53)  RAPPORTS    DU    DROIT    ET    DU    DEVOIR  137 

se  heurtent,  et  c'est  alors  que  le  devoir  commence  :  chacun  des  deux 
droits  doit  respecter  l'autre.  Ils  sont  donc  amenés  à  composer,  à  régler 
par  une  convention  les  conditions  de  leur  exercice.  Cet  engagement 
réciproque  constitue  la  loi  et  s'impose  à  la  conscience  des  contractants. 
S'ils  ne  peuvent  s'accorder,  ils  choisissent  un  arbitre,  qui  fait  la  loi  à 
leur  place  et  la  leur  impose  ensuite  par  délégation  ;  de  la  sorte,  ils  n'obéi- 
ront qu'aux  lois  qu'ils  auront  établies,  soit  par  eux-mêmes,  soit  par 
leurs  représentants.  Le  contrat  mutuel  est  la  source  de  tout  devoir  et 
de  toute  société.  C'est  pourquoi  la  volonté  populaire  est  l'origine  de 
toute  obligation  et  le  pouvoir  n'est  que  l'exercice  d'une  délégation 
toujours  révocable. 

Critique  :  cette  théorie  supprime  : 

1^  Les  devoirs  de  l'homme  envers  lui-même  :  en  effet,  le  devoir 
provenant  de  la  rencontre  des  droits,  il  en  résulte  que  l'homme  isolé 
n'a  pas  de  devoirs.  C'est  la  suppression  de  la  morale  personnelle. 

2°  Le  droit  lui-même  :  si,  au  moment  du  conflit  entre  les  droits, 
on  prétend  leur  imposer  une  transaction,  parce  que  c'est  la  seule  solution 
raisonnable^  on  reconnaît  que  l'obéissance  à  la  raison  est  un  devoir 
supérieur  aux  droits,  puisqu'elle  en  conditionne  l'exercice  ;  mais,  alors, 
on  fait  reposer  le  droit  sur  le  devoir  et  c'est  la  négation  de  la  thèse.  — 
Si,  pour  échapper  à  cette  contradiction,  on  accorde  au  droit  le  pouvoir 
de  résister  à  la  raison,  chacun  des  ayants  droib  pourra  se  conduire  à  sa 
guise,  transiger  ou  s'opposer  à  l'usage  du  droit  contraire.  Alors,  ou 
bien  les  deux  droits,  comme  des  forces  égales  mais  adverses,  s'immobi- 
liseront mutuellement  :  c'est  la  négation  de  Vexercice  dû  droit  ;  ou  bien 
en  cas  d'inégalité,  le  plus  fort  l'emportera  :  c'est  la  négation  du  droit 
lui-même^  puisque  le  dernier  mot  est  à  la  jorce,  même  si  l'on  recourt 
à  un  arbitre,  car,  en  dehors  de  la  raison  et  du  devoir,  qui  peut  obliger 
les  intéressés  à  accepter  la  décision  arbitrale  ? 

3°  La  justice  :  d'après  cette  doctrine,  toute  loi  acceptée  par  la 
volonté  commune  des  contractants  est  bonne  par  le  fait  même  qu'elle 
est  consentie  ;  c'est  dire  qu'il  ne  peut  y  avoir  d'injustice  là  où  il  y  a 
consentement  à  l'injustice,  comme  si  le  juste  et  l'injuste  dépendaient 
de  la  volonté  capricieuse  de  l'homme. 

40  La  liberté  :  dans  le  cas  où  les  ayants  droit  remettent  leur  cause 
au  jugement  d'un  arbitre,  ils  abdiquent  leur  liberté,  car  ils  doivent  se 
soumettre  à  la  sentence  arbitrale  d'un  homme,  duquel  ils  tiendront 
•  leurs  droits  au  lieu  de  les  tenir  du  devoir  et  de  la  raison.  Dans  la  société, 
cet  arbitre,  unique  appréciateur  des  droits,  sera  l'État  impersonnel  qui 
les  absorbera  tous.  Les  citoyens,  au  lieu  d'avoir  des  droits  et  des  devoirs 
fondés  sur  leur  nature  raisonnable  et  par  conséquent  inviolables  comme 
cette  nature  même,  les  attendront  du  bon  plaisir  de  l'État.  Ce  prétendu 
système  de  liberté  aboutit  donc  au  plus  affreux  despotisme,  ou,  si  les 


^38  RAPPORTS    DU    DROIT    ET    DU    DEVOIR  (53) 

Citoyens  ne  veulent  pas  accepter  les  décisions  de  l'État-arbitre,  à  une 
anarchie  sans  frein. 

§  B.  -  CORRÉLATION  ENTRE  LE  DROIT  ET  LE  DEVOIR 

T  _  Dans  la  même  persoime  il  y  a  corrélation  étroite  entre  le 
droi't  et  le  devoir  :  vg.  j'ai  le  devoir  de  vivre,  de  développer  mon  intell,- 
aence  et  ma  volonté  ;  j'ai  conséquemment  le  droit  de  faire  ce  qui  est 
nécessaire  à  la  conservation  de  ma  vie  physique  et  au  développement 
de  ma  vie  intellectuelle  et  morale.  Le  droit  du  père  sur  ses  enfants  est 
la  conséquence  du  devoir  d'éducation  qui  lui  incombe  ;  il  a  le  devoir 
de  les  élever  •  il  a  par  conséquent  droit  d'employer  les  moyens  néces- 
saires :  les  réprimandes,  les  corrections,  etc.  De  même  aux  devoirs  du 
mari  des  gouvernants,  etc.  correspondent  autant  de  droits  :  vg.  le 
aouvernement  a  le  devoir  d'assurer  la  sécurité  publique  ;  il  a  conséquem- 
ment droit  aux  movens  indispensables  :  subsides,  forces  militaires,  etc. 

IL  —  Entre  personnes  différentes  :  ici  il  faut  faire  une  dis- 
tinction entre  les  devoirs  de  justice  et  ceux  de  charité  : 

\)  Justice  :  il  y  a  réciprocité  entre  les  droits  et  les  devoirs  fondes 
sur  la  justice.  Les  devoirs  de  justice  sont  ceux  auxquels  correspond  un 
droit  strict  chez  les  autres  ;  vg.  j'ai  l'obligation  de  payer  mes  dettes,  et 
mon  créancier  a  un  droit  rigoureux  à  être  soldé. 

B)  Charité  :  il  n'v  a  pas  réciprocité.  Les  devoirs  de  chante  sont  ceux 
auxquels  ne  correspond  aucun  droit  chez  autrui.  Si  mon  créancier 
tombe  dans  la  misère,  une  fois  que  je  suis  quitte  envers  lui  au  point 
de  vue  de  la  justice,  il  n'a  aucun  droit  à  être  secouru  par  moi.  La  chante 
m'oblige  cependant  à  le  secourir  dans  la  mesure  du  possible.  Dans  le 
cas  précédent,  il  pouvait  me  citer  devant  les  tribunaux  et  exiger  par 
la  force  le  paiement  de  sa  créance  ;  ici,  il  n'a  aucun  recours  en  justice 
contre  moi  :  n'ayant  pas  de  droit,  il  ne  peut  rien  exiger. 

§  C.  —  ÉTENDUE  DU  DROIT  ET  DU  DEVOIR 

Il  ressort  de  ce  qui  précède  que  :  _ 

10  Dans  la  même  personne  le  droit  et  le  devoir  ont  même  étendue. 
2»  \  prendre  les  choses  dans  leur  ensemble,  le  domaine  du  devoir 
est  plus  vaste  que  celui  du  droit.  Le  droit  ne  concerne  que  les  rapports 
des  hummes  entre  eux,  il  a  trait  à  la  vie  sociale.  Le  devoir  domine  toute 
la  vio  morale  ;  nous  avons  des  devoirs  envers  nous-mêmes  et  envers 
Dieu  ;  mais  nous  n'avons  pas  de  droits  vis-à-vis  de  Dieu  ;  et  les  droits 
corrélatifs  aux  devoirs  personnels  ne  se  conçoivent  que  par  rapport 
à  nos  semblables,  qui  ne  doivent  pas  entraver  le  libre  accomplissement 
de  ces  devoirs. 


4 


(54-55)  FORMES    PARTICULIÈRES    DU    DROIT  139 

Conclusion.  —  Comparaison  entre  le  droit  et  le  devoir  : 

A)  Différences  :  1°  Le  droit  est  un  pouvoir  ;  le  devoir,  une  nécessité. 
2°    Le  droit  est  la  condition  générale  de  Faccomplissement  du  devoir 

dans  la  société.  Le  devoir  règle  la  vie  morale  tout  entière. 

3°  Les  devoirs  auxquels  correspondent  des  droits  en  autrui,  les 
devoirs  de  justice^  sont  seuls  exigibles. 

B)  Ressemblances  :  tous  deux  appartiennent  à  la  catégorie  des 
choses  idéales,  rationnelles  ;  aussi  : 

1^    Tous  deux  sont  supérieurs  aux  jaits  qu'ils  dominent. 

2°  Tous  deux  sont  absolus,  universels,  immuables.  Au  fond,  ils  ne 
sont,  l'un  et  l'autre,  que  la  loi  morale  envisagée  sous  deux  aspects  diffé- 
rents :  le  devoir,  c'est  la  loi  en  tant  qu'elle  lie  la  liberté  ;  le  droit, 
c'est  la  loi  en  tant  qu'elle  protège  la  liberté. 


54.  —  ORIGINE  ET  CARACTÈRES  DE  L'IDÉE  DU  DROIT 

Jusqu'ici  l'on  a  considéré  le  droit  objectivement^  en  lui-même;  si  on 
le  considère  subjectivement,  c'est-à-dire  si  l'on  étudie  l'idée  du  droit, 
il  faut  déterminer  : 

1°  Son  origine  :  comme  toute  notion  première,  elle  nous  est  fournie 
par  le  concours  de  la  raison  et  de  l'expérience  ;  c'est  la  conscience  morale 
qui  la  dégage  de  l'analyse  des  jugements  et  des  sentiments  moraux  (9). 

20    Ses  caractères  :  comme  toute  notion  première  elle  est  : 

a)  Nécessaire.  —  b)  Universelle.  —  c)  Évidente  par  elle-même 
(Ps.  163). 


55.  —  FORMES  PARTICULIÈRES  DU  DROIT 

§  A.  -   DROIT  NATUREL 

C'est  le  droit  tel  qu'il  résulte  de  la  nature  de  l'homme,  de  Tordre 
essentiel  des  choses.  Étant  fondé  sur  la  nature  qui  est  immuable,  il  est 
le  même  pour  tous  les  pays  et  pour  tous  les  temps  ;  il  est  par  conséquent 
égal,  universel,  absolu.  Le  droit  de  tendre  à  sa  destinée  et  de  faire  tout 
ce  qui  est  nécessaire  pour  la  remplir,  voilà  le  droit  essentiel,  source  de 
tous  les  autres.  Toutes  les  conditions,  qui  sont  indispensables  pour  que 
la  personne  s'appartienne  et  puisse  réaliser  librement  l'idéal  moral, 
constituent  autant  de  droits  naturels  distincts.  Voici  les  principaux  : 

1°  Droit  de  conserver  sa  vie  :  d'où  droit  de  se  procurer  ce  qui  est 
nécessaire  à  cette  conservation  ;  droit  de  la  défendre. 

20    Droit  d'obéir  à  sa  conscience. 


140  FORMES    PARTICULIÈRES    DU    DROIT  (55) 

30  Droit  d'exercer  licitement  ses  facultés  :  de  là  viennent  le  droit 
d'aller  et  venir  à  son  gré  ;  le  droit  d'association  ;  le  droit  de  choisir  et 
d'exercer  toute  profession  honnête  ;  le  droit  de  fonder  une  famille  et 
pour  le  père  de  la  diriger  (éducation,  instruction)  ;  le  droit  de 
propriété,  etc.  Le  droit  naturel  de  l'individu  et  de  la  famille  est  par 
conséquent  antérieur  au  droit  social  et  au  droit  des  gens.  11  est  la  source 
de  tous  les  droits  et  la  mesure  de  leur  légitimité.  Comme  il  est  fondé 
sur  l'ordre  naturel  des  choses,  qui  repose  lui-même  sur  l'essence  divine, 
il  est  foncièrement  divin  ;  et,  comme  le  droit  positif  découle  du  droit 
naturel,  on  doit  dire,  en  regardant  la  source,  que  tout  droit  est  divin  (18). 

§  B.  —  DROIT  POSITIF 

C'est  le  droit  qui  est  défini  par  l'intervention  des  législateurs.  Il  varie 
avec  les  pays  ;  il  est  spécial  et  compliqué,  en  ce  sens  qu'il  s'efforce  de 
régler  les  cas  particuliers  ;  il  précise  les  points  que  le  droit  naturel  a 
laissés  dans  l'indétermination  ;  vg.  l'âge  de  la  majorité,  de  l'éligibilité. 
11  doit,  pour  être  légitime,  se  conformer  au  droit  naturel  ;  vg.  une  loi 
établissant  l'esclavage  serait  injuste.  On  le  divise  en  : 

I.  —  Droit  social  ou  public  :  l'individu  n'a  pas  seul  des  droits  ; 
la  société  en  a  aussi,  mais  elle  n'a  que  ceux  qui  lui  sont  nécessaires 
pour  se  conserver  elle-même  et  pour  garantir  aux  citoyens  la  jouissance 
de  leurs  droits  naturels  et  primordiaux.  La  société  ne  doit  limiter  les 
droits  des  particuliers  que  dans  la  mesure  où  le  requiert  le  bien  commun 
de  l'ensemble  (93,  §  II). 

On  subdivise  le  droit  social  en  droits  : 

1»  Civil  :  celui  qui  a  pour  but  de  sauvegarder  les  droits  naturels 
des  citoyens  en  les  mettant  sous  la  protection  des  lois  :  vg.  lois  garan- 
tissant les  ventes,  les  donations,  etc. 

2"  Politique  :  qui  consacre  les  droits  qu'un  citoyen  peut  exercer  pour 
participer  au  gouvernement  de  son  pays  :  vg.  vote.  Les  institutions 
politiques  doivent  servir  de  garantie  aux  droits  civils  ;  c'est  une  seconde 
circonvallation  autour  des  droits  naturels. 

II.  —  International  :  il  règle  les  rapports  des  nations  entre  elles. 
Les  nations  n'ont  des  droits  les  unes  vis-à-vis  des  autres  qu'autant 
qu'il  est  nécessaire  pour  maintenir  leur  existence  indépendante  et  pour 
protéger  l'ejisemble  des  individus  qui  les  composent.  Le  droit  naturel 
et  individuel  est  donc  le  fondement  du  droit  social  et  du  droit  des  gens. 

Remarque  :  on  parle  quelquefois  de  droit  nouveau  ;  c'est  un  non- 
sens.  Le  droit  n'est  ni  ancien  ni  nouveau  ;  il  est  éternel,  parce  qu'il  ,est 
fondé  sur  V ordre  essentiel  ;  le  droit  nouveau  serait  un  changement  dans 
Yessenrc  du  droit,  ce  qui  est  absurde.  Des  droits  nouveaux  sont  possibles, 
c'est-à-dire  dos  applications  nouvelles  du  droit  éternel  et  immuable. 


(56)    PRÉCEPTES    PRIMAIRES    ET    SECONDAIRES    DU    DROIT    NATUREL       141 

56.  —  PRÉCEPTES  PRIMAIRES  ET  SECONDAIRES 
DU  DROIT  NATUREL 

Nous  avons  distingué  dans  l'ordre  spéculatif  (Ps.  163)  deux  sortes 
de  vérités  : 

10  Les  vérités  premières.  —  Elles  sont  :  a)  absolument  nécessaires; 
b)  universelles;  c)  évidentes  par  elles-mêmes  :  vg.  ce  qui  est,  est;  tout 
a  sa  raison  d'être  ;  les  vérités  mathématiques. 

2»  Les  vérités  ou  lois  scientifiques.  —  Elles  sont  :  a)  relativement 
nécessaires;  b)  générales;  c)  non  immédiatement  évidentes;  vg.  les  lois 
physiques  (Ps.  164). 

Dans  l'ordre  moral  ou  pratique,  il  faut  établir  une  distinction  ana- 
logue. C'est  ainsi  que  les  moralistes  distinguent  dans  le  droit  naturel 
deux  sortes  de  préceptes  : 

I.  —  Préceptes  primaires.  Ils  sont  :  A)  d'une  nécessité  absolue, 
indépendants  de  toute  condition  et  de  toute  hypothèse. 

B)  Universels,  s'appliquant  à  tous  les  temps  et  à  tous  les  lieux; 
aucune  exception  n'est  possible. 

C)  Évidents  par  eux-mêmes.  Exemples  :  Ne  blasphème  pas.  Ne  nie 
pas  Dieu.  Ne  trompe  pas.  Les  actions  opposées  à  ces  préceptes  primaires 
sont  intrinsèquement  mauvaises  ;  elles  le  restent  quelque  hypothèse 
qu'on  imagine  :  dans  aucun  cas  Dieu  ne  peut  les  autoriser  et  il  n'aurait 
pu  créer  un  monde  où  elles  fussent  permises. 

II.  —  Préceptes  secondaires.  Ils  sont  :  A)  d'une  nécessité  relative. 
Ils  pourraient  être  autrement,  si  les  conditions  de  notre  existence  actuelle 
étaient  changées. 

B)  Généraux  :  Dieu  peut  en  dispenser  dans  certains  cas  ;  ils  compor- 
tent des  exceptions. 

C)  D'une  évidence  médiate  :  il  faut  en  prouver  l'existence.  Exemples  : 
lois  relatives  au  mariage,  à  l'homicide,  au  vol,  à  la  charité.  Si  notre 
nature  physique  était  diiïérente,  si  Dieu  avait  choisi  d'autres  moyens 
que  ceux  qui  président  à  la  conservation  de  l'espèce  humaine,  à  l'exis- 
tence individuelle  et  sociale  de  l'homme,  les  préceptes  secondaires 
énumérés  ci-dessus  pourraient  être  autres.  De  plus,  Dieu  peut  en  dis- 
penser dans  certains  cas,  parce  que  la  violation  de  ces  préceptes,  n'étant 
pas  absolument  contraire  à  l'ordre  essentiel  des  choses,  n'empêche  pas 
complètement  l'homme  d'atteindre  sa  fin.  C'est  ainsi  que  la  loi  naturelle 
prescrit  l'unité  et  l'indissolubilité  du  lien  conjugal.  Cependant  la  poly- 
gamie et  le  divorce  ne  sont  pas  absolument  opposés  au  droit  naturel  ; 
en  effet,  la  fin  du  mariage,  qui  est  la  perpétuité,  la  stabUité  et  l'har- 
monie des  familles,  bien  que  rendue  par  là  beaucoup  plus  difficile  à 
réaliser,  n'est  pas  cependant  entièrement  entravée.   Dieu  peut  donc, 


142  CONFLIT    DES    DROITS  (57) 

pour  des  raisons  supérieures,  tolérer  la  polygamie  et  le  divorce.  —  En 
outre,  ayant  droit  de  vie  et  de  mort,  étant  propriétaire  de  toute  la  créa- 
tion. Dieu  peut  ordonner  de  tuer  telle  personne  ou  de  prendre  le  bien 
d'autrui.  Nous  en  avons  des  exemples  dans  l'histoire  du  peuple  d'Israël. 
Dans  ce  cas,  en  vertu  de  son  domaine  souverain,  il  dispense  de  l'obser- 
vation des  préceptes  secondaires,  tandis  que,  dans  aucune  hypothèse, 
il  ne  peut  permettre  à  qui  que  ce  soit  de  transgresser  les  préceptes  pri- 
maires en  tolérant  vg.  le  blasphème. 

Les  préceptes  secondaires  sont  fondés  cependant  sur  l'essence  des 
choses,  telle  qu'elle  découle  de  l'ordre  établi  par  Dieu  :  ils  sont  donc 
naturels,  mais  comme  cet  ordre  aurait  pu  être  différent,  Dieu  peut  y 
déroger,  mais  lui  seul.  Aussi  pour  s'y  soustraire,  l'homme  a-t-il  besoin 
d'une  manifestation  particulière  du  vouloir  divin,  l'autorisant  à  ne  pas 
observer  tel  précepte  secondaire. 

On  le  voit,  le  parallélisme  est  parfait  entre  les  vérités  de  Tordre 
spéculatif  et  celles  de  l'ordre  pratique.  Dieu  ne  peut  faire  que  ce  qui 
commence  d'être  n'ait  pas  de  cause  ou  que  2+2=5;  mais  il  peut, 
par  une  intervention  immédiate,  suspendre  telle  ou  telle  loi  astro- 
nomique ou  chimique  ;  c'est  le  miracle  physique.  De  même,  il  ne  peut 
faire  que  le  mensonge  soit  légitime  ;  mais  il  peut  permettre  de  tuer 
quelqu'un  :  dans  ce  cas  ce  n'est  plus  un  meurtre.  Mais  il  faut  une  auto- 
risation expresse,  par  révélation  :  c'est  le  miracle  moral. 


57.  —  CONFLIT  DES  DROITS 

Par  cela  même  que  les  droits  sont  divers  (55),  il  se  présente  des  cas 
où  ils  paraissent  être  en  opposition.  Le  conflit  n'est  qu'apparent  :  le 
droit  ne  peut  contredire  le  droit  ;  l'honnête  ne  peut  être  opposé  à  l'hon- 
nête. Les  droits  ne  sont  pas  opposés,  mais  subordonnés. 

Voici  quelques  règles  pour  discerner  celui  qui  doit  prédominer  : 
L  —  Le  droit,  dont  l'objet  est  plus  important  et  plus  étroitement 
lié  à  la  fin  dernière,  prévaut  :  vg.  le  droit  à  la  vie  est  préférable  au  droit 
ih'  propriété. 

II.  —  Le  droit,  dont  l'extension  est  plus  grande,  l'emporte  :  vg.  lo 
droit  social  doit  passer  avant  le  droit  particulier  :  le  soldat  sacrifie  son 
droit  à  la  vie  au  bien  général. 

III.  —  Les  droits,  dont  les  titres  sont  plus  évidents,  doivent  primer 
les  autres  :  vg.  deux  hommes  sont  en  péril  égal  ;  je  ne  puis  porter  secours 
qu'à  l'un  d'eux  ;  mais  l'un  d'eux  est  mon  père,  c'est  lui  que  je  dois 
secourir. 


I 


(57)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE  :    MORALE  GÉNÉRALE  143 


COMPLÉMENT  BIBLIOGRAPHIQUE 


MORALE  GÉNÉRALE 

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144  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    MORALE    GÉNÉRALE  (57) 

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I 


(57)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE     :    MORALE    GÉNÉRALE  145 

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146  COMPLÉME>-T    BIBLIOGRAPHIQUE  :    MORALE  GÉNÉRALE  (57) 

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1 


(57)  COMPLÉMENT  BIBLIOGRAPHIQUE    :    MORALE    GÉNÉRALE  147 

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LIVRE    II 
MORALE  MATÉRIELLE    OU  PARTICULIÈRE 


La  Morale  générale  est  la  science  du  devoir.  La  morale  particulière 
est  la  science  des  devoirs,  car  elle  applique  aux  cas  particuliers,  matière 
de  la  loi  morale,  les  principes  établis  dans  la  morale  formelle. 


58.  —  DIVISION  DES  DEVOIRS  (i) 

§  A.  —  DIVISION  D'APRÈS  LEUR  FORME 

D'après  la  façon  dont  ils  sont  formulés,  on  divise  les  devoirs  en 
positifs  et  négatifs  [^). 

I.  —  Positifs  :  ceux  qui  commandent  d'agir.  Exemples  pris  dans 
la  Morale  :  1)  individuelle  :  Développe  tes  forces  physiques,  instruis-toi, 
sois  courageux  ;  —  2)  sociale  :  Paie  tes  dettes,  rends  service  aux  autres  ; 
—  3)  religieuse  :  Prie,  adore  Dieu. 

IL  —  Négatifs  :  ceux  qui  défendent  d'agir.  Exemples  tirés  de  la 
Morale  :  1)  individuelle  :  Ne  te  tue  pas  ;  ne  mens  pas  ;  ne  t'emporte 
pas  ;  —  2)  sociale  :  Ne  tue  pas  ;  ne  vole  pas  ;  ne  calomnie  pas  ;  ne  médis 
pas  ;  —  n)  religieuse  :  Ne  blasphème  pas. 

Comparaison  :  A)  les  devoirs  négatifs  énoncent  les  conditions  élé- 
mentaires de  la  moralité.  Ils  obligent  toujours  et  à  chaque  instant.  — 
Il  y  a  peu  de  mérite,  en  général,  à  les  remplir,  parce  qu'ils  consistent 
plutôt  à  s'abstenir  de  faire  le  mal  qu'à  faire  le  bien  ;  il  y  a  beaucoup  de 
démérite  à  les  transgresser,  parce  que  leur  transgression  est  une  violation 
de  la  dignité  personnelle  et  des  droits  d'autrui.  Kant  les  appelle  devoirs 
de  justice. 

Les  devoirs  positifs  énoncent  les  conditions  supérieures  de  la  moralité, 
un  idéal  de  perfection  morale.  —  Ils  obligent  toujours,  mais  pas  à  chaque 


(  M  p.  Janet,  La  morale,  L.  II,  Ch.  v,  p.  292  sqq. 

(  M  II  ne  faut  pas  trop  presser  cette  distinction,  car  certains  devoirs  s'expriment  indifTô- 
reniment  sous  forme  négative  ou  sous  forme  positive  :  vg.  la  justice,  qui  dit  de  ne  faire 
tort  à  personne  {neminem  Isede),  prescrit  par  là  même  de  rendre  à  chacun  son  dû  [suiim 
cuique) . 


I 


(68)  DIVISION    DES    DEVOIRS  149 

instant.  —  Ils  sont  plus  relevés  que  les  devoirs  négatifs  et  ils  sont  plus 
méritoires^  parce  qu'ils  exigent  un  effort  plus  ou  moins  considérable  et 
se  rapportent  au  perfectionnement  moral  et  à  la  charité.  Kant  les 
appelle  devoirs  de  vertu. 

B)  Certains  moralistes  appellent  les  devoirs  négatifs  :  stricts  ou 
parfaits,  et  les  devoirs  positifs  :  larges  ou  imparfaits.  Si  l'on  entend 
par  là  que  les  premiers  sont  seuls  obligatoires  et  que  les  seconds  sont 
facultatifs,  c'est  inadmissible,  parce  que,  où  il  n'y  a  pas  obligation 
rigoureuse,  il  n'y  a  pas  devoir,  mais  simple  convenance  morale.  Si  l'on 
entend  par  là  que  les  devoirs  négatifs  sont  déterminés  et  les  positifs 
indéterminés,  on  est  dans  le  vrai.  En  effet,  les  devoirs  négatifs,  consistant 
à  s'abstenir,  sont  très  précis  :  vg.  ne  tue  pas.  Les  devoirs  positifs  au 
contraire  revêtent  des  formes  sans  nombre  d'après  les  circonstances  de 
temps,  de  lieux  et  de  personnes.  L'obligation  qu'ils  imposent  est  théo- 
riquement indéterminée  ;  chacun  doit  la  déterminer  pratiquement  : 
vg.  fais  l'aumône  ;  mais  à  qui,  quand,  dans  quelle  mesure  ? 

Remarque  :  les  devoirs  ne  sont  pas  tous  égaux.,  pas  plus  que  les 
fautes,  comme  l'ont  soutenu  les  Stoïciens  (41).  Toutes  les  obligations 
sont  absolues,  doivent  être  exécutées  ;  mais  elles  n'ont  pas  toutes  la 
même  gravité.  Cette  gravité  dépend  de  l'importance  de  la  matière. 
Une  obligation  est  plus  ou  moins  grave  selon  que  l'objet,  qu'il  est  interdit 
de  rechercher  ou  qu'il  est  commandé  de  poursuivre,  a  un  rapport  plus 
ou  moins  direct  avec  la  fin  dernière  de  l'homme,  l'éloigné  ou  le  rapproche 
davantage  de  la  perfection. 


§  B.  —  DIVISION  D'APRÈS  LEUR  MATIÈRE 

D'après  les  objets  auxquels  ils  se  rapportent,  les  divisions  sont 
multiples.  On  peut  considérer  : 

L  —  Les  objets  des  devoirs  en  eux-mêmes  :  on  a  alors  les  devoirs  : 
10  envers  soi-même,  qui  constituent  la  Morale  personnelle  ;  —  2»  envers 
les  autres,  qui  constituent  la  Morale  sociale  ;  —  3°  envers  Dieu,  qui 
constituent  la  Morale  religieuse. 

II.  —  L'étendue  de  leurs  objets  :  on  a  alors  les  devoirs  envers  : 
10    soi-même  ;  —    2o  la  famille  ;  —  oo  la  patrie  ;  —  4°  l'humanité. 

III.  —  L'excellence  de  leurs  objets  :  on  a  dans  ce  cas  les  devoirs 
relatifs  aux  biens  :  lo  extérieurs  (richesses,  honneur,  réputation)  ;  — 
20  du  corps  (santé,  force,  vie)  ;  —  3o  de  l'âme  (vérité,  justice,  dignité 
personnelle,   etc.) 


150  DEVOIRS    E>VERS    LES    ANIMAUX  ?  (59-60) 


59.  —  DEVOIRS  ENVERS  LES  ANIMAUX  ? 

Certains  philosophes,  comme  Damiron  (^),  Paul  Janet  (2),  ajoutent 
aux  devoirs  précédents  les  devoirs  envers  les  animaux  et  envers  les 
choses.  Cette  addition  : 

I.  ■ — Est  sans  fondement  :  les  animaux  ne  sont  pas  des  personnes, 
mais  des  choses  (Fs.  200).  qui  doivent  servir  au  bien  de  l'homme.  N'ayant 
ni  raison,  ni  liberté,  ils  n'ont  aucun  droit  ;  et  par  conséquent  ils  ne 
peuvent  être  l'objet  d'aucun  devoir,  car  le  droit  suppose  un  devoir 
corrélatif  (53,   §  B). 

II.  —  Est  funeste  dans  ses  conséquences  :  s'il   est  vrai  que  les 
animaux  ont  des  droits,  ils  ne  peuvent  être  traités  comme  des  moyens; 
ils  doivent  être  assimilés  aux  personnes.  Il  devient  par  là  même  illicite 
de  se  nourrir  de  leur  chair,  de  se  vêtir  de  leurs  dépouilles. 

III.  —  Est  inutile  :  nous  ne  devons  pas  abuser  de  la  nature  ina- 
nimée et  encore  moins  des  animaux  ;  mais  le  principe  de  cette  obli- 
gation n'est  pas  dans  les  choses  ni  dans  les  animaux  ;  il  est  dans  le 
bien,  dans  la  loi  naturelle,  qui  exige  que  nous  agissions  en  tout  comme 
des  êtres  raisonnables.  Les  animaux  sont  faits  pour  l'utilité  et  l'agrément 
de  l'homme  ;  c'est  ce  qui  ressort  de  leur  nature,  inférieure  à  la  nôtre 
et  par  conséquent  subordonnée.  Nous  pouvons  donc  nous  en  servir, 
pourvu  que  l'usage  soit  conforme  à  la  raison,  c'est-à-dire  nous  soit 
profitable  ou  agréable,  dans  la  mesure  où  la  recherche  de  l'utilité  et  de 
l'agrément  est  permise  (30,  31).  Ainsi  nous  n'avons  pas,  à  proprement 
parler,  de  devoirs  envers  les  animaux,  nous  en  avons  envers  nous- 
mêmes  à  l'égard  des  animaux  :  nous  nous  devons  à  nous-mêmes  de  ne 
pas  en  mésuser  (^).  C'est  ainsi  que  Dieu  n'a  pas  de  devoirs  envers  ses 
créatures,  mais  il  se  doit  à  lui-même,  à  ses  perfections,  de  leur  accorder 
tel  ou  tel  bienfait. 


60.  —  CONFLIT  DES  DEVOIRS 

Les  devoirs  étant  divers,  il  y  a  des  cas  où  ils  semblent  se  contredire. 
Mais,  comme  pour  les  droits,  cette  collision  n'est  qu'apparente.  Elle 
tient  à  notre  ignorance  et  non  à  la  nature  des  choses,  lians  un  cas  donné. 


(')  Pu.  Damiron,  Cours  de  Philosophie  :  Partie  I,  Psychologie,  T.  II,  L.  Il,  Sect.  I, 
("h.  II.  p.  217-218,  Paris,  1837.  —  Partie  II,  Morale,  Ch.  ii,  Sect.  II,  p.  112-124,  Paîi.s,  1842». 

(  ')  J.\.VET,   Traité  élémentaire  de  philosophie,  n.  489. 

( ')  J.vNET  le  recnnnalt  lui-même  quand  il  dit  :  «  Tout  en  adijiettant  la  réalité  de  ces 
devoirs...,  accordon.s,  si  l'on  veut,  que  cette  partie  de  la  morale  rentre  soit  dans  la  morale 
personnelle,  etc.  »  (La  morale,  L.  II,  Ch.  v,  p.  297). 


I 


(60)  CONFLIT  DES  DEVOIRS  151 

il  n'y  a  pas  deux  devoirs  opposés,  également  obligatoires  et  pourtant 
exclusifs  l'un  de  l'autre  ;  il  n'y  a  qu'une  seule  chose  à  faire  et  partant 
qu'une  seule  obligation.  Une  intelligence  parfaite  verrait  immédia- 
tement où  est  le  devoir.  La  casuistique  a  précisément  pour  but  de  démêler 
ces  cas  de  conscience  embrouillés.  Après  avoir  distingué  :  l^'  l'ordre  des 
biens,  c'est-à-dire  l'échelle  des  devoirs  rangés  d'après  Vexcellence  crois- 
sante de  leur  objet  ;  —  2»  l'ordre  des  devoirs,  c'est-à-dire  l'échelle  des 
devoirs  rangés  d'après  Vétendue  croissante  de  leur  objet  (58,  §  B),  Paul 
Janet  (^)  a  proposé  trois  principes  directeurs,  selon  que  le  conflit  entre 
deux  devoirs  a  lieu  par  rapport  : 

I.  —  A  l'excellence,  l'étendue  étant  identique  par  hypothèse  :  le  devoir 
le  plus  excellent  l'emporte  ;  vg.  je  dois  préférer  la  vie  à  la  richesse,  la 
justice  à  la  vie. 

II.  —  A  l'étendue,  Vexcellence  étant  identique  :  le  plus  étendu  l'em- 
porte ;  vg.  je  dois  préférer  mes  amis  à  moi-même,  ma  famille  à  mes  amis, 
ma  patrie  à  ma  famille,  l'humanité  à  ma  patrie. 

III.  —  A  l'excellence  et  à  l'étendue  :  le  point  de  vue  de  l'excellence 
prime  celui  de  l'étendue,  l'ordre  des  biens  l'emporte  sur  celui  des  devoirs  ; 
vg.  il  faudra  subordonner  l'intérêt  de  ma  famille  ou  de  ma  patrie  à  mon 
honneur  ou  à  ma  dignité  morale  :  les  premiers  devoirs  sont  plus  étendus  ; 
les  seconds  sont  plus  excellents.  C'est  ainsi  que  je  ne  dois  pas  me  désho- 
norer, ni  mentir  pour  enrichir  les  miens. 


BIBLIOGRAPHIE 

A.  Castelein,  Droit  naturel. 

E.  Goblot,  Justice  et  charité. 
P.  Lapie,  La  justice  par  V État. 
G.  Palante,  Précis  de  sociologie. 

Th.  Ziegler,  La  question  sociale  est  une  question  morale  (trad. 
Palante). 

C.  BouGLÉ,  Les  idées  égalitaires. 

Ch.  Chabot,  Nature  et  moralité. 

A.  CosTE,  Les  principes  d'aune  sociologie  objective.  —  L'année  socio- 
logique, sous  la  direction  de  Durkheim. 

M.  Blond  EL,  L'action. 

P.  Chabin,  Les  vrais  principes  du  droit  naturel. 

F.  Cavagnis,  Notions  de  droit  public  naturel  et  ecclésiastique. 


(M  P.  Janet,  La  morale,  L.  II,  Ch.  vi,  p.  307  sqfi- 


152  BIBLIOGRAPHIE   :  MORALE  PARTICULIERE  (60) 

Th.  Meyer,  Institutiones  juris  naturalis. 
Pascal  (de).  Philosophie  morale  et  sociale. 
T.  RoTHE,  Traité  de  droit  naturel  théorique  et  appliqué. 
Taparelli  d'Azeglio,  Essai  théorique  de  droit  naturel. 
Fr.  Bouillier,  Questions  de  morale  pratique. 
Greef  (G.  de),  Le  transformisme  social. 
RoBERTY   (E.   de),  Nouveau  programme  de  sociologie. 
G.  Tarde,  Les  transformations  du  droit.  La  Logique  sociale.  Les  lois 
sociales. 

J.  Izoulet,  La  Cité  moderne  et  la  métaphysique  de  la  sociologie. 

A.  Lehmkuhl,  Die  social  Frage  und  die  staatliche  Gewàlt. 
G.  FoNSEGRivE,  La  crise  sociale. 

B.  KiDD,  Dévolution  sociale  (Trad.  Lemonnier). 
L.  DuGuiT,  UÉtat. 

S.  Jankelevitch,  Nature  et  Société. 

N.-M.  KoRKouNov,  Cours  de  Théorie  générale  du  droit  (Trad. 
Tchernoff), 

G.  Prisco,  Principii  di  jilosofia  del  Diritto.  \ 

E.  Picard,  Le  droit  pur. 

M.  Ferraz,  Nos  devoirs  et  nos  droits. 

Alb.  Valensin,  Traité  de  Droit  naturel  :  T.  I.  Les  Principes.  T.  II. 
Applications  générales  du  Droit. 


I 


CHAPITRE   PREMIER 
MORALE   PERSONNELLE   (  ) 

61.  —  EXISTENCE  ET  FONDEMENT  DES  DEVOIRS  PERSONNELS 

Que  l'homme  ait  des  devoirs  envers  ses  semblables  et  envers  Dieu, 
c'est  ce  que  l'on  accorde  aisément  ;  mais  qu'il  en  ait  envers  lui-même, 
on  l'a  parfois  nié.  C'est  donc  une  question  préalable  à  résoudre.  On  a 
objecté  le  mot  de  Sénèque  :  Nemo  sihi  débet.  On  peut  l'entendre  en  disant 
que  personne  n'a  d'obligations  à  remplir  envers  soi-même  ou  que  per- 
sonne n'est  le  principe  des  obligations  envers  soi-même.  Le  premier  sens 
est  faux,  le  second  est  vrai. 

§  A.  —  EXISTENCE  DES  DEVOIRS  PERSONNELS 

L'homme  a  des  devoirs  envers  soi-même.  En  effet  : 

I.  —  Admettre  des  devoirs  envers  les  autres,  c'est  admettre  du 
même  coup  qu'on  a  des  devoirs  envers  soi.  Ces  deux  sortes  de  devoirs 
sont  logiquement  inséparables.  Il  nous  est  impossible  d'être  justes  et 
charitables  à  l'égard  des  autres,  si  nous  sommes  avares,  emportés, 
paresseux,  violents,  intempérants,  etc.  ;  car  si  nous  ne  savons  pas  maî- 
triser les  tendances  inférieures  de  notre  nature,  nous  serons  amenés, 
pour  les  satisfaire,  à  mépriser  les  droits  de  nos  semblables. 

II.  —  L'homme  vit  en  société  ;  pour  que  celle-ci  soit  aussi  prospère 
que  possible,  chaque  citoyen  doit  faire  effort  pour  se  perfectionner. 
Celui  qui  ne  travaille  pas  à  son  perfectionnement  manque  donc  à  ses 
devoirs  envers  la  société.  Sans  doute  il  cherche  à  s'excuser  en  disant 
qu'il  ne  fait  de  tort  qu'à  lui-même.  C'est  une  illusion  :  la  solidarité  qui 
unit  les  membres  du  corps  social  est  si  étroite  que  le  bien  et  le  mal 
faits  par  les  uns  rejaillissent  sur  les  autres. 

III.  —  D'ailleurs,  quand  même  l'homme  vivrait  isolé,  il  n'en  aurait 


(  ')  Cf.  C.  Martha,  Les  moralistes  sous  l'empire  romain.  —  Fr.  Bouillier,  Questions  de 
morale  pratique.  —  John  Stuart  Blackie,  L'éducation  de  soi-même.  —  Épictète,  Entre- 
tiens. Manuel.  —  Marc-Aurèle,  Pensées.  —  L'imitation  de  Jésus-Christ.  —  Ed.-R.  Clay, 
L'alternative,  L.  IV.  —  Nicole,  Essais  de  morale.  —  M.  B.  Institutes  du  droit  naturel,  L.  VI. 


154  EXISTENCE     ET    FONDEMENT    DES    DEVOIRS    PERSONNELS  (61) 

pas  moins  des  devoirs  à  remplir  envers  lui-même,  car  il  est  obligé  de 
respecter  sa  dignité  et  de  perfectionner  sa  nature. 

Les   devoirs   personnels   existent   donc.   Comment  les   divise-t-on  ? 
—  En  devoirs  relatifs  au  corps  et  en  devoirs  relatifs  à  l'âme. 


§  B.  —  FONDEMENT  DES  DEVOIRS  PERSONNELS 

On  a  diversement  répondu  à  cette  seconde  question  : 

A)  Kant  considère  le  principe  de  la  dignité  personnelle  ;  «  Agis 
do  telle  sorte  que  tu  traites  toujours  l'humanité,  en  toi  et  dans  les  autres, 
non  comme  un  moyen,  mais  comme  une  fin,  »  comme  runique  fondement 
de  la  morale  individuelle  et  même  de  toute  la  morale. 

D'autres  lui  assignent  un  double  fondement  : 

1°  La  dignité  de  la  personne  humaine,  que  nous  devons  respecter 
on  nous-mêmes  et  dans  les  autres.  De  là  se  déduisent  les  devoirs  négatifs 
envers  soi-même,  qui  correspondent  aux  devoirs  de  justice  envers  les 
autres  :  vg.  ne  te  tue  pas  ;  ne  tue  pas. 

2°  La  perfectibilité  de  la  nature  humaine,  que  nous  devons  développer 
en  nous-mêmes  et  pour  le  bien  social  :  de  la  les  devoirs  positifs  envers 
soi-même,  qui  correspondent  aux  devoirs  de  charité  envers  autrui  : 
vg.  soigne  ta  santé  ;  sois  charitable. 

Avec  Kant  on  peut  ramener  le  second  principe  au  premier,  en  sou- 
tenant que  la  perfectibilité  de  la  nature  humaine  n'est  qu'un  aspect  de 
sa  dignité.  Par  cela  môme  que  l'homme  possède  la  raison,  il  s'élève 
au-dessus  des  autres  êtres  de  la  création.  La  personne  humaine  possède 
une  dignité  supérieure  à  tout,  puisqu'il  est  impossible  de  trouver  un 
bien  qui  lui  soit  préférable  et  auquel  il  faille  la  subordonner.  Qui  accep- 
terait toutes  les  richesses  et  tous  les  plaisirs  imaginables  à  la  condition 
de  perdre  la  raison  ?  L'homme  ne  peut  donc  rien  mettre  au-dessus  de 
sa  'personnalité  ;  mais  il  doit  lui  sacrifier  tout  le  reste.  S'il  veut  rester 
dans  l'ordre,  il  lui  est  interdit  de  la  considérer  comme  un  simple  moyen  ; 
il  faut  qu'il  la  prenne  sans  cesse  pour  but  et  la  traite  toujours  comme 
une  fin.  La  maxime  de  Kant  :  «  Agis,  etc.  »  revient  à  dire  à  l'homme  : 
«  Etre  raisonnable,  sois  toujours  raisonnable.  »  Celui  qui  met  le  bien 
sensible  au-dessus  du  bien  rationnel  et  sacrifie  sa  personnalité  à  quelque 
satisfaction  matériello,  abdique  sa  dignité  d'homme,  déchoit  au  rang 
des  êtres  inférieurs  et  se  fait  simple  chose.  Le  bien  n'est  donc  pas  distinct 
de  nous  ;  c'est  ce  qui  est  conforme  à  notre  nature  raisonnable,  c'est  le 
développement  de  la  personnalité  ;  ou  plutôt  c'est  la  personnaUté  même. 
Ne  rien  faire  qui  compromette  en  nous  la  dignité  de  la  personne,  nous 
efforcer  d'autre  ])art  de  l'accroître  en  devenant  chaque  jour  plus  raison- 
nables ;  voilà  le  principe  de  tous  nos  devoirs  personnels. 


(61)  EXISTENCE    ET    FONDEMENT    DES    DEVOIRS    PERSONNELS  155 

On  objecte  à  cette  théorie  que  personne  ne  peut  s'obliger  soi-même. 
Kant  répond  par  une  distinction  (Ps.  207,  §  B,  III).  Ildédouble  la  person- 
nalité :  il  y  a  d'un  côté  la  personne  de  l'homme-phénomène,  la  personne 
empirique,  imparfaite,  soumise  aux  entraînements  de  la  sensibilité  et  à 
la  tyrannie  des  passions  qui  troublent  la  raison  ;  d'autre  part,  il  y  a  la 
personne  de  l'homme-noumène,  la  personne  intelligible,  parfaite,  afîran- 
chie  de  tout  esclavage  et  guidée  par  une  raison  toujours  droite.  C'est  la 
personne  empirique  qui  est  liée  envers  la  personne  parfaite  :  chacun  de 
nous,  personne  imparfaite,  doit  tendre  à  la  personnalité  idéale  en  devenant 
de  plus  en  plus  libre  et  raisonnable. 

B)  D'autres  philosophes  soutiennent  avec  raison  que  le  principe 
de  la  dignité  humaine  n'est  que  le  fondement  prochain  des  devoirs  de 
l'homme  envers  lui-même.  Le  fondement  dernier  et  véritable  ce  sont  les 
droits  souverains  de  Dieu  sur  l'homme.  L'homme  est  obligé  de  respecter 
et  de  développer  sa  nature,  sa  personnalité,  parce  que  Dieu  en  commande 
le  respect  et  en  veut  le  perfectionnement  (46,  B)  ;  et  Dieu  impose  à 
l'homme  cette  obligation,  parce  qu'elle  est  conforme  à  l'ordre  essentiel  des 
choses  (^).  De  la  sorte  tout  s'éclaire  :  l'homme  ne  s'oblige  pas  lui-même, 
mais  c'est  Dieu  qui  l'oblige.  Nous  ne  sommes  plus  en  présence  d'une 
abstraction,  comme  dans  la  théorie  précédente,  où  c'est  la  personne  idéale 
qui  oblige  la  personne  empirique;  nous  sommes  en  face  d'un  supérieur 
vivant,  de  l'Etre  infiniment  parfait.  Si  l'on  prend  pour  base  unique 
de  la  morale  personnelle  la  dignité  humaine,  en  excluant  l'intervention 
de  Dieu,  on  ne  saurait  établir  aucun  devoir,  mais  de  simples  règles  de 
convenance.  La  loi  de  l'honneur  et  de  la  dignité,  abstraction  faite  de 
l'autorité  divine,  revient  à  dire  :  Si  l'homme  veut  pratiquer  le  bien, 
il  doit  agir  comme  il  convient  à  sa  nature  raisonnable.  Mais  ce  n'est  là 
(ju'un  impératif  hypothétique.  11  ne  peut  y  avoir  d'impératif  catégorique 
qu'en  face  d'une  autorité  supérieure  qui,  de  par  son  droit  souverain 
et  indiscutable,  impose  sa  volonté.  On  ne  saurait  être  obligé  par  ses 
l'gaux,  ni  par  soi-même,  parce  qu'on  n'est  pas  supérieur  à  soi-même  ; 
on  ne  saurait  l'être  davantage  par  un  idéal  abstrait,  parce  que  l'homme 
est  une  réalité  vivante.  Dieu  seul  a  donc  l'autorité  suffisante  pour  imposer 
une  obligation  absolue.  En  dehors  de  Lui,  la  morale  indépendante  en  est 
réduite  à  des  règles  de  convenance  et  aboutit  à  des  maximes  immorales 
comme  celle-ci  :  «  Une  belle  pensée,  dit  Renan,  vaut  une  belle  action...; 
une  vie  de  science  vaut  une  vie  de  vertu  (-).  » 


(M   E.  Beaussire,  Les  principesi  de  la  morale,  L.  IV,  Cli.  ii. 
(-)  Renan,  L'avenir  de  la  science,  §   I,  p.  11,  Paris,   1890'. 


156  DEVOIRS    RELATIFS    AU    CORPS  (62) 

62.  —  DEVOIRS  RELATIFS  AU  CORPS 

A  cause  de  l'union  de  l'àme  et  du  corps,  la  vie  et  la  santé  sont  pour 
l'àme  des  conditions  nécessaires  à  l'accomplissement  de  ses  fins.  De 
cette  nécessité  résultent  les  devoirs  relatifs  au  corps. 

§  A.  —  DEVOIRS  POSITIFS 

L'homme  doit  conserver  et  entretenir  sa  santé. 

La  santé  du  corps  est  une  des  conditions  de  la  santé  de  l'âme  :  Mens 
sana  in  cor  pore  sano.  Mais  ce  soin  ne  doit  pas  dégénérer  en  mollesse  et 
en  délicatesse,  car  il  ne  faut  s'occuper  de  son  corps  que  pour  en  faire 
un  meilleur  instrument  au  service  de  l'âme.  A  ce  point  de  vue  élevé, 
Vhygiène,  la  propreté,  \ exercice  rentrent  dans  la  morale.  —  Pour  conserver 
la  santé,  il  faut  éviter  tout  excès  :  gourmandise,  abus  des  boissons, 
luxure,  qui  ruinent  les  forces  physiques  et  amènent  des  maladies. 

§  B.  —  DEVOIRS  NÉGATIFS 

On  peut  tout  résumer  en  disant  :  ne  pas  attenter  à  sa  vie  ;  ne  pas 
se  mutiler. 

Le  suicide  est  une  atteinte  directe  et  volontaire  à  sa  propre  vie. 
Les  Épicuriens  y  voyaient  un  remède  extrême  contre  la  douleur.  Les 
Stoïciens  l'exaltaient' comme  un  acte  de  courage  :  le  sage  peut  sortir 
tranquillement  de  la  vie  «  comme  on  sort  d'une  chambre  remplie  de 
fumée  ».  Le  suicide  est  réprouvé  par  une  saine  morale.  Il  serait  contra- 
dictoire d'admettre  que  l'homme  a  des  devoirs  à  remplir  et  de  lui  per- 
mettre le  suicide.  En  effet  la  vie  est  la  condition  nécessaire  de  l'accom- 
plissement des  devoirs.  Si  l'homme  a  le  droit  de  s'ôter  la  vie,  il  peut  par 
là  même  s'exempter  lui-même  de  tout  devoir.  Ne  pas  détruire  son  exis- 
tence est  donc  le  premier  devoir,  puisque  c'est  la  condition  de  tous  les 
autres  (^). 

A)  Le  suicide  est  un  crime  :  I.  —  Contre  Dieu  :  c'est  une  violation 
de  ses  droits.  C'est  lui  qui  donne  là  vie,  à  lui  de  la  reprendre.  La  vie  a 
été  accordée  à  l'homme  comme  un  temps  d'épreuve  et  de  combat  pour 
atteindre  sa  fin.  L'abréger  de  sa  propre  autorité,  c'est  s'ériger  en  arbitre 
de  ses  mérites  et  de  sa  destinée,  c'est  clore  une  lutte  dont  Dieu  seul  doit 


(')  É.M.  DuRKiiEiM,  Le  suicide,  élude  de  sociologie.  — Proal,  Le  suicide  el  le  crime  pas- 
sionnels. —  L.  RouHE,  Doctrines  et  problèmes, Ch.  xi.  La  question  du  suicide.  —  Sénèque, 
De  Providenlia,  VI.  Epist.,  58,  70,  77.  —  Tissot,  Iif  ta  mayiie  du  suicide  et  de  l'esprit  de 
révolte. 


I 


(62)  DEVOIRS    RELATIFS    AU    CORPS  157 

marquer  le  terme  ;  c'est  abandonner  le  poste  confié.  Le  suicide  est 
donc  une  désertion  morale,  car  «  l'homme  fuit  ainsi,  sans  la  permission 
divine,  le  poste  qui  nous  a  été  assigné  dans  ce  monde  »   (^). 

II,  • —  Contre  la  société  :  c'est  la  priver  du  concours  qu'elle  a  droit 
d'attendre  de  chacun  de  ses  membres,  en  retour  des  services  qu'elle 
leur  rend.  C'est  ensuite  donner  un  pernicieux  exemple. 

III.  —  Contre  soi-même  ;  c'est  la  violation  du  respect  qu'on  se  doit, 
car  attenter  à  ses  jours  c'est  disposer  de  soi  comme  d'un  moyen  pour 
une  fin  arbitraire'. 

B)  Essais  de  justification  :  on  a  fait  valoir  en  faveur  du  suicide  les 
raisons  suivantes  : 

I.  —  Cest  un  acte  de  courage.  —  Réponse  :  il  faut  une  certaine  exal- 
tation, une  certaine  énergie  pour  se  suicider  ;  mais,  au  fond,  c'est  une 
lâcheté,  sous  une  apparence  de  courage,  car  on  s'arrache  la  vie  parce 
qu'on  n'a  pas  la  force  de  supporter  l'épreuve  : 

Rehus  in  adversis  facile  est  contemnere  vitam  ; 
Fortius  ille  facit  gui  miser  esse  potest  (Martial). 

II.  —  Quand  on  est  déshonoré^  le  suicide  est  un^Iroit  et  même  u?i  devoir. 
■ —  Réponse  :  ou  ce  déshonneur  est  immérité,  et  alors  il  est  immoral  de 
sacrifier  sa  vie  à  un  préjugé  injuste  ;  ou  il  est  mérité,  et  alors  le  devoir 
commande,  au  lieu  de  fuir  l'expiation,  de  l'afïronter  courageusement 
pour  réparer  la  faute  commise. 

III.  —  La  vie  du  malheureux  qui  se  tue  ne  peut  qu'être  nuisible  à  ses 
semblables;  sa  mort  est  un  bon  débarras  pour  la  société.  —  Réponse  : 
il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  ait  le  droit  d'attenter  à  ses  jours,  mais  qu'il  a 
l'obligation  de  se  corriger  et  de  compenser  par  l'exemple  d'une  vie 
honnête  et  utile  le  mal  fait  à  la  société. 

IV.  —  Celui  qui  se  suicide  ne  fait  tort  qu''à  lui-même;  or  on  n^est  obligé 
à  rien  envers  soi.  —  Réponse  :  1^  cette  excuse  n'est  pas  recevable,  car 
nous  avons  vu  qu'on  fait  tort  à  la  société  en  ne  remplissant  pas  ses 
devoirs  personnels  ;  —  2°  l'homme  a  des  devoirs  envers  soi-même  (61,  A). 

Remarques  :  1°  Sacrifice  volontaire  de  sa  vie  :  il  ne  faut  pas  le 
confondre  avec  le  suicide,  car  il  peut  être  obligatoire  ou  être  inspiré 
])ar  un  motif  héroïque  de  charité.  Par  position  on  peut  être  tenu  à  ce 
sacrifice,  comme  le  soldat,  le  médecin,  le  prêtre,  dans  certaines  cir- 
constances. Tous  doivent  préférer  la  perte  de  la  vie  à  la  perte  de  la  vertu. 
Ce  serait,  dit  Juvénal,  un  crime  de  sacrifier  à  l'amour  de  cette  vie  péris- 
sable les  seules  raisons  de  vivre 

-  Summum  crede  nef  as  animam  prœferre  pudori 
Et  propter  vitam  vivendi  perdere  causas  (^). 


( ')   Kant,  Principes  métaphysiques  de  la  morale,  p.  '214  de  la  traduction  TissoT. 
(  °-)  Juvénal,  Satires,  Vlll,  83-84. 


9 


158  DEVOIRS    RELATIFS    A    l'aME  (63) 

2°  La  pénitence  et  les  macérations  ascétiques  :  elles  sont  blâmées 
par  certains  philosophes.  C'est  à  tort,  car  la  mortification  de  la  sensi- 
bilité est  nécessaire  pour  pratiquer  la  vertu.  C'est,  en  effet,  le  moyen 
d'assurer  Tempire  de  la  raison  et  de  la  volonté  sur  les  facultés  inférieures 
toujours  prêtes  à  se  mutiner.  La  pénitence  ne  se  borne  pas,  comme  la 
tempérance,  à  retrancher  au  corps  le  superflu  ;  elle  le  prive  de  certaines 
satisfactions  permises.  Ces  privations  afîaiblissent  les  exigences  désor- 
données des  sens  et  fortifient  la  puissance  des  facultés  supérieures. 
Comme  elles  ont  pour  but  d'expier  les  fautes  passées  et  de  mater  les 
révoltes  de  la  chair  contre  l'esprit,  il  en  résulte  que  cette  loi  de  la  péni- 
tence, qui  s'impose  à  tous,  doit  être  appliquée  dans  une  mesure  qui 
varie  avec  les  besoins  particuliers  et  aussi  avec  les  forces  physiques  et 
morales  de  chaque  personne.  L'usage  en  sera  réglé  de  manière  à  ne  pas 
compromettre  la  santé.  A  première  vue,  les  macérations  des  saints 
paraissent  excessives.  Il  faut  se  rappeler  que,  les  saints  étant  conduits 
par  des  voies  extraordinaires,  elles  sont  inspirées  par  Dieu.  C'est  admi- 
rable, mais  ce  n'est  pas  imitable  (M. 


63.  —  DEVOIRS  RELATIFS  A  L'AME 

La  pratique  des  devoirs  relatifs  à  l'âme  donne  naissance,  selon  les 
anciens,  à  trois  vertus,  correspondant  aux  trois  facultés  : 

I.  —  Tempérance  :  devoir  relatif  à  la  sensibilité.  La  sensibilité  est 
faite  pour  le  bien  sensible,  le  plaisir.  Il  ne  faut  pas  la  détruire,  comme  le 
voulaient  les  Stoïciens,  mais  la  régler  :  pour  cela  on  doit  déraciner  les 
mauvaises  inclinations  et  développer  les  bonnes  (Ps.  59).  C'est  ainsi 
qu'on  parviendra  à  subordonner  la  sensibilité  à  la  raison  et  à  pratiquer 
la  tempérance. 

II.  —  Sagesse  :  devoir  relatif  à  l'intelligence.  L'intelligence  est 
faite  jtour  la  vérité.  L'homme  ne  doit  donc  pas  amoindrir  son  intelli- 
gence par  V  ignorance  et  V erreur,  ni  la  dégrader  par  le  mensonge  soit 
intérieur  où  l'on  se  trompe  soi-même,  soit  extérieur  où  l'on  trompe  les 
autres  :  par  Vhypocrisie  et  le  respect  humain,  qui  sont  des  mensonges  en 
action.  —  II  doit  la  perfectionner  par  la  recherche  de  la  vérité  :  pour 
cela  il  faut  se  connaître  soi-même  et  acquérir  les  connaissances  reli- 
gieuses et  morales  qui  se  rapportent  à  l'accomplissement  de  notre 
destinée,  à  nos  devoirs.  C'est  ainsi  que  l'homme  s'élèvera  à  la  sagesse. 
Rousseau  a  prétendu  que  la  culture  des  sciences  est  une  cause  néces- 
saire de  corruption  :  c'est  un  sophisme.  Tout  dépend  de  l'usage  qu'on 
fait  des  sciences  et  de  l'intention  dans  laquelle  on  les  étudie.  Sans  doute 


( ')  L.   RoL-RE,  Doctrines  et  Problèmes,  Cli.  vin,  Ascétisme  et  Philosophie. 


1 


(63)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE     :    MORALE    PERSONNELLE  159 

«  Science  sans  conscience,  comme  dit  Rabelais,  est  la  ruine  de  l'àme  »  ; 
mais  on  peut  aussi  faire  servir  ses  connaissances  à  son  perfectionnement 
moral. 

III.  —  Courage  :  devoir  relatif  à  la  volonté.  La  volonté  est  faite 
pour  le  bien  rationnel  ;  c'est  la  faculté  principale  de  l'homme,  car  c'est 
par  elle  qu'il  est  maître  de  lui-même  et  réalise  sa  destinée,  par  elle  qu'il 
est  un  être  moral.  L'homme  ne  doit  pas  abdiquer  sa  liberté  en  se  laissant 
dominer  par  ses  passions,  l'avarice,  la  volupté,  l'ambition,  etc.,  mais  il 
doit  la  fortifier  par  des  efforts  généreux  et  répétés.  L'examen  de  conscience 
par  lequel  on  arrive  à  la  connaissance  de  soi-même,  et  le  travail,  qui 
écarte  l'oisiveté  «  mère  de  tous  les  vices  »,  sont  des  moyens  efficaces, 
avec  la  lutte  contre  soi-même,  pour  tremper  la  volonté  et  devenir  un 
homme  de  caractère.  C'est  ainsi  que  l'on  acquiert  la  force  d'àme,  le 
courage  ('). 


COMPLEMENT  BIBLIOGRAPHIQUE 

MORALE  PERSONNELLE 

Proal  (L.),  Le  crime  et  le  suicide  passionnels,  Paris,  1900, 
FouRNiÈRE   (E.),   Essai  sur  r individualisme,   Paris,   1901,   1908^. 
Feuchtersleben  (E.  de).  Hygiène  de  Vâme,  Paris,  1904. 
DoRNER  (A.),  Indiçiduelle  und  soziale  Ethik,  Berlin,  1906. 
Eymieu  (A.),  Le  gouvernement  de  soi-même,    l""^  série,  Paris,  1906. 
Marchese  de  Luna  (A.),  Il  suicidio  nel  diritto  e  nella  vita  sociale, 
Rome,   1907. 

Proal  (L.),  V éducation  et  le  suicide  des  enfants,  Paris,  1907. 
Crémieu  (L.),  La  justice  privée,  Paris,  1908. 

Radulescu-Motru    (C),    Puterea    sufleteasca    {La    force    morale), 
Bucarest,  1908. 

Mélin  (G.),  U organisation  de  la  vie  privée,  Paris,  1910. 
Jacob  (B.),  Devoirs.  Conférences  de  Morale  individuelle  et  de  Morale 
sociale,  Paris,  1910^. 
^^  GiLLET   (M.   S.),   Devoir  et  conscience,   Vdivi^,   1910. 

JËs'        GuiBERT   (J.),  La  pureté,   Paris,   1910. 

Antoine  (Ch.),  Égoïsme,  dans  Dictionnaire  de  Théologie  catho- 
lique  (Vacant-Mangenot),   Paris,   1911,  T.    IV,   col.  2224-2230. 


(  ')  a.  Metz-Noblat,  La  Peur. 


160  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :     MORALE    PERSONNELLE  (63) 

Cantecor  (G.),  Le  suicide,  dans  Revue  de  Métaphysique  et  de 
Morale,  1913.  p.  436-450.  —  Cf.  A.  Leclère,  A  propos  de  Varticle  de 
M.  Cantecor  :  Deux  idées  de  F.  Ëgger,  Ibidem,  p.  576-584. 

HoNOT  (L.)  et  Voivenel  (P.),  Le  courage,  Paris,  1917. 

Heath  (A. -G.),  The  moral  and  social  significance  of  the  conception 
of  Personality,  Oxford,  1921. 

Bayet  (Alb.),  Le  suicide  et  la  morale,  Paris,  1922. 

Laumonier  (G.),  La  Thérapeutique  des  péchés  capitaux,  Paris,  1922. 

Payen  (G.),  Déontologie  médicale  d'après  le  droit  naturel,  Paris,  1922. 


I 


CHAPITRE  II 
MORALE  SOCIALE  (  ) 

64.   ^  DIVISION  DES  DEVOIRS  ENVERS  AUTRUI 

L'homme  n'est  pas  un  être  isolé,  mais  social.  Aussi  la  société  devient- 
elle  pour  lui  une  source  de  devoirs.  L'ensemble  des  devoirs  de  l'homme 
envers  ses  semblables  constitue  la  Morale  sociale.  On  peut  répartir 
ces  devoirs  sociaux  de  la  façon  suivante  : 

L  —  Devoirs  généraux  envers  nos  semblables,  qui  constituent  la 
Morale  humanitaire. 

IL  —  Devoirs  envers  la  famille,  qui  constituent  la  Morale  domes- 
tique. 

III.  —  Devoirs  réciproques  des  gouvernants  et  des  gouvernés,  qui 
-constituent  la  Morale  civique. 

IV.  —  Devoirs  envers  les  autres  nations,  qui  constituent  la  Morale 
internationale.  De  là  quatre  sections  dans  le  présent  chapitre. 


pe  SECTION 
MORALE   HUMANITAIRE 

On  divise  les  devoirs  généraux  de  l'homme  envers  ses  semblables 
en  devoirs  de  Justice  et  en  devoirs  de  Charité. 

65.  —  JUSTICE  ET  CHARITÉ  (2) 

§  A.  —  L^  JUSTICE 

A)  Sa  nature  :  c'est  le  respect  des  droits  d' autrui.  Chaque  homme, 
ayant  le  devoir  de  poursuivre  sa  fin,  a  le  droit  de  ne  pas  être  entravé 


(M  M.  d'Hdlst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1896. 

( ')  Cousin,  Justice  et  charité.  —  J.  Hamon,  La  justice,  dans  l'Association  catholique. 
Bée.  1891,  Fév.  et  Mars  1892.  —  S.  Thomas,  Summa  theologica,  I»  II",  Q.  61,  A.  3  ;  II»  II", 
Q.  58.  —  Lessius,  De  Justitia  et  Jure.  —  Taparelli  d'Azeolio,  Essai  théorique  de  droit 
naturel,  n"'  177,  287,  353-358,  589.  —  Ch.  Antoine,  Cours  d'économie  sociale,  I'"  P.,  Ch.  v. 
—  Fouillée,  La  morale  socialiste,  Revue  des  Deux  Mondes,  1901,  T.  IV,  p.  377  sqq. 

TRAITÉ    DE    philosophie.   —  T.    II.    —    >'). 


\Q2  LA   JUSTICE 


(65) 


dans  cette  poursuite.  De  là  les  devoirs  de  justice  correspondants  aux 
droits  de  nos  semblables  (53,  §  B),  devoirs  presque  tous  négatifs,  dont 
la  formule  générale  est  :  «  Ne  fais  "pas  à  autrui  ce  que  tu  ne  voudrais 
pas  qu'on  te  fit  à  toi-même.  »  Pour  Cicéron  la  justice  consiste  «  à  ne 
nuire  à  personne  et  à  concourir  4  Futilité  publiciue  »  {^).  D'après  le 
jurisconsulte  Ulpien,  .  c'est  «  une  volonté  constante  et  perpétuelle 
d'accorder  à  chacun  son  droit  «.  Constans  et  perpétua  volunias  suum 
jus  cuique  trihuendi.  La  justice  a  donc  pour  fondement  le  droit.  (51), 
l'égalité  des  personnes  devant  la  loi  morale.  Tout  homme,  étant  tenu 
de^r observer,  a  droit  aux  moyens  nécessaires  pour  cela;  il  est  donc 
juste  qu'il  ne  soit  pas  empêché  d'user  de  ces  moyens. 

B)  Espèces  et  variétés  ('-)  :  Aristote  distingue  la  justice  : 
I .  —  Commutative,  qui  se  rapporte  au  droit  strict.  Elle  régit  les 
rapports  des  citoyens  entre  eux  et  a  pour  règle  FégaUté  entre  la  chose 
reçue  et  la  chose  donnée  en  compensation  :  vg.  dans  une  vente.  Quand 
il  V  a  égalité  rigoureuse,  la  justice  est  stricte.  Quand  la  compensation 
n'égale  pas  complètement  le  bien  reçu,  c'est  la  justice  imparfaite, 
que*  S.  Thomas  ramène  à  ces  trois  formes  :  religion  envers  Dieu;  piéte 
filiale  envers  les  parents  ;  vénération  pour  les  supérieurs.  Il  est  impos- 
sible de  rendre  à  Dieu,  aux  parents  et  aux  supérieurs  une  compensation 
strictement  égale  à  leurs  bienfaits. 

IL  —  Distributive,  qui  se  rapporte  au  mérite.  Elle  regarde  1  équi- 
table répartition  du  bien  commun  et  a  pour  règle  la  proportionnalité  : 
à  chacun  selon  son  mérite.  Ce  doit  être  la  vertu  du  gouvernement 
dans  la  distribution  des  fonctions,  du  magistrat,  du  père  de  famille, 
du  maître,  etc. 

On  a  donné  des  noms  spéciaux  à  certaines  formes  particulières  de 
la  justice.  C'est  ainsi  qu'on  peut  encore  envisager  : 

"^  10    La  probité  :  forme  de  la  justice  qui  consiste  à  respecter  le  bien 

d' autrui. 

20  La  loyauté  :  forme  de  la  justice  qui  consiste  à  respecter  les 
contrats  expressément  ou  tacitement  consentis. 

IIL  —  La  justice  pénale.  11  faut  distinguer,  ici,  avec  Aristote  : 

10  La  justice  stricte,  qui  applique  la  loi  sans  tenir  compte  de  la 
diversité  des  personnes  et  des  circonstances  :  c'est  une  règle  de  fer. 

20  L'équité,  qui  tient  compte,  dans  l'application  de  la  loi,  des  per- 
sonnes et  des  circonstances  :  c'est  une  règle  de  plomb  {^).  C'est  de  la 


(M  Priinum  ut   ne  cui  nocealur,  ileindc  ut   oominuni  utilitati    serviatur  {De   Offldis 

'  {'"-j^ARi-STOTE,     Morale  à  Nicomaqne,  L.  V,  Cli.  ii  sqq.  —  S.  Thomas,  Summa  theolo- 

gica,  II»  II",  Q-  61.  ,„  .  ^  / 

(')  Aristote,  Morale  à  Nicomaque,  L.  V,  Cn.  x,  è  7. 


(65)  LA    CHARITÉ  163 

justice  sans  équité  qu'on  dit  :  Summum  jus,  summa  injuria.  «  Une 
justice  extrême  est  une  extrême  injustice  »  ;  c'est-à-dire  que  le  droit 
poussé  à  l'excès  devient  une  injustice  (^). 

Cette  m.axime  s'applique  :  a)  D'abord  et  surtout  au  droit  positif. 
Les  lois  sociales,  formulées  en  termes  généraux,  édictent  ce  qui  est 
juste  dans  la  moyenne  des  cas.  Par  là  même  il  peut  arriver  que,  dans 
un  cas  déterminé,  la  lettre  de  la  loi  soit  en  opposition  avec  son  esprit  ; 
appliquer  alors  le  droit  rigoureusement,  c'est  tomber  dans  l'injustice. 
Il  faut  juger  les  choses,  non  d'après  le  droit  strict,  mais  d'après  l'équité, 
car  «  la  lettre  tue,  tandis  que  l'esprit  vivifie  ». 

b)  Au  droit  naturel  :  il  faut,  dans  la  revendication  de  ses  droits, 
éviter  de  les  porter  à  l'extrême,  parce  qu'il  est  facile  d'en  dépasser  la 
limite.  —  De  plus,  la  lettre  de  la  justice,  c'est  de  ne  rien  faire  de  contraire 
aux  droits  d'autrui  ;  Vesprit,  c'est  de  traiter  les  autres  avec  le  respect 
dû  à  leur  personnalité  ;  par  conséquent  il  faut  savoir  parfois  relâcher 
quelque  chose  de  ses  droits.  N'agirait  pas  aihsi  celui  qui,  laissant  pourrir 
ses  moissons,  ferait  condamner  des  malheureux  qui  en  auraient  dérobé 
quelques  gerbes. 

§  B.  —  LA  CHARITÉ 

I.  —  Sa  nature  :  elle  consiste  à  vouloir  et  à  faire  du  bien  aux  autres. 
Elle  a  son  origine  psychologique  dans  la  sympathie  et  les  inclinations 
sociales  qui  en  dérivent  (Ps.  42),  Elle  est  fondée  sur  l'idée  de  notre 
communauté  d'origine,  de  nature  et  de  destinée.  Elle  consiste  à  traiter 
les  autres  comme  d'autres  «  soi-même  »,  comme  des  frères  ;  aussi  la 
nomme-t-on  bienfaisance  ou  fraternité.  Les  devoirs  de  charité  sont 
presque  tous  positifs  et  ont  pour  formule  générale  :  «  Fais  à  autrui  ce 
que  tu  voudrais  qu'on  te  fît  à  toi-même.  »  La  charité  chrétienne  ajoute 
un  stimulant  nouveau  :  elle  fait  aimer  Dieu  dans  les  hommes  en  faisant 
aimer  en  eux  l'image  divine  C^). 

IL  — •  Formes  :  la  charité  s'appelle  :  a)  bienveillance,  quand  elle 
se  borne  à  vouloir  du  bien  aux  autres  ;  —  b)  bienfaisance,  quand  elle 
se  traduit  par  des  actes  ;  —  c)  pitié,  quand  elle  a  pour  cause  les  souf- 
frances d'autrui  ;  —  d)  dévouement,  quand  elle  se  manifeste  par  de^ 
sacrifices  généreux  et  constants  ;  — ■  e)  héroïsme,  quand  elle  s'élève  aux 
plus  grands  sacrifices  {^). 

III.  —  Objection  :  Spencer  et  autres  philosophes  voudraient 
bannir  la  charité,  comme  étant  une  fausse  vertu,  inutile  et  funeste. 


(M  CicÉRON,  De  Officiis,  L.  I,   §  X. 

( ')  S.  Paul,  /"  Epître  aux  Corinthiens,  Ch.  xin.  v.  1-7. 

C)  M.  DU  Camp,  La  charité  à  Paris.  —  Hadssonville  (d').  Misères  et  remèdes. 


164  LA    CHARITÉ  (65) 

La  nature,  disent-ils,  travaille  au  progrès  des  espèces  animales  en 
éliminant  les  individus  trop  faibles  pour  vaincre  dans  la  lutte  pour  la 
vie.  De  même,  dans  riiumanité,  les  êtres  chétifs  ou  vicieux  doivent 
disparaître  pour  céder  la  place  à  des  individus  plus  sains.  Or  la  charité 
entrave  cette  sélection  naturelle  en  dépensant,  pour  prolonger  l'exis- 
tence d'individus  qui  ne  méritent  pas  de  vivre,  des  ressources  dignes 
d'un  meilleur  emploi.  Elle  fait  ainsi  obstacle  au  progrès  de  l'humanité. 

Réponse  :  1^  La  charité  doit  être  faite  avec  intelligence  et  prudence  ; 
elle  ne  doit  pas  être  une  prime  au  vice  et  à  la  paresse.  Il  faut  encou- 
rager Vassistance  par  le  travail,  parce  qu'elle  aide  le  malheureux  à  se 
relever  lui-même.  C'est  la  seule  part  de  vrai  à  dégager  de  la  barbare 
doctrine  de  Spencer. 

2»  Il  ne  faut  pas  borner  la  charité  à  V aumône  ;  ce  n'est  là  qu'un 
moyen  pour  s'élever  plus  haut  ;  pour  atteindre  l'âme  du  malheureux, 
il  faut  chercher  à  le  consoler  et  à  le  fortifier  moralement  ;  la  charité 
c'est  le  développement  de  la  fraternité  humaine,  c'est  l'effort  mutuel 
pour  s'entr' aider. 

30  Les  ennemis  de  la  charité  ne  sont  pas  conséquents  avec  leur  doc- 
trine. 11  est  interdit,  selon  eux,  de  contrarier  la  sélection  naturelle.  Mais 
pourquoi  ne  serait-il  pas  permis  de  l'aider  et  d'accélérer  ainsi  le  pro- 
grès de  l'humanité  ?  Pourquoi  ne  pas  tuer  les  infirmes,  les  incurables, 
les  vicieux  incorrigibles  ?  C'est  la  morale  Spartiate,  préconisée  par 
Platon  dans  sa  République,  qui  prescrit  de  détruire  les  enfants  mat 
conformés. 

40  Est-ce  qu'un  corps  chétif  ne  peut  pas  receler  une  grande  âme  ? 
A  ce  compte  combien  d'hommes  de  génie,  combien  de  Saints  auraient 
été  sacrifiés  (^)  ? 

50.  La  loi  morale  ne  doit  pas  se  modeler  sur  les  lois  de  la  nature. 
Les  lois  de  la  nature  se  ramènent  à  la  force  et  à  la  fatalité  ;  la  loi 
morale,  c'est  le  droit,  la  justice,  la  fraternité.  D'ailleurs,  ni  la  famille 
ni  la  société  ne  pourraient  subsister  sans  dévouement.  Une  humanité, 
composée  d'individus  sains  et  robustes,  uniquement  mus  par  l'intérêt, 
serait  une  collection  de  «  beaux  animaux  »  (^),  mais  constituerait  une 
humanité  moralement  dégradée.  Mieux  vaut  une  humanité  physique- 
ment moins  parfaite,  mais  où  rayonnent  la  charité  et  le  dévouement  ; 
c'est  la  vraie  perfection,  c'est  la  beauté  supérieure. 


(  M  Entre  beaucoup  d'exemples  on  peut  citer  celui  de  Newman.  Cf.  Thuiieau-Dangin, 
La  Renaissance  calhoUque  en  Angleterre,  Part.  I,  Ch.  i,   §  IV,  p.  30-31.  Paris,  1899. 

(»)  Taine,  Voyage  en  Italie,  T.  I,  p.  65  :  «  Deux  idées  ont  gouverné  cette  civilisation 
anlifiiie,  la  première,  qui  est  celle  de  l'homme...  :  faire  un  bel  animal,  dispos,  sobre, 
brave,  endurant,  complet,  et  cela  par  l'exercice  corporel  et  le  choix  des  bonnes  races.  » 


(65)  JUSTICE    ET    CHARITÉ   :   COMPARAISON  165 

§  C.  —  COMPARAISON 

I.  —  Différences  :  1°  La  justice  repose  sur  YégaUté  morale  des 
personnes,  la  charité  sur  la  communauté  de  nature. 

2'^  La  justice  consiste  dans  le  respect  des  droits,  la  charité  dans 
ïamour  des  autres.  Ce  qui  nous  frappe  surtout  dans  la  pratique  de  la 
justice,  c'est  l'inviolabilité  de  nos  semblables  :  les  droits  de  leur  per- 
sonne s'offrent  à  nous  comme  une  limite  infranchissable  à  notre  liberté. 
Dans  la  pratique  de  la  charité,  nous  voyons  dans  les  autres  d'autres 
nous-mêmes  ;  par  elle  nous  sortons  de  notre  égoïsme  et  nous  travaillons 
à  rendre  les  autres  meilleurs.  C'est  ce  don  libre  et  gratuit  de  soi  qui 
fait  la  beauté  de  la  charité  (^). 

3°  Les  devoirs  de  justice  sont  pour  la  plupart  négatifs  et  déterminés  ; 
ils  obligent  partout  et  toujours.  Les  devoirs  de  charité  sont  presque 
tous  positifs  et  indéterminés  ;  ils  n'obligent  pas  à  chaque  instant. 

40)  Les  devoirs  de  justice  sont  exigibles  par  la  force,  parce  que  des 
droits  stricts  leur  correspondent  dans  autrui.  —  Les  devoirs  de  charité 
ne  sont  pas  exigibles  (53,  §  B)  ;  ce  n'est  pas  le  droit  des  malheureux 
qui  nous  oblige  à  les  secourir,  car  ce  droit  n'existe  pas  ;  c'est  le  droit 
de  Dieu  sur  tous  les  biens  créés  qui  oblige  ceux  qui  les  possèdent  à  en 
faire  part  aux  nécessiteux  (68,  §  E). 

IL  —  Rapports  :  ce  sont  deux  vertus  qui  se  complètent  admira- 
blement : 

10  11  n'y  a  pas  de  vraie  Justice  sans  charité  :  comment  respecter 
ceux  qu'on  n'aime  pas  ?  Celui  qui  condamne  sans  pitié  tout  écart  hors 
de  la  voie  du  bien,  celui  qui  va  impérieusement  fusqu'au  bout  de  son 
droit,  n'est  pas  le  juste  tel  que  la  conscience  le  conçoit.  La  justice 
stricte  doit  être  tempérée  par  V équité  ;  autrement,  elle  devient  prati- 
quement l'injustice  (Cf.  supra,  §  A). 

2°   Il  n'y  a  pas  non  plus  de  véritable  charité  sans  justice  : 

a)  Avant  d'être  charitable,  il  faut  être  juste.  Que  dire  de  celui  qui 
volerait  pour  faire  l'aumône  ? 

b)  L'exercice  de  la  charité,  pour  être  équitable,  exige  une  certaine 
justice  :  il  doit  y  avoir  une  hiérarchie  entre  les  devoirs  de  charité.  Il 
faut  faire  passer  d'abord  sa  famille,  car  c'est  ce  que  nous  avons  de  plus 
proche,  puis  ses  amis,  ensuite  ses  concitoyens,  enfin  les  étrangers. 

c)  Si  les  autres  n'ont  pas  le  droit  d'exiger  de  moi  la  charité,  je  n'ai 
pas  non  plus  le  droit  d'imposer  ma  charité  aux  autres.  La  charité  doit 
s'exercer  et  être  reçue  librement  :  autrement,  on  pratiquerait  la  charité 
aux  dépens  de  la  justice. 


(M  Cousin,  Du  vrai,  du  beau  et  du  bien,  XV»  Leçon,  p.  386-387,  Paris,  1867". 


166  DEVOIRS    RELATIFS    A    LA  -VIE    d'aUTRUI  (66) 


DEVOIRS  DE  JUSTICE 

Les  autres  ont  droit  au  respect  de  leur  vie,  de  leur  âme,  de  leurs 
biens. 

66.  —  DEVOIRS  RELATIFS  A  LA  VIE  D'AUTRUI  {^) 

l.  —  Homicide  :  tu  ne  tueras  pas.  Le  respect  de  la  vie  des  autres 
est  le  plus  impérieux  des  devoirs  de  justice,  parce  que  l'homicide  met 
Fâme  dans  l'impossibilité  d'accomplir  sa  destinée,  et  il  prive  la  société 
d'un  de  ses  membres. 

IL  —  Assassinat  politique  :  on  a  essayé  de  légitimer  le  meurtre 
d'un  tyran,  au  nom  du  bien  commun  de  la  société. 

Réponse  :  A)  La  fin  ne  justifie  pas  les  moyens  (14). 

B)  On  ne  peut  assimiler  l'assassinat  politique  à  la  peine  de  mort, 
car,  dans  la  peine  de  mort,  le  tribunal,  qui  applique  la  loi,  ne  la  fait 
pas  ;  dans  l'assassinat  politique  le  même  homme  est  auteur  et  exécu- 
teur de  la  loi. 

C)  Personne  ne  peut  se  substituer  sans  mandat  à  la  société  pour 
se  constituer  son  justicier.  C'est  à  la  société  qu'il  appartient  de  se 
défaire,  par  les  moyens  légaux,  de  son  oppresseur  (106,   §  B). 

II L  • —  Droit  de  légitime  défense,  :  au  droit  que  tout  homme  a 
de  vivre  on  peut  rattacher  les  questions  suivantes  :  droit  de  légitime 
défense  ;  —  duel.  Quand  il  s'agit  de  défendre  sa  vie,  l'intégrité  de  ses 
membres,  sa  pudeur,  sa  liberté,  ses  biens,  on  peut  repousser  la  force 
par  la  force  :  Vim  vi  repellere  oinnia  jura  permiltunt.  Mais  : 

A)  Ce  droit  n'existe  que  dans  le  cas  d'une  agression  actuelle  et 
injuste  (2). 

B)  Il  ne  faut  l'exercer  que  dans  la  mesure  nécessaire  à  la  défense, 
cwn  debito  moderamine  inculpatœ  tutelœ.  Ce  que  je  dois  avoir  en  vue, 
ce  n'est  pas  le  mal  de  mon  agresseur,  c'est  mon  bien.  Si  je  puis  atteindre 
ce  résultat  sans  frapper  l'homme,  je  dois  l'épargner  ;  s'il  suffit  de  le 
blesser,  je  n'ai  pas  le  droit  de  le  tuer. 


I 


(')  M.  D'IIuLST,  Conférences  de  Noire-Dame,  1896,  3"  Conférence.  —  L.  Jouin,  Ele- 
menin  philosophiœ,  P.  III,  L.  III,  Ch.  iv. 

(  '■)  «  ...Si  un  nialfailcur  aUcnte  ;\  ma  vie  ou  à  ma  propriété  par  surprise,  la  protection 
Bociale  arriverait  trop  lard  pour  me  nieltre  en  .sûreté  ;  je  suis  donc  en  droit  de  m'y  mettre 
moi-môme.  V'ous  le  voyez  :  la  rai.son  décisive  (jui  justifie,  dans  ce  cas,  la  violence  défensive, 
c'est  le  rctarrl  inévitable  de  la  vindicte  i)Ublique  ».  (M.  d'Hulst,  Conférences  de  Notre- 
Dame,  1896,  III«  C.  p.  91!). 


(66)  DEVOIRS    RELATIFS    A    LA    VIE    d'aUTRUI  167 

IV.  —  Duel  (^)  :  on  distingue  le  duel  :  1»  Public  :  celui  que  l'auto- 
rité ordonne  pour  terminer  une  guerre  ;  il  est  licite  comme  la  guerre 
elle-même. 

2°  Judiciaire  :  épreuve  (vg.  du  fer  chaud)  usitée  sous  le  nom  de  juge- 
ment de  Dieu.  Il  reposait  sur  une  conception  fausse  et  superstitieuse 
de  la  Providence  (^). 

3^  Privé  :  combat  dangereux  entre  deux  hommes,  qui,  de  leur 
autorité  privée,  conviennent  du  temps,  du  lieu  et  des  armes.  C'est  le 
seul  usité  aujourd'hui.  Il  dérive  du  duel  judiciaire,  coutume  barbare 
importée  en  Gaule  par  les  Germains.  Le  duel  est  un  acte  : 

A)  Contraire  à  la  loi  naturelle,  parce  qu'il  contient  la  double 
malice  de  l'homicide  et  du  suicide.  Le  duelliste  s'expose  sans  nécessité 
au  danger,  toujours  possible  (même  dans  le  duel  au  premier  sang  et 
dans  le  duel  avec  prévôts  parant  les  coups  dangereux),  de  perdre  la 
vie  ou  de  donner  la  mort.  «  Le  duel  est  un  homicide  conditionnel,  subor- 
donné à  un  suicide  manqué.   » 

B)  Contraire  à  la  raison,  car  c'est  un  moyen  absolument  inapte 
à  la  fin  proposée  :  réparation  d'honneur.  L'honneur  véritable  consiste 
dans  la  dignité  et  la  valeur  morale,  que  le  duel,  moyen  physique,  ne 
peut  ni  donner,  ni  restituer.  Si  par  honneur,  on  entend  l'estime  des 
autres,  il  faut  distinguer  entre  l'appréciation  des  hommes  éclairés  et 
honnêtes,  la  seule  qui  compte,  et  le  verdict  de  l'opinion  frivole.  L'estime 
des  premiers  ira  à  celui  qui  aura  le  courage  de  refuser  le  duel  ;  l'appro- 
bation de  la  seconde  lui  fera  défaut  ;  mais  il  peut  s'en  passer,  parce 
qu'elle  est  méprisable,  et  il  le  doit,  parce  qu'il  faudrait  l'acheter  au  prix 
du  devoir,  qui  l'oblige  au  respect  (h-  la  vie  en  lui-même  et  dans  les 
autres. 

C)  Contraire  au  droit  social  :  il  suppose  licite  l'exercice  de  la 
vindicte  privée.  Mais,  si  le  droit  de  vengeance  appartient  aux  parti- 
culiers, c'en  est  fait  de  l'ordre  social,  car  d'un  côté  on  est  mauvais  juge 
dans  sa  propre  cause,  et,  de  l'autre,  l'exercice  de  ce  droit  est  injuste, 
puisque  la  victoire  revient  au  plus  fort  et  au  plus  habile. 

T))  Contraire  à  la  justice  :  les  duellistes  s'exposent  à  recevoir 
ou  à  inlliger  la  peine  de  mort  pour  une  offense  qui  ne  la  mérite  pas, 
souvent  même  pour  des  motifs  futiles,  un  préjugé,  le  point  d'honneur  (^). 
11  y  a  d'autres  manières,  légitimes,  de  se  faire  rendre  justice  ou  de 


(')  s.  ScHiFFiM,  Disputationes  phiiosophias  moraJis,  T.  II,  n.  290  et  sqq.,  Turin,  1891. 
—  Taparelli,  Essai  théorique  de  droit  naturel,  n.  393  et  sqq. 

{-)   De  Smedt,  Le  duel  judiciaire  et  l'Eglise,  dans  les  Etudes,  Janv.  1895,  p.  35  sqq. 

(  ')  «  Deux  hommes  du  peuple,  dit  J.  de  M.\istre,  qui  se  battent  à  coups  de  couteau 
sont  des  coquins  ;  mais  allongez  les  armes,  faites-en  des  épées,  voilà  ce  qu'on  appelle  une 
affaire  d'honneur  i   >> 


168  DEVOIRS    RELATIFS    A    l'aME    d'aUTRUI         '  (67) 

prouver  sa  bravoure  :   «  Le  duelliste,  disait  Napoléon,  est  à  l'épée  du 
soldat  ce  que  le  bavard  est  à  la  parole  du  sage  (  ^).  » 

67.  —  DEVOIRS  RELATIFS  A  L'AME  D'AUTRUI 

§  I.  —  DEVOIRS  RELATIFS  A  LA  SENSIBILITÉ 

Nous  devons  respecter  les  autres  dans  leur  sensibilité,  éviter  ce  qui 
peut  les  faire  souffrir  :  mauvais  traitements,  outrages,  paroles  bles- 
santes. Il  ne  faut  pas  exciter  les  mauvaises  inclinations  ;  on  doit,  en 
particulier,  ne  pas  commettre  le  scandale,  qui  entraine  les  autres  au 
mal  par  la  parole  et  par  l'exemple. 

§  II.  —DEVOIRS  RELATIFS  A  L'INTELLIGENCE 

L'intelligence  a  droit  à  la  vérité.  C'est  pourquoi  : 

A)  Le  père  de  famille  doit  donner  à  ses  enfants  une  instruction 
convenable  à  leur  rang  ;  le  maître  doit  laisser  à  ses  serviteurs  le  temps 
d'acquérir  les  connaissances  essentielles  ;  le  gouvernement  doit  favo- 
riser l'instruction  dans  une  large  mesure  (94,  §  I). 

B)  On  ne  doit  pas  enseigner  l'erreur. 

C)  On  ne  doit  pas  tromper  ses  semblables.  Pour  comprendre  la  portée 
de  ce  précepte,  il  faut  expliquer  en  quoi  consistent  la  véracité  et  le  men- 
songe. 

VÉRACITÉ  ET  MENSONGE 

Tout  le  monde  admet  qu'on  doit  éviter  le  mensonge,  c'est-à-dire 
respecter  la  vérité  dans  l'intelligence  des  autres,  en  pratiquant  îa  véra- 
cité. Le  mensonge  est  donc  interdit  sous  toutes  ses  formes  :  réticences 
injustifiées,  dissimulation  en  action,  équivoque  et  fausseté  dans  le  lan- 
gage. Mais  l'accord  cesse  quand  il  est  question  de  définir  la  nature  du 
mensonge  et  de  fixer  les  limites  de  la  véracité.  Trois  théories  princi- 
pales ont  été  mises  en  avant  : 

§  I.  —  Théorie  de  Kant 

A)  Exposé.  —  -  Kapit  considère  le  mensonge  comme  «  la  plus  grande 
transgression    du   devoir   de   l'homme   envers    lui-même    comme    être 


1 


(  ')  "  Cette  démence  ne  produit  pas  un  seul  bon  effet,  pas  même  celui derendre  le  soldat 
brave  dans  la  mêlée.  "  (FnÉDÉnic  le  Grand,  Tactique  prussienne).  —  On  sait  que  Wel- 
lington a  fait  supprimer  le  duel  dans  l'armée  anglaise. 


1 


(67)  VÉRACITÉ    ET    MENSONGE  169 

moral  »  (^).  «  C'est  l'avilissement  et  comme  l'anéantissement  de  la 
dignité  humaine.  Un  homme  qui  ne  croit  pas  lui-même  ce  qu'il  dit  à 
un  autre  (fût-ce  à  une  personne  idéale)  a  encore  moins  de  valeur  que 
n'en  a  une  simple  chose  {^).  »  On  n'a  pas  à  tenir  compte,  quand  on 
veut  en  déterminer  la  nature,  «  du  tort  que  le  mensonge  peut  causer 
aux  autres,  puisque  ce  n'est  pas  là  ce  qui  fait  le  caractère  propre  de  ce 
vice  (autrement  il  ne  serait  autre  chose  que  la  violation  d'un  devoir 
envers  autrui  »).  Ce  qui  constitue,  en  effet,  la  malice  essentielle  du 
mensonge,  c'est  que  le  menteur  «  se  propose  une  fin  qui  va  directement 
contre  la  destination  naturelle  de  la  faculté  de  communiquer  ses 
pensées  »  et  «  abdique  sa  personnalité  »  (  ^).  C'est  pourquoi  la  loi  morale 
qui  le  défend  ne  comporte  ni  tempérament  ni  exception.  Ainsi,  répondre 
négativement  à  des  assassins  qui  vous  demanderaient  si  votre  ami 
qu'ils  poursuivent  n'est  pas  réfugié  dans  votre  maison,  serait  un  crime  (  *). 
B)  Critique.  —  La  théorie  de  Kant,  qui  aboutit  à  des  conséquences 
d'une  rigidité  extrême,  est  logique.  Mais  elle  repose  sur  une  supposition 
erronée  :  à  savoir  que  le  désaccord  entre  la  pensée  et  le  signe  qui  l'exprime 
est,  de  lui-même,  un  désordre  moral.  C'est  un  défaut  psychologique  qui 
ne  revêt,  comme  nous  le  verrons,  un  caractère  moral  que  par  la  fin  sociale 
à  laquelle  la  parole  est  naturellement  ordonnée. 

§  II.  —  Théorie  ancienne 

A)  Exposé.  —  La  doctrine  de  S.  Augustin  (  ^)  a  été  reprise  et  exposée 
méthodiquement  par  S.  Thomas.  Pour  qu'il  y  ait  mensonge,  trois 
conditions  sont  requises  :  énoncé  d'une  fausseté,  volonté  d'énoncer 
une  fausseté,  intention  de  tromper.  Mais  la  dernière  condition  :  l'in- 
tention de  tromper,  n'appartient  pas  à  l'essence  du  mensonge  ;  c'est 
un  complément  qui  le  «  parfait  »  (^).  Tout  mensonge  est  un  mal  en  lui- 
même.  En  effet,  la  parole  étant  faite  pour  exprimer  la  pensée,  il  est 


(  '-  --^)  Kant,  Eléments  métaphysiques  de  la  Doctrine  de  la  vertu,  I"  P.,  L.  I,  Division  I, 
Ch.  II,  Art.  I.  Traduction  de  J.  Barni,  p.  87,  88,  87-88.  Paris,  1855. 

( ')  C'est  ce  que  Kant  reconnaît  dans  un  opuscule  intitulé  :  D'un  prétendu  droit  de 
mentir  par  humanité,  où  il  cherche  à  réfuter  Benjamin  Constant.  Cf.  Traduction  de  Barni, 
Ibidem,  p.  251. 

(')  Cf.  ses  Opuscules  De  Mendacio  et  Contra  Mendacium,  dans  Migne,  P.  L.  T.  XL, 
col.   487-518  ;   518-548. 

(  •)  Si  ergo  ista  tria  concurrant,  scilicet  quod  faJsum  sit  id  quod  enuntiatur,  et  quod 
adsit  voluntas  falsum  enuntiandi,  et  iterum  intentio  fallendi,  tune  est  falsitas  materialiter, 
quia  falsum  dicitur  ;  et  formaliter  propter  voluntatem  falsum  dicendi  ;  et  effective  propter 
voluntatem  falsitatem  imprimendi...  Quod  autem  aliquis  intendat  falsitatem  in  opiniono 
alterius  constituere,  fallendo  ipsuin,  non  pertinet  ad  speciem  mendacil,  sed  ad  quamdam 
perfectionem  ipsius...   [Summa  theologica,  II"  II"»,   Q.  CX,  A.  I). 


j^70  VÉRACITÉ    ET    MENSONGE  (6'^) 

contraire  à  l'ordre  de  la  nature  de  s'en  servir  pour  signifier  ce  qu'on 
n'a  pas  dans  l'esprit  (1). 

Mais  comme  toute  vérité  n'est  pas  bonne  à  dire  et  que  certains 
secrets  doivent  être  gardés,  les  moralistes  ont  cherché  les  moyens  de 
tempérer  la  rigueur  de  la  doctrine  précédente.  S'inspirant  de  cette 
parole  de  S.  Thomas  résumant  une  pensée  de  S.  Augustin  :  c  II  est 
cependant  permis  de  cacher  prudemment  la  vérité  sous  quelque  dissi- 
mulation  »  (2),  ils  ont  eu  recours  à  VÉqiiivoque  et  à  la  Restriction  men- 

Une  parole  et  un  signe  sont  équivoques  quand,  d'après  leur  nature 
et  l'usage  courant,  ils  sont  aptes  à  signifier  plusieurs  choses.  Exemple  : 
Notre  Seigneur  dit  à  ses  apôtres  :  «  Notre  ami  Lazare  dort.  »  Cette 
phrase  pouvait  s'entendre  du  sommeil  naturel  ou  du  sommeil  de  la 

mort. 

La  restriction  mentale  consiste  à  déterminer  mentalement  le  sens 

qu'on   attache  aux  mots. 

Les  morahstes  distinguent  la  restriction  : 

10  Strictement  mentale  .-  elle  consiste  à  donner  aux  mots  d'une  phrase 
un  sens  qu'ils  ne  peuvent  avoir  par  eux-mêmes,  ni  emprunter  aux  cir- 
constances dans  lesquelles  ils  sont  prononcés.  Exemple  :  Je  demande 
à  un  étranger  :  «  Avez-vous  vu  Paris  ?  >>  11  n'y  a  pas  été  et  me  répond 
cependant  :  «  Oui,  je  l'ai  vu  »,  ajoutant  mentalement  :  «  dans  les  photo- 
graphies qui  le  représentent.  »  Cette  sorte  de  restriction  ne  diffère  pas 
du  mensonge  et,  comme  lui,  est  illicite. 

2»  Largement  mentale  :  elle  existe  quand  le  sens  des  paroles,  sans 
être  obvie,  est  néanmoins  intelligible  dans  une  certaine  mesure.  Ce  qui 
arrive  lorsque  les  paroles  reçoivent  du  contexte  ou  des  circonstances 
de  temps  et  de  personnes  un  sens  différent  du  sens  ordinaire.  Exemple  : 
quelqu'un,  tenu  au  secret  professionnel,  est  indiscrètement  interrogé  sur 
un  fait  et  répond  :  «  Je  l'ignore  »,  voulant  dire  :  «  Je  ne  le  sais  pas  de 
science  communicable.  » 

Pour  que  l'usage  de  Véquivoque  et  de  la  restriction  mentale  large  soit 
légitime,  il  faut  :  1^  que  le  vrai  sens  puisse  être  découvert  par  un 
homme  prudent  ;  —  2o  qu'il  y  ait,  pour  s"en  servir,  une  bonne  raison, 
c'est-à-dire  proportionnée   à  l'importance   du   cas.   Car,   la  tromperie 


(  M  Mcndacium  autem  est  malum  ex  génère  :  est  enim  actus  cadens  super  indcbitam 
maleriaii).  Cum  enim  voces  naturaliter  sint  signa  intellectuum,  innaturale  est  et  indebitum 
quod  aliquis  voce  signiHcet  id  quod  non  habet  in  mente.  {Summa  Iheologica,  Ibidem, 
Art.  III). 

(  ')  Licet  tamen  veritalem  occultare  prudenter  sub  aliqua  dissimulaUone  (S.  Thomas, 

Ibidem,  Art.  III,  ad  4""'). 


(67)  VÉRACITÉ    ET    MENSONGE  171 

étant  un  mal,  il  n'est  pas  permis,  sans  raison  suffisante,  de  fournir  à 
quelqu'un  l'occasion  de  se  tromper  (^). 

B)  Critique.  —  l*'  Le  principe,  sur  lequel  repose  cette  théorie,  à 
savoir  que  le  désaccord  voulu  entre  le  langage  et  la  pensée  constitue 
toujours   un   désordre   moral,   est   discutable,   comme   on  le   montrera 

(§  ni). 

2"^  Cette  théorie  n'est  pas  cohérente,  parce  qu'elle  ne  peut,  sans 
renier  son  principe,  soutenir  que  l'emploi  de  l'équivoque  et  de  la  res- 
triction mentale  est  légitime.  En  effet  : 

«  Les  paroles  ambiguës  et  les  restrictions  mentales  ont  ceci  de 
commun  qu'elles  présentent  deux  sens,  l'un  conforme  à  la  pensée  de 
celui  qui  parle,  l'autre,  en  désaccord  avec  elle,  et  l'effet  naturel  du  sens 
faux  est  de  tromper  le  prochain.  Il  est  permis,  dites-vous,  pour  des 
raisons  graves,  de  poser  une  cause  bonne  ou  indifférente  à  double  effet, 
l'un  bon,  l'autre  mauvais.  C'est  la  théorie  connue  en  morale  sous  le 
nom  de  théorie  du  volontaire  indirect  ou  implicite. 

«  Oui,  mais  à  condition  :  1°  qu'il  y  ait  une  cause  proportionnelle- 
ment grave  de  permettre  le  mauvais  effet  ;  2°  que  l'agent  se  propose 
immédiatement  le  bon  effet...  »  Or  la  seconde  condition  n'est  pas  réalisée 
dans  l'usage  de  l'équivoque  ou  de  la  restriction  mentale.  «  Il  est  très 
vrai  qu'on  n'est  pas  tenu  moralement  d'empêcher  la  déception  du  pro- 
chain, effet  d'une  parole  ambiguë  ou  d'une  équivoque  accompagnée 
de  restriction  mentale,  quand  celui  qui  interroge  n'a  aucun  droit  à 
connaître  la  vérité  (c'est  précisément  la  thèse  que  nous  défendons)  ; 
mais  l'intention  immédiate  ne  peut  porter  sur  cet  effet  si,  comme  nos 
adversaires,  on  le  croit  intrinsèquement  mauvais.  Or  il  est  évident 
que  l'intention  de  celui  qui  emploie  des  paroles  à  double  sens,  parce 
qu'il  veut  dissimuler  sa  pensée,  vise  immédiatement  le  sens  en  désac- 
cord avec  sa  pensée  et  par  suite  la  déception  du  prochain.  Car,  s'il 
n'espérait  tromper,  il  se  servirait  de  paroles  simples  et  franches  et 
n'userait  pas  d'artifices.  Donc  le  motif  immédiat  pour  lequel  il  se  sert 
de  paroles  ambiguës,  c'est  la  probabilité  ou  môme  la  certitude  que  le 
prochain  sera  trompé.  Mais,  d'après  les  tenants  de  ro|i;nion  que  nous 
combattons,  la  mahce  essentielle  du  mensonge  réside'  dans  ce  désac- 
cord volontaire  de  la  pensée  et  du  langage  dont  l'effet  naturel  est  de 
tromper.  Donc,  d'après  ce  principe,  l'emploi  des  paroles  ambiguës  et 


(  M  Pascal,  dans  la  IX^  Provinciale,  a  présenté  sous  un  faux  jour  la  doctrine  des  res- 
trictions mentales,  en  ne  tenant  pas  compte  des  distinctions  nécessaires.  D'ailleurs,  elle 
n'était  pas  particulière  aux  Jésuites,  comme  il  le  dit,  mais  «  elle  était  commune  dans  les 
Écoles,  deux  siècles  avant  eux.  Elle  avait  été  professée  par  les  plus  fameux  Thomistes,  »... 
(Abbé  U.  Maynard,  Les  Provinciales  et  leur  réfutation,  Paris,  1851,  T.  I,  p.    420,  n.  1.). 


j^72  VÉRACITÉ    ET    MENSONGE  (67) 

des  restrictions  mentales  est  toujours  immoral  et  il  faut  y  renoncer 
ou  sacrifier  le  principe  lui-même  {^).    » 

§111.  —  Théorie  RÉCENTE 

A)  Exposé.  —  Pour  remédier  aux  inconvénients  de  la  doctrine 
précédente,  plusieurs  théologiens  et  philosophes  protestants  {^)  ont 
proposé  une  autre  théorie  du  mensonge.  Des  théologiens  et  philosophes 
cathohques  {^)  l'ont  adoptée  en  la  perfectionnant. 

La  doctrine  ancienne  peut  se  résumer  ainsi  :  Mentir,  c'est  parler 
contre  sa  pensée  avec  l'intention  de  dire  une  tromperie.  La  doctrine 
récente  dit  :  Mentir,  c'est  parler  contre  sa  pensée  avec  l'intention  injuste 
de  tromper.  Pour  la  première,  la  malice  intrinsèque  du  mensonge  se 
tire  principalement  de  la  difformité  qui  résulte  du  désaccord  entre  le 
langage  et  la  pensée,  secondairement  du  tort  fait  au  prochain  trompé. 
Pour  la  seconde,  la  mahce  vient  principalement  du  tort  fait  au  pro- 
chain trompé,  secondairement  de  la  difformité  du  désaccord  entre  le 
langage  et  la  pensée.  Aussi  le  mensonge  doit-il  être  défini  :  le 
refus  d'une  vérité  due.  Negatio  veritatis  debitœ.  Mentir  c'est  donc 
refuser  la  vérité  à  quelqu'un  qui  y  a  droit.  Par  exemple,  la  vérité  est 
due  aux  Juges  et  aux  Supérieurs  qui  interrogent  légitimement  ;  elle 
est,  pareillement,  obligatoire  en  matière  de  pactes  .et  de  contrats. 


(M  Abbé  F.  Dubois,  Une  théorie  du  Mensonge,  dans  La  Science  catholique,  1896- 
1897,   p.    894-895. 

(')  Par  exemple  :  H.  Grotius,  De  Jure  belli  ac  pacis,  L.  III,  C.  i,  §  10-21.  —  S.  Pu- 
FENDORF,  De  Jure  Na(urœef  Gen/iumLibrioc«o,  L. IV,  Ci,  §7-21.—  Benjamin  Constant, 
€  Le  principe  moral  que  dire  la  vérité  est  un  devoir,  s'il  étoit  pris  d'une  manière  absolue 
et  isolée,  rendroit  toute  société  impossible.  Nous  en  avons  la  preuve  dansles  conséquences, 
très  directes  qu'a  tirées  de  ce  principe  un  philosophe  allemand  (Kant).i>  Cf.  supra,  p.  169. 
Voici  comment  B.  Constant  réfute  ce  principe  :  «  Dire  la  véritéestun  devoir.  Qu'est-ce 
qu'un  devoir  ?  L'idée  du  devoir  est  inséparable  de  celle  de  droits  :  un  devoir  est  ce  qui, 
dans  un  être,  correspond  aux  droits  d'un  autre.  Là  ou  il  n'y  a  pas  de  droits,  il  n'y  a  pas  de 
devoirs.  Dire  la  venté  n'est  donc  un  devoir  qu'envers  ceux  qui  ont  droit  à  la  vérité.  Or 
nul  homme  n'a  droit  à  la  vérité  qui  nuit  à  autrui.  «  (Des  réactions  politiques,  Ch.  viii, 
p.  74  et  7.5,  An  V,  sans  indication  de  lieu).  C'est  cette  opinion  que  Kant  a  tenté  de  réfuter 
dans  rOpuscule  cité  p.  169,  n.  4. 

{')  BoLGENi, /tpossesso,  C.  XLViii,  dans  MÉLANGES  THKOLOGiyuES  DE  LiÉOE,  IV»  Série, 
1850-1851,  p.  406-413.  — ■  F.  Dubois,  Une  Théorie  du  Mensonge,  dans  La  Science  catiio- 
LIOUE,  1896-1897,  p.  886-905.  Cf.  Le  droit  à  la  vérité,  dans  Revue  du  Clekgé  français, 
1900,  T.  XXIII,  p.  366-374.  —  Fr.  Bouillier,  Questions  de  Morale  pratique,  Paris,  1889, 
p.  2*49-359'.  —'Kirchenlexicon,  T.  viii,  p.  260.  Fribourg-en-Brisgau,  1893.  —  G.  Fonsk- 
orive,  Eléments  de  Philosophie,  Morale,  XV'  Leçon,  §  V,  T.  II,  p.  475  (4«  édition).  — 
Du  Mensonge  proprement  dit  et  du  droit  à  la  vérité,  par  un  professeur  de  Théologie  (Père 
Lessebteur)  Paris,  1905*.  —  Ad.  Tanquerey,  P.  S.  S.,  Synopsis  theologiœ  Moralis  et' 
Pastoratis,  T.'  III,  P.  I,  C.  11,  Art.  III,  §  IV,  n.  404,  sqq.,  Paris,  1901  *,  p.  175  sqq.  — 
Ch.  Lahr  et  G.  Picard,  Cours  de  Philosophie,  Morale,  Livre  II,  Part.  II,  Sect.  I,  Ch.  11, 
Art.  VI,  T.  II,  p.  185-187,  Paris,  1920. 


(67)  VÉRACITÉ  ET  MENSONGE  173 

Le  principe,  sur  lequel  repose  la  doctrine  précédente  (§  II),  à  savoir  : 
le  désaccord  entre  le  langage  et  la  pensée  est  en  soi,  par  conséquent 
toujours,  un  désordre  moral,  nous  semble  erroné.  Le  langage,  en  eflet, 
a  une  double  fin  :  l'une,  prochaine,  qui  est  d'exprimer  la  pensée  ;  l'autre, 
ultérieure,  qui  est  de  servir  d'instrument  pour  les  relations  sociales  et 
de  concourir  ainsi  au  bien  des  associés.  Or  la  première  n'est  qu'un 
moyen  par  rapport  à  la  seconde.  Par  conséquent,  la  conformité  du 
langage  et  de  la  pensée  est  subordonnée  à  l'utilité  de  la  société.  C'est 
donc  de  la  fin  sociale  que  cette  conformité  tire  sa  valeur  et  sa  moralité. 
Pourquoi  est-il  bon  que  le  langage  soit  conforme  à  la  pensée  ?  Parce  que, 
sans  cette  conformité  habituelle,  la  confiance  mutuelle  ne  saurait 
exister  entre  les  associés  et,  conséquemment,  la  société  deviendrait 
impossible. 

La  bonté  morale  de  l'accord  entre  le  langage  et  la  pensée  ne  dérive 
donc  pas  de  cet  accord  considéré  en  lui-même,  mais  de  ce  qu'il  est  un 
moyen  subordonné  à  une  fin  supérieure  :  l'utilité  sociale.  Car  il  est 
manifeste  que  le  langage  est  fait  pour  entrer  en  rapport  avec  les  autres  (^). 

L'opinion,  que  nous  réfutons,  dit  :  L'ordre  naturel  exige  que  le  signe 
(le  langage)  corresponde  à  la  chose  signifiée  (la  pensée).  Nous  avons 
montré  que  cette  formule  est  incomplète,  donc  inexacte.  Il  faut  dire  : 
L'ordre  naturel  exige  que  le  signe  corresponde  à  la  chose  signifiée,  parce 
que,  d'une  façon  générale,  les  associés  ont  droit  à  la  vérité,  d'où  résulte 
la  sécurité  des  relations  sociales.  Mais,  dans  les  cas  exceptionnels,  où 
cet  accord  entre  la  pensée  et  le  langage  serait  nuisible,  il  n'a  plus  sa 
raison  d'être,  perdant  la  bonté  qu'il  tenait  de  sa  fin  sociale,  et  cesse 
par  là  même  d'être  obligatoire.  La  malice  du  mensonge  réside  donc 
dans  la  violation  du  droit  d'autrui  à  la  vérité.  Là  où  ce  droit  n'existe 
plus,  il  n'y  a  pas  injustice  {^). 

En  pratique,  il  n'est  pas  permis  de  recourir  à  la  dissimulation  de  la 
vérité,  sans  une  raison  suffisante  :  éviter  un  dommage,  spirituel  ou 
temporel,  sérieux.  Ajoutons  que  si  le  silence  suffit  pour  écarter  le  dom- 
mage, il  faut  s'en  contenter.  Mais  souvent  le  silence  ne  l'est  pas,  parce 
qu'il  équivaut  à  un  aveu  implicite.  Il  est  nécessaire  d'imposer  ces 
limites,  parce  que,  l'erreur  étant  un  mal  de  l'intelligence,  on  n'a  pas 
le  droit  d'y  induire  le  prochain  si  l'on  n'a  pas  de  motif  proportionnel- 
lement grave  et  si  l'on  dispose  d'un  autre  moyen  sûr  d'atteindre  son 
but. 


(M  La  vertu  de  véracité  «  est  ad  alterum  ».  (S.  Thomas,  Summa  theologica,  2*  •2»'', 
Q.  CIX,  A.  III). 

(')  Il  faut  noter  que  le  droit  à  la  vérité  ne  relève  pas  de  la  justice  commutalive,  mais 
de  la  justice  sociale  ;  «  Veritas  sive  veracitas  »  (S.  Thomas,  Ibidem,  A.  I)  «  est  pars  justitiae 
in  quantum  annectitur  ei  sicut  virtus  secundaria  principali.  (Ibidem,  A.  III,  à  la  fin).  » 


174  VÉRACITÉ    ET    MENSONGE  (67) 

Donnons  quelques  exemples.  Ceux  qui  sont  tenus  au  secret  profes- 
sionnel, comme  le  prêtre,  l'avocat,  le  médecin,  non  seulement  peuvent, 
mais  doivent  dissimuler  la  vérité,  parce  que  le  droit  d'un  tiers  y  est 
intéressé.  Si  l'intérêt  personnel  est  seul  en  jeu,  on  peut,  pour  le  sau- 
vegarder, user  de  dissimulation,  mais  on  est  libre  de  le  sacrifier. 

Les  parents  ou  les  maîtres,  interrogés  par  des  enfants  sur  des  matières 
scabreuses,  ne  doivent  pas  les  mettre  au  courant,  parce  que,  dans 
l'espèce,  le  droit  des  enfants  à  la  vérité  est  suspendu  par  un  droit  supé- 
rieur, d'ordre  moral  :  on  doit  avant  tout  protéger  leur  innocence. 

Un  serviteur,  auquel  un  fâcheux  demande  si  son  maître  est  à  la  maison, 
peut  lui  répondre  négativement. 

De  même,  pour  me  débarrasser  d'un  indiscret  que  je  rencontre 
sur  ma  route,  et  qui,  sans  motif,  gaspillerait  mon  temps,  je  puis  pré- 
texter une  affaire  pressée.  Autrement  on  ne  pourrait  se  défendre  contre 
les  importuns,  et  la  vie  sociale  deviendrait  un  obstacle  au  lieu  d'être 
un  moyen  de  perfectionnement  et  une  aide  (^)v 

Dans  ces  cas  et  autres  analogues,  la  doctrine  ancienne  est  obligée 
de  se  servir  de  la  restriction  mentale,  et  cela  en  dérogeant,  on  l'a  vu, 
à  son  principe  fondamental. 

La  théorie  récente  n'est  qu'une  application  légitime  de  la  doctrine 
du  volontaire  indirect  rappelée  plus  haut.  Lorsqu'on  répond  faussement 
à  quelqu'un  qui  n'a  pas  droit  à  la  vérité,  deux  effets  sont  à  considérer  : 
la  sauvegarde  de  nos  intérêts  ou  des  intérêts  d' autrui  et  la  déception 
du  prochain.  On  ne  vise  pas,  en  agissant,  la  déception  de  l'interlo- 
cuteur, mais  le  bon  effet  qui  suit  de  l'acte.  Or  il  est  licite  de  permettre 
le  mauvais  effet  en  vue  de  se  protéger  soi-même  ou  les  autres.  L'inter- 
locuteur n'a  (c'est  l'hypothèse  d'où  l'on  part)  aucun  droit  à  connaître 
la  vérité,  et  l'erreur  accidentelle,  qui  est  produite  dans  son  esprit-,  est 
un  mal  moindre  que  la  révélation  de  la  vérité.  Il,  n'a,  d'ailleurs,  qu'à 
s'en  prendre  à  lui-même. 

Le  cas  qui  nous  occupe  est  analogue  à  celui  de  l'agresseur  injuste. 
Tout  le  monde  admet  que,  si  quelqu'un  cherche  à  attenter  à  notre  vie, 
il  est  légitime,  pour  se  préserver  de  la  mort,  de  blesser  ou  même  de  tuer 
l'agresseur  si  c'est  nécessaire.  On  vise  le  bon  effet,  sa  propre  sécurité, 
et  l'on  permet  le  mauvais,  la  blessure  ou  la  mort  de  l'adversaire. 
Dans  ce  conflit  entre  le  droit  personnel  à  la  vie  et  le  droit  à  la  vie  de 
l'agresseur,  c'est  le  premier  qui  l'emporte.  Le  cas  de  refus  de  la  vérité 
à  un  questionneur  injuste  est  aussi  un  cas  de  légitime  défense. 

La  théorie  récente  offre  de  grands  avantages  :  l»  elle  indique  quel 
est  le  vrai  critérium  moral  du  devoir  de  la  véracité  :  l'ordre  et  la  sécurité 


{')  Cf.  L.  Dubois,  Le  Droit  à  la  vérilé,  Loco  cilaio,  p.  369. 


(67)  VÉRACITÉ    ET    MENSONGE  175 

des  relations  sociales.  De  là  découlent  une  notion  claire  et  précise  du 
mensonge  ainsi  qu'une  règle  de  conduite  facile  à  pratiquer. 

20  Elle  rend  inutiles  les  restrictions  mentales.  Ces  restrictions  sont 
un  expédient,  dont  l'allure  louche  répugne  aux  esprits  droits.  De  plus, 
elles  sont  souvent  d'un  emploi  difficile  :  il  y  faut  de  la  prudence  et  de 
la  subtilité,  et,  quand  on  est  pris  à  Fimproviste,  beaucoup  de  sang- 
froid  et  d'à-propos.  C'est  assez  dire  que,  d'un  maniement  délicat-même 
pour  des  intelligences  cultivées,  elles  ne  sont  pas  habituellement  à  la 
portée  du  commun  des  hommes.  Voilà  donc,  d'après  la  théorie  ancienne 
qui  les  autorise  comme  l'unique  ressource  pour  se  tirer  d'embarras, 
une  multitude  d'honnêtes  gens  frustrés  de  tout  moyen  de  sauvegarder 
leurs  droits  et  le.urs  intérêts  les  plus  légitimes. 

Renfermé  dans  les  limites  imposées  par  les  théologiens  (Cf.  supra^ 
p.  170),  l'usage  des  restrictions  mentales  n'a  en  soi  rien  que  de  légitime, 
«Mais  elles  ont  engendré  tant  de  subtilités  et  de  contradictions  qu'elles 
ont  rendu  le  distinguo  odieux  et  ridicule.  Elles  ont  déconsidéré  — ■  à 
tort  —  Escobar  et  jeté  le  discrédit  sur  la  morale  théologique.  Gomme 
d'ailleurs  elles  n'atteignent  nullement  le  but  pour  lequel  on  les  a  créées, 
personne  ne  se  plaindra  qu'on  débarrasse  la  morale  de  ce  poids 
mort  (^).)) 

Conclusion.  —  Au  devoir  que  l'homme  a  de  dire  la  vérité  corres- 
pond chez  l'auditeur  un  certain  droit  à  l'entendre.  C'est  pourquoi  la 
théorie  récente  a  été  nommée  «  Théorie  du  droit  à  la  vérité  ».  11  faut 
noter,  en  terminant,  qu'elle  n'a  rien  d'inquiétant  pour  les  relations 
sociales. 

«  Cet  accord  entre  la  parole  et  le  jugement  interne,  qu'on  appelle 
la  véracité,  n'a  pas  de  valeur  absolue.  La  parole,  en  effet,  est  un  signe, 
et  l'accord  du  signe  et  de  la  chose  signifiée  n'a  de  valeur  que  comme 
moyen  de  représentation.  Si  la  vérité,  dont  le  signe  est  le  véhicule, 
est  bienfaisante  et  utile,  l'accord  de  la  parole  et  de  la  pensée  participe 
à  cette  bonté  comme  le  moyen,  indifférent  en  lui-même,  participe  à  la 
bonté  de  la  fin.  Si,  au  contraire,  la  vérité  «  n'est  plus  bonne  à  dire  », 
l'accord  entre  la  parole  et  la  pensée  devient  lui-même  malfaisant.  Comme 
le  dernier  cas  est  après  tout  l'exception,  la  véracité  est  habituellement 
un  Revoir  social,  tant  qu'un  intérêt,  un  bien  supérieur,  soit  d'ordre 
social,  soit  d'ordre  individuel,  n'entre  pas  en  conflit  avec  lui  (''').  » 
On  peut  donc  poser  ce  principe  :  «  Le  droit  à  la  véracité  et  le  devoir 
corrélatif  disparaissent  quand  la  véracité  n'est  plus  un  bien.  Et  la 
véracité  n'est  plus  un  bien,  lorsqu'elle  empêche   un   bien  supérieur, 


(M  F.  Dubois,  Le  Droit  à  la  vérité,  Loco  citato,  p.  373. 

(  •)  F.  Dubois,  Le  Droit  à  la  vérité,  Loco  citato,  p.  367-368. 


I 


176  DEVOIRS     RELATIFS    A    LA    VOLONTÉ    LIBRE  {67} 

soit  d'ordre  social,  soit  d'ordre  individuel  »  (^),  comme  on  l'a  vu  par  les 
exemples  apportés  ci-dessus  (2). 

§  III.  —  DEVOIRS  RELATIFS  A  LA  VOLONTÉ  LIBRE 

Nous  devons  respecter  la  liberté  dans  toutes   ses  manifestations 
légitimes.  L'Esclavage  et  le  Servage  sont  contraires  à  la  liberté. 

A.  —  L'Esclavage  (^) 

10  Elégitimité  de  l'esclavage.  —  L'esclavage  répugne  au  droit  naturel, 
parce  que  l'esclave,  qui  est  une  personne  morale  inviolable,  devient 
la  chose  d'autrui  (^).  Sa  liberté  physique,  sa  vie,  ses  droits  d'époux,  de 
père,  toutes  ces  choses  sacrées  sont  à  la  merci  d'un  caprice  du  maître- 
Rien  ne  peut  légitimer  une  pareille  usurpation,  car  chacun,  ayant  le 
droit  de  vivre  pour  Dieu  et  pour  soi,  ne  peut  être  pris  par  les  autres 
comme  un  simple  moyen  pour  arriver  à  leurs  fins.  La  servitude  est 
en  outre  la  négation  de  Végalité  essentielle  de  tous  les  hommes  devant 
la  loi  morale  :  tous  ont  le  devoir  rigoureux  de  tendre  à  leur  fin  et  par 
conséquent  tous  ont  le  même  droit  de  ne  pas  être  entravés  dans  l'accom- 
plissement de  ce  devoir. 

2»  Opinions  des  philosophes  anciens.  ^ — Socrate  se  contente  derecom- 
mander  aux  maîtres  de  bien  traiter  leurs  esclaves.  Platon  estime 
«  qu'il  n'y  a  rien  de  sain  ni  d'entier  dans  l'esprit  des  esclaves  »  {^)  et 
il  approuve  ce  vers  «  du  plus  sage  des  poètes  »  :  «  Zeus  prive  de  la  moitié 
de  leur  intelhgence  ceux  qui  tombent  dans  l'esclavage  (^).  »  Dans  sa 
République,  où  il  a  tracé  le  plan  de  la  Cité  idéale  qu'il  rêve,  il  n'y  a  pas 
de  place  pour  l'esclavage  et  il  en  nie  la  légitimité  (').  Dans  les  Lois^ 
il  parle  en  homme  d'État  et  se  place  sur  le  terrain  des  faits.  L'escla- 
vage lui  apparaît  comme  une  nécessité,  il  en  pèse  les  avantages  et  les 


(  *)  F.  Dubois,  Le  Droit  à  la  vérité,  Loc.  cit.,  p.  368. 

(»)  Voir  supra,  p.  174.  —  Cf.  Dubois,  Ibidem,  p.  369-372. 

(»)  Wallon,  Histoire  de  l'esclavage  dans  l'antiquité.  —  Fr.  de  Champagny,  De  la 
charité  chrétienne  dans  les  premiers  siècles  de  l'Eglise,  II»  P.,  Ch.  ii,  §  3.  Les  Antonins, 
L.  III,  Ch.  V,  §  1.  —  MoHLER,  Christianisme  et  Esclavage.  De  l'abolition  de  l'esclavage  par 
le  Christianisme.  —  A.  Cochin,  L'abolition  de  l'esclavage.  —  P.  Allard,  Les  esclaves  chré- 
tiens... —  Balmès,  Protestantisme  comparé  au  Catholicisme,  Ch.  xv-xix.  —  Taparelli, 
Essai  théorique  de  droit  naturel,  n"  1511-1512. 

(  ♦)  Dans  le  droit  romain  l'esclave  n'était  pas  une  personne  :  Ntdlum  caput  habuit 
( Inslitutiones  Justiniani.  L.  I,  Titulo  XVI,  §  4). 

(•)  Platon,  Lois,  L.  VI,  Édit.  Didot,  T.  II,  p.  367,  ligne  48. 

{•)  Odyssée,    XVII,   322. 

(')  Platon,  République,  L.  II. 


(67)  l'esclavage  :  philosophes  anciens  177 

inconvénients  et  il  conclut  qu'il  faut  traiter  les  esclaves  de  façon  qu'ils 
soient  utiles  sans  devenir  dangereux.  Pour  prévenir  les  troubles  et  les 
révoltes  il  ne  voit  que  deux  expédients  :  «  le  premier,  de  n'avoir  point 
d'esclaves  d'une  seule  et  même  nation,  mais,  autant  qu'il  est  possible, 
qui  parlent  entre  eux  différentes  langues,  si  l'on  veut  qu'ils  portent 
aisément  le  poids  de  la  servitude  ;  le  second,  de  les  bien  traiter,  non  seu- 
lement pour  eux-mêmes,  mais  encore  plus  pour  ses  intérêts  »  {^). 

Aristote  est  plus  radical  :  il  soutient  que  l'esclavage  est  néces- 
saire et  naturel.  Dés  le  début  de  sa  Politique,  il  fait  cette  déclaration 
de  principe  :  «  C'est  la  nature  qui,  par  des  vues  de  conservation,  a 
créé  certains  êtres  pour  commander  et  d'autres  pour  obéir.  C'est  elle 
qui  a  voulu  que  l'être  doué  de  raison  et  de  prévoyance  commandât 
en  maître  ;  de  même  encore  que  la  nature  a  voulu  que  l'être,  capable 
par  ses  facultés  corporelles  d'exécuter  les  ordres,  obéît  en  esclave  ; 
et  c'est  par  là  que  l'intérêt  du  maître  et  celui  de  l'esclave  se 
confondent  {^).  u 

Aristote  sent  le  besoin  de  justifier  cette  déclaration,  car,  de  son 
temps,  il  y  avait  des  protestations  contre  l'esclavage  :  «  D'autres,  au 
contraire,  prétendent  que  le  pouvoir  du  maître  est  contre  nature  ; 
que  la  loi  seule  fait  des  bommes  libres  et  des  esclaves,  mais  que  la 
nature  ne  met  aucune  différence  entre  eux  ;  et  que  même  par  suite 
l'esclavage  est  inique,  puisque  la  violence  l'a  produit  {^).  »  Mais  les 
preuves  qu'il  apporte  ne  sont  que  de  simples  affirmations  ou  de  purs 
sophismes. 

La  première  est  tirée  des  nécessités  de  l'économie  domestique  : 
«...Comme  les  autres  arts,  chacun  dans  sa  sphère,  ont  besoin  pour  accom- 
plir leur  œuvre  d'instruments  spéciaux,  la  science  domestique  doit 
avoir  également  les  siens.  Or,  parmi  les  instruments,  les  uns  sont  ina- 
nimés, les  autres  vivants...  L'esclave  est  une  propriété  vivante  {xir^ixé. 
Tt  iwW/py)  »  et  c'est  le  premier  des  instruments.  «  Si  chaque  instru- 
ment pouvait,  sur  un  ordre  reçu,  ou  même  deviné,  travailler  de  lui- 
même...  ;  si  les  navettes  tissaient  toutes  seules  ;  si  l'archet  jouait  tout 
seul  de  la  cithare,  les  entrepreneurs  se  passeraient  d'ouvriers,  et  les 
maîtres,  d'esclaves  (*).  » 

Donc  l'esclavage   est   nécessaire   et,   partant,   naturel,    parce   que, 


(■)  Platon,  Lois,  L  VI,  Edit.  Didot,  T.  II,  p.  367-368.  Traduct.  Cousin,  T.  VII, 
p.  358.  —  Cf.  H.  Wallon,  Histoire  de  l'esclavage  dans  l'anliquilé,  L.  I,  Ch.  XI,  §  II 
T.  I.  p.  363-372,  Paris,  1879^ 

(«)  Aristote,  Politique,  L.  I,  Ch.  i,  §  4  (Edit.  Didot,  T.  I,  p.  482).  —  La  traduction 
est  empruntée  à  J.  Barthélemy-Saint-Hilaire,  Paris,   1848*. 

{ ')  Aristote,  Politique,  L.  I,  Ch.  ii,  §  3,  Ibidem,  p.  484. 

(*)  Aristote,  Politique,  L.  I,  Ch.  ir,  §  4-5,  Ibidem,  p.  484-485. 


178  l'esclavage  :  philosophes  anciens  (67) 

pour  le  supprimer,  il  faudraitbouleverser  les  lois  de  la  nature  physique. 

Pour  légitimer  la  relation  d'esclave  à  maître,  Aristoïe  fait  aussi 
appel  à  un  argument  analogique  emprunté  aux  rapports  du  corps  et 
de  l'àme.  «  L'être  vivant  est  composé  d'une  àme  et  d'un  corps,  faits 
naturellement  l'une  pour  commander,  l'autre  pour  obéir....  C'est  là 
aussi  la  loi  générale  qui  doit  nécessairement  régner  entre  les  hommes. 
Quand  on  est  inférieur  à  ses  semblables  autant  que  le  corps  l'est  à  l'âme, 
la  brute  à  l'homme  (et  c'est  la  condition  de  tous  ceux  chez  qui  l'em- 
ploi des  forces  corporelles  est  le  seul  et  le  meilleur  parti  à  tirer  de  leur 
être),  on  est  esclave  par  nature....  L'utilité  des  animaux  privés  et 
celle  des  esclaves  sont  à  peu  près  les  mêmes  :  les  uns  comme  les  autres 
nous  aident,  par  le  secours  de  leurs  forces  corporelles,  à  satisfaire 
les  besoins  de  l'existence.  La  nature  même  le  veut,  puisqu'elle  fait 
les  corps  des  hommes  libres  différents  de  ceux  des  esclaves,  donnant  à 
ceux-ci  la  vigueur  nécessaire  dans  les  gros  ouvrages  de  la  société,  ren- 
dant au  contraire  ceux-là  incapables  de  courber  leur  droite  stature 
à  ces  rudes  labeurs,  et  les  destinant  seulement  aux  fonctions  de  la  vie 
civile,  qui  se  partage  pour  eux  entre  les  occupations  de  la  guerre  et 
«elles  de  la  paix  (^).    » 

Traitant  de  l'amitié  dans  sa  Morale  à  Nicomaque^  Aristote  enseigne 
qu'elle  ne  peut  exister  ><  entre  nous  et  les  choses  inanimées,  ni  même 
entre  nous  et  le  cheval  ou  le  bœuf  ou  l'esclave  en  tant  qu'esclave,  parce 
qu'il  n'y  a  rien  de  commun  entre  le  maître  et  l'esclave.  L'esclave,  en 
efïet,  n'est  qu'un  instrument  animé,  de  même  que  l'instrument  n'est 
qu'un  esclave  inanimé  ('O  yàp  ^oZXo^  £a'|u/ov  o^-faw^^  to  -î'opyavov  a'l»u/o; 
"îoviXoç).  Il  n'y  a  quelque  amitié  qu'en  tant  qu'il  est  homme  (^).  » 

Devant,  les  misères  de  l'esclavage,  «  les  Écoles  d'Épicure  et  de 
Zenon  s'enfermaient  l'une  dans  son  égoïsme,  l'autre  dans  son  indif- 
férence :  impitoyables  également,  la  première  par  amour,  la  seconde 
par  mépris  pour  le  bien-être  et  le  plaisir  »  {^). 

Les  doctrines  stoïciennes  n'étaient  pas  faites  pour  amener  la  dis- 
parition de  l'esclavage.  Bien  au  contraire.  Car,  dans  l'homme,  il  y  a 
un  double  principe  :  l'âme,  principe  de  liberté,  et  le  corps,  principe 
d'asservissement.  Aussi  la  vie,  qui  résulte  do  l'union  de  l'âme  et  du  corps, 
serait  une  véritable  servitude,  si  chacun  n'avait  le  pouvoir  de  s'en 
affranchir,  à  son  gré,  par  le  suicide.  C'est  pourquoi  est  vraiment  esclave 
celui  qui  s'abandonne  à  l'empire  du  corps,  aux  exigences  des  passions 
mauvaises  ;  est  vraiment  libre  celui  qui  sait  les  dominer,  restant  maître 


I 


(')  Aristote,  Polilique,  L.  I,  Ch.  ii,  §§  10,  13  et  14,  Ibidem,  p.  485-486.  —  Cf.  Wallon, 
Histoire...,  Ibidem,   §  III,  p.  372-392. 

(")  Aristote,  Ethique  à  Nicomaque,  L.  VIII,  Cli.  xi,  §  G-7.  Édit.  Didot,  T.  II,  p.  100. 
(  *)  Wallon,  Histoire...,   Ibidem,  p.  392. 


\  (67)  l'esclavage   :  philosophes  anciens  179 

-'de  sa  volonté.  Par  là  même  les  classes  sociales  disparaissent  :  l'homme 
libre  devient  esclave,  s'il  se  soumet  au  joug  des  désirs  corporels  ;  et 
l'esclave  devient  libre  si  son  âme  repousse  toute  sujétion. 

Ces  enseignements  du  pur  Stoïcisme  sont  familiers  à  Sénèque  qui 
s'en  est  fait  l'écho  fidèle.  Mais  il  ne  s'en  est  pas  tenu  là  :  on  trouve 
chez  lui  des  sentences  qui  vont  à  nier  la  légitimité  de  l'esclavage.  Il 
proclame,  par  exemple,  l'identité  de  tous  les  hommes  :  «  La  nature 
nous  a  créés  parents,  puisqu'elle  nous  a  formés  des  mêmes  éléments 
et  pour  les  mêmes  destinées  ;  elle  nous  a  inspiré  un  mutuel  amour  et 
nous  a  faits  sociables....  Que  ce  vers  soit  et  dans  le  cœur  et  dans  la 
bouche  : 

«  Je  suis  homme  et  rien  d'humain  ne  m.'est  étranger  (^).   » 

Il  écrit  à  Lucilius,  dans  une  lettre  où  il  le  félicite  de  la  manière 
dont  il  traite  ses  esclaves  :  «  J'ai  été  bien  aise  d'apprendre,  par  ceux 
qui  viennent  de  ta  part,  dans  quelle  familiarité  tu  vis  avec  tes  esclaves. 
Cela  est  digne  de  ta  sagesse  et  de  ton  instruction.  Sont-ce  des  esclaves  ? 
Non,  mais  des  hommes.  Des  esclaves  ?  Non,  mais  des  compagnons 
de  vie.  Des  esclaves  ?  Non,  mais  d'humbles  amis.  Des  esclaves  ?  Non, 
tu  diras  plutôt  des  frères  de  servitude,  si  tu  considères  que  la  fortune 
a  le  même  empire  sur  eux  et  sur  toi  (^).  » 

La  lettre  est  remplie  des  meilleurs  conseils  :  «  Vis  avec  ton  infé- 
rieur comme  tu  voudrais  que  ton  supérieur  vécût  avec  toi...  Vis  dou- 
cement avec  ton  esclave,  parle,  confère  et  mange  avec  lui....  Fais  que 
tes  esclaves  t'honorent  plus  qu'ils  ne  te  craignent  (*).  » 

«  ...Cette  lettre,  qui  se  rapporte  à  la  dernière  période  de  sa  vie, 
est  irréprochable  d'un  bout  à  l'autre  pour  la  doctrine.  Mais,  quand 
on  prend  l'ensemble  de  ses  ouvrages,  on  y  trouve,  en  plus  d'un  lieu, 
le  fond  de  ces  opinions  stoïciennes  qui  relevaient  les  esclaves  en  théorie 
et  les  méprisaient  souvent  en  réalité  {").  » 


(  M  Nalum  nos  cogiiatos  edidit,  quum  ex  iisdem  et  in  eadem  gigneret.  Haec  nobis 
amorem  indidit  mutuum  et  sociales  fecit...  Iste  versus  et  in  pectore  et  in  ore  sit  : 

Homo  suni,  hiunani  nihil  a  me  alienuiu  puto  (Sénèque,  Epistolae  ad  Lucilium,  Epist. 
XCV,  Édit.  NisARD,  Paris,  1850,  p.  779). 

(  ^)  Libenter  ex  his,  qui  a  te  veniunt,  cognovi  familiariter  te  cum  servis  tuis  vivere  : 
hoc  prudentiam  tuam,  hoc  eruditionem  decet.  Servi  sunt  ?  immo  homines.  Servi  sunt  ? 
immo  contubernales.  Servi  sunt  ?  immo  humiles  amici.  Servi  sunt  ?  immo  conservi,  si 
cogitaveris  tantumdeiu  in  utrosque  licere  fortunae.  (Sénèque,  Epist.  XLVII,  p.  601). 

(  =)  Sic  cum  inferinre  vivas,  quemadmodum  tecum  superiorem  velles  vivere...  Vive  cum 
servo  clementer,  comilem  quoque  et  in  sermonem  illum  admitte,  et  in  consiliura  et  in 
convictum...  Colant  potius  te  quam  timeant.  (Sénèque,  Epist.  XLVII,  p.  603,  604). 

(•)  Wallon,  Histoire...,  L.  III,  Ch.  i,  T.  III,  p.  29.  —  Sur  l'attitude  du  Stoïcisme  en 
face  de  l'esclavage,  cf.  Ibidem,  L.  I,  Ch.  xi,  T.  I,  p.  392-393.  —  L.  III,  Ch.  i,  §  II  et  III, 
T.  III,  p.  18-43. 


180  l'esclavage  :  attitude   du   christianisme  (67) 

Esclave  lui-même  pendant  un  temps,  ce  souvenir  n'a  suggéré  à 
Épictète  aucune  commisération.  Lui,  il  revient  au  pur  Stoïcisme  et 
s'enferme  dans  la  plus  hautaine  impassibilité,  professant  une  doctrine 
inaccessible  à  la  masse. 

Le  corps  ne  compte  pas  ;  seule  l'âme  est  en  cause.  «  Est  esclave 
celui  dont  le  corps  est  libre,  mais  l'âme  enchaînée.  Est  libre  celui  dont 
le  corps  est  enchaîné,  mais  l'âme  sans  entraves  (^).  »  Les  distinctions 
sociales,  qui  résultent  de  la  liberté  et  de  la  servitude  légales,  sont  donc 
sans  importance,  parce  qu'elles  sont  extérieures. 

Les  conclusions  pratiques  qui  se  dégagent  de  cette  doctrine  sonL  j 
d'une  simplicité  parfaitement  logique.  L'esclave,  qui  veut  devenir  J 
libre,  n'a  pas  besoin  de  changer  d'état  :  qu'il  change  ses  sentiments  (-). 
Le  maître  n'a  pas  à  s'occuper  davantage  de  la  question  de  la  servitude, 
car  l'esclave  qui  comprend  sa  position  n'a  que  faire  de  pitié  ;  celui 
qui  la  supporte  mal,  n'en  est  pas  digne.  Épictète  cependant  recommande 
d'user  de  modération  dans  le  traitement  des  esclaves.  Mais  cette  recom.- 
mandation  ne  lui  est  pas  inspirée  par  compassion  pour  les  injustes^ 
rigueurs  de  l'esclavage.  C"est  une  conséquence  de  sa  manière  de  com- 
prendre le  rôle  de  l'homme  libre  :  il  ne  doit  pas  être  esclave  de  sa  colère.] 

«  Ainsi  la  liberté  et  l'esclavage  du  monde  sont  des  chimères  ;  lai 
vraie  manière  d'être  libre,  qu'on  soit  libre  ou  esclave  selon  les  hommes,| 
est  un  art  dont  Épictète  prétend  avoir  le  secret  ;  mais  les  esclaves 
ne  viennent  pas  le  lui  demander,  et  le  philosophe  croirait  se  dégrader 
en  allant  le  leur  offrir  lui-même,  comme  ces  médecins  qui,  de  son  temps, 
à  Rome,  allaient  chercher  les  malades,  au  lieu  de  les  attendre  (^).   » 

3°  Attitude  du  Christianisme.  —  Seul  le  Christianisme  a  combattu 
efficacement  l'esclavage.  Mais  on  lui  a  reproché  de  ne  pas  avoir 
employé  la  violence  et  de  n'avoir  pas  prêché  la  révolte  afin  de  hâter 
l'affranchissement  des  esclaves. 

«  Les  Apôtres  n'ont  pas  prêché  la  révolte  aux  esclaves.  Ils  auraient 
eu  beaucoup  moins  de  chances  de  réussir  que  Spartacus  qui  a  suc- 
combé :  ils  eussent  rempli  le  monde  de  sang  et  de  ruines  et  laissé  fina- 
lement les  chaînes  de  l'esclavage  plus  étroitement  rivées  aux  mains 
des  vaincus  (*).  »  «  Le  Christianisme  a  fait  une  œuvre  plus  morale  ot 
surtout  plus  efficace  en  parlant  d'abord  à  la  conscience  des  maîtres 


aw;xa  oeoeaî'vo;,  r^v  Bz   •j'U/viv  À£Àu;/£vo;,  IXîûOîpo;.  (Epictète:,  Fragments,  IX) 

{')  Épictète,    Fragments,    .XLIV. 

(  ')  Wallon,  Histoire...,  L.  III,  Ch.  i,  §  III,  T.  III,  p.  41.  —  «  Cette  impassibilité  stoï- 
cienne, qu'on  trouve  dans  l'ancien  esclave  Épictète,  se  reproduit  dans  l'empereur  Marc- 
Aurèle,  son  disciple.   »  (Ibidem,  p.  42-43). 

(  •)  M.  D'HuLST,  Conférences  de  Notre-Dame,  1894,  Note  23,  p.  442. 


^67)  LE  SERVAGE  181 

et  à  celle  des  esclaves  ;  il  a  révélé  aux  uns  et  aux  autres  ce  que  les  uns 
et  les  autres  avaient  oublié  :  l'égalité  des  âmes  devant  Dieu  et  leur 
dignité  inviolable.  «  Vous  n'avez  qu'un  maître,  vous  êtes  tous  des 
frères  »,  cette  parole  du  Christ,  redite  par  les  Apôtres,  propagée  par 
toute  la  terre,  a  fait  plus  et  mieux  qu'opposer  une  digue  au  torrent 
du  despotisme  qui  débordait  sur  le  monde,  elle  en  a  tari  la  source.  Les 
maîtres  chrétiens  ont  appris  à  respecter  les  esclaves  ;  les  esclaves  chré- 
tiens ont  appris  à  se  respecter  eux-mêmes.  L'Église  a  fait  pour  eux 
des  choses  surprenantes  qui  ont  jeté  la  stupeur  dans  le  monde  antique 
et  que  l'accoutumance  seule  peut  nous  empêcher  d'admirer.  Elle  a 
relevé  les  esclaves  en  les  appelant  par  le  baptême  au  rang  d'enfants 
de  Dieu  ;  par  le  sacrement  de  mariage,  au  rang  d'époux  et  de  pères  ; 
par  l'ordination,  à  la  dignité  de  Pontifes  ;  par  la  profession  monastique, 
à  l'honneur  d'une  vie  consacrée....  Voilà  ce  qu'a  fait  pour  l'émanci- 
pation des  hommes  une  religion  persécutée.  »  Une  fois  délivrée  de  la 
persécution,  elle  a  achevé  le  grand  ouvrage  commencé  :  «  Elle  a  pré- 
conisé la  liberté  dans  ses  lois  canoniques,  poursuivi  l'esclavage  dans 
les  derniers  refuges  que  lui  offraient  les  lois  impériales,  conseillé 
l'affranchissement  aux  maîtres  laïques,  pratiqué  largement  l'affranchis- 
sement par  le  ministère  de  ses  clercs,  rendu  la  servitude  incompatible 
avec  la  profession  sacerdotale  ou  religieuse  (^).   » 


B.  —  Le  Servage. 

Le  servage  féodal  dérive  du  colonat  romain  et  des  conditions  qui 
étaient  imposées  aux  esclaves  qu'on  affranchissait.  Les  colons  formaient, 
dans  les  derniers  temps  de  l'Empire,  une  classe  intermédiaire  entre 
les  esclaves  et  les  hommes  libres.  L'état  social  devint,  au  iv^  siècle, 
si  intolérable  qu'on  ne  trouvait  plus  de  propriétaires  ruraux  ni  de 
cultivateurs.  Pour  remédier  au  mal,  les  colons  furent  attachés  à  la  glèbe 
et  devinrent  les  serfs  de  la  terre,  comme  les  curiales  étaient  attachés 
aux  municipes  {^). 

Le  servage  servit  de  transition  entre  l'esclavage  antique  et  la  domes- 
ticité moderne.  «  Le  trait  le  plus  caractéristique  »  de  la  société  rurale 
à  cette  époque,    «  c'est  que  l'immense  majorité  de  ceux  qui  la  com- 


(')  M.  D'HULST,  Conférences  de  Notre-Dame,  1894,  6«  Conf.,  p.  180-182.  —  Pour  la 
preuve  des  faits  allégués  et  de  bien  d'autres,  comme  la  doctrine  des  Pères  de  l'Église,  l'inter- 
vention des  Conciles,  voir  H.  Wallon,  Histoire...,  L.  III,  Ch.  i,  §  I;  Ch.  viii,  ix,  x,  T.  III, 
p.  1-14  ;  296-443.  —  Augustin  Cochin,  L'abolilion  de  l'esclavage,  III»  Partie,  L.  X,  T.  II, 
p.  349-470,  Paris,  1861. 

(.')  B.  Terrât,  Le  colonat.  —  L.  Veuillot,  Le  droit  du  seigneur.  —  P.  Allard,  De 
l'origine  du  servage  en  France,  Paris,  1913. 


182  LE    SERVAGE  (67) 

posent  est  soumise  à  la  condition  servile.  Il  est  vrai  que  le  servage 
comporte  des  nuances  dont  il  faut  tenir  compte.  Le  serf,  appelé  coUi- 
bert^  très  répandu  surtout  dans  nos  provinces  de  POuest  et  sur  les  bords 
de  la  Loire  moyenne  et  inférieure,  échappait  à  quelques-unes  des  obli- 
gations communes  aux  hommes  de  sa  classe.  Les  serfs  du  roi  et  ceux 
des  églises  jouissaient  de  certains  privilèges.  En  général,  le  serf  agri- 
culteur n'était  pas  aussi  malheureux  que  le  serf  domestique,  attaché 
au  service  personnel  d'un  maître,  mais  il  n'en  subissait  pas  moins  la 
plus  dure,  la  plus  intolérable  de  toutes  les  sujétions.  Il  ne  peut  ni 
se  déplacer  à  sa  guise,  ni  se  marier  hors  de  la  seigneurie.  Il  n'a  pas 
droit  de  disposer  de  son  avoir  en  faveur  d'une  autre  personne  que  son 
héritier  direct,  encore  cette  transmission  est-elle  taxée.  11  peut  être 
vendu,  engagé,  donné  par  son  seigneur.  Il  est  considéré  comme  inca- 
pable de  comparaître  et  de  témoigner  en  justice,  au  moins  contre  des 
personnes  libres.  Pour  lui,  les  protections  juridiques  n'existent  pas. 
Sa  personne  même,  en  cas  de  délit  non  amendé,  peut  être  livrée  à  la 
brutalité  du  maître  ou  de  ses  agents.  Ses  enfants  peuvent  être  partagés 
et  dispersés  entre  les  mains  de  propriétaires  différents...  (^).  Si  malhea- 
reuse  que  soit  sa  condition,  le  serf  du  xi^  siècle  paraît  moins  à  plaindre 
que  ne  l'étaient  ses  pareils  au  temps  de  l'esclavage  antique.  Attaché  à 
la  terre  qu'il  cultive,  il  est  devenu,  d'objet  mobilier,  un  immeuble. 
Il  a  gagné  en  stabilité,  si  l'on  n'ose  pas  dire  en  dignité.  Il  est  moms 
emprisonné  dans  sa  caste.  On  voit  déjà  quelques  serfs  exercer,  dans 
les  seigneuries,  des  fonctions  de  réelle  importance.  La  rigueur  des 
charges  serviles  tend  quelque. peu  à  s'adoucir.  S'il  faut  en  croire  les 
économistes,  un  cheval  valait  en  moyenne,  au  xi^  siècle,  cent  sous, 
un  mulet  cent  douze  et  un  serf  trente-huit.  Faut-il  en  conclure  que 
l'opinion  ravalait  l'espèce  humaine  au-dessous  de  la  brute  ?  Le  prix 
inférieur  du  serf  prouve  au  contraire  que  la  condition  servile  se  rele- 
vait. Si  le  serf  valait  pour  son  propriétaire  deux  tiers  de  moins  qu'une 
bête  de  somme,  c'est  que  les  services  qu'il  était  obligé  de  lui  rendre 
commençaient  à  être  limités  (^).  » 

Certains  historiens  estiment  qu'en  fait  ce  régime,  intermédiaire 
entre  la  servitude  stricte  et  l'autonomie  complète,  a  été  amené  par 
les  circonstances  comme  une  transition  nécessaire.  Mais,  en  soi,  il 
constitue  une  violation  de  plusieurs  droits  essentiels  à  la  personne 
humaine,  vg.  le  droit  de  choisir  sa  profession  et  sa  résidence,  de  tra- 
vailler pour  soi  et  pour  les  siens,  de  s'associer,  de  se  marier  où  l'on  veut, 
d'ester  en  justice.  Il  faut  donc  repousser  le  servage  forcé  comme  illé- 


( '- *)  A.  LuciiAiHE,  Les  premiers  Capétiens,  L.  I,  Ch.  i.  §  IV,  dans  Histoire  de  Franr: 
depuis  les  Origines  jusqu'à  la  Révolution,  sous  la  direction  d'E.  Lavisse,  T.  II,  Partie  II 
p.  24-20  ;  20-27,  Paris,  1901. 


(67)  LIBERTÉ    DE    CONSCIENCE  183 

gitime,  au  même  titre  que  l'esclavage,  bien  qu'à  un  degré  moindre. 
Louis  XVI  abolit  le  servage  dans  les  domaines  royaux  par  Fédit  du 
8  août  1779.  Il  a  persisté  en  Russie  jusqu'en  1861. 

Que  dire  d'un  engagement  par  lequel  quelqu'un  louerait  ses  services 
à  un  autre  pour  la  vie  ?  Il  est  légitime  en  soi,  car  si  on  a  le  droit  d'en- 
gager ses  services  pour  un  temps,  rien  n'empêche  de  le  faire  pour  tou- 
jours, pourvu  que  ce  soit  un  acte  libre  et  personnel.  Ce  l'ut  d'ailleurs 
l'une  des  sources  du  servage  l'éodal.  Il  arriva,  en  effet,- que  des  hommes 
libres  renoncèrent  volontairement  à  certains  droits  pour  obtenir  en 
échange  secours  et  protection.  Ils  le  pouvaient,  parce  que  les  droits 
qu'ils  abdiquaient  n'étaient  pas  inaliénables  de  leur  nature. 


C.  —  Liberté  individuelle. 

C'est  le  droit  qu'a  tout  individu  d'exercer  ses  facultés  naturelles, 
sans  entraves,  dans  les  limites  de  la  justice  et  de  la  charité.  Examinons 
les  principales  manifestations  de  ce  droit  : 

I.  —  Liberté  de  conscience  (^)  :  on  entend  par  là  l'exemption  de 
toute  contrainte,  venant  d'un  simple  particulier  ou  de  la  loi,  qui  empê- 
cherait quelqu'un  d'agir,  soit  dans  sa  vie  privée,  soit  dans  sa  vie  publique, 
conformément  au  dictamen  certain  de  sa  conscience.  C'est  un  droit 
naturel  inaliénable  qui  appartient  à  chacun,  car  chacun  a  le  droit  de 
tendre  à  sa  fin  d'après  les  lumières  d'une  conscience  droite,  chacun  a 
le  droit  de  n'être  pas  entravé  dans  l'accomplissement  de  la  loi  divine. 
L'intolérance,  qui  consiste  à  forcer  les  autres  à  agir  contrairement  à 
leur  conscience,  est  donc  condamnable. 

Cette  liberté  cependant  ne  saurait  être  illimitée,  car  elle  peut  venir 
en  conflit  avec  les  droits  supérieurs  des  autres,  naturels  ou  positifs. 
Il  appartient  en  conséquence  à  l'autorité  publique  d'en  limiter  l'exer- 
cice en  prenant,  pour  mesure  des  restrictions  à  apporter,  les  exigences 
du  bien  commun  de  la  société. 

II.  —  Liberté  de  pensée  {^)  :  cette  expression  prise  à  la  lettre  n'a 
pas  de  sens,  parce  que  l'intelligence  est  une  faculté  fatale.  Si  une- chose 
me  parait  évidente,  je  ne  puis  penser  qu'elle  ne  l'est  point  ;  si  elle  me 
parait  douteuse,  je  ne  puis  la  tenir,  ni  pour  vraie,  ni  pour  fausse,  mais 


(  M   Jeanjacquot,  La  liberté  de  œnscience. 

( ')  LÉON  XIII,  Encycliques  Libertas  prœstanlissimum,  Immortale  Dei.  — E.  Kelleh, 
L'Encyclique  du  8  décembre  1864  el  les  principes  de  89.  —  Cardinal  Pie,  Instructions 
morales  sur  les  principales  erreurs  du  temps  présent.  Œuvres,  T.  V.  —  M.  d'Hulst,  Le  droit 
chrétien  et  le  droit  moderne.  —  H.  Hello,  Les  libertés  modernes  d'après  les  Encycliques.  — 
Parisis,  Cas  de  conscience.  —  G.  Sortais,  La  crise  du  libéralisme  el  la  liberté  d'enseignement, 
Ch.  viii  et  IX. 


1 


184  LIBERTÉ    DE    PENSÉE  (67) 

je  la  regarde  comme  douteuse.  On  ne  peut  donc  entendre  par  là  que  la 
liberté  de  manifester  sa  pensée.  Or  toute  pensée  a-t-elle  droit  à  être 
manifestée  ?  La  réponse  à  cette  question  dépend  de  la  réponse  à  cette 
question  préalable  :  Y  a-t-il  des  pensées  coupables  ? 

La  pensée  peut  être  envisagée  dans  une  triple  phase  : 

1»    Comme  spontanément  conçue  par  V esprit  :  elle  n'est  alors  formel- 
lement ni  coupable,   ni  innocente,   car  l'intelligence  est  une  faculté 
nécessaire  ;  pas  de  liberté,  donc  pas  de  responsabilité.  Ainsi  les  plus 
graves   erreurs,    les   projets   les   plus   monstrueux   peuvent    traverser* 
l'esprit,  sans  faute  de  notre  part.  ' 

2°  Comme  acceptée  par  la  volonté  :  elle  devient  formellement  inno- 
cente ou  coupable,  c'est-à-dire  qu'il  y  a  innocence  ou  culpabilité  dans 
l'acte  de  volonté  qui  l'adopte  ;  vg.  la  pensée  de  tuer  quelqu'un  me  passe 
par  l'esprit  ;  jusqu'ici  rien  de  mal.  J'approuve  cette  idée,  je  l'accepte 
par  un  acte  libre  ;  je  veux  tuer  un  tel.  La  pensée  est  devenue  coupable. 

3°  Comme  publiquement  manifestée  par  la  parole,  la  plume  ou  le 
dessin  :  le  délit  déjà  constitué  par  l'acceptation  intérieure  est  aggravé 
par  la  manifestation  verbale  ou  écrite.  Il  est  donc  évident  que  toute 
pensée  ne  peut  prétendre  au  droit  d'être  exprimée.  Cette  expression, 
ayant  une  influence  morale  bonne  ou  mauvaise,  selon  que  la  pensée 
manifestée  est  honnête  ou  déshonnête,  vraie  ou  fausse,  sera  légitime 
ou  illégitime  dans  la  mesure  même  de  cette  influence.  Comme 
l'expression  des  idées  a  tôt  ou  tard  son  contre-coup  dans  les  faits,  toute 
société,  qui  veut  vivre  et  prospérer,  devra  empêcher  la  manifestation 
des  pensées  subversives  des  fondements  de  l'ordre  social,  qui  sont  la 
religion,  la  famille  et  la  propriété.  La  liberté  illimitée  d'exprimer  sa 
pensée  est  donc  un  abus  ;  c'est  de  la  licence.  Or  les  libertés  de  la  presse  {^), 
de  la  discussion,  de  l'enseignement  sont  les  manières  principales  de  mani- 
fester la  pensée.  11  s'ensuit  donc  qu'elles  doivent  être  limitées  dans  une 
mesure  qui  varie  avec  les  circonstances. 

Cette  mesure  dépend  de  la  plus  ou  moins  grande  unité  doctrinale 
qui  règne  dans  un  pays.  Toute  nation  a  besoin  d'être,  dans  son  ensemble, 
d'accord  au  moins  sur  les  principes  fondamentaux  de  l'ordre  social. 
C'est  pour  elle  une  question  de  vie  ou  de  mort. 

Aussi  l'État  a-t-il  le  devoir  et  le  droit  de  protéger  les  fondements 
de  la  société  et  de  réprimer  toute  attaque  qui  tend  à  les  ébranler.  L'into- 
lérance est  une  loi  vitale  pour  tout  être,  individuel  ou  collectif  ;  c'est 


(')  Fouillée  ne  craint  pas  de  limiter  la  liberté  de  la  presse  :  «  La  complète  liberté» 
politique,  scientillque  et  religieuse  de  la  presse  ne  saurait  entraîner  ni  le  droit  de  diffamation, 
ni  le  droit  d'excitation  aux  crimes  ou  délits  punis  par  la  loi,  ni  le  droit  de  publications 
pornographiques  ».  {Revue  des  Deux  Mondes,  15  janvier  1897,  p.  442). 


I 


(67)  LIBERTÉ    DE    PENSÉE  185 

le  droit  de  résister  à  quiconque  s'oppose  au  développement  normal 
de  la  vie  privée  ou  sociale.  En  maintenant  l'unité  et  l'indissolubilité 
du  mariage  contre  la  polygamie  et  le  divorce,  la  propriété  individuelle 
et  transmissible  contre  les  systèmes  socialistes,  l'unité  de  patrie  contre 
l'internationalisme,  le  gouvernement  remplit  sa  mission  protectrice  : 
il  défend  la  société  contre  les  attaques  subversives  provenant  d'une 
infime  minorité  ;  il  assure  la  prédominance  d'idées  qui  répondent 
pleinement  à  la  conscience  collective  de  la  nation  (123). 

Il  est  clair  que  la  zone  de  cette  défense  s'étendra  ou  se  rétrécira, 
selon  que  l'accord  doctrinal  des  citoyens  sera  plus  ou  moins  complet. 
C'est  pourquoi,  dans  les  sociétés  où  la  croyance  catholique  rencontrait 
l'unanimité  morale  à  l'égard  des  idées  fondamentales  de  patrie,  de 
famille,  de  propriété,  l'État  avait  le  devoir  et  le  droit  de  protéger  la 
religion  catholique  à  l'exclusion  de  toute  autre.  Sans  doute  nul  ne  devait 
être  contraint  par  la  force  à  embrasser  la  foi,  car  l'homme,  dit  S.  Au- 
gustin (^),  ne  peut  croire  que  de  son  plein  gré,  ou  comme  parle  Ter- 
TûLLiEN  (^)  :  Nec  religionis  est  cogère  religionem,  quœ  sponte  siiscipi 
deheat,  non  vi.  Mais  autre  chose  est  cette  liberté  intérieure  qui  est  invio- 
lable et  sacrée,  autre  chose  est  la  liberté  de  manifester,  de  publier,  de 
propager  sa  pensée  et  sa  croyance.  Cette  seconde  liberté  est  le  prolon- 
gement de  la  première,  mais  elle  ne  doit  être  respectée  dans  son  exer- 
cice qu'autant  qu'elle  ne  nuit  pas  à  la  collectivité.  C'est  ainsi  qu'au 
temps  de  concorde  religieuse  l'État  réprimait  la  propagande  hérétique, 
comme  actuellement  il  a  le  droit  de  réprimer  la  propagande  de  l'inter- 
nationalisme, de  la  polygamie,  du  communisme,  qui  sont  des  hérésies 
sociales  (^). 

On  objecte  la  bonne  foi  de  ceux  qui  répandent  ces  doctrines  mal- 
saines. La  bonne  foi  étant  supposée,  il  s'ensuit  seulement  que  la  pensée 
n'est  que  matériellement  coupable  ;  mais  cela  ne  l'empêche  pas  d'être 
dangereuse  et  partant  digne  de  répression.  Un  fou  furieux  est  de  bonne 
foi  ;  on  est  cependant  obligé  de  le  lier  de  peur  qu'il  ne  nuise  aux  gens 
paisibles  (*). 

La  liberté  illimitée  de  la  presse,  de  l'enseignement,  de  la  discussion 
est   donc   illégitime.   Aucun   gouvernement   ne   pourrait   d'ailleurs   y 


(')  s.  Augustin,  Traclalus  XXVI  inEvangelium  S.  Joannis,  §  2  ;  Quisquam...  crederi' 
non  potest  nolens. 

(  *)  Tertullien,  Liber  ad  Scapulam,  C.  ii,  Migne,  Palrologia  latina,  T.  I,  col.  699.  — 
Cf.  G.  Sortais,  L'intolérance  de  l'Eglise,  dans  Etudes  philosophiques  et  sociales,  p.  8-11, 
Paris,  1906. 

(')  Cf.  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1895,  5«  Conférence,  p.  130-135. 

(  *)  Cf.  G.  Sortais,  Les  Catholiques  en  face  de  la  Démocratie  et  du  Droit  commun,  p.  125- 
159,  Paris,  1914. 


186  LIBERTÉ   DE    LA  PROFESSION   ET  DE   LA  VOCATION  (67) 

résister  longtemps  ;  aussi  ceux  qui  l'admettent  en  théorie  sont  obligés, 
arrivés  au  pouvoir,  de  la  limiter  plus  ou  moins  en  pratique.  C'est  une 
inconséquence,  mais  qui  prouve  du  moins  que  la  doctrine  de  la  liberté 
absolue  est  inadmissible. 

Remarque  :  le  rétablissement  d'une  religion  d'État  ne  serait  pos- 
sible que  si  la  nation  revenait,  par  une  libre  persuasion,  à  l'unité  de 
croyances.  Jusque-là  il  est  nécessaire  de  tolérer  les  cultes  dissidents. 
Avant  d'arriver  à  cet  accord  parfait,  il  y  a  un  terrain  d'entente  commun, 
c'est  le  Décalogue.  Le  Play  a  prouvé,  dans  une  série  de  monographies, 
que  les  peuples  sont  prospères  en  raison  directe  de  l'observation  du 
Décalogue  (121). 

III.  —  Liberté  de  la  profession  et  de  la  vocation.  —  Chacun  a  le  droit 
de  vivre  avant  tout  pour  Dieu  et  pour  soi.  Or  le  respect  de  ce  droit 
exige  que  personne  ne  soit  contraint  à  embrasser  un  genre  de  vie  qui 
lui  semble  incompatible  avec  la  poursuite  de  sa  fin  dernière  et  même 
avec  le  degré  de  perfection  qu'il  veut  réaliser  pour  atteindre  plus 
sûrement  et  plus  pleinement  cette  fin.  La  série  des  devoirs  plus  ou  moins 
lourds,  en  face  desquels  se  trouvera  l'intéressé,  découlera  du  parti 
adopté.  Comme  c'est  lui  qui  en  portera  la  responsabilité  devant  Dieu 
et  devant  les  hommes,  il  est  juste  qu'il  puisse  choisir  librement,  parmi 
les  genres  de  vie  conformes  à  sa  condition  et  à  ses  goûts,  celui  qui  lui 
paraît  s'adapter  le  mieux  à  sa  fm.  Le  principe  général  de  la  liberté 
de  la  profession  repose  donc  sur  le  droit  naturel  qu'a  tout  homme  de 
tendre  à  sa  fin. 

Le  devoir,  à  la  fois  rigoureuk  et  délicat,  des  parents  est  de  mettre 
leurs  enfants  en  état  de  bien  choisir  leur  carrière  et  de  ne  pas  entraver 
leur  liberté  dans  ce  choix.  Sans  doute,  ils  peuvent  et  doivent  guider 
leurs  enfants  dans  l'examen  de  cette  grave  question  d'où  dépend  l'avenir. 
Mais  leur  direction  doit  s'inspirer  du  bien  réel  des  adolescents  qui  les 
consultent,  et  non  de  motifs  personnels  dictés  par  l'intérêt  et  l'ambi- 
tion. Qu'ils  n'oublient  pas  que  c'est  à  l'enfant  de  choisir,  et,  quand 
ce  choix  est  sage  et  raisonnable,  ils  n'ont  qu'à  l'approuver. 

Ces  considérations  s'appliquent  aussi,  et  a  fortiori,  lorsqu'il  s'agit 
de  ce  que  le  langage  chrétien  nomme  des  vocations,  c'est-à-dire  des 
appels  que  Dieu  fait  à  certaines  âmes  pour  les  attirer  à  une  vie  plus 
parfaite,  à  la  vie  sacerdotale  ou  religieuse.  Les  parents,  qui  contrarient 
les  vocations  reconnues  sérieuses  par  les  directeurs  spirituels  de  leurs 
enfants,  sont  très  gravement  coupables,  parce  qu'ils  s'opposent  à  un 
dessein  providentiel  et  par  là  même  s'exposent,  pour  obtenir  un  avan- 
tage temporel,  à  compromettre  l'avenir  éternel  de  ceux  qui  leur  sont 
confiés.  Qu'ils  se  souviennent  que  les  enfants,  avant  d'appartenir  aux 
parents,  appartiennent  à  Dieu,  notre  Père  (jui  est  aux  deux. 


(67)  LIBERTÉ    DU    TRAVAIL  187 

IV.  —  Liberté  du  trin^ail  (^)  :  on  entend  par  là  «  un  régime  dans 
lequel  chaque  citoyen  choisit  librement  sa  profession,  en  établit  le 
siège  dans  le  lieu  qui  lui  convient  et  emploie  les  procédés  de  fabrication 
qu'il  iugft  le  plus  avantageux  )  (-). 

La  liberté  du  travail  est  le  corollaire  naturel  de  la  liberté  de  pro- 
fession, car  chaque  genre  de  vie  implique  un  mode  particulier  d'occu- 
pation. Mais  la  liberté  du  travail  peut  également  se  déduire  de  l'obli- 
gation qu'a  tout  homme  de  travailler.  Le  travail  est  à  la  fois  un  devoir 
personnel  et  un  devoir  social. 

Le  devoir  personnel  du  travail  ne  dérive  pas  de  la  nécessité  où 
chacun  se  trouve  de  subvenir  à  l'entretien  de  sa  vie  ;  autrement,  ceux 
qui  seraient  suffisamment  pourvus,  seraient  par  là  même  dispensés 
de  travailler.  Dans  les  intentions  de  la  Providence  le  besoin  de  se  pro- 
curer les  subsistances  nécessaires  n'est  qu'un  stimulant  de  l'activité 
et  conséquemment  un  moyen  de  nous  faciliter  l'obéissance  à  la  loi 
pénible  du  travail. 

Mais  cette  loi  a  une  visée  plus  haute.  Le  devoir  de  travailler  a  d'abord 
pour  but  d'exercer  et  de  développer  nos  facultés  par  des  actes  honnêtes 
c'est-à-dire  conformes  à  notre  fin.  A  ce  devoir  personnel  répond  un 
di'oit  personnel  :  celui  de  prendre  les  moyens  propres  à  atteindre  cotte 
fin.  Or  l'un  de  ces  moyens  consiste  précisément  dans  la  liberté  de  choisir 
le  genre  d'occupations  qui  cadre  le  mieux  avec  la  santé,  les  goûts  et 
les  aptitudes  de  chacun. 

Le  travail  est  aussi,  mais  secondairement,  un  devoir  social,  qui 
résulte  de  l'obligation  qui  incombe  à  chaque  citoyen  de  se  rendre  utile 
à  la  société  dont  il  est  membre.  C'est  une  dette  que  négligent  trop 
souvent  de  payer  ceux  qui  profitent  de  leur  fortune  pour  vivre  dans 
une  oisiveté  stérile  et  malfaisante.  Tous  bénéficiant  des  services  innom- 
brables que  rend  la  société,  doivent  concourir  au  bien  commun  et  à 
la  prospérité  générale.  Ici  encore  reparaît  la  liberté  du  travail,  car  le 
concours  que  chacun  est  tenu  d'apporter  doit  être  en  harmonie  avec  ses 
aptitudes  et  ses  moyens.  Pour  les  uns  il  prendra  la  forme  du  travail 
manuel  ;  pour  d'autres,  celle  d'une  carrière  libérale  où  l'on  cultive 
les  sciences,  les  lettres  et  les  arts.  Ceux  qui  sont  sans  profession  ont  la 
ressource  de  pouvoir  collaborer  aux  œuvres  sociales  ou  charitables. 

L'Assemblée  Constituante  proclama  la  liberté  du  travail  dans 
l'article  7  du  Décret  du  2-17  mars  1791.  Jusque-là  cette  liberté  avait 


(M  Ch.  Antoine,  Cours  d'économie  sociale,  Ch.  xv,  art.  3.  — •  A.  Bkcuaux,  Le  droit 
et  les  faits  économiques,  L.  II,  Cli.  i.  —  H.  Blanc,  Les  corporations  de  métiers.  —  Dunoyer, 
La  liberté  du  travail. 

(  ^)  Claudio   Jannet,   Socialisme  d'Etal,  p.  9,   Paris,   1890 -. 


188  RESPECT    DES    BIENS    D'AUTRUI    :    DROIT    DE    PROPRIÉTÉ  (68) 

été  limitée  par  les  Corporations  qui  ont  été  en  butte  à  des  attaques 
excessives,  faute  de  distinguer  les  circonstances  et  les  époques. 

«  Sous  le  régime  de  la  Corporation  appuyée  sur  la  Confrérie,  la 
dignité  du  travailleur  était  relevée  ;  il  bénéficiait  de  la  distinction  des 
classes  et  avait  sa  part  de  privilèges.  L'organisation  corporative  pré- 
h;entait  à  l'époque  de  son  développement  régulier,  c'est-à-dire  du  xiii^  au 
xvi^  siècle,  de  réels  avantages.  Elle  répondait  aux  nécessités  du  temps, 
en  groupant  dans  des  organisations  fortement  établies  les  hommes 
libres  appartenant  aux  diverses  industries,  et  qui  n'auraient  su  ni  pu 
86  défendre  contre  les  violences  de  l'époque  et  les  dangers  de  la  libre 
concurrence.  Les  ouvriers,  aux  prises  avec  cette  nécessité  fondamen- 
tale de  subvenir  aux  besoins  de  chaque  jour,  assurèrent  leur  sécurité 
dans  des  associations  professionnelles  fortement  constituées.  Le  trait 
caractéristique  des  anciennes  Corporations,  c'est  la  sécurité  profession- 
nelle, matérielle  ou  morale  {}).  Cependant  il  faut  convenir  qu'à  partir 
de  la  fin  du  xvi^  siècle,  les  Corporations  présentaient  des  abus  réels, 
qui  augmentèrent  surtout  au  xviii®  siècle  :  réglementation  du  travail 
excessive,  fiscalité,  corruption  [^).  « 

Il  aurait  fallu  corriger  ces  abus  et  transformer  les  corporations  pour 
les  adapter  aux  exigences  nouvelles  du  monde  économique.  Malheu- 
reusement la  Constituante  ne  se  borna  pas  à  décréter  la  liberté  du 
travail  :  poussant  la  réaction  à  l'extrême,  elle  proscrivit  d'un  trait  de 
plume  (articles  1  et  2  de  la  loi  du  14  et  17  juin  1791)  les  associations. 
C'est  alors  que  se  développa  cette  tendance  funeste,  fruit  amer  de  la 
Révolution,  qu'on  a  appelé  V individualisme  (93,  §  II,  II,  2"). 

L'acte  de  la  Constituante  était  un  attentat  contre  le  droit  naturel 
qu'a  tout  homme,  et  par  conséquent  tout  travailleur,  de  s'unir  pour 
la  sauvegarde  de  ses  intérêts.  Mais  on  ne  violente  pas  impunément 
la  nature.  Aussi  a-t-on  vu  s'engager,  au  xix^  siècle,  une  lutte  ardente 
pour  reconquérir  le  droit  d'association  qui  a  fini  par  triompher  (105). 


68.  —  RESPECT  DES  BIENS  D'AUTRUI'  : 
DROIT  DE  PROPRIÉTÉ    (3) 

Les  biens  d'autrui  sont  matériels  ou  spirituels.  Étudions  d'abord  les 
devoirs  relatifs  aux  biens  matériels. 


(  M  Cf.  A.  BÉCHAUX,  Le  droit  el  les  faits  économiques,  p.  202. 

{')  Ch.  Antoine,  Cours  d'économie  sociale,  Partie  II,  Ch.  xv,  Art.  III,  p.  485-486 
Paris,  1908*. 

(*)  M.  DE  WOlf,  Le  droit  de  propriété,  d'après  saint  Thomas.  —  V.  Cathrein,  MoraX^ 
philosojihie.  Band  II,  Abteilung  I,  B.  IV.  —  Cepeda,  Eléments  de  droit  naturel  (Trad 
Gnclaih,  Leçons  30  sqq.).  —  Pascal  (de).  Philosophie  sociale,  L.  IV,  Ch.  ii. — S.  Schiffini 


I 


(68)  RESPECT   DES   BIENS   d'aUTRUI   :   DROIT   DE   PROPRIÉTÉ  189 

§   A.    -    DÉFINITION    DE   LA    PROPRIÉTÉ 

Le  Droit  romain  définit  le  droit  de  propriété  :  Potestas  utendi 
(vg.  habiter  sa  maison),  fruendi  (la  louer)  et  abutendi  (la  vendre  ou  la 
démolir).  —  Le  Code  civil  :  «  Droit  de  jouir  et  de  disposer  des  choses 
de  la  manière  la  plus  absolue.  »  (Art.  544).  La  propriété  se  distingue 
de  la  possession.  Celle-ci  n'est  qu'un  fait  :  la  détention  actuelle  ;  je  puis 
posséder  quelque  chose  qui  ne  m'appartient  pas.  La  propriété  est  un 
droit  :  celui  d'exclure  les  autres  de  l'usage  d'un  bien,  quand  même  on 
ne  le  posséderait  pas  actuellement.  On  peut  la  définir  encore  :  «  la  pleine 
faculté  de  disposer  des  biens  matériels,  à  moins  de  prohibition  légale.  » 
Ces  derniers  mots  indiquent  que  la  loi  peut  limiter  le  droit  de  pro- 
priété dans  une  certaine  mesure  (Cf.  injra  §  E.) 

§  B.  —  NATURE  DU  DROIT  DE  PROPRIÉTÉ 

Le  droit  de  disposer  est  un  droit  réel  et  direct  sur  la  chose,  objet 
du  droit  :  jus  in  re  ;  ce  n'est  pas  seulement  le  droit  personnel  et  indirect 
de  créance,  qui  ne  confère  qu'un  droit  à  la  chose  :  jus  ad  rem^  mais  permet 
de  contraindre  la  personne  du  débiteur  à  payer  sa  dette.  Le  droit  de 
propriété,  tel  qu'il  est  pratiqué  généralement,  confère  le  domaine 
partait,  c'est-à-dire  le  domaine  direct  et  le  domaine  indirect  ou  utile. 
Le  domaine  direct  n'affecte  que  la  substance  de  la  chose  :  c'est  la  nue 
propriété.  Le  domaine  indirect  ne  concerne  que  l'usage  :  c'est  l'usufruit. 
—  Le  droit  de  propriété  est  un  droit  naturel^  parce  qu'il  est  fondé  sur 
la  nature  des  choses  et  sur  la  nature  de  l'homme. 

§   C.   —    FONDEMENTS    VÉRITABLES 

Le  droit  de  propriété  peut  être  considéré  soit  comme  un  droit  : 
1"   Abstrait  :  c'est  la  faculté  naturelle  qu'a  tout  homme  d'acquérir 


nispulaliones  philosophise  moraiis,  T.  II,  Disput.  II,  n°  309  et  s.  —  Taparelli,  Essai 
ihi'orique  de  droit  naturel,  n"  398  et  s.  —  Thiers,  De  la  propriété.  —  Proudhon,  Qu'est-ce 
'jiie  la  propriété  ?  —  Laveleye  (Ém.  de),  La  propriété  et  ses  formes  primitives.  Cf.  pour  la 
'  ritique  de  la  thèse  historique  de  Lavelï:ye  :  J.  Rioult  de  Neuville,  dans  la  Revue  des 
Question.'^  historiques,  1891,  T.  L,  p.  214-227.  — Fustel  de  Coulanges,  Recherches  sur 
quelques  problèmes  d'histoire,  et  Revue  des  Questions  historiques,  1889,  T.  LV,  p.  349-439.  — 
Fouillée,  La  propriété  sociale  et  la  démocratie.  —  Th.  Calmes,  La  propriété.  —  P.  Valet, 
La  propriété.  —  J.  Grave,  La  société  future.  L'individu  et  la  société.  —  F.  Bastiat,  Propriété 
et  loi.  Justice  et  fraternité.  —  F.  Engels,  De  l'origine  de  la  famille,  de  la  propriété  privée  et 
de  l'Etat.  —  R.  Henry,  La  petite  propriété  rurale  en  France.  —  A.  Posada,  Théories  modernes 
sur  les  origines  de  la  famille,  de  la  société  et  de  l'Etat.  —  Fr.  Walter,  Das  Eingenthum  nach 
der  Lehre  des  hl.  Thomas  von  Aquin  und  der  Socialismus.  —  P.  Boilley,  Les  trois  socialismes. 
—  L.  WiNTERER,  Le  socialisme  international.  —  A.  Landry,  L'utilité  sociale  de  la  propriété 
individuelle.  —  Tu.  Meyer.  De  Jure  proprietalis,  dans  Instiluiiones  Juris  naturalis.  Part.  II 
Sect.  II,  L.  II. 


190  RESPECT    DES    BIENS    d'aUTRUI    :    DROIT    DE    PROPRIÉTÉ  (68) 

des  biens  extérieurs.  C'est  un  droit  indéterminé,  qui  a  besoin  d'un  fait 
concret  pour  conférer  la  propriété  actuelle  d'un  objet  particulier. 

2»    Concret  :  c'est  le  droit  qui  se  rapporte  à  un  objet  déterminé. 

Le  premier  est  le  droit  d'acquérir  les  biens  extérieurs  en  général  ; 
le  second  est  le  droit  de  posséder  tel  bien  en  particulier.  Tous  les  hommes 
ont  le  premier,  c'est-à-dire  peuvent  devenir  propriétaires  ;  pour  jouir 
du  second,  c'est-à-dire  pour  être  en  fait  propriétaires,  ils  doivent  poser 
certaines  conditions.  —  Le  premier  est  plutôt  le  droit  à  la  propriété  ; 
le  second,  le  droit  de  propriété.  Nous  avons  donc  deux  questions  à 
trancher  :  a)  Quel  est  le  fondement  du  droit  abstrait  ?  —  b)  Quels  sont 
les  faits  juridiques  qui  déterminent  le  droit  de  propriété,  le  font  passer 
de  l'ordre  abstrait  à  l'ordre  concret  ? 

A)  Fondement  du  droit  abstrait  de  propriété  :  le  droit  d'acquérir 
des  biens  extérieurs  est  un  droit  naturel,  parce  qu'il  résulte  de  la 
nature  même  de  l'homme.  En  effet  : 

1^  L'homme  a  le  devoir  de  conserver  sa  vie  ;  il  a  par  conséquent 
le  droit  de  se  procurer  les  objets  de  conBommation  nécessaires  à  sa  subsis- 
tance 

20  Les  besoins  à  satisfaire  pour  sa  conservation  étant  habituels, 
l'homme  a  droit  d'y  pourvoir  en  acquérant  des  biens  productifs  per- 
manents :  vg.  fonds  de  terre.  A  des  besoins  stables  doivent  en  effet 
correspondre  des  ressources  stables. 

3°  L'homme  est  exposé  à  la  maladie,  aux  accidents,  à  la  vieillesse  ; 
pour  y  remédier,  il  doit  amasser  au  delà  du  nécessaire. 

4°  L'homme  est  perfectible  dans  l'ordre  intellectuel  et  moral  ;  or, 
pour  développer  ses  facultés,  il  lui  faut  une  certaine  indépendance 
à  l'égard  des  moyens  d'existence  ;  le  droit  de  propriété  s'étend  donc 
du  nécessaire  à  Vaisance. 

5°  L'homme  est  fait  pour  fonder  une  famille.  La  nature  lui  inspire 
de  nourrir  et  d'élever  ses  enfants,  de  se  préoccuper  de  leur  avenir  en 
leur  créant  un  patrimoine,  parce  qu'ils  sont  un  prolongement  de  la 
personne  du  père. 

Le  fondement  du  droit  abstrait  de  propriété,  c'est  donc  le  devoir 
de  vivre,  de  conserver,  de  développer  la  vie  et  de  la  transmettre  dans 
de  bonnes  conditions  à  ses  enfants. 

B)  Fondement  et  origine  du  droit  concret  de  propriété  :  il  a  pour 
londemeni  et  ])()ur  ori'^inc  deux  jaits  juridiques  : 

I.  • —  L'occupation  :  c'est  la  mise  en  pratique  du  droit  d'acquérir 
la  propriété.  Appliquée  à  des  objets  qui  n'ont  pas  de  maître,  qui  sont 

.res  nullius,  elle  ne  blesse  le  droit  de  personne.  11  faut  que  cette  prise 
de  possession  soit  manifestée  par  des  indices  clairs.  C'est  le  droit  du 
premier  occupant. 

II.  —  Le  travail  :  mais  c'est  le  travail  qui  peut  rendre  déHnitive 


(68)  RESPECT    DES    BIENS    d'aUTRUI    :    DROIT    DE    PROPRIÉTÉ  191 

cette  appropriation.  L'occupation  a  pour  but  d'élaborer  et  de  rendre 
utile  la  chose  occupée.  Pour  acquérir  une  terre  qui  n'appartiendrait 
à  personne,  il  ne  suffirait  donc  pas  de  dire  :  elle  est  à  moi,  ni  même 
de  l'entourer  d'une  clôture  ;  il  faut  l'améliorer  par  le  travail.  L'homme 
qui,  par  son  intelligence  et  ses  peines,  donne  une  valeur  nouvelle  à 
une  matière  première  dont  il  s'est  justement  emparé,  doit  être  considéré 
comme  le  légitime  propriétaire  de  cette  valeur  et  de  la  matière  qu'il  a 
améliorée  par  son  industrie.  La  conséquence  est  manifeste  pour  la  valeur, 
parce  qu'elle  est  un  effet  et  que  l'effet  appartient  à  la  cause.  Quant 
à  la  matière^  c'est  manifeste  aussi,  parce  que  l'homme,  obligé  au  tra- 
vail pour  vivre,  a  besoin,  puisqu'il  ne  crée  rien,  d'une  matière  préexis- 
tante pour  travailler.  Or  cette  appropriation  de  la  substance  de  la  chose 
pour  le  travail  :  vg.  pierres  qui  serviront  à  bâtir  une  maison  ou  sol 
d'où  sera  tirée  une  récolte,  est  légitime,  parce  que  le  premier  occupant 
ne  viole  pas  les  droits  d'autrui,  la  chose  étant  nullius,  et  qu'il  exerce 
un  droit  inhérent  à  la  personne  sur  la  chose,  qui  efet  faite  pour  être 
possédée.  Mais  c'est  la  modification  accidentelle,  l'amélioration  apportée 
à  la  substance  de  la  chose  par  le  travail,  qui  donne  droit  à  conserver 
la  chose  elle-même,  car  il  en  résulte  un  effet  en  tout  ou  en  partie  insé- 
parable de  la  chose.  C'est  évident  pour  la  maison  :  détruire  l'arrangement 
des  pierres,  c'est  la  détruire  elle-même.  Ce  qui  rend  un  champ  meil- 
leur s'incorpore  au  sol  et  se  confond  tellement  avec  lui  qu'il  serait  en 
grande  partie  impossible  de  l'en  séparer.  Enlever  le  sol  à  celui  qui 
le  cultive  ce  serait  le  priver  du  fruit  même  de  son  labeur  qui  l'a  trans- 
formé. 

L'objet  approprié  et  élaboré  est  donc,  pour  ainsi  dire,  marqué  au 
sceau  de  la  personne  ;  il  devient  respectable  comme  elle,  car  l'occupa- 
tion et  le  travail  sont  l'expression  de  sa  volonté  et  l'empreinte  de  son 
activité  libre.  La  propriété  est  donc  comme  un  prolongement  de  la  per- 
sonnalité. 

§  D.  —  FONDEMENTS  ERRONÉS 

L  —  Instinct,  désir  naturel  qu'a  l'homme  de  posséder. 

Critique  :  le  droit  ne  peut  avoir  pour  origine  un  instinct,  un  désir. 
En  effet,  si  deux  ou  plusieurs  hommes  désirent  en  même  temps  le 
même  objet,  comment  déterminer  le  droit  de  chacun  ?  Par  la  vivacité 
du  désir  ?  Mais  comment  mesurer  cette  vivacité  ?  Sans  doute  par  le 
succès  final  du  plus  fort.  Cette  théorie  revient  donc  à  la  théorie  inac- 
icptable  de  la  force  (52,  I).  Car  tous  les  hommes  ont  les  mêmes  droits 
puisqu'ils  peuvent  avoir  les  mêmes  désirs  ;  voilà  donc  des  droits  qui 
se  combattent  réciproquement.  C'est  là  guerre  de  tous  contre  tous  ; 
dans  une  telle  guerre  qui  fera  le  partage  sinon  la  force  ? 


192  RESPECT    DES    BIENS    d'aUTRII    :     DROIT    DE    PROPRIÉTÉ  (68) 

II.  —  Contrat  :  Grotius  (^),  Pufendorf  {^),  Heineccius  (3), 
Rousseau  (*).  Les  biens  étaient  primitivement  indivis.  Mais  cette  indi- 
vision ayant  entraîné  des  inconvénients,  les  hommes  y  remédièrent 
en  adoptant  par  une  convention  mutuelle  la  division  des  biens. 

Critique  :  A)  Cette  communauté  primitive  des  biens  et  ce  contrat 
sont  des  hypothèses  gratuites. 

B)  Cette  théorie  ne  résout  pas  la  question  de  Torigine  du  droit  de 
propriété.  Un  contrat  suppose  des  droits  antérieurs  chez  les  contrac- 
tants :  pourquoi  les  hommes  pouvaient-ils  légitimement  briser  l'indi- 
vision et  acquérir  la  propriété  individuelle  ? 

III.  —  Loi  civile  :  Hobbes  (5),  Bentham  (  ),  Montesquieu  C), 
Fichte  (^).  «  La  propriété  et  la  loi,  dit  Bentham,  sont  nées  ensemble 
et  mourront  ensemble.  Avant  les  lois,  point  de  propriété.  Otez  les  lois, 
toute  propriété  cesse.  » 

Critique  :  A)  Le  droit  de  propriété,  de  par  la  nature,  appartient  à 
l'individu  et  à  la  famille  ;  il  est  donc  antérieur  à  la  société  et  par  consé- 
quent à  la  loi. 

B)  Ou  bien  la  loi  est  l'expression  d'un  droit  naturel,  et  alors  le  droit 
de  propriété  a  pour  fondement  ce  droit  naturel  et  non  la  loi  ;  ou  bien 
la  loi  n'est  que  la  formule  de  la  volonté  arbitraire  du  législateur  ;  mais 
le  droit  ne  saurait  être  fondé  sur  la  volonté  humaine,  parce  qu'elle 
peut  être  la  source  de  l'injuste  comme  du  juste.  Le  droit  implique  une 
nécessité  morale  inviolable,  que  l'homme,  égal  en  nature  à  ses  semblables, 
ne  peut  leur  imposer. 

C)  La  loi  est  faite  seulement  pour  déterminer  et  protéger  le  droit 
de  propriété  (Cf.  §  E,  II). 

§  E.  —  LIMITES  ET  DEVOIRS 

Il  n'y  a  qu'un  droit  absolu  pour  l'homme,  celui  de  tendre  à  sa  fin 
dernière  ;  aussi  le  droit  de  propriété  est-il  soumis  à  des  restrictions 
morales  et  légales. 

I.  —  Limites  morales  :  A)  L'homme  doit  user  des  choses  maté- 
rielles conformément  aux  devoirs  que  lui  impose  sa  nature  d'être  rai- 


(  ')  Grotius,  De  Jure  belli  et  pacis,  L.  II,  C.  ii,  §  i,  n"  5. 
(  »)  PuFENDORF,  De  Jure  Natures    et  Gentium.  Libri  octo,  h.  IV,  C.  iv,  §  4. 
{')  Heineccius,  Elementa  Juris  naturae  et  gentium,  L.  I,  §  234,  235. 
(  *)  Rousseau,  Le  contrat  social,  L.  I,  Ch.  ix. 
( ')  Hobbes,  Leviathan,  C.  xxiv. 

(  •)  Bentham,   Traité  de  la  législation  civile  et  pénale,  T.  II,  Principes  du  Code  civil. 
Pari.  I,  Ch.  VIII,  p.  35.  Publié  en  français  par  Et.  Dumont,  Paris,  An  X  =  1802. 
(')  .Montesquieu,  Del'esprit  des  lois,  L.  XXVI,  Ch.  xv. 
( ')  Fichte,  Grundlage  des  Naturrechts  :  Déduction  des  Urrechts,  §  12,  i-vi. 


I 


((68)  RESPECT    DES    BIENS    d'AUTRUI    :    DROIT    DE    PROPRIÉTÉ  193 

sonnable.  C'est  pourquoi  l'avarice  et  la  cupidité  d'une  part,  la  prodi- 
galité de  l'autre,  sont  blâmables. 

B)  La  fin  prochaine  du  droit  de  propriété  c'est  de  procurer  à 
l'homme,  individu  ou  famille,  les  moyens  de  développer  sa  vie  physique 
et  morale.  Mais  il  a  aussi  une  fin  éloignée,  c'est  de  subvenir  aux  besoins 
des  nécessiteux  ;  en  ce  sens  la  propriété  a  une  jonction  sociale.  La  pro- 
priété des  biens  est  personnelle,  exclusive,  mais  l'usage  en  doit  être 
commun  :  «  Sous  ce  rapport,  l'homme  ne  doit  pas  tenir  les  choses 
extérieures  pour  privées,  mais  bien  pour  communes,  de  telle  sorte  qu'il 
en  fasse  part  facilement  aux  autres  dans  leurs  nécessités(^).»S.  Thomas 
dit  encore  :  «  Le  superflu  des  uns  revient,  de  'droit  naturel,  au  soutien 
des  pauvres  (^).   »  De  là  deux  corollaires  : 

!«  Dans  les  cas  d'extrême  nécessité,  le  malheureux  a  le  droit  de 
prendre,  partout  où  il  le  trouve,  ce  qui  est  indispensable  à  l'entretien 
de  sa  vie,  car  le  devoir  de  conserver  son  existence  a  pour  corrélatif 
le  droit  de  s'en  procurer  les  moyens,  droit  qui  l'emporte  sur  celui  du 
propriétaire  dont  il  prend  le  bien  (^). 

2°  Les  biens  matériels  étant  faits  pour  l'usage  commun  de  l'huma- 
nité, il  en  résulte  le  devoir  de  l'aumône,  qui,  sauf  le  cas  d'extrême 
nécessité,  est  un  devoir  de  charité  et  non  de  justice  (53,  §  B)  et  (94, 
§  II,  20). 

II.  — ^  Limites  légales  :  le  droit  de  propriété  étant  naturel  n'émane 
pas  de  la  loi  civile.  Mais  il  appartient  à  l'État  : 

1^    De  le  protéger  contre  le  vol,  etc.. 

2°  D^en  régler  V usage  en  vue  du  bien  commun  :  ce  droit  de  l'État 
n'est  pas  un  droit  de  domaine  éminent  sur  la  propriété  individuelle  ; 
c'est  un  pouvoir  indirect  de  juridiction  exercé  en  vue  du  bien  social. 
C'est  donc  à  l'État  de  fixer  les  conditions  juridiques  (impôts,  forma- 
lités, etc.)  auxquelles  les  citoyens  pourront  acquérir  et  transmettre 
la  propriété  ;  mais  il  doit  se  conformer  au  droit  naturel  et  ne  restreindre 
l'exercice  du  droit  de  propriété  que  dans  la  mesure  où  le  bien  commun 
l'exige.  De  là  le  régime  légal  de  la  propriété  qui  organise  les  ventes, 
les  donations,  les  successions,  etc..  (87,  §  A,  I,  B,  2*^,  b.) 

C)  De  limiter  le  droit  d'acquisition  :  «  L'autorité  civile,  en  ce  qui 
regarde  l'acquisition  de  la  propriété,  est  en  possession  de  droits  étendus... 
C'est  une  conséquence  de  la  destination  des  biens  terrestres,  qui  est 
de  subvenir  à  l'existence  de  l'homme,  et  de  la  fin  assignée  à  l'autorité 
publique,  qui  est    de   maintenir    l'ordre    et    d'empêcher  l'oppression. 


0  s.  Thomas,  Summa  Iheologica,  II»  II»%  Q.  LXVI,  Art.  2.  Texte  cité  par  Léon  XIII, 
dans  l'Encyclique  Rerum  novarum. 

C)  S.  Thomas,  Summa  theolog.,  II»  II»»,  Q.  LXVI,  Art.  7.  El  ideo  tes,  quas  aliqui 
Ëuperabundanter   habent,   ex  naturali   jure   debenlur   paitperum   suslentationi. 

( ')  S.  Thomas,  Ibidem,  §  Si  tamen. 

TRAITÉ    DE    PHILOSOPHIE.    —     T.    II.  7. 


194  OBJECTIONS    CONTRE    LE    DROIT    DE    PROPRIÉTÉ  (69) 

L'autorité  civile  a  donc  le  droit,  en  vue  du  bien  général,  de  porter  des 
lois  qui  préviennent  l'accumulation  exorbitante  de  la  propriété  privée 
dans  les  mêmes  mains,  l'occupation  exclusive  de  trop  grandes  étendues 
de  terres  (^).   » 

§  F.  —  VIOLATION  DU  DROIT  DE  PROPRIÉTÉ  (2) 

On  peut  attenter  au  droit  de  propriété  : 
I.  —  En  s'appropriant  le  bien  d'autrui  :  c'est  le  vol. 
II.  —  En  causant  à  autrui  un  dommage. 

Le  premier  attentat  doit  être  réparé  par  la  restitution  de  la  chose 
usurpée  ;  le  second,  par  une  indemnité. 


69.  —  OBJECTIONS  CONTRE  LE  DROIT  DE  PROPRIÉTÉ 

I.  —  La  propriété  a  pour  origine  la  conquête  et  la  spoliation  :  «  La 
propriété,  a  dit  Proudhon,  c'est  le  vol  (  ^).  » 

Réponse  :  dans  sa  généralité,  cette  affirmation  ■  est  non  seulement 
fausse,  mais  contradictoire,  car,  si  personne  n'est  légitime  possesseur, 
personne,  n'est  volé. 

IL  —  La  terre  est  un  patrimoine  commun  ;  c'est  la  propriété  collec- 
tive de  l'humanité. 

Réponse  :  si  Dieu  a  donné  la  terre  au  genre  humain  tout  entier, 
cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  ait  voulu  que  tout  restât  en  commun.  Il 
n'a  assigné  de  part  à  aucun  homme  en  particulier,  parce  qu'il  entend 
laisser  la  délimitation  des  propriétés  à  l'initiative  individuelle  et  aux 
institutions  sociales.  La  division  même  du  sol  contribue  à  l'utilité  com- 
mune, parce  qu'elle  le  rend  plus  fertile  (Cf.  itifra,  V,  B). 

III.  —  La  propriété  amène  et  consacre  l'inégalité  ;  or  la  nature 
veut  que  tous  soient  égaux. 

Réponse  :  l'inégalité  est  chose  naturelle.  En  effet,  il  y  a  des  tempé- 
raments débiles,  des  esprits  actifs  et  des  intelligences  engourdies  ;  il 
y  a  des  laborieux  et  des  fainéants,  des  prévoyants  et  des  sans-souci, 
des  économes  et  des  prodigues.  Des  différences  aussi  tranchées  entre 


(  ')  WiLMERS,  Précis  de  la  doctrine  cathclique,  n°  259,  Tours,  1896,  p.  518.  —  Cf.  Cardinal 
ToLEDO,  In  Summam  S.  Thomas  Enarratio,  II»  II»',  Q.  LXVI,  Art.  II,  Tertia  et  quarta 
conclusio.  —  Cardinal  de  Lugo,  De  JustHia  et  Jure,  Dlsput.  "VI,  Sect.  I,  §  5. 

(•)  M.  D'HuLST,  Conférences  de  Notre-Dame,  1896,  Ch.  v,  p.  135  et  sq. 

(  •)  A  la  première  page  du  livre  intitulé  ;  Qu'est-ce  que  la  propriété  ?  Recherches  sur 
le  principe  du  droit  et  du  gouvernement,  Paris,  1840.  Mais  il  n'est  pas  l'auteur  de  cette  formule 
retentissante  ;  elle  est  du  girondin  Brissot.  —  Cf.  A.  Des.iardins,  P.-J.  Proudhon.  Sa  vie, 
ses  œuvres,  sa  doctrine.  Ch.  m,  Paris  1896  -,  T.  I,  p  .42. 


(69)  OBJECTIONS    CONTRE    LE    DROIT    DE    PROPRIÉTÉ  195 

les  producteurs  de  la  richesse  ne  peuvent  aboutir  à  l'égalité  dans  les 
produits.  L'autorité,  d'après  le  Socialisme,  devrait  rétablir  par  l'action 
de  la  loi  l'égalité  détruite  par  la  nature.  C'est  là  une  prétention  chimé- 
rique, car  la  société,  organisme  vivant,  exige,  pour  fonctionner,  la  diver- 
sité et  la  hiérarchie  des  conditions,  comme  l'activité  corporelle  suppose 
la  différence  et  la  subordination  des  organes. 

IV.  —  La  propriété  privée  entraîne  des  abus  énormes  ;  elle  est  la 
cause  de  toutes  les  oppressions. 

Réponse  :  l'usage  du  droit  de  propriété,  comme  de  tout  droit,  est 
l'occasion  de  certains  abus  ;  il  faut  remédier  aux  abus  et  non  supprimer 
le  droit.  Cette  suppression  de  la  propriété  individuelle,  que  proposent 
les  socialistes,  serait  un  remède  pire  que  le  mal. 

V.  —  La  valeur  que  le  travail  a  créée  est  liée  à  une  matière  que  le 
travail  n'a  pas  produite  et  sans  laquelle  le  travail  ne  pourrait  pas 
exister  (vg.  sol,  bloc  de  marbre).  Toute  propriété  renferme  donc  une 
part  qui  est  indépendante  de  l'activité  de  l'homme  et  sur  laquelle 
l'homme  n'a  par  conséquent  aucun  droit,  puisque  cette  part  n'est  pas 
un  effet  de  son  activité.  La  valeur  utile  qu'il  a  créée  lui  revient  au 
contraire  de  plein  droit,  parce  que  l'effet  est  l'attribut  de  la  cause. 
Cette  objection  est  dirigée  surtout  contre  la  propriété  du  sol  indéfi- 
niment transmissihle  par  héritage. 

Réponse  :  il  faut  distinguer  deux  cas  très  différents  : 

A)  S'il  s'agit  de  la  quantité  de  terre  nécessaire  à  l'entretien  d'un 
individu  et  de  sa  famille,  calculée  largement  de  manière  à  pourvoir 
aux  accidents,  aux  maladies,  à  la  vieillesse  et  à  l'établissement  des 
enfants,  on  doit  dire  que  l'occupation  et  le  travail  sont  des  titres  suffi- 
sants pour  légitimer  le  droit  de  propriété  individuelle.  Sans  doute 
le  travail  ne  produit  pas  la  terre,  mais  l'homme,  ayant  le  devoir  de  tra- 
vailler pour  vivre  et  pour  subvenir  à  ses  besoins  et  à  ceux  de  sa  famille, 
a  droit  à  une  matière  sur  laquelle  il  puisse  exercer  son  activité,  sans 
quoi  son  travail  serait  impossible.  Le  devoir  de  vivre  et  de  travailler 
emporte  donc  conséquemment  le  droit  à  la  propriété  du  sol  indisso- 
lublement lié  au  travail  lui-même. 

B)  Mais  s'il  s'agit  de  légitimer  la  possession  et  la  transmission  indé- 
finie de  la  propriété,  dont  la  valeur  est  de  beaucoup  supérieure  aux 
besoins,  et  aux  agréments  des  possesseurs,  il  faut  ajouter,  aux  fonde- 
ments de  l'occupation  et  du  travail,  celui  de  la  nécessité  et  de  l'utilité 
sociales.  La  forme  de  la  propriété  privée  et  héréditaire  n'est  pas  la 
seule  possible  et  légitime.  Le  Play  a  démontré  qu'il  y  avait  une  relation 
naturelle  entre  les  différents  modes  de  possession  et  le  genre  de  vie 
adoplé.  On  retrouve,  partout  et  toujours,  la  propriété  individuelle, 
mais  sous  forme  plus  ou  moins  étendue.  Il  y  a  encore  des  peuples  chas- 


196  OBJECTIONS    CONTRE    LE    DROIT    DE    PROPRIÉTÉ  (69) 

seurs  ;  pour  eux  la  forêt  est  commune  ;  ce  qui  est  propre  à  l'individu 
ce  sont  ses  flèches,  son   arc,  l'animal  qu'il  a  tué,  sa  pirogue,  sa  hutte. 

—  Il  y  a  encore  des  peuples  pasteurs  ;  pour  eux  la  prairie  est  commune  ; 
(■e  qui  est  propre  à  chacun,  ce  sont  les  animaux  dont  il  mange  ta  viande, 
dont  il  boit  le  lait,  dont  il  utilise  la  laine.  Les  peuples  chasseurs  et  pas- 
teurs sont  plus  ou  moins  nomades  ;  quand  la  forêt  ou  la  prairie  ne 
suffit  plus  à  leurs  besoins,  ils  vont  chercher  fortune  ailleurs.  —  Il  y  a 
encore  des  peuples  agriculteurs,  qui  se  fixent  au  sol.  La  propriété  fon- 
cière naît  avec  l'agriculture.  Peu  à  peu  la  terre,  quoique  considérée 
comme  appartenant  à  la  société,  est  partagée  également  entre  les 
chefs  de  famille,  pour  une  année,  puis  pour  un  temps  plus  long,  dans 
l'intérêt  même  de  la  culture.  Ce  régime  du  partage  périodique  existait 
dans  la  marke  des  anciens  Germains  et  a  été  adopté  dans  le  mir  russe. 

—  Ces  partages  périodiques  tombent  en  désuétude  quand  ceux  qui  ont 
bien  cultivé  leur  part  ne  se  prêtent  pas  au  dépouillement  du  produit 
de  leur  travail  au  profit  de  la  communauté  :  dans  ce  cas,  la  propriété 
familiale  se  constitue,  chaque  famille  restant  propriétaire  de  son  lot. 
Ce  régime" s'est  établi  chez  les  Zadrugas  de  la  Bulgarie  et  de  la  Croatie. 

—  Un  dernier  progrès  de  l'individualisme  a  lieu  quand  le  chef  de  famille 
peut  disposer  de  la  propriété  pendant  sa  vie  et  à  sa  mort.  C'est  le  type 
de  la  propriété  foncière  actuelle,   qui  est  individuelle  et  héréditaire. 

Voilà  ce  qui  ressort  des  faits.  Il  ne  faut  pas  croire  que  partout  le 
régime  de  la  propriété  a  régulièrement  évolué  dans  cet  ordre.  Ici  ou 
là,  telle  phase  antérieure  ou  intermédiaire  n'a  pas  existé;  ici  ou  là,  l'évo- 
lution s'est  arrêtée  en  chemin.  Mais  toutes  ces  formes  de  propriétés 
foncières,  collectives  ou  individuelles,  diversement  dosées,  sont  légi- 
times. Ce  qui  ressort  clairement  des  études  de  Le  Play,  c'est  que  là 
où  l'agriculture  est  devenue  le  fondement  de  la  propriété,  là  où  le  pro- 
grès de  la  culture  a  donné  naissance  au  commerce  et  à  l'industrie,  la 
nécessité  de  rendre  la  propriété  individuelle  est  devenue  de  plus  en  plus 
impérieuse.  Son  meilleur  titre  c'est  «  qu'elle  résulte  du  développement 
historique  de  l'humanité,  en  quête  d'une  vie  plus  large,  plus  affranchie 
et  plus  heureuse  »  (^).  L'expérience  a  prouvé  que  la  propriété,  privée 
et  héréditaire,  était  plus  productive  et  par  conséquent  socialement 
plus  avantageuse  que  la  propriété  collective.  «  Seuls  »,  en  effet,  «  le 
stimulant  de  l'intérêt  individuel,  l'espoir  de  transmettre  à  des  êtres 
qui  nous  tiennent  de  plus  près  et  continuent  notre  personne  les  fruits 
accumulés  de  nos  labeurs,  donneront  à  l'effort  cette  intensité,  aux 
méthodes  de  travail  ces  perfectionnements,  à  l'épargne  cet  accroisse- 
ment fait  de  sacrifices,  de  prévoyance  et  de  tendresse  pour  autrui, 
qui  permettront  à  une  province  comme  la  Flandre  de  nourrir  une  popu- 


(')  M.  D'HuLST,  Conférences  de  Notre-Dame,  1896,  IV«  C.  p.  111. 


I 


(70-71)  LIBERTÉ    DE    TESTER  197 

lation  dont  les  besoins,  sous  un  régime  plus  élémentaire,  épuiseraient 
les  produits  de  la  France  entière  (^).  »  Or  l'intérêt  de  tous  est  que  la 
production  soit  aussi  abondante  que  possible.  Le  pouvoir  a  donc  le 
droit,  dans  un  but  d'utilité  et  même  de  nécessité  sociales  (autrement  la 
société  ne  pourrait  se  développer),  de  protéger  légalement  le  régime 
de  propriété  individuelle  et  indéfiniment  transmissible,  selon  certaines 
règles  et  moyennant  certains  impôts. 

Conclusion  :  les  biens  matériels,  la  terre  en  particulier,  sont  faits 
pour  l'utilité  commune  de  l'humanité.  Pour  que  cette  utilité  soit  mieux 
procurée,  une  certaine  division  des  biens  est  nécessaire,  car  l'état 
d'indivision  aurait  pour  effet  des  querelles  sans  fin  et  une  production 
insuffisante.  Mais  la  nature  n'a  rien  déterminé  en  particulier.  Cette 
division  et  cette  appropriation  a  reçu,  selon  les  circonstances,  des  formes 
variées  qui  correspondent  au  genre  de  vie  des  peuples  et  à  leurs  besoins 
divers.  Le  fait  universel  de  l'institution  de  la  propriété  privée  chez 
toutes  les  nations  civilisées  est  un  signe  manifeste  qu'elle  s'harmonise 
mieux  avec  les  exigences  communes  de  la  nature  humaine. 

70.  —  CONSÉQUENCES  ET  ATTRIBUTS  DU  DROIT 
DE  PROPRIÉTÉ 

L  —  Le  propriétaire  peut  disposer  de  sa  chose  à  titre  onéreux 
par  vente,  location  ou  prêt,  ou  la  faire  valoir  par  des  ouvriers 
salariés. 

IL  —  Il  peut  en  disposer  à  titre  gratuit  par  don  ou  par  legs. 
Les  biens  étant  destinés  à  l'usage  commun,  il  faut  que  ceux  qui  en  ont 
la  propriété,  après  avoir  satisfait  convenablement  aux  nécessités  de 
leurs  familles,  en  fassent  bénéficier  les  œuvres  charitables  et  utiles. 

III.  —  Certaines  richesses,  comme  la  terre,  ont  une  durée  natu- 
rellement perpétuelle  ;  d'autres,  comme  les  capitaux,  en  ont  une  arti- 
ficielle. Or,  le  droit  devant  durer  autant  que  l'objet  sur  lequel  il  porte, 
il  en  résulte  un  droit  perpétuel  sur  ces  sortes  de  biens,  et,  par  conséquent, 
la  faculté  de  les  transmettre  par  succession  aux  héritiers  qui  continuent 
la  personne  du  propriétaire. 

71.  —  LIBERTÉ  DE  TESTER 

La  liberté  testamentaire  est  donc  la  conséquence  légitime  du 
droit  de  propriété.  Vivant,  le  père  peut  donner  ses  biens  à  ses  enfants 
ou  à  des  étrangers,  comment  ne  le  pourrait-il  pas  au  moment  de  mourir  ? 


(»)   M.  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1896,  IV  C,  p.  111. 


j^gg  LIBERTÉ    DE   TESTER  (♦■*■) 

Mais  une  question  ultérieure  se  pose  :  faut-il  admettre  la  liberté  illi- 
mitée ?  ou,  sinon,  dans  quelle  mesure  la  limiter  ^  .'>  Pour  que  a  famille 
remplisse  son  but  moral  et  son  rôle  social,  elle  doit  être  stable  G  est 
pourquoi  il  faut  tenir  le  milieu  entre  une  liberté  sans  limites  et  une 
liberté  trop  restreinte.  Donc  en  vue  de  la  stabilité  du  foyer  domestique  : 

I  _  La  loi  doit  restreindre  la  faculté  de  disposer,  par  donation 
et  par  testament,  en  faveur  des  étrangers,  particulièrement  en  ce  qui 
regarde  les  immeubles  et  les  biens  patrimoniaux.  ....         ,      . 

n  —  D'autre  part,  la  liberté  concédée  par  le  Code  civil  est  trop 
limitée.  Il  édicté  ce  qu'on  appelle  le  partage  forcé  :  la  quotité  disponible 
peut  s'élever  à  la  moitié  s'il  v  a  un  enfant  ;  à  un  tiers  s'il  y  a  deux  entants  ; 
à  un  quart  s'il  y  a  trois  enfants  ou  plus  (Art.  913).  Dans  ces  étroites 
limites,  la  stabilité  et  la  prospérité  des  familles  ne  sont  pas  sauve- 
gardées (2).  Voici  en  elïet  quelques-uns  des  inconvénients  de  ce  partage 

forcé  * 

lo"  Le  patrimoine  des  ancêtres  et  l'entreprise  (vg.  manufacture) 
traditionnelle  ne  peuvent  être  conservés  ;  au  bout  de  quelques  géné- 
rations, il  faut  les  vendre  ou  les  diviser. 

20  Ce  partage  forcé  sape  par  la  base  l'autorité  du  père  de  lamille, 
qui  n'a  plus  dans  le  testament  un  moyen  efficace  de  récompenser  ou 

^  30  ^  Dans  les  classes  riches,  les  enfants,  se  fondant  sur  leiirs  droits 
de  naissance,  prétendent  jouir  dès  leur  entrée  dans  la  vie  de  la  richesse 
créée  par  leurs  aïeux  et  ne  sont  pas  stimulés  à  s'en  montrer  dignes  par 
le  travail  et  la  vertu.  .  ,         . 

40  Le  partage  forcé  est  l'occasion  d'une  quantité  de  procès  qui 
troublent  les  fam'illes  et  de  frais  qui  les  ruinent.  j        .        , 

111.  —  Voici  ce  qui  semble  raisonnable  :  a)  Etendre,  dans  tous  les 
cas,  la  quotité  disponible  des  biens.  ^      ,  ,  .        ,,„ 

h)  Réserver  aux  enfants  une  part  obligatoire.  En  dehors  de  cette 
réserve,  le  père  pourrait  partager  sa  fortune  à  son  gré  entre  ses  enfants, 
de  manière  à  sauvegarder  la  stabilité  du  domaine  patrimonial  ou  de 
l'entreprise  traditionnelle.  .        . 

Remarqne  :  pour  conserver  le  foyer  de  famille  et  maintenir  la  pro- 
priété, il  serait  bon  :  ,.,/••„„ 

jo    D'introduire  en  France  le  régime  du  Homestead  américain,  en 


(  M  Le  Play  La  réforme  sociale  en  France,  Ch.  xxi.  —  T.  Rothe,  Traité  de  droit  naturel, 
IV«  P  Ch.  VII,  Sect.  IX.  —  De  Moreau  d'Andoy,  Le  testament  selon  la  pratique  des  familles 
niables  et  prospères.  —  Deneus,  De  la  réserve  héréditaire  des  enfants. 

(»)  Cf.  V.  BORET,  Pour  et  par  la  terre,  Paris,  1921.  —  F.  Auburtin,  La  Natalité,  Pans, 
1921. 


J 


(72)  ,  LE    SOCIALISME    :    COMMUNISME  199 

vertu  duquel  tout  propriétaire,  cultivant  sa  terre,  peut  faire  déclarer 
insaisissables  sa  maison  et  une  certaine  étendue  de  terre,  jusqu'à  concur- 
rence d'une  valeur  maximale  de  10.000  francs. 

2°  D'exonérer  des  frais  de  succession  la  petite  propriété  rurale  et 
urbaine  (^).  Ce  sont  là  d'excellentes  mesures  contre  l'envahissement 
du  Socialisme. 


73.  —  LE  SOCIALISME  (2) 

«  C'est  un  terme  générique,  dit  P.  Leroy-Beaulieu,  qui  exprime 
certains  modes  d'ingérence  de  l'État  dans  les  relations  entre  producteurs, 
ou  entre  producteurs  et  consommateurs  {^).  »  Le  socialisme  se  présente 
sous  deux  formes  :  A)  Communisme.  —  B)  Collectivisme. 

§   A.   —   LE   COMMUNISME 

I.  —  Partisans  :  Platon  dans  sa  République  ;  —  Fénelon  dans 
Télémaque  (République  de  Salente)  ;  —  G.  Babeuf  ;  —  Owen  ; 
—  Cabet,  dans  VIcarie.  —  Fourier  n'était  communiste  qu'en  ce 
qui  regarde  la  production  et  la  consommation  et  non  pour  la  répartition 
des  biens.  —  Actuellement,  il  n'y  a  plus  que  les  Anarchistes  à  sou- 
tenir le  communisme. 


(  M  P.  Bureau,  Le  Homestead  ou  l'insaisissabilité  de  la  petite  propriété  foncière,  Paris, 


(  *)  Ém.  de  Laveleye,  Le  socialisme  contemporain.  —  V.  Cathrein,  Der  Socialismus. 
. —  J.-G.  Bouctot,  Histoire  du  comiyiunisme  et  du  socialisme.  —  P.  Janet,  Les  origines  du 
socialisme  contemporain.  —  S.  Nicotra,  Le  socialisme.  —  L.  Winterer,  Le  socialisme 
contemporain.  —  R  -T.  Ely,  The  Labor  Movement  in  America.  —  Th.  de  Wyzewa,  Le 
mouvement  socialiste  en  Europe.  —  A.  Schœffle,  Quinlesseyice  du  socialisme.  —  M.  Ferraz, 
Socialisme,  Naturalisme  et  Positivisme.  —  B.  Malon,  Le  socialisme  intégral.  —  L.  Say, 
Le  socialisme  d'Etat.  —  P.  Leroy-Beaulieu,  Le  collectivisme.  —  Anat.  Leroy-Beauheu, 
La  Papauté,  le  Socialisme  et  la  Démocratie.  —  E.  Maisonabe,  La  doctrine  socialiste.  — 
E.  d'Eichïhal,  Socialisme  et  problèmes  sociaux.  —  A.  Brasseur,  La  question  sociale, 
étude  sur  les  bases  du  collectivisme.  —  F.  Sagot,  Le  communisme  au  Nouveau  Monde.  — 
Cl.  Jannet,  Le  socialisme  d'Etat.  —  V.  Steccanella,  Del  comunismo.  —  C.  van  Overbergh, 
Caractères  généraux  du  socialisme  scientifique.  —  G.  Richard,  Le  socialisme  et  la  science 
sociale.  —  G.  Renard,  Le  régime  socialiste.  —  A.  Castelein,  Le  socialisme  et  le  droit  de 
propriété.  —  G.  Goyau,  Autour  du  catholicisme  social.  —  M.  Turmann,  Le  développement 
du  catholicisme  social.  —  L.  Stein,  La  question  sociale  au  point  de  vue  philosophique.  — 
E.  Fournière,  L'idéalisme  social.  Essai  sur  l'individualisme.  —  A.  Métin,  Le  socialisme 
sans  doctrines.  Le  socialisme  en  Angleterre.  —  Donoso  Cortës,  Essai  sur  le  catholicisme, 
le  libéralisme  et  le  socialisme.  —  E.  Méric,  Les  erreurs  sociales  du  temps  présent.  —  F.  Sarda 
Y  Salvany,  Le  mal  social.  —  Fouillée,  La  morale  socialiste.  Revue  des  deux  Mondes,  1901, 
t.  IV,  p.  STÏ-'iOS.  —  J.  Bourdeau,  Socialistes  et  sociologues.  L'évolution  du  socialisme.  — 
E.  Fournière,  Les  théories  socialistes  au  XIX"  siècle,  de  Babeuf  à  Proudhon.  —  Ed. 
Demolins,  Le  sociaiisme  devant  la  science  sociale. —  J.  Félix,  Le  socialisme  devant  la  société. 
(')  P.  Leroy-Beaulieu,  Le  Collectivisme.  Examen  critique  du  nouveau  Socialisme, 
L.  I,  Ch.  I,  Paris,  1885',  p.  6 


200  LE    SOCIALISME    :    COLLECTIVISME  (72) 

II.  —  Exposé  et  réfutation  :  A)  Le  Communisme  supprime 
complètement  la  propriété  individuelle  et  met  tous  les  biens  en  com- 
mun. 

B)  Ce  n'est  pas  là  une  organisation  absolument  chimérique,  puis- 
qu'elle existe  dans  les  Congrégations  religieuses  et  dans  certaines  asso- 
ciations aux  États-Unis  (i).  Mais  le  système  communiste  pour  réussir 
exige  :  1°  de  très  petites  sociétés,  parce  qu'à  mesure  que  le  nombre  des 
associés  grandit,  l'intérêt  que  chacun  porte  au  succès  de  l'association 
diminue  ;  —  2°  des  sociétés  soumises  à  une  rigoureuse  discipline,  qui 
pousse  chaque  associé  au  travail  et  l'oblige  à  se  contenter  de  sa  part. 

§  B.  —  LE  COLLECTIVISME 

I.  ■ —  Nature  :  c'est  un  communisme  mitigé.  Dans  ce  système  la  pro- 
priété collective  est  substituée  à  la  propriété  privée  pour  les  moyens 
de  production,  c'est-à-dire  la  terre  et  les  capitaux,  et  un  gouvernement 
purement  économique  répartit  les  produits  du  travail  d'après  certaines 
règles.  On  distingue  le  : 

1°  Socialisme  partiel,  qui  ne  met  en  propriété  collective  que  les 
terres  et  parfois  aussi  les  immeubles  :  c'est  le  socialisme  agraire,  qui 
réclame  la  «  nationalisation  du  sol  «  :  vg.  H.  George  (2),  de  Lave- 
LEYE   (3). 

2'3  Socialisme  total,  qui  étend  la  propriété  collective  à  tous  les  ins- 
truments de  production,  admettant  à  peine  une  exception  pour  les 
outils  l'udimentaires,  comme  l'aiguille. 

Le  socialisme  eut  pour  théoriciens  en  Allemagne,  Lassalle  (  *)  et 
surtout  Karl  Marx  (^). 

En  France  le  parti  socialiste  est  divisé  en  deux  branches  : 

1"  Les  Marxistes  :  J.  Guesde,  P.  Lafargue. 

20  Les  PossiMlistes  :  Benoit  Malon  (^),  Brousse,  Allemane. 

La  différence  fondamentale  entre  le  Collectivisme  et  le  Commu- 
nisme, c'est  que  le  Collectivisme  prétend  conserver  la  propriété  indi- 
viduelle des  objets  de  consommation,  tandis  que  le  Communisme  met 
tout  en  commun,  et  les  objets  de  production  et  les  objets  de  consom- 
mation.  Cette  distinction  est  arbitraire,   car  nombre  de  richesses,  à 


(  M  NoRDHOFF,  Comrministic  socieiies.  —  F.  Sagot,  Le  communisme  au  Nouveau  Monde. 
—  On  peut  citer  les  réductions  établies  par  les  Jésuites  au  Paraguay.  —  M.-B.  Schwalm. 
Le  communisme  évangélique,  Correspondant,  1906,  T.  CCXXIII,  p.  489  sqq. 
»)  H.  George,  Progress  and  Poverty. 

:»)  ÉM.  DE  Laveleye,  De  la  propriété  et  de  ses  formes  primitives. 
;♦)  F.  Lassalle,  Capital  et  Travail.  Cf.  Seillière,  Elude  sur  F.  Lassalle. 
»)   K.  Marx,  Le  Capital.  —  Andler,  La  décomposition  du  Marxisme. 
[*)  B.  Malon,  Précis  du  socialisme.  Le  socialisme  intégral. 


(72)  LE    SOCIALISME    :    COLLECTIVISME  201 

raison  de  leurs  propriétés  diverses,  peuvent  aussi  bien  figurer  parmi 
les  instruments  de  production  que  parmi  les  matières  de  consommation. 
Tout  objet  de  consommation  peut  devenir  capital,  par  cela  seul  qu'on 
lui  donne  un  emploi  productif  :  vg.  je  puis  consommer  les  fruits  de  mon 
jardin  ou  les  vendre. 

II.  —  Réfutation  (^)  :  l'établissement  d'une  vaste  société  col- 
lectiviste est  impossible,  comme  institution  stable  et  viable,  étant 
donnés  les  penchants  impérieux  de  l'humanité.  En  eiïet  : 

A)  D'après  le  Collectivisme,  les  biens  de  production  seront  «  socia- 
lisés »  (2),  les  biens  do  consommation  laissés  à  la  disposition  des  citoyens. 
—  Mais  comment,  en  pratique,  établir  la  distinction  entre  ces  deux  sortes 
de  biens  ? 

B)  L'État  économique  devra  déterminer,  après  enquête,  la  quantité 
et  la  quotité  des  objets  à  produire  ;  c'est  le  seul  moyen  de  mettre  fin 
à  V anarchie  de  la  production.  —  Mais  cette  détermination  est  pratiquement 
impossible. 

C)  Supposons  ces  difficultés  surmontées,  il  faut  organiser  le  travail. 
Pour  cela  l'Office  du  travail  devra  : 

1°  Recenser  exactement  la  main- d' œuvre  disponible:  comment  répartir 
en  effet  le  travail  sans  connaître  le  nombre  des  ouvriers  valides  par 
commune  ?  Si  l'on  impose  le  domicile  forcé,  c'est  un  servage  ;  si  l'on 
accorde  la  libre  circulation,  l'organisation  du  travail  est  irréalisable. 

2°  Distribuer  les  emplois  :  si  on  laisse  le  choix  de  la  profession,  qui 
se  chargera  des  travaux  répugnants  ?  Si  l'État  économique  procède 
d'autorité  à  cette  distribution,  que  deviennent  la  liberté  et  l'égalité  ? 

D)  En  admettant  qu'on  puisse  vaincre  les  obstacles  précédents, 
reste  à  résoudre  cette  question  :  comment  l'État  économique  répar- 
tira-t-il  le  produit  net  du  travail  collectif  ?  Ici  on  se  heurte  à  des  diffi- 


(  ')  V.  Cathrein,  Der  Socialîsmus.  Das  Privateigenthum.  —  P.  Leroy-Beaulieu,  Le 
collectivisme.  —  E.  Richter,  Où  mène  le  socialisme  ?  —  J.  Rae,  Il  socialismo  conlempo- 
raneo.  —  Dawson,  German  Socialism.  —  R.  Meyer  et  G.  Ardant,  La  question  agraire. 
Le  mouvement  agraire...  —  S.  Webb,  Socialism  in  England.  —  G.  Weill,  Histoire  du  mou- 
vement social  en  France  (1852-1902).  —  G.  Renard,  Socialisme  intégral  et  Marxisme.  — 
Ch.  Antoine,  Cours  d'Economie  sociale,  Ch.  ix. 

(")  «  On  dit  généralement,  et  même  parfois  dans  les  livres,  que  «  socialiser  »  c'est  tout 
reniettre  entre  les  mains  de  l'État  et  que,  par  conséquent,  sous  le  régime  collectiviste 
l'État  gérerait  toutes  les  industries  et  commerces  comme  il  fait  actuellement  des  manu- 
factures ou  bureaux  de  tabac,  et  exploiterait  les  terres  comme  il  fait  actuellement  des 
forêts.  Mais  les  collectivistes  protestent  contre  cette  façon  de  présenter  leur  programme  : 
ils  déclarent  que  leur  but  n'est  point  d'étendre  indéfiniment  les  fonctions  de  l'État,  mais 
de  les  supprimer  successivement...  L'État,  tel  qu'il  existe  aujourd'hui,  le  Gouvernement, 
comme  on  l'appelle,  représentant  de  la  classe  possédante  ou  bourgeoise,  sera  remplacé  par 
un  gouvernement  purement  économique,  semblable  au  conseil  d'administration  des  Fédé- 
rations coopératives  de  consommation  et  qui  ne  sera  que  l'organe  central  des  travailleurs 
organisés.  »  (Ch.  Gide,  Cours  d'Economie  politique,  Part.  I,  L.  III,  Ch.  ii,  §  III,  T.  II, 
p.  181,  Paris,  1920").  —  Cf.  Vanpervelde,  Le  Socialisme  contre  l'Etat. 


202  LE    SOCIALISME    :    SYNDICALISME  (72) 

cultes  inextricables.  On  a  proposé  diverses  formules  de  partage  {^)  : 
A  chacun  :  a)  part  égale  ;  —  b)  selon  ses  besoins  ;—  c)  selon  sa  capacité  ; 

—  d)  selon  le  temps  de  travail  ;  —  e)  selon  la  quantité  de  travail  effectué  ; 

—  f)  selon  le  soin  dépensé.  Ces  règles  sont  ou  injustes  ou  impraticables. 
E)  Le  Collectivisme  étoufferait  par  la  réglementation  l'initiative 

individuelle  ;  les  citoyens  ne  seraient  plus  que  des  rouages  de  la  grande 
machine  sociale.  Ce  serait  la  négation  de  l'autonomie  et  de  la  liberté  (2). 

§  C  —  AUTRES  FORMES  DE  SOCIALISME 

I.  L'Ecole  réformiste.  —  Elle  respecte  la  propriété  privée  avec  tous 
les  droits  qui  y  sont  inhérents,  mais  elle  vise  à  en  prévenir  les  abus  en 
v  apportant  certaines  restrictions  :  vg.  limitation  du  taux  de  l'intérêt 
et  des  fermages,  fixation  d'un  minimum  des  salaires,  attribution,  à 
titre  gratuit,  aux  ouvriers  dans  les  sociétés  par  actions  d'une  part  du 
capital  social,  imposition  de  certaines  conditions  pour  la  direction  des 
usines  et  l'exploitation  des  terres,  mines,  etc 

Ce  n'est  pas  là  du  Socialisme  proprement  dit  ;  c'est  du  Socialisme 
d'État. 

IL  Le  Syndicalisme.  —  Voici  ses  caractères  distinctifs  : 

10    C'est  un  socialisme  exclusivement  ouvrier. 

20  Le  Syndicat  est  le  fondement  de  tout  le  système,  parce  que  le 
syndicat,  étant  une  association  professionnelle  qui  n'admet  que  des 
travailleurs  de  même  profession,  exclut  par  là  même  les  éléments  bour- 
geois. La  direction  du  mouvement  social  appartient  à  la  Confédération 
générale  de  tous  les  Syndicats  ou  Bourses  du  travail  (la  C.  G.  T.). 

30  II  ne  demanderas  la  réalisation  de  ses  fins  à  la  loi,  àl'actionpar- 
Icmentaire,  à  des  concessions  faites  par  les  classes  possédantes,  mais 
à  Vaction  directe,  signifiant  par  là  que  les  ouvriers  doivent  faire  triompher 
leur  programme  par  leurs  propres  moyens.  Ces  moyens  sont  la  propa- 
gande, la  grève  et  même,  d'après  certains,  le  sabotage.  «  S'agit-il  de 
réduction  de  la  journée  de  travail,  ou  d'augmentation  de  salaire  ?  il 
ne  faut  pas  demander,  il  faut  prendre.  Et,  en  cas  de  résistance,  il  faut 
user  de  l'arme  qui  est  la  grève,  en  user  non  p^as,  comme  le  syndica- 


(')  Ch.  Gide,  Cours  d'Economie  politique,  Part.  I,  L.  III,  Ch.  ii,   §  I. 

(  •)  Certains  auteurs  parlent  de  socialisme  chrétien  ou  catholique  (vg.  Fr.  S.  Nitti,  n 
socialismo  catlolico.  —  H.  Joly,  Le  socialisme  chrétien)  ;  mais  ce  sont  là  deux  mots  qu  on 
ne  saurait  juxtaposer,  car  le  catholicisme  et  le  socialisme  ont  des  doctrmes  irréductibles. 
Cf.  Ch.  Antoine,  Cours  d'Economie  sociale,  Ch.  ix,  Art.  Vil,  p.  251-252.  Ch.  x,  Art.  III. 
p.  275-276,  Paris,  1908*.  —  Saint-Simon  avait  adopté  comme  formule  de  réparUtmn  : 
«  A  chacun  selon  sa  capacité,  à  chaque  capacité  selon  ses  besoins.  »  Cf.  Weill,  L  Ecole 
Saint-Simonienne.  —  V.  Pareto,  Les  systèmes  socialistes  contemporains.  —  G.  Le  Bon, 
Psychologie  du  socialisme.  —  Gibon,  La  participation  des  ouvriers  aux  bénéfices  et  les  diOf 
cultes  présentes.  Des  divers  modes  de  rémunération  du  travail.  —  Ant.  Menoer,  L  Etat 
sodaliate. 


(72)  LE    SOCIALISME    :    GOOPÉR.VTISME        -  203 

lisme  réformiste,  avec  prudence  et  seulement  quand  on  croit  être  sûr 
du  succès,  mais  s'en  servir  sans  considération  des  résultats  immédiats, 
comme  un  mode  d'entraînement  de  la  classe  ouvrière  et  d'usure  de  la 
classe  capitaliste.  Et,  lorsque  l'heure  de  la  Révolution  sera  venue, 
c'est  par  la  grève  générale  qu'elle  se  fera...  Cette  méthode  de  l'action 
directe  et  cette  haine  de  l'État  rapprochent  le  Syndicalisme  de  l'Anar- 
chisme.  Elles  le  distinguent,  au  contraire,  du  Collectivisme,  car,  quoique 
celui-ci  vise  aussi  à  l'élimination  de  l'État,  cependant  il  a  pour  tac- 
tique d'abord  de  le  conquérir  en  participant  à  la  vie  politique  et  parle- 
mentaire, et  en  s'efforçant  d'y  devenir  la  majorité  (^).  » 

Critique  :  «  Ce  programme  se  fonde  sur  ce  postulat,  que  la  classe 
ouvrière  est  tout,  parce  que  c'est  elle  qui,  par  son  travail,  produit 
toute  la  richesse.  Or  ce  fondement  n'est  solide  que  si  la  théorie  de  la 
valeur-travail  est  reconnue  exacte  ;  mais,  si  l'on  croit,  au  contraire  — 
et  telle  est  l'opinion  aujourd'hui  de  la  plupart  des  économistes  —  qu'elle 
est  inexacte  ou,  en  tout  cas,  incomplète  et  ne  contenant  qu'une  part 
de  vérité,  alors  le  Syndicalisme  se  fait  illusion  sur  sa  toute-puissance, 
et  ne  peut  résoudre  à  lui  seul  la  question  sociale  (^).  » 

Il  est  superflu  d'insister  sur  la  nature  immorale  des  moyens 
employés  par  le  Syndicalisme  révolutionnaire  :  action  directe,  lutte 
des  classes,  grève  au  sens  expliqué  ci-dessus,  voire  môme  sabotage. 

III.  —  Le  Coopératisme.  — •  Tandis  que  le  Collectivisme  et  le  Syndi- 
calisme sont  dominés  par  le  souci  de  la  production,  c'est  du  côté  des 
consommateurs  que  se  tourne  la  Coopératisme.  Les  sociétés  coopé- 
ratives veulent  supprimer  les  intermédiaires  inutiles,  qui  absorbent 
une  part  des  profits,  en  faisant  directement  leurs  achats  aux  produc- 
teurs, ou  même  en  fabriquant  elles-mêmes  tout  ce  qui  est  nécessaire 
à  leurs  associés.  Elles  ne  font  pas  la  guerre  au  capital. 

«  Beaucoup  de  sociétés  s'interdisent  par  leurs  statuts  de  faire  aucun 
profit  ou  le  versent  au  fonds  de  réserve  ;  et  celles  mêmes  qui  en  font 
le  restituent  à  leurs  membres  au  prorata  de  leurs  achats  (ou  de  leur 
travail,  s'il  s'agit  d'une  coopérative  de  production),  mais  jamais  au 
prorata  de  leurs  actions,  c'est-à-dire  du  capital  apporté  par  eux.  Le 
service  du  capital-actions,  comme  celui  du  capital  emprunté,  est  géné- 
ralement payé,  il  est  vrai,  mais  seulement  par  un  intérêt  modique, 
jamais  par  un  dividende  ;  et  même  certaines  sociétés  n'allouent  aucun 
intérêt  au  capital  »  (  ^).  Le  Coopératisme  ne  cherche  donc  pas  à  supprimer 
le  capital,  mais  à  enlever  au  capital  «  son  rôle  dirigeant  dans  la  produc- 


('"2)  Ch.  Gide,  Cours  d'Economie  politique,  Loco  cilalo,  §  IV,  T.  II,  p.  190. 

( ')  Ch.  Gide,  Cours  d'Economie  politique,  Loco  cilato,  §  V,  T.  II,  p.  193.  —  «  Ces 
sociétés  sont  en  train  de  créer,  au-dessus  de  la  propriété  individuelle,  une  propriété  collective 
sous  forme  de  fonds  impersonnel  employé  au  développement  de  la  société  et  à  des  œuvres 
d'utilité  sociale.  »  {Ibidem,  p.  192,  note  1). 


2Q4  LE    SOCIALISME    :    COOPÉRVTISME  TO 

tion  et,  en  même  temps,  à  lui  retirer  la  part  qu'il  prélève,  précisément 
à  titre  de  pouvoir  dirigeant,  sous  forme  de  profit  »  (  ). 
^Fédération  nationale  des  Coopératives  de  consommation  est  née, 
en  1913  de  la  fusion  des  Coopératives  socialistes  et  de  la  Ligue  des 
Coopéraiives,  présidée  par  M.  Charles  Gide,  le  grand  promoteur  du 
Coopé  a  ismè.  <o  Si  l'on  suppose  la  société  coopérative  étendue  jus- 
que absorber  toute  la  nation,  alors  l'abolition  du  profit  entraînerai 
2ne  modification  radicale  dans  la  distribution  des  richesses  car  le  profit 
est  S)us  le  régime  actuel,  le  seul  moyen  de  s'enrichir  et,  s'il  disparais- 
sait  c'est  avec  lui  la  source  des  grosses  fortunes  qui  tarirait   (-).  » 

Pour  en  arriver  là  il  faut  admettre  que  les  Coopératives  locales 
fédérées  en  Unions  parviennent  à  englober  tout  le  commerce  et  en 
outre  ce  qui  est  plus  difficile,  arrivent  non  seulement  a  concentrer  tous 
les  achats,  mais  à  se  faire  productrices,  à  monter  des  usines  a  conduire 
des  fermes  etc.  Alors,  dans  le  domaine  du  commerce,  de  l'industrie  et  de 
la  production,  le  capital  serait  réduit  à  la  portion  congrue  d  un  faible 
intérêt  fixe,  el  la  propriété  individuelle,  chassée  de  ses  divers  domaines 
^ar Tes  envahissements  de  la  propriété  collective,  finirait  par  ne  plus 

^'"^  ftitiaue'^- 1°'  Cette  conception  ne  mérite  pas  le  reproche,  adressé 
au   Syndicalisme,    d'employer   des   moyens   révolutionnaires    :    ac  ion 
directe,  grève,  lutte  des  classes.  Elle  laisse  une  certaine  place  au  capital 
Elle  confine  Cependant  au  Socialisme  en  tant  qu'elle   a  pour  but  de 
constituer  une  vaste  fédération  de  propriétés  collectives. 

20  Maintenues  dans  certaines  limites,  les  Coopératives  de  consom- 
mation ont  rendu  et  rendent  encore  des  services  Mais  la  Prétention 
d'absorber  un  jour  tout  le  commerce  est  une  ^1"^^^^'  ^*;^^^',  ^^^  .f 
Coopératisme,  l'intérêt  personnel,  qui  est  le  grand  moteur  de  1  acti- 
vité, a  un  rôle  trop  restreint  pour  être  un  st.mulant  efficace  Si  ce  Sys- 
tem; arrivait,  par  impossible,  à  s'établir,  il  ne  parviendrait  pas  a  se 
maintenir,  faute  de  ce  stimulant  indispensable. 

30  Les  Coopératives  «  se  trouveraient  en  face  des  questions  qui 
divisent  aujourd'hui  le  capital  et  le  travail.  Quand  il  s  -g^^a  de  passer, 
d'une  façon  générale,  de  la  consommation  a  la  production  elles  se  heur- 
teront de  plus  en  plus  sans  doute  aux  difficultés  du  problème  de  1  orga- 
nisation du  travail,  telles  qu'elles  se  présentent  actuellement  diffi- 
cultés qui  resteraient  entières  alors  que  le  propriétaire  d  une  usine 
ou  d'une  ferme  serait  remplacé  par  une  société  de  consommateurs  (  ).   « 


,.-»)  CH.  GIDE.  Cours  d'Economie  poHaaueLocod^^^^^ 

(«>  r,H    Antoine    Cours  d  économie  sociale,  Ch.  xn.  An.  o,  p.  ^oi    ne 

T.  II,  Part.  IV,  Ch.  xviii,  Paris,  1905*. 


(72)  SOCIÉTÉ    ET    SOCIALISME  205 


§  D.  —  SOCIÉTÉ  ET  SOCIALISME 

Les  conceptions  du  Droit  naturel  et  du  Socialisme,  relatives  aux 
divers  éléments  qui  entrent  dans  la  composition  de  la  Cité,  sont  en 
flagrante  opposition.  Il  est  instructif  de  les  comparer  : 

I.  —  Conception  normale.  —  Les  droits  de  l'individu,  qui  fait  partie 
d'une  Société  civile  et  politique,  sont  sans  doute  limités  par  les  droits 
concurrents  des  autres  associés  et  par  les  intérêts  supérieurs  du  bien 
commun  ;  mais,  en  dehors  de  ces  exigences,  ils  doivent  être  respectés 
et  protégés  par  l'État. 

La  Famille,  qui  constitue  la  cellule  sociale,  est  antérieure  à  l'État  : 
elle  a  par  conséquent  des  droits  propres  que  l'État  doit  sauvegarder. 
Ainsi,  les  enfants  appartiennent  aux  parents  qui  sont  chargés  de  leur 
éducation.  La  stabilité  et  la  prospérité  de  la  famille  exigent  l'unité  et 
l'indissolubilité  du  lien  matrimonial. 

Tout  pouvoir,  donc  le  pouvoir  politique,  vient  de  Dieu.  Sans  doute, 
le  peuple  a  le  droit  de  déterminer  la  forme  de  gouvernement  qui  lui 
convient  ;  mais  il  n'est  pas  la  source  de  l'autorité. 

La  propriété  individuelle  et  héréditaire  est  légitime.  Mais  le  droit 
de  propriété  comporte  des  limites  morales  et  légales  (68,  §  E). 

La  liberté  du  travail  est  un  droit  naturel.  Les  individus  et  les  asso- 
ciations particulières  peuvent  donc  l'organiser  à  leur  convenance,  à 
la  condition  de  respecter  les  droits  d'autrui  et  les  lois  générales  du  pays. 

La  forme  normale  des  rapports  de  l'Église  et  de  l'État  c'est  l'union, 
en  vue  de  procurer,  selon  leur  fin  propre  et  à  leur  manière,  le  bien  com- 
mun. Quand,  par  suite  de  la  diversité  des  croyances  religieuses  et  de 
certaines  circonstances  politiques,  la  séparation  devient  nécessaire  en 
fait,  cette  séparation  doit  être  pratiquée  loyalement,  comme,  par  exemple, 
actuellement  aux  États-Unis,  c'est-à-dire  que  l'État  doit  laisser  à 
l'Église  toute  liberté  d'agir  dans  les  limites  du  Droit  commun. 

II.  Conception  socialiste.  —  L'individu  est  plus  ou  moins  absorbé 
par  la  collectivité,  ce  qui  l'expose  à  la  tyrannie  du  nombre.  Il  n'a  pas 
la  sauvegarde  du  Droit  naturel,  dont  le  Socialisme  ne  reconnaît  pas 
la  valeur. 

Le  Socialisme  réclame  l'égalité  complète  de  l'homme  et  de  la  femme. 
Il  est  favorable  à  l'union  libre  et  au  divorce.  —  «  Les  socialistes  des 
partis  ouvriers  sont  tous  partisans  de  l'émancipation  de  la  femme, 
de  l'entretien  et  de  l'éducation  des  enfants  par  la  commune  ou  par 
l'État' (1).  » 


(  •)  Benoît  Malon,  Le  Socialisme  intégral,  T.  I,  Ch.  vu,  §  VII,  p.  352,  Paris,  1890. 


206  RESPECT  DES  BIENS  SPIRITUELS  :  l'hONNEUR  (73) 

Le  peuple  est  la  source  immédiate  du  pouvoir  et  de  l'autorité  : 
c'est  le  souverain. 

Le  Socialisme  «  tend  à  remplacer  le  droit  de  propriété  individuelle 
par  un  mode  d'appropriation  plus  ou  moins  collectif  »  (^)., 

L'organisation  socialiste  aboutit  à  la  suppression  de  la  liberté  du 

travail. 

«  Pour  le  socialiste  démocrate,  la  vie  humaine  est  renfermée  tout 
entière  dans  les  limites  du  monde  terrestre.  Pour  lui,  l'au-delà  n'existe 
pas.  Cette  affirmation,  souvent  explicite  et  formelle  dans  la  bouche 
des  chefs  du  socialisme,  est  cachée  dans  le  programme  collectiviste 
officiel  (2).  »  Le  Socialisme  met  la  fin  dernière  dans  les  jouissances  de 
cette  vie  ;  il  remplace  le  Décalogue  par  les  droits  de  l'homme,  et  la 
souveraineté  de  Dieu  par  celle  du  peuple. 

Il  ressort  de  cette  comparaison  que  le  Socialisme  est  la  négation  de 
la  Société  et  que  son  triomphe  en  serait  la  ruine. 

Conclusion.  —  11  ne  faudrait  pas  croire  que  toutes  les  critiques, 
dirigées  par  l'École  socialiste  contre  les  abus  du  régime  économique 
en  vigueur,  soient  dénuées  de  fondement,  ni  que  tous  les  remèdes  pro- 
posés par  elle  soient  injustes  ou  chimériques.  «  Lorsqu'on  réclamait 
la  protection  des  femmes  et  des  enfants,  la  réglementation  du  travail 
de  nuit,  la  réglementation  de  la  spéculation,  des  monopoles  et  acca- 
parements, la  législation  du  travail,  etc.,  nous  ne  pouvions  qu'approuver 
ces  mesures,  et  plusieurs  sont,  depuis  cette  époque,  heureusement 
passées  dans  notre  code  {^).  »  Albert  de  ^Iun  a  justement  remarqué 
que  plusieurs  des  idées  par  lesquelles  les  socialistes  ont  «  conquis  dans  le 
pays  une  si  large  place  »,  ils  les  avaient  «  dérobées  »  à  l'École  sociale 
catholique  (*). 

Pour  combattre  efficacement  le  SociaUsme,  il  ne  suffit  pas  d'en 
faire  la  critique,  il  faut  opposer  des  réformes  pratiques  et  justes  aux 
utopies  et  aux  injustices  que  renferme  pon  programme. 

73.  —  RESPECT  DES  BIENS  SPIRITUELS  :  L'HONNEUR 

L'honneur  ou  réputation,  bien  supérieur  aux  biens  matériels, 
est  la  condition  de  nombreux  avantages  sociaux.  C'est  une  injustice 
de  blesser  l'honneur  d'autrui  par  des  paroles  injurieuses  ou  de  le  dif- 
famer par  la  calomnie  et  la  médisance.  On  est  obligé  de  restituer  au  pro- 
chain l'honneur  enlevé.  Le  calomniateXir  doit  rétracter  son  mensonge  ; 


(M  Ch.  Gide,  Cours  d'Économie  politique,  Loco  citalo,  §  I,  T.  II,  p.  167. 
("-')  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale,  Ch.ix,  Art.  2,  p.  226.  Art.  7,  p.254(6«Ed.)J 
(  *)  A.  DE  MuN,  Discours  au  Congrès  de  Besançon,  1903. 


I 


(74)  LES    ŒUVRES    DE    CHARITÉ  207 

le  médisant  est  tenu  de  compenser  le  mal  fait,  en  disant  du  bien  de  celui 
dont  il  a  médit.  —  Tout  homme  a  droit  à  notre  estime,  non  seulement 
dans  nos  paroles,  mais  même  dans  nos  pensées  ;  il  faut  donc  éviter  les 
Jugements    téméraires. 

§  II.  —   DEVOIRS  DE  CHARITÉ 
74.  —  LES  ŒUVRES  DE  CHARITÉ 

I.  —  Précepte  général  :  c'est  d'aimer  tous  les  hommes,  même 
nos  ennemis  :  «  Aimer,  c'est  trouver  son  bonheur  dans  le  bonheur  d'au- 
trui  »  (Leibniz).  «  Aimer,  dit  S.  Thomas,  c'est  proprement  vouloir 
du  bien  à  quelqu'un  (^).  »  Mais  il  s'agit  d'une  volonté  non  seulement 
affective^  qui  souhaite  du  bien  aux  autres,  mais  effective,  qui  leur  en  fasse. 
—  Aux  devoirs  de  justice  correspondent  autant  de  devoirs  de  charité  ; 
vg.  la  justice  nous  défend  d'attenter  à  la  vie  de  notre  prochain  ;  la  cha- 
rité nous  enjoint  de  la  secourir  et  de  la  protéger. 

II.  —  Œuvres  :  1<^  Les  unes  sont  d'ordre  temporel,  relatives  au 
corps  :  vg.  secourir  les  pauvres  par  l'aumône,  assister  les  malades, 
défendre  la  vie  menacée  de  nos  semblables. 

2°  Les  autres  sont  d'ordre  spirituel,  relatives  à  l'âme  :  vg.  éclairer 
l'intelligence  d'autrui  par  l'instruction  et  les  bons  conseils  ;  porter  les 
autres  au  bien  par  nos  paroles  et  nos  exemples,  fortifier  leur  volonté 
contre  les  passions,  les  consoler  dans  leurs  peines,  etc. 

III.  —  Qualités  :  la  charité  doit  être  faite  avec  : 

10  Délicatesse;  —  2»  Désintéressement; — 3»  Intelligence  {^)  (65, 
§  B,  III,  10). 

COMPLÉMENT  BIBLIOGRAPHIQUE 

MORALE  HUMANITAIRE 

{Devoirs  envers  nos  semblables) 

PoTTiER  (A.),  De  jure  et  justitia,  Liège,  1900. 

Faguet  (Ém.),  Le  Libéralisme,  Paris,  1902. 

Jankelevitch  (S.),  Quelques  arguments  philosophiques  en  faveur  de 


(  ')  Amare  enim  proprie  est  velle  alicui  bonum  (S.  Thomas,  Comment,  in  Joannem, 
C.  III,  Lect.  III,  §  1). 

(•)  Haussonville  (d'),  Comment  faire  la  charité  ?  Revue  des  Deux  Mondes,  1894, 
T.  III,  p.  383-413.  —  Fr.  de  Champagny,  De  la  charité  chrétienne  dans  les  premiers  siècles  de 
l'Église. —  M»  de  Witt,  née  Guizot,  La  charité  en  France,  à  travers  les  siècles.  —  L.  Lal- 
LEMANT,  Histoire  de  la  charité. 


208  '  LA    FAMILLE  (75) 

la  liberté  de  renseignement,  dans  Revue  de  Philosophie,  1903, 
p.  560-581. 

Sanchet  (E.),  Liberté  du  travail  et  Solidarité  vitale,  Paris,  1903. 

Petrucci  (R.),  Les  Origines  naturelles  de  la  Propriété.  Essai  de 
Sociologie  comparée.  Tirage  à  part  des  Notes  et  Mémoires  des  Instituts 
Solvay,  Bruxelles,  1905. 

Reinach  (Ad.),  Ueber  der  ursachen  Begriff  in  geltenden  Strafrecht, 
Leipzig,  1905. 

Lanza  (V.),  UUmanesimo  nel  diritto  pénale,  Palerme,  1906. 

Petersen  (.!.),  Willensfreiheit  moral  und  Strafrecht,  Munich,  1906. 

ZiNO  ZiNi,  Giustizia,  Turin,  1907. 

Lallemand  (L.).  Histoire  de  la  Charité,  T.  IV,  Paris,  1910. 

FouRKERET  (P.),  Ducl,  dans  Dictionnaire  de  Théologie  catho- 
lique, de  Vacant-Mangenot,  1911,  T.  IV,  col.  1845-1856. 

Rivet  (L.).  Duel,  dans  Dictionnaire  Apologétique,  de  d'Alès, 
1911,  T.  I,  col.  1196-1220. 

Benett  (W.),  Justice  and  Happiness,  Oxford,  1911 . 


lime  SECTION 
MORALE  DOMESTIQUE 

75.  —  LA  FAMILLE  (*) 

C'est  une  société  formée  par  les  parents  et  les  enfants.  Elle  est 
naturelle,  c'est-à-dire  fondée  sur  la  nature  de  l'homme,  et  elle  a  Dieu 
pour  auteur  immédiat.  Elle  est  nécessaire  à  la  protection  des  droits 
de  la  femme  et  à  l'éducation  physique  et  morale  des  enfants.  La  famille 
est  un  fait  universel,  mais  elle  n'atteint  sa  perfection  que  dans  les  pays 
chrétiens.  —  Ce  n'est  pas  l'individu,  mais  la  famille  qui  constitue  la 


(  ')  LÉON  XIII,  Encyclique  Inscrutabile.  —  P.  Janet,  La  famille.  —  Le  Play,  L'organi- 
sation de  la  famille.  La  réforme  sociale,  L.  III.  —  J.  Félix.  Conférences  de  Noire-Dame, 
1860.  —  MONSABRÉ,  Conférences  sur  la  famille.  —  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Noire-Dame,^ 
1894.  —  A.  DE  Margerie,  De  la  famille.  —  J.  Simon,  La  femme  du  XX'  siècle.  —  E.  Lamy, 
La  femme  de  demain.  —  S.  Schiffini,  Dispulaliones  philosophiœ  moralis,  T.  II,  Disput.  III*. 

—  Taparelli,  Traité  théorique  de  droit  naturel,  L.  VII,  Ch.  ii.  —  T.  Rothe,  Traité  de  droit 
naturel, Part. IV,  Ch.  vi-viii.— V.  Devas,  Studies of  familylif e.—  Ch.  Jan net, La consdluïton 
de  la  famille  dans  le  passé  et  dans  le  présent,  dans  la  Réforme  sociale,  1886,  T.  II,  p.  65-76. 

—  E.  Beaussire,  Les  principes  du  droit,  L.  ÏII,  —  J.  Cauvière,  De  la  condition  d':  la  femme. 

—  A.  Beuel,  La  femme  dans  le  passé,  le  présent  et  l'avenir.  —  J.  Lourbet,  La  femme  devanll 
In  science  contemporaine.  —  Ribbe  (Ch.  de),  La  vie  domestique,  ses  modèles  et  ses  règles.  ^ 
A.  Gemelli,  L'origine  délia  Famiglia. 


(76)  LE    MARIAGE  209 

véritable  unité  sociale.  La  famille  donne  naissance  à  des  devoirs  parti- 
culiers, découlant  des  rapports  qui  existent  entre  les  différents  membres 
qui  la  composent.  —  Elle  a  pour  fin  immédiate  le  perfectionnement 
matériel,  intellectuel  et  moral  de  ses  membres,  ordonné  à  la  fin  dernière 
de  l'homme  :  le  souverain  Bien.  La  famille  a  pour  fondement  le  mariage. 


76.  —  LE  MARIAGE 

§  L  —  AU  POINT  DE  VUE  DU  DROIT  NATUREL 

C'est  un  contrat  par  lequel  l'homme  et  la  femme  s'unissent  volon- 
tairement pour  fonder  une  famille,  c'est-à-dire  pour  avoir  des  enfants 
et  les  bien  élever,  pour  vivre  en  commun  et  s'assister  mutuellement. 
Le  contrat  matrimonial,  étant  fondé  sur  la  constitution  de  la  nature 
humaine  et  ayant  pour  but  principal  la  perpétuité  de  l'espèce,  est  de 
droit  naturel.  Il  est  donc  antérieur  et  supérieur  au  droit  civil  et  poli- 
tique. Par  conséquent  l'État  n'a  aucune  autorité  pour  légiférer  sur  le 
contrat  conjugal  envisagé  dans  ses  conditions  essentielles,  parce  qu'il 
n'en  a  pas  sur  le  droit  primordial  qu'on  nomme  droit  naturel  (55).  Il 
peut  seulement,  en  vue  du  bien  commun,  statuer  sur  les  conséquences 
civiles  du  contrat  matrimonial  (vg.  les  biens,  les  héritages,  les  ventes,  etc. 
mais  il  ne  peut  atteindre  le  lien  conjugal.  Ne  pouvant  former  le  lien, 
l'État  ne  peut  le  rompre  ;  il  ne  peut  davantage  constituer  des  empê- 
chements dirimants,  mais  seulement  appuyer  de  sa  sanction  ceux  que 
le  droit  naturel  établit. 

lll.-  AU  POINT  DE  VUE  DU  DROIT  CHRÉTIEN  (i) 

A)  Entre  baptisés,  le  mariage  est  un  sacrement,  non  par  l'addition 
d'un  caractère  surnaturel  au  contrat  naturel  préexistant,  mais  par 
l'élévation  de  ce  contrat  lui-même  à  un  ordre  supérieur.  Ainsi,  ce  qui 
constitue  le  sacrement  de  mariage,  ce  n'est  pas  la  bénédiction  du  prêtre, 
c'est  l'engagement  mutuel  des  époux,  lesquels  sont  les  ministres  du 
sacrement.  La  présence  du  curé  ou  de  son  délégué  n'est  qu'une  condi- 
tion essentielle  de  la  validité  du  marigige  entre  chrétiens,  condition 
imposée  par  le  Concile  de  Trente. 

.B)  Le  sacrement  et  le  contrat,  étant  identiques,  sont  inséparables. 


(M  LÉox  XIII,  Encyclique  Arcanum  divinm  sapienlix  consilium,  10  février  1880.  — 
Cf.  PaLmieri,  De  malrimonio  christiano.  —  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Noire-Dame, 
1894,  Conférences,  I,  II.  —  Ch.  Daniel,  Le  mariage  chrétien  el  le  Code  Napoléon,  dans  les 
Études,  1869.  — de  Bréda,  Considérations  siLr  le  mariage  au  point  de  vue  des  lois.  — T.  Rothe, 
Traité  de  Droit  naturel,  Part.  IV,  Ch.  vi,  Sect.  III. 


210  LE    MARIAGE  (76) 

Donc  point  de  sacrement  sans  le  contrat  :  si  le  contrat  est  nul  par  suite 
d'une  circonstance  qui  peut  l'annuler  en  droit  naturel  :  vg,  défaut  de 
consentement,  par  là  même  pas  de  sacrement.  Donc  point  de  contrat 
sans  le  sacrement  :  le  mariage  civil  ne  crée  aucune  obligation  de  conscience 
et  ne  donne  aucun  droit.  C'est  un  acte  nul  ;  la  législation  qui  le  recon- 
naît ne  fait  que  légaliser  le  désordre  :  il  n'y  a  pas  mariage,  mais  «  concu- 
binage légal  »  (^). 

C)  Le  mariage  entre  baptisés  étant  totalement  un  objet  sacré,  spi- 
rituel, la  législation  en  appartient  totalement  à  l'Église  en  ce  qui  regarde 
la  validité  et  la  licéité,  c'est-à-dire  l'établissement  des  empêchements 
dirimants  et  prohibants. 

D)  Les  tribunaux  ecclésiastiques  de  Rome,  quand  ils  rendent  une 
sentence  matrimoniale,  ne  dissolvent  pas  le  lien  conjugal,  ils  déclarent 
simplement  sa  nullité  ou  son  invalidité. 


§  in.  —  CARACTÈRES  DU  LIEN  MATRIMONIAL 

A)  Liberté  :  le  lien  matrimonial  dépend  du  libre  engagement  de 
deux  personnes  ;  il  ne  peut  donc  être  contraint  par  aucune  autorité. 

B)  Unité  :  la  polygamie  est  contraire  au  bien  de  la  famille,  parce 
qu'elle  l'empêche  d'atteindre  pleinement  sa  fin.  En  effet  : 

10  Le  mariage  est  une  société  qui  demande  l'affectueuse  et  intime 
communication  des  sentiments.  Or  cette  intimité  exige  la  monogamie  ; 
car  elle  ne  peut  être  totale  et  réciproque  là  où  le  mari  a  plusieurs  femmes, 

20  La  polygamie  est  contraire  à  la  perfection  de  la  justice  ;  la  femme 
se  donne  tout  entière  au  mari  ;  il  faut  donc,  pour  maintenir  l'égalité, 
que  le  mari  se  donne  aussi  tout  entier  à  la  femme. 

3°  De  cette  inégalité  résulte  la  déchéance  de  la  femme  ;  elle  n'est 
plus  traitée  en  compagne,  mais  en  esclave  par  le  mari. 

4°  Les  familles,  où  règne  la  polygamie,  sont  troublées  par  les  que- 
relles et  les  jalousies.  La  consolation  et  l'assistance  mutuelles,  que  les 
époux  doivent  tirer  du  mariage,  sont  compromises  et  l'éducation  des 
enfants  est  négligée.  Les  faits  confirment  la  vérité  de  ces  assertions. 

C)  Indissolubilité  :  le  divorce  est  illicite,  parce  qu'il  est  contraire  : 
1»    Au  bien  des  enfants  :  la  possibilité  de  la  dissolution    du  lien 

conjugal  diminue  l'affection  et  le  soin  pour  les  enfants.  Leur  éducation 
est  par  conséquent  plus  ou  moins  manquée.  Après  le  divorce,  ils  sont 
séparés  de  l'un  ou  de  l'autre  de  leurs  parents,  partagés  et  contrariés 


(M  Pie  IX,  Lettre  à  Victor -Emmanuel,  19  septembre  1852.  —  J.  Cauvière,  Le  lien 
conjugal  et  le  divorce.  —  G.  Fonsegrive,  Mariage  et  union  libre.  —  R.  Lemairb,  Le  mariage 
civil. 


(^M 


(77-78)  DEVOIRS    DES    ÉPOUX  211 

dans  leurs  sentiments.  La  vue  des  mésintelligences  de  leurs  parents 
est  une  triste  école  de  moralité. 

2°  A  l'union  des  familles  :  la  perspective  de  pouvoir,  sous  certaines 
conditions,  briser  le  lien  matrimonial,  affaiblit  la  confiance  et  l'affection 
mutuelles,  rend  intraitable  envers  les  moindres  défauts,  favorise  les 
passions  coupables  et  provoque  d'incessantes  discordes. 

3°  Aux  intérêts  de  la  société  elle-même,  caries  désordres  et  les  divi- 
sions des  familles  qui  la  composent,  ont,  dans  son  sein,  leurs  contre- 
coups nécessaires.  Ici,  encore,  l'histoire  confirme  le  bien-fondé  de  ce& 
affirmations. 

Remarques  :  I.  —  La  séparation  de  corps  et  de  biens  est  le  remède 
aux  cas  extrêmes  où  la  vie  mutuelle  est  devenue  intolérable. 

II.  ■ —  Dieu  peut,  mais  lui  seul,  permettre  exceptionnellement  la  poly- 
gamie ou  le  divorce.  Il  le  peut^  parce  que  la  polygamie  et  le  divorce, 
n'empêchant  pas  le  mariage  d'atteindre  complètement  sa  fin,  ne  sont 
pas  absolument  contraires  au  droit  naturel  (56,  II).  —  lui  seul,  parce 
que  seul  il  est  maître  du  corps  et  de  l'àme. 


77.  —  LE  CÉLIBAT 

Le  célibat  est  l'état  de  ceux  qui  vivent  hors  mariage.  Le  célibat  est  : 

I.  —  Obligatoire,  quand  on  est  atteint  d'une  maladie  grave  et 
héréditaire,  à  moins  d'avoir  prévenu  l'intéressé. 

IL  —  Méritoire,  quand  on  le  garde  pour  mieux  vaquer  à  son 
perfectionnement  moral  ou  à  des  œuvres  qui  intéressent  l'humanité. 

IIL  —  En  soi  facultatif  :  sans  doute  le  mariage  est  nécessaire 
pour  assurer  la  perpétuité  de  la  race  ;  mais,  comme  la  grande  majorité 
des  hommes  choisiront  l'état  conjugal,  il  n'a  pas  été  nécessaire  d'en 
imposer  l'obligation  à  tous. 


78.  —  DEVOIRS  DES  ÉPOUX  (i) 

A)  Avant  le  mariage  :  les  futurs  époux  doivent  : 

1°  Garder  leur  cœur  intact  pour  celui  ou  pour  celle  qui  aura  le  droit 
de  le  posséder. 

2o  Se  rappeler  qu'ils  auront  charge  d'âmes  et  que  leurs  enfants 
seront  plus  ou  moins  solidaires  de  leurs  vertus  et  de  leurs  vices. 

3°    Se  guider  dans  leur  choix  d'après  la  raison  et  l'inclination.  Ils 


tM  M.  D'IIuLST,   Conférences  de  Notre-Dame,  II«  et  III^  Conférences,  1894. 


212  LE    FÉMINISME  (79) 

doivent  mettre  au-dessus  de  tout  les  qualités  intellectuelles  et  morales, 
c'est-à-dire  la  beauté  de  l'âme.  La  raison  doit  contrôler  l'inclination. 

B)  Pendant  le  mariage  :  ils  se  doivent  fidélité  ;  ils  doivent  res- 
pecter les  fins  du  mariage  qui  sont  la  perpétuité  de  la  race  humaine, 
l'éducation  des  enfants  et  l'assistance  mutuelle.  Le  mari  est  le  chef 
de  la  famille  ;  il  ne  doit  pas  exercer  son  autorité  despotiquement,  mais , 
par  persuasion  et  par  amitié.  La  femme  est  non  sa  servante,  mais  sa. 
compagne  et  son  amie  ;  elle  lui  doit  obéissance.  Au  mari  de  protéger  la, 
famille  et  de  travailler  pour  elle  ;  à  la  femme  les  soins  intérieurs  (79).; 

79.  —  LE  FÉMINISME  (  i) 

On  entend  par  Féminisme  la  doctrine  qui  réclame  l'extension  des 
droits  de  la  femme.  Sous  sa  forme  extrême,  elle  va  jusqu'à  demander 
la  pleine  émancipation  de  la  femme  et  sa  complète  égalité  avec  l'homme. 
Tel  est  le  programme  formulé  par  Bebel  {^)  et  accepté  par  beaucoup 
de  socialistes.  Mais  il  est  des  revendications  plus  modérées  qui  méritent 
d'être  bien  accueillies. 

Gomme  la  question  est  complexe,  il  importe  de  l'envisager  succes- 
sivement sous  ses  divers  aspects  :  familial,  économique  et  social,  enfin 
politique. 

I.  —  Point  de  vue  familial.  —  Sous  peine  d'anarchie  et  de  ruine, 
il  faut,  en  toute  société,  une  autorité  qui  commande.  Dans  la  famille 
ce  rôle  revient  manifestement  à  l'homme,  d'après  les  indications  mêmes 
de  la  nature,  car  c'est  lui  que  la  nature  a  fait  le  plus  apte  à  le  remplir. 
L'homme,  en  effet,  si  l'on  parle  en  général,  l'emporte  sur  la  femme 
par  la  maturité  et  la  fermeté  du  jugement,  l'énergie  du  caractère,  l'apti- 
tude aux  affaires  et  la  vigueur  corporelle,  toutes  qualités  qui  conviennent 
à  un  chef. 

La  révélation  confirme  et  complète,  au  nom  de  Dieu,  ces  données 
fournies  par  l'expérience  et  la  raison  :  «  Que  les  femmes  soient  soumises 
à  leurs  maris  comme  au  Seigneur,  car  le  mari  est  le  chef  de  la  femme, 
comme  le  Christ  est  le  chef  de  l'Éghsc....  ))(3).  LéoN  XIII,  dans  l'Encycli- 
que Rerum  novarum,  s'exprime  ainsi  :  «  Aussi  bien  que  la  société  civile, 


{')  M"«  L.  Zanta,  Psychologie  du  Féminisme,  Paris,  1922. 

( ')  Die  voile  Emanzipation  (1er  Frau  und  ihre  Gleichstellung  mit  dem  Mann  ist  da^ 
schlieszliche  Zicl  unserer  Kulturenlwicklung  {Die  Frau,  29°  Édit.,  p.  435). 

(  ')  Mulieres  viris  suis  subdilae  sint,  sicut  Domino,  quoniam  vir  est  caput  mulieris,  sicut 
Christus  est  caput  Ecclesiae...  (S.  Paul,  Ep.  aux  Éphésiens,  Ch.  v,  v.  22-23). 


(79)  LE    FÉMINISME  213 

la  famille  est  une  société  proprement  dite  avec  son  autorité  propre, 
l'autorité  et  le  gouvernement  paternels  (^).   » 

On  ne  saurait  donc  approuver,  à  aucun  titre,  la  demande  de  ceux 
qui  revendiquent  la  pleine  émancipation  de  la  femme  et  sa  complète 
égalité  avec  l'homme  :  ce  serait  la  ruine  de  la  famille  et,  partant,  de  la 
société,  puisque  la  famille  constitue  la  cellule  sociale. 

Sans  doute  la  femme  est  l'égale  de  son  mari  par  rapport  aux  droits 
qui  sont  inhérents  à  la  nature  humaine  (55,  §  A).  Mais  quand  l'homme 
et  la  femme  s'unissent  pour  contracter  mariage,  l'inégalité  apparaît. 
La  famille,  en  effet,  n'est  pas  une  société  d'égaux  :  les  enfants  doivent 
obéissance  aux  parents,  et  la  femme  à  son  mari.  Mais  cette  obéissance 
n'a  rien  de  dégradant  pour  la  femme,  car  celle-ci  «doit  obéir  à  son  mari, 
non  comme  une  servante,  mais  comme  une  compagne  »  {^).  Pour  être 
différent  de  celui  de  l'homme,  le  rôle  de  la  femme  n'est  pas  moins  beau 
dans  son  genre.  Si  l'homme  est  la  tête  de  la  famille,  la  femme  en  est  le 
cœur.  Sa  fonction  providentielle  est  de  faire  l'éducation  morale  et  reli- 
gieuse des  enfants  ;  c'est  aussi  de  rendre  le  home  agréable  et  la  vie 
intérieure  chère  aux  membres  de  la  famille,  en  les  charmant  par  sa 
bonne  grâce  et  ses  prévenances,  en  veillant  à  l'ordre,  à  la  propreté  et 
à  l'économie  du  ménage.  Ses  qualités  de  tendresse  et  de  dévouement, 
ses  aptitudes  de  ménagère  la  prédestinent  à  bien  remplir  cette  double 
fonction.  La  vraie  place  de  la  femme  est  donc  au  foyer  domestique, 
où  ses  capacités  naturelles  trouvent  leur  bienfaisant  emploi. 

Quant  au  régime  des  biens,  la  loi  naturelle  et  la  loi  chrétienne  ne 
prescrivent  rien  (^).  La  femme  est  libre,  par  conséquent,  au  regard  de 
la  conscience,  de  choisir  le  mode  qui  lui  paraîtra  le  meilleur  :  commu- 
nauté de  biens  entre  époux  ou  séparation. 

II.  —  Points  de  vue  économique  et  social.  — •  Les  nouvelles  conditions 
économiques,  notamment  les  progrès  de  la  grande  industrie,  ont  modifié 
profondément  le  régime  du  travail.  Autrefois  la  femme,  jeune  fille  ou 
épouse,  pouvait  travailler  à  la  maison,  sous  la  direction  du  chef  de 
famille.  Comme  le  gain  du  mari  est  souvent  incapable  de  suffire  à  l'en- 


(  M  Qu^madmodum  civitas,  eodem  modo  familia  veri  nominis  societas  est,  quae  potestate 
propria,  hoc  est  paterna  regitur.  (Encycl.  Rerum  novarum,  16  mai  1891.  Lettres  aposto- 
liques de  Léon  XIII,  Édition  de  la  Bonne  Presse,  T.  III,  p.  26). 

(^)  Vir  est  familiae  princeps  et  caput  mulieris,  quae  tamen...  subjiciatur  pareatque 
viro  in  morem  non  ancillae,  sed  sociae.  (Léon  XIII,  Encyclique  Arcanum,  10  février  1880. 
Même  édition,  T.  I,  p.  84). 

(*)  Le  Code  civil  est  trop  restrictif.  »  ...  On  peut  approuver  les  lois  qui,  depuis  trente 
ans,  ont  élargi  sensiblement  les  pouvoirs  de  la  femme  mariée  en  matière  d'épargne  »,  et 
«  l'on  peut  souhaiter  une  augmentation  de  ses  droits  dans  la  direction  intérieure  du  ménage 
6t  l'administration  des  produits  de  son  travail  personnel...  »  (H.  T.vudière,  Famille,  dans 
Dictionnaire  apologétique  de  la.  Foi  catholique,  de  A.  d'Alès,  T.  I,  col.  1895, 
Paris,  1916). 


214  LE    FÉMINISME  (79) 

tietien  des  siens,  la  femme  ne  pouvant  plus  travailler  à  domicile  est 
obligée  d'aller  à  l'usine  ou  à  la  fabrique,  pour  gagner  un  supplément 
de  ressources.  C'est  un  pis-aller  (^).  Il  faut  donc  viser  à  introduire  un 
état  économique  qui  permette  à  la  mère  de  famille  de  rester  au  foyer, 
où  sa  présence  est  nécessaire  au  bon  ordre  et  à  la  prospérité  domes- 
tiques, et  laisse  à  la  jeune  fille  le  temps  de  s'initier  au  rôle  de  ménagère. 

Avec  le  temps,  bien  des  professions  sont  devenues  accessibles  à  la 
femme.  Les  portes  de  beaucoup  d'administrations  lui  ont  été  ouvertes. 
Ses  qualités  naturelles  la  rendent  particulièrement  propre  à  l'éducation 
de  la  jeunesse,  au  soin  des  malades,  aux  œuvres  d'assistance  et  de  cha- 
rité, etc.  L'exercice  de  la  médecine  à  l'égard  des  femmes  et  des  enfants 
lui  convient  également.  Elle  peut  déjà, être  témoin,  tutrice,  faire  partie 
des  conseils  d'administration  des  sociétés,  des  associations,  des  syndi- 
cats, des  comités  des  pupilles  de  la  nation. 

IIL  Point  de  vue  politique.  —  C'est  sur  le  terrain  de  la  politique  que 
les  revendications  féminines  ont  été  les  plus  ardentes.  Dès  1791,  dans 
la  Déclaration  des  droits  de  la  femme  et  de  la  citoyenne  qu'elle  opposait 
à  la  Déclaration  des  droits  de  Vhomme  et  du  citoyen^  une  ancêtre  du 
féminisme.  Olympe  de  Gouges,  écrivait  :  «  La  femme  a  le  droit  de  monter 
sur  l'échafaud  ;  elle  doit  également  avoir  celui  de  monter  à  la  tribune  {^).  » 
Les  Saint-Simoniens,  Pierre  Leroux  et  Fourier,  les  écoles  socia- 
listes, des  publicistes  éminents  (^),  ont  réclamé  pour  la  femme  l'octroi 
des  droits  politiques.  La  résistance  de  l'opinion  et  des  gouvernements 
a  été  longue  et  tenace.  Mais  les  femmes  ont  fini  par  obtenir  plus  ou 
moins  gain  de  cause  dans  nombre  de  pays.  En  fait,  le  suffrage  féminin 
existe,  en  tout  ou  partiellement,  en  Australie,  dans  l'Afrique  du  Sud, 
la  Nouvelle-Zélande,  aux  États-Unis,  en  Danemark,  Finlande,  Autriche, 
Allemagne,  Angleterre,  Hollande,  Norvège,  Suède,  Tchéco-Slovaquie, 
Ukraine,  Belgique,  Irlande.  En  Finance,  la  Chambre  des  Députés  a 
accordé  aux  femmes  le  droit  de  vote  et  l'éligibilité  (mai  1919)  (*). 

Cette  extension  des  droits  politiques  de   la  femme  soulève  des  cri- 
tiques qui  nous  semblent  justifiées. 

On  fait  remarquer  que  la  place  providentielle  de  la  femme  est, 


(  ')  ■<  C'est  un  fait,  pour  beaucoup,  hélas  1  une  dure  nécessité  ;  mais  pour  la  famille, 
c'est  un  mal  ;  car  là  où  le  mari  et  la  femme  travaillent  hors  de  la  maison,  il  n'y  a  plus  de 
foyer,  et,  partant,  plus  d'éducation  familiale,  plus  d'économie  domestique  ».  (J.  Guiraud, 
Un  danger  pour  la  famille,  dans  La  Croix,  24  février  1922,  p.  3,  col.  5). 

(  •)  L.  Lacour,  Les  origines  du  Féminisme  contemporain .  Trois  femmes  de  la  Révolulion. 
Olympe  de  Gouges,  Théroigne  de  Méricourt,  Rose  Lacombe,  Paris,  1900. — L.  Abensour, 
Le  Féminisme  sous  le  règne  de  Lo\ds- Philippe  et  en  184S,  Paris,  1913. 

( ')  Par  exemple,  Éd.  de  Laboulaye,  Recherches  sur  la  condition  civile  et  politique  des 
femme»,  Paris,  1843.  —  St.  Mill,  The  subjeclion  of  \<omen,  Londres,  1869. 

(  *)  Le  Séi.at  s'est  prononcé  contre  (21  novembre  1922). 


J 


(79)  LE    FÉMINISME  215 

comme  nous  l'avons  vu,  au  foyer  domestique.  Car  c'est  là  qu'elle  utilise 
ses  qualités  précieuses  en  remplissant  la  mission  pour  laquelle  Dieu  l'a 
faite,  préparer  dans  ses  enfants  des  hommes  dévoués  à  la  patrie  et  à 
la  religion.  C'est  le  meilleur  service  qu'elle  puisse  rendre  à  la  société. 
Si  ses  qualités  ne  la  prédisposent  pas  à  la  vie  politique,  on  peut  dire  que 
ses  déficits  invitent  à  l'en  éloigner  :  inférieure  à  l'homme  en  forces  cor- 
porelles, elle  est  moins  constante  que  lui,  moins  apte  à  la  réflexion  et 
au  raisonnement,  moins  capable  par  là  même  de  manier  les  affaires 
délicates  ou  complexes. 

Bref,  comme  le  dit,  dans  un  excellent  article,  M.  J.  Guiraud  : 
«  En  donnant  aux  époux  des  natures  différentes.  Dieu  leur  a  assigné 
dans  leur  communauté  des  rôles  différents  qui  doivent  se  compléter  en 
une  heureuse  harmonie.  Or  sa  nature  même,  ses  aptitudes  propres,  sa 
maternité  font  de  la  femme  le  ministre  de  l'intérieur  de  l'État  familial.... 
A  l'homme  la  vie  extérieure,  avec  le  soin  de  procurer  aux  siens  tout  ce 
qui  est  nécessaire  à  l'existence  et  à  la  vie  spirituelle  et  morale  (^).  » 

De  plus,  accorder  le  droit  de  vote  à  la  femme,  c'est  jeter  dans  la 
famille  une  semence  féconde  en  discordes,  à  cause  des  vives  discussions 
que  ne  peuvent  manquer  de  susciter  les  questions  brûlantes  de  la  poli- 
tique. «  Nul  ne  le  conteste  :  le  plus  actif  dissolvant  de  tout  groupement 
c'est  la  politique  {^).  »  Or  la  paix  et  l'union  sont  le  premier  bien  de 
toute  société,  surtout  de  la  société  familiale,  dont  les  membres  vivent 
dans  un  perpétuel  tête-à-tête. 

Les  dangers  signalés  sont  réels.  Mais,  comme  le  suffrage  féminin 
n'est  point  chose  mauvaise  en  soi,  la  doctrine  catholique,  tout  en  met- 
tant en  garde  contre  ses  périls,  ne  le  condamne  pas.  Il  est  même  un  cas 
où  ce  droit  de  vote  s'impose,  celui  de  la  femme  veuve  qui  est  devenue, 
par  la  mort  de  son  mari,  chef  de  la  famille  et  le  représentant  naturel 
de  ses  intérêts. 

Il  est  possible,  d'ailleurs,  que  le  suffrage  féminin  apporte  certains 
avantages.  En  tout  cas,  une  fois  établi,  «  il  ne  faut  pas  que  les  vail- 
lantes se  récusent  et  laissent  le  champ  libre  aux  hardiesses  et  aux  fan- 
taisies des  rnoins  dignes.  Les  électrices  pourraient  beaucoup  notamment 
pour  faire  aboutir  enfin  un  texte  efficace  contre  l'alcoolisme,  pour  faire 
dresser  ces  règlements  d'hygiène  sociale  que  les  velléités  masculines 
ont  toujours  ajournés.  Elles  pourraient  encore  se  faire  une  spécialité 
des  questions  familiales,  établir  le  cahier  des  revendications  domes- 
ti(jues.  Alors  elles  seraient  les  bienvenues  autour  des  scrutins  et  ne  seraient 


( ')  J.  Guiraud,  article  cité.  Ibidem,  col.  5. 
(  ')   J.  Guiraud,  article  cité,  Ibidem,  col.  4. 


216  DEVOIRS    DES  ENFANTS  (80-81) 

finalement  sorties  de  leur  foyer  que  pour  mieux  en  surveiller  et  protéger 
les  abords  »  (^). 

80.  —  DEVOIRS  DES  PARENTS  (2) 

Les  parents  doivent  à  leurs  enfants  : 
I.  ■ —  Une  aSection  raisonnable  et  sans  faiblesse. 
II.  —  L'éducation  :  a)  Physique  :  avoir  soin   de  leur    vie    et    di 
leur  santé  ; 

b)  Intellectuelle  :  leur  donner  une  instruction  en  rapport  avec  1; 
condition  et  les  ressources  de  la  famille  ; 

c)  3IoraIe  et  religieuse  :  former  leur  volonté  et  leur  caractère  pj 
les  exemples,  les  conseils,  les  corrections. 

Autorité  paternelle  (^)  :  I.  —  Son  fondement  :  elle  a  pour  fon- 
dement les  devoirs  mêmes  des  parents.  C'est  parce  qu'ils  ont  le  devoij 
d'élever  leurs  enfants  qu'ils  ont  le  droit  de  faire  tout  ce  qui  concoui 
à  cette  fin.  ^ 

II.  —  Ses  bornes  :  elle  est  limitée  par  ces  devoirs  mêmes.  Les  parents 
ne  doivent  pas  traiter  leurs  enfants  comme  une  chose  ;  ils  n'ont  pas 
sur  eux  droit  de  vie  et  de  mort  ;  ils  ne  peuvent  les  vendre  comme  esclaves  ; 
ils  ne  doivent  pas  les  traiter  avec  brutalité,  les  corrompre,  les  déshériter, 
à  moins  qu'ils  n'aient  manqué  gravement  aux  devoirs  de  la  piété  filiale, 
car  le  bien  familial  doit  naturellement  revenir  aux  continuateurs  de  la 
famille  ;  les  violenter  dans  le  choix  qui  regarde  leur  mariage  ou  leur 
carrière. 

81.  —  DEVOIRS  DES  ENFANTS  (*) 

I.  —  Envers  leurs  parents  :  ces  devoirs  se  ramènent  à  la  piété 
filiale  qu  i  comprend  : 

A)  L'affection,  la  reconnaissance  et  le  respect. 


(  •)  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale,  Part.  I,  Ch.  iv,  art.  I,  p.  105-106  de  la  6»  édi- 
tion mise  à  jour  par  H.  du  Passage,  Paris,  1921.  Le  texte  cité  a  été  ajouté  par  ce  dernier. 
Du  même  auteur  voir,  dans  les  Éludes,  1919,  T.  CLIX,  p.  733-739,  un  article  intitulé  : 
Le  vole  des  femmes.  —  Joseph  Barthélémy,  Le  vote  des  femmes.  —  H.  Reverdy,  Le  vote 
des  femmes,  dans  La  Croix,  24  février  1922,  p.  3,  col.  1.  —  J.  Donat,  Ethica  specialis,  n.  542- 
548,  Inspruck,  1921  '.  —  J.  Le  Coulteux  du  Molay,  Les  Droits  politiques  de  la  femme, 
Paris,  1913.  —  L.  Abensour,  Histoire  générale  du  Féminisme,  des  origines  à  nos  jours, 
Paris,  1921. 

(  »)  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1894,  IV«  Conférence.  —  Rochard,  Nos 
fils  et  nos  filles. 

(  ')  J.  DU  Plessis  de  Grenedan,  Histoire  de  l'autorité  paternelle  et  de  la  société  familiale 
en  France  avant  1789.  —  A.  Matignon,  La  paternité  chrétienne.  —  Legouvé,  Les  pères  et 
les  enfants.  —  F.  NicoLAT,  Les  enfants  mal  élevés. —  G.  Bonjean,  Enfants  révoltés  et  parents 
coupables. 

(  *)  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1894,  V»  Conférence. 


I 


(82-83)  DEVOIRS  DES  PATRONS  ET  DES  OUVRIERS  217 

B)  L'obéissance,  excepté  le  cas  où  les  ordres  seraient  contraires 
à  la  loi  morale.  Les  enfants  doivent  consulter  leurs  parents  pour  le 
choix  de  leur  futur  conjoint  ou  de  leur  carrière.  L'opposition  des  parents 
au  mariage  de  leurs  enfants  ne  constitue,  d'après  le  droit  naturel  et  le 
droit  canonique,  un  empêchement  ni  dirimant  ni  prohibant.  Le  Code 
civil  (article  148)  exige  au  contraire  le  consentement  des  parents,  pour 
les  fils  jusqu'à  vingt-cinq  ans  et  pour  les  filles  jusqu'à  vingt  et  un  ans 
accomplis.  Ce  désaccord  est  regrettable. 

Les  enfants  ont  le  droit  de  suivre  leur  vocation,  que  les  parents 
peuvent  éprouver  avec  sagesse,  mais  qu'ils  doivent  respecter  (67, 
§  III,  C,  3°  ).  ' —  La  loi  d'obéissance  n'a  pas  la  même  force  quand  l'enfant 
est  devenu  majeur,  mais  toute  la  vie  il  doit  amour  et  déférence. 

C)  Assistance  en  cas  de  besoin, 

IL  —  Entre  eux  :  ils  doivent  s'aimer  et  rester  unis,  s'entr'aider  : 
Frater  qui  adjuvatur  a  jratre  quasi  civitas  firma  (^). 


82.  —  DEVOIRS  DES  MAITRES  ET  DES  SERVITEURS   (2) 

L'ensemble  des  rapports  entre  maîtres  et  serviteurs  constitue  la 
société  hérile  {herus,  maître)  et  donne  naissance  à  des  devoirs  réciproques  : 

I.  —  Devoirs  des  maîtres  :  ils  doivent  choisir  des  serviteurs 
honnêtes,  veiller  à  leur  moralité,  remplir  fidèlement^les  engagements  pris, 
les  traiter  avec  bonté,  comme  faisant  partie  de  la  famille  [domestici). 

IL  —  Devoirs  des  serviteurs:  ils  doivent  à  leurs  maîtres  respect,  fidélité 
et   dévouement   à  remplir  les  conditions  de  leurs   contrats   de   service. 


83.  -   DEVOIRS  DES  PATRONS  ET  DES  OUVRIERS  e) 

1.  —  Patrons  :  1^  lis  doivent  respecter  dans  l'ouvrier  la  dignité 
de  la  personne  humaine. 

2»  Ils  ne  doivent  pas  l'assujettir  à  un  travail  excédant  la  limite  de 
ses  forces. 


P>      (*)  Livre  des  Proverbes,   XVIII,  19. 

'^       (  ')  BouRDALOUE,  Scrmon  sur  les  devoirs  des  maîtres  el  des  domestiques.  —  M.  d'Hulst, 

Conférences  de  Noire-Dame,  1894,  VI''  Conférence. 

(  ')  Ch.  Périn,  Le  patron.-  L.  Harmel,  Manuel  d'une  corporation  chrétienne.  — H.  Brice. 

Les  institutions  patronales,  leur  état  actuel,  leur  avenir.  —  Le  Play,  La  réforme  sociale. 

L.  IV.  L'organisation  du  travail.  Les  ouvriers  européens,  T.  I.  —  Cl.  Jannet,  Le  Socialisme 

d'État.  — Discours  de  Mgr  Fre^pel,  Association  catholique,  15  nov.  1886,  T.  XXII,  525-534, 

—  R.  Lavollée,  Classes  ouvrières  en  Europe.  —  A.  Fougerousse,  Patrons  et  ouvriers  deParis, 

—  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale,  Ch.  xii,  art.  IV.  —  Léon  XIII,  Encycl.  De 
conditione  opifîcum. 


218         COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    MORALE     DOMESTIQUE  (83) 

3°  Ils  doivent  lui  accorder  le  repos  nécessaire  pour  remplir  ses  devoirs 
religieux. 

4°  Ils  doivent  lui  payer  un  salaire  capable  de  subvenir  aux  besoins 
d'un  travailleur  sobre  et  honnête  (128,  §  B). 

II.  —  Ouvriers  :  1°  Ils  doivent  accomplir  consciencieusement  le 
travail  auquel  ils  se  sont  engagés. 

2°  Ils  ne  doivent  léser  leur  patron  ni  dans  ses  biens  ni  dans  sa  per- 
sonne. 

3^  Ils  ne  doivent  pas  employer  la  violence  pour  faire  valoir  leurs 
revendications. 

Tels  sont  les  principaux  devoirs  qui  résultent,  pour  le  patron  et  pour 
l'ouvrier,  du  simple  contrat  de  travail.  Des  rapports  entre  le  patron 
et  l'ouvrier  naît  la  société  patronale.  De  là  découlent  d'autres  devoirs  : 
vg.  le  patron  doit  donner  le  bon  exemple  à  ses  ouvriers,  veiller  sur  eux, 
les  assister  dans  leurs  besoins  ;  l'ouvrier  doit  au  patron  reconnaissance 
et  déférence,  etc. 


COMPLÉMENT  BIBLIOGRAPHIQUE 

MORALE  DOMESTIQUE 


Lamy  (Et.),  La  femme  de  demain^  Paris,  1901. 

FoNSEGRiVE  (G.),  Mariage  et  union  libre,  Paris,  1904. 

Sortais  (G.),  La  crise  du  libéralisme  et  la  liberté  d^ enseignement^ 
Paris,  1904. 

Lemaire  (R.),  Le  mariage  civil,  Paris,  1905. 

RoGUENANT  (A.),  Patrons  et  ouvriers,  Paris,  1907. 

Sertillanges  (A.-D.),  Féminisme  et  Christianisme,  Paris,  1907. 

Pennacchio  (P.),  La  legge  sul  divorzio  in  Italia  nelle  sue  molteplici 
questioni  religiose,  etiche,  giuridiche,  storiche,  fisiologiche,  sociale,  Rome, 
1908. 

Duprat  (G.-L.),  La  criminalité  dans  V adolescence,  Paris,  1909. 

Feydeau  (Fr.  de).  L'émancipation  de  la  femme  mariée  dans  la  Légis- 
lation contemporaine,  Paris,  1909. 

Richard  (G.),  La  Femme  dans  Vhistoire,  Paris,  1909. 

Villien  (A.),  Divorce,  dans  Diction.naire  de  Théologie  catho- 
lique, de  Vacant-Mangenot,  1911,  T.  IV,  col.  1455-1478. 

Taudière  (H.),  Famille,  dans  Dictionnaire  d'Apologétique, 
de  d'Alès,  1911,  T.  I,  col.  1871-1897. 

Sortais  (G.),  Ulnslruclion  :  Rôles  de  la  Famille,  de  VÉglise  et  de 
VEtat  dans  V instruction  ci  réducation  de  Venfant,  dans  Dictionnaire 
d'Apologétique,  de  d'Alès,  1911,  T.  I,  col.  917-930. 


(84)  LA    SOCIÉTÉ  219 

III'"*^  SECTION 
MORALE  CIVIQUE 


84.  —  LA  SOCIÉTÉ  (M 

I.  —  Définitions  :  1°  Société  en  général  :  c'est  une  union  de  per- 
sonnes qui  tendent  à  une  même  fin  par  des  moyens  communs. 

2°  Société  civile  ou  politique  :  c'est  une  union  de  personnes  constituée 
en  vue  du  bien  commun,  c'est-à-dire  en  vue  d'obtenir  la  prospérité 
temporelle,  sous  la  direction  d'une  autorité  reconnue. 

II.  —  Éléments  :  la  société  contient  un  double  élément  : 

i°    Matériel  :  ce  sont  les  membres  de  la  société,  la  multitude. 

2°  Formel  :  c'est  la  coordination  des  volontés  pour  un  bien  commun. 
—  Outre  cet  élément  idéal  et  abstrait,  il  y  a  un  second  principe  formel 
concret  qui  dirige  efficacement  les  volontés  vers  le  bien  commun  :  l'auto- 
rité, qui  est  un  principe  d'unité  et  d'action. 

III.  —  Fin  :  elle  consiste  dans  la  poursuite  du  bien  temporel  public, 
c'est-à-dire  la  réalisation  des  conditions  nécessaires  pour  que  les  citoyens 
aient  la  possibilité  d'atteindre  leur  vrai  bonheur  temporel  (^). 

IV.  —  Termes  analogues  :  !«  État  :  c'est  un  mot  équivoque,  qui 
signifie  tantôt  :  a)  la  société  tout  entière,  multitude  et  autorité,  gouver- 
nants et  gouvernés  ;  b)  le  pouvoir,  Vautorité,  le  gouvernement. 


{  M  AuiSTOTE,  Politique.  —  S.  Thomas,  De  Regimine  Principum.  —  Tapahrlli,  Traité 
de  Droit  naturel,  L.  II  sqq.  —  L.  JouiN,  Elementa  philosophise  moralis,  P.  IV,  Sect.  II.  — 
S.  SCHiFFiNi,  Disputationes  philosophise  moralis.  T.  II,  Disput.  IV»,  V"^.  —  J.  Rickaby 
Moral  Philosophy,  L.  II.  —  Cii.  Périn,  Les  lois  de  la  société  chrétienne.  —  R.  de  Cepada 
Éléments  de  droit  naturel,  Leçons  XLIV  sqq.  —  Pascal  (de),  Philosophie  sociale,  L.  III, 
Sect.  III«.  —  Caro,  Problèmes  de  morale  sociale.  —  Fabreguettes  (L.),  Société,  État, 
Patrie.  —  R.  Worms,  Organisme  et  société.  —  J.-Cr.  Bluntschli,  Histoire  du  droit  public 
E.  Beaussire,  Les  principes  du  droit,  L.  II.  —  Spinoza,  Tractatus  theologico-politicus.  — 
BONALD  (DE),  La  législation  prim.itive.  —  Proudhon,  L'Église  et  la  Révolution.  —  A.  Comte, 
Cours  de  philosophie  positive.  Leçons  LVI  et  LVII.  Système  de  Politique  positive,  T.  II, 
Ch.  V.  —  H.  Spencer,  Introduction  à  l'étude  de  la  sociologie.  Principes  de  Sociologie.  — 
SCH^FFLE  (Alb.),  Vie  et  structure  du  Corps  social.  —  Fouillée,  La  Science  sociale  conlem 
poraine.  —  P.  Janet,  Histoire  de  la  Science  j^oHlique  dans  ses  rapports  avec  la  morale.  — 
Le  Play,  La  Réforme  sociale,  L.  VII.  —  H.  Michel,  L'idée  de  l'État.  —  Patten,  The 
Iheory  of  social  forces.  —  Ch.  Antoine,  Cours  d'économie  sociale,  I"  P.,  I"  Sect.,  Ch.  i-ni. 

—  LÉON  XIII,    Encycliques  Diuturnum.  Immortale  Dei.  —  A.  Castelein,  Droit  naturel,  V. 

—  Ch.  Benoist,  L'organisation  du  travail.  —  Belot,  Bernés,  etc.,. Voraie  sociale.  —  G.  Jel- 
LiNEK,  L'État  moderne  et  son  droit.  (Trad.  G.  Fardis). 

(  ')  Cf.  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale.  Ch.  i.  Art.  3. 


220  ORIGINE    DE    LA    SOCIÉTÉ  (85) 

20  Nation  :  c'est  une  société  fondée  sur  une  communauté  d'origine, 
de  territoire,  de  mœurs  et  de  sentiments. 

3°  Patrie  :  c'est  la  nation  considérée  comme  attachée  à  un  certain 
sol  (patria  telliis)  et  comme  subsistant  à  travers  les  siècles  en  vertu  de 
cette  communauté  d'origine,  etc.  (Ps.  45). 


85.  —  ORIGINE  DE  LA  SOCIÉTÉ 

^  A.  ~  LA  SOCIÉTÉ  EST  UN  ÉTAT  CONTRE  NATURE 

HoBBES  (1)  et  Rousseau  (^)  ont  prétendu  que  la  société  n'est  pas 
un  état  naturel  à  l'homme.  Pour  Hobbes,  l'état  naturel,  c'est  l'état  de 
guerre  :  Beïliim  omnium  in  omnes.  Pour  y  mettre  fin,  les  hommes  se 
sont  unis  et  rapprochés  au  moyen  d'une  convention.  Mais  ce  n'est  là 
qu'un  rapprochement  accidentel  né  de  la  crainte.  Rousseau  a  imaginé 
une  double  hypothèse  : 

10  La  bonté  originelle  de  l'homme  :  «  L'homme  naît  bon  ;  la  société 
le  déprave  «  ;  elle  n'est  donc  pas  naturelle. 

2°  L'état  de  nature  :  primitivement  l'homme  vivait  heureux,  indé- 
pendant, en  dehors  de  toute  société.  L'inégalité  des  aptitudes  amena 
l'inégalité  des  conditions  ;  de  là  débordement  des  passions  et  conflits 
perpétuels.  Pour  ne  pas  périr,  mais  échapper  à  cet  état  violent,  les 
hommes  se  décidèrent  à  conclure  un  pacte  social,  à  former  une  société 
qui  protégeât  par  la  force  commune  la  personne  et  les  biens  de  chacun. 
Les  citoyens  associés,  c'est-à-dire  le  peuple,  aliènent  leurs  droits  au  profit 
de  la  communauté  et  investissent  du  pouvoir  de  leur  commander  ceux 
qu'ils  choisissent  pour  mandataires.  C'est  la  théorie  du  peuple  souverain  : 
tout  pouvoir  émane  de  lui  directement  ou  indirectement.  Cette  souve- 
raineté est  essentiellement  inaliénable  ;  les  gouvernants  sont  les  commis 
du  peuple,  toujours  révocables  à  son  gré.  Si  les  mandataires  refusent  de 
résilier  leurs  fonctions,  le  peuple  peut  les  contraindre  par  la  force  armée. 
La  conséquence  c'est  donc  l'anarchie  toujours  en  perspective. 

Cette  théorie  suppose  l'unanimité  des  citoyens  ;  mais  comme  cette 
unanimité  est  irréalisable,  on  se  contentera  de  la  majorité.  C'est  la  sou- 
veraineté du  nombre  ;  c'est  la  majorité  qui  exercera  le  pouvoir  par  elle- 
même  ou  ses  représentants.  La  majorité  ne  connaît  pas  plus  de  limites 


(  M  Hobbes,  De  Cive,  C.  i  ;  Levialhan,  C.  xiii.  —  Cf.  G.  Sortais,  La  Philosophie 
moderne  depuis  Bacon  jusqu'à  Leibniz,  T.  II,  p.  368-372. 

(  ')  J.-J.  Rousseau,  Du  contrat  social,  L.  I.  —J.  F.  Nourrisson,  Rousseau  et  le  Rousseau- 
isme.  —  G.-F.  Berthier,  Observations  sur  le  Contrat  social  de  J.-J.  Rousseau.  —  F.  Atoer, 
Essai  sur  l'histoire  des  doctrines  du  Contrat  social. 


(85)  ORIGINE    DE    LA    SOCIÉTÉ  221 

à  son  pouvoir  que  l'unanimité  :  la  loi,  obligatoire  et  légitime,  sera  l'ex- 
pression de  la  volonté  générale.  Elle  devient  la  source  de  tous  les  droits  ; 
c'est  ainsi  que  chaque  citoyen  ne  tiendra  plus  que  de  la  communauté 
les  droits  qu'il  lui  a  cédés.  La  majorité  devient  seule  interprète  du  contrat 
social  et  peut  traiter  à  sa  guise  la  minorité.  La  théorie  aboutit  donc 
d'autre  part  à  l'organisation  d'une  tyrannie,  d'autant  plus  effroyable 
que  ses  excès  sont  répartis  sur  une  multitude  anonyme.  Telle  est  la 
doctrine  du  droit  nouveau  :  la  société  est  un  fait  humain,  plus  ou  moins 
artificiel  ;  le  peuple  est  la  source  du  droit,  du  pouvoir,  du  juste  et  de 
l'injuste.  C'est  la  souveraineté  du  nombre,  du  peuple,  de  l'homme,  substi- 
tuée à  la  souveraineté  de  Dieu. 

§  B.  —  LA  SOCIÉTÉ  EST  UN  ÉTAT  NATUREL  (i) 

L  —  Le  prétendu  état  de  nature  imaginé  par  Hobbes  et  Rousseau 
est  un  état  contre  nature.  «  Gomment  !  l'homme  est  partout  en  société, 
dit  Montesquieu,  et  l'on  demande  s'il  est  né  pour  la  société  ?  Qu'est-ce 
qu'un  fait  qui  se  reproduit  dans  toutes  les  vicissitudes  de  la  vie  humaine, 
sinon  une  loi  de  l'humanité  ?  »  La  société  est  un  fait  universel  ;  elle  ne 
peut  donc  avoir  pour  fondement  que  la  nature  même  de  l'homme. 

IL  —  Pour  établir  que  la  sociabilité  est  naturelle  à  l'homme,  il  suffit 
d'analyser  ses  tendances  et  ses  besoins  : 

A)  L'enfant  est  incapable  de  subsister  et  de  pourvoir  à  son  éducation 
physique,  intellectuelle  et  morale  pendant  une  longue  période  de  sa 
vie.  De  ce  chef,  une  société  élémentaire,  la  famille  au  moins,  est  néces- 
saire. 

B)  L'instinct  de  sympathie  pour  ses  semblables  et  la  faculté  de 
parler  sont  des  preuves  manifestes  de  la  sociabilité  de  l'homme  (Ps.  42). 

C)  L'homme  est  porté  à  constituer  une  société  plus  vaste  que  la 
famille  par  une  double  tendance,  naturelle  et  irrésistible,  l'instinct 
de  conserver  son  être  et  l'instinct  de  le  développer  le  plus  possible.  C'est 
le  besoin  de  sécurité  pour  l'exercice  de  ses  droits  et  le  besoin  de  progrès 
matériel,  intellectuel  et  moral  qui  poussent  à  entrer  en  société.  C'est 
en  effet  sous  l'empire  de  ces  nécessités  pressantes  que  les  familles  s'asso- 
cient. Plusieurs  familles,  associées  pour  cette  œuvre  commune  de 
défense  et  de  perfectionnement,  forment  une  tribu.  Celle-ci  grandit, 
travaille,  prospère  :  elle  devient  un  peuple.  Voilà  ce  qu'attestent  les 
faits  et  l'étude  psychologique  de  l'homme.  La  société  est  donc  bien 


(M  Vareilles-Sommières  (de),  Les  principes  fondamentaux  du  droit,   XII-XVII. 
I    Pascal  (de).  Philosophie  sociale,  L.  III,  Sect.  III»,  Ch.  in. 


222  ORIGINE  DE  LA  SOCIÉTÉ  (85) 

un  état  naturel,  puisqu'elle  est  conforme  à  la  nature  de  l'homme  ;  elle 
est  conséquemment  d'origine  divine,  puisque  Dieu  est  l'auteur  de 
l'homme  et  de  ses  tendances.  Aristote  avait  vu  plus  juste  que  Rousseau 
quand  il  disait  :  «  L'homme  est  un  animal  politique.  »  "AvOpwTroç  oucr£t| 

TTOX'.TIXOV      ÎIÔJOV    (    ). 

III.  —  Il  n'y  a  pas  trace  historique  du  prétendu  contrat  social. 

IV.  —  La  théorie  du  contrat  social  aboutit  à  des  conséquences 
désastreuses  :  l'anarchie  ou  le  despotisme  ((^  §  A). 

V.  - —  Cette  théorie  repose  sur  la  supposition  que  l'homme  ne  peut 
être  obligé  qu'avec  son  consentement.  Cette  supposition  est  fausse  : 
l'homme,  par  le  fait  même  de  sa  naissance,  n'a-t-il  pas  des  obligations 
envers  Dieu,  ses  parents,  ses  semblables  ?  L'homme  peut  donc  être  lié 
moralement,  en  dehors  de  son  consentement,  parce  que  certaines  obli- 
gations sont  fondées  sur  la  nature  des  choses. 

VI.  —  Elle  a  pour  base  une  hypothèse  :  la  sauvagerie  primitive  de 
l'homme.  Si  par  ce  mot  l'on  veut  dire  que  les  premiers  hommes  ne 
jouissaient  pas  des  bienfaits  et  des  inconvénients  de  la  civilisation, 
c'est  vrai,  car  elle  est  l'œuvre  des  siècles  ;  mais,  si  par  là  on  entend  des 
hommes  d'une  intelligence  grossière,  malpropres,  cruels,  tels  que  les 
sauvages  actuels  qu'on  représente  comme  les  types  de  l'homme  primitif, 
c'est  faux.  En  effet  : 

A)  La  tradition  place  au  berceau  du  monde  un  âge  d'or. 

B)  Certains  anthropologistes  rejettent  cette  hypothèse. 

C)  Le  sauvage  actuel  n'est  pas  l'homme  primitif  arrêté  dans  son 
évolution,  mais  un  être  dégradé.  On  allègue  sa  cruauté  et  son  immo- 
ralité ;  mais,  au  milieu  des  nations  les  plus  civilisées, il  existe  des  hommes, 
véritables  brutes  par  leurs  instincts  cruels  et  dépravés  ;  témoins  les 
horreurs  de  la  Révolution  française  et  du  Bolchevisme  en  Russie.  Chez 
les  sauvages  les  plus  dégénérés  comme  les  Fuégiens,  on  trouve  des  indices 
de  leur  ancienne  civilisation  :  un  de  leurs  dialectes  est  riche  de  trente 
mille  mots.  D'autres,  comme  les  Mincopies,  ont  des  conceptions  reli- 
gieuses supérieures  à  celles  des  Grecs  et  des  Romains  {^). 

Conclusion  :  !«  Le  fait  universel  de  l'existence  de  la  société  a  sa 
cause  dans  les  exigences  de  la  nature  (conservation  et  développement 
des  facultés)  et  dans  l'insuffisance  de  l'individu  et  de  la  famille  à  les 
satisfaire  pleinement  :  la  société  vient  de  la  Providence  par  V  intermédiaire 
de  la  nature.  C'est  un  fait  nécessaire,  universel,  qui  s'applique  à  l'immense 


(')  Aristote,  PolUique,  L.  I,  Ch.  i,  §  9.  Édit.  Didot,  T.  I,  p.  483. 

( ')   F.  ViGOUROUX,  Les  Livres  saints  et  la  critique    rationaliste,  T.  IV,  L.  I,     Soct. 
Ch.  VI.— Nadaillac  (de), Les  Séris,  Correspondant,  Î901,  T.  II,  p.  1106-1124.  — J.  Guibem 
Les  origines,  Ch.  vu. 


(86)  ORIGINE    DU    POUVOIR  223 

majorité  des  hommes  ;  la  vie  érémitique  sera  toujours  une  exception 
minime. 

2°    Le  fait  de  la  formation  individuelle  et  concrète  de  chaque  société 

avec  ses  caractères  distinctifs,  position  géographique,  nombre,  forme 
politique,  etc.,  vient  d'une  série  d'actes  humains.  C'est  un  fait  libre 
et  variable  :  il  vient  de  la  Providence  par  l'intermédiaire  de  la  liberté. 
L'homme  n'est  pas  créé  nécessairement  pour  telle  patrie  ou  tel  régime 
politique,  mais  pour  vivre  en  société. 


86.  —  ORIGINE  DU  POUVOIR  (i) 

Comme  pour  l'origine  de  la  société,  il  faut  distinguer  deux  questions  : 

1»  Uorigine  de  V autorité  en  général.  —  2°  L origine  de  telle  autorité 
en  particulier. 

I.  —  Origine  de  l'autorité  en  général,  c'est-à-dire  du  pouvoir 
de  commander  et  de  gouverner.  L'autorité,  étant  un  élément  essentiel 
à  toute  société,  dérive  comme  elle  de  la  nature  des  choses  et  par  là  de 
Dieu.  C'est  pourquoi  saint  Paul  a  dit  :  «  t'eut  pouvoir  vient  de  Dieu.  » 
Non  est  enim  potestas  nisi  a  Deo  {^). 

La  raison  en  est  que  nul  homme  n'a  en  soi  de  quoi  lier  la  volonté 
de  ses  semblables,  parce  que  tous  sont  égaux  en  nature.  Les  différences 
accidentelles  qui  les  séparent,  d'où  naît  l'inégalité  des  conditions,  ne 
peuvent  fonder  le  droit  de  commander  et  le  devoir  d'obéir,  parce  qu'elles 
sont  relatives  et  variables,  tandis  que  le  devoir  et  le  droit  sont  absolus 
et  immuables.  Le  fondement  de  l'autorité  est  donc  dans  la  volonté  de 
Dieu,  qui  exige  que  l'ordre  social  soit  respecté.  Aussi  tout  pouvoir 
légitime,  quelle  que  soit  sa  forme  :  monarcJiique  ou  démocratique,  est 


(  •)  s.  Thomas,  De  regimine  principum.  —  Suarez,  Defensio  Fidei  calholicse  et  apos- 
tolicse  adrersus  angUcanse  sectse  errores,  L.  III,  C.  n,  in,  iv.  De  legibus,  L.  III,  C.  m,  iv. 
—  Bellarmin,  Dispulationes  de  Controversiis  Fidei,  Controvers.  V,  L.  III,  De  Laids, 
C.  VI.  —  BossuET,  Politique  tirée  de  l'Écriture  Sainte,  L.  II.  —  J.  Costa-Rossetti, 
Philosophia  moralis,  P.  IV,  C.  i,  Sect.  II.  —  L.  Jouin,  Elementa  philosophise  moralis, 
P.  IV,  Sect.  II,  L.  I,  C.  I,  II.  —  S.  SCHiFFiNi,  Dispulationes  philos,  moralis,  T.  II,  Disp.  IV, 
Sect.  V,  VI,  VII,  VIII.  —  M.  B.,  Inslilutes  de  Droit  naturel.  L.  IX,  Ch.  iv.  —  Tapahelli, 
Essai  théorique  de  droit  naturel,  L.  II,  Ch.  v-vin.  Examen  critique  des  Gouvernements 
représentatifs  dans  les  Sociétés  modernes,  T.  I,  Partie  III.  Traduction  Pichot.  — 
R.  DE  Cepeda,  Éléments  de  droit  naturel.  Leçons  60  et  61.  —  J.-J.  Burlamaqui,  Principes 
de  droit  politique.  Partie  I,  Ch.  yi.  —  J.-H.  Bœhmer,  Introductio  in  jus  publicum  univer- 
sale...  —  Vareilles-Sommières  (de),  Les  principes  fondamentaux  du  droit,  §§  XX XVI  et 
suiv.  —  M.  d'IIulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1895,  U«  Conf.  —  J.  Ventura,  Essai 
sur  le  pouvoir  public.  Ch.  vi,  vu.  —  Balmès,  Le  protestantisme  comparé  au  catholicisme, 
Ch.  XLix,  L.  —  F.  Engels,  Les  origines  de  la  société.  —  A.  Ferretti,  Institutiones  Philo- 
sophise moralis.  Part.  Il,  C.  m,  Art.  IV,  §  IV. 

(  ')  S.  Paul,  Ep.  ad  Romanos,  XIII,  1. 


224  ORIGINE    DU   POUVOIR  (86) 

de  droit  divin.  On  voit  donc  que  cette  doctrine,  dont  on  a  fait  un  épou- 
vantai!, n'a  rien  de  commun  avec  la  théocratie,  forme  de  gouvernement 
dans  laquelle  Dieu  intervient  directement  pour  désigner  le  sujet  du  pou- 
voir, comme  il  a  fait  exceptionnellement  pour  Moïse,  Saiil,  David. 

II.  —  Origine  de  l'autorité  concrète  :  quelle  est  la  cause  effi- 
ciente prochaine  qui  constitue  la  société  et  détermine  le  sujet  du  pouvoir? 
D'après  Suarez,  Bellarmin,  Lessius  et  généralement  d'après  les  Scolas- 
tiques  (^),  cette  cause  prochaine  c'est  le  consentement  commun  explicite 
ou  implicite  donné  par  l'ensemble  de  ceux  qui  composent  le  corps  social. 
Vivre  en  société  étant  naturel  à  l'homme  et  la  société  étant  impossible 
sans  autorité,  Dieu,  qui  veut  la  société  ,  veut  en  même  temps  son  élément 
indispensable,  l'autorité.  Aussi  Dieu  communique-t-il  immédiatement 
le  pouvoir  à  la  communauté  qui  désire  s'établir  en  société,  parce  qu'il 
n'y  a  pas  de  raison,  tous  les  membres  de  la  communauté  étant  égaux  en 
nature,  pour  qu'on  suppose  le  pouvoir  inhérent  à  l'un  plus  qu'à  l'autre  {^). 
Mais,  comme  ce  pouvoir  ne  saurait  être  exercé  par  la  communauté  tout 
entière,  parce  que  tous  ne  peuvent  gouverner,  il  est  nécessaire  et  naturel 
que  la  communauté  détermine  la  forme  spéciale  de  gouvernement  qui 
lui  convient  et  désigne  celui  ou  ceux  qui  seront  les  sujets  où  résidera 
l'autorité  sociale.  Elle  le  fait  en  adhérant,  par  un  consentement  exphcite 
ou  implicite,  à  tel  ou  tel  régime  politique,  selon  ses  préférences  :  monar- 
chie, oligarchie,  démocratie  et  systèmes  mixtes,  où  chacun  de  ces  trois 
éléments  entre  pour  une  dose  plus  ou  moins  grande.  Sous  une  forme  ou 
sous  une  autre,  ceux  qui  ont  le  pouvoir  le  tiennent  de  Dieu,  mais  par 
l'intermédiaire  du  peuple  qui  les  choisit.  Les  faits,  qui  servent  ^'occasion 
à  cette  détermination  concrète  du  pouvoir,  varient  suivant  les  circon- 
stances :  c'est  vg.  la  supériorité  du  génie,  les  services  rendus,  le  pouvoir 
patriarcal  bien  exercé,  la  conquête,  etc. 

III.  —  Critique  :  le  système  de  Suarez  et  de  Bellarmin  à  rallié  la 
grande  majorité  des  théologiens  et  philosophes  scolastiques  {^)  jusque 


(■)  Vareilles-Sommières   (de),   Les  principes  fondamenlaux  du  droit,    §  38-39.  — 
E.  Crahay,  La  politique  de  S.  Thomas  d'Aquin. 

(»)  Secundo  nota  banc  potestatem  immédiate  esse,  tanquam  in  subjecto,  in  tota  mulli- 
tudine  ;  nam  baec  potestas  est  de  jure  divine.  At  jus  divinum  nulli  homini  particulari  dédit 
hanc  potestatem  ;  ergo  dedil  multiludini.  Praeterca,  sublato  jure  divino,  non  est  major 
ratio  cur  ex  multis  œqualibus  unus  potius  quam  alius  dominetur.  Igitur  potestas  est  totius 
multiludinis.  (Bellarmin,  Disputationes  de  Controversiis  Fidci,  Controversia  generalis  V, 
L.  III,  C.  VI).  —  Cf.  Suarez,  Defensio  Fidei...,  L.  III,  C.  ii,  §  5  sqq.  —  R.  de  Scorraille, 
François  Suarez,  L.  IV,  Ch.  iv,  §  5,  T.  II,  p.  178-182,  Paris,  1913).  —  Vareilles-Sommières 
(i)E),  Les  principes  fondamentaux  du  Droit,  §  XXXVIII,  Paris,  1889. 

C)  On  trouvera  la  liste  des  principaux  dans  :  Les  Catholiques  en  face  de  la  Démocratie 
et  du  Droit  commun,  par  G.  Sortais,  Paris,  1914,  p.  234-239. 


I 


(86)  ORIGINE    DU    POUVOIR  225 

vers  le  milieu  du  xix^  siècle  (^).  11  ne  jouit  pas  aujourd'hui  de  la  même 
faveur  {^). 

Sans  doute,  ce  système  ne  s'impose  pas,  mais  il  reste  parfaitement 
admissible  (^),  même  pris  dans  son  ensemble.  Cependant  il  nous  paraît 
naturel  d'y  distinguer  deux  assertions,  qui  sont,  de  leur  nature,  sépa- 
rables  et  n'ont  pas  une  égale  solidité.  Il  est  donc  loisible  de  rejeter  la 
première,  en  conservant  la  seconde. 

Le  «  Docteur  éminent  »  soutient  d'abord  qu'à  l'origine  de  toute 
société  politique,  partout  et  toujours,  le  peuple  est  le  premier  sujet  de 
l'autorité  qui  lui  vient  immédiatement  de  Dieu.  Cette  assertion,  malgré 
les  raisons  apportées  par  Suarez  pour  l'appuyer,  nous  semble  contes- 
table. Voici,  à  rencontre,  un  argument  entre  plusieurs  autres.  On  ne 
voit  pas  qu'il  y  ait  une  nécessité  impérieuse  de  supposer  que  la  multi- 
tude, qui  n'est  pas  encore  constituée  en  corps  politique,  mais  se  dispose 
à  le  faire,  soit  d'ores  et  déjà  nantie  de  l'autorité.  Car,  de  l'aveu  même 
de  Suarez  (*),le  peuple  est  habituellement  contraint  par  les  circonstances 
de  se  dessaisir  du  pouvoir,  en  totalité  ou  en  partie,  pour  le  confier  à  un 
seul  ou  à  une  élite,  c'est-à-dire  pour  établir  une  monarchie  ou  une  aris- 
tocratie qu'il  peut  tempérer  à  son  gré.  Assurément,  le  peuple  a  le  droit 
de  garder  pour  lui  seul  l'autorité  reçue  de  Dieu,  c'est-à-dire  de  se  consti- 
tuer en  démocratie.  Mais  les  patrons  de  cette  thèse  sont  les  premiers 
à  reconnaître  que  les  conditions,  qui  rendent  le  régime  purement  démo- 
cratique viable,  sont  rarement  réalisées.  De  là,  pour  la  multitude, 
l'obligation  pratique  de  se  dépouiller  elle-même  du  pouvoir  en  le  trans- 
mettant totalement  ou  partiellement  à  un  monarque  ou  à  une  oligarchie. 

Or  n'est-il  pas  étrange,  pour  ne  pas  dire  contradictoire,  que  Dieu  ait 
conféré  au  peuple  un  pouvoir  aussi  précaire  et  une  prérogative  dont 
l'usage  plénier  est  le  plus  souvent  impraticable  ?  (^) 

La  première  assertion  du  système  nous  semble  donc  illusoire  et 
partant  caduque.  La  seconde,  au  contraire,  est  solide  et  amplement 
justifiée  :  le  consentement  de  la  multitude  est  nécessaire  pour  déter- 


(  M  Jusqu'à,  l'apparition  de  l'ouvrage  de  L.  Taparelli  d'Azeglio,  Saggio  teorMico  di 
Diritto  naturale  appoggialo  sul  falto,  L.  II,  C.  v-ix,  Naples,  1846.  La  traduction  française 
(Essai  théorique  de  Droit  naturel  basé  sur  les  faits)  est  de  1857,  Paris  et  Tournai. 

(  *)  Cf  Th.  Meyer,  Inslitutiones  Juris  naturalis.  Part.  II.  Jus  naturale  spéciale,  T. 
II,  n»  395  sqq.,  Fribourg-en-Brisgau,  1900. 

(  ')  On  a  vainement  essayé  de  montrer  que  le  système  de  Suarez  a  été  désapprouvé 
implicitement  par  Léon  XIII  dans  l'Encyclique  Diuturnum  illud.  Cf.  G.  Sortais,  Les  Catho- 
liques en  face...,  L.  III,  Sect.  I,  Quest.  III,  p.  199-240.  —  F.  Gavallera,  Suarez  et  la  doctrine 
catholique  sur  l'origine  du  pouvoir,  dans  Bulletin  de  Littérature  ecclésiastique, 
Toulouse,  1912,  p.  97-119. 

(•)  Suarez,  De  Legibus,  L.  III,  C.  iv,  §  1,  8.  —  Cf.  Bellarmin,  Controv.  V,  L.  III, 
C.  VI,  §  Tertio. 

(°)  Vareilles-So.mmières  (de).  Les  Principes  iondamentau.x  du  Droit,   §   XXIX. 

traité  de  philosophie.   —  t.  II.  —  8. 


226  ORIGINE    DU    POUVOIR     .  (86) 

miner  la  forme  du  gouvernement  ou  pour  légitimer  un  pouvoir  de 
fait  {^).  Dans  ce  cas,  le  peuple  n'est  plus,  comme  tout  à  l'heure,  le  pos- 
sesseur primitif  de  l'autorité.  Mais,  de  même  que  tout  particulier  est 
libre  de  choisir  le  genre  spécial  de  vie  qui  lui  agrée,  ainsi  chaque  peuple 
peut  choisir  la  forme  de  gouvernement  qui  est  à  sa  convenance  et  qu'il 
juge  la  meilleure  pour  la  sauvegarde  de  ses  droits  et  de  ses  intérêts. 
D'autant  que  les  gouvernements  sont  pour  les  peuples,  et  non  les  peuples 
pour  les  gouvernements  {^).  Le  rôle  de  la  multitude  consiste  à  indiquer 
quels  seront  les  sujets  du  pouvoir  ;  mais  c'est  Dieu  qui  investit  de  l'auto- 
rité les  sujets  ainsi  désignés. 

Cette  désignation  est,  selon  les  circonstances  variables  de  temps, 
de  lieux  et  de  personnes,  explicite  ou  implicite. 

Elle  est  explicite  quand  le  peuple  se  réunit  pour  constituer  une 
société  politique  et  déterminer  par  un  choix  direct  le  sujet  de  l'autorité. 

Elle  est  implicite  et  indirecte,  et  c'est  sans  doute  le  mode  le  plus 
ordinaire,  quand  le  peuple  accepte  tacitement  la  souveraineté  d'un 
seul  ou  de  plusieurs. 

IV.  —  Conûrmation  historique  :  l'histoire  montre,  en  effet, 
que  ;(  tout  gouvernement  légitime  se  réduit,  généralement  parlant,  en 
dernier  titre,  à  un  consentement  ou  acquiescement  exprès  ou  tacite 
des  peuples   »  {^). 

L'origine  des  sociétés  a  revêtu  des  formes  variées.  Ce  fut  d'abord 
la  forme  patriarcale  qui  se  changea  en  société  politique.  Ce  changement 
fut  la  conséquence  de  la  multiplication  des  familles  provenant  d'une 
même  souche.  Le  passage  de  la  société  domestique  à  la  société  poli 
tique  s'est  fait  insensiblement  par  le  consentement  tacite  des  familles 
particulières  qui  se  sont  soumises  aux  actes  d'autorité  sociale  d 
patriarche  ou  de  celui  qui  lui  avait  succédé. 

Mais  ce  n'est  pas  la  seule  façon  dont  les  sociétés  prirent  naissance 


(  M  Le  cardinal  L.  Billot  résume  très  bien  la  question  ainsi  :  «  In  hoc  tandem  summa 
rei  reponitur,  quod  gubcrnii  forniic,  et  tituli  exercendœ  potestatis,  et  potestas  ipsa  prout 
in  determinatis  subjectis  exsistens,  non  sunt  a  Deo  immédiate,  sed  solum  mediante  consens» 
humano,  consensu  communitatis,  et  ex  dictis  apparet  sententiam  ad  hos  terminos  reductan 
solidissimis  niti  fundamentis  (Tractaivs  de  Ecclcsia  ChrisH...,  T.  I,  Quaest.  XII,  §  I,  n.  III 
p.  503,  Prato,  1909*).  Toute  la  question  est  magistralement  traitée,  p.  498-511. 

(  ')  "  Pour  que  la  justice  préside  toujours  à  l'exercice  du  pouvoir  il  importe  avant  tou' 
que  les  cbcfs  des  États  comprennent  bien  que  la  puissance  politique  n'est  faite  pour  servi 
l'intérêt  privé  de  personne  et  que  les  fonctions  publiques  doivent  être  remplies  pour  l'avan 
tape,  non  de  ceux  qui  gouvernent,  mais  de  ceux  qui  sont  gouvernés.  »  (Léon  XIII,  Encv^cl 
Diutumum  illud,  29  juin  1881,  §    Ut  autem  justilia). 

(')  Cardinal  Gerdil,  Du  Souverain,  de  la  Souiwrainelé  et  des  Sujets,  dans  Analect. 
JuBis  PoNTiFicH,  1855,  !'•  Série,  col.  36.  —  Cf.  A.  Matignon,  La  société  civile  d'apri 
Suarez,  dans  les  Études,  1866,  T.  XI,  p.  6.  —  R.  de  Cepeda,  Éléments  de  Droit  naturel 
Leçon  LXI,  p.  53'». 


(S6)  ORIGINE    DU    POUVOIR  '         227 

Tantôt  les  descendants  d'un  patriarche,  ayant  le  droit  de  se  soustraire 
à  son  autorité,  ont  formé  une  société  distincte  sur  un  autre  territoire, 
vg.  dans  Fantiquité,  fondation  des  colonies  méditerranéennes.  — 
Tantôt  des  tribus  indépendantes,  mues  par  le  besoin  d'assistance 
mutuelle,  se  sont  fondues  en  une  société  plus  vaste  :  vg.  fondation  de 
Rome,  de  l'Empire  germanique.  —  Tantôt  les  vaincus  reconnurent 
le  joug  des  vainqueurs  et  fusionnèrent  avec  eux  :  vg.  en  Angleterre, 
après  la  conquête  normande.  —  Tantôt  un  contingent  de  familles, 
fuyant  la  persécution,  est  allé  constituer  une  société  nouvelle  dans  un 
coin  inoccupé  :  vg.  royaume  des  Asturies,  émigration  des  puritains 
d'Angleterre  en  Amérique  (origine  des  États-Unis).  —  Tantôt  l'en- 
semble des  citoyens  d'un  pays  accepta  la  tutelle  d'un  gouvernement 
usurpateur  qui  s'était  établi  par  la  force  brutale  d'un  coup  d'État,  mais 
avait  fini  par  s'implanter  et  se  faire  pardonner  son  usurpation  grâce 
à  une  administration  équitable  et  bienfaisante  (87,  II). 

L'adhésion  populaire  ne  joue  pas,  dans  la  constitution  du  pouvoir, 
le  rôle  de  cause  efficiente,  mais  seulement  celui  de  condition.  Quand  le 
consentement  est  acquis,  Dieu  confère  l'autorité  à  celui  ou  à  ceux  que 
le  peuple  a  désignés. 

V.  —  Remarques  :  A)  Que  la  collation  de  l'autorité  soit  faite  immé- 
diatement par  Dieu  lui-même,  ou  qu'elle  le  soit  par  l'intermédiaire  de 
la  multitude,  cette  controverse  a  surtout  un  intérêt  spéculatif.  Dans  la 
pratique,  le  résultat  est  le  même.  Balmès,  partisan  du  système  suarézien, 
l'a  remarqué  depuis  longtemps  :  «  Soit  que  l'on  embrasse  l'opinion  de 
la  communication  immédiate,  aoit  qu'on  embrasse  l'opinion  contraire, 
les  droits  suprêmes  des  monarques  héréditaires,  des  monarques  électifs, 
et,  en  général,  de  toutes  les  puissances  suprêmes,  quelles  que  soient 
les  formes  de  gouvernement,  n'en  seront  pas  moins  sacrés,  moins  scellés 
d'une  autorité  divine  (^).    » 

Il  importe  de  remarquer  que  Bossuet,  dont  les  idées  en  matière 
politique  ont  été  si  souvent  travesties  (2),  reconnaît  qu'il  y  a  «  deux 
manières  d'établir  les  rois  »,  à  savoir,  «  ou  par  le  consentement  des 
peuples,  ou  par  les  armes  »  (^).  Bien  plus,  à  ses  yeux,  comme  pour 
Suarez,  le  fait  des  conquêtes  iniques  n'est  légitimé  que  «  par  le  consen- 
tement des  peuples  »  (**),  et  même  le  droit  des  «  conquêtes  légitimes  » 
se  ramène  finalement  au  consentement  populaire  :  «  Ainsi  on  voit  que 


(M  Balm];;s,  Le  Proteslanlis^ne  comparé  au  Catholicisme  dans  ses  rapports  avec  la  civi- 
lisation européenne,  trad.  française,  Ch.  li,  T.  III,  p.  108,  Paris,  1844. 

( -)  Bossuet,  Avertissements  aux  Protestants  sur  les  Lettres  du  ministre  Jurieu,  V", 
§§  XXXVI-XLIX.  Politique  tirée  des  propres  paroles  de  l'Écriture  sainte,  L.  II,  Art.  I, 
Proposition  I.  L.  III,  Art.  II,  Propos  I.  —  Cf.  René  de  l.v  Broise,  Bossuet  et  la  Bible, 
Ch.  VIII,  §  2,  p.  226-2-27,  Paris,  1890. 

(»-*)  Bossuet,  Politique...,  L.  II,  Art.  I,  Proposition  IV,  au  début  et  à  la  fin. 


228  ORIGINE    DU    POUVOIR  (86) 

ce  droit  de  conquête,  qui  commence  par  la  force,  se  réduit,  pour  ainsi 
dire,  au  droit  commun  et  naturel,  du  consentement  des  peuples  et  par 
la  possession  paisible.  Et  l'on  présuppose  que  la  conquête  a  été  suivie 
d'un  acquiescement  tacite  des  peuples  soumis,  qu'on  avait  accoutumés 
à  l'obéissance  par  un  traitement  honnête,  ou  qu'il  était  intervenu  quelque 
accord....  (^)  » 

B)  La  doctrine  de  Suarez  diffère  complètement  de  la  théorie  de 
Rousseau  : 

1°  D'après  Suarez,  la  société  est  naturelle  à  l'homme  ;  Dieu  est  la 
source  du  pouvoir,  le  peuple  n'en  est  que  le  canal.  —  D'après  Rousseau, 
la  société  est  artificielle  (^),  le  peuple  est  la  source  du  pouvoir. 

2°  D'après  Rousseau,  le  peuple  est  le  détenteur  permanent  de  l'auto- 
rité, et  ses  représentants  sont  des  délégués  révocables  ad  nutum,  car 
ils  sont  ses  «  commissionnaires  »  (^).  —  D'après  Suarez,  hors  le  cas  où 
il  se  constitue  en  démocratie  et  garde  conséquemment  le  pouvoir  pour 
lui-même,  le  peuple  ne  reste  plus  le  maître  de  l'autorité,  une  fois  qu'il 
l'a  transférée  à  un  monarque  ou  à  une  élite.  En  effet,  ■(  si  le  peuple  a  cédé 
son  pouvoir  à  un  roi  qui  l'a  accepté,  par  le  fait  même  le  roi  a  acquis 
la  souveraineté.  Donc,  quoique  le  roi  tienne  cette  souveraineté  du 
peuple  par  donation  ou  par  contrat,  il  ne  sera  point  pour  cela  permis  au 
peuple  d'enlever  au  roi  cette  souveraineté  et  de  reprendre  sa  liberté»  (^). 
Cela  doit  s'entendre  dans  l'hypothèse  où  «  le  roi  a  reçu  du  peuple  le 
pouvoir  pleinement  et  absolument  »  (^). 

Il  en  irait  autrement  dans  l'hypothèse  d'un  contrat  limitatif  passé 
entre  le  roi  et  le  peuple,  ou  en  cas  de  tyrannie.  «  Ce  que  Bellarmin  a  dit, 
à  la  suite  de  Navarrus  (^),  à  savoir  que  le  peuple  ne  transfère  jamais 
sa  puissance  à  un  prince  tellement  qu'il  ne  la  retienne  pas  par  manière 
d'habitude,  afin  de  pouvoir  s'en  servir  en  certains  cas,  n'est  point 
contraire  à  notre  opinion  et  ne  fournit  pas  aux  peuples  un  motif  fondé 
de  recouvrer  la  liberté  selon  leur  caprice.  Car  Bellarmin  n'a  pas  dit 
simplement  que  le  peuple  conserve  le  pouvoir  par  manière  d'habitude 
pour  accomplir  n'' importe  quels  actes  selon  son  caprice  et  chaque  fois  qu''il 
le  veut,  mais,  avec  beaucoup  de  circonspection,  Bellarmin  a  limité 
son  dire  à  certains  cas.  On  doit  comprendre  ces  cas,  soit  d'après  les 
conditions  stipulées  dans  un  contrat  antérieur,  soit  selon  les  exigences 


')  BossuET,  Politique...,  L.  Il,  Art.  II,  Pr.  II  à  la  fin. 

;*)  Rousseau,  Du  Contrat  social,  L.  I,  Ch.  v,  vi,  viii. 

; ')  Rousseau,  Du  Contrat  social,  L.  III,  Ch.  xv,  xvii. 
♦)  Suarez,  Defensio  Fidei...,  L.  III,  C.  m,  §  2. 

;»)  Suarez,  Deiensio  Fidei...,  L.  III,  C.  m,  §  4. 

:  •)  Il  s'agit  de  Martin  de  Azpilcueta,  surnommé  Navarrus,  à  cause  de  sa  province 
d'origine.  Il  enseigna  avec  éclat  le  Droit  canonique  à  l'Université  de  Coïmbre.  Le  passage, 
auquel  Suarez  fait  allusion,  se  trouve  dans  Relectio  in  cap.  Novit.  de  Judiciis,  §  119,  120. 


(86)  ORIGINE    DU    POUVOIR  229 

de  la  justice  naturelle,  parce  que  les  pactes  et  les  conventions  justes 
doivent  être  observés.  C'est  pourquoi,  si  le  peuple  a  transféré  son 
pouvoir  à  un  prince  en  se  réservant  de  l'exercer  pour  quelques  causes 
ou  affaires  graves,  il  peut  s'en  servir  licitement  dans  ces  cas  et  conserver 
son  droit.  Mais  il  faudra  que  des  documents  anciens  et  certains  ou  une 
coutume  immémoriale  attestent  suffisamment  l'existence  d'un  tel  droit. 
Pareillement,  si  un  roi  tourne  sa  puissance  juste  en  tyrannie,  on  abusant 
au  préjudice  manifeste  de  la  société,  le  peuple  peut  user  pour  sa  défense 
du  droit  qu'il  tient  de  la  nature,  car  il  ne  s'en  est  jamais  dépouillé. 
En  dehors  de  ces  cas  et  autres  semblables,  il  n'est  jamais  permis  au 
peuple,  s'appuyant  sur  son  pouvoir,  de  manquer  à  la  fidélité  due  à  un 
roi  légitime.  De  la  sorte  disparaît  le  fondement  ou  occasion  de  toute 
sédition...  »  (^) 

C)  Le  Droit  divin  :  la  doctrine  du  Droit  divin  a  été  prise  en  deux 
sens  différents.  Dans  le  premier  sens,  on  entend  simplement  par  là 
que  le  pouvoir  politique  ou  autorité  vient  de  Dieu,  quelle  que  soit  la 
forme  concrète  (monarchie,  aristocratie  ou  démocratie)  qu'il  revête 
dans  la  réalité.  La  chose  est  évidente  pour  qui  admet  que  l'autorité, 
étant  nécessaire  à  toute  société,  est  de  droit  naturel.  Or  tout  ce  qui  est 
de  droit  naturel  vient  de  Dieu  comme  auteur  de  la  nature.  C'est  la  doc- 
trine exposée  ci-dessus  (§  I). 

Dans  le  second  sens,  ce  n'est  pas  seulement  la  souveraineté  en 
général  qui  a  sa  source  en  Dieu.  Le  souverain  lui-même  est  donné  par 
Dieu  :  ce  n'est  pas  un  choix  humain,  c'est  un  choix  divin  qui  détermine 
à  l'origine  dans  chaque  État  la  forme  du  gouvernement  et  le  sujet  du 
pouvoir  (2).  Cette  opinion,  n'ayant  d'appui  ni  dans  l'histoire,  ni  dans 
la  raison,  ni  dans  la  révélation,  n'a  aucune  probabilité.  Car  il  est  mani- 
feste que,  si  l'auteur  de  la  nature  a  fait  l'homme  pour  la  société,  il  ne 
lui  a  imposé  aucune  forme  de  gouvernement  en  particulier  et,  sauf 
le  cas  extraordinaire  de  la  théocratie  juive,  il  ne  choisit  pas  lui-même 
les  souverains.  Aussi  une  pareille  thèse  n'a  pu  trouver  de  défenseurs 
que  parmi  les  partisans  des  droits  régaliens,  juristes  ou  théologiens. 
Depuis  la  défection  de  Luther,  elle  fut  très  en  faveur  à  la  cour  des  rois, 
parce  qu'elle  les  proclame  indépendants  non  seulement  de  l'autorité 
du  Pape,  mais  de  toute  autorité  terrestre  :  lieutenants  de  Dieu,  qui 
les  a  investis  de  leur  pouvoir,  les  Princes  ne  relèvent  que  de  Dieu  et 


(M  SuAREZ,  Defensio  Fidei...,  L.  III,  C.  iir,    §  3. 

(  ')  Beaucoup  s'imaginent  à  tort  que  Bossuet  patronne  cette  fausse  théorie  du  Droit 
divin.  II  est  sans  doute  partisan  de  la  monarchie  bcTéditaire  et  absolue  qu'il  regarde  comme 
le  meilleur  des  gouvernements  {Polilique...,  L.  II  );  sans  doute,  encore,  il  ne  croit  pas, 
comme  Bellarmin  et  Suarez,  que  la  souveraineté  réside  d'abord  dans  le  peuple  {Cinquième 
avertissement  aux  Protestants,  §  XLIX)  ;  mais,  avec  eux,  il  admet,  comme  on  l'a  vii. 
l'intervention  du   consentement   populaire. 


230  LES    GOUVERKEMENTS    DE    FAIT  (87) 

n'ont  de  compte  à  rendre  qu'à  Lui  seul.  Cette  absence  de  responsabilité 
en  ce  monde  favorisait  singulièrement  le  despotisme. 

Jacques  P'",  roi  d'Angleterre,  s'était  fait,  dans  ses  écrits  (^),  le  cham- 
pion décidé  de  la  thèse  régalienne.  Il  exigeait  de  ses  sujets  catholiques 
un  serment  de  fidélité  qui  impliquait  la  négation  de  la  primauté  du 
Souverain  Pontife  et  de  son  droit  d'excommunier  les  rois.  Deux  Brefs 
de  Paul  V  condamnèrent  ce  serment.  Jacques  I^^  en  prit  la  défense  {^). 
Successivement  Bellarmin  et  Suarez  réfutèrent  les  prétentions  du 
monarque  anglais.  La  réponse  de  Bellarmin  (^)  est  un  opuscule  de  tout 
point  remarquable.  Celle  de  Suarez  est  une  œuvre  monumentale,  où 
le  Docteur  cminent  fait  preuve  d'une  vaste  érudition  et  d'une  grande 
vigueur  de  raisonnement  (*).  Les  ouvrages  de  Bellarmin  et  de  Suarez 
furent  brûlés  publiquement  à  Londres  par  l'ordre  de  la  Cour  (^). 


87.  —  LES  GOUVERNEMENTS  DE  FAIT 

L  —  Attitude  :  quelle  est  la  conduite  à  tenir  à  l'égard  de  l'usur- 
pateur d'un  pouvoir  légitimée,  à  l'égard  d'un  gouvernement  de  fait  ? 
Le  souverain  légitime  ayant  seul  droit  à  l'autorité,  il  est  permis  au 
peuple  de  chercher  à  renverser  l'usurpateur,  pourvu  que  la  tentative 
ait  des  chances  sérieuses  de  réussir.  Mais  supposons  l'usurpateur  soli- 
dement établi,  voici  les  droits  et  devoirs  réciproques  : 


(')  Basilicon  Doron,  L.  I,  p.  137,  dans  les  Opéra  omnia  de  Jacques  I«',  Londres,  1619, 
2'  édition,  en  latin.  — Jus  Liberse  Monarchise,  Ibidem,  p.  181  sqq.  —  Cf.  G.  Sortais,  La 
Philosophie  moderne  depuis  Bacon  jusqu'à  Leibniz,  T.  I,  p.  122-123,  167-169.  —  Avant 
Jacques  I",  les  princes  allemands,  au  temps  de  Louis  de  Bavière,  soutenaient  la  même 
doctrine. 

(  »)  Triplici  nodo  triplex  cuneus  site  Apologia  pro  juramenio  ftdelitatis,  dans  ses  Opéra 
omnia,  p.  237  sqq.  —  Cf.  G.  Sortais,  Les  Catholiques  en  face  de  la  Démocratie...,  p.  17  et 
note  2. 

(•)  Apologia  Roberli  S.  R.  E.  Cardinalis  Bellarmini  pro  Responsione  sua  ad  librum 
Jacobi,  Magnœ  Britanniœ  Regix...,  Rome,  1609.  —  Cf.  lintéressanl  ouvrage  de  J.  de  la 
Servière,  De  Jacoho  I  Anglisr  rege  cum  Cardinali  Roberio  Bellanyiino  S.  J.  super  potestate 
cum  regia  Itim  ponlificia  disputante  (1607-1009),  Paris  et  Poitiers.  1900. 

(  •)  Defensio  Fidei  Calholicie  et  Apostolicae  adversus  Anglicanœ  sectse  errores,  cum  Res- 
ponsione ad  Apologiam  pro  juramento  fidelilatis  et  Preefationem  monitoriam  Serenissimi 
Jacobi  Angliœ  Régis...  Ad  Screnissimos  tolius  Christinyii  Orbis  Catholicoa  Reges  et  Prin- 
cipes. In  fol.,  780  pp.  Coïmbrc,  1613.  Souvent  réimprimé.  — ■  Dans  l'édition  des  Opéra 
de  Suarez  par  Vives,  la  De/ensio  remplit  le  tome  XXIV,  Paris,  1859.  — Cf.  R.  de  Scorraille, 
François  Suarez,  L.  IV,  Ch.  iv  :  «  Defensio  Fidei  »,  T.  II,  p.  165-221. 

( ')  Cf.  G.  SoRTAi.«,  La  Philosophie  moderne...,  T.  I,  p.  144-147.  —  Il  faut  noter  que 
Bellarmin  et  Suarez  n'ont  pas  imaginé  le  système  de  la  collation  immédiate  de  l'autorité 
au  peuple  pour  faire  échec  à  la  thèse  de  Jacques  I"'  et  des  juristes  régaliens.  Suarez  a  bien 
soin  de  faire  rciiiarriuer  que  la  doctrine  «lu'il  soutient  est  depuis  longtemps  reçue  dans 
l'École  :  Fst  antiqua  recepta  (Defensio  Fidei...,  L.  III,  C.  ii,  §  2).  Cf.  G.  Sortais,  Les 
Catholiques...,   Loco  cHato,   p.   239-240. 


(87)  LES    GOUVERNEMENTS    DE    FAIT  231 

A)  De  l'usurpateur  :  1°  Il  a  l'obligation  de  restituer  le  pouvoir  au 
souverain  dépossédé. 

2o  II  a  le  devoir  de  pourvoir  au  bien  commun. 

30  II  a  le  droit  d'employer  la  force,  si  elle  est  nécessaire,  pour  pro- 
téger les  intérêts  de  la  société,  mais  non  pour  défendre  la  possession 
de  son  autorité. 

B)  Des  sujets  :  l*'  Ils  ont  le  droit  d'exiger  de  l'usurpateur  qu'il  pour- 
voie au  bien  de  la  société,  parce  qu'elle  ne  peut  pas  vivre  sans  autorité. 

2o  Ils  ont  le  devoir  d'obéir  à  l'usurpateur  et  de  lui  prêter  concours 
dans  tout  ce  qui  est  nécessaire  au  bien  commun  des  citoyens,  au  maintien 
de  Yordre  cUnl. 

3°  Ils  ne  peuvent  lui  prêter  concours  dans  Vordre  politique^  dans  ce 
qui  pourrait  confirmer  son  autorité  usurpée. 

C)  Du  souverain  dépossédé  :  1»  Comme  de  fait  il  ne  possède  pas 
l'autorité  sociale,  il  ne  peut  légiférer,  administrer  la  justice,  bref,  exercer 
les  fonctions  de  l'autorité  civile,  parce  que  ce  conflit  jetterait  le  trouble 
dans  la  société. 

2°  Mais,  comme  il  retient  le  droit  à  posséder  l'autorité,  il  peut,  pour 
la  recouvrer,  exiger  l'aide  de  ses  sujets,  pourvu  que  cette  tentative 
soit  réalisable  et  n'entraîne  pas,  pour  la  société,  de  plus  graves  dom- 
mages que  l'abstention,  car  le  droit  social  et  l'intérêt  général  l'emportent 
sur  le  droit  et  l'intérêt  particuliers  du  souverain. 

II.  —  Légitimation  de  l'autorité  usurpée  :  quand  il  ne  reste 
plus  au  souverain  dépouillé  aucun  espoir  solide  de  recouvrer  ses  droits, 
l'obligation  de  fidélité  cesse  par  le  fait  même  chez  les  sujets.  Le  peuple 
peut  alors  reconnaître,  soit  explicitement,  soit  implicitement,  le  sou- 
verain de  fait  ;  le  prince  légitime  ne  peut  en  effet  vouloir,  pour  conserver 
ses  droits,  le  malheur  de  la  société  ;  c'est  pourquoi  celle-ci  est  déliée 
de  toute  obligation  envers  lui.  Cette  doctrine  n'est  que  le  corollaire  de 
ce  principe  évident  :  la  raison  d'être  du  pouvoir  politique  est  le  bien  de 
la  société  ;  les  princes  sont  pour  les  peuples  et  non  les  peuples  pour  les 
princes. 

Si  le  peuple  ne  reconnaît  pas  l'usurpateur,  alors  celui-ci  n'exerce 
qu'un  pouvoir  de  fait.  Mais,  avec  le  temps,  ses  successeurs  pourront 
acquérir  la  légitimité.  Il  est  impossible  de  dire  combien  de  temps  est 
nécessaire  à  cette  prescription  ;  c'est  une  question  d'appréciation,  qui 
dépend  des  circonstances  :  il  s'agit  de  savoir  si  le  régime  nouveau  est 
conforme  ou  non  au  bien  général  du  pays.  Si  oui,  il  faut  le  conserver  ; 
—  si  non,  ou  bien,  le  pouvoir  déchu  est  encore  restaurable  et  alors  on 
doit  travailler  à  sa  restauration  ;  ou  bien  il  ne  l'est  pas,  et  alors  on  doit 
travailler  à  améliorer  le  régime  nouveau,  parce  que  l'intérêt  de  la  patrie 
prime  l'intérêt  des  partis.  Si  ce  nouveau  pouvoir  «  s'acquitte  heureu- 
sement de  sa  fonction  protectrice,  si  l'assentiment  populaire  se  prononce 


232  FORMES    DIVERSES    DE    GOUVERNEMENT  (88) 

en  sa  faveur,  le  temps  viendra  où  son  existence  de  fait  recevra  la  consé- 
cration du  droit,  car  rien  n'est  éternel  de  ce  qui  est  humain  et  la  vacance 
de  l'autorité  légitime  ne  saurait  durer  toujours  (^).  »  Que  cette  pres- 
cription doive  avoir  lieu,  la  société  l'exige  impérieusement  pour  vivre, 
car,  tant  que  l'autorité  n'est  qu'une  autorité  de  fait,  la  société  est  dans 
un  état  anormal  et  violent.  Cette  prescription  n'a  pas  sa  source  dans 
l'injustice  commise  par  l'usurpateur,  mais  dans  le  besoin  essentiel  de 
paix  et  de  sécurité,  qu'a  toute  société  pour  vivre. 


88.  —  FORMES  DIVERSES  DE  GOUVERNEMENT  (2) 

I.e  mot  Gouvernement  signifie  : 

1°  La  partie  du  corps  social  qui  exerce  les  fonctions  du  pouvoir. 
Le  mot  État  s'emploie  aussi  dans  ce  sens. 

2^  La  forme  spéciale  que  revêt  l'autorité  sociale.  C'est  en  ce  sens 
que  le  mot  est  pris  ici. 

I.  —  Formes  de  Gouvernement  :  on  distingua  trois  formes,  selon 
que  le  sujet  du  pouvoir  est  la  multitude  elle-même,  une  élite  de  citoyens 
ou  un  seul  homme.  Le  gouvernement  constitué  par  la  multitude  s'appelle 
Démocratie  ;  celui  constitué  par  une  élite,  Aristocratie  ;  enfin  celui 
constitué  par  un  seul.  Monarchie^  Royauté  ou  Empire.  Ces  trois  formes 
se  rencontrent  soit  à  Vétat  pur,  soit  à  Vétat  mixte  : 

1°  Formes  à  l'état  pur.  —  La  Démocratie  à  Vétat  pur,  c'est  le  gouver- 
nement où,  dans  l'ordre  social,  rien  ne  se  fait  que  par  la  volonté  du 
peuple.  'U Arislocralie  à  Vétat  pur,  c'est  le  gouvernement  où,  dans  l'ordre 
social,  rien  ne  se  fait  que  par  la  volonté  d'une  élite.  Enfin  la  Monarchie 
à  Vétat  pur,  c'est  le  gouvernement  où,  dans  l'ordre  social,  rien  ne  se  fait 
que  par  la  volonté  d'un  seul.  Dans  ces  trois  sortes  de  régimes  politiques 
le  pouvoir  souverain  vient  de  Dieu  :  tous  les  trois  sont  également  de 
droit  divin  et  également  légitimes  en  soi. 

2°  Formes  à  l'état  mixte  :  ce  sont  les  formes  dans  lesquelles  les 
éléments  monarchique,  aristocratique  et  démocratique  s'unissent  et  se 
tempèrent  dans  des  proportions  diverses.  I^'une  de  ces  formes  s'appelle 
la  monarcliio  constitutionnelle  et  représentative.  Cette  sorte  de  monarchie 


(')  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1895,  II«  C,  p.  36. 

(  *)  Aristote,  Politique,  L.  III,  Ch.  iv,  v.  —  Taparelli,  Examen  critique  des  gouver- 
nements représentatifs...  Essai  théorique  de  Droit  naturel...,  L.  II,  Ch.  ix. —  Vareille-Som- 
MiÈRES  (DE),  Les  Principes  fondamentaux...,  XXVIII.  —  M.  B.,  Insiitutes...,  L.  IX,  Ch.  vi 
Th.Meyer,  Instilutiones  Juris  naturalis.  Part.  II,  Sect.  III,  L.  I,  C.  il.  Art.  3,  n.  431  sqq. 
—  A.  Castelein,  Droit  naturel,  V,  Thèse  21.  —  R.  de  Cepeda,  Éléments  de  Droit  naturel. 
Leçons   63-65. 


É 


(89)  INFÉRIORITÉ   DES  FORMES  A  l'ÉTAT  PUR  233 

n'est,  au  lund,  sauf  l'étiquette,  qu'une  démocratie  tempérée.  En  effet, 
dans  ce  système,  le  roi  règne  et  ne  gouverne  pas.  La  puissance  executive 
est  aux  mains  des  ministres  responsables,  qui  la  conservent  tant  qu'ils 
obtiennent  une  majorité  suffisante  auprès  des  représentants  du  peuple. 
Le  ministère  renversé,  le  roi  doit  en  composer  un  nouveau,  qui  puisse 
tenir  devant  les  Chambres.  Sans  doute,  il  peut  user  du  droit  de  disso- 
lution., mais  c'est  un  moyen  périlleux  et  facilement  usé.  et  du  droit 
de  y-'eto  ;  mais,  pratiquement,  il  en  est  presque  toujours  réduit  à  signer 
les  lois  votées  par  les  Chambres. 

Il  ne  faut  pas  confondre  cette  forme  avec  la  Monarchie  tempérée  : 
dans  celle-ci  la  puissance  executive  et  la  puissance  législative  appar- 
tiennent au  roi  ;  mais  son  pouvoir  est  limité  par  des  institutions  variant 
avec  les  divers  pays  :  vg.  par  des  États  généraux  qui  votent  des  subsides 
et  font  des  remontrances,  par  des  Cours  de  justice  qui  peuvent  s'opposer 
à  l'enregistrement  des  édits  royaux,  etc. 

IL  —  Forme  la  meilleure  ?  De  toutes  ces  formes,  légitimes  en  soi, 
quelle  est  la  meilleure  ? 

1»  Pratiquement  :  celle  qui,  au  moment  où  l'on  parle,  est  la  mieux 
adaptée  au  caractère,  aux  traditions  et  aux  besoins  d'un  pays,  et  par 
conséquent  est  la  plus  apte  à  procurer  le  bien  social.  Il  faut  se  rappeler 
d'ailleurs  le  mot  de  J.  de  Maistre  :  «  Les  peuples  ont  le  gouvernement 
qu'ils  méritent.   » 

2o  Théoriquement  :  les  avis  sont  très  partagés.  Platon  {^)  se  prononce 
pour  l'Aristocratie  des  sages  ou  Sophocratie  ;  Aristote  (2),  pour  une 
République  composée  de  deux  classes  de  citoyens  ;  Montesquieu  {^) 
montre  une  grande  sympathie  pour  la  Monarchie  constitutionnelle  de 
l'Angleterre  ;  Rousseau  (*),  pour  une  Démocratie  pure  et  simple.  Nous 
allons  rechercher  quelle  est  l'opinion  de  saint  Thomas. 


89.  —  INFÉRIORITÉ  DES  FORMES  A  L'ÉTAT  PUR 

Comparant  entre  elles  les  trois  formes  à  l'état  pur,  saint  Thomas 
arrive  aux  conclusions  suivantes  : 

L  —  Si  l'on  se  place  au  point  de  vue  le  plus  important,  celui  du 
principe  (ï unité  qui  doit  entretenir  l'union  des  citoyens  entre  eux  et 
avec  le  souverain,  c'est  le  régime  monarchique  qui  l'emporte.    «  La 


(  M  Pi,ATON,   Râpublique,  L.   VI. 

{-)  AiusTOTE,  Politique,  L.  VII,  Ch.  viii. 

(  ')  Montesquieu,  De  l'Esprit  des  Lois,  L.  XI,  Ch.  v,  vi. 

(  ^)  Rousseau,  Du  Contrat  social.  1,.  III. 


234  I>JFÉRIORITÉ  DES  FORMES  Al'ÉTAT  PUR  (89) 

meilleure  ordonnance  d'une  cité  ou  d'un  peuple  quelconque,  c'est  d'y 
être  gouverné  par  un  roi  ;  car  la  royauté  reproduit  le  mieux  le  gouver- 
nement divin,  en  vertu  duquel  un  seul  Dieu  régit  le  monde  depuis  le 
commencement  {^).  y  Le  principe  d'unité,  étant  naturel  au  régime  monar- 
chique, s'y  exerce  plus  efficacement  pour  le  bien  commun.  Vient  ensuite 
le  régime  aristocratique,  parce  que  l'unité  de  direction  y  est  plus  diffi- 
cilement réalisée.  Vient  enfin  le  régime  démocratique,  parce  que  cette 
unité  y  est  très  difficilement  réalisable  (^). 

II.  _  Si  l'on  considère,  du  point  de  vue  social,  les  inconvénients 
et  ahiis  d'autorité,  l'ordre  précédent  doit  être  renversé. 

Sans  doute,  «  la  royauté  est  le  meilleur  régime  pour  un  peuple,  si 
elle  ne  se  corrompt  pas'.  Mais,  à  cause  de  la  grande  puissance  concédée 
au  roi,  la  royauté  dégénère  facilement  en  tyrannie,  à  moins  que  ne  soit 
parfaite  la  vertu  de  celui  auquel  une  telle  puissance  est  concédée... 
Mais  la  vertu  parfaite  se  trouve  chez  peu  de  personnes...  (3)  ».  Or  une 
royauté  tyrannique  est  le  pire  des  régimes  politiques.  Car,  «  sous  le 
régime  injuste,  plus  il  y  a  d'unité  dans  le  pouvoir,  plus  le  régime  est 
malfaisant.  La  tyrannie  royale  est  donc  plus  malfaisante  que  la  tyrannie 
oligarchique,  et  la  tyrannie  oligarchique  que  la  tyrannie  démocra- 
tique (*).   » 

Après  ces  raisons,  saint  Thomas  conclut  :  «  Donc  de  tous  les  régimes 
qui  tournent  à  l'injustice,  le  plus  tolérable  c'est  la  démocratie,  le  pire, 
c'est  la  royauté  devenue  tyrannique  (^).   » 

IIL  —  Si  l'on  demande  enfin  dans  laquelle  de  ces  trois  formes. 
les  citoyens  s' intéressent  davantage  au  bien  commun,  saint  Thomas  répond 


(  M  Sed  optima  ordinatio  civitatis  vel  populi  cujuscumque  est  ut  gubernetur  per  regem, 
quia  hujusmodi  regnum  maxime  reprœsentat  divinum  regimen,  (juo  unus  Deus  mundum 
gubernat  a  principio.  (S.  Thomas,  Summa  théologien.  I"  II^S  Quacst.  CV,  Art.  I,  Object.  -z"). 

(  -)  S.  Thomas,  De  Regimine  Principum,  L.  I,  C  m.  Le  texte  latin  sera  cité  à  la  note  4. 
—  On  sait  que  des  quatre  Livres  qui  composent  cet  opuscule,  saint  Thomas  n'a  rédigé  lui- 
même  que  le  1^'  et  le  2"^^  jusqu'au  milieu  du  Chapitre  iv  :  Opporiunum  est  igitur.  Le  reste 
est  l'œuvre  d'un  disciple,  Ptolkmée  de  Lucques.  Cf.  de  Ruheis,  Dissertationes  critica:' 
in  Sanclum  Thomam,  Dissertât.  XXII,  C.  i,  §  3.  —  P.  Mandonnet,  Bibliographie  thomiste, 
p.  XX,  Le  Saulchoir,  Kain  (Belgique),  1921. 

(»)  ...Regnum  est  optimum  regimen  populi  si  non  corrumpatur.  Sed,  propter  magnaiu 
potestatem  quae  régi  conceditur,  de  facili  regnum  dégénérât  in  tyrannidem,  nisi  sit  perfecta 
virtus  ejus  cui  talis  potestas  conceditur...  Perfecta  autcm  virtus  in  pauçis  invenitur... 
(S.  Thomas,  Summa  theologica,  Ibidem,  ad  2"">). 

(«)  Sicut  igitur  in  regimine  justo,  quanto  regens  est  magis  unum,  tanto  est  utilius 
regimen,  ut  regnum  melius  sit  quam  aristocratia,  aristocratia  vcro  quam  politia  ;  ita,  e 
converso  erit  et  in  injuste  regimine,  ut  videlicet,  quanto  regens  est  magis  unum,  tanto 
magis  sit  nocivum.  Magis  igitur  est  nociva  tyrannis  quam  oligarchia,  oligarchia  autem 
quam  democratia.  (S.  Thomas,  De  Regimine.  .,  L.  I,  C.  m.  Cf.  un  autre  argument.  Ibidem, 
SAniplius.) 

(')  Quodsi  in  injustitiam  déclinât  regimen,  expedit  magis  quod  sit  multorum,  ut  sit 
debilius  et  se  invicem  impediant.  Intcr  injusta  igitur  regimina  tolerabilius  est  democratia, 
pessimum  vero  tyrannis.  (S.  Thomas,  De  Regimine...,   L.  I,  C.  m). 


(90)  SUPÉRIORITÉ  DES  FORMES  A  l'ÉTAT  MIXTE    .  235 

que,  sous  ce  rapport,  l'aristocratie  et  la  démocratie  remportent  sur 
la  monarchie  :  «  La  plupart  du  temps  il  arrive  que  les  hommes  vivant 
sous  la  domination  d'un  roi  travaillent  mollement  pour  le  bien  commun, 
persuadés  d'avance  que  tout  ce  qu'ils  font  dans  l'intérêt  général  ne 
leur  profite  pas,  mais  à  un  autre,  à  celui  qui  a  sous  sa  dépendance  les 
avantages  communs.  Au  contraire,  quand  ils  voient  que  le  bien  commun 
ne  dépend  pas  d'un  seul,  chacun  le  considère,  non  plus  comme  le  bien 
d'un  autre,  mais  comme  le  sien  propre  (^).  » 

Conclusion  :  il  résulte  de  ce  qui  précède  que  les  trois  formes  de  gou- 
vernement à  l'état  pur  ont  chacune  de  graves  déficits,  que  l'on  peut 
résumer  ainsi  :  la  Monarchie  dégénère  facilement  en  tyrannie,  l'Aristo- 
cratie, en  oligarchie  et  la  Démocratie,  en  démagogie.  Il  en  résulte  ensuite 
qu'aux  yeux  du  Docteur  -Angélique,  chacun  de  ces  régimes  politiques 
est  légitime,  malgré  les  inconvénients  auxquels  il  est  exposé. 


90.  —  SUPÉRIORITÉ  DES  FORMES  A  L'ÉTAT  MIXTE 

I.  —  Raison  de  cette  supériorité  :  elle  ressort  de  ce  qui  vient  d'être 
dit  (89).  La  Monarchie,  l'Aristocratie  et  la  Démocratie  considérées 
absolument,  sans  emprunts  réciproques  pour  remédier  à  leurs  défauts 
propres,  exigent,  pour  être  viables  et  bienfaisantes,  un  ensemble  de 
conditions  qui  se  trouvent  très  difficilement  réunies.  Aussi  ces  trois 
formes  de  gouvernement  ont-elles  très  rarement  existé  à  l'état  pur. 
La  force  même  des  choses  a  fait  généralement  prévaloir  le  régime  mixte, 
où  les  éléments  monarchique,  aristocratique  et  démocratique  sont  mêlés 
dans  des  proportions  diverses. 

Sans  doute,  en  cette  matière  contingente,  dont  la  détermination 
est  subordonnée  à  mille  circonstances  variables  de  temps,  de  lieux 
et  de  personnes,  l'Église  n'impose  aucune  manière  de  voir  et  de  faire  (^). 
La  forme  du  gouvernement  est  laissée  au  libre  choix,  implicite  ou  expli- 
cite (86,  III),  du  peuple  qui  décide  à  ses  risques  et  périls.  Mais  il  est  inté- 
ressant de  noter  que  les  philosophes  et  théologiens  catholiques  s'accor- 


(')  Pleruinque  aaïuque  contingit  ut  hoinines  sub  rege  viventes  sesnius  ad  bonum 
commune  nitaiitur,  utpole  aestimantes  id  quod  ad  bonum  commune  impendunt,  non  sibi 
ipsis  conferre,  sed  alteri  sub  cujus  potestate  vident  esse  bona  communia.  Cum  vero  bonum 
commune  non  vident  esse  in  potestate  unius,  non  attendunt  bonum  commune  quasi  a(! 
id  quod  est  alterius,  sed  quilibet  attendit  ad  illud  quasi  suuin.  (S.  Thomas,  De  Regimine... 
L.  I,  C.  IV). 

(  ^)  "  Dans  cet  ordre  d'idées  spéculatif,  les  catholiques,  comme  tout  citoyen,  ont  pleine 
liberté  de  préférer  une  forme  de  gouvernement  à  l'autre,  précisément  en  vertu  de  ce  qu'au- 
cune de  ces  formes  socialesne  s'oppose,  par  elle-même,  aux  données  de  la  saine  raison,  n; 


236  SUPÉRIORITÉ  DES  FORMES  A  l'ÉTAT  MIXTE  (90) 

dent  avec  saint  Thomas  pour  dire  que  la  forme  mixte  est  en  soi  la  meil- 
leure forme  de  gouvernement. 

Parmi  les  diverses  combinaisons  auxquelles  le  mélange  des  éléments 
démocratique,  aristocratique  et  monarchique  peut  donner  naissance, 
examinons  celle  qui  a  obtenu  les  préférences  du  Docteur  angélique. 

II.  —  Forme  mixte  préférée  par  saint  Thomas  :  il  commence 
par  formuler  les  deux  principes  qui  vont  diriger  son  choix  :  «  Pour  la 
bonne  ordonnance  de  ceux  qui  commandent  dans  une  cité  ou  dans 
une  nation,  il  faut  considérer  deux  choses.  La  première  est  que  tous 
aient  quelque  part  au  principat  ou  commandement.  De  la  sorte  se 
conserve  la  paix  du  peuple,  et  tous  aiment  l'ordre  ainsi  établi  et  s'en 
font  les  gardiens,  comme  dit  Aristote  {Politique^  L.  II,  C.  vi,  §  15). 
La  seconde,  est  de  considérer  la  forme  du  régime  ou  ordonnance  des 
pouvoirs  (^).  » 

Ces  principes  directeurs  étant  posés,  saint  Thomas  en  déduit  la 
combinaison  suivante  :  «  Par  suite,  la  meilleure  ordonnance  de  ceux 
qui  commandent  dans  une  cité  ou  dans  un  royaume  est  celle  où  un 
seul  préposé  selon  la  vertu  (^)  peut  présider  à  tout,  et  où,  sous  lui, 
quelques-uns  sont  établis  chefs  selon  la  vertu.  Cependant  ce  principat 
appartient  à  tous,  soit  parce  que  ceux  qui  l'exercent  peuvent  être  élus 
du  milieu  de  tous,  soit  parce  qu'ils  sont  élus  par  tous.  Telle  se  présente 
toute  constitution  politique  harmonieusement  composée  de  royauté, 
en  tant  qu'un  seul  est  à  la  tête  ;  d'aristocratie,  en  tant  que  beaucoup 
commandent  selon  la  vertu,  et  de  démocratie,  c'est-à-dire  le  pouvoir 
du  peuple,  en  tant  que  ceux  qui  commandent  sont  éligibles  du  milieu 
du  peuple  et  qu'au  peuple  appartient  l'élection  de  ceux  qui  commandent. 
C'est  là  ce  qui  fut  institué  par  la  loi  divine,  car  Moïse,  etc..  (^).  » 


aux  maximes  de  la  doctrine  clirélienne.  »  (ÎjÉon  XIII,  Lettre  au  Clergé  de  France,  10  février  .] 
189'2).  —  «  Nous  avons  déjà  rappelé  que  l'Église  a  toujours  laissé  aux  nations  le  souci  de 
se  donner  le  gouvernement  qu'elles  estiment  le  plus  avantageux  pour  leurs  intérêts.    •• 
fPiE  X,  Lettre  sur  le  Sillon,  §  D'ubordson  catholicisme.  —  Cf. G.  Sortais,  Les  Catholiques..., 
L.  I.  §  II.  p.  13-14). 

(M  Circa  bonam  ordinationem  principum  in  aliqua  civitate  vel  gente,  duo  sunt  atten- 
denda  :  quorum  unum  est  ut  omiies  aliquam  partem  habeant  in  principatu  ;  per  hoc  cnim, 
conservatur  pax  populi  et  omnes  taiem  ordinationem  amant  et  custodiunt,  ut  dicitur 
(Politic,  L.  II.  C.  VI).  Aliud  est  quod  attenditur  secimdum  speciem  regiminis  vel  ordina- 
tionis  principatuum...  (S.  Thomas,  Summa  iheologica,  I»  11"%  Q.  CV,  Art.  I). 

(2)  Voir  plus  bas  le  sens  de  celle  expression  :    §  Il  faut...  p.  236. 

(')  Unde  optima  ordinatio  principum  est  in  aliqua  civitate  vel  regno,  in  quo  unus 
prœlicitur  secundum  virlutem,  qui  omnibus  proesit,  et  sub  ipso  sunt  aliqui  principautés 
secundum  virtutem  ;  et  tamen  talis  principatus  ad  omnes  pertinel,  tum  quia  ex  omnibus 
eligi  po.ssunt,  tum  quia  ab  oninibus  eliguntnr.  Talis  vero  est  omnis  politia  benc  commixta 
ex  regno,  in  quantum  unum  prrcesl,  ex  aristocratia,  in  (luantum  multi  principantur  secun- 
dum virlutem,  et  ex  democratia,  id  est  potestate  i)opuli,  in  (juantum  ex  popularibus 
possunt  eligi  principes,  et  ad  populum  pertinet  eleclio  principum.  P^t  hoc  fuit  institutum 
secundum  legem  divinam,  nain  Moyses...  (S.  Thomas,  Summa  iheologica,  Ibidem). 


(90)  SUPÉRIORITÉ  DES  FORMES  A  l'ÉTAT  MIXTE  237 

Si  l'on  soumet  à  l'analyse  cette  forme  mixte  de  gouvernement, 
il  est  facile  d'en  dégager  le  caractère  et  les  éléments  essentiels. 

Il  faut  d'abord  un  chef  qui  possède  seul  le  pouvoir  souverain.  Or  le 
pouvoir  souverain  consiste,  d'après  saint  Thomas,  dansNla  faculté  de 
faire  la  loi.  Aussi  le  chef  est-il  établi  pour  gouverner  selon  la  vertu, 
<-'.  c'est-à-dire  selon  que,  dans  sa  sagesse,  il  juge  bon  de  régler  souverai- 
nement toutes  choses,  n'étant  lié  ou  limité  par  rien,  dans  son  action, 
sinon  par  les  lois  de  la  raison,  de  la  sagesse  et  de  la  vertu  »  (^).  Saint 
Thomas  évite  à  dessein  de  dire  selon  la  loi,  car  un  pouvoir,  qui  est  soumis 
à  une  loi  dont  il  n'est  pas  l'auteur  ou  qu'il  n'a  pas  le  droit  d'abolir, 
n'est  pas  un  pouvoir  souverain,  mais  dépendant  et  subordonné.  Le 
pouvoir  souverain  est  celui  qui  fait  la  loi.  Il  est  clair  que  saint  Thomas 
n'est  point  partisan  d'une  monarchie  parlementaire,  dans  laquelle  le 
roi,  simple  chef  de  l'exécutif,  est  sous  la  dépendance  d'une  majorité 
changeante  qui  lui  impose  ses  volontés. 

Mais  saint  Thomas  ne  veut  pas  non  plus  une  monarchie  absolue, 
dans  laquelle  le  roi  détient  tous  les  pouvoirs  sans  contrepoids  modé- 
rateur. Aussi  place-t-il,  immédiatement  au-dessous  du  monarque,  une 
élite,  qui,  elle  aussi,  doit  exercer  l'autorité  selon  la  vertu.  Ses  membres 
seront  des  chefs  subalternes.  Subalternes,  parce  qu'ils  sont  sous  la 
dépendance  du  Chef  suprême  qui  porte  les  lois  d'intérêt  général.  Chefs, 
cependant,  parce  qu'ils  jouissent  d'une  souveraineté  relative  pouvant 
faire  la  loi  dans  les  limites  qui  leur  sont  assignées. 

Saint  Thomas  accorde,  enfin,  une  part  assez  large  à  l'élément  démo- 
cratique :  ceux  qui  font  la  loi  et  commandent  sont  élus  par  le  peuple 
et  peuvent  être  choisis  dans  ses  rangs.  Mais  le  peuple  n'est  pas  souverain, 
puisqu'il  n'a  pas  le  pouvoir  législatif  ;  il  contribue  seulement  à  déter- 
miner le  souverain  en  désignant  le  ou  les  sujets  en  qui  résidera  le  pouvoir 
de  légiférer.  Celui  ou  ceux  que  le  peuple  a  désignés  ne  sont  pas  ses 
mandataires,  et  n'ont  pas  de  comptes  à  lui  rendre,  car  il  ne  leur  a  conféré 
aucun  pouvoir. 

III.  —  Nature  du  suffrage  universel  admis  par  saint  Thomas  :  il 
accorde  à  tous  les  citoyens  ou  membres  politiques  du  corps  social  le 
suffrage  actif,  c'est-à-dire  le  droit  de  voter,  et  le  suffrage  passif,  c'est- 
à-dire  le  droit  d'être  élus.  Saint  Thomas  affirmant  que  les  femmes 
n'appartiennent  pas  proprement  au  corps  social  {^),  leur  dénie  par  là  même 
le  droit  de  vote  et  l'éligibilité. 

Il  convient  de  noter  que  saint  Thomas  étend  l'éligibilité  au  Chef 


(')  Th. -M.  PÈGUE3,  La  théorie  du,  pouvoir  dans  saint  Thomas,  dans  Revue  Thomiste, 
1911,  p.  611. 

{-)  ...Mulieies,  quitus  non  competit  simpliciter  esse  cives.  (S.  Thomas,  Summa  Iheolo- 
gica,  I»  II»%  Q.  CV,  ArL.  III,  ad  2"'",  à  la  fin.  Cf.  ad  3""'). 


238  SUPÉRIORITÉ  DES  FORMES  A  l'ÉTAT  MIXTE  (90) 

suprême,  mais  sans  déterminer  si  le  peuple  doit  choisir  un  chef  héré- 
ditaire ou  un  chef  électif  dont  le  pouvoir  soit  simplement  viager.  «  Saint 
Thomas  dissocie  donc  là  le  principe  monarchique  du  principe  dynas- 
tique :  le  principe  monarchique  est  sauf  pour  lui,  du  moment  que  repré- 
senté par  un  individu  qui  gouverne  vraiment  en  chef,  bien  qu'assisté 
de  conseils  et  contrôlé  (M.    )' 

Si  le  peuple  use  mal  du  droit  de  suffrage,  c'est-à-dire  s'il  en  use  au 
détriment  du  bien  public,  «  au  point  de  n'avoir  plus  qu'un  suffrage 
vénal  et  de  confier  le  pouvoir  à  des  hommes  vicieux  et  scélérats,  c'est 
justice  d'enlever  à  ce  peuple  le  pouvoir  de  conférer  les  honneurs,  et 
de  le  remettre  aux  mains  d'un  petit  nombre  d'hommes  bons  »  (2). 
Mais  c'est  là  une  mesure  exceptionnelle  motivée  par  un  abus  grave 
et  criant,  car  le  désir  formel  du  Docteur  angélique  est  que  le  peuple 
joue  aussi  un  rôle  politique  :  «  que  tous  aient  quelque  part  dans  le  gou- 
vernement. » 

Conclusion.  —  Telle  est  la  constitution  politique  esquissée  par 
saint  Thomas  :  ses  préférences  sont  pour  une  monarchie  tempérée. 
Comme  il  estime  avec  raison  que  l'autorité,  si  elle  est  divisée  entre 
plusieurs,  manque  d'efficacité  et  d'esprit  de  suite,  il  la  confie  à  un  seul 
qui  prend  les  décisions.  Mais,  sachant  que  l'intelligence  de  l'homme 
est  bornée  et  que  son  cœur  est  sujet  aux  égarements,  il  a  grand  soin, 
pour  que  le  pouvoir  du  Chef  suprême  ne  devienne  pas  tyrannique, 
de  l'entourer  de  collaborateurs,  pris  dans  l'élite,  dont  le  rôle  est  d'éclairer 
et  de  modérer  son  action.  Enfin,  par  le  système  électif,  le  peuple  a 
participé  à  la  constitution  du  souverain.  Si,  malgré  ces  précautions,  le 
souverain  gouverne  en  tyran,  saint  Thomas  ne  laisse  pas  le  peuple 
sans  défense  contre  lui.  (106,  §  C). 

En  traçant  cette  esquisse,  saint  Thomas  s'est  renfermé  dans  les  lignes 
générales  :  il  s'est  abstenu  à  dessein  de  descendre  aux  traits  particuliers, 
parce  que  leur  détermination  dépend  des  circonstances  qui  varient  avec 
les  temps  et  les  pays. 

Plusieurs  théologiens  ou  philosophes  catholiques,  en  traitant  cette 
question  après  le  Docteur  angélique,  ont  opté  (comme  c'était  leur  droit) 
pour  une  combinaison  différente.  Mais  ils  s'accordent  très  généralement 
avec  lui  pour  professer  qu'en  soi  la  meilleure  forme  de  gouvernement 
est  la  forme  mixte,  c'est-à-dire  celle  où  les  éléments  démocratique, 
aristocratique  et  monarchique  se  tempèrent  mutuellement.   On  voit 


(M  B.  ScuWALM,  Démocralie,  dans  Inctionnaire  de  rhéologie  catholique  (V-A-CANT- 
Mangenot),  t.  IV,  col    282. 

{')  Citation  de  S.  Augustin  (De  Libero  Arbilrio,  C.  vi)  rapportée  et  approuvée  par 
S.  Thomas,  Summa  iheologica,  I'  II»^  Q-  XCVII,  Art.  I. 


(91)  LA    DÉMOCRATIE   :  POINT    DE    VUE    SOCIAL  239 

€ombien  est  mal  fondée  l'accusation,  portée  quelquefois  contre  l'Église, 
de  favoriser  l'absolutisme  politique  {^). 


91.  -  LA  DÉMOCRATIE  {') 

On  peut  envisager  la  démocratie  du  point  de  vue  social  ou  du  point 
de  vue  politique  : 

§  A.  ~-  LA  DÉMOCRATIE  AU  POINT  DE  VUE  SOCIAL 

C'est  «  une  organisation  de  la  société,  dans  laquelle  toutes  les  forces 
sociales,  juridiques  et  économiques,  en  possession  de  leur  plein  déve- 
loppement hiérarchique  et  dans  la  proportion  propre  à  chacune  d'elles, 
coopèrent  de  telle  sorte  au  bien  commun  que  le  dernier  résultat  de  leur 
action  tourne  à  l'avantage  plus  particulier  des  classes  inférieures  {^).  » 
Ainsi  entendue  là  démocratie  se  confond  avec  l'ordre  social  lui-même, 
parce  qu'elle  a  pour  fin  générale,  comme  toute  société,  le  bien  commun, 
et  pour  fin  spéciale,  d'une  façon  particulière,  le  bien  du  peuple  qui  a 
plus  besoin  de  secours  que  les  autres  catégories  de  citoyens.  Une  société 
sera  organisée  démocratiquement  si  toutes  les  forces  sociales  convergent 
à  la  protection  et  à  l'élévation  de  la  classe  populaire. 

Pour  défendre  et  réaliser  cette  conception,  il  s'est  formé  une  École 
qui  a  pris  le  nom  de  Démocratie  chrétienne.  Elle  compte  quelques  dis-* 
ciples  qui  sont  tombés  dans  l'exagération  et  l'erreur  :  ce  sont  les  enfants 
terribles  du  groupe. 

Nous  emprunterons  le  résumé  de  ce  qui  est  certainement  accep- 
table dans  cette  doctrine  à  M.  Toniolo  (*),  professeur  de  sociologie 
à  l'Université  de  Pise.  Il  en  a  formulé  les  points  fondamentaux  sous 
forme  de  propositions  : 

Première  proposition  :  «  Il  y  a  une  démocratie  chrétienne  qui,  dans 
son  concept  essentiel,  s'identifie  avec  la  notion  même  de  l'ordre  social 
fondé  sur  le  devoir.  Elle  est  caractérisée  par  la  double  fin  à  laquelle 


(  M  Pour  plus  de  détails  sur  l'opinion  de  S.  Thomas,  voir  le  remarquable  article  du 
P.  PÈGUES,  cité  plus  haut  (p.  237,  n.  1  ),  et  G.  Sortais,  Les  Catholiques...,  L.  III,  Quest.  II, 
p.   172-198. 

(  =)  G.  GOYAU,  Autour  du  Catholicisme  social.  —  M.  Turmann,  Le  développement  du 
Catholicisme  social  depuis  l'Encyclique  Rerum  novarum.  —  G.  Fonsegrive,  Catholicisme 
et  Démocratie.  La  Crise  sociale.  —  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale,  Ch.  x,  Art.  IV. 

—  Toniolo,  La  notion  chrétienne  de  la  Démocratie.  —  M.  Sangnier,  L'esprit  démocratique. 

—  Gayraud,  Les  démocrates  chrétiens.  — ■  J.-E.  Fidao,  Le  droit  des  humbles.  —  G.  de  La- 
MARZELLE,  Démocratie  sociale,  politique,  chrétienne. 

(')  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale,  Ch.  x.  Art.  IV,  p.  279-280,  Paris  1908*. 
{*)  G.  Toniolo,  La  Notion  de  la  Démocratie,  Paris,  Maison  de  la  Bonne  Presse,  1898. 


240  LA    DÉMOCRATIE    :  POINT  DE    VUE    POLITIQUE  (91) 

elle  tend  :  i°  Le  bien  proportionnel  de  toutes  les  plasses  sans  exception. 
—  2°  Et,  parla  même,  un  soin  spécial  du  bien  des  multitudes  qui  ont 
plus  besoin  de  tutelle  et  de  secours  de  la  part  de  la  société.  Le  moyen 
normal  d'atteindre  ce  second  but  est  l'organisation  hiérarchique  de  la 
société.  » 

Deuxième  proposition  :  «  En  ce  qu'elle  a  d'essentiel,  la  démocratie 
ne  se  confond  avec  aucune  forme  de  gouvernement  ou  de  régime  poli- 
tique. Au  point  de  vue  social,  le  gouvernement  le  plus  démocratique, 
quelle  que  soit  sa  forme  politique,  monarchie,  oligarchie  ou  république, 
sera  celui  qui,  en  prenant  soin  des  intérêts  de  tous,  fera  davantage  pour 
le  peuple.  » 

Troisième  proposition  :  «  Au  point  de  vue  strictement  social,  la 
démocratie  chrétienne  n'exclut,  ni  ne  diminue,  ni  ne  bouleverse  en 
aucune  façon  la  hiérarchie  naturelle  et  historique  des  classes  ;  elle 
n'engendre  entre  celles-ci  ni  scission,  ni  opposition.    « 

La  raison  en  est  que  la  démocratie  chrétienne  requiert  le  concours 
effectif  de  tous  pour  r-éaliser  le  bien  commun,  dans  la  mesure  des  apti- 
.tudes  et  des  ressources  de  chacun.  Elle  maintient  donc  la  distinction 
et  la  hiérarchie  des  classes,  parce  que  cette  distinction  et  cette  hiérarchie 
sont  fondées  sur  la  nature  des  choses  ;  mais,  d'autre  part,  en  prenant 
un  soin  tout  particulier  des  petits,  elle  facilite  leur  ascension  aux  classes 
supérieures,  sans  heurt  et  sans  révolution.  Cette  façon  d'aller  au  peuple 
«et  d'entendre  la  démocratie  chrétienne  a  été  approuvée  par  Léon  XIII  (^) 
et  Pie  X  (2)  :  «  L'action  démocratique  chrétienne  étant  basée  sur  la  justice 
et  la  charité  évangéliques  a  un  champ  tellement  vaste,  que,  comprise 
et  pratiquée  suivant  la  lettre  et  l'esprit  du  Saint-Siège,  elle  répond 
aux  plus  généreuses  activités  des  catholiques  et  renferme,  toute  pro- 
portion gardée,  l'action  même  de  l'Église  parmi  le  peuple  (^).  « 

^B.  —  LA  DÉMOCRATIE  AU  POINT  DE  VUE  POLITIQUE  {«) 

C'est  le  régime  où  chaque  citoyen,  étant  investi  de  droits  politiques, 
participe  à  la  confection  des  lois  et  au  gouvernement  de  son  pays. 


(M  LÉON  XIII,  Encyclique  Graves  de  communi,  18  janv.  1901. 

(  ')  Pie  X,  Molu  proprio  du  18  déc.  1903.  Cf.  Roure,  dans  la  revue  les  Éludes,  T.  XCI, 
p.  298  sqq. 

( ')  Instruction  de  la  Congrégation  des  Affaires  ecclésiastiques  extraordinaires,  21  janv. 
1902. 

(  *)  Prins  (Ad.),  La  Démocratie  et  leRégime  parlementaire. —  Ussel  (d'),  La  Démocratie 
et  ses  conditions  morales.  —  E.  Lavisse,  A.  Croiset,  etc.,  L'Éducation  de  ta  Démocratie.  — 
Appell,  Boitel,  etc.,  Enseignement  et  Démocratie.  —  E.  d'Eichthal,  Souveraineté  du 
peuple  et  Gouvemonent.  —  J.  Valmor,  Conditions  et  limites  du  gouvernement  par  la  majorité. 
—  G.  DE  Lamarzelle,  Démocratie  et  Égalité,  dans  le  Correspondant,  juin  et  juillet  1906.  — 
C.  BouGLÉ,  Les  idées  égalitaires.  La  démocratie  devant  la  science.  —  G.  Deschamps,  Le 


I 


(91)  LA    DÉMOCRATIE   :     POINT    DE    VUE    POLITIQUE  241 

Mais,  dans  un  pays  un  peu  étendu,  le  gouvernement  direct  du  peuple 
par  le  peuple  est  impraticable.  On  est  obligé  de  recourir  à  la  forme 
indirecte  ou  représentative  :  le  peuple  se  gouverne  par  les  représertants 
qu'il  a  clhoisis. 

I.  —  Avantages  du  régime  démocratique  : 

1°  Il  donne  aux  citoyens  toute  la  liberté  compatible  avec  l'ordre 
public. 

2^  Il  stimule  dans  les  gouvernés  le  sentiment  de  la  dignité  person- 
nelle et  de  la  responsabilité,  en  augmentant  la  participation  de  chacun 
au  gouvernement. 

3°  Il  favorise  le  développement  de  l'activité,  de  l'efîort,  de  l'ini- 
tiative individuelle,  en  faisant  profession  de  ne  reconnaître  d'autre 
supériorité  que  celle  des  services,  du  mérite  et  du  talent,  en  ouvrant 
à  tous  l'entrée  des  plus  hautes  charges. 

4°  Il  offre,  en  soi,  une  garantie  plus  efficace  des  droits  de  chacun, 
parce  que  chacun  est  admis  à  les  faire  valoir. 

b°  Il  permet  de  prévenir  ou  de  réprimer  plus  facilement  certains 
abus,  parce  que,  dans  une  démocratie,  une  part  plus  large  est  faite  à 
la  liberté  de  discussion  et  au  contrôle  qu'exercent  l'opinion  et  la  rivalité 
implacable  des  partis. 

n.  —  Inconvénients  du  régime  démocratique  : 

1»  Les  moyens  répressifs,  d'une  part,  étant  plus  limités,  la  liberté 
accordée  au  déploiement  des  forces  individuelles,  d'autre  part,  étant 
plus  grande,  le  vice  et  le  désordre  trouvent  dans  une  société  démocra- 
tique un  terrain  propice  à  leur  expansion. 

20  La  facilité  d'admission  à  toutes  les  fonctions  publiques  et  la 
grande  diffusion  d'une  instruction  superficielle  ouvrent  la  porte  aux 
ambitions  les  moins  raisonnables  et  provoquent  une  concurrence 
effrénée. 

3°  Dans  son  engouement  pour  l'égalité  sous  toutes  les  formes,  la 
tendance  démocratique  est  l'ennemie  de  toute  supériorité,  si  bien  qu'on 


malaise  de  la  Démocratie.  —  E.  Vacherot,  La  Démocratie  libérale.  — •  Summer  Maine, 
On  popular  government.  —  E.  Naville,  La  Démocratie  représentative.  Mémoire  lu  à  l'Aca- 
démie des  Sciences  morales  et  politiques  les  20  et  27  novembre  1880.  Tir6  à  part.  Genève,  1881 . 

—  F. -T.  Perrens,  De  la  Démocratie  en  France  au  Moyen  Age.  — -  E.  de  Laveleve,  Le 
gouvernement  dans  la  Démocratie.  —  Thomas-Erskine  May,  La  Démocratie  en  Euroije.  — 
J.  Barni,  La  Morale  dans  la  Démocratie.  —  V.  Maumus,  L'Église  et  la  Démocratie.  —  An. 
Leroy-Beaulieu,  La  Papauté,  le  Socialisme  et  la  Démocratie.  Christianisme  et  Démocratie. 

—  B.  Gaudeau,  La  fausse  Démocratie  et  le  Droit  naturel. 


242  LA    DÉMOCRATIE   :    ATTITUDES    EXTRÊMES  (91) 

a  pu  dire,  sans  proférer  un  paradoxe,  que  la  démocratie  est  le  «  règne 
des  médiocrités   ». 

4°  Le  régime  étant  fondé  sur  le  suffrage  universel,  une  importance 
excessive  est  accordée  à  la  loi  brutale  du  nombre  :  la  démocratie  favorise 
la  tyrannie  des  majorités. 

5°  L'extrême  mobilité  de  l'opinion  et  la  grande  impressionnabilité 
du  suffrage  populaire  conduisent  aisément  à  l'anarchie,  ou  du  moins 
à  des  changements  perpétuels  qui  empêchent  toute  réforme  durable 
à  l'intérieur  et  tout  esprit  de  suite  à  l'extérieur. 

§  C.  —  ATTITUDES  EXTRÊMES 
A  U ÉGARD  DE  LA  DÉMOCRATIE 

Dans  le  paragraphe  précédent  l'on  s'est  efforcé  de  garder  la  juste 
mesure  dans  le  jugement  qu'on  doit  porter  sur  le  gouvernement  démo- 
cratique. A  l'opposé,  il  faut  signaler  deux  attitudes  extrêmes  : 

I.  —  Le  tort  de  certains  démocrates  chrétiens  a  été  de  prétendre 
que  le  gouvernement  démocratique  est  impliqué  dans  les  enseignements 
de  l'Évangile  et  se  présente  comme  leur  conclusion  naturelle.  C'est 
le  cas  de  M.  Marc  Sangnier  et  des  Sillonnistes  :  «  D'abord,  son  catho- 
licisme (du  Sillon)  ne  s'accommode  que  de  la  forme  du  gouvernement 
démocratique,  qu'il  estime  être  la  plus  favorable  à  l'Église  et  se  confondre 
pour  ainsi  dire  avec  elle  ;  il  inféode  donc  sa  religion  à  un  parti  poli- 
tique (^).  » 

Léon  XIII  avait  déjà  condamné  cette  erreur  quand  il  écrivait  : 
«  Les  préceptes  de  la  nature  et  de  l'Évangile  étant,  par  leur  autorité' 
propre,  au-dessus  des  vicissitudes  humaines,  il  est  nécessaire  qu'ils 
ne  dépendent  d'aucune  forme  de  gouvernement  civil  ;  ils  peuvent 
cependant  s'accommoder  de  n'importe  laquelle  de  ces  formes,  pourvu 
qu'elle  ne  répugne  ni  à  l'honnêteté,  ni  à  la  justice  (^).  » 

IL  —  On  rencontre  aussi  l'excès  en  sens  contraire. 

Peu  d'écrivains,  je  crois,  souscriraient  à  cette  phrase  de  M.  Gustave 
Théry  :  «  Pour  ma  part,  je  n'hésite  pas  à  la  dire  [la  démocratie]  intrin- 
sèquement mauvaise  {^).  «  Une  pareille  affirmation  est  deux  fois 
insoutenable,  car,  nous  l'avons  vu  (86,  V,  C),  d'après  la  raison  et  l'ensei- 


(  M  Pie  X,  Lettre  sur  le  Sillon,  5  D'abord  son  catholicisme. 

C)  LÉON  XIII,  Encyclique  Graves  de  communi,  18  Janvier  1901,   §  Ne/as  aulem. 

( ')  G.  Théry,  L'État  démocratique  moderne,  dans  Revue  catholique  des  Institutions 
ET  DU  Droit,  1912,  T.  II,  p.  488.  —  M.  Charles  Maurras  se  laisse  classer  parmi  «  ceux 
qui  professent  que  la  démocratie  c'est  le  mal  et  la  mort.  »  Cf.  La  Politique  religieuse,  dans 
La  Démocratie  religieuse,  p.  284,   §  II,  Paris,  1921. 


(91)  LA    DÉMOCRATIE    :    ATTITUDES    EXTRÊMES  243 

gnement  catholique,  la  forme  démocratique  est  aussi   légitime    que  les 
autres  formes  de  gouvernement. 

D'autres  critiques,  moins  radicaux,  prétendent  que  le  régime  démo- 
cratique «  constitue  nécessairement  un  cercle  vicieux  «  (^)  et  implique 
une  «  flagrante  contradiction  »  (^).  Comment,  dit-on,  le  même  peuple 
peut-il   à   la   fois   commander   et   obéir  ? 

Les  objections  contre  la  possibilité  du  régime  démocratique  sup- 
posent que  le  mot  démocratie  doit  toujours  être  pris,  pratiquement,  dans 
son  sens  strict  le  plus  rigoureux.  C'est  là  une  supposition  gratuite, 
car  jamais  les  sociologues  ne  l'ont  compris  de  la  sorte,  pas  même  Rous- 
seau. «  A  prendre  le  terme  dans  la  rigueur  de  l'acception,  déclare-t-il, 
il  n'a  jamais  existé  de  véritable  démocratie,  et  il  n'en  existera  jamais.... 
On  ne  peut  imaginer  que  le  peuple  reste  incessamment  assemblé  pour 
vaquer  aux  affaires  publiques  (^).    » 

Au  lieu  de  s'en  tenir  à  de  vagues  généralités  et  de  raisonner  sur  des 
abstractions,  il  faut  constater  que,  dans  la  réalité  concrète,  l'on  trouve 
une  grande  variété  de  gouvernements  qualifiés  démocratiques.  Comme 
les  autres  formes,  la  forme  démocratique  est  réalisable  à  des  degrés 
divers.  Pour  faire  court  et  clair,  signalons  trois  cas  :  degré  maximum, 
degré  moyen,  degré  minimum.  Il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  cette  remarque 
d'Etienne  Lamy  :  «  Le  régime  est  démocratique,  si  multiples  y  soient 
les  inégalités,  tant  qu'elles  ont  pour  origine  une  volonté  générale,  et 
que  cette  volonté  générale  garde  le  droit  de  les  modifier  »  (*). 

Degré  minimum  :  il  existe  le  jour  où  l'introduction  du  suffrage 
universel  confère  à  tous  les  citoyens  majeurs  d'un  pays  le  droit  d'élire 
les  représentants  du  peuple  et  de  participer  par  leur  intermédiaire  à 
l'exercice  du  pouvoir  législatif  et  à  l'élection  du  chef  de  l'État.  C'est 
le  cas  aux  États-Unis,  en  France,  etc. 

Degré  maximum  :  le  peuple  exerce  lui-même  le  pouvoir  dans  une 
assemblée  générale  et  souveraine.  C'est,  depuis  plusieurs  siècles,  le  cas 
de  certains  cantons  suisses,  ceux  d'Uri,  de  Glaris,  des  deux  Unterwal- 
den,  etc.  Là,  en  effet,  l'Assemblée  générale  des  citoyens  {Landsgemeinde) 
élit  un  pouvoir  exécutif  et  les  officiers  de  justice,  nomme  un  grand 
Conseil  pour  préparer  les  lois,  vote  ou  rejette  directement  ces  projets 
de  lois  élaborés  par  ses  mandataires  et  contrôle  leur  gestion  financière  (^).. 


(')  L.  Lefur,  Démocratie  et  Catholicisme,  dans  La  Foi  catholique,  1913,  T.  XI,  p.  252. 

( -)  G.  DE  Lamauzelle,  Démocratie  politique.  Démocratie  sociale.  Démocratie  chrétienne, 

1-3,  Paris,  s.  d. 

(  ')  Rousseau,  Du  contrat  social,  L.  III,  Ch.  iv. 

(  *)  Et.  Lamy,  L'Action  française  et  le  Correspondant,  dans  le  Correspondant.  1907. 

III,  p.  1001. 

(  ')   R.  Pinot,  La  Démocratie  actuelle  en  Suisse,  dans  La  Science  sociale,  1891,  T.  XI, 

183  sqq. 


244  LA    DÉMOCRATIE   :    ATTITUDES    EXTRÊMES  (91) 

«  Dans  le  train  quotidien  de  la  vie,  chacun  retourne  à  ses  affaires,  il 
redevient  simple  citoyen  pour  obéir  aux  magistrats,  payer  les  taxes, 
observer  les  lois.  Nous  ne  trouvons  là  aucune  trace  de  la  «  flagrante 
contradiction  «  alléguée  tout  à  l'heure  :  les  citoyens  ne  sont  pas  gou- 
vernants et  gouvernés  dans  le  même  instant,  sous  le  même  rapport, 
pour  le  même  objet  (^).  « 

Mais,  pour  fonctionner  convenablement,  ce  gouvernement  direct 
par  le  peuple  exige  la  réunion  de  certaines  conditions.  Il  faut  :  1°  Un 
étroit  territoire  et  une  population  peu  nombreuse.  —  2°  L'égale  possibilité 
pour  les  citoyens  de  se  prononcer  en  connaissance  de  cause  survies 
candidats,  les  projets  de  lois  et  les  comptes  :  possibilité  qui  n'existe 
que  dans  un  état  social  peu  compliqué,  pour  des  affaires  simples.  Voilà 
pourquoi  la  démocratie  directe  est,  de  temps  immémorial,  le  régime  des 
cantons  forestiers,  pastoraux,  dont  les  vallées  renferment  peu  d'indus- 
trie, pas  de  grand  commerce,  avec  une  population  de  paysans  sensi- 
blement égaux  entre  eux...  «  La  vraie  démocratie  surgit  partout  de  la 
nature  des  hommes  et  des  choses  (2)  ».  —  3°  Un  sérieux  amour  du  bien 
commun  (^). 

Degré  moyen  :  le  peuple  élit  un  gouvernement  qui  le  représente,  et  I 
le  contrôle  par  le  référendum.  Quand  la  population  est  plus  nombreuse 
que  dans  l'hypothèse  précédente,  le  commerce  plus  développé,  les  inté- 
rêts plus  complexes,  il  est  nécessaire  de  restreindre  l'intervention  du 
peuple  :  au  gouvernement  direct  on  doit  substituer  le  gouvernement 
représentatif  dont  les  lois  ne  sont  valables  que  si  elles  sont  ratifiées 
par  une  consultation  nationale  qu'on  nomme  référendum.  C'est  donc  le 
peuple  qui,  en  dernier  ressort,  les  accepte  ou  les  rejette  par  son  vote. 
Les  choses  se  passent  ainsi  dans  certains  cantons  helvétiques,  comme 
ceux  de  Berne,  Fribourg,  Genève,  Baie,  Zurich.  Si  l'on  considère  la 
Suisse  dans  l'ensemble  de  ses  22  cantons,  toute  modification  à  la 
Constitution  doit  être  approuvée  par  le  peuple,  et  la  Constitution 
de  1874  proclame  le  droit  de  demander  que  les  lois  fédérales  et  les 
arrêtés  fédéraux  d'une  portée  générale  soient  soumis  à  l'adoption  ou 
au  rejet  du  peuple. 


(  M  B.  ScHWALM,  Démocratie,  dans  Diction.vaire  de  Théologie  catholique  (Vacant 
Mangenot),  t.  IV,  col.  274-275. 

(  ')  Le  Play,  La  Réforme  sociale  en  France,  T.  III,  Ch.  lxii,  §  XII,  p.  308,  Tours,  1887. 

(  ')  Citation  condensée  d'un  passage  de  B.  Scuwalm,  Loco  citato,  col.  275.  —  Il  faut  noter 
que  la  troisième  condition  indiquée  n'est  pas  seulement  nécessaire  au  bon  fonctionnement 
de  la  démocratie  directe,  mais  à  celui  de  toat  régime  politique. 


(91)  LA    DÉMOCRATIE   :   SON  AVÈNEMENT  •  245 

§  D.  —  U AVÈNEMENT  DE  LA  DÉMOCRATIE 

Le  régime  démocratique  suppose  dans  le  peuple  un  niveau  supérieur 
d'intelligence  et  de  moralité,  parce  que  : 

1°  La  liberté  laissée  aux  citoyens  étant  plus  grande  et  la  contrainte 
légale  moins  étendue,  il  faut  que  l'honnêteté  de  chacun  fasse  contrepoids 
pour  prévenir  les  excès  de  l'indépendance  et  suppléer  à  ce  qui  manque 
du  côté  de  la  coaction  gouvernementale. 

2°  La  confection  des  lois  étant  à  la  merci  du  nombre,  il  faut  que 
chaque  citoyen  ait  assez  d'intelligence  pour  discerner  le  bien  général, 
et  assez  de  générosité  pour  le  préférer  à  ses  intérêts  immédiats  et  parti- 
culiers. Aussi  Montesquieu  notait-il  que  «  dans  un  État  populaire, 
il  faut  un  ressort  de  plus  qui  est  la  vertu  »  (^). 

Or  il  n'est  pas  aisé  pour  un  peuple  d'atteindre  ce  degré  nécessaire  de 
moralité  intelligente  et  dévouée  à  la  chose  publique.  C'est  pourquoi, 
quand  un  peuple  n'est  pas  suffisamment  mûr  pour  pratiquer  un  régime 
qui  requiert  une  moyenne  si  élevée  de  vertu  dans  la  masse,  quand  il 
s'y  engage  prématurément,  ce  régime,  au  lieu  de  porter  des  fruits  excel- 
lents, est  plus  fécond  qu'un  autre  en  abus  et  en  mécomptes. 

On  ne  peut  nier  le  risque  et  les  dangers  qui  s'attachent  à  la  réali- 
sation de  l'idéal  démocratique.  Cependant  '<  si  l'on  veut  bien  jeter  un 
coup  d'œil  général  sur  l'histoire  des  temps  chrétiens,  on  reconnaîtra, 
à  n'en  pas  douter,  que  la  marche  progressive  de  la  civilisation  est  tou- 
jours dans  le  sens  de  la  démocratie  ;  elle  tend  à  rendre  le  peuple  de  plus 
en  plus  maître  de  lui-même,  maître  de  son  gouvernement.  Nous  voyons 
les  classes  maintenues  dans  l'esclavage,  puis  dans  la  condition  de  serf 
et  dans  celle  de  vilain,  successivement  élevées  à  la  liberté  civile  et  poli- 
tique. Le  mouvement  pour  la  paix  de  Dieu  et  le  mouvement  communal 
au  moyen  âge  nous  montrent  les  peuples  arrivant  à  l'exercice  du  pouvoir 
et  constituant  des  cités  démocratiques,  dont  plusieurs  sont  des  modèles. 
Ensuite  est  venu  le  mouvement  qui  tend  à  transporter  les  formes  démo- 
cratiques du  gouvernement  municipal  au  gouvernement  de  l'État. 
L'évolution,,  d'ailleurs,  est  liée  à  un  ensemble  de  conditions  d'ordre 


{ ■)  Montesquieu.  De  l'Esprii  des  lois,  L.  III,  Ch.  m.  Voici  le  contexte  :  t  II  ne  faut 
pas  beaucoup  de  probité  pour  qu'un  gouvernement  nionarcbique  ou  un  gouvernement 
despotique  se  maintiennent  ou  se  soutiennent.  La  force  des  lois  dans  Tun,  le  liras  du  prince 
/  toujours  levé  dans  l'autre,  règlent  ou  contiennent  tout.  Mais,  dans  un  État  populaire,  il 
faut  un  ressort  de  plus,  qui  est  la  vertu.  '>  Montesquieu  s'est  e.xpliqué  lui-même  dans  V Aver- 
tissement :  «  Ce  que  j'appelle  la  vertu  dans  la  république  est  l'amour  de  la  patrie,  c'est- 
à-dire  l'amour  de  l'égalité.  Ce  n'est  point  une  vertu  morale  ni  une  vertu  chrétienne,  c'est 
la  vertu  politique  ;  et  celle-ci  est  le  ressort  qui  fait  mouvoir  le  gouvernement  républicain, 
comme  l'honneur  est  le  ressort  qui  fait  mouvoir  la  monarchie.  » 


246  LA    DÉMOCRATIE   :   SON    AVÈNEMENT  (91) 

moral  et  d'ordre  économique,  qui,  à  travers  des  vicissitudes,  indiquent 
une  constante  ascension  populaire  (^).    » 

'<  Ce  que  je  sais  d'histoire  me  donne  lieu  de  croire  que  la  démocratie 
est  le  terme  naturel  du  progrès  politique  et  que  Dieu  y  mène  le  monde  ; 
mais  j'avoue  qu'il  l'y  mène  par  de  rudes  chemins,  et  que,  si  je  crois  à  la 
démocratie,  c'est  malgré  des  excès  qui  seraient  capables  d'en  dégoûter 
les  gens  de  bien  {^).  » 

Citons  enfin  le  témoignage  très  autorisé  de  Mgr  d'Hulst  :  «  N'en 
déplaise  aux  esprits  chagrins,  tout  n'est  pas  à  condamner  dans  les 
nouveautés  que  révèle  notre  état  social.  Sans  donner  gain  de  cause  aux 
calomniateurs  du  passé,  il  ne  me  paraît  pas  douteux  que  sur  plus  d'un 
point  notre  âge  soit  en  progrès.  L'humanité  tend  vers  le  nivellement 
intellectuel,  moral,  économique.  C'est  l'évolution  démocratique.  Comme 
disciple  de  l'Évangile,  je  n'ai  aucune  raison  de  m'affîiger  ;  je  dois  même 
saluer,  dans  ce  que  cette  tendance  a  de  légitime,  un  triomphe  tardif  de 
la  pensée  chrétienne.  Toutefois,  comme  sociologue,  j'aperçois  le  danger  : 
c'est  que  les  convoitises  prennent  trop  d'avance  sur  les  satisfactions 
possibles  et  fassent  violence  à  la  société-  pour  obtenir  d'elle  plus  qu'elle 
ne  peut  donner  (^).  » 

Depuis  la  Révolution  française,  le  mouvement  démocratique  s'est 
singulièrement  accéléré  ;  actuellement  la  démocratie  est  en  train  de 
pénétrer  jusque  dans  l'Extrême  Orient.  Cette  ascension  du  qua- 
trième état,  qu'on  s'en  réjouisse  ou  qu'on  s'en  inquiète,  parait  irrésis- 
tible. Le  terme  seul  de  démocratie  suffit  pour  efl'aroucher  les  esprits 
craintifs.  Au  lieu  de  se  laisser  envahir  par  la  peur  du  mot,  n'est-il  pas 
plus  brave  de  se  mettre  en  face  de  la  chose  ?  Au  lieu  de  maudire  ou  de 
bouder,  n'est-il  pas  plus  sage  de  travailler  avec  entrain  à  l'amélioration 
morale  et  matérielle  du  peuple,  pour  le  rendre  plus  digne  du  grand  rôle 
(jue  semble  lui  réserver  l'avenir  ?  Au  lieu  de  pleurer  inutilement  sur  les 
ruines  d'un  passé  à  jamais  disparu,  n'est-il  pas  plus  patriotique  de 
mettre  courageusement  la  main  à  l'œuvre  et  d'apporter  sa  pierre  à  la 
construction  de  la  cité  future  ?  Les  catholiques  devraient  avoir  toujours 
présente  à  la  mémoire  cette  forte  parole  du  cardinal  Mermillod  :  «  Le 
peuple  sera,  finalement,  à  ceux  qui  l'auront  le  plus  aimé  et  le  mieux 
servi  (*).   » 


I ')  Ch.  AxToiNii,  Cours  d'h'conomie  sociale,  Cb.  x,  Art.  IV,  p.  287,  Paris,  1908*. 

{')  Fr.  Ozanam,  Lettre  du  11  mars  1849,  Lellres,  T.  II,  p.  236. 

(  ')  Cité  par  Mgi-  Baudrillart,  dans  la  Vie  de  Mgr  d'Hulst,  T.  I,  Introduction,  p.  14-15, 
Paris,  1912. 

(  *)  Cf.  G.  Sortais,  Les  Catholiques  en  face  de  la  Démocratie...,  L.  I,  Cli.  v,  p.  79-92. 
Cf.  La  Crise  du  Lihi-ralisme...,  Ch.  v,  p.  79-82. 


I 


(92-93)  STABILITÉ  ET  TRANSMISSION  DE  l' AUTORITÉ  247 

92.  —  STABILITÉ  ET  TRANSMISSION  DE  L'AUTORITÉ 

I.  —  Stabilité  :  le  peuple  ne  peut  changer  à  son  gré,  selon  son 
caprice,  une  l'orme  de  gouvernement  légitimement  introduite.  En  effet  ; 

A)  Ce  serait  une  injustice,  contre  ceux  qui  exercent  le  pouvoir, 
de  le  leur  enlever  sans  raison  proportionnellement  grave.  A  l'origine, 
en  choisissant  tacitement  ou  expressément  sa  forme  de  gouvernement 
et  en  confiant  à  tel  homme  ou  à  telle  catégorie  de  citoyens  l'autorité 
sociale,  le  peuple  a  pu  entourer  cette  concession  de  limites  plus  ou  moins 
étroites  ;  mais  une  fois  la  concession  faite  et  le  pacte  conclu,  il  ne  peut, 
sans  motif,  reprendre  le  pouvoir  à  celui  ou  à  ceux  qui  continuent  à 
l'exercer  d'après  la  constitution  fondamentale  acceptée  de  part  et  d'autre, 
qu'elle  soit  écrite  ou  verbale,  explicite  ou  implicite.  La  raison  c.'est  que 
les  gouvernants  n'ont  pas  démérité,  puisque,  par  hypothèse,  ils  usent 
de  leur  pouvoir  pour  le  bien  commun. 

B)  Cette  stabilité  est  commandée  par  l'intérêt  général  ;  s'il  était 
loisible  de  renverser  capricieusement  le  gouvernement,  on  ouvrirait 
la  porte  à  l'anarchie  ou  au  césarisme  ;  la  société,  faite  pour  assurer  la 
jouissance  paisible  de  tous  les  droits  et  favoriser  tous  les  progrès,  n'at- 
teindrait pas  ce  double  but,  car  avant  tout  il  exige,  comme  conditions 
de  sa  poursuite,  l'ordre  et  la  paix.  Les  citoyens  doivent  user  des  moyens 
légaux  pour  remédier  aux  excès  du  pouvoir.  Nous  verrons  ce  qui  leur 
est  permis,  en  cas  d'abus  graves  et  habituels,  en  fait  de  résistance  passive 
et  active  (106). 

IL  —  Transmission  (^)  :  comme  la  société  ne  peut  subsister  sans 
autorité,  l'autorité  ne  peut  périr  par  la  mort  ou  l'abdication  de  celui 
qui  l'exerce.  Aussi,  dans  toute  société,  des  lois  ou  coutumes  pourvoient- 
elles  à  la  transmission  du  pouvoir.  Deux  moyens  surtout  sont  en  usage  : 

A)  Hérédité,  quand  la  constitution  du  pays  le  règle  ainsi. 

B)  Élection  :  ce  mode  varie  avec  les  nations.  Tantôt  ceux  qui  élisent 
le  successeur  n'ont  que  le  droit  de  le  désigner  ;  tantôt  ils  possèdent 
momentanément  le  pouvoir  ;  alors  ils  peuvent,  toujours  en  vue  du 
bien  public,  modifier  la  constitution,  limiter  plus  ou  moins  ou  étendre 
le  pouvoir  de  celui  ou  de  ceux  qu'ils  choisissent. 

93.         ROLE  ET  FONCTIONS  DE  L'ÉTAT  (2) 

Après  avoir  établi  l'origine  du  pouvoir  do  l'État,  il  faut  déterminer 
la  nature  et  l'étendue  de  ses  fonctions. 


(M  L.  JouiN,  Elementa  philosophiae  moralis,  P.  IV,  Sect.  II,  L.  I,  (^.  iv,  vu. 
{^)  G.  Sortais,  Les  fonctions  de  l  État  moderne,  dans  Études  philosophiques  et  sociales, 
Ch.  II,  p.  41-71.  —  Taparelli,  Essai  théorique  de  droit  naturel,  L.  II,  Ch.  v,  vu,  vm.  — 


248  ROLE    ET    FON'CTIONS    DE    l'ÉTAT    :    PROTECTION  (93} 


§  I.  —  NATURE  DES  FONCTIONS  DE  UÉTAT 

L'homme  entre  en  société  pour  donner  satisfaction  à  un  double 
besoin  :  besoin  de  sécurité  et  besoin  de  progrès,  pour  jouir  en  paix  de 
l'exercice  de  ses  droits  et  pour  développer  plus  pleinement  ses  facultés, 
c'est-à-dire  pour  obtenir  un  bonheur  temporel  que  l'isolement  ne  pourrait 
lui  procurer.  Comment  la  société  réalise-t-elle  cette  fin  ?  Le  grand  moyen 
dont  elle  dispose,  c'est  l'autorité  sociale,  l'État.  L'État  aura  donc  pour 
rôle  de  pourvoir  à  ce  double  besoin.  Il  satisfera  au  besoin  de  sécurité 
eu  protégeant  les  droits  des  associés  ;  au  besoin  de  progrès  en  aidant 
les  citoyens  à  se  perfectionner.  Telle  est  sa  double  fonction  :  i»  Pro- 
tection :  c'est  la  fonction  de  justice  dont  il  est  le  gardien  :  Custos  justi  ; 
c'est  sa  mission  tutélaire.  —  2'^  Assistance  :  c'est  la  fonction  d'utilité 
publique  ;  c'est  sa  mission  civilisatrice . 


A  —  FONCTION  DE  PROTECTION 

L'État  doit  d'abord  garantir  à  chacun  ses  droits.  Il  remplit  ce 
devoir  en  maintenant  : 

A)  La  sécurité  extérieui'e,  au  moyen  de  la  diplomatie,  de  l'armée 
et  de  la  marine. 

B)  La  sécurité  intérieure  :  1°  Il  doit  assurer  la  sécurité  matérielle 
qui  peut  être  menacée  par  : 

a)  Les  hommes  :  à  l'État  de  défendre  la  vie  et  les  biens  des  citoyens 
contre  les  voleurs  et  les  assassins  (police,  etc.). 

b)  Les  éléments  :  à  l'État  de  défendre  la  société  contre  les  inonda- 
tions^ sécheresses,  épidémies,  etc. 

2°  Il  doit  assurer  la  sécurité  morale  :  ici  son  rôle  se  résume  dans 
un  tri})le  devoir  : 

a)  Faire  respecter  les  droits  de^acun  par  une  bonne  administration 
de  la  jiislice. 


V..  Beaussiue,  Les  principes  du  droit,  L.  II,  Ch  fin  et  sqq.  —  P.  Leroy-Beaulieu,  L'État 
moderne  et  ses  /onctions.  —  R.  de  Cepeda,  Éléments  du  droit  naturel,  LI"  Leçon.  —  Pascal 
(DE),  Philosophie  sociale,  L.  III,  Sept.  III,  Ch.  ii.  —  J.-B.  Bluntschli,  Théorie  générale 
de  l  État.  —  H.  Michel,  L'idée  de  l'Étal.  —  Th.  Funck-Brentano,  La  Politique,  Ch.  ii,  m. 
—  I2d.  Villey,  Du  rôle  de  l'État.  —  Spencer,  L'individu  contre  l'État.  —  Ch.  Beudant, 
Le  droit  individuel  et  l'État.  —  P.  Cauwès,  Précis  d'Économie  politique,  T.  I.  —  Cu.  Antoine, 
<;oi(rs  d'Économie  sociale,  I'"  P.,  Ch.  m.  —  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1895. 
11"^  Conf.  —  A.  Coquille,  Du  césarisme  dans  l'antiquité  et  dans  les  temps  modernes.  — 
VjD.  Lauoulaye,  L'État  et  ses  limites.  —  G.  de  Humboldt,  Essai  sur  les  limites  de  l'action 
de  l'État  (trad.  H.  Chrétien).  —  D.  Berardi,  Le  funzioni  del  Governo  nella  econoynia 
sjciale. 


(93)  ROLE    ET    FONCTIONS    DE    l'ÉTAT    :    ASSISTANCE  249 

b)  Interpréter  et  préciser  les  droits,  en  cas  d'indétermination,  par 
une  sage  législation.  Les  droits  du  père  de  famille,  de  propriété,  d'asso- 
ciation, etc.,  sont  des  droits  naturels  ;  mais  l'État  doit  en  régler  l'exercice 
d'après  le  principe  suivant  :  procurer  le  maximum  de  sécurité  avec  le 
minimum  d'entraves,  en  vue  du  bien  commun  ;  telle  est  la  règle  du  pouvoir 
législatif,  car  on  n'entre  pas  en  société  pour  perdre  ses  droits,  mais  pour 
en  assurer  l'exercice.  On  ne  consent  à  en  sacrifier  quelque  chose  que 
dans  la  mesure  où  ce  sacrifice  est  nécessaire  au  bon  fonctionnement 
de  la  société.  Si  des  parents  manquent  gravement  aux  devoirs  d'élever 
leurs  enfants,  en  les  brutalisant  ou  en  les  corrompant,  la  loi  les  prive 
de  la  puissance  paternelle.  Le  pouvoir  législatif  intervient  encore  pour 
régler  l'exercice  des  droits  de  propriété  :  achats,  ventes,  donations, 
successions,  'parce  que  la  nature  les  a  laissés  dans  un  état  plus  ou  moins 
grand  d'indétermination.  Le  pouvoir  de  l'État  en  pareille  matière  s'étend 
jusqu'à  V expropriation  pour  cause  d'utilité  publique  ;  mais  les  restric- 
tions, qu'il  apporte  au  droit  de  propriété,  doivent  toujours  avoir  pour 
principe  modérateur  le  bien  commun  et  se  réduire  au  strict  nécessaire. 

c)  Faire  respecter  la  morale  et  la  religion. 

B.  —  FONCTION  D'ASSISTANCE 

L'État    doit    ensuite    favoriser    les  intérêts  de  tous.   Mais  il  ne 

faut  pas  verser  dans  l'erreur  socialiste  et  faire  do  l'Etat  le  pourvoyeur 
attitré  des  citoyens  :  il  n'est  pas  chargé  de  les  élever,  nourrir,  soigner, 
enrichir.  C'est  la  théorie  de  l' État-providence.  Il  ne  faut  pas  aller  non 
plus  à  l'autre  extrême  et  borner  son  rôle  à  faire  respecter  la  justice  : 
c'est  la  théorie  de  l' État-gendarme.  La  vérité  est  dans  ce  juste  tempé- 
rament :  «  La  règle  de  l'État  n'est  pas  de  laisser  faire,  comme  le  sou- 
tiennent les  économistes  absolus  ;  mais  elle  n'est  pas  davantage  de 
faire  dans  le  sens  complet  du  mot  ;  elle  est,  suivant  une  formule  excel- 
lente de  M.  Baudrillart,  d'aider  faire  (^).  »  L'État  n'est  pas  l'agent 
général  du  progrès,  mais  il  en  doit  être  l'auxiliaire  et  le  promoteur. 
Son  rôle  consiste  à  placer  les  citoyens  dans  des  conditions  favorables 
à  leur  plein  développement,  en  leur  préparant  un  milieu  social  propice 
au  : 

1°  Perfectionnement  physique  :  il  aidera  au  progrès  des  intérêts 
matériels,  en  facilitant  la  circulation  de  la  richesse  par  la  construction 
de  routes,  le  creusement  de  ports  et  de  canaux,  l'établissement  de  postes 
et  de  télégraphes  ;  —  en  encourageant  l'agriculture,  le  commerce  et 


(')  E.  Beaussire,  Les  principes  du  droit,  L.  II,  Ch.  i,  §  X,  p.  100-101,  Paris,  Il 


250         ROLE   ET  FONCTIONS  DE   l'ÉTAT  :   LIMITES  ET  EMPIÉTEMENTS       (93) 


i 


l'industrie  par  des  concours  régionaux,  des  expositions  ;  —  en  ouvrant 
des  débouchés  par  la  fondation  de  colonies,  etc. 

2°    Perfectionnement  intellectuel  et  moral  :  l'État  y  contribuera  en  ^ 
favorisant,  dans  de  sages  limites,  l'instruction  publique  ;  —  en  ouvrant 
des  bibliothèques   et   des   musées  ;   —  en   subventionnant  les  œuvres 
moralisatrices  et  charitables  ;  —  en  déclarant  d'utilité  publique  cer 
taines  associations  bienfaisantes,  scientifiques,  etc. 

Telle  est  la  seconde  fonction  de  l'État  :  aider  à  la  prospérité  natio- 
nale ;  c'est  un  rôle  supplétif.  L'État  n'a  donc,  ni  en  principe  ni  en  fait, 
à  intervenir  là  où  l'initiative  privée  (c'est-à-dire  soit  individuelle,  soit 
collective  d'un  ou  plusieurs  groupes),  est  assez  efficace  pour  atteindre 
le  but.  Là  où  l'initiative  privée  est  :  languissante,  il  doit  la  stimuler  ; 
—  insuffisante,  la  compléter  ;  —  impuissante,  la  remplacer,  mais  en  se 
considérant  comme  un  «  substitut  provisoire  »  ;  —  suffisante,  V encou- 
rager. 

Comparaison  :  ces  deux  fonctions  de  l'État  sont  toutes  deux  essen- 
tielles. La  fonction  de  protection  est  la  fonction  primaire,  car  on  entre 
avant  tout  en  société  pour  jouir  en  paix  de  ses  droits  ;  elle  est  plus 
rigide,  moins  variable  que  l'autre.  La  fonction  d'assistance  est  secon- 
daire et  beaucoup  plus  élastique,  car  elle  dépend  de  l'état  de  l'activité 
privée  ;  ici  l'intervention  du  pouvoir  est  subordonnée  aux  circonstances 
changeantes  des  milieux  historiques  (^). 


§  II.  —  LIMITES  ET  EMPIÉTEMENTS  DE  UÉTAT 

I.  —  Limites  du  pouvoir  de  l'État  :  A)  11  ne  doit  s'occuper  direc- 
tement que  des  choses  nécessaires  au  bien  commun  de  la  société  :  armée, 
tribunaux,  police,  diplomatie,  certains  travaux  ou  services  d'utilité 
générale. 

B)  Il  n'a  aucun  pouvoir  direct  sur  les  droits,  biens,  besoins,  activités 
des  particuliers  :  individus,  familles,  associations.  Il  ne  s'occupe  des 
particuliers  {]u'en  tant  qu'ils  sont  membres  du  corps  social  et  quand 
cette  immixtion  est  nécessaire  au  bien  public.  Son  autorité  a  donc  pour 
bornes  les  droits  naturels  et  antérieurs  des  citoyens  associés,  et  les 
restrictions  qu'elle  imj)ose  doivent  avoir  pour  principe  régulateur  le 
bien  social. 

C)  Il  n'a  pas  le  droit  de  tout  l'aire  par  lui-même  ;  mais  il  doit  a'efïacer 
devant  rinitiativ(>  [trivée,  quand  elle  est  .suffisante. 

II.  —  Empiétements  :  l'État  moderne  a  la  tendance  trop  naturelle 


( ')  Cf.  G.  SoHT.vi.i,  Les  fondions  de  l'Klat,  dans  Études  philosophiques,  p.  66-71. 


(93)        ROLE    ET   FONCTIONS   DE    l'ÉTAT   :    LIMITES    ET    EMPIÉTEMENTS        251 

à  élargir  ses  attributions  aux  dépens  de  la  liberté  individuelle,  sous 
le  prétexte  de  mieux  réaliser  V  unité,  élément  de  beauté  et  de  force 
sociales. 

Critique  :  par  ce  moyen  on  n'aboutit  pas  à  l'unité,  mais  à  Vuni- 
formité  et  à  un  nivellement  égalitaire.  Or  la  loi  de  l'État,  comme  de  tout 
le  reste,  c'est  l'unité  dans  la  variété.  Les  moyens  employés  pour  satisfaire 
cette  tendance  absorbante  sont  (^)  : 

1»  La  Réglementation  poussée  à  outrance,  qui  enserre  la  liberté  dans 
un  réseau  de  prescriptions  minutieuses. 

2»    La  Centralisation  :  il  faut  distinguer  la  centralisation  : 

a)  Politique,  qui  concentre  dans  les  mains  de  l'autorité  centrale 
les  intérêts  généraux  ;  elle  est  nécessaire  à  la  société. 

h)  Administrative,  qui  rattache  les  affaires  d'intérêt  local  au  pouvoir 
central.  Cette  tendance  centralisatrice,  qui  s'accuse  sous  l'ancien  régime 
avec  Richelieu,  a  été  renforcée  par  la  Révolution  et  pleinement  orga- 
nisée par  Napoléon  I^^.  La  centralisation  est  le  plus  souple  instrument 
du  despotisme  ;  elle  a  été  acceptée,  depuis  1789,  par  tous  les  régimes. 
C'est  une  situation  anormale  dans  l'organisme  social.  Elle  entraîne 
l'hypertrophie  au  centre  et  la  paralysie  aux  extrémités  :  développement 
monstrueux  de  la  tête  et  mort  de  toute  initiative  dans  les  particuliers. 
Entre  l'État  qui  veut  tout  faire  et  les  individus  qui  se  déchargent  sur 
lui  de  toute  besogne  gênante,  il  n'y  a  plus  les  organes  intermédiaires, 
les  associations  corporatives,  ayant  droit  d'acquérir,  de  posséder  et 
d'ester  en  justice  :  c'est  la  plaie  de  l'individualisme  {^). 

30  Le  Fonctionnarisme  et  la  Bureaucratie,  conséquences  forcées 
d'une  centralisation  excessive.  Le  fonctionnarisme  c'est  l'ensemble 
du  personnel  actif  de  l'administration  centralisée.  Vivant  du  budget, 
les  fonctionnaires  sont  dans  une  dépendance  absolue  de  l'État  et  portés 
au  servilisme.  La  bureaucratie,  c'est  le  pouvoir  des  bureaux  ou  groupes 
d'agents  administratifs,  qui  expédient  le  détail  matériel  des  affaires. 
L'administration  de  l'État  est  une  machine  très  compliquée,  aux  rouages 
multipliés  à  l'excès,  qui  entravent  la  bonne  et  prompte  expédition  des 
affaires  ;  lourde,  lente,  coûteuse,  routinière,  impersonnelle,  elle  manque 
de  souplesse  et  d'initiative.  Elle  est  funeste  aux  gouvernés,  qu'elle 
tyrannise  et  qu'elle  supplante,  sans  avoir  comme  eux  le  stimulant  de 


(M  A.  Leroy-Beauliku,  Revue  des  Deux  Mondes,  1892,  T.  II,  p.  'J9.  —  Le  Play,  La 
réforme  sociale,  Ch.  lxiii. 

(  ')  L.-  Aucoc,  Les  Controverses  sur  la  Décentralisation  administrative.  Études  historiques, 
(ians  Mémoires  de  l'Académie  des  Sciences  morales  et  poliiifiues,  Sept.  1895,  T.  144,  p.  309- 
376.  —  LuçAY  (DE),  La  Décentralisation,  Bulletin  de  l'Institut  catholique  de  Paris, 
1895.  —  P.  Leroy-Beaulieu,  L'État  moderne  et  ses  fonctions,  L.  II,  Ch.  ii,  à  la  fin.  — . 
G.  Sortais,  Etudes  philosophiques  et  sociales  :  III.  Décentralisation  administr.vtive, 
p.  79  sqq. 


252       EXEMPLES  d'intervention  de  l'état  :  l'enseignement       (94) 

l'intérêt  personnel,  —  et  aux  gouvernants,  qu'elle  paralyse  par  sa 
routine  ou  compromet  en  leur  imposant,  irresponsable  elle-même,  la 
responsabilité  de  ses  agissements.  Aussi  de  tous  côtés  réclame-t-on  la 
décentralisation  pour  limiter  l'omnipotence  de  l'État. 


94.  —  EXEMPLES  D'INTERVENTION  DE  L'ETAT 

Pour  concréter  la  doctrine  contenue  dans  le  §  93  sur  les  Fonctions 
de  l'État,  montrons  dans  quelle  mesure  il  peut  intervenir  dans  V Ensei- 
gnement^ la  Bienfaisance  et  le  Travail. 

§  1.  —  L'ENSEIGNEMENT  (i). 

Trois  sociétés  font  valoir  des  titres  à  diriger  l'instruction  et  l'édu- 
cation de  l'enfant  :  la  société  domestique,  la  société  religieuse  et  la  société 
civile.  Examinons  la  part  qui,  dans  cette  tâche,  revient  normalement 
à  chacun  des  prétendants  : 

A)  La  famille  et  l'enfant.  —  Les  parents  sont  les  auteurs  de 
l'enfant  :  «  Le  fils  est  par  nature  quelque  chose  du  père.  Filius  enim 
natiiraliter  est  aliquid  patris  (^)  ».  «  Il  est  en  quelque  sorte  un  prolon- 
gement de  sa  personne  (^)  ».  Le  droit  des  parents,  leur  autorité  {jus 
aiidoritatis)  a  donc,  comme  l'étymologie  elle-même  l'indique  [auctoritaSy 
de  auctor,  qui  donne  accroissement),  le  fondement  le  plus  solide  :  «  il 
prend  sa  source  là  où  la  vie  prend  la  sienne  (*)  ».  Or  n'est-ce  pas  im 
principe  évident  que  l'effet  dépend  de  la  cause  qui  le  produit,  puisqu'il 
tient  d'elle  son  existence  ?  Conséquemment,  si  l'effet  ne  reçoit  pas,  de 
prime  abord,  toute  sa  perfection,  c'est  à  celui  qui  donne  l'être  qu'in- 


(>)  MoNTALEMBERT,  Liberté  d'enseignement.  —  E.  Lavisse,  Questions  d'enseignement 
national.  —  Brunetière,  Éducation  et  Instruction,  dans  Questions  actuelles.  —  J.  Rocafort, 
L'éducation  morale  au  Lycée.  L'unité  morale  et  l'Université.  —  F.-X.  Godts,  Les  droits  en 
matière  d'éducation.  —  J.  Burnichon,  La  liberté  d'enseignement  :  Cinquante  ans  après. 
L'État  et  ses  rivaux  dans  l'enseignement  secondaire.  —  G.  Lebon,  Psychologie  de  l'éducation, 
L.  I  et  III.  —  L.  Taparelli,  Examen  critique  des  Gouvernements  représentatifs...,  Trad. 
PiCHOT,  T.  II,  Ch.  III.  —  A.-D.  Sertillanges,  La  Famille  et  l'État  dans  l'éducation.  — 
G.  Compayré,  L'éducation  intellectuelle  et  morale.  —  B.  Gaudeau,  Critique  philosophique 
et  théologique  de  la  neutralité  scolaire.  —  Mgr  Baudrillart,  L'enseignement  catholique  dans 
la  France  contemporaine.  —  Mgr  Chollet,  Nos  enfants.  —  P.  Vigne,  Le  droit  naturel  et 
le  droit  chrétien  dans  l'éducation.  —  Les  Écoles.  Documents  du  Saint-Siège.  (Texte  et  Tra- 
duction publiés  par  Mgr  Nègre).  —  A.  Mascarel,  Les  Questions  scolaires.  Principes  et 
Solutions.  —  A.  Bessières,  Pour  la  justice  scolaire.  II.  P.  S. 

(  =)  S.  Thomas,  Summa  theologica,  II»  II»",  Q.  X,  Art.  XII,  in  corp.,  §  Alia  vero. 

(*■*)  LÉON  XIII,  Encycl.  Rerum  novarum,  §  Vellc  igitur  et  §  Jure  vero,  dans  Lettres 
apostoliques  de  S.  S.  Léon  Xlll,  Édit.  de  la  Bonne  Presse,  T.  III,  p.  28  et  p.  26. 


(94)        EXEMPLES  d'intervention  DE  l'état  :  l'enseignement      253 

combe  l'obligation  de  le  perfectionner.  Les  parents  ont  donc  le  devoir 
strict  de  développer  la  vie  imparfaite  qu'ils  ont  communiquée  à  l'enfant. 
Autrement,  la  fin  principale  du  mariage,  qui  est  la  propagation  de 
l'espèce,  ne  pourrait  être  atteinte.  Sans  doute,  pour  achever  la  tâche 
commencée,  surtout  pour  compléter  l'instruction,  les  loisirs  et  la  science 
manquent  à  la  plupart  des  parents.  D'où  la  nécessité  d'écoles  et  de 
maîtres  auxquels  les  parents  puissent,  en  toute  sécurité,  déléguer  leur 
autorité.  De  là  aussi  le  droit  absolu  des  parents  de  contrôler  un  ensei- 
gnement qui  est  donné  en  leur  nom  et  à  leur  place. 

B)  L'Église  et  l'enfant.  —  L'Église  catholique  est,  dans  l'ordre 
surnaturel,  ce  que  la  Famille  est  dans  l'ordre  naturel.  L'Église  aussi  est 
mère  :  elle  enfante  les  âmes  à  la  vie  de  la  grâce  par  le  baptême  ;  elle  a  donc 
autorité  sur  tous  les  baptisés.  A  elle,  par  conséquent,  revient  la  charge 
de  leur  éducation  religieuse  :  ce  sont  ses  enfants.  Voilà  le  titre  indis- 
cutable de  ses  droits  : 

1°  L'Église  a  un  pouvoir  direct  sur  la  formation  surnaturelle  des 
baptisés.  C'est  la  mission  que  son  divin  Fondateur  lui  a  donnée  :  «  Allez 
donc,  dit-il  à  ses  Apôtres  et,  en  leur  personne,  à  leurs  successeurs,  et 
enseignez  toutes  les  nations,  les  baptisant  au  nom  du  Père,  du  Fils 
et  du  Saint-Esprit,  leur  apprenant  à  observer  tous  les  préceptes  que  je 
vous  ai  donnés  ;  et  voici  que  je  suis  avec  vous,  tous  les  jours,  jusqu'à 
la  consommation  des  siècles  (^).  »  n 

2°  U Église  a  un  pouvoir  indirect  sur  la  formation  naturelle  des 
baptisés.  En  chargeant  l'Église  d'instruire  toutes  les  nations,  Jésus-Christ 
lui  a  imposé  de  conserver  intact  le  dépôt  doctrinal  qu'il  lui  a  confié, 
et  conséquemment  de  le  défendre  contre  toutes  les  attaques  et  défor- 
mations. De  là  dérivent  pour  l'ÉgHse  le  devoir  et  le  droit  de  surveiller 
l'enseignement  tout  entier,  afin  d'en  bannir  ce  qui  serait  de  nature  à 
blesser  la  pureté  de  la  foi  ou  des  mœurs.  Ce  droit  de  surveillance  est 
d'ailleurs  indirect,  car  il  ne  concerne  que  les  questions  mixtes,  c'est-à-dire 
celles  où  l'élément  religieux  et  l'élément  profane  se  trouvent  mêlés. 
Si  l'objet  formel  de  ce  droit  est  restreint  aux  points  précis  où  la  religion 
est  engagée,  son  extension  est,  au  contraire,  très  ample  relativement 
à  l'objet  matériel,  car,  si  l'on  excepte  les  mathématiques  pures,  est-il 
une  science  qui,  par  quelque  côté,  ne  touche  à  la  religion  ? 

Du  double  pouvoir  qu'a  l'Église  de  donner  l'instruction  et  de  sur- 
veiller l'enseignement  à  tous  les  degrés,  résulte  le  droit  de  réclamer  des 
écoles  confessionnelles,  c'est-à-dire  propres  à  chaque  confession  religieuse. 
C'est  évidemment  le  moyen  le  plus  apte  à  préserver  la  foi  et  la  moralité 


(')  s.  Matthieu,  xxviir,  19-20. 


254       EXEMPLES  d'intervention  de  l'état  :  l'enseignement       (94) 

de  la  jeunesse  catholique.  Aussi  l'Église    a-t-elle    souvent    condamné 
les  écoles  neutres  (^). 

Il  faut  soigneusement  distinguer  entre  la  neutralité  scolaire  absolue 
et  la  neutralité  scolaire  relative.  Dans  aucune  hypothèse  l'Église  ne 
peut  accepter  ni  même  tolérer  la  première,  parce  qu'elle  consiste  à 
exclure  de  l'école  tout  enseignement  religieux,  même  d'ordre  naturel, 
ce  qui,  pratiquement,  est  méconnaître  et  supprimer  Dieu.  Une  pareille 
attitude  est  absolument  immorale  et  injurieuse  à  Dieu.  L'Église  ne 
peut  donc  admettre  la  neutralité  absolue,  ou,  comme  l'on  dit  actuel- 
lement, areligieuse,  puisqu'elle  est  une  violation  outrageante  des  droits 
divins  et  la  méconnaissance  scandaleuse  du  devoir  qu'a  toute  société 
d'honorer  Dieu  publiquement    {^). 

Mais  il  est  des  circonstances  où  l'Église  peut  tolérer  la  neutralité 
scolaire  relative.  C'est  le  cas  dans  un  pays  profondément  divisé  au  point 
de  vue  des  croyances.  Ainsi,  en  France,  dans  les  communes,  oîi,  à  défaut 
d'écoles  libres,  les  écoles  officielles  sont  fréquentées  par  des  enfants 
appartenant  à  des  cultes  différents,  la  neutralité  confessionnelle  s'impose, 
c'est-à-dire  que  les  maîtres  doivent  s'abstenir  sur  les  points  de  doctrine 
qui  opposent  entre  elles  deux  ou  plusieurs  confessions.  Mais  un  temps: 
convenable  doit  être  réservé  à  l'instruction  religieuse,  et  les  ministres 
des  différents  cultes  doivent  avoir  libre  accès  à  l'école  publique  pour  y^ 
faire  à  leurs  fidèles  un  cours  de  religion  approprié.  En  outre,  l'ensei- 
gnement commun  donné  par  le  maître  doit  être  conforme  aux  principes 
de  la  religion  naturelle  et  de  la  philosophie  spiritualiste  qui  sont  la  base 
indispensable  de  l'édifice  social.  Ces  principes  fondamentaux  sont 
l'existence  d'un  Dieu  personnel,  infiniment  parfait,  la  liberté  et  l'immor- 
talité de  l'âme,  les  sanctions  de  la  vie  future. 

C)  L'État  et  l'enfant.  —  L'État  peut  avoir  trois  attitudes  à 
l'égard  de  l'enseignement  :  il  enseigne  seul  :  c'est  le  monopole  ;  il  n'en- 
seigne pas,  c'est  V abstention  ;  il  enseigne  en  même  temps  que  les  parti- 
culiers, c'est  la  concurrence.  De  ces  trois  attitudes,  la  première  est  illé- 
gitime ;  la  seconde  est  légitime  ;  la  troisième  peut  être  légitimée  à  raison 
des  circonstances. 

1°  Illégitimité  du  monopole.  —  a)  L'État  ne  peut,  comme  la  Famille 
et  l'Église,  exhiber  un  titre  indiscutable  au  rôle  d'éducateur,  celui 
d'auteur  de  la  vie  de  l'enfant. 


I 


(  ')  Voir,  par  exemple,  Lettres  Encycliques  de  Léon  XIII  :  aux  évêques  français,  Nobi- 
lissima  Gallorum  gens  (8  févr.  1884);  aux  évêques  bavarois,  Officio  sanclissimo  (22  déc.  1887); 
aux  évoques  polonais.  Le  témoignage  particulier  (19  mars  1894)  ;  aux  évoques  canadiens,] 
Affari  nos  (8  déc.  1897). 

(*)  M.  D'IIuLST,  Conférences  de  Notre-Dame,  1895,  3«  Confér.,  p.  74-75. 


(94)        EXEMPLES  d'intervention  DE  l'état  :  l'enseignement      255 

b)  La  famille  est,  logiquement  et  en  fait,  antérieure  à  la  société 
civile  et  politique,  puisque  celle-ci  n'est,  en  définitive,  qu'une  réunion 
de  familles  associées  pour  la  sauvegarde  de  leurs  droits  naturels.  L'enfant 
appartient  donc  à  la  famille  et  non  à  l'État,  comme  le  veut  la  doctrine 
révolutionnaire  de  Danton,  renouvelée  du  paganisme.  C'est  pourquoi 
le  monopole  serait  la  confiscation  du  droit  naturel  qu'ont  les  parents 
d'élever  leurs  enfants. 

Objection  :  l'État  est  l'auteur  de  la  vie  sociale  et,  comme  tel,  il  a  des 
revendications  à  faire  valoir  comme  la  Famille  et  l'Église.  —  Cette 
objection  repose  sur  une  équivoque.  La  vie  sociale  et  l'État,  qui  est 
l'un  de  ses  organes,  sont  l'œuvre  de  la  communauté  qui  leur  est  anté- 
rieure, puisqu'ils  résultent  de  la  ratification,  le  plus  souvent  implicite, 
de  telle  ou  telle  forme  de  gouvernement  par  des  groupes  de  familles, 
que  des  traditions  antécédentes  ou  des  circonstances  imprévues  ont 
rapprochées.  Ce  qui  est  vrai,  c'est  que  l'enfant  étant  un  citoyen  futur, 
l'État  est  intéressé  à  sa  formation.  On  verra  tout  à  l'heure  la  part 
d'influence  qui,  à  ce  titre,  revient  légitimement  à  l'État  (§  D). 

c)  La  mission  d'instruire  et  d'élever  la  jeunesse  ne  rentre  pas  dans 
les  attributions  normales  de  l'État.  Nous  l'avons  montré  (93,  §  I), 
son  rôle  essentiel  et  primaire  consiste  à  garantir,  au  besoin  par  la  force, 
la  sécurité  des  citoyens,  tant  à  l'intérieur  qu'à  l'extérieur,  afin  qu'ils 
puissent  exercer  en  paix  tous  leurs  droits.  Son  rôle,  essentiel  aussi, 
mais  secondaire  et  variable  dans  ses  applications  d'après  les  circon- 
stances changeantes  de  temps  et  de  pays,  c'est  de  promouvoir  la  pros- 
périté publique,  non  pas  directement  par  lui-même,  mais  en  mettant 
les  familles  et  les  associations  dans  des  conditions  qui  facilitent  leur 
progrès  physique,  intellectuel  et  moral.  En  remplissant  cette  double 
fonction,  l'État  poursuit  la  fin  qui  lui  est  propre,  une  fin  sociale,  qui  vise 
le  bien  commun  des  associés.  L'éducation,  au  contraire,  ayant  pour 
but  la  formation  des  individus,  tend  à  leur  procurer  un  bien  personnel. 
Or  l'État  n'est  pas  chargé  de  procurer  à  ses  sujets  ce  qui  est  leur  bien 
particulier.  —  L'État,  d'ailleurs,  n'étant  pas  une  autorité  doctrinale, 
comment  pourrait-il  revendiquer  pour  lui  une  mission  enseignante  ?  (^) 

d)  Enfin,  des  arguments  de  fait  militent  aussi  contre  le  monopole 
de  l'État.  En  matière  d'instruction,  plus  encore  que  dans  les  autres 
branches  de  l'administration,  le  système  centralisateur  est  détestable 
(M.':!,  §  II,  II,  20).  Privé  du  stimulant  énergique  de  l'émulation,  l'État 
enseignant  tombe  dans  la  somnolence  ;  puis,  quand  le  vice  du  système 
apparaît  trop  criant,  il  se  met,  pour  y  remédier,  à  bouleverser  brus- 


(M  Cf.  (i.  Sortais,  Les  droits  de  l'enfant,  dans  La  Crise  du  Libéralisme  et  la  Liberté 
d'Enseignement,  Ch.  vi,  p    Q'j-QS. 


256       EXEMPLES  d'i>tervention  de  l'état  :  l'enseignement       (94) 

quement  méthodes  et  programmes,  ce  qui  achève  de  compromettre 
le  progrès  des  études.  Aussi  a-t-on  pu  dire,  l'histoire  en  main,  qu'il 
oscille  «  entre  la  routine  prolongée  des  méthodes  et  leur  soudain  et 
radical  changement  »  (^).  Les  expériences  lamentables  auxquelles, 
depuis  cinquante  ans,  l'enseignement  officiel  s'est  livré  en  France,  ont 
surabondamment  prouvé  l'incompétence  pédagogique  de  l'État  {^). 
Concluons  donc  avec  Emile  Faguet  que  l'État  ne  doit  pas  se  mêler  des 
choses  d'enseignement,  «  parce  qu'il  n'est  ni  un  professeur,  ni  un  philo- 
sophe, ni  un  père  de  famille  »,  et  aussi  «  parce  que,  quand  il  s'en  mêle, 
il  est  le  plus  souvent  très  maladroit  et  assez  souvent  ridicule  »  (^). 

2°  Légitimité  de  l'abstention.  —  L'État  doit  s'abstenir  d'enseigner  : 
voilà  l'attitude  normale.  C'est  la  conchision  logique  de  ce  qui  précède. 
Les  parents  commencent  l'éducation  de  leurs  enfants  ;  mais,  faute  de 
temps  et  de  compétence,  la  plupart  ne  peuvent  la  conduire  à  terme. 
Alors  ils  délèguent  leur  autorité  à  des  personnes  ayant  leur  confiance, 
afin  qu'elles  achèvent  l'oeuvre  ébauchée  piar  eux.  Quelques-uns  sont 
assez  riches  pour  avoir  un  précepteur  à  domicile  ;  les  autres  sont  contraints 
de  recourir  à  des  maîtres  du  dehors.  L'État  n'étant  pas  fait  pour  ensei- 
gner, il  appartient  à  l'initiative  privée  de  pourvoir  à  ce  service.  C'est 
donc  aux  particuliers  et  aux  associations,  soit  laïques,  soit  ecclésiastiques, 
formées  librement,  que  revient  la  charge  d'offrir  aux  familles  leurs 
écoles,  collèges  et  universités,  c'est-à-dire  l'enseignement  à  tous  les 
degrés,  primaire,  secondaire  et  supérieur,  sous  la  garantie  de  leur  hono- 
rabilité, dont  ils  auront  fourni  des  gages,  et  sous  la  surveillance  des 
pouvoirs  publics,  dont  nous  déterminerons  plus  loin  l'étendue  (D). 

Cette  situation  comporte  naturellement  la  liberté  des  programmes 
et  des  méthodes,  ainsi  que  la  faculté,  pour  le  directeur  de  chaque  éta- 
blissement, de  recruter,  sous  sa  responsabilité  personnelle,  des  auxi- 
liaires appropriés.  Enfin,  les  divers  établissements  ont  le  droit  de  faire 
passer  les  examens  et  de  délivrer  des  certificats  ou  des  diplômes  en 
rapport  avec  leur  propre  enseignement.  Les  maisons  concurrentes 
seraient  les  premières  intéressées  à  fournir  une  instruction  solide  et 
à  conférer  des  grades  mérités,  car  promptement,  à  l'expérience,  une 
sélection  s'opérerait  entre  les  universités,  collèges  et  écoles  en  rivalité. 


(M  P.  Leroy-Beauliku,  L'Étal  moderne  el  ses  fonctions,  L.  V,  Ch.  m,  p.  271-272, 
Paris,  1891  «. 

(')  Cf.  G.  Sortais,  Les  Droits  de  l'enfant,  Loco  citaio,  p.  99-104.  —  G.  de  Lamarzelle, 
La  crise  universitaire,  d'après  l'enquête  de  la  Chambre  des  Députés,  Paris,  1900.  On  a  procédé 
alors  à  une  complète  refonte  de  l'enseignement  secondaire.  A  l'usage,  cette  réforme  a  donné 
des  résultats  déplorables.  Aussi  le  ministre  actuel  (1922)  de  l'Instruction  publique,  M.  Léon 
BÉRARD,  élabore  un  nouveau  projet,  de  réforme. 

(')  Em .  Faguet,  Le  Libéralisme,  Ch,  xi,  p.  161-162. 


J 


(94)        EXEMPLES  d'intervention  DE  l'état  :  l'enseignement       257 

et  la  confiance  des  familles,  qui,  d'ordinaire,  ne  se  place  qu'à  bon  escient, 
irait  aux  établissements  ayant  fait  leurs  preuves. 

30  Légitimation  de  la  concurrence.  —  La  troisième  et  dernière  hypo- 
thèse est  celle  de  l'État  qui  enseigne  concurremment  avec  les  parti- 
cuhers.  En  soi,  cette  attitude  est  anormale,  puisque,  on  vient  de  le  voir, 
l'État  doit  s'abstenir.  Mais  il  est  des  circonstances  où  l'intervention 
de  l'État  peut  devenir  nécessaire.  C'est  un  pis-aller  provisoire.  Là  où 
l'initiative  privée  (individuelle  ou  collective)  est  impuissante,  l'État 
doit  la  remplacer  ;  là  où  elle  se  montre  insuffisante,  il  doit  la  compléter. 
Partout  où  cette  initiative  suffit  à  la  tâche,  l'État  n'a  point  à  s'en  mêler, 
car  l'homme  n'entre  en  société  que  pour  assurer  l'exercice  de  ses  droits 
naturels,  et  il  ne  doit  consentir  à  leur  limitation  que  dans  la  mesure  où 
ce  sacrifice  est  réclamé  pour  le  bon  fonctionnement  de  la  société,  dont 
profitent  tous  ses  membres.  Le  rôle  de  l'État  par  rapport  au  bien  à  faire 
est  donc  supplétif.  Il  n'est  pas,  par  destination,  l'agent  direct  du  pro- 
grès, mais  seulement  son  auxiliaire.  Cependant  son  intervention  directe 
devient  légitime,  quand  ceux  qui  doivent  remplir  un  service  néces- 
saire en  sont  incapables  ou  empêchés.  Alors,  par  la  force  même  des 
choses,  l'État  est  substitué  à  l'agent  naturel  :  l'individu,  la  famille  ou 
les  associations.  Il  devient  agent  accidentel,  «  substitut  provisoire  », 
qui  devra  donner  sa  démission,  dès  que  les  circonstances  nécessitant 
son  immixtion  passagère  auront  disparu.  Ce  qui  faisait  dire  à  Jules 
Simon,  parlant  au  Congrès  des  sciences  sociales  à  Gand  :  '(  L'État 
enseignant  doit  préparer  son  abdication.   » 

Si  donc  il  arrive  que,  dans  un  pays,  les  particuliers  et  les  associations 
soient  dans  l'impossibilité  d'assurer  le  service  scolaire,  le  gouvernement 
peut  et  doit  procurer  aux  citoyens  les  ressources  qui  leur  manquent 
pour  l'instruction  de  leurs  enfants. 

Ces  écoles  officielles,  fondées  pour  combler  les  lacunes  de  l'initiative 
privée,  ne  doivent  pas  être  avantagées,  mais  traitées  sur  le  pied  des 
écoles  libres.  La  justice  distributive  exige,  en  effet,  que  les  subventions, 
alimentées  par  l'argent  des  contribuables,  soient  équitablement  répar- 
ties, entre  les  divers  établissements,  d'après  le  nombre  des  élèves  qui 
les  fréquentent.  Autrement  les  citoyens,  dont  les  préférences  sont  pour 
l'enseignement  libre,  seraient  injustement  grevés  d'une  charge  onéreuse, 
payant  deux  fois,  d'abord  pour  faire  élever  leurs  enfants  à  leur  gré, 
ensuite  pour  l'instruction  de  ceux  qui  vont  aux  écoles  de  l'État.  «  C'est 
comme  si  de  Paris  à  Bordeaux,  il  y  avait  deux  chemins  de  fer,  l'un 
par  Chartres,  l'autre  par  Orléans,  exploités  par  deux  Compagnies 
différentes,  et  que  j'eusse  le  droit  de  me  rendre  à  Bordeaux  par  Orléans, 
mais  à  la  condition  de  payer  ma  place  à  la  Compagnie  d'Orléans  et 
aussi  à  la  Compagnie  de  Chartres.  Dans  ce  cas,  la  Compagnie  de  Chartres 
ne  ferait  pas  autre  chose  que  lever  sur  moi  un  impôt,  sans  aucune  espèce 


I 


TRAITE   DE    PHILOSOPHIE.   —    T.    II.   9. 


258       EXEMPLES  d'interventiok  de  l'état  :  l'enseignement       (94) 

de  droit  et  de  raison  {^).  '■>  En  faisant  payer  ses  professeurs  par  les  parents 
qui  en  payent  déjà  d'autres  qu'ils  ont  le  droit  de  préférer,  comme  il 
leur  est  loisible  d'aller  à  Bordeaux  par  Orléans  ou  par  Chartres,  l'Etat 
commet  donc  une  flagrante  injustice. 

D)  Droits  de  l'État.  —  Us  sont  limités  par  la  nature  même  de 
sa  mission  qui  doit  se  borner,  on  l'a  établi  (93,  §  I),  à  sauvegarder  la 
justice  et  à  aider  les  particuliers  dans  la  poursuite  du  progrès.  En 
d'autres  termes,  il  est  d'abord  le  protecteur  du  droit  ;  ensuite,  non  pas 
l'agent  direct,  mais  l'auxiliaire  du  progrés.  C'est  pourquoi,  sans  lui 
accorder  le  pouvoir  d'inspecter  l'enseignement  des  écoles  libres, 'qui  par 
le  fait  même  cesseraient  de  l'être,  il  faut  lui  reconnaître,  là  comme 
ailleurs,  le  droit  de  haute  police  :  que  les  lois  constitutionnelles  ne  soient 
pas  attaquées  par  les  maîtres,  que  la  morale  publique  ne  soit  pas  outragée, 
que  l'ordre  social  ne  soit  pas  troublé,  que  les  règles  essentielles  de  l'hy- 
giène ne  soient  pas  transgressées,  l'État  a  le  droit  de  veiller  à  tout  cela. 
Mais,  avant  de  pénétrer  dans  les  établissements  libres,  comme  avant 
de  forcer  la  clôture  de  la  vie  privée,  le  gouvernement  doit  avoir,  non  de 
simples  présomptions,  mais  un  commencement  de  preuve,  car  c'est 
un  principe  fondamental  du  droit  naturel,  consacré  par  les  législationsj 
civiles,   que    «  personne  n'est  présumé  mauvais    >-.  Nemo  prœsumitur 

malus. 

S'il  est  vrai  que  l'autorité  paternelle  ne  doit  pas  être  absorbée  par 
le  pouvoir  civil,  il  est  certain  aussi  qu'elle  n'est  pas  absolue.  L'enfant 
n'est  pas  la  chose  des  parents  ;  c'est  une  personne  morale  en  puissance, 
qu'il  s'agit  de  faire  passer  en  acte.  L'enfant  a  droit  à  l'éducation. 

Les  parents  sont  donc  coupables  s'ils  maltraitent  leurs  enfants, 
s'ils  les  élèvent  mal  ou  ne  les  élèvent  pas  du  tout,  parce  qu'ils  ont  le 
devoir  d'entretenir  leur  vie  physique  et  de  les  corriger,  quand  c'est 
nécessaire,  avec  fermeté,  sans  doute,  mais  une  fermeté  dont  la  bonté 
ne  soit  jamais  absente.  Aussi,  en  cas  de  mauvais  traitements  et  de 
sévices,  présumés  sur  des  indices  sûrs,  la  police  doit  enquêter  et,  si  les 
faits  sont  avérés,  la  magistrature  doit  punir  les  délinquants  ;  elle  peut 
même,  s'ils  se  sont  montrés  cruels,  les  déclarer  déchus  de  la  puissance 
paternelle  ou  maternelle. 

Ensuite,  les  parents  sont  tenus  de  développer  la  vie  intellectuelle 
et  morale  de  leurs  enfants,  en  leur  procurant  une  éducation  propor- 
tionnée aux  ressources  et  à  la  condition  de  la  famille.  C'est  pourquoi, 
s'ils  faillissent  gravement  à  leur  tâche,  l'État,  tuteur  civil,  doit  inter- 
venir pour  ramener  au  devoir  ces  tuteurs  naturels  de  l'enfance  et  leur 
subroger,  au  besoin,  dans  leur  fonction  éducatrice,  un  autre  membre 


1 


(')  ÉM.  Faguet,  Le  Libéralisme,  Ch.  xi,  p.  134. 


(94)        EXEMPLES  d'intervention  DE  l'état  :  l'enseignement      259 

de  la  famille.  Mais,  ici  encore,  pour  préserver  le  foyer  domestique  d'in- 
trusions policières  intempestives,  faut-il  que  le  délit  soit  notoire  ou 
prudemment  présumable  (^).  Bref,  si  des  parents  dénaturés  sont  assez 
durs  pour  refuser  le  nécessaire  à  leurs  enfants,  le  pouvoir  civil  doit 
intervenir  {^). 

E)  Critique  de  la  formule  :  Instruction  gratuite,  laïque  et  obligatoire  ; 

i^  Gratuite  :  chose  bonne  en  soi,  d'invention  chrétienne,  pratiquée 
par  l'Église  dans  ses  Écoles  des  cathédrales  et  des  monastères,  dans  ses 
Universités.  Mais  il  faut  la  pratiquer  avec  intelligence  et  impartialité, 
ne  pas  donner  l'instruction  gratuite  à  ceux  qui  peuvent  la  payer. 

2»  Laïque  :  d'après  le  commentaire  que  les  faits  ont  donné  à  ce  mot, 
il  veut  dire  que  l'instruction  doit  bannir  systématiquement  la  pensée 
et  la  connaissance  de  Dieu.  On  couvre  cette  abstention  du  masque  de 
la  neutralité.  Vis-à-vis  de  Dieu,  la  neutralité  prescrite  par  l'État  est  déjà 
un  crime  de  lèse-majesté  divine.  C'est  d'ailleurs  un  nom  hypocrite, 
car  la  neutralité  n'est  pas  tenable  en  pareille  matière  (^)  ;  aussi  a-t-elle 
souvent  dégénéré  en  hostilité  ou  athéisme  (^). 

3°  Obligatoire  :  ici  se  pose  une  question  délicate  :  l'instruction 
primaire  rentre-t-elle  dans  ce  nécessaire  dont  les  parents  ne  peuvent 
priver  leurs  descendants  ? 

II  peut  exister  des  époques  où  l'instruction  primaire  ne  soit  pas,  pour 
telle  catégorie  d'enfants,  un  viatique  indispensable  pour  faire,  comme 
on  dit,  convenablement  leur  chemin.  Dans  cette  hypothèse,  il  n'y  a 
pas  de  motif  de  rendre  l'instruction  obligatoire,  au  moins  d'une  façon 
générale. 

Mais,  de  nos  jours,  la  réponse  doit  être  affirmative,  car  celui  qui  n'a 
pas  reçu  une  instruction  élémentaire,  se  trouve,  vis-à-vis  des  autres, 
dans  une  infériorité  manifeste  qui  le  rend  incapable  de  soutenir  avan- 
tageusement la  lutte  pour  la  vie.  Dans  ces  conditions,  l'État  a  le  droit 
de    décréter    l'instruction     obligatoire,    pourvu,    évidemment,    que    la 


(')   Cf.  Taparelli,  Essai  théorique  de  Droit  naturel,  L.  IV,  Ch.  iv,  n.  919. 

(  -)  «  S'il  existe  quelque  part  un  foyer  domestique  qui  soit  le  théâtre  de  graves  violations 
de  droits  mutuels,  que  le  pouvoir  public  y  rende  son  droit  à  chacun.  "  (Léon  XIII,  Encycl. 
Rerum  7iouarum,  S  Velle  igilur.  Edit.  cilata,  T.  IV,  p.  28). 

(')  Voir  des  témoignages  non  suspects  dans  Dictionnaire  apologétique,  T.  I,  col.  925- 
926,  et  La  Crise  du  Libéralisme...,  Ch.  vi,  p.  96  et  note  1. 

(  *)  «  On  peut  donc  affirmer  sans  exagération  que,  depuis  1882,  l'école  laïque  publique 
est,  à  peu  de  chose  près,  l'école  sans  Dieu.  »  (E.  Devinât,  directeur  de  l'École  normale 
du  Rhône,  membre  du  Conseil  supérieur  de  l'Instruction  publique,  dans  Revue  de  l'Ensei- 
gnement PRIMAIRE,  25  oct.  1894,  p.  26).  Cf.  Et.  Lamy,  La  Femme  de  demain,  P.  III,  §  v, 
p.  250-254,  Paris,  1903». 


260       EXEMPLES  d'intervention  DE  l'état  :  l'enseignement       (94) 

laïcité  ne  le  soit  pas,  mais  que  les  parents  aient  toute  liberté  pour  le 
choix  des  maîtres  (^). 

Fondement  de  ce  droit.  —  Les  partisans  de  l'obligation  soutiennent 
communément  que  l'État  a  droit  d'imposer  l'instruction  à  tous,  parce 
que,  d'une  part,  les  enfants  étant  de  futurs  citoyens,  et,  d'autre  part, 
étant  donnée  la  diffusion  actuelle  des  connaissances  élémentaires,  il  a 
intérêt  à  ce  que  ces  futurs  membres  de  la  cité  y  entrent  suffisamment 
instruits. 

A  cette  assertion,  il  faut  répondre  que  l'intérêt  même  général  n'est 
pas  plus  la  source  du  droit  qu'il  ne  l'est  du  devoir  (25,  B,  III).  Toutes 
les  injustices  et  toutes  les  tyrannies  se  sont  abritées  derrière  cette 
maxime  de  l'utilité  publique.  En  s'appuyant  sur  une  formule  aussi 
équivoque,  quelles  intrusions  tyranniques  ne  pourrait-on  justifier? 
Par  exemple,  la  prospérité  d'un  pays  est  singulièrement  intéressée  à 
ce  que  la  race  se  maintienne  saine  et  robuste.  Dès  lors,  l'État  aurait  le 
droit  d'édicter  des  règlements  pour  obtenir,  par  voie  de  sélection  entre 
les  époux,  une  descendance  robuste  et  nombreuse  ;  il  pourrait  prescrire 
certaines  mesures  relatives  à  la  nourriture,  etc.  Sur  tous  ces  points, 
des  conseils  sont  de  mise  ;  mais  qui  voudrait  subir  des  lois  matrimo- 
niales et  somptuaires  ?  Un  très  grand  nombre  de  citoyens  sont  inté- 
ressés à  une  répartition  plus  égale  de  la  richesse.  L'État  serait,  en  consé- 
quence, autorisé  à  établir  le  collectivisme  ou  même  le  communisme. 
On  voit  où  mène  le  principe  invoqué. 

La  légitimité  de  la  loi,  qui  rend  l'instruction  obligatoire,  ne  vient 
donc  pas  de  l'utilité  que  la  société  en  peut  retirer.  Non  ;  mais,  comme 
actuellement  l'instruction  primaire  rentre  manifestement  dans  le  néces- 
saire que  les  parents  doivent  fournir  à  leurs  enfants,  l'État  prenant 
acte  de  cette  obligation  naturelle,  y  surajoute  une  prescription  légale 
et,  en  cas  de  négligence  coupable  de  la  part  des  familles,  en  urge  l'accom- 
plissement (^). 

Remarque  :  on  commence  à  reconnaître  que  la  loi  sur  l'instruction 
gratuite,  laïque  et  cbligatoire  a  porté  de  mauvais  fruits.  La  morale 
sans  Dieu  a  augmenté  le  nombre  des  gens  sans  conscience  (accroissement 
des  crimes  et  des  suicides  chez  les  adolescents)  ;  —  la  diffusion  inconsi- 
dérée de  l'instruction  a  dégoûté  du  travail  manuel  et  augmenté  les 
déclassés  qui,  ne  pouvant  trouver  de  places,  sont  prêts  à  toutes  les  révo- 
lutions.   Les    connaissances    répandues    par    l'enseignement    primaire 


r')  Cf.  A.  Castei.ein,  Droit  naluvel,  V,  Thôse  19,  p.  719  sqq.,  Paris,  1903  --  T.  Rothe, 
Traité  de  Droit  naturel,  T.  III,  n°  578. 

(»)  Sur  cette  (rueslion  de  l'enseignement,  cf.  G.  Sortais,  Les  Droitsde  l'Enfant,  dans 
La  Crise  du  Libéralisme,  Cir.  VI,  p.  83-117,  ou  dans  le  Dictionnaire  Apologétique..., 
d'Alès,  Instruction  de  la  Jeunesse,  T.  I,  col.  917  sqq. 


(94)       EXEMPLES  d'intervention  DE  l'état  :  l'enseignement     261 

ne  sont  pas  proportionnées  aux  besoins  de  ceux  qui  les  reçoivent  (^)  :  à  Ja 
fois  trop  nombreuses  et  superficielles,  elles  produisent  une  instruction 
frelatée,  qui  «  n'est,  selon  le  mot  de  J.-J.  Weiss,  qu'une  courbature  de 
cerveau  »  {^). 

F)  L'École  unique  (^).  —  On  parle  beaucoup  depuis  quelque 
temps  de  l'École  unique.  C'est  un  terme  équivoque,  qui  est  pris  dans 
des  sens  bien  différents.  Il  importe  de  les  définir  : 

1»  L'unification  de  l'enseignement  doit  s'étendre,  au  delà  des  fron- 
tières politiques,  par  la  communauté  des  programmes  et  des  méthodes  (*). 
Ses  partisans  réclament  l'école  internationale. 

Ce  projet  a  rencontré  peu  de  sympathie,  sans  doute  parce  qu'il  est 
chimérique,  oubliant  que  chaque  pays  a  sa  mentalité,  ses  aspirations, 
ses  traditions  propres,  qui  sont  plus  ou  moins  irréductibles. 

2»  Pour  d'autres,  l'École  unique  c'est  la  fusion,  dans  le  cycle  de 
l'enseignement  primaire,  de  l'école  publique  et  de  l'école  privée.  Ses 
partisans  prétendent  résoudre  le  conflit  scolaire  en  imposant  le  mono- 
pole universitaire.  Comme  compensation  à  la  suppression  de  l'école 
libre,  ils  demandent  que  le  prêtre  ait  la  faculté  de  rentrer  dans  l'école 
publique  pour  y  enseigner  le  catéchisme. 

Ce  projet  viole  un  droit  naturel,  la  liberté  d'enseignement. 

3°  Certains  veulent  qu'avant  d'être  admis  dans  l'enseignement 
secondaire  tous  les  enfants  de  France,  sans  distinction  de  fortune  ou 
d'éducation,  soient  réunis  sur  les  mêmes  bancs  de  l'école  primaire, 
et  instruits  par  des  maîtres  formés  de  la  même  façon.  L'école  primaire 
pourrait  d'ailleurs  être  officielle  ou  libre.  Cette  conception  de  l'École 
unique  suppose  une  triple  unité  :  unité  de  la  fréquentation  scolaire  qui 
produirait  l'unification  des  classes  sociales,  unité  de  l'enseignement 
proprement  dit,  unité  de  formation  du  personnel  enseignant. 

Ce  projet  respecte  la  liberté  d'enseignement  pour  le  choix  de  l'école  ; 
mais  il  a  de  graves  inconvénients  au  point  de  vue  pédagogique.  Car, 
dans  cette  École  unique,  ayant  même  maître,  donnant  même  culture. 


(  M  Taine,  Le  Régime  moderne,  T.  II,  L.  VI,  L'École.  —  Fouillée,  Les  Jeunes  criminels. 
Revue  DES  Deux  Mon  des,  1897,  T.  I",  p.  4 17-449. -Fontaine  de  Resbecq  {B.  de),  L'Ame  de 
l'École  neutre.  —  A.  Guillot,  Paris  qui  souffre.  —  G.  Goyau,  L'École  d'aujourd'hxd.  — 
Farget,  La  marche  de  la  criminalité  et  les  progrès  de  l'instruction  depuis  soixante  ans.  — 
BouzoN,  Le  crime  cl  l'école.  —  M.  Turmann,  Au  sortir  de  l'école.  —  A.  de  Mun,  La  Loi 
des  suspects.  —  L.Lescceur,  Dieu  et  la  liberté  dans  l'enseignement  officiel  à  propos  de  deux 
congrès  récents,  dans  Bulletin  de  la  Société  générale  d'éducation  et  d'enseignement,  15  sept. 
1901,  p.  543-558.  —  R.  Lavollée,  L'Étal,  le  père  et  l'enfant. 

(  ^)  J.-J.  Weiss  Pages  inconnues,  dans  Revue  de  Paris,  1897.  p.  92. 

( ')  Cf.  Fr.  Datin,  L'École  unique  et  la  Réforme  démocratique  de  l'Enseignement.  La 
discussion  devant  la  Chambre,  dans  Études,  5  juin  1922.  T.  CLXXI,  p.  548-566.  —  Quatre 
excellents  articles  de  J.  Guiraud,  La  Réforme  de  l'Enseignement  :  L'École  unique,  dans 
La  Croix,  16,  20,  23,  29  juin  1922. 

(  *)  Cf.   Revue  de  l'Enseignement  primaire,  26  sept.  1920,  article  :  Préparons  demain. 


262       EXEMPLES  d'intervention  de  l'état  :  l'enseignement       (94) 

suivant  même  programme,  les  élèves  les  mieux  doués  seraient  iorcément 
négligés.  Devant  s'en  tenir  à  un  niveau  moyen,  elle  aboutirait  à  l'égalité 
dans  la  médiocrité,  préparant  l'avènement  de  ce  qu'on  a  nommé  la 
«  médiocratie  ».  De  plus,  les  études  des  premières  années  ne  doivent  pas 
être  absolument  les  mêmes,  ni  surtout  dirigées  dans  le  même  sens  pour 
ceux  qui  doivent  se  contenter  d'un  enseignement  primaire  et  pour  ceux 
qui  aspirent  à  recevoir  l'enseignement  secondaire. 

4°  On  peut  donner  enfin  à  l'École  unique  un  sens  beaucoup  plus 
étendu  que  les  précédents.  Elle  signifie  alors  une  éducation  complète, 
embrassant  les  trois  ordres  de  l'enseignement,  primaire,  secondaire, 
supérieur,  à  laquelle  doivent  être  appelés  tous  les  enfants  de  France. 
Renouvelée  des  «  grands  ancêtres  »  de  la  Révolution  (^),  cette  doctrine 
a  été  présentée  à  la  Chambre  des  députés  par  MM.  Ferdinand  Buisson, 
Bracke  et  Herriot.  Pour  eux  et  leurs  amis,  de  la  Ligue  radicale-socialiste 
de  la  République,  École  unique  et  Instruction  universelle  et  intégrale  sont 
termes  à  peu  près  équivalents. 

Les  partisans  de  ce  système  en  tirent  logiquement  les  conséquences. 
Ils  demandent  donc  que  la  nation,  c'est-à-dire  l'État  qui  la  personnifie, 
«  prenne  en  charge  l'enfant  complètement  »  {^)  et  comble,  par  des  allo- 
cations aux  parents,  «  la  lacune  que  représentera,  dans  la  vie  familiale, 
le  fait  que,  pendant  un  certain  temps,  l'enfant  sera  préparé  à  être  utile 
à  tous  »  (^)  et  ne  rapportera  rien  à  la  famille. 

Ce  projet,  d'inspiration  socialiste,  est  vraiment  monstrueux.  D'abord, 
il  viole  effrontément  les  droits  primordiaux  de  la  famille  (§  I,  A),  en 
matière  d'éducation,  au  profit  de  l'État.  Car  l'État  fera  passer  toute  la 
jeun^se,  depuis  la  prime  enfance,  par  une  série  d'études  plus  ou  moins 
prolongées,  selon  la  capacité  des  élèves.  Des  examens  officiels  opéreront 
entre  eux  une  sélection.  C'est  l'État  qui  décidera  de  l'avenir  de  tous 
les  enfants  de  France,  car  ils  seront  dirigés  par  lui,  d'après  leurs  apti- 
tudes, plus  ou  moins  mal  pressenties,  vers  la  culture  scientifique  ou 
littéraire  ou  bien  vers  la  formation  technique  et  professionnelle.  On  voit 
tout  ce  que  cet  étatisme  scolaire  a  de  tyrannique  et  d'arbitraire. 

En  outre,  l'enseignement  serait  gratuit  pour  tous  à  tous  les  degrés. 
La  gratuité  ainsi  généralisée  est  chose  immorale.  Qu'on  vienne  en  aide 
aux  parents  hors  d'état  de  payer  l'éducation  de  leurs  enfants,  rien  de 
mieux.  Mais  il  n'est  pas  dans  l'ordre  d'exonérer  en  principe  la  famille 
des  charges  de  l'éducation  qui  lui  incombent  naturellement.  La  gratuité 
générale  aurait  encore  pour  conséquence  cette  criante  injustice  «  que 


(  ')  Voir  sur  ce  sujet  deux  articles   bien  documeiités  de  J.  Guiraud  dans  Bulletin  de 
la  Société  Générale  d'Éducation  et  d'Enseignement,  janv.  et  février  1920. 
(»)  Bracke,  Journal  officiel,  13  juin  1922,  1"  séance,  p.  1762,  col.  2 
(  ')  Bracke,  Journal  officiel,  Loco  citato. 


I 


(94)  EXEMPLES   d'intervention    DE    l'ÉTAT    :    BIENFAISANCE  263 

les  pauvres  payeraient  l'instruction  des  riches  »  (^),  puisque,  pour  en 
couvrir  les  frais  immenses,  il  faudrait  prélever  de  lourds  impôts  sur 
tous  les  contribuables. 

Envisagée  du  point  de  vue  financier,  l'exécution  de  ce  projet  entraî- 
nerait des  dépenses  fantastiques.  Le  budget  actuel  de  l'Instruction 
publique  s'élève  à  1  milliard  100  millions.  Or  «  on  ne  saurait  évaluer 
à  moins  de  50  milliards  les  frais  annuels  d'une  pareille  réforme  [l'École 
unique]  et  à  la  même  somme  ses  frais  de  premier  établissement  »  (^). 
C'est  évidemment  une  chimère  irréalisable,  une  conception  incompa- 
tible avec  un  ordre  social  régulier.  «  L'École  unique,  pour  se  réaliser, 
demanderait  la  socialisation  de  toutes  les  fortunes,  c'est-à-dire  la  substi- 
tution du  communisme  à  la  propriété  privée  (^).  » 

Bref,  ce  projet  détruit  deux  fondements  essentiels  de  la  société,  la 
famille  et  la  propriété. 

§  IL  —  BIENFAISANCE 

L'État  doit:  1»  Soutenir  et  encourager  les  institutions  de  bienfai- 
sance dues  aux  particuliers  ou  à  l'Église  ;  il  doit  laisser  toute  facilité 
aux  citoyens  de  leur  faire  des  dons  et  des  legs  ;  favoriser  la  naissance 
des  associations  charitables,  en  leur  accordant  le  droit  de  posséder,  ou 
même  en  les  exonérant  de  certains  impôts. 

2°  Suppléer  à  l'insuffisance  de  la  charité  privée  (*). 

Le  devoir  de  bienfaisance  est  inséparable  du  droit  de  propriété 
(68,  §  E).  Les  biens  de  la  terre  sont  destinés  à  l'entretien  de  la  vie 
humaine  (^).  Mais  il  n'est  pas  nécessaire  pour  cela  que  la  terre  reste  en 
commun.  Au  contraire  la  terre  atteint  mieux  son  but  quand  elle  est 
partagée,  parce  que  la  propriété  privée  est  plus  productive,  à  cause 
du  stimulant  de  l'intérêt.  Cependant  il  faut  que  nul  ne  soit  exclu  de  la 
jouissance  des  fruits  de  la  terre  ;  or  ce  résultat  est  obtenu  par  la  bien- 
faisance du  riche  qui  donne  au  pauvre  son  superflu.  Le  superflu  est  chose 
relative  :  c'est  ce  qui  reste,  quand  on  a  pourvu  au  nécessaire  pour  l'entre- 
tien de  l'existence,  au  décorum  en  rapport  avec  la  position  sociale,  à 
l'épargne  pour  les  jours  mauvais  et  à  la  constitution  d'un  patrimoine 


(M  J.  llEYREAUD,  agrégé  de  l'Université,  La  Démocralie,  10  février  1922. 

(^-')   J.  GuiRAUD,  L'Ecole  unique,  dans  La  Croix,  20  juin  1922. 

(  *)  M.  LiBERATORE,  Principes  d'Économie  politique  (Trad.  S.  de  Sacy),  P.  II,  C.  IV, 
Art.  IV. 

C)  S.  Thomas,  Summa  théologien,  II»  11"%  Q.  LXVI,  Art.  7.  «  Suivant  l'ordre  naturel 
établi  par  la  divine  Providence,  les  choses  iiialérielles  inférieures  sont  destinées  à  subvenir 
aux  nécessités  de  l'homme...  Aussi  le  supcrQu  de  quelques-uns  revient,  de  droit  naturel, 
au  soutien  des  pauvres.  «  Cf.  Bourdaloue,  Sermon  sur  l'Aumône. 


264  EXEMPLES  d'intervention  de  l'état  :  BIENFAISANCE  (94) 

convenable  pour  assurer  la  stabilité  de  la  famille.  L'obligation  qu'a  le 
riche  de  distribuer  son  superflu  au  pauvre,  ne  donne  pas  à  celui-ci  le 
droit  de  s'approprier  ce  superflu,  sauf  en  cas  d'extrême  nécessité  (68. 
§  E).  Le  droit  de  l'indigent  au  superflu  du  riche  est  un  droit  imparfait 
et  indéterminé.  Le  superflu  appartient  aux  pauvres  en  général  et  non  à  tel 
ou  tel  en  particulier.  Or  comme  le  superflu  de  chaque  riche  ne  peut 
subvenir  aux  besoins  de  tous,  c'est  au  possesseur  de  déterminer  ceux 
qu'il  doit  secourir. 

Mais,  quand  la  charité  privée  ne  remplit  pas  sa  tâche  ou  n'y  suffit  pas. 
l'État  a  le  devoir  d'en  combler  les  lacunes,  en  ouvrant  des  hôpitaux, 
des  asiles,  des  dépôts  de  mendicité,  en  distribuant  des  secours,  surtout 
dans  les  calamités  extraordinaires.  Dans  ce  but  il  peut  établir  des 
impôts.  Il  remplit  alors  légitimement  son  rôle  d'Assistance  publique  (^), 
qu'il  faut  distinguer  de  V Assistance  légale. 

L'Assistance  publique  est  celle  qui  est  distribuée  par  l'État,  les  dépar- 
tements ou  les  communes,  sans  que  l'indigent  puisse  l'exiger  comme 
un  droit.  Elle  est  légitime  dans  la  mesure  où  elle  est  nécessaire  pour 
suppléer  à  l'impuissance  de  l'assistance  privée  ;  mais  c'est  un  pis-aller, 
parce  que  la  charité  administrative  est  purement  matérielle  et  gaspille 
une  partie  des  ressources.  L'Assistance  légale  est  perçue  comme  un  impôt 
par  les  pouvoirs  publics,  de  sorte  que  l'indigent  a  un  droit  strict  aux 
secours  de  l'État.  Elle  comprend  la  taxe  des  pauvres,  le  domicile  d'assis- 
tance et,  comme  conséquence,  elle  entraîne  l'interdiction  de  la  mendi- 
cité. Elle  se  pratique  ainsi  vg.  en  Angleterre.  C'est  le  monopole  de  la 
charité  dévolu  à  l'État  ;  il  faut  repousser  ce  système  parce  que  : 

a)  L'État  sort  de  son  rôle  qui  n'est  que  supplétif  (93,  §  I,  B). 

b)  L'effet  naturel  de  la  charité  légale  c'est  de  refroidir  ou  d'éteindre 
la  charité  privée  et  d'enlever  toute  spontanéité  aux  sacrifices  qu'elle 
impose. 

c)  Le  pauvre  ainsi  secouru  reçoit  l'aumône  comme  chose  due  :  on 
perd  sur  lui  toute  influence  morale. 

d)  Le  pauj)érisme  est  augmenté  par  la  charité  légale,  parce  que, 
étant  un  droit,  elle  devient  un  encouragement  à  la  paresse  et  aux  mau- 
vaises habitudes. 

e)  La  froideur  officielle  de  la  charité  légale  la  rend  incapable  de 
guérir  ou  de  panser  les  plaies  morales  {^). 


I 


C)  Haussonville  (d'),  Assislance  publique  el  assistance  privée.  Revue  des  Deux 
Mondes,  1900,  T  VI,  pp.  773  et  sq. 

(•)  Haussonville  (d"),  Misères  el  remèdes.  Socialisme  et  Charité.  La  Misère  à  Paris. — 
F.-L.-M.  Naville,  La  Charité  légale.  —  A.  Baron,  Le  Paupérisme,  ses  causes  et  ses  remèdes. 
—  P.  Cauwès,  Cours  d'économie  politique,  P.  II,  L.  V,  Sect.  V,  Ch.  I,  T.  III,  n.  1092 
sqq.,  1893  '.  —  Ch.  Antoine,  Cours  d'économie  sociale,  Ch.  XX.  —  Ch.  Pékin,  La  Richesse 
dans  les  sociétés  chrétiennes,  L.  VI,  VII.  —  P.  Strauss,  Assistance  sociale. 


i 


(96)  DEVOIRS  ET  DROITS  DES  GOUVERNANTS  265 

§  III.  —  RÉGLEMENTATION  DU  TRAVAIL  (i) 

On  admet  généralement  une  certaine  intervention  de  l'État,  vg.  pour 
imposer  le  repos  hebdomadaire  dominical,  interdire  le  travail  de  nuit 
aux  femmes  et  limiter  le  travail  pour  les  enfants.  On  l'admet  parce  que 
dans  ce  cas  l'État  défend  évidemment  les  droits  des  faibles  :  ouvriers, 
femmes  et  enfants,  dont  la  santé  pourrait  être  compromise  par  un  labeur 
trop  prolongé,  au  grand  dommage  de  la  société  elle-même.  Alors  l'État 
ne  fait  que  rendre  juridique  un  devoir  moral  des  patrons. 

Mais  convient-il  d'aller  plus  loin,  de  demander  aux  pouvoirs  publics 
vg.  d'étendre  cette  limitation  des  heures  aux  adultes,  de  fixer  un  minimum 
de  salaire,  d'établir  des  assurances  obligatoires  contre  les  accidents  et 
les  maladies,  d'imposer  des  caisses  de  retraite  pour  la  vieillesse,  de  pro- 
voquer les  divers  gouvernements  à  une  entente  internationale  ?  {^) 

Ici,  la  réponse  ne  saurait  être  absolue  ;  elle  est  relatwe  aux  circon- 
stances qui  varient  avec  les  temps,  les  pays,  les  intérêts  divers  de  l'agri- 
culture, du  commerce  et  de  l'industrie.  On  peut  dire  d'une  façon  générale 
que  cette  intervention  sera  légitime  :  1"^  S'il  y  a  dans  le  régime  écono- 
mique des  abus  graves  et  urgents  à  redresser  ;  —  2»  Si  l'on  ne  peut  y 
remédier  par  l'initiative  privée  des  intéressés,  individus  ou  associa- 
tions; —  30  Si  cette  ingérence  est  temporaire,  c'est-à-dire  dure  seulement 
tant  que  l'initiative  privée  restera  insuffisante  (^). 

95.  —  DEVOIRS  ET  DROITS  DES  GOUVERNANTS  ' 

A)  Devoirs  :  1°  Respecter  la  Constitution  et  les  lois  fondamentales. 
2»  Servir  l'intérêt  général    de  la  nation  et  non  l'intérêt  des  partis. 
3"  Respecter  les  droits  des  individus  et  des  familles,  qui  sont  entrés 
en  société  non  pour  que  leurs  droits  soient  violés,  mais  protégés. 


(')  A.  Desjardins,  Le  Code  civil  el  les  Ouvriers,  Rkvue  des    Dkux  Mondes,    1888,  T. 

II,  p.  350  et  sq.  —  Ch.  B.  Dupont-Wiiite,  L'Individu  el  l'État.  —  S.  Mill,  Principes 
d'économie  politique,  T.  II,  L.  V,  Ch.  XI,  §  12.  —  P.  Ca.uwès,  Cours  d'Économie  poliliune, 
P.  II,  L.  V,  Sect.  I,  Ch.  III,  §  3,  T.  III  n.  834  sqq.  —  R.  Jay,  L'Évolution  du  régime 
légal  du  travail.  —  J.  Simon,  L'Ouvrière.  —  G.  d'Avenel,  La  Journée  de  huit  heures. 
Revue  des  Dkux  Mondes,  1891, T.  II,  p.  553  sqq.  —  P.  Boilley,  La  Législation  inter- 
nationale du  travail.  —  G.  Descurtins,  Question  de  la  protection  ouvrière  internationale  — 
A.  BÉCHAUX,  Les  Revendications  ouvrières.  La  Réglementation  du  Travail.  Le  Droit  et  les 
Faits  économiques,  L.  II,  Ch.  I.  —  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale,  Çh.  XV, 
Art.  4. —  Le  Play,  L'Organisation  du  Travail.  — Ch.  Benoist,  La  Crise  de  l'Étal  mo- 
derne :  l'Organisation  du  Travail. 

(  *)  Cf.  G.  Sortais,  La  Réglementation  du  Travail,  dans  Études  philosophiques  el  sociales, 

III,  p.  71-76. 

(')  Max  Turmann,  Les  Origines  et  les  étapes  de  la  Législation  internationale  du  Travail 
jusqu'à  la  Conférence  de  la  Paix,  dans  Correspondant,  1919,  T.  I,  p.  808-826. 


266  SÉPARATION    DES   POUVOIRS  (96-97) 

40  Favoriser  le  progrès  matériel,  int  ellectuel  et  moral. 

50    Le  pouvoir  législatif  doit  faire  des  lois  justes  et  utiles. 

6»    Le  pouvoir  judiciaire  doit  appliquerles  lois  avec  justice  et  équité. 

70  Le  pouvoir  exécutif  doit  veiller  à  la  sûreté  générale,  promulguer 
les  lois  et  les  faire  exécuter  sans  brutalité,  mais  sans  faiblesse. 

80  Aucun  de  ces  trois  pouvoirs  ne  doit  empiéter  sur  le  terrain  des 
autres. 

B)  Droits  :  1°  Légiférer,  juger,  exécuter  les  lois. 

2°    Être  respecté  et  obéi  en  ce  qui  n'est  pas  manifestement  injuste. 

30  Imposer  le  service  militaire,  des  contrihiitions,  dans  la  mesure 
où  ces  choses  sont  nécessaires  à  la  sécurité  et  à  la  prospérité  du  pays. 

40    Pimir  les  coupables  et  les  délinquants. 

50  Être  traité  par  les  autres  nations  d'après  les  règles  du  droit  des 
gens. 

96.  —  SÉPARATION  DES  POUVOIRS  (V) 

La  souveraineté  comprend  trois  pouvoirs  essentiels  : 

10  Pouvoir  législatif,  qui  fait  les  lois. 

2»  Pouvoir  judiciaire,  qui  applique  les  lois. 

30  Pouvoir  exécutif,  qui  assure  l'exécution  des  lois  même  par  la 

. force. 

Le  principe  de  la  séparation  des  pouvoirs  consiste  à  les  répartir 
entre  différentes  mains,  parce  que  leur  réunion  dans  les  mêmes  mams 
peut  aisément  entraîner  de  graves  abus.  Dans  la  monarchie,  l'exécution 
et  l'initiative  des  lois  sont  des  prérogatives  royales  ;  mais  si  la  monarchie 
est  tempérée,  cette  concentration  a  des  limites  dans  le  refus  de  concours 
que  peuvent  apporter  les  États  généraux  et  les  Parlements.  Dans  tout 
système  de  gouvernement  il  faut  au  moins  que  le  pouvoir  judiciaire 
reste  indépendant  du  pouvoir  central,  qui,  autrement,  lui  ferait  rendre 
des  services  agréables  et  non  des  arrêts  justes.  Les  moyens  principaux 
pour  sauvegarder  cette  indépendance  de  la  magistrature  semblent  être 
un  concours  au  seuil  de  la  carrière  et  l'inamovibilité. 

97.  —  LE  POUVOIR  LÉGISLATIF 

Le  pouvoir  législatif  est  celui  qui  confectionne  les  lois.  C'est  en  lui 
surtout  que  réside  la  souveraineté  (90,  II). 

La  loi  civile  est  une  ordonnance  conforme  à  la  raison,  faite  en  vue 


(M  Montesquieu,  De  VEsprit  des  Lois,  L.  XI,  ch.  VI/ Cf.  J.  Dedieu,  Montesquieii, 
Ch  III  §  4  p.  l'<2  sqq.,  Paris,  1913.  —  Locke,  Essai  sur  le  Gouvernement  ctvil,  Où.  A 
gqq.,  _!  TAPARELti  D'AZEGLIO,  E-xamen  critique  des  Gouvernements  représentatifs...  (Trad. 
PiCHOT),  T.  I,  Ch.  VI.  Essai  théorique  de  Droit  naturel,  L.  V,  Ch.  II  à  VII. 


I 


(98)  POUVOIR  JUDICIAIRE  267 

du  bien  commun  et  promulguée  par  celui  qui  a  la  charge  de  la  société. 

Conditions  d'une  bonne  loi  civile.  Elle  doit  être  : 

1°  Juste  ; 

2°  Conforme  au  bien  public  (17,  §  II,  D)  ; 

3°  Praticable  :  c'est-à-dire  appropriée  au  génie  de  la  nation,  à  ses 
habitudes,  à  ses  forces  morales  et  à  ses  besoins  actuels.  Les  lois  les  meil- 
leures ne  sont  pas  celles  qui  sont  les  plus  pari'aites  en  soi,  mais  celles 
que  le  peuple,  pris  dans  son  ensemble,  est  en  état  d'observer.  Leur 
perfection  ne  peut  être  que  relative. 

40  Suffisamment  notifiée  (47,  §  G,  I). 


98.  —  POUVOIR  JUDICIAIRE  (i) 

I.  —  Généralités  :  il  ne  suffit  pas  de  promulguer  les  lois  ;  il  faut 
encore  les  appliquer  aux  cas  particuliers,  soit  pour  réprimer  les  crimes 
ou  délits  (c'est  l'objet  de  la  justice  pénale)^  soit  pour  régler  les  litiges 
entre  les  citoyens  (c'est  l'objet  de  la  justice  civile).  Or  cette  application 
ne  va  pas  sans  difficultés,  provenant  de  la  loi  elle-même  qui  a  des  points 
obscurs  à  éclaircir,  de  la  complexité  des  faits  qu'il  faut  débrouiller, 
des  responsabilités  encourues  qu'il  s'agit  de  déterminer.  L'autorité 
supérieure  doit  donc  être  munie  du  pouvoir  d'interpréter  la  loi,  d'appré- 
cier la  valeur  des  faits  rapportés,  de  mesurer  la  culpabilité  des  prévenus, 
de  terminer  les  différends  entre  particuliers,  afin  d'édicter  des  peines 
justes,  efficaces,  proportionnées  aux  crimes  et  aux  délits,  exemplaires, 
c'est-à-dire  aptes  à  retenir  par  la  crainte  ceux  qui  seraient  tentés  de 
commettre  les  mêmes  méfaits,  rassurantes  pour  les  bons  en  ramenant 
la  confiance  et  la  sécurité  dans  les  esprits  que  le  crime  aurait  troublés, 
médicinales  enfin,  c'est-à-dire  propres,  autant  que  possible,  à  procurer 
l'amendement  des  coupables. 

L'ensemble  de  ces  attributions  constitue  précisément  ce  qu'on 
nomme  le  pouvoir  judiciaire.  Sans  doute,  il  empiéterait  sur  le  pouvoir 
législatif  en  modifiant  la  loi  qu'il  a  seulement  mission  d'appliquer  ; 
mais,  comme  la  loi  ne  peut  prévoir  chaque  cas  concret,  il  lui  appartient 
de  tempérer  ce  qu'une  application  littérale  du  texte  aurait,  dans  telle 
ou  telle  circonstance,  de  trop  brutal  et  même  d'injuste. 

IL  —  Droit  de  punir  :  ses  limites,  ses  fondements.  Peine  de  mort  :  {^) 


{ *)  Tapahelli,  Essai  théorique...  L.  V,  Ch.  VI,  Art.  IV.  —  Ch.  Benoist,  Du  Pouvoir 
judiciaire  dans  la  Démocratie,  Revue  des  Deux  Mondes,  1899,  T.  V,  p.  905-923. 

(  ')  Taparelli,  Essai...,  L.  IV,  Ch.  III,  Art.  3.  —  T.  Rothe,  Traité  de  Droit  naturel, 
IV»  Partie,  Ch.  V,  Sect.  X,  art.  I^  §  3.  —  L.  Proal,  Le  Crime  et  la  Peine,  Ch.  XXI. — 
R.  Saleilles,  L'Individualisation  de  la  Peine,  Ch.  II.  — ■  Ch.  Périn,  Lois  de  la  Société 
chrétienne.  L.  II.  Ch.  II.  —    J.  de  Bonniot.  Le  Criminel,  dans   les  Éludes,  1889,    T.    II, 


268  POUVOIR  JUDICIAIRE  (98) 

A)  L'autorité  civile  ne  peut,  comme  le  demande  Platon,  punir  toutes 
les  fautes,  d'après  ce  principe  général,  mal  appliqué,  que  tout  acte  mau- 
vais doit  être  châtié.  La  protection  des  droits  et  le  maintien  de  l'ordre 
extérieur,  qui  constituent  la  fin  essentielle  de  la  société,  tracent  les  limites 
de  son  droit  de  punir.  Le  pouvoir  de  répression  ne  s'étend  donc  qu'aux 
actes  du  for  externe  qui  compromettent  l'ordre  public  et  violent  les 
droits  que  la  société  a  pour  fonction  de  faire  respecter.  Aussi  les  man- 
quements aux  devoirs  individuels,  aux  devoirs  de  charité,  aux  devoirs 
religieux  échappent  à  la  répression  légale. 

Le  droit  de  punir,  surtout  de  punir  de  mort,  étant  l'attribution  la 
plus  contestée  du  pouvoir  judiciaire,  il  convient  d'en  justifier  les  fonde- 
ments. 

B)  Toute  société  organisée  a  le  droit  de  punir,  parce  qu'elle  a  le 
devoir  de  maintenir  l'ordre,  ce  qui  serait  impossible  si  elle  était  désarmée. 
Mais  ce  droit  va-t-il  jusqu'à  la  peine  de  mort  ?  La  réponse  dépend  de 
l'idée  qu'on  se  fait  des  fondements  de  la  vindicte  publique.  Le  droit 
pénal  a  un  triple  fondement  ;  le  châtiment  est  un  moyen  : 

1»  De  préservation  pour  la  Société  :  a)  en  mettant  le  coupable  hors 
d'état  de  nuire  ;  —  b)  en  intimidant  ceux  qui  seraient  tentés  de  l'imiter. 

2°  D'amendement  pour  le  coupable. 

30  De  réparation  de  la  justice  et  de  l'ordre  violés. 

Ces  raisons  valent  aussi  pour  la  peine  de  mort. 

Objections  :  Les  partisans  de  l'abolition  de  la  peine  de  mort  pré- 
tendent :  a)  qu'il  suffirait  d'emprisonner  le  scélérat  à  perpétuité  pour 
le  rendre  inoffensif  ;  —  b)  que  cette  peine  rend  son  amendement  impos- 
sible. 

Réponse  :  1«  L'emprisonnement  même  perpétuel  serait  une  sanction 
inefficace,  parce  que  cette  peine  ne  serait  pas  suffisamment  exemplaire  : 
elle  n'intimiderait  pas  assez  efficacement  ceux  qui  seraient  tentés  d'imiter 
les  assassins,  etc.  Il  est  bon  d'être  miséricordieux,  mais  il  ne  faut  pas, 
par  une  impunité  relative,  encourager  l'homicide  :  les  honnêtes  gens 
ont  droit  aussi  à  la  pitié. 

2»  Ce  motif  de  préservation  sociale  n'est  pas  le  principal  fondement, 
du  droit  d'infliger  la  peine  capitale.  Le  but  du  châtiment  est  encore 
et  surtout  de  rétablir  l'équilibre  moral  que  le  criminel  a  troublé  par 
son  forfait  :  il  est  sorti  de  l'ordre  absolu  par  sa  révolte,  il  faut  qu'il  y 


p.  202-234.  Balmès,  Protestantisme  comparé  au  Catholicisme,  Ch.  L.  —  C.  Beccaria, 

Des  Délits  et  des  Peines.  —  A.  Franck,  Philosophie  du  Droit  pénal.  —  E.  Mouton,  Le 
Devoir  de  punir.  —  IsiD.  Maus,  La  Justice  pénale.  —  H.  Joly,  Le  Crime.  —  E.  Beaussire, 
Les  Principes  du  droit,  L.  II,  Ch.  III.  —  G.  Fonsegrive,  Essai  sur  le  libre  arbitre,  II«  P., 
L  III  Ch  IV  —  Caro,  Problèmes  de  moral(i  sociale,  Ch.  IX,  X.  —  P.  de  Broglie,  Le 
droit  de  punir.  —  G.  Tarde,  Études  pénales  et  sociales  :  La  Philosophie  du  Droit  pénal. 


(99)  POUVOIR    EXÉCUTIF  269 

rentre  en  subissant  une  peine  qui  sera  une  réparation  et,  s'il  l'accepte 
comme  telle,  une  expiation  (49,  §  IV,  B).  Or  l'homicide  est  le  crime 
qui  s'oppose  le  plus  directement  aux  fins  de  la  société  :  celle-ci  est  faite 
pour  protéger  et  perfectionner  la  vie  humaine  ;  l'homicide  la  détruit. 
A  ce  forfait  hors  de  pair,  il  faut  un  châtiment  à  part.  L'ordre  essentiel 
ayant  reçu  ici  la  plus  grave  atteinte,  la  peine  doit  être  portée  à  son 
maximum  de  rigueur. 

On  prétend  que  la  peine  est  destinée  à  la  correction  du  coupable  ; 
or  la  peine  capitale  lui  enlève  le  moyen  de  s'amender.  - —  Ce  n'est  pas 
là  le  but  essentiel  du  châtiment  ;  son  but  premier  est  la  réparation  de 
la  justice,  le  rétablissement  de  l'ordre  absolu  ;  la  préservation  sociale 
vient  ensuite.  L'intérêt  du  coupable  ne  vient  qu'en  troisième  lieu,  parce 
que  l'ordre  essentiel  des  choses  et  l'intérêt  général  l'emportent  sur  l'intérêt 
particulier.  La  peine  capitale  ne  laisse  pas  sans  doute  au  coupable  le 
temps  de  recommencer  une  vie  nouvelle,  mais  celui  de  se  repentir  et 
d'accepter  la  mort  comme  une  expiation  de  son  crime  :  cette  acceptation 
le  réhabilite  et  le  réintègre  dans  l'ordre  moral  qu'il  avait  troublé  par  sa 
faute.  En  punissant  les  grands  coupables  de  mort,  la  société  agit  en  vertu 
d'une  délégation  naturelle  d'un  pouvoir  qui  n'appartient  qu'à  Dieu, 
auteur  et  maître  de  la  vie  et  de  la  destinée. 


99.  —  POUVOIR  EXÉCUTIF 

§  A.  —  LE  POUVOIR  EXÉCUTIF  EN  GÉNÉRAL 

Reste  le  pouvoir  exécutif,  qui  découle  des  deux  précédents.  Il  est, 
comme  eux,  un  droit  essentiel  de  la  souveraineté  :  il  consiste  à  assurer 
l'exécution  des  lois. 

Cette  fonction  étendue  implique  le  droit  de  faire  exécuter  les  lois 
édictées  par  le  pouvoir  législatif,  et  les  arrêts  rendus  par  le  pouvoir 
judiciaire  ;  le  droit  de  lever  les  impôts,  d'accomplir  les  travaux  utiles 
à  la  prospérité  générale,  de  maintenir  l'ordre  public  au  dedans  et  de 
protéger  la  société  contre  les  ennemis  du  dehors,  etc.  Les  dispositions 
prises  par  le  pouvoir  exécutif  pour  remplir  sa  tâche  ne  sont  pas  des  lois, 
mais  des  décrets  ou  ordonnances. 

§  B.  —  Lfî  DROIT  DE  GUERRE 

De  tous  les  droits  appartenant  au  pouvoir  exécutif  le  plus  redou- 
table est  le  droit  de  faire  la  guerre. 

I.  — Nature  de  la  guerre  :  la  guerre  n'est  pas  la  source  du  droit, 
la  condition  de  la  vie  des  États,  le  facteur  le  plus  efficace  du  progrès 


270  POUVOIR    EXÉCUTIF    :    LE    DROIT    DE    GUERRE  (99) 

national,  le  moyen  providentiel  d'élimination  des  peuples  faibles  ou  des 
races  dégénérées,  comme  le  soutient  l'École  allemande,  depuis  Fichte 
et  Hegel  jusqu'à  Nietzsche  et  Bernhardi  {^). 

Par  contre,  le  recours  à  la  guerre  n'est  pas  nécessairement  immoral, 
comme  le  prétendent,  vg.  J.-.J  Rousseau,  l'abbé  de  Saint-Pierre,  Victor 
Hugo,  Tolstoï,  les  humanitaires  et  les  «  pacifistes  ».  H  peut  y  avoir  des 
guerres  justes. 

La  guerre  n'est  ni  un  bien  ni  un  mal  en  soi  :  c'est  un  moyen  doulou- 
reux et  extrême  auquel  il  faut  parfois  recourir.  Sans  doute,  elle  est 
accompagnée  d'affreuses  calamités.  Dieu  les  permet,  comme  il  permet 
ici-bas  le  mal  (Théodicée,  Art.  III,  Sect.  II)  {^),  à  titre  d'épreuve 
miséricordieuse  et  salutaire,  en  vue  d'un  bien  supérieur.  Qu'il  suffise 
de  le  rappeler  ici  :  la  guerre  est  l'occasion  des  plus  héroïques  vertus  et 
des  plus  beaux  sacrifices,  qui  réconfortent  et  retrempent  les  âmes  ;  les 
souffrances  qu'elle  entraine  ont  une  valeur  exceptionnelle  pour  expier 
les  fautes  commises  par  un  peuple  et  peuvent  devenir  pour  lui  des 
semences  fécondes  de  régénération  sociale. 

IL  —  Conditions  de  sa  légitimité  :  pour  qu'une  guerre  soit  faite 
honnêtement,  il  faut  qu'elle  soit  déclarée  par  une  puissance  légitime, 
qu'elle  ait  une  cause  juste  et  que  l'équité  y  soit  observée,  du  commen- 
cement à  la  fin  et,  après  la  victoire,  lors  de  la  paix  qui  met  fin  à  la  lutte  (^). 
Les  conditions  d'une  guerre  honnête  se  ramènent  donc  à  trois  :  Juste 
déclaration^   Juste  cause,   Justes  moyens. 

1°  Juste  déclaration  :  il  faut  que  la  guerre  soit  déclarée,  non  par  de 
simples  particuliers  ou  par  quelque  autorité  secondaire  (*),  mais  par 
l'autorité  du  Souverain,  c'est-à-dire  par  l'autorité,  quel  qu'en  soit  le 
détenteur,  qui  a  dans  l'État  le  pouvoir  suprême. 

«  Pleine  juridiction  est  requise,  car  il  y  va  de  la  vie  et  des  biens  des 
sujets.  Il  y  faut  aussi  une  juridiction  ultime,  indépendante  à  l'égard 
de  toute  autre  juridiction  ;  cette  conséquence  suit  de  la  façon  dont  la 
raison  parvient  à  se  démontrer  la  légitimité  de  la  guerre  en  certains  cas. 
Les  particuliers  ont  recours  aux  tribunaux  pour  trancher  leurs  diffé- 
rends ;  l'État,  faute  de  juges,  n'a  que  le  recours  aux  armes  pour  soutenir 
et  revendiquer  son  droit.  Mais  seul  le  Souverain  parfaitement  indépen- 


(•)  Cf.  L.  Le  Fur,  Guerre  juste  et  juste  Paix,  Ch.  i,  §  II,  p.  11  sqq.,  Paris,  1920. 

(  •)  A.  Eymieu,  La  Providence  et  la  Guerre,  Paris,  1917. 

(')  Ut  bellum  lioneste  fiât  nonnulla;  conditiones  sunt  observandae,  quae  ad  tria  capita 
revocantur.  Primum,  ut  sit  a  légitima  potestate.  Secundum,  ut  sit  justa  causa  et  titulus, 
Tertium,  ut  servetur  debitus  modus  et  aequalitas  in  illius  initio,  prosecutione  et  Victoria... 
(Fr.  Sdarez,  De  Virtulibus  theologicis,  Tract.  III, De  Caritate,  Disp.  XIII, De  Bello,  Sect.  I. 
Concl.  4).  Cf.  De  Legibus,  L.  II,  C  xix  et  xx. 

(  *)  Ceci  regarde  particulièrement  les   guerres  privées  de  l'époque  féodale. 


(99)  POUVOIR    EXÉCUTIF    :    LE    DROIT    DE    GUERRE  271 

dant  manque  de  juges,  à  qui  il  puisse  recourir.  Il  est  donc  le  seul  qui 
puisse  déclarer  la  guerre  et  conclure  la  paix  (^).  ? 

S'il  existe  une  Cour  internationale  de  justice  dotée  du  droit  d'arbi- 
trage obligatoire  et  disposant  de  sanctions  appropriées,  c'est  devant 
elle  que  doit  être  porté  le  conflit,  car,  dans  cette  hypothèse,  les  Souve- 
rains des  pays  en  litige  ont  des  juges  auxquels  ils  doivent  s'adresser 
(111,  E,  F  ).  C'est  seulement  en  l'absence  d'une  autorité  dont  les  États 
ennemis  relèvent,  que  le  chef  de  la  nation  injustement  provoquée  a  le 
droit  de  déclarer  la  guerre  à  la  nation  provocatrice,  qui,  à  raison  de  son 
délit  contre  le  droit  d'autrui,  ratione  delicti,  devient  justiciable  de  la 
puissance  lésée. 

2"  Juste  cause  :  il  faut  que  la  guerre  soit  entreprise  pour  de  justes 
motifs.  Ils  reviennent  à  un  seul  (^)  :  la  violation  d'un  droit  intéressant 
la  société.  Deux  cas  peuvent  se  présenter  : 

a)  Empêcher  par  la  force  une  injustice  graine  de  se  commettre  :  c'est 
le  cas  de  la  guerre  défensive.  De  l'injuste  attaque  naît  pour  l'État  envahi 
le  droit  de  se  défendre.  Sur  ce  droit  se  grefïe  pour  les  autres  nations 
le  droit  d' intervention  (110,  E).  Dans  ce  cas,  la  guerre  est  l'application 
aux  sociétés  du  droit  de  légitime  défense  reconnu  aux  particuliers  par 
tous  les  juristes  :  Vim  vi  repellere  omnia  jura  permittunt. 

b)  Obtenir  par  la  force  réparation  dhme  grave  injustice  commise. 
C'est  le  cas  de  la  guerre  offensive.  Pour  être  légitime,  il  faut  qu'il  n'y  ait 
pas  moyen  d'obtenir  autrement  réparation.  C'est  dire  que  la  guerre  doit 
être  nécessaire.  Avant  de  l'engager,  le  souverain  de  la  nation  lésée  doit 
épuiser  tous  les  moyens  de  conciliation  :  négociations  directes,  médiation 
d'un  tiers,  arbitrage  international. 

Le  seul  intérêt,  les  désirs  de  conquête,  le  Besoin  de  s'agrandir  ou 
de  s'ouvrir  des  débouchés,  le  sentiment  de  la  vengeance,  la  crainte 
d'un  voisin  redoutable  {^)  ne  sont  donc  pas  des  motifs  légitimes  de 
faire  la  guerre. 


(M  M.  Chossat,  La  Guerre  et  la  Paix,  Ch.  iv,  §  i,  p.  118,  Paris,  1918.  Cf.  S.  Thomas, 
Summa   Iheologica,   2*°  2»°,   Q.    XL,    Respondeo...   Primo. 

(  ')  Causa  justa  belli  suscipiendi  nulla  alia  esse  potest  nisi  injuria  (Grotiu.s,  De  Jure 
Belli  et  Pacis  Libri  très,  L.  II,  C.  i,  §  4).  —  Cf.  Victoria  :  Unica  est  et  sola  causa  justa 
inferendi  bellum  injuria  accepta.  {Relecliones  theologicse  XII,  Relect.  IV  De  Indis  insutanis 
et  De  Jure  Belli,  P.  II,    §  13). 

{^)  C'est  sur  cette  crainte  que  Kant  a  fondé  le  droit  de  guerre  préventive,  dont  il  s'efforce 
vainement  de  prouver  la  légitimité  :  «  Outre  l'attaque  effective  (la  première  agression, 
qu'il  faut  distinguer  de  la  première  hostilité),  il  y  a  la  menace.  Il  faut  y  rattacher  ces  prépa- 
ralifs  par  lesquels  un  État  prend  les  devants  et  sur  lesquels  se  fonde  le  droit  de  prévention 
{jus  prmvenlionis) ,  et  même  le  simple  accroissement  d'une  puissance  qui  se  rend  redoutable 
ipotenlia  tremenda)  par  l'agrandissement  de  son  territoire.  Cet  accroissement  est,  par  le 
fait  môme  et  antérieurement  à  tout  autre  acte  de  l'État  qui  augmente  ainsi  sa  puissance, 
une  lésion  faite  aux  États  moins  puissants  ;  et,  dans  l'état  de  nature,  l'attaque  est  tout 
à  fait  juste.  »  (Kant,  Eléments  métaphysiques  de  la  Doctrine  du  Droit,  II»  Partie,  II"  Sect., 
§  LVI.  Traduct.  Barni,  Paris,  1853,  p.  221). 


272  POUVOIR    EXÉCUTIF    :    LE    DROIT    DE    GUERRE  (99) 

Le  but  que  doivent  se  proposer  les  belligérants,  c'est  le  rétablis- 
sement de  la  paix  dans  la  justice.  Ce  n'est  donc  pas  d'écraser  l'adver- 
saire ou  de  le  supprimer,  mais  de  le  contraindre  à  réparer  l'injustice, 
dont  il  est  responsable,  et  de  le  réduire  à  l'impuissance  de  nuire. 

30  Justes  moyens  :  il  faut  conduire  la  guerre  et  conclure  la  paix 
en  s'inspirant  de  la  justice  : 

a)  Celui  qui  «  a  juste  guerre  »  peut  recourir  aux  moyens  habituels 
de  violence  pour  vaincre  son  adversaire.  Mais  ce  droit  ne  saurait  être 
illimité.  Le  degré  de  violence  doit  être  proportionné  à  la  fm  qu'on  se 
propose  légitimement  d'atteindre.  Le  droit  des  gens  réprouve  l'emploi 
de  certains  moyens  barbares  :  vg.  armes  empoisonnées,  massacre  des 
prisonniers,  incendie  ou  bombardement  des  villes  ouvertes,  empoison- 
nement des  fontaines  publiques,  sévices  contre  la  population  non  com- 
battante, destruction  des  édifices,  des  arbres  qui  n'est  pas  rigoureu- 
sement exigée  par  les  opérations  militaires. 

La  mesure  des  choses  permises  ou  défendues  dans  la  conduite  de 
la  guerre  a  varié  selon  l'état  de  la  civilisation.  Elle  a  été  fixée  de  notre 
temps  par  décision  contractuelle.  Presque  tous  les  États  ont  signé  les 
conventions  internationales  de  La  Haye  (1907),  qui  ont  réglé  dans  le 
détail  quels  moyens  de  nuire  à  l'ennemi,  dans  la  guerre  sur  terre  et  sur 
mer,  sont  licites  ou  illicites. 

b)  Dans  la  conclusion  de  la  paix  le  vainqueur  doit  se  conformer 
aux  principes  de  la  justice  :  il  a  le  droit  de  reprendre  tout  ce  que  l'ennemi 
a  usurpé,  d'imposer  des  réparations  matérielles  pour  les  destructions 
accomplies,  d'exiger  la  punition  des  crimes  commis,  de  fixer  une  contri- 
bution financière  comme  indemnité  dès  dépenses  de  la  guerre,  de  confis- 
quer certains  territoires  et  certaines  forteresses  à  titre  de  châtiment 
pour  l'injustice  commise  ou  pour  se  garantir  contre  de  nouvelles  entre- 
prises belliqueuses. 

Ces  sanctions  sont  parfaitement  légitimes.  En  effet,  «  le  belligérant 
coupable  et  vaincu  subira,  par  autorité  de  justice,  des  contraintes 
pénales  plus  ou  moins  analogues  à  celles  que  subirait  un  particulier 
justement  condamné  par  les  tribunaux  pour  lésion  grave  du  droit  d'au- 
trui.  De  même  que  le  particulier  serait  légitimement  privé,  par  sentence 
du  juge,  de  quelque  chose  de  sa  fortune  ou  de  ses  droits  individuels, 
de  même  le  belligérant  coupable  et  vaincu  sera  légitimement  puni 
d'amende  et,  par  quelque  aliénation  de  territoire,  subira  une  légitime 
atteinte  à  son  «  droit  (nornial)  de  disposer  de  lui-même  »  (^). 

On  voit  ce  qu'il  faut  penser  du  principe,  mis  en  avant  par  les  socia- 


( ')  Y.  DE  L\  Bhière,  Paix  el  Guerre,  dans  Dictioyinaire  npologclique  de  la  Foi  catho- 
Uque,[sous  la  direction  de  A.  d'Alès,  T.  III,  col.  1268,  Paris    1916. 


(99)  POUVOIR    EXÉCUTIF    :    LE    DROIT    DE    GUERRE  273 

listes  russes  et  les  «  pacifistes  »,  que  toute  guerre  doit  se  régler  selon 
cette  formule  :  «  Ni  indemnités,  ni  annexions.  »  Ce  serait  un  encou- 
ragement donné  à  la  violence  et  à  l'injustice  aux  dépens  du  droit. 

La  paix  doit  être  une  œuvre  de  justice  et  non  une  œuvre  de  ven- 
geance. La  charité  ne  perd  jamais  ses  droits  (^).  Il  lui  appartient  de 
tempérer  les  rigueurs  de  la  justice,  en  prescrivant  la  modération  dans 
l'usage  de  la  victoire.  Le  vainqueur  ne  réclamera  que  ce  qui  est  suffisant, 
au  point  de  vue  politique  et  économique,  pour  le  rétablissement  de  l'ordre 
et  du  droit,  renonçant  aux  exigences  excessives  qui  deviendraient  une 
source  de  haines  inextinguibles  et  la  cause  de  nouvelles  guerres. 

IIL  —  Responsabilité  dans  la  guerre  :  la  déclaration  de  guerre 
impose  aux  chefs  d'État,  aux  législateurs  et  aux  conseillers  des  Sou- 
verains les  plus  graves  obligations  morales  :  ne  jamais  provoquer  la 
guerre,  ne  pas  la  déclarer  avant  d'avoir  acquis,  après  examen  conscien- 
cieux, la  conviction  que  l'adversaire  s'est  rendu  coupable  d'une  violation 
grave  et  certaine  du  droit,  et  que,  les  moyens  d'accommodement  étant 
épuisés,  la  guerre  reste  l'unique  moyen  d'obtenir  réparation.  C'est  la 
disposition  que  saint  Thomas  exige  sous  le  nom  à''intention  droite  (2). 

La  situation  des  officiers  et  des  soldats  est  moins  délicate.  Ils  peuvent 
raisonnablement  supposer  que  leurs  gouvernements  obéissent  à  des 
motifs  justes  et  impérieux,  que,  vu  les  circonstances  critiques,  l'autorité 
supérieure  ne  peut  divulguer  à  ses  inférieurs.  Leur  devoir  est  donc  de 
combattre  courageusement  en  vue  de  procurer  le  bien  commun.  Seuls 
des  cas  rares  d'évidente  injustice  dans  la  déclaration  ou  la  conduite  de 
la  guerre  enlèvent  aux  combattants  le  bénéfice  de  leur  bonne  foi  sub- 
jective. Si,  par  exemple,  des  actes  de  cruauté,  d'immoralité,  de  vol  sont 
commandés,  au  cours  des  opérations  militaires,  en  violation  manifeste  des 
préceptes  de  la  Morale,  des  Lois  de  la  guerre,  du  Droit  international,  la 
bonne  foi  devient  impossible:  officiers  et  soldats  doivent  refuser  d'obéir  (^). 


(  »)  On  connaît,  en  sens  contraire,  les  passages  où  Nietzsche  exprime  brutalement  une 
idée  commune  à  nombre  d'Allemands  et  déjà,  énoncée  par  beaucoup  de  ses  compatriotes  : 
«  Vous  aimerez  la  paix  comme  un  moyen  de  guerres  nouvelles.  Et  la  courte  paix  plus  que  la 
longue.  Je  ne  vous  conseille  pas  le  travail,  mais  la  lutte.  Je  ne  vous  conseille  pas  la 
paix,  mais  la  victoire....  Une  bonne  cause,  dites-vous,  sanctifie  même  la  guerre  ?  Mais, 
moi,  je  vous  dis  :  C'est  la  bonne  guerre  qui  sanctifie  toute  cause....  Voici  la  nouvelle  loi, 
ô  mes  frères,  que  je  promulgue  pour  vous  :  Devenez  durs.  «  {Ainsi  parlait  Zarathustra, 
I'«  Partie,  §  De  la  Guerre  et  des  Guerriers.  III^  Partie,  §  Des  vieilles  et  des  nouvelles  Tables. 
Cf.  Werke,  t.  VI,  p.  67  ;  312,  Leipzig,  1895). 

(  ')  Tertio  requiritur  ut  sit  intentio  bellantium  recta.  (S.  Thom.^s,  Summa  theologica, 
2»  2".  Quaest.   XL,  Art.  I). 

(')  Indiquons  quelques  publications  récentes  sur  la  guerre  :  A.  Vanderpol,  Le  Droit 
de  Guerre  d'après  les  Théologiens  et  les  Canonistes  du  Moyen  Age,  Paris,  1911.  La  Guerre 
devant  le  Christianisme,  s.  d.  (1912).  La  Doctrine  scolastique  du  Droit  de  Guerre,  1919.  — 
Ad.  Tanquerey,  Synthèse  de  la  Doctrine  Ihéologique  du  Droit  de  Guerre,  dans  L'Eglise  et 
la  Guerre,  Paris,  191.3.  —  Y.  de  la  Buiêre,  La  Guerre  et  la  Doctrine  catholique,  dans  les 
ÉTUDES,  5  oct.  et  5  nov.  1914  et  dans  Luttes  de  l'Eglise  et  Luttes  de  la  Patrie,  p.  1-59,  Paris, 


274  DEVOIRS    ET    DROITS    DES    GOUVERNÉS  (100-101) 

100.  —  DEVOIRS  ET  DROITS  DES  GOUVERNÉS 

A)  Devoirs  :  1°  Dévouement  à  la  patrie. 

2°  Obéissance  aux  lois,  à  moins  qu'elles  ne  soient  manifestement 
injustes  ou  tyranniques. 

3°     Respect  des  magistrats. 

4*3    Éducation  des  enfants  :  en  faire  de  bons  citoyens. 

5°  Participation  aux  charges  de  l'État  par  :  a)  le  Service  militaire  ; 
—  b)  le  paiement  de  V Impôt. 

B)  Droits  :  1°  Les  gouvernés  conservent  leurs  Droits  naturels, 
que  l'État  a  pour  fonction  de  protéger  ;  ils  ont  droit  à  être  respectés 
dans  leur  vie,  leur  honneur  et  leurs  biens  (66,  68,  73). 

2°  Ils  acquièrent  des  Droits  civils,  relatifs  à  leurs  rapports  avec  leurs 
concitoyens  :  vg.  vente,  donation,  etc.  Les  lois  sociales  doivent  préci- 
sément assurer  le  libre  exercice  des  droits  naturels  qu'elles  interprètent 
et  protègent  (93,   §  A,  I,  B,  2o). 

30  Ils  acquièrent  des  Droits  politiques,  relatifs  à  leurs  rapports 
avec  le  gouvernement  :  vg.  vote,  éligibilité  (104). 

Il  convient  d'insister  sur  quelques-uns  de  ces  Devoirs  et  de  ces 
Droits  à  cause  de  leur  particulière  importance  ou  complexité. 

101.  —  L'OBÉISSANCE  AUX  LOIS 

A)  Soumission  aux  lois  justes.  —  Le  premier  devoir  des  gouvernés 
c'est  d'obéir  à  la  loi  et  à  ceux  qui  commandent  en  son  nom.  Cette  obéis- 
sance ne  doit  pas  seulement  être  inspirée  par  la  crainte  des  sanctions 
pénales,  mais  encore  par  le  respect  dû  au  devoir.  Toute  violation  des 
lois  civiles  est  faite  au  détriment  de  la  société  (puisque  toute  loi  juste 
est  portée  en  faveur  du  bien  commun  (17,  §  II,  D)  et,  par  suite,  se 
trouve  en  opposition  avec  un  précepte  divin,  car,  suivant  la  parole  de 
saint  Paul  :  «  Celui  qui  résiste  à  l'autorité,  résiste  à  l'ordre  que  Dieu  a 
établi  (1).  » 


1916.  —  P.  Batiffol,  Les  Lots  chrétiennes  de  la  Guerre,  dans  le  Correspondant,  25  cet. 
1914.  —  J.  Chiaudano,  La  Guerrn  e  l' Insegnamento  délia  Scuola  cattolica,  dans  la  Civilta  , 
CATTOLiCA,  3  avril  1915.  —  B.  Gaudeau,  Les  lois  chrétiennes  de  la  Guerre,  dans  La  Guerre i 
allemande  et  le  Catholicisme,  p.  1-30,  Paris,  s.  d.  (19151.  —  M. -A.  Janvier,  Droits  et  Devoirs] 
des  Belligérants,  dans  L'Allemagne  et  les  Alliés  devant  la  Conscience  chrétienne,  p.  125-173,; 
Paris,  8.  d.  (1916).  Cf.  Conférences  de  Notre-Dame,  1916,  Sixième  Conférence,  p.  135-156. 
—  Th.  Pègues,  Saint  Thomas, et  la  Guerre,  Paris,  1917.  — ■  M.  Chossat,  La  Guerre  et  la] 
Paix  d'après  le  Droit  naturel  chrétien,  Paris,  1918.  —  A.  Michel,  Questions  théologiques  dw\ 
temps  présent  :  I.  Questions  de  Guerre,  Paris,  1918.  —  J.  Bittremieux,  Lessius  et  le  Droiti 
de   Guerre,  Bruxelles,  1920. 

(  ')  Qui  resistit  poteslati,  Dei  ordinationi  resistil  (S.  Paul,  Ep.  ad  Romanos,  XIII,  2). 


I 


(101)  l'obéissance  aux  lois  275 

Cependant,  les  lois  humaines  n'étant  point  parfaites,  il  est  loisible 
à  tout  citoyen  de  travailler  à  leur  amendement,  pourvu  qu'il  s'en  tienne, 
pour  y  arriver,  aux  moyens  légaux. 

B)  Résistance  passive  aux  lois  injustes  (^).  —  Une  loi  civile 
peut  être  injuste  de  deux  façons  :  elle  peut  être  contraire  soit  aux  droits 
de  Dieu,  soit  aux  droits  des  citoyens. 

1°  Dans  le  premier  cas,  la  loi  impose  une  action  ou  une  omission 
intrinsèquement  mauvaises,  qui  sont  contraires  à  la  loi  divine  et  réprou- 
vées par  la  conscience  :  vg.  la  Constituante  prescrit  aux  prêtres  le  serment 
à  la  Constitution  civile  du  Clergé. 

Alors  la  loi  commande  le  mal.  Le  devoir  est  ne  pas  lui  obéir,  parce 
que  «  l'on  doit  obéir  à  Dieu  plutôt  qu'aux  hommes  »  (^).  C'est  un  prin- 
cipe évident  qu'un  chef  subordonné  ne  peut  donner  un  commandement 
contraire  à  la  volonté  certaine  d'un  supérieur,  surtout  quand  ce  supé- 
rieur est  l'Être  souverain,  infiniment  sage  et  puissant,  Dieu  lui-même  ('). 

2°  Dans  le  second  cas,  la  loi  ne  commande  pas  le  mal,  mais  elle 
commande  à  tort,  injustement  :  telle  une  loi  qui  violerait  le  droit  de 
propriété  ou  d'association,  ou  imposerait  sans  raison  une  surcharge 
d'impôts  à  une  catégorie  de  citoyens.  Comme  ici  la  loi  ne  prescrit  pas 
une  action  intrinsèquement  mauvaise,  on  n'est  pas  tenu  à  lui  désobéir. 
Cependant,  comme  elle  commet  une  injustice,  ceux  qui  en  sont  victimes 
ont  le  droit  de  résister  passivement,  «  si  ce  n'est  peut-être  pour  éviter 
le  scandale  ou  le  trouble  »  (*).  Il  faut  expliquer  cette  restriction.  En 
certains  cas,  on  doit  se  soumettre  à  une  loi  injuste.  Ce  n'est  pas  qu'elle 
oblige  par  elle-même,  puisque,  n'étant  pas  juste,  elle  n'est  pas  une 
vraie  loi  :  sa  valeur  en  soi  est  donc  nulle.  Mais  il  peut  se  rencontrer  des 
circonstances  extrinsèques  qui  imposent  cette  obligation.  Exemple  : 
si  mon  refus  de  payer  une  taxe  inique  doit  provoquer  des  troubles  san- 
glants, je  me  soumettrai  pour  empêcher  un  plus  grand  mal. 

Par  contre,  il  peut  arriver  que  les  circonstances  me  conseillent  d'user 
de  mon  droit  de  résistance  passive.  Exemple  :  si  des  soumissions  anté- 
rieures n'ont  fait  qu'encourager  les  législateurs  à  commettre  de  nou- 


(')  Cf.  A.  Bélanger,  Une  loi  injuste  oblige-l-elle  en  conscience  ?  dans  la  Collection 
Science  et  Religion,  n°  238,  Paris,  1903.  —  H.  Gayraud,  La  Loi  devant  laraison,  Paris,  1906. 

( ')  Obedire  oportet  Dec  magis  quam  hominibus  [Act.  Apost.,  V,  29). 

(  ')  '  L'obéissance  est  due  à  chacun  selon  son  degré  ;  et  il  ne  faut  point  obéir  au  gou- 
verneur, au  préjudice  des  ordres  du  prince.  Au-dessus  de  tous  les  empires  est  l'empire  de 
Dieu.  C'est  ;\  vrai  dire  le  seul  empire  absolument  souverain,  dont  tous  les  autres  relèvent, 
et  c'est  de  lui  que  viennent  toutes  les  puissances.  Mais,  par  la  même  raison,  comme  on  ne 
doit  pas  obéir  au  gouverneur  contre  les  ordres  du  prince,  on  doit  encore  moins  obéir  au  roi 
contre  les  ordres  de  Dieu  »  (Bossuet,  Politique  tirée  des  propres  paroles  de  l'Ecriture  Sainte, 
L.  VI,  Art.  II,  Prop.  II).  —  Cf.  Suarez,  De  Legibus,  L.  I,  C.  ix,  §  4. 

(  *)  Unde  taies  leges  (injustae]  non  obligant  in  foro  conscientiae,  nisi  forte  propter  vitan- 
dum  scandalum  val  turbationem  ;  propter  quod  etiam  homo  juri  suo  débet  cedere...  (S.  Tho- 
mas, Summa  theologica,  1»  2",  Q.  XCVI,  Art.  IV.  Cf.  Ibidem,  Ad  tertium). 


276  LE    SERVICE    MILITAIRE  (102) 

velles  injustices,  c'est   une  raison  qui  m'autorise  à  passer  par-dessus] 
«  le  scandale  et  le  trouble  »  et  m'engage  à  résister. 

Il  est  évident,  enfin,  que  la  résistance  passive  n'est  légitime  qu'à.] 
deux  conditions  : 

a)  Si  l'injustice  commise  est  grai>e.  Autrement,  la  société  serait! 
sous  la  menace  de  perturbations  continuelles,  car  il  est  inévitable  que] 
des  erreur^  légères  échappent  même  aux  meilleurs  législateurs  dans 
l'œuvre  compliquée  de  la  confection  des  lois.  Reste  toujours  aux  parti- 
culiers lésés  le  droit  de  réclamer  la  modification  de  la  loi  dont  ils  ont  à 
se  plaindre. 

b)  Si  l'injustice  commise  est  moralement  certaine,  car,  en  cas  de 
doute,  la  présomption  est  en  faveur  du  législateur,  dont  le  droit  est 
plus  élevé  et  qui  est  en  possession  (^). 

C)  Résistance  active  aux  lois  injustes.  —  Cf.  infra  (106,  C)  : 
Résistance  à  la  tyrannie. 

102.  —  LE  SERVICE  MILITAIRE 

Outre  le  devoir  général  d'obéir  aux  lois  et  de  respecter  les  magistrats^ 
le  citoyen  a  encore  des  devoirs  particuliers,  vg.  payer  l'impôt  du  sanj 
et  l'impôt  de  l'argent.  C'est  par  le  service  militaire  qu'on  s'acquitte  du 
premier. 

A)  Fondement  de  ce  devoir.  —  La  société  a  le  droit  d'atteindre 
paisiblement  sa  fin  et,  conséquemment,  de  se  défendre  contre  ses  ennemis 
du  dedans  et  du  dehors.  Pour  réprimer  les  troubles  intérieurs  et  faire 
face  aux  guerres  extérieures,  elle  ne  dispose  que  des  citoyens  qui  la 
composent.  C'est  donc  pour  eux  un  devoir  strict,  une  dette  sacrée  de 
défendre,  au  péril  même  de  leur  vie,  cette  société  dont  ils  sont  membres 
et  à  laquelle  ils  sont  redevables  de  tant  d'avantages.  Mais,  pour  remplir 
efficacement  ce  rôle  de  défenseurs  de  la  patrie  au  moment  du  danger, 
il  faut  qu'ils  s'y  préparent  avec  soin  en  temps  de  paix.  D'où  la  nécessité 
d'une  éducation  militaire  et  des  armées  permanentes. 

B)  Mode  et  étendue  du  Recrutement.  — ^  Il  y  a  deux  manières 
de  recruter  ces  armées  :  l'engagement  volontaire  ou  la  conscription 
obligatoire.  Ce  second  système  a  généralement  prévalu,  à  cause  des 
inconvénients  qu'entraîne  le  premier  :  vg.  dépenses  considérables  pour 
solder  les  volontaires,  insuffisance  dans  le  nombre  des  recrues. 

La  quantité  de  soldats  à  enrôler  et  la  durée  de  la  formation  militaire 
dépendent  des  circonstances.  Comme  le  service  militaire  universel  est 
une  charge  financière  très  lourde  et  qu'il  entrave  plus  ou  moins  longtemps 


{')  Cf.  Su.iREZ,  De  Legibus,  L.  I,  C.  ix,   §  II. 


(103)  l'impôt  277 

les  carrières  de  la  jeunesse  de  tout  le  pays,  il  faut  limiter  le  plus  possible 
ce 'nombre  et  cette  durée.  On  devra  les  mesurer  sur  les  nécessités  de  la 
défense  nationale.  Cette  mesure  est  donc  forcément  variable  comme 
ces  nécessités  mêmes. 

A  cet  esprit  d'équitable  modération  s'oppose  le  Militarisme  qui,  en 
vue  d'agrandissements  futurs,  subordonne  tout  à  la  préparation  d'une 
guerre  de  domination.  Pour  réaliser  ces  projets  de  conquête,  certains 
États,  l'Empire  allemand  en  particulier,  pour  qui  la  guerre  était  devenue 
«  une  industrie  nationale  »,  ont  organisé  de  formidables  armées  perma- 
nentes, ce  qui  a  obligé  les  autres  puissances  à  augmenter  leur  armement. 
Avant  1914,  l'Europe  était  transformée  en  un  vaste  camp  retranché. 
Ces  accroissements  sont  un  véritable  fléau  pour  les  peuples.  La  tendance 
actuelle  est  au  désarmement,  qui  doit  être  aussi  général  que  possible, 
mais  ne  saurait  être  complet,  car  les  nations  auront  toujours  besoin 
d'entretenir  des  troupes  capables  de  les  défendre  contre  les  attaques 
injustifiées. 

C)  Obligation  personnelle.  —  Longtemps  les  États  ont  considéré 
le  service  militaire  comme  une  obligation  réelle,  mais  non  personnelle. 
Alors  il  était  permis  de  se  substituer  un  remplaçant  qu'on  indemnisait 
à  prix  d'argent.  Aujourd'hui,  le  service  militaire  est  communément 
regardé  comme  une  obligation  personnelle.  En  principe,  tous  y  sont 
astreints.  Celui  qui  cherche  à  s'y  dérober  par  la  fuite  ou  par  une  muti- 
lation volontaire  qui  le  rend  impotent,  manque  gravement  au  devoir 
patriotique,  car  il  viole  la  justice  légale.  En  pratique,  force  est  bien 
d'admettre  des  dispenses  :  vg.  en  faveur  des  infirmes,  de  ceux  qui  sont 
absolument  nécessaires  au  soutien  de  leur  famille.  De  plus,  afin  de 
pourvoir  à  des  services  importants  incompatibles  avec  le  métier  des 
armes,  on  est  obligé  d'exempter  ceux  qui  sont  plus  aptes  à  les  remplir. 
Ainsi,  durant  la  guerre  de  1914,  un  grand  nombre  d'ouvriers  ont  été 
employés,  loin  du  front,  à  fabriquer  dans  les  usines  des  engins  de  combat. 
Il  n'y  a  rien  là  de  contraire  à  la  véritable  égalité,  car  elle  n'exige  pas 
l'uniformité,  mais  l'équivalence  des  services.  La  diversité  harmonieuse 
des  fonctions  est  une  condition  d'existence  et  de  vitalité  pour  tout  être 
organisé,  qu'il  soit  individuel  comme  le  corps  humain,  ou  collectif 
comme  le  corps  social. 

103.  —  L'IMPOT  (1) 

I.  —  Nécessité  :  l'État  aie  devoir  de  subvenir  aux  besoins  communs, 
de  s'acquitter  des  services  publics  (administration  générale,  armée,  etc.)  ; 


{ »)  T.  ROTHE,  Traité  de  Droit  naturel,  T.  I,  P.  IV,  Cli.  v,  Sect.  XX.  —  A.  Vermëersch, 
Qusesliones  de  Justifia. .-,  Quaest.  III,  C.  II.  —  R.  Stourm,  Systi^mes  généraux  d'impôts.  


278  l'impôt  (103) 

• 
il  a  donc  droit  aux  moyens  nécessaires  ;  or  V impôt  est  l'un  de  ces  moyens. 

II.  — Nature  et  Fondement  :  la  société  politique  et  ses  exigences 
s'imposent  à  tous  les  habitants  du  même  pays.  Chacun  d'eux  doit 
contribuer,  selon  ses  ressources  et  dans  la  mesure  des  besoins  publics, 
à  la  réalisation  du  bien  commun.  L'impôt  est  l'un  des  moyens  néces- 
saires pour  atteindre  ce  but.  Chaque  citoyen  est  donc  tenu  de  le  payer. 
L'impôt  direct  est  par  conséquent  une  charge  personnelle,  c'est-à-dire 
qui  tombe  directement  sur  la  personne  des  citoyens,  et  non  une  charge 
réelle,  c'est-à-dire  qui  frappe  directement  les  biens.  On  peut  le  définir  une 
contribution  aux  charges  publiques  imposée  par  l'État  aux  particuliers. 

III.  —  Obligation  de  payer  l'impôt  :  «  Le  citoyen  qui  refuse  l'impôt 
se  met  en  état  de  rébellion,  puisqu'il  refuse  à  l'État  le  moyen  indispen- 
sable de  remplir  sa  mission  ;  il  rend,  autant  qu'il  dépend  de  lui,  la  société  " 
impossible.  Celui  qui  fraude  sur  l'impôt  commet  la  même  faute,  quoique 
dans  une  moindre  mesure.  L'un  et  l'autre  se  rendent  coupables,  en 
outre,  d'une  injustice  envers  leurs  concitoyens,  puisque  l'impôt  qu'ils 
ne  paient  pas  retombe  sur  les  autres.  En  principe  donc,  la  loi  fiscale 
oblige  en  conscience.  Mais,  chez  nous  (i),  l'habitude  de  frauder  le  fisc 
est  tellement  invétérée  que  le  législateur  n'a  pas  voulu  urger  l'obligation 
de  conscience,  de  peur  qu'elle  ne  créât  un  préjudice  aux  seuls  honnêtes 
gens.  Néanmoins  les  fraudes,  qui  dépasseraient  notablement  les  tolé- 
rances généralement  admises,. ne  semblent  pas  mériter  d'excuse.  Il  est 
à  espérer  que,  peu  à  peu,  l'esprit  public  s'élèvera  à  une  conception  plus 
saine  du  devoir  fiscal  {^).    » 

IV.  —  Espèces  :  A)  Direct  :  il  s'adresse  immédiatement  aux  personnes 
en  vertu  des  rôles  nominatifs  arrêtés  chaque  année  :  cote  personnelle, 
impôt  foncier,  impôts  sur  les  maisons,  sur  les  portes  et  fenêtres,  sur 
l'exercice  des  professions  (licence  ou  patente),  sur  les  transmissions 
à  titre  gratuit  ou  onéreux,  sur  le  revenu  ;  impôt  de  l'enregistrement, 
prestations  en  nature. 

B)  Indirect  :  il  atteint  les  objets  de  consommation  :  matières  pre- 
mières, aliments,  vêtements,  objets  de  luxe.  On  l'appelle  ainsi  parce 
qu'il  n'est  d'ordinaire  qu'une  avance  remboursée  par  le  consommateur 


p.  Leroy-Beaulieu,  Traité  de  la  Science  des  Finances.  T.  I,  L.  II.  —  L.  Say,  Diclion- 
naire  des  Finances.  Contre  l'impôt  sur  le  revenu.  —  II.  Denis,  L'impôt.  —  J.  Roche, 
Contre  l'impôt  sur  le  retenu. — -  N. -G.  Pierson,  Les  revenus  de  l'Etat.  Trad.  du  hollandais, 
par  L.  Suret.  —  Edw  R.  A.  Seligman,  Essais  sur  l'impôt.  Traduit  de  l'anglais  par 
L.  Suret.  L'Impôt  progressif  en  théorie  et  en  pratique.  Trad.  par  A.  Marcaggi.  — 
J.  Ingenbleek,  La  Justice  dans  l'impôt. 

(  ')  L'auteur  parle  de  la  Belgique  ;  mais  sa  remarque  vaut  aussi  pour  d'autres  pays, 
vg.  la  France 

(  »)  V.  Fallon,  Principes  d'Economie  sociale,  P.  IV,  Sect  II,  Ch.  i.  Art.  2,  p.  344,  n.  1. 
Louvain  .1921. 


(103)  l'impôt  279 

à  celui  qui  le  paie,  ou  parce  qu'il  n'atteint  les  personnes  que  par  l'inter- 
médiaire des  choses.  On  en  distingue  trois  sortes  :  1^  Contributions 
indirectes  ou  droits  réunis  (^)  ;  —  2^  Douanes  ;  —  3°  Régies. 

V.  —  Qualités  :  l'État  doit  établir  l'impôt  en  se  conformant  aux 
règles  de  la  justice  distributive.  D'après  ces  règles,  voici  les  qualités 
principales  d'un  impôt  juste  :  il  doit  être  : 

A)  Nécessaire,  c'est-à-dire  exigé  par  le  bien  commun  ;  autrement 
il  est  injuste. 

B)  Général,  c'est-à-dire  atteignant  tous  ceux  qui  sont  en  état  de 
le  payer.  Cette  règle  admet  des  exceptions  :  la  loi  peut  exempter  ceux 
qui  ont  rendu  des  services  exceptionnels  au  pays,  car  ces  services  com- 
pensent la  contril)ution  pécuniaire  due  à  la  société. 

C)  Equitablement  réparti,  c'est-à-dire  être  proportionné  aux  forces 
économiques  de  cliacun.  Il  doit  frapper  d'abord  le  superflu,  puis  le  conve- 
nable, et  respecter  le  nécessaire.  Dans  l'appréciation  des  facultés  contri- 
butives, l'État  doit  tenir  grand  compte  des  charges  de  famille.  Le  céli- 
bataire peut  supporter  des  impôts  plus  lourds  que  le  père  de  famille 
qui,  avec  le  même  revenu,  doit  pourvoir  à  l'entretien  de  sa  femme  et 
de  ses  enfants.  Les  ménagements  du  fisc  pour  les  familles  nombreuses 
sont  d'autant  plus  justifiés  que,  ces  familles  devenant  plus  rares,  le 
fléau  de  la  dépopulation  est  plus  menaçant.  L'État  doit  aussi  tenir 
compte  de  l'origine  des  revenus  :  nous  allons  voir  qu'il  faut  distinguer 
deux  sortes  de  revenus  (VI). 

VI.  —  Base  :  l'impôt  doit,  en  général,  être  prélevé  sur  le  revenu  et 
non  sur  le  capital.  En  efîet,  l'impôt  doit  être  en  rapport  avec  les  res- 
sources du  pays  et  ne  pas  faire  obstacle  à  sa  prospérité.  Or  imposer  le 
capital  c'est  diminuer  pour  l'avenir  une  des  sources  de  la  production 
et  réduire  la  matière  imposable.  Un  particulier  qui  mange  son  capital 
va  à  la  faillite  ;  un  État  qui  entame  le  capital  de  ses  sujets  les  mène 
à  la  ruine  et  y  aboutit  lui-même.  Il  faut  se  rappeler  le  mot  de  J.-B.  Say  : 
seuls  les  revenus  «  renaissent  incessamment  ». 

L'impôt  sur  le  capital  ne  se  conçoit  que  pour  les  rares  richesses  qui  ne 
produisent  pas  de  revenus  :  vg.  objets  d'art,  diamants,  successions. 
Les  taxes  successorales  doivent  être  peu  élevées  :  autrement,  elles 
amoindriraient  trop  le  capital.  Si  elles  sont  faibles,  cet  inconvénient 
est  évitable,  parce  que,  comme  elles  ne  sont  exigibles  que  de  loin  en 
loin,  elles  peuvent  être  réparties  sur  le  revenu  de  plusieurs  années,  sans 
qu'il  soit  nécessaire  d'entamer  le  capital. 


(  >)  L'impôt  fies  contributions  indirectes  pèse  plus  sur  les  pauvres  que  sur  les  riches, 
car  celui  qui  a  20.000  francs  de  rente  ne  consomme  pas  10  fois  plus  de  sel,  de  sucre  ou  de 
vin  que  quelqu'un  qui  gagne  2.000  francs  par  an.  De  là  vient  la  défaveur  où  il  est  tombé 
en  certains  pays. 


280  l'impôt  (103) 

On  distingue  deux  sortes  de  revenus  :  les  revenus  du  capital,  c'est- 
à-dire  de  tout  instrument  apte  à  produire  la  richesse,  et  les  revenus  du 
travail.  Ils  doivent  être  taxés  l'un  et  l'autre,  mais  inégalement. 

Il  serait  injuste,  en  effet,  de  ne  frapper  que  les  revenus  du  capital, 
parce  que  nombre  de  citoyens  sans  capitaux  peuvent  se  procurer  de 
beaux  revenus  par  leur  travail  :  vg.  médecins,  avocats,  etc. 

Mais  les  revenus  du  capital  doivent  être  taxés  à  un  taux  plus  élevé 
que  ceux  du  travail.  C'est  une  conséquence  logique  du  principe  que  nous 
avons  posé,  à  savoir  qu'il  faut  proportionner  l'impôt  aux  facultés  contri- 
butives de  chaque  citoyen.  Or  le  rentier  qui  jouit  d'un  revenu  de 
15.000  francs  est  plus  en  état  de  contribuer  aux  charges  publiques  que  le 
travailleur  auquel  son  travail  rapporte  la  même  somme.  Car  le  rentier 
peut  ajouter  à  sa  rente  fixe  le  revenu  supplémentaire  de  quelque  entreprise 
lucrative.  Il  faudrait,  dans  l'établissement  de  la  taxe,  avoir  égard  aux 
conditions  d'âge  et  de  capacité  de  travail  où  se  trouve  le  rentier,  aiu'si 
qu'à  la  quantité  de  son  revenu. 

VII.  —  Mode  d'estimation  d'un  revenu  :  il  est  très  difficile  de 
l'estimer  exactement.  Si  l'on  s'en  remet  à  la  déclaration  des  contri- 
buables, il  est  à  craindre  que  les  honnêtes  gens  paient  pour  les  fraudeurs  ; 
si  l'État  recherche  d'office  la  fortune  de  chacun,  il  pénétrera  dans  la 
vie  privée  ;  cette  inquisition  peut  devenir  vexatoire  et  provoquer  l'émi- 
gration des  capitaux  à  l'étranger.  Au  lieu  de  calculer  le  revenu  direc- 
tement, il  faudrait  trouver  un  moyen  de  l'évaluer  indirectement,  par 
un  signe  extérieur  de  la  richesse.  C'est  ainsi  qu'on  le  fait  déjà  pour 
l'impôt  personnel  et  mobilier  :  on  le  calcule  d'après  le  prix  du  loyer  ou 
la  valeur  locative  probable  pour  ceux  qui  habitent  leur  propre  maison. 
Mais  la  difficulté  est  de  trouver  un  signe  extérieur  vraiment  équivalent. 

VIII.  • —  Quotité  de  l'impôt  :  la  justice  distributive  demande  que 
l'impôt  soit  proportionné  aux  facultés  contributives  des  citoyens.  Cette 
règle  est  admise  par  tous.  Mais,  sur  la  manière  de  l'appliquer,  c'est- 
à-dire  sur  le  meilleur  moyen  de  réaliser  une  équitable  répartition  de 
l'impôt  selon  la  capacité  contributive  de  chacun,  les  auteurs  se  divisent. 
L'impôt  équitable  est-ce  l'impôt  proportionnel  ou  l'impôt  progressif  ?] 

L'impôt  proportionnel  est  celui  qui  prend  un  même  tantième  de' 
tous  les  revenus  ;  la  proportion  reste  constante  :  vg.  si  100  francs  de  revenu 
paient  10  francs,  1.000  en  paieront  100,  10.000  en  paieront  1.000,  etc., 
c'est-à-dire  toujours  le  10®  du  revenu.  Cette  sorte  d'impôt  n'est  pas 
conforme  à  la  justice  distributive,  car  la  privation  qu'il  fait  subir  au- 
contribuable  est  plus  lourde  pour  le  pauvre  que  pour  le  riche  :  pour  celui 
qui  a  100.000  franes  de  rente,  un  impôt  de  10  %  (—  10.000  francs) 
est  pris  sur  son  superflu,  tandis  que  pour  celui  qui  n'a  que  1.000  francs 
de  revenu,  un  impôt  de  10  %  (  =  100  francs)  est  pris  sur  son  nécessaire. 
L'impôt  doit  donc  être  progressif  dans  une  certaine  mesure. 


(104)  LE    DROIT    DE    VOTE    ET    D'ÉLIGIBILITÉ  281 

L'impôt  progressif  est  celui  dont  la  proportion  varie  et  croît  avec 
l'augmentation  du  revenu  :  si  la  taxe  est  de  10  %  jusqu'à  1.000  francs 
de  revenu,  elle  sera,  vg.  de  12  %  sur  un  revenu  de  1.000  à  10.000  francs, 
de  15  %  sur  un  revenu  de  10.000  à  100.000  francs,  et  ainsi  de 
suite. 

L'impôt  progressif  doit  être  sagement  limité,  sous  peine  d'aboutir 
à  des  conséquences  désastreuses.  Si  l'on  établit  un  impôt  à  progression 
rapide  et  forte,  il  absorbera  une  telle  part  du  revenu  des  classes  riches 
qu'il  découragera  l'esprit  d'entreprise  et  poussera  à  l'émigration  des 
capitaux  en  pays  étrangers,  à  la  diminution  de  l'épargne.  La  progression 
doit  donc  être  modérée.  Si  la  progression  est  indéfinie,  l'impôt  abou- 
tira alors  à  une  véritable  confiscation.  «  Supposons  en  effet  un  impôt 
progressif  dont  le  taux  débuterait  par  2  pour  mille  et  augmenterait 
de  2  pour  chaque  mille  en  plus.  Le  revenu  de  500.000  francs  serait 
complètement  absorbé  par  l'impôt.  Si  l'on  poussait  à  bout  l'application 
du  principe,  son  absurdité  apparaîtrait  dans  ce  fait  que  le  contribuable 
dont  le  revenu  serait  d'un  million  devrait  payer  deux  millions  d'impôt  {^).n 
Il  faut  donc  limiter  la  progression  pour  empêcher  les  gros  revenus  de 
disparaître  entièrement.  Deux  moyens  se  présentent  d'obvier  à  cet 
inconvénient  :  fixer  un  taux  maximum  qui  ne  doit  pas  être  dépassé, 
ou  bien,  dans  les  couches  supérieures  des  gros  revenus,  se  contenter 
d'un  taux   proportionnel. 

D'autre  part,  il  faut  empêcher  l'impôt  de  dévorer  les  petites  fortunes, 
car  c'est  un  principe  certain  que  l'impôt  doit  épargner  le  nécessaire. 
On  doit  donc  exempter  de  l'imposition  le  minimum  de  revenu  regardé 
comme  nécessaire.  Pour  déterminer  ce  minimum  on  prendra  une  moyenne 
qui  variera  avec  les  circonstances  (^). 


104.  —  LES  DROITS  DE  VOTE  ET  D'ÉLIGIBILITÉ 

A)  Devoirs  de  l'électeur  et  de  l'élu  :  dans  les  États  modernes, 
tout  citoyen  réunissant  certaines  conditions  d'âge,  de  domicile  et  d'hono- 
rabilité déterminées  par  la  constitution  de  chaque  pays,  a  le  droit  de 
vote  ou  de  suffrage  et  celui  d'éligibilité. 

Là  où  le  vote  est  un  droit,  c'est  aussi  un  devoir,  un  devoir  grave,  qui 


(  ')  V.  Fallon^,   Principes  d'Economie  sociale,  Loco.  cil.,  p.  348. 

(  -)  «  Des  écrivains  d'une  grande  autorité  soutiennent  la  légitimité  de  l'impôt  progressif  : 
Taparelii,  Liberatore,  Stuart  Mill,  J.  Garnier,  Devas,  J.-B.  Say,  Rossi,  L.  Faucher,  Courcelle- 
Seneuil,  Wagner,  Schaeffle,  Helfericli.  D'autres,  en  grand  nombre,  le  rejettent  comme 
injuste  et  nuisible  :  Thiers,  H.  Passy,  Woloswki,  Leroy-Beaulieu,  Léon  Say,  Cauwès.  » 
(Ch.  Antoine,  Cours  d'Economie  sociale,  P.  I,  S.  I,  Ch.  v.  Art.  2,  p.  135,  Paris,  1921*). 
Cf.  R.  Stourm,  Systèmes  généraux  d'impôts,  p.  218-241.  Paris,  1893. 


282  LE    DROIT    DE    VOTE    ET    D'ÉLIGIBILITÉ  (104) 

doit  être  rempli  avec  intelligence,   fidélité  et  indépendance.   Chaque 
citoyen  en  effet  est  tenu  d'élire  ceux  qu'il  juge  en  conscience  être  lesj 
plus  aptes  à  bien  gérer  les  affaires  publiques.  De  son  côté,  tout  citoyen 
élu,  s'il  acquiert  de  nouveaux  droits  politiques  (droit  de  discuter  et  dej 
voter  les  lois,  droit  d'interpellation  et  de  contrôle,  etc.),  contracte  aussi' 
de  nouveaux  devoirs  (obligation  d'accomplir  son  mandat  au  mieux  des 
intérêts  généraux',  qui  doivent  passer  avant  tout,  sans  négliger  les  inté- 
rêts légitimes  de  ses  électeurs,  etc.). 

B)  Espèces  de  suffrage  :  on  distingue  le  suffrage  : 

10  Restreint  :  qui  n'est  concédé  qu'à  une  catégorie  de  citoyens  ; 
vg.  à  ceux  qui  paient  telle  quantité  d'impôts.  On  a  appelé  ces  électeurs 
censitaires. 

2°  Universel  :  qui  appartient  à  tous  les  citoyens  remplissant  les 
conditions  exigées  par  la  loi.  Il  peut  être  : 

a)  Direct  :  quand*  tout  citoyen  concourt  à  élire  non  des  électeurs, 
mais  les  législateurs  eux-mêmes,  députés  ou  sénateurs. 

b)  Indirect  ou  à  plusieurs  degrés  :  quand  on  élit  des  délégués  qui 
choisissent  eux-mêmes  les  représentants.  En  France,  les  sénateurs  sont 
élus  par  des  électeurs  qui  ont  été  choisis  dans  chaque  commune. 

C)  Critique  du  suffrage  universel  :  le  suffrage  direct  n'est  vraiment 
à  sa  place  que  quand  il  s'agit  des  intérêts  municipaux.,  car  alors  chaque 
électeur  a  la  compétence  suffisante,  parce  qu'il  peut  facilement,  et  il  y 
est  intéressé,  se  mettre  au  courant  des  besoins  réels  de  sa  commune. 
L'horizon  communal  ne  dépasse  la  portée  intellectuelle  de  personne. 
Il  en  est  tout  autrement  quand  il  s'agit  des  intérêts  généraux  du  pays, 
qui  soulèvent  des  questions  délicates  et  compliquées. 

Le  suffrage  universel  est  une  conséquence  inévitable  de  l'évolution 
démocratique  (})  :  il  existe  à  peu  prés  partout.  Vouloir  le  supprimer 
serait  une  tentative  chimérique.  Tel  qu'il  fonctionne  généralement, 
vg.  en  France,  il  est  inorganique.  Aussi  a-t-il  provoqué  de  graves  cri- 
tiques, dont  voici  les  principales  :  les  abstentions  sont  nombreuses, 
l'égalité  des  voix  est  un  système  brutal,  les  minorités  sont  exclues 
de  la  participation  aux  affaires  publiques,  enfin  le  pays  n'est  pas  réel- 
lement représenté.  Pour  obvier  à  ces  défauts  on  a  proposé  divers  remèdes, 
qui  ne  soiit  pas  exclusifs  les  uns  des  autres  :  le  suffrage  doit  être  obli- 
gatoire., plural^  /jrofiortiointel,  projessionnel. 

D)  Organisation  du  suffrage  universel  (^)  :  il  doit  être  : 

10  Obligatoire  :  autrement  il  n'exprime  pas  l'opinion  vraie  du  pays. 


(  ')  Cf.  G.  Sortais,  Les  Catholiques  en  face  de  la  Démocratie  et  du  droit  commun,  L.  I, 
Ch.  I,  p.  2.  L.  III,  p.  182. 

( ')  J.  Barthélémy,  L'Organimtion  du  suffrage  universel  et  l'expérience  belge...,  Paris, 
1912. 


(104)  LE    DROIT    DE    VOTE    ET    D'ÉLIGIBILITÉ  283 

Pour  remédier  efficacement  au  mal  des  abstentions,  l'obligation  de 
voter  doit  être  munie  de  sanctions. 

2°  Plural  :  donner  le  même  nombre  de  voix  à  tous  les  citoyens, 
c'est  mettre  sur  le  même  pied  les  gens  instruits  et  les  ignorants,  ceux 
qui  portent  des  responsabilités  et  ceux  qui  n'en  ont  pas,  les  compétents 
et  les  incompétents.  Cette  égalité  absolue  est,  en  réalité,  une  criante 
inégalité  et  l'on  peut  lui  appliquer  le  mot  de  Cicéron  :  ^quitus  ini- 
quissima.  Il  faudrait  proportionner  le  nombre  des  suffrages  à  la  qualité 
et  au  mérite  des  électeurs.  La  difficulté  est  de  trouver  un  moyen  de 
discerner  le  mérite  et  la  qualité.  On  peut  recourir,  comme  on  l'a  fait, 
à  des  titres  extérieurs  :  services  éclatants  rendus  au  pays,  grades  univer- 
sitaires, professions  supposant  un  certain  acquis  intellectuel  et  moral,  etc. 
Mais  il  faut  reconnaître  que  ces  distinctions,  qui  établissent  des  classes 
entre  les  électeurs,  quoique  justes  en  soi,  sont,  en  pratique,  très  diffi- 
ciles, sinon  impossibles,  à  faire  accepter,  parce  que  l'amour  de  l'égalité 
niveleuse  est  tout-puissant  dans  le  monde  moderne. 

Mais  il  est  un  suffrage  plural  qui  doit  rallier  les  sympathies  de  tous 
les  patriotes,  c'est  le  suffrage  familial,  qui  serait  une  faveur  décernée 
aux  familles  nombreuses.  Les  pères  de  famille  auraient  des  voix  supplé- 
mentaires, proportionnées  au  nombre  de  leurs  enfants  ou  calculées 
d'après  une  échelle  graduée. 

3*^  Proportionnel  {^)  :  il  permet  la  représentation  des  minorités  au 
prorata  des  voix  obtenues.  C'est  une  réaction  contre  le  système  injuste 
de  la  majorité  pure  et  simple,  d'après  lequel  la  moitié  des  voix  plus  une 
donne  tout,  et  la  moi-tié  des  voix  moins  une  ne  donne  rien.  Il  peut 
arriver  que,  sur  vg.  8  millions  de  votants,  la  majorité  élue  le  soit  par 
4  milhons  100  mille  voix  ;  voilà  donc  une  minorité  de  3  millions  900  mille 
voix  qui  n'est  pas  représentée,  c'est-à-dire  presque  la  moitié  du  pays. 
Le  gouvernement  ne  sera  alors  que  le  représentant  d'un  parti  :  il  sera 
forcément  partial  et  deviendra  facilement  tyrannique. 

4°  Professionnel  :  il  faut  grouper  les  électeurs  d'après  les  diverses 
professions  d'un  pays  et  accorder  à  chaque  groupement  un  nombre  de 
sièges  aux  assemblées  législatives  proportionné  à  son  importance  numé- 
rique (2).     Pour  le  classement  des  professions  on  peut  utiliser  la  classifi- 


(  •)  La  Représentation  proportionnelle.  Etudes  de  Législation  et  de  Statistique  comparées, 
publiées  sous  les  auspices  de  la  Société  pour  l'étude  de  la  Représentation  proportionnelle, 
Paris,  1888.  —  Goblet  d'Alviella,  La  Représentation  proportionnelle  et  le  Régime  parle- 
mentaire, (ia.ns  Revue  des  Deux  Mondes,  1900,  T.  I,  p.  37  sqq.  -—  J.-P.  Laffitte,  Le 
Paradoxe  de  l'égalité  et  la  Représentation  proportionnelle.  Deux  essais  de  Philosophie  positive, 
Paris,  1910  ^  —  A.  Béchaux,  Le  Scrutin  de  liste  proportionnel,  Paris,  1883. 

(  ')  Ch.  Benoist  a  très  bien  expliqué  et  soutenu  le  système  de  la  Représentation  profes- 
sionnelle dans  son  livre  :  La  Crise  de  l'Etat  moderne  :  De  l'Organisation  du  suffrage  universel, 
Ch.  IV,  V,  VI.  Paris,  s.  d.  (1897).  —  E.  Duthoit,  Le  Suffrage  de  demain,  Paris,  1901. 


284  LE    DROIT    DE    VOTE    ET    D'ÉLIGIBILITÉ  (104) 

cation  employée  dans  les  Statistiques,  parce  que  l'expérience  a  prouvé 
qu'elle  atteint  à  une  exactitude  suffisante.  Elle  comprend  huit  groupes  : 
Agriculture,  Industrie,  Transports,  Commerce,  Force  publique,  Admi- 
nistration publique.  Professions  libérales.  Propriétaires  et  Rentiers. 

Ce  système  procurerait  une  représentation  réelle  du  pays,  parce  qu'elle 
refléterait  ses  divers  besoins  et  renfermerait  des  compétences  en  tout 
genre.  Autrement,  les  élections  aboutissent  à  une  représentation  factice 
et  stérile  où  les  politiciens  dominent  (^). 

E)  Référendum  :  c'est  le  recours  aux  électeurs  pour  les  consulter 
sur  une  mesure  à  prendre  ou  pour  soumettre  à  leur  jugement  une  mesure 
déjà  prise. 

Certains  Conseils  municipaux  en  France  ont  pris  l'initiative,  tolérée 
par  le  Gouvernement,  de  soumettre  aux  électeurs  de  leurs  Communes 
tel  ou  tel  projet  :  vg.  taxe  nouvelle  à  établir,  travaux  à  entreprendre,  etc. 
On  s'est  bien  trouvé  de  cette  consultation  directe  des  intéressés.  Aussi 
plusieurs  sociologues  ont-ils  proposé  d'étendre  cet  essai  de  référendum 
communal  aux  départements  et  au  pays  tout  entier.  Ils  s'autorisent 
de  l'exeniple  de  la  Suisse,  où  le  référendum  a  été  introduit,  en  1874, 
dans  la  Constitution  fédérale.  Aucune  revision  totale  ou  partielle  de 
la  Constitution  n'a  force  de  loi  avant  d'être  acceptée  par  la  majorité 
des  électeurs  et  par  la  majorité  des  cantons  qui  forment  la  Confédération. 
Pour  les  lois  ou  arrêts  fédéraux  qui  ne  modifient  pas  la  Constitution, 
ils  ne  sont  sujets  au  référendum  populaire  que  si  demande  en  est  faite 
par  trente  mille  électeurs  ou  par  huit  cantons. 

Le  référendum  peut  prendre  deux  formes  : 

a)  Référendum  de  ratification  ou  Référendum  post  Irgcm,  par  lequel 
on  soumet  à  l'examen  des  électeurs  une  loi  déjà  votée  par  les  Chambres. 
L'acceptation  ou  le  refus  des  électeurs  déterminent  l'entrée  en  vigueur 
ou  le  rejet  de  la  loi. 

b)  Référendum  de  consultation  ou  Référendum  ante  legem,  par  lequel 
les  Chambres,  hésitantes  sur  une  réforme  discutable,  en  appellent  à  la 
décision  des  électeurs. 

Il  conviendrait  de  ne  soumettre  à  ce  Référendum  législatif  que  les 
lois  concernant  la  Constitution  ou  les  lois  d'un  intérêt  général  majeur  : 
vg.  la  liberté  d'enseignement.  Le  référendum  doit  être  appliqué  à  des 
questions  positives  et  précises  dont  la  solution  se  ramène  à  une  affir- 
mation de  principe  par  oui  ou  par  non.  Des  questions  techniques  et 
compliquées  ne  sont  pas  de  son  ressort. 


(')  Voir  Bknoist,  Ibidem,  Appendice  XIV,  p.  446-447,  les  graphiques  très  suggestifs 
qui  représentent  :  1°  Réparliiion  de  la  population  française  par  groupes  professionnels.  — 
2"  Composition  de  la  Chambre  actuelle  (année  1893).  —  3°  Composition  d'une  Chambre  qui 
serait  la  représentation  réelle  du  pays. 


(105)  LE    DROIT    d'association    ET    l'ÉTAT  285 

Les  autorités  chargées  de  décider  s'il  y  a  lieu  ou  non  à  référendum, 
devraient  être  désignées  par  la  Constitution.  Le  Président  de  la  Répu- 
blique semble  tout  indiqué  pour  remplir  cet  office.  Il  serait  bon  aussi 
d'accorder  cette  prérogative  aux  Assemblées  législatives  :  vg.  une 
motion,  émanant  du  tiers  des  membres  des  deux  Chambres,  rendrait 
le  référendum  obligatoire.  Excellent  moyen  pour  sauvegarder  les  droits 
des  minorités  importantes  (^). 

105.  —  LE    DROrr    D'ASSOCIATION    ET    L'ÉTAT    (') 

L  —  Fondement  :  A)  Le  droit  d'association  c'est  le  droit  qu'a  tout 
homme  d'unir  ses  forces  à  celles  de  ses  semblables,  d'une  façon  constante, 
pour  réaliser  une  fin  commune,  utile  et  honnête.  L'homme,  être  sociable, 
ne  trouve  pas  le  moyen  de  satisfaire  tous  ses  besoins  par  la  famille  et 
la  société  civile  ;  il  lui  faut  des  groupements  intermédiaires.  La  tendance 
de  l'homme  à  s'améliorer  exige  donc  ces  sortes  de  groupements.  Il  faut 
en  conclure  que  le  droit  d'association  est  un  droit  naturel,  puisqu'il 
découle  d'une  tendance  incompressible  de  la  nature  humaine.  Par 
conséquent,  la  loi  civile  ne  peut  avoir  la  prétention  de  conférer  le  droit 
d'association,  car  la  loi  naturelle  est  antérieure  à  la  loi  civile. 

B)  De  plus,  le  droit  d'association  est  le  complément  nécessaire  de 
toutes  les  autres  libertés  ;  à  quoi  servirait  la  liberté  de  l'enseignement, 
du  commerce,  de  la  charité,  etc.,  s'il  n'est  pas  loisible  de  se  réunir  et 
de  se  grouper  ?  L'homme  isolé  est  impuissant. 

Les  associations  n'ont  pas  seulement  le  droit  de  naître,  mais  encore 
de  vivre  et  de  se  développer  ;  elles  ont  donc  droit  aux  moyens  néces- 
saires à  cette  vie  et  à  ce  développement  :  vg.  droit  de  s'agréger  des 
membres  en  nombre  illimité,  droit  de  posséder  des  biens,  meubles  et 
immeubles,  droit  d'ester  en  justice.  Or,  en  France,  la  Révolution  a  sup- 
primé les  corps  organisés  et  réduit  la  société  à  un  individualisme  néfaste 
(93,  §  B,  II,  2°).  L'article  291  du  Code  pénal  était  la  négation  du  droit 
d'association.  C'est  une  prohibition  contre  nature  ;  aussi,  malgré  le 
Code,  des  associations  diverses  ont  surgi  de  toutes  parts.  La  loi  du 


(  •)  Sur  le  Référendum,  on  consultera  avec  fruit  :  Eugène  Duthoit,  Le  Suffrage  de 
demain,  Ch.  ii,  Le  passé  el  l'avenir  du  Référendum  en  France,  p.  63-120,  Paris,  1901. 

(')  Revue  catholique  des  institutions  et  du  droit,  1880,  T.  II,  p.  463-556.  —  II.  Prélot, 
L'État,  le  Droit  naturel  et  l'Église  en  matière  d'association,  dans  les  Études,  tnars-août 
1893.  —  H.  Martin,  La  Désorganisation  sociale  et  l' Individualisme,  Ibidem,  juillet  1889. 
—  S.  ScHiFFiNi,  Dispiitaliones  philosophise  moralis,  T.  II,  Disp.  V.  Sect.  VII.  —  Van  den 
Heuvel,  Les  associations  au  point  de  vue  légal.  —  T.  Rot)ie,  Traité  de  droit  naturel,  T.  I, 
1V«  P.,  Cil.  V,  Secl.  XVI.  —  G.-D.  WeiL,  Le  droit  d'association  et  le  droit  de  réunion  devant 
les  Chambres  et  les  Tribunaux.  —  Comte  de  Paris,  Une  liberté  nécessaire  :  le  droit  d'asso- 
ciation. —  G.  FoNSEGRiVE,  Le  Fondement  du  Droit  d'association,  dans  la  Quinzaine, 
1898,  T.   I,  p.   360-384. 


286  LE   DROIT   d'association   ET   l'état  (105) 

1er  juillet  1901,  réglant  le  droit  d'association,  est  encore  tout  imprégnée 
de  cet  esprit  de  défiance,  legs  de  la  Révolution,  contre  les  droits  naturels 
des  citoyens.  Elle  rétablit  des  catégories  de  suspects  :  le  droit  des  Congré- 
gations religieuses  à  l'existence  est  méconnu  (^). 

IL  —  L'État  :  1°  Il  doit  donc  laisser  se  former  librement  toute  asso- 
ciation qui  poursuit  un  but  utile  et  honnête  ;  par  conséquent  aucune  asso- 
ciation n'a  besoin  d'autorisation  spéciale  pour  naître. 

2o  II  a  sur  les  associations,  comme  sur  le  reste,  un  droit  de  haute 
police  ;  il  doit  donc  interdire  les  associations  nuisibles  à  la  religion,  aux 
bonnes  mœurs,  à  la  sécurité  publique. 

3°  Il  ne  doit  imposer  aux  associations  que  les  restrictions  abso- 
lument nécessaires  pour  sauvegarder  le  bien  commun  et  non  pas  s'arroger 
un  droit  de  tutelle  et  les  traiter  comme  des  mineurs. 

4°  Il  peut  accorder  certains  privilèges  à  des  établissements  déclarés 
d'utilité  publique,  parce  qu'ils  poursuivent  un  but  d'intérêt  général  : 
vg.  Banque  de  France. 

50  L'Église  peut  fonder  des  Congrégations  religieuses,  puisque  la 
faculté  de  pratiquer  les  conseils  évangéliques  fait  partie  intégrante  de 
ses  droits.  L'État  a  le  devoir  de  respecter  l'exercice  de  cette  faculté  (-), 

III.  —  Les  biens  de  mainmorte  [Manus  mortua)  :  on  a  fait  contre 
les  Congrégations  religieuses  une  objection  tirée  des  biens  dits  de 
mainmorte. 

A)  Droit  féodal  de  mainmorte  :  droit  en  vertu  duquel  les  seigneurs 
recueillaient  les  biens  des  serfs,  lesquels  n'en  pouvaient  disposer  par 
testament.  Ceux  qui  étaient  frappés  de  cette  incapacité  avaient  pour 
ainsi  dire  la  main  morte  :  de  là  ce  nom  de  maniis  mortua  et  le  sens  de 
possession  précaire  donné  alors  à  cette  expression.  Dès  le  xiii^  siècle, 
des  atténuations  furent  apportées  à  l'exercice  de  ce  droit  abusif. 

B)  Gens  de  mainmorte  :  ce  terme  désignait,  dans  l'ancien  droit, 
les  communautés  et  associations  qui  ne  meurent  pas  à  cause  du  renou- 
vellement continu  de  leurs  membres,  et  dont  les  biens,  par  suite,  ne 
sont  pas  soumis  aux  charges  qui  grèvent  les  mutations  de  propriété 
à  la  mort  du  propriétaire.  Mais,  souvent,  les  seigneurs  n'autorisèrent 
les  églises,  abbayes,  hospices  et  autres  personnes  morales  à  acquérir 
des  terres,  qui  devenaient  biens  de  mainmorte,  qu'à  la  condition  de 
leur  verser  une  somme  compensatrice  des  droits  de  mutation,  dont  elles 
étaient  exemptes.  C'est  ce  que  l'on  appela  V ainortissement. 


(')  p.  Nourrisson,  Histoire  de  la  Liberté  d'Association  en  France  depuis  17S9,  2  vol., 
Paris,  19'20.  —  A.  de  Mun,  La  loi  des  suspects,  Paris,  1900. 

(  »)  H.  Prélot,  a  propos  des  Lois  d'association.  Le  Religieux  prêtre,  dans  Études, 
T.  86,  p.  154  sqq.  ;  338  sqq.  —  La  Loi  Waldech- Rousseau  et  le  Droit  d'association.  Ibidem, 
T.  87,  p.  457  sqq. 


(106)  INSURRECTION    ET    RÉSISTANCE  287 

G)  Droit  actuel  :  pour  remplacer  les  droits  de  succession,  une  taxe, 
dite  des  «  biens  de  mainmorte  »  (Loi  du  25  fév.  1849),  fut  imposée  aux 
personnes  morales,  départements,  communes,  hospices,  fabriques, 
congrégations  religieuses,  etc.,  bref  «  à  tous  les  établissements  publics 
légalement  autorisés  ».  La  loi  du  30  mars  1872  a  élevé  cette  taxe,  de 
60  centimes  et  demi  à  70  centimes  par  franc  du  principal  de  la  contri- 
bution foncière.  Une  aggravation  nouvelle  a  atteint  les  Congrégations 
religieuses  et  les  Sociétés  civiles,  dont  la  perpétuité  est  assurée  par  le 
renouvellement  de  leurs  membres  et  dont  les  statuts  portent  que  la 
part,  revenant  à  l'associé  sortant,  sera  réversible  à  ses  coassociés  : 
outre  la  taxe  de  mainmorte,  elles  durent  payer  un  droit  à'' accroissement 
(Lois  du  28  déc.  1880,  art.  4,  et  du  29  déc.  1884,  art.  9).  Enfin,  à  ce  droit 
d'accroissement  a  été  substituée  la  perception  d'une  taxe  annuelle, 
dont  l'assiette  est  établie  sur  la  valeur  brute,  c'est-à-dire  vénale,  des 
biens  meubles  et  immeubles  possédés.  Cette  législation  fiscale  contient 
des  dispositions  qui  blessent  gravement  la  justice  distributive  (^). 

Aujourd'hui,  par  conséquent,  l'accusation  que  les  biens  de  main- 
morte appauvrissent  l'État,  n'a  pas  même  l'apparence  d'un  fondement. 
En  effet  :  1"  Pour  les  communautés  reconnues  par  l'État,  les  droits  de 
succession  ont  été  remplacés  par  des  taxes  exorbitantes,  qui  sont  bien 
supérieures  à  l'impôt  versé  par  les  particuliers.  —  2°  Quant  aux  Com- 
munautés non  autorisées,  elles  orit  payé  les  droits  communs  de  succes- 
sion, par  la  raison  que  leurs  biens  reposent  sur  la  tête  de  particuliers, 
qui  meurent  comme  les  autres.  Ce  n'est  donc  là  qu'un  épouvantail  agité 
par  la  mauvaise  foi. 


106.  —  INSURRECTION  ET  RÉSISTANCE 

A)  Théorie  révolutionnaire  :  le  droit  à  la  révolte  :  le  droit 
à  la  révolte  est  une  conséquence  que  la  démocratie  révolutionnaire  a 
logiquement  déduite  du  principe  de  la  souveraineté  absolue  du  peuple. 
Rousseau  avait  amorcé  cette  conclusion  en  déclarant  que  les  députés 
du  peuple  ne  sont  pas  ses  représentants,  mais  ses  «  commissionnaires  », 
que  «  les  dépositaires  de  la  puissance  executive  ne  sont  point  les  maîtres 
du  peuple,  mais  ses  officiers,  qu'il  peut  les  établir  et  les  destituer  quand 


(M  H.  Prélot,  Une  Consultation  sur  les  biens  des  Congrégations,  dans  Études,  T.  86, 
p.  762  sqq.  —  La  Persécution  fiscale,  dans  Études,  T.  61,  p.  369-388  ;  T.  62,  p.  239-272. 
—  S.  Rivet,  Élude  théorique  et  pratique  sur  la  taxe  d'abonnement  et  les  lois  fiscales  sur  les 
Congrégations,  Lyon,  1895.  —  J.  Burnichon,  La  persécution  des  Religieux  et  les  Droits 
de  l'homme.  Études,  T.  56,  p.  18A-209.  —  A.  Bélanger,  Les  Méconnus.  Ce  que  sont  les 
Religieux,  Paris,   1901. 


288  INSURRECTION    ET    RÉSISTANCE  (106) 

il  lui  plaît  )'  (^).  Si  ces  simples  commis  refusent  de  résilier  leurs  fonctions, 
le  peuple  peut  les  y  contraindre,  au  besoin,  par  la  force.  La  seconde 
Déclaration  des  Droits  de  Vhomme  et  du  citoyen  s'est  chargée  de  donner 
à  ces  idées,  un  peu  flottantes  dans  le  Contrat  social,  une  formule  bruta- 
lement expressive  :  «  L'insurrection  est  pour  le  peuple  et  pour  chaque 
portion  du  peuple  le  plus  sacré  des  droits  et  le  plus  indispensable  des 
devoirs  {^)  j- 

Cette  maxime  anarchique,  qui  est  réprouvée  non  seulement  par 
la  morale  chrétienne,  mais  par  l'éthique  naturelle,  ouvre  la  porte  toute 
grande  aux  injustices  et  aux  violences  :  elle  dépose,  au  sein  même  de 
l'ordre  social,  un  germé  de  dissolution  qui  doit  le  détruire  infailli- 
blement. 

B)  Résistance  permise  :  sans  doute,  on  l'a  vu  (86,  I),  le  pouvoir 
politique  est  immuablement  divin  dans  son  origine  ;  mais  la  person- 
nification de  l'autorité  dans  telle  ou  telle  forme  de  gouvernement  est 
chose  humaine,  donc  variable  et  changeante.  «  La  puissance  royale, 
dit  le  cardinal  Bellarmin,  n'étant  pas  d'institution  immédiatement 
divine,  mais  humaine,  les  hommes  peuvent  changer  le  régime  monar- 
chique en  d'autres  formes  politiques  (^).  «  De  nos  jours,  Mgr  d'Hulst, 
traitant  de  la  légitimation  des  Gouvernements  de  fait,  a  nettement 
signalé  la  nature  amissible  des  pouvoirs  politiques  (^). 

L'Église  peut  seule  revendiquer  pour  son  pouvoir  le  privilège  de 
l'inamissibilité,  parce  que  seule  elle  a  été  directement  fondée  par  Dieu 
et  qu'elle  en  a  reçu  des  promesses  de  stabilité  jusqu'à  la  consommation 
des  siècles.  Tel  est  l'enseignement  traditionnel,  magistralement  résumé 
par  Léon  XIII  :  «  Cependant,  il  faut  soigneusement  le  remarquer  ici, 
quelle  que  soit  la  forme  des  pouvoirs  civils  dans  une  nation,  on  ne  peut 
la  considérer  comme  tellement  définitive  qu'elle  doive  demeurer 
immuable,  fût-ce  l'intention  de  ceux  qui,  à  l'origine,  l'ont  déterminée. 
Seule  l'Église  de  Jésus-Christ  a  pu  conserver  et  conservera  sûre- 
ment jusqu'à  la  consommation  des  temps  sa  forme  de  gouverne- 
ment {^).  » 

Certains  théologiens  protestants,  Mélanchthon  notamment,  admet- 
tent au  contraire  comme  un  dogme  l'inviolabilité  du  pouvoir  royal. 
Les  théologiens  gallicans  professent  la  même  doctrine  servile  par  la 


(  ')  J.-J.  Rousseau,  Du  Contrat  social,  L.  III,  Cli.  xv,  xvin. 

(')  Déclaration  des  Droits  de  l'homme  et  du  citoyen  de  1793,  Art.  XXV. 

(')  Regna*non  sunt  immédiate  a  Deo  instilula,  sed  ab  hominibus,  et  ideo  ab  hominibus 
mutari  possunt  in  alias  regiminis  formas.  (Bellarmin,  Controversia  V,  L.  I,  De  Clericis, 
C.  XX VIII.  Cf.  De  Laicis,  L.  m,  C.  vi,  Apologia,  C.  viii). 

(*)  Cf.  la  citation  de  Mgr  d'Hulst  au  §  87,  p.  231-232. 

C)  LÉON  XIII,  Lettre  au  Clergé  de  France,  16  février  1892  (Lettres  apostoliques  de 
Léon  XIII,  Edit.  de  la  Bonne  Presse,  T.  III,  p.  117,  §  Cependant). 


(106)  INSURRECTION    ET    RÉSISTANCE  289 

bouche  de  Bossu  et,  leur  interprète  :  «  Les  sujets  n'ont  à  opposer  à  la 
violence  des  princes  que  des  remontrances  respectueuses,  sans  mutinerie 
et  sans  murmure,  et  des  prières  pour  leur  conversion...  Les  remontrances 
pleines  d'aigreur  et  de  murmure  sont  un  commencement  de  sédition 
qui  ne  doit  pas  être  souffert  (^).  »  Il  est  pénible  de  constater  que  Bossuet 
se  rencontre  ici  avec  l'hérétique  Jacques  I^r^  roi  d'Angleterre,  de  triste 
mémoire.  Celui-ci,  parlant  de  «  ce  fléau  de  Dieu  qu'est  un  mauvais 
roi  »,  écrit  :  «  ...C'est  par  la  prière,  la  patience,  l'amendement  de  la  vie, 
seuls  moyens  concédés  aux  sujets  par  le  droit  divin,  que  nous  devons 
obtenir  de  Dieu  qu'il  daigne  lui-même,  de  sa  main,  écarter  cette  peste 
de  son  peuple  (  ^).  » 

Tout  autre  est  la  doctrine  du  Droit  naturel,  telle  qu'elle  a  été  exposée 
et  défendue  par  les  philosophes  et  les  théologiens  catholiques. 

Elle  autorise  :  1°  La  résistance  passwe  qui  consiste  à  ne  pas  obéir 
aux  lois  injustes  (101,  B). 

2°  La  résistance  active^  mais  sans  violence,  qui  consiste  à  poursuivre, 
par  tous  les  moyens  légaux,  l'abrogation  ou  la  modification  des  lois  iniques. 

3^  La  résistance  active^  à  main  armée^  qui  consiste  à  empêcher  par 
la  force  l'exécution  des  lois  certainement  et  gravement  contraires  aux 
droits  des  citoyens  (vg.  inventaire  des  biens  d'Église  en  1906),  et  même 
à  jeter  bas  un  gouvernement  tyrannique. 

C)  Résistance  à  la  tyrannie  :  le  tyran  est  celui  qui,  d'une  manière 
habituelle,  confisque  à  son  profit  l'exercice  du  pouvoir,  dont  il  est  investi 
en  vue  de  l'utilité  générale.  Ce  qui  donne  à  la  tyrannie  un  caractère 
d'injustice  énorme,  c'est  qu'elle  est  le  renversement  de  l'ordre  social. 
Le  gouvernement,  en  effet,  est  un  moyen  destiné  à  procurer  le  bien  de 
la  société  :  voilà  sa  mission  et  sa  fin.  Or  un  gouvernement  tyrannique, 
qu'il  soit  monarchique,  aristocratique  ou  démocratique,  se  prend  lui- 
même  comme  fin  et  dispose,  pour  lui  seul  et  ses  partisans,  des  ressources 
et  des  avantages  qu'il  devrait  répartir  équitablement  entre  tous  les 
citoyens.  Ce  monstrueux  abus  de  pouvoir,  qui  va  directement  à  l'encontre 
du  bien  commun,  amènerait  la  ruine  de  la  société.  C'est  pourquoi  celui 
ou  ceux  qui  le  commettent  sont  par  le  fait  même  déchus  de  leur  autorité, 
car,  détournée  de  sa  destination  essentielle  qui  est  toute  sa  raison  d'être, 
l'autorité  cesse  d'appartenir  à  ceux  qui  en  avaient  reçu  le  dépôt  et  l'ont 
outrageusement  violée.  Aussi  les  gouvernés,  qui  prennent  l'offensive 
contre  les  tyrans,  ne  sont  pas  des  rebelles.  On  est  rebelle  si  l'on  s'attaque 
aux  gouvernements  légitimes  qui  s'acquittent  suffisamment  de  leurs 


s 

(')   Bossuet,   Politique...,  L.  VI,  Art.  II,  Propos.  6. 

( -)  ...Patientia  igitur  et  prece  et  emendatione  vitae,  quae  sola  nostrarum  partium  esse 
ex  jure  divino  satis  ostendi,  agendum  est  cum  Deo,  ut  ipse  sua  manu  pestem  hanc  e  populo  « 
dignetur  submovere   (Jus  Liberœ  Monarchise,  dans  Jacobi  I  Opéra,  p.  192,  Londres,  1619). 

TRAITÉ    DE    l'IULÛSOPHlE.   —    T.    II.    —     10. 


290  INSURRECTION    ET    RÉSISTANCE  (106) 

fonctions  ;  on  ne  l'est  pas  si  l'on  résiste  aux  empiétements  d'un  pouvoir 
despotique,  parce  que  ses  injustices  et  ses  violences  lui  enlèvent  la  consé- 
cration du  droit  qui  le  rendait  respectable  et  intangible. 

Saint  Thomas  a  condensé  toute  cette  doctrine  en  quelques  lignes 
lumineuses  :  «  Le  gouvernement  tyrannique  n'est  pas  juste,  parce  qu'il 
n'est  pas  ordonné  au  bien  commun,  mais  au  bien  particulier  de  celui 
qui  gouverne...  Aussi  le  renversement  de  ce  régime  n'a  pas  le  caractère 
d'une  sédition,  sauf  peut-être  dans  le  cas  où  le  renversement  se  ferait 
avec  tant  de  désordre  qu'il  entraînerait  pour  les  sujets  plus  de  dommages 
que  la  tyrannie  même.  Mais  c'est  bien  plutôt  le  tyran  qui  est  séditieux 
en  entretenant  des  discordes  et  des  séditions  dans  le  peuple  qui  lui  est 
soumis  afin  de  pouvoir  plus  sûrement  le  dominer  (^).  » 

Sauf  quelques  rares  exceptions,  les  grands  philosophes  et  théologiens 
antérieurs  au  xix^  siècle  n'ont  pas  craint  de  faire  écho  à  l'enseignement 
du  Docteur  angélique  :  Gerson  (2),  Bellarmin  {^),  Suarez  (*), 
Lessius  (^)  ;  et,  s'il  fallait  citer  les  auteurs  du  xix®  siècle,  depuis 
Balmès  (^)  jusqu'au  cardinal  Zigliara  ('),  la  liste  en  serait  inter- 
minable (^).  ^, 

Voici  l'une  des  raisons  qui  déterminent  leur  assentiment  :  «  De  même 
que  tout  individu  a  le  droit  inné  de  pourvoir  à  sa  conservation  et,  par 
conséquent,  de  se  défendre  à  main  armée  contre  la  violence  d'une 
injuste  agression,  sans  toutefois  dépasser  la  mesure  que  légitiment  les 
besoins  de  la  défense,  ainsi  un  peuple,  que  son  unité  sociale  constitue 
en  personne  morale^  doit  nécessairement  être  muni  par  la  nature  du 
même  droit  essentiel.  Le  droit  naturel  de  défense  s'étend  en  effet  à 
toute  créature  raisonnable  et  par  suite,  a  pari  ou  a  fortiori^  à  une  person- 
nalité humaine  collective  (^).   « 

Bref,  la  société  est  dans  un  cas  de  légitime  défense  :  «  Si  un  roi,  dit 
Suarez,  changeait  en  tyrannie  sa  puissance  juste,  en  abusant  au  préju- 


{>)  s.  Thomas,  Summa  theologica,  2»  2«»,  Q.  XLII,  Art.  II,  ad  3»"'. 

(  ')  J.  Gerson,  Decem  Considerationes  Principibus  et  Dominis  utilissimae,  Consider.  VII, 
Opéra  omnia,  Paris,  1606,  P.  IV,  col.  827-828. 

(  •)  Bellarmin,  Apologia...  pro  Responsione  sua  ad  Librum  Jacobi,  Magnse  Britannise 
Régis...,  C.  xiii.  —  Dtsputationes  de  Controversiis  Fidei  :  Controversia  V,  de  Membris 
Ecclesise   Miliiantis,  L.  Ill,  De  Laids,  C.  vi. 

(  ♦)  Suarez,  Defensio  Fidei  Catholicœ  et  Apostolicx  adversus  Anglicanx  secte  errores..., 
L.  m,  C.  m,  §  3. 

( ')  Lessius,  De  Perfectionibus  Moribusque  Divinis  Libri  XIV,  L.  X,  C.  ii,  n»  9.  — 
Cf.  De  Jtistitia  et  Jure,  Sect.  Il,  C.  ix,  Dub.  8. 

(  •)  Balmès,  Le  Protestantisme  comparé  au  Catholicisme,  Ch.  liv-lvi. 

C)  Zigliara,  Summa  Philosophica,  T.  III,  Philosophia  Moralis,  L.  II,  C.  ii.  Art.  VII, 
5  7  sqq. 

{ •)  Cf.  Attitude  des  Catholiques  en  face  de  la  violence  légale,  par  un  Professeur  de  Théo- 
logie (M.  DE  LA  Taille),  Paris,  1906,  1907  '.  Ce  travail  a  été  publié  aussi  dans  les  Études 
(1906),  T.  CIX,  p.  670  sqq. 

(*)  Th.  Meyeb,  Insiitutiones  Juris  Naturalis,  Part  II,  n*"  533,Fribourg-en-Brisgau,  1900. 


I 


(107)  LIBERTÉ    CIVILE    ET    LIRERTÉ    POLITIQUE  291 

dice  manifeste  de  la  société,  le  peuple  pourrait  user  pour  sa  défense  du 
pouvoir  qu'il  tient  de  la  nature,  car  il  ne  s'en  est  jamais  dépouillé  (^).  » 

Mais,  comme  le  droit  individuel  de  repousser  la  force  par  la  force 
demande  à  être  exercé  avec  la  modération  convenable  selon  la  maxime 
des  moralistes  {cum  debito  moderamine  inculpatœ  tiitelœ),  ainsi,  pour 
ne  pas  dégénérer  en  rébellion,  l'usage  du  droit  de  défense  sociale  est 
soumis  à  des  règles  qui  le  maintiennent  dans  les  limites  de  la  raison  et 
de  la  justice.  Voici  les  principales  : 

1°  La  tyrannie,  pour  annuler  le  titre  du  pouvoir  reçu,  doit  être 
passée  en  habitude  et  non  transitive. 

2°  La  tyrannie  doit  avoir  un  caractère  de  gravité  telle  que,  si  on  la 
laisse  faire,  elle  mettra  en  danger  de  ruine  les  biens  essentiels  de  la 
nation,  parmi  lesquels  la  Religion  tient  le  premier  rang. 

3^  Cette  gravité  de  la  situation  doit,  de  l'aveu  général  des  honnêtes 
gens,  être  manifeste. 

40  Avant  de  recourir  au  moyen  extrême  de  la  force,  il  faut  avoir 
vainement  essayé  les  autres  moyens  de  résistance. 

5°  D'après  les  prévisions  des  esprits  sages,  les  chances  de  succès 
doivent  être  sérieusement  probables,  et  la  chute  du  tyran  ne  pas  entraîner 
des  conséquences  plus  désastreuses  que  son  maintien.  Autrement,  le 
remède  serait  pire  que  le  mal. 

Entourée  de  ces  garanties,  que  dicte  l'intérêt  même  de  la  société 
et  qu'impose  la  Morale  naturelle,  la  résistance  par  la  force  n'a  rien  de 
commun  avec  la  révolte  et  l'agitation  révolutionnaire.  Menace  perma- 
nente contre  les  tyrans,  elle  reste,  entre  des  mains  résolues,  une  arme 
légitime  et  redoutable. 


107.  —  LIBERTÉ  CIVILE  ET  LIBERTÉ  POLITIQUE  {-) 

«  L'essentiel  de  la  liberté,  a  dit  É.  Ollivier,  n'est  pas  la  liberté  poli- 
tique, simple  garantie,  le  plus  souvent  nécessaire,  parfois  inutile  ou 
dangereuse  ;  c'est  la  liberté  sociale  et  civile  dont  aucun  parti  ne  paraît 
avoir  souci.  »  La  liberté  cwile  c'est  la  somme  des  libertés  qui  garan- 
tissent l'exercice  sans  entraves  des  facultés  ou  droits  naturels  de  l'indi- 
vidu :  religion,  famille,  propriété,  commerce,  culture  de  l'esprit,  asso- 
ciation dans  ces  différents  buts.  La  liberté  politique,  c'est  la  participation 


(»)  ...Si  rex  justam  suam  potestatem  in  tyrannidem  verteret,  illa  in  manifestam  civi' 
tatis  perniciem  abutendo,  posset  popuius  naturali  potestate  ad  se  defendendum  uti  ;  hac 
enim  nunquam  se  privavit.  (Suarez,  Defensio  Fidei...,  L.  III.  C.  ni,  §  3.) 

(  »)  J.  Simon,  La  liberté  politique,  La  liberté  civile.  —  Alaux,  Philosophie  morale  et 
politique.  —  Ch.  Benoist,  La  politique.  Sophismes  politiques  de  ce  temps.  —  A.  Dbsjardins, 
De  la  liberté  politique  de  l'État  moderne. 


292  LE    LIBÉRALISME  (108) 

des  gouvernés  au  gouvernement,  soit  par  eux-mêmes,  soit  par  leurs 
mandataires.  La  liberté  politique  vaut  surtout  comme  garantie  de  la 
liberté  civile.  Ce  n'est  pas  une  garantie  : 

a)  Indispensable.,  car  la  liberté  civile  peut  exister  sous  un  gouver- 
nement absolu  :  vg.  du  temps  de  saint  Louis. 

b)  Ififaillible,  car  la  liberté  civile  peut  être  confisquée  malgré  la 
liberté  politique.  C'est  ainsi  qu'en  France  les  libéraux  se  plaignent  avec 
raison  que  nous  ayons  la  liberté  politique  sans  une  suffisante  liberté 
civile  :  vg.  le  droit  d'association  est  entravé  ;  le  droit  d'enseigner  est 
mutilé  ;  la  centralisation  est  excessive.  C'est  un  des  fruits  de  la  Révo- 
lution, un  des  «  faux  dogmes  de  89  »,  comme  parle  Le  Play  :  sous  le 
couvert  de  concessions  politiques  l'État  a  pu  confisquer  plus  ou  moins 
la  vraie  liberté,  la  liberté  civile.  La  société  a  lâché  la  proie  pour  l'ombre. 
Le  gouvernement  a  le  devoir  de  respecter  avant  tout  les  «  libertés 
nécessaires  »,  et  les  gouvernés  ont  le  droit  d'en  exiger  le  respect  {'^). 


108.  —  LE  LIBÉRALISME 

Ce  mot  équivoque  est  pris  en  sens  divers  qu'il  faut  préciser  : 

A)  Sens  général  :  doctrine  favorable  à  la  liberté. 

B)  Sens  politique  :  système  qui  tend  à  faire  prévaloir  les  libertés 
civiles  et  politiques  (107)  contre  l'absolutisme  de  l'État. 

C)  Sens  social-religieux  :  on  peut,  à  ce  point  de  vue,  distinguer 
trois  sortes  de  Libéralisme  : 

L  —  Libéralisme  absolu  :  il  proclame  l'indépendance  souveraine 
de  l'homme  qu'il  prétend  affranchir  de  Dieu,  et  travaille  à  organiser 
la  société  d'après  ce  principe  impie  {^). 

II.  —  Libéralisme  modéré  :  il  accorde  au  vrai  et  au  faux,  au  bien  et 
au  mal  une  égale  liberté  d'expansion  et  de  propagande  (^).  Il  repose 
sur  une  double  erreur  : 

a)  Erreur  théorique  :  il  accepte  Vlndifférentisme  ou  plutôt  le  Nihi- 
lisme doctrinal,  qui  consiste  à  mettre,  sur  le  même  pied,  le  vrai  et  le 
faux,  le  bien  et  le  mal. 

b)  Erreur  pratique  :  il  suppose  à  tort  que  la  libre  discussion  des  idées 
n'a  pas  un  contre-coup  nécessaire  dans  les  faits  et  demeure  inoffen- 
sive  (67,  §  III,  C  20). 


(  ')  On  consultera  avec  profit  le  Programme  de  la  Corporation  des  Publicistes  chrétiens, 
intitulé  :  Réformes  nécessaires,  où  les  principales  revendications  des  Catholiques  sont 
énumérées  et  motivées.  Paris,  au  Bureau  Catholique  de  Presse,  23.  rue  Vineuse,  XVI'. 

(  *)  Cf.  Proudhon,  De  la  Justice  dans  la  Révolution  ci  dans  l'Église,  Paris,  1858. 

( ')  Cf.  DoNoso  Cortès,  Essai  sur  le  Catholicisme,  le  Libéralisme  et  le  Socialisme, 
Œuvres,  trad.  française,  T.  III. 


(108)  LE    LIBÉRALISME  293 

III.  —  Le  Libéralisme  catholiijue  :  il  se  présente  sous  deux  i'ormes  : 
1°  Forme  radicale  :  La  Mennais  et  ses  collaborateurs  du  journal 
YAi^enir  (1830-1832)  (i)  soutinrent  que  l'indifférence  de  l'État  en 
matière  religieuse  est  un  progrès.  «  Ils  oublièrent  que  le  seul  état  normal 
des  sociétés  catholiques  est  celui  où  le  Christianisme  les  pénètre,  les 
domine,  les  soutient  à  titre  de  loi  fondamentale.  Ils  oublièrent  que  les 
pouvoirs  civils  n'ont  fait  que  la  moitié  de  leur  devoir,  quand  ils  ont 
laissé  l'Église  exercer  sans  entraves  une  ïiction  individuelle  sur  les 
âmes,  et  qu'il  leur  reste,  dans  la  mesure  de  ce  qui  est  possible  et  sage, 
à  être  eux-mêmes  chrétiens  comme  pouvoirs....  Ils  en  vinrent  à  consi- 
dérer comme  une  évolution  légitime  et  régulière  ce  qui  était  une  véri- 
table déviation,  et  bientôt  comme  un  progrès  ce  qui  était  une  déca- 
dence (2).  »  Leur  point  de  départ  était  légitime  :  au  lendemain  de  la 
Révolution  de  Juillet,  l'Église  cessa  d'être  la  Religion  officielle  du  pays 
et  d'être,  en  conséquence,  protégée  par  l'État.  Ils  devaient  tenir  compte 
du  fait  accompli  :  d'où  la  nécessité  de  défendre  l'Église  sur  le  terrain 
du  droit  commun  où  elle  se  trouvait  désormais  placée.  Ils  auraient  dû, 
tout  en  acceptant  loyalement  la  situation  anormale  faite  à  la  Religion, 
maintenir  la  notion  juste  des  rapports  de  l'Église  et  de  l'État  (120,  C), 
comme  un  idéal,  lointain  sans  doute,  mais  souhaitable.  Au  lieu  de 
cela,  ils  érigèrent  en  principe  ce  qui  n'était  qu'une  nécessité  de  cir- 
constance, présentant  comme  normale  et  même  comme  préférable  la 
neutralité  de  l'État  en  matière  religieuse.  L'École  Mennaisienne  fut 
condamnée  par  l'Encyclique  Mirari  vos  de  Grégoire  XVI  (1832). 

2'^  Forme  adoucie  :  (^)  la  nouvelle  École  libérale,  dirigée  par  Monta- 
lembert,  admet  en  théorie  la  thèse  catholique.  Mais,  dans  la  pratique, 
victimes  d'une  généreuse  illusion,  les  tenants  de  cette  École  la  mécon- 
nurent. De  leurs  tendances  plus  ou  moins  conscientes,  on  peut  dégager 
cette  formule  qui  résume  leur  erreur  :  La  neutralité  de  l'État  en  matière 
religieuse  est  le  seul  régime  désormais  possible  et  utile  à  la  religion  (*). 


(  M  et.  P.  Thureau-Dangin,  L'Église  et  l'Élat  sous  la  Monarchie  de  Juillet.  —  Et.  Lamy, 
Henry  de  Lacombe,  dans  le  Correspondant,  25  janv.  1908,  p.  381-383.  —  Lecanuet, 
Monlaleynbcrt,  T.  I,  Ch.  vi  sqq.  Cf.  G.  Longhaye,  Quinze  ans  de  la  vie  de  Monlalembert 
(1835-1850),  dansÉTUDEs,  T.  78,  p.  145  ;  210  sqq.  Les  dernières  années  (1850-1870),  Ibidem, 
T.  92,  p.  577  ;  780  sqq. 

(  ')  Amédée  de  Mahgerie,  Article  Inslaurare  omnia  in  Christo,  dans  le  Contemporain, 
1"  juin  1875. 

(»)  Cf.  Cardinal  Pie,  Œuvres,  T.  V,  p.  171  sqq.;  T.  VII,  p.  197  sqq.  —  Mgr  Baunard, 
Histoire  du  Cardinal  Pie,  T.  II,  L.  III,  Ch.  vu  et  viii.  —  G.-D.  Weil,  Histoire  du  Catho- 
licisme libéral  en  France  (1828-1908),  Paris,  1909.  —  G.  Sortais,  Les  Catholiques  en  face 
de  la  Démocratie  et  du  Droit  commun,  L.  II,  p.  93-159. 

(«)«  Tout  l'ensemhle,  en  un  mot,  de  leurs  tendances  allait  plus  loin  qu'un  simple  conseil 
pratique  visant  le  temps  présent.  L'état  d'esprit  qu'ils  entretenaient  chez  leurs  adeptes 
ne  semblait  pas  exempt  d'une  erreur  qu'on  pourrait  formuler  ainsi  :  Il  n'est  jamais  bon  que 
l'État  prête  sa  force  coercitive  à  la  vérité  révélée.  »  (Mgr  d'Hulst,  Conférences  de  Notre- 
Dame,   1895.  Note  24,  p.  380). 


294     LA    DÉCLARATION    DES    DROITS    DE    l'hOMME    ET    DU    CITOYEN    (109) 

Au  fond,  sous  cette  forme  atténuée,  le  Libéralisme  catholique  a  sacrifié 
aussi  la  thèse  à  Vhypothèse,  c'est-à-dire  la  doctrine  légitime  sur  les  rapports 
de  l'Église  et  de  l'État  (120,  §  C)  à  une  nécessité  de  circonstance  (121, 
III).  Conséquemment,  ces  catholiques  libéraux  laissèrent  timidement 
dans  l'ombre  la  question  des  droits  inaliénables  de  l'Église,  au  lieu  de 
faire  effort  pour  éclairer  l'opinion  et  pour  rétablir,  par  la  voie  pacifique 
de  la  persuasion,  les  rapports  normaux  entre  l'Église  et  l'État  (^). 

L'erreur  des  libéraux  catholiques,  fort  bien  intentionnés  d'ailleurs, 
a  sa  source  dans  cette  illusion  fondamentale  :  le  vrai  et  le  bien,  librement 
proposés  aux  intelligences  et  aux  volontés,  l'emporteront  nécessai- 
rement par  leur  valeur  intrinsèque  sur  le  faux  et  le  mal.  Comme  psycho- 
logues, ils  oublient,  d'une  part,  la  force  de  séduction  que  le  faux  et  le 
mal  empruntent  aux  passions  ;  de  l'autre,  la  faiblesse  de  la  volonté  aux 
prises  avec  la  fascination  de  l'orgueil  et  les  impulsions  de  la  sensibilité. 
Comme  catholiques,  ils  oublient  l'influence  néfaste  du  péché  originel. 


109.  —  LA  DÉCLARATION  DES  DROITS  DE  L'HOMME 
ET  DU  CITOYEN  (2) 

A)  Texte.  —  L'Assemblée  constituante  de  1789  plaça  en  tête  de 
la  Constitution  qu'elle  venait  d'élaborer  cette  solennelle  Déclaration  : 

u  Les  représentants  du  peuple  français,  constitués  en  Assemblée 
nationale,  considérant  que  l'ignorance,  l'oubli  ou  le  mépris  des  droits 
de  l'homme  sont  les  seules  causes  des  malheurs  publics  et  de  la  corrup- 
tion des  gouvernements,  ont  résolu  d'exposer,  dans  une  Déclaration 
solennelle,  les  droits  naturels,  inaliénables  et  sacrés  de  l'homme  : 

Art.  I.  —  Les  hommes  naissent  et  demeurent  libres  et  égaux  en 


I 


i  ')  L'Encyclique  Quanta  cura  et  le  Syllabus  (8  déc.  1864)  de  Pie  IX  condamnèreat  de 
nouveau  le  Libéralisme  catholique.  —  «  J'étais  à  Rome  quand  elle  [l'Encyclique  de  1864] 
parut  :  j'achevais  mes  études  théologiques,  et  je  n'oublierai  jamais  la  surprise,  l'émotion, 
linfiuiéiude  où  me  jeta  la  lecture  de  ce  document  doctrinal.  Je  vis  clairement  qu'il  y  avait 
quelque  chose  à  changer  dans  ma  conception  de  la  société.  Le  premier  moment  de  stupeur 
passé,  je  relus  l'Encyclique  Mirari  vos,  si  profondément  oubliée  depuis  quinze  ans  ;  je  la 
rapprochai  de  celle  de  Pie  IX  ;  il  n'y  avait  pas  de  doute  possible  :  la  tradition  catholique 
était  incompatible  avec  la  théorie  impliquée  dans  le  libéralisme  ;  pour  demeurer  Adèle 
il  la  première,  il  fallait  réformer  profondément  la  seconde.  Le  souvenir  de  cette  évolution 
intérieure  sera  ineffaçable.  Commencée  dans  la  tristesse  et  le  trouble,  elle  s'acheva  dans 
la  joie  et  dans  la  paix.  »  (Mgr  d'Hulst,  Le  Droit  chrétien  et  le  Droit  moderne,  p.  xiv-xv, 
Paris,    1886). 

( ')  Codrcelle-Seneuil,  Étude  critique  sur  la  Déclaration  des  Droits  de  l'hopime,  dans 
Séances  et  Travaux  de  l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques,  1890,  T.  II,  p.  391-413. 
—  G.  Jkllinek,  La  Déclaration  des  Droits  de  l'homme  et  du  citoyen.  Traduction  G.  Pardis, 
Paris,  1902.  —  Eue.  Blum,  La  Déclaration  des  Droits  de  l'homme  et  du  citouen.  Texte  authen- 
tique et  Commentaire,  Paris,  1909*.  —  V.  Marc.vggi,  Le^  origines  de  la  Déclaration  des 
Droits  de  l'homme  de   17S9,   Paris.  1912  «. 


(109)      LA    DÉCLARATION    DES    DROITS    DE    l'hOMME    ET    DU    CITOYEN    295 

droits.  Les  distinctions  sociales  ne  peuvent  être  fondées  que  sur  l'utilité 
commune. 

Art.  II.  —  Le  but  de  toute  association  politique  est  la  conservation 
des  droits  naturels  et  imprescriptibles  de  l'homme.  Ces  droits  sont  : 
la  liberté,  la  propriété  et  la  résistance  à  l'oppression. 

Art.  III.  —  Le  principe  de  toute  souveraineté  réside  essentiellement 
dans  la  nation.  Nul  corps,  nul  individu  ne  peuvent  exercer  d'autorité 
qui  n'en  émane  expressément. 

Art.  IV,  —  La  liberté  consiste  à  pouvoir  faire  tout  ce  qui  ne  nuit 
pas  à  autrui.  Ainsi  l'exercice  des  droits  naturels  à  chaque  homme  n'a 
de  bornes  que  celles  qui  assurent  aux  autres  membres  de  la  société  la 
jouissance  de  ces  mêmes  droits.  Ces  bornes  ne  peuvent  être  déterminées 
que  par  la  loi. 

Art.  V,  —  La  loi  n'a  le  droit  de  défendre  que  les  actions  nuisibles 
à  la  société.  Tout  ce  qui  n'est  pas  défendu  par  la  loi  ne  peut  être  em- 
pêché ;  et  nul  ne  peut  être  contraint  à  faire  ce  qu'elle  n'ordonne  pgis. 

Art.  VI.  —  La  loi  est  l'expression  de  la  volonté  générale.  Tous  les 
citoyens  ont  droit  de  concourir  personnellement  ou  par  leurs  repré- 
sentants à  sa  formation.  Elle  doit  être  la  même  pour  tous,  soit  qu'elle 
protège,  soit  qu'elle  punisse.  Tous  les  citoyens,  étant  égaux  à  ses  yeux, 
sont  également  admissibles  à  toutes  dignités,  places  et  emplois  publics, 
et  sans  autres  distinctions  que  celles  de  leurs  vertus  et  de  leurs  talents. 

Art.  VII.  —  Nul  homme  ne  peut  être  accusé,  arrêté,  ni  détenu  que 
dans  les  cas  déterminés  par  la  loi,  et  selon  les  formes  qu'elle  a  prescrites. 
Ceux  qui  sollicitent,  expédient,  exécutent  ou  font  exécuter  des  ordres 
arbitraires,  doivent  être  punis  ;  mais  tout  citoyen,  appelé  ou  saisi  en 
vertu  de  la  loi,  doit  obéir  à  l'instant.  I)  se  rend  coupable  par  la  résis- 
tance. 

Art.  VIII.  —  La  loi  ne  doit  établir  que  des  peines  strictement  et 
évidemment  nécessaires  ;  et  nul  ne  peut  être  puni  qu'en  vertu  d'une  loi 
établie  et  promulguée  antérieurement  au  délit  et  légalement  appliquée. 

Art.  IX.  —  Tout  homme  étant  présumé  innocent  jusqu'à  ce  qu'il 
ait  été  déclaré  coupable,  s'il  est  jugé  indispensable  de  l'arrêter,  toute 
rigueur,  qui  ne  serait  pas  nécessaire  pour  s'assurer  de  sa  personne,  doit 
être  sévèrement  réprimée  par  la  loi. 

Art.  X.  —  Nul  ne  doit  être  inquiété  pour  ses  opinions,  même  reli- 
gieuses, pourvu  que  leur  manifestation  ne  trouble  pas  l'ordre  établi  par 
la  loi. 

Art.  XI.  —  La  libre  communication  des  pensées  et  des  opinions  est 
un  des  droits  les  plus  précieux  de  l'homme.  Tout  citoyen  peut  donc 
parler,  écrire,  imprimer  librement,  sauf  à  répondre  de  l'abus  de  cette 
liberté  dans  les  cas  déterminés  par  la  loi. 

Art.  XII.  —  La  garantie  des  droits  de  l'homme  et  du  citoyen  nécessite 


296    LA    DÉCLARATIOIS'    DES    DROITS    DE    l'hOMME    ET    DU    CITOYEN      (109) 

une  force  publique.  Cette  force  est  donc  instituée  pour  l'avantage  de 
tous,  et  non  pour  Tutilité  particulière  de  ceux  à  qui  elle  est  confiée. 

Art.  XIII.  —  Pour  l'entretien  de  la  force  publique  et  pour  les  dépenses 
d'administration,  une  contribution  commune  est  indispensable.  Elle 
doit  être  également  répartie  entre  tous  les  citoyens,  en  raison  de  leurs 
facultés. 

Art.  XIV.  —  Tous  les  citoyens  ont  le  droit  de  constater,  par  eux- 
mêmes  ou  par  leurs  représentants,  la  nécessité  de  la  contribution  publique, 
de  la  consentir  librement,  d'en  suivre  l'emploi  et  d'en  déterminer  la 
quotité,  l'assiette,  le  recouvrement  et  la  durée. 

Art.  XV.  —  La  société  a  le  droit  de  demander  compte  à  tout  agent 
public  de  son  administration. 

Art.  XVI.  —  Toute  société,  dans  laquelle  la  garantie  des  droits  n'est 
pas  assurée,  ni  la  séparation  des  pouvoirs  déterminée,  n'a  point  de 
constitution. 

Art.  XVII.  —  La  propriété  est  un  droit  inviolable  et  sacré  ;  nul  ne 
peut  en  être  privé,  si  ce  n'est  lorsque  la  nécessité  publique,  légalement 
constatée,  l'exige  évidemment,  et  sous  la  condition  d'une  juste  et 
préalable  indemnité. 

B)  Critique  :  L  —  Jugement  d'un  théologien  :  le  Père  Ramière.  — 
«  Il  est  plus  que  douteux  que  les  malheurs  publics  n'aient  d'autres 
causes  que  l'ignorance,  l'oubli  ou  le  mépris  des  droits  de  l'homme. 
Une  dure  expérience  nous  a  mis  dans  l'impossibilité  de  partager  l'illu- 
sion des  législateurs  de  1789.  Ils  ne  paraissent  pas  douter  que,  pour 
ramener  l'union  et  le  bonheur  parmi  les  hommes,  il  suffise  de  leur  rappeler 
leurs  droits  ;  pour  nous,  nous  savons  que  la  société  n'a  jamais  été  plus 
profondément  divisée  et  plus  douloureusement  déchirée  que  depuis 
cette  Déclaration  fameuse.  Ce  sont  les  droits  et  les  préceptes  de  Dieu 
qu'il  faut  rappeler  à  l'homme,  si  on  veut  le  déterminer  à  remplir  ses 
devoirs  envers  ses  semblables. 

Mais  il  est  inutile  d'insister  sur  un  simple  préambule  ;  arrivons  au 
corps  même  de  la  Déclaration. 

Sur  les  dix-sept  articles  dont  elle  se  compose,  il  en  est  plusieurs  qui 
peuvent  être  immédiatement  écartés  du  débat,  attendu  qu'ils  ne  peuvent 
évidemment  être,  entre  l'Église  et  la  Société,  l'objet  d'aucun  dissen- 
timent. 

Tel  est  l'article  7^  qui  garantit ia  liberté  des  citoyens  contre  toute 
accusation  ou  arrestation  arbitraire  ;  l'article  8^,  qui  réduit  les  peines 
infligées  aux  criminels,  à  la  mesure  de  la  stricte  nécessité  ;  l'article  9^, 
qui  borne  les  rigueurs  préventives  à  s'assurer  de  la  personne  de  l'accusé  ; 
les  articles  12®  et  13®,  qui  sanctionnent  la  création  d'une  force  publique, 
pour  l'avantage  commun,  et  l'établissement  de  contributions  équita- 
blomcnt  réparties  ;  enfin  l'article  17®,  qui  déclare  la  propriété  inviolable. 


(109)     LA    DÉCLARATION    DES    DROITS    DE    l'iIOMiME    ET    DU    CITOYEN     297 

Il  est  d'autres  articles  qu'une  saine  philosophie  répugnerait  peut- 
être  à  accepter  comme  des  principes  absolus,  mais  que  rien  n'empêche 
d'admettre  comme  des  vérités  relatives  ou  même  comme  des  progrès 
réels  :  tel  est  l'article  1^^',  qui  consacre  Finaliénabilité  de  la  liberté  per- 
sonnelle et  l'égalité  des  citoyens  devant  la  loi  ;  l'article  14^,  qui  accorde 
à  tous  les  membres  de  la  société  le  droit  de  concourir  à  la  fixation  de 
l'impôt  et  d'en  surveiller  le  recouvrement  ;  l'article  15^,  qui  établit  la 
responsabilité  de  tous  les  agents  publics  à  l'égard  de  la  société  ;  et 
l'article  16<^,  qui  pose  la  séparation  des  pouvoirs  comme  la  condition 
essentielle  d'une  bonne  constitution  sociale  (^).  » 

Les  articles  10^  et  11^,  qui  ont  rapport  à  la  liberté  de  conscience 
et  à  la  communication  des  pensées  et  des  opinions,  ne  peuvent  être 
admis,  sans  les  réserves  que  nous  avons  indiquées  ailleurs,  parce  que  la 
liberté  illimitée  de  penser  est  subversive  de  l'ordre  social  (67,  §  III, 
C,  1°,  2°). 

«  Que  reste-t-il  ?  Les  articles  2^,  3®,  4^,  5^  et  6^,  qui  renferment  la 
théorie  des  fondements  de  la  société,  à  savoir,  de  la  souveraineté  qui 
donne  à  la  société  son  unité  et  son  existence,  de  la  loi  par  laquelle  cette 
souveraineté  s'exerce,  et  des  droits  sociaux  dont  la  loi  est  destinée  à 
fixer  les  limites. 

Que  dire  de  ces  articles  ?  Devons-nous  y  reconnaître  les  bases  essen- 
tielles de  l'ordre  public,  les  vrais  principes  de  l'autorité  sociale,  les 
garanties  de  tout  le  progrès  à  venir  de  l'humanité  ? 

Faut-il  y  voir  au  contraire  le  renversement  de  tous  les  droits,  le 
principe  de  tous  les  désordres,  la  source  de  tous  les  maux  présents  de 
la  société  et  de  tous  les  dangers  qui  la  menacent  dans  l'avenir  ? 

La  réponse  à  ces  questions  dépend  de  l'interprétation  qu'on  donne 
à  ces  articles. 

Il  y  a  en  effet  deux  interprétations,  non  seulement  différentes,  mais 
opposées. 

Suivant  la  première  interprétation,  le  législateur  de  1789  n  a  eu  en 
vue  que  l'origine  immédiate  des  droits  sociaux.  Il  a  si  peu  prétendu 
nier  la  souveraineté  de  Dieu,  qu'il  a  placé  cette  Déclaration  sous  ses 
auspices.  Quand  donc  il  a  proclamé  que  toute  souveraineté  réside  dans 
la  nation,  il  a  entendu  seulement  affirmer  que  le  consentement  général 
de  la  société  a  été  nécessaire  à  l'origine  pour  donner  au  pouvoir  son 
existence  et  pour  en  déterminer  la  forme,  le  sujet  et  les  limites. 

D'après  cette  même  interprétation,  la  loi  est  l'expression  de  la 
volonté  générale,  en  ce  sens  que  la  société  entière  doit  concourir  direc- 


(')   H.  Ramiêre,  s.  J.,  Les  Espérances  de  l'Église,  1I<'  P.,  ch.  i,  art.   XII,  p.  357-362. 
Paris,  1867.  Édition  précédée  d'une  lettre  écrite  au  nom  de  Pie  IX. 


298    LA    DÉCLARATION    DES    DROITS    DE    l'hOMME    ET    DU    CITOYEN      (109) 

tement  ou  indirectement  à  sa  confection  ;  mais  cela  n'empêche  pas  que, 
pour  devenir  obligatoire,  cette  loi,  faite  par  les  hommes,  doive  recevoir 
sa  sanction  de  l'autorité  suprême  de  Dieu.  Cette  loi,  il  est  vrai,  ne  garantit 
aux  citoyens  que  les  droits  naturels,  attendu  que  la  garantie  de  ces 
droits  est  l'unique  but  de  la  société  civile;  mais  elle  ne  renverse  en 
aucune  manière  les  droits  et  les  devoirs  qui  appartiennent  a  1  ordre 
religieux  et  qui  sont  de  la  compétence  d'une  autre  autorité. 

Ceux  qui  soutiennent  cette  interprétation  font  remarquer  que  cette 
doctrine,  quant  à  sa  substance,  est  parfaitement  d'accord  avec  'ensei- 
gnement des  plus  illustres  Docteurs  de  l'Ecole  cathohque.  Elle  na 
guère  contre  elle  que  l'École  gallicane,  qui  fait  dériver  immédiatement 
de  Dieu  le  pouvoir  des  princes.  Les  théologiens  ultramont ains,  au 
contraire,  professent  ouvertement  le  principe  de  la  souveraineté  du 
peuple  dans  le  sens  qui  vient  d'être  expliqué.  Loin  d'exiger  que  tous  les 
pouvoirs  soient  réunis  sur  une  seule  tête,  ils  ne  cachent  pas  leurs  prete- 
rences  pour  la  monarchie  tempérée,  et,  quand  on  lit  leurs  ouvrages,  on 
est  étonné  de  les  trouver  incomparablement  plus  favorables  aux  droits 
des  peuples  et  plus  disposés  à  mettre  des  limites  aux  pouvoirs  des 
princes  que  la  plupart  des  publicistes  modernes,  qui  se  parent  le  plus 
fastueusement  du  titre  de  libéraux.  Mais,  s'il  en  est  amsi,  on  a,  ce 
semble,  le  droit  de  conclure  que,  lorsqu'en  1789  la  société  a  voulu, 
par  un  acte  solennel,  protester  contre  les  excès  de  la  monarchie  absolue, 
elle  s'est  rapprochée  de  la  vraie  politique  chrétienne  (86). 

Telle  est  la  première  interprétation  des  principes  de  1/89.  Evi- 
demment nous  n'avons  aucun  motif  pour  la  repousser  ;  nous  ne  pouvons 
au  contraire  que  faire  des  vœux  pour  qu'elle  soit  authentiquement 

admise...  ,     ,  , 

Malheureusement,  il  est  une  autre  interprétation  tout  opposée  a  la 
première  et  d'après  laquelle  les  principes  de  1789  ne  seraient  autre 
chose  que  la  négation  radicale  de  la  doctrine  de  l'Evangile,  relativement 
aux  droits  et  devoirs  sociaux...  Au  sens  des  révolutionnaires,  les  articles 
de  la  Déclaration  indiqués  plus  haut  sont  le  résumé  du  Contrat  social 
de  Jean-Jacques  Rousseau...  , 

Entre  la  théorie  du  Contrat  social  et  la  doctrine  exprimée  dans  la 
Déclaration  des  droits  de  Vhomme,  il  est  impossible  de  ne  pas  voir  une 
grande  analogie.  Dans  cette  Déclaration,  comme  dans  1  œuvre  de 
Rousseau,  le  nom  de  Dieu  est  prononcé,  mais  il  n'est  aucunement 
question  de  ses  droits  et  de  sa  souveraineté.  Au  contraire,  U  est  dit, 
en  termes  exprès,  que  le  principe  de  toute  souveraineté  réside  essen- 
tiellement dans  la  nation;  que  nul  corps,  nul  individu  ^^  Peuvent 
exercer  d'autorité  qui  n'en  émane  pas  expressément  {Art.  III).  Donc 
tout  pouvoir,  qui  n'émane  pas  expressément  de  la  délégation  nationale 
ou  qui  dépasse  les  limites  marquées  par  cette  délégation,  est  un  pouvoir 


(109)      LA    DÉCLARATION    DES    DROITS    DE    l'hOMME    ET    DU    CITOYEN    299 

Oppresseur,  et  comme  la  résistance  à  l'oppression  est,  d'après  V  Article  II, 
un  droit  imprescriptible  de  l'homme,  l'insurrection  contre  un  pouvoir 
semblable  devient  un  devoir  sacré.  —  D'après  les  auteurs  de  cette  Décla- 
ration, comme  d'après  Rousseau,  la  loi  n'est  autre  chose  que  l'expres- 
sion de  la  volonté  générale  {Art.  VI)  ;  et,  comme  nul  ne  peut  être 
empêché  de  faire  ce  que  la  loi  ne  défend  pas  {Art.  y),  il  est  évident 
qu'il  n'y  a  d'autres  devoirs  que  ceux  dont  la  volonté  générale  est  la 
source.  —  Seule  aussi  la  loi  détermine  souverainement  les  limites  des 
droits  {Art.  IV)  ;  seule,  par  conséquent,  elle  constitue  la  moralité  des 
actes  de  l'homme  ;  seule,  elle  fournit  à  la  société  tous  les  éléments  de 
son  existence  (^).  » 

Cette  interprétation  est  à  la  fois  : 

a)  Impie  :  parce  qu'elle  nie  l'autorité  souveraine  de  Dieu  et  lui 
substitue  la  souveraineté  du  peuple  :  c'est  la  déification  de  l'homme. 

h)  Immorale  :  parce  que,  plaçant  l'origine  de  l'obligation  dans  la 
volonté  de  l'homme,  elle  détruit  le  fondement  même  de  la  moralité. 

c)  Tijrannique  :  parce  qu'elle  assujettit  la  conscience  à  la  plus  dure 
des  tyrannies,  à  celle  d'une  majorité  numérique,  souvent  aveugle, 
toujours  changeante  (85). 

Or  on  est  forcé  de  reconnaître  que  cette  seconde  interprétation  de 
la  Déclaration  est  celle  qui  prévaut  dans  le  monde  officiel. 

IL  —  Jugement  d'un  sociologue  :  Le  Play  :  —  «  Le  contraste,  qui 
se  prononce  de  plus  en  plus  entre  les  désastres  de  la  France  révolution- 
naire et  les  succès  des  peuples  de  tradition,  condamnera  prochainement 
sans  appel  l'œuvre  de  1789. 

Quant  à  l'explication  de  nos  avortements  politiques,  elle  est  indiquée 
en  traits  éclatants  par  les  idées  qui  ont  préparé  la  Révolution  et  par 
les  deux  Déclarations  (^)  qui  ont  tracé  les  voies  suivies  par  ses  adeptes. 
Elle  a  pour  point  de  départ  la  négation  de  l'intervention  de  Dieu  dans 
les  affaires  humaines,  d'où  découle  logiquement  la  croyance  aux  trois 
faux  dogmes  [de  la  Révolution].  En  effet,  si  le  règne  du  bien  ne  provenait 
pas  de  la  haute  direction  que  Dieu  donne  au  libre  arbitre  de  l'homme, 
il  aurait  sa  source  dans  la  «  perfection  originelle  »,  en  vertu  de  laquelle 
chaque  homme  serait  naturellement  porté  à  éviter  le  mal.  Si  la  tendance 
au  bien  est  universelle  dans  l'humanité  régie  par  la  loi  naturelle,  «  V égalité 
providentielle  »  des  hommes  devient  la  base  de  toute  bonne  organisation 
sociale.  Ces  deux  erreurs  réunies  engendrent,  par  une  déduction  logique, 
le  troisième  faux  dogme.  Depuis  les  premiers  âges  de  l'humanité,  les 
constitutions  les  plus  admirées,  celles  qui  ont  le  mieux  fondé  le  bonheur 


(')   Ramière,  Op.  cit.,  p.  363-368. 

(')  La  Convention  nt  à  son  tour,  en  1793,  une  Déclaration  en  35  articles. 


300      LA    DÉCLARATIO>-    DES    DROITS    DE    l'hOMME    ET    DU    CITOYEN    (109) 

des  hommes  sur  la  paix,  ont  toujours  présenté  les  mêmes  caractères  : 
elles  ont  fermement  réprimé  les  tendances  innées  de  la  jeunesse  et  les 
écarts  de  l'âge  mûr  au  moyen  d'une  puissante  hiérarchie  ;  en  d'autres 
termes  :  elles  ont  violé  les  deux  premiers  dogmes.  La  contradiction, 
qui  existe  entre  les  doctrines  de  la  Révolution  et  les  faits  de  l'histoire, 
impHque  donc  «  le  droit  de  récolte  »  contre  les  plus  légitimes  traditions 
du  genre  humain.  Beaucoup  d'honnêtes  gens  égarés  ont  cru  de  bonne  foi 
aux  deux  premières  erreurs,  sans  apercevoir  cette  terrible  conclusion  ; 
mais  celle-ci  s'est  bientôt  imposée  aux  esprits.  Les  gouvernements 
qu'ils  ont  fondés  ont  tous  eu  le  même  sort  :  impuissants  sous  l'autorité 
des  fondateurs,  ils  ont  été  promptement  envahis  par  les  hommes  de 
proie  et  de  violence  ;  ils  sont  alors  devenus  impossibles,  puis  ils  ont 
disparu  au  milieu  d'inévitables  catastrophes. 

Nos  lettrés  révolutionnaires  ont  en  vain  tenté  de  nous  montrer 
de  vrais  principes  dans  les  nouveautés  de  1789.  Celles-ci,  en  effet,  ne 
comprennent  que  les  trois  faux  dogmes  et  plusieurs  erreurs  qui  en 
émanent.  L'analyse  des  52  articles  des  deux  Déclarations  démontre 
l'exactitude  de  ce  jugement.  Certaines  vérités  traditionnelles  forment 
le  fond  de  ces  documents  ;  mais  les  plus  importantes  y  sont,  soit  déna- 
turées par  les  faux  dogmes,  soit  faussées  par  diverses  erreurs  {^).  » 

III.  —  Jugement  d'un  historien  :  Taine.  —  «  ...  Dans  la  Déclaration 
de  l'Assemblée  nationale,  la  plupart  des  articles  ne  sont  que  des  dogmes 
abstraits,  des  définitions  métaphysiques,  des  axiomes  plus  ou  moins 
littéraires,  c'est-à-dire  plus  ou  moins  faux,  tantôt  vagues  et  tantôt 
contradictoires,  susceptibles  de  plusieurs  sens  et  susceptibles  de  sens 
opposés,  bons  pour  une  harangue  d'apparat  et  non  pour  un  usage  effectif, 
simple  décor,  sorte  d'enseigne  pompeuse,  inutile  et  pesante,  qui,  guindée 
sur  la  devanture  de  la  maison  constitutionnelle  et  secouée  tous  les  jours 
par  des  mains  violentes,  ne  peut  manquer  de  tomber  bientôt  sur  la 
tête  des  passants.  On  n'a  rien  fait  pour  parer  à  ce  danger  visible.  Rien 
de  semblable  ici  à  cette  Cour  suprême  qui,  aux  États-Unis,  est  la  gar- 
dienne de  la  Constitution...  On  a  proclamé  des  droits  indéfinis  et  discor- 
dants, sans  pourvoir  à  leur  interprétation,  à  leur  application,  à  leur 
sanction...  Tous  les  articles  de  la  Déclaration  sont  des  poignards  dirigés 
contre  la  société  humaine,  et  il  n'y  a  qu'à  pousser  le  manche  pour  faire 
entrer  la  lame.  Parmi  «  ces  droits  naturels  et  imprescriptibles  »,  le  légis- 
lateur a  mis  «  la  résistance  à  l'oppression  ».  Nous  sommes  opprimés, 
résistons  et  levons-nous  en  armes.  —  Selon  le  législateur,  «  la  société  a  le 


(  M  F.  Le  Play,  La  Réforme  sociale  en  France,  h.  VII,  Cb.  lxiv,  §  3,  T.  IV,  p.  128-1304 
Tours,   Maine,   1878*. 


1 


(109)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    MORALE    CIVIQUE  301 

droit  de  demander  compte  à  tout  agent  public  de  son  administration  ». 
Allons,  à  l'hôtel  de  ville,  interrogeons  nos  magistrats  tièdes  ou  sus- 
pects, etc.  (^).  » 


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Ch.  m,  §  V,  Paris,  1899,  22»  Edit.,  p.  41-43. 


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L 


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IVe  SECTION 


f  MORALE   INTERNATIONALE 

Dans  ce  Chapitre,  consacré  à  la  Morale  sociale,  nous  avons  jusqu'ici 
traité  de  la  Morale  humanitaire,  de  la  Morale  domestique  et  de  la  Morale 
civique.  Reste  à  parler  de  la  Morale  internationale.  Puis  nous  aborderons 
quelques  sujets  qui  intéressent  toutes  les  nations  :  le  Principe  des 
Nationalités,  la  Morale  et  la  Politique,  la  Civilisation,  le  Progrès. 

110.  —  LE  DROIT  INTERNATIONAL  (i) 

A)  Définition  :  on  entend,  aujourd'hui,  par  Droit  international, 
l'ensemble  des  droits  et  des  devoirs  qui  déterminent  les  relations  des 
peuples  entre  eux.  On  l'appelle  aussi  Droit  des  gens  {Jus  Gentium).  Mais 
comme  le  terme  Droit  des  Gens  a  été  pris  dans  des  sens  différents,  nous 
dirons,  pour  éviter  toute  équivoque  :  Droit  international. 

Par  Droit  des  Gens,  les  Jurisconsultes  romains  entendaient  le  Droit 
qui  est  commun  aux  citoyens  et  aux  étrangers  {^).  Le  Droit  civil  ne 
concernait  que  les  citoyens  romains. 

S'inspirant  des  Jurisconsultes  de  Rome,  S.  Thomas  appelle  Droit 
des  gens  cette  partie  du  Droit  positif  qui  contient  les  conclusions  décou- 
lant nécessairement  du  Droit  naturel  et  est  reconnu  par  tous  les  peuples. 
Tu  ne  tueras  pas,  tu  ne  voleras  pas,  sont  des  préceptes  du  Droit  des  gens 
ainsi  défini  (^).  Ces  préceptes  sont  obligatoires  en  vertu  même  de  la  loi 
naturelle. 

Depuis  le  xvii«  siècle,  les  Scolastiques  (*)  comprennent,  sous  le  nom 
de  Droit  des  Gens,  les  lois  positives  qui,  sans  être  des  conclusions  néces- 
saires de  la  loi  naturelle,  lui  touchent  de  si  près  qu'on  les  trouve  chez 


(  M  H.  Grotius,  De  Jure  belli  et  pacis.  —  S.  Pufendorf,  De  Jure  naturee  et    gentium. 

—  J-G.  Heineccius,  Elementa  Juris  nalurœ  et     gentium.  —  Taparelli,  Essai...,  L.  VI. 

—  S.  SCHiFFiNi,  Disputât,  philos,  moralis,  T.  II,  Disput.  VI.  —  L.  Jouin,  Elementa  philo- 
sophix  moralis,  P.  IV,  Sect.  III.  —  M.  B.,  /ns(i(u<es  de  droit  naturel,  L.  XI.  —  Ch.  Périn 
L'Ordre  international.  —  Nys,  Les  théories  politiques  et  le  droit  international.  -  E.  Cheysso.v, 
L' Internationalisme  dans  les  questions  sociales.  —  G.  Audisio,  Juris  naturx  et  gentium 
publici  et  privati  fundamenta.  —  T.  Rothe,  Traité  de  Droit  naturel,  T.  I,  Part    IV,  Ch.  iv. 

(  •)  Gaius,    Institutionum  Commentarii  quatuor,  I,    §  I    —  Cf.  Cicéron,  De  OfHciis, 
L.    III,    5    XVII. 

(•)  Cf.  S.  TH0MA3,  Summa  theologica,  1»  2»%  Q.  XCV,  A.  4.  —  2»  2'",  Q.  LVII,  A.  3. 

—  Comment,  in  V  Ethic,  L.  XII.  —  V.  Cathrein,  P/iifosop/iia  Moralis,  P.  I,  C.  vin,  Art.  V, 
n.  307-308,  p.  224-226,  Fribourg-en-Brisgau,  1911   (7*  Edit.). 

(  ♦)  Cf.  vg.  SOAREZ,  De  Legibue,  L.  II,  C.  xvii-xx. 


312  LE    DROIT    INTERNATIONAL  (110) 

tous  les  peuples.  Les  lois  positives,  ne  dérivant  pas  nécessairement  de 
la  loi  naturelle,  ont  besoin,  pour  devenir  obligatoires,  de  l'intervention 
du  législateur  qui  détermine  et  précise  la  loi  naturelle,  dont  il  dégage 
les  conséquences  secondaires.  D'après  les  Scoiastiques  antérieurs  au 
xvii^  siècle,  ces  lois  positives  appartiennent  au  contraire  au  Droit  civil. 

B)  Division  du  Droit  international.  —  On  le  divise  en  :  1°  Droit 
international  naturel  et  positif.  —  2°  Droit  international  public  et  prii'é  : 

I.  —  Droit  international  naturel  :  il  comprend  les  devoirs  et  les 
droits  qui,  en  vertu  de  la  seule  loi  naturelle,  existent  chez  les  diverses 
nations  :  vg.  Devoir  d'observer  les  traités.  Droit  de  conserver  son 
territoire. 

Droit  international  positif  :  il  comprend  les  devoirs  et  les  droits  qui 
ont  pour  origine  une  coutume  ou  une  convention  librement  consentie. 
On  peut  le  subdiviser  en  : 

a)  Droit  positif  universel  :  quand  il  est  en  vigueur  chez  tous  les 
peuples  civilisés  ;  vg.  Convention  de  Genève  relative  aux  blessés  et 
prisonniers  de  guerre. 

b)  Droit  positif  particulier  :  quand  il  n'est  en  vigueur  que  chez  un 
certain  nombre  de  peuples  ;  vg.  Conventions  relatives  à  l'unité  moné- 
taire, à  l'union  postale. 

II.  —  Droit  international  public  :  c'est  le  Droit  international  pro- 
prement dit,  soit  naturel,  soit  positif,  considéré  en  tant  qu'il  règle  les 
rapports  des  nations  entre  elles.  Il  a  pour  sujet  les  nations  elles-mêmes, 
et  non  leurs  Gouvernements.  Les  actions  juridiques  sont  cependant  exer- 
cées, au  nom  des  nations,  par  leurs  Gouvernements  qui  les  représentent. 

Droit  international  privé  ;  il  règle  les  relations  que  les  citoyens  des 
diverses  nations  ont  entre  eux  sur  tel  ou  tel  point  ;  vg.  Convention 
relative  à  la  propriété  littéraire. 

C)  Existence  du  Droit  international  naturel,  soit  privé,  soit  public. 

I.  —  Droit  privé  :  A  chacun  le  sien  est  un  précepte  naturel  évident, 
qui  oblige  absolument  tous  les  hommes.  Or  chacun  de  nous,  en  vertu 
même  de  sa  nature,  peut  revendiquer  comme  siennes  beaucoup  de. 
choses.  Tous  les  hommes  par  conséquent  sont  tenus  de  les  respecter, 
c'est-à-dire  de  les  laisser  intactes,  et,  en  cas  de  dommage  ou  de  rapt,  de 
réparer  le  tort  causé  ou  de  rendre  l'objet  enlevé.  Exemple  :  tout  homme 
a  droit  à  la  vie  ;  il  faut  donc  respecter  la  vie  non  seulement  de  ses  conci- 
toyens, mais  de  tout  être  humain. 

II.  —  Droit  public  :  le  principe  :  A  chacun  le  sien,  étant  absolument 
universel,  concerne  non  seulement  les  individus,  mais  les  sociétés. 
Or  chaque  société  peut  appeler  siennes,  indépendamment  du  consen- 
tement des  autres  nations,  beaucoup  de  choses  :  vg.  son  territoire, 
sa  forme  de  gouvernement,  son  indépendance,  etc. 

Chaque  nation  en  effet  constitue  une  personne  morale  ayant,  comme 


(110)  LE    DROIT    INTERNATIONAL  313 

l'individu,  le  droit  de  conserver  sa  vie  et  de  travailler  à  son  perfection- 
nement matériel,  intellectuel  et  moral.  Les  autres  nations  ont  donc  le 
devoir  de  la  respecter.  Par  conséquent  les  principes,  qui  règlent  la 
conduite  des  individus  entre  eux,  s'appliquent  aux  peuples  dans  leurs 
rapports  mutuels  :  les  peuples  sont  liés  les  uns  envers  les  autres  par  des 
devoirs  de  justice  et  de  charité. 

D)  Devoirs  de  justice  :  toutes  les  sociétés  civiles  ont  même  essence, 
même  fin,  même  pouvoir.  Elles  ont  donc,  en  vertu  même  de  leur  consti- 
tution naturelle,  les  mêmes  devoirs  et  les  mêmes  droits  vis-à-vis  les 
unes  des  autres. 

En  matière  de  justice,  droits  et  devoirs  sont  corrélatifs  (54,  §  B,  II). 
Voici  les  principales  obligations  internationales  : 

1»  Respect  de  l'indépendance,  de  la  nationalité,  des  droits  des 
autres  nations.  Il  n'est  donc  pas  permis  de  conquérir  un  pays  étranger, 
sous  couleur  de  lui  porter  la  civilisation,  d'y  implanter  la  vraie  religion, 
ou  d'y  faire  respecter  la  loi  morale,  à  moins  que  ses  excès  ne  nuisent 
aux  autres  pays. 

2o  Fidélité  aux  conventions  internationales,  aux  traités  de  paix. 

3°  Ne  faire  la  guerre  que  pour  une  cause  juste  et  après  avoir  épuisé 
tous  les  moyens  de  conciliation  (99,  §  B,  II,  2°). 

E)  Devoirs  de  charité  :  les  hommes  pris  individuellement  sont 
tenus  à  l'amour  mutuel.  Les  sociétés,  étant  composées  d'hommes,  y  sont 
tenues  pareillement,  car  ce  qui  convient  aux  individus  en  vertu  de  leur 
essence,  n'est  pas  supprimé  par  le  fait  de  leur  union  sociale.  Gonséquem- 
ment  ces  préceptes  :  A^e  fais  pas  aux  autres  ^e  que  tu  ne  veux  pas  qu'on  te 
fasse.  Fais  aux  autres  ee  que  tu  désires  qu'on  te  fasse,  s'appliquent  éga- 
lement aux  rapports  des  sociétés  entre  elles.  Une  différence  est  cependant 
à  noter.  Il  est  loisible  à  un  particulier  de  sacrifier,  par  amour  pour 
autrui,  un  bien  temporel  dont  il  a  la  libre  disposition.  Mais  un  Gouver- 
nement doit  préférer  le  bien  social  dont  il  a  la  charge  au  bien  d'une 
société  étrangère. 

Les  peuples  ont  le  devoir  de  s'entr'aider  à  accomplir  la  justice  et 
à  promouvoir  la  civilisation. 

Si  un  peuple  est  attaqué  injustement  par  un  ennemi,  la  charité 
demande  que  les  autres  nations,  qui  le  peuvent  sans  grave  dommage 
pour  elles-mêmes,   viennent   à   son   secours. 

F)  Principe  de  non-intervention  :  sans  doute  il  n'est  pas  permis 
d'intervenir  par  la  force  dans  les  affaires  intérieures  d'une  autre  nation 
sans  son  consentement,  à  moins  qu'elle  ne  soit  tombée  dans  une  complète 
anarchie  ou  qu'elle  ne  cherche  à  propager  au  dehors  des  doctrines  sub- 
versives. Quand  un  pays  est  agité  par  des  troubles  civils,  on  n'a  pas  le 
droit  d'empêcher  une  autre  nation  de  porter  secours,  dans  ce  pays, 
soit  au  peuple,  soit  à  l'autorité,  dont  les  droits  sont  violés,  si  ce  secours 


314  LE    DROIT    INTERNATIONAL  (HO) 

est  réclamé.  Autrement,  ce  serait  encourager  les  rebelles.  Il  faut  donc 
repousser  le  principe  de  non-intervention  entendu  sans  restriction.  Dès 
1831,  Metternich  le  remarquait  finement  :  «  ...Qu'est-ce  que  le  principe 
de  non-intervention,  sinon  l'intervention  la  plus  délétère  et  la  plus 
active  en  faveur  de  l'anarchie  {^).  » 

G)  Nature  et  valeur  des  Traités  :  les  Traités  sont  des  contrats 
passés  entre  nations.  Le  droit  de  les  passer  appartient  à  celui  ou  à  ceux 
qui  exercent  le  pouvoir  suprême  dans  la  société,  car  personne  ne  peut 
lier  une  société  si  ce  n'est  elle-même  ou  ceux  qui  la  représentent.  C'est 
pourquoi  les  traités  conclus  par  des  intermédiaires  :  ministres,  ambas- 
sadeurs, ne  deviennent  obligatoires  qu'après  avoir  été  ratifiés  par 
l'autorité  suprême  de  la  nation  intéressée. 

Les  conditions  requises  pour  la  licéité  et  la  validité  des  contrats 
particuliers  sont  applicables  aux  traités.  Ainsi,  les  personnes,  qui  prennent 
part  à  un  contrat,  doivent  être  aptes  à  le  faire,  c'est-à-dire  qu'elles 
doivent  avoir  le  plein  usage  de  leur  raison  et  la  libre  disposition  de  leurs 
droits  :  vg.  un  fou  ou  un  mineur  sont  incapables  de  contracter.  — 
La  matière  du  contrat  doit  être  licite  :  vg.  un  contrat  qui  viole  les  droits 
d'un  tiers  est  nul  de  plein  droit.  —  Le  consentement  doit  être  libre. 
Trois  causes  :  l'erreur,  la  violence,  la  crainte  peuvent  vicier  le  consen- 
tement. U erreur  doit  être  substantielle,  c'est-à-dire  porter  sur  la  substance 
ou  la  nature  du  contrat  :  vg.  un  marchand  au  lieu  de  vin  a  vendu  du 
vinaigre  ;  l'un  des  contractants  a  voulu  acheter  et  l'autre  seulement 
prêter,  La  violence  extérieure  :  vg.  forcer  quelqu'un  à  signer  le  contrat. 
La  crainte,  si  elle  n'enlève  pas  la  liberté,  n'annule  pas  le  contrat. 

Il  est  facile  d'appliquer  ces  conditions  aux  traités.  Donnons  un 
exemple  :  un  traité  qui  imposerait  au  vaincu  de  subjuguer  une  autre 
nation  ou  de  fomenter  chez  elle  des  troubles,  serait  nul,  parce  que  la 
matière  est  illicite. 

L'obligation  d'observer  les  traités  et  les  contrats  repose  en  dernière 
analyse  sur  la  loi  morale  (17,  §  II,  A,  II  et  B).  En  dehors  de  là  tout 
fondement  est  ruineux.  Ceux  qui  rejettent  ce  fondement  solide  en 
viennent  logiquement  à  professer,  comme  Edouard  de  Hartmann  et 
beaucoup  d'autres,  que  les  traités  n'obligent  qu'autant  qu'ils  sont 
profitables.  Mais,  on  l'a  vu,  l'intérêt  et  l'utilité  ne  peuvent  servir  de 
base  au  devoir.  (25,  B,  III).  S'inspirant  de  la  doctrine  utilitaire  de 
Hartmann,  le  Chancelier  de  l'Empire  allemand,  M.  de  Bethmann- 
HoUweg,  déclara,  en  1914,  à  l'ambassadeur  d'Angleterre,  que  les  traités 
sont  des  «  chiffons  de  papier  »,  qu'on  déchire  quand  ils  sont  devenus 
gênants. 


M  Metternich  (Prince  de),   Mémoires,  T.  V,  p.  128,  Paris,  1882. 


(111)  ESSAIS    d'organisation    JURIDIQUE    INTERNATIONALE  315 

111.  —  ESSAIS  D'ORGANISATION  JURIDIQUE 
INTERNATIONALE  {^) 

Pour  la  solution  pacifique  des  conflits  qui  surgissent  entre  les  diffé- 
rents peuples,  il  serait  de  la  plus  haute  importance  d'organiser  juridi- 
quement les  rapports  internationaux.  Qu'a-t-on  tenté  jusqu'ici  pour 
résoudre  ce  difficile  problème  ?  La  connaissance  de  ces  essais  et  des 
raisons  de  leur  insuffisance  aidera  à  trouver  une  solution  équitable  et 
efficace. 

A)  Chrétienté  du  Moyen  Age  ('^).  —  L'Empire  romain  avait  réussi 
à  créer  une  organisation  juridique  qui  soumettait  les  peuples  du  monde 
alors  connu  à  un  seul  gouvernement  et  à  une  même  législation.  L'invasion 
des  Barbares  mit  fin  à  cette  majestueuse  Paix  romaine.  Sur  les  débris* 
de  l'Empire,  des  nations  indépendantes  se  constituèrent  peu  à  peu, 
plus  ou  moins  ennemies  ou  rivales.  L'Europe  du  Moyen  Age  s'efTorça, 
surtout  aux  xii^  et  xiii^  siècles,  d'établir,  pour  la  sauvegarde  de  la 
paix,  une  organisation  juridique  fondée  sur  les  principes  du  Droit 
chrétien. 

Le  système  reposait  sur  l'union  étroite  de  la  puissance  temporelle 
et  de  la  puissance  spirituelle,  l'Église  catholique  et  l'Europe  féodale. 
La  puissance  ecclésiastique  exercée  par  le  Pape  et  les  Évêques,  et  la 
puissance  séculière  exercée  par  l'Empire,  les  Royautés,  les  Seigneuries 
et  les  Cités,  tout  en  restant  distinctes  et  maîtresses  dans  leur  domaine 
propre,  collaborent  à  la  même  œuvre.  L'unité  de  croyances  religieuses 
et  d'obédience  ecclésiastique,  aussi  bien  que  la  situation  politique,  faci- 
litèrent cette  collaboration  :  les  hauts  dignitaires  ecclésiastiques  sont 
en  même  temps  seigneurs  féodaux  et  jouissent  en  conséquence  des 
prérogatives  de  la  suzeraineté  séculière  ;  les  princes  et  les  seigneurs 
laïcs,  d'autre  part,  sont  admis  à  délibérer  sur  des  sujets  concernant  les 
affaires  de  l'Église.  De  plus,  privée  par  le  schisme  byzantin  de  l'Europe 
orientale,  la  Chrétienté  se  borne  à  l'Europe  centrale  et  occidentale. 
Cette  étendue  restreinte  rend  l'entente  plus  facile. 

La  Papauté  possède  un  double  pouvoir  :  l'un  direct  sur  les  matières 
religieuses  ;  l'autre  indirect,  sur  les  matières  mixtes,  c'est-à-dire  les 
questions  civiles  où  la  conscience  est  engagée.  L'exercice  de  ce  pouvoir 
indirect  ayant^été  accepté  par  le  Droit  public  des  sociétés  composant 


(M  D'aprt^s  le  livre  d'Y.  de  la  Brière  :  La  «  Société  des  Nations  »  ?  (Paris.  1918) 
et  son  article  :  Paix  et  Guerre,  §  III,  dans  le  Dictionnaire  apologétique  (sous  la  direction 
d'A.  d'Alès),  1920,  T.  III,  col.  1272-1301. 

(«)  Fr.  Duval,  La  Chrétienté  du  Moyen  Age,  dans  L'Église  et  la  Guerre,  Paris,  1913. 


316  ESSAIS  d'organisation  juridique  internationale  (111) 

la  Chrétienté,  le  Saint-Siège  devint  l'arbitre  suprême  de  ce  que  l'on  a 
appelé  la  Respublica  Christiana. 

Les  décrets  des  Papes  et  des  Conciles  introduisirent,  dans  le  Droit 
public  des  Cités  et  des  Royaumes,  des  règles  qui  peu  à  peu  modifièrent 
les  relations  internationales  dans  le  sens  de  plus  de  justice  et  d'équité. 
L'arbitrage  du  Saint-Siège  ou  des  hauts  dignitaires  ecclésiastiques 
empêcha  ou  abrégea  nombre  de  conflits  sanglants.  L'idéal  chrétien  de 
la  Chevalerie  contribua  aussi  à  rendre  la  guerre  plus  humaine  (^). 
«  La  proclamation  du  principe  de  la  Paix  de  Dieu,  puis  l'institution 
(beaucoup  plus  réelle  et  efficace)  de  la  Trêve  de  Dieu,  la  réglementation 
du  droit  d'asile  et  des  immunités  ecclésiastiques  parviendront  indubi- 
tablement à  restreindre  les  calamités  de  la  guerre,  à  en  exempter  certains 
temps,  certains  lieux,  certaines  catégories  de  personnes  et  de  biens, 
au  nom  de  la  législation  commune  qui  s'impose  à  toutes  les  puissances 
de  la  Chrétienté  (^).  » 

Cette  belle  organisation  n'eut  qu'une  efficacité  partielle  et  relative, 
car  elle  fut  tenue  en  échec  par  l'action  des  passions  mauvaises.  Trop 
souvent  l'intervention  de  l'Église  fut  impuissante.  Cependant  l'histoire 
n'offre  pas  d'exemple  d'une  tentative  de  ce  genre  qui  ait  donné  des 
résultats  comparables.  Ils  justifient  «  la  profonde  admiration  dont 
l'ensemble  de  mes  méditations  philosophiques  »,  déclare  loyalement 
Auguste  Comte,  «  m'a  depuis  longtemps  pénétré  envers  cette  économie 
générale  du  système  catholique  au  moyen  âge,  que  l'on  devra  concevoir 
de  plus  en  plus  comme  formant  jusqu'ici  le  chef-d'œuvre  politique  de 
la  sagesse  humaine  »  (^). 

B)  Équilibre  des  Puissances.  —  Quand  la  constitution  des  grands 
États  modernes  eut  brisé  l'organisation  politico-religieuse  de  la  Chré- 
tienté au  Moyen  Age,  et  que  la  Réforme  protestante  eut  rompu  l'unité 
de  croyances  religieuses  et  d'obédience  ecclésiastique,  une  nouvelle 
formule  politique  se  dégagea  peu  à  peu  comme  règle  des  relations  inter- 
nationales :  ce  fut  le  principe  de  Y  Equilibre  des  Puissances. 

Le  principe  de  l'Équilibre  européen  fait  son  apparition  officielle 
dans  les  traités  de  Westphalie  (1648),  Les  Puissances  catholiques  et 
protestantes,  liguées  contre  les  Habsbourgs,  avaient  pour  but  commun 
de  détruire  la  suprématie  de  la  Maison  d'Autriclie-Espagne,  qui  était 
une  menace  permanente  pour  la  tranquiUité  de  l'Europe.  La  coalition, 
après  sa  victoire,  avisa  au  moyen  de  contenir  cette  Puissance  domi- 


(')  Cf.  L.   Gaittier,   La  Chevalerie,  Ch.  i. 
(  ')  Y.  DE  LA  Brière,  Article  cité,  Ibidem,  col.  1271. 

(')  A.  Comte,  Cours  de  Philosophie  positive,  T.  V,  Leçon  LIV,  Paris,  1869',  p.  2.31, 
au  bas. 


(111)  ESSAIS    b'oRGAMSATION    JURIDIQUE    INTERNATIONALE  317 

natrice.  Pour  sauvegarder  Findépendance  et  la  sécurité  de  chaque 
peuple,  les  diplomates  s'efforcent  d'organiser  l'Europe  de  telle  façon 
que  les  principaux  États,  par  eux-mêmes  ou  par  leurs  alliances,  s'équi- 
librent et  se  fassent  contrepoids,  de  manière  à  conserver  aussi  exac- 
tement que  possible  la  proportion  des  forces  respectives.  Telle  est  la 
conception  qui  domina  le  Droit  international  pendant  les  xvii^  et 
XYiii^  siècles,  et  qui,  au  xix^,  se  retrouvera  sous  des  étiquettes  diffé- 
rentes. 

Cette  politique  d'équilibre,  qui  est  appliquée  d'abord  en  faveur  de 
la  France  et  de  ses  alliés  contre  la  prépondérance  de  la  Maison  d'Au- 
triche, s'exerça  ensuite  contre  la  suprématie  française  sous  le  règne 
de  Louis  XIV.  Elle  inspira  les  coalitions  dirigées  contre  la  Révolution 
et  contre  Napoléon  I^r.  Elle  présida  au  dépècement  de  la  Pologne  et, 
de  notre  temps,  à  certains  démembrements  de  l'Empire  ottoman. 
Avant  1914,  on  avait  opposé  à  la  Triple  AlHance  le  contrepoids  de  la 
Triple  Entente. 

Considéré  comme  procédé  ou  recette,  le  système  d'équilibre  a  reftdu 
et  peut  rendre  encore  de  véritables  services.  Mais  il  faut  se  garder 
d'ériger  ce  procédé  utile  en  doctrine  juridique,  sous  le  nom  de  principe 
de  l'équilibre,  comme  s'il  avait  la  valeur  d'un  principe  se  suffisant  à 
lui-même.  Les  règles  absolues  du  droit  et  de  la  justice  doivent  présider 
à  ses  applications.  Sinon  il  peut  servir  de  prétexte  aux  réglementations 
les  plus  injustes.  «  Dans  chacun  des  Congrès  tenus  depuis  trois  siècles 
par  les  Puissances  européennes,  il  serait  facile  de  relever  les  innom- 
brables échanges,  trocs,  marchandages  de  provinces  et  de  populations, 
accomplis,  en  contradiction  avec  le  bon  sens  ou  avec  la  morale  et  le 
droit,  pour  appliquer  le  principe  sacro-saint  de  l'équilibre  politique  de 
l'Europe  et  du  monde.  Le  caractère  immoral  du  principe  d'équilibre, 
considéré  comme  règle  suprême  du  droit  des  gens,  apparaît  à  ce  résultat 
constant  que  les  frais  des  opérations  compensatoires  décrétées  par 
les  diplomates  des  grands  États  sont  inévitablement  supportés  par  les 
Puissances  les  plus  faibles...  Le  principe  d'équilibre  portera  donc  toutes 
les  mêmes  tares  indélébiles  que  les  diverses  morales  de  Vintérét  (^). '> 
(24  sqq.). 

C)  Directoire  européen.  —  On  appela  ainsi  le  statut  qui  fut  pré- 
paré dans  les  délibérations  du  Congrès  de  Vienne.  Le  dernier  traité  de 
1815,  celui  du  20  novembre,  stipula  que  les  quatre  confédérés  de  l'Al- 
liance de  Chaumont,  l'Angleterre,  l'Autriche,  la  Prusse  et  la  Russie, 
resteront  unis  pour  maintenir  la  paix  de  l'Europe.  La  France  fut  admise 
en  1818  dans  le  Directoire  européen. 


C)  Y.  DE  LA  Brière,  Art.  cité.  Ibidem,  col.  1277. 


318  ESSAIS  d'organisation  juridique  internationale  (111) 

Le  Directoire  adopta  pour  principe  celui  de  la  légitimité,  c'est-à-dire 
le  respect  des  Gouvernements  consacrés  par  la  tradition  historique  de 
chaque  pays.  Il  eut  une  courte  durée  (1815-1830).  C'était  fatal.  Une 
fois  passé  le  danger  commun  que  l'ambition  conquérante  de  Napoléon  I^"" 
avait  fait  courir  à  l'Europe,  le  trait  d'union  manqua.  Au  lieu  d'examiner 
les  questions  pendantes  en  se  plaçant  au  point  de  vue  du  bien  collectif, 
chaque  puissance  les  envisagea  d'une  façon  égoïste,  préoccupée  de  ses 
intérêts  immédiats  et  particuliers.  Le  Directoire  européen  se  trouva 
impuissant  devant  la  Révolution  de  Juillet  en  France,  la  proclamation 
'  de  l'indépendance  de  la  Belgique,  le  soulèvement  de  la  Pologne.  Chaque 
État  s'efforça  de  pourvoir  lui-même  à  ses  propres  besoins. 

D)  Concert  européen  (^).  —  Après  1830,  les  principales  Puissances 
de  l'Europe  se  concertèrent,  dans  les  circonstances  critiques,  pour 
prendre  en  commun  et  les  imposer  à  autrui  certaines  décisions  collec- 
tives, qui  peu  à  peu  furent  acceptées  comme  les  formules  successives 
du  Droit  international.  Leur  ensemble  peu  cohérent  a  formé  ce  qu'on 
est  convenu  d'appeler  le  Concert  européen  (1830-1914). 

Le  Directoire  européen  avait  admis  comme  principe  de  Droit  public 
la  politique  d'intervention  pour  maintenir  la  légitimité.  Le  Concert 
européen  vise  à  maintenir  l'équilibre  et  la  paix  entre  les  États  ;  mais, 
pour  diriger  son  action,  il  ne  suit  aucune  règle  permanente.  Ses  préfé- 
rences sont  pour  les  solutions  empiriques  et  les  compromis  qui  varient 
avec  les  circonstances.  Tantôt  il  encourage  ou  tolère  l'application  du 
principe  des  nationalités  (112)  ;  tantôt  il  comprime  l'élan  des  nations 
renaissantes  en  s'inspirant  uniquement  de  considérations  utilitaires 
tirées  de  l'équilibre  européen.  Parfois  il  laisse  dormir  le  principe  d'inter- 
vention :  l'unité  italienne  et  l'unité  allemande  s'accomplissent,  comme 
s'il  n'existait  pas.  Le  plus  souvent  il  intervient  :  affaires  ottomanes, 
balkaniques,  africaines,  asiatiques. 

Sans  doute,  le  Concert  européen  a  rendu  des  services  appréciables. 
Mais  n'ayant,  pour  éclairer  ses  décisions,  aucun  principe  ^supérieur  qui 
soit  la  formule  objective  du  Droit,  il  n'offrait  pas  une  garantie  efficace 
pour  l'ordre  juridique.  Sa  composition  même  est  vicieuse.  C'est  un  syn- 
dicat formé  par  les  grandes  Puissances  qui,  trop  souvent,  ont  fait  bon 
marché  des  intérêts  des  petits  États  réduits  à  subir  leurs  exigences, 
quel  que  soit  le  déni  de  justice  dont  ils  sont  victimes. 

E)  Conférences  de  La  Haye  (1899  et  1907)  (2).  —  La  rapidité 
des  moyens  de  transport  et  d'information,  la  facilité  des  échanges  ont 


( ')  Ch.  Dupuis,  Le  Principe  d'équilibre  et  le  Concert  européen,  Paris,  1909- 

(  •)  Cf.  L.  Renault,  Les  deux  Conférences  de  la  Paix  de  1899  et  de  1907,  Paris,  1909. 


(111)  ESSAIS    d'organisation    JURIDIQUE    INTERNATIONALE  319 

insensiblement  introduit,  chez  les  divers  peuples  du  monde,  une  uni- 
formité croissante  dans  la  manière  de  vivre  et  une  étroite  solidarité 
commerciale,  industrielle  et  agricole.  Ces  conditions  nouvelles  du  monde 
contemporain  ont  eu  leur  contre-coup  dans  le  Droit  international 
privé  ou  public,  qui  s'est  notablement  perfectionné.  Les  articles  282  à 
295  du  Traité  de  Versailles  (28  juin  1919)énumèrent  un  très  grand  nombre 
de  conventions  internationales  réglant  les  droits  des  particuliers  et 
signées  par  10,  20,  30  Puissances. 

A  ce  mouvement  de  transformation  se  rattache,  dans  le  domaine 
du  Droit  international  public,  l'œuvre  des  Conférences  de  La  Haye. 

La  Conférence  de  1899  élabora  une  convention  pour  le  règlement 
pacifique  des  conflits  internationaux.  Une  Cour  permanente  d'arbi- 
trage, composée  des  représentants  de  toutes  les  Puissances  contrac- 
tantes, a  pour  mission  de  juger  les  litiges  qui  lui  sont  déférés.  L'arbi- 
trage en  question  est  limité  à  certains  cas  et  facultatif,  c'est-à-dire 
abandonné  au  libre  choix  des  contractants.  Entre  1899  et  1914,  cette 
Cour  a  réussi  à  donner  à  une  douzaine  d'afîaires  épineuses  une  solution 
pacifique  et  équitable. 

Il  est  clair  que,  s'il  n'est  pas  reconnu  comme  obligatoire  par  toutes 
les  Puissances  contractantes,  l'arbitrage  international  ne  sera  qu'un 
remède  platonique,  quand  s.urgiront  les  questions  brûlantes  qui  surex- 
citent l'amour-propre  ou  l'ambition  de  peuples  rivaux.  Les  plus  forts 
n'auront  cure  de  l'arbitrage  facultatif.  Aussi  la  Conférence  de  1907 
prépara-t-elle  un  projet  établissant  l'arbitrage  obligatoire.  Il  fut  accepté 
par  33  Puissances  et  rejeté  par  8  autres.  Une  adhésion  unanime  eût  été 
nécessaire. 

Excellent  dans  ses  intentions,  ce  projet  avait  une  lacune  très  grave  : 
l'absence  de  sanctions  pour  urger  l'exécution  de  la  sentence  rendue. 
L'arbitrage,  même  obligatoire,  dénué  de  sanctions  serait  d'une  médiocre 
efficacité.  Car  toute  sentence,  qui  impose  une  contrainte  onéreuse,  a 
bien  des  chances  d'être  éludée  tôt  ou  tard  par  les  intéressés,  si  l'on  ne 
met  pas  la  force  au  service  du  droit. 

Ce  sont  les  terribles  calamités  de  la  guerre  de  1914-1918  qui  ont  mis 
en  pleine  lumière  la  nécessité  de  l'arbitrage  obligatoire  muni  de  sanctions 
internationales  efficaces.  Le  Message  du  l^'"  août  1917,  où  Benoît  XV 
offre  sa  médiation  aux  belligérants,  réclame  cette  transformation  du 
Droit  international  :  «  Le  point  fondamental  doit  être  qu'à  la  force  maté- 
rielle des  armes  soit  substituée  la  force  morale  du  droit  ;  d'où  un  juste 
accord  de  tous  pour  la  réduction  simultanée  et  réciproque  des  arme- 
ments, selon  des  règles  et  des  garanties  à  établir,  dans  la  mesure  néces- 
saire et  suffisante  au  maintien  de  l'ordre  public  dans  chaque  État  ; 
puis,  en  substitution  des  armées,  l'institution  de  l'arbitrage,  avec  sa 
haute  fonction  pacificatrice,  selon  des  normes  à  concerter  et  des  sanctions 


1 


320  ESSAIS  d'organisation  juridique  internationale  (111) 

à  déterminer  contre   l'État  qui  refuserait,  soit  de  soumettre  les  ques- 
tions internationales  à  l'arbitrage,  soit  d'en  accepter  les  décisions.  » 
On  peut  ramener  à  trois  les  sanctions  internationales  : 

a)  Sanctions  morales  :  flétrissure  publique  que  la  Cour  suprême 
d'arbitrage  infligerait  à  tout  État  qui  aurait  gravement  enfreint  les 
obligations  du  Droit  international,  et,  notamment,  qui  aurait  recouru 
aux  armes,  au  lieu  de  s'adresser  à  la  justice  arbitrale  pour  trancher  le 
litige,  ou  aurait  refusé  de  se  soumettre  à  la  sentence  d'arbitrage. 

b)  Sanctions  éconoîniques  :  rupture  aussi  complète  que  possible  des 
relations  commerciales  avec  la  Puissance  violatrice  du  droit.  Un  blocus 
sévère  serait  une  sanction  très  énergique,  parce  qu'il  met  le  pays  bloqué 
dans  une  situation  qui  finit  par  devenir  intolérable. 

c)  Sanctions  militaires  :  la  Cour  suprême  aurait  le  droit  de  requérir 
l'intervention  armée  de  certains  États  contre  la  Puissance  prévari- 
catrice. 

Cette  réquisition  ne  serait  pas,  en  fait,  aussi  lourde  pour  les  Puis- 
sances obligées  d'intervenir  qu'elle  semble  à  première  vue.  Car  le  fonc- 
tionnement de  l'arbitrage  obligatoire  doit  avoir  pour  préface  «  la  réduc- 
tion simultanée  et  réciproque  des  armements  ». 

Cependant  il  ne  faudrait  pas  nourrir  l'illusion  qu'une  ère  de  paix 
perpétuelle  se  lèverait  sur  le  monde,  si  tous  les  États  avaient  consenti 
au  désarmement  et  accepté  cet  ensemble  de  sanctions.  Car,  étant  données 
les  passions  qui  sont  inhérentes  à  la  nature  humaine,  il  surviendrait  des 
cas  où  les  sanctions  ne  seraient  pas  appliquées  ou  le  seraient  d'une 
façon  insuffisante.  Si  l'on  n'arrive  pas  à  donner  aux  sanctions  toute 
l'ampleur  et  la  force  désirables,  ce  sera  déjà  beaucoup  de  leur  assurer 
une  efficacité  relative  et  partielle.  C'est  pourquoi  les  efforts  tentés  pour 
améliorer  le  Droit  international  sont  dignes  d'encouragement. 

F)  Société  des  Nations.  —  Les  vingt-six  premiers  articles  du 
Traité  de  Versailles  codifient  «  le  pacte  qui  institue  la  Société  des 
Nations  ». 

Cette  Société  a  pour  membres  originaires  les  trente-deux  États  qui 
se  déclarèrent  contre  l'Autriche  et  l'Allemagne.  Les  treize  États,  restés 
neutres  pendant  la  guerre,  sont  invités  à  entrer  immédiatement  dans 
la  Société.  Pour  l'admission  de  l'Allemagne  et  de  ses  alliés  la  majorité 
des  deux  tiers  de  ces  quarante-cinq  Puissances  sera  nécessaire. 

Trois  organes  essentiels  doivent  assurer  le  fonctionnement  de  la 
Société  :  une  Assemblée  générale,  un  Conseil  exécutif,  un  Secrétariat 
permanent. 

Dans  l'Assemblée,  chaque  Puissance  ne  disposera  que  d'une  seule 
voix  et  ne  pourra  avoir  que  trois  représentants.  La  date  de  ses  réunions 
n'est  pas  prévue. 

Le  Conseil  se  réunit  au  moins  une  fois  par  an.  11  doit  comprendre 


(111)  ESSAIS    d'organisation    JURIDIQUE    INTERNATIONALE  321 

normalement  neuf  membres.  Cinq  d'entre  eux  sont,  de  droit,  les  délégués 
des  «  principales  Puissances  alliées  et  associées  »  :  États-Unis,  Empire 
britannique,  France,  Italie,  Japon.  Les  quatre  autres  seront  désignés 
par  l'Assemblée  générale.  Provisoirement,  c'est  la  Belgique,  le  Brésil, 
l'Espagne  et  la  Grèce  qui  envoient  des  délégués.  Sauf  en  matière  de  pro- 
cédure, les  décisions  de  l'Assemblée  et  du  Conseil  doivent  être  prises 
à  l'unanimité. 

Le  Secrétariat  est  établi  au  siège  de  la  Société,  à  Genève.  Toutes  les 
institutions  officielles  d'ordre  international,  déjà  en  exercice,  sont  doré- 
navant rattachées  à  cette  nouvelle  organisation. 

Les  représentants  et  agents  de  la  Société  jouissent  des  privilèges 
€t  immunités  diplomatiques. 

La  Société  des  Nations,  telle  que  l'a  organisée  le  Traité  de  Versailles, 
mérite  et  des  éloges  et  des  critiques. 

«  C'est  une  tentative  utile  et  méritoire  d'organisation  juridique 
internationale.  Elle  marque  un  progrès  sur  l'œuvre  des  Conférences  de 
La  Haye...  Elle  édicté  (en  principe)  la  réduction  générale  et  propor- 
tionnelle des  armements.  Elle  rend  obligatoire,  en  cas  de  conflits  inter- 
nationaux, le  recours  aux  solutions  pacificatrices.  Elle  établit  un  système 
juridique  de  sanctions  internationales  contre  les  violateurs  de  la  paix  et 
du  droit  parmi  les  peuples.  Les  règles  du  bon  sens  n'ont  pas  été  enfreintes. 

«  Par  contre,  la  rédaction  du  pacte  de  1919  est  défectueuse  et 
confuse...  Si  l'on  veut  aller  au  fond  des  choses,  on  devra  constater  que 
la  procédure  de  règlement  pacifique  des  conflits  internationaux  est 
étrangement  compliquée,  peu  conforme  aux  exigences  de  la  psychologie 
des  peuples  qui,  dans  l'exaspération  de  leurs  passions  nationales,  ont 
envie  de  recourir  aux  violences  guerrières.  Aucune  mesure  pratique 
n'est  prescrite  ni  même  suggérée  pour  accomplir  sans  tarder  la  réduction 
générale  et  proportionnelle  des  armements  :  on  se  contente  d'annoncer 
que  des  commissions  internationales  vont  étudier  les  voies  et  moyens. 
La  formule  des  sanctions  économiques  est  tellement  sommaire  et  absolue 
qu'elle  dit  trop  pour  être  praticable.  La  formule  des  sanctions  militaires 
dit,  au  contraire,  beaucoup  trop  peu  et  ne  fournit  au  maintien  de  l'ordre 
international  aucune  assurance  actuelle  et  consistante  :  le  fait  est  d'une 
telle  évidence  que,  le  jour  même  où  fut  signé  le  Traité  de  Versailles, 
l'Angleterre  et  les  États-Unis  ont  reconnu  la  nécessité  de  signer  un 
autre  traité  avec  la  France  pour  garantir  celle-ci  contre  une  agression 
possible  de  la  puissance  allemande  (^).  » 

G)  Participation  du   Saint-Siège.  —  «   Durant  la  grande  guerre, 


(')  Y.  DE  LA  Brière,  Art.  cité,   Ibidem,  col.  1293-1294. 

TRAITÉ    DE   niILOSOPHIE.  T.    II.   —    11. 


322  PRI>"CIPE    DES    NATIONALITÉS  (112) 

Benoît  XV  a  été  l'apôtre  infatigable  et  désintéressé  de  la  paix,  de  la 
justice  et  de  la  charité  entre  les  peuples  en  armes.  Il  a  réalisé  avec  un 
incontestable  succès  un  admirable  effort  pour  atténuer  partout  les  hor- 
reurs de  la  catastrophe  en  faveur  des  blessés,  des  prisonniers,  des  détenus 
civils,  des  populations  envahies,  des  régions  dévastées.  Dans  son  Message 
pacificateur  du  mois  d'août  1917,  il  a  solennellement  formulé,  (avec  plus 
de  précision  que  ne  l'avait  encore  fait  le  président  Wilson)  les  principes 
essentiels  de  l'organisation  juridique  internationale,  notamment  le 
principe  de  l'arbitrage  obligatoire,  le  principe  des  sanctions  inter- 
nationales, le  principe  de  la  réduction  générale  et  proportionnelle  des 
armements  :  bref,  chacun  des  articles  fondamentaux  que  les  négocia- 
teurs du  traité  de  Versailles  devaient  promulguer  un  peu  plus  tard  dans 
le  Pacte  (assez  médiocrement  libellé)  de  la  Société  des  Nations. 

«  La  collaboration  effective  de  la  Papauté  romaine  pourra  donner 
aux  nouvelles  institutions  juridiques  de  l'organisation  naissante  (et 
combien  fragile  !)  quelque  chose  de  l'autorité  morale,  du  prestige  et 
de  la  solidité  qui  leur  seront  absolument  nécessaires  et  que  nulle  autre 
consécration  ne  suffirait  à  leur  garantir  (^).  » 


112.  —  PRINCIPE  DES  NATIONALITÉS  (  ^  ) 

Le  principe  des  nationalités  a  été  un  ferment  de  troubles  et  de 
divisiont  au  cours  du  xix«  siècle.  Pour  en  apprécier  la  valeur,  il  faut 
dissiper  l'équivoque  qui  se  cache  sous  les  mots. 

A)  Sens  des  mots  Nation,  Nationalité.  —  On  peut  les  prendre 
au  sens  naturel  ou  au  sens  politique  : 

1^  Sens  naturel  :  le  mot  Nation  {Naiio^  nascor  {naître),  natus)  signifie 
alors  un  groupe  d'hommes  unis  par  la  communauté  d'origine  (vg.  les 
Juifs)  ou  du  moins  par  un  même  ensemble  de  caractères  corporels  et 
psychiques,  fruit  d'une  commune  évolution  historique  (vg.  les  Français, 
les  Italiens).  La  communauté  de  langue  est  la  propriété  caractéristique 
principale.  Dans  ce  sens,  une  nation  peut  contenir  des  éléments  d'origine 
différente  (vg.  en  France  :  Gaulois,  Germain,  Celte),  mais  qui  avec  le 
temps  se  sont  si  bien  mêlés  qu'il  est  difficile,  sinon  impossible,  de  les 
discerner.  —  Dans  ce  cas,  Nation  est  à  peu  près  synonyme  de  Patrie. 


i 


(M   Y.  DE  LA  Brière,  Arl.  cité.  Ibidem,  col.  1299. 

(*)  Taparelli.  Essai  théorique  de  Droit  naturel.  Tome  IV,  Note  140.  —  V.  Cathrein, 
Philosophia  Moralis,  P.  II,  L.  II,  C.  iv.  Art.  IV,  n.  747-748,  Fribourg-en-Brisgau,  1911  '.  ^ 
—  J.  DoNAT,  Ethica  specialis,  Sect.  III,  C.  ii.  Art.  I,  Appendice,  n.  249-254,  Innsbruck, 
1921  ». 


(112)  PRINCIPE    DES    NATIONALITÉS  323 

2°  Sens  politique  ou  juridique  :  Nation  signifie  alors  un  corps  social 
séparé,  complet,  indépendant.  Ici,  le  mot  est  synonyme  à' État. 

La  même  distinction  s'applique  au  mot  Nationalité.,  qui  signifiera 
tantôt  unité  d'origine  ou  de  qualités  naturelles,  tantôt  unité  de  gou- 
vernement. 

Les  faits  montrent  le  bien  fondé  de  cette  distinction.  Une  même 
nation,  au  sens  naturel,  peut  être  en  fait  composée  de  plusieurs  nations 
au  sens  politique  :  vg.  l'Allemagne.  Inversement,  une  même  nation, 
au  sens  politique,  peut  englober  plusieurs  nations  au  sens  naturel  : 
vg.  l'Autriche  jusqu'au  Traité  de  Versailles  (1919)  ;  les  États-Unis. 

B)  Énoncé  et  Valeur  du  Principe  des  Nationalités  : 

I.  —  Enoncé  :  Tout  groupe  d'hommes  formant  une  nation  a  le  droit 
de  se  constituer  en  État  politique  distinct  et  indépendant.  Plus  briè- 
vement :  La  nationalité  politique  doit  suivre  partout  la  nationalité 
naturelle.  Ce  principe  a  été  l'âme  de  V Italianisme.,  qui  a  réalisé  per  fas 
et  nef  as  l'unité  politique  de  l'Italie.  Il  inspire  actuellement  le  Panger- 
manisme, le  Panslavisme,  le  Pantoiiranisme. 

II.  —  Ce  principe  n'est  pas  démontré  :  les  arguments  apportés  en  sa 
faveur  montrent  seulement  qu'il  y  a  dans  les  nations,  au  sens  naturel, 
la  tendance  à  former  des  communautés  politiques  sui  juris.  Il  est  certain 
que  dans  les  pays  qui  bénéficient  de  l'unité  naturelle  et  de  l'unité  poli- 
tique, le  trait  d'union  social  est  plus  résistant  et  que  le  bien  commun 
est  plus  facile  à  procurer,  parce  que  les  causes  de  divisions  sont  moins 
nombreuses.  Mais  ces  arguments  ne  prouvent  pas  que  la  considération 
de  la  nationalité  doive  seule  entrer  en  ligne  de  compte  ou  l'emporte 
tellement  sur  les  autres  qu'il  en  résulte  un  droit  impérieux  à  l'unité 
politique  indépendante  et  qu'il  faille  lui  sacrifier  tout  le  reste  :  d'abord 
la  stabilité  sociale,  premier  bien  des  États  ;  puis,  les  traditions  histo- 
riques, les  exigences  locales,  les  nécessités  économiques,  bref  tous  les 
résultats  accumulés  par  une  longue  suite  d'eiïorts  en  commun. 

III.  —  Ce  principe  doit  être  rejeté,  car  : 

1°  La  nature  pousse  les  hommes  à  entrer  en  société  afin  de  garantir 
la  sécurité  de  tous  et  de  promouvoir  la  prospérité  publique.  Or  beaucoup 
d'autres  conditions  sont  requises  pour  obtenir  cette  fin  sociale  et  y 
contribuent  plus  efficacement  que  la  nationalité  :  vg.  étendue  conve- 
nable du  territoire,  sa  productivité,  libre  accès  à  la  mer,  commodité 
et  sûreté  des  débouchés  commerciaux  par  terre,  communauté  de  moeurs 
et  d'institutions,  surtout  stabilité  de  l'ordre.  La  nature  veut  donc  que, 
dans  la  constitution  des  États,  la  première  place  soit  donnée,  non  aux 
considérations  tirées  de  la  nationalité,  mais  à  celles  qui  se  rapportent  à 
la  prospérité  du  pays. 

2°  En  fait,  depuis  les  temps  les  plus  reculés,  on  constate  (le  peuple 
juif,  isolé  des  autres  et  conduit  par  une  Providence  spéciale,  est  peut- 


324  PRINCIPE    DES    NATIONALITÉS  (H^if 

être  l'unique  exception)  que  les  États  sont  formés  de  la  fusion  de  plu- 
sieurs nationalités.  Si  le  principe  des  nationalités  était  vrai,  il  faudrait 
donc  conclure  que,  jusqu'au  xix^  siècle,  tous  les  peuples  de  la  terre  ont 
ignoré  ou  méconnu  le  fondement  légitime  de  l'ordre  social. 

3°  L'application  de  ce  principe  est  le  plus  souvent  impossible. 
En  effet,  les  membres  de  même  nationalité  sont  tellement  dispersés, 
différents  dans  leurs  habitudes  et  mêlés  aux  autres  nations  qu'on  ne 
peut  d'ordinaire  les  en  séparer  pour  former  un  État  indépendant.  Par 
exemple,  comment  réunir  en  un  corps  social  les  restes  de  la  race  celtique 
épars  en  France,  en  Angleterre,  en  Irlande  ?  Qui  leur  assignera  un 
territoire  convenable  ?  Il  est  manifeste  que  pour  appliquer  pleinement 
ce  principe  il  faudrait  bouleverser  le  monde  de  fond  en  comble.  Ce  serait 
déchaîner  des  troubles  et  des  guerres  sans  fin. 

C)  Conclusion.  —  Ce  principe  est  donc  inacceptable,  parce  qu'il 
présente,  comme  de  plein  droit,  le  passage  de  la  nationalité  naturelle 
à  la  nationalité  politique.  Sans  doute,  la  nationalité  naturelle  est  un 
élément  qui  dispose  et  prépare  l'établissement  d'une  nationalité  poli- 
tique ;  c'est  une  raison  de  convenance  éloignée  et  indéterminée  qui  ne 
saurait  constituer  un  droit  strict,  d'autant  qu'elle  est  en  concurrence 
avec  d'autres  exigences  sociales  que  nous  avons  rappelées.  Pour  que  le 
passage  de  la  nationalité  naturelle  à  la  nationalité  politique  s'opère 
légitimement,  il  faut  qu'il  s'effectue  sans  léser  les  droits  d'autrui.  Un 
concours  de  circonstances  exceptionnelles,  rarement  réunies,  est  néces- 
saire. C'est  ainsi  qu'à  la  suite  de  la  grande  guerre  de  1914-1918,  plusieurs 
groupes  de  la  race  slave  ont  pu  se  constituer  en  États  autonomes  : 
Pologne,   Tchéco- Slovaquie,    Yougo-Slavie. 

D)  Remarque.  —  A  l'occasion  de  la  guerre  de  1914,  un  autre  prin- 
cipe, d'une  portée  plus  étendue,  a  été  mis  en  avant  :  Droit  des  peuples 
à  disposer  d^ eux-mêmes.  Il  en  est  de  ce  principe,  comme  du  principe 
des  nationalités  :  son  application  est  subordonnée  à  certaines  conditions. 

S'agit-il  de  citoyens,  libres  de  tout  engagement,  qui  veulent  se 
constituer  en  société  ?  Il  leur  est  loisible  de  disposer  d'eux-mêmes  en 
choisissant  la  forme  de  gouvernement  qui  leur  convient  le  mieux  (86). 

S'agit-il,  au  contraire,  de  peuples  faisant  déjà  partie  d'une  société 
établie  ?  Pour  que  ce  principe  soit  applicable,  il  faut  que  ces  peuples 
puissent  s'en  servir  sans  blesser  les  droits  de  personne  et  sans  manquer 
aux  engagements  qui  les  lient  à  la  société  à  laquelle  ils  appartiennent. 
Or  à  la  suite  de  certains  événements,  de  grandes  commotions  sociales,. 
par  exemple,  il  peut  arriver  que  des  peuples  se  trouvent,  par  la  force 
des  choses,  dégagés  des  liens  qui  les  attachaient  les  uns  aux  autres  : 
c'a  été  le  cas  des  nations  que  renfermait  l'empire  composite  d'Autriche. 

Dans  son  appel  aux  belligérants  (28  juillet  1915),  Benoît  XV  leur 
disait  :  «  Pourquoi  ne  pas  peser,  dès  maintenant,  avec  une  sereine 


I 


(113-114)  LA    MORALE    ET    LA    POLITIQUE  325 

conscience,  les  droits  et  les  justes  'aspirations  des  peuples  ?  »  Et  dans  le 
Message  (l^^  août  1917)  où  il  leur  offrait  sa  médiation  :  «  Pour  ce  qui 
regarde  les  questions  territoriales,  comme  par  exemple,  celles  qui  sont 
débattues  entre  l'Italie  et  l'Autriche,  entre  l'Allemagne  et  la  France, 
il  y  a  lieu  d'espérer  qu'en  considération  des  avantages  immenses  d'une 
paix  durable  avec  désarmement,  les  parties  en  conflit  voudront  bien 
les  examiner  avec  des  dispositions  conciliantes,  tenant  compte^  dans  la 
mesure  du  juste  et  du  possible,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  autrefois,  des 
aspirations  des  peuples,  et,  à  l'occasion,  coordonnant  les  intérêts  parti- 
culiers au  bien  général  de  la  grande  société  humaine.  Le  même  esprit 
d'équité  et  de  justice  devra  diriger  l'examen  des  autres  questions  terri- 
toriales et  politiques,  et  notamment  celles  relatives  à  l'Arménie,  aux 
États  balkaniques  et  aux  territoires  faisant  partie  de  l'ancien  royaume 
de  Pologne,  auquel,  en  particulier,  ses  nobles  traditions  historiques  et  les 
souffrances  endurées,  spécialement  pendant  la  guerre  actuelle,  doivent 
justement  concilier  les  sympathies  des  nations.  » 

113.  —  LA  MORALE  ET  LA  POLITIQUE 

Il  ne  faut  pas  identifier  la  morale  et  la  politique,  comme  fait  Platon, 
puisque  la  politique  a  pour  but  de  diriger  l'activité  de  l'homme  vers 
la  prospérité  temporelle,  tandis  que  la  morale  a  pour  objet  de  le  diriger 
vers  Vhonnête,  c'est-à-dire  vers  la  fin  dernière,  le  souverain  bien.  Mais 
elles  ne  sont  pas  non  plus  séparées,  comme  le  soutiennent  les  disciples 
de  Machiavel,  car  toute  activité  raisonnable  doit  être  subordonnée  au 
bien,  à  la  fin  dernière,  donc  à  la  morale.  L'État  n'a  pas  pour  mission  de 
forcer  les  citoyens  à  pratiquer  la  vertu,  mais  il  doit  faire  respecter  la 
loi  morale  dans  ses  rapports  avec  l'ordre  social. 

C'est  d'ailleurs  l'intérêt  de  la  société,  car  les  nations  sont  respon- 
sables, comme  les  individus,  de  l'usage  de  leur  liberté  ;  mais,  n'ayant 
pas  l'immortalité  de  l'autre  vie,  elles  sont  punies  ou  récompensées  dès 
ce  monde.  Cette  sanction  consiste  dans  le  progrès  ou  la  décadence, 
la  civilisation  ou  la  barbarie.  Elles  ne  sont  point  vouées,  étant  libres, 
à  une  loi  fatale  de  progrès,  de  déchéance  et  de  dissolution  finale  ;  mais 
elles  peuvent  se  relever  par  la  pratique  des  vertus  sociales. 

114.  —  LA  CIVILISATION  (i) 

C'est  un  état  social  de  perfection  et  de  bonheur,  résultant  de  la 
rencontre  harmonieuse  de  divers  éléments.  Ces  éléments  sont  multiples  : 


(  M  Balmês,  Le  Protestantisme  comparé  au  Catholicisme,  T.  I,  Ch.  xin  sqq.  —  Léon  XIII, 
Instructions  sur  l'Église  et  la   Civilisation.  —  M.  d'Hulst,   Conférences  de  Notre-Dame, 


326  LA    CIVILISVTÏON  (114) 

1°  Arts  industriels  :  agriculture,  commerce,  industrie.  —  2''  Beaux- Arts 
et  Sciences.  —  3°  Institutions  civiles,  morales,  religieuses.  Lesquels, 
entre  ces  éléments  divers,  l'emportent  en  dignité  et  en  puissance,  et 
par  conséquent  déterminent  le  degré  de  civilisation  ?  Le  bonheur  et  la 
perfection  de  l'homme  individuel  et  social  consistent  dans  la  satis- 
faction des  tendances  légitimes  de  la  nature  humaine.  Or  cette  satis- 
faction se  trouve  dans  le  développement  simultané,  mais  coordonné 
de  tout  l'homme,  c'est-à-dire  de  sa  triple  vie,  i^ie  physique,  vie  intellec- 
tuelle, vie  morale.  Comme  ces  trois  vies  sont  inégales  en  valeur,  ainsi 
seront  inégaux  les  éléments  du  bonheur  individuel  et  social,  les  éléments 
de  la  civilisation  qui  s'y  rapportent.  Dès  lors  il  faut  ranger  : 

L  —  Au  plus  bas  degré,  les  Arts  industriels,  qui,  par  eux-mêmes, 
ne  servent  qu'à  la  vie  physique. 

IL  —  Au  degré  intermédiaire,  les  Arts,  les  Lettres  et  les  Sciences  qui 
alimentent  la  vie  de  l'esprit.  Comme  cette  vie  est  inférieure  à  la  vie 
morale,  la  civilisation  ne  réside  pas  surtout  dans  la  splendeur  de  la 
culture  scientifique  et  artistique. 

III.  —  Au. sommet,  les  Mœurs  qui  sont  la  vie  morale  même.  Les 
Institutions  civiles  sont  des  moyens  pour  entretenir  les  bonnes  mœurs  ; 
mais  c'est  surtout  la  Religion  qui  est  la  sauvegarde  efficace  de  la  moralité. 
La  religion,  même  mêlée  de  faux,  est  plus  favorable  aux  mœurs  que 
l'irréligion.  Mais  c'est  la  vraie  Religion,  le  Christianisme,  qui  est  le 
meilleur  instrument  de  civilisation.  L'idéal,  pour  la  société  comme  pour 
l'individu,  c'est  le  développement  complet,  mais  subordonné  des  trois 
vies  matérielle,  intellectuelle  et  morale,  dont  l'union  harmonieuse 
produit  la  fleur  de  la  civilisation.  Or  cet  équilibre  est  difficile  à  réaliser 
d'ordinaire,  quand  les  éléments  inférieurs  sont  en  progrès,  les  éléments 
supérieurs  sont  en  baisse  :  accroissement  de  richesse,  diminution  de 
moralité.  Pour  maintenir  haut  le  niveau  moral,  malgré  toutes  les  séduc- 
tions du  progrès  matériel,  il  ne  faut  rien  moins  que  l'intervention  surna- 
turelle de  la  grâce.  On  ne  doit  pas  repousser  le  progrès  matériel,  mais  il 
faut  le  christianiser  ;  c'est  le  réactif  nécessaire. 

IV.  —  Objection  :  le  détachement  de  la  vie  présente  prêché  par  le 
Christianisme  est  un  obstacle  au  progrès  matériel.  —  Ce  détachement, 
en  modérant  les  convoitises  et  en  maîtrisant  les  passions,  contribue  au 
bonheur  social.  L'objection  vaudrait  si  le  Christianisme  refusait  toute 
valeur  au  progrès  matériel,  mais  il  lui  accorde  une  valeur  relative. 


1895,  VI'  Conf.  —  H.  Ramièbe,  L'Église  et  la  Civilisation  moderne.  —  H.  Pesch,  L'Eglise 
et  la  civilisaiiort,  dans  les  Stimmen  aus  Maria  Laach,  1895,  p.  1  ;  178  sqq.  —  Guizot, 
Histoire  générale  du  la  Civilisation  en  Europe.  Histoire  de  la  Civilisation  en  France.  — 
Bhooks  Adams,  La  Loi  de  la  civilisation  et  de  la  décadence.  —  Cii.  Richet,  Qu'est-ce  que 
la  Civilisalion  ?  dans  Revue  des  Deux  Mondes,  1923,  T.  II,  p.  391-411. 


(115)  LE    PROGRÈS  327 

V.  —  Remarque  :  S.  Mill  (^)  ramène  aux  suivantes  les  conditions  de 
la  civilisation  :  Densité  de  la  population^  Activité  productrice  de  la  richesse^ 
Esprit  d' association ^  Respect  de  Tordre.  Cette  énumération  ne  vise  que 
les  éléments  économiques  et  sociaux  ;  elle  oublie  les  éléments  intel- 
lectuels et  moraux  :  Religion^  Sciences,  Beaux- Arts. 


115.  —  LE  PROGRÈS 

I.  —  Le  Progrès  en  général  :  ses  éléments  constitutifs  sont  les  mêmes 
que  ceux  de  la  civilisation  (^).  Le  progrès  c'est  la  marche  en  avant  vers 
la  réalisation  de  la  perfection.  La  perfection  est  le  plein  développement 
des  puissances  d'un  être  dans  le  sens  de  sa  fm  (114). 

Mais  on  peut  se  poser  une  question  nouvelle.  L'humanité  est-elle 
indéfiniment  perfectible  ?  La  perfectibilité  de  V individu  est  indéfinie 
quant  au  degré  possible  d'imitation  de  l'idéal,  en  ce  sens  que,  si  de  fait 
chacun  s'arrête  à  un  degré  fini  de  perfection,  il  lui  serait  toujours  possible 
de  monter  plus  haut.  La  perfectibilité  de  Yhumanité  est-elle  aussi  indé- 
finie ?  Étant  composée  d'individus  indéfiniment  perfectibles,  elle  peut 
se  perfectionner  de  plus  en  plus.  Mais  le  progrès  sera-t-il  en  fait  indéfini  ? 
On  ne  saurait  répondre  d'une  façon  absolue.  La  loi  du  progrès  n'est  pas 
fatale,  puisque  les  individus  composant  la  collectivité  sont  libres.  Sans 
doute  çà  et  là  il  y  a  recul  et  décadence,  mais  il  semble  que  l'humanité, 
prise  dans  son  ensemble,  progresse  (^).  Cette  conception  n'a  rien  de 
commun  avec  celle  de  Hegel  et  de  P.  Leroux,  qui  rêvent  pour  l'humanité 
une  perfection  sans  terme  assignable,  par  un  progrès  fatal  et  continu  : 
pour  eux  l'humanité  c'est  Dieu  même  en  train  de  se  faire. 

IL  —  Le  Progrès  moral  :  le  progrès  matériel,  économique,  scienti- 
fique est  manifeste.  Le  progrès  moral  est  beaucoup  moins  évident, 
non  seulement  à  cause  de  la  complexité  de  la  question,  mais  parce  que 


( ')  s.  Mill,  Dissertations  and  Discussions  polUical...,  T.  I,  p.  160  sqq.  Londres,   1859. 

(  *)  CoNDORCET,  Esquisse  d'un  tableau  historique  des  progrès  de  l'esprit  humain.  — 
J.  FÉLIX,  Le  Progrès  par  le  Christianisme.  —  Fn.  Bouillie n.  Morale  et  Progrès.  —  Spencer, 
Essais  sur  le  Progrès  —  G.  de  Greef,  Le  transformisme  social.  —  J.  Pioger,  La  vie  sociale, 
la  morale  et  le  progrès.  —  W.  Bagehot,  Lois  scientifiques  du  développement  des  nations.  — 
Frederici,  Les  Lois  du  Progrès.  —  Matteuzzi,  Les  fadeurs  de  l'évolution  des  peuples.  — 
Martinet,  De  la  perfectibilité  humaine.  —  C.-S.  Devas,  L'Église  et  le  Progrès  du  Monde. 
Trad.  de  l'anglais  par  Folghera.  —  P. -F.  Thomas,  Pierre  Leroux,  sa  vie,  son  œuvre,  «a 
doctrine. 

(  ')  »  La  Providence  humaine,  qui  conduit  admirablement  toutes  choses,  gouverne  la 
suite  des  générations  humaines,  depuis  Adam  jusqu'à  la  fin  des  siècles,  comme  un  seul 
homme,  qui,  de  l'enfance  i\  la  vieillesse,  fournit  sa  carrière  dans  le  temps  en  passant  par 
tous  les  âges.  »  Saint  Augustin,  cité  par  Em.  Faguet,  Cf.  Revue  des  Cours  et  Conférences, 
8  déc.   1898,  p.   149. 


328         C0MPLÉME3SÎT    BIBLIOGRAPHIQUE  :    DROIT    INTERNATIONAL         (115) 

l'un  de  ses  éléments  reste  inaccessible  :  à  savoir  les  intentions.  On  ne 
peut  nier  cependant  qu'il  y  a  un  progrès  réel  : 

1»  Dans  la  Connaissance  des  idées  morales.  —  L'ensemble  de  l'huma- 
nité est  mieux  instruite  de  ses  devoirs.  On  réprouve  aujourd'hui  com- 
munément l'esclavage,  les  vengeances  exercées  par  autorité  privée,  les 
raifînements  dans  les  tortures,  la  mise  à  la  question  pour  arracher  des 
aveux.  Il  y  a  un  sentiment  plus  vif  des  droits  de  l'équité,  un  souci  plus 
grand  de  la  justice  distributive,  une  tendance  de  plus  en  plus  accentuée 
à  tempérer,  par  des  institutions  de  bienfaisance  et  des  mutualités,  les 
conséquences  pénibles  de  l'inégalité  des  conditions.  Les  rapports  inter- 
nationaux se  sont  adoucis  :  le  pillage,  le  massacre  des  prisonniers,  l'emploi 
d'armes  empoisonnées,  etc.,  sont  prohibés  par  les  nations  civilisées. 
Le  recours  à  l'arbitrage  pour  régler  les  conflits  entre  peuples  commence 
à  entrer  dans  les  mœurs. 

2°  Dans  le  Respect  extérieur  de  V ordre.  —  La  sécurité  est  plus  grande, 
les  droits  de  chacun  sont  mieux  protégés  que  dans  les  siècles  passés. 

Mais  tout  cela  ne  prouve  pas  qu'il  y  a  plus  de  véritable  vertu,  parce 
que  ce  progrés  de  l'ordre  extérieur  peut  provenir,  moins  de  l'énergie 
morale  des  individus,  que  d'une  contrainte  plus  efficacement  exercée 
par  les  lois  et  l'opinion.  Il  faut  convenir  d'autre  part  que  le  progrès 
constaté  dans  la  connaissance  des  idées  morales  ne  peut  manquer 
d'avoir  un  contre-coup  heureux  sur  la  moralité  proprement  dite.  Cepen- 
dant, comme  la  mesure  de  la  vertu  dépend  surtout  de  la  rectitude  des 
intentions  et  que  les  intentions,  inspiratrices  des  actions  extérieures, 
nous  échappent  complètement,  on  doit  nécessairement  conclure  qu'il 
est  impossible  de  décider  avec  certitude  si  l'humanité  progresse  ou  recule 
sous  le  rapport  du  bien  moral  strictement  dit. 


COMPLÉMENT  BIBLIOGRAPHIQUE 

RELATIF  AU  DROIT  INTERNATIONAL 

Bourgeois  (L.),  Pour  la  Société  des  Nations,  Paris,  1909. 

Combes  de  Lestrade  (Vicomte),  La  Vie  internationale,  Paris,  1910. 

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p.  117-243,  Paris,  1910  2. 

Hekrion  (Ch.),  La  Nation  et  le  Droit  des  Gens,  Nancy,  1911. 

Hanotaux  (G.),  La  Politique  de  V équilibre  et  l'Organisation  de  la 
Paix,  Paris,  1912. 

Nord  au  (M.),  Les  Mensonges  conventionnels  de  notre  Civilisation, 
Paris,  19121  ^ 


(115)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    DROIT    INTERNATIONAL         329 

Renault  (L.),  La  Guerre  et  le  Droit  international,  Paris,  1914.  — 
De  rapplication  du  Droit  pénal  aux  faits  de  guerre,  1915. 

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2  vol.,  Paris,  1916. 

Muller  (J.),  Les  Conditions  internationales  du  Souverain  Pontife 
et  les  Conférences  de  la  Paix,  Fribourg,  1916.  —  Le  Droit  de  Médiation 
de  paix  des  États  neutres.  Ibidem. 

Otlet  (P.),  Problèmes  internationaux  de  la  Guerre,  Paris,  1916.  — 
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1919. 

Julien  (Mgr),  Une  Théorie  catholique  de  la  Société  des  Nations, 
dans  Le  Correspondant,  25  juin  1919. 

Lavollée  (R.),  La  Fin  d'un  Monde  et  la  Société  des  Nations,  Paris, 
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330  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    DROIT    INTERNATIONAL  (115) 

Olphe-Galliard  (G.),  La  Morale  des  Nations,  Paris,  1920. 

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internationale,  Paris,  1922. 

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Frachon  (Alfr.),  Les  Opinions  allemandes  sur  la  reconstruction  du 
Droit  international,  Paris,  1922. 

Coulet  (P.),  UÉglise  et  le  Problème  international,  Paris  1923. 


I 


CHAPITRE  ÏIÎ 
MORALE   RELIGIEUSE  Ç) 

SECTION  I 
RELIGION  NATURELLE  (') 

116.  —  EXISTENCE  DES  DEVOIRS  ENVERS  DIEU 

A)  Objection  :  certains  philosophes  ont  nié  l'existence  des  devoirs 
envers  Dieu,  sous  prétexte  qu'il  y  a  une  trop  grande  disproportion  entre 
Dieu  et  la  nature  humaine,  et  que  Dieu  n'a  pas  besoin  d'hommages, 
qui  ne  peuvent  rien  ajouter  à  sa  perfection  et  à  son  bonheur. 

B)  Réponse  :  1°  Malgré  la  distance  qui  sépare  Dieu  de  l'homme, 
il  existe  entre  eux  des  rapports  de  Créateur  à  créature,  d'où  découlent 
pour  l'homme  des  devoirs. 

2°  Sans  doute,  nos  hommages  ne  peuvent  accroître  la  perfection 
et  le  bonheur  de  Dieu,  puisqu'il  est  l'Etre  infiniment  parfait  et  heureux. 
Mais  les  devoirs  n'ont  pas  pour  origine  et  mesure  les  avantages  de  ceux 
qui  en  sont  l'objet  :  vg.  un  historien  ne  peut  calomnier  les  morts  sous 
couleur  que  la  diffamation  ne  leur  nuit  pas. 

3°  Les  devoirs  de  l'homme  envers  Dieu  découlent  nécessairement  de 
la  nature  de  Dieu  et  de  la  nature  de  l'homme  ;  étant  admis  que  Dieu 
est  créateur,  il  s'ensuit  que  la  créature  raisonnable  est  essentiellement 
dépendante  de  son  créateur.  La  Religion  naturelle  est  précisément 
l'ensemble  de  ces  rapports  nécessaires  qui  rattachent  l'homme  à  Dieu. 


(  •)  Comme  nous  avons  placé  la  Morale  avant  la  Théodicôe  (T.  I,  Intkoduction,  7,  D) 
nous  étudierons,  ici,  les  Devoirs  envers  Dieu  pour  ne  pas  morceler  le  Traité  des  devoirs. 
(  ')  Malebranche,  Traité  de  Morale.  —  S.  Clarke,  Discours  sur  la  Religion  naturelle. 

—  Kant,  La  Religion  dans  les  limites  de  la  raison.  —  S.  Mill,  Essais  sur  la  Religion.  — 
J.  Simon,  La  Religion  naturelle.  Dieu,  Patrie,  Liberté.  —  G.  Mohnari,  La  Religion.  — 
FÉNELON,  Lettres  sur  divers  sujets  de  Métaphysique  et  de  Religion.  —  A.Gratrv,  La  Connais- 
sance de  Dieu.  —  Cousin,  Du  vrai,  du  beau  et  du  bien,  XIII»  L.  —  M.  d'Hulst,  Conférences 
de  Notre-Dame,  1892,  1893.  —  W.  Wilmers,  Précis  de  la  Doctrine  catholique,  n.  241  et  suiv. 

—  Taparelli,  Essai...,  L.  I,  Ch.  ix.  —  R.  de  la  Grasserie,  Psychologie  des  religions.  — 
W.  James,  L'expérience  religieuse.  —  L.  Ahréat,  Le  Sentiment  religieux  en  France, 


332  LE   CULTE  (117) 

117.  —  LE  CULTE 

Le  culte  c'est  la  pratique  des  devoirs  envers  Dieu.  On  distingue 
le  culte  intérieur^  le  culte  extérieur  et  le  culte  public  : 

A)  Culte  intérieur,  quand  les  actes  de  religion  sont  renfermés  dans 
l'âme.  Ses  actes  essentiels  sont  la  prière  et  Vamour. 

I.  —  Prière  :  c'est  l'élévation  de  l'âme  vers  Dieu  pour  : 

10  Uadorer  :  l'adoration  est  un  sentiment  de  profond  respect  et  de 
soumission  absolue  qui  n'est  dû  qu'à  Dieu,  à  cause  de  l'excellence  infinie 
de  sa  nature  et  de  son  domaine  souverain  sur  nous. 

2°    Le  remercier  des  bienfaits  reçus. 

3°    Lui  demander  pardon  des  fautes  commises. 

4°    Implorer  son  secours  pour  nos  besoins  physiques  et  moraux. 

Objections  :  la  prière  en  tant  que  demande  est,  dit-on  : 

a)  Superflue^  parce  que  Dieu  sait  tout  ce  dont  nous  avons  besoin. 
«  J'adore  Dieu,  disait  Rousseau,  mais  je  ne  lui  demande  rien,  ce  serait 
douter  de  sa  Providence  et  de  sa  bonté.  »  —  Réponse  :  nous  devons 
prier,  non  pas  pour  faire  connaître  à  Dieu  nos  besoins,  mais  pour  mani- 
fester notre  dépendance  vis-à-vis  de  lui. 

h)  Inefficace  :  Dieu  est  immuable,  la  prière  ne  pourra  donc  modifier 
les  décrets  éternels  de  Dieu.  —  Réponse  :  les  prières  de  l'homme,  prévues 
de  toute  éternité,  rentrent  dans  le  plan  divin  :  «  Nous  ne  prions  pas,  dit 
saint  Thomas,  pour  changer  le  plan  divin,  mais  pour  obtenir  ce  dont 
l'accomplissement  a  été,  dans  ce  plan,  subordonné  à  la  prière  i}).  " 
Le  savant  Euler  dit  aussi  :  «  Quand  donc  un  fidèle  adresse  à  Dieu  une 
prière  digne  d'être  exaucée,  il  ne  faut  pas  s'imaginer  que  cette  prière 
ne  parvienne  qu'à  présent  à  la  connaissance  de  Dieu.  Il  a  déjà  entendu 
cette  prière  depuis  toute  éternité  et  si  ce  père  miséricordieux  l'a  jugée 
digne  d'être  exaucée,  il  a  arrangé  exprès  le  monde  en  faveur  de  cette 
prière,  en  sorte  que  l'accomplissement  fût  une  suite  du  cours  naturel  des 
évéîieinents  (^).  » 

c)  Déprimante  :  celui  qui  prie  devient  inerte  et  se  croise  les  bras  en 
attendant  le  succès  de  sa  demande.  ■ —  Réponse  :  c'est  un  faux  supposé. 
La  prière  bien  faite  implique  la  coopération  de  l'homme  :  Aide-toi, 
le  ciel  t'aidera.  Autrement  elle  serait  présomptueuse. 


( ')  s.  Thomas,  Summa  theologica,  2»,  2»«,  Q.  LXXXIII,  Art.  2  :  Non  enim  propter 
hoc  oramus  ut  divinam  dispositionem  immutemus,  sed  ut  id  impetremus  quod  Deus 
disposait  per  oraliones  esse  implendum.    Sur  la  prière,  voir  toute  cette  question  LXXXIII. 

{ ')  Euler,  Lettres  à  une  princesse  d'Allemagne,  Lettre  XC,  3  janvier  1761.  —  Sur  la 
prière  voir  une  note  remarquable  dans  Taparelli,  Essai  théorique  de  droit  naturel,  note 
XCVIII,  p.  206  du  T.  IV.,  ■—  Cf.  J.-M.-L.  Monsaiiré,  La  Prière.  Philosophie  et  Théologie 
de  la  Prifre. 


(117)  LE    CULTE  333 

IL  —  Amour  :  Dieu  n'est  pas  seulement  la  puissance  infinie,  il  est 
encore  la  souveraine  bonté  et  la  beauté  suprême  ;  nous  devons  donc 
l'aimer  par-dessus  toute  chose.  Il  n'est  pas  seulement  le  Maître  absolu, 
il  est  encore  le  Père  infiniment  bon.  Le  Pater  Noster  est  la  plus  belle 
des  prières. 

B)  Culte  extérieur  :  c'est  la  manifestation  du  culte  intérieur  par 
des  signes  sensibles  :  paroles,  gestes,  attitudes.  Il  est  nécessaire.  En 
effet  : 

10  L'homme  tout  entier,  le  corps  aussi,  par  conséquent,  est  dépen- 
dant de  Dieu  ;  il  doit  donc  lui  rendre  hommage  par  ses  facultés  phy- 
siques. 

2°  Il  résulte  de  la  nature  même  de  l'homme  qui  est  un  composé 
d'âme  et  de  corps  ;  à  cause  de  cette  intime  union,  tout  sentiment  un  peu 
vif  se  manifeste  au  dehors. 

3°  Il  entretient  le  culte  intérieur.  Le  sentiment  religieux  finirait 
par  s'afîaiblir,  comme  tout  autre  sentiment,  s'il  n'était  jamais  exprimé. 

Jusqu'ici  nous  avons  parlé  du  culte  privé,  sous  sa  double  forme 
intérieure  et  extérieure. 

C)  Culte  public  :  c'est  celui  qui  est  rendu  à  Dieu  au  nom  de  la 
société.  Il  est  nécessaire.  En  effet  : 

1°  L'homme  naturellement  sociable  est  dépendant  de  Dieu  aussi 
bien  comme  membre  d'une  société  que  comme  individu.  Dieu  est  l'auteur 
de  l'ordre  social  et  le  dirige  par  sa  Providence. 

2°  Les  sociétés  ont  besoin,  comme  les  particuliers,  du  secours  divin. 

3°  Les  actes  du  culte  public  entretiennent  les  sentiments  de  fra- 
ternité et  d'égalité.  Les  gouvernants  ont  donc  le  devoir  de  concourir  au 
culte  social.  Une  nation,  qui  n'a  pas  de  culte  public,  se  rend  coupable 
d'apostasie  sociale  (^). 


(')  Cf.  G.  Sortais,  Les  Calholiqueè  en  face  de  la  Démocratie  et  du  Droit  commun.  L.  II, 
Ch.  III,   §  II,  p.  144  sqq. 


SECTION  II 


L'ÉGLISE  ET  L'ÉTAT  C) 

Vivant  en  pays  chrétien,  il  nous  faut  compléter  notre  étude  en  parlant 
des  Kapports  de  l'Église  et  de  l'État. 

Pour  bien  les  établir,  on  doit  connaître  les  deux  termes  ;  nous  savons 
ce  qu'est  l'État  ;  reste  à  résumer  le  rôle  et  la  constitution  de  f  Église. 


118.  —  ROLE  DE  L'ÉGLISE 

A)  Sa  mission  :  1°  Dieu  connu,  aimé,  possédé  surnaturellement  est 
Vunique  fin  et  bonheur  de  l'homme. 

2°    Jésus-Christ  est  Y  unique  voie  qui  mène  à  cette  fin  bienheureuse. 

3"  L'Église  est  Vunique  dépositaire  de  la  doctrine  de  Jésus-Christ. 
Par  elle  seule  on  va  à  Jésus-Christ,  comme  par  Jésus-Christ  seul  on 
va  à  Dieu.  L'Église,  comme  dépositaire  unique  de  la  doctrine  intégrale 
de  Jésus-Christ,  doit  conserver  intact  ce  dépôt  sacré,  sans  y  rien  ajouter, 
sans  en  rien  retrancher. 

B)  Sa  puissance  et  ses  droits  :  ils  sont  proportionnés  à  sa  mission  : 
1°    La   garantie   de   son   autorité  enseignante   et   gouvernante,   c'est 

Vinjaillibilité. 

2°  Cette  infaillibilité  est  une  assistance  divine  qui  empêche  l'Église 
de  se  séparer  jamais  de  Jésus-Christ. 


(  ')  LiBERATORE,  La  CMesa  e  lo  Stato.  Traité  du  Droit  public  de  l'Église.  —  F.- J.  Moulart 
L'Église  et  l'État.  —  Cardinal  Pie,  Instructions  synodales  sur  les  principales  erreurs  du 
temps  présent.  Œuvres,  T.  II,  p.  346;  T.  III,  p.  128,  T.  V,  p.  29  et  suiv.  —  At,  Le  vrai  et  le 
faux  en  matière  d'autorité  et  de  liberté.  -  Fr.  Chesnel,  Les  Droits  de  Dieu  et  Je.?  idées  modernes. 

—  G.  AuDisio,  Droit  public  de  l'Église  et  des  nations  chrétiennes.  —  Cardinal  Hergen- 
hOther,  L'Église  catholique  et  l'État  chrétien.  —  P.  Ch.-M.  Le  Droit  social  de  l'Église.  — 
Phillips,  Droit  ecclésiastique  dans  ses  principes  généraux.  —  F.  Cavagnis,  Notions  de  Droit 
naturel  et  ecclésiastique.  —  Cardinal  Tarquini,   Instiiutiones  Juris  publici  ecclesiastici. 

—  M.  MiNGHETTi,  Stato  e  Chiesa.  —  Em.  Ollivier,  L'Église  et  l'État  au  Concile  du  Vatican. 
Le  Concordat  et  la  Séparation  de  l'Église  et  de  l'État.  —  J.  Albertus,  Die  Sozialpolilik 
der  Kirche.  —  J.-V.  de  Decker,  L'Église  et  l'ordre  social  chrétien.  —  Cii.  Périn,  Les  Lots 
de  la  Société  chrétienne.  —  M  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1895,  IV"  et  V  C. 
L'Église  et  l'État.  —  Taparelli,  Essai...  L.  VII,  Ch.  i.  —  L.  Jouin,  Elemenla  philos, 
moralis,  P.  IV,  sect.  IV.  —  S.  Schiffini,  Disputationes  philos,  mor.,  Disp.  VI,  SecL.  VI. — 
M.  B.  Institutes  de  Droit  naturel,  L.  X.  —  A.  Franck,  Des  Rapports  de  la  Religion  et  de 
l'État.  —  L.  BouRGAlN,  L'Église  de  France  et  l'État  au  XI X^  siècle.  — Rubichon,  De  l'Action 
du  Clergé  dans  les  Sociétés  modernes  —  Em.  Keller,  Les  Syllabus  de  Pie  IX  et  de  Pie  X 
et  les  Principes  de  1789  ou  l'Église,  l'État  et  la  Liberté,  -l'  Èdit.  en  1909. 


1 


(Il9)  CONSTITUTION    DE    l'ÉGLISE  335 

30  L'objet  direct  de  cette  autorité  c'est  la  doctrine  de  Jésus-Christ 
qui  est  contenue  dans  l'Écriture  Sainte  et  dans  la  Tradition  orale  des 
Pasteurs.  L'Église  est  chargée  d'expliquer  cette  doctrine  :  de  là  les 
définitions  dogmatiques  qui  ne  font  qu'en  préciser  le  sens. 

40  -Son  objet  indirect  s' étend  aux  erreurs  opposées  à  la  doctrine  de 
Jésus-Christ  :  erreurs  théologiques  (hérésies),  philosophiques,  histo- 
riques, scientifiques.  Dépositaire  d'une  vérité  qui  touche  à  tous  les 
ordres  de  connaissances,  l'Église  doit  exercer  sur  tous  ces  ordres  une 
surveillance  active,  pour  empêcher  l'erreur,  d'où  qu'elle  vienne,  de 
corrompre  la  doctrine  de  Jésus-Christ. 

50  L'émiettement  doctrinal  du  Protestantisme  et  les  contradictions 
du  Rationalisme  montrent  la  nécessité  bienfaisante  d'une  autorité 
infaillible. 

6°  L'infaillibilité  s'applique  à  la  foi  et  aux  mœurs.  L'Église  n'en 
peut  dépasser  les  limites,  car  ce  serait  faillir,  ce  qui  est  impossible. 

70  U obéissance  du  catholique  ne  s'arrête  pas  aux  décisions  doctri- 
nales ;  elle  s'applique  aussi  aux  directions  données  par  le  Pape.  Le  Pape 
en  eiïet  n'est  pas  seulement  Docteur  ;  il  est  en  outre  Pasteur. 


119.  —  CONSTITUTION  DE  L'ÉGLISE  (i) 

L'Église  est  une  société  surnaturelle,  nécessaire,  visible,  hiérarchique, 
monarchique,  parfaite,  indépendante. 

l.  —  Surnaturelle  :  a)  dans  sa  fin,  qui  est  la  béatitude  des  hommes 
par  la  vision  intuitive  de  Dieu  ;  —  b)  dans  ses  moyens  :  la  grâce,  les 
sacrements  ;  —  c)  dans  sa  forme,  ses  droits,  sa  constitution,  qu'elle  tient 
de  Jésus-Christ  seul. 

IL  —  Nécessaire  :  tous  ont  l'obligation  d'y  entrer,  dès  qu'ils  la 
connaissent.  Tout  baptisé  est  sujet  de  l'Église  ;  le  catholique  sujet  fidèle  ; 
l'hérétique  sujet  rebelle.  Les  non-baptisés  sont  des  étrangers  à  conquérir 
par  la  persuasion. 

IIL  —  Visible  :  pour  être  obhgé  d'y  entrer,  il  faut  pouvoir  la  recon* 
naître.  Or  Dieu  l'a  faite  reconnaissable  à  quatre  marques  ou  ?iotes  prin- 
cipales :  I'apostoucité,  I'unité,  la  catholicité,  la  sainteté.  Cependant 
tout  n'est  pas  nécessairement  visible.  Le  corps  de  l'Église  le  sera,  c'est- 


(  ')  J.-B.  Franzelin,  De  Ecclesia  Christi.  —  Bellarmin,  De  Romano  Pontifice.  —■ 
D.  Palmieri,  De  Romano  Ponlifice.  —  P.  Jeanjacquot,  L'Église.  —  DoM  A.  Gréa,  De 
l'Église  et  de  sa  divine  Conslilulion.  —  Mgr  Besson,  Conférences  sur  l'Église.  —  J.  Fontaine, 
L'Église.  —  R.  Planeix,  Constitution  de  l'Église.  —  A.-D.  Sertillanges,  L'Église.  — 
M.   d'Hkbrigny,    Theologica  de  Ecclesia,   2   vol.    Paris,    1921-1922. 


336  CONSTITUTION    DE    l'ÉGLISE  (119) 

à-dire  la  pratique  extérieure  du  même  culte,  la  profession  extérieure  de  la 
même  foi,  la  soumission  extérieure  à  la  même  autorité.  L'âme,  c'est-à-dire 
la  grâce  sanctifiante,  la  sainteté,  restera  habituellemejit  invisible.  Mais  la 
sainteté,  étant  un  signe  de  l'Église,  doit  se  manifester  çà  et  là  au  dehors 
d'une  façon  merveilleuse.  On  peut  être  du  corps  sans  être  de  l'âme  (vg.  un 
catholique  en  péché  mortel)  ;  on  peut  être  de  l'âme  sans  être  du  corps,  sans 
même  soupçonner  l'existence  de  l'Église  (vg.  hérétique,  infidèle,  si  la 
sonne  foi  et  la  bonne  vie  les  maintiennent  en  grâce  avec  Dieu).  Ainsi 
l'explique  la  maxime  :  Hors  de  V Église  point  de  salut.  Dans  certaines 
conditions  de  bonne  foi  et  de  bonne  vie  pure,  il  suffit  pour  être  sauvé 
de  faire  partie  de  l'âme  de  l'Église. 

IV.  —  Hiérarchique  :  l'Église  est  divisée  en  deux  catégories  :  1°  le 
peuple  fidèle  (>ao;),  les  laïques  ;  —  2°  la  part  spécialement  choisie  de 
Dieu  (xX^coç),  le  clergé.  C'est  le  groupe  des  gouvernants,  qui  est  gradué 
en  hiérarchie. 

La  hiérarchie  ecclésiastique  possède  un  double  pouvoir  :  1^  à'' Ordre, 
c'est  le  pouvoir  de  faire  le  Sacrement,  d'attacher  la  grâce  au  signe  sen- 
sible ;  —  2°  de  Juridiction,  c'est  le  pouvoir  de  gouverner  le  peuple 
fidèle  en  l'enseignant  et  en  lui  imposant  des  lois.  Ces  deux  pouvoirs 
peuvent  exister  l'un  sans  l'autre. 

Il  y  a  deux  degrés  dans  le  pouvoir  d'Ordre  :  1°  V Épiscopat  ;  2°  le 
Sacerdoce;  et  deux  degrés  dans  le  pouvoir  de  Juridiction  :  1°  IjQ  Pontife 
suprême  a  juridiction  sur  l'Église  universelle  ;  —  2°  Chaque  Évéque  ne 
l'a  que  sur  son  diocèse.  La  juridiction  vient  au  Pape  de  Dieu  ;  à  l'évêque, 
de  Dieu  par  le  Pape.  Les  pouvoirs  d'ordre  et  de  juridiction,  étant  spi- 
rituels et  surnaturels,  ne  peuvent  venir  que  de  Dieu. 

V.  —  Monarchique  :  le  Pape  est  le  centre  nécessaire  de  l'Église, 
évoquant  toute  cause  ecclésiastique  à  son  tribunal  suprême,  jugeant 
toute  controverse  sans  qu'on  puisse  en  appeler,  même  au  Concile,  portant, 
en  matière  de  foi  et  de  mœurs,  des  décrets  qui  ont  pleine  vigueur  indé- 
pendamment du  consentement  de  l'Église.  Monarchie  d'ailleurs  admi- 
rablement tempérée  d'Aristocratie  hiérarchisée. 

YI.  —  Parfaite  :  elle  se  suffit  à  elle-même  dans  la  poursuite  de  sa 
fin,  car  elle  possède  :  a)  en  acte,  c'est-à-dire  en  elle-même,  ce  qui  lui  est 
nécessaire  ;  —  b)  virtuellement  le  reste,  c'est-à-dire  qu'elle  a  droit  d'exiger 
le  concours  de  la  société  civile,  quand  elle  en  a  besoin.  Étant  société 
parfaite,  elle  a  par  là  même  le  triple  pouvoir  législatif,  judiciaire,  coercitif. 

VII.  —  Indépendante  :  cela  résulte  de  ce  qu'elle  est  parfaite.  On  est 
indépendant  quand  on  n'a  besoin  de  personne,  ou  quand  au  besoin 
est  annexé  un  droit  strict  d'en  exiger  la  satisfaction.  C'est  ainsi  que 
l'Église  a  le  droit  d'exiger  de  la  société  civile  qu'elle  lui  prête  son  concours 
dans  certaines  circonstances  :  c'est  ce  qu'on  nomme  le  concours  du 
bras  séculier. 


(120)  RAPPORTS    DE    l'ÉGLISE    ET    DE    l'ÉTAT  337 


120.  —  RAPPORTS  DE  L'ÉGLISE  ET  DE  L'ÉTAT 

L'État  peut  prendre  vis-à-vis  de  l'Église  trois  attitudes  :  Absorption^ 
Séparation,    Union. 

§  A  —  ASSERVISSEMENT  DE UÉGLISE PAR  UÉTAT 

C'ekt  la  persécution  mitigée  ;  on  ne  veut  pas  détruire  l'Église,  mais 
en  faiïe  un  instrument  de  règne.  Elle  existe,  mais  dans  l'État,  comme 
un  de  ses  rouages,  assez  puissante  pour  le  servir,  assez  bridée  pour  ne 
le  gêné"  jamais.  Ce  régime  comporte  deux  degrés  : 

1°  Entraves  croissantes  mises  au  nom  de  l'État  à  la  liberté  de 
l'Églisj,  mais  non  pas  jusqu'à  rompre  l'unité  essentielle  :  vg.  le  Galli- 

CANISjIe,    le    JOSÉPHISME. 

2°  Christianisme  politique  :  il  aboutit  à  des  Églises  nationales,  hors 
de  l'uiité  catholique  voulue  par  Jésus-Christ,  asservies  aux  pouvoirs 
humaiis  et  par  là  même  dégradées  :  vg.  Église  russe,  Églises  protes- 
tantes. Cette  absorption  est  :  a)  une  erreur,  car  c'est  confondre  deux 
sociétés  qui  ont  des  fins  distinctes  ;  —  b)  un  crime,  car  c'est  une  usur- 
pation commise  par  la  société  inférieure. 

C'st  N.-S.  J.-C.  qui  a  établi  la  distinction  des  deux  pouvoirs,  le 
spiritiBl  et  le  temporel.  Il  y  a  donc  deux  domaines  :  celui  de  l'àme  qui 
ne  reltve  que  de  Dieu  ;  celui  des  intérêts  matériels  qui  relève  de  César. 
C'est  lune  des  grandes  nouveautés  apportées  par  l'Évangile.  Elle  a  pour 
fondejient  cette  idée,  nouvelle  aussi,  d'une  Religion  unique  pour  tous 
les  pftiples.  Autrefois  la  religion  était  exclusivement  nationale.  La 
confuaon  du  sacerdoce  et  de  l'empire  dans  les  mêmes  mains  était  une 
cause  d'oppression  pour  les  âmes.  Leur  distinction  a  fondé  la  liberté. 
Pour  a  maintenir  l'Église  a  fourni  des  martyrs  par  milliers,  qui  ont 
préféiî,  au  prix  de  leur  sang,  obéir  à  leur  conscience  plutôt  que  de 
sacrifÉr  à  César  (i). 

\B  — SÉPARATION  DE U ÉGLISE  ET  DE  UÉTAT 

Olgine  :  invoquée  par  les  catholiques  libéraux  de  l'école  de  LaMen- 
NAis  108,  C,  III,  1°)  pour  mettre  l'Église  au-dessus  des  partis  poli- 
tique^ la  séparation  est  aujourd'hui  le  mot  d'ordre  des  ennemis  de 
l'Églie  (2).    —  Que  serait-elle  si  elle  était  honnêtement  pratiquée  ? 


(MFr.  de  Champagny,  Les  Césars.  —  Fustel  de  Coulanges,  La  Cité  antique. 
(  «)Lecanuet,    Montalembert,  T.  I.  —  P.  Thureau-Dangin,  L'Église  et  l'État  sous 
la   Mdarchie  de  Juillet. 


338  RAPPORTS    DE    l'ÉGLISE    ET    DE    l'ÉTAT  (180) 

Officiellement  l'État  ne  connaîtrait  pas  l'Église  ;  elle  serait  pour  lui 
comme  n'étant  pas  et  réciproquement. 

II.  —  Valeur  :  A)  En  droit  :  cette  séparation  est  essentiellement 
contraire  : 

1°  Au  devoir  de  l'État  :  il  ne  peut  affecter  d'ignorer  la  société  sur- 
naturelle, à  laquelle  il  doit  se  subordonner,  car  il  doit  se  subordonner  à  la 
fin  suprême  représentée  par  l'Église. 

20  Au  droit  de  l'Église,  société  visible,  parfaite,  indépendante,  que 
Jésus-Christ  n'a  pas  établie  pour  qu'on  n'en  tienne  pas  compte,  mais 
pour  qu'elle  occupe  le  premier  rang  dans  les  choses  humaines. 

B)  En  fait  :  cette  séparation  est  à  la  fois  funeste  : 

lo  A  l'État,  car  l'État  chrétien  ne  peut  atteindre  convenab  ement 
sa  fin  propre,  le  bonheur  temporel,  qu'en  la  subordonnant  à  la  fn  der- 
nière surnaturelle.  11  a  donc  un  besoin  absolu  de  l'Église.  C'est  3e  que 
tous  les  politiques  avisés  redisaient  en  1803,  après  la  Révolutioi,  avec 
Portails  :  «  Il  est  temps  d'appeler  la  religion  au  secours  de  la  société.  » 

2°  A  l'Église  :  la  constitution  intime  de  l'Église  étant  spiritielle  et 
surnaturelle,  l'Église  ne  doit  rien  à  l'État  et  n'a  nul  besoin  de  hi  sous 
ce  rapport.  Mais  elle  est  à  la  fois  humaine  et  divine  comme  son  fonda- 
teur. Composée  d'hommes,  usant  de  procédés  humains  pour  transnettre 
son  action  surnaturelle,  elle  a  par  là  même  des  besoins  temporels  : 
besoins  de  propriété,  de  liberté,  de  publicité.  Or  l'Église  a  drot  à  la 
satisfaction  de  ces  besoins,  puisque  ce  sont  pour  elle  des  moyens  néces- 
saires à  la  poursuite  de  sa  fin.  D'autre  part,  l'action  individuele  des 
fidèles  ne  suffit  pas  à  les  satisfaire  complètement.  L'aide  de  l'Élat  est 
donc  indispensable  à  l'Église,  non  essentiellement  et  pour  tout  exercice 
de  sa  puissance  (autrement  elle  ne  serait  plus  société  parfaite)  mais 
pour  l'exercice  facile,  complet,  normal.  Si  l'État  refuse  son  corcours, 
il  ne  détruit  pas  l'Église,  mais  il  l'entrave  et  nuit  gravement  ai  bien 
des  âmes  et  conséquemment  aux  intérêts  de  la  société. 

Conclusion  :  la  séparation  totale  n'est  pas  possible,  du  moim  long- 
temps. L'Église  et  l'État  se  rencontrent  inévitablement  sur  un  terrain 
commun,  V individu,  à  la  fois  citoyen  et  fidèle,  n'ayant  qu'une  consience 
pour  satisfaire  à  cette  double  obligation.  Dans  les  pays  où  l'Étit  est 
plus  ou  moins  anti-religieux,  il  ignorerait  l'Église  tant  qu'il  ne  s'girait 
que  de  lui  prêter  appui  :  il  la  connaîtrait  dès  qu'il  s'agirait  de  la  sur/eiller 
et  de  l'entraver  (^).  La  séparation  n'est  donc  qu'un  pis-aller,  \ix\expé- 
dient  que  peuvent  rendre  nécessaire  certaines  circonstances  histoiques. 
Jusqu'ici,  les  États-Unis  ont  appliqué  le  système  séparatiste  avec 
largeur  et  bienveillance.  Mais  les  conflits  sont  toujours  ù  craindn,  car 


(')  F.  Bdtel,  Le  Péril  de  la  Séparation  d«  l'Èglite  et  de  l'Élat. 


Il 


a^o) 


RAPPORTS  DE  L  EGLISE  ET  DE  L  ETAT 


il  y  a  des  contacts  inévitables  que  peut  seul  adoucir  le  régime  de  l'union 
sincèrement  pratiquée. 


§  C.  —  UNION  DE  U ÉGLISE  ET  DE  UÉTAT 

I.  —  Nécessité  et  base  :  c'est  la  seule  forme  légitime  de  leurs 
relations.  Cela  ressort  de  l'exclusion  des  autres  systèmes.  L'ordre  a 
pour  fondement  la  vérité  ;  l'union,  qui  est  l'ordre,  se  fondera  donc  sur 
la  nature  vraie  des  deux  sociétés.  Cette  nature  sera  déterminée  par 
leurs  Uns  respectives. 

ni  —  Mode  de  cette  union  :  1»  Il  faudra  traiter  en  faisant  des 
sacrifices  réciproques  :  en  ce  sens  que  l'État  doit  y  mettre  la  déférence 
d'un  fils  et  l'Église  la  condescendance  d'une  mère.  Mais  l'Église  ne 
peut  lien  céder  du  dépôt  qu'elle  a  reçu  de  Jésus-Christ,  et  l'État  n'a 
besoin  d'abdiquer  aucun  droit  réel. 

2°  Il  faudra  traiter  de  puissance  à  puissance,  mais  de  puissance 
supérieure  à  puissance  subordonnée,  non  d'égal  à  égal.  C'est  la  consé- 
quence nécessaire  de  la  nature  des  deux  sociétés  et  de  leurs  fins.  La  fin 
immédiate  de  l'État  est  d'assurer  l'ordre  et  la  prospérité  temporels  ; 
la  fin  immédiate  de  l'Église  est  de  procurer  le  salut  éternel.  Il  est  évident 
que  là  fin  de  l'Église,  n'étant  autre  que  la  fin  suprême  et  dernière  de 
l'homime,  dépasse  la  fin  de  l'État,  puisque  la  première  est  surnaturelle 
et  spirituelle,  tandis  que  la  seconde  est  naturelle  et  temporelle.  Donc, 
dans  jl'union  des  deux  sociétés,  il  n'y  aura  équité  que  si  l'on  maintient 
Vinémlité  qui  résulte  de  leur  essence. 

3J  En  cas  de  conflit  le  pouvoir  spirituel  doit  V emporter  sur  le  temporel  : 
c'est  à  l'Église  qu'il  appartient  de  déterminer  la  limite  entre  les  deux 
pouvoirs  et  de  décider  en  dernier  ressort  les  questions  mixtes,  puisque 
seuld  elle  a  mission  pour  connaître  le  spirituel,  chose  supra-rationnelle 
et  révélée. 

dn  nomme  questions  mixtes  celles  où  l'élément  religieux  est  mêlé 
à  l'élément  politique.  Mais  alors,  dira-t-on,  l'Église  est  juge  et  partie. 
—  Oui,  comme  Dieu  môme  qu'elle  représente,  et  il  n'y  a  aucun  empié- 
tement à  craindre,  puisqu'elle  est  infaillible. 

lïl.  —  Clauses  essentielles  de  l'alliance  :  tout  découle  de 
cette  vérité  fondamentale  :  les  deux  fins  et  les  deux  sociétés  sont  distinctes, 
mais  subordonnées. 

A)  Les  fins  étant  distinctes  :  1°  L'Église  n'a  aucun  droit  direct  sur 
la  fin  spéciale  de  l'État  ;  l'État  reste  indépendant  dans  sa  sphère  propre 
(le  tjien  temporel).  Toutefois  l'Église,  étant  la  gardienne  infaillible  de 
la  niorale  publique  et  politique  aussi  bien  que  de  la  morale  privée  et 
domestique,  a  le  droit  et  le  devoir  d'avertir  les  gouvernants  baptisés 
qui,  comme  tels,  sont  ses  sujets,  dans  toutes  les  questions  où  la  moralité 


340  LA    THÈSE    ET    l'hYPOTHÈSE      ^  (121) 

est  engagée.  Les  gouvernants  ont  le  droit  et  le  devoir  de  déférer  à  ses 
avis. 

2°  L'État  n'a  aucun  droit,  ni  direct,  ni  indirect,  sur  la  fin  propre  de 
l'Église,  aucun  droit  à  entraver  l'exercice  de  ses  pouvoirs  spirituels,  de 
son  organisme  social  :  vg.  c'est  un  abus  que  de  s'opposer  à  la  publi- 
cation des  Bulles  pontificales  et  des  Mandements  épiscopaux,  que  de 
les  déférer  au  Conseil  d'État,  etc.;  car  c'est  s'immiscer  dans  le  spirituel. 

B)  La  fin  de  V État  étant  subordonnée  à  celle  de  V Église  : 

10  L'Église  a  le  droit  de  réclamer  de  l'État  chrétien  le  concours 
temporel  qu'elle  juge  moralement  nécessaire  à  l'accomplissement  de 
sa  fin  propre. 

2°  L'État  a  le  devoir  d'aider  l'Église  positivement  et  activement, 
de  donner  aux  choses  saintes,  comme  dit  Leibniz,  curam  et  auxilium. 
11  est,  selon  le  mot  de  Constantin,  «  l'évêque  du  dehors  ».  C'est  ainsi 
que  les  pouvoirs  chrétiens  ont  fait  lois  de  l'État  les  lois  canoniques  de 
l'Église  ;  le  bras  séculier  a  réprimé  les  hérétiques  publics  et  scandaleux. 
En  agissant  ainsi  ils  songeaient  à  la  prospérité  et  à  la  défense  de  la 
société,  convaincus  que  la  religion  est  le  plus  solide  fondement  des 
empires  et  que  l'unité  doctrinale  est  le  meilleur  rempart  de  l'unité  natio- 
nale. Il  faut  se  rappeler  aussi  que  les  hérétiques  avérés  étaient  des  sujets 
révoltés  contre  l'Église  et  contre  l'État,  qui  troublaient  la  paix  des 
consciences  et  la  foi  commune  (123,  I,  B,  2°,  3°). 

Les  clauses  de  l'alliance  s,e  ramènent  donc  aux  suivantes  :  1°  Dis- 
tinction des  deux  puissances,  souveraines  chacune  dans  sa  sphère  piopre  ; 
—  2o  Concours  .•  on  s'allie  pour  s'aider  ;  —  3°  Subordination  de  l'État 
à  l'Église  dans  les  questions  mixtes  (^). 


121.  —  LA  THÈSE  ET  L'HYPOTHÈSE 

On  entend  par  :  a)  Thèse,  la  formule  absolue  des  rapports  de  l'Sglise 
et  de  l'État,  telle  qu'on  l'a  établie  (120,  §  C).  C'est  ce  qui  doit  être, 
c'est  l'idéal.  —  b)  Hypothèse,  les  formules  relatives,  c'est-à-dire  ce  qui 
peut  être,  eu  égard  aux  circonstances  de  temps  et  de  lieux  ;  c'est  l'appli- 
cation plus  ou  moins  parfaite  de  la  thèse.  La  thèse  n'a  presque  jamais 
été  appliquée  dans  toute  son  étendue,  car  elle  suppose  V  unité  de  croijances 
qui  est  plus  ou  moins  grande,  selon  les  époques.  Dès  qu'on  passe  des 
principes  aux  faits,  la  faiblesse  humaine  ap^)araît  avec  ses  imperfec- 
tions inévitables.  Aucune  des  formes  d'union  que  présente  l'histoire 


{;(  M  L.  BounoAiN,  L'Église  de  France  et  l'Élat  au  XIX'  siècle.  —  G.  Sortais,  Les  Catho' 
liques  en  face  de  la  Démocratie  et  du  Droit  commun,  L.  II,  p.  93  sqq. 


(121)  LA    THÈSE    ET    l'HYPOTHÈSE  341 

n'est  pure  de  tout  alliage  :  même  au  temps  de  l'alliance  intime,  l'Église 
a  eu  à  lutter.  L'histoire  nous  montre  trois  formes  d'alliance  : 

I.  —  Forme  normale  :  c'est  celle  qui  résulte  de  la  subordination 
de  la  fm  de  l'État  à  celle  de  l'Église.  Elle  consiste  essentiellement  en  ce 
que  la  loi  de  l'Église  est  sanctionnée  comme  loi  de  l'État  :  l'État  met 
sa  force  au  service  des  lois  de  l'Église. 

II.  —  Forme  privilégiée  :  outre  les  conséquences  rigoureuses  de  la 
subordination  essentielle,  la  libre  et  fdiale  déférence  de  l'État  donne 
à  l'Église  certains  droits  temporels  surérogatoires  :  tel  fut  le  droit 
public  chrétien  au  Moyen  Age.  Les  puissances  protestantes  et  schisma- 
tiques,  l'Allemagne,  l'Angleterre,  la  Russie  ont  une  Église  établie  qui 
a  d'énormes  privilèges. 

III.  —  Forme   concordataire    :  l'Église  ne  pouvant,  vu  la  rupture 
de  l'unité  religieuse  dans  un  État,  obtenir  la  forme  normale  qui  résulte 
de  l'unité  de  croyances,  relâche  librement  quelque  chose  de  ses  droits 
et  stipule  avec  l'État  des  Concordats.  Ces  traités,  étant  bilatéraux,  ne 
peuvent  être  détruits  ou  modifiés  que  par  le  concours  des  deux  parties 
contractantes.  L'Église  fait  des  concessions  :  la  thèse  est  moins  rigou- 
reusement appliquée.  Nous  avons  vécu  en  France,  sous  cette  troisième 
forme,  jusqu'en  1905  :  l'Église  avait  une  préséance  d'honneur  sur  les 
autres  cultes  ;  le  Concordat  donnait  force  de  loi  à  certaines  règles  éma- 
nant de  l'autorité  ecclésiastique  :    vg.  l'évêque  exerçait  en  France  une 
magistrature  reconnue  par  l'État.  La  loi  de  1850  sur  l'enseignement 
rendait  obligatoire  l'instruction  religieuse  dans,  les  écoles  de  l'État  ; 
les  pouvoirs  assistaient  officiellement  aux  prières  publiques,  etc.  De  son 
côté  l'Église  n'a  pas  demandé  à  être  religion  d'État  ;  elle  a  consenti, 
à  cause  de  la  divergence  des  croyances,  à  la  tolérance  des  autres  cultes. 
L'Église,  étant  seule  en  possession  de  la  vérité,  ne  peut  approuver  les 
autres  religions  qui  sont  erronées.  Mais  elle  admet  une  tolérance  de  fait 
à  leur  égard  ;  elle  les  souiïre,  dans  l'intérêt  supérieur  de  la  vérité,  pour 
éviter  des  troubles  funestes,  car  l'erreur  et  le  mal  n'ont  droit  à  rien. 
Cette  tolérance  existe  aussi  pour  ceux  qui  n'acceptent  que  la  religion 
naturelle   ou  même  rejettent  toute  religion,   comme  les   positivistes. 
Mais  les  pouvoirs  publics  ne  doivent  pas,  à  cause  de  ces  êtres  d'exception, 
omettre  de  payer  officiellement,  au  nom  de  la  nation,  le  tribut  d'ado- 
ration dû  à  la  Divinité.  Les  positivistes,  etc.  ne  peuvent  pas  s'en  plaindre, 
pas  plus  que  les  collectivistes  n'ont  le  droit  de  reprocher  à  l'État  de 
maintenir  à  la  base  des  institutions  la  propriété  individuelle.   Aussi 
l'Angleterre  et  l'Amérique,  nations  libérales  cependant,  ont-elles  un 
culte  social.  En  France,  on  pratique  l'athéisme  officiel,  sous  couleur  de 
respecter  la  conscience  de  quelques  dissidents.  C'est  imposer  au  grand 
nombre  l'impiété  de  quelques-uns  et  sacrifier  les  droits  de  la  majorité. 

Conclusion  :  «  Là  où  la  thèse  n'est  pas    rigoureusement  applicable, 


342  LA    THÈSE    ET    l'hYPOTHÈSE  (121) 

—  et  elle  ne  l'est  presque  jamais,  - —  il  faut  s'en  inspirer  dans  la  mise 
en  œuvre  de  Vhypothèse  et  faire  passer  dans  la  pratique  tout  ce  que  les 
circonstances  permettent  d'en  appliquer,  sans  aller  au  delà^  sans  rester 
en  deçà  (^)  '>.  L'erreur  libérale  ne  consiste  pas  à  aimer  la  liberté,  mais 
à  la  dénaturer  en  faisant  d'elle,  non  plus  un  moyen,  mais  une  fin  en  soi, 
un  bien  absolu.  La  liberté  extérieure,  en  matière  de  manifestations 
religieuses,  n'est  pas  plus  un  principe  inviolable  qu'en  matière  de  mani- 
festations morales,  politiques  ou  sociales.  Le  père  de  famille  a  le  droit  de 
réprimer  les  vices  naissants  de  son  enfant.  l'État  de  punir  une  propa- 
gande subversive  de  l'ordre  social.  Pourquoi  ri' aurait-il  pas  le  droit 
de  refouler  des  erreurs  dangereuses  pour  la  religion  ?  Aux  libéraux  qui 
interdisent  à  l'État  de  sanctionner  par  sa  puissance  coercitive  aucune 
doctrine  religieuse,  les  socialistes  répondent  logiquement  en  lui  défen- 
dant de  sanctionner  la  propriété,  la  stabilité  du  lien  conjugal,  l'idée 
de  patrie.  L'État  doit  donc  aller  aussi  loin  que  possible  dans  le  patronage 
du  bien  :  rester-  en  deçà,  ce  serait  déserter  son  devoir,  car  l'intérêt  social 
lui-même  exige  qu'il  soutienne  ce  qui  subsiste  de  vérités  communes  à  la 
nation.  Cependant  «  l'opinion  doit  être  consultée,  non  comme  une  maî- 
tresse qui  décide  ce  qui  est  permis,  mais  comme  un  témoin  qui  indique 
ce  qui  peut  être  supporté  (^)  »  :  aller  au  delà  serait  une  violence  inutile 
et  même  funeste,  car  elle  déchaînerait  la  haine  contre  l'Église.  C'est  par 
la  persuasion  et  l'exemple  qu'il  faut  ramener  l'unité  dans  les  esprits. 
Alors  l'intervention  de  l'État  sera  bienfaisante,  parce  qu'elle  sera 
acceptée  de  tous.  Pour  préparer  cette  restauration  du  règne  social  de 
Jésus-Christ,  il  faut  d'abord,  comme  transition,  travailler  à  l'entente 
sur  le  terrain  du  Décalogue,  selon  le  vœu  de  Le  Play  (^). 

Remarque  :  les  quatre  Articles.  Les  gouvernements  unis  à  l'Église 
ont  souvent  cherché  à  restreindre  l'alliance  à  leur  profit  :  vg.  Louis  XIV 
par  les  quatre  Articles  de  1682.  «  On  y  parle  beaucoup  des  libertés  de 
V Église  gallicane  ;  en  réalité  ce  qu'on  affranchit  par  le  premier  des 
quatre  articles,  c'est  seulement  le  pouAoir  royal  ;  ce  qu'on  asservit  dans 
toute  la  suite  de  ce  document,  c'est  l'Église  de  France,  puisqu'on  subor- 
donne au  plaisir  du  monarque  temporel  les  communications  de  cette 
Église  particulière  avec  le  centre  de  l'unité,  puisqu'on  limite  jusqu'au 
pouvoir  doctrinal  du  Saint-Siège,  jusqu'à  l'exercice  du  droit  d'appel  au 
pape  qui  appartient  à  tout  catholique.  Liberté  à  l'égard  de  Rome  jusqu'à 
la  révolte  inclusivement,  soumission  à  l'égard  du  roi  jusqu'à  la  servitude, 
tel  est  le  fond  de  cette  tradition  détestable  que  notre  siècle  a  vu  revivre 


(M  M.    B'HuLST,   Conférences  de  Notre-Dame,  1895,   Note  24,  p.    381. 

(  *)  M.  D'Hui-ST,    Conférences   de   Noire-Dame,    1895,    V«    Conf.    p.    139. 

(  •)  G.  SoRTAia,  Les  Catholiques  en  face  de  la  Démocratie...,  L.  II,  Ch.  m,  §  I,  p.  124-135. 


(122)  POUVOIR    DIRECT    OU    INDIRECT  343 

dans  les  Articles  organiques  ou  lois  du  18  germinal  an  X,  frauduleu- 
sement annexées  au  Concordat  de  1801,  et  maintenues  depuis  cent  ans 
par  tous  les  gouvernements,  en  dépit  des  protestations  du  Saint- 
Siège  (^).  » 


122.  —  POUVOIR  DIRECT  OU  INDIRECT  ? 

La  théorie  du  pouvoir  direct  du  Pape  n'a  jamais  été  communément 
admise.  D'après  elle,  le  Pape  aurait  une  suprématie  de  droit  divin  sur 
toutes  les  puissances  de  ce  monde,  motivée  par  la  primauté  qui  appartient 
au  spirituel  sur  le  temporel  ;  il  pourrait  donc  commander  aux  souverains 
comme  tels  et  non  pas  seulement  en  tant  que  fidèles.  La  doctrine  reçue 
est  celle  du  pouvoir  indirect  (^)  :  le  Pape  peut  tout  directement  sur  le 
spirituel,  rien  directement  sur  le  temporel,  parce  que  les  choses  terrestres 
ne  sont  pas  l'objet  propre  de  sa  juridiction.  Mais  l'Église  les  atteint 
indirectement,  c'est-à-dire  à  travers  le  spirituel,  auquel  elles  se  trouvent 
unies,  parce  que  les  affaires  temporelles  influent  en  bien  -ou  en  mal 
sur  les  intérêts  spirituels.  C'est  ainsi  que,  dans  les  questions  politico- 
religieuses,  le  Pape  peut  intervenir  et  prescrire  aux  souverains  et  aux 
peuples  ce  qu'exige  le  bien  de  la  religion,  qui  prime  tout  le  reste.  Sans 
doute,  en  ces  matières  mixtes,  l'intervention  du  Pape  n'est  pas  infail- 
lible ;  mais  l'obéissance  est  cependant  due  aux  prescriptions  et  même 
aux  directions  pontificales,  car  le  Pape  n'est  pas  seulement  constitué 
Docteur  de  l'Église,  il  est  encore  chargé  de  la  gouverner.  Tout  pouvoir 
légitime,  le  pouvoir  paternel,  le  pouvoir  civil,  a  fortiori  celui  du  Pape, 
a  droit  à  l'obéissance,  à  moins  qu'il  ne  sorte  de  ses  attributions  ou  qu'il 
ne  prescrive  des  choses  évidemment  mauvaises.  Or  les  questions  mixtes 
rentrent  dans  les  attributions  du  Pape  et  ses  décisions  ont  la  garantie 
spéciale  d'une  assistance  de  Dieu.  Il  serait  donc  téméraire  de  les  blâmer 
intérieurement,  à  moins  qu'on  n'ait  l'évidence  qu'elles  sont  erronées  ; 
et  même  alors  on  serait  tenu  au  silence  respectueux,  c'est-à-dire  qu'on 
devrait  s'abstenir  de  toute  critique. 


(»)  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1895,  Note  24",  pp.  362-363. 

( ')  Bellarmin,  Responsio  ad  libriim  inscriplum  «  Triplici  nodo  triplex  cuneua  ». 
Apologia  pro  responsione  sua  ad  librum  Jacobi,  Magnœ  Britannise  Régis...  De  Romano 
Pontifice.  —  Suarez,  Defensio  fidei  catholicoe  et  aposlolicce  adversus  anglicans  sectœ  errores... 
Cf.  J.  DE  LA  Servière,  De  Jacobo  I  Anglix  rege  cum  cardinali  Roberlo  Bellarmino  S.  J.  super 
potestate  cum  regia  tum  pontificia  disputante.  —  J.  de  Maistre,  Du  Pape.  —  J.-Ed.  Gosshlin, 
Pouvoir  du  Pape  au  Moyen  Age. 


344  l'intolérance  (123) 

123.  —  L'INTOLÉRANCE  (M 

On  peut  distinguer  trois  sortes  d'intolérance  : 
I.  —  Intolérance  brutale   :   c'est   l'emploi   de   la   force    et   même 
du  glaive  pour  : 

A)  Établir  une  religion  :  vg.  le  Corati  de  Mahomet.  Les  peuples  ont 
eu  à  choisir  entre  lui  et  le  cimeterre  :  Crois  ou  meurs.  L'Évangile,  bien 
qu'imposé  comme  une  obligation  à  la  conscience,  est  proposé  de  fait 
à  la  liberté  :  Qiiisquam...  credere  non  potest  nolens  (^).  L'établissement  du 
Christianisme  ne  coûta  de  sang  qu'aux  chrétiens.  Si  parfois,  dans  la 
suite,  quelques  princes  ont  tenté  d'imposer  la  religion,  ils  ont  été  au 
delà  de  leurs  droits  et  des  intentions  de  l'Église  qui  les  a  blâmés  :  vg. 
conquête  du  Nouveau  Monde. 

B)  Maintenir  une  religion  :  ce  mode  d'intolérance  a  été  accepté  par 
l'Église  :  c'est  le  cas  de  V Inquisition. 

La  solution  de  la  question  exige  diverses  observations  : 

1°  Les  deux  hypothèses  sont  absolument  distinctes  :  éiaô/ir  une  religion 
par  la  force  c'est  faire  une  conquête  sur  des  infidèles.  Or  ces  infidèles 
sont  étrangers  à  la  juridiction  de  l'Église.  Ici  l'emploi  de  la  force  est 
donc  illégitime.  Le  maintien  suppose  des  tentatives  de  rébellion  parmi 
des  sujets,  car  tout  baptisé  est  un  sujet  de  l'Église.  Il  peut  s'excom- 
munier lui-même  et  aller  chercher  ailleurs  la  liberté  de  l'apostasie. 
Mais  tant  qu'il  habite  une  contrée  où  l'Église  est  établie,  il  doit,  comme 
tout  sujet,  se  soumettre  aux  lois  de  la  société  dont  il  est  membre,  sous 
peine  d'encourir  les  châtiments  édictés  contre  les  transgresseurs. 

2^  Les  faits  :  l'Église  n'a  point  porté  ni  exécuté  de  sentences  capi- 
tales. Elle  a  décrété  des  peines  temporelles  :  vg.  amende,  jeûne,  prison, 
exil.  C'est  l'État  qui  a  édicté  la  peine  de  mort  contre  l'hérétique, 
mais  obstiné,  public,  s^ efforçant  de  rompre  V unité  religieuse. 

3^  Les  droits  :  a)  I'État  a  le  droit  d'cdicter  la  peine  de  mort  contre 
le  prédicant  hérétique.  On  reconnaît  à  l'État  le  droit  de  punir  de  mort 
ceux  qui  tentent  de  rompre  l'unité  nationale.  Or  l'État  chrétien  estime 
avec  raison  que  l'unité  religieuse  est  le  principal  élément  de  l'unité 
nationale  et  sa  meilleure  sauvegarde. 


(  M  G.  Sortais,  Études  philosophiques  et  sociales  :  §  I.  L'Intolérance.  —  Taparelli, 
Essai  théorique...,  Note  XCIII,  p.  180  du  T.  IV.  —  J.  de  Maistre,  Lettres  sur  l'inquisition 
espagnole.  —  Balmès,  Protestantisme  comparé  au  Catholicisme,  Cli.  xxxvi,  xxxvii.  —  F.-J. 
MouLART,  L'Église  et  l'État,  L.  II,  Ch.  iv.  Art.  II.  —  U.  Devivier,  Cours  d'Apologétique 
chrétienne,  II"  P.,  Ch.  iv. 

(  •)  «  Que  uul  ne  soit  contraint  par  la  force  à  embrasser  la  foi,  car  saint  Augustin  a 
eu  raison  de  dire  :  L'homme  ne  peut  croire  que  de  son  plein  gré.»  (Léon  XIII,  Encyclique 
Immortale  Dei.) 


(123)  l'intolérance  345 

b)  L'Église  a  le  droit  de  coopérer  à  cette  législation  de  l'État  en 
livrant  l'hérétique  au  bras  séculier  ;  ce  droit  est  certain  puisque  cette 
législation  est  juste  en  elle-même. 

On  peut  se  demander  en  outre  si  elle  peut  décréter,  de  son  autorité 
propre,  des  peines  afîlictives.  L'État  possède  le  droit  de  frapperd'amende, 
d'emprisonner,  de  bannir  ou  de  mettre  à  mort  celui  qui  viole  les  lois, 
insulte  le  gouvernement,  trouble  l'ordre  public  ou  compromet  l'unité 
nationale.  Et  l'Église,  société  parfaite,  n'aurait  pas  les  mêmes  droits 
contre  ceux  qui  osent  outrager  son  autorité,  bouleverser  la  paix  reli- 
gieuse, briser  l'unité  doctrinale  ?  Il  faut  donc  reconnaître  à  l'Église  le 
pouvoir  coercitif. 

Qu'on  ii'ohjecie  pas  qu'une  peine  temporelle  ne  peut  être  appliquée 
à  un  délit  spirituel,  car  : 

a)  Le  délit,  considéré  au  point  de  vue  de  l'État,  n'est  pas  purement 
spirituel  ;  il  a  des  conséquences  temporelles. 

h)  L'objection  méconnaît  l'unité  du  composé  humain  et  la  soli- 
darité des  deux  éléments  qui  le  constituent.  Elle  aboutit  logiquement 
à  la  suppression  de  toute  peine  corporelle,  puisque  c'est  toujours  l'âme 
seule  qui  est  coupable. 

II.  —  Intolérance  civile  :  elle  consiste  à  refuser  aux  dissidents 
religieux  la  jouissance  des  droits  civils  ou  à  la  restreindre.  Elle  comporte 
bien  des  degrés  ;  elle  commence  en  fait  dès  que  l'État  favorise  une 
religion  au  détriment  des  autres. 

C'est  une  conséquence  logique  de  la  religion  d'État  :  le  législateur, 
étant  convaincu  de  la  vérité  d'une  religion  et  sachant  par  expérience 
le  bienfait  social  de  l'unité  religieuse,  est  nécessairement  amené  à  inter- 
dire la  dissidence  publique  sous  peine  d'excommunication  civile. 

C'est  une  conséquence  légitime,  car  cette  intolérance  découlant  logi- 
quement de  l'alliance  de  l'Église  et  de  l'État,  est  légitime  comme  elle. 
C'est  l'ordre,  l'idéal,  parce  qu'aucun  droit  ne  peut  s'attacher  à  Verreur 
comme  telle.  La  prudence  doit  modérer  l'exercice  de  cette  intolérance  ; 
les  circonstances  ou  des  conventions  positives  {Concordats)  peuvent 
donner  aux  errants  une  situation  légale  d'où  dérivent  des  droits  réels. 
Cependant  cette  concession  n'est  pas  faite  à  l'erreur  elle-même,  mais  en 
vue  de  l'intérêt  de  la  vérité,  que  l'intolérance  pourrait  compro- 
mettre. 

Remarque  :  pour  comprendre  l'application  de  ces  doctrines  dans  le 
passé,  il  faut  se  rappeler  d'abord  qu'elle  suppose  l'unité  dans  les  croyances 
et  conséquemment  son  acceptation  comme  un  bienfait.  Il  s'est  glissé 
des  abus  ;  mais  ils  ne  découlent  pas  des  doctrines  elles-mêmes.  L'excès 
a  consisté  à  ne  pas  tenir  compte  des  circonstances  qui  devaient  tempérer 
l'application  des  principes  absolus,  à  ne  pas  faire  dans  la  thèse  elle- 
même  la  part  de  l'hypothèse.  Il  faiit  donc  se  garder,  pour  juger  équita- 


346  l'intolérance  (123) 

blement  le  passé,  de  le  voir  à  travers  nos  préoccupations  et  tendances 
actuelles. 

III.  —  Intolérance  doctrinale  :  A)  En  général  :  elle  consiste  à 
rejeter  comme  faux  ce  qui  contredit  la  vérité  certaine  :  vg.  je  tiens 
absolument  pour  faux  que  la  partie  soit  plus  grande  que  le  tout.  La 
tolérance  doctrinale  suppose  V  incertitude  de  la  vérité  sur  un  point  parti- 
culier, ou  un  scepticisme  universel^  qui  met  en  doute  l'existence  de  toute 
vérité. 

B)  En  religion  :  elle  consiste  à  estimer  fausse  toute  religion  hormis 
celle  qu'on  professe.  C'est  logique,  car  on  ne  peut  admettre  deux  reli- 
gions comme  également  vraies  et  bonnes.  L'intolérance  doctrinale  est 
une  marque,  non  pas  suffisante,  mais  nécessaire  de  divinité.  Une  religion 
doctrinalement  tolérante  prouve  par  là  même  qu'elle  ne  vient  pas 
de  Dieu.  Or  le  Catholicisme  a  toujours  professé  l'intolérance  doc- 
trinale. 

La  tolérance  doctrinale  est  au  contraire  à  l'ordre  du  jour  :  plus  de 
principes,  mais  des  opinions,  et  légitimité  de  toutes  les  opinions  ;  plus  de 
délits  de  pensée,  mais  souveraineté  de  l'opinion.  Voilà  ce  qui  tend  à 
passer  en  axiome  et  repose  sur  l'égalité  supposée  du  vrai  et  du  faux. 
La  conséquence  pratique  est  la  suivante  :  comportons-nous  comme  si 
toute  vérité  était  douteuse  et  toute  opinion  respectable.  C'est  l'anarchie 
intellectuelle,  le  nihilisme  doctrinal. 

Conclusion  :  tous  les  pouvoirs,  païens,  catholiques,  hérétiques, 
irréligieux,  ont  été  plus  ou  moins  intolérants.  Ce  fait  universel  est-il 
purement  brutal  ou  révèle-t-il  l'existence  d'un  droit  ?  —  Il  faut  répondre 
que  l'intolérance  est  une  loi  fondamentale,  vitale,  pour  tout  être,  individuel 
ou  collectif.  Ni  peuple,  ni  particulier  ne  peuvent  vivre  et  prospérer  s'ils 
n'ont  le  droit  et  la  puissance  de  résister  à  ceux  qui  font  obstacle  à  leur 
développement  normal.  C'est  une  question  de  vie  ou  de  mort  :  c'est  la 
lutte  pour  l'existence.  On  retrouve  l'application  de  cette  loi  dans  l'ordre 
moral  aussi  bien  que  dans  l'ordre  physique.  Notre  force  vitale,  d'instinct, 
oppose  une  résistance  impitoyable  aux  attaques  de  ces  mille  petits 
ennemis,  invisible  légion  de  microbes,  qui  l'assaillent  de  toutes  parts. 
A  son  tour  l'ordre  social  n'est-il  pas  fondé  sur  l'intolérance,  puisqu'il 
repose  sur  un  ensemble  de  lois  coercitives,  et  que  ces  lois  sont  des  freins 
vigoureux  mft  à  la  liberté  du  mal  et  de  l'erreur  ?  Pour  la  force  vitale 
comme  pour  l'autorité  sociale,  il  y  a  un  minimum  de  résistance  ou  d'into- 
lérance (c'est  tout  un)  ;  en  deçà  c'est  pour  l'individu  la  mort,  c'est  pour 
un  pays  la  décomposition  sociale.  La  société  religieuse  ne  saurait  échapper 
aux  exigences  de  cette  loi  :  comment  se  soustraire  à  l'essence  des  choses  ? 
Tout  pouvoir  qui  veut  vivre  doit  pratiquer  cette  maxime  de  Garcia 
Moreno,  président  de  la  République  de  l'Equateur  :  «  La  liberté  pour 
tout  et  pour  tous  sauf  pour  le  mal  et  pour  les  malfaiteurs.  » 


(124)  l'immunité  ecclésiastique  347 


124.  —  L'IMMUNITÉ  ECCLÉSIASTIQUE  (M 

I.  —  Étendue  :  les  pouvoirs  chrétiens  ont  reconnu  pendant  des 
siècles  cette  immunité  qu'on  peut  formuler  ainsi  :  Tout  ce  qui  appartient 
à  l'Église  (lieux,  objets  ou  personnes)  est  exempt  de  la  juridiction  de 
l'État.  Cette  immunité  enveloppe  l'exemption  : 

A)  De  la  Juridiction  civile  :  on  a  souvent  ressassé  contre  cette 
exemption  l'objection  suivante  :  les  gens  d'Église  deviennent  alors 
sujets  d'un  souverain  étranger. 

Réponse  :  1°  le  Pape  n'est  étranger  nulle  part  :  la  souveraineté,  qu'il 
exerce  sur  les  clercs,  n'est  point  la  souveraineté  temporelle  d'un  Roi, 
mais  la  souveraineté  spirituelle  du  Pontife. 

2*^  Le  clerc  ne  cesse  pas  plus  que  tout  autre  citoyen  d'être  soumis 
aux  lois  de  son  pays,  mais  seulement  aux  tribunaux  laïcs,  même  pour  les 
délits  de  droit  commun.  Coupable  envers  l'État,  il  ne  reste  pas  impuni  ; 
seulement  il  est  jugé  par  ses  pairs,  par  des  tribunaux  ecclésiastiques. 
Mais,  dit-on,  c'est  contraire  au  principe  de  l'égalité  devant  la  loi.  — 
Non,  car  si  ce  principe  rejette  tout  privilège  d'impunité,  il  n'impose  pas 
Vunicité  de  juridiction.  Par  conséquent  la  juridiction  ecclésiastique 
spéciale  ne  le  viole  pas  plus  que  les  tribunaux  militaires  constitués  pour 
les  soldats. 

B)  De  l'impôt,  c'est-à-dire  de  toute  contribution  fixée  et  prélevée 
par  l'État  sur  la  propriété  ecclésiastique.  On  objecte  que  cette  exemp- 
tion soustrait  cette  propriété  au  service  du  bien  public. 

Réponse  :  1°  les  revenus  de  cette  propriété  contribuaient  à  l'entretien 
du  culte,  au  soutien  des  pauvres,  à  la  diffusion  de  l'instruction,  etc. 
Cette  participation  volontaire  aux  charges  sociales  dégrevait  d'autant 
l'État. 

2°  Les  Assemblées  du  clergé  contribuaient  encore  aux  dépenses 
publiques  par  des  impôts  spontanément  votés. 

C)  Du  service  militaire  :  on  objecte  que  cette  exemption  décharge 
toute  une  catégorie  de  citoyens  du  service  le  plus  onéreux  et  le  plus 
honorable. 

Réponse  :  1^  Quelques  années  passées  sous  les  drapeaux  ne  sont  pas 
un  fardeau  plus  lourd  qu'une  vie  sacerdotale  tout  entière. 

2°  Le  service  social  du  prêtre  n'est  ni  moins  honorable,  ni  moins 
nécessaire  que  celui  du  soldat.  —  Le  motif  vrai  de  la  suppression  de 
cette  immunité  a  été  de  tarir  les  vocations  sacerdotales  et  de  rendre 
très  difficile  le  recrutement  du  clergé. 


(  M  Bellarmin,  Disputationes  de  Controversiis  Fidei,  ControT.  V,  L.  I,  De  Clericis. 


348  l'église  et  la  révolutioî^  (125) 

Ces  diiïérents  privilèges  ne  sont  point  injustes,  parce  qu'ils  sont 
abondamment  compensés  par  les  services  que  le  clergé  rend  à  la  société, 
comme  l'a  montré  Taine  dans  VAticien  Régime. 

II.  —  Légitimité  :  1°  l'immunité  ecclésiastique  n'est  pas  due  à  une 
concession  gracieuse  des  souverains,  car  elle  a  un  fondement  de  droit 
divin.  Elle  est  en  effet  une  conséquence  implicite  de  l'institution  du 
Sacerdoce^  qui  fait  aux  clercs  une  place  à  part  en  les  appelant  à  un  service 
social  d'un  ordre  exceptionnel,  supérieur  à  tout  autre,  incompatible 
avec  plusieurs. 

2°  Elle  provient  ensuite  de  la  législation  organique  de  l'Église,  seule 
juge  de  ce  qui  lui  convient. 

Aujourd'hui  cette  immunité  n'est  plus  guère  reconnue  par  les  gou- 
vernements. Comme  elle  n'est  pas  absolument  nécessaire  à  l'existence  de 
l'Église,  mais  seulement  à  son  bien-être,  non  ad  esse,  sed  ad  melius  esse, 
l'Église,  par  condescendance,  pour  éviter  des  conflits  troublant  la  paix, 
peut  renoncer  à  Vexercice  actuel  de  certains  droits  faisant  partie  de 
l'immunité.  Mais  elle  ne  peut  dire  qu'elle  les  a  perdus,  car  elle  n'y  renonce 
'Das  ;  elle  évite  seulement  d'en  urger  l'application.  C'est  une  situation 
qu'elle  subit,  mais  qu'elle  n'accepte  pas. 


125.  —  L'ÉGLISE  ET  LA  RÉVOLUTION 

Que  penser  de  ce  que  l'on  appelle  les  principes  de  89,  le  Droit  nou- 
veau ?  On  les  trouve  surtout  formulés  dans  la  Déclaration  des  droits 
de  Vhomme.  Cette  déclaration  est  un  amalgame  de  faux  et  de  vrai,  de 
bien  et  de  mal  (109).  Nous  prendrons,  pour  guide  de  nos  appréciations, 
Le  Play  (i). 

I.  —  Le  Principe,  qui  domine  la  Révolution  et  lui  a  valu  de  la  part 
de  J.  de  Maistre,  le  reproche  d'avoir  l'esprit  «  satanique  »,  c'est  la  souve- 
raineté absolue  de  la  raison  et  de  la  volonté  humaines  collectives  (=  l'opinion 
et  la  volonté  générales)  ;  conséquemment  tout  droit  émane  non  de 
Dieu,  mais  de  l'homme.  C'est  la  déification  pratique  de  l'humanité,  dont 
J.-J.  Rousseau  a  été  l'ardent  apôtre.  On  objecte  : 

1°  Rousseau  reconnaît  Dieu,  et  la  Constituante  le  nomme  dans  sa 
Déclaration. 

Réponse  :  Théoriquement,  c'est  vrai  ;  mais,  pratiquement,  toute  leur 
œuvre  tend  à  l'annihiler  en  éliminant  son  action.  Les  promoteurs  de  la 


(')  Le  Play,  La  Réforme  sociale,  T.  IV,  L.  VII,  Ch.  lxiv,  §  III.  —  Fr.  Chesnel,  Les 
Droits  de  Dieu  et  les  idées  modernes.  —  Em.  Keller,  Les  Syllabus  de  Pie  IX  et  de  Pie  X 
ei  les  Principes  de  1789.  —  J.  E.  Courtenay  Bodley,  La  France.  Essai  sur  l'histoire  et  le 
fonctionnement  des  institutions  politiques. 


(125)  l'église  et  la  révolution  349 

Révolution  de  1789  prétendaient  que  «  Dieu  n'intervenait  pas  dans  la 
direction  des  sociétés  et  que  l'iiomme  avait  en  lui-même  tous  les  éléments 
de  la  prospérité.  Cette  présomptueuse  conviction  resta,  il  est  vrai,  à 
l'état  latent,  au  sein  de  l'Assemblée  nationale  ;  mais  elle  se  fit  jour  dans 
les  modifications  apportées  par  la  Convention  à  la  Déclaration  des 
droits.  En  cette  occasion,  les  auteurs  des  lois  révolutionnaires,  qui 
continuent  à  perdre  notre  race,  firent  encore  mention  de  VÊtre  suprême^ 
mais  ils  s'accordèrent  à  penser  qu'ils  pouvaient  se  passer  de  lui  »  (^). 
Ce  n'était  qu'une  étiquette  décorative. 

20  Beaucoup  de  partisans  de  la  Révolution  n'acceptent  pas  le 
principe. 

Réponse  :  ce  rejet  théorique  n'en  balance  pas  l'admission  pratique, 
car  la  plupart  de  leurs  actes  supposent  ce  principe  et  s'en  inspirent. 
On  peut  trouver  des  indices  de  cette  tendance  dans  l'adoration  de  la 
loi,  du  suffrage  universel,  du  fait  accompli,  dans  cette  susceptibilité 
qui  veut  tout  séculariser  et  laïciser,  bannir  toute  ingérence  de  l'Église 
dans  les  questions  sociales  et  la  confiner  dans  la  sacristie. 

II.  —  Conséquences  :  de  la  négation  de  l'intervention  de  Dieu 
dans  les  affaires  humaines,  de  la  souveraineté  de  l'homme  substituée 
à  la  souveraineté  de  Dieu  découlent  certaines  conséquences,  que  Le  Play 
appelle  les  «  faux  dogmes  de  la  Révolution  »  : 

A)  Bonté  originelle  de  Vliomme  :  les  faits  la  démentent  :  les  consti- 
tutions, qui  ont  le  plus  contribué  au  bonheur  des  hommes,  ont  fermement 
réprimé  les  mauvaises  tendances. 

B)  Tout  homme  a  des  droits  naturels  nombreux,  que  l'organisation 
sociale  doit  satisfaire.  —  L'homme  n'a  qu'un  droit  essentiel,  immédiat, 
naturel,  commun  à  tous,  celui  de  tendre  librement  à  sa  fin  (51,  §  B,  III). 
Or  ce  droit  naît  du  devoir  impérieux  d'atteindre  cette  fin.  Ce  devoir 
dérive  à  son  tour  du  droit  absolu  qu'a  Dieu  sur  toute  créature  (53). 
On  voit  combien  il  était  peu  logique  de  parler  des  droits  de  Vhomme. 
Les  droits  particuliers  de  chaque  individu  sont  pour  lui  autant  de 
moyens  pour  pratiquer  ses  devoirs.  ^{:^^  f,    ç-. 

C)  Les  hommes  sont  égaux.  C'est  vrai,  métaphysiquement  parlant, 
c'est-à-dire  en  considérant  le  degré  essentiel  de  perfection  spécifique. 
Au  point  de  vue  moral  et  pratique,  ils  sont  égaux  dans  le  droit  essentiel 
de  tendre  à  la  fin  dernière  ;  égaux  devant  la  justice  divine,  qui  rendra 
à  chacun  selon  ses  œuvres.  Hors  de  là  l'égalité  n'est  pas  dans  la  nature  ; 
elle  serait  la  mort  de  tout  progrès  et  la  source  de  la  médiocrité  uni- 
verselle. 


(>)  Le  Play,  Opère  citalo,  Ibidem,   §  II.  —  Simonet,  L'avortement  de  1789. 


350  l'église  et  la  révolution  (125) 

D)  La  liberté  politique  est  la  condition  nécessaire  et  suffisante  de  la 
liberté  (107). 

E)  La  nation  est  d'' autant  plus  parfaite  qu'il  n'y  a  entre  V individu 
et  VÈtat  aucun  groupe  intermédiaire.  C'est  un  enthousiasme  aveugle 
pour  la  centralisation  et  la  confiscation  du  droit  naturel  d'associa- 
tion (105).  La  Révolution  est  logiquement  socialiste,  car  elle  déifie  l'État 
sans  mesure  et  lui  livre  l'individu  sans  défense  et  sans  réserve.  Elle 
colore  ce  servage  réel  d'une  souveraineté  illusoire.  La  réalité  du  servage 
consiste  dans  les  restrictions  apportées  à  la  vraie  liberté,  la  liberté 
civile  :  l'État,  en  fait,  est  presque  tout.  L'illusion  de  la  souveraineté 
consiste  dans  l'octroi  d'une  liberté  politique,  qui  se  réduit  au  droit  de 
vote,  dont  la  valeur  est  infinitésimale,  eu  égard  au  nombre  et  à  l'égalité 
des  sufïrages.  C'est  d'ailleurs  un  châtiment  logique  :  qui  repousse 
l'autorité  de  Dieu  doit  subir  le  joug  de  l'homme. 

F)  Le  «  Droit  de  révolte  «  (106,  A)  :  de  là  les  révolutions  et  l'anarchie 
qui  nous  secouent  périodiquement.  On  a  fondé  le  pouvoir  sur  le  sable 
mouvant  de  la  volonté  générale  ;  comment  ne  serait-il  pas  balayé  par 
les  caprices  de  la  tempête  populaire  ?  Le  principe  révolutionnaire  et 
ses  corollaires  ont  eu  sur  les  institutions  sociales  des  effets  désastreux, 
que  Le  Play  et  son  École  ont  signalés,  avec  preuves  à  l'appui.  —  Ce  n'est 
pas  à  dire  que  tout  soit  mauvais  dans  la  Déclaration  des  Droits  (109)  ; 
elle  a  conservé  certaines  vérités  traditionnelles,  empruntées  au  Déca- 
logue  et  à  l'Évangile.  C'est  à  cette  source  qu'il  aurait  fallu  emprunter 
des  remèdes  efficaces  aux  abus  de  l'ancien  régime. 

IIL  —  Progrès  accomplis  depuis  la  Révolution  : 

A)  Dans  Vordre  politique  :  tendance  qui  nous  porte  à  préférer  aux 
pouvoirs  absolus  les  pouvoirs  contrôlés. 

B)  Dans  Vordre  judiciaire  :  égalité  devant  la  loi  ;  —  séparation  du 
pouvoir  judiciaire  et  du  pouvoir  politique.  —  En  abolissant  la  torture, 
reste  de  barbarie,  notre  temps  achève  une  évolution  morale  dont  le 
principe  est  chrétien. 

C)  Dans  Vordre  civil  et  économique  :  une  plus  juste  répartition  de 
l'impôt,  l'émancipation  progressive  des  classes  laborieuses,  la  tendance 
de  plus  en  plus  générale  à  atténuer,  par  des  institutions  de  justice  et 
de  pitié,  les  conséquences  fatales  de  l'inégalité  des  conditions.  «  Tout 
cela  c'est  du  progrès  moderne,  si  l'on  veut,  mais  dont  l'inspiration 
remonte  à  l'Évangile  »  (^)  et  qui  ne  se  développera  pleinement  que  sous 
son  influence  civilisatrice.  En  le  séparant  de  ce  contact  modérateur, 
on  débridera  dans  les  masses  des  appétits  que  rien  ne  pourra  contenir. 


C)  M.  D'HoL8T,  Conférences  de  Noire-Dame,  1895,  Note  26,  p.  394-397. 


(125)  COMPLÉMENT    BIBLIOGUAPHIQUE    :    l'ÉGLISE    ET    l'ÉTAT  351 

Conclusion  :  on  voit  dans  quel  sens  l'Église  peut  se  réconcilier  avec 
l'esprit  du  siècle.  Elle  accepte  tout  ce  qu'il  y  a  de  bon  et  de  généreux, 
rejette  ce  qu'il  y  a  de  faux  et  de  dangereux  ;  dans  les  limites  où  les 
concessions  peuvent  s'accorder  sans  sacrifier  les  principes,  l'Église  a  eu 
et  aura  toujours  une  condescendance  maternelle,  sachant  doser  exac- 
tement ce  que  nos  sociétés  malades  peuvent  porter  de  vérité. 


BIBLIOGRAPHIE 

C'  Mathieu,  Le  Concordat  de  1801. 

A.  Baudrillart,  Quatre  cents  ans  de  concordat. 

J.  Félix,  La  Contre- Révolution. 

H.  Chantavoine,  Les  Principes  de  1789. 

Le  Centenaire  de  1789  {Éludes  de  Vœuvre  des  Cercles  catholiques 
d'ouvriers).  —  La  Réforme  sociale  et  le  Centenaire  de  la  Révolution  (aux 
bureaux  de  la  Réforme  sociale). 

J.-V.  de  Decker,  UÉglise  et  VOrdre  social  chrétien. 

A.  Leroy-Beaulieu,  La  Papauté.,  le  Socialisme  et  la  Démocratie. 

L.  Grégoire,  Le  Pape,  les  catholiques  et  la  question  sociale. 

G.  GoYAU,  Autour  du  catholicisme  social. 

Mgr  Ireland,  L'Église  et  le  siècle. 

Mgr  de  Ketteler,  Œuvres  choisies,  publiées  par  G.  Decurtins. 

P.  Lapeyre,  Le  Catholicisme  social. 

El.-V.  Maumus,  UÉglise  et  la   France  moderne. 

Chr.  Pesch,  Die  christliche  Staatslehre. 

E.  Spuller,  U Évolution  politique  et  sociale  de  V Église. 

Y.  Guyot,  Les  Principes  de  89  et  le  Socialisme. 

Ém.  Sévestre,  L'histoire,  le  texte  et  la  destinée  du  Concordat  de  1801. 

Mgr  Freppel,  La  Révolution  française. 

Taine,  Les  Origines  de  la  France  contemporaine.  2^  Partie  :  La 
Révolution.  * 

Vernon  Bartlet,  Christian  Ethics  :  their  distinctive  quality  and 
présent  roll,  dans  The    Hibbert  Journal,  1923,  T.  XXI,  p.  565-578. 


LIVRE  IN 
LA  MORALE  ET  L'ÉCONOMIE  POLITIQUE 

Après  avoir  donné  quelques  notions  sommaires  d'Économie  poli- 
tique, nous  établirons  les  rapports  qui  unissent  cette  science  à  la  Morale, 
et,  en  manière  d'appendice,  nous  traiterons  de  l'Alcoolisme. 

CHAPITRE  I 
NOTIONS  SOMMAIRES 
D'ÉCONOMIE    POLITIQUE   (^) 

L'Économie  politique  est  la  science  des  lois  qui  régissent  la  pro- 
duction, la  circulation,,  la.  distribution,  et  la  consommation  de  la  richesse. 
Elle  a  pour  objet  la  richesse,  c'est-à-dire  tout  ce  qui,  soit  directement 
par  soi-même,  soit  indirectement  par  voie  d'échange,  peut  servir  à  la 
satisfaction  des  besoins  de  l'homme  ;  bref,  c'est  l'ensemble  des  choses 
utiles. 

Aristote,  Sully,  Colbert  avaient  entrevu  quelques-unes  de  ses  lois  ; 
mais  c'est  seulement  au  xyiii^  siècle  qu'elle  a  été  constituée  comme 
science. 


(  ')  M.  Block,  Les  progrès  de  la  science  économique  depuis  A.  Smith.  —  A.  Espinas, 
Histoire  des  doctrines  économiques.  —  J.-K.  Ingram,  Histoire  de  l'Économie  politique.  — 
L.  CossA,  Introduzione  allô  studio  delV  Economia  politica.  —  P.  Leroy-Beaulieu,  Traité 
théorique  et  pratique  d'Économie  politique.  —  J.  Cauwès,  Cours  d'Économie  politique.  — 
Ch.  Gide,  Principes  d'Économie  politique.  —  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale.  — 
Ch.  Périn,  Premiers  principes  d'Économie  politique.  Doctrines  économiques.  —  Th.  Funck- 
Bhentano,  Nouveau  Précis  d'Économie  politique.  —  P.  Beauregard,  Élérnents  d'Économie 
politique.  —  Ch.-S.   Devas,   Political  Economy.  —  Ant.   Ott,   Traité  d'Économie  sociale. 

—  Fr.  Bastiat,  Sophismes  économiques.  Harmonies  économiques.  —  G.  de  Molinari, 
L'évolution  économique  du  XIX'  siicle.  Les  lois  naturelles  de  l'Économie  politique.  — 
M.  LiBERATORE,  PrincipH  di  Economia  politica.  —  J.  Garnier,  Traité  d'économie  politique. 

—  A.  Delaire,  Précis  d'Économie  sociale.  —  Th.  Ziegler,  La  Question  sociale  est  une 
question  morale.  —  A. -A.  Cournot,  Principes  de  la  théorie  des  richesses.  —  Alf.  Jodrdan, 
Rôle  de  l'État  dans  l'ordre  économique.  —  V.  Pareto,  Cours  d'Économie  politique.  —  Alfh.  db 
FoviDtE,  La  richesse  en  France  et  à  l'étranger.  La  France  économique. 


(126)  PRODUCTION    DE    LA    RICHESSE  353 

Principaux  représentants  :  a)  au  XVIII^  siècle  :  Quesnay,  Turgot, 
Adam  Smith.  —  b)  Au  XIX^  siècle  :  J.-B.  Say,  Ricardo,  Bâstiat, 
Stuart  Mill,  Rossi,  Baudrillart,  Le  Play,  Léon  Say,  Owen, 
K.  Marx,  Lassalle,  H.  George,  Colins,  Joseph  Garnier,  Fr.  Passy, 
P.  Leroy-Beaulieu,  g.  de  Molinari,  etc. 


126.  —  PRODUCTION  DE  LA  RICHESSE 

Produire  de  la  richesse,  c'est  créer  de  l'utilité.  Les  principaux  agents 
de  la  production  sont  la  nature,  le  travail  et  le  capital. 

%\.  —  LA  NATURE 

C'est  l'ensemble  des  éléments  préexistants  du  milieu  où  nous  vivons. 
Pour  que  l'homme  puisse  produire,  il  faut  que  la  nature  lui  fournisse  : 

1°  Un  milieu  propice  (climat,  configuration  géographique,  consti- 
tution géologique  du  sol  et  du  sous-sol). 

2*^    Une  étendue  suffisante  de  terrain. 

3°     Une  matière  première  utilisable. 

40  Des  forces  motrices  :  vg.  la  force  musculaire  des  animaux,  vent 
et  cours  d'eau,  force  expansive  des  gaz,  électricité.  C'est  à  l'aide  des 
machines    que  l'homme  utilise  ces  forces  naturelles. 

§  IL  —  LE  TRAVAIL  (i) 

C'est  l'eiïort  de  nos  facultés  physiques,  intellectuelles  ou  morales 
pour  produire  quelque  chose  : 

A)  Classifications  par  rapport  :  1°  A  la  matière  :  il  est  extractif, 
agricole,  industriel,  commercial,  locomoteur. 

20    A  sa  nature,  on  a  le  travail  :  a)  d'invention  (ingénieur)  ;  b)  de 
direction  (entrepreneur)  ;  c)  d'exécution  (ouvrier). 
3°    Aux  facultés  :  a)  corporel  ;  b)  intellectuel. 

B)  Conditions  favorables  à  la  fécondité  du  travail  : 
1°    Liberté  (67,  §  III,  C,  4°). 

2°  Association  :  ici  comme  partout  l'union  est  un  multiplicateur 
d'énergies  (2). 


(•)  Manning,  The  rights  and  dignity  of  labour.  —  H.  BAUDRiLLAr.T,  La  liberté  du 
travail,  l'association  et  la  démocratie.  —  Ch.  Dunoyer,  La  Liberté  du  travail.  —  Cl.  Jannet, 
L'Organisation    du    travail.  * 

(  «)  H.  Blanc,  Les  corporations  de  métiers,  leur  histoire,  leur  esprit;  leur  avenir. — W.Cook, 
The  corporation  problem   —  E.-E.  Fribouro,  L'Association  internationale  des  travailleur». 

TRAITÉ    DE    PHILOSOPHIE.    —  T.    II.  12. 


354  PRODUCTION    DE    LA    RICHESSE  (126/ 

30  Division  :  c'est  le  fractionnement  des  tutelles  pour  une  même 
industrie.  La  division  du  travail  :  a)  développe  l'habileté  profession- 
nelle ;  b)  épargne  du  temps;  c)  diminue  l'apprentissage;  (^)  facilite 
l'emploi  des  machines  ;  e)  fortifie  la  solidarité  entre  les  ouvriers.  Mais 
elle  a  pour  inconvénients  de  réduire  le  travail  à  une  besogne  tellement 
simple  et  uniforme  que,  dispensé  de  toute  réflexion,  l'ouvrier  n'est  plus 
qu'un  rouage  dans  une  immense  machine  ;  donc  pas  d'initiative  ni  de 
progrès. 

§  ni.  —  LE  CAPITAL 

A)  Nature  :  on  entend  par  capital  tout  bien  économique,  réel, 
applicable  à  la  production.  Le  capital  ne  suppose  pas  nécessairement 
Yépargne  ;  vg.  une  chute  d'eau  naturelle  n'est-elle  pas  un  capital  ? 
Les  facteurs  du  capital  sont  les  forces  naturelles  et  le  travail.  L'épargne 
n'est  qu'une  condition  ;  ce  n'est  pas  elle  qui  constitue  le  capital,  mais 
celui-ci  suppose  souvent  à  son  origine  une  certaine  quantité  de  richesse 
soustraite  à  la  consommation  pour  servir  à  la  production- 

B)  Espèces  :  1°  Capital  fixe  :  celui  qui  reste  après  une  production 
pour  servir  à  d'autres  productions  :  vg.  outils,  constructions,  machines, 
ateliers,  routes,  canaux,  améhorations  de  la  terre,  etc. 

2°  Capital  circulant  :  celui  qui  est  absorbé  dans  l'œuvre  de  la  pro- 
duction ;  qui,  par  conséquent,  ne  sert  qu'une  fois  :  vg.  approvisionne- 
ments destinés  à  faire  vivre  le  personnel  producteur,  les  matières  pre- 
mières, la  monnaie. 

Conclusion  :  le  principal  agent  de  la  production  c'est  le  travail  ; 
la  nature  est  le  j acteur  originaire  de  la  production,  en  ce  sens  qu'elle 
fournit  au  travail  les  éléments  préexistants  à  transformer  ;  le  capital 
est  un  produit  du  travail  et  de  la  nature,  c'est  un  instrument  de  pro- 
duction ;  mais  c'est  du  travail  de  l'homme  qu'il  reçoit  sa  valeur  pro- 
ductive. Le  capital  est  Y  auxiliaire  indispensable  du  travail  :  pour  tra- 
vailler, l'homme  a  besoin  d'instruments  appropriés  ;  il  lui  faut  une 
matière  pour  exercer  son  travail  ;  il  doit  payer  son  entretien  avant  de 
réaliser  le  produit  de  son  travail.  L'homme  est  stimulé  à  capitaliser 
pour  subvenir  aux  besoins  de  l'avenir  ;  le  capital  a  donc  aussi  pour 
condition  la  prévoyance. 


—  H.  Glotin,  Étude  historique,  juridique,  économique  sur  les  Syndicats  professionnels.  — ■ 
P.  Hubert-Valleroux,  Les  Associations  coopératives  en  France  et  à  l'Étranger.  Les  Corpo- 
rations. —  G.  HowELL,  Le  passé  et  l'avenir  des  Trade-Unions.  —  Comte  de  Paris,  Les 
Associations  ouvrières  en  Angleterre.  —  E.  Reinaud,  Les  Syndicats  professionnels.  — 
CoiÊTE  DE  RocQuiGNY,  Les  syndicats  agricoles  et  le  socialisme  agraire.  —  A.  Boissard, 
Le  syndicat  mixte.  —  P.  de  Rousiers,  Les  industries  monopolisées  (Trusts)  aux  États- 
Unis.  Le  Trade-L'nionisme  en  Angleterre.  —  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale, 
Ch.   XIV. 


I 


^ 


<127)  CIRCULATION    DE    LA    RICHESSE  355 


127.  —  CIRCULATION  DE  LA  RICHESSE 

C'est  le  mouvement  général  des  richesses  passant  de  main  en  main. 
Elle  est  nécessaire  à  la  production  ;  pour  être  utilisées,  les  richesses 
doivent  être  transportées  partout  où  l'on  en  a  besoin.  Elle  se  fait  par 
Véchange,  la  monnaie  et  le  crédit. 

I.  —  Échange  :  c'est  le  don  d'un  objet  pour  un  autre  jugé  équi- 
valent. La  valeur  est  la  règle  de  l'échange  ;  mais  la  nature  de  la  valeur 
est  très  discutée.  La  définition  de  Bastiat  :  <>  Rapport  de  deux  services 
échangés  »  n'est  qu'une  tautologie.  La  valeur  est  l'estimabilité  de  l'utilité 
économique  d'un  bien  approprié.  Elle  dépend  plus  ou  moins  d'une  foule 
de  conditions  :  utilité,  travail,  temps,  nature  de  l'objet,  offre  et  demande. 
D'où  cette  loi  :  La  valeur  est  en  raison  directe  de  la  demande  et  en  raison 
inverse  de  V offre  {^). 

La  thèse  du  libre-échange  absolu  est  fausse  ;  celle  de  la  prohibition 
complète  est  insoutenable.  La  vérité  se  trouve  dans  un  sage  tempérament 
de  protection  et  de  liberté,  dont  la  dose  varie  avec  les  circonstances  de 
pays  et  de  temps  i^). 

IL  —  Monnaie  (^)  :  si  on  devait  échanger  les  objets  en  nature,  les 
transactions  seraient  très  entravées.  La  monnaie  facilite  l'échange  : 
c'est  une  matière  qui,  servant  d'équivalent  à  tous  les  produits,  est  un 
intermédiaire  universel  d'échange  et  la  commune  mesure  de  toute 
valeur.  Pour  remplir  ce  but,  il  faut  d'abord  qu'elle  ait  une  valeur  réelle, 
stable,  facile  à  constater  ;  il  faut  ensuite  qu'elle  soit  inaltérable,  aisé- 
riient  divisible  et  transportable.  L'or  et  l'argent  réunissent  ces  condi- 
tions. Pour  rendre  l'échange  encore  plus  facile,  on  a  imaginé  le  papier- 
monnaie  :  lettres  de  change  ou  traites,  billets  à  ordre,  billets  de  banque, 
chèques.  Ce  papier  n'est  qu'un  signe  représentatif  ;  il  n'a  par  lui-même 
aucune  valeur,  mais  il  représente  celle  de  la  monnaie  qu'en  définitive 
quelqu'un,  État  ou  particulier,  s'est  engagé  à  livrer  sur  sa  présentation. 
III.  —  Crédit  (^)  :  acte  de  confiance  par  lequel  les  détenteurs  de 
capitaux  en  font  l'avance,  sous  promesse  et  garantie  d'un  rembour- 
sement futur.  Il  comporte  l'échange  d'une  réalité  contre  une  promesse. 
Les  formes  primitives  furent  la  vente  à  terme  et  le  prêt  de  consommation. 


( ')  Voir  dans  Gide  {Principes  d'Économie  politique,  L.  II,  Ch.  i,  §  'i)  en  quel  sens  il 
faut  entendre  cette  loi.  —  Poinsard,  Libre  échange  et  protection. 

(  ')  Clément,   Histoire  du  Système  protecteur  en  France. 

( ')  W.  Stanley  Jevons,  La  inonnaie  et  le  mécanisme  de  l'échange. 

( ')  Ch.  Coqueun,  Du  crédit  el  des  banques.  —  A.  Del-Mar,  Les  systf'mes  monétaire.*. 
—  A.  Arnauné,  La  monnaie,  le  crédit  et  le  change.  —  L.  Durand,  Le  crédit  agricole. 


356  RÉPARTITION    ET    DISTRIBUTION    DE    LA    RICHESSE  (128) 

Les  principaux  papiers  de  crédit  sont  :  la  lettre  de  change,  le  billet 
à  ordre,  etc.  Le  crédit  n'est  pas  directement  productif,  parce  qu'il  ne 
crée  aucun  capital  ;  mains  indirectement^  parce  qu'il  facilite  et  multiplie 
V  usage  des  capitaux  existants.  Il  donne  lieu  à  des  opérations  véreuses 
ou  à  des  spéculations  hasardeuses,  quand  il  n'y  a  pas  capital  disponible 
chez  le  prêteur  et  travail  productif  chez  l'emprunteur  (^). 


128.   —   RÉPARTITION   ET   DISTRIBUTION   DE   LA   RICHESSE 

Chacun  a  droit  aux  richesses  à  répartir,  dans  la  mesure  où  il  a  contribué 
à  les  produire.  Le  propriétaire  a  pour  rémunération  :  la  rente  foncière  ; 
le  capitaliste,  Vintérét;  le  travailleur,  le  salaire;  l'entrepreneur  (celui 
qui  réunit  les  capitaux,  le  matériel,  les  ouvriers,  dirige  la  production 
et  écoule  les  produits)  :  le  profit,  c'est-à-dire  ce  qui  reste  après  le  paiement 
de  la  rente,  de  l'intérêt  et  du  salaire  {^). 


§  A.  —  LÉGITIMITÉ  DE.VINTÉRÊT  (») 

On  entend  par  choses  fongibles  celles  qui  se  consomment,  se  détrui- 
sent entièrement  par  l'usage  :  vg.  les  denrées.  Par  le  contrat  de  mutuum 
ou  prêt  de  consommation^  le  prêteur  cède  une  chose  fongible  :  vg.  un  kilo- 
gramme de  pain.  Cette  chose  devient  la  propriété  de  l'emprunteur  qui 
est  obligé  de  rendre,  au  bout  du  temps  convenu,  une  chose  équivalente 
du  même  genre.  Le  prêt  de  consommation  est  essentiellement  gratuit  ; 
en  effet  la  chose  prêtée  passe  avec  son  utilité  à  l'emprunteur  ;  mais, 
étant  fongible,  elle  n'a  pas  d'utilité  distincte  de  sa  propre  substance 
et  de  l'emploi  qui  la  consomme  ;  l'emprunteur  n'est  donc  tenu  qu'à  la 
rendre  in  eodem  génère.  Si  elle  avait  une  utilité  distincte  de  sa  substance 
et  de  l'usage  qu'on  en  fait  (vg.  on  me  prête  un  cheval  pour  une  course), 
alors  le  propriétaire  pourrait  exiger  une  compensation  de  l'utilité  dont 
il  se  prive,  car  cette  chose,  étant  un  bien  productif,  peut  être  l'objet  d'un 
contrat  de  louage. 


(  •)  Cl.  Jannet,  Le  capital,  la  spéculation  et  la  finance  au  XIX'  siècle.  —  Thaller 
Les  Bourses.  —  Deville,  Les  opérations  de  bourse  devant  la  conscience. 

(  ')   RiCAHDO,  Rentes,  salaires  et  profits. 

(  ')  P.  Baugas,  Le  prêt  à  intérêt.  —  Ch.  Périn,  La  richesse  dans  les  sociétés  chrétiennes, 
T.  II,  L.  V,  Ch.  V. — V.  Cathrein,  Moralphilosophie,Bund  II,  Buch  V,  K.  II. — J.  Rirkaby, 
Moral  Philosophy,  P.  III,  Ch.  v,  Scct.  V.  —  Cn.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale,  Ch.  xvii. 
Art.  5,  G.  —  EuG.  VON  Bœhm-Bawerk,  Histoire  critique  des  Théories  de  l'intérêt  du  capital. 
Trad.  fie  rallemand  par  J.  Bernard.  —  Lehmkuhl,  Theologia  Moralis,  T.  I,  n.  1301  sqq. 
FrIbourg-en-Brisgau,  1910". 


(128)  RÉPARTITION    ET    DISTRIBUTION    DE    LA    RICHESSE  357 

Appliquons  cela  à  l'argent.  La  morale  condamne  comme  usuraire 
le  prêt  de  l'argent  avec  intérêt,  quand  c'est  un  prêt  de  simple  consom- 
mation, c'est-à-dire  dans  les  cas  où  l'argent  est  une  chose  fongible,  n'a 
pas  d'utilité  distincte  de  l'emploi  qui  le  consomme.  Mais  elle  le  permet 
quand  l'argent  a  une  utilité  distincte  de  la  consommation.  Or  ce  caractère 
d'utilité  distincte  dépend  des  circonstances.' 

Avant  le  développement  de  l'industrie  et  du  commerce,  l'argent 
n'avait  pas  de  pouvoir  productif.  A  mesure  que  les  transactions  sont 
devenues  plus  actives,  l'argent  n'a  plus  été  une  simple  monnaie,  chose 
fongible  que  l'usage  détruit,  mais  il  a  joué  le  rôle  de  capital.  On  a  compris 
alors  que,  dans  bien  des  circonstances,  rendre  simplement  au  prêteur 
la  somme  empruntée,  ce  n'est  pas  lui  rendre  tout  ce  qu'on  lui  doit. 
On  a  cherché  quels  pouvaient  être  les  titres  du  prêt  à  intérêt,  c'est-à-dire 
les  raisons  extrinsèques  au  contrat  de  prêt  qui  pourraient  légitimer  la 
perception  d'une  certaine  somme  en  plus  du  capital  prêté.  Voici  les 
principaux. 

L'intérêt  sera  légitime  quand  il  sera  perçu  comme  une  compensation 
pour  : 

1°  La  privation  d'un  bénéfice  [lucrum  cessans)  que  le  prêteur 
aurait  pu  faire  par  un  usage  lucratif  de  son  argent. 

2°  Le  préjudice  {damnum  emergens)  causé  au  prêteur  par  l'absence 
de  cet  argent,  dont  il  peut  avoir  besoin  :  vg.  pour  entretenir  son  domaine. 

3°  Les  risques  {periculum  sortis)  que  l'emprunteur  fait  courir  au 
capital  prêté  en  l'exploitant. 

Ces  titres,  avant  le  progrès  de  la  spéculation  au  xix^  siècle,  n'étaient 
pas  toujours  réalisés.  Mais  dans  l'ordre  économique  actuel,  comme  il 
est  devenu  facile  à  tout  le  monde  de  donner  à  l'argent  un  emploi  fruc- 
tueux et  licite,  le  titre  lucrum  cessans  existe  toujours  et  suffit  à  légitimer 
l'intérêt.  La  raison  en  est  qu'actuellement  l'argent  a  une  productivité 
virtuelle  générale.  Sans  doute  l'argent  ne  produit  pas  par  lui-même, 
mais  médiatement  ;  c'est  un  instrument  aux  mains  de  l'homme  pour 
développer  la  richesse  ;  il  a  donc  un  pouvoir  virtuel  de  production.  Or 
celui  qui  prête  une  chose  virtuellement  productive,  a  droit  de  réclamer 
à  l'emprunteur  une  compensation  pour  le  bénéfice  moralement  certain 
dont  il  se  prive  pendant  ce  temps.  Les  décisions  de  l'Église  sur  ce  point 
ne  sont  donc  pas  contradictoires  ,  elle  a  condamné  et  condamne  toujours 
le  prêt  à  intérêt,  quand  il  n'est  qu'un  prêt  de  consommation,  parce 
qu'alors  il  y  a  usure,  perception  d'un  bénéfice  injuste  ;  mais  elle  l'a 
autorisé  et  l'autorise  quand  un  titre  le  rend  légitime,  pourvu  qu'il  soit 
modéré. 


358  RÉPARTITION    ET    DISTRIBUTION    DE    LA    RICHESSE  (128) 


§  B.  —  L£  JUSTE  SALAIRE  {^) 

Le  travail  de  l'ouvrier  diffère  d'une  marchandise,  de  même  que  le 
salaire  diiïère  du  prix,  car  le  travail  de  l'ouvrier  procède  de  la  liberté 
et  revêt  par  conséquent  un  caractère  de  mérite  :  il  a  droit  à  la  récompense 
ou  salaire.  C'est  pourquoi  il  est  beaucoup  plus  noble  que  la  marchandise 
et  le  prix  qui  s'obtiennent  par  le  seul  échange  (^).  Néanmoins,  pour  plus 
de  clarté,  on  Iç  considère  comme  une  sorte  de  marchandise,  car  il  en  a 
le  caractère  si  on  l'envisage  par  le  côté  qui  fait  que  la  marchandise  est 
l'objet  du  prix. 

A)  Détermination  du  salaire.  ■ —  Le  salaire  est  juste  quand  il 
réalise  l'égalité  entre  le  travail  fait  et  l'argent  reçu.  Gomment  déterminer 
cette  équivalence,  c'est-à-dire  quelle  somme  d'argent  doit  être  considérée 
comme  équivalente  à  une  journée  normale  de  travail  ?  Elle  dépend  de 
deux  facteurs  : 

1^  Besoins  de  l'ouvrier  :  le  salaire,  prix  de  son  travail,  est  en  effet 
destiné  à  pourvoir  aux  besoins  de  l'ouvrier,  afm  qu'il  puisse  conserver 
son  existence.  Il  doit  donc  être  en  rapport  avec  les  besoins  non  pas 
factices  que  crée  l'amour  du  luxe,  mais  réels  et  modérés  d'un  travailleur 
sobre  et  rangé.  Par  conséquent  le  contrat  de  louage  ne  dépend  pas  seu- 
lement de  la  volonté  des  contractants.  «  A  côté  de  l'échange  des  volontés, 
il  y  a  le  besoin  à  satisfaire  ;  et,  ce  besoin  étant  d'ordre  naturel,  le  droit 
naturel  exige  qu'il  y  soit  pourvu  par  un  salaire  proportionné  {^).  »  Si  un 
ouvrier  se  contente  d'un  salaire  moindre,  c'est  son  droit;  mais  s'il  est 
contraint,  par  la  nécessité  ou  la  crainte  d'un  plus  grand  mal,  d'accepter 
les  conditions  insuffisantes  d'un  patron  cupide,  le  contrat  de  salaire 
est  injuste,  car  l'ouvrier  a  subi  une  contrainte  morale  :  «  Au-dessus  de 
la  libre  volonté  du  patron  et  de  celle  de  l'ouvrier  il  est  une  loi  de  justice 


(M  P.-V.  Beauregard,  Essai  sur  la  théorie  du  salaire.  —  Ed.  Villey,  La  Question 
des  salaires.  —  E.  Chevallier,  Les  Salaires  au  XIX''  siècle.  —  V.  de  Marolles,  Le  Salaire, 
dans  l'AssociATiON  catholique,  Dec.  1892,  Févr.  1893.  —  M.  Bodeux,  Du  Salaire.  — 
Aldo  Contento,  La  Teoria  del  salaria  nel  concetto  dei  principali  economisti.  —  M.  Lambert, 
Essai  sur  la  protection  des  salaires.  —  M.  Bondue,  Essai  sur  le  contrat  de  travail.  —  J.-H.  von 
Thunen,  Le  salaire  naturel.  —  Ch.  Périn,  L'Économie  politique  d'après  l'Encyclique.  — 
A.  Verhaegen,  Le  minimum  de  salaire.  -  Ch.  Antoine,  Cours  d'Èconom.ie  sociale,  Ch.  xviii, 
XIX.  —  M.  D'HuLST,  Conférences  de  Notre-Dame,  1896,  n.  18,  p.  393-433.  —  M. -Alex. 
Mercier,  Théorie  du  juste  salaire,  Revue  Thomiste,  juillet  1 896.  —  Nicotra,  Le  minimum 
de  salaire.  —  É.  Stocquart,  Le  contrat  de  travail.  —  H.  F.\wcett,  Travail  et  salaires  (Traduit 
par  Raffalovich).  —  Boeumert,  La  participation  aux  bénéfices.  —  M.  Anciaux,  Heures 
de  travail  et  salaires.  —  C.  Betocchi,  Il  contralto  di  lavoro.  —  G.  Théry,  Exploiteurs  et 
salariés. 

C)  Cf.  Ch.  Antoine,  Cours...,  Ch.  xviii,  Art.  I. 

(')  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Notre-Dame,  1896,  p.  174. 


(128)  RÉPARTITION    ET    DISTRIBUTION    DE    LA    RICHESSE  359 

naturelle  plus  élevée  et  plus  ancienne,  à  savoir  que  le  salaire  doit  être 
suffisant  à  faire  subsister  l'ouvrier  sobre  et  honnête  (^).  » 

2»  Qualité  du  travail,  qui  varie  avec  les  personnes. 

Le  patron  est  donc  tenu,  d'après  la  justice  commutative,  à  payer  à 
l'ouvrier  un  salaire  minimal  suffisant,  c'est-à-dire  capable  de  le  faire 
vivre  et  en  rapport  avec  le  travail  exécuté,  pourvu  que  les  conditions 
du  régime  économique  soient  normales.  Ce  minimum  varie  avec  les 
temps,  lieux  et  industries. 

B)  Salaire  ïamilial  (2).  —  Le  salaire,  pour  être  juste,  doit-il  être 
familial  ?  Le  salaire  de  l'ouvrier  doit-il  être  proportionné  aux  besoins 
stricts  d'un  homme  marié  de  sa  condition  ?  A  cette  question  :  le  salaire 
doit-il  être  familial,  en  vertu  de  la  justice  commutative,  deux  réponses 
opposées  ont  été  données  : 

1°  Les  uns  disent  :  non.  Quand  on  a  observé  l'égalité  entre  le  salaire 
et  le  travail,  on  a  satisfait  aux  exigences  de  la  justice.  Or  le  travail  est 
l'œuvre  personnelle  de  l'ouvrier  et  non  de  sa  famille.  Donc,  comme  la 
famille  n'ajoute  rien  au  travail,  il  n'est  pas  requis  par  la  justice  que 
l'on  doive  ajouter  au  salaire  mérité  par  le  travail. 

2»  Les  autres,  plus  logiquement,  répondent  :  oui.  En  effet,  la  nature 
impose  au  père  de  famille  le  devoir  d'élever  ses  enfants,  ce  qui  implique 
le  droit  de  se  procurer  les  choses  nécessaires  à  cet  effet  ;  or  la  classe 
ouvrière  ne  peut  se  les  procurer  que  par  le  salaire  de  son  travail.  Donc 
le  salaire  doit  être  suffisant  à  l'honnête  subsistance  de  la  famille.  Le 
fondement  principal  de  l'étendue  du  salaire,  ce  sont  les  besoins  de 
l'ouvrier,  qui  a  le  devoir  de  conserver  son  existence  et,  par  conséquent, 
le  droit  d'exiger,  en  retour  de  son  travail,  l'équivalence  de  ses  besoins. 
Or  l'ouvrier,  comme  tout  homme  en  général,  est  destiné  à  fonder  une 
famille.  Donc  les  besoins  de  l'ouvrier  ne  doivent  pas  s'entendre  des 
besoins  de  l'ouvrier-individu,  mais  de  l'ouvrier-père  de  famille,  soit  en 
puissance,  soit  en  fait.  Le  patron  n'a  pas  à  s'informer  si  l'ouvrier  est 
marié  ou  non  ;  le  salaire  doit  suffire  pour  permettre  à  un  ouvrier  adulte 
de  fonder  et  d'entretenir  une  famille  normale.  «  Il  faut  donc  reconnaître 
que  le  travail  n'est  pas  payé  ce  qu'il  çTinY,  quand  il  est  inférieur  aux 
besoins  minimum  d'un  homme  à  Vétat  normal,  c'est-à-dire  d'un  homme 
marié  (^).  »  La  difficulté  c'est  de  déterminer  quelle  somme  d'argent 


(M  Encyclique  Rernm  novarum,  Lettres  apostoliques  de  Léon  XIII,  Edit.  de  la  Bonne- 
Presse,  T.  III,  p.  54-57. 

( ')  Cf.  Ch.  Antoine,  Cours...,  Ch.  xix,  Art.  5.  —  V.  F.\llon,  Principes  d'Économie 
sociale,  Part.  II,  Sect.  III,  Ch.  ii. 

{')  M.  d'Hulst,  Conférences  de  Noire-Dame,  1896,  p.  430.  —  Cf.  dans  Le  Mouvement 
social  (15  mai  1912,  p.  447-449)  une  note  du  P.  Vermeersch  sur  une  prétendue  décision  de 
Léon  XIII  contraire  au  Salaire  familial. 


360  COMSOMMATION    DE    LA    RICHESSE  (129) 

est  équivalente  à  ces  besoins.  Il  faut  recourir  à  V estimation  commune. 
Quand  le  salaire  établi  par  l'usage  ne  suffit  pas,  cela  prouve  que  l'état 
social  et  économique  est  anormal  et  a  besoin  de  réformes  ;  c'est  à  la 
charité  d'adoucir  les  souffrances  du  moment,  en  attendant  les  réformes 
nécessaires. 

«  En  théorie  pure,  le  législateur,  qui  est  le  gardien  de  la  justice  dans 
les  contrats,  pourrait  fixer  un  minimum  de  salaire  {}).  >>  Mais,  en  pratique., 
il  vaut  mieux  ordinairement,  à  cause  des  difficultés  qu'entraîne  l'inter- 
vention de  l'État,  s'en  remettre  à  l'arbitrage  de  syndicats  mixtes  qui 
pourraient  adapter  le  salaire,  en  connaissance  de  cause,  aux  circon- 
stances locales  qui  le  font  varier. 

Les  Grèves  (^)  sont  destinées  à  combattre  l'avilissement  des  salaires  ; 
elles  sont  légitimes,  quand  les  réclamations  sont  justes  et  que  les  moyens 
de  conciliation  sont  épuisés.  En  outre,  les  grévistes  ne  doivent  pas 
recourir  à  la  violence  contre  les  patrons  ou  contre  les  ouvriers  qui  veulent 
continuer  le  travail   (^). 


129.  —  CONSOMMATION  DE  LA  RICHESSE 

La  richesse  est  un  moyen  ;  elle  est  faite  pour  servir  au  bien-être  de 
l'homme.  On  distingue  les  consommations  : 

10  Productires,  qui  ne  détruisent  un  produit  que  pour  en  créer  un 
autre. 


( ')  Cl.  Jannet,  Le  Socialisme  d'État  et  la  Reforme  sociale,  Cli.  i,  §  XI,  p.  'lO.  Paris, 
1890'. 

(  ')  E.  d'Eichtal,  Coalitions  des  patrons  et  des  ouvriers.  —  A.  Gibon,  La  liberté  du  travail 
et  les  grèves.  —  Ch.  Renault,  Histoire  des  grèves.  —  J.  Cauwês,  Cours  d'Économie  politiciue, 
T.  m,  n.  847  et  sq.  —  Ch  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale,  Ch.  xv,  Art.  6.  —  Ém.  Olli- 
viER,  La  loi  des  coalitions  (1864),  Revue  des  Deux  Mondes,  1901,  T.  IV,  p.  5  sqq.  — 
A.  Crouzel,  Étude  sur  les  coalitions  et  les  grèves.  ■ —  A.  Béch\ux,  Les  revendications  ouvrières 
en  France.  —  Lehmkuhl,  Le  contrat  entre  patrons  et  ouvriers  et  les  grives.  —  L.  de  Seilhac, 
Les   Grèves. 

(')  La  guerre  aura,  partout  en  Europe,  détruit  la  grande  propriété.  En  1914,  celle-ci 
n'existait  plus  guère  que  dans  quatre  pays  :  Roumanie,  Russie,  Hongrie,  Angleterre. 
En  Roumanie,  dés  la  fin  des  liostilités,  les  terres  furent  partagées  et  la  limite  de  propriété 
fixée  à  un  certain  nombre  d'hectares  ;  en  Hongrie  et  en  Russie,  les  terres  ont  été  de  même 
partagées  ;  restait  l'Angleterre  qui,  depuis  des  siècles,  conservait  la  même  forme  de  pro- 
priété. 

Mais  un  à  un  les  grands  domaines,  témoin  les  annonces  des  journaux  anglais,  vont 
s'ellritant  aux  ventes  successives,  qui  partagent  les  plus  grandes  étendues  ;  et  c'est  la 
conséquence  des  charges  fiscales  qui  frappent  trop  durement  les  grosses  propriétés. 

Pratiquement,  un  tel  événement  a  son  hon  côté  :  en  multipliant  la  petite  propriété, 
l'Angleterre  s'assure  une  stabilité  politique  qui  n'est  pas  à  dédaigner  dans  les  circonstances 
présentes,  et  que  son  régime  quasi  féodal  d'hier  était  de  nature  à  compromettre  éventuel- 
lement. La  multiplication  de  la  petite  propriété  est  une  barrière  contre  le  Socialisme. 


(129)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :     ÉCONOMIE    POLITIQUE         361 

2°  Improductives,  qui  satisfont  simplement  un  besoin. 

Luxe:  c'est  l'usage  des  choses  coûteuses  ou  qui  dépassent  la  moyenne 
de  ce  qu'une  personne  simplement  aisée  peut  s'accorder.  Sa  nature 
change  avec  les  pays,  temps  et  personnes.  Le  luxe  auquel  ne  suffit 
pas  le  revenu  est  condamnable.  Celui  que  le  revenu  peut  couvrir  est 
condamnable  aussi  quand  il  se  manifeste  en  dépenses  qui  ne  flattent 
que  la  vanité  ou  la  sensuahté.  Mais  s'il  se  manifeste  en  dépenses 
conformes  au  rang,  et  si  l'on  prélève  sur  le  revenu  la  part  de  la 
charité,  il  a  son  utilité  sociale. 

Dépenses  de  l'État  :  il  lui  faut  des  ressources  pour  faire  face  aux 
besoins  sociaux  ;  il  les  obtient  ordinairement  par  les  impôts  et  extraordi- 
nairement  par  les  emprunts.  Les  emprunts  d'État  constituent  la  dette 
publique  qui  est  :  a)  consolidée,  quand  elle  est  inscrite  sur  le  Grand-Livre  ; 
—  b)  flottante,  quand  l'emprunt  doit  être  remboursé  à  courte  échéance. 

U amortissement  de  la  dette,  c'est  le  remboursement  du  capital 
emprunté  ;  —  la  conversion  de  la  rente,  c'est  l'ofîre  faite  au  créancier 
de  reprendre  son  capital  ou  d'accepter  une  réduction  d'intérêt  ;  —  le 
budget,  c'est  le  tableau  comparatif  des  recettes  et  des  dépenses  de  l'État 
pendant  une  période  déterminée. 


BIBLIOGRAPHIE 

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A.  Wagner,  Les  fondements  de  V Économie  politique  (Trad.  Polack). 

G.  Schmoller,  Politique  sociale  et  Economie  politique.  Principes 
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actuelles. 

P.  Leroy-Beaulieu,  Traité  de  la  science  des  finances.  Traité  théorique 
et  pratique  d' Economie  politique. 

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G.  CoLSON,  Cours  d' Économie  politique. 

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G.  DE  Grée  F,  La  Sociologie  économique. 

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sociétés  humaines.  La  justice  et  Vexpansion  de  la  vie. 

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La  lutte  pour  Vexistence  et  l'évolution  des  sociétés. 


362  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    ÉCÔNÔMÎË    PÔLÎÏIQtJË  (l^^) 

D,  Berardi,  Sul  carattere  e  sul  metodo  délia  Econottlia  poUtica. 
L.  CossA,  Introduzione  allô  studio  delV  Economia  politicd. 
Alex,  de  Metz-Noblat,  Les  Lois  économiques. 

J.  Rambaud,  Histoire  des  doctrines  économiques.  Eléments  d' Economie 
sociale. 

A.  EspiNAS,  Histoire  des  doctrines  économiques. 

Cl.  Jannet,  Les  grandes  époques  de  Vhistoire  économique  jusqu'à  la 
fin  du  XV I^  siècle. 

V.  Brants,  La  circulation  des  hommes  et  des  choses.  —  La  lutte 
pour  le  pain  quotidien.  —  Lois  et  Méthodes  de  V Économie  politique. 

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C.  SupiNO,  //  metodo  induttivo  neW  economia  politica. 

C.  DE  Fromo>t  du  Bouaille,  Conciliation  et  Arbitrage. 

V.  Pareto,  Traité  de  Sociologie  générale. 

M.-B,  ScHWALM,  Leçons  de  Philosophie  sociale. 

G.  Legrand,  Précis  d'' Economie  sociale. 

E.  Chénon,  Le  rôle  social  de  V Église. 

H.   Pesch,  Lehrbuch  der  Nationalôkonomie. 

N.-G.  Pierson,   Traité  d^ Économie  politique. 

A.  Vermeersch,  Manuel  social.  Quaestiones  de  Justifia,  ad  usum 
hodiernum. 

Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie  sociale. 

V.   Fallon,   Principes  d'' Économie  sociale. 

Gh.  Gide  et  Ch.  Rist,  Histoire  des  Doctrines ■>  économiques  depuis 
les  Physiocrates  jusqu'à  nos  jours,  4^  Édition. 

Z.  C.  DicKiNSON,  Economie  Motives.  A  Study  in  the  psychological 
foundations  of  Economie  Theory. 

Ch.  et  Ch.-H.  Turgeon,  La  valeur  d'après  les  Économistes  français 
et  anglais,  depuis  Adam  Smith    et  les   Physiocrates   jusqu'à  nos  jours. 

G.  Valois,  L'Économie  nouvelle.  —  Cf.  P.  Daulny,  Économie 
véritable  et  Économie  nouvelle,  Aux  Bureaux  delà  Foi  Catholique,  Tours. 

R.  Gonnard,  Histoire  des  Doctrines  économiç^ues  :  T.  I.  De  Platon 
à  Quesnay.  \\.  De  Quesnay  à  Stuart  Mill.  III.  Ecoles  socialistes.  Écoles 
réalistes.  Déclin  de  l'École  libérale.   • 

AuG.  Valensin,  Le  Juste  Prix,  dans  Chronique  sociale  de 
FRjfeNGE,  1922,  p.  785-796.  —  1923,  p.  6-12. 

Ern.  Seillière,  Vers  le  Socialisme  rationnel.  Aperçu  d'une  Philoso- 
phie de  l'Histoire  moderne,  Paris,  1923. 


CHAPITRE  II 

RAPPORTS   DE  LA   MORALE 
ET  DE  L'ÉCONOMIE  POLITIQUE   (') 


Ces  rapports,  généraux  ou  particuliers,  sont  l'objet  de  la  Morale 
économique,  qu'on  peut  définir  :  La  science  de  la  richesse  dans  ses  rapports 
avec  la  moralité. 

130.  —  RAPPORTS  GÉNÉRAUX 

La  Morale  considère  l'homme  dans  sa  destinée  et  les  moyens  de 
l'accomplir  ;  l'Économie  politique  l'envisage  dans  ses  besoins  et  les 
moyens  de  les  satisfaire.  La  Morale  a  donc  pour  objet  le  bien  ;  l'Économie 
politique,  Vutile,  ce  qui  directement  ou  par  l'échange  satisfait  les  besoins 
de  l'homme.  C'est  la  loi  morale  qui  doit  régler  notre  activité  et  la  satis- 
faction de  nos  désirs.  Les  lois  établies  par  l'Économie  politique  sont  à 
la  fois  économiques  et  morales  ;  cette  science  montre  en  effet  que  les 
idées  de  droit,  de  devoir,  de  justice,  de  modération  dans  les  désirs,  etc., 
nécessaires  à  la  vie  morale  des  individus  et  des  sociétés,  le  sont  en  même 
temps  à  leur  prospérité  matérielle.  L'intérêt  bien  entendu  s'accorde 
avec  le  devoir  (31). 

131.  —  RAPPORTS  PARTICULIERS 

L  —  Production  :  1°  Propriété  :  a)  la  Morale  en  prouve  la  légitimité 
en  montrant  son  fondement  dans  les  droits  naturels  de  la  personne  ; 
^-  b)  l'Économie  établit  que  la  propriété  privée  est  plus  productive.- 


(M  E.  Charles,  Eléments  de  philosophie,  Ch.  lu.  —  H.  Dameth,  Le  jusle  et  l'utile. 
—  A.  Rondelet,  Le  spiritualisme  en  économie  politique.  —  Ch.  Périn,  La  richesse  dans 
Les  sociétés  chrétiennes.  —  E.  Blanc,  Y  a-t-il  une  Écoiiomie  politique  chrétienne  ?  —  G.  de 
MOLiNARi,  La  Morale  économique.  — 'H.  Baudrillart,  Des  rapports  de  la  Morale  et  de 
l'Économie  politique.  —  J.  Forbes,  La  Philosophie  et  la  Science  économique,  dans  les  Études, 
mars  1897.  —  A.  Naville,  Économique  et  Morale,  Revue  philos.,  janvier  1897.  —  J.  Félix, 
L'Économie  sociale  devant  le  Christianisme.  —  G.  de  Molinari,  Les  problèmes  du  XX"  siècle, 
Ch   II,  m.  —  M.  MiNGHETTi,  Des  rapports  de  l'Économie  politique  avec  la  Morale  et  le  Droit. 


£64  MORALE    ET    ÉCONOMIE    POLITIQUE  (131) 

2°  Travail  :  a)  la  Morale  le  prescrit  comme  un  devoir  personnel  et 
social,  comme  un  élément  de  moralisation.  Elle  revendique  la  liberté 
du  travail  au  nom  du  droit  naturel  (67,  §  III,  C,  4°)  ;  —  b)  l'Économie 
le  préconise  comme  le  principal  agent  de  la  production.  «  La  terre  vaut 
ce  que  vaut  l'homme.   » 

3°  Capital  :  a)  il  a  pour  conditions  la  prévoyance,  le  sacrifice,  le 
travail  ;  aussi  la  Morale  demande  qu'on  le  respecte  au  nom  de  la  justice  ; 
—  b)  l'Économie  le  défend  au  nom  de  l'utilité  sociale,  parce  qu'il  est 
un  instrument  de  production.  L'une  et  l'autre  réclament  l'union  et  la 
solidarité  du  patron  et  de  l'ouvrier,  du  capitaliste  et  du  salarié,  comme 
condition  de  paix  et  de  prospérité  sociales. 

II.  —  Circulation  et  Répartition  :  la  Morale  et  l'Économie 
s'unissent  pour  demander  que  la  richesse,  produite  par  la  coopération 
du  travail,  de  la  nature  et  du  capital,  circule  et  soit  distribuée  confor- 
mément à  la  justice. 

L'échange  suppose  la  bonne  foi  ;  le  crédit  suppose  la  confiance 
mutuelle,  qui  n'a  parfois  d'autre  garantie  que  l'honnêteté  de  l'emprun- 
teur. Or  la  bonne  foi  et  l'honnêteté  sont  des  vertus  morales. 

La  Morale  et  l'Économie  condamnent  l'usure  et  l'agiotage,  comme 
contraires  à  la  justice  et-  à  la  sécurité  des  opérations  commerciales. 

III.  —  Consommation  :  a)  l'Économie  proscrit  les  excès  du  luxe 
qui,  accroissant  le  superflu  de  quelques-uns,  n'augmentent  pas  le  bien- 
être  général,  mais  gaspillent  le  capital,  qui  serait  mieux  employé  à 
favoriser  la  production  des  choses  nécessaires  ou  utiles  et  à  rémunérer 
le  travailleur  ;  —  b)  la  Morale  les  flétrit,  parce  qu'ils  ont  pour  causes 
la  sensualité  et  l'orgueil,  pour  conséquences  la  dissipation  et  le  dérè- 
glement. 

Conclusion.  —  «  Avec  la  Morale,  dit  Leroy-Beaulieu,  l'Économie 
politique  s'entend  sur  tous  les  points.  Bien  loin  de  contredire  la  Morale 
ou  de  la  considérer  comme  indifférente,  l'Économie  politique  proclame 
qu'une  société,  animée  de  sentiments  d'une  haute  moralité,  présenterait 
des  avantages  économiques  considérables  :  elle  produirait  plus  et  mieux, 
avec  une  régularité  plus  soutenue  ;  elle  se  laisserait  moins  entraîner 
aux  mouvements  d'une  spéculation  désordonnée  ;  elle  apporterait,  dans 
la  répartition  des  richesses  et  la  fixation  des  droits  de  chacun,  un  précieux 
sentiment  de  modération  et  d'équité  ;  elle  mettrait  dans  ses  consomma- 
tions plus  de  discernement  ;  elle  compterait  moins  de  prodigues  et  plus 
d'hommes  économes  ;  elle  développerait,  en  même  temps  que  la  loyauté 
dans  les  relations  d'intérêt,  l'habitude  de  l'association  (^).  «    Le  Play 


( ')  p.    LEnoY-BEAUHEU,    Précis   d' l'économie   politiqnc,    Introduction,    p.    5-6,    Paris, 
{889^ 


(132)  LA   QUESTIOiN    SOCIALE  365 

arrive  à  la  même  conclusion  :  <  L'étude  méthodique  des  sociétés  euro- 
péennes m'a  appris  que  les  conditions  essentielles  de  la  prospérité  y  sont 
partout  en  rapport  exact  avec  l'énergie  et  la  pureté  des  mœurs.  » 


132.  —  LA  QUESTION  SOCIALE 

Au  sens  large,  la  question  sociale  s'entend  de  toute  question  qui  se 
rapporte  aux  éléments  essentiels  de  la  société,  abstraction  faite  de 
l'organisation  politique  :  vg.  l'autorité,  la  famille,  l'éducation,  les 
finances,  etc.  Au  sens  restreint,  oîi  ce  mot  est  pris  actuellement,  la 
question  sociale  a  pour  objet  les  maux  dont  souiïre  la  société  dans  l'ordre 
économique,  et  les  moyens  propres  à  y  remédier.  C'est  un  fait  général 
et  qui  prend  de  plus  en  plus  des  proportions  inquiétantes  :  une  guerre 
ouverte  se  poursuit  entre  le  capital  et  le  travail,  les  patrons  et  les  ouvriers, 
les  riches  et  les  prolétaires.  Cet  antagonisme  antisocial  date  de  loin 
et  n'a  fait  que  s'accentuer  avec  le  temps.  Il  faut  tout  d'abord  en  démêler 
les  causes  diverses. 


§  I.  —  CAUSES  DE  LA  CRISE  SOCIALE 

A)  Causes  économiques  (^).  —  Voici  les  principales  : 
1°  Antagonisme  du  capital  et  du  travail. —  L'introduction  des  ma- 
chines, qui  ont  une  importance  de  plus  en  plus  considérable  dans  la 
production  et  la  division  de  la  richesse,  a  donné  au  capital  une  influence 
prépondérante.  Les  petites  industries  ont  été  ruinées  ou  absorbées  par 
les  grandes.  Cette  oppression  de  la  petite  industrie  et  la  concentration 
croissante  du  capital  en  un  petit  nombre  de  mains  ont  eu  pour  consé- 
quences d'accentuer  le  contraste  des  classes,  d'aggraver  la  dépendance 
des  ouvriers,  de  multiplier  les  conflits  entre  employeurs  et  employés. 
Les  rapports  personnels  entre  le  patron  et  l'ouvrier  ont  changé  de 
caractère  :  autrefois,  c'était,  d'un  côté,  la  conscience  du  devoir  et  de  la 
responsabilité  ;  de  l'autre,  le  sentiment  de  la  soumission  et  de  la  fidélité. 
L'esprit  de  solidarité  inspirait  l'entreprise  commune.  Aujourd'hui,  ce 
qui  domine,  c'est  la  solidarité  de  la  classe,  faite  de  défiance  et  d'envie. 
2^  Inconvénients  du  régime  des  machines  et  des  usines.  —  «  Le  séjour 
prolongé  dans  une  atmosphère  chargée  de   poussières   et  de  l'odeur 


(M  Cf.  Ch.  Antoine,   Cours  d'Économie  sociale,  Ch.  vu,   Art.  II,  p.   185-191,  Paris, 
1921  •. 


366  LA    QUESTION    SOCIALE    :    CAUSES    DE    LA    CRISE  (132) 

nauséabonde  de  l'huile  et  de  la  graisse  ;  la  chaleur  intense  en  été  comme 
en  hiver  (par  suite  de  l'éclairage  au  gaz)  ;  le  bruit  des  machines  ;  la  durée 
du  travail  souvent  exagérée,  tout  cela  rend  insupportable  le  séjour  à 
l'usine,  favorise  l'alcoolisme,  l'immoralité  et  .la  débauche  (^).    » 

Comme  le  maniement  des  machines  requiert,  d'ordinaire,  plus  d'agi- 
lité que  de  force  musculaire,  les  femmes,  les  jeunes  filles  et  les  enfants 
ont  été,  dans  beaucoup  de  cas,  substitués  aux  hommes.  Cette  substi- 
tution s'est  faite  au  bénéfice  des  entrepreneurs,  car  le  travail  féminin 
est  moins  cher,  mais  aussi  au  grave  détriment  de  la  famille,  car  les 
femmes  mariées  sont  arrachées  au  foyer  domestique,  les  jeunes  filles 
se  trouvent  exposées  à  de  grands  périls,  et  les  enfants  prématurément 
émancipés  se  soustraient  à  l'autorité  des  parents. 

3°  Superproduction.  - —  Avant  le  développement  extraordinaire  des 
usines,  le  fabricant  travaillait  pour  une  clientèle  restreinte  et,  ordinai- 
rement, sur  commande.  Aujourd'hui,  travaillant  pour  le  marché  national 
ou  même  mondial,  il  lui  est  impossible  de  prévoir  exactement  les  besoins 
d'une  clientèle  aussi  étendue.  Dans  cette  incertitude,  il  est  porté  à  fabri- 
quer plus  qu'il  ne  pourra  vendre.  De  là  surproduction  ;  de  là  les  crises 
industrielles  et  commerciales  qu'elle  entraîne.  «  Il  est  rare  que  ces  crises 
réduisent  un  grand  nombre  d'employeurs  à  l'indigence  ;  le  plus  souvent, 
elles  ne  produisent  d'autre  résultat  que  de  les  forcer  à  restreindre  leur 
genre  de  vie  ou  à  faire  appel  au  crédit  {^).  )>  Pour  les  ouvriers  les  consé- 
quences en  sont  généralement  beaucoup  plus  graves  :  c'est  le  chômage 
forcé,  tout  au  moins  l'abaissement  des  salaires  ou  la  diminution  des 
heures  de  travail,  c'est-à-dire  la  souffrance  et  parfois  la  misère.  Pour 
les  patrons  ce  n'est  pas  le  nécessaire  qui  leur  fait  défaut,  mais  le  conve- 
nable ou  le  superflu. 

4°  Insécurité  de  la  classe  ouvrière.  —  La  situation  de  l'ouvrier  est 
précaire.  Trop  souvent  le  salaire  est  insuffisant  à  l'entretien  d'une  famille, 
de  sorte  que  l'ouvrier,  même  sobre  et  honnête,  ne  peut  s'assurer  par 
l'épargne  des  ressources  en  cas  d'invalidité  ou  pour  le  temps  de  la 
vieillesse. 

B)  Causes   d'ordre  philosophique,   moral,  religieux    : 

l''  Les  principes  faux  de  la  liberté  illimitée  pour  l'individu  et  de 
l'égalité  absolue  de  tous,  appliqués  à  l'ordre  économique,  ont  été,  là 
comme  ailleurs,  malfaisants.  Leur  fausseté  philosophique,  au  point  de 
vue  théorique,  a  déjà  été  plusieurs  fois  signalée  (67,  §  III,  C)  ;  les  faits 
(antagonisme  des  classes,  révolutions,  grèves  violentes,  etc.)  ont  prouvé 
leur  malfaisance  pratique.  Le  monde  du  travail  a  été  livré  à  une  concur- 


C)  Ch.   Antoine,   Cours...,    Ibidem,   p.   188-189. 
(')  Ch.  Antoine,   Cours...,   Ibidem,  p.   190. 


(132)  LA  QUESTION    SOCIALE    :    CAUSES    DE    LA   CRISE  367 

rence  sans  frein  et  à  une  lutte  sans  merci  pour  l'existence  et  le  bien-être, 
où  les  plus  forts  oppriment  les  plus  faibles. 

2»  L'oubli  des  devoirs  envers  Dieu,  l'absence  de  toute  pratique 
religieuse,  l'obscurcissement  des  notions  de  justice  et  de  charité,  fournies 
par  la  raison  naturelle,  ont  amené  la  perte  ou  l'engourdissement  du  sens 
moral  en  beaucoup  d'esprits.  Privés  de  ce  lest  nécessaire  à  la  bonne  tra- 
versée de  la  vie,  nombre  d'employeurs  et  d'employés  mettent  leur  fin 
dernière  en  ce  monde  et  recherchent  en  conséquence,  avec  une  insa- 
tiable avidité  et  une  âpreté  inexorable,  par  tous  les  moyens  possibles, 
;sans  s'inquiéter  des  règles  de  la  Morale,  les  biens  et  les  jouissances  ter- 
restres. Rien  de  plus  logique,  rien  de  plus  urgent,  si,  comme  le  soutient 
le  naturalisme,  le  paradis  est  sur  la  terre  et  si  tout  finit  avec  la  vie  pré- 
sente. Aussi  les  employeurs  sans  scrupule  exploitent  leurs  employés 
et,  traités  comme  des  instruments  de  rapport,  les  employés  pris  de 
haine  et  d'envie  ne  visent  qu'aux  moyens,  même  violents,  de  supprimer 
la  classe  des  riches.  Cette  conspiration  de  la  masse  ouvrière  a  été  singu- 
lièrement favorisée  par  l'agglomération  des  travailleurs  dans  les  grandes 
villes. 

Tout  est  résumé  dans  ce  tableau  saisissant  de  la  crise  sociale,  tracé 
par  Léon  XIII  :  «  Les  progrès  incessants  de  l'industrie,  les  routes  nou- 
velles que  les  arts  se  sont  ouvertes,  l'altération  des  rapports  entre  les 
ouvriers  et  les  patrons,  l'affluence  des  richesses  dans  les  mains  d'un  petit 
nombre,  à  côté  de  l'indigence  de  la  multitude,  enfin,  l'opinion  plus  grande 
que  les  ouvriers  ont  conçue  d'eux-mêmes  et  leur  union  plus  compacte, 
tout  cela,  sans  parler  de  la  corruption  des  mœurs,  a  eu  pour  résultat 
final  un  redoutable  conflit...  Nous  sommes  persuadé,  et  tout  le  monde 
•en  convient,  qu'il  faut,  par  des  mesures  promptes  et  efficaces,  venir  en 
.aide  aux  hommes  des  classes  inférieures,  attendu  qu'ils  sont  pour  la 
pJupart  dans  une  situation  d'infortune  et  de  misère  imméritée.  Le  dernier 
-siècle  a  détruit,  sans  leur  rien  substituer,  les  corporations  anciennes  qui 
•étaient  pour  eux  une  protection  ;  tout  principe  et  tout  sentiment  reli- 
gieux ont  disparu  des  lois  et  des  institutions  publiques,  et  ainsi,  peu 
à  peu,  les  travailleurs,  isolés  et  sans  défense,  se  sont  vus,  avec  le  temps, 
livrés  à  la  merci  de  maîtres  inhumains  et  à  la  cupidité  d'une  concurrence 
•effrénée.  Une  usure  dévorante  est  venue  encore  accroître  le  mal...  A  tout 
cela  il  faut  ajouter  le  monopole  du  travail  et  des  effets  de  commerce 
•devenus  le  partage  d'un  petit  nombre  de  riches  et  d'opulents,  qui  impo- 
sent ainsi  un  joug  presque  servile  à  l'infinie  multitude  des  prolé- 
taires (M.  » 


(')  LÉON  XIII,  Encyclique  Rerum  iiovarum,  16  mai  1891.  —  Cf.  Lettres  Apostoliquei 
<de  Léon  XI H,  Edit.  de  la  Bonne-Presse,  T.  III,  p.  18-21. 


368  LA    QUESTION    SOCIALE    :    SA    NATURE  fl32) 

§  II.  —  NATURE  DE  LA  QUESTION  SOCIALE 

De  tout  ce  qui  précède,  il  résulte  clairement  que  la  question  sociale 
est  une  question  tout  ensemble  économique  et  morale.  Son  objet  direct 
et  immédiat  se  rapporte  à  l'économie  sociale,  car  le  problème  à  résoudre 
est  celui-ci  :  Comment  obtenir  une  meilleure  répartition  de  la  richesse 
et  établir  une  paix  durable  entre  les  capitalistes  et  les  travailleurs  ? 
Mais  elle  est  en  même  temps  et,  avant  tout,  une  question  morale  et 
religieuse.  Les  remèdes  d'ordre  économique,  en  effet,  qu'on  a  appliqués 
ou  qu'on  appliquera,  ont  été  et  resteront  d'une  efficacité  très  limitée, 
tant  que  la  florale  et  la  Religion  n'auront  pas  changé  les  âmes,  car  les 
causes  principales  des  maux  dont  souffre  et  se  meurt  la  société,  sont 
intérieures,  d'ordre  psychologique. 

Cette  vérité  est  si  manifeste  qu'elle  s'est  imposée  à  des  penseurs 
appartenant  à  des  milieux  bien  différents.  Brunetière,  après  avoir  cité 
Auguste  Comte,  mentionne,  à  notre  époque,  un  professeur  allemand,  de 
l'Université  de  Strasbourg,  Théodore  Ziegler,  un  publiciste  anglais. 
Benjamin  Kidd,  un  pasteur  américain,  George  Herron  {^).  Il  pense 
comme  eux  :  «  Scientifique,  politique,  économique  donc,  si  l'on  veut, 
mais  secondairement,  accessoirement,  ou  de  surcroît,  la  «  question 
sociale  »  est  principalement  et  d'abord  une  «  question  morale  ».  Voilà 
ce  que  Comte  a  parfaitement  vu.  Voilà  ce  qu'il  a  voulu  dire  quand  il  a 
dit  que  «  nul  ae  possédait  d'autre  droit  que  celui  de  faire  toujours  son 
devoir  »  {^).  Brunetière  ajoute  :  «  Les  questions  sociales  »  étant  des 
«  questions  morales  »,  et  les  «  questions  morales  »  des  «  questions  reli- 
gieuses »,  les  «  questions  sociales  »  sont  donc,  en  dernière  analyse,  des 
«  questions  religieuses  »  (^). 

§  III.  —  SOLUTIONS  DIVERSES 

Les  Écoles  :  libérale,  socialiste,  catholique,  ont  proposé  diverses  solu- 
tions de  la  question  sociale.  L'École  socialiste,  estimant  que  l'orga- 
nisation de  la  société  actuelle  est  foncièrement  mauvaise  et  qu'il  faut 
la  changer  radicalement,  a  arboré  le  programme  suivant  :  la  propriété 
collective  et  nationale  des  instruments  de  travail  doit  être  substituée 
à  la  propriété  privée,  et  l'administration  des  forces  économiques  doit 
être  confiée  à  l'État  représentant  la  nation.  Nous  avons  déjà  exposé 
et  critiqué  ce  programme  (72)  (*).  Reste  donc  à  ex-aminer  les  solutions 
de  l'École  libérale  et  de  l'École  catholique. 


(  ■)  (  •)  (')  F.  Brunetière,  Sur  les  Chemins  de  la  Croyance.  L'Utilisation  du  Positi- 
visme, P.  III,  p.  244-245  :   §  I,  p.  264  ;   §  III,  p.  30'.-305,  Paris,  1905'. 
(*)  Cf.  Ch,  Antoine,  Cours...,  Ibidem,  Ch.  ix,  p.  220-258. 


\ 

(132)       LA    QUESTION    SOCIALE    :    SOLUTION    DE    l'ÉCOLE    LIBÉRALE         369' 

A)  Solution  de  l'École  libérale  (^)  ; 

10  Thèses  fondamentales.  —  A  rencontre  des  Socialistes,  FÉcole 
libérale  prétend  que  l'organisation  actuelle  est  bonne,  parce  qu'elle 
repose  sur  le  principe  de  la  libre  concurrence,  source  féconde  de  pros- 
périté et  sur  le  respect  des  lois  naturelles  qui  produisent  nécessairement 
l'harmonie  sociale. 

A  en  croire  l'École  libérale,  les  lois  économiques,  telles  que  la  loi  de 
l'offre  et  de  la  demande  ou  de  la  libre  concurrence,  sont  aussi  naturelles 
et  nécessaires  que  les  lois  qui  régissent  le  monde  physique  ou  biologique, 
et  par  elles-mêmes  elles  sont  bienfaisantes.  11  faut  donc  bien  se  garder 
d'y  toucher.  Écoutons  quelques-uns  des  chefs  :  «  L'ordre  et  l'harmonie 
régnent  dans  le  monde  du  travail  en  vertu  des  lois  et  des 
tendances  naturelles...  ('^).  »  «  Notre  évangile  se  résume  en  ces 
quatre  mots  :  Laisser  faire,  laisser  passer  {^).  »  D'autres  libéraux,  moins 
intransigeants,  vg.  Paul  Leroy-Beaulieu,  admettent  une  intervention  dis- 
crète de  l'État  en  certains  cas  :  vg.  pour  protéger  le  travail  des  femmes 
et  des  enfants.  Mais  ils  regardent  toujours  la  liberté  comme  une  sorte 
de  panacée  :  le  même  écrivain  affirme  en  effet  que  «  la  liberté  et 
le  temps  suffisent  pour  résoudre  toutes  les  difficultés  sociales  qui  sont 
humainement  résolubles  »  (*). 

Pendant  trop  longtemps  le  libéralisme  économique  a  régné  sans 
conteste  à  l'Institut,  au  Collège  de  France,  dans  les  Écoles  officielles^ 
de  Droit.  Aujourd'hui,  il  est  vivement  combattu  par  une  «  École  sage- 
ment éclectique,  qui  se  prononce  pour  une  action  plus  étendue  de  l'État 
dans  l'ordre  économique  »  (^).  La  lourde  part  de  responsabilité  qui  lui 
revient  dans  la  crise  sociale  arrivée  à  l'état  aigu,  a  détaché  de  lui  les 
économistes  de  l'École  libérale  qui  repoussent  son  intransigeance. 

2o  Critique.  —  a)  Le  libéralisme  économique  a  eu  en  effet  le  tort 
d'accepter  comme  un  dogme  irréfragable  cette  supposition  :  la  liberté 
individuelle,  abandonnée  à  elle-même,  sans  frein,  est  à  elle  seule  capable 
de  conduire  sûrement  la  société  à  sa  fin  naturelle.  Un  pareil  principe  n'est 
acceptable  dans  aucun  domaine,  pas  plus  en  Économie  sociale  qu'en 
Politique  ou  en  Morale.  Car  la  liberté  est  une  force,  très  précieuse  sans 
doute,  mais  qui  a  besoin  d'être  protégée  contre  ses  propres  écarts  toujours 


(M  Cf.  Ch.  Antoine,   Cours...,   Ibidem,  Ch.  vin,   198-219. 

(  *)   J.   Garnier,   Traité  d'Économie  politique,  n°  347,  p.  245,  Paris,  1868  «. 

(')  G.  DE  MOLINARI,  Les  Lois  naturelles  et  l'Économie  politique.  Part.  I,  Ch.  v,  p.  31, 
Paris,  s,  d.  (1887). 

(  *)  P.  Lehoy-Beaulieu,  Essai  sur  la  Répartition  des  Richesses...,  Conclusion,  p.  562, 
au  bas,  Paris,  1888». 

(  *)  «  Cette  École  a  pour  chefs  deux  économistes  de  haute  valeur,  Cauwès  et  Gide  : 
elle  a  pour  organe  la  Revue  d'Économie  politique...  »  (Ch.  Antoine,  Cours...,  Ibidem,  Ch.  viir. 
Art.  I,  p.  207). 


370      LA    QUESTION    SOCIALE    :    SOLUTION    DE    l'ÉCOLE    CATHOLIQUE    (132) 

possibles  :  conséquemment  elle  doit  être  dirigée  et  contenue  par  la 
loi  divine  d'abord  et  ensuite  par  les  lois  humaines. 

b)  Il  y  a  sans  doute  un  ordre  économique,  qui  résulte  de  la  nature 
et  de  l'homme  et  du  monde  extérieur.  Mais  l'erreur  de  l'École  libérale 
consiste  à  professer  que,  les  lois  économiques  se  suffisant  à  elles-mêmes, 
le  concours  de  la  religion,  de  la  morale  et  de  la  législation  ne  leur  est  pas 
nécessaire.  C'est  là  une  exclusive  injustifiée  et  nuisible,  car  l'influence 
combinée  de  ces  trois  forces  sociales  unies  aux  forces  économiques  n'est 
pas  de  trop  pour  assurer  l'harmonie  dans  nos  sociétés  si  complexes  et 
si  divisées.  Les  progrès  matériels  et  scientifiques  doivent  être  subor- 
donnés au  progrès  moral  de  l'homme,  et  l'homme  tout  entier  doit  se 
subordonner  à  sa  fin  dernière  (i).  Tel  est  l'ordre"  essentiel  des  choses 
voulu  par  Dieu,  que  l'École  libérale  a  méconnu.  Rien  ne  saurait  prescrire 
■contre  lui.  Les  convulsions  sociales,  qui  bouleversent  le  monde  contem- 
porain, attestent,  avec  une  sinistre  évidence,  qu'on  ne  peut  s'y  sous- 
traire impunément. 

B)  Solution  de  l'École  Catholique  (2)  : 

L  —  Tendances  communes  :  l'École  catholique  soutient,  à  rencontre 
du  Libéralisme  et  du  Socialisme,  que  le  moyen  de  résoudre  la  question 
sociale  c'est  de  recourir  à  la  liberté  individuelle  et  à  l'association  profes- 
■sionnelle,  mais  aidées  par  l'État  et  éclairées  par  les  enseignements  de 
l'Église.  L'Encyclique  de  Léon  XIII  Rerum  novarum  (16  mai  1891) 
sur  la  Condition  des  ouvriers  a  été  accueillie  comme  la  charte  du  Droit 
social  chrétien. 

L'École  catholique  estime  que  les  principaux  remèdes  aux  maux  de 
la  Société  doivent  être  demandés  à  la  Morale  et  à  la  Religion.  Elle  est 
unanime  à  combattre  les  erreurs  du  Socialisme  et  le  sophisme  du  Libé- 
ralisme préconisant  la  non-intervention  absolue  de  l'État  ;  unanime 
aussi  à  approuver  et  à  promouvoir  certaines  mesures  sociales,  vg.  la 
nécessité  des  associations  ouvrières,  le  patronage,  l'épargne,  la  mutua- 
Jité,  l'obligation  du  repos  dominical,  etc. 

II.  —  Les  deux  Groupes  :  parmi  les  catholiques  sociaux  se  sont  peu 
à  peu  dessinées  deux  tendances  distinctes  qui  ont  donné  naissance  à 
deux  groupes  : 

10  Origine  et  Composition  :  le  premier  se  rattache  à  l'École  d'An- 
gers, le  second,  à  l'École  de  Liège,  parce  que  c'est  aux  Congrès  d'Angers 


(M  «  Le  souci  des  progrès  de  la  science  est  grand  chez  nous  ;  mais  la  question  morale 
nous  a  paru  planer  au-dessus  de  tout.  »  (Emile  Picard,  Secrétaire  de  l'Académie  des 
Sciences,  Allocution  prononcée  au  banquet  donné  à  Londres,  le  11  octobre  1918,  à  l'occasion 
de  la  Conférence  interalliée  des  Académies,  par  le  Gouvernement  anglais  et  présidé  par 
Jjord  Balfour.) 

(  »)  Cf.  Cii.  Antoine,  Cours...,  Ibidem,  Ch.  x,  p.  2.^9-294. 


(132)    LA    QUESTION    SOCIALE    :    SOLUTION    DE    l'ÉCOLE    CATHOLIQUE      371 

et  de  Liège  qu'ont  été  formulés  les  principes  dont  s'inspirent  les  deux 
groupes.  L'un  et  l'autre  regardent  la  liberté  et  l'autorité  comme  les 
deux  facteurs  essentiels  de  l'ordre  économique  et  social.  Mais,  pour 
l'École  d'Angers,  la  liberté  est  le  facteur  qui  doit  prédominer  ;  pour 
l'École  de  Liège,  c'est  l'autorité. 

L'École  d'Angers  a  pour  principaux  représentants  :  Mgr  Freppel, 
Claudio  Jannet,  Charles  Périn,  le  comte  d'Haussonville,  Emile  Keller, 
Gustave  Théry,  Augustin  Béchaux,  Paul  Hubert-Valleroux,  Alexis 
Delaire,  Joseph  Rambaud,  etc.  (^). 

L'École  de  Liège  compte  parmi  ses  partisans  :  en  France,  le  cardinal 
de  Cabrières,  Albert  de  Mun  et  les  membres  des  Cercles  catholiques, 
Léon  Harmel,  le  marquis  de  La  Tour  du  Pin,  l'abbé  Winterer,  le  P.  de 
Pascal,  les  écrivains  de  V Action  populaire  (^),  les  Secrétariats  sociaux, 
les  Semaines  sociales  ;  en  Angleterre,  le  cardinal  Manning,  l'économiste 
Cil. -S.  Devas,  Lilly  ;  en  Italie,  Mgr  Nicotra,  l'économiste  G.  Toniolo, 
le  P.  Liberatore,  le  P.  Steccanella  et  la  Civilià  cattolica  ;  en  Allemagne, 
Mgr  de  Ketteler,  G.  Fr.  de  Hartling,  les  Pères  Lehmkuhl,  H.  Pesch, 
Cathrein,  Meyer  et  les  écrivains  des  Stiminen  aus  Maria-Laach 
devenus  les  Stimmen  der  Zeit  ;  en  Belgique,  Mgr  Doutreloux,  l'abbé 
Pottier,  le  Père  Rutten,  le  P.  Vermeersch,  Arthur  Verhaegen  ;  en  Suisse, 
G.  Decurtins,  le  Père  Weiss  ;  en  Espagne,  Mgr  Sancha  y  Nervas,  le 
Père  Vicent,  R.  de  Cepeda,  Orti  y  Lara  ;  en  Irlande,  le  Lyceum  ;  en 
Autriche,  les  Pères  Costa- Rossetti,  Kolb,  Biederlack,  le  parti  des 
Chrétiens-sociaux,  dont  le  prince  Aloïs  de  Liechtenstein  et  Lueger 
furent  les  membres  les  plus  en  vue.  Son  organe,  en  France,  a  été  V  Asso- 
ciation caiJwlique,  jusqu'en  1908  et,  à  partir  «de  1909,  Le  Mouvement 
social  dirigé  par  les  écrivains  de  V  Action  populaire,  qui  a  cessé  de  paraître 
en  1914. 

2o  DiFFÉKENGEs  :  pour  connaître  les  différences  qui  séparent  les 
deux  groupes,  examinons  ce  qu'ils  pensent  du  Rôle  de  V  État  et  de  la 
Réforme  sociale. 

A.  —  Rôle  de  V  État  :  a)  Pour  l'École  d'Angers,  l'État  doit  se  borner 
à  protéger  les  droits  et  à  réprimer  les  abus  :  «  Que  l'État  intervienne  dans 
le  monde  du  travail  pour  la  protection  des  droits  de  chacun,  pour  la 
répression  des  abus  manifestement  contraires  à  la  loi  divine  et  morale. 


(M  II  faut  signaler  encore,  comme  se  rattachant  plus  ou  moins  à  l'Ecole  d'Angers: 
les  ["nions  de  la  Paix  sociale,  qui  eurent  Le  Play  pour  fondateur  et  ont  pour  organe  la 
Réforme  sociale,  et  V  Association  des  Patrons  du  Nord.  Cf.  Cn.  Antoine,  Cours...,  Ch.  x. 
Art.   2,   p.   2G6-268. 

(  -)  L'Action  populaire  (Rédaction  ;  17,  rue  de  Paris,  Vanves  (Seine)  édite  des  ouvrages, 
des  tracts,  notamment  des  Dossiers  très  précieux  pour  l'étude  du  mouvement  social.  Elle 
publie  aussi  plusieurs  Revues  bien  documentées  :  vg.  Peuple  de  France,  Les  Archives  du 
Manuel  social,  La  Pratique  sociale,  (.\dministralion  ;  "  Éditions  Spes  »,  17,  rue  Soufllot, 
Paris,  V«). 


372        LA    QUESTION  SOCIALE   :  SOLUTION  DE   l'ÉCOLE   CATHOLIQUE      (132) 

rien  de  mieux.  Que  l'État  donne  l'exemple  de  la  réglementation  du 
travail  dans  les  industries  qui  relèvent  de  lui,  fort  bien  ;  c'est  son  rôle, 
sa  fonction.  Mais,  pour  le  reste,  dévouement  et  liberté,  cela  nous 
suffit...  »  (^).  L'École  d'Angers  trouve  qu'on  a  abusé  du  travail  des 
femmes  et  des  enfants  et  veut  qu'il  soit  limité  par  l'État. 

b)  Pour  l'École  de  Liège,  protéger  les  droits  et  réprimer  les  abus 
n'épuise  pas  les  obligations  de  l'État.  Il  doit  en  outre  promouvoir  la 
prospérité  publique,  non  pas  en  accaparant  toutes  les  entreprises  comme 
le  demande  le  Socialisme,  mais  en  mettant  les  citoyens  dans  des  condi- 
tions qui  favorisent  leur  développement  matériel,  intellectuel  et  moral 
(93,  §  II). 

B,  —  La  Réforme  sociale  :  a)  Pour  la  réaliser,  l'Ecole  d'Angers,  ayant 
limité,  comme  on  l'a  vu,  l'intervention  de  l'État,  n'a  d'autre  ressource 
que  de  recourir  à  la  liberté  individuelle  et  à  la  liberté  d'association. 
Elle  admet,  conséquemment,  la  thèse  de  la  libre  concurrence. 

h)  Convaincue  que  l'ordre  économique  actuel,  fondé  sur  l'indivi- 
dualisme et  sur  la  concurrence  illimitée,  est  vicieux  (2),  l'École  de 
Liège,  d'accord  en  cela  avec  l'École  d'Angers,  préconise  l'Association 
professionnelle  ;  mais  elle  pousse  plus  loin  l'intervention  de  l'État, 
estimant  qu'il  faut  absolument  l'aide  de  la  législation,  si  l'on  veut 
accomplir  une  réforme  qui  soit  sérieuse  et  durable  (^). 

Le  comte  A.  de  Mun  a  nettement  exposé  le  programme  de  ce  groupe, 
dont  il  a  été  le  chef  éminent  :  «  A  mes  yeux,  l'ensemble  de  nos  revendi- 
cations doit  tendre  à  assurer  au  peuple  la  jouissance  de  ses  droits  essen- 
tiels, méconnus  par  le  régime  individualiste  :  la  représentation  légale 
de  ses  intérêts  et  de  ses  besoins,  au  lieu  d'une  représentation  purement 
numérique  ;  la  préservation  du  foyer  et  de  la  vie  de  famille  ;  la  possi- 
bilité pour  chacun  de  vivre  et  de  faire  vivre  les  siens  du  produit  de  son 
travail,  avec  une  garantie  contre  l'insécurité  résultant  des  accidents, 
de  la  maladie,  du  chômage  et  de  la  vieillesse  ;  l'assurance  contre  la 
misère  inévitable  ;  la  faculté  pour  l'ouvrier  de  participer  aux  bénéfices 
et  même,  par  la  coopération,  à  la  propriété  des  entreprises  auxquelles 
il  concourt  par  son  travail  ;  enfin  la  protection  contre  les  agiotages  et 
les  spéculations  qui  épuisent  les  épargnes  du  peuple  et  le  condamnent 


(M  Mgr  Freppel,  Allocution  prononcée  à  la  vingtième  Assemblée  des  Catholiques,'  h- 
29  avril  1891,  Œuvres  pastorales  et  oratoires,  T.  IX,  p.  102-103,  Paris,  1899=. 

(  ')  «  Je  n'ai  à  apprendre  à  personne  que  je  suis  d'accord  avec  les  socialistes,  avec  celui 
qui  tout  à  l'heure  était  à  la  tribune  [M.  Lafargue]  sur  la  critique  de  l'ordre  économique, 
autant  que  sur  un  très  grand  nombre  de  réformes  sociales  qui  sont  journellement  récla- 
mées par  les  travailleurs.  »  (A.  de  Mun,  Discours  à  la  Chambre,  Séance  du  9  décembre 
1891). 

{')  Cf.  G.  Sortais,  Les  Fonctions  de  l'Etal  moderne,  §  III,  dans  Etudes  philosophiques 
et  sociales,  p.  71-76. 


(132)       LA    QUESTION    SOCIALE  :  SOLUTION    DE    l'ÉCOLE    CATHOLIQUE      373 

à  l'indigence,  pendant  que,  suivant  les  paroles  de  l'Encyclique,  «  une 
fraction,  maîtresse  absolue  de  l'industrie  et  du  commerce,  détourne  le 
cours  des  richesses  et  en  fait  affluer  vers  elle  toutes  les  sources  ».  Deux 
forces  doivent  concourir  à  la  réalisation  de  ce  programme  :  l'organi- 
^  sation  professionnelle  et  la  législation. 

«  L'organisation  professionnelle,  pour  laquelle  nous  demandons  la 
liberté  la  plus  large,  donnera  le  moyen  d'assurer  la  représentation 
publique  du  travail  dans  les  corps  élus  de  la  nation,  de  déterminer  dans 
chaque  profession  industrielle  ou  agricole  le  taux  du  juste  salaire,  de 
garantir  des  indemnités  aux  victimes  d'accidents,  de  maladies  ou  de 
chômages,  de  créer  une  caisse  de  retraite  pour  la  vieillesse,  de  prévenir 
les  conflits  par  l'établissement  des  Conseils  permanents  d'arbitrage, 
d'organiser  corporativement  l'assistance  contre  la  misère,  enfin  de 
constituer  entre  les  mains  des  travailleurs  une  certaine  propriété  collec- 
tive à  côté  de  la  propriété  individuelle,  et  sans  lui  porter  atteinte. 

«  La  législation  protégera  le  foyer  et  la  vie  de  famille  par  la  restriction 
'du  travail  des  enfants  et  des  femmes,  l'interdiction  du  travail  de  nuit, 
la  limitation  de  la  journée  de  travail,  l'obligation  du  repos  dominical  ; 
dans  les  campagnes,  en  rendant  insaisissables  la  maison  et  le  champ  du 
■cultivateur,  les  instruments  et  le  bétail  de  première  nécessité.  Elle 
facilitera  la  vie  de  l'ouvrier  et  du  paysan  par  la  diminution  et  la  réforme 
des  charges  fiscales,  particulièrement  des  impôts  qui  frappent  la  subsis- 
tance. Elle  favorisera  la  participation  aux  bénéfices,  la  constitution 
des  sociétés  coopératives  de  production  ;  dans  les  campagnes,  l'asso- 
ciation du  métayage.  Enlin,  elle  protégera  la  fortune  nationale,  l'épargne 
populaire  et  la  morale  publique  par  des  lois  sur  l'agiotage,  sur  le  jeu 
et  les  opérations  de  bourse,  sur  le  fonctionnement  des  sociétés,  sur 
l'exclusion  des  étrangers  de  l'exploitation  et  de  la  direction  des  grands 
services  publics,  sur  l'interdiction,  pour  les  fonctionnaires,  les  repré- 
sentants de  la  nation  et  les  agents  du  pouvoir,  de  participer  aux  spécu- 
lations  financières. 

«  Tels  sont  les  principaux  articles  du  programme  social  que  je 
■conseille  aux  catholiques  d'adopter.  Ils  ne  sont  autre  chose  que  l'ap- 
plication des  principes  posés  dans  l'Encyclique  sur  la  condition  des 
■ouvriers  (  ^).  » 

Ce  programme  a  reçu  l'approbation  expresse  de  Léon  XIII,  qui 
écrivait  au  comte  de  Mun  :  «  Et  maintenant,  cher  fils,  vous  comprendrez 
sans  peine  que,  connaissant  votre  piété  filiale  et  le  zèle  intelligent  avec 
lequel  vous  vous  employez  à  seconder  nos  desseins,  à  rendre  nos  ensei- 
gnements populaires  et  à  les  faire  pénétrer  dans  la  pratique  de  la  vie 


(  ')  Albert  de  Mun,  Discours  à  la  Ligue  des  Catholiques  de  Sainl-É tienne,  le  18  décembre 
1892,  Discours  et   Écrits   divers.  Tome  V,  p.  270-271,  Paris,  1895. 


374  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    ÉCONOMIE    POLITIQUE  (132) 

sociale,  la  lecture  de  vos  discours  nous  ait  été  souverainement  agréable. 
Tandis  que  nous  vous  donnons  ces  éloges  justement  mérités,  nous  vous 
exhortons  à  poursuivre  votre  généreuse  entreprise  (^).  » 

BIBLIOGRAPHIE 

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A.  Jourdan,  Du  Rôle  de  V État  dans  V Ordre  économique. 

M.  BouRGUiN,  Les  Systèmes  socialistes  et  V  Évolution  économique. 

E.  Rochetin,  Les  Assurances  ouvrières.  Mutualités  contre  la  maladie, 
r  incendie  et  le  châûiage. 
■    M.  Bellon,  Les  Lois  d'assurance  ouvrière  à  Vétranger. 

P.  de  Bousiers,  La  Question  ouvrière  en  Angleterre. 

R.  Ely,  The  Labor  movement  in  America. 

G.  Waterlot,  La  Conciliation  et  V  Arbitrage  dans  les  conflits  collectifs 
entre  patrons  et  ouvriers. 

G.  Fagniez,  Corporations  et  Syndicats. 

A.  Béchaux,  La  Réglementation  du  travail. 

P.  Hubert-Valleroux,  La  Coopération. 

E.  Martin  Saint-Léon,  Cartells  et  Trusts. 

Cii.  Antoine,  Cours  d' Économie  sociale,  Introduction,  §  IV. 

Semaines  sociales  de  France  :  XIV^  Session,   Strasbourg,   1922.  Le 
Rôle  économique  de  VEtat. 


(  >)  LiioN  XIII,  Bref  du  7  janvier  1893,  Ibidem,  p.  282.  —  On  remarquera  que  le  Brtf 
n'est  postérieur  que  de  quelques  jours  au  Discours  du  Comte  de  Mun  à  Saint-Étienne. 


CHAPITRE  III 

L'ALGOÔLIiMjT  (') 

133.        ÈÏ^ETS  ET  RÈÎfÈDES 

L'alcoolisme  est  un  état  pat^lW^iogique  du  cufps  et  de  l'e^^"'"*^'  ,*jl"J  ^ 
pour  cause  l'abus  des  boissons  i>})iritueuses.  Il  constitue  un  j^"*^*"» /16S 
plus  graves  pour  les  sociétés  modernes,  Ce  fléau  redoutable  sévit  su.'^^^*^ 
dans  les  rangs  de  la  classe  ouvrière.  Il  importe  donc  d'en  décrire  .  ^^ 
effets  désastreux  et  d'en  signaler  les  remèdes. 

§  A.  —  EFFETS  DE  U ALCOOLISME 

I.  —  Santé  :  l'alcool  est  un  poison.  Son  usage  habituel  trouble 
profondément  et  incurablement  toutes  les  fonctions  de  l'organisme. 
«  L'alcoolisme  n'est  qu'une  vieillesse  anticipée.  »  «  Le  buveur  a  perdu 
toute  résistance  »  (2). 

II.  —  Intelligence  et  volonté  :  l'alcoolisme,  en  minant  les  forces 
vdu  corps,  atteint  par  contre-coup  les  facultés  de  l'âme.  Il  conduit  souvent 
;à  la  folie,  au  suicide  et  au  crime  {^).  Les  statistiques  confirment  ces 
observations  du  D^  Brouardel  :  «  Depuis  1830,  le  nombre  des  aliénés 
■criminels,  des  fous  comme  des  suicidés,  est  en  croissance  parallèle  avec 
la  consommation  de  l'alcool.  »  11  éteint  les  sentiments  les  plus  puissants 
•de  la  nature  :  c'est  souvent  à  lui  qu'on  doit  de  voir  les  parents  devenir 
les  bourreaux  de  leurs  enfants. 

III.  —  Descendance  :  ses  effets  désastreux   se    transmettent    par 


(  ')  M.  Vanlaer,  L'dlcootisme  et  ses  remèdes.  —  Mor  Turinaz,  Trois  fléaux  de  la'  Classe 
ouvrière.  —  II.  Triboulet  et  Mathieu,  L'alcool  et  l'alcoolisme.  —  R.  Rome,  L'ulcooiisme 
et  la  lutte  contre  l'alcool.  —  J..  Bertillon,  L'alcoolisme  et  les  moyens  de  le  combattre  jugés 
par  l'expérience. 

(  *)  D''  Lannelongue,  cité  par  M.  Vanlaer,  L'alcoolisme  et  ses  remèdes,  p.  28-29,-  Pari», 
1897. 

(»)  «  Le  greffier  d'une  des  plus  importantes  prisons  de  la  capitale,  Sainte-Pêlà^ie, 
a  eu  l'idée  de  rechercher  com-bien  de  ses  2.950  prisonniers  étaient  signalés  par  les  rensei- 
gnements de  police  comme  «  s'adonnant  ;l  l'ivrognerie  ».  Il  en  a  trouvé  2.124,  ou  pfésdes- 
trois  quarts  .  »  (M.  Vanlaer,  opère  cilato,  p.  32.) 


•  !76  l'alcoolisme  :  effets  et  remèdes  (133) 

hérédité  :  «  Un  peuple,  dit  le  D^  Legrain,  un  peuple  qui  s'alcoolise  et 
qui,  par  suite,  fait  souche  de  dégénérés,  d'idiots,  d'épileptiques,  d'aliénés, 
est  un  peuple  qui  s'étiole.  Un  peuple  alcoolisé,  en  somme,  est  un  peuple 
en  voie  de  disparaître  (^).  « 

IV.  —  Richesse  :  l'alcoolisme,  étant  l'origine  d'une  foule  de  maladies, 
diminue  la  capacité  productive  de  l'alcoolique  qui'  devient  impropre 
à  toute  espèce  de  travail.  Il  est  manifeste  qu'un  pareil  fléau  doit  avoir 
une  influence  désastreuse  sur  la  richesse  d'un  pays,  quand  il  y  sévit 
d'une  façon  intense.  Le  D^  Rochard  évalue  à  plus  d'un  milliard  et  demi,  le 
budget  annuel  de  l'alcoolisme  en  France.  En  voici  le  compte  approximatif: 

128.298.384  fr.  :  prix  de  l'alcool  consommé. 
1.340.147.500  fr.  :  journées  de  salaire  perdues  (à  2  francs  la  journée). 
70.842.000  fr.  :  frais  de  chômage  et  de  traitement  médical. 

8.894.500  fr.  :  frais  de  répression  des  crimes  et  délits. 

4.922.000  fr.  :  pertes  résultant  des  suicides  ou  morts  accidentelles 
causées  par  l'abus  de  l'alcool.  Voilà  ce  que  l'alcoolisme  coûte  à  la  France, 
sans  compter  les  pertes  d'intelligence  et  d'énergie  qu'on  ne  peut  évaluer 
en  chiffres. 

§  B.  —  REMÈDES  A  U ALCOOLISME 

I.  —  Légaux  :  prohibition  des  liqueurs  alcooliques  ;  répression  de 
l'ivrognerie  ;  diminution  du  nombre  des  cabarets. 

II.  — -  Fiscaux   :  dégrèvement    des    boissons   hygiéniques  ;   accrois- 
sement des  droits  sur  l'alcool. 
III.  —  Moraux  :  ce  sont  les  seuls  vraiment  efficaces  : 

a)  Religion  :  elle  enseigne  à  respecter  la  loi  de  Dieu,  à  se  respecter 
soi-même  et  elle  donne  la  force  nécessaire  pour  accomplir  le  devoir. 

b)  Éducation  :  elle  doit  faire  contracter  de  bonne  heure  à  l'enfant 
des  habitudes  de  tempérance. 

c)  Instruction  :  les  maîtres  doivent  signaler  les  effets  désastreux 
de  l'alcoolisme  et  en  inspirer  une  salutaire  horreur. 

d)  Sociétés  de  tempérance,  qui  ont  déjà  obtenu  d'heureux  résultats. 
«  Il  y  a,  dans  la  question  de  la  tempérance,  un  élément  supérieur. 

Il  ne  suffit  pas  de  proscrire  les  poisons  tels  que  l'absinthe,  de  combattra 
les  liqueurs  perfides  telles  que  l'eau-de-yie...  Il  faut  encore,  il  faut  surtout 
réveiller  chez  l'homme  le  sentiment  de  la  responsabilité  morale,  le  respect 
de  lui-même,  l'amour  de  la  famille,  l'idée  de  la  patrie  et  la  crainte  de 
Dieu  (2).  » 


(  *)  Cf.  D'  Leobain,  Dégénérescence  sociale  et  Alcoolisme.  —  L'alcoolisme,  ses  causes, 
ses  effets.  —    Un  fléau  social  :  l'Alcoolisme. 

( ')  J.-B.  Dumas,  Discours  prononcé  à  une  séance  solennelle  de  la  Société  française 
de  tempérance. 


]]] 


ESTHÉTIQUE 


(1) 


L'Esthétique  est  la  science  du  beau.  Ce  nom  (ataOâvoixat,  sentir) 
lui  a  été  donné  par  Baumgarten  (1714-1762),  parce  que  le  beau  produit 
un  eiïet  délicieux  sur  la  sensibilité.  Mais  ce  nom  a  le  tort  de  n'impliquer 
qu'un  des  éléments  de  la  science  du  beau.  Kant  a,  au  contraire,  réservé 
le  mot  Esthétique  à  cette  partie  de  la  Critique  de  la  raison  pure  qui  traite 
de  la  sensibilité,  tandis  qu'il  renvoie  la  question  du  beau  à  la  Critique  du 
jugement.  Mais  le  terme  introduit  par  Baumgarten  a  prévalu. 

La  science  du  beau  comprend  deux  parties.  La  première  étudie  le 
Beau  dans  ses  effets  et  dans  sa  nature  ;  la  seconde  traite  de  V  Art,  c'est- 
à  dire  de  la  réalisation  du  beau  sous  une  forme  sensible. 


(  M  Ouvrages  généraux  sur  le  Beau  et  sur  l'Art.  —  J.-.J  Baumgarten,  JEslhelica. 

—  Al. -G.  Winckelmann,  Histoire  de  l'art  chez  les  anciens.  Traité  sur  le  sentiment  du  beau 
dans  les  ouvrages  de  l'art.  —  Kant,  Critique  du  Jugement.  —  Delbruck,  Le  Beau.  — 
Herder,  Mêtacritique  ou  Critique  de  la  Critique.  —  Schiller,  Lettres  sur  l'Éducation 
esthétique.  —  Fr.  et  W.  de  Schlegel,  Athenœum.  —  W.  de  Schlegel,  Leçons  sur  l'histoire 
et  la  théorie  des  Beaux-Arts.  —  .Tean-Paul-Fr.  Richter,  Poétique  ou  Introduction  à  l'Esthé- 
tique. —  ScHELLiNG,  Philosophie  de  l'Art.  —  Guerres,  Aphorismes  sur  l'art.  —  Hegel, 
Esthétique.  —  Th,.  Vischer,  Esthétique  ou  Science  du  beau  en  trois  parties.  —  H.  Lotze, 
Sur  l'Idée  de  la  Beauté.  Sur  les  conditions  de  la  beauté  artistique.  Histoire  de  l'Esthétique 
en  Allemagne.  —  Schopenhauer,  Le  Monde  comme  volonté  et  représentation,  L.  III,  §  3f)  sqq. 
Métaphysique  et  Esthétique.  — ■  J.  Jungmann,  L'Esthétique.  —  J.  Didiot,  S.  Thomas 
d'Aquin,  Ch.  xvi.  —  Batteux,  Les  Beaux-Arts  réduits  à  un  même  principe.  —  Cousin,  Dri 
vrai,  du  beau  et  du  bien.  —  Jouffroy,  Esthétique.  —  A.  Ricardou,  L'Idéal.  —  Ch.  Blanc, 
Grammaire  des  Arts  du  dessin.  —  A.-E.  Chaignet,  Les  Principes  de  la   Science  du  Beau. 

—  V.  Cherbulliez,  L'Art  et  la  Nature.  —  M.  Griveau,  Les  Éléments  du  Beau.  —  Em.  IIen- 
NEQUiN,  La  Critique  scientifique.  —  La  Mennais,  De  l'Art  et  du  Beau.  —  V.  Giorerti, 
Essai  sur  le  Beau.  Trad.  de  l'italien  par  J.  Bertinatti.  —  G.  Séailles,  Le  Génie  dans 
l'Art.  —  Ch.  LévêQue,  La  Science  du  Beau.  Le  Spiritualisme  dans  l'art.  —  G.  Longh.aye, 
Théorie  des  Belles- Lettres.  —  P.  Vallet,  L'Idée  du  Beau  dans  la  Philosophie  de  S.  Thomas. 

—  Sully-Prud homme,  L'Expression  dans  les  Beaux- Arts.  —  Ch.  Clair,  Le  Beau  et  les 
Beaux-Arts.  —  M.-J.  Guyau,  Les  Problèmes  de  l'Esthétique  contemporaine.  L'Art  au  point 
de  vue  sociologique.  —  P.  Gaborit,  Le  Beau  dans  la  Nature  et  dans  les  Arts.  —  Ch.  Lacou- 
ture,  Esthétique  fondamentale.  —  Tolstoï,  Idées  sur  l'Art.  —  H.  de  Stein,  Origine  de 
l'Esthétique  moderne.  —  M.  de  l.a  Sizeranne,  La  Religion  de  la  Beauté.  —  Taparelli 
d'AzegliOj  Del  Bello.  —  Ph.  Gauckler,  Le  Beau  et  son  Histoire.  —  Janmot,  Opinion  d'un 
artiste  sur  l'Art.  —  E.  Véron,  L'Esthétique.  —  El.  Rabier,  Psychologie,  Ch.  xlv,  xlvi. 


CHAPITRE  I 
LE  BEAU 


On  peut  définir  le  beau,  soit  par  les  effets  qu'il  produit  sur  nous  : 
c'est  la  méthode  subjectii'e,  soit  par  ses  éléments  constitutifs  dans  les 
choses  mêmes  où  il  réside  :  c'est  la  méthode  objective. 


1.  —  EFFETS  DU  BEAU 

§  I.  —  ÉMOTION  ET  JUGEMENT 

Le  beau  produit  en  nous  une  émotion  et  un  jugement.  De  ces  deux 
phénomènes  lequel  est  la  cause  de  l'autre  ? 

A)  Les  uns  prétendent  que  c'est  le  jugement  qui  provoque  le  sen- 
timent. L'esprit  juge  de  la  beauté  des  choses  d'après  l'idéal  qu'il  porte 
en  lui-même,  et  le  sentiment  éprouvé  est  la  conséquence  de  ce  jugement. 
Ils  donnent  pour  raisons  qu'on  ne  peut  aimer  et  admirer  ce  qu'on  ne 
connaît  pas  et  que  le  jugement  porté  sur  la  beauté  des  objets  est  indé- 
pendant de  l'émotion.  L'objet  beau  est  celui  que  nous  jugeons  conforme 
à  notre  idéal. 

B)  Les  autres  soutiennent  que  c'est  le  sentiment  qui  détermine  le 
jugement.  Si  le  jugement  précédait  le  sentiment,  il  serait  fondé  sur  la 
connaissance  expresse  des  éléments  objectifs  qui  constituent  la  beauté. 
Dès  lors  on  pourrait  toujours  rendre  compte  de  son  jugement.  Or  la 
plupart  sont  incapables  d'expliquer  pourquoi  tel  objet  leur  semble 
beau. 


—  MÉRiT,  Lettres  sur  le  Beau.  —  J.  Félix,  Conférences  de  Noire-Dame,  18&1. —  Tœpffer, 
Réflexions  et  menus  propos  d'un  peintre  genevois.  —  A.  F.  Rio.  L'Art  chrétien. — E.  Cartieb, 
Études  sur  l'Art  chrétien.  —  C.  Bayeï,  Précis  d'Histoire  de  l'Art.  —  Mgr  Landriot,  Lr 
Symbolisme.  —  Montalembert  (de),  Mélanges  d'Art  et  de  Littérature.  —  Th.  de  Bamvillk. 
Traité  de  Versification  française.  —  V.  Delaporte,  La  Versification.  —  E.  Brucke  cl 
Helmholtz,  Principes  scientifiques  des  Beaux-Arts.  —  M  de  Wulf,  Sur  l'Esthétique  (/• 
Saint  Thomas  d'Aquin.  —  M.  Pilo,  La  Psychologie  du  Beau  et  de  l'Art.  —  J.-M.  Okhand, 
Du  Beau.  —  E.  IIello,  L'Homme.  —  J.  Souben,  L'Esthétique  du  Dogme.  Les  Manifesta- 
tions du  Beau  dans  la  nature.  —  Ch.  IjALO,    L'Esthétique    expérimentale  contemporaine. 


(1)  MATURE    DU    PLAISIR    DU     BEAU  379 

Cette  seconde  opinion  paraît  vraie.  Les  objets  beaux  produisent 
une  émotion  d'un  agrément  siii  generis,  qui  provoque  un  jugement 
esthétique.  Juger  qu'un  objet  est  beau  c'est  attribuer  à  cet  objet  la 
capacité  de  produire  en  nous  l'émotion  esthétique,  de  même  que  juger 
qu'un  objet  est  lumineux,  c'est  lui  attribuer  la  capacité  de  produire 
en  nous  la  sensation  de  lumière.  Mais  ce  jugement  esthétique  est  pour 
ainsi  dire  instinctif  ;  il  est  dû  à  cette  faculté  qu'on  pourrait  appeler  le 
sens  du  beau,  analogue  au  sens  moral  (Morale,  10,  §  I).  C'est  une  connais- 
sance spontanée^  qui  tient  le  milieu  entre  la  sensibilité  et  la  raison. 
Ce  n'est  que  plus  tard,  après  avoir  comparé  entre  eux  plusieurs  objets 
trouvés  beaux,  qu'on  se  forme  peu  à  peu  une  idée  de  la  beauté,  un  idéal. 
Dans  la  suite,  pour  juger  de  la  beauté  d'une  chose,  on  la  rapprochera 
de  ce  modèle  idéal  :  alors  on  porte  un  jugement  réfléchi. 

§  II.  _  NATURE  DU  PLAISIR  DU  BEAU  (M 

Le  plaisir,  d'après  Aristote,  est  lié  à  l'exercice  de  l'activité  (Ps.  20). 
Chaque  espèce  de  plaisir  est  l'effet  d'une  espèce  d'acte  particulier. 
Quel  est  donc  l'acte  qui  produit  le  plaisir  du  beau  ?  C'est  la  perception. 
C'est  ce  qui  fait  dire  à  saint  Thomas  :  Pulchrum  autem  respicit  vim  cogno- 
scitivam  ;  piilchra  enim  dicuntur  quœ  visa  placent.  Tout  plaisir  résulte 
de  l'exercice  normal  de  nos  facultés,  c'est-à-dire  de  leur  exercice  puissant 
et  ordonné.  Tout  plaisir  suppose  donc  une  certaine  convenance  entre 
nos  facultés  et  leur  objet.  Saint  Thomas  l'avait  déjà  remarqué,  car  il 
ajoute  :  Unde  pulchrum  in  débita  proportione  consistit^  quia  sensus 
delectatur  in  rébus  débite  proportionatis,  sicut  in  sibi  similibus  (^).  L'objet 
doit  donc  favoriser  l'exercice  normal  des  facultés,  produire  en  elles 
un  maximum  d'' activité  avec  un  minimum  de  fatigue. 

Mais  quelle  différence  sépare  le  plaisir  esthétique  des  autres  ?  Pour 
résoudre  cette  question  El.  Rabier  (*),  à  la  suite  de  Kant,  de  Schiller 
et  des  esthéticiens  anglais  contemporains,  distingue  deux  modes  d'action 
de  nos  facultés  : 

1°  L'activité  désintéressée  ;  c'est  l'activité  sérieuse,  le  travail,  qui 
poursuit  un  bien,  un  objet  comme  fin  ;  le  plaisir  résulte  de  la  possession 
de  l'objet  ; 

2°  L'activité  esthétique;  elle  est  intéressée  dHntention,  désintéressée 
de  fait  :  c'est  l'activité  de  jeu.  Elle  ne  se  propose  pas.  d'atteindre  une 


(M  Ch.  Mouhre,  Le  Senlimenl  esthétique,  dans  Annales  de  Philosophie  chrétienne, 
mai  1898,  p.  214-220. 

(=)  Saint  Thomas,  Summa  théologien,  1»  P.,  Q.  V,  Art.  IV,  ad  l""». 
(^)   Radier,   Psychologie,  Ch.   xxxvi,  Sect.  III. 


380  CARACTÈRES    DU    SENTIMENT    ESTHÉTIQUE  (1) 

fm  utile  ou  nécessaire  ;  elle  se  prend  elle-même  pour  fin  et  a  pour  but 
de  jouir  d'elle-même,  de  se  sentir  elle-même.  Le  point  de  départ  est 
donc  intéressé  ;  mais  cette  activité  n'atteint  son  but,  la  jouissance, 
qu'autant  qu'elle  devient  désintéressée  en  fait  :  pour  s'amuser  au  jeu, 
au  théâtre,  etc.,  il  faut  s'oublier  soi-même,  perdre  de  vue  la  recherche 
du  plaisir.  L'activité  esthétique  doit  imiter  l'activité  sérieuse,  s'attacher 
au  jeu,  au  drame,  etc.  comme  à  un  bien  véritable.  Le  plaisir  esthétique 
résulte  donc  du  sentiment  de  l'activité  qui  se  déploie  d'une  manière 
puissante  et  ordonnée.  L'activité  sérieuse,  poursuivant  la  satisfaction 
d'un  besoin  réel,  ne  peut  être  satisfaite  que  par  la  possession  d'un  objet 
réel,  existant.  L'activité  de  jeu,  voulant  jouir  d'elle-même,  il  lui  importe 
peu  que  l'objet  soit  réel  ou  imaginaire,  pourvu  qu'il  l'excite  norma- 
lement. Si  l'objet  est  réel,  ce  qui  intéresse  l'activité  esthétique,  ce  n'est  pas 
sa  réalité,  mais  son  apparence,  sa  manière  d'être,  sa  forme.  «  Le  beau,  dit 
Kant,  plaît  par  sa  forme  et  non  par  sa  matière.  »  Saint  Thomas  l'avait  noté 
avant  lui  :  Pulchriim  proprie  pertinet  ad  rationem  caiisae  formalis  (^). 
Le  plaisir  du  beau  résulte  donc  du  jeu  désintéressé  de  nos  facultés 
cognitives  (imagination,  association,  intelligence)  :  Piilchrum  autem 
respicit  vint  cognoscitivam  {^).  C'est  là  ce  qui  explique  pourquoi  la  vue 
et  l'ouïe  sont  les  sens  esthétiques  par  excellence  ;  en  eux  l'élément  repré- 
sentatif l'emporte  sur  l'élément  affectif  {^).  L'exercice  des  autres  sens, 
goût,  odorat,  tact,  est  beaucoup  plus  lié  aux  fonctions  qui  servent  à  la 
vie  corporelle  (Ps.  28,  §  B)  (4). 

§  lU.  —  CARACTÈRES  DU  SENTIMENT  ESTHÉTIQUE 

Il  est  :  A)  Désintéressé  :  le  beau  n'excite  pas  le  désir  de  la  posses- 
sion, mais  V admiration  ;  il  est  lié  à  la  seule  contemplation  de  l'objet, 
sans  rapport  avec  notre  utilité  matérielle  ou  morale.  C'est  pour  exprimer 
ce  caractère  désintéressé  que  Kant  a  dit  que  :  Le  beau  est  une  finalité 
sans  fin  (^).  Cela  signifie  que  dans  l'objet  beau  il  y  a  une  finalité  intrin- 
sèque, une  idée  d'ensemble  qui  en  subordonne  les  parties,  et  que  cet 
objet,  en  tant  que  beau,  n'a  pas  une  fin  extérieure  à  lui-même,  n'est 
pas  utile  :  vg.  telle  une  cariatide  soutenant  une  corniche.  Au  point  de 
vue  de  la  solidité,  une  poutre  ferait  aussi  bien  l'affaire. 


(M  ( -)  S.  Thomas,  Ibidem,  Loco  citato.^ 

(')  S.  Thomas,  Summa  theologica,  1»  2»»,  Q.  XXVII.  Art.  I,  ad  3"'"  :  Undeet  illi  sensus 
praecipue  respiciunt  pulchrum  qui  maxime  cognoscitivi  sunt,  scilicet  visus  et  auditus  rationi 
deservientes. 

(*)  M.  J.  GuYAu  a  essayé  de  réfuter  cette  théorie  de  l'activité  de  jeu.  Cf.  Problèmes 
d'esthétique  contemporaine,  L.  I,  Ch.  i. 

(  •)  Kant,  Critique  du  Jugement,  §  XVII,  à  la  fin. 


(2)  LA    NATURE    DU    BEAU  381 

B)  Universel  :  il  n'est  pas  exclusif  comme  d'autres  sentiments. 
Quand  nous  l'éprouvons,  nous  désirons  qu'il  soit  partagé  par  tous  :  de 
là  son  caractère  sociable,  sympathique. 

C)  Nécessaire  :  nous  jugeons  que  le  sentiment  esthétique  doit 
être  partagé  par  tous,  qu'il  s'impose  à  l'admiration.  Tels  sont  les  carac- 
tères ou  lois  du  beau,  qu'on  peut  résumer,  d'après  Kant,  en  disant  : 
Le  beau  est  l'objet  d'une  satisfaction  désintéressée,  universelle  et  néces- 
saire (^).  Kant  a  déduit  de  ces  caractères  la  définition  suivante  :  «  Le 
beau  c'est  ce  qui  satisfait  le  libre  jeu  de  l'imagination,  sans  être  en 
désaccord  avec  les  lois  de  l'entendement.  » 


2.  —  LA  NATURE  DU  BEAU 

Il  faut  une  cause  objective  au  sentiment  esthétique.  Reste  donc  à 
déterminer  les  éléments  cojistitutifs  du  beau  considéré  dans  les  choses, 
c'est-à-dire  expliquer  ses  conditions  objectives,  sa  nature.  Parcourons  les 
principales  définitions  mises  en  avant  : 

L  —  L'unité  dans  la  variété  :  Père  André  (2),  Cousin  ('). 

Critique  :  ce  sont  là  deux  éléments  de  la  beauté  ;  mais  ils  ne  suffisent 
pas.  Cette  définition  est  trop  vague  et  trop  large  ;  elle  ne  convient  pas 
au  sent  défini  .•  il  y  a  des  machines  qui  ont  une  grande  unité  de  but, 
une  grande  variété  de  rouages,  et  qui  pourtant  ne  sont  pas    belles  (*). 

IL  —  L'expression  de  l'idée  parla  matière:  pour  Jouffroy  (S), 
le  beau  c'' est. V invisible  manifesté  par  le  visible;  —  la  «  înanifestation 
sensible  de  Vidée  »  (Hegel)  (®). 

Critique  :  1°  Cette  définition  ne  s'applique  qu'au  beau  expressif. 
Or  toute  beauté  n'est  pas  dans  l'expression  ;  il  y  a  de  la  beauté  dans 
les  choses  spirituelles  et  non  pas  seulement  dans  la  manifestation  des 
choses  spirituelles  par  les  choses  sensibles. — Les  choses  physiques  peuvent 
aussi  avoir  leur  beauté  propre,  indépendamment  de  toute  signification. 

2o  Dans  certains  cas,  l'expression  n'est  pas  belle  :  vg.  l'expression 
de  l'envie,  de  la  stupidité,  de  la  cruauté. 

3°  L'expression  est  la  condition  de  la  connaissance  du  beau,  plutôt 
qu'un  de  ses  éléments. 


(M  Kant,  Critique  du  Jugement,  §  V,  IX,  XXII,  à  la  fin. 

(»)  André,  Essai  sur  le  beau.  Premier  Discours,  Œuvres  philosophiques,  Édit.  Cousin, 
p.  7-12. 

(')  Cousin,  Du  vrai,  du  beau  et  du  bien,  VII*'  Leçon. 

(  *)  Cf.  Jouffroy,  Esthétique,  Xlll"  Leçon. 

(')  Jouffroy,  Es/W/ique,  XXXVIII"  Leçon. 

C)  ...Bas  sinnliche  Scheinen  der  Idée  (Hegel,  Vorlesungen  Uber  die  Aesthetik,  Part.  I, 
C.  I,  §  3). 


382  LA    NATURE    DU    BEAU  (2) 

III.  —  La  splendeur  du  vrai  :  cette  définition  a  été  attribuée 
à  Platon  et  à  Plotin  ;  mais  elle  ne  se  trouve  pas  dans  leurs  œuvres. 

Critique  :  1°  Elle  est  en  désaccord  avec  l'idée  maîtresse  de  la  philo- 
sophie platonicienne  :  l'idée  du  bien. 

2o  Elle  n'est  pas  universelle  :  elle  ne  convient  qu'au  beau  rationnel  i 
vg.  à  une  série  de  déductions  fortement  enchaînées. 

IV.  —  La  grandeur  et  l'ordre.  Tô  -;àç  xaXov  Iv  txsysOei  xal  -àlzi  h-i. 
(Aristote)  (^).  11  faut  analyser  ces  deux  éléments  : 

A)  Grandeur  :  on  peut  l'appeler  puissance,  plénitude,  ampleur,  selon 
la  diversité  des  objets  où  elle  brille.  Elle  exige  : 

1°  Intégrité  :  pour  qu'un  être  soit  beau,  il  faut  qu'il  ait  tous  ses 
membres,  tous  ses  éléments  :  vg.  celui  qui  a  un  œil,  une  jambe,  un  bras 
de  moins  n'est  pas  beau. 

2°  Plein  développement  :  il  faut  que  tous  les  éléments  d'un  être 
se  rapprochent  de  la  perfection  idéale  du  genre  (physique,  intellectuel 
ou  moral),  auquel  cet  être  appartient.  C'est  un  fait  que  :  a)  les  choses, 
qui  restent  notablement  au-dessous  de  la  grandeur  moyenne  dont  leur 
espèce  est  susceptible,  nous  paraissent  laides  ;  —  b)  celles  qui  atteignent 
le  degré  moyen  ou  se  maintiennent  légèrement  en  deçà  ou  au  delà,  nous 
semblent  insignifiantes  ;  —  c)  celles  qui  s'élèvent  notablement  au-dessus 
sont  jugées  par  nous  belles. 

Exemples  :  supposons  un  homme  tout  petit,  mais  ayant  tous  ses 
membres  et  bien  proportionnés.  Pour  être  un  bel  homme  il  lui  manque 
la  grandeur.  —  Voici  un  plaidoyer  aux  preuves  nombreuses,  variées, 
bien  enchaînées,  mais  sèchement  énumérées.  Pour  être  un  beau  plai- 
doyer il  lui  manque  Vampleur  des  développements.  —  Un  millionnaire 
rencontre  un  pauvre  en  haillons  et  lui  fait  une  mince  aumône.  C'est 
une  bonne  œuvre  ;  ce  n'est  pas  une  belle  action  :  il  lui  manque  la  géné- 
rosité. 

B)  Ordre  :  c'est  un  fait  d'expérience  que  tout  ce  qui  est  incohérent 
et  désordonné  nous  choque  et  nous  déplaît.  L'ordre  c'est  «  la  dispo- 
sition harmonieuse  de  choses  égales  et  inégales  ».  Parium  dispariumque 
rerum  sua  cuique  loca  tribuens  dispositio  (^).  L'ordre  suppose  : 

10  Unité  :  vg.  un  édifice  formé  d'un  amas  de  bâtiments  mal  reliés 
entre  eux  n'est  pas  beau  ;  de  même  un  poème  dont  les  diverses  parties 
sont  mal  assorties. 

2°  Variété  :  sinon  l'unité  dégénère  en  uniformité  fastidieuse  : 
vg.  répétition  de  la  même  gamme,  couleur  unique  dans  un  tableau. 


(M  AniSTOTE,  Poétique,  C.  vu,  §  8,  Édit.  Didot,  T.  I,  p.  463.  Cf.  Métaphysiiue,  L.  XII, 
0.  m,  §  U,  Ibidem,  T.  II,  p.  614. 

(«)  S.  Augustin,  De  Civitate  Dei,  h.  XIX,  C.  xiii,  §  1. 


(2)  LA    NATURE    Î3L'    BEAU  383 

30  Proportion  :  c'est-à-dire  le  rapport  harmonieux  des  parties 
entre  elles  et  avec  le  tout  :  vg.  un  homme  ayant  des  bras  inégaux,  le 
nez  trop  proéminent  ;  —  un  discours  avec  un  exorde  interminable  et  un 
corps  de  preuves  très  fluet  ;  —  un  petit  bâtiment  central  flanqué  de 
deux  énormes  tours,  ne  sont  pas  beaux. 

Critique  :  certains  philosophes  ont  voulu  condenser  ainsi  la  défi- 
nition précédente  :  Le  beau  est  la  splendeur  de  Tordre.  C'est  un  tort, 
car  la  grandeur  est  un  élément  distinct  de  l'ordre  et  non  moins  néces- 
saire que  lui  (^). 

La  définition  d'Aristote  nous  paraît  être  la  meilleure.  Ce  qui  la 
confirme  encore  c'est  que,  nous  l'avons  vu,  les  deux  lois  fondamentales- 
du  plaisir  esthétique,  sont  les  lois  de  quantité  et  de  qualité.  D'après  la 
première,  l'àme  demande  à  agir  le  plus  possible  ;  d'après  la  seconde, 
elle  doit  agir  dans  la  direction  de  ses  fins  naturelles;  c'est-à-dire  que 
l'activité  esthétique  doit  être  puissante  et  ordonnée.  Or  ce  qui  dans  les 
objets  produira  cet  effet  ne  peut  être  que  la  puissance  et  Tordre.,  car 
l'effet  et  la  cause  doivent  être  proportionnés.  La  beauté  des  êtres  consiste 
donc  dans  la  propriété  qu'ils  ont  de  susciter  le  jeu  puissant  et  harmo- 
nieux de  nos  facultés  représentatives.  Mais  comme  être,  c'est  agir,  le 
beau  objectif  se  ramène,  en  définitive,  à  une  activité  (force  ou  âme)  qui 
se  déploie  d'une  manière  puissante  et  ordonnée. 

Cette  définition  permet  de  mesurer  le  degré  de  beauté  de  chaque 
objet,  car,  si  le  beau  est  dans  l'action  puissante  et  ordonnée  de  la  force 
ou  de  l'âme,  il  s'ensuit  qu'à  un  degré  supérieur  de  puissance  et  d'ordre 
correspond  un  degré  supérieur  de  beauté.  C'est  ce  qui  explique  pourquoi 
l'activité  du  minéral  est  moins  belle  que  celle  de  la  plante  :  la  vie  qui 
parait  avec  le  végétal  est  une  activité  plus  puissante  et  mieux  ordonnée 
que  celle  de  l'être  inanimé,  parce  que  le  vivant  a,  en  lui-même,  son  prin- 
cipe de  mouvement.  La  beauté  grandit  avec  les  ascensions  de  la  vie  : 
la  vie  sensitive  l'emporte  sur  la  vie  végétative  ;  la  vie  rationnelle  sur 
les  deux  autres  ;  la  vie  spirituelle  sur  la  rationnelle  ;  la  vie  divine  sur 
toutes,  parce  qu'elle  est  infiniment  puissante  et  ordonnée  (Ps.  18,  III). 

Conclusion  :  on  j)eut  réduire  la  définition  du  beau  à  cette  courte 
formule  :  c'est  la  splendeur  de  l'être.  A  quelles  conditions  l'être  sera-t-il 
splendidc  ?  s'il  déploie  une  activité  puissante  et  ordonnée  {^). 

Remarque  :  saint  Thomas  (^)    ramène  à  trois  les  éléments  consti- 


(M  On  attribue  souvent  cette  définition  à  saint  Augustin  ;  mais  on  la  cherche  vai- 
nement dans  ses  œuvres. 

(  ')  Cf.  G.  Sortais,  Du  Beau  d'après  Sainl  Augitslin,  dans  Excursions  artistiques  et 
littéraires,   f»  Série,  p.  3-28. 

(')  Summa  iheologica,  1"  P.,  Q.  XXXIX,  Art.  VIII,  §  Secundum  igitur  primam  consi- 
derationem. 


384  DIVISION   DU    BEAU  (3-4) 

tutifs  du  beau  :  Ad  pulchritudinem  tria  requiruntur.  Primo  qiiidem 
integritas  seii  perfectio  ;  qiiœ  enim  dirniniita  siint  hoc  ipso  tiirpia  siint. 
Et  débita  proportio  sive  consonantia.  Et  iteriim  claritas  ;  unde  quœ  habent 
colorem  nitidum  piilchra  esse  dicuntiir.  Cette  définition  revient,  en  somme, 
à  la  précédente,  puisqu'elle  se  confond  avec  elle  pour  les  deux  éléments 
essentiels  :  V  intégrité  et  la  proportion.  Quant  au  troisième  élément  :  colur 
nitidiis  (couleur  brillante),  il  répond  au  mot  splendeur  que  nous  avons 
employé. 

3.  —  DIVISION  DU  BEAU 

On  peut  diviser  le  beau  d'après  la  nature  de  l'action  déployée  en  : 
I-  —  Physique  :  celui  qui  réside  dans  le  monde  inanimé  :  vg.  beau 
fleuve.  11  consiste  en  une  activité  puissante  et  ordonnée. 

II.  —  Sensible  :  celui  qui  réside  dans  les  règnes  végétal  et  animal  : 
vg.  belle  fleur,  beau  lion.  C'est  une  vie  (végétative,  sensitive)  puissante 
et  ordonnée. 

III.  —  Intellectuel  :  celui  qui  réside  dans  l'activité  de  l'âme  raison- 
nable. Il  se  manifeste  dans  les  œuvres  d'une  imagination  créatrice, 
c'est-à-dire  puissante  et  ordonnée  (Ps.  124,  §  I)  :  vg.  palais,  statue, 
peinture,  musique,   poème,   discours. 

IV.  —  Moral  :  celui  qui  réside  dans  l'activité  libre  :  vg.  belle  action. 
C'est  l'œuvre  d'une  volonté  puissante  et  ordonnée. 

4.  ~  LE  VRAI,  LE  BIEN,  LE  BEAU 

On  peut  comparer  le  vrai,  le  bien  et  le  beau  au  point  de  vue  : 
I.  —  De  leur  essence  :  le  vrai,  le  bien  et  le  beau  sont  les  trois  aspects 
d'une  même  chose  :  Vétre  (^).  Le  vrai  c'est  l'être  en  tant  que  conforme 
au  concept  de  son  essence,  ou,  comme  disent  .saint  Augustin  et  Bossuet, 
c'est  ce  qui  est,  par  opposition  à  ce  qui  parait  être.  —  Le  bien,  c'est  l'être 
en  tant  qu'il  est  parfait  et  peut  perfectionner  les  autres.  —  Le  beau, 
c'est  l'être  en  tant  qu'il  est  puissant  et  ordonné..  Bref,  le  vrai,  c'est  la 
conformité  de  l'être  à  son  type  ;  le  bien  c'est  la  perfection  de  l'être  ;  le 
beau  c'est  la  splendeur  de  l'être. 

Il  est  manifeste  que  :  1»  Le  vrai  est  distinct  du  beau  :  sans  doute 
le  beau  doit  être  vrai,  car  s'il  ne  l'était  pas,  il  ne  pourrait  être  perçu 
par  l'intelligence,  mais  il  s'en  distingue,  parce  que  toute  vérité  n'est  pas 
belle,  n'a  pas  cette  splendeur  qui  caractérise  le  beau  :  vg.  2  -[-  2  =  4. 


( ')  s.  Thomas,  Summa  Iheologica^  1'  P.,  Q.  XVI^  Art.  3. 


(4)  LE    VRAI,    LE    BIEN,    LE    BEAU  385 

2°  Le  BIEN  EST  DISTINCT  DU  BEAU  (^)  :  sans  doute  le  beau  doit  être 
bon  (^)  ;  autrement  il  manquerait  d'ordre  et  n'exciterait  pas  l'admi- 
ration. Mais  la  bonté,  que  suppose  le  beau,  n'est  pas  la  perfection 
extrinsèque  de  l'être,  c'est-à-dire  ce  qui  dans  l'être  peut  améliorer  les 
autres^  ce  qui  le  rend  utile.  C'est  sa  perfection  intrinsèque,  c'est-à-dire 
la  convenance  de  ses  parties  entre  elles  et  avec  le  tout,  la  conformité 
à  sa  loi,  à  sa  fin,  parce  que  le  beau  provoque  une  satisfaction  désinté- 
ressée. —  Cependant  il  ne  faut  pas  identifier  le  beau  et  le  bien  (c'est  la 
tendance  des  Grecs  :  xo  xaXoxàyaOo'v),  car  : 

a)  Tout  objet  bon  n'est  pas  beau  :  vg.  toute  fleur,  qui  réalise  le  type 
de  son  espèce,  est  bonne  en  soi,  mais  n'est  pas  belle  si  elle  n'atteint  pas 
un  certain  degré  de  splendeur.  Moralement,  bien  des  actes  sont  esti- 
mables, sans  être  beaux. 

b)  Le  bien  apparaît  comme  obligatoire  :  la  beauté  n'emporte  avec  elle 
aucun  caractère   d'obligation   (Mgr.,   39). 

c)  Certains  ajoutent  cette  troisième  diiïérence  :  On  juge  autrement 
du  beau  et  du  bien.  Tout  jugement  sur  la  bonté  ou  perfection  intrinsèque 
d'un  être  suppose  au  préalable  la  notion  expresse  de  ce  qu'il  doit  être, 
de  sa  nature,  de  sa  loi.  Pour  le  beau,  il  n'en  va  pas  ainsi  :  on  juge,  non 
d'après  un  concept,  un  idéal  antérieur,  mais  d'après  le  sentiment  esthé- 
tique qu'il  nous  fait  éprouver.  —  D'autres  rejettent  cette  différence 
et,  ce  semble,  avec  raison.  L'origine  de  Vidée  du  bien  et  de  Vidée  du  beau 
est  semblable  :  V expérience  interprétée  par  la  raison.  Des  sentiments  et 
des  jugements  moraux  spontanés  l'esprit  dégage  par  l'abstraction  l'idée 
du  bien  et  la  généralise.  De  même  pour  l'idée  du  beau,  elle  est  dégagée 
par  la  raison  des  sentiments  et  jugements  esthétiques  instinctijs.  Donc, 
dans  les  deux  cas,  on  commence  par  juger  du  bien  et  du  beau,  d'après 
le  sentiment  que  les  objets  bons  et  beaux  produisent  en  nous  ;  ce  juge- 
ment est  spontané,  instinctif,  confus.  C'est  en  élaborant  cette  matière 
que  la  raison  arrive  à  former  l'idée  abstraite  et  générale  du  bien  ou  du 
beau  ;  quand  cet  idéal  moral  ou  esthétique  est  nettement  conçu,  il  sert 
à  contrôler  les  jugements  spontanés,  que  provoque  naturellement  en 
nous  la  vue  du  beau  et  du  bien,  et  nous  permet  de  les  transformer  en 
jugements  réjlécliis.  On  doit  en  dire  autant  de  l'origine  de  Vidée  du  vrai. 
L'erreur  de  ceux  qui  admettent  cette  troisième  différence  entre  le  bien 
et  le  beau,  vient  d'une  confusion  entre  les  actes  spontanés  et  les  actes 
réfléchis. 

II.  —  Des  facultés  auxquelles  ils  se  rapportent  : 

A)  Le  vrai  se  rapporte  à  V  intelligence  ;  —  le  bien  à  la  volonté  et  à  la 


(')  Ahistote,  Métaphysique,  L.  XII,  C.  ni,  ii.  10.  Édit.  Didot,  T.  II,  p.  614. 
( ')  La  Fontaine  a  dit  avec  raison  :   «  Le  beau  est  le  camarade  du  bien.  » 

TRAITÉ    DK    PHILOSOPHIE.    —    T.    II.   —    13. 


386  LE    VRAI,    LE    BIEN,    LE    BEAU  (4) 

sensibilité  ;  —  le  beau  tout  ensemble  à  V  intelligence^  à  la  volonté  et  à  la 
sensibilité  :  de  là  vient  la  supériorité  du  plaisir  esthétique  :  le  beau  met 
en  mouvement  toute  l'activité  humaine. 

B)  Le  vrai  c'est  l'être  en  tant  qu'intelligible  ;  —  le  bien,  en  tant 
que  convenable,  désirable  ;  —  le  beau  en  tant  qn'' admirable. 

C)  Le  vrai  c'est  ce  qui,  étant  connu,  est  affirmé  ou  ajfirmable  ; 
le  beau,  c'est  ce  qui,  étant  connu,  plait. 

Le  bien  et  le  beau  plaisent  tous  deux  ;  mais  le  bien  plaît  en  tant 
qu'il  convient  à  celui  qui  l'aime,  en  tant  qu'il  peut  le  perfectionner,  lui 
être  utile  :  le  beau  plait,  en  tant  qu'il  est  connu.  C'est  la  doctrine  de 
S.  Thomas  :  Ad  rationem  pulchri  pertinet  quod  in  ejus  aspectu  seu  cogni- 
tione  quietetur  appetitus ....  ;  pulchrum  addit  supra  bonum  ordinem 
quemdam  ad  vim  cognoscitivam  ;  ita  quod  bonum  dicatur  id  quod  simpli- 
citer  complacet  appetitui  ;  pulchrum  autem  dicatur  id  cujus  ipsa  apprehensio 
placet  {}). 

IIL  —  De  l'extension  :  tout  être  est  vrai.,  car  tout  être  est  conforme 
à  l'intelligence  divine  qui  l'a  produit  ;  —  tout  être  a  la  bonté  essentielle., 
car  il  a  la  perfection  qui  convient  à  sa  nature  ;  mais  aucun  être  n'a  sa 
perfection  complète  et  par  conséquent  n'est  bon,  avant  d'avoir  atteint 
sa  fin,  car  il  lui  manque  des  perfections  accidentelles.  Tout  être  a  la 
beauté  essentielle,  est  beau  en  soi.  Mais  tout  être  ne  nous  semble 
pas  beau.  Pour  le  paraître,  il  faut  qu'il  présente  un  certain 
degré  de  splendeur  qui  nous  frappe.  Une  belle  vérité,  ce  ne  sera 
pas  une  vérité  banale  :  2  -]-  2  =4,  mais  une  vérité  saisissante  :  le 
beau  rationnel  c'est  la  splendeur  du  vrai  {^).  Une  belle  action  ce  ne 
sera  pas  une  action  quelconque,  quoique  bonne  :  vg.  donner  un  sou 
à  un  pauvre,  mais  une  action  éclatante  :  le  beau  moral,  c'est  la  splendeur 
du  bien.  Nous  avons  montré  que  les  éléments  constitutifs  de  cette 
splendeur  sont  la  puissance  et  Vordre  (2,  iv).  Cf.  Ontologie,  Ch.  ii, 
p.  470. 

IV.  —  Des  effets  qu'ils  provoquent  :  l'amour  du  vrai  est  le 
principe  de  la  science  ;  l'amour  du  bien  est  le  principe  de  la  vertu  ; 
l'amour  du  beau  est  le  principe  de  Vart  (Ps.  49,  II,  III). 

Conclusion  :  le  vrai,  le  bien,  le  beau  trouvent  en  Dieu  leur  fon- 
dement et  leur  réalisation  parfaite  ;  de  là  leur  étroite  connexité.  Ce 


(')  s.  TuoMAi?,  Summa  Iheologica,  1'  ■2•^  Q.  XXVII,  A.  I,  ad  ^m".  Cf.  I»  P.,  Q.  V, 
Art.  IV,  ad  l""i. 

C)  Bossuet  parle  de  «  beaux  principes  «,  et,  avec  raison,  car,  pour  une  intelligence 
pénétrante,  qui  saisit  les  nombreuses  conséijuences  qu'ils  contiennent  implicitement  et 
qui  en  découlent  rigoureusement,  les  principes  ont  les  deu\  caractt^res  du  beau  :  la  puissance 
ou  ampleur  à  cause  de  l'étendue  indéfinie  de  leurs  applications: l'ordre,  à  cause  de  la  rigueur 
des  déductions. 


(6)  LE    BEAU,    l'utile,    l' AGRÉABLE  387 

sont  les  trois  aspects  divers,  sous  lesquels  notre  intelligence  conçoit 
Dieu,  Vérité,  Bonté  et  Beauté  absolues  (^). 


5.  —  LE  BEAU,  L'UTILE,  L'AGRÉABLE 

Nous  avons  défini  le  bien  en  général  :  ce  qui  convient  à  un  être,  ce 
qui  le  perfectionne.  Or  une  chose  peut  convenir  à  l'homme  soit  : 

I.  —  Par  elle-même  :  et  cela  de  deux  façons  :  l^  en  tant  qu'elle 
perfectionne  la  nature  de  l'homme,  et  c'est  le  bien  en  soi,  le  bien  honnête, 
ce  qui  convient  à  la  nature  raisonnable  ;  —  2°  en  tant  qu'elle  plait, 
et  c'est  Vagréable. 

II.  —  En  raison  d'un  autre  bien  qu'elle  peut  procurer  à  l'homme, 
et  c'est  Vutile.  Le  bien  se  divise  donc  en  bien  :  honnête,  agréable,  utile. 
L'honnête  et  l'agréable  peuvent  être  recherchés  comme  fins,  parce  qu'ils 
sont  aimables,  désirables  en  eux-mêmes  ;  l'utile  a  le  caractère  de  moyen. 

A)  Utile  :  1°  Tout  ce  qui  est  utile  n'est  pas  beau  :  vg.  quoi  de  plus 
utile  qu'une  marmite,  dit  Platon  dans  VHippias,  et  quoi  de  moins 
esthétique  ? 

2"  Tout  ce  qui  est  beau  n'est  pas  utile  :  à  quoi  peuvent  servir  un 
tableau,  une  statue,  un  chant,  un  poème  pour  la  vie  pratique  ?  Ils  ne 
servent  qu'à  satisfaire  le  goût  du  beau. 

30  Un  même  objet  peut  être  beau  et  utile  :  vg.  une  coupe  délica» 
tement  ciselée  peut  être  à  la  fois  commode  et  admirable.  Sans  doute, 
mais  sous  des  rapports  différents  :  on  ne  goûte  la  beauté  d'un  objet  qu'en 
faisant  abstraction  de  son  utilité  :  vg.  un  bois  sera  beau  pour  le  peintre 
qui  le  contemple  et  veut  le  reproduire  sur  la  toile  ;  il  ne  Test  pas  pour 
le  propriétaire  qui  en  escompte  déjà  le  bénéfice  futur. 

40  L'utile  excite  le  désir  de  posséder  l'objet  pour  en  tirer  avantage, 
il  entraine  l'idée  de  recherche  égoïste  et  d'intérêt  personnel.  Le  beau 
éveille  un  sentiment  désintéressé.  L'utilitaire  est  un  calculateur  ;  l'esthète 
est  un  contemplatif. 

La  raison  de  cette  opposition,  c'est  que  l'objet  utile  est  un  moyen 
pour  atteindre  une  fin  distincte  de  lui-même,  tandis  que  l'objet  beau 
a  le  caractère  de  fin  :  il  vaut  et  plaît  immédiatement  par  lui-même. 

B)  Agréable  :  on  a  outré  la  distinction  entre  le  beau  et  Tagréable. 
Le  sentiment  du  beau  est  un  plaisir  :  le  beau  c'est  ce  qui  plaît  en  tant 
que  connu  ;  il  est  -donc  agréable.  Oui,  mais  ce  n'est  qu'une  espèce  du 
genre  agréable.  Tout  ce  qui  est  beau  plait  ;  mais  tout  ce  qui  plait  n'est 
pas  beau  :  vg.  tel  fruit  peut  être  délicieux  au  goût  et  désagréable  à  la 


( ')  Cousin,  Du  vrai,  du  beau  et  du  bien,  IV''.  VII«,  XVI''  Leçons. 


I 


388  LE  BEAU,  LE  GRACIEUX,  LE  JOLI  (6) 

vue.  Il  faut  donc  déterminer  quelle  est,  dans  le  genre  agréable,  la  dij- 
férence  qui  spécifie  le  plaisir  du  beau.  Nous  avons  distingué  deux  sortes 
d'activités  (1,  §  II)  :  activité  sérieuse  (travail)  ;  activité  esthétique  (jeu). 
Deux  sortes  de  plaisirs  y  correspondent  :  à  la  première,  les  plaisirs  qui 
résultent  de  la  réalisation  des  fins  désirées,  de  la  possession  des  objets- 
utiles  ou  botis  ;  —  à  la  seconde,  les  plaisirs  qui  résultent  du  déploiement 
facile,  puissant  et  harmonieux  de  nos  facultés  cognitives,  mises  en  jeu 
par  des  objets  beaux.  Le  genre  agréable  comprend  donc  deux  espèces 
de  plaisirs  :  1»  le  plaisir  lié  à  la  satisfaction  d'un  besoin  physique,  intel- 
lectuel ou  moral  :  c'est  le  plaisir  utilitaire  ;  —  2»  le  plaisir  lié  à  la  contem- 
plation désintéressée  des  choses  :  c'est  le  plaisir  du  beau.  C'est  pourquoi 
rutile  et  l'agréable  utilitaire  exigent  la  réalité  de  leur  objet,  condition 
d'une  consommation  réelle  ;  le  beau  peut  se  contenter  d'un  objet  ima- 
ginaire :  la  forme,  V apparence  lui  suffisent,  parce  qu'elles  suffisent  à 
î'acte  idéal  de  la  contemplation.  —  On  comprend  aussi  pourquoi  on  ne 
dit  pas  de  belles  odeurs,  de  belles  saveurs,  mais  de  belles  couleurs,  de 
beaux  sons  ;  c'est  que  dans  le  premier  cas  l'élément  représentatif  est 
presque  nul,  tandis  que  dans  le  second  il  est  prédominant  (Ps.  28,  B). 

6.  —LE  BEAU,  LE  GRACIEUX,  LE  JOLI 

A)  Gracieux  (i)  :  la  grâce  appartient  surtout  aux  mouvements  et 
au  maintien  qui,  pour  être  gracieux,  ne  doivent  avoir  aucune  raideur. 
Il  se  distingue  du  beau,  parce  que  la  puissance  en  est  absente  ;  la  puis- 
sance est  remplacée  par  l'aisance,  la  souplesse,  la  facilité.  La  Fontaine 
a  dit  de  la  grâce  :  La  grâce  plus  belle  que  la  beauté,  voulant  sans  doute 
dire  que  la  grâce  a  un  charme  plus  pénétrant.  Elle  se  rapproche  du  joU. 

B)  Joli  ou  charmant  :  il  a  de  commun,  avec  le  beau,  V ordre  ;  mais 
il  s'en  distingue  parce  qu'il  n'a  pas  la  puissance  complète,  pleinement 
développée.  Un  être  joli  est  un  être  faible  encore,  en  voie  de  formation, 
mais  se  développant  et  tendant  vers  sa  perfection  relative,  d'une  façon 
conforme  à  tout  l'ordre  de  sa  nature  ;  vg.  l'enfant  (2),  le  lionceau,  le 
bouton  de  rose,  l'arbuste,  par  rapport  à  l'homme  fait,  au  lion  dans  toute 
sa  force,  à  la  rose  épanouie,  à  l'arbre  séculaire.  C'est  encore  l'être  de 
petite  dimension  par  rapport  à  d'autres  êtres  du  même  genre  :  vg.  colline, 
lac,  rivière,  comparativement  à  la  montagne,  à  la  mer,  au  fleuve.  On  ne 
dira  pas  de  l'Océan  que  c'est  une  jolie  mer,  du  Mont-Blanc  que  c'est  une 


(  M  Schiller,  De  la  Grâce  et  de  la  Dignité.  —  C.  Martha,  De  la  Délicatesse  dans  l'art. 
—  P.  SouBiAU.  L'Esthétique  du  Mouvement,  III»  P.,  Ch.  i,  §  3. 

{')  M.  DE  LA  SizEHANNE,  L'Esthétique  de  l'Enfance  au  PctU-Palais,  Revue  des  Deux 
Mondes,  1901,  T.  IV.^p.  160  et  suiv. 


(7)  LE    BEAU,    LE    SUBLIME  389 

jolie  montagne.  Le  joli  c'est  donc  le  beau  moins  l'ampleur,  moins  la 
grandeur  complète. 

1.  —  LE  BEAU,  LE  SUBLIME 

Les  uns  prétendent  qu'il  y  a  entre  le  beau  et  le  sublime  une  simple 
dilîérence  de  plus  ou  de  moins  ;  les  autres  une  différence  de  nature. 

•L  —  Différence  de  nature  :  Burke  (i),  Kaxt  {^).  Jusqu'à  eux, 
on  admettait  que  le  sublime  n'est  autre  chose  que  le  superlatif  du  beau. 
On  trouve  sans  doute  dans  le  sublime  certaines  ressemblances  avec 
le  beau  ;  il  cause  un  plaisir  désintéressé  ;  il  s'impose  universellement 
à  l'admiration.  Mais  voici,  disent-ils,  des  différences  essentielles  : 

i^  Le  beau  implique  toujours  que  l'objet  a  une  certaine  forme,  une 
mesure  déterminée.  Le  propre  du  sublime,  c'est  d'être  illimité^  infini. 

2°  Le  plaisir  du  beau  est  toujours  tout  entier  charmant  ;  c'est  celui 
de  l'admiration.  Le  plaisir  du  sublime  est  mêlé  de  quelque  souffrance  ; 
l'âme  en  l'éprouvant  se  sent  comme  accablée  par  l'infini  et  troublée 
par  l'apparence  du  désordre  :  il  y  a  du  saisissement  et  de  la  stupeur  ; 
l'admiration  est  mêlée  de  tristesse. 

30  Le  beau  implique  un  certain  accord  de  l'imagination  et  de  l'enten- 
dement ;  il  paraît  en  proportion  avec  nos  facultés,  car  il  y  a  en  lui  équation 
entre  la  puissance  et  l'ordre.  Le  sublime  semble  faire  violence  à  notre 
imagination  et  à  notre  raison  ;  il  paraît  discordant  avec  elles,  parce 
que  l'équilibre  est  rompu  entre  la  puissance  et  l'ordre,  au  profit  de  la 
puissance  qui  prédomine. 

II.  —  Différence  de  degré  :  Lévêque  (^).  Le  sublime  a  pour 
éléments  : 

1°  La  puissance,  mais  une  puissance  qui  surpasse  toute  mesure  des 
sens  ou  de  l'imagination  et  qui  fait  paraître  petite  toute  force  de  même 
espèce  :  vg.  le  ciel,  l'océan,  une  chaîne  de  montagnes.  Cette  puissance, 
qui  paraît  illimitée  aux  sens,  n'est  limitée  que  par  une  affirmation  de 
la  raison. 

20  L'ordre  :  la  force,  qui  se  déploie  dans  le  sublime,  agit  selon  un 
ordre  qui  échappe  aux  sens,  soit  à  cause  de  sa  grandeur  indéterminée 
(vg.  longue  chaîne  de  montagnes),  soit  à  cause  du  désordre  apparent 
(vg.  Océan  agité  par  la  tempête),  soit  pour  ces  deux  motifs  (vg.  immensité 
du  ciel  étoile)  ;  cependant  la  raison  affirme  que  l'ordre,  un  ordre  réel,  mais 
caché,  existe.  Le  sublime  est  une  image  de  Dieu,  dont  l'infinitude  déborde 
toutes  les  déterminations  et  se  dérobe  à  nos  facultés. 


(  ')  Ed.  Burke,  Recherche  philosophique  sur  l'origine  des  idées  du  sublime  et  du  beau. 
{')   Kant,   Critique  du  jugemeni,   §   XXIII  sqq.  —  Schiller,  Du  Sublime. 
( ')  Ch.  Lévêque,  La  Science  du  Beau,  l"  P.,  Ch.  vm. 


390  LE    RIDICULE,    LE    LAID,    l'hORRIBLE  (8-9) 

On  peut  conclure  avec  Lévêque  que  le  sublime  est  identique  au  beau 
en  tant  qu'il  possède  ses  deux  éléments  essentiels,  la  puissance  et  Tordre, 
mais  qu'il  en  diffère^  parce  qu'il  exige  une  puissance  et  un  ordre  plus 
parfaits,  au  superlatif.  En  soi,  il  n'est  que  le  beau  très  grand  ;  il  n'est 
sublime  que  par  rapport  à  nos  facultés  qu'il  dépasse. 

Remarques  :  I.  —  Les  notions  du  joli  et  du  beau,  du  beau  et  du 
sublime  sont  relatives,  varient  d'après  le  terme  de  comparaison.  Ainsi, 
l'enfant  est  le  type  du  joli  par  rapport  à  l'homme,  mais  si  on  compare 
des  enfants  entre  eu.r,  on  pourra  dire  que  tel  enfant  est  plus  beau  que 
tel  autre,  parce  que  la  comparaison  est  relative  au  genre  enfant.  De 
même,  tel  genre  d'êtres  est  dit  laid  par  rapport  à  tel  autre  genre  :  vg.  l'âne 
par  rapport  au  cheval  ;  mais  si  la  comparaison  est  établie  entre  les  ânes, 
on  dira  que  tel  âne  est  beau. 

II.  ■ —  Kant  distingue  le  sublime  :  a)  mathématique,  expression  do 
la  grandeur  infinie  ;      b)  dynamique,  expression  de  la  puissance  infinie. 


8.  —  LE  JOLI,  LE  BEAU,  LE  SUBLIME 

Si  on  les  compare,  on  arrive  à  la  conclusion  suivante  :  dans  le  beau, 
il  y  a  équation,  équilibre  harmonieux  entre  la  puissance  et  l'ordre  ;  dans 
le  joli  et  dans  le  sublime  l'équation  n'existe  plus,  Véquilibre  est  rompu. 
Dans  le  joli,  c'est  l'ordre  qui  prévaut.  Dans  le  sublime,  c'est  la  puissance 
qui  prédomine  :  l'ordre,  tout  réel  qu'il  est,  échappe  aux  sens  et  n'apparaît 
qu'à  la  réflexion.  Prenons  pour  exemple  un  chêne.  Arbuste,  il  est  joli  : 
arbre  séculaire,  il  est  beau  :  résistant  sans  fléchir  à  l'assaut  de  l'ouragan, 
il  est  sublime.  Le  joli  est  la  miniature  du  beau,  c'est  le  beau  en  petit  ; 
le  sublime,  c'est  le  beau  en  grand.  Ce  qui  montre  bien  qu'il  n'y  a  entre 
eux  qu'une  différence  de  degré,  c'est  que,  dans  certains  cas  qu'on  peut 
appeler  limitrophes,  on  les  emploie  l'un  pour  l'autre,  ce  qui  serait  impos- 
sible, s'ils  avaient  des  essences  différentes.  Ainsi  on  dira  :  d'une  fleur, 
qu'elle  est  jolie  ou  belle  ;  du  spectacle  de  la  mer,  c'est  beau,  c'est  sublime  : 
d'une  mort  héroïque,  c'est  une  belle  mort,  c'est  un  dévouement  sublime. 

9.  —  LE  RIDICULE,  LE  LAID,  L'HORRIBLE 

L'élément  qui  leur  manque,  et  dont  l'absence  les  distingue  de  leurs 
contraires,  le  joli,  le  beau,  le  sublime,  ce  n'est  pas  la  puissance,  mais 
V ordre  (^). 

I.  —  Laid   :  ce  n'est  pas  la  simple  négation  du  beau,  car  le  néant 


(M   Ch.  Lkvêql'e,  La  Science  du  Beau,  I"   P.,  Ch.  ix. 


(9)  •  LE    RIDICULE,    LE    LAID,    l'hORRIBLE  391 

n'est  ni  beau,  ni  laid,  vu  qu'il  n'est  pas.  Le  laid  est  une  force  agissant 
avec  une  certaine  puissance,  mais  désordonnée.  Aucun  être  ne  peut 
agir  dans  un  sens  absolument  contraire  à  sa  loi  ;  ce  serait  sa  destruction. 
Toute  activité  suppose  donc  un  certain  ordre.  Mais,  quand  cet  ordre 
est  si  imparfait,  relativement  à  la  loi  de  la  force,  qu'il  constitue  un 
grave  désordre,  il  y  a  laideur,  car  il  y  a  une  notable  disproportion  entre  la 
puissance  déployée  et  le  but  à  atteindre  ;  vg.  le  pécheur  déploie  une 
grande  activité  à  s'écarter  de  la  loi  morale  qui  est  son  but  :  d'où  laideur 
de  ses  actes.  Le  degré  de  laideur  est  déterminé  par  celui  du  désordre 
avec  lequel  la  force  agit.  Ainsi  la  laideur,  c'est  une  force  agissant  dans 
toute  sa  puissance,  de  façon  à  réaliser  un  grand  désordre. 

IL  —  Ridicule,  le  ridicule,  c'est  la  force  grande,  moyenne  ou 
petite,  dont  l'action  enfreint  Vordre  légèrement.  C'est  la  miniature  de 
la  laideur  ;  vg.  un  nez  un  peu  trop  long  fait  sourire  ;  qu'il  s'allonge 
démesurément,  le  visage  devient  laid. 

III.  —  Horrible  :  dans  ce  cas,  le  désordre  est  énorme  ;  vg.  un  monstre 
dans  l'ordre  physique  ou  moral  ;  vg.  Néron  faisant  périr  sa  mère. 

Dans  le  ridicule,  ie  désordre  est  léger  ;  dans  le  laid,  il  est  grave  ; 
dans  l'horrible,  il  est  extraordinaire  ;  vg.  mensonge  joyeux,  médisance 
notable,  calomnie  atroce. 

Objection  :  à  ce  compte,  une  œuvre  immorale  ne  saurait  être 
belle  ;  or  l'expérience  prouve  le  contraire. 

Réponse  :  dans  l'expression  des  passions  mauvaises  :  vg.  la  haine, 
la  vengeance,  il  faut  distinguer  trois  choses  : 

1"  L'art  avec  lequel  l'auteur  a  plus  ou  moins  bien  rendu  ces  passions 
On  peut  admirer  ce  beau  de  F  expression  :  c'est  rendre  justice  au  talent 
d'' exécution,  au  faire. 

2°  La  beauté  naturelle  de  l'être,  ses  facultés  de  sentir,  de  connaître 
et  d'aimer.  Ce  qui  reste  admirable,  c'est  la  grandeur  de  leur  dévelop- 
pement et  non  leur  mauvais  usage.  Dans  toute  activité  désordonnée, 
il  y  a  deux  éléments  :  une  puissance  et  une  déviation.  La  puissance, 
même  dévoyée,  garde  une  part  de  sa  beauté  originelle. 

o"  L'absence  de  beauté  morale  :  c'est  le  mauvais  usage,  la  déviation 
de  ces  facultés.  L'œuvre  immorale  est  belle  par  tous  les  éléments  vrais 
et  bons  qu'elle  conserve  nécessairement,  car  le  faux  et  le  mal  absolus, 
étant  le  néant,  ne  peuvent  exister.  Mais  sa  beauté  s'amoindrit  de  tout 
le  faux  et  de  tout  le  mal  qui  s'y  trouvent  mêlés.  Donc,  dans  une  œuvre 
laide  et  mauvaise  moralement,  ce  que  nous  admirons,  c'est  ce  qui  reste 
de  beau  (déploiement  des  facultés)  et  l'art  avec  lequel  l'auteur  l'a  rendu. 
C'est  ainsi  que  la  Cléopâtre  de  Corneille  a  une  grande  force  de  volonté 
(voilà  le  beau  naturel),  mais  tournée  vers  le  mal  (voilà  le  laid  moral). 
Corneille  a  puissamment  exprimé  ce  caractère  (voilà  le  beau  littéraire 
ou  d'' expression). 


392  LE    RIRE,    I.E    RIDICULE,    LE    RISIBLE  (10) 

10.  —  LE  RIRE,  LE  RIDICULE,  LE  RISIBLE 

I.  —  Le  Rire  (^)  :  c'est,  d'après  Aristote,  l'émotion  joyeuse,  résultant 
de  la  vue  d'une  disproportion  qui  n'a  rien  de  funeste  {^).  La  cause  du  rire 
est  donc  la  vue  d'une  disproportion. 

A)  Disproportion  physique  :  vg.  disproportion  entre  un  visage  et 
le  type  humain  ;  entre  un  mouvement  et  le  but  à  atteindre  :  vg.  un  tout 
petit  homme  se  baisse  en  passant  sous  une  porte  élevée. 

B)  Disproportion  intellectuelle  :  disproportion  entre  la  parole 
échappée  et  la  vérité  qu'on  saisit  sous  cette  parole  :  vg.  un  niais,  qui  se 
croit  de  l'esprit  et  qui  essaie  d'en  faire  sans  succès,  ne  réussit  qu'à  mettre 
en  évidence  la  disproportion  qui  existe  entre  ses  prétentions  et  son 
talent. 

C)  Disproportion  morale,  qui  résulte  d'un  travers  de  caractère.  C'est 
une  disproportion  entre  la  réalité  et  les  prétentions  de  l'individu  :  vg.  celui 
qui  se  donne  pour  brave  et  qu'on  voit  trembler  au  moiiidre  bruit. 

Mais  la  disproportion  ne  doit  avoir  rien  de  funeste,  n'être  ni  doulou- 
reuse, ni  dangereuse.  C'est  un  fait  d'expérience  :  dès  qu'apparaissent 
la  douleur  et  le  danger,  le  rire  est  glacé.  Le  plaisir  du  rire  vient  de  la 
découverte  vive  et  facile  par  l'intelligence  de  la  disproportion  qui  appa- 
raît entre  les  prétentions, de  l'être  ridicule  ou  risible  et  son  état  réel. 

IL  —  Le  Ridicule  :  c'est  surtout  la  disproportion  morale,  le  travers 
de  caractère  ;  elle  provient  d'une  volonté  libre.  C'est  le  vrai  champ  que 
Tesprit  doit  exploiter  ;  c'est  le  domaine  du  rire  fin,  de  la  haute  comédie 
qui  réclament  la  mise  en  scène  des  passions. 

III.  —  Le  Risible  :  c'est  plutôt  la  disproportion  fortuite  et  indé- 
pendante de  la  volonté  :  vg.  visage  grotesque.  C'est  le  domaine  de  la 
comédie  inférieure,  de  la  farce. 


BIBLIOGRAPHIE 


P.  SouHiAU,  La  Beauté  rationnelle.  Rêverie  esthétique. 
Tii.  Daiimen,  Die  Théorie  des  Schonen. 


{  M  DuMONT,  Les  causes  du  rire.  —  L.  Philbert,  Le  rire.  —  C.  Mélinand,  Pourquoi 
ril-on  '!  Revue  des  Deux  Mo.ndes,  1895,  T.  I,  p.  612  sqq.  —  Lipps,  Komik  und  Humor. 
Psychologie  der  Komik.  dans  Piiilosopiiische  Monatsheite,  T.  XXIV,  XXV.  —  P.  La- 
(  omue.  Du  comique  et  c/u  spiriluel,  Revue  de  Métaphysique  et  de  Morale,  1897,  p.  571  - 
590.  —  Cii.  LÉvÊQUE,  Le  rire,  le  comique  et  le  risible  dans  l'esprit  et  dans  l'art,  Revue  des 
Deux  Mondes,  1863,  T.  V,  p.  107  sqq.  —  H.  Bergson,  Le  rire.  —  L.  Dugas,  Psychologie 
du  rire.  La  Fonction  psychologique  du  rire,  dans  Revue  philosophique,  1906,  T.  Il,  p.  576 
sqq. 

(=)  Ani.'jTOïE,  Poétique,  Ch.  v,  n"  2.  Edit.  Didot,  T.  I,  p.  400. 


(10)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    LE    BEAU    ET    l'aRT  393 

L.  Prat,  U Art  et  la  Beauté  :  Kalliclès. 

Tolstoï,  Qu^ est-ce  que  V Art  ? 

G.  Lechalas,  Études  esthétiques. 

B.  Croce,  Esthétique  comme  Science  de  Vexpression  et  Linguistique 
générale.  Trad.  de  l'italien  par  H.  Bigot. 

P.  Maryllis,  Les  Harmonies  naturelles.  ' 

J.-H.  Tufts,  Genèse  des  catégories  esthétiques,  dans  Philosophical 
Review,  1903. 

J.  Sully,  Essai  sur  le  rire.  (Trad.  L.  et  A.  Terrier). 

Etiiel  D.  Puffer,  The  Psychology  of  Beau/y. 

G.  Perrot  et  Chipiez,  Histoire  de  F  Art  dans  V antiquité. 

A.  Michel,  Histoire  de  F  Art  depuis  les  premiers  temps  chrétiens 
jusqu'à  nos  jours. 

MiLSAND,  U Esthétique  anglaise. 

A.  Dayid-Saùvageot,  Le  Réalisme  et  le  Naturalisme. 

F.  Montargis,  U Esthétique  de  Schiller. 

L.  Voss,  Aesthetik  des  Schônen  und  der  Kunst. 

J.  Adeline,  Lexique  des  termes  d^ Art. 

A.  Fontaine,  Essai  sur  le  principe  et  les  lois  de  la  critique  d'art. 

C.-A.-C.  Herckenrath,  Problèmes  d'' Esthétique  et  de  Morale. 

P.  Gaultier,  Le  rire  et  la  caricature. 

H.-Cn.  Dehove,  Le  Fondement  objectij  de  la' notion  du  Beau,  dans 
Revue  des  Sciences  ECCLÉsiASTiquES,  1894,  t.  I,  p.  310-321  ;  495-505. 


CHAPITRE  II 
L'ART 


L'art,  en  général,  est  un  ensemble  de  moyens  pratiques  pour  atteindre 
un  but  :  vg.  l'art  médical,  Fart  de  la  culture.  Il  cherche  à  établir  non 
des  lois,  mais  des  préceptes.  Au  sens  strict,  qui  nous  occupe  ici,  c'est  la 
représentation  du  beau,  de  l'idéal,  sous  une  forme  sensible  :  telle  est  la 
définition  objective.  Au  point  de  vue  subjectif,  c'est  la  manifestation 
esthétique  du  génie  de  l'homme.  Le  but  suprême  de  l'œuvre  d'art, 
■c'est  la  réalisation  de  V idéal. 

11.  —  DOUBLE  ÉLÉMENT  DE  L'ART 

L  —  Élément  invisible,  signifié,  idéal  :  c'est  l'idée,  le  sentiment,  la 
sensation,  la  passion  exprimés. 

II.  —  Élément  visible,  significatif ,  sensible  :  c'est  la  forme  expressive 
•qui  manifeste  l'idée,  le  sentiment,  etc.  Ce  sont,  dans  la  nature,  les 
ebeaux-arts,  les  belles-lettres,  vg.  les  lignes  (architecture),  formes  (sculp- 
ture), couleurs  (peinture),  mouvements  (danse),  sons  (musique),  mots 
écrits  ou   parlés  (poésie,  éloquence). 

Trois  Écoles  :  on  peut  distinguer  trois  Écoles  d'art,  selon  la  part 
et  le  rang  donnés  à  l'un  ou  à  l'autre  des  éléments  artistiques  : 

A)  École  idéaliste,  qui  néglige  la  forme  sensible  pour  s'attacher 
Irop  exclusivement  à  l'idée,  au  fond. 

B)  École  réaliste,  qui  néglige  l'idéal  pour  se  borner  à  la  copie  de  la 
réalité.  Ces  deux  écoles  extrêmes  sont  dans  le  faux  :  la  première  mène 
à  la  sécheresse,  à  la  raideur,  au  conventionnel  ;  la  seconde  conduit  au 
■matérialisme  dans  l'art  qui  devient  un  corps  sans  âme.  La  première 
-donne  trop  à  la  raison,  la  seconde  trop  aux  sens. 

C)  École  spiritualiste  :  l'art  parle  aux  sens  pour  parler  à  l'esprit  ; 
il  use  de  formes  sensibles  pour  traduire  la  beauté  suprasensible.  De  la 
sorte,  il  est  proportionné  à  la  nature  humaine.  Comme  l'homme,  il  est 
esprit  et  corps  :  esprit  j)ar  la  beauté  qu'il  traduit  ;  corps,  par  la  forme 
sensible  dont  il  use  pour  la  traduire.  Chacun  de  ces  deux  éléments  est 
nécessaire  à  l'art  humain  :  l'erreur.  (|ui  traite  l'homme  comme  un  pur 


(13)  l'idéal    :    FORMATION    ET    ORIGINE  395 

esprit^  tue  l'art  en  dédaignant  ou  en  condamnant  la  forme  sensible  ; 
l'erreur  opposée,  qui  envisage  l'homme  comme  une  pure  matière,  tue 
l'art  en  le  réduisant  à  une  forme  vide.  La  vérité  est  dans  V union  de  ces 
deux  éléments  et  dans  la  subordination  du  sensible  à  l'idéal  ;  de  même 
l'homme  est  composé  d'esprit  et  de  matière,  et  la  matière  doit  être 
soumise  à  l'esprit.  C'est  à  la  fois  une  règle  morale  et  une  loi  artistique. 

12.  —  L'IDÉAL  :  FORMATION  ET  ORIGINE    {') 

Au  sens  large^  l'idéal  c'est  ce  qui  existe  dans  Vidée;  au  sens  strict, 
c'est  un  type  de  beauté  parfaite  conçue  par  l'imagination  créatrice. 
L'idéal  est  plus  beau  que  nature,  plus  beau  que  la  réalité  telle  quelle. 
Idéaliser,  c'est  donc  élever  à  la  beauté  supérieure.  C'est  l'œuvre  de 
l'imagination  créatrice  (Ps.  122,  124). 

A)  Formation  :  supposons  qu'on  ait  à  se  former  l'idéal  d'un  beau 
visage  ou  l'idéal  du  courage.  L'artiste  y  arrive  par  trois  opérations 
successives  : 

I.  —  Choix  ou  abstraction  :  je  fais  appel  à  mes  souvenirs  ;  je  choisis, 
parmi  les  traits  de  courage,  les  éléments  constitutifs  qui  me  paraissent 
les  plus  saillants. 

IL  —  Assemblat^e  :  je  réunis  ces  traits  épars  et  j'en  compose  un 
caractère,  un  type  de  courage  que  je  n'ai  vu  nulle  part,  plus  beau  que 
la  réalité. 

III  —  Perfectionnement  ou  Transcendance  :  cette  beauté  déjà 
idéale  peut  grandir  encore.  Par  l'effort  de  la  méditation  personnelle, 
l'artiste  cherchera  à  se  représenter  sous  des  trait?  de  plus  en  plus  parfaits^ 
de  manière  à  dépasser  [transcendere)  le  plus  possible  les  vulgarités  de  la 
réalité,  ce  type  de  courage  qu'il  contemple  en  esprit.  Cet  idéal,  que 
l'artiste  forme  ainsi  par  voie  à.' abstraction,  à' assemblage  et  de  transcen- 
dance, c'est,  en  définitive.  Vidée  aussi  parfaite  que  possible  qu'il  se  fait 
d'un  objet.  Cet  idéal  est  donc  purement  relatif  à  sa  puissance  de  concep- 
tion :  une  imagination  plus  puissante  créerait  un  idéal  supérieur. 

L'idéal  de  cet  objet  existe  aussi  dans  l'intelligence  divine  :  c'en  est 
l'archétype,  l'exemplaire  inaccessible.  Plus  la  conception  de  l'artiste 
se  rapprochera  de  l'idée  divine,  plus  son  idéal  sera  parfait  (^).  Tout  ce 
que  les  objets  créés  et  l'idéal  conçu  par  l'artiste  ont  de  vérité,  de  bonté.. 


(  ')  G.  LoNGiiAYE,  Théorie  des  Belles-Letlres,  L.  II,  Ch.  m.  —  J.  Pérès,  L'art  et  le  réeL 
—  A.  RiCARDOU,  L'Idéal.  —  Th.  Ribot,  Essai  sur  l'imagination  créatrice.  —  E.  Joyau, 
De  l'Invention  dans  les  Arts  et  dans  les  Sciences.  —  P-  Souriau,  L' Imagination  de  l'Artiste. 
La   Suggestion   dans  l'Art. 

(  M  M.  LiBERATORE,  De  la  Connaissance  intellectuelle,  Ch.  viii.  L'Exemplarisme  divin. 


396  l'idéal  :  ses  effets  et  son  rôle  (13) 

de  beauté,  se  trouve  en  Dieu  d'une  façon  suréminente.  Dieu  est  l'idéal 
absolu  (  ^)  de  toute  beauté  ;  et  les  choses  ne  sont  belles  que  parce  qu'elles 
reflètent  et  dans  la  mesure  où  elles  reflètent  les  perfections  divines. 
L'idéalisation  est  donc  une  ascension  indéfinie  de  l'âme  s'élevant  des 
êtres  créés  à  l'Être  parfait.  L'idéal  est  par  conséquent  plus  réel  que  la 
réalité  vulgaire,  parce  que,  contenant  plus  de  beauté,  il  contient  par  là 
même  plus  de  perfection,  donc  plus  d'être,  plus  de  vérité,  de  bonté, 
donc  plus  de  réalité. 

B)  Origine  :  la  notion  de  l'idéal  est  donc  due  au  concours  de  Vexpé- 
rience  et  de  la  raison.  La  mémoire  fournit  les  matériaux,  fruit  de  l'expé- 
rience, —  et  l'imagination  créatrice,  c'est-à-dire  la  raison  esthétique, 
les  élabore,  conçoit  l'idéal  par  la  triple  opération  indiquée.  Le  travail 
créateur  de  l'artiste  ne  consiste  pas  seulement  à  mettre  dans  un  ordre 
nouveau  des  éléments  choisis  dans  la  réalité  :  à  cette  œuvre  l'imagi- 
nation combinatrice  ordinaire  suffit.  Il  consiste  surtout  dans  1'  «  inven- 
tion ))  d'une  idée  neuve  ou  d'un  sentiment  original  qui  préside  à  cette 
combinaison.  (Psych.  124,  §  I,  B). 

13.  —  L'IDÉAL  :  SES  EFFETS  ET  SON  ROLE 

§  L  —  EFFETS  DE  U IDÉAL   {^) 

A)  Sur  la  Sensibilité  :  Admiration.  Le  beau  idéal  entrevu  produit 
ce  sentiment  généreux  et  désintéressé  qu'on  nomme  Vadmiration.  Elle 
renferme  une  part  d' étonnement  causée  par  Vapparition  de  quelque 
chose  de  grand. 

B)  Sur  l'Activité  :  I'^^  Degré  :  Inspiration.  L'idéal  mieux  connu. 
c'est-à-dire  non  pas  seulement  entrevu,  mais  contemplé,  produit  Vinspi- 
ration  ou  enthousiasme,  exaltation  puissante  et  ordonnée  des  facultés 
de  l'âme.  Tout  homme,  fortement  ému  au  spectacle  de  l'idéal,  exprime 
son  admiration  par  des  paroles  ou  tout  au  moins  par  l'expression  de  sa 
physionomie  qui  s'illumine  et  s'embellit.  Voilà  le  premier  degré  de 
l'activité  esthétique  :  c'est  Vexpression  naturelle  et  spontanée  de  l'impres- 
sion faite  par  Fidéal  sur  toute  âme  capable  de  le  comprendre  et  de  le 
goûter.  Cette  activité  n'aboutit  pas,  quand  on  n'est  pas  doué  de  facultés 
esthétiques,  à  une  œuvre  artistique,  mais  à  une  élévation  morale  passa- 
gère ;  l'âme  s'est  un  moment  haussée  au-dessus  des  préoccupations 
vulgaires  et  égoïstes.  Il  en  reste  un  souvenir  délicieux  et  fortifiant, 

11^  Degré  :  Création  artistique  :  c'est  Vexpression  réfléchie  du  beau. 


(')  s.   Denys,  Les  Xoms  divins,  Cli.  iv,   §  7  :   llaYx.aÀov  oiij.y.  x«t  uTtî'pxaXov, 
(  ')  Ch.  Lévêuue,  La  Science  du  Beau,  V  P.,  Cli.  iv,  v. 


(14)  IMITATION,    FICTION,    IDÉALISATION  397 

Les  âmes  d'artistes  ne  se  contentent  pas  de  contempler  un  instant 
l'idéal  ;  elles  s'efforcent  de  le  perfectionner  sans  cesse,  de  le  préciser, 
d'en  faire  une  réalité  vivante  dans  leur  esprit.  Pour  cela,  il  faut  que  la 
raison  et  la  volonté  gouvernent  énergiquement  l'exaltation  des  facultés 
inférieures  ;  la  puissance  est  au  prix  de  cette  exaltation  ;  l'ordre,  au 
prix  de  ce  gouvernement.  C'est  la  condition  de  la  fécondité  esthétique. 
Sous  rinfluence  de  cette  inspiration  puissante  et  contenue,  celui  qui 
sait  manier  une  langue  artistique,  lignes,  formes,  couleurs,  sons  ou 
paroles,  l'œil  fixé  sur  l'idéal  nettement  conçu,  l'exprime  dans  une 
forme  sensible.  L'inspiration  est  devenue  création  :  l'idéal  a  été  réalisé 
dans  une  œuvre  visible.  Mais  le  plus  habile  artiste  n'égale  jamais  son 
idéal  :  l'exécution  reste  au-dessous  de  la  conception  :  «  Nous  ne  pouvons 
égaler  notre  pensée,  dit  Bossuet,  tant  Dieu  a  pris  soin  de  marquer  son 
infinité.  » 

§  IL  —  ROLE  DE  UIDÉAL 

A)  Dans  les  Arts  et  les  Lettres.  L'idéal  est  : 

io  La  raison  d'être  de  l'art  :  si  l'art  consistait  à  copier  exactement 
le  réel,  il  faudrait  le  supprimer,  car  le  réel  est  supérieur  à  sa  repro- 
duction purement  matérielle  :  vg.  on  préférera  toujours  le  lys  de  la 
vallée  à  un  lys  copié  par  un  peintre  (14,  §  A,  11,  C). 

20  Sa  condition  néces.saire  :  l'imitation  pure  et  simple  est  impos- 
sible ;  bon  gré,  mal  gré,  l'artiste  idéalise  (14,  §  A,  II,  B). 

B)  Dans  la  vie  :  la  réalité  d'ordinaire,  à  cause  de  ses  vulgarités 
et  de  ses  mesquineries,  laisse  l'âme  à  sa  médiocrité  habituelle  ;  l'idéal 
l'élève  et  l'agrandit,  car  l'art,  qui  s'inspire  de  l'idéal,  nous  porte 
à  idéaliser  notre  caractère  et  notre  vie.  (Psych.,  124,  §  III). 


14.  —  IMITATION,  FICTION,  IDÉALISATION 

L'art,  dans  sa  recherche  de  la  beauté,  peut  suivre  trois  voies  :  1°  Se 
modeler  sur  la  réalité  :  c'est  V imitation  pure  et  simple. — 2^  Gréer  des 
œuvres  sans  rapport  avec  la  réalité  ;  c'est  le  procédé  de  la  fiction.  — 
3°  Transformer  la  réalité  pour  la  rendre  plus  conforme  aux  exigences  de 
la  raison  et  de  la  sensibilité  :  c'est  V idéalisation. 

§  A.  —  IMITATION  ET  IDÉALISATION 

L'art  doit-il  reproduire  le  plus  exactement  possible  la  nature  ?  Le 
réalisme  ou  naturalisme  répond  affirmativement  :    ne  rien  omettre,  ne 


398  IMITATION,    FICTION,    IDÉALISATION  (14) 

rien  retrancher  ;  pas  de  choix,  pas  de  modifications  :  voilà  la  théorie. 
Pour  réfuter  cette  théorie  il  faut  établir  les  deux  propositions  suivantes  : 
1°  L'art  doit  imiter  la  nature.  —  2°  L'art  ne  doit  pas  se  borner  à  l'imi- 
tation de  la  nature. 

I.  —  L'Art  doit  imiter  la  nature.  En  effet  : 
1°  L'art  a  commencé  par  l'imitation  en  tout  pays. 
20  L'art  est  toujours  une  imitation,  car  il  emprunte  à  la  nature  : 
a)  Les  éléments  qu'il  met  en  œuvre  :  lignes,  formes,  couleurs,  sons,  etc. 
Il  n'appartient  qu'à  Dieu  de  créer  la  matière  et  la  forme  ;  l'artiste  se 
borne  à  modifier  la  matière  préexistante  (Psych,,  120,  II).  —  b)  Le  fond 
de  ses  sujets. 

3°  Autrement  l'art  n'aboutirait  qu'à  des  abstractions  pleines  de 
sécheresse  ou  à  des  fantaisies  désordonnées. 

Beauté  de  l'imitation  :  l'art  qui  vise  avant  tout  à  l'imitation  de  la 
réalité  n'est  qu'un  art  inférieur,  dont  le  principal  mérite  est  celui  de 
la  difficulté  vaincue. 

En  admirant  l'œuvre  d'art,  nous  sympathisons  avec  le  talent  de 
l'artiste  qui  rivalise  d'habileté  avec  la  nature.  C'est  le  charme  de  certains 
tableaux  de  genre  des  écoles  flamande  et  hollandaise.  Mais,  dans  bien 
des  cas,  le  plaisir  produit  par  l'imitation  est  amoindri  ou  annulé  :  vg.  si 
l'objet  reproduit  est  insignifiant,  laid  ou  immoral,  sa  copie  sera  indiffé- 
rente, hideuse  ou  répugnante.  Par  conséquent  c'est  à  tort  que  Boileau 
a  dit  :  ^- — ^ 

Il  n'est  pas  de  serpent  ni  de  monstre  odieux, 
Qui  par  l'art  imité  ne  puisse  plaire  aux  yeux. 
L'artiste,  qui  vise  à  l'imitation  scrupuleuse  de  la  réalité,  n'aboutit 
donc  qu'à  provoquer  une  émotion  esthétique  d'un  ordre  peu  relevé. 

Une  autre  conséquence  inacceptable  de  la  théorie  de  l'imitation  c'est 
d'identifier  Vart  à  la  science^  car  il  n'y  a  pas  de  meilleur  moyen  pour 
reproduire  fidèlement  la  réalité  que  d'en  avoir  une  connaissance  exacte, 
scientifique. 

L'imitation  plus  ou  moins  servile  de  la  nature  ne  produisant  qu'un 
art  inférieur,  et  d'autre  part  l'imitation  exclusive  étant  chimérique, 
il  reste  que  l'imitation  n'est  pas  le  dernier  mot  de  l'art. 

IL   —  L'Art  ne  doit  pas  se  borner  à  l'imitation  de  la  nature. 
La  reproduction  stricte  de  la  nature  n'est  ni  réalisée  ni  réalisable  par 
aucun  art  ;  le  fùt-elle,  elle  ne  serait  pas  désirable. 
A)  Elle  n'est  pas  réalisée.  En  eft'et  : 

1°  Dans  certains  arts  l'imitation  est  presque  complètement  absenie  : 

\g.V architecture  ne  cherche  pas  à  imiter  fidèlement  les  lignes  qu'elle 

reproduit  ;  —  la  musique  n'imite  qu'accidentellement  les  bruits  de  la 

nature  ;  —  la  poésie,  quand  elle  emploie  le  vers,  s'éloigne  de  la  réalité. 

2°   Même  dans  les  arts  dits  d'imitation  (peinture,  sculpture,  théâtre), 


(14)  IMITATION,    FICTION,    IDÉALISATION  399 

la  convention  a  une  large  part  ;  vg.  dans  la  peinture  :  différence  des 
dimensions,  cadre  ;  —  dans  la  sculpture  :  immobilité  absolue,  d'ordi- 
naire uniformité  de  couleur,  yeux  sans  prunelle  ;  —  dans  la  poésie 
dramatique  :  loin  de  copier  servilement  la  conversation,  elle  l'altère 
avec  intention  (vers,  rimes,  musique)  ;  l'Iphigénie  de  Gœthe  en  prose 
est  bien  inférieure  à  son  Iphigénie  en  vers.  —  Autres  conventions  pour 
le  temps,  le  lieu,  le  décor  de  la  représentation. 

30  Dans  les  arts  imitatifs  V imitation  est  un  moyen  et  non  une  fin. 

B)  Elle  n'est  pas  réalisable.  En  effet  : 

1°  Rivaliser  avec  la  nature,  c'est  pour  l'art  se  condamner  à  une 
infériorité  inévitable  :  la  nature  est  complexe,  ondoyante,  vivante. 
Comment  en  reproduire  les  mille  détails,  les  nuances  variées  à  l'infini, 
la  puissance,  le  mouvement  et  la  vie  ?  Surtout,  comment  l'égaler  ? 
L'art  ne  peut  égaler  l'éclat  d'une  fleur,  comment  égalerait-il  l'éclat  du 
soleil  ?  L'art,  forcément,  simplifie  et  immobilise.  Pour  compenser  son 
infériorité  l'art  doit  dépasser  la  nature  en  l'imitant  :  il  ajoute  à  la  réalité 
le  resplendissement  de  la  vie  idéale. 

2°  La  nature  ne  nous  apparaît  qu'au  travers  de  notre  esprit  :  chacun 
la  voit  d'après  ses  dispositions  innées  et  acquises.  Il  s'ensuit  qu'aucune 
oeuvre  d'art  ne  peut  être  la  simple  copie  d'un  objet  ;  elle  est  nécessai- 
rement aussi  V expression  d'un  état  d'âme.  Mettez  vingt-cinq  peintres 
réalistes  en  face  du  même  paysage  :  toutes  les  reproductions  seront 
différentes  et  cependant  le  modèle  est  unique  (^).  L'artiste  idéalise 
toujours  plus  ou  moins  :  il  fait  plus  beau  ou  plus  laid  que  nature. 

Tout  le  monde  fait  instinctivement  de  ^l'idéal,  même  dans  la  vie 
familière,  car  nous  faisons  spontanément  un  triage  parmi  les  réalités 
que  nous  voyons.  Que  dix  personnes  soient  témoins  d'un  naufrage,  leur^ 
récit,  identique  quant  au  fond,  variera  pour  les  détails  ;  chacun  ne 
prend  et  ne  retient  du  même  spectacle  que  ce  qui  l'a  frappé  et  dans  la 
mesure  où  il  l'a  frappé.  Il  en  est  ainsi  a  fortiori  de  l'artiste,  àme  vibrante  : 
il  marquera  les  choses  qu'il  reproduit  de  son  empreinte  personnelle  ; 
c'est  ce  qui  fait  l'originalité  des  œuvres  d'art. 

C)  Elle  ne  serait  pas  désirable,  fût-elle  réalisable.  En  effet  : 

1°  Si  l'art  n'avait  pour  objet  que  l'imitation  du  réel,  il  n'aurait  plus 
de  raison  d'être  :  il  ferait  double  emploi.  La  réalité  sera  toujours  plus 


(  ')  TiiPFFEn,  Réflexions  et  menus  propos  d'un  peintre  genevois,  L.  IV,  Ch.  v.  —  On  cite 
■quelquefois  à  l'appui  de  cette  doctrine  le  mot  de  Bacon  :  Ars,  siée  addilv^  rébus  homo  (De 
Augmentis  Scientiarum,  L.  II,  C.  11).  Mais  ce  n'est  là  qii'une  extension  de  la  pensée  de 
Bacon.  En  voici  le  sens  direct.  ïln  rapprochant  certains  corps,  l'homme  leur  permet  d'agir 
les  uns  sur  les  autres  et  fournit  ainsi  à  la  nature  la  possibilité  de  produire  des  corps  nouveaux 
L'art,  c'est  donc  l'action  de  l'homme  venant  en  aide  à  la  nature.  Cf.  G.  Sort.\is,  La  Philo- 
sophie moderne  depuis  Bacon  jusqu'à  Leibniz,  T.  I,  p.  315,  Paris,  1920. 


400  IMITATION,    FICTION,    IDÉALISATION  (14) 

vraie  que  la  reproduction  la  plus  réaliste.  On  préférera  toujours  la 
violette  des  champs  à  l'imitation  de  ses  formes  par  le  pinceau. 

2°  Si  rimitation  était  le  tout  de  l'art,  le  chef-d'œuvre  serait  d'atteindre 
à  l'illusion  complète  ;  ce  serait  le  trompe-VœU  (vg.  raisins  de  Zeuxis). 
Or  la  recherche  trop  exclusive  de  l'imitation  empêche  l'art  d'arriver  à 
son  but  :  l'émotion  esthétique.  En  effet,  un  objet  trop  exactement 
reproduit  paraît  être  réel  ;  dès  lors  on  le  prend  au  sérieux,  on  le  traite 
comme  une  réalité  ;  il  ne  provoque  pas  l'activité  de  jeu  :  c'est  pourquoi 
il  ne  produit  pas  d'efîet  esthétique,  il  n'est  pas  beau.  Même  si  l'illusion 
est  trop  complète,  on  est  mécontent  d'avoir  été  dupé.  Bien  plus,  s'il 
s'agit  d'un  drame,  le  sentiment  esthétique  disparaît  pour  faire  place  à 
un  sentiment  pénible  :  «  Si  je  croyais,  dit  Cousin,  qu'Iphigénie  est  en 
effet  sur  le  point  d'être  immolée  par  son  père  à  vingt  pas  de  moi,  je 
sortirais  de  la  salle  en  frémissant  d'horreur.  » 

30  Si  donner  l'illusion  du  réel  était  le  but  de  l'art,  un  beau  moulage 
l'emporterait  sur  une  belle  statue,  la  photographie  sur  la  peinture. 

Conclusion  :  l'artiste  doit  surpasser  la  nature  en  l'imitant.  La  réalité 
doit  être  embellie,  mais  rester  reconnaissable.  Il  faut  donc  idéaliser. 
Comment  ? 

10  En  choisissant  parmi  les  éléments  à  reproduire  ceux-là  seulement 
qui  sont  expressifs.  Le  beau,  qu'offre  la  réalité,  est  en  efTet  mêlé  à  quantité 
d'éléments  insignifiants  ou  laids.  L'art  le  dégage  de  ces  entours  compro- 
mettants, qui  l'empêchaient  de  ressortir. 

2°  En  perfectionnant  les  éléments  choisis. 

30  En  faisant  tout  converger  à  la  manifestation  du  caractère  dominant 
qu'on  veut  mettre  en  relief  (15,  V)  (^). 

La  puissance  et  la  fécondité  de  l'art  lui  viennent  de  sa  liberté  d'allure  : 
étant  affranchi  des  conditions  qui  entravent,  dans  la  nature,  la  réali- 
sation de  la  beauté,  à  savoir  la  réalité,  la  matérialité,  les  lois  de  l'espace 
et  du  temps,  les  exigences  de  l'utile,  «  il  lui  est  facile,  dit  Aristote,  de 
faire  des  choses  que  ne  peut  faire  la  nature  ». 

§  B.  —  FICTION  ET  IDÉAL 

La  fiction  n'a  pas  de  lois  ;  elle  défigure  la  nature  ;  elle  est  en  dehors 
de  la  réalité.  C'est  une  combinaison  arbitraire  et  capricieuse  d'éléments 
empruntés  à  la  nature  :  vg,  un  centaure.  L'idéal  est  une  beauté  plus 
parfaite  que  la  réalité  ;  il  est  au-dessus  de  la  nature,  mais  dans  le  même 
sens  qu'elle  :  c'est  la  nature  dégagée  de  ses  imperfections.  Ils  diffèrent 
par  : 


(>)  Cf.  G.  Sortais,  L'Esthétique  de   Masaccio,  dans  Études  philosophiques  et  sociales, 
Ch.  vui,   p.   389-401. 


(15)  LES    GRANDES    LOIS    DE    l'aRT  401 

I.  —  Leurs  fins  :  la  fiction  s'adresse  à  V iinagination  et  aux  sens  pour 
les  amuser  ou  les  éblouir.  —  Le  but  de  l'idéal,  c'est  de  procurer  un  plaisir 
profond  et  durable,  le  plaisir  de  la  sensibilité  morale  et  celui  de  la  raison 
qui  reconnaît  dans  l'idéal  une  image  de  son  objet  suprême,  le  vrai  absolu 
et  parfait. 

II.  —  Leurs  causes  :  a)  Fiction  :  elle  est  due  à  V imagination  comhi- 
natrice  disposant  à  son  gré  les  éléments  que  lui  fournit  le  monde  réel 
(Ps.  122).  La  fantaisie,  la  caricature,  le  merveilleux  sont  les  procédés 
habituels  de  la  fiction.  On  la  trouve  dans  les  féeries,  les  romans  de  cape 
et  d'épée,  les  comédies  d'intrigues,  etc. 

b)  Idéal  :  c'est  l'œuvre  de  V imagination  créatrice.  Les  procédés 
d'idéalisation  sont  le  choix^  V assemblage.,  la  transcendance  (12).  On  peut 
citer  comme  exemples  d'idéal  :  le  Cid.,  Polyeucte,  le  çieil  Horace  de 
Corneille  ;  VAndromaque  de  Racine  ;  V Avare,  le  Misanthrope  de  Molière. 

III.  —  Leurs  caractères  :  a)  la  Fiction  peut  être  invraisemblable, 
extravagante,  contraire  aux  lois  de  la  nature;  —  1' Idéal  est  logique  et 
naturel,  car  l'idéal  d'un  être  se  compose  des  éléments  essentiels  qui  le 
constituent  ;  sa  beauté  lui  vient  de  la  grandeur  et  de  Vordre  de  ses  élé- 
ments. Aussi,  bien  que  plus  parfait  que  le  réel,  il  ne  lui  est  pa-s  opposé  : 
en  somme,  il  est  le  réel  lui-même,  plus  puissant  et  mieux  ordonné. 

b)  L'Idéal  élève  l'esprit  et  échauffe  le  cœur,  puisqu'il  remue  puis- 
samment toutes  les  facultés  de  l'âme.  —  Souvent,  rien  n'est  froid  et 
sec  comme  la  Fiction,  l'allégorie. 

Conclusion  :  les  arts  ne  peuvent  se  passer  de  l'imitation  et  de  l'idéal  ; 
mais  la  fiction  ne  leur  est  point  nécessaire.  Elle  peut  même  leur  nuire, 
surtout  quand  il  s'agit  de  peindre  la  vie  humaine,  comme  dans  les 
romans.  L'idéal  nous  montre  un  but  élevé,  mais  possible  et  raisonnable  ; 
la  fiction  peut  jeter  dans  un  monde  de  chimères,  qui  dégoûtent  des 
réalités  austères  du  devoir,  nous  faisant  oublier,  selon  le  mot  connu, 
que  nous  «  avons  à  cultiver  notre  jardin  ». 


15.  —  LES  GRANDES  LOIS  DE  L'ART 

On  peut  ramener  aux  suivantes  les  lois  qui  président  à  la  production 
de  l'œuvre  d'art  : 

I.   —  Imitation  :   L'artiste  doit  imiter  la  nature  (14,  §  A,  l). 

IL  —  Sélection  :  L'artiste  fie  doit  pas  tout  imiter  dans  la  nature. 
Il  doit  choisir  les  caractères  :  a)  puissants,  c'est-à-dire  essentiels  ou  prin- 
cipaux, parce  que  ce  sont  les  plus  stables  et  les  plus  généraux  ;  par  là 
même  ils  sont  d'un  intérêt  durable  et  universel  ;  —  b)  ordonnés,  parce 
que  ce  qui  est  grand,  noble,  parfait  excite  de  plus  vives  sympathies. 
C'est  un  fait  que  les  œuvres  artistiques  les  plus  belles  sont  celles  qui 


402  LES    GRANDES    LOIS    DE    l'arT  (15^ 

expriment  les  caractères  les  plus  puissants  et  les  mieux  ordonnés  (2,  IV)  (^). 

III.  —  Simplification  :  L'artiste  doit  dégager  le  caractère,  qu'il  veut 
faire  ressortir,  de  tous  les  détails  inexpressifs  qui  l'enveloppent  dans  la 
réalité. 

IV.  —  Sublimation  ou  Transcendance  :  L'artiste  doit  perfectionner 
les  éléments  choisis  et  simplifiéf^,  les  porter  au  plus  haut  degré  possible 
de  puissance  et  d'ordre  (12,  A). 

V.  —  Concentration  :  L'artiste  doit  faire  converger  tous  les  éléments 
choisis,  simplifiés,  perfectionnés  au  resplendissement  des  caractères  qu'il 
(^eut  exprimer.  Pour  y  parvenir  l'artiste  devra  observer  ces  deux  lois 
fondamentales  de  la  création  artistique   (^)  :  V Expansion,  la  Proportion. 

VI.  —  Expansion  :  L'artiste  doit  déployer  puissamment  toutes  ses 
facultés  esthétiques.  L'œuvre  d'art  ne  sera  puissante  que  s'il  atteint 
avec  force  et  à  la  fois  toutes  les  facultés  esthétiques  de  l'homme.  Pour 
cela  l'artiste  doit  offrir  à  chacune  l'élément  qu'elle  réclame  :  le  vrai 
lumineux  et  imagé  à  l'intelligence,  le  bien  honnête  à  la  volonté,  des 
émotions  à  la  sensibilité.  Mais  comment  l'artiste  atteindra-t-il  puissam- 
ment et  simultanément  toutes  les  facultés  d'autrui,  si  ce  n'est  par  le 
déploiement  puissant  et  simultané  de  toutes  les  siennes  ? 

VII.  —  Proportion  :  L'artiste  doit  déployer  toutes  ses  facultés  esthé- 
tiques, mais  selon  leur  hiérarchie  invariable  et  les  exigences  variables  de 
l'objet  :  toutes  les  facultés  de  l'artiste  doivent  concourir  à  l'œuvre  d'art, 
mais  non  à  parts  égales.  La  part  de  chacune  doit  être  mesurée  par  une 
double  proportion  :  a)  entre  les  facultés  ;  b)  entre  les  facultés  et  l'objet 
à  exprimer  : 

§  A.  —  PROPORTION  ENTRE  LES  FACULTÉS 

Elle  doit  être  réglée  d'après  la  hiérarchie  essentielle  des  facultés  : 
ainsi  l'imagination  ne  devra  jamais  dominer  la  raison,  c'est-à-dire 
l'image,  éclipser  la  pensée  ou  en  tenir  lieu  ;  —  jamais  la  sensibilité  ne 
doit  énerver  le  vouloir  par  des  émotions  trop  molles  ou  trop  violentes  ; 
—  jamais  l'éclat  des  couleurs,  l'harmonie  matérielle  du  rythme  et  de  la 
cadence,  le  nombre  oratoire  ne  doivent  distraire  la  pensée  ni  étouffer 
le  sentiment.  L'art  doit  se  conformer  à  l'ordre  essentiel  voulu- de  Dieu  : 
c'est  une  loi  tout  ensemble  esthétique  et  morale.  La  hiérarchie  implique 
la  subordination  :  il  faut  donc  que  les  facultés  sensitives,  comme  l'ima- 
gination reproductrice,  la  perception  extérieure,  la  sensibilité  intel- 
lectuelle et  morale,  soient  subordonnées  aux  facultés  spirituelles  :  la 


(  ')  Taine,  Philosophie  de  l'Art,  Partie  I,  Cli.  i,   §  IV-V. 

(  •)  L'exposé  de  ces  deux  lois  est  emprunté  à  la  Théorie  des  DMes-LelIres  de  G.  Lonohave, 
1,.  I.  Ch.  i-iii. 


15)  LES    GRANDES    LOIS    DE    l'aRT  403 

raison  et  la  volonté.  L'imagination  et  la  sensibilité  doivent  rester  à  leur 
placé  :  ce  sont  les  servantes  et  non  les  maîtresses  du  logis.  La  rupture 
de  cette  hiérarchie,  ce  déclassement  des  facultés  se  montre  dans  le 
romantisme,  le  fantaisisme,  le  naturalisme,  etc. 

Conséquences  funestes  de  cette  raptare  : 

1°  Pour  la  raison  et  la  volonté  :  la  raison  est  amoindrie^  car  où  l'ima- 
gination domine,  la  rectitude  du  jugement  fléchit  ;  amusé  par  le  jeu 
brillant  des  images,  l'esprit  se  dégoûte  de  la  réflexion  et  répugne  à  tout 
effort  d'abstraction  et  de  généralisation.  —  La  volonté  est  énervée, 
car  la  recherche  des  émotions  molles  ou  vagues  paralyse  son  élan,  et 
«  l'habitude  des  émotions  violentes  la  mène  par  l'exaltation  à  l'atonie^ 
comme  on  va  à  la  prostration  par  la  fièvre  )>. 

2»  Pour  l'imagination  et  la  sensibilité  :  elle  les  use  et  les  matérialise. 
Les  facultés  purement  s])irituelles  (intelligence  et  volonté)  ne' se  fatiguent 
jamais  de  leur  objet  :  la  lumière  de  l'évidence  n'offusque  pas  la  raison  ; 
Ja  grandeur  du  bien  n'énerve  pas  la  volonté.  Les  facultés  sensitives,  au 
contraire,  étant  conditionnées  par  l'organisme,  si  on  leur  prodigue  leur 
objet,  l'organisme  s'use,  et,  conséquemment,  l'exercice  des  facultés 
elles-mêmes  est  entravé.  L'imagination  et  la  sensibilité  morale  parti- 
cipent de  la  commune  infirmité  des  sens  :  vg.  une  lumière  trop  vive  irrite 
les  yeux,  un  son  trop  intense  blesse  l'oreille  ;  les  sens  ont  besoin  d'im- 
pressions modérées  pour  se  déployer  normalement  et  par  conséquent 
pour  jouir,  (Ps.,  21).  De  même  pour  l'imagination  :  la  prodigalité  habi- 
tuelle des  couleurs  la  rend  plus  exigeante,  plus  lourde  à  soulever.  Une 
fois  à  ce  régime  surexcitant  elle  se  déprave  :  le  grand  ne  lui  suffit  plus  ; 
il  lui  faut  le  gigantesque,  le  démesuré.  De  même  pour  la  sensibilité  : 
l'excès  des  émotions  l'appesantit,  l'endurcit  aux  impressions  naturelles, 
la  blase  sur  les  émotions  mesurées  :  il  lui  faut  alors  de  l'horrible  pour  la 
remuer.  «  Le  pathétique  outré,  dit  Joubert,  est  pour  les  hommes  une- 
source  funeste  d'endurcissement.  »  C'est  ce  qui  explique  l'alliance  de 
la  sensibilité  exaltée  à  outrance  et  de  la  cruauté.  Les  Romains  couraient 
au  cirque  comme  d'autres  se  plaisent  aux  exécutions  capitales.  De  là 
cette  sensiblerie  maladive  du  xviii^  siècle  et  de  la  Révolution. 

-')"  Pour  le  goût  français  :  le  romantisme,  qui  est  la  mise  en  système 
et  en  pratique  de  cette  rupture,  en  excitant  un  besoin  de  couleur  voyante 
et  d'émotion  excessive,  a  dégoûté  l'esprit  français  de  la  beauté  calme 
et  mesurée.  Ce  qui  est  d'un  éclat  tempéré  parait  terne,  ce  qui  n'est  pas- 
violent  semble  morne.  C'est  le  fruit  naturel  d'un  dévelopi)ement  anormal 
et  morbide  de  l'imagination  et  de  la  sensibilité. 

§  B.  —  PROPORTION  ENTRE  LES  FACULTÉS  ET  L'OBJET 

V    L'esprit  de  l'artiste  doit  se  représenter  les  choses  au  vrai,  c'est-à-dire 
bien  voir  ce  qu'elles  ont  de  réel,  d'imagé,  d'émouvant.  A  ce  prix  chacune 


404  VALEUR    DES    LOIS    OU    RÈGLES    ARTISTIQUES  (16) 

des  facultés  esthétiques  sera  déployée  dans  une  mesure  proportionnée 
à  la  nature  des  objets.  Quand  un  artiste  a  reçu  du  dehors  une  impression 
vraie  et  complète,  il  lui  reste  à  exprimer  cette  impression  dans  son  oeuvre. 
L'expression  devra  être  en  parfait  accord  avec  les  caractères  des  objets  : 
elle  sera  délicate  ou  forte,  brillante  ou  sévère,  simple  ou  grandiose,  diver- 
sement colorée  ou"  chaleureuse,  selon  la  nature  des  choses  qu'elle  veut 
rendre.  L'observation  de  ce  second  article  de  la  loi  de  proportion  aura 
pour  résultats  deux  grandes  qualités  artistiques  : 

1°  La  variété  qui,  selon  Bossuet,  est  «  tout  le  secret  de  plaire  »  : 
en  eiïet  comme  les  objets  sont  variés  et  comme  chaque  objet  a  des 
aspects  divers,  si  on  les  reproduit  fidèlement,  il  en  sortira  une  œuvre 
variée  comme  eux. 

2°  Le  naturel,  car  les  choses  ont  été  représentées  à  leur  vraie  mesure, 
selon  leur  nature  (17). 

Les  deux  barrières,  que  nous  opposons  aux  fougues  désordonnées 
<le  l'imagination  et  de  la  sensibilité,  sont  :  1^  la  nature  de  l'homme 
(=  hiérarchie  essentielle  des  facultés)  ;  2°  la  nature  des  choses  (=  pro- 
po7-tion  des  facultés  aux  objets).  Ces  règles,  quoi  qu'en  disent  V.  Hugo 
et  les  romantiques,  n'ont  rien  d'humiliant  pour  le  génie,  puisqu'elles 
reposent  sur  l'essence  des  choses  ;  elles  n'enchaînent  pas  non  plus  son 
essor,  car  la  puissance  complète  est  au  prix  du  respect  de  l'ordre. 


16.  —  VALEUR  DES  LOIS  OU  RÈGLES  ARTISTIQUES  {^) 

Les  lois  ou  règles  sont  la  formule  des  moyens  propres  à  rendre  l'acti- 
vité esthétique  puissante  et  ordonnée  : 

L  — ■  Fondement  :  elles  reposent  :  1»  sur  la  nature  humaine  et  sur 
la  nature  des  choses  ;  —  2»  sur  les  chefs-d'œuvre  des  hommes  de  génie 
qui,  guidés  par  leurs  dons  naturels  et  la  réflexion,  ont  su  réaliser  le 
beau  ;  —  3°  sur  V autorité  des  critiques.,  qui  ont  constaté  et  formulé  les 
procédés  dont  les  hommes  de  génie  se  sont  constamment  servis. 

II.  —  Légitimité  :  car  elles  n'ont  rien  de  factice  ni  d'arbitraire. 
L'autorité  des  théoriciens  de  l'art  ne  vient  qu'au  troisième  rang  ; 
au-dessus  d'eux  sont  les  génies  créateurs,  les  modèles  ;  et  au-dessus  des 
créateurs  eux-mêmes,  l'immuable  nature  dont  ils  se  sont  inspirés. 
La  légitimité  des  règles,  établies  par  les  théoriciens,  dépend  de  la  justesse 
avec  laquelle  ils  ont  su  découvrir  les  secrets  des  grands  maîtres  et  les 
.exigences  de  la  nature. 


(  M  (j.  LoNGH.VYK,  Théorie  des  Bellcs-Lellres,  L.  I,  Ch.  v.  —  Em.  Hknnequin,  La  critique 
scientifique.  —  B.  Croce,  La  Critica  letteraria  :  questioni  teoriche.  —  Brunetière,  L'Évo- 
lulion  des   Genres  lilléraires. 


(17)  ESPRIT,    TALENT,    GÉNIE  405 

lil.  —  Permanence  et  universalité  :  la  nature  étant  toujours 
et  partout  la  même,  il  s'ensuit  que  partout  et  toujours  elle  aura  les  mêmes 
exigences  ;  donc  les  moyens  pour  y  satisfaire  seront  aussi  partout  et 
toujours  les  mêmes  ;  par  conséquent  mêmes  formules  pour  les  exprimer. 

IV.  —  Utilité  :  elles  ne  créent  pas,  elles  ne  remplacent  pas  le  talent, 
encore  moins  le  génie  ;  mais  elles  les  dirigent  et  par  là  même  les  for- 
tifient. 

Conclusion  :  au  sommet,  l'immuable  nature  créée  par  Dieu  ;  — 
ensuite  les  modèles  qui  la  reflètent  ;  —  enfin  les  critiques  qui  les  inter- 
prètent. Uautorité  existe  donc  dans  les  questions  d'art,  comme  dans 
le  reste  ;  les  jugements  d'un  grand  esprit  sont  une  présomption.  «  Il  y 
aurait  outrecuidance  à  les  rejeter  avant  examen  ;  mais  l'examen  reste 
un  droit  et  un  devoir...   »  ('M. 

17.  —  ESPRIT,  TALENT,  GÉNIE   C) 

L'originalité  vraie  suppose  deux  éléments  : 

1»  Une  plus  grande  puissance  que  celle  des  esprits  ordinaires  pour 
pénétrer  les  choses  et  saisir  leurs  rapports  cachés.  Voilà  ce  qui  constitue 
les  esprits  distingués  et  les  sépare  du  vulgaire. 

2°  Le  second  élément  différencie  les  natures  d'élite  :  il  consiste  dans 
un  certain  tour  personnel  (^),  dans  une  certaine  manière  d'envisager 
les  choses.  Cette  originalité  est  à  l'intelligence  ce  que  le  caractère  est  à 
la  volonté  :  elle  constitue  la  physionomie  intellectuelle.  La  masse  des 
esprits  possède  un  grand  nombre  de  vérités,  trop  confusément  pour  se 
les  formuler  elle-même,  mais  assez  clairement  pour  les  reconnaître 
quand  on  les  lui  exprime.  Le  triomphe  de  l'originalité,  c'est  par  consé- 
quent «  d'éclairer,  comme  dit  Montaigne,  le  fond  obscur  des  esprits, 
de  les  avertir  d'eux-mêmes  »,  de  leur  faire  achever  des  conceptions, 
images  et  sentiments  qu'ils  avaient  en  eux-mêmes  à  l'état  d'ébauche. 
L'originalité  vraie  n'est  donc  que  le  naturel  à  un  degré  éminent,  car  le 
naturel  consiste  à  concevoir,  à  imaginer,  à  sentir  (  =  impression)  et  à 
rendre  {=  expression),  mieux  que  le  vulgaire,  ce  que  le  vulgaire  conçoit, 
imagine  et  sent  (*).  Elle  s'appelle,  suivant  le  degré,   esprit,  talent  ou 

GÉNIE. 


(M   G.  LONGHAYE,   Théorie  des  Belles- Lettres,  L.  I,  Ch.  v,  p.   111   (2"  Edil.). 

{')   G.  LoNGHAYE,   Théorie  des  Belles-Lettres,  L.  I.  Ch.  ni,   §  IV. 

(  »)  a  Les  hoiiuues  vi^ritableiiient  originaux  sont  ceux  qui  donnent  un  tour  particulier 
€t  personnel  aux  sentiments  de  tout  le  monde  »  (Sainï-Marc  Giraruin",  La  Fontaine  et  les 
Fabulistes,  T.  II,  Leçon  XIV,  p.  12,  Paris,  1887'). 

(  «)  a  Quand  un  discours  naturel  peint  une  passion  ou  un  effet,  on  trouve  dans  soi- 
même  la  vérité  de  ce  qu'on  entend,  laquelle  on  ne  savait  pas  qu'elle  y  fût,  en  sorte  qu'on 
«st  porté  à  aimer  celui  qui  nous  le  fait  sentir,  car  il  ne  nous  a  pas  fait  montre  de  son  bien, 
mais  du  nôtre.  »  (Pascal,  Pensées,  Éd.  Havet,  Art.  VII,  n.  26). 


406  LE   GOUT  (18) 

A)  Esprit  :  c'est  la  vivacité  du  bon  sens  appliqué  aux  vérités  fami- 
lières. Au  XVII®  siècle,  ce  mot  avait  un  sens  plus  large  ;  il  était  synonyme 
de  talent.  L'esprit  est  piquant  ;  il  aiguillonne  l'attention  par  la  justesse 
et  l'imprévu  de  ses  découvertes,  et  il  amène  le  sourire.  L'esprit  ne  doit 
point  être  apprêté,  mais  spontané,  car  selon  le  mot  de  Gresset  :  «  L'esprit 
qu'on  veut  avoir  gâte  celui  qu'on  a.  »  Il  ne  faut  pas  en  faire  trop  de  cas, 
parce  que  s'il  u  sert  à  tout,  il  ne  suffit  à  rien  ^  (^). 

B)  Talent  et  Génie  :  I.  —  Définitions  :  le  talent  c'est  la  puissance 
naturelle  et  acquise  des  facultés  esthétiques  se  déployant  dans  l'ordre  ; 
—  le  génie  c'est  la  puissance  complète  et  ordonnée  des  facultés  esthé- 
tiques, dépassant  de  beaucoup  la  mesure  commune  du  talent.  Autrefois 
ce  mot  signifiait  talent  ;  aujourd'hui  il  désigne  une  puissance  exception- 
nelle d'esprit,  qui  est  surtout  un  don  naturel  {ifigenium)  (Psych,  124, 
§  II,  A,  l»).  Le  génie  artistique  se  manifeste  par  la  réalisation  de  V idéal  ; 
le  génie  scientifique  par  la  découverte  d'une  çérité  importante.  Tous  deux 
ont  besoin  de  l'imagination  cçéatrice,  l'un  pour  concevoir  l'idéal  à  réaliser 
(Psych.  124,  §  I)  ;  l'autre  pour  trouver  l'hypothèse  qui  lui  servira  d'idée 
directrice  (Log.  66).  L'artiste,  après  avoir  mûri  son  idéal,  l'exprimera 
dans  une  forme  sensible  :  après  la  conception,  c'est  le  travail  de  l'exé- 
cution. Le  savant,  après  avoir  imaginé  une  hypothèse,  la  vérifiera  par 
le  raisonnement  expérimental  (^). 

IL  —  Différence  :  c'est  une  différence  de  degré  et  non  de  nature. 
Le  génie  et  le  talent  sont  une  même  puissance  plus  ou  moins  parfaite 
Le  génie  est  le  superlatif  du  talent,  car  : 

1°  S'il  y  avait  entre  eux  une  différence  d'espèce,  les  esprits  cultivés 
pourraient  distinguer  à  coup  sûr  le  talent  du  génie.  Or  souvent  il  y  a  doute. 

2o  Les  facultés  concourantes  sont  de  part  et  d'autre  les  mêmes  : 
imagination  reproductrice,  imagination  créatrice,  sensibilité,  goût, 
volonté  qui  dirige  leur  essor. 

3°  Le  champ  ouvert  à  leur  activité  est  identique  :  Dieu,  l'homme  et 
le  monde.  La  différence  ne  peut  donc  venir  que  de  la  façon  plus  ou  moins 
parfaite  d'exprimer  leur  objet  commun. 

18.  —  LE  GOUT    (3) 

I.  —  Nature  :  l'imagination  est  la  faculté  de  créer  l'idéal,  le  goût 
est  la  faculté  d'apprécier  le  beau.  La  première  est  propre  à  l'artiste  ; 


(')   DucLOS,   Considérations  sur  les  mœurs  de  ce  siècle  (1751). 

(  ')  G.  SoRTAKs,  L'Art  et  la  Science,  dans  Études  philosophiques  et  sociales,  Ch.  vu, 
§  IV,  p.  345-350. 

(•)  iMoNTESQuiEU,  Essai  sur  le  Goût.  —  J.-G.  Herder,  Causes  de  la  décadence  du  goût 
chez  les  différents  peuples.  —  Signorelli,  Del  Gusto  e  del  Bello.  —  Marmontel,  Éléments 
de  Littérature,  Introduction  -.Essai  sur  le  Goût.  —  Al. -G.  Winckelmann,  De  la  capacité 
de  sentir  le  beau  dans  les  arts  et  de  son  éducation. 


(18)  LE   GOUT  407 

la  seconde  est,  dans  une  certaine  mesure,  commune  à  tous.  Le  goût  se 
montre,  à  des  degrés  divers,  dans  l'homme  ordinaire,  l'esprit  cultivé, 
le  dilettante,  le  critique,  l'artiste.  Le  goût  est  une  faculté  complext/  : 
c'est  un  heureux  mélange  de  raison  et  de  sensibilité.  Les  créations  de 
l'imagination  seraient  des  œuvres  incohérentes  si  l'artiste  ne  savait 
pas  mesurer  la  convenance  réciproque  de  leurs  parties  et  leur  rapport 
à  l'elïet  total  qu'il  veut  produire  ;  son  bon  goût  lui  fait  discerner  entre 
les  images  et  les  idées  évoquées  celles  qui  s'adaptent  le  mieux  à  l'expres- 
sion de  son  idéal.  L'imagination  créatrice  implique  donc  le  goût.  D'autre 
part,  sans  une  certaine  dose  d'imagination,  on  ne  peut  sentir  et  goûter 
les  beautés  de  l'art,  car  pour  cela  il  faut  pouvoir  sympathiser  avec 
l'artiste,  être  capable  de  participer  à  sa  création,  de  la  refaire  en  esprit. 
C'est  le  seul  moyen  de  comprendre  les  œuvres  artistiques  et  de  les  inter- 
préter. 

II.  —  Unité  :  «  Le  goût  considéré  dans  la  foule,  c'est  la  direction 
générale  des  appréciations  portées  en  matière  d'art  en  un  temps  ou 
un  lieu  déterminé  «  (^)  :  vg.  goût  français  ;  goût  du  xix^  siècle.  Le  rôle 
du  goût  est  de  juger  d'après  les  exigences  de  la  nature  humaine  et  les 
règles  qui  en  découlent  nécessairement.  Le  goût  est  donc  un,  certain, 
immuable,  parce  qu'il  a  pour  base  les  exigences  de  la  nature  humaine, 
qui  sont  invariables  et  partout  les  mêmes.  La  Bruyère  a  raison  :  «  Il  y 
a  un  bon  et  un  mauvais  goût  et  l'on  dispute  des  goûts  avec  fonde- 
ment (2).  » 

III.  —  Objection  :  en  fait,  pourtant,  les  goûts  diffèrent  avec  les 
individus,  les  pays,  les  époques.  Des  goûts  et  des  couleurs  on  Jie  dispute 
pas. 

Réponse  :  il  est  cependant  des  points  sur  lesquels  tout  le  monde 
est  d'accord  ;  il  y  a  des  beautés  qui  s'imposent  à  l'admiration  univer- 
selle ;  vg.  les  chefs-d'œuvre  d'Homère,  de  Démosthène,  de  Phidias, 
de  Michel-Ange,  de  Raphaël,  de  Bossuet,  etc.  L'unité  dont  nous  parlons 
s'applique  aux  lois  fondamentales  de  l'art  et  à  leurs  conséquences 
immédiates. 

Les  variations  qu'on  objecte  proviennent  de  causes  accidentelles, 
qui  gâtent  la  droiture  du  jugement  :  influence  du  climat  et  de  l'édu- 
cation ;  préjugés  de  race,  de  secte  et  d'école  ;  orgueil,  sensualisme. 
Ces  tendances  mauvaises  faussent  la  rectitude  naturelle  de  l'esprit, 
qui,  laissé  à  lui-même,  irait  droit  au  vrai.  Nous  avons,  à  propos  de  la 
conscience  morale,  réfuté  une  objection  analogue  tirée  des  variations 
des  jugements  moraux  (Mor.\i.e,  12). 


(  M   G.  LoNGHAYE,  Théorie  des  Belles- Lettres,  L.  I,  Ch.  v,  §  III. 
( ')  La  Bruyère,  Les  Caractères,  Du  goût. 


408  LA    SCIENCE    ET    l'aRT  (19-20) 

19.  —  LA  SCIENCE  ET  L'ART   (i) 

La  Science  et  l'Art  diffèrent  par  leurs  iins,  leurs  principes  et  leurs 
procédés  : 

I.  — Fins  :  la  science  a  pour  fin  le  i>rai  ;  l'art,  le  beau.  ^lais  tous  deux 
sont  désintéressés  :  ils  recherchent  le  vrai  et  le  beau  pour  eux-mêmes. 

II.  —  Principes  :  le  principe  de  la  science  est  Y  intelligence  ;  cdui 
de  l'art,  c'est  V imagination  créatrice  excitée  par  la  sensibilité  et  réglée 
par  le  goiït. 

III.  —  Procédés  :  les  procédés  de  la  science  sont  V expérience  et  le 
raisonnement  inductif  ou  déductif  (Log.  71,  Conclusion)  ;  ceux  de  l'art, 
Vimitation  de  la  nature,  V idéalisation  et  Yexpression  (13,  14). 

20.  —  CLASSIFICATION  DES  ARTS 

D'une  façon  générale  on  distingue  les  Arts  en  mécaniques  et  en 
libéraux. 

Les  Arts  mécaniques  apprennent  à  se  servir  de  la  matière  ;  ils  ont 
pour  fin  Vutilité,  la  satisfaction  de  quelque  besoin.  C'est  pourquoi  on 
les  appelle  aussi  les  arts  utiles.  Les  Arts  libéraux  s'adressent  à  l'intelli- 
gence et  à  la  sensibilité  ;  ils  ont  pour  but  le  plaisir  désintéressé  du  beau  ; 
on  les  nomme  encore  beaux-arts.  On  peut  classer  les  Beaux-Acts  : 

I.  —  D'après  les  sens  auxquels  ils  s'adressent  {^)  :  on  distingue 
alors  : 

A)  Les  Arts  Plastiques,  qui  s'adressent  à  la  vue.  On  les  nomme  ainsi 
parce  qu'ils  emploient  les  formes  comme  moyens  d'expression.  Ce  sont 
Î'Architecture,  la  Sculpture,  la  Peinture  (3),  auxquels  on  ajoute 
I'Art  des  jardins  et  la  Pantomime.  On  les  nomme  aussi  Arts  du  dessin, 
lequel  soutient  la  forme,  et  Arts  de  Vespace,  parce  que  leurs  oeuvres, 
étant  des  ensembles  composés  de  parties  étendues  et  coexistantes,  se 
déploient  dans  l'espace. 

B)  Les  Arts  Phonétiques,  qui  s'adressent  à  l'ouïe.  On  les  appelle 
ainsi  parce  qu'ils  emploient  les  sons  :  Musique  (*),  Poésie.  On  les 
nomme  encore  Arts  du  temps,  parce  que  les  parties  de  leurs  oeuvres  sont 
successives. 


(M  G.  SoflTAis,  L'Art  et  la  Science,  dans  Éludes  philosophiques  et  sociales,  Ch.  vu, 
p.  287-367. 

(  ")  M.  GniVEAU,  Part  de  chacun  des  cinq  sens  dans  l'appréciation  d'un  beau  site,  Annales 
DE  PHILOS.  CHRÉTIENNE,  mars  1900,  pp.  6  76-685.  —  A.  Laugel,  L'Optique  et  les  Arts. 

{')  L.  Arréat,  Psychologie  du  Peintre.  —  N.  RooD,  Théorie  scientifique  des  couleurs. 

—  E.  Tardif,  Les  sons  et  les  couleurs. 

(  *)  P.  Blaserna,  Le  Son  et  la  Musique.  —  M.  Kufferath,  Musiciens  et  Philosophes... 

—  H.  Berlioz,  La  Musique  et  les  Musiciens. 


(20)  CLASSIFICATION    DES    ARTS  409 

Entre  les  deux  se  développe,  à  la  fois  dans  Vespace  par  le  mouvement 
et  dans  le  temps  par  la  mesure,  la  Danse  qui  s'adresse  à  la  vue  et  à 
l'ouïe. 

II.  —  D'après  le  degré  de  beauté  exprimée  et  la  puissance  d'expression  : 

A)  Architecture  :  elle  n'exprime  nettement  que  la  beauté  physique, 
la  puissance  ordonnée  de  la  matière.  Elle  a  comme  moyens  expressifs 
les  lignes  et  les  formes  géométriques. 

B)  Sculpture  :  elle  peut  exprimer  la  beauté  organique  de  la  plante, 
de  l'animal  et  de  l'homme,  et  même  la  beauté  morale.  Mais  ses  moyens 
d'expression  sont  imparfaits  (absence  de  perspective  ;  absence  de 
couleur,  ordinairement  du  moins).  La  Statuaire  en  est  la  forme  la  plus 
élevée  (^). 

C)  Peinture  :  elle  exprime  le  même  genre  de  beauté  que  la  scul}»- 
ture,  la  beauté  sensible,  intellectuelle  et  morale.  A  la  différence  de  la 
sculpture  elle  ne  dispose  que  de  deux  dimensions  ;  mais,  en  revanche, 
ses  moyens  expressifs  sont  plus  riches  et  plus  variés  :  perspective,  cou- 
leur (2). 

D)  Musique  :  elle  exprime  les  passions  et  les  sentiments  d'une 
manière  plus  puissante  que  la  peinture  ;  c'est  pour  cela  qu'elle  est  l'art 
le  plus  populaire.  Mais  elle  reste  dans  le  vague  ;  il  faut  la  poésie  pour  la 
préciser  (^). 

E)  Poésie  :  elle  surpasse  tous  les  arts,  parce  qu'elle  peut  tout  expri- 
mer :  beauté  physique,  sensible,  intellectuelle,  morale,  divine,  et  ensuite 
parce  qu'elle  a,  dans  la  parole,  le  moyen  expressif  le  plus  puissant  et 
le  plus  précis.  Elle  résume  tous  les  arts  inférieurs  :  grâce  à  l'imagination 
elle  bâtit,  sculpte,  peint  ;  par  l'harmonie  et  la  cadence  des  vers  elle  imite 
le  mouvement  rythmé  de  la  danse  et  de  la  musique.  C'est  ainsi  que 
«  l'art  s'élève  et  grandit,  comme  grandissent  et  s'élèvent  les  beautés 
exprimées,  et  les  signes  qui  expriment  ces  beautés  »  (*). 

F)  Éloquence  :  elle  est  à  la  fois  un  art  et  une  science.  Elle  est  science 
par  le  fond,  par  la  logique  du  discours  ;  elle  se  distingue  de  l'art,  qui  a 
pour  fin  directe  la  manifestation  du  beau,  par  son  but  qui  est  la  persua- 


( ')  R.  DK  LA  SizERANNK,  Les  Salons  de  1901  et  le  vêtement  moderne  dans  la  Slaluaire, 
Revue  des  Deix  Mondics,  1901,  T.  III,  p.  554  et  s. 

(  *)  Lessing;  Laocoon  ou  sur  les  Limites  de  la  poésie  et  de  la  peinture.  —  G.  Lansing- 
Raymond,  Puintiyig,  Sculpture  and  Architecture.  Rhythm  and  Harmany  in  Poetry  and 
Music. 

{')  F.  DE  IlAUSEGGER,  La  Musique  comme  e.xpression.  —  P.  Schmid,  L'Art  de  l'acenir 
et  son  maître  R.  Wagner.  —  Houston  Stewart  Chamberlain,  Le  Drame  \sagnérien. — 
Ch.  Gounod,  Mémoires  d'un  Artiste.  —  Jaell,  La  musique  et  la  psycho-physiologie.  — ■ 
A.  Regnard,  La  Renaissance  du  Drame  lyrique,  Étude  d'Esthétique  scientifique.  —  L.  Dau- 
RiAC,  La  Psychologie  dans  iOpéi'a  français.  —  J.  Combarieu,  Les  Rapports  de  la  musique 
et  de  la  poésie. 

(♦)  Ch.  Lévêque,  La  Science  du  Beau,  Part.  III,  Ch.  i,  T.  II,  p.  14,  Paris,  187v!«. 


410  l'art  et  la  morale  (21) 

sion  du  vrai  et  la  pratique  du  bien.  Elle  est  un  art  en  tant  qu'elle  exprime 
le  vrai  et  le  bien  d'une  manière  lumineuse,  agréable  et  émouvante  : 
Id  agit  ut  verhis  Veritas  pateat,  veritas  placeat,  veritas  moveat  (^). 

G)  Histoire  :  elle  tient  aussi  de  l'art  et  de  la  science  (Log.  102,  §  A).  Au 
delà  s'étend  le  domaine  de  la  Science  pure,  qui  a  pour  but  la  manifes- 
tation du  vrai.  Mais  la  science  même  peut  se  servir  d'une  belle  forme 
pour  exprimer  ses  découvertes. 

21.  —  L'ART  ET  LA  MORALE   (2) 

§  A.  —  LEURS  RAPPORTS 

I.  —  L'Art  est  distinct  de  la  Morale  :  l'art  a  sa  fin  propre, 
immédiate,  qui  est  de  produire  l'émotion  esthétique  dans  l'âme  par 
l'expression  du  beau.  La  fin  propre  de  la  morale,  c'est  la  pratique  du 
bien.  Or  le  bien  et  le  beau  quoique  liés  étroitement  sont  distincts  (4). 

II.  ^ —  L'Art  n'est  pas  indépendant  de  la  Morale.  En  efl"et  : 

La  morale,  représentant  Tordre  essentiel  des  choses,  la  fin  dernière, 
a  un  domaine  universel  :  elle  s'étend  à  l'art,  comme  à  tout  le  reste. 
D'ailleurs  il  n'y  a  pas  deux  consciences,  celle  de  l'homme  et  celle  de 
l'artiste.  L'art  n'est  donc  ni  étranger,  ni  supérieur  à  la  morale  ;  il  lui 
est  subordonné  ;  par  conséquent  l'art  ne  justifie  pas  et  ne  sanctifie  pas 
tout.  C'est  pourquoi  la  maxime  Vart  pour  Vart  (^)  est  fausse,  si  l'on 
entend  par  là  l'indépendance  de  l'art  vis-à-vis  de  la  morale,  si  Ton 
prétend  que  l'artiste  a  pour  but  exclusif  de  plaire  sans  se  soucier  de  la 
moralité.  Mais,  si  l'on  veut  dire  que  l'art  a  un  objet  propre,  une  fin 
spéciale,  et  si  l'on  admet  que  cette  fin  spéciale  doit  être,  comme  toute 
fin  particulière  de  l'activité  humaine,  subordonnée  à  la  fin  dernière, 
à  la  loi  morale,  cette  maxime  est  acceptable,  mais  la  formule  en  est 
équivoque. 

III.  —  L'Art  doit  respecter  la  Morale,  ne  pas  lui  nuire  : 
c'est  son  devoir  négatif.  Poui'  cela  il  doit  respecter  la  nature  de  l'homme, 
conserver,  dans  le  déploiement  des  facultés  esthétiques.  Tordre  noi'mal. 


(')  .s.   Augustin,  De  Doclrina   Chrisliana,   L.   IV,   C.    xxviii. 

f ')  G.  LoNGHAYE,  Théorie  des  Belles-Lettres,  L.  I,  Ch.  iv.  —  Brtnetière,  Discours 
rie  combat,  1"  Série,  L'Arl  et  la  Morale.  —  C.-A.-C.  Herckenrath,  Esthétique  et  Morale. 
—  L.  Arréat,  La  Morale  dans  le  drame,  l'épopée  et  le  roman.  —  E.  Fehbi,  Les  Criminels 
dans  l'Art  et  la  Littérature.  —  J.-P.  Durand  de  Gros,  Nouvelles  Recherches  .'>ur  l'Esthétique, 
ft  la   Morale.  —  A.-D.  Sertillanoep,  L'Art  et  la   Morale. 

(■')  A. -Ed.  Chaignet,  Les  Principes  de  la  Science  du  Beau,  IP  P.,  §  4.  p.  340  sqq.  — 
Ch.  Lévêque,  La  Science  du  Bea-n,  III"  P.,  Ch.  i.  —  TCiPifer,  HéPexions  etme^tus  propos 
d'un  peintre  genevois,  L.  V,  Ch.  xxiv.  —  A.  Cassagne,  Théorie  de  l'Art  pour  l'Art  en  France 
chez  les  derniers  Romantiques  et  chez  les  premiers  Réalistes. 


(21)  l'art  et  la  morale  411 

ne  pas  exalter  les  sens  aux  dépens  de  l'esprit,  n'agir  sur  les  sens  que  pour 
atteindre  l'esprit.  En  procédant  autrement,  l'art  manque  son  but. 
Faux  et  immoral,  il  ne  produit  pas  l'émotion  esthétique,  car  s'il  franchit 
les  limites  du  vrai  et  du  bien,  il  choque  la  raison  et  scandalise  la  conscience: 
le  plaisir  artistique  est  par  là  même  gâté.    (15,  Vil,  §  A). 

IV.  —  L'Art  ne  peut  se  contenter  d'une  neutralité  res- 
pectueuse :  aucune  œuvre  artistique  ne  peut  se  tenir  dans  une  position 
moyenne  entre  nuire  à  la  morale  ou  lui  profiter,  parce  que  toute  œuvre 
d'art  agit  plus  ou  moins  sur  l'âme  du  spectateur  ou  de  l'auditeur  ; 
or  on  ne  peut  agir  sur  l'àme  des  autres  qu'en  bien  ou  en  mal,  car  aucun 
acte  libre  n'est  moralement  indifférent.  L'art  ne  peut  donc  s'en  tenir 
à  la  neutralité  ;  comme  d'autre  part  il  ne  doit  pas  nuire  à  la  morale 
(§  III),  reste  à  se  demander  s'il  n'a  pas  un  pas  de  plus  à  faire  et  à  prendre 
position. 

V.  —  L'Art  doit  servir  la  Morale  :  la  morale  représentant  la  fin 
dernière,  l'art,  comme  tout  le  reste,  ne  peut  être  que  moyen  par  rapport 
à  elle  ;  or  la  condition  du  moyen  c'est  de  servir.  L'art  doit  donc  prêter 
à  la  morale  un  concours  positif,  direct  ou  indirect,  en  perfectionnant  la 
nature  humaine  par  le  contact  de  la  beauté  véritable,  qui  attire  et 
transforme  en  elle-même  (^). 

§  B.  —  EFFETS  MORALISATEURS  DE  U ART 

1.  —  Il  détache  Vâme  des  préoccupations  égoïstes,  parce  que  l'émotion 
esthétique  est  désintéressée  (1,  §  III). 

IL  —  //  élève  Vâme  en  lui  communiquant  les  nobles  sentiments  et 
les  grandes  idées  qu'il  exprime  :  admirer,  c'est  presque  imiter.  L'art 
étant  la  manifestation  d'une  activité  puissante  et  ordonnée,  sa  vue 
provoque  dans  l'âme  une  activité  semblable  qui  l'embellit.  Parfois 
même  le  corps  prend  une  attitude  pius  digne.  «  Quand  je  suis  en  présence 
d'un  chef-d'œuvre,  j'éprouve  le  besoin  de  mettre  mon  âme  à  l'unis- 
son  (  ^).  » 

III.  —  //  nous  fait  monter  du  spectacle  des  beautés  créées  au  Principe 
(le  toute  beauté,  à  VIdéal  suprême,  à  Dieu.  L'artiste  est  une  âme  puis- 
sante, mais  ordonnée,  «  qui,  en  se  montrant  elle-même,  en  montrant  à 
travers  elle-même  les  objets  de  sa  pensée,  nous  mène  par  le  vrai  et  le 
beau  jusqu'au  bien,  terme  obligé  de  toute  activité  libre.  Voilà  le  rôle 


(  M  Pour  atteindre  ce  but  l'art  dispose  de  trois  moyens  :  la  leçon  directe,  la  thèse,  l'im- 
pression. Cf.  LoNGHAYE,  Théoi-ie....  L.  I,  Ch.  iv,  §  4. 

( ')  Ch.  Blanc,  Grammaire  des  Arts  du  dessin  :  Principes,  §  III,  p.  16,  Paris,  1888'. 
—  Sur  le  pouvoir  assimilant  du  beau.  Cf.  Longhaye,  Théorie  des  BeUes-Lettres,  L.  I,  Ch.  m, 
§  V. 


412  l'idéal  chrétien  (22) 

que  lui  indique  la  raison  et  que  Dieu  lui  impose  :  nous  n'en  savons  pas 
qui  puisse  lui  faire  plus  d'honneur  »  (^).  C'est  alors  surtout  que  sera 
vérifiée  la  définition  du  beau  donnée  par  Brizeux  : 

Le  beau  c'est  vers  le  bien  un  sentier  radieux. 


22.  —  L'IDÉAL  CHRÉTIEN 

Dieu  est  Vobjet  suprême  de  l'art  ('-),  car  il  est  le  beau  absolu,  mais 
il  n'en  est  pas  Vobjet  proportionné^  parce  que  n'ayant  pas  de  forme  sen- 
sible, il  échappe  aux  prises  de  l'artiste  (^).  Pour  trouver  cet  objet  propor- 
tionné il  faut  descendre  aux  manifestations  sensibles  de  Dieu  :  c'est  avant 
tout  l'homme,  image  de  Dieu  ;  puis  la  nature,  simple  vestige  de  Dieu  (■*). 
L'homme  est  donc  par  excellence  l'objet  de  l'art,  objet  non  pas  sou- 
verain, mais  proportionné.  Le  plus  grand  service  à  rendre  à  l'art  serait 
par  conséquent  de  lui  montrer  dans  un  seul  être  l'idéal  absolu  sous  une 
forme  qui  le  laisse  transparaître.  Or  l'Incarnation  nous  présente  ce 
modèle  :  Jésus-Christ  est  Dieu^  partant  Vobjet  souverain  de  l'art,  la 
beauté  suprême.  Jésus-Christ  est  homme,  par  conséquent,  Vobjet  propor- 
tionfié  de  l'art,  la  beauté  idéale  rendue  visible.  C'est  l'Idéal  incarné  (^). 
C'est  ainsi  que  le  dogme  chrétien  donne  à  l'art  :  1^  Un  Idéal  incompa- 
rable, Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  2°  Sa  Règle  fondamentale  :  VlncAT- 
nation  est  le  modèle  achevé  de  V union  du  spirituel  et  du  corporel,  du 
visible  et  de  l'invisible,  ainsi  que  de  la  subordination  du  corporel  et  du 
visible  au  spirituel  et  à  l'invisible.  C'est  ainsi  que  sont  établies  les  vraies 
relations  de  la  chair  et  de  l'esprit,  des  sens  et  de  la  raison,  et  conséquem- 
ment  du  double  élément  de  l'art,  le  visible  et  l'invisible,  la  forme  sensible 
et  l'idéal  (il). 

«  0  mon  cher  Socrate,  la  véritable  vie  c'est  le  spectacle  de  la  Beauté 
éternelle...  Que  penser  d'un  mortel  à  qui  il  serait  donné  de  contempler 


(>)   G.  LoNGHAYE,  Théorie...,  L.  I,  Ch.  iv,  p.  104  (2^  Édit.). 

{■)  Un  élève  de  Saint-Mary's  Collège  à  Cantorbéry  se  mourait  à  la  fleur  de  l'âge. 
Le  R.  P.  Recteur  lui  posa  cette  question  :  «  Que  dirai-je  de  votre  part  à  vos  camarades  ?  ■- 
Le  moribond  se  recueillit  un  instant  :  puis,  ouvrant  de  grands  yeux  brillants  de  joie  : 
"  Dites  à  mes  camarades  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  beau  que  le  bon  Dieu  1  »  La  foi  avait 
inspiré  à  cet  enfant  de  quatorze  ans  une  réponse  disne  du  génie  de  Platon.  Ilrepose  en  paix, 
.'i  l'ombre  des  grands  arbres  du  parc  de  Saint- Mary,  dans  un  humble  cimetière,  presque 
en  face  de  l'antique  cathédrale  de  Cantorbéry.  On  a  gravé  sur  sa  tombe  la  sublime  pensée 
qui  avait  jailli  spontanément  de  son  cœur  chrétien.  (S.  du  Lac,  France,  3'  Lettre,  p.  137, 
ti-^  Édit.). 

( ')  A.  Cahour,  Les  Mystères  de  l'Art  éclairés  par  l'Évangile,  dans  les  Études,  1870- 
\H-\,  T.  XXV,  p.  641-662. 

(*)  Mgr  Landriot,  Le  Sumbolisme.  L.  I,  Ch.  i. 

( ')  G.  LoNGHAYE,  Théorie  des  Belles-Lettres,  L.  II,  Ch.  vi,  §  5.  —  J.  Félix,  Conférences 
de  Moire-Dame,   1867. 


(22)  l'idéal  chrétien  413 

la  Beauté  pure,  simple,  sans  mélange,  non  revêtue  de'cliair  et  de  couleur 
humaines  et  de  toutes  les  autres  vanités  périssables,  mais  la  Beauté 
divine  elle-même  !  »  (^).  Nous  pouvons  nous  élever  encore  plus  haut  que 
Platon  sur  les  ailes  de  la  foi.  Cette  vision,  ce  face  à  face  béatifique,  rêvé 
par  lui,  n'est  pas  de  la  terre,  mais  du  ciel.  Là  seulement,  notre  regard, 
fortifié  par  la  lumière  de  gloire,  sera  capable  de  soutenir  l'éclat  de  la 
Divinité,  une  en  sa  nature,  trine  en  ses  personnes  :  Deus  uniis  et  trinus. 
Sans  doute,  le  Père,  le  Verbe,  l'Esprit  sont  la  beauté  même  (^).  Cependant 
la  beauté  est  l'attribut  spécial  du  Verbe,  car  il  est  la  «  splendeur  du 
Père  »,  ((  l'expression  adéquate  de  sa  substance  »(^)  ;  et  Dieu,  en  créant, 
considérait  l'exemplaire  parfait  de  chaque  être  en  son  Verbe,  parce  que 
le  Verbe  est  l'art  du  Père  tout-puissant  :  Verbum  perfectum,  ciii  non 
desit  aliquid,  et  ars  quœdam  omnipotentis  et  sapientis  Dei  plana  omnium 
rationum  çii'entiutn  incommiitabilium  (*).  Nous  sommes  plus  favorisés 
que  Platon  •  dans  la  plénitude  des  temps,  le  Verbe  s'est  fait  chair  et 
nous  avons  vu  sa  beauté  infinie  transparaître  sous  la  forme  humaine, 
la  plus  accomplie  qui  fut  jamais.  C'est  l'idéal  réalisé.  -Il  rayonne,  au 
point  culminant  de  l'histoire,  comme  l'indéfectible  foyer  du  beau 
physique,  intellectuel  et  moral.  Architecture,  peinture,  sculpture, 
musique,  poésie,  éloquence,  tous  les  arts  subissent  le  charme  de  cette 
radieuse  apparition  et  la  célèbrent  à  l'envi,  chacun  dans  sa  langue  expres- 
sive (^).  Mais  le  plus  glorieux  hommage  lui  vient  de  la  vertu  :  le  dernier 
des  chrétiens  est  un  grand  artiste  quand  il  fait  passer  dans  ses  actes 
quelque  reflet  du  divin  Idéal  :  Chrisiianus  alter  Christus.  Rappelez-vous 
donc,  chers  jeunes  gens  à  l'âme  ardente,  que  vous  avez  un  chef-d'œuvre 
à  produire,  celui  d'une  belle  vie,  chef-d'œuvre  qui  éclipse  tous  les  autres, 
car  «  Rien  au  monde  n'est  beau  comme  une  belle  àme  »  ! 


BIBLIOGRAPHIE 

A.    MoLLiicRE,   La   Métaphysique   de   V Art.    —  Laugei.,    L'Optique   et   les    Arts.   — 
G.  lliRTH,  Physiologie  de  V Art.  Trad.  de  ralleniand  par  L.  Arréat.  —  A.  Loth,  V Art. 

—  L.  Arrkat,  Arl  et  Psychologie  individuelle.  —  L.  Daijriac,  Essai  sur  l'esprit  musical. 

—  P.  Gaultier,  Ce  qu'enseigne  l'œuvre  d'art,  dans  Revue  philos.,  190 i,  T.  II.  p.  2î7- 
'2(>^J.  La  Moralité  dans  l'art,  Ibidem,  Nov.  1905.—  A.  Ricarijou,  La  Critique  littéraire. 
—•  G.  DuMESNiL,  L'Ame  et  l'Evolution  de  la  Littérature.  —  P.  Souriau,  Théorie  de 
l'Invention.  —  A.-D.  Sertillanges,  L'Art  et  la  Morale.  —  II.  Fierens-Gevaert,  Essais 


(M   Platon,  Le  Banquet.  Traduction  du  Pkre  Gnou.  Cf.  Édit.  Didot,  T.  I,  p.  687-f)8S. 

(  ')  BossuET,  Élévations  sur  les  mystères,  11*^  Semaine,  VU"-'  Élév.    Fécondité  des  Arts. 

(  ')  Epistola  ad  Hebrœos,  C.  i,  3.  —  Cf.  S.  Thomas,  Summn  theologica,  1»  P.,  Q.  XXXIX, 
A.  VIII,   §  Secundum  igilur  primam  consideralionem. 

(  ♦)  S.  Augustin,  De  Trinilate,  h.  VI,  C.  x,  §  11. 

(')  G.  SoRT.vis,  Parihénon  et  .\olre-Dame,  dans  lixcursions  artisliq'tes  et  littéraires.  §  IV, 
1'"  Série,  p.  lO.'j  sqq. 


414  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    LE    BEAU    ET    l'aRT  (22) 

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I 


MÉTAPHYSIQUE 


INTRODUCTION 


1.  -    NATURE  ET  OBJET  DE  LA  MÉTAPHYSIQUE 

I.  —  Définition  :  la  Métaphysique,  appelée  par  Aristote  Philo- 
sophie première  (r,  upcoTr,  '^tXoTOîf.a)  (^),  est  la  Science  des  premiers  principes 
et  des  premières  causes  {^). 

Le  terme  Métaphysique  fut  choisi  par  les  compilateurs  des  ouvrages 
d'Aristote  pour  désigner  les  livres  qui,  dans  l'enseignement  du  Maître, 
venaient  après  les  livres  de  Physique  {tj.txk  tx  cpuctxâ)  et  où  il  traitait  des 
sujets  relatifs  à  la  Philosophie  "première. 

II.  —  Objet  :  c'est  de  rechercher  la  nature  des  choses,  l'être  par 
conséquent,  ce  qui  est  vraiment  réel,  xo  ov,  par  opposition  au  phéno- 
mène, To  cpatvo'fxevov,  ce  qui  paraît  être,  l'accidentel.  Elle  fait  cette 
recherche  de  la  nature  des  choses  en  remontant  à  leurs  premiers  prin- 
cipes et  à  leurs  premières  causes.  L'objet  de  la  Métaphysique  (la  nature 
des  choses)  est  donc  évidemment  rationnel  et  supra-sensible  ;  il  dépasse 
les  données  de  l'expérience  ;  il  ne  peut  être  atteint  que  par  la  raison, 
mais  la  raison  doit  s'appuyer  sur  les  données  expérimentales. 

2.  —  LA  QUESTION  PRÉALABLE 

Avant  de  montrer  l'importance  de  la  Métaphysique  et  d'indiquer 
sa  division,  il  nous  faut  résoudre  une  question  préalable  :  la  Métaphy- 


(  M  Aristote,  Métaphysique,  L.  V,  C.  i,  §  8.  Édit.  Didot,  T.  II,  p.  535.  —  Cf.  Physique, 
L.  I,  C.  IX,  §  5,  Ibidem,  p.  260.  —  De  Coelo,  L.  I,  C.  viii,  §  15,  Ibidem,  p.  380. 

(  -)  — o'ii'a  Tispi  xà  Tcpôixa  aixia  xal  xJtç  «p/_âç  (Aristote,  Métaphysique,  L.  I,  C.  i, 
I  12.  Kdit.'  niDOT,  T.  II,  p.  469). 


420  LA    QUESTION    PRÉALABLE  (") 

sique  est-elle  légitime  et  la  connaissance  rationnelle  à  laquelle  elle 
prétend  aboutir  a-t-elle  quelque  valeur  ?  Certains  philosophes  répondent 
à  cette  question  par  une  négation  plus  ou  moins  radicale.  La  négation 
de  la  possibilité  de  la  Métaphysique  se  présente  sous  deux  formes  :  le 
Scepticisme  et  le  Relativisme  ou  Idéalisme.  A  ces  solutions  négatives 
nous  opposerons  la  réponse  affirmative  du  Dogmatisme  ou  Réalisme 

métaphysique.  ,        •  i 

En  d'autres  termes,  le  problème  à  résoudre  est  le  suivant  :  la  connais- 
sance que  nous  avons  des  choses  est-elle  subjective  ou  bien  objective  f' 
Connaissons-nous  les  choses  telles  qu'elles  apparaissent  à  notre  esprit 
ou  telles  qu'elles  sont  en  elles-mêmes  ?  Diverses  solutions  ont  ete  don- 
nées à  ce  problème  de  la  valeur  de  la  connaissance  :        .       ,   ,        . 

I.  _  Scepticisme  :  il  répond  que  la  vérité  est  inaccessible  à  l'esprit  ; 
c'est  la  négation  de  la  certitude,  le  doute  universel. 

II.  —  Relativisme  :  un  certain  nombre  de  philosophes  soutiennent 
que  toute  connaissance  étant  relative,  l'esprit  humain  ne  peut  dépasser 
le  phénomène  pour  atteindre  l'être,  la  chose  en  soi,  l'absolu  ;  des  lors 
la  Métaphvsique  est  impossible.  ,  ,  .    ,, 

ni.  —'Dogmatisme  :  il  dit  qu'il  y  a  des  vérités  indubitables  et  que 
l'esprit  humain  peut  les  connaître,  d'une  connaissance  à  la  fois  certaine 
et  objective,  sans  être  absolument  relative. 


SECTION  I 

Légitimité    de    la   Métaphysique 
et  valeur  de  la  Connaissance. 

ARTICLE  I.   —  LE  SCEPTICISME 

Le  Scepticisme  a  revêtu  deux  formes  :  1°  Scepticisme  absolu  ou 
Pyrrhonisme.  —  2^  Scepticisme  relatif  ou  Prohahilisme. 

3.  —  SCEPTICISME   ABSOLU   OU   PYRRHONISME 

§  A.  —  NATURE  DU  PYRRHONISME 

Le  Scepticisme  (de  ax£7rT0|jLat,  j'examine)  prétend  que  nous  ne 
somrties  certains  de  rien  :  toutes  les  opinions  sont  également  incertaines. 
D'après  Pyrrhon,  des  raisons  d'égale  force  peuvent  être  opposées  à 
toutes  les  opinions  ou  invoquées  en  leur  faveur  (llavTt  Xo'yw  Xo'yo; 
àvTÎxetxat).  Aussi  le  sage  doit-il  s'abstenir  de  toute  affirmation  ou 
négation.  La  vraie  sagesse  consiste  donc,  au  point  de  vue  intel- 
lectuel, à  suspendre  son  jugement  :  c'est  F  'K-rro/r,.  L'idéal  moral  de 
Pyrrhon,  c'est  l'apathie  et  l'indifférence  absolues  (à^îta-joûta). 

Les  Sceptiques  ne  contestent  pas  l'existence  de  la  certitude  comme 
phénomène  subjectif,  mais  sa  valeur  objective.  Ils  ne  doutent  donc  pas 
des  apparences,  mais  ils  ignorent  si  les  choses  §ont  en  elles-mêmes 
telles  qu'elles  apparaissent.  Dans  la  pratique,  ils  conforment  leurs 
actes  aux  apparences  et  reconnaissent  une  certitude  qu'on  peut  appeler 
empirique. 

Bref,  le  Pyrrhonien  doute  de  V aptitude  de  V esprit  à  connaître  la  vérité^ 
à  pénétrer  la  nature  des  choses. 

§  B.  —  APERÇU  HISTORIQUE 

Les  Sophistes  grecs,  les  Protagoras,  les  Gorgias,  les  Critias, 
les  HippiAS,  etc.,  étaient  des  rhéteurs  habiles,  qui  soutenaient  indiffé- 
remment le  pour  ou  le  contre  sur  chaque  question,  par  intérêt  ou  par 
dilettantisme.  Cette  indifférence  à  l'égard  de  la  vérité  favorisait  le 
doute  :  la  Sophistique  fraya  le  chemin  au  Scepticisme, 


422  SCEPTICISME    ABSOLU    OU    PYRRHONISME  (3) 

Les  Sceptiques  reconnaissent  pour  leur  maître  Pyrrhon  (vers  365- 
275  avant  J.-C),  né  à  Élis.  Après  lui,  le  Scepticisme  eut  pour  principaux 
représentants  :  tEnésidème  (probablement  du  i^"^  siècle  avant  J.-C), 
qui  composa,  entre  autres  ouvrages,  les  UuppoJveiot  Xoyot  {Discours 
Pyrrhoniens)  et  ramena  à  dix  les  raisons  de  suspendre  le  jugement 
(Aexa  TcoTTot  t^,ç  Itzo/%^)  ;  —  Agrippa  (peut-être  enseigna-t-il  vers 
la  fin  du  i^'^  siècle  après  J.-C.  et  au  commencement  du  second),  qui  les 
réduisit  à  cinq  ;  —  Sextus  Empiricus  (vers  le  milieu  du  m®  siècle 
après  J.-C),  médecin,  qui  écrivit  notamment  les  riupptovsiot  uttotutccWeiî 
{Hypoty poses  Pyrrhoniennes)  et  llpb;  [xaO-oaaTtxou;  {Contre  les  Mathéma- 
ticiens) {^). 

Le  Scepticisme,  inconnu  au  Moyen  Age,  reparaît,  parmi  les  modernes, 
avec  Montaigne,  dont  le  scepticisme  est  plutôt  une  boutade  littéraire 
qu'une  doctrine  réfléchie,  Pierre  Charron,  La  Mothe  Le  Vayer, 
Bayle. 

Pour  Pascal,  Huet,  La  Mennais,  leur  Scepticisme  est  plutôt  une 
arme  de  controverse  et  un  moyen  apologétique  pour  rabattre  la  «  su- 
perbe »  de  la  raison  humaine  qu'ils  veulent  ramener  à  la  foi. 

De  notre  temps,  le  Scepticisme  proprement  dit  n'a  plus  de  partisans. 
Les  philosophes,  qui  rejettent  la  valeur  de  la  raison  humaine,  ont  adopté 
une  attitude  plus  spécieuse,  dont  VIdéalisme  et  le  Relativisme  sont 
l'expression  subtile. 

§  C  -   ARGUMENTS  DES  SCEPTIQUES 

I.  — Faiblesse  de  l'esprit  humain  :  toutes  les  choses  soiit  liées  les 
unes  aux  autres  et  soumises  au  déterminisme.  Pour  en  connaître  une, 
il  faudrait  les  connaître  toutes,  ce  qui  est  impossible.  Donc  nous  ne 
pouvons  rien  connaître.  Ainsi  raisonnent  certains  Sceptiques. 

Réponse  ;  a)  Cet  argument  est  contradictoire,  car  un  pyrrhonien 
n'a  pas  le  droit  de  postuler  le  déterminisme  universel,  c'est-à-dire  l'en- 
chaînement et  la  liaison  de  toutes  choses. 

b)  Dans  l'ordre  spéculatif,  il  n'est  pas  exact  que  tout  soit  néces- 
sairement lié  à  tout.  Les  vérités  les  plus  générales  sont  indépendantes 
de  celles  qui  le  sont  moins  :  vg.  on  peut  apprendre  les  Mathématiques 
sans   savoir  la   Physique. 

c)  Dans  l'ordre  réel,  il  en  est  autrement  :  les  êtres  et  les  faits  dépen- 
dent les  uns  des  autres.  Cependant  on  n'a  pas  le  droit  d'en  conclure 
avec  les  Sceptiques  que  nous  ne  pouvons  absolument  rien  connaître 
d'aucune  manière  ;  mais  seulement  qu'on  ne  peut  rien  connaître  d'une 


C)  Cf.  V.  Bhochard,  Les  Sceptiques  grecs,  L.  I,  III,  IV.  Paris,  1887. 


(3)  SCEPTICISME    ABSOLU    OU    PYRRHONISME  423 

façon  adéquate.  De  ce  que  nous  ne  savons  le  tout  de  rien,  il  ne  s'ensuit 
donc  pas  que  nous  ne  savons  rien  du  tout. 

II.  —  Erreurs  de  l'esprit  :  l'esprit  humain  se  trompe  quelquefois  ; 
qui  nous  prouve  qu'il  ne  se  trompe  pas  toujours  ? 

Réponse  :  si  l'on  sait  qu'il  s'est  trompé,  c'est  qu'on  a  vu  que  quelque- 
fois aussi  il  ne  s'est  pas  trompé.  —  Ici  encore  la  conclusion  dépasse  les 
prémisses  :  de  ce  que  nous  nous  trompons  som'ent,  il  ne  suit  pas  que 
nous  nous  trompons  toujours. 

III.  —  Contradictions  de  l'esprit  :  de  siècle  à  siècle,  de  peuple 
à  peuple,  d'école  à  école,  d'individu  à  individu,  on  constate  des  contra- 
dictions, dans  l'ordre  des  connaissances  spéculatives,  comme  dans  l'ordre 
des  connaissances  morales  {Le  Scepticisme  moral.  Cf.  Morale,  12). 

Réponse  :  la  contradiction  n'est  ni  absolue,  ni  universelle.  L'esprit 
humain  a  toujours  admis  certains  principes  généraux  et  nécessaires 
qu'aucun  homme  en  son  bon  sens  n'a  jamais  niés  :  vg.  Ce  qui  est,  est  ; 
il  faut  faire  le  bien,  etc.  La  diversité  provient  non  de  la  raison  elle-même, 
mais  de  la  variété  des  données  sur  lesquelles  elle  s'exerce,  et  des  passions 
dont  elle  subit  l'influence.  (Logique,  Causes  de  Verreur,  124). 

IV.  —  Diallèle  (<?{'  àXXT^Xojv,  l'un  par  l'autre)  :  il  est  impossible 
à  la  raison  de  démontrer  sa  véracité  sans  cercle  vicieux,  car  toute 
démonstration  doit  se  faire  à  l'aide  de  preuves.  Or  qui  montrera  la 
valeur  de  ces  preuves,  si  ce  n'est  la  raison  elle-même  ? 

Réponse  :  cet  argument  est  exact.  Aussi  le  Dogmatisme  prétend 
que  la  valeur  de  la  raison  est,  comme  celle  de  la  conscience,  indémon- 
trable, mais  en  même  temps  inattaquable,  car  on  ne  peut  la  révoquer 
en  doute  sans  la  supposer.  Toute  discussion,  en  effet,  est  un  exercice 
de  la  raison  dont  on  suppose  préalablement  la  véracité. 

§  D.  —  RÉFUTATION  DU  SCEPTICISME 

I.  —  Réfutations  inefficaces  :  pour  réfuter  le  Scepticisme  on  a 
souvent  recours  à  des  arguments  incomplets  ou  insuffisants,  par  exemple  : 

a)  C'est  une  vaine  tentative  de  rappeler  le  sceptique  au  bon  sens 
vulgaire,  car  Pyrrhon  et  Sextus  Empiricus  déclarent  que  pour  la  conduite 
pratique,  ils  l'acceptent  comme  le  commun  des  hommes.  On  doit  donc 
rejeter  Vargumentum  baculinum  que  Duns  Scot  a  formulé  ainsi  :  ;<  A  qui 
ne  veut  pas  admettre  l'existence  des  objets  matériels,  il  faut  donner 
des  coups  ou  de  l'esprit,  et  le  battre  jusqu'à  ce  qu'il  avoue  qu'il  y  a 
une  différence  entre  être  battu  et  ne  pas  l'être.  » 

b)  L'accusation  de  contradictions  formelles  est  également  sans  objet. 
Pour  mériter  cette  accusation,  il  est  nécessaire  d'affirmer  ou  de  nier 
quelque  chose  catégoriquement.  Or  le  sceptique,  on  l'a  vu,  n'affirme 
rien  d'une  façon  catégorique,  pas  môme  son  doute. 


424  SCEPTICISME    ABSOLU    OU    PYRRHONISME  (3) 

II.  —  Réfutation  véritable  du  Scepticisme   : 

a)  Si  le  sceptique  ne  mérite  pas  le  reproche  de  contradiction  logique 
formelle,  il  n'échappe  pas  à  celui  de  contradiction  pratique,  car"  sa 
conduite  est  en  désaccord  permanent  avec  son  doute  théorique  universel. 
L'évidence  des  démonstrations  mathématiques,  de  sa  propre  existence, 
de  la  réalité  du  monde  extérieur,  de  sa  responsabilité  morale  s'impose 
au  sceptique  comme  au  reste  des  hommes.  Accepter  pour  la  vie  pratique 
ces  affirmations  spontanées  et  les  révoquer  en  doute  pour  la  vie  intel- 
lectuelle, c'est  vivre  dans  une  contradiction  perpétuelle,  c'est  mener 
une  vie  contre  nature,  car  ces  affirmations  spontanées  sont  le  fruit 
naturel  de  l'intelligence. 

b)  Tout  homme,  y  compris  le  sceptique,  par  la  conscience  qu'il  a 
de  lui-même,  de  ses  actes  et  de  ses  états  psychologiques,  saisit  son  moi 
com.me  être  réel  et  existant.  L'être  réel  se  montre  donc  à  nous  dans 
une  expérience  qui  rend  le  doute  impossible,  car  cette  expérience  est 
à  la  fois  concrète,  immédiate,  intellectuelle  (Psych.  68). 

Saint  Augustin  opposait  aussi  au  doute  des  Sceptiques  cet  argument 
invincible  de  l'expérience  intellectuelle  (^).  Descartes,  de  son  côté, 
montre  que  l'efficacité  du  Cogito,  ergo  suni  contre  «  les  plus  extrava- 
gantes suppositions  des  Sceptiques  »  vient  du  caractère  immédiat  et 
spontané  de  cette  vérité  :  «  ...Quand  nous  apercevons  que  nous  sommes 
des  choses  qui  pensent,  c'est  une  première  notion  qui  n'est  tirée  d'aucun 
syllogisme  ;  et  lorsque  quelqu'un  dit  :  Je  pense,  donc  je  suis  ou  j^ existe, 
il  ne  conclut  pas  son  existence  de  sa  pensée  comme  par  la  force  de 
quelque  syllogisme,  mais  comme  une  chose  connue  de  soi  ;  il  la  voit 
par  une  simple  inspection  de  l'esprit  :  comme  il  paraît  de  ce  que  s'il  la 
déduisoit  d'un  syllogisme,  il  auroit  dû  auparavant  connoître  cette 
majeure  :  Tout  ce  qui  pense  est  ou  existe.;  mais  au  contraire  elle  lui  est 
enseignée  de  ce  qu'il  sent  en  lui-même  qu'il  ne  se  peut  faire  qu'il  pense 
s'il  n'existe  {^).  » 

c)  Le  vice  radical  du  Scepticisme  est  de  supposer  que  tout  ce  qui 
ne  peut  se  démontrer  est  incertain.  C'est  dire  que  toute  certitude  pro- 
vient d'une  démonstration,  mais  à  tort,  car  toute  démonstration  a  pour 
base  des  principes  indémontrables,  évidents  par  eux-mêmes,  des  prin- 


(  ')  Vivere  se  tamen,  et  meminisse,  el  intelligere,  et  velle,  et  cogitare,  etscire,  et  judicare 
quis  dubitet  ?  Quandoquidem  etiain  si  dubitat,  vivit  ;  si  dubitat  unde  dubitat,  meminit  ; 
si  dubitat,  dubitare  se  intelligit  ;  si  dubitat,  cerlus  esse  vult  ;  si  dubitat,  cogitât;  si  dubitat, 
scit  se  ncscire  ;  si  dubitat,  judicat  non  se  temere  consentire  oporterc.  Quisquis  igitur  aliunde 
dubitat,  de  his  omnibus  dubitare  non  débet  :  quac  si  non  essent,  de  nulla  re  dubitare  non 
posset.  (S.  Augustin,  De  Trinilate,  L.  X,  C.  x,  §  14.  Patrologia  Latina,  T.  XLII,  col.  981). 

(  ")  Descartes,  Réponses  aux  secondes  objections.  Traduct.  de  Clerselier,  Œuvres 
de  Descaries,  Édit.  Cousin,  T.  I,  p.  427.  —  Pour  le  texte  latin  de  Descartes,  voir  Œuvres, 
Édit.  Adam,  T.  VIT,  p.  140,  ligne  18. 


(4)  SCEPTICISME    RELATIF    OU    PROBABILISME  425 

cipes  premiers  en  un  mot.  Autrement  il  faudrait  reculer  à  l'infini,  ce 
qui» répugne  (Log.  37,  §  B). 

4.  —  SCEPTICISME  RELATIF  OU  PROBABILISME 

A)  Exposé.  —  C'est  la  doctrine  de  la  Nouvelle  Académie,  École 
fondée  par  les  disciples  de  Platon,  infidèles  à  leur  maître.  Elle  eut  pour 
chefs  Arcésilas  (vers  315-240  avant  J.-G.)  et  Garnéade  (vers  219-129). 
Cicéron,  bien  qu'éclectique  dans  sa  philosophie,  s'est  en  somme  rallié 
à  cette  École  (^).  D'après  le  Scepticisme  absolu,  le  pour  et  le  contre 
se  balancent  ;  ils  sont  également  incertains.  D'après  le  Probabilisme, 
toute  'opinion  est  nécessairement  incertaine  ;  mais  il  y  a  des  degrés 
dans  l'incertitude.  On  peut  préférer  une  opinion  à  une  autre  à  cause 
de  sa  plus  ou  moins  grande  probabilité.  Comme  on  ne  peut  s'élever  à 
la  certitude,  il  faut  se  conduire  suivant  la  probabilité  ;  comme  on  ne 
peut  atteindre  la  vérité,  il  faut  se  contenter  de  la  vraisemblance  {^). 

B)  Réfutation  :  I.  —  Le  probabiliste,  qui  n'admet  aucune  vérité, 
doit  rejeter  également  la  vraisemblance,  car  c'est  une  image  de  la 
vérité  ;  or,  si  on  ne  connaît  pas  la  vérité,  on  ne  peut  savoir  ce  qui  lui 
ressemble.  Qui  n'a  pas  vu  l'original  est-il  en  droit  de  dire  que  le  portrait 
n'est  pas  ressemblant  (^)  ? 

II.  —  La  probabilité  est  une  approximation  de  la  certitude.  Comment 
donc  estimer  une  chose  probable  si  on  ignore  à  quelles  conditions  elle 
est  certaine  ?  La  probabilité  est  à  la  certitude  ce  que  la  vraisemblance 
est  à  la  vérité  :  elle  la  suppose. 

III.  —  La  probabilité  implique  elle-même  la  certitude.  En  effet 
lorsque,  de  deux  opinions  opposées,  nous  affirmons  que  l'une  est  pro- 
bable et  que  l'autre  ne  l'est  pas,  cette  affirmation  doit  être  regardée 
comme  certaine,  car,  si  elle  était  douteuse,  il  n'y  aurait  même  plus 
de  probabilité.  Si  le  probabiliste  prétend  que  cette  affirmation  n'est 
elle-même  que  probable,  il  doit  le  dire  encore  avec  certitude,  ou  bien 
la  probabilité  reculera  à  l'infini,  sans  qu'on  puisse  jamais  y  parvenir. 

C)  Remarques  :  1°  Il  faut  d'ailleurs  remarquer  que  le  Probabilisme 
contient  une  part  de  vérité.  Il  est  des  cas  où  nous  ne  pouvons  arriver 
qu'à  des  connaissances  plus  ou  moins  probables  ;  la  raison  exige  alors 
qu^n  se  contente  d'affirmer  dans  la  mesure  où  l'on  voit,  c'est-à-dire 
de  n'affirmer  que  la  probabilité  (Logique,  117).  Le  Scepticisme  n'est 


( ')  Nos  autein,  ut  ceteri  alia  certa,  alia  incerta  esse  clicunt,  sic  ab  his  dissentientes, 
alia  probabilia,  contra  alia,  dicimus  (Cickron,  De  0//(cns,  L.  II,  §  II). 

{■)  V.  Brochard,   Les  Sceptiques  grecs.  Livre  II. 

( ')  Nihil  luilii  videtur  absiirdivis  dicere  se  verisiniile  sequi  cuiii  qui  vcruiii  qiiid  sit 
ignoret  (S.  Augustin). 


426  RELATIVISME    :     §  I.    —    LE    PHÉNOMÉNISME  (4) 

admissible,  comme  le  reconnaît  Descartes,  que  sous  la  forme  du  doute 
provisoire  et  méthodique  (Logique,   116,  B).  * 

20  On  ne  doit  pas  confondre  le  Probabilisme  spéculatif,  dont  il  est 
question  ici,  avec  la  théorie  morale,  qu'on  nomme  aussi  Probabilisme. 
Le  Probabilisme  spéculatif  prétend  que  notre  connaissance  ne  peut 
dépasser  le  stade  de  Yopinion.  Le  Probabilisme  moral,  reposant  sur 
ce  principe,  spéculativement  certain,  qu'une  loi  douteuse  n'oblige  pas 
{Lex  dubia  non  obligat),  comporte  une  certitude  pratique.  (Morale,  15,  D). 

ARTICLE  II.   —  LE  RELATIVISME 

Certains  philosophes  prétendent  que,  toute  connaissance  étant  essen- 
tiellement relative  au  sujet  connaissant,  nous  n'atteignons  jamais  les 
choses  telles  qu'elles  sont  en  elles-mêmes,  mais  seulement  telles  qu'elles 
nous  apparaissent.  Nous  ne  connaissons  rien  absolument,  mais  tout  rela- 
tivement.  C'est  dire  que  notre  connaissance  ne  peut  aller  au  delà  du 
phénomène  pour  atteindre  l'être  et  la  substance,  au  delà  du  contingent 
et  du  relatif  pour  s'élever  jusqu'au  nécessaire  et  à  l'absolu.  Le  problème 
métaphysique  est  donc  hors  des  prises  de  l'esprit  humain.  Telle  est  la 
prétention  du  Relativisme.  On  l'appelle  aussi  Idéalisme,  parce  que, 
d'après  ce  svstème,  nous  ne  connaissons  que  nos  idées,  et  l'objet  de  notre 
connaissance  est  uniquement  l'objet  pensé  en  tant  que  pensé.  Tout  l'être 
se  ramène  donc  à  percevoir  ou  à  être  perçu.  Esse  est  percipere  aut  percipi 
(Berkeley.  Cf.  Métaphysique,  36,  I). 

Le  Relativisme  a  pris  plusieurs  formes,  dont  voici  les  principales  : 
I,  —  Phénoménisme  (Hume,  Stuart  Mill). 
IL  —  Ciiticisme  (Kant). 

III.  —  Néo-Criticisme  (Renouvier). 

IV.  _  Idéalisme  métaphysique  (Lachelier,  Bergson). 
V.  —  Positivisme  (A.  Comte,  Taiine). 

Ces  divers  systèmes,  soutenant  que  toute  connaissance  est  relative, 
en  concluent  que  la  Métaphysique,  qui  prétend  atteindre  l'absolu,  est 
impossible.  D'après  les  quatre  premiers  systèmes,  cette  impossibilité 
provient  du  sujet  connaissant,  })arce  que-,  disent-ils,  l'intelligence  ne 
peut  rien  connaître  absolument.  On  peut  donc  les  ranger  sous  le  titre 
commun  de  Relativisme  subjectif.  Pour  le  Positivisme  cette  impossi- 
bilité a  sa  cause  dans  Vobjet  à  connaître  :  l'absolu  est  essentiellement 
inconnaissable.  C'est  le  Relativisme  objectif. 

5.  _  §  L  —  LE  PHÉNOMÉNISME 

L'Idéalisme,  dont  Hume  est  le  fondateur,  nie  non  seulement  la 
réalité  objective  des  corps,  mais  celle  de  toute  substance  et  de  toute 
cause. 


(5)  RELATIVISME    :   §    I.    —    LE    PIIÉNOMÉNISME  427 

Hume  a  distingué  plusieurs  phases  dans  la  connaissance  : 

a)  Nous  sommes  pratiquement  certains  de  la  réalité  des  objets  qui 
nous  environnent.  Ce  sont  les  données  fournies  par  le  bon  sens,  voix  de 
la  nature  {^). 

b)  On  est  naturellement  porté  à  donner  une  valeur  objective  théo- 
rique à  ces  données.  Mais  la  réflexion  philosophique  nous  montre  que 
ce  sont  de  simples  sensations  qui  ne  représentent  pas  des  choses.  Hume 
applique  le  principe  de  Berkeley  :  Esse  est  percipi.  Mais  ce  nrincipe  que 
Berkeley  restreignait  aux  sensations,  Hume  Tétend  aux  idées,  parce  que, 
dit-il,  toutes  nos  idées  dérivent  des  impressions  sensibles.  Aussi,  pour 
lui,  (i  une  pierre,  un  arbre,  etc.  sont  des  collections  de  sensations...  Le 
moi  est  un  faisceau  de  différentes  perceptions  qui  se  succèdent.  »  C'est 
pourquoi  son  système  a  reçu  le  nom  de  Phénoménisme. 

La  réflexion  philosophique  nous  empêche  d'affirmer  théoriquement 
les  vérités  de  sens  commun  ;  mais  elle  ne  nous  empêche  pas  d'y  croire. 

c)  Tout  ce  qui  concerne  l'essence  des  choses  et  tout  ce  qui  dépend 
du  principe  de  raison  suffisante  est  hors  de  la  portée  de  notre  esprit.  Ainsi 
la  notion  de  cause  nous  est  inaccessible  {^).  Elle  se  réduit  pour  nous  au 
retour  régulier  des  mêmes  phénomènes  (Psygh.,  183,  §  A,  III).  C'esl 
pourquoi  les  sciences  de  la  nature  ne  sont  que  des  généralisations  d'expé- 
riences sensibles,  qui  n'ont  qu'une  valeur  empirique,  parce  que  la 
relation  de  cause  à  efl'et  nous  échappe. 

En  Mathématique  cependant  les  généralisations  ont  un  caractère 
absolu,  parce  qu'elles  n'appliquent  aux  données  de  l'expérience  que 
le  principe  de  contradiction  et  qu'elles  n'affirment  pas  l'existence  de 
leur  objet. 

Dans  ces  conditions,  la  Métaphysique  est  impossible,  puisque  l'esprit 
ne  peut  atteindre  la  nature- des  choses.  Ceux  qui  s'y  aventurent  entrent 
dans  la  «  région  des  sophismes  et  des  illusions  ». 

Ha-milton,  Stuart  Mill,  Spencer,  Bain,  Lewes  ont  développé  le 
système  de  Hume.  D'après  eux,  tout  est  relatif  à  nos  sensations  :  les 
corps,  le  moi,  l'absolu  ne  sont  que  des  représentations  subjectives. 


C)  «  Le  scepticiue  doit  adhérer  au  principe  de  l'existence  des  corps,  bien  qu'il  ne  puisst", 
par  aucun  argument  philosophique,  en  maintenir  la  vérité.  La  nature  ne  nous  a  pas  laisse 
ici  la  liberté  du  choix,  et  elle  a  sans  doute  considéré  que  cette  croyance  était  une  affain^ 
de  trop  d'importance  pour  être  confiée  à  la  garde  de  nos  spéculations  et  raisonnement.^ 
incertains.  » 

Thus  ihe  sceptic...  mustassent  lo  the  principlc  concerning  the  existence  ofbody,  tho"  lie 
cannot  prétend  by  any  arguments  of  philosophy  to  mainlain  its  veracity.  Nature  has  noi 
left  this  to  his  choice  and  has  doublless  esteem'd  it  an  affair  of  too  great  importance  to  be 
trusted  to  our  uncertain  reasonings  and  spéculations.- (Humk,  A  Trealise  of  Humnn  Nature. 
L.  I,  Part  IV,  Sect.  II,  au  début.  Édition  Gueen  et  Grose,  T.  I,  p.  478,  Londres,  189S). 

(-)  Hume,  A  Trealise  of  Human  Nature,  L.  I,  P.  III,  Sect.  II,  III,  IV. 


428  RELATIVISME    :    §    I.    —    LE    PHÉXOMÉNISME    .  (5) 

Stuart  Mill  dit,  par  exemple  :  «  Mon  esprit  n'est  qu'une  série  de  sen- 
timents »  (  ^).  «  La  matière  est  une  possibilité  permanente  de  sensa- 
tions »  (^).  C'est  la  théorie  de  la  Relativité  absolue  delà  connaissance 
(PSYCH.  76). 

B)  Réfutation.  —  Cette  théorie  doit  être  rejetée,  parce  qu'elle  a 
le  tort  de  nier  : 

I.  —  La  réalité  objective  des  corps  :  nous  avons  vu  en  Psychologie 
(95,  96)  que  les  qualités  sensibles  sont  significatives  des  qualités  existant 
en  dehors  de  nous.  Si  rien  de  semblable  ne  correspond  dans  les  corps 
à  la  perception  que  nous  en  avons,  il  ne  s'ensuit  pas  que  rien  de  réel 
n'y  corresponde  :  les  qualités  sensibles  étant  des  effets  réels  supposent 
une  cause  réelle.  Cette  cause  n'est  pas  en  nous,  elle  est  donc  hors  de 
nous.  Mais,  quoi  qu'en  dise  Berkeley,  ce  ne  peut  être  Dieu,  car  il  serait 
contraire  à  sa  sagesse  et  à  sa  véracité  de  nous  rendre  dupes  d'une  illusion 
invincible.  Comment  prêter  à  Dieu  un  pareil  rôle  ?  (Métaph.  36,  I). 

II.  —  La  réalité  de  l'esprit  comme  cause  et  substance.  En  effet  cette 
négation  : 

1^    Est  contraire  au  témoignage  de  la  conscience  :  car  celle-ci  : 

a)  Nous  montre  la  permanence  du  moi  opposée  à  la  succession  des 
phénomènes,  l'unité  du  moi  et  son  identité  opposées  à  la  multiplicité 
des  phénomènes.  La  conscience  nous  fait  donc  connaître  le  moi  comme 
substance. 

b)  'Nous  montre  aussi  le  moi  comme  produisant  certains  actes 
(PSYCH.  71,  I,  B). 

2°  Est  incompatible  avec  la  mémoire,  car  la  mémoire  suppose  un 
sujet  un,  identique,  pouvant  envisager  toute  la  série  des  événements 
passés  (Ps.  76,  107,  ^  I,  B).  Une  collection  d'états  de  conscience  n'est 
j)as  possible  sans  un  principe  collecteur. 

C)  Objections.  —  Les  Relativistes  font  \  aloir  contre  la  réfutation 
précédente  ces  deux  arguments  : 

I.  —  L'esprit  humain  ne  peut  rien  connaître  de  ce  qui  existe  en  soi, 
aucune  cause,  aucune  substance, "car  il  n'a  aucun  moyen  de  connaissance 
approprié  à  un  objet  absolu  comme  les  substances  et  les  causes.  En  effet 
les  sens  et  la  conscience  ne  nous  font  connaître  que  des  phénomènes 
relatifs  les  uns  aux  autres. 

Réponse  :  1°  Il  y  a  une  connaissance  expérimentale  autre  que  celle 
des  phénomènes  :  c'est  la  connaissance  intuitive  et  immédiate  que 
l'esprit  a  de  sa  proj)re  existence  en  tant  qu'il  est  le  sujet  auquel  se 
rapportent  tous  les  phénomènes.  Quand  l'esprit  se  saisit  ainsi  lui-même, 


('-')  s.  Mill,  La  l'hilosophir  de  l,i.milion,  ("li.  xii,  p.  ■ii'.t,  Cli.  xi,  p.  JiO.  TraUucl. 
Cazki.li:-,  Paris,  1869. 


i 


;{5)  RELATIVISME    :    §    I.    — ■    LE    PU  ÉNU.MÉNISME  429 

■il  saisit  quelque  chose  d'absolu,  d'existant  en  soi,  le  principe  même  de 
la  pensée.  Toute  erreur  est  impossible,  car  il  y  a  identité  entre  le  sujet 
•contiaissant  et  l'objet  connu  (Ps.  68). 

2^  L'esprit  atteint  l'absolu  non  seulement  par  la  conscience  que  nous 
-avons  de  nous-mêmes,  mais  encore  par  la  connaissance  de  certaines 
vérités  indépendantes  des  circonstances  de  temps,  de  lieux,  de  per- 
sonnes :  vg.  les  vérités  arithmétiques,  les  principes  premiers. 

II.  —  L'esprit  ne  peut  rien  connaître  absolument,  c'est-à-dire  rien 
•de  rigoureusement  conforme  à  la  réalité.  En  efîet,  les  choses  nous  étant 
extérieures,  nous  ne  pouvons  les  connaître  que  par  l'intermédiaire  des 
impressions  qu'elles  produisent  sur  nous  ;  nous  n'en  connaissons  donc 
que  les  apparences.  Or  la  conformité  rigoureuse  des  apparences  aux 
choses  est  impossible  à  concevoir,  car  l'esprit  est  de  moitié  dans  les 
phénomènes  qu'il  perçoit,  et  sa  nature  s'y  exprime  autant  que  celle 
des  choses. 

Réponse  :  nous  concédons  que  la  connaissance  sensible  est  relative. 
L'âme  ne  perçoit  en  effet  les  choses  qu'au  moyen  des  impressions  qu'elle 
reçoit  :  les  sensations  ne  sont  que  les  signes  et  non  les  images  de  la 
réalité  (Psych.,  96).  Mais,  outre  la  connaissance  sensible,  il  y  a  la 
connaissance  rationnelle.  La  raison,  en  interprétant  la  signification 
des  sensations,  peut  acquérir  des  choses  une  connaissance  réelle  et 
absolue,  c'est-à-dire  les  connaître  telles  qu'elles  sont  en  elles-mêmes. 

Conclusion.  —  Nous  rejetons  donc  le  système  de  la  relatwité  absolue 
de  la  connaissance  ;  mais, nous  admettons  une  certaine  relativité  relative. 
Nous  rejetons  le  relativisme  absolu,  car  nous  avons  prouvé  que  l'esprit 
peut  connaître  : 

1»  Quelque  chose  d'absolu  :  le  moi,  les  vérités  arithmétiques,  les 
principes   premiers. 

2°  Quelque  chose  absolument,  la  réalité  telle  qu'elle  est,  au  moyen 
de  la  connaissance  rationnelle. 

Mais  il  faut  reconnaître  qu'il  y  a  du  relatif  dans  la  connaissance 
humaine.  En  effet  on  peut  dire  d'abord  d'une  façon  générale,  après 
Aristote,  que  la  connaissance,  étant  l'acte  commun  de  l'objet  connu 
et  du  sujet  connaissant,  sera  toujours  dépendante  de  nos  facultés  de 
connaître.  Ainsi  : 

a)  Lsl  connaissance  sensible  est  relative  à  nos  sensations,  comme 
'On  l'a  expliqué  ;  elle  ne  naus  montre  pas  les  choses  extérieures  telles 
qu'elles  sont  en  elles-mêmes,  mais  à  travers  nos  sensations. 

b)  La  connaissance  rationnelle  nous  fait  bien  connaître  la  réalité 
telle  qu'elle  est  ;  mais  elle  est  inadéquate  ;  on  peut  dire  qu'elle  est  rela- 
tive en  ce  sens  que  l'imperfection  de  nos  idées  est  la  conséquence  néces- 
saire de  la  nature  bornée  de  notre  intelligence.  Mais  qui  dit  incomplète 
ne_^dit  pas  inexacte.  Nous  ne  connaissons  pas  adéquatement  l'essence 


430  RELATIVISME    :    §    II.    — ■    LE    CRITICISME    DE    KANT  (6) 

intime   des   choses  ;   mais   nous   en   connaissons   quelque   chose  vérita- 
blement (^). 

Notre  connaissance,  pour  être  inadéquate,  n'en  est  pas  moins  réelle 
et  objective.  Ce  qui  en  chacun  de  nous  est  relatif  se  rapporte  aux  sens 
et  à  l'imagination.  De  là  vient  que  chaque  homme  a  sa  manière  de 
sentir  et  d'imaginer.  ^lais  la  raison  est  identique  et  universelle  :  les 
principes  premiers  sont  les  mêmes  pour  tous  les  hommes  et  les  mêmes 
pour  toutes  les  choses,  bref,  sont  absolus  (Ps.  163). 


6.  —  §  IL  —  LE  CRITICISME  DE  KANT    (2) 

§  A.  —  CRITIQUE  DE  LA  RAISON  PURE 

But  de  Kant  :  avec  Hume,  l'Idéalisme  avait  dégénéré  en  scepti- 
cisme :  plus  de  cause  ni  de  substance  ;  plus  de  loi,  partant  plus  de 
science  ;  tout  se  réduit  à  de  pures  liaisons  habituelles  de  phénomènes. 
Entre  le  Dogmatisme  et  le  Scepticisme,  Kant  voulut  fonder  le  Criti- 
cisme  :  mais  ce  n'est  en  réalité  qu'une  nouvelle  forme  de  l'Idéalisme. 
Kant  se  propose  de  résoudre  le  problème  de  la  possibilité  de  la  Méta- 
physique :  nos  connaissances  ont-elles  une  valeur  objective  ?  Pour  le 
savoir,  il  fait  la  critique  de  nos  facultés  intellectuelles  et  en  examine 
la  valeur  dans  son  livre  :  Critique  de  la  raison  pure  (^). 

Dans  cette  Critique,  il  distingue  entre  les  choses  telles  qu'elles  appa- 
raissent :  ce  sont  les  phénomènes,  et  les  choses  telles  qu'elles  sont,  les 
choses  en  soi,  inaccessibles  à  l'intelligence  :  ce  sont  les  noumènes.  Kant 
veut  faire,  en  philosophie,  une  révolution  analogue  à  celle  de  Copernic, 
en  astronomie.  Avant  Copernic,  on  faisait  tourner  le  soleil  autour  de 
la  terre.  Copernic  fait  tourner  la  terre  autour  du  soleil  (*).  Avant  Kant. 


i^)  Cf.  Tome  I,  Chapitre  préliminaire,  p.  xxiii-xxviii. 

(-)  Th.  Depdouit.*,  La  Philosophie  de  Kanl  d'après  les  trois  Critiques.  —  Schœbel, 
Philosophie  de  la  raison  pvire.  —  T.  Pesch,  Kanl  et  la  Science  moderne.  Le  Kantisme  et 
ses  erreurs.  —  H.  Goujon,  Kant  et  Kantistes.  —  Th.  Ruyssen,  Kant.  —  E.  Caird,  The 
critical  Philosophy  of  Kant.  —  A.  P'ouillée,  Le  Moralisme  de  Kant  et  l' Immoralisme  contem- 
porain. —  V.  Delbos,  La  Philosophie  pratique  (le  Kant.  —  Renouvier,  Criitgue  de  fa 
Doctrine  de  Kanl.  —  C.  Sentroul,  L'Objet  de  la  Métaphysique  selon  Kanl  et  selon  Aristote. 

—  A.  Farges,  Kantisme  et  Subjectiinifme.  —  J.  Medicus,  Kants  Philosophie  der  Geschichte. 

—  G.  .SoRTAi.-i,  Eludes  philosophiques  et  sociales  :  IV.  Qrigine  et  valeur  de  la  connaissance 
théorique  d'après  Kant,  p.  156-247.  —  P.  Vallet,  Kantisme  et  Positivisme. 

(')  D'apré.s  Kant,  la  critique  est  dite  transcendaiitale,  quand  «  elle  ne  porte  point  sur 
les  objets,  mais  sur  notre  manière  de  les  connaître,  en  tant  que  celle-ci  est  possible  a  priori". 

—  Le  Criticisme  est  aussi  appelé  Relativisme  subjectif.  Ce  Relativisme  viendrait  non  pas, 
comme  dit  le  Posilivi«iie,  des  limites  de  la  connaissance  par  rapport  à  ses  objets,  mais  des 
nécessités  qui  dérivent  de  la  constitution  même  de  la  connaissance,  par  conséquent  du 
sujet. 

{')  Kaxt.  Critique  de  la  raison  pure,  Préface  de  la  2«  édition,  page  22  de  la  Traduct. 
Treme.savgi  i:.«  et   Pacaud,  Paris,   1909'. 


(6)  RELATIVISME    :     §    II.    LE    CRITICISME    DE    KANT  431 

on  enseigne  que  la  raison  doit  se  conformer  aux  choses.  Comme  cette 
manière  de  voir,  suivant  lui,  n'a  mené  à  rien,  il  veut,  dit-il,  essayer  de 
Thypotlièse  contraire,  qui  consiste  à  admettre  que  c'est  notre  pensée 
qui  régie  les  choses,  car  nous  ne  pouvons  savoir  ce  qu'elles  sont  en 
elles-mêmes. 

Kant  distingue  deux  éléments  dans  la  connaissance  : 

1^  La  Matière  :  sensations  et  autres  états  de  conscience,  multiples, 
incohérents,  épars.  Cet  élément  est  contingent  et  particulier. 

2o  La  Forme  :  c'est  l'élément  nécessaire,  universel,  a  priori.  Nous 
ne  pensons  qu'en  mettant  un  certain  ordre  dans  cette  multitude  de 
sensations  incohérentes,  qu'en  donnant  une  forme  à  cette  matière, 
car  penser,  c'est  unir.  Or  les  facultés,  qui  mettent  de  l'unité  dans  les 
objets  de  nos  connaissances,  sont  au  nombre  de  trois  :  sensibilité .,  enten- 
dement, raison.  Il  faut  en  examiner  successivement  la  valeur.  De  là  trois 
parties  dans  la  Critique  de  la  raison  pure. 

V^  Partie  :  Esthétique  transcendantale  :  c'est  la  critique  de 
la  Sensibilité.  La  sensibilité  comprend  :  1^  le  sens  intime  (conscience)  ; 
2*^  les  sens  externes.  Elle  nous  fournit  des  notions  intérieures  sensibles 
et  des  notions  extérieures  :  c'est  la  matière  de  la  connaissance.  Cette 
matière  a  pour  formes  :  Vespace  et  le  temps. 

A)  Espace  :  toutes  les  fois  que  nous  éprouvons  une  sensation  tactile 
ou  visuelle,  elle  nous  paraît  étendue  :  elle  est  dans  l'espace.  Cette  repré- 
sentation spatiale  est  donc  une  condition  a  priori  de  nos  sensations, 
la  forme  des  sens  externes. 

B)  Temps  :  de  même  tous  les  phénomènes  de  conscience  nous 
paraissent  se  succéder  les  uns  aux  autres  et  constituer  la  série  de  l'avant 
et  de  l'après  :  ils  sont  dans  le  temps.  La  notion  de  temps  est  donc  une 
condition  a  priori  de  nos  phénomènes  intérieurs,  la  forme  du  sens  interne. 

L'espace  et  le  temps  ne  sont  pas  des  concepts  empiriques,  dégagés 
par  abstraction  des  perceptions  sensibles,  puisque  ces  perceptions  sont 
impossibles  sans  eux  :  ce  sont  donc  des  éléments  a  priori,  des  intuitions 
[primitives,  des  formes  subjectives,  idéales.  Mais  ces  intuitions  ne  sont 
pas  constituées  d'avance,  ces  formes  ne  sont  pas  des  entités  latentes 
et  mortes  :  ce  sont  des  actes  vivants  que  l'esprit  produit  et  qui  lui  servent 
à  coordonner  ses  sensations. 

Bref,  la  sensibilité  est  une  sorte  de  raison  intuitive,  à  la  fois  réceptive 
et  active.  Dans  chaque  intuition,  il  y  a  deux  éléments  :  un  élément 
a  posteriori,  venu  du  dehors,  à  savoir,  les  sensations  qui  constituent  la 
matière  ;  un  élément  pur  ou  a  priori  que  la  sensibilité  tire  de  son  propre 
fonds,  à  savoir,  Vespace  et  le  temps,  intuitions  primitives,  antérieures 
à  toute  expérience,  qui  constituent  la  fornif. 

U^  Partie  :  Analjrtique  transcendantale  :  c'est  la  théorie 
-critique  de  V Entendement  ou  faculté  de  juger.  La  sensibilité  nous  fournit 


432  RELATIVISME    :     §    II.    LE    CRITICISME    DE    KANT  (6)' 

ses  notions  sensibles,  intérieures  et  extérieures.  Le  rôle  de  l'entendement 
est  d'unir  les  notions  pour  en  composer  des  connaissances  :  il  les  ramène 
à  des  jugements.  Ces  jugements  ne  se  font  que  suivant  certaines  lois, 
d'après  lesquelles  l'entendement  unit  un  sujet  à  un  attribut.  Ces  lois 
sont  appelées  Catégories,  parce  qu'elles  servent  à  classer  nos  connais- 
sances ;  ce  sont  des  concepts,  des  jormes  a  priori  de  l'activité  de  l'esprit 
quand  il  juge,  comme  l'espace  et  le  temps  sont  des  formes  a  priori  de 
l'esprit  quand  il  sent.  Ces  catégories  sont  au  nombre  de  quatre,  lesquelles 
se  subdivisent  en  trois  ;  donc  en  tout  douze  catégories  (Ps.  166). 

i     a)  Vnité 
I.  —  Quantité     <     h)  Pluralité 
l     c)  Totalité 

(     a)  Réalité 
II.  —  Qualité       l     h)  Négation 
(     c)  Limitation 

i     a)  Substance  et  Inhérence 
III.  —  Relation     }     h)  Cause  et  Effet 

(     c)  Action  et  Réaction 

(     a)  Possibilité 
IV.  —  Modalité     <     b)  Actualité 
(     c)  Nécessité 

Kant  appelle  les  jugements,  formés  d'après  ces  catégories,  des 
jugements  synthétiques  a  priori  :  synthétiques,  parce  que  le  sujet  ne 
contient  pas  l'attribut  ;  a  priori,  parce  qu'ils  ne  dérivent  pas  de  l'expé- 
rience :  vg.  5-^-7=12.  Tout  ce  qui  arrive  a  une  cause  (Ps.  150).  La  fonc- 
tion des  catégories  n'est  pas  de  représenter  les  objets,  mais  d'imprimer 
aux  intuitions  sensibles,  matière  éparpillée  de  la  connaissance,  une 
forme  (vg.  causalité,  substance,  etc.)  qui  permet  au  moi  de  les  unifier 
dans  la  «  synthèse  transcendantale  de  l'aperception  ».  Les  catégories 
ont  conséquemment  une  valeur  objective,  parce  que  leur  application 
aux  données  sensibles  rend  celles-ci  objet  de  pensée. 

Nos  jugements  peuvent  donc  s'organiser  d'après  ces  catégories,  lois 
constitutives  de  notre  esprit,  que  nous  appliquons  à  tout  ce  que  nous 
connaissons.  Par  conséquent,  la  Science  est  possible,  puisqu'elle  est  un 
ensemble  de  connaissances  coordonnées  ;  mais  elle  est  tout  entière 
relative  aux  phénomènes  ;  elle  n'atteint  pas  les  choses  en  soi. 

nie  Partie  :  Dialectique  transcendantale  :  c'est  la  théorie 
critique  de  la  Raison  proprement  dite.  La  raison  unit  les  jugements 
entre  eux  en  les  rapportant  à  des  idées  supérieures.  La  connaissance 
ébauchée  par  la  sensibilité,  perfectionnée  par  l'entendement,  s'achève 
par  la  raison  pure.  L'esprit  est  poussé  par  son  organisation  à  concevoir 


(6)  RELATIVISME    :     §    II.    LE    CRITICISME    DE    KANT  433 

trois  idées  transcendantales  :  le  Monde,  I'Ame  et  Dieu,  qui  lui  permettent 
d'unifier  toutes  ses  représentations.  Grâce  à  l'idée  : 

1°  Du  Monde,  l'esprit  unifie  les  jugements  qui  ont  pour  objet  les 
représentations  spatiales. 

2°  Du  Moi,  l'esprit  unifie  les  jugements  qui  ont  pourobjet  les  phéno- 
mènes de  conscience,  c'est-à-dire  les  représentations  successives,  tempo- 
relles. 

3°    De  Dieu,  l'esprit  unifie  la  totalité  de  ses  jugements. 

Ces  idées  servent  comme  de  centre  de  ralliement  à  la  synthèse  de 
nos  jugements.  Ce  sont  les  lois  ou  formes  a  priori  de  la  raison,  les  cadres 
idéaux  dans  lesquels  toutes  nos  connaissances  viennent  s'unifier. 

Objectivité  de  ces  idées  :  mais  à  ces  idées  transcendantales  est-ce 
(jue  des  existences  réelles  correspondent  ?  est-ce  qu'à  ces  phénomènes 
(le  connaissance  subjective  correspondent  des  êtres,  des  réalités  en  soi, 
en  dehors  de  notre  connaissance  ?  La  Métaphysique  dogmatique  le 
soutient.  Pour  résoudre  la  question,  Kant  examine  successivement  ces 
trois  idées  : 

lo  Moi  :  nous  avons  l'idée  du  moi  ;  s'ensuit-il  que  l'àme  existe  ? 
(^.ette  idée  est  une,  simple,  identique  ;  s'ensuit-il  que  Vàme  soit  un  être 
un,  simple,  identique  ?  En  le  concluant,  la  Métaphysique  fait  un  para- 
logisme, car  de  l'idée  elle  passe  à  l'être,  c'est-à-dire  de  l'ordre  logique 
à  l'ordre  ontologique,  puisqu'elle  donne  à  l'être  les  attributs  de  l'idée. 
La  Métaphysique  est  donc  impuissante  à  déterminer  le  noumène  Ame. 

2°  Monde  :  cette  question  de  la  nature  du  monde  donne  lieu  à  des 
Antinomies,  à  des  affirmations  contradictoires  qui  peuvent  également 
se  soutenir  : 

l'"^  Antinomie  :  a)  Thèse  :  le  monde  a  un  commencement  dans  le 
temps  ;  il  est  limité  dans  l'espace. 

h)  Antithèse  :  le  monde  est  infini  dans  le  temps  et  dans  l'espace. 

2^  Antinomie  :  a)  Thèse  :  toute  substance  composée  est  composée 
de  parties  simples. 

h)  Antithèse  :  nulle  substance  composée  n'est  composée  de  parties 
simples. 

3®  Antinomie  :  a)  Thèse  :  il  doit  exister  dans  le  monde,  outre  les 
causes  nécessaires,  une  causalité  libre. 

b)  Antithèse  :  il  n'existe  dans  le  monde  que  des  causes  nécessaires. 

4^  Antinomie  :  a)  Thèse  :  il  existe  dans  le  monde  un  Être  néces- 
saire. 

b)  Antithèse  :  il  n'existe  nulle  part  un  Être  nécessaire. 

Le  résultat  de  ce  conflit  de  la  raison  avec  elle-même  est  de  prouver 
qu'elle  ne  peut  démontrer  les  thèses  sous  peine  de  contradiction,  car 
elle  prouve  aussi  bien  les  antithèses.  La  Métaphysique  est  donc  impuis- 
sante à  déterminer  le  noumène  Monde. 


434  RELATIVISME    :     §    II.    LE    CRITICISME    DE    KANT  (6) 

3°  Dieu  :  Kant  fait  la  critique  des  preuves  de  l'existence  de  Dieu  ; 
il  n'en  trouve  aucune  convaincante.  Il  rejette  notamment  la  preuve 
dite  de  saint  Anselme,  tirée  de  l'idée  de  l'être  aussi  parfait  que  possible, 
parce  que,  dit-il,  elle  renferme  un  paralogisme  :  elle  passe  de  Vidée 
d'être  à  son  existence  réelle.  La  Métaphysique  est  donc  impuissante  à 
démontrer  le  noumène  Dieu. 

La  critique  de  la  raison  théorique  aboutit  à  cette  conclusion  que 
seule  l'existence  des  phénomènes  est  certaine  et  que  leur  connaissance, 
réglée  par  les  formes  a  priori  et  universelles  de  la  pensée,  suffit  à  consti- 
tuer la  science.  La  Métaphysique  dogmatique  n'est  donc  pas  possible, 
ni  légitime,  puisqu'elle  ne  peut  fournir  la  démonstration  de  l'existence 
de  son  triple  objet,  le  monde,  l'âme  et  Dieu. 

§  B.  —  CRITIQUE  DE  LA  RAISON  PRATIQUE 

L  —  But  :  elle  a  pour  but  de  constituer  la  Morale  comme  science 
et  de  fournir  une  base  à  la  Métaphysique.  Nous  pouvons  non  pas  avoir 
une  science  métaphysique,  mais  des  croyances  métaphysiques  fondées 
sur  la  Morale.  L'existence  des  noumènes  est  un  objet  non  de  science 
(c'est-à-dire  ne  peut  être  démontrée)  mais  de  foi  :  «  Je  dus  donc  abolir 
le  savoir  afin  d'obtenir  une  place  pour  la  croyance  (^).  »  La  Morale  est 
donc  le  fondement  de  la  Métaphysique  et  de  la  Théologie  (Logique, 
120,  §  II,  B.  Morale,  6). 

II.  —  Exposé  :  la  critique  de  la  raison  pratique  commence  par 
constater  dans  l'àme  l'existence  du  devoir,  de  l'impératif  catégorique, 
qui  s'impose  à  toute  volonté  raisonnable.  Nous  avons  en  effet  conscience 
du  devoir,  c'est-à-dire  d'une  loi  qui  commande  ce  qui  doit  être,  sans 
égard  à  ce  qui  a  été,  est  ou  sera.  Elle  est  par  conséquent  intemporelle, 
La  seule  chose  absolument  et  immédiatement  certaine,  c'est  donc  le 
devoir.  Le  reste  peut  se  discuter,  est  hypothétique,  mais  le  devoir  com- 
mande sans  réplique. 

La  volonté  pose  le  devoir  et  se  l'impose  :  elle  est  autonome.  La 
volonté  est  donc  libre,  car  la  conséquence  du  devoir,  c'est  le  pouvoir  : 
Je  dois,  donc  je  peux.  La  liberté  est  ainsi  un  postulat  de  la  raison  pra- 
tique :  nous  avons  dans  l'existence  évidente  du  devoir  une  raison  pour 
sortir  du  doute,  où  nous  avait  laissés  la  croyance  de  la  raison  spécu- 
lative. 

Nous  pouvons  affirmer  de  même  l'existence  de  l'âme  et  celle  do 
Dieu  ;  car  la  Morale  exige  que  la  justice  soit  accomplie,  que  le  bonheur 


(')   Kant,  Critique  de  la  raison  pure.  Préface  de  la  2^  édit.,  page  29  de  la  Traduct. 
Tremesaygues  et  Pacaud. 


(6)  RELATIVISME    :     §    H.    LE    CRITICISME    DE    KANT  43& 

s'accorde  en  définitive  avec  la  bonne  volonté.  Or  ce  résultat  ne  peut 
être  obtenu  que  si  l'on  admet  la  survivance  de  l'âme  et  l'existence  de 
Dieu. 

La  liberté.,  V immortalité  de  Vâme  et  Vexistence  de  Dieu.,  que  la  Méta- 
physique ne  peut  démontrer,  reparaissent  donc  comme  des  postulats 
de  la  loi  morale,  et  c'est  ainsi  que  la  Critique  de  la  raison  pratique  relève 
ce  que  la  Critique  de  la  raison  pure  avait  abattu  (Morale,  10, §  III  ;  42). 

§  C.  —  CRITIQUE  DU  CRITICISME 

I.  —  On  doit  demander  à  Kant  comment  les  sciences  physiques 
et  naturelles  pourraient  nous  rendre  maîtres  de  la  nature,  nous  faire 
connaître  ses  lois,  si  la  science  était  fondée  sur  des  apparences  subjec- 
tives et  sur  les  seules  lois  de  notre  esprit.  En  fait,  nous  n'avons  pas 
conscience  de  réduire  nécessairement  les  phénomènes  de  la  nature  aux 
formes  de  la  raison. 

II.  —  Pourquoi  la  liberté,  l'immortalité  de  l'âme,  l'existence  de 
Dieu,  bannies  par  la  raison  théorique  qui  ne  peut  les  démontrer,  nous 
sont-elles  présentées  comme  des  postulats  de  la  raison  pratique,  alors 
que  la  raison  pratique  et  la  théorique  sont  des  fonctions  diverses  de  la 
même  raison  ?  (^)  {Morale,  10,  §  III).  C'est  que  Kant  a  compris  les 
exigences  de  la  moralité.  Il  a  vu  qu'il  faut  que  la  personne  soit  libre 
pour  obéir  au  devoir,  immortelle  pour  accomplir  pleinement 'sa  destinée, 
et  que  Dieu  existe  pour  récompenser  le  mérite  et  punir  le  démérite. 
Mais,  à  la  lumière  de  quel  principe  a-t-il  vu  la  liaison  nécessaire  de  ces 
trois  vérités  avec  le  devoir,  sinon  à  la  lumière  du  principe  de  raison 
suffisante  ?  Or  ce  principe  relève  de  la  raison  théorique.  Il  y  a  donc 
au  moins  un  principe  auquel  répond  une  réalité  objective.  Autrement, 
comment  Kant  pourrait-il  se  fonder  sur  lui  pour  affirmer  l'objectivité 
des  concepts  moraux  ?  Il  se  voit  donc  contraint  lui-même  de  rendre  par 
un  détour  à  l'esprit  la  connaissance  objective  que  sa  critique  lui  avait 

'  contestée. 

III.  —  Nos  principes,  et  en  particulier  le  principe  de  caua^iité,  ne 
sont  pas  seulement  les  lois  de  l'esprit  en  tant  qu'il  pense,  mais  en  tant 
qu'il  est,  car,  si  ces  principes  sont  les  lois  de  nos  représentations  subjec- 

.tives,  nos  représentations  sont  liées  à  la  réalité  de  notre  être.  Ces  prin- 
cipes sont  donc  des  lois  de  Vétre,  de  la  réalité,  avant  d'être  des  lois  du 
connaître,  de  la  pensée  ;  ils  sont  à  la  fois  des  lois  ontologiques  et  des 
lois  logiques.  C'est  parce  que  notre  être  est  régi  par  ces  lois  que  la  pensée 


(  M  •<  Kant  a  fait  deux  hommes  en  lui  :  un  qui  croit  nier  nécessairement,  pour  la  logique  ; 
un  autre  qui  veut  alTirmcr  lilirement,  pour  la  morale...  La  raison  théorique  et  la  raison 
pratique  contractent  de  leur  séparation  un  vice  égal.  »  (Renouvier,  Essais  de  Criliquv 
générale  :  Z^-Essai,  t.  II,  p.  217  sqq.  2°  édit.) 


436  RELATIVISME    :     §    II.    LE    CRITICISME    DE    KANT  (6) 

peut  les  découvrir  et  les  formuler  :  la  pensée  n'est  que  le  reflet  de  l'être. 

IV.  —  Les  arguments  apportés  par  Kant  ne  sont  pas  concluants  : 

a)  Il  n'a  pas  prouvé  que  les  antinoinies  pouvaient  être  également 
bien  établies  par  la  raison.  » 

b)  Nous  lui  accordons  que  les  preuves  tirées  de  Vidée  du  moi  ou 
de  Vidée  de  l'Être  sont  contestées  (Théol.,  75).  Mais  nous  n'avons  pas 
recours  à  cet  argument  pour  prouver  l'existence  du  moi  et  l'existence 
de  Dieu.  Nous  partons  du  réel  pour  aboutir  au  réel.  En  effet  : 

1°  La  conscience  saisit  non  seulement  les  phénomènes  psycholo- 
giques, mais  en  même  temps  Vétre  qui  les  produit  et  les  soutient  (Ps.71,  I). 

2^  Pour  démontrer  l'existence  de  Dieu,  nous  prenons  comme  point 
d'appui  ce  fait  :  vg.  Il  existe  des  êtres  contingents  (Métaph.  67). 

V.  —  Th.  Desdouits  a  très  liien  démasqué  le  sophisme  sur  lequel 
repose  la  théorie  kantienne  de  la  connaissance  :  «  Kant  sépare  partout 
ce  qui  devi'ait  être  simplement  distingué,  et  ensuite  il  conclut  à  l'impos- 
sibilité de  faire  la  synthèse  des  éléments  que  l'abstraction  a  seule  pu 
séparer.  Il  se  demande  si  le  sujet  pensant  pense  quelque  chose  de  réel, 
€t  comment  l'on  pourrait  prouver  la  vérité  de  Vobjet  pensé,  comme  si 
ces  deux  termes,  la  pensée  et  son  objet,  ne  s'impliquaient  pas  mutuel- 
lement... Toujours  par  le  même  procédé  d'abstraction,  Kant  considère 
le  phénomène  comme  séparable  du  noumène,  la  perception  comme  sépa- 
rable  de  la  pensée,  comme  si  l'on  pouvait  percevoir  sans  penser,  et  qu'une 
pensée  pût  exister  sans  constituer  un  degré  quelconque  de  connais- 
sance. Dans  le  sujet  pensant  lui-même,  il  regarde  les  modifications  du 
moi  comme  distinctes  du  moi  et  pouvant  exister  sans  le  moi  ;  d'où  il 
résulte  que  de  la  conscience  de  ma  pensée  je  ne  saurais  conclure  à  mon 
existence...  Enfin  il  va  jusqu'à  séparer  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  insépa- 
rable, à  savoir  V attribut  et  la  substance,  la  perfection  et  Vêtre  parfait  ; 
il  admet,  à  titre  de  simple  idéal  de  la  raison  pure,  cette  perfection  qui 
n'est  ni  réalisée  ni  réalisable  (  ^).  » 

VI.  —  Aboutissement  logique  du  Kantisme  :  l'Idéalisme  subjectif  : 
dans  la  faculté  de  connaître,  Ivant  a  distingué  trois  facultés  particulières, 
trois  foîtnes  de  la  raison  :  la  sensibilité,  qui  est  une  sorte  de  raison . 
intuitive,  V entendement,  qui  est  la  raison  judicative  et  discursive,  enfin 
la  raison  au  sens  strict. 

La  critique  de  la  sensibilité  et  de  l'entendement  aboutit  logiquement, 
en  dernière  analyse,  à  Vidéalisme  subjectif,  «  quoi  qu'en  dise  Kant, 
pour  nous  empêcher  de  le  confondre  avec  Berkeley  »  (^). 


( ')  Tii.    Desdouits,   La   Philosophie  de   Kant  d'après  les  trois  Critiques,  pp.   337-338. 

(  *)  .Sans  doute  Kant  répète  plusieurs  fois  qu'il  admet  l'existence  des  choses  extérieures. 
.Mais  c'est  là  un  postulat  que  son  système  lui  interdit  de  formuler.  Kant  dit  en  effet,  d'une 
part,  que  les  sensations  sont  déterminées  par  le  monde  sensible.  Et,  d'autre  part,  toujours 


(6)  RELATIVISME    :     §    II.    LE    CRITICISME    DE    KANT  437 

La  sensibilité,  en  effet,  ne  voit  les  choses  qu'à  travers  des  lunettes 
ayant  des  verres  de  couleur  (le  temps  et  l'espace)  ;  elle  ne  les  voit  donc 
pas  telles  qu'elles  sont  en  elles-mêmes,  mais  telles  qu'elles  lui  appa- 
raissent. Bref,  ce  que  nous  percevons,  ce  ne  sont  pas  les  choses,  mais 
uniquement  les  phénomènes.  La  matière  première  du  phénomène  est 
fournie  par  le  dehors,  en  ce  sens  que  la  sensation  est  déterminée  par 
un  objet  extérieur,  un  je  ne  sais  quoi,  un  inconnu,  que  Kant  nomme  la 
«hose  en  soi.  Voilà  seulement  ce  qui,  dans  le  phénomène,  est  donné  : 
le  reste  est  l'œuvre  de  la  sensibilité,  puisque  c'est  elle  qui  fait  le  temps 
et  l'espace,  elle  qui  les  applique  aux  sensations  incohérentes,  elle  par 
conséquent  qui  transforme  celles-ci  en  phénomènes.  C'est  donc  la  raison, 
en  tant  que  faculté  des  intuitions  sensibles,  qui  constitue  le  phénomène. 
Aussi  Kant  a-t-il  pu  dire,  dans  son  système,  que  «  le  phénomène  est 
un  produit  de  la  raison  ».  C'est  ainsi  que  V Esthétique  transcendantale 
a  entrebâillé  la  porte  à  l'idéalisme.  U Analytique  va  la  lui  ouvrir  toute 
grande. 

Non  seulement  c'est  la  raison,  en  sa  qualité  de  faculté  intuitive,  qui 
règle  les  phénomènes  ;  c'est  encore  elle,  comme  faculté  discursive,  qui 
les  coordonne  en  leur  imposant  les  relations  diverses  de  ses  catégories  ; 
elle  par  conséquent  qui  dicte  ses  lois  au  monde  sensible  :  «  C'est  donc 
nous-mêmes  qui  introduisons  l'ordre  et  la  régularité  dans  les  phéno- 
mènes que  nous  appelons  Nature,  et  nous  ne  pourrions  les  trouver  s'ils 
n'y  avaient  pas  été  mis  originairement  par  nous  ou  par  la  nature  de  notre 
esprit  (^).   » 

Les  catégories  ont  donc  une  valeur  objective,  mais  uniquement  en 
ce  sens  que  les  phénomènes,  étant  unifiés  par  elles  pour  le  sujet  connais- 
sant, deviennent  par  cette  unification  objets  de  pensée.  Comme  pour 
former  ces  objets  notre  entendement  en  emprunte  la  matière  aux  intui- 
tions de  la  sensibilité  ;  comme,  en  outre,  ces  intuitions  ne  nous  donnent 
pas  les  choses  telles  qu'elles  sont,  mais  telles  qu'elles  nous  apparaissent, 


d'après  lui,  les  choses  en  soi  sont  des  objets  transcendants,  au  sujet  desquels  la  raison  n'a  le 
droit  de  rien  alTirmer,  ni  de  rien  nier.  Mais  alors  de  quel  droit  affiryne-l-il  que  les  choses 
«xtérieures  sont  des  agents  qui  provoquent  les  sensations  ?  «  L'objet  tran.scendant  de  l'intui- 
tion (la  chose  en  soi)  n'est  ni  dans  l'espace,  ni  dans  le  temps.  L'espace  et  le  temps  ne  ren- 
ferment que  les  phénomènes,  c'est-à-dire  ce  qui  paraît,  et  la  chose  en  soi  est  ce  qui  ne  parall 
pas.  Nous  ne  pouvons  lui  appliquer  aucune  des  formes  de  l'entendement  ;  nous  ne  pouvons 
la  concevoir,  Kant  le  dit  expressément  (Critique  de  ia  raison  ptn-e,  édition  Rosunkra.n/, 
p.  234),  ni  comme  grandeur,  ni  comme  réalité,  ni  comme  substance.  Nous  ne  pouvons  donc 
pas  la  concevoir  non  plus  comme  cause  de  nos  impressions,  bien  que  Kant,  par  une  contra- 
diction flagrante,  la  regarde  comme  telle.  Mais  si  la  cfiose  ne  peut  être  conçue,  ni  comme 
une  grandeur,  ni  comme  une  cause,  ni  comme  une  réalité,  elle  ne  petit  pas  Hre  considérée 
comme  quelque  chose,  elle  n'est  rien  o\i  plutôt  elle  n'existe  que  dans  le  sujet  pensani 
coiniiie  l'espace,  le  temps,  les  catégories,  elle  se  confond,  elle  s'identifie  avec  le  sujet  qui 
la  conçoit.    »  (A.  WEUiiii,  Histoire  de  la  l'hilosophie  européenne,  §  63,  p.  4r)'2-'ir)3). 

( ')   Kant,  Critique  de  la  raison  pure  :  Analytique  des  concepts,  Ch.  ii,  i"  Sect.,  p.   16:;. 


438  RELATIVISME    :     §    III.    —    LE    NÉO-CRITICISME  (7) 

c'est-à-dire  en  fonction  des  exigences  de  notre  sensibilité,  il  en  résulte 
que  notre  connaissance,  même  intellectuelle,  ne  peut  saisir  la  cJiose  en 
soi.  l'absolu,  le  noumène  :  elle  reste  donc  enfermée  dans  le  monde  de 
Texpérience  phénoménale  sans  pouvoir  en  sortir  ;  elle  est  tout  entière 
relative  aux  conditions  de  notre  nature  d'êtres  sensibles. 

C'est  pourquoi,  emprisonnés  dans  le  cercle  étroit  de  nos  intuitions 
sensibles  et  de  nos  concepts  a  priori,  nous  ne  connaissons,  en  définitive, 
que  des  phénomènes,  c'est-à-dire  des  rapports  entre  un  objet  extérieur, 
totalement  inaccessible  en  lui-même,  et  notre  moi  pensant  que  nous  ne 
connaissons  pareillement  que  'dans  ses  phénomènes.  Le  monde  pour 
nous  n'est  donc  pas  le  monde  en  soi,, mais  c'est  le  rapport  entre  deux 
inconnues,  que  nous  n'arriverons  jamais  à  dégager. 

Enfin  la  Dialectique  transcendantale  conclut  que  la  raison  proprement 
dite  est  également  impuissante  à  prouver  soit  l'existence,  soit  la  non- 
existence  de  l'âme  et  de  Dieu  :  par  conséquent,  si  elle  n'aboutit  pas  à 
l'athéisme  et  au  matérialisme,  elle  ne  conduit  pas  davantage  au  théisme 
ni  à  la  spiritualité  de  l'àme  (^).  Son  dernier  mot,  c'est  le  doute,  la  sus- 
pension du  jugement  dans  le  domaine  suprasensible.  La  raison  théo- 
rique étant  incompétente  en  dehors  de  la  sphère  de  l'expérience,  la 
Métaphysique,  comme  science  de  l'absolu,  est  impossible.  L'Idéalisme 
subjectif  est  donc  bien  l'aboutissement  logique  des  trois  parties  de  la 
Critique  de  la  Raison  pure  :  Estitctique,  Anali/tique,  Dialectique  transcen- 
dantales. 

7.  —  §  III.   —  LE  NÉO-CRITICISME  (2) 

I.  —  Exposé  :  Renouvier  a  essayé  d'enlever  au  Criticisme  kantien 
ce  qui  à  ses  yeux  le  vicie  :  il  répudie  les  noumènes  pour  s'en  tenir  au 
pur  phénoménisme,  et  il  donne  à  la  science,  que  Kant  présente  sous  les 
traits  de  la  nécessité,  un  caractère  de  liberté. 

A)  Nous  ne  connaissons  que  des  représentations,  qu'il  s'agisse  du 
monde  extérieur  ou  du  moi.  Les  représentations  étant  seules  données, 
seules  elles  sont  des  choses.  Par  conséquent,  les  choses  en  soi,  les  nou- 
mènes, n'existent  pas.  C'est  le  phénoménisme  radical. 

Hume  admettait  du  moins  la  vérité  idéale  absolue  du  principe  de 


(  ')  Pour  plus  rie  détails,  Cf.  G.  Sortais,  Origine  et  Valeur  de  la  Connaissance  théorique 
auprès  Kant,  dans  Études  philosophiques  et  sociales.  Paris,  1907,  p.  156-247. 

(  ')  Cf.  sur  la  philosophie  de  Cii.\rles  RENorviER  (1815-1903)  :  G.  J.\nssens,  Le  AVo- 
Crilicisme  de  Ch.  Renouvier.  —  G.  Séailles,  La  Philosophie  de  Ch.  Renouvier.  —  P.  Vallet, 
Les  Fondements  de  lu  connaissance  et  de  la  croyanre.  —  L.  Dauriac,  Les  Moments  de  la 
Philosophie  de  Ch.  Renourier,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  française  de  Philosophie, 
février  1904,  p.  2.3-46.  —  Fn.  Pillon,  La  Philosophie  de  Ch.  Renouvier,  dans  la  Revue 
philosophique,  1906,  T.  I,  p.  268-293. 


(7)  RELATIVISME    :     §    III.    —    LE    N  KO-CRITICISiME  439 

contradiction  ;  pour  Renouvier,  il  n'a  qu'une  valeur  purement  pratique. 
«  Le  principe  de  contradiction  se  ramène,  dit-il,  à  la  ferme  volonté  de 
refuser  son  assentiment  et  le  titre  de  vérité  à  toute  proposition  qui 
renferme    des    éléments  contradictoires  entre  eux.  » 

B)  Au  point  de  vue  théorique^  le  Scepticisme  et  le  Dogmatisme 
s'équivalent  selon  Renouvier,  parce  que  les  Sceptiques  ont  révoqué 
en  doute  tous  les  principes,  sans  que  les  Dogmatistes  aient  pu  les  réfuter 
d'une  façon  apodictique.  Aucune  vérité  ne  s'impose  nécessairement  à 
l'esprit,  car  «  l'évidence  soi-disant  objective  n'a  jamais  une  énergie 
telle  qu'on  ne  puisse,  à  force  de  le  vouloir,  lui  résister  victorieusement  »  (^). 
C'est  pourquoi  «  la  certitude  n'est  que  la  limite  préconçue  et  préadoptée 
de  la  probabilité  positive  croissante  ».  Qui  décidera  donc  entre  le  Dogma- 
tisme et  le  Scepticisme  ?  {^)  La  pratique  seule,  car  bon  gré  mal  gré,  il 
faut  agir,  et,  pour  agir,  il  faut  opter.  «  C'est  une  affirmation  morale  qu'il 
nous  faut  .  La  raison  pratique  doit  poser  son  propre  fondement  et  celui 
de  toute  raison  réelle,  car  la  raison  ne  se  scinde  pas  »  {^).  Si  nous  croyons 
à  la  valeur  de  nos  facultés  mentales,  si  nous  adhérons  à  certaines  propo- 
sitions scientifiques  et  morales,  c'est  par  un  acte  de  volonté  libre  qui 
a  éliminé  le  doute.  «  C'est  à  la  liberté  qu'il  appartient  de  poser  le  fon- 
dement de  la  certitude  (^).  »  Le  libre  arbitre  devient  ainsi  le  fondement 
de  la  morale  et  de  la  science. 

n.  - —  Dilemme  de  Lequier  :  comme  Fonsegrive  a  fait  de  ce 
point  une  étude  spéciale,  nous  n'avons  rien  de  mieux  à  faire  que  de  lui 
en  demander  l'exposé  et  la  critique. 

A)  Exposé.  —  «  Lequier  avait  cru  prouver  cette  incessante  inter- 
vention du  libre  arbitre  dans  la  science,  par  la  recherche  d'une  première 
vérité  qui  lui  paraissait  aboutir  à  la  position  du  dilemme  suivant,  que 
M.  Renouvier  a  fait  sien. 

Puisqu'aucune  proposition  n'a  pu  trouver  de  preuve  indiscutable, 
ne  considérons  plus  la  matière,  mais  la  forme  seule  des  propositions, 
leur  forme  psychologique,  leur  caractère  de  nécessité  ou  de  liberté. 
Voici  deux  hommes  :  l'un  affirme  la  liberté,  l'autre  affirme  la  nécessité  ; 
ils  ne  peuvent  avoir  raison  à  la  fois  ;  quel  est  celui  qui  a  raison  ?  Exa- 
minons. 

L'affirmation  de  la  nécessité  peut  être  :  nécessaire  ou  libre  ;  de  même  : 
l'affirmation  de  la  liberté  peut  être  nécessaire  ou  libre. 

L'affirmation  nécessaire  de  la  nécessité  par  l'un  des  deux  adversaires 


(M  Cf.  Dauiuac,  Bulletin  de  la  Société  française  de  Philosophie,  1904,  p.  31. 
(  ')   Cf.  Olt.k-Laprune,  La  Certitude  morale,  Ch.  vi. 

( ')   Renouvieh,  Estais  de  Critique  générale  :  II"  Essai,  Traité  de  Psychologie  rationnelle 
d'après  les  Principes  du  Criticisme,  2"=  Éd.,  t.  II,  p.  322. 
(  *)  Renouvier,  Ibidem,  p.  151. 


440  RELATIVISME    :     §    III.    —    LE    NÉO-CRITICISME  (7) 

lui  fait  croire  que  son  adversaire  affirme  nécessairement  la  liberté. 
Dès  lors  il  doit  voir  que  sa  propre  affirmation  contient  une  contradiction, 
car  la  nécessité  qu'il  affirme  doit  être  aussi  bien  à  ses  yeux  la  cause 
qui  fait  que  son  adversaire  affirme  la  liberté.  S'il  réfléchit,  il  doit  aban- 
donner son  dogmatisme  et  tomber  dans  le  scepticisme. 

L'affirmation  nécessaire  de  la  liberté  ne  peut  pas  être  admise,  car 
elle  aboutirait  à  la  même  contradiction,  et  de  plus  elle  en  enfermerait 
une  seconde,  à  savoir  qu'elle  affirmerait  à  la  fois  la  nécessité  et  la  liberté. 

L'affirmation  libre  de  la  nécessité  est  de  même  une  contradiction 
évidente. 

Reste  enfin  l'affirmation  libre  de  la  liberté.  Il  n'y  a  là  aucune  contra- 
diction. De  plus,  la  forme  libre  de  l'affirmation  nous  permet  de  com- 
prendre comment  l'adversaire  peut  affirmer  la  nécessité  :  c'est  par  un 
acte  de  son  libre  arbitre  qu'il  produit  cette  contradiction.  Il  n'y  a  plus 
là  rien  qui  puisse  entraîner  le  scepticisme.  Ainsi  donc  la  liberté  est  le 
fondement  de  la  science  et  de  la  morale,  du  savoir  comme  du  devoir. 
«  Nous  faisons  l'erreur  et  la  vérité  en  nous.  La  formule  de  la  science  est  : 
faire,  non  pas  devenir,  et  en  faisant  se  faire  (^).  « 

B)  Critique.  —  «  La  valeur  de  ce  raisonnement  est  très  discutable. 
En  effet  : 

1°  Lequier  embrouille  toute  la  question  en  donnant  aux  propo- 
sitions un  contenu  matériel  identique  à  la  condition  formelle  de  leur 
position  ;  il  eût  été  plus  clair  de  prendre  pour  exemple  :  Nécessairement 
fajftrme  A.  —  Nécessairement  f affirme  non-A,\%c. 

2°  Les  mots  compléments  directs  nécessité  et  liberté  sont  ambigus, 
La  nécessité,  en  effet,  peut  être  universelle  ou  particulière,  et  de  même 
la  liberté.  En  réalité  les  partisans  du  libre  arbitre  n'ont  jamais,  sauf 
jM.  Renouvier  et  quelques  autres,  réclamé  pour  le  libre  arbitre  un  uni- 
versel domaine.  Seuls,  les  partisans  de  la  nécessité  ont  bien  voulu  dire 
que  tous  lés  phénomènes  du  monde  sont  nécessaires.  Il  fallait  donc, 
avant  toute  chose,  pour  qu'il  y  eût  dilemme,  c'est-à-dire  un  certain 
nombre  limité  d'alternatives,  que  Lequier  définît  les  mots  nécessité  et 
liberté  de  manière  à  nous  faire  savoir  si  par  eux  il  entendait  les  propo- 
sitions contraires  :  Rien  n'est  libre,  Tout  est  libre,  ou  les  propositions 
contradictoires  :  Rien  n'est  libre.  Quelque  chose  est  libre.  Ce  n'est  que  si 
(^n  prend  les  mots  nécessité  et  liberté  dans  ce  dernier  sens  qu'il  peut  y 
avoir  véritablement  dilemme,  raisonnement  disjonctif,  parce  qu'alors 
seulement  une  des  deux  allornatives  est  fausse  si  l'autre  est  vraie.  ,et 
vraie  si  l'autre  est  fausse,  sans  milieu. 

3"  Enfin,  Lequier  n'examine  pas  toutes  les  alternatives  possibles  ; 


(')  Renouviek,  Essais  de  critique  générale  :  II"  Essai,  T.  II,  p.  -422. 


(7)  RELATIVISME    :     §    III.    LE     .N  ÉO-CRITICISME  441 

il  omet  en  eiïet  deux  cas  :  a)  celui  où  la  nécessité  serait  affirmée  néces- 
sairement, tandis  que  la  liberté  serait  affirmée  librement  ;  —  è)  le  cas 
où  la  nécessité  serait  affirmée  librement  et  la  liberté  nécessairement.  « 

C)  Reconstitution  du  dilemme.  —  «  Si  maintenant  on  établit  le 
dilemme  en  la  forme  logique  qu'il  devrait  avoir,  on  voit  que  quatre 
alternatives  sont  possibles  : 

1°    Nécessairement  A  affirme  que  rien  nest  libre. 

Nécessairement  B  affirme  que  quelque  chose  est  libre. 

Dans  cette  première  hypothèse,  qui.  est  celle  du  dogmatisme  déter- 
ministe, le  scepticisme  est  inévitable.  En  effet,  d'une  part,  le  dogmatisme 
donne  la  nécessité  comme  le  signe  de  la  vérité  objective  ;  d'autre  part, 
le  déterminisme  reconnaît  que,  tout  étant  nécessaire,  les  affirmations 
simultanées  de  A  et  de  B  ne  peuvent  être  que  nécessaires.  Ces  deux 
affirmations  portent  donc  en  elles  le  signe  de  la  vérité  objective  ;  mais 
elles  sont  contradictoires  ;  la  vérité  objective  le  serait  donc.  Par  suite, 
on  .«le  peut  plus  avoir  confiance  dans  l'esprit  ;  on  doit  donc  être  scep- 
tique. 

2°    Librement  A   affirme  que  rien  n'est  libre. 
Librement  A  affirme  que  quelque  chose  est  libre. 

Dans  ce  cas,  les  deux  alternatives  s'excluent  et  se.  valent;  aucune 
des  deux  n'est  fondée  que  sur  des  états  subjectifs  arbitraires  et  par 
suite  capricieux.  Aucun  homme  de  bon  sens  ne  peut  s'y  fier. 

3°    Nécessairement  A  affirme  que  rien  n'est  libre. 
Librement  B  affirme  que  quelque  chose  est  libre. 

Si  cette  hypothèse  était  vraie,  il  est  clair  que  nous  regarderions  la 
nécessité  comme  prouvée  et  la  croyance  à  la  liberté  comme  bien  peu 
solidement  fondée.  Mais  en  fait  il  n'en  est  pas  ainsi,  et  la  véritable 
alternative  des  choses  se  trouve  dans  l'alternative  suivante,  malgré 
le  paradoxe  apparent  qu'elle  contient  à  cause  de  l'exemple  matériel 
défectueux  choisi  par  Lequier. 

40    Nécessairement  A  affirme  que  quelque  chose  est  libre. 
Librement  B  affirme  que  rien  n'est  libre. 

Nous  dirons  donc  que  la  nécessité  est  la  forme  intellectuelle  de  la 
vérité,  tandis  que  la  liberté  ne  peut  être  que  la  forme  de  l'erreur.  Nous 
faisons  l'erreur,  mais  non  la  vérité  en  nous  (  ^).  » 

ni.  —  Conclusion  :  le  point  de  départ  du  Néo-Critiscime  est  faux. 
Le  Dogmatisme  et  le  Scepticisme  n'ont  pas  théoriquement  la  même 
valeur,  car  le  Scepticisme  se  contredit  (3,  §  D,  II),  tandis  queleDogma- 
tisme  reste  cohérent  et  d'accord  avec  lui-même  (10).  —  Le  Phéno- 


( ')   Ci.  FoNSEGRivE,  Éléments  de  Philosophie,  T.  II,   Métaphysique,  VI'  Leçon,  p.  191  ■ 
195.  Cf.  Annales  de  la  Faculté  de  Bordeaux,  1883. 


442  RELATIVISME  :   §  IV.  —  l'idéalisme  métaphysique  (8) 

ménisme  de  Renouvier  se  réfute  comme  celui  de  Hume  et  de  S.  Mill  (5). 
—  Il  n'est  pas  vrai  que  tous  les  principes  aient  été  révoqués  en  doute. 
Les  Positivistes  anglais,  d'après  lesquels  les  axiomes  des  sciences  phy- 
siques seront  peut-être  démentis  un  jour  par  une  expérience  contraire, 
n'osent  cependant  pas  affirmer  qu'il  arrivera  un  jour  où  2  —-2  pourront 
faire  5.  En  définitive,  prétendre  avec  Renouvier  que  la  vérité  et  la  science 
dépendent  de  la  volonté,  c'est  revenir,  par  un  détour,  au  Scepticisme, 
dont  il  a  voulu  se  dégager. 


8.  —  §  I\ .  —  L'IDÉALISME  MÉTAPHYSIQUE 

A)  Position  de  la  question  :  l'Idéalisme  critique  de  Renouvier 
cherche  à  résoudre  le  problème  de  la  connaissance  par  la  suppression 
de  l'un  de  ses  termes.  Qu'il  y  ait  ou  qu'il  n'y  ait  pas  un  objet  en  soi, 
le  sujet  ne  l'atteint  pas,  il  n'en  saisit  que  l'apparence  subjective.  On  ne 
doit  pas  se  mettre  en  peine  d'une  chose  en  soi  qui  corresponde  à  cette 
apparence,  car  cette  chose  en  soi,  même  s'il  s'agit  du  moi  se  connaissant 
lui-même,  n'est  pour  nous  qu'une  simple  apparence.  Dans  ce  système, 
comme  dans  toute  solution  phénoméniste,  l'objet  est  sacrifié  au  sujet. 

Cette  suppression  arbitraire  de  l'objet  ne  résout  pas  la  vraie  diffi- 
culté du  problème  de  la  connaissance,  qu'on  peut  formuler  ainsi  :  dans 
les  cas  mêmes  où  l'on  ne  suppose  pas  d'objet  réel  distinct  du  sujet  (^), 
la  connaissance  a  pour  caractéristique  V opposition  de  deux  termes  logiques  : 
le  sujet  connaissant  et  l'objet  connu.  Car  connaître,  c'est  connaître 
quelque  chose.  La  connaissance  implique  donc  une  dualité  irréductible. 
Par  le  fait  même  que  la  connaissance  a  pour  terme  inévitable  un  objet, 
elle  pose  autre  chose  qu'elle-même,  elle  oppose  Pêtre  au  connaître. 

Cette  dualité  semble  aux  Idéalistes  incompatible  avec  «  le  principe 
si  essentiel  de  l'unité  de  l'univers  «  (Dunan).  Pour  le  maintenir,  ils 
prennent  le  Phénoménisme  comme  point  de  départ  ;  mais,  poussant 
plus  loin,  ils  visent  à  identifier  complètement  Vêtre  et  le  connaître. 

B)  Formes  diverses  de  l'Idéalisme  métaphysique  : 

I.  —  Monisme  psychobiologique  :  un  certain  nombre  de  naturalistes  : 
vg.  Wagneh,  France,  Pally,  assimilent  à  la  pensée  l'activité  de 
tous  les  organismes  vivants,  par  conséquent  les  opérations  de  la  vie 
végétative  elle-même. 

Les  êtres  dits  inconscients,  remarquent  ces  naturalistes,  déploient 
une  activité  merveilleusement  finalisée  qui  exige  évidemment  l'inter- 


(  ')  Quand  le  sujet  .se  connaît  lui-même,  il  faut  bien  admettre  que  l'objet  connu  est  réel. 


(8)  RELATIVISME    :     §    IV.    —    l'idÉALISME    MÉTAPHYSIQUE  443 

vention  de  l'intelligence.  Il  faut  donc  admettre  en  eux  une  raison  imma- 
nente. C'est  la  Théorie  de  V intelligence  organique. 

Nous  concédons  à  ces  psychobiologistes  que  l'être  vivant  manifeste 
une  finalité  évidente  ;  mais  nous  nions  la  conclusion  qu'ils  en  tirent. 
Assurément  l'intervention  de  l'intelligence  est  nécessaire  pour  expliquer 
l'admirable  finalité  des  organismes  vivants  ;  mais  il  n'est  pas  nécessaire 
que  cette  intelligence  soit  immanente  aux  êtres  qui  atteignent  sûrement 
leur  fin.  De  même  qu'une  machine  bien  construite  réalise,  sans  le 
connaître,  le  but  que  lui  a  fixé  le  constructeur,  ainsi  les  organismes 
vivants  réalisent  le  plan  tracé  pap  l'intelligence  du  Créateur,  sans  qu'il 
soit  besoin  de  supposer  en  eux  aucune  conscience  ou  connaissance  se 
rapportant  à  la  fin  qui  leur  est  imposée  et  aux  moyens  de  l'atteindre. 

II.  — Pampsychismc  :  certains  philosophes,  comme  Wundt,  Paulsen, 
Lacïielier,  Dunan,  Hamelin,  Ed.  Le  Roy,  étendent  à  tout  l'univers, 
par  conséquent  même  aux  êtres  inanimés,  le  psychisme  que  les  psycho- 
biologistes n'appliquent  qu'aux  êtres  vivants.  Apportons  quelques 
textes  : 

«  L'Idéalisme  ne  consiste  pas  seulement  à  croire  que  les  phénomènes 
ne  peuvent  exister  que  dans  une  conscience  :  après  l'Esthétique  transcen- 
dantale,  cela  ne  fait  plus  question  ;  il  consiste  à  croire  que  les  phéno- 
mènes ne  sont  donnés,  même  dans  une  conscience,  qu'au  moment  et  dans 
la  mesure  où  elle  se  les  donne,  qu'ils  ne  sont,  en  d'autres  termes,  que  des 
représentations  actuelles  et  non  des  phénomènes  en  soi...  »  (^). 

((  ...Si  le  grand  Sirius,  celui  des  astronomes,  n'existe  pas,  où  donc 
est  le  Sirius  qui  existe  ?  Car  il  faut  bien  qu'il  en  existe  un.  Le  Sirius  qui 
existe  c'est  celui  de  la  représentation,  le  point  qui  brille  là-bas  à 
150  mètres  de  l'observateur.  Cela  est  étrange  et  même  extravagant, 
dira-t-on  peut-être.  Non,  cela  est  rationnel  et  nécessaire  à  admettre. 
(^)u'il  faille  rejeter  la  supposition  d'une  matière  existant  en  soi  en  dehors 
de  toute  conscience,  c'est  une  vérité  dont  la  démonstration  n'est  plus 
à  faire.  Parmi  les  philosophes  contemporains  il  en  est  bien  peu  qui 
n'acceptent  pleinement  la  formule  de  Berkeley  :  Esse  est  percipi.  Nous 
disons,  nous  :  E?is  est  quod  percipitur.  L'audace  n'est  pas  grande  assu- 
rément de  présenter  cette  seconde  formule  à  ceux  qui  ont  déjà  admis 
la  première,  car  elles  sont  rigoureusement  et  de  tout  point  équivalentes.  » 

Nous  disons,  nous  :  «  Oui,  cela  est  étrange  et  même  extravagant.  » 
Pour  le  voir,  il  suffit  de  lire  les  explications  que  l'auteur  ajoute  au  texte 
précédent  :  «  Est-ce  que,  se  demande-t-il,  réduire  Sirius  à  un  point  situé 
à  150  mètres,  et  faire  tenir  toute  la  nature  dans  ce  que  je  perçois  actuel- 


(  M   J.  Lachelieh,  Lettre  à  G.  Smilles,  dans  La  Philosophie  de  Luchelier,  par  G.  Séailles, 
p.  161-165,  Paris,  1920.  —  Cf.  Le  Fondement  de  l'Induction. 


444  .         RELATIVISME  :   §  IV.  —  l'idéalisme  métaphysique  (8) 

lement  et  dans  ce  que  je  conçois  imaginativement  comme  réel,  ce  n'est 
pas  lui  faire  une  odieuse  injure  ?  Pas  du  tout.  Que  donne-t-on  à  la 
nature  en  lui  donnant  de  la  grandeur  spatiale  ?  Rien.  Plus  de  matière 
brute  inerte  n'est  pas  un  gain,  parce  que  la  matière  brute  et 
inerte  est  zéro  au  point  de  vue  qualitatif,  le  seul  qui  compte. 
En  perdant  l'immensité  de  sa  masse  pour  devenir  un  point  lumineux 
tout  proche  de  nous,  Sirius  ne  perd  donc  rien  qui  vaille  quelque  chose. 
Mais  il  gagne  infiniment  du  seul  côté  où  il  soit  vraiment  intéressant  de 
gagner  ;  car  il  pose  l'autre  Sirius,  non  plus  comme  une  masse  de  matière 
brute,  mais  comme  une  vérité  scientifiquement  intelligible  ;  et,  du 
même  coup,  il  pose  tout  ce  que  cette  vérité  implique,  tout  ce  qui  nous 
est  nécessaire  pour  la  découvrir,  les  mathématiques  et  la  physique 
entières,  toute  la  science  et  tout  l'esprit  humain  (^).  «  Après  ces  expli- 
cations, d'une  candeur  philosophique  déconcertante,  qui  donc  pourrait 
trouver  raisonnable  «  cette  solution  du  p~roblème  »  de  la  connaissance 
«  consistant  à  identifier  tous  les  corps  avec  nos  sensations  »  {^)  ? 

«  Il  faut  concevoir  la  pensée  comme  une  activité  créatrice  qui 
produit  à  la  fois  l'objet,  le  sujet  et  leur  synthèse  ;  plus  exactement,  car 
il  ne  faut  rien  mettre  sous  la  conscience,  la  pensée  est  ce  processus 
bilatéral  lui-même,  le  développement  d'une  réalité  qui  est  à  la  fois 
sujet  et  objet,  ou  conscience...  La  représentation,  contrairement  à  la 
signification  étymologique  du  mot,  car  il  faut  bien  emprunter  les  mots 
au  sens  commun,  ne  représente  pas,  ne  reflète  pas  un  objet  ou  un  sujet 
qui  existeraient  sans  elle  :  elle  est  l'objet  et  le  sujet,  elle  est  la  réalité 
même.  La  représentation  est  l'être  et  l'être  est  la  représentation  (^).  » 

Les  arguments  apportés  contre  le  Phénoménisme  valent  a  fortiori 
contre   VIdéalisme   métaphysique. 

IIL  —  Intuition,  qui  aboutit  à  l'identification  absolue  de  Vêtre  et 
du  connaître.  C'est  chez  Bergson  que  VIdéalisme  métaphysique  est  le 
plus  radical.  On  peut  le  résumer  dans  les  propositions  suivantes  (Cf. 
PsYCH.,  86,  I)  : 

1°  La  connaissance  est  déjà  dans  les  choses.  —  On  a  vu  que  la  dualité 
entre  le  sujet  connaissant  et  l'objet  connu  est  une  nécessité  inéluctable. 

2°  La  représentation  est  moins  que  la  simple  existence.  Elle  n'est 
qu'une  coupe  faite  dans  Vensemble  des  images,  en  vue  de  Faction. 


(')  Ch.  Dunan.  Lfis  deux  Idénlismes,  Ch.  i,   §  IV,  p.  49-50,  Paris,  l'ail. 

{')  Ch.  Dunan,  Essais  de  Philosophie  générale,  n.  312,  p.  542,  Paris,  1902».  —  «  Qui 
nous^blige  ;i  faire  des  corps  des  objets  pour  la  pensée  ?  Pourquoi  le  réel,  au  lieu  d'être 
(luelque  chose  d'autre  que  nos  perceptions,  et  quelque  cho_se  que  nos  perceptions  nous 
feraient  connaître,  ne  serait-il  pas  nos  perceptions  mêmes  ?  »  (Ibidem,  n.  311). 

(l)  O.  Hamelin,  Essai  sur  les  Élénienls  prinripaux  de  la  représentation,  Ch.  v,  §  2, 
p.  343-344,  Paris,  1907.  La  doctrine  d'Ilamclin  a  une  "  étroite  analogie  »  avec  celle  de 
Bergson,  comme  il  le  dit  lui  même,  Ibidem,  p.  344,  note  1. 


(8)  RELATIVISME    :     §    IV.  —    l'iDÉALISME    MÉTAPHYSIQUE  445' 

a)  Si  la  connaissance  n'est  pas  déjà  dans  les  choses,  il  faut  dire- 
que  la  représentation  est  plus  que  la  simple  existence,  puisqu'elle  y 
est  surajoutée. 

b)  Ce  qui  est  vrai,  dans  la  seconde  assertion,  c'est  que  souvent  notre 
connaissance  néglige  le  côté  théorique  de  la  pensée  pour  s'adapter  aux 
exigences  de  l'action.  Cependant,  il  est  faux  de  prétendre  que  perceptions 
et  concepts  n'ont  jamais  aucune  valeur  de  connaissance,  mais  sont 
toujours  disposés  en  vue  de  l'action. 

3°)  Seule  V intuition  atteint  le  réel  en  identifiant  le  moi  connaissant 
et  Vohjet  connu.  Toute  connaissance,  où  se  distinguent  encore  le  sujet 
et  l'objet,  n'est  donc  qu'une  «  coupe  »  faite  dans  la  connaissance  totale, 
en  vue  de  l'action.  Ce  n'est  là  qu'une  connaissance  à  l'état  imparfait. 
La  connaissance  parfaite  ne  se  réalise  que  dans  cet  acte  privilégié  que 
Bergson  appelle  V intuition.  Quand  on  est  arrivé  là,  l'image  moi,  ne 
faisant  plus  «  écran  »  dans  l'ensemble  des  images,  coïncide  avec  le  monde. 
C'est  la  connaissance  dans  sa  pureté  absolue,  parce  que  toute  oppo- 
sition entre  la  conscience  et  l'objet  a  disparu,  toute  dualité  a  cessé. 
C'est  V identification  parfaite  du  connaître  et  de  Vêtre. 

L'intuition  est  aussi,  selon  nous,  l'acte  le  plus  parfait  de  la  connais- 
sance ;  mais  par  intuition  nous  entendons  une  connaissance  immédiate,  où 
\q  ^\\]ei,  conscient  de  lui-même,  atteint,  sans  intermédiaire,  l'objet  réel  tel 
qu'il  est.  C'est  de  la  sorte  que  le  moi  se  saisit  lui-même.  (Psych.  68,  71). 
ijintuition  bergsonienne  est,  au  contraire,  la  négation  même  de  la 
connaissance.  En  eiïet,  tant  que  la  conscience  persiste,  on  s'approprie 
la  connaissance  actuelle,  on  fait  une  coupure  dans  l'ensemble  des 
images  ;  il  y  a  donc  toujours  opposition  entre  le  sujet  et  l'objet.  Or, 
comme  la  connaissance  parfaite  ou  intuition  n'a  lieu,  d'après  Bergson, 
qu'au  moment  où  le  connaître  s'identifie  avec  l'être,  il  s'ensuit  que  la 
connaissance  n'arrive  à  la  perfection  qu'en  cessant  d'être  connais- 
sance, c'est-à-dire  en  cessant  d'être  elle-même  pour  n'être  plus  que 
l'être. 

Conclusion.  —  C'est  en  vain  que  l'Idéalisme  métaphysique,  en 
quête  de  l'unité  parfaite,  la  cherchera  parmi  les  êtres  contingents  et 
finis,  parce  que  le  dualisme  du  sujet  et  de  l'objet  est  une  suite  néces- 
saire de  leur  imperfection  essentielle.  Même  lorsque  le  sujet  se  connaît 
lui-même,  ce  dualisme  logique  du  connaissant  et  du  connu  persiste. 
L'identification  du  connaîtra  et  de  l'être  ne  peut  trouver  sa  réalisation 
que  dans  la  simplicité  de  l'Être  infiniment  parfait.  Mais  «  l'Intelligence 
infinie  elle-même,  malgré  la  simplicité  absolue  de  son  être  et  de  sa 
connaissance,  et  bien  qu'elle  épuise  toute  l'intelligibilité  des  êtres  finis 
et  n'y  rencontre  rien  d'opaque,  ni  d'impénétrable  pour  elle,  ne  peut 
cependant  voir  ces  êtres  que  comme  ils  sont  :  Dieu  les  voit  donc  distincts 
de  Lui,  dans  la  pauvreté,  mais  aussi  dans  la  propriété  de  leur  être 


446  RELATIVISME    :     §    V.    —    LE    POSITIVISME  (9) 

participé.  On  le  voit,  la  perfection  absolue  de  la  connaissance,  si  elle 
exige  la  parfaite  pénétration  de  l'objet  par  l'intelligence,  ne  réclame 
pas  le  moins  du  monde  l'absorption  réelle  de  l'objet  par  le  sujet.  Dès  lors, 
il  faut  admettre  que  le  dualisme  du  sujet  et  de  l'objet  n'est  pas  opposé 
à  la  notion  même  la  plus  pure  et  la  plus  parfaite  de  la  connaissance  (^).  » 


9.   —    §   V.    —   LE   POSITIVISME   OU   RELATIVISME   OBJECTIF 

§  A.  —  VUE  GÉNÉRALE  DU  SYSTÈME 

L'École  positiviste,  fondée  par  Auguste  Comte  (1778-1857),  a  eu 
pour  principaux  représentants  :  en  France,  Littré  et  Taine  ;  en  Alle- 
magne, C.  VoGT,  Blchner  ;  en  Angleterre,  Hamilton,  Stuart  Mill, 
Spencer,  Bain,  Lewes    {^). 

Les  Positivistes  s'occupent  seulement  des  faits  et  des  lois,  qui  ne 
sont  que  des  faits  généralisés.  Car,  d'après  eux,  l'esprit  humain  est 
incapable  de  connaître  les  substances,  les  causes  et  les  fins.  Les  questions 
d'origine  et  d'essence  lui  sont  étrangères,  la  connaissance  de  l'absolu 
lui  est  impossible.  Il  doit  se  borner  à  la  recherche  des  vérités  d'ordre 
expérimental  ;  le  reste  est  pour  lui  «  inconnaissable  ».  Le  Positivisme 
n'en  nie  pas  l'existence,  mais  il  en  fait  abstraction  dans  les  recherches 
scientifiques.  «  Ce  qui,  déclare  Littré,  est  au  delà  [des  faits  et  des  lois], 
soit,  matériellement,  le  fond  de  l'espace  sans  borne,  soit,  intellectuel- 
lement, l'enchaînement  des  causes  sans  terme,  est  absolument  inacces- 
sible à  l'esprit  humain.  Mais  inaccessible  ne  veut  pas  dire  nul  ou  non 
existant.  L'immensité,  tant  matérielle  qu'intellectuelle,  tient  par  un 
lien  étroit  à  nos  connaissances  et  devient  par  cette  alliance  une  idée 
positive  et  du  même  ordre  ;  je  veux  dire  que,  en  les  touchant  et  en  les 
bordant,  cette  immensité  apparaît  sous  son  double  caractère,  la  réalité 
et  l'inaccessibilité.  C'est  un  océan  qui  vient  battre  notre  rive,  et  pour 
lequel  nous  n'avons  ni  barque  ni  voile,  mais  dont  la  claire  vision  est 
aussi  salutaire  que  formidable  (^).  » 

La  Métaphysique,  qui  s'occupe  de  la  nature  intime  des  choses,  de 
l'âme,  de  Dieu,  n'a  donc  pas  de  raison  d'être.  «  L'idée-mère  du  Posi- 
tivisme est  que  la  science  doit  s'abstenir  de  toutes  les  recherches  sur 
les  causes  premières  et  sur  l'essence  des  choses  ;  elle  ne  connaît  que  des 


(')  C'H.  Laiih  et  G.  Picard,  Cours  de  Philosophie,  T.  Il,  p.  339-3'iO. 

(  ')  Le.  Positivisme  anglais  de  Hamilton,  de  S.  Mill,  etc.,  se  plaçant  à  un  point  de  vue 
spécial,  on  lui  a  consacré  un  paragraphe  à  part  (5). 

( ')  Èm  Littré,  Auguste  Comte  et  la  Philosophie  positive,  III"  Partie,  Ch.  i,  p.  519, 
Paris  1864  =. 


(9)  RELATIVISME    :     §    V.    —    LE    POSITIVISME  447 

enchaînements  de  phénomènes  ;  tout  ce  qui  est  au  delà  n'est  que  concep- 
tion subjective  de  l'esprit,  objet  de  sentiment  et  de  foi  personnelle, 
non  de  science.  »  (Paul  Janet).  Le  Positivisme,  comme  l'a  dit  Bersot,  se 
condamne  lui-même  à  V abstinence  de  Métaphysique. 

§  B.  —  ARGUMENTS  ET  RÉPONSES 

I,  —  Pour  légitimer  la  proscription  de  la  Métaphysique,  Comte  en 
appelle  d'abord  à  l'histoire  de  l'évolution  scientifique,  qu'il  résume 
dans  la  Loi  des  trois  états,  dont  l'idée  est  empruntée  à  Turgot.  D'après 
cette  loi,  l'esprit  humain  suit,  dans  son  développement,  une  marche 
progressive,  dont  voici  les  trois  étapes  : 

a)  État  théologique  (fétichisme,  polythéisme,  monothéisme)  : 
l'esprit  humain  explique  les  faits  en  les  attribuant  à  des  puissances 
surnaturelles. 

b)  État  métaphysique  :  l'esprit  substitue,  aux  agents  surna- 
turels, des  forces  naturelles,  occultes,  sortes  d'entités  cachées  sous 
les  phénomènes. 

c)  État  positif  :  l'esprit  renonce  à  la  recherche  des  substances, 
des  causes  et  des  fins,  pour  se  borner  à  l'observation  des  faits  et  à  la 
découverte  de  leurs  lois  expérimentalement  démontrées  {^). 

D'après  Comte,  les  connaissances  se  répartissent  en  six  sciences 
fondamentales  (Logique,  44,  §  III).  Or  chacune  des  branches  du  savoir 
humain  doit  passer  successivement  par  les  trois  états,  et  elle  ne  mérite 
vraiment  le  nom  de  science  que  lorsqu'elle  est  parvenue  au  stade  de 
l'état  positif. 

Critique  :  «  Pour  ce  qui  est  de  la  fameuse  loi  des  trois  états,  qui 
domine  tout  le  système,  elle  n'est  plus  présentement  défendable  (-).  » 
On  peut  accorder  à  Comte  qu'à  telle  ou  telle  époque  certaines  tendances, 
théologiques,  métaphysiques  ou  positives,  sont  plus  ou  moins  prédo-  ' 
minantes.  On  peut  même  dire  qu'à  prendre  les  choses  en  gros  la  loi  se 
vérifie  :  dans  l'antiquité  on  est  porté  à  expliquer  les  phénomènes  par 
des  agents  surnaturels  ;  au  moyen  âge,  par  des  entités  métaphysiques  ; 
dans  les  temps  modernes,  par  la  constatation  de  leurs  lois.  Mais  ce  n'est 
là  une  évolution  ni  exclusive  ni  fatale.  Est-ce  que,  par  exemple, 
Aristote  n'a  pas  su  allier  l'esprit  métaphysique  et  l'esprit  d'observation, 
dans  un  temps  qui  devait  être,  d'après  4a  loi  de  Comte,  asservi  à  l'esprit 
théologique  ?  Est-ce  qu'au  moyen  âge  Roger  Bacon  n'a  pas  fait  preuve 
d'esprit  scientifique  ?  Est-ce  que  les  plus  grands  savants  des  trois  der- 
niers   siècles,    Kepler,    Galilée,    Descartes,    Leibniz,    Pascal,    Newton, 


(M  A.  CoMTK,  Cours  de  Philosophie  positii^e,  l'"  Leçon. 
{■)  ÉM.  DuRC.KHEiM,  Rerup  bJeue  (19  mai  1900   p.  G12). 


448  RELATIVISME    :     §    V.    LE    POSITIVISME  (9) 

Ampère,  Cauchy,  Pasteur,  etc.,  n'ont  pas  été  tout  ensemble  savants 
et  croyants  ?  (^).  Ces  grands  hommes  donnaient  droit  de  cité  aux  spécu- 
lations métaphysiques  et  religieuses  dans  leur  esprit  éminemment 
scientifique.  L'antagonisme  affirmé  par  Comte  entre  la  religion,  la  méta-^ 
physique  et  la  science  n'existe  donc  pas.  Toujours  l'intelligence  humainp 
continuera  à  se  poser  les  questions  d'origine  et  de  fin,  d'essence  et  de 
cause,  qui  sont  du  ressort  de  la  religion  et  de  la  métaphysique.  Les 
sciences  physiques  et  naturelles  doivent  se  borner  à  étudier  les  lois, 
c'est-à-dire  les  rapports  constants  de  succession  ou  de  coexistence 
entre  les  phénomènes. 

Les  attaques  des  Positivistes  ont  eu  pour  résultat,  non  pas  de  sup- 
primer la  Métaphysique  et  la  Théologie,  mais  de  mieux  circonscrire 
le  domaine  où  doit  se  renfermer  la  science.  «  La  science  expérimentale, 
a  dit  Pasteur,  est  essentiellement  positiviste,  en  ce  sens  que,  dans  ses 
conceptions,  elle  ne  fait  jamais  intervenir  la  considération  de  l'essence 
des  choses,  de  l'origine  du  monde  et  de  ses  destinées.  «  Berthelot  ne 
pense  pas  autrement  :  «  La  science  positive  ne  poursuit  ni  les  causes 
premières,  ni  la  fin  des  choses  ;  mais  elle  procède  en  établissant  des 
faits  et  en  les  rattachant  les  uns  aux  autres  par  des  relations  immé- 
diates {^).  ))  Cette  nette  délimitation  de  frontières  a  un  grand  avantage. 
Quand  un  savant  émet  une  opinion  sur  l'essence  des  choses,  lorsqu'il 
donne  une  solution  aux  problèmes  d'origine,-  de  cause  et  de  destinée, 
il  ne  parle  plus  en  tant  que  savant,  mais  il  s'élève  au  rôle  de  méta- 
physicien ou  de  théologien.  Ce  départ  une  fois  fait  (et  les  savants  sont 
aujourd'hui  les  premiers  à  en  reconnaître  la  légitimité),  il  devient  mani- 
feste qu'aucun  conflit  n'est  possible  entre  "les  Sciences  positives  d'une 
part  et  la  Métaphysique  ou  la  Religion  d'autre  part,  puisque  leur  champ 
d'exploration  est  différent.  Car  pour  qu'il  y  ait  rencontre  et  heurt  entre 
plusieurs  sciences,  il  faut  qu'elles  se  développent  sur  le  même  terrain 
et  qu'elles  aient  des  points  de  contact  immédiat  {^). 

II.  —  D'après  le  Positivisme,  nous  n'avons  aucune  faculté  appropriée 
à  la  connaissance  des  substances,  des  causes,  de  l'absolu.  Nous  sommes 
même  incapables  de  recourir  à  l'observation  interne  (*)  ou  réflexion 
(Logique,  93,   §  A). 

Tous    nos    procédés    d'investigation    se    réduisent    à    l'observation 


(M  Cf.  E.  N.wiLLE,  La  Physique  moderne,  3"  KUule,  p.  133-210,  Paris,  1890=.  — 
G.  Sortais,  La  Providence  el  le  Miracle   devant  la  Science  moderne,  p.  6-42,  Paris,  190.'). 

(  *)  M.   Berthelot,  La  Science  idéale  el  la  Science  positive. 

( ')  Cf.  G.  Sortais,  Pourquoi  les  dogmes  ne  ineurent  pas,  2'^  éd.,  p.  21-22.  La  Providence 
et  le  Miracle  devant  la  Science  moderne,  p.  90-92. 

( ')  Le  Phénoménisme  ou  Positivisme  anglais  admet  au  contraire  que  l'observation 
interne  est  la  source  unique  de  l'expérience. 


(9)  RELATIVISME    :     §    V.    —    LE    POSITIVISME  449 

externe.  Or  l'expérience  des  sens  n'atteint  que  les  phénomènes  :  le  reste 
lui  échappe  complètement  ;  donc  les  substances,  les  causes,  l'absolu 
sont  inconnaissables. 

Critique.  —  A)  Les  Positivistes  ont  tort  de  vouloir  ramener  les  données 
expérimentales  aux  seules  perceptions  sensibles,  car  l'expérience  com- 
prend en  outre  les  données  de  la  conscience.  L'expérience  externe  a  pour 
condition  nécessaire  l'expérience  interne,  dont  nous  avons  établi  la 
possibilité  en  Logique  (93,  §  A). 

B)  Les  substances  et  les  causes  du  monde  physique  sont  assurément 
en  dehors  de  la  portée  des  sens.  Mais  par  la  conscience  je  ne  perçois  pas 
seulement  mes  phénomènes,  je  me  perçois  aussi  dans  mes  phénomènes, 
car  je  me  saisis  sentant,  pensant  et  voulant.  Voilà  donc  une  substance 
et  une  cause  senties  directement  par  la  conscience. 

C)  L'expérience  n'est  pas  l'origine  unique  de  la  connaissance.  Nous 
avons  en  outre  la  faculté  de  connaître  le  nécessaire,  l'universel,  l'absolu  : 
c'est  la  raison,  faculté  irréductible  à  l'expérience.  -Sans  doute,  l'esprit 
humain  n'a  pas,  comme  l'affirment  les  Ontologistes,  l'intuition  de  l'être 
absolu.  Mais  l'intelligence,  au  moyen  de  l'abstraction  et  de  la  générali- 
sation, forme  les  notions  premières  de  cause,  de  substance,  de  fin,  etc.  ; 
—  puis,  la  raison  proprement  dite,  percevant  entre  ces  notions  premières 
des  ra])ports  absolus,  nécessaires,  universels,  s'élève  aux  principes  de 
causalité,  de  substance,  etc.  ;  —  enfin,  par  le  raisonnement,  elle  démontre 
l'existence  de  causes  particulières,  et  la  nécessité  d'une  cause  première, 
transcendante,  absolue  (Psych.,   179  ;  Métaph.,  76). 

IIL  —  Certains  Positivistes  font  valoir  l'objection  de  Hamilton,  qui 
prétend  que  l'absolu  est  inconcevable.  Cette  objection  a  déjà  été  exposée 
et  réfutée  (Psych.,  187,  §  A,  III).  . 

§  C.  —   ABOUTISSEMENT  LOGIQUE  DU  POSITIVISME 

En  posant  comme  principe  essentiel  que  cela  seul  est  certain  qui  a 
été  expérimenté,  le  Positivisme  aboutit  à  l'empirisme  et  oublie  le  rôle 
nécessaire  et  capital  de  l'idée  a  priori  dans  les  découvertes  scientifiques. 
Or,  comme  l'enseigne  Claude  Bernard,»  c'est  l'idée  qui  constitue  le  point 
de  départ  nu  le  primum  moyens  de  tout  raisonnement  scientifique,  et 
c'est  elle  qui  en  est  également  le  but  dans  l'aspiration  de  l'esprit  vers 
l'inconnu  »  (^). 

Mais  si  l'induction,  qui  détermine  les  lois  de  la  nature,  n'a  pas  pour 
•fondement  un  principe  rationnel  nécessaire,  ces  lois  n'ont  qu'une  valeur 
précaire.  Les  Positivistes  anglais  ne  reculent  pas  devant  cette  consé- 


(  M  Cl.  Bernaud,    Inlroduction  à  iéhide  de  la    Médecine  expérimentale,  l"   P.,  Ch.   i, 
§  6,  p.  47,  Paris,  1865. 

TRAITK    DE    PIIII-OSOPIIIE .   —   T.    II.  —    15. 


450  LE    DOGMATISME    :    ARGUMENTS    INDIRECTS  (10) 

quence  logique.  Alors  la  science,  qui  va  du  particulier  au  général,  devient 
impossible  :  le  savant  n'est  plus  qu'un  vulgaire  empiriste  qui  dresse 
des  catalogues  de  faits  individuels  plus  ou  moins  incomplets. 

II.  _  L'attitude  du  positiviste  n'est  pas  logique  :  il  a  beau  vouloir 
se  confiner  dans  Texpérience,  on  le  prend  en  flagrant  délit  de  Méta- 
physique. Car,  dans  l'emploi  de  l'expérimentation,  de  l'induction  et  de 
la  déduction,  il  applique  spontanément  les  principes  premiers  de  la 
raison.  Le  Positivisme  est  «  un  dogmatisme  sans  critique.  Il  pose  des 
thèses  sans  les  établir,  et  ces  thèses  sont  telles  qu'il  ne  saurait  en  faire 
la  preuve  sans  les  abandonner  »  (^). 

IIL  —  Le  positiviste  a  beau,  quand  on  l'accuse  de  matérialisme  et 
d'athéisme,  se  récrier  et  faire  valoir  sa  neutralité  :  en  pareille  matière, 
la  neutralité  n'est  pas  tenable.  En  cherchant  à  expliquer  les  phénomènes 
sans  la  substance,  l'homme  sans  l'âme  et  la  nature  sans  Dieu,  il  mène 
logiquement  au  phénoménisme  qui  repousse  la  substance,  au  matéria- 
lisme qui  rejette  l'àme,  et  à  l'athéisme  qui  nie  Dieu. 

ARTICLE  m.  —  LE  DOGMATISME 

Le  Dogmatisme  (de  ^oy-y-aTi^w,  j'affirme)  ne  peut  se  démontrer 
directement  sans  pétition  de'  principe,  car  l'esprit  ne  peut  démontrer 
qu'il  est  capable  de  connaître  la  vérité  sans  présupposer  cette  capacité  ; 
mais,  nous  l'avons  vu,  toutes  les  vérités  n'ont  pas  besoin  de  démonstra- 
tion. Il  en  est  (et  la  capacité  de  la  raison  est  de  celles-là)  qui  s'imposent 
par  leur  évidence.  Cependant,  sans  donner  une  démonstration  impos- 
sible, on  peut  apporter  des  raisons  d'adhérer  au  Dogmatisme. 


10.  —  ARGUMENTS  INDIRECTS 

I.  —  Fausseté  des  Systèmes  opposés  :  le  Scepticisme  et  le»  Rela- 
tivisme absolu  étant  démontrés  faux,  la  thèse  dogmatique  reste  seule 
admissible. 

II.  —  Accord  avec  les  Sciences  :  seul  le  Dogmatisme  explique  la 
valeur  attribuée  par  la  science  à  l'expérimentation.  Si  l'esprit  est  con- 


(  M  L.  LiARD,  La  Science  positive  et  la  Métaphysique,  L.  I,  Ch.  v,  à  la  fin,  p.  72,  Paris, 
1905'.  — RENOUViEn  est  encore  plus  sévère  :  «  Votre  parti  pris  d'indifTérence  ou  de  notation, 
dit-il  aux  Positivistes,  à  l'égard  de  tout  ce  que  vous  estimez  n'être  pas  Otabli  scientiH- 
quement,  n'a  rien  à  déniôler  ni  avec  la  .science  ni  avec  la  logique,  ni  surtout  rien  à  apporter, 
rien  à  prétendre  dans  une  théorie  de  la  certitude.  »  {Critique  philosophique,  21  février  1878, 
p.  53.) 


(10)  LE    DOGMATISME    :    ARGUMENTS    INDIRECTS  451 

structeur  de  l'expérience,  comme  le  soutient  le  Criticisme,  pourquoi 
n'y  a-t-il  d'expériences  bien  faites  que  celles  où  l'esprit  de  l'observateur 
s'eiïace  pour  laisser  parler  les  faits  ?  L'ensemble  du  raisonnement 
expérimental  suppose  que  la  nature  s'accorde  avec  la  raison.  Ce  postulat 
peut  se  formuler  ainsi  :  '<  Il  y  a  une  Logique  de  la  nature,  et  la  Logique 
de  la  nature  est  identique  à  celle  de  l'esprit  »,  c'est-à-dire  qu'il  y  a  une 
harmonie  préétablie  entre  la  raison  et  la  nature.  Ainsi  le  postulat  essentiel 
de  la  science  expérimentale  est  la  thèse  même  que  défend  le  Dogmatisme 
métaphysique.  Les  savants  et  les  dogmatistes  persistent  donc,  d'accord 
avec  le  bon  sens  universel,  à  dire  que  l'esprit  ne  crée  pas  Vobjet  de  la 
connaissance,  mais  le  constate. 

«  On  conteste,  dit  Paul  Janet,  la  possibilité  d'une  harmonie  pri- 
mordiale entre  les  lois  de  l'esprit  et  les  lois  des  choses.  Mais  quelle 
difficulté  peut-on  avoir  à  admettre  que  l'intelligence  est  en  harmonie 
avec  l'univers,  lorsqu'on  voit  que  dans  l'univers  même  tous  les  êtres 
sont  en  harmonie  les  uns  avec  les  autres  ?  Si  tous  les  organes  sont  appro- 
priés et  accommodés  au  milieu,  pourquoi  n'en  serait-il  pas  de  même 
du  cerveau  ?  Et  si  le  cerveau  est  approprié  à  sa  fonction,  c'est-à- 
dire  à  la  concentration  des  sensations  dans  l'ordre  même  imposé 
par  la  nature  extérieure,  pourquoi  la  cause  créatrice,  qui  a  approprié 
l'œil  à  la  lumière  et  le  cerveau  aux  conditions  extérieures  de  l'uni- 
vers, n'aurait-elle  pas  pu  lier  à  ce  cerveau  une  intelligence  dont  les 
lois  essentielles  seraient  précisément  conformes  aux  lois  mêmes  de  la 
réalité  ?  » 

III.  —  Témoignage  irrécusable  de  la  conscience  :  la  valeur 
objective  de  la  raison  et  celle  des  notions  et  vérités  premières  ne  peuvent 
faire  doute  pour  celui  qui  sait  s'observer  lui-même.  Nous  l'avons  déjà 
indiqué  en  Psychologie  (68,  71)  et  en  Logique  (111,  II).  Il  faut  le  rappeler 
brièvement. 

L'observation  psychologique  atteint  à  la  fois  la  pensée  et  le  sujet 
pensant,  le  phénomène  et  Vêlre,  d'une  façon  immédiate,  par  la  conscience 
dont  la  certitude  est  inattaquable  à  cause  de  V  identité  de  Y  être  qui  pense 
et  de  Vêlre  pensé.  C'est  par  une  abstraction  qu'on  peut  distinguer  deux 
aspects  dans  cette  réalité  saisie  par  la  conscience,  l'être  et  sa  manière 
d'être,  le  moi  et  sa  pensée  intimement  unis.  Notre  pensée  porte  donc 
et  perçoit  en  elle-même  les  lois  nécessaires  de  l'être  comme  tel.  C'est 
pourquoi  les  deux  grandes  lois  de  l'être  (à  savoir  le  principe  de  contra- 
diction et  le  principe  de  raison  suffisante),  que  l'esprit  dégage  de  cette 
observation  directe  et  concrète,  sont  tout  ensemble  des  lois  psycho- 
logiques., puisqu'elles  régissent  la  pensée  de  l'être,  et  des  lois  ontolo- 
giques, puisqu'elles  régissent  en  même  temps  Yêtre  pensant.  L'esprit 
affirme  ces  lois,  parce  qu'il  voit  en  elles,  avec  une  évidence  irrésistible,  les 
conditions  nécessaires  de  la  réalité  dont  il  fait  lui-même  partie  et  qu'il  ne 


452  LA.    VÉRITÉ    ILLUMINATRICE  (11) 

pourrait  nier  sans  se  renier  lui-même.  Ces  lois  ont  donc  non  seulement  une 
valeur  subjective  et  psychologique,  mais  encore  une  valeur  objective 
et  métaphysique. 

11.  —  LA  VÉRITÉ  ILLUMINATRICE 

A)  Exposé.  —  De  tous  les  systèmes,  qui  se  sont  efforcés  de  résoudre 
le  problème  de  l'origine  des  idées  et  de  justifier  la  valeur  objective  de 
la  connaissance  intellectuelle,"^  celui  de  saint  Augustin  nous  parait  le 
plus  satisfaisant.  A  cette  question  :  Comment  atteignons-nous  la  vérité 
nécessaire  et  immuable  ?  Platon  répond  :  par  la  réminiscence  ;  Aristote 
et  l'École,  par  l'abstraction  et  la  vertu  de  l'intellect  agent  ;  d'autres, 
par  Finnéité  ;  saint  Augustin,  par  l'action  illuminatrice  de  Dieu.  Selon 
lui,  nous  voyons  la  vérité  immuable  à  la  lumière  divine.  On  a  interprété 
différemment  cette  expression. 

10  D'après  les  Ontologistes,  l'âme  verrait  l'Être  divin  lui-même  et, 
en  Lui,  les  vérités  éternelles  qu'il  contient.  —  Cette  interprétation  est 
certainement  fausse,  car  saint  Augustin  rejette  formellement  toute 
vision  en  Dieu  durant  cette  vie.  Il  avait  d'abord  semblé  l'accorder  par 
exception  à  Moïse  et  à  saint  Paul  ;  mais  il  a  même  exclu  cette  faveur 
exceptionnelle  {^).  De  plus,  il  ne  présente  pas  Dieu  comme  un  objet 
perçu,  mais  comme  la  cause  produisant  la  lumière  qui  nous  fait  percevoir. 
Voulant  opposer  son  propre  système  à  la  réminiscence  platonicienne, 
saint  Augustin  s'exprime  ainsi  :  «  La  nature  de  l'àme  intellectuelle  est 
ainsi  faite  que,  par  une  disposition  du  Créateur,  elle  est  naturellement 
unie  aux  choses  intelligibles  et  ainsi  les  voit  dans  une  lumière  incorpo- 
relle spéciale,  comme  l'œil  charnel  voit  ce  qui  l'environne  dans  la 
lumière  corporelle,  ayant  été  fait  capable  de  recevoir  cette  lumière  et 
adapté  à  elle.  »  Il  est  manifeste  que  ce  n'est  pas  en  Dieu,  soleil  de  l'âme, 
que  nous  voyons  la  vérité,  mais  dans  la  lumière  sui  generis  qu'il  nous 
envoie,  comme  notre  œil  ne  voit  pas  dans  le  soleil  les  objets  environ- 
nants, mais  dans  les  rayons  lumineux  qui  viennent  de  son  foyer   {^), 


(  ')  s.  Augustin,  De  Trinilale,  L.  II,  C.  xvi,  dans  Patrologia  Lalina,  T.  XLII,  col.  862, 
—  In  Joannis  Evangelium,  Tract.  III,  §  17,  P.  L.,  T.  XXXV,  col.  1403. 

(2)  ...Potius  credendum  est  mentis  intellectualis  ita  conditam  esse  naturani,  ut  rébus, 
intellectualibus  naturali  ordine,  disponenle  Conditore.  suhjuncta  sic  ista  videat  in  quadam 
luce  sui  generis  incorporea,  qucmadmodum  oculus  carnis  vidct  quae  in  liac  corporea  luce 
circumadjacent.  ciijus  lucis  cai)ax  cique  congnicns  est  crcalus.  (S.  Augustin,  De  Trinitate, 
L.  XII,  C.  XV,  P.  L.,  T.  XLII,  col.  10H).  —  Le  P.  Charles  Boyeu,  dans  sa  remarquable- 
étude  sur  l'Idée  de  Vérilé  dans  la  Philosophie  de  S.  Augui^tin,  n'entend  pas  ainsi  la  tbéorie  de 
la  Vi'riir!  illuminatrice.  Pour  lui  «  Dieu  nous  éclaire  par  le  fait  môme  que  notre  propre 
intelligence  nous  éclaire.  Notre  intelligence  n'est  en  effet  rien  d'autre  que  la  LumitM-e  divine 
tempérée  selon  l'inlirmité  de  notre  être.  »  (Opère  cilnto,  p.  206).  C'est  l'interprétation 
qu'ont   généralement   donnée   les   Scolastiques   (cf.    infra.    2»).    Mais  nous   croyons  avec 


(11)  LA    VÉRITÉ    ILLUMINATRICE  453 

2^  D'après  les  Scolastiques,  saint  Augustin  appellerait  Dieu  la 
lumière  de  l'âme  en  tant  qu'il  a  créé  l'intelligence  qui  est  le  flambeau 
de  l'homme  et  que  les  idées  divines  sont  l'exemplaire  auquel  la  connais- 
sance doit  être  conforme  pour  être  vraie  {^).  —  Cette  interprétation 
est  incomplète,  parce  qu'elle  constate  simplement  que  Dieu  est  le 
créateur  de  l'intelligence  et  la  source  de  toute  vérité,  ce  qui  est  certain. 
Mais,  à  s'en  tenir  là,  il  faudrait  dire  que  saint  Augustin  n'a  pas  même 
abordé  le  problème  de  l'origine  des  idées,  qui  fut  pourtant  sa  constante 
préoccupation.  Car  le  problème  demeure  entier  :  il  s'agit  de  savoir 
comment  l'intelligence  parvient  à  percevoir  la  vérité  éternelle. 

3^  La  véritable  théorie  augustinienne  est  celle  de  V illumination  de 
l'intelligence  par  un  acte  immédiat  de  Dieu.  D'elle-même  la  raison  est 
incapable  de  percevoir  la  vérité.  Mais  Dieu  produit  dans  l'àme,  à  l'occa- 
sion des  perceptions  sensibles,  une  représentation  des  vérités  éternelles 
qui  la  détermine  à  connaître.  Cette  influence  divine  agit  selon  les  besoins 
et  les  circonstances  ;  elle  ne  fournit  donc  pas  une  fois  pour  toutes  à 
l'intelligence  des  idées  innées,  qui  de  l'état  virtuel  passeraient  en  acte 
sous  l'impulsion  de  la  connaissance  sensible. 

Cette  interprétation  paraît  être  seule  exacte,  car  seule  elle  concorde 
avec  l'ensemble  des  textes  augustiniens  :  «  Tous  s'expliquent  et  s'éclai- 
rent :  on  comprend  la  transcription,  V impression  d'une  image,  les  com- 
paraisons du  sceau,  du  soleil,  du  maître  qui  parle  intérieurement,  de 
Vange  quand  il  illumine  les  hommes  {De  Genesi  ad  litteram,  L.  XII, 
§  58),  l'affirmation  d'un  secours  nécessaire,  nisi  Deus  intus  adjuverit 
(Epistola  CXX  ad  Consentium,  §  2,  P.  L.,  T.  XXXIII,  col.  453).  Sur  la 


E.  PoRTALiÉ  qu'elle  est  erronée.  La  lumière,  dont  parle  S.  Augustin,  nous  semble  être 
une  lumière  particulière,  distincte  de  notre  intelligence.  Pour  le  prouver,  il  suffira  d'analyser 
le  texte  cité  plus  haut.  Nous  le  choisissons  parce  que,  d'après  le  P.  Boyer  lui-même,  c'est 
'«  un  texte  où  il  [S.  Augustin]  a  dû  s'exprimer  avec  exactitude,  puisqu'il  présentait  son 
propre  système  pour  remplacer  la  réminiscence  platonicienne  ».  (Ibidem,  p.  199).  Or  de  ce 
texte  il  résuite  avec  évidence  que  pour  S.  Augustin  la  lumière  divine  en  question  n'est  pas 
notre  intelligence,  mais  une  lumière  spéciale,  une  lumière  créée  qui  s'en  dislingue.  La  compa- 
raison alléguée  le  montre  clairement  :  de  même  que  l'œil  charnel  est  distinct  de  la  lumière 
corporelle,  ainsi  l'intelligence  ne  se  confond  pas  avec  la  lumière  incorporelle  De  plus, 
S.  Augustin  les  contradistinguc  nettement,  car  il  dit  que  l'intelligence  voit  dawi  la  lumière 
incorporelle,  et,  pour  qu'on  ne  puisse  s'y  méprendre,  il  ajoute  dans  une  certaine  lumière 
spéciale  (in  quadam  luce  sut  generis^.  Pour  plier  le  texte  à  son  interprétation,  le  P.  Boyer 
en  est  réduit  à  violenter  la  construction  de  la  phrase  en  rapportant  à  l'âme  ces  mots  .sut 
generi^  enclos  dans  l'incise  relative  à  la  lumière,  et,  ce  qui  est  pire  encore,  à  traduire  ainsi  : 
"dans  une  certaine  lumière  incorporelle  de  môme  nature  qu'elle-même  [l'Ame]. Orsui  gejieris 
est  une  expression  consacrée,  qu'on  ne  doit  pas  détourner  de  son  sens  naturel.  Ce  n'est  donc 
que,  de  vive  force,  qu'on  peut  ramener  le  texte  augustinien  à  l'interprétation  donnée  par 
les  Scolastiques. 

(  M  Cf.  S.  Thomas,  Summa  theolagica,  P.  I»,  Q.  LX  X  XIV,  Art.  V.  —  Lux  autem  ista,  qua 
mens  nostra  intelligit,  est  intellectus  agen.s  {Quœstiones  disputalœ  :  III.  De  Spiritualibus 
Crealuri<i,  Ait.  X).  —  Th.  M.  Zioliaiia,  Délia  luce  inlelletluale,  T.  I,  C.  xi-xiii,  Rome,  1874. 
—  .1.  B.  Fkanzelin,  De  Deo  uno,  Thés.  XI,  §  II  et  III,  p.  140-148,  Rome,  1870.  —  Alb. 
Lepidi,  De  Oniologi^mo,  p.  192-22.5,  Louvain,  1874. 


454  LA   VÉRITÉ    ILLUMINATRICE  (11) 

comparaison  du  soleil,  voir  Soliloguiorum  L.  I,  C.  viii,  P.  L.,  T.  XXXII, 
col.  877  )^  (1). 

De  plus  et  surtout  cette  interprétation  s'appuie  sur  une  théorie 
similaire  de  la  volonté.  Selon  saint  Augustin,  l'intelligence,  pour  atteindre 
la  vérité,  a  besoin  de  la  lumière  de  Dieu,  comme  la  volonté,  pour  pratiquer 
la  vertu,  a  besoin  de  sa  grâce  {^).  Si  donc  la  grâce  s'exerce  d'une  façon 
effective,  il  en  sera  de  même  de  l'illumination  intellectuelle. 

B)  Avantages.  —  Nous  avons  constaté  en  Psychologie  (179,  B) 
que  l'intelligence  dégage,  par  l'abstraction  et  la  généralisation,  des 
données  fournies  par  l'expérience,  les  idées  d'être,  d'unité,  de  cause, 
de  fin,  etc.  Puis,  analysant  ces  notions  premières,  elle  perçoit  des  rapports 
absolus,  nécessaires,  universels,  et  les  formule  en  jugements  :  vg.  com- 
parant la  notion  psychologique  de  cause  avec  la  notion  d'effet, 
elle  saisit  entre  ces  deux  notions  un  rapport  absolu,  nécessaire, 
universel  et  l'exprime  en  disant  :  Tout  ce  qui  commence  d'être  a  une 
cause  (PsYCH.,  183,   §  fi,  II,  B). 

On  tranche  fort  bien  de  cette  façon  la  question  de  l'origine  psycho- 
logique des  notions  et  principes  premiers  ;  mais  la  question  métaphysique 
de  la  valeur  objective  de  ces  notions  et  principes  reste  ouverte.  La  théorie 
de  la  connaissance  part  de  ce  fait  que  nous  percevons  de  l'être,  de  l'unité, 
de  la  vérité,  de  la  causalité,  etc.  Or  ce  fait  implique  que  notre  intelli- 
gence est  en  relation  avec  l'Être  en  soi,  l'Unité  en  soi,  la  Vérité  en  soi, 
la  Causalité  en  soi.  Comment  s'explique  cette  relation  ? 

La  théorie  de  l'abstraction  et  de  l'intellect  agent  ne  paraît  pas  suffire 
à  résoudre  cette  question  ultime.  On  se  demande,  en  effet  :  comment 
les  êtres  contingents  et  relatifs  peuvent-ils  servir  de  fondement  pour 
découvrir  la  vérité  nécessaire  et  absolue  ?  Les  Péripatéticiens  répondent 
que  l'intelligence,  considérant  les  êtres  contingents,  en  faisant  abstrac- 
tion de  leur  existence  et  de  leurs  propriétés  individuelles,  perçoit  leurs 
essences  et  les  rapports  nécessaires  et  universels  qui  en  découlent. 
Soit.  Mais  tout  ce  travail  n'aboutit  qu'à  des  généralités  et  à  des  abstrac- 
tions. Il  faut  quelque  chose  de  plus  pour  justifier  la  valeur  objective 
des  notions  et  principes  premiers.  Il  faut  montrer  comment  nous  pou- 
vons atteindre  le  vrai  en  soi,  le  bien  en  soi,  le  beau  en  soi,  seul  fondement 
inébranlable  de  nos  opérations  intellectuelles.  Or  la  théorie  augusti- 
nienne  de  l'illumination  nous  fournit  la  solution  cherchée,  puisque  c'est 
Dieu  lui-même  qui  produit  dans  l'àme  la  représentation  des  vérités 


(M  E.  PoRTALiÉ,  Augustin  (Saint),  dans  Dir.TiONNAinE  de  Th<^:ologie  catholique 
(Vacant-Manoenot),  1903,  T.  I,  col.  2336,  Voir,  Ibidem,  col.  2335,  B,  d'autres  textes 
de  S.  AuKustin. 

{')  S.  Augustin,  De  Civitate,  L.  VIII,  C.  ix  et  x,  §  2,  P.  L.,  T.  XLI,  col.  233-235.  — 
De  Trinital",  L.  XIV,  C.  Xii,  S  15,  P.  L.,  T.  XLII,  col.  1048. 


(11)  LA    VÉRITÉ    ILLUMINATRIGE  455 

éternelles  :  IJ  est  tout  ensemble  la  cause  et  la  garantie  de  notre  connais- 
sance. 

C'est  ainsi  qu'en  songeant  au  principe  premier  de  notre  connais- 
sance, il  est  permis  de  dire,  dans  un  sens  large,  que  nous  voyons  le  vrai 
en  Dieu,  Vérité  immuable  (^),  comme  l'on  dira,  selon  la  remarque  de 
saint  Thomas,  que  nous  voyons  dans  le  soleil  ce  que  nous  voyons 
par  son  moyen  (^). 

Les  autres  notions  premières  d'unité,  de  substance,  de  durée,  de 
cause  et  de  fin  nous  sont  données  également,  comme  objectivement 
réelles,  dans  V expérience,  à  la  fois  concrète  et  absolue,  qu'est  la  conscience 
de  nous-mêmes  et  de  notre  activité  (Psycii.,  180-184;  187). 

L'introspection  nous  fournit  donc,  d'une  façon  certaine,  tous  les 
éléments  dont  se  compose  notre  connaissance  de  l'absolu.  Voilà  le  fon- 
dement inébranlable  de  ce  que  l'on  a  appelé  le  Réalisme  métaphysique, 
c'est-à-dire  de  la  valeur  objective  de  la  raison  humaine  et  de  la  confiance 
qu'elle  mérite  comme  faculté  d'atteindre  le  réel. 

Conclusion.  —  C'est  donc  au  Dogmatisme  ou  Réalisme  métaphy- 
sique qu'il  faut  donner  raison  contre  les  Systèmes  qui  rejettent  la 
certitude  et  la  valeur  objective  de  la  connaissance.  Il  est  exempt  de 
contradiction.  Il  est  d'accord  avec  la  croyance  instinctive  du  genre 
humain  :  les  Sceptiques  eux-mêmes,  quand  ils  parlent  en  hommes  et 
non  en  philoso])hes,  croient  à  l'objectivité  de  leurs  idées.  Il  est 
conforme  à  la  conviction  réfléchie  des  savants,  qui  l'acceptent  comme 
le  postulat  fondamental  de  toutes  leurs  investigations  scientifiques. 
Il  s'appuie,  en  dernière  analyse,  sur  le  témoignage  irrécusable  de  la 
conscience. 

C'est  un  Dogmatisme  modéré,  car  si,  d'une  part,  il  affirme  que  nous 
pouvons  arriver  sur  certains  pointa  à  une  véritable  certitude,  il  ne  mécon- 
naît pas,  d'autre  part,  les  limites  de  la  raison,  car  il  admet  que  souvent 
le  doute  est  la  seule  attitude  légitime  de  l'esprit  et  que  notre  connais- 
sance des  choses  ne  leur  est  point  adéquate^  là  même  où  elle  parvient  à  la 
certitude. 


(  ')  Si  ainbo  videmus  verum  esse  quod  dicis,  et  ambo  videmus  verum  esse  quod  dico, 
ubi,  quaeso,  id  videmus  ?  Nec  ego  utique  in  te.  nec  tu  in  me  ;  sed  ambo  in  ipsa,  quae  supra 
mentes  nostras  est,  incommutabili  Veritate  (S.  Augustin,  Confess.  L.  XII,  C.  xxv  J  35, 
P.  L..  T.  XXXII  col.  846) 

(  »)  Alio  modo  dicitur  aliquid  cognosci  in  ali(iuo  sicut  in  cognitionis  principio  ;  sicut 
si  dicamus  quod  in  sole  videntur  ea  qu;p  videntur  per  solem  ;  et  sic  necesse  est  dicere  quod 
anima  humana  omnia  cofïnoscat  in  ralionibus  iplcrnis  por  quaruni  participationem  nmnia 
cognoscimus  (S.  Thomas,  Suimna  tlieulogica,  I"  P.,  Q.  LXXXIV,  A.  V.  §  Alio  modo). Il  nous 
semble  que  nul  n'a  mieux  expliqué  que  S.  Augustin  en  quoi  consiste  «  cette  participation  « 


456  IMPORTANCE    DE    LA    MÉTAPHYSIQUE  (12-13) 


SECTION   II 

Importance  et  Division 
de  la  Métaphysique. 

12.  —  IMPORTANCE  DE  LA  MÉTAPHYSIQUE 

La  Métaphysique  est  une  science,  car  elle  a  : 

I.  —  Un  objet  propre  :  les  autres.  Sciences  étudient  l'être  dans 
ses  diverses  manifestations  :  vg.  la  Géométrie  l'étudié  en  tant  qu'étendue, 
l'Arithmétique  en  tant  que  nombre,  la  Mécanique  en  tant  que  mou- 
vement, la  Physique  en  tant  que  pesant,  etc.. 

La  Métaphysique  étudie  l'être,  non  pas  en  tant  qu'il  est  telle  ou 
telle  chose,  qu'il  possède  telle  ou  telle  qualité  de  l'être,  mais  en  tant 
qu'il  est.  Elle  a  pour  objet  les  principes  premiers  de  Vêtre  dont  elle 
recherche  la  nature,  à  savoir  la  matière,  l'âme  et  Dieu  ;  —  et  les  principes 
premiers  du  connaître  :  principes  d'identité,  de  contradiction,  de  raison, 
de  causalité,  etc.  Elle  a  donc  un  objet  distinct  de  celui  des  autres 
sciences. 

IL  —  Une  Méthode  appropriée  (Log.,  111). 
III,  —  Un  ensemble  de  connaissances  coordonnées  :  elle  arrive 
à  lier  nécessairement,  en  s'aidant  de  l'expérience  et  du  raisonnement, 
un  certain  nombre  de  propositions  se  rapportant  à  son  objet  propre. 
Concluons  donc  en  disant  avec  Claude  Bernard  :  «  La  Métaphysique 
tient  à  l'essence  même  de  notre  intelligence  ;  nous  ne  pouvons  parler 
que  métaphysiquement.  «  Elle  répond  au  besoin  fondamental  de  l'esprit 
humain  :  connaître  la  nature  des  choses  et  coordonner  les  idées.  Elle 
s'impose  ainsi  à  ceux  mêmes  qui  la  nient,  car  la  raison  s'élève  natu- 
rellement à  la  recherche  des  principes  et  des  causes.  Kant,  pour  montrer 
l'illégitimité  de  la  Métaphysique,  a  composé  la  Critique  de  la  Raison 
pure  et  de  la  Raison  pratique;  mais  cette  Critique  est  elle-même  une 
sorte  de  Métaphysique  :  on  en  fait  forcément  et  sans  le  savoir,  comme 
M.  Jourdain,  de  la  prose. 

13.  —  DIVISION  ET  PLAN  DE  LA  MÉTAPHYSIQUE 

La  Métaphysique  ou  Science  des  Premiers  principes  se  subdi- 
vise en  deux  groupes  : 

A)  Métaphysique  générale  ou  Ontologie,  qui  traite  de  Vêtre  en  général, 
des  premiers  principes,  d'une  façon  abstraite. 


(13)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    MÉTAPHYSIQUE  457 

B)  Métaphysique  spéciale,  qui  traite  des  êtres  et  principes  réels   : 

lo  Le  Monde  (xoVjxo;),  sujet  des  phénomènes  matériels,  dans  la 
Cosmologie  rationnelle. 

2°  L'Ame  (•^u/r,),  principe  des  phénomènes  psychologiques,  dans 
la  Psychologie  rationnelle. 

30  Dieu  (0£oç),  Principe  des  principes  et  Cause  des  causes,  dans 
la  Théologie  rationnelle  ou  Théodicée. 


Bibliographie. 

Platon,  Le  Sophiste,  la  République,  L.  VI. 

Aristote,  Métaphysique.  Cf.  les  Commentaires  de  S.  Thomas. 

SuAREZ,  Disputationes  Metaphysicce. 

Kant,  Critique  de  la  raison  pure.  Prolégomènes  à  toute  Métaphysique 
future. 

L.  LiARD,  La  Science  positive  et  la  Métaphysique. 

P.  Janet,  Principes  de  Métaphysique  et  de  Psychologie. 

H.  Bergson,  Essai  sur  les  données  immédiates  de  la  conscience. 

L.  Dauriag,  Croyance  et  Réalité. 

H.  Spencer,  Les  Premiers  Principes. 

J.  Balmès,  Philosopliie  fondamentale. 

El.  Caro,  Littré  et  le  Positivisme. 

Ch.  Delmas,  Ontologia. 

J.  Mendive,  Ontologia. 

S.  ScHiFFiNi,  I nstituliones  philosophicœ,  T.  I. 

Th. -M.  Zigliara,  Summa  philosophica,  T.  L 

D.  Palmieri,  Institutiones  philosophicce,  T.  L 

Alb.  Farges  et  D.  Barbedette,  Cours  de  Philosophie  scolastique, 
T.  I. 

El.  Blanc,  Traité  de  Philosophie  scolastique,  T.  L 

J.  Kleutgen,  La  Philosophie  scolastique,  Diss.  VL 

M.  d'Hulst,  Mélanges  philosophiques. 

D.  Mercier,  Cours  de  philosophie,  T.  IL 

Ém.  Saisset,  Le  Scepticisme. 

Robert,  De  la  Certitude  et  des  Formes  récentes  du  Scepticisme. 

P.  Vallet,  Kant  et  le  Positivisme. 

P.  DE  Broglie,  Le  Positivisme  et  la  Science  expérimentale. 

L.  Ollé-Laprune,  La  Philosophie  et  le  Temps  présent. 

Renouvier,  Les  Dilemmes  de  la  Métaphysique  pure.  Histoire  et 
Solution  des  Problèmes  métaphysiques. 

A.  Leclère,  Essai  critique  sur  le  droit  d'affirmer. 


458  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE  :    MÉTAPHYSIQUE  (13) 

Congrès  international  de  Philosophie  tenu  à  Paris  en  août  1900, 
T.  I.  Philosophie  générale  et  Métaphysique. 

Ém.  Thouverez,  Le  Réalisme  métaphysique. 

E.  Naville,  La  Physique  moderne.  Philosophies  négatives. 

A.  Fouillée.  U Avenir  de  la  Métaphysique  fondée  sur  V expérience. 
Le  Mouvement  idéaliste  et  la  Réaction  contre  la  Science  positive. 

A.  François,  Les  Grands  Problèmes. 

T.  Pesch,  Kant  et  la  Science  moderne.  Le  Kantisme  et  ses  erreurs. 
Th.  de  Régnon,  Métaphysique  des  Causes. 

DoMET  de  Vorges,  De  la  Constitution  de  Vétre.  Abrégé  de  Méta- 
physique. 

H.   LoTZE,   Métaphysique. 

D.  CocHiN,  Le  Monde  extérieur. 

G.  Lyon,  U Idéalisme  en  Angleterre. 

J.-J.  Urraburu,  Institutiones  philosophiccc,  T.  II. 

Ém.  Boutroux,  Questions  de  Métaphysique  et  de  Morale. 

P.  DE  Mandato,  Institutiones  philosophicce,  p.  171  et  sqq. 

H.  TiviER,  Au  pays  des  systèmes. 

B.  Conta,  Les  Fondements  de  la  Métaphysique. 

EuG.  de  Roberty,  u  Inconnaissable,  sa  Métaphysique,  sa  Psycho- 
logie. U  Agnosticisme.  Le  Bien  et  le  Mal.  La  Recherche  de  V  Unité. 

G.  MiLHAUD,  Le  rationnel.  Essai  sur  les  conditions  et  les  limites  de 
la  certitude  logique. 

A.  Spir,  Pensée  et  Réalité. 

C.  Blondeau,  L'Absolu  et  sa  Loi  constitutive. 
H.  Blond  EL,  Les  Approximations  de  la  Vérité. 
DouHÈRET,    Idéologie. 

E.  Baudin,  IJAcle  et  la  Puissance  dans  Aristote. 
J.-A.  Chollet,  De  la  Notion  d'Ordre. 

H.  Goujon,  Kant  et  Kantistes. 
P.  DupuY,  Méthodes  et  Concepts. 

S.  Laurie,   Metaphysica  nova  et  vetusta  (Trad.   Remacle). 
L.  Dauriac,  Essai  sur  la  Catégorie  de  VÊtre,  dans  I'Année  philo- 
sophique, 1901. 

G.  Rodrigues,  L'Idée  de  Relation. 

H.  Dagneaux,  Leçons  de  Métaphysique. 

P.  Martinetti,  Introduzione  alla  Metafisica. 

P  .  Vallet,  Fondements  de  la  Connaissance  et  de  la  Croyance. 

C.  Guastella,   Filosofia  délia  Metafisica. 

G.  iTVBHiA^Compendium  Metaphysicse  eximii  Doctoris  P.  Fr.  Suarez. 

Shadworth  h.  Hogson,  La  Métaphysique  de  V expérience. 

L.  Brunschvicg,  L'Idéalisme  contemporain. 

J.-P.  de  Crousaz,  Examen  du  Pyrrhonisme  ancien  et  moderne. 


(13)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    MÉTAPII YSIQT  E  459 

Th.  Harper,   TJie  Meiaphysics  oj  the  School. 

C.  Frick,  Ontologia. 

J.  RicKABY,  General  Metaphysics. 

J.-E.  Alaux,  De  la  Métaphysique  considérée  comme  Science.  Esquisse 
d'une  Philosophie  de  Véire. 

Alb.  Farges,  Acte  et  Puissance. 

Et.  Vacherot,  Théorie  des  premiers  principes  selon  Aristote.  Essais 
de  Philosophie  critique.  La  Métaphysique  et  la  Science. 

L.  Weber,  Vers  le  positivisme  absolu  par  V idéalisme. 

L.  Ollé-Laprune,  La  Raison  et  le  Rationalisme. 

G.  Sentroul,  L'objet  de  la  Métaphysique  selon  Kant  et  selon  Aristote. 

J.  Straub,  De  Objectivitate  Cognitionis  humanse. 

L."  Baille,  La  Métaphysique  vit-elle  encore  ?  dans  les  Études, 
T.  XCII,  1902,  p.  755  sqq. 

Cii.  DuNAN,  La  Légitimité  de  la  Métaphysique,  dans  la  Revue  de 
Métaphysique  et  de  Morale,  Sept.  1906,  p.  651-690. 

G.  Truc,  L'avenir  de  la  raison,  Paris,  s.  d.  (1923).  —  Cf.  Le  retour  à  la 
Scolastique,  1919. 

(i.  Picard,  U intelligible  iitfraspécifique  d'après  saint  Thomas  et 
Suarez.  Note  critique  sur  la  connaissance  du  singulier,  dans  Archives  de 
Philosophie,  Paris,  1923,  p.  6,'>-80. 

J.  Maréchal,  Le  point  de  départ  de  la  Métaphysique,  Bruges-Paris, 
1923. 


LIVRE  PREMIER 

MÉTAPHYSIQUE  GÉNÉRALE 
OU  ONTOLOGIE 


14.  —  DEFINITION  ET  DIVISION 

A)  Définition.  —  V Ontologie  (de  wv,  ovro;,  étant  ;  Xdyo;, 
discours)  est  la  science  qui  a  pour  objet  l'être  commun  à  toute  chose 
et  ses  propriétés  essentielles.  Elle  considère  l'être  réel,  mais  d'une 
façon  abstraite.  Comme  les  notions  dont  s'occupe  l'Ontologie  sont 
des  notions  suprêmes,  on  l'appelle  Métaphysique  Générale. 

B)  Division.  —  Nous  étudierons  successivement  : 

1^  h'Être  en  général.  —  2°  Les  Propriétés  communes  ou  transcen- 
dantales  de  VÊtre.  —  3°  Les  grandes  Divisions  de  VÊtre  ou  Catégories. 
—  40    Les  Causes  des  êtres.  De  là  quatre  Chapitres. 

La  plupart  de  ces  notions  ont  déjà  été  exposées  çà  et  là,  au  cours 
du  Traité,  quand  le  besoin  s'en  est  fait  sentir.  Notre  but,  ici,  est  d'en 
présenter  la  synthèse  et  d'examiner  les  points  que  nous  n'avons  pas 
eu  l'occasion  d'aborder. 


CHAPITRE    PREMIER 
L'ETRE  EN  GÉNÉRAL 

15.  —  L'ÊTRE  ET  LE  NON-ÊTRE 

A)  Idée  d'être.  —  La  définition  d'une  chose  s'obtient  en  décom- 
posant cette  chose  en  ses  éléments  constitutifs.  Or  la  compréhension 
de  l'idée  d'être  étant  absolument  simple,  puisqu'elle  se  réduit  à  une 
note  unique,  l'idée  d'être  est  indéfinissable.  Cette  idée  étant  la  [)lus 
simple  est  par  là  même  lu  plus  générale,   puisque  compréhension  et 


^16)  ANALOGIE    DE    l'ÊTRE  461 

-extension  sont  en  raison  inverse  (Psych.,  137).  Elle  s'applique  à  tout: 
à  l'Être  infini  et  à  l'être  fini,  à  la  substance,  à  l'accident,  à  l'essence. 

B)  Idée  de  non- être.  —  Le  non-être  ou  néant  est  le  contraire  de 
l'être.  Le  néant  absolu  est  une  absence  totale  d'être  ;  le  néant  relatif, 
une  absence  partielle.  Le  néant  relatif  est  appelé  privatif,  quand  il  indique, 
dans  un  être,  l'absence  d'une  chose  qui  devrait  naturellement  se  trouver 
en  lui  ;  vg.  l'idée  de  cécité  implique  non  seulement  l'absence,  mais  la 
privation  de  la  vue  dans  un  sujet  auquel  elle  convient  :  l'homme,  l'animal. 
Le  néant  relatif  est  appelé  négatif,  quand  il  indique  la  simple  absence 
Ki'une  chose  ;  vg.  la  pierre  ne  voit  pas. 

C)  Etre  de  raison.  —  On  entend  par  là  ce  qui  est  conçu  par  la 
raison  sans  avoir  en  lui-même  aucune  entité  :  c'est  un  être  «  qui  n'est 
que  dans  la  pensée  »  (^),  vg.  montagne  sans  vallée,  centaure. 

D)  Modifications  diverses  de  l'être.  —  L'être  n'est  pas  un 
genre  proprement  dit  ;  il  est  au-dessus  de  tous  les  genres.  Car,  pour 
former  des  espèces,  il  faut  pouvoir  ajouter  au  genre  des  différences 
spécifiques  qui  soient  en  dehors  de  son  essence.  Or  toutes  les  différences 
possibles  rentrent  dans  la  notion  d'être,  puisque,  en  dehors  de  l'être, 
il  n'y  a  que  le  non-être,  le  néant.  Mais  si  l'être  ne  saurait  constituer 
un  genre,  il  peut  être  diversement  modifié  :  différentes  manières  d'être 
peuvent  exister.  Nous  étudierons  les  principales  modifications  dont 
la  notion  d'être  est  susceptible. 

16.  —  ANALOGIE  DE  L'ÊTRE 

A)  Notions  préliminaires.  —  Un  terme  (il  faut  en  dire  autant 
•d'un  concept)  univoque  est  celui  qui,  appliqué  à  plusieurs,  exprime  chez 
tous  un  objet  formel  tout  à  fait  identique  :  vg.  le  mot  homme  appliqué 
à  Pierre,  à  Paul,  etc.,  est  univoque,  parce  qu'il  signifie  chez  tous  la 
même  nature  humaine. 

Un  terme  équivoque  est  celui  qui,  appliqué  à  plusieurs,  exprime  en 
chacun  un  objet  formel  tout  à  fait  différent  ;  vg.  le  mot  taureau  désigne 
à  la  fois  un  animal  et  une  constellation  ;  gallus  en  latin,  signifie  coq  et 
français.  Ce  sont  des  mots  équivoques  par  hasard  {œquivoca  casu). 

Un  terme  analogue  est  celui  qui,  appliqué  à  plusieurs,  exprime  un 
objet  formel  qui  n'est  pas  tout  à  fait  différent,  c'est-à-dire  qui  est  en 
partie  le  même,  en  partie  divers.  Les  Scolastiques  appellent  aussi  les 
termes  analogues  équivoques  à  dessein  (œquivoca  consilio). 

Il  y  a  analogie  d'attribution  quand  l'objet  formel  exprimé  par  le  mot 
convient  à  l'un  des  analogues  principalement  et  absolument,  aux  autres 


(  ')  BossuET,  Logique,  L.  I,  Ch.  xiii.  —  Suarez,  Disputationes  Mi-lnphy^icop,  Disp.  MV, 
Sect.  I. 


462  ANALOGIE    DE    l'ÈTRE  (16) 

imparfaitement  et  par  suite  de  leur  relation  avec  le  premier  qu'on 
appelle  analogum  princeps. 

Cette  attribution  est  extrinsèque  ou  intrinsèque.  Elle  est  : 

l»  Extrinsèque  :  quand  le  concept  analogue  n'est  réalisé  proprement 
que  dans  un  seul  des  objets  qu'il  désigne  et  ne  convient  aux  autres 
qu'improprement  à  cause  de  leur  rapport  avec  le  premier  :  vg.  sain  se 
dit  proprement  de  Vanimal,  et  improprement  de  la  nourriture,  de  l'aiV, 
d'une  médecine,  qui  peuvent  entretenir  la  santé  de  l'animal  ou  la  lui 
rendre. 

2°  Intrinsèque  :  quand  le  concept  analogue  est  réalisé  dans  tous 
les  objets  qu'il  désigne,  mais  parfaitement  dans  l'un  et  imparfaitement, 
par  participation,  dans  les  autres.  C'est,  disons-nous,  le  cas  du  concept 
d'être  appliqué  à  Dieu  et  aux  créatures,  à  la  substance  et  aux  accidents. 

B)  Démonstration  d'une  Analogie  par  attribution  intrinsèque  : 
Dieu  est  l'Être  a  se,  c'est-à-dire  indépendant  de  toute  cause  ; 
la  créature  est  l'être  ab  alio,  c'est-à-dire  dépendant  d'une  cause.  La 
substance  est  l'être  qui  est  per  se,  c'est-à-dire  indépendant  d'un  sujet 
d'inhérence  ;  l'accident  est  l'être  qui  est  in  alio,  c'est-à-dire  dépendant 
d'un  sujet  d'inhérence.  (Psych.,  182,   §  A,  I). 

Ces  qualificatifs  a  se,  ab  alio,  per  se,  in  alio,  indiquent  les  manières 
dont  la  notion  commune  d'être  s'applique  à  Dieu  et  à  la  créature,  à  la 
substance  et  à  l'accident.  Or  il  est  manifeste  que  ces  manières  ne  sont 
ni  univoques,  car  a  se  et  ab  alio,  per  se  et  in  alio  impliquent  des  concepts 
divers  ;  ni  purement  équivoques,  car  Dieu  et  la  créature,  la  substance 
et  l'accident  conviennent  entre  eux  dans  le  concept  de  l'être  considéré 
d'une  façon  indéterminée  :  ils  ont  tous  une  essence  {aliquid  quod  est), 
et  cette  ressemblance  quant  à  l'être  est  le  fondement  que  le  concept 
universel  d'être  a  dans  la  réalité.  Le  terme  et  le  concept  d'être  sont 
donc  analogues.  C'est  une  analogie  d'atlributioti  par  dénomination 
intrinsèque. 

II  y  a  analogie  d'' attribution,  quand  le  concept  signifié  par  le  mot, 
convient  à  l'un  des  objets  principalement  et  absolument,  aux  autres 
par  relation  à  Vanalogum  princeps.  Or  la  notion  d'être  convient  à  Dieu 
principalement  et  absolument,  mais  aux  créatures  dépendamment  de 
Dieu  ;  elle  convient  à  la  substance  principalement  et  absolument,  mais 
à  l'accident  dépendamment  de  la  substance.  Dieu  est  Vanalogum  princeps 
par  rapport  à  tout  ;  la  substance,  par  rapport  à  l'accident. 

11  y  a  attribution  par  détermination  intrinsèque,  quand  le  concept 
exprimé  convient  intrinsèquement  à  tous  les  analogues,  quoique  d'une 
façon  différente.  Or  le  concept  d'être  se  réalise,  quoique  diversement, 
en  Dieu  et  dans  les  créatures,  dans  la  substance  et  dans  les  acci- 
dents :  esse  a  se  diffère  de  esse  ab  alio  ;  esse  per  se  diffère  de  esse  in 
alio. 


(17)  POSSIBLE    ET    IMPOSSIBLE  463 

17.  —  POSSIBLE  ET  IMPOSSIBLE 

A)  Définition  :  le  possible  est  ce  qui  ne  répugne  pas  à  l'existence. 
^impossible  est  ce  qui  répugne  à  l'existence. 

B)  Division  :  I.  —  Le  possible  et  l'impossible  peuvent  être  consi- 
dérés soit  intrinsèquement  ou  absolument,  c'est-à-dire  dans  la  chose 
elle-même,  soit  extrinsèquement  ou  relativement,  c'est-à-dire  par  rapport 
à  leur  cause  : 

1°  Intrinsèquement  :  une  chose,  envisagée  en  soi,  est  absolument 
possible  ou  impossible,  selon  que  les  notions  de  ses  éléments  constitutifs 
se  concilient  ou  s'excluent.  Ex.  :  un  triangle  est  possible  ;  un  cercle 
carré  ne  l'est  pas.  Tout  ce  qui  est  contradictoire  est  impossible. 

2»  Extrinsèquement  :  une  chose  est  relativement  possible  ou  impos- 
sible, selon  qu'on  la  rapporte  à  une  cause  capable  ou  incapable  de  la 
produire.  Ex.  :  la  vision  est  possible  pour  l'œil,  impossible  pour  l'oreille. 

Une  chose  intrinsèquement  impossible  l'est  aussi  extrinsèquement, 
même  à  Dieu,  parce  qu'elle  implique  contradiction  et  absurdité.  Ex.  :  il 
est  impossible  qu'une  figure  soit  à  la  fois  ronde  et  carrée,  parce  que 
ces  deux  éléments  sont  la  négation  l'un  de  l'autre.  —  Mais  une  chose, 
possible  en  soi,  est  extrinsèquement  possible  ou  impossible  selon  qu'on 
la  considère  par  rapport  à  telle  cause  capable  de  la  produire  ou  à  telle 
autre  impuissante  à  la  réaliser.  Ex.  :  la  guérison  subite  d'une  maladie 
mortelle  est  possible  à  Dieu,  impossible  à  l'homme. 

II.  —  On  peut  distinguer  encore  ce  qui  est  possible  : 

a)  Absolument  :  ce  dont  l'existence  n'emporte  pas  de  contradiction. 
Ex.  :  la  création  d'un  monde  nouveau  est  absolument  possible. 

b)  Naturellement  :  ce  qui  ne  dépasse  pas  les  forces  de  la  nature. 
Ex.  :  des  remèdes  peuvent  guérir  une  maladie  grave. 

c)  Moralen.  "t  :  ce  qui  est  proportionné  aux  forces  d'un  être  intel- 
ligent et  libre.  hH.  :  l'homme  peut,  par  les  seules  lumières  de  la  raison, 
arriver  à  la  connaissance  de   Dieu. 

III.  —  A  cette  Jriple  possibilité  s'oppose  une  triple  impossibilité  : 
a)  absolue,  b)  naturelle,  c)  morale.  Un  mouvement  sans  vitesse  est  abso- 
lument impossible.  La  résurrection  d'un  mort  est  naturellement  impos- 
sible ;  mais  ce  qui  est  impossible  à  une  cause  naturelle,  est  possible  à  une 
cause  surnaturelle  :  Dieu  peut  ressusciter  les  morts.  II  est  moralement 
impossil)le  que  toutes  les  mères  haïssent  leurs  enfants,  bien  qu'il  y  ait 
quelques  marâtres  (LoGiquE,  118,   §  II,  C,   II). 

C)  Fondement  des  possibles  :  cause  première  et  cause  souveraine. 
Dieu  renferme  dans  son  infinie  simplicité  toutes  les  perfections  que  l'on 
peut  concevoir.  Les  essences  ne  sont  possibles  que  parce  qu'elles  imitent 
à  quelque  degré  l'essence  divine,  et  leur  perfection  se  mesure  au  degré 


464  ACTE    ET    PUISSANCE  (18) 

de  cette  imitation.  Leur  existence  dépend  de  la  volonté  libre  de  )a 
puissance  créatrice.  Les  possibles  ont  donc  pour  fondement  l'Essence 
divine  en  tant  qu'elle  contient  éminemment  toutes  les  perfections 
concevables. 

Contemplant  cette  essence  infiniment  parfaite,  l'intellect  divin  voit 
toutes  les  manières  dont  elle  est  indéfiniment  imitable.  Ces  divers  degrés 
d'imitabilité,  auxquels  correspondent  autant  de  degrés  d'être,  forment 
l'ensemble  des  possibles.  L'intellect  divin,  contemplant  l'essence  divine, 
ne  constitue  donc  pas  la  possibilité  interne  des  choses,  mais  la  découvre 
et  la  saisit  (i)  (81,  II,  B). 

18.  —  ACTE  ET  PUISSANCE  (2) 

A)  Définition.  —  Chez  les  êtres  créés,  on  entend  par  : 

a)  Acte,  ce  qui  les  perfectionne.  —  b)  Puissance,  le  principe  dont 
l'acte  est  la  perfection.  Ex.  :  un  bloc  informe  de  pierre  peut  devenir 
une  statue  ;  c'est  donc  une  statue  en  puissance  ;  quand  un  sculpteur 
lui  a  donné  une  forme  humaine,  c'est  une  statue  véritable,  une  statue 
en  acte. 

B)  Division.  —  !«  La  puissance  est  dite  :  a)  logique,  si  elle  indique 
simplement  quelque  chose  de  possible  (17,  A),  mais  n'existant  que  dans 
notre  esprit  ;  —  b)  réelle,  si  on  la  considère,  en  dehors  de  notre  esprit, 
dans  un  être  qui  la  possède.  Ex.  :  un  bloc  de  marbre  est  transformé  en 
statue  dans  l'imagination  de  l'artiste  en  vertu  d'une  puissance  logique  ; 
ce  bloc  devient  statue,  sous  l'action  du  sculpteur,  en  vertu  d'une  puis- 
sance réelle. 

2°  La  puissance  réelle  est  ':  a)  actiçe  :  c'est  la  faculté  de  produire 
quelque  chose  ;  vg.  l'homme  a  la  faculté  de  connaître  ;  —  b)  passive  : 
c^est  la  faculté  de  recevoir  ou  subir  (en  latin  pati)  une  modification  ; 
vg.  un  bloc  de  marbre  peut  devenir  une  statue,  un  tfi;  nbeau,  un  autel. 
—  Autre  exemple  :  le  feu,  en  chaufTant  de  l'eau  {(\\x\  est  en  puissance 
passive  par  rapport  à  la  chaleur),  passe  de  la  puissance  active  (c'est-à-dire 
du  pouvoir  qu'il  a  de  chauffer)  à  Vacle  de  cette  puissance  active  qui  est 
V action  de  chauffer. 


(  ')  Ipse  IDeus]  cssenLiaiii  suam  perfecte  cognoscit  ;  unde  cognoscit  eamsecunduinonineni 
inodum  quo  cognoscibilis  est.  Potest  antem  cognosci  non  soluin  secunduni  quod  in  se  est, 
sed  secundum  quod  est  participabilis  . secunduni  aliquein  iiioduin  siniilitudinis  a  creaturis. 
IJnaquaeque  a>item  creatura  habet  pro[)riain  specieni  secundum  (juod  aliquo  modo  participât 
divinyc  essentiae  similitudineni.  Sic  igitur  in  ((uanlum  Deus  cognoscit  essentiain  ut  sic 
iniitabilem  a  tali  creatura,  cognoscit  eam  ut  propriam  rationem  et  ideam  hujus  creaturae. 
(S.  Thomas,  Summu  Iheologico,  I"  P.,  Q.  XV,  Art.  I,  §  Vnde  plures  ideœ.) 

(  ')  Cf.  S.  ScjiiiFiNi,  Principitt  philosophica  admenicm  Aquinatis,  Metaphysica  Generalis^ 
Disp.  IV. 


(19)  ESSENCE    ET    EXISTENCE  465 

C)  Conséquences.  —  1°  De  la  définition  de  l'acte  et  de  la  puissance, 
il  ressort  que  l'acte  est  un  perfectionnement  de  la  chose,  puisqu'il  fait 
que  la  chose  reçoit  l'opération  et  l'acte  pour  lesquels  elle  est  en  puissance. 
Par  conséquent,  un  être  est  d'autant  plus  parfait  qu'il  est  plus  en  acte  ; 
dès  lors  un  être  qui  serait  toujours  en  acte,  c'est-à-dire  n'ayant  besoin 
d'aucun  perfectionnement,  serait  un  acte  pur,  sans  aucun  mélange  de 
passivité,  serait  donc  la  perfection  souveraine  et  absolue.  Cet  acte  pur 
ne  se  rencontre  qu'en  Dieu,  il  est  Dieu  même.  Dans  toute  créature, 
au  contraire,  il  y  a  mélange  de  puissance  et  d'acte,  il  y  a  passage  de 
la  puissance  à  l'acte.  Dieu  seul  est  ;  tout  être  contingent  change,  devient, 
se  fait.  La  puissance  est  conçue  comme  limitant  l'acte  (20,  p.  469). 

2"  Aucune  puissance,  comme  telle,  n'est  capable  de  s'actuer  elle- 
même  ;  pour  passer  de  la  puissance  à  l'acte  il  lui  faut  l'aide  d'un  être 
déjà  actué  :  «  Rien  ne  peut  être  réduit  de  la  puissance  à  l'acte,  si  ce  n'est 
par  quelque  chose  qui  est  en  acte.  » 

3°  L'acte  précède  la  puissance.  Gela  est  vrai  :  a)  soit  que  l'on  consi- 
dère l'ensemble  des  choses  contingentes,  car  cet  ensemble,  n'ayant  pas 
en  soi  sa  raison  d'être,  n'a  pu  venir  à  l'acte,  à  l'existence  que  par  l'inter- 
vention d'un  être  qui  fût  lui-même  en  acte,  qui  fût  un  acte  pur,  qui 
fût  Dieu  ;  —  b)  soit  que  l'on  considère  un  être  contingent  en  particulier, 
car  Vactuation  d'un  être  en  puissance  est  un  effet  qui  exige  toujours 
une  cause  en  acte  pour  le  produire. 

4°  L'activité  est  dans  l'agent,  mais  le  résultat  de  cette  activité, 
Vaction,  la  chose  faite,  n'est  pas  dans  l'agent  comme  tel,  mais  dans  le 
patient.  Ex.  :  le  maître  et  le  disciple.  Le  disciple  est  en  puissance  passive, 
par  rapport  à  la  science  à  acquérir.  Le  résultat  de  l'enseignement  du 
maître  sera  de  faire  passer  le  disciple  de  la  puissance  passive  à  l'acte, 
de  la  possibilité  de  savoir  à  la  science. 


19.  —  ESSENCE  ET  EXISTENCE 


A)  Définition.  —  U'essence  est  ce  par  quoi  une  chose  est  ce  qu'elle 
est,  et,  conséquemment,  ce  qui  la  différencie  de  tout  ce  qui  n'est  pas  elle. 
Elle  répond  à  cette  question  :  Qu'est  cette  chose  ?  Les  êtres  contingents, 
qu'ils  soient  substantiels  ou  accidentels,  forment  des  groupes  qui  se 
distinguent  les  uns  des  autres  par  des  caractères  intimes  possédés  en 
commun,  qui  sont  génériques  et  spécifiques  (Loc,  11,  §  A,  II).  Ces  pro- 
priétés génériques  et  spécifiques  constituent  Vessence  ou  nature  des 
êtres  contingents.  Ainsi  l'essence  de  l'homme,  qui  est  un  animal  doué 
de  raison,  se  distingue  de  l'essence  de  la  bête,  qui  est  un  animal  privé 
(le  raison. 


466  ESSENCE    ET    EXISTENCE  (19) 

Les  essences,  étant  plus  ou  moins  générales,  ne  peuvent  être  perçues 
par  les  sens  qui  ne  saisissent  que  le  singulier  ;  elles  ne  peuvent  l'être 
que  par  l'intelligence.  Aussi  les  appelle-t-on  intelligibles. 

'U existence  est  l'actualité  de  l'essence,  c'est-à-dire  ce  en  vertu  de  quoi 
une  chose  existe. 

B)  Comparaison.  —  L'essence  dans  les  êtres  contingents  est  indéter- 
minée par  rapport  à  l'existence  ;  elle  peut  la  recevoir  ou  ne  pas  la 
recevoir.  L'existence  lève  cette  indétermination  en  réduisant  en  acte 
la  capacité  de  l'essence  à  passer  de  l'état  possible  à  l'état  actuel.  Il  y  a 
donc,  dans  l'ordre  logique,  entre  l'essence  et  l'existence  la  corrélation  qu'il 
y  a  entre  la  puissance  et  l'acte  (20,  p.  469,  2»). 

En  Dieu  seul  l'existence  et  l'essence  ne  se  distinguent  pas,  parce  que 
Dieu  est  essentiellement  existant  :  il  est  de  l'essence  de  l'être  parfait 
d'exister  nécessairement.  Dans  les  êtres  créés,  au  contraire,  l'essence 
n'implique  pas  l'existence,  puisqu'étant  contingents  ils  n'ont  pas  tou- 
jours existé  et  qu'ils  auraient  pu  ne  pas  exister.  L'existence  est  chez  eux 
une  addition  accidentelle  à  l'essence.  Pour  exister,  il  a  fallu  que  Dieu 
réduisît  leur  possibilité  en  acte  ;  tandis  que  Dieu,  étant  l'Etre  de  soi, 
l'Être  nécessaire,  ne  peut  pas  avoir  de  cause,  ne  peut  pas  ne  pas  exister  : 
son  essence  et  son  être  sont  identiques. 

Les  créatures  étant  mélangées  de  puissance  et  d'acte,  leurs  opéra- 
tions se  distinguent  de  leur  être.  Dieu  étant  acte  pur,  son  opération 
et  son  être  sont  la  même  chose. 

C)  Caractères  des  essences.  —  Elles  sont  immuables  et  nécessai- 
res : 

10  En  tant  qu'elles  existent  dans  l'Intelligence  divine,  parce  qu'elles 
sont  une  imitation,  un  reflet  de  l'essence  de  Dieu.  Elles  ne  dépendent 
pas  de  sa  volonté  ;  autrement  il  faudrait  dire  que  Dieu  peut  réaliser  le 
contradictoire  et  l'absurde,  faire  par  exemple  que  le  triangle,  qui  est 
essentiellement  composé  de  3  angles,  en  ait  4.  —  Les  choses  ont  été 
créées  par  Dieu  d'après  les  idées  qu'il  en  a  de  toute  éternité  ;  donc 
les  essences  des  choses,  en  tant  que  connues  par  l'intelligence  divine, 
sont  éternelles. 

2°  En  tant  qu'elles  existent  dans  la  nature,  si  l'on  considère  les 
principes  prochains  qui  les  constituent  .  Ex.  :  un  triangle  n'aura  jamais 
plus  de  trois  côtés,  quelle  que  soit  la  longueur  de  ses  côtés,  ou  la  matière 
dont  ils  sont  faits. 

D)  Propriétés  de  l'essence  des  choses.  —  1°  Les  unes,  constitutives 
de  l'essence,  sont  invariables,  comme  elle  ;  vg.  dans  l'âme  humaine, 
l'unité,  la  simplicité,  la  spiritualité,  l'immortalité. 

2°  Les  autres,  relatives  aux  opérations,  sont  variables;  vg.  sensibilité, 
intelligence,  volonté  ;  ces  différentes  formes  de  l'activité  de  l'àme  sont 
sujettes  aux  variations. 


(20)  DISTINCTION     ENTRE    l'eSSENCE    ET    l'eXISTENCE  467 

20.  -  DISTINCTION  ENTRE  L'ESSENCE  ET  L'EXISTENCE 

A)  Position  de  la  question.  —  On  admet  sans  difficulté  qu'entre 
l'essence  seulement  possible  et  son  existence,  c'est-à-dire  son  état  de 
réalisation,  il  y  a  une  distinction  réelle.  Mais  c'est  une  question,  très 
controversée  parmi  les  Scolastiquos,  de  savoir  si,  dans  l'être  fini  et 
contingent,  supposé  existant,  l'essence  et  l'existence  sont  réellement 
distinctes  ;  ou  s'il  n'y  a  entre  l'essence  et  l'existence  qu'une  distinction 
virtuelle  ou  distinction  de  raison  ayant  un  fondement  dans  la  réalité 
{distinctio  rationis  cum  fundamento  in  re).  Il  faut  entendre  par  là  que 
la  chose  elle-même  fournit  à  l'esprit  un  motif  pour  établir  une  distinction 
entre  les  concepts  d'essence  et  d'existence,  lesquels,  en  fait,  ne  consti- 
tuent qu'une  seule  et  même  réalité. 

B)  Solutions.  —  L'École  thomiste  se  prononce  généralement  pour 
la  distinctio?!  réelle.  L'École  franciscaine,  Suarez  et  ses  disciples,  nombre 
d'autres  Scolastiques  (^)  se  contentent  de  la  distinction  virtuelle.  Cette 
seconde  opinion  nous  semble  beaucoup  plus  probable. 

I.  —  Il  faut  rejeter  la  distinction  réelle,  car  : 

1°  Cette  opinion  renferme  une  contradiction.  Il  est  contradictoire^ 
en  eiïet,  de  parler  d'une  essence  réelle  et  d'une  essence  qui  n'existe 
pas  par  elle-même  ;  car,  si  elle  est  réelle,  comme  on  le  concède,  elle  est 
hors  du  néant  par  sa  propre  réalité  ;  or  si  elle  est  hors  du  néant  par  sa 
propre  réalité,  c'est  dire  qu'elle  existe  par  elle-même. 

20  L'existence,  supposée  réellement  distincte  de  l'essence,  est  une 
réalité  ;  elle  a  par  conséquent  une  essence  propre. 

Ceci  posé,  de  deux  choses  l'une  :  ou  bien  l'essence  propre  de  l'exis- 
tence existe  par  une  autre  existence  réellement  distincte,  ou  elle  existe 
par  elle-même. 

Si  elle  existe  par  une  autre  existence,  cette  autre  existence  a  aussi 
son  essence  propre,  et  ainsi  à  l'infini,  ce  qui  répugne,  de  l'aveu  même 
des  adversaires. 

Si  elle  existe  par  elle-même,  il  y  a  donc  au  moins  une  essence  finie 
qui  existe  par  elle-même.  11  faut  en  dire  autant  de  toutes  les  essences 
finies,  car  si  les  arguments,  apportés  pour  prouver  la  nécessité  de  la 
distinction  réelle,  ne  valent  pas  pour  l'essence  de  l'existence  elle-même, 
ils  ne  valent  pas  davantage  pour  les  autres  essences. 

IL  —  La  distinction  réelle  étant  rejetée,  reste  la  distinction  virtuelle 
ou  distinction  de  raison  inadéquate  ayant  un  fondement  dans  la  réalité. 


(')  Cette  question  controversée  a  été  traitée  à  fond  par  le  Père  J.  Piccirelli  dans 
l'ouvrase  :  Disqui/iitio  metaphysica,  theologica,  critica  de  distinctione  aciuatam  inter  essentiam 
existenliamqtie  creati  entis  intercedenle,  ac  prœcipue  de  mente  Angelici  Doctoris  circa  eamdem 
qusestionem,  Naples  et  Paris,  1906.  —  Cf.  D.  Palmieui,  Onlologia,  C.  m. 


468  DISTINCTION    ENTRE    l'eSSENCE    ET    l'eXISTENCE  (20) 

Il  y  a  d'abord  entre  l'essence  réelle  et  l'existence  une  distinction 
de  raison,  parce  que  les  concepts  d'essence  et  d'existence  sont  différents. 
Le  concept  d'essence  signifie  ce  par  quoi  une  chose  est  ce  qu'elle  est, 
appartient  à  telle  espèce.  Le  concept  d'existence  signifie  ce  par  quoi  une 
chose  est  hors  du  néant. 

C'est  ensuite  une  distinction  inadéquate.  La  distinction  est  adéquate 
quand  aucun  des  deux  concepts  ne  renferme  l'autre  :  vg.  animal  et 
végétal.  Elle  est  inadéquate,  quand  l'un  des  concepts  renferme  l'autre  : 
c'est  le  cas  présentement,  car  si  le  concept  d'essence  ne  renferme  pas 
l'existence,  le  concept  d'existence  renferme  l'essence. 

Cette  distinction  a  enfin  un  jondement  dans  la  réalité,  c'est-à-dire  que 
la  réahté  fournit  à  l'esprit  l'occasion  de  distinguer.  Ici,  le  fondement 
consiste  en  ce  que  l'essence  finie  est  contingente,  c'est-à-dire  n'existe 
pas  nécessairement  :  de  là  vient  que  cette  essence  peut  être  conçue 
indépendamment  de  l'existence. 

C)  Remarques  :  I.  —  La  distinction  virtuelle  suffit  pour  diffé- 
rencier Dieu  et  les  créatures,  parce  que,  en  Dieu  seul,  le  concept  de 
l'existence  est  essentiel  :  Il  ne  peut  pas  ne  pas  exister;  c'est  l'Etre 
nécessaire.  Dans  les  créatures,  au  contraire,  le  concept  de  l'existence 
est  accidentel  :  elles  peuvent  exister  ou  n'exister  pas  :  ce  sont  des  êtres 
contingents.  .  . 

Un  thomiste  éminent,  Dominique  Soto,  a  fait  cette  Judicieuse 
remarque  :  «  Admettre  ou  nier  la  distinction  réelle  entre  l'essence  et 
l'existence  n'a  pas  si  grande  importance,  pourvu  qu'on  ne  nie  pas  la 
différence  entre  nous  et  Dieu,  à  savoir,  que  l'existence  est  essentielle 
à  Dieu,  mais  non  aux  créatures.  De  même,  celui  qui  nierait  la  distinction 
réelle  entr§  la  session  et  le  siégeant  ne  nierait  pas  une  chose  importante, 
pourvu  qu'il  n'admît  pas  que  être  assis  est  essentiel  à  l'homme.  Les 
anciens  y  voyaient  une  distinction  et  peut-être  avec  raison  {^).  « 

Les  adversaires  cependant  objectent  : 

10  Si  l'essence  et  l'existence  sont  une  seule  et  même  réalité,  l'être 
de  toute  créature  sera  comme  l'être  de  Dieu  un  esse  irreceptum. 

Réponse  :  l'existence  de  la  créature  n'est  pas  reçue  dans  un  sujet  qui 
la  limite,  à  savoir  l'essence,  je  le  concède.  Elle  n'est  pas  reçue  d'un 
autre,  je  le  nie,  parce  que  les  créatures,  étant  l'œuvre  de  Dieu,  reçoivent 
l'existence  de  Lui.  Leur  esse  n'est  donc  pas  irreceptum. 


(  M  Sed  id  solum  addiderim  quod  non  est  res  tanti  momenti  liane  dislinclionem  [esse  ab 
essentia],  aut  concodere,  aut  negare,  dummodo  non  negetur  dilïerentiani  inler  nos  et  Deum, 
quod  esse  sit  de  essentia  Dci  et  non  sit  de  essentia  crcaturarum  ;  sicut  qui  nega- 
verit  sessionem  distingui  realiter  a  sedente,  nihil  magnum  negabit,  dummodo  non  concédât 
sessioncm  esse  de  essentia  hominis  ;  hanc  enim  anliqui  appellabant  distinctionem  et  forte 
docte.  (D.  SoTO,  In  nialecticam  Aristolelis  Commentarii,  Lib.  Prœdicameniorum,  C.  v. 
De  Hubslantia,  Quaîst.  I,  p.  46  verso,  col.  1,  vers  le  bas,  Salamanque,  1554). 


(20)  DISTINCTION    ENTRE    l'eSSENCE    ET    l'eXISTENCE  469 

2^  L'essence  est  à  l'existence  ce  que  la  puissance  est  à  l'acte.  Or  la 
puissance  se  distingue  réellement  de  l'acte.  Donc  l'essence  se  distingue 
réellement  de  l'existence. 

Réponse  :  dans  l'ordre  réel  l'essence  joue  le  rôle  de  puissance,  je  le 
nie.  Dans  l'ordre  logique,  l'essence  peut  être  considérée  comme  jouant 
le  rôle  de  puissance,  c'est-à-dire  comme  limitant  l'existence,  je  le  concède. 
Mais,  dans  cette  considération,  il  n'y  a  place  que  pour  une  distinction 
de  raison. 

II.  —  C'est  un  point  obscur,  très  discuté,  de  savoir  si  S.  Thomas 
tient  pour  la  distinction  réelle  ou  pour  la  virtuelle.  On  cite,  en  effet, 
des  textes  qui  semblent  favoriser  les  deux  solutions.  Ce  qui  explique 
cette  incertitude  des  commentateurs  dans  l'interprétation  des  textes 
allégués,  c'est  que  ces  textes  ne  sont  pas  explicites  (^),  et  que  la  distinction 
virtuelle  est  appelée  quelquefois  réelle.  Elle  l'est  en  effet,  non  pas  stric- 
tement, mais  au  sens  large,  parce  qu'elle  procède  de  l'esprit  déterminé 
par  la  chose  :  c'est  la  chose  elle-même  qui  lui  fournit  matière  à  distinction. 
Voilà  pourquoi  certains  interprètes  de  S.  Thomas  ont  pu  qualifier  cette 
distinction  de  réelle,  sans  qu'on  ait  le  droit  d'en  conclure  que,  d'après 
eux  et  d'après  S.  Thomas,  l'essence  et  l'existence  d'un  être  actuel  difïè- 
rent  entre  elles  comme  deux  réalités  distinctes. 


(  M  Autrefois  les  Thomistes  s'appuyaient  sur  ce  texte  trt^s  explicite  :  ...A'ofa  quod  in 
ivtaluris  esse  essentix  et  esse  aclualis  exislenliœ  dif'erunl  realiter,  ut  duse  diverses  res  [Opuf:- 
culum  de  Prsedicamenlis,  C.  ii,  circa  nnem).  Si  ce  texte  était  authentique,  il  trancherait  la 
controverse.  Mais  on  reconnaît  aujourd'hui  qu'il  n'est  pas  de  S.  Thomas.. 


CHAPITRE  II 
PROPRIÉTÉS  TRANSCENDANTALES  DE  L'ÊTRE 


V  Unité,  la  Vérité,  la  Botité,  la  Beauté,  telles  sont  les  propriétés 
communes  à  tous  les  êtres,  quelle  que  soit  la  catégorie  à  laquelle  ils 
appartiennent.  Tout  être  est  un,  vrai,  bon,  beau.  Ces  propriétés  sont 
dites  transcendantales,  parce  que,  dépassant  tdus  les  genres,  elles  convien- 
nent à  tous  les  êtres.  Les  propriétés  catégoriques  ne  s'appliquent,  au 
contraire,  qu'à  tel  ou  tel  genre  d'êtres  (cf.  Ch.  III). 

L'unité  se  dit  de  l'être  absolument,  tandis  que  la  vérité,  la  bonté 
et  la  beauté  impliquent  une  relation  aux  facultés  de  l'àme. 

Les  anciens  Scolastiques  ne  mettaient  pas  la  Beauté  au  nombre  des 
transcendantaux.  Pour  dissiper  la  surprise,  que  peut  faire  naître  l'asser- 
tion contraire,  il  suffira  d'établir  une  distinction  :  tous  les  êtres,  «  tous, 
du  grain  de  sable  à  l'homme  et  à  l'ange,  sont  diversement  beaux  en 
rigueur  métaphysique.  Être,  perfection,  beauté,  termes  connexes 
jusqu'à  devenir  inséparables.  Tout  ce  qui  est  est  beau  par  le  fait  même 
et  dans  la  mesure  de  son  être.  Dieu,  l'Être  pur  et  absolu,  est  la  beauté 
sans  mélange.  Toute  créature,  étant  limitée  dans  son  être,  l'est  à  pro- 
portion dans  sa  beauté  ;  mais  elle  ne  perdrait  toute  sa  beauté  qu'en 
cessant  d'être.  Tant  qu'elle  est,  elle  est  belle  par  là  même  et  dans  la 
même  mesure.  C'est  que,  par  là  même  et  dans  la  même  mesure,  elle 
reflète  nécessairement  l'Être  sans  Hmites,  la  beauté  infmie,  l'exemplaire 
universel,  Dieu.  Mais  autre  chose  est  la  rigueur  métaphysique,  autre 
chose  la  pratique,  l'appréciation.  Là  nous  n'appelons  beau  que  l'être 
où  la  beauté  domine  assez  pour  affecter  notre  âme,  où  la  ressemblance 
divine  est  assez  claire  pour  saillir  à  nos  yeux.  C'est  ici  le  domaine  de 
l'expérience  rapportée  à  notre  nature,  et  l'expérience  nous  dit  très 
certainement  que  tout  n'est  pas  beau.  »  (^)  (Sur  le  Beau,  voir  Esthé- 
tique, Ch.  I,  notamment  le  §  4). 


(•)  G.  LoNo.iAYE,  rhéorie  des  Belles- Leltres,  h.  II,  CU.  m.   §  I,  P-  180-181   (2' Édil.). 


(21)  l'unité  471 


21.  —  L'UNITÉ 

Après  avoir  examiné  la  notion  d'unité  nous  étudierons  quelques 
notions  voisines  ou  opposées  :  Division,  iMiiltitude,  Identité,  Distinction. 

A)  Définition.  —  L'être  un  est  celui  qui  est  indivisé  en  soi.  L'unité 
ajoute  à  l'idée  d'être  une  négation  ;  ce  n'est  pas  cependant  une  idée 
purement  négative,  parce  qu'elle  suppose  l'idée  d'être  qui  est  positive, 
et  y  surajoute  Vabsence  de  division,  ce  qui  indique  une  perfection,  donc 
quelque  chose  de  positif. 

Il  ne  faut  pas  confondre  l'unité  avec  V unicité,  car,  outre  la  négation 
de  toute  division,  l'unicité  dit  négation  de  ressemblance  dans  un  genre 
donné.    Ex.  :  le  soleil  est  unique  dans  notre  système  planétaire. 

B)  Division.  —  On  distingue  l'unité  à' indivisibilité  et  l'unité  de 
composition. 

lo  L'unité  d'iNDivisiBiLiTÉ  exclut,  non  seulement  la  division 
actuelle,  mais  la  possibilité  même  de  la  division  ;  vg.  Dieu,  l'âme. 

2°  L'unité  de  composition  exclut,  non  pas  la  possibilité  d'une 
division,  mais  la  division  actuelle.  Elle  est  de  quatre  sortes  : 

a)  Naturelle  :  qui  résulte  de  l'union  de  plusieurs  éléments  destinés 
par  la  nature  à  composer  un  tout  ;  vg.  l'homme  :  le  corps  et  l'àme  sont 
ordonnés  à  constituer  le  composé  humain  ;  —  eau,  composée  d'hydro- 
gène et  d'oxygène. 

b)  Artificielle  :  qui  résulte  de  l'union  de  plusieurs  éléments  agencés 
par  l'art  humain  de  façon  à  former  un  tout  ;  vg.  une  maison,  une  machine, 
un  poème. 

c)  Morale  :  qui  résulte  de  l'union  de  plusieurs  personnes  formant 
une  société  ;  vg.  famille,  cité,  armée.  Le  lien  qui  les  unit  dépend  de  leur 
nature  d'êtres  intelligents  et  libres. 

d)  Physique  :  qui  résulte  de  la  juxtaposition  de  plusieurs  choses  ; 
vg.  un  monceau  de  sable,  une  masse  d'eau.  C'est  un  agrégat  :  de  toutes 
les  formes  d'unité,  c'est  la  plus  imparfaite,  parce  que  le  lien  qui  rapproche 
les  divers  éléments  leur  est  extrinsèque. 

C)  L'être  et  l'un  sont  convertibles.  —  Tout  être  est  un,  c'est- 
à-dire  n''est  pas  divisé  en  lui-même,  mais  est  divisé  de  tous  les  autres  : 
Indivisum  in  se  et  divisum  a  quolibet  alio.  Il  en  doit  être  ainsi,  car  un 
objet  divisé  en  lui-même  ne  serait  pas  un  être,  mais  un  ensemble  d'êtres, 
et,  d'autre  part,  des  objets,  qui  ne  seraient  pas  divisés  les  uns  des  autres, 
ne  constitueraient  pas  plusieurs  êtres,  mais  formeraient  un  seul  être 
composé.  Cette  unité  est,  comme  l'être  lui-même,  transcendantale  et 
analogue  :  aussi  s'applique-t-elle  à  tous  les  êtres,  mais  plus  ou  moins 
parfaitement  (B).  L'unité  n'ajoute  pas  quelque  réalité  à  l'être,  mais 
seulement  une  négation  :  l'absence  de  division.  C'est  pouiquoi  on  peut 


472  DISTINCTION  (22) 

dire  :  Tout  être  est  un,  et  tout  un  est  être.  Ens  et  unum  convertuntur. 

D)  Multitude.  —  La  notion  de  pluralité  ou  de  multitude  implique  : 
10  l'indivision  intrinsèque  des  êtres  compris  dans  la  multitude  ;  2»  la 
division  extrinsèque,  qui  fait  que  chacun  d'eux  est  mis  à  part  des  autres. 
La  multitude  dit  donc  une  pluralité  d'êtres  séparés  ou  du  moins  réel- 
lement distincts  entre  eux,  comme  les  habitants  d'une  ville,  les  cinq 
doigts  de  la  main. 

Le  nombre  est  une  collection  d'unités  qui  ont  entre  elles  quelque 
point  commun.  Ex.  :  cent  arbres.  On  peut"  le  définir  :  Une  multitude 
mesurée  par  l'unité. 

E)  Identité.  —  L'identité,  c'est  la  négation  de  la  diversité.  La 
négation  de  la  diversité  individuelle  ou  numérique,  c'est  V identité  pro- 
prement dite  :  l'homme  passe  par  l'enfance,  la  jeunesse,  l'âge  mûr  et  la 
vieillesse,  sans  cesser  d'être  essentiellement  conforme  à  lui-même, 
—  La  négation  de  la  diversité  spécifique,  c'est  l'identité  de  nature. 
Ex.  :  Pierre  et  Paul  sont  spécifiquement  identiques.  —  La  négation  de 
la  diversité  générique,  c'est  l'identité  de  genre.  Ex.  :  l'homme  et  la  bête 
sont  génériquement  identiques.  —  La  négation  de  la  diversité  qualitative, 
c'est  l'identité  dans  la  qualité,  c'est  la  ressemblance  ou  similitude. 
Ex.  :  tous  les  hommes  de  race  blanche  se  ressemblent  sous  le  rapport 
de  la  couleur.  —  La  négation  de  la  diversité  quantitative,  c'est  l'identité 
dans  la  quantité,  c'est  Yégalité.  Ex.  :  cas  d'égalité  de  deux  triangles. 

22.  —  DISTINCTION 

Par  distinction  on  entend  l'absence  d'unité. 
La  distinction  peut  être  réelle  ou  logique  : 

I.  —  Distinction  réelle  :  c'est  l'absence  d'unité  entre  plusieurs 
choses.  Elle  est  : 

a)  Adéquate  :  quand  deux  choses  ne  sont  réellement  identiques 
dans  aucun  de  leurs  éléments  ;  vg.  deux  êtres  existants,  deux  arbres, 
deux  pierres,  etc.,  sont  adéquatement  distincts,  parce  que  la  réalité  de 
chacun  est  tout  entière  en  dehors  de  la  réalité  de  l'autre. 

b)  Inadéquate  :  quand  deux  choses  ne  sont  que  partiellement  iden- 
tiques. Ex.  :  le  tout  et  ses  parties,  comme  l'homme  et  l'àme,  qui  sont 
inadéquatemenl  distincts. 

II.  —  Distinction  logique  ou  de  Raison  :  c'est  l'absence  d'unité 
entre  plusieurs  concepts  d'une  même  chose.  Quand  deux  choses  sont 
réellement  distinctes,  leur  distinction  est  Vœuvre  de  la  nature  et  par 
ronséquent  existe  indépendamment  de  notre  pensée.  Deux  choses  sont, 
au  contraire,  logiquement  distinctes,  dans  la  mesure  où  leur  distinction 
est  Vœuvre  de  la  raison.  D'après  les  Scolastiques,  la  Distinction  de  raison 
est  double  ; 


(22)  DISTINCTION  473 

A)  Distinclio  rationis  ratiocinantis  ou  Distinctio  sine  jundamento 
in  re  :  elle  existe  quand  la  même  chose  est  exprimée  par  des  concepts 
qui  ne  diffèrent  formellement  d'aucune  manière  {nullo  modo  jormaliler 
diversi),  c'est-à-dire  par  des  concepts  dont  la  définition  est  identique  : 
tels  le  concept  d'homme  et  le  concept  d'animal  raisonnable.  Le  second 
n'est  que  le  développement  du  premier. 

B)  Distinctio  rationis  ratiocinatse  ou  cum  jundamento  in  re,  qu'on 
nomme  aussi  Distinctio  virtualis  :  elle  existe  quand  la  même  chose  est 
exprimée  par  des  concepts  qui  diffèrent  formellement  de  quelque  manière 
{aliquo  modo  formaliter  diçersi),  c'est-à-dire  par  des  concepts  qui  n'ont 
pas  la  même  définition.  C'est  ainsi  qu'on  distingue  dans  l'homme, 
qui  est  un  animal  raisonnable,  les  concepts  ^animalité  et  de  rationalité. 
Ainsi,  encore,  les  attributs  divins  {intelligence,  volonté,  toute-puis- 
sance, etc.),  bien  qu'ils  ne  se  distinguent  pas  réellement  de  Dieu,  mais 
constituent  une  seule  et  même  réalité  infiniment  parfaite,  peuvent 
être  distingués  virtuellement,  parce  que  leurs  concepts  diffèrent  et  mon- 
trent la  même  réalité  sous  des  aspects  divers  (78,  C). 

Les  ScoLASTiQUES  appellent  la  première  distinction  :  rationis  ratio- 
cinantis ;  ils  mettent  le  verbe  à  V actif  et  ajoutent  :  sine  jundamento 
in  re,  pour  signifier  que  le  fondement  de  cette  distinction  est  tout  entier 
dans  les  concepts,  c'est-à-dire  qu'elle  est  Vœuvre  de  la  raison. 

Les  ScoLASTiQUES  appellent  la  seconde  :  rationis  ratiocinatse;  ils 
mettent  le  verbe  au  passif  et  ajoutent  :  cum  fundamento  in  re,  pour 
signifier  que  l'esprit  est  déterminé  par  la  cJwse  même,  par  l'objet  à  faire 
cette  distinction.  Le  fondement  de  cette  distinction  virtuelle  est  la  per- 
fection même  de  l'objet  :  bien  que  cette  perfection  soit  réellement  une 
(vg.  Vanimalité  et  la  rationalité  dans  Vhomme),  elle  équivaut  cependant 
à  plusieurs,  qui,  selon  leur  formalité  propre,  peuvent  exister  séparément 
(vg.  l'animalité  dans  la  bête  et  la  rationalité  dans  Vhomme),  ou  qui, 
tout  en  n'existant  que  dans  un  seul  et  même  sujet  (vg.  V  intelligence  et 
la  volonté  dans  l'âme  humaine),  se  font  cependant  connaître  par  des 
manifestations  diverses  et  répondent  à  des  définitions  différentes.  Cette 
distinction  est  précisément  appelée  virtuelle,  parce  que  c'est  en  vertu 
de  sa  perfection  que  l'objet  est  dit  équivaloir  à  plusieurs  {virtute  dicitur 
œquivalere  pluribiis  distinctis). 

La  distinction  virtuelle  tient  le  milieu  entre  la  distinction  strictement 
réelle  (distinctio  ut  res  a  re)  et  la  distinction  purement  rationnelle 
(distinctio  rationis  ratiocinantis).  En  effet,  procédant  de  Vesprit  déter- 
miné par  la  chose,  elle  tient  des  deux  ;  elle  est  donc  mitoyenne. 

Remarq^ue.  —  Un  indice  certain  de  la  distinction  réelle  entre  les 
choses,  c'est  leur  mutuelle  séparabilité,  c'est-à-dire  une  séparabilité  telle 
que  chacune  puisse  exister  à  part  de  l'autre  :  vg.  la  main  par  rapport 
au  reste  du  corps.  Car  rien  ne  peut  se  séparer  de  soi-même  et  exister  en 


474  PRINCIPE  d'individuation  (23) 

dehors  de  soi.  Si  deux  choses  peuvent  exister  séparément,  c'est  donc 
qu'avant  leur  séparation,  celle-ci  n'était  pas  celle-là,  c'est-à-dire  qu'elles 
étaient  déjà  réellement  distinctes.  —  Autre  indice  sûr  :  il  y  a  distinction 
réelle  entre  deux  choses  dont  les  concepts  objectifs  sont  constitués  par 
des  notes  ou  caractères  qui  répugnent  à  être  ensemble  dans  le  même 
sujet.  Une  seule  et  même  essence  ne  peut  en  effet  être  constituée  par  des 
notes  ou  caractères  qui  s'excluent  :  vg.  étendue,  simplicité.  C'est  ainsi 
que  nous  pouvons  distinguer  l'àme  du  corps  (49). 

23.  —  PRINCIPE  D'INDIVIDUATION 

Les  Scolastiques  entendent  par  principe  d'individuation  la  raison 
intrinsèque  qui  fait  que  chaque  chose  existante  est  singulière  ou  indivi- 
duelle. Quelle  est  cette  raison  ?  Un  grand  nombre,  parmi  les  anciens 
Scolastiques,  établissent  une  distinction  entre  les  êtres  immatériels  et 
les. êtres  matériels.  Dans  les  premiers,  l'essence  et  l'individualité  sont 
une  seule  et  même  chose.  Dans  les  seconds,  l'individualité  diffère  réel- 
lement de  l'essence,  de  sorte  que  l'individualité  a  certains  éléments 
propres  qu'on  ne  trouve  pas  dans  l'essence.  Le  principe  de  leur  indivi- 
duation  c'est  materia  signala^  c'est-à-dire  la  matière  affectée  d'une 
certaine  quantité.  Comme  cette  matière  est,  aux  yeux  de  ces  Scolastiques, 
l'unique  principe  de  multiplication  des  individus  dans  la  même  espèce,  ils 
soutiennent  que  dans  les  esprits  purs,  qui  sont  immatériels,  il  y  a  autant 
d'espèces  que  d'individus   (^). 

Il  faut  admettre,  au  contraire,  que  toute  chose  existante  est  singu- 
lière, non  en  vertu  de  quelque  principe  surajouté,  mais  par  elle-même. 

En  effet  :  1°  Si  ce  qui  rend  singulière  une  nature  existante,  se  dis- 
tinguait réellement  d'elle,  il  s'ensuivrait  que  cette  nature,  considérée 
en  elle-même,  serait  universelle.  Or  l'universel  a  parte  rei  répugne. 
(PsYCH.,  140.)  Donc  une  nature  existante  est  individualisée  par  elle- 
même. 

2o  Ce  principe  d'individuation  surajouté  est  singulier  ou  par  lui- 
même,  ou  par  le  moyen  d'un  autre  principe.  Si  c'est  par  un  autre,  il  faut 
aller  à  l'infini,  ce  qui  répugne.  Si  c'est  par  lui-même,  il  n'est  donc  pas 
nécessaire,  pour  qu'une  nature  existante  soit  singulière,  de  recourir 
à  un  autre  déterminant  qu'elle-même. 

Cette  maxime  :  La  matière  est  principe  d'individuation  peut  cepen- 
dant avoir  une  signification  légitime.  Elle  est  vraie  en  ce  sens  : 

a)  Que,  la  matière  étant  sensible,  c'est  d'elle  que  nous  tirons  les 
caractères  qui  nous  servent  à  discerner  les  individus  entre  eux. 


(')  Cf.  SuAREz,  Dispuiationes  Melaphysicse,  Disp.  V.  —  Cependant  sur  la  fin  de  sa  vie, 
S,  Thomas,  dans  l'Opuscule  /)e  unitate  intdlechu',  qui  est  de  1270,  déclara  que  ceux  qui 
prétendenl  démonlrer  riinpossibililé  pour  Dieu  de  créer  des  esprits  purs  de  la  niénie 
espèce,  argumentent  d'une  façon  tout  à  fait  rudimentaire  ;  Valde  ruditer  argunientantur. 


(24)  LE    VRAI    ET    LE    FAUX  475 

b)  Qu'elle  est  le  principe  naturel  intrinsèque  de  la  multiplication 
des  individus  dans  la  même  espèce,  puisque  c'est  par  voie  de  génération 
que  les  individus  se  reproduisent.  Mais  il  faut  y  ajouter  l'intervention 
créatrice  de  Dieu. 

24.  —  LE  VRAI  ET  LE  FAUX 

L'Ontologie  ne  s'occupe  que  de  la  vérité  et  de  la  fausseté  qu'on 
appelle  mêla  physique,  objective  ou  ontologique. 

A)  Définition  générale  de  la  Vérité  :  la  vérité  est  la  conformité 
de  la  pensée  et  des  choses.  La  vérité  suppose  donc  trois  éléments  :  l''  un 
objet  dont  on  affirme  quelque  chose  ;  2"  une  intelligence  qui  affirme 
quelque  chose  ;  3^  un  rapport  de  conformité  entre  l'affirmation  et  l'objet. 
D'après  la  nature  de  ce  rapport  on  peut  distinguer  trois  sortes  de  vérités. 

B)  Espèces  :  1°  Vérité  logique  ou  subjective  :  c'est  la  conformité 
de  la  pensée  à  son  objet.  Quand  je  dis  :  Il  fait  jour,  je  dis  vrai  si  cette 
affirmation  concorde  avec  la  réalité. 

2"  Vérité  métaphysique,  objective  ou  ontologique  :  c'est  la 
conformité  des  choses  à  la  pensée  qui  les  a  produites.  Un  carré,  une 
maison  ne  seront  un  vrai  carré,  une  vraie  maison  que  s'ils  sont  conformes 
à  la  pensée  du  géomètre  et  de  l'architecte,  aux  lois  géométriques  et 
architecturales. 

3°  Vérité  morale  ou  Véracité  :  c'est  la  conformité  de  la  parole  à  la 
pensée.  (Morale,  67). 

C)  Comparaison   :  cf.   Logique,   LI3. 

D)  L'être  et  le  vrai  sont  convertibles  :  tout  être  est  vrai  méta- 
physiquement,  parce  que  tout  être  répond  parfaitement  à  sa  cause 
exemplaire,  à  l'idée  de  Dieu.  Dieu,  en  effet,  ayant  une  puissance  infinie, 
réalise  adéquatement  sa  pensée,  avec  le  degré  de  perfection  qu'il  a  déter- 
miné. C'est  pourquoi  on  peut,  après  saint  Augustin  et  Bossuet,  définir 
la  vérité  objective  :  «  Ce  qui  est  ».  C'est  le  sens  de  l'axiome  scolastique  : 
Ens  et  verum  convertuntur.  «  L'être  et  le  vrai  sont  convertibles  «  :  Tout 
être  est  vrai.  Tout  vrai  est  être.  (Logique,  113,  III). 

E)  Fausseté  ontologique  :  il  n'y  a  pas,  à  proprement  parler,  de 
faux  objectif,  car  le  faux  c'est  ce  qui  n''est  pas  ;  or  tout  ce  qui  existe 
est  métaphysiquement  vrai  (D).  Cependant  on  attribue  la  fausseté 
aux  choses  non  pas  en  considérant  ce  qu'elles  sont,  mais  ce  qu'elles  ne 
sont  pas.  Ainsi  on  appellera  faux  : 

1°  Ce  qui,  par  sa  ressemblance  avec  une  autre  chose,  est  apte  à  nous 
apparaître  ce  qu'il  n'est  pas  ;  vg.  une  médaille  en  aluminium  peut  sembler 
de  l'argent. 

2°  Ce  qui,  dans  les  œuvres  humaines,  n'est  pas  conforme  à  l'idéal 
physique,  intellectuel  ou  moral  ;  vg.  fausse  éloquence,  fausse  vertu. 

3°  Ce  qui  est  l'objet  d'une  énonciation  erronée. 


476  LE    BIEN    ET    LE    MAL  (25) 

On  voit  que  la  fausseté  est  attribuée  aux  choses  à  cause  de  leur 
relation  à  V intelligence,  soit  parce  que  ces  choses  ont  été  une  occasion 
d'erreur  (l»),  soit  parce  qu'elles  ne  reproduisent  pas  fidèlement  l'idée, 
qui  existe  dans  l'intelligence  et  qui  est  leur  modèle  {2o),  soit  enfin  parce 
que  rintelligence  peut  émettre  des  propositions  fausses  (3°).  Mais,  objec- 
tivement et  en  soi,  toutes  ces  choses,  dites  fausses  à  raison  de  ce  qui 
leur  manque,  sont  vraies,  ont  une  certaine  réalité  ;  ainsi  une  fausse 
médaille  d'argent  est  un  vrai  métal,  est  réellement  de  l'aluminium,  etc. 
C'est  pourquoi  le  faux  n'est  pas  une  négation  pure  et  simple,  un  non- 
être.  S'il  s'agit  de  la  fausseté  ontologique,  il  est  évident  que  ce  qui  est 
appelé  faux  est  une  réalité  à  laquelle  est  jointe  une  négation.  On  dit  que 
cette  médaille  réelle  n'est  pas  de  l'aluminium  ou  que  cette  manière  de 
parler  n'est  pas  de  la  vraie  éloquence,  etc. 

F)  Fausseté   logique.   Fausseté   morale.  Cf.  Logique,  121,  I,  III. 


25.  —  LE  BIEN  ET  LE  MAL 

§  I.  —  L£  BIEN 

A)  Définition.  —  1^  Le  bien,  en  général,  est  ce  qui  convient  à  quel- 
qu'un ou  à  quelque  chose.  La  bonté  implique  l'idée  de  perfection,  de 
quelque  chose  capable  de  perfectionner.  A  cette  idée  de  perfection,  qui 
en  est  la  base,  la  bonté  ajoute  l'idée  de  relation  à  une  autre  chose  qu'elle 
peut   perfectionner. 

La  perfection  est  une  réalité  quelconque  convenant  à  un  être.  II  y  a 
des  degrés  dans  la  perfection.  Un  être  est  relativement  parfait,  quand  il 
possède  tout  ce  qu'il  doit  avoir  sous  un  rapport  déterminé,  par  exemple, 
tout  ce  que  requiert  sa  nature  :  tel  homme  qui  a  tous  ses  organes  et 
facultés  en  bon  état.  Un  être  est  purement  et  simplement  parfait,  quand 
il  possède  tout  ce  qu'exigent  et  sa  nature  et  la  fin  pour  laquelle  il  a  été 
fait.  Les  êtres  libres  naissent  perfectibles  :  ils  n'arrivent  à  la  perfection 
morale  qu'ils  doivent  acquérir  que  le  jour  où  ils  ont  atteint  leur  fin 
dernière  par  un  bon  usage  de  leur  liberté. 

2°  On  peut  définir  encore  le  bien  :  Vétre  en  tant  que  désirable,  «  appé- 
tible  »  (appetibile). 

La  première  définition  est  tirée  de  Vessence  même  de  la  bonté,  tandis 
que  la  seconde  est  prise  d'une  propriété  qui  suit  toujours  le  bien  :  pos- 
sédant une  certaine  perfection  il  est  nécessairement  désirable,  car  tout 
être  désire  naturellement  ce  qui  le  perfectionne. 

B)  Division.  —  On  distingue  le  bien  : 

i^  Vrai  :  celui  qui  convient  réellement  à  quelque  chose  ;  vg.  la  santé 
à  l'homme.  —  Apparent  :  celui  qui  paraît  convenir,  mais  ne  convient 


(25)  LE    BIEN    ET    LE    MAL  477 

pas  en  réalité  ;  vg.  le  pécheur  recherche  les  biens  créés,  le  plaisir,  l'hon- 
neur, etc..  au  lieu  de  rechercher  le  Bien  infini,  Dieu. 

2»  Absolu  ou  Intrinsèque  :  c'est  la  bonté  qui  convient  à  un  être 
et  le  perfectionne  lui-même  ;  vg.  la  vérité  est  le  bien  de  l'intelligence.  — 
Relatif  ou  Extrinsèque  :  c'est  la  bonté  d'un  être  qui  convient  aux 
autres  et  les  perfectionne  ;  vg.  la  médecine  pour  le  malade. 

3°  Physique  ou  Corporel  :  c'est  le  bien  qui  perfectionne  les  corps, 
la  nature  corporelle  ;  vg.  la  chaleur.  —  Moral  ou  Spirituel  :  c'est  un 
bien  qui  perfectionne  l'esprit  et  les  mœurs  ;  vg.  la  science  est  un  bien 
pour  l'intelligence,  et  la  vertu  pour  la  volonté. 

4*^  Honnête  :  celui  qui  convient  à  l'être  raisonnable  en  tant  que 
raisonnable  ;  il  est  synonyme  de  bien  moral  ;  vg.  faire  un  acte  de  vertu, 
comme  donner  de  l'argent  aux  pauvres,  soigner  les  malades. 

50  Délectable  ou  Agréable  :  celui  qui  convient  à  l'être  en  tant 
qu'il  est  doué  de  sensibilité  ;  vg.  le  sentiment  de  plaisir  qui  accompagne 
un  effort  généreux  pour  accomplir  le  devoir. 

6°  Utile  :  celui  qui  ne  convient  pas  par  lui-même,  mais  en  tant  qu'il 
sert  à  atteindre  une  fin  ;  vg.  l'argent  dont  on  use  pour  se  procurer  les 
choses  nécessaires  à  la  vie.  L'honnête  est  désiré  pour  lui-même  et  comme 
une  jin  ;  l'utile  est  désiré  comme  moyen  pour  parvenir  à  une  fin. 

C)  Le  vrai  et  le  bien.  —  Le  vrai  et  le  bien  ont  un  fond  commun, 
l'être  ;  mais  à  ce  fond  commun  chacun  ajoute  ime  relation  différente, 
le  vrai  à  V intelligence,  le  bien  à  la  volonté.  En  effet,  le  vrai  c'est  l'être  en 
tant  que  conforme  au  concept  de  son  essence,  l'être  par  conséquent  en 
tant  qu'il  est  intelligible  et  affirmahle  ;  le  bien  c'est  l'être  en  tant  que 
parfait  et  capable  de  perfectionner  les  autres,  l'être  par  conséquent  en 
tant  que  désirable,  digne  d'être  recherché  [bonum  appetibile). 

D)  L'être  et  le  bien  sont  convertibles.  —  La  bonté  est  une 
propriété  commune  à  toutes  choses.  Tout  être  est  bon,  puisque  tout 
être  possède  la  perfection  qui  lui  convient  et  qu'il  peut  dans  une  certaine 
mesure  perfectionner  les  autres.  De  même  tout  ce  qui  est  bon  est  être, 
puisqu'il  possède  une  certaine  perfection,  et  que  toute  perfection  est 
une  certaine  entité. 

§  II.  -^  LE  MAL 

A)  Définition.  —  Le  mal  s'oppose  au  bien  et  à  la  perfection  : 

1°  C'est  la  privation  d^iine   perfection  qui  convient  à  la  nature  d'un 

être  ;  vg.  la  surdité  est  un  mal  i)our  l'homme  et  non  pour  la  pierre,  car 

la  nature  humaine  exige  la  faculté  d'entendre,  tandis  que  la  pierre  ne 

la  requiert  pas. 

La  notion  de  mal  comprend  deux  choses  :  a)  l'une  négative  :  l'absence 

d'une  perfection  due  à  l'être  qui  en  est  privé  ;  b)  l'autre  positive  :  l'être 


478  LE    BIEN    ET    LE    MAL  (25) 

lui-même  qui  subit  cette  privation.  Le  mal  comme  tel,  en  tant  que 
privation,  ne  peut  exister  dans  la  nature,  car  il  signifie  un  non-être  ; 
mais  il  existe  dans  un  sujet  auquel  fait  défaut  telle  qualité  que  comporte 
sa  nature.  Ainsi  l'erreur  est  un  mal  pour  Tintelligence,  parce  qu'elle  est 
faite  pour  saisir  le  vrai.  En  adhérant  à  l'erreur  l'intelligence  se  prive 
d'une  perfection  que  réclame  sa  nature. 

2^  On  peut  définir  encore  le  mal  :  Ce  qui  prive  les  autres  d'une  per- 
fection qui  leur  est  due  :  vg.  un  assassin  enlève  la  vie  à  quelqu'un  pour 
le  voler,  un  calomniateur  cherche  à  dépouiller  de  sa  réputation,  qui  est 
un  bien  moral,  quelqu'un  dont  il  est  jaloux. 

Si  le  bien  est  désirable,  parce  qu'il  convient  à  la  nature,  le  mal  doit 
être  fui,  parce  qu'il  ne  convient  pas  à  la  nature  :  au  lieu  de  la  perfec- 
tionner comme  le  bien,  il  la  déforme  et  l'amoindrit. 

B)  Division.  —  On  distingue  le  mal  : 

1°  Absolu  ou  Intrinsèque  :  l'être  auquel  manque  une  perfection 
due  ;  vg.  un  homme  aveugle,  malade.  —  Relatif  ou  Extrinsèque  : 
l'être  qui  prive  ou  peut  priver  les  autres  d'une  perfection  due  ;  vg.  le 
loup  est  un  mal  pour  la  brebis. 

2°  Physique  ou  Corporel  :  c'est  la  privation  d'un  bien  physique  ; 
vg.  la  cécité,  la  douleur.  —  Moral  ou  Spirituel  :  c'est  la  privation 
d'un  bien  intellectuel  ou  moral  ;  vg.  :  l'ignorance,  le  vice. 

C)  Remarques  :  1*'  Le  Mal  métaphysique,  dont  parle  Leibniz  (9G), 
n'est  pas,  à  proprement  parler,  un  mal.  Il  entend  par  là  la  limitation 
qui  est  inhérente  à  toutes  les  choses  créées,  par  le  fait  même  qu'elles 
sont  créées,  tirant  de  l'Être  nécessaire  toute  leur  réalité.  Ce  mal  n'est 
pas  une  privation,  c'est-à-dire  l'absence  d'une  perfection  exigée  par  la 
nature  de  tel  être,  mais  la  simple  négation  d'une  perfection  plus  grande 
se  rencontrant  en  d'autres  êtres.  Le  mal  métaphysique  n'est  donc  pas 
un  mal  strict.  Ainsi  ce  n'est  pas  un  mal  que  la  pierre  ne  voie  ni  ne  sente, 
parce  que  sa  nature  d'être  inanimé  n'appelle  pas  ce  genre  de  perfection. 

2»  Le  déshonnête  s'oppose  au  bien  Jionnête  et  se  ramène  au  mal  moral  ; 
vg.  mentir. 


CHAPITRE  III 
DIVISION  DE  L'ETRE   OU   CATÉGORIES 


Les  iranscendantaux  sont  les  propriétés  communes  à  tous  les  êtres  ; 
les  catégories  sont  des  manières  d'être  spéciales,  ne  convenant  qu'à  un 
genre  plus  ou  moins  étendu  d'êtres. -Ainsi  tout  être  n'est  pas  substance, 
accident,  quantité,  etc.,  tandis  que  tout  être  est  un,  vrai,  bon,  beau. 

La  Logique  et  l'Ontologie  traitent  des  mêmes  catégories,  mais  les 
considèrent  d'un  point  de  vue  différent.  La  Logique  (6)  les  envisage 
comme  des  genres  suprêmes,  dans  lesquels  viennent  se  ranger  tous  les 
attributs  qu'on  peut  donner  aux  choses,  tout  ce  que  l'on  peut  en  dire. 
L'Ontologie  les  étudie  comme  des  genres  suprêmes,  dans  lesquels  vien- 
nent se  ranger  toutes  les  réalités  des  choses. 

Les  Péripatéticiens  et  les  Scolastiques  comptent  dix  Catégories 
qui  rentrent  toutes  dans  la  Substance  ou  V Accident.  La  raison  en  est 
que  toute  réalité  ne  peut  être  conçue  et  exister  que  comme  substantielle 
ou  accidentelle.  L'Accident  se  subdivise  en  neuf  Catégories. 

26.  —  LA  SUBSTANCE  ET  L'ACCIDENT 

§  I.  —  LA   SUBSTANCE 

A)  Définition.  —  Le  mot  substance  dérive  de  deux  mots  latins 
[sub-stare)  signifiant  être  sous,  parce  qu'on  se  la  représente  comme  le 
support  des  accidents  qui  la  modifient.  On  la  définit  :  Le  sujet  un  et 
permanent  de  phénomènes  multiples  et  changeants  ;  vg.  du  marbre.  Mais 
cette  définition  ne  convient  qu'aux  substances  créées.  On  la  définit 
encore  :  Ce  qui  existe  en  soi.  Cette  seconde  définition  s'applique  à  Dieu 
et  aux  créatures,  parce  qu'elle  fait  abstraction  de  toute  relation  à  des 
phénomènes  ou  modifications  qui  impliquent  changement  et  par  consé- 
quent imperfection.  Le  mode  ou  accident  en  efïet  a  besoin,  pour  exister, 
d'être  dans  un  autre  qu'il  modifie,  dont  il  devient  une  manière  d'être 

(§11). 

Il  ne  faut  pas  confondre  la  substance  et  Vaccident  avec  Vessence. 
L'essence  indique  les  principes  constitutifs  d'une  chose,  puisqu'on  la 
définit  :  Ce  par  quoi  une  chose  est  ce  qu'elle  est.  La  substance  signifie  la 


480  LA    SUBSTANCE    ET    l'aCCIDENT  (26) 

façon  dont  une  chose  existe.  La  notion  d'essence  est  d'ailleurs  transcen- 
dante comme  l'être,  car  elle  s'applique  à  la  substance  et  à  l'accident 
qui  ont  chacun  leur  essence  propre.  (Psych.,  182). 

Le  mot  nature  est,  au  contraire,  souvent  employé  comme  synonyme 
à''essence.  Cependant,  chez  les  Scolastiques  et  même  chez  Descartes, 
la  nature  signifie  un  principe  d'activité.  Ils  considèrent  la  substance 
comme  le  principe  éloigné  par  lequel  l'être  agit,  et  les  facultés  (vg.  intel- 
ligence, volonté),  comme  les  principes  prochains  par  lesquels  l'être  agit. 

Le  mot  personne  signifie  la  substance  individuelle  dune  nature  raison- 
nable et  libre.  Les  trois  éléments  constitutifs  de  la  personne  sont  donc 
l'individualité,  la  conscience  réfléchie  et  la  liberté.  Seuls  les  êtres  raison- 
nables sont  des  personnes.  Les  minéraux,  les  végétaux,  les  animaux 
mêmes  ne  sont  que  des  choses.  Les  Scolastiques  donnent  à  ces  substances, 
tout  entières  en  soi,  mais  privées  de  raison,  le  nom  de  suppôt  (de  suppo- 
situm,  ce  qui    est  placé  dessous).  (Psych.,  200). 

B)  Division.  —  On  distingue  la  substance  : 

1^  Concrète,  Individuelle  ;  vg.  cet  homme.  —  Abstraite,  Géné- 
rale ;  vg.  Vhomme.  La  substance  concrète  ne  peut  s'affirmer  que  d'elle- 
même  ;  la  substance  de  cet  homme,  par  exemple  de  Pierre,  est  incom- 
municable. La  substance  abstraite,  représentant  ce  qu'il  y  a  de  commun 
entre  plusieurs  individus,  peut  s'affirmer  de  chacun  de  ces  individus  : 
l'humanité  convient  à  tous  les  hommes,  Pierre,  Paul,  etc. 

2°  Simple  :  c'est  une  substance  indivisible  ;  vg.  Dieu,  l'âme  iiumainc. 
—  Composée  :  c'est  une  substance  qui  résulte  de  l'association  plus  ou 
moins  intime  de  plusieurs  substances  ;  vg.  l'homme  qui  est  un  composé 
de  corps  et  d'âme  ;  la  plante  qui  est  composée  d'éléments  physico- 
chimiques et  d'un  principe  vital  ou  âme  végétative. 

3°  Incomplète  :  substance  qui  existe  en  soi,  mais  non  par  soi  : 
vg.  le  corps  humain  est  une  substance  incomplète,  parce  qu'il  n'existo 
que  dépendamment  de  l'âme  qui  le  vivifie.  —  Complète  :  substance  qui 
existe  par  soi  et  en  soi  ;  vg.  Dieu,  l'âme  humaine,  laquelle,  bien  que 
destinée  à  faire  partie  du  composé  humain,  peut  exister  indépen- 
damment du  corps,  parce  qu'elle  peut  exercer  sans  lui  ses  opérations 
spirituelles  de  comprendre  et  de  vouloir. 

L'acte,  par  lequel  une  substance  est  complète,  s'appelle  subsistance  : 
c'est  la  perfection  qui  achève  et  parfait  une  nature  en  la  rendant  incom- 
municable et  capable  d'exister  et  d'agir  par  soi. 

§  II.  —  U ACCIDENT 

A)  Définition.  —  IJ accident  se  définit,  par  opposition  à  la  substance: 
Ce  qui  existe  dans  un  autre  ;  vg.  blancheur  de  ce  papier,  idée  de  mon 
intelligence,  résolution  de  ma  volonté.  L'essence  de  l'accident  consiste 
dans  cette  exigence  d'exister  dans  un  sujet  qui  lui  sert  de  support,  de 


(27)  LA    QUANTITÉ  481 

telle  sorte  que,  à  moins  d'un  miracle,  il  ne  puisse  exister  en  dehors  de 
lui.  L'accident  n'est  pas  une  partie  du  sujet  dans  lequel  il  existe,  car  la 
partie  est  une  substance,  incomplète,  il  est  vrai,  mais  une  substance  ; 
elle  existe,  en  effet,  en  soi,  mais  pas  par  soi,  parce  qu'elle  dépend  du  tout 
auquel  elle  est  subordonnée  ;  vg.  le  bras  dans  l'organisme  humain. 

B)  Division.  —  On  distingue  l'accident  : 

1°  Logique  ou  Prédicable  :  tout  ce  qui  s'ajoute  d'une  façon  contin- 
gente à  l'essence  et  au  propre  ;  vg.  cet  homme  est  vertueux.  Être  ver- 
tueux est  une  qualité  qui  ne  convient  pas  nécessairement  à  l'homme, 
car  il  y  a  des  gens  vicieux. 

2°  Physique  ou  Catégorique  :  c'est  de  lui  que  l'on  parle  en  Onto- 
logie ;  il  est,  par  opposition  à  la  substance  :  Ce  qui  existe  dans  un  autre. 
On  le  divise  en  : 

a)  Absolu-:  ainsi  appelé  parce  qu'il  ne  consiste  pas,  comme  les  autres, 
dans  une  relation  ;  vg.  la  quantité.  Les  Scolastiques  admettent  entre 
l'accident  absolu  et  la  substance  une  distinction  réelle  :  son  être  étant 
distinct  de  la  substance,  bien  qu'il  en  dépende,  en  peut  être  séparé  et 
exister  en  dehors  d'elle,  pourvu  qu'une  cause  supérieure  supplée  le  rôle 
de  la  substance.  Ainsi  en  serait-il  pour  les  espèces  ou  accidents  eucha- 
ristiques :  séparées  de  la  substance  du  pain  et  vin,  les  espèces  sacra- 
mentelles sont  soutenues  dans  l'existence  par  la  puissance  divine  (}). 

h)  Modal  :  c'est  une  modification  contingente  du  sujet,  une  manière 
d'être  qui  peut  être  absente  ou  présente  selon  les  circonstances  ;  vg.  la 
rotondité  d'un  morceau  de  marbre  qui  pourrait  recevoir  la  forme  carrée  ; 
être  en  France.  Ces  accidents  modaux  ne  sont  pas  réellement  distincts 
de  la  substance  (^). 

-27.  —  LA  QUANTITÉ 

A)  Définition.  —  On  nomme  quantité  ou  extension  ce  qui  est 
divisible  en  ses  éléments,  de  sorte  que,  la  division  faite  ,  chacun  puisse 


(')  Des  Scolastiques  récents  n'admettent  pas  qu'il  y  ait  distinction  réelle  entre  la 
substance  et  la  quantité  (Cf.  Palmieri,  Institutiones  philosophiez,  T.  I,  Ontologio,  Th.  xxiii, 
p.  448-457.  Cf.  De  Accident'',  §  VIT,  p.  367-369).  Ils  disent,  conséquemment.  (ju'aprOs  la 
transsubstantiation  il  ne  reste  rien  ni  de  la  substance  du  pain  et  du  vin,  ni  de  leurs  acci- 
dents. Voici  comment  ils  expliquent  que,  nonobstant  cette  disparition  des  accidents,  nos 
yeux  voient  le  même  phénomène  objectif  qu'avant  la  transsubstantiation  :  Fac  igiturdesinere 
omnem  substantiam  panis  et  vini  Deumque  efficere  ut  materia  imponderabilis,  quae  illis 
coijimixta  erat,  sensibiliter  résistât  in  eodem  spatio  quemadmodum  prius  resislebat  corpus  : 
habebis  eadem  phaenomena,  et  quidem  objectiva,  h.  e.  a  causa  existente  a  parte  rei  detcr- 
minata,  quae  prius  habebas.  (Palmieri,  Institutiones...,  T.  II,  Cosmologia,  Th.  xxvi,  p.  184, 
au  haut). 

(  ^)  SuAREz  {Dispulationes  Metaphysicse,  Disp.  VII,  Sect.  I,  n.  16)  admet  deux  degrés 
dans  la  distincti(m  réelle  :  la  distinction  réelle  majeure,  et  la  mineure.  Cette  dernière  s'appelle 
proprement  Distinction  modale.  On  ne  voit  pas  la  raison  d'être  de  celte  nouvelle  distinction  ; 
aussi  est-elle  généralement  rejetée.  —  Cf.  Palmieri,  Institutiones...,  T.  I,  Ontologia,  Th.  xvii, 
p.  395-408. 

TRAITÉ    DE    PHILOSOPHIE.   —  T.    II.   —    16. 


482  LA    QUANTITÉ  (27) 

exister  séparément  (^).  Ex.  :  je  peux  diviser  cette  feuille  de  papier  en 
quatre,  et  chaque  quart  sera  encore  du  papier,  mais  de  dimensions  plus 
petites. 

La  catégorie  de  la  quantité  ne  convient  pas  aux  substances  incorpo- 
relles^ puisque,  n'ayant  point  de  parties,  elles  sont  indivisibles.  Mais  on 
peut  la  leur  appliquer  métaphoriquement,  dans  le  sens  de  quantité 
virtuelle  ou  intensité  dans  la  perfection  :  ainsi  l'on  dira  de  quelqu'un 
qu'il  a  une  grande  vertu. 

B)  Division.  —  On  distingue  la  quantité  : 

1°  Continue  {^)  :  c'est  la  quantité  dont  les  parties  ne  sont  pas  sépa- 
rées, de  sorte  que  la  fin  de  l'une  est  le  commencement  de  l'autre  ;  ex.  :  la 
ligne  mathématique.  La  quantité  continue  s'appelle  grandeur  :  elle  a 
trois  dimensions,  la  longueur,  la  largeur,  la  profondeur. 

2o  Discrète  :  c'est  la  quantité  dont  les  parties  sont  séparées  ; 
ex.  :  un  tas  de  sable  ;  cent  arbres.  La  quantité  discrète  s'appelle  multi- 
tude ou  nombre  (21,   D). 

C)  La  Quantité  est-elle  infinie  ? 

La  quantité,  soit  continue,  soit  discrète,  ne  peut  être  réellement 
infinie^  c'est-à-dire  infinie  en  acte,  en  fait.  La  quantité  est  seulement 
infinie  en  puissance,  c'est-à-dire  indéfinie.  Étant  donnée  n'importe  quelle 
étendue,  nous  concevons  qu'on  peut  toujours  y  ajouter  une  nouvelle 
portion  d'étendue.  Étant  donné  un  nombre  quelconque,  nous  concevons 
qu'on  peut  toujours  y  ajouter  de  nouvelles  unités.  Mais,  quelle  que  soit 
la  grandeur  de  l'étendue  ou  du  nombre  qu'on  imagine  actuellement, 
ce  nombre  et  cette  étendue  seront  réellement  finis,  parce  qu'on  peut 
sans  cesse  les  concevoir  plus  grands  :  ils  sont  donc  indéfinis. 

L'infini  en  nombre  ou  en  quantité  est  contradictoire.  «  En  effet, 
supposez  qu'il  existe  et  divisez-le  en  deux  parties.  Ces  deux  parties  sont 
finies  ou  infinies.  Si  elles  sont  finies,  comment  deux  parties  finies  peuvent- 
elles  faire  un  tout  infini  ?  Le  fini,  ajouté  à  du  fini,  quoi  qu'en  dise  Locke, 
ne  peut  donner  que  du  fini.  —  Si  elles  sont  infinies,  l'infini  est  alors  égal 
à  deux  infinis,  ce  qui  est  contradictoire.  —  Veut-on  qu'une  partie  soit 
infinie  et  l'autre  finie  ?  La  contradiction  reste,  car  l'infini  serait  alors 
égal  à  l'infini  -f  une  autre  quantité  (^).  «  Donc  un  nombre  infini,  un 
espace  infini,  un  temps  infini  n'existent  pas  et  ne  peuvent  exister  (67, 
B,  I,  b). 


(M   AniSTOTE,    Métaphysique,  L.  IV,  C.   xiii,  Édit.   Didot,  T.  II,  p.  525. 
(•)  Ahistote,  Physique,  L.  VI,  Ci,   §  1.  Ibidem,  p.  317. 
(*)  E.  Durand,  Psychologie,  p.  221-222. 


(28)  .  LA    QUALITÉ  483 

28.  —  LA  QUALITÉ 

Définition.  —  A)  La  qualité  est,  comme  la  quantité,  un  accident 
absolu,  parce  que,  elle  aussi,  afîecte  immédiatement  la  substance.  On  la 
définit  :  Un  accident  qui  modifie,  dispose  la  substance  en  elle-même,  la 
complète  dans  son  existence  et  sa  causalité  ;  vg.  la  vertu,  la  science,  la 
blancheur,  la  rotondité,  etc.,  rendent  le  sujet  vertueux,  savant,  blanc, 
rond.  La  chaleur,  en  modifiant  le  fer,  le  rend  capable  de  produire  des 
effets  nouveaux. 

A  la  différence  de  la  quantité,  qui  ne  convient  qu'aux  corps,  la  qualité 
s'applique  à  tous  les  êtres  contingents,  corporels  ou  incorporels,  car  il  y 
a  des  qualités  morales  comme  des  qualités  physiques. 

La  qualité  n'est  pas  restreinte  à  sa  catégorie,  mais  elle  peut  affecter 
toutes  les  autres,  car  la'  quantité,  l'action,  la  passion,  le  temps,  le  lieu 
peuvent  avoir  telle  ou  telle  qualité  ;  vg.  la  quantité  peut  être  longue  ou 
courte,  l'action  rapide  ou  lente. 

B)  Propriétés  des  qualités.  —  1»  Toute  qualité  a  son  contraire  : 
à  chaque  qualité  en  correspond  une  autre  qui  l'exclut  dans  le  même 
sujet  ;  vg.  vertu  et  vice  ;  science  et  ignorance  ;  lumière  et  ténèbres  ; 
chaud  et  froid. 

2o  Toute  qualité  est  susceptible  d^ augmentation  et  de  diminution  ; 
vg.  il  y  a  plus  ou  moins  de  vertu,  de  science,  de  lumière,  de  chaleur, 

Z^  La  qualité  sert  de  fondement  à  la  similitude  ou  ressemblance,  et  à  la 
dissemblance,  c'est-à-dire  que  les  choses  sont  dites  semblables  ou  dissem- 
blables selon  qu'elles  ont  des  qualités  communes  ou  opposées  ;  vg.  deux 
lis  se  ressemblent  par  leur  blancheur  ;  de  deux  personnes  l'une  est  ver- 
tueuse, l'aiitre  est  vicieuse. 

C)  Quantité  et  Qualité.  — •  Il  y  a  entre  elles  une  distinction,  irré- 
ductible, qui  fait  qu'elles  ne  peuvent  avoir  de  commune  mesure.  Ainsi, 
dire  qu'on  éprouve  aujourd'hui  une  joie  vingt  fois  plus  grande  qu'hier, 
n'a  pas  de  sens.  Si  l'intensité  qualitative  n'est  pas  une  quantité  pro- 
prement dite,  elle  a  cependant  quelque  analogie  avec  la  quantité.  Aussi 
dire  qu'on  éprouve  aujourd'hui  une  joie  plus  grande  qu'hier  est  parfai- 
tement intelligible.  On  doit  donc  rejeter  l'opposition  absolue  que 
Bergson  établit  entre  l'ordre  quantitatif  et  l'ordre  qualificatif  ;  mais 
il  importe  de  maintenir  la  distinction  entre  les  deux  ordres.  Autrement 
on  s'expose  aux  plus  grandes  méprises.  Les  concepts,  en  effet,  dont 
s'occupe  la  Métaphysique  se  rapportent  généralement  à  la  qualité. 
On  ne  peut  donc  les  traiter  avec  une  rigueur  mathématique,  comme  on 
fait  pour  les  abstractions  quantitatives,  en  les  comparant  entre  eux 
comme  des  nombres.  Car  ces  concepts  abstraits  séparent  dans  l'esprit 
des  caractères  qui,  étant  inséparables  dans  la  réalité,  se  compénètrent 
et  se  modifient  mutuellement. 


484  LA    RELATION  .  (29) 

On  a  projeté  une  Algèbre  métaphysique.  Elle  consisterait  à  raisonner 
sur  des  signes  abstraits,  dont  la  valeur  resterait  invariable,  et,  le  résultat 
obtenu,  à  leur  substituer  les  objets  réels  qu'ils  signifient.  C'est  un  projet 
irréalisable,  parce  que  ces  signes  ne  peuvent  demeurer  invariables.  En 
effet,  les  concepts  abstraits,  représentant  des  caractères  qui  se  pénè- 
trent et  se  modifient  les  uns  les  autres  dans  l'ordre  réel,  il  est  nécessaire 
de  les  comparer  sans  cesse  avec  la  réalité  et  de  tenir  compte  des  change- 
ments de  valeur  qui  résultent  continuellement  pour  eux  des  modifi- 
cations que  subissent  les  caractères  qu'ils  représentent. 

29.  —  LA  RELATION 

A)  Définition.  —  La  relation  est  un  accident  en  vertu  duquel  une 
chose  a  tel  ou  tel  rapport  à  une  autre.  Elle  requiert  trois  éléments  :  un  sujet, 
un  terme.,  un  jondement;  vg.  relation  entre  le  maître  {sujet)  et  le  dis- 
ciple (terme)  ;  le  fondement  est  l'enseignement  donné  par  l'un,  reçu  par 
l'autre. 

La  quantité  et  la  qualité  indiquent  une  manière  d'être  existant  dans 
une  chose  comme  dans  son  sujet,  tandis  que  la  relation  signifie  une 
manière  d'être  qui  se  réfère  à  un  terme  placé  hors  de  la  substance  qui  lui 
sert  de  sujet.  Ce  rapport  échappe  aux  sens  et  n'est  perçu  que  par  l'intel- 
ligence. 

B)  Division.  —  On  distingue  la  relation  : 

1°  Réelle  :  une  relation  est  réelle  quand  le  sujet,  le  terme  et  le  fon- 
dement existent  dans  la  nature  indépendamment  de  notre  esprit.  Il  y  a 
une  relation  réelle  entre  la  cause  et  son  effet  ;  vg.  entre  un  poète  et  le 
poème  qu'il  a  composé. 

2°  Logique  :  une  relation  est  logique  quand  l'un  des  trois  éléments 
n'est  pas  réel  et  que  l'esprit  y  supplée,  car  alors  la  relation  n'existe  que 
dépendamment  de  l'activité  de  l'intelligence  ;  vg.  telle  la  relation  entre 
les  signes  conventionnels,  comme  l'olivier  et  la  paix,  le  drapeau  et  la 
patrie.  Seule  la  relation  réelle  forme  une  catégorie  ;  la  relation  logique 
est  un  être  de  raison,  c'est-à-dire  un  être  qui  n'existe  que  dans  la  pensée. 

3°  Mutuelle  :  une  relation  est  mutuelle  quand  le  sujet  et  le  terme 
se  rapportent  l'un  à  l'autre  de  la  même  manière,  c'est-à-dire  quand  la 
relation  est  des  deux  côtés  réelle  ou  logique  ;  vg.  la  relation  entre  les 
parents  et  les  enfants  est  réelle  ;  dans  tout  jugement  la  relation  entre- 
le  sujet  et  l'attribut  est  logique. 

40  Non-mutuelle  ou  Mixte  :  quand  la  relation  est  réelle  d'un 
côté,  et  logique  de  l'autre  ;  vg.  la  relation  entre  Dieu  et  les  créatures. 
Les  créatures  dépendent  réellement  de  Dieu,  dont  elles  ont  besoin  pour 
être  et  persévérer  dans  leur  être,  tandis  que  Dieu,  étant  infiniment 
parfait,  n'a  aucun  besoin  des  êtres  créés  ;  par  conséquent  Dieu  ne  se 


(30)  l'action  et  la  passion  485 

rapporte  pas  réellement  aux  créatures.  Cependant  nous  concevons 
entre  Lui  et  elles  une  relation  ;  c'est  donc  une  relation  logique,  puisqu'elle 
provient  de  notre  façon  de  concevoir  les  choses. 


30.  —  L'ACTION  ET  LA  PASSION 


A)  Définition.  —  U Action  est  V accident  en  vertu  duquel  la  cause 
est  formellement  telle,  c'est-à-dire  productrice  de  quelque  chose.  La  Passion 
est  Vaccident  en  vertu  duquel  le  patient  est  formellement  tel,  c'est-à-dire 
reçoit  quelque  chose  de  la  cause.  Ces  deux  termes  sont  corrélatifs  ;  ils  se 
correspondent  comme  la  cause  et  l'effet.  Selon  que  la  relation  de  cau- 
salité est  prise  du  côté  de  la  cause  ou  de  l'effet,  elle  s'appelle  action  ou 
passion.  Car  par  le  fait  même  qu'un  être  agit  sur  un  autre,  ce  dernier 
reçoit  l'action  du  premier,  et  cette  modification  reçue  constitue  la 
passion.  Ainsi  un  fer  chaud  produit  une  brûlure  dans  la  chair  qu'il 
touche. 

Le  mot  passion  indique  quelque  chose  de  subi,  mais  n'implique 
pas  nécessairement  douleur.  Ce  second  sens  est  dérivé  du  premier,  car 
toute  douleur  est  une  modification  subie,  qui  contrarie  les  tendances 
naturelles  d'un  être.  Nous  avons  indiqué  un  troisième  sens  du  mot 
passion  :  c'est  une  inclination  vive,  impétueuse,  dominante  (Psych.,  57). 

L'action  s'oppose  aussi  à  la  réaction.  Ce  principe  de  la  Mécanique 
dynamique  :  «  La  réaction  est  égale  à  l'action  »  n'est  qu'une  application 
de  ce  principe  métaphysique  plus  général  :  «  L'effet  est  proportionné 
à  la  cause  »,  car  la  réaction  est  un  effet  de  l'action. 

B)  Division.  —  On  distingue  l'action  : 

1°  Immanente  :  c'est  l'action  dont  l'effet  reste  {manet  in)  dans 
l'agent  même  qui  le  produit  ;  vg.  la  pensée,  la  volition.  L'action  imma- 
nente a  donc  le  même  sujet  pour  principe  et  pour  terme  ;  conséquemment 
elle  perfectionne  le  sujet  lui-même  qui  la  produit.  Ainsi,  quand  nous 
pensons  à  quelque  chose,  notre  intelligence  se  perfectionne  elle-même 
et  non  pas  l'objet  qu'elle  connaît. 

2°  Transitive  :  l'action  transitive  (de  transire,  passer  à  travers)  est 
celle  dont  l'effet  est  en  dehors  de  l'agent  ;  vg.  le  mouvement  par  lequel 
je  déplace  un  objet.  L'action  transitive,  passant  de  l'agent  au  dehors, 
a  donc  pour  principe  et  pour  terme  des  sujets  distincts  ;  conséquemment 
elle  perfectionne  le  sujet  qui  est  distinct  de  l'agent.  Ainsi  le  soleil,  en 
éclairant  et  échauffant  les  corps,  les  perfectionne  sans  acquérir  lui- 
même  aucune  perfection.  C'est  à  l'action  transitive  que  correspond  la 
passion  strictement  dite. 


486  LA    SITUATION,    l'HABITUS  (31) 

31.  —  LA  SITUATION,  L'HABITUS 

A)  Situation  :  c'est  un  certain  ordre  ou  disposition  des  différentes 
parties  dhin  corps  relativement  au  lieu  qu'elles  occupent;  vg,  être  assis, 
debout,  à  genoux,  couché. 

La  position  diffère  de  la  situation,  en  ce  qu'elle  signifie  l'ordre  des 
parties  corporelles,  non  pas  relativement  au  lieu,  mais  par  rapport 
à  leur  tout.  Ainsi  la  place  de  la  tête  au  haut  du  corps  indique  la  position 
et  non  la  situation. 

Les  catégories  de  lieu  et  de  situation  ne  doivent  pas  être  confondues. 
En  effet,  la  situation  peut  changer,  sans  que  le  lieu  change,  et  elle  peut 
demeurer  identique,  quoique  le  lieu  change.  Ainsi  quelqu'un  peut  être 
assis  ou  debout  dans  sa  chambre  ;  ou  bien  il  peut  garder  la  même  situa- 
tion relativement  à  des  lieux  différents  :  rester  debout  dans  sa  chambre 
et  dans  le  jardin. 

B)  Habitus  ou  Revêtement  :  c'est  Vaccident  qui  résulte  de  la  super- 
position de  deux  substances^  dont  V  une  recouvre  Vautre,  soit  pour  la  vêtir, 
soit  pour  la  défendre,  soit  pour  Vorner  ;  vg.  être  coiffé  d'un  chapeau  ; 
navire  cuirassé  ;  main  parée  d'une  bague  {^). 

Remarque  :  il  sera  traité  de  V  Espace,  du  Lieu  et  du  Temps  en  Cos- 
mologie (38,  39). 


(•)  Cf.  s.  Thomas,  Sury\ma  theologica,  1»  2»-.  Q.  XLIX,  A.  I,  §  Sed  interea. 


CHAPITRE  IV 
CAUSES  DES  ÊTRES 

32.  —  GÉNÉRALITÉS  ET  DIVISION 

A)  Définition  de  la  cause  en  général  :  c'est  tout  ce  qui  fait  passer 
un  possible  à  Vacte,  c'est-à-dire  à  V existence  ;  ou  bien  :  c'est  ce  en  vertu 
de  quoi  une  chose  est  ce  qu''elle  est.  h'' effet  est  cette  existence  qui  provient 
de  l'activité  de  la  cause.  Il  ne  faut  pas  confondre  la  notion  de  cause 
avec  les  notions  : 

a)  d'ANTÉcÉDENT  même  constant  ;  vg.  le  jour  succède  invaria- 
blement à  la  nuit,  et  cependant  la  nuit  n'est  pas  la  cause  du  jour. 

b)  de  Condition  :  la  condition  enlève  l'obstacle  à  l'activité  de  la 
cause  ;  vg.  pour  que  le  soleil  éclaire  une  chambre,  il  faut  que  les  volets 
soient  ouverts  ;  c'est  la  condition  nécessaire  pour  que  la  lumière  entre  ; 
mais  la  cause  de  la  lumière  c'est  le  soleil. 

c)  d'OccASiON  :  l'occasion  facilite  l'activité  de  la  cause  et  la  provoque 
à  l'action.  Ce  n'est  donc  qu'improprement  qu'on  parle  de  causes  occa- 
sionnelles. 

L'idée  de  cause  n'implique  pas  seulement  une  idée  de  succession, 
mais  de  plus  une  idée  de  production.  Le  rapport  de  causalité  n'est  pas 
un  simple  rapport  de  succession  même  constante,  mais  de  production. 
Pour  qu'il  y  ait  causalité  il  faut  que  l'effet  ait  sa  raison  d'être  dans 
l'activité  de  la  cause. 

Le  principe  est  ce  dont  une  chose  tire  son  origine^  de  quelque  façon 
que  ce  soit  :  à  titre  de  production,  de  condition,  etc.,  tandis  que  la  cause 
est  ce  dont  une  chose  tient  son  existence.  Le  principe  est  plus  général 
que  la  cause  ;  la  cause  est  une  espèce  du  genre  principe  :  c'est  le  principe 
d'une  nouvelle  existence.  Or  une  existence  nouvelle  procède  de  la  cause 
par  voie  de  production,  tandis  que  quelque  chose  peut  provenir  d'un 
principe,  non  seulement  par  voie  de  production,  mais  encore  à  titre 
conditionnel  (Psych.,  183). 

lî)  Division  :  Aristote  distingue  quatre  sortes  de  causes  :  1°  Maté- 
rielle. —  20  Formelle.  —  3°  Efficiente.  —  4»  Finale. 


488  CAUSES    MATÉRIELLE,    FORMELLE,    EFFICIENTE  (33-34) 

33.  —   CAUSES  MATÉRIELLE,   FORMELLE,   EFFICIENTE 

A)  Cause  matérielle  ou  Matière  :  c'est  Vêlement  indéterminé  dont 
une  chose  est  faite.  Le  mot  matière  se  prend  dans  un  sens  très  large  qui 
s'applique  et  aux  êtres  corporels  et  aux  êtres  intelligibles  ;  vg.  dans  une 
statue  le  marbre  est  la  cause  matérielle,  car  un  bloc  de  marbre  est  indif- 
férent à  recevoir  n'importe  quelle  forme,  selon  le  mot  de  La  Fontaine  : 
«  Sera-t-il  dieu,  table  ou  cuvette  ?  »  Dans  une  définition  :  L'homme  est 
un  animal  raisonnable,  le  genre  se  comporte  comme  cause  matérielle, 
en  tant  qu'il  est  l'élément  indéterminé  que  la  différence  spécifique 
détermine  à  signifier  telle  espèce. 

B)  Cause  formelle  ou  Forme  :  c'est  Vêlement  qui  détermine  la 
matière  à  être  telle  chose  plutôt  que  telle  autre  ;  vg.  Michel- Ange  fait  d'un 
bloc  de  marbre  un  personnage  qui  représente  Moïse.  Dans  la  définition 
de  l'homme,  raisonnable  détermine  le  genre  animal  à  signifier  l'espèce 
humaine. 

C)  Cause  efficiente  ou  Agent  :  c'est  la  cause  qui  par  son  activité 
produit  quelque  chose  ;  vg.  l'artiste  qui  fait  un  tableau  ;  notre  intelli- 
gence qui  conçoit  une  pensée. 

On  distingue  la  cause  efficiente  en  : 

lo  Cause  PREMIÈRE  :  celle  qui  ne  dépend  d'aucune  autre  cause  et 
ne  tient  que  d'elle-même  son  efficacité  :  c'est  Dieu.  —  Causes  secondes  : 
celles  qui  dépendent  d'une  autre  cause  dont  elles  reçoivent  leur  pouvoir  : 
les  créatures. 

2°  Cause  prochaine  :  celle  qui  produit  son  efTet  sans  intermédiaire  ; 
la  volonté  est  la  cause  prochaine  de  nos  déterminations.  —  Cause 
éloignée  :  celle  qui  produit  son  effet  par  l'intermédiaire  d'autres  causes  ; 
les  objets  extérieurs  sont  causes  éloignées  des  sensations,  puisqu'ils  ne 
les  produisent  que  par  l'intermédiaire  des  organes  des  sens. 

3°  Cause  principale  ;  vg.  peintre.  —  Cause  instrumentale  ;  vg. 
pinceau.  (Psycii.,  183). 

34.  —  CAUSE  FINALE 

A)  Définition  :  la  cause  finale  ou  fin  est  ce  pour  quoi  une  chose  est 
faite.  C'est  le  but  que  se  propose  la  cause  efficiente  en  agissant  ;  ou  encore, 
si  l'on  veut,  c'est  Vidée  d'un  fait  futur,  qui  met  en  mouvement  la  cause 
efficiente  ;  vg.  l'ouvrier  travaille  pour  gagner  sa  vie. 

B)  Espèces  :  on  distingue  :  1»  La  fin  prochaine  :  celle  que  l'agent 
se  propose  sans  fin  intermédiaire  ;  —  éloignée  :  celle  qu'il  se  propose 
après  une  ou  plusieurs  fins  intermédiaires  ;  —  dernière  :  celle  qu'il 
88  propose  comme  terme  extrême  de  son  action  ;  elle  l'est  relativement, 
quand  elle  est  le  terme  d'une  série  d'actes  ;  vg.  un  élève  étudie  pour 


(34)  CAUSE    FINALE  489 

s'instruire  (fin  prochaine)^  pour  acquérir  un  diplôme  (fin  éloignée)^  pour 
remplir  son  devoir  (fin  dernière).  Elle  l'est  absolument.,  quand  elle  est  le 
terme  suprême  de  toute  l'activité  de  la  vie  :  cette  fin  absolument  der- 
nière à  laquelle  tend  l'homme,  c'est  le  bonheur  parfait,  qu'il  ne  trouvera 
que  dans  la  possession  de  Dieu.  La  fin  d'un  être  est  son  bien  propre  ; 
et  un  être  est  heureux  quand  il  est  parvenu  à  sa  fin,  car  il  a  atteint  toute 
la  perfection  dont  il  est  capable,  il  possède  le  bien  pour  lequel  il  est  fait  ; 
il  en  jouit  et  s'y  repose.  Le  bonheur,  c'est  le  repos  dans  le  bien  assuré. 

2o  Finalité  externe  :  c'est  le  rap.port  d'une  chose  au  but  pour 
lequel  elle  a  été  faite  ;  vg.  une  montre  est  faite  pour  marquer  l'heure  ; 
cela  revient  à  V utilité  d'un  être  par  rapport  à  un  autre.  —  Interne  :  ce 
sont  les  rapports  réciproques  des  parties  au  tout  ;  c'est  le  rapport  d'un 
organe  à  sa  fonction  ;  d'une  faculté  à  son  objet  ;  vg.  l'œil  est  constitué 
pour  voir  ;  l'intelligence  pour  connaître. 

3°  Fin  de  l'œuvre  :  c'est  la  fin  objective.,  celle  à  laquelle  une  œuvre 
tend  naturellement  ;  vg.  l'aumône  est,  de  sa  nature,  destinée  au  soula- 
gement des  pauvres.  —  Fin  de  l'ouvrier  :  c'est  la  fin  subjective.,  celle 
que  se  propose  l'agent  ;  vg.  on  peut  faire  l'aumône  pour  soulager  les 
malheureux  (car  la  fin  de  l'ouvrier  peut  être  identique  à  celle  de  l'œuvre), 
pour  l'amour  de  Dieu  ou  par  ostentation  de  générosité. 

40  Pin  principale  :  c'est  la  fin  qui  détermine  l'action.  —  Fin 
accessoire  :  c'est  la  fin  qui  la  favorise  ;  vg.  quelqu'un  étudiera  d'abord 
et  avant  tout  pour  remplir  son  devoir,  ensuite  et  secondairement  pour 
retirer  profit  ou  plaisir  de  l'étude. 

C)  Moyen  :  on  entend  par  moyen  ce  qui  conduit  à  la  fin.  La  fin  est 
recherchée  pour  elle-même.,  le  moyen  pour  la  fin  :  le  malade  veut  la  santé, 
et,  pour  obtenir  ce  but,  il  emploie  des  remèdes  même  amers  ;  il  aime  ceux- 
ci,  non  pour  eux-mêmes,  mais  à  cause  de  la  santé  qu'ils  procurent. 

D)  Rapports  de  la  cause  finale  avec  la  cause  efficiente  : 

A)  Subjectivement,  dans  l'ordre  de  Vintention  :  la  cause  finale 
détermine  la  cause  efficiente  à  agir.  Elle  est  la  première  cause  d'action, 
puisque,  sans  elle,  la  cause  efficiente  ne  se  déterminerait  pas  à  agir. 
Aussi  Aristote  dit  que  la  fin  est  «  cause  de  la  cause  ». 

B)  Objectivement,  dans  l'ordre  de  Vexécution  :  la  lin  est  Veffet 
produit  par  la  cause  efficiente.  On  voit  donc  que  ce  qui  est  premier  dans 
l'intention  est  dernier  dans  l'exécution. 

La  fin  est  à  la  jois  cause  et  effet  ;  cause  dans  l'ordre  idéal  :  en  tant 
qu'idée  elle  excite  l'être  à  agir  ;  —  effet  dans  l'ordre  réel.  Il  n'y  a  pas 
contradiction,  car  le  point  de  vue  diffère.  Ainsi  on  peut  dire  :  les  ailes 
ont  été  données  à  l'oiseau  pour  voler,  et  l'oiseau  vole  parce  qu'il  a  des 
ailes.  Le  vol  est  tout  ensemble  la  cause  pour  laquelle  l'oiseau  a  des  ailes, 
et  Veffet  qui  résulte  de  leur  usage.  Bref,  la  cause  finale  est  un  effet  prévu 
et  voulu  par  un  être  intelligent.  (Psych.,  184). 


490  LA    CAUSE    EXEMPLAIRE  (35) 


35.  —  LA  CAUSE  EXEMPLAIRE 

Nous  avons  énuméré  quatre  sortes  de  causes  :  matérielle,  formelle, 
efficiente,  finale.  Il  semble  que  cette  énumération  n'est  pas  complète. 
Prenons  comme  exemple  Michel- Ange  sculptant  son  Moïse  pour  orner  le 
tombeau  de  Jules  II.  Le  désir  de  faire  un  chef-d'œuvre  est  la  cause 
finale  qui  pousse  l'artiste  à  sculpter  ;  Michel- Ange  est  la  cause  efficiente 
principale,  le  ciseau  dont  il  se  sert  est  la  cause  efficiente  instrumentale  ; 
le  marbre  est  la  cause  matérielle  ;  le  principe  constitutif  des  propriétés 
du  marbre  est  la  forme  substantielle  ;  la  représentation  de  Moïse  est 
la  forme  accidentelle.  Est-ce  tout  ?  Il  semble  que  non.  L'artiste  ne  sculpte 
pas  au  hasard,  son  activité  est  dirigée  par  une  idée,  un  type,  qu'il  veut 
reproduire  sous  une  forme  sensible.  Cette  idée  est  une  vraie  cause,  car 
elle  influe  positivement  sur  l'exécution  de  la  statue.  On  l'appelle  cause 
exemplaire  (du  mot  latin  exemplar,  qui  signifie  modèle).  Ne  constitue-t-elle 
pas  une  cinquième  espèce  de  cause  ?  Non,  car  on  peut  la  ramener  à 
l'une  des  quatre  causes  connues.  Ce  n'est  pas 'à  la  cause  finale,  parce 
que  la  fin  est  ce  pour  quoi  l'agent  produit  quelque  chose,  tandis  que  la 
cause  exemplaire  est  ce  à'après  quoi  l'artiste  réalise  une  oeuvre  d'art.  , 
Ce  n'est  pas  aux  causes  matérielle  et  formelle,  parce  que  ces  causes  sont  ii 
intrinsèques  à  leur  effet,  tandis  que  la  cause  exemplaire,  qui  existe  dans  ' 
l'intelligence  de  l'artiste,  est  extrinsèque  à  l'œuvre  produite  par  lui, 
sous  son  influence.  Reste  la  cause  efficiente,  à  laquelle  elle  se  rattache 
comme  son  complément  nécessaire,  parce  que,  sans  une  idée  directrice, 
l'artiste  ne  saurait  rien  exécuter. 


COMPLÉMENT  BIBLIOGRAPHIQUE 

RELATIF  A   LA  MÉTAPHYSIQUE   GÉNÉRALE 

(Critique  de  la  Connaissance.  —  Ontologie). 

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entis  ut  sic,  pour  paraître  en  1924  (Paris,  Beauchesne). 

L.  RouRE,  Positivisme,  dans  Dictionnaire  Apologétique  (d'Alès), 
T.  IV,  col.  37-53,  Paris,  1923. 


LIVRE  II 
MÉTAPHYSIQUE  SPÉCIALE 

CHAPITRE  PREMIER 
COSMOLOGIE  RATIONNELLE  (i> 


C'est  la  partie  de  la  Métaphysique  qui  étudie  rationnellement  la 
nature  des  êtres   et  des  phénomènes  du  monde  extérieur.  Voici  les  prin- 
cipales questions  traitées  par  la  Cosmologie  rationnelle  : 
I.  —  Existence  du  monde  extérieur. 
II.  —  Nature  de  l'espace  et  du  temps. 

III.  —  Essence  de  la  matière. 

IV.  —  Nature  du  principe  vital. 


(  ')  Aristote,  Physique.  Cf.  le  Commentaire  de  saint  Thomas.  —  Suarez,  Disputationes 
metaphysicœ,  L,  LI.  —  Descartes,  Les  principes  de  la  philosophie.  —  Hume,  Traité  de 
la  nature  humaine.  —  S.  Mill,  Examen  de  la  philosophie  de  Hamilton,  Ch.  x,  xi,  xiii.  — 
E.  Navillk,  La  physique  moderne.  —  J.-B.  Stallo,  La  matière  et  la  physique  moderne. — 
L.  BiiCHNER,  Force  et  matière.  —  L.  Dauriac,  Des  notions  de  matière  et  de  force  dans  les 
sciences  de  la  nature.  —  Kant,  Histoire  du  ciel.  Critique  du  jugement.  —  A.  Laugel,  Les 
problèmes  de  la  nature.  —  Renouvier,  Essais  de  critique  générale,  III',  Le  principe  de  la 
nature.  —  Cl.  Bernard,  Leçons  sur  les  phénomènes  de  la  vie.  —  E.  Chauffard,  La  vie, 

—  Denys  Cochin,  L'évolution  et  la  vie.  —  F.  Le  Dantec,  Théorie  nouvelle  de  la  vie.  — 
A.    Hannequin,   Essai  critique  sur  l'hypothèse  des  atomes  dans  la  science  C07itemporaine. 

—  Alb.  de  Lapparent,  Cristallographie,  Revue-de  philosophie,  Dec.  1900.  —  P.  Duhem, 
Ln  7iolion  du  mixte  et  la  combinaison  chimique.  —  L.  Couturat,  Essai  critique  sur  l'hypothèse 
des  atomes  dans  la  science  contemporaine,  Revue  de  Métaph.  et  de  Morale,  nov.  1896  ; 
janvier-mars  1897.  —  F.  Bouillier,  Le  principe  intal  et  l'âme  pensante.  —  Lemoine, 
L'animisme  de  Stahl.  —  Ch.  Dunan,  Le  problème  de  la  vie.  Revue  philosophique,  1892, 
p.  1  ;  136  ;  519.  —  P.-B.  Lacomhe,  Théories  physiques.  Revue  thomiste,  1893;  p.  677  ; 
1894,  p.  94.  —  M. -P.  DE  MuNNYNCK,  Propriétés  essentielles  des  corpsbruts,  Revue  thomiste. 
mai  1900.  —  M.  Bertiiei.ot,  La  synthèse  chimique.  —  Ad.  Wurtz,  La  théorie  atomique.  — 
H.  Spencer,  Principes  de  biologie.  —  A.  Fouillée,  L' évolutionnisme  des  idées-forces.  — 
.St.  de  Backer,  Institutiones  metaphysicse  specialis.  —  D.  Palmieri,  Institutiones  philo- 
sophicœ,  T.  II.  - —  S.  Schiffini,  Disputationes  metaphysicse  specialis,  T.  I.  —  J.  Urraburu, 
Institutiones  philosophicse,  T.  III.  —  J.  Mendive,  Institutiones  philosophicœ  scolasticse, 
T.  III.  —  T.  Pesch,  Institutiones  philosophiœ  naiuralis.  —  El.  Blanc.  Traité  de  philosophie 


(36)  PRINCIPALES    FORMES    DE    l'iDÉALISME  497 

ARTICLE  I.  —  EXISTENCE  DU  MONDE  EXTÉRIEUR 
36.  —  PRINCIPALES  FORMES  DE  L'IDÉALISME  (i) 

Le  mot  Idéalisme  est  employé  en  plusieurs  sens.  Mais  on  entend 
communément  par  là  la  doctrine  qui  nie  l'existence  objective  du  monde 
extérieur.   Indiquons-en  les  principales  formes  : 

I.  —  Idéalisme  immatérialiste  de  Berkeley  :  l'idéalisme  de 
Berkeley  consiste  dans  la  négation  des  réalités  matérielles  et  des  vérités 
sensibles.  Voici  ses  raisons.  La  substance  matérielle,  qui  est  censée 
exister  sous  les  qualités  premières  ou  secondes  de  la  matière,  est  incom- 
préhensible et  inconcevable,  car  : 

a)  Les  qualités  secondes  de  la  matière,  saveur,  couleur,  etc.,  ne  sont 
que  des  modifications  de  notre  esprit. 

h)  Les  qualités  premières,  l'étendue  et  la  résistance,  ne  sont  connues 
que  par  l'intermédiaire  des  qualités  secondes.  Les  corps  ne  sont  donc 
qu'une  fiction  métaphysique  ;  leur  être  consiste  à  être  perçu  :  Esse  est 
percipi.  Berkeley  conclut  que,  nos  impressions  sensibles  ne  pouvant 
venir  du  dehors,  nous  sont  données  par  Dieu  ;  qu'il  n'y  a  aucun  être 
corporel,  mais  seulement  des  esprits  (Ps.,  90).  Voilà  pourquoi  on  appelle 
aussi  son  système  V Immatérialisme. 


acolastique,  T.  II.  —  M.  d'Hulst,  Mélanges  philosophiques.  —  J.  Kleutgen,  La  Philosophie 
scolastique.  Dissert.  VII.  —  Ém.  Blanchard,  La  vie.  —  M.  Liberatore,  Le  composé 
humain.  —  P.  Vallet,  La  vie  et  l'hérédité.  —  J.  Gardatr,  Corps  et  âme.  —  Alb.  Farges, 
La  vie  et  l'évolution.  Mati(>re  et  Forme.  —  Yves  Delage,  La  structure  du  protoplasme  et 
les  théories  de  l'hérédité.  —  Vallery-Radot,  Vie  de  Pasteur.  —  H^-eckel,  Histoire  de  la 
création  naturelle.  —  J.  Duclaux,  La  chimie  organique.  —  Ch.  Huit,  La  philosophie  de 
la  nature.  —  Pioger,  Le  monde  physique.  La  vie  et  la  pensée.  —  L.  Bourdeau,  Le  problème 
de  la  mort.  Le  prohlhmc  de  la  vie.  —  E.  Ferrière,  La  matière  et  l'énergie.  —  D.  .Mercier, 
La  définition  philosophique  de  la  vie.  Revue  des  Questions  scientifiques,  1892,  T.  II, 
p.  398-466.  —  O.  DE  Sanderval,  De  l'absolu  :  la  loi  de  la  vie.  —  P.  Vignon,  La  notion  de 
force.  —  Saint-George  Mivart,  Le  Monde  et  la  Science  {Trad.  par  F..  Second).  — 
Th. -H.  Martin,  La  Philosophie  spiritualiste  de  la  nature.  —  P.  Duhe.m,  Les  Théories  de  la 
chaleur.  Revue  des  Deux  Mondes,  1895,  T.  CX.XIX,  CXXX.  Quelques  réflexions  nu  sujet 
des  Théories  phijsiques,  dans  la  Revue  des  Questions  scientifiques,  2"  Série  :  T.  I,  1892. 
Physique  et  Métaphysique,  Ibidem,  T.  IV,  1893.  Quelques  réflexions  au  sujet  de  la  Physique 
expérimentale,  Ibidem,  T.  VI,  1894.  L'évolution  des  Théories  physiqiies  du  XVII"  siècle 
jusqu'à  nos  jours,  Ibidem,  T.  .X,  1896.  —  A.  Dastre,  Les  agents  impondérables  et  l'éther, 
Revue  des  Deux  Mondes,  1'''  oct.  1901,  p.  649  et  sq.  La  vie  et  la  mort.  —  P.  Duhem, 
La  Théorie  physique,  son  objet  et  sa  structure.  —  Alb.  de  Lapparent,  La  Science  et  l'Apolo- 
gétique. —  A.  Rivaud,  Le  Problème  du  devenir  et  la  notion  de  la  matière  dans  la  philosophie 
grecque  depuis  les  origines  jusqu'à  Théophraste.  —  D''  J.  Grasset,  Les  litniles  de  la  biologie, 
—  G.  Rageot,  Les  résultats  de  la  Psychophysiologie,  Revue  des  Deux  Mondes,  1'^'  sept. 
1906.  —  Renouvier  et  Prat,  La  nouvelle  Monadologie.  Le  Personnalisme.  —  F.  le  Dantec. 
Les  limites  du  connaissable,  L'unité  dans  l'être  vivant.  —  L.  De  San,  Inslilutiones  Meta- 
physicœ  specialis.  —  A.  Aliotta,  La  misura  in  psicologia  sperimentale. 

( ')  A.   Fouillée,   Le  mouvement  idéaliste  et  la  réaction  contre  la  science  positive.  — 
Ém.  Boirac,  L'idée  du  phénomène.  —  J.-J.  Gourd,  Le  phénomène. 


498  PRINCIPALES    FORMES    DE    l'iDÉALISME  (36) 

Critique  :  nous  avons  vu  en  Psychologie  (95,  96)  que  les  qualités 
sensibles  sont  significatwes  des  qualités  existant  en  dehors  de  nous. 
Si  rien  de  semblable  ne  correspond  dans  les  corps  à  la  perception  que 
nous  en  avons,  il  ne  s'ensuit  pas  que  rien  de  réel  n'y  corresponde  :  les 
qualités  sensibles  étant  des  effets  réels  supposent  une  cause  réelle. 
Cette  cause  n'est  pas  en  nous,  elle  est  donc  hors  de  nous.  Mais  ce  ne 
peut  être  Dieu,  car  il  serait  contraire  à  sa  sagesse  et  à  sa  véracité  de 
nous  rendre  dupes  d'une  illusion  invincible.  Gomment  concevoir  Dieu 
s'abaissant  au  rôle  de  prestidigitateur  ? 

II,  —  Idéalisme  critique  (^)  de  Kant  :  la  doctrine  kantienne 
fait  une  certaine  part  au  réalisme  :  elle  admet  en  effet,  au  delà  des 
sensations,  l'existence  de  choses  en  soi,  de  noumènes,  qui  provoquent 
les  phénomènes  et  y  correspondent.  Mais  la  chose  en  soi  demeure  inacces- 
sible à  l'entendement,  parce  qu'il  ne  dispose  pas  d'intuitions  intellec- 
tuelles auxquelles  il  puisse  appliquer  les  catégories  de  substance,  de 
cause,  etc.  Le  seul  objet  de  la  connaissance  ce  sont  les  phénomènes 
<6,  §  A). 

Critique  .•  Kant  n'est  donc  pas  absolument  idéaliste.  C'est  vrai.  Mais 
cet  idéalisme  partiel  est  illogique,  parce  que,  comme  on  l'a  déjà  montré 
(6,  §  C,  VI),  Kant  ne  peut  pas,  sans  se  contredire,  supposer  que  les  choses 
en  soi  existent  et  qu'elles  agissent  sur  nos  sens.  Dans  son  système,  en 
effet,  le  principe  de  causalité,  comme  le  lui  avaient  déjà  reproché  Beck 
et  Jacobi,  n'est  pas  applicable  en  dehors  des  limites  de  l'expérience  : 
le  kantiste  ignore  par  conséquent  s'il  convient  aux  noumènes. 

III.  —  Idéalisme  absolu  de  Fichte  :  celui-ci  n'a  fait  que  tirer  les 
conséquences  virtuellement  contenues  dans  la  doctrine  de  Kant.  D'après 
le  Kantisme,  la  matière  de  la  connaissance  (les  intuitions  sensibles) 
vient  du  dehors,  de  la  chose  en  soi  ;  l'esprit  ne  fournit  que  la  forme  qu'il 
imprime  à  la  matière  et  en  fait  ainsi  un  objet  de  sa  pensée.  Mais,  objecte 
Fichte,  comment  l'esprit  peut-il  sûrement  imposer  ses  lois  à  une  matière 
dont  l'origine  lui  est  étrangère  ?  Pour  que  l'esprit  impose  sûrement  sa 
législation  à  la  nature,  il  faut  que  tout  ait  sa  source  en  lui,  matière  et 
forme  :  de  la  sorte  les  sensations  subiront  docilement  l'action  de  la 
pensée.  C'est  pourquoi  le  rôle  que  Kant  prête  à  la  prétendue  chose  en 
soi,  il  faut  l'attribuer  à  l'esprit  lui-même  qui  par  son  activité  instinctive 
produit  ses  propres  sensations.  Le  véritable  absolu  c'est  le  moi  ;  le  moi 
est  la  seule  réalité.  Le  monde  n'est  pas  un  obstacle  extérieur  que  le  moi 
rencontre,  comme  dans  les  autres  systèmes  ;  mais  c'est  une  limitation 
que  le  moi  se  donne  et  à  laquelle  il  s'oppose  par  cela  même  qu'il  se  pose. 


(M  Dans  la  première  édition  de  la  Critique  de  la  raison  pure,  Kant  appelle  son  idéa- 
lisme, iranscendantal  ;  c'est  dans  les  Prolégomènes  à  taule  métaphysique  future...,  qu'il  le 
nomma  critique. 


(36)  PRINCIPALES    FORMES    DE    l'iDÉALISME  499* 

Le  non-moi  n'est  donc  rien  autre  chose  que  la  limite  du  moi,  le  choc  que 
le  moi  subit  dans  le  déplacement  de  son  activité.  Il  n'y  a  plus  en  pré- 
sence deux  réalités  hétérogènes  et  inaccessibles  l'une  à  l'autre,  mais  une 
seule  :  l'esprit,  dont  le  monde  extérieur  est  la  création. 

Critique  :  le  moi  que  je  suis  (et  chacun  est  dans  le  même  cas)  n'a 
aucune  conscience  de  cette  activité  créatrice  du  monde  que  Fichte 
s'attribue.  Sans  doute  Fichte  entend  parler  d'un  moi  absolu,  dont  le 
monde  est  la  réalisation  ;  alors  sa  doctrine  prend  une  forme  panthéis- 
tique,  que  nous  réfuterons  en  son  lieu  (88).  —  Quant  à  l'apparition 
du  non-moi  par  un  choc  du  moi,  elle  est  inconcevable.  «  Comment  le  moi 
peut-il  se  choquer,  s'il  est  tout  seul  ?  Tout  choc  suppose  une  résistance. 
Le  mouvement  dans  le  vide  n'est  pas  senti.  Le  moi  aurait  beau  déve- 
lopper son  activité  à  l'infini,  rien  ne  pourrait  l'avertir  des  différents 
moments  ou  degrés  traversés  par  cette  activité.  Le  non-moi  doit  donc- 
avoir  un  fondement  réel  aussi  bien  que  le  moi.  «  (P.  Janet). 

IV.  —  Idéalisme  phénoméniste  de  Hume  et  de  S.  Mill  :  si  Hume 
et  S.  Mill  conservent  les  mots  de  substance  et  de  cause,  ils  en  vident  le 
coiitenu  et  rejettent  la  chose.  Pour  eux  il  n'y  a  que  des  phénomènes 
groupés  diversement  d'après  les  lois  de  l'association.  La  notion  de 
substance  représente  une  collection,  et  la  notion  de  cause,  une  succession 
de  sensatl^ire.  Ces  notions  ne  sont  pas  applicables  en  dehors  de  la 
conscience.  Ce  qu'ils  appellent  monde  extérieur,  c'est  donc  un  ensemble 
de  sensations  qui  coexistent  ou  se  succèdent  d'une  façon  régulière. 

Mais,  quand  les  objets  extérieurs  ne  sont  plus  représentés  en  nous 
par  aucune  sensation  ou  groupe  de  sensations,  nous  croyons  cependant 
qu'ils  existent  :  vg.  je  crois  que  Londres  existe,  même  quand  j'en  suis 
éloigné.  Comment  s'explique  cette  croyance  ?  —  S.  Mill  répond  que 
l'ensemble  des  sensations  qui  constituent  un  objet  restent  possibles, 
même  quand  nous  ne  les  éprouvons  pas.  Croire  à  l'existence  d'un  objet, 
en  l'absence  de  sensations  actuelles,  c'est  croire  à  des  sensations  possibles. 
De  sorte  que,  en  dernière  analyse,  le  monde  extérieur  ou  la  matière  sont 
ioiine  possibilité  permanente  de  sensation  «  (^).  La  croyance  au  monde 
extérieur  n'est  donc  au  fond  qu'une  forme  subjective  que  les  lois  de 
l'association  imposent  à  nos  sensations.  Notre  esprit  oublie  que  les  possi- 
bilités permanentes  ont  pour  fondement  ses  sensations,  il  finit  par  les 
détacher  de  lui-même  et  les  objectiver  comme  des  existences  exté- 
rieures. 

Critique  :  a)  Nous  avons  déjà  prouvé  que  la  substance  n'est  pas  une 


(M  S.  Mill,  La  Philosophie  de  Ilnmilton,  Cli.  xi,  p.  '2-20.  — -  «  ...L'esprit  et  la  niatitM-f 
ne  sont  l'un  et  l'autre  rien  de  plus  que  des  possibilités  permanentes  de  sentiment.  "  (Ibidem, 
Ch.  XII,  p.  231). 


500  PREUVES    DE    l'existence    DU    MONDE   EXTÉRIEUR  (37) 

collection  de  sensations,  et  que  la  causalité  n'est  pas  une  simple  suc- 
cession de  phénomènes  (Psych.,  76). 

b)  L'explication,  que  S.  Mill  a  imaginée  pour  rendre  compte  de  la 
croyance  au  monde  extérieur,  est  manifestement  inadmissible.  D'après 
le  philosophe  anglais,  la  sensation  actuelle  a  pour  cause  la  sensation 
antécédente.  Mais,  en  l'absence  de  sensations  actuelles,  reste  une  possi- 
bilité de  sensation.  Or  une  possibilité  de  sensation,  qu'est-ce  sinon  une 
sensation  que  je  pourrais  éprouver,  mais  qu'en  fait  je  n'éprouve  pas  ? 
C'est  une  sensation  qui  n'existe  pas  ;  c'est,  par  rapport  à  l'ordre  réel, 
un  zéro.  Donc  pour  assigner  sa  cause  à  une  sensation  actuelle,  il  faut 
admettre,  en  dehors  de  notre  conscience,  non  pas  une  simple  possibilité 
de  sensation,  mais  une  réalité  qui  conditionne  cette  possibilité. 

c)  Dans  l'idéalisme  de  S.  Mill,  l'illusion,  qui  nous  fait  croire  à  l'exis- 
tence d'un  monde  extérieur,  ne  serait,  en  tout  cas,  possible  qu'en  pré- 
sence des  sensations  actuelles,  quelle  qu'en  puisse  être  la  cause.  Car  que 
sont  les  événements  qui  se  passent  en  notre  absence  ou  avant  l'appa- 
rition des  êtres  capables  de  sentir  ?  «  Ce  sont,  répondrait  S.  Mill,  les 
séries  de  sensations  que  nous  aurions  pu  avoir  et  que  nous  aurions 
eues,  si  nous  avions  existé  à  cette  époque.  —  Mais  précisément  nous  ne 
pouvions  pas  exister  à  cette  époque,  ni  nous  ni  aucun  être  sentant,  par 
conséquent  ces  prétendues  possibilités  de  sensations  sont  sTu  fond  des 
sensations  impossibles  (^).  » 

37.  —  PREUVES  DE  L'EXISTENCE  DU  MONDE  EXTÉRIEUR 

La  croyance  philosophique  à  la  réalité  du  monde  sensible  se  fonde 
sur  le  principe  de  causalité  (Psycii.,  95). 

L  —  Tout  fait  a  une  cause.  Or  nous  éprouvons  des  sensations  dont 
nous  ne  sommes  pas  la  cause.  Nous  distinguons  en  efîet  très  nettement 
les  phénomènes  psychologiques,  que  nous  produisons,  de  ceux  que  nous 
subissons.  On  vient  d'ailleurs  de  démontrer  contre  Fichte  (36,  III)  que 
les  sensations  ne  peuvent  être  l'œuvre  du  moi.  La  sensation,  étant  un 
fait  réel,  exige  une  cause  réelle.  Cette  cause  n'étant  pas  le  moi,  il  faut 
la  chercher  en  dehors  du  moi.  Mais  ce  ne  peut  être  l'esprit  divin.  Dieu, 
comme  l'imagine  Berkeley  (36,  I).  Reste  que  la  cause  cherchée  est  une 
réalité  extérieure  au  moi  et  distincte  de  Dieu.  Cette  conclusion  est 
d'ailleurs  conforme  à  la  croyance  universelle  du  genre  humain,  y  compris 
les  idéalistes  qui,  dans  la  pratique  de  la  vie,  se  comportent  comme 
s'ils  croyaient  à  l'existence  du  monde  extérieur. 


( ')  Em.  Roirac,   Cours  élémentaire  de  phiJosop/iic,  L.  IV,    Métaphysique,  Ch.  ii,    §  I, 
n.  7,  p-  422,  Paris,  1892». 


(38)  NATURE    DE    l'eSPACE    ET    DU    TEMPS  501 

II.  —  Ces  sensations,  dont  nous  ne  sommes  pas  la  cause,  sont  coor- 
données. II  y  a  entre  elles  un  accord  permanent  :  nous  rapportons  tou- 
jours certaines  sensations  au  môme  objet  :  telle  couleur,  telle  forme, 
telle  saveur,  tel  parfum  à  tel  fruit,  etc.  Cet  accord  permanent  des  sen- 
sations que  nous  attribuons  à  un  même  objet  suppose  une  cause.  Où  la 
trouver,  sinon  dans  l'unité  permanente  de  l'objet  ? 

III.  —  Il  y  a  harmonie  permanente  non  seulement  entre  les  sensa- 
tions d'un  même  individu,  mais  encore  entre  les  sensations  des  diffé- 
rents individus  sains  :  tous  attribuent  certaines  sensations  aux  mêmes 
objets.  Cette  harmonie  persistante  et  universelle  exige  une  cause.  Où  la 
découvrir,  sinon  dans  l'unité  persévérante  d'un  monde  réel  simulta- 
nément représenté  dans  tous  les  esprits  ? 

IV.  —  Pour  la  réponse  aux  objections  tirées  des  erreurs  des  sens, 
des  illusions  des  songes,  des  hallucinations,  Cf.  Psychologie,  102  ; 
241  ;  245. 

ARTICLE  IL  —  L'ESPACE  ET  LE  TEMPS 
38.  —  NATURE  DE  L'ESPACE  ET  DU  TEMPS 

Les  recherches  sur  la  nature  de  l'espace  et  du  temps  ont  abouti 
à  un  grand  nombre  de  systèmes,  dont  nous  allons  examiner  les  prin- 
cipaux : 

I.  —  Newton  (^)  et  Clarke  (^)  :  pour  eux  l'espace  et  le  temps  sont 
nécessaires,  éternels,  infinis.  Ils  les  distinguent  de  la  substance  divine, 
mais  ils  en  font  des  attributs  divins.  Dieu  est  partout  et  est  toujours  ; 
«  il  constitue  l'espace  et  le  temps  ».  L'espace  est  l'étendue  infinie  de 
Dieu  ;  le  temps  est  sa  durée  infinie. 

Critique  :  Leibniz  a  fort  bien  réfuté  cette  théorie  (  ).  Les  attributs  de 
Dieu  ne  se  distinguent  pas  de  l'essence  divine  ;  chaque  attribut  que 
nous  concevons  en  Dieu,  c'est  l'essence  divine  considérée  sous  un  aspect 
spécial  ;  il  est  donc  simple  et  immuable  comme  elle. 

1°  Or  l'espace  est  divisible  puisqu'on  peut  y  assigner  des  parties  ; 
en  faire  un  attribut  divin,  c'est  dire  qu'il  y  a  en  Dieu  multiplicité  de 
parties,  ce  qui  répugne  à  sa  parfaite  simplicité,  excluant  jusqu'à  la 
possibilité  même  de  toute  division. 

2o  Le  temps  est  aussi  divisible  et  il  implique  une  succession  d'instants 
à  trois  positions  :  passé,  présent,  avenir  ;  faire  du  temps  un  attribut 


(M  Newton,   Principes  mathématiques,  Scholium  générale,  à  la   fin. 

( ')  S.  Clarke,  Traité  de  l'existence  et  des  attributs  de  Dieu,  Ch.  v.  —  Correspondance 
avec  Leibniz  (Cf.  Œuvres  philosophiques  de  Leibniz,  Édit.  Janet,  T.   I,  p.  759,  §  10.) 

(')  Correspondance  avec  Clarke  (Cf.  Œuvres  de  Leibniz,  Édit.  Janet,  T.  I,  p.  779,  §  50  : 
p.  751,   §  10.) 


502  KATIRE    DE    l'eSPACE    ET    DU    TEMPS  (38) 

divin,  c'est  introduire  dans  l'essence  de  Dieu,  avec  la  divisibilité,  la 
siiccessio?i  et  le  changement,  ce  qui  répugne  à  sa  simplicité  et  à  son 
immutabilité. 

II.  —  Descartes  (^)  :  l'espace  s'identifie  avec  l'étendue  des  corps, 
le  temps  avec  la  durée  des  événements  ;  ce  sont  des  modes  inséparables 
des  choses.  Supprimez  les  corps  ou  les  événements,  vous  supprimez 
par  là  même  l'espace  et  le  temps. 

Critique  :  la  suppression  des  corps  ou  des  événements  n'entraî- 
nerait la  suppression  que  de  l'espace  et  du  temps  réels,  mais  non  de 
l'espace  et  du  temps  absolus,  qui  sont,  le  premier,  la  possibilité  indéfinie 
de  l'extension  en  longueur,  largeur  et  profondeur  ;  le  second,  la  possi- 
bilité indéfinie  de  la  succession  dans  le  passé  ou  dans  l'avenir. 

III.  —  Gassendi  (^)  :  l'espace  et  le  temps  sont  des  réalités  indé- 
pendantes des  êtres  qui  sont  dans  l'espace  et  le  temps.  Il  les  considère 
comme  des  êtres  incréés,  éternels,  qui  ne  sont  ni  substance  ni  accident, 
mais  quelque  chose  d'intermédiaire. 

Critique  :  le  temps  et  l'espace,  ainsi  entendus,  sont  inconcevables, 
à  moins  qu'ils  ne  soient  Dieu  lui-même,  puisqu'ils  sont  incréés,  indé- 
pendants, éternels.  Mais  alors  on  retombe  dans  les  contradictions  de 
la  doctrine  de  Glarke.  —  Gassendi  confond  entre  eux  l'espace  absolu  et 
l'espace  réel,  le  temps  absolu  et  le  temps  réel,  et  il  suppose  gratui- 
tement qu'il  y  a  une  réalité  intermédiaire  entre  la  substance  et  l'accident, 

IV.  —  Kant  (^)  :  ce  sont  les  formes  a  priori  de  la  sensibilité.  Si  nous 
nous  représentons  la  coexistence  des  phénomènes  extérieurs,  c'est  que 
la  sensibilité  externe  leur  impose  la  forme  d'espace  qui  existe  en  elle, 
avant  toute  expérience,  comme  une  loi  constitutive  de  sa  nature.  — . 
De  même,  si  nous  nous  représentons  la  succession  de  nos  phénornènes 
intérieurs,  c'est  que  la  sensibilité  interne  leur  impose  la  forme  de  temps, 
qui  est  également  a  priori  et  est  inhérente  à  sa  nature  même.  Aussi, 
comme  ces  idées  d'espace  et  de  temps  sont  en  nous  antérieurement 
à  la  connaissance  des  phénomènes,  elles  n'ont  aucune  valeur  objective  : 
ce  sont  des  conditions  subjectives  de  nos  représentations  (6). 

Critique  :  a)  Les  idées  d'espace  et  de  temps  ne  sont  pas  des  condi- 
tions a  priori  de  l'expérience,  car  elles  en  résultent,  comme  nous  l'expli- 
querons (39)  ;  elles  ont  donc  par  là  même  un  fondement  objectif. 

b)  Il  est  vrai,  d'ailleurs,  que  notre  esprit  ne  peut  se  représenter  les 
])hénomènes  extérieurs  que  dans  l'espace  et  les  phénomènes  intérieurs 


(')  Les  Principes  de  la  Philosophie,  IP  P.,   §  10  sqq. 

(  ')  Synlngmn  :  Physica,  Secl.  I,  L.  II,  C.  i  sriq.  —  Cf.  G.  Sortais,  La  Philosophie  moderne 
depuis  Bacon  jnsf/u'à  Leibniz,  T.  II,  p.  97-100. 

(  ')  Critique  de  la  raison  pure  :  Esthétique  iranscendanlale.  —  Cf.  Garmeb,  Traité  des 
Jacultés  de  Vâme,  T.  III,  L.  IX,  Ch.  v,  S  6,  7,  8.  —  Ém.  Boirac,  L'Espace  d'après  Clarh- 
et  Kant,  dans  Revue  philosophique,  1877,  T.  II,  p.  185-188. 


(88)  NATURE    DE    l'eSPACE    ET    DU    TEMPS  503 

que  dans  le  temps  ;  mais  ces  idées  sont  des  types  généraux  que  l'esprit 
a  dégagés  des  étendues  et  des  durées  concrètes  et  qu'il  leur  applique 
ensuite,  en  toute  occasion  ;  comme  vg.  les  caractères  de  l'animalité, 
tirés  de  l'analyse  des  divers  individus  réels,  sont  toujours  applicables 
à  tel  et  tel  animal. 

Solution  proposée  :  parmi  les  théories  exposées  jusqu'ici,  les  unes 
(Newton  et  Clarke  —  Descartes  —  et,  en  dernière  analyse,  Gassendi) 
soutiennent  Vobjectwité  absolue  de  l'espace  ;  les  autres  (Kant  et  aussi 
les  Associationnistes)  (^)  ne  voient  dans  l'espace  et  le  temps  que  des 
conceptions  toutes  subjectives.  Pour  nous  l'espace  et  le  temps  ne  sont 
ni  des  substances  ou  modes  réels,  ni  des  formes  a  priori  ;  ce  sont  des 
relations  ayant  un  jondetnent  dans  les  choses.  Cette  théorie  se  tient  à 
égale  distance  de  l'objectivité  absolue  et  de  la  pure  subjectivité.  On  en 
trouve  les  données  dans  Leibniz.  Elle  nous  semble  admissible,  pourvu 
qu'on  l'interprète  dans  un  sens  réaliste  {^). 

L'espace  est  un  rapport  de  coexistence,  le  temps  un  rapport  de  suc- 
cession ;  ils  sont  donc  des  ordres,  des  systèmes  de  relations.  L'espace, 
c'est  la  relation  qui  résulte  de  la  coexistence  des  corps  :  c'est  l'ordre  des 
phénomènes  coexistants.,  en  tant  qu'ils  sont  situables  les  uns  par  rapport 
aux  autres.  Le  temps  c'est  le  rapport  qui  résulte  de  la  succession  des 
choses  :  c'est  l'ordre  des  phénomènes  successifs  (^).  Spatium  fit  ordo 
coexistentium  phœnomenorum,  ut  tempus  successivorum  {*). 

Temps  et  espaces  réels  :  s'il  s'agit  de  corps  étendus  ou  de  phéno- 
mènes successifs  existants.,  leurs  rapports  de  coexistence  et  de  succession 
sont  actuels  ;  alors  l'espace  et  le  temps  sont  réels,  par  conséquent 
contingents,   finis,  relatifs. 

Temps  et  espace  absolus  ou  idéaux  :  si  l'on  considère  les  corps  et  les 
phénomènes  comme  simplement  possibles   (^),  leurs  rapports  également 


(M  S.  MiLL,  Examen  de  la  philosophie  de  Hamillon,  Ch.  m,  xi,  xiii. 

(  *)  Certains  prétendent  que  Leibniz  l'entend  dans  un  sens  idéalisle.  Cf.  A.  Farges, 
L'Idée  du  continu  dans  l'espace  et  le  temps,  p.  206,  Paris,  1895.  —  D.  Nys,  La  Noiiond'espace, 
p.  121-125,  Bruxelles,  1922.  —  Cl.  Piat,  Leibniz,  Ch.  V,  §  v,  p.  218-220,  Paris,  1915. 

(  ')  «  Pour  moi  j'ai  marqué  plus  d'une  fois  que  je  tenais  l'espace  comme  quelque  chose 
de  purement  relatif,  comme  le  temps  ;  pour  un  ordre  des  coexistences,  comme  le  temps  est 
un  ordre  des  successions...  L'espace  n'est  autre  chose  que  cet  ordre  ou  rapport,  et  n'est  rien 
du  tout  sans  les  corps,  que  la  possibilité  d'en  mettre...  »  (Leibniz,  Réponse  à  la  seconde 
réplique  de  M.  Clarke,  §  4-5,  Édition  Janet,  T.  I,  p.  743). 

(M  Lettres  de  Leibniz  au  Père  des  Bosses,  Lettre  XX,  Édit.  Erdmann,  p.  682,  col.  2, 
§  Explicationem. 

(  *)  Lkibniz  a  nettement  marqué  ces  deux  aspects  de  la  question  :  «  Le  temps  et  l'espace 
sont  de  la  nature  des  vérités  éternelles  qui  regardent  également  le  possible  et  l'existant.  » 
{Nouveaux  essais  sur  l'entendement  humain,  L,  II,  Ch.  xiv,  §  26;  et  au  Ch.  xiii,  S  17,  il  dit 
de  l'espace  :  «  C'est  un  rapport,  un  ordre  non  seulement  entre  les  existants,  mais 'encore 
entre  les  possibles  comme  s'ils  existaient.  Mais  sa  vérité  et  sa  réalité  est  fondée  en  Dieu, 
comme  toutes  les  vérités  éternelles.  »  —  Spatium  absolutum  aliquld  imaginarium  est 
et  nihil  reale  ei  inest  quam  distantia  corporum  {Lettre  XXX  au  P.  des  Bosses.  Ed.  Erdmann, 
p.  740,  col.  I). 


504  ORIGINE    DES    NOTIO>^S    d'eSPACE    ET    DE    TEMPS  (39) 

ne  sont  que  possibles  ;  alors  l'espace  et  le  temps  sont  absolus  ou  idéaux  : 
l'espace  absolu,  c'est  la  possibilité  indéfinie  de  l'extension  en  longueur, 
largeur  et  profondeur  ;  —  le  temps  absolu,  c'est  la  possibilité  indéfinie 
de  la  succession  dans  le  passé  ou  dans  l'avenir  ;  et,  dans  ce  cas,  ils  ont 
pour  caractères  d'être  homogènes,  continus,  nécessaires,  indéfinis.  Aussi, 
avant  la  création,  comme  il  n'existait  ni  êtres  étendus  ni  êtres  successifs, 
il  n'y  avait  ni  espace  ni  temps  réels,  mais  simplement  la  possibilité 
d'existence  pour  l'espace  et  le  temps  (^). 

Bref,  l'espace  et  le  temps  réels  sont  l'ordre  des  coexistences  ou  des 
fiuccessions  actuelles  ;  — l'espace  et  le  temps  absolus  sont  l'ordre  des 
coexistences  ou  des  successions  possibles  (-). 

39.  —  ORIGINE  DES  NOTIONS  D'ESPACE  ET  DE  TEMPS 

Cette  théorie  explique  bien  l'origine  et  les  caractères  de  ces  notions. 
Pour  les  former,  le  concours  de  l'expérience  et  de  l'intelligence  est 
nécessaire.  Il  faut  les  abstraire  par  analyse  des  représentations  où  elles 
sont  impliquées  et  que  nous  fournit  V expérience. 

I.  —  Espace  :  la  perception  extérieure  nous  procure,  par  le  moyen 
du  tact  et  de  la  vue,  les  données  expérimentales  de  phénomènes  étendus, 
juxtaposés,  coexistants.  Faisant  abstraction  de  la  différence  de  ces  phé- 
nomènes et  ne  retenant  que  leurs  rapports  de  juxtaposition  et  de  coexis- 
tence, l'intelligence  se  forme  l'idée  abstraite  d'espace  :  la  relation  qui 
résulte  de  la  coexistence  actuelle  des  corps. 

Au  delà  de  cet  espace  7-éel  constitué  par  l'ensemble  des  corps  exis- 
tants, la  raison  conçoit  la  possibilité  de  créations  nouvelles  indéfinies 
et  conséquemment  la  possibilité  d'une  extension  sans  fin.  C'est  l'espace 
absolu.  Nous  le  concevons  comme  :  a)  homogène  car  toutes  ses  parties 
sont  de  même  nature  ;  —  b)  nécessaire,  car,  par  le  fait  même  que  nous 
concevons  des  corps  possibles,  nous  ne  pouvons  pas  ne  pas  les  concevoir 
comme  extérieurs  les  uns  aux  autres  et  coexistants  ;  —  c)  indéfini,  car 
l'esprit  n'a  aucune  raison  de  limiter  le  nombre  des  coexistences  possibles. 


(  M  L'espace  •>  est  un  être  de  raison,  car  on  ne  trouve  nulle  part,  réalisée  dans  la  nature, 
une  triple  diniension,  qui  soit  une  capacité  pure,  distincte  et  séparable  des  corps,  immobile, 
pénétrante,  nécessaire,  éternelle,  indéfinie  ;  cette  collection  d'attributs  est  évidemmeni 
de  l'ordre  idéal.  Mais  cet  élément  formel  et  subjectif,  donné  par  l'intelligence,  s'applique  à 
un  élément  matériel  et  objectif,  fourni  par  la  nature  même  des  choses.  Cette  triple  dimen- 
sion idéale,  réceptacle  universel,  est  cahiuée  sur  la  triple  dimension  des  corps  que  nous 
voyons  emboîtés  les  uns  dans  les  autres,  de  manière  à  se  servir  mutuellement  de  récep- 
tacle :  et  cet  espace  possible  a  été  découvert  par  l'intelliKence  dans  l'espace  concret  qui  en 
est  la  réalisation  sensible,  puisque  le  po.ssibie  est  dans  le  réel,  le  type  nécessaire  dans  la 
copie  contingente  (jui  l'exprime  à  nos  regards.  »  (A.  Farges,  L'idée  de  continu  dans  l'espace 
et  le  temps...,  III-  Partie,  §  II,  p.  220,  Paris.  i900«.) 

( ')  «  ...L'espace...  ne  serait  qu'idéal,  si  les  corps  n'y  existaient  point.  ■>  {Leibniz  A 
Uourguet,  Hanovre,  2  juillet  1916),  Œunes,  Édit.  Geriiaiidt,  T.  III,  p.  505,  §  Mr.  Clark). 


(39)  ORIGINE    DES    NOTIONS    d'eSPACE    ET    DE    TEMPS  505 

—  On  l'appelle     quelquefois  imaginaire,  parce  qu'il  n'existe  pas  dans 
la  réalité  ;  mais  nous  le  concevons  comme  une  étendue  indéfinie. 

II.  —  Temps  :  on  peut  envisager  le  temps  à  deux  points  de  vue  : 
le  temps  proprement  dit,  celui  qui  passe,  qui  est  composé  d'instants  suc- 
cessifs ;  —  le  temps  qui  dure,  la  durée,  la  permanence. 

A)  Temps  proprement  dit  :  la  conscience  nous  fournit  les  données 
expérimentales,  à  savoir  les  émotions,  pensées  et  volitions  qui  se  pro- 
duisent et  se  succèdent  dans  notre  âme.  Faisant  abstraction  de  la  diffé- 
rence de  ces  états  et  ne  retenant  que  leur  caractère  successif  et  leurs 
rapports  de  position,  l'intelligence  a  l'idée  abstraite  du  temps  qui  passe  : 
la  relation  qui  résulte  de  la  succession  actuelle  des  phénomènes.  Au  delà 
de  ce  temps  réel  la  raison  conçoit  la  possibilité  indéfinie  de  successions 
à  trois  positions  :  passé,  présent,  futur  ;  c'est  le  temps  absolu. 

B)  Dm'ée  :  en  ne  considérant  dans  la  vie  psychologique  que  l'immo- 
bilité et  la  persistance  de  son  principe,  du  moi,  l'esprit  forme  le  concept 
du  temps  qui  dure,  et  qui  relie  entre  elles  les  trois  positions  du  temps 
qui  passe. 

Le  temps  représente  donc  deux  idées  distinctes  :  les  situations 
successives  du  devenir  ;  —  et  la  permanence  du  lien  qui  unit  entre  eux 
les  moments  du  devenir. 

Les  notions  de  l'espace  et  du  temps  sont  mixtes,  puisqu'elles  contien- 
nent un  élément  expérimental  (la  coexistence  des  corps,  la  succession 
des  phénomènes  et  la  persistance  du  moi),  et  un  élément  rationnel 
(la  raison  perçoit  les  rapports  de  coexistence  et  de  succession,  la  possi- 
bilité d'une  coexistence,  d'une  succession  et  d'une  persistance  indé- 
finies.) Elles  réclament  donc  pour  leur  formation  le  concours  de  la  raison 
et  de  l'expérience  Q-). 

Remarques  :  I.  —  Il  ne  faut  pas  confondre  entre  elles  les  notions 
d''espace,  d'étendue,  de  çide,  de  lieu,  de  distance. 

1)  Espace  :  a)  absolu  ou  imaginaire  :  c'est  la  possibilité  d'une  exten- 
sion réelle  indéfinie. 

b)  réel  ou  physique  :  c'est  la  relation  actuelle  qui  résulte  de  la  coexis- 
tence des  corps  réels.  C'est  une  relation  réelle,  puisqu'elle  a  pour  fon- 
dement la  juxtaposition  actuelle  de  corps  existants. 

2)  Étendue  :  c'est  le  fondement  de  l'espace  ;  l'espace  y  ajoute  la 
notion  de  coexistence  actuelle  ou  possible. 


(  ')  Sur  y  Espace  et  le  Temps  :  Aristote,  Physique,  L.  III,  IV.  —  Suarez,  Dispulationes 
Metaphysicœ,  L,  LI.  —  Balmès,  Philosophie  fondamenUde,  L.  III,  VII.  —  J.  Kletitoen, 
La  Philosophie  scolaslique.  Dissert.  IV,  Cli.  iv.  —  D.  Palmieri,  Cosmologia,  C.  i,  Art.  II. 
III.  —  J.-M.  GUYAU,  La  genèse  de  l'idée  du  temps.  —  II.  Poincaré,  La  mesure  du  te^nps, 
dans  Revue  de  Métaph.  et  de  Morale,  1898,  p.  113.— L.  Tannery, /.a  notion  du  temps, 
dans  RvEUE  philosophique,  1883,  T.  II,  p.  592-595.  —  Ch.  Dunan,  Théorie  psych(^ogiquc 
de  l'espace.  Essai  sur  les  formes  a  priori  de  la  sensibilité.  —  Lechalas,  L'espace  et  le  temps. 


506  ORIGINE    DES    NOTIONS    d'eSPACE    ET    DE    TEMPS  (39) 

3)  Vide  :  absence  de  corps  dans  une  portion  déterminée  de  l'espace 
capable  d'en  recevoir. 

4)  Lieu  :  a)  absolu  ou  intrinsèque  :  c'est  une  portion  déterminée  et 
immobile  de  l'espace  absolu. 

b)  relatif  ou  extrinsèque  :  c'est  la  surface  du  corps  ambiant.  C'est 
ainsi  que  la  surface  intérieure  du  vase  est  le  lieu  de  l'eau  qu'il  contient  (^). 

5)  Distance  :  c'est  la  relation  entre  les  limites  d'un  espace  déterminé. 
Elle  implique  la  négation  de  contiguïté  dans  l'espace. 

II.  —  II  faut  distinguer  les  notions  de  temps  et  de  mouvement. 

1)  Mouvement  proprement  dit  :  c'est  le  passage  du  mobile  d'une  partie 
de  l'espace  à  une  autre  (^). 

2)  Temps  proprement  dit  :  c'est  le  nombre  de  successions  de  l'avant 
et  de  l'après  dans  le  mouvement  (^).  C'est  une  durée  successive,  où  l'on 
peut  distinguer  l'avant  et  l'après,  le  passé  et  le  futur.  Le  présent,  le 
nunc  temporis^  c'est  la  limite  entre  le  passé  et  le  futur.  Telle  est  la  notion 
du  temps  intrinsèque  à  l'être  dont  l'existence  est  successive. 

Le  temps  et  le  mouvement  sont  deux  aspects  différents  de  la  même 
réalité.  Quand  nous  avons  l'idée  du  mouvement,  nous  concevons  d'abord 
le  passage  du  mobile  d'un  lieu  à  un  autre  ;  quand  nous  formons  l'idée 
de  temps,  ce  qui  vient  immédiatement  à  l'esprit  c'est  le  nombre  des 
successions  de  l'avant  et  de  l'après  dans  le  mouvement. 

Le  temps  extrinsèque  c'est  la  durée  constante  et  uniforme  d'un  mou- 
vement choisi  comme  mesure  des  autres  mouvements  (*). 


( ')  Aristote  (Physique,  L.  IV,  C.  iv,  §  12,  Édit.  Didot,  T.  II,  p.  290)  :  To  TOU 
TTspts/ovTOç  TTspaç  àxtV/)rov  TTpwTOV,  tout'  £(7Ttv  ô  TO'TTo;.  Palmieri  montre  très  bien  pour- 
quoi à/Civr,TOV  (immobile)  doit  être  retranché  de  la  définition  du  lieu  extrinsèque.  Cf.  Cosmo- 
logia,  C.  i.  Th.  VIII,  p.  66,   §  Si  vero  corpus. 

( -)  La  dénnition  célèbre  d'Aristote  :  Actus  existenlis  in  potenlia,  quatenus  est  taie. 
H  Tou  i5'uvaa£t  ovtoç  IvreXé/stot,  v]  rotouTOv,  xiV/]at';  iaTi  (Physique,  L.  III,  C.  i,  §  6, 
Didot,  T.  II,  p.  273)  est  très  générale  :  elle  convient  ;\  toute  espèce  de  changements  et  pas 
seulement  au  mouvement,  qui  est  le  changement  local.  (Cf.  P.vlmieri,  Cosmologia,  Th.  XI, 
p.  82  et  seq.).  —  P.  Duhem,  Le  mouvement  absolu  et  le  mowiement  relatif,  16  articles  dans 
la  Revue  de  Philcsophie,  de  1907  à  1909,  Tomes  XI  à  XIV. 

(')  C'est  la  définition  d'Aristote  :  O  /po'voç  àptO;ji.o'ç  l(7TixiV7i(jeio;xaTàTO  TTpOTepovxai 
uTTEpov  (Physique,  L.  IV,  C.  xi,  §  12.  Didot,  T.  II,  p.  302.  — Cf.  Palmieri,  Coswoiogia, 
Th.  XII,  p.  93  et  seq.). 

(  *)  Nous  nous  bornerons  à  mentionner  le  livre  d'EmsTEiN  :  La  Théorie  de  la  Relatirnté 
restreinte  et  généralisée  (Paris,  1921),  où  il  soutient  que  l'espace  et  le  temps  sont  des  entités 
essentiellement  relatives.  Cette  théorie,  en  effet,  est  encore  contestée  du  point  de  vue 
scientinque.  Beaucoup  estiment  en  outre  que  la  Philosophie  n'y  est  pas  intéres,séc.  «  ...  Il  est 
vain  d'emprunter  aux  théories  d'Einstein  des  armes  contre  la  métaphysique  du  temps  et 
de  l'espace.  Il  ne  s'agit  pas  des  mêmes  cho.ses.  "  C'est  l'opinion  de  Lucien  Fabhe,  cité 
par  D.  Nys,  qui  ajoute  :  «  Tel  est  notre  avis.»  (La  Ao/ion  d'espace,^  146,  p.  323).  —  Voir, 
dans  un  sens  opposé,  H.  Heichendach,  La  signification  philosophique  de  la  théorie  de  la 
Relativité,  dans  Revue  philosophique,  1922,  T.  II,  p.  5-61.  —  Cf.  Ed.  Goblot,  Einstein 
et  la  Métaphysique,  Ibidem,  p.  135-152.  —  Em.  Richard-Foy,  Le  Temps  et  l'Espace  du  Sens 
communet  les  Théories  d'Einstein,  Ibidem,  p.  153-200.  —  H.  Bergson,  Durée  et  Simul- 
tan^ité^^yropos  de  la  Théorie  d'Einstein,  Paris,  1922  ;   1923». 


(40)  LE    MÉCANISME  507 

ARTICLE  III  —  ESSENCE  DE  LA   MA  TIÈRE 

On  entend  par  :  a)  Esprit  :  toute  substance  douée  d'intelligence  et 
de  liberté. 

b)  Matière  :  la  substance  dont  les  corps  sont  composés.  Descartes 
n'admettait  que  deux  sortes  de  substances  :  la  substance  étendue, 
res  extensa  ;  la  substance  pensante  :  res  cogitans.  Aussi  ne  voyait-il  dans 
les  animaux  que  des  machines.  Mais  il  faut  admettre  en  outre  l'exis- 
tence de  substances  simples,  capables  de  sentir  et  de  connaître  dans  une 
certaine  mesure,  bien  que  dénuées  de  raison  :  telle  est  l'àme  des  ani- 
maux (PscH.,  249,  250). 

Répondre  à  cette  question  :  quelle  est  l'essence  de  la  matière  ?  c'est 
trouver  quels  sont  les  éléments  constitutifs  de  la  matière.  Voici  les 
diverses  solutions  :  Mécanisme,  Dynamisme,  Matière  et  Forme. 

40.  —  LE  MÉCANISME 

Le  Mécanisme  fait  consister  l'essence  de  la  matière  dans  Vétendue. 
Ce  système  a  pris  plusieurs  formes  : 

§  I.  —  MÉCANISME  PHYSIQUE  OU  ATOMISME  : 
ÉPICURE,  GASSENDI   {^) 

A)  Atomisme  de  Démocrite,  Épicure,  Lucrèce  :  ils  réduisent  la 
matière  à  une  agrégation  de  corpuscules  à  la  fois  étendus  et  physiquement 
insécables  et  que  pour  cette  raison  on  appelle  atomes  (axouo;,  insécable, 
de  d,  Te'fxvw,  couper).  Ces  atomes  sont  durs,  pesants,  en  nombre  infini, 
et  se  meuvent  dans  le  vide.  Leur  rencontre  fortuite  a  formé  les  différents 
corps. 

Critique  :  1°  Démocrite  et  Épicure  ne  disent  pas  en  quoi  l'atome 
consiste  en  lui-même  ;  la  question  posée  n'est  donc  pas  résolue. 

2o  L'atome  par  lui-même  est  inerte.  Comment  donc  a-t-il  pu  entrer 
en  mouvement  ? 

30  N'étant  doué  d'aucun  pouvoir  d'action  ou  de  réaction,  comment 
se  fait-il  qu'il  soit  dur  et  pesant  ? 

4"  L'atome  est  à  la  fois  étendu  et  indivisible.  Cette  assertion  est 
contradictoire,  car  ce  qui  est  étendu  est  composé  de  parties,  et  consé- 
quemment  divisible. 

B)  Atomisme  de  Gassendi  :  il  a  grandement  modifié  l' atomisme 
des  Anciens.  Comme  eux,  il  admet  l'existence  du  vide  et  reconnaît  aux 


( ')  L.  Mabilleau,  Histoire  de  la  Philosophie  atomislique.  —  A.  Mannequin,  1,'Hypo- 
thèse  des  atomes  dans  la  Science  contemporaine.  —  F.  Joyau,  Epicure,  Ch.  v. 


508  LE    MÉCANISME  (40) 

atomes  les  propriétés  suivantes  :  identité  d'essence,  solidité,  impéné- 
trabilité, indivisibilité. 

Mais  :  a)  pour  Démocrite  et  Épicure,  les  atomes  sont  en  outre  éter- 
nels. —  Pour  Gassendi,  ils  ont  été  créés  par  Dieu  qui  pourrait  les 
anéantir. 

b)  Épicure  soutient  que  le  mouvement  est  inhérent  aux  atomes  et 
éternel  comme  eux.  Le  mouvement  naturel  des  atomes  est  une  chute, 
de  haut  en  bas,  dans  le  vide  infini.  Pour  échapper  au  fatalisme,  il  leur 
attribue  le  pouvoir  de  s'écarter  légèrement  de  la  ligne  droite,  en  vertu 
d'une  activité  spontanée.  C'est  le  clinamen  dont  parle  Lucrèce.  —  Pour 
Gassendi  le  mouvement  des  atomes  et  la  force  interne  qui  le  produit 
viennent  de  Dieu.  Sous  l'impulsion  de  sa  volonté  les  atomes  évoluent 
et  réalisent  le  plan  du  Créateur.  Gassendi  se  montre  finaliste  résolu  et 
n'a  que  faire  du  clinamen.  Il  a  vu  nettement  la  nécessité  d'une  loi  interne 
qui  préside  au  développement  des  choses.  Mais  il  a  tort  de  supposer  que 
les  atomes,  une  fois  créés  et  dotés  de  leurs  propriétés,  forment,  sans  le 
concours  divin,  les  combinaisons  diverses  d'où  résulte  le  monde  ordonné 
où  nous  vivons  (^). 

Les  arguments,  que  Gassendi  apportent  pour  prouver  l'existence 
des  atomes,  n'ont  rien  d'apodictique  {^). 

Ce  qui  caractérise  l'Atomisme  de  Gassendi,  c'est  qu'il  est  un  mélange 
original  de  mécanisme  et  de  djmamisme.  «  ...Le  système  de  Gassendi 
est  un  dynamisme,  en  ce  sens,  que  chaque  atome  contient  en  lui-même 
le  principe  de  son  mouvement  et  ne  se  contente  pas  d'en  être  le  véhicule 
inerte  et  indifférent,  comme  le  veut  Descartes...  Le  mécanisme,  comme 
nous  devons  l'entendre  ici,  c'est  la  liaison  réglée.,  prévisible.,  nécessaire 
de  tous  les  mouvements  qui  se  produisent  dans  cet  ensemble  de  forces  [que 
forme  l'ensemble  des  atomes]  ;  c'est  la  réduction  de  tous  ces  mouve- 
ments à  une  loi  immanente,  initiale,  essentielle,  dont  les  formes  variées 
de  l'évolution  ne  sont  que  de  lointaines  applications.  En  ce  sens,  Gassendi 
est-il  mécaniste  ?  Il  l'est  si  bien  qu'on  peut  soutenir  qu'il  fut  le  premier 
à  l'être  non  seulement  sur  tous  les  modernes,  mais  même  sur  tous  les 
anciens.  C'est  lui  qui  a  imaginé  de  ramener  la  finalité  à  n'être  qu'une 
conséquence  de  la  loi  primordiale,  et  qui  a  ainsi  trouvé  le  moyen  de 
concilier  la  téléologie  et  le  déterminisme  (^)  ». 

§  II.  —  MÉCANISME  GÉOMÉTRIQUE  :  DESCARTES 

A)  Exposé  :  pour  Descartes  l'essence  de  la  matière  c'est  Vétendue. 
La  nature  du  corps  «  consiste  en  cela  seul  qu'il  est  une  substance  qui  a 


( ')  ( ')  Cf.  G.  Sortais,  La  Philosophie  moderne  depuis  Bacon  jusqu'à  Leibni:,  T.  II, 
Art.  II,  Gassendi,  p.  81-84  ;  103  ;  106-108  ;  108-112. 

(•)  L.  Mabilleau,  Histoire  de  la  Philosophie  alomistique,  L.  IV,  Ch.  i,  §  II,  p.  422, 
Paris,  1895. 


(40)  '        LE    MÉCANISME  509 

de  l'extension  »  (  ^).  Les  autres  qualités  de  la  matière,  couleur,  odeur, 
son,  etc.,  n'existent  pas  en  elle,  mais  dans  ceux  qui  les  perçoivent. 
La  matière  est  homogène,  divisible  à  l'infini  :  l'atome  n'est 
qu'une  fiction  symbolique.  Descartes,  mettant  l'essence  des  corps  dans 
la  seule  étendue,  exclut  le  vide  et  admet  le  plein  absolu.  Cette  étendue 
continue  est  diiïérenciée  par  les  tourbillons  qui  s'y  produisent  et  la 
découpent  pour  ainsi  dire  en  morceaux  de  différentes  grandeurs.  Ces 
découpures  particulières  sont  les  corps  donnés  dans  l'expérience.  C'est 
Dieu  qui  imprime  à  l'étendue  le  mouvement  dont  la  quantité  se  conserve 
indestructible  et  dont  la  diversité  suffit  à  expliquer  la  formation  des 
êtres  inanimés  et  des  êtres  vivants.  L'impulsion  première,  qui  ^ient  de 
Dieu,  avec  les  lois  qui  la  régissent,  permet  de  tout  expliquer,  même  la 
vie  qui  n'est  qu'un  phénomène  mécanique  ;  les  animaux  ne  sont  que 
des  automates.  D'où  il  suit  que  pour  Descartes  l'explication  du  monde 
se  ramène  à  un  problème  de  mécanisme  géométrique  :  «  Omnia  apud 
me  mathematice  fiunt.  » 

B)  Critique  :  !«  L'étendue,  telle  que  l'imagine  Descartes,  continue 
et  parfaitement  homogène,  ne  diffère  pas  de  l'espace  géométrique  :  ce 
n'est  pas  une  réalité,  mais  une  conception  abstraite,  idéale. 

2°  L'étendue  cartésienne  est  tout  ensemble  actuelle  et  divisible 
à  l'infini.  Or  l'infini  actuel  en  nombre  ou  en  quantité  est  contradic- 
toire  (2).  (PsYCH.,  187,  §  A,  10.  Cf.  m/m,  67,  B,  I,  b). 

3°  Le  Mécanisme  géométrique  peut  rendre  compte  de  la  juxta- 
position des  parties  de  la  matière  dans  l'espace,  mais  il  n'explique 
pas  les  phénomènes  d'impénétrabilité,  de  pesanteur,  de  résistance,  de 
chaleur,  d'électricité,  d'affinité,  de  cohésion,  etc.  qui  supposent  que  la 
substance  corporelle  est  essentiellement  active.  Leibniz  a  bien  démontré 
que  le  Mécanisme  ne  rend  pas  raison  de  la  résistance,  qu'il  ne  suffit  pas 
à  établir  comment  il  se  fait  que,  si  un  corps  vient  à  en  choquer  un  autre, 
la  vitesse. du  premier  en  est  ralentie  ;  comment  un  grand  corps  est  plus 
difficilement  ébranlé  qu'un  petit  ;  comment  un  corps  en  mouvement  ne 
peut  mouvoir  avec  soi  un  corps  qui  était  immobile  sans  en  être  retardé,etc. 
Car  par  elle-même  l'étendue  n'est  ni  dure,  ni  pesante.  Il  faut  donc 
admettre  dans  le  corps  choqué  une  résistance,  une  force,  c'est-à-dire  un 
élément  irréductible  à  l'étendue  et  inexplicable  par  la  seule  étendue  (^). 

40  Dans  l'hypothèse  du  plein  absolu,  le  mouvement  devient  impos- 
sible, car  pour  remuer  un  corps,  il  faudrait  pouvoir  les  remuer  tous,  ce 
qui  exigerait  une  force  infinie.  En  effet,  aucun  corps  ne  peut  être  mû 


(')   Descartes,  Les  Principes  de  la  Philosophie,  II«  Partie,  §  4. 

(  =)  Cf.  Renouvier,  Essais  de  Critique  générale  :  Logique,  T.  I,  Part.  I,  §  VIII,  p.  34-36, 
Paris,  1912.  —  Cauchy,  Sepl  leçmis  de  Physique  générale,  p.  24-26,  Paris,  1868. 
(  ')  Leibniz,  Cf.  Lettre  sur  la  question  si  l'essence  du  corps  consiste  dans  l'étendue. 


510  LE    MÉCANISME  (40) 

qu'en  prenant  la  place  occupée  par  le  voisin.  Ce  déplacement  suppose 
le  vide  que  rejette  Descartes.  —  D'ailleurs,  l'étendue  étant  homogène, 
ses  diverses  parties  ont  les  mêmes  propriétés  ;  dès  lors  le  mouvement 
serait  indiscernable,  parce  que  l'identique  remplacerait  aussitôt  l'iden- 
tique. Si,  au  contraire,  pour  permettre  ce  discernement,  l'on  conçoit 
l'étendue  comme  douée  de  propriétés  distinctives,  l'homogénéité,  que 
Descartes  attribue  à  l'étendue,  s'évanouit.  Le  Mécanisme  géométrique 
aboutit  donc  à  des  difficultés  inextricables. 

§  III.  —  UATOMISME  DYNAMIQUE  :  TONGIORGl 

A)  Exposé  :  ce  système  repose  sur  les  trois  principes  suivants  : 
1<^  La  matière  est  homogène. 

2°  Les  atomes  conservent  leur  être  propre  dans  les  diverses  combi- 
naisons où  ils  entrent.  A  ces  deux  principes,  qui  lui  sont  communs  avec 
le  Mécanisme  pur  et  simple,  l'Atomisme  dynamique  en  ajoute  un  troi- 
sième : 

3'^  Des  forces  exclusivement  mécaniques  suffisent  à  rendre  compte 
des  phénomènes  que  présente  la  matière.  —  Le  Mécanisme  se  contente 
du  mouvement  local. 

Sur  le  nombre  des  forces  mises  en  jeu  les  Atomistes  sont  divisés. 
Les  plus  généreux  en  admettent  trois  catégories  :  a)  Les  forces  attractives 
et  répulsives.  —  h)  La  force  d'' impulsion.  —  c)  La  force  d' mérite. 

Pour  ToNGiORGi  la  force  de  résistance  est  la  seule  énergie  vraiment 
irréductible.   Les  autres  forces  en  dérivent  (^). 

B)  Critique  :  1*^  Ce  système  ne  résout  pas  la  question  proposée  : 
Quels  sont  les  éléments  constitutifs  de  l'essence  des  corps  ?  En  effet, 
l'Atomisme  dynamique  répond  :  ce  sont  des  corpuscules  qu'on  nomme 
atomes  (2),  et  il  s'en  tient  là.  Mais  il  s'agit  de  savoir  ce  qui  constitue 
l'essence  de  n'importe  quel  corps,  par  conséquent  de  ces  corpuscules 
appelés  atomes. 

20  L'Atomisme  dynamique  reconnaît  que  les  atomes  sont  étendus 
et  actifs  ;  mais  il  n'explique  pas  de  quelle  essence  dérivent  ces  propriétés 
accidentelles.  De  ce  chef  encore,  il  laisse  sans  solution  le  problème  à 
résoudre. 

3°  Ce  système  aboutit  à  cette  conséquence  inadmissible  :  les  corps, 
qui  résultent  des  combinaisons  chimiques,  n'ont  pas  cette  unité  essen- 
tielle que  doivent  avoir  les  corps  naturels,  c'est-à-dire  ayant  en  eux- 


(')  s.  ToNGiORGi,  Instituliones  philosophicw  :  T.  II,  Cosmologia,  L.  I,  C  m,  A.  II,  §  98. 
Bruxelles,  1862",  p.  252.  —  Le  Père  Sauveur  Tongiorgi,  ik^  (1820)  et  mort  (1865)  à 
Rome,  enseigna  avec  grand  succès  la  Philosophie  au  Collège  romain. 

(  *)  Atomi  enim  sunt  corpuscula  sallem  mente  divisibilia  ;  extensœ  enim  sunt  (Ton- 
giorgi, Opère  cilato,  §  96). 


(41)  LE    DYNAMISME    INTERNE    :    LEIBNIZ  51l 

mêmes  le  principe  de  leur  mouvement  (').  Les  synthèses  atomiques 
ne  sont  que  des  agrégats  artificiels  d'atomes  de  masse  différente.  En 
effet,  d'après  ce  système,  «  les  atomes  sont  indestructibles  ou  mieux 
intransformables  ;  les  combinaisons  chimiques  n'en  altérant  jamais 
que  la  surface,  sauvegardent  leur  être  individuel.  Cela  revient  à  dire 
que  l'unité  essentielle  est  l'apanage  exclusif  des  masses  atomiques,  qu'en 
dehors  des  infiniment  petits  tout  est  agrégat.  Les  composés  inorganiques, 
le  végétal,  l'animal,  l'homme  lui-même  sont  donc  de  vraies  colonies 
d'atomes  ou  d'individualités  enchaînées  par  des  forces  mécaniques. 
Quelle  que  soit  en  effet  la  nature  du  principe  qui  les  tient  agglomérés, 
les  atomes  intransformables  doivent  conserver  leur  être  propre  à  travers 
leurs  multiples  figurations.  Or  la  science  biologique  aussi  bien  que  la 
métaphysique  condamnent   pareilles  conclusions   »  (^). 

41.  —  LE  DYNAMISME  INTERNE  :  LEIBNIZ 

Le  Dynamisme  substitue  à  l'étendue  inerte  un  principe  d'activité. 
On  distingue  le  Dynamisme  interne  de  Leibniz  et  le  Dynamisme  externe 
de  BoscoviCH  et  de  Palmieri  (^). 

A)  Exposé  :  le  fond  des  choses  est  constitué  par  la  monade  (ty.ovaç, 
unité).  Leil)niz  conçoit  la  monade  comme  une  force,  par  analogie  avec 
l'activité  de  notre  àme  attestée  par  la  conscience.  C'est  une  réalité 
spirituelle,  inétendue,  essentiellement  active.  Mais  cette  activité  est 
interne  et  immanente  :  «  Les  Monades  n'ont  point  de  fenêtres  par 
lesquelles  quelque  chose  y  puisse  entrer  ou  sortir  (*).  »  Elles  ne  peuvent 
par  conséquent  agir  les  unes  sur  les  autres.  Mais  Dieu  y  supplée  par 
«  l'harmonie  préétablie  «  (58),  en  vertu  de  laquelle  les  monades  s'asso- 
cient, se  combinent  et  produisent  les  phénomènes  physiques. 

Leur  activité  interne  se  traduit  par  la  perception  et  Vappétitioji.  Par 
l'appétition,  la  monade  fait  sans  cesse  effort  pour  passer  d'une  perception 
à  une  autre.  Par  la  perception,  la  monade  est  comme  un  miroir  qui 
réflécliit  et  concentre  en  son  unité  la  multiplicité  de  l'univers.  La  per- 
ception est  la  représentation  du  multiple  dans  l'un  :  aussi  qui  connaîtrait 


(  ')  Naturalia  differunt  a  non  naturalibus  in  quantum  habent  naturani.  Sed  non  dlfferunt 
a  non  naturalibus  nisi  in  quantum  habent  principium  motus  in  seipsis  (S.  Thomas,  Comment 
in  L.  Il  Physicorum,  Lect.  I). 

(2)  D.  Nys,  Cosmologie  ou  Etude  philosophique  du  Monde  inorganique,  L.  III,  n.  327, 
p.  529-530,  Louvain-Paris,  1903. 

( ')  Notons  une  autre  forme  du  Dynamisme,  VHylozo'isme  (uXr,,  -.(ocv,  mntière  vivante)  : 
c'est  la  doctrine  stoïcienne,  d'aprOs  laquelle  la  vie  est  une  propriété  essentielle  de  la  matière. 
L'univers  est  comme  un  grand  animal,  dont  Dieu  est  l'Ame,  et  la  matière,  le  corps.  C'est 
une  forme  du  panthéisme  dont  nous  parlerons  plus  bas  (88). 

(  ■*)  Leiiîniz,   Monadologie,    §7. 


512      -  LE    DYNAMISME    INTERNE    :    LEIBNIZ  (41) 

adéquatement  une  monade  connaîtrait  toutes  les  autres,  car  la  monade 
est  «  un  miroir  vivant  perpétuel  de  l'univers  »  (*). 

L'ensemble  des  monades  est  supérieur  à  tout  nombre  assignable. 
Elles  diffèrent  toutes  les  unes  des  autres  par  leurs  qualités  (autrement 
elles  seraient  «  indistinguables  »)  (^)  ;  et  elles  sont  toutes  plus  ou  moins, 
analogues  entre  elles  (d'où  le  principe  de  continuité).  Les  monades  forment 
une  hiérarchie  dont  les  degrés  correspondent  à  la  perfection  plus  ou 
moins  grande  de  leur  activité  représentative,  et  appétitive.  Au  plus 
bas  degré,  les  monades  nues,  dont  les  perceptions  inconscientes  et  les 
appétitions  fatales  ressemblent  aux  nôtres  durant  le  sommeil  (^).  Ces 
monades  sont  les  éléments  constitutifs  des  corps  inorganiques.  Au-dessus 
viennent  les  monades  sensitives  dont  la  perception  est  accompagnée,  de 
mémoire  sans  s'élever  jusqu'à  la  réflexion  (*).  Telles  les  âmes  des  bêtes  : 
un  animal  est  un  composé  d'une  infinité  de  monades  nues  gouvernées 
par  une  monade  sensitive.  Enfin,  au  sommet,  les  monades  raisonnables 
ou  esprits,  qui  sont  «  élevés  aux  actes  réflexifs  »,  et  sont  capables  de 
connaître  les  vérités  nécessaires  et  universelles  (^). 

Un  corps  étant  un  agrégat  de  monades,  comment  en  peut-il  résulter 
l'étendue  ?  De  même,  répond  Leibniz,  qu'un  charbon  ardent  qu'on 
fait  tourner  rapidement  donne  à  l'œil  l'impression  d'une  circonférence, 
c'est-à-dire  d'une  ligne  continue,  quoiqu'en  réalité  il  n'existe  qu'en  un 
seul  point  à  la  fois,  ainsi  une  somme  de  forces  simples  produit  sur  nous 
une  somme  de  résistances  qui,  suffisamment  rapprochées,  nous  donne 
la  sensation  de  l'étendue.  L'étendue  n'est  donc  qu'un  mode  de  mani- 
festation de  la  force. 

Dans  ces  conditions,  disparaît  le  dualisme  tranché  que  Descartes 
avait  imaginé  entre  l'esprit  et  le  corps.  Le  dynamisme  leibnizien  ramène 
toutes  choses  à  l'unité  de  l'esprit  :  du  minéral  à  la  plante,  de  la  plante 
à  l'animal,  de  l'animal  à  l'homme,  de  l'homme  à  Dieu  qui  est  la  Monade 
infinie,  on  suit  le  développement  progressif  d'une  activité  immatérielle 
de  plus  en  plus  parfaite. 

B)  CritiQue  :  1°  Leibniz  ne  voit  partout  que  des  forces  et,  par  une 
contradiction  étrange,  il  n'admet  pas  que  les  monades  puissent  agir  les 
unes  sur  les  autres  :  leur  activité  est  toute  immanente.  Pour  remplacer 
l'action  transitive,  c'est-à-dire  l'action  qui  commencée  dans  un  être  passe 


(  ')  (  ')  Leibniz,  Monadologie,  §  56,  8. 

(')  (  *)  (')  Leibniz,  Monadologie,  §  19-24;  25-26;  29-30.  —  Leibniz  distingue  «  la 
perception  qui  est  l'état  intérieur  de  la  monade  représentant  les  choses  e.xternes,  et  Vapcr- 
ceplinn  qui  est  la  conscience  ou  la  connaissance  réflexive  de  cet  état  intérieur,  laquelle  n'est 
point  donnée  à  toutes  les  âmes,  ni  toujours  à  la  même  âme.  »  (Principes  de  la  Nature  el  de 
la  Grâce  fondés  en  raison,^  ftr  Œuvres,  Édit.  Janet,  T.  I,  p.  725).  Cotte  distinction  a  permis 
à  Leibniz  d'établir  une  di/7^rence  sp(?ci/îque  entre  l'homme  qui  est  capable  de  réfléchir  d 
l'animal  qui  ne  l'est  pas. 


(42)  l'hylémorphisme  :  les  scolastiques  513 

et  s'achève  dans  un  autre,  il  a  imaginé  le  système  arbitraire  de  Vhar- 
tnonie  préétablie,  qui  sera  réfuté  plus  loin  (58). 

2°  Leibniz  attribue  même  aux  monades  nues,  c'est-à-dire  aux 
êtres  insensibles,  des  perceptions  et  des  appétitions.  Il  mérite  le  reproche 
de  Kant  qui  i'accuse  de  spiritnaliser  la  matière. 

3»  II  admet  non  seulement  que  la  matière  est  «  divisible  à  l'infini  >>, 
mais  encore  qu'elle  est  «  sous-divisée  actuellement  sans  fin,  chaque 
partie  en  parties,  dont  chacune  a  quelque  mouvement  propre...  Par  où 
l'on  voit  qu'il  y  a  un  monde  de  créatures,  de  vivants,  d'animaux, 
d'entéléchies,  d'âmes  dans  la  moindre  partie  de  la  matière  »  (^).  Il 
accepte  donc  l'existence  de  multitudes  actuellement  infinies  et  s'engage 
dans  les  difficultés  inextricables  du  plein  (^). 

40  Comment  expliquer  Y  étendue  au  moyen  de  monades  inétendues  ? 
N'est-ce  pas  une  contradiction  dans  les  termes  ?  —  Comme  on  fait 
valoir  cette  objection  contre  toute  sorte  de  Dynamisme,  on  y  reviendra 
à  propos  du  Dynamisme  externe  (43,  §  II,  B,  1°). 

42.  —  L'HYLÉMORPfflSME  (  LA  MATIÈRE  ET  LA  FORME  )  : 
LES  SCOLASTIQUES  (  ^) 

A)  Exposé  :  d'après  Descartes,  la  matière  est  une  étendue  pas- 
sive ;  selon  Leibniz,  c'est  une  collection  de  forces  simples.  Au  dire  des 
Péripatéticiens  et  des  Scolastiques,  elle  est  tout  ensemble  étendue 
et  force.  Ces  deux  éléments  ne  constituent  pas  la  substance  même  de  la 
matière,  mais  sont  les  deux  propriétés  essentielles  qui  nous  la  mani- 
festent. La  force  implique  l'unité,  la  simplicité,  l'activité  ;  Vétendue 
entraîne  la  pluralité,  la  divisibilité,  la  passivité.  Ces  deux  propriétés 
de  la  matière  présentent  des  caractères  non  seulement  opposés,  mais 
contradictoires  ;  il  est  donc  impossible  de  les  expliquer  l'une  par  l'autre 
ou  de  les  réduire  à  un  seul  principe  qui  les  concilie.  D'où  il  suit  que  tout 


( ')  Lefbniz,  Monadologie,  §  6^-66.  —  «  Le  moindre  corpuscule  est  actuellement  sutnli- 
visé  k  l'infini  et  contient  un  monde  de  nouvelles  créatures...  »  (Leibniz,  Correspondance 
avec  Clarhe,  Œuvres,  Édit.  Janet,  T.  I,  p.  756). 

( ')  «  Tout  est  plein  dans  la  nature  >  (Leiuniz,  Principes  de  la  Nature  et  de  la  Grârr, 
§  3,   Ibidem,  p.  724). 

(  ')  Pour  une  exposition  détaillée  du  système  de  la  Matière  et  de  la  Forme,  on  peut  voir  : 
M.  LiBEn.^TORE.  I nstitritiones  philosophicee.  T.  Il,  Cosmologia.  C.  ii.  Art.  XI.  —  Th. -M.  Zi- 
ai,i.\RA,  Summa  philosophica,  T.  II,  Cosmologia,  L.  II,  C.  il.  —  .\.  Faroe.-?  et  BARnEDETTE, 
Philosophia  scolastica,  T.  I,  Cosmologia,  L.  Il,  C.  ii.  —  A.  Farges,  Matière  et  forme.  — 
J.  Kleutge.n,  La  Philosophie  scotastique,  Diss.  VII.  —  Sur  les  Théories  modernes  de  la 
i.onstitution  de  la  matière,  voir  vfr.  .1.  Perhin,  Les  Atomes.  Paris,  19t3.  —  Pacotte,  Phy- 
sique théorique  moderne,  Paris,  1921.  Achalme,  Les  Atomes,  Paris,  1921,  Lu  Molécule,  1922. 
-  Berthoud,  La  constitution  des  atomes,  Paris,  1922.  —  P.  Descoqs  a  confronté  la  concep- 
tion métaphysique  des  corps  selon  la  Scolastique  avec  les  théories  actuelles  des  savants, 
("f.  Hylt^morphisme  et  Science  moderne,  dans  Revue  de  Philosophie,  1922,  p.  393-410. 

TRAITÉ    de    philosophie.    —   T.    II     —    17. 


,514  l'hylémorphisme  :  les  scolastiques  (42) 

corps  doit  être  considéré  comme  étant  composé  de  deux  principes 
distincts.  L'un  est  le  fondement  de  l'étendue,  de  la  passivité,  de  l'inertie  ; 
bref,  de  toutes  les  propriétés  géométriques  des  corps  :  on  l'appelle 
matière  première.  L'autre  est  le  fondement  de  la  qualité,  de  l'unité,  de 
l'activité  ;  bref,  de  toutes  les  propriétés  dynamiques  des  corps  :  on 
l'appelle  forme  substantielle.  La  matière  première  rappelle  l'étendue 
cartésienne,  car  elle  est  considérée  comme  une  masse  homogène,  continue, 
divisible  à  l'infini,  indifférente  à  toutes  les  déterminations.  La  forme 
substantielle  représente,  par  certains  côtés,  la  monade  leibnizienne, 
car  elle  est  une,  active,  levant  l'indétermination  de  la  matière  qu'elle 
spécifie.  Ces  deux  principes  sont  incomplets  par  eux-mêmes,  puisque  le 
premier  est  indéterminé  et  le  second  déterminant.  Ils  se  complètent 
l'un  par  l'autre  dans  l'unité  d'une  même  substance  et,  par  leur  union, 
constituent  les  différents  corps  que  l'École  appelle  matière  seconde. 

B)  Preuve.  —  Les  Scolastiques  constatent,  après  Aristote, 
qu'il  y  a,  dans  la  nature,  des  changements  non  seulement  accidentels, 
mais  substantiels  :  des  corps  nouveaux,  résultant  de  la  combinaison 
des  corps  simples,  ont  des  propriétés  qui  diffèrent  spécifiquement  des 
propriétés  des  composants.  Or  ces  changements  n'impliquent  ni  créa- 
tion ni  anéantissement  :  ce  sont  des  transformations  substantielles  ou 
accidentelles.  Il  y  a  donc  quelque  chose,  un  sujet,  qui,  en  passant  d'une 
forme  à  une  autre,  se  maintient  identique  dans  tous  les  êtres  corporels. 
Cet  élément  commun,  ce  sujet  identique  c'est  ce  que  l'on  nomme  la 
matière  première.  Mais  cet  élément  commun  se  retrouve  dans  des  êtres 
spécifiquement  différents  :  c'est  la  forme  substantielle  qui  établit  entre 
les  êtres  corporels  une  différence  essentielle.  Les  corps  sont  donc  composés 
de  matière  et  de  forme  substantiellement  unies. 

Exemple  :  le  pain  se  change  en  chair  par  l'influence  d'agents  naturels. 
Le  pain  était  en  puissance  de  devenir  chair  ;  or  ces  deux  substances 
diffèrent  spécifiquement,  parce  que  leurs  propriétés  sont  diverses  ou 
même  opposées.  Nous  constatons,  d'une  part,  l'existence  d'une  trans- 
jormation  substantielle.  De  l'autre,  nous  remarquons  que  dans  ce  chan- 
gement quelque  chose  de  commun  et  d'indéterminé  persiste,  car  ce 
changement  est  une  transformation  et  non  une  création.  Cet  élément 
persistant,  qui  peut  devenir  pain  ou  chair,  c'est  la  matière  première. 

«  La  science  d'aujourd'hui  n'admet  plus  les  mutations  substan- 
tielles   (^),  donc  les  corps  ne  sont  pas  constitués  par  la  matière  et  la 


(')  On  trouvera  sur  ce  point  tous  les  renseignements  nécessaires  dans  l'élude  appro- 
fondie que  le  Père  P.  Descoqs  a  publiée  sous  ce  titre  :  La  Théorie  de  In  Matière  et  de  la 
Forme  cl  ses  Fondements.  (Série  de  6  articles  parus  dans  la  Revuk  de  Philosophie,  de 
septembre  1921  à  août  1922).  Sur  l'argument  des  mutations  substantielles,  voit  ibidem, 
1921,  p.  488-518  ;  603-630.  —  Ces  articles  revus  et  complétés  paraîtront  en  volume 
sous  ce  titre  :  Essai  critique  sur  l' H ylémorphisme  (Paris,  Beauchesne,   1924). 


(42)  l'hylémorphisme  :  les  scolastiques  515 

forme.  Pour  enlever  sa  force  à  un  tel  argument,  il  faut  ou  nier  T anté- 
cédent ou  nier  la  conséquence,  c'est-à-dire  qu'il  faut  ou  revendiquer  la 
réalité  des  mutations  substantielles  ou  recourir  à  d'autres  arguments 
en  faveur  de  l'hylémorphisme.  Les  philosoplies  scolastiques  à  tendance 
scientifique  sont  plutôt  inclinés  vers  cette  seconde  solution  »  (^).  Aussi 
un  certain  nombre  de  néo-scolastiques,  renonçant  à  la  preuve  tirée  des 
mutations  substantielles,  ont  recours  aux  arguments  d'ordre  méta- 
physique. 

Voici  l'indication  de  «  celui  qui  nous  semble  le  plus  ferme,  disons 
mieux  le  seul  ferme  dans  l'espèce  »  (^).  Cet  argument  est  fondé  sur  les 
propriétés  des  êtres  matériels. 

«  Or  ces  propriétés,  selon  qu'elles  appartiennent  à  l'ordre  statique 
ou  à  l'ordre  dynamique^  se  rangent  d'elles-mêmes  en  deux  catégories, 
très  distinctes  sans  doute,  mais  tellement  inséparables  que  l'être  dont 
elles  sont  la  manifestation  et  comme  l'émanation  première,  n'aura  de 
chance  d'être  compris  d'une  manière  un  peu  profonde  que  s'il  est  envi- 
sagé à  la  fois  sous  ces  deux  aspects  :  l'un  de  ces  aspects  achève  l'autre, 
mais  aucun  ne  suffit  par  soi,  aucun  ne  révèle  l'être  tout  entier...  (^). 

«  Le  premier  argument  en  faveur  de  la  matière  et  de  la  forme 
se  tire  de  la  continuité  ou  extension  propre  à  l'être  matériel.  On  y  envi- 
sage le  corps  en  lui-même,  à  l'état  statique  et  l'on  en  déduit  la  néces- 
sité d'un  double  principe  intrinsèque  pour  rendre  compte  de  catte  pro- 
priété. Un  second  argument  prend,  comme  point  de  départ,  le  corps  non 
plus  seulement  à  l'état  statique,  mais  aussi  et  en  même  temps  à  l'état 
dynamique,  c'est-à-dire  en  tant  qu'il  agit  et  qu'il  pâtit,  qu'il  se  meut 
et  qu'il  est  mû...  Entre  elle  [cette  seconde  preuve]  et  la  première,  aucune 
cloison  étanche  :  tout  ce  que  nous  allons  dire  de  l'être  corporel  considéré 
dans  l'ordre  de  l'activité  et  de  la  qualité  par  opposition  à  sa  passivité 
et  à  sa  quantité  ne  laissera  pas  d'impliquer  ses  propriétés  d'extension 
et  de  divisibilité  et  le  supposera  toujours,  en  sorte  qu'en  définitive  nous 
n'aurons  bien  qu'un  seul  et  unique  argument  tiré  des  diverses  propriétés 
des  corps  (*).  » 

C)  Nature  de  la  matière  et  de  la  forme  : 

1"  La  matière  première  est  le  sujet  premier  de  tous  les  changements 
corporels.  C'est  une  réalité  substantielle,   mais  incomplète  (car  elle  ne 


(M   p.    Geny,    Metafisirn   ed  esperienza   nella    Cosmologia,   dans    Gregorianum,    1920 
p.  100. 

{')  (')  P.  Descoqs,  La  Théorie...,  Revue  de  Philosophie,  1922,  p.  207  ;  260. 

(  ')  On  trouvera  le  développement    ;  de  la  première  partie  de  la  preuve,  tirée  du  continn  . 
Ibidem,  1922,  p.  26.1-290  ;  de  la  seconde,  Urée  de  l'inertie  et  de  l'activité,  p.  .384-.39,'î. 


516  l'hylémorphisme  :  les  scolastiques  (42) 

peut  exister  seule,  sans  la  forme)  ;  elle  est  essentiellement  potentielle, 
parce  que,  ne  renfermant  aucune  actualité,  elle  est  simplement  en 
puissance,  c'est-à-dire  apte  à  recevoir  une  forme  substantielle  quel- 
conque. 

2°  La  forme  siihstanlielle  est  rude  premier  de  la  matière.  C'est  aussi 
une  réalité  substantielle,  mais  incomplète  (car  elle  suppose  la  matière)  ; 
elle  est  capable  de  réduire  en  acte  la  matière  première.  Celle-ci  étant 
un  principe  passif,  indifîérent  à  constituer  tel  corps  plutôt  que  tel  autre, 
il  faut  qu'elle  soit  déterminée  à  être  plutôt  ceci  que  cela  par  un  principe 
actif,  qui  est  la  forme  substantielle.  La  forme  substantielle  fait  que  la 
matière  possède  en  acte  la  perfection  pour  laquelle  elle  n'est  qu'en  puis- 
sance. La  forme  étant  active  est  le  principe  de  toutes  les  facultés,  opé- 
rations et  modifications  du  composé. 

La  forme  substantielle  constitue  la  chose  dans  son  essence,  fait  vg.  que 
ceci  soit  du  pain  et  non  de  la  chair  ;  la  forme  accidentelle  modifie  la 
chose  déjà  constituée  dans  son  espèce  :  la  chaleur  fait  que  ce  pain  soit 
chaud  et  tendre. 

30  La  matière  ,et  la  forme,  qui  prises  séparément  sont  des  réalités 
substantielles  incomplètes,  constituent  par  leur  union  une  substance 
proprement  dite,  un  composé  substantiel.  Ce  composé  est  appelé  matière 
seconde.  La  forme,  étant  à  la  matière  ce  que  l'acte  est  à  la  puissance, 
joue  le  rôle  de  principe  déterminant,  spécificateur  :  si  le  cheval  est  spéci- 
fiquement distinct  du  chien,  ce  n'est  pas  à  cause  de  la  matière  première 
qui  est  commune  à  tous  les  deux,  mais  à  raison  de  leurs  formes  substan- 
tiellement différentes.  La  matière  et  la  forme  se  rapportent  l'une  à  l'autre 
et  se  complètent  mutueUement  dans  l'unité  d'une  même  substance  qui 
provient  de  leur  union.  D'un  côté,  la  matière  est  déterminée  par  la 
forme  à  être  telle  chose  :  de  l'autre,  la  forme  tient  de  la  matière,  qui  la 
limite,  ses  propriétés  individuelles  :  unie  à  la  matière  elle  ne  représente 
plus  une  nature  spécifique,  mais  elle  constitue  un  certain  individu  de 
telle  espèce.  Dans  Socrate,  Vâme  qui  est  la  forme  substantielle,  détermine 
la  matière  qui  est  en  lui  et  en  fait  un  être  humain  ;  à  son  tour  la  matière 
est  le  principe  de  délimitation  pour  Vâme,  de  manière  que  cette  forme, 
étant  circonscrite  en  lui  par  telles  conditions  matérielles  et  non  par 
d'autres,  au  lieu  de  convenir  à  tous  les  hommes,  est  propre  au  seul 
Socrate. 

40  La  forme  substantielle  est  V unique  principe  premier  intrinsèque 
des  diverses  opérations  du  composé.  Ex.  :  dans  Vhomme,  l'âme  raison- 
nable, qui  est  le  principe  de  la  vie  intellectuelle,  est  aussi  le  principe  de 
la  vie  sensitive  et  de  la  vie  végétative.  Dans  Vanimal,  l'àme  sensitive 
est  aussi  le  principe  de  la  vie  végétative.  Dans  la  plante,  l'àme  végé- 
tative agit  sur  les  forces  physiques  et  chimiques  de  la  substance. 
La  raison  en    est    que    la    forme  la    plus    parfaite    contient    virtuel- 


(42)  l'hylémorphisme  :  les  scolastiques  517 

lement     les      perfections      contenues     dans     les      formes      inférieures. 

D)  Éduction  des  formes.  —  La  création  est  la  production  d'une 
chose  sortie  tout  entii're  du  néant  :  le  monde  est  créé,  parce  qu'il  tient 
tout  de  Dieu,  matière  et  forme.  La  génération  substantielle  est  la  pro- 
duction d'une  chose  par  le  changement  de  la  forme  substantielle  dans 
la  matière  préexistante  ;  vg.  étant  donnés  de  l'oxygène  et  de  l'hydro- 
gène dans  une  certaine  proportion  (H^  0),  l'eau  est  engendrée  sous 
l'influence  d'une  étincelle  électrique. 

U anéantissement  est  la  réduction  complète  d'une  chose  au  néant. 
La  corruption  est  l'action  par  laquelle  la  forme  se  sépare  de  la  matière. 
Si  Dieu  cessait  de  soutenir  le  monde  dans  l'existence,  le  monde  rentre- 
rait tout  entier  dans  le  néant  ;  quand  le  bois  enflammé  se  change  en 
cendre,  il  est  détruit,  corrompu. 

La  génération  indique  un  changement  de  forme  substantielle  ;  Valté- 
ration  signifie  un  changement  de  forme  accidentelle.  Si  la  cire  se  trans- 
forme en  fumée  sous  l'action  du  feu,  il  y  a  destruction  et  génération  ; 
si  on  lui  imprime  diverses  formes,  il  y  a  altération. 

Dans  les  générations  substantielles,  la  matière  demeure,  restant 
toujours  en  puissance  de  recevoir  de  nouvelles  formes,  quand  celle  qui 
Factue  disparait.  Toute  forme  substantielle,  une  fois  séparée  de  la 
matière  qu'elle  informait,  périt,  si  elle  est  incapable  de  subsister  et 
d'agir  indépendamment  de  la  matière  :  telles  sont  les  formes  chimiques, 
végétatives,  sensitives.  Mais  l'âme  raisonnable,  forme  substantielle 
du  corps  humain,  pouvant  exercer  ses  opérations  propres,  celles  de 
l'intelligence  et  de  la  volonté,  sans  le  secours  de  la  matière,  ne  périt 
pas  par  le  fait  de  sa  séparation  d'avec  le  corps  :  c'est  une  forme  substan- 
tielle subsistante. 

Dans  tout  composé  substantiel,  la  forme  corporelle  est  tirée  de  la 
matière  par  la  vertu  d'un  agent  extérieur  qui  réduit  la  matière  en  acte  ; 
vg.  l'action  du  feu  change  la  cire  en  fumée.  Les  formes  peuvent  être 
produites  dépendamment  de  la  matière  première,  parce  que  la  matière, 
contenant  toutes  les  formes  en  puissance,  devient  telle  ou  telle  chose, 
-  quand  une  cause  efficiente  se  trouve  dans  les  conditions  requises  pour 
■  faire  passer  en  acte  ce  qui  était  en  puissance. 

Comme  la  matière  et  la  forme  ne  peuvent  exister  séparément,  la 
matière  ne  peut  perdre  la  forme  substantielle  qu'elle  a  sans  en  acquérir 
une  autre  ;  de  là  cet  axiome  :  La  destruction  d'un  composé  est  la  formation 
d'un  autre,  et  inversement  :  La  génération  d'un  composé  est  la  destruction 
d'un  autre.  La  forme  expulsée  ne  persiste  plus  que  virtuellement,  en 
puissance  dans  la  matière  du  nouveau  composé. 

Pour  éclairer  le  mystère  des  transformations  substantielles,  il  faut 
s'aider  des  transformations  accidentelles  qui  sont  accessibles.  Ainsi, 
un  bloc  de  marbre  est  en  puissance  de  devenir  n'importe  quoi.  Vienne 


518  LE    DYNAMISME    EXTERNE    :    BOSCOVICH,    PALMIERI  (43) 

un  artiste  :  il  en  tirera  une  statue,  en  le  déterminant  à  représenter  tel 
personnage  (^). 

43.   —    LE    DYNAMISME    EXTERNE    :   BOSCOVICH,    PALMIERI 

Dans  le  Dynamisme  leibnizien  le  principe  du  mouvement  est  exté- 
rieur aux  Monades  :  dans  le  Dynamisme  de  Bosco vich  et  de  Palmieri 
les  éléments  simples  constitutifs  des  corps  ont  le  principe  de  leur  mou- 
vement en  eux-mêmes. 

§  I.  —  SYSTÈME  DE  BOSCOVICH   (-) 

A)  Exposé  :  1^  Les  premiers  éléments  des  corps  sont  des  points 
simples  ou  inétendus,  absolument  indivisibles  et  distants  les  uns  des 
autres  (^). 

20  Ces  éléments  sont  doués  d'une  double  force  :  a)  attractive,  par 
laquelle  s'attirent  les  éléments  distants  ;  —  b)  répulsive,  par  laquelle 
les  éléments  près  de  se  toucher  se  repoussent. 

La  force  attractive  se  change  ainsi  en  force  répulsive  ;  puis,  à  une 
certaine  distance,  la  force  répulsive  se  change  en  attractive  et  ainsi 
tour  à  tour  (*).  ' 


(  M  Pour  les  Objections,  cf.  S.  Tongiorgi,  InsiituHones  philosophicse,  T.  II,  Cosmologia, 
L.  I,  C.  Il,  Art.  I,  p.  212-223,  Bruxelles,  11'  Édit.  —  D.  Palmieri,  Institutiones  philoso- 
phicae,  T.  II,  Cosmologia,  Th.  xx,  p.  140-159. 

(  •)  -  Roger  Joseph  Boscovich,  né  à  Raguse,  le  18  mai  1711,  entra  au  noviciat  des 
Jésuites  à  Rome,  le  31  octobre  1725.  Il  enseigna  avec  éclat  la  Philosophie  et  les  Mathéma- 
tiques au  Collège  romain  et  à  l'Université  de  Pavie...  Les  .Souverains  Pontifes,  les  États 
de  Lucques,  l'empereur  d'Autriche  lui  confièrent  des  missions  scientifiques.  Après  1773, 
il  fut  nommé  à  Paris  directeur  [de  l'optiquel  de  la  Marine,  avec  8.000  livres  de  pension  : 
mais  les  désagréments  que  lui  suscitèrent  d'Alembert  et  autres  philosophes,  le  forcèrent 
d'abandonner  son  poste.  Il  se  retira  à  Milan,  où  il  jouit  de  la  considération  que  méritaient 
ses  talents,  et  mourut  le  12  février  1787.  Il  était  membre  correspondant  de  l'Académie  des 
Sciences  de  Paris,  et  titulaire  de  celles  de  Lyon  et  de  Metz.  »  (C.  Sommervogel,  Bibliothèque 
de  la  Compagnie  de  Jésus,  Part.  I,  T.  I,  col.  1828-29,  Paris,  1890).  —  La  Société  royale  de 
Londres  l'admit  également  parmi  ses  membres.  —  L'astronome  Lal-^^nde  a  fait  reloge  de 
BoscoviCH  dans  le  Journal  des  Savants,  février  1792,  p.  411.  —  Dcgald  Stewart,  Essais 
philosophiques  sur  les  Systèmes  de  Loche...,  Essai  II,  Ch.  i,  §  II,  Traduct.  de  Ch.  Huret, 
p.    157-171,    Paris,    1878. 

C)  Prima  elementa  materiae  mihi  sunt  puncta  prorsus  indivisibilia  et  inextensa,  quae 
in  immenso  vacuo  Ita  dispersa  sunt,  ut  bina  quaevis  a  se  Invicem  distent  per  allquod  inter- 
vallum,  quod  quidem  indeflnite  augerl  potest  et  minui,  sed  penitus  evanescere  non  potest 
sine  compenetratlone  ipsorum  punctorum  :  eorum  enim  contigultatem  nullam  admitto 
possibilem  (R.-J.  Boscovich,  Theoria  Philosophiae  Naturalis  redacta  ad  unicam  legem 
virium  in  Natura  existeniium,  Part.  I,  §  7,  p.  4,  Venise,  1763  '.  La  1"^  édition  parut  à  Vienne, 
en  1758,  et  la  2'  en  1759).  —  A  Theory  o/  Natural  Philosophy,  Latin-English  Edition  with 
A  Short  Life  o/  Boscovich,  Chicago  et  Londres,  1922. 

(*)  La  loi  qui  régit  ces  forces  est  décrite,  Opère  citato.  Ibidem,  §  10,  p.  S-fi.  —  Cf.  De 
Coniinuitatis  Lege  et  ejus  consectariis  pertinentibus  ad  prima  materiœ  elementn  rorumque 
vires,   Rome,   1754. 


(43)  LE    DYNAMISME    EXTERNE    :    BOSCOVICH  519 

3°  Ces  forces  ne  sont  pas  spécifiquement  différentes,  parce  qu'elles 
ne  diffèrent  l'une  de  l'autre  que  par  la  direction  de  leur  mouvement  (^). 

4°  Quoique  la  matière  soit  et  reste  homogène,  la  diversité  des  phéno- 
mènes provient  des  façons  variées,  d'après  lesquelles  les  forces  attrac- 
tives et  répulsives  se  combinent  et  subissent  l'influence  des  autres 
corps  (2).  C'est  par  le  nombre  et  l'agencement  des  forces  associées  et 
par  leurs  rapports  avec  les  forces  qui  les  environnent,  que  les  corps  se 
différencient. 

B)  Critique  :  sans  doute  le  système  de  Boscovich  est  indemne  de 
plusieurs  erreurs  qu'on  reproche  à  celui  de  Leibniz.  Les  éléments  simples 
ont  une  activité  qui  s'externe,  existent  en  nombre  fini,  encore  qu'incal- 
culable, dans  chaque  corps,  et  sont  dépourvus  de  toute  perception  et 
appétition.  Cependant  son  système  n'est  pas  à  l'abri  de  graves  cri- 
tiques : 

1°  Les  corps,  d'après  Boscovich,  sont  composés  de  plusieurs  points 
simples,  distants  les  uns  des  autres,  puisqu'il  réprouve  toute  contiguïté. 
Les  corps  ne  sont  donc  que  des  agrégats  mécaniques  sans  unité  essen- 
tielle. 

2°  Boscovich  n'a  pu  justifier  le  changement  de  la  force  attractive 
en  répulsive,  et  (^ice  versa. 

3°  Comme  l'intervalle  vide,  qui  sépare  les  éléments  simples,  ne  peut 
jamais  disparaître  complètement,  la  conséquence  évidente  c'est  que 
l'action  des  uns  sur  les  autres  devrait  se  faire  à  distance  (^).  Mais  l'action 
à  distance  répugne  :  car  un  élément  ne  saurait  agir  là  où  il  n'est  pas, 
parce  que  là  où  il  n'est  pas,  il  n'est  rien.  Boscovich  reconnaît  que  l'action 
à  distance  est  impossible.  Mais  ses  efforts  pour  prouver  qu'elle  n'existe 
pas  dans  son  système  sont  impuissants.  Il  semble  en  avoir  conscience 
lui-même,  car,  peu  confiant  dans  la  valeur  de  sa  démonstration  (*), 
il  présente,  au  choix,  une  autre  solution  :  Dieu  produit  lui-même  le 
mouvement  dans  chaque  point  (^).  Mais  c'est  revenir  à  l'harmonie 
préétablie. 


(  M  Utraque  vis  ad  eamdein  pertinet  speciem,  cum  altéra  respecta  alterius  negativa  sit, 
et  negativa  a  positivis  specie  non  différant.  Alteram  negativam  esse  respectu  alterius, 
patet  inde  quod  tantummodo  différant  in  directione,  quae  in  altéra  est  prorsus  opposita 
directioni  alterius...  (Boscovich,  Theoria...,  P.  I,   §  108,  p.  49). 

(  ')  Distat  autem  [haec  Theoria]  a  Leibniziana  Theoria  longissime...,  tum  quia  homoge- 
neitatem  admittit  in  elementis,  omni  massarum  discrimine  a  sola  dispositione  et  diversa 
combinatione  derivato...  (Boscovich,   Theoria,  P.  I.    §  .3,  p.  2). 

(»)   Cf.  P.  Palmikri,  Cosmologin,  C.  i.  Th.  I,  p.  10,  §  Jam  vero. 

(*)  Au  §  102,  p.  46,  de  la  Theoria,  Boscovich,  se  contente  d'une  simple  affirmation, 
renvoyant  pour  la  preuve  aux  §  8  et  9, p. 4-5.  Mais  là  l'on  ne  trouve  aucune  preuve  concluante. 

(  ^)  Quod  autem  pertinet  ad  actionem  in  distans,  id  abunde  ibidem  (  §  8  et  9)  praevcnimus, 
cum  inde  pateat  fleri  posse  ut  punctum  quodvis  in  se  ipsum  agat  et  ad  actionis  directionem 
ac  energiam  determinetur  ab  altero  puncto,  vel  ut  Deus,  juxta  liberam  sibi  legem  a  se  in 
Natura  condenda  stabilitam,  motum  progignat  in  utroque  puncto.  (Boscovich,  Theoria.., 
P.  I,   §  102,  p.  46-47). 


520  LE    DYNAMISME    EXTERNE    :    PALMIERI  (43) 

§  II.  —  SYSTÈME  DE  PALMIERI   (i) 

A)  Exposé  :  «  Avec  la  généralité  des  dynamistes  le  Père  Palmieri 
ne  voit  dans  la  matière  inanimée  que  des  forces  simples,  réellement 
indivisibles  et  isolément  subsistantes.  Il  s'écarte  cependant  des  autres 
opinions  en  deux  points  essentiels  qui  assurent  à  son  système  une  place 
spéciale  dans  l'histoire  du  Dynamisme  et  le  mettent  en  même  temps  à 
l'abri  de  plusieurs  critiques  fondamentales  auxquelles  les  autres  sys- 
tèmes prêtent  naturellement  le  flanc  (^).  » 

10  Pour  sauvegarder  l'unité  du  composé  chimique  il  n'est  pas 
nécessaire  de  recourir  à  la  théorie  de  la  matière  et  de  la  forme  présentée 
par  les  Scolastiques.  L'unité  des  corps  composés  peut  très  bien  se  conci- 
lier avec  la  persistance  actuelle  des  éléments  composants.  Supposez 
en  eiïet  qu'une  union  s'établisse  entre  deux  êtres,  impuissants  à  produire 
séparément  certains  effets  naturels.  De  leur  union  peut  résulter  un 
pouvoir  nouveau  et  indivis.  Si  elle  s'accomplit  entre  les  principes  fon- 
ciers d'activité,  il  en  résultera  une  nature  nouvelle  (puisque  la  nature 
est  le  principium  remotiim  inlrinsecum  quo  agit  eus)  et,  conséquemment, 
un  être  nouveau,  celui  du  composé,  où  les  diverses  substances  compo- 
santes se  conservent  intactes  (^). 

2°  Un  être  simple  peut  occuper  un  espace  étendu,  c'est-à-dire  oîi 
des  parties  sont  désignables,  exister  tout  entier  dans  l'espace  total  et 
dans  chacune  de  ses  parties,  et  y  déployer  son  activité.  Grâce  à  sa  force 
de  résistance,  il  rend  impénétrable  aux  autres  êtres  simples  la  portion 
d'espace  qu'il  occupe.  De  la  sorte,  les  éléments  simples  peuvent  être 
contigus  sans  se  confondre,  et  toute  action  peut  se  produire  au  contact  (*). 
Les  éléments  sont  donc  formellement  inétendus  (^)  et  virtuellement 
étendus  :  formellement  inétendus,  parce  que,  étant  simples,  ils  n'ont 
pas  en  eux-mêmes  de  parties  ;  virtuellement  étendus,  parce  que  dans 
l'espace  qu'ils  occupent  on  peut  désigner  des  parties. 

Dans  ce  système  les  éléments  constitutifs  de  la  matière  sont  des 
substances  simples,  qui  ont  trois  propriétés  essentielles  :  l'extension 
virtuelle,  la  force  de  résistance  et  la  force  constrictive. 


(  ')  Dominique  Palmieri,  né  à  Plaisance,  le  4  juillet  1829,  entra  au  noviciat  des  Jésuites 
à  Rome,  le  6  juin  1852.  De  1863  à  1878,  il  enseigna  avec  éclat  la  Philosophie  et  la  Théologie 
au  Collège  romain.  Il  mourut  à  Rome,  le  28  mai  1909.  —  Outre  ses  Institutiones  philoso- 
phicse  (3  vol.,  Rome  1874-187(1),  il  a  publié  de  remarquables  ouvrages  de  Théologie  dogma- 
tique et  morale.  Son  Commento  délia  Divina  Commedia  di  Dante  Alighieri  (Prato,  3  vol., 
1898-1899)  mérite  aussi  d'être  signalé.  On  trouvera  la  liste  de  ses  œuvres  en  tête  du  livre 
posthume  :  Trw.lalus  de  Creatione  et  de  prœcipiiis  creaturis,  p.  xv-xvi,  Prato,  1910. 

(•)   D.  Nvs,  Cosmologie,  L.  V,  §  180,  T    I.   p.  .'tl7-3l8,  Louvain-Paris,   1916'. 

(  ')   D.  Palmiebi,  Institutiones  philosophicae,  T.  II,  Cosmologia,  C.  li.  Th.  XVI,  p.  1 1 0  S(iti. 

( ')   D.  Palmieri,  Cosmologia,  C    i.  Th.   III.  p.  31  Sfiq. 

{ ")  Palmif.hi  donne  ses  raisons  pour  prouver  lu  répugnance  du  continu  formel  :  Cosmo- 
lotlin.    Itiidinn.   p.  'J.'i-riO  —  cl    hi   piissilillité  du  conlillU   rirluet,    Ibidem,  p.  30-39. 


(43)  LE    DYNAMISME    EXTERNE    :    PALMIERI  521 

B)  Critique  :  1°  On  a  fait  au  Dynamisme,  même  ainsi  corrigé, 
cette  objection  fondamentale  :  il  détruit  la  réalité  de  l'étendue.  Comment 
comprendre,  dit-on,  qu'en  se  groupant  des  éléments  inétendus  pro- 
duisent l'étendue  ?  Autant  vaut  dire  qu'on  peut  composer  de  zéros  un 
nombre  positif. 

Voioi  la  réponse  des  Dynamistes.  Cette  objection  revient  à  celle-ci  : 
Le  composé  ne  peut  venir  du  simple.  Si  l'élément  inétendu  était  à  l'éten- 
due ce  que  zéro  est  au  nombre,  le  non-être  à  l'être,  l'argument  serait 
irréfutable.  Mais  les  éléments  simples  sont  des  substances  réelles  et 
actives.  Or  l'étendue  n'est  que  «  la  continuation,  comme  dit  Leibniz, 
de  ces  forces  résistantes  et  impénétrables  ».  Elles  ne  constituent  pas 
une  étendue  formelle,  mais  une  étendue  virtuelle.  Or  cette  étendue  suffit 
pour  rendre  compte  des  faits.  Sans  doute  des  éléments  simples  ne  nous 
donneront  jamais  le  continu  formel,  géométrique,  mais  ils  peuvent 
nous  donner  la  sensation  de  l'étendue.  Or  les  sens  ne  nous  fournissent 
en  réalité  que  la  pluralité  des  résistances,  c'est-à-dire  l'étendue  virtuelle. 

Des  adversaires  déclarés  du  système  dynamiste  ont  reconnu  que 
cette  réponse  ne  manquait  pas  de  valeur  :  «  La  théorie  du  Père  Palmieri 
et  des  Dynamistes  qui  avec  lui  souscrivent  à  Vétendue  virtuelle,  échappe 
à  la  plupart  des  critiques  émises  jusqu'ici.  Doué  de  cette  sorte  d'étendue, 
l'atome,  malgré  son  indivisibilité  absolue,  n'est  plus  une  entité  dépourvue 
de  tout  volume  réel  [comme  dans  les  systèmes  de  Leibniz  et  de  lîos- 
covich].  Il  occupe  un  espace  déterminé  et  dans  chacune  des  parties  de 
cet  espace  il  réside  tout  entier,  défendant  par  sa  force  de  résistance 
l'inviolabilité  de  son  département  spatial.  Or  semblables  atomes  peuvent 
se  toucher  sans  se  confondre,  déterminer  dans  nos  organes  la  perception 
d'une  étendue  apparente,  remplir  en  partie  le  rôle  que  nous  assignons 
au  continu  formel  (^).  » 

2o  ((  Ce  n'est  point  le  moindre  reproche  que  nous  ayons  à  leur  faire  : 
les  Palmiéristes  suppriment  logiquement  toute  distinction  essentielle 
entre  le  monde  des  esprits  et  le  monde  de  la  matière  en  accordant  à 
tous  les  êtres  un  même  mode  d'existence.  Tl  n'y  a  plus  de  différence  à 
établir,  en  effet,  au  point  de  vue  de  la  perfection  subsistentielle  entre 
l'âme  humaine  et  l'atome  chimique,  si  l'une  et  l'autre  ont  la  propriété 
naturelle  de  s'approprier  un  espace  déterminé  et  de  résider  dans 
chacune  de  ses  parties  avec  l'intégralité  de  leur  substance...  C'en  serait 
donc  fait  de  la  prérogative  de  la  spiritualité  que  nous  attribuons  à  l'âme... 
Ou,  tout  au  moins,  nul  ne  comprendra  pourquoi  les  corps  seraient  pri- 
vés des  manifestations  de  la  vie  intellective  ou  raisonnable,  attendu  que, 
suivant  l'adage  Operalio  sequitur  esse,  les  mêmes  natures  se  révèlent 
par  les  mêmes  activités  {^).   » 


(M   (■')   D.   Nys,    Cosmologie,    §   185,   p.   3'23-3-24. 


522  LE    DYNAMISME  EXTERNE  :      PALMIERI  (43) 

Réponse  des  Palmiéristes  :  «  Pour  que  cet  argument  fût  efficace,  il 
faudrait  démontrer  que  par  le  fait  même  qu'un  être  est  simple,  il  est 
aussi  sentant,  intelligent,  etc.  ;  ou,  ce  qui  revient  finalement  au  même, 
il  faudrait  démontrer  que  par  le  fait  même  qu'un  être  existe,  il  possède 
toutes  les  perfections  que  peut  renfermer  le  genre  être  ;  ce  que,  à  moins 
d'être  panthéiste,  on  ne  saurait  admettre.  Donc,  de  même  que  dans  le 
genre  être  il  y  a  des  degrés  distincts  par  lesquels  chaque  espèce  d'être 
est  constituée,  ainsi  ce  degré  d'être  simple  occupant  l'espace  et  résistant 
est  possible  (^).  » 

3°)  Les  corps  ont  une  unité  essentielle,  parce  que,  quoique  composés 
de  parties,  ils  sont  une  substance  une.  Or  cette  unité  est  impossible, 
même  dans  le  Dynamisme  palmiériste,  parce  que  les  éléments  composants 
persistent  dans  le  composé  avec  leur  individualité  substantielle. 

Les  Palmiéristes  répondent  que  le  principe  de  l'unité  est  la  nature 
nouvelle  qui  résulte  de  l'union  des  éléments  simples.  Ces  éléments  sont 
complets  in  ratione  siibstautiœ,  mais  incomplets  in  ratione  natiirse. 
Ce  qui  signifie  :  les  éléments  sont  des  substances  proprement  dites, 
parce  qu'ils  existent  en  eux-mêmes.  Si  on  les  prend  isolément,  leur  nature 
n'est  pas  un  principe  suffisant  pour  produire  tel  ou  tel  effet  ;  mais  de 
leur  union  procède  une  nature  complète  subsistante,  c'est-à-dire  un 
principe  capable  de  produire  l'effet  en  question  (B,  1°)  (-). 

C)  Antécédents  historiques  :  on  a  parfois  reproché  à  cette 
opinion  d'être  une  «  nouveauté  »  dans  la  Philosophie  scolastique.  C'est 
une  grave  erreur,  s'il  est  vrai  que  «  presque  tous  les  Scolastiques,  en 
dehors  de  l'École  thomiste,  concèdent  ou  soutiennent  que  les  corps 
simples  quant  à  l'essence  sont  possibles  «  (^). 

Cette  assertion  est  du  Père  Pierre  Tedeschini,  professeur  à  l'Uni- 
versité grégorieiine  ;  il  en  a  prouvé  la  vérité  en  relevant  les  opinions  des 
Scolastiques  sur  ce  point  (^). 

Cet  accord  imposant  de  tant  de  Scolastiques  fut  sans  doute  une  des 
raisons  qui  motivèrent  une  intervention  significative  de  Pie  IX.  Celui-ci, 
par  un  bref  en  date  du  23  juillet  1874,  avait  félicité  le  D^"  Travaglini 
d'avoir  établi  une  Académie  philosophico-médicale,  où  le  système 
thomiste  de  la  matière  et  de  la  forme  était  enseigné.  Certains  ayant 
abusé  de  ces  félicitations,  le  Pape  en  limita  la  portée  dans  une  lettre, 


( ')  D.  Palmieri,  Cosmologia,  C.  i,  ïh.  III,  p.  3(),  §L<  lu  aliquid. 

(  ')  Dans  ]e\Tractalus  de  Crealione  et  de  preecipuis  creaturis,  publié  après  sa  mort, 
Palinieri  déclare  que  cette  explication  ne  lui  paraît  plus  suffisante  pour  justifier  l'union  de 
rame  et  du  corps  dans  l'homme.  C.  xxix,  §  7,  p.  277. 

(')  .Si  Schnlastici  fere  omnes,  extra  Thomistarum  scholam,  possibilitatem  corporis 
simplieis  sccundum  essentiam  concedunt  aut  tuentur...  (P.  Tedeschini,  Qu<eslio  historica 
de  Corpnre  simplici  quoad  essentiam,  à  la  fin  du  3=  volume  des  Institutiones  philosophiae 
de  Palmieri,  p.  3?4,  §  Sicut). 

(  ')  On  trouvera  les  documents,  Ibidem,  p.  32,5-343. 


(44) 


CARACTERES    DISTINCTIFS    DU    VIVANT 


523 


écrite  en  son  nom,  le  5  juin  1877,  par  Mgr  Czacki  à  Mgr  Hautcœur, 
recteur  de  l'Université  catholique  de  Lille.  Voici  la  déclaration  faite 
par  Pie  IX  : 


Graviter  abuti  literis  a  Sancti- 
tate  Sua  die  23  julii  1874  ad  Doc- 
torem  Travaglini  datis,  quibus 
opus  ab  eo  susceptum  commen- 
datur,  eos  omnes  qui  exinde 
contendunt  Sanctitatem  Suam  vo- 
luisse  per  eam  commendationem 
improbai^e  systemata  quidam 
philosophica  illi  opposita,  quod 
de  materia  prima  et  substantiali 
forma  corporum  idem  Doctor  ejus- 
que  socii  adoptarunt  ;  si  quidem 
hœc  alia  systemata,  non  secus 
atquo  illud,  non  modo  pluribus 
catholicis  doctisque  viris  proban- 
tur,  sed  etiam  in  hac  ipsa  Urbe, 
principe  catholici  orbis,  in  praeci- 
puis  AtheniBis  pontificiis  usu  re- 
cepta  sunt  {^). 


Ils  abusent  gravement  de  la 
Lettre  adressée,  le  23  juillet,  par 
Sa  Sainteté  au  Docteur  Travaglini 
pour  louer  l'œuvre  entreprise  par 
lui,  tous  ceux  qui  prétendent  en 
conclure  que,  par  cet  éloge,  Sa 
Sainteté  désapprouve  certains  sys- 
tèmes philosophiques  opposés  à 
celui  que  ce  Docteur  et  ses  asso- 
ciés ont  adopté  sur  la  matière  pre- 
mière et  la  forme  substantielle  des 
corps  ;  car,  non  moins  que  ce  der- 
nier, ces  autres  systèmes  sont 
approuvés  par  plusieurs  savants 
catholiques,  et  même  ils  sont 
suivis  dans  les  principaux  Insti- 
tuts pontificaux  de  cette  Ville, 
capitale   du  monde   catholique. 


Parmi  ces  principaux  Instituts  figurait  au  premier  rang  la  célèbre 
Université  Grégorienne  ou  Collège  Romain.  Avant  l'apparition  de  cette 
Lettre  de  Pie  IX,  le  Père  Dominique  Palmieri,  professeur  à  ladite 
Université,  avait  publié,  avec  l'approbation  du  Maître  du  Sacré  Palais, 
le  tome  II  de  ses  I nstitiiiiones  philosopliicee  (Rome,  1875),  où  il  réfute 
le  système  scolastique  de  la  matière  et  de  la  forme  et  y  substitue  sa 
théorie  des  éléments  simples. 


ARTICLE  m. 


LA    VIE 


44.  —  CARACTÈRES  DISTINCTIFS  DU  VIVANT 

Vita  in  motu,  disaient  les  Anciens.  L'activité  et  le  mouvement  sont 
des  signes  de  la  vie,  quand  ils  sont  revêtus  de  certains  caractères,  car  la 
matière  est,  elle  aussi,  susceptible  de  mouvement.  Le  propre  du  mou- 
vement vital  est  d'être  spontané  et  immanent. 


(M  On  trouvera  le  texte  complet  de  la  Lettre  de  Pie  IX  dans  la  Revue  des  Sciences 
ecclésiastiques,  1877,  T.  II,  p.  85-87  ou  dans  Zigliara,  De  Mente  Concilii  Viennensis..., 
n.  251,  p.  191-193,  Rome,  1878. 


524  LE    MÉCANISME  (45) 

A)  Spontanéité  :  l'activité  de  l'être  inorganique  lui  vient  du  dehors, 
car,  de  lui-même,  il  est  inerte.  Le  mouvement  vital  au  contraire  a  sa 
source  au  dedans  :  motus  ah  intrinseco.  L'être  vivant  se  meut  lui-même  : 
voilà  pourquoi  Platon  et  Aristoté  l'appellent  auTo>ci'vr,Toç,  xivnats  êauTr,v 

xivo'JijLEvr,. 

B)  Immanence  :  le  mouvement  de  l'être  inorganique  est  transitif  : 
ayant  son  principe  à  l'extérieur  il  a  aussi  son  terme  au  dehors.  Ce  mou- 
vement mécanique  traverse  l'être  sans  le  perfectionner.  L'activité 
vitale  (vg.  se  nourrir)  a  pour  but  au  contraire  la  conservation  et  le 
progrès  de  l'être  vivant  ;  elle  demeure  {ùrimanet)  en  lui.  Le  vivant  est 
à  la  fois  le  principe  et  le  terme  du  mouvement  vital.  On  peut  donc  définir 
la  vie  :  Vactivité  immanente  par  laquelle  un  être  organisé  est  capable  de 
se  nourrir,  de  s'accroître  et  de  se  propager  (Psych.,  13,  III). 

Voilà  le  fait.  Il  faut  en  rechercher  la  cause.  La  question  à  résoudre 
est  celle-ci  :  Quelle  est  la  cause  de  la  vie  ?  Qu'est-ce  que  la  force  vitale  ? 
Le  Mécanisme,  TOrganicisme,  le  Titalisme  et  l'Animisme  sont  les  diverses 
réponses  données  à  cette  question. 

45.  —  LE  MÉCANISME 

A)  Exposé  :  1°  C'est  l'opinion  de  Descartes  et  de  Malebranche. 
Elle  est  la  conséquence  logique  de  la  théorie  cartésienne  sur  l'essence 
de  l'àme  et  l'essence  de  la  matière.  L'àme,  «  dont  la  nature  n'est  que  de 
penser  «,  reste  étrangère  à  la  vie  organique.  La  matière  ne  consiste  que 
dans  l'étendue,  modifiée  par  le  mouvement.  La  matière  organisée  ne  se 
distingue  par  aucune  propriété  spéciale  de  la  matière  brute.  Le  vivant 
diffère  de  l'être  inorganique  uniquement  par  la  disposition  des  éléments 
matériels  qui  le  composent  et  par  les  mouvements  qui  en  résultent. 
Les  phénomènes  vitaux  se  ramènent  donc  à  des  phénomènes  physico- 
chimiques. La  plante  et  l'animal  sont  des  machines  perfectionnées. 

2»  Cette  théorie  a  été  reprise  et  complétée  par  les  évolutionnistes 
modernes  qui  allèguent,  en  sa  faveur,  la  composition  de  certaines 
substances  organiques  :  vg.  la  synthèse  de  l'urée  par  Wôhler,  la  reconsti- 
tution des  graisses  par  Berthelot. 

3°  On  a  aussi  quelquefois  invoqué  en  faveur  de  cette  théorie  les 
ressemblances  entre  le  fonctionnement  de  la  machine  à  vapeur  et  les 
fonctions  de  la  vie  animale. 

B)  Critique  :  1^  En  admettant  que  les  forces  physico-chimiques 
soient  suffisantes  pour  produire  certains  })hénomènes  élémentaires  qu'on 
rencontre  chez  l'être  vivant,  vg.  l'ascension  de  la  sève,  l'irritabilité  des 
tissus,  elles  sont  incapables  de  produire  certaines  opérations  plus  com- 
plexes, comme  la  formation  des  individus  ;  «  ...11  est  clair,  dit  Cl.  Bernard, 
que  cette  propriété  évolutive  de  l'œuf  qui  pi-oduira  un  oiseau,  un  poisson 


(46)  l'organicisme  *  525 

ou  un  serpent,  n'est  ni  de  la  physique,  ni  de  la  chimie  (^).  ■>  Il  y  a  là 
l'action  d'une  force  dirigeant  le  développement  dans  tel  sens  plutôt  que 
dans  tel  autre.  C'est  «  l'idée  directrice  de  l'évolution  vitale  »  {^)  ou  «  force 
évolutive  de  l'être  »  ('). 

2o  L'analyse  chimique  a  démontré  qu'il  n'y  a  pas,  dans  la  matière 
organisée,  d'autres  éléments  que  ceux  contenus  dans  la  matière  inorga- 
nique. Comment  se  fait-il  donc  que  la  science,  qui  reconstitue  les  sub- 
stances inorganiques,  soit  impuissante  à  produire  de  la  matière  vivante, 
un  tissu  végétal,  une  cellule  ?  N'est-ce  pas  une  preuve  que  la  synthèse 
vitale  s'effectue  sous  l'action  d'une  force  spéciale,  distincte  des  forces 
matérielles  ?  —  On  ne  peut  apporter  comme  argument  la  synthèse  des 
substances  organiques  opérée  par  les  chimistes,  car  la  chimie  n'a  jamais 
pu  reproduire  le  moindre  vestige  qV organisation,  mais  seulement  les 
matériaux  de  la  synthèse  vitale. 

3°  Ceux  qui  établissent  un  rapprochement  entre  l'animal  et  la 
machine  à  vapeur  font  une  comparaison  très  boiteuse,  car  ils  oublient 
qu'à  la  différence  de  la  machine  le  vivant  s'organise  lui-même  et  répare 
ses  forces,  dirige  et  coordonne  ses  mouvements  sponte  sua. 

46.  —  L'ORGANICISME 

A)  Exposé  :  les  propriétés  physico-chimiques  sont  les  conditions 
nécessaires,  mais  non  suffisantes  de  la,  vie.  L'organisation  produit  dans 
chaque  organe  des  propriétés  spéciales  en  opposition  permanente  avec 
les  propriétés  physico-chimiques.  De  là  cette  définition  de  la  vie  par 
BicHAT  :  Cest  Vensemble  des  forces  qui  résistent  à  la  mort.  Les  Orga- 
nicistes  ajoutent  que  le  principe  vital  n'est  pas  localisé  en  un  point  de 
l'organisme,  mais  qu'il  anime  chaque  cellule,  de  sorte  que  chaque  être 
organisé  est  moins  un  individu  qu'une  colonie  de  vivants.  Cette  doctrine, 
qui  remonte  à  Cabanis,  à  Broussais,  à  Bichat,  est  soutenue  par  tous 
les  matérialistes  contemporains. 

B)  Critique  :  1°  A  cette  question  :  Quel  est  le  principe  des  propriétés 
vitales  ?  les  Organicistes  répondent  :  l'organisation.  A  cette  seconde 
question  :  Quel  est  le  principe  de  l'organisation  ?  ils  répondent  qu'ils 
se  bornent  à  enregistrer  les  faits  :  «  L'Organicisme  s'appuie,  dit  le 
Dr  Rostan,  sur  cette  raison  péremptoire  que  l'on  ne  voit  la  vie  nulle 
autre  part  que  là  où  il  y  a  organisation.  »  C'est  là  un  aveu  d'impuis- 
sance ;   ce  n'est   plus   une  explication,   mais   une  simple  constatation. 


(')  Cl.  Bernard,  Déllnilion  de  la  Vie.  dans  La  Science  expérimentale,  Paris,  1911  ", 
p.   210. 

( -)  ( ')  Cl.  Bernard,  Introduction  à  l'Étude  de  la  Médecine  expérimentale,  Pai'l.  II, 
Ch.  II,   §  I,  p.  162,  Paris,  1865.  —  Définition  de  la  Vie,  Ibidem,  p.  210. 


526  LE    VITALISME  ''  (47) 

Il  s'agit  précisément  de  savoir  à  quelle  cause  est  due  cette  corrélation 
manifeste  entre  la  vie  et  l'organisation. 

2°  Si  la  matière  organisée  est  douée  de  vie,  ce  n'est  pas  parce  qu'elle 
est  organisée,  puisque,  à  ce  titre,  elle  ne  contient  aucune  substance 
élémentaire  qui  n'existe  dans  la  matière  inorganique.  Elle  n'est  donc 
organisée  qu'en  vertu  d'un  principe  supérieur  à  la  matière,  d'une  force 
distincte  qui  lui  donne  la  vie.  Ce  n'est  donc  pas  la  vie  qui  est  le  résultat 
de  l'organisation  ;  c'est  l'organisation  qui  est  le  résultat  de  la  vie.  Nulle 
part  on  n'a  vu  la  matière  s'organiser  et  vivre  spontanément  ;  on  a  au 
contraire  toujours  vérifié  la  vérité  de  ce  principe  :  Omne  vivum  ex  vivo. 
La  vie  n'apparaît  que  sous  l'influence  de  la  vie.  Il  est  impossible  de  le 
nier  après  la  réfutation  victorieuse  que  Pasteur  a  faite  des  générations 
■spontanées. 

3°  D'après  l'Organicisme,  chaque  cellule,  chaque  organe  est  doué  de 
propriétés  dites  «  propriétés  vitales  »,  et  la  vie  du  tout  n'est  que  la 
résultante  de  toutes  ces  vies  partielles.  —  Mais  cette  conception  soulève 
la  grave  question  de  savoir  si  c'est  aux  vies  partielles  qu'il  faut  demander 
l'explication  de  la  vie  de  l'ensemble,  ou  au  contraire  si  ce  n'est  pas, 
<?omme  le  dit  Claude  Bernard,  la  vie  de  l'ensemble  qui  explique  la  vie 
des  parties.  Séparés  du  tout,  chaque  cellule,  chaque  organe  ne  vivent 
plus  :  leur  vie  particulière  est  conditionnée  par  la  vie  de  l'ensemble. 
Mais,  pour  rendre  compte  de  ce  consensus  harmonieux,  il  faut  admettre 
un  principe  unique  qui  dirige  et  ramène  à  l'unité  toutes  les  vies  par- 
tielles et  les  fasse  concourir  au  bien  commun  de  l'organisme  entier  ; 
il  faut  admettre  ce  que  Cl.  Bernard  nomme  une  idée  créatrice  de  la  vie 
■et  directrice  de  révolution  organique. 

Conclusion.  —  L'Organicisme  a  une  position  intenable  entre  deux 
systèmes  contradictoires  :  le  Mécanisme  et  le  Vitalisme.  De  deux  choses 
l'une  :  ou  bien  l'on  soutient  que  l'organisation  est  la  conséquence  des 
forces  de  la  matière,  et  alors  l'Organicisme  se  réduit  au  Mécanisme  que 
nous  avons  réfuté  ci-dessus  ;  ou  bien  l'on  reconnaît  que  l'organisation 
exige  autre  chose  que  le  concours  des  forces  matérielles,  et  alors  il  faut 
recourir  à  un  principe  spécial,  supérieur.  Mais  reste  à  résoudre  une 
question  ultérieure  :  Ce  principe  distinct  de  la  matière  l'est-il  également 
de  l'âme  humaine  ?  Les  Yitalistes  l'affirment,  les  Animistes  le  nient. 

47.  —  LE  VITALISME 

A)  Exposé  :  le  Vitalisme  a  été  professé  surtout  par  l'École  de 
médecine  de  Montpellier.  Bakthez  a  été  son  principal  interprète.  Cette 
doctrine  admet  dans  tout  être  vivant,  outre  la  matière  douée  de  pro- 
priétés physico-chimiques,  une  force  vitale  distincte  de  l'àme  et  présente 
à  tout  l'organisme  C'est  une  force  analogue  à  l'àme,  mais  sans  conscience 


(48)  l'animisme  527 

et  sans  volonté.  Le  Vitalisme  distingue  donc  dans  l'homme  deux  prin- 
cipes immatériels,  la  force  vitale  et  l'âme  pensante  :  d'où  le  nom  de 
Duodynamisme  qui  est  parfois  donné  à  ce  système.  Lordat,  Giinther, 
Baltzer,   Jouiïroy  ont  adopté  le  Vitalisme. 

B)  Arguments  :  1°  Les  caractères,  qui  distinguent  entre  elles  les 
tendances  de  la  vie  animale  et  les  aspirations  de  la  vie  proprement 
humaine,  sont  si  opposés  qu'ils  exigent  un  double  principe. 

2^  De  même,  les  diiïérences,  qui  séparent  les  phénomènes  physio- 
logiques et  les  phénomènes  psychologiques  (Psych.,  4),  supposent  une 
double  cause. 

3°  Une  force  intelligente,  dit  Jouffroy,  ne  peut  ignorer  les  effets 
qu'elle  produit  ;  or  Fàme  n'a  pas  conscience  de  produire  la  vie  physio- 
logique ;  elle  n'en  est  donc  pas  la  cause. 

4°  La  dignité  de  l'àme  raisonnable  s'oppose  à  ce  qu'elle  soit  chargée 
des  fonctions  matérielles  de  la  vie  organique. 

G)  Critique  :  1»  Ces  arguments  seront  réfutés  au  numéro  suivant 
(48,  B). 

20  L'hypothèse  de  ce  principe  vital  distinct  de  l'âme  est  une  hypo- 
thèse : 

a)  Gratuite  :  les  Vitalistes  n'ont  pu  donner  aucune  preuve  de  son 
existence. 

b)  Inutile  :  il  ne  faut  pas  multiplier  les  êtres  sans  nécessité.  Or  l'àmo 
humaine,  conjointement  avec  les  phénomènes  physico-chimiques,  suffit 
à  expliquer  la  vie  (48).  Les  agents  physiques  produisent  des  phénomènes 
d'un  caractère  spécial,  quand  ils  sont  soumis  à  l'influence  de  la  force 
vitale. 

c)  Encombrante  :  elle  complique  sans  profit  le  problème  de  l'union 
de  l'âme  et  du  corps,  car  il  faudrait  déterminer  quels  rapports  ce  prin- 
cipe vital  soutient  non  seulement  avec  le  corps,  mais  avec  l'âme. 

48.  —  L'ANIMISME 

A)  Exposé  :  l'Animisme  est  la  doctrine  d'ARisTOTE,  des  Scolas- 
TiQUES,  d'un  grand  nombre  de  philosophes  contemporains,  comme 
BouiLLiER  (').  Le  principe  vital  n'est  pas  distinct  de  l'âme  elle-même  ; 
mais  l'âme,  outre  les  facultés  de  sentir,  de  connaître  et  de  vouloir,  a 
encore  le  pouvoir  de  donner  la  vie  et  de  l'entretenir.  Les  défenseurs  de 
cette  doctrine  n'enseignent  donc  pas,  comme  Stahl,  médecin  allemand 
(1660-1734),  que  l'âme  est  le  principe  vital  en  tant  qu'intellectuelle  (^). 


(M  Fr.  Bouillier,  Du  Principe  vital  et  de  l'Ame  pensante,  Paris,  1862  ;  1873'. 
(  ^)  A.  Lemoine,  Le  Vitdlisme  et  l'Animisme  de  Stahl,  Paris,  1864. 


528  l'ammisme  (48) 

B)  Arguments  indirects  :  ils  consistent  à  réfuter  ceux  des  Vita- 
listes  : 

1»  L'opposition  signalée  entre  les  tendances  de  la  vie  animale  et  les 
aspirations  de  la  vie  humaine  s'explique  fort  bien  en  observant  que 
notre  àme,  sollicitée  par  des  biens  différents,  est  capable  de  tendre  vers 
des  fins  contraires.  En  fait,  est-ce  que  nous  ne  constatons  pas  qu'il 
existe  en  nous  une  lutte,  parfois  très  vive,  entre  le  sentiment,  la  raison 
et  la  volonté,  et  cependant  ce  sont  là  trois  modes  divers  de  l'activité 
de  la  même  âme  (Psych.,  9,  §  D). 

2°  Les  différences  objectées  sont  incontestables  ;  mais  il  faut  seu- 
lement en  conclure  que  les  faits  physiologiques  et  les  faits  psycholo- 
giques exigent  des  substances  distinctes  :  le  corps  et  l'âme.  Elles  ne  prou- 
vent pas  <^u'une  double  cause  est  nécessaire  pour  produire  ces  phéno- 
mènes divers.  En  efîet  l'âme  est  un  principe  de  force  qui  produit,  de 
l'aveu  même  des  Vitalistes,  des  phénomènes  sensitifs,  intellectuels  et 
volitifs  qui  sont  aussi,  sous  certains  rapports,  très  opposés  entre  eux. 
—  De  plus,  rien  n'empêche  l'âme,  dont  l'activité  psychologique  est  si 
intense  et  si  variée,  de  remplir  les  fonctions  que  les  Vitalistes  attribuent 
à  ce  prétendu  principe  vital,  car  qui  peut  le  plus  peut  le  moins. 

3»  L'âme  a  conscience  de  l'effort  vital  en  général,  du  vouloir  vivre  ; 
elle  a  aussi  la  conscience  confuse  de  l'effet  produit,  sous  la  forme  d'unt 
multitude  de  petites  sensations  de  bien-être  ou  de  malaise  qui  viennene 
se  fondre  dans  cette  sensation  complexe  qu'on  nomme  sensation  vitale 
(Psych.,  31).  L'action  de  l'âme  sur  l'organisme  ne  va  donc  pas  sans  une 
certaine  conscience,  ordinairement  sourde  à  cause  de  sa  continuité,  mais 
qui  devient  nette  et  distincte,  quand  survient  quelque  trouble  dans 
l'exercice  d'une  fonction.  Il  est  vrai  que  l'âme  n'a  pas  conscience  de  la 
laçon  dont  elle  produit  les  phénomènes  vitaux.  Mais  l'âme  ignore  aussi 
la  manière  dont  elle  f^it  délibérément  mouvoir  les  muscles  et  les  nerfs 
dans  les  mille  opérations  de  la  locomotion.  Et  cependant  on  ne  nie  pas 
■q-u'elle  soit,  par  sa  volonté  et  son  énergie  motrice,  cause  de  ces  mouve- 
ments. 

Cette  objection  a  une  certaine  valeur  contre  l'Animisme  tel  qu'il  est 
soutenu,  à  tort,  par  Stahl,  parce  que  celui-ci  affirme  que  l'âme  organise 
le  corps  et  en  dirige  toutes  les  fonctions  par  des  pensées  et  des  volitions 
•conscientes.  Mais  cette  harmonie,  qui  règne  dans  les  fonctions  physio- 
logiques, n'est  pas  l'effet  d'un  dessein  délibéré  de  l'âme,  comme  le  sup- 
pose gratuitement  Stahl,  pas  plus  que  la  parfaite  adaptation  des  moyens 
à  la  fin  n'est  connue,  ni  voulue  par  l'instinct  de  l'animal.  L'une  et  l'autre 
sont  la  conséquence  naturelle  des  lois  biologiques  établies  par  le  Créa- 
teur. 

40  L'âme  humaine,  quoique  douée  de  raison  et  de  liberté,  est  incor- 
porée à  la  matière  et  dépend  de  l'organisme  dans  l'exercice  de  ses  facultés 


(48)       COMPLÉMENT    BIBLIOGRAl'IIIQUE  :    COSMOLOGIE    RATIONiNELLE       529 

même  ]es  plus  nobles.  Par  ses  facultés  supérieures  elle  se  rapproche  des 
purs  esprits  ;  mais,  à  cause  de  ses  facultés  inférieures  liées  au  corps,  elle 
a  des  appétits  et  des  penchants  à  satisfaire  comme  l'animai  privé  de 
raison.  Les  fonctions  de  la  vie  végétative  ne  sont  donc  point  indignes 
d'elle. 

C)  Arguments  directs  :  —  1°  La  souiïrance  et  le  plaisir,  que  l'âme 
éprouve  selon  le  bon  ou  le  mauvais  état  des  organes,  suivant  le  jeu 
normal  ou  anormal  de  leurs  fonctions,  ne  sont-ils  pas  un  signe  que 
l'âme  agit  véritablement  dans  ces  fonctions  ?  Pourquoi  vg.  une  digestion 
mauvaise,  un  embarras  dans  la  circulation  du  sang  produisent-ils  une 
douleur  de  l'âme,  si  ce  n'est  qu'alors  l'activité  qu'elle  déploie  dans  ces 
fonctions  se  trouve  entravée  ? 

20  Cette  doctrine  seule  explique  bien  l'union  intime  des  vies  orga- 
nique et  sensitive,  la  dépendance  réciproque  du  physique  et  du  moral. 

30  Elle  est  en  outre  le  fondement  solide  de  notre  identité  personnelle, 
puisque  l'âme,  dans  ce  système,  est  le  principe  unique  de  tous  les  actes 
qui  se  passent  en  nous,  intellectuels,  volitifs,  sensitifs  et  organiques. 
Si  l'homme  tenait  la  vie  et  l'animalité  d'une  âme  végétative  et  sensitive, 
puis  la  vie  intellectuelle  d'une  âme  raisonnable,  il  ne  se  sentirait  plus 
un,  mais  double  ;  ce  qui  est  contraire  au  témoignage  du  sens  intime. 

Conclusion  :  Aristote  a  eu  raison  de  dire  que  l'âme  «  est  l'acte  pre- 
mier d'un  corps  naturel  organisé  »  (^),  et  saint  Thomas,  que  «  dans 
l'homme  il  n'y  a  pas  d'autre  forme  substantielle  que  l'âme  intellec- 
tive  »  (^). 


COMPLÉMENT  BIBLIOGRAPHIQUE 

RELATIF  A  LA  COSMOLOGIE  RATIONNELLE 

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<TOiuaTO(;  cpUTtxoî)  opyavtxoû  {fie  Anima,  L.  II,  C.  i,   §  6,  Édt.  DinOT,  T.  III,  p.  444). 

{  ^>  S.  Thomas,  Summa  theol.,  I*  P.,  Q.  lxxvi,  A.  4  :  Dicendum  est  quod  nulla  alia  forma 
substanlialis  est  in  homine  nisi  sola  anima  inlelleciiva,  et  quod  ipsa  sicul  virlute  continel 
■animam  sensitivam  et  niitrilivam,  ita  virtute  continet  omnes  inferiores  formas  et  facit  ipsa 
sola  qiddquid  imperfecliores  forma;  in  aliis  faciunt.  —  Cf.  M.  Liberatoke,  Le  Compost' 
humain,  Ch.  vu. —  D.  Pal.mieri,  Institutiones..,  T.  II,  Anthropologia,  Th.  X,  XI.  —  H.  Phi- 
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1865. 


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1914,7.  I,  pp.  37,  260  sqq. 


(48)       COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE  :    COSMOLOGIE  RATIONNELLE       533 

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534       COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :  COSMOLOGIE    RATIONNELLE       (48) 

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R0UGIER  (L.),  En  marge  de  Curie,  de  Carnet  et  d'Einstein,  Paris, 
1922. 


CHAPITRE  II 
PSYCHOLOGIE  RATIONNELLE  ^'^ 


La   Psychologie  rationnelle   traite  les   questions   suivantes   : 
I.  —  Distinction  de  l'âme  et  du  corps. 
II.  —  Union  de  l'âme  et  du  corps. 
III.  —  Destinée  de  l'homme. 

ARTICLE  PREMIER.  — DISTINCTION  DE  VAME  ET  DU  CORPS 

L'âme  a-t-elle  une  réalité  indépendante  de  la  réalité  corporelle, 
est-elle  spirituelle  ?  C'est  ce  que  soutient  le  spiritualisme.  Est-elle  au 
contraire  une  l'onction  du  corps  et  de  la  matière  ?  C'est  ce  que  prétend 
le  matérialisme. 


(M  Platon,  Le  Phédon.  —  Aristote,  De  Anima.  Cf.  le  Commentaire  de  saint  Thomas. 

—  BossuET,  De  la  connaissance  de  Dieu  et  de  soi-même.  —  Leibniz,  Nouveaux  essais  sur 
l'entendement  humain,  L.  II,  Ch.  xxiii,  xxvii.  L.  IV,  Ch.  m.   Monadologie,  §  1-36  ;  63-90. 

—  H.  Taine,  L'intelligence.  —  J.  Lachelier,  Psychologie  et  Métaphysique.  ■ — Et.  Vacherot, 
Le  nouveau  spiritualisme.  —  Ch.  Waddington,  L'âme  humaine.  —  A.  Ghatry,  Connais- 
sance de  l'âme.  —  A.  Bain,  L'esprit  et  le  corps.  —  H.  Spencer,  Principes  de  Psychologie.  — 
Fr.  Al.  Lange,  Histoire  du  Matérialisme.  —  P.  Janet,  Le  Matérialisme  contemporain. 
Le  cerveau  et  la  pensée.  —  E.  Caro,  Le  Matérialisme  et  la  Science.  —  E.  Naville,  Le  Libre 
arbitre.  —  G.  Fonsegrive,  Essai  sur  le  Libre  arbitre.  —  F.  Ravaisson,  La  Philosophie 
en  France  au  XIX"  siècle,  §  22,  23.  —  Ch.  Jeanmaire,  L'Idée  de  personnalité  dans  la  Psycho- 
logie moderne.  —  J.  Gardair,  Corps  et  Ame.  —  G.  Surbled,  Le  cerveau.  —  M.  Liberatore, 
Le  composé  humain.  —  B.  Boedder,  Psychologia  ralionalis.  —  J.  Mendive,  Instituliones 
Philosophiee  scolasticee  :  Psychologia.  —  S.  Schiffini,  Disputationes  tnetaphysicse  specialis, 
T.  I.  —  J.- J.  Urraburu,  Instituliones  philosophicse,  T.  IV,  V,  VI.  —  M.  Maher,  Psychology, 

—  D.  Mercier,  Cours  de  Philosophie,  T.  III,  Psychologie.  —  El.  Blanc,  Traité  de  Philo- 
sophie scolaslique,  T.  II.  —  D.  Palmieri,  Instituliones  philosophicx,  T.  II,  Anihropologia. 

—  Fr.  Paulhan,  La  physiologie  de  l'esprit.  —  V.-L.  Bernies,  Spiritualité  et  Immortalité. 

—  Th. -H.  Martin,  La  vie  future.  —  L.  Ollé-Laprune,  Le  prix  de  la  vie.  —  Cl.  Piat, 
La  destinée  de  l'homme.  La  personne  humaine.  —  A.  Lauoel,  Les  problèmes  de  l'âme.  — 
L.  RouRE,  Pourquoi  mourons-nous  ?  dans  les  Études,  1893,  T.  LIX,  p.  65  sqq. — Ch.  Huit, 
L'immortalité  de  l'âme  dans  le  monde  païen,  dans  les  Annales  de  philosophie  chrét., 
mai,  juin  et  juillet  1887.  —  L.  Bossu,  Réfutation  du  Matérialisme.  —  A.  Nicolas,  Éludes 
philosophiques  sur  le  Christianisme,  1"  P.,  L.  I,  Ch.  i,  m.  —  H.  Lotze,  Psychologie  physio- 
logique. —  J.-Ém.  Alaux,  Théorie  de  l'âyne  humaine.  —  M. -Th.  Coconnier,  L'Ame  humaine. 

—  P.  RiBOT,  Spiritualisme  et  Matérialisme.  —  N.  Boulay,  Principes  d'Anthropologie 
générale.  —  Saint-George  Mivart,  L'homme  (Trad.  par  E.  Segond).  —  P.  Jousset, 
Essai  d'une  doctrine  spiritualiste  en  médecine.  —  A.  Castelein,  Matérialisme  et  Spiritualisme. 


536  ARGUMENT    GÉNÉRAL  (49-50) 

§  A.  _  PREUVES  APPORTÉES  PAR  LE  SPIRITUALISME 

49.  —  ARGUMENT  GÉNÉRAL 

Lorsque  deux  choses  ont  des  propriétés  et  effets  opposés,  si  bien  que 
ce  que  l'on  affirme  de  l'une  doit  être  nié  de  l'autre,  ces  deux  choses 
diffèrent  en  espèce  et  en  nature.  Or  le  corps  et  l'àme  ont  entre  eux  une 
telle  opposition.  Ils  sont  donc  de  nature  différente.  Dans  cet  argument 
il  suffit  de  prouver  la  mineure. 

Le  corps  est  matière  ;  or  la  matière  est  étendue,  composée  de  parties 
placées  les  unes  hors  des  autres  ;  au  contraire,  la  pensée  est  simple, 
non  composée  de  parties.  Les  objets  corporels  de  la  pensée  peuvent  bien 
être  de  grandeur  et  de  volume  inégaux  ;  mais  la  connaissance  que  j'en 
ai  ne  se  mesure  pas  à  leurs  dimensions.  La  pensée  d'une  montagne  n'est 
ni  plus  longue  ni  plus  large  que  celle  d'une  fleur.  Qui  parle  d'une  idée 
ayant  tant   de   centimètres   de  longueur,   de   profondeur,   etc.  ? 

La  matière  est  figurée,  elle  a  une  forme  et  des  couleurs.  Or  quelle 
figure  donnerons-nous  à  la  pensée  ?  Sera-t-elle  ronde,  cubique,  trian- 
gulaire ?  Quelle  couleur  ?  rouge,  jaune  ? 

Les  phénomènes  matériels  se  ramènent  à  des  mouvements  ;  les  phéno- 
mènes psychologiques  sont  irréductibles  à  des  mouvements  (Psych.,  4). 

50.  —  ARGUMENT    TIRÉ    DE    L'IDENTITÉ    DE    LA    PERSONNE 

Le  principe  de  la  pensée  est  identique  à  lui-même  dans  le  temps. 
«  On  ne  définit  pas,  dit  Paul  Janet,  l'identité  personnelle  ;  mais  on  la 
sent  (^).  »  Chacun  de  nous  sait  bien  qu'il  demeure  le  même  à  chacun 
des  instants  de  la  durée  qui  composent  son  existence  (Psych.,  71,  I,  A). 
Or  l'identité  personnelle  est  incompatible  avec  la  matière  qui  est 
changeante. 

L'identité  personnelle  ressort  des  faits  suivants  : 

L  —  Raisonnement  :  tout  raisonnement  exige  que  le  sujet  qui  pense 
reste  le  même  à  des  moments  différents.  En  effet,  tout  raisonnement 
est  successif.  Or  supposons  que  je  change  aux  divers  instants  de  la  durée. 


■  —  .T.  DK  BONMOT,  L'âme  el  la  physiologie.  —  A.  Binet,  L'âme  et  le  corps.  —  L.  BiiCHNER, 
L'homme  selon  la  science.  —  G.  Dumesnil,  Le  Spiriliinlisme.  —  H.  Bergson,  Matière  el 
Mémoire.  —  E.  Lubac,  Esquisse  d'un  système  de  Psychologie  rationnelle.  —  Roisel,  L'idée 
spirilualiste.  —  Coste,  Dieu  et  l'âme.  —  Th.  Fu.\ck  Bremano,  L'homme  el  sa  destinée. 
—  HuLST  (M.  d'),  Mélanges  philosophiques,  p.  99-211.  —  Alibert,  La  Psychologie  thomiste 
et  les  théories  modernes,  II"  P.  — -  Kl.  Méric,  L'autre  vie.  —  L.  Lescœur,  La  vie  future.  — 
Km.  Charles,  Éléments  de  Philosophie,  T.  II,  Cli.  liv  et  lix.  —  G.  Fonsegrive,  Éléments 
.de  Philosophie,  T.  II,  Métaphysique,  Leç.  XVI.  —  .T.  Kleutgen,  La  Philosophie  scolastique, 
Diss.  VIII,  Ch.  m. 

(•)   P.  Janet    'iraité  élémentaire  de  Philosophie.  Psychologie  .Conclusion,  Ch.  i,  n.  280. 


(51)  ARGUMENT    TIRK    DE    l'uNITÉ    DE    LA    PENSÉE  537 

Si  je  raisonne,  "je  serai  alors  comme  trois  personnes  dont  l'une  pense 
la  majeure,  l'autre  la  mineure,  la  troisième  la  conclusion.  Je  ne  pourrai 
arriver  à  une  démonstration,  car  il  faut  que  les  trois  termes  comparés 
soient  perçus  par  le  même  sujet.  Il  faut  donc  que  le  sujet  qui  pense  la 
conclusion  soit  identique  au  sujet  qui  a  pensé  les  prémisses. 

II.  —  Mémoire  :  Royer-Collard  a  dit  avec  raison  :  «  Nous  ne  nous 
souvenons  que  de  nous-mêmes  (^).  »  On  ne  pourrait  pas  se  souvenir  de 
ce  qu'un  autre  a  fait,  senti,  pensé  ou  voulu.  La  mémoire  suppose  donc 
qu'il  y  a  continuité  entre  le  moi  du  passé  et  le  moi  du  présent,  c'est-à-dire 
l'identité  personnelle  (Psych.,  107,  §  I,  B). 

III.  —  Responsabilité  :  on  n'est  responsable  que  de  ses  propres 
actes,  ou  si  on  l'est  quelquefois  de  ceux  des  autres,  c'est  dans  la  mesure 
où  on  y  a  coopéré.  Or  comment  concevoir  la  responsabilité  des  actes 
personnels,  si  le  moi  change  aux  différents  instants  de  la  durée  ?  Dans 
ce  cas,  le  moi  passé  serait  vraiment  autrui,  c'est-à-dire  étranger  pour 
le  moi  présent  ;  mais  le  moi  n'est  responsable  que  de  ses  propres  actes. 
Il  est  donc  impossible  de  comprendre  la  responsabilité  sans  l'identité 
personnelle. 

Ainsi  le  raisonnement,  la  mémoire,  la  responsabilité  exigent  impé- 
rieusement l'identité  personnelle,  qui  est  un  des  traits  caractéristiques 
de  ce  que  l'on  appelle  l'esprit.  Or  il  y  a  dans  le  corps  humain  un  fait 
principal  qui  est  le  contraire  du  précédent  :  c'est  ce  qu'on  nomme  le 
tourbillon  vital,  l'échange  perpétuel  de  matière  qui  s'opère  entre  les 
corps  vivants  et  le  monde  extérieur.  Comment  concilier  l'identité  per- 
sonnelle avec  la  mutabilité  incessante  du  corps  organisé  ?  Comment 
l'identique  peut-il  résulter  du  changeant  ?  Il  faut  donc  conclure  que  le 
moi  identique  à  lui-même,  à  tous  les  instants  de  la  durée,  est  distinct 
du  corps  qui  change  continuellement.  L'esprit  est  donc  immatériel  et 
simple,  puisque  le  corps  est  matériel  et  composé. 

51.  —  ARGUMENT  TIRÉ  DE  L'UNITÉ  DE  LA  PENSÉE 

Aucune  substance  composée,  étendue,  divisible  ne  peut  être  le  prin- 
cipe, le  sujet  de  la  pensée  ;  or  l'âme  est  le  principe  de  la  pensée  ;  elle  est 
donc  une  substance  inétendue,  simple,  indivisible,  c'est-à-dire  immaté- 
rielle. Dans  cet  argument,  la  majeure  seule  est  à  prouver  ;  on  peut  le 
faire  soit  en  considérant  la  pensée  en  général,  soit  en  considérant  une 
forme  particulièio  de  la  pensée,  comme  la  comparaison  ou  la  réflexion. 

I.  —  La  pensée  en  général  :  elle  est  essentiellement  une,  simple, 
indivisible,  comme  l'atteste  la  conscience.  Qu'on  prenne  en  effet  un 
acte  intellectuel  quelconque,  il  faut  reconnaître  qu'il  consiste  essentiel- 


(  ')  Fragments,  dans  Œuvres  de  Reid,  traduites  par  Jouffrov,  T.  IV,  p.  i^-i. 


538 


ARGUMENT    TIRE    DE    L  UNITE    DE    LA    PENSEE 


(51) 


lement  à  ramener  la  pluralité  à  l'unité  :  penser,  c'est  unir,  comme  dit 
Kant.  Si  vg.  on  juge,  on  réunit  deux  idées,  le  sujet  et  l'attribut,  dans 
une  même  affirmation.  Ce  point  rappelé,  admettons  un  instant  que  le 
principe  de  la  pensée  soit  composé.  De  trois  hypothèses,  l'une.  Ou  bien  : 

a)  La  pensée  sera  produite  à  la  fois  par  toutes  parties  du  principe 
pensant  prises  collectivement.  —  Cette  première  hypothèse  répugne, 
car  chaque  partie  produirait  une  partie  de  l'effet  ;  et  l'effet  total,  la 
pensée,  ne  serait  que  la  somme  divisible  des  effets  partiels.  La  pensée 
ne  serait  donc  plus  simple,  ce  qui  est  contraire  au  témoignage  de  la 
conscience. 

b)  La  pensée  sera  produite  par  chacune  des  parties  prises  séparément. 
—  Cette  seconde  hypothèse  est  aussi  contraire  au  témoignage  de  la 
conscience,  car  nous  devrions  avoir  conscience  d'autant  de  pensées 
simultanées  que  de  parties  pensantes. 

c)  Reste  une  troisième  supposition  :  la  pensée  sera  produite  par 
une  seule  des  parties  qui  serait  simple  et  indivisible,  les  autres  parties 
ne  concourant  pas  à  la  pensée.  —  C'est  précisément  cette  partie  simple 
et  indivisible,  principe  unique  de  la  pensée,  que  nous  appelons  âme. 
On  peut  représenter  cette  triple  hypothèse  graphiquement.  Soit  A  =  la 
pensée  totale  ;  a,  b,  c,  d  =  les  parties  composant  la  pensée  totale. 


II 


III 


a 

b 

c 

d 

A  A 

A  A 


II.  —  La  comparaison  :  au  témoignage  de  la  conscience,  l'âme  a  le 
pouvoir  de  comparer  deux  idées.  Or  ce  pouvoir  ne  peut  exister  que  dans 
un  esprit  simple.  Laromiguière  le  prouve  ainsi  :  «  Une  substance  ne  peut 
comparer  qu'elle  n'ait  deux  sentiments  distincts  ou  deux  idées  à  la  fois. 
Si  la  substance  est  étendue  et  composée  de  parties,  ne  fût-ce  que  de 
deux,  où  placerez-vous  les  deux  idées  ?  Seront-elles  toutes  deux  dans 
chaque  partie  ou  l'une  dans  une  partie,  et  l'autre  dans  l'autre  ?  Choi- 
sissez ;  il  n'y  a  pas  de  milieu.  Si  les  deux  idées  sont  séparées,  la  compa- 
raison est  impossible.  Si  elles  sont  réunies  dans  chaque  partie,  il  y  a 
deux  comparaisons  à  la  fois,  et  par  conséquent  deux  substances,  qui 
comparent,  deux  âmes,  deux  moi,  mille,  si  vous  supposez  l'âme  com- 


(52)  ARGUMENT    TIRÉ    DE    LA    LIRERTÉ  539 

posée  de  mille  parties  (^).  »  Toutes  choses  qui  répugnent  au  témoignage 
de  la  conscience. 

III.  —  La  réflexion  :  la  conscience  nous  atteste  que  nous  avons  le 
pouvoir  de  réfléchir,  de  nous  replier  sur  nous-mêmes.  Or  une  substance 
composée  en  est  absolument  incapable.  En  effet  une  substance  étendue 
ne  peut  se  replier  sur  elle-même  que  par  superposition  de  certains 
éléments  sur  les  autres.  Elle  ne  peut,  pas  rentrer  totalement  en  elle- 
même,  de  telle  façon  que  tout  l'être  soit  en  présence  de  tout  lui-même. 
Notre  âme  a  au  contraire  la  faculté  de  revenir  sur  ses  modifications 
antérieures,  de  se  mettre  elle-même  en  présence  d'elle-même  par  la 
réflexion.  Elle  n'est  donc  pas  une  substance  étendue. 

52.  —  ARGUMENT  TIRÉ  DE  LA  LIBERTÉ 

La  liberté  est  le  pouvoir  de  se  déterminer,  de  se  modifier  soi-même 
et  par  soi-même.  De  cet  attribut  fondamental  de  la  nature  humaine 
résultent  la  personnalité  et  la  responsabilité.  Or  rien  n'est  plus  contraire 
à  l'essence  de  la  matière,  qu'elle  soit  organique  ou  inorganique.  La 
matière  est  par  elle-même  inerte,  incapable  de  se  déterminer,  de  modifier 
son  état;  en  repos,  elle  reste  en  repos;* en  mouvement,  elle  reste  en 
mouvement,  conservant  la  vitesse  et  la  direction  acquises  sans  y  rien 
changer.  La  Hberté  ne  peut  donc  s'expliquer  par  la  matière,  et  cependant, 
puisqu'elle  existe,  comme  l'atteste  la  conscience  (Psych.,  203,  §  A), 
il  lui  faut  un  principe.  Ce  principe  ne  peut  ê^re  le  corps,  puisqu'il  est 
matière  ;  c'est  donc  l'esprit. 

Conclusion  générale.  —  Ces  différentes  preuves  établissent  que 
l'âme  est  simple,  distincte  du  corps,  de  la  matière  ;  elle  est  donc  imma- 
térielle. Ce  n'est  pas  tout  ;  nous  avons  constaté,  dans  la  Psychologie 
expérimentale,  que  l'âme  a  la  faculté  de  raisonner  et  de  vouloir  librement. 
Elle  est  donc  spirituelle  au  sens  strict  du  mot.  La  simplicité,  c'est-à-dire 
l'absence  de  composition,  de  parties,  est  la  condition  et  le  fondement  de 
la  spiritualité.  La  spiritualité  ajoute  à  la  simplicité  la  raison  et  la  liberté  ; 
c'est  pourquoi  l'âme  des  bêtes,  quoique  simple,  n'est  pas  spirituelle. 

Remarque.  —  Caractères  distinctifs  de  l'âme  et  du  corps  : 

1»  Leurs  phénomènes  :  ceux  du  corps  sont  connus  par  les  sens  ; 
ceux  de  l'âme  par  la  conscience  ;  —  ceux  du  corps  sont  localisés  dans 
fespace,  étendus,  réductibles  à  des  mouvements  ;  ceux  de  l'âme  sont 
étrangers  à  l'espace,  inétendus,  irréductibles  à  des  mouvements 
(PsYcn.  4). 


(M  Laromiguière,  Leçons  de  philosophie,  T.  II,  Partie  II,  Leçon   XII,  p.   432-433. 
Paris,  1820,  2''  Értit. 


540  MATÉRIALISME    :    ARGUMENTS    ET    RÉPONSES  (53) 

2°  Leurs  qualités  intrinsèques  : 
a)  Ame  :  unité,  identité,  liberté. 
h)  Corps  :  composition,  changement,  fatalité. 

3°  Leurs  destinations  :  le  corps  esr  fait  pour  une  existence  finie,  — 
l'âme  pour  une  vie  immortelle. 

§  B.  —  RÉFUTATION  DU  MATÉRLALISME 

53.  -  ARGUMENTS  ET  RÉPONSES 

C'est  la  doctrine  qui  nie  toute  autre  substance  que  la  matière.  Elle 
fut  professée  dans  l'antiquité  par  l'École  atomistique  de  Leucippe  et 
de  Démocrite,  par  les  Épicuriens  et  les  Stoïciens.  Dans  les  temps 
modernes,  les  Sensualistes  Locke  et  Condillac  lui  préparèrent  les  voies. 
Elle  a  été  soutenue  au  xvii^  siècle  par  Hobbes,  au  xviii^  par  Helvétius, 
d'Holbach,  La  Mettrie,  etc.,  au  xix^  par  Cabanis,  Broussais,  Cari  Vogt, 
Bûchner,  Moleschott,  etc.  Voici  leurs  principaux  arguments  avec  les 
réponses  : 

I.  —  Résultats  de  l'expérience  :  les  méthodes  expérimentales 
nous  font  une  loi  de  n'admettre  que  les  choses  positives,  qui  tombent 
sous  les  sens  ;  or  personne  n'a  jamais  vu  l'âme.  Ce  n'est  donc  qu'une 
entité  verbale,-une  abstraction  métaphysique  :  «  Je  ne  crois  pas  à  l'âme, 
<lit  l^roussais,  car  je  ne  l'ai  jamais  trouvée  au  bout  de  mon  scalpel.  » 

Réponse  :  au  nom  de  la  méthode  expérimentale,  dont  ils  se  réclament, 
les  matérialistes  devraient  admettre  le  témoignage  de  la  conscience  et 
de  l'observation  interne,  qui  seules  ont  qualité  pour  nous  faire  connaître 
les  sentiments,  pensées,  volitions.  Nier  l'existence  de  l'âme,  parce  que 
les  sens  n'en  disent  rien,  est  aussi  déraisonnable  que  le  serait  la  négation 
de  l'existence  des  corps,  parce  que  la  conscience  ne  les  atteint  ])as. 

IL  —  Correspondance  du  physique  et  du  moral  :  à  quoi  bon 
supposer  un  principe  vital,  distinct  du  corps  et  des  organes,  quand  ceux- 
ci  suffisent  à  tout  expliquer  dans  l'homme  ?  L'expérience  nous  dit  en 
effet  qu'il  y  a  correspondance  intime  entre  le  physique  et  le  moral. 
En  effet,  ce  n'est  qu'à  mesure  que  le  corps  se  développe,  que  se  déve- 
loppent l'intelligence,  la  sensibilité  et  la  volonté.  Si  le  corps  est  en  santé, 
si  les  organes  fonctionnent  normalement,  l'intelligence  a  toute  sa  puis- 
sance, la  sensibilité,  toute  sa  délicatesse,  la  volonté,  toute  son  énergie. 
Au  contraire,  quand  les  organes  fonctionnent  mal,  nous  ne  pouvons  ni 
penser  aisément,  ni  vouloir  librement.  Une  s  mple  lésion  cérébrale 
détermine  la  folie.  Le  tem|)érament,  l'âge,  le  climat,  le  régime  influent 
sur  nos  pensées,  nos  sentiments,  notre  caractère. 

Réponse  :  si  l'influence  du  physique  sur  le  moral  est  incontestable, 
il  ne  faut  pas  l'exagérer,  ni  oublier  ou  supprimer  nombre  de  faits  qui 


(53)  MATÉRIALISME    :    ARGUMENTS    ET    RÉPONSES  541 

contredisent  cette  influence  prétendue  déterminante.  Combien  d'intelli- 
gences bornées  et  de  caractères  sans  énergie  dans  les  corps  les  plus  sains 
et  les  plus  robustes  !  Combien  au  contraire  qui,  avec  des  corps  débiles, 
conservent  jusqu'à  la  fin  toute  la  lucidité  de  leur  esprit,  toute  la  déli- 
catesse de  leurs  sentiments,  toute  la  vigueur  de  leur  volonté  !  On  doit 
aussi  se  rappeler  que  le  moral  influe  sur  le  physique  (Psych.,  239). 
Si  nous  raisonnions  comme  les  matérialistes,  nous  pourrions  conclure 
que  le  physique  n'est  pas  distinct  du  moral  et  que  le  corps  n'existe  pas. 
Mais  ce  serait  faire  preuve  d'exclusivisme  et  non  de  raison. 

III  —  Fonction  du  cerveau  :  la  science  prouve  que  la  pensée 
ne  peut  être  qu'une  sécrétion  du  cerveau,  car  elle  établit  que  : 

1°  Partout  où  l'on  observe  un  cerveau,  on  trouve  un  être  intelligent 
à  quelque  degré. 

2°  Partout  où  manque  le  cerveau,  l'intelligence  manque  également. 

3°  L'intelligence  et  le  cerveau  croissent  et  décroissent  dans  es  mêmes 
proportions.  Donc  la  vie  de  l'homme,  vie  organique,  intellectuelle  et 
morale,  est  la  résultante  des  fonctions  du  corps  organisé,  notamment  du 
cerveau,  comme  dit  Moleschott  :  «  Le  cerveau  sécrète  la  pensée,  comme 
le  foie  sécrète  la  bile.  » 

Réponse  :  a)  Avant  de  prétendre  que  les  modifications  de  la  pensée 
sont  proportionnelles  à  celles  du  cerveau,  les  matérialistes  devraient 
s'entendre  pour  dire  à  quoi  au  juste  tient  la  pensée  dans  le  cerveau. 
D'après  les  uns,  c'est  le  volume  ;  d'après  les  autres,  c'est  le  poids  ; 
d'après  ceux-ci,  c'est  la  délicatesse  des  fibres  nerveuses  ;  d'après  ceux-là, 
c'est  une  foule  de  conditions  harmonieusement  réunies  qui  décident 
de  la  perfection  de  la  pensée.  Or  qui  nous  prouve  que  l'une  de  ces  condi- 
tions n'est  pas  la  force  pensante  elle-même,  que  nous  appelons  âme  ? 

b)  Le  cerveau,  durant  l'union  de  l'âme  et  du  corps,  est,  il  est  vrai, 
la  condition  de  l'exercice  des  facultés  intellectuelles.  Tous  admettent  ce 
fait  ;  mais  les  spiritualistes,  appuyés  sur  les  raisons  qui  montrent  les 
différences  essentielles  entre  les  phénomènes  matériels  et  les  opérations 
intellectuelles  (Psych.  4  et  supra,  49),  nient  que  le  cerveau  soit  la  condi- 
tion suffisante  des  pensées  et  des  actes  libres.  Un  artiste  a  besoin  d'un 
instrument  pour  rendre  ses  conceptions  ;  s'il  lui  manque,  il  ne  donnera 

..aucune  idée  de  son  mérite  ;  s'il  a  un  instrument  défectueux,  il  révélera 
imparfaitement  son  talent.  L'instrument  est  donc  la  condition  de  la 
manifestation  du  génie  de  Fartiste.  Il  en  est  de  même  de  l'âme  ;  si  elle 
est  unie  à  un  cerveau  mal  conformé,  elle  ne  pourra  user  ou  usera  mal  de 
ses  facultés  de  sentir,  de  connaître  et  d'agir.  Mais  ce  n'est  pas  du  cerveau 
qu'elle  tient  ces  facultés,  il  n'en  est  pas  le  principe  ;  il  est  seulement 
la  condition  de  leur  exercice. 

c)  La  réponse  générale,  qui  précède,  suffit  parfaitement  à  résoudre 
l'objection.  Mais  on  peut  apporter  une  réponse  plus  radicale  qui  a  déjà 


542  MATÉRIALISME    :    ARGUMENTS    ET    RÉPONSES  (53) 

été  indiquée  en  Psychologie.  Bornons-nous  à  un  simple  rappel.  Il  faut 
distinguer  dans  l'entendement  les  facultés  qu'on  nomme  inférieures 
et  sensitives,  et  les  facultés  qu'on  nomme  supérieures  et  proprement 
intellectuelles.  L'action  de  l'organisme  est  directe  sur  les  premières 
(sens,  mémoire,  imagination),  parce  que  leurs  opérations  sont  liées  aux 
organes.  Elle  est  indirecte  sur  les  secondes  {jugement,  raisonnement),  en 
ce  sens  que  celles-ci  empruntent  aux  premières  leurs  matériaux  et,  par 
cet  intermédiaire,  dépendent  des  organes.  Mais  ce  n'est  là  que  le 
prélude  de  l'acte  intellectuel.  L'acte  intellectuel  pris  en  lui-même, 
c'est-à-dire  l'acte  intuitif  du  jugement  et  du  raisonnement,  est  intrin- 
sèquement indépendant  du  corps  et  même  se  fait  sans  images  (Cf. 
PsYCH.,  238,  V).  Notre  àme,  quoiqu'unie  à  un  corps,  est  donc  sous  plu- 
sieurs rapports  indépendante  de  la  matière  ;  par  conséquent  elle  parti- 
cipe à  la  condition  de  l'esprit  pur,  elle  est  spirituelle. 

IV.  —  Les  transformations  du  mouvement  :  d'après  la  science, 
la  chaleur  se  transforme  en  nîouvement  et  le  mouvement  en  chaleur. 
De  même  les  mouvements  du  cerveau  se  transforment  en  sentiments, 
en  pensées,  en  volitions. 

Réponse  :  la  chaleur  est,  objectivement,  un  phénomène  de  mou- 
vement. Quand  on  dit  qu'elle  se  transforme  en  mouvement,  il  n'y  a 
aucun  changement  essentiel,  car  c'est  un  mouvement  qui  se  transforme 
en  un  autre  mouvement.  De  même  la  chaleur  ne  se  transforme  nullement 
en  lumière  ;  mais  un  certain  mouvement,  qui  se  manifeste  par  une  sen- 
sation de  chaleur,  se  transforme  en  un  autre  mouvement,  qui  se  traduit 
par  une  sensation  de  lumière.  La  transformation  se  fait  donc  d'un 
mouvement  à  un  autre  par  un  changement  de  vitesse,  de  trajectoire  ; 
mais  elle  ne  se  fait  pas  d'un  mouvement  à  une  sensation.  Cette  théorie 
n'est  donc  nullement  applicable  à  la  pensée,  car  la  pensée  n'est  pas  un 
mouvement  ;  la  pensée  est  un  état  essentiellement  intérieur,  le  mou- 
vement est  circulaire,  rectiligne,  en  spirale,  etc.  Or  qu'est-ce  qu'une 
pensée  circulaire,  rectiligne,  en  spirale  ?  Il  n'y  a  donc  aucune  parité 
entre  les  deux  cas  :  dans  le  premier,  on  se  maintient  dans  le  même  genre 
de  phénomènes  :  le  changement  n'est  qu'' accidentel.  Dans  le  second, 
il  y  aurait  passage  d'un  genre  à  un  autre,  du  mouvement  à  une  sensation, 
pensée  ou  volition  (\u\  ne  sont  pas  des  mouvements  :  il  y  aurait  chan- 
gement essentiel. 

V.  —  Ignorance  (Objection  de  Locke)  :  nous  ne  connaissons 
pas  suffisamment  les  propriétés  de  la  matière,  pour  affirmer  qu'elle  ne 
peut  ni  sentir,  ni  penser,  -ni  vouloir  (^). 

Réponse  :  sans  doute  l'essence  de  la  matière  est  encore  une  énigme 
pour  la  science  ;  mais  nous  connaissons  assez  de  propriétés  des  corps, 


(')  Locke,  An  /t.sscjj/  ronreming  hunnin  understanding,  Livre  IV,  Cli.  m,   §  6. 


(54)  UNION    DE    l'aME    ET    DU    CORPS    :    SON    EXISTENCE  543 

vg.  étendue,  figure,  divisibilité,  pour  affirmer  qu'elles  sont  incompa- 
tibles avec  les  caractères  de  Ja  sensation,  de  la  pensée,  de  la  volition, 
qui  sont  inétendues,  indivisibles,  sans  figure  ;  inconciliables  avec  funité 
et  l'identité  du  moi.  Dieu,  qui  ne  peut  réaliser  les  contradictoires,  ne 
peut  donc  donner  à  la  matière  étendue,  divisible,  composée,  la  faculté 
de  penser  et  de  sentir  qui  suppose  la  simplicité  et  l'indivisibilité. 

ARTICLE  H.  —    UNION  DE   UAME   ET  DU   CORPS 

54.  —  EXISTENCE  ET  CARACTÈRE  DE  CETTE  UNION 

Notre  âme  est  distincte  du  corps,  mais  elle  lui  est  étroitement  unie 
C'est  un  fait  qui  se  constate  par  les  rapports  tout  particuliers  qu'elle 
a  avec  lui  et  qu'elle  n'a  pas  avec  les  autres  corps  de  la  nature.  C'est  ainsi 
que  mon  âme  [leut  directement  .mouvoir  mon  corps  par  un  acte  de 
volonté,  tandis  qu'elle  ne  peut  mouvoir  les  autres  corps  que  par  l'inter- 
médiaire de  celui  auquel  elle  est  jointe.  De  même  mon  âme  éprouve 
directement  les  vicissitudes  de  mon  corps,  tandis  que  les  autres  corps 
de  la  nature  ne  peuvent  agir  sur  elle  que  par  l'intermédiaire  de  celui 
auquel  elle  est  unie.  L'union  de  l'âme  et  du  corps  semble  donc  un  fait 
incontestable. 

Mais  cette  union  n'est  pas  accidentelle,  comme  le  veut  Platon,  qui  la 
compare  à  la  relation  qui  unit  le  navire  au  pilote,  le  cheval  au  cavalier, 
l'instrument  à  l'ouvrier.  Bossuet  repousse  avec  raison  cette  assimilation 
si  on  la  prend  dans  un  sens  strict  :  «  Ainsi,  on  ne  se  trompe  pas  quand 
on  dit  que  le  corps  est  comme  l'instrument  de  l'âme...  11  y  a  pourtant 
une  extrême  différence  entre  les  instruments  ordinaires  et  le  corps 
humain.  Qu'on  brise  le  pinceau  d'un  peintre  ou  le  ciseau  d'un  sculpteur, 
ils  ne  sentent  point  les  coups  dont  ils  ont  été  frappés  ;  mais  l'âme  sent 
tous  ceux  qui  blessent  le  corps...  Le  corps  n'est  donc  pas  un  simple 
instrument  appliqué  par  le  dehors,  ni  un  vaisseau  que  l'âme  gouverne 
à  la  manière  d'un  pilote.  Il  en  serait  ainsi,  si  elle  n'était  simplement 
qu'intellectuelle  ;  mais,  parce  qu'elle  est  sensitive,  elle  est  forcée  de 
s'intéresser  d'une  façon  particulière  à  ce  qui  le  touche  et  de  le  gouverner 
non  comme  une  chose  étrangère,  mais  comme  une  chose  naturelle  et 
intimement  unie.  En  un  mot,  l'âme  et  le  corps  ne  font  ensemble  qu'w/i 
tout  naturel  (}).  » 


( ')  Bossuet,  De  la  connaissance  de  Dieu  et  de  soi-même,  Ch.  m,  §  '20.  Platon  définit 
l'homme  :  Une  âme  qui  se  sert  d'un  corps.  Tô  tw  Tcôu-axt  /pwuLEVOv  {Premier  Alcibiade. 
§  XXV,  Ed.  DiDOï,  T.  I,  p.  486).  —  La  critique  de  Bossuet  atteint  aussi  la  définition  de 
l'homme  donnée  par  de  Bonald  :  «  L'homme  est  une  intelligence  servie  par  des  organes  >. 


544  u^^IO^•  de  l'ame  et  du  corps  :  son  existence  (54) 

En  effet,  c'est  de  l'âme  que  le  corps  reçoit  son  unité,  son  organisation, 
sa  vie  ;  c'est  par  son  union  avec  elle  qu'il  devient  un  corps  humain  (48). 
Aussi,  dès  qu'il  en  est  séparé  par  la  mort,  il  perd  ses  caractères  spéci- 
fiques. 

Sans  doute  l'âme  peut,  sans  le  corps,  vivre  d'une  vie  proprement 
intellectuelle  (53,  III,  c)  ;  mais  alors  elle  est  incapable  d'exercer  ses 
fonctions  sensitives,  parce  que  celles-ci  exigent  le  concours  direct  de 
l'organisme.  C'est  pourquoi  l'on  doit  dire  avec  Bossuet  que  Vâme  est 
une  substance  intelligente  née  pour  vivre  dans  un  corps  et  lui  être  inti-  J 
mement  unie  (  ^).  1 

Le  corps  et  l'âme,  considérés  séparément,  sont  donc  deux  substances  | 
incomplètes.  Unies,  elles  constituent  une  seule  nature:  la  nature  humaine 
composée  de  deux  substances  ;  elles  forment  un  tout  naturel  (Bossuet), 
un  tout  complet  (cruvoXov,  Aristote),  dont  le  corps  est  la  matière  et 
dont  l'âme,  est  la  forme  (2).  Leur  union  par  conséquent  n'est  pas  acci- 
dentelle ni  extrinsèque,  mais  naturelle  et  substantielle  (^).  à 

Une  question  ultérieure  se  pose  :  quel  est  le  mode  de  cette  union  ?    . 
Comment    deux    êtres    si    dissemblables,    l'un    étendu,    l'autre    simple, 
peuvent-ils  agir  l'un  sur  l'autre,   communiquer  entre  eux  ?  Voici  les 
diverses   solutions. 


{Recherches  philosophiques  sur  les  premiers  objets  des  connaissances  morales,  Ch.  V).  Cette 
définition  méconnaît  le  caractère  substantiel  de  l'union,  ce  que  Leibniz  nomme  rinculum 
substantiale  :  Et  monades  non  constituant  substantiam  completam  compositam,  cum  non 
faciant  unam  per  se,  sed  merum  aggregatum,  nisi  aliquod  substantiale  vinculum  accédât. 
{Lettre  XIX  au  P.  des  Bosses,  Édit.  Erdmann,  p.  681,  col.  '2,  §  Si  accidens). 

(M  Bossuet,  De  la  connaissance  de  Dieu...,  Ch.  iv,  §  1. 

(  M  Aristote,  De  Anima,  L.  II,  C.  i,  §  4  :  'Avayxaiov  àpa  zry  'W/r^'/  oùaîav  sîvx'.  w; 
eT(îoç  (7touaT0ç  -mii-kou  Suvotast  îlov/)v  e/ovto;  •  r,  o'  oO-ria  evtsas'/.-'^-  Necesse  est 
igitur  aniniam  substantiam  esse  perinde  atque  forinam  corporis  naturalis  potentia  vitam 
habentis  ;  substantia  vero  actus  est  et  pcrfectio.  (Édit.  Didot,  T.  III,  p.  444).  —  Il  est 
surprenant  qu'après  avoir  reconnu  (lue  l'Ame  est  la  forme  substantielle  du  corps,  .Aristote, 
peu  après,  hésite  à  rejeter  la  comparai.son  du  «  pilote  dans  le  navire  ■•,  laquelle  semble 
n'impliquer  qu'une  union  accidentelle  :  'Kxt  o'  àô-/iAov,  eî  outco;  IvTeÀe'xetaTOÛffioa'XTOç-^ 
•Lu/r,  focTteo  ttÀoit/iû  ■rtXoi'ou.  (Aristote,  De  Anima,  L.  II,  C.  i,  §  13,  Éd.  Didot,  T.  III. 
p.  445).  «  En  outre,  nous  ne  savons  pas  encore  clairement  si  l'âme  est  l'acte  du  corps  comin'- 
le  pilote  est  celui  du  navire.  «  (Traduction  de  G.  Rodier,  Arislole.  Traité  de  l'Ame,  T.  1. 
Texte  et  Traduction,  p.  69-71.  Voir  au  T.  II,  Notes,  p.  187,  413  a.,  8.  Paris,  1900,  les  inter- 
prétations diverses  qu'ALEXANDRE  u'-Apiirodise.  Themistius  et  Simplicius  donnent  de 
ce  passage.  —  Plus  loin,  Aristote  dit  que  l'ûme  •<  n'est  pas  le  corps,  mais  quelque  chose  du 
corps  »,  ce  qui  indique  une  union  substantielle,  itoa'/  asv  yàp  oùx  eGTi,  iMaaro;  ')£  t: 
(Ibidem,  C.  ii,    §  14,  p.  447). 

(')  Descartes  lui-même,  qui  a  exagéré  si  fortement  le  dualisme  entre  l'âme  et  le  corps, 
a  reconnu  cependant  l'existence  de  cette  intime  union  :  «  La  nature  m'enseigne  aussi  par 
ces  sentiments  de  douleur,  de  faim,  de  soif,  etc.,  que  je  ne  suis  pas  seulement  logé  dans  mon 
corps  ainsi  qu'un  pilote  en  son  navire,  mais,  outre  cela,  que  je  luy  suis  conjoint  très  étroi- 
tement et  tellement  confondu  et  mesié  que  je  compose  comme  un  seul  tout  avec  luy.  » 
{M'  Méditation,  Édit.  Adam,  T.  IX,  p.  64). 


(55-56)  LES    ESPRITS    ANIMAUX  545 

55.  —  LE  MÉDIATEUR  PLASTIQUE 

A)  Exposé  :  c'est  un  système  qu'on  attribue,  sans  raison,  à  Cud- 
woRTH  (1617-1788).  Il  suffira  de  le  citer  pour  mémoire.  —  Le  fnédiateur 
plastique  est  une  substance  mixte,  matérielle  et  spirituelle,  qui  servirait 
d'intermédiaire  entre  l'âme  et  le  corps. 

B)  Critique  :  ce  système  augmente  la  difficulté,  loin  de  la  résoudre. 
Au  lieu  d'une  union  à  expliquer,  il  y  en  a  trois  :  l'union  du  corps  avec 
le  médiateur  plastique,  l'union  du  médiateur  plastique  avec  l'âme, 
l'union  de  l'âme  et  du  corps  au  moyen  du  médiateur  plastique  (^).  — 
Si,  d'ailleurs,  l'étendue  et  la  pensée  peuvent  s'unir  dans  ce  médiateur 
de  façon  à  ne  former  qu'une  seule  nature,  pourquoi  l'âme  et  le  corps 
ne   pourraient-ils   pas   s'unir   directement  ? 

56.  —  LES  ESPRITS  ANIMAUX 

A)  Exposé  :  d'après  Descartes  (2),  les  esprits  animaux  sont  des 
vapeurs  issues  du  sang,  très  ténues,  très  subtiles,  qui  se  portent  au 
cerveau  et  de  là  dans  les  nerfs  et  organes  qu'ils  mettent  en  mouvement. 
L'âme,  quoique  jointe  à  tout  le  corps,  a  son  siège  principal  dans  la  glande 
pinéale  au  milieu  du  cerveau,  «  d'où  elle  rayonne  en  tout  le  reste  du 
corps  par  l'entremise  des  esprits,  des  nerfs  et  mesme  du  sang,  qui  parti- 
cipant aux  impressions  des  esprits,  les  peut  porter  par  les  artères  en 
tous  les  membres  «  (^).  Quel  est  le  rôle  de  l'âme  ?  Descartes  répond  : 
«  Toute  l'action  de  l'ame  consiste  en  ce  que,  par  cela  seul  qu'elle  veut 
quelque  chose,  elle  fait  que  la  petite  glande,  à  qui  elle  est  estroitement 
jointe,  se  meut  en  la  façon  qui  est  requise  pour  produire  l'effect  qui  se 
raporte  à  cette  volonté  (■*)  ». 

Critique  :  cette  mécanique  physiologique,  délaissée  aujourd'hui, 
n'explique  pas  l'union  de  l'âme  et  du  corps,  puisque  les  esprits  font 


(M  CuDWORTH  est  surtout  connu  par  son  livre  intitulé  :  The  true  intellectual  syslem 
of  the  universe  (Londres,  1678).  Il  parle  de  nature  plastique  (et  non  de  médiateur),  dont  la 
fonction  est  de  produire  l'organisation  et  la  vie,  et  non  d'expliquer  l'union  de  l'âme  et  du 
corps.  L'erreur  de  cette  attribution  remonte  à  Laromiguière  (Leçons  de  Philosophie,  II"  P., 
Leçon  VIII,  p.  252-253,  Paris,  1820»).  —  P.  Janet,  Essai  sur  le  Médiateur  plastique  d<> 
Cudworth,  Paris,  1860. 

(•)  Descartes,  Les  Passions  de  l'âme,  I'"  P.,  Art.  10.  Il  faut  noter  que  Descartes 
expose  ici  une  théorie  physiologique.  Mais,  ailleurs,  quand  il  se  place  au  point  de  vue 
métaphysique,  il  parle  nettement  d'une  union  substantielle  entre  l'âme  et  le  corps  ;  vg.  : 
«  Dans  la  mesme  sixième  Méditation,  où  j'ay  parlé  de  la  distinction  de  l'esprit  d'avec  le  corps 
j'ay  aussi  montré  qu'il  luy  est  substantiellement  uny  »  (.Réponse  aux  quatrièmes  objections, 
Édit.  Adam,  T.  IX,  p.  177). 

( ')  Descartes,  Les  Passions  de  l'âme,  I"  P.,  Art.  34. 

(")  Descartes,  Les  Passions...,  1"  Part.,  Art.  41. 

TRAITÉ    DE  PHILOSOPHIE.   —  T.   II.    18. 


546  LES    CAUSES    OCCASIONNELLES  (57) 

partie  du  corps  :  étant  matériels,  étendus,  comment  peuvent-ils  agir 
sur  ce  qui  est  simple,  inétendu  ? 

57.  —  LES  CAUSES  OCCASIONNELLES 

A)  Exposé  :  Malebranche  (^),  ne  voyant  aucun  lien  possible  entre 
l'esprit,  qu'à  la  suite  de  Descartes  il  fait  consister  dans  la  pensée,  et  la 
matière  à  laquelle  il  donne  pour  essence  l'étendue,  a  recours  à  l'inter- 
vention divine  pour  résoudre  la  question  de  leur  mode  d'union.  Dieu  seul 
est  doué  d'activité,  seul  il  est  cause  efficiente  de  tout  ce  qui  arrive.  Les 
créatures  privées  d'activité  sont  des  causes  occasionnelles^  c'est-à-dire 
les  occasions  de  l'action  divine  (^).  Voici  comment  il  applique  cette 
théorie  à  l'àme.  A  l'occasion  des  sentiments,  pensées  et  volitions  de 
l'âme.  Dieu  produit  des  mouvements  dans  le  corps  ;  à  l'occasion  des 
mouvements  du  corps,  Dieu  produit  des  sentiments,  pensées  et  volitions 
dans  l'âme. 

B)  Critique  :  I.  — Ce  système  contredit  le  sens  commun  et  le  témoi- 
gnage de  la  conscience  en  supprimant,  de  fait,  l'union  qu'il  s'agit  d'expli- 
quer. L'union  entre  le  corps  et  l'âme  est  une  union  intime  qui  se  manifeste 
à  la  conscience  par  l'influence  réciproque  de  ces  deux  substances.  Or  dans 
l'hypothèse  occasionnaliste,  on  pourrait  placer  le  corps  à  Paris  et  l'âme 
au  Rome,  et  il  y  aurait  toujours  union,  puisque  Dieu  pourrait  toujours, 
à  l'occasion,  d'un  mouvement  du  corps,  produire  une  pensée  dans  l'âme 
et  réciproquement.  Mais  ne  serait-ce  pas  là  une  union  purement  verbale, 
puisqu'il  n'y  aurait  aucune  influence  du  corps  sur  l'âme  ni  de  l'âme  sur 
le  corps  ?  C'est  donc  détruire  du  même  coup  l'unité  de  l'homme. 

IL  —  Ce  système  fait  «  intervenir  Deus  ex  machina  dans  une  chose 
naturelle  et  ordinaire,  où,  selon  la  raison,  il  ne  doit  concourir  que  de  la 
manière  qu'il  concourt  à  toutes  les  autres  choses  naturelles  (^)  ». 

IIL  —  Ce  système  enlève  à  l'homme  la  liberté  et  fait  de  Dieu  l'auteur 
du  mal.  En  effet,  si  Dieu  seul  agit  effectivement  dans  tous  les  mouve- 
ments de  l'âme  et  du  corps  et  produit  tout  ce  qui  arrive,  lui  seul  fait  le 
mal  comme  le  bien.  La  liberté  est  donc  une  chimère  et  la  morale  une 
illusion. 

IV.  —  A  quoi  bon  la  disposition  si  harmonieuse  et  si  compliquée 


(')  Malebranche,  Recherche  de  la  vérité,  L.  VI,  II"  P.,  Ch.  m.  Entretiens  sur  la  Méta- 
physique, VII". 

(')    «  Il  n'y  a  qu'une  vraie  cause,  parce  qu'il  n'y  a  qu'un  vrai  Dieu  ;  toutes  les  causes 
naturelles  ne  sont  point  de  véritables  causes,  mais  seulement  des  causes  occasionnelles, 
qui  déterminent  l'auteur  de  la  nature  k  agir  de  telle  et  telle  manière  en  telle  et  telle  ren- 
ntre.  »  {Recherche  de  la  vérité,  Loco  citato). 

{')  Leibniz,   Second  éclaircissement  du   Systèyne   de   la   communication   des   substances 
(  uvres,  Édit.  Janet,  T.  I,  p.  654. 


(58)  l'harmonie  préétablie  547 

de  l'organisme  humain,  si  c'est  Dieu  seul  qui  agit  dans  le  corps  ?  A  quoi 
servent  les  multiples  pouvoirs  de  l'âme,  dont  nous  avons  conscience, 
si  Dieu  seul  est  l'auteur  de  nos  actes  ? 


58.  —  L'HARMONIE  PRÉÉTABLIE 

A)  Exposé  :  Leibniz  (^)  n'accorde  à  ses  monades  que  l'activité 
interne  (41)  et  leur  refuse  toute  action  les  unes  sur  les  autres.  Dieu  sup- 
plée à  ce  manque  d'activité  par  un  décret  éternel,  en  vertu  duquel  la 
série  des  déterminations  de  chaque  monade  a  été  réglée  d'avance, 
préétablie.  Tous  les  phénomènes,  toutes  les  modifications  des  êtres  se 
produisent  dans  la  suite  des  siècles  conformément  à  ce  décret  et,  comme 
Dieu  fait  tout  avec  harmonie,  ce  déterminisme  universel  est  bien  nommé 
harmonie  préétablie.  En  conséquence  Leibniz  affirme  que,  dès  l'instant 
de  leur  existence,  l'âme  et  le  corps  ont  été  disposés  de  telle  sorte  que 
leur  action  se  trouve  toujours  en  accord  parfait  :  «  Figurez-vous  deux 
horloges  ou  montres  qui  s'accordent  parfaitement  C^).  »  Il  donne  aussi 
la  comparaison  d'un  orchestre  de  musiciens  où  chacun  joue  sa  partie, 
sans  s'occuper  de  ses  voisins,  et  pourtant  s'accorde  avec  eux,  parce  que 
l'artiste  a  pris  soin,  en  composant  chaque  partie,  d'avoir  égard  à  toutes 
les  autres  (^). 

B)  Critique  :  I.  —  Cette  théorie  supprime  en  réalité  l'union  qu'il 
faudrait  expliquer.  En  effet,  dans  l'hypothèse  de  l'harmonie  préétablie 
comme  dans  celle  des  causes  occasionnelles,  les  deux  substances  pour- 
raient être  en  harmonie,  quelle  que  soit  leur  distance  (57,  B,  I). 

IL  . —  L'activité  interne,  soumise  à  l'activité  divine,  ressemble 
beaucou])  à  l'automatisme  ;  chaque  monade  est  pour  Leibniz  comme 
un  '(  automate  incorporel  »  (*).  Il  n'y  a  plus  alors  de  véritable  activité. 
—  En  tout  cas,  la  liberté  disparaît,  car  une  volonté,  qui  ne  se  détermine 
pas  elle-même,  mais  qui  est  déterminée  par  un  décret  divin  à  agir,  n'est 
pas  libre  et  Dieu  devient  l'auteur  du  mal,  comme  dans  la  théorie  occa- 
sionnaliste  (Psycii.,  209). 

m.  —  Cette  hypothèse  supprime  aussi  l'activité  externe  des  êtres 
finis,  puisqu'elle  leur  refuse  toute  action  les  uns  sur  les  autres.  Or  l'expé- 
rience montre  dans  les  êtres  créés  une  activité  véritable  qui  se  mani- 
feste par  l'attraction,  l'affinité,  etc. 


(  ')  Leibniz,  Système  nouveau  de  la  nature  et  de  la  communication  des  substances.  Mona- 
dologie,  §  63-81. 

( ')  Leibniz,  Second  éclaircissement...,  Œuvres,  T.  I,  p.  654. 

(»)  Lettre  de  Leibniz  à  Amauld,  30  avril  1687.  Œuvres,  T.  I,  p.  578,  §  Enfin. 

( ')  Leibniz,  Monadologie,  §  18.  —  «  L'âme  est  une  espèce  d'automate  spirituel.  » 
(Essais  de  Théodicée,  I"  Partie,   I  52). 


548  l'influx  physique  (59-60) 

59.  —  L'INFLUX  PHYSIQUE 

A)  Exposé  :  Euler  (1707-1783),  philosophe  et  mathématicien, 
soutient  le  système  qu'on  a  coutume  d'appeler  Vinflux  physique  (^). 
L'âme  agit  sur  le  corps  ;  les  actes  de  la  volonté  déterminent  les  mou- 
vements du  corps  ;  le  corps  de  son  côté  agit  sur  l'âme,  sur  ses  pensées, 
ses  sentiments  ;  les  modifications  organiques  provoquent  dans  l'âme 
les  opérations  de  la  sensibilité,  de  l'intelligence  et  de  la  volonté. 

B)  CritiQlue  :  ce  système  indique  les  effets  sensibles  qui  résultent 
de  l'union  de  Tàme  et  du  corps  et  montre  leur  influence  réciproque  ; 
mais  il  n'explique  pas  la  nature  de  cette  union.  Du  reste,  il  semble 
qu'Euler  n'a  pas  prétendu  formuler  une  théorie  métaphysique,  mais 
simplement  constater  ce  fait  que  le  corps  et  l'âme  exercent  l'un  sur 
l'autre  une  action  réelle  et  immédiate.  Il  se  posait  ainsi  en  adversaire 
de  l'École  cartésienne. 

60.  —  CONCLUSION 

Aucun  système  ne  donne  une  solution  satisfaisante  au  problème. 
Si  l'on  admet  la  théorie  des  éléments  simples  perfectionnée  par  Palmieri 
(43),  c'est-à-dire  si  l'on 'admet  que  l'âme  est  une  force  et  que  le  corps 
est  un  système  de  forces,  la  difficulté  du  problème  est  diminuée.  En  effet, 
la  question  n'est  plus  de  savoir  comment  deux  choses,  hétérogènes 
comme  l'étendue  et  la  pensée,  peuvent  communiquer  Tune  avec  l'autre. 
Il  s'agit  seulement  de  découvrir  comment  s'unissent  et  communiquent 
entre  elles  deux  choses  homogènes^  qui  ne  diffèrent  l'une  de  l'autre  que 
par  le  degré  de  perfection  :  l'âme  est  simple,  raisonnable  et  libre,  tandis 
que  les  éléments  des  corps  sont  simples,  mais  sans  raison,  ni  hberté. 
Si  ce  système  des  éléments  simples  permet  de  concevoir  la  possibilité 
de  l'union  de  l'âme  et  du  corps,  il  n'explique  pas  cependant  le  comment 
de  leur  union  et  de  leur  communication.  On  voit  que  ia  chose  ne  répugne 
pas  en  soi  ;  c'est  déjà  un  point  capital  ;  mais  il  faut  conclure  avec 
Bossuet  (2)  qu'il  est  «  difficile  et  peut-être  impossible  à  l'esprit  humain 
de  pénétrer  le  secret  «  et  le  mode  de  cette  union.  C'est  le  cas  de  se  rap- 
peler l'axiome  :  Ignorantia  modi  non  tollit  certitudinem  facti. 

Remarque  :  De  la  personnalité.  Cf.  Psychologie,  200. 


(')  Euler,  Lettres  à  une  princesse  d'Allemagne,  Lettres  81,  82,  94,  T.  I,  p.  190,  192, 
223,  Bruxelles,   1839. 

( ')  Bossuet,  De  la  connaissance...,  Cli.  m,   §  2. 


(61)  PREUVE    MÉTAPHYSIQUE    DE    l'iMMORTALITÉ  549 

ARTICLE  m.  —  DESTINÉE  DE  L'HOMME  :  IMMORTALITÉ 

A  la  mort,  il  y  a  séparation  des  deux  substances  qui  composent 
l'homme.  Sous  l'action  des  forces  physiques  le  corps  se  dissout  en  ses 
éléments  constitutifs.  Tout  est-il  fini  ou  bien  faut-il  admettre  par  delà 
la  tombe  l'existence  immortelle  de  l'âme  ?  «  Notre  premier  intérêt  et 
notre  premier  devoir,  dit  Pascal,  est  de  nous  éclaircir  sur  ce  sujet,  d'où 
dépend  toute  notre  conduite  (^)...  J&  trouve  bon  qu'on  n'approfondisse 
pas  l'opinion  de  Copernic  ;  mais  ceci  !  Il  importe  à  toute  la  vie  de  savoir 
si  l'âme  est  mortelle  ou  immortelle  {^)  ». 

PREUVES  DE  L'IMMORTALITÉ  DE  VA  ME 

61.  —  §  I.  PREUVE  MÉTAPHYSIQUE 

Elle  est  tirée  de  la  simplicité  de  l'âme.  —  Une  substance  ne  peut 
périr  que  par  décomposition,  si  elle  est  composée  ;  par  anéantissement^ 
si  elle  est  simple.  Or  l'âme  est  simple,  puisque  la  pensée,  qui  est  quelque 
chose  de  simple,  ne  peut  appartenir  qu'à  un  sujet  qui  soit  lui-même 
simple  et  indécomposable  (49).  L'âme  ne  saurait  donc  périr  par  disso- 
lution. 

Mais  ne  peut-elle  pas  périr  par  anéantissement  ?  —  L'expérience 
ne  nous  montre  aucun  exemple  de  chose  qui  s'annihile  elle-même. 
L'anéantissement  n'est  donc  pas  au  pouvoir  de  l'âme.  Dieu  seul  peut 
anéantir  :  l'annihilation  est  corrélative  à  la  création.  Nous  avons  d'excel- 
lentes raisons  d'admettre  que  Dieu,  qui  pourrait  rendre  au  néant  ce 
qu'il  en  a  tiré,  ne  veut  pas  que,  l'organisme  une  fois  désagrégé,  l'âme 
humaine  disparaisse  en  même  temps  (62)  (3).  De  ce  premier  chef,  la 
preuve  métaphysique  exige  un  complément. 

De  plus,  si  cet  argument  établit  V immortalité  de  la  substance,  c'est- 


(')  Pascal,  Pensées,  Art.  IX,  n»  1. 

(»)  Pascal,  Ibidem,  Art.  XXIV,  n°  17  bis. 

(')  On  n'en  saurait  dire  autant  de  l'animal.  Sans  doute  l'âme  des  bâtes,  étant  douée 
de  connaissance,  doit  être  simple  et  naturellement  incorruptible.  Cependant  il  ne  semble 
pas  qu'elle  doive  survivre  au  corps.  L'âme  humaine,  étant  capable  d'opérations  proprement 
intellectuelles,  c'est-à-dire  intrinsèquement  indépendantes  de  la  matière  (Psych.  238,  V.), 
on  conçoit  qu'elle  puisse  persévérer  dans  l'existence,  môme  après  la  séparation  du 
corps.  Car,  si  elle  ne  peut  plus  exercer  les  opérations  sensitives,  elle  est  toujours  en  état 
de  penser  et  de  vouloir.  L'intelligence  de  l'animal,  étant  au  contraire  limitée  aux  opérations 
sensitives,  est  dans  son  exercice  totalement  et  essentiellement  dépendante  de  l'organisme. 
Celui-ci  une  fois  détruit  par  la  mort,  l'âme  des  bêtes,  tout  entière  ordonnée  à  la  vie  sensitive, 
devient  Incapable  d'agir.  Sa  survivance  n'a  donc  pas  de  raison  d'être,  s'il  est  vrai,  comme 
dit  Leibniz,  qu'être  c'est  agir.  Aussi  l'annihilation  parait  être,  pour  l'âme  des  bêtes,  la  suite 
logique  de  la  séparation  d'avec  le  corps. 


550  PREUVE    MORALE    DE    l.'iMMORTALITÉ  (62) 

à-dire  que  l'âme  est  indestructible  par  nature,  il  ne  garantit  pas  Y  immor- 
talité de  la  personne,  car  ne  peut-il  arriver  que  l'âme  humaine  dure  dans 
sa  substance,  mais  avec  des  modifications  telles  qu'elle  ne  subsiste 
plus  dans  sa  personnalité,  vg.  si  elle  venait  à  perdre  conscience  d'elle- 
même  ?  C'est  ce  que  prétendent  les  Panthéistes  et  les  partisans  de  la 
métempsycose.  Ce  n'est  pas  là  évidemment  l'immortalité  véritable. 
Que  serait  en  effet  pour  nous  la  substance  de  notre  âme  dépouillée  de 
tout  ce  qui  fait  notre  vie  propre  :  sentiments,  pensées,  causalité  libre  ? 
Ce  qu'il  importe  d'établir  c'est  donc,  après  l'immortalité  de  la  substance, 
celle  de  la  personnalité.  A  ce  point  de  vue,"la  preuve  métaphysique,  qui 
sert  de  base  à  toute  la  démonstration,  a  également  besoin  d'être  com- 
plétée par  la  preuve  morale. 


62.  —  §  II.  PREUVE  MORALE 

Elle  est  tirée  de  la  sagesse  et  de  la  justice  de  Dieu.  —  Dieu  qui,  abso- 
lument parlant,  pourrait  annihiler  l'âme,  ne  veut  pas  qu'elle  périsse 
comme  substance,  ni  comme  personne.  En  effet  : 

A.  —  L'âme  étant  iriimortelle  par  nature,  il  serait  indigne  de  la 
sagesse  de  Dieu  de  vouloir  ensuite  l'anéantir,  car  il  aurait  fait  par  caprice 
une  œuvre  sans  but  raisonnable,  inutile,  et  il  nous  aurait  bercés  d'illu- 
sions et  cruellement  déçus  en  nous  donnant  une  nature  incorruptible 
qui  nous  permettait  d'espérer  ^-'immortalité. 

B.  —  La  justice  de  Dieu  exige  nécessairement  que  la  vertu  soit 
récompensée  et  le  vice  puni.  Or  les  sanctions,  que  la  loi  morale  trouve 
dans  la  vie  présente,  sont  insuffisantes  (Morale,  49).  La  justice  divine 
serait  donc  en  défaut,  si  elle  ne  se  réservait  une  autre  vie,  où  elle  rendra 
à  chacun  selon  ses  œuvres.  Aussi  Kant  a-t-il  raison  de  dire  que  l'immor- 
talité de  l'âme  est,  sous  ce  rapport,  un  postulat  nécessaire  de  la  loi 
morale.  Mais  alors  il  devient  certain  qu'après  la  séparation  du  corps 
l'âme  conservera  la  vie  consciente,  la  mémoire,  la  personnalité  en  un 
mot,  car  sans  elle  toute  récompense  et  tout  châtiment  sont  impossibles. 
En  effet,  comment  Dieu  pourrait-il  rendre  à  chacun  selon  ses  œuvres, 
si  cette  vie  consciente  ne  persistait  pas,  si  la  personne  humaine  ne 
demeurait  pas  la  même  ?  Quelle  responsabilité  et  quelle  sanction  peu- 
vent exister,  si  la  conscience  n'est  plus  là  pour  établir  le  lien  moral  entre 
la  peine  et  la  faute,  entre  le  bonheur  et  la  vertu  ? 

Cette  preuve  montre  bien  que  l'âme  se  survit,  dans  sa  personnalité, 
identique  et  responsable  ;  mais  elle  n'établit  pas  que  cette  survivaiK  >■ 
doive  être  illimitée  dans  sa  durée.  Pourquoi  Dieu  n'anéantirait-il  pas 
les  âmes  après  les  avoir  récompensées  ou  punies  pendant  un  certain 
temps  ?  La  preuve  psychologique  va  achever  la  démonstration. 


(63)  PREUVE    PSYCHOLOGIQUE    DE    l'iMMORTALITÉ  551 

63.  —  §  III.  PREUVE  PSYCHOLOGIQUE 

Elle  est  tirée  des  tendances  essentielles  de  nos  facultés.  — ■  Il  ne 

saurait  y  avoir  disproportion  entre  les  penchants  innés  d'un  être  et 
sa  fin  ;  autrement  son  auteur  aurait  manqué  de  sagesse  et  de  bonté. 
Or  la  mort  va  à  l'encontre  de  nos  tendances  les  plus  naturelles  et  les 
plus  impérieuses.  L'intelligence  humaine,  avide  de  vérité,  n'est  jamais 
satisfaite  ici-bas.  La  volonté,  faite  pour  le  bien,  tend  à  la  possession  du 
Bien  suprême  et  du  bonheur  parfait.  Émerveillés  par  les  parcelles  de 
beauté  éparses  dans  la  Création,  nous  aspirons  à  la  Beauté  infinie. 
Philosophes  et  poètes  ont  constaté  à  l'envi  ces  tendances  essentielles, 
incompressibles  de  notre  nature  : 

L-VMARTiNE  :  «  Borné  dans  sa  nature,  infini  dans  ses  vœux, 

«  L'homme  est  un  dieu  tombé  qui  se  souvient  des, 
cieux.  » 
Montesquieu  :  «  Notre  âme  fuit  les  bornes  (^).  » 
Pascal  :  «  L'homme  n'est  produit  que  pour  l'infinité    (^).  » 
Cousin  :  «  Quoi  qu'il  fasse,  quoi  qu'il  sente,  quoi  qu'il  pense,  l'homme 
pense  à  l'Infini,  il  aime  l'Infini,  il  tend  à  l'Infini  (^).  » 

Or  c'est  Dieu  qui  a  mis  en  nous  ce  besoin  insatiable  du  vrai,  du  bien, 
du  beau,  du  bonheur,  d'une  vie  immortelle.  C'est  Lui  qui,  en  nous  don- 
nant notre  nature,  veut  que  nous  recherchions  ces  grandes  choses  dans 
toutes  nos  opérations.  Cette  poursuite  ne  saurait  être  frustrée,  car,  si 
la  mort  nous  détruisait  tout  entiers,  notre  destinée  serait  manifestement 
inachevée.  L'humanité  aurait  le  droit  de  reproclier  à  Dieu  contradiction 
et  cruauté  dans  son  œuvre,  parce  que,  après  avoir  créé  une  activité 
aux  besoins  infinis,  il  la  comprimerait  dans  les  limites  étroites  d'une  vie 
trop  souvent  malheureuse  et  dont  le  terme  dans  ce  cas  serait  le  plus 
'grand  malheur. 
'       Donc  ou  l'âme  est  immortelle  ou  Dieu  n'est  ni  sage  ni  bon. 

Il  est  clair  enfin  que  cette  survivance  doit  être  illimitée  dans  sa 
durée,  car  le  bonheur  de  la  vie  future  ne  se  comprend  qu'à  la  condition 
de  durer  toujours.  S'il  était  accompagné  même  de  la  simple  crainte  d'en 
voir  le  terme,  il  perdrait  tout  son  prix  et  se  changerait  en  un  tourment 
d'autant  plus  cr.uel  que  la  perte  serait  plus  grande  et  le  terme  plus 
proche.  C'est  ce  que  reconnaissait  déjà  Cicéron  :  Si  arnitli  vita  heata 
potest,  heata  esse  non  polest  (^). 


(M  Montesquieu,  Essai  sur  le  Goûl  dans  les  choses  de  la  Nature  et  de  l'Art,   §  De  la 
curiosité. 

{')  Pascal,  Fragment  d'un  Traité  du  Vide,  Édit.  Havet,  T.  II,  p.  270. 

(')  Cousin,  Du  Vrai,  du  Beau  et  du  Bien,  XVI«  Leçon. 

(  *)  Cicéron,  De  finibus  bonorum  et  malorum,  L.  II,  ^   XXVIi. 


552  RÉSURRECTION    DES    CORPS  (64) 

Remarque.  —  L'immortalité  bienheureuse  sans  fin  *nous  agrée. 
Il  n'en  va  pas  de  même  de  l'éternité  des  peines  réservée  aux  coupables. 
C'est  une  vérité  révélée.  Certains  philosophes  (^)  prétendent  qu'elle 
est  démontrable  par  la  raison  :  l'éternité  bienheureuse  et  l'éternité 
malheureuse  semblent  être  des  vérités  corrélatives.  C'est  un  fait  remar- 
quable que  «  le  dogme  de  l'enfer  est  peut-être  celui  qui  présente  le  moins 
de  divergence  parmi  les  peuples  de  la  terre.  Cette  unanimité,  plus 
antique,  est  aussi  solide,  comme  fait,  que  les  pyramides  «  (^).  On  sait 
d'ailleurs  que,  par  les  seules  lumières  de  sa  raison,  le  divin  Platon  a 
compris  la  nécessité  d'un  enfer  éternel  pour  les  criminels  qui  sont  incu- 
rables (àviKTot)  à  cause  de  leurs  fautes  :  «  Pour  ceux  qui  ont  commis 
les  plus  grands  crimes  et  qui  pour  cette  raison  sont  incurables,  on  fait 
sur  eux  un  exemple  pour  les  autres.  Leur  supplice  n'est  pour  eux  d'aucune 
utilité,  parce  qu'ils  sont  incapables  de  guérison,  mais  il  est  utile  aux 
autres  qui  voient  les  tourments  douloureux  et  effroyables,  qu'ils  souf- 
frent à  jamais  pour  leurs  fautes  (^).  » 

64.  —   RÉSURRECTION    DES    CORPS 

L'âme  sera-t-elle  seule  à  bénéficier  de  l'immortalité  ? 

«  Il  y  a  contre  cette  hypothèse  une  double  protestation.  C'est  d'abord 
celle  de  la  raison  qui  hésite  à  croire  que  le  corps,  ici-bas  instrument  néces- 
saire des  opérations  de  l'âme,  associé  de  si  près  aux  actes  moraux  qui 
fixent  notre  destinée,  n'ait  plus  de  rôle  à  jouer  dans  l'état  définitif  où 
cette  destinée  nous  fait  entrer.  Pourquoi  Dieu,  créant  l'homme  au-dessous 
de  l'ange  et  lui  faisant,  à  l'heure  présente,  une  condition  si  différente 
de  celle  des  esprits  purs,  effacerait-il  cette  différence  de  nature  dans 
l'économie  d'outre-tombe  ?  Pourquoi,  s'il  devait  le  faire,  a-t-il  tenu 
l'âme,  au  cours  de  son  épreuve,  dans  une  si  étroite  dépendance  à  l'égard 
de  son  compagnon  terrestre  ?  C'est  ensuite  et  surtout  la  protestation  du 
cœur,  qui  appelle  pour  notre  être  sensible  une  compensation  des  dou- 
leurs dont  il  a  été  le  sujet,  des  sacrifices  qui  l'ont  immolé.  Ne  faut-il 
pas  une  réhabilitation  à  ce  condamné,  à  cette  victime  une  apothéose  »?  (*) 

Ce  ^ont  là  d'excellentes  raisons  de  convenance,  qui  rendent  très 
vraisemblable  la  croyance  à  la  résurrection  des  corps  ;  mais  elles  n'en 
démontrent  pas  la  vérité.  La  révélation  seule  nous  en  apporte  l'assurance. 


(')  J.  DE  BoNNiOT,  Le  Problème  du  mal,  L.  VII,  2«  édit.,  p.  267  sqq.  —  J.  Forbes, 
Les  bases  de  la  morale,  dans  la  revue  les  Éludes,  T.  XLV,  p.  237-253. 

(  «)  J.  DE  BoNNiOT,  Opère  cit.,  p.  364. 

(')  Platon,  Gorgias,  LXXXI,  ...  'Orîbv/;coTaTa  xat  cpoêepcoTaxa  Traôr^  xota/ovraç 
Tov  (Xct  /pôvov.   (Éd.  DiDOT,  T.  I,  p.  385.) 

(')  IIULST  (M.  d').  Mélanges  philosophiques  :  L'Immortalité,  §  III,  p.  207-208,  Paris, 
1892. 


(64)  COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE  553 

Complément  bibliographique 

RELATIF  A  LA  PSYCHOLOGIE   RATIONNELLE 

Bernies  (V.),   Spiritualité  et  immortalité,  Paris,  1901. 

RoiSEL,  Vidée  spirituaiiste,  Paris,  1901 2.  —  Cf.  De  la  substance, 
1881. 

Busse  (L.),  Geist  und  Kôrper,  Seele  und  Leib,  Leipzig,  1903. 

Kneib  (P.),  Die  Beweise  fur  die  Unsterblichkeit  der  Seele  aus  allge- 
meinen    psychologischen    Tatsachen,    Fribourg-en-Brisgau,    1903. 

Bergson  (H.),  La  paralogisme  psycho- physiologique,  dans  Revue  de 
Met.  et  de  Mor.,  1904,  pp.  895-908. 

ViGNON  (P.),  Sur  le  matérialisme  scientifique  ou  mécanisme  anti- 
téléologique,  dans  Revue  de  Philos.,  1904,  T.  I,  pp.  261-283  ;  403-425  ; 
557-567  ;  T.  II,  pp.  5-37. 

Binet  (A.),  Uâme  et  le  corps,  Paris,  1905. 

DuMESNiL  (G.),  Le  Spiritualisme,  Paris,  1905. 

Elbe  (L.),  La  vie  future  devant  la  sagesse  antique  et  la  science  moderne, 
Paris,  1905. 

KosTYLEFF  (N.),  Le  substitut  de  Vâme  dans  la  psychologie  moderne, 
Paris,  1906. 

Prat  (L.),  Le  caractère  empirique  et  la  personne,  Paris,  1906. 

DuBRAY  (Gh.-A.),  The  theory  of  psychical  dispositions,  New- York, 
1907. 

EiSLER  (R.),  Leib  und  Seele,  Leipzig,  1907. 

Keyserling  (Graf  H.  von),  Unsterblichkeit.  Eine  Kritik  der 
Beziehungen  zwischen  Naturgeschehen  und  menschlischer  Vorstellungswelt, 
Munich,  1907. 

Sabatier  (G.),  Le  duplicisme  humain,  Paris,  1907. 

Grawley  (A.-E.),  The  idea  of  the  soûl,  Londres,  1909. 

Zaragueta  (J.),  El  Problema  del  Aima  ante  la  Psicologia  esperi- 
mental,  Madrid,  1910. 

Bêcher  (Er.),     Gehirn  und  Seele,  Heidelberg,  1911. 

Mac  Dougall  (W.),  Body  and  Mind.  A  History  and  a  Défense  of 
Animism,  Londres,  [1912]. 

Le  Guichaoua  (P.),  Uâme  et  Dieu.  Réflexions  philosophiques, 
Paris,  s.  d.  [1912]. 

Piat  (Cl.),  La  destinée  de  Vhomme,  Paris,  1913  2.  —  ^intelligence 
et  la  vie,  1915. 

Richardson  (C.-A.),   The  Supremacy  of   Spirit,   Londres,    1922. 

Périer  (A.),  Matière  et  Forme,  Paris,  1923. 


CHAPITRE  III 
THÉOLOGIE  RATIONNELLE  OU  THEODICÊE 


Ce  mot  Théodicée  {Stô;,  ot'xï],  justice  de  Dieu)  a  d'abord  été  employé 
par  Leibniz,  comme  titre  de  l'ouvrage  où  il  justifie  la  Providence  des 
accusations  que  soulève  contre  elle  le  problème  du  mal.  Ce  mot  est  pris 
aujourd'hui  dans  un  sens  plus  étendu  pour  exprimer  cette  partie  de  la 
métaphysique  qui  a  Dieu  pour  objet. 

C'est  la  science  rationnelle  de  Dieu.  Dieu,  c'est  l'Être  absolu  et 
parfait,  cause  première  de  toutes  choses.  L'idée  de  Dieu  comprend 
donc  trois  notions   : 

L  —  Existence  absolue  :  Dieu  existe  par  soi,  indépendamment 
de  toute  cause. 

II.  —  Essence  parfaite  :  Dieu  comprend   en   soi  la  plénitude  de 
l'être  et  de  la  perfection. 

III.  —  Causalité  universelle  :  il  est  la  raison  d'être  et  la  cause 
première  de  tout  le  reste. 

De  là  trois  Articles  dans  la  Théologie  rationnelle  : 
I.  —  Existence  de  Dieu. 
II.  —  Nature  et  attributs  de  Dieu. 
III.  —  Rapports  de  Dieu  et  du  monde. 

BIBLIOGRAPHIE 

Platon,  Les  Lois.  —  Cicéron,  De  nalura  deorum.  —  Sénèque,  Quœsliones  nalurales. 
Epistolm  ad  Lucilium.  —  S.  Augustin,  De  Civitate  Dei.  —  Salvien,  De  Gubemalione  Dei. 

—  S.  Anselme,  Proslogium  seu  Fides  quœrens  intellectum.  —  S.  Thomas,  Summa  theologica, 
I*  P.,  Q.  II  à  XXVI.  Summa  contra  Genliles,  L.  I.  —  Descarte.s,  Discours  de  la  Méthode. 
lY"  P.    Méditations,  III'.  —  Leibniz,  Essais  de  Théodicée.  Correspondance  avec  Eckard. 

—  Bossuet,  De  la  connaissance  de  Dieu  et  de  soi-même.  Élévations...  I"  Semaine. 
Discours  sur  l'histoire  universelle.  —  Fénelon,  Traité  de  l'existence  de  Dieu...  Lettres  sur 
divers  sujets  de  Métaphysique  et  de  Religion.  —  jMalebranche,  Entretiens  sur  la  Méta- 
physique. Méditations  chrétiennes  et  métaphysiques.  —  S.  Clarke,  Traité  de  l'existence  et  des 
attributs  de  Dieu.  —  Kant,  Critique  de  la  raison  pure  :  Dialectique  transcendantale.  —  S.  Mill, 
Essais  sur  la  Religion.  —  Spencer,  Les  Premiers  Principes,  l"  Partie.  —  A.  La  Mennais, 
Esquisse  d'une  philosophie,  1"  Partie.  —  Ém.  Saisset,  Essais  de  philosophie  religieuse. 

—  L.  Lessius,  De  Perfectionibus  moribxisque  divinis.  —  B.  Boedder,  Theologia  naturalis. 


(65)  NÉCESSITÉ    ET    POSSIBILITÉ    d'uNE    DÉMONSTRATION  555 

—  J.  HoNTHEiM,  Institutiones  theodicœae.  —  J.  Mendive,  Inslilutiones  philosophix  sco- 
taslicee  :  Theodicea.  —  J.-M.  Pigcirelli,  DeDeo  Dispulaliones  melaphysicse.  —  S.  Schiffini. 
Dispukitiones  Melaphysicse  specialis,  T.  II.  —  J.-J.  UnuAuuiui,  Institutiones  philosophicee, 
T.  VII,  VIII.  —  D.  Palmieri,  Institutiones  philosophicse,  T.  III,  Pneumatologia  ;  Theologia, 
—  P.  Janet,  La  Crise  philosophique.  Les  Causes  finales.  —  A.  Gratry,  La  connaissance 
(le  Dieu.  —  Ch.  Freppel,  Clément  d'Alexandrie.  —  J.  Kleutgen,  La  Philosophie  scolaslique, 
Diss.  IX.  —  H.-L.-C.  Maret,  Essai  sur  le  panthéisme.  —  A.  Fahges,  L'idée  de  Dieu  d'après 
la  raison  et  la  science-  —  J.-M.-L.  Monsabré,  Conférences  de  Notre-Dame,  1873.  —  L.  Pee- 
ters,  Démonstration  de  l'existence  de  Dieu,  en  tête  du  Cours  d'Apologétique  de  W.  Deviviers 
(15"  Éd.).  —  El.  Blanc,  Traité  de  philosophie  scolaslique,  T.  III.  —  J.  de  Maîstre,  Les 
Soirées  de  Saint-Pétersbourg.  —  Fr.  Bouillier,  Morale  et  Progrès.  —  J.  Sully,  Le  Pessi- 
misme. —  A.  SCHOPENHAUER,  Le  Monde  comme  volonté  et  comme  représentation.  —  Ed.  de 
Hartmann,  La  Philosophie  de  l'Inconscient.  —  E.  Caro,  Le  Pessimisme  au  XIX'  siècle. 
M.  Littré  et  le  Posilicisme.  L'idée  de  Dieu.  —  Hurrel  Mallock,  La  vie  vaut-elle  la  peine  de 
vivre  ?  (Trad.  de  J.  Forbes).  —  L.  Jouin,  Le  Pessimisme.  —  A.  Nicolas,  Études  philoso- 
phiques sur  le  Christianisme,  I"  P.,  L.  I,  Cil.  U.  —  Ch.  Lévêque,  Harmonies  providentielles. 
La  Science  de  l'invisible.  —  E.  Ferrière,  La  cause  première  d'après  les  données  expérim.en- 
taies.  —  E.  Naville,  La  Physique  moderne.  —  Hib.î<,  Constitution  de  l'espace  céleste.  —  N. 
Kaufmann,  Étude  de  la  cause  finale  et  son  importance  au  temps  présent.  — A.Bueno,  Laobra 
del  Creador.  —  J.  Guibert,  Les  Origines.  — ■  P.  de  Broglie,  Le  Positivisme  et  la  Science 
expérimentale.  —  I.  C.vrbonnelle,  Les  confins  de  la  Science  et  de  la  Philosophie.  —  Duilhé 
de  Saint-Projet,  Apologie  scientifique  de  la  foi.  —  Olivier,  Conférences  théologiques, 
5,  6,  7,  8.  —  A.  Nicolas,  L'art  de  croire.  — •  Saint-Ellier,  La  Cause  première  et  l'Ordre  du 
monde.  —  J.-Ém.  Alaux,  Dieu  et  le  tnonde.  ■ —  Th. -H.  Martin,  Examen  d'un  problème  de 
Théodicée.  — ■  Am.  de  Margerie,  Théodicée.  —  A.-D.  Sertillanges,  Les  sources  de  la 
croyance  en  Dieu.  —  P.  de  Broglie,  Preuves  psychologiques  de  l'existence  de  Dieu.  — 
HuLST  (M.  d'),  Mélanges  philosophiques,  p.  21.5-29.3.  —  L.  Billot,  De  Deo  uno  et  trino, 
T.  I.  —  L.  de  San,  De  Deo  uno.  —  G.  Sortais,  La  Providence  et  le  Miracle  devant  la  Science 
moderne. 

ARTICLE  I.  —  L'EXISTENCE  DE  DIEU 

65.  —  NÉCESSITÉ  ET  POSSIBILITÉ  D'UNE  DÉMONSTRATION 

A)  Nécessité  :  un  certain  nombre  de  penseurs  prétendent  que 
nous  avons  une  connaissance  intuitive  de  Dieu,  une  sorte  d'expérience 
de  l'infini.  Tels  sont,  avec  des  nuances  diverses,  les  Alexandrins,  Male- 
branche,  Fénelon,  certains  éclectiques,  comme  Emile  Saisset,  les  Onto- 
logistes,  comme  Rosmini,  Gioberti  ;  enfin,  parmi  les  contemporains, 
Bergson.  Plusieurs,  comme  Secrétan,  en  appellent  aux  faits  mystiques  : 
«  Suivant  mon  intime  conviction.  Dieu  est  un  objet  d'expérience.  Je 
n'entends  pas  d'une  expérience  que  chacun  peut  l'aire...  Je  ne  crois  pas 
que  saint  Paul  ait  menti,  que  saint  François,  sainte  Thérèse  et  Fénelon, 
que  Pascal  aient  menti,  ni  qu'ils  n'aient  fait  que  rêver.  Mysticisme, 
dira-t-on.  Mysticisme,  soit.  Nous  croyons  que  Dieu  est,  qu'il  est  esprit, 
qu'il  est  le  père  des  esprits  et  qu'il  parle  à  l'esprit.  » 

Critique.  —  1°  Nous  ne  nions  pas  l'existence  des  faits  mystiques  ; 
mais  ce  sont  là  des  faits  exceptionnels  et  d'ordre  surnaturel.  Or  nous 
sommes,  en  philosophie,  dans  le  domaine  naturel.  De  plus,  cette  expé- 
rience des  mystiques,  étant  personnelle,  serait  révoquée  en  doute  par 
les  sceptiques  et  les  athées  que  nous  voulons  convaincre  de  l'existence 
de  Dieu. 


556  CLASSIFICATION    DES    PREUVES    DE    l'eXISTENCE   DE    DIEU  (66) 

2°  Si  nous  nous  plaçons  au  point  de  vue  de  l'expérience  naturelle, 
force  nous  est  de  rejeter  cette  doctrine  intuitionniste,  car  nous  n'avons 
aucunement  conscience  de  saisir  Dieu  et  d'expérimenter  sa  présence. 
Il  sera  donc  nécessaire  d'en  démontrer  l'existence. 

B)  Possibilité  :  les  Fidéistes  et  les  Traditionnalistes  soutiennent 
que  la  raison  humaine  est  incapable  de  prouver  l'existence  de  Dieu  et 
que  seule  la  révélation  peut  nous  en  donner  la  certitude.  —  Kant  et 
les  Criticistes  affirment  que  la  raison  spéculative  est  impuissante  à 
démontrer  la  réalité  du  noumène  Dieu  :  son  existence  est  un  postulat 
de  la  loi  morale  et,  par  conséquent,  est  un  objet  de  foi  et  non  de  science. 

Critique  :  nous  établirons  cette  possibilité  d'une  démonstration  en 
apportant  des  preuves  solides  de  l'existence  de  Dieu,  car  Ab  actii  ad 
posse  valet  iUatio. 


66.  —  CLASSIFICATION  DES  PREUVES  DE  L'EXISTENCE  DE  DIEU 

On  divise  ordinairement  ces  preuves  d'après  la  nature  de  leur  point 
de  départ  :  selon  que  ce  point  de  départ  est  un  fait  physique,  une  idée 
rationnelle  ou  un  fait  moral,  la  preuve  est  dite  physique,  métaphysique 
ou  morale.  Cette  division  est  critiquable,  car  les  subdivisions  de  ces 
trois  groupes  ne  sont  pas  nettement  délimitées.  Par  exemple,  la  preuve 
tirée  de  l'infini  ou  du  parfait  est  classée  parmi  les  preuves  métaphy- 
siques. Or  cette  idée,  dans  l'argument  qui  l'utilise,  est  considérée  comme 
un  certain  effet  existant  en  nous,  dont  il  faut  trouver  la  raison  suffi- 
Lante.  Mais  cette  considération  n'a  rien  de  métaphysique  ;  elle  rentre 
dans  le  genre  des  trois  preuves  appelées  physiques,  où  l'on  part  aussi 
d'un  effet  connu  (contingence  du  monde,  mouvement  des  corps,  ordre 
du  monde). 

Il  est  plus  simple  et  plus  rationnel  de  les  diviser  en  preuves  a  pos- 
teriori et  a  priori. 

Ou  bien  l'on  part  de  l'expérience  de  telle  ou  telle  chose  existant 
d'une  certaine  façon.  Ici  les  preuves  sont  très  variées.  Bornons-nous 
aux  suivantes  tirées  : 

1°  De  la  contingence  du  monde. 

2°  Du  moui^ement. 

30  Des  causes  finales  . 

^°  Du  consentement  universel. 

50  Des  aspirations  de  Vâme  humaine. 

60  De  Vidée  de  Par j ait  ou  d'Lifi.ni. 

70  Des  Vérités  éternelles. 

8°  De  Vidée'  du  devoir. 

9°  De  la  nécessité  d^une  sanction. 


(67)  LA    CONTINGENCE    DU    MONDE  557 

Toutes  ces  preuves  s'appuient  sur  le  principe  de  raison  suffisante 
ou  sur  le  principe  de  causalité,  et  conséquemment  peuvent  être  appelées 
métaphysiques. 

Ou  bien  on  fait  abstraction  de  Vexpérience  et  l'on  conclut  a  priori  du 
concept  de  l'être  parfait  à  son  existence.  De  là  la  preuve  ontologique. 


SECTION  I 

Preuves  a  posteriori. 

67.  —  LA  CONTINGENCE  DU  MONDE 

A)  Exposé  de  l'argument  cosmologique  :  le  monde  physique 
est  composé  de  substances  contingentes,  c'est-à-dire  qui  existent  de 
telle  façon  qu'elles  auraient  pu  et  pourraient  aussi  bien  ne  pas  être 
qu'être.  En  effet,  le  monde  contient  une  pluralité  d'êtres  distincts. 
Or  aucun  de  ces  êtres  n'a,  en  lui-même,  sa  raison  d'être  et  par  consé- 
quent n'existe  par  lui-même.  Tous  sont  relatifs  les  uns  aux  autres,  car 
ils  se  conditionnent  réciproquement.  L'ensemble  de  ces  êtres,  qui  consti- 
tuent le  monde,  n'existe  donc  pas  par  lui-même  ;  par  conséquent  le 
monde  est  contingent. 

Or  des  êtres  contingents  supposent  un  Être  qui  soit  par  lui-même, 
c'est-à-dire  un  Être  nécessaire.  En  effet,  il  est  impossible  qu'il  n'y  ait 
que  des  êtres  contingents,  car  toute  chose  doit  avoir  sa  raison  d'être. 
Or  le  contingent  est  ce  qui  de  soi  est  indifférent  à  exister  ou  à  ne  pas 
exister  ;  donc  s'il  existe,  c'est  qu'il  a  trouvé,  en  dehors  de  soi,  la  raison 
de  son  existence.  Par  conséquent,  à  moins  d'aller  à  l'infini,  ce  qui 
répugne,  il  faut  arriver,  en  dernière  analyse,  à  l'Etre  qui  soit  de  lui- 
même,  à  l'Être  A  se,  dont  l'essence  même  soit  d'être,  c'est-à-dire  à 
l'Être  nécessaire,  à  Dieu  ;  car,  comme  dit  Bossuet  :  «  Qu'il  y  ait  un  seul 
moment  où  rien  ne  soit,  éternellement  rien  ne  sera  (^).  » 

B)  Objections  :  I.  —  On  a  soutenu  la  possibilité  d'une  série  d'êtres 
contingents  ou  causes  secondes  à  Vinfini,  dans  l'espérance  d'échapper 
par  là  à  la  nécessité  d'une  cause  première,  nécessaire,  éternelle. 

Réponse  :  a)  S.  Clarke  {^)  a  très  bien  réfuté  cette  objection  par 
plusieurs  arguments.  Si  l'on  considère  séparément  chacun  des  termes 


(')  Bossuet,  De  la  connaissance  de  Dieu...,  Ch.  iv,  §  5. 

(  ')  S.  Clarke,  Démonstration  de  l'eodstence  et  des  attributs  de  Dieu  pour  servir  de  réponse 
à  Hobbes,  à  Spinoza  et  à  leurs  sectateurs. 


558  LA    CO^'TI^'GEKCE    DU    MONDE  (67) 

constituant  la  série,  chacun  d'eux  a  sa  cause,  mais  inadéquate,  dans 
celui  qui  le  précède,  puisqu'aucun  n'existe  par  lui-même.  Si  l'on  consi- 
dère l'ensemble  de  la  série,  elle  est  sans  cause  suffisante,  puisqu'elle  ne 
la  trouve  ni  en  soi,  ni  hors  de  soi.  Elle  ne  la  trouve  pas  en  elle-même, 
car.  aucun  des  termes  composants  n'existant  par  soi,  leur  ensemble 
ne  saurait  davantage  exister  par  lui-même.  Elle  ne  la  trouve  pas  en 
dehors  de  soi,  car,  par  hypothèse,  on  soutient  qu'elle  n'a  pas  sa  cause 
dans  un  être  extérieur  à  elle  (^). 

b)  Si  l'on  prétend  que  la  série  des  êtres  est  telle  qu'un  être  a  toujours 
précédé  un  autre,  cette  série  d'êtres,  qui  se  sont  succédé  jusqu'à  ce  jour, 
constituerait  un  nombre  infini,  actuellement  réalisé.  Or  un  nombre  infini 
actuel  renferme  une  contradiction.   Prouvons-le. 

Une  série  qui  contient  plus  de  termes  conséquents  que  d'anté- 
cédents, répugne.  En  effet,  le  terme  conséquent,  par  le  fait  même  qu'il 
suit,  exige  un  terme  qui  le  précède. 

Or  une  série,  actuellement  composée  d'un  nombre  infini  de  termes, 
contiendrait  plus  de  conséquents  que  d'antécédents.  En  effet,  tous  les 
termes  de  cette  série  seraient  conséquents,  puisqu'il  n'y  a  pas  de  terme 
premier,  et  cependant  ils  ne  seraient  pas  tous  antécédents  parce  que  le 
terme  dernier,  qui  clôt  la  série,  est  seulement  conséquent,  le  terme 
suivant  n'existant  pas  encore.  C'est  ainsi,  pour  concréter  notre  pensée, 
que  dans  l'hypothèse  d'une  série  actuellement  infinie  de  jours  qui  se 
serait  écoulée  jusqu'au  moment  présent,  le  jour  auquel  nous  sommes 
parvenus  est  seulement  conséquent,  puisque  le  jour  de  demain  n'existe 
pas  encore  (^). 


(  M  On  présente  quelquefois  l'objection,  non  plus  sous  la  forme  de  série  indéfinie,  mais 
de  série  circulaire  d'êtres  dont  chacun  serait  et  l'effet  du  précédent  et  la  cause  du  suivant. 
Mais,  sous  cette  nouvelle  forme,  l'hypothèse  reste  absurde,  comme  nous  l'avons  déjà 
montré  ailleurs  (Logique,  37,  §  B,  II). 

( ')  Cauchy,  que  J.  Bertrand,  bon  juge  en  pareille  matière,  a  proclamé  le  premier 
mathématicien  du  xix^  siècle,  s'est  prononcé  contre  la  possibilité  d'une  série  ou  d'une 
multitude  permanente  actuellement  composée  d'un  nombre  infini  de  termes  ou  de  parties  : 
«  ...Si  la  suite  des  nombres  entiers  pouvait  être  supposée  actuellement  prolongée  à  l'infini, 
les  termes  carrés  y  seraient  en  très  grande  minorité.  Or  cette  dernière  condition,  qui  devrait 
être  satisfaite  dans  l'hypothèse  dont  il  s'agit,  est  pourtant  incompatible  avec  cette  môme 
hypothèse,  car,  dans  la  .suite  des  nombres  entiers  actuellement  prolongée  à  l'infini,  se  trou- 
verait, avec  chaque  terme  non  carré,  le  carré  de  ce  terme,  puis  le  carré  du  carré,  etc..  Donc, 
puisque  l'hypothèse  de  la  suite  prolongée  à  l'infini  entraîne  des  contradictions  manifestes, 
cette  hypothèse  doit  être  rejetée.  La  démonstration  que  nous  venons  de  rappeler  a  été  donnée- 
pour  la  première  fois  par  Galilée...  Cette  proposition  fondamentale  :  qu'on  ne  saurait 
admettre  une  suite  ou  série  actuellement  composée  d'un  nombre  infini  de  termes,  peut  être 
démontrée  par  les  mathématiques  de  mille  manières  différentes... 

«  La  proposition  fondamentale  ci-dessus  mentionnée  s'appliquerait  aussi  bien  à  une 
série  de  termes  ou  d'objets  qui  auraient  existé  successivement,  ou  même  à  une  série  d'évé- 
nements qui  auraient  succédé  les  uns  aux  autres,  qu'à  une  série  de  termes  dont  l'existence 
serait  simultanée  ;  et,  dans  les  deux  cas,  il  est  également  impossible  que  le  nombre  de  ces 
termes,  de  ces  objets,  de  ces  événements,  soit  devenu  actuellement  infini...  »  (A.  Cauchy^ 
Sept  leçons  de  physique  générale,  p.  24-25.  Paris,  Gauthier-Villars,  1868). 


(67)  LA    CONTINGENCE    DU    MONDE  559 

IL  —  D'après  Kant,  le  principe  de  causalité  n'est  applicable  qu'à 
l'expérience.  Ce  principe  nous  permet  seulement  de  rattacher  un  phéno- 
mène conséquent  à  un  phénomène  antécédent  ;  mais  il  ne  nous  autorise 
pas  à  nous  élever  au  delà  du  monde  phénoménal  jusqu'à  une  réalité  en 
soi,  à  un  noumène. 

Réponse  :  a)  Générale  :  elle  consiste  à  contester  la  valeur  de  la 
conception  criticiste  de  la  connaissance,  dbnt  Kant  nous  offre  ici  une 
application.  C'est  déjà  fait  (6,  §  C). 

b)  Spéciale  :  on  a  vu  (Psych.  183,  §  A,  IV  ;  Logique,  67,  Sect.  II, 
§  A)  qu'il  y  a"  deux  sortes  de  causalité  :  l'une  empirique  et' scientifique 
qui  réduit  la  notion  de  cause  à  l'idée  de  phénomène  antécédent  et  nécessaire 
d'un  autre  phénomène;  l'autre  psychologique  et  métaphysique,  qui  la 
ramène  à  l'idée  cTêtre  produisant  quelque  chose.  Or  de  ces  deux  conceptions 
Kant  n'accepte  que  la  première,  excluant  arbitrairement  la  seconde. 
Il  n'a  pas  le  droit  en  effet  de  faire  cette  exclusion.  Nous  atteignons  la 
véritable  cause  en  nous-mêmes  par  la  conscience  :  nous  nous  sentons 
produisant  tel  ou  tel  phénomène.  Voilà  l'origine  première  de  la  notion 
de  cause  et  du  principe  de  causalité  que  nous  transportons  par  analogie 
en  dehors  de  nous.  La  causalité,  au  sens  complet  du  mot,  telle  que  nous 
la  révèle  la  conscience,  est  donc  un  être,  une  substance  douée  d'une 
énergie  permanente  :  elle  implique  l'idée  de  production.  Dans  les  sciences 
expérimentales,  qui  se  bornent  à  établir  des  lois  de  succession,  on  entend 
par  cause  l'antécédent  invariable  d'un  autre  phénomène  :  elle  implique 
l'idée  de  succession  constante.  On  n'est  plus  en  présence  de  la  causalité 
proprement  dite,  mais  d'une  condition  nécessaire  et  suffisante.  C'est 
pourquoi  le  principe  qu'on  en  dégage  n'est  pas  le  principe  de  causalité 
véritable  ;  c'en  est  plutôt  la  dégradation  pour  l'adapter  au  but  des 
sciences  expérimentales.  Les  savants  parlent  improprement,  lorsqu'ils 
appellent  cause  un  antécédent  invariable  :  ils  devraient  dire  condition. 
Concluons  donc  que  le  principe  de  causalité,  entendu  dans  ce  sens  res- 
treint et  impropre,  serait  pour  la  preuve  cosmologique  une  base  insuffi- 
sante ;  mais  nous  l'employons  dans  son  sens  plénier  qui  fournit  à  cette 
preuve  un  fondement  solide.  Or  Kant  n'a  pas  prouvé  que  cet  emploi  était 
illégitime  ;  bien  plus,  il  a  lui-même  usé  du  principe  de  causalité,  au  sens 
plein,  se  mettant  ainsi,  il  est  vrai,  en  opposition  avec  sa  propre  doctrine 
(6,  §  C,  VI).  Mais  cette  contradiction  montre  combien  l'usage  en  question 
«st  naturel  et  nécessaire. 

Remarque.  —  L'argument  cosmologique  prouve  directement  qu'il 
existe  un  être  nécessaire  et  éternel.  Bien  que  l'idée  de  perfection  soit 
contenue  implicitement  dans  la  compréhension  d'être  nécessaire  et 
éternel,  cette  inclusion  n'est  pas  immédiatement  évidente.  Car  il  ne 
paraît  pas  répugner,  à  première  vue,  qu'on  puisse  concevoir  un  être 
nécessaire  et  en  même  temps  imparfait.  Témoin  Platon  qui,  à  côté  de 


560  LE    MOUVEMENT    DE    LA    MATIÈRE  (68) 

Dieu,  admet  une  espèce  de  matière  nécessaire  et  éternelle  comme  lui, 
mais  cependant  imparfaite.  Il  n'est  donc  pas  d'évidence  immédiate 
.que  l'Etre  nécessaire  est  nécessairement  l'Être  parfait.  L'argument 
n'aboutit  qu'à  cette  conclusion  :  il  existe  un  être  nécessaire  et  éternel. 
Mais  cet  être  reste  encore  indéterminé  :  Est-ce  la  matière  comme  le 
soutient  Spencer  ?  Est-ce  Dieu,  comme  l'affirme  le  Spiritualisme  ?  La 
preuve  cosmologique  a  donc  besoin  d'un  complément  (68,  76). 

68.  —  LE  MOUVEMENT  DE  LA  MATIÈRE 

A)  Exposé  :  cet  argument  est  dû  à  Aristote  (  ^)  et  a  été  développe 
par  les  Scolastiques. 

Il  y  a  du  mouvement  dans  le  monde  matériel. 

Or  le  mouvement  suppose  un  premier  moteur  non  mû.  En  .effet,  le 
mouvement  ne  peut  appartenir  essentiellement  à  la  matière,  puisqu'elle 
est  inerte  de  sa  nature.  Il  lui  vient  donc  d'un  principe  extérieur.  Mais 
il  ne  peut  lui  venir  d'une  série  infinie  de  causes  secondes  recevant  l'une 
de  l'autre  le  mouvement,  car  le  processus  in  infinitum  répugne.  «  Il  faut 
bien  enfin  s'arrêter  »,  comme  dit  Aristote,    'Avocyx/)  ïa/zo^iOixi  (  ^). 

Donc  le  mouvement  de  la  matière  suppose  un  premier  moteur 
(upôÎTov  xivotjv)  qui  meut  tout  le  reste,  n'est  mû  par  personne  (xtvoûv 
àx[vr,Tov)  et  que  nous  appelons  Dieu. 

B)  Objection  :  cette  preuve  a  pour  fondement  que  le  mouvement 
n'a  pas  sa  raison  d'être  dans  la  matière.  Ce  supposé  a  été  contesté. 
Sans  doute,  dit-on,  la  matière  n'est  pas  la  cause  du  mouvement,  en  ce 
sens  que,  si  elle  existe  d'abord  sans  mouvement,  elle  ne  pourra  ensuite 
se  le  communiquer.  Mais  le  mouvement  n'est-il  pas  essentiel  à  la  matière  ? 
Les  savants  répètent  que  la  matière  est  inerte,  cela  signifie  simplement 
que  la  matière  est  incapable  de  modifier  par  elle-même  son  mouvement  ; 
cela  ne  signifie  pas  qu'elle  puisse  exister  sans  mouvement. 

La  question  reste  donc  en  suspens.  Depuis  Leibniz,  nombre  de 
philosophes  et  de  savants  enseignent  le  dynamisme  :  pour  eux,  la  matière 
est  quelque  chose  d'essentiellement  actif  et  le  mouvement  n'est  que 
la  traduction  sensible  de  cette  activité.  Par  conséquent,  il  n'est  pas 
évidemment  impossible  que  le  mouvement,  sans  avoir  pour  cause  la 
matière,  soit  une  de  ses  propriétés  essentielles.  Si  donc  la  matière  existe 
nécessairement,  il  s'ensuit  que  le  mouvement  est  lui-même  nécessaire 
et,  partant,  n'exige  pas  de  cause  extérieure  qui  le  produise.  Or  l'argu- 


(')  AniSTOTE,  P/iyâtc,  L.  VIII,  C.  v.  Éd.  Didot,  T.  II,  p.  350.  —  S.  Thomas,  Summa 
theologica,  I»  P.».0.  II,  art.  III,  §  Prima  autem. 

(  •)  AniSTOTE,  Derniers  Analytiques,  L.  I,  C.  xxii,  §  16.  Éd.  Didot,  T.  I,  p.  143. 


(69)  LES    CAUSES    FINALES  561 

ment  cosmologique  a  démontré  l'existence  d'un  être  nécessaire  et  éternel, 
mais  sans  aboutir  à  prouver  qu'il  est  en  même  temps  et  nécessairement 
parfait.  Un  être  nécessaire  et  éternel  peut  donc  être  la  matière  en  mou- 
vement. 

Réponse  :  si  le  mouvement  est  une  propriété  essentielle  d'une  matière 
nécessaire  et  éternelle,  ce  mouvement  n'ayant  pas  de  point  de  départ 
initial,  puisqu'il  est  nécessaire  et  éternel  comme  la  matière,  sera  figuré 
par  une  ligne  infinie.  Or  il  est  impossible  qu'un  mobile  parcoure  une 
ligne  infinie,  car,  à  l'instant  actuel,  il  aurait  réalisé  un  nombre  infini  de 
mètres.  Mais  un  nombre  infini  réalisé  est  une  contradiction  (67,  B,  I,  b). 
Donc  un  mouvement  nécessaire  et  éternel  répugne. 

Pour  mieux  faire  ressortir  cette  impossibilité,  supposons  que  le 
mobile  refasse  le  même  chemin,  en  sens  inverse,  en  partant  de  son  point 
actuel  d'arrivée  B.  Cette  supposition  est  légitime,  parce  que  le  sens  dans 
lequel  se  fait  le  mouvement  est  chose  indifférente  dans  l'espèce.  Or  il 
est  manifeste  que  le  mobile  ne  parcourra  jamais  toute  la  Hgne,  puisque, 
par  hypothèse,  elle  est  infinie,  sans  point  initial  A.  Donc  aussi,  en  la 
parcourant  dans  l'autre  sens,  il  n'a  pu  atteindre  le  point  B,  parce  que 
la  distance  de  A  à  B  est  nécessairement  la  même  que  celle  de  B  à  A. 
Cependant,  de  fait,  le  mobile  est  parvenu  au  point  actuel  B  ;  donc  il 
n'est  pas  parti  de  l'infini  ;  il  a  parcouru  une  ligne  finie  ;  donc  il  a  com- 
mencé (^). 

Ainsi  donc  le  mouvement  n'est  pas  éternel,  la  matière  n'a  pas  tou- 
jours été  en  mouvement.  D'où  il  résulte  que  cette  matière,  même  en 
la  supposant  nécessaire  et  éternelle,  ayant  d'abord  été  immobile  durant 
une  éternité,  n'a  pu  se  donner  le  mouvement.  Donc  le  mouvement  a  sa 
cause  dans  un  être  distinct  de  la  matière,  lequel  en  a  pris  l'initiative. 

'     69.  —  LES  CAUSES  FINALES 

C'est  l'argument  qu'on  nomme  téléologique  (tsao^j  fin)  ou  physico- 
théologique.  Il  ressemble  à  l'argument  cosmologique  en  ce  que,  comme 
lui,  il  considère  le  monde  dans  son  ensemble  ;  mais  il  en  diffère  par  la 
manière  de  le  considérer  :  dans  l'argument  cosmologique  on  envisage 
l'existence  des  choses  en  général,  tandis  que,  dans  le  téléologique,  on 
envisage  leur  manière  d'être. 

Cette  preuve  est  dite  preuve  des  causes  finales,  non  pas  parce  qu'elle 
s'appuie  sur  le  principe  de  finalité  :  Tout  a  un  but  ;  mais  sur  le  fait  de 


(')  On  objectera  peut-être  que  le  mobile  a  disposé  d'un  temps  infini  pour  parcourir 
cette  distance  infinie.  — ■  La  même  difficulté  revient  pour  le  temps.  Si  le',temps  n'a  pas  com- 
mencé, un  nombre  infini  de  jours,  d'années,  de  siècles  se  serait  écoulé  jusqu'ici  ;  mais  un 
nombre  infini  actuel  répugne  (67,  B,  I,  h). 


562  LES    CAUSES    FINALES  (69) 

Vordre  qui  existe  dans  le  monde.  Le  principe  sur  lequel  elle  repose, 
c'est  le  principe  de  raison  ou  de  causalité.  Il  s'agit  en  effet  de  conclure 
d'un  certain  effet,  qui  est  l'organisation  de  la  nature,  à  une  cause  ou 
raison  suffisante  de  cet  effet,  laquelle  ne  peut  être  qu'une  volonté 
intelligente. 

A)  Exposé  :  cette  preuve  a  été  souvent  invoquée  :  vg.  par  Socrate 
(Mémorables),  Cicéron  {De  natura  deoriim),  Sénèque,  {De  Beneficiis), 
Fénelon  {Traité  de  V existence  de  Dieu...),  Bossuet  {De  la  connaissance 
de  Dieu...) 

L'ordre  est  l'œuvre  d'une  cause  intelligente. 

Or  le  monde  montre  partout  de  l'ordre. 

Donc  le  monde  est  l'œuvre  d'une  cause  intelligente. 

Preuve  de  la  majeure  :  étant  donné  un  système  de  moyens  et  de 
fins,  la  seule  raison  de  cet  effet  est  une  cause  intelligente.  Dans  un  tel 
système,  la  fin,  c'est-à-dire  l'effet  futur,  détermine  les  moyens,  c'est- 
à-dire  les  causes  présentes.  Il  suppose  donc  une  intelligence  capable 
de  prévision  et  de  volonté  (Psych.,  184,  185). 

Preuve  de  la  mineure  :  l'ordre  est  l'adaptation  systématique  des 
moyens  à  une  fin.  Or  cette  adaptation  parait  dans  les  trois  règnes  de  la 
nature.  Dans  le  monde  inorganique,  la  finalité  est  encore  voilée,  mais  elle 
éclate  dans  le  monde  des  vivants.  Kant  le  constate  en  ces  termes  : 
«  Le  monde  actuel  nous  offre  un  si  vaste  théâtre  de  variété,  d'ordre,  de 
finalité  et  de  beauté  que...  toute  langue  est  impuissante  à  traduire  son 
impression  devant  tant  et  de  si  grandes  merveilles...  Nous  voyons 
partout  une  chaîne  d'effets  et  de  causes,  de  fins  et  de  moyens,  une  régu- 
larité dans  l'apparition  et  la  disparition  des  choses...  »  (^). 

B)  Objections  :  1°  L'ordre  du  monde  s'explique  par  le  hasard  et 
les  combinaisons  fortuites  des  atomes.  C'est  l'objection  de  V Atomisme. 
—  Cf.  Réfutation  (Psych.,  185,  II,  C.  —  Infra,  86). 

20  L'ordre  du  monde  s'explique  par  les  causes  efficientes,  sans  qu'il 
5oit  nécessaire  de  recourir  aux  causes  finales.  —  Cf.  Réfutation  {Psych., 
185,  II,  C). 

3°  Qui  prouve  que  cette  intelligence  ordonnatrice  soit  transcendante 
à  l'univers  ?  N'est-elle  pas  immanente  aux  choses  comme  le  soutiennent 
les  Panthéistes  ?  —  Cf.  Réfutation  (88,   §  B). 

C)  Critique  et  portée  de  cette  preuve.  —  «  Cet  argument 
mérite  toujours  d'être  nommé  avec  respect.  C'est  le  plus  ancien, 
le  plus  clair,  le  plus  approprié  à  la  commune  raison...  Ce  serait  donc  non 
seulement  nous  priver  d'une  consolation,  mais  encore  tenter  l'impos- 
sible que  de  vouloir  enlever  quelque  chose  à  l'autorité  de  cette  preuve.  » 


(  ')  Kant,  Critique  de  la  raison  pure  .'Dialectique  transcendantale,  L.  II,  Ch.  m,  Sect.  VI, 
Traduction  Tremesayoues,  p.  509. 


(70)  LE    CONSENTEMENT    UNIVERSEL  563^ 

Cependant,  si  cette  jjreuve  conduit  «  à  une  foi  qui  est  suffisante  pour 
le  repos  »,  elle  «  ne  peut  jamais  à  elle  seule  démontrer  l'existence  d'un 
Être  suprême  »  (^).  On  peut  en  effet  formuler  certaines  réserves  : 

i^  Cet  argument  prouve  bien,  contre  les  matérialistes,  l'existence 
d'une  intelligence  supérieure  ;  mais  il  ne  prouve  pas  qu'elle  est  infinie^ 
parce  que  l'ordre  et  la  beauté  de  la  nature  n'impliquent  pas  évidemment 
lin  art  infmi. 

2°  Il  prouve  l'existence  d'une  cause  ordonnatrice  de  la  matière. 
On  sait  que  pour  les  anciens,  pour  Platon  notamment,  le  rôle  de  cette 
intelligence  suprême  s'est  borné  à  coordonner  une  matière  préexistante. 
Il  ne  prouve  donc  pas  qu'elle  est  en  même  temps  créatrice.  Cet  argument 
conclut  à  l'existence  d'un  Dieu  architecte  et  non  d'un  Dieu  créateur  de 
l'univers. 

?fi  Enfin  il  ne  démontre  pas  Vunité  absolue  de  cette  intelligence 
ordonnatrice.  Sans  doute,  tout  ce  que  la  science  nous  apprend  de  l'uni- 
vers témoigne  de  l'unité  de  plan.  C'est  là  une  très  forte  présomption  en 
faveur  d'une  intelligence  unique  ;  mais  ce  n'est  pas  une  raison  péremp- 
toire,  car  tout  l'univers  ne  nous  est  pas  connu  ;  et,  de  plus,  pourquoi 
cette  unité  de  plan  ne  serait-elle  pas  l'œuvre  de  plusieurs  intelligences 
finies  qui  se  seraient  entendues  pour  le  réaliser  ? 

Cette  preuve  a  en  effet  besoin  d'être  complétée,  car  par  elle  seule, 
prise  absolument,  elle  ne  prouve  pas  que  la  cause  ordonnatrice  du  monde 
est  créatrice,  infinie,  unique.  On  doit  faire  au  sujet  de  cette  intelligence 
supérieure  le  raisonnement  suivant  :  ou  bien  elle  a  en  soi  sa  raison  suffi- 
sante ou  elle  l'a  dans  un  autre  être  ;  c'est-à-dire  elle  est  a  se,  nécessaire, 
ou  bien  elle  est  ab  alio,  contingente.  Si  elle  est  ab  alio,  la  question  repa- 
raît jusqu'à  ce  qu'on  arrive  à  une  cause  première,  nécessaire,  éternelle, 
puisque  la  progression  à  l'infini  répugne.  Il  reste  donc  à  montrer  que 
cette  cause  première,  nécessaire,  éternelle,  intelligente,  est  créatrice,, 
infinie,   unique  (1^). 

70.  ~  LE  CONSENTEMENT  UNIVERSEL 

Une  croyance  universelle,  qui  ne  provient  ni  de  l'illusion  des  sens,, 
ni  de  l'influence  des  passions,  ni  des  préjugés,  ni  de  l'ignorance,  ni  de 
la  superstition,  ni  de  l'éducation,  qui  n'est  pas  une  invention  des  légis- 
lateurs, qui  persiste  au  milieu  des  intérêts  les  plus  complexes,  qui  s'épure 
avec  le  progrès  des  sciences  et  de  la  civilisation,  est  une  idée  qui  ne  peut 
tirer  son  origine  que  de  l'évidence  même  de  la  vérité.  Autrement,  cette 
croyance  n'aurait  pas  de  raison  suffisante  (Logique,  136). 


(M   Kant,  Critique  de  la  raison  pure.  Ibidem,  p.  510-511. 


564  LE    CONSENTEMENT    UNIVERSEL  (70) 

Or  telle  est  l'idée  de  l'existence  de  Dieu,  attestée  par  le  consen- 
tement universel  des  hommes. 

Donc  Dieu  existe. 

Preuve  de  la  majeure  :  elle  s'appuie  sur  le  principe  de  raison.  Il  serait 
inexplicable  qu'une  croyance  revêtue  de  tels  caractères  fût  fausse,  car 
ce  serait  un  effet  sans  cause  ;  elle  n'aurait  pas  sa  raison  d'être. 

Preuve  de  la  mineure  :  on  peut  alléguer  le  témoignage  : 

A)  Des  anciens  :  vg.  Cicéron  (^)  :  «  Il  n'y  a  pas  de  peuple  assez 
sauvage  pour  ignorer  qu'il  y  a  un  Dieu.  «  —  Plutarque  :  «  On  rencontre 
des  villes  sans  murailles,  sans  lois,  etc.,  mais  une  ville  sans  temples, 
sans  religion,  sans  dieux,  c'est  ce  qu'on  n'a  jamais  vu  »,  etc.,  etc.   (^). 

B)  Des  modernes  :  après  l'étude  «  consciencieuse  »  de  toutes  les 
races  existantes,  A.  de  Quatrefages  conclut  ainsi  son  enquête  : 
«  L'athéisme  n'est  nulle  part  qu'à  Vétat  erratique.  Partout  et  toujours 
la  masse  des  populations  lui  a  échappé  ;  nulle  part,  ni  une  des  grandes 
races  humaines  ni  même  une  division  quelque  peu  importante  de  ces 
races  n'est  athée  (^).  »  Et  ailleurs  :  «  J'ai  cherché  l'athéisme  avec  le 
plus  grand  soin  ;  je  ne  l'ai  rencontré  nulle  part,  si  ce  n'est  à  l'état  erra- 
tique^ chez  quelques  sectes  philosophiques  des  nations  les  plus  ancien- 
nement civilisées...  (*).  »  Cette  croyance  universelle,  constatée  par  les 
historiens  et  les  voyageurs,  se  retrouve  dans  les  langues,  dans  les  chants 
populaires,  dans  les  poèmes,  dans  les  lois,  dans  les  monuments  de 
toutes  sortes. 

Elle  ne  peut  d'ailleurs  provenir  de  : 

1°    Illusion  des  sens,  incapables  d'atteindre  un  pareil  objet. 

2°  Influence  des  passions,  intéressées  à  supprimer  plutôt  qu'à  inventer 
Dieu. 

30  Préjugés,  qui  varient  avec  les  nations,  les  temps,  les  lieux  ;  or 
cette  croyance  est  persistante. 

40  Ignorance,  car  cette  croyance  est  plus  précise  chez  les  peuples 
civilisés  que  chez  les  sauvages  ;  elle  ^'épure  avec  la  civilisation. 

50  Crainte  superstitieuse  :  Primus  in  orbe  deos  fecit  timor  (Pétrone). 
—  On  comprend  la  crainte  comme  un  effet,  non  comme  une  cause  de 
cette  croyance  ;  c'est  un  sophisme  qui  prend  l'effet  pour  la  cause.  Il 
faudrait  plutôt  renverser  cette  parole  et  dire  :  Non  deos,  sed  atheos  fecit 
timor. 


(')  Cicéron,  Tusculan.  Disput.  L.  I,  §  XIII.  Cf.  De  Legibus,  L.  I,  §  vin.  —  Plutar- 
OUE,  AdveravLS  Coloten  epicureum,  §  XXXI. 

(  ')  V.  Cathrein,  Die  Einheit  des  siitlichen  Bewusstseins  der  Menschheit,  3  vol.,  Fribourg- 
en-Brisgau,  1914. 

(')  A.  DE  Quatrefages,  L'Espèce  humaine,  Ch.  xxxv,    §  IV,  p.  356,  Paris,  1878*. 

(  *)  A.  de  Quatrefages,  Introduction  à  l'étude  des  races  humaines,  Part.  I,  Ch.  xiii, 
p.  254,  2«  tirage,  Paris,  s.  d. 


(71)  LES    ASPIRATIONS    DE    l'aME  565 

(3°  Éducation  :  variable  avec  les  temps  et  les  lieux,  elle  n'aurait  pu 
imposer  une  notion  aussi  gênante  et  aussi  générale. 

70  Invention  des  Législateurs  :  leur  puissance  n'eût  pas  réussi  à  faire 
accepter  un  dogme  aussi  contraire  aux  passions.  Il  faudrait  montrer 
du  reste  quand  et  comment  l'éducation  et  la  législation  ont  inauguré 
cette  croyance. 

Conclusion  :  quand  même  il  y  aurait  des  tribus  assez  dégradées  pour 
ignorer  Dieu  ou  des  individus  assez  dépravés  pour  le  nier,  cette  exception 
n'infirmerait  pas  la  règle.  «  C'est  d'ailleurs  une  grande  question,  dit 
La  Bruyère  (^),  s'il  se  trouve  des  athées,  et  quand  il  serait  ainsi,  cela 
prouve  seulement  qu'il  y  a  des  monstres.  »  Il  faut  convenir  d'ailleurs 
que  l'argument  tiré  du  consentement  universel  prouve  seulement  l'exis- 
tence d'un  Être  supérieur  connu  par  le  genre  humain"  mais  non  pas  le 
Dieu  infini,  unique  et  simple,  enseigné  par  la  Philosophie  spiritualiste  (^). 


71.  —  LES  ASPIRATIONS  DE  L'AME 

Nous  avons  montré,  en  parla^it  de  l'immortalité  (63),  que  l'homme 
tend  à  l'infini  par  toutes  les  puissances  de  son  âme.  A  côté  de  l'amour 
légitime  de  soi,  l'homme  a  des  inclinations  supérieures  (Psych.,  49)  qui 
peuvent  se  ramener  à  l'amour  de  la  perfection  absolue.  Faits  pour  la 
vérité,  pour  le  bien  et  le  beau  infinis,  rien  ici-bas  ne  saurait  nous  rassasier. 
Cette  tendance  innée  vers  la  perfection,  ne  pouvant  se  contenter  en  ce 
monde  où  tout  est  imparfait  et  défaillant,  nous  relance  sans  cesse  vers 
une  réalité  plus  haute,  vers  un  idéal  de  vérité,  de  bonté  et  de  beauté 
souveraines.  La  seule  raison  suffisante  de  cet  attrait  irrésistible,  qui 
nous  emporte  vers  l'infini,  ne  peut  être  que  la  réalité  de  cet  objet  suprême 
qu'Aristote  appelle  si  bien  le  souverain  désirable  :  aimant  divin  qui  nous 
attire  à  lui  d'une  façon  suave  et  forte,  comme  l'atteste  la  magnifique 
inquiétude  de  notre  cœur  :  Fecisti  nos  ad  te,  Domine,  et  irrequietum  est 
cor  nostrum,  donec  requiescat  in  te  (^). 

La  recherche  du  parfait  est  la  loi  fondamentale  de  notre  nature  : 
si  elle  était  frustrée,  l'homme  serait  comme  un  monstre  dans  la  création, 
un  paradoxe  vivant,   fait  de  contradictions  révoltantes.   N'est-il  pas 


(  ')  La  Bruyère,  Les  Caractères  :  Des  esprits  forts.  —  F.  Nicolay,  Histoire  des  croyances, 
superstitions,  mœurs,  usages  et  coutumes...  —  D.  Palmieri, /ns(i(u(iones  philosophicx,T.lll, 
Theologia,  Thesis  VII.  —  P.  de  Broglie,  Problèmes  et  conclusions  de  l'histoire  des  religions. 

{')  M.  CH0S3AT,  De  la  Connaissance  spontanée  de  Dieu,  dans  Dictionnaire  de  Théo- 
logie CATHOLIQUE  (Vacant-Mangenot),  T.  IV,  col.  874-923.  —  J.  HuBY,  La  croyance  à 
l'Être  suprême  chez  les  non-civilisés,  dans  Recherches  de  Science  religieuse,  1917, 
p.  327-352. 

(  ')  S.  Augustin,  Confess.  L.  I,  C.  i. 


566  l'idée  de  parfait  ou  d'infini  (;2) 

plus  sage  de  croire  que  Famour  du  vrai,  Famour  du  bien  et  Famour  du 
beau  sont  fondés  en  raison,  c'est-à-dire  sont  des  tendances  convergentes, 
qui  s'adressent  et  nous  conduisent  à  cette  réalité  parfaite  {E?is  realis- 
simum)  que  nous  nommons  Dieu   (^)  ? 


72.  —  L'IDÉE  DE  PARFAIT  OU  D'INïlNI 

A)  Exposé  :  on  peut  la  résumer  ainsi  d'après  Descartes  C^).  J'ai 
l'idée  de  parfait.  La  présence  de  cette  idée  en  moi  est  un  effet  qui  exige 
une  cause.  Or  elle  ne  peut  me  venir  de  moi-même,  qui  suis  imparfait, 
ni  des  choses  extérieures,  car  elles  sont  bornées  comme  moi.  Il  faut  donc 
qu'elle  me  vienne  d'un  Être  parfait  qui  l'a  mise  en  moi,  «  comme  la 
marque  de  l'ouvrier  sur  son  ouvrage  ». 

B)  Critique  :  on  a  contesté  avec  raison  la  valeur  de  cette  preuve, 
en  disant  que  l'idée  de  parfait  provenait  du  travail  de  l'intelligence 
sur  les  données'de  l'expérience.  (Psychologie,  187,  §  B). 

On  fait  une  critique  analogue  de  l'argument,  quand  il  prend  pour 
point  de  départ  l'idée  d'm^ni.  (Cf  Psychologie,  ibidem.) 

C)  Objection  :  à  cette  critique  de  l'argument  de  Descartes  on 
oppose  l'objection  suivante  :  expliquer  les  notions  d'infini  et  de  parfait 
en  partant  des  idées  de  fini  et  d'imparfait,  c'est  commettre  un  cercle 
vicieux,  car,  pour  avoir  les  idées  de  fini  et  d'imparfait,  il  faut  déjà  avoir 
les  notions  d'infini  et  de  parfait  auxquelles  on  compare  les  premières. 

Réponse  :  pour  se  former  la  notion  de  fini  et  d'imparfait,  il  suffit 
d'avoir  la  notion  de  plus  ou  de  moins.  Or  pour  se  former  l'idée  de  plus 
ou  de  moins,  il  n'est  pas  du  tout  nécessaire  de  comparer  les  choses  finies 
et  imparfaites  à  un  type  infini  et  parfait  ;  il  suffit  de  comparer  les  objets- 
finis  et  imparfaits  entre  eux. 

Pour  savoir  que  mon  intelligence  et  ma  volonté  sont  imparfaites, 
je  n'ai  qu'à  les  rapprocher  de  la  volonté  et  de  l'intelligence  de  tel  ou  tel 
qui  l'emporte  sur  moi  ;  ou  même,  plus  simplement,  je  n'ai  qu'à  mettre 
en  parallèle  plusieurs  de  mes  actes  intellectuels  et  volitifs,  pour  constater 
qu'il  y  a  progrès  ou  recul  dans  tel  cas  donné. 

Pour  savoir  qu'une  ligne  est  finie,  inutile  de  la  comparer  à  l'infini  ; 
je  n'ai  qu'à  la  rapprocher  d'une  quantité  plus  grande  ;  de  même  pour 
le  nombre.  Et  ici  la  chose  est  manifeste,  car  c'est  une  vérité  admise 
que  l'infini  actuel  en  quantité  étendue  ou  en  nombre  est  une  absurdité. 
Le  terme  de  comparaison,  qu'on  prétend  nécessaire,  ferait  donc  com- 


(  ')  Seiitillanges,  Des  sources  de  la  croyance  en  Dieu.  —  P.  de  Bhoolie,  Preuves  psycho- 
logiques de  l'existence  de  Dieu. 

{ ')  Descartes,  Discours  de  la  méthode,  III'  P.  Méditations  métaphysiques,  III'. 


(73)  LES    VÉRITÉS    ÉTERNELLES  567 

plètement  défaut,  au  moins  dans  cet  ordre  de  connaissance.  Concluons 
donc  que  Descartes  n'a  pas  prouvé  que  l'idée  de  parfait  et  d'infini,  qui 
existe  en  nous,  n'y  puisse  exister  que  par  l'intervention  d'une  cause 
infinie  et  parfaite. 


73.  —  LES  VÉRITÉS  ÉTERNELLES 

Cette  preuve  a  été  donnée  par  saint  Augustin,  Bossuet,  Fénelon, 
Leibniz  (^).    Entendons  Bossuet  l'énoncer  : 

A)  Exposé  :  «  Rien  ne  sert  tant  à  l'âme  pour  s'élever  à  son  Auteur 
que  la  connaissance  qu'elle  a  d'elle-même  et  de  ces  sublimes  opérations 
que  nous  avons  appelées  intellectuelles.  Nous  avons  déjà  remarqué  que 
l'entendement  a  pour  objet  des  vérités  éternelles.  Les  règles  des  propor- 
tions, par  lesquelles  nous  mesurons  toutes  choses,  sont  éternelles  et 
invariables...  Tout  ce  qui  se  démontre  en  mathématique,  et  en  quelque 
autre  science  que  ce  soit,  est  éternel  et  immuable,  puisque  l'effet  de  la 
démonstration  est  de  faire  voir  que  la  chose  ne  peut  pas  être  autrement 
qu'elle  est  démontrée...  Toutes  ces  vérités  et  toutes  celles  que  j'en  déduis 
par  un  raisonnement  certain,  subsistent  indépendamment  de  tous  les 
temps  :  en  quelque  temps  que  je  mette  un  entendement  humain,  il  les 
connaîtra  ;  mais  en  les  connaissant  il  les  trouvera  vérités,  il  ne  les  fera 
pas  telles,  car  ce  ne  sont  pas  nos  connaissances  qui  font  les  objets,  elles 
les  supposent.  Ainsi  ces  vérités  subsistent  devant  tous  les  siècles,  et 
devant  qu'il  y  ait  eu  un  entendement  humain...  Elles  seraient  toujours 
bonnes  et  toujours  véritables,  quand  moi-même  je  serais  détruit  avec 
le  reste.  Si  je  cherche  maintenant  où  et  en  quel  sujet  elles  subsistent 
éternelles  et  immuables  comme  elles  sont,  je  suis  obligé  d'avouer  un 
Etre  où  la  vérité  est  éternellement  subsistante  et  où  elle  est  toujours 
entendue  ;  et  cet  Être  doit  être  la  Vérité  même  et  doit  être  toute  vérité  ; 
et  c'est  de  Lui  que  la  vérité  dérive  dans  tout  ce  qui  est  et  ce  qui  entend 
hors  de  Lui  {^).  » 

B)  Critique  :  cette  preuve  a  été  acceptée  par  les  uns  et  rejetée  par 
les  autres  : 

1°  Bossuet  a  donné  «  une  très  belle  et  très  solide  preuve  de  l'existence 
de  Dieu  »,  qu'on  peut  résumer  ainsi  :  «  L'homme  connaît  des  vérités 
universelles,   immuables  et  éternelles   (les   principes   de   la  raison,   les 


(M  Cette  preuve  est  attribuée  aussi  à  Platon  ;  mais  tout  dépend  du  sens  que  Platon 
donne  aux  Idées.  Si  l'on  soutient  avec  Aristote  qu'il  conçoit  les  Idées  comme  des  essences 
séparées,  on  ne  doit  pas  lui  attribuer  cette  preuve.  On  peut  le  faire  au  contraire  si  l'on 
croit  avec  S.  Augustin  qu'il  considère  les  Idées  seulement  comme  des  conceptions  de 
l'intelligence  divine  (Psych.,  140,  à  la  fin  :  Remarque). 

(  ')  Bossuet,  De  la  connaissance  de  Dieu...,  Ch.  iv,  §  5. 


568  l'existence  du  devoir  (74; 

conclusions  des  mathématiques,  les  vérités  morales,  etc.).  Or  ces  vérités 
doivent  avoir  un  fondement  suffisant  et  réel  ;  autrement  la  science  repo- 
serait sur  le  néant,  elle  serait  purement  subjective  et  illusoire  ;  ce  fon- 
dement suffisant  et  réel  doit  avoir  les  caractères  de  l'universalité,  de 
l'immutabilité  et  de  l'éternité  qui  conviennent  à  la  vérité  ;  il  existe  donc 
un  Être  nécessaire,  immuable  et  éternel,  source  de  la  vérité,  de  la  beauté 
et  du  bien  ;  cet  Être  est  Dieu,  donc  Dieu  existe.  Cette  preuve  part  du 
fait  des  idées  dans  V intelligence  humaine.  L'esprit,  examinant  les  carac- 
tères des  idées  ou  vérités  aperçues  par  la  raison,  en  conclut,  par  l'appli- 
cation du  principe  de  raison  suffisante,  que  la  connaissance  de  la  vérité 
immuable  et  éternelle  suppose  nécessairement  l'existence  d'un  Être 
immuable  et  éternel,  c'est-à-dire  de  Dieu  (^).  » 

2°  D'autres  rejettent  cette  preuve  et  donnent  de  leur  rejet  la  raison 
suivante.  L'éternité  des  vérités  rationnelles  n'est  que  leur  nécessité 
conçue  abstraitement.,  c'est-à-dire  indépendamment  de  toute  relation 
avec  le  temps.  L'éternité  n'est  réelle  que  si  l'on  suppose  l'existence 
concrète  d'une  intelligence  réelle  qui  conçoit  ces  vérités.  Il  y  a  donc 
pétition  de  principe.  " 


74.  —  L'EXISTENCE  DU  DEVOIR 

Cette  preuve  a  pour  point  de  départ  un  fait  d'expérience  révélé  par 
la  conscience  :  l'existence  du  devoir.  Elle  repose  sur  le  principe  de  raison 
suffisante  :  étant  donnée  l'existence  du  devoir,  il  s'agit  d'en  rendre 
compte. 

A)  Exposé  :   l'existence  du  devoir  est  un  fait  indéniable  attesté  : 

1°  Par  la  conscience  individuelle^  qui  se  reconnaît  obligée  à  observer 
la  loi  morale,  s'approuve  et  se  réjouit,  quand  elle  y  obéit,  se  condamne 
et  s'attriste,  quand  elle  y  contrevient. 

2»  Par  la  conscience  universelle.,  qui  partout  et  toujours  a  admis 
une  différence  essentielle  entre  le  bien  et  le  mal,  et  a  proclamé  qu'il 
faut  pratiquer  l'un  et  éviter  l'autre  (Morale,  19). 

Voilà  le  fait.  Voici  l'interprétation. 

Où  trouver  le  principe  du  devoir  ?  On  a  prouvé,  en  Morale  (Livre  I, 
Ch.  m),  qu'il  ne  faut  le  chercher  ni,  avec  les  moralistes  du  plaisir  et  de 
l'intérêt,  dans  les  conséquences  agréables  ou  utiles  de  nos  actions  ; 
—  ni,  avec  les  moralistes  du  sentiment,  dans  les  penchants  sympathiques 
de  notre  sensibilité  ;  —  ni,  avec  les  moralistes  de  l'autonomie,  dans  notre 
propre  volonté.  Reste  qu'il  faut  le  chercher  en  dehors  et  au-dessus  de 
l'homme.  La  loi  morale  en  effet  se  révèle  à  notre  conscience  comme  un 


(')  P.  Chabin.  Cours  de  Philosophie  :  Théodicée,  Ch.  i,  §  2.  p.  416-417.  Paris,  1896'. 


(75)  LA   PREUVE    ONTOLOGIQUE  569 

impératif  catégorique  qui  commande  sans  condition  :  Fais  ce  que  dois, 
quelles  que  puissent  être  les  conséquences  de  ton  action.  Elle  a  pour 
caractères  d'être  absolue,  universelle,  immuable  (Morale,  20).  Il  n'y  a 
pas  de  loi  sans  législateur,  comme  il  n'y  a  pas  d'effet  sans  cause.  Or  une 
telle  loi  ne  peut  avoir  pour  auteur  qu'un  être  supérieur  à  l'homme,  un 
être  absolu  et  immuable  comme  elle.  La  seule  raison  possible  d'une 
telle  loi,  c'est  l'existence  d'une  Justice  et  d'une  Sainteté  parfaites, 
d'un  Bien  réel  et  vivant,  qui  s'impose  avec  une  autorité  souveraine  à  la 
nature  humaine. -Cet  Être  juste,  saint,  bon,  c'est  Dieu. 

B)  Remarques  :  I.  —  La  nécessité  d'une  sanction,  qui  établisse 
l'accord  entre  le  bien  et  le  bonheur,  le  mal  et  le  malheur,  fournit  encore 
une  excellente  preuve  de  l'existence  de  Dieu.  Nous  l'avons  déjà  esquissée 
(Morale,  49,   §  F). 

IL  —  Cette  preuve  et  la  précédente  ont  trouvé  grâce  devant  la 
critique  de  Kant,  mais  à  titre  de  croyances,  comme  des  postulats  de  la 
raison  pratique  (6). 

III.  —  On  donne  à  ces  deux  preuves,  tirées  du  devoir  et  de  la  sanction, 
le  nom  de  preuves  morales^  parce  qu'elles  se  réfèrent  à  des  faits  de  l'ordre 
moral.  Mais,  comme  elles  s'appuient,  ainsi  que  les  autres,  sur  le  prin- 
cipe métaphysique  de  raison  suffisante,  elles  sont,  comme  elles,  des 
preuves  métaphysiques. 


SECTION  II 
Preuve  a  priori. 

75.  —  LA  PREUVE  ONTOLOGIQUE 

A)  Exposé  :  1»  Cet  argument  a  été  formulé  la  première  fois  par 
saint  Anselme  dans  son  Proslogiiim  seii  Fides  quœrens  intellectiim. 
Après  avoir  cité  ces  mots  de  la  Sainte  Écriture  :  Dixit  insipiens  in  corde 
suo  :  non  est  Deus,  saint  Anselme  prétend  apporter  de  l'existence  de 
Dieu  une  preuve  capable  de  convaincre  l'insensé  lui-même.  En  voici  le 
résumé  :  Dieu  est  par  essence  l'être  tel  qu'on  ne  peut  en  concevoir  un 
plus  grand  ;  donc  il  doit  exister  dans  la  réalité  (m  re).  En  effet,  s'il  n'exis- 
tait que  dans  l'intelligence  {in  intellecta),  s'il  n'avait  que  cette  existence 
idéale,  on  pourrait  concevoir  un  être  plus  grand  que  lui,  à  savoir  celui 
qui  existerait  non  seulement  dans  l'intelligence,  mais  aussi  dans  la 


570  LA    PREUVE    ONTOLOGIQUE  (75) 

réalité  :  ce  qui  implique  contradiction.  Donc  Dieu  existe  et  dans  l'intel- 
ligence et  dans  la  réalité  {et  in  intellectu  et  in  re)  (^). 

2°  Descartes  a  repris  l'argument  et  l'a  présenté  sous  cette  forme  : 
J'ai  l'idée  d'un  être  qui  renferme  en  soi  toutes  les  perfections  ;  or  l'exis- 
tence est  une  perfection  ;  donc  l'Être  parfait  existe.  En  effet,  l'idée 
d'être  parfait  contenant  nécessairement  l'existence,  il  serait  aussi 
contradictoire  de  concevoir  Dieu  non  existant  que  de  concevoir  un 
triangle  dont  les  trois  angles  ne  seraient  pas  égaux  à  deux  droits  (  ^). 
Bref,  l'idée  d'être  parfait  implique  l'existence,  comme  la  définition 
du  triangle  implique  l'égalité  de  la  somme  des  trois  angles  à  deux  droits. 

3°  Leibniz  accepte  l'argument  de  saint  Anselme,  mais  à  la  condition 
de  le  compléter  en  démontrant  au  préalable  la  possibilité  de  l'Être  tout 
parfait.  Entendons-le  s'expliquer  lui-même  :  «  Les  Scolastiques,  sans 
excepter  même  leur  Docteur  angélique,  ont  méprisé  cet  argument  et 
l'ont  fait  passer  pour  un  paralogisme  ;  en  quoi  ils  ont  eu  grand  tort, 
et  M.  Descartes,  qui  avait  étudié  assez  longtemps  la  philosophie  scolas- 
tique  au  collège  des  Jésuites  de  La  Flèche,  a  eu  grande  raison  de  le 
rétablir.  Ce  n'est  pas  un  paralogisme,  mais  c'est  une  démonstration 
imparfaite,  qui  suppose  quelque  chose  qu'il  fallait  encore  prouver  pour 
le  rendre  d'une  évidence  mathématique  :  c'est  qu'on  suppose  tacitement 
que  cette  idée  de  l'Être  tout  grand  ou  tout  parfait  est  possible  et  n'im- 
plique point  de  contradiction.  Et  c'est  déjà  quelque  chose  que  par  cette 
remarque  on  prouve  que,  supposé  que  Dieu  soit  possible,  il  existe,  ce  qui 
est  le  privilège  de  la  seule  divinité.  On  a  droit  de  présumer  la  possi- 
bilité de  tout  être,  et  surtout  celle  de  Dieu,  jusqu'à  ce  que  quelqu'un 
prouve  le  contraire.  De  sorte  que  cet  argument  métaphysique  donne 
déjà  une  conclusion  morale  démonstrative  qui  porte  que,  suivant  l'état 
présent  de  nos  connaissances,  il  faut  juger  que  Dieu  existe  et  agir  confor- 
mément à  cela.  Mais  il  serait  pourtant  à  souhaiter  que  des  habiles  gens 
achevassent  la  démonstration  dans  la  rigueur  d'une  évidence  mathé- 
matique, et  je  crois  d'avoir  dit  quelque  chose  ailleurs  qui  y  pourra 
servir   {^).   » 

Dans  sa  Lettre  sur  l'ouvrage  du  P.  Lami  :  De  la  démonstration  carté- 


( ')  '1  Coiivincitur...  eliaiu  insipiens  esse  vel  in  intellectu  aliiiuid,  quo  nihil  niajus 
cogitari  potest...  Et  certe  id,  quo  niajus  cogilari  nèquit,  non  potest  esse  in  intellectu  solo. 
Si  enim  vel  in  solo  intellectu  est,  potest  cogitari  esse  et  in  re  ;  quod  majus  est.  Si  ergo  id, 
quo  majus  cogitari  non  potest,  est  in  solo  intellectu,  idipsum,  quo  majus  cogitari  non  potest, 
est  quo  majus  cogitari  potest.  Scd  certe  hoc  esse  non  potest.'  Existit  procul  dubio  aliquid, 
quo  majus  cogitari  non  valet,  et  in  intellectu  et  in  re  »  (Proslogium,  C.  ii.  Cf.  C  m). 

(  ')   DE.SCARTES,  Discours  de  In   Méthode,  IV«  Partie.  Cf.    Méditations,  V. 

( ')  Nouveaux  essais  sur  l'entendement  humain,  L.  IV,  C.  x,  §  7.  Œuvres,  Édit.  Janet, 
T.  I,  p.  400-401.  — S.ScHiFFi>ri,6minent pliilosophescolastique,ditaussique  l'argumentde 
S.  Anselme  a  une  valeur  probante,  si  l'on  a  démontré  au  préalable  que  l'idée  d'être  néces- 
saire ne  renferme  aucune  contradiction.  Cf.  Disputationes  metaphysicse,  T.  II,  Part.  III, 
Theologin  nnluralis,  Disput.  I,  Sect.  I,  n.  385,  §  II,  III,  p.  13-14,  Turin,  1894. 


(75)  LA    PREUVE    ONTOLOGIQUE  571 

sienne  de  Vexistence  de  Dieu,  Leibniz  formule  ainsi  le  complément  auquel 
il  fait  allusion  dans  les  Nouveaux  Essais  :  «  ...Si  l'être  de  soi  est  impos- 
sible, tous  les  êtres  par  autrui  le  sont  aussi,  puisqu'ils  ne  sont  enfin 
que  par  l'être  de  soi  ;  ainsi  rien  ne  saurait  exister.  Ce  raisonnement  nous 
conduit  à  une  autre  importante  proposition  modale,  égale  à  la  précé- 
dente [à  savoir  :  si  l'être  nécessaire  est  possible,  il  existe]  et  qui,  jointe 
avec  elle,  achève  la  démonstration.  On  la  pourrait  énoncer  ainsi  :  si  l'être 
nécessaire  n'est  point,  il  n'y  a  pas  d'être  possible.  Il  semble  que  cette 
démonstration  n'avait  point  été  portée  si  loin  jusqu'ici  (^).  » 

4°)  L'argument  de  saint  Anselme  {^)  a  été  encore  adopté  par  d'autres 
penseurs  :  vg.  Duns  Scot  (3),  G.  Vazquez  (*),  H.  Fabri  {^),  Fénelon  (®), 
Hegel  C).  De  nos  jours  il  a  été  défendu  par  le  P.  Ragey  (^)  et  le  P.  Ad-- 
loch  (9). 

B)  Critique  :  cet  argument  fut  attaqué,  du  vivant  même  de  saint 
Anselme,  par  Gaunilon,  moine  de  Marmoutiers,  dans  un  ouvrage  dont 
le  titre,  inspiré  par  le  début  du  Proslogium,  est  assez  piquant  :  Défense 
de  V insensé  (^°).  Saint  Thomas  (^^)  et,  à  sa  suite,  la  plupart  des  Scolas- 
tiques  ont  rejeté  la  preuve  ontologique.  Kant  {^^)  l'a  vigoureusement 
attaquée.  Voici  l'objection  principale. 

Pour  réfuter  cet  argument,  il  ne  suffit  pas  de  le  ramener  à  l'absurde 
et  de  dire  avec  Gaunilon  qu'on  prouverait,  par  le  même  raisonnement, 
l'existence  des  Iles  fortunées,  c'est-à-dire  des  îles  les  plus  parfaites  qu'on 
puisse  concevoir.  En  effet.  Descartes  a  prévu  cette  difficulté  et  il  a  nié 
la  parité  de  ces  sortes  de  rapprochements,  car,  dans  tout  le  reste,  l'exis- 
tence est  séparable  de  l'essence,  tandis  qu'il  est  un  cas  unique,  celui  de 
l'Être  parfait,  où  l'essence  implique  l'existence  :  «  ...De  ce  que  je  ne  puis 
concevoir  une  montagne  sans  une  vallée,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  y  ait  au 
monde  aucune  montagne  ni  aucune  vallée,  mais  que  la  montagne  et  la 


(M   Œwi'res  de  Leibniz,  Édit.  Janet,  T.  I,  p.  480. 

(  *)  DoMET  DE  VonoES,  U Argument  de  S.  Anselme,  clans  la  Revue  de  Philosophie,  1901, 
T.  I,  p.  285  sqq. 

(»)  Duns  Scot,  In  Libr.  I.  Senlentiarum,  Dist.  II,  Q.  2,  n°=  31-32. 

(*)  G.  Vazouez,  In  I  parlem  S.  Thomse,  Disp.  XX,  n»  13.  Édit.  Chossat,  Paris,  Vives, 
1906,  T.  I,  p.  143. 

C)  H.  Fabri,  Ad  Patrem  Ignatium  Gaslonem  Pardesium  ej-usdem  Societatis  Epistolse 
très  de  sua  Hypothesi  philosophica,  Ep.  I,  §  VII,  n">  1,  p.  20,  Mayence,  1674. 

(•)  FÉNELON,   Traité  de  l'existence  el  des  attributs  de  Dieu,  II»  P.,  Ch.  il,  3°  preuve. 

(')  Hegel,  Logik,  V^  P.,  §  LI,  Traduction  de  A.  Véra,  T.  I,  p.  321,  Paris,  1874*. 

(*)  Ragey,  L'argument  de  S.  Anselme,  Paris-Lyon,  1893. 

(')  B.  Adloch,  PniLOSOPHiscHEè  Jahrbuch,  T.  VIII,  p.  52-69;  372-389.  T.  IX, 
p.  280-297.  T.  X,  p.  261-274  :  394-416. 

(•»)  Gaunilon,  Liber  pro  insipienle,  Patr.  lat.  T.  CLVIII,  col. 24 1-248. --S.Anselme 
lui  répondit  par  son  Liber  apologelicus,  P.  L.,   Ibidem,  col.  247-260. 

(  ")  S.  Thomas,  cf.  par  exemple,  Contra  Gentiles,  L.  I,  G.  xi.  —  Summa  iheologica,  I'  P. 
0.  II,  A.  1,  ad  2"m.  —  De  Veritale,  Qusest.  X,  A.  12. 

(  '*)  Kant,  Critique  de  la  raison  pure  :  Dialectique  transcendantale,  L.  II,  Ch.  m,  Sect.  IV. 


572  l'être  nécessaire  est  parfait  (76) 

vallée,  soit  qu'il  y  en  ait,  soit  qu'il  n'y  en  ait  point,  sont  inséparables 
l'une  de  l'autre  ;  au  lieu  que  de  cela  seul  que  je  ne  puis  concevoir  Dieu  que 
comme  existant,  il  s'ensuit  que  l'existence  est  inséparable  de  lui,  et  partant 
qu'il  existe  véritablement  (^).  » 

Kant  répond  :  l'existence  est,  dit-on,  renfermée  dans  le  concept 
même.  Mais  il  y  a  là  un  sophisme,  si  l'on  prend  le  terme  existence  dans 
le  sens  d'existence  réelle,  extérieure  à  nous.  En  eiïet  l'attribut  doit 
être  de  même  nature  que  le  sujet.  Si  le  sujet  est  simplement  conçu  et 
non  réel,  l'attribut  qu'en  dégage  l'analyse  ne  peut  être  lui  aussi  que 
conçu  et  non  réel  :  l'un  et  l'autre  n'ont  d'existence  que  dans  Vidée.  Ce  qui 
est  vrai,  ici,  c'est  que  les  deux  termes  :  parfait  et  existant  sqnt  tellement 
liés  qu'ils  sont  inséparables,  mais  en  restant  dans  le  même  ordre  :  si  le 
sujet  parfait  est  dans  mon  esprit,  l'attribut  existant  y  sera  nécessai- 
rement aussi  ;  si  le  sujet  parfait  est  dans  la  réalité,  l'attribut  existant 
y  sera  nécessairement  aussi.  Mais  il  est  impossible  que  le  sujet  soit  dans 
l'esprit  et  que  l'attribut  soit  dans  la  réalité.  Bref,  autrement  dit,  cet 
argument  cache  le  sophisme  qui  consiste  à  passer  de  l'existence  idéale 
à  l'existence  réelle,  d'une  idée  à  une  chose. 

Conclusion  :  quoique  l'argument  ontologique  ait  satisfait  des 
penseurs  éminents,  il  semble  que  cette  critique  est  décisive.  Mais,  qu'en 
dire,  si  on  le  complète,  comme  fait  Leibniz,  en  montrant  la  possibilité 
de  l'être  parfait  ?  Leibniz  procède  ainsi  :  L'être  dont  l'essence  implique 
l'existence,  existe,  s'il  est  possible  ;  or  Dieu  est  l'être  dont  l'essence 
iniplique  l'existence  ;  donc  Dieu  existe,  s'il  est  possible.  —  Leibniz 
prouve  ensuite  la  possibilité  de  l'Être  nécessaire  :  si  Dieu  n'existe  pas, 
rien  n'est  possible  ;  mais  beaucoup  de  choses  sont  possibles,  puisqu'elles 
existent  ;  donc  Dieu  existe.  L'argument  ainsi  complété  mène  bien  à 
l'existence  réelle,  mais  il  devient  a  posteriori,  car  ce  complément  est  un 
retour  à  la  preuve  cosmologique.  Donc,  finalement,  il  n'y  a  pas  de 
preuve  a  priori  de  l'existence  de  Dieu  (^). 


76.  —  L'ÊTRE  NÉCESSAIRE  EST  PARFAIT 

L'argument  cosmologique  prouve  l'existence  d'un  Être  nécessaire 
et  éternel,  mais  sans  déterminer  explicitement  quelle  en  est  la  nature. 
L'argument  par  le  mouvement  prouve  l'existence  d'un  premier  moteur 
éternel  et  distinct  de  la  matière,  mais  sans  en  déterminer  non  plus 
l'essence.  L'argument  des  causes  finales  prouve  l'existence  d'une  intel- 


( ')  Descartes,    Méditations  métaphysiques,  V. 

(  ')  C.  DE  Beaupuy,  L'Argument  de  S.  Anselme  est  a  posteriori,  dans  Revue  de  Philo- 
sophie,   1908,   T.   I,   p.    120-133. 


(76)  l'être  nécessaire  est  parfait  573 

ligence  supérieure,  ordonnatrice  du  monde,  mais  sans  déterminer  si  elle 
est  ou  n'est  pas  infinie,  unique,  créatrice  et  distincte  de  l'univers.  Il  faut 
voir  maintenant  s'il  est  possible  de  lever  cette  indétermination  qui  plane 
sur  les  arguments  fournis  par  la  contingence,  le  mouvement  et  les  causes 
finales,  c'est-à-dire  s'il  est  possible  de  démontrer,  en  les  rapprochant 
et  les  complétant,  que  l'Être  nécessaire  est  nécessairement  parfait.  Pro- 
cédons par  degrés. 

I.  ■ —  Cette  intelligence  ordonnatrice,  dont  la  preuve  téléologique  a 
démontré  la  réalité,  est-elle  douée  du  pouvoir  moteur  ?  son  existence 
est-elle  nécessaire  ? 

A)  —  Par  le  fait,  même  qu'elle  est  ordonnatrice,  cette  cause  doit 
être  capable  de  mouvoir  les  êtres  à  son  gré,  sinon  elle  n'aurait  pu  les 
disposer  d'une  manière  plutôt  que  d'une  autre  ;  partant  elle  eût  été 
incapable  d'y  mettre  de  l'ordre. 

B)  —  Cette  intelligence  ordonnatrice  et  motrice  est  en  même  temps 
nécessaire  et  éternelle.  En  effet,  ou  elle  n'a  pas  en  elle-même  sa  raison 
suffisante,  ou  elle  l'a  en  elle-même  (autrement  dit  :  ou  elle  reçoit  d'un 
autre  l'existence  et  ses  qualités,  ou  elle  ne  les  reçoit  pas).  Si  elle  n'a  pas 
en  elle-même  sa  raison  suffisante,  elle  est  produite  par  une  cause  possé- 
dant, d'une  manière  formelle  ou  éminente,  tout  ce  qu'elle  contient  elle- 
même,  parce  que  l'effet  tenant  sa  réalité  de  sa  cause  ne  peut  lui  être 
supérieur.  La  même  question  se  pose  au  sujet  de  cette  cause  et  ainsi  de 
suite  jusqu'à  ce  qu'on  arrive  enfin  à  une  cause  première,  nécessaire, 
éternelle,  puisque  nous  avons  vu  qu'une  série  indéfinie  de  causes 
secondes,  contingentes  est  contradictoire.  Donc  il  existe  un  Être  néces- 
saire, éternel,  doué  d'intelligence  et  de  puissance  motrice. 

II.  —  Avançons.  Cet  Être  nécessaire,  éternel,  intelligent,  moteur, 
est  parfait.  Donnons  quelques  preuves  : 

A)  —  Cet  Être  étant  nécessaire  n'a  pas  commencé.  Ceci  posé,  de 
deux  choses  l'une  :  ou  bien  il  est  sujet  au  changement,  ou  bien  il  est 
soustrait  au  changement.  S'il  est  sujet  au  changement,  il  a  subi  la  loi 
du  temps  :  il  faut  donc  qu'il  ait  duré  un  temps  infini,  ce  qui  implique 
contradiction.  Ou  bien  il  est  soustrait  au  changement,  alors  on  ne  peut 
lui  appliquer  la  loi  du  temps,  c'est-à-dire  la  succession  et  la  mobilité  : 
il  est  donc  immuable.  Or  l'immutabilité  implique  la  perfection.  Sup- 
posons en  effet  que  l'intelligence  ordonnatrice  soit  imparfaite.  Au  lieu 
de  tout  embrasser  dans  un  acte  intuitif  pur,  elle  sera  condamnée,  comme 
notre  intelligence,  à  des  combinaisons  et  mouvements  discursifs.  Du 
même  coup  la  voilà  soumise  à  la  loi  du  changement  et  de  la  succession  ; 
elle  tombe  dans  le  temps,  elle  n'est  donc  plus  l'être  nécessaire  dont  nous 
avons  prouvé  l'existence. 

B)  —  L'Être  nécessaire  est  celui  dont  l'essence  implique  l'existence, 
puisqu'il  est  a  se,  de  soi  et  par  soi.  Or  si  tel  degré  fini  de  perfection  impli- 


574  VALEUR    DES    PREUVES    RATIO^•^•ELLES  (77) 

quait  aussi  l'existence,  le  degré  immédiatement  supérieur  l'impliquerait 
a  fortiori,  et  ainsi  de  suite  ;  nous  arriverions  à  cette  affirmation  absurde 
d'un  nombre  infini  d'êtres  nécessaires  actuellement  existants.  L'Être 
nécessaire  est  donc  par  essence  infiniment  parfait. 

C)  —  Où  trouver  une  raison  suffisante  pour  limiter  la  perfection 
de  l'Être  premier  nécessaire  ?  Pourquoi  borner  sa  perfection  à  tel  degré 
plutôt  qu'à  tel  autre  ?  En  effet,  d'où  lui  viendrait  la  limite  ?  Elle  ne 
peut  lui  venir  :  ni  de  son  essence^  car  cette  essence  étant  l'Être  ne  rejette 
par  elle-même  aucune  perfection,  mais  les  comporte  toutes.  Si  l'obstacle 
à  la  perfection  venait  de  l'essence,  c'est  qu'alors  elle  renfermerait  quelque 
contradiction  intrinsèque.  Or,  dans  cette  hypothèse,  l'Être  nécessaire 
ne  pourrait  pas  plus  exister  qu'un  cercle  carré  ;  —  ni  de  sa  propre  colonté, 
car  il  ne  s'est  pas  fait  lui-même,  ce  qui  répugne  ;  —  ni  d'une  (volonté 
étrangère,  car  cette  volonté,  nécessaire  et  éternelle  comme  l'Être  qu'elle 
limite  éternellement,  qui  l'empêche  alors  d'être  parfaite  ?  A  son  sujet, 
il  faudra  renouveler  les  questions  posées  à  propos  du  premier  Être 
nécessaire,  et  ainsi  de  suite,  sans  fin,  ce  qui  répugne.  La  raison  nous 
oblige  donc  à  conclure  que  l'Être  nécessaire  et  éternel  est  nécessai- 
rement l'Être  infini,  l'Être  parfait. 

Conclusion  générale.  —  On  peut  résumer  les  preuves,  qui  ont  été 
proposées  en  disant  :  L'existence  de  Dieu  est  attestée  par  toutes  les 
puissances  de  l'homme.  La  raison  l'affirme  comme  suprême  intelligible, 
seule  raison  suffisante  de  tout  ;  la  volonté  l'affirme  comme  suprême 
législateur,  qui  lui  a  imposé  la  loi  morale  ;  le  cœur  enfin  l'affirme  comme 
le  suprême  désirable,  dont  la  perfection  absolue  l'attire  invinciblement. 
C'est  ainsi  qu'on  peut  redire  avec  Bossuet  :  «  La  connaissance  de  nous- 
mêmes  nous  doit  élever  à  la  connaissance  de  Dieu  (^).  » 


77.  —  VALEUR  DES  PREUVES  RATIONNELLES 

Les  partisans  de  la  Méthode  d'immanence  en  Apologétique  pré- 
tendent que  les  preuves  rationnelles  de  l'existence  de  Dieu  ne  sont  pas 
suffisantes. 

A)  Fondement  de  l'objection  :  «  ...  Le  principe  d'immanence 
consiste  dans  cette  affirmation,  que  saint  Thomas  énonce,  sans  res- 


(  M  Bossuet,  De  la  connaissance  de  Dieu...,  au  début.  —  «  Cette  notion-mère  (la  notion 
universelle  et  nécessaire  de  la  causalité]  de  toute  vraie  philosophie  tourne  pour  ainsi  dire 
autour  de  deux  pôles  fixes,  dont  l'un,  premier  dans  l'ordre  analytique  des  faits, est  le  moi; 
l'autre,  premier  aussi  dans  l'ordre  synthétique,  est  Dieu.  C'est  en  allant  de  l'un  à  l'autre 
qu'on  trouve  la  vraie,  l'unique  relation  de  causalité,  sans  laquelle  il  n'y  a  rien.  »  (Maine 
DE  BiRAN,  Nouveaux  Essais  d'Anthropologie...,  Part.  I,  §  I.  Œuvres  inédiles,  Édit.  Naville, 
T.  III,  p.  375,  Paris,  1859). 


-   (77)  VALEUR    DES    PREUVES    RATIONNELLES  575 

triction  aucune,  puisque  c'est  à  propos  de  l'ordre  surnaturel  qu'il  "la 
formule  :  Nihil  potest  ordùiari  ad  finem  aliquem,  nisi  prseexistat  in  ipso 
qusedam  proportio  ad  fineni  (Quaest.  disput.,  xiv,  De  Veritate).  Je  n'ai 
fait  que  traduire  cette  vérité  essentielle  et  universelle  en  rappelant 
qu'en  effet  «  rien  ne  peut  entrer  en  l'homme  qui  ne  corresponde  en  quelque 
façon  à  un  besoin  d'expansion  »,  quelle  que  soit  d'ailleurs  l'origine  ou  la 
nature  de  cet  appétit  {}).  »  La  méthode  d'immanence  a  pour  point  de 
départ  l'expérience  psychologique,  morale,  religieuse  ;  elle  prétend 
montrer  que  l'action  humaine  implique  l'existence  d'un  être  transcen- 
dant, qui  est  postulé  par  toutes  les  aspirations  de  l'âme  humaine.  Les 
preuves  métaphysiques  de  l'existence  de  Dieu  sont  objectivement 
insuffisantes,  car  la  pensée  est  conditionnée  par  l'action,  et  la  vie  ne 
consiste  pas  seulement  à  penser  logiquement,  mais  aussi  à  agir.  C'est 
pourquoi  «  la  certitude  [de  l'existence  de  Dieu]  qu'on  peut  avoir  et  qu'on 
doit  avoir  est  une  certitude  qu'on  acquiert  par  un  effort  de  l'âme  tout 
entière,  et  non  seulement  en  raisonnant,  mais  en  vivant  et  en  agissant  »  {^). 
B)  Réponse.  —  Les  partisans  de  l'apologétique  traditionnelle 
soutiennent  au  contraire,  avec  raison,  que  les  preuves  rationnelles  de 
l'existence  de  Dieu  sont  de  soi  suffisantes.  Sans  doute,  certaines  dispo- 
sitions morales  de  sincérité  et  de  probité  sont  requises  pour  que  leur  valeur 
probante  soit  perçue  ;  il  y  faut  un  effort  de  bonne  volonté  ;  mais,  selon 
eux,  cet  effort  de  l'âme  consiste  à  écarter  tout  ce  qui  peut  offusquer  la 
perception  de  la  vérité,  action  négative  que  l'École  appelle  removens 
prohibens  (^).  Pour  les  partisans  de  la  méthode  d'immanence  cet  effort 
de  l'âme  ajoute  aux  procédés  de  démonstration  quelque  chose  qui  com- 
plète leur  insuffisance  objective.  Bref,  par  rapport  à  l'adhésion  que 
l'esprit  donne,  par  exemple,  à  l'existence  de  Dieu,  l'effort  moral  de 
l'âme  joue,  selon  les  premiers,  le  rôle  de  condition,  qui  enlève  les  obstacles 
à  la  perception  de  la  valeur  des  arguments  rationnels,  lesquels  sont  en 
soi  efficaces  ;  pour  les  seconds,  il  remplit  la  fonction  de  cause,  qui  com- 
plète ce  qu'il  y  a  d'insuffisant  dans  ces  arguments  spéculatifs.  Les  pre- 
miers acceptent  aussi  la  preuve  de  l'existence  de  Dieu,  qui  repose  sur 
le  fait  des  aspirations  de  l'âme  vers  le  bien  absolu  et  par  conséquent 
fait  appel  à  la  dialectique  de  V action  et  de  V amour  ;  mais,  pour  être 
concluante,  cette  dialectique  doit  s'appuyer  sur  celle  de  la  raison,  c'est- 
à-dire  présupposer  la  valeur  ontologique  des  principes  de  la  raison  :  sans 
ce  point  d'appui,  la  preuve  morale  manque  de  base  et  de  solidité.  Le  tort 
des  défenseurs  de  la  méthode  d'immanence  est  donc  de  la  présenter 


(M  M.  Blondel,  Lettre  sur  les  exigences  de  la  pensée  contemporaine  en  matière  d'Apolo- 
gétique, p.  28,  Paris,  1896. 

{')  L.  Laberthonnière,  Essais  de  Philosophie  religieuse,  p.  86,  note,  Paris,  1903. 
(«)  Cf.  T.  I,  Psychologie,  n»  183,  §  A,  I  ,  b,  p.  324. 


576  DES    ATTRIBUTS    DIVINS    EN    GÉNÉRAL  (78) 

comme  seule  valable  et  exclusive,  en  rejetant  les  procédés  de  démons- 
tration rationnelle  qu'ils  accusent  d'être  impuissants  à  porter  la  convic- 
tion et  qu'ils  taxent  faussement  de  méthode  purement  exirinséciste. 
Car  ils  oublient  que  les  tenants  de  la  méthode  objective  et  extrinsèque 
enseignent  que  l'âme  fait  siennes  les  vérités  auxquelles  elle  adhère  par 
cette  voie  et  que  ces  vérités  conviennent  merveilleusement  à  ses  ten- 
dances et  à  ses  besoins.  De  part  et  d'autre,  on  exige  le  concours  de  toute 
l'âme,  intelligence  et  volonté  ;  il  n'y  a  donc  ni  extrinsécistes,  ni  imma- 
nentistes  tout  court.  Mais  les  uns,  tout  en  requérant  l'appoint  de  dispo- 
sitions morales,  donnent  le  primat  à  la  raison  et  à  ses  principes  qui 
suffisent  à  fonder  la  preuve  de  l'existence  de  Dieu.  Les  autres,  tout  en 
reconnaissant  la  nécessité  de  la  collaboration  de  l'intelligence,  nient  que 
les  démonstrations  rationnelles  soient  en  elles-mêmes  suffisantes  :  aussi 
accordent-ils  le  primat  à  la  volonté,  à  l'action,  aux  dispositions  mo- 
rales (^). 

ARTICLE  IL  —  NATURE  ET  ATTRIBUTS  DE  DIEU 
78.  —  DES  ATTRIBUTS  DIVINS  EN  GÉNÉRAL 

A)  Position  de  la  question  :  nous  savons  qu'il  y  a  un  Dieu,  mais 
pouvons-nous  connaître  sa  nature  ?  Spencer  et  son  École  dite  agnos- 
tique déclarent  Dieu  inconnaissable  et  prétendent  qu'on  n'en  peut  rien 
savoir.  Sans  doute  la  nature  divine  est  incompréhensible  à  toute  intelli- 
gence finie,  par  cela  seule  qu'elle  est  infinie.  Mais  elle  n'est  pas  inconnais- 
sable, car  entre  comprendre  Dieu  et  le  connaître,  c'est-à-dire  savoir 
quelque  chose  de  sa  nature,  il  y  a  une  immense  différence. 

Cette  question  :  quelle  est  la  nature  de  Dieu  ?  est  déjà  en  partie 
résolue,  car  les  preuves  de  l'existence  de  Dieu. ont  abouti  à  l'affirmation 
d'un  Etre  nécessaire,  éternel,  infiniment  parfait. 

Il  ne  s'agit  donc  plus  que  de  dégager  les  résultats  contenus  dans 
les  notions  précédentes,  pour  déterminer  les  attributs  divins  {^). 

On  entend  par  attribut  toute  qualité  essentielle  d'un  être. 


(')  Cf.  G.  MiciiELET,  Dieu  et  l' A gnolicisme  contemporain,  Paris,  1913'.  —  J.  de  Ton- 
QUÉDEC,  Immanence.  Essai  critique  sur  la  doctrine  de  M.  Maurice  Dlondel,  Paris,  1913. 

(  ')  FÉNELON,  Traité  de  l'existence  et  des  attributs  de  Dieu.  Lettres  sur  divers  sujets  de 
métaphysique  et  de  religion.  —  L.  Lessius,  De  Perfectionibus  moribusque  divinis.  —  D.  Pal- 
MiERi,  Institutiones  philosophiez,  T.  III,  Theologia,  C.  ii  sqq.  —  S.  Thomas,  Summa  theol., 
I»  P.,  Q.  XIII-XVI.  —  BossuET,  De  la  connaissance...,  Ch.  iv.  Élévations...,  I"  Semaine. 
—  E.  Caro,  L'idée  de  Dieu.  —  A.  Farges,  L'idée  de  Dieu  d'après  la  raison  et  la  science.  — 
A.  DE  Margerie,  Théodicée,  T.  I,  Ch.  ix,  x,  xi.  —  Hugonin,  Les  Attributs  de  Dieu,  flans 
les  A^fNALES  DE  Philos.  Chrét.,  Fév.  et  Mars  1S95.  —  J.  Kleutgen,  La  Philosophie 
scolaslique.  Dissert.  IX.  —  M.  d'Hulst,  Mélanges  philosophiques  :  Les  procédés  logiques 
DE  LA  Théodicée,  p.  47-69. 


(79)  ATTRIBUTS    MÉTAPHYSIQUES  577 

B)  Distinction  :  on  distingue  en  Dieu  deux  sortes  d'attributs  : 

I.  — ■  Métaphysiques  :  ce  sont  les  perfections  de  Dieu  considéré  en 
lui-même,  indépendamment  de  toute  relation  avec  le  monde. 

II.  — •  Moraux  :  ce  sont  les  perfections  de  Dieu  considéré  dans  ses 
rapports  avec  le  monde. 

Les  attributs  métaphysiques  constituent  pour  ainsi  dire  la  substance 
de  Dieu  ;  les  attributs  moraux,  sa  personnalité. 

C)  Portée  de  cette  distinction  :  Dieu  étant  absolument  simple, 
ses  attributs  et  ses  actes  s'identifient  complètement  avec  son  essence  et 
ne  forment  avec  elle  qu'une  seule  et  même  perfection  infinie,  qui  n'admet 
aucune  composition  ou  distinction  réelle. 

Dieu  est  acte  pur,  comme  dit  Aristote  ;  il  est  donc  tout  ce  qu'il  a  ; 
par  conséquent,  pour  parler  rigoureusement,  il  faut  dire,  non  pas  que 
Dieu  a  des  attributs,  comme  l'intelligence,  mais  qu'il  est  l'intelligence 
infinie. 

C'est  pourquoi  la  distinctionj  qu'on  établit  entre  les  divers  attributs 
de  Dieu  et  son  essence,  n'est  pas  une  distinction  réelle,  mais  de  raison. 

Elle  repose  d'une  part  sur  l'infinité  de  Dieu,  dont  la  simplicité 
absolue  équivaut  à  toutes  les  perfections  concevables  ;  elle  est  fondée, 
d'autre  part,  sur  l'infirmité  de  notre  intelligence  qui,  incapable  de  saisir 
d'un  seul  regard  toutes  les  richesses  de  la  nature  divine,  est  contrainte 
de  la  considérer  successivement  sous  divers  aspects  que  l'on  nomme 
attributs. 

Bref,  cette  distinction,  nécessitée  par  la  faiblesse  de  notre  esprit, 
est  un  moyen  artificiel  pour  étudier  avec  ordre  et  clarté  la  nature  divine, 
moyen  analogue  au  procédé  que  nous  avons  dû  employer  aussi  pour 
"tudier  l'àme  (Psych.,  9). 


79.  —  ATTRIBUTS  MÉTAPHYSIQUES 

Tous  ces  attributs  se  déduisent  a  priori  de  l'idée  d'infiniment  parfait, 
comme  de  la  définition  du  triangle  on  tire  par  déduction  ses  propriétés 
essentielles.  Ils  appartiennent  à  Dieu  en  tant  qu'Être  absolu  et  sont  les 
différents  aspects  de  l'idée  d'infini. 

I.  —  Unicité  :  Dieu  est  non  seulement  un,  mais  unique.  En  effet, 
deux  êtres  infiniment  parfaits  :  —  ou  bien  auraient  même  essence  sous 
tout  rapport,  et  alors,  étant  absolument  semblables,  ils  se  confondraient, 
car  en  vertu  du  principe  d'identité  des  indiscernables,  comme  l'appelle 
Leibniz,  deux  êtres  qu'on  ne  peut  aucunement  distinguer  l'un  de  l'autre 
ne  font  qu'un,  c'est-à-dire  que  la  supposition  de  cette  dualité  répugne  ; 
il  faut  donc  conclure  qu'un  seul  des  deux  existe  ;  —  ou  bien  auraient 
deux  essences  différentes,  et  alors  aucun  des  deux  ne  serait  vraiment 

TRAITÉ    DE    PHILOSOPHIE.    —   T.    II.   19. 


578  ATTRIBUTS    MÉTAPHYSIQUES  (79) 

infini,  car  il  leur  manquerait  la  perfection  qui  les  distingue  l'un  de  l'autre. 

II.  —  Simplicité  :  cet  attribut  exclut  de  Dieu  toute  composition. 
Dieu  étant  composé,  —  ou  les  parties  qui  le  composent  seraient  infinies, 
ce  qui  répugne,  puisqu'il  ne  peut  y  avoir  plusieurs  infinis  ;  —  ou  bien 
chaque  partie  serait  finie,  et  alors  l'infini  résulterait  de  l'addition  du  fini 
au  fini,  ce  qui  répugne  encore,  car  par  là  on  n'obtient  que  l'indéfini 
(PsYCH.,  187,  §  A). 

III.  —  Immutabilité  :  changer,  c'est  perdre  ou  acquérir  quelque 
chose;  or  l'Être  infini,  possédant  toutes  les  perfections,  n'en  peutacquérir 
aucune.  Il  n'en  peut  non  plus  perdre  aucune,  car  il  cesserait  d'être  infini. 

IV.  —  Éternité  :  dire  de  Dieu  qu'il  est  éternel,  c'est  dire  d'abord 
qu'il  n'a  jamais  commencé  et  ne  cessera  jamais  d'être  ;  ensuite  qu'il 
est  au-dessus  et  en  dehors  du  temps.  En  effet  : 

1°  Commencer  et  finir  sont  deux  imperfections;  il  faut  donc  éliminer 
de  Dieu  tout  commencement  et  toute  fin. 

2°  Le  temps,  prolongé  indéfiniment  dans  le  passé  et  dans  l'avenir,. 
se  réduit  à  une  durée  changeante  et  imparfaite.  Or  Dieu  est  infini  et 
immuable  ;  il  faut  donc  exclure  de  lui  toute  durée  qui  implique  chan- 
gement et  imperfection  comme  le  temps  ;  il  est  donc  au-dessus  du 
temps,  il  est  éternel. 

Les  êtres  finis  deviennent,  c'est-à-dire  réalisent  leur  vie  par  moments 
successifs,  en  passant  d'un  état  à  un  autre.  Dieu  est  et  il  est  toujours  et 
simultanément  tout  ce  qu'il  est.  C'est  pourquoi  Boëce  définit  avec  raison 
l'éternité  :  Interminahilis  vitae  iota  simul  et  perfecta  possessio  (^).  C'est 
en  effet  le  changement  qui  permet  de  marquer  dans  un  être  différents 
moments,  car  le  changement  implique  le  devenir,  le  passage  de  Vavant 
à  Vaprès. 

V.  —  Immensité  :  l'immensité  est  cette  perfection  en  vertu  de  laquelle 
Dieu,  être  infini  et  absolument  simple,  est  partout  tout  entier,  sans 
être  contenu  dans  l'espace. 

Chaque  corps  occupe  un  lieu,  c'est-à-dire  une  portion  de  l'espace, 
déterminée  par  ses  surfaces.  L'espace  est  le  rapport  de  situation  qui 
résulte  de  la  coexistence  de  plusieurs  corps  :  il  est  réel  ou  imaginaire 
selon  que  les  corps  existent  ou  sont  simplement  possibles  (38,  §  A,  V). 
L'espace  réel  est  limité  et  divisible  ;  l'espace  imaginaire  ou  idéal,  qu'on 
nomme  aussi  absolu,  n'est  que  la  possibilité  indéfinie  de  l'extension  eu 
longueur,  largeur  et  profondeur. 

Ces  définitions  rappelées,  il  est  manifeste  : 

a)  Que  l'on  doit  rejeter  l'opinion  de  Clarke,  pour  lequel  l'immensité, 
qu'il  considère  comme  une  étendue  sans  bornes,  est  un  attribut  de 


( ')  Boëce,  De  Consolalione  Philosophise,  L.  V,   Prosa  6. 


(79)  ATTRIBUTS    MÉTAPHYSIQUES  579 

l'essence  divine.  Car,  dans  ce  cas,  Dieu  ne  serait  ni  un,  ni  simple,  puisque 
J'espace  est  divisible  (38,  §  A,  I). 

b)  Que  Dieu  ne  peut  être  contenu  dans  l'espace.  Car  l'espace  est 
limité  et  divisible,  tandis  que  Dieu  est  infini  et  simple.  De  même  que 
Dieu  est  en  dehors  et  au-dessus  du  temps,  il  est  en  dehors  et  au-dessus 
de  l'espace.  Fénelon  l'explique  admirablement  :  «  Comme  il  ne  peut  y 
avoir  en  Dieu  ni  passé  ni  futur,  il  ne  peut  y  avoir  aussi  en  lui  au  delà 
ni  au  deçà.  Comme  la  permanence  absolue  exclut  toute  mesure  de 
succession,  l'immensité  n'exclut  pas  moins  toute  mesure  d'étendue. 
Il  n'a  point  été,  il  ne  sera  point,  mais  il  est.  Tout  de  même,  à  proprement 
parler,  il  n'est  point  ici,  il  n'est  point  là,  il  n'est  point  au  delà  d'une  telle 
borne  ;  mais  il  est  absolument.  Toutes  ces  expressions,  qui  le  rapportent 
à  quelque  terme,  qui  le  fixent  à  un  certain  lieu,  sont  impropres  et  indé- 
centes (  ^).  » 

c)  Que  Dieu  est  présent  partout,  tout  entier,  non  seulement  par 
son  opération  (en  tant  que  sa  science,  sa  puissance,  sa  bonté  s'étendent 
à  tout),  mais  encore  par  son  être,  puisqu'en  Dieu,  absolument  simple, 
l'opération  et  l'être  sont  inséparables,  étant  une  seule  et  même  réalité. 
Mais  il  faut  épurer  ce  concept  de  V omniprésence  et  le  dépouiller  de 
toute  image  sensible  que  suggèrent  communément  les  mots  :  étendue, 
espace,  lieu.  «  Il  est  manifeste  »,  comme  dit  encore  Fénelon,  «  que  Dieu, 
à  proprement  parler,  n'est  en  aucun  lieu,  quoiqu'il  agisse  sur  tous  les 
lieux,  car  il  ne  peut  avoir  aucun  rapport  local  par  sa  substance  avec 
aucun  corps.  »  Ces  expressions  et  autres  analogues  ont  en  effet  le  tort 
d'éVoquer  l'image  de  quelque  chose  d'étendu  et  de  limité,  comme  si 
l'on  se  représentait  l'univers  rempli  de  Dieu  et  le  contenant,  lorsqu'on 
dit  :  Dieu  est  présent  dans  tout  l'univers.  Pour  penser  correctement, 
il  faut  au  contraire  se  représenter  Dieu  comme  coexistant  à  chaque 
partie  de  l'univers  et  le  contenant  tout  entier,  sans  être  aucunement 
borné  par  lui,  parce  que  l'immensité  divine  coexisterait  à  tous  les  univers 
possibles,  s'ils  étaient  créés  et  les  dépasserait  toujours  par  sa  réalité 
infinie.  Dieu  est  immense,  c'est-à-dire  sans  mesure. 

d)  Nous  sommes  là  en  présence  d'une  vérité  dont  la  nécessité  s'impose, 
mais  qui  reste  mystérieuse.  Cependant  nous  trouvons  en  nous  un  reflet 
de  ce  mystère,  qui  jette  sur  lui  quelque  lumière.  Notre  âme  étant  essen- 
tiellement simple  n'est  pas,  comme  le  corps,  contenue  dans  un  lieu  ; 
mais,  à  cause  de  son  indivisibilité,  elle  est  présente  tout  entière  à  tout 
le  corps  et  à  chacune  de  ses  parties  :  Tota  in  toto  et  tota  in  quolibet  parte, 
selon  l'adage  scolastique.  Ce  n'est  là  qu'une  lointaine  image  de  l'immen- 
sité divine,  car  la  présence  de  l'àme  est  limitée  à  son  propre  corps,  tandis 
que  la  vertu  de  la  présence  divine  est  illimitée. 


(M  FÉNELON,  Traité  de  l'exislence  et  des  attributs  de  Dieu,  11=  P.,  Ch.  v,  Art.  4. 


580  ATTRIBUTS    MORAUX  (80) 

80.  —  ATTRIBUTS  MORAUX 

§  A.  —  MÉTHODE  POUR  LES  DÉTERMINER 

A)  Exposé  :  les  attributs  moraux  s'induisent  a  posteriori  des  qualités 
que  l'expérience  nous  montre  dans  les  êtres  créés.      Cette  méthode 
qui  comprend  trois  moments,  a  été  appelée  par  les  Scolastiques  :  méthode 
de  causalité^  A'' élimination  et  de  transcendance  {}). 

I.  —  Via  causalitatis  :  après  avoir  examiné*  les  œuvres  de  Dieu,\  a 
Création,  on  remonte  des  créatures  à  Dieu,  comrne  au  principe  de  ce 
qu'elles  ont  de  perfection,  de  réalité,  de  positif,  d'être  en  un  mot.  C'est 
une  méthode  d'analogie  fondée  sur  cet  axiome  qu'une  cause  possède 
toute  la  perfection  de  ses  effets,  soit  formellement,  soit  éminemment, 
car  Nemo  dat  qiiod  non  habet. 

II.  —  Via  remotionis  :  puis  on  exclut  absolument  de  Dieu  toute 
limitation,  toute  négation,  toute  imperfection  (^). 

III.  —  Via  eminentiae  :  enfin  on  attribue  à  la  nature  divine  tout  ce 
qui  est  réel,  positif,  substantiel,  en  un  mot,  tout  ce  qui  n'implique  en 
soi  aucune  imperfection,  tout  ce  qu'il  est  meilleur  d'avoir  que  de  ne  pas 
avoir,  et  on  l'élève  à  l'ijifini. 

B)  Objection  :  ce  procédé  conduit  nécessairement  à  l'anthropo- 
morphisme. 

Réponse  :  il  est  certain  que,  n'ayant  pas  l'intuition  de  Dieu,  l'idée 
que  nous  en  avons  est  forcément  relative.  Nous  attribuons  nécessai- 
rement à  Dieu  les  qualités  que  l'expérience  nous  révèle.  Mais  on  peut 
contenir  cet  anthropomorphisme  inévitable  dans  des  bornes  raison- 
nables, en  s'inspirant  des  règles  suivantes  : 

1°  L'idée  de  perfection  doit  nous  servir  de  critérium  pour  discerner 
ce  qu'il  convient  ou  non  d'attribuer  à  l'Être  infini.  Exemples  :  nous 
sommes  en  proie  au  doute,  à  l'indécision,  à  l'inquiétude,  etc.,  toutes 
choses  imparfaites  que  nous  écarterons  de  la  nature  divine.  Nous  sommes 
capables  de  sentir,  d'imaginer,  de  nous  souvenir,  de  raisonner  ;  tontes 
ces  opérations  sont  bien  des  qualités  positives,  mais  comme  elles  impli- 
quent la  dépendance  de  la  matière,  le  changement,  la  succession,  toutes 
choses  imparfaites,  nous  les  bannirons  aussi  de  la  nature  divine.  Nous 
avons  la  raison  intuitive  :   comme  cette  qualité  n'implique  en  ellç- 


(')  A.  DE  Margerie,   Théodicée,  T.  I,  Ch.  ix. 

( ')  "...  Pour  connoUre  la  nature  de  Dieu  autant  que  la  mienne  en  étoit  capable,  je 
n'avois  qu'à  considérer,  de  toutes  les  choses  dont  je  trouvois  en  moi  quelque  idée,  si  c'étoit 
perfection  ou  non  de  les  posséder,  et  j'étois  assuré  qu'aucune  de  celles  qui  marquoieut 
ijuelque  imperfection  n'étoit  en  luy,  mais  que  toutes  les  autres  y  étoient...  »  {Descartes, 
Discours  de  la  Méthode,  IV«  P.) 


(81)  SCIENCE    ET    SAGESSE    DE    DIEU  581 

même   aucune   imperfection  essentielle,   nous  l'attribuerons  à  l'intelli- 
gence divine  en  la  portant  à  l'infini. 

2^  Les  qualités  positives  des  êtres  créés  doivent  être  transportées 
en  Dieu  soit  formellement,  c'est-à-dire  selon  le  même  concept  formel, 
quand  elles  n'entraînent  aucune  imperfection  ;  soit  éminemment,  c'est- 
à-dire  sous  une  forme  supérieure,  quand  elles  sont  mélangées  d'imper- 
fection. Cette  forme  supérieure  remplace  avantageusement  l'autre,  puis- 
qu'elle peut,  et  d'une  façon  suréminente,  tout  ce  que  peut  la  première. 
Ainsi  la  connaissance  intuitive  peut  être  attribuée  à  Dieu,  parce  que 
son  concept  est  exempt  de  toute  imperfection  ;  la  connaissance  discur- 
sive ne  peut  l'être,  parce  qu'elle  suppose  une  marche  lente,  détournée, 
dépendant  d'intermédiaires.  Mais  l'intuition,  élevée  en  Dieu  à  l'absolu, 
en  tient  lieu  éminemment. 

§  B.  —  DÉTERMINATION  DES  ATTRIBUTS  MORAUX 

En  considérant  l'œuvre  divine,  l'ensemble  et  le  détail  de  l'univers 
et  spécialement  l'homme,  vrai  microcosme  (Psych.,  3),  qui  résume  l'uni 
vers,  nous   admirons   des   qualités   positives   qu'on   peut   avec  Leibniz 
ramener  aux  trois  suivantes  : 

1°  L'Intelligence,  qui  se  manifeste  chez  les  animaux  par  l'instinct 
et  chez  l'homme  par  la  pensée  et  la  science. 

2°  La  Sensibilité  :  dans  les  règnes  inférieurs,  elle  est  symbolisée  par 
les  forces  attractives  et  répulsives  ;  chez  les  animaux,  elle  se  traduit 
par  le  désir  et  par  la  faculté  de  jouir  et  de  soufîrir  ;  dans  l'homme  elle 
s'élève  jusqu'à  l'amour  du  vrai,  du  bien  et  du  beau. 

3°  La  Puissance,  qui  se  révèle  comme  force  dans  la  nature  et  qui 
chez  nous,  étant  consciente  et  maîtresse  d'elle-même,  s'affirme  par  la 
volonté  et  la  liberté. 

Donc  on  doit  retrouver  en  Dieu  : 

10  Une  Intelligence  parfaite,  qui  comprend  Vomniscience  et  la 
sagesse. 

2°  Un  Amour  parfait,  qui  comprend  la  honte,  la  sainteté,  la  justice 
et  la  béatitude  absolues. 

3°  Une  Activité  parfaite,  qui  comprend  une  volonté  toute  puissante 
et  la  liberté. 

81.  —  §  Ao  SCIENCE  ET  SAGESSE 

I.  —  PERFECTION  DE  V INTELLIGENCE  DIVINE 

L'homme  est  intelligent  ;  or  l'intelligence  est  une  perfection  ;  donc 
Dieu  est  intelligent. 

Mais  l'intelligence  humaine  est  imparfaite  : 

1°  Dans  son  mode  d'opération  :  elle  procède  par  la  voie  lente,   frag- 

% 


582  SC1E>'CE    ET   SAGESSE    DE    DIEU  (81) 

mentaire,  qu'on  nomme  discursive  ;  elle  est  sujette  à  l'erreur  et  au 
doute. 

2°  Dans  son  objet  :  elle  ne  connaît  pas  tout  et  ne  connaît  le  tout  de 
rien. 

L'intelligence  divine,  étant  affranchie  de  toutes  les  défaillances,  est  : 

I.  —  Parfaite  dans  son  mode  d'opération  :  la  pensée  de  l'homme 
est  multiple,  changeante,  successive.  En  Dieu,  rien  de  pareil.  La  pensée 
divine  est  éternelle,  unique,  intuitive,  car  l'infinité  exclut  toute  succes- 
sion et  toute  multiplicité,  tout  souvenir  et  toute  prévision,  tout  raison- 
nement déductif  ou  inductif.  Dieu  voit  tout  dans  un  éternel  présent. 
C'est  pourquoi  le  mot  prescience,  appliqué  à  Dieu,  n'est  pas  rigoureu- 
sement exact.  (PsYCH.,  205,  §  III,  A,  Second  essrai).  —  Balmès  a  jus- 
tement remarqué  que  plus  une  intelligence  est  puissante,  moins  elle  a 
d'idées  :  leur  nombre  diminue,  mais  leur  compréhension  augmente. 
L'Etre  parfait  voit  tout  dans  une  Idée  infiniment  compréhensive 
(Logique,  39,  §  B,  III).  «  Ce  regard  unique,  dit  Fénelon,  épuise  toute 
vérité  et  il  ne  s'épuise  jamais  lui-même  (^).  « 

IL  —  Parfaite  dans  l'extension  de  son  objet  :  Dieu  étant 
infini,  rien  ne  saurait  échapper  à  sa  connaissance  :  il  est  omniscient. 
Donc  : 

1°  Dieu  se  connaît  lui-même  et  se  comprend  :  Dieu  connaît  tout  ce  qui 
est  connaissable.  Mais,  parmi  tous  les  objets  intelligibles,  Dieu  tient  le 
premier  rang.  Toutes  les  choses,  que  Dieu  connaît  en  dehors  de  lui,  il  les 
connaît  en  tant  qu'il  est  leur  cause  exemplaire,  efficiente  et  finale, 
c'est-à-dire  par  le  rapport  qu'elles  ont  avec  lui.  Donc  le  premier  objet 
de  sa  connaissance  est  lui-même.  Il  se  connaît  et  il  se  connaît  parfai- 
tement, c'est-à-dire  qu'il  se  comprend  ;  il  y  a  équation  parfaite  entre  le 
sujet  et  l'objet  de  la  pensée  :  l'intelligence  infinie  égale  l'infinie  intelli- 
gibilité. 

2°  Dieu  connaît  encore  tout  ce  cjui,  en  dehors  de  lui,  est  (onnaissable, 
c'est-à-dire  tout  ce  qui,  participant  de  l'être  à  un  degré  quelconque, 
peut  être  le  terme,  l'objet  d'un  acte  d'intellection  :  à  savoir  tous  les 
possibles,  c'est-à-dire  tout  ce  qui  est  simplement  apte  à  exister  ;  —  tous 
les  futurs  conditionnels  ou  futuribles,  c'est-à-dire  les  événements  qui 
ne  seront  jamais,  mais  qui  auraient  été  si  telle  condition  avait  été  posée  : 
vg.  Qu'aurais-je  fait,  si  j'avais  été  placé,  quand  j'ai  accompli  tel  acte, 
dans  d'autres  conditions  ?  —  tous  les  êtres  actuellement  existants  ;  — 
toutes  les  choses  futures,  qu'elles  soient  fatales  ou  libres  (^). 

La  raison  est  toujours  la  même  :  l'intelligence  divine,  étant  infinie, 


(  ')  FÉNELON,  Traité  de  l'existence  de  Dieu  et  de  ses  nllribiits.  II'"  P.,  Ch.  v,  Art.  .5. 
(  *)  Sur  la  façon  dont  ii  est  possible  de  concilipr  la  lilierté  humaine  avec  la  prescience 
divine,  voir  Psych.,  205,   §  III. 


(81)  SCIENCE  ET  SAGESSE  DE  DIEU  583 

s'étend  nécessairement  à  tout  ce  qui  est  intelligible.  Autrement,  elle 
serait  impuissante,  incapable,  donc  imparfaite. 

Objection  :  Aristote  prétend  que  Dieu  est  la  pensée  qui  se  pense  et 
qu'il  ne  connaît  que  lui-même.  La  pensée  divine  ignore  le  monde.  Elle 
en  est  cependant  la  Providence,  parce  que  le  monde  connaît  Dieu  et 
est  attiré  vers  lui  par  le  charme  irrésistible  de  ses  perfections.  La  raison 
alléguée  par  le  Stagirite,  c'est  qu'il  est  indigne  de  Dieu  de  connaître  les 
êtres  inférieurs  :  la  relation  de  cet  univers  imparfait  à  son  intelligence 
serait  une  souillure. 

Réponse  :  a)  Sans  relever  cette  contradiction  étrange  d'une  Provi- 
dence aveugle  s'exerçant  sans  le  savoir  sur  un  monde  qu'elle  ignore, 
il  suffit  de  remarquer  que,  si  Dieu  ne  sait  pas  tout,  sa  science  est  limitée, 
en  désaccord  par  conséquent  avec  sa  perfection  infinie. 

b)  La  raison  invoquée  par  Aristote  est  sans  valeur  :  est-ce  que  la 
connaissance  d'imperfections,  existant  en  dehors  de  nous,  nous  rend 
imparfaits  ?  * 

II.  —  REMARQUES  SUR  LA   SCIENCE  DE  DIEU 

A.  —  Noms  divers  de  la  science  divine  :  dans  la  terminologie 
scolastique  on  appelle  :  Science  :  a)  de  simple  intelligence  :  la  connais- 
sance des  possibles  ;  —  b)  de  vision  :  la  connaissance  des  êtres  existants  ; 
—  c)  moyenne  :  la  connaissance  des  futurs  conditionnels.  Elle  est  dite 
moyenne,  parce  que  son  objet  tient  le  milieu  entre  les  purs  possibles  et 
les  futurs  absolus  ou  sans  condition.  En  effet  les  futurs  conditionnels 
participent  des  possibles,  en  tant  qu'ils  n'existeront  pas  ;  ils  participent 
des  futurs  absolus,  en  tant  qu'ils  seraient,  si  la  condition  était  posée   (^). 

Prenons,  comme  exemple,  le  reniement  de  l'apôtre  Pierre  : 

a)  Pierre  interrogé  par  une  servante  peut  renier  ou  ne  pas  renier 
son  Maître.  {Science  de  simple  intelligence.) 

b)  Si  Pierre  est  interrogé  par  une  servante,  il  reniera  son  Maître. 
{Science  moyenne.) 

c)  Pierre  sera  interrogé  par  une  servante  et  il  reniera  son  Maître. 
{Science  de  pisiori.) 

B.  —  Rôle  de  l'essence  divine  dans  la  connaissance  :  l'essence 
divine  est  Tunique  moyen  dans  lequel  et  par  lequel  Dieu  connaît  toute 
chose,  car  si  rititelligence  divine  avait  besoin,  comme  la  nôtre,  d'être 
déterminée  par  des  intermédiaires,  elle  serait  dépendante  et,  partant, 
imparfaite. 

L'essence  divine  contient  éminemment  toutes  les  perfections  conce- 
vables. C'est  pourquoi,  en  contemplant  cette  essence  infiniment  parfaite, 


(M   Palmikri,   InsiituHones  philosophicœ,  T.  III,  Th.   XXX,  Nota,  p.  198. 


584  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  (82) 

l'intellect  divin  voit  toutes  les  manières  dont  elle  est  indéfiniment  imi- 
table. Ces  divers  degrés  d'imitabilité,  auxquels  correspondent  autant 
de  degrés  d'être  ou  de  perfection,  constituent  l'ensemble  des  possibles, 
des  futuribles,  des  futurs  nécessaires  et  des  futurs  libres.  Dieu  est  la 
cause  exemplaire  des  possibles  et  des  futuribles,  en  tant  que  l'intellect 
divin  perçoit  distinctement  toutes  les  perfections  dont  son  essence 
est  le  fondement  virtuel.  Il  est  la  cause  exemplaire  des  futurs  nécessaires 
et  des  futurs  libres  (qui  doivent  exister),  en  tant  que  la  volonté  divine 
décrète  l'existence  de  tel  ordre  de  futuribles  qui,  de  futurs  conditionnels, 
deviennent  futurs  absolus.  "^ 

L'essence  divine  est  donc  bien  le  moyen  unique  dans  lequel  et  par 
lequel  Dieu  connaît  toute  chose  :  elle  est  le  moyen  de  connaissance  des 
possibles  et  des  futuribles,  en  tant  qu'elle  est  considérée  comme  affectée 
de  Vidée  divine,  représentant  les  différentes  imitabilités  ;  elle  est  le  moyen 
de  connaissance  des  futurs,  en  tant  qu'elle  est  considérée  comme  affectée 
du  décret  librement  créateur,  en  vertu  duquel  la  volonté  divine  choisit 
telle  catégorie  de  futuribles  pour  les  faire  passer  de  la  possibilité  à  la 
réalité. 

III.  —  SAGESSE 

La  Sagesse  consiste  à  atteindre,  par  l'emploi  des  moyens  les  plus 
propres,  des  fins  excellentes.  C'est  une  qualité  qui  est  nécessairement 
impliquée  dans  le  concept  d'une  intelligence  droite.  Dieu  étant  infi- 
niment intelligent  est  donc  infiniment  sage. 


82.  —  CONNAISSANCE  DES  FUTURS  CONDITIONNELS 

La  science  divine,  immuable  en  elle-même,  prend  différents  noms, 
comme  on  l'a  vu  (81,  II,  A),  selon  les  objets  auxquels  elle  s'applique  (*■). 

La  science  de  simple  intelligence  et  la  science  de  vision  sont  admises 
sans  contestation,  parce  que  la  vérité  des  essences  possibles  et  des  êtres 
existants  est  en  elle-même  parfaitement  déterminée  ;  il  est  clair  que 
Dieu  infiniment  parfait  ne  peut  manquer  de  la  connaître.  Voilà  pour  le 
fait.  Quant  à  la  manière  dont  Dieu  connaît  les  possibles  et  les  êtres 
existants,  on  la  conçoit  encore  assez  facilement.  Dieu,  avant  tout  décret 
de  sa  volonté,  connaît  les  possibles  dans  son  essence  en  tant  qu'elle  est 
la  perfection  infinie  indéfiniment  imitable  par  des  perfections  finies. 
Quant  aux  choses  existantes  produites  par  Lui  seul  ou  au  moyen  des 


(')  Crinsidi^rée  en  Lui,  la  science  de  Dieu  est  évidemment  une,  puisque  les  perfections 
de  Dieu  s'identifient  avec  son  essence.  C'est  par  rapport  au  terme  objectif  de  cette  science 
que  l'on  distingue,  pour  la  clarté  de  l'exposition,  plusieurs  sciences. 


(82)  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  585 

causes  nécessaires,  Dieu  les  connaît  dans  son  essence  en  tant  qu'elle  est 
identifiée  avec  le  décret  éternel  de  la  volonté  divine  produisant  ces 
choses  dans  le  cours  du  temps. 

Il  n'en  va  pas  de  même  de  l'existence  de  la  science  moyenne,  ni 
surtout  de  la  manière  dont  Dieu  connaît  dans  son  essence  les  actes 
libres  futurs  des  créatures,  soit  absolus  (qui  seront  un  jour),  soit  condi- 
tionnels (qui  seraient,  si  telle  condition  était  posée).  Dans  l'explication 
de  ce  mode  de  connaissance  il  y  a,  parmi*les  Scolasti|ques,  une  grande 
divergence  d'opinions. 

§  A.  —  EXISTENCE  DE  LA  SCIENCE  MOYENNE 

I.  —  Cette  science  existe  si  elle  a  un  objet  ayant  une  vérité  déter- 
minée. Or  il  en  est  ainsi.  En  effet  «  une  volonté  réelle  fera  librement 
demain  tel  acte  et  non  tel  autre  :  il  est  donc  vrai  dès  aujourd'hui,  il  fut 
toujours  vrai  et  il  le  sera  toujours,  que  tel  acte  aura  lieu  demain  de 
préférence  à  tel  autre.  Comme  il  s'agit  ici  de  l'acte  futur  concret  d'une 
volonté  concrète  dans  des  circonstances  concrètes,  il  suit  qu'une  telle 
volonté  fera  librement  l'acte  A  ou  qu'elle  fera  l'acte  B,  mais  qu'elle 
ne  restera  pas  indéterminée  en  fait  entre  B  et  A.  Or  ce  qui  est  vrai  de 
l'acte  libre  futur  d'une  volonté  existante  a  dû  l'être  d'abord  de  cet  acte 
possible,  et  semble  devoir  l'être,  de  la  même  façon  et  pour  la  même  raison, 
de  l'acte  libre  futurible  d'une  volonté  existante  ou  possible.  Cette  volonté 
est  en  effet  concrète,  et  on  la  suppose  placée  dans  des  circonstances 
concrètes  dans  lesquelles  elle  accomplirait  en  fait  un  acte  concret,  donc 
un  acte  d'une  vérité  déterminée  (^)  ». 

IL  —  Les  théologiens,  partisans  du  système  de  Bafies,  contestèrent 
l'existence  de  la  Science  moyenne.  Mais  ils  durent  s'incliner  devant  des 
faits  que  comme  catholiques  ils  ne  pouvaient  récuser.  On  leur  apporta 
des  exemples  tirés  de  la  Sainte  Écriture,  qui  montrent  que  Dieu  connaît 
avec  certitude  ce  qui  serait  arrivé  à  certains  personnages  bibliques  s'ils 
s'étaient  trouvés  dans  des  circonstances  différentes  de  celles  qui  ont  été 
réalisées.  Citons  un  de  ces  exemples  : 

David,  assiégé  par  Saûl  dans  la  ville  de  Coila,  craignait  d'être  livré 
par  les  habitants.  Il  alla  consulter  le  prophète  et  lui  dit  :  Si  je  reste,  me 
livreront-ils  ?  Inspiré  de  Dieu,  le  prophète  lui  répondit  :  Ils  vous  livre- 
ront. Tradent.  David  s'empressa  de  quitter  Ceila  {^).  Nous  savons  d'une 
science  certaine  (puisqu'elle  rep'ose  sur  un  oracle  divin)  que  David  eût 
été  livré  s'il  était  resté  dans  la  ville.  Donc  cette  proposition  condi- 
tionnelle a  une  vérité  objective  déterminée. 


( ')  Lahr-Picard,  Cours  de  Philosophie  :  Thkologie  rationnelle,  Partie  III.  Ch.  iv, 
p.   534. 

{■)  Premier  livre  des  Rois,  Ch.  xxiir,  v.  7-13. 


586  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  (82) 

§    B.    —    EXPLICATIONS    DIVERSES    DU    COMMENT 

Que  Dieu  connaisse  les  futuribles,  la  raison  voit  qu'il  en  doit  être 
ainsi,  parce  que,  étant  infinie,  sa  connaissance  s'étend  à  tout  le  connais- 
sable.  Qu'il  doive  les  connaître,  comme  tout  le  reste,  dans  et  par  son 
essence,  la  raison  le  voit  aussi  avec  évidence.  En  effet.  Dieu  étant  simple, 
infini,  immuable,  ne  peut  être  modifié,  ni  attiré  par  aucune  influence 
étrangère.  Son  intelligence  et  sa  volonté  ne  peuvent  donc  être  déter- 
minées par  l'action  des  objets  extérieurs.  Autrement  II  serait  dépendant 
et,  conséquemment,  imparfait.  De  toute  nécessité  l'unique  raison  de  sa 
science,  comme  de  ses  décrets,  ne  peut  se  trouver  qu'en  Lui-même, 
in  Seipso.  Mais,  si  le  fait  est  incontestable,  le  comment  reste  mystérieux. 
C'est  un  mystère  qu'une  intelligence  finie  ne  saurait  comprendre,  parce 
que  seul  l'infini  peut  égaler  l'infini.  On  a  imaginé  un  certain  nombre 
de  systèmes  pour  essayer  de  soulever  un  coin  du  voile. 

I.  —  Système  de  Banes  (^)  :  l'École  thomiste,  à  la  suite  deBANES 
(1528-1604),  célèbre  professeur  de  Théologie  à  l'Université  de  Sala- 
manque,  a  recours  à  la  prédétermination  ou  prémotion  physique  {^). 
Dieu  connaît  :  les  futurs  absolus  dans  les  décrets  par  lesquels  II  prédé- 
termine les  volontés  à  l'action  ;  les  futuribles  dans  des  décrets  prédéter- 
minants conditionnels^  c'est-à-dire  dans  des  décrets  qu'il  porterait  s'il 
lui  plaisait  de  réaliser  la  condition  mise  à  l'accomplissement  de  l'acte. 

Critique.  —  Ce  système  n'est  pas  admissible,  parce  que  : 

1"  La  Prédétermination  pJiysique  supprime  la  liberté  hiunaine.  Cette 
conséquence  ressort  avec  évidence  des  caractères  que  les  Thomistes 
attribuent  à  cette  prédétermination.  D'après  eux,  en  effet,  elle  est  : 

a)  Physique  et  non  morale  :  elle  influe  sur  la  volonté  en  lui  commu- 
niquant le  pouvoir  d'agir  et  non  en  l'attirant  par  sa  bonté  (^). 


'  (M  Cf.  pour  la  Bibliographie,  T.  I,  Psychologie,  §  205,  III,  note,  p.  381.  Le  Père 
ScHNEEMANN  (cians  l'ouvragc  cité  à  cette  page  381)  veut  prouver  que  le  système  de  la 
prédétermination  est  en  opposition  avec  la  doctrine  de  S.  Thomas  et  était  inconnu  de 
l'ancienne  École  thomiste.  Un  précieux  renfort  lui  est  venu  d'un  côté  d'où  on  ne  l'attendait 
guère.  Le  Père  Dominicain  Papagni,  maître  en  Théologie,  est  d'accord  avec  les  Jésuites 
pour  constater  «  combien  cette  fausse  doctrine  touchant  la  motion  divine  dans  les  créatures, 
introduite  après  coup,  corrompt  la  pensée  de  S.  Thomas  et  exerce  une  influence  pernicieuse 
sur  les  principales  matières  de  la  Philosophie  et  de  la  Théologie.  »  (La  mente  di  S.  Tommaso 
intorno  alla  mozione  divina  nelle  créature  e  le  quistioni  che  vi  hanno  rapporta,  p.  83-84, 
Bénévent,  1902).  Cf.  G.  Sortais,  Le  Déclin  d'iin  Système,  dans  Études  philosophiques 
ET  sociales,  p.  273-284,  et  dans  les  Études,  1905,  T.  I,  p.  704-710. 

(  ')  Cf.  Dominique  Banes,  Scholastica  Commentai-ia  in  Primam  Partem  Angelici  Doc- 
toris  :  Quœst.  XIV,  Art.  XIII.  Q.  XIV,  A.  VIII.  Q.  XXII,  A.  IV,  Salamanaue,  1584. — 
Diego  Alvarez,  De  Auxiliis  Divinae  Gratiœ  ethumaniarbitriiviribus  et  liberlate,ac  légitima 
ejus  cum  efficacia  eorundem  auxiliorum  Concordia  Libri  duodecim,  Disput.  V,  §  8-10. 
Disp.  XII  ;  XXII  ;  XXIII.  Rome,  1610.  —  Antoine  Goudin,  Philosophia  juxta  inconcussa 
tutissimaque  D.  Thomae  Dogmata,  Part.  IV,  Disput.  II,  Quacst.  III. 

{')  ...Est  praedeterminatio  physica,  qua  ex  parte  potentiae  efflcienter  proprie  movetur 
a  Dec  voluntas  ad  aliquid    volendum,   quaî  quidem  praedeterminatio  dicitur  physica,  slve 


(82)  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  587 

b)  Antérieure  à  Vacte,  car  elle  tombe  sur  la  faculté  en  puissance  pour 
la  compléter  et  l'appliquer  à  l'action  (^). 

c)  Intrinsèquement  efficace,  de  sorte  que  la  volonté  ne  peut  omettre 
l'acte  auquel  cette  prédétermination  la  meut  {^). 

Cette  solution  sauvegarde  la  toute-puissance  et  l'indépendance  de 
Dieu,  mais  en  sacrifiant  la  liberté  des  êtres  créés.  Si,  en  eiïet.  Dieu  déter- 
mine d'avance  que  je  ferai  tel  acte,  de  sorte  qu'un  acte  difîcrent  soit  de 
ma  part  métaphysiquement  impossible,  comment  peut-on  affirmer  que 
je  reste  maître  de  produire  ou  de  ne  pas  produire  cet  acte  prédé- 
terminé ?  (■') 

Les  distinctions,  imaginées  par  les  Thomistes  pour  énerver  la  force 
de  cet  argument,  sont  de  vaines  subtilités,  qui  ne  résistent  pas  à  l'exa- 
men. Voici,  par  exemple,  là  plus  célèbre  :  la  distinction  entre  le  sens 
composé  et  le  sens  divisé. 

A  cette  objection  :  posée  la  prémotion  physique  dans  la  volonté, 
l'acte  suit  nécessairement,  voici  la  réponse  la  plus  commune  parmi  les 
Thomistes  : 

Si  l'acte  est  considéré  du  côté  du  terme,  c'est-à-dire  de  la  volition, 
il  suit  nécessairement,  nous  le  concédons. 

Si  l'acte  est  considéré  du  côté  du  principe,  c'est-à-dire  de  la  volonté, 
il  suit  nécessairement,  nous  le  nions. 

Ils  expliquent  ainsi  cette  distinction  :  quand  nous  voulons,  nous 
voulons  nécessairement  quelque  chose,  car  nous  ne  pouvons  à  la  fois 
(c'est-à-dire  in  sensu  composito)  vouloir  et  ne  pas  vouloir.  Mais  notre 
volonté,  avant  d'agir,  a  le  pouvoir  de  vouloir  ou  de  ne  pas  vouloir 
(c'est-à-dire  in  sensu  divisa)  et  la  prémotion  lui  conserve  ce  pouvoir. 
Donc  la  volonté  se  meut  et  agit  librement,  parce  qu'elle  est  libre  par 
nature  (*). 


ad  iiioduiii  causae  physicae,  ut  coiulisUnv'uitur  coiiLra  illaiu  quae  est  soliini  luoralis... 
(Alvauicz,  De  Auxiliis...,  Disp.  XXII,  §  I.  —  Alvarez  passe  pour  être  de  beaucoup  le  plus 
remarquable  {facile  princeps)  des  Bannésiens. 

(')  Id,  per  ([uod  pnedeterminatur  voluntas,  neqne  est  formaliter  actus  seciindus,  nec 
simplicitcr  actus  priinus,  sed  médium  quoddam,  videlicet  ultimum  complementum  actus 
primi.  (Alvarez,  De  Auxiliis...,  Disp.  XXIII,  §  XXVII).  En  d'autres  termes,  la  pré- 
détermination physique  est  l'application  de  la  puissance  à  l'acte  second  (Applicatio  potenliae 
ad  aclum  secundum). 

(  -)  La  prémotion  est  dite  physique  :  quia  ex  propria  essentia  et  ab  intrinseco  est  efficax 
indfpendenter  a  (luocunque  creato  consensu...  Non  obstat  quod  per  decretum  divinum  et 
motionem    pryedeterminantem    vohmtas    determinelur    et    applicetur    ad    unum    actum 
(J.-B.  GoNET.  Clypeus  Theologiee  Thomislicœ,  Tractât.  V,  Disp.  VII,  Art.  V,  §  I   Notanduni 
tertio,   §  II  Non  obstat.) 

(')  Cf.  SuAREZ,  Opuscul.  De  Concursu,  Molione  et  Auxilio  Dei,  L.  III,  C.  xii,  §  6  sqq. 

(  ')  Viiluntate  certissime  libère  volumus  ;  sed,  cum  volumus,  infallibiliter  et  neces- 
sario  volumus  (nempe  in  sensu  cornposilo)  ■  non  enim  est  in  libertate  nostra  non  velle  cl 
velle  simul.  Hoc  est  ex  parte  termini.  Altamen  ex  parte  principii,  hoc  est  voluntatis.  scimus 
quod  licet  nostrum  nelle  non  possit  simul  componi  cum  non  velle,  est  tamen  in  nostra  potes- 


588  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  (82) 

Il  est  clair,  à  y  regarder  d'un  peu  près,  que  cette  explication  ne  résout 
pas  la  difficulté.  Car,  qu'importe  que  la  volonté  garde  radicalement 
la  faculté  de  vouloir  ou  de  ne  pas  vouloir,  si,  posée  la  prémotion  divine, 
il  répugne  métaphysiquement,  de  l'aveu  des  Thomistes  (§  B,  I,  !«,  c) 
que  l'acte  prédéterminé  par  Dieu  n'arrive  pas.  Bref,  très  libre  en  elle- 
même,  par  nature,  quand  elle  n'agit  pas,  la  volonté,  en  fait,  ne  peut 
jamais  agir  librement,  parce  que  la  prémotion  la  prédétermine  à  une 
seule  chose. 

20  La  Prédétermination  physique  est  inconciliable  avec  la  sainteté 
de  Dieu,  car  Banes  enseigne  que  tout  effet  est  voulu  absolument  par  Dieu, 
même  le  mal.  «  Toute  opération  du  libre  arbitre  se  rapporte  à  Dieu 
comme  à  sa  cause,  et  par  conséquent  doit  être  soumise  à  la  divine  Provi- 
dence. Donc,  sous  la  divine  Providence,  tombe  toute  opération  du  libre 
arbitre,  même  le  péché,  directement  en  tant  qu'il  est  opération,  d'une 
manière  permissive,  en  tant  qu'il  s'écarte  de  la  règle  de  la  raison.  Et  c'est 
ainsi  que  se  vérifie  cette  parole  des  Proverbes,  Ch.  xvi,  v.  4  :  Universa 
propter  semeptisum  operatus  est  Dominus,  impium  quoque  in  diem 
malum  (^)  ;  c'est-à-dire  II  a  créé  tel  homrtie  qu'il  a  voulu  permettre 
impie,  afin  de  montrer  sa  justice  au  jour  du  jugement  par  la  juste 
condamnation  de  cet  homme  {^).  » 

Baîïes  ne  dit  pas  :  Dieu  a  permis  que  tel  homme  fût  impie,  mais 
Dieu  a  voulu  permettre.  Il  ne  s'agit  donc  pas  d'une  attitude  purement 
permissive  qui  laisse  à  la  volonté  humaine  la  responsabilité  de  l'exis- 
tence ou  de  la  non-existence  de  l'acte  mauvais  qui  dépend  de  son  libre 
arbitre.  Dans  cette  conception.  Dieu  coopère  au  mal,  ce  qui  répugne 
à  sa  sainteté.  Dieu,  en  effet,  veut  absolument  que  tel  acte  ait  lieu,  parce 


late  ponere  potius  velle  quain  non  veUe  ;  quocirca,  in  sensu  diviso,  veUe  et  non  velle  in 
nostra  potestate  sunt.  Porro  praemotio  divina,  ratione  suœ  universalitalis  et  efficacitatis, 
ut  dictum  est  supra,  potestatem  sic  conservât  in  voluntate,  ac  si  voluntas  concipiatttr 
omnino  independens  a  quocumque  sive  influxu  sive  concursu  :  ratio  est  quia,  ut  pluries 
jam  diximus  et  saRpe  est  dicendum,  praemotio  non  movet  ad  operationem  simpliciter,  sed 
ut  reduplicative  modiflcata  a  natura  voluntatis  (31,  V,  Quo  sensu  motio  moventis).  Sed 
voluntas  non  polest  libère  agere  nisi  educatur  ad  agendum  ex  sua  nativa  potentialitate, 
id  est  nisi  praemoveatur,  sicut  lignum  calefactuin  calefacit,  sed  non  potest  calefacere  nisi 
praecaleflat  {Ibid.,  Traditur).  Perfectissime  ergo  se  niovet  et  libère  agit,  quia  libéra  natura 
est.  (Th. -M.  Zigliara,  Summa  philosophica  in  usum  Scholarum,  T.  Il,  Ttteologia  naiuralis, 
L.  Ill,  C.  IV,  Art.  VII,  §  II,  Obieciio  tertia.) 

(  ')  Jéhovah  a  tout  fait  pour  son  but,  et  le  méchant  lui-même  pour  le  jour  du  malheur. 
(Traduct.  de  Crampon).- 

( -)  Nihilominus  actusiiberi  arbitrii  reducitur  in  Deum sicut  in  causam  :unde  necesse  est 
ut  divinae  providentiae  subjiciatur  ;  ergo  sub  divina  providentia  cadit  omnis  operatio  liberi 
arbitrii,  etiam  peccati,  directe  quidem  quatenus  operatio  est,  permissive  vero  qualenus 
deflciens  est  a  régula  rationis.  Et  ila  verificatur  ilUid  Prov.  XVI  :  Universa  propter  semel- 
ipsum  operalus  est  Dominus,  impium  quoque  in  diem  malum  :  scilicet  eatenus  creavit 
hominem  aliquem,  quem  voluit  permittere  impuim  esse,  ut  in  die  judicii  ostenderet  justi- 
tiam  suam  in  ejus  condemnationc  justa  (Banes,  Scholastica  Commeniaria  in  Primam 
Parlem  Angelici  Doctoris,  Qua;st.  XXIII,  Art.  III,  p.  271,  C,  col.  1,  Douai,  1614). 


(82)  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  589 

qu'il  a  la  volonté  de  manifester  sa  justice  en  condamnant  cet  homme  ; 
et,  parce  que  la  faute  de  cet  homme  est  nécessaire  à  Ig^  production  de 
l'acte,  Dieu  la  permet.  Il  y  a  donc  connexion  entre  la  volonté  divine  et 
l'acte  mauvais. 

L'exemple  que  Banes  apporte  pour  justifier  la  conduite  de  Dieu  ne 
fait  que  mieux  ressortir  l'odieux  de  son  système,  en  manifestant  les 
conséquences  répugnantes  auxquelles  il  aboutit  logiquement.  «  Par 
exemple,  dit-il,  Dieu  est  cause  voulante  et  efficiente  d'un  acte  de  haine 
de  Dieu,  et  la  volonté  humaine  est  cause  volontaire  et  efficiente  du 
même  acte.  Mais  la  volonté  de  l'homme  est  mauvaise,  parce  qu'elle 
produit  un  tel  acte  sans  la  règle  de  la  raison,  bien  plus  contre  la  règle 
et  la  loi  de  Dieu.  Quant  à  la  volonté  de  Dieu,  elle  est  bonne,  lorsqu'il 
veut  que  cet  acte  ait  lieu  en  permettant  la  défaillance  de  la  cause 
seconde,  afin  d'en  tirer  quelque  plus  grand  bien  par  la  manifestation 
de  sa  justice  ou  de  sa  miséricorde  (^).  »  Voilà  où  en  arrive  Baiïes  :  Dieu 
veut  et  fait  dans  tel  homme  l'acte  de  haïr  Dieu.  Pourquoi  cette  volonté 
et  cette  opération  de  Dieu  sont-elles  bonnes  ?  Parce  que  Dieu  veut 
manifester  par  là  sa  justice  vindicative.  Mais,  alors,  que  Banes  fait-il 
du  principe  :  on  ne  doit  pas  faire  le  mal  pour  obtenir  le  bien  ?  Non  sunt 
facienda  mala  ut  eveniant  hona  ?  Ou  bien  faut-il  préconiser  la  maxime 
impie  :  La  fin  justifie  les  moyens  ? 

D'ailleurs,  la  prémotion  physique  n'est  pas  moins  contraire  à  la 
bonté  de  Dieu  qu'à  sa  sainteté.  Cela  ressort  clairement  de  ce  que  dit 
Banes  :  vg.  «  L'acte  de  la  divine  volonté  relatif  à  la  permission  du 
péché  des  réprouvés  et  à  la  soustraction  du  secours  efficace  avec  lequel, 
ou  ils  ne  pécheraient  pas,  ou  ils  feraient  pénitence,  doit  être  expliqué 
comme  un  acte  affirmatif  et  non  pas  seulement  négatif.  C'est  pourquoi 
Dieu  a  eu  cet  acte  de  toute  éternité  :  Je  veux  permettre  ces  péchés  ; 
je  ne  veux  pas  donner  à  quelques-uns  des  secours  tels  que,  s'ils  les 
recevaient,  ils  ne  pécheraient  pas  (^).  » 

Les  conséquences  du  système  de  Banes  sont  si  dures  que  ses  dis- 


(  MV.g.  Deus  est  volens  et  efficiens  causa  actus  odii  Dei,  et  voluntas  humana  est  causa 
«jusdem  actus  voluntaria  et  efficax.  At  vero  voluntas  hominis  mala  est,  quia  talem  actuni 
exercet  sine  régula  rationis,  imo  contra  regulam  et  legem  Dei  ;  Deus  autem  bona  voluntate 
vult  fieri  illum  actum  permittens  defectum  causae  secundae  in  ipso,  ut  inde  aliquod  majus 
bonum  faciat,  se.  ut  ostendat  bonitatein  suam  juste  puniendo  et  magis  miserendo  respectu 
aliorum.  vcl  etiam  respectu  ejusdem  si  praedestinatus  fuerit  (Banes,  Ibidem,  Q.  XXIII, 
A.   III,   p.   270-271). 

(  ')  Actus  divinae  voluntatis  circa  permissionem  peccati  reproborum  et  circa  substrac- 
tionem  auxilii  efficacis,  quo  posito  non  peccarent,  vel,  si  peccarent,  pœnitentiam  agerent, 
affirmative  explicari  débet  et  non  solum  négative.  Itaque  Deus  habuit  hune  actum  ab 
aeterno  :  volo  permittere  haec  peccata,  volo  quibusdam  non  dare  auxilia,  quae  si  reciperent, 
non  peccarent.  (Banes,  Ibidem,  Q.  XXIII,  A.  III,  p.  270,  col.  1,  §  Secunda  condusio.) 


590  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  (82) 

ciples  se  sont  évertués  à  en  tempérer  la  dureté  :  mais  ils  n'y  parviennent 
qu'en  «  faussant  compagnie  à  la  logique  »  (^). 

II.  —  Système  de  Leibniz  :  à  ses  yeux  les  futurs  conditionnels  sont 
des  possibles  comme  les  autres.  Dieu  les  connaît  donc  par  la  science  de 
simple  intelligence.  «  Toutes  les  liaisons  des  actions  de  la  créature  et 
de  toutes  les  créatures  étaient  représentées  dans  l'entendement  divin 
et  connues  à  Dieu  par  la  science  de  la  simple  intelligence,  avant  qu'il 
eût  décerné  de  leur  donner  l'existence.  Ce  qui  fait  voir  que,  pour  rendre 
raison  de  la  prescience  de  Dieu,  on  peut  se  passer  tant  de  la  science 
moyenne  des  Molinistes,  que  de  la  prédétermination,  telle  qu'un  Banes 
ou  un  Alvarez  (auteurs  d'ailleurs  fort  profonds)  l'ont  enseignée  (^).  » 
Et  Leibniz  en  donne  cette  raison  :  «  Car  il  suffit  que  la  créature  soit 
prédéterminée  par  son  état  précédent,  qui  l'incline  à  un  parti  plus  qu'à 
l'autre  (^).  »  Les  actes  de  la  volonté  humaine  étant  ainsi  prédéterminés^ 
rien  d'étonnant  que  Dieu  puisse  les  connaître  avec  certitude. 

Critique  :  1°  Le  futur  conditionnel  a  une  objectivité  d'un  caractère 
irréductible,  qui  lui  est  propre.  C'est  moins  qu'un  «  futur  »,  parce  que 
son  existence,  comme  celle  de  la  condition  dont  il  dépend,  reste  indéter- 
minée. C'est  plus  qu'un  «  possible  »,  parce  que  non  seulement  on  doit 
dire  de  lui  qu'il  peut  exister,  mais  encore  qu'il  existera  si  la  condition 
dont  il  dépend  est  réalisée.  C'est  donc  à  tort  que  Leibniz  le  ramène  à 
un  pur  possible  et   conséquemment  à  la  science  de  simple  intelligence, 

20  Leibniz  fait  de  la  prédétermination  psychologique  la  description 
suivante  :  «  ...Nous  suivons  toujours  en  voulant  le  résultat  de  toutes  les 
inclinations  qui  viennent  tant  du  côté  des  raisons  que  des  passions  ; 
ce  qui  se  fait  souvent  sans  un  jugement  exprès  de  l'entendement.  Tout 
est  donc  certain  et  déterminé  par  avance  dans  l'homme,  comme  partout 
ailleurs,  et  l'âme  humaine  est  une  espèce  d'automate  spirituel,  quoique 
les  actions  contingentes  en  général  et  les  actions  libres  en  particulier 
ne  soient  point  nécessaires  pour  cela  d'une  nécessité  absolue,  laquelle 
serait  véritablement  incompatible  avec  la  contingence  (*).  » 

Cette  prédétermination  est  inconciliable  avec  la  notion  de  la  liberté 
qui  consiste  à  pouvoir  choisir  entre  les  alternatives  contraires.  Si,  en 
effet,  <(  tout  est  déterminé  par  avance  dans  l'homme,  comme  partout 
ailleurs  »  et  si,  conséquemment,  «  nous  suivons  toujours  le  résultat  de 
toutes  les  inclinations  »,  il  est  clair  qu'il  ne  reste  plus  de  place  pour  le 
choix,  car  nos  actes  sont  la  résultante  nécessaire  de  nos  raisons  et  pas- 
sions antécédentes  :  ou,  comme  le  dit  expressément  Leibniz,  «  la  créature 


(  ')  Cf.  Th.  de  Régnon,  Danez  et  Molina,  L.  II,  §  III  et  IV,  p.  87-100. 

(  *)  (  ')  Leibniz,  Essais  de  Théodicée  sur  la  bonlé  de  Dieu,  la  liberté  de  l'homme  et  l'origine 
du  mal,  I"  Partie,  §  47,  Œuvres,  Édit.  Janet,  T.  II,  p.  111. 

(♦)  Leibniz,  Essais  de  Théodicée...,  Partie  I,  §  51,  52,  T.  II,  p.  113.  C'est  nous  qui 
soulignons. 


(82)  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  591 

est  prédéterminée  par  son  état  précédent  qui  l'incline  à  un  parti  plus 
qu'à  l'autre  ».  Ces  derniers  mots  visent  à  sauvegarder  la  liberté.  Mais 
il  y  a  là  une  équivoque  qu'il  faut  dissiper. 

D'après  Leibniz,  en  suivant  le  motif  «  prévalent  »,  c'est-à-dire  le 
plus  fort,  la  volonté  reste  libre,  parce  qu'elle  le  suit  volontiers,  avec 
plaisir,  sans  contrainte,  bref,  parce  que  «  nous  ne  voulons,  à  la  vérité, 
que  ce  qui  nous  plaît  »  (^).  Mais,  dans  ces  conditions,  la  volonté  n'est  pas 
simplement  inclinée,  elle  est  réellement  nécessitée.  Car,  nous  n'avons 
beau  faire  «  que  ce  qui  nous  plaît  »,  de  l'aveu  même  de  l'auteur  «  nous 
suivons  toujours  »,  (donc  nécessairement)  «  en  voulant,  le  résultat  de 
toutes  les  inclinations  qui  viennent  tant  du  côté  des  raisons  que  des 
passions  ».  C'est  dire  :  nous  cédons  à  une  nécessité  inévitable,  mais 
avec  plaisir,  parce  que  le  motif  «  prévalent  »  agit  toujours  par  manière 
d'attrait.  A  ce  compte,  il  faudrait  dire  que  les  hommes  tendent  librement 
vers  le  bonheur,  parce  qu'il  leur  plaît  de  le  rechercher  (Psych.,  211). 
Gomme  si  le  plaisir  n'accompagnait  pas  aussi  bien  les  actes  nécessaires 
que  les  actes  libres  ! 

III.  —  Système  de  Suarez  :  d'après  le  Docteur  éminent  et  un  grand 
nombre  de  Scolastiques,  Dieu  connaît  les  futurs  conditionnels  en  eux- 
mêmes,  c'est-à-dire,  non  pas  dans  sa  volonté,  ni  dans  la  volonté  humaine, 
ni  dans  l'influence  des  motifs,  mais  dans  leur  vérité  objective.  On  démontre 
ainsi,  d'après  Suarez,  que  les  futurs  conditionnels  sont  objectivement 
vrais  :  de  deux  propositions  conditionnelles  contradictoires,  vg.  si 
Pierre  était  placé  dans  telles  circonstances,  il  pécherait,  il  ne  pécherait 
pas,  l'une  est  déterminément  vraie  et  l'autre  déterminément  fausse. 
Il  est  impossible  en  eiïet  que  toutes  deux  soient  vraies  ou  toutes  deux 
fausses,  car  ou  il  pécjierait  ou  ne  pécherait  pas  ;  il  ne  pourrait  en  même 
temps  et  sous  le  même  rapport  pécher  et  ne  pas  pécher.  Son  acte  serait 
donc  déterminément  un  péché  ou  la  négation  du  péché,  parce  qu'un 
acte  ne  peut  être  indéterminé.  Par  conséquent,  les  futurs  conditionnels 
ont  une  vérité  déterminée,  objective  (^). 

L'intelHgence  infinie,  qui  voit  toute  vérité,  sait  laquelle  des  deux 
propositions  conditionnelles  contradictoires  est  vraie,  laquelle  est  fausse. 
Ceci  posé,  il  s'agit  de  savoir  comment  Dieu  connaît  les  futurs  condi- 
tionnels. Voici  la  réponse  des  Suaréziens. 

L'intelHgence  divine  est  déterminée  par  elle-même  à  connaître  tout 
ce  qui  est  vrai,  donc  non  seulement  ce  qui  est  ou  peut  être,  mais  encore 
ce  qui  sera  ou  serait,  posée  telle  condition.  Dans  cette  connaissance  des 


(M  Leibniz,  Essais  de  Théodicée...,  III«  Partie,  §  289,  T.  II,  p.  274. 

(  ")  Cf.  Suarez,  Opuscul.  De  Sdenlia  Dei  futurorum  conlingentium,  L.  II,  C.  V,  §  13.  — 
Diego  Ruiz  de  Montoya,  De  Scientia,  de  Ideis,  de  Veritate  ac  Vila  Dei,  Disp.  LXXV, 
Paris,    1600. 


592  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  (88) 

futurs,  comme  dans  toute  intellection  divine,  l'essence  de  Dieu  est  la 
seule  cause  déterminante  de  la  connaissance,  en  tant  que  cette  essence 
a  une  puissance  cognitive  infinie  et  représente  tout  ce  qui  est  vrai, 
à  la  manière  d'une  espèce  intelligible.  C'est  pourquoi  l'on  dit  que  Dieu 
connaît  les  futurs  conditionnels  en  eux-mêmes,  non  pas  en  ce  sens  qu'ils 
déterminent  l'intelligence  divine  à  connaître,  mais  parce  que  leur  vérité 
objective  est  le  terme  immédiat,  c'est-à-dire  sans  aucun  intermédiaire,, 
de  l'intuition  divine.  Par  conséquent,  cette  vérité  objective  des  futurs 
conditionnels  n'est  pas  du  tout  la  cause  de  leur  connaissance  par  Dieu, 
mais  seulement  la  condition  sans  laquelle  ils  ne  pourraient  être 
connus  (^). 

Critique  :  il  est  certain  que  les  futurs  conditionnels  ayant  une  vérité 
objective  ne  peuvent  pas  ne  pas  être  connus  de  Dieu  dont  l'intelligence 
est  infinie,  et  connus  dans  son  essence  qui  représente  tout  ce  qui  est  vrai. 

Cette  réponse  résout  bien  la  question  de  jait  :  Dieu  connait-il  les 
futurs  conditionnels  ?  mais  elle  ne  tranche  pas  la  difficulté  dont  l'on 
réclame  présentement  la  solution  :  Comment  Dieu  les  connaît-il  ? 
En  effet,  «  l'essence  divine,  en  tant  que  cause  exemplaire  et  les  idées  divines 
elles-mêmes  représentent  les  futurs  conditionnels  seulement  comme  de 
purs  possibles.  Or  ici  nous  cherchons  sous  quel  aspect  l'essence  divine 
peut  être  considérée  comme  représentative  de  ces  futurs.  A  cette  ques- 
tion le  système  de  Suarez  ne  répond  pas  »  {^). 

Aussi  des  disciples  du  Docteur  éminent  se  sont-ils  appliqués  à  combler 
cette  lacune  en  indiquant  sous  quel  aspect  l'essence  divine  doit  être 
envisagée.  D'après  eux,  Dieu  connaît  les  futurs  conditionnels  dans  son 
essence  en  tant  qu'elle  est  identifiée  avec  le  concours  qu'il  donnerait 
à  ces  actes  s'ils  étaient  réalisés  (^).  Assurément,  il  y  a  là  une  indi- 
cation précise.  Elle  répondrait  bien  à  la  question  pendante,  si  une  grave 
difficulté,  qu'on  n'a  pas  encore  réussi  à  résoudre  complètement,  ne  lui 
avait  été  opposée.  Dieu,  objecte-t-on,  ne  peut  voir  un  acte  libre  dans  le 
concours  ou  coopération  qu'il  lui  prêterait.  Ce  concours  en  effet  dépend 
de  la  libre  élection  de  la  volonté.  Cette  élection  a  une  priorité  logique 
ou  de  nature  sur  le  concours.  Dieu  devrait  donc  voir  d'abord  l'élection 
de  la  volonté,  puis  le  concours.  Il  ne  peut  par  conséquent  voir  l'acte 
libre  dans  le  concours. 


(•)  Cf.  SuAREZ,  Op.  De  Scienlia...,  L.  II,  C.  vu,  §  15.  L.  I,  §  VIII. 

(  ^)  Essentia  divina,  ut  est  caiLsa  exemplaris  et  ideœ  ipsae  non  repraesentant  haec  futura 
nisi  tanquam  mère  possibilia.  Nos  igitur  hic  quaîriinus,  sub  qun  ratione  considerata  essentia 
ilivina  ea  repraesentet,  tanquam  quae  actu  vel  sunt  futuravel  positaconditioneessent  futura. 
Ail  hano  igitur  quaestionem  in  hac  sententia  non  respondetur.  (J.  Kleutgen,  Instilutiones 
theologicœ,  T.  I,  De  Ipso  Deo,  §  548,  p.  321-322,  Ratisbonne,  s.  d.  (1881). 

( ')  Cf.  H.  SCHAAF,  Instituliones  Theologiœ  naturalis,  in  usum  privalum  Audilorum 
l'niversitatis   Gregorianœ,  Rome,  1906,    §  470,  p.  513-515. 


(82)  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  593 

Un  distingué  professeur  à  l'Université  Grégorienne,  le  Père  H.  Schaaf, 
partisan  de  ce  système  ainsi  complété,  atténue  la  difficulté  par  des  expli- 
cations qu'il  serait  trop  long  de  rapporter  ;  mais  il  avoue,  de  bonne 
grâce,  qu'elle  n'est  pas  pleinement  résolue  (^). 

IV.  — ^^  Système  de  Bellarmin  :  Dieu  connaît  les  actes  futurs 
absolus  et  les  actes  futurs  conditionnels  dans  la  cause  libre  elle-même 
qui  les  posera  ou  les  poserait.  Sans  doute,  aucune  intelligence  créée, 
finie,  ne  peut,  en  examinant  les  antécédents  d'une  volonté  libre  et 
ses  inclinations  actuelles,  prévoir  avec  certitude  la  décision  qu'elle 
prend  ou  prendrait.  La  conclusion  de  cet  examen  ne  sera  que  plus  ou 
moins  probable.  Mais  l'intelligence  infinie  de  Dieu,  connaissant  à  fond 
les  êtres  qu'il  a  doués  de  liberté,  voit  d'une  façon  infaillible  ce  qu'ils 
feront  ou  feraient  dans  telles  circonstances  (^).  Pour  voir  dans  la  cause 
libre  quel  choix  elle  fera,  aucune  intelligence  créée,  si  compréhensive 
qu'on  la  suppose,  ne  le  peut  ;  il  y  faut  la  compréhension  suréminente 
qui  est  le  privilège  de  Dieu  et  que  l'on  8L\ipe\le  \)a.rïois  surcompréhensioit, 
pour  marquer  sa  supériorité  transcendante  (^). 


{  M  Veruni  tamen  semper  manet,  a  voluntate  actum  liberum  ut  a  causa  eligente  et  hoc 
sensu  ratione  prius  procedere...  Jam  vero  etsi  nos  cognoscamus  certo,  Deum  debere  concur- 
sum  suum  accommodare  voluntati,  tamen  non  perfecte  cognoscimus  modum  influendi  istius 
dupl.icis  causse  [Deus  et  voluntas]  in  actum  liberum,  et  sic  mirum  non  potest  esse,  nos 
neque  clare  cognoscere  quomodo  Deus  in  sua  cooperatione  actum  liberum  videat.  Quare 
concedimus  residuum  obscuritatis  et  difficultatis  remanere.  Ex  alia  tamen  parte,  clare 
perspicitur  ratio  difficultatis,  nempe  dependentia  actus  a  voluntate,  ut  a  causa  eligente, 
quae  dependentia  negari  nequit.  Sic  hœc  difflcultas  obstare  nequit  quominus  hanc  ulteriorem 
explicationem  modi,  quo  Deusfuturibilia  in  suaessentia  cognoscat,  amplectamur  (H.  Schaaf 
Ibidem,  p.   116,  y*- 

( ')  Deus  igitur  quia  perfecte  cognoscit  omnes  propensiones  et  totum  ingenium  auimi 
nostri,  et  rursus  non  ignorât  oninia  quae  illi  possunt  occurrere  in  singulis  deliberationibus 
et  denique  perspectum  habet  quid  magis  congruum  et  aptum  sit,  ut  moveat  talem  animum 
tali  propensione  et  ingenio  praeditum,  infallibiliter  colligit  quam  in  partem  sit  Chimus 
inclinaturus  (Bellarmin,  Controversia  de  Gratia  et  Libero  Arbitrio,  L.  IV,  C.  xv,  §  Deus, 
igitur).  Au  Chapitre  xvi,  Bellarmin  indique  une  autre  solution  :  .Tuxla  sententiam  S.  Thomae, 
qui  docet  cooperationem  divinam  ita  concurrere  cum  secundis  causis  ctiam  liberis,  ut  non 
solum  eis  dederit  et  conservet  virtutes  opératrices,  sed  etiam  eas  moveat  et  applicet  adopus. 
Il  dit  que  ctitte  solution  est  «  peut-être  plus  probable  ».  Portasse  probabilior. 

( ')  Neque  en\m  ad  intuendum  in  re  libéra  in  quam  partem  se  inflectet  satis  est  illius 
comprehcnsio,  neque  quaecumque  major  comprelaensio  quam  sit  rcs  comprehensa,  sed 
necessaria  est  altissima  atque  eminentissima  comprehensio  qualis  In  solo  Deo  comparatione 
creaturarum  reperitur.  (Ludovigus  Molina,  Concordia  Liberi  Arbitrii  cum  Graliee  Bonis, 
Divina  Prœscientia,  Providenlia,  Prœdestinatione  et  Reprobatione,  ad  nonnullos  Primes 
Partis  Divi  Thomx  Arliculos,  Q.  XIV,  Art.  XIII,  dans  l'édition  princeps  de  Lisbonne  1588, 
Disp.  L,  §  Quœrel,  p.  .3.31  ;  dans  les  éditions  postérieures,  Disp.  LU,  Paris,  1876,  p.  319.  — 
Cf.  Commenlaria  in  Primam  Divi  Thomae,  Q.  XIV,  A.  XIII,  Disp.  XIV,  §  Secundo  Deus, 
p.  21 1,  col.  1,  Lyon,  1593.  Sur  Molina,  cf.  G.  Sortais,  Histoire  de  la  Philosophie  ancienne.... 
n.  86,  §  m.  —  On  ne  peut  dire  avec  certitude  que,  selon  Molina,  Dieu  connaît  les  futurs 
dans  les  causes  libres,  parce  que,  à  côté  de  textes  qui  semblent  l'indiquer,  comme  celui  cité 
plus  haut,  d'autres  affirment  clairement  que  c'est  dans  l'essence  divine.  Cf.  Concordia..., 
Édit.  de  Paris,  Disp.  L,  §  Juxta,  p.  302.  —  Avant  Bellarmin,  le  cj^rdinal  Toledo  avait 
esquissé  la  même  solution  ;  Et,  salvo  meliori  judicio,  puto  quod  Deus  factor  omnium 


594  CONNAISSANCE    DES    FUTURS    CONDITIONNELS  (82) 

Critique  :  la  connaissance  parfaite,  que  Dieu  a  de  tous  les  antécé- 
dents d'une  volonté  libre  qui  délibère  avant  d'agir,  ne  peut  lui  révéler  in- 
failliblement la  décision  que  cette  volonté  prendra,  parce  que,  cette  dé- 
cision n'existant  pas  encore  dans  ces  antécédents.  Dieu  ne  peut  l'y  voir. 
Par  ce  moyen  Dieu  n'aurait  donc  des  actes  futurs  qu'une  science  conjec- 
turale et  non  absolue. 

Sans  doute,  quand  une  volonté  est  très  fortement  inclinée  vers  tel 
parti,  l'homme  (et  Dieu  a  fortiori)  peut  prévoir  avec  une  certitude  morale. 
ce  qu'elle  fera.  Mais,  absolument  parlant,  puisque  cette  volonté  est 
libre,  elle  peut  prendre  le  parti  contraire.  C'est  pourquoi  cette  certitude 
morale,  étant  compatible  avec  l'erreur,  ne  saurait  suffire.  Il  faut  une 
certitude  métaphysique,  qui  ne  peut  résulter  de  la  connaissance,  même 
suréminente,  des  antécédents  d'un  acte  libre,  parce  que,  comme  on  l'a 
dit,  la  décision  que  prendra  une  volonté  délibérant  avant  d'agir  n'est 
pas  formellement  contenue  dans  ces  antécédents. 

11  convient  cependant  de  citer  ici  une  remarque  pénétrante  de 
KleutgÉn.  On  pourrait  peut-être,  dit-il,  répondre  à  la  critique  précé- 
dente que  seule  la  liberté  divine  est  absolue,  tandis  que  la  liberté  humaine 
est  réglée  par  une  loi  qui  en  limite  la  portée.  Cette  limitation  provient  non 
pas  de  la  volonté  de  Dieu,  mais  de  la  nature  même  des  êtres  créés  qui 
est  essentiellement  bornée.  Or  Dieu  connaissant  l'étendue  de  cette  loi 
pour  chaque  volonté  libre,  peut  savoir  avec  une  certitude  absolue  ce 
qu'elle  fera  dans  telles  ou  telles  circonstances.  Kleutgen  se  contente  de 
suggérer  cette  solution,  laissant  à  d'autres  le  soin  d'en  apprécier  la 
valeur  (^). 

Il  y  a  peut-être  là  un  filon  à  explorer.  Nous  avons  fait  observer, 
en  Psychologie  (209,  §  III),  que  notre  volonté,  avant  d'agir,  doit 
compter  avec  tout  un  ensemble  de  conditions  :  le  tempérament,  les 
aptitudes  héréditaires,  la  sensibilité  plus  ou  moins  ardente,  l'intelli- 
gency^  plus  ou  moins  vive,  les  habitudes  acquises,  l'éducation,  l'influence 
du  milieu,  les  circonstances  du  moment.  Cela  prouve,  non  pas  que  le 
libre  arbitre  est  une  chimère,  mais  qu'il  a  des  limites,  qu'il  est  condi- 
tionné. Or  Dieu   sait  tout  cela  :  il  connaît  la  mesure  d'influence  actuelle 


volunlalum  cognoscit  in  ipsis  certo  qiiid  debeant  eligere,  et  id  vuH  esse  futurum,  et  id 
praevidet.  (In  Summam  Theologiœ  S.  Thomœ  Aquinaiis  Eiiarratio,  Q.  XIV,  A.  XIII,  T.  I, 
p.  232,  col.  2,  vers  la  fin,  Rome,  1869). 

(M  Responderit  quispiam  soluin  divinnm  arbitrivim  prorsus  esse  absolutum,  creatuin 
vero  eatenus  sub  lege  quadam  constitiituiii,  ([iiateniis  volunlas  liaec  singularis  in  his  rerum 
adjunctis,  elsi  in  utramque  partem  niovere  se  possit,  certissinie  tainen  hanc  prae  illa  eligat  ; 
ejusmodi  autein  legem,  non  volunlate  divina  sed  rerum  natura  positam,  non  cognosci  nisi 
a  Deo  oiiinia  in  sua  essentia  contemplante.  Veruintamen  annon  hac  lege  simili  modo  atque 
decreto  intrinseco,  quod  Scotus  tradidisse  multis  videtur,  libertas  e  medio  tollatur,  aiii 
judicent.  (Kleutgen,*  Insliluliones...,  Ibidem,  n.  551,  p.  324-325). 


(83)  AMOUR,    BONTÉ,     VÉRACITÉ    DE    DIEL  595 

exercée  par  chacun  de  ces  éléments,  les  dispositions  présentes  de  la 
volonté,  le  degré  de  sa  puissance,  la  quantité  de  ses  forces  disponibles. 
Au  moment  d'agir  la  volonté  est  inclinée  par  un  motif  dominant.  Elle 
n'est  pas  prédéterminée  par  lui,  comme  le  soutient  à  tort  Leibniz  ;  mais, 
par  son  choix,  son  acquiescement,  elle  le  fait  sien  et  de  dominant  le 
rend  dominateur  .  Si  des  hommes  perspicaces  peuvent  prévoir  avec  une 
certitude  morale  le  parti  que  prendra  telle  volonté  dans  telles  circon- 
stances déterminées,  pourquoi  la  science  infinie  de  Dieu  ne  le  pourrait- 
elle  pas  avec  une  certitude  absolue  ? 

Conclusion.  —  Des  diverses  solutions  proposées  jusqu'ici  aucune 
n'est  pleinement  satisfaisante.  On  ne  peut  que  souscrire  à  cette  sage 
conclusion  de  Bellarmin  :  «  Savoir  de  quelle  manière  Dieu  connaît 
d'avance  les  futurs,  c'est  chose  tout  à  fait  difficile  et  peut-être  incom- 
préhensible en  cette  vie  (^).  » 

Mais  c'est  encore  le  cas  de  rappeler  que  «  l'ignorance  du  mode  ne 
détruit  pas  la  certitude  du  fait  ».  I gnorantia  modi  non  tollil  certitudinem 
jacti. 

83.  —  §  B.  AMOUR,  BONTÉ,  VÉRACITÉ 

A)  —  L'homme  n'est  pas  seulement  un  être  doué  d'intelligence, 
mais  de  sensibilité  ;  non  seulement  il  pense,  mais  il  aime.  L'amour 
humain  est  une  tendance  instinctive  qui  nous  pousse  vers  un  bien 
connu.  Il  est  souvent  imparfait,  s'aveugle  et  s'égare.  Alors  même  qu'il 
reste  dans  l'ordre,  il  est  toujours  mélangé  de  crainte  et  d'espérance. 
Mais,  en  soi,  l'amour  est  une  perfection,  car  c'est  un  mouvement  de 
l'àme  qui  la  porte  à  s'unir  au  bien.  Éliminons  les  misères  qui  le  déparent 
et  les  limites  qui  le  bornent  dans  l'homme,  et  ainsi  épuré  attribuons-le 
à  Dieu. 

Dieu  s'aime  d'abord  lui-même  :  étant  le  bien  infini  et  se  connaissant 
comme  tel,  il  s'aime  nécessairement  d'un  amour  adéquat  à  son  objet, 
d'un  amour  infini.  L'intelligence  et  l'amour  s'appellent.  De  même  que 
Dieu  a  une  intelligence  où  la  vérité  est  éternellement  comprise,  ainsi  il  a 
une  volonté  où  le  bien  est  souverainement  aimé.  Bien  plus,  pour  parler 
exactement,  c(^mme  en  Dieu  les  perfections  ne  se  distinguent  pas  de  son 
essence,  mais  constituent  son  essence  même  toujours  en  acte,  il  faut  dire 
que  Dieu  est  l'amour  parfait,  comme  il  est  la  science  infinie. 

Dieu  en  contemplant  son  essence  connaît  en  elle  toute  chose  ;  de 
même  en  s'aimant  il  aime  tous  les  êtres  en  lui-même  et  pour  lui-même. 


(  ')  Res  est  omnino  difficilis  et  fortasse  in  hac  vita  incomprehensibilis,  qua  ratione  Deus 
futura  pra?noscat.  (Bellarmin,  Conlrov.  de  Gralia...,  L.  IV,  C.  xv,  §  Sexlum  Argumenlum... 
Respondeo). 


596  AMOUR,   BONTÉ,  VÉRACITÉ   DE   DIEU  (83) 

Il  aime  chacun  en  proportion  de  sa  valeur,  c'est-à-dire  de  son  degré  de 
perfection.  Mais,  comme  les  divers  degrés  de  perfection  des  êtres  sont 
des  dons  dq  Dieu  et  des  imitations  de  son  essence,  tout  ce  qu'il  y  découvre 
en  eux  de  perfection  et  par  conséquent  d'aimable  est  un  reflet  de  sa 
perfection  infinie. 

B)  —  La  perfection  de  l'amour  divin  implique  la  Béatitude,  la  Bonté, 
la  Sainteté  et  la  Justice  infinies  : 

10  Béatitude  :  le  bonheur  consiste  dans  la  possession  assurée  et 
adéquate  du  bien  pour  lequel  on  est  fait.  Ici-bas,  tout  amour  est  plus 
ou  moins  souffrant,  parce  qu'il  est  plus  ou  moins  séparé  de  son  objet. 
Mais,  comme  Dieu  se  connaît  et  s'aime  éternellement  et  infiniment, 
il  a  la  possession  pleine  et  immuable  de  ce  qui  est  l'objet  de  sa  pensée 
et  de  son  amour,  c'est-à-dire  de  ses  perfections  infinies  ;  il  jouit  donc 
d'une  félicité  sans  bornes. 

2^  Bonté  :  l'amour  heureux  et  satisfait  engendre  la  bonté,  qui 
consiste  à  vouloir  et  à  faire  du  bien  aux  autres.  Celui  qui  possède  le  bien 
aime  à  le  répandre  autour  de  lui  :  Bonum  est  sui  diffusivum.  Aussi 
l'apôtre  saint  Jean  a-t-il  pu  dire  de  Dieu  :  Deus  caritas  est  (^).  Cette 
définition,  encore  que  nécessairement  incomplète,  puisque  la  perfection 
divine  est  inépuisable  et  incompréhensible,  est  la  plus  belle  peut-être, 
parce  qu'elle  implique  les  précédentes  et  les  couronne.  C'est  d'ailleurs 
la  plus  populaire,  car  pour  l'humanité  Dieu  est  avant  tout  le  bon  Dieu. 

30  .Sainteté  :  elle  suppose  l'absence  du  mal  et  la  présence  du  bien 
moral  à  un  degré  éminent.  C'est  la  splendeur  de  l'ordre  dans  l'amour  : 
Ordo  amoris  (S.  Augustin).  Or  Dieu  est  le  bien  souverain,  il  ne  peut  ni 
aimer  ni  vouloir  le  moindre  mal  ;  il  est  donc  la  sainteté  infinie. 

40  Justice  :  c'est  une  vertu  qui  dispose  à  rendre  à  chacun  son  dû  ; 
elle  implique  le  respect  de  l'ordre  qui  demande  que  toute  cliose  soit  à 
son  rang  et  à  sa  place.  Or  Dieu,  étant  infiniment  sage,  veut  que  l'ordre 
essentiel  des  choses,  qui  en  définitive  repose  sur  son  essence  (Mgr.  46, 
§  B)  soit  fidèlement  observé  :  Ratio  divina  vel  voluntas  Dei  ordinem 
naturalem  conservari  jubens,  perturbari  vetans  (^). 

Sans  doute  Dieu,  à  parler  en  rigueur,  ne  doit  rien  à  ses  créatures, 
puisqu'elles  ont  tout  reçu  do  lui  gratuitement  et  qu'il  doit  rester  abso- 
lument indépendant,  sous  peine  de  n'être  plus  parfait.  Cependant  Dieu 
se  doit  à  lui-même  d'agir  envers  tous  suivant  sa  sagesse  infinie.  D'où 
les  conséquences  suivantes  :  a)  Dieu  ne  peut  ni  ne  veut  rien  exiger  des 
créatures  libres  qu'en  proportion  de  ses  libéralités.  —  b)  Il  peut  et  veut 
établir  un  accord  parfait  entre  le  mérite  et  le  bonheur,  entre  le  démérite 


(M  s.  Jean,  I  EpisL,  IV,  8.    ' 

(')  S.  Augustin,  Contra  Fauslum,  L.  XXII,  C.  xxvii. 


(84)  TOUTE-PUISSANCE    ET    LIBERTÉ    DE    DIEU  597 

et  le  malheur,  afin  de  rendre  à  chacun  selon  ses  œuvres  (Mor.  49,  §  V). 
C)  Véracité.  —  Elle  se  déduit  de  l'intelligence  et  de  la  sainteté  de 
Dieu.  Intelligence  infinie,  Dieu  ne  peut  pas  se  tromper  ;  sainteté  infinie, 
il  ne  peut  pas  tromper  les  autres.  Il  mérite  donc  d'être  cru  sur  parole, 
quand  même  on  ne  comprendrait  pas  ce  qu'il  enseigne.  C'est  le  fonde- 
ment rationnel  de  la  foi  à  la  Révélation. 


84.  —  §  C.  TOUTE-PUISSANCE  ET  LIBERTÉ 

Dieu  est  pensée  et  amour.  Mais,  Dieu  étant  absolument  simple, 
l'acte  par  lequel  il  se  connaît  et  celui  par  lequel  il  s'aime  ne  constituent 
qu'un  seul  acte.  Cet  acte  est  Dieu  lui-même  ;  Dieu  est  donc  essentiel- 
lement actif  ;  il  est  acte  pur,  c'est-à-dire  que  la  vie  divine  n'a  aucun 
mélange  de  passivité  (Psych.,  13,  II).  Il  faut  distinguer  en  Dieu,  outre 
l'activité  intérieure,  immanente,  une  activité  transitive  dont  le  terme 
est  en  dehors  de  lui.  De  là  deux  autres  attributs  :  la  Toute-puissance 
et  la  Liberté. 

A)  Toute-puissance  :  la  volonté  de  l'homme  est  bornée  : 

a)  Dans  son  mode  d'opération.^  qui  suppose  une  matière  préexistante, 
passe  sans  cesse  de  la  possibilité  à  l'acte  et  exige  un  effort. 

h)  Dans  ses  effets.,  car  nous  sommes  souvent  incapables  d'exécuter 
ce  que  nous  voulons  ou  désirons. 

Mais  en  Dieu  la  volonté  est  toute-puissante.  En  lui  l'activité  est 
affranchie  de  toute  entrave,  pure  de  toute  passivité,  exempte  d'effort, 
indépendante  de  toute  matière  préexistante  (91)  :  pour  Dieu  seul, 
vouloir,  c'est  pouvoir. 

Dieu  peut  tout  ce  qui  est  possible,  c'est-à-dire  tout  ce  qui  n'implique 
pas  contradiction.  La  toute-puissance  divine  ne  peut  réaliser  ce  qui 
est  contradictoire  :  vg.  un  cercle  carré,  un  mouvement  sans  vitesse. 
Ce  n'est  pas  d'ailleurs  une  imperfection,  parce  que  la  contradiction 
n'exprime  que  le  non-être.  Au  contraire,  supposer  que  Dieu  puisse 
vouloir  l'impossible,  le  contradictoire,  c'est  supposer  que  la  volonté 
divine  puisse  agir  d'une  façon  déraisonnable,  ce  qui  est  une  évidente 
défaillance.  Cette  supposition  renferme  d'ailleurs  une  manifeste  absur- 
dité. Il  ne  faut  pas  confondre  ce  qui  est  impossible  à  n'importe  quel  être 
créé,  si  parfait  qu'on  l'imagine  :  vg.  ressusciter  un  mort,  créer  un  monde, 
et  ce  qui  est  impossible  en  soi.  Dieu  peut  le  premier  ;  il  ne  peut  le  second, 
parce  que,  ce  qui  est  impossible  en  soi,  étant  le  pur  néant,  est  irréali- 
sable. Il  faut  donc  repousser  l'opinion  d'Occam  et  de  Descartes  qui  pré- 
tendent que  l'essence  des  choses  dépend  de  la  volonté  arbitraire  de  Dieu 
(Mor.  45,  §  C,  II).  Il  ne  faut  pas  diviser  Dieu,  ni  opposer  attribut  à 
attribut  :  en  lui  toutes  les  perfections  concevables  s'harmonisent  dans 


598  LA    PERSONNALITÉ    DIVINE  (85) 

une  parfaite  unité  :  Dieu  peut  tout  ce  qu'il  veut,  conformément  à  sa 
souveraine  sagesse. 

B)  Liberté  :  distinguons  encore  les  actes  internes  {ad  intra)  des 
actes  externes  {ad  extra). 

1^  Dieu  n'est  pas  libre  par  rapport  à  lui-même  :  Dieu  ne  peut  pas 
se  connaître  tel  qu'il  est,  c'est-à-dire  perfection  infinie,  et  ne  pas  s'aimer 
en  conséquence. 

2°  Dieu  est  libre  par  rapport  à  la  création.  En  efîet,  la  liberté  est  le 
pouvoir  de  se  déterminer  soi-même  sans  aucune  contrainte.  Or  Dieu 
ne  peut  subir  aucune  contrainte  : 

a)  Ni  intérieure,  puisque,  étant  infiniment  parfait  et  heureux,  il  se 
suffit  à  lui-même.  Rien  ne  l'obligeait  donc  à  créer  le  monde,  dont  il  n'a 
nul  besoin. 

h)  Ni  extérieure  :  avant  la  création,  c'est  manifeste  ;  après,  également,, 
car  la  toute-puissance  ne  peut  être  tenue  en  échec  par  des  puissances 
finies.  Dieu  a  donc  créé  le  monde  librement,  et  ce  monde  plutôt  que 
tel  autre. 

3^  La  liberté  divine  est  exempte  de  toutes  les  imperfections  de  la 
liberté  humaine.  L'homme  libre  délibère,  opte  entre  le  bien  et  le  mal,  varie. 
Dieu  ne  délibère  pas  plus  qu'il  ne  raisonne,  il  ne  modifie  pas  ses  résolutions, 
parce  que  tous  ces  actes  impliquent  des  imperfections  :  tâtonnement, 
succession,  lenteur,  effort,  changement.  La  volonté  divine,  éclairée  par 
une  intelligence  infinie,  voit  et  veut,  du  premier  coup  et  immuablement, 
le  plan  auquel  elle  donne  sa  préférence. 

40  Remarquons  enfin  que  le  pouvoir  de  faire  le  mal  n'est  pas  essentiel 
à  la  liberté  ;  c'est  une  imperfection  qui  résulte  de  la  finitude  des  êtres 
créés.  Plus  l'homme  est  moral,  plus  il  se  rapproche  de  cette  impossibilité 
de  mal  faire  :  c'est  ce  qu'on  appelle  la  liberté  de  perfection  (Psych.,  202, 
III).  —  Mais  alors,  dira-t-on,  quelle  place  reste-t-il  en  Dieu  pour  la 
liberté,  puisque  la  liberté  suppose  la  possibilité  d'un  choix  ?  —  Dieu 
aime  et  veut  nécessairement  le  bien,  mais  pas  nécessairement  tel  bien, 
puisqu'aucune  perfection  finie  ne  peut  déterminer  une  volonté  infinie  ; 
il  peut  donc  choisir  entre  plusieurs  biens,  vg.  créer  un  monde  plus  ou 
moins  parfait. 


85.  -    LA  PERSONNALITE  DIVINE 


La  personnalité  est  le  degré  le  plus  parfait  de  l'être.  Nous  avons 
distingué  trois  manières  d'être  différentes.  Il  y  a  d'abord,  au  p'ius  bas 
degré,  l'être  qui  est  en  soi,  mais  qui  s'ignore  :  tels  sont  les  minéraux  et 
les  végétaux  :  cette  perfection  peut  se  résumer  d'un  mot  :  riiidividualitc, 


(85)  LA   PERSONNALITÉ    DIVINE  599 

qui  implique  Vanité^  Videntité^  Yactwité.  —  H  y  a  ensuite  l'être  capable 
de  jouir  et  de  souffrir,  qui  a  la  conscience  directe  de  ses  actes  ;  il  est  à  la 
fois  en  soi  et  pour  soi  :  tels  sont  les  animaux.  Cette  perfection  implique 
la  sensibilité  et  le  sens  intime.  —  Enfin  il  y  a  l'être  qui  est  non  seulement 
témoin  de  sa  vie,  mais  qui  est  l'artisan  conscient  de  sa  propre  destinée  : 
il  est  en  soi,  pour  soi  et  par  soi  ;  tel  est  l'homme.  Cette  perfection 
implique  V intelligence,  la  conscience  morale,  la  liberté  (Psych.,  200, 
A). 

C'est  cet  ensemble  de  qualités  qui  constitue  la  personne,  c'est-à-dire 
un  individu  conscient,  raisonnable  et  libre.  L'homme  seul,  parmi  les 
êtres  créés,  réunit  ces  qualités  ;  mais  il  n'est  pas  le  type  achevé  de  la 
personnalité.  C'est  uniquement  en  Dieu  qu'on  trouve  réalisées,  d'une 
façon  suréminente,  toutes  les  conditions  nécessaires  pour  former  une 
personne  ;  lui  seul  possède  en  perfection  tous  les  éléments  constitutifs 
de  la  personnalité  : 

1^  Unité  :  l'homme  est  un,  puisqu'il  est  un  tout  naturel,  substan- 
tiel (54).  Mais  c'est  une  unité  complexe,  faite  de  l'union  de  deux  sub- 
stances distinctes,  l'âme  et  le  corps.  —  Dieu,  étant  pur  esprit,  est  abso- 
lument un. 

2°  Identité  :  l'âme  humaine  a  conscience  de  son  identité  foncière, 
mais  elle  est  soumise  à  la  loi  du  changement  ;  elle  est  sans  cesse  modifiée 
par  le  flux  incessant  des  phénomènes  sensitifs,  intellectuels  et  volitifs. 
—  Dieu  est  hors  du  temps,  soustrait  au  changement  ;  son  identité  est 
absolue  :  il  est  immuable. 

3°  Activité  :  l'activité  humaine  est  limitée.  —  En  Dieu  elle  est 
toute- puissante. 

40  Sensibilité  :  les  affections  humaines  sont  mêlées  d'intérêt  et 
d'égoïsme.  —  Dieu  seul,  n'ayant  besoin  de  rien  ni  de  personne,  est  pur 
amour,  charité  parfaite,  complètement  désintéressée. 

50  Intelligence  :  l'âme  humaine  peut  atteindre  la  vérité,  mais  avec 
peine  et  d'une  façon  inadéquate.  —  La  science  divine  est  adéquate  à  tout 
le  connaissable. 

60  Liberté  :  l'homme  est  dans  une  certaine  mesure  par  soi,  puisqu'il 
peut  faire  sa  destinée  et  est  maître  de  ses  actes  délibérés.  —  Dieu  seul 
est  pleinement  indépendant,  parce  que  seul  il  est  l'Etre  nécessaire, 
il  est  de  soi,  il  a  Vaséité  (est  a  se). 

É70  Moralité  :  en  observant  les   prescriptions  de  la  conscience,  l'âme 
. ,   '  humaine  s'élève  à  la  beauté  morale.  Mais  que  d'ombres  et  de  défaillances 
dans  la  pratique  du  bien  !  —  Dieu  est  la  loi  morale  vivante,  le  souverain 
bien,  la  sainteté. 
M  L'ensemble  des  attributs  divins  nous  amène  donc  à  dire  que  Dieu 

M     est  le  type  accompli  de  l'être,  puisqu'il  est  une  personne  absolument 
m.    parfaite. 


600  l'atomisme  (86) 

ARTICLE  ni.   —  RAPPORTS  DE  DIEU   ET  DU   MONDE 

Trois  questions  restent  à  examiner  : 
I.  —  L'origine  du  monde. 
II.  —  Le  gouvernement  du  monde. 
III.  —  La  valeur  du  monde. 


SECTION  I 
Origine  du  inonde. 

On  peut  ramener  aux  suivantes  les  solutions  proposées  : 
I.  —  Atomisme   (Démocrite,   Épicure,   Lucrèce). 
II.  —  Dualisme  (Platon,  Aristote). 

III.  —  Panthéisme     (Stoïciens,     Spinoza,     Schelling,     Fichte, 

Hegel). 

IV.  —  Darwinisme  (Lamarck,  Darw^in). 
V.  —  Évolutionnisme  (Spencer). 

YI.  —  Créationnisme  (F^hilosophes  spiritualistes). 

86.  —  §  I.  L'ATOMISME    (i) 

I.  —  Exposé  :  d'après  Démocrite,  Épicure,  Lucrèce,  la  matière 
est  composée  d'atomes  innombrables,  immuables,  éternels,  insécables, 
durs  et  pesants,  qui  se  meuvent  dans  le  vide.  Mais  Épicure  a  complété 
Démocrite,  en  leur  ajoutant  une  certaine  spontanéité  qui  se  traduit 
par  le  pouvoir  de  décliner  de  la  ligne  droite.  Grâce  à  ce  clinamen  ils 
peuvent  se  rencontrer,  se  combiner  et  former  par  hasard  tous  les  êtres. 
Il  n'y  a  par  conséquent  ni  cause  première  intelligente,  ni  Providence. 
Les  dieux  sont  relégués  dans  les  intermondes.  En  outre  il  n'y  a  ni  àme 
spirituelle,  ni  liberté,  ni  immortalité  (^). 

IL  —  Critique  :  A)  C'est  une  hypothèse  gratuite,  car  les  atomes 
ne  peuvent  être  ni  infinis,  ni  éternels.  En  effet  : 

1°  Le  nombre  infini  répugne  (Psych.,  187,  §  A,  '2°  et  Théodicée, 
67,  B,  I). 


(  ')  L.  Mabilleau,  Histoire  de  la  philosophie  atomisiique.  —  A.  HanneQUIN,  L'hypothèsr 
des  atomes  dans  la  philosophie  contemporaine. 

{ ')  G.  Sortais,  La  Philosophie  moderne  depuis  Bacon  jusqu'à  Leibni:,  T.  II,  Article  II, 
rii.  m,  I  III,  Epicure  et  Gassendi,  p.  81-84. 


(87-88)      .  LE    DUALISME    LE    PANTHÉISME  <  601 

2»  D'où  leur  vient  le  mouvement  ?  Il  n'est  pas  essentiel  aux  corps. 
Il  faut  donc  trouver  un  premier  atome  par  où  le  mouvement  a  com- 
mencé, par  conséquent  le  moment  précis  où  ce  mouvement  a  commencé 
et  le  premier  moteur  qui  l'a  imprimé. 

B)  Le  dinamen  est  une  supposition  inventée  à  plaisir  ;  elle  ne  peut 
d'ailleurs  expliquer  l'harmonie  et  la  liberté.  Gomment,  dit  Fénelon,  si 
l'on  jetait  toutes  les  lettres  qui  composent  VIliade,  sans  ordre  ni  direc- 
tion, en  pourrait-il  sortir  ce  poème  où  Tordre  existe  ?  (^) 


87.  —  §  n.  LE  DUALISME 

A)  Exposé.  —  Professé  dans  l'antiquité  par  Platon  {^)  et  Aris- 
TOTE  (^),  le  Dualisme  est  un  système  qui  prétend  que  la  matière  dont  est 
formé  le  monde  est  nécessaire  et  éternelle,  qu'elle  tire  d'elle-même  son 
être^  et  sa  substance  et  qu'elle  n'a  reçu  de  Dieu  que  son  organisation  et 
sa  forme.  Le  monde  et  Dieu  sont  donc  éternels. 

B)  CritiQue  :  cette  hypothèse  de  la  matière  indépendante  de  Dieu 
dans  son  existence  répugne  du  côté  : 

I.  —  De  la  nature  divine,  qui  ne  serait  plus  infinie,  puisque  Dieu  ne 
serait  plus  le  seul  Être  nécessaire  et  indépendant. 

II.  —  Du  monde  lui-même,  qui,  tout  fini  qu'il  est,  devrait  être  infi- 
niment parfait,  puisqu'il  serait  nécessaire  et  éternel.  Or  nous  avons 
montré  que  l'Être  nécessaire  est  parfait  (76)  et  unique  (79,  I)  ("*). 


88.  —  §  m.  LE  PANTHÉISME 

Le  Panthéisme  est  la  doctrine  d'après  laquelle  il  n'y  a  dans  l'univers 
qu'une  seule  et  même  substance,  comprenant  Dieu,  le  monde  et  l'huma- 
nité. 

§  A.  —  LES  DIVERSES  FORMES  DU  PANTHÉISME 

On  distingue  communément  deux  sortes  de  Panthéisme  : 
1»  Le  Panthéisme  naturaliste  ou  matérialiste,   qui  absorbe  l'infini 
dans  le  fini.  Dieu  dans  la  nature  :  tel  le  Panthéisme  des  Ioniens,  des 


(M  FÉNELON,   Traité  de  l'existence  de  Dieu...,  1"  P.,  Ch.  m. 

(  *)  Platon,  Timée. 

(»)  Aristote,   Physique,  L.  VIII,  Ch.  i  et  sqq.    Métaphysique,!^.  XII,  Ch.  vi. —  Cf. 
Palmieri,  Inslitutiones  philosophicse,  T.  II,  Cosmologia,  Th.  XXIX,  Note,  p.  209-215. 
,aL  (  *)  Contre  l'éternité  de  la  matière,  cf.  Ed.  Perrier,   Allocution,  27  déc.  1915,  Comptes 

^k    rendus  de  l'Académie  des  Sciences.  T.  161,  p.  817-818. 

I 


602  LE    PA>THÉISME    :    FORMES    DIVERSES  (88) 

Stoïciens,  de  Schelling,  de  Vacherot,  de  Renan.  Il  aboutit  à  Vaihéisme 
et  au  matérialisme. 

2°  Le  Panthéisme  idéaliste,  qui  absorbe  la  nature  en  Dieu,  le  fini 
dans  l'infini  :  tel  le  Panthéisme  des  Éléates,  des  Alexandrins,  de  Spinoza, 
de  Fichte  et  de  Hegel.  Il  aboutit  à  une  sorte  de  théisme  exclusif,  qui  est 
plus  ou  moins  phénoméniste. 

Cette  distinction  parait  arbitraire,  car  elle  donne  de  l'essence  du 
Panthéisme  deux  définitions  contradictoires  si  on  les  presse  :  dans  le 
premier  cas,  l'absorption  de  l'infini  par  le  fini  conduit  à  l'athéisme 
absolu  ;  dans  le  second,  l'absorption  du  fini  par  l'infini  mène  au  théisme 
absolu.  Il  semble  plus  exact  de  dire,  avec  Emile  Saisset,  que  «  sous  la 
variété  des  formules,  au  travers  des  changements  et  des  progrès  du 
Panthéisme,  l'analyse  découvre  une  conception  toujours  unique,  tou- 
jours la  même  ;  et  cette  conception,  c'est  celle  de  la  coexistence  néces- 
saire et  éternelle  du  fini  et  de  l'infini,  de  la  consubstantialité  de  la  nature 
et  de  Dieu,  considérés  comme  deux  aspects  différents  et  inséparables  de 
l'existence  universelle  (^)  ». 

On  retrouve  cette  conception  fondamentale  dans  les  variétés  acci- 
dentelles qu'ont  revêtues  les  divers  systèmes  panthéistes. 

Nous  allons  énumérer  quelques-uns  de  ces  systèmes,  insistant  sur 
les  deux  formes  principales  :  S pinozisme,  Hégélianisme. 

I.  —  Les  Stoïciens  :  le  monde  est  un  être  animé  par  une  intelligence 
éternelle  ;  Dieu  est  l'âme  du  monde.  Les  Stoïciens  le  comparent  au  feu 
ayant  des  alternatives  de  relâche  et  de  tension,  produisant  et  détruisant 
tour  à  tour  toutes  choses.  L'univers  rentrera  un  jour  en  Dieu  pour  en 
ressortir  de  nouveau  et  ainsi  éternellement. 

Ainsi  les  Stoïciens  considèrent  «  l'univers  comme  un  vaste  organisme 
formé  d'un  corps  visible  et  passif,  et  d'une  âme  invisible  et  active  qui  le 
gouverne  et  l'anime.  Cette  âme,  ce  principe  universel  de  vie,  est  la  source 
de  tous  les  êtres.  Elle  circule  au  sein  de  l'univers,  pénètre  tout,  domine 
tout  ;  tout  vient  d'elle  et  tout  rentre  en  elle.  Voilà  la  notion  de  l'infini, 
mais  unie  par  un  lien  nécessaire  à  celle  du  fini  (^)  ». 

IL  —  Les  Alexandrins  :  «  Les  Néo-Platoniciens  d'Alexandrie  se 
représentent  la  production  du  monde  comme  une  émanation  de  l' Un 
primitif.  De  cet  innommable,  hypostase  supérieure  dont  il  faudrait  ne 
rien  penser  et  ne  rien  dire,  déborde  V Intelligence,  seconde  hypostase, 
inférieure  à  la  première.  De  l'Intelligence  découle  VAme,  troisième  hypo- 
stase, inférieure  encore  à  l'Intelligence.  De  l'Ame  émanent  les  âmes 
particulières  ;  de  celles-ci,  les  cor})s.  Puis  un  mouvement  de  régression 


( ')  Km.  Saisset,  Dictionnaire  des  Sciences  philosophiques  :  Panthéisme,  p.  1239,  col.  1, 
Paris,   1885'. 

(  ')  Ém.  Saisset,  Ibidem.  Cf.  G.  Sortais,  Histoire  de  la  Philosophie  ancienne,  §  21,  II,  A. 


(88)  LE    PATs'THÉISME    :    FORMES    DIVERSES  603 

ramène  les  corps  aux  âmes,  les  âmes  à  l'Ame  divine,  celle-ci  à  l'Intel- 
ligence, l'Intelligence  à  l'Un.  Cette  évolution  circulaire  n'est  que  le  déve- 
loppement nécessaire  d'un  principe  qui  enveloppe  toutes  les  manifes- 
tations, en  apparence  les  plus  diverses,  de  l'unique  réalité  (^).  « 

III.  —  Spinoza  (^)  :  l'existence  de  Dieu  s'impose,  en  vertu  même  de 
la  conception  (^)  que  nous  avons  de  lui  :  «  C'est  une  substance  constituée 
par  une  infinité  d'attributs  dont  chacun  exprime  une  essence  éternelle 
et  infinie  (*).  »  Bien  plus.  Dieu  est  Vunique  substance.  C'est  aussi  la 
conséquence  de  la  définition  arbitraire  que  Spinoza  donne  de  la  substance: 
«  J'entends  par  substance  ce  qui  est  en  soi  et  est  conçu  par  soi,  c'est-à-dire 
ce  dont  le  concept  peut  être  formé  sans  avoir  besoin  du  concept  d'une 
autre  chose  {^).  »  Spinoza  en  déduit  logiquement  l'unité  de  substance 
ou  le  Panthéisme.  En  effet,  s'il  y  a  beaucoup  de  choses  qui  existent 
en  soi,  il  n'y  a  qu'un  être.  Dieu,  dont  on  puisse  affirmer  qu'il  existe 
et  en  soi  et  de  soi  ;  il  n'existe  donc  qu'une  seule  substance  ;  par  consé- 
quent, tout  le  reste  n'existe  que  par  elle  et  en  elle  ;  tous  les  êtres  ne  sont 
que  des  modes  de  cette  substance  unique  (Psych.,  182,  §  A,  III,  1^). 

L'essence  de  Dieu  se  développe  en  une  infinité  à'' attributs,  qui  expri- 
ment, chacun  en  son  genre,  l'absolue  infinité  de  l'être.  Ces  attributs, 
en  nombre  infini,  se  développent  à  leur  tour  en  une  infinité  de  modes, 
dont  l'ensemble  constitue  l'univers.  Mais  de  cette  infinité  d'attributs 
nous  ne  connaissons  que  deux  :  Vétendue  et  la  pensée.  Dieu  pense,  et  sa 
pensée  s'exprime  par  une  infinité  d'idées  particulières  :  ce  sont  les  âmes. 
Dieu  est  étendu,  et  son  étendue  s'exprime  par  une  infinité  de  formes  parti- 
culières :  ce  sont  les  corps.  Les  modes,  qui  expriment  les  attributs,  sont 
infinis  en  nombre. 

L'univers  des  âmes,  c'est  donc  la  série  infinie  d'idées  particulières 
qui  découlent  de  la  pensée  divine.  L'univers  des  corps,  c'est  la  série 
infinie  des  formes  par  lesquelles  se  manifeste  l'étendue  immense  de  la 
substance.  L'ensemble  des  choses  ne  constitue  donc  qu'un  tout,  puis- 
qu'  «  il  est  de  la  nature  de  la  substance  de  se  développer  nécessairement 
par  une  infinité  d'attributs  infinis,  infiniment  modifiés  ».  Mais,  au  moyen 
de  l'abstraction,  on  peut  établir  dans  ce  tout  des  distinctions.  On  dis- 
tingue alors  la  nature  naturante  {natura  naturans),  c'est-à-dire  la  substance 
et  ses  attributs,  isolée  des  modes  qui  les  manifestent  ;  et  la  nature  naturée 
{natura  naturata)  ,  c'est-à-dire  l'ensemble  des  modes  qui  forment  l'univers 


(")  E.  Durand,  Cours  de  philosophie,  T.  II,  Métaphysique,  p.  4-29-430,  Paris,  1899. 
—  Cf.  G.  Sortais.  Histoire  de  la  Philosophie  ancienne,  §  24. 

( ')  Spinoza,  Éthique,  1"  et  2'  Parties. 

( ')  On  voit  que  Spinoza  prouve  l'existence  de  Dieu  a  priori  par  l'argument  ontologique, 
conçu  k  sa  manière.  Cf.  Éthique,  1"  Partie,  Propos.  XI. 

(  *)  Spinoza,  Éthique,  f«  Partie,  Définitions. 

(')  Spinoza,  Éthique,   l"  Partie,  Définitions. 


604  LE    PANTHÉISME    :    FORMES    DIVERSES  (88) 

en  exprimant  les  attributs  divins  (^).  Mais,  en  fait,  nature  naturante 
et  nature  naturée  ne  font  qu'une  seule  et  même  réalité  qui  est  Dieu, 
puisque  «  Dieu  est  la  cause  immanente,  et  non  transitive,  de  toutes 
choses  »  (^). 

IV.  —  Fichte  (^)  :  le  seul  être  réel,  c'est  l'esprit,  le  moi  qui  explique 
tout.  L'acte  primitif  de  l'entendement  est  l'acte  par  lequel  le  moi,  en 
prenant  conscience  de  lui-même,  se  crée.  Mais,  en  se  posant  le  moi 
s'oppose  et  crée  ainsi  le  non-moi,  le  monde  extérieur  qui  n'est  que  la 
limite  du  moi,  l'arrêt  qu'il  subit  dans  son  développement  (36,  III). 
Enfin  Dieu  lui-même  est  une  création  de  l'esprit,  puisqu'il  est  le  moi 
conçu  d'une  façon  absolue  et  sans  limitation. 

V.  —  Schelling  (*)  :  le  moi  et  le  non-moi,  la  pensée  et  le  monde 
procèdent  d'un  principe  supérieur,  qui  est  leur  commune  substance. 
Ce  principe  c'est  V absolu  qui,  à  l'origine,  est  une  «.sorte  de  germe  sans 
détermination  ni  conscience  :  mais,  essentiellement  actif,  il  se  développe 
sans  cesse  et,  en  se  développant,  devient  de  plus  en  plus  parfait.  Il  dort 
dans  la  matière  brute,  sommeille  dans  le  végétal,  s'éveille  dans  l'animal 
et  prend  conscience  de  soi  dans  l'homme  qui  progresse  par  lui  et  avec 
lui,  toujours  en  marche  vers  un  idéal  jamais  atteint.  Deux  idées  dominent 
toute  la  philosophie  de  Schelling  :  l'idée  de  V  identité  substantielle  de  la 
matière  et  de  P  esprit  dans  F  absolu^  où  se  concilient  les  contraires,  et  l'idée 
du  devenir,  de  la  réalisation  nécessaire,  perpétuelle,  progressive  de  l'ab- 
solu, de  Dieu,  dans  le  monde  {^). 


(M  Spinoza,  Ethique,  1"  Partie,  Propos.  XXIX,  Scholium.  —  Court  Traité  de  Dieu, 
de  l'homme  et  de  la  santé  de  son  âme,  1'=  Partie,  Ch.  viii  et  IX. 

(  *)  Spinoza,  Éthique,  l"  Partie,  Propos.  XVIII.  —  P.-L.  Covchovv,  Spinoza.  — 
L.  Brunsghvicg,  Spinoza.  —  A.  Rivaud,  Les  notions  d'essence  et  d'existence  dans  la  philo- 
sophie de  Spinoza.  —  V.  Delbos,  Le  Spinozisme. 

( ')  Fichte,  Doctrine  de  la  science.  Destination  de  l'homme.  Méthode  pour  arriver  à  la 
vie  bienheureuse.  —  Cf.  Kant  et  Fichte  par  Bartholmess,  dans  les  Comptes  rendus  des 
Séances  de  l'Académie  des  Sciences  morales  et  politiques,  1854,  T.  XXIX,  XXX,  p.  425- 
448  :  119-170.  P.  Galluppi,  Mémoire  sur  le  Système  de  Fichte,  dans  les  Mémoires  de  l'Aca- 
démie des  Sciences  morales  et  politiques,  1841,  T.  I.  Savants  étrangers,  p.  31-153.  — 
X.  LÉON,  La  philosophie  de  Fichte.  —  Fichte  et  son  temps,  T.  I  (1762-1799),  Paris,  1922.  — 
A.  Valensin,  Le  sens  panthéislique  de  la  Dialectique  idéaliste  de  Fichte,  dans  Recherches 
DE  Science  religieuse,  1919,  p.  45-61. 

(  *)  Schelling,  Philosophie  de  la  nature.  Système  de  l'Idéalisme  transcendantal.  Bruno 
ou  du  Principe  divin  et  naturel  des  choses.  Recherches  sur  la  liberté  humaine.  Philosophie  de 
In  Révélation.  —  Cf.  Matter,  Schelling  et  sa  Philosophie  de  la  nature. 

(  ')  Schelling  a  nommé  ce  système  philosophie  négative.  Dans  la  dernière  partie  de  sa 
vie,  il  proposa,  pour  réagir  contre  la  doctrine  toute  idéaliste  de  Hegel,  une  philosophie 
nouvelle,  dite  positive,  fondée  non  plus  sur  l'entendement,  mais  sur  la  volonté.  Il  s'efforce 
vainement  d'y  rétablir  la  notion  de  la  personnalité  divine,  tout  en  conservant  le  système 
de  l'unité  substantielle  de  la  matière  et  de  l'esprit.  Cf.  A.  M^eber,  Examen  critique  de  la 
philosophie  religieuse   de   Schelling. 


(88)  LE    PANTHÉISME    :    FORMES   DIVERSES  605 

VI.  ^-  Hegel  (^)  :  il  prend  comme  point  de  départ  l'idée  de  Vélre 
ùidétenninéj  pw\  abstrait^  qu'il  nomme  aussi  l'absolu.  Cet  absolu,  partant 
de  cette  indétermination  complète,  passe  par  une  série  de  détermina- 
tions de  plus  en  plus  concrètes  pour  arriver  enfin  à  une  pleine  conscience 
de  lui-même.  Tel  est  le  développement  normal  des  choses. 

A)  Loi  de  ce  développement.  • —  Hegel  conserve  le  devenir  de  Schelling, 
mais  il  le  complète  en  indiquant  la  façon  dont  Vidée  ou  V  Absolu  se  déve- 
loppe, h'' identité  des  contraires  est  la  loi  fondamentale  de  l'esprit  et  des 
choses  :  pour  penser,  l'esprit  doit  concilier  des  contraires  ;  pour  se 
réaliser,  les  choses  doivent  se  contredire  elles-mêmes.  Car,  pour  Hegel, 
il  y  a  identité  foncière  entre  le  subjectif  et  l'objectif,  le  contenu  et  la 
forme  de  la  pensée,  l'idée  et  l'être,  la  Logique  et  la  Métaphysique. 

En  efîet,  toute  idée  abstraite  renferme  le  contraire  d'elle-même, 
sa  négation.  Les  deux  éléments  contraires  ont  chacun  leur  vérité.  Pour 
les  conserver,  l'esprit  les  concilie  dans  une  notion  supérieure  plus  réelle 
et  plus  compréhensive.  Voilà  la  loi  de  l'esprit.  La  loi  des  choses  est 
semblable.  Une  chose  n'arrive  à  se  réaliser  qu'en  passant  par  trois 
stades  successifs  :  1°  Thèse  :  la  chose  se  pose,  s'affirme,  elle  existe  d'une 
façon  indéterminée  ;  —  2°  Antithèse  :  la  chose  s'oppose  à  elle-même, 
se  nie  ;  —  3°  Synthèse  :  la  position  et  l'opposition  de  la  chose  s'harmo- 
nisent dans  une  réalité  supérieure.  Ainsi  donc  affirmation,  négation, 
conciliation,  ou  bien  thèse,  antithèse,  synthèse,  telles  sont  les  trois  phases 
à  travers  lesquelles  l'absolu  se  développe  sans  fin  en  se  transfor- 
mant. 

Chaque  synthèse  devient  à  son  tour  une  thèse  nouvelle,  que  nie  son 
antithèse  et  qui  se  résout  dans  une  seconde  synthèse,  et  ainsi  indéfi- 
niment. Le  développement  et  le  progrès  s'accomplissent  selon  ce  rytlune 
à  trois  temps  qui  se  retrouve  partout,  aussi  bien  dans  les  grands  ensembles 
que  dans  les  plus  minimes  détails.  Voici,  par  exemple,  le  premier  groupe 
ternaire  :  Idée  d'être  indéterminé  :  c'est  la  thèse.  —  D'un  être  aussi  indé- 
terminé, qui  n'est  ni  ceci  ni  cela,  on  peut  dire  qu'il  n'est  pas  :  c'est  V anti- 
thèse. —  Ces  deux  termes  opposés  se  concilient  dans  un  troisième  terme  : 
le  devenir  ou  le  mouvement  :  c'est  la  synthèse,  car  on  peut  affirmer  à  la 
fois  du  devenir  qu'il  est  et  qu'il  n'est  pas.  Hegel  s'efforce  de  constater 
partout  ce  groupement  ternaire  :  vg.  en  chimie  :  azote  (=  thèse), 
oxygène  (=  antithèse),  carbone  (=  synthèse)  ; —  en  physique  :  attrac- 
tion, répulsion,  pesanteur  ;  —  en  logique  :  idée,  jugement,  raisonnement  ; 


(  ')  Hegel,  Phénoménologie  de  l'esiml.  Logique.  Encyclopédie  des  Sciences  philosophiques , 
Philosophie  du  Droit.  Leçons  sur  l'Hisloire  de  la  Philosophie.  Esthétique.  —  Cf.  Weber. 
Introduction  historique  à  la  Philosophie  hégélienne.  —  J.  Wilm,  Histoire  de  la  Philosophie 
nlleniande.  —  P.  Janet,  Éludes  sur  la  Dialectique  dans  Platon  et  dans  Hegel. 


606  LE    PANTHÉISME    :    FORMES   DIVERSES  (88) 

—  dans  la  société  :  individu,  famille,  état  ;  —  en  histoire  ':  Orient, 
civilisation  gréco-romaine,  temps  modernes,  etc. 

B)  Grandes  étapes  de  ce  développement.  —  Le  système  a  pour  point 
de  départ  l'idée  d'être  indéterminé  ;  il  a  pour  point  d'arrivée  l'absolu 
prenant  conscience  de  lui-même.  La  loi  qui  préside  au  développement 
de  l'idée  c'est  le  rythme  à  trois  temps.  Indiquons  maintenant  les 
grandes  étapes  que  parcourt  l'absolu  dans  cette  longue  recherche  de 
lui-même  : 

lo  Idée  pure  :  Hegel,  ayant  supposé  que  les  idées  constituent 
l'essence  des  choses,  en  conclut  que  l'idée  la  plus  générale  est  l'essence 
de  tout,  c'est  Vêtre  pur  qui  contient  en  soi  toute  la  plénitude  de  l'être 
concret,  lequel  en  sortira  par  le  seul  mouvement  de  la  pensée.  L'action 
de  la  pensée  pure  sur  l'être  pur  produit  d'abord  Vidée  absolue.  Il  ne  faut 
pas  y  chercher  la  distinction  du  sujet  pensant  et  de  l'objet  pensé,  car 
cette  distinction  n'existe  pas  encore.  L'Idée  absolue  est  pour  Hegel 
l'idée  où  le  subjectif  et  l'objectif  s'identifient.  Elle  est  à  l'état  concret  (^) 
tant  qu'elle  est  à  l'état  d'ijicolution,  de  virtualité  infinie  :  cette  idée 
pure  est  comme  la  substance  universelle.  La  théorie  de  l'Idée  fait  l'objet 
de  la  Logique. 

20  Nature  :  l'idée  absolue  ne  reste  pas  à  l'état  concret  à' involution  ; 
elle  éprouve  le  besoin  à^évoluer.  L'Idée  évolue  par  la  pensée  d'après  la 
loi  du  rythme  à  trois  temps,  et  son  évolution  constitue  la  nature,  qui  est 
l'idée  sous  la  forme  A'' extériorité.  L'univers  est  donc  un  reflet  des  trans- 
formations de  l'idée,  mais  c'est  un  reflet  qui  ne  reproduit  qu'imparfai- 
tement l'idée.  Cette  seconde  partie  fait  la  matière  de  la  Philosophie 
DE  LA  Nature. 

30  Esprit  :  la  nature  est  un  organisme  vivant,  graduellement  pro- 
gressif ;  en  se  développant,  d'après  la  loi  indiquée,  elle  finit  par  devenir 
esprit.  L'Idée  absolue  a  pris  conscience  d'elle-même  :  c'est  ce  retour 
à  elle-même,  avec  pleine  conscience  de  soi,  qui  constitue  l'esprit.  Or  cette 
pleine  conscience  ne  peut  se  réaliser  qu'à  l'aide  de  la  philosophie,  quand 
l'esprit  de  l'homme  parvient  à  constater  son  identité  foncière  avec 
l'absolu.  Alors  l'esprit  se  reconnaît  lui-même  pour  l'absolu  et  s'identifie 
avec  Dieu.  L'absolu  est  l'esprit  :  voilà  la  vraie  définition  de  Dieu.  Cette 
troisième  partie  du  système  est  exposée  dans  la  Philosophie  de 
l'Esprit. 

Conclusion.  —  «  La  conscience  philosophique,  qui  est  le  dernier 
résultat  du  mouvement  de  l'Idée,  est  l'Idée  ayant  conscience  d'elle- 


(  M  On  voit  par  là  que  Hegel  a  changé  le  sens  usuel  des  mots  :  pour  lui,  l'idée  en  soi  est 
concrète,  et  les  choses  sont  nhstrnites  quand  on  les  considère  à  part  de  l'Idée.  Pour  Hegel 
l'abstraclion,  ce  n'est  pas  une  qualité  isolée  de  son  sujet,  c'est  une  chose  considérée  sépa- 
rément de  sa  substance,  de  sa  notion,  qui  est  l'Idée. 


(88)  LE  PANTHÉISME  :  RÉFUTATION  607 

même,  la  vérité  consciente.  L'Idée  sait  maintenant  ce  qu'elle  est  en  soi  ; 
elle  est  revenue  à  elle  avec  la  certitude  qu'elle  est  bien  réellement  l'uni- 
versalité concrète.  L'esprit,  qui  avait  paru  être  un  résultat,  est  main- 
tenant reconnu  pour  l'absolument  premier,  qui  se  produit  continuel- 
lement de  lui-même  et  par  lui-même.  Il  est  bien  constant,  à  présent, 
que  c'est  bien  en  effet  l'Idée  qui  se  meut  et  se  manifeste  dans  la  nature 
et  dans  l'histoire,  que  ce  mouvement  se  fait  par  la  pensée  qui  est  son 
essence  ;  que  par  la  pensée  elle  se  montre  esprit  absolu,  se  produit  et 
se  possède  éternellement  comme  tel  (^).  )>  C'est  ainsi  que  Dieu  est 
l'éternel  devenir,  en  train  de  se  réaliser  continuellement. 

§  B.  —  RÉFUTATION  DU  PANTHÉISME 

La  Métaphysique,  la  Psychologie  et  la  Morale  nous  fourniront  tour 
à  tour  des  arguments  contre  le  Panthéisme. 

1.  —  Argument  métaphysique  :  1»  Donnons  d'abord  un  argument 
contre  le  Panthéisme  en  général,  sans  distinction  d'espèces.  —  Le  Pan- 
théisme détruit  le  principe  de  contradiction  qui  nous  dit  qu'une  même 
cbosc  ne  peut  pas  être  et  n'être  pas  à  la  fois  sous  le  même  rapport. 
En  effet,  le  Panthéisme  fait  de  Dieu,  de  l'homme  et  du  monde  une 
seule  substance.  Or  cette  substance  universelle  serait  à  la  fois  finie  et 
infinie,  parfaite  et  imparfaite,  relative  et  absolue.  L'infini,  s'il  existait 
dans  cette  hypothèse,  ne  serait  qu'un  amalgame  informe  de  l'étendue  et 
de  la  pensée,  de  l'esprit  et  du  corps.  Mais  l'étendue  et  la  pensée,  l'esprit 
et  le  corps  ont  des  caractères  opposés  et  irréductibles  (49  et  50). 

2»  Contre  Spinoza  :  son  système  répugne  intrinsèquement,  parce 
qu'il  fait  sortir  le  fini  de  l'infini. 

Spinoza  admet  l'existence  d'une  substance  absolument  infinie,  ayant 
des  attributs  infinis,  dont  les  modes  eux-mêmes  sont  infinis.  Bien  plus, 
il  ajoute  :  Tout  ce  qui  découle  d'un  attribut  infini  de  Dieu  doit  être  infini. 
Tout  ce  qui  découle  d'un  mode  infini  d'un  attribut  infini  doit  être  lui- 
même  infini  (^).  Fort  bien  ;  mais  ceci  posé,  comment  Spinoza,  qui 
procède  uniquement  par  déduction,  pourra-t-il  en  tirer  le  fini  ?  — 
Quelques  pages  plus  loin  {^),  le  philosophe  panthéiste  nous  parle  bien 
d'ol)jets  finis  ;  mais  c'est  une  simple  affirmation  dont  il  avait  absolument 
besoin.  Nulle  part,  et  pour  cause,  il  n'a,  comme  il  aurait  dû  le  faire, 
essayé  de  déduire  le  fini  de  l'infini.  Ne  pouvant  s'en  passer,  il  l'a  intro- 
duit, illogiquement,  par  une  simple  affirmation. 


(M   J.  WiLM,  Diclionnaire  des  Sciences  philosophiques  :  Hegel,  p.  690,  col.  1-2. 
{-)  Spinoza,  Éthique,  1"   P.,  Propositions   XXI,    XXII,    XXIII. 
(')  Spinoza,  Éthique,  I"  P.,  Propos.   XXVIII. 


608  LE    PANTHÉISME  :  RÉFUTATION  (88) 

Pour  atténuer  l'incorrection  de  ce  procédé,  Spinoza  a  cherché,  après 
avoir  mentionné  l'existence  du  fini,  à  le  rattacher  à  l'infini,  mais  sans 
y  parvenir.  Tout  effet  fini,  dit-il,  exige  une  cause  finie  ;  celle-ci,  qui  est 
également  un  effet  fini,  exige  à  son  tour  une  cause  finie,  et  ainsi  de  suite 
sans  terme.  Mais  cette  série  illimitée  de  causes  finies  ne  peut  rattacher 
le  fini  à  l'infini,  parce  que  cette  série,  si  loin  qu'on  la  prolonge,  ne  ren- 
fermera jamais  que  des  causes  finies,  en  vertu  même  du  principe  mis  en 
avant  par  Spinoza.  L'abîme  qui  sépare  le  fini  de  l'infini  reste  toujours 
à  combler.  Car,  d'un  côté,  nous  avons  cette  collection  d'êtres  finis,  et, 
de  l'autre,  l'infini  :  où  est  le  point  de  jonction  ?  Spinoza  n'a  pu  le  trouver. 
Il  a  beau  dire  qu'il  n'y  a  qu'une  chose  :  il  n'a  pas  réussi  à  le  prouver, 
n'ayant  pu  ni  déduire  le  fini  de  l'infini,  ni,  après  coup,  relier  le  fini  à 
l'infini.  Ce  que  l'on  découvre,  au  fond  du  Panthéisme,  ce  n'est  pas  le 
monisme,  mais  le  dualisme. 

30  Contre  Hegel  :  la  prétention  de  Hegel  est  toute  contraire.  Sun 
point  de  départ  est  l'être  absolument  indéterminé,  d'où,  par  une  suite 
de  transformations,  il  veut  tirer  l'être  absolument  déterminé. 

Acceptons,  pour  un  moment,  la  thèse  et  V antithèse  que  Hegel  met  à  la 
base  de  tout  son  système,  à  savoir  :  l'être  absolument  indéterminé  ;  — 
cet  être  n'est  pas.  De  là  il  a  prétendu  déduire  la  synthèse  :  le  devenir. 
Paul  Janet  a  très  bien  montré  que  cette  déduction  n'a  rien  de  néces- 
saire :  «  Eh  bien  !  j'applique  mon  esprit  à  la  notion  d'être  pur,  indé- 
terminé. Jusqu'ici  rien  qui  ressemble  au  devenir.  Mais  je  poursuis  et 
je  cherche  à  pénétrer  plus  avant  dans  la  notion  de  l'être  pur,  et  je  m'aper- 
çois qu'en  le  regardant  par  un  certain  côté,  je  puis  dire  et  penser  de  lui 
qu'il  est  non-être  tout  aussi  bien  qu'être.  Voilà  qui  est  bien.  Mais  suis-je 
forcé  d'aller  plus  loin  ?  Cette  contradiction  entraîne-t-elle  nécessai- 
rement ma  pensée  à  une  nouvelle  idée,  synthèse  des  deux  précédentes  ? 
En  aucune  façon.  Je  pense  l'être  pur,  je  pense  le  non-être  ;  je  trouve  que 
ces  deux  notions  se  ressemblent  beaucoup  et  s'impliquent  l'une  l'autre, 
et  je  m'arrête  là.  De  là  au  devenir,  il  y  a  un  abîme  (^).  »  Non  seulement 
cette  déduction  ne  s'impose  pas,  mais  elle  est  impossible,  car  il  y  a  quelque 
chose  de  plus  dans  le  troisième  terme  que  dans  les  deux  premiers.  Il  y  a, 
dans  le  dernier,  un  élément  qu'on  n'obtiendra  jamais  par  la  comparaison 
de  l'être  et  du  non-être  :  savoir  l'idée  de  mouvement  et  en  outre  l'idée 
de  temps  dont  il  n'y  a  pas  de  trace  non  plus  dans  les  deux  premiers 
termes  (^). 

Il  est  inutile  de  pousser  plus  loin,  puisque  la  déduction  fondamen- 


(  M   P.   Janet,  Etudes  sur  la  Dialectique  dans  Platon  et  dans  Hegel,  p.  348-349,  Paris, 
1861. 

{')  Cf.  P.  Janet,  Ibidem,  p.  353-355. 


(88)  LE  PANTHÉISME  :  RÉFUTATION  609 

taie,  sur  laquelle  repose  le  système,  est  impossible.  Cette  impossibilité, 
d'ailleurs,  poursuit  Hegel  dans  le  développement  de  sa  doctrine,  car, 
à  chaque  pas,  on  doit  lui  contester,  au  nom  du  principe  de  causalité 
qui  l'interdit,  le  droit  de  tirer  le  plus  du  moins,  le  supérieur  de  l'infé- 
rieur, le  parfait  de  l'imparfait.  Comment  se  fait-il  que  l'Idée  absolue 
devienne  nature  ?  comment  la  nature  devient-elle  esprit  ?  La  position 
opposée  prise  par  Spinoza  n'est  pas  plus  soutenable,  car  il  est  égale- 
ment contradictoire  que  le  parfait,  en  se  développant,  aboutisse  à  des 
imperfections  intrinsèques  de  toute  sorte  :  la  souffrance,  l'erreur,  le 
vice,  etc. 

IL  —  Argument  psychologique  :  le  système  panthéiste,  en  affir- 
mant l'unité  absolue  de  la  substance,  supprime  : 

A)  Uindwidualité^  la  personnalité.  —  La  conscience  psychologique 
atteste  que  «  nous  existons  chacun  en  notre  particulier  >\  selon  le  mot 
de  Leibniz,  c'est-à-dire  que  nous  sommes  des  êtres  individuels,  des  êtres 
existant  en  soi,  des  substances,  et  non  pas  de  simples  modes,  c'est-à-dire 
des  manières  d'être  d'une  autre  substance,  des  êtres  existant  dans  un 
autre. 

Nous  distinguons  trois  espèces  d'êtres  :  l*'  Ce  qui  est  dans  un  autre. 
Ens  in  alio.  C'est  l'être  modal  ou  accidentel.  —  2°  Ce  qui  est  en  soi. 
Ens  in  se.  C'est  l'être  substantiel.  —  3^  Ce  qui  est  en  soi  et  de  soi.  Ens  in 
se  et  a  se.  C'est  l'Être  nécessaire. 

L'erreur  de  Spinoza  a  été  de  supprimer  le  terme  du  milieu  Ens  in  se, 
supposant  d'une  façon  gratuite  que  tout  ce  qui  n'est  pas  de  soi  n'est 
pas  en  soi,  mais  qu'il  est  dans  un  autre.  Bref,  il  a  tout  réduit,  sans  aucune 
preuve,  à  une  substance  unique  et  à  des  modes  (Psych.,  182,  §  A,  III,  1°). 
Or  c'est  là  une  réduction  absolument  arbitraire,  car  Spinoza  escamote 
le  témoignage  de  la  conscience  qui  m'affirme  que  je  suis  un  être  individuel, 
en  soi,  sans  m'affirmer  que  je  suis,  par  là  même,  un  être  qui  tire  de  soi 
sa  raison  d'être.  La  raison  n'attribue  la  notion  d'être  en  soi  et  de  soi 
qu'à  l'Être  nécessaire  et  parfait  (76). 

B)  La  causalité  et  la  liberté  affirmées  par  la  conscience.  —  Non  seu- 
lement je  ne  suis  pas  libre,  mais  je  ne  suis  pas  même  cause,  puisque  je 
suis  un  résultat,  un  eiïet.  En  tout  cas,  si  l'on  prétend  que  je  reste  néan- 
moins cause,  la  liberté  disparait,  car  tout  ce  que  je  fais  est  une  suite 
nécessaire  de  l'évolution  de  la  substance  unique.  Si  tout  est  divin,  tout 
est  également  déterminé  et  nécessaire  :  l'universel  déterminisme  est  la 
première  conséquence  du  Panthéisme. 

C)  L'immortalité.  —  Le  Panthéisme,  en  détruisant  la  personnalité, 
détruit  la  véritable  immortalité  qui  est  celle  de  la  personne  consciente 
(61,  62).  A  la  mort,  cette  parcelle  de  la  substance  unique,  qui  me  constitue 
un  tel,  se  désagrégera,  et  ses  éléments  seront  résorbés  dans  le  grand  Tout 
pour  produire  de  nouvelles  combinaisons. 

TRAITÉ    DE    PIULOSOPIUE.   —    i.    II.   —    ÎO. 


610  LE    PANTHÉISME    :    OBJECTIONS    DES    PANTHÉISTES  (88) 

III,  —  Argument  moral  :  le  Panthéisme  supprime  : 

1°  La  responsabilité  :  il  n'y  a  plus  de  liberté  ni  de  personnalité;  donc 
leur  conséquence  nécessaire,  la  responsabilité,  disparait  aussi.  S'il  n'y  a 
plus  de  moi,  comment  concevoir  des  actes  miens,  dont  je  sois  obligé  de 
répondre  ? 

2°  La  distinction  entre  le  bien  et  le  mal,  la  vertu  et  le  vice,  le  mérite 
et  le  démérite,  car  tout  est  divinisé.  Or  tout  diviniser,  c'est  tout  justifier, 
tout  absoudre. 

3°  La  distinction  entre  le  fait  et  le  droit  :  nous  concevons  le  droit  et  la 
justice  comme  un  idéal  nécessaire  et  imprescriptible  qui  prime  le  fait 
et  permet  de  le  juger.  Mais,  pour  Hegel,  tout  ce  qui  est,  devant  être,  est 
rationnel  et  divin.  Donc  tout  ce  qui  est  a  droit  à  l'existence,  est  respec- 
table et  sacré. 

La  réalité,  le  fait,  étant  l'expression  du  divin,  protester  contre  le 
fait,  la  réalité,  c'est  se  révolter  contre  le  divin.  Donc  (la  conséquence, 
pour  être  monstrueuse,  n'en  reste  pas  moins  logique)  ce  que  l'on  appelle 
les  crimes  ou  les  empiétements  de  la  force  contre  le  droit  mérite  pro- 
tection et  respect. 

§  G.  —  OBJECTIONS  DES  PANTHÉISTES 

I.  —  Les  Panthéistes  raisonnent  ainsi  :  Dieu  est  infini.  Or  l'infini  ne 
peut  exister  qu'à  la  condition  d'être  tout,  car  s'il  n'est  pas  tout  l'être, 
il  serait  accru  par  l'adjonction  des  êtres  qui  sont  en  dehors  de  lui.  Mais 
cette  hypothèse  est  contradictoire,  parce  qu'alors  l'infini  serait  suscep- 
tible d'accroissement  et  par  conséquent  serait  limité.  Donc,  pour  qu'il 
soit  infini,  il  faut  que  tous  les  êtres  particuliers  existent  en  lui,  comme 
modes  de  sa  substance. 

Réponse  :  l'objection  repose  sur  une  double  équivoque  : 

i°  Dire  que  rien  ne  peut  exister  en  dehors  de  Dieu  est  vrai,  en  ce 
sens  que  tout  ce  qui  existe  trouve  en  lui  sa  raison  d'être  comme  cause 
créatrice  et  conservatrice  ;  mais  non  en  ce  sens  que  rien  n'a  une  exis- 
tence distincte  de  la  sienne. 

2»  Dieu  est  tout  Vétre,  en  ce  sens  qu'il  a  la  plénitude  de  l'être,  qu'il 
est  V Ens  realissimum,  c'est-à-dire  possédant  toutes  les  perfections 
concevables.  Mais  Dieu  n'est  pas  tous  les  êtres.  L'objection  confond 
infinité  avec  totalité.  La  raison  alléguée  est  sans  valeur  :  l'adjonction 
du  fini  à  l'infini  serait  la  destruction  de  l'infini,  puisqu'il  y  introduirait 
l'imperfection  et  la  limite.  Cette  opération  d'ailleurs  est  absurde,  parce 
qu'on  ne  peut  additionner  que  les  choses  de  même  nature  pour  arriver 
à  un  total.  Or  les  perfections  finies  et  la  perfection  infinie  sont  d'ordre 
différent.  C'est  pourquoi  l'infini  avec  tous  les  êtres  finis  n'est  pas  plus 
grand,  plus  parfait  que  l'infini  tout  seul,  parce  que  l'infini  contieni 


(88)  LE    PANTHÉISME    :    OBJECTIONS     DES     PANTHÉISTES  611 

éminemment  toutes  les  perfections  réunies  de  tous  les  êtres  finis  {^). 
Supposons  un  maitre  plus  intelligent  que  le  plus  distingué  de  ses  élèves 
et  sachant  tout  ce  que  ses  élèves  savent  :  réunissez  toute  la  science  des 
élèves  et  ajoutez-la  à  celle  du  maître,  celui-ci  n'en  sera  pas  plus  parfait, 
car  il  sait  déjà  tout  cela  d'une  façon  éminente.  De  même  la  cause  infinie 
peut  communiquer,  sans  se  diminuer  aucunement,  quelques  perfections 
à  des  êtres  distincts  d'elle,  comme  un  maître  transmet  ses  connaissances 
à  ses  disciples  sans  s'appauvrir.  Concluons  donc  qu'après  la  création 
on  doit  dire  qu'il  y  a  plus  d'êtres,  mais  non  pas  plus  d'être,  c'est-à-dire 
de  perfection  :  Pliis  entium,  non  plus  entis.  C'est  ainsi  que,  quaAd  le 
maître  a  fait  part  de  ses  connaissances  à  ses  élèves,  on  doit  dire  qu'il  y  a 
plus  de  savants,  mais  il  n'y  a  pas  plus  de  science. 

II.  —  Toute  détermination,  dit  Spinoza,  est  nécessairement  une 
limitation.  Donc  on  limite  l'infini  en  lui  supposant  des  attributs  po- 
sitifs. 

Réponse  :  l'objection  vaut  si  on  l'applique  à  l'idée  abstraite  et  indé- 
terminée d'être.  Toute  qualité  ajoutée  à  cette  idée  en  restreint  l'exten- 
sion, vg.  si  je  dis  :  être  raisonnable,  cela  ne  convient  plus  qu'à  une  caté- 
gorie, au  lieu  de  s'appliquer  à  tous  les  êtres.  Mais  il  ne  s'agit  pas  ici  d'une 
idée  générale,  il  est  question  d'un  être  individuel.  Alors  toute  qualité 
ajoutée  à  cet  être,  au  lieu  de  le  limiter,  le  perfectionne  et  accroît  sa  valeur. 
C'est  pourquoi,  en  affirmant  de  l'être  infini  toutes  les  qualités  possibles 
élevées  à  la  suprême  puissance,  nous  ne  l'avons  aucunement  limité,  mais 
nous  le  concevons  comme  l'être  absolument  réel.  L'objection  repose 
donc  sur  une  équivoque  :  le  mot  détermination  signifie  tantôt  une  limite, 
et  en  ce  sens  Dieu  n'est  pas  déterminé,  puisqu'il  est  infini  ;  —  tantôt 
une  qualité,  un  attribut,  et  en  ce  sens  Dieu  est  le  plus  déterminé  des  êtres, 
car  il  est  le  plus  réel.  Notons,  en  effet,  que  Vidée  abstraite  d'être  est  géné- 
ralissime (PsYCH.,  137)  ;  elle  a  le  minimum  de  compréhension  (n'ayant 
qu'une  note,  un  élément  constitutif)  et  le  maximum  d'extension  (s'appli- 
quant  à  tout  être,  possible  ou  existant).  Au  contraire  l'être  infini  a  une 
compréhension  maximum  (contenant  toutes  les  perfections  concevables) 
et  une  extension  minimum  (ne  convenant  qu'à  l'Être  parfait  qui  est 
unique). 

Remarque.  —  Le  Panthéiste  n'est  pas  formellement  athée,  puisqu'il 
admet  l'existence  de  Dieu  ;  il  se  rapproche  plus  ou  moins  de  l'athéisme, 
selon  que  la  notion  de  Dieu  qu'il  accepte  est,  plus  ou  moins,  en  contra- 
diction avec  la  notion  du  vrai  Dieu,  c'est-à-dire  de  l'Être  nécessaire, 
infiniment  parfait.  Mais,  si  l'on  y  regarde  de  près,  ces  deux  formules  : 
Dieu  est  tout  et  Dieu  n''est  pas,  sont,  au  fond,  équivalentes. 


(')   Palmieri,   Iristitutiones  ■philosophiez,   T.  III,    Theologia,  Thesis   XII,  p.   127-128. 


612  LE    TRANSFORMISME    :    LAMARCK  '  (89) 

89.  —  §  IV.  LE  TRANSFORMISME    (i) 

§  I.  —  Lis  LAMARCKISME    (2) 

Quoique  la  question  de  l'origine  des  espèces  vivantes,  végétales  et 
animales,  ait  été  agitée  avant  Lamarck,  elle  n'a  été  cependant  nettement 
posée  qu'en  1809  par  ce  naturaliste  français  dans  sa  Philosophie  zoolo- 
gique. On  peut  donc  regarder  Lamarck  comme  le  fondateur  du  transfor- 
misme. Selon  lui,  il  n'y  aurait  eu  à  l'origine  qu'un  petit  nombre  de  types 
très  simples,  qui  se  sont  transformés  pour  constituer  les  différentes 
espèces  animales.  Il  explique  ces  transformations  progressives  par  trois 
principes  :  le  ?nilieu^  le  besoin^  V habitude.  Le  milieu  produit  le  plus  souvent 
des  troubles,  des  interruptions  dans  le  développement  progressif  des 
organismes.   Son  action  est  donc  plutôt  perturlDatrice  que  plastique. 


(*)  A)  Teansformistes  absolus  :  Lamarck,  Philosophie  zoologique.  —  Darwin, 
L'origine  des  espèces.  De  la  variation  des  animaux  et  des  plantes.  La  descendance  de  l'homme, 
—  E.  H^CKEL,  Histoire  de  la  création  des  êtres  organisés.  Les  preuves  du  transformisme. 
Anthropo génie.  —  R.  Wallace,  La  sélection  naturelle.  —  Ed.  Perrier,  La  philosophie 
zoologique  avant  Darwin.  Le  transformisme.  Les  colonies  animales  et  la  formation  des  orga- 
nismes. —  M.  Duval,  Le  Dar\t.-inisme.  —  Th.  Huxley,  L' évolution  et  l'oi-igine  des  espèces. 
La  place  de  l'homme  dans  la  nature.  —  Schmidt,  Descendance  elDar\<:inisme.  Les  mammifères 
dans  leurs  rapports  avec  leurs  ancêtres  zoologiques.  - —  Ed.  de  Hartmann,  Le  Darwinisme.  — 
A.  Wei-Smann,  Studiemur  Descendenztheorie.  — F.  Le  Dantec,  Théories  néo-lamarchiennes, 
dans  la  Revue  philos.,  1897,  T.  II,  p.  449  ;  561  sqq.  —  Alb.  Giard,  Les  facteurs  de  l'évo- 
lution, dans  la  Revue  scientifique,  23  nov.  1889.  Controverses  transformistes.  —  G.-J.  Ro- 
manes, L'intelligence  des  animaux.  L'évolution  mentale  chez  les  animaux.  —  Y.  Delage, 
La  structure  du  protoplasme  et  les  théories  sur  l'hérédité  et  les  grands  problèmes  de  la  biologie 
générale. 

B)  Transforjiistes  modérés  :  A.  Gaudry,  Les  enchaînements  du  monde  aniynal 
dans  les  temps  géologiques.  Les  ancêtres  de  nos  animaux  dans  les  temps  géologiques.  Essai  de 
paléontologie  philosophique.  —  G.  Saint-Mivart,  Gehesis  of  species.  —  M.-D.  Leroy, 
L'évolution  des  espèces  organiques.  —  D.  Cochin,  L'évolution  et  la.  vie.  —  Maisonneuve, 
Création  et  évolution,  dans  le  compte  rendu  du  Congrès  international  scientifique  des  catho- 
liques, 1891,  8"^^  Section,  p.  36-61  —  Pu.  Zahm,  L'évolution  et  le  dogme.  —  J.  Guibert,  Les 
Origines,  Ch.  m.  Cet  auteur,  sans  se  prononcer  catégoriquement,  semble  incliner  du  côté 
du  transformisme  modéré.  —  Eeich  Wasmann,  Die  moderne  Biologie  und  die  Entwick- 
lungstheorie. 

C)  Antitransformistes  :  A.  de  Qiiatrefages,  L'espèce  humaine.  Darwin  et  ses  pré- 
curseurs. Les  émules  de  Darwin.  —  Ém.  Blanchard,  La  vie  des  êtres  animés.  ■ —  Nadaillac 
(DE),  Le  problème  de  la  ine.  —  Lecomte,  Le  Darwinisme  et  l'origine  de  l'homme.  —  Faivre, 
La  variabilité  des  espèces  et  ses  limites.  —  P.  Jousset,  Évolution  et  transformisme.  — 
L.  Aoassiz,  De  l'espèce  et  de  la  classification  en  zoologie.  —  Duiliié  de  Saint-Projet,  Apo- 
logie scientifique  de  la  foi  chrétienne,  III<=  et  IV°P.  —  Lavaud  de  Lestrade,  Transformisme 
et  Darwinisme.  —  A.  F.vrges,  La  vie  et  l'évolution.  —  Vigouroux,  Les  Livres  saints  et  la 
rriticiue  rationaliste,  T.  III,  L.  I,  Scct.  II,  Ch.  m.  Art.  3.  —  Thomas,  Les  temps  primitifs 
et  les  origines  religieuses.  —  J.  de  Bokniot,  La  bête  comparée  à  l'homme.  —  H.  Joly,  L'homme 
et  l'animal,  IV^  P.  L'instinct.  —  D.  Lodiel,  Quelques  appréciations  récentes  du  transformisme, 
dans  les  Études,  déc.  1892.  —  Dierckx,  L'homme-singe  et  les  précurseurs  d'Adam  devant 
la  science.  Revue  des  Questions  scientifiques,  1894,  T.  I,  p.  518-589.  —  Alb.  Fleisch- 
MANN,  Die  Descendenztheorie.  Die  Darwinsche   Théorie. 

(  ')  De  Quatref.\ges,  Darwin  et  ses  Précurseurs  français. 


(89)  LE    TRANSFORMISME    :    DARWIN  613 

Le  vrai  principe  formateur,  indépendant  du  milieu,  est  un  principe 
d'activité  interne,  c'est  le  pouvoir  de  la  vie,  qui  agit  selon  deux  lois  : 
la  loi  du  besoin  et  celle  de  Vhahitiide.  Dans  les  circonstances  favorables, 
le  besoin  crée  les  organes,  l'habitude  les  développe  et  les  fortifie.  Lamarck 
reconnaît  qu'il  est  difficile  de  prouver  par  l'observation  que  le  besoin 
crée  les  organes  ;  mais  l'expérience  établit  que  l'habitude  les  développe  ; 
il  en  conclut  que  le  besoin  les  crée,  donnant  ainsi  la  seconde  loi  comme 
preuve  de  la  première. 

§  II.  —  L^  SYSTÈME  DE  DARWIN 

Darwin  admet  comme  Lamarck  que  les  végétaux  et  les  animaux 
descendent  par  transformations  successives  de  quatre  ou  cinq  types 
primitifs,  peut-être  même  d'un  seul.  L'originalité  du  Darwinisme  n'est 
donc  pas  là,  mais  dans  le  principe  qu'il  met  en  avant  pour  expliquer  les 
transformations  successives  des  êtres  vivants  :  celui  de  la  sélection 
naturelle  {^).  On  sait  que  des  variations  organiques  se  produisent  chez 
les  animaux  domestiques  et  chez  les  plantes  cultivées.  Comme  ces  varia- 
tions ont  la  propriété  de  se  transmettre  par  hérédité,  les  éleveurs  peuvent, 
grâce  à  un  choix  habile  des  reproducteurs,  créer  des  variétés  et  des  races 
si  différentes  de  la  souche  primitive  qu'on  dirait  des  espèces  nouvelles. 
C'est  ainsi  qu'on  a  pu  créer  tant  de  races  de  chevaux,  de  chiens  (180  races), 
de  pigeons  (150  races)  et  tant  de  variétés  de  fleurs  et  d'arbres.  On  a 
appelé  sélection  artificielle  ce  procédé  de  perfectionnement  employé  par 
l'homme. 

Ayant  constaté  ces  faits,  Darwin  s'est  dit  :  pourquoi  la  nature  ne 
pourrait-elle  pas  ce  que  l'homme  peut  ?  Des  variations  se  produisent 
aussi  à  l'état  sauvage.  Les  unes  sont  inutiles  à  l'être  vivant  ;  n'étant 
d'aucun  secours,  elles  disparaissent  aisément  par  la  défaite  des  individus 
où  elles  se  sont  produites.  Les  autres  sont  utiles  ;  étant  d'un  grand  avan- 
tage dans  la  lutte  pour  la  vie,  elles  ont  favorisé  la  survivance  des  indi- 
vidus qui  en  étaient  doués,  et  ont  pu  ainsi  se  transmettre.  De  la  sorte 
s'effectue  une  sélection  naturelle  ou  choix  assez  semblable  à  la  sélection 
artificielle.  Sans  doute  la  nature  est  aveugle  et  on  ne  peut  lui  prêter 
l'intention  de  modifier  les  espèces  vivantes  ;  mais  ce  qu'elle  n'obtient 
pas  par  dessein,  elle  l'obtient  par  l'action  fatale  de  lois  nécessaires. 


(')  Yves  Delage  dénie  à  la  sélection  naturelle  le  pouvoir  souverain  que  lui  avait 
attribué  Darwin  :  «  La  sélection  naturelle  est  un  principe  admirable  et  parfaitement  juste. 
Tout  le  monde  est  d'accord  aujourd'hui  sur  ce  point.  Mais  où  on  n'est  pas  d'accord,  c'est 
sur  la  limite  de  sa  puissance  et  sur  la  question  de  savoir  si  elle  peut  engendrer  des  formes 
spécifiques  nouvelles.  Il  semble  bien  démontré  aujourd'hui  qu'elle  ne  le  peut  pas.  »  (La 
Structure  du  proloplasma  et  les  théories  sur  l'hérédité  et  les  grands  problèmes  de  la  biologie 
générale,  p.  371.  Paris.  1895.) 


614  LE    TRANSFORMISME    :    DARWIN  (89) 

L'éleveur,  qui  choisit  et  isole  les  reproducteurs,  est  remplacé  dans  la 
nature  par  : 

a)  La  lutte  pour  la  vie  {struggle  for  lije)  qui  préserve  les  meilleurs 
sujets. 

h)  U influence  du  milieu. 

c)  Les  cataclysmes  et  les  migrations  qui  empêchent  le  mélange  des 
variétés  en  les  séparant   (^). 

A)  La  lutte  pour  la  vie  ou  concurrence  vitale  est  la  consé- 
quence fatale  de  l'exubérante  fécondité  des  êtres  vivants  (^).  Si  cette 
exubérance  n'était  pas  contrebalancée,  la  terre  serait  bientôt  incapable 
de  nourrir  et  même  de  contenir  ses  habitants.  Chaque  être  vivant  doit 
donc  lutter  pour  assurer  son  existence.  Dans  cette  concurrence  vitale, 
les  moins  avantagés  périssent  ;  les  mieux  protégés  résistent.  Ainsi  se 
dégage  la  loi  de  la  survivance  des  plus  aptes  à  la  lutte.  Il  ne  faut  pas 
confondre  les  plus  aptes  avec  les  plus  forts.  Les  victorieux  sont  ceux  qui 
l'emportent  sur  leurs  concurrents  soit  par  leur  vigueur,  soit  par  quelque 
autre  qualité  naturelle,  comme  la  ruse,  la  légèreté,  la  couleur,  etc. 
Le  mimétisme  (^)  sert  de  protection  aux  faibles.  Il  se  fait  donc,  à  chaque 
génération,  un  choix  réel  des  individus  qui  possèdent  les  qualités  les 
plus  avantageuses  et  les  transmettent  à  leurs  descendants. 

Le  temps  et  Yhérédité  sont  les  deux  grands  facteurs  de  ce  progrès, 
car  le  temps,  dont  dispose  si  largement  la  nature,  accumule  sans  cesse 
de  petites  différences,  et  l'hérédité  les  fixe  dans  la  descendance.  Les 
caractères  ainsi  acquis  le  sont  pour  toujours,  et  cela  constitue  la  loi  de 
caractêrisation  permanente. 

Mais  comme,  à  chaque  génération,  les  individus  sortis  d'un  groupe 
ainsi  caractérisé  s'éloignent  de  plus  en  plus  du  point  de  départ,  ils  en 
viennent  à  différer,  d'une  façon  très  tranchée,  de  l'organisme  primitif 
d'où  ils  descendent,  et  constituent  ainsi  de  nouvelles  espèces,  en  obéissant 
à  la  loi  de  la  divergence  des  caractères. 


(M  On  entend  par  :  1»  Espèce,  une  collection  d'individus  qui  ont  un  certain  nombre 
de  qualités  communes  et  essentielles,  indéfiniment  transmissibles  par  génération.  Elle 
implique  donc  deux  caractères  :  la  ftxilé  et  l'inier fécondité.  C'est  la  définition  qui  résulte  des 
observations  qui  ont  été  faites  par  l'homme  depuis  qu'il  les  consigne. 

2°  Variété,  un  groupe  d'individus  qui  ne  se  distinguent  que  par  des  qualités  acci- 
dentelles, lesquelles  peuvent  disparaître. 

3°  Race,  un  groupe  d'individus  dont  les  caractères,  constituant  une  variété,  sont 
fixés  et  perpétués  d'une  manière  constante  par  la  génération  et  l'hérédité.  —  Aux  yeux  de 
Darwin,  les  espèces  uclueUes  ne  sont  que  des  variétés  fixées. 

(  *)  iîD.  Perrier  la  nie  pour  4  emijranchements  sur  8  du  Règne  animal.  «  Ce  n'est  donc 
pas  à  la  guerre  que  sont  dus  les  plus  grands  progrès  dans  la  nature  :  la  victoire  finale  n'a 
pas  été  celle  de  la  force,  mais  celle  de  la  paix.  "  {Comptes  rendus  de  l'Acadé7nie  des  Sciences, 
27  décembre  191.5,  T.  161,  p.  816). 

(')  Le  mimétisme  est  la  propriété  qu'ont  certaines  espèces  de  revêtir  les  apparences 
d'animaux  redoutés  ou  dédaignés  par  les  carnassiers.  —  R.  Wallace,  La  sélection  naturelle, 
p.   /i5-130. 


(89)  LE    TRANSFORMISME    .    DARWIN  615 

Remarque  :  on  s'imagine  parfois  qu'il  s'agit  de  transformer  une 
espèce  donnée  en  une  espèce  voisine,  vg.  un  âne  en  cheval,  un  chien  en 
loup  ou  vice  versa.  C'est  une  erreur.  Les  espèces  ne  se  transforment  pas 
(ce  sont  les  individus)  ;  elles  se  forment  par  divergence  en  s'éloignant  du 
tronc  commun  d'où  elles  descendent  et  dont  elles  gardent  les  traits 
fondamentaux.  Le  loup  ne  vient  pas  du  chien,  ni  le  chien  du  loup,  mais 
le  loup  et  le  chien  seraient,  d'après  les  transformistes,  deux  rameaux 
divergents  sortis  d'une  même  souche  antique. 

B)  —  Le  milieu  :  Darwin  n'attache  qu'une  influence  secondaire 
à  Vinfluence  du  milieu  comme  source  de  variations  dans  les  animaux  et 
les  plantes.  C'est  un  fait  que  la  nature  des  conditions  ambiantes,  le 
climat,  l'alimentation,  la  lumière,  etc.,  sont  une  cause  de  modifications 
plus  ou  moins  importantes  dans  la  constitution  des  êtres  :  vg.  le  chien 
transporté  dans  les  régions  polaires  se  couvre  d'une  fourrure  de  poils 
épais  ;  à  l'équateur  il  perd  ses  poils.  Les  changements,  disent  les  trans- 
formistes, ont  dû  être  encore  beaucoup  plus  profonds  et  rapides,  dans  les 
périodes  géologiques,  où  les  conditions  de  milieu  étaient  beaucoup  plus 
instables. 

C)  —  L'émigration  spontanée  et  les  grands  cataclysmes,  en  sépa- 
rant les  espèces  en  voie  de  formation,  ont  permis  aux  caractères 
divergents  de  s'accentuer  de  plus  en  plus  (^). 

Les  transformistes  ajoutent  d'autres  arguments  (2)  : 

D)  —  Les  organes  rudimentaires  ou  organes-témoins  :  ce  sont 
des  organes  si  peu  développés  qu'ils  ne  paraissent  plus  pouvoir  exercer 
aucune  fonction  :  vg.  l'œil  pinéal,  placé  au  sommet  de  îa  tête,  est  atrophié 
chez  les  animaux  supérieurs,  mais  il  se  voit  encore  chez  certains  reptiles  ; 
—  le  chien,  le  porc,  le  cheval  ont  des  doigts  plus  ou  moins  atrophiés 
et  inutiles,  etc.  Dans  la  théorie  transformiste,  ces  organes  ont  leur  raison 
d'être  :  c'est  comme  la  signature  de  l'ancêtre  commun  dans  toutes  les 
espèces  qui  descendent  de  lui.  C'est  sans  doute  le  non-usage  à  travers 
plusieurs  générations  qui  a  produit  l'atrophie. 

E)  —  Série  embryologique  :  l'embryologie  est  la  science  du  déve- 
loppement individuel  (lej)uis  l'œuf  jusqu'à  la  forme  adulte.  D'après  les 

'  darwinistes,  tout  animal  va  du  simple  au  composé  par  une  multitude  de 
phases,  pendant  lesquelles  il  offre  de  grandes  analogies  avec  des  formes 
que  conservent  toute  leur  vie  des  êtres  inférieurs  :  vg.  des  êtres  de  même 

^    embranchement,  mais  de  classes  différentes,  comme  les  poissons  et  les 


(M  «  ...Obligé  d'abandonner  la  géologie  des  cataclysmes,  on  s'est  rejeté  sur  la  paléonto- 
logie, imaginant  des  luttes  violentes  dans  le  monde  animé...  En  réalité  ces  combats  ont 
été  des  exceptions  ;  il  faut  se  figurer  une  grande  nature  où,  comme  de  nos  jours,  tout  était 
harmonie  ».  (A.  Gaudry,  Essai  de  paléontologie  philosophique,  Ch.  ii,  p.  31,  Paris,  1896). 

C)  D'après  J.  Guibert,  Les  Origines,  Ch.  m,  §  3. 


616  LE    TRANSFORMISME    :    DARWIN  (89) 

mammifères,  ont  un  développement  parallèle  jusqu'au  type  poisson  ; 
alors,  tandis  que  les  poissons  se  caractérisent  dans  leurs  espèces,  les 
mammifères  continuent  leur  marche  ascendante,  passent  par  des  états 
qui  sont  permanents  chez  les  batraciens  et  transitoires  chez  eux,  et 
arrivent  enfin  au  type  caractéristique  de  leur  classe.  Il  y  aurait  donc  un 
parallélisme  entre  la  série  embryologique  et  la  série  zoologique.  Chaque 
individu  répéterait  brièvement  les  phases  par  lesquelles  a  passé  son 
espèce.  Ainsi  les  embryons  d'un  poisson  et  d'un  mammifère  se  ressem- 
blent longtemps,  parce  que  tous  deux  reproduisent  les  phases  par  les- 
quelles avait  passé  l'ancêtre  commun  qui  fut  le  premier  des  vertébrés. 

F)  —  Série  paléontologique  :  les  couches  sédimentaires  étudiées 
par  les  géologues  sont  comme  les  feuillets  d'un  livre,  où  la  science  peut 
étudier  la  succession  des  êtres  vivants.  Mais  il  manque  beaucoup  de 
pages  à  ce  livre,  soit  parce  qu'une  petite  partie  seulement  de  l'écorce 
terrestre  a  été  explorée,  soit  parce  que  l'érosion  a  détruit  beaucoup  de 
documents.  De  plus,  à  part  les  mollusques,  peu  d'êtres  vivants  se  fossi- 
lisent. Une  grande  part  reste  donc  à  l'hypothèse  pour  interpréter  les 
signes  conservés  et  combler  les  lacunes.  Or,  d'après  les  transformistes, 
les  caractères  non  effacés  seraient  tous  favorables  à  leur  thèse. 

Les  animaux  n'ont  point  tous  apparu  à  la  même  époque  ;  les  espèces 
ont  été  formées  successivement  dans  le  cours  des  périodes  géologiques  : 
depuis  la  première  origine  de  la  vie  jusqu'à  la  naissance  de  l'homme,  on 
signale  sans  cesse  de  nouvelles  espèces.  Ces  apparitions  ne  se  font  pas 
brusquement  ;  les  espèces  se  renouvellent  peu  à  peu  ;  les  unes  périssent, 
les  autres  arrivent.  Ce  n'est  pas  au  hasard,  mais  suivant  un  ordre  constant, 
en  allant  du  simple  au  composé,  que  ces  espèces  apparaissent.  Les  inver- 
tébrés vivent  avant  les  vertébrés.  Parmi  les  vertébrés,  les  poissons  se 
montrent  dès  le  silurien  ;  viennent  ensuite  les  batraciens  sur  les  premiers 
continents  émergés  au  temps  carbonifère  ;  les  reptiles  débutent  avec 
l'ère  secondaire  ;  les  oiseaux  et  les  mammifères  commencent  à  avoir 
des  représentants  dans  l'ère  secondaire,  mais  ils  n'ont  leur  plein  déve- 
loppement que  durant  l'ère  tertiaire. 

Pour  les  groupes  représentés  par  de  nombreux  restes,  le  passage 
insensible  d'une  forme  à  l'autre  est  frappant  ;  ces  formes  de  transition 
se  rencontrent  soit  : 

a)  Pour  lier  entre  eux  lesembranchements:vg.  les  premiers  batraciens 
présentent  de  nombreux  caractères  propres  aux  poissons  ;  les  premiers 
oiseaux  gardent  plusieurs  caractères  propres  aux  reptiles. 

b)  Pour  faire  l'histoire  des  espèces  d'un  même  genre  :  vg.  parmi  les 
mollusques,  où  les  fossiles  abondent,  chez  les  céphalopodes,  comme  les 
nautiles,  les  goniatites,  les  ammonites. 

Le  transformisme  prétend  expliquer  cette  succession  paléonto- 
logique en  disant  que  les  formes  primitives  se  sont  modifiées  et  élevées 


(89)  —  LE    TRANSFORMISME    :    CRITIQUE  617 

peu  à  peu  en  s'adaptant  aux  milieux  où  elles  vivaient,  en  se  pliant  aux 
conditions  d'existence. 

Les  développements  successifs  du  règne  végétal  offrent  des  faits 
plus  saillants,  car  l'ordre  d'apparition  correspond  exactement  à  l'ordre 
de  complication  organique  :  les  cryptogames  sont  seuls  aux  temps 
primaires  ;  puis  viennent  les  conifères  et  les  cycadées  ;  les  monocoty- 
lédones  et  les  dicotylédones  apparaissent  durant  l'ère  secondaire  et 
n'atteignent  leur  apogée  que  dans  l'ère  tertiaire. 

G)  —  Lien  des  formes  vivantes  :  on  suit  aisément  les  divers  degrés 
de  complication  qui  forment  le  trait  d'union  entre  les  animaux  simples 
et  les  types  les  plus  perfectionnés.  Les  protozoaires  sont  composés  de 
cellules  semblables,  isolées  ou  réunies  en  colonies.  Les  colonies  cellulaires 
commencent  à  se  différencier  chez  les  cœlentérés.  Chez  les  échinodermes 
apparaissent  nettement  des  organes  internes  entre  l'ectoderme  et  l'ento- 
derme.  A  partir  de  là,  tantôt  les  parties  se  groupent  en  rayonnant  autour 
d'un  centre,  tantôt  elles  se  disposent  sur  une  même  ligne  droite.  Dans 
ce  dernier  cas,  ou  bien  certaines  parties  restent  assez  distinctes  comme 
chez  les  vers,  ou  bien  elles  se  fusionnent  plus  ou  moins  et  se  condensent 
en  une  unité  plus  serrée,   comme  dans  les  embranchements  supérieurs. 

Les  espèces  voisines  ne  diffèrent  que  très  légèrement  les  unes  des 
autres  ;  dans  leur  série  continue,  il  est  difficile  de  trouver  des  lignes  de 
démarcation.  Même  dans  les  espèces  qui  paraissent  éloignées,  soit  dans 
une  même  classe,  soit  dans  un  même  embranchement,  les  parties  homo- 
logues sont  construites  de  la  même  façon.  Ainsi  chez  le  cheval,  la  taupe, 
la  souris,  le  marsouin,  la  baleine,  le  membre  antérieur  a  les  mêmes  os 
agencés  de  la  même  manière.  Les  pattes  du  mammifère,  les  ailes  de 
l'oiseau,  les  membres  du  reptile,  sont  composés  des  mêmes  pièces. 
Les  différences,  que  l'anatomie  signale,  s'effacent,  si  l'on  remonte  soit 
aux  périodes  embryonnaires,  car  la  formation  du  membre  antérieur 
s'y  fait  de  la  même  façon,  soit  aux  sédiments  géologiques,  car  on  y  trouve 
des  ancêtres  où  les  modifications  différentielles  n'étaient  pas  encore 
effectuées.  —  Ces  faits  démontrent  une  parenté  morphologique  très 
étroite  entre  les  espèces  d'un  même  genre,  moins  étroite  entre  les 
genres  d'une  même  classe,  moins  étroite  encore  entre  les  espèces  extrêmes 
du  règne  animal.  Ce  lien  qui  unit  les  êtres  vivants  est,  d'après  les  trans- 
formistes, le  résultat  d'une  commune  descendance  ;  ce  n'est  pas  un  lien 
idéal,  mais  un  lien  de  parenté  réelle. 

§  IIL  —  CRITIQUE  DU  TRANSFORMISME 

A)  Réfutation  générale  :  la  théorie  darwinienne  repose  sur 
l'analogie  entre  la  sélection  naturelle  et  la  sélection  artificielle.  Or  cette 
analogie  est  contestable.  La  sélection  artificielle  est  réfléchie  et  calculée. 
Pour  faire  une  race  douée  de  telle  qualité  déterminée,  il  ne  suffit  pas  de 


618  LE    TRANSFORMISME    :    CRITIQUE  -  (89) 

lui  donner  pour  père  un  individu  qui  offre  la  première  ébauche  de  cette 
qualité  ;  il  faut  trouver  une  mère  en  qui  se  rencontre  la  même  qualité  ; 
autrement  cette  qualité  s'affaiblit  dès  la  seconde  génération  et  disparait 
à  la  troisième  ou  quatrième.  Ce  double  choix  est  nécessaire  non  seulement 
au  début,  mais  constamment  :  c'est  à  cette  condition  que  se  précisera  le 
caractère  que  l'on  veut  perpétuer  dans  une  race.  Pour  que  la  sélection 
naturelle  obtînt  le  même  résultat,  il  faudrait  que  la  nature  fût  capable 
de  choix,  mais  elle  est  aveugle.  L'animal  agit  sous  l'influence  d'un 
instinct  irréfléchi.  Comment  admettre  qu'un  animal,  dont  la  constitution 
offre  quelque  particularité  utile,  ira  chercher  et  découvrira  un  autre 
individu  doué  du  même  avantage  ?  Comment  admettre  surtout  que 
cette  recherche  et  cette  découverte  se  renouvellent  autant  de  fois  qu'il 
est  nécessaire  pour  produire  et  fixer  une  variété  ?  Il  serait  étrange  que 
l'homme  intelligent  et  la  nature  aveugle,  agissant  par  des  voies  opposées, 
aboutissent  aux  mêmes  résultats. 

Ce  n'est  pas  assez  dire,  car  la  nature  aboutirait  à  des  résultats  bien 
supérieurs  :  elle  arriverait  à  produire  des  espèces^  tandis  que  l'homme  n'a 
réussi  qu'à  produire  des  races,  en  fixant  des  variétés.  Avec  un  père  et 
une  mère  de  l'espèce  canine,  la  sélection  artificielle  a  créé  de  nombreuses 
races  de  chiens,  mais  jamais  un  autre  animal. 

Les  produits  hybrides,  qui  proviennent  de  deux  espèces  voisines, 
ou  bien  sont  stériles  après  un  petit  nombre  de  générations  (comme 
les  mulets),  ou  bien  sont  indéfiniment  féconds  (comme  les  léporides), 
mais  alors  leurs  descendants  reviennent  promptement  au,  type  lièvre 
ou  au  type  lapin.  Ce  fait  d'interstérilité  entre  deux  espèces  voisines  est, 
de  l'aveu  de  Darwin,  «  inexplicable  »  dans  la  théorie  transformiste. 
Quatrefages  regarde  ce  fait  capital  comme  la  preuve  manifeste  de  la 
fixité  des  espèces. 

De  plus  l'histoire,  aussi  haut  qu'on  puisse  remonter  dans  l'étude  du 
passé,  confirme  la  permanence  des  espèces.  Certaines  ont  disparu  ; 
aucune  des  survivantes  n'a  subi  de  transformations  (Cf.  les  descriptions 
d'Aristote,  les  monuments  de  l'Egypte,  etc.).  Si  donc  la  sélection  natu- 
relle, sous  l'action  de  la  concurrence  vitale,  n'a  produit,  de  mémoire 
d'homme,  pendant  soixante  ou  soixante-dix  siècles,  aucune  modifi- 
cation notable,  de  quel  droit  les  transformistes  lui  accordent-ils  une  si 
merveilleuse  efficacité  dans  le  passé  ?  Ils  répliquent  que,  dans  les  périodes 
géologiques  antérieures  à  la  nôtre,  la  sélection  naturelle,  disposant  d'un 
temps  illimité,  a  pu  agir  efficacement.  —  Mais  le  temps  par  lui-même 
ne  produit  rien  ;  il  n'est  qu'une  condition  qui  permet  à  une  force  de  se 
développer  ;  si  donc  pendant  soixante-dix  siècles  la  sélection  naturelle 
n'a  rien  fait,  ce  n'est  pas  avec  un  temps  indéfiniment  prolongé  qu'elle 
fera  quelque  chose.  C'est  une  supposition  gratuite  qui  n'a  rien  de  scien- 
tifique. 


(89)  LE    TRANSFORMISME    :    CRITIQUE  619 

B)  Réponse  aux  arguments  particuliers  : 

I.  —  La  persistance  d'organes  ludimentaires  n'est  pas  une  preuve  en 
faveur  du  transformisme,  car  : 

lo  Au  dire  de  Darwin  lui-même,  nous  ne  savons  pas  si  un  organe, 
rudimentaire  ou  inutile  chez  l'adulte,  n'a  pas  exercé  une  fonction  chez 
chez  l'embryon. 

20  II  peut  se  faire  que  les  organes  rudimentaires,  comme  les  ailes  de 
l'aptéryx,  servent  à  une  fin  encore  inconnue. 

3°  Cette  persistance  d'ailleurs  s'explique  suffisamment  par  V unité 
de  plan,  qu'elle  sert  à  manifester  (Logique,  82,  §§  II,  III). 

40  Ces  organes  peuvent  être  le  résultat  d'une  dégradation  subie 
dans  l'espèce  même,  ùitra  eamdem  speciem. 

5°  L'explication  darwinienne  sur  la  cause  de  l'atrophie  de  ces  organes 
n'est  pas  juste  ;  on  cite  bien  des  cas  où  le  non-usage  n'a  pas  atrophié 
certains  organes  :  vg.  l'oie  de  Magellan  et  la  frégate  ont  des  pieds  palmés 
pour  nager  et  ne  nagent  pas  ;  un  pic  d'Amérique  {Colapt.es  campestris) 
a  des  pieds  grimpeurs  et  ne  grimpe  pas. 

II.  —  Il  est  certain,  d'après  Darwin  lui-même,  que  tous  les  animaux 
ne  passent  pas  par  les  différents  états  de  leur  soi-disant  ancêtre.  Cepen- 
dant les  lois  de  la  nature  sont  générales,  et  si  l'explication  du  dévelop- 
pement embryologique  était  celle  que  supposent  les  darwinistes,  elle  ne 
devrait  pas  souffrir  ces  exceptions.  Agassiz  a  remis  les  choses  au  point  : 
«  En  tant  qu'oeufs,  dans  leur  condition  primitive,  tous  les  animaux  se 
ressemblent.  Mais  aussitôt  que  l'embryon  commence  à  montrer  quelques 
traits  caractéristiques,  ceux-ci  présentent  des  particularités  telles  que 
le  type  peut  se  distinguer...  Aucun  animal  supérieur  ne  traverse  une 
suite  de  phases  rappelant  tous  les  types  inférieurs  du  règne  animal, 
mais  il  subit  simplement  une  série  de  modifications  spéciales  aux 
animaux  de  l'embranchement  auquel  il  appartient  (^).  » 

m.  —  On  a  apporté  plusieurs  faits  contre  la  série  paléontologique  : 

1°  Certaines  espèces  ont  "persévéré,  sans  transformation,  à  travers 
les  temps  géologiques.  Pourquoi  certains  types  ont-ils  progressé,  tandis 
que  d'autres  sont  demeurés  stationnaires  ?  pourquoi  existe-t-il  encore 
des  amibes,  des  méduses  et  même  des  poissons  et  des  reptiles  ? 

2^  L'ordre  d'apparition  des  espèces  n'est  pas  conforme  au  degré  de 
complication  de  l'organisme  :  dès  le  cambrien  on  voit  des  êtres  de  presque 
tous  les  groupes. 

.■50  Les  groupes  nouveaux  apparaissent  brusquement,  sans  être  ame- 
nés par  des  formes  intermédiaires  qui  les  relient  à  d'autres.  —  On  n'a 
pas  retrouvé  ces  intermédiaires  nécessaires  pour  justifier  le  transfor- 


(  ')  L.  Agassiz,  De  l'Espèce  et  de  la  Classification  en  Zoologie,  Cli.  ii,  §  VIII,  Traduit  do 
l'anglais,  par  F.  Vogéli,  p.  278-279.  Paris,  1869. 


620  LE    TRANSFORMISME    :    CRITIQUE  (89) 

misme.  Darwin  l'a  reconnu  loyalement  :  «  Le  problème  de  la  filiation  des 
espèces  dans  les  couches  fossilifères  reste,  quant  à  présent,  inexpliqué, 
insoluble,  et  l'on  peut  continuer  à  s'en  servir  comme  d'un  argument 
sérieux  contre  les  opinions  émises  ici.  «  M.  Contejean,  quoique  transfor- 
miste, dit  de  son  côté  :  «  Il  faut  admettre  que  les  nombreuses  étapes  qui 
marquent  la  transformation  entre  deux  types  spécifiques  voisins  sont 
représentées  chacune  par  une  forme  particulière  qu'on  devrait  retrouver 
à  l'état  fossile.  Ces  formes  de  passage  seraient  donc  innombrables  ;  en 
outre  les  types  spécifiques,  noyés  dans  cette  multitude  d'intermédiaires, 
ne  pourraient  plus  être  distingués  les  uns  des  autres,  ou,  en  d'autres 
termes,  n'existeraient  pas.  Or  c'est  le  contraire  qui  a  lieu.  « 

Pressés  par  ces  objections,  certains  transformistes  ont  imaginé  la 
théorie  des  émigrations.  Quand  on  leur  dit  :  vg.  on  ne  connaît  aucune 
forme  intermédiaire  entre  Thipparion  et  le  cheval,  ils  répondent  :  l'être 
que  vous  cherchez  ne  peut  se  trouver  que  dans  une  région  éloignée  de 
celle  où  vécurent  ces  animaux  ;  autrement  il  ne  se  fût  pas  transformé. 
Mais  cette  hypothèse  est  tellement  gratuite  et  arbitraire  qu'elle  est 
rejetée  par  beaucoup  de  darwinistes.  Aussi  d'autres,  comme  Naudin, 
recourent  à  des  transformations  brusques  et  ils  apportent  en  preuve  les 
modifications  produites  soudainement  chez  les  plantes  et  même  chez 
certains  animaux.  Mais  ces  modifications  n'ont  jamais  lieu  qu'entre  des 
races  ou  des  variétés  d'une  même  espèce. 

IV.  —  Le  lien  qui  unit  entre  elles  les  formes  vivantes  est  manifeste  ; 
mais  le  fait  de  son  existence  ne  tranche  pas  la  question  de  son  origine  : 
est-il  idéal  ou  le  résultat  d'une  descendance  commune  ?  On  peut  admettre 
que  le  transformisme  explique  aussi  bien  que  le  créationnisme  les  ressem- 
blances qui  unissent  les  espèces  voisines  ;  mais  il  ne  rend  pas  aussi  aisé- 
ment compte  des  différences  anatomiques  et  physiologiques  qui  les 
séparent. 

V.  —  Admettons  qu'on  établisse  l'interfécondité  des  espèces  et 
qu'on  découvre  les  innombrables  intermédiaires  des  transformations 
successives,  il  restera  toujours  à  expliquer  : 

1°  L'origine  des  êtres  vivants  :  depuis  la  réfutation  des  générations 
spontanées  par  Pasteur,  c'est  une  vérité  acquise  à  la  science  que  les 
êtres  organisés  reçoivent  toujours  la  vie  de  corps  déjà  vivants,  que  par 
conséquent  la  vie  ne  résulte  pas  de  l'évolution  d'éléments  physico- 
chimiques :  Omne  vivum  ex  vivo  (46).  Il  faut  donc  recourir  à  un  principe 
transcendant,  en  dehors  et  au-dessus  de  la  matière,  à  un  être  créateur 
du  principe  vital. 

ÔP  La  plasticité  des  êtres  vivants  :  comment  sont-ils  capables  de 
s'adapter  aux  conditions  de  leur  existence  ?  Comment  peuvent-ils  se 
développer  régulièrement  au  milieu  des  influences  diverses  qu'ils  subis- 
sent ?  Cette  plasticité  offre  éminemment  le  caractère  de  la  finalité.  Il  faut 


(89)  LE    TRANSFORMISME    :    CRITIQUE  G21 

y  reconnaître  les  marques  d'une  intelligence  qui,  n'étant  ni  dans  la  plante, 
ni  dans  l'animal,  doit  être  en  dehors  et  au-dessus  d'eux,  dans  une  Pro- 
vidence qui  dirige  les  êtres  vivants  vers  une  fin  qu'ils  ignorent.  C'est  ce 
qu'exprime  fort  bien  un  naturaliste  américain,  L.  Agassiz  :  «  Rien  dans 
le  règne  organique  n'est  de  nature  à  nous  impressionner  autant  que 
l'unité  de  plan  qui  apparaît  dans  la  structure  des  types  les  plus  divers. 
D'un  pôle  à  l'autre,  sous  tous  les  méridiens,  les  Mammifères,  les  Oiseaux, 
les  Reptiles,  les  Poissons  révèlent  un  seul  et  même  plan  de  structure. 
Ce  plan  dénote  des  conceptions  abstraites  de  l'ordre  le  plus  élevé,  il 
dépasse  de  bien  loin  les  plus  vastes  généralisations  de  l'esprit  humain,  et  il 
a  fallu  les  recherches  les  plus  laborieuses  pour  que  l'homme  parvînt 
seulement  à  s'en  faire  une  idée.  D'autres  plans  non  moins  merveilleux 
se  découvrent  dans  les  Articulés,  les  Mollusques,  les  Rayonnes  et  dans 
les  divers  types  de  plantes.  Et  cependant  ce  rapport  logique,  cette 
admirable  harmonie,  cette  infinie  variété  dans  l'unité,  voilà  ce  qu'on 
nous  représente  comme  le  résultat  de  forces  auxquelles  n'appartiennent 
ni  la  moindre  parcelle  d'intelligence,  ni  la  faculté  de  penser,  ni  le  pouvoir 
de  combiner,  ni  la  notion  du  temps  et  de  l'espace  (^).  » 

VI.  —  Il  faut  noter  enfin  que  le  transformisme  n'est  qu'une  hypo- 
thèse contestable  et  contestée,  que  trop  souvent  l'on  rejette  ou  que  l'on 
admet  pour  des  raisons  exlrascientifiques.  Voici  la  déclaration  faite 
par  Yves  Delage,  professeur  d'anatomie  et  de  physiologie  comparées 
à  la  Sorbonne  :  «  Je  reconnais  sans  peine  qu'on  n'a  jamais  vu  une  espèce 
en  engendrer  une  autre,  ni  se  transformer  en  une  autre,  et  que  l'on  n'a 
aucune  observation  absolument  formelle  démontrant  que  cela  ait  jamais 
eu  lieu.  J'entends  ici  une  vraie  bonne  espèce,  fixe  comme  les  espèces 
naturelles  et  se  maintenant  comme  elles,  sans  le  secours  de  l'homme.  « 
L'auteur,  qui  est  cependant  transformiste,  ajoute  en  note  :  «  Je  prends 
ici  la  première  personne  pour  montrer  que  je  parle  en  mon  nom  et  non 
en  celui  des  Transformistes,  dont  beaucoup  seront  sans  doute  scanda- 
lisés en  lisant  cette  déclaration.  Je  suis  cependant  absolument  convaincu 
qu'on  est  ou  n'est  pas  transformiste,  non  pour  des  raisons  tirées  de 
l'histoire  naturelle,  mais  en  raison  de  ses  opinions  philosophiques.  S'il 
existait  une  hypothèse  scientifique,  autre  que  la  descendance,  pour  expli- 
quer l'origine  des  espèces,  nombre  de  Transformistes  abandonneraient 
leur  opinion  actuelle  comme  insuffisamment  démontrée  (^).  » 

Nous  laissons  aux  spécialistes  le  soin  d'apprécier  la  juste  valeur  de 
ces  objections  et  de  ces  réponses.  Mais  nous  avons  à  juger  le  transfor- 
misme, du  point  de  vue  philosophique. 

Conclusion.   —  Le   transformisme  absolu,  qui  rejette  toute  inter- 


(  ')  L.  Agassiz,  De  l'Espèce  et  de  la  Classification  en  Zoologie,  Ch.  i,  §  IV,  p.  23-24. 
(  ')  Y.  Delage,  La  structure  du  protoplasma...,  p.  184. 


622  LE    TRANSFORMISME    :    CRITIQUE  (89) 

vention  créatrice  de  Dieu,  est  contraire  à  la  raison  et  à  la  foi.  Le  trans- 
formisme modéré,  qui  admet  l'intervention  de  Dieu  pour  créer  la  vie 
des  espèces  végétales  et  animales,  est  un  système  possible  en  soi  :  il  ne 
répugne  donc  ni  à  la  raison  ni  à  la  foi.  Telle  est,  d'après  Henri  de 
DoRLODOT,  professeur  de  Géologie  à  l'Université  de  Louvain  et  ancien 
professeur  de  Théologie  au  Séminaire  de  Namur,  la  doctrine  fonda- 
mentale de  Darwin  sur  Vorigine  des  espèces,  «  qui  se  résume  dans  les  deux 
propositions  suivantes  : 

«  1°  La  première  origine  des  êtres  vivants  est  due  à  une  influence 
spéciale  du  Créateur,  qui  a  inspiré  la  vie  à  un  seul  ou  à  un  petit  nombre 
d'organismes  élémentaires. 

«  2o  Ces  organismes,  évoluant  dans  la  suite  des  siècles,  ont  donné 
naissance  à  toutes  les  espèces  organiques  qui  existent  actuellement,  ou 
dont  les  vestiges  nous  sont  conservés  à  l'état  fossile  (^).  > 

A  priori  ce  système  est  possible.  Est-il  réalisé  dans  la  nature  ?  C'est 
aux  faits  de  répondre.  Un  certain  nombre  de  savants  ont  repoussé 
même  le  transformisme  ainsi  tempéré,  parce  qu'ils  ne  le  trouvaient  pas 
suffisamment  prouvé  par  les  faits  :  vg.  Cuvier,  de  Quatrefages,  Flourens, 
Agassiz,  etc.  Beaucoup  d'autres  soutiennent  le  contraire.  D'après  un 
éminent  professeur  au  Muséum  d'Histoire  naturelle,  Albert  Gaudry, 
«les  espèces  secondaires  (qui  ne  seraient  que  des  variétés  et  des  races) 
sont  transmutables  ;  mais  elles  dérivent  d'un  certain  nombre  de  classes 
primordiales  et  irréductibles  qui  ont  Dieu  pour  auteur  immédiat  »  (^). 

René  Zeiller,  le  maître  de  la  Paléobotanique  en  France,  «  était  arrivé 
finalement  à  cette  conviction,  partagée  par  beaucoup  de  naturalistes  de 
nos  jours  :  Nous  n'avons  pas  d'autre  manière  d'expliquer  les  faits  observés 


(  M  H.  DE  DoiiLODOT,  Le  Dar\.<.inisme  au  point  de  rue  de  l'Orthodoxie  cutholique  :I.  L'Ori- 
gine des  E&i)i}ces,  p.  10,  Bruxelles  et  Paris,  19'21.  — L'auteur  ajoutedansunenote'  «Lorsque 
nous  parlons  des  opinions  de  Darwin,  nous  ne  faisons  jamais  allusion  qu'à  celles  qu'il  a 
exprimées  dans  les  écrits  puliliés  par  lui-même  et  qu'il  a  maintenues  jusque  dans  ses  der- 
nières éditions,  et  non  aux  doutes,  plus  ou  moins  passagers,  dont  on  peut  trouver  les  traces 
dans  sa  volumineuse  correspondance  >  (p.  151,  note  1).  —  On  sait  que  Darwin  a  étendu  sa 
théorie  transformiste  jusqu'à  l'homme.  (Cf.  La  descendance  de  l'homme).  Cette  extension 
parait  à  un  Krand  nombre  d'exégcHes  catholiques  se  heurter  au  texte  de  la  Genèse  relatif 
à  la  création  de  l'homme  (C.  ii,  v.  7).  C'est  aussi  notre  sentiment.  Cependant  un  certain 
nombre  de  catholiques  estiment  qu'on  peut  appliquer  la  théorie  transformiste  au  corps 
de  l'homme.  Ainsi  semble  penser  le  Père  Tiieilard  du  Chardin  (Cf.  Les  Hommes  fossiles, 
dans  ÉTUDES,  1921,  T.  I,  p.  ,^77).  M.  de  Doulodot  annonce  la  publication  d'un  second 
volume  sur  la  Descendance  de  l'homme.  S'il  est  permis  de  préjuger  son  opinion  d'après  les 
tendances  du  premier  volume   on  peut  conjecturer  qu'il  sera  favorable  à  cette  extension. 

(•)  .\.  Gauduv  :  «  Les  êtres  animés  ne  sauraient  avoir  produit  eux-mêmes  leurs  forces 
vitales,  car  nul  ne  peut  donner  ce  qu'il  n'a  pas.  Quand  nous  imaginerons  toutes  les 
forces  physiques  ou  chimiques,  elles  ne  feront  pas  une  force  vitale,  et  surtout  une  force 
pensante.  C'est  donc  la  cause  première,  c'est-à-dire  Dieu,  qui  crée  les  forces  »  (Essai  de 
paléontologie   philosophique,   Conclusion,   p.    208-209). 


(89)       LE    TRANSFORMISME    :    POSITION    ACTUELLE    DE    LA   QUESTION      623 

que  par  la  notion  du  transformisme,  et  ce  transformisme  inévitable,  son 
mécanisme  nous  échappe  »  (^). 

§  IV.  —  COMMENT  SE  POSE  AUJOURD'HUI  LA  QUESTION 
DU  TRANSFORMISME? 

Actuellement  les  naturalistes  sont  presque  tous  transformistes.  Mais 
il  faut  noter  que  le  système  transformiste  a  lui-même  évolué.  De  là 
l'intérêt  qui  s'attache  à  cette  enquête  :  Comment  se  pose  aujourd'hui 
la  question  du  transformisme  ?  Pour  y  répondre,  nous  laisserons  la 
parole  à  un  géologue  de  profession,  qui  est  en  même  temps  familiarisé 
avec  la  Théologie. 

«  Par  rapport  à  ce  que  tenaient  les  initiateurs  de  la  doctrine  transfor- 
miste, nos  vues  actuelles  sur  la  nature  découvrent  une  évolution  biolo- 
gique :  1°  beaucoup  plus  compliquée  dans  son  processus  qu'on  ne  le 
pensait  d'abord  ;  2"  mais,  en  même  temps,  de  plus  en  plus  certaine  dans 
son  existence;  3''  pourvu  qu'elle  soit  comprise  comme  une  relation  très 
générale  de  dépendance  et  de  continuité  physiques  entre  formes  orga- 
nisées (-).  »^'est  ce  troisième  point  qu'il  importe  ici  de  mettre  en 
lumière. 

«  Depuis  le  plus  petit  détail  jusqu'aux  plus  vastes  ensembles,  noire 
univers  vivant  (comme  notre  univers  matériel)  a  une  structure,  et  cette 
structure  ne  peut  être  due  qu'à  un  phénomène  de  croissance.  Voilà  la 
grande  preuve  du  Transformisme  et  la  mesure  de  ce  que  cette  théorie 
a  de  définitivement  acquis  (^).  » 

«  Ce  qui  fait  le  transformiste,  qu'on  se  le  dise  bien,  ce  n'est  pas 
d'être  darwiniste  ou  lamarckiste,  mécaniciste  ou  vitaliste,  mono  ou  poly- 
phylétiste.  Ce  n'est  pas  même  de  croire  (si  paradoxale  que  puisse  paraître 
cette  affirmation)  que  les  vivants  descendent  les  uns  des  autres  par  géné- 
ration proprement  dite...  Ce  à  quoi  tiennent,  tout  à  fait  au  fond,  les 
naturalistes  actuels,  —  ce  à  quoi  ils  s'attachent  comme  à  une  conviction 
inébranlable,  une  conviction  qui  n'a  jamais  cessé  de  grandir  sous  des 
discussions  de  surface,  c'est  au  fait  d'une  liaison  physique  entre  les 
vivants.  Les  vivants  se  tiennent  biologiquement.  Ils  se  commandent 
organiquement  dans  leurs  apparitions  successives,  de  telle  sorte  que  ni 


(  M  (j.  BoNNiER,  René  Zeiller  et  la  Paléontologie  végétale,  dans  la  Revue  hebdomadaire, 
8  sept.  1917,  p.  177. 

{ =)  Pierre  Teilhard  du  Chardin,  Professeur  de  Géologie  à.  l'Institut  catholique  de 
Paris,  Comment  se  pose  aujourd'hui  la  question  du  Transformisme,  dans  Études,  19Î1, 
T.  II,  p.  525.  Pour  le  développement  des  deux  premiers  points,  voir  p.  525-539. 

(')  P.  Teilhard,  Comment  se  pose....   Ibidem,  p.  538-53  9. 


624       LE    TRAIsSFORMISME    :    POSITION    ACTUELLE    DE    LA    QUESTION       (89) 

l'homme,  ni  le  cheval,  ni  la  première  cellule,  ne  pouvaient  apparaître 
ni  plus  tôt  ni  plus  tard  qu'ils  ne  l'ont  fait.  Par  suite  de  cette  connexion 
enregistrable  entre  formes  vivantes,  nous  devons  chercher  et  nous  pou- 
vons trouver  un  fondement  matériel,  c'est-à-dire  une  raison  scienti- 
fique, de  cet  enchaînement.  Les  accroissements  successifs  de  la  vie 
peuvent  être  V objet  d'une  histoire.  »  Voilà  la  «  foi  »  suffisante  et  néces- 
saire pour  faire  un  transformiste.  Tout  le  reste  est  dispute  entre  systèmes, 
ou  bien  encore  passions  étrangères,  indûment  mélangées  à  une  question 
d'ordre  scientifique. 

«  Réduit  à  cette  essence  ultime,  compris  comme  la  croyance  en  l'exis- 
tence   d'une    connexion    physique,    expérimentale,    entre    les    vivants 
(connexion  de  nature  encore  indéterminée),  le  transformisme  apparaît 
comme  extrêmement  inofîensif  et  comme  extrêmement  fort.  Il  ne  saurait 
porter  ombrage  à  aucune  philosophie  et,  par  ailleurs,  il  occupe  une  posi- 
tion qui  semble  inexpugnable....  Pour  que  le  transformisme  fût  dan- 
gereux à  la  raison  et  à  la  foi,  il  faudrait  qu'il  prétendît  rendre  inutile 
l'action  du  Créateur,  réduire  le  développement  de  la  vie  à  une  opération 
purement  immanente  à  la  nature,  prouver  que  «  le  plus  peut  sortir, 
par  lui-même,  du  moins  ».  Trop  d'évolutionnistes,  en  fait,  ont  commis 
cette  lourde  méprise  de  prendre  leur  explication  scientifique  de  la  vie 
pour  une  solution  métaphysique  du  monde...  Il  est  teinps  de  laisser 
définitivement  de  côté  un  problème  aussi  mal  posé.  Non,  le  transfor- 
misme scientifique,  à  strictement  parler,  ne  prouve  rien  pour  ou  contre 
Dieu.  Il  constate  simplement  le  fait  d'un  enchaînement  dans  le  réel. 
Il  nous  présente  une  anatomie,  point  du  tout  une  raison  dernière,  de  la 
vie.   Il  nous  affirme  :  «  Quelque  chose  s'est  organisé,  quelque  chose 
a  crû.  »  Mais  il  est  incapable  de  discerner  les  raisons  ultimes  de  cette 
croissance.  Décider  si  le  mouvement  évolutif  est  intelligible  en  soi,  ou 
s'il  exige,  de  la  part  d'un  premier  Moteur,  une  création  progressive  et 
continue,  c'est  une  question  qui  ressort  à  la  métaphysique... 

«  II  est  assez  facile  de  critiquer  le  transformisme.  Comment  se  fait-il 
qu'on  ait  tant  de  peine  à  trouver  une  solution  qui  permette  de  s'en 
passer  ?...  Un  seul  moyen  logique  est  donné  aux  non-transformistes 
d'expliquer  l'unité  et  l'enchaînement  de  la  vie  :  c'est  d'admettre  une 
liaison  idéale  des  formes.  C'est  de  soutenir  que  la  loi  de  succession  des 
vivants  est  toute  concentrée  dans  une  pensée  créatrice  qui  dévelop- 
perait en  des  points  successifs,  successivement  posés,  le  dessin  qu'elle  a 
conçu  dans  sa  sagesse.  Les  formes  vivantes,  dans  cette  hypothèse, 
s'appelleraient  les  unes  les  autres  à  l'existence  uniquement  en  vertu  d'un 
relais  logique  existant  dans  la  pensée  divine.  Elles  seraient  des  points 
cosmiquement  indépendants  les  uns  des  autres  par  leur  origine, 
mais  disséminés  harmonieusement  sur  un  faisceau  de  courbes  fic- 
tives. 


(89)       LE    TRANSFORMISME    :    POSITION    ACTUELLE    DE    LA    QUESTION       625 

«  Il  ne  semble  pas  que  cette  solution  puisse  être  tolérée  par  aucun 
naturaliste  ;  et  ceci  pour  deux  raisons.  D'abord  elle  est  inapplicable 
pratiquement,  en  tant  que  son  fonctionnement  multiplie  à  l'indéfini  les 
►créations  indépendantes.  Pourquoi  ne  pas  admettre  une  création  spéciale 
pour  ces  deux  espèces  de  guêpes  ou  d'oseilles  que  vous  déclarez  vous- 
mêmes,  en  vertu  de  vos  expériences,  complètement  fixes,  si  vous  en 
voulez  une  à  l'origine  des  rongeurs  ou  des  périssodactyles  ?...  Mais  il  y  a 
plus.  Quand  même  les  fixistes  arriveraient  à  préciser,  d'une  façon  non 
arbitraire,  le  nombre  et  la  place  des  coupures  créatrices  (quand  ils  ne 
demanderaient  qu'une  seule  coupure),  ils  se  heurteraient  à  une  difficulté 
fondamentale  :  l'impossibilité  où  est  notre  esprit  de  concevoir,  dans 
Vordre  des  phénomènes,  un  début  absolu.  Essayez  de  vous  représenter 
ce  que  pourrait  être,  dans  la  nature,  l'apparition  intrusive  d'un  être 
qui  ne  «  naîtrait  «  pas  d'un  ensemble  de  circonstances  physiques  préexis- 
tante?. Ou  bien  vous  n'avez  jamais  étudié  un  objet  réel,  ou  bien  vous 
renoncerez  à  une  tentative  dont  vous  verrez  positivement  la  vanité. 
Dans  notre  univers,  tout  être,  par  son  organisation  matérielle,  est  soli- 
daire de  tout  un  passé.  Il  est  essentiellement  une  histoire.  Et  par  cette 
histoire,  par  cette  chaîne  d'antécédents  qui  l'ont  préparé  et  introduit, 
il  rejoint  sans  coupure  le  milieu  au  sein  duquel  il  nous  apparaît.  La 
moindre  exception  à  cette  règle  bouleverserait  l'édifice  entier  de  notre 
expérience. 

«  On  s'en  va  répétant  :  «  Le  transformisme  est  une  hypothèse.  » 
Cette  parole  est  vraie  quand  il  s'agit  des  théories  spéciales  à  un  disciple 
de  Lamarck  ou  de  Darwin.  Mais,  si  on  entend  dire  par  là  que  nous  sommes 
libres  de  regarder,  ou  non,  les  êtres  vivants  comme  une  suite  d'éléments 
apparus  «  en  fonction  physique  »  les  uns  des  autres  (quelle  que  soit, 
du  reste,  la  nature  exacte  de  cette  fonction),  on  se  trompe.  Réduit  à  son 
essence,  le  transformisme  n'est  pas  une  hypothèse.  Il  est  l'expression 
particulière,  appliquée  au  cas  de  la  vie,  de  la  loi  qui  conditionne  toute 
notre  connaissance  du  sensible  :  ne  pouvoir  rien  comprendre,  dans 
le  domaine  de  la  matière,  que  sous  forme  de  séries  et  d'ensem- 
bles. 

"■  Traduite  en  langage  créationniste,  cette  loi  est  parfaitement 
simple  et  oithodoxe.  Elle  signifie  que,  lorsque  la  Cause  première  opère, 
elle  ne  s'intercale  pas  au  milieu  des  éléments  de  ce  monde,  mais  elle 
agit  directement  sur  les  natures,  de  telle  sorte,  pourrait-on  dire,  que 
Dieu  «  fait  »  moins  les  choses  qu'il  ne  «  les  fait  se  faire  ».  Ce  qui  doit 
paraître  étonnant,  dés  lors,  ce  n'est  pas  que  les  croyants  se  rallient  à  la 
vérité  cachée  au  fond  du  transformisme.  C'est  bien  plutôt  qu'ils  ne 
reconnaissent  pas  plus  facilement  sous  le  langage,  parfois  inacceptable, 
des  évolutionnistes,  la  catholique  et  traditionnelle  tendance  à.  sauvegarder 
la  vertu  des  causes  secondes,  à  laquelle,  tout  dernièrement  encore,  un 


626  l'évolutionnisme  :  exposé  (90) 

théologien  très  averti,  qui  est  aussi  un  vrai  savant  (^),   a  pu  donner  le 
beau  nom  de  «  naturalisme  chrétien  »  {^). 

Remarque  :  il  ne  faut  pas  confondre  entre  eux  : 

10  Le  Monisme  de  Hseckel  :  d'après  lui,  il  existe  dans  la  nature  • 
entière  un  grand  processus  évolutif,  un,  continu  et  éternel.  Tous  les 
phénomènes  de  la  nature,  sans  exception,  depuis  le  mouvement  des 
corps  célestes  jusqu'à  la  croissance  des  plantes  et  à  la  conscience  de 
l'homme,  arrivent  en  vertu  d'une  seule  et  même  loi  de  causalité.  Bref, 
tout  est  réductible  à  la  mécanique  des  atomes.  Cette  conception  mécaniste 
du  monde  est  appelée  par  Hœckel  Monisme,  parce  qu'il  ramène  tout  à 
l'unité,  à  la  monère,  atome  éternel  d'où  tout  ce  qui  existe  est  descendu 
par  une  série  d'évolutions  progressives.  C'est  une  des  formes  de  VEvolu- 
tionnisme  universel.  —  Nous  exposerons  (90)  celle  que  Spencer  a  préconisée. 

2»  Le  Transformisme  de  LamarckouLamarckisme:  ilexpliquel' origine 
des  espèces  organiques  par  des  transformations  graduelles,  de  sorte  que 
tous  les  organismes  complexes  des  végétaux  et  des  animaux  actuels 
dérivent  d'une  seule  forme  primitive  ou  du  moins  d'un  très  petit  nombre 
de  formes.  C'est  un  cas  particulier  de  l'évolution.  Le  Monisme  a  la  pré- 
tention de  tout  expliquer  ;  le  Transformisme  se  borne  à  expliquer  le 
développement  de  la  vie. 

3°  Le  Transformisme  de  Darwin  ou  Darwinisme  :  Darwin  n'a  pas 
imaginé  le  transformisme  ;  c'est  l'œuvre  de  Lamarck  ;  mais  il  a  conçu 
la  Théorie  de  la  sélection  naturelle  pour  expliquer  les  transformations 
successives  des  êtres  vivants  et  l'origine  des  espèces. 

Le  Lamarckisme  et  le  Darwinisme  sont  des  théories  transformistes 
spéciales  aux  disciples  de  Lamarck  et  de  Darwin.  Mais  «le Transformisme 
réduit  à  son  essence  ultime  »  implique  simplement  «  la  croyance  en 
l'existence  d'une  connexion  physique  expérimentale  entre  les  vivants, 
connexion  de  nature  encore  indéterminée  »  (§  IV). 

90.  —  §  V.  L'ÉVOLUTIONNISME   (3) 
§  A.  —  EXPOSÉ  DU  SYSTÈME  DE  SPENCER 
L'idée  d'évolution,  entendue  dans  un  sens  large,  n'est  pas  nouvelle. 


(  •)  «  Cet  esprit  de  naturalisme  chrétien  a  toujours  été  en  honneur  dans  l'Église,  et  ce 
n'est  qu'aux  époques  de  décadence  qu'on  a  pu  le  voir  faiblir  dans  une  certaine  mesure. 
Sous  le  nom  de  naturalisme  chrétien,  j'entends  exprimer  la  tendance  à  attribuer  à  l'action 
naturelle  des  causes  secondes  tout  ce  que  la  raison  et  les  données  positives  des  sciences 
d'observation  ne  défendent  pas  de  leur  accorder,  et  à  ne  recourir  à  une  intervention  spéciale 
de  Dieu,  distincte  des  actes  de  son  gouvernement  général,  qu'en  cas  d'absolue  nécessité.  » 
(H.  DE  DoRLODOT,  Le  Darwinisme...,  I"  Partie,  p.  115). 

(  ^)  P.  Teilhard  du  Chardin,  Comment  se  pose...,  Ibidem,  p.  540-544. 

(')  L.  RouRE.  Doctrines  et  problèmes,  Ch.  m.  —  A.  Lalande,  La  dissolution  opposée 
à  l'évolution  dans  les  sciences  phusiques  et  morales.  —  J.  Halleux,  L' Evolutionnisme  en 
morale.  —    G.  Richard,  L'idée  d'Evolution  dans  la  nature  et  dans  l'histoire. 


(90)  l'évolutionnisme  :  exposé  627 

Les  iphysiciens  d'Ionie  expliquaient  l'univers  par  les  transformations 
successives  d'un  élément  primitif.  Les  Péripatéticiens,  les  Stoïciens, 
les  Alexandrins  sont  plus  ou  moins  évolutionnistes.  Un  grand  nombre 
de  philosophes  et  de  savants  modernes  ont  repris  cette  conception. 
Bacon,  Pascal,  Leibniz  y  ont  recours.  A  la  fin  du  xviii^  siècle,  Turgot 
et  Condorcet  se  firent  les  défenseurs  de  l'idée  de  progrés,  voisine  de 
celle  d'évolution.  La  théorie  de  Laplace,  la  philosophie  de  Comte,  le 
transformisme  de  Lamarck  et  de  Darwin,  tout  pénétrés  de  l'idée  d'évolu- 
tion, préparèrent  les  voies  à  l'évolutionnisme  universel  de  Hœckel 
et  de  Spencer. 

L'œuvre  de  Herbert  Spencer  est  donc  une  vaste  synthèse,  où  sont 
venues  se  fondre  certaines  idées  qui  avaient  déjà  cours  dans  la  philo- 
sophie et  dans  la  science.  Spencer  voulut  constituer  une  philosophie 
scientifique.  Pour  Laplace,  l'évolution  est  la  loi  de  la  formation  originelle 
de  notre  monde  planétaire  ;  pour  Lamarck  et  Darwin,  elle  est  la  loi  de 
la  nature  vivante  ;  pour  Spencer,  elle  est  la  loi  de  toutes  choses  :  en  vertu 
des  seules  forces  mécaniques,  groupant  ou  dispersant  des  atomes  inertes 
par  eux-mêmes,  tout  s'explique,  depuis  les  mouvements  stellaires  et  la 
chute  d'une  pierre  jusqu'à  la  croissance  des  végétaux,  la  conscience  de 
l'homme  et  l'organisation  sociale.  Matière,  vie,  pensée,  individu  et 
société,  tout  évolue. 

L'évolution  c'est  le  passage  de  l'homogène  à  l'hétérogène,  du  simple 
au  complexe,  par  des  diiïérenciations  et  des  intégrations  successives, 

A)  —  Monde  primitif  :  à  l'origine  l'univers  était  une  masse  confuse, 
chaotique,  où  toutes  les  parties  étaient  homogènes.  Peu  à  peu,  par  suite 
d'actions  inconnues,  cette  masse  s'est  divisée  en  plusieurs  parties  qui 
ont  commencé  à  se  différencier.  Le  monde  est  alors  devenu  hétérogène, 
composé  d'éléments  divers.  Mais,  en  même  temps  qu'ils  se  diversifiaient, 
ces  éléments  apprenaient  peu  à  peu  à  se  coordonner  entre  eux.  Ainsi, 
à  la  confusion  primitive  se  substituait  une  organisation  rudimentaire. 
Le  monde  allait  donc  de  l'homogénéité  confuse  à  l'hétérogénéité  coordon- 
née, «  c'est-à-dire  devenait  à  la  fois  plus  multiple  et  plus  un  ». 

B)  —  Minéraux  :  la  masse  primitive  a  ainsi  formé  des  nébuleuses^ 
qui  elles-mêmes  en  se  dissolvant  ont  produit  les  astres.  La  théorie  de 
Laplace  est  une  première  application  de  la  loi  d'évolution.  La  nébuleuse 
primitive,  qui  occupait  tout  l'espace  où  se  meut  aujourd'hui  notre 
système  solaire,  s'est  condensée  et  diiïérenciée  jusqu'à  ce  qu'elle  ait 
donné  naissance  à  ce  système,  composé  d'astres  distincts,  mais  solidaires 
les  uns  des  autres.  La  terre  est  un  de  ces  astres.  D'abord  en  ignition,  elle 
s'est  refroidie  peu  à  peu  et  en  se  refroidissant  se  divisa  ;  par  suite  do 
ces  refroidissements  progressifs  se  formèrent  les  différentes  couches 
de'  terrain,  la  variété  des  minéraux,  les  continents,  les  mers  et  tous  les 
phénomènes  physiques. 


628  l'évolutio>'nisme  :  exposé  (90) 

C)  —  Végétaux  et  Animaux  :  les  minéraux  se  modifièrent  et  se 
compliquèrent  sous  l'influence  de  combinaisons  chimiques,  jusqu'à  ce 
qu'un  jour  une  action  chimique  plus  complexe  fit  jaillir  la  vie  sous  la 
forme  rudimentaire  du  protoplasma.  Ce  protoplasma  primitif  ne  contient 
aucun  élément  qui  ne  soit  dans  la  matière  brute  :  toute  la  différence  est 
dans  une  plus  grande  complexité.  Il  grandit  peu  à  peu,  puis  se  divisa. 
Mais  les  cellules,  formées  par  la  division  d'une  même  cellule-mère, 
s'associèrent  :  le  protoplasma  simple  et  diffus  donna  ainsi  naissance  au 
corps  composé,  c'est-à-dire  aux  cellules  unies  par  le  double  progrès 
dans  la  multiplicité  et  dans  l'unité.  Il  y  a  toujours  différenciation  et 
intégration  :  plus  grande  est  la  diversité  des  éléments  composants,  plus 
frappante  est  l'unité  qui  les  coordonne.  C'est  ainsi  que  se  formèrent 
les  végétaux  et  les  animaux.  Une  fois  formés,  ils  se  développèrent  de  la 
même  façon,  en  accroissant  leurs  membres  et  en  les  coordonnant  en  vue 
de  l'entretien  de  l'existence  commune.  Pour  assurer  leur  existence,  ces 
organismes  durent  lutter  entre  eux,  car  la  quantité  d'aliments  répandue 
sur  la  surface  de  la  terre  est  insuffisante  à  nourrir  tous  ses  habitants. 
Il  faut  donc  qu'un  certain  nombre  périssent  pour  que  le  reste  survive. 
Ceux-là  subsisteront  qui  auront  le  plus  d'avantages  dans  la  lutte  pour 
la  vie.  Ces  avantages  sont  de  deux  sortes  ;  les  uns  sont  transmis  à  l'être 
par  les  organismes  de  ses  ancêtres  :  ils  constituent  pour  lui  des  caractères 
héréditaires  ou  innés  ;  les  autres  sont  acquis  par  lui-même  au  cours  de 
son  existence  ;  car,  pour  vivre,  il  est  obligé  de  s'adapter  à  son  milieu  ; 
or,  pour  s'adapter,  il  doit  souvent  se  modifier.  U adaptation  et  Yhérédité 
sont  les  deux  grands  facteurs  de  l'évolution  des  êtres  vivants.  Ceux  qui 
ont  les  caractères  héréditaires  les  plus  parfaits  ou  qui  ont  su  le  mieux 
s'adapter,  survivent  seuls,  comme  si  la  nature  les  avait  choisis  :  c'est  la 
sélection  naturelle  des  meilleurs,  c'est  le  résultat  de  la  lutte  pour  la  vie  (89, 
§  II,  A,  B).  Et  comme,  pour  vaincre  ses  rivaux,  il  faut  que  l'être  se  per- 
fectionne sans  cesse,  on  conçoit  la  continuité  du  progrès  chez  les  êtres 
vivants.  L'apparition  du  système  nerveux  marque  une  phase  impor- 
tante de  l'évolution,  car  le  système  nerveux  domine  les  autres  organes, 
centralise  leurs  efforts,  et  c'est  par  son  perfectionnement  que  s'est  fait 
surtout  le  progrès  de  l'animalité. 

D)  —  Hommes  :  à  une  époque  préhistorique,  après  des  essais  innom- 
brables, l'humanité  est  issue  de  l'animalité.  C'est  un  développement 
extraordinaire  du  système  nerveux  qui  a  permis  l'apparition  des  formes 
les  plus  hautes  de  la  pensée.  Il  en  est  de  l'esprit  de  l'homme  comme  des 
formes  organiques  :  il  s'est  compliqué  et  diversifié  de  plus  en  plus  dans 
son  évolution.  La  nature  et  la  pensée  humaine  nous  apparaissent  main- 
tenant comme  deux  mécanismes  qui  s'accordent  parfaitement  ;  mais 
l'adaptation  du  cerveau  humain  et  par  conséquent  de  la  pensée  à  la 
nature  est  l'œuvre  des  siècles.  Le  procédé  essentiel  de  cette  évolution, 


(90)  l'évolutionmsme  :  critique  629 

comme  de  l'évolution  organique,  c'est  la  sélection  naturelle  sous  l'action 
de  la  concurrence  vitale^  puis  Vhérédité^  qui  fixe  les  résultats  acquis. 
Il  y  a  aussi  lutte  pour  la  vie  entre  les  idées,  et  celles-là  survivent  au 
conflit  qui  sont  conformes  aux  rapports  naturels  des  choses  :  tôt  ou  tard 
la  vérité  vaincra  l'erreur. 

Cette  loi  de  l'évolution  se  retrouve  dans  l'histoire  de  l'humanité  ; 
c'est  elle  qui  régit  toutes  les  formes  de  l'activité  humaine  : 

1°  Activité  sociale  :  à  leur  origine  les  sociétés  forment  des  ensembles 
homogènes  d'individus  qui  ont  mêmes  facultés  et  mêmes  fonctions  : 
chacun  d'eux  est  guerrier,  pêcheur,  chasseur,  constructeur.  Le  travail 
se  divisa  sans  nuire  à  la  solidarité  sociale  qui  grandit  avec  l'hétérogénéité 
des  fonctions.  Les  gouvernés  se  distinguèrent  des  gouvernants,  et  peu 
à  peu  s'établit  la  séparation  des  pouvoirs,  exécutif,  législatif  et  judi- 
ciaire. 

2o  Activité  scientifique  et  artistique  :  les  premiers  savants  rêvaient 
une  science  universelle,  et  l'art  primitif  enveloppait  tous  les  arts.  C'est 
progressivement  que  se  sont  constitués  des  sciences  particulières  et  des 
arts  distincts. 

3°  Activité  morale  :  étant  donnée  la  vie  de  l'homme  en  société,  il  en 
résulte  que  l'altruisme  naît  forcément  de  l'égoïsme.  L'homme  vivant 
en  société  remarqua  que,  s'il  cherchait  à  faire  le  bonheur  de  ceux  avec 
lesquels  il  vivait,  il  jouirait  par  contre-coup  des  émotions  agréables  des 
autres  et  que  ceux-ci,  par  une  réciprocité  naturelle,  chercheraient  à  faire 
son  bonheur  (Ps.,  50,  §  II,  Morale,  27).  Tout  ce  qui  est  connaissable, 
c'est-à-dire  les  phénomènes,  est  du  domaine  de  la  science  et  soumis  à  la 
loi  d'évolution.  Au-dessus  de  ce  domaine  il  y  en  a  un  autre,  c'est  celui 
de  l'absolu  ou  de  V inconnaissable,  dont  nous  ne  savons  qu'une  chose  : 
qu'il  est.  La  croyance  à  l'omniprésence  de  quelque  chose  qui  passe 
l'intelligence  n'a  rien  à  redouter  de  la  logique  la  plus  inexorable  ; 
voilà  une  vérité  de  la  plus  grande  certitude  possible.  Cette  vérité,  sur 
laquelle  les  religions  s'accordent  entre  elles  et  avec  la  philosophie  qui 
combat  leurs  dogmes  particuliers,  c'est  que  la  puissance,  dont  l'univers 
est  la  manifestation,  est  pour  nous  complètement  impénétrable  (}). 
De  là  le  nom  d'Agnosticisme    donné  à  la  philosophie  de  Spencer. 

§  B.  —  CRITIQUE  DE  UÉVOLUTIONNISME 

Il  faut  une  cause  pour  expliquer  :  l'existence  de  cette  masse  nébulaire 
et  chaotique,  d'où  seraient  sorties  toutes  choses  ;  —  le  mouvement 
initial  de  cette  masse  ;  —  la  direction  de  ce  mouvement  ;  —  l'apparition 


(M  H.  Spencer,  Les  Premiers  Principes,  Part.  I,  Cb.  ii,   §  14.  Traduction  Gazelles, 
p.   47-48,   Paris,   1871. 


630  L'ÉvoL)L■TIO^"^"ISME  :  critique  (90) 

de  la  vie  organique,  de  la  sensation,  de  la  pensée  et  de  la  vie  morale. 
Or  le  système  évolutionniste  est  incapable  d'expliquer  : 

I.  —  L'existence  de  cette  masse.  D'après  Spencer,  la  matière 
est  incréée,  éternelle,  indestructible.  C'est  inadmissible.  La  matière 
en  effet  est  imparfaite,  surtout  aux  débuts  de  l'évolution,  puisqu'elle  se 
transforme  et  change  ;  or  ce  qui  est  imparfait,  ce  qui  change,  n'a  pas  en 
soi  sa  raison  d'être,  par  conséquent  pourrait  ne  pas  exister.  Si  donc  la 
matière  existe,  ce  n'est  point  par  une  nécessité  qui  vient  de  sa  nature, 
c'est  qu'elle  a  reçu  l'existence  d'une  cause  qui  avait  en  soi  sa  raison 
d'être.  Il  faut  donc  que  la  matière  ait  été  produite  par  un  être  transcen- 
dant, par  Dieu  (67,  91). 

II.  —  Le  mouvement  initial  nécessaire  à  la  formation  du  monde 
inorganique.  D'après  Spencer,  le  monde  porterait  en  soi  sa  raison  d'être  : 
les  éléments  des  choses  ont  été  d'abord  à  l'état  diffus  ;  puis,  soumis  à  la 
loi  du  mouvement  mécanique,  ils  se  sont  associés  de  façon  à  produire 
tous  les  phénomènes  du  règne  minéral.  C'est  la  théorie  de  Y  immanence, 
d'après  laquelle  la  masse  des  éléments  matériels  aurait  en  soi  la  cause  de 
ses  actualisations  successives  :  l'univers  possédait  en  puissance  tout  ce 
qu'il  développe  e?i  acte  dans  la  suite  des  temps.  Il  n'y  a  donc  pas  lieu  de 
chercher  en  dehors  du  monde  une  cause  transcendante  du  mouvement 
de  la  matière  ;  la  matière  est  incréée,  éternelle,  indestructible. 

L'évolutionnisme  prétend  que  l'univers  est  la  cause  de  ses  actualités- 
successives  dans  le  temps.  C'est  impossible,  car  la  matière  diffuse,  qui 
composait  l'univers  primitif,  étant  inerte,  il  a  fallu  une  cause  en  dehors 
d'elle  pour  la  faire  passer  de  la  puissance  à  l'acte,  pour  déterminer  la 
combinaison  mécanique  de  ses  éléments.  On  a  beau  parler  d'un  ressort 
caché,  d'un  nisus  ou  tendance  à  l'évolution.  Fètre  matériel  ne  peut  sortir 
lui-même  de  son  repos  ;  il  a  besoin  pour  se  mouvoir  d'y  être  déterminé- 
par  une  force  motrice  extérieure  à  la  série  des  éléments  dont  il  se  com- 
pose ;  il  faut  donc  recourir  à  un  moteur  distinct  de  la  matière,  à  un 
être  transcendant  et  immuable,  à  Dieu  (68). 

On  peut  prouver  la  même  chose  d'une  façon  plus  métaphysique  r 
il  faut  nier,  avec  les  plus  grands  penseurs,  qu'une  chaîne  de  phénomènes 
changeants  puisse  avoir  en  elle-même  sa  raison  d'être.  L'admettre,  c'est 
admettre  que  le  monde  porte  en  soi  sa  raison  d'être,  que,  par  conséquent, 
la  cause  des  choses  étant  immanente  au  système  dont  elles  font  partie, 
les  actualisations  successives  du  monde  s'expliquent  en  disant  qu'il 
possédait  en  puissance  ce  qu'il  développe  en  acte  dans  la  suite  des  temps. 
Aristote  a  réfuté  cette  théorie  de  l'immanence  quand  il  a  formulé  cet 
axiome  :  L'acte  précède  la  puissance.  De  là  saint  Thomas   (^)  a  conclu  : 


(M  s.  Thomas,  Summa  theologica,  I«  P.,  Q.  II,  Art.  III,  §  Prima  au  lem  ;  De  potentia 
autem  non  po(e.st  aliquid  reduci  in  actum  nisi  per  aliquod  ens  in  actu. 


(90)  l'évolutionnisme  :  critique  631 

«  Un  être  en  puissance  ne  peut  passer  à  l'acte  que  sous  la  motion  d'un 
être  en  acte.  »  En  effet,  «  pour  passer  de  la  puissance  à  l'acte,  la  cause  abe- 
soin d'une  excitation  qui  vienne  du  dehors.  La  raison  nous  le  dit;  car  l'acte 
a  plus  d'être  que  la  puissance,  le  réel  plus  d'être  que  le  possible.  L'exis- 
tence est  bien  quelque  chose,  et  c'est  cela  que  l'acte  ajoute  à  la  puissance. 
Or,  cependant,  c'est  la  puissance  qui  engendre  l'acte  ;  si  elle  le  faisait 
seule,  elle  se  donnerait  à  elle-même  ce  qu'elle  n'avait  pas,  ce  qui  est 
une  contradiction.  Voilà  pourquoi  saint  Thomas  nous  dit,  après  Aristote, 
qu'une  chose  ne  peut  passer  de  la  puissance  à  l'acte  que  par  le  concours 
d'un  être  déjà  en  acte...  S'il  est  vrai  que  tout  passage  de  la  puissance  à 
l'acte  suppose  l'intervention  d'un  être  en  acte,  il  devient  évident  que  le 
premier  de  tous  les  actes  a  dû  émaner  d'une  cause  où  tout  était  en  acte, 
sans  aucun  mélange  de  potentialité.  Autrement,  pour  se  déterminer 
à  cet  acte  primordial  et  source  de  tous  les  autres,  elle  aurait  dû  actualiser, 
à  elle  seule^  sa  puissance  :  ce  qui,  nous  l'avons  vu,  est  impossible.  Voilà 
pourquoi  la  cause  du  monde  ne  peut  pas  être  immanente,  parce  que  le 
monde  n'a  pas  été  du  premier  coup  tout  ce  qu'il  est.  Et  si  sa  cause  était 
en  lui,  elle  eût  été  tout  d'abord  en  puissance  par  rapport  à  son  dévelop- 
pement ultérieur  ;  et  comme,  à  l'origine,  il  n'y  aurait  eu  rien  en  dehors 
d'elle  pour  la  déterminer,  elle  n'eût  jamais  pu  parcourir  le  premier 
stade  de  son  évolution.  Seul  le  Dieu  créateur  qui,  avant  de  créer,  était 
déjà  Vade  pur,  peut  expliquer  cette  évolution,  comme  il  explique 
l'existence  de  la  puissance  même  qui  évolue  (  ^).  « 

III.  —  La  direction  de  ce  mouvement  et  l'ordonnance  magni- 
fique de  l'univers.  Spencer  admet  l'évolution  des  choses  sans  causes 
finales.  C'est  impossible  :  qui  dit  évolution,  développement,  marche  en 
avant,  progrès,  dit  tendance,  direction,  ordre.  C'est  ainsi  que  l'enten- 
daient Aristote  et  Leibniz,  qui  ne  séparaient  pas  l'évolution  de  la  finalité. 
C'est  que  le  mouvement,  laissé  à  lui-même,  est  indifférent  à  produire 
telle  combinaison  plutôt  que  telle  autre.  Or  le  monde  nous  présente  le 
spectacle  d'un  ordre  constant  et  merveilleux  ;  il  ne  peut  donc  s'expliquer 
sans  une  intelligence  ordonnatrice  et  directrice  de  tous  les  mouvements 
de  l'univers.  C'est  ce  qui  faisait  dire  à  Newton  :  «  Tout  est  inconcevable 
dans  le  monde  planétaire  sans  l'activité  d'une  intelligence  infinie.  » 

IV.  —  L'apparition  de  la  vie.  D'après  l'évolutionnisme,  la  terre, 
c'est-à-dire  le  règne  inorganique,  a  produit  spontanément,  par  suite 
d'un  heureux  concours  de  circonstances,  un  ou  plusieurs  êtres  vivants 
d'où  sont  sorties  progressivement  toute  la  flore  et  toute  la  faune  actuelles. 
L'organique  est  sorti  un  jour  de  l'inorganique  par  génération  spontanée. 
C'est  la  thèse  de  V  hétéro  génie.  Pasteur  a  démontré  qu'il  n'y  avait  pas  de 


(•)  M.  D'HuLST,  Conférences  de  Notre-Dame,  1891,  note  24,  p.  383-384. 


632  l'évoi-utionnisme  :  critique  (90) 

génération  spontanée  :  tout  être  vivant  provient  d'un  germe  vivant 
antérieur.  Des  évolutionnistes  de  marque,  comme  Darwin,  Huxley, 
Tyndall,  Virchow,  n'ont  pas  fait  difficulté  de  l'avouer  (^).  Certains  ont 
prétendu  que,  s'il  n'y  avait  plus  actuellement  de  générations 
spontanées,  il  y  en  avait  eu  autrefois  dans  les  temps  géologiques,  les 
circonstances  étant  alors  plus  favorables.  C'est  là  une  affirmation  gra- 
tuite, en  contradiction  même  avec  les  principes  de  l'évolutionnisme,  qui 
prétend  ne  s'appuyer  que  sur  des  démonstrations  expérimentales.  La  vie 
est  inexplicable  sans  un  principe  vital  distinct  de  la  matière  (46-48). 

V.  —  L'apparition  de  la  sensation  et  de  la  pensée.  La  sensation 
ne  serait  qu'une  transformation  de  la  vie  physiologique,  et  la  pensée 
serait  sortie  des  sensations  par  une  infinité  de  degrés.  Toutes  les  opé- 
rations psychiques  :  conscience,  sensation,  pensée,  volition,  ne  seraient 
que  des  productions  du  cerveau,  des  mouvements  nerveux.  Nous  avons 
montré  (Psychologie,  4)  que  les  phénomènes  physiologiques  et  les 
phénomènes  psychologiques  différaient  essentiellement  :  les  premiers 
sont  étendus,  mesurables,  localisés  ;  —  les  seconds  sont  inétendus, 
non  localisés,  etc.  On  peut  montrer,  en  particulier,  que  la  pensée  n'a  pu 
dériver  de  la  sensation  :  éprouver  des  sensations  et  penser  des  rapports 
sont  deux  choses  différentes.  Il  n'y  a  pas  de  transformation  possible  de 
l'une  à  l'autre,  car  la  sensation  a  pour  caractéristique  d'être  singulière, 
contingente,  relative,  tandis  que  la  pensée  a  pour  caractère  spécial  de 
saisir  l'universel,  le  nécessaire  et  l'absolu  (Psychologie,  155.  Cf.  supra, 
53,  III,  c). 

VI.  —  L'apparition  de  la  vie  morale.  La  morale  dans  cette  hypo- 
thèse n'est  plus  qu'une  physique  des  mœurs.  La  première  condition 
manque  à  la  morale  évolutionniste  pour  être  une  morale  :  le  libre  arbitre. 
Dans  l'évolutionnisme  il  n'y  a  pas  place  pour  la  liberté,  puisque  tous  nos 
actes  sont  déterminés  par  les  phénomènes  antécédents.  Or  on  ne  peut 
concevoir  qu'il  y  ait  une  obligation  morale  pour  un  être  qui  n'est  pas 
libre,  car  il  ne  saurait  y  avoir  «  devoir  sans  pouvoir  «  (Psych.,  203,  §  C). 
La  métamorphose  de  l'égoïsme  en  altruisme  par  de  lentes  transformations 
est  chimérique  (Psych.  50,  §  II).  L'impératif  catégorique  du  devoir 
ne  peut  sortir  des  suggestions  du  plaisir  et  de  l'intérêt  (Mor.,  25,  B, 
III  ;  27,  II,  3°).  —  Quant  à  l'hérédité,  elle  ne  joue  pas  dans  la  moralité 
le  rôle  important  que  lui  attribue  Spencer.  L'influence  de  l'hérédité 
paraît  incontestable  pour  certaines  habitudes  organiques  et  sensitives  ; 
mais  elle  n'est  (\\x' indirecte  pour  les  habitudes  intellectuelles  et  morales 
(Psychologie,  212,  Remarque,  p.  407). 


(  ')  «  Personne  n"a  jamais^'u  se  produire  devant  lui  une  génération  spontanée  ;  ceux 
qui  disent  le  contraire  sont  contredits  par  les  savants  et  non  par  les  théologiens.  »  (M.  Virchow, 
Revue  scientifique,  8  déc.  1877,  p.  539,  col.  2,  vers  la  fln).  Cf.  G.  Sortais,  La  Providence 
et  le  Miracle  devant  la  science  moderne,  Ch.  vi,  p.  143  sqq. 


(91)  LE    CRÉATIONNISME    :    PREUVES  633 

Conclusion.  —  L'être  ne  peut  venir  du  néant,  la  vie  de  la  matière 
et  du  mouvement,  la  sensation  de  la  vie,  la  pensée  de  la  sensation,  le 
désintéressement  de  l'égoïsme,  la  moralité  du  déterminisme.  Si  l'évolu- 
tionnisme  rejette  un  principe  suprême  qui  produit  et  dirige  l'évolution, 
c'est  une  hypothèse  antiscientifique,  car  c'est  une  explication  du  plus 
par  le  moins,  du  supérieur  par  l'inférieur,  de  l'ordre  par  le  désordre,  de 
l'être  par  le  néant. 

Remarques  :  I.  —  L'évolutionnisme  est  une  l'orme  du  matérialisme 
mécaniste,  puisqu'il  explique  la  vie  et  la  pensée  par  le  mouvement  (53). 

II.  —  La  religion  de  Spencer  est  un  mélange  de  panthéisme  et  de 
matérialisme  :  «  La  matière,  le  mouvement,  la  force,  dit-il,  sont  des 
symboles  de  l'inconnaissable.  »  Mais  quel  est  cet  être  inconnaissable  ? 
C'est  la  «  force  persistante  qui  varie  toujours  ses  manifestations,  mais 
qui  conserve  la  même  quantité  dans  le  passé  comme  dans  l'avenir  »  ; 
elle  «  nous  permet  seule  d'interpréter  les  faits  concrets  et,  en  définitive, 
nous  sert  à  unifier  toutes  les  interprétations  concrètes  »  (^). 

91.  —  §  VI.  LE  CRÉATIONNISME 

§  A.  —  PREUVES 

I.  —  Preuves  directes  :  1°  Nous  avons  démontré  que  Dieu  est 
l'Être  nécessaire,  éternel,  infiniment  parfait.  Or  Dieu  existant  seul  de 
toute  éternité,  de  deux  choses  l'une  :  ou  Dieu  a  fait  le  monde  de  sa 
substance  ou  il  l'a  fait  de  rien.  Mais  étant  pur  esprit,  absolument  simple 
et  parfait,  il  n'a  pu  tirer  de  sa  substance  le  monde  qui  est  matériel, 
composé,  imparfait.  Reste  qu'il  l'a  fait  de  rien,  c'est-à-dire  qu'il  l'a 
créé.  L'existence  du  monde  n'est  donc  explicable  que  par  la  création. 

2°  Le  fait  de  l'existence  du  monde  étant  posé,  la  création  est  un 
postulat  de  la  nature  divine.  Autrement  Dieu  ne  serait  plus  absolument 
indépendant,  comme  l'exige  son  infinie  perfection.  En  efl'et,  s'il  a  produit 
le  monde  en  façonnant  une  matière  préexistante,  il  serait  comme  l'artiste 
humain  dépendant  de  cette  matière  dans  son  opération  ;  et,  d'autre  part, 
ce  monde,  œuvre  de  l'artiste  divin,  en  serait  indépendant  quant  à  sa 
matière.  Dieu  ne  serait  donc  plus  l'Etre  absolument  parfait,  se  suffisant 
pleinement  à  lui-même. 

II.  —  Preuves  indirectes  :  le  fait  de  la  création  résulte  de  la  réfu- 
tation des  autres  systèmes  qui  ont  été  proposés  pour  expliquer  l'origine 
du  monde.  On  peut  tout  résumer  en  disant  qu'au  fond  il  n'y  a  que  trois 
façons  d'entendre  les  rapports  entre  le  fini  et  l'infini.  Dans  les  systèmes 


(M  H.  Spencer,  Les  Premiers  Principes,  Pari.  II,  Cli.  xxiv,  §  l'JI,  p-  ^^2. 


634  LE    CRÉATIO?,'NISME    :    OBJECTIONS    ET    RÉPONSES  (91) 

dualistes,  les  deux  termes  sont  présentés  comme  coexistants,  nécessai- 
rement et  éternellement.  Dieu,  dans  cette  hypothèse,  n'est  que  l'archi- 
tecte du  monde,  auquel  il  donne  non  pas  l'être,  mais  une  manière  d'être. 
Pour  les  panthéistes,  les  deux  termes  n'en  font  qu'un,  le  second  n'étant 
qu'une  évolution  du  premier.  Dans  la  doctrine  créationniste,  les  deux 
termes  sont  dans  le  rapport  de  cause  à  effet  :  l'univers  est  un  ensemble 
de  substances  finies,  distinct  de  l'infini,  dont  il  tient  et  son  être  et  ses 
divers  modes.  C'est  ainsi  que,  par  procédé  d'élimination,  nous  sommes 
amenés  à  la  doctrine  de  la  création. 

§  B.  —  OBJECTIONS  ET   RÉPONSES 

Créer,  c'est  produire  quelque  chose  sans  matière  préexistante. 
Cette  conception,  comme  tout  ce  qui  se  rapporte  à  l'infini,  renferme  pour 
notre  raison  bornée  un  mystère  véritable  {^),  car,  de  tous  les  modes 
d'opération  qui  nous  sont  familiers,  nous  n'en  connaissons  aucun  qui 
ressemble  à  l'action  créatrice  :  l'homme  a  toujours  besoin  d'une  matière 
préexistante.  De  là  Fadage  :  Ex  nihilo  nihil.  Mais  n'oublions  pas  que  nous 
sommes  enveloppés  de  mystères,  dont  nous  sommes  sans  cesse  contraints 
d'avouer  l'existence,  soit  qu'il  s'agisse  de  mystères  absolument  inacces- 
sibles à  l'esprit  humain,  comme  tout  ce  qui  regarde  l'abîme  insondable 
des  perfections  divines,  soit  qu'il  s'agisse  des  mystères  relativement 
inaccessibles  qui  concernent  la  nature  et  l'essence  des  choses  créées. 
Ces  mystères  s'imposent  à  l'esprit  :  ils  sont  au-dessus  de  la  raison,  mais 
ils  ne  sont  pas  contre  la  raison.  C'est  dire  que  la  raison  doit  les  admettre 
et  qu'elle  le  peut  sans  se  renier  elle-même,  car,  s'ils  sont  incompréhen- 
sibles, ils  ne  sont  pas  contradictoires.  Montrons  donc  qu'on  ne  peut 
légitimement  opposer  à  la  création  aucun  des  principes  qui  régissent  la 
raison. 

10  Principe  d'identité  et  de  contradiction.  —  On  oppose  d'abord 
l'axiome  :  Ex  nihilo  nihil  fieri.  Il  est  contradictoire  que  de  rien  on  tire 
quelque  chose,  que  le  néant  devienne  l'être,  car  c'est  dire  et  que  le  néant 
est  le  néant,  et  qu'il  n'est  pas  le  néant,  puisqu'on  en  dégage  quelque 
chose. 

Réponse  :  il  faut  reconnaître  que  l'expression  ex  nihilo  nihil  fieri 


(M  On  connaît  la  belle  page  de  Pastkur  sur  l'infini  :  «  Au  (leK\  rie  cette  voûte  étoilée 
i|u'y  a-t-il  ?  De  nouveaux  eieux  étoiles.  Soit,  lui  au  delà  ?...  11  ne  sert  de  rien  de  répondre  : 
au  delà  sont  des  espaces,  des  temps  ou  des  grandeurs  sans  limites.  Nul  ne  comprend  ces 
paroles.  Celui  qui  proclame  l'existence  de  l'infini,  et  personne  ne  peut  y  échapper,  accumule 
dans  cette  affirmation  plus  de  surnaturel  qu'il  n'y  en  a  dans  tous  les  miracles  de  toutes 
les  j;eligions,  car  la  notion  de  l'infini  a  ce  double  caractère  de  s'imposer  et  d'être  incom- 
préhensible... "  (niscouVs  de  réception  à  l'Académie  française,  27  avril  1882). 


{91)  LE    CRÉATIONNISME    :    OBJECTIONS    ET  RÉPONSES  635 

prête  à  une  équivoque,  assez  grossière  d'ailleurs,  déjà  signalée  par  saint 
Thomas.  L'idée,  qu'on  veut  rendre  par  ces  mots  ex  nihilo^  n'est  pas  que 
le  monde  a  été  tiré  du  néant  par  Dieu,  comme  un  artiste  tire  une  statue 
d'un  bloc  de  marbre.  Le  mot  ex  n'indique  donc  pas  la  cause  matérielle, 
comme  si  le  néant  était  la  matière  première  de  la  création  ;  il  signifie 
simplement  un  rapport  de  succession  :  l'ordre  dans  lequel  l'existence  du 
monde  a  fait  place  à  sa  non-existence  :  «  Dicendum  quod...  hœc  propo- 
sitio  ex  non  désignât  causam  materialem,  sed  ordinem  tantum  ;  sicut 
cum  dicitur  :  ex  mane  fit  meridies,  id  est,  post  mane  fit  meridies  (  ^).  » 
Il  y  aurait  contradiction  à  admettre  que  le  néant  devienne  quelque 
chose,  c'est-à-dire  se  transforme  en  ce  qui  en  est  la  négation  ;  mais  il 
ne  l'est  pas  d'admettre  un  commencement  absolu,  c'est-à-dire  qu'une 
chose  qui  n'était  pas  commence  d'être,  si  l'on  peut  assigner  une  cause 
à  ce  commencement.  Or  on  le  peut,  car  on  ne  saurait  invoquer  contre  la 
création  le  principe  de  causalité. 

2°  Principe  de  causalité.  —  On  ne  prétend  pas  que  le  monde  soit 
sorti  du  néant  comme  de  sa  cause,  qu'il  ait  été  fait  par  rien.  Nous  assi- 
gnons à  Vejjet  :  monde  une  cause  suffisamment  proportionnée,  puisqu'elle 
est  infinie.  Le  principe,  qui  veut  qu'il  n'y  ait  pas  d'effet  sans  cause,  est 
donc  respecté. 

3°  Principe  de  substance.  —  Il  exige  que  ce  qui  est  accidentel,  ce  qui 
n'est  pas  en  soi,  existe  en  ce  qui  est  en  soi,  dans  une  substance.  Il  ne 
demande  pas  qu'une  substance  existe  dans  une  autre  substance,  car  ce 
serait  demander  que  ce  qui  est  en  soi  ne  soit  plus  en  soi,  mais  devienne 
une  modification  d'une  autre  substance,  ce  qui  est  contradictoire.  Or  les 
êtres  qui  composent  le  monde  sont  des  substances,  des  êtres  en 
soi. 

40  Principe  de  finalité.  —  On  ne  peut  enfin  invoquer  contre  la  création 
le  principe  de  finalité,  car  la  création,  étant  un  acte  de  la  volonté  toute- 
puissante  de  Dieu,  a,  comme  tout  acte  volontaire,  un  motif.  Comme 
l'Être  infini  n'a  besoin  de  rien  ni  de  personne,  il  n'a  pas  créé  par  nécessité, 
mais  par  libre  choix.  Sans  doute.  Dieu,  bonté  souveraine,  est  porté  à 
faire  du  bien  à  d'autres  êtres.  Mais  cette  inclination  n'est  point  néces- 
sitante pour  Dieu,  puisque,  se  suffisant  pleinement  à  lui-môme,  les  créa- 
tures ne  sont  pas  essentielles  à  son  bonheur.  Cependant,  comme  l'acte 
créateur  est  une  libre  manifestation  de  la  bonté  divine,  Dieu  a  dû,  en 
créant,  avoir  en  vue  le  bien  de  ses  créatures.  L'acte  créateur  est  essen- 
tiellement un  acte  inspiré  par  l'amour  :  «  C'est  parce  que  Dieu  est  bon, 
dit  saint  Augustin,  que  nous  existons.  »  Quia  enim  bonus  est  [Deas],  suimis  ^ 


(M  S.  Thomas,  Surnma  Iheologica,  I^  P.,  Q.   XLV,  Art.  I,  ad  tcrtium. 
( -)  S    Augustin,  De  Docirina  chrisliana,  L.  I,  C.  xxxii. 


636  LE    CRÉATIONISME    :    OBJECTIONS    ET    RÉPONSES  (91) 

On  doit  donc  dire  que  le  but  prochain  de  Dieu,  en  créant  le  monde,  a 
été  la  félicité  des  créatures  raisonnables. 

Mais,  en  communiquant  sa  bonté  aux  créatures,  Dieu  a  dû  se  proposer, 
comme  fin  dernière,  sa  gloire  extrinsèque.  La  gloire  intrinsèque  de  Dieu 
consiste  dans  la  nécessaire  complaisance  que  lui  cause  la  vue  de  ses  per- 
fections infinies,  dont  la  possession  le  rend  pleinement  heureux.  Sa  gloire 
extrinsèque  consiste  en  ce  que  ses  perfections  manifestées  au  dehors 
sont  reconnues  par  les  créatures  raisonnables.  L'ensemble  des  œuvres 
créées"  forme  une  splendide  manifestation  de  la  sagesse,  de  la  bonté  et 
de  la  puissance  divines.  Sans  doute.  Dieu  n'était  pas  obligé  de  créer  ; 
sans  doute,  la  gloire  de  son  nom  publiée  pas  la  création  ne  peut  rien 
ajouter  à  sa  félicité  qui  est  absolument  parfaite  ;  cependant,  étant  donné 
qu'il  crée,  il  ne  peut  assigner  à  la  création  d'autre  fin  dernière  que  la 
manifestation  de  ses  perfections,  car,  par  le  fait  même  qu'il  crée,  il  mani- 
feste sa  sagesse,  sa  bonté  et  sa  puissance.  Il  doit  vouloir  par  conséquent 
que  les  créatures  raisonnables  rendent  témoignage  à  ses  perfections 
écrites  dans  la  moindre  de  ses  œuvres  ;  autrement  ces  créatures  raison- 
nables seraient  indépendantes  de  lui,  le  seul  indépendant.  Cette  nécessaire 
recherche  de  sa  gloire  extrinsèque  n'implique  d'ailleurs  en  Dieu  ni  amour 
propre  ni  ambition. 

En  effet  :  a)  cette  gloire  extrinsèque  ne  peut  lui  procurer  aucun 
accroissement  de  bonheur  ;  —  b)  les  créatures  y  trouvent  leur  avantage, 
car  Dieu,  en  se  proposant  sa  gloire,  se  propose  aussi  le  bien  des  créatures. 
En  exigeant  des  hommes  qu'ils  reconnaissent  ses  perfections  et  qu'ainsi 
ils  le  glorifient.  Dieu  leur  impose  un  devoir  qui  leur  est  utile,  puisque 
cette  reconnaissance  et  cette  glorification  sont  le  moyen  infaillible  pour 
eux  d'atteindre  leur  fin  dernière-  et  partant  leur  propre  félicité.  Reste 
donc  que  l'acte  créateur  est  essentiellement  un  acte  d'amour  désintéressé, 
un  acte  de  bienveillance. 

Conclusion.  —  Il  résulte  de  ce  qui  précède  que  le  concept  de  création 
ne  renferme  aucune  contradiction  :  la  création  est  possible.  En  outre  elle 
est,  nous  l'avons  établi,  la  seule  solution  raisonnable  du  problème  des 
rapports  entre  le  fini  et  l'infini.  C'est  la  raison  elle-même  qui  nous  l'impose 
comme  une  réalité  nécessaire.  Sans  doute  nous  nous  heurtons  là  à  un 
mystère  ;  mais  c'est  le  lot  inévitable  de  l'intelligence  humaine,  dès 
qu'elle  cherche  à  pénétrer  la  nature  intime  des  êtres  créés  et,  a  fortiori, 
l'essence  infinie  de  Dieu.  «  Car  nous  ne  devons  point  trouver  étrange 
qu'il  y  ait  en  sa  nature,  qui  est  immense,  et  en  ce  qu'il  a  fait,  beaucoup 
de  choses  qui  surpassent  la  capacité  de  notre  esprit  (^).  » 


(')  Descartes,  Les  Principes  de  la  Philosophie,  l"  Partie,  §  25. 


(92)  LA    CONSERVATION    DES    ÊTRES    CRÉÉS  637 


SECTION  II 


La  Providence. 

La  Providence,  c'est  raction  par  laquelle  Dieu  conserve  et  gouverne 
le  monde  conformément  à  ses  attributs  ;  c'est  la  manifestation  dans  le 
monde  de  la  Bonté,  de  la  Sagesse  et  de  la  Puissance  de  Dieu.  La  Provi- 
dence est  rejetée  par  le  fatalisme  qui  attribue  tout  à  un  destin  inexorable 
ou  au  hasard  capricieux  ;  par  le  panthéisme  qui  ne  reconnaît  pas  d'attri- 
buts moraux  en  Dieu  ;  par  Aristote  qui  soutient  que  Dieu  ne  saurait 
connaître,  sans  déchoir,  un  monde  imparfait  ;  enfin  par  le  déisme,  qui 
tout  en  admettant  la  Création,  nie  la  Providence  :  le  monde  une  fois 
créé  par  Dieu  se  conserve  par  ses  propres  forces  et  se  gouverne  par  ses 
propres  lois.  Voltaire  et  certains  philosophes  du  xviiie  siècle  étaient 
déistes. 


93.  —  LA  CONSERVATION 

C'est  l'acte  par  lequel  Dieu  maintient  toutes  choses  dans  l'existence. 
Dieu,  qui  a  créé  toutes  choses,  agit  aussi  pour  tout  conserver. 

L  —  La  créature,  n'étant  pas  le  principe  de  son  existence,  reste  tout 
aussi  contingente,  après  l'avoir  reçue  qu'auparavant.  Sortie  du  néant 
par  un  acte  de  la  volonté  souveraine,  elle  y  retomberait  à  tout  instant 
si  le  même  acte  ne  lui  conservait  l'existence.  La  conservation  des  créa- 
tures n'est  que  leur  création  continuée  (^). 

IL  —  Si,  une  fois  créée,  elle  existait  par  elle-même,  la  créature 
deviendrait,  dans  le  cours  de  sa  durée,  indépendante  et  absolue,  ce  qui 
ne  répugne  pas  moins  à  son  imperfection  essentielle  qu'à  l'infinie  per- 
fection de  son  auteur,  de  qui  tout  doit  dépendre  partout  et  toujours. 

Il  ne  faut  pas  comprendre  la  conservation  comme  Malebranche  :  il  la 
conçoit  comme  une  création  continuellement  renouvelée^  comme  si  les 
êtres,  annihilés  à  chaque  instant,  étaient  sans  cesse  retirés  du  néant 
par  Dieu.  —  Cette  conception  revient  à  V occasionnalisme  déjà  réfuté  (57). 

De  même  que  Dieu  crée  en  voulant  qu'une  chose  existe,  ainsi  il 
conserve  en  voulant  que  cette  chose  persévère  dans  l'existence.  La  conser- 
vation est  donc  une  création  continuée  en  ce  sens  que  l'acte  de  la  volonté 


(M  Descartes,  MédHalions,  \\l' 


638  LE    CO>X0URS    DIVIN  (93) 

divine,  qui  a  donné  l'être  à  une  créature,  demeure  effîdace.  Le  monde 
persiste  dans  l'existence,  non  pas  seulement  parce  que  Dieu  l'a  tiré  du 
néant,  mais  encore  parce  qu'il  a  décrété  en  même  temps  que  le  monde 
durerait  pendant  un  temps  déterminé.  En  Dieu,  qui  est  absolument 
simple,  la  création  et  la  conservation  sont  un  seul  et  même  acte  de  sa 
volonté  toute-puissante  ;  mais  le  terme  de  la  création  et  celui  de  la 
conservation  sont  formellement  différents.  La  création  regarde  la  créa- 
ture en  tant  qu'elle  commence  d'être  ;  la  conservation  la  regarde  en  tant 
qu'elle  persévère  dans  l'existence. 


93.  —  LE  CONCOURS  DIVIN 

Le  concours  divin  consiste  dans  la  coopération  de  Dieu  aux  actions 
des  créatures.  On  distingue  le  concours  : 

1°  Médiat  :  il  consiste  à  donner  aux  créatures  et  à  leur  conserver  les 
forces  et  tout  ce  qui  leur  est  nécessaire  pour  agir.  La  nécessité  de  ce 
concours  résulte  du  fait  même  de  la  création  et  de  la  conservation. 

2»  Immédiat  :  il  consiste  dans  la  coopération  donnée  par  Dieu  aux 
actes  mêmes  des  causes  secondes,  c'est-à-dire  aux  effets  produits  par 
elles.  La  nécessité  d'un  tel  concours  est  manifeste  :  autrement  il  y  aurait, 
dans  le  monde,  des  choses  ayant  un  certain  degré  d'être  et  de  perfection, 
à  savoir  ces  actes  ou  effets  des  causes  secondes,  qui  existeraient  indépen- 
damment de  Dieu.  Dieu  alors  ne  serait  plus  la  cause  première  infinie. 

Concours  immédiat  de  Dieu  aux  actes  libres.  —  L'acte  libre  de 
la  volonté  est  celui  par  lequel  elle  se  détermine  elle-même,  en  ayant  le 
pouvoir  d'agir  autrement.  La  question  à  résoudre  se  pose  ainsi  :  Comment 
doit-on  concevoir  la  nature  du  concours  divin,  pour  qu'il  ne  violente 
pas  la  liberté  des  actes  humains  ? 

Réponse.  —  1°  Il  ne  peut  être  une  prédétermination  ou  prémotion, 
car  la  prédétermination  ou  prémotion  est  incompatible  avec  la  liberté 
(82,  §  B,  1). 

2°  Il  est  la  continuation  du  concours  médiat  qui  donne  et  conserve 
à  la  volonté  la  puissance  et  les  moyens  d'agir.  Ce  concours  devient 
immédiat  et  simultané  par  rapport  à  l'acte  de  la  volonté,  dès  que  celle-ci 
opère.  Un  tel  concours  respecte  la  liberté  humaine,  parce  qu'en  tant 
que  médiat  il  laisse  la  volonté  indifférente  à  faire  ceci  ou  cela  ;  en  tant 
qu'immédiat,  au  lieu  de  précéder  la  détermination  de  la  volonté  comme 
la  prémotion,  il  l'accompagne  ;  il  ne  la  détermine  donc  pas  ;  mais,  aidée 
par  lui,  la  volonté  se  détermine  elle-même.  Cette  simultanéité  de  l'action 
humaine  et  de  la  coopération  divine  sauvegarde  donc  la  liberté  de  la 
détermination.  Le  concours  médiat  et  le  concours  immédiat  sont  le 
même  concours,  auquel  on  donne  des  noms  différents,  selon  qu'il  se 


(94)  LE    GOUVERNEMENT    DU    MONDE  639" 

rapporte  à  la  volonté  prête  à  agir  ou  agissante.  De  même  que  la  conser- 
vation est  la  création  continuée,  le  concours  immédiat  peut  être  dit  le 
concours  médiat  continué,  puisque  c'est  la  même  volonté  efficace  de 
Dieu,  conservant  la  volonté  prête  à  agir,  qui  la  soutient  quand  elle  agit. 
On  peut  illustrer  la  théorie  du  concours  simultané  par  l'exemple  de 
la  mère  aidant  son  petit  enfant  à  marcher.  L'enfant  se  meut  en  vertu  de 
sa  force  locomotrice  ;  mais  il  a  besoin  d'être  dirigé  et  soutenu  par  l'action 
maternelle,  de  sorte  que  la  cause  adéquate  de  la  marche  est  la  vertu 
locomotrice  de  l'enfant  et  le  soutien  prêté  par  la  mère.  C'est  pourquoi, 
quand  l'enfant  se  meut,  ce  mouvement  provient  aussi  de  la  mère,  laquelle 
devient  alors  cause  immédiate  du  mouvement  en  même  temps  que  la 
force  locomotrice  de  l'enfant,  puisque  celui-ci  ne  peut  se  mouvoir  et 
marcher  qu'avec  l'aide  maternelle.  Mais  le  concours  de  la  mère  soutenant 
les  pas  de  l'enfant  ne  les  détermine  point,  bien  qu'ils  ne  soient  faits  que 
dépendamment  de  lui  {^). 

94.  —  LE  GOUVERNEMENT  DU  MONDE 

La  Providence  de  Dieu  ne  se  borne  pas  à  la  conservation  du  monde  ; 
elle  le  gouverne  avec  sagesse  et  bonté.  Elle  prévoit  et  arrange  toutes 
choses  d'après  un  plan  arrêté  d'avance  ;  elle  pourvoit  aux  nécessités 
de  chaque  être  en  lui  fournissant  les  moyens  appropriés  pour  atteindre 
sa  destinée.  C'est  pourquoi  rien,  en  ce  monde,  ne  peut  arriver  sans  la 
volonté  impérative  ou  permissive  de  Dieu.  On  peut  apporter  des  argu- 
ments a  priori  et  a  posteriori  pour  démontrer  l'existence  et  l'action  du 
gouvernement  divin. 

§  A.  —  PREUVES 

l.  —  Preuve  a  priori  :  si  Dieu  ne  dirige  pas  le  monde,  c'est  qu'il 
ne  le  veut,  ne  le  peut  ou  ne  le  sait  pas.  Or  cette  supposition  répugne 
à  sa  Bonté,  à  sa  Puissance  et  à  sa  Sagesse  infinies. 

IL  —  Preuve  a  posteriori  :  elle  est  tirée  de  V ordre  physique,  moral  et 
social  : 

A)  Ordre  physique.  —  Au  milieu  des  irrégularités  et  des  désordres 
apparents  nous  remarquons  une  harmonie,  une  constance  merveilleuse, 
notamment  dans  les  actes  instinctifs  des  êtres  dénués  de  raison.  Cette 
harmonie  et  cette  constance  ne  peuvent  s'expliquer  que  par  l'action 
d'une  raison  supérieure.  Si  l'ordre  du  mouvement  dans  son  existence 
manifeste  l'existence  de  l'esprit  qui  le  créa,  il  manifeste  non  moins  par 
sa  constance  l'intervention  continuelle  de  cet  esprit  créateur. 


(')  Cf.  Palmieri,  Institutiones  philosophicœ,  T.  III,  Theologia,  Thesis  XLI,  p.  247. 


640  LE    MIRACLE  (95) 

B)  Ordre  moral.  —  Si  le  monde  et  les  êtres  irraisonnables  qu'il  ren- 
ferme sont  régis  par  des  lois  fatales,  le  monde  moral,  qui  comprend  les 
êtres  doués  de  raison,  est  gouverné  par  la  loi  du  devoir.  La  Providence 
préside  aux  actes  libres  de  l'homme  et  le  conduit  à  sa  destinée  immortelle, 
en  dirigeant  sa  conscience  au  moyen  de  la  loi  morale,  manifestation  de 
la  volonté  divine  qui  commande  le  bien  et  l'approuve,  prohibe  le  mal 
et  le  condamne. 

C)  Ordre  social  (^).  —  On  peut  tirer  une  autre  preuve  de  l'action 
providentielle,  en  considérant  l'histoire  des  peuples,  leur  civilisation 
et  leur  décadence,  leurs  succès  et  leurs  revers.  L'histoire  de  l'humanité 
témoigne  de  la  direction  imprimée  au  cours  des  événements  par  la 
Sagesse  divine.  Dans  l'ensemble,  l'humanité  progresse  :  progrès  matériel 
et  économique,  progrès  scientifique,  progrès  moral  (Morale,  115). 
Or  ce  progrès  ne  peut  s'expliquer  sans  l'intervention  d'une  intelligence 
et  d'une  volonté  transcendantes,  parce  qu'il  s'accomplit,  malgré  les 
passions  et  les  intérêts  qui  lui  font  obstacle.  Il  faut  donc  admettre  qu'un 
Etre  supérieur  à  l'homme  coordonne  l'ensemble  des  efforts  et,  en  dépit 
des  divergences,  les  fait  concourir,  en  respectant  la  liberté,  à  un  plan 
conçu  d'avance,  car  suivant  le  mot  de  Fénelon  :  «  L'homme  s'agite  et 
Dieu  le  mène.  »  (Logique,  103,  B,  III).  Cependant  il  faut  convenir  qu'à 
moins  d'une  révélation  on  ne  saurait  découvrir  sûrement  la  nature  et  le 
développement  du  plan  divin. 

§  B.  —  OBJET  ET  ÉTENDUE 

La  Providence  divine  n'embrasse  pas  seulement  l'ensemble  du  monde 
qu'elle  gouverne  par  des  lois  générales  ;  mais  elle  s'étend  à  chaque 
détail  de  l'ensemble,  à  chaque  être  particulier.  On  l'appelle  : 

A)  Générale,  en  tant  qu'elle  entretient  l'harmonie  universelle. 

B)  Spéciale,  en  tant  qu'elle  veille  sur  chaque  être,  si  chétif  soit-il. 
Il  n'en  saurait  être  autrement,  puisque  l'Intelligence  et  la  Puissance 

divines  étant  infinies  sont  capables  de  s'appliquer  sans  effort  ni  défail- 
lance à  tout. 

95.  —  LE  MIRACLE 

Le  miracle  est  une  intervention  extraordinaire  de  la  Providence. 
On  peut  le  définir  :  un  effet  qui  dépasse  toutes  les  forces  de  la  nature  ol 
requiert  une  intervention  spéciale  de  Dieu.  On  a  contesté  la  possibilité 
de  cette  intervention  :  elle  serait  impossible,  soit  qu'on  envisage  la 
puissance  de  Dieu,  soit  qu'on  considère  sa  sagesse.  Il  est  facile  de  répondre 
à  cette  double  objection  : 

A).  —  Puissance  :  pour  admettre  la  possibilité  et  la  réalité  du  miracle, 

(M  J.  DE  Decker,  La  Providence  dans  les  faits  sociaux  el  la  science  sociale. 


(95)  LE    MIRACLE  641 

pas  n'est  besoin  d'être  chrétien,  c'est  assez  d'être  philosophe  spiritua- 
liste.  La  raison  humaine  y  suffit  sans  l'aide  de  la  foi.  Quand  on  proclame 
l'existence  d'un  Dieu  personnel,  infini,  par  conséquent  tout-puissant, 
on  n'a  pas  le  droit  de  lui  dénier  la  faculté  d'opérer  des  œuvres  miracu- 
leuses. La  logique  le  défend,  car  ce  serait  réduire  Dieu  au  rôle  amoindri 
de  monarque  constitutionnel,  qui  règne  et  ne  gouverne  pas,  relégué 
au  fond  de  son  palais  dans  l'immobile  éternité.  Réduire  ainsi  la  divinité, 
c'est  la  détruire,  c'est  la  ravaler  au-dessous  de  l'homme  qui,  dans  sa 
modeste  sphère,  peut  accomplir  des  merveilles.  Aussi  je  ne  m'étonne  pas 
que  Jean-Jacques  Rousseau  lui-même,  dans  un  éclair  de  bon  sens,  ait 
répondu  à  cette  question  :  «  Dieu  peut-il  faire  des  miracles  ?  »  par  cette 
vigoureuse  sortie  :  «  Cette  question,  sérieusement  traitée,  seroit  impie, 
si  elle  n'étoit  absurde  ;  ce  seroit  faife  trop  d'honneur  à  celui  qui  la  résou- 
droit  négativement,  que  de  le  punir  ;  il  suffiroit  de  l'enfermer  (^).  » 

Il  y  a,  dans  le  miracle,  rencontre  de  deux  forces  inégales  :  «  Dans  le 
concours  de  deux  agents  de  nature  différente,  l'efîet  produit  n'est  pas 
supérieur  à  la  nature  de  l'agent  supérieur  ;  mais  il  est  au-dessus  de  la 
nature  de  l'agent  inférieur.  Il  est  naturel  par  rapport  à  l'agent  supérieur, 
car  il  est  dans  les  limites  de  sa  puissance  ;  mais  évidemment,  à  s'en  tenir 
à  la  définition,  c'est  un  miracle  par  rapport  à  l'agent  inférieur,  puisqu'il 
dépasse  absolument  la  capacité  de  sa  nature.  Le  charbon,  le  fer,  l'eau  et 
le  feu,  livrés  à  leur  propre  nature,  n'auraient  certainement  jamais  produit 
la  lampe  électrique  :  la  lampe  électrique  est  un  miracle  par  rapport  à  ces 
agents  matériels,  qui  le  déclareraient  si,  par  impossible,  ils  avaient  la 
raison  ;  mais  elle  ne  l'est  pas  par  rapport  à  l'homme  ;  car,  en  disposant 
des  agents  matériels,  de  telle  sorte  que  le  résultat  de  leurs  forces  ainsi 
organisées  a  été  la  lampe  électrique,  il  a  déployé  tout  simplement  les 
aptitudes  de  sa  nature.  L'homme  est  comme  un  Dieu  par  rapport  aux 
créatures  d'ordre  inférieur,  parmi  lesquelles  les  effets  de  son  activité 
sont  en  un  sens  de  véritables  miracles  (^).  » 

Comment  donc  ce  qui  est  facile  à  l'homme  deviendrait-il  impossible 
à  Dieu  ?  <i  Ce  que  les  iiommes  peuvent,  ce  que  les  anges  peuvent,  Dieu 
le  peut  ;  il  peut  mettre  en  jeu  les  forces  qu'il  a  créées,  mais  de  telle  sorte 
que  l'effet  produit  dépasse  la  puissance  de  la  nature  physique  abandonnée 
à  elle-même,  ou  bien  dirigée  par  )a  nature  humaine  ou  par  la  nature 
angélique  (^).  » 


(')  J.-.T.  Rousseau,  Lettres  écrites  de  la  Montagne,  Partie  I,  Troisième  lettre,  Œuvres, 
Édit.  AuGUis,  T.  VII,  p.  263,  Paris,  1824. 

(  ')  J.  DE  BoNNiOT,  Le  miracle  et  ses  contrefaçons,  5»  édition,  Ch.  ii,  p.  27.  —  Monsabré, 
Introduction  au  dogme  catholique,  Conférences  11-27.  —  G.  Sortais,  La  Providence  et  le 
Miracle  devant  la  science  moderne. 

(')  J.  DE  BoNNiOT,  Ibid.,  p.  30.  —  J.-L.  Gondal,  Le  Surnaturel,  II»  P.  —  D'  Le  Bec, 
Les  forces  inconnues  et  les  guérisons  miraculeuses, da.ns  Études,  1922,  T.  III  p.  484  sqq. 

traité  de  piiilosopiiii:.    —  t.  ii.  —  21. 


642  LE    MIRACLE  (95) 

B).  —  Sagesse  :  on  se  rend  encore  assez  aisément  à  cette  raison, 
qui  ne  va  qu'à  établir  la  possibilité  métaphysique  du  miracle,  mais  pour 
se  retrancher  triomphant  derrière  un  argument  prétendu  invincible. 
L'intervention  miraculeuse  du  Créateur,  possible  à. considérer  sa  puis- 
sance, répugne  à  sa  sagesse,  car  elle  serait  dans  l'univers  une  cause  de 
trouble.  Il  est  à  peine  croyable  à  quel  point  certains  esprits  forts  semblent 
émus  par  cette  objection  puérile.  Lorsqu'ils  veulent  la  couvrir  d'un  vernis 
scientifique,  ils  vous  disent  d'un  ton  pédant  et  doctoral  :  «  Les  lois  de  la 
nature  sont  absolument  immuables  ;  le  miracle  en  serait  la  violation  ;  il  est 
donc  tout  à  fait  incompatible  avec  la  sagesse  divine,  qui  ne  peut  détruire 
l'harmonie  primitive  du  monde  par  l'introduction  d'un  pareil  élément 
de  désordre.  »  Voilà  une  conséquence  bien  grave  !  Mais,  la  base  sur  laquelle 
on  l'appuie  étant  fausse,  tout  s'écroule. 

Les  lois  de  la  nature,  loin  d'être  absolues,  catégoriques,  sont  essen- 
tiellement relatives,  conditionnelles.  Le  physicien  et  l'astronome  ne 
disent  pas  :  Tel  phénomène  sera  donné,  donc  tel  autre  le  sera  ;  mais 
bien  :  Si  tel  phénomène  est  posé,  tel  autre  suivra.  Par  exemple,  quand 
un  savant  ou  un  illettré  énonce  cette  proposition  :  La  lune  tournera 
demain  autour  de  la  terre,  est-ce  que  la  science  comme  le  bon  sens 
vulgaire  ne  sous-entendent  pas,  si  les  circonstances  et  les  causes  habi- 
tuelles restent  les  mêmes  (^)  ?  Mais  qu'un  agent_  étranger  entre  subi- 
tement en  scène,  et  l'effet  sera  modifié  :  est-ce  que  la  loi  est  violée  ? 
Pas  le  moins  du  monde,  car  elle  n'avait  pas  pour  formule  :  les  circon- 
stances et  les  causes  étant  changées,  l'efîet  restera  le  même.  Est-ce  que 
l'ombre  d'un  désordre  vient  projeter  sa  tache  ?  Pas  davantage  :  un  agent 
supérieur  ayant  déployé  sa  force,  il  en  résulte  un  ordre  nouveau.  Les 
exemples  abondent  ;  ils  sont  journaliers.  Voici  un  caillou  qui  roule  sur 
une  pente  rapide  ;  abandonné  à  lui-même,  il  irait  tomber  dans  un  ravin. 
11  me  plait  de  l'arrêter.  Ma  force  s'est  mesurée  avec  une  force  contraire 
et  l'a  emporté.  Ai-je  violé  quelque  loi  physique  ?  Ai-je  introduit  quelque 
trouble  dans  le  monde  ?  A  ce  compte,  nous  passerions  notre  vie  à  dçranger 
l'univers,  et  nous  serions  des  facteurs  permanents  de  désordre.  Qui  le 
dira  ?  Comment  toutes  ces  vérités,  incontestables  quand  l'homme, 
cause  secondaire  et  subordonnée,  est  seul  en  jeu,  cesseraient-elles  de 
l'être,  dès  là  qu'il  s'agit  de  Dieu,  cause  première  et  indépendante  ? 

Au  lieu  d'un  caillou  roulant,  je  suppose  un  énorme  rocher  se  déta- 
chant d'un  sommet  alpestre  :  aucune  force  humaine  n'est  capable  de 


(  ')  «  La  science  ne  dit  jamais  :  A  sera  rloiuié,  donc  B  sera  donné.  Mais  elle  dit  :  si  A  est 
donni-,  B  sera  donné.  Quand  le  savant  dit  :  le  soleil  se  k^vera  demain,  il  sous-enlend  :  si 
toutes  les  causes  restent  les  mêmes...  Intervient-il  quelque  cause  nouvelle  qui  modifie 
l'efTet  attendu,  le  savant  ne  dit  point  que  la  loi  est  violée,  car  la  loi  ne  dit  pas  que,  les  causes 
étant  autres,  l'eflel  doit  rester  le  même.  »  (E.  Rabieb,  Leçons  de  philosophie,  T.  I,  p.  546). 


{96)  OBJECTIONS    CONTRE    LA    PROVIDENCE  643 

l'arrêter  dans  sa  course  bondissante.  Pourquoi  donc  une  puissance  supé- 
rieure à  l'homme  ne  pourrait-elle  le  retenir  au  bord  de  la  gorge  profonde 
où  il  va  tomber,  fatalement  entraîné  par  son  propre  poids  ?  Ce  serait 
un  miracle  divin.  Dans  le  cas  de  cette  intervention  surnaturelle,  je 
cherche  où  serait  le  désordre,  et  je  ne  le  vois  pas.  L'homme  ne  viole  pas 
les  lois  de  la  nature  en  arrêtant  une  pierre  par  simple  caprice,  et  Dieu 
les  violerait  en  arrêtant  un  quartier  de  roche,  par  un  acte  de  sa  volonté 
toujours  sage,  qui  l'aurait  décrété  de  toute  éternité  (^)  ? 

96.  —  OBJECTIONS  CONTRE  LA  PROVIDENCE 

I.  —  La  prescience  divine  détruit  la  liberté  humaine  (Voir  l^a  réponse, 
Psychologie,  205,  §  III). 

II.  ^ —  L'existence  du  mal.  L'existence  du  bien  est  la  grande  raison 
de  croire  en  Dieu.  Le  bien,  c'est  d'abord  l'être  du  monde,  l'activité  dont 
il  est  doué,  l'ordre  et  l'harmonie  qui  le  régissent.  C'est  ensuite  la  raison, 
la  liberté,  la  moralité.  La  grande  objection  contre  la  Providence,  c'est 
l'existence  du  mal,  car  ou  Dieu  pouvait  empêcher  le  mal  et  II  ne  l'a 
pas  voulu  :  que  devient  alors  sa  Bonté  ?  ou  II  le  voulait  et  ne  l'a  pas  pu  : 
que  devient  alors  sa  Puissance  ? 

On  distingue  trois  formes  du  mal  :  le  mal  métaphysique.,  le  mal 
physique^  le  mal  moral. 

§  I.  -—  MAL  MÉTAPHYSIQUE 

Il  consiste  dans  l'imperfection  des  êtres  ;  c'est  la  condition  néces- 
saire de  toute  créature.  Il  serait  contradictoire  que  la  créature  fût  par- 
faite, puisqu'elle  est  essentiellement  contingente  et  dépendante  {^). 
Le  mal  métaphysique  est  négatif  :  c'est  une  simple  limitation  de  l'être, 
l'absence  d'un  bien  ;  vg.  l'ignorance  est  l'absence  de  ce  bien  qu'on 
nomme  science.  On  ne  peut  donc  tirer  de  l'existence  du  mal  métaphy- 
sique aucune  objection  contre  la  Providence,  car  la  créature  est  néces- 
sairement bornée,  et  il  valait  mieux  que  les  êtres  fussent  ainsi  que  de 
ne  pas  être  du  tout.  Se  plaindre  que  les  créatures  sont  imparfaites,  c'est 
se  plaindre  qu'il  y  ait  des  créatures.  Il  ne  peut  pas  plus  exister  de  monde 
sans-imperfection  que  de  mouvement  sans  vitesse.  C'est  pourquoi  Leibniz 


(  ')  Sur  la  prétendue  impossibilité  de  constater  le  miracle,  Cf.  W.  Devivier,  Cours  d' Apo- 
logétique...,  t"  P.,  Cil.  III,  Art.  II,  p.  227  sqq.,  Paris-Tournay,  1907  »•.  —  G.  Sort.\is,  La 
Providence  et  le  Miraclp...,  Ch.  iv.  —  «  On  dira  aussi  que,  si  tout  est  réglé,  Dieu  ne  saurait 
donc  faire  des  miracles.  Mais  il  faut  savoir  que  les  miracles,  qui  arrivent  dans  le  monde, 
étaient  aussi  enveloppés  et  représentés  comme  possibles  dans  ce  même  monde  considéré 
dans  l'état  de  pure  possibilité  ;  et  Dieu,  qui  les  a  faits  depuis,  a  décerné  dès  lors  de  les  faire 
quand  il  a  choisi  ce  monde.   "  (Leibniz,  Essaia  de  Théodicée...,  1"  P.,  §  .54). 

(«)  Leibniz,  Théodicée...,  V  P.,  §  20-21  ;  II«  P.,   §  335.   Monadologie,   §  42. 


644  OBJECTIONS    CONTRE    LA   PROVIDENCE  (96) 

a  dit  excellemment  :  «  Dieu  est  la  cause  de  toute  la  perfection  qu'il  y  a 
dans  la  créature  ;  et,  quant  aux  défauts  de  la  créature,  ils  ont  leur  cause 
non  pas  en  Dieu,  mais  dans  la  limitation  de  la  réceptivité  de  la  créa- 
ture. » 

§  II.  —  MAL  PHYSIQUE 

A).  —  Les  désordres  de  la  nature  :  tempêtes,  inondations,  érup- 
tions volcaniques,  etc.  —  Ce  ne  sont  que  des  désordres  apparents,  car 
ces  faits  sont  le  résultat  des  lois  qui  président  à  l'harmonie  de  l'univers. 
Pour  bien  juger  un  ouvrage  il  ne  faut  pas  se  borner  à  en  considérer 
chaque  partie  isolément,  mais  il  faut  embrasser  l'ensemble.  Or  l'ensemble 
de  l'univers  nous  échappe  :  il  faut  donc  se  garder  de  voir  du  désordre 
dans  des  faits  particuliers,  dont  nous  ne  voyons  pas  le  lien  avec  le  reste. 
Chaque  progrès  de  la  science  a  montré  que  ce  qui  était  qualifié  désordre 
n'était  que  désordre  apparent  et  harmonie  réelle. 

B).  —  La  douleur  :  !«  Chez  l'animal  :  c'est  le  seul  moyen  suffisant 
pour  qu'il  soit  intéressé  à  la  conservation  de  son  être.  La  douleur  est 
en  effet  un  signe  d'imperfection  qui  porte  à. remédier  au  mal  (Psych.  64. 
§  B).  La  douleur  chez  l'animal  est  donc  la  condition  d'un  bien  pour  lui  : 
elle  est  d'ailleurs  beaucoup  moins  vive  que  chez  l'homme  (^). 

20  Chez  l'homme  (^)  :  les  maladies  sont  souvent  les  conséquences  de 
fautes  morales,  le  châtiment  de  l'intempérance.  —  De  plus,  en  attachant 
la  douleur  à  l'imperfection,  la  Providence  a  chargé  le  mal  de  se  combattre 
lui-même,  car  la  souffrance  est  l'aiguillon  du  progrès  industriel  et  artis- 
tique. Elle  développe  dans  l'homme  toutes  les  vertus,  notamment  la 
force  et  la  douceur.  (Psychol.,  64,  §  B). 

§  III.  —  MAL-  MORAL   {^) 

A).  —  La  faute,  le  péché  :  voilà  du  moins  un  mal  véritable,  qui 
n'est  pas  comme  la  douleur  une  suite  nécessaire  des  lois  de  la  nature. 
Comment  Dieu  qui  est  la  sainteté  même  peut-il  le  permettre  ? 

Réponse  :  ce  mal  est  l'œuvre  du  libre  arbitre,  qui,  chez  un  être  impar- 
fait, implique  la  possibilité  de  mal  faire.  Mais,  malgré  ses  défaillances, 
c'est  un  pouvoir  éminemment  précieux,  car  il  est  la  condition  même  de 
la  moralité.  Il  vaut  donc  mieux  que  le  libre  arbitre  existe,  avec  ses  imper- 
fections ;  autrement,  c'en  est  fait  de  la  responsabilité,  qui  est  incom- 
patible avec  la  nécessité  physique  d'accomplir  le  bien. 

Instance  :  Dieu  devait  empêcher  l'abus  de  la  liberté. 


(M   J.   DE  BoNNior,   Le  problème  du  mal,  L.   III. 
( ')   J.  DE  BoNNiOT,  Le  problème  du  mal,  L.  IV,  V. 
(')  J.  DE  BoNNiOT,  Le  problème  du  m.al,  L.  VI. 


(97)  l'optimisme  645 

Réplique  :  il  le  fait  dans  les  limites  du  possible,  au  moyen  de  la 
conscience  et  par  la  perspective  des  sanctions.  Mais  exiger  qu'il  en  rende 
l'abus  impossible,  c'est  détruire  la  liberté.  —  D'ailleurs  ce  désordre  sera 
réparé  dans  l'autre  vie  par  l'exécution  des  sanctions. 

B).  —  Prospérité  du  vice  et  malheur  de  la  vertu. 

Réponse  :  1°  La  vertu  n'est  pas  toujours  malheureuse  ;  elle  jouit 
aussi  parfois  des  biens  et  des  avantages  temporels. 

2°  Du  reste  le  sort  des  bons,  malheureux  dans  la  vie  présente,  est 
préférable  à  celui  des  méchants  heureux,  si  nous  considérons  les  biens 
véritables,  ceux  qui  'conviennent  à  la  nature  raisonnable  :  satisfaction 
et  paix  de  la  conscience,  espérance  d'un  bonheur  parfait. 

3°  Quand  même  il  n'y  aurait  pour  la  vertu  que  des  peines,  cette 
apparence  d'injustice  disparaît,  parce  que  cette  vie  n'est  qu'une  prépa- 
ration à  une  autre  vie  définitive,  un  temps  d'épreuve. 

C).  —  La  mort  qui  vient  détruire  le  travail  de  notre  perfectionnement 
moral. 

Si  cette  vie  devait  aboutir  à  l'anéantissement,  elle  serait  une  décep- 
tion amère  et  elle  ne  vaudrait  pas  la  peine  d'être  vécue.  Mais  rien  n'est 
perdu  des  efforts  de  l'homme  vertueux,  si  tout  ne  finit  pas  avec  l'exis- 
tence présente.  L'immortalité  de  l'âme  est  donc  la  justification  suprême 
de  la  Providence.  Il  faut  se  rappeler,  dans  les  jours  d'épreuve,  le  vers 
réconfortant  du  poète  : 

La  vie  est  un  combat  dont  la  palme  est  aux  deux. 


SECTION    III 
La  valeur  du  monde. 


La  vie  est-elle  un  bien  ou  un  mal  ?  Le  monde  est-il  bon  ou  mauvais  ? 
Faut-il  avec  l'Optimisme  approuver  la  Création  ?  Faut-il  la  condamnei 
avec  le  Pessimisme  ? 


97.  —  L'OPTIMISME 

L'Optimisme  répond  que  le  monde  est  bon,  que  la-  vie  vaut  la  peine 
d'être  vécue.  Cette  doctrine,  professée  dans  l'antiquité  par  Socrate, 
Platon,  les  Stoïciens,  les  Alexandrins,  n'est  devenue  un  système  philo- 
sophique que  chez  les  modernes.  Elle  a  revêtu  deux  formes  :  V  Optimisme 
absolu,  Y  Optimisme  relatif. 


646  l'optimisme    absolu  (97) 

§  I.  —  OPTIMISME  ABSOLU 

C'est  la  thèse  soutenue  par  Malebranche  et  par  Leibniz. 

A)  D'après  Malebranche,  Dieu  a  tout  créé  pour  sa  plus  grande 
gloire.  Le  monde  fait  donc  éclater  cette  gloire  au  plus  haut  degré  possible. 
Dieu  agit  toujours  par  les  voies  les  plus  simples  et  les  plus  générales, 
et  il  a  mis  dans  le  monde  toute  la  perfection  compatible  avec  cette 
condition.  Dieu  aurait  pu,  par  des  «  volontés  particulières  »,  empêcher 
tel  ou  tel  mal  ;  mais  il  ne  l'a  pas  fait,  parce  que  la  simplicité  et  la  géné- 
ralité des  moyens  employés  dans  une  œuvre  sont,  un  signe  certain  de 
la  perfection  de  l'auteur.  Dieu  aurait  donc  dérogé  aux  conditions  de  la 
perfection,  s'il  avait  agi  par  des  volontés  particulières,  au  lieu  de  s'en 
tenir  à  des  volontés  générales.  Dieu  d'ailleurs  ne  veut  pas  le  mal,  mais 
il  le  permet  comme  lié  au  plus  grand  bien  possible. 

Unissant  la  théologie  à  la  philosophie,  Malebranche  en  appelle  à 
l'Incarnation.  L'union  du  Verbe  à  la  nature  humaine  élève  la  création 
à  un  degré  de  perfection  digne  de  Dieu.  Aussi  le  Fils  de  Dieu  se  serait-il 
incarné,  quand  même  le  premier  homme  n'aurait  pas  péché. 

B)  Selon  Leibniz,  Dieu  conçoit  la  possibilité  d'une  infinité  de  mondes 
différents  les  uns  des  autres  par  leur  degré  de  perfection.  Étant  infiniment 
intelligent  et  puissant,  il  connaît  le  meilleur  de  tous  ces  mondes  et  peut 
le  réaliser.  Mais,  si  pouvant  créer  le  meilleur,  il  en  préférait  un  autre 
moins  parfait,  ce  choix  serait  contraire  : 

10  A  sa  sagesse^  car  il  n'aurait  pas  de  raison  d'être,  puisqu'  «  il  ne 
serait  pas  possible  de  rendre  raison  pourquoi  les  choses  sont  allées 
plutôt  ainsi  qu'autrement  «  (^). 

2°  A  sa  bonté.,  u  car  d'avancer  qu'il  sait  ce  qui  est  meilleur,  qu'il  le 
peut  faire  et  qu'il  ne  le  fait  pas,  c'est  avouer  qu'il  ne  tenait  qu'à  sa 
volonté  de  rendre  le  monde  meilleur  qu'il  n'est  ;  mais  c'est  ce  qu'on 
appelle  manquer  de  bonté  »  (^).  Donc  Dieu  a  dû  créer  le  meilleur  des 
mondes  possibles. 

Mais,  il  faut  le  bien  remarquer,  ce  monde  meilleur  que  Dieu  a  créé, 
c'est  le  meilleur  par  rapport  à  l'ensemble  des  choses  et  non  au 
regard  des  détails  ;  c'est  le  meilleur  non  par  rapport  à*  chaque 
espèce  d'êtres  ou  à  chaque  astre,  mais  au  regard  de  tout  l'univers  ; 
c'est  le  meilleur  non  par  rapport  à  l'univers  tel  qu'il  est  actuellement, 
mais  tel  qu'il  devient  dans  son  évolution  indéfiniment  progressive. 
Pour  en  juger  équitablement,  il  ne  faut  donc  pas  l'envisager  à  un  moment 
de  sa  durée,  mais. dans  toute  l'ampleur  de  son  développement  :  «  Quel- 


(')  Leibniz,  Principes  de  la  nature  el  de  Jn  grâce  fondés  en  raison,  §  10. 
( ')  Leibmz,  Essais  de  Théodicée  nur  la   bonté  de  liieu,  la  liberté,  de  llxomme  et  l'origine 
du  mal,  II'  P.,  §  19/1. 


(97)  l'optimisme  relatif  647 

qu'un  dira  qu'il  est  impossible  de  produire  le  meilleur,  parce  qu'il  n'y  a 
point  de  créature  parfaite  et  qu'il  est  toujours  possible  d'en  produire 
une  qui  le  soit  davantage.  Je  réponds  que  ce  qui  peut  se  dire  d'une 
créature  ou  d'une  substance  particulière,  qui  peut  toujours  être  sur- 
passée par  une  autre,  ne  doit  pas  être  appliqué  à  l'univers,  lequel,  se 
devant  étendre  par  toute  l'éternité  future,  est  un  infini  (^).  » 

Dieu  a  donc  réalisé  le  monde  où  il  y  a  la  plus  grande  somme  possible 
de  biens.  Il  renferme  cependant  une  certaine  quantité  de  maux,  parce 
que  le  monde  étant  créé  est  nécessairement  imparfait.  Ces  mau.x:  dont 
on  se  plaint  sont  la  conséquence  forcée  des  lois  les  plus  sages  que  Dieu 
pouvait  établir,  avec  le  minimum  d'inconvénients.  Les  créatures  les 
plus  utiles  ne  vont  pas  sans  quelques  effets  fâcheux  :  vg.  le  feu,  qui  rend 
tant  de  services,  peut  causer  des  incendies.  Un  autre  ordre  de  choses 
aurait  entraîné  de  plus  graves  imperfections. 

§  II.  _  OPTIMISME  RELATIF 

C'est  la  doctrine  de  saint  Anselme,  de  saint  Thomas,  de  Bossuet, 
de  Fénelon,  etc.  Ils  soutiennent  que  le  monde  n'est  pas  absolument, 
mais  relativement  parfait. 

Voici  quelques  objections  contre  l'Optimisme  absolu  : 

1°  L'Optimisme  absolu  suppose  que  Dieu  ne  peut  vouloir  que  ce 
qui  est  meilleur  en  soi.  Cette  supposition  détruirait  la  liberté  divine   {^). 

2°  Bien  plus,  si  Dieu  devait  créer  le  meilleur  des  mondes,  il  n'en 
pourrait  créer  aucun,  car  si  parfait  qu'on  le  suppose,  comme  il  est  fini, 
on  peut  toujours  en  concevoir  un  meilleur.  L'hypothèse  leibnizienne 
de  la  perfectibilité  indéfinie  du  monde  ne  prouve  donc  rien,  parce  que, 
si  parfait  que  devienne  l'univers  par  un  progrès  continu,  il  y  aura 
toujours  place  pour  une  perfection  plus  grande.  Il  ne  sera  donc  jamais 
le  plus  parfait  possible. 

?>^  Au  point  de  vue  moral,  l'Optimisme  absolu  rend  la  vertu  inutile 
et  le  progrès  impossible.  Si  le  monde  est  le  meilleur  possible,  on  ne  peut 
lui  souhaiter  ni  corrections  ni  perfectionnements.  La  souffrance  et  le 
crime  sont  justifiés  et  inévitables,  puisqu'ils  font  partie  intégrante  et 
nécessaire  d'une  œuvre  parfaite.  A  quoi  bon  essayer  d'améliorer  cette 
œuvre  ?  Ce  serait  folie  et  sacrilège  (^). 


(  M  Leibniz,  Essais  de  Théodicée...,  II'  P..  §  195.  —  Cette  réponse  de  Leibniz  est  insuf- 
fisante ;  si  elle  prouvait  quelque  chose,  elle  prouverait  qu'un  tel  monde  est  infini  en  durée, 
mais  non  pas  qu'il  a  toutes  les  autres  perfections  au  plus  haut  degré  possible. 

( ')  Leibniz  essaie  d'échapper  à  celte  difficulté  par  une  distinction  :  ■<  ...Mélaphysi- 
quemenl  parlant,  il  [Dieu]  pouvoil  choisir  ou  faire  ce  qui  ne  fût  point  le  meilleur  ;  mais  il 
ne  le  pouvoit  point  moralement  parlunt.    »  {Théodicée,  11°  P.,   §  234). 

( ')  Cette  objection  ne  vaut  pas  contre  l'Optimisme  de  Leibniz,  puisqu'il  suppose  le 
monde  toujours  en  train  de  se  perfectionner. 


648  LE    PESSIMISME    ABSOLU  (98) 

Conclusion  :  il  faut  donc  rejeter  l'Optimisme  absolu.  Une  chose 
peut  être  la  meilleure  possible  en  elle-même  ou  relativement  à  la  fin 
poursuivie  ;  vg.  une  montre  d'or  est  plus  précieuse  en  soi  qu'une  d' ar- 
gent ;  mais,  si  elle  marche  mal,  elle  est  inférieure  relativement  à  la  fin. 
C'est  en  ce  sens  que  le  monde  est  le  meilleur  possible,  c'est-à-dire  rela- 
tivement à  la  fin  que  Dieu  lui  a  assignée.  En  efîet  le  monde  a  pour  fin 
la  manifestation  des  perfections  divines,  mais  dans  un  degré  limité. 
Il  est  donc  évident  que  Dieu,  infiniment  sage  et  puissant,  a  atteint  son 
but,  et  par  conséquent  que  le  monde  qu'il  a  créé  est  le  meilleur  possible, 
relativement  à  ce  but,  c'est-à-dire  qu'il  réalise  pleinement,  ni  plus  ni 
moins,  le  degré  de  perfection  que  Dieu  a  librement  déterminé. 


98.  —  LE  PESSIMISME 

C'est  une  maladie  aussi  ancienne  que  l'humanité  comme  disposition 
de  l'esprit.  On  en  trouve  des  traces  chez  tous  les  peuples,  spécialement 
chez  les  Hindous,  dans  la  rehgion  bouddhiste.  Mais  c'est  un  mal  moderne 
dans  sa  forme  systématique  et  savante.  Ce  n'est  pas  le  mal  du  siècle, 
chanté  par  Chateaubriand  et  Byron  ;  en  eux,  c'est  le  poète  qui  souffre 
et  non  pas  l'humanité.  Le  pessimiste  au  contraire  s'oublie  lui-même 
pour  ne  penser  qu'aux  douleurs  de  l'humanité.  Il  s^occupe  non  de  ses 
souffrances,  mais  du  mal  absolu,  objectif,  maître  de  toutes  choses. 
C'est  ainsi  que  l'ont  compris  Leopardi,  M™^'  Ackermann,  c'est  ainsi 
que  Schopenhauer  et  Hartmann  l'ont  systématiquement  exposé  en 
Allemagne.  Ce  monde  est  le  rendez*vous  de  tous  les  maux,  la  vie  est 
une  plainte  continuelle,  l'univers  est  l'œuvre  d'une  volonté  absurde. 
Mais  on  peut  aussi  distinguer  un  Pessimisme  absolu  et  un  Pessimisme 
relatif.  Schopenhauer  représente  le  premier,  Hartmann,  le  second. 

§  I.  —  LE  PESSIMISME  ABSOLU 

Voici  quelques  arguments  de  Schopenhauer   (^)  : 

I.  —  La  science  montre  que  la  capacité  de  souffrir  augmente  avec 
le  progrès  de  l'organisation.  Les  grands  génies  sont  les  grands  souffrants. 

Réponse  :  c'est  vrai  ;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  la  proposition  corré- 
lative :  le  plaisir  croît  avec  la  perfection  de  la  conscience,  de  la  sensi- 
bilité et  de  l'intelligence. 

IL  —  L'amour  est  la  cause  des  plus  grands  maux  dans  le  monde  : 
vg.  haines,  combats,  jalousies,  trahisons,  honte,  remords,  folie. 


(')  SCHOPENHAUEB,  Le   Moudc  comme  volonté  et  comme  représentation,  Livre  IV. 


(99)  LA    VALEUR    VÉRITABLE    DU    MONDE  649 

Réponse  :  il  est  aussi  la  source  des  plus  grands  biens  et  des  plus 
pures  jouissances. 

III.  —  L'absolu,  qui  produit  tout  sans  but  et  sans  raison,  inspire  à 
tous  les  êtres  le  désir  de  vivre.  Mais  vivre,  c'est  faire  effort  ;  faire  effort, 
c'est  souffrir. 

Réponse  :  a)  L'effort  ne  produit  la  souffrance  que  quand  il  rencontre 
un  obstacle  insurmontable  à  ses  tendances  (Psych.,  19,  §  A). 

b)  Quant  à  la  volonté  qui  gouverne  la  vie,  elle  n'est  pas  absurde, 
mais  raisonnable,  comme  le  prouve  l'harmonie  des  lois  de  la  nature. 
Si  c'est  par  la  volonté  qu'on  veut  expliquer  l'existence  du  mal,  c'est  par 
la  volonté  humaine  qu'il  faut  le  faire. 

§  II.  —  LE  PESSIMISME  RELATIF 

A  côté  de  la  volonté,  dont  parle  Schopenhauer,  Hartmann  place 
l'inconscient,  sorte  d'idée  qui  s'ignore  et  qui  tâche  de  disposer  les  maté- 
riaux désordonnés  que  lui  fournit  la  volonté  (^).  Il  y  a  dans  le  monde 
un  principe  bon  à  côté  d'un  mauvais.  Le  monde  n'est  donc  pas  essen- 
tiellement mauvais  ;  il  est  seulement  pire  que  le  néant.  Po.ur  faire  le 
bilan  des  biens  et  des  maux,  Hartmann  expose  trois  manières  de  conce- 
voir la  vie  humaine  :  ce  sont  trois  rêves  de  bonheur,  sans  bonheur  réel. 

Premier  rêve  :  ce  serait  le  bonheur  en  cette  vie,  par  le  développement 
de  nos  facultés.  C'est  l'erreur  du  paganisme.  En  effet,  le  patriotisme,  le 
dévouement,  la  gloire,  l'amour,  tout  cela  est  illusion,  folie,  douleur. 

Second  rêve  :  ce  serait  le  bonheur  de  l'individu  dans  l'autre  vie, 
l'au-delà  céleste.  C'est  la  conception  du  Christianisme  ;  mais  cet  au-delà 
n'existe  pas. 

Troisième  rêve  :  ce  serait  le  bonheur  indéfiniment  croissant  de  l'huma- 
nité future,  auquel  l'individu  sacrifierait  son  bonheur  actuel.  C'est  le 
rêve  de  certains  libres  penseurs.  Mais  le  progrès  s'obtenant  par  le  déve- 
loppement de  la  pensée,  plus  la  pensée  sera  parfaite,  plus  l'homme  sera 
malheureux,  car  alors  il  comprendra  mieux  et  sentira  davantage  son 
malheur.  Il  faut  donc  s'abstenir  le  plus  possible  de  vivre,  il  ne  faut  pas 
entretenir  les  plaisirs  de  la  vie  ;  et  un  jour  tout  fîni^-a  par  le  «  suicide 
cosmique  ». 

99.  —  LA  VALEUR  VÉRITABLE  DU  MONDE 

Le  bilan  du  Pessimisme  est  établi  d'une  façon  arbitraire  ;  il  rejette 
en  effet  de  parti  pris  toutes  les  joies.  De  plus,  si  la  vie  présente  est  une 
école  et  une  arène,  si  elle  n'est  que  l'élaboration  d'une  vie  future,  parfai- 


(  ')  Ed.  de  Hartmann,  Philosophie  de  l'Inconscient,  III'  Partie,  §  XII  sqq.  Trad. 
de  I).  NoLEN,  T.  II,  p.  337  sqq.,  Paris,  1877.  —  Zitr  Geschilche  und  BegrUndung  des  Pes- 
simismus. 


650  LA    VALEUR    VÉRITABLE    DU    MOXDE  (99) 

tement  heureuse,  l'immortalité  de  l'àme  et  l'espérance  du  bonheur 
sont  une  réponse  péremptoire  aux  allégations  du  Pessimisme. 

L'Optimisme  et  le  Pessimisme  absolus  aboutissent  l'un  et  l'autre 
à  des  conséquences  désastreuses  :  l'Optimisme,  parce  que  pour  lui  le 
mal  n'existe  pas  ;  le  Pessimisme,  parce  qu'il  le  déclare  indestruc- 
tible. 

A).  —  Optimisme  absolu  :  si  le  monde  est  le  meilleur  possible,  il  n'y 
a  qu'à  absoudre  le  mal,  ou  plutôt  à  le  confondre  avec  le  bien.  Les  désordres 
de  toutes  sortes,  la  souffrance,  la  mort,  l'ignorance,  le  vice,  le  crime, 
tout  est  justifié,  tout  est  admirable  dans  l'œuvre  de  Dieu.  Cette  doctrine 
a  des  conséquences  désastreuses  : 

10  Elle  aveugle  l'intelligence,  à  qui  elle  ôte  le  discernement  du  bien 
et  du  mal. 

2»  Elle  énerve  la  sensibilité  :  si  on  est  à  l'abri  du  besoin  et  de  la 
souffrance,  on  se  désintéresse  des  misères  de  l'humanité,  parce  que,  ne 
les  sentant  pas,  on  croit  facilement  qu'elles  n'existent  pas,  comme  le 
prétend  l'Optimisme. 

30  Elle  énerve  la  volonté,  en  lui  enlevant  : 

a)  Toute  initiative  :  à  quoi  bon  agir  et  faire  effort  ?  Si  tout  est  bien, 
laissons  faire  la  Providence. 

h)  Toute  responsabilité  :  quoi  qu'on  fasse,  ce  sera  toujours  bien. 
Cette  doctrine  aboutit  donc  au  fatalisme  et  à  l'inaction. 

B).  • —  Pessimisme  absolu  :  il  conduit  aussi,  par  une  voie  opposée, 
aux  mêmes  conséquences.  En  effet  : 

i°  Il  confond  le  mal  avec  le  bien. 

2°  //  éteint  en  nous  Vamour  du  bien. 

3°  La  conviction,  que  tout  est  irrémédiablement  mauvais,  tend 
à  paralyser  Veffort,  engendre*  l'inertie  et  quelquefois  le  déses- 
poir. 

C).  —  Optimisme  relatif  :  si  l'on  fait  intervenir  l'Optimisme  vrai, 
c'est-à-dire  relatif,  tout  change.  11  admet  l'existence  du  mal,  car,  étant 
donné  que  tout  être  créé  est  imparfait  et  sujet  à  défaillir,  une  certaine 
quantité  de  mal  est  inévitable.  Mais  il  admet  aussi  que  la  vie  présente 
est  bonne,  que  le  bien  l'emporte  sur  le  mal,  que  la  perfection  du  monde 
dépend  en  partie  du  libre  arbitre.  Nous  pouvons  donc  travailler  à  accroître 
ou  à  diminuer  cette  perfection,  selon  l'emploi  que  nous  faisons  de  notre 
vie.  Le  devoir  consiste  à  bien  user  de  notre  liberté  pour  faire  reculer  de 
plus  en  plus  le  mal  devant  les  progrès  du  bien  et  rendre  ainsi  le  monde 
meilleur  de  jour  en  jour.  Le  véritable  Optimisme  aboutit  donc  à 
l'action  ;  l'homme  doit  faire  tout  "  ce  qui  est  en  lui  et  abandonner 
le  reste  à  la  Providence,  selon  la  mâle  exhortation  du  grand  Cor- 
neille : 

Faites  votre  devoir  et  laissez  faire  à  Dieu  ! 


(99)       COMPLÉMENT    BIBLIOGRAI'IIIQIE    :    THÉOLOGIE    RATIONNELLE        651 


Gomplémenî  bibliographique 


RELATIF  A  LA  THÉOLOGIE  RATIONNELLE 

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humaine,  1895. 

Dauriac  (L.),  Essai  sur  la  notion,  d'absolu  dans  la  métaphysique 
immanente,  dans  Année  philosophique,  1902. 

Krug  (H.),  De  pulchritudine  divina  libri  très,  Frib. -en-Bris.,  1902. 

Bainvel  (J.-V.),  Nature  et  Surnaturel,   Paris,   1903. 

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C52      COMPLÉMENT    BIBLIOGRAPHIQUE    :    THÉOLOGIE    RATIONNELLE        (99) 

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connaissance  de  Dieu,  Ibidem,  pp.  614-625.  —  Réponse  à  M.  Gardair, 
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SUJETS  DE  DISSERTATIONS 


MORALE 


PRÉLIMINAIRES 


Les  uns  définissent  la  morale  :  la  science  du  bonheur  ;  les  autres  la 
définissent  :  la  science  du  devoir.  Que  pensez-vous  de  ces  deux  défi- 
nitions ?  (Aix.) 

Objet  et  divisions  de  la  morale.  —  Quelles  sont  les  principales 
questions  de  la  morale  spéculative  ?  (Paris.) 

Comparer  le  peintre  moraliste  et  le  philosophe  moraliste  dans  leur 
objet,  dans  leur  méthode  et  dans  le  résultat  de  leur  étude.  (Paris.) 

Quelles  sont  les  relations  de  la  morale  théorique  ou  générale  et  de 
la  morale  pratique  ou  particulière  ?  (Lille.) 

La  morale  est-elle  une  science  d'observation  ?  Jusqu'à  quel  point 
l'histoire  et  les  faits  doivent-ils  être  consultés  dans  un  cours  de  morale  ? 
(Paris.) 

La  morale  est-elle  contenue  dans  l'histoire  ?  —  Dans  quelle  mesure 
est  vrai  ce  mot  de  Cickron  :  Historia  magistra  citas  ?  (Lyon.) 

En  quoi  la  morale  suppose-t-elle  la  psychologie  ?  Peut-on  concevoir 
la  morale  sans  le  principe  de  la  liberté  humaine  ?  (Paris.) 

Des  rapports  de  la  morale  et  de  la  métaphysique.  (Bordeaux.) 

Peut-on  séparer  la  morale  de  la  théodicée  .'  —  Qu'a-t-on  voulu  dire 
quand  on  a  écrit  que  la  morale  philosophique  peut  commencer  sans 
Dieu,  mais  qu'elle  ne  peut  s'achever  sans  lui  ?  (Lille.) 

Expliquez  et  discutez,  s'il  y  a  lieu,  l'opinion  de  ceux  qui  pensent 
que  la  métaphysique  est  nécessaire  à  la  morale.  (Toulouse.) 


658  DISSERTATIONS    :    LA    CONSCIENCE    MORALE 


LIVRE  I.  —  MORALE   GÉNÉRALE 

§  A.  —  LA  CONSCIENCE  MORALE 

Établir  la  distinction  entre  la  conscience  psychologique  et  la  conscience 
morale.  (Paris.) 

Montrer  que  le  vrai  sentiment  auquel  on  reconnaît  la  présence  de  la 
loi  morale,  c'est  le  respect.  — ■  C'est  un  phénomène  tout  à  fait  distinct, 
comme  la  remarqué  Kant,  et  de  l'inclination  et  de  l'admiration. 
(Paris.) 

La  conscience  morale  est-elle  une  faculté  à  part  ou  peut-elle  être 
réduite  à  une  faculté  plus  générale  ?  (Paris.) 

Peut-on  dire,  avec  certains  philosophes,  qu'il  existe  en  nous  un  sens 
moral  ?  Faire  la  critique  de  cette  expression.  (Lille.) 

Qu'est-ce  que  la  conscience  morale  ?  —  Faut-il  la  rapporter  à  la 
sensibilité  ou  à  la  raison  ?  (Paris.) 

Déterminer  les  différences  et  les  rapports  de  la  conscience  morale  et 
du  sentiment  moral.  (Paris.) 

De  la  valeur  morale  des  sentiments.  (Caen.) 

Qu'est-ce  que  le  remords  ?  En  quoi  différe-t-il  du  repentir  ?  Suffit-il 
comme  sanction  morale  ?  (Aix.) 

Comment  les  notions  morales  apparaissent-elles  dans  notre  conscience 
et  quelle  en  est  l'origine  ?  (Aix.) 

En  quel  sens  peut-on  dire  que  la  distinction  du  bien  et  du  mal  est 
naturelle  ?  (Lille.) 

La  distinction  du  bien  et  du  mal  vient-elle  de  l'éducation  ?  Repose- 
t-elle  sur  un  contrat  social  ou  a-t-elle  une  autre  source  et  un  autre 
fondement  ?  (Lille.) 

Dans  quelle  mesure  la  distinction  du  bien  et  du  mal  est-elle  l'œuvre 
de  la  raison  et  dans  quelle  mesure  résulte-t-elle  de  l'éducation  et  des 
circonstances  extérieures  ?  (Lyon.) 

Le  sentiment  de  l'obligation  morale  est-il,  ou  non,  réductible  au 
sentiment  de  la  contrainte  sociale  ?  (Paris.) 

Apprécier  la  part  de  l'imitation  dans  la  formation  de  nos  jugements 
moraux.   (Lille.) 

Peut-on  expliquer  par  l'éducation  et  la  coutume  l'origine  des  idées 
morales  dans  l'humanité  ?  (Paris.) 

Quelle  est  l'influence  exercée  par  l'opinion  sur  les  mœurs  ?  Faut-il 
la  respecter  ou  réagir  contre  elle  ?  (Montpellier.) 

Exposer  la  doctrine  de  l'évolution  et  montrer  comment  elle  s'efforce 
d'expliquer  les  principes  de  la  connaissance  et  les  principes  de  la  morale. 
(Lyon.) 


DISSERTATIONS    :    LE    DEVOIR    ET    LA    LOI    MORALE  659 

De  l'hérédité  dans  la  vie  intellectuelle  et  morale.  (Besançon.) 

Qu'appelle-t-on  le  bien  moral  ?  —  Quelle  distinction  doit-on  établir 
entre  le  bien  absolu  ou  bien  en  soi  et  le  bien  moral  ?  (Paris.) 

De  l'intention  morale.  Dites  quels  sont  les  systèmes  qui  lui  font  ou 
qui  tendent  à  lui  faire  une  place  prépondérante  dans  la  détermination 
de  nos  actes,  et  donnez  une  appréciation  critique  de  ces  systèmes. 
(Lyon.) 

Suffît-il  qu'une  action  soit  désintéressée  pour  qu'elle  soit  mora- 
lement bonne  ?  (Paris.) 

Exposer  et  discuter  la  théorie  d'après  laquelle  la  fin  justifie  les 
moyens.  (Clermont.) 

De  l'universalité  des  notions  morales.  —  Discuter  les  objections  des 
sceptiques.    (Paris.) 

Dans  quelle  mesure  est-il  vrai  que  la  morale  varie  selon  les  sociétés  ? 
(Toulouse.) 

Comment  expliquer  l'accord  des  moralistes  en  pratique  et  leur 
désaccord  en  théorie  ?   (Lille.) 

Réfuter  le  scepticisme  moral  fondé  sur  la  diversité  et  la  contradiction 
des  mœurs,  des  opinions  et  des  doctrines.  (Paris.) 

La  diversité  des  théories  morales  peut-elle  nous  faire  douter  du 
devoir  ?  (Lille.) 

§  B.  —  LE  DEVOIR  ET  LA  LOI  MORALE 

Préciser  le  sens  scientifique  du  mot  loi  et  montrer  ce  qu'on  entend 
par  une  loi  :  a)  dans  l'ordre  physique  ;  b)  dans  l'ordre  social  ;  c)  dans 
l'ordre  moral.  (Clermont.) 

Définissez  et  distinguez,  en  classant  d'ailleurs  les  termes  suivant 
l'ordre  qui  vous  conviendra,  la  loi,  la  coutume,  la  mode.  (Toulouse.) 

Le  devoir   peut-il   être   considéré   comme   n'étant   pas  autre   chose 
qu'une  contrainte  exercée  par  la  société  sur  l'individu  ?  (Lyon.) 
Qu'est-ce  qu'une  loi  naturelle  ?  (Dijon.)  * 

La  loi  morale  et  la  loi  scientifique  :  leurs  rapports.  Peut-on  ramener 
la  première  à  la  seconde  ?  (Dijon.) 

Pourquoi  faut-il  obéir  aux  lois,  même  injustes  ?  (Paris.) 
L'idée  du  devoir,  ses  caractères,  son  fondement.   (Paris.) 
Comparer  ces  deux  définitions  du  devoir  :  «  C'est  une  nécessité  mo- 
rale »,  a  dit  Leibniz.  «  C'est  un  impératif  catégorique  »,  a  dit  Kant. 
(Aix.) 

L'obligation  morale  peut-elle  se  concilier  avec  la  liberté  ?  (Lille.) 
Des  rapports  de  la  liberté  avec  l'obligation.  (Lyon.) 
Distinguer  le  devoir  et  l'obligation  absolue  des  conseils  de  la  prudence 
et  des  calculs  do  l'intérêt.  (Lille.) 


660       DISSERTATIONS    :    LE    SOUVERAIN    BIEN    —    MORALES    ÉGOÏSTES 

Le  bien  et  le  devoir  :  signification  précise  de  ces  deux  termes  ;  leur 
différence  et  leur  rapport.  (Alger.) 

Qu'ordonne  la  loi  morale  ?  (Nancy.) 

Expliquer  et  apprécier  les  deux  enthymèmes  fondamentaux  de  la 
morale  :  Tu  dois,  donc  tu  peux  ;  tu  peux,  donc  tu  dois.  (Clermont.) 

Commentez  la  phrase  célèbre  de  Kant  :  «  Deux  choses  remplissent 
l'âme  d'une  admiration  et  d'un  respect  toujours  renaissants  et  qui 
s'accroissent  à  mesure  que  la  pensée  y  revient  plus  souvent  et  s'y  applique 
davantage  :  le  ciel  étoile  au-dessus  de  nous  et  la  loi  morale  au  dedans  de 
nos  cœurs.  «  (Lille.) 

En  quoi  l'idée  du  devoir  dans  la  phOosophie  stoïcienne  diffère-t-elle 
de  l'idée  moderne  du  devoir  ?  (Caen.) 

Apprécier  le  vieux  dicton  :  «  Fais  ce  que  dois,  advienne  que  pourra.  » 
(Lille.) 

La  loi  morale  nous  est-elle  dictée  par  une  autorité  extérieure  ou  par 
notre  raison  ?  (Rennes.) 

Qu'est-ce  que  la  loi  dans  les  sociétés  humaines  ;  en  quoi  se  distingue- 
t-elle  de  la  loi  morale  ;  en  quoi  s'y  rapporte-t-elle  ?  —  Quelle  est  à  ce 
sujet  l'erreur  commise  par  Platon  ?  (Dijon.) 

§  C.  —  LE  SOUVERAIN  BIEN 
(Systèmes  divers  de  morale.) 

L    GÉNÉRALITÉS 

Définir  les  systèmes  faux  ou  incomplets  qui  altèrent  ou  nient  le 
principe  de  la  loi  morale.  (Paris.) 

Quels  sont  les  principaux  motifs  de  nos  actions  ?  Peuvent-ils  se 
réduire  à  l'intérêt  et  au  devoir  ?  (Paris.) 

Analyser  les  motifs  de  nos  actions  et  déduire  de  cette  analyse  une 
classification  des  systèmes  de  morale.  (Lyon.) 

Pour  quel  motif  devons-nous  faire  le  bien  ?  Est-ce  pour  obéir  aux 
ordres  de  Dieu  ?  —  Aux  préceptes  de  notre  conscience  ?  —  Aux  exigences 
de  la  vie  sociale  ?  ■ —  Ou  bien  est-ce  pour  une  autre  raison  ?  (Aix.) 

IL   —   Morales  égoïstes  ou   utilitaires 

De  la  morale  utilitaire.  (Paris.) 

Du  plaisir  et  de  la  douleur  en  eux-mêmes  et  dans  leurs  rapports  avec 
la  fin  de  l'homme.  (Grenoble.) 

Faire  voir  qu'il  n'y  a  pas  de  différences  essentielles  entre  le  plaisir 
et  l'intérêt.  (Paris.) 

De  l'utile  et  de  l'honnête.  En  expliquer  les  différences,  (Paris.) 


DISSERTATIONS    :    MORALES    ALTRUISTES  661 

Caractères  qui  distinguent  le  principe  du  devoir  du  principe  de 
l'intérêt  personnel.   (Paris.) 

Quels  sont  les  caractères  essentiels  à  la  loi  morale  ?  Quels  sont  ceux 
de  ces  caractères  qui  manquent  le  plus  à  la  règle  de  l'intérêt  personnel  ? 
(Paris.) 

Dans  quel  sens  peut-on  dire  que  la  doctrine  utilitaire  a  fait  un  progrès, 
et  quelle  est  la  valeur  de  ce  progrès  ?  (Lille.) 

Qu'y  a-t-il  de  vrai  et  d'incomplet  dans  la  morale  utilitaire  ?  (Lille.) 

La  doctrine  du  bien  n'a-t-elle  rien  de  commun  avec  la  doctrine  de 
l'intérêt  ?  (Lille.) 

Le  devoir  n'est-il  pas  aussi  ce  qui  nous  est  le  plus  véritablement 
utile  ?  (Lille.) 

L'amour  de  soi  est-il  inséparable  de  tout  principe  d'action  ?  Quel 
est  son  rôle  légitime  en  morale  ?  (Toulouse.) 

Appréciez  cette  pensée  :  «  Le  désintéressement  est  encore  ce  qui 
fait  le  mieux  les  affaires  de  l'intérêt.  »  (Lille.) 

Rapports  et  différences  entre  ce  que  l'intérêt  personnel  nous  conseille 
et  ce  que  le  devoir  nous  ordonne.  (Lille.) 

A  supposer  que  l'intérêt  bien  entendu  produise  les  mêmes  résultats 
pratiques  que  le  motif  du  devoir,  est-il  important  de  maintenir  la 
distinction  théorique  entre  ces  deux  motifs  ?  (Paris.) 

L'idée  du  juste  peut-elle  se  ramener  à  celle  de  l'utilité  sociale  ? 
(Paris.) 

Apprécier  la  pensée  exprimée  dans  ce  vers  d' Horace  :  Atque  ipsa 
utilitas  justi  prope  mater  et  œqui.  ( Aix.) 

Quelles  sont  les  formes  les  plus  récentes  de  la  morale  de  l'intérêt  et 
quelle  en  est  la  valeur  ?  (Lille.) 

Les  théories  scientifiques  de  Vévolution  et  de  Vhérédité  sont-elles  en 
opposition  avec  la  morale  du  devoir  et  la  théorie  psychologique  de  la 
volonté  libre  et  responsable  ?  Selon  votre  opinion  personnelle,  démontrez, 
avec  des  exemples,  soit  Y  incompatibilité,  soit  V accord  et  la  conciliation 
possibles  de  cette  doctrine  scientifique  avec  cette  doctrine  psychologique 
et  morale.  (Nancy.) 

III.  —  Morales  altruistes  ou  sentimentales 

Le  sentiment  est  un  motif  d'action  ;  peut-il  être  une  règle  de  morale 
comme  quelques  philosophes  l'ont  affirmé  ?  (Lille.) 

En  quoi  consiste  la  doctrine -morale  que  l'on  appelle  du  sentiment"? 
Quels  en  sont  les  mérites  et  les  défauts  ?  —  En  quoi  diffère-t-elle  de  la 
doctrine  utilitaire  et  de  la  doctrine  du  devoir  ?  (Paris.) 

Définir  ce  que  les  psychologues  et  les  moralistes  entendent  par  le 


662  DISSERTATIONS    :    MORALES    RATIONNELLES 

cœur.  Quelle  place  faut-il  lui  faire  dans  la  culture  générale  de  l'intelli- 
gence et  dans  la  conduite  de  la  vie  ?  (Dijon.) 

Exposer  la  théorie  d'AnAM  Smith  en  morale  et  la  critiquer.  (Lille.) 

Qu'est-ce  que  le  sentiment  de  l'honneur  ?  —  Peut-il  remplacer  l'idée 
du  devoir  comme  règle  absolue  et  obligatoire  de  la  conduite  ?  (Paris.) 

Le  principe  de  l'honneur  et  de  la  dignité  personnelle  fournit-il  à  la 
morale  une  base  suffisante  ?  (Poitiers.) 

En  quoi  la  vertu  et  l'honneur  se  ressemblent-ils  ?  En  quoi  diffèrent- 
ils  ?  Peut-il  y  avoir  conflit  entre  ces  deux  choses  ?  —  En  ce  cas  quel 
parti  prendre  ?  (Lille.) 

Rôle  et  place  du  sentiment  dans  la  moralité.  (Lille.) 

Quels  secours  et  quels  obstacles  les  inclinations  de  la  sensibilité 
apportent-elles  à  la  pratique  de  la  vertu  ?  —  Quels  sont  à  l'égard  de 
ces  inclinations  les  devoirs  de  la  volonté   ?  (Paris.) 

Peut-on  trouver,  dans  ce  qu'on  a  appelé  :  la  loi  de  solidarité,  le 
principe  de  la  morale  ?  (Lille.) 

IV.  —  Morales  rationnelles 

Pourquoi  ne  peut-on  pas  substituer  l'idée  du  beau  à  celle  du  bien 
comme  base  et  principe  de  moralité  ?  (Aix.) 

Jusqu'à  quel  point  la  valeur  de  nos  actes  peut-elle  se  mesurer  à 
leur  beauté  ?  (Nancy.) 

La  recherche  du  bonheur  est-elle,  ou  non,  le  but  de  la  vie  ?  (Paris.) 

Quelles  sont,  selon  vous,  les  conditions  essentielles  du  bonheur  ?' 
Quelles  directions  pratiques  résultent  pour  vous  de  ces  conditions  ?' 
(Poitiers.) 

Expliquer  et  apprécier  cette  maxime  :  Virtus  propter  se  expetenda  esL 
(Poitiers.) 

Dans  quelle  mesure  peut-on  admettre  la  formule  stoïcienne  :  Virtu.s 
non  est  nisi  gratuita  ?  (Lille.) 

Qu'entend-on  par  bonne  volonté  en  morale  ?  Quels  caractères  la 
distinguent  et  dans  quel  sens  cette  idée  entre-t-elle  dans  la  philosophie 
de  Kant  ?  (Dijon.) 

De  l'autonomie  de  la  volonté.  (Caen.) 

En  quoi  consiste  absolument  le  bien  qu'il  faut  faire  ?  (Paris.) 

Analyser  et  critiquer  l'idée  de  perjection  :  comment  naît-elle  dans 
l'esprit  et  quel  en  est  le  contenu  ?  (Aix). 

'<  La  moralité  est  l'imitation  de  Dieu.  »  —  Expliquer  cette  opinion 
de  plusieurs  philosophes  anciens  et  modernes.   (Nancy.) 

Du  fondement  de  l'obligation  morale.   (Besançon.) 

Commenter  cette  parole  de  M.  de  Bonald  :  Il  faut  croire  au  bien 
pour  pouvoir  le  faire.  (Lyon.) 


DISSERTATIONS    :    LA.    RESPONSABILITÉ  663 

§  D.  —  CONSÉQUENCES  DE  LA   MORALITÉ 
L  —  La  Responsabilité 

De  la  responsabilité  morale.  —  En  exposer  le  principe,  les  conditions 
et  les  conséquences.  — ■  Donner  des  exemples.  (Paris.) 

La  responsabilité  :  ses  conditions  psychologiques.  —  De  quoi  et 
devant  qui  est-on  responsable  ?  Dans  quels  cas  s'accroit-elle  ou  diminue- 
t-elle  ?  (Dijon.) 

Influence  des  passions,  de  l'habitude  et  de  la  science  sur  la  liberté 
humaine  et  la  responsabilité.  (Lille.) 

Quelles  sont  les  conditions  de  l'imputabilité  des  actes  moraux  ? 
(Paris.) 

De  la  responsabilité  morale.  —  Ses  rapports  et  ses  différences  avec  la 
responsabilité  légale.  (Paris.) 

La  responsabilité.  —  Sa  relation  avec  le  libre  arbitre.  L'idée  de 
responsabilité  n'est-elle  susceptible  d'aucune  interprétation  raisonnable 
dans  l'hypothèse  du  déterminisme  ?  (Caen.) 

En  quel  sens  peut-on  dire  qu'il  y  a  une  part  de  volonté  dans  nos 
croyances  ?  Sommes-nous  responsables  de  ce  que  nous  croyons  ou  ne 
croyons  pas  ?  (Montpellier.) 

D'où  vient  que  tant  d'hommes  cherchent  sans  cesse  à  dégager  leur 
responsabilité  des  décisions  qu'il  leur  faut  prendre  ?  Ont-ils  raison 
d'agir  ainsi  et  peuvent-ils  y  réussir  complètement  ?  (Clermont.) 

Distinguer  la  responsabilité  civile,  la  responsabilité  criminelle  et  la 
responsabilité  pénale.  Indiquer  les  conditions  de  chacune  d'elles.  (Caen.) 

Quelles  sont  les  principales  formes  que  peut  revêtir  la  complicité 
dans  le  mal  et  dans  l'injustice  ?  En  montrer  la  culpabilité.  (Dijon.) 

La  notion  de  solidarité.  —  Quels  en  sont  les  divers  aspects  .'  Quel 
en  est  le  principe  ?  (Paris.) 

II.  — ■  Le  Mérite  et  le  Démérite 

Du  mérite  et  du  démérite.  —  Définir  ces  deux  notions.  —  En  établir 
les  fondements  et  les  conséquences.  (Paris.) 

Développer  la  pensée  exprimée  dans  ce  vers  :  «  Le  crime  fait  la  honte 
et  non  pas  Véchajaud.  »  (Lille.) 

En  quoi  consistent  et  d'où  proviennent  pour  l'agent  moral  le  mérite 
et  le  démérite  ?  Pourquoi  les  peines  et  les  récompenses  en  sont-elles  la 
conséquence  regardée  par  la  raison  comme  nécessaire  ?   (Lille.) 

111.   —  Les  Sanctions   de   la  Loi   morale 

Conçoit-on  une  morale  sans  obligation  ni  sanction  ?  (Lille.) 
Sanctions  de  la  loi  morale  :  les  énumérer,  les  définir  ;  appuyer  chaque 
définition  par  un  ou  plusieurs  exemples.  (Paris.) 


664  DISSERTATIONS    :    LA    VERTU.    LE    DROIT 

En  quoi  la  sanction  de  la  conscience  est-elle  supérieure  à  celle  de 
l'autorité  civile  et  judiciaire  ?   (Lille.) 

Quelle  différence  voyez-vous  entre  ces  deux  formules  :  La  vertu 
seule  est  heureuse.  La  vertu  suffit  au  bonheur  ?  Sont-elles  équivalentes  ? 
—  Laquelle  préférer  et  pourquoi  ?  (Lille.) 

Apprécier  ces  deux  pensées  de  Platon  dans  le  Gorgias  :  «  Celui  qui 
subit  le  châtiment  est  plus  heureux  que  celui  qui  l'évite.  »  —  «  Après 
l'injustice  commise,  l'injustice  non  expiée  est  le  plus  grand  des  maux.  » 
(Paris.) 

Exposez  la  doctrine  de  l'épreuve  et  sa  nécessité  pour  la  vie  morale. 
(A  ix.) 

Discuter  cette  exclamation  de  Posidonius  tourmenté  par  la  goutte  : 
«  0  douleur  !  tu  as  beau  faire,  je  n'avouerai  jamais  que  tu  sois  un  mal.  » 
(Paris.) 

IV.  —  La  Vertu. 

De  la  vertu.  —  Principales  définitions.  ( Aix.) 

Est-il  vrai  de  dire,  avec  Platon,  que  la  vertu  est  la  science  du  bien 
et  que  le  vice  en  est  l'ignorance  ?  (Paris.) 

Déterminer  la  part  de  vérité  et  la  part  d'erreur  qui  se  trouve  dans 
cette  proposition  socratique  :  Nul  ri'est  méchant  volontairement.  (Lyon.) 

La  vertu  peut-elle  s'apprendre  et  s'enseigner  ?  (Lyon.) 

Apprécier  ces  paroles  de  Descartes  (Disc,  de  la  Méth.,  III,  §  5)  : 
«  Notre  volonté  ne  se  portant  à  suivre  ni  à  fuir  aucune  chose  que  selon 
que  notre  entendement  la  lui  représente  bonne  ou  mauvaise,  il  suffit 
de  bien  juger  pour  bien  faire,  et  de  juger  le  mieux  qu'on  puisse  pour 
faire  aussi  tout  de  son  mieux,  c'est-à-dire  pour  acquérir  toutes  les 
vertus.  »  (Dijon.) 

De  l'instruction  et  de  l'éducation  :  doivent-elles  dans  l'enseignement 
être  séparées  ou  unies  ?  Importent-elles  à  un  égal  degré  au  bonheur  et  à 
la  dignité  des  individus  et  des  peuples  ?  (Lille.) 

Est-il  vrai,  comme  l'a  pensé  Aristote,  que  la  vertu  soit  toujours  un 
milieu  entre  deux  extrêmes  ?  Signaler  les  faits  moraux  qui  autorisent 
cette  définition  et  ceux  qui  la  contredisent.  (Paris.) 

Énumérer  et  classer  les  différentes  vertus  humaines  en  les  faisant 
rentrer  dans  les  divisions  habituelles  des  devoirs  en  trois  groupes,  à 
savoir  :  devoirs  envers  nous-mêmes,  envers  nos  semblables  et  envers 
Dieu.  (Paris.) 

§  E.  —  LE  DROIT 

De  l'idée  du  droit.  —  Ses  caractères.  —  Son  origine.  (Nancy.) 
Des  rapports  du  droit  et  du  devoir.  —  Est-ce  le  droit  qui  est  le 
fondement  du  devoir  ou  le  devoir  qui  est  le  fondement  du  droit  ?  (Paris.) 


DISSERTATIONS    :    LE    DROIT    —    MORALE    PARTICULIERE  665 

Est-il  vrai,  comme  on  l'a  prétendu,  que  dans  la  morale  tout  devoir 
corresponde  à  un  droit  ?  Donner  des  exemples  à  l'appui  de  l'opinion 
qui  sera  soutenue.  (Paris.) 

Expliquer  et  critiquer,  s'il  y  a  lieu,  la  formule  :  «  Pas  de  droits  sans 
devoirs  ;  et  pas  de  devoirs  sans  droits.  »  (Paris.) 

Expliquer  cette  parole  de  La  Mennais  :  «  Le  droit  et  le  devoir  sont 
comme  des  palmiers  qui  ne  produisent  pas  de  fruits,  s'ils  ne  croissent 
l'un  près  de  l'autre.  «  (Grenoble.) 

Selon  Auguste  Comte,  l'individu  humain  a  des  devoirs  et  n'a  pas 
de  droits  :  «  L'idée  de  droit  est  fausse  autant  qu'immorale,  parce  qu'elle 
suppose  l'individualité  absolue.  »  Que  pensez-vous  de  cette  opinion  ? 
(Paris.) 

Apprécier  cette  parole  d'AuGUSTE  Comte  :  «  Je  n'ai  le  droit  que  de 
faire  mon  devoir.  »  (Lille.) 

Le  droit  et  la  force.  (Lyon.) 

Quelle  difîérence  y  a-t-il  entre  le  droit  naturel  et  le  droit  positif  ? 
—  Donner  des  exemples.  (Paris.) 

Tous  les  hommes  ont-ils  les  mêmes  droits  et  les  mêmes  devoirs  ? 
(Nancy.) 


LIVRE  II.  —  MORALE  PARTICULIÈRE 

§  A.  —   GÉNÉRALITÉS 

Qu'entend-on  par  devoirs  positifs  et  devoirs  négatifs  ?  —  En  donner 
des  exemples.  (Paris.) 

Que  signifie,  suivant  qu'il  s'agit  de  nos  devoirs  envers  nous-mêmes, 
ou  de  nos  devoirs  envers  nos  semblables,  la  distinction  classique  des 
devoirs  positifs  et  des  devoirs  négatifs  ?  (Lille.) 

Du  conflit  apparent  ou  réel  de  certains  devoirs  entre  eux.  —  Peut-il 
y  avoir  une  véritable  opposition  entre  deux  devoirs,  et  comment  peut-on 
la  régler  ?  —  Donner  des  exemples.  (Paris.) 

La  sincérité  et  la  vie  sociale.  Les  exigences  de  celle-ci  ne  contrarient- 
elles  jamais  les  exigences  de  celle-là  ?  Et,  si  des  cas  de  ce  genre  se  ren- 
contrent, quelle  règle  doit-on  adopter  ?  (Dijon.) 

Des  devoirs  relatifs  aux  animaux  et  aux  choses.  —  Montrer  qu'ils  se 
ramènent  aux  devoirs  envers  nous-mêmes.   (Poitiers.) 

§  B.  —  MORALE  PERSONNELLE 

L'homme  a-t-il,  à  parler  exactement,  des  d  evoirs  envers  lui-même  ? 
^  Valeur  de  l'objection  :  Scienti  et  volenti  non  fit  injuria.  (Lille.) 


666  DISSERTATIONS    :    MORALE    SOCIALE 

Que  vaut  cette  excuse  souvent  alléguée  :  «  Je  ne  fais  de  mal  qu'à 
moi-même  »  ?  (Lille.) 

Les  devoirs  de  la  morale  individuelle.  —  A  quelles  vertus  la  pratique 
de  ces  devoirs  donne-t-elle  naissance  ?  (Paris.) 

Montrer  que  les  devoirs  envers  soi-même  peuvent  être  considérés 
aussi  comme  des  devoirs  envers  autrui.  (Rennes.) 

Expliquer  et  discuter,  s'il  y  a  lieu,  cette  formule  :  le  principe  de 
toute  morale  est  «  Respecte-toi  ».  (Paris.) 

Que  faut-il  penser  du  suicide  selon  les  principes  de  la  moralité  ? 
(Paris.) 

Discuter  la  question  du  suicide.  —  Réfuter  les  arguments  par  lesquels 
on  a  essayé  de  le  justifier.  (Paris.) 

Pourquoi  est-ce  un  devoir  pour  tout  homme  de  développer  son 
intelligence  ?   (Lille.) 

Commenter  cette  parole  souvent  citée  :  «  Il  est  dans  certains  cas  plus 
facile  de  faire  son  devoir  que  de  le  connaître.  )>  (Lille.) 

Qu'est-ce  que  le  courage  ?  —  Quelles  sont  les  principales  formes  sous 
lesquelles  il  peut  se  manifester  ?  (Lille.) 

Quels  sont  les  devoirs  que  nous  impose  l'amour  de  la  vérité  ? 
(Grenoble.) 

Marquer  la  part  de  chacune  de  nos  trois  facultés  dans  la  formation 
de  ce  qu'on  appelle  le  caractère.  (Dijon.) 

Éducation  personnelle  de  l'homme  par  lui-même.  —  Est-il  vrai 
que  l'homme  soit  dans  la  dépendance  de  son  tempérament  ?  (Alger.) 

Rapporter  les  devoirs  de  l'homme  envers  lui-même  à  ces  deux  vers 
de  Ju VÉNAL  : 

Summum  crede  nef  as  animant  prœferre  pudori 

Et  propter  vitam  vivendi  perdere  causas.      (Paris.) 

Quels  sont  les  moyens  pratiques  par  lesquels  l'homme  peut  arriver 
à  corriger  son  caractère  et  à  gouverner  ses  passions  ?  (Paris.) 

Expliquer  cette  pensée  de  Quinet  :  «  Sois  une  conscience.  »  (Cler- 
mont.) 

Des  moyens  de  se  connaître  soi-même.  (Nice.) 

Analyser,  au  point  de  vue  psychologique,  moral  et  social,  la  notion 
du  travail.  (Paris.) 

§  C.  —  MORALE  SOCIALE 
Section  I.  —  Devoirs  envers  les  hommes  en  général 

La  justice  :  ses  caractères,  son  origine,  sa  place  dans  l'ordre  moral. 
(Clermont.) 

L'idée  de  justice  peut-elle  se  ramener  à  l'idée  d'utilité  sociale  ? 
(Paris.) 


DISSERTATIONS    :    DEVOIRS    ENVERS    l'hUMAMTK  667 

Les  devoirs  de  justice  :  les  énumérer,  en  marquer  le  principe  et  les 
caractères  distinctifs.  (Aix.) 

Montrer  qu'il  est  nécessaire,  mais  qu'il  ne  suffit  pas  d'être  juste. 
{Lille.) 

Est-ce  vraiment  faire  le  bien  que  de  se  borner  à  pratiquer  la  justice  ? 
(Lille.) 

Commenter  la  maxime  stoïcienne  :  Sustine  et  abstine,  et  montrer 
combien  la  règle  qui  y  est  renfermée,  quoique  très  noble,  est  insuffi- 
sante. (Nancy.) 

Expliquer  et  développer  la  maxime  latine  :  Summum  jus,  summa 
injuria.  —  Application  à  la  morale  privée,  à  la  société  civile  et  au  droit 
public.  (Paris.) 

Comment  se  fait-il  que  la  morale  défende  de  rendre  le  mal,  quand  la 
justice  veut  qu'il  soit  fait  à  chacun  selon  ses  œuvres  ?  —  Expliquer 
pourquoi  la  loi  du  talion  est  réprouvée,  et  au  nom  de  quel  principe. 
(Paris.) 

La  charité  est  obligatoire  comme  la  justice.  Dire  comment  et  dans 
quelle  mesure.   (Montpellier.) 

Le  précepte  qu'il  faut  faire  du  bien  à  ses  ennemis  est-il  absolu  ?  — 
S'il  ne  l'est  pas,  les  exceptions  laissent-elles  subsister  la  règle  ?  (Bordeaux.) 
i,  Expliquer  cette  maxime  :  «  Fais  à  autrui  ce  que  tu  voudrais  qu'on  te 
fît  à  toi-même  ».  (Lille.) 

On  a  dit  qu'en  faisant  l'aumône  on  fait  des  mendiants.  —  Vous 
discuterez  cette  objection.  (Lille.) 

Des  philosophes  contemporains  prétendent  que  la  charité  est  une 
fausse  vertu  et  même  funeste  ;  car,  sous  prétexte  de  soulager  les  misères 
humaines,  elle  les  perpétue  en  assurant  l'existence  d'individus  qui  par 
leurs  maladies  et  leurs  vices  arrêtent  le  progrès  de  l'humanité.  (Paris.) 

Apprécier  cette  pensée  de  Marc-Aurèle  :  «  La  bienveillance  est 
invincible,  pourvu  qu'elle  soit  sincère,  sans  dissimulation  et  sans  fard. 
Car  que  pourrait  te  faire  le  plus  méchant  des  hommes,  si  tu  persévérais 
à  le  traiter  avec  douceur  ?  «  (Nancy.) 

En  quoi  se  ressemblent  et  en  quoi  diffèrent  les  devoirs  de  justice 
et  les  devoirs  de  charité  ?  (Caen.) 

Rapports  de  la  justice  et  de  la  charité.  La  charité  n'est-elle  qu'une 
sorte  de  supplément  indispensable  à  la  justice,  ou  la  justice,  selon  une 
définition  de  Leibniz,  serait-elle  déjà  elle-même  «  La  charité  réglée 
suivant  la  sagesse  ?  «  (Dijon.) 

La  charité  n'est-elle  pas  justice  ?  (Nancy.) 

Des  conflits  qui  peuvent  surgir  entre  la  charité  et  la  justice,  et  com- 
ment les  résoudre  ?  (Toulouse.) 

Charité  et  solidarité.  —  Les  deux  idées  ont-elles  môme  contenu  .' 
ou,  si  elles  diffèrent,  en  quoi  diffèrent-elles  ?  (Dijon.) 


668  DISSERTATIO>'S    :    MORALE    DOMESTIQUE 

Examiner  quelles  sont,  soit  en  nous,  soit  hors  de  nous,  les  consé- 
quences d'une  faute  morale,  et  rechercher  jusqu'à  quel  point  il  est 
possible  ou  impossible  d'y  remédier.  (Aix.) 

Vous  discuterez  la  question  du  duel.  (Lille.) 

Du  droit  de  légitime  défense.  —  En  déterminer  le  principe  ;  en  indi- 
quer les  limites.  (Aix.) 

De  la  sincérité  envers  soi-même  et  envers  autrui.  (Toulouse.) 

Pourquoi  le  mensonge  est-il  immoral  et  pourquoi  le  menteur  est-il 
d'ordinaire  méprisable  ?  (Aix.) 

Par  quelles  raisons  la  loi  morale  condamne-t-elle  l'esclavage  ? 
(Dijon.) 

De  l'esclavage  au  point  de  vue  de  la  loi  morale  et  de  l'économie 
politique.   (Lille.) 

Que   faut-il   entendre   par  l'égalité   des   hommes  ?    (Paris.) 

Qu'est-ce  que  le  devoir  de  la  tolérance  ?  Comment  le  justifiez-vous  ? 
(Montpellier.) 

Analyser  psychologiquement  et  logiquement  l'intolérance.  (Caen.) 

Faut-il  laisser  toutes  les  opinions  se  manifester  librement  ?  (Nancy.) 

Qu'entend-on  par  liberté  de  penser  ?  Cette  liberté  peut-elle  devenir 
abusive  ?  Comporte-t-elle  des  règles  et  des  limites  ?  (Aix.) 

Qu'est-ce  que  penser  librement  ?  Déterminer  les  principes  et  les 
conditions  de  la  liberté  de  penser.  (Paris.) 

La  propriété  est-elle  de  droit  civil  ou  de  droit  naturel  ?  —  Montrer 
la  différence  des  conséquences,  selon  que  l'on  admet  l'un  ou  l'autre 
système.   (Alger.) 

Quel  est  le  fondement  du  droit  de  propriété  ?  —  Quels  sont  les 
devoirs  positifs  et  négatifs  qui  correspondent  à  ce  droit  ?  (Lille.) 

Apprécier  les  doctrines  qui  contestent  la  légitimité  de  la  propriété 
individuelle,  ou  qui  du  moins  (vous  direz  dans  quelle  mesure)  prétendent 
la  restreindre.   (Lille.) 

Le  droit  au  travail  et  le  droit  à  la  propriété  sont-ils  des  droits  essen- 
tiels à  l'homme  ?  —  Comment  a-t-on  abusé  de  ces  formules  ?  (Mont- 
pellier.) 

Section  II.  —  Morale  domestique 

Devoirs  de  la  vie  de  famille.  (Aix.) 

Quels  sont  les  fondements,  l'étendue  et  les  limites  du  pouvoir 
paternel  ?  (Paris.) 

Montrer  que  la  famille  est  la  meilleure  école  des  vertus  publiques. 
(Lille.) 

Montrer  que  c'est  dans  la  famille  qu'on  apprend  à  aimer  la  patrie, 
et  dans  la  patrie  qu'on  apprend  à  aimer  l'humanité.  (Caen.) 


DISSERTATIONS    :    MORALE    CIVIQUE  669 

Devoirs  des  enfants  envers  leurs  parents  aux  différents  âges  de  la 
vie.  (Nancy.) 

Section  III.  —  Morale  civique 

Expliquer  cette  définition  d'ARiSTOTE  :  «  L'homme  est  un  animal 
social.  «  (Clermont.) 

Le  contrat  social.  (Caen.) 

L'idée  de  Patrie.  —  Établir  par  voie  de  déduction  les  devoirs  négatifs 
et  positifs  envers  la  patrie  ou  l'État.  (Nancy.) 

Du  patriotisme  :  ses  causes  et  ses  efîets  ;  sa  valeur  morale.  (Lille.) 

Le  patriotisme  :  fondements  de  cette  inclination  ;  raisons  qui  nous 
commandent  de  développer  en  nous  l'amour  de  la  patrie.  (Lille.) 

Définir  chacune  de  ces  expressions  :  Société,  État,  Patrie,  Gouver- 
nement ;  en  montrer  les  rapports  et  les  différences.  (Paris.) 

De  l'origine  de  la  société  civile.  —  Par  quels  arguments  peut-on 
démontrer  que  la  société  est  un  fait  naturel  et  nécessaire,  non  un  fait 
arbitraire  et  accidentel,  comme  on  l'a  quelquefois  prétendu  ?  (Paris.) 

Y  a-t-il  contradiction,  comme  l'a  prétendu  Rousseau,  entre  l'état 
de  nature  et  l'état  social  ?  (Paris.) 

Montrer  que  l'homme  est  vraiment,  comme  l'a  dit  Aristote,  un 
animal  sociable.  (Lille.) 

Vous  justifierez  cette  parole  d' Aristote  :  «  L'homme  qui  vit  dans 
l'isolement  est  une  brute  ou  un  dieu.  »  (Dijon.) 

Montrer  que  la  société  civile,  loin  d'être  hostile  à  la  liberté  et  à 
l'égalité  véritables,  comme  le  prétendait  Rousseau,  en  est  au  contraire 
la  condition  nécessaire.  (Lille.) 

L'État  :  ses  droits  et  ses  devoirs.  (Dijon.) 

Quelle  est  la  notion  de  l'État  ?  —  Quel  est  le  rôle  de  l'État  dans  les 
sociétés  humaines  ?  (Paris.) 

Peut-on  admettre  l'antique  adage  :  Salus  populi  suprema  lex  esto  ? 
(Paris.) 

Le  rôle  de  l'État  se  borne-t-il  à  empêcher  les  citoyens  de  se  nuire 
les  uns  aux  autres  ?  (Bordeaux.) 

Quels  sont  les  droits  respectifs  de  l'État  et  des  individus  dans  la 
morale  sociale  ?  (Paris.) 

La  société  est-elle  faite  pour  l'individu,  ou  l'individu  pour  la  société  ? 
(Lyon.) 

Pourquoi  et  dans  quelle  mesure  l'individu  doit-il  se  subordonner  à 
la  société  ?  (Lille.) 

Dire  quelles  modifications  subissent  nos  droits  et  nos  devoirs  en 
passant  de  l'ordre  naturel  dans  l'ordre  politique.  (Lille.) 

Les  droits  de  l'individu  vis-à-vis  de  la  société.  (Dijon.) 


670  DISSERTATIONS    :    LE    BEAU    —    l'aRT 

Expliquer  la  devise  du  gouvernement  républicain  :  «  Liberté,  Égalité, 
Fraternité  ».  (Aix.) 

Du  rôle  de  la  science  dans  la  formation  des  idées  démocratiques. 
(Montpellier.)  _ 

Doit-on  fonder  la  démocratie  sur  la  loi  du  plus  fort  et  attribuer  tout 
pouvoir  à  la  majorité  ?  Ou  bien  certains  devoirs  s'imposent-ils  à  la 
majorité  elle-même  à  l'égard  de  la  minorité  ?  Qu'est-ce  qui  les  fonde  ? 
(Poitieis.) 

Quels  sont  les  devoirs  du  citoyen  ?  (Lille.) 

Qu'est-ce  que  l'impôt  ?  Quelle  est  sa  nécessité  ?  —  Quels  en  peuvent 
être  les  bienfaits  ?  —  Quelles  en  doivent  être  les  limites  ?  (Paris.) 

Du  droit  de  vote.  —  Son  principe  et  les  devoirs  qui  v  correspondent. 
(Lille.) 

En  quoi  la  question  de  l'alcoolisme  est-elle  une  question  de  philo- 
sophie ?  (Lille.) 

Le  fondement  du  droit  de  punir.  (Lyon.) 

A  quels  résultats  doivent  tendre,  d'après  vous,  les  peines  que  la 
société  inflige  aux  coupables  ?  (Toulouse.) 

La  peine  de  mort.  (Nancy.) 

La  société  a-t-elle  le  droit  de  punir  ?  —  Dans  quel  sens  et  dans 
quelles  limites  ?  (Lyon.) 

Les  châtiments  ont-ils  pour  lîn  l'amélioration  du  coupable  ?  (Lille.) 

Expliquer  et  justifier  l'existence  des  lois  pénales.   (Paris.) 


ESTHÉTIQUE 

§  A.  —  LE  BEAU 

Analyser  l'idée  du  beau  et  déterminer  les  facultés  qui  s'exercent 
tant  dans  l'appréciation  que  dans  la  création  des  œuvres  d'art.  (Lille.) 

Du  beau,  de  ses  rapports  avec  le  bien.  (Paris.) 

Caractériser  et  comparer  les  idées  du  vrai,  du  beau  et  du  bien  et  les 
rattacher  à  leur  premier  principe.  (Paris.) 

Analyser  les  principaux  sentiments  que  fait  naître  en  nous  la  vue 
du  beau.  (Paris.) 

Analyse  psychologique  du  sentiment  esthétique.  (Aix.) 

Le  sentiment  de  la  nature.  En  quoi  consiste-t-il  ?  Quelles  sont  les 
causes  qui  le  font  naître  dans  le  cœur  humain  ?  (Montpellier.) 

En  quoi  se  ressemblent,  en  quoi  diffèrent  les  sentiments  esthétiques 
et  les  sentiments  moraux  ?  (Lyon.) 


DISSERTATIONS    :    l'aRT  671 

Quelle  est  la  place  et  le  rôle  des  sentiments  esthétiques  dans  la  vie 
humaine  ?   (Toulouse.) 

Différences  entre  le  beau  et  le  sublime.   (Paris.) 
Le  rire  et  les  causes  du  rire.  (Paris.) 

§  B.  —  VART 

De  l'art  :  son  principe  et  son  but.  (Lille.) 

Quel  est  le  sens  de  ces  diverses  expressions  employées  dans  la  théorie 
des  beaux-arts  :  l'imitation,  la  fiction,  l'idéal  ?  (Paris.) 

L'imitation  de  la  nature  est-elle  l'unique  but  de  l'art  ?  (Dijon.) 

Définir  avec  précision  le  réalisme  esthétique.  En  rechercher  les  carac- 
tères et  la  valeur.  (Lyon.) 

Apprécier  cette  pensée  de  Bacon  :  «  L'art  c'est  l'homme  s'ajoutant 
à  la  nature.  »  (Aix.) 

L'art  doit-il  s'interdire  la  représentation  de  la  laideur  ?  (Nancy.) 

Du  goût.  Qu'est-ce  qu'avoir  du  goût  ?  Y  a-t-il  un  bon  et  un  mauvais 
goût  ?  (Clermont.) 

Le  génie  et  le  goût.  (Lille.) 

Les  beaux-arts,  sous  des  formes  diverses  et  par  des  moyens  diffé- 
rents, ne  se  proposent-ils  pas  la  même  fin  ?  Quelle  est  cette  fin  '^JLille.) 

L'art  a-t-il  une  fin  morale  ?  (Lille.) 

Appréciez  la  formule  :  l'art  pour  Fart.  (Lille.) 

Montrez  comment  la  culture  esthétique  de  l'Homme  par  la  littérature 
et  les  beaux-arts  peut  contribuer  à  son  perfectionnement  moral.  (Paris.) 

L'art  n'est-il  qu'un  jeu  ?  ■ —  Peut-il,  doit-il  se  proposer  une  action 
morale  et  sociale  ?  (Nancy.) 

De  la  place  à  faire  à  l'art  dans  l'éducation  morale  (Aix.) 

Y  a-t-il  un  art  démocratique  ?  Comment  vous  le  représentez-vous  ? 
Quels  en  sont  les  principes,  les  intentions,  les  conditions,  les  mani- 
festations ?  (Nancy.) 

La  culture  des  arts  et  des  sciences  est-elle,  comme  l'a  soutenu 
Rousseau,  une  cause  de  décadence  et  de  corruption  ?  (Paris.) 

Quelles  sont  les  différences  entre  les  principes,  les  moyens  et  les  fins 
de  la  science,  de  l'art  et  de  l'industrie  ?  (Paris.) 


lïlÉTAPHYSIQUE 


§  A.  —  OBJET  ET  NATURE  DE  LA    MÉTAPHYSIQUE 

Qu'est-ce  que  la  métaphysique  ?  —  Montrer  que  la  philosophie, 
comme  la  plupart  des  sciences,  a  un  côté  spéculatif  et  un  côté  pratique  : 
établir  cette  distinction  par  des  exemples.  (Paris.) 

Quel  est  au  juste  l'objet  de  la  métaphysique  ?  —  Comment  en 
concevez-vous  le  plan  et  la  méthode  ?  (Paris.) 

Appréciez  les  doctrines  qui  contestent  la  légitimité  de  la  méta- 
physique. (Paris.) 

Quelles  objections  a-t-on  faites  à  la  possibilité  de  la  métaphysique  ? 
(Lille.) 

La  métaphysique  est-elle  possible  sans  la  psychologie  ?    (Paris.) 

Les  affirmations  métaphysiques  sont-elles  susceptibles  de  démons- 
tration ?   (Bordeaux.) 

Étudier,  au  double  point  de  vue  logique  et  métaphysique,  le  principe 
de  contradiction.  (Aix.) 

Valeur  et  rôle  des  conceptions  de  la  philosophie  première  dans  la 
vie  de  l'homme.   (Besançon.) 

§  B.  —  CRITIQUE  DE  LA  CONNAISSANCE 
\.  —  Généralités 

Les  philosophes  discutent  sur  la  valeur  de  la  science.  Marquez  exac- 
tement ce  qui  est  en  question  dans  ce  débat  ;  indiquez  à  quelle  opinion 
vous  vous  rangez  et  pour  quelles  raisons.  (Toulouse.) 

Le  problème  de  la  valeur  de  la  connaissance  et  ses  diverses  solutions. 
(Clermont.) 

L'idée  de  cause  et  son  rôle  dans  la  connaissance  humaine.  (Dijon.) 

Montrer  comment  la  valeur  de  notre  connaissance  dépend  de  l'origine 
psychologique  qu'on  lui  attribue.   (Aix.) 

Commenter  cette  pensée  d'un  philosophe  contemporain  (A.  Fouil- 
lée) :  «  Avec  les  idées  d'aujourd'hui  sera  bâtie  la  cité  de  demain.  L'igno- 
rance et  l'erreur  se  paient  toujours  :  autant  d'idées  fausses,  autant  de 
défaites  pour  les  peuples  et  les  individus.  Tant  vaut  la  pensée,  tant  vaut 
l'action.  »  (Poitiers.) 


DISSERTATIONS    :    LE    SCEPTICISME  673 

A-t-on  le  droit  de  fonder  des  croyances  théoriques  sur  les  faits  de  la 
vie  morale  ?  Chercher  quelle  est  la  valeur  d'une  métaphysique  fondée 
sur  la  morale.  (Montpellier.) 

Dans  quelle  mesure  est-il  légitime  de  soutenir  que  la  conscience  et 
la  connaissance  ont  leur  principe  et  leur  raison  d'être  dans  l'action  et 
la  vie  pratique  ?  (Caen.) 

II.  —  Le   Scepticisme 

Du  scepticisme.  Quelles  ont  été  les  différentes  formes  du  scepticisme 
ancien  et  moderne  ?  (Paris.) 

Des  différentes  formes  du  scepticisme.  —  A  quelles  conditions  et 
dans  quelles  circonstances  le  doute  est-il  légitime  ?  (Grenoble.) 

Marquer  la  différence  entre  le  doute  considéré  comme  état  de  l'esprit 
et  le  scepticisme  considéré  comme  système.  (Paris.) 

Principaux  arguments  des  sceptiques  :  les  apprécier.  —  Peut-on  les 
réfuter  tous  ?  (Lille.) 

Qu'appelle-t-on  doute  méthodique  dans  la  philosophie  de  Descartes, 
et  en  quoi  se  distingue-t-il  du  doute  des  sceptiques  ?  (Paris.) 

En  quel  sens  Cl.  Bernard  a-t-il  pu  dire  :  «  Le  savant  est  un  douleur  »  ? 
(Paris.) 

Qu'est-ce  que  le  probabilisme  ?  —  En  quoi  se  distingue-t-il  du 
scepticisme  ?  —  Quelles  objections  soulève  cette  doctrine  ?   (Paris.) 

Ressemblances  et  différences  entre  le  scepticisme,  le  probabihsme 
et  le  positivisme.  ^ —  Faites  connaître  les  principaux  philosophes  qui 
ont  appartenu  à  chacune  de  ces  écoles.  (Lille.) 

Quel  est  le  sens  de  l'aphorisme  suivant  :  Nescire  quœdam  magna  pars 
sapientiae  ?   (Lyon.) 

Faire  voir  que  la  science  humaine  est  nécessairement  un  mélange 
de  connaissances  solidement  démontrées  et  d'ignorances  reconfiues 
invincibles.  (Bordeaux.) 

Tracer  les  limites  de  la  connaissance  humaine.  (Besançon.) 

III.  —  Le  Relativisme  , 

Le  positivisme.  —  Sa  valeur  comme  méthode  scientifique.  (Lille.) 
Qu'entend-on  par  le  principe  de  la  relativité  de  la  connaissance  ? 
En  quel  sens  et  en  quelle  mesure  ce  principe  est-il  vrai  ?  (Paris.) 
La  connaissance  sensible  est-elle  relative  ?  (Caen.) 
Du  sens  des  mots  subjectif  et  objectif.  —  Quels  sont  les  problèmes 
liés  à  l'opposition  de  ces  deux  termes  ?  (Lyon.) 

Qu'est-ce  qu'un  phénomène  et  qu'est-ce  qu'une  loi  ?  —  La  connais- 
sance des  phénomènes  et  des  lois  suffit-elle  à  l'esprit  humain  ?  (Paris.) 
Exposer  brièvement  et  apprécier  le  criticisme  de  Kant.  (Aix.) 

TRAITÉ    DE    PHILOSOPHIE.    —  T.   II.    "II. 


674  DISSERTATIONS    :    COSMOLOGIE    RATIONNELLE 

Qu'est-ce  qu'un  idéaliste  en  art,  en  morale,  en  philosophie  ?  (Mont- 
pellier.) 

L'idéalisme.  —  Quels  sont  les  caractères  communs  aux  diverses 
doctrines   philosophiques   qu'on    appelle   idéalistes  ?    (Toulouse.) 

Définir  l'attitude  d'esprit  qui  s'appelle  le  rationalisme.  (Toulouse.) 

IV.  —  Le  Dogmatisme 

Quels  sont  les  caractères  scientifiques  de  la  connaissance  objective  ? 
(Dijon.) 

Comment  peut-on  expliquer  l'accord  de  l'expérience  et  des  lois  de  la 
raison  ?  (Strasbourg.) 

§  C.  —  COSMOLOGIE  RA  TIONNELLE 

I.  —  Existence  du  Monde  extérieur 

De  la  réalité  du  monde  extérieur.  —  Discuter  les  objections  dont 
elle  a  été  l'objet.  (Paris.) 

La  réalité  du  monde  extérieur  est-elle  l'objet  d'une  intuition  immé- 
diate ou  d'une  croyance  élaborée  ?  Quels  sont,  dans  ce  dernier  cas,  les 
éléments  de  cette  croyance  ?  (Lille.) 

En  quel  sens  a-t-on  pu  soutenir  que  les  corps  n'existaient  pas  ? 
(Lille.) 

Y  a-t-il  lieu  de  mettre  en  doute  la  réalité  des  choses  extérieures  ? 
—  Sur  quoi  a-t-on  pu  fonder  un  doute  aussi  extraordinaire  et  aussi 
contraire  au  sens  commun  ?  (Paris.) 

Comment  la  plupart  des  philosophes  modernes  ont-ils  été  amenés  à 
douter  provisoirement  ou  définitivement  du  monde  extérieur  ?  — 
Comment  peut-on  sortir  de  ce  doute  ?  (Nancy.) 

Montrer  que  la  perception  extérieure  serait  impossible  sans  l'inter- 
vention des  principes  de  la  raison.  (Paris.) 

Les  phénomènes  qu'étudie  la  physique  (sons,  chaleur,  lumière,  etc.), 
sont  des  sensations  :  pourquoi  donc  cette  science  ne  forme-t-elle  pas  une 
partie  de  la  psychologie  ?   (Montpellier.) 

Expliquer  le  sens  de  cette  formule  :  Esse  est  perripi.  (Paris.) 

Beaucoup  de  philosophes  ont  nié  l'existence  de  la  matière  ou  enseigné 
que  le  monde  des  corps  n'existe  que  dans  et  par  la  pensée.  Indiquez 
comment  s'est  établie  une  théorie  aussi  paradoxale  et  sur  quelles  raisons 
elle   s'appuie.   (  Toulouse.) 

II.  —  La  Matière,  le  Temps,  l'Espace 

Qu'est-ce  que  la  matière  et  que  pouvons-nous  en  savoir  ?  ( Aix.) 
Le  concept  de  la  matière  correspond-il  à  des  données  scientifiques 
et  à  quelles  données  ?  (Bordeaux.) 


DISSERTATIONS    :    PSYCHOLOGIE    RATIONNELLE  675 

La  matière  existe-t-elle,  et  quelle  est,  clans  ce  cas,  sa  nature  méta- 
physique ?  (Clermont.) 

Qu'entendez-vous  au  juste  par  matière  ?  Quelle  est,  selon  vous, 
l'origine  de  cette  notion  ?  Quelles  sont,  à  votre  connaissance,  les  princi- 
pales solutions  apportées  par  les  philosophes  et  les  savants  modernes 
au  problème  de  la  nature  de  la  matière  ?  (Bordeaux.) 

Est-on  d'accord  sur  le  sens  du  mot  matière  ?  —  Différentes  théories 
que  vous  connaissez  sur  la  matière.  (Paris.) 

Théorie  philosophique  de  la  matière.  — ■  Insister  sur  les  atomes  dans 
les  systèmes  de  Démocrtte  et  d'ÉpicuRE  et  dans  la  science  moderne. 
(Nancy.) 

Les  lois  de  la  nature  sont-elles  contingentes  ou  nécessaires  ?  (Paris.) 

Exposer  et  examiner  la  doctrine  de  Descartes  sur  les  propriétés  de 
la  matière.  (Rennes.) 

Qu'entend-on  par  mécanisme  universel  ?  Quelle  est  l'importance  de 
cette  hypothèse  pour  la  science  et  pour  la  philosophie  ?  (Dijon.) 

La  science  moderne  suppose-t-elle  nécessairement  une  conception 
mécanique  de  l'univers,  ou  comporte-t-elle,  dans  une  certaine  mesure, 
une  explication  finaliste  des  phénomènes  ?  (Bordeaux.) 

Les  notions  à' espace  et  de  temps  :  qu'avez- vous  à  dire  de  leur  origine 
dans  la  conscience,  de  leur  rôle,  de  leur  portée  ?  (Aix.) 

Quelle  est  la  doctrine  de  Kant  touchant  Vespace  et  le  temps  ?  (Lille.) 

III.  —  La  Vie 

Quelles  sont  les  principales  théories  sur  la  nature  delà  vie  ?  (Clermont.) 
Comment  définir  la  vie  ?  Quels  sont  pour  les  philosophes  les  carac- 
tères spécifiques  des  phénomènes  vitaux  et  des  êtres  vivants  ?  (Aix.) 
De  l'Animisme  et  du  Vitalisme.  —  Valeur  de  ces  doctrines  ;  dire 
celle  que  vous  préférez.  (Lille.) 

La  vie,  à  quelque  degré  qu'on  la  considère,  peut-elle  être  la  résul- 
tante des  forces  physiques  et  chimiques  ?  (Paris.) 

Commenter  cette  définition  :  «  Vivre  c'est  agir.  »  (Lille.) 
On  a  souvent  comparé  un  organisme  à  une  machine.  Quelle  différence 
y  a-t-il  entre  une  machine  et  un  organisme  naturel  tel  que  le  nôtre  ? 
(Grenoble.) 

§  D.  —  PSYCHOLOGIE  RATIONNELLE 
I.  —  Distinction  de  l'Ame  et  du  Corps 

Y  a-t-il  lieu  ou  non  d'opposer  absolument  la  matière  à  l'esprit  ? 
(Paris.) 

Quel  est  le  ^ens  du  mot  âme  et  quelle  est  votre  conception  de  l'âme 
humaine  ?  (Aix.) 


676  DISSERTATIONS    :    DISTINCTION    DE    l'aME    ET    DU    CORPS 

Commenter  et  discuter  cette  définition  de  Wundt  ;  «  L'esprit  est 
une  chose  qui  raisonne.  »  (Paris.) 

Le  caractère  est-il  uniquement  l'accord  de  la  volonté  avec  elle- 
même  ?  L'esprit  est-il  uniquement  la  suite  dans  les  idées,  la  conséquence 
logique  ?  Ou  bien  existe-t-il  d'autres  éléments  essentiels  et  constitutifs 
du  caractère  et  de  l'esprit  que  cette  unité  formelle,  et  lesquels  ?  (Rennes.) 

La  notion  de  l'identité  personnelle  suppose-t-elle  l'existence  d'un 
moi  substantiel  ?  (Bordeaux.) 

L'esprit  est-il,  comme  on  l'a  dit,  un  polypier  d'images  ?  (Lille.) 

Définir  la  substance  et  les  phénomènes.  —  Distinguer  les  phénomènes 
physiques  et  les  phénomènes  psychologiques.  Qu'ont  pensé  de  la  sub- 
stance Descartes,  Spinoza,  Berkeley  et  Hume  ?  (Nancy.) 

Analyser  la  notion  de  l'identité  personnelle.  —  Montrer  comment 
elle  se  forme  en  nous  et  quelles  conséquences  elle  comporte.  (Paris.) 

Distinguer  par  leurs  caractères  essentiels  l'âme  et  le  corps.  (Paris.) 

Sur  quelles  raison  s  se  fonde  la  distinction  de  l'âme  et  du  corps  "^  (Nancy.) 

Prouver  par  l'analyse  des  conditions  de  la  pensée  et  de  la  respon- 
sabilité que  le  principe  des  faits  psychologiques  doit  être  un,  simple 
et  identique.   (Paris.) 

Qu'entend-on  précisément  par  la  spiritualité  de  l'âme  et  quelles 
preuves  en  peut-on  donner  ?  (Paris.) 

Montrer  que  la  question  de  la  nature  de  l'âme  ne  peut  être  résolue 
qu'avec  le  concours  de  la  psychologie  et  de  la  métaphysique.  (Rennes.) 

Indiquer  en  quoi  le  spiritualisme  et  l'idéalisme  différent  l'un  de 
l'autre.  —  Dire  si  l'on  a  pour  l'un  ou  pour  l'autre  une  préférence  rai- 
sonnée.    (Bordeaux.) 

Exposer  et  discuter  les  principaux  arguments  que  le  matérialisme 
oppose  à  la  doctrine  de  la  spiritualité  de  l'âme,  en  particulier  celui  qu'il 
tire  de  l'influence  du  physique  sur  le  moral  et  des  conditions  physio- 
logiques de  la  pensée.  (Rennes.) 

Exposer  le  matérialisme  et  montrer  que  son  principe  est  une  hypo- 
thèse et  que  cette  hypothèse  est  contraire  à  la  plupart  des  règles  de  la 
logique.  (Dijon.) 

L'existence  d'une  réalité  non  sensible  est-elle  en  contradiction  avec 
les  enseignements  de  la  science  ?  (Paris.) 

En  quel  sens  et  dans  quelle  mesure  peut-on  dire  que  les  phénomènes 
psychologiques  dépendent  des  fonctions  du  système  nerveux  ?  (Lille.) 
Peut-on  être  matérialiste  et  croire  que  l'homme  est  un  être  raison- 
nable et  libre  ?  (Grenoble.) 

IL  —  Union  de  l'Ame  et  du  Corps 

Pour  quels  systèmes  se  pose  et  pour  quels  systèmes  ne  se  pose  pas 
la  question  de  la  manière  dont  s'unissent  l'âme  et  le  corps  ?  —  Princi- 


DISSERTATIONS    :    DESTINÉE    DE    l'hOMME  677 

pales  solutions  qu'a  reçues  ce  problème  dans  les  temps  modernes. 
(Bordeaux.) 

Le  principe  de  la  vie  physiologique  est-il  le  même  que  celui  de  la 
pensée  ?  —  Quelles  raisons  peut-on  donner  pour  ou  contre  cette  théorie  ? 
(Paris.) 

Influx  physique.  —  Médiateur  plastique.  —  Harmonie  préétablie. 

—  Causes  occasionnelles.  —  Exposer  et  discuter  ces  quatre  systèmes. 
(Paris.) 

Qu'est-ce  que  l'homme  ?  ( Aix.) 

Expliquer  et  discuter  cette  définition  célèbre  :  «  L'homme  est  une 
intelhgence  servie  par  des  organes.  »  (Paris.) 

Montrer  que  l'homme  est  bien  défini  :  «  Un  animal  raisonnable.  » 
(Lille.) 

III.  —  La  Destinée  de  l'homme 

Exposer  les  preuves  de  l'immortalité  de  l'âme.  (Paris.) 

Exposer  la  preuve  métaphysique  de  l'immortalité  de  l'àme.  — 
Montrer  comment  cette  preuve  a  besoin  d'être  complétée  par  la  preuve 
morale.  (Paris.) 

Quel  est  à  votre  avis  la  preuve  la  plus  forte  de  l'immortalité  de  l'âme  ? 
(Lille.) 

Destinée  de  l'homme.  —  Est-il  un  être  mortel  ou  immortel  ?  Suivant 
qu'il  est  l'un  ou  l'autre,  en  résulte-t-il  quelque  différence  pour  la  règle 
de   sa  conduite  ?    (Alger.) 

L'antiquité  prouvait  l'immortalité  de  l'âme  par  le  désir  de  laisser  de 
soi  un  long  souvenir.  —  Que  penser  de  cet  argument  ?  (Lille.) 

Quelles  sont  les  principales  erreurs  dans  lesquelles  sont  tombés  les 
philosophes  anciens  sur  la  question  des  destinées  de  l'âme  humaine  et 
de  son  immortalité  ?  (Dijon.) 

Quelles  conséquences  philosophiques  et  morales  peut-on  tirer  de  ce 
vers  de  Lamartine  : 

«  Borné  dans  sa  nature,  infini  dans  ses  vœux  »    ?  (Paris.) 

La  croyance  à  l'immortalité  de  l'àme  enléve-t-elle  à  la  vertu  son 
désintéressement  et  son  mérite  ?  (Paris.) 

Les  facultés  intellectuelles  et  morales  se  développent,  dit-on,  et 
meurent  avec  le  corps  :  peut-on  en  conclure  que  l'àme  meurt  avec  lui  ? 
(Lille.) 

§  E.  —  THÉOLOGIE  RATIONNELLE 

Qu'appelle-t-on,    dans   les   sciences   philosophiques,    la   Tliéodicée  ? 

—  Quelles  questions  contient-elle  ?  —  Dans  quel  ordre  ces  questions 
doivent-elles  être  traitées  ?  (Paris.) 

Comment  se  forme  et  se  développe  dans  l'esprit  l'idée  de  Dieu  ? 
(Paris.) 


678  DISSERTATIONS    :    EXISTENCE    DE    DIEU 


I.  —  Existence  de  Dieu 

Par  quelles  raisons  a-t-on  prétendu  contester  la  nécessité  ou  la  possi- 
bilité de  démontrer  l'existence  de  Dieu  ?  (Montpellier.) 

Énumérer  et  classer  les  preuves  de  l'existence  de  Dieu.  (Paris.) 

Toutes  les  preuves  de  l'existence  de  Dieu  ont-elles  la  même  valeur  ? 
—  Peut-on  les  ramener  à  une  seule  ?  (Grenoble.) 

Qu'est-ce  qu'une  cause  première  et  une  cause  seconde  ?  Sur  quelles 
raisons  se  fonde  l'esprit  humain  pour  affirmer  l'existence  de  la  cause 
première  ?  (Nancy.) 

Les  causes  secondes  suffisent-elles  à  expliquer  l'origine  et  le  déve- 
loppement du  monde  ?  (Paris). 

Exposer  la  preuve  de  l'existence  de  Dieu  dite  du  premier  moteur. 
(Lyon.) 

Exposer  avec  précision  la  preuve  de  l'existence  de  Dieu  dite  des 
causes  finales.  (Paris.) 

Qu'est-ce  que  l'idée  du  hasard  ?  —  Répond-elle  à  quelque  chose  de 
réel  ?  —  Indiquer  brièvement  l'opinion  des  Épicuriens  sur  cette  question. 
(Dijon.) 

Montrer  à  quel  point  il  est  contraire  à  toutes  les  règles  d'une  légitime 
induction  de  supposer  qu'une  fatalité  aveugle  ait  produit  des  êtres 
intelligents  et  libres.   (Lille.) 

La  connaissance  scientifique  du  monde  diminue-t-elle  ou  augmente- 
t-elle  notre  admiration  pour  son  auteur  ?  (Lyon.) 

Le  progrès  des  sciences  a-t-il  servi  à  fortifier  la  preuve  de  l'existence 
de  Dieu,  dite  des  causes  finales,  ou  l'a-t-il  affaiblie  ?  (Lille.) 

Indiquer  les  différentes  formes  sous  lesquelles  a  été  présentée  la 
preuve  ontologique  de  l'existence  de  Dieu,  et  les  objections  par  lesquelles 
elle  a  été  combattue.  (Lille.) 

Exposer  et  apprécier  la  preuve  de  l'existence  de  Dieu  par  le  consen- 
tement universel.  (Paris.) 

Qu'entend-on  par  vérités  éternelles  ?  —  Peut-on  prouver  l'existence 
de  Dieu  par  le  fait  que  nous  concevons  des  vérités  éternelles  ?  (Caen.) 

II.  —  Nature  et  Attributs  de  Dieu 

Expliquer  ce  qu'il  faut  enlondre  par  attributs  de  Dieu  et  montrer 
qu'on  peut  reconnaître  plusieurs  attributs  de  Dieu  sans  porter  atteinte 
à  la  simplicité  de  l'essence  divine.  —  Faire  connaître  les  méthodes  au 
moyen  desquelles  nous  pouvons  déterminer  les  attributs  de  Dieu  et 
montrer  que,  bien  que  distinctes,  leurs  résultats  concordent.  (Nancy.) 

Sur  quoi  se  fonde  la  distinction  des  attributs  métaphysiques  et  des 


DISSERTATIONS    :    DIEU    ET    LE    MONDE  679 

attributs  moraux  de  Dieu  ?  —  Se  démontrent-ils  les  uns  et  les  autres 

par  la  même  méthode  ?   (Paris.) 

Démontrer  que  les  attributs  métaphysiques  de  Dieu  reposent  tous 

sur  l'idée  de  l'infini.  (Paris.) 

Prouver  qu'il  n'y  a  qu'un  Dieu  et  qu'il  ne  peut  y  en  avoir  plusieurs. 

(Paris.) 
;'  L'homme  et  Dieu  pensent-ils  et  connaissent-ils  de  la  même  manière  ? 

l.     (Grenoble.) 

f,  Les  êtres  vivants,  autres  que  l'homme,  et  l'univers  physique  pour- 

[     suivent-ils  une  fin  ?  Si  oui,  quelle  est  cette  fin  ?  (Toulouse.) 

III.  —  Rapports  de  Dieu  et  du  Monde 

A.  —  Exposer  et  apprécier  les  principales  solutions  données  par  les 
philosophes  de  l'antiquité  à  la  question  des  rapports  de  Dieu  et  du 
monde.  (Nancy.) 

Définir  et  démontrer  le  dogme  de  la  création,  faire  ressortir  les  erreurs 
et  les  contradictions  du  panthéisme.  (Nancy.) 

Qu'est-ce  que  le  panthéisme  ?  —  Quels  sont,  dans  l'histoire  de  la 
philosophie,  les  principaux  représentants  de  ce  système  ?  —  En  réfuter* 
les  principes,  en  exposer  les  conséquences  sur  la  morale,  la  liberté, 
l'immortalité,  etc.  (Paris.) 

Comparer  le  panthéisme  des  Stoïciens  avec  celui  de  Spinoza. 
(Besançon.) 

Le  panthéisme  et  l'athéisme.  —  Leurs  rapports  et  leurs  différences. 
(Paris.) 

Exposer  en  concluant,  ou  si  vous  préférez,  en  ne  concluant  pas,  les 
théories  de  l'évolution  et  de  la  création.  (Bordeaux.) 

Exposer  à  grands  traits  l'hypothèse  de  l'évolution.  (Aix.) 

Peut-on  admettre  que  la  volonté  humaine  est  un  produit  de  l'évo- 
lution et,  s'il  en  est  ainsi,  comment  s'est-elle  formée  ?  (Paris.) 

B.  —  De  la  providence  divine.  —  Comment  se  manifeste-t-elle  dans 
la  nature  et  dans  l'histoire  ?  (Paris.) 

De  la  réalité  et  de  l'étendue  de  l'action  providentielle.  (Grenoble.) 

Comment  s'exerce  l'action  providentielle  ?  —  Est-elle  seulement 
générale  ou  est-elle  à  la  fois  générale  et  particulière  ?  (Grenoble.) 

Quelles  sont  les  objections  élevées  contre  la  providence  et  comment 
peut-on  y  répondre  ?  (Paris.) 

Du  mal.  —  Réfuter  les  objections  que  l'on  en  tire  contre  la  providence. 
(Paris.) 

Définir  avec  précision  le  mal  physique  et  le  mal  moral.  —  Quelle  est 
la  part  de  l'homme  dans  la  production  de  l'un  et  de  l'autre  ?  (Paris.) 

De  la  part  de  Dieu  dans  la  production  du  mal.  (Lille.) 


680  DISSÈRtATIONS    :    DIEU    ET    LE    MONDE 

Expliquer  et  développer  ce  dilemme  célèbre  :  Si  Deus  est,  unde 
malum  ?  Si  non  est,  unde  boniim  ?  (Paris.) 

Expliquer  et  développer  cette  maxime  scolastique  :  Malum  habet 
causant  deficientem,  non  efficientem.  (Paris.) 

De  la  douleur.  —  Peut-on  la  concilier  avec  la  providence  divine  ? 
(Paris.) 

Exposer  la  doctrine  de  l'épreuve.  —  Montrer  combien  la  vie  morale  de 
l'homme  serait  incomplète  sans  le  travail,  la  peine  et  la  douleur.  (Paris.) 

C.  —  Qu'est-ce  que  l'optimisme  ?  Quelles  sont  les  formes  les  plus 
célèbres  de  l'optimisme  dans  l'antiquité  et  dans  les  temps  modernes  ? 
—  Que  pensez-vous  de  ce  système  ?  (Paris.) 

De  l'optimisme.  ■ —  Du  vrai  et  du  faux  optimisme.  (Paris.) 

Expliquer  la  doctrine  de  l'optimisme  de  Leibniz.  —  Résumer  et 
apprécier  les  objections  qu'elle  soulève.  (Lille.) 

Faiblesse  théorique  et  inconvénients  pratiques  du  pessimisme. 
(Bordeaux.) 

Apprécier  cette  parole  de  Schopenhauer  :  «  Vouloir,  c'est  essen- 
tiellement souffrir,  et  comme  vivre  c'est  vouloir,  il  s'ensuit  que  toute 
vie  est  par  essence  douleur  et  que  plus  l'être  est  élevé,  plus  il  souffre.  » 
(Nancy.) 

Que  pensez-vous  de  l'argument  des  pessimistes  :  en  ce  monde  la 
somme  des  maux  surpasse  de  beaucoup  celle  des  biens  ?  (Montpellier.) 

L'optimisme  et  le  pessimisme.  Vous  apprécierez  les  deux  systèmes 
en  critiquant  les  arguments  essentiels  sur  lesquels  ils  s'appuient,  et  vous 
chercherez  quelles  sont  leurs  conséquences  pour  la  pratique  et  dans  la 
morale.  (Lyon.) 

Imaginez  un  dialogue  entre  un  optimiste  et  un  pessimiste.  (Paris.) 


SYNTHÈSE  HISTORIQUE 


DES 


PRINCIPALES  DOCTRINES  PHILOSOPHIQUES 


Uexposé  et  la  critique  des  principales  doctrines  philosophiques 
ont  été  faits,  dans  le  courant  de  l'ouvrage,  au  fur  et  à  mesure  que  les 
différents  systèmes  se  rencontraient  sur  notre  chemin.  Nous  donnons 
ici  une  vue  d'ensemble,  formant  une  Histoire  de  la  Philosophie  en 
raccourci,  qui  permettra  d'utiliser  avec  méthode  les  renseignements 
épars  dans  tout  le  Traité.  Les  ehifïres  renvoient,  non  pas  aux  pages 
des  volumes,  mais  aux  divers  paragraphes  correspondant  à  chacune 
des  grandes  divisions  de  la  Philosophie. 

I.  —  PHILOSOPHIE  ANCIENNE 
1.  —  Platon  (428-347) 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Classification  des  Facultés  de  l'âme H 

Les  Idées  générales  :  Réalisme  exagéré 140,  §  III 

Théorie  de  la  Réminiscence 173 

B.  —  LOGIQUE 

Il  n'y  a  pas  de  Science  du  particulier 40 

C.  —  MORALE 

La  Morale  platonicienne 39 

La  Vertu  platonicienne 50 

L'Esclavage 07,  §  III 

Le  Communisme 72 

D.  —  ESTHÉTIQUE 

Définition  du  Beau 2 

Dieu,  beauté  suprême 22 

TRAITÉ  DE  PHILOSOPHIE'  —   T.    II.    23. 


G82  SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES 

E.  —  MÉTAPHYSIQUE 

L'Immortalité  de  l'âme 61 

Le  Dualisme 87 

2.  —  Aristote  (384-322) 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Classification  des  Facultés  de  l'âme 11 

Origine  et  Lois  du  plaisir 20-21 

Conditions  de  l'Amitié 43 

Valeur   et   Traitement   des    Passions 59 

Les  dix  Catégories 139,  166 

Les  Idées  générales  :  Réalisme  modéré 140,  §  IV 

Le  Jugement 145 

L'Intellect  actif 178 

Les  quatre  Causes    183 

Eiïets  de  l'Habitude 218 

L'Habitude  et  la  Liberté 223 

Peut-on  penser  sans  Langage  ? 231 

B.  —  LOGIQUE 

Définition  réelle 10 

Théorie  du  Syllogisme 21 

La  Démonstration 37 

La  Science 39 

Il  n'y  a  pas  de  Science  du  particulier 40 

Classification  des  Sciences 43 

L'Induction    formelle 71,  §  I 

Fondement  de  l'Induction 71,  §  V 

Méthode  de  la  Métaphysique 111 

C.  —  MORALE 

L'Eudémonisme  rationnel 40 

La  Vertu 50,  §  III 

La  Justice  et  l'Équité 65 

L'Esclavage 67,  §  III 

D.  —  ESTHÉTIQUE 

Définition  du  Beau 2 

Le  Rire 10 


SYNTHESE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES 


683 


E.  —  MÉTAPHYSIQUE 

Définition  de  la  Métaphysique 1 

Espace,   Lieu,  Mouvement,  Temps  {Remarques) 39 

La  Matière  et  la  Forme 42 

L'Animisme 48 

Le  Premier  Moteur 68 

Le  Dualisme 87 

3.  —  L'École  Sceptique. 

La  bête  égalée  à  l'homme  (Montaigne)  :  Psychologie 56 

Le  Doute  des  Sceptiques  :  Logique 116 

L'Opinion  et  la  Probabilité  :  Logique 117 

Objections  contre  l'universalité  de  la  conscience  :  Morale 12 

Le  Scepticisme  absolu  :  Métaphysique 3 

Le  Scepticisme  relatif  :  Métaphysique 4 

4.  —  L'École  Épicurienne. 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Nature  du  Plaisir  19 

Origine  du  Plaisir 20 

Espèces  de  Plaisirs 24 

Théorie  des  Idées-images 87 

B.  —  MORALE 

La  Morale  de  l'Intérêt 24 

Le  Suicide 62 

C.  —  MÉTAPHYSIQUE 

Le  Mécanisme 40 

L'Atomisme 86 


5.  —  L'École  Stoïcienne. 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Origine  du  Plaisir 20 

Inclinations  philanthropiques    46 

Valeur  et  Traitement  des  Passions 59 

Classification  des  Passions 62 


684  SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES 

B.  —  MORALE 

Exclusion    de    l'Intérêt 31,  §  B 

Exclusion  du  Sentiment     37,  §  C 

Morale  stoïcienne 41 

Le  Suicide 62 

C.  —  MÉTAPHYSIQUE 

L'Hylozoïsme 41 

Le  Panthéisme 88 

n.  —  PHILOSOPHIE  SCOLASTIQUE 

6.  —  Principales  doctrines  des  Scolastiaues. 
A.  —  PSYCHOLOGIE 

Détermination  des  Facultés  de  l'âme 9,  §  B 

Classification  des  Facultés  de  l'âme , 11 

Modes  et  Degrés  de  l'activité , 13 

Classification  des  Passions 62 

Théorie  de  l'Assimilation 84 

L'Imagination  (cpavTao-ta) 119 

Formation  de  l'Idée  générale 136 

Division  des  Idées  générales  :  Transcendantaux 139 

Les  Universaux  :  Réalisme  modéré 140,   §  IV 

Modes  du  Jugement 145 

Notion  de  Substance 182 

Notion  de  Cause 183 

Origine  de  l'Idée  d'infini 187,  §  B 

La  Personnalité 200 

Le   Fatalisme   théologique 205,  §  III 

Nécessité  et  Liberté 211 

Ji'Ame  des  bêtes 249 

B.  —  LOGIQUE 

Définition  logique 11 

Division  logique 16 

Théorie  des  Propositions  17-18 

Théorie  de  la  Déduction 21-35 

La  Science 39 

Classification  des  Connaissances 44 

Méthode  de  la  Métaphysique ,. .  lH 

La  Vérité 112-113 


SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES  685 

La  Certitude  et  l'Évidence 118 

Science  et  Croyance 120,  §  IV 

L'Erreur 121 

Classification  des  Sophismes 123 

La  Valeur  de  l'Autorité 128,   §  III 

Le  Critérium  de  l'Évidence 118,  135 

Utilité  de  la  Méthode  syllogistique 137,  §  B 

C.  —  MORALE 

Éléments  de  la  Moralité 13 

Degrés  et  Régies  de  la  conscience  morale 15 

De  la  Loi 17 

Morale  du  Bien  rationnel 43 

Critérium  du  bien  et  du  mal 45,  §  G 

Fondement  de  l'Obligation 46 

Principes  primaires  et  secondaires  du   Droit  naturel 56 

Justice   et    Charité 65 

Véracité  et  Mensonge 67 

Le  Droit  de  Propriété 68 

Origine  du  Pouvoir 86 

Formes  de  Gouvernement  à  l'état  pur 89 

Formes  de  Gouvernement  à  l'état  mixte 90 

Fonctions  de  l'État 93 

Enseignement  :  Droits  de  la  Famille,  de  l'Église,  de  l'État 94 

Droit  de  Guerre 99 

Résistance  aux  Lois  injustes 101,  106 

Le  Droit  d'Association  et  l'État 105 

Le  Libéralisme 108 

Le  Droit  international 110 

Rapports  de  l'Église  et  de  l'État 120 

La  Thèse  et  l'Hypothèse 121 

Pouvoir  direct  ou  indirect  ? 122 

L'Intolérance 123 

L'Immunité  ecclésiastique 124 

Le  Prêt  à  Intérêt.  Le  Juste  Salaire 128 

D.  —  ESTHÉTIQUE 

Effets  du  Beau 1 

Nature  du  Beau 2 

Le  Vrai,  le  Bien,  le  Beau 4 

L'Art  et  la  Morale 21 

L'Idéal  chrétien 22 


686  SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES   PRINCIPALES    DOCTRINES 

'       E.  —  MÉTAPHYSIQUE 

Le  Dogmatisme 10 

Ontologie 14-35 

L'Hylémorphisme  (Matière  et  Forme) 42 

L'Animisme 48 

Union  de  l'âme  et  du  corps 54 

La  Contingence  du  Monde 67 

Le  Mouvement  de  la  Matière 68 

L'Argument  ontologique  (S.  Anselme) 75 

Méthode  pour  déterminer  les  Attributs  divins 78 

Connaissance  des  futurs  conditionnels 82 

Le  Concours  divin 93 

L'Optimisme  relatif 97,  §  II 


m.  —  PHILOSOPHIE  MODERNE. 

7.  —  Francis  Bacon  (1561-1626). 

Classification  des  Sciences  :  Logique 43 

Les  trois  Tables  :  Logique 67,  Sect.  II 

L'Œuvre  de  Bacon  :  Logique 68 

Causes  de  l'Erreur  :  Logique 124,  §  D 

8.  —  René  Descartes  (1596-1650). 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Classification  des  faits  psychologiques 11,  IV 

Origine  du  Plaisir 20,  §  I 

Nature  de  l'Instinct 56,    II 

Classification  des  Passions 62,  III 

Théorie  de  l'Inférence 95 

Qualités  primaires  et  secondaires  de  la  Matière 97 

Conservation  des  Idées 105 

Le  Jugement  rapporté  à  la  Volonté 148,  §  B 

Le  Bon  Sens 157,  II 

L'Innéité  175 

Objection  contre  les  Causes  finales 185 

L'Origine  de  l'Idée  de  Parfait 187,§  B 

Nature  de  l'Habitude 220 

L'Ame  des  bêtes 56,  II,  249,  II 


SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES   PRINCIPALES    DOCTRINES  687 

B.  —  LOGIQUE 

Les  quatre  Règles  de  la  Méthode 51 

Le  Doute  méthodique 116 

Causes  de  l'Erreur 124,  §  E 

Culpabilité  de  l'Erreur 125 

Descartes  et  l'Autorité 128,  §  II 

La  Véracité  divine 133 

Le  Critérium  de  l'Évidence 135,     II 

Attaques  contrele  Syllogisme 137,  §  B 

Valeur  de  la  Méthode 137,  §  C 

C.  —  MORALE 

Critérium  du  bien  et  du  mal 45,  §  C 

D.  —  MÉTAPHYSIQUE 

L'Espace  et  le  Temps 38,  II 

Le   Mécanisme,  t 40,    §   II,   45 

Les  Esprits  animaux 56 

L'Idée  de  l'Être  parfait 72 

La  Conservation 92 

9.  —  Bossuet  (1627-1704). 

Distinction  et  Classification  des  Facultés  :  Psychologie     99,  §  D,  11,  III 

Classification  des  Passions  :  Psychologie 62,  II 

L'Origine  des  Idées  :  Psychologie  {Remarques,  2») 174 

La  Finalité  :  Psychologie 184,    §  B 

Origine  de  l'Idée  de  Parfait  :  Psychologie 187,    §  B 

Part  de  la  Volonté  dans  l'exécution  :  Psychologie 199 

La  Liberté  d'Indifférence  :  Psychologie  209,  §  I 

L'Ame  des  bêtes  :  Psychologie 249,    III 

La  Synthèse  de  l'histoire  :  Logique 103,    III 

L'Union  de  l'âme  et  du  corps  :  Métaphysique 54 

Les  Vérités  éternelles  :  Métaphysique 73 

L'Optimisme  relatif  :  Métaphysique 97,  §  II 

10.  —  Malebranche  (1638-1715). 

Intuition  des  Idées  divines  :  Psychologie 91 

Conservation  des  Idées  :   Psychologie 105 

Le  Jugement  rapporté  à  la  volonté  :  Psychologie 148,  §  B 


688  SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES 

La  Vision  en  Dieu  :  Psychologie 174 

L'Ame   des   bêtes  :    Psychologie 56,  II 

La  Véracité  divine  :  Logique 133 

Nature  de  l'Idée  du  Bien  :  Morale 45,   §  A,  V 

Les  Causes  occasionnelles  :  Métaphysique 57 

L'Optimisme  absolu   :   Métaphysique 97,   §  I 

11.  —  Port-Royal. 

Le  Bon  Sens  :  Psychologie 157,  II 

Les  Opérations  de  l'esprit  :  Logique 2 

La  Définition  :  Logique 11,  13 

L'Analyse  et  la  Synthèse  :  Logique 53,  §  III,  D 

Science  et  Croyance  :  Logique 120,  §  II 

Classification  des  Sophismes  :  Logique 123 

Critérium  de  la  Vérité  :  Logique 135 

12.  —  Benoît  de  Spinoza  (1632-1677) 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Classification  des  Passions 62,  IV 

Notion    de    Substance 182,  §  A,  III 

L'Acte  de  la  Volonté  rapporté  au  jugement 197 

Objection  contre  la  Liberté 203,   §  A 

Le  Fatalisme  panthéistique 205,  §  II 

B.  —  LOGIQUE 

Causes  de  l'erreur 124,  §  E 

Le  Critérium  de  la  vérité 135 

C.  —  MÉTAPHYSIQUE 
Le   Panthéisme   immanent 88,    §   A,    III;    §   B 

13.  —  Leibniz  (1646-1716). 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Les  Petites  Perceptions 70 

L'Objet    de    la    Vue 98,  §    A 

Les  Idées  générales  :  Réalisme  modéré 140,  §  IV 

Classification  des  Vérités  premières 158 

Principes  de  raison 160 


SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES  689 

Les  Virtualités  de  l'Entendement 177 

Théorie  de  la  Peine 203,  §  D 

Le  Déterminisme  psychologique 209 

Langue   universelle 235 

Rêve  et  Réalité 241 

B.  —  LOGIQUE 

La  Certitude  morale 119,  IV 

Le  Critérium  de  la  Vérité 131 

La  Logique  et  le  Bon  Sens 137,  §  A 

Avantages    de    la    Méthode    syllogistique 137,  §B 

C.  —  MORALE 

L'Idée  de  Perfection 45,  §  B 

D.  —  MÉTAPHYSIQUE 

L'Espace  et  le  Temps 38 

Le  Dynamisme 41 

L'Harmonie  préétablie 58 

L'Optimisme  absolu 97,  §  I 


14.  —  L'École  Anglaise  (xviie  et  xviii^  siècles). 

I.  —  HoBBES  (1588-1679). 

La    Conscience    morale  :  Morale 10,   §  II,  A 

Le  Droit  c'est  la  force  :  Morale 52,  I 

Origine  de  la  Société  :  Morale ,         85,  §  A 

II.  —  Locke  (1632-1704). 

Idées  représentatives  :  Psychologie 89 

Qualités  primaires  et  secondaires  de  la  Matière  :  Psychologie.         97 

Définition  du  Jugement  :  Psychologie 145 

Origine  des  Idées  :  Psychologie 169 

Notion    de    cause  :  Psychologie 183,  §  A,  III 

III.  —  Berkeley  (1685-1753) 

Idées  produites  par  Dieu  en  nous  :  Psychologie 90 

L'Idéalisme  immatérialiste  :  Métaphysique 36,  I 


690  SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES 

IV.  —  Hume  (1711-1776). 

Notion  du  Moi  :  Psychologie 76 

Nominalisme  :  Psychologie 140,  I 

Nature  du  Jugement  et  de  la  croyance  :  Psychologie 148,   §  A 

Notion  de  Cause  :  Psychologie 170,  I  ;  183,  §  A,  III 

Le  Phénoménisme  :  Métaphysique 5  ;  36,  IV 

15.  —  Etienne  Bonnot  de  Condillae  (1715-1780). 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Nature  de  l'Instinct 56,  III 

Notion  du  Moi 76 

Nature  de  l'Attention 126 

Nominalisme 140,  I 

Le   Jugement  dérivé   de  la  Sensation 147,  II,  A 

Origine  des  Idées 168 

L'Acte  de  Volonté  rapporté  au  Désir 197,   §  B 

Origine  du  Langage 229,  §  E 

Aphorismes 236 

B.  —  LOGIQUE 
L'Analyse 53,  §  I V 

16.  —  L'École  Écossaise. 

I.  —  École  morale  :  Hutcheson  (1694-1747),  Adam  Smith  (1723-1790), 

Ferguson  (1724-1816). 

La  Sympathie  (A.  Smith)  :  Psychologie 42,  §  II 

La  Conscience,  Sens  moral  (Hutcheson)  :  Morale 10,   §  I 

La  Bienveillance  (Hutcheson)  :  Morale 34 

La  Sympathie  (A.  Smith)  :  Morale 35 

II.  —  École  psychologique  :  Thomas  Reid  (1710-1796),  Beattie, 
OswALD,  DuGALD  Stewart  (1753-1828),  Thomas  Brown  (1778- 
1820),  Hamilton  (1788-1856). 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Distinction    des    Facultés    de    l'âme 9,   §  C 

Lois  fondamentales  du  Plaisir  (Hamilton) 21 

Éléments  affectif  et  représentatif  de  la  Sensation  (Hamilton)..    28  §  A 


SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES   PRINCIPALES    DOCTRINES  691 

Nature  de  la  conscience  (Reid.  D.  Stewart) 69 

Limites  de  la  conscience  (Hamilton) 71,  II 

Théorie  de  la  perception  intuitive  (Hamilton) 85 

Théorie  de  la  suggestion  immédiate  (Reid,  D.  Stewart) 93 

Nature  du  souvenir  (Reid) 107,  §  I 

Théorie  de  l'association  (D.  Stew^art) 116 

La  Notion  de  l'Absolu  (Hamilton) 187,  §  A,  III 

La  Liberté  d'Indifférence  (Reid) 209,  §  I 

Production  et  Intelligence  des  Signes  (Reid,  D.  Steward).  . .  227,  B,  I 

B.  —  LOGIQUE 

Extension  des  Propositions  (Hamilton) 20,  IV 

La  Quantification  du  Prédicat  (Hamilton) 34,  §  I 

Fondement  de  l'Induction -.  71, §  II 

Fondement  de  la  Croyance  au  témoignage 100,  §  G 

Le  Critérium  du  Sens  commun 129 

C.  —  MÉTAPHYSIQUE 
La  Relativité  de  la  Connaissance  (Hamilton) 5,  §  ï 


17.  —  La  Philosophie  Allemande. 

I.  —  L'École  Critique  :  Emmanuel  Kant  (1724-1804) 
A.  —  PSYCHOLOGIE 

Nature  du  Plaisir 19,   §  A 

Les    Idées   générales    :    Conceptualisme 140,  II 

Les  Jugements  synthétiques  a  priori 150 

Les  douze  Catégories 166,  II 

L'Origine  des  Idées 176 

Notion  de  Substance 182,   §  A,  III,  2° 

Le  Principe  de  Causalité  et  la  Liberté 207,   §  B 

Le  Caractère  empirique  et  le  Caractère  intelligible 212,  III 

B.  —  LOGIQUE 

Méthode    de    la    Morale 109,  II 

La    Certitude    morale 119,  II 

Science  et  Croyance 120,  §  II,  B 


692  SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES 

C.  —  MORALE 

La    Métaphysique    fondée    sur    la    Morale 6,   §  I 

La  Raison  pratique  distincte  de  la  Raison  théorique 10,   §  III 

Caractères  de  la  Loi  morale 20 

Proscription  de  l'Intérêt 31,  §  B 

Proscription    du    Sentiment 37,  §  G 

La  Morale  formelle 42 

Nature  de  l'Idée  du  bien 45,  §  A,  IV 

La    Vertu 50,   §  A,     V 

Rapports   du   Droit  et   du   Devoir 53,   §  A,     G 

Fondement  des  Devoirs  personnels 61,  §  B 

D.  —  ESTHÉTIQUE 

Définition   et    Effets    du   Beau 1,   §  III 

Le  Beau  et  le  Sublime 7 

E.  —  MÉTAPHYSIQUE 

Le  Griticisme 6 

Idéalisme  critique 3ô,  U 

Espace  et  Temps  <37,  B,  II 

Portée  du  Principe  de  Causalité 38,  IV 

Argument  des  Causes  finales 69,  C 

Critique  de  l'Argument  ontologique 75,  B 

II.  —  L'École  Panthéiste  :  Fichte  (1762-1814). 
Hegel  (1770-1831).  —  Schelling  (1775-1854). 

Définition  du  beau   (Hegel)   :   Esthétique 2,  II 

Le  Panthéisme  idéaliste  de  Fichte,  de  Schelling  et  de  Hegel  : 

MÉTAPHYSIQUE "     36,  III  ;  88,  §  A,  IV,  V,  VI  ;  §  B,  I,  3» 

III.  —  L'ÉCOLE  Pessimiste  :  A)  Schopenhauer  (1788-1860) 

Nature  du  Plaisir  et  de  la  Douleur  :  Psychologie 19,  §  A 

L'Inconscient  :  Psychologie 70 

Le  Caractère  empirique  et  le  Caractère  intelligible  :   Psycho- 
logie      212,    III 

Le  Pessimisme  absolu  :  Métaphysique 98  §  I 


SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES  693 

B)  Ed.  de  Hartmann  (1842-1906). 

L'Inconscient  :  Psychologie 70 

Le  Pessimisme  relatif  :  Métaphysique 98,   §  II 


18.  —  Vicomte  de  Bonald  (1754-1840)  et  l'École  traditionaliste 

L'Origine  du  Langage  :  Psychologie 229,   §  B 

Peut-on  penser  sans  Langage  ?  :  Psychologie 231 

Le  Consentement  universel  (La  Mennais)  :  Logique 130 

La  Véracité  divine  ou  Fidéisme  (Bautain)  :  Logique 133 

> 

19.  —  Victor  Cousin  (1792-1867)  et  l'Ecole  Eclectique. 

Classification  des  Faits  psychologiques  (Jouffroy  et  Garnier)  : 

Psychologie    8,   §  11,  B 

Théorie  de  l'Inférence  :   Psychologie 95 

Le  Jugement  intuitif  :  Psychologie 145 

Nature  de  l'Idée  du  Bien  (Jouffroy)  :  Morale 45,  §  A,  I 

Fondement  du  Droit  et  du  Devoir  (Cousin)  :  Morale 52,  V 

Définition  du  Beau  (Cousin  et  Jouffroy)  :  Esthétique....   2,  I,  II 
Le  Vitalisme  (Jouffroy)  :  Métaphysique , 47 


20.  —  Auguste  Comte  (1798-1857)  et  le  Positivisme 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

L'Hallucination  vraie  (Taine) 94 

Le   Déterminisme   physique   et  physiologique   (Taine) 208 

B.  —  LOGIQUE 

Classification  des  Sciences 44,   §  III 

Impossibilité  de  l'Observation  interne 93,   §  A 

.    Lois  Sociales 104,  §  I 

C.  —  MORALE 

L'Altruisme 33 

D.  —  MÉTAPHYSIQUE 
Le  Positivisme  (Comte,  Littré,  Taine) 9 


694  SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES 

21.  —  J.  Stuart  Mill  (1806-1873)  et  F  École  associationniste. 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Classification   des   Sensations   (A.   Bain) 30,  B 

Origine  des   Inclinations  altruistes 50,   §  II 

Notion  du  Moi 76 

L'Hallucination  vraie 94 

Théorie  de  l'Association 115 

Excès  de  l'Associationnisme 118 

Nominalisme   140,  I 

Le  Jugement  ramené  à  l'Association 147,  II,  B 

Le  Raisonnement 153,  §  C 

Origine  des  Idées 170 

Objection  contre  la  Liberté 203,  §  A 

??  B.  —  LOGIQUE 

Objection  contre  la  Valeur  de  la  Déduction 38,  II 

Origine  des  Notions  mathématiques 58,  §  II 

Les   quatre   Méthodes   de  S.   Mill 67,  Sect.  II,   §  C 

Fondement  de  l'Induction 71,   §  IV 

Méthode  de  la  Morale 109,  I 

G.  —  MORALE 

Nature  et  Origine  de  la  Conscience  morale 10,   §  II,  B 

L'Utilitarisme  de  Bentham  rectifié  par  Mill 26 

Le  Fondement  du  Droit 52,  IV 

D.  —  MÉTAPHYSIQUE 

Le  Phénoménisme 5 

L'Idéalisme  36,  IV 

22.  —  H.   Spencer  (1820-1903)  et  l'École  Évolutionniste 

A.  —  PSYCHOLOGIE 

Rapports  de  l'Émotion  et  de  l'Inclination 23 

Origine  des  Inclinations  altruistes. 50,  §  II 

Nature  de  l'Instinct 56,      IV 

Origine  des  Idées 171 

Objection  contre  les  Causes  finales 185 

l'rftduction    et    Intelligence    des   Signes 227,  B,  II 

Origine  du  Langage 229,  §  D 


SYNTHÈSE    HISTORIQUE    DES    PRINCIPALES    DOCTRINES  695 

B.  —  LOGIQUE 

Classification  des  Sciences 44,  §  IV 

Le    Critérium    de    l'Évidence 135,  II,  A 

C.  —  MORALE 

Nature    de   la   Conscience    morale 10,  §  II,  C 

Morale  Évolutionniste 27 

Attaques  contre  la  Charité 65,   §  B,  III 

D.  —  MÉTAPHYSIQUE 

Le  Transformisme  (Lamarck,  Darwin) 89 

L'Évolutionnisme  (Spencer) 90 

23.  —  Charles  Renouvier  (1815-1903)  et  le  Néo-Criticisme 

Science  et  Croyance  :  Logique 120,  §  III 

Le  Néo-Criticisme  :  Métaphysique 7 

24.  —  L'École  Pragmatiste 

Origine  de  la  Doctrine  pragmatiste  :  Logique 134,   §  A 

Le  Pragmatisme  en  général  (Peirce,  James,  Schiller,  Papini, 

Bergson,  Le  Roy)  :  Logique 134,  §  B,  C 

Le    Pragmatisme   social    (Balfour,    Mallock,   Brunetière)    : 

Logique    134,  §    D 

25.  —  École  Sociologique  d'Emile  Durkheim  (1858-1917). 

Reproches   aux  Morales  théoriques   :   Morale  28,   §  A 

Exposé  de  la    Morale  sociologique  :  Morale 28,   §  B 

Critique  de  la  Morale  sociologique  :   Morale 28,   §  C 

Réponse   aux   reproches   :    Morale 28,   §  D 

26.  —  Henri  Bergson  (n.  1859). 

Théorie  intuitionniste  :  Psychologie 86 

Pragmatisme    mitigé    :    Logique 134,  §  B,  V 

IdéaUsme  métaphysique  :  Métaphysique 8,  B,  III 

27.  —  Le  Pampsychisme. 

WuNDT,    Paulsen,   Lachelier,    Dunan,    Hamelin,   Le    Roy    : 

Métaphysique    8,  H,   H 


Il 


INDEX  DES  AUTEURS  CITÉS  *»' 


Aall   An.,   II,    143. 

Abauzit  Fr.,  II,  655. 
Abbott  Fr.  Ell.,  765. 
Abensour  L.,  II,  214,  2. 
Abramowski  Ed.,  349. 

AcH  N.,  431. 

ACHALME  P.,  II,  513,  3. 
ACKERKNECHT,  131. 

Action  populaire,  II,  371,  2. 

Adam  Ch.,  232, 1  ;  586,  2  ;  653,  4. 
Adams  (Brooks,)  II,  325,  1. 
Adeline  J.,  II,  393. 
Adloch  B.,  II,  571,  9. 

Aftalion  a.,  II,  310. 

Agassiz  L.,  687,  2  ;  694,  1  ;  699,  1. 

—  Il,  612,  1  ;  619,  1  ;  621,  1. 
Agnelli.  II,  329. 
Aguirre  (Jos.  Saenz  d'),  II,  128, 

1. 
Aikins  h.,  512. 


Alamanni  C,  12. 

Alaux    J.-E.,    II,    291,    2;    459; 

535,  1  ;  555  ;  651. 
Alber,  499. 

Albert  le  Grand,  813,  2. 
Albertus  J.,  II,  334,  1. 
Alembert  (J.  Le  Rond  d'),  641, 

2  ;  775,  2. 
Alengry  a,,  430. 
Alexander  S.-A.,  II,  533,  655. 
Alexander  (Hartley  Burr),  II, 

415. 
Alibert  C,  II,  535,  1. 
Aliotta  a.,  131.  —  II,  496, 1. 
Allard  p.,  491,  4  ;  741,  1.  —  II, 

176,  3  ;  181,  2. 
Allier  R.,  II,  146. 
Altamira,  495. 
Alvarez  de  Toledo  J.,  II,  533. 

Ambrosini,  235. 

Ampère  A.-M.,  597,  3  ;  693,  2. 

Ancel  a.,  432. 
Anciaux  m.,  II,  358,  1. 


(1)  Quand  un  nombre  est  suivi  de  1,  2  ou  3,  etc.,  cela  signine  que  la  référence  ae 
rapporte  a  la  note  1,  2  ou  3,  etc.  de  la  page  indiquée  par  le  nombre  précédent.  Le  chiffre 
Il  renvoie  au  second  volume  du  Traité.  —  On  a  rectifié,  dans  cette  table,  l'orthographe  de 
quclquesnoms  propres  et  l'on  a  ajouté  çà  et  là  des  prénoms  omisdans  le  texte  des  volumes. 


698 


INDEX    DES    AUTEURS  CITES 


Andler  Gh.,  II,  200,  5  ;  302. 

Angell  J.-R.,  348. 

Angot  des  Rotours  J.,  II,  87,  1 

Anselme  (Saint),  II,  554. 

Anstruther  C,   II,  417. 

Antheaume  a.,  499. 

Antoine  Gh.,  757,  2.  —  II,  159 
161,  2  ;  187,  1  ;  188,  2  ;  201,  1 
202,  2  ;  204,  3  ;  206,  2,  3  ;  216, 1 
217,  3;  219,  1,  2;  239,  2,  3 
247,  2  ;  264,  2  ;  265,  1  ;  281,  2 
303  ;  310  ;  352,  1  ;  353,  2  ;  356 
3;  358,  1,  2;  359,  2;  360,  2 
362  ;  365,  1  ;  366,  1,  2  ;  368,  2 
369,  1,  5  ;  370,  2  ;  371,  1  ;  374. 

Appell  P.-E.,  II,  240,  4  ;  303. 

Arcelin,  495. 

Ardant  g.,  II,  201,  1. 

Aristote,  321,  1  ;  362,  1  ;  369,  2 
511  ;  585,  3  ;  786,  2.  —  II,  1 
40,  4  ;  46,  1  ;  162,  2,  3  ;  219,  1 
232,  2  ;  385,  1  ;  457  ;  482,  1,  2 
496,  1  ;  505,  1  ;  535  ;  544,  2. 

Arnaiz  m.,  765. 

Arnaud  d'Agnel,  II,  329. 

Arnauné  a,,  II,  355,  4  ;  361. 

Arnould  L.,  133. 

Arréat  L.,  235.  —  II,  331,  2  ; 
408,  3  ;  410,  2  ;  413  ;  415  ;  417. 

ASLAN    G.,    II,    13. 

At  J.-A.,  II,  334,  1. 
Atger  F.,  II,  220,  2  ;  304. 

AUHURTIN   F.,   II,   198,  2. 

Aucoc  L.,  II,  251,  2. 

AuDisio  G.,  II,  311,  1  ;  334,  1. 

Augustin  (Saint),  xxiv,  1  ;  380, 
1  ;  444,  2  ;  769,  1  ;  770,  4.  — 
11,41,1  ;  185,  1  ;  238,  2  ;  327,  3  ; 


410,  1  ;  413,  4  ;  424,  1  ;  425,  3  ; 
554  ;  565,  3  ;  596,  2  ;  635,  2. 
AuTiN  A.,  432. 

Aveling  Fr.,  351. 

Avenel  (G.  d'),  II,  265,  1  ;  374. 

AzAM,  467,  1  ;  479,  1. 

B 

Babinski  J.,  502. 

Bacon  Fr.,  597,  3  ;  649,  1  ;  652, 

1,  3,  5  ;  653,  3  ;   660,  2,  3,  5  ; 

684,  1,  2.  —  II,  399,  1. 
Bagehot  W.,  II,  327,  2. 
Baille  L.,  II,  459  ;  530  ;  652. 
Bain  A.,  81  ;  121,  1,  5  ;  157,  1  ; 

178,  2  ;   193  ;  228,   1  ;  232,   1  ; 


515, 
621, 
734, 
802, 


233,  1  ;  297  ;  466,  1  ;  511 
1  ;  529,  1  ;  531,  1  ;  554,  2 
1  ;  631,  1  ;  649,  1  ;  687,  2 
3  ;  752,  1  ;  756,  1  ;  794,  1 

I.  —  II,  535,  1. 

Bainvel  J.-V.,  413,  1  ;  786,  1.  — 

II,  651. 

Baldwin  J.M.,  16  ;  50.  —  II,  307  ; 

416. 
Balfour  A.-J.,  786,  1.  —  II,  654. 
Ball  (W.-W.  Rouse),  765. 
Ballerini  a.,  II,  36,  1. 
Ballerini  g.,  II,  651. 
Ballet,  211. 
Bally  Gh.,  503. 
Balmès  j.,  178,  2  ;  193  ;  297  ;  299, 

1  ;  312,  2  ;  320,  1  ;  324,  2  ;  339, 

1  ;  345,  1  ;  531,  1  ;  580,  1  ;  734, 
3  ;  768,  1  ;  777,  1  ;  810,  1.  — 
II,  176,  3  ;  223,  1  ;  227,  1  ;  267, 

2  ;  290,  6  ;  325,  1  ;  344,  1  ;  457  ; 
505,1. 

Baltasar,  II,  652. 

Baltus,  132.  i 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


699 


Balzer  p.,  XXIV,  1  ;  132. 
Banville  (Th.  de),  II,  377,  1. 
Barbedette  D.,  511.  —  II,  457  ; 

513,  3. 
Bardoux  J.,  498.  —  II,  40,  4. 
Barillari,  II,  145. 
Barine  (Arvède,)  II,  117,  1. 
Barni  J.,  II,  240,  4. 
Barnich  g.,  II,  309. 
Baron  E.,  836. 
Barre  (A.  de  la),  777,  1.  — ^  II, 

13  ;  14. 
Barthélémy,  II,  309. 
Barthélémy    J.,      II,      216,    1  ; 

282,  2. 
Barthélémy- Saint- HiLAiRE    J., 

511  ;  670,  2. 
Bartholmèss  C,  II,  604,  3. 
Bartlet  (Vernon),  II,  351. 
Basch  V.,  II,  416  ;  418. 
Bastiat  Fr.,  II,  188,  3  ;  352,  1. 
Batiffol  p.,  II,  273,  3. 
Batteux  Ch.,  II,  377,  1. 
Baudin  E.,  12  ;  53  ;  818,  8  ;  846. 

—  II,  458. 
Baudrillart  a.,  748,  2.  —  II,  252, 

1  ;  351. 
Baudrillart  H., II,  353, 1  ;  363, 1. 
Bauer  a.,  II,  301  ;  305. 
Baugas  p.,  II,  356,  3. 
Baumann  a.,   133. 
Baumgarten  J.-J.,  II,  377,  1. 
Baunard  L.,  774,  2.  —  II,  293,  3. 
Bautain  M.-L.,  50.  —  II,  37,  1. 
Bax  E.-B.,  II,  652. 
Bax  (Ern.  Belfort),  II,  495. 
Bayard   e.,   II,  414. 
Bayet  a.,  II,  1,  1  ;  144. 
BayetC,  11,377,  1. 
Baylac  j.,  498.  —  II,  12;  144. 
Bazaillas  a.,  349  ;  786,  1. 

Beat  Reiser  P.,  513. 


Beauchal  g.,  II,  417. 
Beaunis    H.-E.,  81  ;  353  ;  479,  1. 
Beaupuy  (G.  de),  II,  572,  2. 
Beaussire  Ém.,  II,  1,  1  ;  101,  2  ; 

107,  1  ;  114,  1  ;  132,  1  ;  155,  1  ; 

208,  1  ;  219,  1  ;  247,  2  ;  249,  1  ; 

267,  2. 
Beauzé,  464,  2. 
Bebel  a.,  II,  208,  1  ;  212,  2. 
Beccaria  g.,  II,  267,  2. 
Béchaux  a.,  II,  187,  1  ;  188,  1  ; 

265,  1  ;  283,  1  ;  360,  2  ;  374. 
Bêcher  Er.,   II,  530  ;  553. 
Becquerel  J.,  II,  531. 
Beetz  K.-O.,  52. 
Bégin,  687,  2. 

Bélanger  A.,  II,  275,  1  ;  287,  1. 
Bellaigue  g.,  II,  414. 
Bellanger  a.,  II,  491. 
Bellanger  R.,  II,  416. 
Bellarmin    (Bienheureux),  II, 

223,  1  ;  225,  4  ;  230,  3  ;  288  3  ; 

290,  3  ;  335,  1  ;  343,  2  ;  347. 
Bellon  m.,  II,  374. 
Belmond  s.,  II,  654. 

Belot  g.,  II,  1,  1  ;  13  ;  14  ;  1. 

219,  1. 
Benett  W.,  432.  —  II,  208. 
Benoit  XIV,  485,  1. 
Benoist  Gh.,  491,  3.  —  II,  219,  1  ; 

265,  1  ;  267,  1  ;  283,  2  ;  284,  1  ; 

291,  2. 

Berardi  D.,  757,  2.  —  II,  247,  2; 

362. 
Bergmann  j.,  349. 
Bergson    H.,   53  ;   131  ;   196,    1  ; 

211.  —  II,  392,  1;  414;  457; 

506,  4  ;   534  ;  535,  1  ;  553  ;  652. 
Berkeley  H.,  766. 
Berlioz  H.,  II,  408,  4. 
Bernard   Gl.,  597,  3  ;    648,     1  ; 

649,  1  ;  651,  2  ;  656,  2,  6  ;  659, 

4,  5  ;  662,  1  ;  664,  3  ;  669,  1  ; 


700 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


670,  3  ;  687,  2  ;  728,  2.  —  II,  449, 

1  ;  496,  1  ;  525,  1,  2,  3. 
Bernard  P.,  II,  143. 
Bernard-Lavergne,  752,  1. 
Bernés  M.,  752,  1.  —  II,  219,  1. 
Bernheim  h.,  479,  1  ;  485,  1  ;  502. 
Bernies  V.-L.,  347  ;  348.  —  II, 

535,  1  ;  553  ;  652. 
Bernstein,  193. 
Berr  h.,  766  ;  767. 
Bertauld  P.-A.,  589,  1. 
Berthe  a.,  392,  2. 
Berthelot  m.,   613,  2  ;    649,    1. 

—  II,  448,  2  ;  496,  1. 
Berthelot  B.,  II,  531. 
Berthier  G.-F.,  II,  220,  2. 
Berthoud  a.,  II,  513,  3. 
Bertillon  J.,  II,  375,  1. 
Bertrand  Al.,  17  ;  147,  1  ;  414. 
Bertrand  J.,  654, 1.  —  II,  36, 1. 
Besse  Cl.,   II,  417. 
Bessières  a.,  II,  252,  1  ;  310. 
Besson  L.,  II,  335,  1. 
Betocchi  g.,  358,  1. 
Beudant  Ch.,  752,  1.  —  II,  247,  2. 
Beyssens  J.-Th.,  51  ;  513. 

BiANCHi  R.,  496.  —  II,  143. 

BiAVAscHi  G.-B.,  II,  309. 

Bieganski  W.,  765. 

BiLLiA  L.-M.,  574. 

Billot  L.,  II,  226,  1  ;  555. 

Binet  a.,  51  ;  278,  1  ;  284  ;  347 
348  ;  431  ;  439,  4  ;  479,  1  ;  498 
500;  501.  —  II,  114,  1;  416 
535,  1  ;  553. 

Biot  J.-B.,  650,  3. 

Bittremieux  j.,  II,  273,  3  ;  309. 

Blackie  (Stuart  j.),  412,   1,  — 

II,  153,  1. 
Blainville  h. -M.,  687,  2. 
Blanc  Ch.,  11,377,  1  ;  411,2. 


Blanc    El.,  xxvii,  4  ;  12   ;   17  ; 

512  ;  768,  1.  —  II,  2  ;  363,  1  ; 

457  ;  496,  1  ;  535,  1  ;  555. 
Blanc  H.,  II,  187,  1  ;  353,  2. 
Blanchard   E.,   130;  687,  2.  — 

II,  496,  1  ;  612,  1. 
Blanche  A.,  836. 
Blanchet  L.,  774,  3. 
Blaringhem  L.,  II,  655. 
Blaserna  p.,  II,  408,  4  ;  414. 
Blic  (J.  de),  II,  147. 
Block  m.,  II,  352,  1  ;  374. 
Blondeau  C,  II,  458. 
Blondel  h.,  768,  1.  —  II,  490. 
Blondel  m.,  II,  151. 
Blum  Eug.,  II,  294,  2. 
Bluntschli    J.-G.,    II,    219,    1  ; 

247,  2. 

Bodeux  m.,  II,  358,  1. 

BODLEY      (J.-E.      CoURTENAY),    II. 

348,  1. 
BoÈcE,  II,  578,  1. 
Boedder  B.,  13.  —  II,  535,  1  ;  554. 
Bœhm-Bawerk  (Eug.    von),    II. 

356,  3. 
Bœhmer  J.-H.,  II,  223,  1. 
Bœhmert  V.,  II,  358,  1. 
Boex-Borel,  II,  531. 
Bohn  g.,  349  ;  499  ;  501.  —  II,  534. 
BoiLLEY  P.,  II,  188,  3  ;  265,  1. 
BoiRAC  ÉM.,  12  ;  53  ;  320,  1  ;  499  ; 

501;  508,  1.  —  II,  134,  2;  497, 

1  ;  500,  1  ;  502,  3. 
BoissARD  A.,  II,  353,  2. 
Boitel  j.,  II,  240,  4. 
BoLGENi,  II,  172,  a. 
Bolliger  a.,  430. 
BoNALD  (L.  DE),  II,  219,  1  ;  543,  1. 
Bonaventure  (Saint),  xxx,  1. 
BoNcouR  P.,  495  ;  500. 
Hondue  m.,  II,  358,  1. 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


701 


BONJEAN  G.,  II,  216,  3. 
iBoNNECASE   J.,   II,   146. 

BoNNEGENT  G.,  790,  1  ;  846. 

BONNETTY  A.,  442,  5. 

BoNNiER  G.,  II,  623,  1. 

BONNIER  p.,  131. 

BoNNioT  (J.  de),  61,  1  ;  105,  1 
127,  1  ;  128,  1  ;  130  ;  466,  1 
478,  1  ;  479,  1  ;  485,  3;  486,  3 
488,  1  ;  493,  2  ;  728,  1  ;  739,  2 
—  II,  31,  2  ;  72,  2  ;  130  ;  267,  2 
535,  1  ;  552,  1,  2  ;  612,  1  ;  641, 
2,  3  ;  644,  1,  2,  3. 

BoNucci  A.,  II,  13  ;  493. 

BooDiN  (J.  Etof,)  II,  494. 

BooLE  G.,  566,  3. 

Bopp  F.,  464,  1. 

BoREL  ÉM.,  765.  —  II,  494  ;  534. 

BoRET  V.,  II,  198,  2. 

Bos  G.,  346. 

BOSANQUET  B.,  II,  417. 

Bosc  F.,  II,  532. 

Bossu  L.,  II,  535,  1. 

BossuET  J.-B.,  236,  1  ;  240,  2 
250,  1  ;  252,  2  ;  253,  1  ;  256,  1 
263;  278,  1  ;  281,  2  ;  321, 1  ;  324 

2  ;  344,  1  ;  345,  1  ;  359,  2  ;  364 

3  ;  369,  2  ;  466,  1  ;  471,  2,  3 
472,  1;  493,  1  ;  511  ;  515,  1  ;  521 
1  ;  527,  1  ;  529,  1  ;  531,  1  ;  749 

4  ;  769,  2  ;  770,  3  ;  779,  1  ;  797 
1  ;  804,  1.  —  II,  223,  1  ;  229,  2 
275,  3  ;  386,  2  ;  413,  2  ;  461,  1 
535,  1  ;  543,  1  ;  544,  1  ;  548,  2 
554  ;  557,  1  ;  567,  2  ;  574,  1 
576,  2. 

BouAssE  H.,  766.  —  II,  532. 
BoucAUD,  Gh.  II,  303. 
Boucher  M.,  II,  530. 
BoucTOT  J.-G.,  II,  199,  2. 
BouGLÉ  G.,  757,  2.  —  II,  70,  4  ; 

151  ;  240,  4  ;  302  ;  304  ;  310. 
BouiLLiER  Fr.,  81.  —  II,  1,  1  ;  15, 


1  ;  16,  1  ;  152  ;  153,  1  ;  172,  3  ; 
327,  2  ;  496,  1  ;  555. 

BouLAY  N.,  II,  535,  1. 
Boule  L.,  500;  502. 
Bourdaloue  L.,  470,  1.  —  II,  217, 

2  ;  263,  5. 

Bourdeau  j.,  133.  —  II,  199,  2  ; 

301. 
Bourdeau   (L.),  584  ;  734,   1.  — 

II,  496,  1  ;  530. 
BOURDEL  Ch.,  763. 
Bourdon  B.,  133  ;  193  ;  346  ;  438, 

1  ;  460,  4  ;  777,  1.  —  II,  654. 
BouRGAiN  L.,  II,  334, 1.  340,  1. 
Bourgeois   L.,    II,    70,    4  ;    143  ; 

146  ;  328. 
BouRGuiN  M.,  II,  302  ;  374. 
BoussiNESQ  V.-J.,  629,   1. 
BouTARD  Gh.,  815,  5. 
BouTARic  Edg.,  743,  2. 
BouTMY  ÉM.,  496  ;  749,  2. 
BouTROUx    Ém.,  XXXI,   2  ;  274, 1 

2  ;  294,  1  ;  349  ;  486,  4  ;  649,  1 
654,  1  ;  682,  1  ;  766  ;  827,  2 
836.  —  II,  38,  2,  4  ;  73,  4  ;  92,  1 
96,  1  ;  124,  1  ;  458  ;  493  ;  531 
652  ;  653. 

BouTROUx  (P.),  767. 
BouTY  Éd.,  765. 
Bouvier  E.-L.,  502. 
BouYSsoNiE  A.,  297  ;  349.  —  II, 

653. 
BovET  P.,  350  ;  431.  —  II,  146. 
BoYCE  W.-R.,  513. 
BoYER  Ch.,  312,  1.  —  II,  452,  2. 
BoYER  J.,  644. 

BoYLESVE  (Marin  de),  413,  1. 
BozzANO  E.,  503. 

Bracke,  II,  262,  2,  3. 
Braeunig  K.,  II,  530. 
Braid  j.,  478,  1. 
Bramwell   (J.   Milne),   497. 


702 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


Brants  V.,  757,  2.  —  II,  362  ;  374. 
Brasseur  A.,  132.  —  II,  199,  2. 
Braunschvig  m.,  430.  —  II,  415. 
Bray  L.,  II,  414. 
Bréal  m.,  260,  2  ;  434,  1  ;  445,  4. 
Bréda  (de),  II,  209,  1. 
Brenier  de  Montmoran  m.,  497  ; 

498  ;  503. 
Brett  G.-S.,  53. 
Brice  h.,  II,  217,  3. 
Briot  a.,  II,  531  ;  652  ;  653. 
Brochard  V.,  257,  2;  565,  1  ;  794, 

1.-11,422,  1;425,  2. 
Broglie  (A.  de),  743,  3. 
Broglie  (P.  de),  369,  2  ;  649,  1  ; 

—  II,  8,  1  ;  267,  2  ;  457  ;  555  ; 
565,  1  ;  566,  1  ;  651. 

Brosnan  G.-J.,  II,  655. 
Brucke  E.,  II,  376,  1  ;  413,  1. 
Brucker  J.,  II,  36,  1. 
Brunet  R.,  II,  145  ;  307. 
Bruneteau  Ém.,  II,  145. 
Brunetière  F.,  491,  6,  7  ;  751,  2  ; 
786,  1;833,  1,  2,  3,  4,  5  ;  834,  1. 

—  II,  70,  4  ;  72,  1  ;  75,  1  ;  252, 
1  ;  368,  1,  2,  3  ;  404,  1. 

Brunhes  B.,  II,  531  ;  532. 
Bruniies  j.,  II,  307. 
Brunot  Ch.,  II,  70,  4. 
Brunot     F..    456,     1  ;    464,     1  ; 

719,  1. 
Brunschvicg  L.,  51  ;  284  ;  350  ; 

352  ;  529,  1  ;  766.  —  II,  146  ; 

458  ;  655. 


BucKLE,  753,  4. 

BiicHNER  L.,  II,  496,  1  ;  535,  1. 

BuENO  A.,  II,  555. 

BuFFiER  G.,  288,  1  ;  370,  1  ;  396, 1. 

Bulliat  g.,  12. 

bulliot  j.,  162,  1. 

Bunsen  (C.-C.-J.  de),  749,  4. 


Bureau  P.,  II,  147  ;  199,  1  ;  302  ; 
309  ;  361. 

BURGRAFF,    464,    2. 
BURLAMAQUI   J.-J.,   II,   223,   1. 

BuRNiCHON  J.,  II,  252,  1  ;  287,  1. 
BuRY  J.-B.,  II,  330. 
Busse  L.,  II,  553. 
BuTEL  F.,  II,  338,  1. 


Cabanis  G.,  466,  1. 

Cabiati,  II,  329. 

Cahour  a.,  II,  412,  3. 

Caird  E.,  II,  430,  2. 

Calderwood  h.,  17. 

Calinon,  631,  1. 

Calippe  Ch.,  II,  307. 

Calmes  Th.,  II,  188,  3. 

Calo  g.,  II,  13  ;  145. 

Candolle  (A.  de),  693,  3. 

Canella  g.,  845. 

Cantecor  g.,  II,  13  ;  160. 

Carbonnelle  Ign.,  II,  555. 

Cardaillac  (J.-J.  de),  240,  2. 

Carle  g.,  II,  143. 

Carlo  (Eug.  di),  II,  308. 

Caro  (Elme),  466,  1  ;  589,  1  ;  649, 
1  ;  687,  1,  2  ;  752,  1  ;  755,  1 
782,  1.  —  II,  8,  1  ;  24,  1  ;  53,  2 
58,  3  ;  114,  1  ;  132,  1  ;  219,  1 
267,  2;  457;  535,  1;  555 
576,  2. 

Carra  de  Vaux,  565,  1. 

Carrara  B.,  644. 

Carrau  L.,  124,  3  ;  130.  —  II,  2'i 
1  ;  51,  2  ;  58,  3. 

Carreno   P.-M.,   II,   145. 

Cartault  a.,  133. 

Cartier  E.,  11,377,  1. 

Carus  p.,  II,  652. 

Carveth-Read,  II,  13. 

Casotti  m.,  767. 


INDEX    DES    AUTEURS   CITES 


70^ 


Cassagne  a.,  II,  410,  3. 
Cassirer  Ern.,  II,  493. 
Castelein  a.,  13  ;  51  ;  501  ;  512 

752,    1.   ~   II,    12;    14;    151 

199,  2  ;  219,  1  ;  232,  2  ;  260,  1 

302  ;  308  ;  535. 
Gastex  g.,  81  ;  132. 
Cathrein  V.,  13.  —  II,  1,  1  ;  12  ; 

13  ;  14  ;  28,  5  ;  70,  1  ;  146  ;  188, 

3  ;  199,  2  ;  201,  1  ;  311,  3  ;  322, 

2  ;  356  ,  3  ;  564,  2. 
Gauchy  A.-L.,  II,  509,  2  ;  558,  2. 
Gauvière  J.,  II,  208,  1  ;  210,  1. 
Gauwès  p.,   II,  247,  2;  264,  2; 

265,  1  :  352,  1  ;  360,  2. 
Gavagnis  F.,  II,  151  ;  304  ;  334,  1. 
Gavallera  F.,  II,  225,  3. 
Gaviglione  g.,  II,  143. 

Gellier  F.,  II,  494. 
Gellérier  L.,  431. 
Gepeda  (R.  de),  II,  188,  3  ;  219, 
1  ;  223,  1  ;  226,  3  ;  232,  2  ;  247,  2. 
Cestre  Gh.,  II,  310. 
Gevolani  g.,  573  ;  574. 

Ghabin  p.,  312  ;  316,  4  ;  680,  2. 

—  II,  151  ;  568,  1. 
Ghabot  Gh.,  II,  151. 
Chaignet  A.-E.,  438,  1.  —  II,  377, 

1  ;  410,  3. 
Ghamberlain  (Houston  Stewart) 

II,  409,  3. 
Ghambrun  (Aldebert  de),  752,  1. 
Ghampagny  (Fr.  de),  II,  176,  3  ; 

207,  2  ;  337,  1. 
Ghampdevaux,  II,  85,  2. 
Ghantavoine  h.,  II,  351. 
GiiAPON  H.-L.,  II,  329. 
Gharaux,  G.-G.,  347.  —  II,  651. 
Ghardon  h.,  11,310. 
Charles  Ém.,  13  ;  50  ;  75,  1  ;  714, 

1.  — II,  16,  1  ;363,  1  ;  535,  1. 


Gharles  p.,  348  ;  836.  —  II,  495. 
Gharlton  Bastian  h.,  466,  1.  — 

II,  652. 
Gharma  a.,  438,   1. 
Gharmone  J.,  II,  305. 
Gharmont  j.,  II,  145. 
Gharousset  a.,  348. 
Charpentier  T.-V.,  603, 1  ;  775,  2. 
Ghasles  m.,  631,  1. 
Ghastel  M.-A.,  818,  7. 
Chateaubriand  (Fr.-R.  de),  91, 1. 
Ghatterton-Hill  g.,   II,  304. 
Chauffard  E.,  II,  496,  1. 
Ghavigny  R.,  352. 
Ghenon  E.,  II,  310;  362. 
Gherbulliez  V.,  II,  377,  1, 
Chesnel  Fr.,  II,  334,  1  ;  348,  1. 
Chevallier  E.,  II,  358,  1. 
Gheysson  e.,  755,  2.  —  II,  311,  1. 
Chiaudano  j.,  II,  273,  3. 
Chide  a.,  836. 
ChiesaL.,  11,529. 
Chinchole  L.,  II,  655. 
Chipiez  Gh.,  II,  393. 
Chollet  J.-A.,  495;  499.  —  II, 

93,  1  ;  252,  1  ;  458. 
GiiossAT  M.,  II,  271,  1  ;  273,  3  ; 

308  ;  565,  2  ;  654. 
Chovet  F.,  349  ;  765. 
Chrétien  R.,  131. 
Ghristiansen  Br.,  II,  416. 

CicÉRON,  122,  2  ;  215,  1  ;  734,  2  — 
II,  1,  1  ;  39,  1  ;  46,  1  ;  50,  2  ; 
77,  4  ;  89,  3  ;  93,  2  ;  94,  2  ;  129, 
3;  162,  1;  163,  1;  311,  2;  425, 
1;  551,  4;  554;  564,  1. 

Gilleul  (A.  des),  II,  304. 

Cimbali  g.,  714,  1  ;  757,  2. 

Clair  Gh.,  II,  377,  1. 
Claparède  Ed.,  211;  346;  350; 

498  ;  501. 
Clarke  r.,  16  ;  512  ;  513. 


704 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


Clarke  s.,  il  331,  2  ;  554  ;  557, 

2. 
Clay  Ed.-R.,  II,  153,  1. 
Clément  P.,  II,  355,  2  ;  374. 

CocHiN  A.,  II,  176,  3  ;  181,  1. 
GocHiN  D.,  177,  1  ;  194.  —  II, 

458  ;  496,  1  ;  612,  1. 
GocoNNiER  M. -Th.,  479,  1.  —  II, 

535. 
CoEN  A.-M.,  II,  418. 

COFFEY  P.,  513. 

Cohen  H.,  512. 
COHN  J.,  II,  414. 
Colegrove  F.-W.,  347. 
Colin  H.,  11,653. 

COLMANT  Pr.,  II,  495. 
CoLozzA,  235  ;  653,  4. 
Colsenet,  145,  2. 
CoLsoN  C,  II,  361. 
CoMBARiEU  J.,  II,  409,  3  ;  416. 
Combes  de  Lestrade,  II,  328. 
CoMPAYRÉ  G.,  491,  1  ;  499.  —  II, 

252,  1. 
Comte  A.,  753,  1.  —  II,  219,  1  ; 

316,  3. 
Gondillac  (Et.  Bonnot  de),  263  ; 

506  ;  511  ;  631, 1. 
Gondorcet  (A.-N.  de),  II,  327,  2. 
Constantin  A.,  II,  304. 
Conta  B.,  II,  458. 
Contento  Aldo,  II,  358,  1. 
CoNTi  A.,  11,414. 
CooK  W.,  II,  353,  2. 
Coquelin  Ch.,  II,  355,  4. 
Coquille  A.,  II,  40,  4  ;  247,  2. 
Cornejo  M.-H.,  II,  307. 
COSENTINI  F.,  II,  329. 
GossA  L.,  II,  352,  1  ;  362. 
GosTA-RossETTi  J.,  II,  1, 1  ;  223,1. 
GosTE  A.,  752,  1.  —  II,  151  ;  301. 
GôuAiLHAC  M.,  390,  2. 
GouBERTiN  (P.   de),  49J,  5. 


Coude  P.-J.,  II,  146. 
Goulet  P.,  II,  310;  330. 
Gourcelle-Seneuil  J.-G.,  757,  2. 

—  II,  294,  2. 

CouRNOT  A.-A.,  522,  1  ;  626,   1  ; 

655,  1  ;  693,  2  ;  702,  2  ;  734,  3  ; 

768,  1  ;  775,  2.  —  II,  352,  1. 
Cousin  V.,  265,  2  ;  362,  1  ;  843,  2. 

—  11,46,  1;  77,2  ;81,1;  134,  3: 
161,  2  ;  165,  1  ;  331,  2  ;  377,  1  ; 
387,  1  ;  551,  3. 

GouTURAT  L.,  462,  2  ;  496  ;  498  ; 
499;  501  ;  566,  1,  2;  573  ;' 631, 
1  ;  764.  —  II,  496,  1. 

Crahay  E.,  II,  224,  1. 
Craig  j.,  745,  2. 
Cramaussel  e.,  499. 
Crawley  A.-E.,  II,  553. 
Cremieu  L.,  II,  159. 
Grépieux-Jamin  j.,  432. 
Cresson  A.,   II,  96,   1  ;   101,   1  ; 

492  ;  494. 
Gréteur  s.,  II,  654. 
Croce  B.,  573.  —  II,  13  ;  301  ; 

393  ;  404,  1  ;  414  ;  416. 
Groiset  a.,  II,  73,  1  ;  143  ;  240, 

4  ;  303  ;  306. 
Crouzaz  J.-P.,  II,  458. 
Grouzel  a.,  II,  360,  2. 

CucHE  P.,  II,  146  ;  309. 
GUDWORTH  R.,  II,  545,  1. 
CuENOT  L.,  II,  654. 

CUMBERLAND    R.,  II,  37,   1. 

CuRTius  Ern.,  460,  4. 
GuviER  G.,  687,  2  ;  691,  1,  2. 
GuYER  Ed.,  II,  414, 

Gyon  (El.  de),  132  ;  349  ;  351  ; 
767.  —  II,  654. 

D 

Dagnan-Bouveret  j.,  502. 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


705 


Dagneaux  h.,  II,  458. 

Dahmen  Th.,  II,  392  ;  415. 

Dallemagne,  II,  130. 

DalmAu  y  Gratacôs  Fr.,  13  ;  513. 

DametzH.,  11,363,  1. 

Daniel  Gh.,  11,78,  1  ;  209,  1. 

Dannemann  E-.,  763. 

Darbon  a.,  II,  493. 

DarbonM.,  11,654. 

Darlu  a.,  131.  —  II,  1,  1  ;  66,  3  ; 

70,  4  ;  73,  3  ;  75,  2. 
Darmesteter  a.,  438,  1  ;  449,  3  ; 

456,  1  ;  711,  3. 
Darwin  Ch.,  416,  1  ;  687,  2.  —  II, 

612,  1. 
Dastre  a.,  581,  4  ;  646,  1.  —  II, 

496,  1  ;  530. 
Datin  Fr.,  II,  261,  3. 
Dattino  g.,  349. 
Daudet  L.,  352. 
Daulny  p.,  II,  362. 
Daunou  P.-Ch.,  734,  3  ;  741,  2. 
Dauriac  L.,  13  ;  52  ;  573  ;  575 

768,  1  ;  786,  1.  —  II,  409,  3 

413  ;  415  ;  438,  2  ;  439,  1  ;  457 

458  ;  490. 
Dauzat  a.,  500.  —  II,  417. 
Dauzat  m.,  767. 
David-Sauvageot  a.,  II,  393. 
Davidson,  521,  1  ;  690,  1. 
Davy  g.,  II,  60,  2  ;  310. 
Dawson,  II,  201,  1.  . 

De  Backer  St.,  12.  —  II,  494  ; 

496,  1. 
Decharme  p.,  248,  1. 
De  Decker  J.-V.,  II,  334,  1  ;  351  ; 

640,  1. 
Dédé  E.,  11,374. 
Dedieu  J.,  II,  266,  1. 
Defourny  m.,  432.  —  II,  308. 
Deherme  g.,  II,  309. 


Dehove  h.,  348  ;  845.  —  II,  393  ; 

492. 
Delacre  m.,  II,  533. 
Delacroix  H.,  497  ;  499  ;  502. 
Delage  y.,  352.  —  II,  496,  1  ; 

612,  1  ;  613,  1  ;  621,  2  ;  653. 
Delaire  Al.,  II,  352,  1. 
Delaporte  V.,  II,  377,  1. 
Delassus  h.,  II,  307. 
Délaye  E.,  II,  533. 
Delbet  p.,  766. 
Delbœuf  J.-R.-L.,  567,  5  ;  631,  1  ; 

635,  1. 
Delbos  V.,  11,96,  1  ;  101,  1  ;  417  ; 

430,  2  ;  492. 
Delbrûck  B.,  464,1 
Delemer  a.,  II,  310. 
Del  Mar  A.,  II,  355,  4. 
Delmas  Ch.,  II,  457. 
Delsol  e.,  631,  1. 
Delvincourt  a.,  II,  130. 
Delvolvé  J.,  II,  13  ;  145. 
Demogue  R.,  II,  145  ;  307. 
Demolins  Ed.,  491,  7  ;  754,  2.  — 

II,  199,  2  ;  303. 
De  Munnynck  M.-P.,  352.  —  II, 

496,  1. 
Deneus,  II,  198,  1. 
Denis  H.,  II,  277, 1. 
Denys  (Saint),  II,  396,  1. 
Deploige  s.,  II,  13  ;  60,  4  ;  69,  2, 

4,  5  ;  70,  2  ;  145  ;  303  ;  307. 
De  San  L.,  II,  496,  1  ;  555. 
Descartes  R.,  xxix,  1  ;  263  ;  339, 

2  ;  466,  1  ;  631,  1  ;  642,  2  ;  763, 

1  ;  794,  1.  -  II,  125,  1  ;  424,  2  ; 

496,   1  ;  544,  3  ;  554  ;  572,  1  ; 

580,  2  ;  636,  1. 
Deschamps  Alb.,  503. 
Deschamps  G.,  II,  240,  4. 
Deschamps  L.,  II,  302. 
Descoqs  P.,  II,  495  ;  513,  3  ;  514, 

1  ;  515,  2,  3,  4  ;  533. 


706 


INDEX    DES    AUTEURS   CITES 


Desdouits  Th.,  768,  1.  —  II,  96, 

1  ;  130  ;  430,  2. 
Desjardins  A.,  II,  194,  3  ;  265, 

1  ;  291,  2. 
Despine,  477,  1.  —  II,  70,  4. 
Dessoir  M.,  II,  415. 
Dessoulavy  C,  II,  651. 
Destutt  de  Tracy  A.-L.-C,  439, 

4.  —  II,  133,  1. 
Devas  C.-S.,  752,  1.  —  II,  208,  1  ; 

327,  2  ;  352,  1. 
Deville,  II,  356,  1. 
Devinât  E.,  II,  259,  4. 
DevivierW.,  II,  643, 1. 
Dewey  J.,  512.  —  II,  13. 
De  Wulf  m.,  xxiii,  1  ;  16.  —  II, 

188,  3  ;  377,  1  ;  416  ;  418. 

DicKiNSON  Z.-C,  II,  362. 
Didiot  J.,  11,377,  1,;490. 
Dierckx,  II,  612,1. 

DiLTHEY   W.,    13. 

Diogène  Laërce,  II,  50,  2  ;  94,  2. 
Dittrich  0.,  497. 

DOMET     DE     VoRGES     Ed.-Ch.-E., 

162,  1  ;  194  ;  297  ;  324,  2  ;  347  ; 

571,  2  ;  763,  1  ;  777,  1.  —  II, 

458  ;  491  ;  651. 
DoNAT  J.,  II,  14  ;  147  ;  216,  1  ; 

322,  2. 
Donnât  L.,  752,  1. 
DoNoso  GoRTÈs  J.-Fr.,  II,  199,  2  ; 

292,  3. 
DoRLODOT   (H.    de),    II,   622,    1  ; 

626,  1  ;  655. 
DoRNER  A.,  II,  159  ;  651. 
DOUGALL  W.-M.,  II,  306. 
Douglas  (Fawcett  Edw.),  II,  533. 
DOUHÈRET,  II,  458. 

Draghicesco  D.,  II,  304. 
Drever  j.,  431. 


Dreyer  h.,  II,  491. 
Driault  E.,  752,  1. 
Driesch  h.,  II,  530  ;  534  ;  653. 
Dromard  g.,  133  ;  348  ;  351.  — 
II,  416. 

duballet,  ii,  310. 
Dubois,  497. 
Dubois  M.,  734,  3. 
DuBOSQ  Th.,  176,  1. 
DUBRAY  Gh.-A.,  II,  553. 
DuBUC  P.,  763,  1. 
Du  Camp  M.,  II,  163,  3. 
DucLAux  J.,  766.  —  II,  496,  1. 
DucLOS  Ch.,  II,  406,  1. 

DUFUMIER  H.,  513. 

DuGAS  L.,  131  ;  133  ;  211  ;  235  ; 

347  ;  352  ;  353  ;  430  ;  431  ;  438, 

1  ;  473,  1  ;  501.  —  II,  1,  1  ;  392, 

1  ;  414. 
DUGGAN  S.-P.,  II,  329. 
DuGuiT  L.,  II,  152  ;  305. 
Duhamel  J.-M.-C,  631,  1  ;  637,  2. 
DuHEM  P.,  644  ;  649,  1  ;  764  ;  765  ; 

766  ;  827,  2.  —  II,  496,  1  ;  530  ; 

532. 
DuiLHÉ  DE  Saint-Projet  Fr.,  II, 

555  ;  612,  1. 
Dujardin-Beaumetz  g.,  483,  1. 
Du  Lac  St.,  411,  2.  —  II,  412,  2. 
Du  Maroussem  p.,  752,  1. 
Dumas  G.,  81  ;  131  ;  132  ;  466,  1  ; 

488,  4  ;  497. 
Dumas  J.-B.,  649, 1,  2.  —  II,  376,2. 
DuMESNiL  G.,  13.  —  II,  413  ;  414  ; 

535,  1  ;  553. 

DUMMERMUTH  F.-A.-M.,  380,   1. 

DuMONT  L.,  62,  2  ;  81  ;  416,  1.  — 

II,  392,  1. 
DuMONT  DE  Genève,  II,  51,  2. 
DuNAN  Gh.,  13  ;  347.  —  II,  145  ; 

459  ;  493  ;  496,  1  ;  505,  1. 
DuNOYER  Gh.,  II,  187,  1  ;  353,  1. 


INDEX    DES    AUTEURS   CITES 


707 


DuPANLoup  F.,  413, 1. 

Du  Plessis  de  Grenedan  J.,  II, 

216,  3. 
DupoN  P.,  13. 
Dupont  E.,  II,  534. 
Dupont-White  Ch.-B.,  II,  265,  1. 
DupouY  M.,  500. 
DupRAT  G.-L.,  432  ;  466, 1  ;  479, 1  ; 

489,  1;  496;  795,  3.  —11,218; 

304  ;  309. 
DupRÉ  Ern.,  349. 
DupRÉEL  E.,  573.  —  II,  307  ;  492. 
DupuisCh.,  11,318, 1;  330. 
DupuY  P.,  624,  1  ;  763.  —  II,  12  ; 

458  ;  491. 

DUQUESNOY,    194. 

Durand  E.,  340,  2.  —  II,  482,  3  ; 

603,  1. 
Durand  L.,  II,  355,  4. 
Durand  de  Gros  J.-P.,  II,  143  ; 

410,  2. 
DuRKHEiM  ÉM.,  752,  1  ;  757,  2  ; 

766.  —  II,  156,  1  ;  301  ;  304  ; 

307  ;  310  ;  447,  2. 
Du  RoussAux  L.,,  II,  13. 
Durr  h.,  II,  493. 
DussAuzE  H.,  II,  416. 
DuToiT  Gh.,  II,  534. 
DuTHoiT  Eue,  II,  146;  283,  2; 

285,  1  ;  306  ;  329. 
DuvAL  Fr.,  II,  315,  2. 
DuvAL  M.,  II,  612,  1. 

DwELSHAuvERS  G.,  349  ;  350. 

Erbinghaus  h.,  51  ;  52. 

Eddington  A.-S.,  II,  533. 
Edgewortii,  752,  1. 

Egger  Ém.,  491,  1. 


Egger  V.,  347  ;  416,  1  ;  437,  1  ; 
443,  3  ;  451,  3  ;  464,  1.  —  II,  12. 

EichnerL.,  11,330. 

Eichthal  (E.  d'),  352.  —  II,  70, 

4  ;  199,  2  ;  240,  4  ;  301  ;  360,  2  ; 

361. 
Einstein  Alb.,  II,  506,  4. 
Eisler  R.,  17.  —  II,  143  ;  553  ; 

653. 

Elbe  L.,  II,  553. 
Ellis  (Havelock),  497. 
Ely  R.-T.,  II,  199,  2  ;  374. 

Engelmann  W.,  II,  414. 
Engels  F.,  II,  188,  3  ;  223,  1. 
Enriques  F.,  765  ;  766.  —  II,  491. 

Epictète,  II,  153,  1. 

Erdmann  B.,  513. 

EspiNAS  A.,  130.  —  II,  352, 1  ;  362. 
EsQuiROL  J.-E.,  488,  2. 

EucKEN  R.,  XXIII,  1.  —  II,  653. 
Euler  L.,  557,  1.  —  II,  332,  2. 

EvELLiN  F.,  II,  492. 

Eymieu  a.,  430  ;  432  ;  501  ;  767  ; 
829,  1.— II,  147;  159;  270,  2; 
655. 


F 


Fabre  J.-H.,  105, 1  ;  110, 1  ;  493, 2. 

Fabre  L.,  II,  307. 

Fabre  Lucien,  II,  506,  4  ;  533. 

Fabreguettes  L.,  II,  219,  1. 

Faggi  a.,  51. 

Fagniez  g.,  II,  374. 


708 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


Faguet  Ém.,  II,  13  ;  207  ;  256  ,  3  ; 

258,  1  ;  305. 
Faivre,  II,  612,  1. 
Fallon  V.,    II,    278,  2  ;    281,  1  ; 

308  ;  310  ;  359,  2  ;  362. 
Fanciulli  g.,  II,  415. 
Farges  Alb.,  13  ;  27,  1,  2  ;  52  ; 

162,   1  ;   171,   1  ;   176,   1  ;   194  ; 

261,  2  ;  316,  4  ;  372,  5  ;  466,  1  ; 

503;  511;  728,  1  ;  836  ;  845.  — 

II,    143  ;    430,    2  ;    457  ;    459  ; 

492  ;  493  ;  496  ;  1  ;  503,  2  ;  504, 

1  ;  513,  3  ;  555  ;  576,  2  ;  612,  1. 
Farget,  II,  261,  1. 

Faria,  498. 

Farias  Brito  (R.  de),  II,  143. 
Fauconnet  p.,  II,  309. 
Fawcett  D.,  II,  495. 
Fawcett  h.,  II,  358,  1. 
Faye  H.,655,  1. 

Feder  Alf.,  767. 

Fehr  h.,  765. 

Félix  J.,  II,  199,  2  ;  208, 1  ;  327, 

2  ;  351  ;  363,  1  ;  377,  1. 
Félix  P.,  II,  304. 

Fénelon  (Fr.  de  Salignac  de  La 
Mothe),  11,331,  2;554;576,  2; 
579,  1  ;  582,  1  ;  601,  1. 

FÉRÉ  Gh.,  64,  1  ;  81  ;  131  ;  479,  1  ; 
496. 

Ferrand  a.,  473,  1. 

Ferraz  m.,  774,  3.  —  II,  1,  1  ;  28, 

1  ;  77,  3  ;  152  ;  199,  2. 
Ferrero  g.,  235. 
Ferretti  a.,  II,  1,  1  ;  223,  1. 
Ferri  E.,   495.   —   II,  303  ;  410, 

2  ;  416. 

Ferri  L.,  211  ;  219,  1. 
Ferrière  E.,  II,  496,  1  ;  555. 


Feuchtersleben  (E.  de),  II,  159. 
Feuillet  0.,  II,  85,  1. 
Feydeau  (Fr.  de),  II,  218. 

FiDAo  J.-E.,  II,  239,  2  ;  302. 
Field  G.-G.,  II,  14. 
Fierens-Gevaert    h.,   81  ;    132  ; 

495.  —  II,  413  ;  414. 
Finot  J.,  495.  —  II,  303. 
Fischer  (Kuno),  672,  4. 

Flamérion  a.,  800,  1. 

Fleischmann  Alb.,  II,  612,  1. 

Fleming  W.,  17. 

Fleury  (M.  de),  430;  496;  498. 

Flint  R.,  II,  651. 

Flourens  P.-J.-M.,  130;  493,  2. 

Flournoy  Th.,  53  ;  502.  —  II,  494. 

Foerster  F.-W.,  431. 

FoLCHi  A.,  II,  305. 

Folghera  J.-D.,  565,  1  ;  765. 

FoNSECA  (P.  de),  511. 

Fonsegrive  g.,  XXIII,  3  ;  xxvii, 
3;  xxx,  2;  l4  ;  50;  210,  2 
228,  2  ;  233,  1  ;  297  ;  324,  2 
349;  369,  2;  386,  2;  389,  2 
586,  2;  609,  1;  670,  2;  671,  "2 
3  ;  672,  2,  4  ;  682,  1  ;  704,  1 
845.  —  II,  14;  70,  4  ;  73,  2 
93,  1  ;  114,  1  ;  152  ;  172,  3 
210,  1  ;  218  ;  239,  2  ;  267,  2 
285,  2  ;  305  ;  493  ;  535,  1. 

Fontaine  A.,  760,  1.   —   II,  393 
414. 

Fontaine  J.,  II,  307  ;  335,  1. 

Fontaine  de  Resbecq  (Ed.  de), 
II,  261,  1. 

Forbes  j.,  749,  4.  —  II,  114,  1  ; 

;'.63,  1. 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


700 


Foucault  M.,  131  ;  133  ;  350  ;  352  ; 
473;  1;  498;  728,  1. 

fougerousse  a.,  ii,  217,  3. 

Fouillée  Alfr.,  131  ;  211, 1  ;  233, 
1;  257,  2;  264;  310,  2;  348 
392,  3;  405,  1;  429;  472,  2 
491,  6,  7;  495;  496;  723,  1 
752,  1  ;  836.  —  II,  1,  1  ;  22 

2  ;  53,  2  ;  58,  3.;  89,  1  ;  96,  1 
132, 1  ;  144;  161,  2;  184, 1;  188 

3  ;  199,  2  ;  219,  1  ;  261,  1  ;  306 
430,  2  ;  458  ;  494  ;  496,  1  ;  497, 

1  ;  532. 
Fourneret    p.,    II,  208. 
Fodrnière  •  E.,    II,  159  ;  199,  2. 
Foville  (A.  DE),  II,  352,  1. 
Fowler    Th.,     583,   1. 

Frachon  Alfr.,  II,  330. 
France  R.-H.,  II,  530. 
Franck  Ad.,  17  ;  777, 1.  —  II,  267, 

2  ;  334,  1. 
Franck    Fr.,    131. 
François  A.,  II,  458. 
Franklin  B.,  656,  4. 
Franzelin  J.-B.,  II,  335,  1  ;  453, 1. 
Frappa  J.,  497. 

Frédéric  le  Grand,  II,  168,  1. 

Frederici,  II,  327,  2. 

Freppel  Ch.-Ém.,  II,  217,  3  ;  351  ; 

372,  1  ;  555. 
Freudenfeld  b.,  749,  4. 
Freycinet   (Ch.-L.   de),   597,   3  ; 

629,  1  ;  644  ;  763. 
Fribourg  E.-E.,  II,  353,  2. 
Frick  C,  13  ;  512  ;  513.  —  II,  549. 
Frins  V.,  380,  2. 
Frœbes  J.,  XXIV,  1  ;  53. 
Frœlich  J.-A.,  431. 
Fromont   du   Bouaille   (G.   de), 

II,  362. 


Fulliquet  g.,  II,  107,  1. 
Funck-Brentano    Th.,    687,    2  ; 

752,  1.  —  II,  247,  2;  352,  1; 

535,  1. 
FusTEL  DE  Goulanges  N.-D.,  491, 

8;  748,  2.  —  II,  188,3;  337,  1. 


O 


Gaborit  p.,  470,  3.  —  II,  377,  1. 

Gaius,  II,  311,  2. 

Galeot  A.-L.,  II,  309. 

Galli  E.,  II,  146. 

Galluppi  p.,  II,  604,  3. 

Gard  air  J.,  14  ;  113,  1  ;  130  ;  347  ; 

348;  466,  1.  —  II,  143  ;  496,  1; 

535,  1  ;  651  ;  652. 
Garnier    Ad.,    36,  2;  50  ;  82, 1  ; 

178,  1  ;  194. —  II,  28,  1  ;  502,  3. 
Garnier   J.,   II,  352,  1  ;  369,  2. 
Garofalo  R.,  491,  2.  —  II,  303. 
Garrigou-Lagrange  r.,  845.  — 

II,  653;  654. 
Garriguet  L.,  II,  305  ;  306. 
Garski,  II,  144. 

Gasc-Desfossés  Éd.,  479,  1  ;  498. 
Gauckler  Ph.,  II,  377,   1. 
Gaudeau  b.,  786,  1.  —  II,  252,  1  ; 

273,  3  ;  303. 
Gaudry  Alb.,  687,  2.  —  II,  612, 

1  ;  615,  1  ;  622,  2. 
Gaultier    P.,    431.  —  II,   144; 

308  ;  393  ;  413  ;  414  ;  415. 
Gaultier  (J.  de),  347.  —  II,  492, 

531. 
Gautier  L.,  II,  316,  1. 
Gay  a.,  II,  85,  2  ;  146. 
Gayraud  h.,  II,  2.39,  2;  275,  1  : 

652. 
Gazeau  L.,  II,  304. 


710 


INDEX    DES    AUTEURS   CITES 


Geley  g.,  145,  2  ;  348  ;  352. 
Gemelli  a.,  52  ;  132  ;  351  ;  503  ; 

767.  —  II,  144;  146;  208,  1; 

417  ;  531  ;  653  ;  654. 
Geny  Fr.,  II,  308. 
Geny  p.,  12,  1  ;  845.  —  II,  494  ; 

515,  1. 
Geoffroy-Saint-Hilaire     Et., 

687,  2. 
George  H.,  II,  200,  2. 
Georges  de  Villefranche  P.,  14. 
Gérando  (J.-M.  de),  434,    1. 
Gérard  J.,  II,  653. 
Gérard-Varet  L.,  771,  4. 
Gerdil  H.-S.,  II,  226,  3. 
Germain  A.,  II,  414. 
Germery  P.-R.,  350. 
Gerson  J.,  II,  290,  2. 
Geyser  J.,  52  ;  513. 

GiARD  Alfr.,  II,  612,  1  ;  651. 
GiBON  A.,  II,  202,  2  ;  360,  2. 
GiBON  F.,  II,  307. 
Gide  Ch.,  757,  2.  —  II,  70,  4; 

201,  2;  202,   1;  206,  1;  310; 

352,  1  ;  355,  1  ;  362. 
Gillet   M.-S.,   431.   —   II,    144; 

146  ;  159  ;  308  ;  310. 
GiLsoN  Et.,  II,  417. 

GiNSBERG  MORRIS,    II,  330. 

Gioberti  V.,  II,  377,  1. 

Gley  E.,  497. 
Glotin  h.,  II,  353,  2. 

GoBLET  d'Alviella  Eug.,  II,  283, 

1. 
GoBLOT  Edm.,  17  ;  351  ;  499  ;  513  ; 

574  ;  584,  1.  —  II,  151  ;  495  ; 

506,  4. 
Godfernaux  a.,  81  ;  132.  —  II, 

143. 
Godts  F.-X.,  II,  252,  1. 


Gœlzer  h.,  464,  2. 
Gœrres  J.-J.,  II,  377,  1. 
GoiRE,  500. 
Goix  A.-T.,  498. 
Goix  A.-T.,  498. 
Goldscheid  R.,  430.  —  II,  491. 
GoNDAL  J.-L.,  II,  641,  3. 
GoNET  J.-B.,  II,  587,  2. 

GONNARD    R.,    II,   362. 

Gonzalez  Carreno  G.,  348. 
Gory,  297. 
GossARD  M.,  II,  533. 
GossELiN  J.-Ed.,  II,  343,  2. 

GOTTSCHICK    D.-J.,    II,    13. 

Goudin  a.,  II,  586,  2. 
Goujon  H.,  II,  415  ;  430,  2. 
GouNOD  Gh.,  II,  409,  3. 
GouNOT  E.,  II,  146  ;  308. 
Gourd  J.-J.,  II,  1,  1  ;  497,  1. 
Go  Y  au  g.,  II,  199,  2  ;  239,  2  ;  261, 
1  ;  301  ;  329  ;  351. 

Gramont-Lesparre  (A.  de),  352. 

—  11,418. 
Grandjean  Fr.,  353. 
Grappali  a.,  II,  144. 
Grasset    J.,   52;    132;   226,    1; 

479,  1  ;  497  ;  498  ;  499  ;  763.  — 

II,  144  ;  305  ;  496,  1  ;  530  ;  531  ; 

533  ;  655. 
Gratacap  a.,  196,  1  ;  211. 
Gratiolet  L.-P.,  437,  2. 
Gratry  a.,  381,  1  ;  412,  1  ;  438, 

1  ;  511  ;  609,  1  ;  642,  2  ;  749,  4. 

—  II,  331,  2  ;  535,  1  ;  555. 
Grave  J.,  II,  188,  3, 

Gréa  A.,  II,  335,  1. 
Gréco  N.,  II,  305. 
Gredt  j.,  14  ;  353. 
Greef  (G.  DE),  752,  1.  —  II,  152  ; 
301  ;  305  ;  306  ;  307  ;  327,  2  ;  361. 
Grégoire  L.,  II,  351. 
Grégoire  V.,  II,  530;  531. 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


711 


Grimaux,  649,  1. 

Griveau  m.,  II,  377,  1  ;  408,  2  ; 

414. 
Groos  K.,  493,  2  ;  496  ;  497. 
Grosse  E.,  II,  414. 
Grotius  h.,  II,  271,  2  ;  311,  1. 
Grurer  h.,  589,  1.  —  II,  81,  2. 
Grunder  h.,  XXIV,  1  ;  53. 

Guastella  C,  II,  458  ;  491  ;  495. 
GuiBERT  J.,  703,  3.  —  II,  159; 

222,  2  ;  555  ;  612,   1  ;  615,  2  ; 

652;  655. 
Guillemot  J.,  II,  416. 
GuiLLOT  Ad.,  373,  1  ;  491,  2.  — 

II,  261,  1. 
GuiRAUD  J.,  II,  214,  1  ;  215,  1,  2  ; 

261,  3  ;  262,  1  ;  263,  2,  3. 
GuizoT  Fr.,  II,  325,  1. 
GuRNEY  Edm.,  488,  1  ;  496  ;  498. 
Gutberlet  g.,  14.  —  II,  531. 
Guy  g.,  734,  3. 

Guy-Grand  G.,  II,  307  ;  308. 
GuYAU  M.-J.,  416,  1.  —  II,  1,  1  ; 

50,  2  ;  144  ;  377,  1  ;  415  ;  505,  1. 


H 


Haan  h.,  13. 
Haas  A.-Er.,  765. 
Habert  0.,  II,  14;  301. 
Hachet-Souplet  p.,  133. 
Hachin,  II,  204,  2. 
Haeckel  Ern.,  II,  496,  1  ;  612,  1. 
Hagemann  g.,  52. 
Halbwachs  m.,  II,  60,  3. 
Halévy  E.,  II,  51,2. 
Halleux  j.,  II,  12  ;  626,  3. 
Hamelin  g.,  348-;  573  ;  674,  1  ; 

752,  1  ;  763.  —  II,  492. 
HamiltonW.,  511  ;641,  1. 
Hamon   a.,    498. 
Hamon    j.,    II,  161,  2. 


Handyside  j.,  767. 

Hannequin  a.,  50.  —  II,  496,  1  ; 

507,   1  ;  600,   1. 
Hanotaux  g.,  685,  1  ;  748,  2.  — 

II,  328;  329. 
Haristoy  j.,  II,  306. 
Harmel  L.,  II,  217,  3. 
Harper  Th.,  II,  459. 
Hartenberg  p.,  131  ;  431  ;  466, 

1  ;  499;  500;  501. 
Hartmann    (Ed.    von),    II,   530; 

555  ;  612,  1. 
Hatzfeld  a.,  456,  1. 
Hausegger  (F.  de),  II,  409,  3. 
Haussonville    (Gabriel    Othe- 

NiN  d'),  II,  163,  3  ;  207,  2  ;  264, 

1,2. 
Hautefeuille  Fr.  (de),  351. 
Hayes  C.-J.-H.,  II,  329. 

Heath  A.-G.,  II,  147;  160;  310. 

Hébert  M.,  836. 

Hegel  G.-W.-Fr.,  II,  377,  1. 

Heineccius  J.-G.,  II,  311,  1. 

Hélot  Ch.,  479,  1. 

Hello  Ern.,  491,3.-11,377,1. 

Hello    H.,    II,  183,  2. 

Helmholtz  (H.  von),  194.  —  II, 

377,  1. 
Hémon  C,  350. 
Hennequin  e.,  623,  1  ;  760,  1.  — 

II,  377,  1  ;  404,  1. 
Henrion  Ch.,  II,  328. 
Henry    R.,    II,  188,  3. 
Henry  V.,  448,  2  ;   456,  1  :   464, 

1  ;  711,  2  ;  719,  1. 
Herbigny  (M.  d'),II  ,  .335,  1. 
Herckenrath  C.-A.-C,  II,  393  ; 

410,  2. 
Herder  J.-G.,  749,  4.  —  Il,  377, 

1  ;  406,  3. 
Hergenrôther  J.,  II,  334,  1. 


712 


INDEX    DES    AUTEURS     CITES 


Hermant  F. -P.,  513. 
Hernandez  y  Fajarnès  a.,  512. 
Hérouville  (P.  d'),  II,  145. 
Herschel  J.,  640,  1  ;  649,  1,  2  ; 

650,  1  ;  670,  1  ;  687,  2. 
Hetherrington,  II,  309. 

Hibben  J.-G.,  512. 
Hilbert,  567,  12. 
HiRN  G.-A.,  II,  555. 
Hirn  (Yrjo),  II,  414. 
Hirth  g.,  II,  413. 
Hitchcock  Cl.-M.,  131. 

Hobhouse  L.-T.,  II,  13  ;  147  ;  330. 

HoBsoN  J.-A.,  II,  301. 

HocKiNG  W.-E.,  574. 

Hœfer  F.,  687,  2. 

Hôffding  h.,  51  ;  349  ;  466,  1.  — 

II,  12  ;  494  ;  652. 
Hoffmann  A.,  II,  144. 
HoGsoN  (H.  Shadworth),  II,  458. 

HOLTZMANN    J.,    II,    144. 

HoMANS  J.,  566,  1. 
HoNôT  L.,  II,  160  ;  308. 
HoNTHEiM  J.,  XXIX,  1  ",  15  ;  566, 

1  ;  573.  —  II,  555. 
HooPERs  Gh.-E.,  351. 
HoussAY  F.,  II,  494. 
HowE,  452,  1. 
HowellG.,  11,353,2. 

Hubert-Valleroux  p.,  II,  353,  2; 

374. 
Huby  J.,  11,565,2. 
HuGON  Ed.,  14  ;  512. 
HuGONiN  F.,  II,  576,  2. 
Huit  Ch.,  347.  —  II,  493  ;  496,  1  ; 

535. 
HuLST  (M.  d'),  XXX,  3-,  14;  118, 

1  ;  369,  2.  —  II,  1,  1  ;  24,  1  ; 

101,2;  114,  1  ;  161,1  ;  166,  1,2; 


1  ;    535,    1  ;    552,    4  ;    576,    2  ; 

631,  1. 
HuMBOLDT(G.  de),  11,247,2. 
Hume  D.,  II,  496,  1. 
HuRREL  (W.-Mallock),  II,  555. 
Huxley  Th.,  II,  612,  1. 
Huygens  Chr.,  653,  1. 


Imitation  de  J.-C,  II,  153,  1. 

Ingegnieros  j.,  II,  651. 
Ingenbleek  j.,  II,  277,  1. 
Ingram  J.-K.,  II,  352,  1. 

Ioteyko  L,  133. 

Ireland  j..  Il,  351. 

Isambert  g.,  II,  303. 

Iturria  g.,  II,  458. 

IZAGA  L.,  II,  310. 

Izoulet  j.,  752,  1.   —  II,  152. 

Izquierdo  A.-G.,  513. 


Jacob  B.,  II,  144;  159. 

Jacques  1er,  n,  230,  1,  2  ;  298,  2 

Jaëll  m.,  350.  —  II,  409,  3. 

Jahn  Fr.,  II,  415. 

Jaloustre  L.,  II,  532. 

James  W.,  50  ;  52  ;  81  ;  131  ;  171 
4  ;  194  ;  211  ;  228,  1  ;  359,  4 
496  ;  820,  3.  —  II,  331,  2  ;  493 

Janet  Paul,  14;  201,  1  ;  217^  1 
260,  3  ;  297  ;  334,  1  ;  405,  4 
466,  1  ;  535,  1  ;  553,  2  ;  565,  1 
584, 1  ;  586,  1,2;  588, 1  ;  589, 1 


INDEX  DES  AUTEURS  CITES 


713 


180,  4  ;  181,  1  ;  183,  2  ;  185,  3  ; 

194,  2  ;  196,  1  ;  197,  1  ;  208,  1  ; 

209,  1  ;  211,  1  ;  216,  2,  4  ;  217, 

2  ;  223,  1  ;  232,  1  ;  246,  3  ;  247, 

2  ;  254,  2  ;  293,  4  ;  294,  1  ;  325, 

1  ;  331,  2  ;  334,  1  ;  343,  1  ;  350, 

1  ;  358,  1,3;  359,  3  ;  457  ;  496, 

672,  4  ;  700,  2  ;  701,  3  ;  752,  1  ; 

786,1  ;815,  5.  —  II,  1,  1;16,  1  ; 

19,  3;  28,  1  ;36,  1  ;  46,  1  ;  48,  1  ; 

91,   1  ;  92,   1  ;   101,  2  ;   106,  2  ; 

114,  1  ;  132,  1  ;  148,  1;  199,  2; 

208, 1  ;  219,  1  ;  457  ;  535  ;  536, 1  ; 

545,  1  ;  555  ;  605,  1  ;  608,  1,  2. 
Janet  Pierre,  152,  1  ;  350  ;  427, 

1  ;  479,  1  ;  495  ;  496  ;  497  ;  500  ; 

501  ;  502. 
JankelevitchS.,11,152;  207;304. 
Janmot  L.,  II,  377,  1. 
Jannet  Cl.,  II,  187,  2;  199,  2; 

208,  1  ;  217,  3  ;  353,  1  ;  356,  1  ; 

360,  1  ;  362. 
Janssens    Ed.,    II,  147. 
Janssens    g.,    II,  438,  2. 
Janvier  M.-A.,  II,  12;  273,  3. 
-Iastrow  J.,  51  ;  348. 
.Jaurès  J.,  194. 
Javary  a.,  777,  1. 
Jay  R.,  II,  265,  1. 

Jèanjacquot     p.,     II,     183,     1  ; 

335,  1. 
Jeanmaire  Ch.,  II,  535. 
Jeannière  R.,  XXIV,  1  ;  176,  1  ; 

821,  5  ;  846. 
Jellinek  g.,  II,  219,  1  ;  294,  2  ; 

302. 
Jerphanion  (G.  de),  566,  1  ;  573. 
Jérusalem  W.,  14  ;  51  ;  573. 
Jespersen  a.,  503. 
J  EvoNS  (W.  Stanley),  566,  4  ;  678, 

1.  —  II,  306;  355,  3. 


JiTTA  J.,  II,  329. 

JoACHiM  H. -H.,  765. 

JoAD  C.-E.-M.,  II,  14. 

JoANNis  (J.  de),  502  ;  653,  2. 

joffroy  j.,  500. 

johannet  r.,  ii,  329. 

Johnson  W.-E.,  513. 

Johnson  (W.  Hallock),  430. 

Jold  Fr.,  52. 

Joly    h.,    130  ;  222,  1  ;  486,  4  ; 

491,  2,  3;  493,  2;  723,  1.  — 

II,  130  ;  202,  2  ;  267,  2  ;  306  ; 

612,  1. 
Joly    R.,    II,  655. 
Joseph  H.-W.-B.,  512. 
JouFFROY  Th.,  32,  1  ;  36,  1  ;  121, 

1  ;  369,  2  ;  397,  1  ;  434,  1  ;  473, 

1  ;  475,  1  ;  752,  1.  —  II,  1,  1  ; 

50,  1  ;  51,  2  ;  81,  4  ;  82,  1  ;  83,  1  ; 

96,  1  ;  106,  3  ;  132,  1  ;  377,  1. 
JouiN  L.,  II,  1,  1  ;  30,  4  ;  166,  1  ; 

219,  1  ;  223,  1;  247,  1  ;  311,  1  ; 

334,  1:  555. 
JouRDAN  A.,  II,  352,  1  ;  374. 
JoussAiN  A.,  II,  13  ;  417. 
Jousset  p.,  II,  535,  1  ;  612,  1  ;  654. 
JouviN  L.,  II,  144. 
Joyau  E.,  II,  50,  2  ;  395,  1  ;  507,  I . 
Joyce  G.-H.,  513. 

JuDD  (C.  Hubbard),  51. 
Juglar  L.,  II,  414. 
Julien    Eug.-L.,    456,  2. 
Julien  St.,  II,  329. 
JuLiN  A.,  755,  2;  767. 

JUNGMANN  J.,  II,  377,  1. 
JUQUELIER,    131. 
JUSTINIEN,  II,  176,'  4. 


TRAITÉ  DE   rillI.osoi'UlP:.  -  T.    I!.-  24 


INDEX   DES    AUTEURS   CITES 


Kant    Im.,    298  ;  511  ;  711,  4.  — 

II,  1,  1  ;  88,  1  ;  132,  1  ;  157,  1  ; 

271,  3  ;  331,  2  ;  377,  1  ;  380,  5  ; 

381,  1  ;  457  ;  496,  1  ;  554  ;  571, 

12. 
Kaufmann,  II,  555. 

Keller  Ém.,   II,  183,  2  ;  334,   1  ; 

348,  1. 
Keller  H.,  726,  1. 
Ketteler  W.-Em.  (von),  II,  351. 
Keynes  J.-M.,  846. 
Keyserling   h.    (von),    II,   553  ; 

651. 

KiDD  B.,  II,  152. 

KiRCHNER    Fr.,    17. 
KiRSCHMANN   A.,   644. 

Kleutgen  J.,  14  ;  246,  1  ;  254,  1  ; 

344, 1  ;  609, 1  ;  777, 1.  —  II,  457  ; 

496,  1  ;  505,  1  ;  513,  3  ;  535,  1  ; 

555  ;  576,  2  ;  592,  2  ;  594,  1. 
Klimke  Fr.,  II,  493. 

Kneib  p.,  II,  553. 

Kœng,  768,  1. 
Kollmann  m.,  II,  653. 
KoRKOUNOv  N.-M.,  II,  152. 
Kostyleff  N.,  52  ;  351.  —  II,  553. 

Kraepelin  Orn.,  131. 
Kreibig  J.-K.,  349.  —  II,  143. 
Kremer  R.,  353.  —  II,  494. 
Kroeger  0.,  II,  495. 
Kronenberg  m.,  II,  493. 
Kropotkine  p.,  II,  362. 
Krug  h.,  II,  651.  , 

Krug  (W.  Traugott),  17. 


Kuffera,  II,  491,  408,  4. 
Kurth  Gth.,  m  8,  —  II,  374. 


La  Bouillerie  (Fr.-Al.  de),  435, 
Laboulaye  (Éd.  de),  II,  214,  3  ; 

247,  2. 
La  Brière   (Y.   de),   II,  272,   1  ; 

273,  3  ;  315,  1  ;  329. 
Labriola  a.,  II,  302. 
LaBroise(R.  de),  11,227,2. 
La  Bruyère,  II,  407,  2  ;  565,  1  ; 
Lacassagne  a.,  II,  305. 
Lacaze-Duthiers  (G.  de),  II,  145, 

416. 
Lachelier   j.,    178,    1  ;   314,    1 

333,  1  ;  384,  3  ;  531,  1  ;  537,  1 

574 -,674,1  ;680,  1.-11,535,  1 
Lacombe   p.,   131.   —    II,    303 

392,  1. 
Lacombe  P.-B.,  II,  496,  1. 
Lacordaire    h.,   735,  1  ;   815,  5. 
Lacour  L.,  II,  214,  2. 
Lacouture  Ch.,  II,  377,  1. 
Ladenburg  a.,  765. 
Lafargue  p.,  350. 
Laffitte  J.-P.,  II,  283,  1. 
Lagorgette  j.,  II,  144. 
Lagrange  F.,  466,  1. 
La  Grasserie  (R.  de),  II,  331,  2. 
Larousse  G.,  14  ;  51. 
Lahr  Ch.,  14.  —  II,  172, 3  ;  446, 1  ; 

585,  1. 
Laird  j.,  II,  494. 
Laisant  a.,  430. 
Lalande    a.,    836.    —    II,    417  ; 

626,  3. 
Lalo   Ch.,  II,  310;  377,   1  ;  414; 

416  ;  417  ;  418. 
Lallemant  L.,  II,  207,  2  ;  208, 
Lamarck  J.-B.,  II,  612,  1. 


INDEX   DES    AUTEURS   CITES 


715 


Lamarzelle  (G.  de),  II,  239,  2  ; 

240,  4  ;  243,  2  ;  256^  2. 
Lambert  E.,  II,  302. 
Lambert  M.,  II,  358,  1. 
Lambert  W.,  II,  307. 
La  Mennais  (F.  de),  11,377, 1  ;  554. 
Laminne  J.,  351  ;  352  ;  656,  1.  — 

II,  530;  652. 
Lamy  Et.,  II,  208,  1  ;  218  ;  243,  4  ; 

259,  4  ;  293,  1  ;  415. 
Landriot  J.-Fr.,  435,  1.  —  II, 

377,  1  ;  412,  4. 
Landry   A.,    II,    13  ;    130  ;    143  ; 

188,  3  ;  301  ;  414. 
Lanessan  (J.-L.  de),  II,  361. 
Lange    F.-A.,    472,  2  ;  670,  3.  — 

II,  535,  1. 
Lange    K.,    349. 
Langlois  Ch.-V.,    734,  3. 
Lannelongue  Od.,  II,  375,  2. 
Lansing-Raymond  g.,  II,  409,  2. 
Lanson  g.,  766. 
Lanza  V.,  II,  208. 
Lanzag  de  Laborie  (L.de),II,  329 
Lapeyre  p.,  II,  351. 
Lapie  p.,  414  ;  430  ;  512.  —  II,  151. 
Laplace  (P.-S.  de),  611,  1  ;  655,  1. 
Lapotre  a.,  734,  3  ;  739,  4. 
Lapparent  (Alb.  de),  734,  3  ;  764. 

—    II,  491  ;  496,  1  ;  530. 
Lapponi  J.,  496  ;  499. 
Larguier   des   Bancels    j.,   53  ; 

133;  350;  351. 
Larnaude  M.-F.,  II,  329. 
Laromiguière  p.,  238,  1.  —  II, 

539,  1.. 
Larsson  h.,  767.  —  II,  417. 
Las  Cases  (Ph.  de),  II,  304  ;  374. 
La  Servière  (J.  de),  II,  230,  3  ; 

343,  2. 
La  Sizeranne  (M.  de),  184,  1. 


La  Sizeranne  (R.  be),  II,  377,  1  ; 

388,  2  ;  409,  1  ;  415. 
Laskine  E.,  II,  146  ;  309. 
Lassalle  F.,  II,  200,  4. 
Lasserre  p.,  II,  415. 
La  Taille  (M.  de),  xxiv,  1  ;  xxv, 

I.  ■—  II,  290,  8;  655. 

La  Tour  du  Pin  la  Charge  (de), 

II,  305. 

Laugel  a.,  il  408,  2  ;  413  ;  496, 

1  ;  535,  1. 
Launa  D.,  351. 
Lauria  g.,  644. 
Laurie  s.,  II,  1,  1  ;  458  ;  491. 
Lauvrière  Ém.,  497. 
La  Vaissière  (J.  de),  52  ;  431  ; 

728,  1. 
Lavaud  de  Lestrade,  II,  612,  1. 
Laveleye  (Ém.  de),   II,  188,  3  ; 

199,  2  ;  200,  3  ;  240,  4  ;  301. 
Lavisse  e.,  II,  240,  4;  252,  1. 
Lavollée  R.,  II,  217,  3  ;  261,  1  ; 

306  ;  329  ;  374. 

Leau  L.,  462,  2  ;  496. 
Le  Baghelet  X.,  II,  36,  1  ;  654. 
Le  Bec  E.,  502.  —  II,  641,  3  ;  655. 
Le  Bon  G.,  430  ;  495  ;  500  ;  757,  2. 

—  11,202,  2;  252,  1  ;  530  ;  531. 
Lebreton  j.,  719,  1. 
Leganuet  e.,  II,  293,  1  ;  337,  2. 
Leciialas  g.,  349  ;  351  ;  764.  — 

II,  393;  414;  505,  1  ;  531  ;  532. 
Leclerg  de  Sablon  m.,  767. 
Leclère  a.,  431  ;  498  ;  502  ;  836. 

~  II,  144  ;  160  ;  415  ;  457  ;  491  ; 

493. 
Lecomte  a.,  II,  612. 
Le  Coulteux  du  Molay  J.,  II, 

216,  1. 
Le  Dantec  F.,  II,  496,  1  ;  612,  1  ; 

652. 


716 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


Ledos.  438,  2. 

Lee  (Vern'on),  II,  416,  417. 

Lefebvre  L.,  466,  1. 

Lefèvre  g.,  II,  107,  1. 

Le  Fur  L.,  II,  243,  1  ;  270,  1  ;  309  ; 
330. 

Legouvé  Ern.,  II,  216,  3. 

Legrain  m.,  II,  144;  376,  1. 

Legrand  g.,  II,  309;  362. 

Le  Guichaoua  P.,  II,  553. 

Lehmen  Alf.,  14. 

Lehmkuhl  a.,  II,  36,  1  ;  152  ;  356, 
3  ;  360,  2. 

Lehu  L.,  II,  14. 

Leibniz  G.-W.,  xxv,  1  ;  xxxi,  1 
219,  2,  3  ;  250,  1  ;  258,  1  ;  264 
281,  1  ;  291,  1  ;  395,  1  ;  515,  1 
522,  1  ;  563,  2  ;  631,  1  ;  711,  1 
769,  1  ;  771,  4  ;  794,  1  ;  816,  3 
—  II,  91,  1  ;  92,  1  ;  501,  2,  3 
509,  3  ;  535,  1  ;  543,  1  ;  546,  3  ; 
554. 

Leighton  J.-Al.,  II,  495. 

Lélut  L.-Fr.,  466,  1. 

Lemaire   a.,    II,  305. 

Lemaire    J.,    II,  494  ;  532  ;  533. 

Lemaire    R.,    II,  210  ,  1  ;  218. 

Lemaitre  a.,  500. 

Lemoine  a.,  130  ;  416,  1  ;  438,  1  ; 
466,  1.  —  II,  496,  1  ;  527,  2. 

Lempp  Ot.,  II,  654. 

Lenormant  Fr.,  749,  5. 

Léon  X,  II,  604,  3. 

LÉON  XIII,  II,  183,  2;  208,  1 
209, 1  ;  213,  1,  2  ;  217,  3  ;  219,  1 
226,  2  ;  235,  2  ;  240,  1,  3  ;  242 
2  ;  252,  3,  4  ;  254,  1  ;  259,  2 
288,  5  ;  325,  1  ;  344,  2  ;  359,  1 
367,  1  ;  374,  1. 

Lepidi  a.,  II,  453,  1. 

Le  Play  Fr.,  455,  2  ;  491,  5.  — 
II,  108,  1  ;  208,  1  ;  217,  3  ;  219, 


1  ;  244,  2  ;  251,  1  ;  265,  1  ;  300, 

1  ;  348,  1  ;  349,  1. 
Lerminier,  II,  132,  1. 
Le  Rohellec  J.,  II,  14. 
Leroy    A.    II,  653 
Leroy    E.,    434,  1. 

Le  Roy    E.,    .631,  1. 

Le    Roy     Éd.,     764  ;   826,   7.   — 

II,  652. 
Leroy    M.-D:,    II,  612,  1. 
Leroy-Beaulieu   An.,    752,  1.  — 

II,  199,  2;  240,  4;  251,  1  ;  351. 
Leroy-Beaulieu    p.,    713,  3.  — 

II,  199,  2;  204,  2;  247,  2;  251, 

2  ;  256,  1  ;  277,  1  ;  352,  1. 
Lescœur  L.,  II,  261,  1  ;  535,  1. 
Lesne  e.,  II,  416. 
Lesserteur,  II,  172,  3, 
Lessing  G.-Ephr.,  II,  409,  2. 
Lessius   L.,    II,   46,    1  ;    161,    2  ; 

290,  5  ;  554  ;  576,  2. 
Leuda  J.-H.,  II,  655. 
Levasseur  e.,  II,  374. 
Levassort  j.,  348. 
LÉvÊQUE    Gh.,    470,  2  ;  760,  1.  — 

II,  377,  1  ;  389,  3  ;  390,  1  ;  392, 

1  ;  396,  2  ;  409,  4  ;  410,  3  ;  555. 
LÉVÊQUE     E.,     624,    1  ;   734,    1  : 

844,  3. 
Léverriër  Ur.,  670,  1. 
lévesque  l.,  14. 
Levi  Ales.,   II,  307. 
Levinstein,  498. 
Lévy  e.,  II,  532. 
LÉvY  G.-A.,    II,   417. 
Lévy  P.-E.,  415. 
LÉvY-BRiJHL   L.,    500  ;    589,    1  : 

786,  1  ;  788,  2;  816,  1.  —  H. 

1,  1  ;  14;  49,  2;  114,  1  ;  143. 
Lewis  L.,  II,  146. 

LiARi)  L.,  298;  314,  1  ;  513;  531, 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


717 


1  ;  552,  2  ;  566,  3  ;  572, 1  ;  626, 1 

631,  1  ;  634,  3  ;  635,  1  ;  687,  2 

693,  1  ;  763.  —  II,  450,  1  ;  457 

491. 
LiBERATORE  M.,  14  ;  250,  1  ;  254, 

1  ;  255,  1  ;  257,  1  ;  312,  2  ;  769, 

1.  — II,  263,  4;  334,  1  ;  352,  1  ; 

395,  2  ;  496,  1  ;  513,  3  ;  529,  2  ; 

535,  1. 
LiEBiG  (J.  von),  621,  1  ;  670,  3  ; 

687,  1. 
Liégeois  J.,  479,  1. 
Liesse  A.,  755,  2  ;  757,  2.  —  II, 

309. 

LiNDWORSKI    J.,   352. 

Lipps  Th.,  II,  392,  1  ;  415. 
LiTTRÉ  ÉM.,  590,  1.  —  II,  446,  3. 

LOBATCHEWSKY     N.-J.,     764. 

Locke  J.,  265,  1  ;  362,  1  ;  794,  1. 

—  11,266,1. 
LoDGE  0.,  502. 

Lod.ge  (Rupert  Clendon),  513. 
LoDiEL  D.,  II,  612,  1. 
Loeb  j.,  II,  530. 
Lombard  E.,  501. 
LoMBRoso  C,  226,  1  ;  491,  2,  3  ; 

496  ;  500. 
LoNGHAYE    G.,    87,    1  ;    100,    2  ; 

435,  3  ;  452,  5  ;  453,  2  ;  475,  2  ; 

706,  1  ;  711,  3  ;  818,  8.  —  II,  78, 

1  ;  293,  1  ;  377,  1  ;  395,  1  ;  402, 

2  ;  404,  1  ;  405,  1,  2  ;  407,  1  ; 
410,  2;  411,  1,  2;  412,  1,  5; 
470,  1. 

LoRENZ  R.,  499. 

LoRiA  A.,  II,  301  ;  302';  362. 

LoRiN  H.,  II,  145;  307. 

LoTE  R.,  352. 

LoTH  A.,  II,  413. 

LoTTiN    J.,    431  ;  845. 

LoTTIN    Od.,    II,  14. 


LoTZE    R.-H.,   511.  —  II,  377,  1  ; 

458  ;  535,  1. 
Louis  P.,II  1,306. 
Lourbet'j.,  II,  208,  1. 
LouriéJ^S.,*^574. 

LuBAC  E.,  51.  —  II,  535,  1. 
lubbock  j.,  130. 
Lucas  de  Peslouan  C,  574. 
LuçAY  (H.  de),  II,  251,  2. 
Luchaire  A.,  II,  182,  1,  2. 
LuGo(J.  de),  11,9,  1  ;  194,  1. 
LuNA  (A.  de),  II,  159. 
Luquet  G.-H.,  51  ;  575. 
lutoslawski  w.,  501. 

Lynch  A.,  II,  147  ;  417. 
Lyon  G.,  II,  458. 


M 


M.  B.,  II,  1,  1  ;  30,  4;  33,  1  ;  153, 

1  ;  223,  1  ;  232,  2  ;  311,  1  ;  334, 

1. 
M.  (J.),  II,  652. 
Mabilleau  L.,  II,  507,  1  ;  508,  3  ; 

600,  1. 
Mac  Coll  H.,  512  ;  567,  7  ;  574. 
Mac  Dougall  W.,  II,  553. 
Mach  e.,  348  ;  644  ;  764  ;  845. 
Macintosh  (Douglas  Glyde),  II, 

655. 
Mackensie,  752,  1. 
Macksey  c,  II,  14. 
Mac  Lennan,  512. 
Mac  Taggart   J.-M.-E.,    II,   495. 
Maday  a.,  II,  304. 
MagninE.,  11,415. 
Maher  m.,  16  ;  51  ;  493,  2.  —  II, 

535,  J. 
Maillet  E.,  113,  1  ;  130  ;  491,  1. 
Mainage  Th.,  502  ;  503. 


'18 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


Maine  de  Biran  M.-Fr.-P..  147, 

1  ;  192,  1  ;  315,  2  ;  353  ;  362,  1  ; 

364,  2  ;  369,  2  ;  416,  1  ;  466,  1  ; 

473,  1  ;  493,  2.  —  II,  574,  1. 
Mairet  a.,  132.  —  II,  144. 
Maisonabe  E.,  II,  199,  2. 
Maisonneuve    L.,    836. 
Maisonneuve    p.,    II,  612,  1. 
Maistre  (J.  de),  672,  1  ;  748,  2.  — 

II,  167,  3  ;  343,  2  ;  344,  1  ;  555. 
Malapert  p.,  15  ;  4G5,  1  ;  430. 
Malebranche    (N.    de),   222,    1  ; 

240,  2  ;  416,  1  ;  768,  1.  —  II,  1, 

1  ;  28,  1  ;  331,  2  ;  554. 
Malgaud  W.,  II,  310. 
Mallieux  P.,  765. 
Malon   B.,    II,    199,   2;   200,   6; 

205,  1. 
Mandato  (P.  de),  II,  458. 
Mandonnet  P.,  II,  234,  2. 
Manning  Edw.,  II,  353,  1. 
Mansion  p.,  II,  533. 
Mantegazza  p.,  438,  2  ;  469,  3. 
Manville  C,  765.  —  II,  531. 
Marage  R.,  439,  2. 
Marbe  K.,  346. 
Marcaggi  V.,  II,  294,  2. 
Marc  Aurèle,  II,  153,  1. 
Marchal  R.,  352  ;  765  ;  846.  — 

II,  493. 
Marchand  L.,  131. 
Marchesini  a.,  348. 
Maréchal   J.,   500;   502.   —   II, 

459  ;  495. 
Ma^et  H.-L.-C,  II,  555. 
Margerie  (Am.  de)  XXIX,  1  ;  749,  2. 

II,  208,  1  ;  293,  2  ;  555  ;  576,  2  ; 

580,  1. 
Marguery  E.,  II,  514. 
Marguet  F.,  131. 
Marie    A.,    498;  499;  500. 
Marie   M.,   631,  1. 


Mari  ET  AN  J.,  573  ;  586,  1. 

Marillier  L.,  131. 

Marion  h.,  117,  2  ;  209,  2  ;  369, 

2  ;  392,  3  ;  495.   II,  —  70,  4  ; 
88,  2  ;  114,  1  ;  144. 

Maritain  j.,  15.  —  II,  418;  653. 

Marmontel  J.-Fr.,  II,  406,  3. 

Maroger  a.,  765. 

Marolles  (V.  de),  II,  358,  1. 

Marouzeau  L,  503. 

Martha  g.,  II,  93;  1  ;  153,  1  ; 

388,  1. 
Martin    Fr.,    194. 
Martin    H.,    II,  285,  2. 
Martin    Th.-H.,    II,  496,  1  ;  535, 

1  ;  555. 
Martin  de  Azpilcueta,  II,  228,  6. 
Martin  Saint-Léon  E.,  II,  374. 
Martinet    A.,     II,  327. 
Martinetti  p.,  II,  458  ;  491. 
Martinez-Nunez  Z.,  II,  492. 
Martini  A.,  350. 
Marx  K.,  II,  200,  5. 
Maryllis  p.,  II,  393. 
Mascarel  a.,  II,  252,  1  ;  310. 
Masselon  r.,  132. 
Masson-Oursel  p.,  575. 
Matagrin  Am.,  II,  303. 
Mathieu    F.,    II,  375,  1. 
Mathieu    Fr.-D.,    II,  351. 
Matignon  A.,  818,  8.  —  II,  216, 

3  ;  226,  3. 
Matter  j.,  II,  604,  4. 
Matteuzzi,  11,327,  2. 
Mattiussi  g.,  XXIV,  1  ;  131. 
Maudsley  h.,  234,  1  ;  347  ;  466, 

1  ;  491,  2. 
Maugé  F.,  766. 
Maumus  V.,  II,  240,  4  ;  351. 
Maurain  Ch.,  766. 
Maurice-Denis  N.,  II,  495. 
MaurrasCh.,  11,242,  3;  329. 


INDEX   DES    AUTEURS   CITES 


719' 


Maury  Alfr.,  473,  1. 
Mauss  Is.,  II,  267,  2. 
Mauxion  m.,  348  ;  414.  —  II,  1,  1  ; 

143. 
Maxwell  J.,  52  ;  466,  1  ;  497.  — 

II,  306. 
May  (Thomas-Erskine),  II,  240-, 

4. 
Mayer  a.,  496. 
Maynard   U.,   II,  32,   2;  36,   1  ; 

171,  1. 
Mazade  F.,  501. 
Mazzarella  J.,  II,  305. 

Meda  F.,  II,  310. 

Medicus  j.,  II,  430,  2. 

Meillet  a.,  503. 

Mélin  g.,  II,  159. 

Mélinand  C,  175,  2  ;  476,  2.  — 

II,  392,  1. 
Méline  p.,  II,  306. 
Mendive  j.,  15;  512.  —  II,  1,  1  ; 

457  ;  535,  1  ;  555. 
Mendousse  p.,  431  ;  500. 
Menger   a.,   II,  202,  2  ;  303. 
Menger   F.,    752,  1. 
Mentré  F.,  348  ;  352  ;  353  ;  764. 

—  II,  309. 
Mercier    Cil,    51  ;  513. 
Mercier   D.,    12,  1  ;  15;  53;  512; 

832,  3  ;  836  ;  846.  —  II,  457  ; 

496,  1  ;  535,  1. 
Mercier    M.-A.,    II,  358,  1. 
Mercier  V.,   815,  5. 
Méric    El.,    478,  1  ;  479,  1  ;  484, 

1  ;  485,  2  ;  486,  4  ;  739,  1.  — 

II,  199,  2;  535,  1. 
Mérit,  II,  378. 
Mertens  p.,  II,  494. 
Messer  a.,  132.  —  II,  493. 
Métin  a.,  II,  199,  2  ;  306. 
Metternich  (Cl.-W. de),  11,314,  1. 


Metz-Norlat  a.,  II,  159,  1  ;  362. 
Meunier    P.,    500.      ' 
Meunier    R.,    52. 
Meunier   V.,   687,  2. 
Meyer  (H.  DE),  439,  3. 
Meyer    R.,    II,  201,  1. 
Meyer    Th.,    15.  —  II,  13  ;  152  ; 
188,  3  ;  225,  2  ;  232,  2  ;  290,  9. 
Meyerhof  Ot.,  500. 
Meyers(3n  E.,  767.  —  II,  492  ;  494. 
Mezes,  II,  1,  1. 

MiCELi  V.,  II,  143. 
MicHAUD  G.,  495. 
Michel   A.,    II,  310;  393. 
Michel  H.,  II,  219, 1  ;  247,  2  ;  301. 
MiCHELET  G.,  363,  1  ;  414.  —  II, 

14  ;  492  ;  576,  1  ;  653. 
Michotte  a.,  52  ;  194. 
MiELi  A.,  II,  533. 
MiGNARD   R.,   133. 
MiLHAUD    Alb.,    II,  306. 
Milhaud     g.,     298;    764;    766; 

777,  1  ;  827,  2.  —  II,  458. 
Mill  (J.  Stuart),  194;  211  ;  250, 1  ; 

264  ;  298  ;  325,  4  ;  438,  1  ;  511  ; 

515,  1  ;  526,  1  ;  529,  1  ;  531,  1  ; 

552,  3  ;  554,  1  ;  589,  1  ;  621,  1  ; 

649,  1,  2  ;  669,  2  ;  687,  2  ;  705, 

1  ;  714,  1  ;  734,  3  ;  752,  1  ;  753, 

2  ;  755,  1  ;  777,  1  ;  794,  1.  — 
—  II,  144  ;  214,  3  ;  265,  1  ;  331, 
2  ;  496,  1  ;  503,  1  ;  554. 

Milne-Edwards  h.,  657,  3  ;  687, 

1,  2  ;  700,  1. 
MlLSAND,   II,  393. 
Minghetti  M.,  II,  334,  1  ;  363,  I. 
MivART  (vSaint-George),  II,  496, 

1  ;  612,  1. 

Moehler,  II,  176,  3. 

MoiSANT  X.,  764.  —  II,  14  ;  145  ; 

307  ;  652  ;  654  ;  655. 


720 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


MoLiNARi    (G.    DE),    II,    331,    2; 
352,  1  ;  361  ;  363,  1  ;  369,  3. 

MOLLIÈRE  A.,  II,  413. 

MONDOLFO  R.,  II,  306. 
Monnet  R.,  351. 
MONNIER  F.,   II,   14. 
MoNSABRÉ  J.-M.-L.,  380,  2.  — II, 

208,  1  ;  332,  2  ;  555  ;  641,  2. 
Montaigne  (M.  de),  90,  1.  —  II, 

85,  2. 

MONTALEMBERT    (Ch.    DE),    435,    1. 

—  II,  252,  1  ;  377,  1. 
montargis  f.,  îi,  393. 
Montesquieu  (Gh.  de  Secondât, 

Baron  de),  748,2.-11,  245,  1  ; 

266,  1  ;  406,  3  ;  551,  1. 
Montessus  (R.  de),  765. 

MONTGOMERY    Ed.,    II,    531. 

MooRE  Ch.,  845. 

MooRE    (Th.   Werner),   350." 

MoREAU  d'Andoy  (de),  II,  198,  1. 

Moreau  de  Tours,  479,  1. 

MORIN    Fr.,    17. 

MoRiN    G.,    II,  308. 

MORSELLI  E.,  512. 

Mosso  A.,  81  ;  469,  5  ;  499. 

MouLART  F.-J.,  II,  334,  1  ;  344,îl. 

MouREY  F.,  631,  1. 

MouRGUE  R.,  502.    —  II,  533. 

MouRRE  Gh.,  348  ;  368,  1  ;  430  ; 

754,  1.  —  II,  379,  1. 
MOUTIER  F.,   501. 
MouTiN  L.,  132. 
Mouton  E.,  II,  267,  2. 
MoyeM.,  11,329. 

MuiR  R.,  II,  329. 

MUIRHEAD,    II,  309. 

MiJLLER  Al.,    II,  532. 

MûLLER  E.,    574. 

MÛLLER  J.,     158,   1  ;   164,  4. 

MiJLLER  M.,    248,  1  ;  258,  2  ;  260, 


1  ;  449,  2  ;  456,  2,  3  ;  461,  2  ; 
462,  2  ;  719,  1. 
MULLER    A.,    II,  310. 

MULLER     J.,     II,  329. 

MuN  (Alb.  de),  II,  206,  4  ;  261,  1  ; 

286,' 1  ;  305;  372,  2;  373,  1. 
Munsterberg  h.,  II,  492. 
MuRAT    L.,    II,  654. 
Mu  RAT    p.,  II,    654. 
Mustoxidi  T.-M.,  II,  418. 


]\ 


Nadaillac  (de),  II,  222,  2  ;  612,  1. 

Nadejde  D.-G.,  132. 

Naville   a.,   574  ;  584  ;  767  ;  845. 

—  11,363,1. 
Naville   Ern.,   5,  1  ;  369,  2  ;  466, 

1  ;  649,  1  ;  653,  2  ;  734,  3  ;   737, 

2  ;  829,  1  .  —  II,  240,  4  ;  448,  1  ; 
458  ;  493  ;  496,  1  ;  535,  1  ;  555. 

Naville    F.-L.-M.,    II,  264,  2. 
Natorp  p.,  766. 
Navarrus,  II,  228,  6. 
Nayrac  J.-P.,  240,  1  ;  348. 

NÈGRE  Alb.,  II,  252,  1. 
Nelson  b.,  11,492. 
NÈvE  P.,  825,  3  ;  836. 
Nevers  (E.  de),  491,  6. 
Newmann  J.-H.,  II,  19,  4  ;  492. 

NicEFORo  A.,  II,  330. 

Nichols  h.,  II,  530. 

Nicolas  A.,  786,  1.  —  II,  535,  1  ; 

555. 
NicoLAY  F.,  491,  1.  —  II,  28,  5  ;/■ 
■    216,3.  ' 

Nicole  P.,  II,  153,  1. 
NicoTRA  S.,  II,  199,  2;  358,  1. 
Nietzsche  Fr.,  II,  273,  1. 
NiTTi  Fr.-S.,  II,  202,  2. 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


721 


NiVARD   M.,   II,   14. 

NoACK  L.  ,17. 

Noble  H.-D.,  132;  133;  351. 
Noël  L.,  351  ;  513  ;  820,  4  ;  836. 
NoLDiN  H.,  512. 

NoRDAU  M.,  52  ;  498  ;  499.  —II, 
305  ;  328. 

NORDHOFF,   II,  200,   1. 
NORDMANN  Ch.,   II,  533. 

Nourrisson    J.-F.,    II,  220,  2. 
Nourrisson  P,  II,  286, 1  ;  306; 309. 
Novicow  G.,  II,  306  ;  361. 

NuEL,  347. 

Nys    D.,    351.  —  II,  311,  1  ;  503, 
2  ;  506,  4  ;  511,  2  ;  520,  2  ;  521, 

I,  2  ;  530  ;  531  ;  532  ;  534. 

O 

OcHORovicz,  479,  1. 
Ogereau    F.    II,  93,  1. 

Olgiati  Fr.,  II,  310. 
Olivier,  II,  555. 
Olivier  (J.  von),  II,  651. 
Ollé-Laprune  L.,  271,  1  ;  311,  1  ; 
734,  3  ;  786,  1  ;  788,  1  ;  845.  — 

II,  92,  1,  2  ;  439,  2  ;  457  ;  459  ; 
492  ;  535,  1. 

Ollivier  Ém.,  II,  334,  1. 
Olphe-Galliard  g.,  II,  330. 

Orhand  J.-M.,  II,  377,  1. 
Ormond  Al.-Tii.,  II,  492. 
Orzechowski  St.,  II,  147. 

OsBORN  (H.  Fairfield),  II,  534.   l 


Ossip-LouRiÉ,  502;  503.  —  II,  492, 
Ostler  h.,  II,  532. 
OsTWALD  W.,  499  ;  766.  —  II,  531  ; 
533.  I 

Otlet  p.,  II,  329. 
Ott  a.,  II,  352,  1. 

Ouvré  H.,  460,  4. 

OzANAM   Fr.,  435,  3  ;  587,  3.  — 
II,  246,  2. 


Pacheu  J.,  498  ;  500  ;  501. 

Pacotte,  II,  513,  3. 

Padoa  Al.,  575. 

Palante  g.,  II,  146  ;  151  ;  303. 

Palcos  a.,  II,  417. 

Palhoriès  F.,  II,  532. 

Pallavicino  (Sforza),  II,  106,  3 

Palmés  F. -M.,  767. 

Palmieri  D.,  xxiv,  1  ;  xxvii,  2 
XXIX,  1  ;  15  ;  50  ;  312,  2  ;  316,  4 
324,  5  ;  360,  1  ;  369,  2  ;  438,  1 
511  ;  515,  1  ;  521,  1  ;  527,  1 
529,  1  ;  531,  1  ;  768,  1  ;  775,  2 
777,  1  ;  794,  1.  —  II,  36,  1 
106,  3  ;  209,  1  ;  335,  1  ;  457 
467,  1  ;  481,  1,  2  ;  496,  1  ;  505,  1 
506,  1  2,  3  ;  519,  3  ;  522,  1,  2 
529,  2  ;  535,  1  ;  555  ;  565,  1 
576,  2  ;  583,  1  ;  611,  1  ;  639,  1. 

Paoli  G.-C,  II,  651. 

Papagni  t.,  II,  586,  1. 

Papillon  F.,  464,  1,  3. 

Pareto  V.,  II,  202,  2  ;  302  ;  362. 

Paris    (Comte    de),    II,    285,    2; 
353,  2. 

P.\risetL.,  11,307. 

Parisis  P.-L.,  II,  183,  2. 


722 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


Parker  (De  Witt  H.),  II,  418. 

Parodi  D.,  836.  —  II,  13  ;  147  ; 
306  ;  307. 

Pascal  Bl.,  631,  1  ;  643,  1  ;  656, 
3  ;  784,  2.  —  II,  122,  1  ;  171,  1  ; 
405,  4  ;  549,  1,  2  ;  551,  2. 

Pascal  (G.  de),  II,  1,  1  ;  32,  2  ; 
152  ;  188,  3  ;  219,  1  ;  247,  2  ;  301. 

Paschal  L.,  II,  416. 

Passage  (H.  du),  II,  216,  1  ;  310. 

Pasteur  L.,  656,  5.  —  II,  634,  1. 

Pastore  a.,  II,  494. 

Patini  E.,  349.     - 

Patten  (Simon  N.,)  II,  219,  1. 

Paucot  R.,  432. 

Paul  H.,  464,  1. 

Paulhan  Fr.,  53  ;  80,  1  ;  81  ;  131 
133  ;  211  ;  235  ;  346  ;  347  ;  352 
405  ,  1  ;  430  ;  491,  3  ;  609,  1 
763  ;  767  ;  846.  —  II,  114,  1 
145  ;  309  ;  416  ;  417  ;  535, 1  ;  654. 

Pauly  R.,  767. 

Paulsen  F.,   xxiii,  1. 

Payot  J.,  348;  431.  —  II,  147. 

Pazzi  g.,  II,  414. 

Peano  g.,  567,  9. 

Pearson  K.,  II,  532. 

Peeters  L.,  II,  555. 

PÈGUES  Th.-M.,  II,  237,  1  ;  273,  3. 

Peillaube  Ém.,  133  ;  235  ;  250,  1  ; 

264  ;  350  ;  352  ;  432. 
Peirce  C.-S.,  567,  7. 
Pelletier,  497, 
Penjon  a.,  II,  302. 
Pennacchio  p.,  11,218. 
PÉRÈS  J.,  II,  395,  1  ;  414;  417. 
Pérez  B.,  415  ;  429  ;  437, 1  ;  491,  1. 
Périer  (Mme),  232,  2. 
Périer    P.-M.,    767. 
PÉRiN  Ch.,  II,  217,  3  ;  219,  1  ;  264, 

2;  267,  2;  311,  1;  334,  1  ;  352, 


1  ;  356,  3  ;  358,  1  ;  363,  1. 
Perrens  F.-T.,  II,  240,  4. 
Perrier  Edm.,   130  ;  687,  2  ;  703, 

1,2. —  II,  601,  4;  612,  1. 
Perrier    L.,    499. 
Perrin  j.,  646,  1  ;  659,  2  ;  763.  — 

II,  513,  3  ;  532. 
Pebrot  g.,  II,  393. 
Perujo  a.,  17. 
Pesch    Chr.,     II,  351. 
Pesch    h.,  II,    303  ;  325,  1  ;  362. 
Pesch    T.,    xxv,  1  ;  15  ;  314,  2  ; 

512;513.  —  II,  7,  3;96,  1  ;  430, 

2.;  458;  496,  1. 
Petersen  j.,  431. 
Petitot  h.,  15. 
Petrucci  r.,  II,  208. 
Pezzi  D.,  438,  1. 

Pfister  0.,  430. 

Pfordten  (A.-Fr.  V.),  II,  531. 

Philbert  L.,  II,  392,  1. 
Philibert  H.,  II,  529,  2. 
Philipp  Alb.,  351. 
Philippe  J.,  347  ;  495  ;  500. 
Phillips  G.,  II,  334,  1. 

PiAT  Cl.,  247,  1  ;  250,  1  ;  264  ;  316, 
4  ;  350  ;  352  ;  366  ,  1  ;  369,  2 
845.  — II,  14;  114,  1;  145;  146 
492  ;  503,  2  ;  533  ;  535,  1  ;  555 
652. 

Picard   Ed.,   II,  145  ;  152. 

Picard     Ém.,     644  ;   764.   —   II, 
370,  1. 

Picard    G.,    Il,  172,  3;  446,  1  ; 
459  ;  585,  1  ;  655. 

Picavet  C.-G.,  II,  303. 

PicciRELLi  J.-M.,  II,  467,  1  ;  492  ; 
555. 

PlDERIT,   438,   2. 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


723 


Pie    L.-Éd.,    II,  183,  2  ;  293,  3  ; 

334,   1. 
Pie  IX,  II,  210,  1. 
Pie  X,  II,  235,  2;  240,  2;  242,  1. 
PiéronH.,347;350;352;501;502. 
Pierre  d'Espagne,  511. 
PiERsoN  N.-G.,  II,  277,  1  ;  362. 
PiLLON    Fr.,   211  ;   348  ;    734,   3  ; 

743,  1,  —-II,  438,  2. 
PiLLSBURY  W.-B.,  348.  —  II,  329. 
PiLO  M.,  II,  378. 
Pinard    E.,    II,  145. 
Pinard    H.,    II,  654. 
PiNEL  Ph.,  488,  3. 
Pinot  R.,  II,  243,  5. 
PioGER  J.,  II,  327,  2  ;  496,  1. 
Pistolesi  g.,  133. 
Pitres  A.,  497. 

Planeix  R.,  II,  335,  1. 

Platon,  794,  1.  —  II,  48,  1  ;  77,  1  ; 

114,   1  ;   124,   1  ;   413,    1  ;   457  ; 

535,  1  ;  543,  1  ;  552,  3  ;  554. 

PoDMORE,  488,  1  ;  496  ;  498. 
poggendorff  j.-c,  649,  1. 
Poincaré  h.,  xxiii,  2  ;  347  ;  349  ; 

566,  1  ;  574;  575;  631,  1  ;  644; 

763  ;  764  ;  765  ;  767  ;  827,  2.  — 

II,  491  ;  505,  1  ;  532, 

POINSARD  L.,  II,  355,  1. 
POLAND  W.,  512. 
POLLACK  VV.,  766. 
POLLER  L.,  II,  361. 
PORENA  M.,  II,  415. 

Portalié  e.,  380,  2  ;  479,  1.  —  II, 
454,  1. 

Port-Royal,  236,  1  ;  464,  2  ;  511 
515,  1  ;  521,  1  ;  527,  1  ;  529,  1 
531,  1  ;  544,  1  ;  549,  1  ;  609,  1 
631,  1  ;  801,  1,  2  ;  804,  1. 

PosADA  A.,  II,  188,  3  ;  302  ;  304 


Pottier  a.,  II,  207. 
PouciiET  F.-A.,  687,  2. 
Poulain  A.,  209,  1  ;  339,  1  ;  486, 

4;  498;  631,  1. 
PouLPiQUET  A.  (de),  II,  491. 
PouQUET  L.,  II,  534. 
Poyer  g.,  432. 

PradinesM.,  133.  —  II,  145. 
Prado  (N.  del),  II,  494. 
Prat    F.,    741,  3  ;  742,  1. 
Prat    L.,    348;  415;  430.  —  II, 

393  ;  414  ;  496,  1  ;  553. 
Pratt  (J.  Bisset),  II,  146. 
Prélot  h.,  II,  285,2;  286,2;  287,1. 
Preyer  W.,  491,  1. 
Prichard  h. -A.,  II,  493. 
Prieur  P.,  752,  1. 
Prince  (Morton),  430  ;  502. 
Prins  Ad.,  II,  240,  4  ;  303. 
Prisco  g.,  II,  152. 
Proal  L.,  430  ;  491,  2.  —  ÏI,  114, 

1;130;156, 1;159;267,2;305. 
Prou  L.,  496. 
Proudhon  P.-J.,  II,  188,  3;  219, 

1  ;  292,  2  ;  414. 

Ptolémée  de  Lucques,  II,  234,  2. 

PUFENDORF    S.,    II,    311,    1. 

Puffer  (Ethel  de),  II,  393  ;  415. 
PujoL  A.,  II,  306. 


Q 


Quatrefages  (A.  de),  687,  2.  — 
II,  564,  3,  4;  612,  1,  2. 

Queyrat  F.,  1.33  ;  246,   1  ;  264  ; 
415  ;  430  ;  431  ;  495  ;  501. 


724 


INDEX   DES   AUTEURS    CITES 


R 


Rabaud  Et.,  431  ;  767.  —  II,  655 

Rabeau    g.,    II,  494. 

Rabier  El.,  15  ;  25  ,  1  ;  50  ;  83,  1 
103,  1  ;  186,  2  ;  217,  2  ;  222,  1 
228,  3  ;  232,  1  ;  234,  1  ;  248,  1 
255,  2  ;  298  ;  314,  2  ;  362,  1,  2 
369,  1  :  397,  1  ;  416,  1  ;  448,  1 
469,  2  ;  472,  2  ;  511  ;  531,  1 
609,  1  ;  620,  2  ;  622,  1  ;  631,  1 
634,  5  ;  637,  1  ;  649,  1  ;  653,  2 
669,  3  ;  681,  2  ;  683,  1  ;  687,  2 
689,  1  ;  705,  1  ;  714,  1  ;  716,  1 
794,  1.  —  II,  377,  1  ;  379,  3 
642,  1. 

Radestock  p..,  473,  1. 

Radl  E.,  II,  653. 

Radulescu-Motru  C,  II,  159. 

RaeJ.,  11,201,  1. 

Raffalovich  s.,  II,  51,  2. 

Rageot  g.,  II,  496,  1. 

Rage  Y,  II,  571,  8. 

Rambaud  J.,  II,  362. 

Rambosson  J.,  470,  2. 

Ramière  h.,  II,  297,  1  ;  299,  1  ; 
325,  1. 

Ramousse  g.,  349  ;  846. 

Ranzoli  g.,  17. 

Rashdall  h.,  II,  144. 

Rauh  F.,  81  ;  131.  —  II,  1,  1  ; 
7,  2  ;  14  ;  64,  2  ;  70,  4  ;  143. 

Ravaisson  F.,  324,  3;  416,  1 
466,  1  ;  586,  1  ;  609,  1  ;  763,  1 
768,  1.  —  II,  1,  1  -,90,  2;  93,  1 
535,  1. 

Raymond  F.,  496  ;  497. 

Rayot  E.,  185,  1. 

Read  C,  II,  531. 
Réaumur  E.-A.,  107,  2. 
Rebière  A.,  649,  1. 
Régis  E.,  497. 


Regnard  a.,  II,  409,  3. 
Regnaud  p.,  439,  1  ;  441,  3  ;  497. 
Régnon  (Th.  de),    xxiv,  2  ;   98  ; 

324,  2,  4;  369,  2;  380,  2.  — IL, 

458  ;  590,  1. 
Reichenbach  h.,  II,  506,  4. 
Reichenwald  Aars  K.-B.,  II,  144. 
Reid  Th.,  246,  1  ;  264  ;  326,  1  ; 

362,  1. 
Reinach  Ad.,  II,  208. 
Reinaud  e.,  II,  353,  2. 
Reinke  j.,  764. 
Remer  V.,  15. 
Rémusat  (Gh.  de),  671,  1. 
Renan  Ern.,  441,  3.  —  II,  155,  2. 
Renard  G.,  734,  3.  —  II,' 199,  2  ; 

201,  1  ;  305. 
Renault  Ch.,  II,  360,  2. 
Renault   L.,    II,  318,  2  ;  329. 
Renda  a.,  132  ;  347  ;  350. 
Renouvier  Gh.,  228,  1  ;  278,  1  ; 

297,  1  ;  359,  3  ;  511  ;  613  ;  626, 

1  ;  631,  1  ;  649,  1  ;  752,  1  ;  777, 

1.-11,1,1  ;13;132,  1  ;  430,  2  ; 

435,  1  ;  450,  1  ;  457  ;  491  ;  492  ; 

496,  1  ;  509,  2. 
Revault  d'Allonnes  g.  132  ;  502. 
Reverdy  H.,  11,216,  1. 
Rey    a.,    15  ;  132  ;  763  ;  765.  — 

II,  492. 
RÈY    J.,    836. 
Reym'ond  a.,  765. 
Reyreaud  j.,  II,  263,  1. 

RiBBE  (Gh.  de),  II,  208,  1. 

RiBÉRY  Gh.,  430. 

RiBET  M.,  485,  3. 

RiBOT  P.,  752,  1.  —  II,  535,  1. 

RiBOT   Th.,   31,  1  ;  81  ;  132  ;  133  ; 

152,  1  ;  210,  1  ;  221  ;  235  ;  240, 

1  ;  264  ;  347  ;  351  ;  352  ;  368,  1  ; 

430  ;  653,  4  ;  726,  1  ;  728,  1.  — 

11,395,1  ;417. 


INDEX   DES    AUTEURS    CITES 


725 


RiCARDo  D.,  II,  356,  2. 
RiCARDou  A.,  653,  4;  760,  1.  — 

II,  377,  1  ;  395,  1  ;  413. 
Richard  G.,  II,  199,  2;  218; 

308  ;  491  ;  626,  3. 
Richard    J.,    763. 
Richard   T.,    15  ;  352. 
RiCHARD-FoY  E.,  766.  —  II,  506,4. 
Richardson  C.-A.,  II,  553. 
RiCHER  P.,  II,  414. 
RicHET  Ch.,  52  ;  81  ;  298  ;  349  ; 

351  ;  466,  1  ;  493,  2.  —  II,  305  ; 

325,  1. 
RiCHTER  J.-P.,  II,  377,  1. 
RiCKABY  John,    16.  —  II,  459. 
RiCKABY  Joseph,    16.    —  II,  219, 

1  ;  356,  3. 
RiCKERT  H.,  763. 

RiEMANN    H.,    II,   415. 

RiGNANO  E.,  352. 

RiLEY  W.,  723,  1. 

Rio  A.-F.,  Il,  377,  1. 

RiouLT  DE  Neuville  J.,  II,  188,  3. 

RiST  Ch.,   II,  362. 

RivAUD  A.,  II,  496,  1. 

Rivers  W.-H.-R.,  503. 

Rivet    L.,     II,  208. 

Rivet    S.,    II,  287,  1. 

RoBB  Alfr.-A.,  II,  533. 
Robert  L.,  175,  1.  —  II,  457. 
ROBERTS  W.-J.,  766. 
Roberty  (E.  de),  755,  1.  —  II,  1, 

1  ;  152;  306-,  458. 
RoBiNsoN,  649,  1. 
RocAFORT  J.,  II,  144  ;  252,  1. 
ROCHARD   J.,  II,  216,  2. 
Roche  J.,  II,  277,  1. 
ROCHETIN  E.,  H,  374. 
RocQuiGNY  (de),  II,  353,  2. 
RoDiER  G.,  574. 


RoDRiGUEs  G..  II,  145  ;  310  ;  417  ; 

458. 
RODRIGUEZ  T.,   II,  .308. 
RoEHRicH  Ed.,  348  ;  431. 

ROGUENANT   A.,    II,   218. 

RoGUES  DE  FuRSAC  J.,  497  ;  501. 
RoiselG.,  320,1.-11,  535,  1;553. 
roland-gosselin   b.,   431. 
Rolla  A.,  II,  415. 
Romanes  G.-J.,  130  ;  493,  2.  —  II, 

612,  1. 
Rome    R.,    11,375,1. 
Rondelet  A.,  529,  1. 
RooD  N.,  11,408,  3. 
Roosevelt  Th.,  495  ;  497. 
RosMiNi  A.,  50  ;  312,  2.  —  II,  13. 
Rossi  (G.-B.  de),  741,  1. 
Rossi    P.,    495  ;  497. 
Rostand    E.,    II,  305. 
Rothe  t.,  II,  152  ;  198,  1  ;  208,  1  ; 

209,  1  ;  260,  1  ;  267,  2  ;  277,  1  ; 

285,  2;  303;  311,  1. 
Rothenflue  Fr.,  16. 
Rougier  L.,  575  ;  767.  —  II,  494  ; 

534. 
RouPAiN  E.,  501. 
RouRE  L.,  151,  1  ;  184,  1  ;  242,  1  ; 

496;  499;  502;  .503;  786,  1.  — 

II,  12  ;  78,  1  ;  156,  1  ;  158,  1  ; 

240,  2  ;  495  ;  535,  1  ;  6;26,  3. 
RousiERS  (P.  de),  II,  353,  2  ;  374. 
Rousseau  J.-J.,  Il,  243,  3  ;  641,  1. 
Roussel-Despierres  Fr.,  II.  90, 

2  ;  308  ;  414. 
Rousselot    J.-P.,    43V  1  :  i;!i.  I. 
Rousse  lot    P.,    350. 
RôusTAN  D.,  16  ;  52  ;  351. 
Roux-Lavergne  P.,  749,  4. 
Royce  J.,  II,  491. 
Royer-Collard  P.-P.,  195,  1.   — 

11,537,  1. 
Rozaven  (J.-Ii.  de),  815,  5. 


726 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


RuBEis  (B.-M.  DE),  II,  234,  2. 
RiBiCHON,  II,  334,  1. 
RUIZ  DE  MONTOYA  D.,  II,  591,  2. 
RussEL  B.,  566,  1  ;  567,  11  ;  574  ; 

764  ;  766  ;  767.  —  II,  494  ;  533. 
RuYSSEN  Th.,  284  ;  347.  —  II,  96, 

1  ;  309  ;  330  ;  430,  2. 


Sabatier  a.,   11,130;  491. 
Sabatier    C.,    II,  553. 
Sacy  (S.  de),  464,  2. 
Sage  V.,  496. 
Sageret  J.,  II,  309;  532. 
Sagot  F.,  II,  199,  2  ;  200,  1. 
Saint-Ellier  (D.-L.  de),  II,  555. 
Saint-Marc  Girardin,  91,  1  ;  120, 

2  ;  230,  2.  —  II,  405,  3. 
Saint-Paul  G.,  351  ;  469,  5  ;  498. 
Saint-Simon  (Cl.-H.de),  11,202,2. 
Saisset  Ém.,  377,  2  ;  378,  1.  —  II, 

457  ;  554  ;  602,  1,  2. 
Salillas  R.,  II,  301. 
Salvien,  II,  554. 
Salvioli  g.,  II,  308. 
Sanchet  E.,  II,  208. 
Sanderval  (0.  de),  II,  496,  1. 
Sandford  Ed. -T.,  52. 
Sangn;er  m.,  II,  239,  2. 
Sanseverino  c,  16. 
Sarcey  Fr.,  453,  1. 
Sarda  y  Salvany  F.,  II,  199,  2. 
Sarlo  (Fr.  de),  51  ;  53.  — II,  13. 
Sartiaux  F.,  II,  146. 
Sauvaire  Jourdan,  II,  374. 
Savatieu  h.,  II,  85,  2. 
Sa  VIO,  765. 
SayL.,  11,277,1. 
Sayce  A.-H.,  456,  4. 

S<:ii.\M-  II.,  ii,  502,  3  ;  593,  1. 


SCHAEFFLE   A.,   713,  3.   II,    199, 

2  ;  219,  1. 
ScHATz  A.,  II,  305. 

SCHELLING  Fr.-W.,  II,  377,  1. 

ScHiFFiNi  S.,  16  ;  512.  —  II,  1,  1 

167,  1  ;  188,  3  ;  208,  1  ;  219,  1 

223,  1  ;  285,  2;  311,  1  ;  334,  1 

457  ;    464,  2  ;  496,   1  ;    535,  1 

555  ;  570,  3. 
Schiller    Fr.,    II,  377,  1. 
Schiller    F.-C.-S.,    574  ;  822,  2. 

—  II,  144;  494. 
Schinz  A.,  II,  416;  493. 
Schlegel  (Fr.  de),  749,  4.  —  II, 

377.  1. 
Schlegel  (W.  de),  II,  377,  1. 
SCHLEICHER  A.,  449,  2. 
Schlesinger  a.,  II,  416. 
ScHMiD  p.,  II,  409,  3. 
Schmidt  0.,  II,  612,  1. 
ScHMiTT  E.-H.,  II,  492. 
Schmitz-Dumont  0.,  631,  1. 
Schmoller  g.,  757,  2.  —  II,  301  ; 

302;   361. 
Schneemann   g.,   380,   2.   —  II, 

586,  1. 
Schœbel  m.,  II,  430,  2. 
Schopenhauer  a.,  298  ;  365,  1.  — 

II,  93,  1  ;  96,  1  ;  377,  1  ;  555. 
Schrader  E.,  284. 
ScuROEDER  E.,  567,  6  ;  764. 
ScHWALM  M.-B.,  786,  1.  —  II,  114, 

1  ;  200,  1  ;  238,  1  ;  244,  1,3; 

306  ;  362. 
Schwartzkoppf  M.-P.,  xxvi,  2. 
Schweitzer  R.,  II,  651. 
ScoRRAiLLE  (R.  de),  II,  224,  2; 

230,  4. 
ScoTTi  G.,  II,  143. 

Skailles  g.,  II,  377,  1  ;  438,  2. 
Secchi  a.,  655.  2. 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


727 


Sechehaye  Cii.-Alb.,  499. 
Secrétan  Ch.,  369,  2.  —  II,  8,  1. 
Sée  h.,  II,  310. 
Segond  J.,  XXVI,  2  ;  502.  —  II,  46, 

1  ;  417. 

Seignôbos  Ch.,  734,  3  ;  752,  1.  — 

II,  303. 
Seilhac  (L.  de),  II,  360,  2. 
Seillière  Ern.,  II,  200,  4. 
Seligman  Edw.-R.-A.,  766.  —  II, 

277,  1. 
Semaines  sociales,  II,  374. 
Semple  (H.  Churchill),  II,  309. 
Sénarmont  h.,  655,  2. 
Sénèque,  II,  46,  1  ;  156,  1  ;  554. 
Senet  R.,  498. 
Sennebier,  649,  2. 
Sentroul  Ch.,  573  ;  845.  II,  — 430, 

2  ;  459  ;  493. 
Sergi  g.,  131  ;  178,  2. 
Sertillanges  A.-D.,  II,  218  ;  252 

1  ;  304  ;  305  ;  335  ,  1  ;  410,  2 
413  ;   416  ;   491  ;  555  ;  566,   1 
651  ;  655. 
Sevestre  Ém.,  II,  351. 

S'Gravesande,  714,  71  ;  75,  2. 

Shaftesbury  (A.  de),  II,  81,  4. 
Su  AND  A.,  432. 

Sharp  (Fr.  Chapman,)  II,  145. 
Shearman  A.-T.,  574. 

SiDGwiCK  A.,  766. 
Siebeck  h.,  II,  416. 
Sighele  Se,  401,  2, 

SiGNORELLI,  II,  406,  3. 

Signoriello  N.,  17. 

SiGOGNE  E.,   II.  304. 

Sigvvart  Chr.,  512  ;  678,  2. 
SiMÉoN  Ch.,  II.  653. 
SimmelG.,  764.  —  II,  12;  300. 


Simon  J.,  369,  1  ;  416,  1.  —  II, 
1,  1  ;  16,  1  ;  136,  1  ;  208,  1  ; 
265,  1  ;  291,  2  ;  331,  2. 

Simon    Th.,    500  ;  501. 

SiMONEY,  II,  349,  1. 

SiNÉTY  (R.  de),  XXIV,  1  ;  176,  2  ; 
351.  —  II,  531  ;  653  ;  654. 

SiNIBALDO  DE  MaS,  461,  2. 

Six  P.,  11,306. 

Small  A.-W.,  II,  303  ;  309. 
Smedt(Ch.de),734,3.~II,  167,  2. 
Smith   A.,    122,  1  -,,441,  4. 
Smith    H.-B.,   575. 

Sollier  p.,  81  ;  152,  1  ;  211  ;  346  ; 

348;  350;  496. 
Sorel  g.,  764.  —  II,  306;  309; 

330. 
Sorley  W.-R.,  II,  146  ;  655. 
Sortais  G.,  xxiii,  2  ;  121,  3  ;  163 

1  ;  196,  2  ;  230,  1  ;  312,  1  ;  314 

1  ;  316,  4  ;  380,  2  ;  388,  1  ;  400 

1  ;  485,  1  ;  583,  1  ;  586,  2  ;  655 
1,2;  660,  3  ;  667,  2  ;  672,  4 
683,  2  ;  766  ;  806,  3.  —  II,  132 

2  ;  183,  2  ;  185,  2,  4  ;  218  ;  220 
1  ;  224,  3  ;  225,  3  ;  230,  1,  2,  5 
235,  2  ;  239,  1  ;  246,  4  ;  247,  2 
250,  1  ;  251,  2  ;  255,  1  ;  256,  2 
259,  3  ;  260,  2  ;  265,  2  ;  282,  1 
293,  3  ;  308  ;  333,  1  ;  340,  1 
342,  3  ;  344,  1  ;  372,  3  ;  383,  2 
399,  1  ;  400,  1  ;  406,  2  ;  408,  1 
413,  5;  414;  430,  2;  438,  1 
448,  1,3;  502,  2  ;  508,  1,2';  555 
586,  1  ;  593,  3  ;  600,  2  ;  603,  1 
632,  1  ;  641,  2  ;  643,  1. 

Soto  D.,  II,  468,  1. 
Souben  j.,  II,  377,  1. 

SOULAVILLE    F.,    II,   309. 

Sou  RI  au  P.,  229,  1  ;  235  ;  653,  2  ; 


728 


INDE^C    DES    AUTEU,RS    CITES 


760,  1.  —  II,  145  ;  388,  1  ;  392  ; 
395,  1  :  413  :  414  ;  415. 

Spaier  a.,  352. 

Spaldak  a.,  II,  655. 

Spencer  H.,  xxvi,  1  ;  51  ;  121,  2 
298  ;  431  ;  584, 1  ;  597,  2  ;  687,  2 
752,  1  ;  777,  1.  —  II,  219,  1 
247,  2  ;  302  ;  457  ;  496,  1  ;  535, 
1  ;  554. 

Spiller  g.,  51. 

Spinoza  B.,  520,  1  ;  794,  1.  —  II, 
219,  1. 

Spir  a.,  II,  458. 

Spuller  E.,  815,  5 


Squillage  F.,  II,  414. 


II,  351, 


II,  496,  1. 


Stallo  J.-B.,  658,  4. 

Stapfer  p..  Il,  415. 

Steccanella  V.,  II,  199,  2. 

Stefanowska  m.,  133. 

Stein  (H.  de),  II,  377,  1. 

Stein  L.,  752,  1.  —  II,  199,  2  ; 

302  ;  651  ;  653. 
Steinmetz  R.,  II,  305. 
Stewart  T).,  246,  1  ;  263  ;  416,  1  ; 

473,  1  ;  520,  1  ;  649,  1  ;  815,  4. 
Stobée,  II,  94,  1. 
Stocquart  E.,  II,  358,  1. 
Stoerring  g.,  353.  —  II,  13. 
Stoir\i  R.,  II,  277,  1  ;  281,  2  ;  361. 
Straub  J.,  II,  459. 
Strauss  P.,  II,  264,  2;  301. 
Strehler  B.,  II,  144. 

SiARKZ  Fr.,  xxiv,  2  ;  xxvii,  2  ; 
252.  I  ;  260,  5  ;  316,  4  ;  486,  1  ; 
670,  2  ;  768,  1  ;  794,  1.  —  II,  1, 
1  ;  9,  1  ;  ;{7,  1  ;  106,  3  ;  129,  3  ; 
223,  1  ;  224,  2  ;  225,  4  ;  230,  4, 
5  ;  270,  3,  ;  275,  3  ;  276,  1  ;  290, 


4;  291,  1;  311,  4  ;  343,  2  ;  457  ; 

461,  1  ;  474,  1  ;  481,  2  ;  496,  1  ; 

505,  1  ;  587,  3. 
Sully  J.,  131  ;  194  ;  473,  1  ;  794, 

1.  —  II,  393  ;  555. 
Sully-Prudhomme     Arm.,     298; 

349  ;  431.  —  II,  377,  1  ;  491. 
Sumner  Maine  H.-J.,  II,  240,  4. 
SuPAN,  734,  3. 

SupiNO  C,  757,  2.  —  II,  362. 
Surbled  G.,  81  ;  131  ;  466,  1  ;  478, 

1  ;  499.  —  II,  535,  1. 


T 


Tacite,  744,  1. 

Taine  h.,  30,  1  ;  142,  4  ;  246,  1 
250,  1  ;  264;  609,  1  ;  634,'  6 
668,  2  ;  690,  2  ;  702,  3  ;  734,  3 
748,  1.  —  II,  53,  2;  164,  2 
261,1;  301,1;  351;  402,1;  535,1. 

Tanon  L.,  II,  132,  1. 

Tannery  L.,  II,  505,  1. 

Tannery    p.,   598,  1  ;  670,  3. 

Tanquerey  Ad.,  II,  172, 3  ;  273,  3. 

Taparelli  d'Azeglio  L.,  II,  1,  1  ; 
46,  1  ;  152  ;  161,  2  ;  167,  1  ;  176, 
3  ;  188,  3  ;  208,  1  ;  219,  1  ;  223, 
1  ;  225,  1  ;  232,  2  ;  247,  2  ;  252, 
1  ;  259,  1  ;  266,  1  ;  267,  1  ;  2  ; 
304;  311,  1  ;  322,  2;  331,  2; 
332,  2  ;  334,  1  ;  344,  1  ;  377,  1. 

Tarde  G.,  133  ;  ,498  ;  752,  1.  — 
II,  114,  1  ;  152;  267,  2;  303; 
361. 

Tarde  (A.  de),  II,  305. 

Tardieu  e.,  81  ;  133  ;  502. 

Tardif  E.,  II,  408,  3. 

Tah(,)i  iNi  G.,  II,  334,  1. 

Taudikre  h.,  II,  213,  3;  218. 

Tciiehlnoff  j.,  II,  329. 


INDEX    DES    AUTEURS    CITÉS 


729 


Tedeschini  p.,  II,  522,  3,  4. 
Terraillon  E.,  II,  146. 
Terrât  B.,  II,  181,  2. 
Tertullien,  II,  185,  2. 

Thaller,  II,  356,  1. 

Thamin  R.,  415  ;  429  ;  596,  1.  - 
II,  81,  2;  93,  1. 

Thamiry    E.,    II,  652. 

Theilard  du  Chardin  P.,  II,  622 
1  ;  623,  2,  3  ;  626,  2. 

Théry   Éd.,   11,362. 

Théry    g.,    II,  242,  3  ;  358,  1. 

Thévenin  J.,  II,  530. 

Thiers  Ad.,  II,  188,  3. 

Thomas,  II,  612,  1. 

Thomas    A.,    456,  1. 

Thomas    P.-F.,    413,  1  ;  415  ;  430 
—  11,327,2. 

Thomas  d'Aquin  (Saint),  xxv,  1 
xxvii,  4  ;  xxviii,  1  ;  130  ;  260 
4  ;  298  ;  316,  4  ;  365,  3  ;  38,1,  2 
403,  1,2;  416,  1  ;  444,  2  ;  511 
768,  1  ;  770,  1  ;  775,  1  ;  794,  1 
813,  2.  —  II,  1,  1  ;  9,  1  ;  28,  5 
37,  1  ;  39,  1  ;  40,  1  ;  69,  5  ;  106 

1,  3;  161,  2;  173,  1,  2;  193,  1 

2,  3  ;  207,  1  ;  219,  1  ;  223,  1 
252,  2  ;  263,  5  ;  271,  1  ;  273,  2 
275,  4  ;  290,  1  ;  311,  3  ;  332,  1 
384,  1  ;  386,  1  ;  413,  3  ;  453,  1 
455,  2  ;  464,  1  ;  474,  1  ;  486,  1 
511,  1  ;  554;  571,  11  ;  576,  2 
630,  1  ;  635.  1. 

Thomassin  L.,  435,  4. 
Thorndike  Ed.,  131. 
Thouverez  Ém.,  II,  13  ;  458. 
Thunen  (J.-H.  von),  II,  358,  1. 
Thureau-Dangin   p.,   793,   1.   - 
II,  164,  1  ;  293,  1  ;  337,  2. 

Tissié  Ph.,  473,  1. 


TissoT,  II,  156,  1. 
TissoT   J.,   11,529,2. 
TiTCHENER  E.-B.,  52  ;  131  ;  132  : 

349. 
TiviER  H.,  II,  458. 

Todd    A.-J.,  II,  309. 
ToLEDo  Fr.,  II,  194,  1  ;  593,  3. 
Tolstoï  L.,  II,  377,  1  ;  393.    • 
Tongiorgi  s.,  16. 
ToNioLo  G.,  II,  239,  2,  4. 
Tonnelle  Alfr.,  215,  2. 
TôNNiES  F.,  II,  304;. 308. 
ToNQUEDEc  (J.  de),  827,  4;  828, 

2;  836;  845.  —  II,  492  ;  576, 1. 
TôPFFER  R.,  II,  377,  1  ;  399,  1  ; 

410,  3. 

TORREND    C,    II,    653. 

TouRTouLON  (G.  de),  II,  306. 
TouRviLLE  (H.  de),  II,  303. 

Trémerel  g.,  II,  374. 
Triboulet  h.,  II,  375,  1. 
Trivero  g.,  II,  l'44. 
Troilo  e.,  II,  494. 
Truc  G.,  431  ;  501;  829,  2.  —  II, 
459  ;  494. 

TucciMEi   G.,    II,  652. 
TuFTs  J.-H.,  II,  13;  393. 
Turco  N.,  II,  146. 
TuRGEON  Ch.,    II,  302  ;  309  ;  362. 
TURGEON    Ch.-H.,    II,  362. 
TuRiNAz  Ch.-Fr.,  II,  375,  1. 
TuRMANN  M.,  752,  1.  —  II,  199, 
2  ;  239,  2  ;  261,  1  ;  265,  3. 

TURNER    W.,    513. 

TuRRo  R.,  499. 
Tyndall  j.,  653,  4. 


730 


INDEX     DES    AUTEURS    CITÉS 


u 

Ubaghs  G.-C,  50. 

Ueberweg  Fr.,  512  ;  527,  1. 

Ulrich  Alf.,  497. 

Underhill  E.,  502. 

Urban  W.-M.,  II,  145. 
Urraburu  J.-.J,  16;  512.  —  II, 
458  ;  496,  1  ;  535,  1  ;  555*. 

UssEL  (Ph.  d'),  II,  240,  4. 

Utitz    Em.,    II,  416. 

V 

Vacandard  e.,  II,  328. 

Vacant  A.,  439,  4. 

Vacherot  Et.,  II,  240,  4;  459; 

535,  1. 
VailaTi  g.,  765. 
Valdour  J.,  II,  308. 
Valensin    Alb.,    II,  309;  310. 
Valensin   Aug.,   575.  —  II,  362  ; 

604,  3  ;  655. 
Vallery-Radot  R.,  651,  3  ;  669, 

3.  —  II,  496,  1. 
Vallet  p.,  II,  188,  3  ;  301  ;  377, 

1  ;  414  ;  430,  2  ;  438,  2  ;  457  ; 

491  ;  496,  1. 
Valu  L.,  II,  146. 
VallierC.-A.,  II,  31,  1. 
Valois  G.,  II,  362. 
Valson  C.-A.,  588,  1. 
Van  Biervliet  J.-.J,  51  ;  211. 
Van  den  Gheyn  J.,  456,  4. 
Van  den  Heuvel  J.,  II,  285,  2. 
Van  der  Elst  R.,  499. 
Vanderpol  a.,  II,  273,  3;  307; 

308  ;  309. 


Vandervelde  e.,  II,  201,  2. 
Van  Gennep  A.,  350.  —  II,  330. 
Vanlaer  m.,  II,  375,  1,  2,  3.         ^ 
Van  Molle  J.,  53. 
Van  Overbergh  C,  II,  199,  2. 
Vareilles    Sommières    (de),    II, 

132,  1  ;  221,  1  ;  223,  1  ;  224,  1  ; 

225,  5  ;  232,  2. 
Varendonck  j.,  503  ;  767. 
Varisco  B.,  II,  493. 
Vaschide    N.,    496  ;    500  ;    512  ; 

728,  2. 
Vauvenargues    (L.    de),    82,    1  ; 

130.  —  II,  28. 

Vecchietti  e.,  349. 

Vecchio  (G.  DEL),  II,  144  ;  145  ; 

147  ;  304. 
Vendriès  j.,  503. 
Ventura  J.,  442,  5.  —  II,  223,  1. 
Verhaegen  a.,  II,  358,  1. 
Vermeersch  a.,  II,  147  ;  277,  1  ; 

310  ;  359,  3  ;  362. 
Véron  e.,  II,  377,  1. 
Véronnet  a.,  II,  530  ;  531  ;  532. 

VialFr.,  11,655. 

Vialleton  L.,  II,  652. 

Victoria  Fr.,  II,  271,  2. 

Vidari  g.,  II,  13. 

Vigne  M.,   752,  1. 

Vigne  P.,  II,  252,  1. 

ViGNON  P.,  II,  496,  1  ;  529  ;  533  ; 

553. 
ViGouRoux  F.,  703,  3.  —  II,  222, 

2  ;  612,  1. 
Villa  G.,  51. 

ViLLEY  Ed.,  II,  247,  2  ;  358,  1. 
Villien  a.,  II,  218. 
Vincent  G.,  631,  1. 
ViRCHow  M.,  II,  632,  1. 
Vischer  Th.,  II,  377,  1. 


INDEX    DES    AUTEURS    CITES 


731 


Voisine  G.,  Il,  533. 
VoivENEL   P.,   499.   —   II,    160; 
308  ;  417. 

VOLKELT  J.,  II,  415. 

Voss  L.,  II,  393.    ■ 
Vries  h.  (de),  II,  653. 
VurpasCl.,  496;  512. 

\V 

Waddington   Ch.,   466,   1  ;   511  ; 

552,  1.  —  II,  16,  1  ;535,  1. 
Wagner  A.,  II,  361. 
Walker  (Leslie  J.),  II,  493. 
Wallace    R.,    II,  612,  1  ;  614,  3. 
Wallace  (Alfr.  Russel),  II,  653. 
VVallaschek    R.,   II,   415. 
Wallerand  g.,  II,  14. 
Wallon  H.,  500.  » 

Wallon  H.,  II,    176,  3  ;    177,  1  ; 

178,  1,3;  179,4;  180,3;  181,  J. 
Walter  Fr.,  II,^  188,  3. 
Ward    j.,   53. 
Ward    L.-F.,    II,  304. 
Warrain  F.,  lî,  492  ;  531. 
Wartenberg  m.,  II,  490. 
Washburn  (F.  Margaret),  352. 
Wasmann  F.,  500.  —  II,  612,  1  ; 

652  ;  653. 
Waterlot  g.,  II,  374. 
Waynbaum  j.,  499. 

Webb  S.,  11,201,  1. 
Weber  a.,    II,    43(),  2  ;  604,  5. 
Weber  L.,    II,    459;  491. 
Weil  G.-D.,  II,  285,  2;  293,  3. 
Weill  g.,  II,  201,  1  ;  202,  2  ;  304. 
Weislmann  a.,  II,  612,  1. 
Weiss  J.-J.,  11,261,2. 


Weitch,  511. 
Wellington,  II,  168,  1. 
Wentscher  m.,  II,  12. 
Wernick  g.,  574. 
West  W.-M.,  II,  330. 
Westenmarck  Ed. -Al.,  II,  13. 

Whewell  W.,  649,  1. 
Whitehead  A.-N.,  567,  10  ;  766. 

—  II,  494. 

Whitney  W.-D.,  441,  3  ;  449,  3. 

WiART  E.,  II,  1,  1  ; 

WiLBois   J.,   830,   2.   —  11,146; 

308. 
WiLLEMS  C.,  16  ;  512. 

WiLLMANN  O.,  17.  II,  143. 

WiLM  J.,  II,  605,  1  ;  607,  1. 
WiLMERS  w.,  II,  194,  1  ;  331,  2. 
WiNCKELMANN  Al.-G.,  II,  377,  1  ; 

406,  3. 
WiNTER  M.,  766. 

WiNTERER  L.,  II,  188,  3  ;  199,  2. 
WiTASEK  St.,  52. 
WiTT  (Mme  de),  II,  207,  2. 

WiTTMANN  M.,  II,  13. 

WoLF  (Ch.),  655,  1. 
WoLF  (M.),  573. 

WOLHGEMUTII  A.,  133. 

WooDWORTii  R.-S.,  II,  530. 

Woolf  L.-S.,  II,  329. 

WoRMS  R.,  713,  3  ;  752,  1  ;  764. 

—  II,  219,  1;  302;  307;  308; 

;  :  1 0. 

WuNDT  W.,  16;  51  ;  178,  2;  496; 
498;  501  ;  513.  —  II,  12;  531. 
WiRTz  A.,  649,  1.  —  II,  496,  1. 

Wyzewa  (Th.  de),  II,  199,  2. 


732 


INDEX    DES    AUTEURS    CITÉS 


Xénophon,  392,  1.  —  II,  562. 


YvES-GuYOT,  II,  329  ;  351. 


Z 


Zaborowski,  441,  3. 
Zahn  Ph.,  II,  612,  1. 
Zaî^ta  L.,  II,  212,  1. 
Zaragûeta  J.,  16  ;  503. —  II,  553. 


Zeiller  J.,  II,  306. 
Zeller  Ed.,  II,  93,  1. 
Zenthen  h. -G.,  763. 

Ziegler  Th.,  II,  151  ;  302  ;  352,  1. 

ZiEHEN  Th.,  513. 

ZiGLIARA  Th.-M.,  16.   —   II,  1,  1  ; 

290,   7  ;  453,   1  ;  457  ;  513,  3  ; 

523,  1  ;  587,  4. 

ZiMMERMANN   Ot.,   II,  653. 
ZiNO  ZiNI,   II,   208. 

ZoccHi  G.,  II,  414. 


TABLE  ANALYTIQUE  (^  DES  DEUX  VOLUMES 

ET 

VOCABULAIHE  PHILOSOPlIKiUE  (2' 


A  :  symbole  de  la  proposition  Universelle  affirmative,  532. 

A  =  A  :  cette  formule  sert  quelquefois  à  exprimer  le  principe  d'identité. 
Le  signe  =  indique  non  l'égalité  mathématique,  mais  l'égalité  logique,  c'est- 
à-dire  l'identité,  288. 

Ab  antécédente  [Antecedere,  devancer)  :  principe  de  la  1''^  figure  du  syllo- 
gisme, 538. 

Abaque  [Abacus,  de  "Aêa;,  aêaxo:,  tablette)  :  l'abaque  de  Jevons  est  une 
sorte  do  tableau  imaginé  par  ce  logicien  anglais  pour  combiner  certaines 
idées.  Cf.  Stanley   Jevons,  Pure  logic,  p.  80,   Londres,  1890. 

Abduction  (Abductio,  de  abductum,  supin  de  ab-ducere,  détourner)  :  Aristote 
appelle  abduction  (ocTraYwyVÎ)  le  syllogisme  dont  la  majeure  est  certaine  et 
dont  la  mineure  n'est  que  probable.  La  conclusion  n'aura  qu'une  probabilité 
égale  à  celle  de  la  mineure.  L'attention  se  détourne  de  la  conclusion  pour  se 
porter  sur  la  mineure  dont  on  cherchera  une  démonstration.  Ex.  :  Tout  ce 
qui  s'enseigne  est  science.  Or  il  paraît  que  la  justice  s'enseigne.  Donc  il  parait 
que  la  justice  est  science.  (Cf.  Premiers  Analytiques,  L.  Il,  ch.  xxvii.  Éd.  Didot. 
C'est  à  cette  édition  que  nous  renverrons  pour  toutes  références  à  Akistote.) 

Abéi.ard  (Pierre)  :  Conceptualisme,  254. 

Aberration  [Aberratio,  de  aberratum,  supin  de  ab-errare,  s'écarter  du 
chemin)  :  ce  mot  signifie  :  a)  scientifiquement  :  anomalie  d'une  fonction  qui 
l'empêche  d'atteindre  sa  fin  ;  vg.  aberration  de  la  vue  ;  b)  vulgairement  :  trouble 


(1)  On  trouvera  dans  cette  table  non  seulement  l'indication  détaillée  de.s  matil^rps 
contenues  dans  les  deux  volumes,  mais  encore  un  Vocnhuhiire  philosophique.  —  Les  clulTres 
précédés  de  II  se  réfèrent  au  second  volume  ;  les  autres,  au  premier.  -—  Lorsqu'un  nombre 
est  suivi  de  1,  2  ou  3,  etc.,  cela  signifie  que  la  référence  se  rapporte  .'i  la  noie  1,  '2  ou  3.  i;fc., 
de  ia  page  indiquée  par  le  nombre  précédent.  —  Les  étymologies  et  dérivations  ont  été. 
en  général,  signalées,  parce  que  souvent  elles  renferment  des  indices,  dont  le  philosophe 
peut  tirer  profit.  On  ne  sera  pas  étonné  de  rencontrer  certains  mots  latins  à  l'accusatif, 
si  l'on  veut  bien  se  souvenir  que  les  mots  français,  de  formation  populaire,  .sont  empruntés 
au  cas  accusatif. 

(2)  Ouvrages  consultés  :  A.  H.^tzfeld  et  \.  Darmkstetf.r,  Dictionnaire  général  de 
la  Langue  française...,  Paris,  s.  d.  —  Al.  Behtrand,  Le.xigue  de  Philosophie,  Paris.  1892. 
—  N.  SioNORiEi.LO,  Lexicon  peripaleticum  philosophico-thcologicum...,  Naples,  189.'i.  — 
Edm.  Goblot,  Le  Vnrnbuloire  philosophique,  niris.  1901.  —  Vocabulaire  technique  et  critiaue 
de  la  PhiloRophie,  dans  Bulletin  de  la  .Société  Française  de  Philo.sopiue,  Paris.  1902- 
ig'22.  —  A.  Bailly,  Dictionnaire  grec-français,  Paris,  1903  *.  —  K.  Benoist  et  H.  (iOelzeh. 
Nouveau  Dictionnaire  latin-français,  Paris,  1912'', 


7^4  TABLE  ANALYTIQUE  :  Ab  cxemplo  —  Abstractive 

mental  qui  se  manifeste  par  une  erreur  ou  un  oubli  graves,  mais  transitoires. - 
—  Parmi  les  faits  privilégiés,  Fr.  Bacon  met  les  instantiœ  déviantes  ou  faits 
aberrants,    652. 

Ab  exemple  (de  Exemptum,  supin  de  eximere  =  ex-emere,  tirer  de)  :  principe 
de  la  3^  figure  du  syllogisme,  538. 

Abnégation  [Abnegatio,  de  abnegatum,  supin  de  ab-negare,  refuser)  : 
oubli  et  sacrifice  volontaires  de  soi-même. 

Aboulie  ('ASouXta,  de  y-  privatif  ;  po^Xv-,,  ce  que  l'on  veut)  :  elle  «  consiste 
essentiellement  dans  une  altération  de  tous  les  phénomènes  qui  dépendent  de 
la  volonté,  les  résolutions,  les  actes  volontaires,  les  efforts  d'attention.  » 
(Pierre  Janet,  Aboulie,  dans  le  Dictionnaire  de  Physiologie  de  Ch.  Richet, 
T.  I,  p.  9,  Paris,  1895)  :  a)  Aboulie  motrice  :  qui,  sans  présenter  de  paralysie, 
se  manifeste  par  une  incapacité  absolue  d'agir  ou  par  des  hésitations.  C'est 
l'initiative  qui  est  supprimée.  —  b)  Incapacité  de  résister  à  une  idée  impul- 
sive. —  c)  Aboulie  intellectuelle,  qui  se  manifeste  par  l'incapacité  de  faire 
attention,  368. 

Absence  { Absent ia,  de  absens,  partie,  présent  de  ab-esse,  être  hors  de, 
loin  de)  :  a)  Psychologie  :  forte  distraction,  239.  — ■  b)  Logique  :  Table 
d'absence,    666. 

Absolu  {Absolutus,  participe  passé  de  ab-solvere,  absolutum,  délier  et,  par 
extension,  achever,  parfaire)  :  a)  Ce  qui  est  libre  et  sans  lien,  c'est-à-dire  sans 
relation  ni  dépendance  ;  ce  qui  est  indépendant  de  toute  condition,  339.  — 
Compréhension  de  cette  notion,  339-340.  —  Sa  concevabilité,  340-341.  —  Son 
origine,  341.  —  L'absolu,  c'est  Dieu,  343.  —  Le  bien  absolu,  343.  —  Le  beau 
absolu.  343.  —  b)  Ce  qui  ne  comporte  aucune  restriction  :  vg.  pouvoir  absolu. 

—  c\  Terme  absolu,  par  opposition  au  terme  relatif;  celui,  qui  par  lui-même, 
exprime  une  notion  complète  :  vg.  homme.  Père,  fils  sont  des  termes  relatifs. 

Absorption  (Absorptio,  de  absorptum,  supin  de  ab-sorbere,  avaler,  prendre 
entièrement  :  a)  État  de  l'esprit  complètement  saisi  par  une  pensée.  Herbart 
l'oppose  à  la  réflexion.  —  b)  Propriété  de  l'addition  et  de  la  multiplication  dans 
l'Algèbre  de  la  Logique.  Elle  a  pour  expression  ces  deux  formules  :  a  +  ab  =  a  ; 
a  (a  -1-  b)  =  a. 

Abstention  (Abstentio,  do  abstentum),  supin  de  abstinere  =  abstenere,&e 
tenir  éloigné  de)  :  abstention  de  l'électeur,  II,  281-282  ;  282-283. 

Abstine  :  maxime  stoïcienne,  II,  94  ;  95. 

Abstinence  [Abstinentia,  de  abstinere  =  abs-tenere,  se  tenir  éloigné  de)  : 
a)  Au  sens  stoïcien  de  Abstine,  II,  94  ;  95.  —  b)  Sens  chrétien  :  privation  volon- 
taire de  certains  plaisirs  dans  un  but  moral  ;  vg.  pour  acquérir  la  maîtrise  de 
soi-même,  II,  158. 

Abstraction  [Abstractio,  de  abstractum,  supin  de  abs-trahere,  enlever,  tirer 
de  côté,  isoler)  :  acte  par  lequel  l'esprit  considère  à  part  un  élément  d'une 
représentation  en  négligeant  les  autres.  Uanalyse,  au  contraire,  considère 
tous  les  éléments  de  la  représentation  analysée.  —  Nature,  espèces,  degrés,  246. 

—  Avantages  et  dangers,  247.  "—  Inadvertance  aux  choses  extérieures,  239. 

—  Abstraction  réalisée,  248.  —  Sophisme,  799. 

Abstractive  (Connaissance)  :  connaissance  rationnelle  d'une  chose  par  le 
moyen  d'une  autre  qui  eu  est  l'image,  l'expression  ou  le  symbole  :  vg.  on  connaît 
la  cause  par  l'eflet.  Dieu  par  les  créatures.  Se  dit  par  opposition  à  la  connais- 
sance intuitive,  246  ;  286.  ^ 


i 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Abstractivcment  —  AccommodaticB  735 

Abstractivement,  abstraitement  :  le  premier  mot  indique  une  action  : 
connaissance  obtenue  par  abstraction  ;  le  second  marque  un  état  :  résultat 
de  l'abstraction. 

Abstrait  (Abstractus,  isolé  de,  participe  passé  de  abs-trahere,  abstractum, 
tirer  de  côté)  :  c'est  le  résultat  de  l'abstraction.  Se  dit  de  toute  notion  que 
l'on  considère  séparément  de  la  représentation  où  elle  est  donnée  :  vg.  l'huma- 
nité. —  S'oppose  à  concret,  qui  se  dit,  soit  d'une  représentation  complète  avec 
tous  les  éléments  qui  la  composent  :  vg.  Vidée  d'homme  ;  soit  de  ce  qui  existe 
dans  l'ordre  réel  avec  tous  ses  éléments  ;  vg.  Pierre.  —  Pour  Hegel,  qui 
change  le  sens  usuel  du  mot,  Vabstrait  c'est  ce  qui  est  connu  en  dehors  de  ses 
relations  avec  le  reste  ;  vg.  le  particulier  est  un  abstrait,  en  tant  que  la 
perception  sensible  l'isole  de  l'universel  ;  de  même  l'universel,  en  tant  que  la 
réflexion  l'isole  du  particulier.  Le  concret  c'est  ce  qui  est  complètement  déter- 
miné par  tout  l'ensemble  de  ses  relations  ;  vg.  l'esprit.  —  Idée  abstraite,  259. 
—  Terme  abstrait,  518. 

Abstraites  (Sciences)  :  celles  qui  emploient  les  abstractions  les  plus  élevées  : 
Métaphysique,  Mathématique.  —  Classification,  1-2  ;  592-593.  —  Méthodes 
des  sciences  abstraites,  625. 

Abstraites-concrètes  (Sciences)  :  classification  par  H.  Spencer,  592. 

Abstrus  (Ahstrusus,  enfoncé,  caché,  partie,  passé  de  abs-trudere,  abstriisum, 
cacher)  :  ce  qui  est  difficile  à  comprendre  :  idées  abstruses,  sciences  abstruses. 

Absurde  {Ab-surdus,  qui  résonne  confusément,  discordant)  :  ce  qui  est 
contraire  à  la  raison.  —  Démonstration  par  l'absurde,  637-638.  —  Réduction 
à  l'absurde  de  Baroco  et  de  Bocardo,  540-541. 

Académie  ( 'A>caoy;y.i'a,  jardin  d'Academos,  où  enseigna  Platon)  :  a)  An- 
cienne :  c'est  l'Ecole  de  Platon,  de  Speusippe  et  de  Xénocrate.  —  b)  Nou- 
velle :  École  d'ARCÉsiLAs,  de  Carnéade  et  de  Clitomaque,  II,  425. 

Acatalepsie    (i    privatif    et  x.aTaXr/]/i'a,   de  xaTa->r,'l/t;,   compréhension)   : 

a)  Pyrrhon  et  Arcésilas  emploient  ce  mot  pour  caractériser  l'état  d'esprit 
du  sceptique   qui  renonce  par  principe  à  la  recherche   de  la   certitude.   — 

b)  Bacon  :  doute  définitif,  par  opposition  au  doute  méthodique  (Novum 
Organum,  I,  §  126.)  Cf.  G.  Sortais,  La  Philosophie  moderne  depuis  Bacon 
jusquà  Leibniz,  p.  357,  2  ;  396.  Paris,  1920. 

Accident  [Accidere  =  ad-cadere,  tomber  auprès,  survenir,  s'ajouter)  : 
a)  Accident  logique  ou  Prédicable  :  ce  qui  s'ajoute  d'une  façon  contingente  à. 
l'essence  et  au  propre,  481  ;  51G  ;  II,  481.  —  b)  Accident  catégorique  ou  Prédi- 
cament  :  ce  qui  existe  dans  un  autre  :  320-321  ;  516  ;  II,  480.-481.  —  Accident, 
absolu,  modal,  II,  481.  S'oppose  non  seulement  à  Substance,  mais  à  Essence, 
523.  ~  Sophisme  de  l^accident,  800. 

Accident  (Par)  ou,  comme  dit  Aristote,  xatà  (7uy.[i£|'ir,xo;)  :  c'est  ce 
qu'un  être  fait  ou  ce  qui  lui  survient  indépendamment  de  son  essence  et  de 
ses  attributs  essentiels,  vg.  :  un  juge  fait  de  la  musique  par  accident,  parce 
qu'il  n'en  fait  pas  en  tant  que  juge.  —  Conversion  par  accident,  534. 

Accidentel  (du  latin  scolastique  Accidentalis,  de  accidere,  tomber  auprès, 
survenir).  Par  opposition  à  essentiel  :  a)  Ce  qui  appartient  aux  accidents  d'un 
être.  —  b)  Ce  qui  lui  arrive  d'une  manière  contingente  ou  fortuite.  —  Indice 
du  caractère  accidentel,  690. 

Accommodatice  (Sens^  :  sens  nouveau  donné  à  un  texte,  que  l'auteur 
n'avait  pas  en  vue,  mais  qui  s'y  adapte  convenablement. 


736  TABLE  ANALYTIQUE  :  Accommodatioii  —  Actif 

Accommodation  {Accommodatio,  de  accommodatum,  supin  de  accom- 
modare  =  ad-coinmodare,  approprier,  ajuster)  :  action,  en  parlant  d'un  organe 
ou  d'une  fonction,  de  s'ajuster  aux  conditions  de  son  milieu.  Le  changement, 
qui  en  résulte,  s'il  est  fixé  par  l'hérédité,  s'appelle  adaptation,  703. 

Accord  (Méthode  d')  :  procédé  de  Stuart  Mill,  668  ;  690. 

Achille,:  l'argument  de  l'Achille  est  le  nom  donné  au  sophisme  par  lequel 
ZÉNON  d'Élée  prétendait  démontrer  l'impossibilité  du  mouvement.  Zénom 
prenait  comme  exemple  Achille  aux  pieds  légers  poursuivant  une  tortue. 
Cf.  Aristote,   Physique,  vi,   9. 

Achromatopsie  («  privatif,  /ptôaa,  couleur  et  o'V.t;  vue)  :  impuissance 
de  la  vue  à  discerner  les  couleurs,  tout  en  conservant  la  perception  générale 
de  clarté  ou  d'obscurité.  Holmgren  appelle  cette  infirmité  la  «  cécitéjdes 
couleurs    ». 

AcKERMANN  (M""^  Louise)  :  Pessimisme,  II,  648. 

A  conséquente  :  principe  de  la  deuxième  figure  du  syllogisme,  538. 

A  contrario  (Argument)  :  551. 

Acosmisme  (a  privatif  et  xoVjjloç,  monde)  :  l'acosmisme  est  la  négation 
du  monde.  L'acosmiste  ramène  le  monde  à  Dieu  et  l'y  absorbe.  C'est  pourquoi 
Hegel  a  nommé  le  système  de  Spinoza  un  acosmisme  plutôt  qu'un  athéisme. 
Cependant,  en  refusant  au  monde  une  substantialité  propre  pour  l'absorber 
en  Dieu,  Spinoza  fausse  complètement  la  notion  de  Dieu,  II,  603-604  ;  607-608. 
C'est  pourquoi  il  a  été  qualifié  d'athée. 

Acquis  (de  Acquérir,  ancien  français  aqucrre,  du  latin  populaire  acquaerere)  : 
ce  qui  n'est  pas  primitif.  —  Perceptions  acquises,  181.  — ^  Éléments  acquis 
du  caractère,  405  ;  407. 

Acquisition  (Acquisitio,  de  acquisitum,  supin  de  acquirere  =  ad-quserere, 
ajouter  à)  :  fonction  d'arcjuisition,  134. 

Acroamatique,  Acroatique,  (  Acroamaticus,  'AxpoaaaTr/.o';,  'AxpoaTtxo;,  rela- 
tif à  l'audition,  de  'Axpoaa'/,  leçon  orale)  :  a)  Se  dit  spécialement  de  l'ensei- 
gnement oral  d'Aristote.  —  b)  Se  dit  aussi  des  doctrines  secrètes  (vg.  chez 
les  Pythagoriciens)  qui  n'étaient  transmises  qu'oralement  à  un  petit  nombre 
d'initiés,  parce  qu'on  les  jugeait  inaccessibles  ou  dangereuses  au  vulgaire. 
Synonyme  d'Ésotérique.  —  S'oppose  à  Exotérique. 

Acte  [Actus,  de  actum,  supin  de  agere,  pousser,  mouvoir)  :  a)  Mouvement 
coordonné  chez  un  être  vivant  vers  une  fin.  Ce  mot  s'applique  spécialement 
aux  volitions  ou  à  leur  exécution  :  vg.  faire  acte  de  volonté.  Acte  et  action, 
358.  Pour  indiquer  les  autres  actes,  on  ajoute  une  épithète  :  vg.  actes  instinc- 
tifs, réflexes,  involontaires.  —  b)  En  Ethique  :  opération  libre  qui  implique  la 
responsabilité  de  l'agent  :  vg.  acte  bon,  acte  mauvais.  —  Acte  et  puissance, 
47  ;  II,  464-465.  —  Acte  pur,  48.  II,  577. 

Acte  pur  :  a)  Aristote  {Métaphys.,  L.  XI,  ch.  vu)  caractérise  ainsi  Dieu, 
(•h>'z  fjui  tout  est  en  acte,  48  ;  II,  577.  —  b)  Bacon  (dans  le  Noi>um  Organum, 
II,  §§  '1,  17)  appelle  Actus  purus  le  mouvement  mécanique  dont  la  puissance 
de  transformation  est  réalisée  tout  entière  à  chaque  moment  du  temps. 

Actif  { Activas,  de  actum,  supin  de  agere,  pousser,  agir)  :  a]  En  train  d'accom- 
[)iir  une  action.  S'oppose  à  Inactif,  Inerte  et  encore  à  Passif.  —  b)  Capable 
d'accomplir  une  action.  S'oppose  à  Passif;  47  ;  49-50-,  417-418.  —  Toucher 
actif,    158. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Actif  (IntcIIect)  —  Adéquat  737 

Actif  (Intellect)  :  traduction  du  Nou;  à7r«5r^ç  d'Aristote  [De  Anima, 
L.  III,  ch.  v)  ;  et  du  vouç  TroirjT-.xo;  de  ses  Commentateurs  :  vg.  Alexandre 
d'Aphrodise.  S'oppose  à  Noûç   Tra^rjTtxôç.  —   Doctrine  d'ARisTOTE,  316-317. 

Action  (Actio,  de  actum,  supin  de  agere,  pousser,  agir)  :  accident  en  vertu 
duquel  la  cause  est  productrice  de  quelque  chose.  —  C'est  l'une  des  catégories, 
296  ;  517.  II,  485.  —  Action  et  acte,  358.  —  Besoin  d'action,  61-62.  —  Divers 
motifs  d'action,  II,  46-47.  —  Les  Paradoxes  de  l'action,  par  R.  Marchal,  dans 
Gregorianuni,  1923,  p.  406  sqq.  —  S'oppose  aussi  à  Passion,  Inaction,  Réac- 
tion, 48. 

Action  (Philosophie  de  1')  :  c'est  le  nom  qu'on  donne  quelquefois  à  la 
théorie  de  M.  Blond el  et  L.  Laberthonnière,  à  cause  du  rôle  prépondérant 
qu'ils  accordent  à  Vactioti,  entendue  dans  un  sens  très  spécial  et  assez  fuyant  : 
«  J'entends  par  action  ce  qui  enveloppe  l'intelligence,  la  précédant  et  la 
préparant,  la  suivant  et  la  dépassant  ;  ce  qui,  par  conséquent,  dans. la  pensée 
est  synthèse  interne  plutôt  que  représentation  objective,  ii  (Blondel,  Bulletin 
de  la  Société  françaisejle  Philosophie,  juillet  1902,  p.  182.  Cf.  p.  190-191). 

Action  (Principe  de  la  moindre)  :  tel  que  l'entendent  Malebranche  et 
Leibniz  :  Natura  nihil  facit  frustra.  Natura  agit  per  vias  brevissimas,  658, 
§  VI,  3°.  Mais  ils  en  ont  fait  à  tort  l'équivalent  d'un  théorème  de  mécanique 
qui  résulte  des  lois  générales  du  mouvement,  mais  n'a  point  la  portée  méta- 
physique  qu'ils   lui   ont   attribuée. 

Actions  réflexes  :  dans  l'instinct,  112.  Voir  Réflexes. 

Activité  {Actii'itas,  de  activus,  actif  :  se  dit  :  a)  de  la  force  ou  faculté  qui 
produit  les  phénomènes  actifs  :  vg.  volonté  ;  b)  de  l'ensemble  des  phénomènes 
actifs  :  vg.  l'activité  psychologique  ;  c)  de  l'état  de  l'être  qui  fait  un  acte.  — 
Modes  et  degrés  de  l'activité,  48.  —  Activité  immanente,  transitive,  150  ; 
330  ;  II,  524. 

Activité  intellectuelle  :  tableau  de  cette  activité,  134-136.  —  Fonctions 
diverses,  137-345.  —  Résultats  :  idées  du  moi,  du  monde,  de  Dieu,  346. 

Activité  psychologique  :  49-50. 

Activité  sensible  :  49  ;  54-133. 

Activité  volontaire  :  50  ;  354-432. 

Actuation  (du  latin  scolastique  Actuatio,  de  actus,  acte)  :  passage  de  la 
puissance  à  l'acte,    48  ;  II,  464. 

Actuel  [Actualis,  de  ac«Ms,  acte  :  a)  Ce  qui  est  en  acte,  par  opposition  à  ce 
qui  est  en  puissance,  à  ce  qui  est  potentiel  ou  ç'irtuel  :  47  ;  II,  464.  —  Intention 
actuelle,  47  ;  II,  33.  —  b)  Ce  qui  est  présent  à  l'esprit. 

Actuer  (du  latin  scolast.  Actuare,  de  actus,  acte)  :  faire  passer  de  la  puis- 
sance à  l'acte,  48  ;  II,  464. 

Acuité  (de  Acutus,  aigu,  de  acus,  aiguille)  :  l'acuité  des  sens  est  le  degré 
de  finesse  dont  les  sens  sont  capables  :  vg.  acuité  visuelle,  186. 

Adaptation  [Adapter,  de  adaptare,  ajuster)  :  a)  Modification  ordinairement 
lente  d'un  organe  ou  d'une  fonction,  qui  aboutit  à  les  accorder  avec  leur 
milieu.  —  b)  Etat  résultant  de  cette  modification.  —  Adaptation  de  l'instinct, 
105-106.  —  Faculté  d'adaptation,  703.  —  Adaptation  au  milieu,  II,  615  ;  628. 

Adéquat,   Adéquation  (Adaequatus,   Adaequatio,  de  adaequatum,  supin    de 


738  TABLE  ANALYTIQUE  :  Addition  logique  —  Affectif 

qd-aequare,  égaler)  :  a)  Se  dit,  en  général,  d'une  idée  qui  représente  complè- 
tement un  objet,  qui  l'égale,  518.  —  Définition  de  la  vérité  métaphysique, 
XXVII,  xxviii  ;  770,  2.  —  b]  Pour  Spinoza  l'idée  adéquate  est  celle  qui  a  toutes 
les  propriétés  intrinsèque^  de  l'idée  vraie.  —  c)  Pour  Leibniz,  c'est  une  idée 
claire  et  distincte  dont  tous  les  éléments  se  résolvent  en  idées  simples. 

Addition  logique  (Additio,  de  additum,  supin  de  addere,  ad-do,  ajouter)  : 
opération  logique  applicable  aux  concepts  et  aux  propositions,  567-568. 

Ad  hominem  (Argument)  :  valable  seulement  contre  celui  que  l'on  combat, 
551. 

Adiaphorie  ('AS'.aoopîa,  indifférence)  :  état  d'esprit  qui  ne  fait  entre  les 
choses  aucune  difTérence  de  valeur  et  conséquemment  ne  peut  être  ému  par 
rien  :  c'est  pour  Pyrrhon  le  souverain  bien,  II,  421. 

A  dicto  simpliciter  (Sophisme)  :  qui  passe  a  dicto  simpliciter  ad  dictum 
secundum  qia'd,  800. 

Ad  ignorantiam  (Argument)  :  où  Ton  profite  de  l'ignorance  de  l'adver- 
saire pour  le  réduire  au  silence. 

Adjectif  {Adjectivus,  de  adjectum,  supin  de  adjicere  =  ad-jacere,  jeter 
auprès,  ajouter)  :  son  rôle  dans  la  phrase,  464. 

Ad  judicium  (Argument)  :  où  l'on  en  appelle  au  sens  commun. 

Admiration   { Admiratio,   de  admiratum,   supin   de   ad-rnirari,   s'étonner)   : 

a)  A  gardé  chez  Descartes    son    sens  ét^^mologique  d'étonnement,  124.  — 

b)  Ravissement  de  l'âme  en  présence  du  beau,  II,  396. 

Adoration  (  Adoratio,  de  adoratum,  supin  de  ad-orare,  demander  avec 
prière,  adorer)  :  acte  par  lequel  nous  témoignons  de  notre  soumission  à  la 
supériorité  ou  dignité  infinie  de  Dieu.  —  Sentiment  religieux,  98.  —  Devoir 
envers  Dieu,  II,   332. 

Ad  populum  (Argument)  :  qui  exploite  les  passions  et  préjugés  populaires. 

Adventice  { Adventitius,  de  adventum,  supin  de  ad-venire,  advenir)  :  idées 
qui  nous  viennent  du  dehors  par  les  sens.  Descartes  les  oppose  aux  idées 
innées  et  aux  idées  factices,  312. 

Ad  verecundiam  (Argument)  :  où  l'on  se  réfère  à  une  autorité  respectée. 

Advertence  ( Advertentia,  latin  scolastique  dérivé  de  ad-i'ertere,  tourner 
son  esprit  vers)  :  condition  de  la  liberté,  357.  S'oppose  à  Inadvertance. 

Adynamie  ('Aouvaaîa,  de  à  privatif  et  Wvaatç,  force)  :  état  de  prostration 
caractérisé  par  la  difficulté  ou  l'impossibilité  des  contractions  musculaires, 
souvent  aussi  par  l'obscurcissement  des  sensations  et  des  idées. 

yENÉsiDÈME  ('Atvî(7i5-/)jj.oî,  de  aïvéw,  louer;  o"/Î!-«-c;,  peuple)  :  Scepti- 
cisme, II,  422. 

Affecter  [Afjectare,  faire  des  efforts  vers,  fréquentatif  de  afjicere  =  ad-jacere, 
agir  sur)  :  exercer  une  action,  spécialement  sur  la  sensibilité. 

Affectif  [Afjectivus,  de  afjectum,  supin  de  afficere  =  ad-jacere,  agir  sur)  : 
caractère  commun  des  phénomènes  de  sensibilité  (plaisir,  douleur,  émotion)^ 
distincts  des  inclinations  ou  des  passions.  Affectif  ajoute  à  Passif  l'idée  qu'il  ne 
s'agit  pas  d'un  état  représentatif,  et  l'existence  d'une  réaction  de  la  part  du 
sujet  .sentant.  —  Caractère  de  la  sensibilité,  34  ;  54.  —  Élément  affectif  de  la 
sensation,  72.  —  Logique  affective,  785. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  AffectioDi  —  Agrégat  739 

Affection  {Affectio,  de  affeclum.,  supin  de  afficere  =  ad-facerer  agir  sur)  : 
modification  interne  provoquée  par  une  cause  extérieure,  38  ;  54.  —  Inclination 
altruiste,  86.  —  Dans  un  sens  plus  restreint  que  celui  de  modification,  on  entend 
par  affection  les  manières  d'être  qui  sont  senties  par  le  sujiet. 

Afférent  {Afferens,  de  af ferre  =  ad-ferre,  porter  à)  :  nerf  afférent,  71. 

Affinité  (Affinitas,  voisinage,  parenté  par  alliance,  de  affinis^  voisin, 
de  ad,  près  ;  finis,  limite)  :  affinité  logique.,  psychologique  r  propriété  qu'ont 
les  phénomènes  psychologiques  de  s'attirer  l'un  l'autre  par  l'association  des 
idées,  213.  —  Principe  de  l'affinité  générale,  694.  —  Affinités  naturelles,  698. 

Affirmatif  [AQirmativus,  de  affirmare  =■  ad-firmare,  affermir,  donner 
pour  certain)  :  a)  Jugement,  272.  —  Proposition,  530.  —  Propositions  :  aîfir- 
mative  toto-totale,  toto-partielle,  parti-totale,  parti-partielle,  552.  —  b)  Esprit 
affirmatif  :  tendance  à  se  prononcer  catégoriquement. 

Affirmation  {Affirmatio,  de  affirmatum,  supin  de  affirmare  =  ad-firmare, 
afTermir,  affirmer)  :  acte  par  lequel  l'on  énonce  l'existence  d'une  relation  posi- 
tive entre  les  termes  d'une  proposition.  C'est  l'âme  du  jugement,  266.  — 
Qualité  des  propositions,  530. 

A  fortiori  (Argument)  :  550. 

Agassiz  (Louis)  :  classification  naturelle,  694,  1. —  Types  prophétiques, 
699,  1.  —  Repousse  le  transformisme,  II,  619,  1  ;  621,  1. 

Age  (du  bas  latin  Aetaticum)  :  influence  sur  le  tempérament,  467. 

Agent  {Agens,  agentis  ;  participe  présent  de  agere,  pousser;  faire,  agir)  : 
tout  être  considéré  comme  agissant.  —  Cause  efficiente,  324.  —  S'oppose 
à  Patient. 

Agir  (Agere,  pousser,  agir)  :  être,  c'est  agir,  xxxi,  1  ;  48  ;  354.  —  Ce  mot 
a  tous  les  sens  du  mot  Action.  —  Il  s'oppose  à  Pâtir,  Subir. 

Agnosie  ('AyvojGta,  de  a  privatif  et  de  yvcoT'.;,  connaissance)  :  absence 
d'une  connaissance  particulière,  qui  fait  défaut  à  la  suite  de  cert-ains  accidents 
nerveux. 

Agnosticisme  (dérivé  de  Agnostique)  :  ce  mot,  créé  par  Huxley,  désigne 
surtout  l'ensemble  des  systèmes  philosophiques  qui  prétendent  que  certaines 
réalités  sont  inconnaissables  par  nature  :  vg.  I^elativisme  de  Hume, 
Hamilton,  etc.,  II,  427-428.  —  Positivisme  de  Comte,  de  Littré,  etc.,  II, 
446.  —  Evolutionnisme  de  Spencer,  II,  576  ;  629. 

'  Agnostique  (  "Ay^w<^'^°îi  de    «  privatif  et  yvojttoç,  connu)  :  celui  qui  prétend 
que  certaines  réalités  sont  inconnaissables  par  nature. 

Agoraphobie  ('Ayopa,  place  publique;  ^'s^'^;,  crainte)  :  489. 

Agraire  [Agrarius,  de  ager,  champ)  :  Socialisme  agraire,  II,  200. 

Agraphie  (de  à  privatif  et  Ypa:i£tv,  écrire)  :  impossibilité  d'écrire,  partielle 
ou  totale,  qui  provient  d'un  état  nerveux,  d'amnésie  motrice. 

Agréable  (de  Agréer,  de  à  et  gré  =  gratum,  chose  qui  plaît)  :  qualité  de  la 
sensation,  69.  —  Rapports  de  l'agréable  et  du  beau,  II,  387. 

Agrégat  (de  Aggregalum,  participe  passé  de  aggregare,  réunir,  de  ad, 
vers  ;  grex,  troupeau)  :  réunion  de  parties  juxtaposées  qui  ne  forment  pas 


740  TABLE  AXALYTiQUE  :  AgriculteuF  —  Allégorie 

un  tout  essentiel  {unum  per  se),  mais  un  tout  accidentel  {unum  per  accidens). 
Cf.  Leibniz,  Monadologie,  §  2.  —  Les  Atomistes  expliquent  les  corps  comme 
un  agrégat  d'atomes  ayant  entre  eux  une  certaine  cohésion,  II,  507. 

Agriculteur  {Agricultor,  de  ager,  agri,  champ  ;  cultum.  supin  de  colère, 
cultiver)  :  propriété  des  peuples  agriculteurs,  II,  196. 

Agrippa  {'X-fû-r-.uz)  :  sceptique  grec,  II,  422. 

Aïdéisme  (de  a  privatif;  toéa,  idée)  :  se  dit  de  l'absence  totale  d'idées  qui 
se  rencontre,  par  exemple,  chez  certains  hypnotisés,  par  opposition  à  l'état 
polyïdéique,  où  le  sujet  a  un  nombre  plus  ou  moins  grand  d'idées,  et  à  l'état 
monoidéïque,  où  il  n'en  a  qu'une,  428. 

AiLLY  (Pierre  d')  :    tendance  au  Nominalisme,  254. 

Aisance  (de  Aise)  :  droit  d'acquérir  une  aisance  convenable,  II,  190. 

Alalie  ('AXaXta,  de  à  privatif;  XaXiâ,  babil,  parole)  :  maladie  qui  produit 
les  troubles  du  langage.  Synonyme  d'aphasie. 

Albert  le  Grand  (Bienheureux)  :  réalisme  modéré,  25&.\oir  Création . 

Alcoolisme  (de  l'arabe  al,  le  ;  quohol,  quohl,  chose  subtile,  poudre  impal- 
pable) :  effets  de  l'alcoolisme,  II,  375.  —  Remèdes,  II,  376.f 

Alcuin  (Albinus  Flaccus)  :  la  liberté,  369. 

Alembert  (Jean  Le  Rond  d')  :  classification  des  sciences,  586.  —  Classi- 
fication naturelle,  585,  2.  —  Ligne  droite,  634,  3.  —  L'esprit  de  conjecture, 
641,  2. 

Alexandrie  (Ecole  d')  :  méthode  mvstique,  7.  —  Panthéisme  alexandrin, 
II,  602-603.  —  Intuition  de  Dieu,  II,  555. 

Alexie  (de  à  privatif  ;  ÀeV-^  ^^'^w,  lire  ;  À£;tç,  élocution)  :  privation  de  la 
faculté  de  lire  ;  c'est  un  cas  d'amnésie  visuelle. 

Algèbre  (du  bas  latin  Algebra,  de  l'arabe  al  djabroun,  la  réunion)  :  626.  — 
L'Algèbre  de  la  logique,  566-573.  Cf.  Algorithmique  {Logique).  —  Algèbre 
métaphysique,  II,  484. 

Algésimètre  (de  "AXyoç,  douleur  ;  ;.».c'Tpov,  mesure)  :  nom  donné  à  certains 
instruments  qui  permettent  de  mesurer  l'excitation  ou  pression  nécessaire 
pour  déterminer  une  sensation  de  douleur. 

Algorithme.  Algorisme  (de  Al  Korismi,  nom  d'un  mathématicien  arabe 
du  ix*^  siècle,  (jui  introduisit  la  numération  décimale  en  Europe)  :  a)  Originai- 
rement, système  de  numération  décimale.  —  b)  Par  extension,  ensemble  de 
procédés  de  calcul. 

Algorithmique  (Logique)  ou  Logistique  :  on  nomme  ainsi  la  Logique  formelle 
qui  cherche  à  exprimer  les  idées  et  leurs  rapports  au  moyen  de  notations  et 
symboles  semblables  ou  analogues  à  ceux  de  l'Algèbre,  566-573.  On  dit  aussi 
Algèbre  de  la  Logique. 

Aliénation,  Aliéné  (AUenatio,  alienalus,  de  alienatuin,  supin  de  alienare, 
rendre  autre,  changer,  de  aliénas,  étranger,  do  àlius,  autre)  :  ce  terme  indique 
les  dérangements  graves  de  l'esprit  qui  le  rendent  étranger  [aliénas)  à  lui- 
même,  488-489. 

Allégorie     {Allegoria,     de     àXÀviyopîa,     de     "'jtXXo;,    àyopeusiv,     parler)     : 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Allemanc  (Jean)  —  Ame  sensitive  741 

symbolisme  suivi.  — •  Imagination  et  allégorie,  223.  —  Comparaison  et  allé- 
gorie, 245.  —  Analogie  et  allégorie,   711. 

Allemane  (Jean)  :  socialiste,  II,  200. 

Altération  [Alteratio,  de  alteratum,  supin  de  allerare,  rendre  autre,  changer, 
de  aller,  autre)  :  altération  de  l'idée  du  moi,  151.  —  Les  Scolastiques  appellent 
altération  toute  transformation  accidentelle,  bonne  ou  mauvaise,  qui  rend  un 
sujet  autre  qu'il  était,  II,  517.  Aristote  emploie  le  mot  àXXotwcr'.;,  de  àXÀo'.o;, 
difîérent.  C'est  un  changement  qui  alîecte  la  catégorie  de  la  qualité. 

Altérité  [Alteritas,  de  aller,  autre)  :  a)  Fait  ou  qualité  d'être  autre.  Se  dit 
de  l'état  de  ce  qui  est  autre,  surtout  pour  indiquer  une  distinction  simplement 
numérique,  vg.  :  entre  deux  gouttes  d'eau.  —  b)  Dans  la  Logique  moderne  : 
négation  de  la  relation  d'identité. 

Alternative  (féminin  de  Alternatif,  de  alterner,  de  alterne,  de  alternas, 
de  aller,  autre)  :  affirmation  qu'entre  deux  propositions  contradictoires,  si  l'une 
est  vraie,  l'autre  est  fausse,  289.  —  Pratiquement,  c'est  l'obligation  ou  la 
possibilité  d'opter  entre  deux  partis. 

Altruisme  (de  Autrui  sous  l'influence  de  alter,  autre)  :  a)  Disposition  psy- 
chique qui  porte  à  rechercher  l'intérêt  des  autres  et  non  le  sien  propre.  Incli- 
nations altruistes,  86.  —  Leur  origine  d'après  les  Associationnistes,  101.  — 
S'oppose  à  Égoïsme.  —  b)  En  Morale  (terme  créé  par  A.  Comte)  :  doctrine 
qui  donne  pour  but  à  la  conduite  le  bien,  l'intérêt  des  autres,  II,  81.  —  S'oppose 
à  Utilitarisme,  Hédonisme. 

Alvarez  (Père  Diego)  :  la  prédétermination  phvsique,  II,  586,  2,  3  ; 
587,  1. 

Amaurose  (  'Aaaupto(7tç,  obscurcissement)  :  diminution  dans  l'intensité 
et  la  netteté  des  sensations  visuelles. 

Ambiguïté  [Ambiguitas,  de  amhiguus,  de  ambigere  —  amb-agere,  tourner, 
autour)  :  sens  double  d'un  mot  ou  d'une  expression.  —  Sophisme  de  l'équi- 
voque, 798. 

Ame  {Anima,  "avEijioç,  souffle)  :  le  principe  de  la  vie  et  de  la  pensée  (ou 
de  l'une  ou  l'autre),  considéré  comme  réellement  distinct  du  corps.  —  Objet 
de  la  Psychologie,  23.  —  L'âme  et  la  conscience  psychologique,  145-147.  — 
L'âme  pense-t-elle  toujours  ?  154.  —  Rapports  du  physique  et  du  moral, 
466-489.  —  Devoirs  envers  l'âme,  II,  158  ;  168.  —  Simplicité  et  spiritualité, 
II,  535-543.  —  Immortalité,  II,  549-552.  —  Union  de  l'âme  et  du  corps, 
II,  543-548.  —  Caractères  distinctifs  de  l'âme  et  du  corps,  II,  539-540. 

Ame  du  monde  :  dans  Platon,  l'âme  du  monde,  créée  par  Dieu  et  distincte 
de  lui,  en  est  le  principe  d'unité  et  d'harmonie.  Cf.  le  Timée.  — ■  Chez  les 
Stoïciens  et  d'autres  Panthéistes,  le  monde  est  considéré  comme  un  grand 
corps  organisé  qui  est  animé  par  une  intrlligeiice  éternelle.  Dieu  est  l'âme 
du  monde,  II,  602. 

Ame  sensible  :  chez  Bacon  :  c'est  une  substance  matérielle  qui  nous  est 
commune  avec  les  animaux  (De  Augmentis,  L.  IV,  ch.  m,  Édit.  Ellis,  T.  1, 
p.  604,  Londres,  1889-).  Ce  sont  les  esprits  animaux,  tels  que  les  entendra 
Descartes. 

Ame  sensitive  :  c'est  le  principe  de  la  sensibilité  chez  riiomme  et  chez 
liN  animaux,  48  ;  492  ;  493. 


742  TABLE  ANALYTIQUE  :  Aflie  Végétative  —  Amputé 

Ame  végétative  :  c'est  le  principe  de  la  nutrition,  de  la  croissance  et  de 
la  reproduction,  même  chez  les  vivaiitg,  qui  n'ont  pas  la  sensibilité,  les  végé- 
taux, 48. 

Amimie  (de  à  privatif  ;  inu.io[j.ixi,  imiter)  :  impuissance  à  coordonner 
ses  gestes  pour  exprimer  ses  pensées. 

Amissibilité  (de  Amissibilis,  qui  peut  se  perdre  ;  de  amissum,  supin  de 
a-mittere,  perdre)  :  amissibilité  du  pouvoir,  II,  247  ;  288. 

Amitié  {Amicitia,  de  Amiens,  ami,  de  amare,  aimer)  :  inclination  élective 
réciproque  entre  deux  personnes.  —  Ses  conditions,  89.  —  Amitiés  célèbres,  90. 

Amnésie  ('Auvifîai'a,  de  à  privatif;  avr'aoaat,  futur  de  fjnixvr'axotjiai,  se 
souvenir)  :  perte  ou  affaiblissement  de  la  mémoire.  —  Amnésie  totale,  partielle, 
progressive,    210-211. 

Amoral  (de  à  privatif  ;  mûralis,  moral)  :  ce  qui  n'a  aucun  caractère  moral, 
ce  qui  est  indifférent  en  soi.  II,  30. 

Amorphe  (de  à  privatif  ;  !-«-op'-p'i',  forme)  :  se  dit,  en  Sociologie,  d'une  société 
qui  n'est  qu'un  agrégat  de  familles,  où  les  fonctions  ne  sont  pas  encore  nette- 
ment différenciées.  —  En  Biologie,  se  dit  d'une  substance  organique,  mais 
non  organisée. 

Amour  {Amor,  de  Artlare,  aimer)  :  a)  Sens  général,  commun  à  toutes  les 
inclinations  :  tendance  qui  porte  l'âme  à  s'attacher  aux  choses,  82.  —  b)  Ten- 
dance opposée  à  l'égoïsnie.  —  c)  Affection  entre  personnes  de  sexe  différent, 
89-90.  —  Amour  et  désir,  82-83.  —  Amour  de  soi  et  égoisme,  84-85.  —  Fonde- 
ment de  l'amour  des  autres,  86-88.  —  Amour  conjugal,  91.  —  Amour  paternel 
et  maternel,  91.  —  Amour  filial,  fraternel,  91.  —  Amour  de  la  patrie,  91-93. 
—  Amour  de  l'humanité,  93-94.  —  Amour  du  vrai,  du  bien  et  du  beau,  96-97  ; 
410.  —  Amour  de  Dieu,  97-98  ;  410-411.  —  Irréductibilité  des  inclinations 
^à  l'amour  de  soi  :  réfutation  de  La  Rochefoucauld  etdes  Associationnistes, 
^98-102.  —  BossuET  ramène  toutes  les  passions  à  l'amour,  123.  —  Morale  fondée 
sur  l'amour  de  Dieu,  II,  106.  —  Devoir  d'aimer  Dieu,  II,  332.  —  Amour 
effectif  du  prochain,  II,  207. 

Amour  (Pur)  :  s'entend  de  l'amour  de  Dieu  sans  aucun  mélange  de  motif 
intéressé.  L'homme  doit  s'élever  jusque-là  et  produire  de  temps  à  autre 
des  actes  d'amour  parfait.  Mais  il  lui  est  impossible  de  se  maintenir  constam- 
ment à  cette  hauteur,  comme  l'exigeaient  les  Quiétistes. 

Ampère  (André-Marie)  :  classification  des  sciences,  1  ;  588.  —  Tact  du 
vrai,  617.  —  Classification  naturelle,  693,  2. 

Amphibolie  transCendantale  ('Auc&tpoÀîa,  ambiguïté)  :  c'est,  d'après  Kant, 
une  forme  particulière  de  l'équivoque,  qui  consiste  à  appliquer  les  «  concepts 
de  réflexion  »  aux  phénomènes  sensibles,  objets  de  l'expérience;  vg.  :  prétendre 
que  l'identité,  qui  est  pour  Kant  une  notion  a  priori,  est  aussi  une  qualité 
réelle  des  objets. 

Amphibologie  {Âmphibologia,  de  «aoîjBoXo;,  ambigu)  :  élocution  ou  pro- 
position à  double  serts.  L'équivoque  est  un  sophisme  composé  de  propositions 
amphibologiques,   798. 

Amputé  {Aniputatus,  participe  passé  de  am-putare,  amputatum,  couper 
autour)  :  cas  d'illu&iOn,  76. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Amusîe  —  Anarchisme  743 

Amusie  (de  à  privatif;  [j.oîi<ia,  musique)  :  nom  de  la  maladie  qui  trouble 
la  faculté  musicale. 

AnagOgique  (Anagogicus,  de  'A vayoiytxo'ç,  de  àvayojYvi,  induction)  : 
a]  Sens  de  l'Ecriture  Sainte,  qui  consiste  dans  un  symbole  figurant  les  choses 
de  l'ordre  surnaturel  et  divin.  —  b)  Leibniz  emploie  ce  mot  pour  indiquer 
ce  qui  se  rapporte  à  l'Induction  :  vg.  Essai  anagogique  dans  la  recherche  des 
causes.  Cf.  Philosophischen  Srhriften,  Edit.  Gerhardt,  T.  Vil,  p.  270. 

Analgésie  (  'Ava)vyr,'7ta,  de  à  privatif  ;  aXyoç,  douleur),  479-480  :  perte 
partielle  ou  totale  de  la  sensibilité  à  la  douleur,  coexistant  avec  la  persistance 
des  autres  sensations  ou  de  quelques-unes  de  la  sensibilité  tactile  :  c'est  ce  qui 
distingue  l'analgésie  de  Vanesthésie.  —  On  lui  oppose  V  Algesthésie  (àX-fatGârjCta, 
de  à'Xyo;,  douleur  ;  ahOr^Gi;,  sensibilité)  :  sensibilité  à  la  douleur. 

Analogie  (  Analogia,  de  'AvxXoyt'a,  de  'Ava-Xoyo;,  proportionnel,  analogue)  ; 
identité  de  relation  entre  idées  ou  objets  de  nature  difîérente.  —  Analogie 
au  point  de  vue  :  a)  psy.hologique,  283.  —  b)  logique,lQ5.  —  Définitions  et 
espèces,  705.  —  Formes,  706.  —  Valeur  et  vérification,  708.  —  Comparaison 
avec  l'induction  et  la  déduction,  710.  —  Avantages  et  dangers,  711.  —  Emploi 
du  raisonnement  par  analogie,  329  ;  490  ;  762-763.  —  Analogie  de  l'être, 
519-520  ;  II,  461-462. 

Analogies  de  l'expérience  :  Kant  entend  par  là  les  principes  a  priori  de 
l'entendement  pur,  qui  ont  trait  aux  catégories  de  la  relation  et  reposenC 
eux-mêmes  sur  ce  principe  :  «  L'expérience  n'est  possible  que  par  la  repré- 
sentation d'une  liaison  nécessaire  des  perceptions.   » 

Analyse  {Analysis,  de  'AvaÂudtç,  de  'ava-Xu£tv,  décomposer)  :  sens  général 
fondamental  :  décomposition,  résolution.  - —  Jugement  analytique,  273.  — 
Analyse  de  la  pensée  par  le  langage,  450.  — •  Procédé  essentiel  de  la  méthode^ 
608-609.  —  Définitions  étymologique  et  scientifique,  609.  —  Analyse  ration- 
nelle, 610  —  Analyse  des  anciens  géomètres,  611,  3.  —  Analyse  expérimentale^ 
612.  • —  Comparaison  avec  la  synthèse,  614-615.  —  Règles  de  l'analyse,  615. 
—  Emploi  de  l'analyse,  615.  —  Esprit  analytique,  617.  —  Comparaison  avec 
l'induction,  622.  —  P'ormes  diverses  du  procédé  analytique,  623-624.  — 
Analyse  mathématique,  626. 

Analytique  {adjectif,  de  Anahjticus,  de  'AvaÀurtxo;,  qui  résout)  :  jugement 
analytique,  273.  —  Langue  analytique,  455-456  ;  461.  —  Méthode  analytique, 
609.  —  Esprit  analytique,  617.  —  Géométrie  analytique,  626. 

Analytique  (I')  (pris  substantii-ement,  de  Analyticus,  de  Av/Àutixo?,  qui 
résout)  :  pour  Aristote,  V Analytique  est  la  Logique  formelle  qui  soumet  à 
l'analyse  les  formes  des  jugements  et  des  raisonnements,  507.  —  Pour  Kais't, 
V Analytique  en  général  est  la  science  des  formes  de  l'entendement,  et  V Ana- 
lytique transcendantale  est  la  science  des  formes  a  priori  de  rentondement  pur, 
il,   431-432. 

Analytiques  (Les)  :  traités  d'AnisTOTE,  507. 

Anarchie  ('Avap/r/,  de  à  ^  privatif  ;  «p/.vi,  principe,  commandement)  : 
absence  d'autorité  ou  d'organisation.  —  Conséquence  de  la  souveraineté 
absolue  du  peuple  et  du  Contrat  social,  II,  220.  —  Inconvénient  du  régime 
démocratique,  II,  242.  —  Anarchie  intellectuelle,  II,  346. 

Anarchisme  (de  Anarchie)  :  doctrine  morale  et  politique,  affirmant  l'équi- 
valence absolue  de  tous  l(!s  êtres  raisonnables,  opposant  la  fraternité  à  la  force, 


744  TABLE  ANALYTIQUE  :  AnatoDiie  —  Anselme  (Saint) 

ayant  comme  but  l'indépendance  complète  à  l'égard  de  toute  espèce  d'orga- 
nisation et  prenant  comme  programme  d'action  la  destruction  de  toute 
inégalité  et  de  toute  contrainte.  Cf.  M.  Bakoum.\e,  Dieu  et  VEtat,  Paris, 
1892-.  —   Fédéralisme,  Socialisme  et  Antithéologisme,  Paris,  1895. 

Anatomie  \  Anatomia,  de  AvaToar',  de  «va,  à  travers;  Tour,,  section)  :  sa 
place  dans  les  sciences,  2  ;  593  ;  646. 

Anaxagore  ( 'Ava;a-;opa;,  de  avaçrcto,  commander  ;  àyopa,  place  publique)  : 
la  main,  186. 

Ancien  (du  latin  populaire  anieianum,  de  ante.  avant)  :  autorité  des  anciens, 
810-814.  . 

André  (Père  Yves-Marie)  :  le  beau,  II,  381. 

Anéantissement  (de  Anéantir,  de  à  et  néant)  :  passage  de  l'être  au  non- 
être.  Se  dit  par  opposition  au  simple  changement,  II,  549.  —  S'oppose  à 
Création. 

Anesthésie  (  'AvaicO-ziaîa,  de  'x  privatif  ;  at(76r,c7tç,  sensibilité)  :  abolition 
générale  ou  partielle  de  la  sensibilité.  Ce  mot  s'applique  surtout  à  la  sensibilité 
du  toucher  et  même  à  la  douleur.  —  Anesthésie  du  système  nerveux,  473.  — 
Anesthésie  des  sens  dans  le  sommeil,  478. 

Animal  (  Animal,  de  anima,  souffle)  :  méthode  pour  étudier  l'animal 
490  :  724.  —  Activité  de  l'animal,  48.  —  L'instinct  chez  l'animal,  104-108 
—  Sociétés  animales,  105.  —  Différences  entre  les  industries  de  l'animal  et 
celles  de  l'homme,  107-108.  —  Nature  de  l'animal  :  âme  raisonnable  (Mon- 
taigne), 106-107  ;  bête-machine  (Descartes),  108-109  ;  âme  sensitive  (Bos- 
suet),  492-493.  —  Ressemblances  avec  l'homme,  493-494.  —  Différences 
essentielles  entre  l'animal  et  l'homme,  494-495.  —  Devoirs  envers  les  animaux  ? 
II,  150.  —  Annihilation  de  l'âme  de  l'animal,  II,  549,  3. 

Animaux  (Esprits)  :  doctrine  de  Descartes.  Ce  sont  des  vapeurs  subtiles, 
issues  du  sang,  dont  l'âme  siégeant  dans  la  glande  pinéale  se  sert  pour  rayonner 
de  là  dans  tout  le  reste  du  corps^  II,  545. 

Animisme  (de  Anima,  âme)  :  a)  l'âme  est  le  principe  vital,  II,  527.  — 
b)  Croyance  de  certains  peuples  à  la  présence  d'âmes  chez  tous  les  êtres  de  la 
nature. 

Annihilation  { Annihilatio,  de  annihilatum,  supin  de  annihilare  =  ad, 
vers  ;  nihil,  rien)  :  pouvoir  d'anéantir  qui  n'appartient  qu'à  Dieu,  II,  549. 

Anomalie  {Anomalia,  de  '.\voju.a)a'a,  inégalité,  irrégularité,  de  à  privatif  et 
de  ôu.aÀdç,  égal,  régulier)  :  indique  un  écart  du  type  ordinaire  d'un  phénomène, 
d'un  organe  ou  d'une  fonction. 

Anorexie  (de  »  privatif  et  opsçtç,  désir)  :  absence  de  la  sensation  de  la 
faim. 

Anormal  (du  latin  scolast.  anormalis,  de  a  privatif  et  de  normalis,  régulier, 
de  norma,  règle)  :  ce  qui  s'écarte  de  la  règle.  —  Cas  anormaux,  477-489  ;  723- 
724.  —  Elats  anormaux  :  a)  des  organes,  189  ;  h)  de  V imagination,  225-226. 

Anosmie  (de  à  privatif  ;  'o^ii-Yi,  odeur)  :  sorte  d'anesthésie  de  l'odorat,  qui 
perçoit  plus  ou  moins  bien  les  odeurs. 

Anselme  (Saint)  :  preuve  ontologique,  II,  569. 


l 


TABLE  ANALYTIQUE  :  AntagonisHie  —  Antilogie  745 

Antagonisme  (  'AvTaywvKraa,  lutte,  de  àvrî,  contre  ;  ayowi'^otxat,  lutter)  : 
ce  mot  indique,  en  Anatomie,  l'opposition  des  muscles  qui,  en  se  contractant 
successivement,  produisent  des  mouvements  inverses.  Par  analogie,  on 
appelle  antagonisme  l'opposition  d'idées  et  de  motifs  qui  poussent  à  des  déter- 
minations contraires,  234  ;  357-358. 

Antécédent  (de  Ante-cedere,  marcher  devant)  :  a)  Tout  phénomène  qui  en 
précède  un  autre,  323  ;  328  ;  393,  1  ;  665  ;  s'oppose  à  Conséquent,  393,  1.  — 
b)  Antécédent  d'un  jugement  hypothétique  :  la  proposition  qui  énonce  la  condi- 
tion. Conséquent  :  celle  qui  énonce  le  conditionné.  —  c)  Antécédents  :  ensemble 
de  faits,  individuels  ou  héréditaires,  qui  expliquent  la  présence  de  certaines 
anomalies  psychiques. 

Antériorité  (de  Anterior,  de  ante,  avant)  :  on  distingue  l'antériorité  :  a)  lo- 
gique, (\\n  est  une  priorité  de  nature  ;  vg.  la  cause  est  logiquement  antérieure 
à  î'efl'et  ;  —  b)  chronologique,  qui  est  une  priorité  de  temps.  —  Antériorité 
de  l'idée  générale  ?  260.  —  Jugement  d'antériorité  dans  le  souvenir,  202. 

Anthropocentrique,  Anthropocentrisme  ("ÂvOpto-rco;,  homme  ;  xsvxpov, 
centre)  :  doctrine  qui  regarde  l'homme  comme  le  centre  du  monde.  —  Le 
point  de  vue  anthropocentrique  consiste  à  tout  rapporter  à  l'homme  et  à 
son  utilité.  Il  est  vrai  que  l'homme  est  le  centre  de  l'univers  en  ce  sens  qu'étant 
esprit  et  matière,  il  en  est  le  résumé,  49  ;  il  est  vrai  encore  que  la  terre  et  ses 
ressources  ont  été  destinées  au  service  de  l'humanité  par  la  Providence  du 
Créateur.  Mais  il  serait  faux  d'admettre  que  l'homme  occupe  le  centre  du 
monde  et  que  tout  ce  qui  existe  n'a  été  créé  que  pour  lui,  bref,  qu'il  est  la 
cause  finale  du  monde. 

Anthropologie  (de  "Av^pwTroç,  homme  ;  Àôyo:,  discours)  :  o)  Au  sens  philo- 
sophique, ce  mot  indique  la  science  de  la  nature  humaine,  en  tant  que  composée 
d'une  âme  et  d'un  corps  ;  elle  comprend  la  Psychologie  et  y  ajoute  une  étude 
spéciale  du  corps  humain  ;  vg.  Anthropologie  de  Maine  de  Biran.  Anlhro- 
pologia  de  D.  Palmieri,  au  T.  II  de  ses  Institutiones  philosophiez.  —  b)  Kant 
assigne  à  V  Anthropologie  un  triple  objet  :  c'est  la  connaissance  l°)de  l'homme 
et  de  ses  facultés  ;  2°)  de  l'homme  en  vue  de  diriger  la  conduitede  lavied'après 
les  principes  de  la  métaphysique  des  mœurs  ;  3°)  de  l'homme  en  vue  d'accroître 
son  habileté.  —  c)  Au  sens  des  naturalistes,  c'est  l'histoire  naturelle  de  l'espèce 
humaine.  Broca  est  le  fondateur  de  la  Société  d' Anthropologie. 

Anthropomorphisme  (de^AvOftoTtoç,  homme  ;  [J^opcpvi,  forme)  :  tendance  qui 
porte  à  prêter  à  Di(ui  ou  aux  dieux  les  attributs  de  la  nature  humaine,  248-; 
713.  —  II,  580-581. 

Anticipation  {Anticipatio,  de  anticipalum,  supin  de  anticipare  =  ante- 
capere,  prendre  d'avance)  :  a)  d'après  les  Stoïciens,  c'est  la  pensée  du  général 
en  tant  qu'elle  surgit  spontanément  de  la  perception  du  particulier.  — 
b)  D'après  Épicure,  l'anticipation  (Tt-po^r/j^tç)  est  une  sorte  de  généralisation 
de  l'expérience  sensible  qui  sert  à  prévoir  l'avenir.  —  c)  D'après  Kant,  les 
anticipations  de  l'expérience  sont  des  jugements  a  priori  qui  sont  applicables 
à  toute  l'expérience  future  ;  vg.  :  «  Dans  tous  les  phénomènes,  le  réel  a  une 
grandeur  intensive,  c'est-à-dire  un  degré.  •>  —  d)  En  général,  anticiper  sur 
l'expérience,  c'est  se  représenter  a  priori  ce  qui  sera  ensuite  connu  a  posteriori  : 
ainsi  l'hypothèse  est  une  anticipation  de  l'expérience,  653. 

Antilogie    ('AvriÂoyia,  contradiction  ;    de   àvxi,  contre  ;     Aoyo;,    parole)   : 

TRAITÉ   DE  PHILOSOPHIE.   —  T.    II.   —     25 


746  TABLE  ANALYTIQUE  :  Aiitinomie  —  Aperception 

les  Sceptiques  prétendent  qu'à  chaque  jugement  on  peut  opposer  un  jugement 
contradictoire  d'égale  valeur  :  de  là  cette  formule  :  n«v-i  Xôyw  lô-^^oç  avriy-sixat, 
II,  421. 

Antinomie  ('AvT'.vouLÎ-y.  ;  de  àv-î,  contre  et  voao;,  loi)  :  a)  en  général,  c'est 
une  contradiction  entre  deux  lois  ou  principes,  quand  on  les  applique  à  un 
cas  particulier.  —  b)  Antinomies  kantiennes,  II,  433. 

Antipathie  (Antipathia,  de  'AvriTraôeia,  de  àvTÎ,  contre  ;  TraOoç,  passion)  : 
inclination  malveillante,  94  ;  II,  18. 

Ain'tisthène  ('AvTtGOcV/;;,  de  «vTt,  contre  ;  o'Oivoç,  force)  :  il  combat  le 
réalisme  de  Platon,  256. 

Antithèse  ( 'AvTtO£<7i;,  de  avrt^  contre  et  6£<7'.ç,  position)  :  opposition  de 
rens  entre  deux  termes  ou  deux  propositions  dont  l'affirmative  est  appelée 
thèse,  et  la  négative,  antithèse.  On  nomme  synthèse  la  proposition  dans  laquelle 
se  résout  leur  opposition,  quand  la  conciliation  est  possible.  —  Antithèses  : 

a)  dans  les  antinomies  kantiennes,  II,  433  ;  —  b)  chez  Hegel,  II,  605-606. 

Antitypie  ('AvTtrJTrt'a,  résistance,  de  «vrt,  contre  ;  racine  tutt,  idée  dr 
frapper)  :  mot  employé  par  Leibniz  pour  signifier  que  naturellement  deux 
corps  ne  peuvent  occuper  simultanément  la  même  portion  de  l'espace.  [Attri- 
butum  per  quod  materia  est  in  spatio.  Cf.  Erdmann,  p.  463^).  Cette  impossi- 
l.nlité  provient  de  la  résistance  que  chaque  corps  oppose.  Il  en  concluait 
contre  Descartes  que  l'étendue  étant  inerte  ne  suffit  pas  à  expliquer  l'essence 
des  corps,  II,  509. 

Apagogie  ('ATraywyr^,  action  d'amener)  :  on  nomme  raisonnement  apago- 
giguc  soit  :  o)  la  réduction  d'un  problème  à  un  autre,  d'après  Auistote  ;  — 

b)  la  démonstration  par  la  réduction  à  l'absurde,  637-638  ;  —  c)  le  raisonnement 
qui  consiste  à  prouver  une  proposition  par  la  réfutation  de  toutes  les  autres 
alternatives  :  c'est  le  modus  tollendo  ponens  du  syllogisme  disjonctif,  549. 

A  pari  (Argument),  550. 

A  parte  ante.  A  parte  post  :  locutions  scolastiques  qui  signifient  par  avant, 
par  après  ;  vg.  :  l'éternité  est  sans  fin  et  dans  le  passé  [a  parte  ante)  et  dans 
l'avenir  [a  parte  post),  tandis  que  le  temps  est  sans  fin  seulement  a  parte  post. 

A  parte  rei  :  locution  scolastique  signifiant  qu'une  considération  est  prisr 
de  la  nature  de  la  chose  et  non  de  la  nature  de  l'esprit  qui  la  connaît. 

Apathie  {Apathio,  de  'A^aOetot,  de  à  privatif  ;  rA^io:^  passion)  :  a)  Aristote 
[ne  Anima,  L.  III,  ch.  iv,  §  5)  distingue  l'indifférence  de  l'esprit  (voîi;)  que 
rien  n'afîecte,  et  l'insensibilité  du  sens  (aîci(5-/;Ttxov)  qui,  par  suite  d'une 
excitation  excessive  d'un  sensible,  s'émousse  et  devient  incapable  d'être 
affecté  par  un  autre  sensible,  64  ;  —  b)  les  Mégariques,  les  Stoïciens 
(;t  les  Sceptiques  entendent  par  là  l'état  d'une  âme  indifférente,  insensible 
aux  mobiles  sensibles,  même  A  la  douleur  qu'elle  méprise  ou  ne  ressent  plus. 
Dans  l'à-céOsta.  le  sage  n'éprouve  aucun  sentiment  (Cf.  Cicéron,  Acadcm. 
L.  11,  ch.  xLii,  à  propos  do  Pyrrhon)  ;  dans  l'àTacair/.,  il  n'en  est  pas  troublé, 
118:11,94. 

Aperception.  Apperception  (de  Apercevoir,  de  à  et  percevoir)  :  a)  créateur 
du  mol,  Leirniz.  entend  par  là  une  perception  consciente,  distincte,  réfléchie 
II,  512,  5.  b)  Kant  distingue  une  aperception  :  1°)  empirique,  qui  résultedan- 
la  conscience  empirique  de  Tniiion  de  toutes  nos  représentations;  2°)  pure  : 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Aphasic  —  Appétltioii  747 

c'est  l'acte  fondamental  par  lequel  la  pensée  rattache  au  «  je  pense  »  toutes  les 
représentations  de  la  conscience  empirique  pour  les  ramener  à  l'unité  du  sujet 
pensant  ;  mais  cette  aperception  s'arrête  au  phénomène  de  la  pensée  sans 
pouvoir  atteindre  notre  être  en  soi,  le  noumène  qu'on  exprime  par  ces  mots  : 
'(  Je  suis.  »  —  c)  V.  Cousin  appelle  aperception  pure  la  vue  spontanée  des  choses, 
qu'il  oppose  à  la  connaissance  réfléchie. 

A|)hasie  ('AfaTi'a,  mutisme  ;  de  à  privatif  ;  .iâTtç,  parole)  :  perte  partielle 
ou  totale  des  fonctions  du  langage,  210-211. 

Aphorisme  {Aphorismus,  de  'A'.popt-jt./.o;,  délimitation,  de  «rrô,  marquant 
séparation  ;  opîÇeiv,  borner)  :  maxime  qui  condense  en  peu  de  mots  une 
vérité  de  grand  sens.  —  Aphorismes  de  Condillac  relatifs  au  langage,  462. 

Apocryphe  (Apocryphus,  de  'Attoxpu'^oç,  caché,  de  «Tro-zpuTrTstv,  cacher)  : 
écrits  apocryphes,  742. 

Apodictique  (Apodiclieus,  de  'ATio-osiTty.o';,  de  àTîoSetçtç,  démonstration): 
pour  Aristote,  c'est  une  proposition  démontrée.  —  Kant  distingue, 
au  point  de  vue  de  la  Moralité,  les  propositions  apodictiques,  assertoriques  et 
problématiques.  Les  apodictiques  sont  celles  «  qui  sont  liées  à  la  conscience  de 
leur  nécessité  »  ;  elles  ont  une  valeur  nécessaire,  absolue,  qu'on  ne  peut 
contredire. 

Apologie  {Apologia,  de  'ATroÀo-'i'a,  défense,  de  àiio,  loin  de  ;  Àôyoç,  dis- 
cours) :  VJ4'.  :  Apologie  de  Socrate  par  Platon  ;  les  Mémorables  de  Xénopi^)n, 
392,  1  ;  II,  562.  ^ 

Apologue  (Apologus,  de  'ATioXoyoç,  récit,  fable)  :  récit  sous  forme  de  fable 
ou  de  mythe  pour  mettre  en  relief  une  vérité  métaphysique  ou  morale.  Platon 
en  use  dans  ses  Dialogues  ;  vg.  :  le  jugement  des  âmes  dans  le  Gorgias  ;  les 
prisonniers  de  la  caverne,  dans  la  République,  310. 

Apophthegme  ('A7roï<6£y;j.a,  défense  ;  de  à7ro-iO£yYo;j.at,  prononcer)  :  c'est 
une  sentence  mémorable  de  personnages  célèbres  ;  vg.  :Apophthegmes  des  rois 
et  des  capitaines   célèbres  par  Plutarque. 

Apostasie  {Apostasia,  de  àiroTTacia,  de  àsiTTr.at,  s'éloigner,  se  détacher, 
«XTro-ar/iTO))  :  apostasie  sociale,   II,   333. 

A  posteriori  (sous-entendu  parte,  de  posteras,  qui  est  après,  de  post)  :  les 
connaissances  qui  proviennent  de  l'expérience  ou  en  dépendant,  273.  — 
S'oppose  à  A  priori. 

Apparence  (Apparentia,  apparition,  de  apparens,  participe  présent  de 
apparere  =  ad-parere,  se  montrer)  :  a)  ce  qui  ressemble  à  la  réalité  et 
en  donne  l'illusion  ;  vg.  :  un  sophisme  n'est  concluant  qu'en  apparence.  — 
b)  Synonyme  de  phénomène  :  ce  qui  est  différent  de  la  chose  en  soi,  23. 

Appétit  [Appetitus,  de  appetitum,  supin  de  appetere  =  ad-petere,  tendre 
vers)  :  inclination  ayant  pour  objet  un  besoin  soit  organique,  soit  intellectuel, 
soit  moral  à  satisfaire.  —  Appétits  sensitif  et  rationnel,  44.  —  Appétits 
concupiscible  et  irascible,  44  ;  122.  —  Distinction  entre  appétits  et  penchants, 
83-8 '<.  —  Inclinations  physiques  ou  appétits,  83-84. 

Appétition  (Appetitio)  :  d'après  Leibmz,  tendance  de  toute  monade  ;^ 
passer  d'une  perception  à  une  autre,  II,  .511-512. 


748  TABLE  ANALYTIQUE  :  Appllcatioii — Arbitraire 

Application  (AppUcatio,  de  applicatum,  supin  de  applicare  =  ad-plicare, 
approcher,  attacher)  :  forme  de  l'attention,  239.  —  Mode  de  l'expérience 
(Bacon),  662. 

Appliqué  (participe  passé  d' Appliquer,  de  applicare  =  ad-plicare,  appliquer 
à)  :  mathématiques  appliquées,  624  ;  627. 

Appréciation  (de  Apprécier,  de  appretiare,  évaluer,  de  ad,  à  l'égard  de, 
et  pretium,  prix)  :  jugement  sur  la  valeur  d'une  chose  ou  d'une  idée,  c'est-à-dire 
leur  degré  de  perfection  relativement  à  une  fin  donnée.  —  Les  sciences  dites 
normatives  étudient  les  jugements  appréciatifs. 

Appréhension  (Apprehensio,  de  apprehensum,  supin  de  apprehendere  = 
ad-prehendere,  saisir)  :  a)  d'après  les  Scolastiques,  Port-Royal,  c'est  la 
première  et  la  plus  simple  des  opérations  de  l'esprit  ;  elle  consiste  à  concevoir 
une  idée,  236;  266;  520,  1.  —  b)  Signifie,  chez  les  Psychologues  anglais,  la 
connaissance  de  l'individuel. 

Approbation  (Approbatio,  de  approbare  =  ad-probare,  donner  son  assen- 
timent, de  probus,  bon,  honnête)  :  appréciation  favorable.  —  Jugement  de  la 
conscience  morale,  II,  16-17.  —  Son  rôle  d'après  Sjmith,  II,  82. 

Appropriation  {Appropriatio,  de  appropriation,  supin  de  appropriare, 
.^e  rendre  propriétaire,  de  ad,  à  l'égard  de,  et  proprius,  propre)  :  acte  par 
lequel  on  fait  sien  ce  qui  n'appartient  à  personne  [res  nullius)  :  actes  d'appro- 
priation, II,  190-191. 

...-  Apraxie  ('ATtpoc^ta,  inaction,  de  a  privatif  ;  Tipocacw,  irpàçto,  faire)  :  inca- 
pacité de  reconnaître  l'usage  des  objets  (on  prendra  un  canif  pour  un  porte- 
plume)  ou  leurs  formes,  sans  que  d'ailleurs  la  vue  soit  altérée. 

A  priori  (sous-entendu  parte  ;  de  prior,  premier,  de  pro,  devant)  :  a]  Sens 
philosophique  :  ce  qui  est  indépendant  de  l'expérience,  c'est-à-dire  que  l'expé- 
rience ne  suffit  pas  à  expliquer.  Ce  mot  indique  une  antériorité  logique,  273- 
274.  —  b)  Sens  scientifique  :  les  savants  appellent  a  priori  toute  connaissance 
antérieure  à  telle  expérience  spéciale  ;  pour  Cl.  Bernard,  l'hypothèse  est 
une  idée  a  priori,  659,  4. 

Apriorique  :  qui  est  a  priori.  S'oppose  à  Empirique. 

Apriorisme  :  emploi  des  notions  a  priori. 

Aprosexie  ('A7:poT£;îa,  inattention  ;  de  à  privatif  et  TipoT-s/w,  Trpoae^o}, 
s'appliquer)  :  impuissance  à  concentrer  l'attention  ;  c'est  la  caractéristique 
de  Joules  maladies  mentales. 

Apsychisme  (de  «  privatif  ;  '{'u/ii,  âme)  :  idiotisme,  488. 

Aptitude  (Aptitudo,  de  aptus,  propre  à)  :  disposition  naturelle  qui  rend 
propre  à  quelque  chose,  37.  —  Aptitude  à  lutter  pour  l'existence,  II,  614. 

AitAfio  (Dominique-François)  :  ce  qui  est  impossible,  739. 

Arbitrage  (de  Arbitre,  de  Arbiter,  de  ar  —  ad,  vers  ;  du  verbe  archaïque 
heterc,  aller.  Uarbiter  —  celui  qu'on  va  trouver  ;  de  là,  celui  qui  juge,  décide)  : 
jugement  amiable  d'un  différend  par  arbitre.  — •  Arbitrage  international,  II, 
318-321. 

Arbitraire  (Arbitrarius,  de  arbiter,  qui  juge  à  l'amiable)  :  a)  sens  javo- 
rablc  :  ce  qui  dépend  du  libre  arbitre,  d'une  décision  individuelle  ;  —  b)  sens 
péjoratif  :  c(!  qui  ne  dépend  que  du  caprice  et  du  bon  plaisir  :  vg.  pouvoir 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Arbitre  (Franc  ou  Libre)  —  Argument        749 

arbitraire.  Le  pouvoir  absolu  conduit  facilement  à  l'arbitraire  et  à  la  tyrannie  ; 
cependant  il  n'implique  pas  l'idée  d'arbitraire,  mais  celle  de  pouvoir  sans 
limite  ni  contrôle,  II,  143. 

Arbitre  (Franc  ou  Libre)  (de  Arbiier,  voir  Arbitrage)  :  synonyme  de  Liberté  ; 
voir  Liberté. 

Arbitre  (Serf)  de  {Servus,  esclave)  :  expression  de  Luther,  qui  prétend 
que  la  volonté  est  comme  nécessitée  par  la  grâce  et  que,  sans  son  aide,  elle 
est  condamnée  au  mal. 

Arbre  de  Porphyre  :  hiérarchie  des  idées  généralee,  251-252. 

Arc  réflexe  :  voir  Réflexe. 

Arcésilas  ( 'ApxETtXaoç,  de  ofxtto,  être  utile;  ^aoç,  peuple)  :  fondateur 
de  la  Nouvelle  Académie,  II,  425. 

Archée  [Archeeus,  Archeus,  dérivé  de  «p/ii,  source,  principe)  :  mot  créé 
par  Paracelse  et  adopté  par  J.-B.  van  Helmont  pour  signifier  le  principe 
vital.  Ce  principe  n'est  pas  un  esprit,  mais  un  corps  astral,  qui  réside  dans 
l'estomac  et  conserve  l'être  vivant  en  dirigeant  la  nutrition. 

Archétype  (Archetypus,  de  ap/.ÉTuitoç,  de  ào/r',  principe;  tutto;,  forme): 
a)  Type  suprême,  idéal  des  choses,  vg.  les  Idées  de  Platon,  255.  Cf.  257,  2. 
—  b)  Chez  les  Scolastiques  :  idées  de  toutes  choses  telles  qu'elles  existent 
dans  la  pensée  divine,  qui  en  est  la  cause  exemplaire,  769.  II,  395-396.  — 
c)  On  trouve  un  sens  analogue  chez  :  Berkeley,  Dialogue  d'Hylas  et  de  Phi- 
lonoiis.  Édit.  Fraser,  Works,  T.  I,  p.  468,  Oxford,  1901.  Trad.  Beaulavon 
et  Parodi,  p.  259.  Paris,  1895.  —  Locke,  Essais,  L.  II,  ch.  xxxi.  —  Cf. 
Leibniz,  Nouveaux  essais,  L.  II,  ch.  xxxi,  §  3.  Édit.  Janet,  T.  I,  p.  226). 

Architectonique  (Architectonicus,  de  'Aû/tTexTovtxoç,  relatif  à  l'archi- 
tecture) :  a)  Aristote  nomme  science  architectonique  par  rapport  à  une 
autre,  celle  qui  se  subordonne  les  fins  de  la  seconde  ;  vg.  la  Politique  par 
rapport  à  la  Stratégique.  Cf.  Éthique  à  Nicomaque,  L.  I,  ch.  i,  §  4.  L.  VI, 
ch.  VIII,  §  2.  —  b)  Leibniz  emploie  ce  mot  adjectivement  dans  le  sens  d'orga- 
nisateur, d'inventeur.  Il  l'emploie  aussi  pour  caractériser  les  lois  de  l'univers 
qui  découlent  du  principe  de  raison  et,  par  suite,  dépendent  de  la  volonté  du 
Créateur  :  vg.  Principes  de  la  conservation  de  la  force,  de  continuité,  de  la 
moindre  action.  Cf.  Essai  anagogique  dans  la  recherche  des  causes.  Edit. 
Gerhardt,  t.  VII,  p.  270.  —  Kant  l'emploie  substantivement  pour  désigner 
«  l'art  des  systèmes  »,  c'est-à-dire  cette  partie  de  la  Logique  qui  fait  la  théorie 
de  ce  qu'il  y  a  de  scientifique  dans  la  connaissance  générale.  Cf.  Critique  de 
la  raison  pure  :  Méthodologie,  ch.  m. 

Architecture  (  Architectura,  de  architectus,  àpxiTsxTwv,  chef  des  ouvriers, 
de  ap/(o,  commander  ;  tsxtow,  ouvrier)  :  sa  place  parmi  les  arts,  II,  408,  409. 

Areligieux  (de  a  privatif  et  religieux)  :  mot,  de  création  récente,  pour  signi- 
fier la  neutralité  de  l'État  en  matière  religieuse.  Une  pareille  neutralité  est 
condamnable,  car  elle  aboutit  à  l'apostasie  sociale,  II,  333. 

Arétologie  (de  àpsTvi,  vertu  :  Xdyoç,  discours)  :  c'est  la  science  de  la  vertu 
et  de  la  moralité. 

Argument  [Argumentum,  de  arguere,  éclaircir.  Cf.  '«pyoç,  blanc,  clair)  : 
en  général  :  raisonnement  qui  vise  à  prouver  une  proposition  déterminée 


750  TABLE  ANALYTIQUE  :  Argumentation  —  Arithmétique 

ou  à  la  réfuter.  —  L'argument  est  l'expression  verbale  du  raisonnement,  514. 

—  Arguments  syllogistiques,  535-551.  —  Argumentum  cornutum,  550.  — 
Argument  ad  hominetn,  551.  —  Argument  téléolo gique ,  II,  561.  —  Argument 
ontologique,  II,   569. 

Argumentation  { Argument atio,  de  argumentatum,  supin  de  argumentare, 
raisonner)  :  a)  Suite  d'arguments  visant  à  établir  une  même  conclusion.  — 
b)  C'est  l'art  d'enchaîner  les  arguments.  —  Emploi  de  la  méthode  syllogis- 
tique  :  avantages  et  inconvénients,  841-843. 

Argumentum  baculinum  (de  Baculus,  bâton)  :  a]  Procédé  qui  consiste  à 
frapper  la  terre  du  bâton  pour  prouver  la  réalité  du  monde  extérieur.  —  b)  On 
l'entend  aussi  de  l'argument  qui  consiste  à  frapper  les  gens  pour  les  convaincre  ; 
vg.  frapper  un  sceptique  pour  le  convaincre  de  l'existence  des  autres,  II,  423. 
Sganarelle  bat  le  pyrrhonien  Marphurius  pour  réfuter  son  scepticisme.  (Cf.  Mo- 
lière, Le  mariage  forcé,  scène  VIII). 

Aristippe  ( 'ApiVxtTrTro;,  de  aptaroç,  le  meilleur,  ititto;  cheval)  :  fondateur  de 

la  morale  du  plaisir,  II,  48. 

Aristocratie  ('Ap'.c-roxsaTsta,  de  aptcxoç,  le  meilleur  ;  xcaToç,  puissance): 
a)  Forme  de  gouvernement,  II,  232  ;  234  ;  234-235.  —  b)  La  classe  sociale  qui 
exerce  cette  forme  de  gouvernement.  —  c)  Par  extension,  une  classe  qui  est 
considérée  comme  supérieure,  sous  un  rapport  ou  sous  un  airtre,  à  la  masse 
des  citoyens. 

Aristote  ('Ap[c7T0T£Xr,ç,  de  aptcro;  le  meilleur;  téXoç,  fin)  : 

A)  Psychologie  :  classification  des  facultés  de  l'âme,  43.  —  Dieu  acte 
pur,  48;  II,  577.  —  Plaisir,  fait  positif,  58.  —  Origine  et  lois  du  plaisir,  61-62  ; 
62-65.  —  Conditions  de  l'amitié,  89.  —  Classification  des  passions,  122-123. 

—  Valeur  et  traitement  des  passions,  118  ;  120.  —  Réalisme  modéré,  256-257. 

—  Définition  du  jugement,  265.  —  Principes  communs  et  principes  propres, 
292.  —  Dix  catégories,  253-254  ;  296.  —  Intellect  actif,  316.  —  Quatre  causes, 
324.  —  Effets  de  l'habitude,  418-419.  —  Nature  de  l'habitude,  421-422.  — 
Habitude  et  liberté,  425,  2.  —  Pas  de  pensée  sans  image,  452,  2.  —  Intel- 
ligence séparable  du  corps,  468,  3.  —  Ame  sensitive  de  l'animal,  492-493. 

B)  Logique  :  506.  —  Définition  réelle,  521.  —  Théorie  de  la  déduction 
immédiate  et  médiate,  531-556.  —  Démonstration  :  ses  conditions  et  principes, 
561-563.  —  Science,  577-578.  —  Pas  de  science  du  particulier,  579  ;  581.  — 
Classification  des  sciences,  585-586.  —  Induction  formelle,  674.  —  Fondement 
de  l'induction,  680-682.  —  Méthode  de  la  métaphysique,  761.  —  Confiance 
excessive  accordée  à  Aristote,  810,  814.  —  Abus  des  principes  a  priori,  843. 

C)  Morale  :  union  de  la  raison  et  du  sentiment,  II,  26.  —  Fin  en  soi, 
II,  46,  2.  —  Eudémonisme  rationnel,  II,  91.  —  Vertu  :  théorie  du  juste  milieu, 
II,  126.  —  Justice  commutative  et  distributive,  II,  162.  —  Justice  et  équité, 
II,  162-163.  —  Légitimité  de  l'esclavage,  II,  177-178.  —  L'homme,  animal 
sociable,  II,  222.  —  Forme  de  gouvernement,  II,  233,  2. 

D)  Esthétique  :  définition  du  beau,  II,  382-383.  —  Rire,  II,  392,  2. 

E)  Métaphysique  :  définition,  II,  419.  —  Lieu,  mouvement,  temps,  II, 
506,  1,  2,  3.  —  Matière  et  forme,  II,  513.  —  Animisme,  II,  527  ;529;  —  Premier 
moteur,  II,  560.  —  Dualisme,  II,  601. 

Aristotélisme  (de  Aristote)  :  ensemble  des  doctrines  d'AnisTOTE.  Voir 
Aristote. 

Arithmétique  ('Ap'.0;ji.-/;Ttx/i  te'/vt),  art  relatif  à  la  numération,  de  àptOf^ô; 
nombre)  :  sa  place  dans  les  sciences,  592  ;  626. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Amauld  (Antoïne) — Assertion  751 

Arnauld  (Antoine)  :  les  quatre  opérations  de  l'esprit,  514.  —  De  la  défi- 
nition, 521  ;  525,  1  ;  526,  2  ;  527,  1.  —  Analyse  et  synthèse,  612,  2.  —  Classi- 
fication des  sophismes,  801,  1,  2. 

Arrhepsie  ('App£|ta,  équilibre)  :  les  Pyrrhoniens  qualifiaient  ainsi  l'état 
de  l'esprit  hésitant  entre  l'alTirmation  et  la  négation. 

Art  (Ars,  de  ac'-),  adapter,  disposer)  :  a)  Sens  général  :  ensemble  de  règles 
et  de  procédés  visant  à  produire  un  résultat  déterminé,  II,  394.  En  ce  sens, 
l'art  s'oppose  :  l")  à  la  science,  qui  est  une  connaissance  désintéressée,  indé- 
pendante des  applications,  581  ;  —  2°)  à  la  nature,  en  tant  qu'elle  produit 
sans  réflexion.  —  b]  Sens  esthétique  :  toute  expression  sensible  de  la  beauté 
par  un  être  intelligent,  II,  394.  —  Source  d'informations  psychologiques,  723. 
—  Trois  écoles  :  idéaliste,  réaliste,  spiritualiste,  II,  394-395.  — •  L'art  et  l'imi- 
tation, II,  397-400.  —  Grandes  lois  de  l'art,  II,  401.  —  Valeur  des  règles 
artistiques,  II,  404.  —  Science  et  art,  II,  408.  —  Classifications  des  arts  : 
arts  mécaniques  ou  utiles,  arts  libéraux  ou  beaux-arts,  II,  408.  —  Art  et 
morale,  II,  410.  —  Art  et  civilisation,  II,  326. 

Article  [Articulus,  articulation,  de  artus,  jointure.  Cf.  apto,  adapter)  :   rôle 

dans  la  phrase,  464. 

Articles  :  les  4  articles  de  1682,  II,  342.  —  Articles  organiques,  II,  342-343. 

Articulaire  {Articularius,  de  articulus,  jointure)  :  sens  récemment  imaginé 
qui  aurait  pour  organes  les  corpuscules  de  Kuause  situés  dans  le  voisinage 
des  articulations. 

Artificiel  i  Artificialis,  de  artifex  =  ars,  art,  facere,  faire)  :  culture  artifi- 
cielle de  la  mémoire,  208-209.  —  Signe,  langage  artificiel,  436  ;  439.  —  Som- 
nambulisme artificiel,  478.  —  Classification  artificielle,  693.  —  Unité  artifi- 
rielle,  II,  471.  —  Sélection  artificielle,  II,  613. 

Ascétisme  (  'A'Jxr,Tvi(;,  celui  qui  s'exerce  ;  de  àaxét»,  s'occuper,  s'exercer)  : 
l'ascétisme,  en  général,  est  un  genre  de  vie  austère,  qui  a  pour  but  de  soumettre 
lo  sensibilité  à  la  raison.  Les  Stoïciens  recommandent  l'ascétisme  :  ^ès<m<?, 
II,  94  ;  95.  —  L'ascète  clirétien  se  mortifie  non  seulement  pour  arriver  à  la 
maîtrise  de  soi-même,  mais  encore  pour  expier  et  réparer  ses  fautes  et 
celles  des  autres.  —  Macérations  ascétiques,  II,  158. 

Aséité  (Aseitas,  latin  scolastique,  de  a  se  esse,  être  de  soi)  :  perfection  d'un 
être  qui  a  en  soi-même  la  raison  de  sa  propre  existence,  II,  343-344  ;  557  ;  573- 
574.  — Les  Scolastiques  l'opposent  au  mot  Abalietas,  indiquant  un  être  dont 
l'existence  dépend  d'un  autre  comme  cause  efficiente  (ab  alio  esse),  II,  557. 

Assassinat  (de  l'italien  assassinare,  tuer)  :  crime  contre  la  vie  d'aulrui, 
II,  166.  —  Assassinat  politique,  II,  166. 

Assentiment  (de  Assentir,  de  assentire  =  ad-senlire,  approuver)  :  appro- 
bation que  l'esprit  donne  à  une  proposition.  C'est  un  acte  d'intelligence, 
tandis  que  le  consentement  est  un  acte  de  volonté,  270-271.  —  L'adhésion  ou 
assentiment  de  l'esprit  se  trouve,  à  des  degrés  divers,  dans  l'opinion  et  dans 
la  certitude,  775  ;  777.  —  Les  Stoïciens  appelaient  assentiment  (^uvxa-aOsatî) 
l'activité  de  l'âme  qui  rapporte  la  représentation  sensible  à  un  objet  — 
L'Illative   Sensé  de  Newman,   788-790. 

Assertion  {Assertîo,  de  assertum.  supin  de  asserere  =  ad-serere,  attribuer, 
assigner)  :  ce  ternie  n'est  pas  synonyme  d'affirmation,  car  il  peut  s'appliquer 
à  l'énoncé  d'un  jugement  négatif. 


752  TABLE  ANALYTIQUE  :  Asseftoire  —  Associationnisme 

Assertoire,  Assertorique  (dérivé  de  Assertion]  :  d'après  Kant,  les  juge- 
ments assertoriques  sont  de  simples  alTirmations  ou  négations,  qui  n'impliquent 
aucune  idée  de  nécessité  ou  de  possibilité.  Leur  modalité  correspond  à  la  caté- 
gorie à.^ existence  :  ils  expriment  des  vérités  de  fait,  tandis  que  les  jugements 
apodictiques  énoncent  des  vérités  de  droit. 

Assimilation  (Assimilatio,  de  assimilatum,  supin  de  assimilare.  imiter, 
feindre,  rendre  semblable  =  ad-similare,  ad-simulare,  de  similis,  pareil)  ; 
a)  Transformation  qui  va  du  différent  au  semblable.  S'oppose  à  Différenciation. 

—  b)  Théorie  scolastique  de  la  connaissance,  162.  —  c)  Certains  psychologues, 
comme  James  Sully,  appellent  assimilation  l'acte  réflexif,  par  lequel  l'esprit 
reconnaît  une  ressemblance  entre  des  choses  numériquement  différentes. 

Assistance  (de  Assister,  de  assistere  =  ad-sistere,  se  tenir  près  de)  :  assis- 
tance mutuelle  des  époux,  II,  212.  —  Devoir  des  enfants  envers  leurs  parents, 
II,  217.  —  Fonction  d'assistance  incombant  à  l'État,  II,  248  ;  249.  —  Assis- 
tance par  le  travail,  II,  164.  —  Assistance  :  a)  publique,  II,  264  ;  b)  légale, 
II,  264.  —  Devoir  d'assistance  privée  ou  de  charité,  II,  207  ;  263-264. 

Associatif  (de  Associatum,  supin  de  associare  =  ad-sociare,  réunir)  :  loi 
associative  de  l'addition  et  de  la  multiplication  logiques,  569. 

Association  (de  Associer,  de  associare  =  ad-sociare,  réunir)  :  a)  Sens  psycho- 
logique :  1°)  Propriété  que  les  phénomènes  psychiques  ont  de  s'attirer  entre 
eux.  —  2°)  Groupe  qui  résulte  de  cette  propriété.  —  Association  des  idées  : 
domaine  et  nature,  212.  —  Théorie  anglaise  de  son  mécanisme,  213.  —  Théorie 
écossaise,  216.  —  Rôle  de  l'association,  219.  • —  Excès  de  l'Associationnisme, 
220.  —  b)  Sens  sociologique  :  état  de  vie  sociale  en  tant  qu'il  est  reconnu  par 
ceux  qui  y  adhèrent. 

Association  (Droit  d')  :  droit  naturel  ;  rôle  de  l'État,  II,  285. 

Associationnisme  (de  Association]  :  doctrine  qui  fait  de  l'association  de 
certains  états  de  conscience  élémentaires  le  principe  du  développement  de 
la  vie  intellectuelle  et  morale.  (D.  Hume,  J.  Stuart  Mill,  J.  Sully,  Al.  Bain)  : 

A)  Psychologie  :  classification  des  sensations  (Bain),  75.  —  Origine  des 
inclinations  altruistes,  100-102.  —  Notion  du  moi,  153-154.  —  Hallucination 
vraie,  171.  —  Théorie  de  l'association,  213-216.  —  Excès  de  l'Associationnisme, 
220.  —  Nominalisme,  254.  —  Jugement  ramené  à  l'association,  268-269.  — 
Induction  ramenée  à  l'association,  281.  —  Raisonnement  par  analogie,  283. 

—  Origine  des  idées,  304.  —  Notion  de  substance,  323.  —  Notion  et  principe 
de  cause,  325-326  ;  330-332.  —  Objection  contre  la  liberté,  370-371. 

B)  Logique  :  objection  contre  le  syllogisme,  564-565.  —  Tentative  pour 
réduire  la  déduction  à  l'induction,  619-620.  —  Origine  des  notions  mathéma- 
tiques, 628-629.  —  Recherche  de  la  cause,  665,  1.  —  Les  quatre  méthodes 
de  Stuart  Mill,  668-670.  —  Fondement  de  l'induction,  679.  —  Empirisme, 
686.  —  Raisonnement  par  analogie,  706-708.  —  Méthode  de  la  morale,  758.  — 
Classification  des  sophismes,  802.  —  Critérium  de  l'expérience,  817. 

C)  Morale  :  nature  de  la  conscience  morale,  II,  22.  —  Valeur  de  la 
conscience  morale,  II,  27.  —  Utilitarisme  de  Bentham  rectifié  par  Stuart  Mill, 
II,  53.  —  Fondement  du  droit,  II,  133-134.  —  Conditions  de  la  civilisation,  II, 
327,  1. 

D)  Métaphysique  :  le  phénoménisme  :  relativisme  de  la  connaissance 
II,  427-429.  —  Idéahsme  phénoméniste,  II,  499-500. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Assomptioii  —  Attribut  753 

Assomption  (Assumptio,  de  assumptutn,  supin  de  assumere  =  ad-siunere, 
assumer,  prendre  en  sus,  ajouter)  :  se  dit  de  toute  proposition,  admise  comme 
vraie,  qu'on  prend  pour  en  démontrer  une  autre. 

Assurance  (de  Assurer,  de  à  et  sûr)  :  en  cas  d'accidents,  de  maladies,  de 
vieillesse,  II,  265. 

Astronomie  (Astronomia,  àGxç.o'jo'j.irA^  de  à<;Tpov  astre  ;  voy.oç,  loi)  :  sa 
place  dans  les  sciences,  2  ;  592-593  ;  627. 

Ataraxie  (  'ATapaçi'a,  de  à  privatif  et  xapaç^w,  xapa^oj,  troubler),  tranquil- 
lité d'âme  qui,  d'après  Démocrite,  Épicure  et  les  Stoïciens,  résulte  de  la 
modération  dans  les  désirs,  61  ;  II,  50-51.  —  Idéal  du  sage  d'après  les  Stoïciens, 
118. 

Atavisme  (de  Atavus,  bisaïeul)  :  a)  Apparition  chez  un  individu  d'un  carac- 
tère ([\n  n'existe  pas  chez  ses  ascendants  immédiats.  C'est  l'hérédité  médiate, 
c'est-à-dire  qui  saute  par-dessus  une  ou  plusieurs  générations.  —  b)  Persis- 
tance dans  une  race  d'un  état  antérieur  qui  n'a  plus  de  raison  d'être  actuel- 
lement. 

Ataxie  (  'Araçta,  de  a  -raxToç,  non  réglé,  de  à  privatif  et  Taccw,  Tâ;w,  mettre 
en  ordre)  :  au  point  de  vue  :  a)  psychologique,  c'est  un  désordre  dans  l'exercice 
des  facultés  intellectuelles  et  morales  ;  —  b)  physiologique,  c'est  l'impuissance 
à  coordonner  les  mouvements. 

'Athambie  ('A0a;/.6'ta,  absence  de  crainte,  de  à  privatif  et  OâaSo;,  zo;  ou;, 
ofTroi)  :  mot  quelquefois  employé  comme  synonyme  de  Ataraxie. 

Athéisme  (de  Athée,  de  a9£o;,  de  à  privatif  et  Béoç,  Dieu)  :  doctrine 
niant  l'existence  de  la  Divinité.  — ■  N'existe  qu'à  l'état  erratique,  II,  564,  3,  4. 
—  Doute  de  La  Bruyère,  II,  565,  1. 

Atomisme,  Atomistique  (Philosophie)  (de  Atome,  qui  vient  de  atomus, 
ocTojxoç,  de  a  privatif  et  tÉv.voj,  couper)  :  doctrine  d'après  laquelle  la  matière 
est  constituée,  en  dernière  analyse,,  d'atomes,  c'est-à-dire  de  parties  insé- 
cables et  irréductibles  (Démocrite,  Epicure,  Lucrèce,  167;  II,  .507  ;  600.  — 
Atomisme  de  Gassendi,  II,  507-508.  —  Atomisme  dynamique  (Tongiorgi), 
510. 

Atrophie  (Atrophia,  'Axpo'^i'a,  de  a  privatif  ;  rps'^o),  nourrir)  :  atrophie 
des  organes,  702-703  ;  II,  615  ;  619. 

Attentif  (latin  scolastique  Attentivus,  de  attendere  =  ad-tendere,  tendis 
vers)  :  qualité  de  l'observateur,  650. 

Attention  [Attenlio,  de  attentum,  supin  de  attendere  =  ad-tendere,  tendi' 
vers)  :  concentration  de  l'activité  intellectuelle  sur  un  ou  plusieurs  objet- 
qui  sans  cela  n'occuperaient  qu'une  partie  du  champ  de  la  conscience.  - 
Nature,  238.  —  Formes,  239.  —  Lois,  240.  —  Rapports  avec  l'intelligence,  l,i 
volonté  et  la  sensibilité,  240-242.  — •  Connaissance  instinctive  et  connaissanc»; 
réfléchie,  242.  ■ —  Rôle  de  l'attention  dans  les  découvertes  scientifiques,  231  • 
650.  —  L'attention  et  l'habitude,  424-425.  ■ 

Attribut,  Attribution  {Attributum,  Attributio,  de  attributunt,  supin  de  atlri- 
huere  —  ad-tribuere,  assigner)  :  a)  Sons  logique  :  qualité  affirmée  ou  niée  d'un 
sujet.  Terme  d'une  proposition,  266.  —  Rapports  d'attribution,  266-267.  — 
b)  Sens  métaphysique  :  caractère  essentiel  d'une  substance.  —  Attributs  de 


754  TABLE  ANALYTIQUE  :  Audacc  —  Autorité 

Dieu  :  leur  nature,  II,  576.  —  Attributs  métaphysiques,  II,  577.  —  Attributs 
moraux  :  a)  méthode  pour  les  déterminer,  II,  580  ;  —  b)  énumération,  II, 
58  î. 

Audace  (Audacia,  de  audax,.  de  audeo,  de  avidus,  avide,  de  aveo,  avère, 
désirer  vivement)  :  passion,  122. 

Auditif  (Auditivus,  de  auditum,  supin  de  audire,  écouter)  :  nerf  auditif, 
157.  —  Mémoire  auditive,  206  ;  207.  —  Signe  auditif,  435. 

Audition  colorée  :  association  des  couleurs  aux  lettres  et  aux  mots  ;  cer- 
taines personnes  ne  peuvent  entendre  tels  mots  ou  telles  lettres  sans  qu'ils 
éveillent  en  elles  l'idée  de  telle  ou  telle  couleur. 

Augustin  (Saint)  :  besoin  d'émotions,  85.  —  Interprétation  des  Idées 
de  Platon,  257.  —  Survivance  des  idées,  199,  2.  —  Origine  des  idées,  311-312. 

—  Les  deux  cités,  749-751.  —  Le  doute  méthodique,  774,  3.  —  Définitions  : 
a)  de  la  loi  éternelle,  II,  41,  1  ;  111,  1  ;  è)  de  la  vertu,  II,  128-129  ;  c)  de  l'ordre, 
II,  382,  2  ;  383,  1.  —  Conditions  esthétiques  de  l'éloquence,  II,  410,  1.  — 
Le  Veri)e,  art  du  Père,  II,  413,  4.  —  Inquiétude  du  cœur  humain,  II,  565,  3. 

—  Preuve  de  l'existence  de  Dieu  par  les  vérités  éternelles,  II,  567.  —  Bonté 
de  Dieu,  raison  de  notre  existence,  II,  635,  2. 

Aumône  (du  vieux  français  almosne,  de  eleemosyna)  :  devoir  de  charité, 
II,  193  ;  207. 

Aura  (Aupa,  souffle,  vent)  :  Van  Helmont  nomme  le  principe  vital  aura 
çitalis.  —  On  appelle  ainsi  les  symptômes  prodromiques  de  l'hystérie  et  de 
l'épilepsie 

Auriculaire  [Auricularius,  qui  a  rapport  à  l'oreille,  de  auricula,  auris, 
oreille)  ;  témoin  auriculaire,  735. 

Authenticité  (de  Authentique,  de  authenticus,  aôOsvTr/.ôç,  primitif,  qui 
fait  autorité)  :  a)  des  monuments,  740  ;  b)  des  documents,  741-742. 

Automate,  Automatisme  ( 'AuTo^axo,-,  spontané,  qui  agit  spontanément)  : 
caractère  des  mouvements  ou  phénomènes  dont  la  cause  est  intérieure  à  l'être 
qui  les  ressent  et  dont  le  développement  est  soumis  à  des  lois  fixes.  —  L'âme 
des  bétes  d'après  Descartes,  108-109.  —  L'instinct,  mouvement  automa- 
tique, 111-112.  —  L'âme,  automate  spirituel  d'après  Leibniz,  393,  3  ;  II, 
590,  4. 

Automatisme  psychologique  :  a)  dans  l'état  normal,  427  ;  b)  dans  l'état 
anormal.  427-428.  —  Rapports  entre  l'activité  réfléchie  et  l'automatique, 
428-429. 

Autonome,  Autonomie  ('AuTovo|/ia,  indépendance,  de  aOrô;,  soi-même; 
vo[jLo;,  loi)  :  a)  En  général  :  droit  de  la  personne  sur  elle-même  excluant  le 
droit  d'une  autre  personne  sur  elle.  —  Volonté  autonome  d'après  Kant, 
II,  97  ;  100-101.  —  b)  En  Sociologie,  l'autonomie  est  le  pouvoir  de  s'organiser 
et  de  s'administrer  eux-mêmes  dont  jouissent,  sous  certaines  conditions, 
les  groupes  politiques  ou  sociaux  :  vg.  autonomie  provinciale.  —  S'oppose 
à  Hétéroiinmie. 

Autorité  [Auctoritas,  de  auctor,  de  auclum,  supin  de  augere,  augmenter)  : 
a)  Ascendant  personnel  qui  inspire  la  confiance,  le  respect,  l'obéissance.  — 
Méthode  d'autorité,  7.  —  Descartes  et  l'autorité,  604.  —  Autorité  du  témoi- 
gnage,  735-736.   —   L'autorité   comme   critérium   de   l'évidence,   810-811.   — 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Autoscopic  —  Bacoii  (Francis)  755 

Valeur  et  usage  de  l'autorité  dans  les  sciences,  811-814.  —  b)  Pouvoir  de 
commander,  de  décider.  —  Autorité  maritale,  II,  212.  —  Fondement  de  l'auto- 
rité paternelle,  II,  216.  —  Origine  de  l'autorité  sociale  :  a)  in  abstractn,  II,  223  ; 
h)  in  concreto,  II,  224.  —  Limites  et  empiétements  de  l'autorité,  II,  250.  — 
Stabilité  et  transmission  de  l'autorité,  II,  247. 

Autoscopie  (Aùtoç,  soi-même  ;  cxottÉw,  voir)  :  pliénomène  hallucinatoire. 
On  distingue  l'autoscopie  :  a)  externe  :  le  sujet  s'aperçoit  lui-même  comme  il 
s'apercevrait  dans  une  glace  ;  —  b)  interne  :  le  sujet  voit  son  organisme  et 
en  fait  la  description. 

Autosuggestion  (Avtôç,  soi-même  ;  suggestio,  de  suggestum,  supin  de 
suggercre  —  sub-gerere,  apporter  sous)  :  suggestion  qu'on  se  donne  à  soi-même, 
467.  —  On  l'oppose  à  Hétérosuggestion  (stepoç,  autre). 

Autotélie  (Aùtôç,  soi-même  ;  tsXo;,  fin)  :  pouvoir  de  déterminer  la  fin  de 

ses  actions. 

Autothétique  (Aùtôç,  soi-même  ;  TiOri;j.[,  je  place)  :  c'est  le  nom  donné 
par  Kant  à  la  science  des  apparences  du  monde  sensible,  la  seule  à  laquelle, 
d'après  lui,  l'homme  puisse  atteindre,  II,  432. 

Autre  (de  Alterum,  devenu  altre  en  vieux  français)  :  s'oppose  à  Identique, 
le  même,  148.  —  Altération  de  l'idée  du  moi,  151-152. 

Avarice  {Avaritia,  de  avarus,  de  avère,  désirer  ardemment)  :  c'est  un. 
extrême,  II,  127.  —  C'est  un  vice,  II,  192-193. 

Aversion  [Aversio,  de  aversum,  supin  de  a-vertere,  détourner)  :  c'est  une 
pcVssion,   122. 

Aveugle  (du  latin  populaire  aboculum,  de  ab  privatif  et  oculus,  œil)  :  nature 
de  la  vision  après  l'opération  de  la  cataracte,  180  ;  190  ;  725.  —  Acuité  des 
autres  sens  chez  l'aveugle,  184. 

Axiome  ( 'A;uoy.«,  doctrine,  proposition,  de  à;tôc.),  juger  digne,  juste, 
vrai)  :  a)  Vérité  évidente  par  elle-même  et  partant  indémontrable.  —  Axiomes 
logiques,  289.  —  Principes  de  la  démonstration  :  axiomes  communs  et  dérivés, 
563.  —  Axiomes  mathématiques  :  définition,  caractères,  rôle,  289  ;  632-633. 
—  Règles  des  axiomes,  638.  —  è)  Fr.  Bacon  donne  au  mot  axiome 
le  sens  de  loi  de  la  nature.  —  c)  Kant  appelle  axiomes  de  l'intuition  les  prin- 
cipes a  priori  de  l'entendement  pur,  qui  se  rapportent  à  la  quantité  et  qu'il 
résume  dans  cette  formule  :  «  Toutes  les  intuitions  sont  des  grandeurs  exten- 
sives.    ■) 

AzAM  (Docteur)  :  cas  de  P'élida,  210.  —  Le  caractère,  467,  1. 


Babeuf  (François-Émile)  :  communiste,  II,  199.  De  là  le  nom  de  Babou- 
visME  donné  d'abord  au  Socialisme. 

Bacon  (Francis)  :  le  toucher,  186.  —  Définition  de  la  science,  463,  578.  — 
Maîtrise  de  la  nature,  583,  1  ;  685.  —  Classification  des  sciences,  586.  —  L'expé- 
rience lettrée,  la  chasse  de  Pan,  le  Hair,  mettre  la  nature  à  la  question,  660-661. 
— ■  Tables   de   comparution,  666-667.   —    Injustices,   lacunes  et  mérites   de 


756  TABLE  ANALYTIQUE  :  Bain  (Alexandre)  —  Beau 

l'œuvre  de  Bacon,  670-672.  —  Utilité  de  l'induction,  685.  —  Nécessité  d'allier 
la  raison  et  l'expérience,  687,  1.  —  Causes  de  l'erreur  :  Idola,  805.  —  Orgueil 
des  intellectuels,  808,  1.  —  Excellence  de  la  méthode,  844,  2.  —  Définition  de 
l'art,  II,  399,  1. 

'  Bain  (Alexander)  :  classification  des  sensations,  75.  —  Sensations  indiffé- 
rentes, 75.  —  Loi  de  contraste  dans  l'association,  214.  —  Origine  des  idées, 
304-306.  ■ —  Classification  des  caractères,  404.  —  Effet  moteur  des  images, 
470-471.  '■ —  Principe  du  syllogisme,  554,  2. 

Balance  (du  latin  popul.  Bilancia,  de  bis,  deux  fois  ;  lanx,  plateau)  : 
comparaison  avec  la  volonté,  399-400. 

Balfour  (Arthur-James)  :  pragmatisme  social,  831-832. 

Balmès  (Jaime)  :  le  nombre  des  idées  et  la  perfection  de  l'intelligence, 
579-580.  —  Intérêt  spéculatif  de  la  question  relative  à  la  collation  de  l'auto- 
rité, II,  227,  1. 

Baltzer   (Jean-Baptiste)  :  le  vitalisme,  II,   527. 

Bamalipton  :  mode  de  la  quatrième  figure  du  syllogisme,  539. 

Baralipton  :  nom  donné  à  Bamalipton  considéré  comme  mode  indirect  de 
la  première  figure  du  syllogisme,  539. 

Banes  (Père  Domenico)  :  la  prémotion  physique,  380,  2  ;  II,  586-590. 

Bannésiens  :  partisans  de  Banes,  380,  2  ;  H,  586-590. 

Barbara  :  premier  mode  de  la  première  figure,  539. 

Barbari  :  Leibniz  appelle  ainsi  le  mode  de  la  première  figure  obtenu  par 
la  subalternation  de  la  conclusion  de  Barbara  :  vg.  Tout  C  est  A,  or  tout  B 
est  C,  donc  quelque  B  est  A.  —  La  Logique  de  Port-Royal  applique  le  nom 
de   Barbari   à   Bamalipton. 

Barine  (M"*^  Arvède)  :  névrosés,  II,  117,  1. 

Baroco  :  mode  de  la  deuxième  figure,  539  ;  540-541. 

Barthélemy-Saint-Hilaire  (Jules),  l'acte  pur,  48,  1. 

Barthez  (Paul-Joseph)  :  le  vitalisme,  II,  527-528. 

Basile  (Saint)  :  invention  du  langage,  441,  2. 

Bastiat  (Claude-Frédéric)  :  définition  de  la  valeur,  II,  355. 

Baudrillart  (Henri)  :  fonction  de  l'Étal,  II,  249.  —  Économiste,  II,  353. 

Baumgarten  (Alexander-Gottlieb)  :  l'esthétique,  II,  377. 

Bautain  (Abbé  Louis)  :  partisan  du  Fidéisme,  818,  5. 

Bayle  (Pierre)  :  objection  contre  la  liberté,  371.  —  Scepticisme,  II,  422. 

Béatitude  (Beatitudo,  de  beatus,  de  beare,  rendre  heureux)  :  satisfaction 
pleine  et  constante.  —  Tous  la  recherchent,  402-403.  —  Béatitude  divine, 
II,  596.  —  Béatitude  diffère  de  bonheur,  parce  qu'elle  s'applique  proprement 
aux  joies  parfaites  de  la  vie  future. 

Beattie  (James)  :  critérium  du  sens  commun,  814. 

Beau,  Beauté  (du  latin  populaire  bellum,  bon,  beau  ;  bellitatem)  :  a)  Objec- 
tivement :  activité  qui  se  déploie  d'une  manière  puissante  et  ordonnée,  II,  383. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Bcauiiis   (Heiiri-Étienne)  —  Biauriculaire     757 

b)  Subjectivement  :  ce  qui  plaît  en  tant  qu'il  est  connu,  II,  379.  —  Amour 
du  beau,  97  ;  410.  —  L'idée  du  beau  absolu,  343.  —  Le  beau  au  point  de  vue  : 
a)  subjectif,  II,  378-380  ;  h)  objectif,  II,  381-384.  —  Division  du  beau,  II,  384. 

—  Rapports  avec  :  a)  le  vrai  et  le  bien,  II,  384  ;  b)  Vutile  et  Vagréable,  II,  387  ; 

c)  le  gracieux  et  le  joli,  II,  388  ;  d)  le  sublime,  II,  389.  — ■  L'art  et  le  beau,  II,  394. 

—  Beauté  de  l'idéal  chrétien,  II,  412.  —  Morale  de  la  beauté,  II,  89-90.  — Beauté 
des  principes,  II,  386,  2.  —  Dieu,  beauté  absolue,  souveraine,  343  ;  344  ;  II,  386- 
387  ;  412-413. 

Beaunis  (Henri-Etienne)  :  suggestion  hypnotique,  480  ;   482-483. 

Beaussire  (Emile)  :  fonction  de  l'État,  II,  249,  1. 

Beaux-Arts  :  nature  et  classifications,  II,  408. 

Bell  (Charles)  :  expression  des  émotions,  437. 

Bellarmino  (le  Bienheureux  Cardinal  Roberto)  :  origine  du  pouvoir 
II,  224-225  ;  228,  6.  —  Connaissance  des  futurs  conditionnels,  II,  593-595. 

Belles-Lettres  :  philosophie  des  Belles-Lettres,  599  ;  II,  3  94  ;  409-410. 

Benoit  XIV  :  limites  du  pouvoir  de  l'imagination,  485,  1. 

Bentham  (Jeremy)  :  morale  utilitaire,  II,  51.  —  Fondement  du  droit  de 
propriété,  II,  192,  6. 

Bergson  (Henri)  :  théorie  intuilionniste  ;  165  ;  II,  444-445.  —  Semi- 
pragmatisme,  825-826. 

Berkeley  (George)  :  idéalisme  immatérialiste,  168  ;  II,  497.  —  Objet 
de  la  vue,  179,  4. 

Bernard  (Claude)  :  nature  de  l'expérimentation,  659  ;  728-729.  —  Phases 
de  la  méthode  inductive,  648.  —  Impartialité  de  l'observateur,  651,  2.  — 
Invention  de  l'hypothèse,  653,  5.  ^  Rôle  expérimental  de  l'hypothèse,  656  ; 
659,  4.  —  Hasards  de  l'expérimentation,  662,  1.  —  Sciences  d'observation  et 
sciences  expérimentales,  664,  1.  —  Fondement  de  l'induction,  677.  —  Fait 
et  idée,  686,  1.  —  Le  sceptique  et  le  savant,  774,  1.  —  Nécessité  de  la  méta- 
physique, II,  456.  —  Idée  créatrice  et  directrice  de  la  vie,  II,  524-525,  1,  2,  3. 

Bernheim  (Hippolyte)  :  suggestion  hypnotique,  480  ;  485,  1. 

Bernoulli  (Jacques)  :  loi  des  grands  nombres,  383-384. 

Berthélot  (Marcelin)  :  la  science  ne  recherche  pas  les  causes,  II,- 
448,  2.  —  Reconstitution  des  graisses,  II,  524. 

Bertrand  (Joseph)  :  reconnaît  les  injustices  de  Pascal,  654,   1. 

Besoin  (origine  inconnue)  :  a)  État  d'un  être  par  rapptirt  à  ce  qui  est 
indispensable  à  son  existence,  à  son  développement  ou  à  l'obtention  d'une  ' 
fin  quelconque.  —   b)  État  pénible  résultant  d'un  besoin  i'essenti  et  non  satis- 
fait, 58.  —  Appétit  et  besoin,  83.  —  Droit  et  besoin,  II,  133.  —  Besoins  que 
les  biens  de  ce  monde  ne  peuvent  satisfaire,  II,  565.  —  Loi  du  besoin,  II,  613. 

Bête  (Beslia)  :  l'âme  des  bêtes,  491-493  ;  II,  549,  3. 

Biauriculaire  (Bis,  deux  f<iis  ;  auricularius,  de  auricula,  oreille)  :  quand 
les  deux  oreiil(;s  perçoivent  à  la  fois  le  même  son,  l'audition  est  dite  biauri- 
culaire. Elle  r.ert  à  distinguer  la  direction  du  son,  parce  que  celle-ci  se  reconniît 
à  la  différence  d'iiiton'itè  df^  imiiressions  produites  par  le  même  son  'im  I.-s 
deux  oreilles. 


758        TABLE  ANALYTIQUE  :  Bfchat   (F.-X.)  —  Biran  (Maine  de) 

BicHAT  (François-Xavier)  :  l'expérimentation,  725.  —  Organicisrae, 
II,  525. 

Bien  (de  l'adverbe  Bien  employé  substantivement  ;  l'adverbe  vient  du 
latin  Bene)  :  l'un  des  transcendantaux  :  1°)  Subjectivement  :  ce  que  tous  les 
êtres  recherchent.  2°)  Objectivement  :  la  perfection  de  l'être,  252  ;  II,  476.  — 
Division,  II,  476-477.  —  Le  vrai  et  le  bien,  IL  477.  —  Amour  du  bien,  96-97  ; 
410.  —  Rapports  du  bien  et  de  la  liberté,  402-404.  — ■  Bien  en  soi  et  bien  moral, 
II,  17  ;  111.  —  Bien  individuel,  bien  altruiste,  bien  rationnel,  II,  46.  —  Pro- 
blème du  Souverain  Bien,  II,  46-47.  —  Morale  du  bien  rationnel,  II,  101.  — 
Origine  de  l'idée  du  bien,  II,  102.  —  Nature  de  Tidée  du  bien,  II,  103.  — 
Critérium  du  bien  et  du  mal,  II,  106.  —  Le  bien  n'est  pas  obligatoire  par 
lui-même,  II,  109-110  ;  112.  —  Rapports  du  bien  avec  le  vrai  et  le  beau,  II,  384. 

—  Respect  des  biens  :  a)  matériels,  II,  188  ;  b)  spirituels,  II,  206.  —  Le  bien 
est  diiïusif,  II,  596.  —  S'oppose  à  Mal. 

Bien  (Souverain)  :  a)  c'est-à-dire  le  bien  par  excellence,  par  rapport  auquel 
tous  les  autres  ne  sont  que  des  moyens  :  c'est  le  sens  d'ARisTOTE  et  des  Scolas- 
TiQUES  :  II,  46-47.  —  b)  Chez  Kant  :  bien  capable  de  satisfaire  l'homme  tout 
eatier.  Cf.  Critique  de  la  Raison  pratique  :  Dialectique,  ch.  ii.  —  Problème 
du  Souverain  Bien,  II,  46-47, 

Bienfaisance  (de  Bien  et  faisant)  :  action  de  faire  du  bien  à  autrui.  — 
Vertu  morale,  87  ;  94;  II,  163;  207.  —  L'Étatet  la  Bienfaisance  :  son  rôle,  11,263. 

Bienveillance  (de  Bien  et  du  vieux  français  Pé>Mi7/a«<)  :  disposition  à  vouloir 
du  bien  à  autrui.  —  Vertu  morale,  87  ;  94  ;  II,  207.  —  Morale  de  la  bien- 
veillance (Hutcheson),  II,  81. 

Bilatéral  (de  Bis,  deux  fois  ;  lateralis,  de  latus,  côté)  :  un  contrat  est  bilatéral 
quand  il  engage  les  deux  parties  réciproquement  ;  vg.  les  Concordats,  II,  341. 

—  Cause  bilatérale,  385. 

Bilieux  {Biliosus,  de  bilis,  bile)  :  tempérament  bilieux,  404. 

Bilocation.  Multilocation  {Bis,  deux  fois  ;  multum,  beaucoup  ;  locus,  lieu)  : 
d'après  les  Scolastiqi  es,  il  ne  répugne  pas  à  l'essence  de  la  matière  qu'un 
corps  occupe,  si  Dieu  le  veut,  deux  [bilocation]  ou  plusieurs  lieux  {multilo- 
catinn).  Cf.  D.  Palmieri,  Institutiones  philosophicse,  T.  II,  Cosmologia,  Thés.  X, 
p.  7.' -SI. 

Binoculaire  (Bini,  deux  ;  oculus,  ceil)  ;  vision  binoculaire,  c'est  la  formation 
simultanée  de  doux  imagos  rétiniennes  d'un  même  objet  vu  sous  un  angle 
dilTétent,  d'où  résulte  la  perception  du  relief  et  de  la  profondeur. 

Biogénèse  (l»'-o?,  vie;  yiveo-iç,  naissance)  :  on  appelle  ainsi  la  théorie  qui 
tait  mitre  tout  vivant  d'un  vivant,  II,  326.  —  Loi  biogénétique  :  Le  dévelop- 
penioiit  embryonnaire  do  chaque  être  reproduit  en  abrégé  la  série  des  états 
pai*i  lurus  par  l'espèce  dans  son  évolution,  II,  615-616  ;  619. 

Biologie  (de  lit'';,  vie  ;  Xo'yo;,  discours)  :  science  des  êtres  vivants  ou  science 
de  11  vie.  —  Sa  place  dans  les  sciences,  2  ;  646.  —  Treviranus  (1776-1837), 
biologiste  allemand,  publia,  en  1803,  un  ouvrage  intitulé  Biologie.  Ce  mot  se 
trouve  aussi  dans  Lamarck  pour  signifier  la  scifence  des  êtres  vivants. 

Bionomie  (li'''"--;,  vie  ;  to[j(.o;,  loi)  :  mot  proposé  par  Ray  Lankester  pour 
signifier  la  science  des  rapports  des  organismes  entre  eux  et  avec  leurs  milieux. 

BiRAx  I  Marie-François-Pierre  Gontuier  de)  :  voir  Maine  de  Biran. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Biraiiisme  —  Bossuet  (Jacques-Bénigne)      759 

Biranisme  :  philosophie  de  Maine  de  Biran,  dont  le  spiritualisme  a  pour 
caractéristitpie  d'être  fondé  sur  ce  qu'il  nomme  le  fait  primitif  de  la  conscience, 
l'effort  moteur  volontaire,  327. 

Blainville  (Henri-Marie  Ducrotay  de)  :  la  main,  186,  1. 

Blanc  (Charles)  :  effet  moralisateur  de  l'art,  II,  411,  2. 

Bocardo  :  mode  de  la  troisième  figure  se  ramenant  cà  Barbara  par  réduction, 
-.539  ;    540-541. 

Boèce  (Anicius  Manlius  Boetius)  :  définition  :  a)  de  la  personne,  365,  2  : 
b)  de  l'éternité,  II,  578,  1. 

Boétie  (Etienne  de  La)  :  ami  de  Montaigne,  90,  1. 

BoiLEAU  Despréaux  (Nicolas)  :  l'imitation,  II,  398. 

BoiRAC  (Emile)  :  le  jugement,  acte  essentiel  de  l'intelligence,  267-268. 
—  Intérêt  particulier  et  intérêt  général,  II,  134,  2.  —  Stuart  Mill  et  l'idéa- 
lisme, II,  500,  1. 

Bon  [Bonum)  :  un  des  transcendantaux,  252  ;  II,  476.  —  Acte  bon  mora- 
lement, II,  30-31  ;  31-32.  —  Essence  de  ce  qui  est  bon,  II,  104-105.  Voir  Bien. 

Bonald  (Vicomte  Louis-Gabriel  de)  :  nature  du  langage,  441,  1.  — 
Origine  du  langage,  442-444  ;  452,  4.  —  Définition  de  l'homme,  II,  543,  1. 

Bonaventure  (Saint)  :  classification  des  connaissances,  587,  3. 

Bonheur  (de  Bon,  heur,  dérivé  de  augurium,  présage,  chance  favorable)  : 
satisfaction  complète  et  persistante  de  toutes  nos  inclinations  (eCioatjjiovi'/), 
II,  91.  —  Ce  mot  signifie  aussi  chance  favorable  [zuvr/y/.),  II,  91.  —  Instinct 
du  bonheur,  84.  —  Tendance  nécessaire  et  universelle,  402-404.  —  Bonheur 
d'après  Bentham,  II,  51-52.  —  Bonheur  de  l'humanité  d'après  Stuart  Mill. 
II,  55.  —  Intérêt  et  bonheur,  II,  77-79. —  Bonheur  et  perfection,  II,  78-79, 
^  Bonheur  au  point  de  vue  psychologique  et  moral,  II,  91.  —  Bonheur  rationnel 
d'après  Aristote,  II,  92-93.  —  Bonheur  éternel,  II,  551. 

BoNNioT  (PÈRE  Joseph  de)  :  différences  entre  les  hallucinations  et  les 
visions  surnaturelles,  488,  1.  —  Nature  du  miracle,  II,  641,  2,  3. 

Bon  sens  :  pouvoir  de  bien  juger,  c'est-à-dire  avec  calme  et  justesse  dans 
-les  qiicstions  concrètes.  —  Sa  nature,   286-287.  —  Opinions  de  Descartes 
et  de  Nicole,  287. 

Bonté  (Bonitatem,  de  bonus,  bon)  :  a)  caractère  de  ce  qui  est  bien  ou  bon  ; 

—  /;)  disposition  à  vouloir  et  à  faire  du  bien  aux  autres,  94.  —  Bonté  morale 
d'un  acte,  II,  30-32.  —  Bonté  originelle,  «  faux  dogme  >>  de  la  Révolution, 
II,  349.  —  Bonté  métaphysique,  II,  476-477.  —  Bonté  de  Dieu,  II,  596. 

BoscovicH  (Père  Roger-Joseph)  :  le  dynamisme  externe,  II,  518-519. 

Bossuet  (Jacques-Bénigne)  :  méthode  psychologique,  8.  —  Distinction 
entre  l'àme  et  ses  facultés,  40-41. —  Classification  des  facultés,  43.  —  Instinct 
de  l'animal,  107,  3  ;  108,  1.  —  Classification  des  passions,  122-123.  —  Réduc- 
tion des  passions  à  l'amour,  123.  —  Importance  du  raisonnement,  283,  2.  — 
Origine  des  idées,  311-312.  —  Définition  de  l'accident,  321,  1.  —  Principe.de 
finalité,  334.  —  Origine  de  l'idée  de  parlait,  342.  —  Part  de  la  volonté  dans 
l'exécution,  359,  2.  —  Liberté  de  l'homme  et  prescience  de  Dieu,  378-37'J. 

—  Liberté  d'indifférence,  394-396.  — -  Ame  des  bét«s,  492-493.  —  Action  d.' 


760  TABLE  ANALYTIQUE  :  Botaniquc  —  Budget 

la  Providence  dans  l'histoire,  749-750.  —  Origine  du  pouvoir,  II,  227-228. 
—  Le  droit  divin,  II,  229,  2.  —  Beauté  des  principes,  II,  386,  2.  —  La  variété, 
II,  404.  —  Beauté  de  Dieu,  II,  413,  2.  —  Union  de  l'âme  et  du  corps,  II,  543,  1  : 
544,  1.  —  Preuves  de  l'existence  de  Dieu  :  a)  par  la  contingence  du  monde, 
II,  557,  1  ;  b)  par  les  vérités  éternelles,  II,  567.  —  Optimisme  relatif,  II,  647.' 

Botanique  (de  lioTav'.xôç,  relatif  aux  plantes,  de  Boxav/),  herbe)  :  sa  place, 
dans  les  sciences,  593. 

BouiLLiER  (Francisque)  :  plaisir,  fait  positif,  58,  7.  —  Lois  du  plaisir, 
63,  3.  —  Animisme,  II,  527,  1. 

Bourgeois  (Léon)  :  morale  de  la  solidarité,  II,  73-75. 

BoussiNESQ    (Valentin-Joseph)    :   loi   de   la   conservation   de   la   force, 
390.  2.  —  Origine  des  mathématiques,  629,  1. 

BouTMY  (Emile)  :  imagination  anglaise  et  imagination  hébraïque,  749,  2. 

Boutroux  (Emile)  :  la  loi  de  la  conservation  de  la  force  est  invérifiable, 
388,  1,  3.  —  Démêlés  entre  Descartes  et  Pascal,  654,  1. 

Boyer  (Père  Charles)  :  théorie  de  la  Vérité  illuminatrice  de  S.  Augustin, 
II,  452,  3. 

Brachycéphale  (Bpa/uç,  court;  xsoaXrj;  tête)  :  qui  a  le  crâne  court.  Carac- 
téristique de  certaines  races  humaines  ;  vg.  les  Lapons,  les  Mongols. 

Braid  (James)  :  cause  du  sommeil  hypnotique,  478,  1. 

Braidisme  :  nom  donné  quelquefois  au  sommeil  hypnotique,  478. 

Bramantip   :   certains  Logiciens   emploient   ce  terme  au  lieu  de   Bama- 
liplon,   539. 

Bréal  (Michel)  :  racines  primitives,  260,  2  ;  445,  4.  —  Le  langage  n'est 
pas  un  organisme,  449,   2. 

Bridgman  (Laura)  :  aveugle-sourde-muette,  303  ;  452,  1  ;  725. 

Brizeux  (Julien)  :  le  beau,  II,  412. 

Broca  (Paul)  :  localisation  de  la  faculté  du  langage,  27.  Actuellement  les 
anatumistes  contestent  cette  affirmation  de  Broca. 

Brochard  (Victor)  :  nature  des  Idées  de  Platon,  257,  2.  —  Critique  de 
Bacon,  670,  3. 

Broglie  (Duc  Albert  de)  :  le  respect  du  passé,  92. 

Broussais  (François-Joseph)   :  déterminisme  physiologique,  391,  3.  — 
Organicisme,  II,  525.  —  Matérialisme,  II,  540. 

Brown  (Thomas)  :  classification  des  émotions,  102,  3. 

Bruit  (substantif  participe   de    Bruire]    :  le   bruit  des  vagues,  des  feuilles 
est-il  conscient  ?  142-143. 

Brunetière   (Ferdinand)   :  philosophie  des  lettres,   599.  —  Solidarité, 
n,  72,  1  ;  75,  1.  —  Pragmatisme  social,  832-834. 

BucHNER  (Ludwig)  :  matérialisme,  II,   540. 

Budget  Mo  l'anglais  Budget,  dérivé  lui-même  du  français  Bougelie,  petit 
sar)  :  II,  ::c.!. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  BuffieF  (Père  Gabriel)  —  Capitalisme         761 

BuFFiER  (PÈRE  CtAbriel)  :  preuve  de  la  liberté,  370,  1. 

BuFFON  (Georges-Louis  Leclerc,  Comte  de)  :  la  vue,  186.  —  Le  génie, 
231  ;  241.  —  Utilité  de  la  psychologie  de  l'animal,  724. 

Bureaucratie    (de    Bureau   et    xpaTsto,    commander)  :  ses  inconvénients,  II, 
251-252.  —  Ce  mot  hybride  est  dû  à  l'économiste  J.  de  Gournay  (1712- 1759). 

BuRiDAN  (Jean)  :  l'âne  entre  deux  bottes  de  foin,  395. 

Burke  (Edmund)  :  le  beau  et  le  sublime,  II,  389. 


Cabale  ou  Kabbale  (de  l'hébreu  Kabbalah,  chose  reçue,  tradition,  de 
Kahhel,  recevoir)  :  la  Kabbale  est  un  ensemble  de  doctrines  plus  ou  moins 
hétérodoxes,  proposées  en  marge  de  la  Bible,  qui  se  serait  grossi  au  cours  des 
âges,  depuis  le  miheu  du  i<^'"  siècle  avant  l'ère  chrétienne  jusque  vers  la  fin 
du  vu''  siècle  de  notre  ère,  pour  former  les  deux  livres  intitulés  :  Sepher  Tetzirah 
ou  le  Livre  de  la  Création,  et  le  Zohar  ou  le  Livre  de  la  Lumière.  La  Kabbale 
est,  avant  tout,  une  tentative  pour  nous  introduire,  par  la  voie  des  symboles 
et  des  procédés  relevant  de  l'occultisme,  dans  les  secrets  de  la  nature,  de 
l'âme  et  de  Dieu.  Sur  Dieu  et  l'origine  du  monde  son  enseignement  oscille 
entre  le  créationnismc  et  l'émanatisme.  —  Cf.  P.  Vulliaud,  La  Kabbale  juive. 
Histoire  et  Doctrines,  2  vol.  Paris,  1923. 

Cabaliste  :  philosophe  ayant  développé  ou  commenté  la  Cabale.  —  Fourier 
donne  à  la  passion  de  l'intrigue  le  nom  de  :  lu  cabaliste. 

Cabanis  (Pierre)  :  déterminisme  physiologique,  391,  2.  —  Organicisme, 
II,  525.  —  Matériahsme,  29  ;  II,  540. 

Cabet  (Etienne)  :  communiste,  II,  199. 

Calcul  infinitésimal,  026. 

Calliclès  ;_KaXXty.X->|ç,   de  y.aXXo;,   beauté  ;   >cXéoç,  gloire)  :  sophiste,  II,  48. 

Calomnie  (Calumnia,  de  l'inusité  calvere,  tromper)  :  II,  206-207. 

Camestres  :  mode  de  la  deuxième  figure,  539. 

Canuolle  (Augustin  de)  :  classification  artificielle  en  botanique,  693,  3. 

Canon  (Kavwv,  barre,  règle)  :  a)  règles  pratiques  des  méthodes  inductives 
de  S.  Mill,  668-070  ;  b)  Kant  appelle  ainsi  les  principes  a  priori  qui  règlent 
l'usage  légitime  de  la  raison  pratique. 

Canonique  (la)  (Kavovt/côç,  régulier)  :  nom  donné  par  les  Épicuriens  à  la 
Logique  ("ri/w,  xavovtxr,,)  507. 

Capacité  [Capacitas,  de  capax,  susceptible  de  contenir,  de  capere,  contenir)  : 
synonyme  d'aptitude.  Dans  la  Philosophie  écossaise  les  capacités  sont  de 
simples  réceptivités,  comme  les  puissances  passives  des  Scolastiques,  47. 

Capital  (Capitalis,  de  caput,  tête)  :  nature  et  espèces,  II,  354.  Le  sens  éty- 
mologique est  capitalis  pars  debiti,  c'est-à-dire  la  somme  due  par  opposition 
aux  intérêts  ;  or  cette  somme  constitue  le  principal.  —  Défini  lion  au  sens 
économique  :  tout  bien  économique  applicable  à  la  production,  II,  354  ;  365. 

Capitalisme  :  ce  mot  signifie  tantôt  :  a)  les  abus  que  les  possesseurs  du  capital 
peuvent  commettre  dans  leurs  rapports  avec  les  travailleurs,  II,  365  ;  367,  l  ; 
b)  le  régime  économique  dans  lequel  les  capitaux  (au  sens  d'instruments  de 
production  de  la  richesse)  n'appartiennent  pas  à  ceux  qui  les  rendent  produc- 
tifs par  leur  travail. 


762  TABLE  ANALYTIQUE  :  Caractère  —  Cataracte 

Caractère  (Xapay.xr.o,  empreinte,  signe  distinctif,  de //■^fâ'icw,  marquer  d'une 
empreinte!  :  a)  Tout  attribut  ou  qualité  faisant  partie  de  la  compréhensii'n 
d'une  notion  :  d'où  vg.  caractères  essentiels,  accidentels,  propres,  communs, 
dominateurs,  subordonnés,  695.  —  b)  Manière  habituelle  de  penser,  sentir 
et  agir  qui  distingue  un  individu  d'un  autre.  —  Éléments  du  caractère,  405. 

—  Caractère  intelligible  et  caractère  empirique  (KA^•T;  Schopenhauer),  405. 

—  Influence  de  la  volonté  sur  le  caractère,  364-365  ;  405-406.  —  Influence  du 
caractère  sur  la  volonté,  406.  —  Caractère  et  liberté,  398  ;  406-407.  — 
Éducation  et  caractère,  412.  —  c)  Fermeté  de  principe  et  de  conduite  :  un 
homme  de  caractère,  364-365. 

Caractérisation  (de  Caractériser)  :  loi  de  caractérisation  permanente,  II,  614. 

Caractéristique  (X«ç«x.t/.c'.(ttcz.'J:,  ce  qui  sert  à  distinguer)  :  les  signes 
caractéristiques  sont  des  marques  qui,  sans  avoir  la  rigueur  d'une  définition, 
servent  à  distinguer  un  objet.  —  Caractéristique  universelle  :  c'est  un  système 
de  caractères  qui  seraient  combinés  de  façon  à  exprimer  toutes  les  idées. 
Leibniz  conçut  le  projet  de  composer  une  Caractéristique  unii>erselle  ou  Spé- 
cieuse (c'est-à-dire  Algèbre)  générale,  qui  aurait  été  tout  ensemble  une  langue 
philosophique  internationale  et  une  logicjue  algorithmique,  462,  î,  2. 

Cardano,  Cardan  (Girolamo)  :  plaisir,  fait  négatif,  57. 

Cardinales  (Vertus)  (Cardinalis,  de  carda,  gond)  :  ce  terme  remonte  à 
saint  Ambroise,  De  Sacramentis,  L.  III,  Ch.  ii,  §  9,  Patrolog.  lat.,  T.  XVI, 
col.  434)  :  division,  129-130. 

Carnéade  (Kaovcaori;)  :  scepticisme  relatif,  II,  425. 

Cartell  :  a.ssociation  économique,  fondée  entre  producteurs  de  marchan- 
dises ou  denrées  similaires,  dans  le  but  de  prévenir  la  surproduction  et  d'empê- 
cher l'avilissement  des  prix.  Cf.  E.  Martin  Saint-Léon,  Cartells  et  Trusts, 
Paris,   Î903  ;   1906"-. 

Cartésianisme  (de  Cariesius,  Descartes)  :  indique  la  philosophie  de 
Descartes  et  son  École.  —  Voir  Descartes. 

Caste  (du  portugais  Casta,  dérivé  de  castus,  non  mélangé,  de  race  pure)  : 
esprit  de  caste,  93.  —  La  caste  diffère  de  la  classe  en  ce  qu'elle  est  un  groupe 
social  plus  fermé,  ayant  une  existence  légale  et  impliquant  un  élément  religieux. 

,  Casuistique  (de  Casuiste,  de  casus,  cas  de  conscience)  :  c'est  la  partie  de 
l'Éthique  qui  étudie  l'application  des  principes  de  la  morale  aux  cas  parti- 
culiers que  font  naître  les  conflits  des  devoirs  :  II,  33-36;  151. 

Cataclysme  fK'/TcocAuTad;,  inondation,  de  xc^Ta-xÀuloi,  inonder)  :  géologie 
des  cataclysmes,  II,  614  ;  615,  1. 

Catalepsie  (KaraXr/J;'.;,  surprise)  :  c'est  un  phénomène  pathologique: 
a)  naturel,  quand  il  se  présente  spontanément  ;  b)  artificiel,  dans  le  cas  d'hypno- 
tisme ou  somnambulisme  provoqué,  479. 

Cataplexie  (K^y-i-lr^hç,  stupeur)  :  mot  proposé  par  Preyer  pour  signifier 
l'engourdissement  obtenu  chez  les  animaux  par  des  moyens  analogues  à  ceu.x 
de  rhyi>nose.  —  Mosso  l'emploie  pour  signifier  la  suspension  de  toute  activité 
que  peut  provoquer  la  peur. 

Cataracte  iCaiaracta,  KaTKçâxTr,;,  herse  fermara  une  porte  ;  de  >:^"--£- 
câ7<70),  rompre)  :  opération  d'aveugles-nés,  190  ;  723     725. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Catégorématiquc  —  Cause  exemplaire        703 

Catégorématique  (KaT/iyop-/i;y.aTtxoç,  de  xarr,Yop'/i[ji.a,  spécification  du 
sujet)  :  un  terme  catégorématique  est  celui  qui  a  par  lui-même  une  signifi- 
cation, vg.  les  substantifs  :  Dieu,  homme,  etc.,  520.  —  S'oppose  à  Syncaté- 
goréinatique. 

Catégorème  rKaTr,YOGr,;/.a,  de  xarr,yop£o>,  affirmer)  :  les  Catégorèrnes  ou 
Prédicables  sont  les  cinq  universaux,  252-253  ;  516. 

Catégorie  (Karriyopta,  de  )c<zT-/i-fOf,c'w,  affirmer  :  a)  Les  Catégories  ou  Prédi- 
caments  sont  les  différentes  classes  auxquelles  on  peut  ramener  les  idées 
générales  et  qui  ne  peuvent  être  ramenées  à  aucune  autre  au-dessus  d'elles. 
C'est  le  sens  des  Péripatéticiens  et  des  Scolastiques.  Énumération  d'ARis- 
TOTE,  296  ;  516-517  ;  II,  499.  —  b)  Pour  Kant,  ce  sont  les  concepts  fonda- 
mentaux de  l'entendement  pur,  296  ;  II,   431-432. 

Catégorique  (KaTrffC/ptxoç,  de  xaTr,Yoo£'to,  affirmer)  :  la  proposition  caté- 
gorique est  celle  dont  rafOrination  ou  la  négation  n'est  subordonnée  à  aucune 
hypothèse.  —  Le  syllogisme  catégorique  est  composé  de  trois  propositions 
catégoriques.  —  Loi  catégorique,  II,  39.  —  Impératif  catégorique  de  Kant, 
II,  44. 

Catégorique  (Impératif)  :  de  Kant,  II,  44. 

Cauchy  (Augustin)  :  répugnance  du  nombre  infini  actuel,  II,  558,  2. 

Causal  {Causalis,  de  Causa]  :  ce  qui  se  rapporte  à  la  cause.  —  Définition 
causale,  57  ;  524.  —  Proposition  causale,  530.  —  Succession  causale,  681.  — 
Lien  causal,  665  ;  724. 

Causalité  (dérivé  de  Causal)  :  propriété  en  vertu  de  laquelle  la  cause  produit 
son  effet,  324,  4. 

Causalité  (Principe  de)  :  ses  formules,  330.  —  Son  origine,  330-331.  —  Com- 
paraison avec  le  principe  de  finalité,  338.  —  Principe  de  causalité  et  liberté, 
384.  — Son  rôle  :  a)  dans  la  connaissance  des  corps,  173  ;  —  b)  dans  P induction, 
666  ;  678  ;  680  ;  —  c)  dans  la  preuve  de  Vexistence  de  Dieu,  II,  559  ;  561-562. 

Causation  (du  latin  scolastique  causatio)  :  action  par  laquelle  une  cause 
produit  son  effet,  324,  4. 

Cause  (Causa,  primitivement  signifie  procès  ;  probablement  de  caveo, 
prendre  garde)  :  sens  général  :  la  cause  est' ce  en  vertu  de  quoi  un  être  est  ce 
qu'il  est,  324,  4  ;  II,  487.  Cette  définition  convient  aux  quatre  espèces  de  causes. 
—  Antécédent,  condition,  occasion,  323-324  ;  II,  487.  —  Quatre  espèces  de 
causes,  324  ;  II,  487-490.  —  Savoir  c'est  connaître  par  les  causes,  578. 

Cause  efficiente  {Efficiens,  de  efficere  =  ex-jacere,  produire)  :  force  capable 
de  produire  quekpie  chose,  323  ;  324  ;  II,  488.  C'est  la  cause  par  excellence. 
Causes  :  première,  seconde  ;  prochaine,  éloignée  ;  principale,  instrumentale, 
324-325.  —  Origine  de  la  notion  de  cause,  325-327.  —  Notion  psycholugi(]ue 
et  notion  scientifique  de  la  cause,  327-329.  —  Extension  de  l'idée  de  cause. 
329-330  ;  762-763.  —  Application  aux  sciences,  330. 

Cause  exemplaire  [Exemplaris,  de  exemplar,  modèle)  :  c'est  l'idée,  le  type, 
d'après  lequel  l'agent  réalise  son  œuvre,  324  ;  II,  490.  —  Cause  exemplaire 
des  choses,  257,  1  ;  769.  —  Idéal,  cause  exemplaire  qui  dirige  l'artiste,  II,  395- 
396.  —  Essence  divine,  cause  exemplaire  de  la  vérité  et  de  la  connaissance, 
769-770  ;  II,  583-584. 


7G4  TABLE  ANALYTIQUE  :  Causc  finale  —  Certitude 

Cause  finale  {Finalis,  de  finis,  fin)  :  ce  en  vue  de  quoi  une  chose  est  faite  ; 
332.  Voir  Fin. 

Cause  formelle  (Formalis,  de  forma,  forme)  :  ce  qui  détermine  une  chose 
à  être  telle,  324  ;  II,  488.  —  Principe  déterminant  des  choses,  II,  516. 

Cause  matérielle  (Materialis,  de  materia,  matière)  :  c'est  l'élément  indéter- 
miné dont  une  chose  est  faite,  324  ;  II,  488.  —  Principe  déterminable  des 
choses,  II,  515-516. 

Cause  occasionnelle  (du  bas  latin  occasionaUs,  de  occasio,  occasion)  :  c'est 
ce  qui  facilite  l'activité  de  la  cause,  324. 

Caverne  [Caverna,  de  cavus,  creux)  :  allégorie  de  la  caverne  (Platon), 
310.  —  Idoles  de  la  caverne  (Fr.  Bacon),  806. 

Cécité  [Csecitas,  de  cœcus,  aveugle)  :  cécité  mentale  :  expression  proposée 
par  le  D^  Ch argot  pour  signifier  l'état  pathologique,  dans  lequel  la  vision 
brute  persiste,  mais  où  les  images,  vues  matériellement,  ne  sont  pas  reconnues, 
■ —  Cécité  verbale  ou  alexie  :  impuissance  à  reconnaître  les  caractères  écrits  ou 
imprimés.  —  Cécité  des  couleurs.  Voir  Achromatopsie,  Dyschromatopsie.  — 
Cécité  morale  :  absence  de  sentiment  moral,  II,  25-26. 

Celantes  :  mode  indirect  de  la  première  figure,  539. 

Celarent  :  mode  de  la  première  figure,  539. 

Célébrisme  (de  Celeber,  celebris,  fréquenté,  célébré,  célèbre)  :  nom  donné 
par  FouRiER  à  la  passion  de  la  gloire. 

Célibat  [Cselibatus,  de  cselebs,  non  marié)  :  II,  211. 

Centralisation  (de  Centraliser,  de  centralis,  central)  :  abus,  II,  251. 

Centre  (Ks'vtçov,  de  xevts'w,  piquer,  pointer)  :  centres  nerveux,  71,  1. 

Centrifuge  (de  Centrum,  centre  ;  fugere,  fuir)  :  nerfs  centrifuges  ou  elîé- 
rents,  71. 

Centripète  (de  Centrum,  centre  ;  petere,  tendre  vers)  :  nerfs  centripètes 
ou  afférents  71. 

Cercle  (Circulus,  de  circus,  xtçxo;    cercle,  anneau)  :  cercle  vicieux,  801. 

Cérébration  (de  Cerebrum,  cerveau,  de  xoéfr,,  tête)  :  certains  admettent 
une  cérébration  inconsciente,  c'est-à-dire  une  activité  spontanée  du  cerveau, 
qui  éveillerait  dans  la  conscience  les  idées  sans  rapport  logique  avec  celles 
qui  occupent  l'esprit  à  un  moment  donné. 

Cérébrologie  (de  Cerebrum,  cerveau  ;  VJyoç  discours)  :  science  du  cerveau 
dans  ses  rapports  avec  la  Psychologie. 

Cérébro-spinal  {Spinalis,  de  spina,  épine)  :  système  cérébro-spinal,  71. 

Certitude  [Certitudo,  de  certus,  ancien  participe  passé,  pour  cretus,  de 
cretum,  supin  de  cernere,  trier,  distinguer)  :  adhésion  ferme  de  l'esprit  à  la 
vérité  sans  crainte  d'erreur,  777.  —  Certitude  de  la  conscience;  1.S9,  781.  — 
Certitude,  opinion  et  probabilité,  777.  —  Certitude  et  évidence,  771-772  ; 
777-778.  —  Certitude  immédiate  et  médiate,  779.  —  Certitude  de  fait  et  de 
raison,  779.  —  Fondements  des  certitudes  métaphysique,  physique  et  morale, 
780-781.  —  Certitude  morale  :  sens  divers,  782-784.  —  Certitude  historique, 
745-746  ;  781. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Csrveau — Chose  765 

Cerveau  (Cerebrum,  de  xâfr,,  tête)  :  rôle  dans  la  sensation,  70.  —  Système 
cérébro-spinal,  71.  —  Cerveau  et  faits  psychologiques,  25-26  ;  28-31.  —  Cerveau 
et  pensée,  468-469  ;  II,  541-542. 

Cervelet  (dérivé  de  Cerveau)  :  71. 

Cesare  :  mode  de  la  deuxième  figure  du  syllogisme,  539. 

Césarisme  (dérivé  de  César)  :  maxime  césarienne  :  Quidquid  principi..., 
II,  40  et  note  4. 

Chabin  (Père  Pierre)  :  activité  simple  de  la  mémoire,  206,  1.  —  Origine 
des  idées  (S.  Augustin,  Bossuet  et  Fénelon),  312.  —  Fondement  de  l'induc- 
tion d'après  Aristote,  680,  2.  —  La  preuve  de  l'existence  de  Dieu  par  les 
vérités  éternelles,  II,  567-568. 

Champ  {Campum,  terrain  plat,  espace  uni)  :  champ  visuel  :  étendue  que 
l'œil  peut  voir  étant  immobile.  Cette  étendue  est  limitée  par  un  cône  dans 
lequel,  pour  produire  ime  sensation  visuelle,  les  objets  doivent  être  compris. 
—  Champ  de  la  conscience  :  quantité  plus  ou  moins  grande  de  phénomènes 
psychologiques  que  la  conscience  peut  embrasser  à  un  moment  donné.  Certaines 
maladies,  comme  l'hystérie,  rétrécissent  le  champ  de  la  conscience. 

Champeaux  (Guillaume  de)  :  réalisme  exagéré,  255. 

Changement  (de  Changer,  du  bas  latin  cambiare)  :  chez  Aristote,  le  chan- 
gement (u.£Ta[ioXvi)  signifie  le  passage  d'un  contraire  à  l'autre  ;  vg.  :  le  passage 
de  la  puissance  à  l'acte  constitue  le  mouvement  (xt'vriGt;),  II,  506,  2. 

Gharcot  (D''  Jean-Martin)  :  théorie  de  l'hypnotisme,  479-480. 

Charité  (Caritatem,  de  carus,  cher,  précieux,  aimé)  :  a)  Vertu  qui  consiste 
à  vouloir  et  à  faire  du  bien  aux  autres.  —  h)  Sens  théologique  :  amour  de  Dieu 
et  du  prochain  pour  Dieu.  — ■  Nature  et  forme  de  la  charité,  II,  163.  —  Objec- 
tion de  Spencer  contre  la  charité,  II,  163-164.  —  Comparaison  avec  la  justice, 
II,  165.  —  Devoirs  et  œuvres  de  charité,  II,  207.  —  Qualités  de  la  charité, 
207.  —  Devoir  de  l'aumône,  II,  193  ;  263-264.  —  Charité  légale,  II,  264. 

Charles  (Emile)  :  l'inclination,  67,1. —  Conscience  spontanée,  réfléchie, 
141,  1. 

Chasseur  (de  Chasser,  de  captare,  prendre)  :  propriété  des  peuples  chasseurs  ; 
II,    195-196. 

Chateaubriand  (F'rançois-René, Vicomte  de)  :  le  remords,  II,  18,  1. 

Châtiment  (de  châtier,  de  castigare]  :  théorie  du  châtiment  d'après  Leibniz, 
374, 1.  —  Fondement,  nécessité,  but  de  la  sanction  pénale,  II,  120-122  ;  267-269. 

Chauvinisme  (de  Chauvin,  nom  d'un  soldat  admirateur  excessif  de  la 
la  gloire  de  son  pays)  :  amour  exagéré  de  son  pays,  93. 

Cheselden  (William)  :  opération  d'un  aveugle-né,  725. 

Chevreul  (IMiciiel-Eugène)  :  nature  du  fait,  664,  2.  —  Expérience  du 
pendule,  471. 

Chimie  (du  bas  latin  Chimia,  \r,;7.£t'a)  :  sa  place  dans  les  sciences,  2  ;  593  ; 
646. 

Chose  [Causa,  cause,  mais  avec  le  sens  de  res,  objet  déterminé)  :  a)  l'objet 
quelconqiu^  d'une  pensée.  —  b)  Le  sujet  par  opposition  au  prédicat.  —  c)  Chose 
en  soi  :  ce  qui  subsiste  en  soi-même  sans  supposer  autre  chose,  320.  Kant  a 


766  TABLE  ANALYTIQUE  :  Chrématistiquc  —  Clair-obscur 

appliqué  cette  expression  aux  noumènes  :  ce  qui  subsiste  en  deliors  de  la  repré- 
sentation, II,  430-431.  —  d)  Ce  qui  ne  s'appartient  pas  :  chose  opposée  à 
personne,  365. 

Chrématistique  (la)  (\çr,<j.%zin-<.y.6;,  relatif  aux  affaires  d'intérêt,  de  zpîip-a, 
chose,  biens)  :  Aristote  nomme  ainsi  la  science  de  la  richesse. 

Chrétienté  (de  Chrétien,  d'après  le  latin  Christianitas)  :  organisation  juri- 
dique de  la  Chrétienté  au  Moyen-Age,  II,  31 5r 

Chrysippe  (XpucitTîTroç,  de  xpu^o';,  or  ;  Ïtcttoç,  cheval)  :  stoïcien,  II,  93. 

CicÉRON  (Marcus  Tullius)  :  les  causes  finales,  337.  —  Définition  de  l'his- 
toire, 734,  2.  —  Partisan  de  la  Nouvelle  Académie,  II,  425,  1. 

Cinématique  (la)  (Ktvr/jLaTtxô;,  de  y.(vr,;jLot,   mouvement)    :  mot    créé    par 

Ampère.    Il   indique  cette  partie  de  la   Mécanique  qui  traite  du  niouvement, 

abstraction  faite  des  forces.  Leibniz  et  Kant  l'appelaient  Phoronomie  (de 
'joix,  déplacement  ;  voijio;  loi). 

Cinesthésique  (de  Ki'vr,(j[ç,  mouvement  ;  «taôr.ctç,  sensation)  :  les  sensa- 
tions provoquées  par  le  mouvement  sont  nommées  cinesthésiques. 

Cinétique  (KsvriTtxo'ç,  qui  se  meut,  de  x'.vîo),  mouvoir)  :  l'énergie  cinétique 
est  l'énergie  actuelle  qui  se  manifeste  par  du  mouvement.  Se  dit  par  opposition 
à  l'énergie  potentielle. 

Circonscrite  (Présence)  :  être  présent  dans  un  lieu  d'une  manière  circonscrite 
(de  l'adverbe  scolastique  Circumscripte,  d'une  manière  délimitée),  c'est  y  être 
comme  les  corps,  dont  chaque  partie  occupe  la  partie  correspondante  du  lieu, 
de  sorte  que  le  tout  est  limité,  circonscrit  par  le  lieu. 

Circonstance  (Circumstantia,  de  circum-stare,  se  tenir  autour)  :  circonstanC' 
atténuantes  ou  aggravantes,  120  ;  II,  31  ;  33. 

Circulant  (de  Circuler,  de  Circulare,  se  mouvoir  en  cercle!  :  capital  cir- 
culant, II,  354. 

Circulation  [Circulatio,  mouvement  circulaire)  :  circulation  des  richesses, 
II,  355-356. 

Citoyen  (de  Cité,  de  civitatem)  :  devoirs  et  droits,  II,  274. 

Civil  {Civilis,  de  civis,  citoven^  :  loi  civile,  II,  39-40.  —  Liberté  civilt-, 
369;  II.  291  ;  350.  —  Droit  civil,  II,    140;    291.    —   Mariage   civil,    II,    209. 

—  Société  civile,  II,  219. 

Civilisation  (de  Civiliser,  de  civil)   :  conditions  et  éléments,  II,   325-326. 

—  Mission  civilisatrice  de  l'État,  II,  248. 

Civique  (Civicus,  de  civis,  citoyen)  :  morale  civique,  II,  219-310. 

Clair  {Clarum,  brillant)  :  a)  pour  Descartes  :  ce  qui  est  «  manifeste  à  un 
esprit  attentif  »  [Principes,  Part.  I,  §  45).  —  Idées  claires,  604  ;  838.  —  b)  Pour 
Leibniz  :  idée  telle  qu'on  distingue  son  objet  de  tout  autre  (Cf.  Méditât iones 
de  Cognitione,  Veritntc  ri  fdeis,  Édit.  Janet  T.  I,  p.  621),  142.  —  Idée  claire, 
518. 

Clair-obscur  :  réparUUon  de  diiïérentes  intensités  lumineuses  dans  le  champ 
visuel,  lafiueiie  contribue  à  nous  faire  percevoir  le  relief  ou  peut  servir  à  nous 
en  donner  l'illusion. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Clan  —  CœuF  767 

Clan  (emprunté  au  gaélique  Clann)  :  les  sociologues  désignent  ainsi  le 
groupe  familial  primitif,  où  le  mariage  entre  membres  de  ce  groupe  [Vendo- 
garnie)  était  prohibé.  L'extension  du  clan  est  moindre  que  celle  de  la  tribu 
qui,  d'ordinaire,  admet  l'endogamie. 

Clandestin  [Clandeslinus,  de  clam,  en  cachette)  :  fait  privilégié,  652. 

Clarre  (Samuel)  :  nature  de  l'espace,  II,  501-502.  —  Répugnance  du 
processus  in  infinituni,  II,   557-558. 

Classe  {Classis,  peut-être  de  /X-o^rtç,  appel,  de  xaXî'w,  appeler)  :  o)  En 
Histoire  naturelle,  on  nomme  classes  les  divisions  intermédiaires  entre  les 
embranchements  et  les  ordres,  695-696.  — •  b)  En  Logique,  l'idée  générale,  au 
point  de  vue  extensif,  représente  une  classe,  688.  —  c)  En  Sociologie,  c'est 
un  ensemble  d'individus  que  la  loi  ou  l'opinion  range  dans  la  même  catégorie 
sociale.  De  sa  nature,  une  classe  est  ouverte  aux  individus  de  la  classe  infé- 
rieure qui  en  peuvent  faire  l'ascension,  tandis  que  la  caste  est  jermée.  —  Lutte 
des  classes,  II,  202-203  ;  365-366. 

Classification  (du  latin  scientifique  classificatio,  de  classis  et  jacere,  consti- 
tuer une  classe)  :  manière  de  répartir,  d'une  façon  coordonnée,  des  objets  ou 
des  concepts.  —  Défmition,  693.  —  Espèces  :  empirique,  artificielle,  naturelle, 
693-694.  —  Formation  des  classifications  naturelles,  694.  —  Leurs  avantages, 
697.  —  Leur  valeur,  698. 

Classifications  :  a)  Des  arts,  II,  408.  —  h)  Des  jaits  psychologiques,  33  ;  43. 
—  c)  Des  fonctions  intellectuelles,  134.  —  d)  Des  idées  générales,  252.  —  e)  Des 
termes,  518.  —  /)  Des  inclinations,  83  ;  102  ;  103.  —  g)  Des  notions  pre- 
mières, 296.  —  h)  Des  passions,  122  ;  125.  —  i)  Des  propositions,  530.  — 
/)  Des  sciences,  584-595.  —  k)  Des  sensations,  75.  —  l)  Des  sentiments,  80.  — 
m)  Des  sophismes,  798.  — •  n)  Des  systèmes  de  morale,  II,  46-47.  —  o)  Des  vérités 
premières,    288. 

Claustrophobie  (de  Claustrum,  fermeture,  de  daudere,  clausum,  enfermer  ; 
cpofioç,  pour)  :  trouble  pathologique,  qui  se  manifeste  par  une  angoisse,  quand 
le  mal.ule  se  trouve  enfermé.  C'est  le  contraire  de  V Agoraphobie. 

Cléanthe  (K>>£avô-/iç,  de  xÀso;,  gloire,  avOoç,  fleur,  )  :  stoïcien,  II,  93. 

Cleptomanie  (de  KXstttw,  voler;  uavt'a,  manie)  :  propension  morbide  au 
vol,  sans  motif  d'intérêt. 

Climat  (KX-'iy.a,  inclinaison,  climat)  :  influence  sur  les  passions,  le  tem- 
pérament,  116-117  ;  391  ;  467. 

Clinamen  (de  Clinare,  incliner)  :  déviation  spontanée  des  atomes,  II,  508  ; 
600. 

Coaction  {Coactio,  de  coactum,  supin  de  cogère  =  cum-agere,  coagPre, 
pousser!  :  contrainte  qui  exclut  la  liberté  physique,  369. 

Cœnesthésie  (do  Kotvo'ç,  commun  ;  '/.17O/,';'.,-,  sensation)  :  sensation  confuse 
de  notre  état  général  organique,  150. 

Coercitif  (de  Coercitum,  supin  de  coercere  =  cum-arcere,  contenir)  :  pouvoir 
de  contrainte,  II,  267-268  ;  345. 

Coéternité  (du  latin  scolastique  Coœternilas,  de  cum,  avec  ;  seternitas, 
éternité)  :  coéternité  de  la  matière  et  de  Dieu  dans  le  système  dualiste,  II,  601. 

Cœur  {Cor)  :  ensemble  des  facultés  affectives,  125-126.  —  Esprit  dupe  du 
cœur,  117.  —  Cœur  et  imagination,  233. 


768  TABLE  ANALYTIQUE  :  Coexistencc  —  Collectivisme 

Coexistence  (du  latin  scolastique  Coexistenlia.  de  cum,  avec  ;  existent ia, 
existence)  :  lois  de  coexistence,  578-579  ;  647  ;  687-688  ;  700  ;  753.  —  Rapports 
de  coexistence,  691. 

Coextensif  'de  Coextension]  :  la  conscience  spontanée  est  coextensive  à 
toutes  les  facultés,  138  ;  141,  1.  —  L'idée  du  devoir  n'est  pas  formellement 
coextensive  à  l'idée  du-bien,  II,  112. 

Cogitative  (du  latin  scolastique  Cogitativus,  de  cogitatum,  supin  de  cogitare 
=  cum,  avec  ;  agitare,  agiter)  :  la  potentia  cogitativa  est,  d'après  les  Scolas- 
TiQUEs,  une  sorte  de  jugement  instinctif,  qui  fait  connaître  à  l'homme  l'utile 
et  le  nuisible  dans  les  choses  sensibles.  —  La  faculté  correspondante  chez  les 
bêtes  est  appelée  estimative. 

Cogito,  ergo  sum  :  «  Lorsque  quelqu'un  dit  :  Je  pense,  donc  je  suis  ou  f  existe, 
il  ne  conchit  pas  son  existence  de  sa  pensée  comme  par  la  force  de  quelque 
syllogisme,  mais  comme  une  chose  connue  de  soi  ;  il  la  voit  par  une  simple 
inspection  de  l'esprit.  »  (Descartes,  Réponse  aux  deuxièmes  objections. 
Œuvres,  Édit.  Ch.  Adam  et  P.  Tannery,  T.  IX,  p.  110.) 

Cognition  (de  l'anglais  Cognition,  connaissance)  :  ce  mot,  rarement 
employé,  désigne  l'acte  de  connaître  ou  la  connaissance  en  général.  Mieux 
vaudrait  le  réserver  pour  un  acte  particulier  de  connaissance  et  l'opposer 
à  la  connaissance  en  général,  comme  on  fait  pour  volition  et  volonté. 

Cognoscibilité  (de  Cognoscibilis,  qui  peut  être  connu,  de  co-gnoscere, 
apprendre,  connaître)  :  qualité  de  ce  qui  est  connaissable.  U intelligibilité 
a  un  sens  plus  restreint  ;  elle  s'entend  plutôt  de  la  possibilité  d'une  connais- 
sance rationnelle,  289. 

Cohérent,  Cohérence  {Cohaerens,  cohaercntia,  de  cu?n,  avec  ;  haerere,  être 
lié)  :  un  système  cohérent  est  celui  dont  toutes  les  parties  sont  bien  liées.  — 
La  cohérence  distingue  :  a)  la  perception  de  l'hallucination,  du  rêve,  173  ; 
kl()-^ll  ;  b)  le  souvenir  de  la  fiction  Imaginative,  204.  —  La  Logique  est  «  la 
théorie  de  la  cohérence  »  (St.  Mill). 

Cohésion  (Cohaesio,  de  cohaesum,  supin  de  cohaerere,  adhérer  à)  :  le 
mécanisme  géométrique  n'explique  pas  la  cohésion,  II,  509. 

Coignet  (Mme  c.)  :  morale  indépendante,  II,  7,  5. 

Coïncidence  (de  Coïncider,  du  latin  scolastique  coincidere  =  cwm,  avec  ; 
incidere,  tomber  sur)  :  méthode  des  coïncidences  constantes,  666.  —  Méthode 
de  coïncidence  solitaire,  667. 

Colère  (Choiera,  bile)  :  passion,  123.  — 

Collatéral  [Collateralis,  de  collatcrare,  avoir  de  chaque  côté,  de  cum,  avec 
latus,  lateris,  côté)  :  cause  collatérale,  II,  117. 

Collectif  {Collectivus,Aç.  coZ/ec«um, supin  de  colligere  =  c«m-/egere,  recueillir)  r 
a)  Sens  logique  :  s'oppose  à  Distributif  :  idée  collective,  259  ;  519.  —  b)  En 
Sociologie  :  ce  qui  concerne  un  groupe  d'individus  en  tant  qu'ils  sont  réunis  : 
propriété  collective,  II,  200.  —  Travail  ('ollectif,  II,  201.  —  L'âme  collective  : 
aspiration  commune  d'un  groupe,  d'une  nation  (les  Allemands  disent  Volksgeist). 

Collectivisme  (de  Collectivus,  collectif)  :  forme  do  Socialisme  substituant 
la  propiiétè  collective  à  la  propriété  privée  pour  les  moyens  de  production, 
II,    200-202. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Colllgatîon  —  Communisme  769 

CoIIigation  {ColUgatio,  de  colligatum,  supin  de  colligare  =  cum-ligare, 
lier  ensemble)  :  opération  logique  qui  consiste  à  exprimer,  dans  une  formule, 
une  propriété  dont  la  présence  a  été  constatée  chez  un  certain  nombre  d'indi- 
vidus. Elle  ne  s'étend  pas,  comme  l'induction,  aux  cas  qui  n'ont  pas  été  direc- 
tement observés.  —  L'hypothèse  est  un  moyen  de  coUiger  les  faits  dispersés,  657. 

Collision  (ColHsio,  de  coUisum,  supin  de  collidere  =  cum-laedere,  heurter 
contre)  :  conflit  :  a)  Des  droits,  II,  142.  —  b)  Des  devoirs,  II,  150. 

Colonat  (de  Colon,  de  colonus,  de  colère,  cultiver)  :  esclavage  mitigé,  II,  181. 

Colonie  {Colonia,  de  colonus,  cultivateur,  de  colère,  cultiver)  :  l'Etat  doit 
ouvrir  des  débouchés  en  fondant  des  colonies,  II,  249-250. 

Combinaison  (de  Combiner,  d'après  le  latin  Combinatio,  de  combinatum, 
supin  de  combinare,  réunir,  de  cum,  avec;  bini,  deux  à  deux)  :  fonctions  de 
combinaison,   135;  195. 

Combinatoire  (Art)  (de  Combinatum,  supin  de  combinare,  réunir)  :  pour 
Leibniz,  V Art  combinatoire  est  cette  partie  de  la  Logique,  ([ui  consiste  à  déter- 
miner toutes  les  combinaisons  possibles  des  diiïérents  concepts  et  à  étudier 
leurs  propriétés  et  leurs  rapports.   Il  se  confond  avec  l'art  d'inventer. 

Combinatrice  (Imagination)  (de  Combinatum,  supin  de  combinare,  réunir)  : 
forme  de  l'imagination,  222  ;  224-228. 

Commencer  (du  latin  populaire  Cuminitiare  ■=  cum,  avec  ;  initiarc,  être 
au  début,  de  initium,  entrée,  début,  de  in-ire,  in-itum,  entrer)  :  ce  qui  com- 
mence d'être  a  une  cause,  330.  Cf.  276.  —  Commencement  absolu,  389-390. 

—  Dieu  n'a  pas  commencé  d'être,  II,  578. 

Commerce,  Commercial  (Commercium,  de  cum,  avec,;  merx,  mercis,  mar- 
chandise) :  langue  commerciale  universelle,  462.  —  L'Etat  doit  encourager 
le  commerce,  II,  249-250. 

Commun  (Communis,  de  cum,  avec,  et  de  la  racine  qui  a  donné  munus, 
fonction)  :  ce  qui  appartient  à  plusieurs  objets  à  la  fois.  S'oppose  à  Propre. 
Noms  communs,  258  ;  451.  —  Sens  commun  et  bon  sens,  286.  —  Critérium 
du  sens  commun,  814.  —  Bien  commun  de  la  société,  II,  219  ;  250  ;  289. 

Communauté  (du  bas  latin  Communalitatem,  de  communalis,  commiinal, 
de  communis,  commun)  :  caractère  de  ce  qui  est  commun.  —  Communauté 
d'origine,  de  teri'itoire,  etc.,  fondement  des  nations  et  du  patriotisme,  92  ; 
II,  220  ;  322.  —  Communauté  d'origine,  de  nature,  de  destinée,  93-94  ;  II,  163  ; 
180-181.   —   Pouvoir  dévolu   primitivement   à  la   communauté,   II,   224-225. 

—  Kant  appelle  Communauté  la  troisième  catégorie  {Action  et  Réaction  = 
Réciprocité)  qui  se  rapporte  à  la  Relation,  II,  432.  Elle  sert  de  fondement  à  la 
troisième  des  Analogies  de  l'expérience,  que  Kant  formule  ainsi  :  '<  Toutes 
les  substances,  en  tant  qu'elles  peuvent  être  perçues  comme  simultanées  dans 
l'espace,  sont  dans  une  action  réciproque  générale.  » 

Communes  (Notions)  :  les  Mathématiciens  grecs  disaient  xo-v/t  Èwoîat  : 
ce  sont  les  axiomes,  les  principes  rationnels.  Cf.  Leibniz,  Nouveaux  Essais..., 
Préface,  édit.  Janet,  T.  1,  p.  15.  Jules  Scaliger  «  les  nommait  semina 
seternitatis  ». 

Communisme  (de  Commun)  :  forme  de  socialisme  supprimant  complè- 
tement la  propriété  individuelle,  pour  lui  substituer  la  propriété*commune, 
II,  199.  —  Organisation  sociale  exposée  par  Platon  dans  la  République. 


770  TABLE  ANALYTIQUE  :  Commutative  —  Composé 

Commutative  (du  latin  scolastique  Commutativus,  de  commutare,  = 
cum-mutare,  échanger)  :  a)  Justice  commutative  :  égalité  dans  les  échanges, 
II,  162.  —  b)  Loi  ou  propriété  commutative  :  propriété  de  l'addition  et  de  la 
multiplication  logiques,   656. 

Comparaison  {Comparatio,  de  comparatum,  supin  de  comparare,  rapprocher; 
de  cum,  avec  ;  par,  égal)  :  nature,  rôle,  importance,  244-245. 

Comparatif  (de  Comparativus,  de  comparatum,  supin  de  comparare,  rap- 
procher) :  jugement  comparatif,  264-265.  —  Proposition  comparative,  530. 

Comparative  (Méthode)  :  245;  490;  718-719;  722-724. 

Comparé  (de  Comparer,  de  comparare,  rapprocher)  :  grammaire  comparée, 
2;  463-464;  718-719.  —  Psychologie  comparée,  490;  722-724. 

Comparution  (de  comparaître,  d'après  un  type  latin  artificiel,  comparution 
par  analogie  à  solutio)  :  tables  de  comparution  (Bacon),  666. 

Compas  (substantif  verbal  de  compasser,  du  latin  populaire  compassare=- 
cum,  avec  ;  passus,  pas,  m.esure)  :  la  main,  186,  1. 

Complet  [Completus,  de  completum,  supin  de  complere  =  cum-pleo,  remplir, 
achever)  :  Leibniz  appelle  notion  complète  celle  qui  représente  entièrement 
im  objet  individuel.  Les  notions  abstraites  sont  donc  incomplètes.  —  S'oppose 
à  Incomplet. 

Complexe  (Complexus,  de  complexum,  complecti,  de  cum  et  plectere,  plier 
avec,  embrasser,  assembler)  :  idée  complexe,  519.  —  Terme  complexe  :  celui 
qui,  formé  de  l'assemblage  de  plusieurs  mots,  ne  constitue  cependant,  dans  la 
proposition  considérée  au  point  de  vue  logique,  qu'un  seul  terme,  515,  2. 
L'addiiion,  qui  complique  un  terme  simple,  est  :  a)  tantôt  une  explication  ; 
vg.  :  l'homme,  qui  est  un  animal  raisonnable;  b)  tantôt  une  détermination, 
vg.  :  l'homme,  qui  craint  Dieu.  —  Proposition  complexe  :  celle  dont  le  sujet, 
le  verbe  ou  l'attribut  sont  des  termes  complexes  ;  vg.  :  l'homme,  qui  craint 
Dieu,  est  fort.  —  Syllogisme  complexe  :  celui  dans  lequel  le  grand  ou  le  petit 
terme  est  complexe,  ou  dans  lequel  la  conclusion  est  une  proposition  modale  ; 
vg.  :  celui  qui  craint  "Dieu,  ne  craint  pas  les  hommes  ;  or  Pierre  est  quelqu'un 
qui  craint  Dieu  ;  donc  Pierre  ne  craint  pas  les  hommes.  —  Il  ne  faut  pas 
<oni'ondre  complexe  et  composé.  —  S'oppose  à  Simple. 

Complexe  :  employé  substantivement,  ce  mot  désigne  un  tout  dont  les 
(•lémenis  disiincts  ne  sont  pas  seulement  juxtaposés,  mais  sont  organisés. 

Complication  (Complicatio,  de  compUcatum,  supin  de  complicare,  compli- 
quer =  cum,  avec  ;  plicare,  plier)  :  Wundt  appelle  complication  «  la  liaison 
entre  images  d'espèces  diiïérentes   ». 

Complicité  (de  Complice,  de  complex,  complicis.  associé,  étroitement  uni)  : 
participation  à  un  acte  déréglé.  —  Complicité  de  la  volonté  dans  les  passions, 
115-116.  —  Coopération  aux  actes  mauvais  des  autres,  II,  116-117. 

Composé  (de  Composer,  de  componere  =  cum-ponere,  mettre  ensemble)  : 
ce  qui  est  formé  de  plusieurs  parties  ou  de  plusieurs  termes.  —  Proposition 
composée,  530.  —  Syllogismes  composés,  549-550. — -Confusion  du  sens  composé 
et  du  sens  divisé,  199.  —  Distincti(ui  Ihomisle  entre  le  sens  ('(imposé  et  le  sens 
divisé,  II,  987,  4.  —  La  matière  est  composée,  II,  536.  —  Le  composé  humain, 
II,  543-544. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Composite  —    Conceptioii  771 

Composite  {Cowposilus,  de  compositum,  supin  de  componere,  mettre  en- 
semble) :  image  composite,  228  ;  249  ;  261.  —  Ordre  composite  :  formé  du 
mélange  de  plusieurs  styles  d'architecture. 

Composition  {Compositio,  de  compositum,  supin  de  componere,  mettre 
ensemble)  :  composition  dans  le  jugement,  268-269.  —  Méthode  de  compo- 
sition ou  synthèse,  613-614  ;  614-615.  —  Composition  des  lois  :  conditions 
d'existence  et  connexions  organiques,  702-703.  —  Absence  de  toute  compo- 
sition en   Dieu,   II,    577  ;   578. 

Compossible  (du  latin  scolastique  cnnipossibilis,  de  cuw,  ensemble  ;  possibilis, 
possible)  :  pour  les  Scolastiques,  c'est  la  simultanéité  de  plusieurs  possibles. 
Leibniz  dit  que  tous  les  possibles  ne  sont  pas  compossibles,  pour  signifier 
que  tous  les  possibles  ne  sont  pas  simultanément  réalisables  dans  le  même 
monde. 

Compréhensif,  Compréhension  [ComprehensUms,  Comprehensio,  de  Com- 
prehensuin,  supin  de  comprehe?idere  =  cu?n-prehendere,  prendre  avec)  :  ensemble 
des  notes  ou  éléments  «  compris  «  dans  une  idée  ou  un  terme.  —  Compréhen- 
sion :  a)  des  idées,  250  ;  b)  des  termes,  519.  —  Rapports  de  la  compréhension 
et  de  l'e'-itension,  251.  —  Point  de  vue  compréhensif  dans  le  syllogisme,  553- 
554  ;  559-560.  —  Comparaison  avec  le  point  de  vue  extensif,  556.  —  Connais- 
sance compréhensive,  c'est-à-dire  adéquate,  518.  —  Le  mot  compréhension 
s'emploie  quelquefois  pour  signifier  Vacte  ou  la  inculte  de  comprendre.  Mais 
cet  usage  est  équivoque  en  raison  du  sens  logique  de  ce  terme,  250. 

Comprendre  {Comprehendere,  prendre  avec)  :  ce  mot  signifie,  entendu  : 
a)  largement:  saisir  le  sens  de  quelque  chose  ;  —  b)  strictement  :  saisir  la  nature 
ou  la  raison  de  quelque  chose. 

Compulsion  {Compulsio,  àe  compulsum,  supin  de  compellere  =  cum-pellere, 
réunir  en  poussant)  :  compulsion  de  l'expérience  (Bacon),  662. 

Comte  (Auguste)  :  nature  passive  de  l'habitude,  421.  —  Utilité  de  la 
science,  581,  2.  —  Classification  des  sciences,  589-591  ;  717.  —  Impossibilité 
de  l'observation  interne,  720.  —  Statique  et  Dynamique  sociales,  753.  • — 
Critérium  de  l'expérience,  817.  —  Altruisme,  II,  81.  —  Le  Positivisme  ou  le 
RelativisiiK^  objectif,  II,  446-450. 

Gonatif  (de  Conatum,  supin  de  conari,  s'elTorcer)  :  caractéristiciuc  (h's  faits 
volitifs  d'après  Hamilton,  34. 

Conation  (de  Conatio,  de  conari.  conatum,  s'efforcer)  :  mot  usité  clic/,  les 
philosophes  de  langue  anglaise.  Certains  vcuidraient  l'employer  en  français 
pour  signifier  l'effort  ou  la  tendance  prise  dans  un  sens  indéterminé. 

Concentration  (de  Concentrer,  composé  avec  le  latin  cum,  avec,  et  centre)  : 
loi  esthéti(|ue,  II,  402. 

Concept  {Conceptus,  de  conceptum.  supin  de  concipere  =  cum-capere, 
prendre  à  la  fois,  concevoir)  :  l'idée  abstraite  et  générale,  135  ;  236  ;  263  ; 
265.  —  Concepts  a  priori  ou  purs  :  ceux  que  l'on  regarde  comme  n'étant  pas 
lires  de  l'expérience  ;  tels  l'unité,  la  pluralité,  aux  yeux  de  Ivant.  —  Concepts 
a  posteriori  :  qui  ont  leur  fondement  dans  l'expérience  :  vg.  l'homme,  l'animal, 
la  douleur. 

Conception  [Conceptio,  de  conceptum,  supin  de  concipere,  prendre,  saisir, 
recueillir)  :  a]  Opération  intellectuelle  par  opposition  à  celles  de  l'imagination 
et  des  sens  :  la  connaissance  du  monde  est  une  conception  de  l'esprit.  157  ; 


772  TABLE  ANALYTIQUE  :  Conceptioniiisme  —  Concupiscence 

173-174  ;  175.  —  b)  Opération  qui  consiste  à  former  ou  à  saisir  un  concept  : 
formation  des  concepts  par  abstraction  et  généralisation,  236.  —  Formation 
du  concept  ou  idée  abstraite  et  générale,  249-250. 

Conceptionnisme  (de  Conception)  :  façon  d'expliquer  la  perception  exté- 
rieure par  opposition  au  Perceptionnisme  ou  perception  immédiate,  170-175. 

Conceptualisme  (du  latin  scolastique  Conceptualis,  de  Conceptus,  concept)  : 
théorie  d'ABÉDARD  et  de  Kant  sur  la  nature  des  idées  générales,  254-255. 

Conceptuel  (du  latin  scolastique  Conceptualis,  de  Conceptus,  concept)  : 
ce  qui  se  rapporte  au  concept.  —  Signes  conceptuels,  436. 

Concevable,  Concevabilité  (de  Concevoir,  de  concipere)  :  ce  qui  n'implique 
pas  contradiction.  —  S'oppose  à  Inconcevable,  Inconcevabilité. 

Conciliation  (Co7ici7ia«io,  de  conciliatum,  supin  de  conciliare,  réunir;  de 
cum,  avec  ;  calare,  appeler)  :  elle  consiste  à  dégager  de  chaque  système  «  l'âme 
de  vérité  «  qu'il  peut  contenir.  C'est  ce  que  les  Anglais  nomment  une  doctrine 
de  «  reconciliation  »,  qui  équivaut  à  un  sage  éclectisme. 

Concluant,  Conclusion  (Condusio,  de  conclusion,  supin  de  concludere  = 
cum-claudere,  enfermer,  terminer)  :  la  conclusion  est  une  proposition  qui  résulte 
de  propositions  posées  comme  prémisses.  —  Conclusion  du  syllogisme,  536. 
—  Modes  concluants  du  syllogisme,  539.  —  Conditions  de  sa  validité,  561. 

Concomitance,  Concomitant  [Concomitari,  accompagner;  de  cum,  avec; 
comitari,  suivre  ;  de  cornes,  comitis,  de  cum-ire,  itum,  aller  avec)  :  caractère  de 
deux  faits  ou  circonstances  qui  sont  unies  par  un  rapport  régulier  de  simul- 
tanéité ou  de  variation.  —  Méthode  des  variations  concomitantes,  669. 

Concordance  (de  Concorder,  de  concordare,  s'accorder  ;  de  concors  —  cum, 
cor,  cœur  avec)  :  méthode  de  concordance,  668.  —  Méthode  réunie  de  concor- 
dance et  de  différence,  669,  2. 

Concordat  (du  bas  latin  Concordatum,  accord)  :  traité  bilatéral  conclu  entre 
l'Église  et  un  État,  II,  341. 

Concours  (Concursus,  de  concursum,  supin  de  concurrere  =  cum-currere, 
courir  ensemble,  se  rencontrer)  :  action  de  coopérer.  ■ —  Concours  divin  : 
a)  Descartes  :  acte  par  lequel  Dieu  conserve  le  monde  et  coopère  aux  actions 
des  créatures  (  Discours  de  la  Méthode,  Partie  V).  —  b)  Scolastiques  :  acte 
par  lequel  Dieu  coopère  aux  actions  des  créatures,  II,  638. 

Concret  {Concretus,  de  concretum,  supin  de  concrescere  =  cum-crescere, 
s'accroître  par  réunion,  se  condenser)  :  c'est  le  réel,  l'individuel.  —  Idée 
concrète,  134  ;  258.  —  Terme  concret,  518.  —  S'oppose  à  Abstrait. 

Concrétion  (Concretio,  agrégation,  de  concretum,  supin  de  concrescere, 
se  condenser)  :  «  Opération  par  laquelle  l'esprit,  à  ses  débuts  et  d'une  manière 
généralement  inconsciente,  a  construit  le  tout  dit  concret,  que  l'abstraction, 
et  l'analyse  décomposeront  plus  tard  »  (V.  Egger,  Cf.  Bulletin  de  la  Société 
française  de  philosophie,   juillet   1903,   p.   183). 

Concupiscence  [Concupiscentia,  de  concupiscere  —  cum-cupiscere,  de  cupere, 
désii-er  ardemment,  convoiter)  :  a)  les  Scolastiques  emploient  ce  mot  pour 
distinguer  les  appétits  sensibles  ou  passions  qui  s'opposent  aux  tendances 
raisonnables,  44  ;  122.  —  b)  Désir  ardent  et  égoïste.  —  c)  Les  trois  concupis- 
cences :  libido  sentiendi,  libido  sciendi,  libido  dnminandi,  que  S.  Jean  [Epist.  I, 
eh.  II,  V.  16)  appelle  concupiscentia  carnis,  concupiscentia  oculorum,  superbia 
vitœ.  Cî.  Bossuet,  Traité  de  la  concupiscence. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Coiicupiscible —  Conflît  773 

Goncupiscible  (du  latin  scolastique  Concupiscibilis,  qui  peut  être  convoité)  : 
ce  qui  est  le  principe  du  désir,  ce  qui  pousse  à  convoiter.  —  Appétit  concupis- 
cible,  44.  —  Passions  qui  en  dérivent,  122. 

Concurrence  (de  Concurrent,  de  Concurrens,  de  concurrere  =  cum-currere, 
courir  ensemble)  :  lutte  entre  deux  tendances  qui  s'efforcent  de  se  supplanter 
l'une  l'autre.  —  Concurrence  dans  l'enseignement,  II,  254  ;  257-258.  — 
Concurrence  :  a)  Économique,  II,  355.  —  b)   Vitale,  II,  614. 

CoNDiLLAC  (Etienne  Bonnot  de)  :  classification  des  facultés,  46.  —  Nature 
de  l'instinct,  109-110.  —  Notion  du  moi,  153.  —  Nature  de  l'attention,  238. 
—  Nominalisme,  254.  — •  Origine  sensualiste  des  idées,  300.  —  Notion  de  sub- 
stance, 323.  —  Acte  volitif  ramené  au  désir,  361-363.  —  Origine  du  langage, 
447,  6.  —  Aphorismes  relatifs  au  langage,  462.  —  Analvse  expérimentale, 
613,  1. 

Condillacisme  (de  Condillacus,  traduction  latine  de  Condillac)  :  ensemble 
des   doctrines   condillaciennes.   Voir   Condillac 

Condition  {Conditio,  Condicio,  convention,  condition,  de  cum,  avec  ;  dicere)  : 
a)  Ce  qui  enlève  l'obstacle  à  l'activité  de  la  cause,  324  ;  665.  —  h)  Ce  dont  la 
présence  est  nécessaire  pour  que  quelque  chose  existe  :  vg.  pour  Kant  le 
temps  et  l'espace  sont  les  conditions  de  l'expérience,  II,  431. — c)  A.ssertion  de 
laquelle  une  autre  dépend,  de  sorte  que,  si  la  première  est  fausse,  la  seconde 
l'est  aussi  :  vg.  jugement  conditionnel  ou  hypothétique  :  vg.  S'il  est  jour, 
il  fait  clair,  549.  —  d)  Manière  d'être,  situation  :  vg.  condition  de  l'esclave 
dans  l'antiquité,  II,  176. 

Conditions  d'existence  (Principe  des)  :  formulé  par  Guvier,  700-701. 

Conditionné  (adjectif  participe  de  Conditionner)  :  ce  qui  est  soumis  à 
certaines  conditions,  comme  le  relatif,  285.  —  Pour  Hamilton  :  le  condi- 
tionné c'est  «  ce  qui  dépend  de  quelque  chose  d'autre  quant  à  son  être.  « 
Il  énonce  ainsi  la  Loi  du  conditionné  :  «  Penser,  c'est  conditionner  ».  «  To  think 
is  to  condition  »,  340-341.  —  D'après  Kant,  le  conditionné  c'est  le  conséquent 
considéré  dans  sa  dépendance  de  l'antécédent.  — •  Notre  libre  arbitre  est 
conditionné,  399.  —  Le  conditionné  dans  le  syllogisme  hypothétique,  549.  — 
S'oppose  à  Inconditionné. 

Conditionnel  (Conditionalis,  Condicionalis,  de  conditio,  condicio)  :  ce  qui 
dépend  d'une  condition.  —  Syllogisme  conditionne!  ou  hypothétique,  549. 
• —  Lois  physiques  conditionnelles,  294  ;  II,  38.  —  Impératif  conditionnel, 
II,  44.  —  Synonyme  d'Hypothétique. 

Condorcet  (Jean-Antoine-Nicolas  Caritat,  Marquis  de)  :  la  perfec- 
tibilité humaine,  655  ;  II,  327,  2. 

Conduite  (Substantif  participe  de  Conduire,  de  conducere  =  cum-ducere 
mener  ensemble' )  :  manière  de  se  comporter.  —  Règles  de  conduite  morale, 
II,    30-36. 

Conférences  de  La  Haye  :  arbitrage  des  conflits  internationaux,  II,  318-320. 

Conflit  (Conflictus,  de  conflictum,  supin  de  confligere  =  cum-fligere,  heurter)  : 
opposition  et  lutte  entre  deux  pouvoirs  ou  deux  primiites  à  propos  d'un  même 
objet.  —  Conflit  :  a)  des  droits,  II,  142  ;  — ■  b)  des  devoirs,  II,  150;  —  c)  de  deux 
pouvoirs,  qui  émettent  sur  un  même  point  des  prétentions  opposées.  Dans  un 
État  bien  ordonné,  ces  sortes  de  différends,  vg.  entre  le  pouvoir  judiciaire  et  It? 
pouvoir  administratif,  sont  tranchés  par  un  Tribunal  des  conflits,  offrant  des 


774  TABLE  ANALYTIQUE  :  Conformité —  Connotatif 

garanties  d'indépendance  ;  —  d)  des  nations  :  on  a  institué,  pour  les  juger, 
le  Tribunal  arbitral  de  La  Haye,  II,  318-330  ;  la  Société  des  nations,  II,  320- 
321  ;  —  e)  «  de  la  raison  avec  elle-même  »  :  c'est  pour  Kant  l'ensemble  des 
contradictions  où  tombe  la  raison,  quand  elle  s'efîorce  de  rattacher  les  phéno- 
mènes à  un  inconditionné,  d'où  ils  dépendraient  tous  comme  conditionnés  : 
c'est  le  heurt  des  antinomies,  II,  433  ;  436. 

Conformité  [Conformitas,  de  cum,  avec  ;  forma,  forme)  :  faits  de  conformité 
(Bacon),  652.  —  Conformité  de  la  pensée  avec  les  choses,  XXVIII  ;  768  ;  770. 

Confus  (Confusus,  de  conjusum,  supin  de  confundere  =  cum-fundere,  mélan- 
ger) :  concept,  ou  perception,  dont  le  contenu  est  mal  défini.  —  Etat  de 
conscience,  142.  —  Idée  et  terme,  518.  —  S'oppose  chez  les  Cartésiens  à 
Distinct. 

Confusion  {Confusio,  de  conjusum,  supin  de  confundere  =  cum-junderc, 
mélanger)  :  acte  par  lequel  l'esprit  confond  en  un  seul  deux  concepts  distiiicts. 
—  Confusion  mentale  :  état  pathologique,  dans  lequel  le  malade  ne  forme  que 
des  pensées  incomplètes  et  troubles.  —  Confusion  entre  le  sens  composé  et 
le  sens  divisé,   799. 

Congénital  (de  Congenitus  =  cum,  genitus,  né  avec)  :  se  dit  de  tout  carac- 
tère, qui  existe  chez  un  individu  dès  sa  naissance,  par  opposition  au  carac- 
tère acquis  dans  le  cours  de  son  développement  ultérieur  ;  vg.  Cataracte,  725. 

Conjonctif  (Conjunctivus,  de  conjunctum,  supin  de  conjungere  =  cum-, 
jungere,  atteler  ensemble)  :  syllogisme  conjonctif  ou  copulatif,  549. 

Conjonction  {Con]unctio,(de  conjunctum,  supin  de  conjungere  =  cutn- 
jungere.  atteler  ensemble)  :  «on  rôle  dans  la  phrase,  464. 

Connaissance  (de  Connaître)  :  a)  Subjectivement  :  acte  de  la  pensée  (fui 
prend  un  objet  en  tant  qu'objet  de  représentation.  —  b).  Objectivement  :  ce 
même  acte  considéré  en  tant  qu'il  représente  plus  ou  moins  le  contenu  de  l'objet; 
en  ce  sens  on  dit  :  connaissance  imparfaite  ou  adéquate.  —  c)  Contenu  de  la 
connaissance  :  vg.  l'ensemble  des  connaissances  humaines.  • —  P'acultés  de 
connaissance,  134-136.  —  Connaissance  instinctive  et  réfléchie,  242.  —  Matière, 
forme,  terme  de  la  connaissance,  345.  —  Connaissance  empirique  et  connais- 
sance scientifique,  577-578.  —  Connaissance  du  particulier  et  science  du  général, 
581.  —  Valeur  de  la  connaissance,  II,  421-455. 

Connaître  (Cognoscere  —  cum-gnoscere)  :  terme  générique,  qui  indique 
simplement  qu'un  objet  est  présenté,  présent  à  l'esprit.  Les  espèces  de  ce  genre 
sont  :  percevoir,  concevoir,  comprendre,  etc. 

Connexe  (Connexus,  de  connexum,  supin  de  connectere  =  cum-nectere, 
lier  ensemble)  :  caractères  connexes,  691. 

Connexion  (Connexio.  de  connexum,  supin  de  connectere  =  cuni-ncctere, 
lier  ensemble'.  :  nécessité  de  la  haison  entre  le  sujet  et  l'attribut,  778.  -  - 
Nécessité  de  la  liaison  entre  les  prémisses  et  la  conclusion  du  syllogisme,  561. 

Connexions  organiques  :  principe  formulé  par  Etienne  Geoffroy-Saint- 

IIiLAïuK.    70J-703. 

Connotatif,  Connotation.  Connoter  (du  latin  scolastique  Connotare  =  cum- 
notare,  supin  connotalum,  indiquer  avec)  :  la  connotation  est  l'ensemble  des 
caractères  imphqués  par  un  terme'donné.- —  Les  Scolastiques  disaient  d'un 


TABLi;  ANALYTIQUE  :  Conscieiîce  psychologique — Conséquence     775 

terme  qu'il  connote,  pour  signifier  qu'il  implique  un  ensemble  de  caractères. 
Stuart  Mill  leur  a  emprunté  ce  mot,  515  et  note  3.  —  S'oppose  à  Dénota- 
tion, 515,  3. 

Conscience  psychologique  [Conscientia,  de  cnnscire  —  cum-scire,  savoir 
avec)  :  perception  intuitive  qu'a  l'esprit  de  ses  états  et  de  ses  actes.  —  Fonction 
d'acquisition,  134.  —  Ses  modes  :  spontané,  réfléchi,  137.  —  Caractères  du 
témoignage  de  la  conscience,  138-140.  —  Nature  de  la  conscience  :  mode 
i'op.damcntal  ou  l'acuité  spéciale,  140-141.  —  Degrés  de  la  conscience,  141. 

—  Objet  et  portée  de  la  conscience,  145.  —  Ses  limites  :  corps,  monde  extérieur, 
Dieu,  146-147.  — ■  Idées  dues  à  la  conscience  réfléchie,  147.  —  Certitude  psycho- 
logique, 781. 

Conscience  morale  (Conscientia,  de  conscire  =  cum-scire,  savoir  avec)  : 
faculté  qu'a  l'homme  de  porter  des  jugements  sur  la  valeur  morale  de  ses  actes. 

—  Comparaison  avec  la  conscience  psychologique,  II,  1 5.  —  Jugements  et 
sentiments  moraux,  il,  16-17.  —  Nature  et  origine  de  la  conscience  :  a)  sens 
moral,  II,  18  ;  —  b)  éducation  et  coutume,  II,  21  ;  —  c)  association  et  habitude, 
II,  22  ;  —  d)  évolution  et  hérédité,  II,  23  ;  —  e)  raison  pratique,  II,  25-26.  —  Valeur 
de  la  conscience,  II,  26.  —  Universalité  de  la  conscience,  II,  27.  - —  Degrés, 
éducation:  et  règles  de  la  conscience,  II,  33.  —  Examen  de  conscience,  II,  159, 

—  Liberté  de  conscience,  II,  183. 

Consécutif  {Consecutus,  qui  suit,  de  Consecutuni,  supin  de  consequi  —  cum- 
scqui,  suivre  de  près)  :  les  sensations  consécutives  ou  rémanentes  (de  reinanens, 
remancre,  demeurer),  sont  celles  qui  persistent  après  que  leur  cause  extéi'ieure 
a  cessé  d'agir  sur  l'organe.  C'est  une  persistance  hallucinatoire.  225.  —  Les 
images  consécutives  (il  s'agit  surtout  des  images  visuelles)  sont  :  a)  positives, 
quand  les  clairs  et  les  noirs  de  l'image  correspondent  aux  clairs  et  aux  noirs 
de  l'objet  ;  vg.  si  l'on  ferme  les  yeux  après  avoir  regardé  un  objet  brillant, 
on  le  voit  encore  quelques  instants  ;  —  b)  négatives,  quand  aux  noirs  de  l'objet 
correspondent  les  blancs  d(!  l'image  et  vice  versa  ;  vg.  :  si  après  avoir  fixé 
un  objet  brillant,  on  regarde  un  écran  blanc,  on  perçoit  une  image  consécutive 
négative.  Si  l'objet  fixé  est  coloré,  les  couleurs  de  l'objet  sont  remplacées  par 
leurs  complémentaires  dans  l'image  consécutive  négative. 

Consécution  [Consecutio,  succession  immédiate,  de  consecutum,  supin  de 
consequi  =  cum-sequi,  suivre  de  près)  :  chez  l'animal  il  n'y  a  ni  jugement  ni 
raisonnement,   mais    «  simple  consécution    »  d'images,   269  ;  281  ;  494. 

Conseil  [Consilium,  délibération,  avis,  de  consulere,  dérivé  de  cum-sedere, 
siéger  ensemble,  délibérer,  aviser)  :  conseil  et  précepte,  II,  112. 

Consensus  (de  Consensum,  supin  de  consentire  =  cum-sentire,  consentir, 
s'accorder)  :  en  Physiologie,  ce  terme  indique  la  coopération  et  l'accord  des 
diverses  fonctions  de  l'organisme.  — -  S'emploie  aussi  en  Psychologie. 

Consentement  (de  Consentir,  de  consentire  =  cum-sentire,  consentir)  : 
acquiescement  de  la  volonté,  55-56;  115-116;  270-271;  399,  1. 

Consentement  universel  {Omnium  consensus  naturse  vox  est,  Cicéron, 
Queest.  Tuscul.  L.  1,  eh.  15)  :  critérium  de  la  vérité  (La  Mennais),  815.  — 
Conditions  de  la  valeur  du  consentement  universel,  840.  —  Preuve  de  la  liberté, 
372-373.  —  Preuve  de  l'existence  de  Dieu,  II,  563. 

Conséquence  (Consequentia,  de  consequi  =  cum-sequi,  suivre,  s'en  suivre)  : 
lien  logique  qui  unit  les  prémisses  à  la  conclusion  ;  c'est  la  forme  du  raison- 
nement déductif,  282.  — -  Ce  mot  signifie  également  la  proposition  qui  découle 
des  prémisses,  c'est-à-dire  la  conclusion,  536. 


776  TABLE  ANALYTIQUE  :  Conséquciit — Contemplatif 

Conséquent  {Consequens,  participe  présent  de  consequi  —  cum-sequi, 
suivre,  s'en  suivre)  :  employé  substantii'ement,  il  signifie  la  conclusion  par 
rapport  aux  prémisses  ou  à  l'antécédent,  536  ;  538.  —  Employé  adjectivement, 
il  signifie  :  a]  ce  qui  est  conforme  aux  règles  de  la  Logique  ;  vg.  :  raisonnement 
conséquent  ;  —  b)  s'oppose  à  Antécédent  :  vg.  :  volonté  conséquente,  393,  1. 

Conservation  [Conservatio,  de  conservatum,  supin  de  conservare  =  cum- 
servare,  garder  avec  soin)  :  fonction  intellectuelle,  135.  —  Conservation  des 
idées  :  a\  habitude  physiologique,  196-197  ;  —  b)  habitude  psychologique,  198- 
199.  —  Conservation  de  la  force,  387-390.  —  Conservation  de  l'être  par  Dieu, 
IL    637. 

Consommation  (de  Consommer,  de  consummare,  faire  le  total,  achever 
perfectionner,  de  summus,  le  plus  haut)  :  consommation  des  richesses,  II,  360. 

Constance  {Constantia,  de  constare  =  cum-stare,  se  tenir  avec,  être  ferme)  : 
qualité  de  celui  qui  ne  cesse  pas  d'être  le  même.  —  Fermeté  d'âme  dans  la 
lutte  contre  soi-même,  II,  159. 

Constitutif  (de  Constitutus,  participe  passif  de  constituerez  poster,  établir, 
de  cum-stare,  se  tenir  debout)  :  ce  qui  est  essentiel  dans  une  chose.  —  Carac- 
tères constitutifs,  690-691. 

Constitution  (Constitutio,  de  constitutum,  supin  de  constituere  =  cum- 
statuere,  étabhr,  de  cum-stare,  se  tenir  debout)  :  manière  dont  une  chose  est 
établie  dans  son  organisation  essentielle.  —  Constitution  physique  ou  tempé- 
rament, 391.  —  Constitution  poUtique,  II,   232-233. 

Constitutionnel  (de  Constitution)  :  monarchie  constitutionnelle,  II,  232-233. 

Constructif,  Construction  (Constructio,  de  constructum,  supin  de  construere 
=  cum-struere,  entasser,  bâtir)  :  construction  de  l'idée  de  notre  corps,  191. 
—    Imagination   constructive,   222. 

Construit  (de  Construire,  de  construere  =  cum-strue?-e,  entasser,  bâtir)  : 
ce  qui  est  élaboré  par  l'esprit.  S'oppose  à  Donné. 

Contact  [Contactus,  de  contactum,  supin  de  contingere  =  cum-tangere, 
toucher  avec)  :  rapprochement  qui  établit  des  relations  entre  plusieurs  corps 
ou  entre  le  corps  et  l'esprit.  —  Contact  :  a)  Physique  :  contact  des  corps 
s'appliquant  l'un  sur  l'autre.  —  b)  Virtuel  :  contact  de  l'esprit  agissant  sur  le 
corps.  —  Les  sensations  de  contact  sont  les  sensations  propres  du  toucher,  en 
tant  qu'on  les  distingue  des  sensations  musculaires,  thermiques,  etc.,  157-158. 

Contagion  [Contagio,  de  contactum,  supin  de  contingere,  =  cum-tangere, 
touclier  avec)  :  communication  par  contact.  —  Contact  :  a)  De  la  sympathie, 
87.  —  b)  Des  émotions,  actions,  95-96.  —  c)  Des  passions,  121-122.  —  d)  De 
l'exemple,  II,  29. 

Contemplatif,  Contemplation  [Contemplativus,  Contemplatio,  de  contem- 
platum,  supin  de  cnnteiuplnr  —■  cum,templum,  observer  une  partie  du  ciel. 
Le  carré  tracé  dans  le  ciel  par  l'augure  pour  observer  les  présages  s'appelle 
templum)  :  attention  sans  effort,  239.  —  Plaisir  du  beau,  II.  380  ;  387.  — 
Pour  Platon,  Ahistote  et  les  Scolastiques,  la  contemplation  est  une  acti- 
vité intellectuelle  intuitive,  qui  correspond  à  la  pensée  spéculative  (OeojpeTv) 
et  s'oppose  à  une  activité  tournée  vers  la  pratique  (TrpaT-retv)  ou  vers  la  réali- 
sation d'œuvres  extérieures  à  l'agent  (-otetv),  585.  —  Pour  les  Néopla- 
toniciens, c'est  moins  un  acte  qu'un  état  intuitif,  dans  lequel  l'esprit  jouit 
de  la  vue  de  son  objet. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Coiitenance  —   Contradiction  777 

Contenance  (de  Contenir,  de  continere  —  ciun-tenere)  :  contenance  :  a)  com- 
préhensive,  553-554  ;  559  :  —  b)  extensive,  554-555  ;  557  ;  —  c)  implicite,  virtuelle, 
564. 

Contention  (Contentio,  de  contentum,  supin  de  contendere  =  cum-tendere, 
tendre  avec  efîort)  :  forme  de  l'attention  impliquant  un  effort  pénible,  239. 

Contenu  (Contenir,  du  latin  populaire  contenire,  pour  continere,  tenir  de 
tous  côtés)  :  ce  qui  est  dans  autre  chose.  Le  contenu  d'un  concept  c'est  sa 
compréhension,  250.  —  Dans  les  opérations  intellectuelles  on  distingue  géné- 
ralement :  a)  la  l'orme  ;  h)  la  matière  ou  contenu,  t36. 

ContigU,  Contiguïté  [Contiguus,  de  contingere  =  cum-tangere,  toucher?, 
atteindre)  :  ce  qui  touche  à  quelque  chose.  —  Contiguïté  dans  le  temps  et  l'es- 
pace, 216-217.  —  Loi  de  contiguïté,  213  ;  218.  —  Aristote  (Cf.  De  menwria) 
avait  déjà  noté  la  contiguïté  dans  le  temps  comme  une  des  formes  de  l'asso- 
ciation   des   idées. 

Contingence,  Contingent  (Contingentia,  contingens,  de  contingere,  =  cum- 
tangere,  toucher,  atteindre,  arriver).  —  Aristote  dit  :  £v5£/o;/.£vov,  ce  qui 
peut  être)  :  a)  Le  contingent  :  ce  qui  peut  être  ou  ne  pas  être,  285  ;  339.  — 
b)  En  Logique  :  proposition  contingente  :  celle  dont  la  vérité  est  garantie  par 
l'expérience  et  non  par  la  raison.  —  Les  futurs  contingents  sont  les  actes  et 
événements  futurs  qui  dépendent  de  la  volonté  libre  de  Dieu  ou  des  hommes, 
II,  582  ;  583-584.  —  S'oppose  à  Nécessité,  Nécessaire. 

Contingentia  (Argumentum  a  ou  e)  (de  Contingere,  arriver)  :  preuve  de 
l'existence  de  Dieu  tirée  e  Contingentia  mundi,  II,  557. 

Contingentisme  (de  Contingent)  :  on  nomme  quelquefois  ainsi  la  «  philo- 
sopliie  de  la  contingence  »,  telle   qu'ÉMiLE   Boutroux   l'a  exposée,  388-389^ 

Continu  (Continuus,  de  continere  =  cum-tenere,  tenir  ensemble,  s'étendre)  : 
ce  mot  s'applique  à  la  quantité  dont  les  parties  ne  sont  pas  séparées,  de  sorte 
que. la  fin  de  l'une  est  le  commencement  de  l'autre.  On  distingue  le  continu  : 
■a)  permanent  :  celui  dont  toutes  les  parties  sont  données  simultanément  ; 
vg.  :  la  ligne,  630  ;  b)  successif  :  celui  dont  les  parties  sont  données  l'une  après 
l'autre  ;  vg.  :  le  temps,  le  mouvement,  II,  506  ;  c)  formel  :  il  serait  constitué 
par  des  êtres  étendus,  dont  l'unité  ne  comporte  aucune  distinction  intrinsèque 
actuelle,  mais  qui  sont  cependant  réellement  divisibles.  Telle  est  la  continuité 
admise  généralement  dans  la  nature  par  les  Scolastiques  ;  d)  l'irtuel  :  il  serait 
constitué  par  des  êtres  simples,  dont  l'activité  résistante  serait  le  fondement 
de  l'espace  réel  et  impénétrable.  Telle  est  la  continuité  imaginée  par  Leibniz, 
BoscovicH,  Palmieri,  II,  511  ;  518  ;  520. 

Continué  (de  Continuer,  de  continuare,  joindre,  unir,  faire  sans  inter- 
ruption) :  création  continuée,  II,  637-638. 

Continuité  (Continuitas,  de  continuus,  continu)  :  liaison  non  interrompue. 
Loi  ou  principe  de  continuité,  387-388. 

Contradictio  in  adjecto  :  contradiction  entre  un  terme  et  ce  qui  lui  est 

ajouté  :  \\x.  entre  un  substantif  et  son  adjectif  :  cercle  carré,  520. 

Contradictio  in  terminis  :  contradiction  que  les  termes  mêmes  manifestent; 
vg.  mouvement  sans  vitesse,  145. 

Contradiction  (Contradictio,  de  contradictum,  supin  de  contra-dicere,  contre- 
dire) :  rapport  entre  deux  propositions  ou  deux  termes,  dont  l'un  est  la  négation 
de  l'autre.  —  Principe  de  contradiction,  288.  —  Opposition  par  contradiction, 
532.  —  Critérium  de  vérité,  816. 

TRAITÉ  DE  PHILOSOPHIE.  —  T.    II.  —     2G 


778  TABLE  ANALYTIQUE  :  Coiitradictoire  —  Conventionnel 

Contradictoire  iContradictorius,  de  contradictum,  supin  de  contra-dicere, 
contredire)  :  ce  qui  est  relatif  à  deux  termes  ou  propositions  entre  lesquels 
existe  une  contradiction.  —  Idée  contradictoire,  520.  —  Propositions  contra- 
dictoires,  532. 

Contrainte  (de  Contraindre,  de  constringere  =  cum-stringere,  lier  avec, 
resserrer)  :  tout  ce  qui  entrave  la  liberté  d'agir,  soit  du  dehors,  soit  du  dedans. 
—  Contrainte  physique,  morale,  369;  II,  Il6.  —  Contrainte  illégitime  en 
matière  de  conscience,  de  pensée,  II,  83  ;  185  ;  344-346. 

Contraire  [Contrarius,  de  contra,  en  face  de,  contre)  :  indique  une  opposition 
entre  deux  termes  qui  difterent  par  l'aitirmation  et  la  négation  d'un  même 
élément  spécifique  ;  —  ou  entre  deux  propositions  universelles,  de  mêmes 
termes,  dont  l'une  est  affirmative  et  l'autre  négative.  —  Opposition  des 
contraires,  532  ;  533.  —  Suggestion  des  états  contraires,  214. 

Contraposition,  Contreposition  (Contrapositio,  de  contrapositum,  supin  de 
contra-ponere,  poser  en  face,  opposer)  :  mode  de  conversion  des  propositions 
négatives  O,  534. 

Contrariété  (Contrarietas,  de  contrarius,  contraire)  :  propriété  des  propo- 
sitions contraires,  532. 

Contraste  (de  l'italien  Contrasta,  lutte,  opposition)  :  opposition  de  deux 
objets  pensés  simultanément  ou  successivement.  —  Loi  de  contraste  dans 
l'association  des  idées,  214  ;  217. 

Contrat  {Contractus,  de  contraction,  supin  de  contrahere  =  cum-trahere, 
rassembler,  lier)  :  «  Le  contrat  est  une  convention  par  laquelle  une  ou  plu- 
sieurs personnes  s'engagent  envers  une  ou  plusieurs  autres  à  donner,  à  faire 
ou  à  ne  pas  faire  quelque  chose  »  (Code  civil,  art.  1101).  —  Contrat  bilatéral 
ou  multilatéral  :  celui  qui  comprend  une  réciprocité  d'engagements.  —  Quasi- 
contrat,  II,  74,  2.  —  Origine  de  la  propriété  d'après  Grotius,  Pufendorf,  etc., 
II,  192.  —  Contrat  matrimonial,  II,  209-211.  —  Contrat  social  d'après  Hobbes 
et  Rousseau,  II,  220.  —  Le  statut  social  s'oppose  au  contrat  social.  —  Fidélité 
aux  contrats,  II,  162.  —  Contrat  de  travail,  II,  218  ;  358.  —  Contrat  concor- 
dataire, II,  341. 

Contre-épreuve  :  c'est,  dans  la  méthode  expérimentale,  une  seconde  opé- 
ration, inverse  de  la  première  et  destinée  à  la  contrôler,  668-669  ;  669,  3. 

Contribution  (Contributio,  de  contributum,  supin  de  contribuerez  =  cum- 
triiniere,  donner  avec)  :  contributions  ou  impôts  :  espèces  et  base  de  répar- 
tition,  II,   278-280. 

Convaincre  [Convincere  =  cum-i'inccrr,  vaincre  entièrement,  démontrer)  : 
difi'érences  entre  convaincre  et  persuader,  784-785. 

Convenance  (de  Convenir,  de  convenire  —  cum-venire,  aller  ensemble)  : 
convenance  entre  deux  ou  plusieurs  termes,  vg.  convenance  entre  le  sujet  et 
l'attribut  affirmée  par  le  jugement  de  prédication,  265.  —  Le  convenable  : 
ce  qui  est  selon  les  règles,  les  usages,  ce  qui  convient  dans  telles  circonstances 
données.  —  La  convenance,  le  convenable  ne  s'imposent  pas  avec  une  nécessité 
absolue  :  règles  de  convenance,  II,  155. 

Conventionnel  (de  Convention,  de  convcntin.  assemblée,  accord,  du  supin 
conviiiium,  de  convenire  — cum-venire,  s'assembler,  s'accorder)  :  ce  qui  est 
établi  par  un  accord  exprès  ou  tacite.  —  Part  de  convention  dans  les  théo- 
ries scientifiques,  819.  —  Signes  et  langage  conventionnels,  436  ;  439. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Convergeiice  —  Corollaire  779 

Convergence  (de  Convergent,  de  Couver  gens,  de  convergere  =  cum-vergere, 
tendre  ensemble  vers)  :  tendance  à  se  réunir  en  un  même  point.  — •  a)  Conver- 
gence s'oppose  à  différenciation,  quand  un  ensemble  de  transformations  tend 
à  produire  une  ressemblance  croissante  des  éléments  qui  se  transforment.  — 
b)  Loi  esthétique  de  concentration  ou  de  convergence,  II,  402. 

Conversion  [Conversio,  de  conversum,  supin  de  convertere  —  cum-vertere, 
tourner,  changer).  —  a)  Procédé  de  déduction  immédiate,  533-534.  —  Critiques 
de  Hamilton,  534-535.  —  b)  Conversion  de  la  rente,  II,  361.  —  c)  Conversion 
morale  :  changement  radical  dans  la  conduite. 

Convertible  {Convertibilis,  de  convertere,  changer)  :  une  proposition  est 
convertible  quand  elle  peut  être  convertie  simplement,  c'est-à-dire  sans  chan- 
gement d'extension,  533-534.  — -  L'être  est  convertible  avec  l'un,  le  vrai,  le 
bien,  le  beau,  252  ;  II,  471  ;  475  ;  477  ;  470. 

Conviction  (Convictio,  de  conviction,  supin  de  convincere  —  cum-vincere, 
convaincre,  démontrer)  :  conviction  s'oppose  à  persuasion,  784-785.  Elle 
implique,  au  sens  rigoureux,  la  certitude  rationnelle  ;  mais,  dans  la  pratique, 
on  l'emploie  comme  synonyme  d'adhésion  de  l'esprit  reposant  sur  une  très 
grande  probabilité  et  suffisante  pour  nous  déterminer  à  agir.  —  Kant  appelle 
conviction  le  fondement  sur  lequel  repose  l'adhésion  subjectivement  et  objec- 
tivement suffisante  de  la  certitude  stricte.  782.  —  Convictions  fortes  :  élément 
du  caractère,  364-365  ;  412. 

Coopératif,  Coopération  iCooperatio,  de  cooperatum,  supin  de  cooperari  — 
cum-operari,  travailler  avec,  aider)  :  part  prise  à  une  œuvre.  —  Responsabilité 
morale,  II,  116-117.  —  Sociétés  coopératives  de  consommation,  de  crédit,  de 
production,  II,  203-204. 

Coopératisme  (de  Coopération)  :  forme  de  Socialisme,  II,  203-204. 

Coordination  ICoordinatio,  de  cum,  avec,  et  ordinare,  mettre  en  ordre)  : 
coordination  de  concepts  :  relation  de  concepts  placés  sur  le  même  rang  dans 
une  classification  ;  vg.  deux  espèces  du  même  genre,  251-252  ;  519.  —  Coordi- 
nation des  caractères,  691. 

Coordonné  (composé  de  la  particule  latine  co  =  cum,  avec,  et  ordonner, 
de  ordinare)  :  idées  et  termes  coordonnés,  519.  —  Caractères,  691. 

Coprolalie  (Kozço;,  ordure  ;  XaXta,  parole)  :  emploi  de  termes  orduriers 
ou  inconvenants,  que  provoque  chez  certains  névropathes  l'influence  de  leur 
état  morbide. 

Copulatif  [Copulativus,  de  copulatum,  supin  de  copulare,  pour  co-apulare, 
unir,  du  verbe  archaïque  apere,  attacher)  :  ce  qui  unit.  —  Proposition,  530.  — 

Syllogisme,  549-550. 

Copulation  iCopulatio,  de  copulatum,  supin  de  copulare,  unir)  :  copulation 
de  l'expérience  (Bacon),  662. 

Copule  (Copula,  liaison)  :  tout  verbe  joue,  dans  le  jugement,  le  rôle  de 
copule  ou  de  lien,  en  tant  qu'il  exprime  la  relation  que  le  jugement  affirme 

entre  ses  termes,  267. 

Cornutum  (Argumentum)  :  nom  donné  au  Dilemme,  550. 

Corollaire  [Corollarium,  de  rorolla,  petite  couronne  donnée  en  cadeau  ; 
supplément  de  salaire,  d'où  le  sens  figuré  d'addition)  :  c'est  une  proposition 
qui  découle  immédiatement  d'une  autre.  S'oppose  à  Théorème. 


780  TABLE  ANALYTIQUE  :  Goiporatif  —   Cosmologie 

Corporatif,  Corporation  (du  bas  latin  Corporari,  corporatum,  se  former  en 
corps  I  :  inclinations  corporatives,  91.  —  Associations  corporatives,  II,  251. 
Cf.   285-286.  —  Avantages  et  abus  des  anciennes  Corporations,  187-188. 

Corporéité  (du  latin  scolastique  Corporeitas,  de  corpus,  corps)  :  nom  donné 
par  les  Scolastiques  à  la  forme  substantielle,  par  laquelle  un  corps  est  constitué 
corps.  Les  uns,  les  Thomistes,  soutiennent  que  la  corporéité  n'est  pas  réellement 
distincte  du  principe  vital  des  êtres  vivants,  de  sorte  que  ceux-ci  doivent  à 
leur  principe  vital  et  d'être  corps  et  d'être  vivants.  Conséquemment,  à  la  mort 
d'un  "vivant,  la  fonction  de  corporéité,  que  remplissait  l'âme,  principe  vital, 
est  exercée  par  une  autre  forme  qui  a  été  nommée  forme  cadavérique  {forma 
cadaverica).  —  D'autres  Scolastiques  admettent  au  contraire  la  pluralité 
des  formes  substantielles  :  la  corporéité  et  le  principe  vital  sont  donc  réellement 
distincts.  Cf.  D.  Palmieri,  Institutiones  philosophicse,  T.  II,  Anthropologia, 
Th.  XII-XIV,  p.  381-416. 

Corporel  iCorporalis,  de  Corpus,  corps)  :  faits  de  la  nature  corporelle,  25. 
—  S'oppose  à  Spirituel. 

Corps  [Corpus]  :  tout  objet  matériel  que  nous  percevons  comme  étendu  et 
stable.  —  Perception  de  notre  corps,  147.  —  Perception  des  corps,  162-163  ; 
173-175.  — •  Construction  de  la  représentation  du  corps,  191.  —  Existence  des 
corps,  II,  500.  —  Nature  des  corps,  II,  507-523. 

Corps  (Esprit  dei  :  avantages  et  inconvénients,  93. 

Corpuscule  (  Corpusculum,  petit  corps,  de  corpus)  :  on  entend  par  philo- 
sophie corpusculaire  le  système  de  ceux  qui  expliquent  (vg.  Gassendi,  Des- 
cartes,  etc.)  les  phénomènes  physiques  par  certains  groupements  de  parti- 
cules que  leur  petitesse  rend  invisibles,  II,  507-510. 

Corrélatif  (du  latin  scolastique  Correlativus,  de  cum-referre,  relatum,  avoir 
rapport  à  )  :  ce  qui  implique  des  rapports  mutuels.  —  Caractères  corrélatifs, 
691.  —  États  d'esprit  corrélatifs,  772. 

Corrélation  (du  latin  scolastique  Correlatio,  de  cum-referre,  relatum,  avoir 
rapport  à)  :  relation  réciproque.  —  Principe  des  corrélations  organiques,  337  ; 
655;  701,2. —  La  compréhension  et  l'extension,  la  définition  et  la  classi- 
fication sont  en  corrélation,  251  ;  688.  —  Corrélation  entre  le  droit  et  le'devoir, 
II.  138. 

Corruption  {Corruptio,  de  corruptum,  supin  de  corrumpere  =  cum-rumpere 
rompre,  détruire)  :  les  Scolastiques,  après  Aristote,  opposent  corruption 
à  génération,  comme  les  deux  faces  de  toute  transformation  substantielle, 
II,  517  :  Corruptio  unius  est  generatio  alterius.  Aristote  emploie  les  mots 
ci/Oopa  (destruction)  et  tÉve»?'.;  (génération).  —  Corruptio  optimi  pessima. 
La  corruption  du  meilleur  est  la  pire.  La  privation  d'un  bien  supérieur  est  tou- 
jours un  mal  pire  que  la  perte  d'une  forme  inférieure.  ^ 

Cosmique  rKoajxtxo':,  de  xo'ïaoç,  univers)  :  relatif  à  l'univers  pris  dans  son 
ensemble.  —  Ordre  cosmique.  II,  561-562.  —  Suicide  cosmique  (Hartmann), 
II,  649. 

Cosmogonie  (KoaixrryMy.^  (],>  /.d<T[jLo;,  monde  ;  yiv-jou-at,  se  produira)  :  sys- 
tème explicatif  de  la  formation  du  monde  :  vg.  Hypothèse  de  Laplace,  337. 

Cosmologie  (KocraoAoyîa,  de   x-ô^aoç,  mijnde  ;    Xoyoç,  discours)    :    sa    place 
'<lans  les  sciences  philosophiques,  4  ;  594.  —  Son  objet,  II,  496-529.  —  Kant 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Cosmologiquc  —  Créatrice  (Imagination)     781 

entend  par  Cosmologie  rationnelle  l'ensenible  des  problèmes  relatifs  à  l'origine 
et  à  l'essence  du  monde  envisagé  comme  réel.  Ces  problèmes  aboutissent  aux 
antinomies  kantiennes,  II,  433.  —  Cf  J.-M.  Dario,  Praelectiones  Cosmologiae, 
Paris,  1923. 

Cosmologique  (Kog[j.oaoyixoç,  de  xoci/oç,  monde  ;  ^ôy^x;,  discours)  : 
sciences  cosmologiques,  1  ;  588.  —  Preuve  cosmologique  de  l'existence  de  Dieu, 
II,    557-560. 

Cosmopolitisme  (de  Cosmopolite,  de  Ko'cr[jioç,  monde  ;  7To}aTr,ç,  citoyen)  : 
sa  nature,  93.  —  Doctrine  stoïcienne,  II,  94. 

Cosmos  :  ce  mot  grec,  qui  signifie  primitivement  ordre,  en  vint  à  signifier 
l'ordre  dans  l'univers,  puis  l'univers  lui-même.  Les  Pythagoriciens  l'avaient 
déjà  employé  en  ce  sens. 

Cosmothétique  (Kôsaoç,  monde  ;  xiOri^i,  placer)  :  Hamilton  admet  que 
nous  avons  la  conscience  immédiate  du  non-moi,  du  monde  extérieur,  146-147. 
Il  appelle  Idéalisme  cosmothétique  [Lectures  on  Metaphysics,  Lect.  XVI,  T.  I, 
p.  295)  le  système  de  ceux  qui  rejettent  cette  doctrine. 

CouAiLHAc  (PÈRE  MÀRius)  :  liberté  et  conservation  de  l'énergie,  390,  2. 

Courage  (de  Cœur)  :  appétit  irascible  ou  courageux,  122.  —  Vertu  morale, 
II,  130  ;  159. 

CouRNOT  (Antoine-Augustin)  :  efficacité  de  la  volonté,  390.  —  Points 
de  vue  de  Cuvier  et  de  Geoffroy-Saint-Hilaire,  702,  2.  —  La  conscience 
morale,  II,  19,  2. 

Cousin  (Victor)  :  théorie  de  l'inférence,  173,  1.  —  Ouvrages  d'ABÉLARD, 
255,  1.  —  Jugement  intuitif,  265-266.  —  Descartes,  et  la  géométrie,  608,  2. 
—  Avantages  de  la  méthode  svHogistique,  842.  —  Abus,  843,  2.  —  Rôle  de 
l'intérêt,  II,  77,  2.  —  Fondement  du  droit  et  du  devoir,  II,  134-135.  —Défi- 
nition du  beau,  II,  381,  3.  —  L'homme  et  l'infini,  II,  551,  3. 

Coutume  {Consuetudinem,  de  consuetum,  supin  de  consuescere  '=  eum- 
suescere,  s'habituer  à)  :  nature  et  coutume  d'après  Pascal,  109,  2.  —  Coutume 
au  sens  d'habitude,  416.  —  Origine  de  la  conscience  morale,  II,  21. 

Craig  (John)  :  certitude  historique,  745,  2. 

Crainfe  (substantif  participe  de  Craindre)  :  passion,  122. 

Créatianisme  (de  Creatio,  de  creatum,  supin  de  creare,  créer)  :  doctrine 
d'après  laquelle  l'âme  humaine  est  créée  par  Dieu  au  moment  de  la  conception 
ou  quand  l^,j;orps  est  suffisamment  préparé. 

Création  (de  Creationem,  de  creatum,  supin  de  creare,  créer)  :  a)  Sens  strict  : 
Est  factio  alicujus  de  nihilo  (Alqert  LE  Grand,  Summa  de  Creaturis,  Tvâct.  I, 
Quaest.  I,  Art.  2).  —  Preuves  et  objections,  11,633-636.  —  Création  conti- 
nuée, II,  637-638.  —  b)  Sens  artistique  :  production  de  la  forme  d'une  œuvre 
d'art  au  moyen  d'éléments  préexistants.  —  Création  artistique  :  analyse, 
230.  —    Formation  de  l'idéal,  II,  395-396. 

Créationnisme  (de  Création)  :  système  qui  explique  l'origine  du  monde 
par  l'action  créatrice  de  Dieu,  II,  633. 

Créatrice  (Imagination)  :  a)  en  général,  224  ;  b)  spontanée,  225  ;  c)  réfléchie, 
226.  — Conditions  de  son  pouvoir,  228.  —  Rôle  de  l'imagination  créatrice 
dans  :  a)  les  arts  et  lettres,  229  ;  b)  les  sciences,  231  ;  c)  la  vie,  232. 


782  TABLE  ANALYTIQUE  :  Crédibilité  —  Criticisme 

Crédibilité  (du  latin  scolastique  Credibilitas,  de  credibilis,  croyable,  de 
credere,  se  fier)  :  ce  qui  rend  une  chose  digne  de  créance.  —  Évidence  de  crédi- 
bilité, 779-780  ;  791-793.  Les  motifs  de  crédibilité  sont  les  motifs  qui  donnent 
à  la  foi  un  fondement  raisonnable. 

Crédit  (de  l'italien  Crédita,  de  credere,  avoir  confiance)  :  son  rôle  dans  la 
circulation  de  la  richesse,  II,  355-356. 

Créditivité  (de  Creditum,  supin  de  credere,  se  fier)  :  tendance  naturelle  qui 
nous  porte  à  croire  sur  parole,  sans  preuves,  ce  que  l'on  nous  dit.  Elle  tient 
le  miheu  entre  V incrédulité,  qui  refuse  de  croire  malgré  des  motifs  raisonnables 
de  crédibilité,  et  la  crédulité,  qui  ajoute  foi  à  ce  qui  ne  le  mérite  pas. 

Crédulité  [Credulitas,  de  credulus,  de  credere,  se  fier)  :  instinct  d'après 
Reid,  737,1.  —  La  crédulité,  en  général,  consiste  à  croire  ce  qui  n'est  pas 
digne  de  créance. 

Crépusculaire  (de  Crépuscule,  de  crepusculum,  qui  suppose  un  primitif 
crépus,  obscurité,  d'où  crêper,  obscur,  incertain)  :  perception,  144.  —  Fait 
privilégié  (Bacon),  652. 

Cresson  (André)  :  critique  de  la  morale  de  Kant,  II,  101,  1. 

Crime  (Crimen,  plainte,  accusation,  de  cernere,  crevi,  cretum,  trier,  discerner, 
décider,  cf.  xpt'vto)  :  crime  passionnel,  120.  —  Le  crime  est  un  acte  qui  implique 
un  manquement  très  grave  aux  lois  de  la  morale.  Il  y  a  faute,  au  cas  de  gravité 
moindre.  Au  sens  légal,  le  crime  est  un  acte  punissable  d'une  peine  afflictive 
ou  infamante.  Le  délit  est  un  acte  passible  d'une  peine  correctionnelle. 
Cf.  Code  pénal,  art,  1. 

Criminalité  (de  Criminalis,  criminel,  de  crimen)  :  a)  Caractère  de  ce  qui 
est  criminel.  —  b)  En  Sociologie,  la  criminalité  s'entend  de  la  proportion  et  de 
la  nature  des  crimes  relativement  à  tel  pays,  telle  époque,  telle  catégorie  de 
citoyens,  etc.,  753. 

Criminologie  (mot  hybride,  de  crimen,  crime,  et  Xoyo;,  discours)  :  science 
de  la  criminalité,  qui  comprend  :  a)  la  psychologie  des  criminels,  491,  2  ; 
b)  la  recherche  des  caractères  communs,  que  les  crimes  peuvent  avoir  dans 
tel  pays,  à  telle  époque,  chez  telle  catégorie  de  criminels,  etc. 

Critère,  Critérium  (Kptxvipiov,  ce  qui  sert  à  juger,  de  Jcpfrviç,  juge,  zpiVo, 
discerner,  juger)  :  caractère  d'un  objet  qui  permet  de  le  juger.  —  Critérium  de 
la  vérité  et  de  la  certitude  :  sa  nature,  810.  —  Diverses  sortes  de  critères, 
810-839.  —  Critérium  de  la  perfection  d'un  être,  II,  105,  2  ;  106,  1. 

Critériologie  (de  KoiTiiptov,  ce  qui  sert  à  juger,  de  xpivo),  discerner  ;  k6yrj(;  ; 
discours)  :  partie  de  la  Logique  qui  traite  de  la  vérité,  de  l'erreur  et  de  leurs 
critères,  509  ;  768-840. 

Critias  :  sophiste,  II,  421, 

Criticisme  (de  Critique,  d'après  le  type  factice  Criticismus)  :  a)  au  sens  strict, 
doctrine  de  Kant,  II,  430  ;  h)  au  sens  large,  il  s'entend  de  toute  doctrine  qui 
donne  à  la  question  de  la  nature  de  la  connaissance  une  solution  subjectiviste 
ou  idéaliste,  c'est-à-dire  fait  dépendre  la  connaissance  de  la  nature  de  Tesprit 
connaissant  ;  c)  au  sens  très  large,  il  désigne  la  tendance  à  prendre,  comme 
base  de  toute  recherche  philosophique,  le  problème  de  la  nature  de  la  coiinais- 
sance,  quelle  que  soit  d'ailleurs  la  solution  qui  y  soit  apportée. 


TABLE  ANALYTIQUE  '.  t^ticisme  kantien  —  Cuvier  (Frédéric)      783 

'Cri(lcisme  kantien  :  jugements  synthétiques  a  priori,  274.  —  Origine  des 
Idées,  314.  —  La  morale  formelle,  II,  96.  —  La  raison  pure,  II,  430-434.  — ■ 
iLa  raison  pratique,  434-435.  —  Critique  du  Griticisme,  II,  435-438. 

'Critique  (CrîJicias,icpt'!:tx(»î,  qui  décide  de  quelque  chose,  de  xptvo),  discerner. 
juger)  :  en  général,  c'est  l'examen  d'une  chose  au  point  de  vue  de  sa  valeur. 
On  en  distingue  um^e  granée  variété  :  Critique  d'ari  :  partie  de  V Esthétique, 
'760,  1.  —  Critique  de  la  vérité  :  c'est  la  Logiqice  critique,  qui  s'occupe  de.s. 
critères,  810-83'9.  —  Critique  de  la  valeur  de  la  connaissance  :  partie  de  fa 
Métaphysique^  II,  421-455.  —  Critique  du  témoignage  en  général  :  importance 
'du  témoignage,  7S5  ;  fondement  de  la  foi  au  témoignage,  737.  —  Règles  cri>- 
tiques  du  témoignage,  738.  — ■  Critique  historique  :  traditions,  monuments, 
•écrits,  739-742.  —  Exemples  de  critique  subjective,  741,  3.  —  Cf.  le  remar- 
quable article  de  G.  Picard  sur  Le  Problème  critique  fondamental,  dans  Ar- 
'CHivES  DE  PiETiit&soPHiiE,  T.  I,  p.  93-186,  Paris,  1923. 

Croyanee  (altération  de  créance,  dérivé  de  croire)  :  a)  Sens  large  :  synonyme 
d^opinion.    b)  :Sens  strict  :  confiance  accordée  à  un  témoin.  —  Jugement  et 

'Croyance,  26'9..  —  Croyance  au  témoignage,  735-737.  —  Science  et  croyance  : 

.  la  croyance  est  un  mode  de  connaître  :  a)  inférieur  à  la  science,  786  ;  b)  supérieur 
à  la  science  (ÎPascal,  Kant,  Jacobi,  Hamilton,  Newman),  786;  c)  c'est  le 
mode  général  de  connaître  (Renouvier),  790;  d\  science  et  croyance  .sont 

•  deux  modes  différents,  mais  certains,  de  connaître  (Scolastiques),   791.  Cf. 

-A.  Malvy,  JPascàl  et  :ie  problème  de  la  croyance.  Paris  1923- 

Cruciale  ■(expérience)  (de  Crux,  crucis,  croix)  :  fait  privilégié  (Bacon), 
652-653. 

Crusius  '(>Christian-August)  :  fondement  de  la  distinction  du  bien  et 
du  mal,  II,  167. 

Cryptopsj^hie  (.Kjuctto'ç,  caché  ;  '\"jyri,  âme)  :  nom  donné  à  certains  états 
psychologiques  inconscients,  qui  échapperaient  à  l'observation  directe. 

Cudworth  (Ralph)  :  nature  plastique,  II,  545,  1. 

Culpabiliis  (de  Culpabilis,  coupable,  de  culpa,  faute)  :  ses  conditions,  II, 
30-31.  —  Culpabilité  de  l'erreur,  807. 

Culte  {de  Cuit  us  ; 'de  cultum,  colère,  cultiver)  :  honneur  rendu  à  Dieu,  II,  332- 
333  ;  341.  —  La  liberté  des  cultes,  II,  184-185  ;  341-342  ;  345. 

CuMBERLANDiSME  :  mot  tiré  du  nom  de  Cumberland,  opérateur  anglais, 
qui  prétendait  lire  certaines  pensées  des  personnes  qu'il  tenait  par  la  main. 
II  signifie  le  p/hénomène  de  la  lecture  des  pensées.  D'après  certains  philosoplics, 
«  d'imperceptibles  mouvements  de  la  main  que  l'on  touche  peuvent  révéler  à 
l'observateur  exercé  les  mouvements  du  cerveau  et  de  la  pensée  »  (A.  Bertrand, 
Lexique  de  Philosophie,  p.  57,  Paris,  1892). 

Cupidité  [Cupiditas,  de  cupidus,  de  cupere,  convoiter)  :  désir  immodéré  des 
richesses,  II,  192-193. 

Curieux,  Curiosité  [Curiosus,  curiositas,  soin  à  rechercher,  de  cura,  soin)  : 
désir,  besoin  de  connaître,  85.  —  Origine  de  la  science,  577.  —  Qualité  de  l'obser- 
vateur, 650. 

CuviER  (Georges)  :  l'expérimentateur,  660-661.  —  Principe  des  conditions 
d'existence  ou  des  causes  finales,  700.  —  Principe  des  corrélations  organiiiues, 
701,  2.  —  Coordination  des  caractères,  691,  2.  —  Reconstitution  d'organismes 
•  disparus,  700,  2;  709. 

CuviER  (FaÉoÉRiC;)  :  nature  de  l'instinct,  111-112. 


784 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Cyiiique  (École)  —  Décisif 


Csoiique  (École)  (Cynicus,  xuvixo';,  de  /.ûwv,  chien)  :  fondée  par  Antis- 
THÈNE.  Elle  fut  nommée  ainsi  à  cause  du  lieu,  le  Cynosarge  (KuvoTapyeç), 
gymnase  où  il  enseignait,  et  du  genre  de  vie  adopté  par  lui,  qui  se  qualifiait 
de  vrai  chien,  aTrXozuwv  (aTrXoîîç,  simple  ;  xuwv,  chien),  et  par  ses  disciples, 
notamment  Diogène,  qui  était  appelé  AtoyEvr,?  ô  xuojv. 

Cynisme  (de  Cynique)  :  ce  mot,  appliqué  d'abord  à  l'École  cynique,  signifie 
en  général  le  dédain  des  convenances  sociales  et  des  lois  de  la  morale. 

Cyrénaîque  (École)  (de  K-jpr.vaïxo;,  de  Cj'^rène,  ville  de  la  Pentapole  de 
Lvbie,  en  Afrique!  :  Ecole  Cyrénaîque,  fondée  par  Aristippe  de  Gyrène, 
Ii;  48. 

Cyrénaïsme  :  morale  de  I'École  Cyrénaîque  :  II,  48.  On  l'appelle  aussi 
Hédonisme. 


Dabitis  :  mode  indirect  de  la  première  figure,  539. 

Daltonisme  (de  Dalton)  :  anomalie,  congénitale  ou  acquise,  de  la  vision, 
qui  consiste  dans  l'incapacité  de  distinguer  certaines  couleurs  de  certaines 
autres  complémentaires  des  premières  ;  le  plus  souvent  le  sujet  confond  le 
rouge  avec  le  vert  ;  quelquefois,  le  jaune  avec  le  violet.  Ce  nom  vient  de 
J.  Dalton,  physicien  anglais  (1766-1844),  atteint  de  cette  infirmité  (confusion 
du  rouge  et  du  vert),  et  le  premier  à  la  décrire.  On  dit  aussi  Dyschromatopsie. 

Dante  Alighieri  :  Qui  aime  en  Dieu,  punit  en  Dieu,  751,  1. 

Darapti  :  mode  de  la  troisième  figure,  539. 

Darii  :  mode  de  la  première  figure,  539. 

Darlu  (Julien-Marie)  :  la  solidarité  dans  le  mal,  II,  73,3.  —  La  morale  de 
la  solidarité  aboutit  à  l'utilitarisme,  II,  75,  2. 

Darmesteter  (Arsène)  :  la  Scolastique  et  la  langue  française,  842-843. 

Darwin  (Charles)  :  l'instinct,  110-111.  —  Production  des  signes,  437. 

—  Exposé  de  sa  doctrine  transformiste,  613-615.  —  Critique,  II,  617-623. 

Darwinisme  :  doctrine  biologique  et  philosophique  de  Darwin,  613-615. 

—  En  quoi  elle  diffère  du  Monisme  et  du  Lamarckisme,  II,  626. 

Dastre  (Albert)  :  fonctionnement  du  système  nerveux  et  la  perception 
sensible,  71,  1  ;  73,  1.  —  Action  de  l'image  et  de  la  sensation  sur  l'organisme, 
471,  1.  —  Découverte  industrielle  et  découverte  scientifique,    581,  4. 

Datisi  :  mode  de  la  troisième  figure,  539. 

Datum,  Data  (participe  passé  de  Dare,  donner)  :  ces  mots  s'emploient  pour 
signifier  :  a)  le  donné,  les  données  :  vg.  les  data  de  l'expérience  ;  b)  les  principes 
fondamentaux  :  vg.  les  data  des  Mathématiques. 

Daunou  (Pierre-Claude)  :  division  des  documents  écrits,  741,  2. 

Décentralisation  (de  Dé,  privatif,  et  centralisation)  :  sa  nécessité,  II,  251-252. 

Décisif  (du  latin  médiéval  Decisivus,  de  decisio)  :  ce  qui  amène  à  accepter 
une  conclusion  ou  à  prendre  un  parti.  —  Fait  privilégié  (Bacon),  652-653. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  DécisioD  —  Défini  785 

Décision  [Decisio,  de  decisum,  supin  de  decidere  =  de  -  caedere,  trancher)  : 
acte  de  la  volonté  prenant  un  parti,  358. 

Déclaration  [Dcclaratio,  de  dedaratum,  supin  de  de-darare,  rendre  clair, 
manifester,  de  darus,  clair)  :  déclaration  des  droits  de  l'homme  :  a)  texte,  II, 
294  ;  h)  critique,  II,  296. 

Déclinaison  (de  Dédiner,  de  de-dinare,  détourner,  s'écarter)  :  Bacon 
nomme  aussi  Table  de  dédinaison  la  Table  d'absence,  666.  — ■  Déclinaison  est 
la  traduction  du  mot  dinamen  appliqué  aux  atomes,  II,  600. 

Décomposition  (de  Dé,  en  latin  dis,  préfixe  séparatif,  et  composer)  :  procédé  : 
a)  de  l'analyse  expérimentale,  613  ;  b)  de  l'analyse  rationnelle,  615. 

Découverte  (Substantif  participe  de  Découvrir)  :  recherche  et  découverte  de 
la  cause,  665-670.  —  Découverte  et  démonstration,  632. 

Dédoublement  (de  Dé,  latin  dis,  préfixe  séparatif  ;  doublement,  de  double, 
duplex)  :  dédoublement  de  la  personnalité,  151-152. 

Déductif  [Deductivus,  de  deductum,  supin  de  de-ducere,  tirer  de  haut  en  bas, 
faire  sortir)  :  méthode  déductive  :  a)  en  philosophie,  1  ;  b)  en  psychologie, 
30-32.  —  Raisonnement  déductif,  281-282  ;  531.  —  Valeur  du  raisonnement 
déductif,  564-565.  —  Méthode  déductive  en  général,  617-623. 

Déduction  (Deduclio,  action  de  faire  sortir,  de  deductum,  supin  de  de-ducere, 
faire  sortir)  :  opération  par  laquelle  on  passe  d'une  ou  plusieurs  propositions  à 
une  autre  proposition  qxii  en  résulte  nécessairement.  —  Déduction  :  a)  immé- 
diate, 531-535  ;  b)  médiate  :  théorie  du  syllogisme,  535-563.  —  Valeur  de  la 
déduction,  564-565.  ■ —  Rôle  de  la  déduction  dans  les  sciences  inductives, 
620-621.  —  Sa  marche,  622-623. 

Déduction  transcendantale  :  Kant  nomme  ainsi  la  tentative  par  laquelle 
il  cherche  à  justifier  cette  affirmation  :  «  C'est  un  principe...  que  l'entendement 
n'emprunte  pas  à  la  nature  ses  lois  a  priori,  il  les^lui  prescrit.  »  {Prolégomènes  à 
toute  métaphysique  future).  11  veut  montrer  que  l'accord  des  lois  de  l'entendement 
avec  les  lois  de  la  nature  vient  de  ce  que  l'entendement  organise  et  unifie 
la  nature  en  lui  appliquant  ses  concepts  a  priori  ou  catégories,  II,  431-432. 
Bref,  c'est  la  nature  qui  est  rendue  conforme  à  l'entendement  par  l'enten- 
dement lui-même.  A  la  déduction  transcendantale  s'oppose  la  déduction  empi- 
rique, consistant  à  montrer  que  c'est  l'entendement  qui  se  conforme  à  la 
nature  :  par  la  réflexion  sur  les  objets  de  l'expérience,  l'entendement  y  découvre 
les  lois  qu'il  applique  ensuite  à  la  nature.  Cf.  Transcendantal. 

Défaut  (ancien  français  Défaute,  de  défaillir,  mot  formé  sur  le  type  de 
faute)  :  ce  mot  indique  la  privation  de  quelque  chose  dans  un  sujet  dont  la 
nature  en  comporte  la  présence,  II,  477  ;  mais,  à  la  différence  du  mot  faute, 
il  n'implique  pas  nécessairement  que  cette  privation  est  due  à  la  culpabilité 
du  sujet  ;  vg.  défaut  d'intelligence,  de  mémoire,  de  force  physique,  373,  1. 

Défense  (dxi  bas  latin  Defensa,  de  defensum,  supin  de  dr.-fendere,  repousser, 
du  primitif  fendere,  heurter)  :  droit  de  légitime  défense,  II,  132  ;  166. 

Déficient  {Deficiens,  de  deficere  =  de-facere,  manquer)  :  cause  déficiente 
de  l'eneur,  805. 

Défini  (Definitus,  de  definitum,  supin  de  de-finire,  délimiter,  de  finis 
borne,  lin)  :  ce  qui  est  l'objet  d'une  délinitioii,  521.  —  Ce  qui  est  limité,  par 
opposition  à  indéfini,  339.  —  Fini  indique  ce  qui  a  des  limites  ;  ce  dont  les 
limites  sont  ou  peuvent  être  déterminées,  339. 


•jgg  TABLE  ANALYTIQUE  :  Dèfinlssaiit  —  Déisme 

Définissant  (de  Définir,  de  de-finire,  délimiter,  de  finis,  borne,  fin)  :  ce  qui 
sert  à  définir  quelque  chose  ;  vg.  l'homme  (=  défini)  est  l'animal  raisonnable 
(=  définissant),  523.  —  Hamilton  [Logic,  Lect.  XXIV,  §  82)  distingue  nette- 
ment le  Membrum  definitum  et  le  Membrum  definiens. 

Définition  (Definitio,  de  definitum,  supin  de  de-finire,  délimiter,  de  finis, 
borne,  fin)  ;  a)  Opération  qui  détermine  la  compréhension  d'une  idée,  b)  Objec- 
tivement :  l'ensemble  des  termes  qui  déterminent,  expriment  la  compréhension 
d'une  idée.  —  Définition  réelle  :  logique  ou  essentielle  :  ses  règles,  521  ;  ses  qua- 
lités, 523.  —  Définition  descriptive,  524.  —  Définition  causale,  57  ;  524.  — 
Définition  nominale  :  nature,  espèces,  règles,  524.  —  Réduction  et  liberté  des 
définitions,  525-526.  —  Principe  de  la  démonstration,  563.  —  Définition  mathé- 
matique, 635.  —  Définition  empirique,  690-692.  —  Comparaison  des  défi- 
nitions mathématiques  et  empiriques,  692.  —  Définition  et  division,  527-528. 

—  Définition  et  classification,  688-689. 

Dégénérescence  (de  Dégénérescent,  formé  sur  le  type  factice  de  gêner  escere, 
inchoatif  de  degenerare,  de  degener,  dégénéré,  de  de,  hors,  et  genus,  genre)  : 
altération  d'une  qualité  ou  d'un  organe.  —  Dégénérescence  de  l'amour-propre 
en  passions  égoïstes,  85.  —  Au  sens  physique,  c'est  une  altération  de  l'orga- 
nisme qui  le  rend  plus  ou  moins  incapable  de  remplir  les  fonctions  auxquelles 
il  est  destiné.  —  On  appelle  dégénérés  les  individus  qui  sont  affectés  de  plusieurs 
anomaUes  organiques  ou  fonctionnelles. 

Dégradation  {Degradatio,  de  Degradatum,  supin  de  degradare,  faire  des- 
cendre du  rang,  de  de,  du  haut  de  ;  gradus,  degré)  :  dégradation  de  l'énergie  : 
«  Propriété  qu'a  l'énergie,  tout  en  restant  constante  en  quantité,  de  se  répartir 
entre  les  corps  d'une  manière  de  plus  en  plus  uniforme,  et  par  là  de  devenir 
•de  moins  en  moins  manifeste  pour  les  sens,  de  moins  en  moins  utilisable  pour 
l'action.  »  (Bulletin  de  la  Société  française  de  Philosophie,  juillet  1904,  p.  186- 
-187).  Cf.  B.  Brunhes,  La  dégradation  de  Vénergie,  Paris,  1909. 

Degré  (du  latin  populaire  degradum,  pour  gradum,  pas,  degré)  :  degrés 
métaphysiques  de  la  compréhension  des  êtres,  252.  —  Table  de  degrés  (Bacon), 
■666.  —  Différence  de  degré  :  c'est  une  différence  accidentelle,  de  plus  ou  de 
moins  :  vg.  Pierre  est  plus  savant  que  Paul.  La  différence  de  nature  est,  au 
contraire,  une  différence  essentielle  :  vg.  différence  entre  le  beau  et  le  sublime, 
:II,  389. 

Dégressif  (de  Degressum,  supin  de  de-gredior  =  gradior,  descendre,  de 
gradus,  pas,  marche)  :  «  L'impôt  est  dégressif  quand  c'est  seulement  la  minorité 
de  la  matière  imposable  qui  profite  du  dégrèvement  et  que  la  majorité  de  la 
matière  imposable  est  assujettie  à  un  droit  uniforme.  Notre  ancienne  contri- 
bution mobilière  était  un  exemple  d'impôt  dégressif.  (P.  Leroy-Baulieu,  Z,a 
Révolution   fiscale,   dans   Bévue  des   Deux   Mondes,   décembre   1909,   p.    551.) 

—  S'oppose  à  Progressif. 

Déification  [Deificatio,  de  deificatum,  supin  de  deificare,  de  Deus,  dieu, 
facere,  faire)  :  déification  :  a)  des  forces  de  la  nature,  248  ;  b)  du  peuple,  de 
l'humanité,  II,  220-221  ;  348. 

Déisme  (de  Deus)  :  en  français  ce  terme  indique  la  doctrine  de  ceux  qui 
«  n'admettent  que  les  principes  de  la  religion  naturelle,  c'est-à-dire  l'existence 
de  Dieu,  l'immortalité  de  l'âme  et  la  règle  du  devoir,  rejettent  les  dogmes 
révélés  et  le  principe  même  de  l'autorité  en  matière  religieuse  »  (Ad.  Franck, 
Dictionnaire  des  sciences  philosopliiques  :  Déisme),  II,  637.  —  D'après  Kant 
{Critique.de  la  raison  pure  :  Dialectique  transcendantale,  L.  II,  Ch.  m,  Sect.  vu), 


TABLE  ANALYTIQUE  :  DelagB  (Maric-Yves)  —  Démocratie         787 

le  déiste  reconnaît  l'existence  d'un  être  primitif,  qui  est  une  force  infinie, 
inhérente  à  la  matière,  mais  dont  le  concept  reste  transcendantal,  indétermi- 
nable ;  le  théiste  va  plus  loin  :  il  conçoit  cet  être  primitif  comme  un  être  qui, 
par  son  entendement  et  sa  liberté,  contient  en  soi  le  principe  premier  de  toute 
chose.  —  Sens  qu'on  donne  généralement  au  mot  Théisme  :  c'est  «  la  convic- 
tion de  ceux  qui  admettent  un  Dieu  libre,  intelligent,  auteur  et  providence  du 
monde...  Le  Déisme  exclut  quelquefois  l'idée  de  Providence...  ;  il  est  hostile 
à  toute  révélation,  à  toute  tradition...  Le  Théisme,  au  contraire,  ne  suppose 
point  ces  restrictions.  »  (Ad.  Franck,  Opère  citato  :  Théisme). 

Delage  (Marie-Yves)  :  limites  de  la  sélection  naturelle,  II,  613,  1.  — 
Pas  de  preuve  de  la  transformation  des  espèces,  II,  621,  2. 

Délibération  {Deliberatio,  de  deliberatum,  supin  de  deliberare,  peser,  exa- 
miner^ de  de  et  li7)ra,  balance)  :  acte  par  lequel  l'esprit  examine  les  motifs ^et 
les  mobiles  qui  sollicitent  son  adhésion.  —  Délibération  intellectuelle,  357-358. 

—  Part  de  la  volonté,  359. 

Délibéré  [Deliberatus,  de  deliberare,  deliberatum,  peser,  examiner)  :  l'acte 
délibéré  est  un  acte  libre,  fait  après  examen,  en  connaissance  de  cause,  357-358. 

—  S'oppose  à  Indélibéré. 

Délicat,  Délicatesse  (Delicatus,  de  delicise,  tout  ce  qui  charme,  de  delicere, 
allécher,  de  et  lacère,  attirer)  :  entre  plusieurs  sens  ce  mot  indique  :  a)  Quelque 
chose  de  distingué,  de  choisi,  de  recherché,  qui  plaît,  soit  dans  les  objets,  soit 
dans  les  procédés  et  les  actes,  vg.  :  manières  délicates,  art  délicat.  Le  délicat 
se  rapproclie  du  joli,  II,  388.  —  h)  Quelqu'un  difficile  à  contenter,  au  point  de 
vue  physique,  intellectuel  ou  moral  :  goût  délicat,  penseur  délicat,  conscience 
délicate.  —  Qualité  de  la  charité,  II,  207. 

Delille  (Jacques)  ;  le  gcût,  286. 

Délire  [Delirium^  de  Delirus,  extravagant,  de  delirare,  sortir  du  sillon,  de 
la  ligne  droite,  extra  vaguer,  de  de,  hors  et  lira,  sillon)  :  état  morbide  tempo- 
raire, ayant  pour  caractéristiques  le  désordre  et  l'agitation  des  états  de 
■conscience,  la  vivacité  des  images  qui  deviennent  souvent  hallucinatoires,  226. 

Délit  [Delictum,  manquement,  de  delictum,  supin  de  delinquere  =  de- 
linquere,  majiquer,  faire  faute)  :  le  délit  implique  une  faute  moins  grave  que 
celle  que  le  crime  suppose.  —  Légalement,  il  est  punissable  d'une  peine 
correctionnelle.  Cf.  Code  pénal,  art.  1.  —  Voir  Crime. 

Démence  { Dementia,  de  démens  =  de,  hors  de  ;  mens,  esprit)  :  affaiblissement 
et  incohérence  d'esprit,  488. 

Démérite  (composé  de  la  particule  de  [en  latin  dis,  préfixe  séparatifj  et 
mérite)  :  diminution  volontaire  de  notre  valeur  morale,  II,  118-119. 

Démiurge  (Ar,a[o-jpyo;,  qui  travaille  pour  le  public,  artisan,  de  oviato;,  du 
peuple  ;  £;^70v,  œuvre)  :  Platon  [Timée]  appelle  ainsi  le  dieu  fabricateur  du 
monde.  —  Dans  la  philosophie  néoplatonicienne  d'Alexandrie,  c'est  l'âme 
du  monde,  distincte  de  l'Unité  ou  Cause  première. 

Démocratie  ( l'emoc/'ana,  Ar,|AOKfiaTia,  de  ^^ao;,  peuple,  xpaTo';,  puissance)  : 
au  point  de  vue  :  a)  social,  II,  239  :  b)  politique  :  forme  de  gouvernement,  II, 
232  ;  233-235  ;  240.  —  Avantages  et  inconvénients  de  ce  régime,  II,  241.  —  At- 
titudes extrêmes  à  l'égard  de  la  démocratie,  II,  242.  —  Avènement  de  la  dé- 
mocratie, II,  245.  —  Ecole  de  la  Démocratie  chrétienne,  II,  239-240. 


788  TABLE  ANALYTIQUE  :  DémocFite  —  Déontologie 

Démocrite  (Ar,aoxp[To:,  de  ^■^[j.'>;,  peuple,  /-pîvstv,  juger)  :  système 
atomiste,  167  ;  II,  ôOO.  —  Qualités  premières  de  la  matière,  177-178. 

Demolixs  (Edmond)  :  méthode  d'observation  sociale,  754,  2. 

Démon  (Aai'aojv,  dieu,  génie)  :  Soorate  nomme  ainsi  la  divinité  intérieure 
qui,  disait-il,  l'avertissait  de  ses  devoirs.  Peut-être  n'entendait-il  par  là  qua  la 
voix  de  sa  conscience  qu'il  personnifiait. 

Démonstration  [Demonstratio,  de  demonstratum,  supin  de  de-monstrare, 
faire  voir)  :  déduction  qui  repose  sur  des  prémisses  évidentes,  indémontrées 
et  indémontrables.  —  Syllogisme  démonstratif,  561.  —  Nécessité  de  prin- 
cipes indémontrables,  561.  —  Principes  de  la  démonstration  :  axiomes  et 
définitions,  563.  —  Démonstration  et  découverte,  632.  —  Démonstration 
mathématique,  631.  —  Ses  principes  :  a]  principe  communs  :  axiomes,  632  ; 
b)  principes  propres  :  postulats  et  définitions,  633.  —  Démonstration  mathé- 
matique et  syllogisme,  636.  —  Espèces  de  démonstrations  :  analytique  ou 
synthétique,  directe  ou  indirecte  (réduction  à  l'absurde),  637.  —  Règles  des 
axiomes,  définitions  et  démonstrations,  638. 

Démophilie  (de  A^ao;,  peuple  ;  (ptXia,  amour)  :  c'est  le  nom  que  certains 
proposent  de  donner  à  la  Démocratie  considérée  du  point  de  vue  social,  puisque, 
dans  ce  sens,  une  société  démocratique  est  celle  dont  les  forces  sociales  conver- 
gent à  l'améhoration  de  la  classe  populaire,  II,  239.  Cf.  G.  Sortais,  Les  catho- 
liques en  face  de  la  Démocratie,  L.  I,  C.  i,  p.  2-3. 

Dénombrement  (de  Dénombrer,  de  di-numerare,  compter,  de  numerus, 
nombre.  Cf.  voaaw,  diviser)  :  dénombrement  parfait,  605-606  ;  imparfait, 
684  ;  800.  —  Dénombrement  complet  des  caractères,  690  ;  692. 

Dénomination  [Denominatio,  de  denominatum,  supin  de  de-nominare, 
dénommer,  de  nomen,  nom,  de  noscere,  apprendre)  :  les  Scolastiques  enten- 
daient par  dénomination  toute  détermination  d'un  objet  qui  permet  de  le 
désigner  de  telle  ou  telle  manière.  On  distingue  les  dénominations  :  a)  intrin- 
sèques (Cf.  Leibniz,  Monadologie,  n.  9),  qui  correspondent  à  ce  que  les  Scola- 
TiQUEs  appellent  les  accidents  absolus,  et  même  parfois  aux  propriétés  essen- 
tielles des  êtres  ;  b)  extrinsèques,  qui  correspondent  aux  accidents  relatifs, 
c'est-à-dire  aux  relations  qu'un  objet  soutient  avec  d'autres  objets.  —  Port- 
Royal  regarde  ce  terme  comme  synonyme  de  ce  qui  est  accidentel  :  «  J'appelle 
manière  de  chose  ou  mode,  ou  attribut,  ou  qualité,  ce  qui,  étant  conçu  dans  la 
chose  et  comme  ne  pouvant  subsister  sans  elle,  la  détermine  à  être  d'une 
certains  façon  et  la  fait  nommer  telle.  »  [Logique,  Partie  I,  Ch.  n). 

Dénoter,  Dénotât!!,  Dénotation  (de  De-notare,  denotatum,  désigner,  de  nota, 
marque,  note,  de  noscere,  apprendre)  :  la  connotation  d'un  terme  correspond 
à  la  compréhension  d'un  concepL  ;  la  dénotation,  à  Vextension  ;  donc  la  connota- 
tion indique  certains  attributs  ;  la  dénotation,  un  sujet  ou  classe  de  sujets,  515. 
Certains  noms,  ceux  qui  désignent  un  sujet  par  une  de  ses  qualités,  sont  à  la 
fois  connotatifs  et  dénotalifs  :  ils  connotent  un  attribut  et  ils  dénotent  un  sujet, 
vg.  blanc,  515,  3.  Stuart  Mill  (Système  de  Logique  déductive  et  inductive, 
L.  I,  Ch.  II,  §  5)  considère  cette  distinction,  empruntée  à  la  Scolastique, 
Il  comme  une  de  celles  qui  entrent  le  plus  avant  dans  la  nature  du  langage.  » 
—  Les  noms  connotatifs  sont  aussi  appelés  dénominatifs.  Cf.  Dénomination. 

Déontologie  (to  fîsov,  ce  qu'il  faut  faire,  le  devoir  ;  Xo'yo;,  discours)  :  théorie 
des  devoirs  relatifs  à  telle  ou  telle  classe  sociale.  Terme  employé  par  Bentham  : 
Deontûlogy  or  tiie  science  of  morality,  Londres,  1834.  Cf.  II,  51,  2. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Déontologismc  —  Désinence  789 

Déontologisme  (to  âe'ov,  ce  qu'il  faut  faire  ;  Xoyoç,  discours)  :  système  moral 
fondé  sur  la  notion  du  devoir.  C'est  rationnel,  car  l'homme  a  des  devoirs  avant 
d'avoir  des  droits,  II,  135-136. 

Dépense  (du  bas  latin  dispensa,  de  dis  pensum,  supin  de  dis-pendere,  peser, 
payer)  :  budget,  emprunts,  dette  publique,  II,  361. 

Dépersonnalisation  (de  Dé,  particule  séparative,  en  latin  dis,  et  personne)  : 
■  état  morbide,  dans  lequel  le  moi  perçoit  ses  actes  et  ses  paroles  comme  s'ils 
appartenaient  à  un  autre,  151-152.  Cet  état  est  caractérisé  surtout  par  un 
sentiment  «  d' incomplétude  »  (Pierre  Janet). 

Dépressif  (de  Depressum,  supin  de  deprimere  =  de-preniere,  presser  de  haut 
en  bas,  abaisser)  :  passion  dépressive,  123.  —  Douleur  dépressive  66. 

Dérivé  (de  Dériver,  de  de-rivare,  derivatum,  détourner,  de  de,  en  dehors, 
rivus,  ruisseau)  :  fait  dérivé  :  hallucination,  173.  —  Loi  dérivée,  621  ;  700.  — 
Principes  dérivés,  288-290. 

Dernier  (pour  derrenier,  dérivé  de  derrain,  contraction  de  deerrain,  qui  est 
la  forme  euphonique,  de  dererain,  du  latin  populaire  deretranwn,  de  de  et 
rétro,  derrière)  :  fin  dernière,  332  ;  II,  46,  2. 

Désagrégation  (de  Désagréger,  de  dés,  préfixe  privatif  —  latin  dis,  et 
agréger,  de  aggregare  =  ad-gregare,  réunir,  de  ad,  vers,  grex,  gregis,  troupeau)  : 
désagrégation  psychologique  (expression  due  à  Pierre  Janet)  :  état  morbide 
où  le  moi  est  incapable  de  synthétiser  les  phénomènes  psychiques,  151-152. 

Descartes  (René)  :  A)  Psychologie  :  méthode  psychologique,  8.  — 
Classification  des  facultés,  44-45.  —  Origine  du  plaisir,  60-61.  —  Nature  de 
l'instinct,  108.  —  Classification  des  passions,  124. —  L'âme  pense  toujours,  154. 
—  Théorie  de  l'inférence,  173.  —  Qualités  premières  et  secondes  de  la  matière, 
178.  —  Empreintes  cérébrales  pour  la  conservation  des  idées,  196-197.  —  Juge- 
ment ramené  à  la  volonté,  270.  —  Bon  sens  égal  chez  tous,  287.  —  Idées  innées, 
312.  —  Notion  de  substance,  322.  —  Objection  contre  les  causes  finales, 
335-338.  —  Origine  de  l'idée  de  parfait,  342.  —  Nature  passive  de  l'habitude, 
421.  —  Langue  universelle,  461,  3.  —  Rêve  et  veille,  476,  1.  —  L'âme-machine 
des  bêtes,  108-109  ;  492,  4. 

B)  Logique  :  classification  des  sciences,  587,  2.  —  Règles  de  la  Méthode, 
603.  —  Doute  méthodique,  773-774.  —  Causes  de  l'erreur,  271  ;  604;  806  —L'er- 
reur est  dans  le  jugement,  796.  —  Erreur  matérielle,  796-797.  —  Culpabilité  de 
l'erreur,  807-808.  —  Dédain  de  l'autorité,  811-^12.  —  La  véracité  divine  et 
l'évidence,  818.  —  Attaques  contre  la  méthode  syllogistique,  842,  2.  —  Excel- 
lence de  la  méthode,  843-844. 

C)  Morale  :  critérium  du  bien  et  du  mai,  II,  107. 

D)  Métaphysique  :  Espace  et  temps,  II,  502.  —  Mécanisme  géométrique 
de  la  matière,  II,  508.  —  Mécanisme  de  la  vie,  II,  524.  —  Esprits  animaux,  II, 
545.  —  Union  de  l'âme  et  du  corps,  II,  544,  3  ;  545,  2.  —  Preuve  de  l'existence 
de  Dieu  tirée  de  l'idée  de  parfait,  II,  566.  —  Preuv?  ontologique,  JI,  570,  2.  — 
La  conservation,  II,  637,  1. 

Description  {Descriptio,  da  descriptum,  supin  de  de-scribere,  copier,  trans- 
crire, représenter)  :  définition  descriptive,  524. 

Desdouits  (Théophile)  :  critique  de  Kant,  II,  436,  1. 

Désinence  (du  latin  scolastique  Desinentia,  de  de-sinere,  s'abstenir, 
cesser)  :  terminaison  qui  exprime  les  flexions,  456. 


790  TABLE  ANALYTIQUE  :  Désintégration  —  Détermination 

Désintégration  (de  Dés,  particule  privative,  en  latin  dis,  et  intégration)  : 
destruction  de  l'intégrité  d'un  tout.  —  Pour  Spencer,  c'est  une  transformation 
inverse  de  l'intégration,  II,  627-629. 

Désintéressé,  Désintéressement  (de  Désintéresser,  de  dés,  préfixe  privatif, 
et  intéresser)  :  celui  qui  n'agit  pas  en  vue  de  son  intérêt.  —  Inclinations  désin- 
téressées, 93-94  ;  95.  —  Vertu  désintéressée,  II.  78-79  ;  121-122.  —  Charité 
désintéressée,  II,  207.  —  Plaisir  du  beau,  II,  380  ;  387. 

Désir  (substantif  verbal  de  Désirer,  de  desiderare,  de  de,  particule  privative, 
et  sidus,  sideris,  astre,  constater  l'absence  d'un  astre  ;  d'où  regretter)  :  tendance 
spontanée  et  consciente  pour  atteindre  une  fin  qui  plaît.  —  Amour  et  désir,  82. 

—  Désir  du  bonheur,  84.  —  Passion,  122.  —  Désir  et  volonté  (Condillac),  361. 

—  S'oppose  à  Aversion. 

Désitif  (de  Desitum,  supin  de  de-sinere,  s'abstenir,  cesser)  :  les  propositions 
désitives  indiquent  qu'une  chose  ou  un  état  a  cessé  d'être  on  d'être  tel  ;  vg.  Le 
français  n'est  plus  la  langue  diplomatique.  —  S'oppose  à  Inceptif. 

Despotisme  (de  Despote,  de  osttot-/;;,  maître)  :  autorité  oppressive  qui  viole 
à  son  profit  les  droits  de  ses  subordonnés.  —  Résistance  au  despotisme,  II, 
289-291. 

Dessin  (substantif  verbal  de  dessiner,  de  l'italien  disegnare,  de  de-signare, 
marquer,  désigner,  de  signum,  signe)  :  arts  du  dessin,  II,  408. 

Destin  (substantif  verbal  de  destiner,  de  destinare,  de  de  et  stanare  ou 
stinare,  fixer)  :  fatum  des  anciens,  375  ;  376.  —  Ce  mot  signifie  non  seulement 
la  puissance  qui  fixerait  les  événements,  mais  encore  l'ensemble  des  événements 
fixés  par  elle  qui  composeraient  la  trame  de  la  vie  d'un  être. 

Destination,  Destinée  (de  Destin)  :  ces  mots  ont  d'abord  le  même  sens  que 
destin,  puis  ils  indiquent  la  finalité  d'un  être,  c'est-à-dire  l'avenir  en  vue  duquel 
il  a  été  fait  et  qui  rend  compte  de  sa  nature.  —  Fin  dernière  de  l'homme,  332  ; 
II,  46,  2.  —  Problème  de  la  destinée  humaine,  II,  549-552. 

Destutt  de  Tracy  (Antoine-Louis)  :  supériorité  du  langage  vocal, 
439,  4.  —  Le  besoin,  fondement  du  droit,  II,  133. 

Déterminant  (de  Déterminer,  de  de-terminare,  tracer  des  limites,  de  terminus, 
limite,  i'£p[-ta,  borne)  :  ce  qui  fixe  ou  limite  un  objet.  —  Antécédent  déterminant, 
327-328  ;  331-332  ;  665.  —  L'acte  détermine  la  puissance,  48  ;  II,  465  ;  630-631. 

—  La  différence  spécifique  détermine  le  genre,  253  ;  522.  —  La  forme  déter- 
mine la  matière,  II,  516. 

Déterminatif  (de  Déterminer,  de  de-terminare,  tracer  des  limites)  :  ce  qui  sert 
à  limiter  un  terme  ou  une  proposition.  —  Dans  un  terme  complexe  l'addition 
faite  au  terme  simple  est  déterminative  quand  elle  précise  et  restreint  le  sens 
du  terme  simple.  Une  proposition  incidente  sera  donc  déterminative  quand  elle 
restreindra  le  terme  auquel  elle  se  rapporte  ;  vg.  Les  tragédies,  qu'a  composées 
Racine,  sont  des  chefs-d'œuvre.  —  La  proposition  incidente  est  explicative 
quand  elle  ne  restreint  pas  le  terme  auquel  elle  se  rapporte.  Cf.  Explicatif. 

Détermination  [Determinatio,  de  de-terminare,  délimiter)  :  ce  mot  signifie  : 
a)  L'acte  volontaire  qui  termine  la  délibération,  358  ;  358-359.  —  b)  L'acte 
qui  fixe  la  nature  ou  les  bornes  d'un  objet  de  la  pensée  ;  vg.  en  spécifiant  les 
carat  lèivs  qui  servent  à  distinguer  un  concept  d'un  autre,  comme  le  concept 
liomme  et  le  concept  oiimal,  253.  —  c)  La  relation  qui  unit  tellement  deux 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Déterminé  — •  Devoirs  envers  Dieu        791 


e  la 
ion. 


éléments  de  connaissance  que,  si  l'un  est  posé,  l'autre  l'est  aussi  ;  vg.  tell 
relation  qui  unit  le  propre  à  l'essence,  253.  —  S'oppose  à  Indéter minât 

Déterminé  (de  Déterminer,  de  de-terminare,  délimiter)  :  a)  Ce  dont  la 
nature  ou  les  limites  sont  nettement  définies.  —  b]  Indique  le  terme  du  passage 
de  la  puissance  à  l'acte  ;  vg.  quand  la  volonté  pose  tel  acte,  elle  passe  de  l'indé- 
termination à  la  détermination,  358. 

Déterminisme  (de  Déterminer,  de  de-terminare,  délimiter)  :  Sens  général  : 
doctrine  philosophique  d'après  laquelle  tous  les  événements  de  l'univers, 
y  compris  les  actions  humaines,  sont  tellement  liés  entre  eux  que  les  événements 
postérieurs  résultent  nécessairement  des  événements  antérieurs  et  qu'il  n'y 
ait  qu'une  seule  résultante  possible.  —  Objections  des  déterministes  contre 
Ja  liberté,  371-372.  —  Déterminisme  en  général,  383.  —  Déterminisme  :  a)  scien- 
tifique, 383  ;  b)  physique  et  physiologique,  390  ;  c)  psychologique,  392.  —  Prin- 
cipe du  déterminisme,  290  ;  678  ;  680.  —  Déterminisme  des  lois  historiques 
et  sociales  :  sa  mesure,  753-754.  —  Ce  mot  Déterminisme  semble  avoir  été 
forgé  en  Allemagne  vers  le  premier  quart  du  xix®  siècle. 

Détracteur,  Détraction  IDetractor,  detractio,  de  detractum,  supin  de  de- 
trahere,  tirer  à  bcS,  rabaisser)  :  le  détracteur  rabaisse  le  mérite  des  autres  et 
porte  atteinte  à  leur  réputation,  II,  206-207. 

Développement  (de  Développer,  de  dé,  préfixe  séparatif,  en  latin  dis,  et  du 
radical  de  envelopper)  :  croissance  de  ce  qui  est  contenu  dans  un  germe.  —  Arrêt 
dans  le  développement  des  organismes,  II,  612-613. 

Devenir  (  De-venire,  arriver)  :  a)  le  devenir  s'oppose  à  l'être  :  c'est  la  série 
des  changements.  Les  Scolastiquf.s  traduisent  cette  opposition  en  disant  : 
In  fieri,  In  jacto  esse.  —  La  Philosophie  allemande  est  une  philosophie  du 
devenir,  xxxi,  2. —  Le  devenir  d'après  :  1^^)  Fitche,  II,  604;  2°)  Hegel,  II,  605. 
—  h)  C'est  le  passage  d'un  état  à  l'autre  :  tout  être  créé  se  fait,  devient,  48. 

Déviation  (de  Dévier,  de  deviare,  de  de  et  via,  en  dehors  du  chemin,  de 
vehere,  voiturer)  :  écart  du  droit  chemin.  —  La  vertu  évite  toute  déviation, 
II,  128. 

Devoir  (du  latin  Debere,  devenu  deveir,  devoir)  :  ce  qui  doit  être  fait.  — 
Loi  morale  et  devoir,  II,  37.  —  Devoir  et  obligation,  II,  37.  —  Existence  du 
devoir,  II,  42.  —  Ses  caractères,  II,  44.  —  Nature  du  devoir  d'après  Kant,  IL 
9G  ;  100.  —  Morale  du  devoir  ou  du  bien  rationnel,  II,  101.  —  Fondements 
erronés  de  l'obligation,  II,  108.  —  Vrai  fondement,  II,  110.  —  Rapports  du 
devoir  et  du  droit,  II,  135-139.  —  Division  des  devoirs  d'après  :  a)  hitr  forme, 
II,  148  ;  b)  leur  matière,  IL  149.  —  Egalité  des  devoirs  d'après  les  Stoïciens, 
II,  149.  —  Devoirs  envers  les  animaux  ?  II,  150.  —  Conflit  des  devoirs,  II,  150. 

Devoirs  civiques  :  devoirs  :  a)  des  gouvernants,  II,  265  ;  h)  des  gouvernés, 
n,  274. 

Devoirs  domestiques  :  devoirs  :  a)  des  époux,  II,  211  ;  b)  des  parents.  II, 
216  ;  c)  des  enfants,  II,  216  ;  d)  des  maîtres  et  des  serviteurs,  II,  217  ;  e)  des 
patrons  et  des  ouvriers,  II,  217. 

Devoirs  envers  les  autres,  II,  161.  —  Devoirs  de  justice  relatifs  :  a)  à  la  vie 
d'autrid,  II,  166  ;  b\  à  Vâme  d'autrui.  II,  168  ;  c\  aux  biens  matériels  d'autrui, 
II,  188  ;'  192-193  ;  d)  aux  biens  spiritu.'ls  d'autrui,  II,  206.  —  Devoirs  de  charit>\ 
II,' 207.' 

Devoirs  envers  Dieu  :  II,  331-333. 


792     TABLE  ANALYTIQUE  :  Dcvoifs  întemationaux  —  Dichotomie 

Devoirs  internationaux  :  II,  313. 

Devoirs  personnels  :  existence  et  fondements,  II,  153.  —  Devoirs  relatifs  : 
a)  au  corps,  II,  156  ;  b)  à  l'âme,  II,  158. 

Dévouement  (de  Dévouer,  de  dé  et  vouer,  sous  l'influence  de  de-vovere, 
consacrer!  :  94  ;  II,  163. 

Dialectique  (la)  (Dialectica  Ars,  %  AiaÀô/.Tt/.r,  TÉ/vr,  de  C'.a-Aî'vw, 
converser^  discuter)  :  les  anciens,  notamment  Aristote,  d'après  Diogèxe 
Laërte,  attribuent  à  Zenon  d'Elée  l'invention  de  la  Dialectique  ou  art  de 
discuter,  et  disent  que  les  Mégariques  y  ont  excellé.  (Voir  Éristique).  —  Chez 
Platon,  la  Dialectique  consiste  à  distinguer  les  genres  et  les  espèces  et  à 
expliquer  les  choses  par  les  Idées  en  s'élevant  du  sensible  à  l'intelligible  jusqu'à 
l'Idée  suprême  du  Bien.  —  Aristote  oppose  V Analytique  et  la  Dialectique. 
La  première  a  pour  objet  la  déduction  fondée  sur  des  prémisses  nécessaires  : 
c'est  la  Logique  de  la  démonstration,  561-563.  La  seconde  a  pour  objet  les 
raisonnements  appuyés  sur  des  opinions  probables  :  c'est  la  Logique  de  la 
probabilité  {Topiques,  L.  I,  Ch.  i,  §  5).  A  côté  de  ce  sens  favorable,  où  elle  est 
synonj'me  de  force  de  raisonnement,  la  Dialectique  a  quelquefois,  dès  cette 
époque,  le  sens  défavorable  de  vaine  subtilité  :  AtaXsxTixwç  eïpr.vTa-.  xai 
x£vw;.  (Aristote,  De  Anima,  L.  I,  C.  i,  §  8).  —  Pour  les  Scolastiques,  la 
Dialectique  est  Fart  de  raisonner,  c'est  la  Logique  formelle  :  elle  fait  partie 
du  Trivium,  587.  —  Kant  définit  la  Dialectique  en  général  la  «  Logique  de 
l'apparence  »  et  nomme  dialectiques  les  raisonnements  illusoires.  Il  distingue 
les  apparences  logiques,  empiriques  et  transcendantales .  Ces  dernières  pro- 
viennent de  la  constitution  même  de  notre  esprit,  qui  s'imagine  pouvoir  déter- 
miner la  nature  et  l'essence  de  l'âme,  du  monde  et  de  Dieu.  La  Dialectique 
transcendantale  a  pour  objet  de  démontrer  que  cette  tendance  «  naturelle  et 
inévitable  »  de  notre  esprit  est  une  illusion,  dont  il  faut  se  garder  avec  soin, 
II,  32.  —  Pour  Hegel,  la  Dialectique  consiste  à  mettre  en  évidence  l'union 
des  contradictoires  et  à  trouver  le  principe  de  cette  union  dans  une  synthèse 
supérieure  :  l'évolution  de  la  pensée  se  fait  par  thèses,  antithèses  et  synthèses, 
II,  605.  —  Étant  donnée  cette  variété  de  sens  attribuée  à  la  Dialectique,  on 
ne  doit  employer  ce  terme  qu'en  précisant  la  signification  où  on  le  prend. 

Dialectique  (A'.aXc/.Tix.o;,  qui  concerne  la  discussion,  de  oic/Xé-fi».  conver- 
ser) :  0  1  Syllogisme  dialectique  :  celui  dont  les  prémisses  ne  sont  que  probables. 
Aristote  l'oppose  au  syllogisme  apodictique  ou  démonstratif  (Cf.  Topiques, 
L.  I,  Ch.  i,  §  4,  5),  561.  b)  Aristote  (Ibidem,  Ch.  m,  §  2)  distingue  quatre  attri- 
buts dialectiques  :  définition,  genre,  propre,  accident,  dont  Porphyre  a  fait  les 
Prédicables,  252-253  ;  516. 

Diallèle  (Ai'àXXrÀoiv,  l'un  par  l'autre)  :  c'est  le  nom  donné  au  cercle  vicieux 
(AiaAÀr/o;  toottoç),   801  ;    l'un  des  cinq  tropes    énumérés    par    Agrippa,    II, 
422  ;  423.  ' 

Diamétralement  (de  Diamétral,  de  diametralis,  de  otaasrpoi;,  diamètre,  de 
oi'a,  à  travers,  aîTpov  mesure)  :  ce  terme  aristotélicien  indique  l'opposition 
des  contradictoires.  Cf.  le  Tableau  des  oppositions,  532. 

Dichotomie  (A:/oTo;xta,  de  o'.xo'tc.;/o;,  coupé  en  deux  =  5î/.a,  en  deux  parties  ; 
To;,'.-/],  coupuiei  :  distribution  de  chaque  genre  en  deux  parties  contradictoires, 
.'Ï27-  —  Les  anciens  appelaient  ainsi  l'un  des  arguments  de  Zénon  d'Elée. 
Cet  argument  a  été  aussi  appelé  V  Achille,  parce  que  Zénon  prenait  comme 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Dichotomïque  —  Dieu  793 

exemple  Achille  aux  pieds  légers  poursuivant  une  tortue.  «  Un  mobile  plus  lent 
ne  peut  être  rejoint  par  un  plus  rapide,  car  celui  qui  poursuit  doit  toujours 
arriver  au  point  occupé  par  celui  qui  est  poursuivi  et  où  celui-ci  n'est  plus 
[quand  l'autre  y  parvient]  ;  de  sorte  que  le  premier  conserve  toujours  une 
avance  sur  le  second.  »  (Cf.  Aristote,  Physique,  L.  VI,  Ch.  ix,  §  3). 

Dichotomique  (At/oVoy-oç,  divisé  en  deux)  :  division   logique,    527. 

Dictamen  (de  Dictare,  répéter,  dicter,  de  dicere,  dire)  :  dictamen  de  la 
conscience  :  ce  qu'elle  ordonne  ou  défend. 

Dictum  de  omni,  Dictum  de  nullo  :  principe  du  syllogisme  ainsi  formulé 
par  Aristoti:  :  «  Tout  ce  qui  est  affirmé  du  prédicat  peut  être  affirmé  du 
sujet.  »  (Catégories,  Ch.  ii,  §  3).  P'orme  négative  :  Tout  ce  qui  est  nié  du  prédicat 
peut  être  nié  du  sujet.  Les  Scolastiques  ont  interprété  la  formule  d'ARisToiE 
du  point  de  vue  de  Vextension,  555. 

Didactique  (la)  (AtoaxTtxoç,  propre  à  instruire,  de  otâa(7xcij,  enseigner)  :1a 
Didactique  est  cette  branche  de  la  Pédagogie  qui  se  rapporte  à  l'enseignement. 

Dieu  (de  Deum)  :  Dieu  et  les  créatures  ;  Dieu,  acte  pur,  48  ;  II,  577.  — 
Amour  de  Dieu,  97  ;  II,  333.  —  Formation  de  l'idée  de  Dieu,  343.  —  Idée  de 
Dieu,  synthèse  de  toutes  les  notions  et  vérités  f)remières,  344.  —  Morale  indé- 
pendante de  l'idée  de  Dieu,  II,  7-12.  —  Fondement  de  la  distinction  du  bien 
et  du  mal  :  volonté  arbitraire  de  Dieu  (Occam,  Descartes),  II,  107.  —  Fon- 
dement de  l'obligation  morale  :  a)  volonté  arbitraire  de  Dieu  (Pufendorf), 
II,  110;  b)  volonté  inflniment  sage  de  Dieu,  II,  110-111.  —  Nécessité  de  la 
sanction  fondée  sur  la  nature  de  Dieu,  II,  120-121  ;  124.  —  Tout  devoir  découle 
du  droit  absolu  de  Dieu,  II,  135-136.  —  Suicide  :  contraire  au  droit  de  Dieu, 
II,  156-157.  —  Dieu  peut  dispenser  des  préceptes  secondaires  du  droit  naturel, 
II,  141-142.  — ■  Toute  autorité  vient  de  Dieu,  II,  223.  —  Devoirs  envers  Dieu, 
II,  331-333.  —  Les  droits  de  Dieu  et  la  Révolution,  II,  348-349.  Cf.  296-299. 
—  Dieu,  beauté  suprême,  II,  412-413. 

Nécessité  et  possibilité  de  démontrer  l'existence  de  Dieu,  II,  555.  —  Classi- 
fication des  preuves  de  l'existence  de  Dieu,  II,  556.  —  Preuves  :  a)  Contingence 
du  monde,  II,  557  ;  b)  Mouvement  de  la  matière,  II,  560  ;  c)  Causes  finales,  II, 
561  ;  d)  Consentement  universel,  II,  563  ;  e)  Aspirations  de  l'âme,  II,  565  ; 
/)  Idée  de  parfait,  II,  566  ;  g)  Vérités  éternelles,  II,  567  ;  h)  Existence  du  (levoir, 
II,  568  ;  i)  Preuve  ontologique,  II,  569.  —  L'Etre  nécessaire  est  parfait,  II,  572. 

Attributs  divins  :  II,  576  :  a)  métaphysiques,  II,  577  ;  b)  moraux  :  méthode 
pour  les  déterminer,  II,  580  ;  leur  détermination,  II,  581.  —  Science  et  sagesse 
de  Dieu,  II,  581.  —  Science  des  futurs  conditionnels,  584.  —  Amour,  bonté, 
véracité,  II,  595.  —  Toute-puissance  et  liberté,  II,  597.  —  Personnalité  divine, 
II,  598. 

Rapports  de  Dieu  et  du  monde  :  Dieu  créateur,  II,  633.  —  Dieu  Providence  : 
conservation,  II,  637.  —  Concours  divin,  II,  638.  —  Gouvernement  du  monde, 
II,  639.  —  Le  miracle,  II,  640.  —  Objections  contre  la  Providence  :  a)  Mal 
métaphysi,que,  II,  643  ;  b)  Mal  physique,  II,  644  ;  c)  Mal  moral,  II,  644. 

Valeur  du  monde  :  Optimisme  :  a)  absolu,  II,  646  ;  h)  relatif,  II,  647.  — 
Pessimisme  :  a)  absolu,  648  ;  b)  relatif,  649.  —  Solution  du  problème  :  opti- 
misme relatif,  II,  649-650. 

Dieu  et  l'immortalité  de  l'âme,  II,  549-552.  —  Prescience  divine  et  liberté 
humaine,  378-382.  —  Bonté  divine  et  liberté  humaine,  382. 


794         TABLE  ANALYTIQUE  :  Diffamation  —  Directoire  européen 

Diffamation  {Di^amatio,  de  diffamatum,  supin  de  diffamare,  divulguer, 
diiïamer,  de  dis,  préfixe  séparatif,  et  fama,  réputation,  de  fari,  parler)  :  atteinte 
à  la  réputation  du  prochain,  II,  206-207. 

Différence  {Differentia,  de  differre  =  dis-ferre,  disperser,  séparer)  :  relation 
d'altérité.  —  Origine  de  cette  notion,  148.  —  a)  En  général,  tout  caractère 
permettant  de  distinguer  une  chose  d'une  autre,  uneidée  d'une  autre.  —  b)  Diffé- 
rence spécifique  :  ce  qui  distingue  une  espèce  des  autres  espèces  contenues  dans 
le  même  genre,  253  ;  522.  —  La  différence 'numérique  est  une  différence  acci- 
dentelle, qui  distingue  un  individu  d'un  autre  ;  vg.  la  science.  —  Pour  parler 
strictement,  il  ne  faut  pas  confondre:  1°)  différence,  qui  se  rapporte  aux  espèces 
d'un  même  genre  ;  2°)  diversité,  qui  s'applique  aux  genres  comparés  entre  eux  ; 
3°)  distinction,  qui  se  dit  des   individus  d'une  même  espèce. 

Différence  (Méthode  de)  :  a)  directe,  668-669  ;  672  ;  690  ;  b)  indirecte,  669,  2. 

Différenciation  (de  Differentiare,  latin  scolastique,  différencier,  de  diffe- 
rentia)  :  chez  Spencer  :  «  Passage  de  l'homogène  à  l'hétérogène  »,  c'est-à-dire 
transformation  d'éléments  semblables  en  éléments  différents,  II,  626-627. 

Différentiel  (de  Différence)  :  on  nomme  Calcul  différentiel  l'introduction  de 
quantités  infiniment  petites  dans  l'Analyse  mathématique. 

Dignité  [Dignitas,  titre,  médite,  de  dignus,  qui  mérite)  :  principe  de  la 
dignité  humaine  d'après  Kant,  II,  154-155.  —  La  dignité  de  la  personne  n'est 
que  le  fondement  prochain  de  la  morale,  II,  155.  —  Respect  de  la  dignité  de 
la  personne,  II,  98  ;  101. 

Dilemme  (Dilemma,  AOve;jiua,  de  ^îç,  deux  fois  ;  ^r^tj-ixt,  ce  qu'on  prend  ou 
reçoit  ;  prémisse  du  syllogisme)  :  argument,  550.  —  Dilemme  de  Lequier, 
386,  2;  IL  439-441. 

Dilettante,  Dilettantisme  (de  l'italien  Dilettante,  qui  se  délecte,  amateur)  : 
420.  —  Le  Dilettantisme  philosophique  est  une  forme  du  scepticisme  :  le  dilet- 
tante s'intéresse  au  mouvement  des  idées  et  des  doctrines  en  se  désintéressant 
de  leur  vérité  ou  fausseté. 

Dimension  [Dimensio,  de  dimensum,  supin  de  di-metiri,  mesurer  dans 
tous  les  sens)  :  grandeur  réelle  qui  seule  ou  avec  d'autres  détermine  la  grandeur 
d'une  figure  mesurable.  —  Figures  à  deux  ou  trois  dimensions,  626. 

Diminution  [Diminutio,  de  diminutum,  supin  de  di-minuere,  dans  le  sens 
de-ininuere,  retrancher,  amoindrir)  :  diminution  de  la  conscience,  419  ;  II,  123 

Diplomatique  (du  latin  scientifique  Divlomaticus,  de  Diploma,  AîtiXo)!/.* 
6i7:Àwp.«To;,  document  écrit  sur  deux  feuilles  pliées,   diplôme)  :  langue  diplo 
matique  universelle,  462. 

Diplopie  (AtTuXo'oç,  double;  w\,  wtto;  ,  œil)  :  anomalie  de  la  vision,  qui 
consiste  à  percevoir  une  double  image  visuelle  au  lieu  d'une  imago  unique 

Direct  [Directus,  mené  droit,  de  directum,  supin  de  dirigera  =  dis-regere 
mettre  en  ligne  droite)  :  ce  qui  est  droit,  sans  détour.  —  Conscience  directe 
138-139.  —,  Domaine  direct,  II,  189.  —  Impôt  direct,  II,  278.  —  Pouvoir 
direct  de  l'Elglise  sur  le  temporel  ?  II,  343. 

Direction  (Directin,  de  directum,  supin  de  dirigere,  mettre  en  ligne  droite, 
guider)  :  ligne  de  conduite  qu'on  suit.  —  Direction  d'intention,  II,  32-33. 

Directoire  européen  :  essai  d'organisation  internationale,  II,  317. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Dirimaiit  —  Disposition  795 

Dirimant  (participe  présent  de  Dirimer,  de  dirimere  =  dis-emere,  séparer, 
briser)   :  empécliement  dirimant,  II,   210. 

Disamis  :  mode  de  la  troisième  figure.  539. 

Discontinu  (du  latin  scolastique  Discontinuus,  du  préfixe  privatif  dis  et 

de  conlinuus,  de  continere  =  cum-tenere,  tenir  fortement,  être  joint)  ;  quantité 
discontinue,  c'est-à-dire  dont  les  parties  sont  séparées,  625.  —  S'oppose  à 
Continu. 

Discret  [Discretus,  participe  passé  de  dis-cernere,  discretum,  séparer,  de 
cernere,  cretum,  tamiser,  diviser)  :  quantité  discrète.  Ce  terme  s'emploie  quelque- 
fois comme  synonyme  de  Discontinu,  625. 

Discrétif  (de  Discretum,  supin  de  dis-cernere,  séparer)  :  la  proposition 
discrétive  est  une  proposition  composée,  qui  renferme  deux  assertions  expri- 
mant une  distinction  ou  une  opposition  ;  vg.  L'homme  e^t  intelligent,  la  pierre 
ne  l'est  pas.  Je  perdrai  la  vie,  non  l'honneur. 

Discrétion  [Discretio,  séparation,  de  discretum,  supin  de  dis-cernere,  séparer)  : 
les  Néo-Criticistes  opposent  au  déterminisme  universel,  comme  une  loi 
cosmologique,  la  loi  de  discrétion  des  phénomènes.  Ils  ont  remarqué,  en  efîet, 
que  l'addition  ou  la  soustraction  d'une  unité  suffit  pour  modifier,  d'une  façon 
subite  et  absolue,  les  quantités  discrètes,  tandis  que  les  quantités  continues 
varient  d'une  façon  insensible  et  relative. 

Discrétionnaire  (de  Discrétion)  :  un  pouvoir  discrétionnaire  est  un  pouvoir, 
non  déterminé  par  la  loi,  mais  laissé  au  discernement  de  celui  qui  en  use  : 
de  là  vient  qu'on  emploie  parfois  ce  mot  dans  le  sens  de  pouvoir  arbitraire. 

Discrimination  (de  Discriminatum,  supin  de  dis-criminare,  distinguer,  de 
dis-crimen,  intervalle,  différence,  instant  décisif)  :  ce  terme,  d'importation 
anglaise,  indique  l'acte  par  lequel  l'esprit  discerne  les  uns  des  autres  les  objets 
concrets  de  la  pensée  :  vg.  on  a  déterminé  la  plus  petite  différence  de  tempé- 
rature, de  lumière,  etc.,  discernée  par  les  sens. 

Discursif  (du  latin  scolastique  Discursivus,  de  dis-currere,  courir  çà  et  là)  : 
une  faculté  ou  une  opération  est  discursive  quand  elle  n'atteint  son  but  qu'en 
se  servant  d'intermédiaires.  —  Raison  discursive,  286.  —  Le  raisonnement 
est  une  opération  discursive,  278-279. 

Disjonctif  [Disjunctivus,  de  disjunctum,  supin  de  dis-jungere,  détacher)  : 
la  proposition  disjonctive  affirme  une  alternative,  dont  les  termes  s'excluent 
réciproquement,  530.  —  Syllogisme  disjonctif,  549. 

Disjonction  [Disjunctio,  de  disjunctum,  supin  de  dis-jungere,  détacher)  : 
caractère  d'une  alternative,  dans  laquelle  plusieurs  attributs  possibles,  mais 
s'excluant  mutuellement,  sont  rapportés  à  un  même  sujet  ;  vg.  Pierre  est 
debout,  ou  assis  ou  couché,  549.  —  La  disjonction  est  complète  quand  elle 
énonce  toutes  les  alternatives  possibles,  550. 

Disparate  (Disparatus,  participe  passé  de  dis-parare,  séparer,  diversifier, 
de  dis-par,  dissemblable)  :  les  idées  disparates  sont  celles  qui  ne  sont  unies  ni 
par  le  rapport  de  genre  à  espèce,  ni  par  le  rapport  d'espèce  à  espèce  dans  le 
même  genre,  519. 

Disposition  {Dispositio,  de  dispositum,  supin  de  dis-ponere,  placer  de  çà  et  là, 
distribuer)  :  manière  d'être  naturelle  qui  rend  propre  à  fc.ire  quelque  chose.  — 
Qualité  moins  déterminée  que  l'habitude  à  laquelle  elle  sert  de  genre,  417. 


796  TABLE  ANALYTIQUE  :  Dïsproportion  —  Divergence 

Disproportion  (de  Dis,  préfixe  séparatif  et  proportion)  :  elle  provoque  le 
rire,  II,  392.  —  C'est  une  cause  de  laideur,  II,  383. 

Dissociation  (Dissociatio,  de  dissociatum,  supin  de  dis-sociare.  séparer, 
de  socius,  joint,  uni)  :  opération  par  laquelle  l'esprit  isole  les  uns  des  autres 
des  éléments  qui  étaient  primitivement  agrégés  dans  un  tout.  —  Dissociation 
des  idées,  215  ;  227  ;  228-229.  —  Il  faut  distinguer  la  dissociation  de  V abstraction, 
opération  par  laquelle  l'esprit  considère  à  part  dans  un  objet  un  élément  qui 
n'en  est  pas  séparable,  246. 

Dissolution  (Dissolutio,  de  dissolutum,  supin  de  dis-solvo  [dissoliw],  dissoudre, 
défaire)  :  ce  terme  signifie,  en  général,  la  décomposition  d'un  agrégat  et  le 
retour  des  éléments  agrégés  à  l'indépendance.  —  Chez  Spencer,  s'oppose  à 
évolution,  qui  implique  une  marche  progressive  par  différenciation  et  inté- 
gration, II,  627-629.  —  Pouvoir  de  dissoudre  les  Chambres,  II,  233. 

Distance,  Distant  (Distantia,  distans,  de  dis-stare,  être  éloigné)  :  longueur 
de  l'intervalle  qui  sépare  une  chose  d'une  autre  dans  l'espace,  II,  506.  — 
Perception  naturelle  du  toucher,  179.  —  Est-elle  perception  naturelle  ou 
acquise  de  la  vue  ?  179-180.  —  La  localisation  de  la  sensation  externe  et 
l'objet  distant,  192-193.  —  Action  à  distance,  484. 

Distinct  {Distinctus,  de  distinctum,  supin  de  di-stinguere,  séparer  par  des 
points,  isoler,  distinguer,  de  dis,  préfixe  séparatif  et  stinguere,  piquer)  :  a]  Ce 
qui  est  tenu  pour  autre  par  l'esprit,  b)  Ce  qui  est  réellement  autre,  c)  Ce  qui 
est  différent  de  tout  autre  chose  :  telle  est  la  connaissance  distincte  selon 
Descartes  {Principes,  Part.  I,  §  45).  —  Idée  et  terme  distincts,  518.  —  Dans 
l'ordre  de  la  connaissance,  distinct  est  opposé  à  confus,  518  ;  dans  l'ordre  réel, 
à  identique,  148  ;  II,  472. 

Distinction  (  Distinctio,  de  distinctum,  supin  de  dis-tinguere,  séparer  par 
des  points,  isoler,  distinguer)  :  a)  opération  ou  acte  par  lequel  l'esprit  reconnaît 
qu'une  chose  diffère  d'une  autre  ;  b)  caractère  qui  dislingue  un  objet  d'un 
autre  ;  c)  propriété  qu'ont  deux  ou  plusieurs  objets  d'être  distincts  :  c'est 
l'absence  d'unité,  II,  472.  —  Distinction  réelle  :  absence  d'unité  entre  plusieurs 
choses,  II,  472.  —  Distinction  logique  ou  de  raison  :  absence  d'unité  entre 
plusieurs  concepts  d'une  même  chose.  Elle  est  %#»able  :  1°)  Distinction  sans 
fondement  dans  la  chose.  —  2°)  Distinction  avec  fondement  dans  la  chose  ou 
virtuelle,  II,  472-473.  —  Indices  de  la  distinction  réelle.  473-474.  —  Distinction 
entre  l'âme  et  ses  facultés  :  opinions  :  a)  des  Scolastiques,  38  ;  b)  de  I'École 
écossaise,  39;  c)  de  Bossuet,  40.  —  Distinction  entre  l'essence  de  Dieu  et 
ses  attributs,  II,  577. 

Distraction  [Distractio,  de  distractum,  supin  de  dis-trahere,  tirer  de  côté 
et  d'autre)  :  a)  Dispersion  de  la  pensée  sur  plusieurs  objets,  239.  b)  Inadver- 
tance aux  choses  extérieures  ou  à  une  sensation  qui  devrait  normalement  être 
perçue,  à  cause  de  la  concentration  de  l'esprit  sur  un  point  particulier,  239  ; 
427.' 

Distributif  (Distribulivus,  de  distributum,  supin  de  dis-tribuere,  distribuer, 
répartir,  de  tribuere,  répartir  par  tribus)  :  a)  En  Logique,  ce  terme  désigne 
indifféremment  tous  et  chacun  des  individus  compris'  dans  l'extension  d'un 
genre  ou  d'un  groupe,  251  ;  il  s'oppcse  à  Collectif,  259.  b)  En  Morale,  justice 
disirihutive,  II,  162.  —  Justice  distributive  dans  la  répartition  de  l'impôt, 
II,  279  ;  280.  —  L'addition  et  la  multiplication  logiques  sont  distributives,  569. 

Divergence  (du  latin  scientifique  Divergentia,  pour  devergentia,  pente,  de 
devergens,  participe  présent  de  de-ver  gère,  pencher,  de  dis,    préfixe  séparatif 


TABLE  ANALYRiQUE  :  Divers  —  Dogmatismc  moral  797 

et  vergere,  incliner)  :  écart  progressif  d'éléments  rapprochés  au  point  de  départ. 
—  Divergences  d'opinions,  II,  28-29.  —  Formation  des  espèces  par  divergence, 
II,  fi  14. 

Divers,  Diversité  (Dwersus,  diversitas,  de  dii'ersum,  supin  de  divertere  = 
dis-vertere,  se  détourner,  différer)  :  ces  mots  :  a)  signifient,  en  général,  ce  qui 
s'oppose  à  l'identité,  II,  472.  Ils  ont  pour  synonymes  Autre  (l'eTÊpoç  d'ARis- 
tote)  et  Altérité  ;  b)  indiquent,  dans  un  sens  restreint,  une  différence  quali- 
tative. 

Divisé  (de  Diviser,  du  latin  populaire  divisare  tiré,  par  le  supin  divisum 
de  di-videre,  partager,  de  dis,  préfixe  séparatif  et  racine  vid,  d'où  viduus,  privé 
de)  :  confusion  entre  le  sens  divisé  et  le  sens  composé,  799. 

Divisibilité  (de  Divisible,  de  Divisibilis,  qui  peut  être  divisé,  de  divisum, 
supin  de  di-videre,  partager)  :  divisibilité  de  la  matière  à  l'infini  d'après 
Descartes,  II,  508-509.  ■ —  La  divisibilité  est  la  propriété  de  ce  qui  peut  être 
décomposé  en  parties  de  même  nature.  On  distingue  la  divisibilité  :  a)  mathé- 
matique :  qui,  s'appliquant  à  l'étendue  abstraite,  est  indéfinie  ;  b)  physique  : 
qui,  s'appliquant  à  l'étendue  réelle  des  corps  existants,  est  limitée.  Descartes 
a  prêté  à  l'étendue  concrète  la  propriété  de  divisibilité  à  l'infini,  qui  ne  convient 
qu'à  l'étendue  abstraite. 

Division  [Divisio,  de  divisum,  ^\i])'n\  (\q  di-videre,  partager,  de  la  racine  t^trf, 
d'où  viduus,  privé  de)  :  décomposition  d'un  tout  en  ses  parties.  —  Division  :  a) 
physique  ;  h)  logique,  527.  —  Règles  de  la  division  logique,  527.  —  Division  et 
définition,  527.  —  Division  et  analyse,  604.  —  Analyse  par  division  réelle  ou 
mentale,  618.  —  Division  et  classification,  697.  —  Division  du  travail,  II,  354 

Divorce  {Divortium,  de  divortere,  archaïque,  pour  divertere  =  dis-vertere, 
se  détourner,  se  séparer)  :  rupture  du  lien  conjugal.  —  Son  illégitimité,  II, 
210-211. 

Doctrinaire  (de  Doctrine)  :  on  appelle  Doctrinaires  les  disciples  do  l'École 
politique  fondée,  sous  la  Restauration,  par  Royer-Collard  et  Guizot. 

Doctrine  (Doctrina,  enseignement,  science-,  de  doctum,  supin  de  docere, 
enseigner)  :  ensemble  de  propositions  spéculatives  ou  pratiques,  religieuses 
ou  philosophiques,  qui  sont  liées  entre  elles  de  manière  à  former' un  tout. 

Dogmatisme  (de  Dogmatiser,  du  latin  ecclésiastique  dogmatizare,  établir 
une  ducliine)  :  a)  Ce  mot  signifie,  en  général,  toute  philosophie  qui,  croyant 
à  la  valeur  de  la  raison  humaine,  affirme  certaines  vérités,  II,  450.  On  l'oppose 
au  Scepticisme,  II,  421.  —  b)  Depuis  KANT,ce  molasouvent  un  sens  défavorable, 
parce  qu'il  oppose  le  Dogmatisme  au  Criticisme.  Le  Dogmatisme  consiste 
pour  lui  à  s'appuyer  en  Métaphysique  sur  les  principes  dont  la  raison  se  sert 
depuis  longtemps,  sans  en  avoir  fait,  au  préalable,  la  critique,  c'est-à-dire 
sans  avoir  montré  que  l'usage  qu'elle  en  fait  est  légitime  (Cf.  Critique  de  la 
Raison  pure,  préface  de  la  seconde  édition).  Mais  les  dogmatistes  répondent 
à  Kant  en  prouvant  indirectement  la  valeur  de  la  raison,  II,  450. 

Dogmatisme  moral  :  c'est  le  nom  qu'on  donne  à  la  philosophie  qui  cherche 
à  justitier  la  certitude  par  «  l'action  ».  Se  dit  par  opposition  au  dogmatisme 
intellectuel,  II,  450.  «  Spéculativement,  le  dogmatisme  moral  c'est  l'explication 
de  la  certitude  par  l'action  :  pour  connaître  l'être  et  pour  y  croire,  il  faut 
coopérer  à  se  donner  l'être  à  soi-même.  Pratiquement,  c'est  la  mise  en  œuvre 
de  la  méthode  critique  et  de  la  méthode  ascétique  pour  se  dépouiller  de  toute 
relativité  dans  sa  manière  d'être  et  dans  sa  manière  de  penser.  Il  se  distingue 


798  TABLE  ANALYTIQUE  :  Dogme  —  DouleuF 

nettement  du  scepticisme,  d'après  lequel  nous  sommes  invinciblement  enfoncés- 
dans  le  relatif,  et  du  dogmatisme  illusoire,  d'après  lequel  il  suffit  de  penser  et 
d'avoir  des  idées  pour  être  dans  l'absolu  «  (M.  Blondel  et  L.  Laberthonnière, 
dans  Bulletin  de  la  Société  française  de  Philosophie,  août  1904,  p.  212).    Cf.   II, 

574-576. 

Dogme  [Dogma,  Soytj.a,  ce  qui  paraît  bon,  doctrine,  croyance.  Cf.  ^oxîTv, 
juger  bon)  :  a)  En  Philosophie,  ce  mot  signifie  un  point  de  doctrine  regardé 
comme  fondamental  dans  une  École  et  accepté  par  ses  membres.  —  b)  En 
Théologie,  c'est  l'ensemble  des  vérités  révélées, /{ue  l'Église  propose  à  la  croyance 
des  hommes  et  auxquelles  les  membres  de  l'Église  sont  tenus  de  donner  leur 
adhésion. 

Dolichocéphale  (de  AoXt/o'ç,  long  ;  xecpaX-^,  tête)  :  qui  a  le  crâne  allongé. 
Ce  caractère  sert  à  distinguer  certaines  races  ;  vg.  les  Francs,  les  Anglo- 
Scandinaves,  etc. 

Domaine  (de  Dominicum,  qui  appartient  au  maître,  de  dominas,  maître, 
de  domiis,  maison)  :  domaine  direct  et  indirect,  II,  189.  —  Domaine  éniinent. 
Voir   Eminent. 

Domestique  (Domesticus,  de  la  maison,  de  domus,  maison)  :  ce  qui  concerne 
la  famille.  —  Inclinations  domestiques,  90.  —  Morale  domestique,  II,  208-218. 
—  Domestiques  :  devoirs  envers  leurs  maîtres  et  devoirs  des  maîtres  envers 
eux,  II,  217. 

Dominateur  [Dominator,  de  dominatum,  supin  de  dominari,  être  le  maître, 
de  dominus,  maître)  :  caractère  dominateur  en  histoire  naturelle,  691  ;  695  ; 
700.  —  Taine  fait  consister  l'idéalisation  à  rendre  dominateurs  les  caractères 
dominants  que  fournit  la  nature.  Pour  cela  il  faut  tout  faire  converger  à  la 
manifestation  du  caractère  dominant,  II,  400  ;  402. 

Dommage  (de  l'ancien  mot  Damage,  de  dam,  de  damnum,  perte)  :  lésion 
des  intérêts  d'autrui.  —  Réparation,  II,  194. 

Donné  (Substantif  participe  de  Donner,  de  donare,  gratifier,  de  donum, 
présent,  don)  :  «  Une  philosophie  qui  commence  par  la  psychologie,  prend 
pour  base  le  donné  »  :  c'est  la  «  Philosophie  du  donné  ».  «  J'emploie  ce  mot 
comme  synonyme  d'imniédiat,  de  premier,  de  conscient.  Le  donné  s'oppose 
à  l'inféré,  au  construit,  à  l'hypothétique,  donc  à  tout  objet  en  tant  qu'objet, 
h  tout  non-moi,  à  l'espace  en  tant  que  construit,  à  l'avenir  en  tant  qu'hypo- 
thétique. »  (V.  Egger,  dans  Bulletin  de  la  Société  française  de  Philosophie, 
août  1904,  p.  213).  Bref,  on  entend  par  donné  ce  qui  est  immédiat  et  présent 
dans  l'esprit  avant  toute  élaboration. 

Données  (Participe  passé  employé  substantivement  pour  Quantités  don- 
nées) :  les  données  d'un  problème  sont  les  éléments  connus  qui  servent  à  déter- 
miner une  inconnue.  Les  Anciens  les  appelaient  OroOécs'.ç,  les  hypothèses^ 
vg.  Platon,  309.  —  Données  d'une  science  :  ensemble  des  principes  et  des 
faits  sur  lesquels  s'appuient  ses  recherches  et  raisonnements.  —  Données  de 
la  conscience,  135  ;  147-149.  —  Données  des  sens  :  a)  primitives,  178  ;  h)  acquises, 
181.  —  Leur  difi'érence,  182. 

DoRLODOT  (Henri  de)  :  le  Darwinisme  et  l'orthodoxie,  II,  622,  1.  —  Le 
naturalisme  chrétien,  II,  626,  1. 

Douleur  (de  Dolorem,  de  dolere,  soufîrir)  :  Définition  causale  :  émotion 
pénible  qui  résulte  de  l'activité  contrariée,  57.  —  Rapports  du  plaisir  et  de  la 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Doutc  —  DFoits  (Déclaration  des)  799 

douleur,  57.  —  Douleur,  fait  positif,  59.  —  Origine  de  la  douleur  :  théorie  : 

a]  de  l'intelligence,  60  ;  p)  de  Vactivité,  61.  —  Lois  :  a)  fondamentales,  62  ;  b)  se- 
condaires, 65.  —  Espèces  de  douleurs,  68.  —  Rôle  de  la  douleur  dans  :  a)  la  vie, 
127  ;  b)  l'éducation,  409-410.  —  Objections  contre  la  Providence,  II,  644. 

«  Doute  (Substantif  verbal  de  Douter,  de  dubitare,  de  dubius,  flottant, 
irrésolu,  de  duo,  deux)  :  suspension  du  jugement  en  présence  d'assertions 
opposées,  771.  —  Doute  positif  ou  négatif,  773.  —  Doute  méthodique  {carté- 
sien), 773-774.  —  Doute  systématique  des  Sceptiques,  773-774.  —  Scepti- 
cisme :  a]  absolu,  II,  421  ;  b]  relatif,  II,  425.  —  Folie  du  doute,  488-489. 

Douteux  (de  Doute)  :  a)  suhjectiveni"nt  :  état  d'incertitude  de  l'esprit  : 
conscience  douteuse,  II,  34  ;  h)  objectivement  :  chose  ou  proposition  incertaine, 
771-772. 

Droit  (du  lalin  populaire  drectum  =  directum,  mené  droit,  participe  passé 
de  dirigere,  —  dis-regere,  aligner,  guider)  :  ce  terme  est  dérivé  d'une  métaphore 
géométrique  :  ce  qui  est  tracé  droit  ;  d'où  ce  qui  est  conforme  à  une  règle, 
régula,  de  regere,  conduire.  La  racine  est  la  même  dans  régula  et  di-rectum. 
Donc  être  dans  son  droit,  c'est  être  d'accord  avec  la  règle.  L'opposé  de  droit 
est  exprimé  par  une  métaphore  contraire  :  le  tort,  de  tortum,  tordu,  participe 
passé  de  torquere,  faire  tourner,  tordre.  —  Le  droit  c'est  le  pouvoir  moral 
de  faire  ou  d'exiger  quelque  chose,  II,  131.  —  Caractères  du  droit,  II,  131.  — 
Fondements  divers  assignés  au  droit  :  a)  force  (Hobbes)  ;  b)  besoin  (Destutt 
DE  Tracy)  ;  c)  utilité  sociale  (St.  Mill)  ;  d)  liberté  (Cousin)  ;  e)  le  bien,  II, 
132-135.  —  Rapports  du  droit  et  du  devoir  :  a]  ordre  de  filiation,  II,  135  ; 

b)  corrélation  entre  eux,  II,  138  ;  c)  étendue,  138.  —  Origine  et  caractères  de  l'idée 
du  droit,  II,  139.  —  Formes  particulières  du  droit,  II,  139.  —  Préceptes  pri- 
maires et  secondaires  du  droit  naturel,  II,  141.  —  Conflit  des  droits,  II,  142. 
—  Droit  à  la  révolte,  II,  287. 

Droit  civil  :  II,  140. 

Droit  des  gens  :  II,  140  ;  311-312. 

Droit  des  peuples  :  à  disposer  d'eux-mêmes,  II,  324-325. 

Droit  divin  :  fondement  de  tout  droit,  II,  135-136  ;  140.  —  Origine  de  tout 
pouvoir,  II,  223-224.  —  Sens  régalien,  II,  229-230. 

Droit  international  :  II,  140  ;  311-325. 

Droit  naturel  :  II,  139  ;  141-142. 

Droit  nouveau  :  II,  140. 

Droit  pénal  :  II,  162-163. 

Droit  politique  :  II,  140  ;  291-292. 

Droit  positif  :  II,  140. 

Droit  public  ou  social  :  II,  140. 

Droit  (Science  du)  :  sa  place  dans  les  sciences,  3  ;  714-715.  —  Méthode 
du  droit,  75G. 

Droite  (Conscience)  :  II,  33. 

Droits  (Déclaration  des)  :  de  l'homme  et  du  citoyen  :  texte,  II,  294.  — 
Ju'^ement  d'un  :  a)  théologien,  II,  296  ;  b)  sociologue,  299  ;  348-350  ;  c)  historien, 
II.^SOO. 


800  TABLE  ANALYTIQUE  :  Dualismc  —  Dynamogénèsc 

Dualisme  (de  Dualis,  composé  de  deux,  de  duo,  deux)  :  es  mot  s'applique 
à  toute  doctrine  qui,  sur  un  point  déterminé,  adm%t  l'existence  de  deux 
principes  irréductibles  ;  vg.  Dualisme  des  Manichéens,  qui  admettent  deux 
principes  coéternels  du  bien  et  du  mal.  —  Dualisme  de  Platon  et  d'ARisTOTE, 
II,  601.  —  Dualisme  de  Descartes,  qui  admet  deux  sortes  de  substances  :  la- 
substance  étendue  ou  corps  ;  la  substance  inétendue  ou  esprit,  II,  507.  — - 
S'oppose  à  Monisme  :  doctrine  :  a)  de  Spinoza,  II,  603  ;  b)  de  Haeckel, 
II,  626. 

Dubois-Reymond   (Emile)  :  faits  physiologiques  et  psychologiques,  26. 

DucLos  (Charles  Pinot)  :  l'esprit  :  II,  406,  1. 

Duel  (de  Dualis,  composé  de  deux,  de  duo)  :  illégitimité  du  duel,  II,  167. 

Duhamel  (Jean-Marie-Constant)  :  analyse  et  synthèse  rationnelles,  610. 

Dujardin-Beaumetz  (D'  Georges)  :  hypnotisme,  483,  1. 

Dumas  (Jean-Baptiste)  :  combat  l'alcoolisme,  II,  376,  2. 

DuNAN  (Charles)  :  pampsychisme,  II,  443-444. 

Duns  Scot  (Jean)  :  c'est  à  tort  que  D.  Scot  a  été  rangé  parmi  ceux  qui 
prétendent  que  la  distinction  du  bien  et  du  mal  dépend  de  la  volonté  arbi- 
traire de  Dieu,  II,  107.  —  Argument  ontologique,  II,  571,  3.—  Voir  Scotisme. 

Duoàynaiïiisme  (de  Auo,  deux  :  Wvaij-t;,  force)  :  nom  donné  au  Vitalisme, 
II,  52G. 

Durand  (Abbé  Eugène)  :  besoin  d'émotions,  85,  1.  —  Perceptions  acquises 
de  la  vue,  181,  1.  —  Répugnance  du  nombre  infini,  340,  2.  —  Panthéisme  des 
Néoplatoniciens,  II,  602-603. 

Durée  (de  Durer,  de  durare,  durcir,  d'où  persister)  :  permanence  du  lien 
qui  unit  entre  eux  les  moments  du  devenir.  —  Origine  de  cette  notion,  148  ; 
II,  505.  —  Différence  entre  temps  et  durée,  II,  505. 

Durkheim  (Emile)  :  morale  sociologique,  II,  60-70.  —  Critique  de  la  loi 
des  trois  états  de  Comte,  II,  447,  2. 

Dynamique  (la)  (Auvaiji.tx-/i,  puissante,  de  Wv!/.t/.[ç,  force  ;  sous-entendu 
TE/vr,,  art)  :  la  Mécanique  rationnelle  se  divise  en  :  a)  statique,  qui  traite  des 
conditions  d'équilibre  ;  b]  cinématique,  qui  s'occupe  du  mouvement  en  lui- 
même  et  non  des  causes  qui  le  déterminent  ;  c)  dynamique,  qui  étudie  les 
propriétés  du  mouvement  et,  en  particulier,  les  forces  qui  le  produisent.  — 
H  ERE  ART  parle  de  la  Dynamique  des  états  de  conscience,  c'est-à-dire  de  leurs 
transformations.  — A.  Comte  et  H.  Spencer  parlent  de  Dynamique  sociale,  753. 

Dynamique  (Auvaio-ixôç,  puissant,  efficace)  :  a)  ce  qui  implique  un  devenir. 
S'oppose  à  statique  ;  b)  ce  qui  implique  activité  et  finalité.  —  Loi  dynamique 
des  phénomènes  psychologiques,  36;  233-234;  427;  470-471.  —  Loi  dyna- 
mique de  l'esprit,  291.  —  Atomisme  dynamique  (Tongiorgi),  II,  510. 

Dynamisme  (de  Auvai^t:,  puissance)  :  on  donne  ce  nom  aux  systèmes 
philosophiques  qui  admettent  l'existence  de  forces  comme  principe  des  choses  : 
a)  dynamisme  interne  (Leibniz),  II,  511  ;  b)  dvnamisme  externe  (Boscovich, 
Palmieiu),  II,   518  ;   520. 

Dynamogénèse,  Dynamogénie  (de  Auvaat;,  puissance  ;  yi^^eait;,  yi^o^, 
naissance,    origine)  :  c'est    le  passage  de  l'énergie  de  l'état  potentiel  à  l'état 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Dyschromatopsie  —  Échopraxie  801 

actuel.  —  Loi  de  dynamo  genèse  en  psychologie  :  tout  phénomène  psychologique 
tend  à  se  réahser  en  mouvements  organiques,  36  ;  233-234  ;  470-471.  —  On  dit 
d'une  cause,  vg.  sensation,  sentiment,  idée,  qu'elle  est  dynamogène,  dynamo- 
génique,  c'est-à-dire  qu'elle  augmente,  tonifie  le  pouvoir  et  le  besoin  d'agir, 
notamment  le  pouvoir  moteur,  tandis  que  vg.  la  douleur  déprime  l'activité,  66  ; 
123. 

Dyschromatopsie  (de  Auç,  préfixe  indiquant  une  idée  de  difficulté,  de 
malheur  ;  x.cwx'x,  couleur  ;  o']/'.ç,  vue)  :  terme  générique  pour  désigner  les 
anomalies,  congénitales  ou  acquises,  de  la  vision  des  couleurs  :  le  sujet  atteint 
ne  peut  discerner  les  différentes  couleurs  ou  quelques-unes  d'entre  elles.  Voir 
Achromatopsie,  Daltonisme. 

Pyscinésie  (Auaxtv/jjia,  de  ou;  et  xivr,(7tç,  mouvement)  :  état  morbide 
qui  rend  difficiles  les  mouvements  volontaires. 

Dysesthésie  (de  Auç  et  aiaOrjCt;,  sensation)  :  état  morbide  qui  amène 
l'affaiblissement   des   sensations. 

Dyslalie  (de  Auç  et  X«zÀ£w,  parler)  :  anomalie  qui  rend  l'articulation  difficile. 

Dysmnésie  (de  Au;  et  avrj'jofjLa'.,  futur  de  'jMavr^TxoijLat,  se  souvenir)  :  per- 
version de  la  mémoiie,  210-211. 

Dysosmie  (de  Auç  et  o'jijl-/],  odeur)  :  difficulté  à  percevoir  les  odeurs. 

Dysphasie  (de  Auç  et  cpactc,  parole)  :  a)  motrice  :  difficulté  à  s'exprimer, 
b)  sensorielle  :  difficulté  à  saisir  le  langage  des  autres.  Cette  difficulté  semble 
avoir  pour  cause  une  perturbation  ou  une  lésion  des  centres  encéphaliques. 

Dyssymétrie  (de  Au;  et  Tuy-IJi-tTpia,  juste  proportion)  :  s'oppose  à  Proportion, 
Symétrie,  II,  383. 


E  :  symbole  de  la  proposition  universelle' né gatii>e,  532. 

Écart  (de  Écarter,  pour  équarter,  c'est-à-dire,  mettre  en  un  quartier,  en 
un  coin,  de  é  =  latin  ex,  hors  de,  et  quart)  :  éloignement  de  la  direction  qu'on 
doit  suivre.  —  Écart  de  l'activité,  65  ;  II,  127-128.  —  Ecart  du  type  primitif, 
702,  4. 

Eccéité,  Heccéité  (du  latin  scolastique  Ecceitas,  Haecceitas,  de  ecce,  voici, 
haecce,  cette,  et  le  suffixe  itas)  :  terme  dont  Goclenius,  dans  son  Lexicon 
philosophicuin,  au  mot  Haecceitas,  attribue  la  création  à  D.  Scot.  C'est  le  nom 
que  Scot  donne  au  principe  d'individuation,  c'est-à-dire  à  ce  qui  fait  qu'un 
individu  est  lui-même,  est  tel  et  non  pas  un  autre.  L'eccéité  serait,  d'après  lui, 
une  entité  surajoutée  à  l'essence  des  êtres.  Voir  Individuation. 

Échange  (Substantif  verbal  de  é-changer,  de  cambiare,  troquer)  :  don  d'un 
objet  pour  un  autre  jugé  équivalent,  II,  355. 

Écholalie  ( 'H/w,  écho  ;  ÀaXéw,  parler)  :  dans  certaines  maladies  mentales 
le  sujet  répète  les  paroles  qu'on  lui  adresse  au  lieu  d'y  répondre  :  c'est  la 
parole  en  écho. 

Échopraxie  (  'H/w,  écho  ;  7^p5;i:,  action)  :  dans  certaines  malacTies  mentales 
le  sujet  imile  automatiquement  les  actes  qu'il  voit  faire.  Charcot  appelle 
cette  infirmité  Echokinésie  (xi'vr,<7tç,  mouvement). 


802  TABLE  ANALYTIQUE  :  Éclecticisme  —  Écossaise  (École) 

Éclecticisme  (de  'ExÀsxtixo';,  qui  choisit,  de  IxÀéyw,  choisir)  :  ce  mot,  fort 
usité  à  l'étranger,  pourrait  servir  à  signifier  cette  sorte  d'éclectisme  que 
Saisset  appelle  «  créateur  »,  celui  des  philosophes  de  génie,  qui  réussissent  à 
concilier,  dans  l'unité  d'une  synthèse  supérieure,  des  thèses  que  leurs  devan- 
ciers regardaient  comme  opposées,  faute  d'avoir  découvert  le  point  de  vue 
d'où  apparaît  leur  compatibilité. 

Éclectique  (  'ExXsxtcxoç,  de  ex^eyo),  choisir)  :  celui  qui  fait  un  choix  dans 
les  idées  qu'émettent  les  divers  systèmes  philosophiques  ou  scientifiques. 

Éclectisme  (de  Éclectique,  èxXexTt/.oç,  de  Ex/iyo),  choisir)  :  ce  mot  signifie 
tantôt  une  :  a)  Méthode,  qui  consiste  à  dégager  de  différents  systèmes  les 
éléments  qui  paraissent  conciliables.  Le  Syncrétisme  est,  au  contraire,  un  éclec- 
tisme sans  critique  qui  rapproche,  de  iforce,  des  doctrines  incompatibles. 
b)  École  philosophique  :  vg.  l'Éclectisme  de  I'École  d'Alexandrie,  de  Victor 
Cousin. 

École  (de  Schola,  '^■/pk-f\,  loisir,  occupation  studieuse  du  loisir,  école)  : 
a)  Sens  strict,  qui  ne  convient  qu'à  la  philosophie  ancienne  :  réunion  de  philo- 
sophes groupés  autour  d'un  chef  et  de  ses  successeurs,  dont  ils  suivent  les  leçons 
et  professent  les  doctrines;  vg.  Ecole  Péripatéticienne.  —  b]  Sens  largeet 
moderne  :  groupe  de  philosophes  unis  par  une  commune  doctrine  ;  vg.  École 
DE  Kant. — c)  f(  L'Ecole  »  tout  court  désigne  la  Philosophie  Scolastique. 
Cette  expression,  très  en  honneur  ^u  xvi^  et  au  xvii^  siècles,  voulait  dire  que 
la  philosophie  scolastique  était  l'Ecole  philosophique  par  antonomase. 

École  réformiste  :  forme  de  Socialisme,  II,  202. 

École  unique  (!')  :  II,  26L 

Économie  (O'.xovoata,  de     oJxo;,    maison  ;    vo'jxo;,    loi)  :    loi    ou    principe 

d'économie,  658. 

,  Économie  politique  :  notions  sommaires,  II,    352-362.  —  Rapports    de 
rÉconomie  politique  et  de  la  Morale,  II,  363-365. 

Économie  sociale  :  l'Économie  sociale  est  la  science  des  intérêts  matériels 
de  la  Société  subordonnés  au  bien  commun  social,  tandis  que  l'Économie 
politique,  au  sens  restreint  où  l'entend  l'École  économique  libérale,  n'est  que 
la  science  de  la  richesse  considérée  en  soi.  Cf.  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie 
sociale,  p.  6-7,  4^  Édit.,  Paris,  1908. 

Écossaise  (École)  :  la  Philosophie  écossaise,  qu'on  nomme  quelquefois 
ÉcossiSME,  se  divise  en  deux  branches  : 

A)  École  morale  :  la  sympathie  (A.  Smith),  86  ;  II,  82.  —  Conscience, 
sens  moral  (Hutcheson),  II,  18  ;  26-27.  —  Morale  de  la  bienveillance  (Hut- 
cheson),  II,  81.  —  Shaftesbury,  précurseur  de  Hutcheson,  18  ;  81,  4. 

B)  École  psychologique  :  distinction  des  facultés  de  l'âme,  39.  —  Cla.ssi- 
fication  des  facultés  (Reid),  45.  —  Lois  fondamentales  du  plaisir  (Hamilton), 
62-63.  —  Raison  inverse  des  éléments  affectif  et  représentatif  de  la  sensation 
(Hamilton),  73;  74.  —  Limites  de  la  conscience  (Hamilton),  146-147.  — 
Sensation  et  perception  (Hamilton),  159.  —  Théorie  de  la  perception  intui- 
tive (Hamilton),  164.  —  Théorie  de  la  suggestion  immédiate,  170.  —  Erreurs 
de  la  perception,  187-188.  — Nature  du  souvenir  (Reid),  201-202  •  —  Théorie 
de  l'association   (Dugald   Stewart),   216.   —   Finalité   (Reid),   334-335.   — 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Éeiiture — Efficience  803 

Notion  de  l'absolu  (Hamilton),  340-341.  —  Liberté  d'indifférence  (Reid), 
394.  —  Production  et  intelligence  des  signes,  436-437.  —  Origine  du  langage 
<Reid),  444-445. 

Objections  contre  la  conversion  des  propositions  (Hamilton),  534-535.  — ■ 
Quantification  du  prédicat  (Hamilton),  551-553  ;  553,  1.  —  Fondement  de 
l'induction,  676.  • —  Fondement  de  la  croyance  au  témoignage,  737.  —  Crité- 
rium du  sens  commun,  814.  —  Reid  se  rallie  au  critérium  de  l'évidence, 
«14-815. 

Origine  de  la  conscience  morale  (Reid,  Dugald  Stewart),  II,  20. 

Relativité  de  la  connaissance  (Hamilton),  II,  427-429. 

Écriture  {Scriptura,  devenu  escripture,  écriture)  :  variétés,  438.  —  Écriture 
•et  langage,  438-439. 

Ectype  ("Et-jtioç,  fait  sur  empreinte,  de  £/-,  hors  de;  t'jttoç,  empreinte)  : 
•ce  mot  s'oppose  à  Archétype.  —  Berkeley  (  Dialos,>ies  (VHylas  et  de  Philonous, 
■édit.  Fraser,  Works,  T.  I,  p.  475-476.  Traduction  Beaulavon,  p.  270)  entend 
par  archétype  l'état  des  choses  dans  l'intelligence  divine,  et  par  ectype  l'état 
•des  choses  hors  de  l'intelligence  divine,  c'est-à-dire  dans  les  intelligences 
■créées.  —  Kant  [Critique  du  jugement,  Part.  II,  §  76.  Traduct.  Barni,  T.  II, 
p.  92,  Paris,  1846)  appelle  l'entendement  humain,  qui  n'est  capable  que  de 
réfléchir  sur  le  donné,  ectype,  par  opposition  à  un  entendement  archétype,  qui 
serait  capable  de  produire  l'objet  de  ses  concepts. 

Éducation  (Educatio,  de  educatum,  supin  de  e-ducare,  élever,  de  e  et  de 
ducare,  être  chef,  de  dux,  ducis,  guide)  :  a)  sens  large  :  formation  de  toutes  les 
facultés  de  l'homme,  407-408  ;  b)  sens  restreint  :  formation  des  faculté;  morales, 
408.  —  Qualités,  408.  —  Éducation  et  instruction,  407-408.  —  Education 
morale  :  a)  de  la  sensibilité,  409  ;  b)  de  la  volonté,  411.  —  Education  et  carac- 
tère, 412  ;  405-406.  —  Education  personnelle,  412.  —  Éducation  intellectuelle  : 
a)  des  sens,  413  ;  184  ;  b)  de  la  mémoire,  207  ;  c)  de  l'association,  219-220  ; 
d)  de  l'imagination,  232-233  ;  e)  des  opérations  intellectuelles,  413-414.  — 
Éducation  de  la  conscience  morale,  II,  34.  —  Devoirs  des  parents  relatifs  à 
l'éducation,  II,  216  ;  252-253  ;  259-260. 

Éduction  [Eductio,  de  eductum,  supin  de  e-ducere,  faire  sortir  de)  :  nom 
que  les  Scolastiques  donnent  à  l'action  par  laquelle  la  forme  est  tirée  de  la 
puissance  de  la  matière,  II,  517. 

Effectif  (Effectiç'us,  de  effectum,  supin  de  ejficere  =  ex-facere,  effectuer 
achever)  :  ce  qui  est  réalisé,  effectué,  exécuté.  —  Amour  effectif,  94  ;  II,  207. — 
S'oppose  à  Possible. 

Efférent  (Efferens,  qui  porte  hors,  de  efferre=^ ex- ferre)  :  nerf  efférent  :  qui 
va  du  contre  à  la  périphérie,  71.  —  S'oppose  k  Afférent. 

Effet  {Effectus,  effect,  effet,  de  efficere  =  ex-facere,  effectuer,  aciiever)  : 
ce  qui  est  produit,  323.  —  S'oppose  à  Cause. 

Efficace  (Efficax,  de  efficere,  effectuer,  achever)  :  qui  produit  l'etTot  auquel 
tend  sa  nature.  —  Caractère  de  la  volonté,  363.  —  S'oppose  à  Inefficace. 

Efficacité  (Efficacitas,  de  efficax,  efficace,  actif)  :  c'est  le  pouvoir  qu'a  la 
cause  de  produire  l'effet,  363.  On  disait  couramment  au  xvn^  siècle  Vefficace 
pour  l'efficacité.  —  S'oppose  à  VOccasion,  à  la  Condition,  324. 

Efficience,  Efficient  (Efficiens,  de  efficere  =  ex-facere,  effectuer,  achever)  : 
ce  qui  produit  quelque  chose.  —  La  cause  efficiente  est  la  cause  par  excellence, 
323  ;  324.  —  Variété  de  causes  efficientes,  324-325  ;  II,  488. 


804  TABLE  ANALYTIQUE  :  Effoit — Élément 

Effort  (Substantif  verbal  du  verbe  E^orcer,  de  e,  latin  ex  et  forcer)  :  déploie- 
ment d'activité  pour  surmonter  un  obstacle,  58.  —  Sens  de  l'effort,  157.  — 
Conscience  de  l'effort  mental  (Maine  de  Biran),  327.  —  Effort  vital,  II,  528. 

Égal,  Égalité  [Aequalis,  Aequalitas.  de  aequus,  uni)  :  a)  En  Logique,  il  y  a 
égalité  logique:  1°)  entre  deux  concepts,  quand  ils  ont  même  extension;  2°)  entre 
deux  propositions,  quand  elles  s'impliquent  mutuellement,  523.  ;  b)  en  Géomé- 
trie, deux  figures  sont  égales  quand  elles  sont  superposables  ;  c)  en  Droit,  il  y 
a  égalité  quand  les  prescriptions  et  peines  légales  sont  les  mêmes  pour  tous 
les  citoyens  ;  d)  en  Politique,  quand  les  fonctions  et  les  dignités  sont  accessibles 
à  tous  dans  la  mesure  de  leur  mérite  et  que  les  droits  politiques  appartiennent 
à  tous  sans  distinction  de  rang  ou  de  fortune.  —  Égalité  du  droit  fondamental, 
II,  131-132.  —  Égalité,  règle  de  la  justice  commutative.  II,  162.  —  Égalité 
de  nature,  II,  194-195;  223;  349.  —  Égalité  devant  la  loi,  II,  350.  —  La 
Déclaration  des  droits  (Art.  I)  et  l'égalité,  II,  294-295  ;  297  ;  350. 

Égarement  (de  Égarer)  :  égarement  de  l'activité,  64-65.  —  Égarement 
moral,  II.  127-128. 

Église  catholique  (du  latin  populaire  Eclesia,  pour  Ecclesia,  'E^xX/^ara, 
assemblée  ;  xa/JoX-.xo;,  univers  el)  ;  rôle,  II,  334.  —  Constitution,  335.  —  Rap- 
ports de  l'Église  et  de  l'État  :  a)  asservissement,  337  ;  b)  séparation, 
337  ;  c)  union,  339.  —  L'Eglise  et  la  Révolution,  348. 

Ego-altruisme  :  morale  évolutionniste  (Spencer),  II,  58. 

Égoïsme  (de  Ego,  moi)  :  a)  Amour  excessif  de  soi.  — •  Différence  entre 
égoïsme  et  amour  de  soi,  85-86.  —  La  Rochefoucauld  ramène  tout  àfégoïsme, 
98.  ;—  Comment  l'altruisme  sort  de  l'égoïsme  d'après  les  Associationnistes  et 
les  ÉvoLUTioNNisTES,  100;  II,  58-59.  —  Égoïsme  de  la  passion,  114-115. — 
Gomment  les  passions  bonnes  deviennent  égoïstes,  125.  —  è)  Théories  qui  font 
du  plaisir  ou  de  l'intérêt  le  principe  de  la  conduite  :  morales  égoïstes,  II, 
48-76.  —  S'oppose  à  Altruisme. 

Égotisme  (de  l'anglais  Egotism,  dérivé  de  ego,  moi)  :  ce  mot  signifie  : 
a)  l'égoïsme  des  écrivains  qui  étudient  et  dépeignent  minutieusement  leur 
personnalité  :  c'est  dans  ce  sens,  très  rare,  que  Stendhal  l'a  pris  dans  ses 
Souvenirs  (Végotisme  ;  b)  la  culture  intensive  et  perverse  du  moi.  Ce  terme  est 
employé  comme  synonyme  d'égoïsme  en  anglais. 

Einstein  (Alfred)  :  théorie  de  la  relativité,  II,  506,  4. 

Élaboration  (Elaboratio,  de  elaboratum.,  supin  de  e-laborare,  travailler  avec 
soin)  :  fonction  d'élaboration  intellectuelle,  135  ;  236. 

Électeur  [Elector,  de  electum,  supin  de  eligere  =  e-legere,  ôter  en  cueillant^ 
trier)  :  devoir  de  l'électeur,  II,  281-282. 

Électif  [Electivus,  propre  à  choisir,  de  electum,  supin  de  e-ligere,  ôter  en 
cueillant,  choisir)  :  inclinations  électives,  89.  —  Pouvoir  électif,  II,  225-227. 

Élégance  (  Elegantia,  choix,  délicatesse,  de  elegans,  délicat,  choisi,  de  e-legere, 
choisir)  :  démonstration  élégante,  641.  —  Se  rapproche  de  la   grâce,  II,  388. 

Élément  [Elementum,  élément  premier,  principe)  :  ce  mot,  en  général, 
désigne  les  parties  les  plus  simples  dont  un  tout  est  composé  ;  vg.  en  Psycho- 
logie, les  éléments  de  la  connaissance  sont  les  idées  et  la  perception  de  leurs 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Élémentaire  —  Émotionnel     •  805 

rapports,  136  ;  en  Chimie,  ce  sont  les  corps  simples  qui  entrent  dans  la  compo- 
sition des  autres.  —  Hypothèse  des  quatre  éléments,  656,  1.  —  Éléments 
simples  constitutifs  de  la  matière  (Leibniz,  Boscovich,  Palmieri),  II,  511  ; 
518  ;  520. 

Élémentaire  [Elementarius]  :  qui  se  rapporte  aux  éléments.  —  Kant  donne 
le  nom  de  Théorie  élémentaire  à  la  recherche  des  éléments  simples  de  la  pensée 
pure  et  l'oppose  à  la  Méthodologie. 

Elenchus  ("EIit/j^;,  preuve,  argument  pour  réfuter)  :  sujet  d'une  discus- 
sion. —  Ignoratio  elenchi,  801. 

Élimination  (de  Éliminer,  de  eliminare,  eliminatum,  mettre  dehors,  de  e, 
hors  de  ;  limen,  seuil)  :  a)  Procédé  logique  pour  exclure  tout  ce  qui  n'est  pas,  la 
cause  d'un  phénomène  (Bacon  et  St.  Mill),  666-667  ;  667-670;  671  ;  684.  —  Eli- 
mination des  caractères  accidentels,  690.  —  b)  Efl'et  de lasélection  naturelle,  qui 
fait  disparaître  les  êtres  les  moins  aptes  à  la  résistance,  II,  613-614  —  c)  Procédé 
pour  déterminer  les  attributs  divins.  II,  580. 

Éloquence  (Eloquentia,  de  eloquens,  participe  présent  de  e-loqui,  expliquer)  : 
art  et  science,  II,  409-410. 

Émanation  (Emanatio,  de  emanatum,  supin  de  e-manare,  couler  de'i  :  a)  Théo- 
rie des  idées-images,  167  —  b)  Panthéisme  émanatiste  des  Stoïciens  et  des  Ale- 
xandrins, II,   602-603.  —  S'oppose  à  Création. 

Émanatisme  (de  Émanation)  :  c'est  le  système  de  l'émanation  ;  vg.  Pan- 
théisme émanatiste,  II,  602-603. 

Embranchement  (de  Embrancher,  de  en  et  branche,  du  bas  latin  branca, 
patte)  :  première  subdivision  du  Règne,  695  ;  696. 

Embryogénie  (de  'Eaépov,  embryon  ;  '(î-'^oç,  naissance)  :  formation  et 
développement  de  l'embryon,  II,  615-616. 

Embryologie  (de  "Eu.épuov,  embryon  ;  Xoyoç,  discours)  :  science  de  la  for- 
mation et  du  développement  de  l'embryon.  Série  embryologique,  II,  615-616  ; 
619. 

Émigration  {Emigratio,  de  emigratum,  supin  de  e-migrare,  changer  de 
demeure)  :  rôle  des  émigi'ations  dans  le  Darwinisme,  II,  614  ;  615  ;  620. 

Éminent,  Éminemment  [Eminens,  participe  présent  de  e-minere,  s'élever 
hors  de).  Éminemment  =  Éminentment)  :  a)  Ce  qui  existe  à  un  degré  supé- 
rieur :  vg.  esprit  éminent.  —  b)  Une  perfection  est  dite  contenue  éminemment 
en  quelqu'un  quand  elle  existe  en  lui  sous  une  forme  supérieure.  S'oppose  à 
Formel,  Formellement.  —  Dieu  possède  éminemment  toutes  les  qualités  des 
êtres,  II,  581.  —  Domaine  éminent  •.  droit  que  l'État,  dans  une  société,  aurait 
sur  les  biens  des  particuliers.  L'État  n'a  pas  ce  droit,  mais  seulement  un 
pouvoir'lindirect  de  juridiction,  II,  193. 

Émotion  (de  Émouvoir,  à  l'imitation  du  latin  factice  Emotio,  tiré,  à  l'imi- 
tation de  motio,  de  Emotum,  supin  de  e-movere,  ôter  d'un  lieu,  remuer)  :  émo- 
tion =  plaisir  ou  douleur,  c'est-à-dire  le  résultat  de  l'activité  satisfaite  ou 
contrariée,  57.  —  Espèces,  56.  —  Émotion  agréable  (=  plaisir),  désagréable 
(=  douleur),  57-69.  —  Émotion  physique  (—  sensation),  69-76.  —  Émotion 
intellectuelle  et  morale  (=  sentiment),  69-70  ;  77-81.  —  Besoin  d'émotions,  85. 
—  Rapports  entre  l'émotion  et  l'inclination,  67. 

Émotionnel  (do  Émotion)  :  signe,  langage,  436  ;  439. 


806  *    TABLE  ANALYTIQUE  :  Empiriquc  —  Encyclopédie 

Empirique  [Empiricus,  'EaTretptxoç,  qui  se  dirige  d'après  l'expérience, 
de  èaTtstiîa,  expérience,  de  £v,  dans  xaça,  épreuve)  :  ce  mot  est  pris  en 
plusieurs  sens  :  a)  Ce  qui  résulte  immédiatement  de  l'expérience,  sans  être 
contrôlé  par  des  principes  scientifiques  ;  vg.  médecine  empirique.  —  b)  Ce  qui 
exige  le  recours  à  l'expérience  ;  vg.  les  sciences  physiques,  par  opposition  aux 
sciences  purement  rationnelles  qui  ne  l'exigent  pas,  vg.  les  sciences  mathéma- 
tiques. — •  c)  En  Allemagne,  depuis  Kant,  le  mot  empirique,  empiriker,  signifie 
ce  qui  est  avant  la  science,  ce  qui,  dans  la  connaissance  sensible,  ne  vient  pas 
des  lois  constitutives  de  l'esprit,  mais  du  dehors  ;  l'intuition  d'une  figure  géo- 
métrique, vg.  un  cercle,  est  sensible,  mais  pas  empirique  ;  l'intuition  d'un 
cercle  en  bois  est  sensible  et  empirique.  Au  sens  kantien,  empirique  s'oppose 
à  pur  et  à  a  priori.  —  Origine  empirique  de  l'instinct  (Condillac,  Spencer), 
109-110.  • —  Interprétation  empirique  de  la  sensation  (S.  Mill,  Taine),  170  ; 
171-173.  —  Solutions  empiriques  du  problème  de  l'origine  des  idées  (Condillac, 
Locke,  S.  Mill,  Spencer),  299-308.  —  Réfutation  générale  de  ces  solutions, 
308.  —  Le  caractère  empirique  (Kant,  Schopenhauer),  405. 

Connaissance  empirique  et  connaissance  scientifique,  577-578.  —  Fon- 
dement empirique  de  la  déduction,  620,  1.  —  Lois  empiriques,  621.  —  Fonde- 
ment empirique  de  l'induction.  679.  —  Définition  empirique,  690.  —  Défi- 
nitions :  empirique,  mathématique,  692. 

Théories  empiriques  sur  l'origine  delà  conscience  morale  (Hobbes,  Helvé- 
tius,  Mill,  Spencer),  II,  21-25.  —  Morales  empiriques  :  a)  égoïstes  ou 
.utilitaires  (Aristippe,  J.-J.  Rousseau,  Épicure,  Bentham,  Mill,  Spencer, 
DuRKHEiM,  L.  Bourgeois),  II,  48-76  ;  b)  altruistes  ou  sentimentales  (A.  Co.mtk, 
Hutcheson,  Smith),  II,  80-86.  —  Origine  empirique  de  l'idée  du  bien,  II, 
102.  —  La  personnalité  empirique  (Kant),  II,  155. 

Empirisme  (dérivé  du  radical  de  Empirique)  :  nom  donné  aux  systèmes 
philosophiques  qui  ne  font  reposer  la  connaissance  du  vrai  que  sur  l'expé- 
rience. —  Empirisme  et  méthode  expérimentale,  686.  — ■  Réfutation  générale 
de  l'empirisme,  308. 

Empiriste  (dérivé  du  radical  de  Empirique)  :  celui  qui  admet  l'Empirisme. 

Empreinte  (Substantif  participe  de  Empreindre,  du  latin  populaire  impre- 
mere   =  im-primere,  presser  sur)  :  empreintes  cérébrales,  196-197. 

Émulation  [Aemulatio,  rivalité,  de  semulatum,  supin  de  semulari,  rivaliser 
avec,  de  aemulus,  qui  cherche  à  égaler)  :  avantages  et  dangers,  95. 

En  acte  :  c'est  la  traduction  de  la  formule  scolastique  In  actu,  par  oppo- 
sition à  In  potentia.  Cette  expression  signifie  que  quelque  chose  est  :  a)  en  train 
de  se  produire  (vg.  quand  une  faculté  s'exerce)  ;  b)  est  réalisé  et  produit 
(vg.  tout  être  existant  est  en  acte  dans  une  certaine  mesure).  Aristote  recourt 
souvent  à  des  mots  distincts  pour  rendre  ces  deux  sens  de  In  actu  :  «  Inde  ita 
videtur  Aristoteles  hTili/ti</.v  ab  ivepvsia  distinguere,  ut  èvÉpysia  actio- 
nem,  qua  quid  ex  possibilitate  ad  plenam  et  perfectam  perducitur  essentiam, 
h-zùÂ/y.'x.  ipsam  hanc  perfectionem  significet  ».  (H.  Bonitz,  Index  Aristo- 
elicus,  IjztXi/ziT.^  p.  253). 

Encéphale  (  'EyxécpaXoç,  qui  est  dans  la  tête,  de  ev,  dans  ;  x£-i.aX-/î,  tête),  71. 

Encyclopédie  ( 'EyxuxXoTtat&ela,  de  |v,  dans;  xuxXo;,  cercle;  Tratrîsia,  édu- 
cation, culture  de  l'esprit)  :  exposé  de  l'ensemble  des  connaissances  humaines. 
Un  esprit  encyclopédique  est  celui  qui  est  capable  d'embrasser  l'ensemble  des 
connaissances  humaines.  —  On  appelle  Encyclopédistes  les  philosophes  français 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Endophasie  —  En  soi  807 

qui  collaborèrent  à  la  rédaction  de  V Encyclopédie,  Dictionnaire  raisonné  des 
sciences,  des  arts  et  des  métiers,  publiée  sous  la  direction  de  Diderot  et  de 
d'Alembert,  qui  en  firent  une  arme  contre  les  croyances  chrétiennes  et  la 
tradition. 

Endophasie  ("Evoov,  au  dedans  ;  «ac.;,  parole)  :  série  des  images  verbales 
(auditives,  visuelles,  motrices),  qui  accompagnent  la  pensée,  mais  sans  déter- 
miner de  mouvements  vocaux,  quand  ils  seraient  inutiles.  Cette  succession 
d'images  constitue  la  parole  intérieure. 

Énergétique,    Énergétisme   (du   radical   d'Énergie)   :   ce   terme  signifie    : 

a)  en  Mécanique,  le  système  qui  substitue  la  notion  d'énergie  à  celle  de  force. 
11  a  été  constitué  par  Helmholtz  ;  b)  en  Cosmologie,  la  doctrine  qui  substitue 
l'énergie  au  cinétisme  cartésien.  Elle  est  soutenue  par  Rankine,  Mach, 
Ostwald,  Duhem. 

Énergie  [Energia,  'l-lvc'pysia,  force  en  action,  activité,  de  £v,  dans;  ^py^^v 
action)  :  chez  Aristote,  rivÉpyetoc  s'oppose  à  la  ouvajjLtç,  comme  l'acte  à  la 
puissance,  47-48  ;  II,  464.  —  Depuis,  cette  notion  s'est  élargie:  elle  comprend 
l'acte  et  la  puissance.  On  définit  l'énergie  la  capacité  de  produire  un  travail 
mécanique.  On  distingue  :  1°)  En  Mécanique  :  a)  l'énergie  actuelle,  qui  est  la 
moitié  de  la  somme  des  forces  vives  d'un  système  de  corps  :  elle  ne  dépend, 
pour  chaque  moment,   que  des  vitesses  des  différentes  parties  du  système  ; 

b)  l'énergie  potentielle,  qui  est  la  fonction  des  forces  changée  de  signe  :  elle  ne 
dépend,  pour  chaque  moment,  que  des  positions  des  différentes  parties  du 
système.  Cf.  P.  Duhem,  Évolution  de  la  Mécanique,  Paris,  1903.  —  2°)  En  Phy- 
sique, l'énergie  calorique,  lumineuse,  électrique,  etc.  Ces  diverses  formes  d'énergie 
sont  équivalentes,  c'est-à-dire  qu'une  quantité  déterminée  de  l'une  d'elles  peut 
se  transformer  en  une  quantité  déterminée  d'une  autre.  Cf.  P.  Duhem,  La 
théorie  physique,  son  objet  et  sa  structure,  Paris,  1906.  A.  Rey,  La  théorie  de 
la  Physique  chez  /es  Physiciens  contemporains,  Part.  1.  L.  II,  p.  49-167,  Paris 
1907. 

Énergie  spécifique  des  sens  :  Loi  de  Mueller,  158,  1. 

Enfant  (de  Infantem,  de  in-fari,  ne  pas  parler)  :  psychologie  infantile,  723. 
—  Éducation,  407-415.  —  Devoir  des  enfants,  II,  216.  — ■  Enseignement,  II, 
252-259 

Enfer  (Infemum,  de  inferus,  qui  est  en  bas)  :  peines  de  l'enfer,  II,  552. 

Énoncé,  Énonciation  [Enunciatio,  de  enunciatum,  supin  de  e-nuntiare, 
faire  savoir,  de  nuntius,  messager)  :  ce  terme  s'applique  aux  diverses  sortes  de 
propositions,  266  ;  529. 

Enseignement  (de  Enseigner,  du  latin  populaire  insignare,  formé  sur 
signare,  iiidiciuer,  de  signum,  signe)  :  droits  de  :  a)  la  Famille,  II,  252  ;  b)  de 
V Église,  II,  253  ;  c)  de  V État,  254-259. 

En  soi  :  cette  expression  s'oppose  à  relativement  à  nous.  Elle  indique  ce 
qu'une  chose  est  objectivement,  dans  sa  véritable  nature,  dans  sa  réalité,  c'est- 
à-dire  ce  (ju'une  ciiose  est,  ou  Ijien  :  a)  en  faisant  abstraction  de  toute  connais- 
sance. La  possibiUté  de  connaître  une  chose  n'est  qu'un  rapport  qui  n'ajoute 
ni  n'enlève  rien  à  ce  que  cette  chose  est  en  soi.  Tel  est  le  sens  usité  chez  les 
Scolastiques  et  adopté  par  nombre  d'écrivains  contemporains  ;  b)  en  faisant 
abstraction  de  la  connaissance  humaine,  mais  non  de  toute  connaissance 
possible.  C'est  le  sens  kantien  :  «  Le  concept  d'un  noumène,  c'est-à-dire  d'une 
chose  qui  doit  être  pensée  non  comme  objet  des  sens,  mais  comme  une  chose 
en  soi  (seulement  par  un  entendement  pur),  n'est  point  contradictoire  ;  car 


808  TABLE  ANALYTIQUE  :  Eiitéléchie  —  Enthousiasme 

on  ne  peut  affirmer  de  la  sensibilité  qu'elle  soit  la  seule  manière  possible  de 
percevoir.  »  [Critique  de  la  raison  pure,  Analytique  transcendantale ,  L.  II,  Ch.  m, 
§  354,  Trad.  Barni,  T.  I,  p.  295-296).  Il  ne  répugne  pas  qu'il  existe  des  intelli- 
gences supérieures  à  la  nôtre,  c'est-à-dire  capables  d'intuition  intellectuelle, 
saisissant  les  choses  telles  qu'elles  sont  en  soi,  les  noumènes  ;  c)  indépendamment 
des  erreurs  et  illusions,  qui  proviennent  de  la  connaissance  sensible  et  empê- 
chent la  raison  de  connaître  la  réalité  telle  qu'elle  est.  C'est  le  sens  cartésien. 
Selon  Descartes  et  Malebr anche,  la  raison  étant  semblable  chez  tous  les 
hommes  et  la  sensibilité  variant  d'un  individu  à  l'autre,  ceux  qui  se  laissent 
conduire  par  le  sensible  sont  incapables  de  saisir  les  choses  telles  qu'elles 
sont  en  soi. 

Entéléchie  (  'EvTsXÉ/.Eta,  de  h-ûÂq,  accompli,  parfait  ;  £/w,  avoir)  :  ce 
mot  a  été  forgé  par  Aristote.  Il  signifie  :  a)  l'acte  ou  la  forme  qui  détermine 
et  actue  la  puissance,  la  matière  :  «  L'âme  est  l'acte  premier  d'un  corps  naturel 
organisé.  »  [De  Anima,  L.  II,  C.  i,  §  6),  II,  529,  1  ;  b)  l'acte  achevé,  accompli, 
par  opposition  à  l'acte  en  train  de  s'accomplir,  et,  conséquemment,  la  perfection 
qui  résulte  de  cet  achèvement.  Le  mot  même  indique  cette  perfection,  car 
EVTsXe/7^;  signifie  celui  qui  possède  en  soi  son  achèvement  :  £v,  dans  ;  tÉXoç^ 
achèvement  ;  £/w,  avoir.  —  Leibniz  [Monadologie,  §  18)  appelle  ses  monades 
Entéléchies,  parce  qu'elles  ont  en  elles-mêmes  une  certaine  perfection  :  à  savoir 
«  une  suffisance  (aùrapxeta)  qui  les  rend  sources  de  leurs  actions  internes.  » 

Entendement  (de  Entendre,  de  in-tendere,  étendre,  diriger  vers  ou  contre)  : 
faculté  d'abstraire  et  de  juger,  285.  — ■  Imagination  et  entendement,  261.  — 
Dans  l'usage  actuel,  V Entendement  (Aiavota,  Intellectus,  Intendimento,  Enten- 
dimiento,  Understanding,  Verstand)  désigne  les  opérations  discursives  de 
l'esprit  :  juger,  raisonner,  tandis  que  la  Raison  (Noûç,  Ratio,  Ragione,  Razon, 
Reason,  Vernunft)  indique  les  opérations  intuitives  de  l'esprit.  —  Chez  les 
ScoLASTiQUEs  le  niot  Intellectus  signifie,  au  contraire,  l'opération  intuitive, 
parce  qu'ils  le  dérivaient  à  tort  de  intus,  à  l'intérieur,  et  de  légère,  lire.  Le  terme 
Ratio  représente  pour  eux  les  opérations  discursives.  —  Pour  Bossuet  [De  la 
connaissance  de  Dieu  et  de  soi-même,  Ch.  i,  §  7)  l'entendement  est  la  faculté 
de  comprendre,  «  de  connaître  le  vrai  et  le  faux  »,  par  opposition  aux  sens  qui 
seulement  '<  donnent  lieu  à  la  connaissance  de  la  vérité  »,  mais  ne  la  font  pas 
«  précisément  »  connaître.  Il  identifie  raison  et  entendement.  —  Pour  Kant, 
«■  toute  notre  connaissance  commence  par  les  sens,  passe  de  là  à  Ventendement 
et  s'achève  dans  la  raison  »  {Dialectique  transcendantale,  Introd.,  §  II,  A). 
Il  n'admet  pour  l'homme  d'autre  mode  d'intuition  que  l'intuition  sensible, 
dont  le  temps  et  l'espace  sont  les  formes  a  priori.  L'entendement  est  «  la  faculté 
de  juger  »,  la  «  faculté  des  règles  »  {Analytique  transcend.,  L.  I,  Ch.  i.  Section  I. 
Dialect.  transcend.,  Ibid.).  Le  rôle  de  l'entendement  est  d'unifier  les  sensations 
au  moyen  des  catégories.  La  raison  est  la  «  faculté  des  principes  »  :  elle  croit 
que  toute  connaissance  conditionnée  de  l'entendement  dépend  d'un  élément 
inconditionné  ou  absolu  et  elle  cherche  à  déterminer  cet  élément  (Dialect. 
transcend..  Ibidem,'  §  II  C),  II,  431-434. 

Enthéisme  (de  'Kv,  dans  ;  t)£o?.  Dieu)  :  système  de  Paul  Carus  qui  prétend 
que  la  Divinité  est  immanente  en  toute  chose.  C'est  une  manière  de  Pan- 
théisme. 

Enthousiasme  (  'Iv/jouatot^ao'?,  transport  divin,  de  £vQou<jta,  inspiration  ;  de 
£vOeoç,  È'vOojî,  inspiré  des  dieux)  :  Platon  désigne  ainsi  l'inspiration  divine 
et  l'applique  à  la  réflexion  profonde  des  philosophes,  à  l'exaltation  des  poètes 
et  à  l'héroïsme  des  guerriers.  —  Effet  de  l'idéal  connu,  II,  396-397. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Enthymèmc  —  Épigénèse  809 

Enthymème  [Enthymema,  'EvOuayiijia,  de  'Ev9u[jL£0[j.at,  de  èv,  dans,  Ouiaw, 
souffle,  âme,  se  mettre  dans  l'esprit,  réfléchir)  :  a)  selon  Aristote  [Premiers 
Analytiques,  L.  II,  Ch.  xxix)  c'est  le  syllogisme  du  probable,  parce  qu'il  est 
fondé  sur  des  vraisemblances  ;  aussi  l'appelle-t-il  le  syllogisme  des  orateurs  ; 
b)  d'après  les  modernes,  c'est  un  syllogisme  elliptique,  547. 

Entier  (de  Integrum,  non  entamé,  intact,  de  m  négatif  et  tangere,  toucher)  : 
pour  être  rigoureuses,  la  division,  l'analyse  et  la  synthèse  doivent  être  entières, 
complètes,  527  ;  605-606  ;  615. 

Entitatif,  Entité  [Ens,  entis,  d'où  les  termes  scolastiques  Entitativus, 
Entitas)  :  ce  mot,  dans  la  langue  scolastique,  signifie  essence  ou  réalité.  Le  mot 
entitatii>em.ent  [entitative]  s'emploie  pour  dire  qu'on  considère  une  chose  dans 
sa  réalité,  en  elle-même,  sans  s'occuper  des  rapports  ou  connexions  qu'elle 
peut  avoir,  256.  —  L'abus,  que  certains  Scolastiques  ont  fait  des  entités, 
les  a  rendues  suspectes  :  de  là  vient  qu'on  emploie  quelquefois  l'expression 
entité  métaphysique  comme  synonyme  à'' abstraction  réalisée.  —  Les  Logiciens 
anglais  usent  du  mot  Entity  pour  désigner  un  être  que  l'esprit  se  représente 
en  dehors  de  toute  détermination  précise. 

Entoptique  (de  'Evxo'ç,  en  dedans  ;  otttuo;,  relatif  à  la  vue)  :  les  phéno- 
mènes entoptiques  sont  les  sensations  visuelles  résultant  non  de  l'excitation 
lumineuse,  mais  de  causes  qui  sont  intérieures  à  l'œil  ;  vg.  inflammation; 
blessure,  ébranlement  produit  par  un  choc,  etc. 

Entrepreneur  (de  Entre  et  preneur)  :  son  profit,  II,  356. 

Énumération  [Enumeratio,  de  enumeratum,  supin  de  e-numerare,  supputer 
de  numerus,  nombre)  :  a)  induction  par  énumération  complète,  674-675  ;  b)  induc- 
tion par  énumération  incomplète,  667  ;  671  ;  684.  —  Quatrième  règle  de  la 
méthode  cartésienne,  605-606.  —  Sophisme  de  l'énumération  incomplète,  800. 

Envie  (de  l'ancien  français  Envidie,  dérivé  de  Invidia  =  in-video,  regarder 
d'un  œil  malveillant),  94, 

Épagogique  (  'ETraYWYtxo?,  qui  attire,  qui  procède  par  induction,  de  £7r«Y"T'li 
induction)  :  le  syllogisme  épagogique  est  l'induction  formelle  û'Aristote,  674. 

Épée  (Abbé  Charles-Michel  de)  :  instruction  des  sourds-muets,  438. 

Éphectique  (  'E^psxTtxo;,  qui  arrête,  de  Ir-s'/w,  retenir,  ir,o/-r\,  suspension 
du  jugement)  :  c'est  l'un  des  noms  donnés  aux  disciples  de  Pyrrhon,  II,  421. 

Épichérème  [Epicherema,  'ETziyûç,-r\u.n,  effort,  attaque,  de  è-xi-ytip&ï^ , 
mettre  la  main  sur,  de  y.si'p,  main)  :  syllogisme  muni  de  ses  preuves,  547. 

Épictète  ( 'Ettixt/ito;,  de  ètti,   après,   y.Tr.To';,   acquis)  :  sa  morale,   II,   93. 

—  Épictète  et  l'esclavage,  II,  180. 

Épicure  ( 'ETtixoiipoç,  de   'Eut'-xoupo;,  auxiliaire)  :  plaisir,  fait  négatif,  57. 

—  Origine  du  plaisir,  61.  —  Distinction  des  plaisirs,  69,  2.  —  Théorie  des 
idées-images,  167.  —  Le  langage,  442,  1  ;  449,  1.  —  Morale  de  l'intérêt  per- 
sonnel, II,  50.  —  Légitimité  du  suicide,  II,  156.  —  Atomisme,  II,  507  ;  600. 

Épicuréisme,  Épicurisme  (de  Epicureus,  Epicurius,  d'Épicure)  :  doctrine 
d'ÉPicuRE  et  des  Épicuriens.  Voir  Épicure. 

Épigénèse,  Épigénésie  (de  ii^i,  après,  té^^'^'î,  génération)  :  c'est  le  contre- 
pied  de  la  théorie  de  la  préformation  et  de  V emboitement  des  germes,  d'aprù  ^ 
laquelle  le  germe  serait  un  individu  tout  formé,  mais  réduit  à  une  extrême 

TRAITÉ   DE   PHILOSOPHIE.  —  T.    II.  —     27 


810  TABLE  ANALYTIQUE  :  Épigraphic  —  Épreuve 

petitesse.  Ce  germe  en  contiendrait  d'autres  encore  plus  réduits,  ceux-ci  d'autres 
encore  et  ainsi  de  suite,  en  sorte  qu'un  être  vivant  contiendrait  préformés  tous 
les  êtres  qui  doivent  provenir  de  lui.  Malebranche  a  soutenu  cette  théorie. 
Cf.  vg.  Entretiens  sur  la  Métaphysique,  X,  §  3  à  6.  On  oppose  aujourd'hui  à  ce 
système  VÉpigénèse,  d'après  laquelle  les  différenciations  d'organes  d'un  nouvel 
individu  ne  préexistent  pas  toutes  formées  dans  le  germe,  mais  se  constituent 
peu  à  peu  au  cours  de  son  embryogénie. 

Épigraphie  (de  Épigraphe,  de  î-typa'^-iq,  inscription,  de  èizi,  sur,  yfacpeiv, 
écrire)  :  science  des  inscriptions,  auxiliaire  de  l'histoire,  740  ;  741,  1. 

Épikie  (Epikeia,  ETrisixs'.a,  équité,  convenance,  de  £Trt£t5tr'ç,  d'une  juste 
mesure,  convenable,  équitable)  :  les  Moralistes  entendent  par  là  une  interpré- 
tation bénigne  de  la  loi  dans  un  cas  extraordinaire.  Ils  se  fondent  sur  cette 
présomption  équitable  que  le  législateur  n'aurait  pas  étendu  à  ce  cas  excep- 
tionnel, s'il  l'avait  prévu,  l'application  de  la  loi.  Voici,  par  exemple,  une  loi 
qui  défend  d'hospitaliser  les  assassins.  Il  est  présumable  qu'elle  ne  s'étend  pas 
à  un  père,  qui  reçoit  chez  lui  son  fds,  fût-il  coupable  d'assassinat. 

Épiphénomène  ('I-t^î,  sur  ;  cpatvo'aevov,  ce  qui  paraît)  :  c'est  un  phénomène 
accessoire  qui  se  greffe  sur  un  autre.  Le  plaisir  est  un  épiphénomène,  61  ;  de 
même  le  bonheur,  II,  91.  —  Selon  certains  psychologues,  l'activité  psycholo- 
gique peut  se  déployer  avec  ou  sans  conscience  :  c'est  pourquoi  ils  disent  que 
la  conscience  est  xm  épiphénomène.  Mais  l'hypothèse  d'un  phénomène  psycho- 
logique inconscient  est  contradictoire,  145.  —  D'autres  psychologues,  défen- 
seurs du  mécanisme  matérialiste,  comme  Maudsley,  Huxley,  distinguent 
deux  aspects  dans  l'activité  psychologique  :  l'aspect  externe,  ce  sont  les  fonc- 
tions cérébrales  ;  l'aspect  interne,  ce  sont  les  opérations  conscientes.  Ils  appel- 
lent épiphénomènes  les  opérations  de  la  conscience. 

Épistématique  (de  'KTitiTT^avi,  science,  de  £7ti<TT«aoct,  savoir)  :  s'oppose 
à  Épagogiquc  pour  désigner  une  méthode  purement  rationnelle  et  déductive, 
qui  convient  aux  sciences  abstraites,  618. 

Épistémologie  (de  'E7rt(jT7][j.r,,  science  ;  Xoyoç,  discours)  :  c'est  la  philosophie 
des  sciences  ou  étude  critique  de  leurs  principes,  hypothèses  et  résultats,  596. 

Épisyllogisme  (de  l'allemand  Episyllogismus,  de,  Ittî  sur,  (TuXXoytaadç, 
calcul,  raisonnement  )  :  syllogisme  dont  l'une  dçs  prémisses  est  la  conclusion 
du  syllogisme  précédent  dans  une  série  de  déductions  enchaînées,  548. 

Époptique  (  'EitoTTTtxo'ç,  qui  concerne  le  plus  haut  degré  de  l'initiation,  de 
£TO7iT7]ç,  qui  observe,  parvenu  au  plus  haut  degré  d'initiation,  de  Ittî,  sur  ; 
"oTTToaat,  comme  ôcato,  regarder)  :  s'emploie  quelquefois  comme  syno- 
nyme de  ésotérique.  On  appelait  Épopte  celui  qui^  était  parvenu  au  troisième 
et  dernier  degré  d'initiation  dans  les  mystères  d'Eleusis. 

Époque  (  'Ktto/ti,  arrêt,  de  Itt-e/w,  s'arrêter)  :  c'est  un  moment  de  la  duréci 
marqué  par  un  événement  important,  où  l'historien  s'arrête  pour  envisager  de 
là,  comme  d'un  point  de  vue  supérieur,  les  faits  qui  se  déroulent  avant  et 
après. 

Époux  iSponsum,  fiancé,  devenu  espos,  espous,  époux)  :  personnes  de  sexe 
différent  unies  par  le  lien  du  mariage.  Devoirs  réciproques,  II,  211. 

Épreuve  (Substantif  verbal  de  Éprouver,  de  6  =  latin  ex;  prouver,  do 
probare,  essayer)  :  douleur  morale.  —  Son  rôle  dans  la  vie,  128  ;  II,  644, 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Équation  —  Erreur  811 

• 
Équation  (Aequatin,  égalité,  de  aequare,  aplanir,  égaliser,  de  sequus,  uni, 
égal)  :  a)  Sens  général  :  c'est  la  formule  d'une  relation  entre  grandeurs  qui 
dépendent  les  unes  des  autres.  Elle  exprime  une  égalité  qui  comprend  une  ou 
plusieurs  quantités  ou  grandeurs  non  exprimées,  dites  inconnues,  et  qui  ne  se 
vérifie  que  pour  cei'taines  valeurs  des  inconnues.  —  ft)  Sens  spécial:  vg.  équation 
personnelle,  721.  C'est  une  correction  qu'on  doit  faire  aux  observations  astro- 
nomiques :  on  tient  compte  du  retard  que  l'observateur  met  à  percevoir  le 
phénomène  observé.  —  c)  Sens  figuré  :  définition  de  la  vérité,  xxvii-xxviii  ; 
770,  2. 

Équilibre  (  Aequilibrium,  de  aequus,  égal  ;  libra,  poids)  :  instinct  de  l'équi- 
libre. Il  est  nécessaire  à  l'homme  et  à  l'animal  pour  orienter  convenablement 
leur  marche,  vol  ou  station.  Certaines  maladies  nerveuses^  en  suppriment 
l'exercice.  —  Liberté  d'équilibre  ou  d'indifférence,  394.  — •  Équilibre  mental  : 
état  d'harmonie  des  différentes  facultés,  dans  lequel  chacune  se  déploie  norma- 
lement sans  empiéter  sur  les  autres,  II,  402-403.  —  ÉquiUbre  des  Puissances, 
II,   316-317. 

Équipollence  (  Aequipollentia,  de  aequus,  égal  ;  pollere,  valoir)  :  il  y  a  équi- 
pollence  entre  deux  propositions  quand  elles  ont  le  même  sens. 

Équiprobabilisme  (de  Aequus,  égal,  et  probabiUsme)  :  doctrine  d'après 
laquelle  on  doit  suivre  le  parti  le  plus  sûr,  à  moins  que  le  parti  favorable  à  la 
liberté  ne  soit  d'une  probabilité  égale,  II,  35. 

Équité  {  Aequitas,  égalité,  de  aequus,  uni,  égal)  :  a]  Avoir  le  sens  de  V équité, 
c'est  avoir  le  sentiment  sûr  et  spontané  de  ce  qui  est  dû  à  chacun. —  b)  Forme 
de  la  justice  pénale,  II,  162-163. 

Équivalence  (de  Équivalent,  de  aequivalèns,  de  aequus,  égal  ;  valere,  valoir)  : 
synonyme  de  Équipollence,  en  LjOgique.  —  On  appelle  quelquefois  le  principe 
de  la  conservation  de  l'énergie  principe  de  l'équivalence,  parce  qu'il  y  a  équi- 
valence entre  le  travail  dépensé  dans  un  corps  ou  un  système  et  la  quantité  de 
chaleur  dégagée  de  ce  corps  ou  de  ce  système.  On  nomme  équivalent  mécanique 
de  la  chaleur  le  travail,  exprimé  en  kilogrammètres,  qu'il  faut  dépenser  dans  un 
corps  ou  dans  un  système,  pour  que,  transformé  en  chaleur,  il  y  produise  une 
calorie. 

Équivoque  (Aequivocus,  de  aequus,  égal  ;  vox,  voix,  parole)  :  a]  Se  dit  des 
termes  et  des  propositions  qui  ont  plusieurs  sens.  S'oppose  à  Univoque  et  se 
distingue  de  Analogue,  519  ;  II,  461. —  è)  Sophisme  de  l'équivoque,  798. 

Ergographie  ("Epyov  action,  travail,  ypa-jo),  décrire)  :  c'est  l'art  de  mesurer 
le  travail  mécanique  des  êtres  vivants,  la  fatigue  qui  s'en  suit,  etc. 

Ergoter  (de  Ergo,  donc)  :  abus  du  raisonnement,  279. 

Éristique  '  '\i^inz'.y.-f\  Ti/yr^,  l'art  de  la  discussion,  de  aptç,  dispute)  :  c'est 
l'art  de  discuter  subtilement.  Ce  mot  est  pris  surtout  dans  un  sens  péjoratif 
pour  qualifier  les  arguties  des  philosophes  qui  abusent  des  finesses  de  la 
Dialectique.  C'est  notamment  le  surnom  de  I'Ecole  de  Mégare,  qu'EuBULioE 
rendit  ergoteuse,  548,  1. 

Erreur  (Error,  détour,  de  errare,  aller  çà  et  là,  errer)  :  a)  :  Désaccord  de 
l'esprit  avec  son  objet,  794.  —  b)  Ce  qui  n'est  pas  conforme,  dans  les  œuvres 
humaines,  à  l'idéal  physique,  inteUectuel  ou  moral,  795.  —  c)  Ce  qui  est  l'objet 
d'une  énonciation  fausse,  795.  —  État  de  l'esprit  par  rapport  au  vrai,  771.  — 
Fausseté  logique,  ontologique,  morale,  794-795.  —  Siège  de  l'erreur,  796.  — 
Erreur  matérielle  ou  virtuelle,  erreur  formelle  ou  actuelle,  796-797.  —  Classi- 


812         TABLE  ANALYTIQUE  :  Eireuîs  des  sens  —  Esprit  de  corps 

fication  des  erreurs  de  raisonnement  en  sophismes  :  a)  de  mots,  798  ;  b)  de 
pensées,  799.  —  Possibilité  de  l'erreur,  802.  —  Causes  de  l'erreur  en  général  : . 
a)  Intermédiaires,  803  ;  b)  État  du  sujet,  803.  —  Causes  d'après  :  Bacon, 
Descartes,  Malebranche  et  Spinoza,  805-807.  —  Culpabilité  de  l'erreur, 
807.  —  Causes  de  l'erreur  dans  le  domaine  de  la  conscience  morale,  II,  29-30. 
—  Erreur  invincible  ou  vincible,  II,  34  ;  115. 

Erreurs  des  sens  :  187.  —  Causes  ordinaires,  188.  —  Causes  pathologiques, 

225  ;  487-488. 

Eschatologie  ( "ET/aTo;,  dernier  ;  Xo'yo;,  discours)  :  c'est  la  science  des  fins 
dernières  de  l'homme  et  de  l'univers.  S'emploie  surtout  en  Théologie.  Se 
rencontre  aussi  en  philosophie.  Cf.  Renouvier  et  Prat,  Nouvelle  Monadologie, 
VII®  partie,  cxxxix  et  cxl. 

Esclavage  (de  Esclave.  Ce  mot  vient  d'un  nom  de  peuple,  des  Slaves  ou 
Esclavons,  qu'au  x®  siècle  Othon  le  Grand  réduisit  en  captivité  et  vendit)  : 
c'est  la  réduction  de  l'homme,  personne  morale  in\àolable,  à  l'état  de  chose. 
• —  Illégitimité,  II,  176.  —  Opinions  des  philosophes  anciens  (Platon,  Aristote, 
ZÉNON,  Sénèque,  Épictète),  176-180.  —  Attitude  du  Christianisme,  180-181. 

Ésotérique  ( 'EawTgptxo'ç,  de  l'intérieur,  de  "eaw,  l'.cw,  au  dedans)  :  a)  Dans 
les  Écoles  de  la  Grèce,  c'est  l'enseignement  des  questions  plus  difficiles  réservé 
aux  disciples  proprement  dits.  S'oppose  à  Exotérique  :  enseignement  qui 
s'adressait  à  ce  qu'on  nomme  aujourd'hui  le  grand  public.  —  è)  On  entend 
quelquefois  par  ésotérique  une  doctrine  secrète,  qui  ne  doit  pas  être  divulguée 
par  les  initiés  ivg.dansl'ÉcoLE  Pythagoricienne.  —  c)  Par  extension,  ensei- 
gnement réservé  à  une  élite.  Tel  doit  être  l'enseignement  de  la  science  selon 
Bacon  {De  Augmentis,  L.  VI,  C.  ii). 

Esotérisme  (de  Ésotérique)  :  doctrine  dont  le  caractère  est  ésotérique.  — 
Actuellement,  ce  mot  s'emploie  parfois  comme  synonyme  d'Occultisme. 

Espace  [Spatium,  du  dorien  cTra^tov,  stade,  champ  de  course,  puis 
étendue,  espace)  :  sa  nature  d'après  Newton,  Clarke,  Descartes,  Gassendi, 
Kant,  II,  501-503.  —  D'après  Leibniz,  c'est  l'ordre  des  phénomènes  coexis- 
tants, II,  503.  —  Espace  réel  et  espace  absolu,  II,  503-504,  505.  —  Origine  de 
cette  notion,  II,  504-505. 

Espèce  (Species,  aspect,  forme,  de  specere,  regarder)  :  un  des  universaux, 
253.  —  Espèce  infime,  253.  —  Au  point  de  vue  biologique,  695-696  ;  II,  614,  4. 
—  Origine  des  espèces  d'après  Darwin,  II,  613. 

Espèce  impresse,  expresse  :  162. 

Espèce  sensible,  intelligible  :  162  ;  171,  1  ;  316-317. 

Espérance  (de  Espérer,  de  sperare,  s'attendre  à,  compter  sur,  de  spes, 
attente)  :  passion,  122.  —  Espoir  de  la  récompense,  II,  77-79  ;  121-122. 

Espéranto  (Celui  qui  espère)  :  langue  internationale  inventée  vers  1887 
par  le  D'  Zamenhof,  médecin  russe.  Le  mot  Espéranto  fut  le  pseudonyme  pris 
d'abord  par  l'inventeur,  462. 

Esprit  (de  Spiritum,  souffle,  de  spirare,  souffler)  :  esprit  philosophique  et 
esprit  scientifique,  6.  —  Esprit  géométrique  et  esprit  de  finesse,  643.  —  Esprit 
et  talent,  II,  405.  —  Esprit  et  matière,  II,  507  ;  536  ;  540. 

Esprit  de  corps  :  93. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Esquifol  (Jean-Éticnnc)  —  Estimative       813 

EsQuiROL  (Jean-Étienne)  ;  formes  de  la  folie,  488,  2. 

Essence  (Essentia,  de  esse,  être)  :  ce  par  quoi  une  chose  est  ce  qu'elle  est; 
367  ;  II,  465.  —  Indice  du  caractère  essentiel,  690.  —  Essence  des  choses,  II,  41  , 
110-111  ;  583-584.  —  L'essence  des  choses  ne  dépend  pas  de  la  volonté  arbi- 
traire de  Dieu,  II,  107,  —  Essence  et  existence,  II,  465-466.  —  Distinction 
•entre  l'essence  et  l'existence,  II,  467-469. 

Essentiel  (du  latin  scolastique  Essentialis,  de  essentia)  :  ce  qui  appartient 
à  l'essence  et,  par  extension,  ce  qui,  dans  un  être,  est  très  important.  S'oppose 
à  Accidentel,  253  ;  523.  —  Définition  logique  ou  essentielle,  521.^ L'essence, 
l'essentiel  répond  à  ce  qu'AnisTOTE  nomme  to  tî  sttcv  ou  to  ti  yiv  eivat,  ce 
qui  fait  qu'un  être  est  ce  qu'il  est,  521.  Cf.  Aristote,  Métaphysique,  L.  VI, 
€h.  V.  —  Ordre  essentiel  des  choses,  II,  41. 

Esthésimétrie  (AiaOrjdtç,  sensation  ;  [xÉxpov,  mesure)  :  c'est  une  branche  de 
la  Psycho-physique,  qui  vise  à  mesurer  la  sensibilité,  726-728. 

Esthésiogène  (AicOriCtç,  sensation  tÉvo;,  origine)  :  agent  qui  accroît 
la  sensibilité  ou  la  rend  ;  vg.  l'aimant. 

Esthésiomètre  (AicOvitiç,  faculté  de  sentir,  sensation  ;  [aÉt^ov,  mesure)  : 
instrument,  dérivé  du  Compas  de  Weber,  qui  sert  à  mesurer  la  sensibilité  de  la 
peau,  727. 

Esthéticisme,  Esthétisme  (de  Esthétique)  :  doctrine  qui  ramène  le  Souverain 
Bien  à  la  beauté  (Platon,  Herbart,  Wieland,  Ravaisson,  Ruskin),  II,  89. 

Esthétique  (1')  (AîcrOr,Tixoç,  qui  a  la  faculté  de  sentir,  de  a'.^rOdvoaat,  sentir)  : 
la  science  du  beau,  II,  377.  —  Ce  nom  vient  de  Baumgarten,  qui,  en  1750, 
intitula  un  ouvrage  sur  la  formation  du  goût  Aesthetica,  II,  377.  L'appHcation 
de  ce  terme  à  la  science  du  beau  n'est  pas  heureuse,  car  il  ne  met  en  relief  que 
l'élément  sensible,  qui  n'est  pas  le  seul  élément  à  entrer  dans  la  formation  de 
l'idée  du  beau,  II,  378-380.  —  Méthode  de  l'Esthétique,  760. 

Esthétique  :  ce  mot,  pris  adjectivement,  signifie  ce  qui  est  relatif  au  beau. 
Sentiments  esthétiques,  97.  —  Inclinations  esthétiques,  103.  —  Sens  esthé- 
tiques, 186.  —  Qualité  esthétique  de  la  classification,  698.  —  Émotion  et 
jugement  esthétiques,  II,  378-379.  —  L'activité  esthétique,  II,  379-380.  — ■ 
Caractères  du  sentiment  esthétique,  II,  380.  —  Morale  esthétique,  II,  89. 

Esthétique  transcendantale  :  Kant  définit  V Esthétique  :  l'étude  de  la  faculté 
de  connaître  par  les  sens  ;  et  V Esthétique  transcendantale  :  l'étude  des  formes 
a  priori  de  la  sensibilité,  c'est-à-dire  du  temps  et  de  l'espace,  II,  431.  Mais, 
dans  la  Critique  du  jugement,  il  applique  le  terme  esthétique  au  jugement  qui 
apprécie  le  beau.  Cf.  Analytique  du  jugement  esthétique. 

Estimation  (  Aestimatio,  de  aestimatum,  supin  de  aestimare,  évaluer,  de  aes, 
au  sens  de  monnaie,  et  du  verbe  archaïque,  timo,  apprécier)  :  évaluation.  — 
Estimation  d'un  revenu,  II,  280.  —  Estimation  commune,  II,  359-360. 

Estimative  (du  latin  scolastique  Aestimativa,  de  aestimare,  apprécier)  : 
c'est,  dans  le  système  scolastique,  une  faculté  sensible  qui  permet  à  l'animal 
de  discerner  l'utile  et  le  nuisible  ;  c'est  une  sorte  de  jugement  instinctif.  — 
Dans  l'homme,  cette  faculté  est  appelée  Cogitative.  C'est  par  erreur  que,  p.  44, 
Estimative  a  été  mis  au  lieu  de  Cogitative. 


814  TABLE  ANALYTIQUE  :  Estime  —  Éthographie 

Estime  (substantif  verbal  de  Estimer,  de  aestimare,  apprécier)  :  cas  qu'on 
fait  du  mérite  des  personnes  et  de  la  valeur  des  choses.  —  L'estime  morale 
implique  la  liberté,  373.  —  Sentiment  moral  de  respect,  II,  207. 

État  (de  Statum,  d'où  estât,  état,  de  stare,  qui  indique  l'idée  de  station, 
de  stabilité)  :  nianière  d'être  plus  ou  moins  stable,  par  opposition  à  devenir  et 
à  activité.  —  États  de  conscience,  terme  générique  qui  comprend  sensation, 
sentiment,  idée,  volition,  23  ;  33-35.  —  États  anormaux,  225  ;  477-489  ;  723- 
724  ;  725.  —  États  forts  ou  primaires,  faibles  ou  secondaires,  234.  —  États 
de  conscience  présents,  passés,  195-196. 

État  politique  :  société  organisée  ayant  un  gouvernement  autonome, 
II,  219.  —  Autres  sens  du  mot  État,  II,  219.  —  Fonctions  de  l'Etat,  II,  248  : 
a)  fonction  de  protection,  II.  248  ;  b)  d'assistance,  II,  249.  —  Intervention  de 
l'Etat  dans  :  aï  renseignement,  252  ;  b)  la  bienfaisance,  II,  263/,  c)  la  réglemen- 
tation du  travail,  II,  265.  —  Limites  et  empiétements  de  l'État,  II,  250.  — 
Devoirs  et  droits  de  l'Etat,  II,  265.  —  L'Etat  et  l'impôt.  II,  277.  —  L'Etat  et 
le  droit  d'association,  II,  285.  —  Rapports  de  l'Église  et  de  l'État,  II,  337-340. 

État  de  nature  :  hypothèse  de  Hobbes,  J.-J.  Rousseau,  II,  220. 

Étatisme  (de  État)  :  mot,  de  création  récente,  pour  désigner  les  théories 
qui  tendent  à  concentrer  dans  les  mains  de  l'État  toutes  les  fonctions  sociales  : 
le  Socialisme  sous  ses  diverses  formes,  II,  199-204. 

Étendue  (substantif  participe  de  Étendre,  de  ex-tendere,  étendre)  :  a)  qualité 
qu'ont  les  corps  d'occuper  une  partie  de  l'espace  ;  b)  partie  de  l'espace  occupée 
par  les  corps.  —  Étendue  colorée,  musculaire,  tactile,  190-193.  —  Perception 
de  la  résistance  étendue,  179.  —  Rapports  avec,  le  mouvement,  182.  — 
Différence  entre  espace  et  étendue,  II,  505.   —    Étendue  virtuelle,  II,  521 . 

Éternité  (Aeternitas,  de  aeternus  =  aeviternus,  éternel,  de  aevum,  durée 
illimitée  ;  cf.  alcov,  temps,  ce  qui  existe  de  toute  éternité,  pour  at/'wv)  : 
«  Possession  parfaite,  à  la  fois  présente  et  totale,  d'une  vie  interminable  » 
(Boèce).  —  Attribut  divin,  II,  578.  — •  La  science  éternelle  de  Dieu  et  la  liberté 
humaine,  378-382.  —  Argument  tiré  des  Vérités  éternelles,  II,  567. 

Éthélisme  (de  'EOs'Xoj,  vouloir)  :  les  Allemands  appellent  ainsi  tout  système 
philosophique  qui  fait  de  la  volonté  la  faculté  essentielle  de  l'âme.  Telle  est 
la  philosophie  de  Schopenhauer,  365,  1. 

Éthique  (  Why.-r\,  qui  se  rapporte  aux  mœurs,  sous-entendu  tÉ/v/;,  art, 
de  Ti&oç,  caractère,  manière  d'être)  :  c'est  la  science  des  mœurs  telles  qu'elles 
doivent  être,  II,  1.  —  Pour  distinguer  V Ethique  de  la  Morale,  certains  défi- 
nissent :  a)  la  Morale  :  la  science  de  fait  qui  se  propose  d'étudier  la  conduite  des 
hommes  ;  b)  VÉthique  :  la  science  qui  étudie  les  principes  où  se  fonde  le  devoir  ; 
ou  encore  la  science  qui  a  pour  objet  les  jugements  d'appréciation  appliqués  à 
la  distinction  du  bien  et  du  mal.  Mieux  vaut  s'en  tenir  à  l'usage  historique  qui 
emploie  ÉJthique  et  Morale  comme  synonymes. 

Ethnographie  (de  "KOvoç,  peuple,  race  ;  ypacpTi,  description)  :  description 
des  races  humaines  au  point  de  vue  biologique  et  social. 

Ethnologie  (de  "E^voç,  peuple  ;  )vôyo;,  discours)  :  branche  de  V  Anthropologie 
qui  clicn  fui  l'explication  des  phénomènes  décrits  par  V  Ethnographie,  593. 

Éthographie  (de  vîOoç,  caractère,  manière  d'être  ;  Tpay>i,  description)  : 
description  des  mœurs,  des  usages  et  des  caractères.  Ampère  emploie  ce  terme 
dans  sa  classification  des  sciences. 


TABLE__ANALYTiQUE  :  Ethologic  —  Eutrapélio  815 

Éthologie  (de  vjôoç,  caractère,  manière  d'être  ;  Xo'yoç,  discours)  :  science 
des  lois  réelles  de  l'activité  morale,  II,  3.  Elle  doit  être  à  V Étho graphie  ce  que 
VEthnologie  est  à  V Ethnographie  :  chercher  l'explication  des  faits  décrits  par 
V  Etho  graphie. 

Étiologie  (AiTioXoyi'a,  de  «Ixia,  cause  ;  Ao'yoç,  discours)  :  science  des  causes 
d'une  catégorie  d'elTets,  notamment  en  Pathologie,  en  Histoire,  etc. 

Étonnement  (de  Étonner,  estonner,  du  latin  populaire  extonare  —  attonare, 
ad-tonare,  attirer  la  foudre,  frapper  de  stupeur)  :  commencement  de  la  science 
et  qualité  de  l'observateur,  577,  1  ;  650,  2. 

Être  (du  latin  populaire  Essere,  d'où  ess'rer,  estre,  être)  :  a)  Sens  abstrait: 
l'existence  en  général.  — b)  Sens  concret:  ce  qui  existe  réellement.  — C'est  le 
premier  des  transcendantaux,  252  ;  II,  460-461.  —  Rôle  dans  le  jugement, 
267  ;  553,  2.  —  Principe  d'identité,  288  ;  319,  556.  —  Est  indéfuiissabk,  522, 

—  Analyse  de  la  notion  d'être  :  modes,  propriétés,  principes  qui  en  dérivent,, 
II,  460. 

Être  de  raison  :  ce  qui  n'existe  que  dans  la  pensée,  II,  461. 

Être  suprême  :  nom  donné  à  Dieu  dans  la  Déclaration  des  droits  de  Vhomme, 
II,  348-349. 

Étroit  {Strictum,  participe  passé  de  stringere,  strictum,  serrer,  devenu 
estreit,  estroit,  étroit)  :  devoir  étroit  ou  strict,  II.  149.  —  Association  étroite  des 
idées,  199  ;  201. 

EuBULiDE  (EO[iouXeiiî-/lç,  de  eu,  bien;  fio^Xv],  volonté):  sophisme  du  tas 
deblé,  548,  1. 

EucLiDE  ( EuxXei<î-/iç,  de  suxXsri;,  illustre,  de  su,  bien;  xXéo;,  bruit, 
renommée,  gloire)  :  analyse  géométrique,  611,  3.  —  Nombre  des  axiomes 
mathématiques,  632. 

Euclidien  :  l'espace  euclidien  est  l'espace  à  trois  dimensions,  par  oppo- 
sition aux  hyperespaces  imaginés  par  des  géomètres  modernes.  —  La  géométrie 
euclidienne  suppose  précisément  l'espace  ordinaire  à  trois  dimensions.  — 
Géométries  non-euclidiennes,  643.  —  Voir  Hyperespace. 

Eudémonisme  (Eiioott|xovt(7;xoç,  _^  action  de  regarder  comme  heureux, 
bonheur,  de  £Ùfîaî|/.(ov,  heureux  =  eu,  bien,  oatijiwv,  dieu,  génie)  :  doctrine  qui 
met  le  principe  de  la  morale  dans  la  recherche  du  bonheur.  —  Eudémonisme 
rationnel  d'AnisTOTE,  II,  91. 

Eudémonologie  (Eù'îat;ji.ovia,  bonheur;  de  eùoxi'aojv,  eùciaiVovo;,  heureux; 
"^ô-^oi;,  discours)  :  science  de  la  Morale  reposant  sur  l'idée  de  bonheur. 

EuLER  (Leonhard)  :  représentations  graphiques  des  syllogismes,  557,  1. 

—  Dieu  et  la  prière,  II,  332,  2.  —  Influx  physique,  II,  5^^8. 

EuNOMius  (Eùvo'jAtoç,  de  sO,  bien  ;  voao;,  loi)  :  origine  du  langage,  441,  2. 

Eurythmie  (EOpuOw.ia,  harmonie,  de  eii,  bien  ;  puOi^-o;,  mouvement  régu- 
lier) :  c'est  la  combinaison  harmonieuse  des  lignes,  des  mouvements,  qualité 
artistique  qu'on  admire  surtout  chez  les  Grecs,  vg.  dans  le  Parthénon. 

Eutrapélie  (EÙTp«-£)a'a,  enjouement,  de  ewTpxTtïi;,  sutset:-/!;,  qu'on  peut 
tourner,  disponible  ;  de  £Ù,  bien  ;  tûe'ttiij,  tourner)  :  vertu  qui  a  pour  objet, 
d'après  Aristote  et  les  Scolastiques,  l'usage  raisonnable  des  divertissements. 
Cf.  S.  Thomas,  Summa  theologica,  II*  II"%  Q.  clxviii,  A.  II. 


816  TABLE  ANALYTIQUE  :  Évhémère  —  Exclu 

ÊvHÉMÈRE,  ÉvHÉMÉRisME  (Evï](jL£poç,  qui  marque  un]jour  heureux,  de  eu, 
bien  ;  ■hy-sç,a^  jour)  :  V Évhémérisme  est  l'opinion  du  mythographe  grec  Évhé- 
mère de  Cyrène  (vers  300  av.  J.-C).  Il  prétend  que  les  dieux  sont  des  héros, 
ayant  réellement  existé,  qui  auraient  été  divinisés  après  leur  mort. 

Évidence  (Evident ia,  de  evidens,  de  e-videre,  voir)  :  clarté,  capable  de 
déterminer  la  certitude.  Sa  nature,  777.  —  Évidence  immédiate  et  médiate, 
intrinsèque  et  extrinsèque,  métaphysique,  physique  et  morale,  779.  —  Évi- 
dence géométrique  et  évidence  morale,  784.  —  Critérium  de  l'évidence,  837. 

Évocation  [Evocatio,  de  evocatum,  supin  de  e-vocare,  faire  sortir  en  appelant, 
de  vox,  çocis,  voix,  parole)  :  évocation  des  souvenirs  par  la  fonction  de  rappel, 
200.  —  Lois  d'après  lesquelles  les  idées  s'évoquent,  213-214  ;  214-215. 

Évolution  [Evolutio,  de  evolutum,  supin  de  e-volvere,  rouler,  dérouler),:  ce 
terme  vague  signifie  en  général  développement  par  transformation  ;  vg.  Évo- 
lution des  langues,  455.  Cf.  L.  Cuénot,  Revue  des Quest. scientifiques,  1924,  p.  49. 

Évolution  régressive  :  certains  admettent,  en  Biologie  et  en  Sociologie,  une 
sorte  de  régression,  c'est-à-dire  d'évolution  à  rebours. 

Évolutionnisme  [d'' Évolution)  :  doctrine  qui  prétend  que  la  différenciation 
accompagnée  d'intégration  est  la  loi  générale  qui  préside  au  développement 
des  êtres.  —  Exposé  du  système  de  Spencer,  II,  626.  —  Critique,  II,  629.  — 
Origine  des  inchnations  altruistes  d'après  les  Évolutionnistes,  100-102.  — 
Rapports  de  l'émotion  et  de  l'inclination,  67.  —  Origine  des  idées,  306.  — 
Production  et  interprétation  des  signes,  437.  —  Origine  de  la  conscience  morale, 
II,  23.  —  Morale  évolutionniste,  II,  58. 

Exact  [Exactus,  accompli,  parfait,  exact,  adjectif  dérivé  de  exactum,  supin 
de  exigere  —  ex-agere,  pousser  dehors,  réclamer,  exiger)  :  ce  qui  est  rigoureu- 
sement conforme  à  la  vérité.  —  Sciences  exactes,  639.  —  Division  exacte,  527. 
—  Observation  exacte,  651. 

Examen  [Examen,  troupe  en  marche,  essaim,  contrôle,  examen  =  ex- 
agmen,  de  exigere,  ex-agere,  pousser  dehors,  réclamer,  exiger)  :  examen  de 
conscience,  II,  159. 

Exceptif  (de  Exceptum,  supin  de  excipere  —  ex-capere,  tirer  de,  retirer)  : 
la  proposition  exceptive  est  une  proposition  composée,  qui  affirme  un  attribut 
d'un  sujet  général,  en  exceptant  de  cette  affirmation  une  ou  plusieurs  espèces, 
un  ou  plusieurs  individus.  Ex.  :  Tous  les  hommes  naissent  souillés  du  péché 
originel,  sauf  la  Vierge  immaculée.  / 

Excès  [Excessus,  sortie,  écart,  de  excessum,  supin  de  ex-cedere,  sortir  de, 
dépasser)  :  ce  qui  dépasse  les  bornes  justes  et  convenables.  —  L'excès  d'activité 
produit  la  douleur,  62-63  ;  65.  —  La  définition  ne  doit  pas  pécher  par  excès, 
être  trop  large,  521-522.  —  De  même  pour  la  division,  527.  —  Exemple  d'une 
division  ou  classification  des  faits  psychologiques  péchant  par  excès,  36-37  ; 
46.  —  La  vertu  doit  éviter  l'excès  :  le  trop  et  le  trop  peu,  II,  127-128. 

Excitation  (Excitatio,  de  excitatum,  supin  de  ex-citare,  faire  sortir,  de  citare, 
pousser)  :  a)  Rapport  de  la  sensation  à  l'excitation,  727.  —  Antécédent  physique 
de  la  sensation,  156.  —  h)  Activité  anormale  de  l'organisme. 

Exclu  [Exclusus,  non  admis,  participe  passé  de  excludere  =  ex-claudere^ 
ex-clusum,  ne  pas  laisser  entrer)  :  la  proposition  exclusive  est  une  proposition 
composée,  qui  affirme  qu'un  attribut  ne  convient  qu'à  tel  sujet  ou  à  telle  classe 
de  sujets,  530.  Ex.  :  Dieu  seul  est  infini.  Seuls  les  hommes  sont  doués  de  raison. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Ex  conccsso  —  Expérieiîce  817 

Ex  concesso  (de  Concessum,  supin  de  concedere,  cum-cedere,  se  retirer,  céder)  : 
argument  qui  repose  sur  une  proposition  concédée  par  l'adversaire. 

Exécutif  (dérivé  du  radical  de  Exécution,  de  executio  et  exsecutio,  de  exe- 
cutum  et  exsecutum,  supin  de  exequi  et  exsequi,  suivre  jusqu'au  bout,  achever, 
exécuter)  :  pouvoir  exécutif,  II,  266  ;  269. 

Exécution  {Executio)  :  réalisation  extérieure  de  l'acte  volontaire,  358  ; 
359  ;  360.  —  Priinum  in  intentione  est  ultimum  in  executione,  333  ;  358.  — 
Volonté  incapable  d'exécution,  367-368. 

Exemplaire  {Exemplarium,  modèle,  de  exetnplar,  exemplum,  échantillon, 
exemple,  modèle)  :  modèle  existant  ou  conçu  par  l'esprit.  —  Cause  exemplaire, 
324  ;  II,  490. 

Exemplarisme  (de  Exemplar,  modèle)  :  a)  Théorie  platonicienne  selon 
laquelle  Dieu  formerait  le  monde  avec  une  matière  préexistante,  d'après  les 
idées  ou  types  des  choses  qui  lui  sont  éternellement  présents,  257,  2.  —  Il  faut 
corriger  la  théorie  de  Platon  en  v  ajoutant  la  doctrine  de  la  création  :  Exem- 
plarisme divin,  769-770  ;  II,  395-396  ;  583-584. 

Exemple  (Exemplum,  de  ex-imere,  exemptum,  tirer  de,  mettre  hors  de)  : 
son  influence,  96  ;  II,  29.  —  Argument  de  l'exemple,  550. 

Exercice  {Exercitium,  de  exercitum,  supin  de  exercere  =  ex-arcere,  agiter, 
exercer)  :  exercices  corporels,  411,  2  ;  II,  156. 

Exigibilité,  Exigible  (de  Exigere  =  ex-agere,  pousser  dehors,  réclamer, 
exiger)  :  ce  qui  peut  être  demandé  au  nom  de  la  justice.  —  Exigibilité  du 
droit,  II,  132.  —  Les  droits  fondés  sur  la  justice  sont  exigibles,  II,  138  ;  165. 

Existence  [Existentia,  de  existere  =  ex-sistere,  sortir  de,  paraître,  se  mon- 
trer) :  c'est  l'actualité  de  l'essence,  II,  466.  — ■  Essence  et  existence,  II,  465- 
466.  —  Distinction  entre  l'essence  actuelle  et  l'existence  d'une  chose,  467-469. 

Existentialité  :  qualité  de  ce  qui  existe,  dans  le  langage  kantien. 

Existentiel  :  les  jugements  existentiels  sont  ceux  qui  affirment  ou  nient 
l'existence  d'une  classe  :  vg.  Quelque  homme  est  savant.  Quelque  homme  n'est 
pas  blanc. 

Exogamie  (  "Hlço),  en  dehors  ;  w\i-o<;,  mariage)  :  mariage  en  dehors  du  clan 
ou  de  la  tribu.  Il  était  interdit  chez  certains  peuples  par  la  coutume  ou  par 
la  loi. 

Exotérique  ( 'Eçojreptxo';,  extérieur,  de  £;w,  en  dehors)  :  se  dit  de  l'ensei- 
gnement que  les  philosophes  anciens  donnaient  au  public,  par  opposition  à 
l'enseignement  ésotérique. 

Expectation  (Exspectatio,  de  exspectatum,  supin  de  ex-spectare,  attendre, 
espérer,  de  specere,  regarder)  :  faculté  qui,  d'après  S.  Mill,  consiste  à  pouvoir 
se  représenter  des  sensations  après  en  avoir  eu  de  réelles.  Elle  se  manifeste 
surtout  dans  le  cas  des  associations  répétées,  304. 

Expérience  [Experientia,  d'experior,  tenter,  mettre  à  l'épreuve,  de  ex  et 
perior,  essayer)  :  a)  Sens  abstrait  :  1°)  Ensemble  des  progrès  de  l'esprit  résultant 
de  l'exercice  de  ses  facultés,  vg.  on  dira  :  l'expérience  de  la  vie.  —  2»)  Exercice 
des  facultés  intellectuelles  (conscience  et  sens)  en  tant  qu'elles  nous  font  acquérir 
des  connaissances  :  expérience  interne,  expérience  externe,  id^,  —  b)  Sens  concret  : 
•observation  provoquée  :  faire  une  expérience  physique,  intellectuelle,  morale.  — 


818  TABLE  ANALYTIQUE  :  Expérimental  —  Exposition 

Expériences  psycho-physiques  et  psycho-physiologiques,  726-729.  —  Facultés 
expérimentales,  134-135.  —  L'expérience  et  la  raison,  285.  —  Part  de  l'expé- 
rience dans  l'origine  des  notions  et  vérités  premières,  315  ;  317.  —  Méthode 
expérimentale,  8-10,  647-649  ;  731-734.  —  Part  de  l'expérience  dans  l'induction, 
682.  —  Sciences  d'observation  et  sciences  expérimentales,  663-664.  —  Formes 
de  l'expérience  d'après  Bacon,  661-662.  —  Interprétation  de  l'expérience,  664. 
—  Généralisation  de  l'expérience,  673.  —  Expérience,  critérium  du  vrai,  817. 

Expérimental  (de  Experimentum,  expérience,  d^experiri,  essayer)  :  ce  qui 
emploie  l'expérience,  aux  sens  a)  2°  et  b).  —  Méthode  expérimentale,  8-10  ; 
30-32  ;  647-649  ;  731-734.  —  Empirisme  et  méthode  expérimentale,  686.  — 
Facultés  expérimentales,  134-135.  —  Sciences  expérimentales,  663-664. 

Expérimentation  (de  Expérimenter,  de  experimentare,  éprouver,  de  ex- 
periri,  essayer)  :  méthode  qui  consiste  à  faire  un  ensemble  d'expériences.  — 
Expérimentation  en  psychologie  :  a)  nécessité,  724  ;  b)  possibilité  et 
limites,  725.  —  Exemples  d'expérimentations  psycho-physiques,  physio- 
logiques, hypnotiques,  726-728.  —  Expérimentation  dans  les  sciences  phy- 
siques ;  659-670  :  a)  conditions,  661  ;  b)  formes,  661  ;  c)  privilèges,  662.  — 
Méthodes  d'expérimentation  :  a)  de  Bacon,  666  ;  b)  de  Stuart  Mill,  667.  — 
Expérimentation  en  psychologie  et  en  physique,  733.  —  Expérimentation  en 
physiologie,  664  ;  725  ;  728.  —  Lacunes  de  l'expérimentation  dans  les  sciences 
naturelles,  699. 

Expiation  (Expiatio,  de  expiatum,  supin  de  ex-piare,  purifier  par  des 
expiations,  expier,  de  pius,  saint,  pieux,  voué)  :  libre  acceptation  d'une  peine 
en  esprit  de  réparation  d'une  faute,  II,  122. 

Explicatif  (du  latin  scolastique  explicoiivus,  de  explicatum,  supin  de  ex- 
plicare,  déplier,  déployer)  :  jugement  analytique  ou  explicatif,  273.  —  Hypo- 
thèse explicative,  656.  —  Wundt  appelle  sciences  explicatives  celles  qui 
s'efforcent  de  rendre  raison  des  choses,  par  opposition  aux  sciences  normatives 
qui  tracent  des  règles  à  suivre,  504  ;  715.  —  En  Logique,  dans  un  terme  complexe, 
l'addition  à  un  terme  simple  est  expHcative,  quand  elle  ne  fait  que  développer 
la  compréhension  du  terme  simple  sans  y  rien  ajouter  ;  vg.  L'homme  qui  est 
animal  raisonnable.  S'oppose  à  Déterminatif. 

Explication  (ExpUcatio,  de  explicatum,  supin  de  ex-plicare,  déplier)  :  donner 
l'explication  d'une  chose,  c'est  la  rendre  intelligible,  en  rendre  raison,  c'est-à- 
»  dire  en  indiquer  la  cause,  la  fin,  la  nature,  la  loi,  289-290  ;290-291. 

Explicite.  Explicitement  (ExpUcitus,  Explicite,  de  explicitum,  supin  de  ex- 
plicare,  déplier)  :  est  explicite  ce  qui  est  énoncé  d'une  manière  formelle,  expresse, 
actuelle.  S'oppose  à  Implicite,  Implicitement. 

Exponible  (du  latin  scolastique  Exponibilis,  qu'on  peut  exposer,  dérivé  de 
ex-ponere,  mettre  dehors,  en  vue,  exposer)  :  les  propositions  exponibles  sont 
des  propositions,  simples  en  apparence,  dont  la  composition  est  mise  en 
lumière  en  exposant,  par  une  analyse  logique,  tout  ce  qu'elles  renferment  ; 
vg.  Dieu  seul  est  éternel  =  Dieu  est  éternel  +  Seul  il  est  éternel.  Pour  que 
ces  propositions  composées  soient  vraies,  il  faut  que  chacune  des  propositions, 
dans  lesquelles  on  les  décompose,  le  soient.  Port-Royal  {Logique,  Part.  II, 
Ch.  x)  range,  parmi  les  exponibles,  les  exclusives,  les  exceptives,  les  compara- 
tives, les   inceptives,  les  désitives. 

Exposition  (Expositio,  de  expositum,  supin  de  ex-ponere,  mettre  en  dehors, 
en  vue,  exposer)  :  opération  logique  qui  consiste  à  faire  comprendre  un  concept 
en  l'appliquant  à  des  cas  particuhers. 


Table  analytique  :  Exprès — Extériorisation  819 

Exprès,  Expressément  {Expressus,  serré,  précis,  de  exprimere  =  ex- 
premere,   faire  sortir  en  pressant,  reproduire,   exprimer)   :   ce  mot  signifie  : 

a)  avec  intention,  délibération  ;  b)  d'une  façon  formelle,  explicite.  —  S'oppose 
à  Involontaire,   à  Implicite. 

Expresse  (Expressus,  serré,  précis)  :  espèce  expresse,  162  ;  316-317. 

Expressif  (du  radical  de  Expression)  :  ce  qui  exprime  bien  ce  que  l'on  veut 
dire.  —  Faculté  expressive,  37  ;  436.  —  Langue  expressive,  461.  —  Forme 
expressive,  II,  394. 

Expression  (Expressio,  de  expressum,  supin  de  ex-primere,  faire  sortir, 
en  pressant,  exprimer)  ;  manière  ou  pouvoir  d'exprimer  quelque  chose.  — 
Faculté  d'expression,  37.  —  Définition  du  beau,  II,  381.  —  Beau  de  l'expres- 
sion, II,  391.  — •  L'expression,  élément  de  l'art,  II,  394. 

Expropriation  (de  Exproprier,  de  ex,  hors  de  ;  proprius,  propre)  :  l'Etat 
a  le  droit  d'exproprier  pour  cause  d'utilité  publique,  à  condition  de  payer 
une  indemnité  convenable  à  l'exproprié.  Ce  droit  a  pour  fondement  le  pouvoir 
indirect  de  juridiction,  que  l'État  exerce  sur  la  propriété  en  vue  du  bien  social, 
II,  193  ;  249. 

Extase  (Extasis,  ex.roi.ni:,  déplacement,  état  de  quelqu'un  qui  est  hors 
de  soi  ;  de  £x,  hors  de  ;  ttoctcç,  stabilité)  :  différence  entre  l'extase  hystérique 
et  l'extase  surnaturelle,  485-487. 

Extensif  (du  radical  de  Extension)  :  sensations  extensives,  192.  —  Conte- 
nance extensive,  554  ;  557.  S'oppose  à  Intensif.  —  On  appelle  grandeur  exten- 
sive  une  grandeur  qu'on  peut  réprésenter  par  l'étendue,  tandis  qu'une  gran- 
deur intensive  n'est  pas  représentable  par  l'étendue  ;  vg.  pour  les  phéno- 
mènes psychologiques,  le  plus  ou  le  moins  n'a  qu'une  valeur  métaphorique, 
à  cause  de  leur  caractère  essentiellement  qualitatif,  26;  27.  —  Chez  Kant,  gran- 
deur extensive  signifie  étendue  ou  durée. 

Extension,  Extensivité  [Extensio,  de  extensum,  supin  de  ex-tendere,  allonger, 
déployer)  :  a)  Qualité  de  ce  qui  est  étendu.  Même  sens  que  le  mot  étendue.  — 

b)  Action  d'appliquer  un  terme,  un  énoncé  ou  une  opération  de  l'esprit  à  des 
objets  auxquels  ils  n'étaient  pas  appliqués  précédemment  ;  vg.  extension  du 
sens  d'un  mot  ;  le  mot  chien  (xuojv)  [a  été  étendu  aux  philosophes  de  I'École 
d'ANTisTHÈNE  appelés  cyniques  —  c)  En  Logique,  s'oppose  à.  Compréhension  : 
propriété  de  l'idée  générale,  251.  —  Extension  de  l'idée  et  des  termes,  519.  — 
Extension  du  sujet,  532.  —  Règles  de  l'extensio'h  de  l'attribut,  534.  —  Critique 
de  Hamilton,  534-535.  —  Point  de  vue  de  l'extension  dans  le  syllogisme, 
536  ;  554.  —  Comparaison  avec  le  point  de  vue  compréhensif,  556.  —  Repré- 
sentations graphiques  des  syllogismes,  557-558. 

Extérieur  {Exterior,  comparatif  de  exter,  exterus,  externe,  de  ex,  hors  de  )  : 
ce  qui  est  au  dehors.  —  Perception  du  monde  extérieur,  147  ;  161-177.  — 
S'oppose  à  Intérieur. 

Extériorisation,  Extérioriser  (de  Exterior)  :  objectivation  de  la  sensation, 
160  ;  171-172.  —  On  attribue  encore  une  autre  signification  à  V extériorisation 
de  la  sensibilité  d'après  certaines  expériences  de  MM.  n  e  Rochas  et  Ém.  Boirac  ; 
vg.  si  l'on  donne  des  coups  d'épingle  dans  un  verre  d'eau,  la  piqûre  est  ressentie 
par  tel  spectateur  doué  d'une  sensibilité  particulièrp,  qui  émettrait  un  fiuide 
spécial  :  celui-ci  serait  affecté  par  le  coup  d'épingle  et  servirait  de  trait  d'union 
entre  le  verre  et  le  spectateur.  Cf.  Boirac,  La  Psychologie  inconnue,  Paris,  1908. 


820  TABLE  ANALYTIQUE  :  Extériorité  —  Faculté 

Extériorité  (Exterior)  :  on  nomme  jugement  d'extériorité  le  jugement  spon- 
tané par  lequel  nous  rapportons  certaines  sensations  au  dehors,  160,  m.  — 
S'oppose  à  Intériorité. 

Externe  {Extemus,  de  exter,  exterus,  externe,  de  ex,  hors  de)  :  ce  qui  est 
au  dehors  ou  vient  du  dehors.  —  Perception  externe,  156-194.  —  Sens  externes, 
157,  —  Sensations  externes,  75.  —  S'oppose  à  Interne. 

Extrasensible  (Extra,  au  delà  ;  sensibilis,  sensible)  :  ce  qui  dépasse  la  per- 
ception sensible. 

Extrême  (Extremus,  superlatif  de  exter,  externe,  de  ex,  hors  de)  :  a)  Ce  qui 
a  une  quaUté  portée  au  plus  haut  degré,  64-65  ;  II,  127-128.  S'oppose,  en  ce 
sens,  à  Excessif,  terme  qui  suppose  qu'une  limite  a  été  franchie,  qui  n'aurait 
pas  dû  l'être.  —  b)  Extrêmes  d'un  même  genre  :  s'applique  à  toutes  propriétés 
ou  caractères  qui  s'opposent,  au  plus  haut  degré,  dans  un  même  genre  ;  vg.  noir 
et  blanc,  214  ;  témérité  et  lâcheté,  II,  127.  —  c)  En  Logique  :  datur  médium  entre 
les  extrêmes,  533.  —  Grand  et  petit  terme  d'un  syllogisme,  536. 

Extrinsécisme  (tiré  de  Extrinsecus,  de  extra,  en  dehors;  secus,  loin  de, 
autrement)  :  mot  inventé  par  les  partisans  de  la  Philosophie  de  l'immanence 
pour  qualifier  la  doctrine  de  leurs  adversaires,  qui  soutiennent  avec  raison 
que  la  vérité  nous  vient  non  seulement  du  dedans,  mais  aussi  du  dehors,  par 
l'expérience,  l'autorité  et  la  révélation,  II,  575-576. 

Extrinsèque  [Extrinsecus,  de  extra,  en  dehors  ;  secus,  loin  de,  autrement)  : 
ce  qui,  n'entrant  pas  dans  la  nature  d'un  être  ou  la  définition  d'un  concept, 
leur  est  comme  extérieur.  —  Signes  extrinsèques  d'authenticité  et  d'intégrité, 
741-742.  —  Gloire  extrinsèque  de  Dieu,  II,  636.  —  Les  Scolastiques  appellent 
dénomination  extrinsèque  une  manière  d'être,  une  qualité,  qui  n'est  pas  tirée 
de  la  substance  d'un  être,  mais  provient  de  ses  accidents  relatifs,  c'est-à-dire 
des  relations  qu"il  a  avec  d'autres  êtres.  —  Leibniz  (Noui>eaux  essais  sur 
l'entendement  humain,  L.  II,  Ch.  xxv,  §  5)  prétend  «  qu'il  n'y  a  point  de  déno- 
mination entièrement  extérieure  (denominatio  pure  extrinseca)  à  cause  de  la 
connexion  réelle  de  toutes  choses  ».  —  Les  Scolastiques  appellent  extrinsèques, 
ab  extrinseca,  les  causes  efficiente  et  finale  ;  intrinsèques,  ab  intrinseco,  les 
causes  matérielle  et  formelle.  Cette  dénomination  ressort  de  la  nature  même 
des  causes,  324. 


F  :  placée  au  commencement  du  nom  d'un  syllogisme,  cette  lettre  indique 
qu'il  peut  se  réduire  à  Ferio  de  la  première  figure,  539. 

Faber  (Frédéric-William)  :  combats  intimes,  793,  1. 

Fabre  (Lucien)  :  théorie  de  la  relativité,  II,  506,  4. 

Factice  (Facticius,  de  factum,  facere,  faire)  :  ce  qui  est  fait  artificiellement. 
—  Idées  factices  d'après  Descartes,  qui  les  oppose  aux  idées  adventices  et  aux 
idées  innées,  312. 

Facultatif  (de  Facultatem)  :  ce  qu'on  a  le  droit  de  faire  ou  de  ne  pas  faire), 
II,  112.  —  Se  dit  par  opposition  à  Obligatoire,  à  Forcé. 

Faculté  (Facultas,  dérivé  du  vieux  latin  facul,  facilement,  de  facere,  faire)  : 
signifie,  en  général,  pouvoir  de  faire  quelque  chose,  —  et  spécialement,  pouvoir 
de  l'âme.  Fonction  éveille  l'idée  d'une  activité  rapportée  à  un  organe  déter- 
miné, tandis  que  Faculté  s'applique  au  mental  sans  évoquer  nécessairement 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Fait — Fantaislc  821 

l'idée  d'un  concours  organique,  37.  —  Détermination  des  facultés  de  l'âme,  38  : 
Théories  :  a)  des  Scolastiques,  38  ;  b)  del'ÉcoLE  Écossaise,  39;  c)  deBossUET, 
40.  —  Classifications  diverses  des  facultés  :  Platon,  Auistote,  Scolastiques 
et  BossuET,  Descartes,  Reid,  Condillac,  Jouffroy  et  Garnier,  43-46.  — 
Ordre  de  développement  des  facultés,  46-47.  —  Faculté  d'adaptation,  d'accom- 
modation, 105-106  ;  703.  —  Actuellement,  le  mot  Faculté  n'est  accepté  par 
beaucoup  de  psychologues  que  pour  signifier  des  groupes  de  faits  psychiques, 
et  non  plus  des  pouvoirs  de  l'âme  ayant  en  elle  une  existence  qui  se  distin- 
guerait de  l'existence  des  faits  qu'on  leur  attribue. 

Fait  {Factum,  ce  qui  a  été  fabriqué,  fait,  participe  passé  de  facere,  faire, 
produire)  :  un  fait  c'est,  en  général,  tout  ce  qui  est,  a  lieu  ou  a  eu  lieu.  — 
On  doit  distinguer  fait  et  phénomène.  Fait  est  plus  général  ;  le  phénomène  est 
un  fait  observable,  tandis  qu'il  y  a  des  faits  qui  échappent  à  une  constatation 
directe  ;  vg.  on  établit  indirectement  l'existence  de  faits  psychologiques 
qui  n'ont  pas  laissé  de  trace  dans  la  mémoire,  154-155.  — •  De  plus,  le  fait 
implique  l'idée  d'une  objectivité  plus  grande.  La  part  de  subjectivité  est 
plus  forte  dans  le  phénomène,  qui  peut  n'être  qu'une  apparence  individuelle. 

—  On  oppose  fait  :  à  théorie,  655  ;  à  droit,  II,  131  ;  132. 

Fait  accompli  :  le  fait  et  le  droit,  II,  132.  —  C'est  le  prétendu  droit  de  la 
force,  II,  132-133. 

Faits  physiques,  physiologiques  :  distincts  des  faits  psychologiques,  25-28  ; 

717-718. 

Faits  privilégiés  :  ou  prérogatifs,  d'après  Bacon,  652-653. 

Faits  .psychologiques  :  distincts  des  faits  physiologiques,  25-28;  717-718. 

—  Classifications  diverses,  33  ;  43. 

Fallacia  (de  Fallax,  trompeur,  de  fallere,  tromper)  :  ce  mot,  qui  signifie  ruse, 
erreur,  est  le  synonyme  latin  de  rrô-fiGu-x.  On  distingue  :  fallacia  accidentis, 
800  ;  fallacia  secundum  quid,  800  ;  fallacia  compositionis  et  divisionis,  799. 

Familial  (de  Familia,  tout  ce  qui  est  dans  la  maison,  famille)  :  propriété 
familiale,  II,  196.  —  Salaire  familial,  II,  359-360. 

Familisme  :  amour  de  la  famille  ;  c'est  une  des  quatre  vertus  cardinales 
dans  le  système  social  de  Fourier, 

Familistère  :  Fourier  appelle  ainsi  l'établissement  où,  dans  son  système, 
plusieurs  familles  vivent  ensemble. 

Famille  [Familia  =  l'ensemble  des  habitants  et  des  biens  de  la  maison, 
de  faniulus,  qui  dérive  de  la  forme  osque  famel,  l'habitant  de  la  maison)  : 
inclinations  domestiques,  90.  —  Société  familiale,  II,  208-209.  — •  Droit  naturel 
de  la  famille,  II,  140  ;  255. 

Fanatisme  (du  radical  de  Fanatique,  fanaticus,  qui  appartient  au  temple, 
enthousiaste,  fanatique,  de  fanum,  espace  délimité  par  les  pontifes  prononçant 
les  paroles  consacrées  ;  de  fari,  ifairo  connaître,  parler)  :  fanatisme  signifia 
primitivement  l'état  de  délire  sacré,  dans  lequel  entraient  les  prêtres  de  cer- 
taines divinités  antiques  comme  Cybèle.  Par  extension  il  signifie  l'intolérance 
passionnée  en  faveur  ^'une  croyance,  125. 

Fantaisie  (du  latin  Fantasia,  Phantasia,  du  grec  ^avrxTt'a,  apparition, 
image,  imagination,  de  cpavrâî^w,  se  montrer,  de  cpai'vw,  paraître)  :  ce  mot  chez 
Aristote   et  les   Scolastiques  signifie   tantôt   image,   tantôt  imagination. 


822  TABLE  ANALYTIQUE  :  Fàiitaisismê  —  Ferison 

Au  xvii«  siècle,  il  désigne  l'imagination  reproductrice  ou  combinatrice, 
222-223.  Autrefois,  on  écrivait  phantaisie.  —  Aujourd'hui  ce  mot  indique  un 
procédé  d'art  et  de  littérature,  II,  401. 

Fantaisisme,  Fantaisiste  (de  Fantaisie)  :  le  fantaisisino  provient  de  la 
rupture  de  la  hiérarchie  des  facultés,  II,  402-403. 

Fàpesmo  :  mode  indirect  de  la  première  figure  du  syllogisme,  539.  — 
Ceux  qui  le  regardent  comme  un  mode  de  la  quatrième  figure,  l'appellent 
Fesapo,  539. 

Farges  (Mgr  Albert)  :  mécanisme  de  la  localisation  des  sensations 
externes,  193,  1.  —  Nature  de  l'espace,  II,  504,  1. 

Fatalisme  (de  Fatal,  de  fatalis,  prophétique,  de  jatuin,  prédiction,  ce  qui 
est  établi,  destin,  de  jari,  faire  connaître,  prédire,  parler)  :  a)  Ce  mot  exprinif 
la  doctrine  suivant  laquelle  la  destinée  de  chaque  homme  est  fixée  d'avance, 
quoi  qu'il  dise  ou  fasse.  —  b)  Synonyme  de  Déterminisme  scientifique,  387-388. 

—  Comparaison  avec  le  Déterminisme  en  général,  375-376.  —  Fatalisme  : 
1°)  vulgaire,  376;  2o)  panthéistique,  317  ;  3")  théologique,  378. 

Fatalité  (de  Fatal,  de  fatalis,  de  fatum,  prédiction,  destin)  :  ce,  mot  signifie  : 
a)  Caractère  de  ce  qui  ne  peut  manquer  d'arriver,  quoi  qu'on  fasse.  —  b)  Puis- 
sance supérieure  à  l'homme,  dont  l'action  se  manifeste  par  des  événements 
inévitables  :  synonyme  de  fatum,  376.  —  c)  Toute  nécessité  :  fatalité  :  1°  de 
Vinstinct,  106  ;  2'-^)  des  lois  et  causes  de  la  nature,  681  ;  II,  38. 

Fatum  (prédiction,  ce  qui  est  établi,  destin,  de  fari,  prédire)  :  fatum  mahome- 
tanum,  376. 

Fausseté  (de  Faux,  de  falsum,  d'où  fais,  faus,  faux)  :  difformité  entre  la 
pensée  et  les  choses.  —  Fausseté  logique  ou  erreur,  794.  —  Fausseté  morale 
ou  mensonge,  795  ;  II,  168.  — •  Fausseté  ontologique  795  ;  II,  475-476. 

Fechner  (Gustav-The(^or)  :  loi  de  Fechner,  727. 

Felapton  :  mode  de  la  troisième  figure  du  syllogisme,  539. 

Félida  :  exemple  de  dédoublement  du  moi,  151,  1  ;  428. 

Féminisme  (Femina,  celle  qui  enfante,  du  verbe  archaïque  feo,  produire)  : 
doctrine  qui  réclame  l'extension  des  droits  de  la  femme,  soit  au  point  de  vue  : 
a)  familial,  II,  212  ;  b)  économique  et  social.  11,  213  ;  c)  politique,  II,  214. 

Femme  (Femina)  :  devoirs  envers  son  mari,  II,  212. 

Fénelon  (François  de  Salignac  de  La  Mothe)  :  origine  des  idées,  311. 

—  Argument  des  causes  finales,  337  ;  II,  562.  —  Notion  d'infini,  339-340.  — 
Qualités  d'un  bon  historien,  744-745.   —  L'homme  et  la  Providence,  751,  3. 

—  Immensité  de  Dieu,  II,  579,  1.  —  Science  de  Dieu,  II,  582, 1.  —  Critique  de 
l'atomisme,  II,  601,  1.  —  L'optimisme  relatif,  647. 

FÉRÉ  (D""  Charles)  :  expérience  du  dynamomètre,  64,  1. 

Ferguson  (Adam)  :  philosophe  et  historien  écossais,  né  à  Logierait,  dans 
le  Perthshire,  en  1724,  mort  à  Saint-Androws,  en  1816,  Il  professa  la  philn- 
sophie  morale  à  l'université  d'Edimbourg  et  publia:  vg.  Princi pies  of  moral  and 
political  science.  Institutions  of  moral  philosophy. 

Ferio  :  mode  de  la  première  figure  du  syllogisme,  539. 

Ferison  :  mode  de  la  troisième  figure  du  syllogisme,  539. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Fcsapo  —  Figurc  823 

Fesapo  :  mode  de  la  quatrième  figure  du  syllogisme,  539.  —  Port-Royal 
(Logique,  Part.  III,  Ch.  viii,)  appelle  ce  mode  Fespamo,  mais  sans  raison,  car, 
pour  le  ramener  à  Ferio,  il  n'est  pas  besoin,  comme  l'indique  la  lettre  m,  de 
transposer  les  prémisses. 

Festino  :  mode  de  la  deuxième  figure  du  syllogisme,  539. 

Fiat  {Que  cela  soit)  :  l'expression  (Fiat  lux,  et  facîa  est  lux),  dont  la  Genèse, 
C.  I,  V.  3,  se  sert  pour  exprimer  l'acte  créateur,  est  appliquée  analogiquement 
à  l'acte  de  volonté  qui  met  fin  à  la  délibération  et  produit  quelque  chose  de 
nouveau,  358. 

FicHTE  (Johan^-Gottmeb)  :  origine  de  la  propriété,  II,  192,  8.  —  Idéa- 
lisme absolu,  II,  498.  —  Panthéisme,  II,  604. 

Fiction  (Fictio,  de  fictum,  ce  qui  est  arrangé,  supin  de  fingere,  qui  veut 
dire  toucher,  arranger.  De  là  on  est  passé  au  sens  analogique,  arranger  la 
vérité,  feindre)  :  ce  mot  signifie  :  a)  Construction  logique,  artistique,  à  laquelle 
ne  correspond  pas  de  réalité.  —  b)  Hypothèse  imaginée  pour  représenter  la  loi 
d'un  phénomène.  —  c)  Énonciation  juridique,  qui  peut  être  fausse  ou  incertaine, 
mais  qui  légalement  est  censée  vraie  ou  certaine  :  vg.  Is  fecit  oui  prodest.  — 
Souvenir  et  fiction  Imaginative,  204.  —  Imagination,  faculté  de  concevoir 
la  fiction,  229-230.  —  Rêve  et  fiction,  476.  —  Fiction  et  idéal,  II,  400. 

Fidéisme  (de  Fides,  confiance,  croyance)  :  a)  Doctrine  de  Huet,  Bautain, 
La  Mennais,  Ventura,  818  ;  II,  556.  La  raison,  incapable  d'atteindre  la  nature 
vraie  des  choses,  n'est  apte  qu'à  formuler  les  apparences.  La  vérité  absolue 
n'est  accessible  qu'à  l'intelligence,  faculté  supérieure  à  la  raison,  mais  à  condi- 
tion qu'elle  s'appuie  sur  la  révélation.  —  b)  On  donne  aussi  quelquefois  le  nom 
de  Fidéisme  à  la  philosophie  de  Herder  et  à  celle  de  Jacobi,  qu'on  appellerait 
mieux  Sentimentalisme,  II,  49-50.  —  c)  Ce  terme  s'oppose  aussi  à  Rationalisme 
pour  signifier  les  doctrines  qui  admettent  :  1°)  soit  des  vérités  de  foi  révélées 
par  Dieu,  lesquelles  sont,  non  pas  contre  la  raison,  mais  au-dessus  d'elle  rela- 
tivement à  leur  contenu  ;  elles  supposent  néanmoins  la  valeur  de  la  raison 
qui  est  nécessaire  pour  percevoir  les  motifs  de  crédibilité  et  le  sens  des  propo- 
sitions énoncées;  —  2°)  soit  des  vérités  d'ordre  naturel  auxquelles  l'esprit  adhère 
par  un  acte  de  foi.  Renouvier  admet  un  fidéisme  de  ce  genre,  790-791. 

Fidèle,  Fidélité  (Fidelis,  Fidelitas,  de  iides,  confiance,  croyance,  loyauté)  : 
qualité  de  la  mémoire,  207.  —  Qualité  de  l'historien,  744  ;  744-745. 

Fieri  (Se  faire)  :  les  Scolastiques  emploient  ce  mot  pour  signifier  le 
devenir  :  In  fieri,  par  opposition  à  In  facto  esse. 

Figuratif  (de  Figura,  figure,  de  fingere,  fictum,  arranger)  :  écriture  figu- 
rative, 438. 

Figure  {Figura,  forme,  aspect,  de  fingere,  arranger)  :  a)  Géométrie  :  la 
figure,  c'est  la  détermination  de  la  quantité,  c'est-à-dire  tout  ensemble  de 
lignes  et  de  surfaces.  Origine  des  figures  mathématiques,  629;  630.  — b)  Logique  : 
figures  du  syllogisme,  536.  —  Trois  figures  seulement,  537.  —  Règles  particu- 
lières à  chaque  figure,  544.  — c)  Scolastiques  :  ilsdonnaientaumot/'t^Mre  le  sens 
que  nous  donnons  au  mot  Forme  :  vg.  ils  discutaient  sur  la  figure  de  la  terre  ; 
ils  disaient  la  figure  d'un  chapeau.  Le  mot  Forme  était  réservé  pour  exprimer 
le  principe  d'unité  des  êtres  ;  vg.  l'âme  est  la  forme  du  corps.  —  d)Liuérature  : 
il  s'emploie  dans  un  sens  symbolique,  tropique,  vg.  Figures  de  rhétorique. 


824  TABLE  ANALYTIQUE  :  Fin  —  FlourcDS  (Pierre) 

Fin  (de  Finem,  borne,  limite,  cessation,  achèvement,  terme,  but)  :  ce  mot 
s^oppose  notamment  :  a)  à  Commencement  :  limite  d'un  objet  dans  l'espace, 
vg.  fm  de  cette  ligne.  —  Cessation  d'un  phénomène  dans  le  temps,  vg.  je  ferme 
les  yeux  pour  ne  plus  voir  telle  chose.  —  b)  k  Moyen  :  vg.  le  terme  d'un  voyage 
détermine  le  chemin  (=  moyen)  à  prendre  pour  l'atteindre.  —  Définition  : 
ce  pour  quoi  une  chose  est  faite,  324  ;  332.  —  Espèces  de  fins,  332-333  ;  II,  488- 
489.  —  Rapports  avec  la  cause  efficiente,  333.  —  Origine  de  la  notion  de  fin, 
149  ;  333-334.  —  Utilité  des  caiises  finales  ;  objections,  335-338.  —  La  fin  ne 
justifie  pas  les  moyens,  II,  32-33.  —  Fin  en  soi  :  c'est,  d'après  Kant,  une  fin 
objective,  nécessaire,  absolue,  II,  98  ;  101.  —  Règne  ou  répubUque  des  fins  : 
ce  que  Kant  entend  par  là,  II,  98.  —  Argument  des  causes  finales,  II,  561. 

Final  (Finalis,  de  -finis,  borne,  terme)  :  ce  mot  s'oppose  :  a)  à  Initial  : 
vg.  terme  final  des  opérations  intellectuelles,  237  ;  345.  —  b)  k  Efficient  :  vg. 
cause  finale,  333.  —  Utilité  des  causes  finales,  335.  —  Argument  des  causes 
finales,  II,  561. 

Finalisme  (de  Finalis,  de  finis,  fin)  :  système  où  l'explication  par  les  causes 
finales  a  un  rôle  prépondérant. 

Finalité  (du  latin  scolas tique  Finalitas,  de  finalis,  finis,  fin)  :  a)  C'est  le 
caractère  de  ce  qui  tend  à  un  but. —  b)  C'est  la  causalité  de  la  fin,  332.  —  On 
distingue  la  finalité  externe  et  interne,  333  ;  336.  ■ —  Finalité  sans  fin,  caractère 
du  beau,  II,  380.  ■ —  Finalité  immanente  :  celle  qui  résulte  de  la  nature  et  du 
développement  de  l'être  même  qui  présente  cette  finalité  :  vg.  adaptation 
spontanée  de  l'être  vivant  à  son  milieu. 

Finalité  (Principe  de)  :  tout  se  fait  en  vue  d'une  fin,  290  ;  334.  —  Formules 
diverses  :  Aristote,  Bossuet,  Reid,  Janet.  334-335.  —  Origine,  335.  — 
Application  aux  sciences,  337-338.  —  Comparaison  avec  le  principe  de  causa- 
lité, 338. 

Fini  (de  Finir,  de  finire,  borner,  achever)  :  un  nombre  entier,  qui  peut 
s'obtenir  par  l'addition  de  l'unité  à  elle-même,  est  dit  un  nombre  fini.  —  Une 
grandeur,  qui  est  mesurable,  relativement  à  une  grandeur  de  même  espèce, 
par  un  nombre  réel  fini,  est  dite  finie.  —  Définition  :  ce  qui  est  limité,  339.  — 
La  notion  de  fini  est  logiquement  antérieure  à  celle  d'infini,  342.  —  S'oppose 
à  Infini. 

Fixe  (Fixus,  participe  passé  de  figere,  fixum,  attacher,  fixer)  :  idée  fixe, 
428  ;  488. 

Fixer  (de  Fixe]  :  le  langage  fixe  la  pensée,  450-451. 

Fixisme,  Fixité  (de  Fixe)  :  fixité  de  l'instinct,  105.  —  Fixité  de  l'espèce, 
GIS.  —  Le  Fixisme  est  le  système  qui  soutient  la  fixité  des  espèces.  S'oppose 
à   Éi'olutionnisme. 

Flexibilité  {Flexibilitas,  de  flexibilis,  de  fiexum,  supin  de  flectere,  courber, 
fiéchir)  :  flexibilité  de  la  nature,  699. 

Flexionnel  (de  Flexion,  de  flexio,  courbure,  flexion,  de  fiexum,  supin  de 
fiectere,  fléchir)  :  langues  flexionnelles,  456. 

Flottant  (de  Flotter,  du  latin  populaire,  flottare,  dont  l'existence  paraît  très 
vraisemblable)  :  dette  flottante,  II,  361. 

Flourens  (Pierre)  :  l'homme  seul  réfléchit,  493.  —  Antitransformiste, 
II,  622.  —  Expériences  psycho-physiologiques,  728. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Foi  —  Formalismc  825 

Foi  (de  Fidem,  d'où  feid,  feit,  fei,  foi)  :  a)  Sincérité  '.  vg.  bonne  foi  des 
témoins,  738. —  Z>)  Adhésion  ferme  de  l'esprit  reposant  sur  un  témoignage  dont 
l'autorité  est  évidente.  —  Foi  au  témoignage,  735-737.  —  Science  et  foi, 
791-793. 

Folie  (de  Fol,  fou,  de  Follem,  soufflet,  grimace  qui  consiste  à  enfler  les 
joues  comme  un  soufflet)  :  perte  partielle  ou  totale  de  la  raison.  —  Formes 
diverses   et   causes,   488-489. 

Fonction  (Functio,  de  functum,  supin  de  fungi,  s'acquitter  de)  :  a)  Sens 
général  :  rôle  joué  par  une  partie  dans  un  tout  dont  les  diverses  parties  sont 
dépendantes  et  subordonnées.  — ■  b)  Sens  biologique,  37  ;  701  —  c)  Sens  psycho- 
logique, 134-1 36.  —  d)  Sens  mathématique,  627.  —  e)  Sens  social  :  toute  profession 
en  tant  qu'elle  contribue  à  la  vie  de  la  société  :  vg.  Fonctions  de  l'Etat,  11,247. 
Fonction  de  la  propriété,  II,  193. 

Fonctionnarisme  (de  Fonctionnaire)  :  ses  inconvénients,  II,  251-252. 

Fondement  [Fundamentum,  de  jundare,  asseoir  solidement,  de  fundus, 
fond)  :  ce  mot,  emprunté  à  l'architecture,  s'emploie  analogiquement  dans 
le  sens  de  principe,  cause,  condition  ;  vg.  Fondement  de  l'induction,  700.  — 
Fondement  de  la  morale  :  vg.  le  plaisir  pour  les  Hédonistes,  II,  48.  —  Fon- 
dement de  la  distinction  du  bien  et  du  mal,  II,  106-107.  —  Fondement  de 
l'obligation,  II,  107.  —  Fondement  du  droit,  II,  132.  —  Fondement  des  devoirs 
personnels,  II,  153.  —  Fondement  du  droit  de  punir,  II,  267-269.  —  P'ondement 
du  droit  de  propriété,  II,  189-192.  —  L'universel  est  iundamentaliter  in  re, 
256-257. 

Fongible  (  du  latin  juridique  fungibilis,  de  fungi,  s'acquitter  de)  :  choses 
fongibles,  se  consommant  par  l'usage  qu'on  en  fait,  II,  356. 

FoNSEGRivE  (Georges)  :  nature  de  l'instinct,  112,  1.  —  Nature  de  la  per- 
ception extérieure,  177,  1.  — •  Loi  dynamique  des  images,  234.  —  Le  principe 
de  la  conservation  de  l'énergie  et  la  liberté,  389,  2.  —  Origine  des  notions 
mathématiques,  630,  2.  —  Jugement  sur  Bacon,  670,  2  ;  671,  2,  3.  —  Dilemme 
de  Lequier,  II,  439-441. 

FoNTENELLE  (BERNARD  Le  Bovier  de)  :  l'instinct  n'est  pas  un  mécanisme, 
108.  —  Réminiscence,  201,  1.  —  Les  anciens,  657,  1.  —  Calcul  de  l'intérêt, 
II,  53. 

For  (vieux  mot  signifiant  tribunal,  juridiction,  du  latin  forum,  place  pour 
les  affaires,  les  marchés.  Cf.  /o/-t>,/oras,  dehors)  :  a)  Intérieur  :  tribunal,  jugement 
delà  conscience,  II,  16-17.  —  b)  Extérieur  :  tribunal,  jugement  de  la  loi,  de 
l'opinion  publique. 

Force  (du  bas  latin  Fortia,  pluriel  neutre  de  fortis,  fort,  pris  substanti- 
vement comme  féminin  singulier)  :  signifie  :  a)  Intensité  :  vg.  la  force  du 
sentiment. —  b)  Contrainte,  nécessité  physique  :  céder  à  la  force,  II,  116.  — 
c)  Principe  d'action  :  les  idées-forces,  233,  1  ;  les  forces  physiques,  175-1^6.  — 
Comparaison  avec  substance  et  cause,  150.  —  Vertu  de  force,  II,  130  ;  159.  — 
Le  droit  et  la  force,  II,  132-133  ;  230-232. 

Forces  physiques  :  hj'-pothèse  de  l'unité  des    forces    physiques,    055,   2. 

Fori  (Idola)  :  préjugés  du  vulgaire,  cause  d'erreurs  (Bacon),  806. 

Formalisme  (de  Formalis,  relatif  à  la  forme)  :  importance  attribuée  au 
point  de  vue  formel,  qui  va  jusqu'à  nier  ou  du  moins  à  diminuer  l'élément 


826  TABLE  ANALYTIQUE  :  Formalité  —  Foule 

matériel  ;  vg.  a]  Formalisme  moral  :  morale  formelle  de  Kant,  II,  96-97  ;  434.  — 
b)  Formalisme  esthétique  :  théorie  de  l'art  pour  l'art  et  doctrine  de  la  difficulté 
vaincue,  II,  410.  — •  Par  extension  ce  mot  s'applique  à  la  pensée  et  au  raison- 
nement qui  dégénèrent  en  mécanisme  verbal,  279  ;  843. 

Formalité  :  s'emploie  comme  traduction  du  latin  scolastique  Fornialitas, 
qui  indique  le  point  de  vue  auquel  on  envisage  une  réalité  ;  vg.  on  peut  consi- 
dérer dans  la  réalité  homme  les  formalités  animalité,  rationalité,  253. 

Forme  (Forma),  de  la  même  famille  que  firmus,  frétas,  dont  l'idée  commune 
est  tenir,  maintenir)  :  signifie  :  a)  Forme  d'une  opération  de  l'esprit  ;  c'est  le 
rapport  existant  entre  les  termes  de  cette  opération,  abstraction  faite  de  ce 
que  ces  termes  sont  en  eux-mêmes  :  vg.  forme  du  syllogisme,  syllogisme  en 
forme.  S'oppose  à  matière,  qui  est  constituée  par  ces  termes  considérés  en  eux- 
mêmes  dans  leur  sens  propre,  536  ;  561. —  è)  Au  sens  péripatéticien  et  scolas- 
tique, c'est  ce  qui  détermine  la  matière  :  cause  formelle,  324  ;  II,  488  ;  516. 

Formel,  Formellement  (Formalis,  relatif  à  la  forme)  :  ces  termes  s'emploient 
dans  le  sens  d^ actuel,  de  déterminé,  de  spécifique.  Ils  s'opposent  à  Matériel, 
à  Matériellement.  L'objet  formel  d'une  science  ou  d'une  faculté  c'est  l'objet 
envisagé  du  point  de  vue  auquel  se  place  cette  science  ou  cette  faculté.  L'objet 
matériel  c'est  l'objet  tout  entier.  Exemples  :  Dieu  est  l'objet  matériel  qu'étu- 
dient la  Théodicée  et  la  Théologie  proprement  dite.  En  tant  que  Dieu  est  étudié 
par  les  seules  lumières  de  la  raison,  il  est  l'objet  formel  de  la  Théodicée  ;  en 
tant  qu'il  est. étudié  avec  l'aide  de  la  raison  et  de  la  révélation,  il  est  l'objet 
formel  de  la  Théologie.  Les  sens  ont  pour  objet  matériel  les  phénomènes  sen- 
sibles ;  l'objet  formel  :  de  la  vue,  c'est  la  lumière  ;  de  l'ouïe,  c'est  le  son,  etc.  — 
Cause  formelle,  324  ;  II,  488  ;  515.  —  Logique  formelle,  lois  formelles  de  la 
pensée,  508.  —  Morale  formelle,  II,  96  ;  434.  —  Éducation  formelle  :  celle  qui 
se  préoccupe  de  donner  à  l'esprit  une  culture  générale,  avant  de  le  spécialiser 
ou  de  le  remplir  de  connaissances  trop  particulières,  413.  —  Formel  s'emploie 
encore  dans  le  sens  d'explicite,  d'exprès,  par  opposition  à  implicite,  à  tacite. 

Formes  a  priori  :  de  la  sensibilité,  de  l'entendement,  d'après  Kant,  314  ; 
II,  431-432. 

Formes  de  Gouvernement  :  formes  diverses,  II,  232.  —  Infériorité  des 
formes  à  l'état  pur,  II,  233.  —  Supériorité  des  formes  à  l'état  mixte,  II,  235. 

Formule  {Formula,  diminutif  de  forma,  petite  forme,  grâce  des  formes, 
arrangement,  règle,  loi)  :  signifie  :  a)  Une  proposition  précise  qui  condense  en 
peu  de  mots  une  idée  importante  ;  vg.  Formules  :  du  principe  de  causalité, 
330  ;  du  principe  de  finalité,  334-335.  —  b)  Un  énoncé  précis  indiquant  la  règle 
à  suivre  pour  réussir  telle  ou  telle  opération  ;  c'est  dans  ce  sens  qu'on  dit  : 
formulaire  pharmaceutique. 

Fortuit  (Fortuitus,  de  fors,  hasard)  :  voir  Hasard. 

Fortune  (Fortuna,  de  fors,  hasard,  dérivé  de  fero,  porter)  :  synonyme  de 
hasard.  Voir  ce  mot.  —  Synonyme  de  richesse,  II,  352. 

Fouillée  (Alfred)  :  les  idées  forces,  233,  1.  —  Interprétation  des  idées 
de  Platon,  257,  2.  —  Principe  d'universelle  intelligibilité,  289.  —  Influence 
de  la  volonté  sur  le  caractère,  406,  1.  —  Théorie  des  phénomènes  reflets, 
472,  2.  —  Limites  à  la  liberté  de  la  presse,  II,  184,  1. 

Foule  (substantif  verbal  de  Fouler,  dérivé  du  latin  populaire  fullare,  fouler, 
qui  vient  du  radical  de  fullonem,  foulon)  :  on  a  étudié  la  psychologie  des  foules  ; 


TABLE  ANALYTIQUE  :  FoutieF  (Charles)  —  Gallican  827 

vg.  l'emballement  des  foules  provient  de  la  sympathie  par  contagion,  87  ; 
95-96.  —  Le  D'  Lebon  appelle  joule  psychologique  une  réunion  de  personnes 
susceptibles  de  réactions  psychologiques  communes. 

■   FouRiER  (Charles)  :  valeur  des  passions,  118.  —  Morale  du  plaisir,  II, 
48,  2. 

Fouriérisme  :  Système  philosophique  et  social  de  Fourier. 

France  (Raoul)  :  monisme  psychologique,  II,  442-443. 

Franklin  (Benjamin)  :  hypothèse  explicative  de  la  foudre,  232  ;  656  ,  4  ; 
658. 

Fraternel,  Fraternité  {Fratemus,  Fratemitas,  de  f rater,  frère,  dont  le  sens 
primitif  semble  celui  de  protecteur,  de  la  racine  bhar,  soutenir)  :  amour  fraternel, 
91  ;  II,  217.  —  Charité  fraternelle,  II,  163  ;  181. 

Frédéric  le  Grand  :  condamne  le  duel,  II,  168,1. 

Freppel  (Mgr  Emile)  :  limites  de  l'intervention  de  l'État,  II,  371-372. 

Fresisonorum  :  mode  de  la  quatrième  figure  du  syllogisme,  539. 

Frisesonorum  :  mode  indirect  de  la  première  figure,  539. 

Fulguration  {Fulguratio,  de  fulguratum,  supin  de  fulgurare,  faire  des 
éclairs,  de  fulgere,  briller)  :  mot  dont  se  sert  Leibniz  pour  exprimer  le  mode 
de  création  des  Monades.  Cf.  Monadologie,  §  47. 

Futur  [Futurus,  de  Fuo,  je  suis)  :  ce  qui  doit  arriver.  —  On  nomme  Futurs 
absolus  ou  inconditionnels  ceux  qui  arriveront  certainement,  qu'ils  proviennent 
d'une  cause  fatale  ou  libre,  II,  582  ;  583-584.  Les  Scolastiques  appellent 
contingents  (de  contingens,  participe  présent  de  contingere,  échoir,  arriver)  les 
futurs  libres,  c'est-à-dire  dépendants  de  la  volonté  de  Dieu  ou  des  hommes, 
qui  seront  certainement  réalisés  un  jour,  II,  582  ;  583-584.  Cf.  Leibniz,  Essais 
de  Théodicée,  Part.  I,  §§,  36,  45.  —  Futur  conditionnel  on  futurihle.  Voir  Futu- 
rible. 

Futurible  (du  latin  scolastique  Futuribilis,  ce  qui  peut  arriver,  de  futurus)  : 
événement  qui  arriverait  si  telle  condition  était  posée,  mais  qui,  en  fait, 
n'arrivera  pas,  parce  qu'elle  ne  le  sera  point,  II,  582  ;  583-584.  —  Comment 
Dieu  connaît-il  les  futuribles  ou  futurs  conditionnels  ?  Réponses  :  a)  de  Ban  es, 
II,  586-590  ;  b)  de  Leibniz,  II,  590-591  ;  <•)  de  Suarez,  II,  591-593  ;  d)  de 
Bellarmin,  II,  593-595. 


Galileo  Galileî  :  autorité  des  anciens,  814.  —  Savant  et  croyant,  II,  447-448. 
Gall  (P'ranz-Josef)  :  déterminisme  physiologique,  391,  1. 

Gallican,  Gallicanisme  (Gallicanus,  de  Gallus,  Gaulois)  :  il  faut  distinguer 
le  Gallicanisme  :  1°)  Politique  et  parlementaire  :  c'est  le  Césarisme  régalien  des 
légistes  appliqué  aux  rapports  de  l'Eglise  et  de  l'Etat  :  il  consiste  à  soustraire 
le  plus  possible  l'Etat  au  contrôle  de  l'Eglise.  — 2°)  Théologique  et  ecclésiastique  : 
il  s'attaque  à  la  constitution  de  l'Eglise  en  proclamant  la  suprématie  du 
Concile  sur  le  Pape.  Cf.  Audisio,  Droit  public  de  VEglise.  —  Thèse  des  juristes 
ou  théologiens  gallicans  sur  l'origine  du  pouvoir,  II,  229-230.  —  Tendance  à 
asservir  l'Eglise,  II,  337.  —  Déclaration  de  1 682,  II,  342. 


828  TABLE  ANALYTIQUE  :  Garantisme  —  Génétique 

Garantisme  (de  Garantie)  :  système  social  de  Fourier,  dans  lequel  la  mutua- 
lité et  la  coopération  sont  les  principaux  facteurs  de  la  civilisation. 

Garnier  (Adolphe)  :  classification  des  facultés,  46.  —  Perception  intui- 
tive, 164,  2.  —  Production  et  interprétation  des  signes,  436,  2.  —  Origine  du 
langage,  444,  5.  —  Songes  de  Descartes,  476,  4. 

Garnier  (Joseph),  les  lois  naturelles  en  Économie  politique,  II,  369,  2. 

Gassendi  (Pierre)  :  empreintes  cérébrales,  196,  2.  —  Nature  de  l'espace 
et  du  temps,  II,  502.  —  Atomisme,  II,  507-508. 

Gaudry  (Albert)  :  nie  la  géologie  des  cataclysmes,  II,  615,  1.  —  Nécessité 
de  recourir  à  une  cause  première,  II,  622,  2.  —  Transformiste  modéré,  II,  622. 

Gaunilon  :  combat  l'argument  ontologique,  II,  571,  10. 

Généalogique  (de  Généalogie,  de  Genealogia,  PeveaXoYi'a,  de  ysvîa,  nais- 
sance ;  Xiyw,  recueillir)  :  classification  généalogique  des  langues,  460. 

Général  (Generalis,  de  genus,  naissance,  race,  genre)  :  a)  Sens  strict  chez 
les  ScoLASTiQUES  :  ce  qui  représente  toute  uneclassed'êtres,  259.  —  b)Senslarge: 
ce  qui  convient  à  la  majeure  partie  des  individus  d'une  classe.  —  Formation 
de  l'idée  générale,  249.  — ■  Propriétés,  .250.  — ■  Hiérarchie  des  idées  générales, 
251.  —  Division,  252.  —  Problème  des  idées  générales,  254.  —  Comparaison 
avec  les  autres  sortes  d'idées,  258.  —  Antériorité  de  l'idée  générale  ?  260.  — 
L'idée  générale  et  l'image,  261-262  ;  263.  —  La  science  se  ramène  à  des  idées 
générales,  578-579  ;  687-688.  —  Science  du  général,  581-582  ;  582-583. 

Généralisation  (de  Généraliser)  :  a)  Sens  strict  :  opération  par  laquelle  on 
réunit  sous  un  concept  unique  des  caractères  communs  à  plusieurs  objets 
singuliers,  249. —  b)  Sens  large  :  opération  par  laquelle  on  étend  à  toute  une 
classe  une  observation  faite  sur  un  certain  nombre  d'individus  de  cette  classe, 
648  ;  673.  —  Formation  de  l'idée  générale,  249.  —  Avantages  et  abus  de  la 
généralisation,  257.  —  Généralisation  de  l'expérience  par  l'induction,  673.  — 
Générahsation  appliquée  aux  sciences  naturelles,  687-688,  —  Fondement 
de  la  généralisation,  700.  — •  Induction  et  généralisation,  704. 

Génératianisme  :  voir  Traducianisme. 

Génération  [Generatio,  de  generatum,  supin  de  generare,  engendrer,  de 
genus,  naissance)  :  Generatio  unius  est  corruptio  alterius.  Cet  axiome  scolastique 
signifie  que  la  matière  première  n'acquiert  une  nouvelle  forme  qu'en  perdant 
la  précédente,  II,  517. 

Générations  spontanées  :  expérience  de  Pasteur,  669,  3.  —  Leur  répu- 
gnance, II,  526. 

Générique  (Genericus,  de  genus,  naissance,  race,  genre)  :  qui  appartient 
à  la  compréhension  du  genre.  S'oppose  à  Spécifique,  252-253.  —  L'image  géné- 
rique c'est  l'image  composite,  249  ;  254. 

Genèse  (Genesis,  ■^vn'ji:,,  force  productrice,  origine)  :  ce  mot  s'emploie 
dans  le  sens  :  a)  de  Production,  le  devenir  :  étudier  la  genèse  d'un  être  ou  d'une 
institution,  c'est  examiner  comment  cet  être  ou  cette  institution  sont  devenus 
ce  qu'ils  sont  actuellement.  —  b)  d'Origine  :  vg.  genèse  d'une  idée. 

Génétique  (Tewr^Tixô;,  qui  engendre,  qui  produit,  de  yswaw,  engendrer)  : 
définition  génétique,  524.  —  Classification  génétique  :  qui  classe  les  objets 
d'après  l'ordre  de  leur  genèse  ou  production  ou  suivant  la  diversité  des  causes 
productrices. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Génie  —  Gnosc  829 

Génie  (Genius,  dieu  tutélaire  qui  veille  sur  la  nature  humaine,  du  verbe 
archaïque  geno,  produire.  Cf.  gigno,  engendrer,  ingenium,  qualité  naturelle)  : 
ce  mot  signifie  :  a)  La  nature,  le  fond  d'un  être.  —  6)  Dons  natifs  et  éminents  de 
l'esprit,  II,  405.  —  L,e  génie  n'est  pas  une  névrose,  226,  1.  —  Génie  artistique, 
230-231.  —  Génie  scientifique,  231-232.  —  L'attention  et  le  génie,  231  ;  241. 

Genre  [Genus,  generis,  naissance,  race,  espèce,  genre,  de  l'archaïque  geno, 
produire.  Cf.  ys'voç,  naissance)  :  a)  en  Logique  :  l'un  des  universaux,  252  : 
b)  en  Biologie  :  subdivision  de  Famille,  696. 

Gens  (au  singulier  Gcnt,  de  gentem,  race,  famille,  nation,  de  gigno,  genitum, 
engendrer,  de  l'archaïque  geno,  avec  redoublement.  Cf.  ys'voç,  naissance,  race, 
yt'-yvo-aat,  devenir,  naître)  :  droit  des  gens,  II,  311-312. 

Géocentrique  (de  l\  terre;  xévrpov,  centre)  :  système  de  Ptolémée,  qui 
fait  de  la  terre  le  centre  de  l'univers. 

Geoffroy-Saint-Hilaire  (Etienne)  :  génie  synthétique,  617.  —  Principe 
des  connexions  organiques,  701. 

Géographie  [Geographia,  réoypa'fia,  de  yî],  terre;  ypa-^ct'v,  décrire); 
a)  Physique  :  science  de  la  description  de  la  terre,  593.  —  b)  Politique  '.science  de 
la  description  des  États,  594. 

Géologie  (de  l\  terre  ;  AÔyo;^  discours)  :  science  de  la  structure  de  la  terre 
considérée  dans  sa  genèse,  593. 

Géométrie  [Geometria,  reio[xeTpia,  de  y^  ,  terre,  [xetgsTv,  mesurer)  : 
science  de  l'espace  ou  de  l'étendue  figurée,  592  ;  625-626. 

George  (Henry)  :  nationalisation  du  sol,  II,  200,  2. 

Gerson  (Jean)  :  tendance  nominaliste,  254, 

Gide  (Charles)  :  répartition  des  produits  du  travail  collectif,  II,  202,  1. 
—  Le  Goopératisme,  II,  203.  —  Admet  une  plus  grande  intervention  de  l'Etat 
que  l'Ecole  libérale,  II,  369,  5.  —  Tendances  du  Syndicalisme,  II,  202-203. 

Gioberti  (Vincenzo)  :  partisan  de  l'Ontologisme,  312  ;  II,  555. 

GiRARDiN  (M°is  de)  :  la  joie  fait  peur,  469. 

Glande  pinéale  (de  Glandula,  de  glans,  glandis,  tout  fruit  qui  ressemble 
au  gland  ;  pinea,  pomme  de  pin)  :  petite  éminence  en  forme  de  pomme  de  pin 
placée  entre  les  tubercules  quadrijumeaux  et  un  peu  au-dessus,  —  Son  rôle 
dans  le  système  de  Descartes,  II,  545,  3. 

Gloire  (Gloria)  :  S.  Augustin  la  définit  :  Clara  notitia  cum  laude.  —  Gloire 
extrinsècjue  et  intrinsèque  de  Dieu,  II,  635-636. 

Gnomique  (rvwa'.xo;,  en  forme  de  sentence,  de  yvoVr/],  jugement,  pensée)  ; 
la  philosophie  gnomique,  qui  fut  celle  des  sept  Sages  de  la  Grèce,  procédait 
par  aphorismcs. 

Gnose,  Gnosticisme  (VvôiG'.q,  connaissance)  :  le  Gnosticisme,  syncrétisme 
d'idées  juives,  de  théories  helléniques  et  de  vérités  chrétiennes,  est  la  principale 
hérésie  des  trois  premiers  siècles  de  l'Église.  Le  problème  de  l'origine  du 
monde  et  du  mal  est  la  préoccupation  dominante  des  divers  systèmes  qui 
divisèrent  le  Gnosticisme.  Les  Gnostiques  ont  encore  ce  trait  commjin  qu'ils 
se  prétendent  en  posse.ssion  d'une  science  ésolérique  dont  ils  proclameiil  la 
supériorité  en  l'appelant  la  connaissance  par  excellence,  la  Gnose.  —  Cf. 
Dictionnaire  Apologétique  de  la  Foi  catholique,  (A.  D'ALÈs),art.  Gnose. 


830        TABLE  ANALYTIQUE  :  Gnoséologic  —  Gîatry  (Père  A.-J.-A) 

Gnoséologie  (de  Tvioui;,  connaissance  ;  Ào-'o;,  discours)  :  théorie  de  la 
connaissance,  134-353 

Goethe  (  Johann-Wolfgang)  :  svmbolisme  de  la  nature,  435.  —  Iphigénie 
II,  399. 

Gonet  (Père  Jean-Baptiste)  :  la  prémotion  physique,  II,  587,  3. 

Gorgias  :  origine  du  juste  et  de  l'injuste,  II,  22,  2.  — ■  Morale  du  plaisir, 
II,  48.  —  Indifférence  pour  la  vérité,  II,  421. 

Goût  (ancien  français  Gost,  goust,  de  gustum,  delà  racine  gus,  qui  signifie 
essayer)  :  sensation  du  goût,  74.  —  L'un  des  cinq  sens,  157  ;  184  ;  185.  —  Goût 
esthétique  :  a)  Nature  230  ;  286  ;  II,  406.  —  b)  Unité,  II,  407. 

Gouvernants,  Gouvernés  :  droits  et  devoirs,  II,  265  ;  274. 

Gouvernement  (de  Gouverner,  de  guhernare]  :  ensemble  des  pouvoirs  qui 
représentent  l'État.  —  Formes  diverses,  II,  232.  — Gouvernement  de  l'ait, 
II,  230.  —  Droits  et  devoirs  du  gouvernement,  II,  265.  —  Voir  Autorité,  État. 

Grâce  (Gratia,  charme,  obligeance,  faveur),  Gracieux  (Gratiosus,  plaisant, 
agréable)  :  a)  Grâce  a  le  sens  de  faveur  accordôe  par  pure  bienveillance,  II,  120, 
—  h)  SigniHe  encore  qualité  esthétique  des  mouvements,  des  attitudes,  des  formes. 
II,  388.  —  Le  gracieux,  le  joli  et  le  beau,  II,  388-389.  —  Accorder  une  chose 
à  titre  gracieux,  c'est  l'accorder  bénévolement,  sans  qu'elle  soit  due,  ou  qu'elle 
impose  aucune  charge.  S'oppose  à  Onéreux. 

Gradation  {Gradatio,  de  gradus,  pas,  marche)  :  on  a  appelé  gradation 
l'argument  sophistique  du  sorite,  à  la  manière  d'ÉuBULiDE,  548,  1.  On  peut 
appliquer  ce  terme  à  tout  ce  qui  offre  une  transition  graduelle. 

Graduation  [Graduer,  du  latin  scolastique  graduarc  ;  de  gradus,  pas,  gradin, 
degré)  :  pour  déterminer  le  rapport  de  la  sensation  à  l'excitation  qui  la  cause, 
WuNDT  emploie  la  Méthode  des  graduations  moyennes,  qui  consiste,  deux  sen- 
sations d'intensité  différente  étant  données,  à  trouver  une  sensation  dont 
l'intensité  soit  moyenne. 

Grammaire  {Grammatica,  vpaaaaTr/rj,  qui  concerne  l'art  d'écrire  ou  de  lire, 
de  ypaijLaa,  caractère  d'écriture  ;  sous-entendu  fî'/.vfi,  art)  :  science  des  règles 
du  langage.  —  Grammaire  particulière,  comparée,  générale,  2  ;  463-464. 

Grand  terme  :  c'est  Vattribut  de  la  conclusion  dans  un  syllogisme,  536. 

Grandeur  (de  Grand,  de  grandem)  :  science  de  la  grandeur,  625.  —  Grandeur, 
élément  du  beau,  II,  382. 

Grands  mots  :  leurs  dangers,  454-455. 

Graphique  (Tpa^cxo;,  relatif  à  l'action  d'écrire,  de  yça'-poj,  écrire)  :  la 
méthode  ou  représerltation  graphique  consiste  à  figurer  des  relations  abstraites 
par  un  tracé  linéaire  ;  vg.  représentations  des  syllogismes,  557. 

Graphologie  (de  l^çâfti^,  écrire,  y^oyoç,  discours)  :  science  de  l'écriture,  qui 
consiste  à  l'interpréter  comme  signe  des  caractères  et  des  états  psychologiques. 

Grasset  (D'  Joseph)  :  le  génie  n'est  pas  une  névrose,  226,  1. 

Gratiolet  (Louis-Pierre)  :  expression  des  émotions,  437,  2.     * 

Gratry  (Père  Auguste-Joseph-Alphonse)  :  liberté  humaine  et  science 
divine,  380-381. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Gratuit — Haeccéité  831 

"^  Gratuit  {Graluitus,  de  gratis,  gmtuitement,  de  gratia,  faveur)  :  ce  qui  ne 
coûte  rien.  —  Disposer  d'un  bien  à  titre  gratuit,  II,  197.  — ■  Instruction  gra- 
tuite, II,  259.  —  S'oppose  à  Onéreux. 

Grégoire  de  Nysse  (Saint)  :  origine  du  langage,  441,  2. 

Gresset  (Jean-Baptiste-Louis)  :  l'esprit,  II,  406. 

Grève  (du  latin  populaire  Grava,  d'origine  celtique.  Grève  signifie  terre 
au  bord  de  la  mer  ;  par  analogie  on  a  dit  place  de  Grève,  au  bord  de  la  Seine, 
cil  des  ouvriers  sans  travail  se  donnaient  rendez-vous)  :  conditions  de  la  légi- 
timité d'une  grève,  II,  360. 

Grote  (George)  :  loi  de  quantité  du  plaisir,  62. 

Grotius  (nom  latinisé  de  Hugo  van  Groot)  :  fondement  du  droit  de  pro- 
priété, II,  192,  1. 

Guerre  (de  l'ancien  haut  allemand  werra,  dispute)  :  nature  de  la  guerre, 
II,  269.  —  Conditions  de  sa  légitimité,  II,  270.  —  Responsabilité  dans  la 
guerre,  II,  273. 

Guesde  (Jules)  :  marxiste,  II,  200. 

GuiBERT  (Abbé  Joseph)  :  arguments  des  transformistes,  II,  615-617. 

Guillaume  de  Champeaux  :  réalisme  exagéré,  255. 

GuizoT  (François-Pierre-Guillaume)  :  l'idée  de  Dieu  et  la  loi  morale, 
II,  121. 

GuNTHER  (Anton)  :  vitalisme,  II,  527. 

Gustatif  (de  Gustatum,  supin  de  gustare,  goûter)  :  sensation  gustative,  471, 1- 

GuYAu  (Marie-Jean)  :  morale  indépendante,  II,  7,  6.  —  Réfutation  de 
l'activité  de  jeu,  II,  380,  4. 

Gymnosophistes  (de  Fuixvd;,  nu  ;  «rocpcTT/iç,  tout  homme  qui  excelle  dans 
un  art)  :  on  nomme  ainsi  des  Sages  indiens  qui  vivaient  presque  nus  et  faisaient 
profession  d'austérité. 


Habitude  [Hahitudo,  forme  extérieure,  tenue,  de  habitum,  supin  de  habere, 
tenir,  avoir)  :  sens  psychologique  :  tendance  acquise  à  conserver  ou  à  reproduire 
les  états  ou  actes  antérieurs,  416.  —  Forme  de  l'activité,  355.  —  Cause  dr 
l'habitude,  416.  —  Ses  conditions,  416-417.  —  Habitude  active  ou  passive, 
générale  ou  particulière,  417.  —  Effets  de  l'habitude,  418.  —  Ses  lois,  419.  — 
Nature  de  l'habitude  :  phénomène  passif  ou  actif  ?  421.  —  Son  domaine,  422. 
—  Bienfaits  et  services,  424.  —  Inconvénients  et  dangers,  424-425.  —  L'habi- 
tude et  la  liberté,  392  ;  425.  —  L'habitude  et  l'instinct,  426.  —  L'habitude 
et  la  mémoire,  196-199.  —  [^'habitude  et  l'association,  215.  —  L'habitude  et 
la  vertu,  425  ;  II,  126-128  ;  128-129. 

Habitus  (de  Habitas,  manière  d'être)  :  l'une  des  catégories  d'Aristote  : 
c'est  l'accident  qui  résulte  de  la  superposition  de  deux  substances,  296  ;  517  ; 
II,   486. 

Haeccéité  (du  latin  scolastique  Haecceitas)  :  voir  Eccéité. 


832  TABLE  ANALYTIQUE  :    Hacckel —  Héautonomie 

Haeckel  (Ernst)  :  Monisme,  II,  626. 

Haine  (pour  haine,  de  haïr,  du  terme  germanique  hatan  ou  hat/an)  :  incli- 
nation à  vouloir  le  mal  des  autres,  94.  —  Passion  d'éloigner  de  nous  quelque 
chose,  122. 

Hallucination  [Hallucinatio,  de  hallucinatum,  supin  de  hallucinari,  diva- 
guer) :  perception  extérieure  sans  objet.  Théorie  de  l'hallucination  vraie 
(Stuart  Mill,  Taine,  Rabier),  171.  —  État  anormal  de  l'imagination,  225. 
—  Nature  et  explication  de  l'hallucination,  487.  —  Comparaison  avec  le  rêve 
et  l'illusion,  226  ;  487-488. 


Hamelin  (Octave)  :  pampsychisme,  II,  443  ;  4 


i%, 


Hamiuon  (William)  :  le  plaisir  est  un  fait  positif,  58,  6.  —  Lois  fonda- 
mentales du  plaisir,  62-64.  —  Raison  inverse  des  éléments  affectif  et  repré- 
sentatif, 73  ;  74.  —  Limites  de  la  conscience,  146-147.  —  Sensation  et  per- 
ception, 159.  —  Théorie  de  la  perception  intuitive,  164.  —  Définition  de  la 
mémoire,  202,  1.  —  Associations  latentes,  212-213,  1,  —  Notion  de  l'absolu, 
340-341.  —  Objection  contre  les  règles  de  la  conversion,  534-535.  -7-  Quanti- 
fication du  prédicat,  551,  1.  —  Services  rendus  par  les  Scolastiques  aux 
langues  modernes,  843,  1.  —  Relativité  de  la  connaissance,  II,  427-428. 

Harmonie  [Harmonia,  afi/.&via,  ajustement,  proportion,  de  àptAoi^siv, 
ajuster)  :  a)  Ce  mot,  en  général,  implique  une  idée  de  finalité,  d'ordre  organique, 
qui  consiste  en  ce  que  les  diverses  parties  d'un  être  ou  d'un  ensemble  conspirent 
à  un  même  effet  ;  vg.  l'harmonie  de  l'univers,  II,  561-562.  —  C'est  un  élément 
du  beau,  II,  382-383.  —  b)  Harmonie  préétablie  (Leibniz),  II,  547. 

Hartley  (David)  :  persistance  des  mouvements  vibratoires,  accompa- 
gnant les  sensations,  197. 

Hartmann  (Eduard  von)  :  l'inconscient,  142,  3.  —  Pessimisme  relatif, 
II,  649. 

Hasard  (d'une  sorte  de  jeux  de  dés,  en  arabe  a/-sâr;  ou,  d'après  Guillaume 
DE  Tyr,  du  nom  d'un  château  de  Palestine  ElAzar,  où  l'on  trouva  un  jeu  de 
dés)  :  hasards  de  l'expérience,  662.  —  Hasard  dans  la  méthode  des  coïncidences 
constantes,  667.  —  L'ordre  du  monde  est-il  effet  du  hasard  ?  II,  562  ;  601,1.  — 
L'idée  de  hasard  implique  un  effet  que  l'homme  ne  peut  prévoir.  Mais  il  n'y 
a  pas  de  hasard  absolu,  parce  qu'il  n'y  a  pas  d'effet  sans  cause.  Le  hasard  se 
dit  relativement  à  l'imperfection  des  intelligences  créées,  qui  ne  connaissent 
pas  toutes  les  causes.  Mais  pour  Dieu,  intelligence  et  toute-puissance  infinies, 
il  n'y  a  pas  de  hasard,  car  tout  est  connu  et  ordonné  par  lui.  «  Ce  qui  est  hasard 
à  l'égard  des  hommes  est  dessein  à  l'égard  de  Dieu»  (Bossu et,  Politique  tirée 
des  propres  paroles  de  V Écriture  Sainte,  L.  V,  Art.  m.  Propos.  I). —  Lacordaire 
a  dit  du  hasard  que  «  c'est  Dieu  voulant  garder  l'incognito  ».  —  On  l'appelle 
fortune,  quand  il  s'applique  aux  créatures  libres. 

Hauser  (Gaspard)  :  mis  au  séquestre,  725. 

Havet  (Ernest)  :  repousse  a  priori  le  miracle,  739,  3. 

Héautognosie  (de  'EauToii,  de  soi-même  ;  yvwci;,  connaissance)  :  connais- 
sance de  soi-même  par  la  conscience  réfléchie,  137. 

Héautonomie  (de  'Eocut&ïï,  de  soi-même  ;  vo;j.o;,  loi)  :  Kant  appelle  ainsi 
la  loi  soit 'Il  laquelle  l'esprit  s'impose  à  lui-même  la  conception  des  choses  ; 
c'est  une  condition  de  la  possibilité  de  la  science,  II,  432. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Hédoiiisme  —  Hermétique  833 

Hédonisme  (de  'USovvi,  plaisir)  :  doctrine  qui  donne  la  reclierche  du  plaisir 
comme  le  principe  de  la  morale.  —  Valeur  des  passions,  118.  —  Morale  de 
l'École  Cyrénaïque,  II,  48. 

Hédonistique  ('lloovtxoç,  relatif  au  plaisir,  de  -ioov-/],  plaisir)  :  principe 
hédonistique  :  '  L'homme  cherche  toujours  à  se  procurer  le  maximum  de 
satisfaction  avec  le  minimum  de  peine,  »  II,  51-52.  Il  rentre  dans  le  Principe 
du  moindre  effort. 

Hegel  (Georg-Wilhelm-Friedrich)  :  méthode  en  philosophie,  7-8.  — 
Déflnition  du  beau,  II,  381,  6.  ^  Preuve  ontologique,  II,  571,  7.  —  Panthéisme, 
II,  605-607  ;  607-610. 

Hégélianisme  :  système  philosophique  de  Hegel.  Voir  ce  nom. 

Hégésias  ('nyr,ataç,  de  rjyéofjLat,  conduire)  :  disciple  d'ARisTiPPE,  II,  49. 

Heinecke,  Heineccius  (Johann)  :  fondement  du  droit  de  propriété, 
II,  192,  3. 

Héliocentrique  (de  "H)vtoç,  soleil  ;  xsvTpov,  centre  d'une  circonférence)  : 
système  de  Copernic  qui  fait  du  soleil  le  centre  du  système  planétaire. 

Hellénisme  (  'EÀXrjv.cao;,  de  ''EXayiv,  Grec)  :  ce  mot  indique  l'ensemble  de  la 
philosophie  et  de  la  littérature  grecques  et  leur  influence  sur  la  civilisation. 

Helmholtz  (Hermann-Ltjdwig-Ferdinand  von)  :  l'hypothèse,  231. 

Helvétius  (Claude-Adrien)  :  origine  de  la  conscience  morale,  II,  21,  2. 
—  Matérialisme,  II,  540. 

Hénothéisme  (de  Etç,  l'vo;,  un  ;  Qioc^,  Dieu)  :  culte  d'un  seul  Dieu. 

Herbart  (Johann-Friedrigh)  :  méthode  de  la  psychologie,  31. 

Herder  (Johann-Gottfried  von)  :  philosophie  de  l'histoire,  749,  4.  — 
La  satisfaction  morale,  II,  49. 

Héréditaire  [Hereditarius,  de  hereditas,  héritage)   :   voir  Hérédité. 

Héréditarisme  (de  Héréditaire)  :  origine  des  idées  d'après  Spencer,  306. 

Hérédité  {Hereditas,  héritage,  de  hères,  héritier)  :  reproduction,  chez  les 
descendants,  du  type  spécifique  et  de  certains  caractères  individuels  de  leurs 
ascendants.  —  L'hérédité  et  l'origine  des  inclinations,  101-102.  —  Hérédité 
et  instinct,  110-111.  —  L'hérédité  et  les  passions,  115.  —  L'hérédité  et  les 
notions  premières,  306-307.  —  L'hérédité  et  le  tempérament,  391-392.  —  L'héré- 
dité et  le  caractère,  398  ;  405  ;  406.  —  Persistance  du  type,  703.  —  Hérédité 
du  pouvoir,  II,  247.  —  L'hérédité  et  le  transformisme,  II,  614. 

Hérile  {Herilis,  de  herus,  maître)  :  société  hérile,  II,  217. 

Héritage  (de  Hériter,  de  hereditare,  hériter)  :  droit  de  le  transmettre 
II,  197  ;  197-198. 

Herméneutique  (1')  ('EpaTqvsuTtx-^,  qui  concernerinterprétation,deépy.r,v£Jw, 
faire  connaître,  interpréter  ;  sous-entendu,  T£/,vr,,  art)  :  l'art  d'interpréter 
les  textes  philosophiques  ou  religieux. 

Hermétique  (de  'Eou-Tiç,  Hermès,  Mercure  égyptien)  :  la  philnsophie  hermé- 
tique se  dit  des  doctrines  consacrées  à  Mercure  Trismégiste  (Tpi;,  trois  fois  ; 
aiviuToç,  très  grand),  qui  passaient  pour  renfermer  les  traditions  de  l'ancienne 
Egypte. 


834  TABLE  ANALYTIQUE  :  Hermétismc  —  Historisme 

Hermétisme  (de  Hermès)  :  doctrine  occulte  chez  les  Égyptiens.  Ce  mot  est 
appliqué,  par  extension,  à  l'alchimie,  à  la  magie,  à  l'occultisme. 

Héroïsme  (de  Héros,  de  héros,  r^poiç)  :  forme  supérieure  de  la  charité,  II,  163. 

—  Inclination  altruiste^  94.  —  Il  n'est  pas  obligatoire  en  général,  II,  109  ;  112. 

Herschel  (Friedrich-Wilhelm)  :  précision  numérique,  652,  2.  —  Étude 
des  résidus,  670,  1. 

Hétérogène  (  'ETzpoyzvq;,  de  i'Tîpoç,  autre  :  'fi-^oç,  naissance,  race,  genre)  : 
de  nature  difîérente.  —  Motifs  hétérogènes,  396,  2.  —  S'oppose  à  Homogène. 

Hétérogénie  (de  Hétérogène)  :  thèse  évolutionniste  d'après  laquelle  l'orga- 
nique provient  de  l'inorganique,  II,  631-632. 

Hétéronomie  (de  "Ezb^o;,  autre;  vofxo;,  loi)  :  condition  de  celui  qui  reçoit 
du  dehors  la  loi  à  laquelle  il  se  soumet.  —  Hétéronomie  de  la  volonté  d'après 
Kant,  II,  97  ;  100-101.  —  S'oppose  à  Autonomie. 

Heuristique  (de  'Eupicxoi,  découvrir):  ce  qui  sert  à  découvrir  quelque  chose. 

—  En  Histoire  :  l'Euristique  est  la  recherche  des  documents, 

^-  Hiérarchie  [Hierarchia,  lepap/ia,  de  isço-r,  sacré  ;  ap/eiv,  commander)  : 
ce  terme,  d'origine  ecclésiastique  (Cf.  Pseudo-Denys  l'Aréopagite),  signifie  : 
Ordre  de  subordination  des  chœurs  célestes,  des  anges  ;  puis,  par  extension, 
des  divers  degrés  de  l'état  ecclésiastique.  Il  a  été  appliqué,  par  analogie,  aux 
choses  profanes.  —  Hiérarchie  :  a)  des  êtres  vivants,  48-49  ;  b)  des  sens,  185  ; 
c)  des  idées  générales,  251  ;  d)  des  sciences,  595  ;  e)  des  fonctions  organiques, 
701  ;  /)  des  lois,  II,  41.  —  Hiérarchie  sociale,  qui  résulte  de  la  subordination 
des  divers  éléments  qui  composent  une  société  organisée,  753.  —  Hiérarchie 
de  l'Église,  II,  336. 

Hiérarchisation  (de  Hiérarchie)  :  hiérarchisation  des  caractères  essentiels 
dans  les  sciences  naturelles,  691-692. 

Hiéroglyphique  [Hieroglyphicus,  upoyXuaity.o;,  de  tepoç,  sacré  ;  -{kû'Sjin,  tailler, 
graver)  :  écriture  hiéroglyphique,  439.  Les  hiéroglyphes  sont  les  caractères  de 
l'écriture  des  anciens  Egyptiens. 

Hippias  ('iTiTri'aç)  :  sophiste,  II,  421. 

Histoire  (Historia,  'la-ropt'a,  recherche,  information  ;  puis,  relation  de  ce 
qu'on  a  appris  ;  de  iTTopstv,  s'informer)  :  sens  général  :  connaissance  des 
états  par  lesquels  a  passé  un  objet  quelconque  :  un  peuple,  une  institution, 
une  espèce  vivante,  une  science,  une  langue,  etc.  —  Sa  place  dans  les  sciences, 
3  ;  594.  —  Méthode  des  sciences  historiques,  734.  —  Critique  historique  : 
a)  traditions,  740  ;  h)  monuments,  740  ;  c)  écrits,  741.  —  Histoire,  œuvre  de 
science  et  d'art,  742-743.  —  Écoles  historiques,  744.  —  Qualités  de  l'historien, 
744.  —  Certitude  historique,  745.  —  Rôle  de  l'induction  et  de  la  déduction 
en  histoire,  746.  —  L'histoire  et  les  sciences  morales,  747.  —  Synthèse  méta- 
physique de  l'histoire,  748.  —  Philosophie  de  l'histoire  ou  science  sociale  en 
général,  752.  —  Nature  des  lois  historiques,  753.  —  Source  d'information  pour 
la  psychologie,  723. 

Histologie  (de  'Itto?,  tissu  ;  Xoyoç,  discours)  :  partie  de  V  Anatomie,  qui  traite 
des  tissus  organiques.  —  Le  mot  Histologismc  est  parfois  employé  dans  le  sens 
d'Organicif^me,  II,  525. 

Historisme  (de  Histoire)  :  tendance  qui  consiste  à  regarder  les  faits  juri- 
diques, linguistiques,  moraux  comme  la  résultante  du  travail  inconscient  de 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Hobbcs  (Thomas)  ~  Hulst  (Mgr  d')  835 

la  collectivité  :  de  là,  poup^omprendre  cette  production  collective,  la  nécessité 
de  la  replacer  dans  son  milieu  historique.  En  Allemagne,  Fr.-K.  von  Savigny 
a  été  au  xix*'  siècle  le  représentant  le  plus  en  vue  de  cette  tendance  trop 
exclusive. 

HoBBEs  (Thomas)  :  origine  do  la  conscience  morale,  II,  21.  —  Le  droit,  c'est 
la  force,  II,  132.  —  Origine  de  la  propriété,  II,  192,  5.  —  Origine  de  la  société, 
II,  220. 

Holbach  (Paul-Henri  Dietrich.  Baron  d')  :  origine  de  la  conscience 
morale,  II,  21.  —  Matérialisme,  II,  5'iO. 

Homéoméries,  Homœoméries  (Ta  ô[ji.oio[x£f^,  de  ô'aotoç,  semblable  ;  ,«-épo;, 
partie)  :  ce  mot  semble  avoir  été  à  tort  attribué  à  Anaxagore.  On  le 
trouve  chez  Aristote  et  les.  philosophes  postérieurs,  qui  entendent  par  là 
les  corps  composés  de  parties  similaires.  A  défaut  du  mot,  Anaxagore  a 
certainement  la  chose,  car  il  regarde  les  éléments  premiers  des  êtres  comme 
qualitativement  semblables. 

Homère  (  'OaTipoç,  otage)  :  Achille,  230,  1. 

Homestead  (mot  anglais  =  maison  d'habitation  avec  ses  dépendances)  : 
insaisissabilité  de  la  maison  et  d'une  certaine  étendue  de  terre,  II,  198-199. 

Homicide  {Honùcidium,  de  homn,  homme  ;  csedere,  tuer)  :  crime,  II,  166. 

Homme  Me  Hominem,  peut-être  de  humus,  terre)  :  définition  :  a)  physio- 
logique, 250  ;  h)  philosophique,  522.  —  Homme-statue  de  Condillac,  300.  — 
Homme-phénomène,  homme-noumène,  de  Kant,  II,  136  ;  155. 

Homo  duplex  :  expression  employée  quelquefois  pour  indiquer  le  double 
élément  du  composé  humain,  le  corps  et  l'âme,  ou  les  tendances  antagonistes 
qui  résultent  de  leur  union. 

Homogène  (  'Oixoysvviç,  de  "Oy.oto?,  semblable,  yavoç,  race,  genre)  :  ce  dont 
les  éléments  sont  identiques  en  nature  ;  vg.  homogénéité  du  temps  et  de 
l'espace  absolus,  II,  503-504.  —  S'oppose  à  Hétérogène. 

Homologue  (  'Oao'Xoyoç,  qui  parle  d'accord,  concordant  ;  de  ôy.o;,  semblable  ; 
Xsyw,  diic,  parler)  :  ce  qu'on  peut  désigner  par  un  même  mot,  ce  qui  a  une 
dénomination  commune  ;  vg.  organes  homologues,  705. 

Homonyme  ('Ouo?,  semblable;  ô'vuaa,  nom)  :  cause  d'équivoque,  453. 

Honnête  (Honestum,  honorable,  honnête,  de  honos,  qui  signifia  primiti- 
vement charge,  comme  son  jumeau  honus,  onus)  :  ce  qui  convient  à  la  nature 
raisonnable,  II,  106. 

Honneur  (de  Honorem,  primitivement  charge,  puis  honneur)  :  dignité  morale 
.qui  résulte  du  respect  de  soi-même  et  de  l'eslime  des  autres.  —  Points  de  vue 
psychologique  et  moral,  II,  84-86.  —  Respect  de  l'honneur  d'autrui,  II,  206. 

Horace  (Valerius-Flaccus-Horatius)  :  l'amitié,  89,  3.  —  L'usage  et 
les  n^ots,  525,  2.  —  La  vertu,  II,  127,  4. 

Horrible  {Horribilis,  de  horrere,  être  hérissé,  horrible)  :  opposé  au  sublime, 
II,  391. 

HuET  (Mgr  Pierre-Daniel)  :  Fidéisme,  818,  4.  —  Défiance  de  la  raison, 
II,  422. 

HuLST  (Mgr  Maurice  d')  :  jugement  sur  le  P.  Th.  de  Régnon,  380,  2. 
—  Conservation  de  l'énergie,  389,  1  ;  390,  1.  —  Nature  de  la  liberté,  398-399  ; 


836  TABLE  ANALYTIQUE  :  Humanisme  —  Hyperespace 

400,  1  ;  402,  2.  —  Droit  de  légitime  défense,  II,  166,  2.  —  Légitimité  de  la 
propriété  privée,  II,  196-197.  —  Légitimation  de  l'autorité  usurpée,  II,  231- 
•232.  —  La  thèse  et  l'hvpothèse,  II,  341-342  ;  342,  2.  —  Les  quatre  articles, 
II,  342-343.  —  Mesure  du  salaire,  II,  358,  3.  —  Salaire  familial,  II,  359,  3.  — 
Résurrection  des  corps,  II,  552.  —  Réfutation  de  la  théorie  de  l'immanence 
de  Spencer,  II,   630-631. 

Humanisme  (du  radical  de  Humaniste)  :  doctrine  des  lettrés  de  la  Renais- 
sance. —  De  nos  jours,  le  Pragmatisme  a  été  appelé  Humanism  par  certains 
philosophes  anglais,  vg.  F.  C.  S.  Schiller,  822. 

Humanité  {Humanitas,  de  humanus,  humain,  de  homo,  homme)  :  ce  mot 
signifie  une  idée  :  a]  universelle  :  ce  par  quoi  l'homme  est  homme  ;  b)  collective  : 
le  genre  humain  ;  c)  morale  :  l'amour  de  nos  semblables,  93-94. 

Hume  (David)  :  notion  du  moi,  153.  —  Nature  du  jugement  et  de  la 
croyance,  269-270.  —  Notion  de  cause,  304,  3  ;  325-326.  —  La  conscience, 
II,  19,  1.  -—  Le  phénoménisme,  II,  426-427. 

Humilité  (HumiUtas,  état  d'une  chose  peu  élevée,  près  de  terre,  de  humus, 
terre)  :  vertu  morale,  d'origine  chrétienne,  qui  consiste  à  se  connaître  tel  que 
l'on  est  pour  se  mettre  à  sa  vraie  place,  au  lieu  de  s'en  faire  accroire.  «  L'humi- 
lité c'est  la  vérité  »  (Sainte  Thérèse). 

HuTCHESON  (Francis)  :  le  sens  moral,  II,  18,  4.  —  Morale  de  la  bienveil- 
lance, II,   81. 

Hybride  [Hyhrida)  :  qui  provient  de  deux  espèces  voisines,  694,  2  ;  II,  618. 

—  Mot  hybride  :  mot  composé  avec  des  éléments  empruntés  à  des  langues 
différentes,  vg.  Automobile,  de  aùxoç,  lui-même  ;  mobilis,  mobile. 

Hygiène  ('ryteiva,  pluriel  neutre  de  uytstvoç,  qui  contribue  à  la  santé,  de 
uy-viç,  sain)  :  devoir  relatif  au  corps,  II,  156. 

Hyléisme  (de  ''V)vri,  matière)  :  système  d'ARisTOTE  qui  soutient  que  la 
matière  est  éternelle  et  capable  de  recevoir  toutes  les  formes,  II,  601. 

Hylémorphisme  (de  "VXr,,  matière;  [Jt-opc&r',  formel  :  nom  donné  au  système 
de  la  matière  et  de  la  forme.  —  Exposé,  lî,  513.  —  Preuve,  II,  514.  —  Nature 
de  la  matière  et  de  la  forme,  II,  515.  —  Éduction  des  formes,  II,  517. 

Hylozoïsme  (de  "VÀr,,  matière  ;  Çtovi,  vie)  :  doctrine  stoïcienne,  II,  511,  3. 

—  Ce  mot  semble  avoir  été  créé  par  Cudw^orth.  Cf.  P.  Eucken,  Geschichte  der 
philosophischen  Terminologie  im  Umriss,  p.  94,  Leipzig,  1879. 

Hyperacousie  (de  'Vto'p,  au  delà  ;  axouat;,  action  d'entendre,  de  àxouoj, 
entendre)  :  c'est  l'hyperesthésie  de  l'ouïe. 

Hyperbolique  (de  'Y7:epfioÀtx-o;,  excessif,  de  v-Kâppol-ri,  action  de  lancer  au 
delà,  de  u-ep-paXXw)  :  nom  donné  par  Descartes  au  doute  méthodique 
poussé  à  l'extrême,  lequel  ne  peut  être  que  tliéorique  et  provisoire,  773. Cf.  Médi- 
tations métaphysiques,  VI,  vers  la  fin  ;  Principes  de  la  philosophie,  P.  I,  §  30. 

Hypercritique  (de  'VTrép,  au  delà  ;  xptrtxdç,  capable  de  juger,  de  xpivo), 
juger,  d'où  r,  xpiTix-^  [sous-entendu  Ts'/vr,],  l'art  de  juger)  :  mot  péjoratif  poura 
qualifier  la  tendance  de  ceux  qui  se  laissent  guider  par  des  idées  a  priori  dans 
l'appréciation  des  textes. 

Hyperespace  (de  T-Trép,  au  delà;  spatium,  espace)  :  espace  hypothétique  de 
quatre  dimensions  et  au  delà,  643. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Hyperesthésîe  —  Hypostase  837 

Hyperesthésie  (de  'Yirép,  au  delà  ;  atîOrjGtç,  sensation)  :  exaltation  de  la 
sensibilité  générale  ou  particulière  qu'on  remarque  en  certaines  maladies. 

Hyperidéation  (de  TirÉp,  au  delà  ;  îSea.  forme,  idée)  :  suractivité  intellec- 
tuelle qu'on  rencontre  chez  certains  hypnotisés. 

Hyperkinésie  (de  'V-Tiep,  au  delà  ;  xivr,(jiç,  mouvement)  :  excitation  anormale 
des  mouvements,  que  présentent  certains  hypnotisés. 

Hypermétaphysique  (de  'Vto'p,  au  delà  ;  uEtà  toc  w-hyA,  après  les  choses 
naturelles)  :  Kant  range  parmi  les  hypermétaphysiciens  les  philosophes  n'ayant 
pas  «  cette  crainte  virile  qui  fait  qu'on  évite  tout  ce  qui,  détournant  la  raison 
de  ses  premiers  principes,  lui  permet  de  vaguer  dans  des  imaginations  sans 
fin.  »  {Critique  du  jugement  téléologique). 

Hypermnésie  (de  TTrép,  au  delà  ;  avaofjiat,  [Av/^(jo;jiai,  se  souvenir)  :  exal- 
tation de  la  mémoire,  211. 

Hyperorganique  (de  '^'•^sp,  au  delà  ;  opyavov,  instrument,  organe)  :  ce  qui 
dépasse  les  forces  organiques.  Les  facultés  proprement  intellectuelles  sont 
hyperorganiques,  64,  2  ;  468-469  ;  II,  541-542. 

Hyperosmie  (de  'Virep,  au  delà  ;  ocru-o,  odorat)  :  hyperesthésie  de  l'odorat. 

Hyperphysique  (de  'TTtÉp,  au  delà  ;  cf-ufftxo';,  qui  concerne  la  nature)  :  ce 
qui  dépasse  les  forces  physiques  et  chimiques. 

Hyperthomiste  (de  'ÏTrép,  au  delà;  Thomisme):  nom  péjoratif  donné  aux 
Thomistes  intransigeants  et  outranciers. 

Hypnagogique  (de  Ttivo;,  sommeil  ;  àyo'/vi,  action  d'amener,  de  ayw, 
conduire)  :  on  nomme  ainsi  les  hallucinations  qui  se  produisent  aux  confins 
de  la  veille  et  du  sommeil. 

Hypnose  (de  'Yr.-jôr»^  uttvwt'.),  dormir)  :  ce  mot  indique  l'ensemble  des  états 
psychiques  et  corporels  qui  se  rencontrept  dans  le  somnambulisme  provoqué  ; 
vg.  la  catalepsie  est  une  forme  de  l'hypnose,  479.  —  La  grande  hypnose, 
479-480. 

Hypnotisme  (de  'TuvoiTixoç,  somnolent,  de  utcvo;,  sommeil)  :  ce  mot  indique 
à  la  fois  les  faits  relatifs  à  l'hypnose,  les  procédés  qui  la  provoquent  et  les 
appUcations  qu'on  en  peut  faire.  —  Ecole  de  Paris,  479.  —  Ecole  de  Nancy, 
480.  —  Faits  hypnotiques,  480.  —  Explication  des  faits,  481.  —  Dangers  et 
usages  de  l'hypnotisme,  484.  —  Mode  d'expérimentation,  728. 

Hypocondrie  (de  Hypocondriaque,  de  uTtoxo'voptot,  hypocondres,  de  utto, 
sous;  yôy'iç'0(;^  cartilage)  :  hypocondrie  morale,  489.  —  On  appela  hypocondrie 
cet  état  maladif  qui  rend  atrabilaire,  parce  qu'on  croyait  qu'un  tmuble  des 
hypocondres  en  était  la  cause. 

Hypocrisie  [Hypocrisis,  Oroxptat;,  réponse,  rôle  joué,  de  û-oxpivo,ua'., 
donner  la  réplique  dans  un  dialogue,  jouer  un  rôle)  :  mensonge  en  action, 
II,   158. 

Hypoesthésie  (de  'Vto',  sous  ;  ai(jOr,<Ttç,  sensation)  :  diminution  de  la  sen- 
sibilité. 

Hypostase  [Hypostasis,  u~o<7T«çt;,  action  de  placer  dessous,  support, 
suppôt,  de  Otto,  soxis  ;  iiTTif/t,  lirslvai,  se  tenir)  :  c'est  un  être  tout  entier  en 
soi.  Synonyme  de  Personne,  367.  —  Le  verbe  hypostasier  s'emploie  dans  le 
sens  péjoratif  de  transformer  ce  qui  est  relatif  en  réalité  absolue. 


838  TABLE  ANALYTIQUE  :  HypothèsB  —  IdéatioD 

Hypothèse  [Hypothesis,  urMiGiç,  de  UTO,  sous  ;  6é<7[;,  action  de  poser 
dessous,  fondement,  supposition,  de  ti'-ôvj-ijli,  poser)  :  a)  Sens  général  :  conjec- 
ture douteuse,  mais  vraisemblable,  h)  Sens  scientifique  :  supposition  imaginée, 
de  laquelle  on  tire  et  vérifie  les  conséquences,  pour  expliquer  un  fait.  — 
Syllogisme  hypothétique,  549.  — Nature  de  l'hypothèse,  653.  —  Opérations 
qu'elle  impliqiie,  653.  —  Espèces  :  particulière  ou  générale,  représentative  ou 
explicative,  654.  —  Son  rôle  :  a)  expérimental,  656  ;  h)  théorique,  657.  —  Ses 
dangers,  657.  —  Ses  règles  ou  conditions,  658.  —  Grandes  hypothèses  scienti- 
fiques. 655.  —  Exemples  d'hypothèses  scientifiques,  231-232.  —  Utilité  des 
hypothèses  fausses,  656-657.  —  Caractère  hypothétique,  théoriquement  et 
pratiquement,  de  l'analogie,  708-709.  —  Rôle  de  l'hypothèse  en  psychologie, 
724.  —  Hypothèse  et  thèse  dans  les  rapports  de  l'Église  et  de  l'État,  II,  340. 

Hypothétique  ( 'Yttoôstixô;,  qui  concerne  une  supposition,  de  uTroriQrifAi, 
placer  sous,  supposer)  :  proposition,  530.  —  Syllogisme,  549. 

Hystérie,  Hystérique  (Hystera,  'Varepa,  matrice  ;  hystericus,  uffTsptxo;,  qui 
concerne  la  matrice,  de  uTTspoç,  qui  est  derrière)  :  l'extase  hystérique,  485-486. 
—  Mentalité  des  hystériques,  486-487.  —  L'hystérie  est  une  maladie  nerveuse, 
souvent  combinée  avec  l'épilepsie  :  elle  prédispose  au  sommeil  hypnotique. 


I  :  sj'mbole  de  la  proposition  particulière  affirmative,  532. 

latromécanisme  (de  '[^tco;,  médecin  ;  mécanisme]  :  système  qui  prétend 
que  les  forces  mécaniques  sont  la  cause  suffisante  de  la  vie.  Ce  système,  préconisé 
par  le  médecin  Hermann  Boerhaave,  se  rattache  au  mécanisme  cartésien, 
II,  524. 

Idéal  [Idealis,  de  idea,  loiy.,  forme,  idée)  :  a)  Pris  adjectivement,  ce  mot 
implique  l'idée  dé  parfait;  ;  vg.  le  bien  idéal,  le  beau  idéal,  II,  395-396.  — 
Inclinations  idéales,  96.  —  Signifie  quelquefois  l'élément  invisible,  spirituel, 
II,  394.  —  b)  Pris  substantivement,  c'est  un  type  de  beauté  parfaite  conçu  par 
l'imagination  créatrice,  II.  395.  — ■  Faculté  de  l'idéal,  229-230.  —  Formation 
et  origine  de  l'idéal,  II,  395-396.  —  Ses  eiïets  sur  la  sensibilité  et  l'activité, 
II.  396.  —  Rôle  de  l'idéal,  II.  397.  —  Fiction  et  idéal.  II,  400.  —  Idéal  chrétien, 
II,  412. 

Idéalisation  (de  Idéaliser,  de  idéal)  :  formation  de  l'idéal.  —  Imitation  et 
idéalisation,  II,   397.  —  Fiction  et  idéalisation,  II,  400. 

Idéalisme  (de  Idéal)  :  1°)  Sens  général  :  toute  doctrine  philosophique  qui 
tend  à  ramener  ce  qui  existe  à  la  pensée. —  2»)  Formes  variées:  Idéalisme  dans 
l'origine  des  idées  (Berkeley,  Malebranche),  168-169.  —  Idéalisme  dans 
l'art,  II,  394-395.  —  Idéalisme  :  a]  immatérialiste  (Berkeley),  II,  497  ;  b)  cri- 
tique (Kant),  II,  436  ;  498  ;  c)  absolu  (Fichte),  II,  498  ;  d)  phénoméniste  (Hume, 
Stuart  Mill),  426-428  ;  499  ;  e]  métaphysique  (Lachelier,  Bergson), 
II,  442-445. 

Idéalité  (de  Idealis,  idéal)  :  ce  qui  existe  dans  la  pcMpe.  —  Loi  des  passions, 
121.  —  Kant  affirme  l'idéalité  du  temps  et  de  l'espace,  qui  ne  sont  que  des 
formes  a  priori  de  la  sensibilité,  II,  431. 

Idéation  (de  Idée)  :  activité  par  laquelle  l'esprit  produit  les  idées. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Idée  —  IdéoIogic  839 

Idée  ('I^éa,  forme,  idée,  de  lostv,  avoir  vu)  :  c'est  la  forme  intellectuelle 
qui  exprime  l'objet  de  la  connaissance,  263  ;  515.  ■ —  Différences  entre  l'idée 
et  l'image,  261-262. 

Idée  abstraite  :  2^6;  259;  518. 

Idée  adéquate,  inadéquate  :  518. 

Idée  claire,  distincte  :  518  ;  603-604  ;  838. 

Idée  collective  :  259  ;  519. 

Idée  concrète  ou  singulière  :  258  ;  518. 

Idées  divines  :  système  de  Malebranche,  310.  —  Idées  divines,  cairses 
exemplaires  des  choses,  257,  1  ;  769-770. 

Idée  fixe  :  428  ;  488. 

Idées-forces  :  Alfred  Fouillée,  233,  1. 

Idée  générale  :  définition,  249  ;  259.  —  Formation,  249.  —  Propriétés,  250. 

—  Hiérarchie  des  idées  générales,  251.  —  Division,  252.  — •  Problème  des 
idées  générales  (  Universaux),  254.  —  Comparaison  avec  les  autres  sortes  d'idées, 
258.  —  Antériorité  de  l'idée  générale  ?  260.  —  L'idée  générale  et  l'image 
261-262  ;  263.  —  La  science  se  ramène  à  des  idées  générales,  578-579  :  687- 
688.  —  Science  du  général,  581-582  ;  582-584. 

Idées-images  :  théorie  de  Leucippe,  etc.,  167.  —  Ses  conséquences,  169. 

Idée  individuelle  :  251  ;  258. 

Idées  innées,  adventices,  factices  :  Descartes,  312. 

Idées  platoniciennes  :  255  ;  257,  2.  —  Rôle  dans  la  connaissance,  309-310. 

Idées  représentatives  :  Locke,  168. 

Idée  universelle  :  transcendantaux,  252  ;  II,  470.  —  Idée  universelle  com- 
parée aux  autres  idées,  259-260. 

Identique  (du  latin  scolastique  Identicus,  le  même,  de  idem,  le  même, 
de  is,  il,  ce)  :  ce  qui  reste  essentiellement  le  même.  —  Le  moi  identique,  146  ; 
148.  —  La  proposition  identique  exprime  un  jugement  analytique,  273.  — 
La  déduction  et  l'induction  vont  du  même  au  même,  710-711. 

Identité  {Identitas,  de  idem,  le  même)  :  négation  de  la  diversité,  II,  472. 

—  Origine  de  cette  notion,  146  ;  148.  —  Contestation  de  l'identité  du  moi 
(CoNDiLLAc,  Hume,  Th.  Ribot,  Taine),  151-152;  153-154.  —  Identité  et 
mémoire,  202-203.  —  Identité  personnelle,  preuve  de  la  simplicité  de  l'âme, 
II,  536.  —  On  nomme  Philosophie  de  l'identité  le  système  de  Schelling,  parce 
qu'il  lui  donne  pour  base  l'identité  originelle  de  l'idéal  et  du  réel,  de  la  matière 
et  de  l'esprit,  II,  604. 

Identité  (Principe  d')  :  formule,  288.  —  Ses  dérivés,  288-289.  —  Rôle  dans 
la  pensée,  291.  —  Son  origine,  319.  — ■  Dernier  fondement  du  syllogisme, 
556  ;  710-711. 

Idéographique  (de  'loéa,  forme,  idée  ;  ypa^ixo;,  qui  concerne  l'action 
d'écrire)  :  l'écriture  idéographique  représente  les  objets  par  des  signes  (figures 
ou  symboles),  438. 

Idéologie  (de  'losa,  forme,  idée  ;  Xci'/oç,  discours)  :  science  qui  traite  des 
idées  (au  sens  général  de  faits  de  conscience,  comme  on  dit  :  association  des 


840  TABLE  ANALYTIQUE  :  Idéologîque  —  Illuminé 

idées),  de  leur  origine  et  de  leurs  caractères.  Ce  mot  a  été  mis  en  circulation 
par  Destutt  de  Tracy.  Cf.  Projet  d'éléments  d'idéologie,  Paris,  an  IX. 

Idéologique  (de  Idéologie)  :  K.  Marx  oppose  idéologique  à  économique  : 
pour  rendre  compte  de  la  société  il  n'a  recours  qu'aux  jaits  économiques, 
rejetant  toute  explication  qui  s'appuie  sur  les  idées  religieuses,  philosophiques 
ou  morales. 

Idéologues,  Idéologistes  (de  Idéologie]  :  nom  donné  aux  continuateurs  de 
Locke  et  de  Condillac,  qui,  voulant  borner  la  Philosophie  à  l'analyse  des 
sensations  et  à  la  question  de  l'origine  des  idées,  proscrivaient  la  métaphysique. 
Ce  nom  a  été  spécialement  appliqué  à  Destutt  de  Tracy,  Cabams,  Volney, 
Daunou.  —  Idéologue  a  aussi  le  sens  péjoratif  de  rêveur  philosophique  et 
politique,  qui  néglige  les  faits  pour  se  repaître  d'idées  creuses. 

Idiosyncrasie  ('lotoTVY/.paT-'a,  de  loto;,  propre;  «j'jyxpaatç,  mélange)  :  élé- 
ments dont  le  mélange  constitue  le  tempérament  et  le  caractère  de  chaque 
individu. 

Idiot,  Idiotie,  Idiotisme  (/c^w^es,  qui  n'est  pas  initié,  Ioicott)?,  nature  parti- 
culière, de  ïoto;,  propre)  :  faible  d'esprit,  488.  —  Idiotie  morale,  II,  25-26. 

Ido  :  langue  internationale  qui  vise  à  perfectionner  V Espéranto,  462.  — 
Cf.  L.  CouTURAT,  A.  Jespersen,  R.  Lorenz,  W.  Ostwald  et  L.  Pfaundler, 
Weltsprache  und  Wissenschaft.  Gedanken  iiber  die  EinjUhrung  der  international 
Hilfssprache  in  die  Wissenschaft,  léna,  1909,  traduction  française  par  M.  Bou- 
BiER,  Paris,  1909. 

Idole  {Idolum,  eiStoXov,  image,  fantôme)  :  nom  donné  par  Bacon  aux  fausses 
apparences,  sorte  de  faux  dieux,  qui  causent  l'erreur,  805-806. 

Ignorabimus  :  cette  expression  de  E.  Dubois-Reymond  (Cf.  Ueber  die 
Grenzen  des  Naturerkenntiss,  Leipzig,  1872),  peut  servir  d'épigraphe  à  l'agnos- 
ticisme, qui  prétend  que  le  métaphysicien  est  condamné  à  ignorer  perpétuel- 
lement la  nature  des  choses. 

Ignorance  {I gnorantia,  de  ignoro,  ignorer,  de  in-gnarus,  qui  ne  sait  pas). 
Racine  gna,  d'où  gnoscere,  noscere,  connaître)  :  absence  de  connaissance.  — 
État  négatif  de  l'esprit,  771  ;  772.  —  Ignorance  de  la  cause  :  sophisme,  799. 

—  Ignorance  du  sujet  [elenchi)  :  sophisme,  801.  — •  Ignorance  vincible  ou 
invincible,  772  ;  II,  34  ;  115.. 

Ignoratio  elenchi  :  sophisme,  801. 

Illégitime,  Illégitimité  (Illegitimus,  de  in,  négatif  et  legitimus,  conforme 
aux  lois,  de  lex,  le  gis,  loi)  :  ce  qui  est  contraire  à  la  loi  ou  à  la  règle.  —  Modes 
illégitimes,  non  concluants  du  syllogisme,  537.  —  Enfants  illégitimes  :  ceux 
qui  sont  nés  hors  mariage,  II,  209-210.  —  Souverain  illégitime,  II,  230-231. 

—  Illégitimité  de  l'usure,  II,  357.  —  S'oppose  à  Légitime,  Légitimité. 

Illumination  (Illuminatio,  de  illuminare  =  in-luminare,  éclairer,  de  lumen, 
lumicie)  :  opération  de  l'intellect  actif,  316-317. 

Illuminé  (Illuminatus,  participe  passé  de  illuminare  —  in-luminare,  éclairer): 
les  illuminés  sont  des  mystiques  illusionnés  qui  se  croient  en  communication 
spéciale  avec  Dieu  ou  des  êtres  surnaturels.  De  ce  nombre  furent,  vg.  Sweden- 
borg, Weishaupt,  Saint-Martin.  —  Ullluminisme  est  le  système  des 
illuminés. 


TABLE  aiTalytique  :  IIIusloii  —  Immanence  841 

Illusion  (Illusio,  moquerie,  erreur,  de  illudere  =  in-ludere,  se  jouer  contre, 
railler)  :  c'est  une  transposition  de  la  réalité  par  Fimagination,  225.  —  Illu- 
sions :  a)  de  la  perception  interne,  151-152  ;  b)  des  sens,  187  ;  c)  de  la  mémoire  : 
réminiscence,  201  ;  paramnésie,  211.  —  Différence  entre  l'illusion  et  l'hallii- 
cination,   226. 

Illusionnisme  (de  Illusion)  :  système  qui  explique  la  perception  extérieure 
par  une  illusion,  171-173. 

Image  (de  Imaginem,  image)  :  sensation  renouvelée  et  affaiblie,  222.  — 
Variété  des  images,  223.  —  Images,  matière  de  la  création  artistique,  226-227. 
Idée  et  image,  261-262  ;  263.  —  Image  composite,  228  ;  249.  —  Peut-on 
penser  sans  images  ?  262  ;  452, 2  ;  468-469.  —  Image  consécutive,  voir  Cons^cwii'/. 

Imagination  (Imaginatio,  imagination,  vision,  de  imago,  image)  :  faculté 
de  reproduire  ou  de  combiner.  —  Influence  sur  les  passions,  116.  —  Imagi- 
nation reproductrice  ou  passive,  222.  —  Rapports  avec  la  mémoire,  223.  — 
Imagination  créatrice  ou  active,  224.  — ■  Imagination  créatrice  spontanée, 
225.  —  Imagination  créatrice  réfléchie,  226.  —  Conditions  du  travail  construc- 
teur et  destructeur  de  l'imagination,  228-229.  —  Rôle  de  l'imagination  :  a)  dans 
les  arts  et  les  lettres,  229  ;  h)  dans  les  sciences,  231  ;  c)  dans  la  vie  :  bienfaits  et 
dangers,  232.  —  Rapports  de  l'imagination  avec  l'organisme,  233  ;  468  ;  470. 
—  Rôle  de  l'imagination  :  a)  dans  la  formation  de  l'idéal,  II,  395  ;  b)  dans  la 
fiction  et  l'idéalisation,  II,  400.  —  J.  Second,  L'Imagination.  Essai  critique, 
Paris,  1922. 

Imbécile  [Imbecillus,  faible,  de  in,  négatif  ;  baculum,  baciUiun,  bâton)  : 
l'idiot  et  l'imbécile  sont  deux  faibles  d'esprit,  488.  —  Mais  cette  faiblesse 
diffère,  en  ce  que  V idiot  est  un  être  qui  ne  s'est  pas  développé,  un  être  incomplet, 
tandis  que  l'imbécile  est  un  être  qui  s'est  développé,  mais  d'une  façon  anormale, 
dans  un  .^eiis  défectueux. 

Imitation  (Imitatio,  de  imitatum,  supin  de  imitari,  imiter,  de  imago,  image)  : 
action  de  leproduire  ce  que  font  les  autres.  —  Instinct  d'imitation,  96.  —  Beau 
d'imitation,  II,  397-398.  —  Insuffisance  de  l'imitation  dans  l'art,  II,  398-400. 

Immanence  (de  Immanent,  de  immanens  =  in-manere,  demeurer  dans)  : 
c'est  le  caractère  de  ce  qui  est  immanent.  Il  faut  distinguer  la  hiéthode  d'imma- 
nence et  la  doctrine  d'immanence  ou  Inimanentisme.  —  Dans  des  controverses 
récentes,  un  a  beaucoup  parlé  de  Principe  et  de  Méthode  d'immanence,  mais 
ils  ont  été  diversement  compris  : 

1°)  Opinion  de  Éd.  Le  Roy  :  le  principe  d'immanence  est  le  principe  d'après 
lequel  «  la  réalité  n'est  pas  faite  de  pièces  distinctes,  juxtaposées  ;  tout  est 
intérieur  à  tout  ;  dans  le  moindre  détail  de  la  nature  ou  de  la  science  l'analyse 
retrouve  toute  la  science  et  toute  la  nature  ;  chacun  de  nos  états  et  de  nos 
actes  enveloppe  notre  âme  entière  et  la  totalité  de  ses  puissances  ;  la  pensée, 
en  un  mot,  s'implique  tout  entière  elle-même  à  chacun  de  ses  moments  ou 
degrés.  Bref,  il  n'y  a  jamais  pour  nous  de  donnée  purement  externe  semblable 
à  je  ne  sais  quelle  matière  brute;  une  telle  donnée,  en  elTet,  demeurerait 
absolument  inassimilable,  impensable  ;  ce  serait  un  néant  pour  nous,  car  pai' 
où  la  saisirions-nous  ?  L'expérience  elle-même  n'est  point  du  tout  une  acqui- 
sition de  '<  choses  »  qui  nous  seraient  d'abord  totalement  étrangères  ;  non, 
mais  plutôt  un  passage  de  l'implicite  à  l'explicite...  »  {Dogme  et  Critique, 
p.  9-10.  Paris,  1907). 

20)  Opinion  de  M.  Blondel  et  de  L.  Laberthonnière  :  ils  répudient  abso- 
lument la  façon  radicale  dont  Éd.  Le  Iîoy  comprend  le  principe  d'immanence, 
parce  que  l'immanentisme  d'Éo.  Le  Roy  n'est  pas  seulement  une  méthode, 

TRAITÉ   DE   PHILOSOPHIE.  —  T.    II.   —      28 


842  TABLE  ANALYTIQUE  :  Immanent  —  Immortalité 

mais  une  doctrine  qui  conduit  logiquement  au  Panthéisme.  Ils  critiquent 
la  valeur  des  preuves  rationnelles  de  l'existence  de  Dieu  (II,  574-576)  et  préco- 
nisent la  méthode  .d'immanence. 

Immanent  (de  Tmmanens,  de  immanere  =  in-manere,  demeurer  dans)  : 
a\  Ce  qui  dans  un  être  ne  résulte  pas  d'une  action  extérieure.  —  Cause,  action 
immanente,  150  ;  330  :  II,  524.  —  h)  Sens  large,  admis  par  M.Blondel  :toutce 
à  quoi  un  être  tend,  quand  même  cette  tendance  exigerait  pour  se  réaliser 
l'aide  d'un  agent  étranger.  —  c)  Kant  appelle  immanents  les  principes  dont 
l'application  est  restreinte  aux  limites  de  l'expérience  possible  [Critique  de 
la  Raison  pure  :  Dialectique  transcendantale,  Introduction,  §  IK  —  S'oppose  à 
Transcendant.  —  Panthéisme  immanent,  II.  602.  —  Théorie  de  l'immanence 
dans  l'évolutionnisme  de  Spencer,  II,  626-629. 

Immanentisme  (de  Immanent)  :  néologisme  qui  désigne  certaines  doctrines 
des  Modernistes.  Ils  entendent  par  Immanentisme  la  philosophie  qui  repousse 
comme  artificielle  la  représentation  abstraite  et  morcelée  du  réel,  qui  rejette 
la  valeur  des  preuves  rationnelles  et  discursives  de  l'existence  de  Dieu,  et  qui 
regarde  la  religion  comme  «  un  résultat  spontané  d'inextinguibles  exigences 
de  l'esprit,  qui  trouvent  leur  satisfaction  dans  l'expérience  intime  et  affective 
de  la  présence  du  divin  en  nous.  »  (Le  Programme  des  Modernistes,  Ch.  ii). 

Immatérialisme  (de  Immaterialis,  immatériel,  de  in,  négatif  ;  materialis, 
de  niateria,  matière)  :  nom  donné  par  Berkeley  à  son  Idéalisme,  168  ;  II,  497' 

Immatérialité  (du  latin  scolastique  Immaterialitas,  de  immaterialis  —  in, 
négatif,  materialis,  de  materia,  matière)  :  immatérialité  de  l'âme,  II,  535-540. 

Immédiat  (Immediatus,  de  in,  négatif  ;  mediatum,  supin  de  mediare,  par- 
tager en  deux,  de  médius,  qui  est  au  milieu).  Ce  qui  se  fait  ou  agit  sans  inter- 
médiaire. —  Perception  immédiate  de  la  conscience,  138-139.  —  Perception 
immédiate  du  monde  extérieur,  161  ;  162-166.  —  Déduction  immédiate, 
531-535.  —  On  entend  par  données  immédiates  ce  que  l'esprit  connaît  direc- 
tement, sans  intermédiaire  :  vg.  données  de.  la  conscience  :  134  ;  136.  —  Ces 
données  immédiates  sont  appelées  primitives  ou  ultimes,  parce  qu'on  ne  "peut 
pousser  plus  loin  l'analyse  :  c'est  pourquoi  elles  doivent  être  tenues  pour 
vraies  et  certaines,  139.  —  S'oppose  à  Médiat. 

Immédiation  (de  Immédiat)  :  ce  mot  indique  la  connaissance  immédiate. 

Immensité  {Immensus,  Immensitas,  de  in,  négatif  ;  mensum,  supin  de 
metiri,  mesurer)  :  ce  qui  est  sans  mesure,  sans  bornes.  — -  Immensité  de  l'es- 
pace (Newton,  Clarke),  501.  —  Attribut  divin.  II,  578-579. 

Immobile  (ImmabiUs,  de  in,  négatif;  mobilis,  mobile,  de  movere,  motum, 
moavoir)  :  le  moteur  immobile  (Aristote),  II,  560-561. 

Immoral  (de  In,  négatif  et  moral,  de  moralis,  relatif  aux  mœurs,  de  mos, 
mor;\i.  usage,  manière  d'agir,  mœurs)  :  ce  qui  est  contraire  à  la  loi  morale  ou 
aux  règles  de  conduite  suivies  à  une  époque  donnée.  —  S'oppose  à  Moral, 

Amoral. 

Immoralisme  (de  Immoral)  :  ce  mot  est  dû  à  Nietzsche  :  selon  lui,  comme 
selon  Max  Stirner.  la  Morale,  au  sens  usuel  du  mot,  est  malfaisante  ;  aussi 
prétend-il  la  remplacer  par  une  doctrine,  où  les  jugements  de  valeur  sont  en 
oppi^sition,  ,^ur  pr«^>(]iif'  tous  les  points,  avec  la  Morale  chrétienne. 

Immortalité,  Immortel  (/»imo/'/a/t<a5,  immortalis,  de  in,  négatif;  mortalitas, 
mortalité,  de  mortalis,  mortel,  àemors,  mortis,  mort)  :  qui  n'est  pas  sujet  à 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Immuablc  —  Implication  843 

mourir.  —  Preuves  métaphysique,  morale  et  psychologique  de  l'iinmortalitâ 
de  l'âme,  II,  549-552.  —  Immortalité  de  la  substance  et  de  la  personne,  II, 
549-550. 

Immuable,  Immutabilité  {Immutabilis,  de  m,  négatif;  mutabilis,  sujet  au 
changement,  de  mutare,  changer)  :  ce  qui  n'est  pas  sujet  au  changement.  — 
Immutabilité  du  type  de  l'espèce,  701.  —  Caractère  de  la  loi  morale,  II,  39  ; 
41  ;  111.  —  Caractère  du  g<nit,  II,  407.  —  Attribut  divin,  II,  578. 

Immunité  {Immunitas,  de  immunis,  de  in,  négatif  ;  mania,  munium, 
charge)  :  exemption.  — •  Immunité  ecclésiastique,  II,  347. 

Imparfait  (Imperfectus,  de  in,  négatif  ;  perfectus,  achevé,  participe  passé 
de  per-ficere,  perfectum,  faire  complètement)  :  ce  qui  n'est  pas  achevé,  ce  qui 
est  défectueux.  —  Nature  et  origine  de  cette  notion,  340  ;  342. 

Impartialité  (de  Impartial,  de  in,  négatif  et  du  bas  latin  parlialis,  de  par^i, 
partes,  parti,  faction)  :  absence  do  parti  pris.  —  Qualité  d'un  bon  observateur, 
d'un  bon  historien,  651  ;  7') 4-745.  —  Le  spectateur  impartial  (A.  Smith),  II,  83. 

Impassibilité,  Impassible  (Impassibilitas,  ImpassibUis,  de  in,  négatif; 
passibilis,  susceptible  de  snufTrance,  de  passum,  supin  de  pati,  passas  sum, 
subir,  souflVir)  :  calme  de  l'âme,  insensibilité  —  Idéal  des  Stoïciens, 
118  ;  II,  94  ;  95.  —  L'historien  ne  doit  pas  rester  impassible,  744-745. 

Impénétrabilité  (de  Impénétrable,  Impenetrabilis,  de  in,  négatif  ;  penetrabilis, 
pénétrable,  de  penetrare.  introduire,  pénétrer  dans,  de  penus  qui  signifla  d'abord 
le  fond  de  la  maison  où  les  vivres  sont  conservées)  :  propriété  qui  fait  que  deux 
corps  ne  peuvent  naturellement  occuper  en  même  temps  le  même  lieu  dans 
l'espace.  —  Qualité  de  la  résistance  étendue,  2  ;  178. 

Impératif  (Imperativus,  de  imperatum,  supin  de  imperare,  commander)  : 
ce  qui  a  le  caractère  du  commandement.  —  Commandement  catégorique  ou 
hypothétique,  II,  44  :  96.  —  Les  lois  morales  sont  impérativei,  718  ;  II,  38-39. 

Imperceptible  (du  latin  scolastique  Imperceptibilis,  de  in,  négatif  ;  percrp- 
tibilis,  qu'on  peut  percevoir,  de  perceptum,  supin  de  percipere,  saisir  dans  son 
ensemble,  saisir  par  les  sens)  :  a)  Synonyme  de  petit  :  vg.  petites  perceptions, 
142,  4  ;  145,  1.  —  b)  Impressions  tout  à  fait  imperceptibles,  faute  de  certaines 
conditions,   70  ;   726-727. 

Impersonnel  (Impersonalis,  de  in,  négatif  ;  personalis,  personnel,  de  persona, 
masque,  figure,  personne)  :  ce  qui  n'est  pas  individuel,  particulier  ;  consé- 
quemment  impartial,  objectif.  —  Inclinations  impersonnelles,  102.  —  Raison 
impersonnelle  :  cette  expression  peut  signifier  que  la  raison,  qui  est  en  nous, 
est  une  participation,  un  reflet  de  la  Raison  éternelle,  qui  est  Dieu.  Cf.  Bossu  f.t 
II,  567,  2.  Mais  cette  expression  est  équivoque,  en  tant  qu'elle  semble  nier 
la  distinction  entre  l'intelligence  divine  et  les  intelligences  humaines.  Cousin 
a  fait  cette  confusion  et  Fr.  Bouillier  ne  s'est  pas  assez  gardé  de  cette  équi- 
voque, qui  peut  mener  au  panthéisme,  dans  son  livre  :  De  la  Raison  imper- 
sonnelle, Paris,  1844.  —  S'oppose  à  Personnel,  Partial,  Subjectif. 

Implication  (ImpUcatio,  entrelacement,  de  implicalam,  supin  de  iniplirarc, 
mettre  l'un  dans  l'autre,  envelopper;  de  in,  dans,  plicare,  plier)  :  relation 
logique  consistant  en  ce  (ju'une  chose  en  enveloppe  une  autre  :  vg.  dans  les 
jugements  analytiques  l'attribut  est  impliqué  dans  le  sujet,  273. 


844  TABLE  ANALYTIQUE  :  ImpIicitc  —  Inadéquat 

Implicite  {ImpUcitus,  enveloppé,  de  in,  dans  ;  plicitus,  plié,  de  plicitum, 
supin  de  plicarc)  :  se  dit  d'une  idée  ou  d'un  jugement,  qui  est  contenu,  enve- 
loppé dans  une  autre  idée  ou  dans  un  autre  jugement  ;  vg.  animal  raisonnable 
est  implicitement  contenu  dans  homme  ;  la  définition  ne  fait  cjue  l'expliciter, 
522  ;  523.  —  S'oppose  à  Explicite,  Formel,  Exprès. 

Impossible,  Impossibilité  {ImpossibiUs,  de  in,  négatif  ;  possibilis,  de  posse, 
pouvoir)  :  ce  qui  répugne  à  l'existence,  II,  463.  —  Impossibilité  morale,  725  ; 
II,  463.  —  Impossibilité  logique,  physique,  520.  — •  L'évidence  :  impossibilité 
du  contraire,  778  ;  838.  —  Impossibilité  absolue,  naturelle,  II,  463.  —  S'oppose  à 
Possible. 

Impôt  [Impositum,  ce  qui  est  placé  sur,  participe  passé  de  imponere,  impo- 
situm,  de  in,  sur  ;  ponere,  placer)  :  contribution  aux  charges  publiques,  II, 
277-279.  —  Base,  279-280.  —  Quotité  :  proportionnel  ou  progressif  ?  II, 
280-281. 

Imprescriptibilité,  Imprescriptible  (de  In,  négatif  ;  prœscriptum,  supin  de 
prse-scr ibère,  placer  en  tête  d'un  écrit,  prescrire,  ordonner)  :  imprescriptibilité 
du  droit,  II,  132. 

Impresse  {Impressa,  pressée  sur,  participe  passé  dé  imprimere,  de  in,  sur  ; 
premere,  pressum,  presser,  appuyer)  :  espèce  impresse,  162. 

Impression  [Impressio,  action  d'appuyer  sur,  de  impressum,  supin  de 
imprimere,  appuyer  sur)  :  impression  :  a)  physique,  70  ;  b)  physiologique,  70  ; 
71,  1.  —  Impression  produite  par  le  beau,  II,  378-380. 

Improductif  (de  In,  négatif  et  du  bas  latin  productivus,  de  productum, 
supin  de  pro-ducere,  amener  en  avant)  :  ce  qui  reste  stérile.  —  L'argent  fut 
longtemps  un  bien  improductif,  II,  857.  —  Consommations  improductives, 
II,  361. 

Impulsif  (du  latin  scolastique  Impulsivus,  qui  pousse  vers,  de  impulsum, 
supin  de  im-pellere,  pousser  vers)  :  sentiments  ou  passions  impulsives,  123.  — 
Idée  impulsive,  368.  —  Un  impulsif  est  celui  qui,  incapable  de  maîtriser  les 
tendances  de  sa  sensibilité,  leur  cède  spontanément. 

Impulsion  ilmpulsio,  poussée,  choc,  de  impulsum,  supin  de  im-pellere, 
pousser  vers)  :  impulsions  de  l'instinct,  104  ;  106.  —  Impulsions  de  la  sensi- 
bilité, 41-42  ;  357  ;  368.  — •  L'impulsion,  c'est-à-dire  la  tendance  spontanée  à 
l'action,  fait  défaut  aux  abouliques.  —  Impulsion  homicide,  489. 

Impuni,  Impunité  (Impunitus,  Impunitas,  de  in,  négatif  ;  punitum,  supin 
de  punirc,  punir,  de  pœna,  rançon,  châtiment)  :  absence  de  châtiment.  — 
Malheur  de  l'injustice  impunie,  128  ;  II,  122. 

Imputable,  Imputabilité  (de  Imputer,  de  imputare  =  in-putare,  mettre  en 
ligne  de  compte)  :  ce  qui  peut  être  attribué,  ce  dont  l'on  est  responsable. — 
Imputabilité  des  actions,  II,  114. 

In  abstracto  (In,  dans  ;  abstractus,  participe  passé  de  abs-trahere,  ah.'tractum, 
détacher)  :  locution  employée  par  les  Scolastiques  pour  dire  que  l'on  consi- 
dère une  chose  en  dehors  de  ses  conditions  concrètes  :  vg.  l'homme  in  abstracto 
est  l'homme  réduit  aux  idées  générales  d'animalité  et  de  rationalité,  246.  — 
S'oppose  à  In  re.  In  concreto. 

Inadéquat  (de  In,  négatif  ;  adsequatus,  participe  passé  de  ad-sequare,  égaler, 
de  œquus,  uni,  égal)  :  idée  inadéquate,  518.  —  Connaissance  inadéquate,  582  ; 
770,  2  ;  II,  429-430.  —  S'oppose  à  Adéquat. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  In  adjëcto  —  Incompossible  845 

In  adjecto  {In  dans  ;  adj'ectus,  participe  passé  de  ad-jicere  =  ad-jacere, 
adjectum,  jeter  sur,  mettre  auprès)  :  la  contradiction  In  adjecto  est  celle  qui 
ressort  du  rapprochement  même  des  termes  ;  vg.  mouvementsans  vitesse,  cercle 
carré,  520. 

Inadvertance  (du  latin  scolastique  Inadvertentia,  de  In,  négatif  ;  ad-vertere, 
faire  attention)  :  inattention.  —  Influe  sur  la  liberté,  401.  —  S'oppose  à 
Advertence. 

Inaliénable,  Inaliénabilité  (de  In,  négatif  ;  aliénable,  de  alienarc,  rendre 
étranger,  vendre,  de  alius,  autre)  :  ce  dont  l'on  ne  peut  se  dépouiller.  — 
Inaliénabilité  du  droit,  II,  132. 

Inamissible,  Inamissibilité  {In,  négatif  ;  amissibilis,  qui  peut  se  perdre,  de 
amissuni,  supin  de  a-mitiere,  éloigner  de,  laisser  aller,  perdre)  :  ce  que  l'on  ne 
peut  perdre.  —  Les  pouvoirs  civils  sont,  de  leur  nature,  amissibles  :  les  gou- 
vernants peuvent  les  perdre  s'ils  en  usent  contre  le  bien  commun,  II,  247  ; 
288.  —  Seul  le  pouvoir  de  l'Église  est  inamissible,  parce  que  seule  elle  a  été 
directement  fondée  par  Dieu,  II,  288,  5.  —  S'oppose  à  Amissible. 

Inceptif  (de  Inceptum,  supin  de  incipere,  commencer,  de  in,  dans  ;  capere, 
prendre)  :  la  proposition  inceptive  est  une  proposition  composée,  qui  énonce 
qu'une  chose  a  commencé  d'être  telle  à  telle  époque.  Cf.  Logique  de  Port- 
Royal,  P,  II,  Ch.  X,  §  4.  —  S'oppose  à  Désitive. 

Inclination  {IncUnatio,  inclinaison,  inclination,  de  inclinatum,  supin  de 
inclinare,  de  in,  sur  et  de  l'archaïque  clinare,  faire,  pencher,  cf.  xXivîtv)  : 
tendance  spontanée  vers  certaines  fins.  —  Inclination  et  désir,  82.  —  Classi- 
fications d'après  :  a)  leur  objet,  8.3  ;  b)  leur  rapport  au  temps,  102  ;  c)  leur  fin,  103. 
Inclinations  physiques,  83.  — ■  Inclinations  morales,  84.  —  Inclinations  :  a)  per- 
sonnelles, 84  ;  b)  sociales  ou  altruistes,  86  ;  c)  supérieures  ou  idéales,  96.  — 
Inclinations:  1°)  électives,  S9;  2")  domestiques,  90;  3°)  corporatives,  91;  k") philan- 
thropiques, 93;  5")  malveillantes,  94.  —  Irréductibilité  des  inclinations  (réfu- 
tation de  La  Rochefoucauld,  de  Stuart  Mill  et  de  Rabier),  98.  —  Carac- 
tères des  inclinations,  103.  —  Rapports  de  l'émotion  et  de  l'inclination,  67.  — 
Place  des  inclinations  dans  la  sensibilité,  56.  —  Inclination  et  passion,  1 13-115. 
—  Rôle  des  inclinations,  129. 

Incognoscible  {IncognoscibiUs,  de  in,  négatif  ;  cognoscere  =  cum-gnoscere, 
noscere,  prendre  connaissance)  :  voir  Inconnaissable. 

Incommensurable,  Incommensurabilité  {I ncommensurabilis,  de  in,  négatif, 
cum,  avec,  mensurarc,  mesurer)  :  est  incommensurable  ce  qui  n'a  pas  de  mesure 
commune  avec  un  autre  terme  ;  vg.  circonférence  et  diamètre.  —  On  dit  ana- 
logiquement, en  Morale  et  en   Sociologie,  valeurs  incommensurables. 

Incompatible,  Incompatibilité  {In,  négatif  :  cum,  avec  ;  paiibilis,  suppor- 
table, de  patior,  supporter)  :  ce  qui  ne  peut  s'accorder,  se  concilier  avec  autre 
chose.  —  Deux  idées  sont  incompatibles  quand  leur  compréhension  se  contre- 
dit, 520.  —  Rapports  d'incompatibilité,  691,  1. 

Incomplexe  (de  in,  négatif  ;  complexus,  participe  passé  de  plecto,  embrasser, 
de  cjim,  avec  ;  plecto,  plier,  tresser)  :  se  dit  du  sujet  ou  de  l'attribut  qui  n'a 
pas  de  complément.  Les  propositions  et  les  syllogismes  sont  dits  incomplexes, 
quand  ils  sont  composés  de  pareils  sujets  ou  attributs  ;  vg.  Dieu  est  bon.  — 
S'oppose  à  Complexe. 

Incompossible,  Incompossibilité  (de  In,  négatif  ;  cum,  avec  ;  possibilis, 
possible,  de  posse,  pouvoir)  :  ce  qui  ne  peut  se  concilier  avec  autre  chose.  — 


846  TABLE  ANALYTIQUE  :  Iiicompréhensible  —  Indemnité 

Deux  idées  sont  incompossibles  quand  leur  compréhension  se  contredit  ; 
vg.  cercle  carré,  520.  —  D'eux  phénomènes,  quand  leurs  éléments  constitutifs 
s'opposent  l'un  à  l'autre  ;  vg.  pensée  et  mouvement,  26-27  ;  717-718  ;  II,  536. 

Incompréhensible,  Incompréhensibilité  {Incomprehensibilis,  qui  échappe  à 
l'étreinte,  de  in,  négatif  ;  com-prehendere,  com-prehensum,  envelopper,  com- 
prendre) :  ce  qui  est  au-dessus  des  prises  de  la  raison.  —  Dieu  est  incompréhen- 
sible, mais  non  inconnaissable,  382  ;  II,  576.  —  Incompréhensibihté  des  mys- 
tères, II,  634, 

t  Inconcevable,  Inconcevabilité  (de  /n,  négatif  ;  concevable,  de  concevoir,  de 
concipere,  conceptum,  saisir,  concevoir)  :  ce  que  l'esprit  ne  peut  se  représenter 
à  cause  de  la  contradiction  des  termes  qui  l'expriment.  —  Inconcevabilité  de 
l'absolu,  d'après  Hamilton,  340-341.  —  Inconcevabilité  du  contraire,  efTet 
de  l'évidence,  778  ;  838,  1. 

.  In  concreto  :  locution  employée  par  les  Scolastiques  pour  dire  qu'on  consi- 
dère une  chose  telle  qu'elle  se  présente  dans  la  réalité  ;  vg.  tel  homme  en  parti- 
culier. —  S'oDpose  à  In  abstracto. 

Inconditionné  (de  In,  négatif  ;  conditionné,  de  condition,  de  conditio,  con- 
dicio,  de  cum,  avec,  dicio,  dicionis,  autorité,  puissance,  de  dicere,  exprimer  par 
des  paroles)  :  ce  qui  ne  dépend  d'aucune  condition.  —  Caractère  de  l'absolu, 
285;  339  ;  341. 

Inconnaissable  (de  In,  négatif  ;  connaissable,  de  connaître)  :  ce  qui,  quoique 
réel,  ne  peut  être  atteint  par  l'esprit.  —  Les  substances,  les  causes,  Dieu,  sont 
inconnaissables  d'après  Comte,  Spencer,  II,  446  ;  576. 

Inconsciencej  Inconscient  (de  In,  négatif  ;  conscientia,  de  con-scius,  de  cum, 
avec  ;  scire,  savoir)  :  a)  ce  qui  ne  possède  aucune  conscience  ;  vg  la  pierre 
est  inconsciente  ;  b)  ce  qui  n'est  pas  saisi  par  la  conscience.  —  Existe-t-'il  des 
phénomènes  psychologiques  inconscients  ?  75-76  ;  144-145.  —  Rôle  de  l'in- 
conscient, 145.  —  Philosophie  de  l'inconscient  (Hartmann),  142,  3  ;  II,  649,  1. 

Incorruptible,  Incorruptibilité  (Incorruptibilis,  IncorruptibiUtas,  de  in, 
négatif  ;  corruptuni,  supin  de  corrumpere  =  cuni-nunpere,  détruire)  :  incorrup- 
tibilité de  l'âme,  II,  549-550.  —  D'après  les  Anciens  et  les  Scolastiques,  la 
matière  céleste  était  incorruptible. 

Indécomposable  (de  In,  négatif  ;  décomposable,  de  décomposer,  de  la  parti- 
cule latine  (lisjoiictive  dis  et  composer,  de  cum,  avec  ;  poser,  de  pausare,  faire 
une  pause,  d'où  faire  reposer,  placer)  :  ce  qui  ne  peut  se  résoudre  en  éléments 
plus  simples,  57  ;  522.  —  L'âme  est  indécomposable,  II,  549. 

Indéfini  (Indefmitus,  de  in,  négatif;  definitus,  délimité,  participe  passé 
de  de-finire,  délimiter)  :  ce  qui,  étant  actuellement  fini,  peut  croître  ou  dimi- 
nuer sans  limites  assignables.  —  Comparé  au  fini  et  à  l'infini,  339-340. 

Indéfinissable  (de  In,  négatif,  définir)  :  57  ;  522. 

Indélibéré  (de  In,  négatif;  délibéré,  de  deliberatus,  participe  passé  de  deli- 
berarc,  deliheratum,  peser  mûrement,  de  de  et  librare,  peser,  de  libra,  poids, 
balance)  :  acte  indélibéré,  c'est-à-dire  qui  devance  la  réflexion  ;  vg.  impulsions 
de  la  sensibilité,  41-42  ;  357  ;  368.  —  Activité  indélibérée,  355  ;  428-429. 

Indemnité  (Indemnitas,  de  Indemnis,  de  in,  négatif  ;  damnum,  dom.mage)  : 
ce  qui  est  donné  en  compensation.  —  Réparation  d'un  dommage,  II,  194. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Indépendance  —  Individualité  847 

Indépendance  (de  In,  négatif  ;  dépendant,  de  de-pendere,  être  suspendu  à)  :  i 

état  de  celui  qui  ne  dépend  de  rien  ou  qui  s'aiïranchit  de  toute  autorité  ou  \ 

sujétion.-  —  Esprit  d'indépendance,   86.  —  Seul  l'absolu,  le  nécessaire  est  * 
indépendant,  339  ;  341  ;  II,  557. 

Indétermination,  Indéterminé  (de  In,  négatif  ;  déterminé,  de  de-terminare, 
délimiter,  de  terminus,  borne  )  :  ce  qui  manque  de  limites  précises.  —  L'idée 
de  genre.  253.  —  L'idée  d'être,  253.  — •  La  volonté  libre,  cause  indéterminée, 
379  ;  385.  —  La  cause  matérielle,  324  ;  II,  514  ;  515-516. 

Indéterminisme  (de  In,  négatif  ;  déterminé,  de  de-terminare,  délimiter)  : 
doctrine  qui  implique  l'absence  de  détermination  dans  la  volonté.  —  L'indé- 
terminisme  de  la  volonté  est  relatif,  398-399  ;  400-402;  594-595. 

Indicatif  [Indicativus,  de  indicatum,  supin  de  in-dicare,  indiquer,  découvrir)  : 
lois  indicatives,  718  ;  II,  38. 

Indifférence  (de  Indifférent,  de  Indifferens,  de  in,  négatif  ;  differre  =  dis- 
ferre, porter  de  côté  et  d'autre,  différer)  :  a)  Etat  de  ce  qui  ne  tend  pas  vers 
une  chose  plutôt  que  vers  une  autre  :  vg'.  l'inertie  delamatière,  47.  —  b)  Indé- 
termination :  liberté  d'indiiïérence,  394.  —  c)  État  psychologique  sans  plaisir 
ni  douleur  :  sensations  indifîérentes  ?  75. 

Indifférent  {Indifferens,  de  in,  négatif  ;  differre,  disperser^  différer,  de  dis, 
particule  indiquant  la  séparation,  et  ferre)  :  existe-t-il  :  a)  des  sensations  indif- 
férentes ?  75  ;  b)  des  actions  ?  II,  30-31  ;  31-32. 

Indifférentisme  (de  Indifférent)  :  doctrine  qui  met,  sur  le  môme  pied,  le 
vrai  et  le  faux,  le  bien  et  le  mal,  II,  292  ;  346.  —  S'oppose  à  Intolérance  doc- 
trinale. 

Indirect  (de  In,  négatif  ;  direct,  de  directus,  droit,  de  directum,  supin  de 
di-rigei-e  —  di-regere,  diriger)  :  démonstration  indirecte,  637-638.  —  Dornaine 
indirect,  II,  189.  —  Impôt  indirect,  II,  278-279.  —  Pouvoir  indirect  de  l'Église 
sur  le  temporel,  II,  343. 

Indiscernable  (de  In,  négatif  ;  discerner,  de  dis-cemere,  séparer,  trier)  : 
ce  qui  ne  peut  se  distinguer.  —  Les  indiscernables  (Leibniz),  244  ;  II,  512,  2. 

Indissolubilité  (de  Indissoluble,  de  indissolubilis,  de  in,  négatif  ;  dissolubilis, 
séparable,  de  dis-solutum,  supin  de  dis-solvere,  séparer)  :  ce  qui  ne  peut  se  séparer 
—  Indissolubilité  du  lien  conjugal,  II,  210-211.  —  Associations  indissolubles, 
304  ;  325-326. 

Individu  (Individuus,  indivisible,  de  in,  négatif  ;  di-viduas,  divisé,  de  divi- 
dere,  séparer,  de  dis,  préfixe  indiquant  division,  et  viduus,  privé  de)  :  a)  C'est 
un  être  un  et  tout  entier  en  soi.  365-367,  367.  — •  Les  individus  sont  indéfi- 
nissables, 522.  —  b)  En  Logique  :  c'est  le  terme  inférieurd'unesériede  terme-; 
disposés  hiérarchiquement,  vg.  Pierre,  252. —  c)  En  .S'oc/o/isg/e  :  l'unité  dont  se 
composent  les  sociétés. 

Individualisme  (de  Individu)  :  a)  Tendance  à  s'affranchir  de  tout  esprit  de 
solidarité,  93.  —  b)  Tendance  opposée  à  l'esprit  d'association,  93  ;  II,  251.  — 
c)  Tendance  à  réduire  (Individualisme  de  Spenceu)  ou  à  supprimer  les  fonc- 
tions de  l'Etat  (Individualisme  anarchiste)  au  profit  de  l'initiative  privée. 

Individualité  (de  Individu)  :  a)  C'est  un  être  tout  entier  en  soi,  365-367  ; 
367.  —  b)  Synonyme  d'originalité  :  vg.  c'est  une  individualité. 


848  TABLE  ANALYTIQUE  :  lodividuaiit  —  Inefflcacc 

Individuant  (du  latin  scolastique  Individuare,  rendre  individuel)  :  les 
ScoLASTiQUES  appellent  notes  individuantes  les  caractères  accidentels  qui 
distinguent  chaque  individu,  522. 

Individuati on  (du  latin  scolastique  Individuare,  rendre  individuel)  :  le 
principe  d'individuation  est  la  raison  intrinsèque  qui  distingue  entre  eux  les 
individus.  Pour  les  Thomistes,  c'est  la  matière  en  tant  qu'elle  est  aflectée 
d'une  certaine  quantité  [materia  signala  quantitate).  —  D'après  les  Suaréziens, 
les  êtres  sont  individualisés  par  leur  entité  même,  c'est-à-dire  par  le  fait  même 
qu'ils  sont,  II,  474-475.  —  Selon  les  Scotistes,  les  êtres  sont  individualisés 
par  une  entité  spéciale  (appelée  hseccéité)  qui  s'y  ajouterait  pour  les  déter- 
miner. Voir  Eccéité. 

Individuel  (de  Individu)  :  ce  qui  se  rapporte  à  l'individu,  ce  qui  est  sin- 
gulier. —  Idée  individuelle,  258.  —  Proposition,  530. 

Indivis,  Indivision  {Indivisus,  de  in,  négatif  ;  divisus,  divisé,  participe 
passé  de  dividere,  divisum,  séparera  :  ce  qui  n'est  pas  divisé,  mais  peut  l'être, 
vg.  les  corps  composés,  comme  l'eau  ;  propriété  indivise  :  qui  appartient  en 
commun  à  plusieurr 

Indivisible,  Indivisibilité  [Indivisibilis,  de  in,  négatif;  divisibilis,  de  divi- 
sum,  supin  de  dividere,  diviser)  :  propriété  de  ce  qui  ne  peut  être  divisé  :  tels 
les  êtres  doués  de  simplicité,  comme  l'âme,  II,  471  ;  536  ;  537-538. 

Indolence  [Indolentia,  absence  de  douleur,  de  in,  négatif  ;  dolere,  souffrir)  : 
absence  de  douleur.  —  Idéal  épicurien,  61  ;  II,  50-51. 

Inducteur,  Induit  (de  Induction,  de  Inductum,  supin  de  in-ducerc,  intro- 
duire) :  dans  une  association  d'idées,  on  nomme  terme  inducteur  celui  qui 
suggère  l'association  ;  terme  induit,  celui  qui  est  suggéré.  Exemples,  213-214. 

Induction  (Inductio,  action  d'introduire,  de  inductum,  supin  de  in-ducere, 
introduire)  :  opération  par  laquelle  l'esprit  conclut  du  particulier  au  général. 

—  Raisonnement  inductif,  280  ;  283.  — ■  Méthode  inductive  comparée  à  la 
déductive,  617.  —  Induction  et  analyse,  622.  — ■  Stade  inductif  dans  les 
sciences  physiques,  623-624.  —  Phases  de  la  méthode  inductive,  648.  —  Rai- 
sonnement inductif  ou  expérimental,  665.  —  Méthodes  inductives  :  a)  de 
Bacon,  666  ;  b)  de  Stuart  Mill,  667.  —  L'induction  chez  Bacon,  670-672.  — 
Comparaison  des  méthodes  inductives,  672.  —  Induction  proprement  dite, 
673.  —  Fondement  de  l'induction  :  systèmes  divers,  674-682.  —  Élément 
expérimental  et  élément  rationnel  dans  l'induction,  682.  —  Syllogisme  inductif, 
683.  —  Valeur  et  utilité  de  l'induction,  684.  —  L'induction  en  psychologie, 
30-31  ;  729.  —  L'induction  en  psychologie  et  en  physique,  733.  —  Générali- 
sation et  induction,  687-688;  704.  —  Analogie  et  induction,  706-708.  — 
L'induction  dans  les  sciences  morales,  715-716.  —  L'induction  en  histoire, 
746-747.  —  L'induction  dans  la  science  sociale,  754-755. 

Induction  formelle  :  Aristote,  674. 

Industrie,  Industriel  (Industria,  activité,  de  industrius,  pour  industruus,  celui 
qui  combine  en  lui-même,  de  Indu,  préposition  archaïque,  synonyme  de  in, 
et  struere,  entasser,  élever,  bâtir)  :  c'est  l'ensemble  des  arts  et  métiers  qui 
élaborent  les  matières  premières.  —  Arts  industriels  ou  utiles,  II,  408.  — 
L'État  d'iit  encourager  l'industrie,  II,  249-250. 

Inefficace,  Inefficacité  (de  In,  négatif,  et  efficace,  efficacité,  de  efficax, 
efficacia,  de  cfficio  —  ex-jacere,  effectuer)  :  ce  qui  ne  produit  pas  l'effet  attendu. 

—  Volonté  inefficace,  velléité,  358  ;  368.  —  S'oppose  à  Efficace,  Efficacité. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Inégal  —  Infiniment  849 

Inégal,  Inégalité  (de  /n,  négatif  ;  œqualis,  œqualitas,  de  œqaus,  égal,  pareil)  : 
inégalité,  chose  naturelle,  II,  194-195  ;  299-300  ;  349.  —  S'oppose  à  Égal, 
Égalité. 

Inertie  [Inertia,  de  iners,  inactif,  de  in,  négatif  ;  ars,  combinaison,  invention. 
Racine  ar,  adapter),  47.  —  Principe  d'inertie  :  il  consiste  en  ce  que  des  points 
matériels,  s'ils  ne  subissent  aucune  action,  conservent  indéfiniment  la  même 
vitesse  en  direction  et  en  intensité.  —  Au  sens  moral  :  manque  d'initiative. 

In  facto  esse  :  expression  scolastique  qui  indique  qu'une  chose  est  faite.  — 
S'oppose  à  In  fieri. 

Infaillibilité  (de  Infaillible,  du  latin  injallibilis,  de  in,  négatif,  et  fallibilis, 
qui  peut  faillir,  de  fallere,  faire  glisser,  tromper)  :  impossibilité  de  commettre 
d'erreur  :  a)  Infaillibilité  de  la  raison  :  dans  son  domaine  propre,  la  raison, 
laissée  à  sa  rectitude  naturelle,  est  infaillible.  Ses  erreurs  proviennent  de  l'in- 
fluence troublante  des  autres  facultés  et  des  intermédiaires,  803-805.  — 
b]  InfaiUibilité  de  V Église,  II,  334-335.  —  S'oppose  à  Faillibilité. 

Infantile,  Infantilisme  {InfantJUs,  de  in-fans,  enfant,,  de  in,  négatif,  fari, 
parler)  :  psychologie  infantile,  723.  Cf.  491,  1.  —  L'infantilisme,  signe  de 
dégénérescence,  est  la  persistance,  à  l'âge  adulte,  de  certains  caractères  de 
l'enfance. 

Inférence  (de  Inférer,  de  in-ferre,  porter  dans)  :  terme  générique  désignant 
l'opération  par  laquelle  l'esprit  admet  une  proposition  en  vertu  de  sa  connexion 
avec  d'autres  propositions  tenues  pour  vraies.  Ce  terme  embrasse  comme 
espèces  :  déduction,  induction.  —  Théorie  de  l'inférence  sur  la  perception  externe 
(Descartes,  Cousin),  173.  —  Variétés  de  l'inférence  :  déduction,  induction, 
278  ;  280-282.  — -  Cette  expression  est  d'un  usage  fréquent  chez  les  philosophes 
anglais  :  Stuart  Mill  notamment  parle  de  l'inférence  du  particulier  au  par- 
ticulier, 283  ;  707.  —  Inférence  ou  déduction  immédiate,  383;  706-708;  531.  — 
Inférence  ou  déduction  médiate,  535. 

Inférieur  [Inferior,  comparatif  de  inferus,  qui  est  en  bas):  en  Logique,  se  dit 
de  tout  terme  dont  l'extension  est  moindre  que  celle  d'un  autre  ;  vg.  l'espèce 
pai"  rapport  au  genre  ;  les  genres  intermédiaires  par  rapport  aux  genres  supé- 
rieurs, 251-252  ;  252-253.  —  Signifie  :  a]  En  général  :  tout  ce  qui,  comparé  à  une 
autre  chose,  dans  le  même  ordre  d'idées,  ne  lui  est  pas  jugé  préférable  :  vg. 
Comte  a  dit  que  le  matéi'ialisme  est  l'explication  du  «  supérieur  par  l'infé- 
rieur »,  717.  è)  En  particulier  :  se  dit  de  tout  ce  qui  est  moins  avancé  dans 
la  voie  du  progrès  :  vg.  groupes  ou  espèces  inférieures,  694-695  —  Classes 
sociales  inférieures,  II,  239-240. 

Infidèle  [Infidelis,  de  in,  négatif;  fidelis,  de  fides,  confiance,  croyance)  : 
mémoire  infidèle,  c'est-à-dire  manquant  d'exactitude,  207. 

In  fieri  (En  train  d'être  fait)  :  signifie,  en  langage  scolastique,  le  devenir, 
le  passage  de  la  puissance  à  l'acte,  48,   II,  465.  —  S'oppose  à  In  facto  esse. 

Infini  [Infinitus,  de  in,  négatif  ;  finitus,  fini,  participe  passé  de  finire, 
finitam,  borner)  :  ce  qui  n'a  pas  de  bornes,  339-340.  —  Origine  de  cette  notion, 
341-342.  —  L'infini  en  nombre  répugne,  340,  2  ;  II,  558.  —  Preuve  de  l'existence 
de  Dieu  tirée  de  l'idée  d'infini  et  de  parfait,  II,  566.  —  L'infini,  d'après 
Pasteur,  II,  634,  1. 

Infiniment  (de  Infini)  :  infiniment  grand,  infiniment  petit  signifient  :  plus 
grand,  plus  petit  (jue  toute  quantité  donnée.  —  Du  point  de  \\\Q  nia'.hémitique, 
on  nomme  grandeur  infiniment  petite  toute  grandeur  variable  dont  la  limite 
est  zéro. 


1 


850  TABLE  ANALYTIQUE  :  Infinité  —  Inhibitoire 

Infinité,  Infinitllde  (Infinitas,  de  in,  négatif  ;  finitum,  supin  de  finire, 
borner.  Infinitudo,  mot  forgé  par  analogie  à  habitudo,  forme  extérieure,  atti- 
tude) :  Dieu  est  infiniment  parfait,  II,  573-574  ;  577. 

Infinitésimal  (de  Infinitesimus,  mot  créé  par  Leibniz,  de  in,  négatif; 
finitum,  supin  de  finire,  limiter)  :  ce  qui  concerne  les  quantités  infiniment 
petites.  —  Le  Calcul  infinitésimal  :  Leibniz,  qui  l'inventa,  l'expose  dans  sa 
Noi>a  Methodus  pro  maximis  et  minimis  (1684).  Cet  algorithme  «  comprend 
toutes  les  opérations  mathématiques  qui  ont  pour  objet  d'établir  des  relations 
entre  grandeurs  finies  par  la  considération  de  quantités  infinitésimales  :  mesure 
des  grandeurs  finies  considérées  comme  limites  ;  détermination  des  grandeurs 
finies  considérées  comme  rapport  de  deux  quantités  infinitésimales  (calcul  des 
dérivées)  ;  détermination  des  grandeurs  finies  considérées  comme  somme  d'un 
nombre  infiniment  grand  de  quantités  infiniment  petites  (calcul  intégral)  « 
[Bulletin  de  la  Société  française  de  Philosophie,  août  1909,  p.  250).  • —  Signifie 
également  :  plus  petit  que  toute  quantité  donnée  ;  ,ou  même,  dans  le  langage 
courant  :  très  petit. 

Influence  (de  Injiuens,  de  in,  sur  ;  fluere,  couler)  :  ce  mot  signifia  :  a)  primi- 
tivement, l'action  d'un  fluide  astral,  qui  était  censé  agir  sur  la  destinée  des 
hommes  ;  b]  puis,  l'action  d'une  personne  ou  d'une  chose  sur  une  autre  ;  vg. 
influence:  1°)  de  l'exemple,  96;  2°)  des  passio?is,  117;  3°)  des  circonstances 
physiques  et  du  tempérament  sur  la  volonté,  390-392  ;  4^)  des  motifs  sur  la 
volonté  et  réciproquement,  392-393  ;  396-398  ;  398-400;  5°)  de  V habitude,  418-419; 
424-425  ;  6°)  de  la  pensée  sur  le  langage  et  réciproquement,  450-451  ; 
7°)  du  physique  sur  le  moral  et  réciproquement,  467-469  ;  469-473  ; 
8°) de  la  Logique  et  de  la  Méthode  sur  /'esprit,  840-844; 9°)  du  plaisir ,  deV intérêt, 
du  sentiment  en  Morale,  II,  76  ;  77  ;  86  ;  10°)  de  Vart,  II,  411-412. 

Influx  (Influxus,  action  de  couler  dans,  influence,  de  in,  sur  ;  fluere,  couler)  : 
influence.  —  Influx  physique  d'EuLER,  II,  548. 

Information  {Infonnatio,  action  de  façonner,  de  injormatum,  supin  de  in- 
forfnare.  façonner)  :  dans  le  langage  scolastique,  c'est  l'acte  par  lequel  une 
forme  substantielle  ou  accidentelle  s'appHque  à  une  matière  et  la  détermine, 
324  ;  II,  516.  —  S'informer  signifie  aussi  :  a)  prendre  la  forme  des  choses,  les 
connaître.  Cf.  Théorie  de  V assimilation  des  Scolastiques,  162;  b)  ce  que  l'on 
cherche  à  connaître  :  sources  d'information  de  la  Psj^chologie,  730. 

Infra  <ion  {Infractio,  action  de  briser,  de  in,  sur  ou  contre  ;  fractum,  supin 
de  frangire,  briser)  :  violation  de  la  loi  morale  ou  civile. 

Inhérence,  Inhérent  [Inhsprens,  de  in,  dans;  hserere,  être  attaché  à)  :  est 
inhérent  à  un  sujet  donné  tout  ce  qui  lui  est  essentiel  ;  ou,  dans  un  sens  moins 


cet  homme  est  savant. 

Inhibition  (Inhibitio,  action  d'arrêter,  de  inhibitum,  supin  de  inhibere, 
arrêter,  de  in,  dans,  sur  ;  habere,  tenir)  :  action  exercée  par  certains  nerfs  sur 
le  centre  excito-moteur  pour  supprimer  son  excitabilité.  Par  extension  analo- 
gique on  entend  l'action  de  certains  phénomènes  psychiques,  qui  empêchent 
d'autres  phénomènes  psychiques  de  se  réaliser  ;  vg.  la  volonté  a  un  pouvoir 
d'inhibition,  357  ;  368. 

Inhibitoire  (de  Inhibitum,  supin  de  inhibere,  arrêter)  :  im  nomme  inhibi- 
toires  certaines  sensations,  sentiments  ou  idées,  qui  dépriment  le  pouvoir 
moteur;  vg.  la  crainte,  la  tristesse,  123. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Inintelligible  —  In  recto  851 

Inintelligible  (de  In,  négatif  ;  intelligible,  de  intelligibilis,  perceptible,  qui 
peut  être  compris,  de  intelligere  —  inter-legere,  percevoir,  remarquer,  connaître): 
ce  qui  ne  satisfait  pas  aux  principes  de  la  raison,  donc  ce  qu'elle  ne  peut  com- 
prendre. —  S'oppose  à  Intelligible,  289. 

Initiative  (de  Initiatum,  supin  de  initiare,  commencer,  de  initium,  commen- 
cement, de  in-ire,  entrer  dans,  commencer)  :  action  de  celui  qui  est  le  premier 
à  faire  quelque  chose.  —  Esprit  d'initiative,  puissances  initiatrices,  424-425. 

Injure  {Injuria,  de  in,  contre  ;  jus,  juris,  le  droit)  :  parole  ou  action  offen- 
sante, II,  168  ;  206. 

Injuste,  Injustice  {Injustus,  injustitia,  de  in,  contre  ;  jus,  juris,  le  droit)  : 
ce  qui  est  contraire  aux  droits  d'autrui,  II,  161-168.  —  S'oppose  à  Juste, 
Justice. 

Inné,  Innélté  {Innatus,  inné,  naturel,  de  innatum,  supin  de  in-nasci,  naître 
dans)  :  est  inné  ce  qui  fait  partie  de  la  nature  d'un  être,  par  opposition  à  ce 
qu'il  a  acquis  depuis  sa  naissance.  - —  Innéité  :  a\  des  inclinations,  103-104  ; 
b)  de  Vinstinct  animal,  105  ;  111-112  ;  c)  des  idées  (Descartes),  312  ;  d)  des 
lois  ou  formes  a  priori  de  la  sensibilité  et  de  V entendement  (Kant),  314  ;  II,  431- 
432  ;  e)  de  certains  éléments  du  caractère,  405  ;  406  ;  407  ;  /)  de  Vinstinct  philo- 
logique^ 444-446  ;  447.  —  S'oppose  à  Acquis. 

Innéisme  (de  Inné)  :  système  où  l'on  admet  l'innéité  de  certaines  notions 
ou  lois  de  la  pensée,  de  certaines  inclinations.  Cf.  Innéité.  —  S'oppose  à  Empi- 
risme. 

Innervation  [In,  dans,  sur  ;  nervus,  nerf)  :  certains  psychologues  appellent 
sensation  d'' innervation  la  sensation  de  la  quantité  d'énergie  nerveuse  que 
nous  dépensons  pour  contracter  un  muscle.  Son  existence  est  très  discutée. 

Innovation  [Innovatio,  de  Innovatwn,  supin  de  in-nova'-e,  changer)  :  action 
d'introduire  du  nouveau.  —  L'imagination  est  un  principe  d'innovation, 
232-233  ;  425. 

In  obliquo  (de  In,  dans  ;  obliquus,  qui  est  ou  *>'&  de  côté,  de  travers)  :  d'après 
les  ScoLASTiQUEs,  unc  idée  est  posée  in  obliquo,  quand  elle  n'appartient  pas 
à  la  définition  d'un  être,  mais  est  seulement  liée  avec  l'un  de  ses  éléments 
constitutifs  ;  vg.  la  risibilité  est  dite  de  l'homme  in  obliquo  ;  de  même  la 
faculté  de  parler,  253  ;  523.  —  S'oppose  à  In  recto. 

Inquiétude  (Inquietudo,  agitation,  de  inquies,  inquietis.  agité,  de  in,  négatif  ; 
quies,  repos)  :  du  sens  d'agitation,  d'impossibilité  de  rester  en  place,  on  est 
passé  an  sens  moral  :  tendance  à  ne  pas  se  contenter  de  ce  qui  est,  de  ce  qu'on  a, 
désir  du  mieux,  recherche  de  l'an  delà.  Magnifique  inquiétude  de  ITune,  avide 
du  parfait,  II,  565. 

Inquisition  (Inquisitio,  recherche  attentive,  de  inquisitum,  supin  de  in- 
quirere  =  quaerere,  rechercher)  :  recherche  rigoureuse.  —  Inquisition  doctri- 
nale, II,  344-345. 

In  re  (de  In,  dans  ;  res,  bien,  propriété,  chose)  :  les  Scolastiques  disent  que 
l'universel  esl  fundamentaliter  in  re  ;  c'est  l'universel  direct,  256-257.  —  S'oppose 
à  formaliter  in  mente.  —  S'emploie  aussi  pour  indiquer  qu'on  considère  un  objet 
tel  qu'il  existe  dans  la  réalité.  —  S'oppose  à  In  abstracto. 

In  recto  (de  In,  dans  ;  rectus,  droit,  de  rectum,  supin  de  regere,  dirigei-)  : 
d'après  les  Scolastiques,  une  idée  est  posée  in  recto,  quand  elle  rentre  dans  la 
définition  d'un  être  ;  vg.  raisonnable,  dans  la  définition  d'homme,  253.  — 
S'oppose  à  In  obliquo. 


852  TABLE  ANALYTIQUE  :  Insensibilité  —  Intégration 

Insensibilité  {Inscnsibilitas,  de  Insensibilis,  de  in,  négatif  ;  sensibilis,  de 
sensum,  supin  de  sentire,  sentir)  :  dureté  de  cœur,  86.  —  Insensii)ilité  de  l'hyp- 
notisé, 479-480. 

Inséparable,  Inséparabilité  {Inseparabilis,  de  in,  négatif  ;  separahilis,  de 
se-parare,  disjoindre,  de  se,  préposition  archaïque  marquant  désunion,  et 
parare,  faire  la  paire,  de  par,  pair)  :  association  inséparable  (Stuart  Mill), 
304;   325-326. 

Inspiration  [Inspiratio,  action  de  souffler  sur,  de  inspiratum,  supin  de 
in-spirare)  :  action  de  faire  naître  une  idée,  une  résolution.  —  Inspiration 
artistique,  228-229  ;  230-231  ;  II,  396. 

Instabilité  (de  Instable)  :  manque  de  fixité.  — ■  L'instabilité  mentale  implique 
un  «  ensemble  de  symptômes  psychiques  consistant  dans  une  variation  excep- 
tionnellement rapide  et  fréquente  des  dispositions  intellectuelles  et  afîectives 
d'un  sujet.  »  [Bulletin  de  la  Société  française  de  Philosophie,  1909,  p.  254). 

Instance  [Instantia,  le  fait  d'être  imminent,  assiduité,  insistance,  de  in- 
stare,  se  tenir  sur,  d'où  presser,  menacer.  Aristote  dit  evaT«<7t;,  action  de  se 
dresser  contre,  d'où  opposition,  objection,  de  hinTr^u.'.)  :  c'est  un  nouvel  argu- 
ment fait  pour  insister  ou  pour  réfuter  la  réponse  donnée  à  un  premier  argu- 
ment. • —  Fr.  Bacon  appelle  instances  [instantise,  en  anglais,  instances)  des 
exemples  typiques,  des  faits  privilégiés,  652-653. 

Instant  [Instans,  présent,  pressant,  menaçant,  de  in-stare,  se  tenir  sur)  : 
a)  setis  usuel  :  très  courte  durée  ;  b)  sens  philosophique  :  limite  commune  entre 
deux  temps  successifs.  —  Il  est  au  temps  ce  que  le  point  est  à.  l'espace,  II, 
505  ;  506. 


Instinct  {Instinctus,  excitation,  impulsion,  de  instinctwn,  supin  de  instin- 


„ __     _     ,  ^  ystèmes 

divers,  106-112.  —  Inclinationsinstinctives,  104.  —  Instinctsdela  conservation, 
du  bonheur,  du  progrès,  84-85.  —  Activité  instinctive,  355.  —  L'habitude  et 
l'instinct,  426.  —  Instinct  philologique,  444. 

Instruction  [Instructio,  mise  en  ordre,  disposition,  de  instructum,  supin 
de  instruere,  de  in,  sur  ;  struere,  entasser,  bâtir)  :  a)  action  de  communiquer  à 
d'autres  ses  connaissanes  ;  b)  ensemble  des  connaissances  acquises.  —  Sa 
nature  et  ses  formes,  407-408  ;  413.  —  Devoir  relatif  à  l'intelligence,  II,  158  ; 
168.  —  Devoir  des  parents  à  l'égard deleurs enfants, II,  216;  258-260.  — L'État 
et  l'instruction,  II,  254-259.  —  L'instruction  laïque,  gratuite  et  obligatoire, 
II,  259-260. 

Instrument  (Instrumentum,  de  in-struere,  élever,  disposer,  bâtir)  :  objet 
fabriqué  qui  sert  à  une  opération.  —  Condition  physique  de  l'observation,  650. 

Instrumental  (de  Instrument)  :  cause  instrumentale,  325. 

Insurrection  (Insurrectio,  de  Insurrectum,  supin  de  in-surgere,  se  dresser 
contre)  :  soulèvement  contre  l'autorité,  U,  287  ;  299  ;  300  ;  350. 

Intégral  (de  Integer,  integri,  entier)  :  calcul  intégral.  Voir  Infinitésimal. 

Intégration,  Intégrer  (do  Integratum,  supin  de  integrare,  rétablir  dans  l'état 
primitif,  renouveler)   :  a)   opération  du  calcul  intégral,  voir  Infinitésimal.  — 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Intégrité  —  Intensif  853 

b)  Intégrer  s'emploie  pour  dire  :  faire  entrer  dans  un  tout,  concentrer,  classer.  — 

c)  Spencer  entend  intégration  dans  un  sens  particulier,  II,  627-628.   Il  lui 
oppose   Désintégration. 

Intégrité  {Integritas,  de  integer,  non  entamé,  intact,  entier,  de  in,  négatif  ; 
tactuni,  supin  de  tangere,  toucher)  :  état  de  ce  qui  est  entier.  —  Intégrité  des 
organes,  650.  —  Intégrité  des  documents,  742.  —  Élément  du  beau,  II,  382  ; 
384.  —  Bonum  ex  intégra  causa,  II,  33. 

Intellect  [Intelleclus,  de  intellectum,  supin  de  intellegere,  inîelligere  ■—  inter- 
legere,  percevoir,  remarquer,  connaître)  :  intellect  passif,  actif,  316-317. 

Intellection  (de  Intellect)  :  acte  de  l'intelligence  proprement  dite,  comme 
rabsliMctioii,  le  jugement,  le  raisonnement,  236-237. 

Intellectualisme  (de  Intellectualis,  intellectuel,  de  intelleclus,  intelligence, 
de  inteUigerc,  intellectum,  percevoir,  remarquer,  connaître!  :  ce  mot  assez  mal 
défini  se  prend  en  plusieurs  sens  :  a)  Doctrine  selon  laquelle  l'intellectuel  et 
le  réel  sont  inséparables  au  fond  des  choses,  sans  exclure  toutefois  la  volonté. 
Telle  est  la  tendance  de  la  philosophie  de  Platon,  de  Spinoza,  de  Hegel. — 
b)  Doctrine  qui  ramène  les  faits  psychologiques  à  des  faits  intellectuels,  repré- 
sentatifs :  vg.  on  découvre  cette  tendance  chez  Descartes  :  théorie  du  plaisir, 
60.  —  c)  D(»ctrine  qui  donne  le  primat  à  l'intelligence  :  tel  le  système  thomiste 
par  opposition  au  système  scotiste  qui  est  volontariste. 

Intellectuel  (Intellectualis,  de  intellectus,  intelligence,  de  intelligere,  intel- 
lectum, perrevoir,  remarquer,  connait-re)  :  ce  mot  se  prend  dans  un  :  a)  Sens 
large  :  pour  désigner  tout  fait  de  connaissance  ;  il  s'oppose  alors  à  Affectif, 
Volitif,  34  ;  134-135.  — è)  Sens  strict  :  pour  indiquer  les  opérations  conceptuelles  ; 
il  s'oppose  alors  à  Sensitif,  135.  —  c)  Sens  péjoratif  :  on  appelle  intellectuels,  ceux 
qui  accordent  une  préférence  exclusive  à  la  pensée,  au  détriment  de  la  vie 
pratique  et  de  la  valeur  morale.  Bacon  les  appelle  intellectualistes,  808,  1. 

Intelligence  [IntelUgejitia,'  de  Intelligere  =  inter-legere,  intellectum,  perce- 
voir, rémarquer,  connaître)  :  faculté  générale  de  connaître,  134.  —  Opérations 
sensitives,  134-135.  —  Opérations  proprement  intellectuelles,  135.  —  Éléments 
de  l'intelligence,  136.  —  Intelligence  de  l'homme  et  intelligence  de  l'animal. 
493-494.  —  L)evoirs  relatifs  :  à  sa  propre  intelligence,  II,  158-159  ;  à  l'intel- 
ligence d'anti'ui,  II,  168.  • 

Intelligibilité  (de  Intelligible,  do  intelligihilis,  perceptible)  :  caractère  de 
ce  qui  est  inlclligible.  —  Principe  d'universelle  intelligibilité,  289. 

Intelligible  [IntelUgibilis,  perceptible,  de  intelligere  =  inter-legere,  intel- 
lectum, percevoir,  remarquer,  connaître)  :  a]  Ce  qui  ne  peut  être  connu  que 
par  l'iiilelligence  ;  vg.  les  idées  et  les  relations  abstraites.  —  Espèces  intelli- 
gibles des  Scolastiques,  171, 1  ;  316-317.  S'oppose  à  Sensible.  —  b)  Ce  dont 
l'intelligence  peut  se  rendre  compte,  289-290.  S'oppose  à  Inintelligible.  — 
Caractère  intelligible  (Kant,  Schopenhauer),  405.  S'oppose  à  Empirique. 

Intempérance  [Intemperantia,  de  in,  négatif  temperantia,  mesure,  do 
temperare,  m'-lauger,  régler,  de  tempits,  temps)  :  manque  de  modération  dans 
l'usage  des  plaisirs  des  sens,  spécialement  des  plaisirs  de  la  table.  —  Vioi' 
opposé  à  la  vertu  de  Tempérance,  II,  127-128  ;  130  ;  158, 

Intensif  (de  Intense,  de  intensus,  tendu,  adjectif  dérivé  de  in-trndere. 
intensum,  étendre)  :  indique  une^  qualité  où  l'on  peut  distinguer  de-;  degrés 
divers,  27.  —  S'oppose  à  Extensif,  qui  se  rapporte  à  la  quantité. 


854  TABLE  ANALYTIQUE  :  Intensité  —  Interfécondité 

Intensité  (de  Intense,  de  intensus,  tendu,  adjectif  dérivé  de  in-tendere, 
intensiayi,  étendre)  :  caractère  de  ce  qui  admet  des  états  où  l'on  distingue  des 
degrés,  du  plus  et  du  moins  ;  vg.  intensité  d'une  force,  des  faits  de  conscience, 
27  ;  417.  —  Loi  du  plaisir  et  de  la  douleur,  66. 

Intention  (Intentio,  action  de  tendre  vers,  attention,  intention,  de  intentum, 
supin  de  in-tendere,  tendre,  diriger  vers)  :  direction  de  la  volonté  qui  se  propose 


lisme  moral  de  Kant,  II,  78-79  ;  96-97  ;  100 


Intention  première,  seconde  :  dans  la  langue  des  Scolastiques,  Vintentio 
(de  intentum,  supin  de  in-tendere,  étendre,  diriger  vers)  est  l'acte  par  lequel 
l'intelligence  tend  à  connaître  un  objet.  C'est  ce  qu'ils  appellent  Intentio  for- 
maiis  :  ils  la  distinguent  en  Intentio  prima  seii  directa  et  en  Intentio  secunda 
seu  reflexa.  L'intention  première  est  l'acte  par  lequel  l'intelligence  se  porte 
directement  sur  un  objet  tel  qu'il  existe  eo  lui-même.  De  là  vient  que  les  idées 
directes,  comme  l'homme,  l'arbre,  sont  appelées  intentiones  primœ  objectivas  : 
elles  constituent  Vuniversel  direct,  objet  de  la  Métaphysique.  —  L'intention 
seconde  est  l'acte  réfléchi  par  lequel  l'intelligence  se  porte  sur  Vidée  elle-même, 
en  tant  qu'idée,  c'est-à-dire  sur  un  objet  tel  qu'il  existe  dans  l'intelligence. 
De  la  vient  que  les  idées  réfléchies,  en  tant  qu'abstraites  et  générales,  comme 
le  genre,  l'espèce,  le  propre,  l'accident,  sont  appelées  intentiones  secundse 
objectivée  :  elles  constituent  Vuniversel  réflexe,  objet  de  la  Logique.  L'intention 
seconde  est  ainsi  nommée  parce  qu'elle  suppose  un  acte  antécédent  sur  lequel 
elle  s'exerce. 

Intentionnel  (du  latin  scolastique  Intentionalis,  de  intentio,  action  de  tendre 
vers,  attention,  intention,  de  intentum,  supin  de  in-tendere,  étendre,  diriger 
vers)  :  les  espèces  intentionnelles  (species  intentionales)  sont  les  espèces  qui 
servent  à  la  connaissance,  316-317.  —  Un  acte  intentionnel  est  un  acte  prévu 
et  voulu,  357-358  ;  II,  30-31. 

Interdépendance  (de  Inter,  entre  ;  dépendance)  :  ce  mot  indique  la  dépen- 
dance réciproque:  vg.  solidarité  organique,  II,  70,3.  —  Événements  soumis  à  une 
dépendance  mutuelle. 

Intérêt  (  =  Intêrest.  de  Interest,  il  importe,  verbe  impersonnel,  de  inter-esse, 
être  entre,  assister)  :  a>  ce  qui  est  avantageux,  soit  par  le  profit  qu'on  en  retire, 
soit  par  un  avantage  quelconque  qu'on  y  trouve  ;  b)  ce  qui  touche  par  la  part 
qu' 'n  y  prend,  mû  par  sympathie,  bienveillance  pour  les  autres  ;  c)  ce  dont 
l'attrait  excite  un  sentiment  personnel,  vg.  de  curiosité,  d'émulation.  —  Morale 
de  l'intérêt  au  sens  de  :  1")  Épicure,  II,  50;  2°)  Bentham,  II,  51  ;  3°)  Stuart 
MiLL.  II,  53  ;  'tO)  Spencer,  II,  58  ;  5°)  Ém.  Durkheim.II,  60:  6°)  L.  Bourgeois, 
11^  70.  —  Rôle  de  l'intérêt  en  Morale,  II,  77.  —  Le  plaisir  et  l'intérêt,  II,  80. 
—  Le  sentiment  et  l'intérêt,  II,  88.  —  Prêt  à  intérêt,  II,  356-357.  —  L'intérêt 
général  ou  bien  commun  social  est  le  principe  régulateur  des  fonctions  de 
l'État,  II,  249  ;  250. 

Interfécondité  (de  Inter,  entre  ;  fécondité,  de  fecunditas,  de  fecundus,  fécond, 
de  l'inusiti',  />r/,  produire  )  :  propriété,  que  possède  une  collection  d'individus, 
de  transmettre  indéfiniment  par  génération  un  certain  nombre  de  qualités 
communes  et  essentielles.  —  C'est,  d'après  les  anti-transformistes,  la  carac- 
téristique de  l'espèce,  II,  614,  1  ;  618. 


TABLE  analytique:  Intérieur  —  Intrapersonnel  855 

Intérieur,  Interne  {Interior,  in<er/m.ç,  comparatif  de  l'archaïque  interus,  de 
in,  dans,  et  du  suffixe  ter)  :  ce  qui  est  dans  l'âme.  —  Sensations  internes,  75  ; 
76.  —  Perception  interne,  134;  137-155.  —  Sens  internes,  43.  —  S'oppo-se 
à  Externe,   Extérieur. 

International  (du  latin  inter,  entre,  et  nation)  :  droit  international,  II,  311. 

—  Organisation  juridique  internationale,  II,  315. 

Interpersonnel  (de  Inter,  entre  ;  personnel,  de  personalis,  de  persona, 
masque,  personnage,  personne)  :  Rabier  nomme  les  inclinations  sociales  m<er- 
personnelles,  102.  Le  texte  porte,  par  erreur,  intrapersonnelles,  102. 

Interpolation  i Inter polatio,  de  interpolatum,  supin  de  interpolare,  remettre 
à  neuf,  modifier,  de  inter,  entre  et  polire,  polir,  mettre  un  enduitl  :  altération 
d'un  texte,  742. 

Interprétation  [Interpretatio,  de  inter-pres,  interpretis,  intermédiaire,  inter- 
prète, de  la  racine  pre,  trafiquer.  Cf.  pre-tium,  valeur  vénale  d'une  chose)  : 
action  de  donner  une  signification  à  une  chose  ou  d'expliquer  un  sens  ambigu. 

—  Interprétation  instinctive,  empirique,  rationnelle  de  la  sensation,  170-175. 

—  Faculté  d'interpréter  les  signes,  436.  —  Interprétation  de  l'expérience, 
664-670.  —  Interprétation  des  droits,  II,  249. 

Interprétationnisme  (de  Interprétation)  :  ensemble  de  systèmes  sur  la  per- 
ception extérieure,  161  ;  170-175  ;  188-189. 

Interstérilité  (de  Inter,  entre  ;  stérilité,  de  sterilitas)  :  absence  de  fécondité 
entre  espèces  voisines.  II,  618. 

Intervalle  {Intervallum,  de  inter,  enti'e  ;  vallus,  pieui  :  distance  entre  deux 
temps,  deux  lieux,  deux  sons,  deux  actes.  —  Intervalle  entre  les  actes  qui 
engendrent  l'habitude,  417. 

Intervention  [Interventio,  de  interventum,  supin  de  inter-venire,  venir  entre)  : 
action  de  prendre  part  à  quelque  chose.  —  Exemples  d'intervention  de 
l'État,  II,  252.  —  Principe  de  non-intervention,  II,  313-314. 

Intestat  (Intestatus,  qui  n'a  pas  fait  son  testament,  de  in,  négatif  ;  testatum, 
supin  de  testari,  tester)  :  l'expression  successor  ab  intestato,  qu'on  traduit  par 
ab  intestat,  indique  les  héritiers  naturels,  comme  les  enfants,  qui  recueillent 
les  biens  dont  le  propriétaire  n'a  pas  disposé  par  testament. 

Intime  {Intimus,  le  plus  intérieur,  superlatif  de  l'archaïque  interus,  de  inter, 
de  in,  dans  et  suffixe  ter)  :  sens  intime  signifie  sens  intérieur  :  expression 
employée  par  les  Philosophes  Écossais,  Maine  de  Biran  et  les  Éclectiques 
commesynonyme  de  conscience  directe,  137.  Les  Scolastiques  disent  Sensus 
intimus.  S'oppose  à  Extérieur.  — •  Intime  signifie  aussi  ce  qui  est  profond, 
pénétrant  ;  vg.  connaissance  intime  d'une  question  ;  amitié  intime,  intimité  ; 
union  intime  de  l'âme  et  du  corps.  S'oppose  à  Superficiel. 

Intolérance  (Intolerantia,  impatience,  de  in,  négatif,  et  tolerantia,  de 
tolerans,  participe  présent  de  tolerare,  supporter)  :  action  de  ne  pas  supporter 
chez  les  autres  ce  qu'on  désapprouve.  —  Intolérance  :  brutale,  civile,  doctrinale, 
II,  344-346. 

Intrapersonnel  (de  Intra,  dans  l'intérieur  ;  personnel,  de  personalis,  de 
persona,  masque,  personnage,  personnel  :  certains  psychologues  nomment 
inclinations  intrapersonnelles  les  inclinations  égoïstes,  qui  dérivent  de  l'amour 
de  SOI. 


856  TABLE  AXALYTiQiE  :  Iiitrmsèque  ^  Investigation 

Intrinsèque  (de  Intrinsecus,  de  intra,  dans  rintérieur,  et  secus,  autrement,. 
à  parti  :  ce  qui,  entrant  dans  la  nature  d'un  être  ou  la  définition  d'un  concept, 
leur  est  intérieur.  —  Déjwmination  intrinsèque  :  les  Scolastiques  appellent 
ainsi  une  manière  d'être  cjui  convient  à  une  substance  considérée  en  elle-même 
et  non  dans  ses  relations  :  vg.  cet  arbre  est  verdoyant.  — figues  intrinsèques 
d'authenticité  et  d'intégrité,  741.  —  Définition  de  la  vie  :  Motus  ab  intrinseco, 
II,  524.  —  Gloire  intrinsèque  de  Dieu,  II,  636. 

Introspection  (de  l'anglais  Introspection,  de  introspectum,  supin  de  ifitro- 
spicere,  regarder  dans,  =  intra,  dans  l'intérieur  ;  specere,  regarder)  :  méthode 
d'observation  intérieure  ou  méthode  introspective,  719. 

Intuitif  (du  radical  à.'' Intuition)  :  a)  Ce  qui  constitue  une  intuitiçn  ou 
s'accompagne  d'intuition  :  jugement  intuitif,  265-266.  —  Raison  intuitive, 
250  ;  278-2'79  ;  286  ;  797.  —  b)  Celui  qui  est  doué  d'intuition,  vg.  esprit  intuitif. 
—  c)  Ce  qui  est  objet  d'intuition,  vg.  vérité  intuitive. 

Intuition  (Intuitio,  action  de  regarder,  de  intuitum,  supin  de  in-tueri,. 
regarder  attentivement)  :  connaissance  sans  intermédiaire.  — •  Faculté  d'intui- 
tion, raison  intuitive.  250  :  278-279  ;  286.  —  Nécessité  de  l'intuition,  562.  — 
Supériorité  de  l'intuition,  639.  —  Il  n'y  a  pas  d'erreurs  d'intuition,  797-798. 

Intuitionnisme  (de  Intuition)  :  système  de  la  perception  immédiate  du 
monde  extérieur,  161  ;  162-166. 

Intussusception  (de  Ijitus,  au  dedans  ;  susceptio,  action  d'entreprendre,  de 
recevoir,  de  susceptum,  supin  de  suscipere,  prendre  sur  soi,  soutenir,  recueillir, 
de  sus,  en  haut  et  capere,  prendre)  :  mode  d'accroissement  propre  aux  êtres 
vivants,  qui  se  développent  en  s'assimilant  des  aliments,  à  la  différence  des 
minéraux  qui  s'accroissent  par  juxta-position. 

Invariabilité  (de  Invariable,  de  in,  négatif  ;  variabilis,  changeant,  de 
i'ariare,  diversifier)  :  impossibilité  du  changement.  —  Principe  de  l'invariabilité: 
a)  des  causes,  des  essences,  680-681  ;  b\  des  relations  des  êtres,  II,  41. 

Invention  [Inventio,  rencontre,  de  inventum,  supin  de  in-venire,  arriver  sur, 
rencontrer,  découvrir)  :  ce  mot  s'emploie  pour  indiquer  une  combinaison  nou- 
velle de  moyens  en  vue  d'obtenir  une  fin.  L'imagination  est  une  faculté  d'in- 
vention, 232-233.  —  L'imagination  créatrice  est  inventive  dans  le  domaine  : 
a)  des  arts  et  des  lettres,  229  ;  b)  des  sciences,  231. 

Inverse  [Inversus,  participe  passé  de  in-vertere,  inve.rsum,  retourner,  ren- 
verser) :  proposition  inverse  :  celle  dont  les  termes  sont  dans  un  ordre  renversé 
par  rapport  à  ceux  d'une  autre  proposition;  \g.  L'homme  est  Vanimal  raison- 
nable, par  rapport  à  :  L'animal  raisonnable  est  l  homme.  Quand  les  deux  propo- 
sitions sont  vraies,  comme  ici,  on  dit  qu'il  y  a  conversion  ou  réciprocité,  523. 

Inversion  (Inversio,  renversement,  de  inversum,  supin  de  in-vertere,  retour- 
ner, renverser)  :  terme  créé  par  Keynes  pour  signifier  ;  «  Inférence  immédiate- 
par  laquelle  on  conclut  d'une  proposition  donnée  une  autre  proposition  ayant 
pour  sujet  la  contradictoire  du  sujet  primitif.  «  (Cf.  Bulletin  de  la  Société 
française  de  Philosophie,  1909,  p.  274-275).  —  Exemple  :  Tout  homme  est 
raisonnable,  donc  quelque  non-homme  n'est  pas  raisonnable. 

Investigation  (Investigatio,  de  investigatum,  supin  de  in-vestigare,  suivre  à 
l;i  trace,  de  in.  sur  ;  ^estiglum,  plante  des  pieds,  pied,  trace)  :  recherche  atten- 
tive. —  L'analyse  est  une  méthode  d'investigation,  616. 


TABLE  ANALYTIQUE     Inviiicible  —  Irritabilité  857 

Invincible  [Invincihilis,  de  m,  négatif  ;  vincibilis,  qu'on  peut  vaincre,  de 
vincere,  vaincre)  :  ignorance  invincible,  772  ;  II,   115. 

Inviolable,  Inviolabilité  (InviolabiUs,  Inuiolabilitas,  de  in,  négatif  ,  violare, 
violatum,  violer,  outrager,  de  vis,  violence]  :  ce  qu'il  n'est  pas  permis  de  violer. 

—  Inviolabilité  du  droit,  II,  131. 

Involontaire  {Involuntarius,  de  in,  négatif  ;  voluntarius,  de  voluntas, 
volonté,  de  volo,  vouloir)  :  acte  qui  prévient  l'advertence  ;  vg.  les  impulsions 
spontanées  de  la  sensibilité,  les  passions  qui  portent  au  mal  ne  sont  formel- 
lement mauvaises  que  si  elles  sont  acceptées  par  la  volonté,  125.  —  L'erreur 
est  ijivolontaire,  807.  S'oppo?e  à   Volontaire. 

Invraisemblable,  Invraisemblance  (de  In,  négatif  ;  vrai,  de  verum  ;  semblable, 
semhlance  (archaïque),  de  sembler,  de  similare  et  simulare,  être  semblable, 
rendre  semblable,  imiter,  contrefaire)  :  ce  qui  ne  paraît  pas  conforme  à  la 
vérité.  —  Invraisemblance  métaphysique,  physique,  morale,  738-739. 

Irascible  (Irascibilis,  de  irasci,  se  fâcher,  de  ira,  doublet  de  hira,  qui  signifie 
entrailles,  que  les  anciens  croyaient  être  le  siège  de  la  colère)  :  prompt  à 
s'irriter.  —  Appétit  irascible,  44.  —  Passions  qui  en  dérivent,  122. 

Ironie  [Ironia,  îtpwvct'y,  action  d'interroger  en  feignant  l'ignorance,  de 
eîp'ovrJopa'.,  interroger)  :  l'ironie  socratique  est  la  partie  négative  de  la  méthode 
de  SocRATE  pour  réfuter  les  Sophistes.  Elle  consistait  à  feindre  l'ignorance 
et,  par  d'habiles  interrogations,  à  tirer  des  principes  admis  par  l'adversaire 
certaines  conséquences  absurdes  ou  contradictoires,  que  Socrate  retournait 
contre  ces  principes  pour  les  renverser.  La  partie  positive  et  constructive  s'appe- 
lait la  Maïeutique.  Voir  ce  mot. 

Irraisonnable  (de  In,  négatif  ;  raisonnable,  de  raison,  de  rationem)  :  qui 
n'est  pas  doué  de  raison,  252  ;  253.  —  S'oppose  k  Raisonnable. 

Irrationnel  (Irrationalis,  de  in,  négatif  ;  ralionalis,  ce  qui  regarde  le  calcul, 
le  raisonnement,  de  ratio,  calcul,  raison)  :  ce  qui  n'est  pas  conforme  à  la  droite 
raison.  — ■  S'oppose  à  Rationnel. 

Irréductible,  Irréductibilité  (de  In,  négatif  ;  réductible,  de  reductum,  supin 
de  re-ducere,  ramener)  :  ce  qui  ne  peut  se  ramener  à  autre  chose  ou  à  des 
éléments  plus  simples.  —  Irréductibilité  :  a)  des  faits  physiologiques  et  psycho- 
logiques, 25-28  ;  717-718  ;  b)  des  inclinations,  98  :  c)  de  l'instinct  et  de  la 
raison,  107-108.  —  S'oppose  à  Réductible,  Réductibilité. 

Irréflexion  (de  In,  négatif  ;  réflexion,  de  reflexio,  de  reflexum,  supin  de 
re-flectere,  replier)  :  cause  d'erreur,  271  ;  604  ;  804.  —  S'oppose  à  Réflexion. 

Irrégulier  (du  latin  scolastique  irregularis,  de  in,  négatif  ;  regularis,  de 
régula,  règle,  équerre,  de  regere,  diriger)  :  ce  qui  n'est  pas  conforme  à  la  règle. 

—  Syllogismes  irréguliers,  547.  —  Faits  irréguliers  (Bacon),  652. 

Irrésolution  (de  In,  négatif  ;  résolution,  de  rcsolutio,  action  de  détacher, 
relâchement,  de  resolutum,  supin  do  re-solvere,  délier,  désagréger)  :  manque 
de  décision.  —  Faiblesse  de  volonté,  367-368. 

Irréversible  (de  in,  négatif  et  de  reversum,  supin  de  revertere,  revenir  ;  de  re, 
préfixe  qui  marque  mouvement  en  arrière,  et  vertere,  tourner)  :  ce  qui  ne  fait 
pas  ou  ne  peut  faire  retour. 

Irritabilité  (de  Irritabilis,  irritable,  de  irritare,  exciter,  de  irrire,  hirrire, 
gronder,  grogner)  :  faculté  qu'ont  les  éléments  organiques  d'entrer  en  mou- 
vement sous  le  stimulant  de  certaines  causes,  II,  524-525. 


858  TABLE  analytique:  Isolant  —  Joubert  (Joseph) 

Isolant  (de  Isoler,  de  l'italien  isolato,  qui  est  comme  une  île)  :  langues 
isolantes,  456.  —  L'abstraction  isole,  246. 

Ivrogne,  Ivrognerie  (Ivre,  du  latin  populaire  ebrium)  :  excès  dans  le  boire. 
—  Son  châtiment,   114-115  ;  419. 


Jacobi  (Friedrich-Heinrich)  :  nature  de  la  croyance,  788.  —  Critérium 
du  vrai,  816,  1.  —  Satisfaction  morale,  II,  49,  2. 

Jalousie  (de  Jaloux,  du  latin  populaire  zelosum,  de  zclus,  C'J^'iç,   zèle,  envie, 
devenu  jelos,  jalos,  jalons,  jaloux)  :  inclination  malveillante,  94. 

Jamblique  ( 'ïocafi^i/oç)  :  méthode  mystique,  7. 

James  (William)  :  pouvoir  de  la  volonté  sur  le  corps,  359,  4.  —  Le  Prag- 
matisme, 820. 

Janet  (Paul)  :  amour  désintéressé,  100,  1.  — •  Définition  de  la  passion,  113. 

—  Analyse  de  la  conscience  réfléchie,  138,  1  ;  139,  1.  — Nature  de  la  sensation, 
159,  1.  —  Perception  de  la  forme  solide  par  la  vue,  179,  3.  —  Liaison  d'idées, 
217,  1.  —  L'intellect  actif,  250,  1  ;  317,  2.  —  Antériorité  de  l'idée  singulière, 
260,  3.  —  Principe  de  finalité,  335,  1.  —  L'hallucination,  487,  1.  —  Réponse 
à  Hamilton  niant  que  l'attribut  de  la  proposition  affirmative  soit  toujours 
particulier,  535,  1.  —  L'astronomie,  science  d'observation,  663,  1.  —  Méthodes 
de  Stuart  Mill  appliquées  par  Pasteur  à  la  question  de  la  génération 
spontanée,  669,  3.  — •  Critique  du  fondement  de  l'induction  proposé  par 
Lachelier,  676,  7.  —  Utilité  du  doute  méthodique,  774.  —  Objection  contre 
l'universalité  de  la  conscience  morale,  II,  28,  4.  —  Devoirs  envers  les  animaux, 
II,  150,  2,  3.  —  Conflit  des  devoirs,  II,  151,  1.  —  Le  Positivisme,  II,  446-447. 

—  Thèse,  Antithèse,  Synthèse  de  Hegel,  II,  608,  1,  2. 

Jannet  (Claudio)  :  minimum  de  salaire,  II,  360,  1. 

Jardin  (de  l'ancien  français  jard,  d'origine  germanique.  Cf.  haut  allemand 
garto  ;  signifia  primitivement  cour,  maison)  :  art  des  jardins,  II,  408. 

Jean  (Saint)  :  le  Verbe,  769,  1.  —  Vérité  et  lumière,  809,  1.  —  Dieu  est 
charité,  II,  596,  1. 

Jeu  (de  Jocuin,  plaisanterie,  jeu)  :  dépense  d'activité  dont  le  but  (jouir 
d'elle-même)  est  en  fait  perdu  de  vue.  —  Utilité  des  jeux  physiques,  411,  2.  — 
Activité  de  jeu,  103  ;  II,  379-380. 

Jeunesse  (de  Jeune,  de  juvenem)  :  éducation  de  la  jeunesse,  407-414. 
Jevons  (William  Stanley)  :  raisonnement  inductif,  677-678. 

Joie  (du  latin  populaire  Gaudia,  pluriel  neutre  de  gaudium  employé  comme 
féminin  singulier)  :  sentiment  de  la  joie,  d'après  :  a)  Spinoza,  65,  1  ;  80,  2  ; 
124,  3  ;  h)  Aristote,  Sgolastiques  et  Bossuet,  122  ;  c)  Descartes,  124.  — 
La  joie  fait  peur,  469. 

Joli  (pour  Jolif,  jolwe,  dérivé  d'un  radical  jol,  qu'on  a  rapproché  de  l'ancien 
norois  hjol,  fête  solennelle)  :  c'est  le  beau,  moins  l'ampleur,  II,  388-389  ;  390. 

Joséphisme  :  système  administratif  qui  cherche  à  entraver  l'Église,  II,  337. 

Jourert  (Joseph)  :  danger  des  mots  vagues,  365.  —  Outrance  du  pathé- 
tique, II,  403. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Jouffroy  (ThéodoFe)  —  Justice  859 

JouFFROY  (Théodore)  :  psychologie,  science  distincte,  32,  1.  —  Classi- 
fication des  facultés,  36-37.  —  Nature  de  la  sympathie,  88,  1.  —  L'âme  se 
saisit  immédiatement  comme  substance  et  cause,  146,  1.  —  Le  sens  commun, 
286,  1.  —  Les  trois  motifs  d'agir,  397,  1.  —  Instinct  philologique,  444,  4.  — 
Critérium  de  l'évidence  d'après  Reid,  815,  4.  —  Morale  de  la  sympathie  de 
Smith,  II,  83,  1.  —  Nature  de  l'idée  du  bien  rationnel,  II.  103,  2.  —  Définition 
du  beau,  IL  381,  5.  —  Le  Vitalisme,  II,  527  ;  528. 

Jouissance  (de  Jouir,  du  latin  populaire  gaudire,  pour  gaudere,  se  réjouir)  : 
plaisir  qu'on  goûte  dans  la  possession  de  quelque  chose.  —  La  jouissance  ne 
peut  être  la  fin  de  la  loi  morale.  Cf.  Morale  du  plaisir,  II,  48-49. 

Judiciaire  (Judiciarius,  de  judicium,  de  judex,  judicis,  de  jus,  droit  ;  dicere, 
dire)  :  pourvoi  judiciaire,  II,  267.  —  Duel  judiciaire,  II,  167. 

Juge  {Judicem,  de  jus,  droit  ;  dicere,  dire)  :  devoirs  des  juges,  II,  266  ;   267. 

Jugement  (de  Juger,  de  judicare,  d'où  judgar,  jugier,  juger)  :  a)  opération 
de  l'esprit  affirmant  des  rapports  ;  b)  qualité  consistant  à  bien  juger  ;,vg.  un 
homme  de  jugement.  —  Ses  modes,  265.  —  Analyse  du  jugement  aux  points 
de  vue  psychologique  et  logique,  266.  —  Sa  nature  et  son  rôle,  267.  —  Erreurs 
sur  la  nature  du  jugement,  268-269.  — ■  Jugement  et  croyance,  269.  —  Erreur 
cartésienne  sur  le  jugement,  270-271.  —  Rôle  indirect  de  la  volonté,  271.  — 
Division  des  jugements,  272.  —  Jugements  synthétiques  a  priori,  274.  — 
Les  propositions  et  les  jugements,  514  ;  529.  —  Règles  formelles  des  jugements, 
529.  —  L'erreur  est-elle  dans  le  jugement  ?  796  ;  797. 

Jugements  de  valeur  :  les  Pragmatistes  appellent  ainsi  les  jugements  qui 
se  rapportent  aux  moyens  à  prendre  pour  atteindre  une  fin  obligatoire  ou 
souhaitable. 

Jugements  moraux  :  II,  16-17. 

Juridiction  {Jurisdictio,  action  de  rendre  la  justice,  de  jus,  droit  ;  dicere, 
dire  )  :  pouvoir  de  gouverner  et  de  décider  en  matière  juridique.  —  Pouvoir 
indirect  de  juridiction  de  l'État  sur  la  propriété,  II,  193.  —  Pouvoir  de  juri- 
diction do  l'Église,  II,  336. 

Juridique  {Juridicus,  qui  concerne  la  justice,  de  jus,  droit,  justice  ;  dicere, 
dire)  :  science  juridique,  756.  —  Faits  juridiques,  II,  190-191. 

Jurisconsulte,  Juriste,  (du  latin  scolastlque  Jurista.  —  JurisconsuUu^,  de 
jus,  droit,  consuhus,  délil)éré,  de  consullum,  sujun  de  consulere,  siéger  ensemble, 
délibérer,  de  consul,  de  cum-scdere,  siéger  ensemble)  :  celui  qui  donne  son  avis 
ou  écrit  sur  les  questions  de  droit.  —  Les  jurisconsultes  romains  et  le  Gésa- 
risme,  II,  40,  4. 

Jurisprudence  [Jurisprudentia,  science  du  droit,  de  jus,  droit  ;  prudentia, 
prévision,  science)  :  science  qui  applique  la  loi  à  un  cas  donné,  756-757 

Juste  {Justus,  juste,  régulier,  de  jus,  droit)  :  a)  Par  rapport  aux  choses  : 
ce  qui  est  conforme  à  un  droit  strict.  Dans  ce  sens,  il  se  dislingue  de  ce  qui 
n'est  qu'équitable,  II,  162-163.  —  S'oppose  à  Injuste.  —  De  l'idée  de  juste, 
régulier,  on  est  passé  à  celle  d'exact,  précis,  rigoureux.  Le  substantif  corres- 
po'ndant  est  alors  Justesse.  —  b)  Par  rappi>rt  aux  personnes  :  ceUù  qui  possède 
un  jugement  droit  et  y  conforme  sa  conduite. 

Justice  (Justitia,  de  justus,  de  jus.  droit)  :  respect  des  droits  d'autrui, 
II,  161.  —  Justice  sociale  et  liberté,  374.  —  Espèces  :  commutative,  distri- 


860         TABLE  analytique:  Juxtaposcr —  Kleutgen  (Père  J.) 

butive,  pénale,  II,  162-163.  ■ —  Comparaison  avec  la  chanté,  II,  165.  —  Devoirs 
de  justice,  II,  166-207.  —  Corrélation  entre  les  droits  et  les  devoirs  fondés 
sur  la  justice,  II,  138.  —  S'oppose  à  Injustice. 

V 
Juxtaposer,  Juxtaposition  (de  Juxta,  auprès,  poser,  position,  de  ponere,  \ 

positum,  placer)  :  placer  une  chose  à  côté  d'une  autre.  —  Dans  l'association 

il  y  a  simple  juxtaposition  d'idées,  268-269  ;  281.  —  Juxtaposition  des  racines 

monosyllabiques,  456. 


K 


Kabbale  :  voir  Cabale. 


Kant  (Immanuel)  :  A)  Psychologie  :  nature  du  plaisir,  57-58.  —  L'in- 
conscient, 142.  —  Conceptualisme,  254-255.  —  Jugements  synthétiques 
a  priori,  274.  —  Les  douze  catégories,  296-297  ;  II,  431-432.  —  Origine  des 
idées,  314.  — ■  Notion  de  substance,  322-323.  —  Notion  de  cause,  326.  — 
Déterminisme  de  la  nature  et  liberté  nouménale,  384-387.  —  Caractère  empi- 
rique et  caractère  intelligible,  405. 

B)  Logique  :  jugements  :  analytique,  tautologique,  564,  1.  —  Méthode 
de  la  morale,  758-759.  —  Certitude  morale,  782.  —  Science  et  croyance, 
787-788. 

C) Morale:  métaphysique  fondée  surla morale, II,  7; 434. — -Raison pratique 
distincte  de  la  raison  théorique,  II,  25-26.  —  Caractères  deja  loi  morale  :  l'impé- 
ratif catégorique,  II,  44.  • —  Vertu  kantienne,  II,  78  ;  129.  —  Proscription  du 
sentiment  et  de  la  récompense,  II,  87-88  ;  121.  —  Morale  formelle  ou  formalisme 
moral,  II,  96.  —  Nature  de  l'idée  du  bien,  II,  104.  —  Rapports  du  droit  et  du 
devoir,  II,  136,  2.  —  Fondement  des  devoirs  personnels,  l'homme-phénomène 
et  l'homme-noumène,  II,  154-155. 

D)  Esthétique  :  caractères  du  sentiment  esthétique  et  définition  du 
beau,  II,  380-381.  —  Différence  entre  le  beau  et  le  sublime,  II,  389.  —  Sublime 
mathématique  et  sublime  dynamique,  II,  390. 

E)  Métaphysique  :  criticisme  :  a)  Exposé,  II,  430  ;  b)  Critique,  II,  435.  ■ — 
Idéalisme  critique,  II,  498.  —  Portée  du  principe  de  causalité,  II,  559.  —  Argu- 
ment des  causes  finales,  II,  562,  1.  —  Critique  de  la  preuve  ontologique,  II, 
571,  12. 

Kantien  (de  Kant)  :  ce  qui  se  rapporte  à  la  doctrine  de  Kant  ;  vg.  vertu 
kantienne,  II,  78  ;  129. 

Kantisme  :  philosophie  de  Kant,  appelée  aussi  Criticisme.  —  Kantiste  : 
partisan  du  système  de  Kant. 

Kantisme  (Néo-)  :  renouvellement  du  Kantisme,  qui  s'est  produit  surtout 
en  Allemagne,  depuis  quelques  années,  au  cri  de  :  Revenons  à  Ka.\t. 

Kepler  (Johann)  :  savant  et  croyant,  II,  447-448. 

Kinesthésique  (de  Kivr^Gii;,  mouvement  ;  aïaOïiai;,  sensation)  :  la  sensation 
kinestliésique  est  celle  que  le  mouvement,  surtout  volontaire,  provoque. 
On  écrit  aussi  cinesthésique. 

Kleutgen  (Pk re  Joseph)  :  critique  du  système  suarézien  sur  la  connais- 
sance des  futuribles,  II,  592,  2.  —  Dieu  et  la  connaissance  des  actes  libres, 
II,  594,  1. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  La  Bruyère  (Jean  de)  —  Langue  861 


La  Bruyère  (Jean  de)  :  l'émulation,  95.  —  Le  goût,  II,  407,  2.  — 
L'athéisme,  II,  565,  1. 

Lac  (Père  Stanislas  du)  :  utilité  morale  des  exercices  physiques,  411,  2. 
Mot  sublime  d'un  enfant,  II,  412,  2. 

Lachelier  (Jules)  :  l'idée  de  fin,  333,  1.  —  Séries  de  phénomènes  liés 
entre  eux,  384,  3.  —  Figures  du  syllogisme,  537-538.  — •  Fondement  de  l'induc- 
tion, 676,  7.  —  Distance  entre  probabilité  et  certitude,  680,  1.  —  Pampsy- 
chisme,  II,  443,  1. 

Lâcheté  (de  Lâche,  de  lâcher,  de  lascare,  latin  populaire  pour  laxare,  élargir, 
relâcher,  de  laxus,  large)  :  manque  d'énergie,  de  courage.  —  Lâcheté  :  a)  du 
suicide,  II,  157  ;  6)  du  duel,  II,  167. 

Lafargue  (Paul)  :  marxiste,  II,  200  ;  372,  2. 

La  Fontaine  (Jean  de)  :  l'instinct  n'est  pas  un  mécanisme,  108.  — 
Ne  pas  proscrire  les  passions  comme  les  Stoïciens,  119,  2.  —  Passions,  cause 
d'erreur,  804,  2.  —  Exemple  de  solidarité  organique,  II,  70,  3.  —  Beau  et  bien, 
II,  385,  2. 

Laid  (de  l'ancien  haut  allemand  laid,  qui  signifie  désagréable)  :  force  dé- 
ployant une  pui.çsance  désordonnée.  —  Sa  nature,  II,  390-391. 

Lalouère  (Père  Antoine  de  la  Loubère,  nommé  par  Montucla)  : 
attaque  injuste  de  Pascal,  654,  1. 

Lamarck  (Jean-Baptiste  de  ]\Iouet,  Chevalier  de)  :  l'instinct,  110-111 

—  Précurseur  de  Darwin,  II,  612-613  ;  626. 

Lamartine  (Alphonse  de)  :  la  patrie,  92,  1.  —  L'homme,  II,  551. 

La  Mennais  (Félicité-Robert  de)  :  origine  du  langage,  442,  4.  —  Crité- 
rium du  consentement  universel,  815.  —  Défiance  de  la  raison,  II,  422. 

La  Mettrie  (Julien  Offroy  de)  :  matérialisme,  II,  540. 

La  Mothe  le  Vayer  (François  de)  :  rabaisse  la  raison  pour  exalter  la  foi, 
comme  les  Fidéistes  dont  il  est  un  précurseur  avec  Huet,  II,  422.  Cf.  818,  4. 

Lancklot  (Dom  Claude)  :  culture  artificielle  de  la  mémoire,  209. 

Langage  (de  Langue,  de  lingua)  :  expression  des  pensées  et  des  sentiments 
par  différents  signes.  -  Espèces  diverses,  438-440.  —  Origine  du  langage  : 
systèmes  divers  :  a]  Invention  conventionnelle,  441  ;  b)  Révélation  divine, 
442  ;  c)  Instinct  philologique,  444  ;  d)  Hypothèse  transformiste,  446  ;  e)  Ela- 
boration progressive,  446.  —  Influence  de  la  pensée  sur  le  langage  et  du 
langage  sur  la  pensée,  450.  —  Peut-on  penser  sans  langage  ?  451.  —  Inconvé- 
nients du  langage,  453.  —  Unité  primitive  du  langage,  460.  —  Sophismes  de 
mots,  798.  —  Langage,  cause  d'erreurs,  80». 

Lange  (Friedrich-Albert)  :  critique  de  Bacon,  670,  3. 

Langue  (Lingua)  :  langage  parlé  ou  écrit  propre  à  un  peuple.  —  Classifi- 
cations aux  points  de  vue  psychologique,  morphologique,  généalogique,  455-460. 

—  Qualités  d'une  lantxue  bien  faite,  460.  —  Projet  de  langue  universelle,  46 L 

—  L'analogie  dans  lès  langues,  711.  —  Les  langues,  source  d'informations, 
722-723. 


862      TABLE  ANALYTIQUE  :  Lannelonguc  (O.-M.)  —  Leibniz  (G.-W.) 

Lannelongue  (Odilok-Marc)  :  l'alcoolisme,  II,  375,  2. 

Laplace  (Pierre-Simon,  Marquis  de)  :  la  nébuleuse  primitive,  655,  1. 

Lapôtre  (Père  Arthur)  :  critique  historique,  739,  4. 

Large  {Largus,  abondant,  ample)  :  devoirs  larges,  II,  149. 

La  Rochefoucauld  (François  VI,  Duc  de)  :  l'amour-propre,  98-100.  — 
Jugement  et  mémoire,  268,  2  ;  287,  1.  —  Esprit  dupe  du  cœur,  117  ;  805,  1. 

Laromiguière  (Pierre)  :  abstraction  spontanée,  246.  — ■  Simplicité  de 
l'âme,  11,538-539,  1.  —  Laromiguière  attribue  à  tort  le  médiateur  plastique 

à  CUDWORTH,   II,    545,    1. 

Lassalle  (Ferdinand)  :  socialisme,  II,  200,  4. 

Latent  (Latens,  de  latere,  être  caché)  :  ce  mot  est  pris  quelquefois  comme 
synonyme  d'obscur,  d'inconscient,  143-144  ;  199. 

Lavater  (Jean-Gaspard)  :  l'âme  embellit  le  corps,  470,  2. 

Laxisme  (de  Laxus,  large)  :  règle  de  conduite  trop  large,  II,  35. 

Légal  [Legalis,  de  lex,  le  gis,  loi)  :  ce  qui  est  conforme  à  la  loi  ou  réglé  par 
elle.  —  Légal  et  légitime,  II,  40.  —  Assistance  publique,  charité  légale,  II,  264. 

Légalité  (Legalitas,  de  legalis,  relatif  aux  lois,  de  lex,  legis,  loi)  :  conformité 
aux  lois  positives.  —  Distinction  entre  légalité  et  légitimité,  II,  40. 

Législatif  (de  lex,  loi  ;  latum,  supin  de  ferre,  porter)  :  qui  a  pour  mission  de 
faire  des  lois.  — ■  Pouvoir  législatif,  II,  266. 

Légiste  (du  bas  latin  Legista,  de  lex,  legis)  :  celui  qui  est  versé  dans  l'étude 
des  lois.  —  Influence  pernicieuse  des  jurisconsultes  et  légistes,  II,  40. 

Légitimation  (de  Légitimer,  de  légitime)  :  action  de  rendre  légitime.  — 
Légitimation  dx  pouvoir,  II,  225-227  ;  231-232.  —  Légitimation  de  la  concur- 
rence en  matière  d'enseignement,  II,  257. 

Légitime  (Legitimus,  conforme  aux  lois,  de  lex,  legis,  lui)  :  ce  qui  est  fondé 
en  droit.  —  Pouvoir  légitime,  II,  223-224  ;  225-227. 

Légitimité  (de  Légitime,  de  legitimus,  conforme  aux  lois,  de  lex,  loi)  : 
conformité  à  la  nature  des  choses,  au  droit,  à  la  loi.  —  Légitimité  :  a)  de  la 
Psychologie,  32  ;  b)  de  la  loi,  II,  39-40  ;  c)  du  pouvoir,  II,  223-224  ;  225-227  ; 
d]  "du  prêt  à  intérêt,  II,  356-357  ;  e)  de  la  MétapJujsique,  II,  419-420  ;    421-455. 

Legs  (pour  Lais,  substantif  verbal  de  lai.sser  ;  on  écrit  legs  par  rappro- 
chement de  legatum,  legare,  charger  de,  léguer)  :  don  laissé  par  testament.  — 
Conséquence  du  droit  de  propriété,  ^,  197. 

Leibniz  (Gottfried  Wilhelm)  :  A)  Psychologie  :  Philosophes  et  méde- 
cins, 29.  —  Empirisme  des  bêtes  :  simples  consécutions,  107  ;  269,  1  ;  492,  8. 

—  Petites  perceptions,  142,  4  ;  145,  1.  —  Objet  de  la  vue,  179,  1.  —  Survivance 
des  idées,  199,  3.  —  Réalisme  modéré,  256-257.  —  Noms  propres,  258,  1.  — 
Le  grain  des  choses,  279.  —  Principe  de  raison^  289,  1.  —  Réduction  des  vérités 
premjt  res,  291,  1.  —  Caractères  des  vérités  premières,  292,  1  ;  293,  1,2; 
295,  1.  —  Théorie  du  châtiment,  374,1.  —  Déterminisme  psychologique,  392. 

—  Langue  universelle,  462,  1,2.  —  Rêve  et  réalité,  476. 

B)  Logique  :  la  cité  de  Dieu,,  750,  1.  —  Certitude  morale,  783,  1.  —  Crité- 
rium de  la  vérité,  816.  —  Espèces  de  certitude,  816,  3.  —  Logiqiie  et  bon  sens, 
S41,  1.  —  Avantages  de  la  méthode  syllogislique,  842,  5,  6. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Lemme  —  Leucippe  863 

G)  Morale  :  morale  et  géométrie,  II,  29,  2.  —  L'idée  de  perfection,  II, 
105-106. 

D)  MÉTAPHYSIQUE  :  réfutation  du  Mécanisme  cartésien,  II,  509,  3.  — 
Dynamisme  interne,  II,  511-513.  —  Divisibilité  de  la  matière,  II,  513.  — 
Harmonie  préétablie,  II,  547.  —  Les  vérités  éternelles,  II,  567.  —  Preuve 
ontologique,  II,  570-571.  —  Espace  et  temps,  II,  503-504.  —  Connaissance 
des  futurs  conditionnel»,  II,  590-591.  — ■  Dieu  et  le  miracle,  643,  1.  —  Opti- 
misme absolu,  II,  646-647. 

Lemme  (A/;;7.y.a,  tout  ce  qu'on  prend  ou  reçoit,  une  des  prémisses,  deX«;ji.JiJ2'"'stv, 
prendre).  —  a)  "Sin  Mathématiques:  proposition  ou  remarque  préliminaire,  établie 
pour  préparer  la  démonstration  d'une  proposition  ou  thèse  principale.  Spinoza 
se  sert  souvent  de  ce  terme. — b)  En  Logique  :  Aristote  {Topiques,  L.  I,Ch.  1, 
§  9  ;  VIII,  Ch.  I  §  9)  entend  par  là  les  prémisses  du  syllogisme.  —  Ce  mot  signifie 
aussi  :  ce  que  l'on  prend  pour  accordé,  assomptioir,  thèse. 

Lemoine  (Albert)  :  impression  sensorielle,  167,  5.  —  Bienfait  de  l'habi- 
tude, 424,  1. 

Lenormant  (François)  :  histoire  ancienne  et  histoire  moderne,  749,  5. 

LÉON  XIII  :  l'usage  des  biens,  II,  193,  1.  —  Autorité  paternelle,  II,  252, 
3,  4.  —  Liberté  de  la  croyance,  II,  344,  2.  —  Mesure  du  salaire,  II,  359, 1,  3. 
—  Démocratie  chrétienne,  II,  240,  1,  3.  —  Approbation  du  programme  social 
d'ALBERT  de  MuN,  II,  373-374. 

Le  Play  (Frédéric)  :  danger  des  grands  mots  vagues,  455,  2.  —  L'obser- 
vation du  Décalogue,  II,  186  ;  342.  —  Formes  diverses  de  la  propriété,  II, 
195-196.  —  Liberté  testamentaire  illimitée,  II,  198,  1.  —  Faux  dogmes  de  la 

S  évolution,  II,  299  ;  349.  —  Prospérité  sociale  et  moralité,  II,  364-365.  — 
éclaration  des  droits  de  l'homme,  II,  299-300. 

Lequier  (Jules)  :  dilemme,  386,  2  ;  II,  439-441. 

Leroux  (Pierre)  :  perfectibilité  humaine,  II,  327. 

Le  Roy  (Edouard)  :  pragmatisme,  826-828.  —  Pampsychisme,  II,  443. 

Leroy-Beaulieu  (Paul)  :  la  Morale  et  l'Économie  politique,  II,  364,  1. 
— -  Liberté  économique,  II,  369,  4. 

Lésion  {Lœsio,  de  Isesum,  supin  de  lasdere,  heurter,  blasser)  :  lésion  du 
cerveau,   29. 

Lessius  (Léonard)  :  origine  du  pouvoir  politique,  II,  224-227.  —  Résis- 
tance à  la  tyrannie,  II,  290,  5. 

Léthargie  {Lethargia,  AYiOapvt'a.  de  Xr.OapYoç,  léthargique,  de  A-/-(/r„  oubli  ; 
àpyo;,  contraction  de  «ep'/oç,  qui  ne  travaille  pas,  de  à  privatif,  spvov,  action)  : 
état  pathologique  marqué  par  l'oubli,  la  somnolence  ou  même  le  sommeil.  — 
Phase  du  sommeil  hypnotique,  479. 

Lettré  {Litteratus,  marqué  de  caractères,  de  liitera,  lettre)  :  expérience 
«  lettrée  »  (JBacon),  c'est-à-dire  écrite,  660,  2. 

Lettres  (Litterœ,  caractères  d'écriture,  cpître,  belles-lettres)  :  Belles-Lettres, 
source  d'informations  psychologiques,  723.  —  Philosophie  des  Belles-Lettres, 
599. 

Leucippe  (A^uxititto;,  de  /e-jxo;,  brillant,  blanc;  ÎTrTro;,  cheval)  :  École 
atomistique,  167. 


864  TABLE  ANALYTIQUE  :  Levêquc  (Charles)  —  Licence 

LÉYÊnuE  (Charles)  :  beau  et  sublime,  II,  389,3.  —  Ridicule,  laid,  horrible, 
II,  390,  r.  —  Effets  de  l'idéal,  II,  396,  2.  —  L'art  s'élève  comme  s'élèvent 
beautés  et  signes,  II,  409,  4. 

Leverrier  (Urbain)  :  application  de  la  Méthode  des  restes,  670,  1. 

Lewes  (George-Harris)  :  phénoménisme  relativiste,  II,  427-428. 

Liaison  (de  Lier,  de  ligare,  lier)  :  influence  des  liaisons  et  compagnies.  117. 

—  Liaison  d'idées,  199  ;  217,  L  —  Liaison  physique  entre  les  vivants,  II, 
623-624. 

LiARD  (Louis)  :  le  syllogisme,  série  d'équations,  552,  2.  —  Critique  du 
Positivisme,  II,  450,  1. 

Libéralisme  (de  Libéral,  de  liberalis,  qui  concerne  la  liberté,  de  liber,  libre)  : 
a]  Sens  général  :  doctrine  favorable  à  la  liberté.  —  b)  Sens  particuliers  :  1")  Libé- 
ralisme politique,  II,  291-292.  —  2°)  Libéralisme  social-religieux,  II,  292.  — 
3°)  Libéralisme  catholique,  II,  293-294.  —  4°)  Libéralisme  économique,  II,  369-370. 

L\héTBlité{Liheralitas,  de  liberalis,  qui  concerne  la  liberté,  digne  d'un  homme 
libre,  de  liber,  libre)  :  disposition  à  donner  volontiers.  —  D'après  La  Roche- 
foucauld, 98. 

LiBERATORE  (PÈRE  Matteo)  :  conceptuaHsme  d'ABÉLARO,  255,  1.  —  De 
l'exemplarisme  divin,  257,  1. 

Libertaire  (de  Liberté)  :  mot  nouveau  pour  désigner  les  partisans  de  la 
doctrine  anarchiste. 

Liberté  [Libertas,  de  liber,  libre^  :  sens  psychologique  :  pouvoir  qu'a  la 
volonté  d'opter  entre  deux  possibilités.  —  Les  actes  volitifs  sont  libres,  34. 

—  Volonté  et  liberté,  356.  ---  Analyse  de  l'acte  libre,  357.  —  Essence  de  l'acte 
libre,  358.  —  Nature  de  l'acte  volontaire  et  libre,  361.  —  Liberté,  élément  de 
la  personnalité,  365-366.  —  Diverses  espèces  de  libertés  :  liberté  morale  ou 
libre  arbitre,  liberté  physique  ou  d'action,  liberté  de  perfection,  368. 

Preuves  de  la  liberté:  1")  Témoignage  de  la  conscience,  370.  2°)  Témoignage  de 
l'humanité,  372.  3°)  Preuves  morales  :  devoir,  responsabilité,  373.  4°)  Justice 
■sociale,  374.  —  Preuves  insuffisantes,  374-375.  —  Objections  de  Stuart  Mill 
et  de  Spinoza,   370-374. 

Erreurs  opposées  à  la  liberté,  375  :  1°)  Fatalisme,  376.  2°)  Déterminisme  : 
a)  scientifique,  383;   b]  physique  et  physiologique,  390;  c)  psychologique,  392. 

—  Liberté  phénoménale  et  liberté  nouménale  de  Kant,  386-387. 

Vraie  nature  du  libre  arbitre,  398.  —  Conditions,  degrés  et  limites  de  la 
liberté,  400.  —  Nécessité  et  liberté,  402.  —  Le  caractère  et  la  liberté,  406.  — 
L'habitude  et  la  liberté,  425.  —  Liberté  individuelle,  II,  183.  —  Liberté  du 
travail,  II,  187.  —  Liberté  de  conscience,  IL  183.  —  Liberté  de  penser,  de  la 
presse,' IL  183.  —  Liberté  d'enseignement,  II,  254-257.  —  Liberté  civile  et 
liberté  politique,  369.  II,  291.  —  Liberté  des  cultes,  II,  184-185;  341-342; 
345.  —  La  liberté,  postulat  de  la  loi  morale,  373  ;  II,  434-435.  —  La  liberté  en 
Dieu,  II,  598.  —  La  liberté  et  le  mal,  II,  644-645. 

Libre  arbitre  :  voir  Liberté. 

Libre  échange  Me  Liber;  échange,  substantif  verbal  d'échanger,  de  e  [en 
latin  ex),  et  changer,  du  latin  populaire  cainbiare)  :  échange  sans  entraves  et 
prohibitions  légales,  II,  355. 

Licence  [Licentia,  liberté,  de  licet,  il  est  permis)  :  ce  mot  est  pris  :  a)  En 
bonne  part,  pour  signifier  permission  de  faire  quelque  chose  ;  vg.  le  grade  de 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Liébeault  (Ambioise-Auguste)  —  Locke  (John)     865 

licence  (=  liccntia  docendi,  faculté  d'enseigner).  —  h) 'Etn  mauvaise  part,  pour 
indiquer  une  trop  «grande  liberté,  d'où  résultent  des  excès  qui  doivent  être 
réprimés,  II,  183-185. 

LiÉBEAULT  (Ambroise-Auguste)  :  hypnotisme,  480. 

LiEBiG  (JusTus  von)  :  critique  de  Bacon,  670,  3. 

Liégeois  (Jules)  :  hypnotisme,  480. 

Lieu  (de  Locum)  :  absolu,  relatif,  II,  506. 

Lieux  communs  :  ce  sont  les  sources  d'arguments.  Aristote  appelait  cette 
partie  de  la  Logique,  les  Topiques  ;  les  Scolastiques,  VInvention. 

Liminal  (de  Limen,  liminis,  seuil)  :  ce  qui  a  rapport  au  seuil  :  de  la  conscience 
144  ;  ou  de  l'excitation,  70  ;  726-727. 

Limitatif  (de  Limitatwn,  supin  de  limitare,  délimiter,  de  limes,  chemin  de 
traverse,  limite  entre  deux  champs)  :  Kant  appelle  jugement  limitatif  ou 
indéfini  celui  qui  range  le  sujet  dans  une  classe  déterminée  par  la  négation 
d'un  attribut  :  A  est  îion-B,  l'âme  est  non-mortelle.  —  Le  caractère  des  termes 
négatifs  est  de  limiter. 

Limitation  [Limitatio,  de  Umitatum,  supin  de  limitare,  délimiter)  :  c'est  un 
des  termes  de  la  catégorie  de  la  Qualité,  d'après  Kant,  296  ;  II,  432.  —  La 
conversion  par  accident  s'appelle  quelquefois  par  limitation,  534. 

Limite  [Limes,  limitis,  chemin  de  traverse,  limite,  de  limus,  oblique)  :  la 
limite  c'est  la  négation  d'une  étendue  ultérieure.  —  En  mathématique,  la 
limite  est  une  grandeur  dont  une  autre  grandeur  peut  s'approcher  indéfiniment 
sans  pouvoir  jamais  l'atteindre  ;  vg.  le  cercle  est  la  limite  des  périmètres  des 
polygones  inscrits.  A  l'infini,  la  grandeur,  qu'on  fait  varier,  se  confond  avec 
sa  limite.  —  Au  sens  figuré  :  la  limite  est  le  point  extrême  où  s'arrête  l'exercice 
d'un  pouvoir  ;  vg.  limites  des  opérations  intellectuelles,  237  ;  345.  —  Limites 
du  droit  de  propriété,  II,  192-194.  —  Limites  des  fonctions  de  l'État,  II,  250. 

—  Limites  de  la  connaissance  d'après  les  Positivistes,  II,  446-447. 

Limitrophe  [Limitroplius,  de  limes,  limitis,  limite  ;  'p^'y'"',  parfait  tîTpo-^a, 
rendre  épais,  nourrir)  :  faits  limitrophes  (Bacon),  652. 

Linguistique  (de  Linguiste,  de  /t«g«a,-langue)  :  science  du  langage.  —  Place 
dans  les  sciences,  2  ;  594. 

Littré  (Emile)  :  le  Positivisme,  II,  446,  3. 

Local  (Localis,  de  locare,  placer,  de  locus,  lieu)  :  signe  local,  191-192  ;  193. 

—  Mouvement  local,  506,  2. 

Localisation  (de  Localiser,  de  local)  :  action  de  circonscrire"  en  un  lieu  déter- 
miné. —  Localisations  cérébrales,  27  ;  207.  —  Localisation  des  sensations 
internes,  76.  —  Localisation  apparente  des  sensations,  77-78.  —  Mécanisme 
de  la  localisation  des  sensations,  190.  —  La  localisation  des  souvenirs,  201-205. 

Locatif  (de  locatum,  supin  de  locare,  placer,  louer,  de  locus,  lieu)  :  ce  qui  a 
trait  à  la  chose  louée.  —  Valeur  locative  servant  à  évaluer  le  revenu,  II,  280. 

Locke  (John)  :  idées  représentatives,  168.  —  Qualités  premières  etsecondes 
de  la  matière,  178.  —  Objet  de  la  vue,  180,  2.  —  Définition  du  jugement,  265,  1. 

—  Origine  empirique  des  idées,   302.  —  L'Empirisme,   686.  —  Matière  et 
pensée,  II,  542-543. 


866  TABLE  ANALYTIQUE  :  Lock-out  —  Loïs  (Principe  des) 

Lock-out  (mot  anglais  signifiant  fermer  la  porte  sur  quelqu'un)  :  ce  mot 
s'applique  aux  contre-grèves  formées  par  les  patrons. 

Locomotrice  (de  l'ablatif  Loço,  de  locus,  lieu  ;  moteur,  motrice,  de  motum, 
supin  de  movere,  mouvoir)  :  ce  qui  permet  de  se  mouvoir.  —  Fonction  loco- 
motrice, 36. 

Logarithme  (du  latin  scientifique  Logarithinus,  de  À070Ç,  rapport  ;  aptî/txôç, 
nombre)  :  logarithme  de  l'excitation  (Loi  de  Fechner),  727. 

Logique  (Logicus,  relatif  au  raisonnement,  de  logus,  discours,  raison. 
Cf.  AG'/LKôç,  Xôyoç)  :  a)  ce  qui  est  conforme  aux  exigences  de  la  raison  ;  vg. 
conséquence  logique  du  sjilogisme,  282  ;  561;  ;  b)  rapports  logiques,  c'est-à-dire 
fondés  sur  la  nature  des  choses,  216.  —  Associations  logiques,  199  ;  217.  • — 
Certitude  de  raison  ou  logique,  779. 

Logique  (La)  (r,  "£/•>-/),  l'art  ;  /oyix/;,  qui  concerne  le  raisonnement,  de 
Àoyo;,    discours,   raison)  :  science  de  bien  penser.  —  Science  normative,  504. 

—  Objet  de  la  Logique,  505.  —  Science  et  art,  506.  —  Division  de  la  Logique  : 
formelle,  matérielle,  critique,  507.  —  Rapports  de  la  Logique  avec  la  psycho- 
logie, la  morale,  la  métaphysique  et  les  autres  sciences,  509.  ■ —  Domaine  et 
division  de  la  Logique  formelle,  514.  —  Logique  matérielle  ou  spéciale,  576. 

—  Logique  critique,  768.  • —  Méthode  de  la  Logique,  757.  — •  Utilité  de  la 
Logique,  840. 

Logistique  (Lsk)  {Logisticus,  AoytTxtxo;,  qui  concerne  le  calcul,  le  raisonne- 
ment, de  Ao •''■•'?,  discours,  raison)  :  on  a  proposé  d'appeler  ainsUa.  Logique  algorith- 
mique ou  symbolique,  qui  vise  à  exprimer  les  jugements  et  les  raisonnements 
par  des  symboles  analogues  à  ceux  qu'emploie  l'Algèbre.  C'est  pourquoi  on  la 
nomme  aussi  V  Algèbre  de  la  Logique,  566. 

Logos  (Aoyoç,  parole,  verbe,  au  sens  de  parole,  raison)  :  pour  certains 
Platoniciens,  c'est  Dieu  considéré  comme  Raison  suprême,  source  et  siège 
des  Idées,  257,  2.  —  Chez  Philon,  le  Logos  occupe  un  rang  intermédiaire 
entre  Dieu  et  les  puissances  ;  mais  il  n'a  pas  une  personnalité  distincte  :  c'est 
une  abstraction  personnifiée.  —  Dans  la  théologie  chrétienne,  le  Logos  ou 
Verbe  est  la  seconde  personne  de  la  Sainte  Trinité.  Cf.  J.  Lebreton,  Les 
Origines  du  dogme  de  la  Trinité.  L.  I,  Ch.  11,  p.  41-73  ;  L.  II,  Ch.  m,  p.  183-205. 
Paris,  1910. 

Loi  (de  Legem]  :  sens  général  :  règle  constante  d'après  laquelle  un  ordre 
de  choses  s'accomplit  ou  doit  s'accomplir,  II,  37.  — -  Détermination  de  la  loi 
dans  les  sciences  physiques  et  naturelles,  648-649;  673;  687-688.  —  Loi  physique 
••tloi  morale,  II,  38.  —  Iaà  éternelle,  morale,  naturelle,  II,  39.  —  Loi  positive,  II, 
:)9.  —  Loi  civile,  conditions  de  sa  légitimité,  II,  39-40.  —  Loi  naturelle  et  lois 
•  iviles,  II,  40-41.  —  Lois  politiques,  II,  41.  —  Ordre  hiérarchique  des  lois,  11,41. 

—  Existence  de  la  loi  morale,  II,  42.  —  Ses  caractères,  II,  44.  —  Loi  morale 
d'après  Kant,  II,  96-98  :  98-101.  —  Postulats  de  la  loi  morale,  II,  434-435.  — 
Preuve  de  l'existence  de  Dieu  tirée  de  la  loi  morale,  II,  568-569.  —  Loi  empi- 
rique et  loi  dérivée,  621.  —  Lois  psychologiques,  729.  —  Lois  historiques 
et  sociales,  753.  —  Loi  psychologique  et  loi  ontologique,  761-762.  —  Loi 
logique  et  loi  ontologique,  II,  435-436.  —  Lois  de  l'art,  II,  401. 

Lois  de  l'esprit  :  principes  premiers  auxquels  la  pensée  doit  se  conformer 
pour  s'exercer  normalement,  291. 

Lois  (Principe  des)  :  formule,  290,  —  L'École  écossaise  l'applique  mal,  676. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  LoRibroso  (Césare)  —  Mac-Nish  (D^)        867 

LoMBROso  (Cesare)  :  génie  et  névrose,  226,  1. 

LoNGHAYE  (PÈRE  Georges)  :  usagc  des  passions  dans  le  d^ame,  120,  2. 
—  Union  du  mot  et  de  l'idée,  452,  5.  —  Dangers  des  grands  mots,  453,  2  ; 
remède,  455,  3.  —  Nature  de  la  parole,  461,  1.  —  Théorie  des  Belles-Lettres, 
599.  —  Lois  d'expansion  et  de  proportion  dans  l'œuvre  d'art,  II,  402,  2.  — 
Le  goût,  II,  407,  1.  —  L'art  et  la  morale,  II,  411,  1.  —  L'âme  de  l'artiste,  II, 
411-412.  —  L'idéal  chrétien,  II,  412,  5. 

Lotze  (Rudolf*  Hermann)  :  l'inconscient,  142.  —  Objet  de  la  vue,  179,  2. 

Louage  (de  Louer,  de  locare,  placer,  louer,  de  lociis,  lieu)  :  contrat  de  louage, 
II,  356. 

Loyer  {Locarium,  loyer  d'un  emplacement  pour  marchandises,  de  locare. 
placer,  louer,  de  locus,  lieu)  :  indice  de  la  valeur  du  revenu,  II,  280. 

Lucide  (Lucidus,  éclatant,  de  lux,  lumière)  :  somnambulisme  lucide, 
479-480. 

Lucrèce  (Titus-Lucretius-Carus)  :  amertume  du  plaisir,  67.  —  Idées- 
images,  167.  —  Origine  du  langage,  442,  2.  —  Atomisme,  II,  507  ;  600. 

Lumière  {Luminaria,  volets  d'une  fenêtre,  pluriel  du  neutre  luminare, 
employé  substantivement  comme  féminin  singulier,  de  lumen,  lux,  lumière, 
de  luceo,  briller)  :  les  Scolastiques  appellent  lumière  intellectuelle  la  vertu 
illuminatrice  de  l'intellect  agent,  316-317. —  Dieu,  lumière  de  l'âme,  II,  453. 

Lutin  (Origine  inconnue)  :  esprits  lutins,  488. 

Lutte  (Substantif  verbal  de  Lutter,  du  latin  populaire  luctare)  :  latte  pour 
la  vie,  Struggle  for  life,  II,  614-615. 

Luxe  {Luxus,  excès,  profusion)  :  a)  usage  des  choses  coûteuses,  II,  361  ; 
b)  chose  superflue. 

LuYs  (Jules)  :  phosphorescences  cérébrales,  197,  1.  —  Mésaventure  dans 
une  expérience  hypnotique,  483,  1. 

Lycée  (Lyceum,  Auxstov)  :  Aristote  enseignait  dans  un  gymnase  au 
N.-E.  d'Athènes,  voisin  d'un  temple  consacré  à  Apollon  surnommé  /ûx.uo;, 
tueur  de  loups  Q^wo;). 

Lymphatique  (de  Lymphe,  de  lympha,  eau  claire)  :  tempérament  lympha- 
tique, 391.  —  Caractère  lymphatique,   404. 

Lypémanie  (de  Auti-^,  chagrin  ;  wavîa,  folie)  :  penchant  aux  idées  tristes  et 
au  désespoir,  488. 


M  :  indique  une  mutation,  à  savoir,  la  transposition  des  prémisses,  539  ; 
540. 

Macération  (Maceratio,  de  maceratum,  supin  de  macerare,  faire  tremper, 
amollir,  affaiblir,  de  macer,  maigre)  :  pénitences  et  austérités,  II,  158. 

Machiavelli  (Nicolô)  :  Le  Prince,  590.  —  Machiavélisme,  II,  32  ;  325. 

Mac-Nish  (D')  :  cas  d'amnésie,  210,  2. 


868  TABLE  ANALYTIQUE  :  Macrocosme  —  Mal 

Macrocosme  (Maxoôç,  long,  grand  ;  /ocp-oç,  monde)  :  l'univers  est  appelé 
macrocosme  par  opposition  à  l'homme,  qui  est  un  microcosme,  25  ;  49. 

Magendie  (François)  :  distinction  des  nerfs,  71.  —  Méthode  empirique, 
686,  et  note  2. 

Magistrat  {Magistratus,  d'un  verbe  archaïque  magistrare,  remplir  les  fonc- 
tions de  maître,  de  chef,  de  magister,  celui  qui  dirige,  le  maître,  de  la  racine 
mag,  d'où  magnus,  grand,  magis,  plus)  :  pouvoir  judiciaire,  II,  267.  ;—  Condi- 
tions de  l'indépendance  des  magistrats,  II,  266.  —  Ils  doivent  appliquer  la  loi 
avec  justice,  II,  266. 

Magnétisme  (du  radical  de  Magnétique,  de  Magneticus,  Ma-N-vriTixoç,  de 
Mayvrj;,  qui  est  de  Magnésie,  o  Mayvr,ç  Xi'ôoç,  la  pierre  de  Magnés,  l'aimant)  : 
a)  puissance  d'attraction  propre  aux  aimants  ;  h)  puissance  d'endormir  quel- 
qu'un :  magnétisme  de  Mesmer,  478. 

Maîeutique  ('H  Tv/yr^  fxatïuTtxv;,  l'art  d'accoucher,  de  a«tîJoaat)  :  la 
Maïcutiquc  est  la  partie  positive  de  la  méthode  socratique  :  c'est  l'art  d'accou- 
cher les  esprits.  Socrate,  s'imaginant  que  la  science  est  innée  en  chaque 
homme,  s'efforçait  par  des  interrogations  bien  conduites  d'amener  son  inter- 
locuteur à  prendre  conscience  des  vérités  qu'il  était  censé  renfermer  en  lui- 
même.  Platon  expose  la  Maîeutique  dans  le  Théétète.  —  Ulronie  est  la  partie 
négative  de  la  méthode  socratique. 

Main  (Manum)  :  sa  supériorité  comme  organe  du  tact,  186,  1. 

Maine  de  Biran  (Marie-François-Pierre  Gonthier  de  Biran,  dit)  : 
conscience,  mode  fondamental  des  facultés,  140.  —  Contre  l'innéité,  312,  4. 
—  Origine  des  notions  premières,  315,  2.  —  Origine  de  l'idée  de  cause,  327.  — 
Les  deux  pôles  :  moi.  Dieu,  II,  574,  1. 

Mainmorte  {Manus  mortua)  :  a)  droit  féodal  de  mainmorte,  II,  286  ;  b)  gens 
de  mainmorte,  II,  286  ;  c)  droit  actuel,  II,  287. 

Maistre  (Comte  Joseph  de)  :  origine  du  langage,  442,  3.  — Causes  des 
maladies,  470,  1.  —  Critique  de  Bacon,  672,  1.  ^ —  Le  cœur  et  l'esprit,  805.  — 
Le  duel,  II,  167,  3.  —  Peuples  et  gouvernement,  II,  233. 

Maître  (Magistrum,  accusatif  de  magister,  celui  qui  dirige,  le  maître,  de  la 
racine  mag,  d'où  magis,  plus,  mognus,  grand)  :  ce  terme  a  ici  le  sens  de  Dominas 
(maître  de  la  maison),  celui  qui  a  autorité  sur  des  personnes  ou  des  choses.  — 
Droits  et  devoirs,  II,  217. 

Majeur  (Major,  pour  mag-ior,  d'où  maior,  major,  plus  grand,  de  magis, 
plus)  :  terme  majeur;  proposition  majeure,  536.  —  Obéissance  des  enfants 
majeurs,  II,  217. 

Majorité  (de  major,  plus  grand)  :  a)  âge  légal  nécessaire  pour  exercer  certains 
droits  ;  vg.  droit  de  voter  et  éligibilité  (à  21  ans  et  à  25  ans  en  France)  ;  bj  rôle 
de  la  majorité  dans  le  système  social  de  Rousseau,  II,  220-221  ;  c)  majorité 
ministérielle,  II,  232-233  ;  d)  tyrannie  des  majorités,  II,  242. 

Mal  (Malum,  ce  qui  est  mauvais)  :  privation  d'une  perfection  qui  convient 
à  la  nature  d'un  être.  II,  477-478.  —  Division,  II,  478.  —  Mal  métaphysique, 
physique  et  moral  :  objections  contre  la  Providence,  II,  643-645.  —  La  vie 
est-elle  un  bien  ou  un  mal  ?  II,  645-650. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Maladie  —  Marion  (Henri)  869 

Maladie  (de  Malade,  du  latin  populaire  maie  habitum,  qui  est  en  mauvais 
état)  :  perturbation  organique  ou  fonctionnelle,  intellectuelle  ou  morale.  — 
Maladies  :  a)  de  la  personnalité,  151-152  ;  b)  de  la  mémoire,  210  ;  c)  de  la 
volonté,  368.  —  Cliâtiment  de  l'intempérance,  470,  1  ;  II,  644. 

Malebranche  (Père  Nicolas  de)  :  âme  des  bêtes,  108.  —  Théorie  des  idées 
divines,  169.  —  Conservation  des  idées  dans  la  mémoire,  196,  3.  —  Éducation 
de  la  mémoire,  208,  1.  —  Jugement  ramené  à  la  volonté,  270,  2.  —  Vision  en 
Dieu,  310.  —  Précepte  londamental  de  Logique,  809.  —  Véracité  divine, 
818,  2.  —  Nature  de  l'idée  du  bien,  II,  104-105.  —  Vertu,  JI,  128.  —  Causes 
occasionnelles,  II,  5'i6.  —  Optimisme  absolu,  II,  646. 

Malebranchisme  :  système  philosophujue  de  Malebranche.  Voir  ce  nom. 

Malheur  (de  Mal,  adjectif  au  sens  do  mauvais,  malus  ;  heur,  qui  signifie 
chance  bonne  ou  mauvaise,  de  augurium,  présage)  :  événement  funeste.  — 
Le  malheur  d'autrui  provoque  la  sympathie,  86-87.  —  Malheur  de  la  vertu, 
128-129  ;  II,  645. 

Mallock  (W.  Hurrell)  :  pragmatisme,  832. 

Malon  (Benoit)  :  socialiste  possibiliste,  II,  200,  6. 

Mandataire  (de  Mandatum,  de  mandare,  mettre  en  main,  confier)  :  les 
mandataires  du  peuple  d'après  Rousseau,  II,  220  ;  287-288. 

Manès,  Mani,  Manichée  :  né  et  mort  en  Perse,  au  cours  du  m®  siècle, 
il  fonda  la  secte  philosophique  et  religieuse  qui,  de  son  nom,  a  été  appelée 
le  Manichéisme.  11  semble  avoir  enseigné  qu'il  y  a  deux  premiers  principes 
éternels  :  Dieu,  principe  du  bien,  la  matière,  principe  du  mal.  Ce  dualisme  est 
plus  radical  que  celui  de  Platon  et  d'ARisTOTE,  II,  601,  car  pour  Manès  la 
matière  n'est  pas  seulement  le  principe  passif  du  mal,  en  tant  qu'elle  est  la 
limite  du  bien  ;  mais  elle  en  est  le  principe  actif  et  puissant.  Les  Manichéens 
ajoutaient  à  cette  erreur  philosophique  des  erreurs  religieuses  qui  les  rappro- 
chent des  Gnostiques. 

Manichéisme  (de  Manès,  Mani)  :  système  philosophique  et  religieux  de 

Manès.  Voir  ce  nom. 

Manie  [Mania,  Mavt'a,  liumeur  noire,  rage,  folie.  Cf.  \jmwj.v.\.,  être  furieux)  : 
délire  général  avec  agitation,  488. 

Manière  (de  l'ancien  adjectif  Manier,  manière,  qui  se  fait  avec  la  main)  : 
le  moi  et  ses  manières  d'être,  152.  —  L'accident  est  une  manière  d'être,  modus 
essendi,  320-321. 

Manning  (Cardinal  Edward)  :  lutte  entre  l'intelligence  et  la  volonté, 
793,  1. 

Marc-Aurèle  (Marcus-Aurelius-Antoninus-Augustus)  :  stoïcien,  II, 
93.  —  L'esclavage,  II,  180,  3. 

Marginal  (de  Margo,  marginis,  bord,  marge)  :  ce  qui  est  au  bord,  à  la  lisière. 
Certains  psychologues,  comme  F.  Myers,  parlent  d'associations  marginales,  de 
franges  de  la  conscience. 

Mariage  (de  Marier,  de  maritare,  de  maritus,  mari,  de  mas,  mâle)  :  au 
point  de  vue  :  a)  du  droit  naturel,  II,  209  ;  b)  du  droit  chrétien,  II,  209.  — 
Unité  et  indissolubilité  du  lien  matrimonial,  II,  210-211. 

Marion  (Henri)  :  la  sympathie,  95-96.  —  Habitude  et  liberté,  425,  1  ; 
II,  88,  2. 


870  TABLE  ANALYTIQUE  :  MaFx  (Karl)  —  Matière 

Marx  (Karl)  :  Marxisme,  II,  200,  5. 

Masse  (de  massa,  amas  de  choses.  aaÇa)  :  «  On  appelle  massed'un  corps  le 
rapport  constant  qui  existe  pour  ce  corps  entre  les  forces  qui  y  sont  appliquées 
et  les  accélérations  correspondantes  »  [Bulletin  de  la  Société  française  de 
Philosophie,  1910,  p.  190). 

Matérialisme  (de  Materia,  matière  dont  une  chose  est  faite)  :  doctrine  qui 
n'admet  d'autre  substance  que  la  matière.  —  Arguments  et  réponses,  II,  540. 

—  Le  matérialisme  dans  l'art,  II,  39 i.  —  Matérialisme  historique  :  expression 
due  à  Engels  pour  caractériser  le  système  de  K.  Marx,  qui  regarde  les  faits 
économiques  comme  la  cause  des  événements  historiques  et  sociaux. 

Matériel  (Materialis,  de  materia,  matière)  :  s'oppose  :  l»)  à  Formel  :  cause 
matérielle,  324  ;  II,  488.  —  Objet  matériel  d'une  science,  c'est-à-dire  ce 
qu'étudie  cette  science  ;  vg.  la  Psychologie  étudie  l'âme,  23.  —  Faute  maté- 
l'ielle  :  ce  qui  contient  les  éléments  d'une  faute,  mais  auquel  manque  la  forme, 
c'est-à-dire  l'intention,  30-31.  — Erreur  matérielle,  796-797.  — 2°)  à  Spiri- 
tuel :  l'être  matériel  est  étendu,  composé  de  parties,  II,  636. 

Maternel/ {Maternus,  de  mater,  mère.  Racine  ma,  produire  ou  nourrir)  : 
amour  maternel,  91. 

Mathématique  (M athematicus,  'J.'xOr,tj.uTv/.ot;,  qui  concerne  l'étude,  de  [xaO-zjaa, 
connaissance,  science  ;  vi  p.'/.9riy.«Ttxï]  [sous-entendu  'hy']  ou  iTit^Tviar,].  la 
science  des  mathématiques)  :  c'est  la  science  des  nombres  et  des  figu'.'es.  — 
Objet  des  sciences  mathématiques,  625.  —  Division  :  a)  mathématiques  pures, 
625  ;  b)  mathématiques  appliquées,  627.  —  Origine  des  notions  mathématiques  : 
a)  innéité,  628  ;  b)  théorie  empirique,  628  ;  c'  théorie  empirico-rationaliste,  629. 

—  Démonstration  mathématique,  631.  —  Axiomes,  632.  —  Postulats,  633. 

—  Définitions,  635.  —  Démonstration  mathématique  et  syllogisme,  636.  — 
Démonstration  analytique  ou  synthétique,  610.  —  Démonstration  directe  ou 
indirecte  (par  réduction  à  l'absurde),  637-638.  —  Règles  des  axiomes,  des 
définitions,  des  démonstrations,  638.  —  Caractère  d'exactitude  des  mathé- 
matiques, 639.  —  Avantages  et  dangers  des  mathématiques  pour  la  formation 
de  l'esprit,  640-643.  —  Comparaison  des  définitions  mathématiques  et  empi- 
riques, 692.  —  L'imagination  en  mathématiques,  232.  —  Sublime  mathé- 
matique (Kant),  II,  390. 

Mathématisme  (de  MaOriua,  étude,  connaissance,  de  [xc<vOâvto,  apprendre. 
Racine  ;jLa6»,  savoir)  :  ce  mot  désigne  l'opinion  des  philosophes  qui  appliquent 
la  méthode  mathématique  à  la  philosophie,  7-8  ;  31-32. 

Mathieu  (Saint)  :  idéal  de  la  perfection,  II,  111,  2. 

Matière  (Materia,  matière  dont  une  chose  est  faite)  :  s'oppose  :  I») à  Forme: 
a)  au  sens  aristotélicien  :  c'est  l'élément  indéterminé  dont  une  chose  est  faite,.324; 
II,  488  ;  b)  cartésien:  «  ...La  matière,  dont  la  nature  consiste  en  cela  seul  qu'elle 
est  une  chose  étendue  »  (Principes,  Part.  II,  §  22).  —  2°)  à  Esprit  :  matière  et 
esprit,  II,  507  ;  536  ;  539-540.  —  Qualités  premières  et  secondes  de  la  matière, 
177.  —  Quelle  est  l'essence  de  la  matière?  Systèmes  divers  :  a)  Mécanisme 
atomistique  (Épicure,  Gassendi),  II,  507  ;  b)  Mécanisme  géométrique  (Des- 
cartes), II,  508  ;  c)  Atomisme  dynamique  (Tongiorgi),  II,  510  ;  d)  Dynamisme 
interne  (Leibniz),  II,  511  ;  e)  Hylhnorphisme  (Aristote.  Scolastiques),  II, 
^\'^  •,j)  Dynamisme  externe  {Bo?,co\\ci\,  Palmieri),  II,  518;  520.  —  Materia 
signala,  principe  d'individuation,  II,  474. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Matière  et  Forme  —  Mégarique  871 

Matière  et  Forme  :  cause  matérielle  et  formelle,  324  ;  II,  488.  — ■  Essence 
des  corps  [Hylémorphisme],  II,  513-518. 

Matignon  (Père  Ambroise)  :  distinction  entre  l'âme  et  ses  facultés,  41,  1. 

Mauvais  (origine  inconnue)  :  s'oppose  à  Bon,  II,  476  ;  477. 

Maxime  {Maxima,  la  plus  grande)  :  mot  employé  substantivement,  au 
Moyen  Age,  en  sous-entendant  sententia,  sentence)  :  Maximes  de  La  Roche- 
foucauld, 98.  —  Infidélité  à  nos  maximes,  805. 

Maximum  (pour  Mag-simum,  superlatif  neutre  de  magnus,  grand,  de 
inagis,  plus.  Racine  mag,  meg,  être  grand)  :  maximum  sensibile,  70;  143  ; 
726-727.  —  S'oppose  à  Minimum. 

Mécanicisme  (de  Mécanique,  de  mecanicus,  p-r/avczo;,  habile  à  travailler,  de 
y-rf/jxvr,,  invention  ingénieuse,  machine)  :  synonyme  de    latromécanisme.  Voir 

ce  nuit. 

Mécanique  (!a)  (Mechanica,  yj  [riyy/\]  ar,/avtxr^,  l'art  de  construire  une 
machine,  de  [xr^y/x-jr,^  invention  ingénieuse,  machine)  :  science  des  lois  du  mou- 
vement. • —  Sa  place  dans  les  sciences,  2  ;  592. 

Mécanisme  (du  radical  de  Mécanique)  :  mécanisme  :  a)  atomistique  d'Épi- 
CURE,  n,  507  ;  b)  géométrique  de  Descartes  :  il  explique  les  phénomènes  par 
ie.5  seules  notions  d'étendue  et  de  mouvement,  à  l'exclusion  de  la  notion  de 
force,    II,    508. 

Médiat  (tiré  de  Immédiat,  de  in,  négatif  ;  mediatum,  supin  de  mediare,  être 
au  milieu,  s'interposer,  de  médius,  qui  est  au  milieu)  :  ce  qui  suppose  un 
intermédiaire.  —  Perception  médiate,  166.  —  Jugement  médiat,  273.  — 
Déduction  médiate,  531  ;  535-565.  —  Certitude  et  évidence  médiates,  779. 
^  Médiateur  (Mediator,  de  mediatum,  supin  de  mediare,  s'interposer,  de  médius, 
qui  est  au  milieu)  :  médiateur  plastique,  II,  545. 

Médiation  {Mediatio,  de  mediatum,  mediare,  s'interposer)  :  action  de  celui 
<îui  intervient  dans  un  dilîérend  pour  le  concilier.  —  Médiation:  a)  delà  Cour 
internationale  de  justice,  II,  271  ;  b)  du  Tribunal  de  La  Haye,  II,  318  ;  c)  de  la 
Société  des  Nations,  II,  320. 

Médiocrité  [Mcdiocritas,  juste  milieu,  modération,  de  mediocris,  de  médius, 
moyen,  médiocre)  :  état  de  ce  qui  est  de  qualité  moyenne,  II,  127-128. 

Médisance  (de  Médisant,  de  Médire  =  mesdire  ;  mes,  particule  péjorative, 
et  dire)  :  consiste  à  dire  le  mal  qu'on  sait  sur  le  compte  de  quelqu'un.  — 
Faute  contre  la  justice,  II,  206-207. 

Méditation  (Meditatio,  de  meditatum,  supin  de  meditari,  s'exercer  à  méditer)  : 
forme  do  l'attention,  239. 

Médium  (de  Médius,  a,  um,  ce  qui  est  au  milieu,  intermédiaire,  moyen)  : 

a)  d'après  les  Scolastiques,  l'espèce  (species)  est  médium  quo  ou  id  quo,  163  ; 

b)  un  médium  est  celui  qui  sert  d'intermédiaire  dans  les  expériences  de  spiri- 
tisnti'. 

Mégalomanie  (dp  Miya;,  [j.;-,'aXr,,  grand  ;  yavi'a,  rage,  folie)  :  folie  des 
grandeui's,  488. 

Mégarique  (de  Mégare,  ville  de  la  Grèce  ancienne,  à  l'entrée  nord-est  de 
l'isthme  de  Corinthe)  :  École  Mégarique  fondée  par  Euclide,  dite  aussi 
éristique  (loto-xtx.oç,  qui  aime  la  dispute,  de  ept'?oj,  se  quereller,  de  e^'^tî)? 
.surtout  à  cause  des  subtilités  d'EuBULiDE,  548,  1. 


872  TABLE  ANALYTIQUE  :  MélancoUe  —  Mérite 

Mélancolie  [MelanchoUn,  M£Xx-;70Âia,  de  p-îÀîz?,  noir  ;  /oXâ,  bile  ;  d'où 
humeur  noire)  :  a)  Forme  de  folie,  488.  —  b)  Tempérament  mélancolique,  406,  1. 
—  Esprit  mélancolique  :  qui  se  laisse  aller  à  ses  impressions  tristes,  85.  -- 
Cette  tristesse  maladive  et  malsaine  a  été  exploitée  par  l'École  romantique, 
II,  403. 

Méliorisme  (de  Melior,  meilleur  ;  c'est  le  comparatif  d'un  adjectif  perdu. 
Cf.  wâ/oc,  adverbe  =  tout  à  fait,  fort,  dont  le  comparatif  [i-ôcA/ov  =  aocÀtov 
correspond  à  tnelius)  :  ce  terme  indique  un  perfectionnement  progressif  que 
certains  Positivistes  assignent  comme  l'unique  loi  de  la  Morale.  —  Ce  m^t 
s'oppose  à  Optimisme  et  Pessimisme  absolus  pour  caractériser  la  doctrine 
d'après  laquelle  le  monde  peut  être  rendu  meilleur  par  les  efforts  de  la  volonté 
humaine.  Il  est  synonyme  d'Optimisme  relatif,  II,  650. 

Mémoire  [Memoria,  de  memor,  qui  se  souvient,  probablement  pour  me-mn-or. 
Cf.  memini,  je  me  souviens,  et  [/.v.c/.'.wv,  qui  se  souvient.  Racine  [x^v,  d'où  pr,. 
Cf.  en  latin  Men,  action  de  se  souvenir  et  d'imaginer,  d'où  mens,  esprit)  : 
faculté  de  conserver,  de  reproduire  et  de  reconnaître  les  états  de  conscience 
passés.  —  Fonction  de  conservation,  135.  —  Objet  et  fonctions,  195.  — 
Conservation  des  idées,  196.  —  Lois  de  la  conservation,  198.  - —  Rappel,  revi- 
viscence des  idées  :  modes  et  conditions,  200.  —  Reconnaissance  ou  locali- 
sation :  nature  et  conditions,  201.  —  Mécanisme  de  la  reconnaissance,  203. 
—  Localisation  précise,  204.  —  Mémoire  intellectuelle  et  mémoire  sensible, 
unité  de  faculté,  206.  —  Qualités  et  défauts,  207.  — •  Éducation  de  la  mémoire, 
207.  —  Mémoire  et  volonté,  208.  —  Importance  de  la  mémoire,  209.  —  Maladies, 
210.  —  Mémoire  et  imagination  reproductrice,  223.  —  Souvenirs,  matière  de 
l'imagination   créatrice,   226-227. 

Mémorables  (les)  {Memorahilis,  qui  peut  être  raconté,  digne  de  mémoire,  de 
memor,  qui  se  souvient)  :  \es' Entretiens  mémorables  de  Socrate  sont  une  apologie 
de  ce  philosophe  par  Xénophon.  — -  Arguments  des  causes  finales,  337-338. 
II,  562.  —  Lutte  contre  le  tempérament,  392,  1. 

Mendicité  (Mendicitas,  de  mendicus,  mendiant)  :  dépôts  de  mendicité  ; 
interdiction  de  la  mendicité,  II,  264. 

Mensonge  (du  latin  populaire  Mentitionica,  mentionica,  de  mentitius,  de 
mentiri,  imaginer,  mentir,  de  mens,  esprit)  :  refus  d'une  vérité  due,  795  ;  II,  158  ; 
168.  —  Théorie  :  a)  de  Kant,  II,  168  ;  b)  ancienne,  169  ;  c)  récente,  172, 

Mental  [Mentalis,  de  mens,  mentis,  esprit)  :  qui  concerne  l'esprit.  Ce  mot 
équivaut  soit  à  intellectuel,  soit  à  psychologique,  psychique.  —  L'état  mental 
de  quelqu'un,  c'est  l'état  sain  ou  trouble  de  ses  fonctions  psychiques.  — 
Maladie  mentale  :  qui  trouble  les  fonctions  psychologiques,  488-489.  — 
Suggestion  mentale,  480-481  ;  481-484.  —  Restriction  mentale,  II,  170-172  ; 
175. 

Mentalité  (de  Mental)  :  état  d'esprit  d'un  individu,  d'une  époque. 

Mépris  (de  la  particule  péjorative  mes  et  de  priser,  qui  vient  de  prise, 
substantif  participe  de  prendre,  de  prendere,  prchcndere)  :  mésestime,  373, 
II,  18. 

Méric  (Mgr  Élie)  :  l'Académie  de  médecine  réfractaire  au  magnétisme, 
739,  1. 

Mérite  (Meritum,  action  digne  de  reconnaissance  ou  de  récompense,  mérite, 
de  meritum,  supin  de  merere,  être  digne  de)  :  ce  qui  rend  digne  d'estime,  de 
récompen.se.  —  Mérite  et  liberté,  373.  —  Définition  du  mérite,  II,  118.  — 
Mesure  et  degrés,  119.  . 


TABLÉ  ANALYTIQUE  :  Mcrveilleux  —  Métapsychique  873 

Merveilleux V  (de  Merveille,  du  latin  populaire  meribilia,  pour  mirabilia, 
choses  admirables,  pluriel  neutre  employé  substantivement  comme  nominatil' 
féminin,  de  mirari,  s'étonner)  :  c'est  un  terme  générique  pour  désigner  lès  faits 
qui  dépassent  les  forces  humaines  ;  vg.  483-484  ;  II,  640-643. 

Mésologie  (de  to  yi^ov,  le  milieu,  et  de  Xôyoç,  discours)  :  étude  des  rapports 
des  êtres  et  de  leur  milieu. 

Mesure  (Mensura,  prononcé  mesura,  de  niensus,  metiri,  mesurer)  :  mesure 
des  sensations,  27  ;  726-728.  —  La  vertu  est  dans  une  juste  mesure,  II,  125-128. 
—  Loi  de  proportion  et  de  mesure,  II,  402-404. 

Mesuré  (de  Mesurer,  de  mesure,  mensura)  :  activité  mesurée,  source  de 
plaisir,  62-63  ;  64.  —  Beauté  mesurée,  II,  402-404. 

Métachronisme  (de  Mexa/.povoç,  postérieur  ;  de  [xerà,  après  ;  yy^'io;.^ 
temps)  :  erreur  qui  consiste  à  mettre  un  événement  avant  le  temps  où  il  s'est 
passé  :  l'événement  est  postérieur  à  la  date  donnée. 

Métagéométrie  (de  Mîxa,  après  ;  '(twj.ti^i'/-,  de  ri',  terre,  \xtii^i'>>,  mesurer)  : 
nom  donné  aux  Géométries  non-euclidiennes,  qui  supposent  un  espace  ayant 
plus  de  trois  dimensions,  643. 

Métalogique  (de  Metoc,  après,  /o'/ixoç,  qui  concerne  le  raisonnement)  : 
théorie  des  principes  premiers  et  des  fondements  de  la  Logique  par  opposition 
à  l'étude  des  règles  logiques  telles  qu'elles  sont  appliquées  dans  un  raison- 
nement correct.  — ■  Jean  de  Salisbury  a  publié,  sous  le  titre' de  Metalogicus, 
un  plaidoyer  pour  la  Logique. 

Métamorale  (de  Msxa,  après  ;  moralis,  moral,  de  mos,  moris,  usage,  manière 
d'être  ou  d'agir,  mœurs)  :  quelques  philosophes  nomment  ainsi  la  Métaphysique 
des  mœurs.  C'est  la  théorie  des  principes  premiers  et  des  fondements  de  la 
Morale  par  opposition  à  l'étude  des  règles  morales  telles  qu'elles  sont  appliquées 
dans  les  cas  particuliers. 

Métaphore  {Mctaphora,  y-iTOL-^o^oi,  transport  du  sens  propre  au  sens  figuré, 
de  p.îTa'^£ptv,  transporter)  :  son  rôle  dans  la  formation  du  langage,  448.  — 
Analogie  et  métaphore,  711. 

Métaphysique  (de  Mîtoc  xà  y-"^'-''-'^,  après  la  Physique  ;  en  latin  scolastifjue 
Metaphysica,  sous-entendu  pars,  partie)  :  science  des  premiers  principes  et  des 
premières  causes.  —  Méthode  de  la  Métaphysique,  761.  —  Morale  et  Méta- 
physique, 9  ;  II.  7.  —  Morale  et  Théodicée,  11-12.  —  Nature  et  objet  de  la 
Métaphysique,  II,  418.  —  C'est  une  science,  II,  456.  —  Division  de  la  Méta- 
physique, II,  456.  —  Rapports  avec  ;  a)  la  Psychologie,  24  ;  b)  la  Logique,  511  ; 
c)  la  Morale,  II,  7. 

Métaphysique  générale,  II,  460-495. 

Métaphysique  spéciale,  II,  496-650. 

Métapsychique  (de  Mt-i,  après  ;  'j^u/ixo;,  relatif  à  l'âme,  de  '^'J/A,  âme)  : 
c'est  la  science  étudiant  les  phénomènes  «  qui  paraissent  dus  a  des  forces 
intelligentes  inconnues,  en  comprenant  dans  ces  intelligences  inconnues  les 
étonnants  phénomènes  intellectuels  de  nos  inconsciences  >>  (Cu.  Richet, 
Traité  de  Métapsychique,  L.  I,  §  1,  p.  2,  Paris,  1922),  —  Ces  phénomènes  peu- 
vent se  ramener  à  trois  chefs  :  1°)  «  La  Cryptesthésie  [de  xpuzToç,  caché  ; 
ataOr,(7tç,  faculté  de  sentir]  :  c'est-à-dire  une  faculté  de  connaissance  qui  est 

TRAITÉ   DE   PHILOSOPHIE.   —    T.    II.   —    29 


874  TABLE  ANALYTIQUE  :  Métempirique  ^  Microcosme 

différente  des  facultés  de  connaissances  sensorielles  normales.  »  CfCst  la  «  lucidité 
des  auteurs  anciens  «.  —  2°)  La  Télékinésie  [de  t/;/e,  loin  ;  xtv/i(jiç,  mouvement], 
c'est-à-dire  une  action  mécanique  différente  des  forces  mécaniques  connues,. 
qui  s'exerce  sans  contact,  à  distance,  dans  des  conditions  déterminées,  sur  des 
objets  ou  des  personnes.  —  3°)  h'Ectoplasmie,  [de  èxroç,  au  dehors,  ■z/A'nj.'ji, 
ouvrage  façonné],  c'est-à-dire  la  formation  d'objets  divers,  qui  le  plus  souvent 
semblent  sortir  du  corps  humain  et  prennent  l'apparence  d'une  réalité  maté- 
rielle (vêtements,  voiles,  corps  vivant).  C'est  la  «  matérialisation  des  auteurs 
anciens  «.  [Ibidem,  Avant-Propos,  p.  2).  —  Pour  la  critique  de  ce  livre.  Cf. 
L.  RouRE,  Études,  1922,  T.  III,  p.  461-471.  —  P.  Heuzé,  Les  morts  vivent- 
ils  ?  Enquête  sur  l'état  présent  des  sciences  psychiques,  l""*^  Série.  Paris,  1922. 

Métempirique  (de  M^ra,  après  ;  empirique,  de  empiricus,  suLTi^tptxoç,  qui 
se  dirige  d'après  l'expérience,  de  ejATTsipo;,  qui  a  l'expérience  de,  de  h,  dans  ; 
TTEtpa,  essai.  Racine  T^sp,  aller  à  travers)  :  mot  fait,  à  l'image  de  métaphysique, 
pour  signifier  ce  qui  est  au  delà  de  toute  expérience  possible. 

Métempsycose  [Metempsychosis,  w.stsj^'J/Û/wtiç,  de  y-^Ta,  après,  idée  de 
succession,  hj.'W/jM,  animer  ;  de  £v,  dans  ;  '\"^y:h,  âme)  :  doctrine  affirmant 
qu'une  même  âme  anime  successivement  plusieurs  corps. 

Méthode  (M£Ôo5o;,  poursuite,  recherche;  de  u-ïtoc,  vers;  ôûoç,  chemin)  : 
ensemble  de  procédés  rationnels  pour  la  recherche  et  la  démonstration  du  vrai. 
—  Méthode  générale  :  a)  de  la  philosophie,  7  ;  è)  de  la  science,  603  ;  623.  — 
Règles  de  la  méthode  cartésienne,  603.  —  Procédés  essentiels  de  la  méthode- 
générale  :  analyse  et  synthèse,  608.  —  Induction  et  déduction,  617.  —  Méthode 
des  sciences  mathématiques,  625. — Méthode  des  sciences  physiques,  648.  —  Mé- 
thode des  sciences  naturelles,  687.  —  Méthode  des  sciences  morales  en  général., 
714.  —  Méthode  des  sciences  morales  :  1°)  Théoriques  :  a)  Philologie,  718  ; 
i)  Psychologie  expérimentale,  71,9  ;c)  Histoire,  734  ;  c?)  Sociologie,  752; 
(?)  Politique,  756;/) Droit,  756;  g)  Économie  politique,  757.  —  Méthode  des 
sciences  morales:  2°)  Pratiques  :  a)  Logique,  757  ;  h)  Morale,  758;  c)  Esthé- 
tique, 760.  —  Méthode  des  sciences  métaphysiques,  761.  —  Utilité  de  la 
méthode,  843.  —  Méthode  pour  déterminer  les  attributs  de  Dieu,  II,  577  ;  580. 

Méthodologie  (de  Mi&oooç,  méthode  ;  A'iyo;,  discours)  :  science  des  mé- 
tliudes  ;  509  ;  576. 

Métier  {Misterium,  latin  populaire  pour  ministerium,  service  ;  de  ministère 
<|ui  sert,  aide,  de  la  racine  min,  d'où  minor,  moindre,  minus,  moins,  et  du 
suffixe  ter)  :  genre  d'occupation  manuelle.  —  Corporations  de  métiers  et  liberté 
du  travail,  II,  187  ;  353. 

Métoposcopie  (Mstoi-o^xôt-oç,  qui  lit  sur  le  front,  physionomiste,  de  psTWTrov, 
front  ;  ny.or.uo,  examiner)  :  c'est  l'art  de  ceux  qui  prétendent  deviner  le  carac- 
tère des  gens  en  inspectant  les  traits  de  leur  visage. 

Metternich  (Prince  Clément-Wenceslas)  :  principe  de  non-inter- 
vention, II,  314,  1. 

Michelet  (Jules)  :  l'esprit  façonne  le  corps,  470.  —  L'histoire  est  une 
résurrection,  743  ;  745. 

Microcosme  (de  f/ixcos,  petit,  et  xoo-fiôç,  monde)  :  l'homme,  abrégé  du 
monde,  pelit  monde,  25';  49.  —  Dans  les  doctrines  théosophiques,  qui  admet- 
tent une  coirespondance  entre  chaque  partie  du  corps  humain  et  chaque  partie- 
constitutive  de  l'univers,   celui-ci  est  appelé  macrocosme,   et  l'homme,  par 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Migration  —  Minimum  875 

rapport  à  lui,  microcosme  (Cf.  Fludd,  Utriusque  Cosmi,  majoris  scilicet  et 
ûninoris,  metaphysica,  pkysica  atque  technica  historia...,  2  voJ.,  Oppenheim, 
1617-1619). 

Migration  (Migratio,  de  migratum,  migrare,  changer  de  séjour)  :  dépla- 
cement. —  Faits  de  migration  (Bacon),  652.  —  Migrations  des  espèces,  II,  614  ; 
615  ;  620. 

Milieu  (de  Mi,  préfixe  dérivé  de  médium,  qui  est  au  milieu  ;  et  lieu,  de 
locum)  :  ce  qui  est  placé  entre  plusieurs  autres  choses.  —  Influence  du  milieu  : 
«)  sur  la  formation  des  passions,  117  ;  392  ;  b]  sur  la  civilisation  (Taine),  749,  2  ; 
■c)  sur  la  genèse  des  espèces  (Darwin),  II,  614  ;  615. 

MiLL  (James)  :  père  de  J.-S.  Mill,  220,  1. 

MiLL  (John  Stuart)  :  A)  Psychologie  :  origine  des  inclinations  altruistes, 
100.  —  Notion  du  moi,  153.  —  Hallucination  vraie,  171,  3.  —  Théorie  do 
l'association,  213,  3.  —  Excès  de  l'Associationnisme,  220.  —  Nominalisme,  254. 
—  Jugement  ramené  à  l'association,  268-269.  —  Raisonnement  par  analogie 
283  ;  707-708.  —  Origine  des  idées,  304.  —  Notion  de  substance,  323.  — 
Notion  de  cause,  325,  4.  —  Principe  de  causalité,  330-332.  —  Objection  contre 
la.  liberté,  370,  2. 

B)  Logique  :  définition,  506,  4.  —  Objection  à  Hamilton  sur  la  quantité 
du  prédicat,  552,  3.  —  Formule  du  principe  du  syllogisme,  554,  1.  — ■  Objec- 
tions contre  le  syllogisme,  564-565.  —  Origine  des  notions  mathématiques, 
628,  1.  —  Quatre  méthodes  pour  déterminer  les  causes,  668-670.  —  Fon- 
dement de  l'induction,  679.  — ■  Méthode  de  la  morale,  758,  1.  —  Classification 
•des  sophismes,  802,  1.  —  Utilité  de  la  méthode  syllogistique,  843,  1. 

C)  Morale  :  nature  et  valeur  de  la  conscience  morale,  II,  22,  1.  —  Utili- 
tarisme rectifié,  II,  53.  —  Fondement  du  droit,  II,  133,  2.  —  Conditions  de  la 
•civilisation,  II,  327,  1. 

D)  Métaphysique  :  Relativisme  phénoméniste,  II,  428,  1,  2.  —  Idéalisme, 
II,  499,  1. 

Milne-Edwards  (Henri)  :  avantages  de  l'hypothèse,  657,  3. 

Mimétisme  (de  Miu-vitéoç,  adjectif  verbal  de  y.'.[j.io\j.'M,  imiter)  :  action 
d'imiter.  — ■  Son  utilité,  II,  614,  3. 

Mimique  [Mimicus,  v.'.;j.txoi;,  qui  concerne  l'art  des  mimes,  de  mimus, 
^"■y-oç,  imitateur)  :  langage  d'action,  438.  —  Pantomime,  II,  408. 

Minéral  (du  bas  latin  Mineralis,  de  minera,  minière)  :  ce  qui  est  formé  de 
matière  non  organisée.  —  Caractère  de  son  activité,  48.  —  Sa  compréhension 
métaphysique,  252. 

Minéralogie  (de  Minéral  ;  Àoyoç,  discours)  :  sa  place  dans  les  sciences,  2  ; 
593  ;  647. 

Mineur  [Minor,  moindre)  :  a)  moins  grand  :  terme  et  proposition,  536. 
b)  au-dessous  de  l'âge  légal  :  obéissance  des  enfants  mineurs,  II,  217.  —  Dis- 
tinction mineure  :  voir  Modal. 

Minimal  (de  Minimus,  le  plus  petit)  :  salaire  minimal,  II,  358-359. 

Minimum  (la  plus  petite  quantité,  superlatif  de  parvus,  petit)  :  le  Minimum 
■sensibilr,  70  ;  1 'i3  ;  726-727.  —  Minimum  de  salaire,  II,  358-359.  —  S'oppose 
à  Maximum. 


876  TABLE  ANALYTIQUE  :  MiDistre  —  Mobilisme 

Ministre  [Minister,  serviteur,  de  minor,  moindre)  :  celui  qui  est  chargé 
d'exécuter  quelque  chose.  —  Ministres  responsables,  II,  232-233. 

Minorité  (de  minor,  moindre)  :  a)  Moindre  nombre  dans  une  réunion  de 
votants.  —  Représentation  des  minorités,  II,  283.  —  Oppression  de  la  minorité, 
II,  220-221.  —  h)  Age  inférieur  à  l'âge  légal.  —  Cf.  J.  Lucien-Brun,  Le  Pro- 
blème des  Minorités  devant  le  Droit  International,  Paris,  1923. 

Miracle  [Miraculum,  chose  étonnante,  merveille,  de  mirari,  s'étonner)  : 
eiïet  requérant  une  intervention  spéciale  de  Dieu.  —  Possibilité  et  nature, 
II,  640. 

Misanthropie  (Alt7avOp'-)zîa,  de  '/•■'^oq,^  haine  ;  avOpw::oç,  homme)  :  haine  du 
genre  humain.  —  Inclination  malveillante,  88  ;  95. 

Misère  psychologique  (de  Miseria,  de  miser,  malheureux)  :  Paul  Janet 
propose  d'appeler  ainsi  cette  «  faiblesse  morale  particulière  consistant  dans 
l'impuissance  qu'a  le  sujet  faible  de  réunir,  de  condenser  ses  phénomènes 
psychologiques,  de  se  les  assimiler.  »  {U Automatisme  psychologique,  TI^  P., 
Ch.  IV,  p.  454,  Paris,  1889). 

Misologue  (de  Wito^,  haine  ;  /^vo;,  raison)  :  ennemi  de  la  raison  et  détrac- 
teur des  sciences.  Tels  furent  les  Cornificiens,  qui  dénigraient  toute  culture 
intellectuelle.  Us  furent  combattus  par  Jean  de  Salisbury  uni  aux  Maîtres 
de  l'École  de  Chartres.  Cf.  A.  Clerval,  Les  Écoles  de  Chartres  au  Moyen  Age,. 
du  V^  au  XV I^  siècle,  p.  227  sqq.  Tome  XI  des  Mémoires  de  la  Société  archéo- 
logique d'Eure-et-Loir,  Chartres,  1895. 

Misonéisme  (de  Mtao:,  haine  ;  vioç,  nouveau,  pour  ■^ifo;.  Cf.  novus)  :  haine 
des  nouveautés.  Les  ennemis  de  Socrate  l'accusèrent  de  répandre  dans  la 
jeunesse  des  nouveautés  dangereuses. 

Mixte  [Mixtus,  mêlé,  participe  passé  de  miscere,  mixtum,  mêler)  :  a)  Les 
Thomistes  soutiennent  en  général  que  dans  le  mixte,  inorganique  ou  vivant, 
il  y  a  unicité  de  forme.  —  b)  D'autres  Scolastiques  admettent  dans  le  vivant 
et  l'inorganique  une  forme  substantielle  unique  se  subsumant  les  formes  infé- 
rieures physico-chimiques  sans  détruire  leurréalité.  —  e)  D'autres  enfin  ne  voient 
dans  le  mixte  qu'un  agrégat  sans  unité  stricte.  —  Cf.  P.  Duhem,  Le  mixte  et 
la  combinaison  chimique,  Paris,  1902.  —  P.  Descoqs,  Essai  critique  sur 
VHylémorphisme,  Part.  1,  Ch.  m  et  iv,  p.  33-120,  Paris,  1924. 

Mnémonique  {Mnemonicus,  avy;y.ov[xoç,  de  [Ji-v^y-vi,  mémoire.  [Rac.  Men. 
Cf.  Mens],  y'.y.-vrpcxw,  se  souvenir)  :   procédés   qui   aident  la  mémoire,  199  ; 

209. 

Mnémotechnie  (de  Mnemonicus,  Mvr,aovt>co;,  qui  concerne  la  mémoire  ; 
TÉ/vr,,  art)  :  art  d'aider  la  mémoire,  199  ;  209. 

Mobile  (Mobilis,  qu'on  peut  mouvoir,  de  movere,  mouvoir)  :  signifie  :  a)  le 
corps  en  tant  qu'il  est  sujet  du  mouvement,  II,  506  ;  b]  les  phénomènes  affectifs 
qui  précèdent  la  volition,  357. 

Mobilisme  (de  Mobile)  :  doctrine  d'après  laquelle  le  fond  des  choses  est  sans 
cesse  en  voie  de  transformation  sans  lois  fixes.  Il  en  résulte  que  toute  orga- 
nisation rationnelle  des  choses  est  impossible  (A.  Chide,  Le  Mobilisme,  Paris, 
1908.)  C'est,  en  somme,  la  doctrine  d'HÉRACLiTE  qui  a.ssimile  l'être  au  devenir 
(ravTa  xiv£Vt«[.  Cf.  Aristote,  Métaphysique,  L.  III,  C.  viii,  §  6,  Éd.  Didot, 
T.  II,  p.  514). 


TABLE  ANALYTIQUE  :    Modal  —  Molcschott  (jECOb)  877 

Modal  (du  latin  scolastique  Modalis,  de  modus,  mesure,  manière)  :  on 
nomme  proposition  modale  celle  qui  exprime  la  manière  {modus)  dont  l'attribut 
convient  ou  ne  convient  pas  au  sujet.  Or  il  y  a  quatre  manières  :  possibilité, 
impossibilité,  nécessité,  contingence.  —  Su  are  z  a  divisé  la  distinction  réelle, 
celle  qui  existe  dans  les  choses  indépendamment  de  l'esprit,  en  distinctions  : 
majeure  (ut  res  et  res)  et  mineure  {ut  res  et  modus  ejus).  Cette  dernière  est  appelée 
distinction  modale  ;  vg.  entre  une  chose  et  ses  qualités,  comme  la  figure,  II, 
481,  2.  —  Voyelle  modale,  455. 

Modalité  (de  Modal,  de  modalis,  de  modus,  manière)  :  modalité  des  juge- 
ments, 273.  —  D'après  Kant,  la  modalité  des  jugements  c'est  la  propriété 
qu'ils  ont  d'être  assertoriques,    problématiques  ou  apodictiques.  Voir  ces  mots. 

—  La  modalité  est  aussi  pour  Kant  une  catégorie,  296  ;  II,  432. 

Mode  {Modus,  mesure,  manière)  :  manière  d'être.  —  Définition,  320-321. 

—  Modes  de  l'être,  II,  461. 

Modèle  (de  l'italien  Modello,  de  modus,  mesure)  :  ce  qui  doit  servir  d'objet 
d'imitation.  —  La  cause  exemplaire  est  pour  l'artiste  comme  un  modèle  inté- 
rieur, II,  490. 

Moderne  {Modernus,  de  l'adverbe  modo,  récemment)  :  ce  qui  est  de  notre 
temps  ou  d'une  époque  relativement  récente.  —  Progrès  modernes,  II,  350,  — 
Idées  modernes  :  ce  qu'on  nomme  ainsi  est  résumé  dans  la  Déclaration  des 
droits  de  Vhomme  et  du  citoyen,  II,  294. 

Modernisme  (de  Moderne)  :  sous  ce  nom  l'on  comprend  un  ensemble  d'erreurs 
théologiques  et  philosophiques,  que  Pie  X  a  condamnées  dans  l'Encyclique 
Pascendi  dominici  gregis,  8  septembre  1907.  Les  Modernistes,  en  philosophie, 
professent  V Agnosticisme  et  V Immanentisme.  Voir  ces  mots. 

Modification  (  Modificatio,  de  modus,  manière  ;  la  forme  ficare,  ficatum  est 
dérivée  de  jacere,  faire)  :  changement  accidentel  qui  détermine  une  nouvelle 
manière  d'être  ;  vg.  les  phénomènes  psychologiques  sont  des  modifications 
du  moi,  23.  —  Modifications  de  l'être,  II,  461. 

Module  (de  Modulus,  diminutif  de  modus)  :  a)  Unité  de  convention  pour 
régler  les  proportions  des  colonnes  ou  des  parties  dans  une  ordonnance  archi- 
tecturale. —  b)  C'est  «  la  valeur  qui  se  rencontre  le  plus  fréquemment  au  cours 
d'une  série  de  mensurations  d'un  même  objet  ».  (Ed.  Claparède,  Rapport 
sur  la  Technologie  psychologique,  VI  ^  Congrès  international  de  Psychologie, 
1909).  —  Le  terme  Mode  s'emploie  aussi  dans  ce  second  sens. 

Moelle  {Medulla.)  :  moelle  allongée,  épinière,  71. 

Mœurs  (de  Mores,  devenu  mors,  meurs,  mœurs)  :  habitudes  d'un  individu 
ou  d'un  peuple  relatives  :  a)  à  l'observation  de  la  loi  morale,  II,  1  ;  b)  aux 
usages,  à  la  manière  de  vivre  (sans  idée  de  bien  ou  de  mal). 

Moi  {Me,  moi)  :  idée  du  mci,  149,  —  Importance  de  la  perception  du  moi, 
151.  —  Altérations  de  l'idée  du  moi,  151.  —  Fausses  notions  du  moi,  153.  — 
Éléments  constitutifs  du  moi,  365.  —  Relativisme  phénoméniste,  II,  427-428. 

—  Idée  du  moi,  d'après  Kant,  II,  433. 

Molécule  (du  latin  scolastique  Molecula,  petite  masse,  de  moles,  masse)  : 
la  molécule  est  un  système  d'atomes.  —  Confirmation  de  l'hypothèse  molé- 
culaire, 659,  2. 

Moleschott  (Jacob)  :  phosphorescences  cérébrales,  197,  1.  —  Déter- 
minisme, 391,  5.  —  Matérialisme,  II,  540. 


878  TABLE  ANALYTIQUE  :  Molièfe  (J.fB.  Poquelin)  —  Monographie 

Molière  (Jean-Baptiste  Poquelin,  dit)  :  116,  2  ;  121,  4;  279,  1. 

MoLiNA  (Père  Louis)  :  liberté  humaine  et  science  divine,  380,  2.  — 
Connaissance  des  futurs  conditionnels,  II,  593,  3. 

MoLiNARi  (Gustave  de),  «  Laissez,  faire  >>,  II,  369,  3. 

Molinisme  :  système  de  Molixa  pour  accorder  la  liberté  humaine  et  les 
attributs  divins.  Voir  Molina. 

Mollesse  (de  Mol,  mou,  de  mollem]  :  a)  caractère  physique  de  certains  corps, 
179  ;  b\  défaut  de  la  volonté,  85  ;  367. 

MoLYNEUx  (William)  :  problème  de  Molyneux,  180,  2. 

'  Moment  [Momentum,  pour  movimentum,  ce  qui  met  en  mouvement,  poids, 
moment,  de  movere,  mouvoir)  :  applfqué:  a)  à  une  force,  par  rapport  à  un  point, 
ce  mot  indique  le  produit  de  cette  force  par  la  distance  à  ce  point  ;  è)  à  la 
durée  :  il  en  indique  la  plus  petite  division,  II,  506  ;  c)  aux  opérations  de  Vesprit, 
il  en  indique  les  phases  ;  vg.  moments  :  de  la  méthode  psychologique,  32  ; 
de  la  méthode  inductive,  648. 

Monacnibiiic  (de  Monachus,  Mov«;^oç,  solitaire,  de  ao'vo;,  seul)  :  c'est  l'insti- 
tution monastique.  —  Objection  contre  la  sociabilité,  86. 

Munade,  monadisme,  Monadologie  (Movâ;,  p.ovaôoç,  unité,  de  aôvoç,  seul  ; 
^^^yo;,  discours)  :  Leibniz  définit  la  monade  «  une  substance  simple,  c'est- 
à-dire  sans  parties.  »  —  Monadisme  :  système  admettant  que  le  monde  est 
formé  de  monades.  — ■  Monadologie  (science  des  Monades)  :  titre  donné  par 
Erdmann  à  l'œuvre  de  Leibniz  sur  ce  sujet,  quand  il  en  publia  le  texte  original 
dans  Leihnitii  Opéra  philosophica  (Berlin,  1840).  • —  Svstème  de  Leibniz, 
II,  511. 

Monarchie  (Monarchia,  y-ovap/t'a,  de  aov«p;^oç,  qui  commande  seul,  de 
li-ovo;,  seul  ;  «p/w,  commander)  :  gouvernement  d'un  seul.  —  Formes  variées, 
il,  232-233  ;  233-236. 

Monde  (Mundus,  propre,  élégant,  d'où  le  substantif  ?nundus,  qui,  comme 
y.6'7<j.o;,  signifie  l'ordre  du  monde,  le  monde)  :  a)  L'ensemble  de  tout  ce  qui 
existe,  l'univers.  —  Objet  de  la  philosophie,  4,  5.  —  Science  du'  monde  ou 
Cosmologie  '  ,  594  ;  II,  496-534.  —  h)  Ensemble  de  choses  d'une  même  sorte  ; 
vg.  le        ..<.ie<  intelligible,  c'est-à-dire  le  monde  des  idées. 

Monisme  (de  Môvo;,  seul)  :  consiste  à  ramener  tous  les  êtres  à  une  identité 
fondamentale,  soit  matérielle,  soit  spirituelle.  —  Monisme  matérialiste  de 
Haeckel,  II,  626. 

Monnaie  [Moncta,  de  monere,  faire  souvenir.  Racine  Men,  penser)  :  pièce 
de  métal  servant  aux  échanges,  II,  355. 

Monogamie  (Monogamia,  ucvo/apa,  de  ;j(.ôvoç,  seul  ;  Ta,"'0;,  mariage,  puis 
par  extension  épouse)  :  mariage  où  l'homme  ne  peut  avoir  qu'une  femme, 
II,  210.  —  S'opposte  à  Polygamie. 

Monogénèse  (de  Movo;,  seul,  Tiviat;,  origine)  :  unité  d'origine  ;  vg.  le 
genre  Inmiaiii  est  monogénétique,  c'est-à-dire  descend  d'un  couple  primitif  : 
Adam  et  Eve.  —  S'oppose  à    Poly genèse. 

Monographie  (de  Movo;,  seul  ;  Yfot'^w,  décrire)  :  écrit  sur  un  fioint  spécial, 
491,  5  ;  721-722.  ' 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Monoïdéisme  —  Morale  879 

Monoïdéisme  (de  Môvoç,  seul  ;  l^ict,  forme,  idée)  :  état  où  l'esprit  n'est 
occupé  que  d'une  seule  idée,  428. 

Monomanie  (de  Movoç,  seul  ;  f^'/vi'*,  folie)  ;  folie  limitée  à  un  seul  ordre 
d'idées,  488. 

Monopole  (MonopoUum,  [j.o'joTzoi'kio^,  de  [xôvoç,  seul  ;  ■tcoXéw,  vendre)  : 
privilège  exclusif  de  vendre  ou  de  faire  quelque  chose.  —  Le  socialisme  mono- 
polise la  production,  II,  200.  —  Monopole  de  l'enseignement,  II,  254-256. 

Monosyllabique  (de  Monosyllabe,  de  monosyllabus,  aovoTJXXapoç,  de  po'vo;, 
seul  ;  d'AX'zfir;,  assemblage  de  lettres  formant  un  son,  de  TuX/au.[iâvoj,  rassem- 
bler) :  langues  monosyllabiques,  456. 

Monothéisme  (Mo-jo;,  seul  ;  Sioc;,  Dieu)  :  doctrine  n'admettant  qu'un  seul 
Dieu  577-578. 

Monstre  [iMonstrum,  Monestrum,  de  monere,  faire  souvenir,  avertir.  Mons- 
trum  signifia  d'abord  signe  envoyé  par  les  dieux,  prodige,  chose  étrange)  :  être 
ayant  une  conformation  contre  nature.  —  Tératologie  psychologique,  723-724. 

Montaigne  (Michel  Eyquem  de)  :  l'homme,  33,  2.  —  Le  bien-être,  57,  1. 

—  L'amitié,  90,  1.  —  Instinct  et  raison,  106-108  ;  492,  1.  —  Joie  et  remords, 
130,  1.  —  L'attention,  198.  —  L'éducation  intellectuelle,  208,  1.  —  Effet  de 
l'habitude  passive,  417.  —  Tyrannie  de  l'habitude,  419,  2.  —  Langage  expressif 
des  émotions,  469,  4.  —  Sorite  du  renard,  548,  2.  —  Ignorance  et  incuriosité, 
781,  1.  —  Infidélité  à  nos  maximes,  805.  —  La  justice,  II,  28,  2  ;  30,  3.  — 
Scepticisme,  II,  422.  —  Honneur  et  conscience,  II,  85,  2. 

Montesquieu  (Charles  de  Secondât,  Baron  de  la  Brède  et  de)  : 
influence  des  climats,  116,  3.  —  De  Vesprit  des  lois,  590.  —  Philosophie  de 
l'histoire,  748,  2.  —  Définition  de  la  loi,  II,  38,  1,3.  —  Tout  a  sa  loi,  II,  42,  1. 

—  Nature  de  l'idée  du  bien,  II,  104,  1.  —  Origine  du  droit  de  propriété,  II, 
192,  7.  —  Séparation  des  pouvoirs,  II,  266,  1.  —  Vertu  et  démocratie,  II,  245,  1. 

—  Aspiration  de  l'âme,  II,  551,  1. 

Monument  {Monumentum  et  monimentum,  souvenir,  monument,  de  moni- 
tum,  supin  de  monere,  rappeler)  :  ouvrage  édifié  pour  perpétuer  un  souvenir. 

—  Critique  des  monuments  historiques,  740. 

Moral  [Moralis,  relatif  aux  mœurs,  de  mos,  maris,  usage,  manière  d'être 
ou  d'agir,  mœurs)  :  a)  Moral,  par  opposition  à  Physique,  indique  l'ensemble 
des  faits  psychologiques.  Physique  indique  l'ensemble  des  fonctions  orga- 
niques ;  vg.  rapports  du  physique  et  du  moral,  466.  —  Sciences  morales,  593  ; 
714.  —  h]  Moral  signifieproprement:ce  qui  est  relatif  auxmœurs,  à  la  conduite  : 
certitude  et  évidence  morales,  780-781  ;   782.     Conscience  morale,  137;  II,  15. 

—  Jugements  et  sentiments  moraux,  II,  16-18.  —  Sens  moral,  II,  18.  — 
Intention  morale,  II,  31.  —  Valeur  morale  des  actes,  II,  30-31.  —  Loi  morale, 
II.  38-39  :  39  ;  42.  —  Satisfaction  niorale,  II,  49.  —  Responsabilité  morale,  II, 
114.  —  Beau  moral,  II,  384.  —  A'.  Bouyssonie,  Solution  spiritualiste  du  Pro- 
blème moral,  dans  Archives  de  Philosophie  ,1924.  T.  II,  p.  1-64. 

Morale  (la)  (de  Moralis,  relatif  aux  mœurs,  employé  substantivement,  de 
mos,  m.oris,  usage,  manière  d'agir,  mœurs)  :  science  des  mœurs  telles  qu'elles 
doivent  être,  ou  science  du  bien  et  du  mal.  —  Place  de  la  Morale  dans  les 
sciences,  3  ;  5  ;  593  ;  715.  —  Méthode  de  la  Morale,  758.  —  Définition  et  objet 
de  la  Morale,  II,  1.  —  Science  et  art,  II,  2.  —  Division  de  la  Morale,  II,  3.  — 


880  TABLE  ANALYTIQUE  :  MoFalismc  —  Mot 

Utilité  de  la  science  de  la  Morale,  II,  3.  —  Rapports  de  la  Morale  avec  :  a]  Psy- 
chologie, IL  5  ;  b)  Logique,  II,  6  ;  c)  Métaphysique,  II,  7.  —  Morale  indépen- 
dante, II,  7.  —  Rapports  de  la  Théodicée  et  de  la  Morale,  II,  11. , 

florale  formelle  ou  générale,  II,  15.  —  Morales  égoïstes  ou  utilitaires,  II,  48. 

—  Morales  altruistes  ou  sentimentales,  II,  80.  ■ —  Morales  rationnelles,  II,  89.  — 
Rôle  en  Morale  :  a)  du  plaisir,  II,  76  ;  b)  de  Vintérêt,  11  ;  c)  du  sentiment,  86. 

Morale  matérielle  ou  particulière,  II,  148.  —  A)  Morale  personnelle, 
II,  153.  —  B)  Morale  sociale,  II,  161  :  a)  Humanitaire,  II,  161  ;  b)  Domes- 
tique, II,  208  ;  c)  Civique,  II,  219  ;  d)  Internationale,  II,  311.  —  Morale  et 
Politique,  II,  325.  —  C)  Morale  religieuse,  II,  331.  —  Rapports  de  la 
Morale  et  de  l'Économie  politique  :  a)  généraux,  II,  363  ;  b)  spéciaux,  II,  363. 

—  Morale  et  art,  II,  410.  —  Morale  dite  scientifique,  II,  58. 

Moralisme  (de  Morale,  de  Moralis,  relatif  aux  mœurs)  :  ce  terme  signifie  : 
a]  tantôt  une  doctrine  pratique  qui  ne  s'attache  qu'à  la  Morale  ;  b)  tantôt  un 
système  qui  fait  consister  la  moralité  uniquement  dans  l'intention  et  la  bonne 
volonté,  sans  tenir  compte  de  la  matière  de  l'acte  volontaire  :  tel  est  le  Mora- 
lisme de  Kant,  II,  78  ;  97  ;  100-101. 

Moralité  {Moralitas,  de  moralis,  relatif  aux  mœurs)  :  signifie  la  valeur 
morale  d'un  agent  ou  d'une  action.  —  Ses  éléments  ou  conditions,  II,  30.  — 
Conséquences  de  la  moralité,  II,  114.  S'oppose  à  Immoralité.  —  Kant  oppose 
Moralité  et  Légalité.  La  Moralité  consiste  dans  la  conformité  subjective  de  la 
volonté  à  la  loi  par  amour  du  devoir  :  le  caractère  moral  dépend  donc  de  la 
forme,  c'est-à-dire  de  l'intention  désintéressée,  et  non  de  la  matière.  La  Légalité 
consiste  dans  la  conformité  objective  à  la  loi  pour  en  retirer  quelque  avantage  : 
l'acte  accompli  est  matériellement  conforme  à  la  loi.  Un  tel  acte  est  légal, 
mais  n'est  pas  moral,  parce  que  l'intention  désintéressée  fait  défaut,  II,  78, 
97  ;  100-101. 

Morbide  (Morbidus,  de  morbus,  maladie)  :  psjxhologie  morbide,  723-724. 

Moreno  (Gabriel  Garcia)  :  homme  de  caractère,  392,  2.  —  Maxime 
politique.  II,  346. 

Morgan  (Augustus  de)  :  quantification  du  prédicat,  551,  2. 

Morphologie  (de  MopcpÂ,  forme  ;  )vôyo;,  discours)  :  science  des  formes  gram- 
maticales des,  mots.  —  Classification  morphologique  des  langues,  456.  — 
Partie  de  la  grammaire,  463  ;  464-465.  —  Parenté  morphologique  des  espèces, 
II,  617  ;  620,  iv  ;  623-625. 

Mort  (Mortem)  :  peine  de  mort,  II,  267-269. 

Mortification  (de  Mortifier,  de  tnors,  tnortis  avec  le  suffixe  fier)  :  c'est  le 
nom  chrétien  qui  exprime  le  devoir  de  réprimer  les  impulsions  de  la  sensibilité 
pour  la  soumettre  aux  exigences  de  la  raison,  II,  158.  —  Cf.  Thérapeutique 
des  passions,  119. 

Mosso  (Angelo)  :  la  peur,  469,5  ;  728. 

Mot  {Muttum,  grognement,  altéré  en  mottum)  :  sons  articulés  qui  composent 
le  langage,  436  ;  439.  —  Vocabulaire,  450.  —  Peut -on  penser  sans  mots  ?  151. 

—  Dangers  des  mots,  453.  —  Terme  et  mot  :  diiïérence,  515,  2.  —  Définition 
de  mot  ou  nominale,  521  ;  524.  —  Sophismes  de  mots,  798. 


TABLE    ANALYTIQUE    :    MotCUF —  MultitudC  881 

Moteur  {Motor,  de  motum,  supin  de  movere,  mouvoir)  :  ce  qui  meut,  ce 
qui  se  rapporte  au  mouvement.  —  Type  de  mémoire  :  moteur,  206.  —  EfTet 
moteur  des  images,  233-234  ;  470-471.  —  Nécessité  d'un  premier  moteur, 
II,  560. 

Motif  (du  latin  scolastique  Motivus,  qui  pousse  à  faire  quelque  chose, 
employé  substantivement)  :  raison  d'ordre  intellectuel  pouvant  déterminer, 
une  action  volontaire,  357.  — ■  Nécessité  des  motifs  pour  l'acte  volontaire, 
357-358.  —  Influence  des  motifs,  396.  —  Comparaison  des  motifs  aux  poids, 
399.  —  Divers-  motifs  des  actions  :  plaisir,  intérêt,  sentiment,  bien  rationnel 
II,  46-47. 

Motrice  {Motor,  motrix,  motricis,  de  motum,  supin  de  movere,  mouvoir)  : 
activité  motrice  inhérente  à  tout  phénomène  psychologique,  36.  —  Force 
motrice  des  imagos,  233-234  ;  470-471.  — "Cause  motrice,  324.  —  Conscience 
de  l'activité  motrice,  327.  —  L'activité  motrice  et  la  volonté  359-360  ;  363-364. 

—  On  nomme  sensations  motrices  ou  kinesthésiques  celles  qui  accompagnent 
les  mouvements  de  notre  corps  et  nous  les  font  connaître. 

Motricité  (de  Motrice)  :  fonction  motrice  de  l'être  vivant,  36  ;  363-364. 
Destutt  de  Tracy  se  sert  du.  mot  Motilité.  —  Elle  est  persistante  chez  le 
somnambule,  mais  son  exercice  est  suspendu  pendant  le  rêve,  473-474  ;  477. 

Mouvement  (de  Mouvoir,  de  movere)  :  déplacement  ou  changement  de 
position  dans  l'espace  considéré  dans  son  rapport  avec  le  temps,  II,  506,  2.  — 
Mouvement  mécanique,  spontané,  48.  —  Perception  du  mouvement,  182.  — 
Transformation  du  mouvement,  387-390  ;  II,  542.  —  Preuve  de  l'existence  de 
Dieu  tirée  du  mouvement,  II,  560. 

Moyen  (de  l'adjectif  Moyen,  qui  vient  de  medianum,  dérivé  de  médius, 
qui  est  au  milieu)  :  ce  qui  conduit  à  une  fin.  —  Corrélatif  de  fm,  333.  —  La 
fin  ne  justifie  pas  les  moyens,  II,  32-33. 

Moyen  terme  :  a)  le  terme  par  lequel,  dans  un  syllogisme,  le  majeur  et  le 
mineur  sont  mis  eu  rapport,  536  ;  b)  milieu  entre  deux  autres  termes,  214  ; 
II,  127. 

MuELLER  (Johann)  :  impressions  sensorielles,  167,  2.  —  Expériences  sur 
l'énergie  spécifique  des  nerfs,  158,  1  ;  164,  4. 

MuELLER  (Max)  :  les  noms  propres,  258,  2.  —  Racines  primitives,  260,  1. 

—  Instinct  philologique,  444,  7.  —  Penser,  d'après  les  Polynésiens,  452,  5. 

—  Classification  morphologique  des  langues,  456,  2,  3.  —  Classification  généa- 
logique, 458-459  ;  460.  —  Diversité  des  langues  et  possibilité  d'une  commune 
origine,  460,  3. 

Muet  (de  l'ancien  français  Mu,  dérivé  de  mutum)  :  expériences  fournies 
par  les  sourds-muets,  452  ;  723.  —  Langage  des  sourds-muets,  438. 

Multiple  {Multiplex,  de  multus,  nombreux  et  de  la  racine  plex,  plier,  d'où 
plicare,  plier)  :  opposé  à  l'un,  II,  471  ;  472. 

Multiplication  logique  :   567  ;   568. 

Multitude  [Multitudo,  de  multus,  nombreux)  :  pluraUté  d'êtres  réellement 
distincts  entre  eux,  II,  472.  —  C'est  l'élément  matoi'iel  de  la  société,  II,  219. 

—  D'après  Suarez  le  pouvoir  est  primitivement  dans  la  multitude  qui  veut 
former  une  société,  II,  224-225. 


882  TABLE  ANALYTIQUE  :  MuH  (Gomte  A.  dé) —  Mythologie 

MuN  (Comte  Albert  de)  :  programme  social,  II,  372-373. 

Musculaire. (MuscuZaris,  de  musculus,  petit  rat.  muscle,  de  mus,  mûris,  rat)  : 
sensations  musculaires,  75.  —  Sens  musculaire,  158.  —  Étendue  musculaire, 
191.  —  Effort  musculaire,  327  ;  359  ;  363-364. 

Musique  (Musica,  r,  aou^ixii,  sous-entendu  'hy]  —  l'art  de  la  musique 
de  po'jTixoç,  qui  concerne  les  Muses,  par  suite,  les  arts,  spécialement  la 
Musique,  de  Moù<ja,  pour  Môv-Taa,  Muse.  Racine  ya-»,  .^îv,  penser)  :  sens  musical, 
186.  —  Art  musical,  II,  408  ;  409. 

Musset  (Alfred  de)  :  la  douleur,  128. 

Mutation  [Mutatio,  de  mutatum,  supin  de  mutare,  fréquentatif  pour  movitare, 
déplacer,  changer,  de  movere,  mouvoir)  :  !«)  Sens  biologique  :  a)  petits  change- 
ments morphologiques  :  sic  Lamarck  ;  b)  différences  morphologiques  que 
présentent  les  échantillons  provenant  de  couches  successives  ;  c)  transformation 
brusque  et  héréditaire  d'un  type  vivant  qui  se  produit  dans  un  espace  court, 
même  dans  l'espace  d'une  seule  génération  :  sic  d-e  Vries,  Naudin,  II,  620. 
—  2°)  Sens  social  :  changement  dans  l'organisation  de  la  société. 

Mutilation  (Mutilatio,  de  mutilatum,  supin  de  mutilare,  mutiler)  :  altération 
de  l'intégrité  du  corps,  II,  156. 

Mutualité  (de  Mutuel,  de  mutuus,  réciproque,  de  mutare,  changer,  échanger)  : 
en  Sociologie,  ce  mot  désigne  les  institutions  qui  ont  pour  but  l'assistance 
mutuelle. 

Mutuel  (de  Mutuus,  réciproque,  de  mutare,  changer,  échanger)  :  ce  qui  est 
fondé  sur  un  échange  d'actes  ou  de  sentiments  qui  se  répondent.  —  Action 
mutuelle  de  l'âme  et  du  corps,  471-472  ;  II,  543-544. 

Mystère  [Mysterium,  ,y.uî>T/;piov,  chose  secrète,  de  aOto,  être  fermé)  :  a)  Sens 
large:  ce  qui  n'est  pas  en  soi  au-dessus  des  prises  delà  raison, mais  qu'elle  n'est 
pas  capable  de  comprendre  dans  l'état  actuel  des  connaissances,  vg.  l'essence 
des  corps.  —  b)  Sens  strict  :  ce  qui  est  incompréhensible,  au-dessus  de  la  raison, 
II,  634. 

Mysticisme,  Mystique  {Mysticus,  jxuTTtxo;,  qui  concer»e  les  mystères, 
mystique,  de  ,"-"^w,  èlie  ferméi  :  il  faut  distinguer  :  a)  Mysticisme  faux,  qui 
consiste  à  chercher  la  certitude,  en  dehors  de  la  raison,  dans  un  commerce 
superstitieux  avec  Dieu  et  le  monde  suprasensible  :  vg.  méthode  mystique  de 
l'ÉcoLE  d'Alexandrie,  7.  —  il  Mysticisme  vrai,  qui,  sans  renier  la  raison,  y 
ajoute  des  lumières  d'ordre  surnaturel  et  des  communications  spéciales  avec 
Dieu.  11  fait  l'objet  de  la  Théologie  mystique.  Cf.  A.  Poulain,  Des  grâces 
d'oraison,  Paris,  1922  (IQo  édit.). 

Mystification  (de  Mystifier,  du  radical  de  mystère,  avec  le  suffixe  fier)  : 
action  d'abuser  de  la  crédulité  des  gens.  —  Mystification  en  matière  textuelle 
742,   1. 

Mythe  (MûOoî,  parole,  fable)  :  c'est  l'exposition  d'une  doctrine  profonde 
sous  le  voile  de  l'allégorie.  Les  mythes  de  Platon  sont  célèbres  ;  vg.  mythe  de 
la  caverne,  310. 

Mythologie  (Mythologia,  de  MvOoXoyt^,  de  ^uOoXdyoç,  fabuleux,  de  i-tïïOo;, 
fable  ;  "Îto-:,  discours)  :  histoire  fabuleuse  des  dieux  et  des  héros.  —  Divini- 
sation des  forces  du  monde,  248,  1. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  NapoléoD  I^r  —  NaudiD  ( Charlcs-Victor)  883 


SI 

Napoléon  I"  :  le  duelliste,  II,  168. 

Nation  (Natio,  naissance,  race,  hommes  de  même  race,  nation,  de  nascor, 
natus  sum,  naître)  :  ensemble  des  citoyens  constituant  un  État.  —  Ses  éléments, 
92-93  ;  II,  220.  —  Société  des  Nations,  II,  320-321. 

Nationalisation  (de  Nationaliser,  de  nation)  :  nationalisation  du  sol,  II,  200. 

Nationalité  (de  National,  de  nation)  :  ses  éléments,  92-93.  —  Respect.de 
la  nationalité,  II,  313.  —  Principe  des  nationalités,  II,  322. 

Nativisme,  Nativiste  (de  Nativus,  donné  par  la  nature,  inné,  de  nascor,  natus 
sum,  naître)  :  est  dite  nativiste  toute  doctrine  enseignant  qu'une  fonction,  un 
caractère  oxi  une  idée  sont  innés  ou  congénitaux.  —  Objet  de  la  vue,  179-180.  — 
Théorie  nativiste  ou  innéité  des  idées,  312. 

Naturalisme  (de  Naturalis,  naturel,  relatif  à  la  naissance,  naturel,  de  nascor, 
natus  sum,  naître)  :  le  naturalisme  doctrinal  a  produit  deux  systèmes  prin- 
cipaux :  a)  l'un  confond  la  nature  avec  Dieu  ;  c'est  le  Panthéisme,  II,  601-602  ; 
b)  l'autre  prétend  que  l'ensemble  des  facultés  natives  de  l'homme  suffisent 
à  assurer  son  perfectionnement,  sa  destinée  et  son  bonlieur  :  il  rejette  la  révé- 
lation et  l'ordre  surnaturel.  Cf.  Cardinal  Pie,  l^e,  2'^  et  ^"^  Instructions  synodales 
sur  les  principales  erreurs  du  temps  présent,  t.  II,  pp.  340-417  ;  t.  III,  pp.  127- 
262  ;  t.  V,  pp.  29-209  de  ses  Œuvres,  Paris,  1866-1867.  —  Religions  natura- 
listes, 248,  1.  —  Naturalisme  dans  l'art,  II,  397-400. 

Nature  [Natura,  de  nascor,  natus  sum,  naître)  :  principaux  sens  :  a)  i  ensemble 
de  tout  ce  que  Dieu  a  créé  ;  h]  principe  de  l'activité  ;  c'est  le  sens  scolastique, 
367  ;  c)  l'ensemble  des  caractères  essentiels  d'un  être,  d'une  science,  d'une 
institution,  etc.  ;  (Z)  se  dit  par  opposition:  1°)  à  la  civilisation  :  état  de 
•nature  (Rousseau),  II,  220-221  ;  2°)  à  la  grâce,  qui  est  un  don  surnaturel, 
c'est-à-dire  au-dessus  des  exigencesdelanature. -Sentiment  delà  nature,  87»  1. 
—  Seconde  nature  :  a)  coutume,  109,  2  ;  b\  habitude,  418-419.  —  Principe 
d'uniformité  de  la  nature,  290:  678;  680-681.  —  Nous  concevons  la  nature 
extérieure  à  notre  image,  329.  —  Nature  naturante,  nature  natur^e  (Spinoza), 
II,  603-604. 

Naturel  (Naturalis,  de  nascor,  natus  sum,  naître)  :  se  dit  dans  tous  les  sens 
du  mot  nature.  —  Perceptions  naturelles,  178.  — ^  Sciences  naturelles  :  a]  leur 
objet,  645  ;  b)  leur  division,  646  ;  c)  leur  méthode,  647.  —  Religion  naturelle, 
H,  331.  —  Le  naturel  dans  les  œuvres  littéraires  et  artistiques,  II,  403-404.  — 
Génie,  don  naturel,  II,  406.  —  Naturel  s'oppose  :  a)  a  Acquis  ;  vg.  Perceptions 
acquises,  181  ;  i)  à  Surnaturel  :  ce  qui  dépasse  les  exigences  et  les  forces  de 
la  nature.  Cf.  J.-V.  Bainvel,  Nature  et  surnaturel,  Paris,  1903. 

Naturisme  (de  Nature)  :  culte  de  la  nature  et  divinisation  de  ses  forces, 
248,  1. 

Naudin  (Charles-Victor)  :  hypothèse  des  transformations  brusques,  II, 
620.  Elle  a  été  reprise  par  Hugo  de  Vries,  Die  Mutationstheorie,  Leipzig,  1901. 
Species  and  Varieties,  Chicago,  1905.  Traduit  par  L.  Blaringhem  :  Espèces 
et  Variétés,  Paris,  1909.  Cf.  H.  Colin,  La  mutation,  dans  Revue  de  Philosophie, 
septembre-octobre  1910,  pp.  322-337. 


884  TABLE  ANALYTIQUE  :  NavUIe  (Ernest)  —  Neutralité 

Naville  (Ernest)  :  fondement  de  la  foi  au  témoignage,  737,  2.  —  Savants 
et  croyants  :  II,  448,  1. 

Néant  (peut-être  de  Nec-entem,  latin  scolastique,  non-être)  :  II,  461. 

Nécessaire  [Necessarius,  de  necesse,  nécessaire)  :  ce  qui  ne  peut  pas  ne  pas 
être,  ce  qui  ne  peut  être  autrement.  —  Jugement  nécessaire,  273.  —  Opposé 
à  Contingent,  285  ;  339.  —  Vérités  nécessaires,  292-293.  —  Origine  de  f'idée 
de  nécessaire,  341.  —  Syllogisme  du  nécessaire,  561.  —  Nécessaire  et  superflu, 
II,  190  ;  193  ;  263-264.  —  Vérités  éternelles  et  nécessaires,  II,  567.  —  L'Etre 
nécessaire,  II,  572. 

Nécessité  {Nécessitas,  de  necessarius,  nécessaire)  :  a)  caractère  de  ce.  qui 
est  nécessaire  (voir  ce  mot)  ;  b)  contrainte  exercée  sur  l'homme  par  l'enchaî- 
nement inévitable  des  principes  et  des  conséquences,  des  effets  et  des  causes. 

Nécessité  absolue  des  premiers  principes,  292-293.  —  Nécessité  relative  des 

lois  physiques,  294  ;  II,  38.  —  Nécessité  de  la  conséquence  dans  le  syllogisme 
démonstratif,  535-536  ;  561.  —  Nécessité  de  la  connexion,  signe  d'évidence, 
778  ;  838.  —  Nécessité  de  la  loi  morale,  II,  38-39  ;  41  ;  44.  —  Cas  d'extrême 
nécessité,  II,  193. 

Négatif,  Négation  (Negativus,  negatio,  de  negatum,  supin  de  negare,  dire 
non  nier,  de  ne,  ne  pas)  :  action  de  l'esprit  déclarant  fausse  une  relation 
proposée.  —  Jugement  négatif,  266  ;  272-273. 

Néo-Criticisme  (de  Nsoç,  nouveau  ;  x&irtxoç,  capable  de  juger,  de  xpiva», 
juger,  décider)  :  école  fondée  par  Renouvier,  386,  2  ;  790  ;  II,  438. 

Néo-Platonisme  :  doctrine  de  I'École  d'Alexandrie,  7  ;  II,  555. 

Néo-Scolastique  (Philosophie)  :  nom  pris  par  certains  philosophes  contem- 
porains, notamment  par  les  professeurs  de  l'Université  de  Louvain,  lesquels 
publient  la  Revue  Néo-Scolastique  pour  répandre  la  philosophie  de  saint  Thomas 
et  des  grands  Scolastiques. 

Néo-Thomisme  :  nom  donné  aux  philosophes  scolastiques  qui  se  recom- 
mandent de  saint  Thomas  et  s'efforcent  d'adapter  la  doctrine  thomiste  aux 
besoins  du  temps  présent.  —  Voir  Thomisme. 

Nerf  [Nervum,  veupov,  pour  ^ep/'ov),  Nerveux  [Nervosus)  :  impression  ner- 
veuse, 70.  —  Système  nerveux,  71  el  note  1.  —  Tempérament  nerveux,  391. 
—  Caractère  nerveux,  404. 

Neuf  [Novum]  :  idée  neuve,  230-231. 

Neurasthénie  (de  Neupw,  nerf  ;  àirOîvEia,  faiblesse,  de  à  privatif,  aôévo;, 
force.  Ilacine  (JTa,  se  tenir  debout)  :  nom  générique  pour  désigner  les  affections 
nerveuses  qui  n'ont  pas  leur  origine  dans  une  lésion  organique  et  ont  souvent 
pour  cause  un  état  moral. 

Neurone  (de  Nîtipov,  nerf)  :  la  cellule  et  la  fibre  conductrice,  qui  constituent 
le  système  nerveux,  sont  un  même  élément  anatomique.  —  Neurone  sensitif 
central,  neurone  moteur  central,  73  en  note. 

Neutralité  (de  Neutralis,  neutre,  de  neuter,  neutra,  neutrum  =  ne-uter, 
ni  l'un  ni  l'autre)  :  état  de  celui  qui  ne  prend  pas  parti.  —  Neutralité  scolaire, 
II,  259. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  NévrosG — ^  Non-moî  885 

Névrose  (de  Nsupov,  nerf)  :  nom  générique  pour  désigner  un  grand  nombre 
d'affections  maladives  qu'on  croit  provenir  du  système  nerveux. 

Newman  (Cardinal  Henry-John):  Illative  sens,  788-790  ;  793, 1.  —  Sens 
■du  vrai,  II,  19,  4.  —  Grande  âme  dans  un  corps  chétif,  II,  164,  1. 

Newton  (Isaac)  :  effort  patient  du  génie,  231.  —  Déduction  et  induction 
se  ramènent  à  synthèse  et  analyse,  622,  1.  —  Chute  d'une  pomme,  650,  3.  — 
Danger  des  hypothèses,  658,  2,  —  Principe  des  lois,  676.  —  Savant  et  croyant, 
II,  447-448.  —  Espace  et  temps,  II,  501. 

Nicole  (Pierre)  :  le  bon  sens,  287.  —  Sophismes  du  cœur,  801,  2.  —  Voir 
Port-Royal. 

Nihilisme  (de  Nihil,  rien,  de  ni,  pour  ne,  ne  pas  et  hilum,  petite  raie  noire 
au  haut  de  la  fève,  par  extension  un  rien,  d'où  nihilam,  nihil,  rien)  :  a)  En  Phi- 
losophie, c'est  :  1°)  La  doctrine  phénoméniste  qui  prétend  qu'aucune  réalité 
substantielle  ne  répond  aux  perceptions  sensibles,  II,  427-428.  L'expression 
est  de  Hamilton  [Lectures  on  Metaphysics,  T.  I,  Lect.  XVI,  p.  293-294, 
Edimbourg,  1877).  —  2°)  La  doctrine  qui  prétend  qu'il  n'y  a  point  de  vérité, 
II,  346. —  b)  En  Politique,  c'est  la  doctrine  qui  ne  veut  rien  [nihil]  laisser  debout 
de  l'état  social  actuel  ;  vg.  les  Nihilistes  russes. 

Nirvana  (signifie  littéralement  extinction)  :  ce  mot,  dans  la  doctrine  boud- 
dhiste, signifie  la  destruction  du  moi,  mais  non  de  l'être.  Le  souverain  bonlieur 
consiste  dans  cet  anéantissement  de  l'existence  personnelle  qui  se  fond  dans 
l'existence  universelle.  Le  Bouddhisme  n'admet  donc  qu'une  sorte  d'immor- 
talité de  la  substance,  II,  549-550. 

Nivellement  (de  Niveler,  de  nii>eau,  du  latin  populaire  Libellum,  pour 
libella,  devenu  livel,  liveau,  puis  par  dissimilation  nivel,  niveau)  :  action  de 
mettresur  la  même  ligne,  le  même  rang.  —  Nivellement  égaU taire,  II,  241-242;  251 . 

Nolonté  (de  Nolo,  ne  pas  vouloir,  par  analogie  avec  volonté)  :  mot  forgé 
par  Renouvier  pour  désigner  le  pouvoir  suspensif  de  la  volonté)  :  357. 

Nom  [Nomen,  de  noscere,  connaître.  Racine  gno.  Cf.  co-gno-scere,  cognomen)  : 
mot  par  lequel  on  désigne  quelqu'un  ou  quelque  chose.  —  L'idée  générale  est 
pour  le  Nominalisme  un  nom  commun,  254.  —  Noms  communs  et  propres,  258. 
—  Rôle  du  nom  dans  la  phrase,  464. 

Nombre  [Numerus.  Cf.  vof/-/^,  partage,  de  véjjlw,  partager)  :  collection  d'unités 
ayant  quelque  chose  de  commun,  II,  472.  —  Origine  de  cette  idée,  149.  —  Le 
nombre  infini  répugne,  340,  2. 

Nominal  [Nominalis,  de  Nomen,  nom,  de  noscere,  connaître)  :  qui  se  rapporte 
aux  mots.  —  Définition  nominale,  524. 

Nominalisme  (de  Nominalis,  de  nomen,  nom)  :  système  d'après  lequel  il 
n'existe  pas  d'idées  générales,  mais  des  signes  généraux,  254  ;  255-256.  — 
Nominalisme  de  Condillac,  301  ;  463. 

Non  causa  pro  causa  :  sophisme,  799-800. 

Non-être  :  voir  Néant. 

Non-euclidien  :  les  géométries  non-euclidiennes,  643. 

Non-moi  :  tout  ce  qui  est  distinct  du  sujet  pensant  et  sentant,  173-17'î.  — 
Le  non-moi  est  la  limite  du  moi  (Fichte),  II,  604.  —  S'oppose  à  Moi. 


886  TABLE  ANALYTIQUE  :  Noologic  —  Nys  (Désiré) 

Noologie  (No'oç-Noîiç,  esprit,  racine  -/voj,  connaître,  ^^oyo;,  discours)  :  terme 
proposé  par  Fr.  Mentré  pour  signifier  l'analyse  et  la  classification  des  diffé- 
rents types  d'esprit  (Cf.  Le  Spectateur,  juin,  1911). 

Noologique  (Noo;-Nou;.  esprit,  racine  yvto,  connaître  ;  5^070;,  discou.-'?'  : 
ce  qui  concerne  l'esprit.  —  Sciences  noologiques,  2  ;  588. 

Normal  [Normalis,  fait  à  l'équerre,  droit,  régulier,  de  norma,  équerre,  v-  ■  : 
ce  qui  sert  de  règle,  ce  qui  est  conforme  àja  règle.  —  La  Psychologie  étudio  les 
cas  normaux  et  anormaux,  723-724.  —  États  normaux  de  l'imagination,  225. 
—  S'oppose  à  Anormal. 

Normatif  (de  Norma,  règle)  :  ce  qui  concerne  la  norme,  la  règle.  —  Sciences 

nermatives,  504  ;  715. 

y 

Norme  i Norma,  règle)  :  on  dit  vg.  la  norme  de  la  conscience  ;  c'est  la  loi 
morale,  II  38-39. 

Note  (Nota,  ce  qui  fait  connaître,  marque,  de  notum,  supin  de  noscere, 
savoir)  :  notes  individuantes  ou  caractères  accidentels,  522, 

Notion  {Notio,  action  de  connaître,  connaissance,  idée,  de  notum,  supin  de 
noscere,  chercher  à  connaître)  :  a)  Connaissance  d'une  chose. —  b)  Idée,  en  tant 
qu'objective,  représentative  d'un  objet.  Ce  terme  est  surtout  appliqué-  aux 
idées  abstraites  :  vg.  Notion  de  substance,  320.  —  Ces  notions  forment  la 
matière  des  jugements,  295-296. 

Notions  premières  :  comparaison  avec  les  vérités  premières,  295-296.  — 
Classifications,  296.  —  Origine  :  solutions  :  a)  empirique,  298  ;  b)  rationaliste, 
3CS  ;  c)  empirico-rationaliste,  315. 

Nouménal  (de  Noumène)  :  ce  qui  se  rapporte  au  noumène.  —  Liberté 
nouménale,  386.  —  Le  caractère  intelligible  -est  nouménal,  405. 

Noumène  (\oûy.:vov,  chose  pensée,  de  •■'oo;  voùç,  pensée)  :  réalité  intel- 
ligible, objet  de  la  raison,  opposée  à  la  réalité  sensible  et,  par  suite,  chose  en 
soi,  réalité  absolue  (  Kaxt),  II,  430-431.  —  L'homme-noumène,  II,  136  ;  154-155. 

Nouveau,  Nouveauté  [Novus,  novelUtatem.  Cf.  véo;  r=  vi/"oç)  :  son  attrait,  121 . 

Novalis  (Frédéric,  Baron  de  Hardenberg,  connu  sous  le  pseudonyme 
de)  :  les  caractères,  406. 

Nue  propriété  (-Vu,  de  nudum  ;  proprietas]  :  propriété  sans  l'usufruit, 
II,  189. 

Numérique  (de  Numcrus,  nombre)  :  relatif  au  nombre.  —  Différence  numé- 
rique :  c'est,  pour  les  Scolastiques,  la  différence  qui  sépare  deux  individus 
de  la  même  espèce  :  vg.  Pierre  et  Paul,  252.  —  S'oppose  à  Différences  générique 
et  spécifique,  252-253. 

Numismatique  (de  Numisma,  Nôutcraa,  tout  ce  qui  est  établi  par  l'usage, 
coutume,  monnaie,  de  vo;/i'::;o),  -avoir  en  usage,  de  vôaor^  usage,  usage  ayant 
force  de  l^i,  loi)  :  sciences  des  monnaies  et  médailles.  —  Utilité  des  monnaies 
comme  renseignement  historique,  740. 

Nvs  (DÉSIR El  :  théorie  de  la  relativité,  II,  506,  4.  —  Critique  dei'Atomisme 
dynamique,  II,  511,  2. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Obédieiitiel  —  Objet  ,    887 


0  :  indique  la  proposition  particulière  négative,  532. 

Obédientiel  (du  latin  scolastique  Oboedientalis,  de  Oboedientia,  obéissance, 
de  oboedire  =  ob-aadire,  de  auris,  oreille)  :  les  Scolastiques  appellent  puis- 
sance obédientielle  la  possibilité  qu'ont  les  êtres  de  se  prêter  à  l'action  divine 
et  conséquemrnent  de  devenir  par  elle  tout  ce  qui  n'est  pas  en  contradiction 
avec  leur  essence. 

Obéissance  (de  Obéir,  de  oboedire  =  ob-audire,  de  auris,  oreille)  :  souniission 
à  une  autorité.  —  Devoir  :  a)  de  la  l'emme,  II,  212  ;  b]  des  enfants,  II,  217  ; 
c)  des  serviteurs,  217  ;  d)  des  gouvernés,  II,  274-275. 

Objectif  (du  latin  scolastique  objectivas,  de  objectuin,-  ce  qui  est  mis  devant, 
participe  passé  de  objicio  =  ob,  devant  ;  jacio,  jeter)  :  a)  Sens  scolastique  :  ce 
qui  est  le  ternie  ct'une  idée,  vg.  les  phénomènes  intellectuels  sont  objectifs, 
34.  —  Vérité  objective,  769,  II,  475.  —  Nécessité  objective,  293.  —  Évidence, 
probabilité,  possibilité  objectives,  771-772.  —  b)  Ce  qui  est  valable  pour  tous 
les  esprits  et  pas  seulement  pour  tel  ou  tel  individu  :  valeur  objective  de  la 
connaissance,  II,  421  —  c)  Ce  qui  constitue  une  réalité  subsistant  en  elle-même, 
c'est-à-dire  indépendamment  de  toute  connaissance,  vg.  Dieu,  le  monde 
extérieur.  —  S'oppose  à  subjectif,  individuel,  apparent. 

Objection  (du  latin  scolastique  Objertio,  de  objectum,  supin  de  ob-jicere, 
jeter  devant,  opposer)  :  c'est  un  argument  qui  vise  à  réfuter  une  doctrine  ; 
vg.   objections  contre  la  possibilité  de  l'observation  subjective,   720. 

Objectivation,  Objectiver  (de  Objectif)  :  transformation  de  ce  qui  est  sub- 
jectif en  objectif.  —  Objectivation  des  sensations,  72-73  ;  160. 

Objectivisme  (de  Objectif)  :  se  dit  des  doctrines  qui  admettent  que,  dans  la 
perception,  i'ospi'it  connaît  directement  une  réalité  existant  en  soi. 

Objectivité  (de  Objectif)  :  caractère  de  ce  qui  est  objectif  ;  vg.  admettre 
l'objectivité  de  la  perception  externe,  c'est  admettre  qu'elle  atteint  des  objets 
en  dehors  de  l'esprit,  161.  -Objectivité  des  couleurs,  xxiv,  1  ;  176, 1.  —  Qualités 
primaires  objectives,  177-178. 

Objet  (du  latin  scolastique  Objectum,  ce  qui  est  mis  devant,  participe  passé 
de  ob-jicere)  :  a)  Ce  mot  s'oppose  à  sujet  comme  ce  qui  est  connu  à  ce  qui  est 
connaissant.  On  distingue  le  sujet  connaissant  et  ce  qui  est  représenté  dans 
l'esprit  qu'on  nomme  objet,  34.  —  Puis,  ce  qui  est  représenté  dans  l'es- 
prit, l'objet  de  la  pensée,  étant  regardé  comme  l'image  fidèle  des  choses 
extérieures,  on  a  également  appelé  objet  les  choses  extérieures.  De  là  une 
certaine  équivtxjue  dans  le  sens  de  ce  mot,  771-772.  —  Cliez  Descartes, 
exister  objectivement  signifie  exister  dans  l'esprit.  Cf.  Méditations  métaphysiques, 
3e.  —  Depuis  Kant  surtout,  cela  signifie  exister  en  dehors  du  moi,  de  l'e-^prit. 
b)  Renouvier  appelle  objet,  objectif,  ce  que  les  auti-es  nomment  actuellement 
sujet,  subjectif.  Pour  lui,  Vobjet  c'est  la  représentation  mentale  :  vg.  la  perception 
d'un  arbre  ayant  telle  forme  est  phéaumène  objectif.  Le  sujet  c'est  ce  qui  est 
regardé  comme  existant  en  dehors  de  l'esprit  :  ainsi  la  forme  de  cet  arbre  est 
un  phénomène  subjectif,  parce  que  la  forme  est  inhérente  à  l'arbre  qui  en  est 
le  sujet,  sub-jectum,  placé  sous,  Û7:ox£'y.cvov,  comme  dit  Aristote.  En  voulant 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Obligation  —  Occupant 

revenir  au  sens  primitif  des  mots  Objet  et  Sujet,  Renouvier  a  accru  la  confu- 
sion. —  c)  Objet  signifie  encore  la  matière  dont  traite  une  science  ;  vg.  objet  de 
la  philosophie,  1. 

Obligation  (Obligatio,  action  de  lier,  lien,  obligation,  de  obligatum,  supin 
de  ob-ligare,  lier,  envelopper)  :  a)  Lien  moral  qui  assujétit  à  une  loi  ou  attache 
à  quelqu'un  qui  a  rendu  un  bon  office.  —  è)  Sentiment  de  contrainte  morale 
accompagnant  l'idée  du  devoir,  II,  37.  —  Devoir  et  obligation,  II,  37.  — 
Caractères  de  l'obligation  morale  ou  devoir,  II,  44.  — Fondements  :  a)  erronés, 
II,  108  ;  b)  véritable,  110. 

Obligatoire  (Obligatorius,  de  obligatum,  supin  de  ob-ligare,  lier)  :  ce  qui  lie, 
oblige.  —  La  science  du  bien  obligatoire,  II,  1.  —  Caractère  obligatoire  de  la 
loi  morale  et  du  devoir,  II,  44.  —  Le  bien  est-il  obligatoire  ?  II,  109  ;  112.  — 
Suffrage  obligatoire,  II,  282-283. 

Obscur  {Obscurus  =  ob-scurus.  Cf.  (jy-ta,  ombre,  (txotoî,  obscurité)  :  a)  Syno- 
nyme de  subconscient,  en  parlant  des  phénomènes  psychiques,  144. —  è)  Une- 
idée  obscure  est  celle  qui  ne  suffit  pas  à  faire  reconnaître  son  objet,  518. — 
Obscurum  per  obscurius  :  a)  Définir  ce  qui  est  obscur  par  ce  qui  est  moins 
clair  encore,  c'est  pécher  contre  une  règle  de  la  bonne  définition,  523  ;    638. 

b)  Prouver  ce  qui  est  incertain  par  ce  qui  est  moins  certain  encore,  c'est  une 
des  manières  de  commettre  le  sophisme  de  la  pétition  de  principe,  801. 

Observateur  (Observator,  de  ohservatum,  supin  de  observare,  de  oè,  au-devant, 
servare,  garder,  observer,  de  servus,  gardien,  puis  esclave,  qui  était  le  gardien 
de  la  maison)  ;  cjualités  d'un  bon  observateur,  650-651. 

Observation  (Observatio,  de  observatum,  supin  de  observare,  examiner  avec 
attention,  respecter)  :  considération  attentive  des  faits.  —  Observation  : 
a)  subjective,  719  ;  b)  objective,  722.  —  Méthode  d'observation,  647.  —  Obser- 
vation dans  les  sciences  physiques  :  a)  sa  nature,  69  ;  b)  ses  conditions,  650  ; 

c)  ses  règles,  651.  —  Observation  provoquée  ou  expérimentation,  660.  — 
Sciences  d'observation,  663-664.  —  Observation  en  Physique  et  en  Psycho- 
logie, 731.  —  L'observation  de  la  loi  morale  est  obligatoire,  II,  39  ;  44  ;  110-111. 
—  S'oppose  à  Expérience,  Expérimentation. 

Obsession  (Obsessio,  action  d'assiéger,  de  obsessum,  supin  de  ob-sidere,  se 
tenir  devant,  de  ob,  devant  ;  sedere,  être  assis)  :  état  d'esprit  d'un  homme 
assiégé  par  une  ou  plusieurs  idées  et  sentiments  qui  lui  font  une  sorte  de 
violence.  Elle  prend  la  forme  de  monoïdéisme  ou  de  polyïdéismc,  428. 

OccAM,  OcKAM,  Okkam  (GUILLAUME  d')  :  nominalisme,  254.  —  Distinction 
du  bien  et  du  mal,  II,  107. 

Occasion  (Occasio,  de  occasum,  supin  de  occidere  —  ob-cadere,  tomber  en 
avant)  :  ce  qui  facilite  l'activité  delà  cause.  —  Occasion,  cause  et  condition,  324. 

Occasionnalisme,  Occasionnel  (de  Occasion)  :  système  des  causes  occa- 
sionnelles (Malebranche),  II,  546. 

Occulte  {Occultus,  de  occultant,  supin  de  occulere,  du  verbe  archaïque  calerc, 
cacher)  :  ce  qui  est  caché,  mystérieux.  —  Sciences  occultes,  vg.  la  magie, 
l'alchimie.  —  Qualités  occultes,  vg.  la  nature  a  horreur  du  vide,  248.  —  Puis- 
sances occultes  :  ce  mot  sert  à  qualifier  les  démons. 

Occultisme  (de  Occulte)  :  ensemble  des  sciences  occultes  et  des  arts  magiques. 

Occupant.  Occupation  (de  Occupans,  Occupatio,  de  occupare  =  ob-capere, 
s'emparer  de,  occupons,  occupàium)  :  droit  du  premier  occupant,  II,  190. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Oculairc  —  Ontologie  889 

Oculaire  [Ocularius,  de  oculus,  œil)  :  témoin  oculaire,  735. 

Odeur  {Odorem.  Cf.  o^'',  odeur)  :  objet  de  l'odorat,  157  ;  178. 

Odorat  (Oc?ora(Ms,  de  odoratum,  supin  de  odorari,  flairer.  Cf.  oÇco,  parfait  2 
oôoioa,  exhaler  une  odeur)  :  organe, de  l'odorat,  157.  —  Objet  de  l'odorat,  178. 

—  Perceptions  acquises,  182.  —  Education  de  l'odorat,  184.  —  Rang  hiérar- 
chique, 74  ;  185. 

Office  {Officium,  de  officere  —  ob-facerc,  appliquer  sur)  :  le  mot  officium 
signifie  action  de  se  mettre  en  avant,  service  rendu,  devoir,  charge.  Cf.  Cicéron, 
De  Officiis  Libri.  très.  Ce  mot  n'est  plus  usité  en  français  dans  le  sens  de  devoir. 

—  Aujourd'hui,  il  s'emploie  dans  le  sens  de  charge,  fonction,  vg.  bien  remplir 
son  office. 

Oiseux  (Otiosum,  oisif,  de  otium,  repos)  :  parole  oiseuse,  c'est-à-dire  inutile, 
sans  raison  d'être,  donc  répréhensible  en  quelque  manière. 

Oisiveté  (de  Oisif,  dérivé  de  oiseux  par  le  changement  du  suffixe  eux  en  if)  : 
II,  159;  187. 

Oken  (Lorenz)  :  le  crâne  est  une  vertèbre,  231-232. 

Olfactif  (de  Olfactus,  odorat,  de  olfactum,  supin  de  ol-facere,  faire  sentir, 
flairer,  de  olere,  exhaler  une  odeur)  :  nerf  olfactif,  157.  —  Mémoire  olfactive,  207. 

Oligarchie  ("OÀtY«pzt<z,  de  ô/tyac/rjç,  de  oXtyo;,  peu  nombreux  =  6  pros- 
thétique  et  racine  Xtx,  être  petit  ;  «p//,,  commandement)  :  forme  de  gouver- 
nement où  l'autorité  appartient  à  un  petit  nombre  de  citoyens.  Se  prend  dans 
un  sens  péjoratif,  II,  235. 

Ollé-Laprune  (Léon)  :  faire  son  devoir  d'homme  d'après  Aristote, 
II,  92,  2.  —  Citation  de  Leibniz  sur  l'idée  de  perfection,  II,  105,  2. 

Ollivier  (Emile)  :  la  liberté  sociale,  seule  essentielle,  II,  291. 

Omnipotence  [Omnipotentia,  de  omnis,  tout  ;  potentia,  puissance, 'de  potens, 
maître  de,  d'un  verbe  inusité  potere,  de  potis,  pote,  qui  peut^  :  attribut  divin, 
II,   597. 

Omniprésence  (Omnis,  tout  ;  prsesentia,  présence,  de  prsesens,  preeesse, 
être  avant)  :  attribut  divin,  II,  578-579. 

Omniscience  (du  latin  scolastique  Omniscientia,  de  omnis,  tout  ;  scientia, 
science)  :  attribut  divin,  II,  582-583. 

Onéreux  [Onerosus,  lourd,  de  onus,  oneris,  poids,  charge)  :  qui  impose  des 
charges,  des  frais,  vg.  transmettre  un  bien  à  titre  onéreux,  II,  197.  —  S'oppose 
à  Gratuit,  Gracieux. 

Onomatopée  [Onomatopœia,  ovou-axoTrouy,  de  q-jou-v.,  ovo'jv.'zto;,  nom  ;  tto'.év, 
faire)  :  formation  des  mots  par  harmonie  iinitatlve.  —  Sun  rôle  dans  le  lan- 
gage, 447. 

Ontogenèse,  Ontogénie  (To  ov,  ovtoç,  l'être  ;  ^/i-Jtmc,,  origine,  yivoç,  nais- 
sance, origine.  Racine  T£'^  engendrer)  :  se  dit  de  l'évolution  de  Vindividu  par 
opposition  à  la  Phylogénèse  ou  Phylogénie,  qui  indique  l'évolution  de  Vespéce. 

Ontologie  (du  latin  scolastique  Ontologia,  de  -o  ov,  ovroc,  l'être  ;  Xôyo;, 
discours^  :  science  de  l'être  en  tant  qu'être.  —  Sa  place  dans  les  s':iences  philo- 
sophiques,  5  ;   592  ;   II,   460-495. 


890  TABLE  ANALYTIQUE  :  Ontologique  —  Organique 

Ontologique  {Ontologicus,  de  ontologia)  :  ce  qui  se  rapporte  à  l'ontologie, 
à  l'être.  —  Méthode  ontologique,  7.  —  Ordre  ontologique,  342.  —  Loi  ontologi- 
que, 762.  —  Vérité  ontologique,  769  ;  II,  475.  —  Argument  ontologique,  II,  569. 

Ontologisme  (de  Ontologie)  :  «  L'Ontologisme  est  un  système  dans  lequel, 
après  avoir  prouvé  la  réalité  objective  des  idées  générales,  on  établit  que  ces 
idées  ne  sont  pas  des  formes,  des  modifications  de  notre  âme  ;  qu'elles  ne  sont 
rien  de  créé,  qu'elles  sont  des  objets  nécessaires,  immuables,  éternels,  absolus  ; 
qu'elles  se  concentrent  dans  l'Etre  simplement  dit  et  que  cet  Etre  infmi  est 
la  première  idée  saisie  par  notre  esprit,  le  premier  intelligible,  la  lumière  dans 
laquelle  nous  voyons  toutes  les  vérités  éternelles  et  absolues.  Les  ontologistes 
disent  donc  que  ces  vérités  éternelles  ne  peuvent  avoir  de  réalité  hors  de 
l'essence  éternelle  ;  d'où  ils  concluent  qu'elles  ne  subsistent  qu'unies  à  la 
substance  divine,  et  que  ce  ne  peut  être,  par  conséquent,  que  dans  cette 
substance  que  nous  les  vovons.  »  (  J.  Fabre  d'Envieu,  Défense  de  l' Ontologisme, 
p.  1-2,  Paris-Tournai,  1862}  :  312  ;  II,  452. 

Opération  (Operatio,  de  operari,  travailler,  de  opus,  œuvre,  travail)  :  action 
d'une  faculté  ou  d'un  agent  qui  produit  son  effet.  —  Opérations  :  a)  sensitives, 
134  ;  b)  proprement  intellectuelles,  135.  —  Operatio  sequilur  esse,  681. 

Opinion  (Opinio,  de  opinari,  penser,  croire,  conjecturer)  :  a)  adhésion  de 
l'esprit  mêlé  de  doute,  775  ;  b)  manière  de  juger.  —  Sanction  de  l'opinion 
publique,  II,  123.  —  Influence  de  l'opinion  dans  la  démocratie,  II,  241. 

Opposition  (Oppositio,  contraste,  de  oppositum,  supin  de  opponere  =  ob- 
ponere,  placer  contre,  opposer)  :  a)  en  Logique  :  opposition  des  propositions, 
532  ;   b)  en  Politique  :  lutte  contre  le  gouvernement,  II,  288-289. 

Optimisme  (de  Optimus,  le  meilleur,  de  ops,  opis,  ressource,  abondance,  et 
du  suflixe  timus,  comme  dans  in-timus,  ex-timus)  :  a)  Optimisme  absolu  :  doc- 
trine d'après  laquelle  le  monde  est  aussi  parfait  que  possible  (Malebranche, 
Leibniz),  II,  646. —  b)  Optimisme  retoi/ :  doctrine  d'après  laquelle  le  monde 
n'a  qu'une  perfection  relative,  c'est-à-dire  que  le  bien  l'emporte  sur  le  mal. 
Saint  TiTomas,  Bossuet,  Fénelon,  II,  647  ;  650.  —  Tournure  d'esprit  qui 
envisage  le  bon  côté  des  choses.  —  Théorie  optimiste  de  l'activité,  61-62. 

Oral  (de  Os,  oris,  bouche)  :  signe,  436.  —  Langage,  439. 

Ordonnance  (de  Ordonner,  de  ordinare,  ranger,  de  ordo,  ordinis,  rang, 
ordre)  :  disposition  émanant  du  pouvoir  exécutif,  II,  269. 

Ordre  (Ordinem,  rangée,  rang,  ordre)  :  propriétés  mathématiques  (}ui 
résultent  de  l'ordre,  625, 1.  —  Ordre  essentiel  des  choses,  II,  41;  110-111.  —  Idée 
du  bien  et  idée  d'ordre  d'après  Montesquieu,  II,  104.  —  Ordre  et  perfection, 
II,  105-106.  —  Élément  essentiel  du  beau,  382-383.  —  L'ordre  du  monde,  II, 
561-563. 

Ordre  (Principe  d')  :  290  ;  680. 

Organe  [Organum,  oGyavov,  instrument.  Racine  Fz^'/,  travailler.  Cf.  ep'/ov, 
action,  œuvre)  :  organes  des  sens,  156  ;  157. 

Organicisme    (de  Organicus,    opyavtxo';,    qui  concerne  les  instruments)   : 

a)  système  d'après  lequel  la  vie  est  la  résultante  de  l'organisation,  II,  525  ; 

b)  en  Sociologie  :  doctrine  qui  assimile  les  sociétés  à  l'organisme  des  êtres 
vivants,    753. 

Organique  {Organicus,  opyavty.o'i;,  relatif  aux  instruments)  :  impression 
organique,  70  ;  156.  —  Conditions  organiques  de  la  mémoire,  199  ;  201.  — 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Orgaiîisme  —  Ozanam  (Frédéric)  891 

Activité  organique,  354-355.  —  Lois  ou  articles  organiques  :  ceux  qui  ont 
rapport  aux  parties  essentielles  de  la  constitution  d'un  pays  ;  vg.  Articles 
organiques  du  18  germinal  an  X,  annexés  au  Concordat  de  1801,  II,  342-343. 

Organisme  (de  Organe)  :  a)  Ensemble  des  organes  constituant  un  être  vivant. 
— •  Volonté  et  organisme,  363-364. —  Pensée  et  organisme,  468-469;  11,541- 
542.  b)  Sens  métaphorique  :  tout  ce  qui  présente  quelque  analogie  avec  un 
organisme  :  langage  comparé  à  un  organisme,  449,  2.  —  Société  comparée 
à  un  organisme,  753. 

Organum  :  on  a  réuni  sous  le  titre  d'''Op7avov,  Organum  (instrument)  les 
traités  d'AnrsTOTE  relatifs  à  la  Logique  :  c'est  donc  un  Traité  de  Logique,  507. 
—  Novum  Organum  de  Fr.  Bacon,  670.  —  Kant  appelle  Canons  les  règles  de 
la  pensée  en  général,  et  Organunu  l'ensemble  des  règles  concernant  chaque 
science  en  particulier. 

Orgueil  (de  l'ancien  haut  allemand  Urgoli,  substantif  dérivé  probablement 
de  l'adjectif  urguol,  remarquable,  supérieur)  :  estime  excessive  de  soi-même 
qui  porte  à  se  mettre  au-dessus  des  autres.  —  Conséquence  de  l'égoïsme,  86. 

Original,  Originalité  (Originalis,  primitif,  de  origo,  originis,de  oriri,se  lever, 
naître)  :  ce  qui  tire  son  origine  de  soi  et  non  de  quelque  chose  qu'il  imite  ; 
celui  qui  ne  ressemble  pas  aux  autres.  —  Sentiment  original,  230  ;  II,  396.  — 
Tour  personnel  d'esprit,  II,  405,  3. 

Origine  {Origo,  originis,  de  oriri,  se  lever,  naître)  :  oiigine  :  a)  du  plaisir,  59  ; 
b)  des  inclinations,  68  ;  100-102  ;  c)  de  Vinstinct,  106  ;  d)  des  passions,  115  ; 
e)  des  notions  et  vérités  premières,  299  ;  /)  de  V habitude,  416  ;  g)  du  langage,  441  ; 
h)  des  différentes  sciences,  584  ;  i)  des  notions  mathématiques,  627  ;  /)  de  Verreur^ 
802  ;  A")  de  la  conscience  morale,  II,  18  ;  l)  de  Vobligation  morale,  II,  107-112  ; 
m)  du  droit,  II,  132-135  ;  n)  du  droit  et  du  devoir,  II,  135-138  ;  o)  des  devoirs 
personnels,  II,  154-155  ;  p)  du  droit  de  propriété,  II,  189-192  ;  q)  de  la  société, 
II,  220  ;  r)  du  pouvoir,  II,  223  ;  s)  de  la  richesse,  II,  353-354  ;  t)  du  monde,  II, 
600  ;  (/)  des  espèces,  II,  612-626  ;  628  ;  631-632. 

Ostensif  (de  Ostensum,  supin  de  ostendere,  exposer,  de  obs,  ob,  devant,  et 
tendcre,  tendre;  :  a)  faits  ostensifs  (Bacon),  652  ;  b)  les  Logiciens  anglais 
opposent  la  réduction  ostensive  des  modes  du  syllogisme  à  la  première  figure 
(ce  qui  est  possible  dans  presque  tous  les  cas),  à  la  réduction  indirecte  ou 
apagogique  qui  s'impose  pour  Baroco  et  Bocardo. 

Où  [Ubi]  :  le  lieu  (to  ttoù),  catégorie  d'ARiSTOTE,  253-254;  296;  517; 
II,  506. 

Oubli  (substantif  verbal  d'Oublier,  du  latin  populaire  oblitarc,  dérivé 
d'i'hlitus,  participe  d'oblivisci,  oublier)  :  condition  du  souvenir,  205  ;  208. 

Ouïe  (substantif  participe  de  Ouïr,  de  audire,  entendre,  de  auris,  oreille)  ; 
Migaue  de  l'ouïe,  157.  —  Objet,  178.  — •  Perceptions  acquises,  181-182.  — 
Éducation,  184.  —  Rang  hiérarchique,  74  ;  186. 

Outrage  (de  Outre,  de  ultra,  au  delà)  :  injure  extrême.  —  Faute  contre  la 
justice,  II,  168  ;  206-207. 

Ouvrier  (Operarium,  de  operari,  travailler,  de  opus,  travail,  œuvre)  : 
devoirs  et  droits,  II,  217.  —  Juste  salaire,  II,  358. 

Ovide  (Publius  Ovidius  Naso)  :  397,  2, 

Ozanam  (Frédéric)  :  le  symbolisme,  435,  3.  —  Classification  des  connais- 
sances par  saint  Bonaventure,  587,  3.  —  La  démocratie,  II,  246,  2, 


S92  TABLE  ANALYTIQUE  :  Pacificisme  —  Panthéisme 


Pacificisme,  Pacifisme  (de  Pacificus,  de  pax,  paix  ;  facio,  faire)  :  opinion 
de  ceux  qui  visent  à  établir  la  paix  universelle  et  à  l'assurer  au  moyen  d'un 
arbitrage  international,  II,  318-320  ;  320-321.  —  Se  prend  en  mauvaise  part 
pour  qualifier  ceux  qui  veulent  la  paix  à  tout  prix,  II,  272-273. 

Paix  (Pacem)  :  a)  état  d'un  pays  qui  n'a  pas  de  troublé  intérieur  ;  b)  état 
d'un  pays  qui  n'est  pas  en  guerre  avec  un  autre.  —  Arbitrage  international, 
II,  318-320  ;  320-321. 

Paléontologie  (llaXato;,  ancien,  de  nakou,  depuis  longtemps  ;  ov,  ovtoî, 
ovra,  êtres  ;   ^oyo;,   discours)  :   science  des  animaux  et  des  végétaux  fossiles. 

—  Sa  place  parmi  les  sciences,  2  ;  593. 

Palethnologie  (IlaXatôç,  ancien,  de  -zâloLi,  depuis  longtemps;  iOw;, 
race,  peuple  ;  M-foc,  discours)  :  c'est  la  science  des  races  et  des  civilisations 
préhistoriques. 

Palingénésie  (IlaXiyyeveaia,  renaissance,  de  TraXtv,  de  nouveau  ;  ysv-ffts, 
origine,  production)  :  d'après  les  Stoïciens,  les  mêmes  révolutions  se  repro- 
duiraient dans  l'univers,  II,  602.  —  D'après  Charles  Bonnet,  tous  les  êtres 
vivants  renaîtraient  après  leur  mort. 

Palmieri  (Père  Dominique)  :  le  corps  est  condition  intrinsèque  de  la 
sensation,  70,  1.  —  Inobjectivité  des  couleurs,  xxiv,  1  ;  176,  1.  —  Idée  singu- 
lière, 259,  1.  —  Lieu  extrinsèque,  II,  506,  1.  —  Définition  du  mouvement  et 
du  temps  par  Aristote,  II,  506,  2,  .3.  —  Le  dynamisme  externe,  II,  520-523. 

—  Matière  et  forme,  II,  518,  1.  —  Infini  et  fini,  II,  611,  1.  —  Concours  divin, 
II,  639,  1. 

Pampsychisme  (Hav,  tout  ;  't^u/.vi,  âme)  :  système  qui  enseigne  que  tout 
dans  l'univers  est  de  nature  psychique  (Wundt,  Paulsen,  Lachelier,  Dunan, 
Éd.  Le  Roy),  II,  443-444. 

Pancalisme  (Hav,  tout  ;  xaXo'ç,  beau)  :  système  qui  subordonne  la  Logique 
et  la  Morale  au  point  de  vue  esthétique.  J.  M.  Baldwin  l'a  exposé  dans  Genetic 
theory  of  reality...,  New-York  et  Londres,  1915.  Cf.  A.  Lalande,  Le  Pancalisme, 
dans  Revue  philosophique,  1915,  t.  II,  p.  481-512. 

Panenthéisme  (HSv,  tout;  ev,  dans  ;  0io:,  Dieu)  :  doctrine,  soutenue  par 
Krause  et  Paul  Janet,  d'après  laquelle  Dieu  est  présent  en  toutes  choses. 
C'est  vrai,  pourvu  qu'on  maintienne  la  distinction  et  la  transcendance  de 
Dieu,  II,  578-579.  —  On  donne  aussi  parfois  le  nom  de  Panenthéisme  à  la  doctrine 
de  la  vision  en  Dieu  de  Malebranche,  310. 

Panlogisme  (Hôtv,  tout  ;  y^ô-fo;,  discours,  raison)  :  mot  créé  par  J.-E.  Erd- 
MANN  pour  caractériser  la  doctrine  de  Hegel,  d'après  laquelle  tout  le  réel, 
étant  intégralement  intelligible,  peut  être  construit  par  l'esprit  d'après 
ses  propres  lois.  —  L.  Couturat  qualifie  de  Panlogisme  la  métaphysique 
de  Leibmz. 

Panthéisme  (mot  formé  par  J.  Toland,  de  llav,  tout  ;  0J''jî,  Dieu)  :  doctrine 
d'après  laquelle  Dieu  et  le  monde  ne  font  qu'un.  —  Ses  formes  diverses  : 
Stoïciens,  Alexandrins,  Spinoza,  Fichte,  Schelling,  Hegel,  II,  601-607. 

—  Réfutation,  II,  607-610.  —  Objections  des  panthéistes,  II,  610-611. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Panthélisme  —  Paresseux  893 

Panthélisme  (Hâv,  tout  ;  OHîvj,  vouloir)  :  doctrine  de  Schopenhauer, 
qui  conçoit  l'être  comme  une  force  et  se  représente  la  force  à  la  ressemblance 
de  la  volonté  humaine  :  aussi  pour  lui  l'être  est  un  vouloir  être,  365, 1  ;  II,  648, 1. 

Papagni  (Père  Tomaso)  :  saint  Thomas  et  la  prémotion  physique,  II, 
586,   1. 

Papier-monnaie  (Papyrus,  -i-r^^-iooi;,  plante  d'Egypte  dont  le  tissu  servait 
à  faire  du  papier)  :  facilite  l'échange,  II,  355. 

Papini  (Giovanni,)  :  pragmatisme,  824. 

Pappus  (Ila-TiTToç,  grand-père,  de  TtotTr-a;,  papa)  :  analyse  géométrique 
611,  3. 

Paradigme  (llapaSer/aa,  modèle,  de  Trapaosi'xvjy.'.,  mettre  en  regard,  de  x«pà, 
contre  ;  ost'xwwt,  faire  voir.  Racine  Six,  montrer)  :  chez  Platon,  le  monde 
intelligible  est  le  modèle,  le  paradigme  du  monde  sensible,  309. 

Paradoxe  (ll^f^aoc^oç,  contraire  à  l'opinion  commune,  de  ~«pa,  contre, 
à  côté  ;  oo'ça,  opinion.  Racine  oox,  paraître)  :  opinion  contraire  au  sentiment 
général.  —  Paradoxes  stçïciens,  II,  93  ;  149. 

Paragraphie  (de  llfzpa,  à  côté  ;  ypacpstv,  écrire)  :  maladie  qui  fait  écrire  un 
mot  pour  l'autre. 

Parallélisme  (de  Parallelus,  Trv.paXXYiXoç,  placé  en  regard,  de  -KvrA,  à  côté 
de  ;  «XXfiXcov,  des  uns  et  des  autres)  :  correspondance  suivie  entre  des  choses 
ou  des  personnes.  —  Certains  philosophes,  comme  Malebranche  et  Leibniz, 
expliquent  par  le  parallélisme  l'union  de  l'âme  et  du  corps,  472  ;  II,  546  ;  547. 

Paralogisme  (IIapotXoyt(r,uo;,  de  xapâ,  à  côté  ;  ÀoYi^aoç,  calcul,  raisonnement, 
deOkOya;,  discours)  :  raisonnement  faux  fait  sans  intention  de  tromper,  798.  - — 
Kant  nomme  paralogisme  transcendantal  le  raisonnement  par  lequel  la  raison 
pure  conclut  de  l'unité  du  moi-sujet,  regardé  comme  un  par  rapport  à  la 
multitude  de  ses  modifications,  à  l'unité  du  moi-substance,  regardé  comme 
absolument  simple,  II,  433  ;  435-436. 

Paramnésie  (Hapa,  à  côté,  yvaoy.at,  avr^(7ov.ai,  se  souvenir.  Racine  Msv,  uvy), 
penser)  :  illusion  de  la  mémoire  croyant  reconnaître  un  état  déjà  vécu  dans 
un  ensemble  psychologique  formant  le  contenu  actuel  de  la  conscience  à  un 
moment  donné,  211. 

Parapsychique  (de  ll'/pa,  à  côté  ;  '\ijy_iy,6;,  relatif  à  l'âme)  :  qualificatif  dési- 
gnant les  phénomènes  de  télépathie,  de  pressentiment,  etc. 

Parcimonie  [Parcimonia,  de  parcus,  ménager,  de  parcere,  épargner)  :  on 
nomme  parfois  loi  de  parcimonie  :  a)  le  principe  de  moindre  action,  658  ; 
h)  cet  axiome  scolastique  :  Non  sunt  multiplicanda  entia  sine  necessitate.  «  Il  ne 
faut  pas  multiplier  les  êtres  sans  nécessité.  » 

Pardon  (substantif  verbal  de  pardonner,  de  par,  en  latin  per,  tout  à  fait,  et 
donner,  de  donare,  gratifier,  de  dare,  donner)  :  rémission  d'une  faute,  d'une 
ofYense.  —  Demander  pardon  de  ses  fautes,  II,  332. 

Paresseux  (de  Paresse,  de  pigritia,  répugnance,  nonchalance,  de  piger, 
indolent)  :  sophisme  paresseux,  377.  —  Philosophie  paresseuse  :  celle  qui,  au 
lieu  de  rechercher  la  vraie  cause  d'un  phénomène,  en  donne  une  explication 
verbale;  vg.  recourir  à  l'innéité  sans  raison  suffisante  :  mot  de  Maine  de 
BiRAN,  312,  4. 


894  TABLE  ANALYTIQUE  :  Parfait  —  Particulier 

Parfait  (adjectif  participe  de  Parfaire,  de  per-ficere,  perjectum,  achever,  de 
per,  tout  à  fait,  facere,  faire)  :  ce  qui  est  complet,  achevé  ;  ce  dont  J'excellence 
est  absokie  dans  son  genre,  340.  —  Origine  de  l'idée  de  parfait,  342.  —  Preuve 
de  l'existence  de  Dieu  tirée  de  l'idée  de  parfait,  II,  566  ;  569.. —  L'Être  néces- 
saire est  parfait,  II,  572. 

Pari  (substantif  verbal  de  parier,  du  latin  pariare,  égaler,  de  par,  égal)  : 
convention  d'un  enjeu  pour  celui  qui  aura  raison  sur  un  point  contesté.  — 
Le  pari  de  Pascal,  cf.  Pensées,  Edit.  Brunschvicg,  sect.  III,  n°  233,  t.  II, 
p.  141  sqq.,  Paris,  1904.  —  Auguste  Valensin,  Le  pari  de  Pascal,  dans 
ÉTUDES,  1923,  t.  Ilip.  513-531. 

Parlementaire  (de  Parlement,  de  parler,  du  latin  populaire  paraulare,  pour 
parabolare,  parler,  de  parabola,  parole)  :  a)  Gouvernement  parlementaire, 
voir  Parlementarisme.  —  6)  Sophismes  parlementaires  :  Bentham  appelle  ainsi 
les  sophismes  qui  sont  propres  aux  orateurs  parlementaires  :  vg.  sophismes 
de  dilution,  de  confusion,  d'autorité,  de  danger  public. 

Parlementarisme  (de  Parlement,  de  parler,  du  latin  populaire  paraulare, 
pour  parabolare,  de  parabola,  parole)  :  a)  Forme  deGouvernement,  danslaquelle 
les  intérêts  généraux  d'un  pays  sont  discutés  librement  au  sein  d'assemblées 
représentatives  qu'on  nomme  parlements,  II,  232-233.  —  b)  Ce  mot  se  prend 
quelquefois  dans  le  sens  péjoratif  d'assemblées,  dont  les  débats  se  passent  en 
discussions  stériles. 

Parole  (du  latin  populaire  Paraula,  pour  parabola,  parole,  irapa^oX»;, 
approchement,  de  râpa,  auprès  ;  j^aXXw,  jeter)  :  expression  de  la  pensée  par  le 
langage  articulé,  439  ;  441.  —  Comparaison  avec  l'écriture,  439.  —  Nature, 
440.  — •  Les  Scolastiques  nomment  parole  intérieure,  verbum  interius,  l'idée, 
parce  qu'elle  est  la  parole  que  l'esprit  se  dit  à  lui-môme.  —  Pour  Platon,  la 
pensée  est  comme  un  «  dialogue  intérieur  »  ,  452,  5.  —  Aujourd'hui,  on  appelle 
paroles  intérieures  les  images  verbales,  dont  la  pensée  s'accompagne  presque 
toujours.  Mais  ces  images  ne  provoquent  pas  de  mouvements  vocaux,  quand 
la  production  de  ces  mouvements  serait  un  effort  ou  du  temps  perdu. 

Partage  (de  l'ancien  verbe  Partir,  au  sens  de  diviser,  du  latin  populaire, 
partire  pour  partiri,  partager,  de  pars,  part)  :  partage  périodique  de  la  pro- 
priété, II,  196.  —  Conséquences  du  partage  forcé,  II,  198. 

Parte  rei  (A)  :  locution  scolastique  pour  dire  que  l'on  considère  une  chose 
telle  qu'elle  est  dans  la  réalité,  a  parte  rei.  ■ —  S'oppose  k  A  parte  mentis,  qui 
indique  le  travail  abstractif  de  l'intelligence,  qui  considère  dans  une  chose 
une. qualité  ou  un  aspect  à  part  des  autres. 

Parti  (substantif  participe  de  l'ancien  verbe  Partir,  au  sens  de  partager)  : 
groupe  de  personnes  suivant  une  môme  ligne  de  conduite.  —  L'esprit  de  parti 
est  l'excès  de  l'esprit  de  corps,  93  ;  125.  —  Arme  des  partis  :  sophisme  du  dénom- 
brement, 800. 

Participation  [Participatio,  de  participatum,  supin  de  participare,  faire 
participer,  piendre  part,  de  pars,  partie  et  capere,  prendre)  :  a)  action  de 
prendre  part  à  quelque  chose  ;  b)  fait  de  tenir  de  la  nature  de  quelque  chose  ; 
c)  la  participation,  au  sens  platonicien  (aiOcHi;),  c'est  le  rapport  des  êtres 
sensibles  aux  idées,  309. 

Particulier  [Particularis,  de  particula,  parcelle,  de  pars,  part)  :  ce  qui 
s'applique  à  quelques-uns  et  non  à  tous.  —  Jugement  particulier,  272.  —  Sens 
du  mot  particulier  dans  l'induction  et  la  déduction,  617-618.  —  S'oppose  à 
Universel. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Partie  —  Paternel  895 

Partie  (substantif  participe  de  l'ancien  vei'be  Partir,  au  sens  de  partager)  : 
élément  conaposant  d'un  tout.  —  Parties  logiques  et  parties  physiques,  527. 

—  S'oppose  à  Tout. 

Parti-partiel,  Parti-total  :  théorie  de  Hamilton  sur  la  quantification  du 
prédicat,  551-553. 

Partition  {Partitio,  partage,  de  partitum,  supin  de  partiri,  diviser)  :  division 
physique  par  opposition  à  division  logique,  527. 

Pascal  (Blaise)  :  amour  rationnel,  90.  —  Vilain  fonds  de  l'homme,  95.  — 
Critique  de  Montaigne,  107,  1.  —  Effet  de  la  passion,  117.  —  Imagi- 
nation scientifique,  232,  2.  —  L'humanité  est  comme  un  seul  homme, 
812-813.  —  Tautologie,  525,  3.  —  Esprit  géométrique  et  esprit  de  finesse, 
643,  1  ;  784.  —  Démêlés  avec  Descartes,  654,  1.  —  Ascension  des  liquides, 
656,  3.  —  Fausses  fenêtres,  713,  1.  —  Demi-science,  772,  1.  —  Science  et 
croyance.  786-787.  —  Les  Provinciales,  800  ;  II,  32,  2.  —  Intérêt  propre,  805,  2. 

—  Autorité  des  anciens,  811-813.  —  Dignité  de  l'homme,  II,  4,  1.  —  Importance 
de  la  science  de  la  Morale,  II,  5,  1.  —  Honnêteté  naturelle,  II,  21,4.  —  Scepti- 
cisme moral,  II,  28,  3.  —  Nature!  dans  l'éloquence,  II,  405,  4.  —  Rabaisse  la 
raison,  II,  422.  —  Savant  et  croyant,  II,  447-448.  —  Immortalité  de  l'âme, 
II,  549,  1,  2  ;  551,  2. 

Passif  (Passivus,  susceptible  de  passion,  passif,  de  passio,  souffrance, 
perturbation  physique  ou  morale,  de  passum,  supin  de  pati,  souffrir)  :  qui  subit 
l'action  de  quelqu'un  ou  de  quelque  chose,  47.  —  Caractère  des  faits  sensibles, 
49  ;  55." —  Côté  passif  :  a)  de  V intelligence,  49-50  ;  h)  de  la  volonté,  50  ;  354  ; 
c)  de  la  sensibilité,  49  ;  55.  —  Habitude  passive,  417-418  ;  421-422.  —  S'oppose 
à  Actif. 

Passion  {Passio,  souffrance,  perturbation  physique  ou  morale,  de  passum, 
supin  de  pati,  souffrir,  pâtir)  :  sens  :  a)  logique  (Catégorie)  :  accident  en  vertu 
duquel  le  patient  reçoit  quelque  chose  de  la  cause,  296  ;  517  ;  II,  485  ;  b)  psy- 
chologique :  inclination  impétueuse  et  dominante,  113.  —  Inclination  et 
passion,  113.  —  Origine  et  causes  des  passions,  115.  —  Effets  bons  et  mauvais 
des  passions,  117.  —  Valeur  morale  et  thérapeutique  des  passions,  118.  — 
Responsabilité  dans  la  passion,  120.  —  Lois  des  passions,  121.  —  Classifi- 
cations anciennes  des  passions  (Stoïciens,  Aristote,  Scolastiques  et  Bos- 
suet.  Descartes,  Spinoza),  122.  — ■  Classification  moderne,  125.  —  Rôle  des 
passions,  129.  —  Volonté  et  passions,  115-116;  364;  402.  —  Pa.ssions 
et  organisme,  391-392  ;  470. 

Passionnel  (PassionaUs,  sensible,  de  passio,  souffrance,  perturbation 
physique  ou  morale)  :  crime  passionnel,  120. 

Passivité  (de  Passif)  :  a)  état  de  ce  qui  est  passif  ;  b)  faculté  de  subir  ou  de 
recevoir  une  modification,  47.  —  S'oppose  à  Activité. 

Pasteur  [Pastorem,  pâtre,  berger,  de  pastum,  supin  de  pascere,  mener 
paître)  :  la  propriété  chez  les  peuples  pasteurs,  II,  196. 

Pasteur  (Louis)  :  observation  patiente,  651,  3.  —  Expérimentation,  725. 

—  Fermentations,  656,  5.  —  Réfutation  des  générations  spontanées,  669,  3  ; 
II,  526;  631-632.  —  Savant  et  croyant,  II,  447-448.  —  L'Infini,  II,  634,  1. 

Paternel  (Paternus,  de  pater.  Racine  Pa,  niturrir)  :  amour  paternel,  91.  — 
Autorité  paternelle,  II,  216  ;  252-253.  —  Limites  de  la  puissance  paternelle, 
II,  258-259. 


896  TABLE  ANALYTIQUE  :  Pathologîe  —  Pédagogie 

Pathologie  (de  tâ'')o^^  ce  qu'on  éprouve,  de  rAn/M,  être  aiïecté  de.  Racine-a6;- 
et  de  M\'o;,  discours)  :  science  des  désordres  organiques  et  fonctionnels,  593. 

Pathologique  (IlaOoXoyt/.oç,  qui  traite  des  passions,  relatif  aux  maladies, 
de  -iOo^^  ce  qu'on  éprouve  ;  Xoycxo;,  relatif  à  la  parole,  au  raisonnement , 
de  /o'yo;,  parole,  discours)  :  ce  qui  constitue  ou  manifeste  un  état  de  maladie - 
—  Cas  pathologiques  ou  anormaux,  151-152  ;  210-211  ;  225-226  ;  368  ;  466  ; 
477  ;  478  ;  485  ;  487  ;  488  ;  723-724.  —  S'oppose  à  Normal. 

Patience  (Patientia.  de  pati,  souffrir)  :  qualité  qui  consiste  à  supporter  : 
a)  les  maux  ;  b)  l'attente  de  ce  qui  tarde  ou  de  ce  qui  se  prolonge.  —  Condition 
des  grandes  découvertes,  231  ;  241  ;  651. 

Patient  {Patiens,  de  pati,  souffrir)  :  a]  sens  métaphysique  :  celui  qui  subit 
l'action  exercée  par  l'agent,  47  ;  b)  sens  moral:  celui  qui  sait  supporter,  attendre  : 
qualité  de  l'observateur,  651. 

Patrie  (de  Patrius,  relatif  aux  pères,  Patria  terra,  terre  des  ancêtres,  de 
pater,  père)  :  pavs  où  l'on  est  né,  dont  on  est  citoyen.  —  Éléments  constitutifs, 
91-93  ;  II,  220." 

Patrimoine  (Patrimonium, ^h'ien  hérité  du  père,  bien  de  famille,  de  pater, 
père)  :  bien  qui  provient  des  ascendants.  —  Stabilité  du  patrimoine  de  famille, 
II,  198. 

Patriote  (du  latin  ecclésiastique  patriota,  de  patrius,  relatif  aux  pères. 
Cf.  7r«Tptojr/iç,  qui  est  du  même  pays,  de  -rarpiç,  terre  natale)  :  citoyen 
dévoué  à  sa  patrie.  —  Le  vrai  patriote,  93. 

Patriotisme  (de  Patriote)  :  dévouement  à  la  patrie.  —  Éléments  consti- 
tutifs, 9i-93. 

Patron  (Patronus,  de  pater,  père)  :  devoirs  et  droits,  II,  217. 

Paul  (Saint)  :  loi  morale,  II.  30,  2.  —  Ne  pas  faire  le  mal  pour  arriver  au 
bien,  II,  32,  1.  —  Tout  pouvoir  vient  de  Dieu,  II,  223,  2. 

Pauly  (August)  :  monisme  psychobiologique,  II,  442-443. 

Paulsen  (Friedrich)  :  pampsychisme,  II,  443. 

Paupérisme  (de  Pauper,  celui  qui  produit  peu,  de  la  racine  pau.  Cf.  pau-ci, 
peu  nombreux,  et  de  per,  qui  vient  de  parère,  produire  ;  per  se  retrouve  dans 
le  parfait  à  redoublement  pe-per-i)  :  état  pei-manent  d'indigence  dans  ime 
partie  de  la  population  d'un  pays.  —  Le  paupérisme  et  la  charité  légale,  II,  264. 

Payot  (Jules)  :  éducation  de  la  volonté,  411,  1. 

Pays  (Pagensem,  de  pagus,  canton,  sous-entendu  agrum  =  territoire  d'un 
pagus)  :  territoire  d'une  nation  ;  par  extension,  patrie.  —  La  patrie  est  le 
pays  de  nos  pères,  92. 

Péché  (Peccatum,  faute,  de  peccatum,  supin  de  peccare,  commettre  une 
faute)  :  c'est  le  nom  que  la  théologie  morale  donne  à  la  faute. 

Péché  philosophique  :  II,  112-113. 

Pédagogie  (nc<'.oayo)vi'a,  éducation  des  enfants,  de  Traioaywyo';,  de  TraTç,  •^ratooç, 
enfant  ;  ayo),  cnnduire)  :  science  de  l'éducation  physique,  intellectuelle  et  morale, 
407-408  ;  409-414  ;  II,  3. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Pédologic  —  PeFceptioii  extcme  897 

Pédologie  (de  llaT;,  Tiawo;,  enfant,  Àoyoç,  discours)  :  science  des  lois  biolo- 
giques, psycliologiques  et  sociologiques  qui  s'appliquent  aux  enfants.  Cf. 
E.  Blum,  La  Pédologie,  Vidée,  le  mot,  la  chose,  dans  Année  psychologique, 
1899,  p.  299-331. 

Peine  [Poena,  prix  du  sang,  ttoivâ,  expiation  d'un  meurtre,  expiation  en 

général,  peine)  :  a)  Ce  qui  est  imposé  à  l'individu  par  la  société  comme  sanction 

d'une  contravention,  d'un  délit  ou  d'un  crime.  —  Théorie  de  la  peine  (Leibniz), 

•374.  —  But  de  la  peine,  II,  121-122.  —  Fondement  du  droit  de  punir,  peine 

de  mort,  II,  267-269.  —  b)  Sentiment  de  tristesse  causé  par  un  déplaisir 

—  c)  Effort  qui  coûte. 

Peinture  (du  latin  populaire  Pinctura,  de  pingere,  peindre)  :  sa  place  parmi 
les  arts,  II,  408  ;  409. 

Peirce  (Ch.  Sanders)  :  pragmatisme,  819-820. 

Pemberton  (Henry)  :  anecdote  de  la  pomme  de  Newton,  650,  3. 

Penchant  (adjectif  verbal  de  Pencher]  :  autre  nom  des  inclinations  morales, 
84. 

Pénétration  [Penetratio,  action  de  pénétrer,  de  penetratum,  supin  de  pene- 
trare,  de  penus,  fond  de  la  maison,  où  sont  renfermées  les  provisions.  Cf.  psene, 
à  fond)  :  loi  de  pénétration  du  plaisir  et  de  la  douleur,  66-67. 

Pénitences  :  leur  but,  II,  158. 

Pensée  (substantif  participe  de  Penser,  de  pensare,  dérivé  de  pensum, 
supin  de  pendere,  peser,  examiner)  :  a)  sens  large  :  tous  les  phénomènes  de 
l'esprit  ;  b)  sens  strict  :  les  phénomènes  cognitifs,  spécialement  ceux  qui  se 
rapportent  aux  opérations  proprement  intellectuelles,  135.  —  Rapports  de  la 
pensée  et  du  langage,  450.  —  Peut-on  penser  sans  langage  ?  451.  —  Pensée 
et  cerveau,  468-469  ;  II,  541-542.  —  Spiritualité  de  l'âme  prouvée  par  l'unité 
de  la  pensée,  II,   537.  —  H.  Delacroix  Le  langage  et  la  pensée,  Paris,  1924. 

Pension  {Pensio,  payement,  de  pensum,  supin  de  pendere,  peser,  payer)  : 
ce  qu'on  paie  régulièrement  à  quelqu'un.  —  Pension  de  retraite  pour  la  vieil- 
lesse, II,  265. 

Percept  (néologisme  formé  par  analogie  avec  concept,  de  perceptum,  supin 
de  percipere,  saisir  dans  son  ensemble,  saisir  par  les  sens,  de  per,  tout  à  fait, 
capere,  prendre)  :  tandis  que  perception  signifie  Vacte  de  percevoir,  percept 
indique  le  résultat  de  la  perception. 

Perceptible  {Perceptibilis,  qu'on  peut  percevoir,  de  perceptum,  supin  de 
percipere,  saisir  par  les  sens)  :  les  impressions,  pour  être  perceptibles,  doivent 
réunir  certaines  conditions,  70  ;  726-727.  —  S'oppose  à  Imperceptible. 

Perception  {Perceptio,  action  de  prendre,  perception,  de  perceptum,  supin 
de  percipere,  saisir  dans  son  ensemble,  de  per,  tout  à  fait  ;  capere,  prendre)  : 
a)  ce  que  l'esprit  perçoit  ;  vg.  les  perceptions  sensibles  ;  b)  action  de  saisir  les 
données  de  la  conscience  ou  des  sens,  137  ;  156.  —  La  perception,  au  sens  strict, 
suppose  la  présence  immédiate  de  l'objet  perçu,  157. 

Perception  externe  :  156-194.  —  Analyse  de  la  perception,  156.  —  Sensation 
et  perception,  159.  —  Théories  de  la  perception  immédiate,  162-166.  —  Théo- 
ries de  la  perception  médiate,  166-175.  —  Caractères  de  la  perception,  175. 

—  Perceptions  naturelles  ou  primitives,  178.  —  Perceptions  acquises,  181.  — 
Théorie  des  perceptions  acquises,  183.  —  Erreurs  de  la  perception,  187.  — 


898  TABLE  ANALYTIQUE  :  Perccption  interne  —  Permanence 

Petites  perceptions  de  Leibniz,  145,  1.  —  Objectivité  de  la  perception  externe, 
173-175  ;  II.  428.  —  Sa  relativité,  176  ;  II,  429-430.  —  Voir  Sens  externes. 

Perception  interne,  187-155.  —  Voir  Conscience  psychologique. 

Perceptionnisme  (de  Perception)  :  doctrine  de  la  perception  immédiate  du 
monde  extérieur,  par  opposition  au  Conceptionnisme,  qui  indique  une  percep- 
ti'»n  médiate,  162-166. 

Perdurable,  Perdurabilité  (de  Per,  tout  à  fait  ;  durable,  de  durare,  durcir, 
résister,  durer,  de  durus,  dur)  :  Kant  range  la  perdurabilité  au  nombre  des 
éléments  qui  constituent  l'idée  de  substance.  —  Perdurable  :  ce  qui  est  persis- 
tant. G.  Dl'mesml,  Les  conceptions  philosophiques  perdurables,  Paris,  1910. 

Péréquation  iPersequatio,  de  per,  tout  à  fait:  sequatum  supin  de  œquare,  éga- 
ler, de  sequus,  uni,  égal)  :  la  péréquation  de  l'impôt  c'est  la  répartition  égale 
des  charges.  H,  279  ;  280. 

Perfectible,  Perfectibilité  'Perfectibilis,  de  perfectus,  achevé,  participe  passé 
de  perficere  =  per,  tout  à  fait,  facere,  fairej  :  ce  qui  est  susceptible  de  progrès. 

—  L'homme  est  né  perfectible,  II,  118.  —  Perfectibilité  de  l'humanité,  II, 
154  ;  327-328. 

Perfection  iPerfectio,  de  perfectum,  supin  de  perficere,  achever)  :  état  de 
ce  qui  est  achevé  dans  son  genre:  "c'est  un  degré  éminent  de  l'être)  (Leibmz), 
II.  105,  2.  —  Analyse  de  cette  idée,  II,  105.  —  Le  bonheur  suit  l'acquisition  delà 
perfection,  II,  78-79  ;  92-93.  —  Élément  constitutif  du  bien,  II,  384-385  ;  476. 

Perfectionnement  (de  Perfection)  :  devoir  de  travailler  à  son  perfection- 
nement. II.  153-154  :  158-159.  —  L'État  doit  .seconder  le  perfectionnement  phy- 
sique, intellectuel  et  moral.  II,  249-250. 

Périodique  {Periodicus,  -sptoS'.xd;,  de  --rjl-oorj^,  chemin  autour,  action 
d'aller  autour)  :  ce  dont  la  succession  est  réguhère,  ce  qui  revient  à  des  temps 
déterminés.  —  Sensations  périodiques,  75.  —  Inclinations  périodiques,  83.  — 
Marche  périodique  de  l'humanité,  748-749.  —  Partage  périodique  de  la 
propriété,  II,  196. 

Péripatéticien  (Peripateticus,  -içtra-r.T'.xôç,  qui  concerne  la  philosophie 
péiipatétitieaiie,  de  Treçt-Tra-sw,  circuler,  se  promener)  :  disciples  d'Aristote, 
507.  —  Doctrines  péripatéticiennes,  voir  Aristote. 

Péripatétisme  (de  Péripatétique,  de  Peripateticus)  :  école  et  doctrine  d'Anis- 
tote.  Voir  Aristote. 

Périphérie.  Périphérique  iPeripheria,  T:£S'.'iip£'.o<,  circonférence,  de  ^^ptsîp/;-:, 
qui  se  meut  circulairement,  arrondi,  de  tîo'.-siÉow^  porter  tout  autour)  :  contour 
d'une  figure  curviligne.  —  Partie  périphérique  du  système  cérébro-spinal,  71. 

—  Xerfs  périphériques  :  ceux  qui  aboutissent  aux  téguments  et  aux  organe> 
qui  en  dépendent.  —  Sensations  périphériques,  celles  dont  l'excitation  est  due 
à  des  causes  extra-organiques.  —  S'opposent  aux  sensations  internes,  dues  à 
des  excitants  intra-organiques,  75. 

Permanence,  Permanent  [Permanens,  de  permanere,  rester  jusqu'au  bout, 
de  per,  tout  à  fait  ;  manere,  rester)  :  ce  qui  se  maintient  sans  interruption.  — 
Permanence  du  moi,  146  ;  153-154.  —  Définition  de  la  substance,  320.  —  Prin- 
cipe de  la  permanence  de  la  force,  387.  —  D'après  Stuart  Mill,  les  corps  sont 
des  possibilités  permanentes  de  sensations,  II,  427-42.8  ;  499.  —  Caractéri- 
sation  permanente,  II,  614. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Perpétucl  —  Pcuplc  899 

Perpétuel  [Perpetualis,  de  perpétuas,  continu,  de  per,  tout  à  fait,  pet-ere, 
tendre  à)  :  ce  qui  dure  constamment,  sans  fin.  —  Le  perpétuel  présent,  379-380. 

Perpétuité  {Perpetuitas,  de  perpetuus,  continu,  de  per,  tout  à  fait  ;  pet-ere, 
tendre  à)  :  perpétuité  du  lien  conjugal,  II,  210-211. 

Perplexe  [Perplexus,  entrelacé  ;  de  per,  tout  à  fait  ;  plexus,  tressé,  participe 
passé  de  plectere,  plier)  :  celui  qui  hésite  entre  plusieurs  partis  contraires.  — 
Conscience  douteuse,  perplexe,  II,  34. 

Perrier  (Edmond)  :  rôle  de  l'adaptation,  708,  2.  —  Il  nie  l'existence  de 
la  lutte  pour  la  vie  dans  quatre  embranchements,  II,  614,  2.  —  Contre  l'éternité 
de  la  matière,  II,  601,  4. 

Persistance  (de  Persister,  de  persistere  =  per,  tout  à  fait  ;  sistere,  placer, 
rester  en  place,  forme  redoublée  de  stare,  se  tenir  debout)  :  état  de  fermeté, 
de  continuité.  —  Persistance  du  type,  701-702. 

Personnalisme  (de  Personnalité)  :  doctrine  de  JRenouvier,  qui  fait  de  la 
personnalité  le  centre  de  sa  conception  du  monde.  Cf.  Le  Personnalisme, 
Paris,  1903.  —  Doctrine  de  ceux  qui  admettent  un  Dieu  personnel,  par  oppo- 
sition au  Panthéisme. 

Personnalité  i Personalitas,  de  persona,  masque,  personnage  de  théâtre, 
personne,  altération  populaire  de  TrpV-mov,  face,  masque)  :  ce  qui  constitue, 
caractérise  une  personne,  c'est-à-dire  un  individu  conscient,  raisonnable  et 
libre.  —  Origine  de  cette  idée,  149.  —  Personnalité  :  a]  interne,  149-150; 
b)  externe,  150.  —  Altérations  de  l'idée  de  personnalité,  151-152  ;  153-154.  — 
Personne  et  chose,  365.  —  Éléments  constitutifs  de  la  personnalité,  365-367. 

—  Volonté  et  personnalité,  363  ;  364.  —  Responsabilité,  conséquences  de  la 
personnalité,  II,  114. 

Personne  (Persona)  :  voir  Personnalité. 

Personnel  (Argument)  ou  Ad  hominem  :  551. 

Persuader  (Persuadere,  de  per,  tout  à  fait  ;  suadere,  rendre  agréable  au 
goût.  Cf.  suavis  =  suadvis  ;  puis  conseiller,  d'où  avec  per,  faire  accepter, 
persuader)  :  convaincre  et  persuader,  784-785. 

Pessimisme  (de  Pessimus,  le  pire,  superlatif  de  malus,  mauvais):  a)  Doctrine 
d'après  laquelle  le  mal  l'emporte  sur  le  bien,  la  douleur  sur  le  plaisir.  — ■  Théorie 
pessimiste  de  l'activité  et  du  plaisir,  57-58;  61.  —  Pessimisme  :  1)  absolu, 
II,  648  ;  650  ;  2)  relatif,  II,  649.  —  b)  Tendance  à  voir  le  mauvais  côté  des 
choses.  —  S'oppose  à  Optimisme. 

Pestalozzi  (Jean-Henry)  :  méthode  intuitive  ou  concrète  en  pédagogie, 
413. 

Pétition  [Petitio,  attaque,  demande,  de  petitum,  supin  de  pctere,  chercher 
à  atteindre,  attaquer,  demander)  :  pétition  de  principe,  801. 

Peuple  (Populum.  Populus  est  probablement  une  forme  redoublée  de  la 
racine  qui  a  donné  plcre,  emplir,  plenus,  rempli.  Cf.  plebs,  plèbe,  tzAcOo^,  mul- 
titude) :  a)  Réunion  d'hommefe  habitant  le  même  pays  et  soumis  à  la  même 
autorité. —  b)  Corps  de  la  nation  par  opposition  au  gouvernement.  —  Psycho- 
logie des  peuples,  491,  6;  722-723.  —  Eléments  constitutifs  d'un  peuple,  92-93. 

—  Souveraineté  du  peuple,  II,  220-221  ;  297-299;  348-350.  —  Le  peuple  et 
l'origine  du  pouvoir,  II,  224-226  ;  228-229. 


900  TABLE  ANALYTIQUE  :  Phaotasme  —  Phobie 

Phantasme  (<I>âvTa<7;j.a,  apparition,  image  d'un  objet  ;  de  tpavra^o),  se  mon- 
trer, apparaître,  de  oaiVo,  faire  briller,  paraître)  :  nom  donné  par  Aristote 
et  les  ScoLASTiQUES  à  l'objet  de  l'imagination,  à  l'image,  316-317  ;  452,  2. 

Phédon  ('I>«tûwv,  ami  de  Socrate)  :  titre  d'un  dialogue  de  Platon,  67-68. 

Phèdre  (<I>aTopo;,  ami  de  Socrate.  De  cpawpo';,  brillant.  Racine  ifa,  briller. 
Cf.  cpaîvco,  faire  briller)  :  titre  d'un  dialogue  de  Platon,  439,  4. 

Phénoménalisme  (de  Phénoménal)  :  docirine  affirmant  que  nous  ne  pouvons 
connaître  que  les  phénomènes,  sans  nier  l'existence  des  choses  en  soi  qui  sont 
inconnaissables  ;  vg.  Kant,  II,  431-432  ;  Comte,  II,  446-447  ;  Spencer,  II,  576. 

Phénomène  («l'aivoy.ivov,  de  oatvo,e/at,  briller,  se  montrer,  paraître.  Ra- 
cine ci«,  briller.  Cf.  ^txo:,  -iS;,  lumière)  :  a)  Ce  qui  apparaît  à  la  conscience, 
23.—  Opposé  :  l»)  à  substance  et  à  cause,  146  ;  320  ;  323  ;  2°)  à  être,  II,  419. 
b)  Pour  Kant  :  tout  ce  qui  est  «  objet  d'expérience  possible  »,  c'est-à-dire  tout 
ce  qui  apparaît  dans  le  temps  ou  l'espace.  —  S'oppose  à  noumène,  II,  430-431. 

Phénoménisme  (de  P/«enomène)  :  doctrine  qui  nie  la  réalité  objective  de  toute 
substance  et  de  toute  cause. — Lemoi,  collection  de  phénomènes,  153. —  LePhé- 
noménisme  de  Hume,  Hamilton,  Stuart  Mill,  Spencer,  Bain,  Lewes,  II,  426. 

Phénoménologie  (de  <l>aivo'uïvov,  ce  qui  apparaît  et  Xôvoç,  discours)  :  science 
des  phénomènes  :  a)  pour  Hegel,  c'est  l'histoire  des  étapes  successives  de 
l'esprit  pour  s'élever  de  la  sensation  individuelle  à  la  raison  universelle. 
b)  Hamilton  appelle  ainsi  la  Psychologie  en  tant  qu'elle  s'oppose  à  la  Logique. 
Cf.  Lectures  on  Logic,  Lect.  IV,  §  VIII,  T.  I,  p.  62,  Edimbourg,  1874. 

Philanthropie  (<ttXav6po)rta,  de  91X0;,  ami  ;  av5pw7roç,  homme  ;  proba- 
blement du  thème  àvoo,  pour  avîp,  de  àvv^p,  homme,  et  w'|,  wto;,  visage  = 
celui  qui  a  visage  d'homme)  :  amour  des  hommes.  —  Inclinations  philanthro- 
piques, 93. 

Philodoxie  (<I>tXooo;t«,  de  cpiÀo'ooHo;,  qui  s'attache  à  une  opinion,  de  s-îî^oç, 
ami  ;  ûo;«,  opinion)  :  c'est  un  dilettantisme  philosophique,  qui  consiste  à 
prendre  intérêt  aux  discussions  d'idées  en  se  désintéressant  de  leur  vérité  ou 
fausseté. 

Philologie  [Philologia,  ci'.Xo/oyia,  de  '-pi'Xo;,  ami  ;  Xôyo;,  parole,  discours)  : 
science  qui  étudie  les  langues  comme  organes  de  la  vie  intellectuelle  des 
peuples.  —  Instinct  philologique,  444.  —  Place  de  la  Philologie  dans  les 
sciences,  2  ;  594.  —  Sa  méthode,  718. 

Philosophie  [Philosophia,  oiXoTocit'a,  de  'fO-oç,  ami  ;  «rocpia,  habileté  ma- 
nuelle, science,  sagesse,  de  to-^oî,  habile,  initié  à  la  sagesse.  Racine  toï-, 
avoir  de  la  saveur.  Cf.  sapere,  sapiens)  :  a)  sens  strict  :  science  des  premiers 
principes  et  des  premières  causes,  II,  419  ;  b)  sens  large  :  connaissance  raisonnée 
de  l'âme,  du  monde,  de  Dieu  et  de  leurs  rapports,  5.  —  Objet  et  domaine,  1-4. 
—  Division,  4.  —  Définitions,  5.  —  Esprit  philosophique,  6.  —  Méthode  géné- 
rale de  la  philosophie,  7.  —  Ordre  à  suivre  en  philosophie,  10.  —  Philosophie 
des  sciences,  596.  —  Rapports  de  la  philosopliie  avec  les  sciences,  599.  —  Philo- 
sophie, science  universelle  et  science  particulière,  600. 

Phobie  (de  <I>o3o;^  crainte)  :  crainte  qui  a  sa  cause  dans  une  maladie  ;  vg. 
l'agoraphobie,  489. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Phonétïque  —  Physique  (la)  901 

Phonétique  (<I>ojvr|Tt)co;,  qui  concerne  le  son  ou  la  parole,  de  ^wviw,  émettre 
un  son  de  voix,  de  cpom,  son,  voix,  de  on'/-^-  parler  ;  '^i  ts/vï]  cpo)vr)Ttx-^ )  :  a)  ce 
qui  se  rapporte  au  son,  à  la  voix  ;  b)  partie  de  la  Linguistique  qui  étudie  les 
sons,  463.  —  Langage  phonétique,  439.  —  Types  phonétiques,  445.  —  Science 
grammaticale  des  sons,  464.  —  Arts  phonétiques,  II,  408. 

Photisme  (de  <l>w;,  '^o)toç,  lumière)  :  c'est  une  image  hallucinatoire  de  la 
vue,  qui  se  produit  sans  que  la  périphérie  de  l'organe  visuel  soit  excitée  ;  vg.  Au- 
dition colorée.  Voir  ce  mot. 

Phrase  {Phrasis,  a.pao-tç,  élocution,  discours,  phrase,  de  'ffa^w,  faire  com- 
prendre. Racine  'fp'^û,  parler)  :  proposition  ou  ensemble  de  propositions  for- 
mant un  sens  complet.  —  Disposition  des  mots  dans  la  phrase,  464-465. 

Phraséologie  (de<i>pa'Tiç,  cppao-soiç,  élocution,  ;  î^oyo;,  discours):  a)  construc- 
tion des  phrases,  caractéristique  d'une  langue  ou  d'un  écrivain  ;  b)  se  prend 
aussi  en  mauvaise  part  pour  indiquer  le  genre  de  celui  qui  emploie  des  phrases 
vides  de  sens. 

Phrénologie  (♦I^ç'iv,  cppevo;,  enveloppe  du  cœur,  puis  cœur  ou  âme  comme 
siège  des  sentiments,  de  l'intelligence  ;  d'où  intelligence,  esprit.  Racine  'fpocy, 
enclore  ;  )^o7oç,  discours  )  :  doctrine  mal  fondée  de  Gall  et  de  ses  disciples 
qui  assignent  aux  facultés  intellectuelles  et  aux  passions  un  organe  bien  déli- 
mité dans  le  cerveau,  et  qui  voient  dans  les  protubérances  du  crâne  des  signes 
certains  des  qualités  intellectuelles,  391,  1.  —  La  vie  organique  n'est  qu'une 
condition  de  l'exercice  actuel  de  l'intelligence,  et  non  la  cause,  468-469  ; 
II,  541-542. 

Phylogénèse,  Phylogénie  (<I>uÀov,  tribu,  race,  de  <puw,  pousser  ;  y^veat;, 
origine  :  yi^o;,  naissance)  :  indique  l'évolution  des  espèces  et  le  lien  qui  les 
rattache  les  unes  aux  autres.  —  S'oppose  à  Ontogenèse,  Onto génie. 

Physico-téléologique  (  <[>u'7t)to;,  relatif  à  la  nature  ;  té/o;.  té/îoç-ou;, 
accomplissement,  résultat,  fin  ;  Xoytxo'ç,  relatif  h  la  parole,  de  Xo^^;,  parole, 
discours)  :  argument  tiré  des  causes  finales,  II,  561.  On  l'appelle  aussi  physico- 
théologique. 

Physiocratie  (^>u7i;,  production,  nature  ;  de  cpuw,  pousser  ;  xpaxoç,  force)  : 
doctrine  économique  des  Physiocrates  (vg.  Quesnav)  qui,  estimant  à  tort  que 
le  sol  est  l'unique  producteur  de  la  richesse,  ne  voulaient  imposer  que  la  pro- 
priété foncière,  II,  353-354. 

Physiognomonie  («tuTtoyvojixovtx,  de  o-ût:.;,  nature  ;  -/vioatov,  qui  discerne)  : 
c'est  l'art  de  juger  les  gens  d'après  leur  physionomie,  470,  2. 

Physiologie  (Physiologia,  (puTtoXo'/i'a  ;  de  cpucrtç,  nature  ;  Xoyo;,  discours)  : 
science  des  fonctions  organiques.  —  Sa  place  dans  les  sciences,  646.  —  Distinc- 
tion des  faits  physiologiques  et  psychologiques,  26-28  ;  29-30  ;  717-718.  — 
Rapports  de  la  physiologie  et  de  la  psychologie,  28-29.  —  Expérimentation 
en  physiologie,  664  ;  699  ;  728. 

Physionomie  (pour  Physiognomie,  du  bas  latin  physiognomia,  bas  grec 
cpuGioyvtov.ia,  pour  ou<j'.oyji<yj.o-A(/.,  de  vjti;,  nature  ;  yvwaojv,  qui  discerne)  : 
expression  du  visage,  470,  2. 

Physique  (la)  (Physicus,  Çfuutxoî,  relatif  à  la  nature  ;  dans  Aristote, 
i^  ôewptoc  '-ûUGixf),  ou  simplement  -/i  ^'^atxyi  ;  de  »ÛGtç,  nature)  :  science  qui  étudie 


902  TABLE  ANALYTIQUE  :  PhysiQue  —  PlatoD 

les  propriétés  les  plus  générales  des  corps,  593.  ^  Sciences  physiques  compa- 
rées :  a)  aux  sciences  naturelles,  645  ;  b)  aux  sciences  morales,  717.  —  Division 
des  sciences  physiques,  646.  —  Leur  méthode,  648.  \ 

Physique  (Physicus,  cp-j^rixoç,  relatif  à  la  nature)  :  faits  physiques,  physio- 
logiques et  psychologiques,  25-29.  —  Rapports  du  physique  et  du  moral,  466. 

Picard  (Emile)  :  suprématie  de  la  Morale,  II,  370,  1. 

Picard  (Père  Gabriel)  :  dualité  du  sujet  et  de  l'objet  dans  la  connais- 
sance même  la  plus  parfaite,  II.  445-446.  —  Existence  de  la  science  moyenne, 
II,  585,  1. 

Pie  IX  :  le  mariage  chrétien,  II,  210,  1.  —  Lettre  à  propos  du  Dynamisme 
externe,  II,  522-523. 

Pie  X  :  la  démocratie  chrétienne,  II,  240,  2. 

Piété  {Pietas,  sentiment  du  devoir,  tendresse,  piété  filiale,  de  plus,  qui 
accomplit  ses  devoirs  envers  les  dieux,  pieux,  honnête)  :  affection  respectueuse, 
—  Piété  filiale,  91  ;  II,  130  ;  216-217.- —  Devoir  envers  les  Supérieurs,  envers 
Dieu,  II,  130. 

Plnéal  (de  Pinea,  pomme  de  pin)  :  glande  pinéale,  II,  545,  3. 

PiNEL  (Philippe)  :  maladies  cérébrales,  488,  3.  i| 

Pitié  (Pietatem,  sentiment  du  devoir,  tendresse  ;  devenu  peité,  pitié)  : 
compassion  pour  les  souffrances  d'autrui  et  disposition  à  les  soulager.  94  ; 
II,  163. 

Placet  (Placet,  il  plaît)  :  les  légistes  gallicans  émettaient  la  prétention 
injustifiée  que  les  Bulles  et  Encychques  des  papes  ne  pouvaient  être  publiées 
en  France  sans  l'agrément  du  roi,  sans  le  placet  royal.  C'était  l'une  uos  servi- 
tudes de  l'Église  galUcane,  II,  342-343. 

Plagiat  (du  radical  de  Plagiaire,  plagiarius,  celui  qui  débauche  et  recèle 
les  esclaves,  de  plagium,  TrXavtov,  oblique.  Racine  -K^-x-f,  égarer)  :  action  de 
s'approprier  ce  que  l'on  a  pris  dans  les  œuvres  d'autrui.  —  Plagiat  conscient 
ou  inconscient,  201. 

Plaisir  (infinitif,  pris  substantivement,  du  verbe  ancien  plaisir,  de  placere, 
plaire)  :  émotion  agréable  résultant  de  l'activité  satisfaite.  —  Rapports  avec 
la  douleur,  57.  —  Origine  et  cause  :  1°)  Théorie  intellectualiste,  60.  2°)  Théorie 
de  l'activité  :  a)  sens  pessimiste,  61  ;  b)  sens  optimiste,  61-62.  —  Lois  fondamen- 
tales, 62.  —  Lois  secondaires,  65.  —  Espèces  de  plaisirs,  68.  —  Rôle  du  plaisir 
dans  la  vie  physique,  intellectuelle  et  morale,  126  ;  129-130.  —  Plaisirs  natu- 
rels, artificiels  dans  l'éducation,  409.  —  Morale  du  plaisir  {Hédonisme), 
II,  48.  —  Plaisir  moral,  49.  —  Plaisir  et  intérêt,  II,  80.  —  Plaisir  et  bonheur, 
U,  91.  —  Plaisir  du  beau,  II,  379  ;  387-388. 

Plasticité  (de  Plastique,  plasticus,  tùmqtv/A:^,  qui  sert  à  modeler)  :  aptitudi- 
à  recevoir  différentes  formes.  —  Plasticité  des  êtres  vivants,  II,  620-621. 

Plastique  {Plasticus,  ttÀc-^ttixo';,  qui  sert  à  modeler,  de  tiXocîto),  façonner)  : 
influence  |)lastique  de  l'âme,  470.  —  Arts  plastiques,  II,  408.  —  Médiateur 
plastique,  II,  545. 

Platon  (IIXaToiv,  de  tta'/t'J;.  large.  Racine  -à«t,  s'étendre.  Son  vrai  nom 
était    'Afi'TToxÀv;;,    de  açîTTo;,    le  meilleur  ;    xÀ£o;,    bruit,  bonne  renommée, 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Platoiiique  —  Poésic  903 

gloire)  :  définition  de  la  Philosophie,  6.  —  Classification  des  facultés,  43.  — 
Le  désir,  83.  —  L'expiation,  128  ;  II,  122,  2.  —  Réalisme  exagéré,  255  ;  257,  2. 
—  Théorie  de  la  réminiscence,  309.  —  Avec  toute  son  âme,  784,  1.  —  Morale 
platonicienne,  II,  89.  —  Vertu  platonicienne,  II,  125.  —  Communisme,  II, 
199.  —  Définition  du  beau,  II,  382.  —  Dieu,  beauté  suprême,  II,  412-413.  — 
Supplices  éternels,  II,  552,  3.  —  DuaHsme,  II,  601,  2. 

Platonique  [Platonicus,  WloLzoivi/.rJç^  de  riXartov,  Platon)  :  amour  pla- 
tonique, 90. 

Platonisme   (de  Platon)  :  doctrine  et  école  de  Platon.  Voir  Platon. 

Plein  {Plénum,  du  verbe  archaïque  pleo,  remplir.  Cf.  rÀÀOîtv,  être  plein)  : 
ce  qui  est  tout  à  fait  rempli.  —  Descartes  admet  le  plein  dans  la  nature, 
II,  509  ;  509-510. 

Plotin  (llXwTÏvo;)  :  définition  du  beau  qu'on  lui  attribue,  II,  382.  — 
Panthéisme  de  VEcole  d' Alexandrie,  II,  602-603. 

Ploutocratie  (liAouroxpaTia  domination  des  riches,  de  -rr/ouxo;,  richesse. 
Racine  ttXî,  être  plein  ;  /.pa-roç,  vigueur,  domination.  Racine  xf-'aT,  être  fort)  : 
état  social  dans  lequel  les  gens  les  plus  riches  exercent,  d'une  façon  indirecte 
mais  effective,»  le  pouvoir  politique. 

Plural  [Pluralis,  multiple,  de  plus,  plus,  coniparatif  neutre  d'un  positif 
perdu)  :  ce  qui  compte  plusieurs  unités.  —  Suffrage  plural,  II,  283. 

Plus-value  (de  Plus,  comparatif  latin  neutre  pris  substantivement,  elvalue, 
substantif  pai'ticipe  de  valoir,  de  ualerc  être  fort)  :  accroissement  de  la  valeur 
acquise.  —  Loi  secondaire  des  émotions,  66. 

Pluralisme  (de  Plural)  :  doctrine  affirmant  que  les  êtres  qui  composent 
le  monde  sont  multiples,  individuels,  et  non  pas  des  modes  d'une  réalité 
unique  :  vg.  se  dit  de  la  doctrine  :  de  IIerbart  (par  opposition  à  celles  de 
Schelling  et  de  Hegel),  de  W.  James  (A  pluralistic  Universe,  Londres 
1909.  Traduit  par  Le  Brun  et  Paris,  sous  ce  titre  -.La  Philosophie  de  V  expé- 
rience, Paris.  1910),  etc.  —  S'oppose  à  Monisme. 

Pluriformisme  (de  Plus,  pluris,  plus  ;  forma,  forme)  :  doctrine  des  Scolas- 
tiques  qui  admettent  la  pluralité  des  formes  dans  les  corps  mixtes.  Voir  Mixte. 

Plutarque  (UÀoûrao/o;  je  ttAoûtoç,  richesse  ;  à'p/r,  principe,  commande- 
ment) :  éducation  intellectuelle,  208,1  —  Le  sage  d'EpicuRE,  II,  51,  1.  — 
Culte  universel  des  dieux,  II,  564,1. 

Pneumatique  (la)  {Pneumaticus,'rK-->iD[J.'yi-:ix6;,  qui  concerne  le  souffle,  de 
Trvîûaa,  souffle,  esprit)  :  la  Pneumatique  est  la  science  des, choses  spirituelles 
la  Psychologie.  Cf.  Leibniz,  Nouveaux  Essais,  Préface,  Edit.  Janet,  T.  I, 
p.  22,  Paris,  1900^ 

Pneumatologie  (\hîZu.'x,  souffie,  souffle  divin,  esprit  divin  ;  VJyoç, 
discours)  :  sciiMice  des  esprits,  anges  ou  démons.  Cf.  D.  Palmieri,  Pneuma- 
tologia,   dans  ses  Institutiones     philosophicae,   t.    111,   pp.   3-71,   Rome,   1876. 

Poiî  (Edgard)  :  passion  de  l'alcool,  II,  117,  1. 

Poésie  [Pocîiis,  7roir,i7tç,  action  de  faire,  de  composer  des  œuvres  poétiques, 
d,e  TtoiHto,  fabriquer,  créer)  :  relation  avec  les  arts  et  les  lettres,  II,  409. 


904  TABLE  ANALYTIQUE  :  Poétique  —  Popularité 

Poétique  iPoeticus.  -oir-tzo?,  qui  a  la  vertu  de  produire,  de  créer)  :  l'ima- 
gination créatrice  est  poétique,  224-228.  —  Sciences  poétiques  (Aristote), 
585  ;  586. 

PoiNCARÉ  (Henri)  :  côté  esthétique  des  Mathématiques,  641,  3. 

Point  {Punctum,  piqûre,  point,  de  punctum,  supin  de  pungere,  poindre, 
piquer)  :  l'intersection  de  deux  lignes/  —  Le  point,  la  ligne  et  l'espace,  630. 

Police  {Politia,  -oki-ziicf.,  qualité  de  citoyen,  régime  politique,  de  ttoÀ'.tsuco, 
être  citoven,  de  ::o/tç,  cité)  :  attribution  de  l'État,  II,  248.  —  Police  scolaire 
II,  258. 

Politesse  (de  l'italien  Politezza)  :  ensemble  d'égards  qu'on  doit  avoir  les 
uns  pour  les  autres  en  société.  C'est  un  devoir  qui  rentre  dans  la  morale  sociale. 

Politique  (Politicus,  -o/tTtxo';,  qui  concerne  les  citoyens,  de  -oX-.;,  cité. 
Racine,  ^a^  remplir,  t  ["ri/vr,]  ttoXitixt^,  la  Politique)  :  science  des  rapports 
entre  gouvernants  et  gouvernés.  —  Sa  place  dans  les  sciences,  594  ;  715.  — 
Méthode  de  la  politique,  716,  1  ;  756. 

Polyandrie    (IloXjavSpî'/,    de  -oXO;,   nombreux  ;    racine  tjA,  être  plein 
àv-z-ù,    avopoç,   celui  qui  engendre,  homme,  pour  /"yaviçp,  puis  /"«"•'vip,   àvoû  ; 
racine,  Vvj,  engendrer)  :  état  d'une  femme  qui  a  plusieurs  maris.  La  polyandrie 
est  encore  plus  contraire  au  droit  naturel  que  la  polygamie,  II,  210. 

Polygamie  (Polygamia,  de  ■^ro/uyaaoç,  de  -oÀu;,  nombreux,  yaasw,  se 
marier.  Racine  Tîv,  engendrer):  état  de  l'homme  marié  avec  plusieurs  femmes. 
—  Contraire  au  droit  naturel.  II,  210.  —  Permise  exceptionnellement  par  Dieu, 
141-142  ;  211. 

Polymorphisme  (de  Polymorphe,  de  ttoXu;,  nombreux  ;  l'-'^^'^'h,  forme)  : 
est  la  propriété  qu'ont  certaines  espèces  de  prendre  des  formes  différentes 
sans  changer  de  nature. 

Polysyllogisme  (du  latin  scolastique  Polysyllogismus,  de  TroXy?,  nombreux  ; 
■7uA/.07t7y.d;,  calcul,  raisonnement,  syllogisme,  de  auXXoyi'Çofxat,  assembler 
par  la  pensée,  de  tA'kv^m  =  gû-j,  avec,  Xiyto,  unir.  Racine  Xsy,  assembler) 
chaîne  de  deux  ou  plusieurs  syllogismes,  548. 

Polythéisme  (de  MoXuOeÏx,  de  tt'Aûç,  nombreux  ;  0";,  Dieu)  :  religion  ou 
philos(jpliie  qui  admet  plusieurs  dieux,  248,  1. 

Polyzoïsme  (lIoXû;,  nombreux  ;  ?orc,  vie,  de  'Câ-»,  vivre)  :  théorie  d'après 
laquelle  les  organismes  supérieurs,  spécialement  les  vertébrés,  seraient  consti- 
tués par  des  agrégats  synergétiques  d'organismes  inférieurs.  Cette  théorie 
dite  «  coloniale  »,  soutenue  par  Ed.  Perrier,  Les  colonies  animales,  Paris,  1897  *, 
est  vivement  combattue  par  Y.  Delage,  L'hérédité,  p.  97  sqq.,  Paris,  1903'. 

Populaire  [Popularis,  de  populus,  peuple.  Racine  pie,  remplir.  Cf.  rXijSo;, 
multitude  ;  plebs,  le  peuple  par  opposition  aux  nobles)  :  gouvernement  popu- 
laire, où  le  peuple  exerce  le  p^voir  par  ses  représentants,  II,  232  ;  240-241. 

Popularité  {Popularitas,  recherche  de  la  p»ipularité,  de  populus,  peuple)  : 
ensemble  de  manières  pour  capter  la  faveur  populaire.  C'est  l'un  des  moyens 
employés  pour  satisfaire  l'amour  du  pouvoir  qui  dégénère  en  ambition,  86. 


TABLE  ANALYTIQUE  :    Porphyre  —  Postulat  905 

Porphyre  (n<if'fJpto;,  de  Trop'^vpw^  se  soulever  en  bouillonnant;  puis,  par 
confusion  avec  Tropojça,  se  teindre  en  pourpre,  briller)  :  méthode  mystique,  7- 

—  Arbre  de  Porphyre,  251-252. 

PoRTALiÉ  (Eugène)  :  théorie  de  la  vérité  illumihatrice  de  saint  Augustin, 
II,  452,  3  ;  453-454. 

Port-Royal  (Messieurs  de)  :  l'émulation,  95.  —  Le  bon, sens  (Nicole), 
286-287.  —  L'acte  intellectuel  se  fait  sans  image,  469,  1.  —  Les  quatre  opé- 
rations de  l'esprit,  506,  5.  —  De  la  définition,  521  ;  525,  1  ;  526,  2.  —  Analyse 
et  synthèse,  612,  2.  —  Erreur  de  jugement,  798,  1.  —  Des  sophismes,  801,  1,  2. 

Positif  {Positivus,  posé,  établi,  de  positum,  poiiere,  poser)  :  a)  Ce  terme  est 
opposé  :  1")  à  Négatif  :  l'infini  est  positif  en  ce  qu'il  exprime,  339-340.' — •  Devoir 
positif,  II,  148.  —  2°)  à  Naturel  :  loi  positive,  IL  39  ;  42.  —  3°)  à  Métaphysique: 
sciences  positives,  que  A.  Comte  oppose  aux  sciences  métaphysiques,  589. 
b)  Ce  terme  signifie  encore  :  ce  qui  repose  sur  quelque  chose  d'assuré  ;  vg.  ce 
fait  est  positif. 

Position  {Positio,  action  de  placer,  de  positum,  supin  de  ponere,  poser)  : 
place  où  une  chose  est  posée.  —  Positions  du  moyen  terme,  536. 

Positivisme  (de  Positif)  :  doctrine  et  école  d'A.  Comte,  II,  446-450. 

Positivité  (de  Positif)  :  a)  caractère  de  ce  qui  est  positif  ;  b)  l'esprit  positif. 

—  Terme  cher  à  Comte  qui  l'emploi  dans  ce  double  sens. 

Possession  [Possessio,  de  possessum,  supin  de  possidere,  posséder,  de  l'ancien 
préfixe  por,  vers  ou  contre,  et  sedeo.  De  l'idée  d'être  assis,  serfere,  on  est  passé 
à  l'idée  de  s'établir,  puis  à  celle  de  posséder.  Racine  :  en  sanscrit  sad,  s'asseoir  ; 
en  grecéâ  =  't^o,  car  l'esprit  rude  =  s.  Cf.  eopa,  siège,  eooç,  demeure,  en  latin 
sed-es)  :  fait  de  posséder.  —  Possession  et  propriété,  II,  189. 

Possibilisme  (de  Possibilis,  ce  qui  se  peut,  de  posse,  pouvoir)  :  branche  du 
Socialisme,  II,  200. 

Possibilité  (Possibilitas,  de  possibilis,  ce  qui  se  peut,  de  possum  =  potis 
sum,  posse^  pote  esse,  pouvoir,  de  potis,  pote,  qui  peut)  :  a)  Caractère  de  ce  qui 
est  possible  ;  vg.  possibilité  de  l'expérimentation,  725.  b)  La  possibilité  est  l'une 
des  catégories  de  Kant,  296,  II,  432.  11  appelle  problématiques  les  jugements 
qui  l'expriment.  —  Possibilité  logique,  physique,  520-521. 

Possible  (Possibilis,  de  posse,  pouvoir)  :  ce  qui  ne  répugne  pas  à  l'existence, 
■ce  qui  n'implique  pas  contradiction,  II,  463.  —  S'oppose  à  Impossible. 

Post  hoc,  ergo  propter  hoc  :  sophisme,  799-800. 

Posthypnotique  (de  Post,  après  ;  hypnotique,  de  hypnoticus,  u-vojtcxoç, 
somnolent,  de  ii-voç,  sommeil)  :  phénomène  qui  résulte  d'un  état  d'hypnose 
antérieur,   482. 

Post-Prédicaments  :  à  la  liste  des  dix  premiers  prédicainents  ou  catégories 
(516)  Aristote  en  ajouta  cinq  autres  :  Opposition,  Priorité,  Simultanéité, 
Mouvement,  Possession.  Ce  sont  certains  modes  ou  manières  d'être  qui  ressor- 
tant de  la  comparaison  qu'on  fait  des  Prédicaments  entre  eux. 

Postulat  {Postulatum,  chose  demandée,  participe  passé,  pris  substanti- 
vement, de  postulare,  fréquentatif  de  poscere,  demander)  :  proposition  qu'on 

TRAITÉ    DE   PHILOSOPHIE.   —  T.   II.   —      30 


906  TABLE  ANALYTIQUE  :  —  Potentiel  —  Précision 

prend  pour  principe  de  déduction  en  demandant  qu'on  l'admette  sans  démons- 
tration, quoiqu'elle  ne  soit  pas  d'uneévidenceabsolue.  — Principes  de  la  démons- 
tration mathématique,  633-635.  —  Postulats  de  la  raison  pratique  (Kant), 
787-788  ;  II.  96  ;  99-100  ;  434-435  ;  569. 

Potentiel  (de  Potentia,  puissance,  àe  potis,  pote,  qui  peut)  :  ce  qui  est  en 
puissance,  47.  — ■  S'oppose  à  Actuel,  comme  puissance  à  acte,  II,  464. 

Pouvoir  (du  latin  populaire  Potere  pour  posse= pote-esse,  de  potis,  pote, 
qui  peut)  :  a)  Faculté  de  faire  quelque  chose  :  pouvoirs  de  l'âme,  37-38.  6)  Au- 
torité de  ceux  qui' gouvernent  :  origine  du  pouvoir  en  général,,  II,  223.  — 
Origine  de  l'autorité  concrète,  II,  224.  —  Limites  du  pouvoir  de  l'État,  II,  250. 

—  Résistance  au  pouvoir,  II,  287.  —  Légitimation  du  pouvoir  usurpé,  II,  231. 

—  Pouvoirs  législatif,  exécutif,  judiciaire  :  leur  séparation,  II,  266  ;  267  ;  269. 

—  Stabilité  et  transmission  du  pouvoir,  II,  247.  —  Pouvoir  direct  et  indirect 
de  l'Église,  II,  343. 

Pragmatisme  (de  Pragmati(  us.  Trpayy.aTtxôç,  qui  concerne  l'action,  propre 
à  l'action,  de  7:pa7[ji.a,  affaire,  action  de  faire,  de  TrpaGaw,  aller  à  travers, 
jusqu'au  bout,  achever.  Racine  Tuap,  d'où  Ttpa,  xpay,  aller  à  travers)  :  doctrine 
d'après  laquelle  l'action  seule  peut  nous  aider  à  découvrir  ce  que  nous  pouvons 
atteindre  de  vérité.  —  Le  Pragmatisme,'  en  général,  819-831.  —  Le  Pragma- 
tisme social,  831-836. 

Pratique  [Practicus,  7rpaxTt/.ôç,  actif,  propre  à  agir,  qui  convient  à  l'action, 
de  irpaaffoi,  aller  à  travers,  jusqu'au  bout,  accomplir)  :  raison  pratique,  286  ; 
II,  15-16  ;  25-26  ;  27.  —  Critique  de  la  raison  pratique  (Kant),  II,  434-435  ; 
435.  —  Logique  :  science  pratique,  507.  —  Sciences  pratiques  :  classification 
d'AniSTOTE,  585.  —  Sciences  morales  pratiques,  715  ;  757.  —  Morale  :  science 
pratique,  II,   2-3. 

Précepte  [Praeceptum,  de  praecipere,  praeceptum,  prendre  d'avance,  pré- 
venir, prescrire,  de  prae,  devant  ;  capere,  prendre)  :  prescription  obligatoire.  — 
Précepte  et  conseil,  II,  112.  —  Préceptes  primaires  et  secondaires  du  droit 
naturel,  II,  141. 

Précipitation  (Praecipitatio,  de  praecipitatum,  supin  de  praecipitare,  de 
praeccps,  praecipitis,  qui  tombe  la  tête  en  avant,  de  prae,  en  avant,  caput  ; 
tête)  :  cause  d'erreurs,  271  ;  604  ;  804. 

Précis  [Praecisus,  participe  passé  de  praecidere,  couper  par  devant,  rac- 
courcir, abréger,  de  prae,  devant  ;  caedere,  couper)  :  ce  qui  est  circonscrit  de 
façon  à  ne  laisser  aucune  indécision  dans  la  pensée.  —  Localisation  précise, 
204.  — ■  L'observation  doit  être  précise,  652.  —  S'oppose  à  Imprécis. 

Précisif  (du  latin  scolastique  Praecisivus,  de  praecisum,  supin  de  prae- 
cidere. Couper  par  devant)  :  abstraction  précisive  :  c'est  un  terme  employé  par 
les  ScoLASTiQUES  pour  indiquer  l'opération  par  laquelle  l'esprit  considère 
une  chose  sans  une  autre  qui  lui  est  unie,  mais  n'affirme  ni  ne  nie  l'existence 
de  cette  autre  chose  ;  vg.  si  je  considère  ce  papier  sans  m'occuper  de  sa  blan- 
cheur, 246.  —  S'oppose  à  Abstraction  négative,  par  laquelle  non  seulement,  ou 
conçoit  une  chose  sans  une  autre,  mais  l'on  nie  l'existence  de  l'une  dans  l'autre  ; 
vg.  si  je  dis  :  ce  papier  n'est  pas  blanc. 

Précision  iPraecisio,  action  de  retrancher,  de  praecisum,  supin  de  prae- 
cidere, coupei'  par  devant)  :  instruments  de  précision,  650.  —  Le  mot  précision 
indique  une  approximation  aussi  rigoureuse  que  possible  de  la  vérité  ;  vg.  pré- 
ciser les  droits,  II,  249,  tandis  que  le  mot  exactitude  implique  l'idée  d'une  con- 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Prédétcrmination  —  Préformation  907 

naissance  absolument  rigoureuse  ;  vg.  l'exactitude  des  Mathématiques,  639, 
— •  Précision  illusoire  de  la  Psychophysique  et  de  la  Psychophysiologie,  727-728. 

—  Précision,  dans  le  sens  :  action  de  retrancher,  de  circonscrire  par  la  pensée, 
indique  l'abstraction  précisive  (Voir  Précisif),  que  les  Scolastiques  nomment 
aussi  Praecisio.  Cf.  Bossuet  ;  «  Les  précisions  de  l'esprit,  autrement  appelées 
abstractions  mentales...  »  {Logique,  L.  I,  Cli.  xxii)  ;  Port-Royal  (La  Logique, 
Part.  1,  Ch.  v),  où  abstraction  et  précision  sont  données  comme  synonymes. 

—  Langage,  instrument  de  précision,  450-451.  —  Précision  d'une  langue,  461. 

—  Syllogisme,  instrumient  de  précision,  842-843. 

Prédétermination  (de  Prédéterminer,  de  prae,  devant  ;  de-terininare,  déli- 
miter ;  de  de,  au  sujet  de  ;  terminare,  limiter,  terminus,  limite)  :  Prédétermi- 
nation où  Prémotion  physique  des  Thomistes  :  «  Action  divine,  qui  fait  passer 
notre  volonté  de  la  puissance  de  vouloir  à  l'acte  de  vouloir,  et  de  vouloir  ce 
que  Dieu  veut  qu'elle  veuille.  »  (Zigliara,  Summa  philosophica,  T.  II,  Then- 
logia  naturalis,  L.  III,  Ch.  iv,  A.  IV,  §  V,  Paris,  1919",  p.  548).  —  Une  telle 
prédétermination  est  incompatible  avec  la  liberté  humaine  et,  par  conséquent, 
ne  peut  servir  à  expliquer  la  connaissance  des  futurs  conditionnels,  380,  2  ; 
II,  586-590  ;  638.  —  N.  B.  Praemotio  thomistica  est  rêvera  praedeterminatio 
divinae  voluntatis,  seu  voluntas  divina  efficacissima...  (Zigliara. /èirfem, 
§  VI,  p.  557-558). 

Prédéterminisme  (de  Prae,  avant,  et  déterminisme)  :  ce  terme,  employé 
comme  synonyme  de  déterminisme,  met  l'accent  sur  cette  considération  que 
la  nécessité  éternelle  des  événements  résulte  de  la  prescience  et  de  la  puissance 
de  Dieu. 

Prédicable  {PraedicabiUs,  de  prae-dicare,  déclarer,  de  prae,  devant,  dicare, 
annoncer,  dédier,  de  dicere,  dire)  :  les  Prédicables  sont  les  différentes  manières 
dont  les  prédicats  sont  attribués  au  sujet.  Il  y  a  cinq  Prédicables  ou  Uni- 
versaux,  252-253  ;  516. 

Prédicament  [Praedicamentum,  énonciation,  de  prae-dicare,  déclarer)  : 
les  Prédicaments  sont  les  différentes  classes  ou  catégories,  auxquelles  on  peut 
ramener  les  idées  générales,  253-254  ;  296  ;  516-517. 

Prédicat  {Praedicatum,  énoncé,  participe  passé  de  prae-dicare,  déclarer)  : 
ce  qui  est  affirmé  ou  nié  d'un  sujet.  —  C'est  l'attribut,  266. 

Prédisposé,    Prédisposition    [Praedisponere,    disposer    d'avance,    de   prae, 

devant,  et  dis-ponere,  dispositum)  :  disposition  antécédente.  —  Prédisposition 
de  la  nature,  cause  des  passions,  115.  —  Prédispositions  de  l'intelligence, 
315-316.  —  Inffuence  prédisposante  de  l'organisme,  391-392. 

Préétabli  {Prae,  devant  ;  établir,  pour  establir,  de  stabilire,  rendre  stable, 
de  stare,  se  tenir  debout)  :  établi  d'avance.  —  Harmonie  préétablie(LEiBNiz), 
II,  547. 

Préexistence  {Prae,  devant  ;  existence,  de  exister,  de  ex-sistere,  sortir  de, 
paraître,  exister  ;  de  sistere  [redoublement  de  stare],  placer,  arrêter,  fixer)  : 
existence  antérieure.  —  Préexistence  des  âmes  (Platon),  310. 

Préfixe  (Prae,  devant  ;  fixas,  fixé,  participe  passé  de  figo,  fixum,  attacher, 
enfoncer)  :  particule  placée  devant  un  mot,  465. 

Préformation  (Prae,  devant  ;  format io,  de  formatum,  supin  de  forniare, 
façonner,  de  forma,  forme)  :  préformations  de  l'intelligence  (Leibniz),  315,  4. 


908  TABLE  ANALYTIQUE  :  Préhistoirc  —  Prescience 

—  En  Biologie,  doctrine  suivant  laquelle  les  organes  et  caractères  héréditaires 
des  êtres  vivants  existent  dans  le  germe.  On  dit  aussi  Préformisme.  —  S'oppose 
à  Epigénèse. 

Préhistoire  [Prae,  devant  ;  histoire)  :  histoire  de  l'humanité  qui  précède 
les  plus  anciennes  traditions 

Préjudice  [Praejudiciwn,  de  prae,  devant  ;  judicium  ;  c'est-à-dire  un  juge- 
ment précipité,  d'où  résulte  un  dommage)  :  ce  mot  n'a  pas  gardé  son  sens 
étymologique,  lequel  se  retrouve  dans  Préjugé,  mais  signifie  dommage  matériel 
ou  moral,  II,  194  ;  206-207.  —  Préjudice  :  un  des  titres  du  prêt  à  intérêt, 
II,  357. 

Préjugé  (substantif  participe  de  Préjuger  —  prae,  devant  ;  juger)  :  a)  Ce  qui 
peut  inspirer  un  jugement,  b)  Opinion  préconçue,  adoptée  sans  examen.  — 
Cause  d'erreurs,  220-221  ;  798. 

Préméditation  {Praemeditatio,  action  de  se  préparer,  de  prae,  devant  ; 
nieditotuin,  supin  de  meditari,  s'exercer  à)  :  décision  prise  d'avance.  —  C'est 
une  circonstance  qui  accroît  la  responsabilité,  laquelle  est  proportionnée  à  la 
ci^nnaissance,  II,  115. 

Premier  (Primarium,  du  premier  rang,  dérivé  de  primus.  Primus  est  un 
superlatif  de  pro,  devant,  qui  signifie  :  celui  qui  est  le  plus  en  avant.  Il  est 
pour  pris-mus,  qui  dérive  de  pris,  contraction  de  prius,  comparatif  de  pro)  : 
ce  qui  précède  quelqu'un  ou  quelque  chose  par  rapport  au  temps,  à  l'espace, 
à  l'ordre,  à  l'importance.  —  Qualités  premières  de  la  matière,  177.  Voir 
aussi  Primaires.  —  Vérités  premières,  288.  —  Notions  premières,  295.  — 
Origine  des  notions  et  vérités  premières,  299-318.  —  Cause  première,  324  ; 
344  ;  II,  554  ;  560-561.  —  Premier  en  soi,  premier  dans  nos  idées,  342.  — 
Droit  du  premier  occupant,  II,  190.  —  Philosophie  première,  II,  419. 

Prémisse  {Praemissa  [sous-entendu  propositio],  de  prae,  devant  ;  missus^ 
envoyé,  mis,  participe  passé  de  mitiere,  missum,  envoyer)  :  chacune  des  deux 
premières  propositions  (majeure,  mineure)  d'un  syllogisme,  536. 

Prémotion  [Praemotio,  de  prae-motum,  supin  de  praemovere,  mouvoir  en 
avant)  :  Prémotion  physique  des  Thomistes  :  «  Action  divine  qui  fait  passer 
notre  volonté  de  la  puissance  de  vouloir  à  l'acte  de  vouloir,  et  de  vouloir  ce 
que  Dieu  veut  qu'elle  veuille.  »  (Zigliara,  Loco  citato.    Cf.  Prédétermination). 

—  Une  telle  prémotion  ou  prédétermination  est  incompatible  avec  la  liberté 
humaine  et,  par  conséquent,  ne  peut  servir  à  expliquer  la  connaissance  des 
futurs  conditionnels,  380,  2  ;  II,  586-590  ;  638. 

Préoccupation  (Praeoccupatio,  de  prae-occupatum,  supin  de  praeoccupare, 
envahir  le  premier,  de  prae,  devant,  occupare  =  ob-cupare,  s'emparer  de,  dérivé, 
par  un  intermédiaire  perdu,  de  capere,  prendre)  :  état  d'un  esprit  absorbé  par 
une  idée  ou  un  sentiment,  239. 

Préposition  [Praepositio,  de  praepositum,  supin  de  prae-ponere,  mettre 
devant)  :  terme  invariable  marquant  le  rapport  d'un  mot  à  un  autre,  464. 

Prérogative  (Praerogativa,  sous-entendu  tribus.  Ce  mot  indiquait  la  tribu 
que  le  sort  désignait  pour  voter  la  première  :  d'où  premier  choix,  privilège, 
prérogative.  De  prae,  devant  ;  rogatus,  demandé,  de  rogare,  prier,  solliciter)  : 
signifie,  en  général  :  droit  attaché  à  certaines  conditions  privilégiées  ;  vg.  les 
prérogatives  du  pouvoir,  II,  266.  —  Faits  prérogatifs,  652.  —  Prérogatives 
de  l'expérimentation,  662-663. 

Prescience  { Praescientia,  de  prae-scire,  savoir  avant)  :  connaissance  parfaite 
de  l'avenir.  —  Prescience  divine  et  liberté  humaine,  378-382. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Prcsclnder  —  Prévention  909 

Prescinder  {Prae-scindere,  séparer)  :  ce  terrae  scolastique,  qui  signifie  faire 
ahsiraciion  de,  remplacerait  avantageusement  cette  périphrase. 

Prescriptible  (de  Prescrire),  Prescription  [Praescriptio,  action  d'intituler,  de 
praescriptum,  supin  de  prae-scr ibère,  mettre  en  tête  d'un  écrit,  prescrire)  : 
a)  Ordre  formirié  ;  vg.  les  prescriptions  de  la  conscience,  de  la  loi,  II,  42-43.  — 
h)  Sens  juridique  :  libération  d'une  dette,  d'une  poursuite  judiciaire  après  un 
certain  temps  écoulé.  —  e)  Prescription  du  droit  de  régner,  II,  231-232. 

Présence  {Praesentia,  de  prae-sens,  prae-esse,  être  en  tête  de)  :  fait  pour 
une  pei'sonne  ou  une  chose  de  se  trouver  dans  un  lieu  marqué.  —  Table  de 
présence  (Bacon),  666. 

Présent  [Praesentem,  participe  de  praesum,  je  suis  devant)  :  ce  qui  se  rap- 
porte à  la  durée  dont  on  parle.  —  États  psychologiques  présents,  196.  —  Le 
présent  perpétuel,  379-380.  — ■  Le  moment  présent,  II,  506. 

Présentation  (de  Présenter)  :  certains  psychologues  emploient  :  a)  Repré- 
sentation pour  exprimer  tout  état  de  conscience  dans  lequel  un  objet,  qui  a  été 
déjà  présenté  à  l'esprit,  est  rappelé  avec  ou  sans  reconnaissance.  —  b)  Présen- 
tation pour  désigner  tout  état  de  conscience,  dans  lequel  un  objet  est  présent 
à  l'esprit.  Cette  distinction  est  justifiée. 

Présentationnisme  (de  Présentation)  :  nom  donné  par  Hamilton  à  la  théorie 
de  la  perception  immédiate  du  monde  extérieur,  164,  1. 

Présomption  [Praesumptio,  de  praesumptutn,  supin  de  prae-sumere,  prendre 
d'avance)  :  a)  Action  de  présumer,,  c'est-à-dire  d'admettre  quelque  chose  sur 
un  indice  probable  ;  c'est  une  induction  probable,  658-659.  —  b)  Action  de  trop 
présumer,  c'est-à-dire  de  se  fier  trop  à  soi  ;  c'est  une  exagération  de  l'amour 
de  soi. 

Presse  (substantif  verbal  de  Presser,  du  latin  populaire  pressare,  dérivé  de 
pressum,  supin  de  premere,  presser)  :  liberté  de  la  presse,  II,  184-186. 

Présupposition  (composé  avec  le  latin  prae,  devant,  et  supposition)  :  c'est 
une  supposition  préalable. 

Prêt  (substantif  verbal  de  Prester,  prêter,  de  praestare,  l'emporter  sur,  de 
drae,  devant  ;  stare,  se  tenir  debout)  :  action  de  prêter  ;  chose  prêtée.  —  Prêt 
à  intérêt,  II,  356-357. 

Préternaturel  [Praeter,  au  delà  ;  naturalis,  de  natura,  nature)  :  ce  qui  est 
au  delà  des  forces  de  la  nature.  —  Intervention  préternaturelle,  483-484. 

Preuve  (du  latin  populaire  Proba,  substantif  verbal  de  probare,  éprouver, 
prouver,  de  probus,  de  bonne  qualité)  :  ce  qui  sert  à  établir  la  vérité  d'une 
chose  ;  vg.  preuves  de  l'existence  de  Dieu,  II,  556.  —  Preuve  a  priori  ou 
rationnelle  ;  vg.  II,  42.  —  Preuve  a  posteriori  ou  expérimentale  ;  vg.  II,  42-43. 

Prévalence  (de  Prae-valens,  Prae-valere  ;  de  prae,  devant  ;  valere,  être  fort  ; 
d'où  être  h;  [)lus  fort,  prévaloir)  :  action  de  remporter  un  avantage.  —  Préva- 
lence des  motifs  (Leibniz),  393,  1  ;  396-397  ;  398-399. 

Préventif  (de  Praeventum,  supin  de  prae-venire,  prendre  les  devants,  pré- 
venir) :  ce  qui  sert  à  prévenir,  à  empêcher.  —  Remède  préventif  contre  les 
passi(ms,  119.  —  Moyen  préventif  dans  l'éducation,  410. 

Prévention  (du  bas  latin  Praeventio,  du  supin  praeventum,  de  praevenire, 
prévenir)  :  état  d'un  esprit  disposé  d'avance  dans  un  sens  favorable  ou  défa- 
vorable. —  Cause  d'erreurs,  271  ;  604  ;  804-805. 


910  TABLE  ANALYTIQUE  :  PrévisioD  —  Principes  premiers 

Prévision  (du  bas  latin  Praevisio,  de  prae-visum,  supin  de  prae-videre,  voir 
devant  ;  prévoir)  :  caractère  de  la  connaissance  scientifique,  580  ;  685. 

Prévoyance  (de  Prévoir,  de  prae-videre,  voir  devant)  :  faculté  ou  action  de 
voir  d'avance.  —  Condition  du  capital,  II,  354. 

Prière  (du  latin  populaire  Precaria,  dérivé  de  prex,  précis,  prière.  Racine 
prec,  demander)  :  supplique  adressée  à  Dieu.  —  Devoir  envers  Dieu,  98  ; 
II,  332.  —  Objections  contre  la  prière,  II,  332. 

Primaire  iPrimarius  [Cf.  le  doublet  Premier,  d'origine  populaire],  du  pre- 
mier rang,  dérivé  de  primas.  Voir  Premier)  :  a]  Synonyme  de  premier  :  la 
perception  est  un  fait  primaire,  173.  —  Qualités  primaires  de  la  matière,  177. 

—  États  primaires  de  la  conscience,  234.  —  Préceptes  primaires  du  droit 
naturel,  II,  141.  — FonctionprimairederÉtat,protectiondes  droits,II,  248  ;250. 
b]  Ce  qui  est  au  premier  degré  en  commençant,  du  plus  bas  degré.  —  Résultats 
de  l'enseignement  primaire,  II,  260-261. 

Primat  [Primas,  primatis,  qui  est  au  premier  rang,  de  primus,  premier)  : 
suprématie,  caractère  de  ce  qui  prime.  —  Certains  philosophes  accordent  le 
primat  à  l'intelligence  ;  vg.  les  Thomistes  ;  d'autres  à  la  volonté,  vg.  les 
ScoTiSTES.  Voir  Intellectualisme,    Voluntarisme.  —  Primat  de  l'action,  819. 

Primauté  (de  Primatus,  le  premier  rang,  de  primus,  premier)  :  suprématie. 
Voir  Primat. 

Primitif  [PrimMivus,  qui  naît  le  premier,  de  primus,  premier,  de  pro, 
devant)  :  a)  Ce'qui  est  le  plus  ancien.  —  L'inclination  est  primitive,  104  ;  113. 

—  Certitude  primitive  de  la  conscience,  139.  —  La  percepti>on  est  le  fait  pri- 
mitif, 173.  —  Perceptions  primitives,  178.  —  Racines  primitives,  260,1,2  ; 
445-446.  —  Unité  primitive  du  langage,  460.  —  L'état  primitif  (Rousseau), 
II,  220.  — Sauvagerieprimitive,  II,  222. —  b)  Ce  qui  a  un  caractère  simple,  rudi- 
mentaire  :  vg.  art  primitif  ;  les  primitifs,  peuples  de  civilisation  inférieure. 

Primordial  (Primordialis,  de  primordium,  commencement,  de  primus, 
premier  ;  ordiri,  monter  la  chaîne  d'un  tissu,  ourdir,  commencer)  :  a)  Ce  qui 
est  le  plus  ancien  ;   vg.  langue  primordiale.  — ■  Synonyme  de    primitif,  a). 

—  b)  Ce  qui  est  de  première  importance. 

Prince  [Principem,  qui  est  le  premier  à  faire  telle  ou  telle  chose,  de  primus, 
premier,  capere,  prendre)  :  celui  qui  est  le  premier,  le  chef;  et,  spécialement, 
celui  qui  est  à  la  tète  du  gouvernement,  qui  possède  la  souveraineté,  II,  232  ; 
237.  —  Bon  plaisir  du  prince,  II,  40. 

Principe  {Principium,  origine,  commencement,  de  princeps,  principis, 
de  primus,  premier  ;  capere,  prendre)  :  le  principe  est  ce  dont  une  chose  tire 
son  origine,  de  quelque  façon  que  ce  soit.  Le  principe  est  plus  général  que  la 
cause.  Le  mot  principe  s'applique  de  préférence  aux  sciences  rationnelles  ; 
le  mot  cause,  aux  sciences  expérimentales  :  on  va  des  principes  aux  consé- 
quences, des  causes  aux  effets,  608  ;  609-610. 

Principes  fondamentaux  :  du  syllogisme,  551.  —  Principes  fondamentaux 
de  la  (li'indiistralion  en  général,  563.  —  Principes  de  la  démonstration  mathé- 
matique, 632. 

Principes  premiers  :  directeurs  de  la  connaissance,  135  ;  288.  —  Principes 
d'identité  cl  ses  dérivés,  288.  —  Principe  de  raison  et  ses  dérivés,  289.  —  Rôle 
des  principes  :  a)  dans  la  pensée,  en  général,  291  ;  b)  dans  les  sciences,  292.  — 
Caractères  des  principes  premiers,  292.  —  Comparaison  :  a)  avec  les  lois  scien- 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Priorité  —  Probabilité  911 

ti figues,  294  ;  b)  avec  les  notions  premières,  295.  —  Systèmes  divers  sur  l'origine 


Priorité  (du  latin  scolastique  Prioritas,  de  prior  =  celui  qui  est  le  plus  en 
avant  des  deux,  comparatif  de  pro,  devant)  :  ce  mot  désigne  l'antériorité  soit 
dans  l'ordre  du  temps  (prioritas  temporis),  soit  dans  l'ordre  de  la  nature  des 
choses  (prioritas  naturae).  Exemples  :  Aristote  a  la  priorité  temporelle  par 
rapport  à  Cicéron.  La  cause  a  la  priorité  logique  sur  so;i  eiïet  :  cause  et  effet 
existent  en  même  temps,  vg.  quand  je  forme  un  concept  ;  mais  l'eiïet  a  besoin 
de  la  cause  pour  exister.  —  On  distingue  aussi  la  priorité  ontologique  ou  d'exis- 
tence et  la  priorité  logique  ou  de  connai-ssance  ;  vg.  342. 

Privatif,  Privation  (Privativus,  privatio,  de  privatum,  supin  de  privare, 
priver,  de  privus,  qui  est  à  part,  particulier)  :  la  privation  est  dans  un  sujet 
donné  l'absence  d'un  bien  que  normalement  il  devrait  avoir.  C'est  donc  un 
mal  pour  lui  ;  vg.  la  cécité  pour  l'homme.  Elle  diffère  de  la  négation,  qui  n'im- 
plique pas  l'idée  que  la  chose  est  due  ;  vg.  absence  de  la  vision  dans  la  pierre, 
II,  477.  —  Un  concept  privatif  implique  donc  une  imperfection,  tandis  qu'un 
concept  négatif  en  prescinde.  —  Privation  d'un  bénéfice  :  un  des  titres  du  prêt 
à  intérêt,  II,  357. 

Privé  (Privatum,  séparé  de  l'État,  simple  particulier,  participe  passé  de 
privare,  priver,  de  privus,  qui  est  à  part)  :  ce  qui  se  rapporte  au  particulier.  — 
La  vie  privée  et  la  vie  publique  doivent  être  régies  par  les  mêmes  principes  de 
Morale,  quoi  qu'en  disent  certains  libéraux,  parce  que  l'homme  n'a  pas  deux 
consciences  et  parce  qu'il  n'a  qu'une  seule  fin  dernière  :  connaître,  aimer 
et  servir  Dieu.  —  Charité  privée,  II,  263-264.  —  Culte  privé  :  intérieur  et 
extérieur,  II,   332-333. 

Privilège  (Privilegium,  loi  d'exception,  de  privus,  qui  est  à  part  ;  lex,legis; 
loi  Cil  faveur  d'un  particulier)  :  avantage  exclusif,  personnel.  —  Sa  nature, 
II,  4U.  —  Les  privilèges,  pour  être  légitimes,  doivent  contribuer  au  bien  général 
de  la  société.  Taine  remarque  avec  raison  que  le  grand  tort  des  privilégiés 
de  l'Ancien  Régime  fut  de  ne  plus  rendre  les  services,  par  où  ils  avaient  mérité 
leurs  privilèges,  ou  de  n'en  pas  rendre  d'équivalents  :  leur  situation  excep- 
tionnelle n'avait  plus  sa  raison  d'être.  Cf.  Taine,  Les  origines  de  la  France 
contemporaine,  t.  I,  L'Ancien  Régime,  L.  I.  —  Sens  figuré  :  privilèges  de  l'expé- 
rimentation, 662-663. 

Prix  (Pretium,  de  la  racine  pre,  trafiquer,  métathèse  pour  par.  Cf.  parare, 
acheter)  :  valeur  vénale  d'une  chose  ;  valeur  morale.  —  Prix  du  travail,  II,  358. 
—  Prix  de  la  vie  ;  la  vie  vaut-elle  la  peine  d'être  vécue  ?  II,  645-650. 

Probabiliorisme  (de  Probabilior,  plus  probable,  comparatif  de  probabilis)  : 
doctrine  morale,  d'après  laquelle  on  doit  suivre  l'opinion  favorable  à  la  loi 
â  moins  que  l'opinion  favorable  à  la  liberté  ne  soit  plus  probable,  II,  35. 

Probabilisme  (de  Probabilis,  digne  d'approbation,  probable,  de  probare, 
éprouver,  approuver,  de  probus,  bon,  honnête)  :  doctrine  :  a)  morale,  d'après 
laquelle  on  peut  suivre  une  opinion  vraiment  probable,  II.  34-36  ;  b)  méta- 
physique, selon  laquelle  tout  est  plus  ou  moins  incertain,  II,  425. 

Probabilité  (Probabilitas,  de  probabilis,  digne  d'être  approuvé)  :  rapport 
du  nombre  des  cas  favorables  au  nombre  des  cas  possibles.  —  L'opinion  et 


912  TABLE  ANALYTIQUE  :  Probable  —  Profession 

la  probabilité,  775.  —  Probabilité  :  a)  mathématique,  776  ;  b)  philosophique 
ou  morale,  776.  —  Usage  de  la  probabilité,  776.  —  Probabilité  :  a)  de  V hypo- 
thèse,  659  ;   b)  de  Vanalogie,  708-709. 

Probable  (ProèaèiVts,  digne  d'approbation,  de  probare,  éprouver,  approu- 
ver) :  ce  qui  mérite  plus  de  créance  que  l'opinion  contraire,  111-112  ;  775. 

-  Probité  {Probitas,  de  probus,  de  bonne  qualité)  :  observation  des  devoirs  de 
justice.  —  Respect  du  bien  d'autrui,  II,  162.;  188  ;  206.  —  Respect  de  la 
vérité  :  probité  littéraire. 

Problématique  (npo|ïXy,v.aT'.xoç,  problématique,  de  TTpô^SXriaa,  problème)  : 
nom  donné  par  Kant  aux  jugements  dans  lesquels  l'affirmation  ou  la  négation 
est  énoncée  comme  simplement  possible  :  ce  sont  des  jugements  qui  sont  peut- 
être  vrais.  La  catégorie  correspondante  est  la  Possibilité,  296  ;  II,  432. 

Problème  (Problema,  -oopa^u.'y.,  ce  qu'on  a  devant  soi,  ce  qui  est  proposé, 
sujet  de  controverse,  d'où  problème,  de  ■:rpo-,'3aXXio,  jeter  devant)  :  question 
plus  ou  moins  difficile  à  résoudre  :  vg.  problème  de  la  perception  extérieure, 
161.  Problème  de  Molyneux,  180,  2.  —  Définitions  de  Problème  et  de  Théorème, 
632. 

Processus  (mot  latin  signifiant  marche  en  avant,  de  processum,  supin  de 
pro-cedere,  aller  en  avant)  :  ce  mot,  qui  a  passé  dans  la  langue  philosophique, 
signifie  une  série,  un  développement,  un  progrès  ;  vg.  un  processus  in  infi- 
nitum  répugne,  562  ;  II,  557-558.  —  Certains  philosophes  disent  procès,  tra- 
duction de  processus. 

Prochain  (de  Proche,  de  propius,  comparatif  de  prope,  près  de,  de  pro, 
devant  et  du  suffixe  pe)  :  ce  qui  est  le  plus  rapproché.  —  Genre  prochain,  253. 
—  Cause  prochaine,  324-325.  —  Sens  moral  :  signifie  celui  qui  est  proche  de 
nous  par  la  ressemblance  de  nature,  etc.,  93-94.  —  La  cliarité  doit  s'exercer 
d'abord  envers  ceux  qui  sont  plus  proches  de  nous,  II,  1 65.  —  Le  prochain, 
c'est  un  quelconque  de  nos  «  semblables  »,  en  tant  qu'il  est  considéré  comme 
fait,  ainsi  que  nous,  à  l'image  de  Dieu. 

Proclus  (npôx).o;)  :  origine  du  langage  d'après  Démocrite,  441,  4. 

Prodigalité  {Prodigalitas,  de  prodigus,  prodigue,  de  prod-igere  =  agere, 
jeter  devant  soi,  dissiper)  :  disposition  à  dépenser  sans  mesure,  II,  127  ;  192-193. 

Productif  [Productivus,  propre  à  l'allongement,  de  productum,  supin  de 
pro-durrrr,  mener  en  avant,  produire)  :  ce  qui  est  d'un  bon  rapport.  —  Emploi 
productif  des  objets,  II,  200-201.  —  Productivité  de  l'argent,  II,  356-357.  — 
Consommations  productives,  II,  360. 

Production  (Productio,  de  productum,  supin  de  producere,  mener  en  avant, 
produire)  :  action  de  faire  naître  —  L'idée  de  causalité  implique  l'idée  de 
production,  327-329  ;  665.  —  Production  de  la  richesse,  II,  353. 

Productivité  (de  Productivus,  de  productum,  supin  de  pro-ducere,  mener 
en  avant,  produire)  :  faculté  de  produire.  —  Productivité  de  l'argent,  II, 
356-357. 

Profession  [Profcssio,  de  professum,  supin  de  prufiteri  =  pro-fateri,  déclarer 
publiquement  )  :  a)  déclaration  publique  ;  b)  occupation  qu'on  exerce  notoi- 
rement. —  Liberté  de  la  profession,  II,  186. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Professionnel  —  Proportion  913 

Professionnel  (de  Profession,  de  professio,  déclaration,  de  professum,  supin 
de  profiteri  —  pro,  devant  ;  fateri,  reconnaître)  :  relatif  à  une  profession.  — 
Représentation  professionnelle,   II,   283-284. 

Profit  {Profectum,  de  projectum,  supin  de  pro-ficere,  avancer,  réussir,  pro, 
pour  ;  facere,  l'aire)  :  avantage  qu'on  retire  de  quelque  chose.  —  La  connais- 
sance du  particulier  est  sans  profit,  582.  —  La  connaissance  du  général  est 
profitable,  583.  —  Définition  du  profit  matériel,  II,  356. 

Progrès  (Progressus,  de  progredi,  avancer  :  de  pro,  devant,  gradior,  gressus 
suw,  marcher,  de  gradus,  pas)  :  a)  marche  en  avant  dans  une  direction  définie  ; 
b]  transformation  graduelle  allant  du  bien  au  mieux.  —  L'État,  promoteur  du 
progrès  social,  II,  249-250.  —  Éléments  du  progrès,  II,  325-326.  —  Loi  du  pro- 
grès, II,  327.  —  Le  progrès  moral.  II,  327-328. 

Progressif  (de  Progressus,  marche  en  avant)  :  ce  qui  se  développe  par  degrés. 

—  Éducation  progressive,  408.  —  Marche  progressive  de  la  synthèse,  610  ;  614. 

—  Impôt  progressif,  II,  280-281. 

Prc^ression  {Progressio,  avancement,  de  progressum,  supin  de  progredi, 
aile!  en  avant)  :  marche  de  la  synthèse,  610  ;  614.  —  Signifie,  au  figuré,  déve- 
loppement par  degrés  ;  vg.  une  progression  de  causes  à  l'infini  répugne.  On 
l'emploie  alors  dans  le  même  sens  que  processus,  562  ;  II,  557-558. 

Prohibant  (de  Prohiber,  de  prohibere,  écarter,  empêcher  ;  de  pro,  devant, 
habere,  avoir)  :  qui  interdit  absolument  quelque  chose.  — ■  Empêchements 
prohibants  au  mariage,  II,   210. 

Prohibition  [Prohibitio,  défense,  de  prohibitum,  supin  de  prohibere,  empêcher, 
défendre,  de  pro,  devant  ;  habere,  avoir)  :  action  d'interdire  quelque  chose.  — 
Certaines  choses,  indifférentes  en  soi,  deviennent  mauvaises  et  défendues  par 
suite  d'une  prohibition  du  législateur  divin  ou  humain,  II,  107. 

Projection  (Projectio,  action  d'étendre,  saillie,  de  profectum,  supin  de 
pro-ficere  =  jacere,  jeter  devant  soi)  :  action  de  lancer  en  avant.  —  Certains 
appellent  projection  l'objectivation  des  sensations,  160;  171-172. 

Promesse  [Promissa,  chose  promise,  de  pro-mittere,  promissiim,  faire  sortir, 
laisser  aller,  faire  espérer,  promettre)  :  assurance  donnée  de  faire  quelque 
chose.  —  Mémoire  et  promesses,  210.  —  Loyauté  à  les  tenir,  II,  162. 

Promoteur,  Promotion  (de  Promotor,  promotio,  promoçere,  promotum  = 
pro-moi'ere,  pousser  en  avant)  :  celui  qui  donne  l'impulsion.  —  L'État  doit  être 
le  promoteur  du  progrès,  II,  249-250.  —  Promotion  du  progrès,  but  de  la 
Politique,    715. 

Promulgation  [Promulgatio,  de  promulgare,  faire  connaître)  :' notification 
officielle  d'une  loi,  II,  40  ;  115. 

Pronom  [Pronomen,  de  pro,  au  lieu  de  ;  nomen,  nom,  de  noscere,  apprendre)  ; 
mot  tenant  la  place  du  nom.  —  Rôle  dans  la  phrase,  464. 

Propédeutique  (de  Ilpo,  avant  ;  [sous-entendu  ^iyyr^,  art]  TCa'.osoTtxn;,  qui 
concerne  l'instruction,  de  iz'x^Zvm,  élever,  instruire,  former,  de  TiaT;,  Ttaioô,-, 
enfant.  Racine  -vj,  Trao,  produire)  :  c'est  un  ensemble  de  connaissances  prépa- 
ratoires à  l'étude  d'une  science  :  vg.  la  Logique  par  rapport  aux  autres  sciences, 
511. 

Proportion  (  Proportio,  symétrie,  de  pro,  pour  ;  portio,  portion,  de  pars, 
partie)  :  convenance  des  parties  entre  elles  et  avec  le  tout.  —  Condition  du 
beau,  II,  383.  —  Loi  de  proportion  dans  l'art,  II,  402-404. 


914  TABLE  ANALYTIQUE  :  Propoitionnel  —  Protectorat 

Proportionnel  {Proportionalis,  de  proportio)  :  qui  est  dans  un  rapport  de 
proportion  avec  une  autre  quantité.  —  Impôt  proportionnel,  II,  280.  —  Repré- 
sentation proportionnelle,  II,  283. 

Proposition  {Propositio,  de  propositum,  supin  de  pro-ponere,  placer  devant, 
exposer)  :  c'est  l'énoncé  d'un  jugement,  266  ;  529.  —  Classification  des  propo- 
sitions :  quantité,  qualité,  matière,  opposition,  530.  —  Opposition  des  proposi- 
tions, 532.  —  Leur  conversion,  533.  —  Leurs  rapports  dans  le  syllogisme, 
535-536.  —  Règles  du  syllogisme  relatives  aux  propositions,  543. 

Propre  [Proprius,  qui  est  la  propriété  de,  particulier)  :  a)  Sens  strict  :  ce  qui 
appartient  à  l'espèce,  à  elle  seule  et  toujours  :  c'est  l'un  des  cinq  universaux, 
253.  —  b)  Sens  large  :  ce  qui  appartient  exclusivement  à  une  personne  ou  à  une 
chose  :  noms  propres,  258. 

Propreté  (de  Propre,  qui  signifie  :  d'abord,  ce  qui  est  à  une  personne  ou  à 
une  chose,  à  l'exclusion  des  autres  ;  puis,  ce  qui  convient  à  quelque  chose 
d'une  façon  particulière  ;  d'où,  convenablement  arrangé,  net)  :  devoir  envers 
le  corps,  II,  156. 

Propriétaire  [Proprietarius,  de  proprius,  qui  est  la  propriété  de,  particulier)  : 
personne  à  qui  une  chose  appartient.  —  Devoirs  et  droits  des  propriétaires,  II, 
188-189  ;  192-194  ;  197-198. 

Propriété  (Proprietas,  qualité  propre,  propriété,  de  proprius  particulier)  : 

a)  Qualité  propre  à  tous  les  êtres  d'une  même  espèce  :  vg.  propriétés  des  gaz.  — 

b)  Sens  1**  de  primitif  :  par  opposition  au  sens  dérivé  ou  figuré  d'un  mot  : 
2°  de  exact,  par  opposition  à  l'emploi  incorrect  d'un  mot  :  propriété  du  langage.  — 

c)  Droit  de  jouir  et  de  disposer  d'une  chose  à  son  gré,  II,  189.  —  Fondements 
du  droit  de  propriété  :  1°  véritables,  II.  189  ;  2°  erronés-,  II,  191.  —  Limites 
et  devoirs,  II,  192.  —  Objections  contre  le  droit  de  propriété,  II,  194.  — 
Conséquences  de  ce  droit,  II,  197.  —  Formes  diverses  de  la  propriété,  II, 
195-197.  —  Le  socialisme  et  le  droit  de  propriété,  II,  200-201.  —  Fonction 
sociale  de  la  propriété,  II.  193. 

Prospectif  (de  Prospectus,  action  de  regarder  en  avant,  de  pro-spicere,  dnvevhe 
archaïque  specere,  regarder)  :  ce  qui  est  orienté  vers  l'avenir.  —  IncUnations 
prospectives  (Brown),  103. 

Pro.yllogisme  (nfo-(7'jXAovic;!y.oç,  syllogisme  antérieur)  :  syllogisme  dont  la 
conclusion  devient  une  prémisse  du  suivant,  548. 

Protagoras  (de  II^ioTayopa;,  de  lIpwToç,  premier  ;  à-'opcuçtv,  parler  en 
public)  :  sophiste,  II,  421. 

Protection  (Protectio,  de  protectum,  supin  de  pro-tegere,  couvrir  par  devant, 
protéger,  garantir)  :  fonction  primaire  de  l'État,  II,  248  ;  250.  —  Devoir  du 
mari  "et  du  père  de  famille,  II,  212. 

Protectionnisme  (de  Protection)  :  système  économique  qui  consiste  à  favoriser 
les  produits  de  l'industrie  nationale  en  frappant  de  taxes  les  produits  de  l'in- 
dustrie étrangère,  II,  355. 

Protectorat  (de  Protector,  protecteur,  de  protectum,  supin  de  pro-tegere, 
couvrir  par  devant)  :  dépendance  imposée  à  un  pays  placé  sousla  protection 
d'un  pays  plus  puissant.. —  11  n'est  pas  permis  de  conquérir  un  pays  étranger  et 
de  lui  imposer  un  protectorat  sous  prétexte  d'y  introduire  la  civilisation, 
II,  313. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  ProteDsif  —  Psychiquc  915 

Protensif  (dérivé  de  Protensus,  allongé,  participe  passé  de  pro-tendere, 
tendre  en  avant,  allonger)  :  ce  mot  signifie  :  qui  a  une  grandeur  dans  le  temps, 
comme  extensif  signifie  i  qui  a  une  grandeur  dans  l'espace. 

Prototype  (HpwTo-ruTroç,  qui  est  le  premier  type,  de  tt^wtoç,  premier,  pour 
TipodcToç,  superlatif  de  -rupô,  avant  ;  de  tOtito;,  coup,  empreinte  faite  par  un  coup, 
forme,  type,  modèle)  :  ce  mot  signifie  premier  type,  qui  sert  de  modèle.  — 
D'après  Platon,  les  idées  sont  les  prototypes  des  êtres,  309.  —  Les  universaux 
existent  dans  l'intelligence  divine  à  l'état  de  causes  exemplaires,  de  prototypes, 
257,  î,  2.  On  dit  aussi  archétypes.  Voir  ce  mot. 

Proudhon  (Pterre-Joseph)  :  morale  indépendante,  II,  7-8.  —  Droit, 
fondement  du  devoir,  II,  136-138.  —  Droit  de  propriété,  II,  194,  3. 

Providence  (Providcntia,  de  pro-videre,  voir  d'avance,  prévoir,  pourvoir)  : 
action  par  laquelle  Dieu  conserve  et  gouverne  le  monde,  II,  637.  —  Le  miracle 
et  la  Providence,  II,  640-643.  —  Objections  contre  la  Providence,  II,  643. 

Provoquer  [Pro-vocare,  appeler  dehors,  de  pro,  devant,  et  vox^vocis,  voix)  : 
somnambulisme  provoqué  ou  hypnotisme,  478.  —  Observation  provoquée  ou 
expérimentation,  660. 

Prudence  (  ^rudentia,  pour  providcntia,  de  pro-videre,  prévoir,  pourvoir)  : 
vertu  cardinale  :  elle  dispose  l'intelligence  à  prévoir  ce  qu'il  faut  faire  pour 
éviter  les  fautes  et  les  dangers  dans  la  conduite  de  la  vie,  II,  130. 

Pseudesthésie  (de  ^^îîïûo.  thème  de  H'îûooç,  mensonge.  Racine  <{"^'î',  cracher, 
d'où  se  moquer,  tromper  et  atiOriTiç,  sensation)  :  fausse  sensation  ;  vg.  illusion 
des  amputés  qui  rapportent  certaines  sensations  aux  membres  qu'ils  n'ont 
plus,  76. 

Pseudomnésie  (de  ^'eiièo,  thème  de  U'îuooç,  mensonge  ;  [j.v«o[xac,  u-vricouac, 
se  souvenir)  :  illusion  de  la  mémoire  qui  croit  reconnaître  ce  qui  n'a  pas  été 
perçu  une  première  fois,  ou  croit  nouveau  ce  qui  a  été  perçu  auparavant, 
210-211. 

Pseudo-sensation  (du  grec  Ws'îioo,  thème  de  M'sû^oç,  mensonge  ;  sensation, 
de  sensus,  sens,  de  sentire,  sentir)  :  c'est  une  image,  ayant  tous' les  caractères 
subjectifs  de  la  sensation  ;  mais  ce  n'est  pas  une  sensation,  parce  que  ce  phé- 
nomène n'est  pas  produit  par  une  excitation  périphérique  ;  vg.  la  couleur 
dans  l'audition  colorée  est  une  pseudo-sensation.  Elle  diffère  de  l'hallucination, 
en  ce  que  le  sujet  ne  croit  pas  qu'un  objet  réel  corresponde  à  la  perception. 

Psittacisme  (de  Psittacus,  perroquet)  :  consiste  à  juger  ou  à  raisonner  sur 
le3  mots  sans  souci  des  idées  qu'ils  signifient.  —  Inconvénient  :  a)  du  langage, 
454  ;  b)  des  procédés  mnémoniques,  208-2     . 

Psychasthénie  (U'j/vi,  souffle,  souffle  de  vie,  âme  ;  racine  4'^/.  souffler; 
àc^îvcta,  manque  de  vigueur,  de  à  privatif  et  aOivoç,  "force  ;  racine  «rra,  se 
tenir  debout)  ;  atonie  psychique,  qui  est  due  à  quelque  trouble  fonctionnel 
général. 

Psychiatrie  {^'''^'/A'<  âme;  ta-pîîot,  traitement,  guérison,  de  ly.-coiùo), 
soigner,  guérir)  :  art  de  traiter  les  maladies  mentales. 

Psychique  (^i^-i/.'-y-'^^-,  qui  concerne  la  vie  de  l'âme,  de  ^'-'/ri)  :  ce  mot  s'em- 
ploie :  a)  à  la  place  de  Psychologique  et  de  Mental  ;  b)  pour  signifier  les  phéno- 
mènes de  l'esprit  qui  présentent  des  caractères  extraordinaires  :  vg.  télé- 
pathie, pressentiments. 


916  TABLE  ANALYTIQUE  :  Psychismc  —  Psychose 


nifie  : 
exercice 


Psychisme  (de  W-j^'-y-'^z,  qiiiconcernela  vie,  l'âme,  de  H'u/.vi)  :ce  mot  sig 
a)  tantôt  le  système  qui  l'ait  de  l'âme  un  fluide  spécial  ;  b)  tantôt  Vexi 
des  facultés  de  l'âme. 

Psycho-analyse  (de  ^^■-'/.vi,  âme)  :  «  Méthode  de  psychologie  clinique,  ainsi 
nommée  par  le  professeur  S.  Freud  (de  Vienne),  qui  l'a  particulièrement 
appliquée  et  développée.  Cette  méthode  consiste  à  déceler,  au  moyen  de 
procédés  divers  reposant  sur  le  jeu  de  l'association,  l'existence  de  souvenirs 
de  désirs  et  d'images  combinés  en  systèmes  d'idées  subconscients  {complexes) 
dont  la  présence  inaperçue  cause  des  troubles  psychiques  ou  même  physiques 
et  qui  cessent  de  produire  ces  effets,  une  fois  rappelés  à  la  pleine  conscience. 
{Bulletin  de  la  Société  française  de  Philosophie,  1913,  p.  238.)  Cf.  Ch.  Blondel 
La  Psychanalyse,  Paris,   1924. 

Psychologie  (IV/t^,  âme;  >^^j7o;,  discours)  :  science  de  l'âme.  —  Division, 
des  sciences  psychologiques,  3-4  ;  593.  —  Psychologie,  base  de  la  métaphy- 
sique, 9.  —  Son  objet,  23.  —  Son  importance,  24.  —  Rapports  avec  la  physio- 
logie, 25-29  ;  29-30.  —  Méthode  de  la  psychologie,  30  ;  719-730.  —  Méthode 
psychologique  et  méthode  de  la  psychologie,  729.  —  Psychologie  infantile, 
723.  —  Psychologie  comparée,  490  ;  722-724.  —  Raisonnement  en  psycho- 
logie, 730.  —  Légitimité  de  la  psychologie,  32.  —  Classification  des  faits  psycho- 
logiques, 33.  —  Unité  de  la  vie  psychologique,  41.  —  Ordre  à  suivre  en  psycho- 
logie, 46.  —  Activité  psychologique  et  division  de  la  psychologie,  49.  —  Expé- 
rimentation en  psychologie,  724.  —  Lois  psychologiques,  729.  —  Méthode  des 
sciences  physiques  et  méthode  de  la  psychologie,  731.  —  Place  de  la  psycho- 
logie dans  les  sciences  morales,  714-715.  —  Psychologie  expérimentale  et  psy- 
chologie rationnelle  :  comparaison,  23. 

Psychologie  comparée,  490  ;  722-724. 

Psychologie  expérimentale,  23-503.  —  Cf.  G.  Dumas,  Traité  de  Psychologie, 
avec  Ta  collaboration  de  nombreux  spécialistes,  2  vol.,  Paris,  1923-1924. 

Psychologie  rationnelle,  II,  535-553. 

Psychologique  (de  Psychologie)  :  phénomène  psychologique  :  définition,  23. 

—  Faits  psychologiques  distincts  des  faits  physiques  et  physiologiques,  26-28  : 
717-718.  —  Rapports  des  faits  psychologiques  et  physiologiques,  28-29  ; 
466-473. 

Psychologisme  (de  Psychologie)  :  doctrine  de  ceux  qui  font  de  la  Psycho- 
logie le  fondement  de  toutes  les  autres  sciences,  qui  n'en  seraient  qu'une  appli- 
cation. 

Psychométrie  (Wu/r^,  âme  ;  ixÉTpov,  mesure.  Racine  as,  mesurer.  Cf.  metiri)  : 
science  qui  cherche  à  mesurer  les  phénomènes  psychologiques,  726-728. 

Psychophysiologie  :  étude  des  rapports  entre  les  phénomènes  psychiques 
et  les  phénomènes  physiologiques.  —  Expériences  de  psychophysiologie,  728. 

—  Leur  imprécision,  699. 

Psychophysique  :  étude  des  rapports  entre  les  phénomènes  psychiques  et 
les  phénomènes  physiques.  —  Expériences  de  psychophysique,  726-718,  — 
Leur  imprécision,  728. 

Psychose  (de  ^V'^y.o,  âme)  :  maladie  mentale,  marquée  de  troubles  psy- 
chiques, auxquels  ne  correspondent  pas  de  lésions  organiques  connues. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Psychothérapic  —  Qualificatif  917 

Psychothérapie  (Wvy-n,  âme;  Ojoa-ïiîta,  soin,  de  OîpaTTî-Jw,  soigner)  :  trai- 
tement de  certaines  maladies  nerveuses  par  la  suggestion  mentale  unie  à  un 
régime  médical. 

Publique  {Publicus)  :  a)  ce  qui  est  connu  de  tout  le  monde  ;  h)  ce  qui 
concerne  tout  un  peuple.  —  Vertus  publiques,  II,  130.  —  Droit  public,  II,  lAO. 
— ■  Utilité  publique,  II,  248.  —  Assistance  publique,  II,  264.  —  Culte  public, 
II,   333. 

PuFENDORF  (Samuel)  :  fondement  :  a)  de  Vobligation,  II,  110  ;  b)  du  droit 
de  propriété,  II,  192,  2. 

Puissance  (de  Puissa?it)  :  a)  Force  active  r  faculté  de  l'âme,  37.  — Puissance 
paternelle  :  1)  son  fondement,  II,  216;  25^  ;  2)  ses  limites,  II,  258-259; 
b)  Virtualité  :  puissance  et  acte,  47  ;  II,  464. 

Punir  [Punire,  de  pnena,  satisfaction,  châtiment.  Cf.  iroivr^  ;  racine  ttu, 
purifier)  :  frapper  d'une  peine.  • —  Fondement  du  droit  de  punir,  II,  267-269. 

Punition  [Punitio,  de  punitum,  supin  de  punire,  punir)  :  emploi  des  puni- 
tions dans  l'éducation,  409-410.  —  Utilité  et  légitimité  des  punitions  ou  châ- 
timents en  général,  II,  121-122  ;  268-269.  —  Les  parents  ont  le  devoir  et  le 
droit  de  punir,  II,  216. 

Pur  [Purum,  racine  r.\>,  purifier)  :  a)  Ce  qui  ne  contient  aucun  mélange 
d'éléments  étrangers  à  sa  nature  :  vg.  plaisir  pur,  c'est-à-dire  qui  n'est  pas 
mêlé  de  peine,  b)  Exempt  de  tout  élément  empirique  ;  vg.  mathématiques  pures, 
c'est-à-dire  considérées  en  dehors  de  toute  application  à  l'expérience.  625.  — 
D'après  Kaint  wio)  Entendement  pur,  raison  pure,  sont  l'entendement,  la  raison 
envisagés  en  eux-mêmes,  en  dehors  de  toute  application  aux  objets  de  l'expé- 
rience, II,  431-433  ;  2°)  Intuitions  pures,  sont  l'espace  et  le  temps,  qui  sont 
des  formes  a  priori  sans  contenu  empirique,  II,  431.  —  Métaphysique  pure  : 
est  celle  qui  serait  formée  de  raisonnements  a  priori,  sans  aucun  recours  à 
l'expérience  ;  vg.  tel  est  le  procédé  de  Spinoza,  de  Hegel,  de  Herbart, 
7-8  ;  31-32.  c)  Sens  moral  :  ce  dont  la  nature  n'est  altérée  par  aucun  élément 
mauvais  :  pureté  d'intention,  II,  31. 

Pyrrhon  (IlOcpcov)  :  doute  pvrrhonien,  773-774.  —  Scepticisme  absolu, 
II,  421. 

Pyrrhonisme  (de  Pvrruon)  :  doctrine  et  école  de  Pyrrhon  :  scepticisme 
radical,  II,  421. 

Pythagore  (livOayôfa;  de  H-jOw,  Pytho,  ancien  nom  de  la  Phocide,  puis 
de  Delphes  ;    àyopcusiv,  parler  en  public)  :  son  autorité,  810. 


Quadrivium  (de  Quatuor,  quatre  ;  via,  chemin)  :  subdivision  des  arts 
libéraux  supérieurs,  587. 

Qualificatif  (de  Qualifier,  c'est-à-dire  affirmer  d'un  sujet  un  caractère  qui 
constitue  une  qualité  ou  manière  d'être,  du  latin  scolastique  qualificare,  de 
qualis,  quel)  :  l'attribut  et  l'adjectif  sont  des  qualificatifs,  266  ;  464. 


918  TABLE  ANALYTIQUE  :  Qualitatif  —  Question  sociale  (la) 

Qualitatif  (du  latin  scolastique  Qualitativus,  de  qualitas,  manière  d'être, 
qualité,  de  qiialis,  quel,  qui  se  rattache  à  qui,  lequel)  :  a)  Ce  qui  a  trait  à  la 
qualité.  —  i)  Ce  qui  ne  peut  se  traduire  en  termes  quantitatifs  :  vg.  phéno- 
mènes psychologiques,  27.  —  S'oppose  à  Quantitatif. 

Qualité  {Qualitas,  manière  d'être,  de  qualis,  quel)  :  a)  C'est  l'une  des  caté- 
gories :  elle  modifie  et  dispose  la  substance  en  elle-même  ;  elle  répond  à  la 
question  ttoToç.  qualis  :  !«>)  Aristote,  296  ;  517  ;  II,  483  ;  2°)  Kant,  296  ;  II,  432. 
—  b)  Ce  sont  les  aspects  sensibles  de  la  perception  :  Qualités  premières  et 
secondes  de  la  matière,  177.  —  c)  Qualité  :  des  jugements,  272-273  ;  des  propo- 
sitions, 530.  —  Sj'llogisme  de  la  qualité,  553  ;  683.  —  d)  Qualité  au  sens  de 
valeur,  perfection  :  la  qualité  morale  des  actions  dépend  surtout  de  l'inten- 
tion, II,  31.  —  Quantité  et  qualité,  II,  483. 

Qualités  occultes  :  la  physique  ancienne  attribuait  les  effets,  qu'elle  ne  pou- 
vait expliquer,  à  des  qualités  occultes,   248. 

Quand  (Quando)  :  c'est  la  catégorie  du  temps  chez  Aristote,  tô  ttoté.  254  ; 
296. 

Quanta  (de  Quantus,  combien  grand)  :  a)  Ce 'qui  a  une  quantité.  Kant 
appelle  quantum  le  temps  et  l'espace  [Critique  de  la  Raison  pure  :  Dialectique 
transcendantale,  Livre  II,  Ch.  ii,  Sect.  II  :  P^  Antinomie.  —  b)  L'énergie  est 
considérée  par  certains  physiciens  comme  variant  d'une  façon  discontinue 
dans  les  phénomènes.  Ils  appellent  quanta  les  unités  de  cette  variation. 
Cf.  H.  PoiNCARÉ,  L'hypothèse  des  Quanta,  dans  Revue  Scientifique,  1912, 
p.  225-232. 

Quantification  (ce  mot  a  été  formé,  à  l'image  de  Qualification  dérivée  de 
qualifier,  de  quantifier,  de  quantus,  combien  grand,  «t  facere,  faire)  :  Quantifi- 
cati'Mi  du  prédicat  (Hamilton  et  Morgan),  551-553. 

Quantitatif  (du  latin  scolastique  Quantitativus,  de  Quantitas,  quantité, 
de  quantus,  combien  grand,  de  quam.  combien)  :  ce  qui  se  rapporte  à  la  quantité, 
par  opposition   à  Qualitatif. 

Quantité  [Quantitas,  de  quantum,  combien  grand,  de  quam,  combien)  : 
ce  qui  est  divisible  en  éléments,  dont  chacun  puisse  exister  séparément,  II, 
481.  —  Catégorie,  qui  répond  à  la  question  quantum,  Ttoc-ov.  :  a)  Aristote, 
296  :  516  ;  II,  481-482.  —  b)  Kant,  296  ;  II,  432.  —  Quantité  ou  Extension  : 
a)  des  jugements,  272  ;  b)  des  termes,  519  ;  c)  des  propositions,  530.  —  La  quan- 
tité mathématique  :  discrète  ou  discontinue,  continue,  625.  —  Sciences  de  la 
quantité,  625-626.  —  La  quantité  est-elle  infinie  ?  II,  482.  —  Quantité  et 
qu;dité,  II,  483. 

Quasi-contrat  :  L.  Bourgeois  a  appliqué  ce  concept  juridique  à  la  notion 
du  lien  social  ou  solidarité,  II,  74  et  n.  2. 

Quatrefages  (Armand  de)  :  athéisme  :  il  n'existe  qu'à  l'état  erratique, 
97,  1  ;  II,  564,  3,  4.  —  Antitransforiniste,  II,  622. 

Quesnay  (François)  :  chef  des  Économistes  physiocrates,  II,  353. 

Question  [Quaestio,  recherclie,  question,  torture,  de  quaesitum,  supin  de 
quacrcn-,  rlicrcher,  s'enquérir)':  mettre  la  nature  à  la  question  (Bacon),  660,  5. 

Question  sociale  (La)  :  Causes,  II,  365.  —  Nature,  II,  368.  —  Solutions  : 
a]  socialiste,  II,  199-204  ;  b)  libérale,  II,  369-370  ;  c)  catholique  :  Deux  groupes  : 
École  d'Angers,  École  de  Liège,  II,  370-374.  —  Cf.  M.  Eblé,  La  Question 
fforiolf  fiii/'iurdlnii.    Paris,    1923. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Qucstionnaircs  (Méthode  des)  —  Rabier  (Élie)  919 

Questionnaires  (Méthode  des)  :  c'est  l'enquête  indirecte  sur  un  point  de 
philosophie.  Une  liste  de  ([uestions  est  adressée  à  un  grand  nombre  de  per- 
sonnes, et  leurs  réponses  sont  dépouillées  et  classées. 

Quiddité  (du  latin  scolastique  Quidditas,  de  quid,  qu'est-ce  ?)  :  c'est  l'essence 
en  tant  qu'exprimée  par  la  définition  :  elle  répond  à  cette  question  :  Quid  ? 
Qu'est-ce  ?  521.  —  Ce  terme  technique  a  été  créé  par  les  Scolastiques  pour 
traduire  la  formule  par  laquelle  Aristote  posait  la  question  relative  à  l'essence  : 
Ti  -^v  elvyt  ;  exemple  :  l'être  de  l'homme  se  dit  "o  ih'xi  àvOpwTrto.  J^a  question  : 
qu'est-ce  que  c'est  que  d'être  homme  ?  se  traduit  rt  ii-zi  -o  rivat  àvOj^torrto  ; 
mais  Aristote  met  le  verbe  à  l'imparfait,  tî  t^j  cTvai  àvOpwTrw,  pour  signifier 
qu'il  s'agit,  non  de  ce  qu'est  l'homme  accidentellement,  mais  de  ce  qu'il  est 
essentiellement,  donc  de  ce  qxC'û  était  déjà  en  puissance  avant  d'être  en  acte. 
L'article  tô,  placé  devant  ti  /jv  sIv^î,  indique  ce  qui  répond  à  la  question, 
donc  l'essence  ;  ici,  ce  qui  fait  qu'un  homme  est  homme. 

Quiétisme  (du  mot  archaïque  Quiet,  de  quietus,  tranquille,  inactif,  de 
quietum,  supin  de  quiescere,  se  reposer,  de  quies,  repos)  :  erreur  qui  fait  consister 
la  perfection  dans  la  contemplation  passive  et  le  complet  désintéressement 
du  salut  personnel.  Elle  fut  professée  par  le  théologien  espagnol  Moliinos 
et  condamnée  par  Innocent  XI  en  1687.  Cf.  P.  Dudon,  Le  quiétiste  espagnol, 
Michel  Molinos  (1628-1696),  Paris,  1921.—  Modifiée  et  adoucie  par  M^  Guyon, 
cette  doctrine  fut  adoptée  par  Fénelon  et  combattue  par  Bossu  et.  Ce  quié- 
tisme mitigé  fut  censuré,  le  12  mars  1699,  par  Innocent  XII.  Fénelon  se 
soumit  et  se  rétracta.  Cf.  G.  Longhaye,  Histoire  de  la  Littérature  française 
au  xvii-^  siècle,  T.  III,  L.  VI,  Ch.  m,  pp.  347-365,  Paris,  1895. 

Quintessence  (Quinta  essentia,  cinquième  essence)  :  l'ancienne  physique 
ramenait  à  quatre  éléments  ou  essences  {eau,  air,  feu,  terre)  les  corps  sublu- 
naires. Les  corps  célestes  étaient  constitués  par  une  cinquième  essence,  qu'on 
supposait  incorruptible.  Par  extension,  ce  mot  désigne  actuellement  ce  qu'il 
y  a  de  plus  subtil  dans  une  conception,  ou  l'extrait  le  plus  concentré  d'un  corps. 

Quintillien   (Makcus  Fabius  Quintilianus)  :  clarté  du  langage,  460. 

Quodlibet,  Quodlibétique  (du  latin  scolastique  Quodlibetum,  quodlibeticus, 
de  quod  lihct,  ce  qui  plaît)  :  dans  l'enseignement  de  la  Scolastique,  on  dis- 
tinguait :  a)  les  Quaestiones  ordinariae,  dont  le  programme  nettement  défini 
correspondait  au  cours  annuel  ;  b)  les  Quaestiones  générales  de  quolibet,  où, 
à  côté  des  matières  théologiques,  S(mt  traités  toute  sorte  de  sujets  :  philo- 
sophie pure,  droit  canon,  questions  de  circonstance,  etc.  Les  résultats  de  ces 
disputes  extraordinaires  ou  quodlibétiques,  dont  les  sujets  étaient  librement 
proposés  par  les  auditeurs,  ont  été  parfois  consignés  dans  des  ouvrages  appelés 
Quvdlibeta,  Quaestiones  quodlibeticae,  quodlibetales ,  etc. 

Quotité  (de  Quotus,  en  quel  nombre,  de  quot,  combien)  :  ensemble  d'objets 
individuels.  —  Quotité  disponible  dans  le  testament,  II,  198.  —  Quotité  de 
l'impôt  :  sera-t-il  proportionnel  ou  progressif  ?  II,  280-281. 


Rabier  (Élie)  :  dépendance  des  facultés,  42,  1.  —  Classification  des 
incUnations,  102,  1.  —  IncUnations  esthétiques,  103,  1  ;  II,  379,  3.  —  Le 
plaisir  et  le  bien,  115,  1.  —  L'activité  intéressée  tarit  le  plaisir,  126,  1.  — 
Confusion  entre  l'espèce  sensible  et  l'espèce  intelligible,  171,  1.  —  Théorie  de 


920  TABLE  ANALYTIQUE  :  RacB  —  Raisoii 

l'hallucination  vraie,  171-172.  —  Mécanisme  de  la  localisation  des  sensations, 
190,  2.  —  Confusion  entre  réalisme  exagéré  et  réalisme  mitigé,  255,  2.  — 
Relativité  des  lois  scientifiques,  294,  2  ;  II,  642,  1.  —  Solution  empirico- 
rationaliste  :  origine  des  idées,  315,  1  ;  317,  3.  —  Origine  de  l'idée  de  parfait, 
341,  1.  —  Liberté  de  perfection,  369,  1.  — '  Loi  de  la  conservation  de  l'énergie 
invérifiable  pour  les  vivants,  388,  2.  —  Homogénéité  des  motifs,  397,, 1.  — 
L'instinct  philologique  suppose  une  révélation  naturelle,  445,  1.  —  Élabo- 
ration progressive  du  langage,  447,  2.  —  Confusion  par  Kant  des  lois  psycho- 
logiques et  des  lois  logiques  de  la  pensée,  506,  2.  —  Identité  foncière  de  la 
déduction  et  de  la  synthèse,  de  l'induction  et  de  l'analyse,  622,  1.  —  Les 
postulats  mathématiques  sont  synthétiques  a  priori,  634,  5.  —  Exemple 
de  déduction  géométrique,  637,  1.  —  Application  des  méthodes  de  St.  Mill 
au  cas  des  générations  spontanées,  669,  3.  —  Aristote  et  la  faculté  de  l'uni- 
versel, 681,  2.  —  L'induction  n'est  pas  un  syllogisme  déductif,  683,  1.  —  Équi- 
voque du  mot  genre,  689,  1.  —  Marche  de  la  science  politique  ramenée  à  un 
svllogisme,  716,  1.  —  L'activité  esthétique  ou  de  jeu,  II,  379,  3. 

Race  (de  l'italien  Razza)  :  a)  Groupe  d'individus  réunissant  un  ensemble 
de  caractères  héréditaires  qui  les  distingue  des  individus  formant  des  groupes 
analogues  :  vg.  race  grecque,  race  latine,  race  germanique.  —  b)  Sens  biolo- 
gique :  définition,  II,  614,  1.  —  Division  de  l'espèce,  694-695. 

Racine  (du  latin  populaire  Radicina,  dérivé  de  radix,  radicis)  :  racines 
primitives,  260  ;  445-446.  —  Rôle  des  racines  dans  les  langues,  456. 

Racine  (Jean)  :  Andromaque,  230,  2  ;  II,  401.  —  L'homme  partagé  entre 
le  bien  et  le  mal,  397. 

Radical  [Radicalis,  de  radix,  racine)  :  a)  Ce  qui  va  jusqu'à  la  racine,  vg. 
remède  radical.  —  b)  Ce  qui  change  à  fond  les  institutions  établies,  vg.  réforme 
radicales. 

Radicalisme  philosophique  :  nom  donné  à  l'ensemble  des  doctrines  poli- 
tiques, économiques  et  j)iiil(>sophiques,  professées  par  un  groupe  de  philo- 
sophes anglais  :  Bentham,  James  Mill,  John  Stuart  Mill, -etc.,  II,  51,  2.  , 

Raison  [Rationem,  calcul,  compte,  raisonnement,  raison,  de  ratum,  supin 
de  rcor,  être  persuadé,  penser)  :  ce  mot  a  été  pris  en  des  sens  très  divers  : 
a)  F'aculté  de  raisonner  :  c'est  la  raison  discursive  que  les  Scolastiques 
opposent  à  intelligence,  faculté  intuitive,  278  ;  286.  —  b)  Connaissance  pro- 
venant de  nos  lumières  naturelles  :  s'oppose  à  la  Foi,  ensemble  de  connais- 
sances révélées.  —  c)  Faculté  «  de  bien  juger  «  (Descartes,  Discours  de  la 
Méthode,  P^  P.).  —  d)  «  Connaissance  des  vérités  nécessaires  et  éternelles  >■ 
(Leibniz,  Monadologie,  §  29).  —  e)  Vision  du  réel  et  de  l'absolu  sous  l'action 
de  la  raison  divine  (Fénelon,  Traité  de  Vexistence  de  Dieu,  Part.  I,  Ch.  iv. 
Art.  II,  §  III  ;  Part.  II,  Cli.  ii,  2'^  Preuve).  — /)  Kant  définit  la  raison  :  la 
faculté  qui  nous  fournit  les  principes  de  la  connaissance  a  priori  ;  la  raison 
pure  est  donc  la  faculté  ([ui  contient  les  principes  permettant  de  connaître 
quelque  chose  absolument  a  priori  {Critique  de  la  Raison  pure  :  Introduction, 
§  VII).  La  raison  est  :  a)  théorique  ou  spéculative  :  celle  qui  regarde  exclusi- 
vement la  connaissance  :  elle  est  le  fondement  de  la  science  ;  b]  pratique  : 
celle  (pu  est  considérée  comme  contenant  le  principe  a  priori  de  Vaction  ou 
règle  de  la  moralité.  —  Sa  place  dans  les  facultés,  135.  —  Raison  et  raison- 
nement, 278.  —  Raison  intuitive,  discursive  ;  théorique,  pratique,  esthétique, 
278  ;  286.  —  Raison  et  expérience,  285.  —  Problème  de  la  raison  (origine  des 
notions  et  vérités  premières),  299-318.  —  Part  de  la  raison  dans  la  perception 


j  TABLE  ANALYTIQUE  :  Raisoii  csthétique  —  Rationalité  921 

des  vérités  premières,  318.  —  Instinct,  forme  de  la  raison  (Montaigne),  106. 

—  L'tiomme  seul  doué  de  raison,  494.  —  Part  de  la  raison  dans  le  problème 
de  l'induction,  682.  —  Etre  de  raison,  II,  461. 

Raison  esthétique  :  230  ;  286. 

Raison  pratique  :  c'est  la  conscience  morale,  II,  15  ;  25.  —  Identité  de  la 
raison  pratique  et  de  la  raison  théoriciue,  II,  25-26.  —  Critique  de  la  raison 
pratique,  par  Kant,  II,  434  ;  435. 

Raison  pure  :  critique  de  la  raison  pure  par  Kant,  II,  430-434  ;  435-438. 

Raison  suffisante  (Principe  de)  :  ici  raison  n'est  pas  pris,  comme  ci-dessus, 
dans  le  sens  de  faculté,  mais  de  principe  d'explication,  de  motif  de  justi- 
fication. —  Formule  et  principes  dérivés,  289.  —  Son  rôle  dans  la  pensée,  291. 

—  Son  origine,  320  . 

Raisonnable  (de  Raison)  :  signifie  celui  :  a)  qui  est  doué  de  raison  ;  —  b)  qui 
pense  ou  agit  conformément  à  la  raison.  —  Différence  spécifique  de  l'homme, 
253  ;  494.  —  S'oppose  à  Irraisonnable. 

Raisonnement  (de  Raisonner,  de  raison)  :  opération  par  laquelle  l'esprit 
tire  un  jugement  d'un  ou  de  plusieurs  jugements,  278.  —  Raisonnement  et 
raison,  278.  —  Point  de  vue  psychologique  :  raisonnement  :  a)  inductif,  280  ; 
b)  déductif,  281  ;  c)  analogique,  283.  —  Point  de  vue  logique  :  a)  induction, 
281  ;  664-670  ;  b)  déduction  immédiate,  530  ;  médiate,  282  ;  535  ;  c)  analogie, 
705.  —  Sophisme  :  a)  &'' induction,  799  ;  b)  de  déduction,  800. 

Ramière  (PÈRE  Henri)  :  appréciation  de  la  Déclaration  des  droits  de 
Vhomme,   II,   296-299. 

Rappel  (substantif  verbal  de  rappeler,  de  re  et  appeler,  de  appellare,  de  ad 
et  du  verbe  archaïque  pellare,  adresser  la  parole)  :  rappel  des  idées,  200. 

Rapport  (substantif  verbal  de  Rapporter  ;  de  re  et  apporter,  de  apportare 
=  ad-portare)  :  a)  Lien  qui  unit  deux  ou  plusieurs  objets  de  pensée  coexistant 
dans  un  même  acte  de  l'esprit.  —  b)  Lien  par  lequel  une  personne  ou  une  chose 
est  rattachée  à  une  autre  par  un  trait  commun.  —  Rapports  essentiels  et 
accidentels,  216-217.  —  Rapports  du  signe  et  de  la  chose  signifiée,  434-435. 

—  Rapports  du  physique  et  du  moral  :  a)  généraux,  466  ;  b)  spéciaux,  473.  — 
Correspondance  du  physique  et  du  moral,  II,  540-541. 

Rasoir  d'Occam  :  on  appelle  ainsi  cette  maxime  du  nominaliste  Occam  : 
Entia  non  sunt  niultiplicanda  praeter  necessitatem.  Cf.  S.  Mill,  Examen  de  la 
Philosophie  de  Hamilton,  Ch.  xxiv.  Traduct.  Cazelles,  p.  513,  au  bas,  Paris, 
1869. 

Rationalisme,  Rationaliste  [Rationalis,  doué  de  raison,  qui  concerne  le 
raisonnement,  de  ratio,  rationis,  raison)  :  a  )Le  Rationalisme  est  l'erreur  de  ceux 
qui  repoussent  toute  révélation  et  s'en  rapportent  aux  seules  lumières  de  leur 
raison.  —  b]  Ce  mot  s'oppose  parfois  à  Empirisme,  qui  implique  un  recours 
exclusif  à  l'expérience,  pour  désigner  la  philosophie  qui  cherche  dans  la  raison 
l'origirte  des  idées  et  vérités  premières,  299  ;  308. 

Rationalité  (do  Rationalis,  qui  concerne  le  raisonnement,  de  ratio,  raison)  : 
caractère  de  ce  qui  ei^t  rationnel,  conforme  à  la  raison  :  vg.  la  rationalité  des 
principes. 


922  TABLE  ANALYTIQUE  :  Rationnel  —  Recherche 

Rationnel  {Rationalis,  de  ratio,  rationis,  raison)  :  ce  mot  signifie  :  ce  qui 
est  fondé  sur  la  raison  ou  ce  qui  fait  partie  de  la  raison.  —  Psychologie 
rationnelle,  4  ;  23  ;  594  ;  II,  535.  —  Cosmologie  rationnelle,  4  ;  594  ;  II,  496. 

—  Théologie  rationnelle,  4  ;  594  ;  II,  554.  —  Culture  rationnelle  de  la  mémoire, 
208  ;  209.  —  S'oppose  à  Irrationnel. 

Ravaisson  (Félix)  :  l'empiriste  exclusif,  301,  1.  — Corrélation  des  causes 
efficiente  et  finale,  334,  2.  —  Effets  de  l'habitude,  417-418.  —  Origine  du 
langage,  447,  1.  —  Définition  de  l'essence,  523,  1.  —  Fondement  de  l'induc- 
tion, 677,1.  —  Induction  ramenée  à  déduction,  683. —  Idéal  esthétique,  II,  90,  2. 

Ravignan  (Père  Xavier  de)  :  sa  manière  de  traiter  le  doute,  809,  1. 

Réaction  (de  Ré  et  action)  :  a)  Action  de  l'organisme  provoqué  par  une 
excitation.  —  b)  Effort  contre  un  état  actuel  pour  rétablir  un  état  plus  ancien, 
antérieur.  —  Réaction  égale  à  l'action,  48.  —  Vivre,  c'est  agir  et  réagir,  49. 

—  Réagir  est  une  façon  d'agir,  422. 

Réaliser  (de  Réel,  du  latin  scolastique  realis,  de  res,  chose)  :  ce  mot  signifie  : 
a)  Rendre  réel  ce  qui  n'est  encore  que  possible  :  ainsi  Dieu  réalise  un  possible 
quand  il  le  fait  passer  de  la  possibilité  à  l'existence,  380.  —  Par  sa  déter- 
mination la  volonté  fait  que  le  possible  choisi  se  réalise,  358.  —  b)  Considérer 
comme  une  réalité  ce  qui  n'est  qii'une  idée  abstraite  :  c'est  réaliser  des  abstrac- 
tions, 248  ;  799.  —  c)  Se  prend  actuellement  dans  le  sens  de  se  représenter 
fidèlement  quelque  chose  :  vg.  réaliser  une  situation. 

Réalisme  (de  Réel,  dulatinscolastique  realis)  :  a)  Réalisme  earagere  de  Platon, 
pour  qui  les  Idées  sont  plus  réelles  que  les  êtres  individuels  et  sensibles,  255. 

—  b)  Réalisme  modéré  des  Scolastiques  :  les  universaux  ont  un  fondement 
dans  la  réalité,  256.  —  c)  Doctrine  d'après  laquelle  l'être  est  indépendant  de 
la  connaissance  actuelle  qu'on  en  peut  avoir.  Esse  n'est  donc  pas  équivalent* 
de  percipi,  comme  le  soutient  l'idéaliste  Berkeley,  168-169;  II,  497.  — 
d)  Doctrine  d'après  laquelle  l'être  est,  en  nature,  autre  chose  que  la  pensée 
et  ne  peut  être  tiré  de  la  pensée,  comme  le  prétendent  plus  ou  moins,  vg.  Kant, 
FicHTE,  II,  498-499. 

Réalisme  métaphysique  :  son  fondement,  II,  455. 

Réalité  (de  Réel,  chi  latin  scolastique  realis)  :  caractère  de  ce  qui  est  réel.  — 
Réalités  sensibles  et  réalités  intelligibles,  invisibles,  6  ;  248,  2.  —  La  réalité 
est  une  des  catégories  de  Kant,  296  ;  II,  432.  —  S'oppose  à  Possibilité. 

RÉAUMUR  (René-Antoine  Ferchault  de)  :  nature  de  l'instinct,  107,  2. 

Récept  (mot  créé  par  analogie  avec  Concept,  de  receptum,  supin  de  recipere, 
reprendre,  recevoir  ;  de  re,  [préfixe],  de  nouveau  ;  capere,  prendre)  :  ce  mot 
signifie  ce  que  l'intelligence  reçoit  :  ce  sont  les  données  de  la  connaissance, 
136  ;  345. 

Réceptivité  (de  Réception,  de  receptio,  de  receptum,  supin  de  recipere, 
recevoir)  :  signifie  généralement  passivité  :  possibilité  de  recevoir  une  nindi- 
fication,  47  ;  67  ;  301.  —  Un  état  de 'réceptivité  est  celui  où  un  être  est  plus 
susceptible  de  subir  l'influence  d'un  agent  extérieur.  —  S'oppose  à  Spon- 
tanéité. 

Recherche  (substantif  verbal  de  Rechercher  —  re,  de  nouveau,  et  chercher,^ 
du  latin  populaire  circare,  aller  autour,  errer)  :  l'analj'se  est  une  méthode  de 
recherche,  616.  —  Recherche  de  la  cause,  665. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Réciprocité  —  Réduplicatif  923 

Réciprocité,  Réciproque  (du  bas  latin  Reciprocitas,  dérivé  de  reciprocus, 
qui  va  et  vient)  :  la  réciprocité  est  une  condition  de  l'amitié,  89.  —  La  défi- 
nition doit  être  une  proposition  réciproque,  523.  —  Kant  appelle  Réciprocité 
(r=  action  et  réaction)  l'un  des  ternies  de  la  catégorie  de  la  Relation,  296  ; 
II,  432. 

Récitation  [Recitatio,  de  recitatum,  supin  de  recitare,  lire  à  haute  voix, 
réciter,  do  re,  de  nouveau,  citare,  pousser,  de  ciere,  mettre  en  mouvement)  : 
exercice  de  la  mémoire,  207-208. 

Récognition  (Rc,  de  nouveau  ;  cognition,  de  cognitio,  de  cognitum,  supin  de 
cognosrere  =  cum-gnoseere,  noscere,  connaître.  Cf.  vt-vvcoT/oj,  connaître)  : 
la  récognition  est  l'acte  par  lequel  l'esprit  reconnaît  la  nature  d'un  objet 
perçu.  La  reconnaissance  du  souvenir  est  l'acte  par  lequel  l'esprit  juge  qu'un 
état  actuel  de  conscience  a  été  déjà  éprouvé,  201.  — ■  D'après  Kant,  la  réco- 
gnition est  l'une  des  trois  fonctions  synthétiques  de  la  pensée. 

Récompense  (substantif  verbal  de  Récompenser,  de  re  et  compensare, 
comparer  le  poids  de  plusieurs  objets,  compenser,  de  pensare,  peser  avec  soin, 
fréquentatif  de  pendere,  peser,  payer)  :  théo'rie  de  la  récompense  (Leibniz), 
374.  —  Usage  des  récompenses  dans  l'éducation,  409.  —  Vertu  et  récompense, 
II,  78-79  ;  92-93.  —  Définition  de  la  récompense,  II,  120.  —  Nécessité  et  but 
des  récompenses,  II,  121-122. 

Reconnaissance  (de  Reconnaître,  de  re-cognoscere,  reconnaître,  passer  en 
revue)  :  sentiment  de  la  reconnaissance  (La  Rochefoucauld,)  98.  —  Devoir 
des  entants,  II,  276.   —   Fonction  de  la  mémoire,  196  ;   201.  Voir  Récognition. 

Rectitude  (Rertitudo,  direction  en  ligne  droite,  droiture,  de  rectus,  droit, 
de  reriitni,  supin  de  regere,  diriger)  :  de  la  conscience,  II,  33. 

Récurrence  (de  Récurrent,  de  recurrens,  participe  présent  de  re-currere, 
courir  en  arrière,  revenir  en  courant)  :  ce  mot  indique  :  a)  L.e  retour  d'un  organe 
ou  d'une  espèce  à  son  type  antérieur,  II,  618. —  b)  La  réaction  d'un  fait  sur  sa 
cause,  de  l'idée  d'un  fait  sur  ce  fait.  —  c)  Le  raisonnement  par  récurrence  est, 
d'après  H.  Poincaré,  l'unique  moyen  de  généraliser.  Cf.  La  science  et  Vhypo- 
thrse,  Ch.  i"^'-,  pp.  18-28,  Paris,  1903. 

Rédintégration  {Ré,  de  nouveau;  intégration,  de  intégrer,  de  integrare, 
rétablir  eu  l'état  primitif,  de  integer,  non  entamé,  de  in,  négatif  ;  tactiis,  touché, 
participe  passif  de  tangere,  tactuni)  :  loi  de  rédintégration  (HAmilton),  214. 

Réduction,  Réductible  (  Reductio,  de  reductum,  supin  de  re-ducere,  retirer, 
ramener)  :  transformation  d'un  énoncé  ou  d'une  donnée  pour  les  amener  à  une 
forme  plus  utilisable  ou  plus  claire.  —  Réduction  des  principes  aux  principes 
d'identité  et  de  raison,  290-291.  —  Réduction  des  modes,  539.  Analyse 
rationnelle,  méthode  de  réduction,  610-6n.  —  Réduction  à  l'unité  :  a]  de 
l'analyse  rationnelle  et  expérimentale  ;  b)  de  la  synthèse  rationnelle  et  expé- 
rimentale, 614-615.  —  Réduction  à  l'absurde,  637-638.  —  Réduction  de  l'in- 
duction à  la  déduction,  677-678  ;  683.  —  Réduction  des  définitions,  525. 

Réduplicatif  (du  latin  scolastique  Reduplicatimis,  de  reduplicatum,  supin 
de  reduplicare,  re-doubler,  de  re,  de  nouveau,  et  duplicare,  de  duplex,  duplicis, 
double,  de  duo,  deux  et  plicare,  plier)  :  un  mot  est  pris  dans  le  sens  rédu- 
plicatii',  quand  on  prend  ce  mot  dans  le  sens  qu'il  exprime  formellement  ; 
vg.  l'animal  en  tant  qu'animal,  c'est-à-dire  en  tant  qu'être  sensible  dénué  de 
raison.  —  La  proposition   réduplicative  est  celle  qui  inditjue  la  raison  pour 


924  TABLE  ANALYTIQUE  :  Réel  —  RéforiTiiste  (École) 

laquelle  l'attribut  convient  au  sujet  ;  vg.  l'iiomme,  e/i  tant  qu'' intelligent,  est 
libre.  C'est  pourquoi  elle  se  ramène  à  la  proposition  causale  :  l'homme  est 
libre,  parce  que  intelligent.  Elle  diiïére  de  la  proposition  spécificative  en  ce  que 
celle-ci  indique  seulement  l'élément  constitutif  du  sujet,  d'après  lequel  l'attribut 
convient  à  ce  sujet  ;  vg.  l'homme,  en  tant  qu'homme,  parle  ;  en  tant  qu'animal, 
il  dort.  C'est  d'après  la  nature  spécifique  de  l'homme  que  ces  divers  attributs 
lui  sont  donnés. 

Réel  (du  latin  scolastique  Bealis,  de  res,  chose)  :  s'oppose  :  a)  k  fictif,  illu- 
soire, apparent  :  vg.  une  vertu  réelle  ;  —  b)  k  relatif,  phénoménal  :  «...  Le  mou- 
vement en  lui-même,  séparé  de  la  force,  est  quelque  chose  de  relatif...  Mais 
la  force  est  quelque  chose  de  réel  et  d'absolu...  «  (Leibniz  à  Arnauld,  14  janvier 
1688.  Édition  Janet,  T.  1,  p.  614);  —  c)  à  idéal,  possible,  c'est-à-dire  aux  choses 
telles  qu'elles  devraient  ou  pourraient  être.  Le  réel  signifie  les  choses  telles  qu'elles 
sont  ;  —  d)  k  personnel  :  vg.  Droit  réel,  c'est-à-dire  concernant  les  choses  : 
fus  in  re,  II,  189  ;  —  e)  à  verbal,  nominal  :  vg.  Définition  réelle,  521. 

Référendum  (de  Referendus,  ce  qui  doit  être  reporté  :  participe  passif  de 
re-ferre,  refera,  de  re,  de  nouveau,  fero,  porter)  :  droit  politique,  dont  jouissent 
les  citoyens  dans  certains  pays  (vg.  Suisse,  États-Unis),  de  voter  directement 
sur  certaines  questions  d'intérêt  général,  II,  284. 

Réfléchi  (participe  passé  de  Réfléchir,  de  re-flectere,  revenir  en  arrière, 
réfléchir)  :  a)  Ce  qui  se  rapporte  à  la  réflexion  :  vg.  conscience  réfléchie,  137. 
—  6)  Ce  qui  résulte  de  la  réflexion  :  vg.  résolution  réfléchie.  —  c)  Qui  a  l'habi- 
tude de  la  réflexion  :  vg.  esprit  réfléchi. 

Réfléchissant  (de  Réfléchir)  :  le  jugement  est  dit  réfléchissant,  quand,  l'indi- 
viduel ou  le  particulier  étant  donné,  on  y  découvre  le  général.  S'oppose  à 
Déterminant.  Exemple  :  Platon  est  philosophe.  Ce  jugement  sera  réfléchissant, 
si,  partant  du  sujet  singulier  Platon,  j'y  découvre  la  qualité  de  philosophe. 
Il  sera  déterminant,  si,  partant  de  l'idée  générale  de  philosophe,  je  constate 
que  je  dois  l'attribuer  à  Platon.  Cf.  Kant,  Critique  du  jugement.  Introduction, 
§IV. 

Réflexe  {Reflexus,  participe  passif  de  re-flectere,  reflexum,  de  re,  en  arrière, 
flectere,  courber,  fléchir)  :  un  mouvement  réflexe  est  un  mouvement  dans  lequel 
l'influx  nerveux,  après  avoir  pris  la  direction  du  filet  centripète,  est  brus- 
quement réfléchi  par  la  cellule  nerveuse  dans  la  direction  du  filet  centrifuge. 
L'acte  réflexe  exclut  donc  la  réflexion  psychologique  et  la  délibération.  L'ins- 
tinct est  une  coordination  de  réflexes,  112. 

Réflexif  (de  Reflexum,  supin  de  re-flectere,  revenir  en  arrière)  :  la  méthode 
réfle.xive  est  la  méthode  psychologique,  c'est-à-dire  propre  à  la  Psychologie, 
719-722  ;  729.  —  On  nomme  Psychologie  réflexive  celle  qui  étudie  les  facultés 
intellectuelles  et  volitives,  par  opposition  à  la  Psychologie  affective,  qui  traite 
de  la  sensibilité,  495. 

Réflexion  l  Reflcxio,  de  reflexum,  supin  de  re-flectere,  revenir  en  arrière, 
réfléciiirl  :  a)  Retour  de  la  pensée  sur  elle-même,  719.  —  b)  Suspension  du 
jugement,  en  vue  de  s'éclairer,  avant  de  se  prononcer  dans  un  sens  plutôt 
que  dans  un  autre  :  vg.  dans  la  délibération  intellectuelle,  357-358.  —  Méthode 
psychologique,  719-722  ;  729.  —  Acte  de  la  conscience  réfléchie,  137.  —  Compa- 
raison avec  l'attention,  239. 

Réformiste  (École)  :  forme  de  socialisme,  II.  202. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  RéfutatioD  —  Reid  (Thomas)  925 

Réfutation  (Refutatio,  de  refutatum,  supin  de  re-futare,  repousser,  de  re 
et  de  l'archaïque  futare,  renverser)  :  argument  ou  raisonnement  tendant  à 
prouver  que  telle  doctrine  est  fausse  ;  vg.  réfutation  du  matérialisme,  II,  540. 

Régalienne  (École)  :  de  Regalis,  royal,  de  rex,  roi)  :  le  pouvoir  de  droit 
divin,  II,  229. 

Régime  (de  Regi.men,  action  de  diriger,  de  regere,  conduire)  :  ce  mot  signifie 
façon  de  régir,  d'où  :  a)  Façon  d'administrer  sa  santé.  Influencé  de  la  volonté 
sur  la  nutrition  au  moyen  du  régime  alimentaire,  364.  —  Influence  du  régime 
alimentaire  sur  le  tempérament,  467.  —  6j  Façon  d'administrer  l'État,  forme 
de  gouvernement  ;  vg.  l'Ancien  régime,  11^  350.  —  Divers  régimes  politiques, 
II,   226-227  ;   232-233. 

Règle  i  Régula,  de  regere,  diriger)  :  formule  prescrivant  ce  qui  doit  être 
fait  pour  atteindre  un  but  déterminé  :  vg.  règle  morale,  logique,  mathématique, 
esthétique,  etc.  —  Règles  du  Syllogisme,  541.  — ■  Règles  de  la  conscience  morale, 
II,  34.  —  La  loi  est  une  règle  d'action,  II,  37-38. 

Réglementation  (de  Réglementer,  de  règlement,  de  régler,  du  bas  latin 
regulare,  de  regere,  diriger)  :  réglementation  du  travail  par  l'État,  II,  265. 

Règne  [Regnum,  royauté,  royaume,  de  rex,  roi,  de  regere,  diriger)  :  a)  Vaste 
ensemble  d'êtres  ou  d'idées  unis  et  dominés  par  un  principe  commun  :  vg.  «  le 
règne  physique  de  la  nature  et  le  règne  moral  de  la  grâce  »  (Leibniz,  Mona- 
dologie,  §  87).  «  Royaume  des  fins  »  (Kant,  Fondement  de  la  Métaphysique 
des  mœurs,  Sect.  II),  II,  98  ;  101.  — ■  b]  Grandes  divisions  de  la  nature  :  règnes 
minéral,  végétal,  animal,  48-49. 

Régnon  (Père  Théodore  de)  :  qualifié  par  Mgr  d'Hulst  de  «métaphy- 
sicien de  premier  ordre»,  381,  en  note.  —  Illogisme  des  Bannésiens,  II,  590,  1. 

Regrès,  Régressif,  Régression  {Regressus,  Regressio,  retour,  de  regressum. 
supin  de  re-gredior,  de  re.  en  arrière  et  gradior,  marcher)  :  idée  de  recul,  de 
retour  en  arrière.  —  a)  En  Biologie  :  retour  à  un  type  antérieur,  ou  retour 
d'un  organe  à  un  état  plus  ancien  ou  rudimentaire,  II,  618.  —  h)  En  Psycho- 
logie :  les  souvenirs  se  perdent,  en  cas  d'amnésie,  dans  l'ordre  inverse  de  celui 
qui  a  présidé  à  leur  acquisition,  211.  —  c)  En  Logique  :  quand  l'esprit  remonte 
des  conséquences  aux  principes,  des  faits  aux  causes,  du  composé  au  simple  : 
marche  régressive  de  l'analyse,  610  ;  614-615.  —  d)  En  Sociologie  :  transfor- 
mation qui  ramène  une  société  en  arrière.  —  S'opposent  à  Progrès,  Progressif, 
Progression. 

Regret  (substantif  verbal  de  Regretter,  qui  se  rattache  au  gothique  grctan, 
se  lamenter)  :  élément  du  repentir,  II,  18. 

Régularité,  Régulier  (  Regularis,  de  régula,  équerre,  règle,  de  regere,  diri- 
ger) :  a)  Ce  qui  est  conforme  à  une  règle  ou  à  une  formule  prescrite  :  vg.  syllo- 
gisme régulier,  535.  • —  b)  Ce  qui  est  gouverné  par  une  loi  :  vg.  causes  régulières, 
phénomènes  réguliers.  —  Régularité  et  stabilité  des  lois  physiques,  290  ; 
mais  régularité  et  stabilité  conditionnelles,  294  ;  385-386  ;  780  ;  II,  38  ;  642-643. 

Reid  (Thomas)  :  distinction  des  facultés  de  l'âme,  39.  —  Nature  de  la 
conscience,  140.  —  Tiiéorie  de  la  suggestion  imédiate,  170,  1.  —  Définititm 
de  la  mémoire,  201.  —  Notion  de  cause,  326,  1.  —  Principe  de  finalité,  3-34-335. 

—  Liberté  d'indifférence,  394,  2.  —  Motifs  hélérugènes  incomparables,  396,2. 

—  Production  et  intelligence  des  signes,  436,  1.  —  Origine  du  langage,  44'i,  3. 

—  Grossissement  des  sensations  dans  le  rêve,  474,  1.  —  Fondement  de  l'induc- 
tion, 67.  —  Fondement  de  la  croyance  au  témoignage,  737,  1.  —  Critérium 
du  sens  commun,  814. 


926  TABLE  ANALYTIQUE  :  Rcjct — Réminisceiice 

Rejet  (substantif  verbal  de  Rejeter,  de  rejectare,  de  re-iicere,  rejeter,  jeter 
en  arrière)  :  rejet  des  antécédents  non-causes,  666-667  ;  684. 

Relatif  iRelativus,  ce  qui  se  rapporte  à,  de  relatum,  supin  de  re-ferre, 
reporter)  :  a)  Ce  qui  dépend  de  certaines  conditions,  284.  —  b)  Ce  qui  ne  peut 
être  affirmé  sans  restriction,  en  soi,  mais  en  le  comparant  avec  la  moyenne  des 
êtres  de  même  espèce  ;  vg.  cet  homme  est  bon,  c'est-à-dire  a  du  bon,  mais 
non  pas  :  est  le«bon,  le  bien,  340.  • —  S'oppose  à  Absolu. 

Relation  [Relatio,  de  relatum,  supin  de  re-ferre,  reporter)  :  a)  C'est  l'urje 
des  catégories  d'ARisTOTE,  upoç  ti  :,  accident  en  vertu  duquel  une  chose  a  tel 
ou  tel  rapport  à  une  autre,  296  ;  517  ;  II,  484.  —  b)  Pour  Kant,  c'est  la  caté- 
gorie qui  comprend  les  rapports  de  substance  à  mode,  de  cause  à  effet,  d'action 
et  de  réaction.  298  ;  II,  432.  —  Division,  II,  484-485.  —  Les  propositions  de      . 
relation  :  vg.  Pierre  est  fils  de  Paul,  sont  celles  où  l'on  ne  considère  que  le  lien     j 
qui  unit  les  deux  termes,  sans  considérer  ces  termes  en  eux-mêmes.  —  Fonctions     1 
de  relation,  84  ;  363-364. 

Relativisme  (de  Relatif)  :  système  de  ceux  qui  prétendent  que,  toute  connais-  i 

sance   étant   essentiellement   relative,   nous   n'atteignons   jamais   les   choses  | 

telles   qu'elles   sont.   —   Formes   diverses   :   Phénoménistne,   Criticisme,   Néo-  ^ 
Criticisme,   Idéalisme   métaphysique,    Positivisme,   II,    426. 

Relativité  de  la  connaissance  :  a)  Relativité  absolue  :  toute  connaissance, 
même  rationnelle,  est  relative  :  c'est  l'opinion  de  Hume,  Hamilton,  Stuart 
^IiLL,  Spencer,  Bain,  II,  427-428.  —  b)  Relativité  relative  :  de  la  perception 
sensible,  II,  429-430. 

Relativité  de  l'espace  et  du  temps  :  d'après  Einstein,  II,  506,  4. 

Religieux  (Religiosus,  scrupuleux,  consciencieux,  religieux,  de  religio,  du 
verbe  archaïque  re-ligere,  avoir  égard  à,  de  légère,  assembler,  choisir)  :  senti- 
ments religieux,  97-98.  — -  Le  droit  d'association  et  les  Congrégations  reli- 
gieuses, II,  286-287.  —  Morale  religieuse,  II,  331.  —  Dans  la  langue  ancienne 
Religiosus  signifiait  superstitieux  et  s'opposait  à  Religens,  pieux.  Aulu-Gelle 
[Noctium  Atticarum  L.  IV,  C.  ix)  cite  cet  ancien  texte  :  Religentem  esse  oportet, 
religiosum,  nefas.  Plus  tard  Religiosus  en  vint  à  signifier  religieux. 

Religion  [Religio,  scrupule,  ordonnance  religieuse,  ensemble  des  pratiques 
religieuses,  religion  ;  de  re-ligere,  avoir  égard  à)  :  a)  Ensemble  des  rapports 
qui  unissent  l'homme  à  Dieu  :  vg.  la  Religion  naturelle,  II,  33L  —  b)  Institution 
sociale  faisant  profession  des  croyances  qui  résultent  de  ces  rapports  :  vg.  la 
Religion  catholique,  II,  334-336.  —  Vertu  de  religion,  II,  130  ;  162. 

Relisiosité  (de  Religiosus,  religieux)  :  caractère  distinctif  de  l'humanité, 
97,   I  :  II,  564,  3,  4. 

Rémanent  (Rcmanens,  de  re-manerc,  rester  en  arrière,  demeurer)  :  on 
nomme  sensation  rémanente  celle  qui  persiste  après  que  le  contact  prolongé 
d'un  corps  avec  la  peau  a  cessé  ;  elle  est  analogue  aux  images  consécutives 
de  la  vue'. 

Remède  [Remedium,  de  re  et  mederi,  soigner,  guérir)  :  remèdes  :  a)  aux 
passions  déréglées,  119  ;   b)  à  Verreur,  808  ;  c)  à  Valcoolisme,  II,  376. 

Réminiscence  [Reminiscentia,  de  veminiscor,  se  souvenir,  du  primitif 
meniscor,  miniscor.  Racine  men,  penser.  Cf.  Mens,  intelligence)  :  a)  Retour  à 
l'esprit  d'un  souvenir  non  reconnu,  201.  —  b)  Souvenir  incomplet  ou  vague,. 
201. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Remoiitrance  —  Représentatif  927 

Remontrance  (de  Be  et  montrer,  de  monstrare,  pour  monestrare,  montrer, 
de  monere,  faire  souvenir)  :  représentation  qu'on  fait  à  quelqu'un  de  son  tort. 
—  Droit  de  remontrances,  II,  233. 

Remords  (pour  Remors,  ancien  participe  passé  de  remordre,  employé 
substantivement,  de  re  et  de  mordre,  dé  mordere,  mordre)  :  sentiment  dou- 
loureux qui  a  pour  cause  la  conscience  d'avoir  mal  agi  moralement,  II,  18  ;  123. 

RÉMusAT  (Comte  Charles  de)  :  critique  de  Fr.  Bacon,  671,  1.  —  Ramène 
l'induction  à  la  déduction,  683. 

Renan  (Ernest)  :  origine  du  langage,  444,  6  ;  445,  2.  —  Rejette  a  priori 
le  miracle,  739,  3.  —  Science  et  vertu,  II,  155,  2. 

Renouvier  (Charles)  :  définition  de  la  passion,  113.  —  Nie  le  pouvoir 
direct  de  la  volonté  sur  le  cerveau,  359,  3.  —  Croyance  à  la  liberté,  386,  2.  — 
Liberté  et  conservation  de  l'énergie,  390,  2.  —  Descartes  et  la  géométrie 
analytique,  626,  1.  —  Science  et  croyance,  790-791.  —  Critique  de  Kant, 
II,  435,  1.  — ""Le  Néo-Criticisme,  II,  438.  —  Critique  du  Positivisme,  II,  450,  1. 

Rente  (du  latin  populaire  Rendita,  pour  reddita,  participe  passif  de  rendere, 
pour  reddere,  rendre)  :  rente  foncière  ;  rente  mobilière  :  fruit  du  prêt  à  intérêt, 
II,  356-357.  —  Conversion  de  la  rente,  II,  361. 

Renversement  (de  Renverser,  de  re  et  de  l'archaïque  enverser,  de  envers, 
de  inversas,  retourné,  participe  passif  de  in-vertere,  inversum)  :  renversement 
des  propositions  en  mathématique,  611.  —  Renversement  de  l'expérience 
(Bacon),  662. 

Réparation  (Reparatio,  de  reparatum,  supin  de  reparare,  acquérir  de 
nouveau,  renouveler,  de  re,  de  nouveau,  parure,  disposer,  mettre  en  état)  : 
châtiment,  réparation  de  l'ordre  troublé,  II,  122  ;  268-269.  —  Duel,  moyen 
impropre  à  réparer  l'honneur,  II,  167.  —  Réparation  du  tort  causé  :  a)  à  la 
propriété,  II,  194  ;  —  è)  à  la  réputation,  II,  206-207. 

Répartition  (de  Répartir,  de  ré  et  partir,  du  latin  populaire  partire,  pour 
partiri,  partager,  de  pars,  part)  :  répartition  des  richesses,  II,  356.  —  Répar- 
tition des  subsides  scolaires,  II,  257-258. 

Repentir  (infinitif  pris  substantivement  de  Re  et  pentir,  mot  archaïque 
dérivé  du  latin  populaire  penitire,  pour  paenitere,  qui  signifie  :  être  touché 
intérieurement,  être  pénétré,  être  mécontent,  de  paene,  à  fond)  :  ses  éléments, 
II,  18. 

Répétition  (Repetitio,  de  repetitum,  supin  de  re-petere,  attaquer  une'seconde 
fois,  se  diriger  vers,  de  nouveau)  :  loi  de  la  conservation  et  du  rappel  des 
idées,  198-199  ;  201.  —  Condition  du  développement  :  a)  de  la  mémoire,  201- 
208  ;  b)  des  associations,  215  ;  c)  de  Vhabilude,  417  ;  419. 

Représentant  (de  Représenter,  de  re-praesentare,  rendre  présent,  repré- 
senter, de  praesens,  de  prae-sum,  être  en  tête)  :  représentants  du  peuple, 
II,  233  ;  240-241    ;  295. 

Représentatif  (de  Représenter,  de  re-praesentare,  rendre  présent,  de  praesens, 
de  prae-sum,  être  en  tête)  :  a)  Ce  qui  tient  lieu  d'une  personne  ou  d'une  chose  ; 

—  ce  qui  remplace  une  personne  dans  l'exercice  d'un  droit  :  vg.  Gouvernement 
représentatif,  II,  232-233.  —  b)  Propre  à  représenter  une  classe  :  Représentative 
?nen, (Emerson).  —  c)  En  Psychologie  :    caractère  des  faits  intellectuels,  54. 

—  Élément  représentatif  de  la  serisation,  72-73.  —  Rapport  des  éléments 
affectif  et  représentatif  (Hamilton),  73.  —  Idées  représentatives  (Locke).  168. 
Imagination  représentative,  222. 


928  TABLE  ANALYTIQUE  :  Représentation  —  Résolution 

Représentation  {Repraesentatio,  de  re-praesentare,  rendre  présent,  de  prae- 
sens,  de  praesiiin,  être  en  tête)  :  ce  mot  signifie  :  a)  Acte  qui  rend  un  objet 
présent  à  l'esprit.  On  dit  :  représentation  sensible,  intellectuelle.  Il  vaudrait 
mieux  dire  Présentation .  Voir  ce  mot.  —  b)  Ce  qui  est  présent  à  l'esprit  à  titre 
d'objet  connu  ;  c'est  le  sens  usité  chez  Descartes.  —  c)  Sens  social,  politique  : 
1°)  Droit  de  faire  des  représentations  ou  remontrances,  II,  233.  2°)  Repré- 
sentation professionnelle,  proportionnelle,  II,  283-284.  —  d)  Représentations 
graphiques  des  syllogismes,  557. 

Représentationnisme  (de  Représentation)  :  systèmes  divers  sur  la  perception 
médiate  du  monde  extérieur  :  161  ;  166-169. 

Répressif,  Répression  [Repressio,  de  repressum,  supin  de  re-primere,  faire 
reculer,  réprimer,  de  premere,  presser)  :  pouvoir  répressif  de  l'État  qui  a  le 
droit  de  punir  les  délinquants,  II,  266  ;  267-269.  —  Pouvoir  répressif  de 
l'Église,  II,  344-345. 

Reproduction  (dérivé  de  Reproduire,  d'après  production)  :  fonction  de  la 
mémoire,  196  ;  200-201.  —  Reproduction  des  associations,  218.  —  Imagi- 
nation reproductrice,  222.  —  La  reproduction  stricte  de  la  nature  n'est  ni 
réalisée,  ni  réalisable,  ni  désirable,  II,  397-400. 

République  {Repuhlica,  de  res,  chose  et  puMicus,  public)  :  forme  de  gou- 
vernement démocratique,  II,  232  ;  240-242.  —  La  Respublica  christiana, 
II,  315-316. 

Répugner  {Re-pugnare,  lutter  contre,  être  contradictoire)  :  vg.  le  nombre 
infini  répugne,  340  ;  II,  557-558.  —  La  coexistence  de  deux  propriétés  incom- 
patibles  répugne   dans   le   même   être,   520. 

Répugnance  (Repugnantia,  désaccord,  opposition,  de  repugnans,  de  re, 
contre,  et  pugnare,  combattre  à  coups  de  poing,  lutter,  être  contradictoire, 
de  pugnus,  poing)  :  répugnances  de  la  sensibilité,  41-42  ;  357. 

Réputation  [Reputatio,  de  reputatum,  supin  de  reputare,  tenir  compte  de, 
de  re,  de  nouveau  et  puiare,  calculer)  :  opinion  qu'on  se  fait  généralement  de 
quelqu'un.  —  Respect  de  la  réputation  et  de  l'honneur  d'autrui,   II,   206-207. 

Résidu  (  Hesiduum,  ce  qui  reste,  de  re-sidere,  rester  assis,  rester,  de  sedere, 
être  assis,  siéger)  :  image,  résidu  de  la  sensation,  204  ;  222.  —  Méthode  des 
résidus,  669-670.  —  Notions  mathématiques  :  résidus  de  l'expérience  (Stuart 
Mill),  628. 

Résistance  (de  Résister,  de  re-sistere,  s'arrêter,  résister,  de  sistere,  faire 
tenir,  placer,  retenir,  de  stare,  se  tenir  debout)  :  a)  Qualité  de  la  matière  sensible 
qui  la  rend  perceptible  au  toucher  et  à  l'elTort  musculaire,  179.  —  Qualité 
primaire  de  la  matière  (Maine  de  Biran),  178.  —  b)  Résistance  passive  aux 
lois  injustes,  II,  275.  —  Résistance  active  aux  lois  injustes,  II,  288-289.  — 
Résistance  à  la  tyrannie,  II,  289-291. 

Résolution  [Resolutio,  action  de  délier,  décomposition,  de  resolutum,  supin 
de  re-solvere,  délier,  désagréger,  décomposer.  D'où  action  de  dénouer,  de 
dégager  un  parti  entre  plusieurs  partis  à  prendre,  un  résultat  entre  plusieurs 
possibles)  :  a)  Détermination  de  la  volonté,  358.  —  b)  Opération  ou  méthode 
par  laquelle  on  décompose  un  tout  en  ses  parties  ou  une  proposition  complexe 
en  propositi<ms  plus  simples  dont  elle  est  la  conséquence  ;  vg.  l'analyse  est 
une  méthode  résolutive  ou  de  décomposition,  609  ;  612-613.  —  c)  Résolution 
des  problèmes,  612. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Respect  —  RestHction  929 

Respect  [Respectus,  action  de  regarder  derrière  soi,  égard,  de  respectum, 
supin  de  respicere,  de  re,   en  arrière,   et  de  l'archaïque  specere,  regarder)   : 

a)  La  découverte  ou  perception  de  la  valeur  morale  d'un  idéal,  d'une  règle, 
d'une  personne  suscite  en  nous  ce  sentiment  particulier  qu'on  nomme  le 
respect,  II,  17  ;  97.  —  b)  Le  sentiment  de  respect  nous  porte  à  nous  abstenir 
de  porter  atteinte  à  l'idéal,  à  la  règle  ou  à  la  personne  respectée.  —  Justice, 
respect  du  droit,  II,  130  ;  161.  —  Respect  de  soi-même  dans  son  corps  et  son 
âme,  II,  156-159.  —  Respect  des  autres  :  dans  leur  vie,  II,  166  ;  —  dans  leur 
âme,  II,  168  ;  —  dans  leurs  biens  :  a)  matériels,  II,  188  ;  b)  spirituels,  II,  206. 
—  Respect  de  Dieu,  98  ;  II,  332.  —  Devoir  des  enfants,  II,  216.  —  Devoir  des 
serviteurs,  II,  217.  —  Respect  de  la  personne  humaine  :  fondement  du  droit 
et  du  devoir  (Kant),  II,  98  ;  101  ;  154-155.  —  Devoir  des  gouvernants  :  res- 
pecter la  Constitution,  les  droits  des  individus  et  des  familles,  II,  265.  — 
Respect  des  droits  des  autres  nations,  II,  313.  —  c)  Respect  humain  :  consi- 
dération de  l'opinion  des  autres  inspirée  par  la  crainte  d'encourir  leur  blâme 
ou  leur  vengeance  :  c'est  un  mensonge  en  action,  II,  158.  —  Alorale  de  Smith 
fondée  sur  le  respect  humain,  II,  83-84. 

Responsabilité  (de  Responsable,  de  responsum,  supin  de  re-spondcre,  pro- 
mettre en  retour,  répondre,  de  spondere,  s'engager)  :  caractère  des  personnes 
qui  doivent  répondre  de  leurs  actes.  —  Responsabilité  dans  la  passion,  120. 
■ —  C'est  une  conséquence  de  la  personnalité,  363  ;  366.  —  Naturede la  respon- 
sabilité morale,  II,  114.  — •  Conditions  et  variations,  114-116.  —  Responsabilité 
dans  les  actions  d'autrui,  116.  —  Responsabilité  :  morale,  légale  ou  sociale, 
117-118.  — ■  Conséquences  de  la  responsabilité  :  mérite  ou  démérite,  118. 

Ressemblance  (de  Rc  et  sembler,  de  similare,  être  semblable,  de  similis, 
semblable.  Cf.  o;j.aÂ,ôç,  uni,  égal)  :  la  ressemblance  relative  est  une  identité 
partielle  :  deux  objets  de  pensée  sont  dits  semblables  quand  ils  ont  entre  eux 
quelque  élément  ou  rapport  commun  ;  la  ressemblance  absolue  est  l'identité 
complète,  705.  —  Fondement  de  la  sympathie,  87.  —  Loi  de  ressemblance 
(association),  213-214.  —  Fondement  de  l'idée  générale,  250.  —  L'analogie 
suppose  une  ressemblance  relative,  705  ;  708  ;  709-710. 

Restauration  {Restauratio,  de  restauratum,  supin  de  restaurare,  rétablir, 
de  re,  de  nouveau,  et  de  l'archaïque  staurare,  fixer)  :  restauration  d'un  souve- 
rain dépossédé  :  conditions  de  sa  légitimité,  II,  230-231. 

Reste  (substantif  verbal  de  Rester,  de  re-stare,  s'arrêter,  rester)  :  méthode 
des  restes,  669-670. 

Restitution  (Restitutio,  de  restitutum,  supin  de  restituere,  replacer,  rétablir, 
rendre,  de  re,  de  nouveau  et  de  statuere,  faire  tenir  debout,  placer,  de  statum, 
supin  de  sistere,  placer,  ériger)  :  restitution  des  biens  :  a)  matériels,  II,  194  ; 

b)  spirituels,  II,  206-207. 

Restriction  (Restrictio,  de  restrictum,  supin  de  re-stringere,  serrer  fortement, 
restreindre)  :  elle  consiste  à  déterminer  mentalement  le  sens  qu'on  attache 
aux  mots.  —  Espèces,  II,  170.  —  Usage,  II,  170-171  ;  175.  —  Pascal,  dans 
la  9^  Provinciale,  a  présenté  sous  un  faux  jour  la  doctrine  des  restrictions  men- 
tales en  ne  tenant  pas  compte  des  distinctions  nécessaires.  D'ailleurs,  elle 
n'était  pas  particulière  aux  Jésuites,  comme  il  le  dit,  mais  «  elle  était  commune 
dans  les  Écoles  deux  siècles  avant  eux.  »  (Cf.  abbé  Ul.  Maynard,  Les  Pro- 
vinciales et  leur  réfutation,-  Paris,  1851,  T.  I,  p.  420,  n.  1). 


930  TABLE  ANALYTIQUE  :  Résultat  —  Révcrsible 

Résultat  (du  latin  scolastique  resultatum,  de  resultare,  rebondir,  rejaillir, 
de  re-silire,  sauter  en  arrière,  de  salire,  sauter)  :  résultats  de  l'activité  intellec- 
tuelle, o46. 

Résurrection  (Resurrectio,  de  resurrectum,  supin  de  re-surgere,  se  relever, 
ressusciter)  :  résurrection  des  corps,  II,  552. 

Réticence  [Reticentia,  long  silence,  de  re-ticens,  participe  présent  de  re- 
ticere  —  tacere,  se  taire)  :  cas  où  elle  est  légitime,  II,  170-171. 

Retour  (substantif  verbal  de  Retourner)  :  a)  Doctrine  stoïcienne  du  retour 
éternel  :  après  plusieurs  milliers  d'années,  toutes  les  choses  recommencent, 
semblables  à  ce  qu'elles  ont  été  auparavant,  îl,  602.  —  b)  Système  des  «  retours 
historiques  «  de  Vico,  748-749. 

Rétractation  (Retractatio,  de  retractatum,  supin  de  re-tractare,  toucher  de 
nouveau,  retoucher,  rétracter,  de  tractare,  traîner,  manier,  traiter,  de  trahere, 
trac-tum,  tirer)  :  obligation  de  rétracter  la  calomnie,  II,  206-207. 

Retraite  (substantif  participe  de  Retraire,  de  re,  en  arrière,  et  traire,  du 
latin  populaire  tragere,  pour  trahere,  tirer!  :  caisses  de  retraite  pour  la  vieillesse, 
II,  265. 

Rétroactif,  Rétroactivité  (de  Retroactum,  supin  de  retro-agere,  ramener  en 
arrière^:  c'est  un  principe  juridique  que  les  lois  ne  doivent  pas  avoir  d'elîets 
rétroactifs.  11  est,  en  effet,  de  la  nature  de  la  loi  de  n'être  obligatoire  que  lors-' 
qu'elle  est  promulguée.  Car  avant  de  contracter  une  obligation,  qui  fait  encourir 
une  responsabilité,  il  faut  en  connaître  l'existence,  II,  40  ;  115.  Or  la  rétro- 
activité imposerait  une  obHgation  qu'on  n'a  pu  connaître,  puisqu'elle 
n'existait  pas  à  l'époque,  où  le  législateur  la  fait  remonter  arbitrairement. 

Rétrogradation.  Rétrograde  { Rétro gradatio.  Rétrogradas,  de  retro-grado, 
rétro- gradior,  reculer,  de  rétro,  en  arrière  et  gradus,  marche)  :  même  sens  que 
régressif,  régression,  entendus  péjorativement.  —  Voir  Régressif,  Régression. 

Rétrospectif  (de  Retrospectum,  supin  de  retro-spicere,  regarder  en  arrière, 
de  l'archaïque  spectre,  regarder)  :  a)  Action  de  remonter  du  présent  au  passé. 
—  b)  Étude  qui  consiste  à  revenir  au  passé  pour  expliquer  le  présent  ou 
pour  éclairer  le  passé  à  la  lumière  du  présent.  —  c)  Ce  dont  l'objet  est  passé  : 
vg.  inclinations  et  passions  rétrospectives,  102. 

Rêve,  Rêverie  (de  Rh>er,  pour  resver,  d'origine  inconnue)  :  rêve  et  rêverie, 
225-226  ;  475.  —  Sommeil  et  rêve,  473.  —  Causes  du  rêve,  475.  —  Rêve  et 
réalité  :  leur  distinction,  476.  —  Dangers  de  la  rêverie,  475. 

Revenu  (substantif  participe  de  Revenir,  de  re,  de  nouveau,  et  venire, 
venir)  :  revenus  du  capital  et  revenus  du  travail,  II,  280.  —  Impôt  sur  le 
revenu,  II,  279.  —  Mode  d'estimation  du  revenu,  II,  280.   ' 

Révérenciel  (de  Révérence,  de  reverentia,  respect,  de  re-vereri,  éprouver 
une  crjiinte  religieuse,  de  vereri,  craindre)  :  la  crainte  révérencielle  est  le 
sentiment  de  crainte  respectueuse  inspiré  par  la  supériorité  de  la  personne 
à  qui  il  se  rapporte  :  vg.  crainte  des  parents,  crainte  de  Dieu,  98  ;  II,  17. 

Réversible.  Réversibilité  (de  Reversum,  supin  de  re-vertere,  revenir,  retour- 
ner) :  a)  Ce  qui  est  suscei)tible  d'être  appliqué  à  une  autre  personne  que  le 
possesseur  actuel  :  vg.  Mérites  réversibles.  —  b)  Ce  qui  peut  être  renversé  : 
vg.  en  Logistique  :  les  relations  symétriques  ;  —  en  Physique  :  transformations 
fiui  peuvent  se  faire  dans  tel  sens  ou  dans  le  sens-  inverse,  «  le  corps  ou  le 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Revivisccnce  —  Romantisme  931 

système  repassant  exactement  par  les  mêmes  états  que  dans  la  transforniation 
directe,  par  suite  d'une  modification  infiniment  petite  des  propriétés  du 
milieu  extérieur  .  »  (H.  Pellat,  Thermodijnamique,  Ch.  ii,  S  5,  p.  116,  Paris, 
1897.) 

Reviviscence  (de  Reviviscere,  revenir  à  la  vie,  de  re,  de  nouveau,  vivescere, 
commencer  à  vivre,  de  vivere,  vivre)  :  résurrection  ou  réapparition  des  phéno- 
mènes psychiques.  —  Fonction  de  la  mémoire,  196  ;  200-201. 

Révocabilité,  Révocable  {Revocabilis,  de  re-vocare,  rappeler,  ramener, 
réduire,  retirer,  de  çox,  voix,  parole)  :  les  gouvernants  sont  toujours  révo- 
cables au  gré  du  peuple  (Rousseau),  II,  220  ;  287-288. 

Révolte  (substantif  verbal  de  Révolter,  de  l'italien  rivoltare)  :  droit  de  se 
révolter,  «onséquence  de  la  souveraineté  absolue  du  peuple,  II,  220  ;  299-300  ; 
350. 

Révolution,  Révolutionnaire  {Revolutio,  de  revolutum,  supin  de  re-volvere, 
rouler  en  arrière)  :  théorie  révolutionnaire  de  la  résistance,  II,  220  ;  287-288. 

—  L'Église  et  la  Révolution,  II,  348.  —  Principes  de  la  Révolution,  II,  348-350. 

—  Faux  dogmes  de  la  Révolution,  II,  299-300  ;  349-350. 

RiBOT  (Théodule)  :  notion  du  moi,  153.  —  On  ne  peut  expérimenter  sur 
l'esprit,  726,  1. 

RicARDO  (David)  :  économiste  anglais,  II,  353  ;  356,  2. 

Richesse  (de  Riche,  du  francisque  richi  =  puissant,  en  allemand  moderne 
reich)  :  tout  ce  qui  peut  servir  à  la  satisfaction  des  besoins  de  l'homme,  II,  352. 

—  Production,  Circulation,  Répartition  et  Consommation  de  la  richesse, 
II,  353-361.  —  Devoirs  des  riches,  U,  193  ;  263-264. 

Ridicule  {Ridiculus,  plaisant,  ridicule,  de  ridere,  rire)  :  le  ridicule  et  le 
laid,  II,  390.  —  Le  ridicule  et  le  risible,  II,  392. 

Rien  (de  Rem,  chose)  :  sens  de  cet  axiome  :  Ex  nihilo  nihil  fieri,  II,  634-635. 

Rigorisme  [Rigor,  rigidité,  dureté,  de  rigere,  être  rigide,  dur)  :  rigueur 
excessive  dans  l'application  des  lois  morales,  II,  35. 

Rire  (du  verbe  Rire,  de  ridere)  :  le  rire,  le  ridicule  et  le  risible,  II,  392. 

Risibilité   (de  Risibilis,  risible,  de  ridere)  :   c'est  le  propre  de  l'homme,  523. 

Risible  (  Risibilis,  dont  on  rit,  de  ridere),  II,  392. 

Risque  (de  l'italien  Risco)  :  risques  {sortes)  dans  les  expériences,  662.  — 
Risques  du  prêteur,  II,  357. 

Rivalité  [Rivalitas,  de  rivalis,  riverain,  de  rivus,  ruisseau;  de  l'idée  de 
compétition  entre  riverains,  «  id  est  qui  per  eumdem  rivum  aquam  ducunt  », 
(Ulpien),  on  est  passé  à  l'idée  cje  rival,  rivalité)  :  rivalité  des  passions,  114. 

Roi,  Royal  [Rex,  regalis,  de  regere,  diriger)  :  bon  plaisir  royal,  II,  40.  — 
Le  pouvoir  royal,  II,  233-235. 

Romane  {Rnmanus,  de  Rome,  de  Roma)  :  langues  romanes, '456  ;  458. 

Romantisme  (de  Romantique,  de  roman,  du  latin  populaire  romanice,  à  la 
façon  des  Romains)  :  a)  Romantisme  littéraire  :  qui  rejette  la  hiérarchie  des 
facultés  et  la  valeur  des  règles,  II,  402-403.  —  b)  Romantisme  philosophique  : 
doctrine  de  certains  philosophes  allemands  (Fichte,  Schelling,   Novalis, 


932  TABLE  ANALYTIQUE  :  RoFarius  —  Sacîé 


de  la  nature  et  de  l'esprit  une  importance  prépondérante. 

RoRARius  (traduction  latine  de  Rorario,  Girolamo)  :  nature  de  l'instinct, 
106-107. 

RoscELiN  :  nominaliste,  254. 

RosMiNi  (Antonio  Serbati)  :  ontologiste,  312  ;  II,  555. 

Rousseau  (Jean-Jacques)  :  défiance  de  l'émulation,  95.  —  Erreur  péda- 
gogique, 408.  —  Système  des  «  réactions  naturelles  »  en  éducation,  409.  — 
La  conscience  morale,  II,  18,  2.  —  Morale  fondée  sur  le  sentiment,  II,  49-50. 

—  La  culture  des  sciences  est  corruptrice,  II,  158-159.  —  Contrat  social  et 
souveraineté  du  peuple,  II,  220-221.  —  Origine  du  pouvoir,  II,  228-229.  — 

—  Les  re|)résentants  du  peuple  sont  ses  «  commissionnaires  »,  II,  287-288.  — 
Déification  pratique  de  l'humanité,  II,  348.  —  Possibilité  du  miracle,  II, 
641,  1. 

Routine  (de  Boute,  de  rupta,  participe  passif  de  rumpere,  rompre,  pris 
substantivement)  :  habitude  prise  de  suivre  toujours  la  même  route,  de  faire 
toujours  une  chose  de  la  même  manière.  —  Effet  :  a)  de  la  mnémotechnie, 
209  ;  b)  de  l'habitude,  424.  —  L'automatisme  et  la  réflexion  unies  s'opposent 
à  la  routine,  429. 

Royauté  (du  latin  populaire  Regalitatem,  de  regalis,  royal,  de  rex,  régis, 
roi,  de  regere,  diriger)  :  forme  de  gouvernement,  232  ;  233-235. 

Royer-Collard  (Pierre-Paul)  :  théorie  de  la  suggestion  immédiate, 
170-171.  —  Principe  de  l'induction,  676,  6.  —  On  ne  fait  pas  au  scepticisme  sa 
part,  774,  2. 

Rudimentaire  (de  Rudiment,  de  rudimentum,  apprentissage,  de  rudis,  brut, 
grossier,  novice)  :  organes  rudimentaires,  7.02-703. 

Rumeur  [Rumorem,  bruit  sourd):  rumeur  d'une  grande  ville  ;  exemples  de 
petites  perceptions,  142-143. 

Rythme  {Rhythmus,  ç,vf)tj.rj^,  mouvement  réglé  de  pÉw.  couler  )  :  caractère 
d'un  mouvement  périodique  en  tant  qu'il  comporte  des  temps  forts  et  des 
temps  faibles.  —  Mouvement  rythmé  de  la  danse,  de  la  musique  et  de  la  poésie, 
II,  409.  —  Rythme  des  passions',  121. 

Rythmique  {Rhythmicus,  pOfy-ixcl;,  de  Rhythmus,  pjOaô;,  mouvement 
réglé,  de  ôéo>  couler)  :  qualité  d'une  langue  bien  faite,  461. 


S  :  dans  la  réduction  des  modes  S  indique  la  conversion  simple,  539. 

Sacré  (adjectif  participe  de  Sacrer,  de  sacrare,  consacrer,  de  sacrr,  voué 
à  un  dieu)  :  a)  Ce  qui  est  séparé,  réservé,  objet  d'un  respect  religieux  :  Vg.  objets 
consacrés  au  culte.  —  b)  Digne  d'un  respect  religieux  :  vg.  le  malheureux. 
Res  sacra  miser  ;  l'homme  :  Homo  res  sacra  homini,  II,  94. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Sacriflce  —  Sanguin  933 

Sacrifice  (Sacrificium,  de  Sacrificare,  sacrifier,  de  sacrum,  chose  sainte  ; 
facere,  faire)  :  a)  Idée  de  destruction  :  immolation  d'une  victime.  —  b)  Idée 
d'abandon,  de  renoncement  volontaire  :  sacrifice  de  la  vie,  28  ;  II,  157.  — 
La  charité  héroïque  exige  de  grands  sacrifices,  94  ;  II,  163. 

Sagace,  Sagacité  {Sagax,  Sagacitas,  qui  a  les  sens  subtils,  finesse  des  sens)  : 
qualité  de  l'observateur,  650. 

Sage  (de  Sapere,  avoir  de  la  saveur,  du  goût,  du  sens,  de  la  raison)  :  a)  Celui 
qui  sait  ce  qui  est,  ce  qu'il  faut  faire  :  vg.  les  Sept  Sages  de  la  Grèce.  —  b)  Celui 
qui  réalise  un  idéal  moral  ;  vg.  idéal  du  sage  :  1°)  épicurien,  II,  50-51.  ;  2°)  stoï- 
cien, 118  ;  II,  94;  95. 

Sagesse  (de  Sage)  :  a)  Dans  l'antiquité  grecque,  la  sagesse  signifiait  science, 
et  ce  fut  le  premier  nom  de  la  Philosophie,  584.  —  b]  Plus  tard,  on  l'entendit 
de  la  vertu  :  vertu  morale  qui  dispose  l'intelligence  à  discerner  ce  qu'on  doit 
faire  et  éviter  dans  la  conduite  de  la  vie,  II,  130  ;  158-159. 

Sain  {Sanus)  :  la  perception  requiert  des  organes  sains,  189.  —  Mens  sana 
in  corpore  sano,  411  ;  470  ;  II,  156. 

Saint,  Sainteté  {Sanctus,  Sanctitas,  sacré,  saint,  caractère  sacré,  sainteté, 
de  sanctum,  supin  de  sandre,  rendre  inviolable)  :  a)  Ce  qui  mérite  un  respect 
inviolable  :  vg.  sainteté  du  serment.  —  b)  Celui  qui  possède  la  perfection 
morale  :  sainteté  de  Dieu,  97  ;  II,  568-569  ;  596  ;  599. 

Saint-Siège  :  participation  du  Saint-Siège  à  l'œuvre  de  la  Société  des 
Nations,  II,  321-322. 

Saint-Simon  (Claude-Henri  de  Rouvroy,  Comte  de)  :  valeur  des 
passions,  118.  —  Socialisme,  II,  202,  2. 

Saint-Venant  (Adhémar  Barré  de)  :  liberté  et  conservation  de  la  force, 
390  et  note  2. 

Saisset  (Emile)  :  impressions  sensorielles,  167,  4.  —  Fatalisme  de  Spinoza, 
377,  2  ;  378,  2.  —  Intuition  de  Dieu,  II,  555.  —  Définition  du  Panthéisme, 
II,  602,  1.  —  Panthéisme  des  Stoïciens,  II,  602,  2. 

Salaire  [Salarium,  de  sal;  primitivement  c'était  l'indemnité  payée  au 
soldat  pour  son  sel)  :  définition,  II,  120.  —  Juste  salaire,  II,  358.  —  Salaire 
familial,  II,  359. 

Salut  (Salus,  salutis,  santé,  bien-être,  prospérité,  de  so/f  «s,  être  entier,  sain 
et  sauf)  :  signifie,  dans  le  langage  chrétien,  bonheur  éternel  :  Salus,  apud 
Theologos,  est  félicitas  hominum  aeterna  (Leibniz,  Opuscules  et  Fragments 
inédits,  publiés  par  L.  Couturat,  p.  508,  Paris,  1903). 

Sanction  [Sanctio,  de  sanctum,  supin  de  sandre,  établir  par  un  acte  reli- 
gieux, établir  par  une  loi,  régler,  sanctionner)  :  a)  Acte  d'établir  une  loi  ; 
peine  établie  par  une  loi  pour  réprimer  les  infractions  aux  pre.scriptions  légales. 
—  b]  Puis,  peine  ou  récompense  jointes  à  un  ordre  pour  en  assurer  l'obser- 
vation, II,  119.  —  Fondement  et  nécessité  de  la  sanction,  II,  120  ;  268.  — 
But,  II,  121.  —  Insuffisance  des  sanctions  de  la  vie  présente,  II,  123.  —  Néces- 
sité d'une  sanction  dans  une  vie  future,  II,  124.  —  c)  Par  extension,  toute 
peine  ou  avantage  qui  résulte,  soit  du  cours  naturel  des  choses,  soit  de  la  façon 
d'agir  ;  vg.  nombre  de  maladies  résultent  d'habitudes  déréglées,  470. 

Sanguin  {Sanguineus,  de  sanguis,  sang)  :  tempérament  sanguin,  391.  — 

Caractère.  404. 


934  TABLE  ANALYTIQUE  :  Saoté  —  Schènie 

Santé  (Sanitas,  de  sanus,  sain)  :  bon  état  de  l'organisme.  —  Devoir  de  la 
conserver,  II,  156. 

Satisfaction  (Satisfactio,  de  satisfactum,  supin  de  satis-facere,  faire  assez, 
satisfaire,  s'acquitter)  :fl)Satisfactionmorale:lo)5e?i«imen«,  II,  17-18  ;  2°) pZaisir,    ' 
fondement  de  la  Morale,  II,  49-50.  —  b)  Réparation  d'un  tort,  II,  194  ;  206-   1 
207.  —  c)  Objet  de  la  richesse  :  satisfaction  des  besoins  de  l'homme,  II,  352. 

Sauvagerie  (de  Sauvage,  de  silvaticus,  qui  concerne  les  bois,  de  siVra  forêt)  : 
est-ce  l'état  primitif  ?  II,  222.  i 

Savoir  (de  Sapere,  avoir  de  la  saveur,   avoir  du  sens)   :  a)   Ce  que   l'on  1 
sait  :  la  philosophie  est  le  «savoir  complètement  unifié»  (Spencer),  597,  2.  — 
b)  Savoir  s'emploie  comme  synonyme  de  Science.   Voir  ce  mot. 

Say  (Jean-Baptiste)  :  économiste,  II,  353. 

Sayce  (Archibald-Henry)  :  attaque  la  théorie  de  l'évolution  linguis-  « 
tique  de  M.  Muller,  456,  4.  | 

Scandale  [Scandalum,  de  (jxàvôaXov,  piège  placé  sur  le  chemin.  Racine  1 
Txao,  tomber.  Cf.  cadere,  tomber)  :  mauvaise  action  qui  induit  au  mal  :  il  doit  ! 
être  évité,  et,  s'il  a  été  commis,  réparé,  II,  168. 

Scepticisme  (du  latin  scolastique  Scepticismus,  de  scepticus,  GXz.TZTiy.6,  qui 
examine,  de  cy.ÉTrxoaat,  examiner.   Racine  txî-ji,   voir)   :   a)   Doctrine  d'après  '.i 
laquelle  la  certitude  de  la  vérité  spéculative  est  plus  ou  moins  inaccessible  à   ' 
l'esprit  humain.  —  Scepticisme:  1°)  absolu,  II,  421;  2°)  relatif,  II,  425;  c) moral, 
II,  27-30.  —  b)  Tournure  d'esprit  qui  porte  à  nier. 

Sceptique  (Scepticus,  cxsTrTtxo;,  qui  examine,  de  c-xÉTTToaai,  examiner.  ! 
Racine  txîtt,  voir)  :  celui  qui  professe  le  scepticisme  (au  sens  a),  ou  est  porté  j 
au  scepticisme  (au  sens  b).  —  Principaux  Sceptiques,  II,  421-422.  i 

Schaaf  (Heinrich):  comment  Dieu  connaît  les  futurs  conditionnels,  II,  592,  - 
3  ;  593,  1. 

ScHELLiNG  (Friedrich-Wilhelm-Joseph)  :  panthéisme,  II,  604. 

Schématisme  (de  Schème)  :  d'après  Kant,  les  catégories  de  l'entendement 
sont  des  fonctions  unificatrices  de  l'esprit,  qui  par  elles-mêmes  ne  sont  pas 
applicables  aux  données  de  l'expérience.  D'autre  part,  les  données  de  l'expé- 
rience ou  impressions  empiriques  participent  à  l'étendue  et  à  la  durée  au    j 
moyen  des  intuitions  pures  ou  formes    a  priori  de  la  sensibilité,  Vespace  et  le    j 
temps,  II,  431.  Pour  que  les  impressions  sensibles,  ainsi  élaborées,  apparaissent 
à  la  conscience  comme  phénomène,  c'est-à-dire  comme  objet,  il  faut  que  les 
catégories  de  l'entendement  leur  soient  appliquées.  Le  but  du  Schématisme    ' 
transcendantal  est  précisément  de  montrer  comment  s'opère  cette  application.    ' 
Voir  Schème,  4°.  —  Le  mécanisme  de  cette  application  est  si  arbitraire  et  si   1 
compliqué  qu'il  est  abandonné  même  par  les  partisans  du   Kantisme.  Cf.    ^ 
A.  Valensin,  La  théorie  de  V expérience  d'après  Kant,  dans  Revue  de  Philo-    ; 
Sophie,  juillet  1908,  pp.  44-57.  .  • 

Schème,  Schéma  (  Schéma,  <jy.r,ij.u.  manière  d'être,  figure,  esquisse.  Cf.  axêtv,  ; 
infinitif  de  l'aoriste  2  £T/ov,  de  £/.£tv,  avoir)  :  1°)  Tracé  figurant,  par  les 
proportions  et  relations  de  certaines  lignes,  les  lois  de  variation  de  certains 
ordres  de  phénomènes  en  physique,  en  mécanique,  en  statistique.  —  2°)  Figure 
simplKiée  d'un  objet  réduit  aux  traits  essentiels  :  vg.  tracé  figurant  la  dispo- 
sition d'un  organe.  —  3°)  En  Philosophie  :  a)  C'est  la  forme  sous  laquelle  on  se 
représente  un  concept,  262  ;  452.  —  b)  On  entend  aussi  par  schème  une  sorte 
d'image  vague,  peu  déterminée  ;  vg.  on  se  représente  le  cheval,  le  chien,  le 


i 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Schiffiiii  (Pèfe)  —  Scientismc  935 

■  lion,  etc.,  sous  le  schème  de  quadrupède.  C'est  alors  l'image  composite,  249.  — 
4°)  Chez  Kant,  un  schème  est  une  forme  a  priori  fournie  par  l'imagination, 
qui  sert  à  appliquer  les  concepts  purs  de  l'entendement  aux  intuitions  empi- 
riques de  la  sensibilité  ;  vg.  la  succession  est  le  schème  de  la  causalité,  parce 
que  nous  attribuons  à  la  cause  une  antériorité  logique  sur  l'e^et.  Kant  a 
déterminé  les  schèmes  transcendantaux  qui  correspondent  à  chaque  catégorie. 
Cf.  G.  Sortais,  Origine  et  valeur  de  la  connaissance  théorique  d'après  Kant, 
dans  Etudes  philosophiques  et  sociales,  Paris,  1907,  pp.  149-244. 

ScHiFFiNi  (Père  Santo)  :  argument  ontologique,  II,  570,  3. 

.    Schiller    (F.-G.-S.)    :   pragmatisme,    822-824. 

Schopenhauer  (Arthur)  :  nature  du  plaisir  et  de  la  douleur,  57-58.  — 
L'inconscient,  142,  2.  —  Idées  latentes,  199.  —  Rôle  de  la  volonté,  365,  1.  — 
Caractère  empirique  et  caractère  intelligible,  405,  3.  —  Pessimisme  absolu, 
II,  648,  1  ;  650. 

Science  (Scientia,  de  sciens,  participe  présent  de  scire,  savoir)  :  a)  C'est 
un  synonyme  de  savoir.  —  h)  Subjectivement  :  sens  péripatéticien  et  scolastique  : 
connaissance  des  choses  par  leurs  causes,  580  ;  —  c)  Objectivement  :  ensemble 
de  démonstrations  enchaînées,  237  ;  ou  de  vérités  générales  démontrées,  580. 
—  Nature  de  la  science,  577.  —  Caractères  et  conditions,  578.  —  Avantages, 
580.  —  Fin,  581.  —  Connaissance  du  général,  581-582  ;  58.2.  —  Marche  générale 
de  la  science,  623. 

Science  moyenne  :  c'est  la  science  des  futurs  conditionnels.  —  Pourquoi 
elle  est  dite  moyenne,  II,  583.  —  Preuve  de  son  existence,  II,    585  ;  591-592. 

Science  positive  :  celle  qui  s'occupe  seulement  des. faits  et  des  lois,  lesquelles 
ne  sont  que  des  faits  généralisés.  C'est  la  prétention  des  Positivistes,  II,  446. 

Sciences  cosmologiques   :   1  ;   588. 

Sciences  historiques  :  3  ;  734. 

Sciences  mathématiques  :  1-2  ;  592-593  ;  625. 

Sciences  métaphysiques  :  4  ;  5  ;  594  ;  760  ;  II,  456-457. 

Sciences  morales  :  593  ;  714  ;  717  ;  718  ;  757. 

Sciences  naturelles  ou  biologiques  :  2  ;  593  ;  645  ;  687 

Sciences  noologiques  :  2  ;  588. 

Sciences  normatives  :  504. 

Sciences  philologiques  :  2;  455;  718. 

Sciences  physiques  :  2  ;  593  ;  645  ;  717. 

Sciences  psychologiques  :  3-4  ;  4-5  ;  593  ;  719. 

Sciences  sociales  et  politiques  :  3  ;  593-594  ;  752-757. 

Scientifique  (de  Science)  :  esprit  scientifique,  6. 

Scientisme  (de  Science)  :  nom  donné  à  la  doctrine,  quelque  temps  florissante, 
qui  prétendait  tout  expliquer  par  le  mécanisme  et  satisfaire  par  la  science 
tous  les  besoins  intellectuels  et  moraux  de  l'homme.  Renan.  Marcelin  Ber- 
thelot  furent  les  pontifes  de  ce  qu'on  a  nommé  la  «  Nouvelle  Idole  ».  Brune- 
tière  dénonça  la  faillite  de  cette  fausse  science.  Cf.  La  Science  et  la  Religion, 
dans  Questions  actuelles. 


936  TABLE  ANALYTIQUE  :  Scolairc  —  Scolastique  (Philosophie) 

Scolaire  {Scolaris,.  Scholaris,  de  l'école,  de  scola,  schola,  loisir  consacré  à 
l'étude,  lieu  d'étude,  école)  :  la  question  scolaire,  II,  252-263. 

Scolastique  (La)  (Scholasticus,  scolasticus,  <7/o/a(7T[x<îç,  qui  a  du  loisir,  qui 
consacre  son  loisir  à  l'étude,  relatif  à  l'étude,  à  l'école,  de  schola,  scola,  ayoJ-c, 
loisir,  lieu  d'étude,  école)  :  indique  la  Philosophie  de  1'  «  École  »,  c'est-à-dire 
l'ensemble  des  doctrines  professées  dans  les  Écoles  et  Universités  catholiques 
depuis  le  x^  siècle. 

Scolastique  (La  Philosophie)  :  Philosophia scholastica,  puis  Scholastica  tout 
court,  signitie  :  la  Philosophie  de  l'École,  la  Scolastique,  I'École.  Prin- 
cipales doctrines  : 

A)  Psychologie  :  détermination  des  facultés  de  l'âme,  38-39.  —  Classi- 
fication des  faits  psychologiques,  43-44.  —  Modes  et  degrés  de  l'activité,  47. 

—  Classification  des  passions,  122-123.  —  L'âme  pense-t-elle  toujours  ?  155. 

—  Le  sensorium  commune,  158.  —  Théorie  de  l'assimilation,  162.  —  L'ima- 
gination ('iavTaTÎa  ),  222-223.  —  Formation  de  l'idée  générale,  250.  —  Division 
des  idées  générales  :  Transcendantaux,  Uniçersaux,  252-253.  —  Réalisme 
modéré,  256-257.  —  Modes  du  jugement,  265.  —  Origine  des  idées.  316-317  ; 
317-318  ;  II,  454.  —  Notion  de  substance,  320.  —  Notion  de  cause,  323.  — 
Origine  de  l'idée  d'infini,  341-343.  —  La  personnalité,  365,  3.  —  Liberté  et 
préscience,  378.  —  Nécessité  et  liberté,  402.  — ■  L'âme  des  bêtes,   492-493. 

B)  Logique  :  division  des  idées  générales  :  1°)  Universaux  ou  Prédicables, 
516  ;  2°)  Catégories  ou  Prédicaments,  516-517.  —  Définition  logique,  521.  — 
Théorie  des  propositions,  529. —  Théorie  de  la  déduction,  531-556.  —  La 
science,  578  ;  579  ;  582-584.  —  Classification  des  connaissances,  587.  —  Fon- 
dement de  l'induction,  680-682.  —  Méthode  de  la  Métaphysique,  761.  — 
La  vérité,  768-771.  —  La  certitude  et  l'évidence,  777. —  Science  et  croyance, 
791-793.  —  L'erreur,  794-797.  —  Classification  des  sophismes,  798.  — 
Valeur  de  l'autorité,  813. —  Critérium  de  l'évidence,  837. —  Avantages  et 
abus  de  la  méthode  syllogistique,  841-843. 

C)  Morale  :  éléments  de  la  moralité,  II,  30-31  ;  33.  —  Degrés  et  règles  de 
la  conscience  morale,  II,  33.  — ■  Légitimité  de  la  loi  civile,  II,  39-41.  —  Morale 
du  bien  rationnel,  II,  101.  —  Critérium  de  la  perfection  relative  des  êtres, 
II,  106,  1.  —  Fondement  de  la  distinction  du  bien  et  du  mal,  II,  106-107.  — 
Fondement  de  l'obligation;  II,  110.  —  Préceptes  primaires  et  secondaires  du 
droit  naturel,  II,  141.  —  Véracité  et  mensonge,  II,  169-172.  —  Limites  du 
droit  de  propriété,  II,  193  ;  263-264.  —  Origine  du  pouvoir,  II,  223-226  ;  229. 

—  Formes  de  gouvernement  :  a)  Infériorité  des  formes  à  l'état  pur,  II,  233  ; 
b)  Supériorité  des  formes  à  l'état  mixte,  II,  235.  —  Forme  préférée  parS.  Thomas 
II,  236.  —  S.  Thomas  et  le  suffrage  universel,  II,  237.  —  Guerre  :  conditions 
de  sa  légitimité,  II,  270.  —  Résistance  passive  aux  lois  injustes,  II,  275.  — 
Résistance  active  aux  lois  injustes,  II,  288-289.  —  Résistance  à  la  tyrannie, 
II,  289.  —  Le  droit  des  gens,  II,  311-312.  —  Rapports  de  l'Église  et  de  l'État. 
II,  337.  —  La  thèse  et  l'hypothèse,  II,  340.  —  Pouvoir  direct  ou  indirect  ? 
II,  343. 

D)  Esthétique  :  effets  et  nature  du  beau,  II,  379-380;  383,  3;  384,  1. 

E)  Métaphysique  :  la  vérité  illuminalrice,  II,  453  ;  454-455.  —  Métaphy- 
sique générale  ou  Ontologie  :  a)  L'être  en  général,  II,  460.  b)  Propriétés  transcen- 
dantviles  de  l'être,  II,  470.  c)  Division  de  l'être  ou  Catégories,  II,  479.  d)  Causes 
des  êtres,  II,  487.  —  L'espace  et  le  temps,  II,  503-504  ;  505-507.  —  La  matière 
et  la  forme,  II,  513. —  L'Animisme,  II,  527.  —  Le  mouvement  de  la  matière, 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Scholic  —  Sccrétaii  (Chaîles)  937 

II,  560.  —  Critique  de  l'argument  ontologique,  II,  571.  —  Méthode  pour 
déterminer  les  attributs  moraux,  de  Dieu,  II,  580.  —  Connaissance  des  futurs 
conditionnels,  II,  584-590  ;  591-595.  —  La  création,  II,  633.  —  Le  concours  divin, 
II,  638.  —  L'optimisme  relatif,  II,  647  ;  650. 

Scholie,  Scolie  (g/oXtov,  explicatitm,  commentaire,  note,  de  i/oÀr,, 
loisir  consacré  à  l'étude,  école)  :  remarque  sur  un  théorème  pour  en  compléter 
ou  limiter  l'application;  vg.  Newton,  658,2.  —  Spinoza,  procédant  more  geo- 
metrico,  emploie  fréquemment  des  scolics. 

Scotisme  (de  Scot)  :  ensemble  de  doctrines  propres  à  Duns  Scot  et  à  son 
École.  Les  Scotistes  ont  enseigné,  contrairement  aux  Thomistes,  que  la 
matière  des  corps  terrestres  et  des  corps  célestes  est  identique.  Ils  ont  vivement 
combattu  la  prémotion  ou  prédéterniination  physique.  Le  principe  d'indivi- 
duation  est,  selon  eux,  une  entité  surajoutée  à  l'essence  des  êtres,  qu'ils 
nomment  Eccéité  (voir  ce  mot).  Scot  restreint  la  pluralité  des  formes  aux 
êtres  vivants  ;  beaucoup  de  ses  disciples  l'attribuent  à  tous  les  êtres  de  la 
nature.  Il  a  imaginé,  ou  du  moins  ses  disciples,  une  distinction  formelle,  qui 
a  beaucoup  nui  au  Scotisme.  Cette  distinction,  en  effet,  n'étant  de  l'aveu  même 
des  Scotistes,  ni  réelle,  ni  de  raison,  est  inconcevable,  parce  qu'il  n'y  a  pas 
place  pour  une  distinction  intermédiaire.  Cf.  Palmieri,  Institutiones  philoso- 
phieae,  T.  I,  Ontologia,  Th.  vu.  p.  311-314. 

Scrupule  (de  Scrupulus,  petite  pierre  pointue,  embarras,  difficulté,  subtilité, 
de  scriipus,  pierre  pointue)  :  a)  Appréciation  de  ce  que  l'on  doit  faire  poussée 
jusqu'à  une  extrême  délicatesse  :  conscience  délicate.  —  b)  Sens  péjoratif  : 
embarras  de  conscience  qui  rend  incertain  et  empêche  d'agir,  comme  une 
pierre  gêne  la  marche  :  conscience  timorée. 

Sculpture  [Sculptura,  de  seulptum,  supin  de  sculpere,  graver,  tailler,  sculp- 
ter) :  sa  place  parmi  les  arts,  II,  408  ;  409. 

Secchi  (Père  Angelo^  :  météorographe.  650.  —  Unité  des  forces  physiques, 
655,  2. 

Second  {Secundus,  qui  vient  ensuite,  de  sequi,  secutus  sum,  suivre)  : 
qualités  secondes  de  la  matière,  178.  —  Causes  secondes,  324.  —  Intentions 
secondes  :  voir  Intention  première,  seconde. 

Secondaire  (Secundarius,  de  secundus,  qui  vient  ensuite)  :  qui  ne  vient  qu'au 
second  rang  pour  l'importance.  —  Instincts  secondaires,  110  ;  111.  —  Qualités 
secondaires  de  la  matière,  178.  —  État  psychologique  secondaire,  204  ;  234. 

—  Préceptes  secondaires  du  droit  naturel,  II,  141. 

Secondo-primaire  :  Hamilton  appelle  secondo-primaires  les  qualités  de  la 
matière,  qui  forment  l'intermédiaire  entre  les  primaires  {—  propriétés  géomé- 
triques) et  les  secondaires  (=  couleurs,  sons)  :  ce  sont  les  propriétés  mécaniques  : 
résistance,  masse. 

Secours  (Succursum,  de  succursum,  supin  de  succurrere  =  sub-currere, 
courir  sous,  secourir)  :  assistance  ou  aide  donnée  à  quelqu'un  dans  le  besoin. 

—  Le  riche  doit  secourir  le  pauvre,  II,   193  ;  207  ;  263-264.  —  L'État  doit 
suppléer  à  l'insuffisance  de  la  charité,  privée,  II,  264. 

Secrétan  (Charles)  :  intuition  de  Dieu,  II,  555. 

TUAITH    DF.    riIILOSOPUIE.    —   ï.    II.   —      31 


938  TABLE    ANALYTIQUE    :    SCCtC  —  SCDS 

Secte  [Secta,  voie  qu'on  suit,  manière  d'agir,  école,  secte,  de  sequor,  secutus 
sum,  suivre)  :  a)  Groupe  d'hommes  professant  une  même  doctrine  :  vg.  la 
secte  épicurienne.  —  b)  Sens  péjoratif  :  groupe  d'hommes  passionnément 
attachés  à  une  doctrine  et,  par  suite,  intransigeants  à  l'égard  des  autres  ; 
l'esprit  de  corps  peut  dégénérer  en  esprit  de  secte,  93. 

Sécularisme  iSaecularis,  séculaire,  profane,  de  sa/ecuhon,  race,  durée  ordi- 
naire de  la  vie  humaine,  siècle)  :  forme  du  Positivisme  anglais  contemporain, 
qui  consiste  à  ne  se  préoccuper  que  du  temps  présent,  du  siècle,  sans  se  soucier 
de  l'autre  vie. 

Secundum  quid  :  expression  scolastique  signifiant  :  sous  un  certain  rapport, 
dans  une  certaine  mesure  ;  vg.  telle  affirmation  est  vraie  secundum  quid. 
S'oppose  à  Simpliciter.  Aristote  dit  :  Kaxa  rt  qu'il  oppose  à  'AttXwç. 

Sécurité  [Securitas,  de  securus,  qui  est  sans  crainte,  de  se,  préposition 
marquant  privation  ;  cura,  souci)  :  l'Etat  doit  garantir  la  sécurité  intérieure  et 
extérieure,  II,  248.  —  Sécurité  professionnelle,  II,  188. 

Ségrégation  (Segregatio,  de  Segregatum,  supin  de  segregare,  isoler  du 
troupeau,  séparer,  de  se,  préposition  marquant  séparation,  et  de  grex,  gregis, 
troupeau)  :  procédé  qui  consiste  à  réunir  et  à  mettre  à  part  des  êtres  ou  objets 
de  même  espèce  mêlés  à  d'autres.  ^ 

Sélection  (de  l'anglais  Sélection,  du  latin  selectio,  tri,  choix,  de  selectum, 
supin  de  seligere,  de  se,  à  part,  et  légère,  assembler,  choisir)  :  action  de  choisir 
et  mettre  à  part  dans  le  but  de  favoriser,  parmi  des  êtres  ou  objets  divers,  la 
conservation  de  ceux  qui  ont  une  valeur  supérieure.  —  Sélection  :  a)  naturelle  ; 
b)  artificielle,  U    613  ;  617-618. 

Sémantique  (La)  (-r,y.avT'.xôî,  qui  signifie,  de  Tr^'j.(/.m<).  marquer  d'un  signe, 
expliquer,  signifier,  de  Trjaa,  signe)  •  la  Sémantique  (néologisme  formé  par 
analogie  avec  la  Rhétorique,  comme  s'il  venait  de  rj  -i/yr^  r7r,[xavTt/.-/])  est  l'étude 
historique  des  sens  variés   qu'ont  pris  les  mots,  434,  1 . 

Semblable  (de  Sembler,  de  similare,  être  semblable,  rendre  semblable,  de 
similis,  semblable)  :  a)  En  général,  ce  qui  présente  avec  un  autre  objet  une 
grande  ressemblance  :  vg.  nous  appelons  les  autres  hommes  nos  semblables,  87. 
—  b)  En  un  sens  large,  semblable  équivaut  à  analogue,  c'est-à-dire  à  ce  qui  a, 
avec  d'autres,  quelque  chose  d'identique  et  quelque  chose  de  différent,  705  ; 
710-711. 

Sénèque  (Marcus  Annaeus  Seneca)  :  Médée,  547,  2. 

Sens  {Sensum,  de  sensum,  supin  de  sentire,  percevoir  par  les  sens,  sentir, 
penser)  :  ce  qu'un  mot  ou  toiit  autre  signe  disent  à  l'esprit.  —  Sens  :  a)  usuel, 
524  ;  b)  arbitraire,  525.  —  Sens  composé  et  sens  divisé  :  une  expression  est 
prise,  comme  disent  les  Sgolastiques,  i?i  Sensu  composito,  quand  ses  éléments 
doivent  être  pris  ensemble  comme  formant  un  tout  solidaire.  Elle  est  prise 
in  Sensu  divisa,  quand  certains  de  ses  éléments  doivent  être  entendus  indé- 
pendamment des  autres.  —  Confusion  entre  ces  deux  sens,  799.  —  Distinction 
employée  par  les  Thomistes  pour  défendre  leur  système  sur  la  Prédétermi- 
nation,  II,   587  et  n.  4. 

Sens  {Sensum,  de  sensum,  supin  de  sentire,  percevoir  par  les  sens,  sentir, 
penser)  :  a)  Faculté  d'éprouver  une  catégorie  de  sensations,  156.  —  b)  Faculté 
de  connaître  d'une  manière  immédiate,  intuitive  :  sens  intime,  137  ;  sens 
moral,  sens  du  vrai,  du  beau,  789  ;  II,  19-20.  —  r)  D'où,  intelligence  spontanée,. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  ScHS  (Boii)  —  Sensltil  939 

facile,  droite  :  vg.  homme  de  sens.  —  Objets  et  organes  des  sens,  157.  -— 
Nombre  des  sens,  158.  —  Perception  externe  :  relative  aux  sens,  176.  — 
Données  des  sens  :  a)  primitives,  178  ;  b)  acquises,  181.  —  Éducation  des  sens, 
184.  —  Hiérarchie  des  sens,  185.  —  Erreurs  des  sens,  187. 

Sens  (Bon)  :  a)  Capacité  naturelle  de  bien  juger  et  d'apprécier  les  choses 
à  leur  valeur,  286-287.  —  b)  Synonyme  de  raison  chez  Descartes,  287. 

Sens  commun  :  a)  Le  Sensus  communis  chez  Aristote  et  les  Scolas- 
TiQUES,  158.  — ■  b)  Dans  I'École  écossaise  et  I'Ecole  éclectique  :  c'est  le 
fonds  essentiel  et  immuable  de  l'esprit,  dont  la  raison  est  l'expression  réfléchie. 

—  c)  Dans  le  langage  actuel,  c'est  l'ensemble  des  opinions  d'une  époque  si 
unanimement  acceptées-  que  les  opinions  contraires  sont  regardées  comme  des 
anomalies  individuelles,  286  ;  840.  —  d)  Critérium  du  sens  comsnun,  814. 

Sens  intime  :  synonyme  de  conscience  spontanée,  137. 

Sens  moral  :  a)  Faculté  de  discerner  immédiatement  le  bien  et  le  mal  : 
sorte  de  perception  qui  ressemble  à  l'intuition  des  choses  sensibles,  II,  19-20. 

—  b)  Théorie  de  la  conscience  morale  (Shaftesbury,    Hutcheson),   II,    18. 

Sens  propre  :  a)  Sens  propre  des  mots  :  ce  qu'ils  signifient  à  proprement 
parler.  S'oppose  à  Sens  figuré  :  ce  qu'ils  signifient  par  métaphore.  —  b)  Attache 
'excessive  à  sa  façon  particulière  de  voir  et  de  juger. 

Sensation  (de  Sensus,  action  de  s'apercevoir,  sensation)  :  phénomène 
psychique,  agréable  ou  pénible,  qui  a  pour  antécédent  une  impression  nerveuse 
transmise  au  cerveau,  69.  —  Antécédents  de  la  sensation,  70.  —  Eléments 
•affectif  et  significatif  (représentatif),  72.  —  Rapports  de  ces  deux  éléments,  73. 

—  Equivoque  du  mot  sensation,  74.  —  Sensation  :  interne,  externe,  75.  — 
Existe-t-il  des  sensations  indifférentes  ?  75.  —  Localisation  des  sensations  : 
•a)  internes,  76  ;  191-193  ;  b)  externes,  193-194.  —  Perception  et  sensation, 
159.  —  Sensation  vitale,  musculaire,  75  ;  158.  —  Rôle  des  sensations,  129-130. 

—  Sensation  transformée  (Condillac),  300. 

Sensationnisme,  Sensationniste  (de  Sensation)  :  s'emploie  quelquefois 
comme  synonyme  de  Sensualisme.  Voir  ce  mot. 

Sensibilité  [Sensihilitas,  desentire,  apercevoir  parles  sens,  sentir)  :  a)  Faculté 
d'éprouver  et  de  produire  des  phénomènes  ayant  un  caractère  affectif  (émotions 
•et  inclinations),  54.  —  h)  Ensemble  des  phénomènes  affectifs,  56.  —  r]  Tendance 
à  s'émouvoir  facilement,  à  éprouver  de  la  sympathie  pour  les  autres,  86-87. 

—  d)  Subtilité,  délicatesse  des  sens,  650.  —  Sensibilité  et  intelligence  :  a)  diffé- 
rences, 54  ;  b)  ressemblances,  55.  —  Division  de  la  sensibilité,  56.  —  Plaisir  et 
douleur  :  modes  essentiels  de  la  sensibilité,  57.  —  Faits  de  sensibilité,  34  ;  49. 

—  Rôle  de  la  sensibilité,  126. 

Sensible  (Sensibilis,  de  sentire,  apercevoir  par  les  sens,  sentir)  :  ce  (pii  se 
rapporte  à  la  sensibilité,  soit  au  sens  actif,  soit  au  sens  passif.  —  Faits  sensibles  : 
3eurs  caractères  :  affectif,  subjectif,  etc.,  34  ;  49  ;  57.  —  Sensibles  :  a)  propres, 
communs,  180-181;  b)  par  accident,  181-182.  —  Espèce  sensible,  162-163; 
171,  1.  —  Mémoire  sensible,  206. 

Sensisme  (de  Sensus,  action  de  s'apercevoir,  sensation)  :  s'emploie  quel- 
quefois comme  synonyme  de  Sensualisme.  Voir  ce  mot. 

Sensitif  (du  latin  scolastique  Sensitivus,  de  sentire,  apercevoir  par  les  sens, 
:sentir)  :  a)  Ce  qui  se  rapporte  aux  opérations  de  la  sensibilité.  —  Appareil 


940  TABLE  ANALYTIQUE  :  Scnsoriel  —  Servage 

sensitif,  71.  —  Opérations  sensitives  (Classification  des  Scolastiques),  43-44. 

—  Opérations  intellectuelles  sensitives  ,  133-134.  —  La  vie  sensitive  de  l'animal, 
48  ;  492-493  ;  II,  549,  3.  —  b)  Impressionnable,  émotif  :  vg.  caractère  émotion- 
nel, 404  ;  les  sensitifs  chez  qui  prédomine  la  sensibilité. 

Sensoriel  (de  Sensorium  (Boèce),  organe  des  sensations)  :  ce  qui  a  trait  aux 
organes  des  sens.  —  Théorie  des  impressions  sensorielles,  167-168. 

Sensorium  commune  :  organe  central  des  sensations,  158. 

Sensualisme  (de  Sensualis,  relatif  aux  sens,  de  sensus,  action  de  percevoir 
par  les  sens,  sens,  de  sentire,  sentir)  :  doctrine  qui  fait  dériver  toute  la  connais- 
sance de  la  sensation.  Le  mot  propre  serait  Sensation nisme.  —  École  sensua- 
LisTE  :  a)  CoNDiLLAc,  300  ;  b)  Locke,  302. 

Sensualité,  Sensuel  (Sensualitas,  Sensualis,  de  sensus,  action  de  percevoir 
par  les  sens,  sens)  :  tendance  vicieuse  qui  consiste  à  rechercher  les  plaisirs  des 
sens,  85. 

Sensus  communis  :  sens  interne  centralisateur  des  sensations,  158. 

Sentiment  (de  Sentir)  :  a)  Phénomène  psychique,  agréable  ou  pénible,  qui 
a  pour  antécédent  un  autre  phénomène  psychique,  69.  —  b)  Ensemble  d'émo- 
tions ayant  pour  causes  des  inclinations  sociales  ou  altruistes,  86.  —  c)  Connais- 
sance immédiate,  ordinairement  vague,  77.  —  d)  Opinion,  avis  :  vg.  tel  est 
mon  sentiment.  —  Comparaison  des  sentiments  et  des  sensations,  77.  — 
Classification  des  sentiments,  80.  — •  Définition  des  principaux  sentiments,  80. 

—  Sentiments  du  vrai,  du  beau,  du  bien,  96-97.  —  Sentiments  religieux,  97. 

—  Rôle  des  sentiments  dans  la  vie  intellectuelle,  129.  —  Sentiments  moraux, 
II,  17.  —  Sentiment  de  l'honneur,  II,  84.  —  Rôle  du  sentiment  en  morale, 
II,  86.  —  Sentiment  et  intérêt,  II,  88.  —  Sentiment  esthétique,  97  ;  II, 
378-379. 

Sentimental  (de  l'anglais  Sentimental.  Ce  mot  a  été  mis  à  la  mode  par 
l'ouvrage  de  Sterne,  The  sentimental  journey.  Le  voyage  sentimental,  paru 
en  1768)  :  a)  Sens  péjoratif  :  celui  qui  accorde  trop  au  sentiment  ;  vg.  sensiblerie, 
maladie  du  xyiii"  siècle,  du  Romantisme,  II,  403.  —  b)  Sens  favorable  :  ce  qui 
a   rapport   au  sentiment  ;  vg.   morales  sentimentales,  II,  80. 

Sentimentalisme,  Sentimentalité  (de  Sentimental)  :  a)  Caractère  de  celui 
qui  accorde  trop  au  sentiment;  vg.  Romantisme,  11^  403.  —  b)  Nom  donné 
parfois  aux  florales  fondées  sur  le  sentiment,  II,  80. 

Séparation.  (Separatio  de  separatum,  supin  de  separare,  disjoindre,  de  fc, 
à  part  ;  parare,  faire  la  paire,  apprêter,  de  par,  paire)  :  séparation  :  a)  de  corps 
et  de  biens,  II,  211  ;  b)  des  pouvoirs,  II,  266  ;  c)  de  V Eglise  et  de  l'Etat,  11,337. 

Séquence  [Sequentia,  suite,  de  sequens,  sequentis,  participe  présent  du  sci?»/, 
suivre)  :  les  pliilosophes  anglais  cniploiout  ce  mot  dans  le  sens  de  succession  ; 
vg.  loi  de  séquence  des  phénomènes. 

Sérié  (Séries,  rangée)  suite,  enchaînement,  de  serere,  lier,  enchaîner)  : 
a)  Suite  ordoimée  de  termes  variant  d'après  un  ou  plusieurs  caractères  déter- 
minants. —  b)  A.  Comte  emploie  ce  mol  pour  signifier  les  différentes  classes  de 
faits  sociaux  :  moraux,  religieux,  économiques,  etc.  —  Le  moi,  série  de  phéu"- 
mènes  (St.  Mill,  Taine),  153.  —  Principe  de  la  série  naturelle,  697.  —  Une 
série  infinie  répugne,  II,  557-558.  —  Série  :  a)  embryologique  ;  b)  paléoniolo- 
gique,  II,  615-616;  619-620. 

Servage  (de  Servus,  esclave)  :  esclavage  mitigé,  II,  181. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Scrvice  —  Simple  941 

Service  [Servitium,  servitude,  de  servire,  être  esclave,  servir)  :  la  Sociologie 
a  pour  objet  les  divers  services  que  les  citoyens  doivent  se  rendre  mutuellement. 
C'est  Bentham  qui  a  le  premier  employé  en  ce  sens  le  mot  service.  — ■  L'État 
est  chargé  des  services  d'utilité  générale,  II,  248  ;  250.  —  Se  rendre  mutuel- 
lement service  est  un  devoir  de  charité,  II,  163  ;  165  ;  207.  —  Contrat  de  ser- 
vice, II,  217.  —  Service  militaire,  II,  274  ;  276. 

Servile  {Seroilis,  de  servus,  esclave)  :  l'état  servile,  II,  176. 

Serviteur  (du  bas  latin  Servitor,  serviteur,  de  servire,  servir)  :  devoirs  et 
droits,  II,  217. 

Servitude  {Servitudo,  de  servus,  esclave)  :  a)  Situation  servile,  II,  176.  — 
b)  Servitude  des  passions,  402. 

Seuil  {Solium,  siège,  trône;  puis,  dans  la  langue  populaire,  seuil)  :  seuil 
de  la  sensation  ou  de  la  conscience  :  expression,  due  à  Herbart  :  elle  indique 
le  point  où  une  excitation  sensorielle  atteint  le  minimum  nécessaire  pour 
déterminer  une  sensation,  144. 

Sextus  Empiricus  :  (de  'EtjLTrîtpixôç,  qui  se  dirige  d'après  l'expérience,  de 
£v,  dans,  TTsTpa,  expérience)  :  scepticisme,  II,  422. 

Shaftesbury  (Antony  Ashley  Cooper,  Comte  de)  :  doctrine  du  sens 
moral,  II,  18. 

Sicard  (Abbé  Roch-Ambroise  Cucurron,  dit)  :  sourds-muets,  438. 

Signe  iSignum,  signe,  marque)  :  a)  Fait  indiquant  avec  plus  ou  moins  de 
sûreté  l'existence  d'un  autre  fait  invisible  :  vg.  la  fréquence  du  pouls  est  signe 
de  fièvre.  —  b)  Phénomène  sensible  éveillant  l'idée  d'un  autre  phénomène  qui 
ne  tombe  pas  sous  les  sens,  434.  —  Rapports  entre  le  signe  et  la  chose  signifiée, 
434-435.  —  Espèces  de  signes,  435-436.  —  Signe  local,  193.  —  Production  et 
interprétation  des  signes  :  a)  École  écossaise,  436  ;  b)  École  évolution- 
NISTE,   437. 

Significatif  (Significativus,  de  signi-ficare,  faire  signe,  signifier)  :  élément 
de  la  sensation,  72.  —  Faits  significatifs,  663.  —  Valeur  significative  des  clas- 
sifications naturelles,  698-699. 

Signification   (Significatio,   de  signi-ficare,   faire  signe,  signifier)   :  a)   Ce 
qu'un  signe  représente.  —  b)  Propriété  qu'a  un  signe  de  suggérer  l'idée  d'un, 
autre  fait,  434.  —  Signe  et  signification,  434-435. 

SiGWART  (Christoph)  :  nature  du  raisonnement  indilctif,  678,  2. 

Similaire,  Similarité  (de  Similis,  semblable)  :  loi  de  similarité  pour  les 
associations,  213. 

Similitude  [Similitudo,  de  similis,  semblable)  :  l'analogie  conclut  en  vertu 
de  similitudes,  c'est-à-dire  de  ressemblances  mêlées  de  différences,  708-709. 

Simon  (Jules-Françoîs-Simon  Suisse,  dit  Jules)  :  croyance  invincible 
à  la  liberté,  372,  5.  —  Effets  de  l'habitude,  418,  2.  —  Corrélation  entre  droit 
et  devoir  de  justice,  II,  136,  1. 

Simple  {Simplex,  qui  n'a  qu'un  seul  élément)  :  a]  Ce  en  quoi  on  ne  peut 
distinguer  de  parties  composantes,  et  partant  ce  qui  est  indivisible.  —  Le  moi 
est  simple,  148.  —  Idée  simple,  519.  —  La  monade  de  Leibniz  est  simple, 
II,  511.  —  Les  premiers  éléments  des  corps  sont  simples  :  d'après  Boscovich, 


942      •  TABLE  ANALYTIQUE  :  SlmpUcUé  —  SociaWlIté 

II,  518  ;  Palmieri,  520.  —  L'âme  est  simple,  II,  536  ;  537-538.  —  S'oppose  à 
Composé,  à  Divisible.  —  b)  Ce  qui  n'est  pas  compliqué.  —  Conversion  simple  : 
celle  qui  se  fait  par  pure  transposition  des  termes,  sans  modification  de  la 
quantité  et  de  la  qualité  des  propositions,  534.  —  Syllogisme  simple,  535. 
Un  syllogisme  peut  contenir  des  propositions  complexes,  c'est-à-dire  a^'^oir 
des  prémisses  où  se  trouvent  plusieurs  sujets  ou  attributs,  et  cependant  rester 
simple.  S'oppose  à  syllogismes  composés  :  hypothétique,  disjonctif,  copulatif,  549. 

—  L'hypothèse  doit  être  la  plus  simple  possible,  658-659.  —  S'oppose  à  Com- 
pliqué. 

Simplicité  (Simplicitas,  de  simplex,  simple)  :  origine  de  cette  notion,  148. 

—  Simplicité  des  voies  de  la  nature,  658-659.  —  SimpUcité  de  l'âme  humaine, 
II,  536  ;  537-538.  —  Différence  entre  simplicité  et  spiritualité,  II,  539.  —  L'âme 
des  bêtes  est  simple,  mais  pas  spirituelle,  4^2-493  ;  II,  549,  3. 

Simplification  (de  Simplifier,  du  latin  scolastique  simplificare,  de  simplex, 
simple,  facere,  faire)  :  simplification  de  la  pensée  par  :  a)  l'abstraction,  247  ; 

b)  le  langage,  450-451  ;  c)  la  classification  naturelle,  697.  —  Esprit  simplifi- 
cateur du  mathématicien,  642.  —  Simplification,  loi  de  l'art,  II,  402. 

Simplisme  (de  Simple)  :  tendance  à  simplifier  les  choses  et  par  suite  à 
laisser  de  côté  des  éléments  importants,  dont  l'omission  conduit  à  l'erreur. 
Se  prend  en  mauvaise  part  :  un  esprit  simpHste. 

Simultané,  Simultanéité  (du  latin  scolastique  Simultaneus,  de  simul, 
[ensemble],  neutre  écourté  de  similis,  pour  simile,  pris  adverbialement)  :  phéno- 
mènes simultanés  dans  la  conscience,  213.  —  Cause  de  la  simultanéité  constante 
de  deux  phénomènes,  667. 

Sincérité  (Sinceritas,  de  sincerus,  qui  ne  contient  pas  d'éléments  étrangers, 
peut-être  de  sine  sans  et  cera,  cire,  épithète  appliquée  d'abord  au  miel  :  miel 
sans  cire,  d'où  miel  pur)  :  franchise  dans  l'expression  de  la  pensée.  —  Vertu 
morale,  II,  168.  —  Sincérité  :  a)  des  témoins,  738  ;    b)  des  monuments,  740-741 

c)  des  documents,  742. 

Singularité  (Singularitas,  isolement,  de  singularis,  relatif  à  un  seul,  de 
singulus,  unique)  :  caractère  de  ce  qui  est  :  a)  rare,  surprenant  ;  b)  étrange, 
choquant. 

Singulier  (Singularis,  relatif  à  un  seul,  de  singulus,  unique)  :  a)  Qui  se 
rapporte  à  un  seul,  ce  qui  est  individuel.  —  Idée  singulière,  258.  —  Jugement, 
272.  —  Idée  et  terme,  519.  —  Proposition,  530.  —  b)  Qui  se  distingue  par 
quelque  chose  d'inusité,  d'étrange  :  vg.  c'est  un  esprit  singulier. 

Situation  (de  Situer,  du  latin  scolastique  situare,  de  situs,  position,  de 
sinere,  situm,  placer)  :  catégorie  d'ARiSTOTE  (xîTaat,  je  suis  étendu)  :  être  assis, 
debout,  couché,  296  ;  517  ;  II,  486.  —  Propriétés  mathématiques  qui  résultent 
de  la  situation,  625,  1. 

Smith  (Adam)  :  sympathie,  au  point  de  vue  :  a)  psychologique,  86  ;  122,  1  ; 
b)  moral,  II,  82.  —  Origine  artificielle  du  langage,  441,  4. 

Sobnèih  [Sobrietas,  tempérance,  de  sobrius,  de  la  préposition  se,  marquant 
le  manque  et  ebrius,  ivre)  :  vertu  relative  à  la  sensibilité.  C'est  une  espèce 
rentrant  dans  le  genre  tempérance,  II,  130  ;  158. 

Sociabilité  (de  Sociable,  Sociabilis,  qui  peut  être  uni,  de  sociare,  rendre 
commun)  :  caractère  de  celui  qui  est  sociable.  —  Inclination  altruiste,  86.  — 
Origine  de  la  société,  86  ;  II,  221-222. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Sociablc  —  Sociologic  943 

Sociable  [Sociabilis,  qui  peut  être  uni,  de  sociare,  rendre  commun)  :  a)  Ca- 
pable de  vivre  en  société,  86  ;  221-222.  —  b)  Qui  aime  la  compagnie  de  ses 
semblables  :  vg.  caractère  sociable. 

Social  (Socialis,  fait  pour  vivre  en  société,  de  sociare, vendre  commun)  :a)  So- 
cial s'oppose  à  Individuel  et  signifie  tout  phénomène  de  relation  entre  les  indi- 
vidus formant  un  groupe,  une  société.  —  b)  Social,  pris  strictement,  s'oppose 
à  Politique.  Est  politique  tout  ce  qui  se  rapporte  à  la  souveraineté  :  vg.  Formes 
de  gouvernement,  II,  232  ;  Liberté  politique,  II,  291.  Est  social  tout  ce  qui  a 
trait  à  la  constitution  de  la  société,  tout  ce  qui  est  relatif  aux  intérêts  collectifs 
des  individus  considérés  dans  leurs  rapports  mutuels,  spécialement  les  rapports 
des  classes  de  la  société,  en  tant  qu'elles  ont  des  intérêts  distincts  ou  opposés  ; 
vg.  la  Question  sociale,  II,  3^65.  —  Condition  sociale,  117.  —  Milieu  social, 
II,  249.  —  Sciences  sociales  :  classification,  objet,  méthode,  3  ;  593-594  ;  752. 
— •  Inclinations  sociales,  86.  —  Vertus  sociales,  II,  130.  —  Droit  social,  II,  140. 
—  L'État  doit  protéger  Vordre  social,  II,  248-249  ;  325.  —  Bien  social  ou 
bien  commun,  principe  régulateur  de  l'État,  II,  249  ;  250-251  ;  289-290.  — 
Contrat  social  (Hobbes,  Rousseau),  II,  220.  —  Statique  ei  Dynamique  sociales 
(Comte),  753.  —  Economie  sociale  :  science  des  intérêts  matériels  de  la  société 
subordonnés  au  bien  social.  Beaucoup  d'économistes  définissent  l'Économie 
politique  :  la  science  des  intérêts  matériels,  en  faisant  abstraction  de  tout 
rapport  à  l'ordre  moral  et  au  bien  social.  C'est  à  tort,  parce  que  l'Économie 
politique  est  essentiellement  sociale.  Il  faut  dire  :  Économie  politique  ou 
sociale,  car  c'est  une  seule  et  même  science.  Cf.  Ch.  Antoine,  Cours  d'Économie 
sociale,  Introduction,  §  IL 

Socialisation  (de  Socialisme)  :  organisation,  d'après  les  principes  du  Socia- 
lisme, de  la  propriété  et  du  travail,  II,  200-202. 

Socialisme  (de  Social)  :  1°)  Ce  mot  a  été  employé  par  Pierre  Leroux, 
par  opposition  à  Individualisme.  Il  entend  parla  «  l'exagération  de  l'idée  d'asso- 
ciation ou  de  société  »  {De  l'Individualisme  et  du  Socialisme,  Œuvres,  T.  I, 
p.  376,  note,  Paris,  1847).  Il  se  donne  comme  l'inventeur  de  ce  mot.  Quoique 
ce  mot  ait  été  employé  avant  lui,  il  peut  se  faire  qu'il  n'en  ait  pas  eu  connais- 
sance. Cf.  Bulletin  de  la  Société  française  de  Philosophie,  janv.-févr.  1917, 
p.  86-88.  —  2°)  En  général,  le  Socialisme  est  la  doctrine  qui  réclame  «  certains 
mode?  d'ingérence  de  l'État  dans  les  relations  entre  producteurs  ou  entre 
producteurs  et  consommateurs  »,  II,  199.  —  Formes  diverses  :  a)  Communisme, 
II,  199  ;  b)  Collectivisme,  II,  200  ;  c)  École  réformiste,  II,  202  ;  d)  Syndicalisme, 
II,  202  ;  e)  Coopératisme,  II,  203.  —  Société  et  Socialisme,  205.  —  Objections 
des  socialistes  contre  la  propriété,  II,  194. 

Société  [Societas,  réunion,  de  socius,  compagnon)  :  sens  général  :  union  de 
personnes  tendant  à  une  même  fin  pardesmovens communs,  II,  219. — Sociétés 
diverses  :  a)  Société  domestique,  II,  208-211  ;  b)  Société  hérile,  II,  217  ;  c)  So- 
ciétés particulières  ou  Associations,  93  ;  II,  285  ;  d)  Société  civile  et  politique  : 
définition  et  éléments,  II,  219.  —  La  société  civile  n'est  pas  un  état  contre 
nature,  II,  220;  mais  naturel,  86;  II,  221.  —  Culte  rendu  par  la  société, 
II,  333  ;  e)  UÉglise  est  une  société,  II,  335-336.  —  Rapports  entre  la  société 
civile  et  la  religieuse,  II,  337  ;  /)  Sociétés  de  tempérance,  II,  376. 

Société  des  Nations  :  son  organisation,  II,  320-321. 

Sociologie  (du  radical  de  Société  et  de  ^ôyo,-,  discours)  :  mot  hybride  créé 
par  A.  Comte  pour  indiquer  la  science  des  conditions  de  l'état  social,  où  il  dis- 
tingue la  Statique  sociale  et  la  Dynamique  sociale,  753. 


944  TABLE  ANALYTIQUE  :  Sociologisme  —  Somnambule 

Sociologisme  (de  Sociologie)  :  doctrine  de  l'École  sociologique  qui  prétend 
expliquer  les  principaux  faits  religieux  et  résoudre  les  problèmes  philoso- 
phiques par  l'influx  social. 

Sociologique  (Morale)  :  système  qui  substitue  la  science  des  mœurs  à  la 
Morale  théorique  et  prétend  que  la  vraie  morale  est  celle  qui  est  réclamée  par 
l'état  social  du  temps  (Durkheim,  Lévy-Bruhl,  )  II,  60.  —  Cf.  O.  Habert, 
L'École  sociologique  et  V origine  de  la  Morale,  Paris,  1923. 

Sociologiste,  Sociologue  (de  Sociologie)  :  qui  concerne  la  Sociologie,  qui 
s'occupe  de  science  sociale. 

SocRATE,  Socratique  (— '^xpaTr,?,  de  (7ao;-(7wç,  intact  ;  xparoç,  puissance. 
1(ùxccr.Tix6c;)  :  ramène  la  Philosophie  à  la  Psychologie,  25.  —  Argument  des 
causes  finales,  337  ;  II,  563.  —  Science  du  général,  579;  582.  — Nature  de 
l'ignorance,  794,  2.  —  Nature  de  la  vertu,  II,  124-125. 

Solidarisme  (de  Solidaire)  :  doctrine  qui  donne  la  solidarité  comme  le 
principe  de  la  morale,  de  la  politique  et  de  la  science  économique,  II,  73-76. 

Solidaire,  Solidarité  (de  Solidus,  tout  d'une  pièce,  solide,  de  l'archaïque 
sollus,  tout  entier)  :  a)  Sens  juridique  :  ce  qui  est  commun  à  plusieurs  de  façon 
que  chacun  réponde  de  tout  :  In  solidum,  pour  le  tout.  —  b)  Sens  général  : 
dépendance  mutuelle  qui  rattache  la  vie  des  hommes  :  1")  soit  à  leurs  actions 
antérieures  ;  c'est  la  solidarité  individuelle,  II,  70-71  ;  2°)  soit  aux  actions  des 
personnes  avec  lesquelles  ils  sont  ou  ont  été  en  relation  ;  c'est  la  solidarité 
sociale,  II,  71-72.  —  C'est  donc  une  loi  universelle,  II,  117.  —  La  Solidarité, 
principe  de  la  Morale  (L.  Bourgeois),  II,  73-76. 

Solide  {Solidus,  tout  d'ime  pièce,  solide,  de  l'archaïque  sollus,  tout  entier)  : 
la  perception  des  solides  est-elle  une  perception  naturelle  de  la  vue  ?  179-180. 
—  Les  solides  ou  figures  dans  l'espace  sont  l'objet  de  la  Géométrie,  626.  — 
Construction  des  figures  dans  l'espace,  630. 

Solipsisme  (de  Solus,  seul  ;  ipse,  moi-même)  :  a)  Subjectivisme  théorique, 
d'après  lequel  on  ne  peut  rigoureusement  démontrer  l'existence  du  monde 
extérieur  et  des  autres  hommes.  —  b)  Kant  emploie  ce  mot  dans  le  sens 
d'égoïsme. 

Solution  (Solutio,  action  de  délier,  relâchement,  de  solutum,  supin  de 
solvere,  disjoindre)  :  le  principe  de  la  conservation  de  la  force  empêche  la  solution 
de  la  continuité  qui  doit  relier  tous  les  phénomènes  et  que  compromettrait  la 
possibilité  d'actes  hbres,  384-385  ;  387-389. 

Somatique  (i'^jpaxixôç,  corporel,  de  (7wp-«,  corps)  :  ce  qui  regarde  le  corps, 
par  opposition  aux  phénomènes  psychiques. 

Sommeil  [Somniculum,  cjminutif  de  somnus  =  sop-nus.  Cf.  sop-or,  ûirvo:, 
sommeil)  :  ses  causes,  473.  —  Ses  eiïets  physiologiques  et  psychologiques, 
473-475.  —  Sommeil  et  rêve,  475.  —  Sommeil  provoqué,  478.  Voir  Hypno- 
tisme. 

Somnambule,  Somnambulisme  (de  Sommus,  sommeil  ;  ambulare,  aller 
çà  et  là,  dérivé  de  amb,  anUmv,  cf.  «[J^tpO  :  celui  qui  marche  en  dormant; 
le  somnambulisme  est  un  rêve  en  action.  —  Les  animaux  sont  somnambules 
par  rapport  à  l'instinct,  112.  —  Le  rêve  somnambulique,  225  ;  477. 


TABLE  analytique:  Sophisiue  —  Souverain  -945 

Sophisme  (Sophisma,  Gw.'jyyy.,  adresse,  invention  ingénieuse,  soptiisme,  de 
tvjjiÎ'Çm,  rendre  habile,  de  to-^ô;,  habile.  Racine  '^o-j,  avoir  de  la  saveur,  du  sens. 
Cf.  sapere,  sapiens]  :  a)  Argument  non  concluant,  mais  valide  en  apparence,  qui 
a  pour  but  d'induire  en  erreur.  —  Sophismes  :  1°)  de  mots,  798  ;  2°)  de  pensées, 
799.  —  Sophismes  du  cœur  (Nicole),  801-802.  —  Classification  :  1°)  de  S.  Mill, 
802,  1  ;  2°)  de  Bacon,  805-806.  —  b)  Argument  composé  de  prémisses  vraies 
ou  jugées  telles,  qui  vise  à  créer  un  embarras  logique  en  aboutissant  à  une 
conclusion  manifestement  inadmissible  :  vg.  Sophisme  du  tas  de  blé,  548,  1. 

Sophiste  {Sophistes,  to'^-.ttv-î,  habile  en  quelque  chose,  de  'jOZiÎ^m,  rendre 
habile,  de  crociôç,  habile,  sage)  :  a)  Celui  qui  est  habile  ou  savant.  —  b)  Celui 
qui  fait  profession  d'enseigner  l'habileté  et  la  science.  —  c)  A  partir  de  Platon  : 
celui  qui  recourt  habituellement  aux  sophismes  ;  vg.  les  Sophistes  grecs,  II,  420. 

Sophistique  (La)  :  [Sophistice,  r,  TocpcTTix-»-  -r/yf\)  :  a)  Art  de  rendre  le; 
hommes  meilleurs  (i^î/tiou;),  c'est-à-dire  supérieurs  à  ce  qu'ils  étaient 
(Cf.  Platon,  Protagoras,  Œuvres,  Édition  Didot,  T.  I,  p.  237,  §  VIII).  — 
b)  Art  de  soutenir  le  pour  et  le  contre  avec  vraisemblance.  C'est  l'attitude 
commune  aux  Sophistes  grecs  :  vg.  Protagoras,  Gorgias,  Prodicos,  IIippias, 
II,  420. 

Sophocle  (— 0'.poxÀ£rp,  io-ioxXï;;,  de  TO'^ôç,  sage  ;  xXéo;,  bruit,  renommée)  : 
oi  non  écrite,  II,  40,  2. 

Sorite  [Sorites,  TwpstTr,-:,  mis  en  monceau  [sous-entendu  TU/Xoy.Tao;, 
calcul,  raisonnement],  de  cojoeuw.  entasser,  de  crtopôç,  tas)  :  a)  Primitivement, 
le  Sorite  fut  l'argument  du  tas,  qu'on  peut  faire  à  l'occasion  de  tout  ce  qui 
offre  une  transition  graduelle  :  vg.  tas  de  blé,  548,  1  ;  cheveux  de  la  tête  : 
on  démontrait  qu'en  enlevant  un  à  un  tous  les  cheveux  de  la  tête  d'un  homme, 
on  ne  le  rend  pas  chauve,  parce  qu'on  ne  peut  dire  à  quel  moment  précis  la 
calvitie  commence.  Les  Sceptiques  et  les  philosophes  de  l'Académie  maniaient 
volontiers  cet  argument  sophistique.  —  b)  Aujourd'hui,  le  Sorite  est  un  argu- 
ment correct,  548. 

Sort  [Sortem,  sort,  bulletin  pour  tirer  au  sort)  :  hasards  de  l'expérience 
[Sortes],  662.  —  Sort  des  bons  en  cette  vie,  II,  645.  —  Sort  après  la  mort,  II, 
551-552. 

Soumission  {Submissio,  abaissement,  de  subinissum,  supin  de  sub-niiltere, 
mettre  dessous,  soumettre)  :  action  de  se  subordonner  à  une  autorité.  — 
Soumission  aux  gouvernements  de  fait  :  conditions  et  limites,  II,  231.  — 
Soumission  due  à  Dieu,  II,  331  ;  332-333. 

Sourd  [Surdum]  :  a]  Celui  qui  n'entend  pas  :  expériences  fournies  par  les 
sourds-muets,  452,  1  ;  725.  —  b]  Ce  qui  n'est  pas  entendu  distinctement  : 
vg.  bruit  sourd,  et,  conséquemment,  ce  qui  n'est  pas  distinctement  perçu  par 
la  conscience  :  phénomènes  de  sourde  conscience.  144  ;  199.  —  c^  Leibniz 
emploie  ce  mot  pour  exprimer  ce  qu'on  ne  peut  efîectiveraent  se  représenter. 
(Cf.  Nouveaux  Essais...,  L.  II,  Ch.  xxi,  §  31.  Edit.  Janet,  T.  I,  p.  148.) 

Souvenir  (tiré  de  l'infinitif  de  souvenir,  de  subvenire.  venir  au  secours  de, 
survenir)  :  a]  En  grncral,  tout  ce  qui  revient  à  l'esprit,  au  sens  large  du  mot. 
—  b)  Strictement  :  connaissance  reconnue  et  rapportée  au  passé  ;  c'est  l'aitc 
essentiel  de  la  mémoire,  201. 

Souverain  (du  latin  populaire  swperanMMJ,  de  sf/per,  au-dessus,  ancien  compa- 
ratif (\esub,  qui,  avec  l'accusatif,  signifie  :  en  s'élevant  vers)  :  ce  au-dessus  de 


946  TABLE  ANALYTIQUE  :  Souvcrameté  —  Spéculation 

quoi  ou  celui  au-dessus  de  qui  il  n'y  a  rien  de  plus  élevé.  —  Le  souverain  bien, 
402-403;  II,  46;  111  —  Nécessité»^  d'une  autorité  souveraine  dans  la 
société,  II,  219  ;  223  ;  237.  —  Le  peuple  souverain,  II,  220  ;  228  ;  295  ;  348. 

Souveraineté  (de  Souverain)  :  pouvoir  souverain  en  droit  ou  en  fait.  — 
Nécessité  d'un  pouvoir  souverain  dans  la  société,  II,  219  ;  223  ;  236-237.  — 
La  souveraineté  du  peuple,  II,  220  ;  228  ;  295  ;  348. 

Spatial  (de  Spatium,  espace,  étendue)  :  ce  qui  est  relatif  à  l'espace,  II,  501. 

Spartiate  (Spartiates,  ^TrapTtarr,:,  de  Sparta,  — TraoTr,,  Sparte)  :  traitement 
des  infirmes,  des  incurables,  II,  164. 

Spécial  (Specialis,  de  species,  aspect,  forme,  de  specere,  regarder)  :  c'est  ce 
qui  est  propre  à  une  espèce  de  choses  ou  de  personnes  ;  vg.  la  parole  est  spéciale 
à  l'homme,  253.  —  S'oppose  à  Général. 

Spécialité  (Spccialitas,  de  species,  aspect,  forme,  de  specere,  regarder)  : 
qualité  particulière,  distinctive.  —  Spécialité  de  l'instinct,   106. 

Spécieuse,  Spécieux  (Qui  a  belle  apparence,  de  species,  aspect,  forme,  de 
specere,  regarder)  :  a)  «  Spécieuse  générale  ou  universelle  »  :  c'est  le  nom  donné 
à  l'Algèbre  logique  que  Leibniz  essaya  de  constituer.  — ■  b)  Argument  spécieiix  : 
celui  qui  paraît  probant  et  ne  l'est  pas  :  vg.  l'argument  ontologique,  II,  569. 

Spécificatif  (du  latin  scolastique  Specificativus)  :  proposition  spécificative. 
Voir  Réduplicatij . 

Spécification  (du  latin  scolastique  Specificatio,  de  specificatum,  supin  de 
specificare,  spécifier,  de  species,  aspect,  forme,  et  facere,  faire)  :  opération  p;ir 
laquelle  :  a)  On  distingue  les  espèces  d'un  môme  genre  ;  vg.  l'homme  et  la 
bête,  253.  —  b)  On  distingue  une  notion  ou  un  fait,  par  un  caractère  parti- 
culier, des  notions  ou  faits  qui  leur  ressemblent  :  vg.  spécification  des  sciences, 
584.  —  c)  Axiome  scolastique  :  Actus  specificantur  ab  objectis  ;  c'est-à-dire  la 
nature  des  actes  est  déterminée  par  leurs  objets. 

Spécificité  (de  Spécifique)  :  caractère  indiquant  une  espèce  distincte.  — 
Spécificit-é  des  sens,   158. 

Spécifique  (du  latin  scolastique  specificus,  de  specificare,  spécifier,  de 
species,  aspect,  forme,  et  facere,  faire)  :  a)  Ce  qui  caractérise  l'espèce  :  diffé- 
rence spécifique,  élément  de  la  définition  logique,  253  ;  522.  —  b)  Ce  qui  ne  se 
rapporte  pas  à  une  autre  espèce  ou  classe  d'êtres,  de  phénomènes,  etc.  ;  vg. 
énergie  spécifique   des  sens,    158. 

Spectateur  [Speclator,  de  spectatum,  supin  de  spectare,  observer,  de  specere, 
regarder)  :  spectateur  impartial  d'A.  Smith,  II,  83. 

Spéculaire  (Specularis,  de  spéculum,  miroir,  de  specere,  regarder)  :  V écriture 
spéculaire  est  celle  qui  va  de  droite  à  gauche  :  elle  ressemble  à  celle  qu'on  lit 
par  réflexion  dans  un  miroir  [spéculum). 

[Spéculatif  [Speculativus,  de'  speculatum,  supin  de  speculari,  épier,  de 
specere.  regarder)  :  a)  Celui  qui  est  enclin  à  la  spéculation  :  un  esprit  spécu- 
latif. —  b)  Ce  qui  concerne  la  spéculation  :  la  raison  spéculative,  286.  — 
Science  spéculative  :  qui  ne  descend  pas  aux  applications  ;  vg.  d'après  Aristote, 
585. 

Spéculation  (Speculatio,  espionnage,  contemplation,  de  speculare,  épier, 
de  specere,  regarder)  :  a]  C'est  l'exercice  de  la  raison  théorique  ou  spéculative, 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Spciicer  (Herbert)  —  Spontané  947 

286.  —  b)  Pensée  ou  système  qui  vise  à  expliquer  quelque  chose,  par  oppo- 
sition à  la  pensée  ou  au  système  qui  a  un  but  pratique,  utilitaire  ;  vg.  le  système 
métaphysique  (I'Aristote.  —  c)  C'est  une  opération  aléatoire  de  bourse  sur 
la  baisse  ou  la  hausse  des  valeurs,  II,  355-356. 

Spencer  (Herbert)  :  rapports  de  l'émotion  et  de  l'inclination,  67.  — 
Plaisirs  positifs  et  négatifs,  69,  1.  —  Origine  des  incUnations  altruistes,  100. 

—  Nature  de  l'instinct,  110-111.  —  Rythme  des  passions,  121,  2.  —  Origine 
des  idées,  306.  —  Objections  contre  les  causes  finales,  336-338.  —  Système 
éducatif  des  réactions  naturelles,  409,  2.  —  Production  et  intelligence  des 
signes,  437,  4.  —  Origine  du  langage,  446.  —  Classification  des  sciences,  592. 

—  Rôle  de  la  philosophie,  597,  2.  —  Critérium  de  l'évidence,  838,  1.  —  Nature 
de  la  conscience  morale,  II,  23,  2.  —  Morale  évolutionniste,  II,  58.  —  Attaques 
contre  la  charité,  II,  163-164.  —  Evolutionnisme,  II,  626. 

Spinoza  (Benoit  de)  :  définition  de  la  philosophie,  6.  —  Ordre  à  suivre  en 
philosophie,  10-11.  —  Méthode  de  la  psychologie,  31-32.  —  Tendance  de  tout 
être,  62,  1.  —  Définition  de  la  joie,  65,  1.  —  Classification  et  définitions  des 
sentiments,  80-81.  —  Classification  des  passions,  124.  —  Variété  des  asso- 
ciations, 215.  —  Imagination  et  entendement,  263,  1.  —  Notion  de  substance, 
322.  —  Acte  de  volonté  ramené  au  jugement,  361.  —  Objection  contre  la 
liberté,  371.  —  Fatalisme  panthéistique,  377.  —  Pas  de  concept  sans  affir- 
mation, 520,  1.  —  Cause  de  l'erreur,  807,  1.  —  Critérium  de  l'évidence,  837,  2  ; 
838,  4.  —  Panthéisme  immanent,  II,  602  ;  603-604  ;  607-608. 

Spinozisme  (de  Spinoza)  :  doctrine  et  école  de  Spinoza.  Voir  ce  mot. 

Spiritisme  (de  Spirite,  de  Spiritus,  souffle,  esprit,  de  spirare,  souffler)  : 
a)  Doctrine  qui  assure  que  les  esprits  des  morts,  conservant  un  corps  matériel 
très  ténu,  appelé  périsprit,  peuvent  communiquer  avec  les  vivants  par  l'inter- 
médiaire d'un  médiunfi.  —  b)  Pratique  superstitieuse  de  ceux  qui  cherchent  à 
communiquer  avec  les  esprits  par  l'intermédiaire  d'un  médium.  —  Cf.  L.  Roure, 
Le  merveilleux  spirite,  Paris,  1923°.  Le  Spiritisme  d'aujourd'hui  et  dhier, 
Paris,  1923. 

Spiritualisme  (de  Spiritualis,  mû  par  l'air,  spirituel,  de  spiritus,  souffle, 
esprit)  :  doctrine  qui  admet  l'existence  de  deux  substances  essentiellement 
distinctes  :  Vesprit  caractérisé  par  la  pensée  et  la  liberté  ;  la  matière  caracté- 
risée par  l'étendue  et  la  communication  mécanique  du  mouvement.  Elle 
affirme  conséquemment  l'immatérialité  et  l'immortalité  de  l'âme,  II,  536  ; 
549.  —  Spiritualisme  dans  l'art,  II,  394-395. 

Spiritualité  (du  latin  scolastique  Spiritualitas,  de  spiritualis,  dé  spiritus, 
souffle,  esprit)  :  a)  Caractère  de  ce  qui  est  spirituel  :  ce  que  la  spiritualité 
ajoute  à  la  simplicité,  II,  539.  —  b)  Doctrine  concernant  la  vie  spirituelle, 
surnaturelle  de  l'esprit  :  vg.  les  Exercices  spirituels  de  S.  Ignace  de  Loyola. 
Cf.  A.  Brou,  La  Spiritualité  de  saint  Ignace,  Paris,   1914. 

Spirituel  {Spiritualis,  de  spiritus,  souffle,  esprit)  :  ce  qui  est  opposé  : 
a)  à  matériel  :  facultés  proprement  spirituelles,  64  ;  468-469  ;  II,  541-542  ;  — 
è)  à  c/jor/ie/,  «fl/wre/,  vg.  Vie  spirituelle,  Exercices  spirituels  ;  —  c)  à  temporel: 
vg.  le  pouvoir  spirituel  de  l'Eglise  par  opposition  au  pouvoir  temporel  des 
Sociétés  civiles,  II,  336  ;  343. 

Spontané  (Spontaneus,  de  spons,  spontis,  volonté  libre,  initiative,  de 
spondere,  s'engager)  :  a)  Ce  qui  est  dû  à  l'initiative  propre  de  l'agent  et  non  à 
une  cause  extérieure.  S'oppose  alors  à  Provoqué,   Réceptif.  —  Caractère  de 


948  TABLE  ANALYTIQUE  :  Spontanéité  —  Stewart  (Dugald) 

la  vie,  47  ;  61-62  ;  II,  523.  —  Somnambulisme  spontané  par  opposition  à 
l'hypnotisme,  477  ;  478.  —  L'observation,  par  opposition  à  l'expérimentation 
qui  est  une  observation  provoquée,  660-661.  —  L'acte  libre  est  spontané,  393. 

—  b)  Ce  qui  prévient  la  réflexion,  se  fait  sans  examen  préalable.  S'oppose  à 
Réfléchi.  —  Conscience  spontanée,  136.  —  Connaissance  spontanée,  242.  — 
Raison  spontanée,  286.  —  Certitude  spontanée,  779. 

Spontanéité  (de  Spontané)  :  se  prend  dans  les  deux  sens  de  Spontané.  Voir 
ce  mot.  —  D'après  Kant,  l'entendement  est  «  la  spontanéité  de  la  connais- 
sance ou  la  faculté  que  nous  avons  de  produire  nous-mêmes  des  représenta- 
tions »,  tandis  que  la  sensation  est  une  réceptivité. 

Stable,  Stabilité  (Stabilis,  stahilitas,  solide,  solidité,  de  statum,  supin  de 
stare,  se  tenir  debout)  :  stabilité  des  lois  de  la  nature,  290.  —  Fondement  de 
Tinduction  d'après  Reid,  D.  Stewart,  Royer-Collard  :  «  stabilité  des  Lois 
de  la  nature  »,  676-677. 

Stade  [Stadium,  (-TâSiov):a)  Période  ou  moment  d'un  développement,  d'une 
démonstration.  —  h)  Argument  de  Zénon  d'Élée  contre  le  mouvement  : 
('  Le  Stade  ».  Cf.  J.  Lachelier  :  Note  sur  les  deux  derniers  arguments  de  Zenon 
d'Elée,  dans  Revue  de  Métaphysique  et  de  Morale,  1910,  p.  345-355. 

Staël  (Anne-Louise-Germaine  Necker,  Baronne  de)  :  les  mathé- 
matiques et  la  formation  de  l'esprit,  642,  1.  —  La  satisfaction  morale,  II,  49. 

Stahl  (Georg-Ernst)  :  animisme,  II,  527,  2  ;  528. 

Statique  (La)  (—Tarixôç,  propre  à  arrêter,  à  peser,  qui  concerne  l'équilibre 
des  corps.  Racine  — ra,  placer  debout,  d'où,  avec  redoublement,  n\.'jz-i\\j.<.S'^-r^]xi)  : 
a)  La^  Statique  est  la  partie  de  la  Mécanique  qui  étudie  les  conditions 
de  l'équilibre,  592.  —  h)  Statique  de  l'esprit  (HerbartI,  31.  —  Loi  statique 
de  la  pensée,  291.  —  Statique  sociale  (Comte),  753.  —  c)  Considération  d'un 
objet  dans  un  état  donné  et  abstraction  faite  de  ses  changements. 

Statistique  (de  Status,  station,  état,  situation,  de  statum,  supin  de  stare, 
se  tenir  debout)  :  science  qui  consiste  à  recueillir  et  coordonner  des  faits  nom- 
breux relatifs  à  un  ensemble  d'objets  ou  d'êtres  de  même  espèce  dans  le  but 
de  découvrir  la  loi  qui  les  régit.  —  Statistique  et  loi  des  grands  nombres,  383. 

—  Son  utilité  dans  la  science  sociale,  755. 

Statut  social  (Statutum,  décret,  statut,  de  statutus,  participe  passif  de 
statuere,  placer,  établir)  :  a)  Ensemble  des  rapports  légaux  qui  s'établissent 
entre  les  hommes  par  le  fait  seul  de  la  situation  qu'ils  occupent  dans  la  société 
(politique,  familiale,  corporative)  dont  ils  font  partie.  S'oppose  à  Contrat  qui 
requiert  un  acte  de  volonté.  —  b)  Ensemble  de  règles  relatives  à  un  groupement 
d'individus;  vg.  Statuts  des  Corporations,  II,  188. 

Stéréognostique  (de  — Tîpïo';.  solide  ;  racine  <^~^c,,  être  dur  ;  yvtocrf.xo;. 
qui  concerne  Faction  de  connaître,  de  ytvvojaxw  ,  de  la  racine  yvo)  avec  redou- 
blement, connaître)  :  le  sens  stéréognostique  est  le  sens  des  directions  d<' 
l'espace.  Il  ne  semble  pas  être  distinct  du  sens  musculaire  et  articulaire,  158  ; 
179. 

Stewart  (Dugald)  :  causes  qui  entravent  la  sympathie,  88,  3.  —  Théorie 
de  la  suggestion  immédiate,  170.  —  Objet  de  la  vue,  179,  5.  --  Critique  du 
terme  :  association  des  idées,  213,  2.  —  Théorie  de  l'association  des  idées, 
216,  2.  —  Production  et  interprétation  des  signes,  436,  1.  —  L'idée  implique 
une  affirmation,   520,   1. 


TABLK  ANALYTIQUE  :  Stîmulus  -  SubcontraïTe  949 

Stimulus  (mot  latin  qui  signifie  aiguillon,  de  la  racine  siig,  qui  a  aussi  donné 
le  verbe  archaïque  stinguere,  piquer)  :  ce  qui  excite  l'activité  des  êtres  vivants. 
Se  dit  notamment  des  phénomènes  physiques  qui  mettent  en  jeu  les  organes 
sensoriels.  Synonyme  :  Excitant. 

Stoïcien  (Stoicus,  TTonxôç,  de  l'École  du  Portique,  de  l'École  stoïcienne, 
de  GTwâ.  TToa,  portique,  galerie  à  colonnade.  Racine  cira  se  tenir  debout)  : 
origine  du  plaisir,  60.  —  Inclinations  philanthropiques,  93-94.  —  Valeur  et 
traitement  des  passions,  118  ;  119.  —  Classification  des  passions,  122.  — 
Exclusion  de  l'intérêt  en  morale,  II,  78.  —  Exclusion  du  sentiment,  II,  87.  — 
Morale  stoïcienne,  II,  93.  —  Paradoxes  stoïciens,  II,  93  ;  95;  149.  —  Légitimité 
du  suicide,  II,  156.  —  Panthéisme,  II,  602. 

Stoïcisme  (de  Stoicus,  stoïcien)  :  a)  École  fondée  par  Zenon  de  Cittium. 
Il  enseignait  à  Athènes  sous  le  portique  (rrToa)  dit  ttoix-Xt,  (couvert  de  poin- 
tures). Le  Pœcile  avait  été  orné  de  peintures  par  Polygnote.  —  b)  Caractère 
moral  du  sage  selon  les  principes  stoïciens,  118  ;  II,  94  ;  95. 

Strict  iStrictus,  serré,  étroit,  de  strictuni,  supin  de  stringere,  serrer)  :  a)  Est 
de  droit  strict,  ce  qui  est  exigible  en  vertu  d'une  loi  incontestable,  par  oppo- 
sition à  ce  qui  n'est  concédé  que  par  bienveillance,  II,  132.  —  b)  Devoirs  stricts 
de  justice,  par  opposition  aux  devoirs  de  cliarité,  qui  ne  sont  pas  exigibles, 
II,  138  ;  165.  —  Les  devoirs  négatifs  sont  dits  stricts  en  tant  que  détermines, 
II,  149. 

Style  (Strjlus,  stilus,  poinçon.  Cf.  'jtÎIÀo;,  colonne)  :  a)jManière  d'exprimer 
sa  pensée.  —  b)  Forme  esthétique  caractérisant  une  époque  :  vg.  style  greo, 
ou  la  manière  personnelle  d'un  artiste,  vg.  le  style  de  Bossuet. 

Styliser  (de  Sti/le)  :  représenter  un  objet  sous  une  forme  abrégée,  schéma- 
tique et  partant  conventionnelle. 

Suarez  (Francisco)  :  antériorité  de  la  connaissance  du  singulier,  260.  — 
Origine  du  pouvoir,  II,  224-226.  —  Suarez  et  Rousseau  :  origine  du  pouvoir, 
II,  228-229.  —  Connaissance  des  futurs  conditionnels,  II,  591-593. 

Subalternante,  Subalternée  [Subalternus,  subordonnée,  de  sub,  sous  et 
alternus.  alternatif,  de  alter,  l'un  des  deux,  de  la  forme  archaïque  alis,  autre)  : 
proposition,  533. 

Subalternation  (Subalternatin,  de  suh  sous  et  alternare,  alterner)  :  a)  Rapport 
de  deux  propositions  subalternes,  532.  —  b)  Inférence  immédiaîe,  tjui  de  la 
vérité  de  la  subalternante  conclut  celle  de  la  subalternée,  ou  de  la  fausseté  de 
la  subalte'rnée  conclut  celle  de  la  subalternante,  533. 

Subalterne  [Subalternus,  de  sub,  sous,  et  alternus,  alternatif,  de  alter,  l'un 
des  deux,  de  la  forme  archaïque  alis,  autre)  :  a)  Propositions  opposées  qui  ne 
diffèrent  que  par  la  quantité,  532  ;  533.  —  b)  Cause  subalterne,  II,  116.  — 
c)  Science  subalterne  :  celle  dont  les  principes  sont  empruntés  aux  conclusions 
d'une  autre  science  qui  lui  est  supérieure. 

Subconscience,  Subconscient  [Sub,  au-de-^sous,  un  peu  ;  conscientia, 
conscience)  :  ce  mot  signifie  sefim  le  sens  qu'on  attache  cà  sub  :  a)  un  phénomène 
inconscient  (sub  =  au-dessous  de  la  conscience)  ;  tels  les  faits  physiologii|ues, 
144  ;  h)  un  phénomène  de  faible  conscience  (sub  =  un  peu)  ;  tels  certains  faits 
psychologiques,  143-144. 

SubCOUtraire  (de  Sub,  au-dess'>us  ;  contrarins,  iipposé,  de  contra,  cjulre)  : 
propositions  subcontraires,  532  ;  533. 


950  TABLE  ANALYTIQUE  :  Subjcctif  —    Subrcptice 

Subjectif  [Subjectii'us,  de  subjectum,  supin  de  subjicere  =  jacere,  mettre 
sous,  soumettre)  :  a)  Celui  qui  juge  des  choses,  sans  tenir  compte  de  leur  objec- 
tivité, d'après  ses  impressions  personnelles  ;  on  dira  c'est  un  subjectif.  — 
b)  Ce  qui  se  rapporte  au  sujet  pensant  :  vg.  la  philosophie  subjective.  —  c)  Ce 
qui  appartient  au  sujet  pensant  par  opposition  au  monde  physique  :  vg.  qua- 
lités secondes  de  la  matière,  178.  —  d)  Ce  qui  est  apparent,  illusoire  :  vg.  sen- 
sation subjective,  celle  qui  n'a  pas  de  cause  externe  ;  vg.  dans  rhallucination, 
225.  —  e)  Ce  qui  appartient  à  la  pensée  humaine  par  opposition  aux  choses 
en  soi  :  vg.  l'espace  et  le  temps,  d'après  Kant,  II,  431.  —  Caractère  des  faits 
sensibles,  34  ;  54.  —  Classifications  subjectives  des  sciences,  584-585  ;  585;587. 
—  Observation  subjective,  719.  —  Critique  subjective,  741,  3.  —  États 
subjectifs  de  l'esprit  :  doute,  opinion,  certitude,  771-772.  —  S'oppose  à  Objectif. 

Subjectivisme  (de  Subjectif)  :  doctrine  philosophique  qui  tend  à  ramener 
à  des  phénomènes  de  conscience  individuelle  les  jugements  de  valeur  ou  de 
réalité.  Elle  revêt  divers  aspects,  selon  qu'elle  s'applique  à  la  Psychologie, 
à  la  Logique,  à  la  Morale,  à  l'Esthétique  ou  à  la  Métaphysique.  Elle  prend 
aussi  différents  noms  :  Relativisme,  II,  426  ;  Idéalisme,  II,  497. 

Sublimation  [Sublimatio,  action  d'élever,  de  sublimatum,  supin  de  subli- 
mare,  élever,  de  suhlimis,  haut,  de  sub-levare,  soulever)  :  a)  Terme  employé 
par  S.  Freud  pour  signifier  la  transformation  «  de  certains  instincts  ou  senti- 
ments inférieurs  en  instincts  ou  sentiments  supérieurs  ».  —  Procédé  d'idéali- 
sation, II,  395-396  ;  402.  —  Le  procédé  de  transcendance  pour  déterminer  les 
attributs  divins  est  aussi  un  procédé  de  sublimation,  xxix-xxx  ;  II,  580. 

Sublime  (Sublimis,  haut,  élevé,  en  l'air,  de  sub-levare,  soulever)  :  sublime 
comparé  :  a.\  au  beau,  II,  389  ;  b)  au  joli,  II,  390.  —  Sublime  mathématique  et 
dynamique  (Kant),  II,  390. 

Subliminal  (de  Sub,  au-dessous  et  limen,  liminis,  seuil)  :  ce  qui  est  complè- 
tement inconnu,  ce  qui  ne  dépasse  pas  le  seuil  de  la  conscience.  Le  moi  subli- 
minal est  l'ensemble  des  états  et  actes  psychiques  qui  ne  parviennent  pas  au 
moi  conscient. 

Subordination  (du  latin  scolastique  subordinatio,  de  subordinatum,  supin  de 
sub-ordinare,  ranger  sous,  soumettre,  de  ordo,  rangée,  ordre)  :  dépendance  par 
rapport  à  ce  qui  a  un  rang  supérieur.  —  Subordination  des  passions  à  la  raison, 
120.  —  Subordination  de  la  volonté  à  la  raison,  41-42  ;  402.  —  Subordination 
des  fins  particulières  à  la  fm  dernière,  332.  —  Caractères  subordonnés,  691  ; 
095.  —  Subordination  de  la  volonté  à  la  loi  morale,  à  Dieu,  II,  44  ;  106  ; 
110-112  ;  568-569.  —  Subordination  de  l'intérêt  au  devoir,  II,  78-79  ;  92-93. 
—  Subordination  de  l'intérêt  particulier  à  l'intérêt  général,  II,  151.  —  Tout 
doit  être  subordonné  au  bien  commun  dans  la  société,  les  droits  essentiels  de 
l'individu  et  de  la  famille  étant  sauvegardés,  II,  249  ;  230-231  ;  250.  —  Subor- 
dination de  l'État  à  l'Église  dans  les  questions  mixtes,  II,  339-340.  —  Subor- 
dination du  sensible  à  l'idée,  à  l'idéal  dans  l'art,  II,  394-395.  —  Subordination 
des  facultés  sensibles  aux  facultés  spirituelles  dans  l'art,  II,  402-403.  — 
Subordinaticm  de  l'art  à  la  Morale,  II,  410-411. 

Subordonné  (de  sub,  sous  et  ordonner)  :  ce  qui  dépend  d'un  autre.  — 
En  hist(ore  naturelle,  le  caractère  subordonné  s'oppose  à  dominateur,  691-692. 

Subreptice  [Subrepticius,  clandestin,  de  sub-reptum,  supin  de  sub-repere, 
glisser  sous)  :  a)  Mouvements  de  la  sensibilité  qui  sournoisement  circonviennent 
la  volonté,  357.  —  b)  Ce  qui  se  fait  furtivement  ;  vg.  emprunts  de  Spinoza  et 
do  Herbakt  à  l'expérience,  31. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  SubsistcF  —  SubsumeF  951 

Subsister,  Subsistance  [Subsistentia,  de  sub-sistere,  s'arrêter,  demeurer, 
subsister)  :  a)  Exister  à  titre  de  substance,  par  opposition  à  l'inhérence  de 
l'accident,  296  ;  320  ;  II,  479-480.  —  b)  Persévérer  dans  la  durée,  146  ;  202-203. 

Subsomption  (du  latin  scolastique  subsumptio,  de  sub,  dessous,  et  sumptio, 
action  de  prendre,  de  sumptum,  supin  de  sumere,  prendre)  :  a)  D'une  façon 
générale,  c'est  penser  un  individu  comme  compris  dans  une  espèce,  ou  une 
espèce  comme  comprise  dans  un  genre  :  vg.  penser  à  Pierre  comme  faisant 
partie  de  l'espèce  humaine,  252.  —  b]  Chezies  Scolastiques,  subsumer  c'est, 
dans  une  argumentation,  prouver  que  la  distinction,  apportée  à  la  majeui-e  ou 
à  la  mineure  d'un  syllogisme  par  le  défendant  d'une  thèse,  est  sans  valeur. 

—  c)  Chez  Kant,  c'est  appliquer  l'une  des  catégories  de  l'entendement  aux 
ijituitions  de  la  sensibilité  par  l'intermédiaire  des  schèmes,  II,  431-432.  Voir 
Schématisme. 

Substance  {Substantia,  de  suh-stare,  se  tenir  dessous)  :  a)  D'une  façon  géne- 
rale  :  ce  qui  reste  permanent  dans  les  choses  qui  changent,  146  ;  202-203.  — 
b)  Ce  qui  existe  par  soi  et  en  soi,  par  opposition  au  mode  ou  accident  qui  existe 
dans  un  autre,    296  ;  320  ;  II,  479-480.  —  Origine  de  cette  idée,  146  :  321-322. 

—  Rôle  dans  le  jugement,  266.  —  Erreurs  sur  la  substance,  322-323.  —  Prin- 
cipe de  substance,  323.  —  Essence  et  substance,  367.  —  S'oppose  à  Accident. 

Substantialisme,  Substantialiste  (de  Substantialis,  de  substantia]  :  a)  Do(> 
trine  qui  admet  l'existence  d'une  substance  ou  de  substances,  aux  sens  a)  et  b) 
de  ce  mot.  —  b)  Hamilton  classe  les  théories  sur  le  monde  extérieur  en  : 
a)  Réalisme  ou  Substantialisme,  qui  admet  la  réalité  substantielle  du  monde 
extérieur  :  vg.  Théorie  de  l'inférence  de  Descartes,  173.  —  b)  Nihilisme  ou 
Non-substantialisme,  qui  la  rejette;  vg.  Immatérialisme  de  Berkeley,  168  ; 
II,  497. 

Substantialité  {Substantialitas,  de  substantia]  :  caractère  de  ce  qui  est  : 
a)  Une  substance  :  Kant  appelle  Paralogisme  de  la  substantialité  le  premier 
paralogisme  de  la  raison  pure  (Critique  de  la  Raison  pure  :  Dialectique  transcen- 
dantale,  L.  II,  Ch.  i).  —  b]  Substantiel.  Voir  ce  mot. 

Substantiel  [Substantialis,  de  substantia)  :  réalité  substantielle,  320  ;  II,  479. 

—  Forme  substantielle,  II,  513-514. 

Substantif  [Substantivus,  substantiel,  qui  peut  exister  par  soi-même,  de 
substantia)  :  son  rôle  dans  la  phrase,  464. 

Substitut  (de  Substitutus,  substitué,  participe  passif  de  sub-slituerc  = 
statuere,  placer  dessous)  :  a.)  Ce  qui  tient  lieu  d'autre  chose.  —  La  vue  est  le 
substitut  des  autres  sens,  186.  —  Les  mots  sont  les  substituts  des  idées,  266  ; 
450-451.  —  b)  Celui  qui  remplace  une  autre  personne  :  vg.  l'État  est  le  substitut 
de  l'activité  privée  quand  elle  est  impuissante  ou  insuffisante,  II,  250. 

Substitution  [Substitutio,  remplacement,  de  suh-slituere  =  statuere,  placer 
dessous)  :  les  sens  se  suppléent  les  uns  les  autres,  184. 

Substrat,  Substratum  [Substrat  c'est  le  mot  latin  substratum  francisé. 
Substratum  vient  de  sub,  sous,  et  de  s^ra^um,  étendu,  participe  passif  de  sternerc, 
stratum,  étendre  par  terre)  :  a)  Signifie  ce  qui,  dans  une  chose,  est  distinct  de 
ses  manières  d'être  ;  en  ce  sens  il  est  synonyme  de  substance.  —  b]  S'emploie, 
au  lieu  de  sujet  ou  de  substance,  pmir  désigner  ce  sans  (|uoi  quelque  chose  ne 
pourrait  exister  ou  se  produire  :  c'est  un  point  d'appui  ;  vg.  l'image  fst  Je 
substrat  de  l'idée,  452  ;  le  cerveau  est  le  substratum  de  la  pensée,  II,  '.41. 

Subsumer  :  voir   Subsomption. 


952  TABLE  ANALYTIQUE  :  Subtîl  —  Sujet 

Subtil,  Subtilité  [Subtilis,  contraction  de  sub-texilis,  d'un  tissu  fin,  subtil, 
de  siib-texere,  tisser  en  dessous)  :  a)  La  matière  «  subtile  »  ou  «  céleste  »  de 
Descartes  {Principes,  Part.  IV,  §  25).  • —  h)  Fin,  délié  ;  vg.  esprit  subtil,  sens 
subtil,  650.  —  c)  En  mauvaise  part,  esprit  pointu  qui  abuse  de  la  dialectique. 

Successif,  Succession  [Successivus,  Successio,  de  successum,  supin  de 
succedere  =  sub-cedere,  s'avancer,  venir  après)  :  ce  qui  implique  un  rapport  de 
succession,  c'est-à-dire  un  rapport  de  difTérents  termes  entre  lesquels  on  conçoit 
un  ordre.  —  Succession  et  causalité  :  leur  difîérence,  323  ;  326.  ■ —  La  loi  de 
causalité  est  un  rapport  de  succession  nécessaire,  647  ;  665.  —  Droit  de  recevoir 
un  héritage,  II,  197.  —  Succession  héréditaire  du  pouvoir,  II,  237-238  ;  247. 

Suffisant  (adjectif  participe  de  Suffire,  du  latin  populaire  suffecefe,  pour 
sujficere  —  sub-facere,  suffire)  :  condition  nécessaire  et  suffisante,  324  ;  327- 
328  ;  665. 

Suffixe  {Suffixus,  fixé  en  arrière,  participe  passif  de  sujf.gere  =  suh- 
figere,  sujfixum,  fixer  en  dessous,  en  arrière)  :  particule  placée  après  la  racine 
des  mots,  465. 

Suffrage  (Suffragium,  tesson  avec  lequel  votaient  les  anciens,  de  sitb,  sous, 
frangere,  briser  ;  racine  frag.  Siiffragium  dérive  probablement  d'un  substantif 
perdu,  peut-être  frages,  qui  désignait  les  fragments  de  poterie  avec  lesquels  on 
votait)  :  droit  politique  de  voter,  II,  274.  —  Espèces  de  suffrage,  II,  282.  — 
Critique  du  suffrage  universel,  II,  282.  • —  Organisation  du  suffrage  universel  : 
il  devrait  être  obligatoire,  plural,  proportionnel,  professionnel,  II,  282-284.  — 
Nature  du  suffrage  universel  admis  par  S.  Thomas,  II,  237-238. 

Suggestibilité  (de  Suggestible)  :  a]  Tendance  à  subir  facilement  des  sugges- 
tions. —  h)  État  passager,  durant  lequel  on  est  plus  facilement  suggestible, 
où  l'on  accepte  plus  facilement  les  suggestions. 

Suggestion  {Suggestio,  de  suggeslum,  supin  de  suggère  =  sub-gerere,  porter 
sous,  procurer)  :  a]  Phénomène  ou  fait  qui  en  suscite  un  autre  :  théorie  de  la 
suggestion  immédiate,  170.  —  Les  idées  se  suggèrent  rnutuellement,  212  : 
213-214.  —  Suggestion  et  imagination,  225-226.  —  b]  Évocation,  ordinai- 
rement par  la  parole,  dans  l'esprit  d'un  autre,  d'une  idée  à  laquelle  il  n'aurait 
pas  été  amené  par  la  suite  naturelle  de  sa  pensée.  • —  c)  Sens  spécial  ou  tech- 
nique :  provocation  de  certains  phénomènes  chez  les  personnes  névropathes, 
479-481.  —  P'aits  de  suggestion,  480.  —  Explication  des  suggestions  :  a)  intro- 
hypiiotiques,  481  ;  b)  posthypnotiques,  482  ;  c)  à  distance,  483.  —  Dangers  de  la 
suggestion,  484. 

Suicide  (composé,  avec  sui,  de  soi,  génitif  de  se,  soi,  et  caedere,  tuer,  à 
l'image  de  homicide)  :  crime,  II,  156-157. 

Suite  (du  latin  populaire  sequita,  substantif  participe  de  sequere,  suivre, 
fornio  populaire  pour  scqui)  :  a)  Ce  qui  succède  à  autre  chose  :  vg.  la  nuit 
succède  au  jour,  326.  • —  b)  Ensemble  de  termes  ou  d'objets  qui  se  succèdent  : 
vg.  la  suite  des  nombres  premiers  ;  une  suite  tle  faits  dans  un  récit.  —  c)  Ce  qui 
résulte  d'autre  chose  comme  conséquence  ou  effet  :  vg.  U\  conclusion  d'un 
raisonnement  est  la  suite  logique  des  prémisses,  535-536. 

Sujet  iSuhjcctum,  ce  qui  est  mis  dessous,  participe  passif  pris  substan- 
livciiicnt  de  subficere  —  sub-facere,  mettre  sous)  :  a)  En  Logique  :  l'être  auquel 
est^ttribué  le  prédicat,  —  et,  par  suite,  l'être  réel  en  tant  qu'il  a  des  qualités 
ou  exerce  une  action.  —  Sujet  et  attribut,  266.  —  Extension  du  sujet,  534. 

En  Psychologie  :  le  mf>i,  sujet  des  ph.énomènes,  146.  C'est  depuis  Kant  que 


TABLE  ANALYTiQT  E  :  SuUy  (Jamcs)  —  Supra-normal  953 

sujet  s'emploie  pour  signifier  le  moi  un  et  identique,  en  tant  qu'on  l'oppose 
soit  à  la  multiplicité  et  à  la  variété  des  phénomènes  psychologiques,  soit  9 
l'objet  de  la  pensée.  —  c]  En  Sociologie  :  choix  du  sujet  du  pouvoir,  II,  224-22G. 
—  Celui  qui  est  soumis  à  une  autorité  souveraine  :  les  su.jets  de  l'État,  II,  231  ; 

274.  —  S'oppose  à  Objet. 

Sully  (James)  :  théorie  de  l'association,  213,  5  ;  220,  1. 

Supérieur  [Superior,  comparatif  de  super  et  superus,  qui  est  en  haut)  : 
qui  est  au-dessus  :  de  quelque  chose  dans  l'espace,  de  quelque  chose  ou  de 
quelqu'un  par  quelque  qualité,  des  autres  dans  une  hiérarchie.  —  Fonctions 
supérieures  de  l'intelligence,  134  ;  135-136.  —  On  ne  peut  faire  sortir  le  supé- 
rieur de  l'inférieur,  107-108.  ■ —  Le  matérialisme  est  une  explication  du  supérieur 
par  l'inférieur,  717.  —  Les  classes  supérieures  dc-ivent  travailler  au  bien  des 
inférieures,  11,^239.  —  Faciliter  l'ascension  du  peuple  aux  classes  supérieures, 
II,  240.  —  U Évolutionnisme  est  une  explication  du  supérieur  par  l'inférieur, 
II,  633.  —  S'oppose  à  Inférieur. 

Superficiel  (Superficialis,  de  superficies,  le  dessus,  superficie,  de  super, 
au-dessus,  jacics,  forme,  aspect)  :  ce  qui  n'est  qu'à  la  superficie,  ce  qui  manque 
de  pri'fondeur  :  vg.  esprit  superficiel. 

Supernaturel,  Supranaturel  :  voir  Surnaturel. 

Superstition  (Superstitio,  terreur  religieuse,  superstition,  de  super-sistere, 
superstiti,  placer  au-dessus,  de  stare,  se  tenir  debout)  :  a)  Conviction  de  celui 
qui  croit  que  certaines  choses  (paroles,  nombi'es,  perceptions,  actes)  portent 
bonheur  ou  malheur,  220-221.  —  b)  Croyance  religieuse  qui  porte  à  faux  et 
dénote  une  faiblesse  d'esprit. 

Support  (substantif  verbal  de  Supporter,  de  supportare  =  sub-portare, 
transporter)  :  ce  qui  est  subjacent  aux  modes  ou  accidents  qui  ne  peuvent 
subsister  par  eux-mêmes  ;  vg.  la  substance  est  le  support  des  modes,  320-321. 

Supposition  {Supposilio,  de  suppositum,  supin  de  supponere  =  sub-ponere, 
placer  dessous,  supposer)  :  a)  S'emploie  à  la  place  de  hijpotluse.  Voir  ce  mot. 
—  b)  Les  Scolastiques  donnent  un  sens  particulier  à  Supposition.  Comme  les 
mots  ne  sont  que  des  signes  tenant  la  place  des  choses  (Signa  sunt  reruni  suppo- 
sitiva),  ils  entendent  par  Supposition,  en  général,  l'usage  d'un  terme  à  la  place 
d'une  chose  :  Suppositio  est  usus  termini  pm  re  aliqua.  Elle  comporte  un  grand 
nombre  d'espèces.  Cf.  Palmieri,  Institutiones  Philosophicae,  T.  I,  Logica  Dia- 
lecticG,  CM.  11,  Art.  111,  p.  32-39. 

Suppôt  [Suppositum,  ce  qui  est  placé  dessous,  participe  passif,  pris  substan- 
tivement, de  supponere  =  sub-ponere,  suppositum,  placer  dessous)  :  a)  Ce  qui 
sert  de  support  aux  propriétés.  —  b)  Le  suppôt,  pour  les  Scolastiques,  est 
un  être  tout  entier  en  soi,  367.  Ils  appelaient  la  personne  :  Suppositum  rationale. 
Mais  Suppositum  tout  seul  a  fini  par  signifier  personne  :  «  ...  L'âme  et  le  corps 
composent  un  même  suppôt  ou  ce  que  l'on  appelle  une  personne.  »  (Leibniz, 
Théodicée,  Part.  1,  §  59),  367.  —  c)  Actiones  sunt  suppositorum.  Cet  axiome 
scolastique  signifie  que,  dans  le  composé  humain,  les  actions  sont  attribuées 
non  aux  parties  composantes,  mais  au  moi,  à  la  personne  (=  suppositum)  ; 
vg.  on  dit  :  je  pense,  je  mange,  bien  que  la  première  action  ait  une  relation 
spéciale  avec  l'âme,  et  la  seconde,  avec  le  corps,  150. 

Supra-normal  de  Supra,  au-dessus  ;  normalis,  de  norma,  équerre,  règle)  : 
ce  cjui  est  au-dessus  de  la  règle  commune.  —  Connaissance  supra-normale  : 
«  connaissance  qui  se  constitue  autrement  que  par  l'activité  d'une  intelligence 


954  TABLE  ANALYTIQUE  :  Suprêmc  —  Surnaturel. 

travaillant  sur  les  apports  directs  ou  indirects  des  sens  connus.  »  (D''  Eugène 
OsTY,  La  Connaissance  supra-normale.  Étude  expérimentale,  p.  18.  Paris,  1923). 
C'est  une  branche  de  la  Métapsychique. 

Suprême  (Supremus,  le  plus  haut,  superlatif  de  superus,  qui  est  en  haut, 
de  super,  par-dessus)  :  la  fin  suprême  est  la  fin  absolument  dernière  ;  elle  est 
pour  l'homme  le  bonheur  parfait,  332  ;  402-403.  —  Cette  fin  suprême  c'est,  en 
réalité.  Dieu,  344.  —  Motif  suprême  de  l'activité  humaine,  II,  46.  —  Culte  de 
l'Être  suprême,  II,  348-349.  —  Dieu  est  le  suprême  :  intelligible,  législateur, 
désirable,  II,  574. 

Surcroît  (substantif  verbal  de  Surcroitre,  de  sur,  en  plus,  et  croître,  de 
crescere)  :  le  plaisir  est  un  surcroît  de  l'acte,  61  ;  II,  91. 

Surdité  {Surditas,  de  surdus,  sourd)  :  voir  Sourd. 

Surérogation,  Surérogatoire  (Supererogatio,  supererogatorius  [latin  scolas- 
tique]  de  supererogatum,  supin  de  super-e-rogare,  donner  en  plus)  :  ce  qui 
dépasse  ce  à  quoi  l'on  est  rigoureusement  obligé,  II,  112. 

Sûreté  (Securitatem,  de  securus,  sans  inquiétude,  de  se,  archaïque  6^erf, 
particule  marquant  le  manque,  sans,  et  cura,  souci)  :  sûreté  dans  le  jugement 
ou  bon  sens,  286-287.  —  L'État  doit  garantir  la  sûreté  des  citoyens,  II,  248  ; 
265. 

Surface  (de  Sur,  au-dessus,  et  face,  de  faciès,  forme,  aspect,  à  l'imitation 
de  superficies  =  super-facies)  :  les  surfaces  sont  une  perception  naturelle  de  la 
vue,  179.  —  Surfaces,  objet  de  la  Géométrie  plane,  625-626. 

Surhomme  (de  Sur,  au-dessus,  et  homme.  Néologisme  créé  pour  traduire 
l'expression  allemande  correspondante  chez  Nietzsche  :  Uebermensch)  :  celui 
qui  se  met  au-dessus  «  du  bien  et  du  mal  »  et  ramène  tout  à  la  force  et  au  succè-. 
Cette  déification  de  l'individu  a  été  imaginée  par  Nietzsche. 

Surmenage  (de  Surmener,  de  sur,  en  plus,  et  mener,  du  verbe  archaïque, 
minare,  pousser  devant  soi)  :  surmenage  de  l'activité,  cause  de  douleur,  62-63  ; 
64  :  65. 

Surnaturel  (de  Sur  —  en  plus,  au-dessus,  de  super,  et  naturel,  de  naturalis, 
de  natura,  de  nasci,  natus  sum,  naître)  :  dans  le  langage  théologique  on  définit 
le  surnaturel  en  général  :  ce  qui  dépasse  et  les  forces  et  les  exigences  de  la  nature. 
Puis  on  distingue  :  1")  Le  surnaturel  strict  ou  absolu  :  c'est  celui  qui  dépasse 
les  forces  et  les  exigences  de  toute  nature,  créée  ou  possible.  Exemples  :  aucun 
être  n'est  capable  par  ses  propres  forces  de  connaître  la  vie  intime  de  Dieu, 
c'est-à-dire  l'unité  de  nature  et  la  trinité  des  personnes  ;  il  faut  que  Dieu 
hii-même  la  manifeste  par  une  révélation.  Dieu  ainsi  connu  est  l'objet  propre 
de  la  Théologie  strictement  dite,  tandis  que  l'objet  propre  de  la  Théodicée  ou 
Théologie  rationnelle,  c'est  Dieu  connu  par  les  seules  lumières  de  la  raison, 
II,  554.  De  même,  l'homme  peut  parvenir  par  sa  raison  à  une  connaissance 
discursive  de  Dieu  (II,  456)  ;  mais  nul  être  ne  peut  parvenir  par  ses  propres 
forces  à  la  vision  intuitive,  à  voir  Dieu  face  à  face  :  cette  vision  est  un  don 
strictement  surnaturel.  —  2'')  Le  prêter  naturel  ou  surnaturel  relatif  :  c'est  celui 
qui  dépasse  les  forces  et  les  exigences  de  telle  nature  créée,  mais  non  de  toute 
nature  créée.  Exemples  :  parler  hébreu  est  naturel  à  certains  hommes  qui  ont 
appris  cette  langue,  mais  le  parler  sans  l'avoir  appris  serait  préternaturel. 
Flotter  sur  l'eau  est  naturel  au  liège  ;  mais  qu'une  pierre  surnage,  c'est  pré- 
ternaturel, miraculeux.  La  raison  en  est  que  telle  chose  peut  être  surnaturelle 


TABLE  ANALYTIQUE  :  SuFvie  —  Symbole  955 

relativement  à  telle  nature  individuelle  et  être  naturelle  à  telle  autre,  c'est-à-dire 
proportionnée  à  ses  forces,  II,  641.  Cf.  J.-V.  Bainvel,  Nature  et  Surnaturel, 
Ch.  Il,  p.  42  sqq.,  Paris,  1903.  ~  Surnaturel  s'oppose  plus  ou  moins,  c'est-à-dire 
absolument  ou  relativement,  à  Naturel. 

Survie  (de  Sur,  pardessus,  de  super,  et  vie,  de  vita)  :  s'emploie  quelquefois 
pour  signifier  que  l'âme  survit  au  corps. 

Survivance  (de  Survivre,  de  sur,  par-dessus,  de  super,  et  vivre,  de  vivere"^ 
a)  Survivance  de  l'âme,  II,  549.  —  b)  On  nomme  survivance,  en  Histoire  natu- 
relle, la  réapparition  d'un  caractère  ancestral  qui  avait  disparu  dans  les  espèces 
ou  dans  les  générations  intermédiaires,  115.  Voir  Atavisme.  —  c)  Ce  mot  signifie 
encore  la  persistance  à  l'état  rudimentaire  d'un  organe  atrophié,  702-703, 
ou  survivance  des  plus  aptes  à  la  lutte,  II,  614.  —  d)  Survivance  des  idées  à 
l'état  latent  ou  de  sourde  conscience,  199. 

Suspension  (Suspensio,  action  d'être  suspendu,  action  de  suspendre,  de 
suspensum,  supin  de  suspendere  =  suh-pendere,  attacher  en  haut,  suspendre)  : 
a]  Acte  ou  état  d'esprit  du  philosophe  pyrrhonien,  qui  consiste  à  s'abstenir  de 
juger  :  c'est  l'eTO/vi,  II,  421.  —  b)  Dans  le  doute,  on  doit  surseoir  à  tout  juffe- 
ment,  773. 

Syllabique  [Syllabicus,  7-jXXa|iity.o,-,  qui  concerne  les  syllabes,  de  syllaba. 
^uÀÀafiÀ,  assemblage  de  lettres  formant  un  son,  de  '7uXXaa'iiâvr,.«=-7uvXa|jifiâvw, 
prendre  ensemble,  rassembler)  :  écriture  syllabique,  439. 

Syllogisme  (Syllogismus,  r:\j\\fj-(\<iijyjz,  calcul,  raisonnement,  de  «ruÀXo- 
yi'^oy.at,  assembler  par  la  pensée,  d'où  calculer,  raisonner,  de  cûXXoyo;,  rassem- 
blement, de  riuÀXiYw  =  r7uv-X£Yw.  unir  avec,  rassembler)  :  argument  composé 
de  prémisses  telles  que  la  conclusion  en  découle  néce.ssairement.  • —  Structure 
et  éléments  du  syllogisme,  535.  —  Figures  et  modes,  536.  —  Nombre  des 
figures  (Aristote  et  Lachelier),  537.  —  Modes  concluants  et  utiles,  539. 

—  Modes  concluants,  mais  inutiles  546.  —  Réduction  des  modes,  539.  — 
Réduction  à  l'absurde,  540-541.  —  Règle  et  lois  générales  du  syllogisme,  541. 
Règles  particulières  à  chaque  figure,  544.  —  Syllogismes  irréguliers,  547.  — 
Syllogismes  composés,  549.  —  Principes  fondamentaux  du  syllogisme  :  a)  de 
la  quantité,  551  ;  b)  de  la  qualité,  553  ;  c)  de  la  causalité  ou  syllogisme  inductif, 
683.  —  Points  de  vue  compréhensif  et  extensif,  556.  — ■  Représentations  gra- 
phiques des  syllogismes,  557.  —  Syllogisme  démonstratif  ou  du  nécessaire,  561. 

—  Objections  contre  le  syllogisme,  564-665.  —  Comparaison  avec  la  démons- 
tration mathématique,  636.  —  Avantages  et  abus  de  la  méthode  syllogistique, 
841-843. 

Syllogistique  [Syllogisticus,  'ruXXoytcTc/.ôç;  qui  concerne  le  raisonnement, 
de  Tu/XoYiCoi:/'/^  rassembler  par  la  pensée)  :  a)  Méthode  syllogistique  :  a)  Avan- 
tages, 841-843  ;  b)  Inconvénients,  843.  —  b)  La  Logistique  est  l'art  de  réduire 
le  raisonnement  au  calcul,  au  moyen  de  symboles  empruntés  à  l'Algèbre,  566< 

Symbiose  (— vyfiîwr:'.-:,  vie  en  commun,  de  t\j[j.J^\.'jm.  vivre  ensemble)  : 
a)  Eu  Biologie  :  rapport  de  deux  êtres  qui  concourent  à  l'entretien  d'une  même 
vie  organique  :  vg.  dans  une  colonie  animale.  S'oppose  à  Parasitisme.  —  b)  Par 
analogie,  en  Sociologie,  participation  à  une  vie  commune. 

Symbole  [Symbolum,  (jûafsoXov.  marque,  signe  de  reconnaissance,  de 
ffupliccXXoj^Tuv.paXXw,  jeter,  mettre  ensemble)  :  ce  qui  représente  autre  chose 
en  vertu  d'une  correspondance  analogique,  87  ;  213  ;  227  ;  435. 


956  TABLE  ANALYTIQUE  :  SymboHque  —  Syncrétisme 

Symbolique  (de  Symbolicus,  ïua'BoÀixo;,  qui  explique  à  l'aide  d'un  sif^ne 
de  <7ua'ioÀ-/i.  rapprochement)  :  a)  Ce  qui  emploie  des  symboles.  —  Écriture 
symbolique,  438.  —  La  Logistique,  566.  —  b)  Ce  qui  constitue  un  symbole  • 
vg.  la  balance  est  symbolique  de  la  justice,  435. 

Symbolique  (La)  (  de  Symbole)  :  a)  C'est  la  théorie  des  symboles.  —  b)  La 
Symbolique,  au  sens  de  Leibniz,  c'est  la  Caractéristique  universelle  ou  ce  que 
l'on  appelle  aujourd'hui  la  Logistique  ou  Algèbre  de  la  Logique,  566. 

Symbolisme  (de  Symbole)  :  a)  Système  de  symboles  ;  vg.  le  symboH-ime 
algébrique.  —  b\  Méthode  qui  consiste  à  interpréter  les  croyances  mytholo- 
giques des  anciens  en  leur  attribuant  une  valeur  allégorique.  Elle  fut  employée 
par  les  Néo-Platoniciens  pour  pallier  l'absurdité  ou  l'ignominie  de  certaines 
croyances  païennes.  —  c)  Symbolisme  dans  la  littérature  et  dans  l'art,  435  ;  217. 

Symétrie  (pour  Symmétrie,  de  symmetria,  (TJaasTpia,  réduction  à  une  c^n\- 
mune  mesure,  symétrie,  de  «t-jv.  avec,  aÉTpov.  mesure)  :  a)  Au  sens  large,  par 
analogie  à  la  symétrie  proprement  dite  des  figures  géométriques  :  toute  dispo- 
sition dans  laquelle  il  y  a  des  éléments  qui  se  répondent.  —  b)  Juste  proporiion, 
correspondance  régulière  qu'ont  entre  elles  les  parties  d'un  tout  ;  vg.  uiî 
bâtiment  central  flanqué  de  deux  ailes  bien  proportionnées,  II,  383.' 

Sympathie,  Sympathique  {Sympathia,  Tutxiràôeta,  participation  à  la  souf- 
france, compassion,  puis,  en  général,  communauté  de  sentiments,  de  cu.oiTraOv-;. 
qui  éprouve  de  la  sympathie,  de  ctjv,  avec  TrâOo-r.  ce  que  l'on  éprouve)  :  phéno- 
mène en  vertu  duquel  un  être  reproduit  les  modifications  subies  par  un  autre 
être.  —  Point  de  vue  :  a)  physiologique  :  le  bâillement  et  le  rire  sont  des  cas  de 
sympathie  physiologique  ;  —  b)  psychologique  :  degrés  de  la  sympathie,  86-88. 
—  Ses  causes,  88  ;  —  c)  moral  :' théorie  d'ADAM-SMiTH,  II,  82." 

Symptôme  (^Ja-Tw^a,  coïncidence,  de  tuu-tÂ-tzzo),  tomber  sur,  se  ren- 
contrer, coïncider)  :  par  analogie  avec  le  sens  médical  :  ce  qui  dans  un  individu 
ou  dans  une  société  est  l'indice  d'un  changement  ou  d'un  état  caché. 

Synallagmatique  (de  ^^JvaXÀayaa,  échange  de  relations,  pacte,  de  ^jvaXXâcrTc.., 
mettre  en  relation,  de  tuv,  avec,  aÀXaaTw,  changer,  échanger,  de  iX/.o;,  autre)  : 
le  contrat  synallagmatique  est  un  contrat  bilatéral  qui  oblige  réciproquement 
les  deux  parties  contractantes;  vg.  les  Concordats,  II,  341. 

Syncatégorématique  (du  latin  scolastique  Syncategorematicus,  de  crôv.  avec, 
xaTr,Yosr,y.a.  accusathm,  qualité  attribuée  à  un  objet,  de  xarTiyopito,  accu-^er' 
énoncer,  de  xaxâ  et  àyopï-jw.  parler  en  public,  de  àyocâ,  assemblée,  de  ->'£•:(.)'. 
réunir)  :  l'infini  en  puissance  ou  indéfini  est  appelé  syncatégorématique,  parce 
qu'il  ne  contient  pas  actuellement  toutes  ses  parties,'mais  peut  être  augmenté 
indéfiniment,  par  opposition  à  l'infini  en  acte  qui  est  dit  catégorématique.  — 
Un  terme  syncatégorématique  est  celui  qui,  pour  avoir  une  signification  di>it 
être  adjoint  à  d'autres  termes  ;  vg,  ce  qui,  aussi,  520.  —  S'oppose  à  Catoio- 
rématiqnc.  '^ 

Synchronisme  ÇL'rr/yy^'-'^iJ-o^,  de  crûv/povo:,  contemporain,  de  <7uv,  avec 
et  zpôvoç,  temps)  :  rapprochement  fondé  sur  un  rapport  de  contiguïté  dans 
le  temps,  216.  ■ 

Syncrétisme  (lu7xpr,Ttc7uo-:,  littéralement  réunion  à  la  manière  des-  Cretois, 
dont  toutes  les  villes  se  liguaient  contre  l'ennemi  commun,  de  tÛv,  avci  .' 
xprjTilw,  agir  en  Cretois)  :  se  dit,  par  analogie  :  a)  De  toute  tentative  pour  réunir 


/ 
TABLE  analytique:  Syndérèsc  —  SyngénèsB  957 

vaille  que  vaille  en  une  seule  plusieurs  doctrines  différentes.  —  b)  Du  rappro- 
chement plus  ou  moins  forcé  de  ces  doctrines.  Philon  d'Alexandrie,  par 
exemple,  a  tenté  d'amalgamer  la  philosophie, grecque  et  les  doctrines  orien- 
tales. Le  Syncrétisme  est  la  tendance  do  l'École  d'Alexandrie.  —  Dans  le 
Syncrétisme,  il  y  a  simple  mélange  et  juxtaposition  de  doctrines;  tandis  que, 
dans  V Éclectisme,  il  y  a  eiïort  de  fusion  et  de  conciliation.  —  c)  Syncrétisme 
s'emploie  encore  pour  signifier  :  Vue  d'ensemble  confuse  d'un  tout  complexe. 

Syndérèse  (de  — -'vrr'pr.cti;,  conservation,  observation,  de  Tuvr-rjoinj, 
conserver,  observer  ;  le  changement  de  t  en  o  proviendrait  de  la  façon  de 
prononcer  le  grec  au  Moyen  Age.  D'après  Ueberweg,  ce  mot  proviendrait 
d'une  faute  de  copiste  dans  un  texte  de  S.  Jérôme,  où  il  faudrait  lire  Tuvsior.T'.;. 
Ceux  qui  écrivent  syntérèse,  prétendent  qu'il  faut  lire,  dans  le  même  texte 
«7unqpYi(7t;)  :  «)  Ce  mot  signifie  dans  la  langue  scolastique  :  1°)  la  connais- 
sance habituelle  des  principes  constitutifs  de  la  loi  morale  ;  2°)  la  conscience 
morale.  —  b)  Dans  un  sens  plus  restreint,  il  signifie  remords.  Cf.  Bossuet, 
De  la  connaissance  de  Dieu...,  Ch.  i,  §  vu. 

Syndicalisme  (de  Syndical,  de  syndic,  de  syndicus,  Tuvor/.oç,  qui  assiste 
quelqu'un  en  justice,  défenseur,  de  aOv,  avec,  o''xvi.  justice)  :  forme  de  Socia- 
lisme, II,  202. 

Syndicat  (de  Syndic,  de  syndicus,  Tuv'îty.o;,  qni  assiste  quelqu'un  en  jtistice, 
défenseur,  de  -^Jv,  avec,  oix-/],  justice)  :  ce  mot  a  pris,  de  nos  jours,  le  sens 
spécial  de  réunion  de  personnes,  vg.  patrons,  ouvriers,  commerçants,  chargées 
de  soutenir  les  intérêts  communs  d'une  corporation.  C'est  l'une  des  formes 
nouvelles  du  droit  d'association,  II,  285-286. 

Syndrome  (iwopoaTi,  concours,  de  cruvopoixîTv,  infinitif  aoriste  2  de  'îvv- 
cè'xîtv.   courir  avec)  :  ensemble  particulier  et  habituel  de  symptômes  morbides. 

Synéchisme  (de  l'anglais  Synechism)  :  mot  par  lequel  C.  S.  Peirce  désigne 
sa  doctrine  épistémologique,  qui  accorde  une  importance  capitale  à  l'idée  de 
continuité  en  philosophie.  Cf.  The  Law  of  Mind,  dans  The  Monist,  T.  11, 
1891-1892,  p.  533-559. 

Synergie,  Synergique  (HuvcSYi'a,  coopération,  de  auvsçyô;.  qui  prête  son 
concoui's,  fait  le  même  travail,  de  t^-^,  avec,  scyov,  travail)  :  c'est  le  concours 
de  plusieurs  activités  pour  remplir  une  même  fonction  ;  vg.  les  diverses  fonctions 
vitales  dans  un  même  organisme  ;  l'industrie,  le  commerce,  l'activité  scienti- 
fique dans  une  même  société. 

Synesthésie  (— uvaiVJrj^n,  de  Tuv-ataOavou.'/.'.,  sentir  en  même  temps)  : 
a)  Il  y  a  synesthésie  quand  l'impression  faite  sur  un  organe  sensoriel  déterniint- 
une  sensation  et  dans  cet  organe  et  dans  un  autre.  Dans  l'audition  «(durée, 
cas  pathologique  de  la  perception  sensible,  des  chilTres  entendus  évoqueront, 
par  exemple,  l'image  visuelle  de  tel  personnage.  —  b)  Association  de  natures 
différentes  qui  semblent  le  symbole  l'une  de  l'autre. 

Syngénèse,  Syngénésie  (de  ---v.  avec,  -'îvo-:.  naissance,  y^^-'^'î'  origine  ; 
de  T\j'r'^iyjrjiJ.yi'..  (TUYYïv/^Toy-a'..  naître.  Racine  V'^-  engendrer,  naître)  :  système 
qui  suppose  que  les  premiers  individus  de  chaque  espèce  contiennent  en  germe 
tous  leurs  descendants.  Malebranche  soutient  cette  hypothèse  mal  fondée. 
Cf.  Entretiens  sur  la  Métaphysique  et  sur  la  Religion,  X*",  §  3-5. 


958  TABLE  ANALYTIQUE  :  Synonyme  —  Systématique  (La) 

Synonyme  {Synonymus,  (Tuvwvuv-oç,  de  même  nom,  de  oùv,  avec,  ovoua, 
pour  o-Tvo-ua.  de  o  prosthétique  et  Yt-yvoj-ffxoj.  apprendre  à  connaître)  :  se 
dit  d'un  mot  ayant  avec  un  autre  une  analogie  générale  de  sens,  mais  une 
nuance  différente  d'acception,  45^. 

Synopsie  (formé  d'après  — uvo|/t:.  vue  d'ensemble,  de  i7-'vo']rfot/at,  futur  de 
suv-oçâoj,  voir  ensemble)  :  il  y  a  synopsie  quand  l'audition  d'un  son  détermine 
une  sensation  colorée  ;  vg.  chaque  voyelle  suggère  l'idée  d'une  couleur  déter- 
minée. Ce  mot  est  synonyme  d'audition  colorée. 

Syntactique  (La)  (de  -uv-axxtxôç,  qui  met  en  ordre,  de  cJv-raTdw,  ranger 
ensemble)  :  c'est  «  la  science  des  combinaisons  et  de  l'ordre  »  (Cournot,  Traité 
de  V enchaînement  des  idées  fondamentales  dans  la  science  et  dans  l'histoire,  L.  II, 
Ch.  II,  §  11). 

Syntaxe  [Syntaxis,  «juvraçcç,  mise  en  ordre,  disposition,  de  (îuv-Taaaw. 
ranger  ensemble)  :  partie  de  la  grammaire  qui  traite  de  l'arrangement  des  mots 
et  de  la  construction  des  phrases,  450  ;  464-465. 

Synthèse  [Synthesis.  TÛvOcatç,  action  de  mettre  ensemble,  de  (tuv-tiOtiU.'., 
rassembler)  :  a)  Sens  général  :  action  de  réunir  divers  éléments  jusque-là  donnés 
séparément.  —  b)  Marche  de  l'esprit  allant  des  notions  simples  aux  composées, 
ou  de  propositions  certaines  à  d'autres  qui  en  résultent  nécessairement.  — 
c)  Vue  générale  qui  résulte  de  la  comparaison  d'un  ensemble  de  détails  :  vg.  syn- 
thèse historique  :  «  Pour  un  jour  de  synthèse,  il  faut  des  années  d'analyse.  » 
(Fustel  de  Coulanoes,  Histoire  des  Institutions  politiques  de  V Ancienhe 
France,  T.  I,  Introduction,  p.  xiii,  Paris,  1891).  —  d)  Acte  de  l'esprit  qui 
forme  un  tout  de  diverses  représentations,  sentiments  ou  tendances.  La  synthèse 
mentale,  qui  coordonne  des  faits  nouveaux,  est  une  opération  distincte  de 
l'association  des  idées  qui  reproduit  des  groupes  de  phénomènes  formés  autre- 
fois. —  Définitions,  609-610.  —  Synthèse  rationnelle,  610  .  —  Synthèse  expé- 
rimentale, 613-614.  —  C'est  une  progression,  614.  —  Règles,  615.  —  Emploi  : 
procédé  propre  à  l'enseignement,  616-617.  —  Comparaison  avec  la  déduction, 
622.  —  La  science  tend  à  la  synthèse,  597  ;  623-624.  —  Grandes  synthèses 
scientifiques,  655.  —  Synthèse  métaphysique  de  l'histoire,  748.  —  Synthèse 
des  inclinations  supérieures,  97-98.  —  Synthèse  des  notions  et  vérités  pre- 
mières, 343.  —  S'oppose  à   Analyse. 

Synthétique  (^uvOstixôç,  qui  concerne  l'arrangement,  de  (tvvOsto;,  com- 
posé, formé  de  parties  réunies,  de  o-uvTcOr,|xt,  rassembler)  :  ce  qui  constitue 
une  synthèse  aux  sons  divers  de  ce  mot  ou  ce  qui  résulte  d'une  synthèse.  — 
Jugement  synthétique  :  a]  a  posteriori,  273  ;  b)  a  priori,  274.  —  Langue  synthé- 
tique, 455  ;  461.  —  Esprit  synthétique,  617.  —  S'oppose  à  Analytique. 

Systématique  {Systematicus,  au'jrr^iJ.'x-v/.rjç.  qvù  forme  un  tout,  repose  sur 
un  ensemble  de  principes,  de  (jvcrTr,;xa,  ensemble)  :  ce  mot  se  prend  :  a)  En  bonne 
part  :  vg.  un  esprit  systématique,  c'est  un  esprit  capable  de  réaliser  une  puis- 
sante synthèse.  — ■  b)  En  mauvaise  part  :  vg.  un  esprit  systématique,  c'est  un 
esprit  étroit  et  entêté  qui  ramène  tout,  de  force,  à  une  idée  dominante  pré- 
conçue, 258.  —  h'opposition  systématique  aux  actes  d'un  gouvernement  est 
l'attitude  immorale  de  ceux  qui  en  critiquent  tous  les  actes,  qu'ils  soient  bons 
ou  mauvais.  C'est  une  opposition  de  parti  pris. 

Systématique  (La):  c'est,  dans  une  science,  la  partie  qui  fait  la  classification 
des  objets  étudiés  ;  vg.  en  zoologie,  en  botanique. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Système  —  Talent  959 

Système  [Systema,  ffucTr,,;/'/,  réunion  en  un  corps  de  plusieurs  objets, 
ensemble,  ensemble  de  doctrines,  de  (uv-iar/iv-t,  placer  ensemble,  rassembler, 
de  C7JV,  avec  et  de  la  racine  cjTor,  se  tenir  debout  ;  d'où  avec  redoublement 
aiTTYii'/'.,  iG-Tyi|^.t)  :  a)  Le  mot  système  implique  l'idée  de  coordination  de  ma- 
tières scientifiques,  philosophiques,  etc.  Différence  entre  système  et  théorie,  655. 
—  b)  Un  système  philosophique  est  une  synthèse  d'idées  se  rapportant  à  un 
même  objet  ;  vg.  système  du  doute  méthodique  de  Descartes.  —  c)  Esprit 
de  système  :  se  prend  ordinairement  dans  un  sens  défavorable  pour  indiquer 
l'étroitesse  et  l'entêtement.  C'est  un  obstacle  à  l'usage  impartial  des  facultés 
intellectuelles;  vg.  dans  l'observation  scientifique,  651,  2.  —  d)  Système 
s'emploie  encore  pour  signifier  un  ensemble  d'éléments  qui  forment  par  leur 
dépendance  mutuelle  un  tout  organisé  ;  vg.  le  système  planétaire. 


Table  [Tabula,  planche,  tablette,  tableau,  table)  :  table  rase  (Aristote, 
Locke),  302,  1.  —  Tables  de  Bacon,  666.  —  Table  des  notions  premières, 
296-297. 

Tabou  (du  polynésien  Tabu)  :  ce  mot,  en  polynésien,  signifie  ce  que  les  pro- 
fanes ne  peuvent  toucher  sans  commettre  un  sacrilège.  Cette  interdiction  n'est 
pas  motivée,  et  la  sanction  qui  atteint  les  violateurs  n'est  pas  une  pénalité 
légale,  mais  une  calamité  envoyée  par  les  puissances  supérieures,  les  dieux, 
vg.  mort,  cécité. 

Tacite  [Tacitus,  silencieux,  de  tacitum,  supin  de  tacere,  se  taire)  :  le  consen- 
tement tacite  est  coupable,  quand  un  supérieur,  vg.  les  parents,  gardent  le 
silence,  alors  qu'ils  devraient  blâmer  une  faute.  Ici  s'applique  le  proverbe  : 
Qui  ne  dit  rien  consent.  De  même,  quand  on  autorise  par  respect  humain  le 
mal  qu'on  pourrait  empêcher,  II,  116.  —  Consentement  tacite  ou  implicite  à 
une  forme  de  gouvernement,  II,  226.  —  Reconnaissance  tacite  d'un  pouvoir 
usurpé,  II,  231-232.  —  S'oppose  à  Exprès,  à  Explicite. 

Tact  (Tactus,  action  de  toucher,  le  toucher,  de  tactum,  supin  de  tangare. 
toucher)  :  a]  Synonyme  de  toucher.  —  Objet  et  organe  du  tact,  157  ;  178-179  ; 
182.  —  Rôle  du  tact,  186  ;  192  19:^.  —  h)  Au  figuré  :  intuition  délicate  et  sûre 
de  ce  qu'il  convient  de  dire  ou  de  faire.  —  Le  tact  du  vrai,  617. 

Tactile  (Tactilis,  tangible,  palpable',  de  tactus,  toinehcr)  :  ce  qui  est  relatif 
au  tact.  —  Sensation  tactile,  74  ;  186  ;  192-193.  —  Étendue  tactile,  191.  — 
Langage  tactile,  438  ;  452,  1. 

Taine  (Hippolyte)  :  objection  contre  la  distinction  entre  la  Physiologie 
et  la  Psychologie,  29.  —  L'inconscient,  142.  —  Théorie  de  l'hallucination  vraie, 
171,  4.  —  Mécanisme  de  la  localisation  des  sensations,  190,  1.  —  Cas  extraordi- 
naire de  reviviscence  d'états  de  conscience,  197,  2.  —  Nominalisme,  254.  — 
Déterminisme  physique  et  physiologique,  391,  4.  —  Abus  des  grands  mots 
pendant  la  Révolution,  454-455.  —  Construction  des  figures  matliématiques, 
630, 1.  —  Caractère  des  postulats  mathématiques,  634,  6.  —  .Méthode  d'accord  : 
exemple,  668,  2.  —  Reproche  aux  Ctmstituants  leui;  esprit  de  chimère,  748,  1. 
— ■  Théorie  du  milieu,  du  moment  et  de  la  race,  749,  2.  —  La  Déclaration  des 
droits  de  l'homme,  II,  300. 

Talent  [Talenium,  TocXavTov.  plateau  de  balance,  poids,  somme  d'argent, 
d'où  valeur  naturelle  ou  acquise  dans  un  genre  quelconque)  :  esprit,  talent 
et  génie.  II,  405. 


960  TABLE  ANALYTIQUE  :  Tangible  —  Téméraire 

Tangible  (Taiigibilis,  de  tangere,  toucher)  :  a)  Ce  qui  peut  être  touché  .  — 
b)  Au  figuré,  ce  qui  est  facile  à  constater,  à  comprendre  :  vg.  vérité  tangible. 

Tautologie  {Tautologia,  TauToXoyix,  de  TaCiToÀôyoç,  qui  redit  -la  même 
chose,  de  TaOro,  le  même,  Xiyw.  dire)  :  a)  Proposition  identique,  dont  le  sujet 
et  le  prédicat  expriment  un  seul  et  même  concept.  —  Définition  tautologique, 
525,  3.  —  Jugement  analytique  et  jugement  tautologic|ue,  564,  1.  —  Le  sjilo- 
gisme  est-il  une  tautologie  ?  564.  —  b)  Variante  de  la  Pétition  de  principe  : 
sophisme  qui  prétend  démontrer  une  thèse  en  la  reproduisant  sous  d'autres 
mots,  801. 

Taxinomie,  Taxologie  ;  Ta;-.?,  ordre  ;  voaoç.  loi  ;  Àôyoç,  discours)  :  science 
des  classifications. 

Technique  {Tt/yvA.6i,  qui  concerne  un  art,  de  té/v-/-,.  art)  :  ce  qui  est  propre 
à  un  art,  à  une  science.  —  a)  La  technique  d'un  art,  d'une  science  praticiue, 
c'est  l'ensemble  des  procédés  employés  par  cet  art  ou  cette  science  pratiqae. 
—  b)  Connaissance  technique  :  c'est  une  connaissance  envisagée  du  point  dt/ 
vue  de  son  application  à  une  fin  pratique,  abstraction  faite  de  sa  valeur  logique 
qui  est  présupposée.  —  c)  Terme  technique  :  c'est  un  terme  qui  n'appartient 
pas  à  la  langue  commune  ;  d'où  le  sens  de  scientifique. 

Technologie  (TsxvoXoyi'a.  de  ri/v-/],^  art  ;  Xoyoç,  discours)  :  science  pra- 
tique des  arts  industriels,  qui  est  aux  arts  ce  que  la  Logique  est  aux  sciences. 
Elle  analyse  leurs  procédés  opératoires  et  détermine  les  conditions  et  les  lois 
de  leurs  progrès. 

Tedeschini  (Père  Pietro)  :  prouve  que,  en  dehors  des  Thomistes. 
presque  tous  les  Scolastiques  admettent  la  possibilité  des  corps  simples 
quant  à  l'essence,  II,  522,  3,  4. 

Tiieilard  du  Chardin  (Père  Pierre)  :  comment  se  pose  la  question  du 
transformisme  ?   II,    623-626. 

Téléologie  (TiÀEo;.  dernier,  de  xiXo;  fin  ;  Àôyo;.  discours)  :  a)  C'est  l;i 
partie  de  la  Philosophie  qui  s'occupe  des  causes  hnales,  332-338.  —  b)  Doctrinr 
qui  prétend  que  le  inonde  est  un  système  de  rapports  entre  moyens  et  fins. 

Téléologique  (de  Téléologie)  :  ce  qui  constitue  ou  concerne  un  rapport  de 
finalité.  —  Kant  appelle  jugement  téléologique  celui  qui  porte  sur  les  causes 
linales  internes  et  externes.  Cf.  Critique  du  Jugement,  11^  Partie.  —  Argument 
téléologique  pour  prouver  l'existence  de  Dieu,  II,   561. 

Télépathie,  Télépathique  (de  Ti;)i£,  loin,  au  loin  ;  ttocOcç,  ce  qu'on  éprouve, 
c'est-à-dire  tout  ce  qui  aiïecte  le  corps  ou  l'âme,  par  opposition  à  ce  que  l'on 
fait.  Racine  -rraO,  souffrir,  subir.  Cf.  è-rraO-ov.  aoriste  2  de  Traff/w.  être  aflecté 
de  telle  façon)  :  ce  mot  désigne  la  relation  de  deux  esprits  se  communiquant 
leurs  pensées  et  leurs  sentiments  à  distance,  c'est-à-dire  sans  l'intermédiaire 
d'aucun  signe  sensible.  Cette  communication  aurait  pour  cause  la  sympathie 
préexistante  entre  diverses  personnes.  Mais  l'existence  des  faits  télépathiqucs 
n'est  pas  suffisamment  établie,  484. 

Télesthésie  (de  Tclz,  loin,  au  loin  ;  ataOr.o-tç ,  faculté  de  percevoir  par  le-, 
sens)  :  perception  à  distance,  mais  sans  l'intervention  d'un  second  esprit 
comme  dans  la  Télépathie. 

Téméraire  (Temerarius,  fortuit,  inconsidéré,  téméraire,  de  temere,  au 
hasard,  sans  réllexion)  :  qui  est  d'une  hardiesse  inconsidérée.  —  Jugement 
téméraire,  II,  207. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Témérité  —  Tensioii  9G1 

Témérité  (Temeritas,  hasard,  irréflexion,  de  teinere,  au.  hasard)  :  audace 
imprudente,  II,  128. 

Témoignage  (de  Témoigner,  du  latin  populaire  testimoniare,  de  testimonium, 
témoignage  écrit  ou  oral,  de  testis,  témoin)  :  a)  Attestation  d'un  fait,  735.  — 
h)  Contenu  de  cette  attestation  :  textes,  traditions,  monuments,  739-742.  — 
Importance  du  témoignage,  735.  —  Fondement  de  la  foi  au  témoignage,  737. 

—  Règles  de  la  critique  du  témoignage,  738.  —  Valeur  du  témoignage  doctrinal 
<<u  autorité,  811.  —  Valeur  du  témoignage  universel,  840. 

Témoin  (de  Testimonium,  témoignage,  de  testis,  témoin)  :  celui  qui  a  vu 
ou  entendu  quelque  chose,  735.  —  Qualités  d'un  bon  témoin,  738  ;  742.  — 
Organe  témoin  :  persistance  à  l'état  rudimentaire,  702-703. 

Tempérament  {Temperamcntum,  juste  mélange,  équilibre,  de  trmperare, 
mélanger  dans  une  juste  proportion,  de  tempus,  température)  :  a)  Ensemble  des 
traits  caractérisant  la  constitution  physiologique  d'un  individu.  —  Variétés, 
391.  — ■  Influence  sur  la  liberté,  392.  —  Tempérament  et  caractère,  404  ;  407. 

—  b)  Au  figuré  :  tournure  d'esprit  caractéristique  d'un  homme. 

Tempérance  (  Temperantia,  mesure  ;  modération,  de  temperans,  participe 
présent  de  temperare,  mélanger,  modérer,  de  tempus,  température)  :  a)  Modé- 
ration dans  l'usage  de  ce  qui  flatte  les  sens,  II,  130  ;  158.  —  C'est  un  juste 
milieu,  64-65  ;  II,  127-128.  —  b)  Modération  dans  l'usage  des  aliments  et  des 
boissons,  surtout  des  boissons  alcooliques.  —  Sociétés  de  tempérance,   II,  376. 

Tempéré  [Temperatus,  participe  passif  de  temperare,  temperatum,  mélanger, 
modérer,  de  tempus,  température)  ;  Monarchie  tempérée,  II,  233.  —  Formes 
de  gouvernement  tempéré  ou  à  l'état  mixte,  II,  235. 

Temporel  (Temporalis,  de  tempus,  température,  temps)  :  a]  Ce  qui  est  dans 
le  temps  ou  concerne  le  temps.  —  S'oppose  à  Intemporel,  qui  caractérise  le 
monde  nouménal,  386.  —  b)  Ce  qui  est  relatif  à  la  vie  présente  :  l'Église  n'a  pas 
de  pouvoir  direct  sur  le  temporel,  c'est-à-dire  sur  les  choses  terrestres,  II,  343. 

Temps  (  Tempus,  température,  sans  doute  de  même  origine  que  Tepor, 
faible  chaleur.  Dans  tempus,  la  racine  a  été  renforcée  de  la  nasale  m.  Des 
variations  de  température  on  est  passé  à  l'idée  de  temps  bon  ou  mauvais, 
puis  à  l'idée  abstraite  de  durée)  :  systèmes  divers  sur  la  nature  du  temps  : 
N;^WTON,  Clarke,  Descartes,  Gassendi,  Kant,  II,  501-503.  —  D'après 
Leibniz  :  c'est  l'ordre  des  phénomènes  successifs,  II,  503.  —  Temps  possible 
et  temps  réel.  II,  503-504.  —  Temps  proprement  dit  et  diii'éo  :  origine  de  ces 
notions,  II,  505.  —  Temps  et  mouvement,  II,  506.  —  Temps  do  réaction  :  durée 
comprise  entre  une  excitation  et  la  réaction  qu'elle  provoque.  —  La  définition 
du  temps  par  Laplace  semble  se  référer  à  celle  de  Leibniz  :  «  Le  temps  est 
pour  nous  l'impression  que  laisse  dans  la  mémoire  une  suite  d'événements  dont 
nous  sommes  certains  que  l'existence  a  été  successive.  »  (Exposition  du  Système 
du  Monde,  Livre  I,  Ch.  m). 

Tendance  (dérivé  de  Tendre,  de  tendere,  déployer,  se  diriger  vers)  :  a)  Carac- 
tère de  ce  qui  tend  à  une  fin.  —  b)  Pui.ssance  d'action  dirigée  dans  un  sens 
déterminé,  qui  ne  s'actualise  que  plus  ou  moins.  En  Psychologie,  tendami' 
signifie  tous  les  phénomènes  d'activité  spontanée.  —  C'est  un  élémenl  df 
l'inclination,  67  ;  82  ;  83  ;  84. 

Tension  [Tensio.  de  tensum,  supin  de  tendere,  tendre,  étendre)  :  a)  Sens 
stoïcien  :  force  interne  qui  rend  toute  chose  cohérente,  soit  que  le  principe  de 
cette  cohérence  réside  dans  la  chose  elle-même  ou  dans  une  autre  plus  parfaite, 


962  TABLE  ANALYTIQUE  :  Téiatologie  —  Théétète 

II,  602  ;  spécialement  l'effort  de  l'âme  pour  saisir  la  connaissance  vraie  ou  résis- 
ter à  l'influence  des  choses  extérieures,  II,  94.  —  b)  Tension  psychologique  :  «  La 
réunion  de  ces  deux  phénomènes,  une  synthèse  nouvelle,  une  forte  concen- 
tration et  des  faits  de  conscience  très  nombreux,  constitue  un  caractère  qui 
doit  être  essentiel  en  psychologie,  ce  que  l'on  peut  appeler  par  convention  la 
tension  psychologique.  >'  (Pierre  Janet,  Les  Obsessions  et  la  Psychasthénie, 
T.  I,  p.  495,  Paris,  1903). 

Tératologie  (Tipa;.  rspa-o;.  monstre  ;  /oyoç,  discours)  :  partie  de  la 
Biologie  qui  traite  des  monstres  et  des  malformations.  —  Tératologie  psycho- 
logique, 723-724. 

Terme  {Tenninum,  borne,  limite.  Cf.  Tspawv.  T£çu.a,  borne)  :  a)  Limite, 
borne  :  vg.  terme  de  la  vie.  —  b)  Expression  verbale  qui  représente  une  idée 
définie,  déterminée  :  vg.  terme  simple,  terme  complexe.  Différence  entre  terme 
et  mot,  515,  n.  2.  Dans  la  pratique  s'emploie  comme  synonyme  de  mot.  — 
-")  Un  des  éléments  simples  entre  lesquels  existe  une  relation  logique  ou  mathé- 
matique ;  vg.  le  sujet  et  le  prédicat,  266.  —  Connotation  et  dénotation,  515.  — 
Division  des  termes,  518.  —  Pvègle  des  termes,  520.  —  Termes  du  syllogisme, 
536.  —  Règles  relatives  aux  termes  du  syllogisme,  541. 

Terminisme  [Terminus,  borne)  :  nom  donné  au  Nominalisme  d'OccAM  et 
de  ses  successeurs,  254. 

Terminologie  (de  Terminus,  borne,  terme  ;  Xôyo?,  discours)  :  a)  Étude  des 
termes  techniques  relatifs  à  une  science  ou  à  un  art.  —  b)  Ensemble  des  termes 
techniques  employés  par  une  science  ou  un  art  ;  vg.  terminologie  scolastique, 
chimique. 

Terminus  a  quo,Ter  minus  adquem:  locutions  scolastiques,  qu'on  emploie 
encore  pour  désigner  dans  un  processus  le  point  de  départ  et  le  point  d'arrivée. 

Tertium  quid  :  locution  scolastique  :  se  dit  d'un  troisième  terme  qui  doit 
être  pris  en  considération  dans  une  analyse  ou  discussion,  où  jusque-là  on  n'en  a 
examiné  que  deux. 

Test  (mot  anglais  signifiant  épreuve,  pierre  de  touche,  critérium)  :  épreuve 
servant  à  déterminer,  chez  un  individu  ou  un  groupe,  la  présence  ou  le  degré 
de>  caractères  physiques  ou  mentaux  qui  leur  sont  propres  ;  vg.  nombre  des 
fautes  d'orthographe  commises  dans  une  composition  dictée,  dont  le  profe.sseur 
recueille  les  copies  sans  laisser  aux  élèves  le  temps  de  les  relire. 

Testabilité  (de  Testabilis,  qui  a  le  droit  de  déposer  en  justice,  de  testari, 
être  témoin,  attester)  :  la  testabilité  d'un  fait  est  le  caractère  qu'a  ce  fait  d'être 
plus  ou  moins  apte  à  devenir  objet  de  témoignage.  Ce  terme  a  été  créé  par 
Ed.  Claparède.  Cf.  Expériences  collectives  sur  le  témoignage,  dans  Archives 
DE  I^svchologie,  1906,  p.  355. 

Testament,  Tester  [Testamentum,  dernières  volontés,  testament.  Testari, 
attester,  de  testis,  témoin)  :  droit  de  tester,  II,  197.  —  Liberté  de  tester,  II, 
197-198. 

Texte  (  Textus,  tissu,  suite  du  discours,  texte,  de  textum,  supin  de  texere, 
tisser,  tresser,  exposer)  :  critique  des  textes,  741-742. 

Théétète  (0caiTr,To;.  disciple  de  Socrate,  de  B^o;,  Dieu  ;  aîr/;To,-. 
demandé,  obtenu,  de  aiTsw.  demander,  obtenir)  :  titre  d'un  dialogue 
platonicien,  452,  5. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  ThéisiTie  —  ThéoFème  963 

Théisme  (de  Bîôç,  Dieu  ;  la  racine  est  :  a)  soit  Osa,  prier  :  Dieu  est  celui 
qu'on  prie  ;  b)  soit  Os,  placer,  poser  :  Dieu  est  celui  qui  pose,  établit,  crée)  : 
quand  on  veut  marquer  une  différence  entre  Théisme  et  Déisme,  on  dit  que 
le  Déisme  admet  l'existence  de  Dieu,  mais  exclut  quelquefois  la  Providence 
et  se  montre  hostile  à  toute  Révélation,  tandis  que  le  Tfiéiswe  admet  l'exis- 
tence d'un  Dieu,  auteur  et  Providence  du  monde,  et  ne  repousse  pas  la  Révé- 
lation. —  S'oppose  à  Déisme,   Athéisme,  Panthéisme. 

Thème  {Thema,  (diy.'x,  ce  qu'on  pose,  sujet  donné)  :  sujet  de  réflexion,  de 
discussion  ou  de  développement. 

Théocratie  (Oioxpan'a,  de  0£o;,  Dieu  ;  kpoi-roç,  force  du  corps,  domination 
puissance)  :  a)  Au  sens  strict:  gouvernement  où  Dieu  désignerait  directement 
le  sujet  du  pouvoir,  II,  224  ;  ou  même  indiquerait  lui-même  les  mesures  à  prendre. 
—  b)  Gouvernement  exercé  par  une  caste  sacerdotale.  Cf.  A.  Comte,  Catéchisme 
positiviste,  Entretien  XII,  p.  333-344,  Paris,  1890'. 

Théodieée  {(-}î6ç,  Dieu  ;  ot'xr),  justice)  :  a)  Terme  créé  par  Leibniz  (1710) 
pour  exprimer  la  justification  de  la  bonté  de  Dieu,  contre  laquelle  on  objecte 
l'existence  du  mal,  II,  554.  —  b)  Employé  par  I'École  éclectique  pour 
désigner  la  partie  de  la  Philosophie  qui  traite  de  Dieu.  Cet  emploi  est  défectueux, 
puisque  le  terme,  signifiant  simplement  la  justification  de  Dieu,  n'est  pas 
adéquat  à  son  objet.  Il  faut  dire  Théologie  naturelle  ou  rationnelle.  —  Sa  place 
en  Métaphysique,  4  ;  5  ;  594  ;  II,  457.  —  C'est  la  science  de  Dieu  connu  par  la 
raison,  II,  554.  —  Cf.  G.  Hayward  Joyce,  Principles  ai  Natural  Thcology, 
Londres,  1923. 

Théologie  (  Thcalogia,  HîoÀoyta,  de  0jo;,  Dieu  ;  Xoyoç,  discours)  :  a)  La 
Théologie  strictement  dite  est  l'étude  de  Dieu  au  moyen  des  lumières  fournies 
par  une  révélation  surnaturelle,  qui  perfectionne  les  données  de  la  raison 
naturelle.  —  b)  La  Théologie  naturelle,  rationnelle,  qu'on  nomme  aussi  Théodieée, 
est  l'étude  de  Dieu  au  moyen  de  la  raison,  II,  554.  Ces  deux  sciences,  qui  ont 
même  objet  matériel,  diffèrent  par  leur  objet  formel.  —  c)  On  subdivise  hi 
Théologie  strictement  dite  en  :  1°)  Positive,  qui  étudie  les  données  sur  lesquelles 
reposent  le  dogme  et,  la  morale  catholiques  :  Sainte  E^criture,  Tradition, 
Œuvres  des  Pères  de  l'Église,  Textes  des  Conciles,  Enseignements  du  Magistère 
Pontifical.  — ■  2")  Scnlasiique,  qui  est  la  systématisation  et  la  justirication 
rationnelle  des  données  fournies  par  la  Théologie  positive  ;  vg.  la  Somme 
théologique  de  Saint  Thomas  d'Aquin. 

Théologique  (de  Théologie)  :  a)  Ce  qui  concerne  la  théologie  ou  ce  qui  a  le 
caractère  de  la  Théologie  ;  vg.  argument  théologique.  —  b)  Chez  A.  Comte, 
c'est  le  premier  des  trois  états,  II,  447. 

Théophilanthropes  (0côç,  Dieu  ;  -^lÀoç,  ami  ;  àvOpwTco;,  homme)  :  secte 
philosophique  qui,  sous  le  Directoire,  unissait  dans  un  culte  ratinnaliste 
l'adoration  de  l'Être  suprême  et  l'amour  de  l'humanité. 

Théophile  (©cô^tXo;,  de  0côç,  Dieu;  cpîXos.  amil  :  Saint  Théophile 
d'Antioghe  :  les  passions  empêchent  de  voir  la  vérité,  809,  1. 

Théorème  [Theorema,  0£(oo-/i|jl«.  ce  qu'on  peut  contempler,  objet  d'étude, 
de  OïwpÉw,  observer,  contempler)  :  proposition  que  l'on  démontre  en  faisant 
voir  qu'elle  résulte  d'autres  propositions  déjà  posées.  —  Différence  entre 
théorème  et  problème,  632. 


964    TABLE  ANALYTIQUE  :  Théorétiquc  —  Thomas  d'Aquin  (Saint) 

Théorétique  (  Theoreticus,  Oicoûr.Ttxôç.  qui  aime  à  observer,  contemplatif, 
spéculatif,  de  Octofr,7o;.  qu'on  peut  observer,  de  Ô£tofioj.  observer)  :  qui  se 
rapporte  à  la  théorie.  —  a)  Aristote  fait  consister  la  vertu,  la  vie  la  plus  haute 
ou  théorétique,  dans  la  connaissance  et  la  contemplation  de  la  vérité,  qui  est 
la  fin  de  l'homme  en  tant  que  raisonnable.  Il  l'oppose  aux  vertus  pratiques. 
qui  se  rapportent  à  l'action  et  sont  la  fin  de  l'homme  en  tant  que  citoyen.  — 
b)  Aristote  oppose  aussi  les  sciences  théorétiques  aux  sciences  poétiques  et 
pratiques.  (Cf.  vg.  Topiques,  L.  VI,  C.  VI,  §  T.\),  585.  —  c)  S'emploie  aussi 
quelquefois  comme  synonj'me  de  théorique  ;  cependant  théorique  signifie 
proprement  :  qui  appartient  à  la  théorie,  tandis  que  théorétique  veut  dire  : 
qui  se  rapporte  à  la  théorie,  qui  a  le  caractère  d'une  théorie.  —  S'oppose  à 
Pratique. 

Théorie  (  Thcoria,  0£woia,  action  de  voir,  d'observer,  spéculation,  de  ©eojco;, 
spectateur)  :  a)  En  général  :  construction  spéculative  de  l'esprit.  —  b)  Par 
opposition  à  la  pratique  :  ce  qui  est  l'objet  d'une  connaissance  indépendamment 
de  ses  applications  —  c)  Par  opposition  à  la  connaissance  vulgaire  : 
c'est  un  ensemble  de  raisonnements  systématiquement  organisés  pour  résoudre 
une  difficulté  ;  vg.  Théories  de  la  perception  immédiate  et  de  la  perception 
médiate,  161.  —  Théories  et  systèmes  scientifiques,  655. 

Théosophie  (Bcoao'^îa,  connaissance  des  choses  divines,  de  Gîôtocj>o;,  qui 
sait  les  choses  divines,  de  ©soç.  Dieu,  et  aocpôç.  habile,  instruit)  :  ce  mot 
désigne  une  fausse  théologie  mêlée  d'illuminisme  et  de  superstition.  L'École 
d'Alexaxdrie  donna  dans  la  Théosophie  avec  Porphyre  et  Jamblique,  7. — 
Cf.  L.  de  Grand  maison,  La  Nouvelle  Théosophie.  Paris,  s.  d-,  Action  populaire. 

Thérapeutes  (de  Wcpazîu-/;;,  qui  prend  soin  de,  médecin,  de  OsoaTriwo, 
soigner)  :  les  Thérapeutes,  ou  médecins  des  âmes,  sont  une  secte  juive  fondée 
en  Egypte  :  ils  s'adonnaient  à  l'abstinence  et  à  la  vie  contemplative. 

Thérapeutique  (H^parsuTtxôç,  qui  prend  soin  de,  ■?,  OïpaTtîuTixTi,  sous- 
ent.  Tî/vr,,  l'art  de  soigner,  de  Oîcairîtjw,  soigner)  :  la  thérapeutique  des 
passions,  119. 

Thermique  (de  ©îfî-'-ôç,  chaud,  de  Oipw,  échauffer  ;  racine  ôsp,  Cf.  ferverc 
être  brillant)  :  sens  tliermiquo,  158. 

Thèse  (Thesis,  Oia-.:,  action  de  poser,  poser  une  thèse,  proposition.  Racine 
Oî.  poser)  :  a)  Proposition  avancée  avec  preuves  à  l'appui  ou  position  d'une 
doctrine  qu'on  soutient  contre  les  objections  qu'elle  peut  soulever  ;  vg.  la 
thèse  du  Spiritualisme,  II,  536.  —  b)  S'oppose  à  Antithèse  et  à  Synthèse  : 
premier  terme  d'une  doctrine  composée  de  trois  concepts,  dont  les  deux- 
premiers  s'opposent  l'un  à  l'autre,  et  que  le  troisième  concilie  dans  une  vue 
supérieure  (Hegel),  II,  605-606  ;  608-609.  —  Si  la  thèse  et  l'antithèse  semblent 
également  probables,  elles  constituent  une  Antinomie.  Kant  en  formule 
quatre  à  propos  du  noumène  Monde,  II,  433.  —  c)  La  thèse  {ce  qui  doit  être)  et 
l'hypothèse  [ce  qui  peut  être)  dans  les  rapports  de  l'Église  et  de  l'État,  II,  340. 

Théurgie  (Theurgia,  Osovpvia,  acte  de  la  puissance  divine,  de  Bîo'î,  Dieu  ; 
sp'/ov.  œuvre)  ;  opération  magique  qui  consiste  à  provoquer  l'intervention 
de  Dieu  ou  des  esprits. 

Thomas  d'Aquin  (Saint)  :  surnommé  Doctor  angelicus,  Doctor  cnmmunis. 
—  Voir  Scolastique  (Philosophie)  et  Thomas  d'Aquin  (Saint)  à  Vlndex  des 
Auteurs. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Thomassin  (Père  Louis)  —  Toucher        965 

Thomassin  (Père  Louis)  :  rapports  entre  le  monde  intelligible  et  le 
monde  sensible,  435,  4. 

Thomisme  (de  Thomas)  :  École  philosophico-théologique  qui  fait  pro- 
l'ession  d'étudier  la  doctrine  de  S.  Thomas  et  de  la  suivre.  Au  xix«  siècle, 
l'École  Néolhomiste  a  pour  but  de  restaurer  l'étude  de  S.  Thomas.  «  Aujourd'hui 
le  nom  de  thomiste  ou  de  néothomiste  est  pris  ou  accepté  par  plusieurs  philo- 
sophes qui,  tout  en  s'inspirant  de  S.  Thomas,  sont  loin  de  partager  les  opinions 
des  anciens  thomistes.  »  (E.  Blanc,  Dictionnaire  de  philosophie  ancienne, 
moderne  et  contemporaine,  col.  1168,  Paris,  1906).  —  Récemment  on  a  créé  le 
mot  Hyperthomisme  pour  caractériser  l'outrance  de  certains  thomistes  dans 
l'exposition  de  leur  doctrine. 

Tiers  (  Tertium)  :  principe  du  tiers  exclu,  289. 

Titre  (Titulus,  inscription,  titre)  :  titres  du  droit  de  propriété,  II,  189-191. 
■ —  Titres  du  prêt  à  intérêt,  II,  357. 

TocQUEviLLE  (Alexis  de)  :  développement  progressif  de  l'égalité,  753,  3. 
—  Méthode  de  la  politique,  756. 

Tolérance  (Tolerantia,  de  tolerans,  tolerare,  supporter)  :  a)  Manière  d'agir  : 
d'une  personne  qui  supporte  sans  se  plaindre  la  violation  habituelle  de  ses 
droits  ;  —  ou  d'une  autorité  qui  accepte  une  dérogation  aux  lois,  aux  règle- 
ments ou  à  l'application  d'un  principe.  —  Tolérance  doctrinale,  II,  346.  — 
Tolérance  des  cultes,  II,  186  ;  345.  —  b)  Disposition  d'esprit  qui  porte  à  laisser 
aux  autres  la  liberté  d'exprimer  leurs  opinions,  fussent-elles  contraires  aux 
nôtres  ;  vg.  esprit  de  tolérance. 

Tolérantisme  (de  Tolérance)  :  excès  de  tolérance,  tolérancesystématique,346. 

Toniolo  (Giuseppe)  :  la  démocratie  chrétienne,  II,  239,  4. 

Tonnelle  (Alfred)  :  valeur  subjective  des  mots,  215,  2.  —  Rapports 
symboliques  entre  les  objets  sensibles  et  les  idées  morales,  435,  3. 

Topique  (Tottixoç,  qui  concerne  le  lieu,  de  xorro;.  lieu)  :  a)  La  Topique, 
r,  TOTTix/j  xi/yr^,  est  la  science  des  lieux  commiins,  ou  l'art  de  trouver  des 
arguments.  —  b)  Les  Topiques  (xi  ToTitxa,  en  huit  livres)  d'ARisTOTE  sont  cette 
partie  de  VOrganon,  où  il  traite  de  la  méthode  de  la  Diatectique  et  indique 
les  lieux  (tôttoi)  d'où  elle  tire  les  solutions  générales  qu'elle  applique  à  chaque 
question.  —  c)  Kant  appelle  Topique  transcendantale  la  détermination  du 
«  lieu  transcendantal  »,  c'est-à-dire  la  place  qu'il  convient  d'assigner  à  un 
concept  en  le  rapportant  à  la  faculté  de  sentir  ou  à  l'entendement.  Cf.  Cri- 
tique de  la  Raison  pure  :  Analytique  transcendantale,  L.  II,  Cil.  m,  Observation 
'Sur  l'amphibolie  des  concepts  réflexifs.  —  d)  L'adjectif  topique  signifie  :  ce  qui 
est  bien  à  sa  place,  et  conséquemment  répond  bien  à  la  question  ou  à  la  diffi- 
culté posée  :  vg.  argument  topique.  * 

Tort  (substantif  participe  de  tordre,  du  latin  i)opulaire  torcere,  pour  torquere, 
tourner,  entortiller)  :  ne  faire  tort  à  personne,  II,  162.  —  Réparer  le  dommage 
et  le  tort  faits,  II.  194. 

Toto-partiel,  Toto-total  {Totus,  Partialis,  du  latin  scolastique  totalis,  de 
totus)  :  théorie  de  IIamilton  sur  la  quantification  du  prédicat,  552. 

Toucher  (probablement  du  mot  gernianique  Tukkan,  forme  intensive  de 
tiuhan)  :  l'un  des  cinq  sens,  auquel  se  rapportent  diverses  sortes  de  sensations 
simples  plus  ou  moins  complexes,  158.  Toucher  :  a)  actif  :  l'organe  du  toucher 
se  meut  pour  palper  l'objet  perçu,  157  ;  158.  —  b)  passif  :  il  y  a  seulement 
contact  entre  le  toucher  et  l'objet  perçu.  —  Objet  et  organe,  157  ;  178-179  ; 
182.  —  Son  rôle,  186.  —  S'emploie  comme  synonyme  de  Tact. 


966  TABLE  ANALYTIQUE  :  TourbilloD  —  TraHscendaiit 

Tourbillon  (du  latin  populaire  TurbeUonem,  de  turbellae,  vacarme,  sédition, 
de  turba,  trouble,  foule,  confondu  avec  turbo,  iurbinis,  tourbillon)  :  hypothèse 
\es  tourbillons,  656-657.  —  Le  tourbillon  vital  opposé  à  l'identité  de  l'âme, 
II,  537. 

TôPFFER  (Rodolphe)  :  le  peintre  idéalise  la  nature  en  la  reproduisant, 
II,  399,  1. 

ToRRicELLi  (Evangelista)  :  hypothèse  de  la  pression  atmosphérique,  654. 

Tout  (du  latin  populaire  Tottum,  pour  totum)  :  tout  physique  ou  concret, 
527.  —  Tout  logique  ou  potentiel,  527. 

Toute-Puissance  :  attribut  divin,  II,  597. 

Tracy  (Antoine-Louis-Claude  Destutt  de)  :  supériorité  du  langage 
vocal,  439,  4.  —  Besoin,  fondement  du  droit,  II,  133. 

Tradition  (  Traditio,  action  de  remettre,  de  traditum,  supin  de  tradere, 
remettre,  communiquer,  de  trans,  au  delà,  dare,  donner)  :  a)  Ce  qui  dans  une 
société,  spécialement  dans  une  société  religieuse,  se  transmet  de  génération  eu 
génération.  —  b)  En  Critique  historique,  document  transmis  par  la  parole. — 
Critique  des  traditions,  740. 

Traditionalisme  (de  Traditionnel,  de  tradition)  :  a)  En  général, 
doctrine  qui  réclame  la  conservation  des  formes  politiques  et  religieuses 
transmises  par  la  tradition.  —  b)  En  Philosophie  :  erreur  de  ceux  qui 
exagèrent  la  nécessité  de  la  tradition  et  estiment  que  la  raison  ne  peut 
parvenir  par  ses  seules  forces  à  la  vérité  (de  Bonald,  J.  de  Maistre,  La 
Mennais,  Bautain,  Ventura)  :  origine  du  langage,  442-444.  —  Peut-en 
penser  sans  le  langage  ?  452,  4.  —  Le  consentement  universel,  815.  —  La 
véracité  divine  et  le  Fidéisme,  818  ;  II,  556. 

Traducianisme  (de  Traducere,  transmettre,  de  trans-ducere,  mener  au  delà  ; 
erreur  de  ceux  qui  ont  prétendu  que  l'âme  des  enfants  provient  du  corps  et 
de  l'âme  des  parents.  —  Le  Génératianisnie  soutient  que  l'âme  des  enfants 
provient  de  l'âme  des  parents,  et  non  de  l'âme  et  du  corps.  Cette  double 
erreur  s'oppose  à  la  Création  ou  Créatianisme.  —  Leibniz  appelle  le  Tradu- 
cianisme «  traduction  des  âmes  ».  (Théodicée,  Part,  l,  §  86.  P.  IH,  §  397.) 

Trafic  (de  l'italien  Traffico]  :  l'État  doit  favoriser  le  trafic  en  facilitant  la 
circulation  de  la  richesse,  II,  249-250. 

Trance  (mot  anglais  signifiant  catalepsie)  :  s'emploie  pour  désigner  l'état 
des  médiums  au  moment  où  ils  exercent  leur  action,  les  états  somnambulique>. 
hypnotiques,  les  transformations  de  la  personnalité. 

Transcendance  (de  Transcendant,  de  l'ancien  verbe  transcender,  de  Iran- 
scendere  =  scandere,  franchir,  dépasser)  :  a)  Existence  de  réalités  transcen- 
dantes :  Dieu,  en  tant  qu'il  est  personnel,  distinct  du  inonde.  —  Substances 
ou  choses  en  soi,  qui  existent  derrière  les  phénomènes  ou  apparences  sensibles. 
—  b)  Principe  de  transcendance,  737,  2.  —  Procédé  de  transcendance  :  1°)  pour 
déterminer  les  attributs  dii'ins,  II,  580-581  ;   2°)   pour  idéaliser,   II,   395  ;  402. 

Transcendant  (adjectif  participe  de  l'ancien  verbe  Transcender,  de  transcen- 
dere,  franchir,  dépasser)  :  a)  En  général,  ce  qui  s'élève  au-dessus  d'un  niveau 
donné  :  vg.  génie  transcendant.  —  b)  Ce  qui  est  au  delà  de  toute  expérience 
possible  :  «  Nous  appellerons  immanents  les  principes  dont  l'application  se 
tient  absolument  dans  les  bornes  de  l'expérience  possible,  et  transcendants, 
ceux  qui  sortent  de  ces  limites.  »  (  Kant,  Critique  de  la  Raison  pure,  Introduction 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Transcendaiital  —  Transition  967 

à  la  Dialectique  transcendantalc,  §  I.  Traduct.  Tkemesaygl'es,  p.  293,  Paris, 
1909  2).  —  Kant  appelle  transcendante  toute  connaissance  qui  dépasse  l'expé- 
rience et  qui,  par  là  même,  est  illusoire  à  ses  yeux.  Aussi,  d'après  lui,  la  philo- 
sophie ne  peut  être  transcendante,  parce  qu'elle  ne  saurait  atteindre  les  choses 
en  soi,  les  nnumènes,  qui  ne  tombent  pas  sous  l'expérience,  II,  430-431  ;  432-434. 

Transcendantal,  Transcendantaux  (de  Transcendant,  de  l'ancien  verbe 
transcender,  de  transcendere,  transcendens,  franchir,  dépasser)  :  a)  Sens  scolas- 
tique  :  attributs  qui  conviennent  à  tous  les  êtres,  252  ;  II,  470.  —  b)  Sens 
kantien  :  ce  qui  est  une  condition  a  priori  et  non  une  donnée  de  l'expérience. 
—  Kant  nomme  transcendantal  tout  élément  a  priori  de  la  pensée,  c'est-à-dire 
indépendant  de  l'expérience,  lequel  rend  la  connaissance  possible.  La  philo- 
sophie est  transcendantalc,  parce  qu'elle  applique  aux  données  de  l'expérience, 
c'est-à-dire  aux  phénomènes,  les  catégories  ou  fornies  a  priori  de  l'entendement. 
Ces  catégories  sont  des  notions  transcendanlales,  II,  431-432.  —  c)  Par  suite, 
une  étude  est  dite  transcendantalc,  quand  elle  a  pour  objet  les  principes  ou  idées 
a  priori  dans  leur  rapport  nécessaire  avec  l'expérience  :  vg.  Eshétique,  Analy- 
tique, Dialectique  transcendantales,  II,  431-434. 

Transcendantalisme  (de  Transcendantal)  :  a)  Doctrines  qui  admettent  des 
concepts  ou  formes  a  priori  dominant  l'expérience.  —  b)  Mouvement  phili)- 
sophique  et  religieux,  qui  est  une  réaction  idéaliste  contre  la  philosophie 
dfti  xviii^  siècle.  Emerson  en  est  le  principal  représentant. 

Transfert  (Substantif  verbal  de  Transférer)  :  a)  Transfert  des  sentiments  : 
phénomène  par  lequel  un  état  affectif  est  transporté  de  l'objet  qui  l'a  déter- 
miné à  un  objet  différent.  Cf.  .1.  Sully,  The  Human  Mind,  T.  II,  p.  78-80, 
Londres,  1892).  — •  b)  Transfert  des  valeurs  :  phénomène  par  lequel  le  moyen 
prend  la  valeur  de  la  fin,  le  signe  celle  de  la  chose  signifiée,  etc.  ;  vg.  la  pro- 
priété, instrument,  moy-en  de  jouissance,  plaît  sans  qu'on  en  fasse  usage,  même 
en  dehors  de  l'usage. 

Transfini  (de  Trans,  au  delà,  et  fini]  :  Cantegor  appelle  ainsi  les  nombres, 
cardinaux  ou  ordinaux,  qui  dépassent  les  nombres  finis. 

Transformation  {Transformatio,  de  transformatum,  supin  de  transformare, 
changer  la  forme,  de  trans,  au  delà  ;  forma,  forme,  aspect)  :  a)  Passage  d'une 
forme  à  une  autre.  —  Loi  secondaire  du  plaisir,  66.  —  Le  changement  de  forme 
peut  être  substantiel  (vg.  eau  changée  en  hydrogène  et  oxygène)  ou  accidentel 
(vg.  eau  placée  dans  un  vase  carré  ou  oblong),  dans  le  système  de  la  matière 
et  de  la  forme,  II,  517.  —  b\  Opération  logique,  par  laquelle  à  une  proposition 
on  substitue  une  proposition  équivalente  ;  vg.  conversion  simple  de  l'univer- 
selle négative,  534. 

Transformisme  (de  Transformer,  de  transformare,  changer  la  forme  de)  : 
système  biologique  d'après  lequel  les  espèces  vivantes  sont  variables  et  descen- 
dent par  transformations  successives  de  quelques  types  primitifs.  —  Exposé 
du  système  (Lamargk,  Darwin),  II,  612.  —  Critique,  II,  617.  —  Comment  se 
pose  aujourd'hui  la  question  du  transformisme  ?  II,  623. 

Transitif  {Transitivus,  de  transitum,  supin  de  trans-ire,  pa.sser,  franchir)  : 
l'action  transitive  est  colle  qui  se  termine  en  dehors  de  l'agent,  150  ;  330  ; 
II,  524.      l 

Transition  (  Transi'a'o,  de  transitum,  supin  de  trans-ire,  franchir)  :  forme 
de  l'expérimentation  (Bacon),  652.  • 


968  TABLE  ANALYTIQUE  :  Transitoire  —  Truisme 

Transitoire  {Transitorius,  de  transitum,  supin  de  trajis-ire,  franchir)  a- 
organes  transitoires,  702,  4. 

Translation  (  Translatio,  de  translatum,  supin  de  trans-jerre,  transporter)  : 
forme  de  Texpérimentation  (Bacon),  662. 

Transmission  {Transmissio,  de  transmissum,  supin  de  trans-mittere ,  faire 
passer,  transmettre)  :  transmission  de  la  propriété,  II,  195-197  :  197.  —  Trans- 
mission du  pouvoir,  247. 

Transnaturel  (de  Trans  au  delà  et  naturel)  :  terme  créé  par  Malrice 
Blond  EL.  pour  exprimer  l'état  instable  de  l'homme  qui,  n'ayant  pas  la  vie 
surnaturelle  à  laquelle  il  est  appelé,  éprouve  des  stimulations  en  rapport 
avec  cette  vocation.  Cf.  Histoire  et  Dogme.  Extrait  de  la  Quinzaine,  janvier- 
février  1904,  La  Chapelle  Montligeon  (Orne),  1904. 

Transrationalisme  (de  Trans  au  delà  et  rationalisme)  :  terme  créé  par 
CouRNOT  pour  exprimer  cette  «  disposition  de  l'homme  à  croire  à  des  puis- 
sances surnaturelles,  à  un  monde  mystérieux  et  invisible,  sur  lequel  là  science 
et  la  raison  n'ont  pas  plus  de  prise  que  les  sens  ».  [Matérialisme.  Vitalisme, 
Rationalisme,  Sect.  IV,  p.  384-385,  Paris,  1875). 

Travail  (substantif  verbal  de  Travailler,  du  latin  populaire  tripaliare, 
torturer  avec  le  tripalium,  de  très,  trois,  palus,  pieu,  sorte  de  chevalet  :  d'où 
gêne,  eiïort  pénible,  travail)  :  obligation  du  travail,  II,  159  ;  187.  —  Liberté 
dans  le  choix  du  travail,  II,  187  ;  353.  —  Fondement  de  la  propriété,  II, 
190-191.  —  Réglementation  du  travail,  II,  265.  —  Facteur  de  la  richesse, 
II,  353.  —  Division  du  travail,  II,  354,  —  Rémunération  du  travail,  II,  356  ;  358. 

Travers  (du  latin  populaire  Traversum,  pour  transversum,  participe  passif 
de  trans-vertere,  transversum,  changer  de  côté)  :  travers  de  caractère  :  c'est  le 
domaine  de  la  comédie,  II,  392. 

Triade  {Trias,  fûiaç,'  Titaco;,  groupe  de  trois,  de  t^hi:,  trois)  :  les  Néo- 
Platoniciens  ont  imagine  une  Triade  composée  de  l'Un,  de  l'Intelligence  et 
de  l'Ame  du  monde,  II,  602-603. 

Trigonométrie  (Tpr/uivov,  triangle,  de  'p^î^;,  trois  et  vcovî-/,  angle  ;  ujtcov, 
mesure)  :  partie  de  la  Géométrie  qui  a  pour  objet  la  mesure  des  triangles. 

Trijumeau  (de  Très,  trois  ;  jumeau,  de  gemellum,  de  geminus,  uni  par  la 
naissance,  né  en  même  temps)  :  nerf  trijumeau,  157. 

Trilogie  (TptXoYi'a,  de  t&îT;,  trois  :  Xoto;,  discours)  :  trilogie  de  Hegel  : 
thèse,  antithèse,  synthèse,  ÎI,  605  ;  608-609. 

Tristesse  (de  Triste,  à  l'imitation  de  tristitia,  de  tristis,  triste)  :  définition  : 
a)  par  Spinoza,  80  ;  b)  Bossuet,  122. 

Trivium  (carrefour  où  se  rencontrent  trois  chemins,  de  ter,  trois  fois  et 
via,  chemin)  :  division  scolastique  des  arts  libéraux  inférieurs,  587. 

Trope  (Tporoç,  tour,  tournure,  attitude,  manière  de  penser,  de  s'exprimer)  : 
nom  donné  aux  arguments  par  lesquels  les  Sceptiques  cherchaient  à  montrei' 
<fu'on  doit  suspendre  son  jugement.  ^î^nésidème  en  compte  dix  ;  Agrippa  le-- 
réduit  à  cinq,  II,  422. 

Truisme  (de  l'anglais  Truism,  vérité  banale,  de  true,  vrai)  :  proposition 
tellement  évidente  qu'elle  ne  vaut  pas  la  peine  d'être  énoncée. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Tutélaire  —  Un  969 

Tutélaire  {Tutelaris,de  tutela,  soins  vigilants,  de  tueri.  regarder  protéffer)  • 
fonction  tutélaire  de  l'Etat,  II,  248-249.  '  «     '  : 

Tutiorisme  (de  Tutior,  plus  sûr,  de  tueri,  regarder,  protéger)  :  doctrine 
erronée  qui  oblige  à  suivre  l'opinion  la  plus  favorable  à  la  loi,  II,  35. 

Tyndall  (John)  :  la  génération  spontanée  n'est  pas  démontrée,  II,  632. 

Type  {Typus,  tutto;,  marque  imprimée  par  un  coup,  empreinte,  figure. 
image.  Cf.  tÛtttw,  frapper)  :  a)  Modèle  qui  sert  à  déterminer  une  série  d'objets 
qui  en  dérivent  :  vg.  le  cacliet  qui  sert  à  produire  des  empreintes  exprime 
bien  «  l'idée  d'un  type  par  corrélation  avec  l'idée  de  ses  exemplaires  ou  de  ses 
épreuve';  ».  (Cournot,  Traité  de  Venchaiuement  des  idées...  L.  I,  Ch.  v,  §  48).  — 
h)  Ce  qui  est  représentatif  d'une  classe  d'êtres.  —  Tvpes  d'êtres  dans  les  sciences 
naturelles,  578-579  ;  647  ;  688.  —  Immutabilité,  persistance  du  type,  702-703. 
—  Un  type  est  un  individu  qui  possède  d'une  façon  nette  et  frappante  les 
caractères  de  son  genre,  tandis  que  les  caractères  individuels  ou  spéciaux  n'ont 
rien  de  saillant.  —  c)  Une  conception  qui  est  représentative  d'une  qualité  bonne 
ou  mauvaise.  —  Cause  exemplaire,  324  ;  769  ;  II,  490.  —  Idéal  de  beauté, 
II,  395-396.  —  d)  Variétés  physiques  ou  mentales  qui  résultent  de  la  prédo- 
minance d'une  fonction  :  vg.  types  visuels,  auditifs,  moteurs  (mémoire),  206. 

Tyrannicide  {Tyrannicidium ,  de  tyrannus,  maître  absolu,  tyran;  cnedere 
re-ci-di,  abattre)  :  meurtre  d'un  tyran,  II,  289-290. 

Tyrannie  (de  Tyran,  de  tyrannus,  Tvpavvo;,  maître  absolu,  tyran)  :  défi- 
nition, II,  289.  —  Résistance  :  a)  passive,  II,  275-276  ;  b)  active,  II,  288-289  • 
289-291. 


U 


Ubiété  (de  Ubi,  où)  :  ce  mot,  chez  les  Scolastiques,  indique  la  catégorie 
de  lieu,  254  ;  296  ;  II,  506.  —  Ils  distinguent  trois  manières  d'être  dans  un 
lieu  :  1°)  Circonscriptive,  circonscrite  :  cette  manière  est  propre  aux  corps. 
En  effet,  un  corps  occujie  l'espace  de  façon  que  chacune  de  ses  parties  corres- 
ponde aux  parties  des  autres  corps  qui  l'entourent  et  le  circonscrivent.  — 
2°)  Définie  :  c'est-à-dire  qu'une  chose  est  ici,  et  non  ailleurs,  de  sorte  que  le 
lieu  qu'elle  occupe  est  défini,  limité.  Cette  seconde  manière,  qui  convient  aux 
esprits,  s'oppose  à  la  troisième,  qui  n'appartient  qu'à  Dieu.  —  3°)  Héplélive  : 
c'est  Vuhiquité  :  Dieu  est  présent  partout  par  son  essence  et  par  son  opération, 
II.  578-579. 

Ubiquité  (du  latin  scolastique  Ubiquitas,  de  ubique,  partout,  de  ///'/,  où)  : 
l'ubiquité  est  la  présence  en  tout  lieu.  C'est  un  attribut  qui  n'appartient  qu'à 
Dieu  et  découle  de  son  immensité,  II,  578-579. 

Ultime  (Ultimus,  le  plus  reculé,  le  dernier,  superlatif  de  ulter,  qui  est  le 
comparatif  de  l'archaïque  uls,  au  delà)  :  ce  mot  s'applique  à  un  fait  irréductible, 
qui  est  le  dernier  terme  d'une  analyse,  ou  à  un  princi-pe  au  delà  duquel  on  ne 
peut  remonter. 

Un  (Unum)  :  comme  adjectif,  se  dit  :  ai  De  l'individu  en  tant  qu*il  fait 
partie  d'une  multiplicité.  —  b]  De  ce  qui  est  uni(iue  :  vg.  l'nus  Dominns.  una 
fiées,  unum  baptisma  (S.  Paul,  Ep.  ad  Ephesios,  C.  iv,  v.  5)."  Il  n'y  a  qu'un 

THAITÉ    DE    PIIlLOSOniIE.    —   T.    II.    —   32 


970  TABLE  ANALYTIQUE  :  Un  —  Uiiivers 

Dieu  et  ce  Dieu  suffit.  »  Leibmz,  Monadologie,  §  39).  —  c)  De  ce  qui  est  indivisé 
en  soi  :  c'est  une  propriété  transcendantale  de  l'être,  252  ;  II,  471.  —  S'oppose 
à  Multiple,  à  Divisible. 

Un  (  Unum)  comme  substantif.  Au  sens  des  doctrines  grecques,  l'Un  est 
ce  qui,  étant  étranger  au  nombre  et  sans  multiplicité  interne,  est  la  source 
du  divers  et  du  multiple  ;  vg.  chez  Plotin. 

Unanime,  Unanimité  (Unanimus,  Vnanimitas,  de  unus,  un;  animus, 
âme)  :  plein  accord  de  pensées,  de  sentiments.  —  L'établissement  d'une  religion 
d'État  suppose  l'unanimité  morale  des  croyances,  II,  186  ;  341-342. 

Unicité  (de  Unique,  de  unicus,  de  unus,  un)  :  négation  de  ressemblance 
dans  un  genre  donné,  II,  471.  —  Unicité  de  Dieu,  II,  577-578. 

Unification  (de  Unifier,  du  latin  scolastique  unificare,  de  unus,  un  ;  facere, 
faire)  :  l'unification  des  états  de  conscience  exige  un  principe  d'unité,  153-154. 

—  La  philosophie  est  l'unification  des  sciences  (Comte,  Spencer),  597,  1,  2. 

—  Unification  des  représentations  par  les  trois  idées  transcendantales  (Kam), 
II,  432  433. 

Uniformité  [Unijormitas,  de  uniformis,  uniforme,  de  unus,  un;  forma, 
forme,  figure)  :  uniforme  se  dit  proprement  des  objets  ou  êtres  qui  ont  une 
forme  identique,  et  par  suite  d'un  tout  dont  les  parties  ont  quelque  chose 
d'identique  :  vg.  mouvement  uniforme,  c'est-à-dire  dont  la  vitesse  est  constante. 

—  Définition  de  l'hypothèse,  231  :  653.  —  Principe  d'uniformité  de  la  nature, 
290  ;  678  ;  680-681.  —  Uniformité  et  unité,  II,  250-251. 

Unilatéral  (Unus,  un;  latus,  lateris,  côté)  :  conception  unilatérale  de  la 
causalité,  384-385.  —  Contrat  unilatéral  :  qui  oblige  une  personne  envers  une 
autre,  sans  qu'il  y  ait  réciprocité. 

Union  (  Unio,  de  unus,  un)  :  a)  Liaison  de  plusieurs  êtres  différents^  qui 
forment  un  seul  tout  sous  quelque  rapport.  —  Union  de  l'Église  et  de  l'État, 
II,  339.  —  Union  de  l'âme  et  du  corps  (Systèmes  divers),  II,  543  548.  —  b)  Acte 
par  lequel  l'union  s'établit  :  l'autorité  est  un  principe  d'union.  II,  219.  — 
c)  Groupe  de  personnes  associées  pour  réaliser  une  fin  déterminée  ;  vg.  union 
des  œuvres  ouvrières.  —  d)  Conporde  d'idées  et  de  sentiments  ;  vg.  union  de 
la  famille. 

Unique  (de  Unicus,  de  unus,  un)  :  c)  Ce  qui  est  singulier,  individuel,  seul 
de  son  espèce.  —  École  unique,  II,  261.  —  Dieu  est  unique,  II,  577-578.  — 
b)  Ce  qui  est  excellent,  incomparable. 

Unité  (  Unitas,  de  unus.  un)  :  caractère  de  ce  qui  est  un  dans  les  sens  divers 
de  ce  mot.  if,  471.  ■ —  Origine  de  cette  notion,  148.  —  Unité  nationale  :  ses 
éléments,  92-93.  —  Unité  du  moi,  146  ;  149  :  151-152.  —  Unîté  transcendantale 
de  l'être,  252  ;  II,  470  ;  471.  —  Unité,  catégorie  de  la  quantité  (Kant),  296  ; 
II,  432.  —  Unité  et  individualité,  365-366.  —  Unité  primitive  du  langage,  460. 

—  L'unité  et  les  nombres,  630.  —  L'autorité  est  principe  d'unité,  II,  219.  — 
Unité,  élément  du  beau,  II,  382.  —  Simplicité  de  l'âme  prouvée  par  l'unité 
de  la  pensée,  II,  537.  —  Unité  du  plan  de  la  création,  II,  621,  1. 

Univers  '  Universnm,  de  jtnus,  un  ;  versus,  vers)  :  c'est  l'ensemble  de  tout  ce 
qui  existe  dans  l'espace  et  dans  le  temps,  universae  res.  Les  Éimccriens, 
admettant  l'existence  de  plusieurs  mondes,  opposaient  univers  à  monde. 
Au  xv!!*"  siècle,  univers  était  employé  comme  synonyme  de  monde  visible, 
de  la  Terre.  Cet  emploi  est  rare  aujourd'hui. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Uiiiversalisation  —  Utile  971 

Universalisation  (de  Universaliser,  de  universalis,  universel)  :  passage  du 
particulier  à  l'universel.  —  L'universalisation  d'un  acte  est  le  signe  qui 
montre  qu'il  est  moral,  II,  45  ;  98  ;  101  ;  104. 

Universalisme  (de  Universalis,  universel)  :  a)  Croyance  d'après  laquelle 
tous  les  hommes  sont  appelés  au  salut.  Cf.  Leibmz,  Théodicée,  P.  I,  §  80).  — 
b)  Se  dit  des  doctrines  contemporaines  qui  mettent  en  relief  l'idée  d'univer- 
salité ou  d'universalisation. 

Universalité  (  Universalitas,  de  universalis,  de  universus,  réuni,  pris  ensemble, 
universel,  de  unus,  un  et  versus,  vers)  :  a)  Totalité  des  êtres  ou  tout  un  ensemble. 

—  b)  Caractère  de  ce  qui  est  universel.  —  Universalité  :  1°)  des  propositions, 
530;  2°)  des  vérités  premières,  293  ;  3°)  de  la  conscience  morale,  II,  27  ;  4°)  de 
la  loi  morale  et  du  devoir,  II,  45  ;  98  ;  101  ;  104. 

Universel  [Universalis]  :  a)  Ce  qui  s'étend  à  l'univers  entier  ;  vg.  la  gravi- 
tation universelle.  —  b)  Ce  qui  convient  à  tout  l'ensemble  de  ce  que  l'on  consi- 
dère, êtres  ou  idées.  —  Idées  universelles,  259.  —  Les  principes  premiers 
sont  universels,  293.  —  Termes  et  idées  universels,  519.  —  Proposition  univer- 
selle, 530.  —  Critérium  du  consentement  universel,  815.  —  Valeur  du  con- 
sentement universel,  840.  — •  La  loi  morale  est  universelle,  II,  45.  —  Suf- 
frage universel,  II,  282-284. 

Universel  (Substantif),  Universaux  (c'est  le  pluriel  de  Universal,  ancienne 
forme  de  universel,  employé  substantivement  =  termes  universaux)  :  a)  Ce  qui 
a  un  caractère  d'universalité  logique.  —  b)  Ce  qui  est  exprimé  par  un  terme 
général.  —  c)  Ce  terme  général  lui-même,  pour  les  Nominalistes,  254.  —  Les 
Universaux  sont  des  notions  générales  qui  peuvent  être  attribuées  à  plusieurs 
sujets,  252-253  ;  516.  —  Problème  des  Universaux,  254. 

Univoque  (Unus,  un  ;  vox,  voix,  parole)  :  -a)  Terme  univoque  :  celui  qui, 
applitjué  à  plusieurs,  exprime  chez  tous  le  même  objet  formel  ;  vg.  homme, 
519  ;  II,  461 .  —  b)  Relation  univoque  :  celle  dans  laquelle  de  chaque  antécédent 
résulte  un  seul  conséquent  ;  vg.  chaque  nombre  et  son  carré. 

Uranie,  Uraniade  :  poème  épique  (Leibniz),  750,  1. 

Usage  (du  vieux  français  Us,  de  usum,  supin  de  uti,  se  servir)  :  a)  Action 
d'ap[)liquer  une  chose  à  tel  ou  tel  besoin.  ^  Droit  d'user  de  ses  biens,  II,  189. 

—  Dioit  d'usage  =  usufruit,  II,  189.  —  b)  Pratique  consacrée.  —  L'usage 
dans  les  langues,  524-525.  —  S'oppose  à  Abus. 

Usuel  {Usualis,  de  usus,  de  usum,  supin  de  uti,  se  servir)  :  sens  usuel, 
524-525. 

Usufruit  (Ususfructus,  de  usus,  usage;  irurtus,  fruit,  de  frurtus,  participe 
de  frui,  jouir  de)  :  droit  d'user  des  fruits,  II,  189. 

Usure  (pour  Useure,  de  user,  du  latin  populaire  usare,  dérivé  de  usum, 
supin  de  uti,  se  servir)  :  perception  d'un  bénétice  injuste,  II,  357. 

Usurpateur,  Usurpation  (Usurpator,  Usurpatio,  possesseur,  usurpateur, 
possession,  usur|)alion,  df  usurpatum,  supin  de  usurpare,  employer,  prendre 
possession,  usurper,  de  usa,  par  l'usage,  et  rapere,  saisir  vivement)  :  devoirs 
et  droits  de  l'usurpateur,  II,  231.  —  Légitimation  de  l'autorité  usurpée, 
II,  231-232. 

Utile  (Utilis,  qui  sert  à,  propre  à,  de  utnr,  se  servir)  :  a)  Ce  qui  a  de  valeur 
no.n  en  soi,  mais  comme  moyen  pour  atteindre  une  liu  jugée  avantageuse, 


972  TABLE  ANALYTIQUE  :  Utilitaire  —  Vague 

n,  387.  —  L'utile  et  l'honnête,  IL  53  ;  77  ;  92-93.  —  L'intérêt  et  l'utile,  II,  50. 

—  L'utile  d'après  Bextham,  II,  51-52.  —  L'utile  et  le  beau,  II,  387.  —  b)  En 
Economie  politique  :  ce  qui  est  propre  à  satisfaire  un  désir  ou  un  besoin  :  la 
richesse  est  l'ensemble  des  choses  utiles,  II,  352. 

Utilitaire  (de  Utilité,  de  utilitas]  :  a)  Ce  qui  concerne  l'utile.  — b)  Celui  qui 
est  attaché  à  l'utilité  :  vg.  esprit  utilitaire.  —  c)  Celui  qui  professe  ou  ce  qui 
regarde  la  doctrine  philosophique  de  l'UtiUtarisme  (Voir  ce  mot,  b). 

Utilitarisme,  Utilitariste  (de  Utilitaire)  :  a)  E?prit  utilitaire,  au  sens  de  b). 

—  b)  Doctrine  qui  fait  de  l'utile  le  principe  de  toutes  les  valeurs,  spécialement 
des  valeurs  morales  :  vg.  Morales  fondées  sur  l'intérêt  :  1°)  Épicure,  II,  50  : 
2°)  Bentham,  II,  51  ;  3°)  St.  Mill,  II,  53  ;  4°)  Spencer,  II,  58  ;  5»)  Durhkeim, 
II,  60  -,  6°)  L.  Bourgeois,  II,  70. 

Utilité  (  Utilitas,  de  utilis,  de  uti,  se  servir)  :  caractère  de  ce  qui  est  utile, 
aux  sens  divers  de  ce  mol.  —  Utilité  et  intérêt,  II,  50.  —  Morales  fondées  sur 
l'utilité  ou  morales  utilitaires,  II,  50-76.  —  Utilité  sociale  :  fondement  du  droit 
d'après  St.  Mill,  Spencer,  II,  133-134.  — Fonction  d'utilité  publique  incom- 
bant à  l'État,  II,  248  ;  249-25o.  —Richesse  =  production  d'utilité,  IL  353. 

Utopie  (du  latin  Utopia,  nom  d'une  île  imaginaire.  Ce  mot,  tiré  par  Thoma  s 
MoRus  de  ou,  non;  tôttoç,  lieu,  figure  dans  son  livre,  plein  de  conceptions 
aventureuses  et  irréalisables  :  De  optimo  reipublicae  statu  deque  nova  insula 
Utopia,  Bâle,  1518)  :  l'utopie  est  la  conception  imaginaire  d'un  gouvernement 
idéal  ou  d'un  projet  quelconque  irréalisable.  —  L'utopie  est  fille  de  l'ima- 
gination, 233. 

Utopique  (de  Utopie)  :  ce  qui  constitue  une  utopie  ou  ce  qui  procède  par 
utopie  :  Fr.  Engels  a  opposé  le  Socialisme  utopique  au  Socialisme  scientifique. 

Utopiste  (de  Utopie)  :  celui  qui  aime  l'utopie  ou  qui  fait  des  utopies  ; 
vg.  un  penseur  utopiste. 


Vacuisme  (de  Vacuum,  vide,  de  vacare,  être  vide,  vacant)  :  théorie  des 
Vacui^tes,  c'est-à-dire  de  ceux  qui  admettent  l'existence  du  vide  dans  la 
nature.  II,  509-510. 

V  .cuum  formarum  :  expression  fréquente  chez  Leibniz  ;  vg.  «  ...  Utrum 
d«tur  vacuum  formarum,  c'est-à-dire  s'il  y  a  des  espèces  possibles,  qui  pourtant 
n'existent  point,  et  qu'il  pourrait  sembler  que  la  nature  ait  oubliées...  Je  crois 
qu'il  y  a  nécessairement  des  espèces  qui  n'ont  jamais  été  et  qui  ne  seront  jamais, 
n'étant  pas  compatibles  avec  cette  suite  des  créatures  que  Dieu  a  choisie.  » 
(Nouveaux  Essais...,  L.  III,  Ch.  vi,  §  12). 

Vague  (  Vagus,  errant,  indécis)  :  état  vague  de  bien-être  ou  de  malaise, 
75-76.  —  Localisation  vague  des  souvenirs,  204.  —  Nepas  confondre  le  vagw, 
c'est-à-dire  ce  qui  est  non  fixé,  non  déterminé,  avec  V abstrait  et  le  général,  l'-tl . 
—  Danger  du  vague  de  la  rêverie,  475.  —  Danger  des  mots  vagues,  365  ; 
454-455. 

Vague  (de  l'islandais  Vagr,  de  vagga,  agiter)  :  bruit  des  vagues  :  exemple 
de  petites  perceptions  (Leibniz),  142,  4. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  ValcuF  —  Véracité  973 

Valeur  (  Valorem,  de  valere,  être  fort,  avoir  de  l'efficacité,  du  prix)  :  carac- 
tère des  choses  qui  fait  :  a)  qu'elles  sont  plus  ou  moins  estimées  par  un  individu 
ou  un  groupe  ;  vg.  un  tableau  a  plus  de  valeur  piuir  un  connaisseur  que  pour 
un  profane  ;  —  b)  qu'elles  méritent  plus  ou  moins  d'estime,  à  des  titres  divers, 
c'est-à-dire  selon  la  qualité  qu'elles  possèdent.  —  Valeur  économique,  II,  355. 

—  Valeur  morale  des  actes,  II,  30-31  ;  31.  —  Les  Pragmatistes  appellent 
jugements  de  ç'oi^ur  ceux  qui  se  rapportent  aux  moyens  à  prendre  pour  atteindre 
une  fin  obligatoire  ou  souhaitable. 

Valeur  de  la  connaissance  :  position  du  problème,  II,  419-420.  —  Réponses 
diverses  :  Scepticisme,  II,  421-426.  —  lîelatiçisme,  II,  426-450.  —  Dogmatisme, 
II,  450-455. 

Valide,  Validité  (  Validitas,  i-alidus,  vigueur,  bien  portant,  résistant,  puissant, 
de  valere,  être  fort)  :  a)  Ce  qui  a  une  valeur  démonstrative  :  vg.  syllogisme  valide, 
concluant,  539  ;  561.  —  b)  Ce  qui  est  apte  à  produire  l'effet  auquel  il  est  des- 
tiné :  vg.  contrat  valide,  mariage  valide,-  II,  209-210  ;314. 

Vanité  (  Vanitas,  vide,  vanité,  de  vanus,  vide,  vain,  pour  vac-nus,  même 
racine  que  vac-uus)  :  a)  Caractère  de  ce  qui  est  sans  consistance,  illusoire  ; 
vg.  la  vanité  des  choses  mondaines.  —  b)  Caractère  de  celui  qui  est  vaniteux. 

Variabilité,  Variable  (  Variabilis,  de  variare,  changer,  de  varius,  bigarré, 
tacheté,  nuancé)  :  caractère  de  ce  qui  change.  —  Caractéristique  :  a)  de  la 
sensibilité,  54-55  ;  78-79  ;  b)  du  plaisir  et  de  la  douleur,  63  ;  65-66.  —  Les 
quantités   variables  en  Mathématiques,   627. 

Variation  (  Variatio,  de  variare,  variatum,  changer,  de  varius,  bigarré, 
nuancé)  :  changements  successifs  dans  un  ordre  de  faits.  —  Variation  de 
l'expérience  (Bacon),  661.  —    IMéthodc   des    variations  concomitantes,  669. 

—  Variations  des  espèces,  II,  613-614  ;  617-618. 

Variété  (  Varietas,  de  varius,  bigarré,  nuancé)  :  espèce  et  variété,  II,  614,  1  ; 
694.  —  Élément  (tu  beau,  II,  382. 

Vazquez  (Père  Gabriel)  :  fondement  de  l'ubligation,  II,  108-109.  — 
Argument  ontologique,  II,  571,  4. 

Végétal  (du  latin  scolastique  Vegetalis,  de  vegetare,  exciter,  vivifier,  de 
vegetus,  vif,  dispos,  plein  de  vie,  de  vegeo,  même  racine  que  vigere,  être  plein 
de  force,  être  florissant,  être  en  estime)  :  activité  du  végétal,  48.  —  Règne 
végétal,  251  ;  252  ;  694. 

Végétatif  (du  latin  scolastique  Vegetativus,  de  vegetatum,  supin  de  vegetare, 
exciter)  :  puissance  végétative  (Aristote),  43.  —  Vie  végétative,  48. 

Veille  (substantif  verbal  de  Veiller,  de  vigilare,  de  vigil,  éveillé,  vigilant, 
de  vigere,  être  fort)  :  la  veille  et  le  rêve,  476-477. 

Velléité  (du  latin  scolastique  Velleitas,  de  velle,  vouloir)  :  semblant  de 
volonté,  358. 

Ventura  de  Raulica  (Père  Joachim)  :  Fidéisme,  818,  6, 

Vengeance  (de  Venger,  de  vindicare,  réclamer  en  justice,  revendiquer, 
venger,  de  vim  dicere,  menacer  de  violence)  :  punition  d'une  offense  pour 
assouvir  son  ressentiment.  —  Inclination  malveillante,  94. 

Véracitâ  (du  latin  scolastique  Veracitas,  de  verax,  véridique,  sincère,  de 
verus,  vrai)  :  caractère  de  celui  qui  respecte  la  vérité.  —  Jnetinct  de  véracité 


974  TABLE  ANALYTIQUE  :  Verbal  —  Vérités  premières 

(Reid),  737,  1.  —  Qualité  requise  dans  les  témoins,  les  documents,  738  ;  742. 

—  Véracité  divine  :  critérium  du  vrai  (Descartes),  818,  1,  —  Devoir  moral 
de  la  véracité,  II,  168.  —  Véracité  de  Dieu,  II,  597. 

Verbal  (  Verbalis,  de  verbuin,  mot,  parole,  verbe)  :  a)  Ce  qui  concerne  les 
mots.  —  La  logique  étudie  l'expression  verbale  de  la  pensée,  509-510  ;  514, 

—  Définition  verbale  ou  nominale,  521  ;  524.  —  b)  Ce  qui  se  compose  de  mots 
plus  ou  moins  vides  de  pensée,  279  ;  454  ;  843.  —  c)  Ce  qui  contient  un  verbe  : 
vg.  proposition  verbale,  par  opposition  à  la  proposition  nominale  ;  à  lui  seul 
le  verbe  peut  former  une  proposition,  464. 

Verbalisme  (de  Verbal)  :  a)  Caractère  de  ce  qui  est  verbal.  —  b)  Emploi 
de  mots  vides  de  pensée  :  psittacisme,  279  ;  454  ;  843. 

Verbe  (  Verbum,  parole,  verbe)  :  a)  Nom  de  la  seconde  personne  de  la  Sainte 
Trinité,  II,  413.  C'est  la  parole  éternelle  du  Père.  Cf.  Bossuet,  Élévations  sur 
les  mystères,  11^  Semaine,  Élévations  1-4.  —  b)  Sens  :  1°)  logique  :  rôle  du  verbe 
dans  le  jugement,  267  ;  2°)  grammatical,  464  ;  le  verbe  grec,  460,  4  ;  3°)  scolas- 
tique  :  les  Scolastiques  appellent  verbe  mental  ou  intérieur  l'idée  que  se  forme 
l'esprit,  parce  qu'elle  est  comme  une  parole  qu'il  se  dit  à  lui-même.  — 
c)  Paroles  intérieures  qui  accompagnent  la  pensée,  452,  5. 

Verbo-auditif  (de  Verbum,  parole  ;  auditum,  supin  de  audire,  entendre)  : 
type  intellectuel,  chez  qui  l'image  verbale,  accompagnant  la  pensée  et  la 
parole,  est  surtout  une  image  auditive,  206. 

Verbomanie  (de  Verbum,  parole  ;  mania,  i/avia,  rage,  folie)  :  terme  créé 
par  Ossip-LouRiÉ  pour  exprimer  «  le  développement  anormal  de  la  faculté 
de  la  parole  «  {Le  Langage  et  la  Verbomanie,  Ch.  111,  §  II,  p.  61,  Paris,  1912). 

Verbo-moteur  (de  Verbum,  parole  ;  motor,  de  motum,  supin  de  movere, 
mouvoir)  :  type  intellectuel,  chez  qui  l'image  verbale,  accompagnant  la  pensée 
et  la  parole,  est  surtout  une  image  motrice,  206.  $ 

Véridique  (Veridicus,  de  verus,  vrai  ;  dicere,  dire)  :  a)  Celui  qui  dit  la  vérité  ; 
vg.  un  témoin  véridique,  738.  —  b)  Ce  qui  est  conforme  à  la  vérité  ;  vg.  dépo- 
.sition  véridique. 

Vérification  (de  Vérifier,  du  latin  scolastique,  verificare,  de  verus,  vrai, 
facere,  faire)  :  acte  par  lequel  on  contrôle  par  les  faits  si  une  proposition  est 
vraie  ou  si  une  hypothèse  est  fondée.  —  Vérification  :  a)  de  Vhypothèse,  232  ; 
654  ;  659-660  ;  —  b)  de  Vanalogie,  709-710. 

Vérité  (  Veritas,  de  verus,  vrai)  :  définition  générale  :  conformité  de  la  pensée 
et  des  choses,  II,  475.  —  a)  Vérité  logique  ou  subjective  :  conformité  de  la  pensée 
à  son  objet,  768.  —  b)  Vérité  ontologique,  métaphysique  ou  objective  :  confor- 
mité des  choses  à  la  pensée  qui  les  a  produites,  769  ;  769-770  ;  II,  475.  — 
c)  Vérité  morale  ou  Véracité  :  conformité  de  la  parole  à  la  pensée,  769  ;  II,  168. 

—  Critérium  de  la  vérité  :  systèmes  divers,  810-839.  —  Vérité  illuminatrice 
(S.  Augustin),  II,  452.  —  S'oppose  à  Fausseté. 

Vérités  éternelles  :  preuve  de  l'existence  de  Dieu,  II,  567. 

Vérités  morales  :  définition,  782-783.  —  Leur  certitude  et  leur  démonstra- 
tion, 783-784  ;  793. 

Vérités  premières  :  jugements  portant  sur  des  rapports  nécessaires,  univer- 
sels, évidents.  —  Classification,  288.  —  Rôle  dans  la  pensée  et  dans  les  sciences. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Vem  (Comte  p.)  —  Vinculum  substantiale      975 

291-292.  —  Caractères,  292.  —  Vérités  premières  et  lois  scientifiques,  294.  — 
Comparaison  avec  les  notions  premières,  295.  —  Origine  des  vérités  premières  : 
systèmes  divers,  299-318. 

Verri  (Comte  Pierre)  :  le  plaisir,  fait  négatif,  57. 

Vertébré  (  Vertebratus,  de  vertebrn,  articulation,  vertèbre,  de  vertere,  tourner)  : 
caractères  du  vertébré,  691  ;  696  ;  697. 

Vertige  (  Vertigo,  mouvement  de  rotation,  tour,  vertige,  de  vertere,  tourner)  : 
sa  cause,  471.  —  «  Vertige  mental  »  (expression  de  Renouvier)  :  propension 
de  l'esprit,  sous  l'influence  d'une  émotion  ou  passion  vive,  à  donner,  sans 
raison  ou  en  dépit  de  la  raison,  son  assentiment  aux  propositions  qui  se 
présentent. 

Vertu  (  Virtutem,  virilité;  force,  courage,  mérite,  de  vir,  homme)  :  a)  Pou- 
voir :  vg.  vertu  de  l'aimant.  — ■  b)  Disposition  habituelle  à  vouloir  faire  le  bien 
en  général  ou  tel  genre  de  bien  déterminé  (de  là  variété  des  vertus  :  vertus 
morales  ou  cardinales,  théologales).  —  c)  Habitudedudevoir,II,  129.  —  Science 
du  bien  (Socrate,  Platon),  II,  124.  —  Ressemblance  à  Dieu,  harmonie 
(Platon),  II,  125.  —  Juste  milieu  (Aristote),  64-65;  II,  126.  —  Autres 
définitions  (3Ialebranche,  Kant),  II,  128-129.  —  Division  des  vertus,  II,  129, 
—  Vertu,  intérêt  et  récompense,  II,  78-79  ;  121-122.  —  Vertu  et  sentiment, 
II,  87.  —  Vertu  kantienne,  II,  87-88  ;  99-100.  —  Vertu  stoïcienne,  87-88  ;  93-95. 

Vibration  (  Vibratio,  de  vibratum,  supin  de  vibrare,  agiter,  brandir)  :  hypo- 
thèse des  vibrations  cérébrales  pour  expliquer  la  conservation  des  idées,  197. 

Vice  (  Vitium]  :  a)  Ce  qui  est  défectueux  ;  vg.  un  vice  de  méthode.  — 
b)  Disposition  habituelle  a  vouloir  mal  faire;  l'habitude  du 'mal,  II,  124.  . — 
Vice  et  liberté,  373  ;  402. 

Vico  (Giovanni-Battista)  :  les  trois  âges  périodiques  de  l'histoire,  748- 
749,  1. 

Vide  (du  latin  populaire  Vocita,  pour  vacuata,  participe  passif  de  vaciiare, 
vider,  de  vacuus,  vide,  non  occupé)  :  a)  Absence  de  matière  dans  une  portion 
déterminée  de  l'espace,  II,  506.  —  Descartes  nie  le  vide,  II,  509.  —  b)  Au 
figuré  :  absence  de  contenu  ;  vg.  le  vide  de  la  pensée. 

Vie  (  Vita,  de  i^ivere,  victum,  vivre)  :  a)  Sens  propre  :  activité  immanente 
par  laquelle  un  être  organisé  est  capable  de  se  nourrir,  de  s'accroître  et  de  se 
propager,  47  ;  II,  523-524.  —  Degrés  :  vie  végétative,  sensitive  ou  animale, 
raisonnable,  48-49  ;  491-495.  —  Nature  du  principe  vital  :  systèmes  divers  : 
1°)  Mécanisme  (Descartes),  II,  524  ;  2»)  Organicisme  (Cabanis),  II,  525  ; 
30)  Vitalisme  (Barthez),  II,  526;  4°)  Animisme  (Aristote),  II,  527.  — 
b)  Sens  analogique  :  ensemble  de  phénomènes  qui  présentent  des  caractères 
analogues  à  ceux  de  la  vie  proprement  dite  :  vg.  la  vie  du  langage,  449,  2,  3. 

Vieillesse  (de  Vieil,  forme  primitive  de  vieux,  de  vetulum,  petit  vieux, 
•diminutif  de  vêtus)  :  caisses  de  retraite  pour  la  vieillesse,  II,  265. 

ViGOUROUx  (Abbé  Fulcran)  :  unité  primitive  du  langage,  460,  1. 
ViLLEMAiN  (Abel-François)  :  langue  d'un  peuple,  723. 
Vincent  de  Paul  (Saint)  :  charité  inventive,  233. 

Vinculum  substantiale  :  expression  de  Leibniz  à  propos  de  l'union  de 
rame  et  du  corps,  II,  543,  1. 


976  TABLE  ANALYTIQUE  :  Vindicte  —  Vogt  (Karl) 

Vindicte  (  Vindicta,  affranchissement,  défense,  punition,  de  vindicare, 
réclamer  en  justice)  :  a)  Sentiment  de  la  peine  méritée  par  le  crime  comme  une 
juste  réparation  de  l'ordre  violé.  —  b)  La  vindicte  publique  :  poursuites  en 
matière  criminelle  faites  au  nom  de  la  société,  II,  166,  2. 

Violence  (  Violentia,  de  violentus,  violent,  de  vis,  force,  par  un  intermédiaire 
perdu)  :  caractère  de  ce  qui  est  violent,  c'est-à-dire  :  a)  Ce  qui  contrarie  la 
nature  d'un  être  et  s'impose  à  lui  :  faire  violence.  —  b)  Ce  qui  se  déploie  avec 
impétuosité,  vg.  passion  violente,  114.  —  La  violence  morale  atténue  la  respon- 
sabilité. II,  116.  —  Droit  de  repousser  la  violence  par  la  violence,  II,  166.  — 
La  violence  extérieure  vicie  le  consentement,  II,  314. 

ViRCHOW   (Rudolf)  :  nie  l'existence  des  générations  spontanées,  II,  632,  1. 

Virtualité,  Virtuel  (du  latin  Virtualis,  de  virtus,  force,  qualité  active)  :  ce^ 
qui  n'existe  qu'en  puissance,  c'est-à-dire  :  a)  Ce  qui  est  simplement  possible  : 
la  statue  est  virtuellement  dans  un  bloc  de  pierre,  47.  —  b)  Ce  qui  est  déjà 
plus  ou  moins  prédéterminé,  encore  que  latent.  —  Virtualité  des  notions 
premières  (Leibniz),  315.  —  Erreur  virtuelle,  796-797.  —  Intention  virtuelle,. 
II,  33.  —  Productivité  virtuelle  de  l'argent,  II,  357.  —  S'oppose  à  Actuel,. 
Formel. 

Visible  (  Visibilis-,  de  visuni,  supin  de  videre,  voir)  :  signes  visibles,  435. 

Vision  (  Visio,  de  visum,  supin  de  videre,  voir)  :  a)  Fonction  de  la  vue,  74  ; 
157  ;  179-180  ;  181  ;  186  ;  187  ;  192-193.  —  b)  Intuition  :  vg.  la  vision  en  Dieu 
de  Malebranche,  310.  —  c)  Perception  visuelle  d'une  réalité  surnaturelle:  vg. 
dans  les  états  mystiques.  —  d)  Hallucination  :  perception  à  vide,  225. 

Visionnaire  (de  Vision)  :  celui  qui  a  des  visions,  aux  sens  c)  et  d). 

Visuel  (  Visualis,  qui  a  rapport  à  la  vue,  de  visus,  vue,  de  videre,  voir)  : 
sensation  visuelle,  190  ;  192-193.  —  Type  visuel,  206. 

Vital  (  Vitalis,  de  vita,^Yie)  :  ce  qui  constitue  ou  ce  qui  concerne  la  vie.  — 
Sensation  vitale.  75  ;  II,  528.  —  Sens  vital,  158.  —  Effort  vital,  58  ;  II,  528. 
—  Le  mouvement  vital,  II,  523-524.  —  Principe  vital,  force  vitale  :  systèmes 
divers,  II,  524-529. 

Vitalisme  (de  Vital)  :  a)  Doctrine  de  l'École  de  Montpellier  sur  le  principe 
vital,  IL  526.  —  b)  Toute  doctrine  qui  admet  cjue  les  phénomènes  vitaux  sont 
irréductibles    aux   phénomènes    physico-chimiques. 

Vitesse  (de  Vite)  :  vitesse  des  sensations,  726. 

Vivacité  (  Vivacitas,  vitalité,  vivacité,  de  vivax,  vivace,  de  vivus,  animé, 
vif)  :  vivacité  de  l'impression  première  198.  —  La  perception  est  plus  vive  que 
le  souvenir,  203.  —  Vivacité  de  l'image  dans  :  a)  le  rêve,  474-475  ;  b)  Vhallu- 
cirtation,  225  ;  226  ;  234  ;  487  ;  c)  Vhijpnotisme,  481-482. 

Vivisection  (de  Vivus,  vivant  ;  section,  de  sectio,  de  sectuin,  supin  de  secarc, 
coupen  :  utilité  et  inconvénients,  725  ;  699. 

Vocabulaire  (de  Vocabulum,  nom,  de  vocare,  appeler,  nommer,  de  vox. 
voix,  Sun,  parole)  :  ensemble  des  mots  propres  à  une  langue,  à  une  science,  450. 

Vocation  (  Vocatio,  de  vocatum,  supin  de  vocare,  appeler,  nommer,  de  vox,. 
voix,  parole)  :  mouvement  intérieur  par  lequel  on  se  sent  appelé  par  Dieu  à  tel 
genre  de  vie.  —  Liberté  de  répondre  à  la  vocation,  II,  186. 

VoGT  (Karl)  :  matérialisme,  II,  540. 


TABLE    ANALYTIQUE    :    Voie  —  Vote  977 

Voie  (  Via,  pour  i>eh-ia,  celle  qui  transporte,  de  vehere,  voiturer,  transporter)  : 
simplicité  des  voies  de  la  nature,  658-659. 

Vol  (substantif  verbal  de  voler,  de  volare,  se  mouvoir  dans  l'air  ;  puis,  par 
l'intermédiaire  de  la  locution  :  «  L'épervier  vole  la  perdrix  »,  s'approprier  le 
bien  d'autrui)  :  restitution,  II,  194. 

Volapuk  :  projet  de  langue  universelle  commerciale,  462. 

Volitif  (du  radical  Vol,  qui  est  dans  volo,  vouloir.  Cf.  'soûXoaai.  fio/oacc.)  : 
acte  qui  se  rapporte  à  la  volonté,  34. 

Volition  (du  radical  Vol,  qui  est  dans  volo,  vouloir)  :  acte  de  la  volonté, 
50  ;  358.  —  Sa  nature  (Spinoza,  Condillac),  361. 

Volontaire  (  Voluntarius,  de  volnntas,  volonté,  de  volo,  vouloir)  :  a)  Acte 
de  la  volonté,  34  ;  50  ;  355.  —  L'activité  volontaire,  354-432.  —  Différence 
entre  volontaire  et  libre,  356  ;  402-403.  —  Habitude  volontaire  et  habitude 
de  la  volonté,  423.  —  b)  Ce  qui  est  fait  volontiers,  sans  contrainte,  encore 
que  nécessaire  :  c'est  ainsi  que  nous  voulons  le  bonheur  ;  356  ;  402-403.  — 
c)  Qui  a  de  la  volonté  :  soit  en  bonne  part  ;  vg.  c'est  un  homme  de  volonté, 
de  caractère,  364  ;  soit  en  mauvaise  part  :  c'est  un  volontaire,  c'est-à-dire 
un  capricieux  ou  un  entêté. 

Volontarisme  (de  Voluntarius,  volontaire)  :  a)  Système  de  ceux  qui  donnent 
la  prééminence,  le  primat  à  la  volonté  sur  l'intelligence  ;  vg.  Duxs  Scot.  — 
b)  Doctrine  de  Schopenhauer,  d'après  laquelle  le  fond  des  choses  doit  être 
conçu  par  analogie  avec  les  tendances  irrationnelles  de  la  volonté,  365,  1  ; 
II,  648-649.  —  c)  Doctrine  psychologique  soutenant  que  c'est  «  d'après  l'ana- 
logie du  vouloir  qu'il  faut  concevoir  tous  les  autres  processus  psychiques  ». 
(W.  WuNDT,  Grundriss  der  Psychologie,  Introduction,  §  2,  n°  6). 

Volonté  (  Voluntas,  de  volo,  vouloir)  :  a)  Activité  réfléchie,  355.  —  b)  Force 
plus  ou  moins  grande  du  caractère  :  un  homme  de  volonté,  364.  —  c)  Dispo- 
sition morale  à  vouloir  de  telle  ou  telle  manière  :  vg.  «  Bonne  volonté  »  (Kant, 
Fondement  de  la  Métaphysique  des  mœurs,  au  début)  ;  «  Mauvaise  volonté  » 
(Leibniz,  Théodicée,  P.  III,  §  273).  —  d)  Tendance  foncière  d'un  être  :  vg.  la 
volonté  de  vivre  de  Schopenhauer  :  principe  universel  instinctif  par  lequel 
tout  être  tend  à  réaliser  le  type  de  son  espèce  ;  —  la  Volonté  de  puissance  de 
Nietzsche  :  c'est  la  recherche  «  d'un  surplus  de  force  »  [ein  plus  von  Macht). 
—  Activité  volontaire,  354-432.  —  Volonté  et  liberté,  356  ;  402-403.  —  Analyse 
de  l'acte  volontaire,  357.  —  Part  de  la  volonté  dans  la  délibération  et  l'exé- 
cution, 359.  —  Nature  de  l'acte  volontaire  :  un  jugement  (Spinoza),  361  ;  un 
désir  (Condillac),  361.  • —  Caractères  de  la  volonté,  363.  —  Influence  de  la 
volonté  sur  :  1°)  V organisme,  363  ;  471  ;  2°)  la  sensibilité,  les  passions,  364  ; 
3°)  r intelligence,  364  ;  4°)  le  caractère,  364  ;  405-406.  —  Volonté  :  antécédente 
et  conséquente,  393,  1.  —  Éducation  de  la  volonté,  411.  —  Habitude  et 
volonté,  423  ;  425.  —  Influence  du  physique  sur  la  volonté,  469.  —  Influence 
de  la  volonté  sur  le  physique,  471-472.  —  L'effort  volontaire,  origine  de 
l'idée  de  cause,  327.  —  Qualités,  défauts,  maladies  de  la  volonté,  367.  — 
Cf.  Fr.  Vincent,  Saint  François  de  Sales,  Directeur  d'âmes  :  la  formation  d>- 
la  volonté,  Paris,   1923-. 

Voltaire  (François-Marie  Arol'et,  dit)  :  l'instinct  de  l'abeille,  1U6. 

Vote  (de  l'anglais  Vote,  dérivé  de  votum,  vœu,  offrande,  de  votum,  supin 
de  voveo,  vouer,  souhaiter)  :  droit  politique,  369  ;  II,  281.  —  Espèces,  II,  282. 


978  TABLE  ANALYTIQUE  :  Vrai  —  Zèlc 

Vrai  (pour   Verai,  qui  se  rattache  à  verwn,  vrai)  :  voir   Vérité. 

Vraisemblable,  Vraisemblance  (de  Vrai  et  Semblable,  Semblance,  à  l'imi- 
tation de  verisimilis,  verisimilitudo  =  i'erum,  vrai  ;  similis,  similitudo,  sem- 
blable, ressemblance)  :  te  qui  paraît  vrai,  admissible.  —  Vraisemblance 
métaphysique,  physique,  morale,  738-739.  —  Les  Sceptiques  relatifs  cherchent 
le  vraisemblable,  II,  425.  — ■  S'oppose  à  Invraisemblable,  Invraisemblance. 

Vue  (substantif  participe  de  Voir,  de  videre)  :  a)  L'un  des  cinq  sens.  —  Objet 
«t  organe  de  la  vue,  157.  —  La  troisième  dimension  et  la  distance  sont-elles 
des  perceptions  naturelles  de  la  vue  ?  179-180.  —  Perceptions  acquises,  181. 
—  Rôle,  186.  —  Sens  esthétique,  186.  —  Erreurs  de  la  vue,  187.  —  b]  Au 
figuré  :  vue  de  l'esprit,  c'est-à-dire  la  façon  de  se  représenter  les  choses. 


Wagner  (Rudolf)  :  monisme  psychobiologique,  II,  442-443. 

Weber  (Alfred)  :  contradiction  de  Kant,  II,  436,  2.  ' 

Weber  (Ernst  Heinrich)  :  loi  de  Weber,  727. 

Weiss  (Jean-Jacques)  :  résultat  de  l'instruction  primaire,  II,  261,  2. 

Wellington  (Arthur  Wellesley,  Duc  de)  :  contre  le  duel,  II,  168,  1. 

Whitney  (William-Dwight)  :  élaboration  progressive  du  langage,  447,  3  ; 
449,  3.  —  Diversité  des  langues  originairement  unes,  460,  2. 

WiELAND  (Christoph-Martin)  :  idéal  esthétique,  II,  90. 

WiLMERs  (PÈRE  Wilhelm)  :  limitation  du  droit  de  propriété,  II,  193-194. 

WoLF  (Johann-Christian)  :  méthode  en  philosophie,  7.  —  Ordre  à  suivre, 
10.  —  Origine  du  plaisir,  60.  —  Critérium  de  la  vérité,  816,  2. 

Wolston,  Wollaston  (William)  :  nature  de  l'idée  du  bien,  II,  103-104. 

Wundt  (Wilhelm)  :  phénomènes  inconscients,  142.  —  Suggestion  hypno- 
tique, 481,  1.  — ■  Nature  du  raisonnement  inductif,  677-678.  —  Expériences 
psycho-physiques,    726.  —  Pampsychisme,  II,  443. 


Xénophon  (H£vo'.iwv,  ami  de  Socrate,  de  çsvo;,  étranger,  hôte  ;  ©aoj. 
briller)  :  vertu  de  Socrate,  392,  1.  —  Argument  des  causes  finales  dans  les 
Mémorables,  II,  562. 


Zeiller  (René)  :  mécanisme  inexplicable  du  transformisme,  622-623. 
Zèle   {Zelus,   jalousie,    Ç/iao;,    ébullition,   ardeur,    zèle,   rivalité,   de    Çéco, 
bouillir)  :  empressement  à  agir  pour  le  service  de  quelqu'un. 


TABLE  ANALYTIQUE  :  Zététiquc  —  Zoologic  979 

Zététique  (Zr|Tr,T[/.ôç,  qui  aime  ou  qui  est  apte  à  chercher,  de  'Ar--M, 
chercher)  :  a)  La  méthode  zététique,  c'est  la  méthode  d'investigation  :  vg. 
l'analyse,  616.  —  h)  C'est  le  nom  donné  quelquefois  au  Scepticisme  (r,  '".■r-.-r-vAr., 
sous-entendu  le  mot  i-;wir,^  direction  particulière  de  l'esprit,  doctrine,  école), 
parce  que  les  Pyrrhoniens  faisaient  profession  d'être  toujours  en  quête  de 
la  vérité,  sans  trouver  d'autre  conclusion  que  celle  de  ne  jamais  rien  affirmer 
comme  certain,  II,  421.  — ■  Les  Pyrrhoniens  étaient  nommés  o'i  '/.r-r-v/M 
les  chercheurs. 

Zeuxis     (ZîuHtç)  :  copie  de  la  nature,  II,  400. 

Zoographie  (Zo)ycacpia,  art  de  peindre  la  nature  animée,  de  çôiov,  vivan 
Ypa,ic'.v,  décrire)  :  c'est  la  Zoologie  descriptive. 

Zoologie  (de  Zwov,  vivant  ;  Àôvo;,  discours)  :  sa  place  dans  les   sciences, 

593  :   647. 


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